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University of Ottawa
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ENCYCLOPÉDIE
THÉOLOGIQllE,
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l't'BLlÉli
PAR M. L'ABBÉ MIGNE ,
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CHEZ L'ÉDITEDR,
AUX ATELIERS CATHOLIQUES DU PETIT-MONTUODGK^
BARRIÈRE d'ENFEU DE PARIS.
1850
DICTIONNAIRE
Dli
THÉOLOGIE
DOGMAÏIOUE,
LITURGIQUE, CANONIQUE ET DISCIPLINAIRE,
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MISE EN KAPPOKT AVEC LES PROGRÈS DES SCIENCES ACTUELLES;
(lE.NFERMANT TODT CE QUI SE TROUVE DANS LES ÉDITIONS PUÉCÉDENTES,
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ANNOTATIONS ht ARTICLES
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APOLOGISTE, CONNUES JUSQU'A CE JOUR, SANS AUCUNE EXCEPTION;
PAR M. PIERROT ,
AKCIEN l'BOI'gSSEOR DE PHILOSOPHIE ET DP. THÉOLOGIE AU GBAfiD SÉmIKAIRB DE VEHDC.V,
AUTEaH on Dictionnaire de Théologie morale i.
PUBLIÉ
PAR M. L'ABBÉ MIGNE,
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BUS COURS COmPX.ETS SUR CHAQUE BRANCHE DE LA SCIENCE ECCLÉSIASTIQUE.
4 VOLUMES. PRIX S 26 FRANCS.
TOME PREMIER.
CHEZ L'ÉDITEUR,
AUX ATELIERS CATHOLIQUES DU PETIT-MONTROUGE,
BARRIÈRK d'enfer DE PARIS.
1850
Iinprimurie de JUG'NK, au l'elil-Mîiiilruuge.
NOTICE HISTORIQUE SUR RERGIER
Au moment nù la philosopliic se préparait
à livrer au calliiilicisiiie les altaqnrs les plus
perfides, la Prmiileiico préparail à l.i relijjiini
d'habiles défenseurs : de ce nombre lui l'illus-
Ire auleur du Dictionnaire de théologie que
nous actualisons.
Bergikr (Nicolas-Sjlveslre) naquit à Dar-
ney (1) le 31 décembre i7IS, d'une famille
liunnéie el religieuse. Ayant manifesté dés
sa jeunesse des sentiments de la plus tendre
pieté, il fut destiné à l'état ecclésiaslii|ne. Il
entra au sémin^iire de Besançon, qui était
dirigé alors par des maîtres habiles, au nom-
bre desquels se distinguai! M. Biillel, connu
par plusieurs ouvrages très-érudits en fi-
veur de la religion. Le jeune disciple fil de
rapides progrès sous un si savant maître.
Doué d"un aussi bon cœur ijuc d'un excel-
lent esprit, il C'inserva toujours pour. M. Bul-
lel une prol'onde reconnaissance el une ex-
trême vénération. Le mérite de Bergier le
fit demander p;ir M. Cliiiflel de Denne, con-
seiller an parlement de Franchi-- Comté ,
pour faire l'éducation de ses enfants. M. de
Denne se félicita d'un paieil choix, car le
jeune maître eut les plus brillants succès, 11
fallait à B Tgier une carrière plus vaste que
celle d'une éducation particulière. A peine
élevé au sacerdoce, il se présenta pour ob-
tenir une chaire de philosophie à l'université
de Besançon. Malgré les éloges mériiés qu'il
obtint, cumprenanl qu'il avait liesoiti de se
f.'iriifier dans les sciences Ihéologiques et
philosophiques, il se rendit, l'aniiée suivante
(1745), à Paris, pour y suivre les grands maî-
tres et s'aider des riches bibliothèques de la
capitale. A[)rès trois ans de séjour dans le
Ceniredelou es les scirnces,il fut rappelé par
son archevêque, qui le plaça à Fhinge-
Bouche, paroisse de campagne située ilans
la Franche-Comté. Il s'y occupa avec beau-
coup de zèle des fonctions du saint mi-
nistère. C était un bonheur pour lui lors-
qu'il pouvait trouver un moment pour se
livrer à l'étude. Aucune production nouvelle
un peu importante ne lui éiait étrangère. Ce
qui détermina peut-être ses destinées futu-
res, ce furent deux sujets proposés par l'aca-
démie de Besançon. Il concourut si lieurcu-
seincnlqu'il remporta deux mélailles d'or (en
i~oi), l'une pour un discours d'éloquence, et
l'autre pour une dissertation historique.
L'année suivante, il se présenta encore au
concours, et remporta de nouveau le prix
d'éloquence sur cette (lueslimi : L'afsniitité
au travail peut-elle procurer à la société au-
tant d'avantages que tu supéi iorilé des talents ?
il) Petite ville du diocèse de Saint-Dié. Elle, ap-
parlenail aiilrefois an diocèse dj Besaiiçoii.
I DiCT. DE TuÉOL. DOr.MATiQCF:. I.
Il se peignit si bien dans ce chef-d'œuvre
d'éloquence , qu'on dit publiiiuemenl : « 1!
s'est peint lui-même sans le vouloir. « H ne
fut pas aussi heureux sur le sujet histori-
que: il traita d'une manière plus ingénieuse
que solide cette belle question : L'origine du
nom d'is Sé(/uiniais, leurs mœurs, leur relir/ion,
la forme de leur f/onverneinent et les limites
du pays qu'ils habitaient avant que Jule^-Cé-
sar eût conquis lei Gaules et dans le temps de
cette conquête. Depuis cette époque, il se pré-
senta tous les ans au concours, el il se [lassa
peu d'années sans qu'il remportât quelque
prix ou accessit.
Bergier s'appliquait en môme temps à des
ouvrages plus sérieux. Il publia les lUémenls
primitifs des langues découverts par ta cam-
pai aison des racines de l'hébreu avec celles
du grec, du lilin et du français. Il fil paraî-
tre en même temps ['Origine des dieux du
paqanisine, ouvrage suivi d une IradiicMon
d'Hesi de. Cet ouvrage manquait de profon-
deur. Nous ne parlerons pas, dil Feller, do
sou Traité sur l'Origine des dieux du paga-
nisme, ouvra:',e où l'on ne trouve ni sa logi-
que, iri la marche judicieuse de sa vaste éru-
dition ; il le répudia en quelque sorte lui-
même par l'éloge qu'il f;iil plusieurs fois de
l'Iiisloire des temps fabuleux, dont le résul-
tat lui él.iil loul à fa l cuntraire. Il était, dit
l'abbè Birriiel, du petit nombre de ceux qui
pouvaient le juger; mais je puis assurer (|ue
je n'ai point vu d'admirateur plus sincère et
plus éclairé de celti' estim ible production de
M. du Hocher, que l'abbé Bergier lui-même :
il la louait, la préconisait partout, et disait
hautement que le système de la fahle expli-
quée par l'histoire était mieux prouvé que le
sien, et méritait la préférence à tout égard.
En 17G4, époque marquée par la déplora-
ble expulsion des Jésuites des collèges de
France, Bergier fut appelé à diriger celui de
Besançon. Il quitta avec regret sa lionne pa-
roisse de Flanf;e-Bouche. Mais la dureté du
climat, une annexediflicile à desservir, l'en-
gagèrent à accepter le poste élevé qu'on lui
ufl'rait. L'année suivante l'académie de Be-
sançon l'admit au nombre de ses membres.
Il Venait de publier son Déisme réfuté par lui-
tnéme. Il y combat particulièrement J.-J.
Rousseau : il ratta(]ue avec ses propres ar-
mes, et ne lui oppose pour l'ordinaire que
ses propres sentiments établis dans quelques
autres endroits de ses ouvrages. C'est là
(ju'il manie heureusement la comparaison de
l'aveugle-ne pour expliquer le rapport de
noire r.iisou avec la nature el les ouvrages
de Dieu ; qu'il prouve la nécessité et l'exi-
stence de la révélation, la voie dont Dieu veul
se servir pour nous la faire connaître, et
]{ NOTICE HlSTOFtlQUE SUR BERGIER
u'il justifie pleinement la re!i2;ion dos maux
u'on lui attribue: qu'il démontre rinuliliic
q
qu'on lut attribue ; q
et les faux principes du nouveau plan d'édu-
cation traré dans VEutile. Il allie le ( hris-
lianisnoe avec la poliiique; enfin i! réfute
d'une nf.anièrc victorie')se \'Apolo(jie de
Rousseau contre le .M.indemenl de .Mgr l'ar-
cîievêquc de Paris, elc. Cet ouvrage fut
bienlôt suivi d'un autre. La Cerlitude des
preuves du christianisme paru^ en 17G7. L'au-
teur l'opposa à \'f:xnmen critique des apolo-
gistes delà relif/ion chrétienne, oa\ii\s;e in-
sidieux, longtemps connu en manuscrit, et
qui avait fourni des matériaux à un grand
nombre de livres impies. L'abbé Brrgier dé-
voile la passion et la mauvaise foi de l'au-
teur de ce livre, et. sans s'étonner de cette
fouie de raisonnemmls sprcicux, il les atta-
que en détail, fait voir l'illusion de chacun
en particulier, et renvirte ainsi l'éiifice en-
tier. Ces ouvrages avaient fait une profonde
sensalion. Plusieurs églises cherchèrent à
s'attacher un homme aussi distingué que
Bergier. L'évéqne d'Arras lui (il expédier
les provisions d'un canonicat. Presque en
même temps M. de Beaumont lui en fit par-
venir d'autres pour Paris. Bergier accepta
de prélérence le c monicat de Paris, non pas
à cause de la splendeur de l'Kgliseà laquelle
il serait attach •, mais parce qu'il pensa pou-
voir y être plus utile.
Kn arrivant dans la capitale, il mit au
jour son Apolofiie de la religion chrétienne,
ouvrage plein de précision, de clarté et de
moiiération. il profila des grands moyens
scientifii|ues misa sa disposition pour com-
pléter cet écrit. La suite de cette Apologie,
ou Réfutation des principaux arlieles du
Dictionnaire philosophique , présente une
précision, une énergie, un laconisme admi-
rable. L'abbé Bergier, en revenant plusieurs
fois sur les mcmes objets auxquels ses ad-
versaires, qui se répètent sans cesse, le rap-
pellent, parait toujours arme de nouvelles
raisons cl de nouvelles autorités, et, quoi-
qu'il satisfasse toujours, il ne s'épuisi; ja-
mais et ofipose à la monotonie des philoso-
phes une fécondité et une variété qui forment
lin contraste peu avantageux à leur cause.
Le Système de In nature taisait beaucoup de
ravag^'S : Bergier lui opposa, en 177,, son
■Examen du mat-rialisme. C'est dans cet ou-
vrage que le célèbre apologiste de la nîligion
fait l'annloniie de la inonsiruense produc-
tion qu'il réfute avec une e^aclilud(^ qui
lient du scrupule, et le met à l'abri du re-
proilic qu'' quelques philosophes avaient
osé faire à d'autres, d'avoir passé sous si-
lence des objections essentirllcs. Dans le pre-
mier volume, il détruit le malérialiMiie, et
dans le seroiu), il justifie la rcli;;ion 1 1 traite
de la Divinité, îles preuves de si-n exi>tence,
de ses attributs, de la m'inièrc dont elle in-
flue sur le l'onhrur des hommes. V.n ouvrici'
infalignhle, Bergier travaillait alors à un
écrit beaucoup plus considérable <)ue ceux
ru'il avait publiés. Il voulait réfuter tou-
tes les objections faites ccnlic la religion. Il
mit au jour son fameux Traité de In lleli-
12
gion, ouvrage qu'il éeriv.it de sa main jus-
qu'à trois f)is, (inoiiu il fût de diuze volu-
mi's. 11 y traite de lo t ce qui a rapport à la
religion : histoire, physique, géographie, po-
litique, morale, phiiosopliie, érudition sa-
crée, tout se réunit sous sa plume pour jus-
tifier la religion indignement attaquée.
« Quelques personnes, dit M. de Sainte-
Croix, crièrenl contre un si grand nom-
bre de volumes; mais quiconque fera les ré-
(lexious suivantes n'en sera point étonné.
1° L'auteur a rassemblé les principes épars
des impies de tons les siècles, pour former
de leur doctrine une espèce de corps; il a
discuté les reproches qu'ils faisaient à la re.-
ligion, ce qui exige lil les plus grandes re-
cherches. 1° Il a montré 1 1 filiation des di-
verses erreurs des ennemis ilu chi istianisme;
il a prouvé que les incré Iules modernes n'é-
taient que les copiste^ d<' leurs devanciers ;
que les incrédules d'Anglrtecre avaient
donné naissance à ceux de France; (jue les
uns et les ulres n'ava eut fait que ressasser
les objections surannées de Celse, de Por-
ph> re, de Jul en l'Apostat, quoique mille fois
ri'fulées d'une manière victorieuse ; qu'ils
avaient puisé chez les anciens hérétiques
leurs difficultés conlie quelques dogmes du
christianisme. L'ouvrage de l'abbé Bergier
contient donc la réfutation de toul-s les ob-
jections formées contre la religion chrétienne
dans tous les siècles. Que l'on juge d'après
cela si l'auteur a outicpassé les bornes dans
le nomlne des volumes.
« Quand l'ouvrage dont nous parlons fut
devenu public, queliines personnes pirurent
disputer à l'abbe B. rgier le mérite de l'in-
vention de son plan. Voici à quelle occasion.
M. de Beaumont, aichevèqne de P;ris, avait
engagé quelqu'un à composer un ouvrage
que ce prélat auiail adopté, et qui aurait
été distribué par parties, et en forme d'in-
struction pastorale, pour prémunir les fidèles
contre les dangers de l'im-rédulité. Le tra-
vail fini, l'auteur le remit à M. de Beaunmnt,
sans lui avoir donné cependant la forme
d'instruction pastorale. Le prélat pria l'abbé
Bergier de le lire, cl de lui dire ce qu'il en
pensait. L'abbé Bergier le lut, en rendit le
témoignage le plus avantageux, et le remit
à M. I'arclievé()ue. M. de Beaumont fut in-
struit du reproche de plagiai qu'on faisait à
l'abbé Bergier; il voulut savoir à quoi il devait
s'en tenir. Il pria l'abbé Chevreuil, chanoine
et eji.iu elier de l'église de Paris, vicaire !ié-
néral du diocèse, ancien professeur de Snr-
bonne, homme bien connu par ses vertus
cl ses talents, de lire les deux plans avec at-
tention, et de lui dire jusqu'à quel point le re-
proche en ((ucstion pouvait élrc fonde. La
réponse de l'abbé Chevreuil fui qu'on avait
iiuulfié à tort l'abbé Bergier; que les deux
plans étaient différents ; (lUc l'un n'était point
caliinô sur l'autre; que les deux auteurs
avant eu les mêmes matières,! traiter, ils de-
vaient se ressembler sous ce rapport; mais
que chacun les avait traitées à sa manière;
que d'ailleurs l'abbé Bergier avait fait ses
preuves, et qu'il n'était point fail pour éiro
13
pl.iginire. Ce riét.iil vieni dp qucliio'un birn
iiisliuit du fond de cctle affaire, et il l'au-
rail supprimé, s'il ne rnnnaissait des person-
nes encore inihiies de la prévention dont il
s'agit coiilre l'abbé lîergier. »
La cour désira s'allaclier no(re illustre
apologiste : elle le choisit pour c nfesscur
(!e Monsieur et de Medames tantes du roi.
Ses nouvelles fon<lions l'oblipieaicMl à rester
;'i Vers.iilles ; il y purta l'esprit de uioilestie
cl de désintéressement qui avaient toujours
marqué son caractère. Il voulut se démettre
de son canonicat : il ne le conserva que siir
la vive instance du cbapitre. Il refusa un bé-
néfice qui lui avait été offerl. S'il accepîa
une pension du clergé de Fraiiee, elle lui fut
accordée sans qu'il l'eût sollicitée.
Il allait fréquemment à Paris pour assi-
ster au cbœvr, afin de remplir, autant qu'il
était en lui, ses fonctions de chanoine. Il re-
fusa lonjo'irs les disiribulions manuelles
lorsqu'il n'ét.iit point présent. Sa plice lui
donnait cependant le droit de les recevoir.
C'était une privation, non pour lui-même,
mais parce qu'il ne pouvait faire assez de
bien ; car il employait ses revenus en au-
môni s. « Quoique j(^ sois à la veille de fiiire
une perte considérable, écrivait-il le 9 no-
vembre 1789, tant sur mes revenus que sur
ce qui m'est dû, je n'ai de regret qu'autant
que je ne pourr.ii plus assister les malheu-
reux. » De semblables paroles peii;nent toute
la richesse du cœur de l'homme.
On se proposait de revoir l'Encyclopédie
et de la publier sous une nouvelle forme.
On s'adressa à Beru;ier pour réviser et com-
pléter le dogme. On sait, par l'avertissement
qu'il mil à la tète de son ouvrage et que
nous rapportons nous-méme, le travail im-
mense que lui causa le Dictionnaire que
nous actualisons.
On y trouve en général la vaste érudi-
tion, la logique rigoureuse, le style coulant,
rapide, ai-é de ses autres pi oduclions ; mais
çà et là, ainsi que dans l'ouvrage préc;>
dcnl, un peu trop d'indulgence ou de com-
plaisance envers les gens d'une secte qui ne
dédaignait point ses talents ; une espé e d'é-
gard pour des erreurs accrédil-ecs, et de com-
position avec quelques préjugés dominants.
« .le crois quebiuefois, a dit un critique, en-
tendre la religion qu'il a si savamment dé-
fendue, lui dire a\ec un ton de tendresse et
de plainte : Ta quoque. Brute! Des liommcs
respectables ont témoigné leurs regret-s sur
son association à une tourbe d'écrivains que
le chef lui-même apiielail une race détestable
de travailleurs, qui, ne sachant rien, et qui,
se jiiquant de savoir tout, cherchèreol à se
flistinguer par une urjiversalilé désespérante,
se jetèrent sur tout, gâtèrent tout, mettant
leur énorme faucille dans la moisson des au-
tres. Il est certain que cette association a in-
Cnimenl contribué à répandre un ouvrage
pernicieux, vaste magasin d'erreurs de tous
les genres, dont les lecteurs chrétiens avaient
la |dus grande .version, cl qui, depuis qu'il
fut décoré du nom d'un auteur si sage et si
religieux, trouva place dans les bibliothc-
NOTICE HISTORIQUE SUR liERtilER. 14
qnes les plus srrupuleusement composées. »
Ce reproche et f-rmulé un peu sévèrement.
Est-ce un si grand crime dé mettre lo contre-
poison à cftfé du poison? Nous né voyons
j)as que Bergier ait pactisé avec l'erreur
dans son savant écrit. Il fait, il est vrai, con-
cessions de certaines opinions qui n'ap-
partiennent pas au dogme catholique; mais
il est sage de ne pas confondre les vérités de
foi avec les o;dnions qu'on peut rejeter sans
blesser la conscience.
Bergier termina sa sainte et laborieuse
carrière le 9 avril 1790.
Ce "oi distincue particulièrement l'abbé
Bergier, ce qui fait le caractère exclusif de
ses ouvrages parmi les apologies de la reli-
gion , c'est, dit Feller, à qui nous avons
beaucoup emprunté pour celte notice, une
logique d'une précision et d'une vigueur
étonnantes, qui se montre, dans une seule et
même matièr-, sous des formes absolument
différentes ; attaque le sophisme en tant de
manières à la fois, le frappe si rudement,
dans les endroits où sa résistance parais-
sait le mieux assurée, que la victoire se dé-
cide toujours par cette lumière pleine et
brillante qui ne laisse subsister aucun nuage
de l'erreur. Je ne sais s'il est possible d'a-
voir plus de connaissances en tant de genres
divers, mais particulièrementdans l'histoire,
la th ologie, la criti()ue, et surtout dans cette
immensité de bror hureset de compilations de
tontes les csp:''ces que les Eucclades de ce
siècle ont entassées comme des monts pour
abattre, si ce triste exploit pouvait être î'ou-
Trage des mortels, le trône de rKlernel. Per-
sonne ne connaît et ne confond mieux les
ruses et les détours de ces esprils faux et
tortueux, ces petits artifices que le mensonge
emploie avec un art qui lui est honteusement
propre, ces fruits odieux de la mauvaise foi,
ces tours de malice noire, celte impiété ma-
ligne, comme parle l'I-lcriture, qui dirige les
attaques de l'ennemi contre le lieu saint.
Quitnta malif/niitus est inimicus in snncto !
"Tout cela s'évanouit comme une fumée de-
vant les regards de l'éternelle et invincible
vérité présentée avec ses traits naturels par
cet homme de génie. Ad nikilum ficductus
est in conspecta ejus malignus. C'est surtout
dans le genre d'argument (ju'on appelle ré-
torsion que M. Bergier excelle; c'est par lui
ordinairement qu'il consomme son triomphe.
A peine a-l-il repoussé les attaques des ad-
versaires du christ anisme, qu'il les attaque
lui-même avec leurs propres armes, tour-
nées contre eux avec une célérité et une
adresse qui étonnent le lecteur, ei qui, met-
tant pour ainsi dire la religion hors ilc l'a-
rène, y placent le philosophisme et l'accablent
de mille traits. »
Voici la liste dos ouvrages de l'abbé Bi r-
gier : 1" Discours couronné, en 17G3, à l'a-
cadémie :ie Besançon, sur celte question :
Combien les mœurs donnent de lustre aux
talents, in-12. — 2' Il avait, dix ans aupara-
vant, remporté le prix de Dissertation à la
même académie. — 3° Les Eléments primi-
tifs des langues. 1764, in-12. — 4° La terli-
AVERTISSEMENT DE L'AUTEUK.
IS
tude des preuves du christianisme, ou Réfu-
tation, elc. L'Examen crilique dos npolonis-
les de la religinn chrélienne, 1"(J7, in-12.
Plusieurs fois réiraoripiié. — 3° /î«/)onse ;iux
Conseils raisonn.ibles, relalivemeiii ;'i l'ou-
vrage precédenl, in-12. On l'a joinle aux
nouvelles éditions de li Certitude. — G" Ré-
ponse à la Lellre insérée dans le Rrcueil
philosoplii'iue, au sujet du livre inlliulè :
La Certitude des preuves du christianisme,
in-li. — 1' Le Déisme réfuté par lui-même,
ou Examen des principes d'incrédulité ré-
pandus dans les ouvrages de J.-J. -Rousseau,
1766, ln-12. Il y avait eu cinq éditions avant
1772. — 8° L'Origine des dieux du paganisme
et te sens des fables, par une explication sui-
vie des poésies d'Hésiode, 1767,2 vol. in 12.
Il y a eu une seconde édition en 1774-. — 9°
Apologie de la religion chrélienne contre l'au-
teur du Christianisme dévoilé et contre
quelques autres critiques, 1769, 2 vol. in-12.
Il y a eu une seconde édition en 1770. — 10°
Examen du matérialisme, ou Réfutation du
Siistrme de la nature, 1771, 2 vol. iii-12. —
11° Traité historique et dogmatique dfi la vraie
religion, avrc la Réfutation des erreurs qui
lui ont été opposées dans lesdifférenls si des,
1780, 12 vol. iQ-12. — 12° Uictinunaire
théologique, faisant partie de l' Encyclojiédi-,
1788 et suiv., 3 vol. in-i°.— l'^" De la Source
de l'autorité, imprimée sans nom d'auteur ,
en 1789, inl2.— H' Un Discours sur le ma-
riage des proleslanls, 1737, in-8°. — 15»
Observations sur le divorce. C<'l écrit fut im-
pricné à Besançon, 1790. Il servait de réponse
à un mémoire en f.i^veur du divorce, répandu
dans le sein de l'As>einblce consiiiuanle. —
16° Tableau de la miséricorde divine. Il est
presque enliériraent composé de pas-
sag's de l'Ecrilure. Moins il y aura du
nôtre, dil-il lui même au premier chaiiiire,
plus l'instruction sera soliie. Dans tout ce qui
vient de la main des hommes , l'erreur peut
s'y être glissée; et si nous donnions nos idées
particulières, il g aurait lieu de s'en défier ;
mais lorsque nous nous bornons à exposer la
conduite de Dieu envers tous les hommes et
di.ns tous les temps... Cette doctrine ne pput
être suspecte. — 17° Examen du système de
Bayie sur l'origine du mal. Remai-ques sur
cette question : Si li foi est contraire à la
rai.'On. Dissertation sur le saint Suaire de
Besançon. Plan de tliéologie. Ces divers ou-
vrages ont été imprimés à Resançon, 1831.
iM. Asseline, évêiue de Boulogne, a été
propriétaire d un ouvrage de Bergier .sur la
rédemption : nous ne savons ce qu'il est de-
venu.
Les principes de métaphysique qui se trou-
vent dans le Cours d études à l'us ige de
l'Ecole militaire sont attribués à Bergier par
M. Barbier.
AVERTISSE3IENT DE L'AUTEUR»
QCI SE TBOLVE DA^S l'ÉDITION DE PARIS DE 1788.
Si la partie ihcnlogiqiie de V Encyclopédie a i.-inlé à paraître, nous espérons que le public nous pardon-
nera re rciarJ, lorsipi'il sera insiiuii des iliriiculiés que nous avons eues h vaincre, el de l'imiiiensilé du
travail dont nous nous sommes trouvé cliarsé.
D'environ deux mille cioij rems anifles dont cet ouvrage est composé, il y en a au moins un quart qui
inan<pi:>ient dans raiiclenue Encyclopédie, ou qui n'avaient été traités que comme des ailicles de ji^ramniaire;
il a lallu les faire. Un nimibre pri-sqne égal ronienaient une doctrine fausse ou su-pecle; ils avaient ëlé
copiés dans des écrivains liéiérodoxes, ou faits par des litiërateurs qui, par leurs principes, favorisaient
l'incréilulilé; il a fallu les corrij^er. IMusieuis renferuiaieul des discussions inutdes; nous les avons alné-
tfés. D'autres étaient incomplets, nous y avons ajouté ce qui nous a paru iiécessiire. Qoelipies-niis oiit.élé
retranches cuiniue superOus. Nous n'avons pas vu, |iar exemple, où était la nécessilé de faire vingt ailicles
de l'ariaiiisme, parce (pie les partisan^ de cette hérésie oui porié autant de noms difféienis; de distinguer
homiiousios et contubsttinliel, dont l'un est la Irnduition de l'autre; de parler do diinanrhe îles Palmes et de
celui des /lamcuii.r ; de changer une lettre pour plicer corban et knrb.in ; chirolonie ei keirotonie, au heu do
l'imposiiion des mains; piiriin et phiirim, qui signilieut les sorls ; de meure des mots grec» ou hébreux au
lieu lies mots français qui y . répondent. Ainsi, a presque tous les égards, notre travail doit par.iitrc abso
lunienl neuf.
Des trois pariies qu'il embrasse, savoir, la iliéologie dogmaiiqne , la criiiqiie sacrée et l'histoire ecolé-
Masli |iie, la première est celle qui demande le |ilu> d'alteiitioo, et ipii reufernie le plus de dilïicultés.
Comme toute aiitie science, idie a sou langige paniculier, cenaiiies expressions consacrées à exprimer les
mystères, di-s'pirlle» ou ne P'ut se ilépirlir sans s'expnser à lomlier dans l'erieur. On ne doit pis exiger
d'un théologien ipi'il emploie d'autres Iitiiic^ plus clairs lires du langage ordinaire, ni qu'il fas.e comprendre
évideuinieol des vérités ipiu Dieu a révélées pour être crues sur sa parole, quoique nous ne puissions pas
les coin evoir.
Depuis prés de dix-huit cents ans que la théologie chrétienne est formée, il ne s'est pas écoulé un seul
siècle dans lequel elle, i.'ait é é coinh.nlue par i|ueh|ue secte de mécréants ; celle science e-t donc devenue
ircS'iontrnlieuse. t.oinme elle cuiisisie à savmr non-seiileine 4 ce que D>eu a révélé, mais coniineiil celle
doctrine a éé atlaipiee. et comineiit e le a éié dérendue, il n'est presque pa> un seul anicle qui -ne soit un
sujet dedispiiie: i.n lliéologien écr l donc toujours au milieu d'une foule il'enneniis, et jamais ils ne furent
eu (iliis grand nuinlire que dans notre siècle. Un ne doit duiii'. pas é re élnimé de nous voir conliiiuelle-
ment aux prises avec les sncmicns, avec les prote-laiits, qui ont lenouvelé presque toutes les anciennes er-
reurs ; avec les déistes et les autres incrédules qui les ont copiés tous. Nos niaitres en théologie sont le»
Pères de l'Eglise; nous nous croyons obligé de suivre leur exemple. Or, ces auteur^ respectables ont écrit,
n AVERTISSEMENT SU« CETTE NOIVELLE ÉDITION. Ig
chacun dans son temps, conire les erreurs qui élisaient du hiuit pour lors, et non contre celles dont le
souvenir éUiilà peu près elTieé; il est de noire dovoir de les imiter.
Nous ne sommes f>n< assez injusie pour accuser les protesiaiils d'avoir voulu, de propos délibéré, favoriser
les ennemis du clirisiianisme ; mais il uVsl pas moins vrai ipie, sans le vouloir, ils leur ont lourni presque
ron'es leurs armes; c'eH un évéïieinenl que nims n'avons pas pu nous di-penser de Taire remarquer une in-
(inlé de lo s, parce que la chose est évidenle. Si les proies ams se làc lient de se trouver conimuelleinenl
da s III. Ire ouvrage associés aux incréilules, ce n'est pas à nous qu'ils doivent s'en prendre, mais à leurs
docleiirs. Ow.i. les liiihérieiis, Moslieiin et Biu kcr; clieî \e- calvinistes, Beaiisolire, Ifasiia^'e, Le Clerc,
narheyiac; chez les anglicans, Cliilinigwiirili et l!iii|;liani, sont ceux dont nous avons priiicipalenient con-
siilié les livres, parce que ce sont les ilernieis ipii ont écrit, et qui paraissent avoir le plus de ré iiiaiion. .
Ils ont cli'iché à d' niier une nouvelle muiniire aux anciciies objeclii'ns; ils ont eu l'art de dé(ij;urer la
plu art des laits de l'Iii-toire ecclésiastii|ue; il ri'e^t presque pas un seul des Pèies de l'Eglise , contre le-
(inel ils ii'..ieiii foi nié d^s accusalinns; ils uni donc imposé une nuiivel e làclie aux ihéologieus citholiques,
.i laquelle nos niei'le rs cunlioversisies n'oiil pas pu salisl'iiiie : imus avons donc été oliligé de nous en
cliiirger; ei si n<>iis n'avons pas répondu à teut, nous croyons du moins avoir l'ail le plus essentiel. El)
doiioanl une courle no ice îles oiivra};es des Pères, nous avons i.iclié de f:iire leur apologie.
Il en est île inénie des pirsoiiiiàî;eN de rAmieii Tesianenl ilont l'Iiirtoire sainle a loué les vertus, et qtie
les incréilules, en iiiarihuil sur les liaces .les luau cliéeus, se S' nt ii|ipiiqnés à noircir. Mais loin de cher-
cher à mulliplier les ai licles de criliqiie -acrée, nous en avons supprimé un grand noinlire. Il nous a semhié
inutile de disserier sur des evpre^sions que loin I ■ inoiiile enienii, lU sur des ternies i|ni n'ont rien d'ex-
traordinaire, et de co;iier le Diciiuiinnirt de ta Bible. Il est plus nécessaire sans doule d'éclaircir les pas-
sages diiiit les héréiiques ou les iiicrédiiles ont abusé, ou qui font un olijei de dispute entre les théo-
liigiens.
On dot comprendre qu'un fli>/io»nnirc //i^o/ogiqM* , quelque exact qu'il puisse êlre.iie pourra jamais
tenir lieu d'un cours <le ti'éologie complel, il.ins lequel on rassemble sur chaque question toutes les preuves
et les lépoi se» aux ob eclions; où l'on laii voir la liaison que nos dngmes ont ciiire eux, de manière que
l'un éclaiicii el conlirme laiilre (i). (;e serait une erreur de croire qu'avec le secours d'un Diclioimaire
aussi abrégé, l'on peiil devenir giand Ihé dogien. Si celui-ci avait été dcsiiné à paraître seul, il aurnit néces-
sairement (allii le rendre plus éleiidii,y laire entrer plusieurs articles de iiiéiapliy>ique, de morale, d'his-
toire, de discipline, de jiiiisprudeiice canoiiiqiiu , que nous avons dû laisser à ceux auxquels ils appar-
liennent.
Il n'iiurait pas élé difficile non plus de le charger de cilalinps ; mais il suffit d'avenir, en général, que
pour |:i Critique iiicrée, les Prolégoniènes de lu Po'yglolte d'Anijlelerrc, la Pliilosopliie sacrée de Glassius, les
DisserSalions el les Préjaiei, de la Bible d'Avignon , vu M vnlumes in-i", sont les principales sources où
I on a puisé. Pour l'Uisioire eccléêiastque, Kleiiry, Cave, du l'in, Tillemonl, dom Cellier, sont les auteurs
qu'il aurait fallu liier continuellenienl. Nous n'avons pas hésiié de copier plusieurs observations dans les
proirslanls ilesqiiels nous venons de parler, surtout de Mosheiiii, lorsqu'elles nous ont paru vraies et dignes
de l'attention du lecieur. Pour 1 1 iliénlogie doguiatique, quand nous aurions mis à chaqie article les noms
de Petaii, de Tournéiy, de VVillasse, de Llierniinier, de Juéuiii, ou de quelques ailleurs plus modernes, le
leciein n'en aurait pas élé plus insirnit; ces ouvrages sont connus de tous les théologiens, et les autres
personnes ne sont nas leiilées de les ire.
Ninis u'aviiis pas la vanité de croiie que ce Diclionimire est tel qu'il devrait èlre; un seul homme, quel-
que laborieux qu'il sml, ne peui siillire à cetie entreprise. Ceux qui viiMidront après nous pourront faire
mieux; il est plus aisé de voir les défauts d'un ouvrage déjà fait, que de les éviter en le composant.
(I) Un Uictionoaire ihéologiquea d'aulres avanlaiies que n'offre peint un traité complet . il esl d'un usage plus
géie rii; on le coiiMilie plus loiiiinodéinenl, plus agréablenieat ; il renferme d'ailleurs un grand nombre d'arli£les
dunt o'esi puiiil ;>U3Cepiit>le un cours de théulo^ie.
A17ERTISSEMENT
SUR CETTE NOUVELLE ÉDITION.
l. Nécessite' de compléter le dogme. — Le glise ; nous nous croons obligé do suivre
Dictionnaire de Théologie de Bergier a .'ic- leur exemple. Or, ces auteurs rcspeclahles
qiiis une juste célébrité. Les matières y onl écrii, chacun dans son temps, contre les
sont exposées avec darlé ; la controverse y erreurs qui faisaient du bruil pour lors , et
esl souienue avec vigueur; les diflicullés y non conire celles dont le souvenir élail à peu
sonl abordées franchement et résolues avec près elTacé; il esl de notre devoir de les iini-
aulaiil de sagacité que d'crudiliiin. L'auteur ter. » Aussi s'est-il presque exclusivement
a fait comme la plupart des apologistes de la allaclié à réfuter les lausselés el les c.ilom-
religion chrélienne : il a travaillé pour son nies ré|iaudues tant d ins les ouvrages plii-
époque, el il a purfiiilcment réussi, « On ne losophiques des incrédules de son temps ,
doilpasêtroétoiiné,dil-il(.4t)''r<iss«'H€H<sur/'(^- que dans ceux des proleslnnts qui lui parais-
dit on de 1788), de nous voir continuellement saient avoir le plus de réputntion , tels que ,
aii\ prises :ivei' les sociniens, avec les proies- JMosheiin, Hrucker, Beausobre , Basiiage ,
tanls, qui ont renouvelé presque loules les D.iillé, Le Clerc, Barbeyrac, Spanlieim,Chil-
anciennes erreurs ; avec les deisles el les au- lingworlh, Binghara et plusieurs autres. Ou
très incrédules , qui les ont copiés tous. Nos conçoit facilement , d'après ce but franclie-
maîlres en 'liiéologie sonl les Pères de l'K- lueiit avoué, que les raisonnemenls de noire
AVERTISSEMENT SDR CETTE NOUVELLE EDITION.
%9
auteur doivent èlrt- bien plus sonveiildes ar-
guments ad liominem que des preuves direc-
tes. C'est d'ailleurs ce dont on est parfaite-
ment assuré, après la lecture de quelques
pases du Diclionnaire. L'habile conlrover-
siste pari assez souvent de principes avoués
par les adversaires qu il a en vue ; il en lire
des conséquences ri;.'oi.reiises et poursuit
vigoureusement son ennemi jusque dans sou
clrrnier r> Iranclieuienl. L'avocat a toujours
gagné sou procès; mais quelquefois le
ihéologicn n'a rien déoionlré. Ou il paraisse
dansl'.irèneun champion à qui l'on ne puisse
opposer les mêmes armes , il demeurera
bientôt mailre du terrain. Quelquefois mê-
me , les traits lancés ne peuvent atteindre
l'adversaire que l'on croit combattre : notre
auteur, en elTet , dans la persuasion intime
où il est que les protestants de toutes les
sectes, que les incrédules de tous les partis,
s'accordent toujours pour batailler contre
l'Kglise romaine , suppose trop facilement
([u'ils doivent admettre les principes les uns
des autres, et que tous approuvent les con-
cessions faites par quelques-uns d'entre
eux. Aussi, oppose-t-il souvent aux uns les
principes et les aveux des autres : c'est là
combattre dans le cabinet des ennemis ima-
ginaires, mais ce n'est p>»iiu vaincre tel ou
tel adversaire sur le champ de bataille. Le
travail de Bergier, cependant, il faut en con-
venir, a exercé une inlluence salutaire sur
les idées et les préoccupations de son siè-
cle; il a dissipé bien des préjugés et a fourni
au\ chrétiens zélés des armes Irès-puissan-
les tant contre le vieux protestantisme que
contre l'incrédulité du xviir siècle. Mais de
quelle utilité peut-il être, s'il est offeri tel
qu'il esta notre société moderne? Où sont
les protestants qui ont aujourd'hui un sys-
tème de doctrine détrminé? L'indifférence
n'a-'l-elle même pas , du moins à Paris, pris
la place de l'esprit de parti ? Uù sont les phi-
losophes incrédules qui raisonnent encore à la
mode du xvin siècle? Le voltairianisme n'est-
il p;is descendu des soraniilés intclleduelles
dans la fange populaire? Là on ne raisonne
pas, on blasidième par corruption et par igno-
rance.
On ne peut donc aujourd'hui opposer avec
succès à aucun ennemi de l'Eglise la plupart
des arguments dont notre auteur s'est servi ,
à son époque, avec lanl d'avantage. Devons-
uous , à son exemple , diriger nos ballcrles
contre le protcslanlisme et l'incrédulité mo-
dernes ? Nous ne le pensons pas. 1" Le pro-
testantisme actuel est insaisissable, surtout
en France, où l'on jouit de la libei lé des cul-
tes : nous connaissons à Paris quatre sectes
principales de cahiniste^ qui s'accordent sur
fort peu de points; en sorte ijue si l'on s'at-
tache à en poursuivre une, on ne gagnera
^pas un pouce de terrain sur les trois autres.
'l)e plus, dans la même secte, un membre , et
iiièiiie un ministre conteste ce qu'un autre
accorde ou admet ; c'est la suite nécessaire
du défaut de règle extérieure de foi. Nous
pouvons en dire autant de nos incrédules et
de lou) les |;liilosophcs ({ui nionl l'existence
20
dunerévélation surnaturelle, en faveard'une
prétendue révélation naturelle fai'e par Dieu
à la raison de chaque individu. Dans la môme
école , les premiers principes et à plus forte
raison les conséquences varient avec les in-
ditidus. Au reste, aucun incrédule , aucun
philosophe ennemi de l'Eglise n'a de système
arrêté dont on puisse faire l'objet d'une ré-
futation solide et utile. L'éclectique surtout
trouve dans l'inconséquence de son système
«les moyens fort expédilifs de se débarrasser
des argumentations les plus irrésistibles : il
rejette sans balancer lés conséquences dont
il aurait à rougir, bien qu'elles découlent ri-
goureusement de ses principes. On conçoit
qu'il n'est plus guère possible de continuer,
niéine en l'actualisant, le même genre de
coniroverse. 2° Quand , par impossible, on
parviendrait à réfuter victorieusement tous
les ennemis actuels de l'Eglise, en les pre-
nant en détail et en les attaquant les uns
après les autres, quel avantage en résulte-
rait-il, soit pour nos incrédules contempo-
rains qui ne partagent pas les mêmes er-
reurs , soit pour ceux qui viendront après
nous, lesquels pourraient éluder tous nos
arguments, en niant, comme ont fait les mo-
dernes, tous les principes de leurs devan-
ciers, ou en imaginant de nouvelles absur-
dités ; soit surtout pour les fidèles de bonne
foi qui tiennent à se rendre compte de leur
croyance, indépendamment de tout système
de protestanlisDie, d'incrédulité ou de philo-
sophie, suivant la recommandation du prin-
ce des apôtres ( J Petr. m , 15) ?
Sur ces considérations, nous nous som-
mes décidé à donner dans ce Dictionnaire
une démonstration complète et directe de la
religion catholique , que l'on puisse opposer
facilement à toutes les erreurs passées, pré-
sentes ou futures ; qui soit indépendante de
tous préjugé'^ de secte , d'école ou d'éduca-
tion reçue dans une religion quelconque ;
enfin, qui satisfasse tous les esprits raison-
nables, et qui serve de flamlieau à tous ieu%
qui cherchent l<i vérité de bonne foi. Quand
donc nous ne pourrons, à l'aide de quelques
notes, rendre les articles iuiporlanls de ÎJer-
gier dénionstralifs par eux-mêmes, et indé-
pendamment de tous antres principes que
ceux (|ui seront établis dans l'ouvrage mê-
me, nous >n ferons d'entièrement neufs, en
évitunl loutelôis les redites autant que pos-
sible. Si parfois nous comb. liions des erreurs
modernes, ce ni- sera (juaccidentellement et
sous lornK! (le conséquence , ou pour mon-
trer (|ue tous les systèmes diiicréilulité man-
quent de principes c mstitutifs rationnels ,
et ne reposent que sur des poslulata de tout
point contestables.
On comprend facilement que la partie
dogmatique du Dictionnaire devra être com-
plétée en un grand nombre de points, et en-
richie de l)eaucuup d'articles entièrement
neufs (1). L'auteur nous prévient lui-même
(1) Les .idiliiions (lue nous lerons an Diclionnaire
do lleruier serocil mises en noies an bas des pages,
tjuuliiuclui» elles seront iiilcrcalues d ins le icxie, c^
AVEBTlsSEMENT SUR CETTli INOUVKLLE ËDlllON.
qu'i! n'a pas prétendu faire un cours ooni-
plcl (le Ihéolojîie.K Ou dol comprendre, dil-
il {loc. cil.)y (lu'uu Dictiunnaire iluologique ,
quelque exact qu'il puisse etrt^ , ne pourra
jainiiis tenir lieu d'un cours de liiéoiogie
complet où l'on fait voir la li.iison que
nos dogmes oui entre eux, de ni.iuière que
l'un écl.iircit et contirnie l'autre. » Pour
nous, nous ne voyons pas pourquoi un Dic-
tionnaire ne pourrait tenir lieu d'un cours
de tlu'olcyie com))Ut , si toutes les questions
importantes s'y trouvaient traitées avec
clarté et solidité, quoique avec peu d'éten-
due. Quant à ht liaison des dogmes, loin d'ê-
tre inconipalihlc avec la torme d'un Diction-
naire, elle s'impose d'elle-même à la léte de
tous les articles, qui , selon leurs divers de-
«ré» de généralité, doivent être rattachés ou
a des rameaux, ou à des brandies , ou au
tronc même de l'arbre lhéologi(|ue. L'en-
chaînement de. v rites e>t tellement néces-
Siiire dans un Dictioniutire dr tliculoijie, que
chaque article y forme un petit tout, une
petite synthèse plus ou moins générale, ou
développée dans toutes ses parties et mise
sous la dépendan(e d'un chef plus éteudu ,
ou fractionnée en un certain uombre de sub-
divisions.
II. Travaujc à faire iur la partie scienlip.-
V«e. — Notre auteur paraît avoir possédé
toutes les ciinnuissauces de son temps, soit
en hisloiit" et en géographie, soit eu physi-
que et en histoire naturelle; il parle même
de chimie et degéologie, sciences qui étaient
encore au berceau. 11 sut et combat avec
succès ses adversoiris sur ces divers ter-
rains scientifiques. Alais il suffit d'avoir une
idée des prodigieux pro^'iès c;u'ont faits,
depuis le couimenccmenl de ce siècle, toutes
les sciences d'observation, puurêtie con-
vaincu que tous Us raisonnements auxquels
elles ont servi d'appui dans le dernier siè-
cle ne peuvent pas a\oir aujourd hui une
bien haute portée. 11 y a donc beaucoup à
actualiser sous ces rapports dans le Diclion-
nuire de ihcologie. Nous ne rectifierons pas
les inexacliluiles scientifiques au fur et à
mesure que nous les rencontrerons, nous
nous contenterons le plus souvent de les si-
gnaler, avec ou sans ex|iosilion de motifs : le
lecteur profile peu de notions scientifiques
isolées, épaises ça et là , et comme penlues
dans un vaste ouvrage; aus>i , réuniroiis-
nous, autant que possible , dans de grands
articles, les documents que nous aurons à
donner sur telle ou telle science, pour éclair-
cir tel ou tel point de controverse religieuse.
Au besoin nous renverrons à ces articles
sultstantieis , dont la lecture laissera dans
l'esprit des notions d'autant plus durables
qu'elles seront précises et solides. On a voulu
tourner contre la religion, au commence-
ment de ce siècle, plusieurs sciences de nou-
velle création : nous démêlerons ce qu'elles
alors mms aurons soin de les indiquer p.ir ce signe :
( |. Les arlicles nouveaux seroiil marqués d'un
asleriMiui; * et inipi imés en caraclères plus lelils que
ceux du iti.\ie.
ont .l'incontestable d'avec ce qui est encore
à l'état d'hypothèse , et nous montrerons
qu'elles confirment nos dogmes au lieu de
les infirmer.
Jll. Obserralions sur les principales édi-
du Dictionnaire théolofjiqite de Ùirgier, —
Le Dictionnaire de lîergier a eu un grand
nombre d'éditions. La première r:t celle de
1788, qui parut dans l'Encyclopédie métho-
di(|ue. Elic contient le texte de l'auteur sans
aucune addition, tin y reniar()Ufi beaucoup
de fautes lypogr-ipliiques. - La seconde édi-
tion est celle de Liège. Dès 178 > la société ty-
pogrjphi(iue de Liège réimprimait le Diclion-
naire de Bergier ; elle en conserva scrupu-
leusement le texte : elle ajouta seulement
certains articles tirés du Dictionnaire de ju-
risprudence de l'Encyclopédie méthodique.
Ces arlicles sont désignés sous le signe C<^^"
Quelques auteurs ont cru que ces articles
sont de Bergier, parce que notre auteur y
renvoie quelquefois. Ils ne sont pas de la
plume de notre habile conlroversiste. 1" Us
sont signés des lettres initiales de plusieurs
auteurs, qui iic sont pas celles de Bergier.
2° « lis sont souvent écrits dans un mauvais
esprit, ainsi que l'a reniar(vué, avant nous,
l'auteur du Cours alphabétique et méthodi-
que du droit canon (T. IL col. 1-209 et 1231),
et dans des principes tout opposés à ceux de
Bergier. * 3° Notre savanl critique blâme
plus d'une fois les arlicles religieux de ce
Dictionnaire de jurisprudence, p;ir exemple,
dans ses articles B.gajue el Célibat.
jMgr Gousset, aujourd'hui archevê(iue de
Reims, a préparé une édition du Dictionnaire
de Bergier, qui parut à Besançon en 182G ;
elle est enrichie d'extraits des meilleurs au-
teurs. Nous lui croyons un très-grand dé-
faut; c'est d'avoir pour but principal de pro*
pager la doctrine du sens commun et le fu-
nesie S3slème de iM.de Lamennais. 11 y a un
grand nombre de notes de celte édition qui
demaniienl à être lues avec précaution.
Mgr Gousset a donné dans sa Théologie dog-
oiatique une sorte do rélraclatioii de ce qu'il
avait écrit en faveur des doctrines lameiié-
siennes. Voici comment il s'exprime : «L'au-
« leur lie V Essai sur l'indifférence enmaiicre
« de religion, après avoir admirablement
« él.ilili la nécessité de la foi dans le pre-
« mier volume, entreprît , dans le second,
« de fixer le critérium de la certitude eu
« toutes choses sur le sens commun, dont
« il poussait trop loin l'application ; el il
« plaça dans le genre humain, en dehors de
« l'Eglise etdes traditions apostoliques, l'au-
« toritc qui doit servir de règle auxcroyan-
« (es du chrétien. Ce système a été con-
« damné |iar l'encyclique Singulaii, de Gré-
« goireXVI, du 25 juin 1831. « Il esl dcpio-
« rable, dit ce pape, de voir jusqu'à quelex-
« ces se iirécipiteut les délires de la raison
« humaine, quand quebiu'uu se Jette dans
« les nomeaulés; quand il veut, coniru
« l'avis de l'Apôtre, être plus sage qu'il ne
« faut l'être, el prétend, par une exlrêrae
« présomi'tiou , chereher 1,! \ériléhors de
« l'Eglise culholique, dans laquelle elle se
AVERTISSEMENT SUR CETTE NOUVELLE EDITION.
23
« trouve sans le p!as léger mélangi» d'erreur,
« et qui pour celîi est api elé en <ffel I i co-
« lonne et le fondemeni de la vériié. Vous
« comprenez bien , vénérables frères, qu'ici
« nous parlons de ce sjslèmo Inmipeur de
« pliilosophie introduit récemment «-l tout
« à f.iit blâmable, dans lequel, piir un désir
« effréné de nouveautés , on ne ilurcbe pas
« la vériié là où elle se irouve certainement,
« et, négligeant les iraililions sainies et apos-
« loliqnes, on admet d'autres doctrines vai-
« nés. lulilos, incertaines, et non approuvées
a par lEglise , dodrines que les liomiiies
« légers croient faussement propres à soute-
« nir et A apjiujer la \érité. » Les évé.|ues
« de France ont souscrite rene>clique de
« Grégoire XVI ; nous avons été nnus-mêine
« heureux de la publier, comme vicaiie ca-
« pilulairede Hesancon, conjoiiitemeul avec
« les autres administraleuFS du dincèse. Par
« cet acte, nous rétractions lnui ce que nous
« aurions pu dire ou éi rire dans le sens du
« système philosophique de VEssai. Ce sjs-
« kème navait point été compris de ceux qui
« l'avaient embrassé; ils ne se le présen-
« laient pas tel qu'il est : ce qui explique la
« f;icililé avec laquelle ils l'ont abandonné.»
Mgr Doney, évéqne de Monlauban, a re-
produit l'édiiion di- Mgr Gousset. Il y a ajouté
un bon nombre d'excellents articles. Il a re-
tranché un certain nombre d'articles qui con-
tenaient trop évidemment les doctrines de
M. de Lamennais sur la cerliiude. Celle édi-
tion est loin d'avoir rejeté toutes les notes
condamnables. Nous croyons donc que celle
édition, pas pins que celle de Mgr Gousset,
ne peut sans danger être mise entre les mains
de jeunes gens qui pourraient fadlemenl se
laisser entraîner à l'esprit de système. Nous
ne laisserons passer aucune noie, soit de
l'édition de .Mgr Gousset, soit de celle de
Mgr Doney, sans signaler le danger qu'elle
pourrait renfermer.
M. Leforl, imprimeur à Lille, a rendu d'é-
niinenls services à la cause catholique par
ses nombreuses publications. 11 a aussi donné
une édition du Dictionnaire de Hergier. Il a
purgé les éditions de Besançon des dange-
reuses doctrines de M. de Lamennais. Ce qui
fait le principal mérite de l'édition do Lel'ort,
ce sont des notes nombreuses et très-savan-
les, et des articles entièrement neufs ; quel-
ques-uns peut-être ont-ils trop peu d'utilité.
Dans notre temps de n)ercantillsme, il faut
attirer les lecteurs et les acheteurs par quel-
que chose de nouveau. Oui'ique birn plus
complète (jue celle de Besançon, et surtout
qu'on puisse la lire sans danger, cette édition
est loin de satisfaire entièrement le lecteur. Il
v manque beaucoup d'articles nouveaux. Il y
a bon nombre d'articles de liergler (|ui ont
besoin d'additions, d'explication el mémo de
correctif. Nous ne voyons pas n)èmc un mot
ilans celte édition .pour les indiquer.
•24
Nous avons fait connaître dans les pre-
miers paragraphes de cet Avertissement ce
que nous nous proposons de faire pour ren-
dre cette édition cou p'èle. Nous devons ob-
server ici qu'il n'y a pas une seule noie des
éditions précéilenies ciui n'ait trouvé sa place
dans notre Dictionnaire, ou que nous n'ayons
ap|)réciée, soit pour l'adopter, soit pour la
condamner. Nous avons fait précéder les ar-
ticles principaux de l'exposition du dogme
catlioii(|ue. .\ la fin de chaque volume nous
plaçons une table où se trouve l'indication
des principales questions irailées daiislos ar-
ticles. Celte table facilitera inGiiiment les
reeherches.
IV. Observations critiques. — Quelques
auteurs ont reproché à Bergier une tendance
à allegoriser cerlains faits rapfiorles dans
l'Ecriture sainte : nous nous sommes aperçu
de celle imperfection, el nous en avons pré-
venu le lecteur dès l'ariicle Adam, au sujet
de l'arbre de la science du bien el du mal,
et de la lenlation d'Eve. Mais nous devons
ajouter que souvent, comme il le fait déjà
dans le second de ces cas, aprèsavoir penché
pour l'allégorie, il démontre que le sens lit-
téral n'entraîne aucune absurdité. 2* M. Bon-
netty, directeur des Annales de pLilosopliie
chrétienne et de VUniversité catholique, fait
peser surnotre savant conlroversiste, comme
sur bien d'autres, l'inculpation de cartésia-
nisme : « Malheureusement, dit-il (Annal.,
août 18i5, p. 158), le déisme rationnel ei car-
tésien est le point commun d'où ils parlent
pour arriver les uns à l'Evangile, el les au-
tres pour le comballre. » Il y a ici du vrai et
de l'exagéré : Bergier est cartésien, il fait
quelquefois (Fo(/. art. Adam, fin) abstrac-
tion des traditions primitives; mais aussi,
souvent il y renvoie, et M. Bonnelly lui-
même reronnait en lui < un de ceux qui ont
commencé à faire senlif l'importance qu'il y
avait à faire remonter la Révélation jusqu'à
Adam, et le christianisme jusqu'à l'oriiiine
de l'homme » [loc. cit.). Enfin, nous obser-
verons que les adversaires des cartésiens ne
.lont point encore plus avancés qu'eux en
l'ail de motifs de crédibilité.
L'œuvie de B.igier, malgré ses imperfec-
tions, n'est pas moins un monument remar-
quable, élevé en faveur de la religion. Avec
quehiues améliorations, il peut devenir le
manuel du coiitroversiste, et l'un des plus
solides appuis de la religion dans notre siècle
d'incrédulité.
Nous n'a vous pas besoin de rappeler ici qu'un
grand nombre d'articles du Dictionnaire de
Bergier ont déjà été traités plus ou moin.s
longuement dans les divers Dictionnaires qui
composent l'Encyclopédie Ihéologique. A cet
égard, nous croyons utile de renvoyer nos
lecieurs à l'.4ris' que nous avons mis en tête
du tome II des Religions (vol. XXV de l'En-
cy clofi.).
INTRODUCTION
AU DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE
DOGMATIQUE.
DESSEIN DE LiV PROVIDENCE DANS L ETABLISSEMENT DE LA RELIGION, ORIGINE ET PROGRÈS
DE LINCRÉDULITÉ.
§ I. — Dieu, disent les Pitres de l'Esilise,
donne au jioiirp hiim.iin des lȍons convena-
bles à ses diiTérenls âne'* {I ) ; comme un père
lendre, il <i égard a'i degré de < ap.icilé de son
élève ; il fait marcher l'ouviage de !a_(;râce
du môme pas (|ue relui de la naiiire, pourdé-
moiilrer qu'il est l'auteur de l'un et de l'autre.
Tel est le principe duquel il faut partir, pour
concevoir le plan que la s;igesse elernclie a
suivi, en prescrivant aux hommes la reli-
gion.
Ce plan renferme trois grandes époques
relatives aux divers états de l'h imaiiilé. Dans
les siècles voisins de la création, le genre hu-
main, dans une espèce d'enfance, n'av.iil en-
core d'autre société que celle des f,niiilles,
d'autres lois que celles de la nature. d';iulrc
gonveriiementque celui des pères et des vieil-
iards. Dieu révéla aux patriarches une reli-
gion domestique, peu de dogmes, un culte
simple, une morale dont il avait gravé les
principes au fond des cœurs. Le cliei'de f.imil-
ie était le ponlife-né île celle religion primi-
tive. Emanée de la bouche du Ciéaleur, elle
devait passer des pères aux enfants par les
leçons de l'éducation. La Iradiiion domesti-
que, les pratiques du culte journalier, la
marche régulière de l'univers et la voix de la
conscience se réunissaient pour apprendre
aux hommes à n'adorer qu'un seul Dieu. Ce
premier lien de société, ajouté à ceux du
sang, était assez puissant pour unir les di-
verses branches d'une même famille, et pour
former insen>iblement des associations plus
étendues.
Celte idée de la religion primitive n'est
pas de nous, elle est tirée des livres saints.
L'Ecclésiastique, a près a voir parlé de la créa-
liiin de nos premiers parenis, ajoute : iJieules
a remplis de la lumière de rinlelliyence, leur
a donné la science de l'es/iril, n doué leur cœur
de sentimen/s, leur a montré le bien el le m il :
il n fait luire son œil sur leurs cœurs, ofiii
gu'ils vissent lamiiynipcence de ses onvrai/es;
qu'ils bénissent son stiinl nom, qu'ils le g ori-
fiassent de ses merveilles el de lu f/rniideur de
ses œuvres II leur a prescrit des i èijles de con-
duite, et les 1 rendus dépositaires de lu loi de
vie. Il a [ail avec <UT uni alliance et ruelle, leur
a cns'ii/ié les préceptes de sa jiisiice. Ih ont
vu l'éclat de sa yloire, ont été honorés des
leçons de sa voix ; il leur a dit : Fuyez toute
(1) Terliill., de Virgin, relandis, c. I ; S. Au?., ilc
veroHeliq., c.'ù.iivlil. eic; Tlifcodoret, lliiret. Fiib.,
U V, c. !7 ; lie l'rovid , oriil. Il) , etc.
iniquité ; il a ordonné <) chacun d'eux rie veil-
ler sur son /irorhiiin {Frcli. xvi, 5 seqq.).
.Mais la religion révélé. ■ f|e Dieu esl un joug
que riiomme con-enl diftliilcmenl à porler ;
s'il n'ose le secouer ahsoliituenl, il rlierc'ie à
\f rendre moins incommode. La né;;ligpnce
dis p' res, rinilocililé des enfants, la jalousie,
riiilércl, la crainte, p isoons iniuiètes et
ombra','euses, firent interrompre peu à peu
les praliiiues du culte .ommun, el oublier
1.1 tradition domesli(|ue. L'homme se fil au-
tant de divinités r)u'il y a d'élres dans la na-
ture ; il t\e suivit que son caprice dans le
culte (lu'il leur rendit. Rientôi il y eut autant
de rc ligions que de peuplades ; chai-une vou-
lut avoir SCS dieux tuiélaires. Cette division
filiale est une des causes qui oui le plu» re-
tardé les progrès de la civilisation.
§ 11. — Après plusieurs siècles, un grand
nombre d'hommes se réunirent, coinmencè-
renlà suivre des lois et des usages communs,
à formerun peuple, une république, un roy.Tu-
me. Mais ces nations n.iis^antcs , toujours
eu déliince les unes à l'égard des autres,
demeurèrent dans un état de «uerre ; elles ne
s'approchalenl(|ue pour se liépouiller ei s'en-
Ire-déiruire ; tout étranger était censé un
ennemi. Déjà plongées dans l'erreur, com-
ment pouvaient-elles être corrigées? com-
ment faire revivre l/i révélation donnée :i nos
premiers pères? Dieu donna aux Hébreux Mrte
rilirj on nationale, incorporée aux lois et à
la consiilution de leur république, ou plutôt
destinée à la fonder. Relative au climat, au
génie de cette nation, aux dangers dont elle
était environnée, elle était f.iile non pour un
peuple déjà policé, mais qui allait le devenir.
C esl donc relativement à l'intérêt politique,
à l'utilité nationale qu'il faul l'envisager,
pour en voir la sagesse, el pour estimer le
temps de sa durée.
Telle est encore l'idée que nous en donne
le même auteur sacré: Dieu, dit-il, a prépo-
sé un chef à cluvjue nation ; mais il ii réservé
pour sa pari les l.&aéliti'S. Il a éclairé toutes
leurs dénuirches, comme le soleil répand sa
lumière sur toute lu nature; ses yeux n'ont
cessé de veiller sur leurs ad ions ; leurs ini-
quités n'ont point e/facé iulàance qu'il avait
juiie avec eux (Ibid.).
L homme s'était égaré en prenant pour
des dieux les dilTérentes parties de l.i nature;
Dieu frapp.i de grands coups sur la nature,
pour faire sentir aux hommes qu'il en était
le maître. Il effray.i les E,.;yptiens, les Cha-
n.inéi ns, les .\ss) riens, les Hébreux, par des
«7
prodiges de terreur. J'pxercerai, dil-il, »««<
jugemenis sur l's dieuxde l'F.gtjple : il déclare
qu'il fait dis mr iclis, non pour ]• s Hébreux
seuls, mais poir apprendre à tous les peuples
qtiil estte Seigneur. Il le- lit en effet sous les
yeux des nations qui jouainlleplus frrand rôle
dans le monde connu. Dieu ne révéla point
de nouveaux dogmes, mais il annonça de
nome.iux desseins. La croyance di- Moïse et
des Hébreux était la même que celle d'Adam
et de Noé ; le déealogue est le code de morale
de la nature : le culte ancien fui conservé ;
mais Dieu le rendit plus étendu et plus pom-
peux : dans une société policée, il fallnit un
sacerdoce ; la tribu de Lévi en lut chargée à
l'exclusion des autres. La l7-adilion nationale
était l'oracle que les Hébreux devaient con-
sulier; toutes les fois qu'ils s'en écartèrent, ifs
tombèrent dans l'idolâtrie ; dès qu'ils voulu-
rent fraterniser avec leurs voisins, ils en
contractèrent les vices et les erreurs.
Mais D:eu ne laissa point ignorer ce qu'il
avait résolu défaire dans les siècles suivants.
Par la bouche de ses prophètes, il annonça
la vocation future de toutes les nations à sa
connaissance et à son culte. La religion juive
n'était qu'un préparalif à la révélaiiou plus
ample et plus générale, que Dieu voulait
donner, lorsque le genre humain serait de-
venu capable de la recevoir.
§ 111. Ce temps était arrive, quand le Fils
de Dieu vint annoncer, sous le nom d'Evini-
gilemt de bonne nouvelle, une religion tini-
verselle. La révélation précédente avait eu
pour but de former un royaume ou une ré-
publiijue sur la terre ; Jes<is-Chris! prêcha
le roijnmne des deux. Une grande monarchie
avait englnuti toutes les autre* ; tous les
peuples policés étaient devenus sujels du
même souverain. Les arts, les sciences, le
commerce, les conquêtes, les communications
établies, avaient enfin disposé les peuples à
fraterniser et à se réunir dans u:ie seule
Eglise. Le Fils de Dieu envoie ses apôtres
prêcher lEvaw^Wc. à toutes lis mitions, y en
ferai, dil-il, un seul troupi au sous un nicme
pasteur (Ij. Si ce dessein n'avait pas elc con-
çu dans le ciel, il serait le plus beau i;ui eût
pu se former surla leire; et si .iésus-Chnst
n'était pas Dieu, il serait encore le meilleur
et le plus grand des hommes.
Ceux-ci étaient moins grossiers et moins
Stupides que dans les siècles précédents;
aussi les signes de la mission du Sauveur
n'ont jioinl ete des prodiges de terreur, mais
des traits de boulé. Les nneuis étaient plus
douces, mais' plus voluftlueuses ; il fallait
une morale ausière pour les corriger. Une
philosophie curieuse et tcmér.ii;e n'avait
laissé subsister aucune vérité ; il fallait des
mystères pour la (onfondre et p'iur re|)rimer
SOS atl(!ntals. Les usages de la >ie civile
avaient acquis plus de décence et de dignité ;
il fallait un culle iiol)le et majestueux. Les
connais-.ancis circulaient iruin- naiion à une
aiilie ; la Irndilinii unim selle ou la calholi-
lilé était donc la base sur laq.icll ; Icnsei-
(I) Fici uiiu II ovilecl unus pislor. Joaii. x, 10.
INTRODUCTION. 28
gnement devait être fondé. Telle est en effet
la constitution du christianisme.
Ce n'est pas ie connaiire (|ue de l'envi-
sager comme utie religion nouvelle, iso-
lée, qui ne tient à rien, ()ui n'a ni litres, ni
ancêtres. Ce caraelère est l'ignominie de ses
rivales; ainsi elles portent sur leur front
le signe de leur réprob.ition. Le christia-
nisme est le dernier irait d'un dessein foi mé
de toute éterniié par la Providence, le cou-
ronnemenl d'un édifice commencé à la créa-
tion ; il s'est avancé avec les siècles, il n'a
paru ce qu'il est qu'au mo:nenl oîi l'ou-
vrier y a mis la dernère main. Aussi les
apôtres nous font remarquer que le Verbe
éiernel, qui est venu instruire et sanctifier
les hommes, est celui-là même qui les a
créés .( yofoi. I, Jlchr. i ). Saint Augustin,
dans ses livres de la Cité de Dieu, eiiTisage
la vraie religion comme une ville sainte,
dont la construction a commencé à la créa-
tion, et ne doit êlre finie que quand ses ha-
bitants seront lous réunis dans le ciel.
Ce plan sublime n'a pu éclore dans l'esprit
d'un homme; il embrasse toute la durée des
siècles; ceux mêmes qui, dans les premiers
âges, ont concouru à son ex; cution, ne le
connaissaient pas. C'est Jésus- Christ qui
nous l'a révélé. Saint ,lean, ;iu commence-
ment de son Evangile; saint Paul, dans sa
lettre aux Galales, et dans le premier chapi-
tre de l'Epître aux Hébreux, l'ont clairement
dévelojjpe. Le christianisme est la religion
du sage, (le l'homme parvenu à l'âge viril
et à la maturité parfaite (Ephes. iv, 13j.
L'auteur de l'iïcclési.istique, qui a si bien
présenté les deux premières époques de la
révélation, ne pouvait peindre la troisième ;
il l'a ])récédee de plus de deux jenis ans ;
mais il prie Die.i d'accomplir ses promesses
et les prédiciions des anciens pioidiètos ,
(ifin, i!il-il, gne l'on reconnaisse la fidélité de
ceux gui ont parlé en votre nom, et pour ap-
prendre à toutes Its niitimis g c lous hs siè-
clessont présrntsàvosyeux (t'ccli. xxxvi, IG).
i; IV. — Un sigoe non équivoque de l'o-
pération divine est la constance et l'uni-
i'oriniie;ce caractère brille dans la nature,
il n'eclatc pas moins dans la religion. Dieu
n'a point enseigné aux hommes dans un
temps le contraire de ce qu'il leur avait dit
dans un autre ; mais à certaines époijucs il
leur a révélé des véiiiés dont il ne les avait
pas encore instruits aup rira\ant. La cro ance
des patriarches n'a point été cliangéi; par
les leçons de Moïse; le symbole des chré-
tiens, quoique plus étendu, n'est |(oi.il op-
))Ose à celui des Hébreux. Li; code de morale
donné à Adam se reirome dans le décalo-
gue ; celui-ci a été renouvelé, expliqué cl
confirmé par Jésus - Christ ; mais la reli-
gion parfaite et immuable dès si naissance,
parce qu'elle est rou(rage de la sagesse di-
vine, a souvent clé déligurée par l'.jveiigle-
nienl et par les passions de riiumme. DieU
ne change point; l'homme varie continuel-
lement. Plus il oublie et m connait les le-
çons de son Créateur, plus il est nécessaire
nue ce père sage. cl bon les renouvelle»
INTRODDCTION.
30
les rondo plus élonduos et plus fraptiantiç.
Dans le* égaiemenis do l'honiine, rien J'u-
nilormo; la vérité osl uni-, les erreurs chan-
(;onl a I infini (I) ; un peuple nie ce ((ue l'au-
Iro afiirtne, les opinions d'un siècle sont
elTiicées par colles dn siècle suivani. l'aiilôl
les philoso|ilies ont enseigné (ju'il y a autant
d • dieux que d'éiros dans la naiuie; tantôt,
([u'il n'y en a point du ti>nl. Dans un li-mps,
ils ont conlondu la Divinité avec l'àine du
inonde; dans nn antre, ils ont cru (jue Dieu
c ait l'arlisan du monde, mais qu'il no se
mêlait point de le pouvernor. Les uns nous
ont accorvié une âme, les autres nous l'ont
ro( séc; ceux-là combattaient pour la 11-
horlé humaine, ceux-ci pour la t'aialité ;
telle secte croyait à la vie future, telle autre
n'y ajoutait point de foi. Les plus anciens
enseiiçnèrenl une morale assez pure; lenrs
successeurs la corrompirent ou la sapèrent
par les fondoments. Dans Ions les lieux du
monde on raisonnait sur la reli{^ion ; dans
aucun l'on n'osait y toucher, de peur de la
renilrc pire. Le peuple suivait à l'aveugle
les leçons de ses conducteurs et la tradition
de ses' ancêtres : fables, contradictions, dé-
règlements partout.
Au milieu (le celte nuit profonde, un rayon
de vérité brille dans un coin de l'univers,
une religion pure y subsiste; elle descend
en droite ligne du premier homme, par con-
séquent du Créateur; elle s'est perpétuée
dans une seule branche de faniillcs succes-
sives. Lorsqu'elle est prête à s'éteindre. Dieu
parait de nouveau et se fait entendre : il
parle en maître souverain de la nature; les
Hébreux étonnés tremblont, écoutent dans
le silence. 11 faut les séparer de toutes les
nations livrées à l'erreur, les assujettie par
une loi sévère. Vingt fois ils veulent en se-
couer le joug, autant de fois ils sont forcés
de le reprendre. Lors même qu'ils y parais-
sent le plus soumis', ils on prennent les
dogmes de travers, en corrompent l;i mo-
rale, altèrent le sens des promesses divines.
Dieu cependant est fidèle à les accomplir ;
au momont qu'il a maf'iué d'avance, son
Verbe incarné paraît parmi les bomnies, re-
vêtu do tous les caractères de la Divinité.
Annoncé par les prophètes, attendu par les
justes, précédé par des prodiges, né dn sang
lo plus ni'bie «ju'il y eût dans l'univers, il
reçoit le nom de Snmeur ; admirable par fa
doctrine, étonnant par ses miracles, respec-
table par ses vertus, aimable par ses bien-
faits, il prêche le royaume des cieux. Mais
cette lumière luit dans les lénèi)res : il est
niéconiui, rejeté, condaumé par la nation
même qu'il venait instruire et sauver. Il
meurt, ressuscite, monte au ci'-j, ordonne et
pré lit la conversion du monde : elle s'ac-
complit ; le christianisme est établi ; il sub-
siste depuis dix-huit cents ans, maigre les
elTorts renaissants des incrédules do lous les
sijcies. Voilà le t.ibleau de la religion. On
ne p.'Ut y m cunnaîire la miin de l'inlel-
ligeiice loule-puissantc et éternelle, qui d'un
(1) TheoJ., (lePiov., onil. I, pig. 5-21.
coup d'œil embr.isse tous les siècles (1),
voit toutes les révolutions que doivent su-
bir ses créatures, trace dès le premier ins-
tant le plan qu'elle suivra dans toute l,i durée
des temps.
§ V. — Pour en saisir l'ensemble, nous
avons trois signes qu'il ne f.iut p;is s-parer.
Dans l'histoire de la religion que nous pré-
sentent les écrivains sacrés, nous voyons :
1° Une chaîne de faits qui se succèdent,
qui ne laissent aucun vide, oii l'on no peut
rien déplacer. L'ordre des générations el
des événements nous conduit d'Adam à Noé,
de Noé à Abraham, do celui-ci à Moïse, de
Moi'se à Jésus-Christ. La création el la chute
de l'homme, te déluge universel et la disper-
sion des peuples, la vocation d'Abraham et
les prédictions qui regardent sa postériié,
sont trois grandes époques auxquelles se
rapportent les faits intermédiaires, et qui
préparent de loin la révélation donnée par
MiJiso. Celle-ci nous fait envisager la venue
du Messie et la conversion dos peuples,
comme le terme auquel tous ces préparatifs
doivent aboutir. Voilà un plan général, un
dessein suivi, qui démontre que rien n'est
arrivé par hasarii, et que rien n'a été écrit
sans raison; le n'est point ainsi que sont
tissues les annales mensongères des autres
peuples, auxiiuelles les philosophes trou-
vent bon de donner la préiérence.
2° Une chaîne de vérités prouvées par ces
faits mêmes, toujours relatives aux besoins
actuels et à la situation dans laquelle se
trouve le genre humain. Sous la première
épo(!ue, tout concourt à inculquer ce dogme
capital, (]u'il y a un seul Dieu créateur,
dont la providence dirige tous les événe-
ments, et qu'il gouverne en maître absolu le
iiioiiile qu'il a tiré du néant. Sous la seconde,
tout se rapporte à démontrer que ce même
Dieu est le fondateur do la société civile,
l'arbitre souverain de la destinée des pou-
pies, qu'il les place et les déplace, les élève
ou les humilie, les éclaire ou les laisse dans
l'avi uglemont, comme il lui plaît. Sons la
troisième, le but principal do la révélation
est de nous convaincre que Dieu esi encore
l'auteur de la sanctification de l'homme, que
le salut n'est point l'ouvrage do la volonté
seule, mais de la grâce divine et des mérites
du Médiateur. — Ainsi, depuis la notion dn
Créaieur, el la première promesse laite à
l'iiomme pécheur, l'élendue et la clariéde la
révélation va toujours en augmenlant, à me-
sure (iu(' rhomine devient capable de le-
çons plus amples et plus parfaites , jus-
qu'à la nnnifestalion pleine et entière do la
grâce et de la vérilé par Jésus-tlluist. l'ar
la révélation primitive , la loi naturelle ne
paraît connue qu'autant qu'il était néces-
saire pour la prospérité des familles, el pour
engager les hommes à se ra;procher. Dieu
tolère, dans les patriarches, des abus i|ui
(levaient être retranches dans la suiie des
temps, mais qu'il eût été difâcile d'arrêter
(I) Tu es Deus conspeclor siculorum.
xxxvj, 19.
EicU
Si
INTRODUCTION.
52
pour lors, et qai ne pouvaient encoro pro-
duire d'aussi ni;Mivais effets quo chez les peu-
ples mieux civilisés. La loi de Moïse siip-
prinn' ou diminue une partie de ces abus ;
mais le dmil des qens, ou le droit d'une na-
tion à l'évard d'u'.e autre, es! encore très-
peu connu. Il était nciessaire que l.-s Hi--
breux demeur.issenl isolés et dans l'élit de
sépa-alion d;ins lequel tous les peuples vi-
v.iienl pour lors. C'est seulement par l'Kv.in-
gile que les grands principes de morale
sociale, de charilé universelle, tVhumnvilé,
ont éiéenfin dév.loppés; les anciens philo-
sophes n'en élaieiii pas mieux instruits que
les autres hommes. Ici on reconnaît encnre
la sajjeS'C de la Piovid nce, qui ne donne à
ses eîàfants que le^ leçons dont ils sont sus-
ceplililes, et n'exig'' d'eux des vcrius que
selou le degré de leurs connaissances.
3' Une chaîne d'err- urs el d'égarements
chez les hommes indocils ; erreurs qui
Tiennent toujours de la même S'iurce , de
leur révolte (Onire l'autorité divine. Sous la
loi de nature, ceux qui se sont écartés de la
tradition domestique, sont tombés dans le po-
lythéisme et y ont persévéré ; il-^ ont adoré
les ouvrages du Oéateur sans l'adorer lui-
même; leur culte n'a été qu'un chaos de pro-
fanations. Tel est encore l'étal des peuples
chez les(iuels le flambeau de la révélation ne
s'est point rallumé; aucun progrès de la
raison humaine, pendant soixante siècles,
n'a été capable de les en tirer. Sous la loi
mosaïque , lorsque les Juifs ont méconnu
leur tradition nationale, ils se sont plongés
dans l'idolâtrie, comme toutes les nations
voisines; ils ont adoré l'ouvrage de leurs
mains, sont devenus aussi aveugles que si
Dieu n'avait jamais dai;;né les instruire.
Dans le sein du christianisme, quiconque
abandonne la tradition universelle ou la ca-
//io/,ci7(', to'iibedans l'hérésie qui n'est qu'une
philosophie erronée ; mais s'il raisonne de
suite, il n'y demeure pas longtemps, il passe
rapi<leineut au déisme, au matérialisme, au
pyrriionisrae absolu : ou il adore le Dieu de
Spinosa, ou il n'adore rien du tout. Nous
verrons dans un moment le tissu des consé-
quences qui conduisent à cet abîme; l'en-
ch;ilnenienl n'en fut jamais aperçu par ceux
mêmes qui s'y trouvent enlacés.
§ VI. — Parmi tous ces grands génies qui
attaquent aujourd'hui la religion, en esl-ii
quelqu'un qui ail entrepris de renverser le
plan général de la révélation, ou qui ail fait
à(\ fortes objections p"ur le détruire? Pas un
seul ne s'en est seulement douté. A les eu-
Irndre, il semble que la religion soit un hors.
d'uMivre dans la société, el que l'on ne sai he
pas d'où elle est venue; que Jesu^-Chrisl
soit arrive sur la terre sans être prévu ni al-
leinlu ; ((lie le < hristianisme soit le résultat
des idées d'un homme singulier, qui a rêvé
qu'il était destiné cà changer la face de l'uni-
vers. — Ce n'est point ainsi ()ii*il est lepré-
senlé dans nos livres samls. Jésus-Clinst,
disent ses aiiAtriîs, n'est pas sntluncnl il'iiu-
iourd'kui, il itiut d'hier, et le mfme jinur tous
les sii'cles [IleUr. xiii, b). // étui! dans les
décrets éternels avant la naissance du monde
(Peir. l, 20). C'est l'agneau immolé dè:> la
création { Apoc. xiii, 8). L'ouvrarje qu'il a
consommé déeloppe enfin tin mi/stère caché
dans le sein île Dieu, dès le commencement des
sii'cles, et fait comp^ entre la sa'iese de sa
conduite et île es desseins éternels (Ei)lies. MI,
9, 10). Jésus Christ a fait de l'Ancien ei du
Aouveini testament tine seule et même allian-
ce (I). Conséquemment'Sa nt Augustin sou-
tient que lechiis ianisme a existé dipuis la
crêaîon (Rfi'rac/. I, 13, n. 3) ; el M I o siiet,
que la religion est la même di'puls l'origine
du monde (Disc, sur l'Inst. univ., part, xi,
art. 1).
Kiitreprendre de prouver la vérité et la
divinité du christianisme, sans avoir égard
aux deux époques de la révélation qui ont
précédé, ce serait lui dérober la plus frap-
pante de ses preuves, juger du coin d'un la-
iileau sans envis iger l'ensemble, n)etlre no-
tre re'igion de niveau avec celle des Indiens
el lies Chinois. Non, elle lient à l'origine du
monde, cl doit durer autant que lui. Les au-
tres ne sont que des exeresicnies ou des la-
( lies (jui obsciin issenl ou défigurent le plan
général, ou tout au plus des ombres qui ne
servent qu'à mieux faire sortir les traits de
lumière.
De mi'me que la religion domestiiiue des
partriarches n'a dii persévérer que jusqu'au
moment où les peuplades dispersées se ras-
sembleraient pour former des corps de na-
tion, ainsi la religion nationale des Hébreux
n'a dû se maintenir que jusqu'à l'époque à
laquelle les peuples mieux civilisés seraient
capables de composer une société religieuse
uni' erselle. Kn suivant le fil de l'histoire, on
voit que celte constitution même du christia-
nisme a empêché les peuples de l'Europe de
retomber dans la barbarie. Une quatrième
révélation générale est donc impossible; elle
ne serait plus analogue à aucun éial de la
nature humaine. Tant que l'univers sera po-
licé , il doit être chiéiien; il ne peut être
bien civilisé que par l'Evangile. Jésus-Christ
a embrassé dans son plan toute la durée du
monde, lorsqu'il a promis à sou Eglise d'élre
avec elle jusqu'à la consommation des siè-
cles. Longtemps avant la mission de Moïse,
le Messie avait été annoncé comme un léijis-
liiteur qui devait ra'isimbler les peuples; au-
cune prophétie ne nous parle d'un nouvel
envoyé : lorsque Dieu lui-même a daigné
nous instruire en personne, quel pourrait
être le maître capable de nous donner de
meilleures leçons '/
Jésus-Clirist a reçu de son Père le souve-
rain domaine sur toutes choses {Mattli. xi,
27), tout a été créé par lui et pour lui, rien
ne subsiste qu'en lui (/ Ciil >ss. \, Iti, 17} ;
sou règne dans le ciel est éternel (// l'etr. i,
llj, el il ne ccsseia sur la tero que quand
lou^ ses ennemis seront abattus à ses pieds
(/ Cor. XV. 2}).
§ VII. Oriqtiie et pi oi/rès de l'incrédulité.
— D'où peut donc venir l'irréligion qui de
(I) Fccit utraque umim. Epli. n, 14,
53
nos jours s'est répandue dans l'Europe en-
tliTi'? La ppsip noire, qui au xiv siècle ra-
vjpge I une parlio de noire liéinisphère, ne fit
pas des progrès plus ra[)idt>s. Les auteurs sa-
crés «m coiistaniiiieiit allribué à l'esprit de
lénèlires les erreurs îles hérétiques , les su-
perstitions des idolâtres, les arlilices mali-
cieux dfs incrédules (Ephef. v, 12), el ils
nous ont appris à connaître les moyens dont
il seserl. Disons-le liardimcnl, nous n'a\ons
que Iri'p (le preuves €i produire; l'iinrédulilé
est nile de l'igiiorance : d.ms un sièeli^ qui se
croit lrès-in^trllil, la religion n'est p.is con-
nue. Mais celte ignorance même tient à d'au-
tres causes ; il en esi de générales et de par-
ticulières ; l'histoire en est tracée dans telle
des peuple» qui nous ont précédés.
Ce n'csi pas la première fois que celle ma-
ladie épidcmiciue a paru dans le monde. Les
Grecs, parveniis au cnmble do la pr spérité
par leurs victoires sur Ics Per-es, se pré' i-
pilèrcnl dans l'épicuréisme; Home, maîtresse
du momie, cliargre des dépouilles de l'.Vsie,
fit enirer dans ses mur- avic le luxe celte
odieuse pliilosophie ; les Juifs, déln rés de la
persécuiiitn des rois de Syrie, ei enrichis par
le commerce d'-Alexaiidrie, virent éelore le
saducéisnie, qui n'était qu'un épicuréisme
grossier. Selon les observations de plusieurs
politiques modernes, les mômes vaisseaux
qui ont voilure d.ms nos ports les trésors du
Nouveau-Monde, ont dû \ apiiorter le germe
de l'irréligion, avec la maladie honteuse qui
empoisonne les sources de la vie.
A la suiledu luxe marche la philosophie,
qui n'est elle-même qu'un luxe de connais-
sances. Une nation qui s'applaudit d'avoir
quitté tes mœurs agrestes de ses aïeux, se
fait presque un point d'honneur de renoncer
à leur croyance. Ne serail-il pas aussi indé-
cent de conserver l'antique religion de nos
pères, que de porler les mêmes habits ? L'es-
prit, devenu calculateur, suppute les avan-
tages d'une nouvelle façon de penser, comme
il estime le produit d'un nouveau commerce
ou d'une branche d'industrie ; nos philoso-
phes ont porte l'exact lude jusqu'à évaluer
la dépense du pain bénit cl îles cierges (1] :
bientôt l'on marchande combien ciûtc la
vertu , et l'on juge ordinairement qu'elle
est trop chère.
Chez un peuple corrompu par l'amour ef-
fréné lies plaisirs, plus la religion est sainte,
plus elle doit devenir odieuse; sa morale se
trouve si éloignée du ton général des mœurs,
qu'elle ne peut manquer de paraître impra-
ticable : l'esprit, énervé par les faiblesses du
eu ur, n'envisage plus celte morale qu'avec
cITroi. On et descendu de sa hauteur par
une pente imperceptible; on ne se sent plus
a^sez de force pour regagner le sommil. On
argumente pour prouver qu'il est inaccessi-
ble, que la léle y tourne, que l'on ne peul y
respirer : les philosophes, qui promettent de
le démontrer, sont sûrs de trouver des audi-
teurs dociles. Les uns et les autres s'appl.iu-
dissenl de leur sagacité, vantent les i)rogrès
(I) Encyclopédie, Pain bénil.
INTRODUCTION. 54
des lumières du siècle, donnent l'irréligion
comme le résultat des connaissances qu'ils
ont acquises : ce n'e>t que l'elTel de,s^iees
qu'ils ont coniraclé-. Si nous pouvions nous
flatter d avoir plus de vertus que nos pères,
il nous ser.iit permis i!e penser que nous
sommes ausi beiucoup plus éclairés.
Les panégyristes même du siècle prisent
nous-fonl remarquer que l'âg' de la philoso-
phie (innoiice la vieillesse des empii es, qu'elle
s'e'Jnrce en vain de soutenir. C'est elle qui
forma le dernier siècle des belles répuhlir/iies
de la Grèce et de linme. Athènes n'eut de phi-
losophes que la veille de sa ruine, (/n'ils sem-
blèrent prédire. Cicéron el Lucrèce n'écrivi-
rent stir la nature des dieux et du monde qu'au
bruit (les guerres civiles qui creusirent le
tombeau de la liberté (1). Triste réilexion I Si
les llambe.-iux de la philosophie n'étaient
que des torches funèbres destinées à éclairer
les funérailles du palriolisme et de la vertu,
il devrait élre défendu, sous peine de la vie,
de les allumer jamais.
Un autre spéculateur observe que le la-
boureur est nécessairement superstitieux, le
M)alelot impie, le guerrier f.italisle, l'habi-
lant des viJes iiidillérent (2). Quelle philoso-
phie que celle qui dépend de la profession (]ue
Ton exerce, ou du séjour que l'on habite 1
Mais il est bon de voir par quels progrès
insensibles, par quel enchainemeni de cou-
séquences elle est parvenue à ce point li'in-
diff'ènnre, que l'on veul nous faire envisager
comme le comble de la sagesse.
§ VIII. — Il y a un fait constant, et dont
plusieurs philosophes sont convenus, c'est
que les nations féroces, qui ravagèrent l'Eu-
rope au v^ siècle et dans les âges suivants,
auraieni éloulTé jusqu'au dernier germe des
coiinaissaiici's humaines, si la re igion n'a-
vait opposé des barrières à leur fureur. Les
ecclésiastiques, obligés à l'élude par leur
élit, conservèrent une faible teinture des
sciences qui avaient été cullivées sous la do-
mination des Romains. Il y eut toujours des
écoles éiahlies dans l'enceinte des chapitres
et des monastères, pour l'instruction de la
jeunesse ; le nom de clerc devint synonyme
aiec celui de lettré. La langue latine consa-
crée aux offices de l'Eglise, quoique fort dé-
chue do son ancienne purelé, fut dans la
suite un secours pour reprendre la leclure
des anciens auteurs. Dans le loisir du doilre,
les moines s'occU[)èrent à rassembler et à
copier les écrits que le génie destructeur des
Barbares avait épargnes : à la renaissance
des lettres, les archives des églises el des
monastères ont été les uniques dépôts où
l'on a retrouvé les monuments des siècles
précédents.
La pompe extérieure du culte divin contri-
buait à entretenir un resie de goût pour les
arts ; les rapports nécessaires avec le siège
de Rome, et les pèlerinages de dévotion, fu-
rent pendant longtemps le seul lien de com-
( 1) Uni. lies Htab. des Europ. dans les Indes, lom,
VII, cap. 13.
(2( Aux ilàneide Louis .YV,,tom. I, p. 297.
S5
nunicalion entre les différentes nations <le
l'Europe; 1.1 aèi'e de Dieu, établie par un
mol. file religion, suspendit par intervalles
les rav.iges de la gueire. Un des objets de
l'institution du plusieurs l'êtes fui d'inler-
roiiipre les travaux des serts, accablés sous
il '.yrannie féodale. Avanl l'élaljlisseuient
dis foires el des n)arcliés publics, les a/iporls
ou le concours des peuples .ux fêtes et aux
lomlicaiix (les saints, furent le rendez-vous
cnliuaire des né^ociinls (1).
Si donc il s'est trouvé quelques vestiges
d'bunianilé, do mœurs, de police, <le lumiè-
res, parmi les hommes au xv " siècle, c'est
iticonlestabieioeiil au christianisme que l'on
en est redevable (-2). Sins la résistance nue
le zèle de la relijjioii opposa ;iux tentatives
réiiérées des mahoniéians, iis auraient en-
vahi l'Halle et les llaules ; tout était perdu.
Lor-(iue les premiers littérateurs couimen-
cèreiit à reprendre le fil des connaissances
humaines, on n'avail pas lieu de prévoir que
leurs successeurs se serviraient bientôt, pour
altaquer la relit^ion , des secours mêuies
(|u'elle leur avait conservés, et tourneraient
contre elle les armes qu'ils avaient leçues
de sa main : la révolution lut aussi prompte
qu'elle avait été itnprévue.
il était iuipussible qu'au milieu des ténè-
bres qui avaient couvert la face de l'Europe
pendant plusieurs siècles, il ne se fût j;li-sé
des abus dans la relij;ion, que les mœurs du
cleri;é ne se sentissent de la licence (|ui
avait régné dans tous les étais; c'est de là
que l'on est parti pour lancer les premiers
traits contre la constitution mémo du cliri-
stianime.
Ceux qui s'annoncèrent au xvr siècle, sous
le tilre de réformaieurs, sentirent ces abus;
ils crurent y remédier eu détruisant le prin-
cipe auquel ils les allribuaienl, savoir, l'au-
lorilé de l'Eglise. Ils ue virent pas qu'ils ftii-
saienl une brèche par laqui lie toutes les
erreurs allaient bientôt pénétrer; que, pour
renverser successivement tous les dogmes el
les fondements méuies de la loi chrétienne, il
n'y avait qu'à suivre la route qu'ils venaient
de tracer. liin effet, bientôt en imitant leur
méthode, les socînicns rejetèrent tous les
dogmes qui leur parurent incompréhensibles,
citèrent au tribunal de la raison les oracles
de la parole divine. Instruits par cet exem-
ple, les déistes ne voulurent plus admettre
aucune révélation , révonuérent en doute
plusieurs veriiés de la religion n.iturelle.
Enfin le maiérialisme, armé do leurs argu-
inenls.osa lever sa tète allière et nier l'exi-
stence de Uiiu. Les sceptiques, frappés du
clioc de ces divers systèmes lonelurenl qu'il
v'\ a rien de (crlain; qu'iu fait de religion
et de morale, un philosophe doit s'en tenir
au doule absolu. Ue la est née Vindijféience
pour toutes les opinions , à laquelle ou
INTRODUCTION. :^6
donne le nom de tolérance. Dans l'excès da
délire, l'esprit humain ne peut aller plus
loin.
§ IX. — Cette progression surprenante est
clairement marquée par les époques des per-
sonnages qui ont été à la tête de ces diffé-
rents |)artis, cl par la date de leurs ouvra-
ges. Luther commença de dogmatiser en
1517; Calvin, en 1332; Lélio, Socin et Genti-
lis, vers 1530. Viret, l'un des réformateurs, a
parié des premiers déistes dans son instruc-
tion chrétienne, en 15G3. Vaiiini, athée dé-
cidé, fut exécuté en 1G19. Spinos.i n'a paru
que quarante ans après; La Motte-Ie-Vayer
et B ,yle, deux sceptiques, ont écrit sur la fin
de ce même siècle; Montaigne les avait pré-
cédés.
En Angleterre, les progrès de l'incrédulité
onl été les mêmes. Après les divers comlials
des différeiiles sectes protestantes et soei-
niennes, le déisme y eut des prosélytes. Le
lord Herbert de Cherbury, premier auteur
anglais qui l'ait réduit en système, publia
son livre de Yerilale en 1624. Hobbes, Tol-
land, Blounl, Schaftsbury, Tindal, jMorgan,
Chubb, Collins, Woolston.Bolingbroi ke.sonl
venus à la suite. Ce dernier, de même que
Ho';bes et Tolland, a semé des principes
d'athéisme dans ses ouvrages; David Hume,
plus récent, a professé le scepticisme dans
les sii'us.
Nos incrédules Français, qui parlent au-
jourd'hui si haut, n'ont* étc que les copistes
des .Anglais; c'est un fait aisé à ^érlGer. Ils
onl commeneé par enseigner le déisme, iii-
sinsibleinenl ils en soûl venus au matéria-
lisme pur; pour achever la dégradation , le
pyirhonisme absolu se montre à découvert
dans la plupart de leurs livres. Nous citerons
ci-.iprès queliiucs-unes de leurs maximes (1).
Ce phénomèni! , constamment renouvelé,
ne peut être un elTcl du hasard ; déjà on l'a-
vait remarqué chez les aïK ieiis philosophes.
1 rois cents ans avant notre ère, les dogmes
de la religion naturelle et de la morale avaient
élè trop laiblemeul élùblis par Pylbagore,
par Socrale, P,aton et Aristole, qui avaient
piécéilé cetie époque: ils a\ aient mêlé des
erreurs à ces vérités essiMilielles. Les épicu-
riens et les cyniijiies qui parurent alor-,
a. laquèrent, les uns l'existence delà Divinité
ou du moins sa providence; les autres, les
lois de II morale. Leurs égarements furent
remplacés par les hy|)0tl.èses de P\rrlion et
de SCS dtsceiKlanls,(|ui ne *oul. lient admetlrc
aucune vtrile.
Il n'en faut pas davantage pour convaincre
uncspiit droit, non-seuleiiienl de la néces-
sité de la révélation, mais du besoin ()uc
nous avons irtine a- lorilé visible pour nous
guider en matière de religion : l'une de ces
vérités découle évidennnent de l'autre. L'au-
(I) Lfl première foire franche en France .i coin-
niencé à Siiiu-Drnis. Ilisl. des Etubtixii. Eurnp. ihiiis
les Inilet, let». Il, p. a.
("i) Vues philos, de l'réinoiilv.il, i. I, p. VU , Hume
Ihst. de la maiêon de Tudor, loin. Il, pag. !). '
(I) Les seclaiciirs des divers systèmes d'incrédu-
lité ne sonl :q)[iii)cs sur annule pruiive positive, ni.ds
sur les ililticullés qu'ils xoienl dans les (ipiiiiuis de
leurs adversaires. Des diltioiiilés ci di's Dlijeclions
peuvent inspirer des duiilus; mais elles n'uiièreiit
poinl la Cdiiviclion. En général, les iiicrcduies suai
lloilaiiis, iiiccrluins ei Huu per:>uiidés.
INTRODUCTION.
38
leur tio r.irticlo Unitaires, dans rEnr\c'o|>é-
die, a liôs-bicii nioiitré la prosi'cssioii qua
doit faim un raisonneur, dès qu'il a franchi
la barriùre (l(> l'autciriié (1). Sur ce point ini-
porlanl, les principes sont exaclenicnl d'ac-
cord avec les l'ails, ils servent d'appui les uns
aux autres.
§ X. — Le preniier essai des novateurs fut
d'attaquer l'anlorilé de la tradition : ils ne
virent |ias qu'eu renversant la tradition des
dognies, ils sapaient du tnème coup la tradi-
tion des faits. Car enfin on ne conçoit pas
pourquoi il est plus dilHcile aux hommes de
rendre témoignage de ce (ju'ils ont entendu,
que d'attester ce (|u'ils ont vu : s'ils sont in-
dii:nes de croyance sur le preniier chef, nous
ne voyons pa;. quelle confMnce on peuth-ur
arcordcr sur le second. Dès que la tradition
des faits est aussi caduque et aussi inc naine
que la tradition desdoi;mes, le christianisme
ne peut se soutenir, il est appuyé sur des
faits. Tous les arguments que l'on a rassem-
blés contre l'infiilliliilité le la tradition dog-
matique, ont donc servi à cliranler en géné-
ral toute certituiie morale ou historique (2).
Celle-ci étant intinieinent liée à la certitude
physique, comme nous le ferons voir, les
coups portés à l'une ne pouvaient manquer
de retomber sur l'autre. Quand on est par-
venu à douter des vérités physiques, il ne
reste qu'un pas à faire pour coniester les
principes métaphysiques sur lesquels portent
nos raisonneinenis. A propremrnl parler,
ces trois espèces de certitude sont appuyées
sur le même fondement, sur le sens com-
mun (3); l'on ne peut donner alleinlu à l'une,
sans diminuer la fonc des autres.
(1) Voy. encore Bayle, Dici. dit., an. Acosta.
Apiil. piiiii' les ualliol. , i. Il, c. 4.
(i) Votj. Dailio, de Um l'utium,
(5) Yuy. Bealies , An essai on ike Nalura ad im-
niulaiiilily uf Truili. — [i.es ailleurs des ilifféreiilus
éililn'iisde uesaiiçoii oui placé ici une noie pour éta-
blir que Hergiei a clé l'un des inécurseuis de récole
(le Jl. deLameiniais sur les pruicipes de certiUide.
lici'gier adnicllait «ans doute r,iiilorite coiiinic l'ini
dust>iinct|jaiixniuulb de ccrllludi: ;Miais;léiail loin du
Ui rei^arder coiihiiu l'uiMi|ue loiidouieiil do la vérité.
\4Me1 lus pniiuieauv pass.J(;e3 ciLiraiis de se^éciiU,
(pii 4iionlrtiit ciiuibien il avail en estime le giaud fi'i»-
ciiie d'auloi'iié pour s> rvir de base aux jugeuieiils :
« A |iiopieineiu parler, dit llorgier, ces Injis e^|lèces
de ceriilude, c'esi-adiie lateililude niéla|diysu|Uo,
la ciiriilude pliysiquiî et la ceriilude iiioiale , sumi
apj'Hjées biir le iiiéiue loiideiinîiil , sur le s«h» corn-
tmtn. > Il s'cxpriniu ainsi dans bon Tiatié de tu vraie
religion : < Eu d<:ruicre analyse, la certitude luéta
Itliy.-iqitti se léduii, aussi bien ipie les aunes, au dic-
ittmt'ii (tu sens commun. 1 Nous lisons dans le luénie
ouvrage tjue 1 par la conduite de l>ieu envers le
{■enie Imniain, dés l'origine du monde, par les é,;a-
rcinenls des peuples qui ont oublié la lévélalion
pnini ive, par les erreurs des plnlosopliei anc.onr, et
iiiodcines, il csi p duvc pisipi'à l'éude ce .,ue la
raisc.n seule es; irès-l'ailile., ipi'oHe n'a jamais su d c-
ler à l'bomme ce qu'il devait croire el pratiquer. 1
— ( A parler cxacliiiioni , l'iiuuime n'a cpie «les lu-
niiéres d'empriiiil ; Oieu l'a créé pour être laçuiiné
par l'éducalion et la société ; abaiiJoiiné à lui-même,
il serait presijue lédu.i à l'aniiiialiié pure : il est de
la nature de l'iiomme que la religion lui toil traiis-
Dans la vue de détruire l'autorité dp la tra-
dition dogmatique, les novateurs soutinrent
que les pasteurs de riî}j;lise avaient changé
la doctrine des apôtres, ((ue la plupart de nos
dogmes sont de nouvelles inventions de la
théologie. Aujourd'hui les incrédules nous
apprennent que les apôires mêmes ont
changé la doctrine de .lésus-Christ ; que le
chrisiiaiiisiiie, tel que nous le professons, a
clé fabriqué jiar saint l'anl el par ses serta-
leurs. Julien avait fait celle rare déc'iuverle,
il l'a transmise aux docteurs modernes (1).
Pour décré Hier les témoins de la tradition,
les critiques prolestants se sont déchaînés
contre les l'ères de l'Ejîlise-, ils ont suspecté
leur doetriiie, leur morale, leur capacile,
leur conduite, leur bonne foi (-2). Des an-
ciens l'er s aux apôtres la distance n'e»l
pas longue, les déistes l'ont franchie; Ils ont
appliqué aux apôtres les mêmes reproches
mise par l'éilucalioii. t — i \ proprement parler ,
la raison n'est rien autre chose que la facullé d'eue
instruit cl de sentir la vérité, lorsqu'elle nous est
proposée. » [Dict. tliéot.,;iH. liaison.) t)e pc?ur qu'on
ti'aliu-eilii mol religion naturelle, il a soin d'obseiver
que la religion prescrite aux |ireuiiers hommes était
naturelle, dans ce sens qu'elle était confirme aux
besoins lie l'IiunianiLé , à la nature de Dieu el à la
nature de l'Iioiniiie ; que lorsqui; lions en sonimus
instruits, nous (louvous , par les lumières de la rai-
son, en sentir el eu dénioiilrci' la vérité ; mais (pi'elle
n'est point iialiirelle dans ce sens qu'aïKiin liomine
soil parvenu , par ses propies reclieicbes, à en dé-
couvrir lous les dogmes et tons les précetites , et à
lis prolesser dans leur pureté, f'eisonne ne l'a cou-
nue que ceux ipii l'oiil reçue par tradilion. » {Traité
de la vraie lieliyion.)
i Vainemeiu les déistes disent que les devoirs de
la religion nalnrelli: sont londés Mir des relations
essjMitR'lles cuire Dieu et nous, entre nous et nos
semblables , et qu'ils smil gravés dans le cœur de
tons les liomme'-. Si l'éducaiion, les leçons de nos
maîtres , l'exemple de nos concitoyens , ne nous ac-
coiiluincnl pointa en lire les caractères, c'est un
livre fermé pour nous. Une expéiionee générale, el
qui date depuis six milie ans , doit iiiihs convaincre
que la raison iiuinainu , privée du secours de la ré-
vélation, n'est qu'un aveugle qui marclie à tâtons
d;uis le plus grand jour. » (Ittid.) — ■« Aulie chose est
de découvrir u le vérité par la seule réllcNinn, autre
esl de ia dé'iioitrro lorsqu'elle est connue. » (tbid.).
— l^nlin, « l'on n'élalilit point le pyrrlionisine en
se lixaiit à la tradilion conslinle, unilornie, uni-
verselli- , de lotis les |ienples dans leur origine, qui
ailesle one lévelaiion. C'est au eonlraire, en sui-
vaiil une route difl'érenie, en donuant tout an rai-
soiiiieiiieiil el rien à la tradition, quêtes pliiloso
plies ont fait ii.iitre le pyirlionisme. Tous ceux qui
veulent releii r la même métbode aboutirunt au
même terme ; Dieu a voulu nous inslruire par la tra-
dilion el par la voie d'autorité, el non par le raison-
nement. ■> [Ibitl.) Voy. Certitudi!, Lot MATuaiLi.E.
Il ïCiail très-téniéraire de conclure de ces passages
qu'aux yeux de Herbier le sens commun était le seul
motil de eeriiiude. Un ne peut lire deux pages de
SOS écrits sans reconnaitre le contraire.)
(I) Hisl. crit. dcJ.-C, Table des saints. Examen
crii. de sninl Paiii, etc.
(-2) Daillé, de Vsu Palrnm. Si les apôtres cux-
niéines n'ont paséié excnipis d'ineurs el de faibles-
ses, laiil-il s'étonner que leurs disciples les jiliis zé-
lés en aient été susceptibles? Ilarbeyrac , Tnitlé d:
la morale des l'ères, c. 8, § 5!>, etc.
39
INTRODUCTION.
iO
que l'on avait f^iits à leurs successeurs (1).
Il n'esl pas une seule de leurs objeciions
contre les écrits des Pères, qui n'.iil été rétor-
quée contre ceux dps apôtres. Les niènies ar-
gumenls que les criliques avaient faits contre
l'aulhenlicilé de certains livres de l'Ecrilure.
ont été tournés par les incréilules contre
tous les autres livres ; les objections que l'on
oppose actuellement aux miracles du chris-
tianisme ont été lorpées par les proîeslanis
contre les miracles opérés dans I Eglise ro-
maine.
Lorsqu'il fut question d'examiner la mis-
sion des prétendus rélormateurs. les catholi-
ques ol>jecièrent quedes honuiies, qui a valent
été snjets à toutes les passi(nis humaines et
à des erreurs dont leurs disciples étaient
forcés de rougir, ne pouvaient avoir été susci-
tés de Dieu pour rélornier l'Iigli-e. Pour- se
tirer de ce mauvais pas, les novateurs répon-
dirent que les apôtres mêmes avaient été
sujets aux erreur» et aux passions humaines,
et s'eflorcèrenl de le prouver. De ces ac-
cusations, quoique fausses, les déistes con-
cluent que les afiôtres n'ont point été en-
voyés de Dieu pour éclairer et corriger les
hoMiines : hieiitôl cette critique impie s'est
jetée sur Jésus-Christ même, a noirci sa
doctrine, ses mœurs, ses intentions, ses ver-
tus, et a tiré conli e lui la même conséquence.
Les sdciniens, devenus déistes, affectèrent de
faire de pompeux éloges d(( Jésus-Chrisi ;
mais ils vomirent des torrents de bile lontre
Moïse {'2) : leurs successeurs, moins hypo-
ciites, ont éga enieiit blasphémé contre l'un
et l'autre. Les manichéens et les marcioniles,
qui soutenaient que la religion juive éiait
trop giossière pour avoir été révélée par un
Dieu inriniiiieiit sage, prélenilaieiit aussi que
ce monde est trop imparfait pour être l'ou-
vrage d'un Dieu infiniment bon : ainsi s'en*
chaiiient les erreurs.
Si nous disons aux protestants qu'un fi-
dèle doit user de sa raison pour coiinaiire
quelle est la vériialde Kglisc, 1 1 pour peser
les pieuvesde son infaillibilité; mais qu'a-
près l'avoir connue, il doit se laisser guider
par celte autorité : absuiditr I s'éi rient-ils ;
il s'eiisuiv rait que l'Eglise pourrait enseigner
toute» sorti's d'erreurs, sans <|ueses mecubres
aient droit de consul ter leur raison, pou i savoir
s'ils doivent les admettre ou les rejeter. Est-il
plus ilillicib; a la raison de juger quelle est
la vraie doctrine <iue de savoir ((uelle est la
véritable Egli-e ? Très-bien, ont réplique les
déistes; selon vous, on ne peut juijer de la
mission de Jesiis-l^hrist et des apôires, ni de
rinspir.iliun des livres saints, (|ue par la rai-
son ; donc c'i-st cnciTc à elle de voir si leur
doctrine est vraie ou fausse : autrement .lé-
sus-Christ, les apôtres, l'Ecriture, pourraient
enseigner toutes sortes d'erreurs, sans que
nous eussions droit de consulter la raison,
pour savoir si nous devons les admettre ou les
rejeter.
(t) Pumihe lelirt' écriic ilr la Monlnqne , p. iZ et
29 ; TToisil>mcteilre, p. 97, OS, 1 18.
(2) V'oj;. Moig.-ni, Moral philotofiher, Ole.
En vertu de cette rétorsion, il a fallu con-
venir que c'est à la raison en dernier ressort
de ju^er quelle est, dans l'Ecriture même,
la doctrine digne ou indigne de Dieu, par
conséquent révélée ou non révélée. Alors
l'Ecriture ne nous impose pas plus d'ob iga-
tion de croire, que tout autre livre. C'est le
déisme pur. Dans les ouvrages faits par les
protestants contre les déistes, nous n'avons
vu aucune réponse à cet argument.
Les difTérentes sectes, pour s'établir, de-
mandèrent la tolérance, bien résolues de ne
pas l'obsiTver lorsqu'ellesauraientacquis des
forces. Selon les principes qu'elles posèrent,
la tolérance doit éire illimitée; les juifs, les
mahométanls, les païens, les déistes, les
athées, ont autant de droit d'y prétendre
qu'un liérélique ((uelconque. Ce point a été
dèiiiontié de concert par les catholiques, par
les protestants, parles incrédules (1). En effet
toutes les raisons sur lesquelles les calvi-
nistes avaient exigé la tolérance ont été ré-
torquées contre eu\-inêmes par les soci-
niens ,-2). Les déistes, à leur tour, s'en sont
servis pour prouver qu'il leur était permis de
dogmaliser ;3j. Enfin, les aillées les font va-
loir aujourd'hui en leur faveur, et s'en
autorisent pour enseigner impunément le
niaiérialisine (4). H est ainsi démontré par
le lait, aussi bien i|ue par le raisonnement,
que la tolérance universellement réclamée
est l'aliuieiit de toutes les erreurs et la des-
truction de toute religion.
§ XI. — Si nous suivons la progression
des controverses qui se sont élevées succes-
sivement, nous ne verrons pas moins l'elTel
que devait produire le principe d'où l'on est
parti, et la chaîne ileconscquencesqu'il a fallu
parcourir. Dès que les réformateurs se lurent
élevés contre l'autorité de l'Eglise, et qu'ils
s'arrogèrent le droit de juger du sens de l'Ecri-
ture, ce livre divin, loin de concilii r les opi-
nions et de réunir les esprits, ne servit qu'à les
diviser. Les mêmes arguments, par lesquels
les calvinistes avaient atiaqiié le mysière
de l'Eucharistie servirent aux sociniens pour
combattre tous les autres mystères. La plus
forte objeciion (jue les premiers aient cru
faire contre la transsubstantiation a été tour-
née par David Hume contre tous les mira-
cles (5). D'autres sont ailés plus loin. Si Dieu
ne nous a point enseigné d'autres véi ités que
celles i|ui paraissent d'accord avec 1 1 lumière
naturelle ,on ne voit pas pourquoi la révéla-
tion était nécessaire. Dès que le christia-
nisme nous enseigne des mystères, il y a
lieu lie penser qu'il n'est pas une religion
révélée, et qu'il n'est pas appuyé sur des
(I) l'api II, sur la tolérance des jtrotcslnnis ; ll.iyle,
Coiii. rtiil. , p.iri. Il , c. 7. Traiié .ski la luli'raiice ,
C. ii; llirine, ilisl. nul. de la R. liiion. p. dH.
(i) lliis^uet, li'' Averl. aux proieslaut , p;irl. nr.
i.h) Knule, loin. III, piig. 17-2. Lettre à M. de Ueau-
muul, p. 71.
(-i) Syat. de ta iinlure, l. 11. c. Il, 12, iô.
(')) L'inileirr il'/,'im(e h irés-bieii pimrvc aux pro-
tcsiaiils, i|ii'uM éniblissniil le dcisine, il ii'av.iil fait
(pie suivie les piiiicipi's roiKhiineniuiiK de la rérurine,
beuiième lettre de ta Montagne, p. 17, 60,
41
INTRODUCTION.
preuves sûres. Les ennemis de la révélation
commencent p.ar les préjuger finisses : il
n'est p.ns liesoi >, selon em, «le priuve* siir-
Diitiiflles pour éljihlir drs vérilés conformes
aux lumières de la nature; preuve, selon
eux, qui IIP peut nous <ib!ig' r à croire ries
«togines ciintr.iircs à nos iiléi's surnalurelles.
On a (loni- contesté les prophéties cl les mi-
racles : nii a soiiieiiu qu'ils sont iinn-seu-
leinenl faux, tuais impossibles : pour le prou-
ver, on :i eu rcccinrs au sjslènie de la nrces-
ni'e'oii ilela/(;<a//'^,<iui tient au malérialisnie.
Mais si 'es preuves du chrisiimisine sont
autant de fable-, si ce te relig on ()ui paraît
si sainte n'est qu'une imposture, y a-l-il une
Prmidence <iui veille sur la religion, un
Dieu qi'i exigi- de l'homme un culte, et qui
lui impose des lois? Lorsqu'un pareil doute
vient à iclore, on n'esl pas loin de l'aihéisme.
Les déistes cml encore atta(|ué la révéla-
tion, parce qu'elle n'a pas é é donnée «t tous
les liotiinii's; on leur a montré que leur pré-
tendue religion naturelle es! dans le même
cas. qu'elle a été mcconnue par les païens,
qù'ille t st ijinorée des peuples harbares :
nouvelle (ilijcciion conire la Provldenci- ; les
aillées riinl fait valoir. On a démonlré aux
déisle> que quiconque adiii' t un Dieu, ad-
met des mysicres; que plusieurs altiibuts
de Dieu sont incompréhensibles, et semblent
inconciliables. Pour ne pu* reculer, nos
déisies révoquent en doute tous les alirihuts
de la Divini é que l'on ne conçoit pas. Il n'esl
pas dlKicile aux athées de tourner en ridi-
cule un Dieu dont les déistes n'osent rien
affii mer.
Ceux-ci fondent leur incréduliié sur l'in-
snfnsance des témoignages de la lévélalion ;
les premiers établissent la leur sur l'insuKi-
sance des preuves que fournil la raison. Se-
lon les déistes, la Providence n'a pas assez
fait de bien aux hommes dans l'ordre de la
gri'ice; seb>n les aihées, elli' n'en a pas assez
fait dans rurilrc de la n:>lurc , puisqu'il y a
du mol dans le monde, ^iais prendrons-nous
pour mesure de la bonté divine rentêtement
des esprii's opiniâtres et l'ingratiiude des
mauvais cœurs? Rn comparant la Justice di-
vine à la jusiice humaine, les déisies et les
sociniens ont soutenu que Jésus-Christ n'a
pas pu satisfaire pour nous; en comparant
l.i bonté ilivineà la bonté humaine, les athées
conclui'iit que l'exislence du mal anéantit le
dogine de la Providence.
§ XII. — L'axiome sacré des uns et des
autres est que l'homme ne doit écouler que
sa raison, ne se rendre qu'à l'évidenci-, reje-
ter liiul ce qui lui parait faux et absurde.
Vovoiis les diviTs usages que l'on a faits de
cette maxime séduisante.
Ji' vois clairement que telle loi, telle disci-
pline, Ici Usage religieux est un al us ; que
la raison, le bon ordre, le bien public ■ n
exigent la reforme : dune je dois travaill.r à
iiiiriiduiie une disiipline contraire, malgré
tous les obstacles; rompre, s'il le f.iui, toute
socit lé avec ceux qui s'obstineront à maiule-
nir l'usage actuel. Voilà le fondement de la
conduite de tous les scbismaliques.
DiCT. DE Théol. dogmatkjce, I,
Je conçois avec une évidence Invincible,
qu'il n'v a qu'un seul Dieu; In divinité de
Jésus-Christ est donc une erreur : qu'un corps
ne peut pas être en différcnis lieux au même
nio lient ; la présence réelle de Jésus Christ,
dans toutes leshosiies consacrées, est donc
un dogme absurde : que Dieu ne peui pas
être un el trois ; le mystère de la Trinité est
donc une contridiciion. Les p/issages de l'IÎ-
crilure qui s'-mbli'ul prouver la div nilé du
Verbe, la présence réelle, ou la Trinilé, doi-
vent être expliqués par d'autres qui me pa-
raissent dire le contraire. Ainsi ont raisunné
les ariens . les soriiiions, les protestants, et
tous les sectaires qui ont paru depuis la nais-
sance de riîi-lise.
Je suis intimement convaincu que Dieu ne
peut pas révéli'r des <l'iç;mes absurde-, inin-
telligibles, coutradicioiies. ndignes de sa
sagesse et de sa véracité supi ême ; je vols de
pareils ilogines dans louirs les religions <|ui
se (lisent révélées; donc tou'es ces préten-
dues révélati'His sont des (himéri's; donc
tontes les preuves sur le-quelles on peul 'es
appuyer, sont fausses; iloiic il faut s'en tenir
à la rrligiou naturelle. Tel est le sysléme des
déis'es.
Il n'est pas possible de douter qu'un Dieu,
qui prenilrail intérêt au colle des homme-,
ne leur en révélât dirert"ment, act ellemeiit
el sans interruption, la forme; il ne soulTri-
rail pas qu'ils le lui refusassent par une
ignorance invincible. S'il y avail un Dieu,
s'écriait Toland, el un Dieu qui s'iniérrssât
au bonheur des humains, sans doule il pren-
drait pitié de l'éial d'inccrlilude el d'igno-
rance où je suis (l).C'esl le langage de ceux
qui souiiennent l'indilTérciice des religions,
cl qui n'en veulent aucune.
Il est évident qu'un être doué de qualités
incompatibles, dont les attributs sont incon-
ciliables el contradictoires , n'existe pas : or,
quelle que soit l'idée (jue l'on veut me don-
ner de Dieu, non-seulement je n'y conçois
rien, mais j'y vois des contr/idictions for-
melles : donc Dieu n'evlsle pas et ne saurait
exister. Les athées ne crssent de répéter
celte prétendue démonstration (2).
Un philosophe ne doit admettre que ce qu'il
conçoit, et dont l'existence lui est démontrée.
Or, ce qu'on dii des espri s o i des substan-
ces distinguées de la matière, est inconceva-
blf ; leurs qualités , leurs opérations, leur
manière d'être sont autant de mystères in-
intellig'bles, dont on ne peut avoir aucune
idée claire. Je ne conçois que des (-orps, mes
sens ne peuvent m'allesler l'existence d'un
être distingué de la malière : donc tout est
matiè e, les esprits sont des chimères. Voilà
le grand argument des matérialistes.
Puisqu'un philosophe ne doit admettre que
ce qu'il conco t, je ne puis affirmer l'exis-
tence d'aucun être quelconque. L'essenciMle
la malière el la plupart de ses propriétés
sont inconcevab.es. Ce que l'on dit du temps
(t) D'ial. sur l'âme, pag. 6i.
(i) Syst. de la nal , loin. Il, ch.
reurs populaires, pag. 114, elc.
Traita det er-
S
■i3
INTRODUCTION.
a
ou de la durée, soit finio, soit infinie, de l'es-
pncc créé O'i incréé, du mouvptnenl, de la
divisibilité dp In matière, du principe inté-
rieur des opérations de rtiomme, des causes
physiques, etc., est inintilligitile; il n'est pas
on seul de ces objets sur lenuel on ne puisse
faire des questions insolubles; d'ailleurs les
sens nous trompent, ils ne nous attestent
que des apparences ; leur téinoin;nnj;e ne
doit jamais prévaloir à celui de la raison ;
donc il n'y a rien de certain ; l'on doit
tout au plus admettre des prob;ibililés et des
vraisemblances. Ainsi ont parlé les acata-
leptiques, les aca'lémiciens , les scepliiiues,
les pyrrhoniens souvent copiés par les phi-
losopli(>'^ modernes (1).
t; XIII. — Si la maxime sur laquelle se fon-
dent les incrédules est vrai(% le pyrihonisme
c.ît donc le seul système raisonnable. Après
.•ivoir supposé i\ue l'évidence de nos idées
doit être la seule rè^'e de n(is jii;;emenls. on
prouve doctement que celle évidence est ré-
duite à rien. Un pliilo'iophe ne la voit que
dans ses propres opinions, quelque absurdes
qu'elles soient d'ailleurs ^2).
Pour résumer en deux mots, les prolestants
ont dit : nous ne devons croire que ce qui est
expressément révélé dans l'Ecriture, et c'est
la raison qui en détermine le viai sens. Les
sociniens ont répliqué : donc nous ne devons
croire révélé que ce qui est conforme à la
raison. Les déistes ont conclu : donc la raison
suffit pour connaître la vérité sans révéla-
tion ; toute révélation est in-atile, par consé-
quent fausse. Lesaihéeson repris : orceque
l'on dit de Dieu et des esprits e.st contraire à
la raison : donc il ne inut admettre que la
matière. Les pyrrhoniens viennent fermer
la marche, en disant : le m ilérialisme ren-
ferme plus d'absurdités cl de contradictions
que tous les autres systèmes : donc il ne faut
en admettre aucun (."}).
Selon un déisU; anglais : de même que le
calvinisme a produit des cnlhoiisiasles dans
son origine, il a fait éclore enfin des alliées.
Un athée n'est qu'une espèce d'enthousiaste,
idolâtre de sa raison, (|ui déclame contre
Dieu rt sa providence (i).
Ainsi le premier pas dans la carrière de
l'erreur a conduit nos raisonneurs témérai-
res au dernier excès d'aveuglement ; ainsi
la raison livrée à elle-inémo ne trouve plus
(1) Quiconque ne se rendrait rcellcment qu'à l'o-
vidcnce , ne serait nuére .assuré (jue de sa prcipre
existence. De l'Kspril , t. I, n<iie, p. '■l'i.
(2) Je n'use élre il°:iiicini .ivis ; ji: m; vois qn'iii-
«•imipréliensiliilitr; il.iiis l'iiii et iLius l'^mlre sys'.èiric.
Qiietl. tur /'Kncyc/»;). , Idée, scc'. I. Adorez Dieu
scyez lii'iinèip II loiine , cl croyez i|iie deux ei deux
loin (pi.Tlre. Dict. pivhs., Necc-siiiie.
(3) En ir içHiii cciii; geiiëal i|{ie inipiirc, nous n'a-
vons aucune naiMilioii de iliagrincr les proleslaiits ;
sMs inéconnaisscMi U>»rs desceadant-:, ceux-ci, plus
lioniiéie< , ne reiiiciil point leurs ancèires ; ce sont
les proiestants , disent-. I<, i|iii oiii coiinneneé la ré-
volution ; mais ils ne soui p:is allé., nssez. loin, lùilin
l'on est allé si loin, qu'il luudrj iiévessaireiiient re-
caler.
{^) Morgan. Moral pliilotopher, (cm. ! , p. 219.
de borne où elle puisse s'arrêter ; elle est
entraînée par le fil des conséquences bean-
conp plus loin qu'elle n'avait prévu. Tout
homme, qui a suivi la naissance et le pro-
grès de différentes opinions, est convaincu
qu'entre la vérité établie par la main de
Dieu et le pyrrhonisme absolu, il n'y a point
de milieu oti l'esprit humain puisse demeu-
rer ferme.
Quiconque se pique de raisonner , doit
être chrétien catholique, ou enlièrement in-
crédule, et pyrrhonien dans toute la rigueur
du terme.
Nos adversaires mêmes ont confirmé par
leur aveu la vérité de cette théorie : ils disent
que le christianisme une fois détruit , l'exis-
tenec de Dieu et l'immortalité de l'âme ne
tiennent presque plus à rien ; mais que si
l'on admet un Dion, l'on est forcé de d virer
toule la suiîe des conséquenees qu'en tirent
les superstitieux, c'est-à-dire les chrétiens;
que ceux-ci raisonnent plus conséquem-
ment, et sont plus d'accord avec eus-niéaies
que les déistes ; que le déisme est un sys-
tème oii l'esprit humain ne peut pas long-
temps s'airêlcr (1). C'est donc uniquement
la crainte des conséquences qni conduit les
incrédules à l'athéisme ; de peur d'être forcés
à croire trop, ils prennent le parti de ne rieo
croire du tout. Leur manière de philosopher,
dit un encyclopédisie , n'est au fond que
l'art de décroire (2). De même que les soci-
niens ont démontré aux protestants qu'tls
n'avaient pas suivi leur principe jusqu'où
il peut aller, et s'étaient arrêtés sans savoir
pourquoi, un deisie prouve aux sociniens
qu'ils sont coupables de la même inconsé-
quence. Mais uu athée retombe sur les déis-
tes, et leur montre qu'ils sont eux-mêmes
des raisonneurs pusillanimes, et qu'ils se con-
tredisent ; enfin un pyrrhonien, à son tour,
fait voir aux athées qu'ils déraisonnent ,
qu'un dogmatique quelconque prête le Hanc
à ses adversaires, et se trouve bieniôt percé
de ses propres traits. Nous demandons si, la
dispute étani réduite à ce point, le triomphe
de la religion peut encore paraître douteux?
pour se débarrasser de ses ennemis, elle n'a
qu'à leur laisser le soin de s'entre-détruire.
§ XIV. — Quand ou connaît les vrais mo-
tifs qui déterminent la plupart des déser-
teurs de la religion, l'on n'est plus tenté de
leur prêter l'oreille ; ils ont eu la complai-
sance de les dévoiler eux mômes.
Si nous reiiionlons, dit l'un d'entre eux,
à la source de la prétendue philosophie de ces
manvnis raisonneurs, nous ne les trouverons
point animés d'un nmuur sincère pour la vi-
rite : ce n'isl point îles mnux sans nombre
que la supersiiii ni a faits à l'espèce humaine,
dont nous hs verrons touchés; nous verrons
ju'ils se trouvent gênés des entraves impor-
tunes que la reiijion, quelquefois d'accord
(1) Si/sf. de la lia!. . toni. Il, c. 7, p. 221 et suiv.
Clnp. l2, |ia'„'. ô'.n. Vremère Icuic à Sophie, pag. o;
Deuxième leure, pa;;. +1, Dial. iur l'âme , pajj. l4î> ,
14(i; Le lion Sens, § 117, 118.
(2) Encuclop., Unitaires, p. 599. .\
INTnODUCTION.
ir.
ave la raison, mettait à leurs dérèglements.
Ainri c'est leur perversité naturelle gui les
rend ennemis de la religion ; ils n'y renoncent
que lorsqu'elle ist raisonnable ; c'est la vertu
qu'ils liaissent encore plus que l'erreur et l'ab-
surdité. La supirstition leur déplaît, non par
sa fausseté, non par ses conséquences fâcheu-
ses, mais par les obstacles qu'elle oppose à
liurs passions, parles menaces dont elle sf
sert pour les effrayer, par tes fan'ômes qu'elle
emploie pour les forcer d'être vertueux... —
Des martels emportés par le torrmt de leurs
passions, de leuis habitudes criminelles, de la
dissipation, des plaisirs, sont-ils bien en é ut
de chercher Ici vérité, de méditer la nature hu-
maine, de découvrir le systi}me des mœurs, de
creuser les fondements de la vie soci le? La
philosophie pourrait-elh' se glorifier d'avoir
pour adliéreiits, dans une nation dissuLie,
une fonle de liherliits dissipés et sans uiœ rs,
(/!«' méprisent sur p.irolc une religion comme
lugubre et fausse, sans connail>e les divoirs
gu on doit lui >ubstiiuer? Sera-t-elle donc bien
flattée des hommages intéressés, nu îles (ipplan-
disicm n(s stupides d'une troupe (le déb.iuchés,
de voleurs publics, d'intempérants, de volup-
tueux, gui, de l oubli de leur Dieu et du mé-
]iri.i qu'ils ont p'ur son culte , concluent
qu'ils ne se doivent rien à e'ix-ménies ni à la
société, et se crnieni des sages, parc que sou-
vent, en Ireinlilatii ei avec rfiniinls, (/.•'■ /'oh-
lent a IX pieds des chimi'res gui les forçaient à
respecter lu décence et les mœurs ( I ) ?
Nuijs n'iiuriDiis pas o^é ilirc d aussi Icrr'i-
bli's vérjlés, mais il nous est permis de l'S
tvpier; les Incrédules wc peuvenl êlr(! inie us
di'iiiiis que par les niaîires ijui les ont for-
mes.
L'auleurdu Système de la nature ne s'est
pas exprimé a\ce moins d'éiieij^ii', en re-
fherciianl les causes qui peuvent porter à
ralliéisme cl à l'irréliginn. La première est,
selon lui , l'indignation qu'inspire ù tout
homme (jui pense la vue des maux qu'ont
proiluils dans le monde l'idée de Dieu et la
religipii. La seconde est la crainle impor-
tune que doit faire naître dans l'esprit de
tout raisonneur conséquent Lidéo d'un Dieu
tel que ses alTreux ministres le peignent,
c'est-à-dire d'un Dieu vengeur du crime, et
rémnnéraleur de la vertu. La troisième sont
les pas-ions et les intérêts des lii.inmes qui
les poussent à i'airc des reelierclies.
La quesiion est de savoir si un esprit
préoccupé par la crainte, par les passions,
est fort en étal de faire des recherches avec
succès, et (le découvrir la vérité. Nous con-
viendrons, dit-il, que souvent la corruption
des mœurs, la débauche, la licence, et même
1(1 légi:reté d'esprit, peuvent conduire àl' irré-
ligion o«i il l'incrédulité ; mais on peut dre
libertin, irréligieux, et faire parade d'incré-
dulité, sans être athée pour cela... Bien des
gens renoncent aux préjugés reçus, par vanité
et sur parole ; ces prétendus esprits forts
n'ont rien examiné par eux-mêuies, ils s'en
rapportent à d'autres qu'ils supposent avoir
(I) Essai sur les préjiKjés, c. 8, p. 1§| et ^iiiy.
pesé les choses plus nwrement Vnvolup~
tueur, tm débauché enseveli dans la crapule,
un ambitieux, un intiigant, un homme fri-
vole et dissipé, une femme déréglée, un bel es-
prit à la mode , sont-ils donc des personn((grs
bien capables de juger d'une religion gu'ils
n'ont point approfondie, de sentir la force
d'un argument, d'eiubrasser l'ensemble (l'un
système? Les hommes corompus x^'l't-
tiu/uent les dieux, que lorsqu'ils les cr ienl
ennemis de leurs passions. — Ceieiidan!, s>'-
lon le mémo auteur, « il fuit être desinté-
« ressé, pour juger sainenicnl des cliosos ;
« il faut des lumières et iie la suite dans i'es-
« prit pour s.iisir un grand système. Il n'ap-
« jiarlient (|u'a l'Iiomnie de b en examiniT
« les preuves de l'^vistence do Dieu et les
« principes de toute religion L homme
« honnête et vcr;iicu\ est ve;il juge coiui^é-
n lent dans une si gr.iud<^ affuir.' (1). »
Si, avant de lire un livre écrii çonire 1^
religion, l'on cimmuMiçaii par demand r:
L'auteur est- il un homnic de bien, verlvieux,
honnê'e, sage, ilésinléressé? il est fnri dou-
teux qu'aucuu de ces ouvrages lïil dans le
cas de faire torlune.
Un troisième dit avec franchise- : J'a'ine
mieux être anéanti une bonne fois , que dt}
b'ûler toujours; le suri des bêles me paraît
plus désirable que le sort des damnés. L'opi-
nion gui me deba russe de ciainies arcablan,-
tes dans ce monde me paraît p us riu ite que
l'incertitude où ne laisse l'opinion d'un Dieu
sur mon sort éternel... On ne vil po ni heu-
reux, guand on Iren.b.'e louj(jurs. Un Dieu
gui damne élirnellemenl est ev demnient le
plus odieux des (1res que l'esprit humain
puisse invenier (2).
Voilà donc la source dans laquelle nos
(iliilosoplies ont puis ' tant de Liii.ièies, la
crainle de brûler toujours; mais cette crain-
te n'entre point dans une âme pure, hon-
nête, vertueuse: l'enfer n'est destiné qu'aux
méchants. Avouer que l'on est lonrmeulé
par cette idée, c'est recon; aître que l'on n'a
pas la conscience nette. Nos adversaires pré-
fèrent, non l'opinion la plus vraia et là.
mieux prouvée, mais la plus riante et lq|
plus commode ; c'est le gpût et UQii le rai-
sonnement qui les détermine.
L'un des derniers qui aient écrit, convient
de même qu'entre la religion et l'alhéisaie, c'est
le cœur, le tempérament, et non la raison
qui décide du choix (3).
L'auteur du Lvre de l'Esjirit n'avait pas
trop bonne opinion de ses confrères. Peut-
être , dit-il, nos auteurs sont-ils quel-
guefois plus soigneux de la corredion de
leurs ouvrages que de celle de leurs mœurs , et
prennent-ils exctnpie sur Averroès, ce philo-
sophe gui se permettait, dit-on, des friponne-
ries, qu'il regardait non-€eulemenl comme
peu nuisibles, mais même comme utiles à sa ré-
putation {!*■).
(1) Syst. de la nul., t. M, c. 10, p. 260 et Siiiv.
(2) Le iSon Sens, § 108 , 182, 18S.
(5) Aux mnnes de Louis XY, p:ig. 291.
(l) Oe CEtprit, t' Disc, c. 6, p. 1*2.
41
fNTRODUCTION.
Un aulre avoue qu'an lerme de la cadu- leurs de la vérité n'aient encore aujourd'hui
ciié, les [irimipcs de la religion reprennent le même sort.
l'asci'nd iBt , paire qu'alors nous n'avons lis demandenl çmp/ mal on peut faire aux
plus besoin des raisons qui nous îrauquilli- hommes en leur proposant ses idées? Le pis
saient au sein des pl.iisirs (1). Il est donc aller est de les laisser dans le dou e et dans la
bien décidé que l'on n'est incrédule qu'au-
tant que l'on a besoin de raisons pour se
tranquilliser au sein des plaisirs.
§ \V. — Peut-être en est-il plusieurs qui
ne ?néritpnt point ce reproche, et ()ui ont au
moins des mœurs décentes. Mais ce n'est
point à nous de faire des recherches sur leur
conduite ; nous ne pouvons en juger mieux
dispute; n'y sont-ils pas déjà (1)? Mais ils
observent que , pour bien des gen-^, leur
ôter les idées de Dieu, ce serait leur arra-
cher une portion d'eux-mêmes (2); que le
doule sur ci; sujet n'est rien moins qu'un
oreiller commode (3) ; que le doute, en lait
de religion, est un état plus cruel que d'ex-
pirer sur la roue (4-). Rendons grâce à ces
que sur leur propre témoignage. Or, il est maîtres charitables qui veulent nous arra
difficile d'avoir bonne opinion de maîtres cher une portion de nous-mêmes, et nous
qui, de leur aveu, ont formé tant de disciples mettre dans un état pire que d'expirer sur
corrompus, et de nous fler à des principes ' '^' — 5. j._ j^-i — : =_ •
toujours adoptés par les cœurs vicieux et
par les esprits pervers.
Selon eux, nous altribnons mal à propos
à l'incrédulité les vices qui viennent plutôt
du luxe et des passions (2) : soit ; donc ils
ont encore plus de tort de les attribuer à la
religion. Mais dans quel cas les passions cau-
semnl-elles plus de ravage ? Sous le joug de
la religion qui les condamne, ou sous le rè-
gne de l'incrédulité qui leur lâche la bride?
Jamais le luxe ne fut porté à l'excès chez
une natiiin, sans traîner à sa suite le liber-
tinage d'esprit et de cœur. Que la philosophie
incrédule soit iille du luxe, comme tous les
autres vices, c'est ce que nous n'ignorons
pas; un tel père ne fera jamais honneur
a ses enfants.
L'athéisme, disent-ils, n'est point fuit pour
le vuliaire, ni même pour le plus yrand nom-
bre des hommes Des êtres ignorants, mal-
heureux et tremblants se feroni tjii ours des
diciix... Les principes de l'athéisme ne sont
la roue. Si, après des décliraiions aussi pré-
cises, ils viennent à bout de séduire quel-
qu'un, il a grande envie d'être séduit. Montai-
gne, parlant d'eux, les appelait hommes bien
misérables et écervelés, qui tâchent d'être
pires qu'ils ne peuvent (0).
§ XVI. — Ou croit peut-être que les in-
crédules modernes ont fait des découvertes
dont les anciens n'avalent aucune connais-
sance, qu'ils ont créé de nouveaux systèmes ;
erreur. Ils ont puisé leurs matériaux dans
des sonrees abondantes, cl (|ui ne sont point
inconnues. Pour allaquer les vérilés de la
religion naturelle, ils ont ramené sur la
scène les objections des épicuriens, des pjr-
rhonieiis, des cyniques, des académiciens
rigides et des cyrénaïqucs ; c'est une doc-
trine renouvelée des Grecs. Mais ils ont
passé sous silence les r.iisons par lesquelles
Platon, SociMle, Cicéron, Plutar()ue, et d'au-
tres, onl réfuté toutes ces visions. Contre
l'ancien T(si;iment et la religion juive, ils
onl rajeuni les difficultés et les calomnies
point fiils puitr le peuple, ni pour les esprits des m.inichéens, des marcioniles, de Celse,
frivoles, ni pour les hommes amliiiii-ar et re- de Julien, de Porphyre, et des autres phiio-
muants, ni pour an grandnombre de personnes sojihes ; le plus céièUre de nos adversaires
instruites d'ailleurs, mais qui nom point as- en est convenu (6). On en retrouve la plup irt
sex de courage (3). Cependant l'on répète dans Origène, dans Tertullien , dans saint
sans cesse la maxime que la vérité est Cyrille, dans saint Augustin, et dans les au-
faite pour tout le monde; d'où il s'ensuit
clairement que l'athéisme n'e^it pas la vé-
rité.
Leucippe, Démocrite, Epicwe, Strnion, et
gueL/ues autres Grecs, osèrent déchirer le
vo'le épais du préjuijé, et prêcher l'alhi^isme ;
ils ne furent pas icouiés. Chez les modernes,
Jlohbis, Spinisa, Uaijle, etc., ont ma'ché sur
les traces d'Epicare: mais leur doctrine ne
trouva tjue pm de sectateurs, dans un momie
trop enivré de fables pour ccoulcr la rai>on....
Ceux qui on', eu le couraije d'annoncer la vé-
rité, onl été communément punis de leur témc-
rilé (k). Il est fort dangereux que nos doc-
(i) Dialoq. sur l'àine , p. 105 cl suiv. Tenez, voire
âme en éuil de ilosner imijoins (pi 11 y ail nu Dieu ,
el voiiN n'en ilniiieri'z jaiii.iis. J.-J. Kuu>seaii. Esprit
et flnsimex, eic, p. -l.
(i) Hiiloire des Etahliss. des Eurep. dam les Indes
limi. V, liv. xiM, p. 17(i.
(5) Sysl. de la nal., loin. II. c. 10, 12, 13, p. 517,
Zii, Zi\. Lt lion Sens, iiU.
(4) tt y«n Sent, § 26t.
très Pères île ces lemps-là ; mai', les incré-
dules ont supprimé les réponses de ces au-
teurs.
Lorsqu'il a fallu combattre le christia-
nisme, nos adversaires onl éié encore mieux
servis ; ils onl copié les livres des juifs et
ceux des mahométans (7j. Les écrits d'Isaac
Orobii», le MuninKn fidei , lous les aulres
ouvrages eompiles par Wagenseil (8j, sonl
haches et cousus par lambe.iux dans les li-
vres des déiste- : on doit en remlre la gloire
aux ratibius. Contre le catholicisme, ils onl
extrait les reproches de tous les hérétiques,
surtout des cuntroversistes prolcstanls et
(I) Syst. de la nat., tom. Il , c. 11 el 15, p. 531,
38».
{■i) II)., c. 13, p. 388.
(.")) Le lion Sens, § li3.
(ij Ihnl. .sur l'àme, p. 139.
(5) Ehsiii sur le mérite et la vertu, liv. 1, png. 0.
(( .) Questions sur l'Encyclopédie , Coiuradidi'ion ,
pa(f. 1-21.
(7) V . Maracci, Prodrom, ad réfutai Alcoran'ni.
(X) Telu ignea Satanœ.
49
ijes sociniens. Enfin, pour suspecter les titres
de noire croy.ince, ils ont f;iil sérieusement
usage d'une mélhoile que le père Hardouin
n'jivail hasardée que comme un jeu d'esprit
sur un suiet irès-indifférent. On verra dans
cel ouvrage la « haine tie Iradillons par la-
quelle ees sulilimes découvertes sont venues
jusqu'à nous, et nous aurons soin de resti-
tuer à chaeun ce qui lui appartient.
Le- premiers incrédules franç.iis auraient
peut-être tougi de puiser leurs réllesions
dans des sources aussi inipiires; ils copiaient
les Anglais, sans savoir d'où ceux-ci avaient
eiii|iiunté liinl de richesses littéraires. Le
piison était «tu moins présenté alors sous un
masque de décence. Ceux d'aujourd'hui ont
eu muins de délicate-se ; ils oui f.iit couler
de leur plume tout le fiel que les r/ibb us ont
vomi cDUire Jésus-Christ et contre l'Evan-
gile, sans en adoucir l'aïuertuine, et toute
la bile des coniroversisles protestants contre
l'Kglisc romaine ; ils se sont même efforcés
d'euchérir sur les uns et les autres. Grâce à
leur intrépidité, il n'est plus de blasphèmes,
desar<a>mes, d'invectives , de grossièretés ,
auxquels nous n'ayons été forcé de nous en-
durcir.
§ XVIL — Cependant ils nous accusent
d'ignorance, de crédulité, d'.iveuglemenl, de
prévention. Selon eux, nous ne tenons à la
reliiii<m que par préjugé de naissance, par
respect pour l'auloriié (le nos maîtres et de
nos aïeux, par négligence de réfléchir et de
consulter la raison; nous commençons par
croire avant d'examiner. Soit, pour un mo-
ment. Nous soutenons qu'il n'y a point d'é-
crivains plus crédules, ni d'espèce plus mou-
tonnière (lue les prétendus philosophes. Déjà
ils conviennent que la plupart renonçant à la
religion par vaiiile', et sur parole s'en rappor-
tunl à d autres, sont très-peu en éial d'ap-
profondir uuequesiion, et de sentir ta force
ou la faiblesse d'un argument. Ce n'est donc
pas la raison, mais l'iiuiorilé qui les déter-
mine. Qu'un incrédule quelconque ail avancé
il y a ciniuiinle ans un fait bien taux , bien
alisurde, cent (ois réfuté , il n'en est pas
moins répété par vingt au eurs qui se sui-
vent à 1,1 file, sans (|u'un seul ail daigné vé-
rifier la c hose. Copier aveuglément Celse et
Julien, les juifs, les socini<'ns, les déistes an-
gl.iis, les coniro\ersisles de toutes les sectes,
sans choix, sans criti(|ue, sans {n'écaullon ;
compiler, répeter, extraire, alfiruier ou nier
au hasard, parce i|ue d'autres ont fait de
même, ce n'est pas et e crédule? Lorsque le
déisme était à la mode, tout pliilosnphe était
déiste; le pins haidi a osé dire : Tout est mâ-
tine, et a fait seinlilanl ne le prou» er ; à l'iiis-
tiiiil ta troupe docile .1 lépélé eu grand chœur,
tout est imaière, et a f;iii un acte de loi sur la
parole de l'oracle. Voilà où ils en sont. Les
plus incrédules, en fait de preuves, sont lou-
jouis les pins crédules en fait d'objections.
ANanl de voir ce que l'on peut objicier
coniie la religion, nuelle élude la plup.irl des
lecteurs ont-ils (aite de ses pieuves? Au( une.
Esi-il étonnant que dans la force des passions,
sans aucun préservatif contre l'erreur, un
INTRODUCTION. |0
jeune homme soit aisément léduit par les
fausses lueurs des raisonnements philosophi-
ques, par les faits qu'on lui déguise, par le
ri.licule que l'on jelle sur la religion 7 Tout
lui pareil cl.'iir, évident, démontré, dans les
écrits des incrédules ; il ne sou|)çonne pas
seulemeul qu'il y ait une réponse k leur faire.
Les impressions qu'il reçoii S(! gravent pro-
fondéuieiit ; elles plaisent à son espril et à
son cœur; à moins d'un miracle, il en tient
pour la vie. Des qu'il a parcouru quelques
brochures, il se croit un docteur , ce n'est
qu'un ignorant.
Après avoir lu pendant vingt ans tous les
ouvrages écrits contre la religion ; après s'ê-
tre rempli l'esprit d'objections, de sopbisnies,
de pr ventions, de fausses anecdoies, un
homme, (|ui se pique d'impartinliié , se ré-
sout enfin à lire un ou deux de nos apolo-
gistes. S'il ne irouve pas d'abord de quoi sa-
lislaire à toutes ses difficultés, et calmer tous
ses doutes, il en conclut que la religion n'est
pas prouvée, que les arguments de ses en-
nemis sont insolubles. Il semble voir un ma-
lade qui a travaillé pendant vingt ans à se
ruiner le tempérament et qui veut que son
médecin le guéiisse ou le soulage en huit
jours. L'habitude de raisonner de iravers se
contracte aussi aisément que le dérangement
d'estomac ; quand il faut en revenir, c'est
autre chose. Dés que l'on envisage la reli-
gion comme un procès, comme une ((uesiion
de controverse, et que l'on veut taire la fonc-
tion déjuge, il est fort dangereux que la ba-
lance ne penche du côté qui p irait le plus
Commode. Je me Irouve, dil-on alors, dans un
scepticisme nécessiié. Je le crois ; après avoir
pris d'aussi bonnes mesures pour y r<'us$ir,
il serait fort étonnant que vous n'en fussiez
venu à bout.
Parmi nous, tout est mode et goût passa-
ger. Sous François V'^ et ses successeurs, il
é;ait du bel air de se faire huguenot el anti-
papisle ; sous la minorité de Louis XIV, il
fallait être frondeur el auli-mazarin ; pen-
dant la régence, il était beau de déclamer
contre Ro>iie et contre ta bulle; aojourd'liui,
c'esi un mérite de se donner pour philoso-
phe incrédule. Quel travers nouveau le siè-
cle prochain veira-t-il écioie?
§ XVill. — Celui dont nous nous plaignons
serait moins odieux, s il n'inspirait pas Imil
de caloumies. Les prêtres, diseiii nos adver-
saires, ne sont chrétiens que [lar déceni e el
par intérêt ; leur conduite itemeni évi lem-
■neni leur croyance ; lorsqu'on a des li. lisons
familières avec eux, ou s'.ipeiçoit bientôt
q.i'ils ne sont pas fort cliarge> il'ariicle-. de
loi (IJ.
Avant de répondre à ce reproche, voyons
si les philosophes sont eux-mêmes exempts
de toutes vues d'ambiiioii eld'iiUeréi.
Plusii'urs poussent très-loin ies prétentions.
Selon lUX, tout ccrivain de génie est mayis-
tral-né de sa patrie; il doit l'éclairer, s'il le
(1) Gatelte litiérairg de peux-Ponts ,
ar», i. «»
17]
V1^
>1
peut : son droit , c'est son talent (1
leur mission (ondée sur un litre authentique,
«ar la bonne opiaion qu'ils ont d'cus-mémes.
Les gens de lettres, disent-ils, sont les arbi-
tres et les distributeurs de la gloire (2) : il
esi donc juste «lu'ils s'en réservent la meil-
leure part. L'un nous fait observer qu'à la
Chine le mérite littéraire élève aux premiè-
res places ; et, à son grand regret, il n'en est
pas de même en France (3). L'autre dit que
les philosophes voudraient apiirocher des
Souverains; mais que , par l'ambition et les
iiitri-iTiies des prétrts, ils sont bannis dos
cours {'*). Celui-ci souhaite que les savants
trouvent dans les cours d'honorables asiles ,
qu'ils y obti r.neul la seule récompense digne
d'eux celle de contribuer par leur crédit au
bonheur dos peuples auxquels ils .luronl cn-
sepiié la sagosse. Mais si l'on veut , lUt-il .
que neii ne soit au-dessus de leur génie, il
faut que rien ne soit au dessus de leurs es-
pérances (o). Rare modestie 1 Celui-là vante
les proïrè> qu'auraient hiil les sciences, si
l'on avaii accoidé au génie les récompenses
prodiguée* an\ prêtres (fi), 'i'aniôt ce» lio.'n-
DKîs dè.'<intèressés ?e phiigneni de ce nue les
prêtres sont d venus les maiiris de 1 éduca-
tion cl des richesses, pendant iiue les travaux
et les leçons iU> philusophes ne servent r|u'à
leur altiier l'indien;!! on (iilvliiiue (7). Tan-
tôt ils opinent qu il faut d pouiller les prê-
tres pour enrichir les philosophes |8J. liilin,
conriui nt-il-, si nn i\e p'.'ul pa.î guérir les
hommes de leurs préjugés de religion, (]u'ils
en pensent ce (ju'ils voud ont; mais que les
prnces et les sujets apprennent au tiioins à
lesister quelqneluis aux pa^siijis desoitieus
uiinislres de la religiou (0).
Consolons-nous : ce n'est |,lus à la rel'gioa
qu'en veule i les philosi pliej ; c'est aux pii-
viléges, au crédit, aux biens du ili'rgé; s'ils
peuvent réussir a s'en emparer, ils croiront
en l>i>'U, tous les argum^ r.ls seront résolus.
§ Xl\. — Comment prouve-l-on que les
prêtres ne !,ont chrétiens que pariiilcrél?
Par les f.iules vraies ou pré endues qu'ils
ont commises depuis la naiss.ince de l'Kglise.
Oh en re,iroche aux papes, aux evéques, aux
niinislics intérieurs ; les pruteslanls surtout
ont fourni là-dessus de boiis mcnmircs. —
C'c-t s'arrêter en beau «hemin ; il fall.iit
pousser l'induction ju (ju'où elle peut aller,
On connaît d'habiles juriscunsulles, dont lu
conduite n'est pas un modèle d'equite ; des
médecins qui, après avoir disserte sa\am-
nient sur la nécessite du régime, ne l'obser-
vent pas mii!u\ (|ne leurs malades ; des phi-
losophes dont les actions et la murale ne sont
pas toujours d'accord. Toutes tes fuis, dit un
(1) Hht. dei Etttblits. de$ Europ. dont let Indes,
lom. VII, c. 2. p. S'».
(2) Lncyctoi)., (lloire.
(•ô) IW Uiul. sur l'ùinc, p. GCi.
(i) Kssai sur les pii'ju es, c. 1 1, p. 578.
(■'>) Œuv. (/.■ J.-J. hoiisseaii, tom. I, p.ig. 43.
((j) Sifsi. de ta liât., loin. Il, ( . 8.
H) ibid., loin. 11. c. 11.
{&) CliHsiianisme dévoilé , préf. p. 25.
(tf) Hjisi.dt la nai., luiu. Il, c. 10, pag. 319.
INTRODUCTIO.N
Voilà
m
écrivain très-connu, que je songe à ni on an-
cienne simplicité', je ne puis m'empéchtr cVen
rire. Je ne lisais pas un titre de morale ou de
philosophie que je ne crusse y voir lïhne ou
tes principes de l'auteur ; je regardais fi)us ces
graves écrivains comme des hommes moilesies,
sages, vertueux, irre'procliabl s.... Je me ftir-
mais de leur commerce des idées angéliqueS ,
et je n'aurais approché de la maison de l'urt
d'eux, que comme d'un sanctuaire. Je ne com-
prenais pus que l'on pût s'égarer (n démon-
trant toujours, ni mal faire en parlant tou-
jours de fugrsse. Enfin, je les ai vus : ce pré-
jugé puéril s'est dissipé, et c'est la seule er-
reur dont ils m'aient guéri (1). Ponc les phi-
losophes ne croient pas plus à la murale que
les prêtres à la religion.
Voilà l'argument dans tonte sa force. Que
répond, ni les philnso[)hes ? Que , quand un
homme, intrniné par ses pussions puru'il ou-
blier sps principes, il ne s'ensuit pas qu'il n'eti
a point, qu'il n'y croit pas , ou que ces prin-
cipes sont faux ; que te tempéinment est plus
fort que les sysièmes. et (lue les passions rem-
portent snr la croyance (1). Ainsi les prêtres
sont jusiillés, nu du moins e.viusés par leurs
propres dénonciateurs.
Su|'(ios'ins que ceux-ci soient venus à bout
d'en séduire (|uelqnes-uus qui ont en dus liai-
sons trop familières avec eux ou avec leurs
ecrils, il s'' nsuitquc ces faillies liiéoioglens
n'en savaient p.is assez pour sentir la faus-
seté des raisonnements des incrédules. Cette
victoire 'est pas assez lirillanle pour en faire
tr(iphée contre la religi n. Semlilalile aux
|)aïens i|ui insullaieni aux chrétien^ apostats,
nos sag s philosophes ne pardonnent ni à
crux (|ui leur ré'istenl , ni à ceux qui ont
succombé sous leurs so|iliismes. Leile lécoin-
pens de la docilité que l'on a | onr eux 1
§ XX. — i'ersimno ne (iisconvienl aujour-
d'hui du lessort secret (|ui a fait agir les hc-
réiinues, lorsqu'ils oui Iroublé le repos de
l'Lglise et île la société; ils étaient conduits
par i enlbousiasnie , par le fanatisme. Les
phi'osophes ont èloqiiemmenl déploré les ra-
vages de ce vice dangereux ; ils en ont donné
le nom à tonte espèce (rattachement à une
religion viaie ou fausse ; les alliées regardent
comi.ie des l'iinatiques tous ceux qui croient
un Uieu (3). Si l'on doit appeler fintuisme le
faux zèle allumé au foyer des passions, pou-
vons-nous en méconnaitre les symptômes
dans ceux-mëuu's qui dédamenl contre lui?
Un homme (]ui ^c croit ne pour instruire les
nations, résolu de braver les luis et l'auto-
rité des souverains pour ctalilir sa doctrine,
Irès-peu délii at sur le choix desn)ojenset
des prosélytes, ennemi déclare de tous ceux
qui s'opposent à ses desseins, applique ù les
rendre odieux et méprisables , tou,uurs prêt
à se porter ;.ux derniers excès contre eux ,
ù bouleverser la société, s'il le laul, pour
allcrmir le règne de ses opinions , si ce n'est
(t) Préface de Narcisse.
{■1) Siisl. (le la mit., iniii. Il, r. 12, p. 512.
(3) Lettre de Trasib. ii Lenciiipe, |iag. 25; Sijsl. dt
ta nul,, loin. Il, c, 7, pug, 2Sii.
V
IM IIUUIJCTION.
B<
pas un fanatique, nous lic savons plus quelle
idén l'on iloii allarlicr à ce nom.
Ils (lisrn! qne la liberlé naturelle à l'rsprit
lioni.'iiii, riit(iopiiidaiiri', moins amoureuse de
In vérité que d- la vont eauté, fait soiucnl re-
■jclrr le iliris ianisino dans sa >icillesse,
cotniiic elle le lit adupicr à sa naissaiico (1).
Scro-s-nous encore dupes de l'amour de la
vérité , dont nos adversaires sont embrasés?
— Ouelquis-uiis ont poussé la démence jus-
qu'à se l'aire un niériie de leur liaine contre
les (lérenseur« de la religion. J'ai été, dit l'un
d'( nire eux, s'ailressant à Dieu même, j'ai été
l'eruirmi de cetw qui opprimaient la société.
11 prétend que, s'il y a un Dieu, il iloit tenir
C('Mii)te à un alliée des invectives qu'il a vo-
mies contre les souverains et conire les prê-
tres (2). y enl-il jamais de fanatisme mieux
caradcrisé ?~- Le fanatisme, dit l'oracle des
inciédnles, est uno folie rrligieuse sombre
et (ruelle ; c'est une maindic de l'esprit qui
se gajj;ne comme l,i petite véiolo ; les livres
la conimiiniqnent beaucoup moins que les
assemblées et les discours ;3J. Mettons folie
cniireli(jieii$e, la définition ne Sera pas nioins
juste.
Y a-t-il moins de danger pour un génie
ardent, de concevoir une baiiie aveugle con-
tre la leli'jion, (|ne de se livrer à un zèle in-
considéré pour elle'? Le premier de ces deux
excès trouve plus d'alinients que le second
dans les pencbauts du ca-ur. Si l'un mérite
le nom de fanatisme, quel titre donnerons-
nous à l'autre"? — Un liomme sensé qui
pi'urra soutenir la lecture de la liuranguc
adressée à Dieu dans le Système de la na-
ttirr (i), y recon:iaîtra le vrai langage d'un
énergun:èiie , ou d'un réprouvé condamné
aux (l.inimes élernelli'S.
S XXI. — Quoi, dira-l-on, vous osez taxer
de fanatisme des pliilosopbes qui ne précliiMit
que la toiérance, qui ne cessent de déclamer
contre la fureur avec laque 11(> 1; s boulines
se sont égorgés pour des opinions 1
Ne soyons pas dupes d'un mot. Tolérance,
dans le style lie nos ailversaires, signifie la
Il éme chose que liberté dans la bouche des
séditieux. Nom spécieux ,t'i\i très-bien un
ancien; quiconque a voulu se rendre le maî-
tre et assnvir ses scmlilnh'es, n'a jamais man-
qué de s'en déi vrer (a). — On sait ce que les
ambitieux enlendeiii par là ; ils veulent la li-
berté pour eux et l'esclavage pour les autres;
c'est préii^émenl leque nous voyons. Lors-
(]ue les philosophes él lient déistes, ils ju-
geaient l'alhéisuie intolérable ; ils décdaient
qu'on doit le bannir de la socu^lé : depuis
qu'ils S(uil devenus athées, ils disent que l'on
ne iloii pas soufl'rir le déisme, parce qu'il est
intolérant, aussi bien (|ue les religions révé-
lée-. Ces (iocleuis pacifiques sont donc bien
résolus de n'établir la tolérance que pour
leurs propres opinions, et de déclarer la
(1) llisi. des Eiabliss. des Europ. dans les Indes,
toiii. VII, c. •>. '
(2) Sijsi. de ta nul., loin. H, c. 10, pag. 503.
(0) Queii. sur l'Encyct., F.oiaiisine.
(4) Sysl. de lu nal. , iliid.
(5) Tacite, Hh(., \\y. iv, n. 75.
guerre à toutes les aiiires. S'ils ont droit
d'attaquer la religion, parce qu'elle est inio-
léranle, nous ne sommes pas moins fondé*
à détesler l'incrédulité, puIscjU'elle est en-
core moins tolérante que la religion. — //
est peu d'hommes, dit le livre de V Esprit, s'U$
en avaient le pouvoir, qui n'rynplot/asueiit les
tourments pour faire généralement adopter
leurs opinions... Si l'on ne se porte ordinal-
rement à certains excès que dans les disputes
de religion, c'est que les autres disputes ne
fournissent pas les mêmes prétextes, ni les
mêmes moyens d être cruel. Ce n'est qu'à l'im'
puissance qu'on est en général redevable de sa
modération. L'auteur du Système de la natitre
avoue de même qu'il est ditficile de ne pas se
fâcher en laveur d'un objet que l'on croit
très-important (1). Or, tout philosophe re-
garde son système comme très-important, et
nous ne savons pis encore à quelles extré-
mités il est capable d'eu venir, lorsqu'il est
facile. Mais quand nous lisons que celui qui
parviendrait à détruire la notion fatale d'un
Dieu, oti f/ît moins à diminuer ses terribles
influences, serait à coup sûr l'ami du genre
humain (2), nous croyons avoir lieu de nous
défier d'une pareille amitié.— N'espérez plus
de paix, nous crie un de ces bénins philoso-
phes, après avoir vomi sis j)ages d'injures
et de calomnies conire les prêtres; n'espérez
plus de paix 13). Si malheureusement il faut
nous résoudre à la guerre, nous nous sen-
tons assez de forces pour la soutenir encore
longtemps.
Dans les commencements, les sectaires du
xvr siècle élaiont des agneaux ; ils de-
mandaieiit humblement la tolérance : deve-
nus assez forts, ils se conduisirent en lions
furieux; ils voulurent tout détruire. Les in-
crédules, héritiers de leurs principes et de
leur haine, seraient-ils plus doux en pareil
cas? Ce que nos pères ont essuyé pendant
près de deux siècles ne nous a que trop ins-
truits des excès auxquels le fanatisme anti-
religieux est capable de se porter. L'incré-
dulilé, plus ou moins étendue, plus ou moins
ambilieuse dans ses prétentions, se ressem-
bl(' partout ; son génie est toujours le mê-
me (4).
S XXII. — Rassurons-nous : la discorde
suffit pour faire avorter les desseins de nos
adversaires. Tant qu'ils se sont bornés à
prêcher le déisme . ils pouvaient paraître
redoutables ; ils mettaient les théologiens sur
la défensive ; ils proposaient des objections
souvent embarrassantes; ils semblaient ne
donner aucune aileiiile à la morale : on
vo ail toujours un Dieu , une religion , une
base aux devoirs de la soci lé. Par cet arti-
fice, ils oui séduit d'abord un gran.l nom-
bre de lecteurs trop peu instroils pour aper-
cevoir les conséquences funestes de leurs
principes; ils uni eu la maladresse de les
(\) De t'Esprli, 2« dise. , c. 3, noie, pag. 105.
(i) Sysl. de la nal., Knu. II, cli. 7, pag. ~ii.
(5) Ibid., toi». Il, c. 5, pag. 88; c. 10, p^g. 517.
{i)LeUreà l'auteur du Dici. des trois Siècles, p. 86.
(5) Annales pol. , etc. , loin, III, n. 18, p. 81,
K AAR
dévoiler. En renversant le déisme pour lui
subsliiuer le maiérialismp, ils ont écrasé la
Tipère sur sa morsure ; ils ont mis au grand
jour la disrord.inre des sj-slè Fies d'incrédu-
lité, les excès où ils conduisent, la fr.igilité
de l'édifice qu'ils avaient construii à si grands
frais; ils ont donné lieu aux théologien» de
démontrer que ceUe nouvelle hypoilièse dé-
truit jusqu'à la ratine les fondements de la
morale, de l;i verlu, des devoirs de l'homme,
et Ions les liens de soriété ; qu'en suivant le
Ci (les conséquences , il faui se retrancher
dans le douie absolu, res>usciler la doctrine
ahsurde des cyrénaïqui's , les infamies Mes
cyniques, reniétcment révoltant des pyrrho-
niens. — Il n'y en a pas deux qui pensent
de même. L'un tâche de soutenir les ilébris
chance ant'i du déisme ; l'antre professe le
matérialisme sans déguisement ; quelques-
uns biaisent entre ces deut opinions, défen-
dent, laniôl l'une t.mlôt l'autre, ne savent de
quel principe partir ni où ils doivent s'ar-
rélcr Ce que l'un élablil, l'auiri- le détruit;
il n'est pas une seuL' question de faii ou de
raisonnement sur laquelle ils soient d'ac-
cord (IJ. Esi-il diffici.e de prévoir la chute
(I) L'ainpiir iVlimile les a peints d'après n;iture,
lOMi. m, |.ag. t'i , 37.
d'une république aussi mal réglée, où régnent
une anarchie et une confusion générale? Si
les déistes se réunissent à nous pour com-
battre les athées, cens-ci empruntent nos
armes pour attaquer les déistes ; nous pour-
rions nous borner à être spectateurs du com-
bat.
Ainsi Dieu veille sur la religion qu'il a lui-
même établie, il livre ses enneniis à l'esprit
de vertige. Le psalmisie a tracé leur desti-
née, en parlant d'un autre objet : Une na-
tion bruyante de philosophes s'e^t rassemblée;
un peuple de rais 'tineurs a conjuré contre le
S ign^ur et contre son Christ. Brisons , di-
sent-ils, les liens qui tiennent notre raison
captive; secouons le joug de la religion qui
nou't importune. Celui qui réside dans le ciel,
se joue de leurs vains projets, il les couvrira
de confusion, et leur partira en maître irrité;
te souffle de sa colère troublera leurs sens et
leurs idées (Psal. ii. 1).
S il a permis que les docteurs du mensonge
jouissent pi-mlant quelque temps 'l'une répu-
tation brillante, le j ig'ment qu'il a exercé
sur eux doit faire trembler leurs imitateurs.
]1 menace de punir avec la même sévérité
ceux qui se laissent vo'ontairemeni sé<luire
par leurs prestiges (// Thess. ii, 10 et il).
DICTIONNAIRE
DE
TntOLOflli DOGIATIQIJL
AAROV, frère de Moïse , premier pontife
de la religion juive. On peut voir son histoire
dans l'K^ode et dans les livres suivants; ce
n'osi point à nous (l'en rassembler les traits;
niiis nous snnimes obligés di- justifier lesilenx
frères de linéiques reproches que leur ont
faits les censrurs anciens et modernes de
l'histoire sainte.
Ils ont (lit que Moise avait donné à sa tribu
et à sa famille le saceriloce par un motif
d'arMbition. S'il avait aci par ce motil, il au-
rait s ns d'iuti- assuré à ses propres enfants
le pon'ificai iiIntAl (|u'à (Ciix de S(m frère :
il ne l'a pas faii ; les enfants de Moïse de-
nienriVeiil confonilus dans j.i foule des lévi-
te^. D.ins le testament de Jacob, l.é\i et Si-
inéon sont assez mal traités; la disfiersion
des lévitfs parmi les autres tribus est prédite
comme une punition du crime de leur père.
Gn. xLix, 5 et suiv. Qui a forcé Moïse de
conserver le souvenir de cette tache inpri-
mée à sa tribu ? Nous ne voyons pas en (]uoi
le sacerdoce j'idaïque pouvait exciter l'atn-
bilion. Les lévites n'eurent point de part à
la distiibution des terres : ils étaient disper-
S(''s parmi les autres tribus, obllirés de quit-
ter leur famille, pour venir remplir leurs
fonctions dans le temple de Jérusalem : leur
subsistance était précaire ; ils étaient expo-
sés A la perdre lorsque le peuple se livrait
à l'idolâtrie. Une preuve ((iic le sacerdoce
n'était pas par lui •môme une soumc de pros-
p(''rilé, c'est que la tribu de Lévi fut lonjoiirs
la moins nombreuse ; on le voit par les dc-
numbremunts qui furent faits en difréreuts
temps
,•(7 ÀAR ABA :iS
A la vérité l'.iofeur tie l'Ecclésiabliquo , do faire tomber le fou Ju ciel ; el ce prodige
XIV, 7. f;iit un éloge ningnifiiiue de l.i di- se fit à la vue de tout le peuple assoniblé.
giiiiè d'/lnron cl dos piivilégos nui élaii'iit Diou nurait-il approuvé par un miracle l'am-
jillarlios à son sacenloco ; mais il 'es iiivi- biiioii ou la cruauté des doux frères?
sage sous un aspocl religieux, lioaiiciiiip plus Vaiiirmonl certains critiques ont voulu
que du fôié di's avaiilagos li'ni[)(iri Is ; 11,' pri- trouver de la rosscmhiance entre Thisioire
vilége do subsister par los olîraiulos d«s pré- d'.-liironel la fabli' de. Mercure ; tous les traits
miros et par une porlion dos vioiiines ne du | arallè'e qu'ils eu ont fait sont forces,
pouvait pas coin[ionscr les incouvonienis H uncrn et Hésiode ont connu la fable de
ainKiuols les prèiros ou géiiéial éiaionl ex- Mercure longiempsavant que les Grecs aient
posés aussi bien que leur cliof. Nous ne pu avoir aucune connaissance de l'histoire
Voyous pas dans l'Iiistoiro sainto que les dos Juils ; ilérodolo, qui a vécu quatre cents
pontifes dos Hébi ou\ aient jauiais joui d'une ans après cis ilou v poêles , connaissait très-
Irès-vraiidc autorité ni d'une l'oriuno coiisi- pou los Juifs. D'autres ont cru que le person-
déralile , et nous ne coiupronons jias (|uel u;igo de Mercure avait été copié sur celui
motif aurait pu exciter l'ainbiiion de gou- d'iiiiézer, économe d'Abraham ; ils n'ont pas
vernor un ()oiiple aussi inir.iilable et aussi ruieus rencontré. Il est fort ,iisé d'abuser de
mutin que l'étaient les Hébreux. ces sortes de parallèles entre l'histoire sainte
Les luéiiies censeurs ont ajouté qu'après et la f.ible, et nous ne voyons pas quelle
l'adorition du veau d'or le poup e fut puni, ulilito il eu peut résulter. Cous qui voudront
et qn'.-laron, le plus coupablt; do tous, ne le consulter les allégories orientales do M. de
fui point : que le gros de l,i nation porta la Gehelin, pag. 100 et suiv., verront qu'il n'a
peiuo du crime do son pontife. C'est une ca- pas été nécessaire de copier l'histoire sainte,
lomnio. .loron ne fut ni laulour de la pré- pour forger la fable de Mercure,
varioaiiou du peuple, ni le plus coupable , AB, AI5BA. Vuy. I'èue.
il céda par faiblesse aux crisimportuns d'une ABADDO.n, est h^ nom de l'ange extenni-
niuliiiude séditieuse. Mo^e. à la voriio, de- nateiir dans l'Apoc.ilypse ; il viout de l'hé-
nianda au Seigneur grâce pour son fière, el breu Ahad. perdre, déiriiire.
l'obtint. S'il a>aii agi autroiiieul, ou l'aurait AIÎAlLAUDou AIJELAKD (Pierre), docteur
aecusé d'inhunianiie , ou d'avoir prolilé de célèbre di xii' siècle, uioit l'an 11V2. Nous
l'occasion pour supplanter sou froro. La n'aurions rien à en dire, si l'on n'avait pas
faute d'.4ai o'i no demeura oependaiil pas iin- travaillé de nos jours à réhabiliter sa nié-
punio. Il fut exempt de la contagion qui lit moire, à faire l'apologie de sa doctrine, ot à
périr les prév;iricaleiirs ; mais il eut bien- donner au dérèglement de sa jeunesse toute
tôt à plei)r<'r la mort do ses deux lils aînés ; la céUbriié possible ; ce que l'on en a dit est
il fut exclu, aussi bien que Moïse, de l'on- tire du Dictionnaire de IJavIe, articles Abé-
Irée dans la terre promise, ot subit une mort lard, Bérenijer , Héloise. Saint Bernard y est
prématurée pour une l'auto assez légère. accusé d'iivoir persécuté Abailard par jalou-
Si l'on veut faire altontiou à la mullilude sic de réputation. Moshoim, Brucker et d'au-
et à la rigueur dos lois auxquelles le grand 1res protesianls, n'ont pas manqué d'adopter
prétro était assujetti, à la peine tIe mon qu'il ce. le ea omnie.
pouvait encourir s'il péchait dans ses fonc- Malgré les efforts de Bayle el de ses copis-
tions, à l'espèce d'esclavage dans lequel il les, il resuite do leurs aveux, 1° que le déré-
élait retenu, ou verra que celte iiigniie u'é- glemeiit des mœurs d' Abailard n'est point
tait pas fort propre à exciter l'aiiibiiiou. Voy. venu de faiblesse, mais d'un tonds de perver-
Lévite, Pontife, Phètue, Sackiidoce. site naturelle; il avait formé le dessein de
La révolte de Coré et de ses partisans, et séduire Hélo'ise avant qu'elle fût son éco-
leur punition éclatante, ont fourni aux in- lière. C'est dans cotte intention qu'il se mil
crédules de nouveaux traits de malignité, en pension chez le chanoine Fulbert el lui
Coré, chef d'une famille de lévites, jaloux du oll'rit de donner des leçons à sa nièce ; el il
choix que Dieu avait fait d'.-lfiro»i pour le en convient lui-même dans la relation qu'il
pontificat, se joignit à Dathan, à Abiron et à fait de ses malheurs. — 2' Li vanité, la pro-
deux coni cinqu.iute autres chefs de famille, sompiiou, la jalousie, le caractère hargneux
el ils reprochèrent à Mo'i'so el à son Irère d' Abailard, sont prouvés par ses écrits ot par
l'autoriié qu'ils exeiçaieiit sur le peuiile du sa conduite. Son ambition était de vaincre
Seigneur. Moi'se leur répondit avec modéra- ses maiires dans la dispute, d'établir sa ré-
liou que c'était à Dieu seul de doignor ceux putatiou sur les ruines do la leur, de leur en-
qu'il daignait revêtir du sacerdoce , et il le lover leurs écoliers , d'être suivi d'une foula
pria deconlirmor, par la punition exemplai- de disciples. Ou voit, par ses ouvrages, qu'il
re des rebelles, le choix qu'il avait fait d'.-la- entraînait ses auditeurs beaucoup plus par
run et de ses enlanis. En elTet, la terro s'ou- ses tiilonls extérieurs que par la so idilô de
vnt et engloutit Coré avec ses complices el sa doctrine; il était séduisant, mais ilinslrui-
touie leur famille, el un feu du ciel consuma sait très- mal : il se lit des ennemis de propos
les deux cent cinquante autres coupables, délibéré, pour le soûl plaisir de les braver.
Num. XVI. Jaloux de la réputation de saint Norbert el
Reprocher ce châtiment à Moi'so comme de i elle de saint Bernard, il osa les calomnier
un trait de cruauté, c'est s'en prendre à Dieu l'un ot r.iulre. — 3' Il se mit à professer la
même. Moïse ni son frère u'avaionl pas sans lh>ologie sans l'avoir étudiée sullijamment ;
doQle le pouvoir de faire ouvrir la terre , ui il y porta les subtilités frivoles de sa dialecti-
SO ABA Afi.V CO
que el un esprit faux : cela est évi lent par exprimé trop durement au sujet û'Abailard ,
le premier ouvragi! qu'il publia. !\ien irétail daui les lettres i\{i'\\ écrivit a Rome el aux
plus absunli' que de lioniier uii iraili; de la évoques de Fraiico à <e sujet; mai. ce ne fut
f<ii à la sainte Tviiùlé, pour se cir d'inlro- q /après le refus que fil ,4.'mi7((cd de s'<;xpli-
duclion à la ^/(^o/ojie ; de vouloir expliquer qui-r cl de se rélr;cler. Colle conduite dut
ce myslère par des comparaisons sensibles : persuailcr au saint abt'é que ce novateur
s'il pouvait être comparé à quelque cho,,e,ce était uu héréliqiiii obstiné. Mosheim et Bruc-
nc serait plus un mystère ou uu dogme in- ker disenl que saint Bernard u'enleudail rien
comfiréhensible. — 4" Ses anologistcs sont aux subtiliies île la di ilcctii;iie de son adver-
forcés de convenir qu'il y a des erreurs dans sairc; mais celui-ci s'entcndait-il lui Dièun" ?
cei ouvrage et d ms le- autres : ce n'est donc On voit, par les ouvr:ges du pr^'uiier, qu'il
pas inj!)stement qu'il fut condamné dans un était meilleur lliéolog en que son antag >-
concile de Soissons, l'an 11-21, cl que l'auteur uiste , et qu'^6n(7an/ aurait pu le tiremlre
fut obligé de se rétracter. Cet événement pour mailre ou pour juije, sans se dégrader,
rendit avec raison les évéques et les autres Toujours est-il vrai que les prolestants qui
lliéologieus plus atleiilifs sur sa doctrine, reprocheiil à l'abbé de Clairvaux la liaiue, la
Vinït ans après, Guillaume, abbé de Saint- jalousie, la violence, l'injnslice contre l'in-
Tliicrry, crut trouver de nouvelles erreurs nocence persécutée, se rendent eux-mêmes
dans les éciits û'Abailnrd; il en en\0)a le coupal)'es de lous ces vices. — 5' Ils aftcclent
précis cl la lélutatiou à fleoffroi , évêqiie de d'insinuer i]u'il fut condamné et persécuté,
Chartres, et à saint Bernard, abbé de Clair- non pour ses erreurs, mais pour avoir son-
vaux. A t-on quelque motif de prêter de la tenu aux moines de Saint-Denis que leur
jalousie, de la haine, de la prévention à saint n'éiait p.:s le même (]uo saini Denis
i'ablié de Saint-Thierry? Saint Bernard, loin lAréopagilc; c'est une imposture. Ce point
de lémoigner ces mêmes passions contre ne fut mis en (|uisliou ni à Soissons, ni à
.46ai7arf/, lui érri\it pour l'engager à se ré- Sens, ni à Boiue; AbniUird fut condamné
IractiT el à corrijicr ses livres. Cet entêté pour des erreurs (ju'i! avait enseignées sur
n'en voulut rien l'aire : il voulut attendre la la Trinité, sur l'iiicarnaliou, sur la grâce et
décision du concile de Sens, qui élait près de sur plusieurs antres chefs. — G" Lorsque
s'assembler, el d'inanda que saint Bernard y Pierre le Vendable, abbé de Cluny , eut
fût présent. L'abbé de Clairvaux s'y trouva donné à Abailnrd une retraite et l'eut con-
en efl'el; il pioduisit les propositions exirai- ver;i, saint Bernard se réconcilia de bniiuo
les des omr.iges d'/lini/iird, et le somma do foi avec lui et ne clierclia point à troubler
les justifier ou de les rétracter. — Parmi ces son repos : il n'avait donc point de huinc
propositions, que l'on peut >oir dans le Die- contre lui. Mais aux yeux des inci'édules, les
li innaire des hérésies, article Abailnrd, il y héréticiues ont lou ours i aisou ; les Pères de
en a quatre (lui sont pélagiennes , trois sur l'E;;lisc ont loujmirs eu tort. Ils blâment
la Trinité, dont If sens littéral est liéréti(iue ; dans les ouvrages de saint Beru/ud les de-
dans une autre, l'aulenr enseigne l'opti- fauts de sou siècle, et ils l"s excusent dans
ttiisnie; dans la quatnr/ième, il soutient (jue ceux d'Abailard , oii ils sont beaucoup plus
Jésus-Chrisi n'est pas descendu aux enfers. sensibles. Voij-z Saint Beknaud, Hist. de
Oui l'empèrhail de réti acier les une. el d'ex- t'/'-jl- Gallic, tom. VIll, unn. 1117 el suiv.;
pliquer les aulrcs, comme il fut nbligé de le lom. IX, ann. ll.'iJ-lI'i.2, etc.
faire dans la suile? Sans vouloir le faire ABAlSSLMliN T. Les livres du Nouveau
dans le concile de Sens, il eu appela à la dé- Testament nous i arlenl souvent des (ihaisne-
tision du pape, cl se relira. Par respect pour iiieiits ou des liumili.itions du Verbe incarné,
sou appel, 11- concilia se coulenta de coniiam- Jl s'csl anédiili, Ml saini Paul, e/ u pris ta
ner les propositions, el ne nota point su per- forme d'un esclav; il s'isl ha^nilié cl s'est
sonn;'. — Ou dit, pcuir l'excuser, qu'il vit bien rndii ol/cissuiit /((s(/i»'(i mourir, el mourir sur
que s.iint Bcrnird el les évêiiues du concile une croix : c' st pour cela i/ue D'eu in excdié
de Sens é'.aienl prévenus contre lui, et (|uc el lui a donne un nom suiiérieurù tout autre
sa justilicalion n'eûl servi à rien. M.iuvais nom, afin qu'au nom d.- Jésus tout genou flé-
pr<'ti'Xle, dont un opiniâtre peut toujours se cliissc dans L- ci l, sur la terre el dons les cn-
servir qu.'iid il le veut. S'en ra()porler d'à- fers, et ipie louie Uinijue publie (/ne Notrc-
hord au jugement du concile, eu appeler en- Scitjnenr Jésus-Christ jouit de lu </loire de
suite avant même qu il soil priinonté, est uu son Pcie [l'Iidipp. ii,7, 8). il ne s'ensuit donc
Irait de révolte et de mauvaise foi : les évê- pas(iue le Fils i,e Ditu.en se f lisant homme,
quis él.iienl ses juges légitimes: eu n fusaul ait nen perdu de s.i gr.iudeur. Bien, ili.enl
de se juililier, il méritait rondamnation. — les Pères de l'Kglise , n'e-t plus di^nc de la
Eneffel,il fulcondaninéàBnmeaussibie i(]u'à nrijc^té divine que d'opérer le salul de ses
Sens. Kst-ce encore par haine ou par jalousie créatures. Il fall.iil (et excès d'abaissement
que le pape et les cardinaux prononcèrent de la pari du \erbe incainé, [lour guérir
l'analhèuie conlre lui? Ce n'est qu'après l'homme de l'ogueil excessif qu'une fausse
cotte condamu.it on qu'il fit enfin son apolo- philosophie lui avait inspiré : il le lallail,
gie et sa profession de foi, dans la(|ui;ll>- il jionr consoler la plus gi audc p.irtie du genre
relr.icta h)rmr||eme;il l.i | lup.irt des propo- liuiuaiu de l'humiliation à laquelle elle esl
8ili(Mis qu'on Uii jivait iciroch'es , et làili.» redui;e.
d'expliquer les autres. Le grand reproche ABANDON. Il y a dans l'I'crilurc sainte
que l'on fiit à salnl lîehiard esl de s'être des passages qui semblent prouver «juc Dieu
81
ABA
abnndiinnn les pécheurs, et m^tnc des tin-
tions rnlières ; mais il on est d'amies qui
nous as'iiirciit que Dion osl bon à l'ôgMrd de
lous, qu'il .1 [)ilié de loUs, qu'il n'a de l'aver-
sion pour aucune de ses créatures, que ses
Cniséricordes S(; répatident sur Ions ses ou-
vrages, etc. Les premiers ne signifient donc
pas que Dieu prive absolument de louleà
grâces les pécheurs ou les nations infidèles,
mais qu'il ne leur en accorde pas autant qu'à
d'autres peuples, oii qu'il ne leur fait pas
autant de bien qu'il leur en a fait autrefois.
C'est un tisa^^e commun dans loules les lan-
gues, d'exprimer en termes absolus ce qui
n'est vrai que par comparaison. Ainsi, lors-
qu'un père ne veille plus avec autant de soin
qu'il le faisait autrefois sur la conduite de
son li!s, on dit (|u'il l'abandonn!'; s'il témoi-
gne au cadet plus d'alïectioii qu'à l'ainé, ort
dit que celui-ci est délaissé, négligé, pris en
aversion, etc. (^es façons de parler ne sont
jamais absolutnenl vraies; personne u'y est
lionipé; elles ne doivent pas nous surpren-
dre davantage dans l'Ecriture sainte que
dans le langage ordinaire.
Kn effet, mal'.;ré les promesses formelles
que Dieu avait faites aux Juifs de ne jiimais
les abandonner, ils ne mamiuaient pis de
dire dans toutes leurs calamités : Le Sei-
gneur vous a déluhsés, nntis a ouhlii's. Voici
ce que leur répond le prophète Isiiïe, do la
part de Dieu, c. xi.iv, v. li : Une mère peut-
elle oublier son enfant et mnn//uer de tendresse
pour le fruit de ses eniritilles? Quand elle
pourrait le ftire, je ne vous oublierais point,
l'abandon prétendu dont se plaignaient les
Juifs consist.nt seulement en ce (juc Dieu ne
les protégeait plus d'une manière aussi écla-
tante, et ne leur accordait plus autant de
bienfaits qu'autrefois.
Nou-; devons raisonner île môme, et en-
tendre de même l'Ecriture sainte, à l'égard
des grâces de salut et des secours surnatu-
rels. Dans l'article GiiAci;, § 3, nous i rouve-
rons , par rKcriturc sainte, par les l'ères de
l'Eglise , par l'efficacité de la rédemption ,
qu'il n'est sous le ciel aucune créature que
Dieu laisse manquer de grâces absolument
et entièrement ; mais il n'en fait pas égale-
ment et en même mesure à tous les hommes :
aux uns, il en accorde de plus abondantes et
de plus efficaces qu'aux autres, et c'est dans
ce sons seulement que ceux-ci sont abandon-
nés,en comparaison des premiers.
(Quelques accusateurs de la Providence ont
alîecté d'alléguer un passage du livre des
Proverbes, c. i, v. 24, où li Sagesse dit aux
pécheurs : Je vous ai appelés, et vous m'avez
rebuti'e; je vous ai tendu les bras, et aucun
rf' vous ne m'a regardée De mon côté, je
Tirai el j'insulterai à votre ruine, lorsque les
maux que vous craignez vous seront arrivés
Alors un in'im oquera, et je n'écoulerai point ;
en me cherchera, et on ne me trouvera pas
Mais celui qni m'écoutera reposera sans
crainte; il sera dans l'abondance et n'aura
plus de maux à redouter. Nous ne voi ons pas
comment l'on peut conclure de là qu'il y a
un mouienl fatal auquel Dieu n'écoute plus
Abk 61
les iiéchèiirs, les abandonne entièrement ■
leur refuse toute grâce el les laisse périr.
i" 11 est évident que le Sage parle de maus
temporels, et non de la réprobation des pé-
cheurs. 2° Ce serait eu vain qu'il ajoute : Ce-
lui qu' inécoiitera,clc. Les pécheurs peuvent-
ils encore écOuler Dieu, lorsqu'il ne leur
parle plus par la grâce? 3" Celle opinion est
formellement contraire à la promesse que
Dieu a l'aile par Ezéchiel, c. xxx;ii, v. 14. :
Lorsque j aurai dit à l'impie, lu mourras, s'il
fait pénitence et pratique la justice,. ...il vivra
et ne mourra point. Or, l'impie ne peut faire
pénitence, à moins que Dieu ne lui donne la
gr.'ice.
Les Pères de l'Eglise ont tous insisté sur
ce passage et sur ce qui précède, v. 11 : Par
mn vie, dit le Seigneur, ]e ne veux point la
mort de l'impie, mais qu'il se convertisse et
qu'il vive. Ils en ont conclu que la miséri-
corde de Dieu n'abandonne jam.iis entière-
ment les pécheurs. Dieu dit dans l'Apoca-
lypse, c. III, V. 19 : Faites pénitence, je suis à
la porte el je frappe; si quelqu'un m'ouvre,
j'entrerai chez lui. Il ne met point d'excep-
tions. Jésus-Christ nous est représenté, non
comme un juge empressé de faire justice,
mais comme un Sauveur miséricordieux, qui
ciaint de perdre une âme et le prix du sang
qn'il a répandu pour elle.
Cependant quel<]ues théologiens soutien-
nent que ce n'est point là le sentiment de
saint .'Vngustin. Ce Père, disent-ils, a répété
vingt fois que Dieu n'abandonne point le
juste, à moins qu'il n'en soit abandonné: il
applique ce principe même à notre preiiiier
père, Serm. 1 in Ps. lviii, n. 2; il dit que
Dieu a délaissé Adam, parée qu'Adam lui-
même a délaissé Dieu : donc il suppose que
quand un juste abandonne Dieu , il en est
abandonné à son tour. L. \\^,de Pecc. nieritis
et remiss., c. 13, n. '22, le saint docteur pré-
tend que, dans quelques occasions, Dieu
n'.iide point les justes à faire le bien, parce
qu'ils peuvent s'enorgueillir; il pense que
Dieu leur refuse la grâce et les laisse tom-
ber, afin de les humilier par leur chute.
Or, s'il refuse quelquefois la grâce aux jus-
tes, à plus forte raison aux grands pécheurs.
Lorsque ceux-ci veulent s'excuser en disant :
£n quoi sommes-nous coupables de vivre nud,
dès que nous n'avons pas reçu la grâce de bien
vivre? Saint Augustin répond, epist. lOi ad
Sixlum, c. 0, n. 22 : S'ils sont au nombre des
rases de colère destinés à la perdition, qu'ils
s'en prennent à eux-mêmes , parce qu'ils ont
été faits de cette masse que Dieu a justement
condamnée pour le péché d'un seul, dans le-
quel tous ont péché. Ainsi, ce Père suppose
que la grâce leur est refusée à cause du pé-
ché originel. Enfin, Tract. 38 in Joan., n. 6,
il dit que Dieu aveugle et endurcit les pé-
cheurs, non en les forçant au mal, mais en
ne les secourant point, par conséquent en les
abandonnant.
11 est étonnant que ceux qui prêtent à
saint Augustin cette doctrine absurde n'aient
pas vu qu'ils le font tomber dans des contra-
dictions grossières. 1' Puisque le juste a be«.
tl5 ABA
soin de la grâce prévenante, non-senlemcnt
pour faire 11- bien, m.iis encore pour y per-
se'éri-r, s'il lui .irrive (l'abandonner Dini <iu
de pécher parce qu'il a iii/inniiè lii- la ^r.ice,
ce n'e-t [las liîi qui a délaissé Dieu, mais
c'eil Di( u qui la délaissé le premier : dans
ce cas. que devient le principe lanl répété
par saint Aiigusiin, ()ue Dieu n'abanilonne
jamais le juste, à iioins qu'il n'en soit aban-
donné? Lorsqu'Atlam a péché pour l,'i pre-
mière fois, avail-il déjà délaissé Dieu? on la
grâce lui a-l-elle éié refusée parce (lu'il était
né de la masse de perdition? 2° Lorsque les
pécheurs vculeiil reji'ier sui' Dieu la cause
de leurs crimes, saint Augusiiii leur op-
pose ce piissape de l'Ecclésiastique, c. xv,
V. 11 : u Ne dites point. Dint me manque;
c'est lui qtti m'a igmé; Dieu n';i pas besoin
des impies, eli-. >> L. de Grnt. et Lih. arli., c.2,
n. 3. Que l'on dise : Dieu me matitfue, on Dieu
me Inisfe manquer de grâce, c'est la même
chose : or, se'on l'auleur sacré et selon saint
An;;usiin, c'est un blasphème. 3* Ce saint
docleur a répété vingt lois qu'il ne faut dés-
espérer d'aucun homme vivant, linarr. ^ in
Ps. \xxvi, n. 11, etc., pas même des impies,
in Ps. L, n. 18; que le démon est la seule
créature de la i onversion de la()uel!e il f.iut
désespérer, in Ps. liv, n. k. Il dit, Confess.
lih. VIII, c. 11, n. 27 : Jelle-toi entre les liras
(le ton Dieu: ne crains rien ; il tte se retirera
pas afin que lu tombes, etc. Que signifie tout
cela si Dieu peut abandonner absoliimenl,
nen-si'Ulcment les gi'auils pécheurs , mais
encore les justes, afin de les humilier?
Cherchons donc un moyen de décharjer
saint Augustin de toutes les absurdités qu'on
lui impule : cida n'e>t pas fort difficile.
Serm. 1 ni Ps. lviii, n. 2, il dit qu'Adam ,
après son péché, fut privé de la joie el de la
consolation qu'il goûtait aiiparav.iiil à voir
Dieu et à converser avec lui, puisqu'il se ca-
cha ; c'est ainsi que Dieu se relira de lui et le
délaissa. L'Ecriture nous l'apprend, et il ne
s'ensuit rien.
L. m de Pecc. meriii^ et remiss., c. 13, n. 22,
saint Augustin ne ilil point que Dieu refuse
quelquefois aux justes la grâce pour faire le
bien, m.iis pour le faire parfailement. ad per-
ficiendum justitinm; el cela est vrai. Dieu ne
donne pas toujours aux âmes les plus saintes
la force de i)raliqui r le bien avec autant de
perrdion qu'elles le voudraient : c'est ce
qui les afflige, les humilie, les toui mente
même par des scru|iules. S'ensuil-il de là
que Dieu leur refuse les giâres nécessaires
fiour éviter le péché cl pour persévérer dans
e bien?
lipisl. loi. ad Stxlum, chap. 6, n. 21 el 22,
saint Augu-lin parle non de la giàce acliellc,
mais (le la grâce finale, du don de la |)ersc-
Vérance.de la prédestination à la gloire éter-
nelle. Nous convenons, d'après saiul Augus-
tin, que ce don n'est dû à personne, que
Dieu peut le refuser à qui il lui plaii, el (|ue
feux aux(|uels il ne l'aeioide point n'ont
|)as droit de se plaindre; (|ue cela ne peut
pas excuser les pécheurs, comme le prélen-
dail l'élagç. Nous Irailerons celle qucslioa
ABB
64
aux mots Persévérance et Prédestination.
Voyez Grâce. § 3.
ÀliBAYK, ABlîÉ, ARBESSE. Un corps, une
coiiiinunauié quelc' nque ne peut subsister
sans subordination : il faut un supérieur qui
commande el des inférieurs qui obéissent.
Parmi des membres tous égaux, et qui font
profession de tendre à la perfection, l'auto-
rité doii être douce et charitatde; on ne pou-
vait donner aux supérieurs monastiques un
nom plus ( onvenabie que relui t\e père : c'est
ce que signifie abba. Par la même raison, l'on
a no.i mé abhessps les supérieures des reli-
gieuses, el abbayes les monastères. La juri-
diction, les droits, les privilèges des ahbés et
des ubhesses ont été fixés par les lois eeclé-
siasliques : c'est un de- articles de la juris-
prudence canonique. [Voy. le Die', de Droit
canon.] U nous suffit d'observer que la mul-
titude des abbayes de l'un et de l'autre sexe
n'a r en d'éionnant pour ceux qui savent
quel était le malheureux élat de la société
en Europe pendant le \' siècle el les sui-
vants. Les monastères étaient non-seulement
les seuls asiles oii la piéié pût se réfugier,
mais encore la seule ressource des peuples
opprimés , déponillés , réduits à l'esclavage
par li's seigneurs toujours armés et achar-
nés à se faire une guerre continuelle. Ce fait
esi ait' s(é par la mullilude des bourgs et des
villes bâtis autour de l'enceinte des abbayes.
Les peuples y oui trouvé les secours spiri-
tuels el lem|)nrels, le repos et la sécurité
dont ils ne pouvaient jouir ailleurs. .
On n'a jamais autant déclamé que de nos
jours conire les richesses, la sompluosilé,
la magnificence des abbayes : iian)s nos dic-
tionnaiies géographiques, on ne manque
jamais, en parlant des villes ou des bourgs
dans lesquels il se trouve une abbaye, de
faire contraster l'opulence qui y règne avec
la pauvreté et la misère des peuples du can-
ton, et d'insinuer que c'est ce \oisinage fai'al
qui ruine les colons.
L'on ferait une observation à peu prè.s
aussi sensée, si l'on mettait en opposition
la magniticence du châieaii de Versailles cl
le luxe de la cour, a\ec la multitude des
pauvres rassemblés dans celle ville ; ou la
misère répandue sur le pavé de Paris, avec
la suiiipluosiié des hôtels des grands sei-
gneurs et des financiers. Les pauvres se ras-
semblent dans «es deux villes, parce qu'ils
espèrent de trouver du secours dans la cha-
rité des princes et des grands : ainsi, les
abeilles se répandent sur les prairies dans
lesquelles il y a des fleurs à sucer, et non
dans les campagnes labourées, où il n'y en a
point Nous [lensons ((u'il en est de même
des abbuyes el des riches monastères, el que
si les mis. rahles n'y trouvaient rien à ga-
gner, ils ir.iient chercher leur subsistance
ailleurs. Les réflexions de nos censeui« poli-
ti(|ues prouvent |)récisémiînt 'le Contraire de
ce qu'ils prétenilent.
Il vient de parai re un ouvrage intitulé :
Obscrcaliuns dun solitaire c loyeii, dans le-
quel l'auleur a prouvé, par des r lisons très-
solides, iju'à n'envisager les abbayes el les
monastères que sous un .Tsperl politique,
ces élabli'-seriients sont très-;tvanl.i(îeux, et
qu'en les déiruisaiit ou en chaiii^o.iiit leur
i dcsiinatioti, l'on produirait iieaucoup plus île
Il mai que (le bii n ; il a répondu d'une manière
' Irès-satisfaisanle à IduIcs les ohjrclions que
les censeurs de l'état monastique ont com-
pilées dans leurs dissertations.
Sans entrer ici dans un jjrand détail, il est
évident, l°(|ue, dans toutes \es abOnijes et
les monastères en rè^Ie, le revenu est con-
sumé sur le lieu même etdans le voisinage;
au lien que s'il était donné à des séculiers,
il serait dépensé à la cour, dans la capilale,
ou dans quelqu'autre demeure éloignée du
sol et du séjour des colons. 2° Que, par le
moyen des coinniendes, il n'est aucune es-
pèce de revenu qui soit plus immédiatement
sous la main du gouvernement; puisque le
roi en dispose à chaque mutation, et (]ue
l'on peut les employer à l'utilité publiiiuo
par des réunions , par les économats, par
des pensions, etc. 3° Que, dans tuules les
calamiiés quiallligent les campagnes, il n'est
point de ress()ur<e plus prompte et plus
certaine que celle que l'on peut trouver dans
les abbai/es. Si l'on fiiisail une liste des
bonnes œuvres (|ui se lont joui nellemcnt
dans ce genre, les ennemis des im ines se-
raient forcés de rougir de leurs déclama-
tions, i" Que ces vastes hàtiments (|ni in-
sulient, dil-on,à la misère publique, ont été
élevés par les bras des ouvi iers du cininn ,
qui y ont ainsi gagné leur vie; (lu'eii cela
l'on s'est conformé au senliment de nos piii-
losophes politiques, qui soutiennent que la
meilleure espèce (raumône esi de faire tra-
vailler le peup'e. Il y .lurail bien d'autres ob-
servations à l'aire. Voi/ez .Mo ne, Monastèriî.
ABDAS. [C'était un éveque d'un zèle in-
considéré, qui mit le feu à un temple d'idoles.]
Yoy. Zfti.K.
ABDËNAGO. Vot/. ENFANTS dans la four-
naise.
ABDIAS, lequatîième desdouze peiits pro-
phètes, vivait sous le règne d'Ezéchias, vers
l'an 726 avant Jésus-Chrisi ; il prédit la
ruine des Iduméens et le retour de la capti-
vité de Juda, la venue du Me-'Sie et la voca-
tion des gentils; mais ces dernières prédic-
tions ne paraissent pas aussi claires que les
premières. Il ne faut pas le confondre a\ec
plusieurs autres AbdiiT^, dont il est p^rlé
dans l'Ecriture, savoir : l'un ceitain Ab-
dius, intendant de la mai-on d'.\c lab, qui
cacha, dans la cavi me d'une moiitagne à
laquelle il diMina son nom, cent pio|ihèies,
pour les sousiraiie à la funur de Jé/abel ;
'i" Un intendant des linanccs de David ; 3° un
des généraux d'aruK'e du même roi; k"
un léviie qui rétablit le temple .sous le règne
de Josias.
AuDus de Babylone, auteur supposé d'une
bistoiie du combat des apôtres. Il nous dit
dans sa préface qu'il avait vu Jésus-Clirisi ;
qu'il etaii du nomlire des soixanie et douze
discifiles; qu'ilsuivit en l'erse saint Simon et
saint Jude, qui l'ordonnèrent premier évo-
que de Babylone. .Mais en même ler,ii>s il
ABE
(16
cite Hégésipi)e, qui n'a vécu que cent trente
ans après l'ascension de Jésus-Christ, et
Veut nous faire accroire qu'ayant écrit lui-
même en hébreu, son ouvrage a été traduit
en grec par un nommé Kutrope, son disciple,
et du grec en latin, par Jules Africain, qui
vivait en 2-21. Ces contradictions démonirent
que le prétendu Abdias est un imposteur.
Wolfang Lazius, qui déierra le manuscrit de
cet ou\rage dans le monastère d'()^sali en
Carinihie, le fil imprimera Baie en 1551,
comme un monument précieux. 11 y eu a eu
plusieurs autres é litions. sans que cette his-
toire en ait acquis plus d'autoriié.
ABUlSSi, ABUJESU ou EBEUJESU. Voyez
Chaloeens.
ABECEDAIRES, branche d'anabaptistes,
qui prétendaient quepourétre sauvé il fallait
ne savoir ni lire, ni écrire. Voyez Anabap-
TiSFES.
ABEL, second fils d'Adam. Selon l'histoire
sainte, Caïn son fils aîné, cultivait la terre;
Abel élevait des troupeaux ; le premii r
olTrail à Dieu les fruits de 1 agriculture ; le
second lui présentait la graisse ou le lait des
animaux : il était naiur. 1 que, par recon-
naissance, les hommes fissent à Dieu l'of-
frande des aliments qu'ils tenaient de sa
bonté. Dieu ..gréa les dons d'Ahel, et n'eut
point é^ard àcenx de Gain. Cel li-ci, jaloux
de la prospérité de son frère, conçut contre
lui une li.iine violente et le tua.
Les rêveries que les rabbins ont écrites
sur la conduite d'Abel ne méritent aucune
attention; le récit simple et naïf de l'Ecriture
donne lieu à plusieurs rélle\ions. 1° Le sort
des deux II ères dut faire sentir à nos pre-
miers parents les suites terrib'es de leur
pèche, 1 excès des misères auxquelles était
couJamiiée leur postérité. 2° La destinée
d'^l/>e/ .léuiontre que les récompenses de la
veilu ne sont pas de ce monde. Dieu avait
dit à Caïn, pendantiiu'il méditait son crime:
Si tu fuis bien, n'en i-ecevras-tu pas la récom-
peitse? Si lu fuis mal, (on péché s'élèvera
contre lui. Cependant yl';ei reçoit pour tonte
récompense de sa piété une mort violenie et
prématurée. Dieu a donc accompli sa pro-
messe dans une autre vie. Selon saint Paul,
Abel, par aa foi, a offert à Dieu de mei leurs
sacnlices que Caïn ; par là il a mérité le nom
de ju.^te ; Dieu lui-même a rendu témoigna-
ge à ses olVrandes, et parcetti; foi il parle
encoie après sa mort. Hebr. xi, 4.
(Quelle a pu être la foi A' Abel, sinon une
ferme crojance à la vie future? Le témoi-
gnage que Di, u lui a rendu serait illusoi-
re , si la piete d'Abel etaii frustrée de toute
rccompeiise, L'in lulgence avec laquelle Dieu
traite Caïn après son crime serait un nou-
veau sujet de scandale. Voi/. Caïn.
Comme saint Cyprien, /. de Bono patien-
tiw, a I ué Abel de ne s'être pas défendu
contre son frère, et d'avoir ainsi donné un
prélude de la constance des martyrs et de la
patience des ju tes, Barbeyrac accuse ce
Père n'avoir détruit par la le droit naturel
d'une juste défense de soi-même. Traité de la
ntorale des Pères, c. 8, § 41.
67 ABC
Mais \cdrnii de se. défenûre ci V obligation
de le faire, est-ce la môme chose ? lîarbeyrac
convient que non ; qu il y a des cas dans
lesquels un juste peut êUe lou.ible de se
laiss r nieîlrc à mort, plutôt iiue de tuer
l'iiiiusle agresseur; il donne pour exemple
Jésiis-Cliiist t't les niarlyrs. La queslion est
iKinc de savoir si i4/^e/ n'a pu avoir aucun
(iioiir louable de se laisserôler la vie : or,
n<iu soulei'ons que le dessein de laisser à
son frère le temps de faire péuilence, de
diinr.er à ses propres enfants un exeniplo de
patience, lie retneltre à Dieu seul le soin de
la ïcniji'anee, est un motif très-louable, et
que sùiit Cyprien n'a pas eu tort de le louer.
Von. DkFKNSi; de SOi-MÉMR.
AHliLIENS, AliELOniiS. secle d'béréli-
ques assez obscurs et en petit nombre, qui
onl subsisté penilant quelqu;'s ann, es auprès
d'Hippone en Africjue. Quoique maries, ils
s'abstenaient de tout commerce conjugal avec
leurs femmes, le molif de cette conduite bi-
zarre éiail probablement d'imilrr la cbaslelé
d'Al el, que l'un suppose n'avoir jamais eu
d'enfants. .Mais, outre l'incer iliide de ce fait,
il aurait été plus simple de s'abstenir du ma-
riage. Celte continence mal ontenilue ne
pouvait manquer de produire bientôt du dé-
sordre dans un climat tel que l'Afrique.
Quels qu'aient pu cire leurs nmlil's, ils ne
valaient pas la peine que plusieurs éirivains
se sont donnée pour les deviner. S. Aug.,
de Hier., n. 87.
Mosheim , Hist. ccclénnst., w siècle,
part. II, c. 5, n. 18, a pris les Aûélien^ pour
une secte de gnostiques. Il nous paraît (ju'il
s'est liooipé. Saint Augustin parle de ceux
d'Afrique comme d'une secte (jui venait de
s'éieiudre , et qui n'avait pas duré long-
temps.
AlitJAUE, roi d'Edcsse, ville de la Mcsopo-
laniie, est connu dans l'histoire ccclésiasli-
que p,ir ce (|ue liusèbe eu rapporte, liv. !,
c. 13; il <lit que ce roi écrivit à Jcsus-Clirist
pour le ]:ricr de venir le giiérir d'une mala-
die : que le Sauveur lui fit réponse et promit
de lui envoyer un de ses disciples; qu'après
l'ascension, saint 'l'hoiuas envoya en clîet
saint Tliadée, qui guérit Abgare el convertit
la Ville (l'iulessc. Kusôbe rapporte la lettre
et la I épouse, et prétend les avoir tirées des
arrbives de la ville d'Edesse.
Ue savants critiques ont regardé ces deux
pièces cnni ne supposées ; Tillcmonl, Cave
et d'aulres , les rcg;)iveul comme aullien-
liques et répondent aux dillicultés ([u'on
leur oppose. Mosheim n'oserait garantir
l'auliienlieité de ces deux leltres ; mais il
ne voit auiuno raison de rejeii^r l'Iiisloiro
qui y a donné lieu. D'autres prolestants plus
hardis s'inscrivent égaieinent en faux coiitro
l'histoire el cnnlre les lettres; mais ils n'al-
lèguent (jUi; des prcMives négaiives.
Jl n'csl I as fort nécessaire à un tir olo-
gien de prendre parli dans celte dispute, qui
csl dans le foml très-imlilléreiile a la reli-
gion clirélienne. On ne fonde sur ce mo-
nument aucun fait, aucun dogini', aucun
point de morale, €l c'est pour cela même
ABI
6â
qu'il ne parait pas probable que l'on ait
fait une supercherie sans motif. La lettre
d'Abgare i ourrait fournir une preuve de
plus de la réalité de l'éclat des miracles de
JésiiS-Clirist ; mais nous en avims assez
d'aulres pour pouvoir aisément nous pa>ser
de celle-là. Voyez les notes Variorum sur
VHist. Ecclés. d'Eusèbe, etTillemont, loin. I,
pag. 3G0 et sniv.
ABIATHAR, fils d'AchimeUrh, fut le .li-
xième graml-prélre des Juifs, depuis Aaron.
Il est dit , / Reg-, c. 22, v. 18 et suiv., (juc
Saiil ayant appris (|u'Acbimelecb avait four-
ni à David des vivres et une cpée, fil massa-
crer ce sacrificateur el tous ceux de la ville
deNobé, au nombre de quaire-vingl-cinq
hommes, et fil passer Ions les habitants de
cette ville au fil de l'épée; qu'un fils d'Aclii-
nielech, nommé Ahiathar, se sauva auprès
de David, qui le prit sons sa protection. De
là on a conilu qu'il y eut alors deux grands-
prètres ; savoir : Sadoc dans le parti de
Saùl, et Abiathar dans celui de David. Sous
le règne de Salooion , Abiaihar s'élant al-
laché au parli d'Adonias, fut piivé du sacer-
doce et relégué à Analboth.
Mais il est dit dans saint Marc, c. ii, v.
26, que le fail de D ivid arriva so'is le grand- 1
prêtre Abiathar. Comment cela s'acC' rde-l-il
avec le jireinicr livre dus Uois qui nous ap-
prend que ce fui sous Achimelecb? — On
répond ordinairemeni, 1° (]ue. sous le règne
deSiiil, .46i(i(/iar exerçait déjà le souverain
sacerdoce conjoinlemenl avec son père, et
que cela s'est vu plus d'une fois ; qu'ainsi
l'évangéliste a pu nommer l'un ou l'autre
indilTéremment. "2" Que comme Abiaihar a
été revêtu de cette dignilj pendant tout le
règne de David, et même pendant la pre-
mière année de Salomoii , il élail plus con-
venable de le nommer que son père.
Mais un auteur anglais, nommé Wislon,
a résolu anlremenl ci;tte dilfieullé; il sou-
tient qu'Acliimeleeh, el son lils Abiaihar, dont
il est parlé dans le livre des Hois, ne sont
point deux grands-piélres, mais de simples
sacrificateurs, aussi bien que les autres
prêtres de la ville de Nobe, que Saiil fil mou-
rir. En effet, ni l'un ni l'antre ne sont ap|)e-
lés grands-iirclres , mais seulement sacrifi-
cateurs, el il n'est pas probable i|ueSaùl eût
osé faire massaerei" ileiix giauds-prétres.
Wislon prétend encore qu'il y a eu deux
grancis-prélres noninits Abiaihar , l'un sous
Saul, el qui était frère d'Acliimelecli ; l'aulre
s lUS David et sous Salomun, et qui était fils
d'Acbim. Ici h; mais qu'ils ne sont point les
mômes personnages que les sacriiicateurs
de iNobé donl il est question dans le xxi"
cbap. du i" livie des Hois. Voyez la Bible
de IJi lis sur cet endroit.
AilS.ME, ou plutôt AnvsME , formé d'«
[irivatil «it de Sùairi,-, fond ; il signifie sans
fijuil. Ce mol se prend lians l'Ecriture, i'
p lur l'imineusilc des eaux ijui environnaient
le g. obi' de la terre au moment de la créa-
tion, el avant i]ue Dieu les eût renfermées
dans un même lit. Gènes., c. i, v. 2 e, 9. 2°
Pour la mer ; en parlant du déluge, il est
6!)
ÂBJ
ABL
70
«lit qnç les spurros da grand abiine furent
loiiipups, c'esl-à-ilire, que la mer snrlil de
;. \) h\. (lenen., r. vu , v. 11. An sujnt des
r;ry|i|iciis siihine gi's dans la mer Uougi',
Miiï^ie dit qu'ils ont élé eoiiverls par les
nbiiiirs. Eriiil. xv, 5, etc. 3° Pour les lieux
les plus proioiids de la mer. Eccli. i, 2. 4.°
Pour l'eiifer. Il est représenté comme un
f;)u!T.e pl.^cé sous les eau"c et vers le centre
de la liTre, dans leipiel sont renleniiés les
ioipies, les géanls ()iii ont fait Irembler les
peu|)les, lis rois de Tyr, de liabylone, d'K-
^'\|)le, touj Mirs vivants, et portant la p(!ine
de li'ur orgueil et de leur cruauté. Isaïe,
parlant de la mort du roi de Babyloue, lui
adffiss' ainsi la parole : Ton arrivée a trou-
blé les enfers, a ériillé les géanis : les rois des
initions se sont levés de leurs siéi/es : ils te (li-
ront : Te voilà donc bissé aussi bien que
nous, et devenu scmbloble à nons;ton orgueil
a été pré('ip\:é aux enfers. Ion cadavre est
tombé; il sera la proie de la pnurriure et des
vers. etc. {Isaie, xiv, 9 et suiv.) Ezéchiel
dit la même chose <lu roi ilc Tyr, cliap.
sxviii, V. 8; du roi d'Kgypl'" el de ses sujets,
c. XXXII, V. 18gI suiv. L'abîme est au^si pris
pour l'enfer dans l'Apocalypse, c. ix, xr,
XX, etc.
Les conjectures des savants, sur la ma-
nière dont les Hébreux eoneev.iient le centre
de la terre ou !'• fond de l'obhne, la source
des fontaines el des ri^ières, etc., nous im-
portent lortpeu; il nous surfil de présenter
le sens lilléral el naturel des livres saints : il
en résulte que ceux qui ont assuré que les
anciens Hé'renx [l'av.ienl aucune idée de
l'enfer se sont (rompes. Voi/. li.Nriiu.
ABISSINS. Voy. Ivihiop.i;\s.
AliJUUATlON, est le serment par lequel
un liérélique converti renonce à ses erreurs
e! fail profession de la foi catlioli(;ue ; celle
cérémonie est nécessaire p;>ur qu'il puisse
être absous des censures qu'il a encourues,
el cire rccuncilié à l'Iiglise,
Les protestants ont souvent tourné en ri-
dicule les Ciinver-ions et les abjurations de
ceux d'entre euK qui rentrent dans le sein
de l'Iiglise calbolique; pour prévenir cette
espèce de désertion, ils ont po-é pour maxime
qu'un bonnêle ho.iune ne change janiiis de
religion. Ils ne voii ni pas qu'ils couvrent
d'ignominie, non-seulement leurs pères, mais
les apôtres de la prétendue réforme, qui ont
certainement cliangc de religion, et qui ont
engagé les autres à en chinger; ils rendent
snspccles lesconvi"rsioi\s des juifs, des m;:ho-
méliins, des païens, qui se font prolcslanls ; et
leur censue relombe même sur tous ceux
qui se sont convertis à la prédication des
apôtres. Leur maxime ne peut être Ion Ice
que sur une indifférence absolue pour toutes
les religions, pnr consc(|uent sur une incré-
dulité décidée, roj/fs GoNVEnsroN (1).
(1) L\ seule religion, dit M. Laval, qni ait droit de
dire: iNe changea p;is, est celle c|ui n':i jamais
cliangé. Mais que fut le proteslanlisnie à son ori-
gine, siimii un grand cliaii?iineiit dans la rel gion?
Uii'est-it dans mnie son liisioire, qu'une sniie de
chancemeut où l'on voit les dogmes, les confessions
ARLUTION. C'est l'action de se laver le
corps, ious les peuples, dans tous les temps,
ont compris (|ue l;i propréjé du corps ctail
le sy iibole de la propreté de l'àmc; que le
péché pouv.iil élie envisagé comme une ta-
che de la conscience ; (ju'en se lavunt le
corps, un liouime témoigne le désir qu'il a de
se purifier l'âme. Ainsi les ablutions, très-
nécessaires à la sauiédans lesclimatschands,
où l'on ne coimaissait pas l'usage du linge ,
sont devenues un acte ic igieux universel-
lement pratiqué. A-l-un cru pour cela que
celte cérémonie avait la vertu d'effacer le pé-
ché aux \eux delà Divinité? Si les ignorants
l'onl pensj', les sages du moins ont sentj
qu'un rite extérieur ne peut être efficace
qu'autant qu'il est accompagné d'un senti-
ment intérieur de | éniience.
Il parait (jue les ablutions ont été en usage
chez les patriarches, puisqu'il enestpailé
dans le livre de Job, ch. ix, v. 30. Moïse en
pre>crivil aux Juifs un grand eombre; Jc-
sus-Clirist les a consacrées en donnant au
baptême, conféré en son nom, la force d'ef-
facer le pérhé. Voyez Baptême. L'Eglise,
aniuiée par le même esprit, a conservé l'u-
sage de l'eau bénite. On sait que les païens
piati(|uaicnl aussi différentes espèces d ablu-
tions; que les mahomélans se lavent plu-
sieurs fois le jour, surtout avant la prière;
que les peuples les plus grossiers pensent
sur ce sujet comme les nations les plus
éclairées.
• list-ce une superstition générale qui a
saisi tous les esprits? Quiconque se per-
suade que, pour effacer le crime, il sulGl de
se laver le corps, sans avoir aucun senti-
in<'nt de com(ionction et de regret, sans au-
cun d.sir de se corriger, est superstitieux
sans doute; il abuse d'un signe destiné à lui
rappeler ce qu'il doit faire intérieurement:
mais l'abus dans aucun genre ne prouve rien
contre un usage utile en lui-même, il n'est
aucune institution de laquelle on ne puisse
abuser; l'ignorance, la slupidi lé, l'iiypocri-ie,
ne prescriront jamais contie les signes na-
turels de la pié.é cl de la religion. Vuyez
Expiât. OJis.
En terme de liturgie, l'on nomme ablution
l'eau et le vin que le prêtre met dans le ca-
defoi, les sectes, perpétnellement varier? Pourquoi
le prolest iiuisiiie, (pu eliange sans cesse, voudrail-il
nous défendre de lelnurner 5 l'I-iglise gni n'a jamais
cliaiigé. t>()nrqiioi denieurerions-ieius obslMiéaient
aUacliés à loiiles ces ( irconslauces? et reiurer dans
l'Iiglise, qn'esi-ce autre chose qne mettre (in pour
soi à tons res cliangeinents pour se lepirser enlin
dans l'antique foi ? C'e^l lui (|ui a voulu en changer;
nous ne faisons ipi'y revenir. Sans duiiie si on «p.dl-
(ait une secte p'iureiiirer<laiis iineanne, ce serait une
cliose biin vainc : car toutes les sectfs prolebUinles
étant également dépourvues d'autorité, on lelrouve-
rait dans mutes les autres incertitude : mais sortir
du (iroieslantisiiie pour rentrer dans l'Eglise cailio-
lique, c'est passer des vaiiaiions .à la croyance inva-
riable, des divisi MIS à l'unité, de l'erreur qni est
d'Iiier, à (a vérilé qui est dr; (ous les temps; c'est
pa^ser du doute .i la oi, c'est soriir de la mort pour
recouvrer la vie. ( Leiire de M, Laval, ci-devant mi-
nistre à Condé-sur-JS'oireau.)^
•Jl
ABR
Jice nprès la communion, afin qu'il n'y reste
rien «lu vin consacré. 11 cnnvienl de lenir
dans la plus grande propreié les vase* des-
liné< à coiiti'iiir l'Eucharisiie.
ABNÉGATION. lU'noncernent à sni-mêmo.
Jésiis-Clirisl dii dans l'Evangile: Si quel-
qu'un veut venir après moi, qu'il renonce à
lui-même, qu'il porte sa croix et me siiire.
Par là le Sauveur nous ordoiine-t-il d'clouf-
fer l'amour de nous-tnérai'S et de notre bon-
heur, de renoncer à notre intérêt bien en-
tendu ? Niin, sans doute, puisqu'il nous
invile à la venu par l'attrait de la récom-
pense et du bonheur qu'il nous promit, con-
séqiieminent par un motif d'intérêt très so-
lide. Il veut donc que nous renoncions à
l'amour de nous-mêmes, aveugle, et mal
réglé, à nus passions, à no-, inclinalions
vicieuses, que nous confondons mal à pro-
pos avec noire intérêt. Un june s'aime plus
véri.ablemeni, et entend mieus ses iiitérêls
qu'un pécheur; le premier cherche le viai
bonheur et II- trouve ; le second le rherche
où il n'est pas, et ne le trouve ni en ce monde
ni en l'anlre. Voyez Rf.noncemknt.
ABOMINABLE, ABOMINATION. Il est dit
dans l'hisioire sainte que les pasteurs de
brebis étaient en abomination aux l'-gyp-
tiens. Moïse répond à Ptiaraon, leur roi, que
les Hébreux doivent immoler au Se gneur
les abominations des Egyptiens, c'est-adirc,
leurs animaux sacrés, les bœufs, les bouC',
les agneaux, les iiéliers, dont le sacrifice
devait paraître abominable aux Egyptiens.
L'Ecriiure donne ordinairemenl le nom d'a-
bominalion à l'iilolâtrie et aux idoles, tant
à cause que le culie des idoles est en lui-
même une chose abominable, que parce qu'il
élait pre-que toujours accomijagne de dis-
solutions et d'actions infâmes. Moïse donne
aussi le nom à'abominubles aux animaux
dont il interdit l'usage aux Helireux.
L'abomination de la désolation, ou plutôt
Yabominalion ilésolante prédite par Daniel,
ch. IX, v. 27, marque, selon plusieurs inter-
prèles, l'idole de Jupiter Olympien qu'Antio-
chus-Epiphane fit placer dans le temple de
Jérusalem. La même abomination dont il est
parlé dans saint Matthieu , ch. xxiv, v. 15,
dans saint Marc, ch. vi, v. 7, et que l'on vit
à Jerusiilem |>endanl le dernier si, g<^ d.' cctie
ville par les Komains, sont les enseignes de
l'armée romaine, chargées des ligures de
leurs dieux et de leurs cmpereuis, nui fu-
rent placées dans la ville et dans le temple,
lorsque 1 ite s'en fut rendu maître.
AiSBA, dans lEciiture, signilii- une tille
d'honneur, une suivante, la servante d'une
femme de condition. Ce nom est donné aux
filles de la suite de Uébecea, à cel.es de la
fille de Pharaon, à relies de la reim^ Esiher,
à la servante de Ju'lilh. <^e n'est di une sim-
ple esclave, ni une tille de peine, mais pluiôt
une femme de chambre ou une lille d'atour.
ABBAHAM. Les divers événements de la
vie de ce patriarche, les discussions chro-
nologiques sur son âge appartiennent à
fhistuirc ; nous ne devons parler (jue des
circouttaocet qui psuveul donner lieu à
ABR 7i
des objectio'is théolo:;iques; le? autres ont
éié écliircies Je nos jours par plusieurs sa-
vants (i).
Pouniuoi Dieu a-t-il choisi un Chaldéea
pour se f.iire connaître à lui el à sa posté-
rité, pour se faire la tige de son peuple chéri,
plutôt qu'un Grec, un Bomain, un Chinois?
Patce que Dieu élait le maître de son choix;
quel que fût le personnage qu'il eût préiéré,
la même objeriion reviendrait. Ceux qui di-
seui que c'est un trait de pariialilé, une in-
juste prédiiectioii de la part de Dieu, n'en-
tendant pas les termes. Dieu ne doit à per-
sonne telle ou telle mesure de bienf.iits
naturels nu surnaturels, de faveurs spiri-
tuelles ou temporelles; ce qu'il accorde à
l'un ne diminue pas la portion qu'il veut
donner à un autre, et ne lui pore aucun
préjudice; la distribution inégale de bien-
faits purement giatuits n'est donc ni une
injusiiee, ni une partialilé. Voyez Accep-
T ON UE PliRSONNES, JUSTICE DE DiEU, PàR-
TIALITIÎ.
Quelques auteurs ont avancé qu'Abraham,
avant '-a vocation, était idolâtre; ils ont cité
eu preuve ce passage de Josué. ch. \xiv, v.
2: Vos pères ont lia'iilé un delà du fleuve,
l'Iinré, pire d'Abrah iin, et Naclior ; el ils ont
servi dis dieux éli anijers. Mais celle accusa-
tion ne peut tomber que sur Tharc et sur Na-
chor. Abraluim est disculpé dans le livre de
Judiih, cil. V, v. G ; il y est dit : Les Hébreux
sont un peuple uriijinuire de la Chaldée: ils
ont demeuré d'abord dans la Mésopotamie,
parce qu ils n'ont pas voulu suit re les dieux
de liurs pères, qui étaient dans le pays des
Clii'l:icens. Ainsi, en renonçant à la reïiijion
de leurs pères, qui ndmellat'enl plusieurs
dieux, ils ont adoré le Dieu du ciel, qui leur
a commande de sortir de là etd'allir demeu-
rer à Cliaran. Cela ne peut s'entendre que
iVAbtiiliam, puisque c'est à lui (|ue Dieu or-
donna de (luiiler son pays et sa famille; et
il est probable que dès ce moment son père
Thare, qui le suivit, cessa d'être idolâtre.
La fidéliié d' Abrnliain à n'adorer que le seul
Dieu du ciel peui être une îles raisons pour
lesquelles Dieu l'a choisi pour être la lige
de son peuple.
Dans plusieurs endroits de l'Ecriture,
Dieu (Si nommé le Dieu d'Abraham; les au-
teurs sacres ont-ils voulu insinuer par là
(|uc Dieu aliandoniiait les autres hommes
pour ne protéger que le seul Abrahnm; que
c'est un Dieu local dont la providence ne s'é-
lemlait que sur une seule famille ? Non sans
doute. Cila si.nilie seulenirnt que le vrai
Dieu était seul adoré par ce pairiari lie, jien-
daiil que la plupart des peuplade» déjà for-
mées ulTraienl leur encens à des dieux iuia-
(I) En fou Ihini dans les religions .incienneà de
l'Asie, lin II lioiiv'é, :i une époipie iiiiiérieiire à l'ère
tliiéiieiine, ils rcsseiiililiiiiees [lus ou iiiiiins gr:iii-
de>, dis iniuliigies |iliis nii iiiniiis parlailes uvec nos
cri)yaiice> cl mis pr.iliipies, ;ivee les poisoiwiiiges les
plus fumeux de l'aiicicii Tesuimunt. Les ciiiieinis de
nuire lui nul cru y iroiivcr une preuve que la reli-
gion juive cl la reln;i()ii cliréiieniie , sont des doc-
trines d'urigine indienne, plu;> parfaites, plus épurées,
73
ABU
ABR
71
{jiiinircs. Lorsqu'un chréden dit au heiçneur:
roHS Hes mon Dieu, il snit bien que Dieu est
aussi le créiUeur, le père cl le bii'nfaileur
des autres hommes.
Il semble d'abord qu'Abraham se rendit
coupable de mensonge, en disant au roi d'E-
gypic et au roi de (iérare, que Sara était
sa sœur, pendant qu'elle était son épouse.
Ce soupçon n'a plus lieu lorsqu'on (ait at-
tention qu'en hébreu le même tenue désiffiie
une sœur et une prorhe parente, une nièce
ou une cousine; les Hébreux n'avaient pas,
comme nous, des termes propres pour dési-
gner 1rs divers degrés de parenté. Voy.
Frère, Soelr.
Plusieurs interprètes ont pensé que Sara,
épouse WAhraham, était véritablement sa
sœur, issue d'un même père, mais non d'une
même mère; ce sentiment n'est pas proba-
ble. Dans le temps où vivait. Abraham, de
pareils mariages étaient déjà censés inces-
tueux; ils ne pouvaient plus être excusés
par la nécessité, parce que le genre humain
plus coniplèics que les religions orientales; mais
piircineiil liiiinaim-s, vaiiables avec le leinps, el per-
ieclililes (le siècle en s;éolfi. Les amis do notre foi
y onl VII pour l'Kglise la snnri e d'un iionvc.iu irinm-
plie. MM. Kiamlioiirg, Sionnel, Paravpy, limineliy,
n'ont poiiU nié les analogies. Ils se sont etTorcés de
prouver que la Bible n'a pas été puiser dans les Ir-
vrcs persans el indiens ; mais que eenx-ci ont puisé,
suit dans la tradition, soit dans les livres de l'Ancien
Tesiameiit. ,
Nous avons à examiner un point de celte grande
question. Abraham esl-ii le même personnage que le
Brama des Indiens ei ribrahiin des Pers;ins? — Ce
qui pourrait nous porter à les conlondre, c'est d'a-
bord la ressemblance des noms. C'est ensuite la vie
de ces personnages. Ils l'orulenl Ions les trois i\n
nouveau peuple, une nouvelle religion, une nouvelle
législature (car li's traditions rabbiniques, une ins-
cription chinoise qui remonlc à près de 5U0 ans
avant Jésiis-i;hrisi, renréscnionl Alirnliam comme
un législateur dnnlMoîseécriviilaloi.)Ces lois, dans
beaui oup de points, ont une analogie frappante. Nous
avouerons ingénument que nous n'avons pas assez
de science pour discuter ces faits, el conséquemment
pour porter un jugement. Nous dirons seulement :
1° Les dispersions du peuple juif remontent à une
Irès-haule anllquilé; elles préièdeul prohablenicnt
l'époque où fureiil écrits les livres sacrés des Perses,
des Indiens cl des Chinois. Car il est coiislanl que
les Juifs étaient en Clilne 700 ans avant Jésus-Christ.
— :2'' Les prophètes ei les snges Juifs avaient une
connaissance exirêmeinenl développée des mystères
el de la doeirine que Jésus-Clirisl devait nous révé-
ler complètement. Ils ne se conieniaieni pas de ré-
server pour eux-mêmes ces grandes vérités : il les
communiquaient aussi aux sages du pa;!anisnie,
comme une lotile de monuments en rournissenl la
preuve. (Voy. les Annales de philosophie chrétienne.)
— 5" L'assertion des auteurs qui prétendent cduIoii-
dre Abraham avec le Brama des Indiens , ii'élant
appuyé sur aucun fondement siilide et positif, ne
peut détruire la croyance ancienne el universelle
d'un lait environné de lonles les preuves que peut
exiger la plus sévère criiii|ue, de l'existence d'A-
braham comme pèiedu peuple de Dieu.
Ces trois onservalions nous paraissent rendre suf-
fisamment raison , f des nippons de ressemblance
qui existent entre Abraham, le Brama des Imlieiis
ei ribrabiiu des Perses ; 2° de l'existence certaine
Cl piisilive du père des croyants.
DiCT. DE Théol. dogmatiode. I.
était déjà suffisamment multiplié. D'ailleurs,
la conduite d'/16rfi/(am, qui, pour cacher sou
mariage avec S.ira, l'apiielle sa sœur, sem-
ble prouver que les peuples au milieu des-
quels il vivait ne croyaient pas qu'un frère
ptit épouser sa sœur. Ainsi nous pensons
que Sara n'él&it que la nièce d'Abraham ; il
a pu dire néanuioins qu'elle était fille de xun
père, puisqu'elle en était la petite-fille. 11 y
a sur celle question une dissertation dans
les Mémoires de Trévoux, an 1710, juin,
pas. I0o3.
Uarbeyrac soutient que le discours A'A-
ftrn/iom était du moins une équivoque équi-
valente à un mensonge, puisr|ue ce patriar-
clie en faisait usage afin de tromper les
Egyptiens et de leur cacher que Sara était
son épouse. A cela nous répondons que taire
la vérité à des gens qui n'ont aucun droit
de la demander, n'est point un mensonge,
lorsqu'on ne leur dit rien de faux; autre-
ment il ne serait janiais permis de se débar-
rasser des questions (l'une insdisrrète cu-
riosité. 11 est fort étonnant que Barbcyrac,
qui d'ailleurs est d'une morale si relâchée
touchant le mensonge officieux, soit si sé-
vère censeur de la conduite A' Abraham et
de celle des Pères qui ont voulu disculper ce
patriarche.
Mais n'était-ce pas exposer la pudicité de
Sara que de dire, en pays étranger, qu'elle
était sa nièce ou sa parente, au lieu d'a-
vouer que s'était son épouse? j46ra/irtm du
moins ne le pensait pas ainsi; il craignait
que, s'il déclarait sou mariage, les Egyp-
tiens ne fussent tentés de se défaire de Itii
pour enlever Sara ; au lieu qu'on disant
qu'elle était sa parente, il espérait de trou-
ver un moyen d'écarter leur recherche. S'il
se trompait, son erreur n'était pas un crime.
Dieu eut égard à l'iiiteution des denx épou.t;
il ne permit point que le roi d'Egypie ni
celui de Gérare attentassent à la pudicité de
Sara. Les critiques téméraires t|ui onl osé
affirmer qxx'Abraham avait prostitué son
épouse, afin d'être mieux traité, l'ont calom-
nié p;ir pure malignité.
Saint Jean Chrysosfome semble louer
Sara d'avoir exposé volonlairoiuent sa cha-
steté, afin de conserver la vie à sou mari , et
trouver bon que celui-ci y ait consenti. Il'
suppose que tous deux ont agi avec l'iuleh-,'
lion la plus pure, et dans la conOince que
le Seigneur, dont ils avaient éprouvé si sou-
vent la proieclion, les secourrait dans une
circonstance aussi périlleuse ; il n'y a donc
pas lieu à la censure amère que Barbey rac
a lancée contre ce Père.
Sara, stérile et avancée en âge, engage
son époux à prendre Agar, sa servante, afin
d'en avoir des enfants: alors ce ne fut pas
un crime. Dans l'état des familles encore
isolées et nomades, la polygamie n'était pas,
défendue par le droit naturel. Les Pères de
l'Eglise ne se sont point trompés lorsiju'ils!
ont soutenu qa' Abraham n'avait point péché
en cela contre la loi naturelle; à plus forte
rais(m contre la loi positive, qui n'existait
uas encore. Nous ne voyons pas sur quoi se
3
7S
ABB
ABR
76
sont fondés plasieurs critiques modernes
pour décider qu'Agar n'était point femme lé-
gitime û' Abraham; nous prouverons le con-
traire au mol Polygamie.
Vainement Earbeyrac fait remarquer qu'^-
braham, par cette conduite, semblait se dé-
fier des promesses que Dieu lui avait failes
d'une postérité nombreuse. Ce reproche est
injuste. Dieu, en faisant ces promesses, Gen.
XII et XV, n'avait pas dit que celte postérilé
naîtrait de Sara, et non d'une autre femme ;
Dieu ne s'expliqua sur ce point que treize
ans après lanaissance d'Ismaël. Gène*, xvii,
16 et 25.
Cet enfant était né d'Agar lorsque Sara
devint féconde el mil .tu monde Isaac; bien-
tôt la désobéissance d'Agar et li^ caractère
féroce d'Ismaël firent craindre à Sara pour
les jours de son fils Is.iac. Elle exigea que
la mère et l'enfant fussent éloignés de la
tente paternelle, et Abraham y consentit. Ce
procédé a paru dur et injuste à ceux qui
n'ont pas examiné les circonstances el pesé
la valeur des termes. Il est dit (\u\ibrahain
donna du pain et de l'eau à ces deux ban-
nis. Gen. XXI, \k. Or, dans le style de l'E-
criluro, le pain signifie la nourriture, la sub-
sistance, les choses nécessaires à la vie.
Dans notre langue même, lorsqu'un homme
sans fortune dit à son protecteur : Donnez-
moi du pain, il entend, procurez-moi une
subsisiance honnête. D'ailleurs, dans celte
circonstance, Abraham obéissait à l'ordre de
Dieu, beaucoup plus qu'au désir de Sara,
et Dieu lui avait promis de protéger Agar
et son fils. Gen. xxi, 12 et 13. Aussi ne
voyons-nous aucune inimitié entre Ismuël et
Isaac, soit pondant li vie, soit après la mort
à' Abraham, ni aucune division entre leurs
descendants.
Pour juger sensément de la conduite des
patriarches, il faut se placer dans les mêmes
circonstances , se mettre au ton des mœurs
et des usages qui régnaient dans les premiers
âges du monde.
Isaac était âgé de près de vingt-cinq ans,
lorsque Dieu, pour éprouver Abraham, lui
ordonna de l'immoler en sacrifice. Il scmbliî
d'abord que cet ordre soit indigne de Dieu :
mais le souverain maître de la vie et de la
mort peut abréger ou prolonger nos jours
comme il lui plaît ; si, par un accident ou par
une maladie, il avait tranché ceux ë'isaac,
'Abraham aurait-il été en droit de murmurer ?
A la vérité, un sacrifice du sang humain au-
rait été un très-mauvais exemple; aussi
Dieu ne permit point qu'il fût accompli ; il
se contenla de la disposition dans laquelle
était Abraham d'obéir, et redoubla ses bien-
faits envers ce patriarche.
On (lin que Dieu, qui connaît le fond des
cœurs, qui prévoit nos sentiments futurs
avec autant de certitude qu'il voit nos dis-
positions présentes, n'avait pas besoin de
mettre .4&ra//am à l'épreuve. Cela est vrai;
mais Abraham avait besoin d'être éprouvé,
et le genre humain avait besoin de cet exem-
ple pour concevoir que Dieu cat en droit
(J'csiBerdç nous, quand il lui plaît, des sa-
crifices héroïques, parce qn'il est assez puis*
sant pour les récompenser (1).
C'est doiic avec raison que les écrivains
sacrés ont fait l'éloge de la foi el du courage
à'Abrnham, ei le proposent pour modèle; il
crut, dit saint Paul, que Dieu, qui a le pou-
voir de ressusciter les morts, ferait plutôt
un miracle que de manquer à ses promesses.
Heb. XI, 19.
Lorsque Dieu dit à Abraham: Tontes les
nations de la terre seront bénies dans votre
race, Gen. xxii, xxvi, xxviii, nous soute-
nons, après saint Paul, Galat., m, 16, avec
les Pères de l'Eglise, que race désigne un
seul descendant d'Abraham, qui est Jésus-
Christ, comme dans la prédiciion faile au
serpent, Gen. m, 15 : La race de la femme
t'écrasera la tête.
Mais en quoi consiste cette bénédiction?
S'il n'était question que de bienfaits tempo-
rels et d'une protection particulière de Dieu
à l'égard des descendants d'Abraham, en
quel sens celte bénédiction pourrait-elle s'é-
tendre à toutes les nations de la terre? La
prospérité des Juifs ne pouvait induer en
rien sur celle des autres peuples, il est
donc évident que Dieu promet, dans cet en-
droit et ailleurs, par les mêmes paroles, les
grâces de salut ou les bénédictions spiri-
tuelles qu'il voulait répandre par le Messie
sur tous les hommes qui croiraient en lui,
et qui deviendraient ainsi les enfants d'jl-
braham, en imitant sa foi. Saint Paul, qui
les explique ainsi, Galat. m el iv, n'en a
pas seulement donné le sens mystique et
allégorique, comnie certains critiques le
prétendent, mais le sens littéral et naturel.
Ainsi les Juifs, qui prennent ces promesses
dans un sens grossier et qui les restrei-
gnent à leur nation seule, sont dans l'er-
reur.
ABRAHAMIENS. Voyez Saiîosatiens.
ABRAHAMITES, moines catholiques, qui
souffrirent le martyre pour le culte des iina-
(1) Les iiicréiliiles tournem en dérision h promesse
que Dieu fit à Abraliam. Voici conimeiu Bullet leur
répoïKi : « Dieu dit à Aliraliani, Gen. xiii, 15: Je
donnerai à vous et à votre poalériié tout ce paijs que
i:i/iis voyez. — La prouie>.se que Dieu fait ici à
Aljraliniii de lui donner persoiinelleiiieiit l.i terre de
(;b:iuaan a éié sans ellet, disent les incréilules, puis-
que ce palriarclii; u'y posséda jamais en propre
qu'iMi cliainp el une caverne qu'il avait aclieiés qua-
tre i;eiit!> sicles. — Les inier|irè(es répondent que la
pariicuic et sigailie eu cet endroii c'est-à-dire; de
sorte (juc le sens de ce verset est que Dieu pronie»
la turre <le Clianaaii il Abraliant ; c'eu-à dire a »a
postérité. L'cxpliciUion est bonne, mais on est fàclië
de. voir que les conunenlateurs lie l'appuient d'au-
cune preuve ; imus ;illous suppléer à celte omission.
€ P.irn)i plusieurs sigiiilicaiions que renferme la
particule vau, i|iii est rendue, dans le p:issage que
nous e.\aininons, par et, colle Je c'esi-à-dire en
français, id est en latin, en est une : c'est ce que
nnus allons dcinonlrer par divers exemples. Gen. u,
3. Dii'ii liénit le sepiiémc jour, vau, c'ett-à-dire, le
sanciifi;!. — Exod. iv, H. Jo serai dans voire bou-
tlie, VAU. c'esl-o-dire , je vous apprendrai ce que
vous aiirci à dire. /<»/(/. vii,U. Pharaon til venir
les saiies, vau, cesiàdire, les magiciens. î^omb. xxxi,
6. Moise les envoya à la guerre, leur conlianl les
77
ABS
ABS
78
ges sous Théophile, au neuvième siècle.
Voy. Iconoclastes.
• AnnAiiAMiTES. L.1 seclc des Iliissiles conserva
pendant longtemps des sectalciirs dans la Rnhêine.
Elle linit enlln par se fondre en une secte nouvelle
qui réiniit des juifs, des protestants, et sans dont'}
plusieurs cailioliques qui se laissèrent entraîner daus
rerrenr. Elle établit son siège à Par-du-Bitz, en
Bolièmc. Josepli U, par son édit de toléranfe , la
contraignit h s'incorporer dans le sein do l'nnedes
religions reconnues par l'Etat. La plupart des secta-
teurs (le la nouvelle n^ligion refusèrent de souscrire
à l'ordre de rempereur et furent exilés. Un bon
nonihre demandèrent ^ràce et renircrent dans le sein
de la religion de l'einpire. Ils y conservèrent sans
doule leur loi et leur morale qu'ils prétendaient être
celles d'Adam et d'Ahraliam. C'est pour cela qu'ils
étaient nommés Abialiamiles el Adumites.
Leur croyance se réduisait à un petit nombre de
dogmes. L'existence de Dieu, l'imniorialiié de l'àme,
les peines et les récompenses de la vie future cons-
liluaient à peu prés tout leur symbide. Ils n'admet-
taient de toute l'Ecriture que l'Oraiion Dominicale
et le Décaidgue, parce qu'ils les regardaient comme
fondés sur la raison. Jésus-Clirist n'était à leurs yeux
qu'un pliilosoplie un peu plus sngc que les autres.
Abraliam lut un grand dncleur; il eut cependant une
faiblesse, ce fut celle île se laisser circoncire. Ils le
prirent pour m.iiire, mais dans la partie de la vie
qui précéda celle Ininnliante cérémonie.
La morale des Abraliamites était abominable. Ils
regardaient comme une borrible tyrannie les lois de
décence, de retenue el de chasteté reconnues par
tous les peuples. Aussi vivaienl-il:> dans une espèce
de promiscuité où les femmes étaient communes. La
famille étant détruite , les enlants étaient élevés
comme des cties ipii apparten^iient à la communauté,
mais qui ne devaient reconnaître ni père ni mère.
ABSOLU, adject. ABSOLUMENT, adv.
Absolu se dit, 1° par opposition à ce qui est
relalif. Nous soutenons qu'il n'y a dans le
monde aucun mal absolu, mais seulement
des maux relalil's; la conùilion des créatu-
res n'est bonne ou m.iuvaisc, un bien on un
mal, que par comparaison. Le bien absolu,
c'est i'inriui ; le mal «6so/i«, est le né.int:
entre ces deux extrêmes, il y a une inlinilé
de degrés ou de manières d'être qui sont
censés un mal en comparaison d'un plus
grand bien, et un bien si on les compare à
nn élal plus mauvais. L'oubli de ces notions
a rendu plus obscure la question de l'ori-
gine du mal. V. Lien et Mal.
Dans le même sens, certaines proposi-
tions, énoncées en ternies absohts, ne sont
vraies que par comparaison ou dans un sens
relalif. Quand on dit que Dieu abandonne les
pécheurs, cela n'est pas o6.«o/it/nfn( vrai,
puisqu'il n'en est aucun ù qui Dieu ne donne
des grâces; mais il ne leur en accorde pas
anlaiit qu'aux justes. Voyez Guace , § 3.
Saint Paul répète ce que Dieu a dit par un
prophète : J'ot aimé Jacob, et j'ai haï Esuii.
Clcpendant Dieu n'a pas cessé absolument de
instruments sacrés, vin, t esl-à-dire, les trompettes
d'un son éclatant. — Juges, vni, -27. Cet épliud de-
vint un piège qui causa. la ruine de GéJéon, vau,
c'est-à-dire, de sa maison. — // Rois, xi, il. Je jure
par votre vie, vau, c'esi-à-dire, par votre conserva-
tion. » BuUet, Rép. dit., (aiu. i, pag. 15i, édit. de
tcsançon, IS'iC.
répandre des bienfaits 'sur Esaù et sa posté-
^rité; mais il ne les a pas traités aussi favo-
rablement que .lacob et ses descendants.
L'auteur du livre de la Sagesse dit à Dieu ;
Vous ne haissez. Seigneur, rien de ce que
vous avez /"ait. Celte proposition e.%{.absolu-
ment vraie; la précédente n'est vraie que par
comparaison.
Il faut distinguer encore les arguments «6-
soltis d'avec les arguments relatifs person-
nels, que l'on nomme arguments ad hominem :
ceux-ci ne sont solides que relativement aux
opinions et aux principes de l'adversaire
contre lequel on dispute; ils ne prouvent rien
contre ceux quioutdes principes ou des opi-
nions contraires.
2» Absolu se dit par opposition à ce qui est
conditionnel; ainsi l'on dislingue en Dieu la
volonté absolue, par laquelle il opère immé-
diatement par lui-même tout ce qu'il lui
plaît, et la volonté conditionnelle, par la-
quelle il nous laisse la liberté de résister.
Dieu veut notre salut, non absolument, mais
sous condition que nous le voudrons nous-
mêmes, et que nous obéirons à ses grâics.
3° L'on distingue l'impossibililé absolue
ou métaphysique, d'avec i impossibilité mo-
rale, qui signifie seulement une très-grande
difficulté.
h° Absolu, se prend dans un sens opposé à
déclaratif. Dans ce sens les catholiques sou-
tiennent que le prêtre a le pouvoir de re-
mettre les \)èc\\(is absolument ; les protestants,
au contraire, prétendent qu'il peut seule-
ment déclarer que Dieu a remis les péchés.
5° On nomme le jeudi de la semaine sainte
le jeudi absolu, parce que dans plusieurs
églises on fait l'absoute avant la cérémonie
de la cène; c'est un reste de l'ancienne disci-
pline ou de l'usage de réconcilier ce jour-là
les pénitents publics, avant de les admettre à
la communion.
* Absolu ( terme de philosophie religieuse mo-
derne). Le talent de la philosophie moderne a été de
cacher la nnlliiédc ses idées sous l'un de ces grands
mois ininielligibles à la pensée de la multiinde, mais
qui pour cela n'en sont que plus dangereux. On pro-
nonce le mot sans savoir ce que c'esi, et ensuite on
se croit en droit de rejeter les idées communément
reçues. Du nombre de ces mots malheureux, enfan-
tés par une philosophie incrédule , est le terme
absolu.
Les pantliéisies et les autres rationalistes modernes
désignent par le nom vague à'uhsolu un êlre : 1° exis-
tant indépendamuienl de tonte hypothèse; 2° avant
seul l'existence par lui-même et sans cause ; .5° pos-
sédant une indépendance absolue de tout ce qui
existe; -4° enlin renfermant en lui toutes les réalilcs
et les perfections. Un voit que la philosophie alle-
mande a voulu voiler le nom de Dieu sous le ternie
vague A'absolu. On choquait beaucoup moins les
oreilles en introduisant sous ce nom des doctrines
subversives de toute religion. Schelling déduit ainsi
les conséquences de ce système de philosophie :
i Depuis Descaries, la raison pure, avec ses i>rin-
cipes a priori, a éie l'uni(iue agent de la science phi-
1 sophiqne. Or, la raison pure ne nous révèle que
l'être en général , l'eue indéterminé, et parlant im-
personnel Donc avec la raison pure toute seule,
et abstraction faite de nos autres moyens de con-
naître, on ne trcmvera, si l'on est consé jnenl, qu'un
Dieu impersonnel, un monde éternel et nécessaire
79
ABS
ABS
80
le pnnthéisme, en un mol; mais la personnalilé et
la liberté ne se iroiiverônt jamais. L'histoire de la
piiilosophie moderne le prouve. L'emploi de la nié-
iliode exclusive a priori, l'a ronduile, de système en
sysième, au panlliéisme de Hegel, i|ni fait de la rai-
.son la substance et la cause de l'univers. Dieu lui-
même. Pans cetie tbéoiie, le concret, le détermine,
l'indiviilu n'est qu'un phénomène épliémère; s'il se
inonire, c'est pour s'évanouir aussitôt sans retour. >
Voilà li'S conséquences infaillibles de la doctrine de
l'absolu, la négation de Dieu. La réfutation de celte
dociriiie est intimement liéR à 1 1 preuve de l'exis-
tence de Dieu... [Sous y renvoyons pour la présenter.
Il est bon cependant d'enlendre comment nos pUilo-
phes sont arrivés à leur prétendu absolu.
KanI, et à sa suite une multiiude île pbilosoplies
allcmanils et français ont dit qu'ds trouvaient l'idée
de l'afjso/udans le lenips et l'espace. Méditez, disent-
ils, sur le temps et l'espace, vous arrivez nécessaire-
ment à un temps et à un espace absolus. ISous nions
celte assertion : nous ne percevons j;imais, soit un
temps, soit un espace auxquels la pensée ne puisse
rien ajouter. Nous sommes même convaincus qu'on
ne peut arriver .a l'idée d'un espace ou d'un temps
simplement indélini, avant qu'on se la snit furinée
par une suite d'abstractions , fondées sur des con-
ceptions dont la sphère s'agrandit de plus en plus.
(Voy. Infini. ) Si l'on prétend, avec Ficlile, qui', la
conscience de sa propre individualité est ideiitiliee
aven celle de Vabsolu, ou avec Sclielling, que nous
percevons notre individualité comme con>uljstantielle
â Vabsolu, et qu'ainsi nous ne pouvons avoir la
conscience de nous-mêmes sans concevoir l'absolu,
nous répondrons (|u'il y a ciMilradicliou dans les
termes : car ce raisonnement supiiose l'existence
individuelle de cbaque boinme. C'est le principe
sur lequel il repose, et c'est ponr arriver à la consé-
quence iiu'il n'y a pas d'individu; puisque noire iii-
dii'idualiié e>l, selon Ficble, idenliliée avec celle de
Yabsolu, et qu'elle est consubsiantielle à {'absolu,
selon Scliellini,'. Ce sysléine tant vaiiié conduit donc
au panlliéisiiie le plus complet, docinne contraire à
la raison et à la saine morale. Voy. Panthéisme.
ABSOLUTION , rémission des péchés faile
parle prêtre ;iu nom de Jésiis-CInisl dans
le sacrement de iiénilence. To//. Pénitence.
\CriUrium de la foi cnllioUqae. — i Quoique l'.ib-
soliition du prèire, dil le concile de Trente, soii une
dispensaiioii du bienfait d'aiiirui, louleluis ce n'est
pas seulement un simple ministère, ou une simple
commission d'aiinoncer l'Lvangile ou de déclarer
que les pecliés seront remis, mais un acte judiciaire,
par leipiel le prêtre, comme juge, prononce la sen-
teiii e. .Vnalliéine donc à celui qui dit que l'absolu-
lioii savramenlelle du piôlre n'est pas un acte judi-
ciaire, mais un simple minisiére, consistant il pro-
noncer et à déclarer (|ue les péchés seront remis à
celui (lui se confesse. {Concil. Trid., sess. 14. can.
6, et can. y.)| "^
Absolution se prend encore pour la levée
des censures et l'aciion de réioiuilicr un
excommunié à l'Kglisc : d;ins ce sens elle
licnl an droit canonique plus qu'à la théolo-
gie.
lùifin l'on nomme absolulion une prière
qui se dit a la lin de chaque noclurne dé l'ol-
(icc divin, à la lin d.'s heures canoniales, et
«ne prièiequi se lait pour les morts.
ABSOUri:. Cérémonie qui se pratique
dans l'Eglise romaine le jeudi dt- la semaine
sainle, pour représenler l'absolution qu'on
doniiail vers le même Icinps aux pénilcnlsde
la |iiiiiiiijve Kglisc.
K'usagc de l'Eglise do Rome et de la plu-
part des Eglises d'Occident, était de donner
l'absolution aux pénilenls le jour du jeudi
saint, nommé pour celte raison la jeudi ab-
solu.
Dans l'Eglise d'Espagne et dans celle de
Milan, celle absolution publique se donniil
le jour du vendredi saint ; el dans l'Orient
c'éi.iil le même jour ou le samedi suivant,
veille de Pâiues. Dans les premiers temps,
l'évêque faisait l'absoute, et alors elle élcM
une partie essentielle du sacrement de pé-
nitence; parce qu'elle suivait la confession
des fautes, la réparation des désordres pas-
sés cl l'examen de la vie présente. « Le jeudi
saint, il't M. l'abbé Fieury, les pénitents se
présentaient à la porte de l'église; l'évêque,
après avoir fait pour eux plusieurs prières,
les faisait entrer, à la sollicilation de l'archi-
diacre qui lui représentait que c'était un
temps propre à la clémence.... Il leur faisait
une exhortation sur la miséricorde de Dieu,
et le changement qu'ils devaient faire pa-
raître dans leur vie, les obligeant à lever la
main pour signe de celle promesse; enfin se
laissant lléchir aux prières de 1 Eglise, et
persuadé de leur conversion il leur donnait
l'absolution solennelle. » Mœurs des chré-
tiens, til. XXV.
A présent ce n'est plus qu'une cérémonie
qui s'exerce par un simple prêtre et qui con-
siste à réciter les sept psaumes de la péni-
tence, quelques oraisons relativesau repentir
que les lidèles doivent avoir de leurs péchés.
Après quoi le [irêtie prononce les l'cjrmules
Misereatur el Jndulgenliam ; mais tous les
théologiens conviennent iiu'elles n'opèrent
pas la rémission des péthés; et c'est la diiïé-
rence do ce qu'on appelle absoute, d'avec
l'absolulion propremenl dite.
ABSTÈME, du lutin abstemius. On nomme
ainsi les personnes qui ont une répugnance
naturelle pour le vin et ne peuvent en boire.
Pendaiil que les calvinistes soutenaient de
toutes leurs forces que la communion sous
les deux espèces est de iréceple divin, ils
décidèrent au synode de ChaienUin que les
cbslèims pouvaient élre admis à la cène
pourvu qu'ils loucliassenl seulement la coupe
du bout des lèvres, sans avaler une seule
goulte de vin. Les luthériens leur repro-
chèrent celle tolérance comme unepreiari-
calion sacriidge.
De celle contestation même on a conclu
contre eux qu'il n'est pas vrai que la com-
munion sous les deux espèces soit de pré-
cepte divin, puisqu'il y a des cas où l'on peut
s'en dispenser, t'oij. Communion .tous les deux
e.tpvces. Coupe.
ABSTINiùNCE. Le motif général AeVabsti-
nence est de morlilier les sens cl de dompter
les passions : l'on connaît assez les suites
iiaiurelles de la gourmandise. Selon M. de
Bullon, laniorliticiiion lapins clfii ace contre
la luxure est l'aôstinentc el le jeûne. Hist.
Nat.. loin. III, in-12, c. 4, pag. 105. Dieu,
après avoir créé nos premiers parents, leur
accorda pour nourriture les plantes el le*
fruils de la terre; il ne leur parla jioinl do
la chair des animaux. Gm. 1, i9. Mais vu les
«1
ABS>
ABS
iA
excès auxquels se livrèrent les ' hommes an-
léricurs au déluge, il n'est guère probable
qu'ils se soient abstenus d'aucun des ali-
uienls qui pouvaient tlatter leur i^oût. .
Après le déluge. Dieu pcnnil à Noé et à
ses enfants de manger la iliairdes animaux;
mais il Irur défendit d'en rnans^cr le s.ing.
GfW.ix,3 (,'< suit'. Par les termes dans lesquels
celle défense est conçue, il l'arait que le mo-
tif "tait d'inspirer au\ iioniines l'horreur du
meurtre. L'habitude d'égorger les animaux
et d'en boire le sang porte infailliblement
l'homme à la cruauté.
Moïse par ses lois défendit anv Juifs la
chair de plusieurs animaux qu'il nomme
impurs; il exclut nommément tous ceux
dont la chair pouvait être malsaine, relati-
vement au climat, et causer des maladies.
Quelques philosophes ont rapporté au même
moiil l'usage des Egyptiens, de s'abstenir de
la chair de plusieurs animaux.
L'usage du vin était interdit aux prêtres
pendant tout le temps qu'ils étaient occupés
au service du temple, et aux nazaréens pour
tout le temps de leur purincation.
A la naissance du christianisme, les Juifs
voulaient que l'on assujeitîl les païens con-
vertis à toutes les observances de la loi ju-
daïque, à toutes les abstinences qu'ils prati-
quaient. Les apôtres assen^blés à Jérusalem
décidèrent qu'il suffisait aux fidèles convertis
du paganisme de s'abstenir du sang, des
viandes sulîoquées, de la fornication et de
l'idolâtrie. Act. xv. Saint Paul dans se$ lettres
a donné sur ce point des règles très-sages.
Hieniôt même cette abstinence se trouva su-
jette à des inconvénients; Terlullien nous
apprend que les païens, pour mettre les
cliréiiens à l'épreuve, leur présentaieut à
mangiT du sang et du boudin. ApoL, c. 9.
Mais les abstinences prescrites à Noé, aux
Juifs, aux premiers fidèles, démontrent l'abus
que les protesianis ont lait de la maxime de
l livangile, quece n'est point ce qui entre dans
lu bouche qui souille l'Iiomme. Matlh. iv. 11.
Les manichéens faisaient déjà celte objec-
tion pour prouver que les abstinences pres-
crites par Moïse étaient absurdes, et saint
Augustin a réfuté plus d'une lois ce sophisme.
L. contra Adim., c. 15, n. 1; I. xvi, contra
l'aast.^ c. G et 31. Est-il donc permis de
uianger de la chair humaine, sous prétexte
qu'aucune nourriture ne souille l'homme ?
La pomme mangée par Adam le souilla sans
doute, puisqu'il en fut puni, lui et toute sa
postérité, lïès que les apôtres ont eu le droit
de défendre aux chrétiens l'us.ige du sang et
des Mandes suffoquées, pourquoi les succes-
seurs n'onl-ils pas eu celui d'interdire l'u-
sage de toute viande dans certains jours et
dans un certain temps.
Ce qu'il y a de singulier, c'est que les ma-
nichéens, qui luuruaient en ridicule les (76s-
linmces prescrites par Moïse, ordonnaient
eux-mêmes à leurs élus de s'abstenir du vin
et de la chair des animaux. Pour justifier
cette dlsciplme, ils disent que ceux d'entre
les catholiques qui faisaient la même chose,
passaient pour être les plus parfaits. Saiul
Augustin leur répond que ceux-ci pratiqueut
Vabstinence pour mortifier les passions, au
lieu que les manichéens croyaient que la
chair en soi était impure, parce que c'était
l'ouvrage du mauvais principe. Beausobre,
qui veut à toute force disculper les mani-
chéens, passe sous silence leur contradiction
touchant les abstinences judaïcjues, et sou-
tient (ju'ils raisonnent plus cuiiscquemment
que les catholiques. 11 abuse d'une équivoque
en appelant nourriture saine, celle qui n'est
ni infecte ni corrompue, et celle qui ne nuit
point d'ailleurs à la santé. Est-ce donc la
même chose? Avec de pareils sophismes on
peut prouvrr tout ce que l'on veut. Uisl. des
manicli., I. ix, c. 11.
Lors(]ue l'Eglise nous a commandé l'absti-
nence et le jeîïne, elle n'a envisagé que le
motif général de la mortification ; elle ne
s'est fondée ni sur les défenses faites aux
Juifs, ni sur les rêveries de quelques héréti-
ques; elle se relâche même de la sévérité de
ses lois, toutes les fois qu'il se présente des
raisons d'user d'indulgence. Quelques philo-
sophes sont convenus qu'en bonne politique
il est très-utile de suspendre le carnage des
animaux pendant quelques jours et quelques
semaines de l'année.
Quant aux aôs/inences pratiquées par quel-
ques sectes de philosophes, par les pytha-
goriciens, par les orphiques, etc., elles ne
nous regardent point; les motifs pour les-
quels Vabstinence est observée par les chré-
tiens n'ont rien de commun avec ceux qui
dirigeaient la conduite de ces philosophes.
Quelques protestants ont soutenu que, dans
les premiers siècles de l'Eglise, l'abstinenct
de la viande ne faisait pis partie essentielle
du jeûne du carême, qu'il était défendu seu-
lement d'user d'une nourriiure délicate et
recherchée, soit qu'elle fût grasse ou maigre;
qu'il n'y avait rien de prescrit sur le genre
des aliments, pourvu que l'on y observât la
sobriété et la morlificalioii. Le père Tho-
massin a fait voir le contraire par des
preuves solides. Traité des Jeûnes, i" partie,
c. 10 et 11 ; II' partie, c. 3, etc. (^omme il n'y
avait point de loi positive et formelle tou-
chant le jeûne, il n'y en avait point non plus
eoiicernanl Vabstinence ; c'est donc à l'usage
établi qu'il a faliu s'en tenir dans tous les
temps. Or, dès le troisième siècle, Origène
nous apprend que plusieurs chrétiens for-
vents s'abstenaient pour toujours de la viande
et du vii-i, non par les mèines raisons que les
pythagoriciens, mais pour réduire leur corps
en servitude et réprimer les passions. Liv. v,
contra Cels., n. ï9, ethomil. 19 in Jerem.,
n. 7. Nous voyons la même chose parle îil'
canon des apôtres. A plus forte raison, le
commun des chrétiens devait-il le faire les
jours de jeûne.
Quand même cet usage n'aurait pas été
établi dès l'origine parmi les Orientaux, il
aurait encore été nécessaire de l'introduire
à mesure que le christianisme a pénètre dans
nos climats septentrionaux. D,ins ces cou-
trées les viandes ont toujours etc les alimenls
les plus délicats et les plus succulents, pour
85 ABS
lesquels tout le monde se sent le plus d'attrait
et dont l'apprêt peut être le plus varié; ce
sont donc ceux dont la privalion a dû paraî-
tre la plus dure les jours de jeûne. Si les peu-
ples du Nord avaient et;' moins carnassiers ,
ils auraient été moins empressés d'adopter la
morale des prétendus réformateurs touchant
l'abstinence et lejeùne.
Barbeyrac, protestant très-peu modéré ,
reproche à saint Jérôme d'avoir condamné
absolument l'usage de la viande, d'avoir jugé
qu'il est aussi mauvais en lui-même que l'u-
sage du divorce. « Jésus-Christ, dit ce Père,
a remis la fln des temps sur le même pied
que le commencement ; de sorte qu'aujour-
d'hui il ne nous est permis ni de répudier
une femme, ni de nous faire circoncire, ni
de manger de la chair, selon ce que dit l'A-
pôtre : // est bon de ne point boire de vin et
de ne point manger de la chair; car l'usage
du vin a conmiencé avec celui de la chair,
après le déluge. » Adv. Jovin. , 1. rs page
30. Saint Jérôme, selon Barbeyrac, abuse ici
du passage de saint Paul; el dans tout ce
qu'il dit do Vabstinence et du jeûne, il copie
Tertullien devenu montaniste. Traité de la
morale des Pères, c. 15, § 12 et saiv. Tout cela
csl-il vrai?.
En premier lieu, le texte de saint Jérôme
n'est pas fidèlement rendu; il porte : Depuis
que Jésus-Christ a remis ta fin des temps sur
le mt'mr pied que le commencement, il ne nous
est pas permis de répudier une femme; nous
ne recevons plus la circoncision et nous ne
mangeons point de chair. Saint Jérôme ne
dit point que ce dernier usag^î ne noiis est
pas permis : remarque essentielle. Son inten-
tion est évidemment de dire : Nous ne man-
geons pas tous de la chair, et dans tous les
temps.
En second lieu, ce Père écrivait contre
Jovinien qui soutenait, comme les protes-
tants, qu'il n'y a aucun mérite à s'abstenir
de la viande, parce que c'est un usage in-
différent ; puisque Dieu, qui l'avait défendu
avant le déluge, le permit ensuite. Or, ce
raisonnement est évidcmmcul faux. L'Ecri-
ture approuve les nazaréens, qui faisaient
vœu lie s'abstenir du vin el de ne point se
raser la tête pendant un certain temps.
Num. VI, 3. Les réchabites sont loués d'avoir
observé la défense que leur père leur avait
faite de boire du viu et d'habiter dans des
maisons, ^erem. xxxv, IC. Jésus-Christ a loué
saint Jean Baplislc qui vivait de sauterelles
et de miel sauvage. Les apôtres défcudireut
aux premiers fidèles l'usage du sang cl des
< hairs suffoquées, quoique cet usa^e fût en
lui-même indifférent. Il y a donc du mérite à
s'abstenir de choses indifférentes, lorsque le
motif (le celle abstinence est luuable.
En troisième lieu, saint Jérôme ne com-
pare point l'usage de la viande à celui du
divorce, quant à leur nature el à leurs effels,
mais rclalivenieut à la défense cl à la per-
mission de Dieu , sur lesquelles JoviniciS
urgumenlail. Celui-ci disait : Dieu a pcrmi.v
après le déluge la chair qu'il avait défendue
ituparavunl; donc cet usage csl iudilïéreat
ABS
84
en lui-même, donc il n'y a aucun mente A
s'en abstenir. Saint Jérôme attaque ces deax
conséquences l'une après l'autre, et voici le
sens de sa réponse. Votre raisonnement
pêche par trois endroits. 1° Dieu a permis
par Moïse le divorce qu'il avait défondu au-
paravant; il ne s'ensuil pas néanmoins que
le divorce soit indilTé:enl en lui-même. 2°
Quand l'usage de la chair serait indifférent
en soi-même, il suffirait que Jésus-Christ,
qui a voulu rétablir la perleclion primitive,
nous eût déconseillé cet usage , comme il a
défendu le divorce, pour nous faire abstenir
de l'un et de l'autre. 3° Qu'il y ait ou qu'il
n'y ait" pas une défense positive, saint Paul
dit, Rom. XIV, 21 : // vaut mieux ne point
manger de viande, ne point boire de vin et
s'abstenir de tout ce qui peut faire tomber
le prochain, le scandaliser ou affaiblir sa
foi. Donc il peut y avoir de bonnes raisons
de s'abstenir de ce qui est indifférent en soi-
même, el alors c'est un mérite; donc votre
argument ne vaut rien. Barbevrac, qui sen-
tait le poids de ces trois réflexions, les a
confondues el a tout brouillé pour déraisoa-
uer à son aise.
Que l'on dise . si l'on veut, que la réponse ^
de saint Jérôme n'est pas assez développée,
soit; il ne s'ensuit pas qu'elle est mauvaise
el que sa morale es! fausse.
Il n'est pas vrai non plus qu'il ait mal en-
tendu îe passage de saint Paul : il a rendu
mot à mol les premières paroles ; et en lui
donnant le même sens que Barbeyrac, le
raisonnement de saint Jérôme conserve
toute sa force.
En quatrième lieu, qu'importe que ce
Père ait copié Tertullien devenu montaniste,
pourvu qu'il ne soit pas tombé dans le même
excès ? Les raisonnements que ce dernier a
faits depuis sa chute ne sont pas tous des
hérésies, el un raisonnement mal appli(]ué
n'est pas toujours une erreur. Il y a sur l'ab-
stinence deux excès à éviter, et un milieu à
suivre. Le premier excès est celui des
hérétiques eucraliles, montanisles , mani-
chéens, etc., qui soutenaient que l'usnge de
la viande est impur, défendu, mauvais en lui-
même; saint Paul les a combattus, 1 Tim.
IV, 3. Le second est celui de Jovinien et des
protestanls qui prétendent que l'abstinence de
la viande estsansaucun mérite, superstitieu-
se, judaïque, absurde, etc. Le milieu est suivi
par l'Eglise catholi(|uc qui décide que celle
abstinence peut être louable, mcriloire, com-
mandée même pour de bons motifs et en cer-
tains cas. Tel est l'esprit du h\i^ ou ol'' ca-
non des apôtres : Si xtn clerc s'abstient du
7nariage, de la viande et du vin. non par mor-
tification, mais par liorreur el en blasphé-^
mant contre la création, qu'il se corrige ou
qu'il soit déposé.
Il est doncahsurde d'alléguer aujourd'hui,
conirc Vabsti)icnce pralhniée par mortifica~
lioti, ce que les apôlres el les anciens Pères
ont dit contre celle des héréli(jue^.
Si un nous demande pouri|uoi il est luua-
ble do se uiortilier par Valistinenc \ nous ré'
pondrons avec suiut Paul, Galal. v, 2k' :
85
ABS
ÂBS
80
Ceux qui sont à Jésus-Christ ont crucifié
leur chair avec ses vices et ses convoitises. 1
Corinlh. ix, 27: Je châtie mon corps, et je le
réduis en servitude, de peur d'être reprouvé
après avoir prêché aux antres.
Comme on a eu de nos jours l'ambition de
réformer toutes les lois, on a proposé fort
scrieuscincnt de retrancher un bim nombre
des jours A'abslinencc et do jeûne, parce que
la loi qui les ordonne n'est plus respectée
et dev ient une occasion continuelle de trans-
gression ; l'on a cité à ce sujet le passage
de saint Paul, Rom. vu, 10: Le commande-
ment qui devait me donner la vie a servi à
me donner la mort.
î^i celle raison ét.iit solide, il ne faudrait
pas sculcnicnt conclure à retrancher quel-
ques jours iVabstirunce, mais à supprimer
toute loi d'abstinence quelconque. On n'a
pas vu que saint Paul parlait du précepte
de la loi naturelle : Jw ne convoiteras
point, etc. F;iut-il aussi abolir la loi natu-
relle, parce qu'elle est souvent violée? Lors-
que les mœurs publiques sont. licencieuses,
on ne respecte plus aucune loi ; ce n'est
point alors le cas d'abolir les lois , mais de
les renfiTcer si on le peut. Voy. Carême ,
Jfujiiî. [Tojj. aussi ces mots dans le Dict. de
Théol. mor.]
ABSTINENTS, secte d'hérétiques qui pa-
rurent dans les Gaules et en Kspagne sur la
fin du troisième siècle. On croit qu'ils avaient
emprunté une partie de leurs opinions des
gnosliques et des manichéens, parce qu'ils
décriaient le mariage, condamnaient l'usage
des viandes et mettaient le Saint-Esprit au
rang des créatures. Baronius semble les
confondre avec les hiéraciies ; mais ce qu'il
en dit, d'après saint Philastre , convient
mieux aux encraliles dont le nom se rend
exactement par ceux d'abstinents et de con-
tinents. Voy. Encratites et Hiéracites.
ABUS en fait de Religion. Vu la manière
dont l'homme est constitué, il abuse souvent
de la religion, comme il abuse des lois, des
coolnnies, du langage, de l'amitié, des signes
d'affection, des talents, des arts, etc. Il n'a-
buserait de rien, s'il était sans passions et si
ïa droite raison était toujours la règle de sa
conduite; mais celte perfection est au-dessus
de ses forces.
Les pratiques du culte primitif étaient
simples et pures; l'homme, devenu polythéis-
te, s'en servit pour honorer les divinités
imaginaires qu'il s'était forgées : ce fut un
abus et une profanation. Ces pratiques
étaient destinées à exciter en lui des senti-
ments intérieurs de respect, de soumission,
de reconnaissance, de pénitence, de con-
fiance à l'égard de Dieu ; il se persuada que
les signes seuls suffisaient, pouvaient tenir
lieu de piété, plaire à Dieu et mériter ses
grâces, sans être accompagnés des senti-
inents du cœur. Dieu n'avait pas défendu
d'employer à son culte les signes de la joie,
le chant, la danse, les repas de fraternité ;
l'homme voluptueux en abusa, pour satis-
faire sa sensualité. Les signes du repentir
sont utiles pour nous humilier cl nous cor-
riger ; des esprits ardents peuvent les pous-
ser à l'excès et les rendre nuisibles. La reli-
ijion est destinée à réprimer l'orgueil, l'in-
térêt, l'ambition, la jalousie, la liaine ; sou-
vent des hommes, dominés par ces passions
impérieuses, se sont persuades qu'ils agis-
saient par motif de religion, etc. Voilà d'é-
normes abus.
Si nous remontons à la source première
de tous les abus, nous la trouverons toujours
dans les passions humaines ; sans elle l'igno-
rance .'-tupide n'aurait pas pu agir : mais les
passions inquiètes suggérèrent de faux rii-
sonnements et une fausse science, bien plus
redoutables que l'ignorance. Ainsi l'avidité
pour les biens de ce monde et la crainte de
les perdre, firent inventer la multitude des
dieux ou génies chargés de les distribuer,
et le culte insensé qu'on leur rendit ; la va-
nité des imposteurs leur suggéra des fables
et des pratiques prétendues merveilleuses
pour trotnper les hommes : l'amour impudi-
que, la haine, la jalousie , la vengeance ,
invoquèrent les puissances infernales ; la
curiosité effrénée voulut pénétrer dans l'a-
venir et forger l'art delà divination; la mol-
lesse trouva son compte dans le culte pure-
ment extérieur, etc. Quel remèJe y apporta
la philosophie ? Aucun. Loin d'attaquer de
front tous ces abus, elle les confirma par son
suffrage ; elle les étaya par des sophisme?
et les rendit ainsi plus incurables.
La lumière du christianisme en fit dispa-
raître lu plus grand nombre ; mais elle n'é-
touffa pas toutes les passions prêtes à les
reproduire. Plusieurs sectes d'hérétiques
s'obslinèrent à en conserver une partie, et
les éclectiques du quatrième siècle 6rent
tous leurs efforts pour remettre en crédit
toutes les superstitions du paganisme. Au
cinquième, les barbares du Nord nous ap-
portèrent celles qui étaient nées dans leurs
forêts, et ils en consacrèrent plusieurs par
leurs lois. L'Eglise ne cessa de faire des dé-
crets et de prononcer des anathèm-es pour
les extirper ; mais que peuvent les leçons,
les lois, les menaces, les censures contre
des Barbares ? Aujourd'iiui de faux raison-
neurs accusent l'Eglise même d'avoir fo-
menté les superstitions, en y attachant trop
d'importance : C'est par la physique, disent-
ils, et par l'histoire naturelle qu'il faut in-
struire les peuples ; et cette grande révolu-
tion était réservée" à notre siècle qui est
celui de la philosophie.
ÏNous voudrions savoir d'abord quels pro-
grès la physique a fait dans les vallées des
Pyrénées, dos Cévennes, des Alpes, des Vos-
ges et du Mont-Jura ; dans les campagnes
du Berri, de la Bretagne, de la Champagne
et de la Picardie. Ce ne sont pas des livres
d'hi^loire naturelle que nos philosophes
s'attachent à répandre parmi le peuple ,
mais des livres d'athéisme et d'incrédulité.
Or, nous savons par une longue expérience
que l'incrédulité ne guérit ni les passions,
ni la superstition qui en est l'cffei, et que
l'on peut très- bien croire à la magie sans
croiie ca Dieu. Si le peuple, affranchi du
S7 ABS
joug de la religion, pouvait donner un libre
cours à ses vices, serait-ce la philosophie
qui le retiendrait ?
Nous avouons sans difficulté qu'aujour-
d'hui comme outn fois toute passion quel-
conque peut abuser de la relir^Mon : ainsi,
l'on en abuse par or<;ueil, lorsqu'on se glo-
rifie des grâces de Dieu, que l'on montre de
la haine ou du mépris pour ceux à qui Dieu
n'a pas fait les mêmes faveurs ; c'était le dé-
faut des Juifs : on en abuse par ambiiiou,
lorsque sous prétexie de zèle, on se croit fait
pour rem(ilir toutes les places, pour obtenir
toutes les dignités de l'iiglise ; par avarice,
lorsque, l'on trafique des choses saintes, que
l'on emploie des impostures et des fraudes
pieuses -pour exlorciuer les aumônes des
Odèles ; par envie ou par jalousie, lorsque
l'on ne rend pas justice aux talents, aux ver-
tus, aux travaux, aux succès d'un ouvrier
évangélique ; [j.ir violence de caractère ,
quand on voudrait faire tomber le feu du
ciel sur les Samarit;iins, ou exterminer tous
ies mécréants ; p.ir paresse, lorsque, par
une fausse humilité, l'on retuse de travail-
ler au salut des âmes, etc.
Jlais ne sont-ce pas ces mêmes passions
qui font naître l'incrédulité? On l'embrasse
par orgueil, parce qu'elle donne un relief
d'espi it fort aux yeux des ignorants, et que
l'on se pique de mieux penser que les au-
tres hommes ; par ambition et par cupidilé,
lorsqu'on l'envisage comme un moyen de
plaire aux grands, de se donner du crédit,
de |iarveiiir aux honneurs iiiteriires et aux
récompenses des talents; par lubriciié, p.irce
que c'est un moyen do séduire les femmes et
de les débarrasser du joug de la religion ;
par jalousie contre le clergé, paric qu(? l'on
est fàrhé du crédit et de la considération
dont il jouit ; jiar emportement d'humeur,
lorsque l'on déilame et que l'on invective
contre lui, sans garder aucune bienséance ;
j,ar mollesse, parce que les pratiques de reli-
gion sont incommodes, etc. De quoi servent
donc aux incrédules leurs dissertations con-
tinuelles touchant les abus en fait de Kili-
yion? Il y aura des vices tant qu'il y aura
des hommes, vilin erunt donec hotnines ; ce
n'est pas l'incrédulité qui guérira les imper-
fections de l'humanité.
<Jue faire pour prévenir tous les abus ?
Lej lois, les défenses, les menaces, les pi'i-
nes, sont souvent inutiles ; l'homme pas-
sionné les esquive ou les brave. L'Eglise,
qui ne peut iniliger que des peines spirituel-
les, qui craint d'aigrir le mal par des remè-
des violents, gcmit, exhorte, instruit, se
borne à dis réprimandes et à des menaces ;
elle tolère des ubus qu'elle ne peut ni cm-
pôclier i,\ réformer. L'expérience des maux
causés par les réformes imprudentes, la ré-
sistance qu'elle a souvent éprouvée de la
part de ceux (jui étaient intéresses à perpé-
tuer les abus, la jalousie et les alarmes que
I'i<i;init proS(|ue toujours l'us.ige de son au-
loiilé, la retiennent et l'empèchenl de sévir,
tlenx (|iii la blâment seraient |ie(it-élre les
premiers à uiaiulcnir les aOut qu'elle vou-
ACC
SS
drait corriger, et ils abusent eux-mêmes de
la simplicité des hommes, souvent dupes de
ce zèle hypocrite.
ABYSSINS. Voij. Ethiopiens.
A'^.ACIENS. Acace, surnommé le tiorqne ,
fut disciple et successeur d'Eusèbe dans le
siège de Césarée, et eut comme lui une
grande part aux troubles de l'arianisme. Il
avait de l'érudition et de l'éloquence, mais
beaucoup d'ambition; et ce vice lui fil faire
un très-mauvais usage de ses talents. Celait
un de ces hommes inquiets, intriganis et
ardents, qui se mêlent de toutes les affaires,
veulent avoir du crédit à quelque prix que
ce soit, et qui n'ont de religion qu'autant
qu'elle peut servir à leur intérêt. Acace fut
arien déterminé sous l'empereur Constance;
i! redevint catholique sous Jovien,et rentra
dans le parti des ariens sous Valens. On ne
peut pas savoir quelle était la croyance
de ceux qui se laissaient conduire par lui
et qui furent nommés-.4caciens. Il fit dépo-
ser saint Cyrille de Jérusalem, qu'il avait
ordonné lui-même ; il eut part au bannisse-
ment du pape Libère et à l'intrusion de
l'antipape Félix ; il fut déposé à son tour
par le concile de Séleucie en 359, et par ce-
lui de Lampsaque en 3C5; et il mourut pro-
bablement sans savoir ce qu'il croyait ou
ne croyait pas. Voy. Tillemonl, Mém., 1. VI,
p. 30i et suiv.
H y a eu plusieurs autres évéques du mê-
me nom, qu'il ne faut pas conlondre avec
lui. Acace de Bérée, en Palestine, fut ami de
saint Epiphane et se fit longtemps respec-
ter par ses vertus ; mais il déshonora sa
vieillesse en se meiianl à la tête des persé-
cuteurs de saint Jean Chrysoslome. Acace,
évê'jue d'Amide, se rendit célèbre par sa
charité envers les pauvres. Acace de Con-
stanlinoplc fut un des partisans d'Eu-
lychès, etc.
ACCEPTION DE PERSONNES. L'Ecriture
nomme ainsi la faute d'un juge qui favorise
un parti au préjudice de l'autre, qui a plus
d'égard pour un homme puissant que pour
un pauvre : Dieu le défend, /Jcufrron. i, 17,
et ailleurs ; c'est un crime contraire à la loi
naturelle : Job en témoigne de l'horreur, c.
24 et 31. Il est dit dans l'ancien et le nou-
veau Testament que Dieu ne fait point ac-
ception de personnes ; que quand il est ques-
tion de justice, de bonnes œuvres, derécom-
penses, il traite de n)éme les Juifs et les
païens. Il ne s'ensuit pas de là que Dieu ne
puisse, sans blesser sa justice, accorder plus
de bienfaits naturels ou surnaturels à une
personne, à une famille, à une nation qu'à
nue autre. Quand il s'agit de grâces ou d;;
dons purement gratuits, ce n'est plus une
affaire de justice ; ce que Dieu donne à uu
homme ne porte aucun préjudice à un au-
tre, il peut donc accorder à l'un la grâce de
la loi, le baptême, tel ou tel moyen de salut,
et ne pas l'.iccirder à l'autre. Il peut punir
un pécheur en ce monde, dilTrer lecliàli-
nient d'un autre jusqu'après la mort : <lès
tju il ne rend au coupable que cciju'ila mé-
rité, la justice est observée; persouue u'4
89
ACE
âcûe:
90
druit de se plaindre ; Dieu ne demande
compte à personne quo de ce qu'il lui a
donné. Voy. .Tustice de Dieu, Partialité.
ACCIDENTS EUCHAUISTIQUKS. Selon la
croyance catholique, après les paroles de la
consccralion, la subst^in.e du pain et du
vin est déirulle ; elle est changée au corps
et au S'ing de Jésus-(]hri<t ; mais les qualités
sensibles du pain et du vin, la granileur, la
couleur, le goût, etc., demeurent : ces (jna-
lilés sensibles sont nommées par les théolo-
giens, accidents, espèces, apparences. Comme
la substance des corps absiraile ou si'parée
par noire esprit d'avec les qualités sensibles
n'est point une idée claire, les accidents sé-
parés de la substance ne nous présentent
pas non plus une idée fort nette; il est donc
inutile d'argumenter contre ce dogme de
foi sur des notions philosophiques. Si le
mystère de l'Eucharistie pouvait être claire-
ment conçu, ce ne serait plus un mys-
tère (1).
ACCO.MPLISSEMENT DES PROPHÉTIES.
Voxj. PnOPUÉTIES.
ACCORD DE LA RAISON ET DE LA FOL
yoij. Foi, Raison.
ACÉPHALES, sans chef. L'histoire ecclé-
siastique fait mention de plusieurs sectes
nommées acéphales. De ce nombre sont 1°
ceux qui ne voulurent adhérer ni à Jean ,
p.'itriarciie d'Anliochc, ni à saint Cyrille
d'Alexanilrie, au sujet de la condamnation
de Neslorius au concile d'Ephèse. 2° Certains
hérétiques du cinquième siècle, qui suivi-
rent d'abord les erreurs de Pierre Moiigus,
évéi|ue d'.\lexandrie , et l'abandoniiérent
ensuite, parce qu'il avait feint de souscrire
à la décision du concil<> de ChaUédoine ; c'é-
taient des sectateurs d'Euiychès. Voi/. Ecty-
CHiENS. 3° Les partisans de Sévère, évoque
d'Antioche, et tous ceux qui refusaient d'ad-
(1) « La difficiiUé, disant les Conférences d'Angers,
est lie savoir ce que c'est ipie les ;ippareiices du puin
ei du vin, que le concile de Trente, dans le même
caniiii, reconiiail deinciirer après la Iranssnbsiaii-
liation, maiientibus ditntaxal speciebiis panit et viiii.t
Les tliéologiens de l'école de saint Tlioinas et de
celle de Sent disent que « ce sont les aeciilei.ts du
pam et (In vin qni subsistent niiracnleuseiiienl sé|ia-
rés de leur substance. » Ce seiUiinent étail générale-
ment reçu dans lnntos les iniiversiiés calli<)lii|nes,
avant (lu'iiii eût ouï parler de la philosophie de Des-
cartes; mais les carlé-iens se sont imaginé < qu'il
n'est pas possible qne des accidents réels puissent
subsister sans leur siibslance ; (juainsi, si les acci-
dents du pain et du vin deniourent après la consé-
cration, il faut dire que la snbslaiice du pain el du
vin demeure aussi dans l'eucharistie. » (M. Cousin
a renouvelé de nos jours celle doclrine) qui est
directement contre le dngnie de la Iranssubslan-
tiation établi par le concile de Trente. Les carté-
siens catholiques disent i(ue i les espèces euclia-
risliques sont seulement des apparences du piin el
du vin ; » el quand on les presse d'expliquer qu'est-
ce que sont ces appurences, les uns disent que c ce
sont des impressions fanes surnos sens par le pain el
le vin, lcsi|uelles ilemeurent après la coiisécraiion : >
d'aulres disent que ce son! les actions de ims sens,
savoir, visionein, lacliuiiem, (jitstaùoiieni, que Dieu
conserve en nous ou produit de nouveau en l'absence
de la substance du pain et du viu : < d'aulres disent
mettre le concile de Chalcédoine, c'étaient
encore des eutychiens.
On a aussi nommé acéphales les prêtres
qui se soustraient à la juridiction de leur
évéque, les évoques qui refusent de se sou—
meure à celle de leur métropolitain, les cha-
pitres el les monastères qui se prétendent
indépendants de la juridiction des ordinai-
res. Ce point de discipline regarde les ca-
nonisles (2j.
♦ ACIIAMOÏI! (Snpliie). Les Valeminiens opbiies
avaienl, dans leurs rèveiies sur les Eoiis, imaginé
une Sopliia Achaniolh, qui avait pris lanl d'empire
SIM' le Christ, qu'e le eondiiisil toute la grande af-
fain- de la Kédemption. Mais ce ne fui que dans
le ciel qne se cnnsonima l'union complèle du Christ
avec Sopitia. Il fa un célesle mariage, et s'unit à elle
pour tnule l'élernité. Ce sont là des rêveries dont la
seule exposition est une rérnlation snlli>anie. Voy. le
Uiciioniiaire des Hérésies, art. Vali.ntin (édit. Miguej.
ACHIAS. Voy. Amas.
ACHIMELECH. Voy. AniAXHAR.
ACOEMÈTES, ijui ne dorment point. Nom
de certains religieux fort célèbres dans les
premiers siècles de l'.iglise, et surtout dans
l'Orient, appelés ainsi, non qu'ils eussent les
yeux toujours ouverts sans dormir un seul
que ce sont de pures apparences des clioses absen-
tes, c'est-à-dire des spectres, des fantômes. »
I L'on ne peut s'abstenir dédire qu'il est très-dif-
ficile d'accoidei-, avec Il croyance de l'Eslise ro nai-
ne , le sentiiiient des cartésiens : de linéique manière
qu'ils l'expliquent, il nous paraît contraire i la d.ic-
Irine du ooneile de Trente, ipii, dans la session 13,
chapitre o, dil qne t l'eucliarislie est un signe d'une
chose sacrée el une forme visible de la grâce invi-
sible, que Jésus-Ciirist est tout entier sous chaque
partie d'une espèce ; > dans le canon 4, < que le
corps de Jésns-Cbrisl esl d'une manièie permanente
dans des hosties consacrées qu'on réserve après la
communion : > dans le cliapilie 6, que i la coulnme
de conserver reiichanslie dans le lalieniacle était
établie dés le siècle du premier concile de Nicée,
que depuis très-longlenips on a pnrlé reucbarislie
aux malades, i Je demamle aux cartésiens si tout
cela se peut dire raisonnablement des impressions
faiies sur nos sens, des actions de nos sens, ou de
pures apparences. Ils voient bien que non. El il faut
de nécessité qu'ils convieiinenl ipie ce que le con-
cile dit ne peul s'appUipier qu'à quelque chose de
réel, qui éiait dans le pain et le vin qui esi resté
après la consécration : or il ne demeuie rien de la
substance du pain el ilu vin; elle est toute changée
au corps elau sang de Jésus-Christ ; c'est pnurqiioi
nous disons que les es|iéce> du pain et du vin qui
restent après la consécraiion, sous lesquelles le
corps et le sang de Jésiis-Clirist sont renlermes, et
qui fout partie du sacrement de l'eucbansiie, sont
de véritables et réels accidenls du pain et du vin,
qui conservent cette iiiéine existence après la iraiis-
siibsiantialion du pain el du vin an corps et au sang
de Jésus-Christ, comme saint Thomas l'enseigne
(Pan. in,q. 77), qui retiennent leur qnaliié d'acci-
dents, eiqui sont les mêmes qu'ils étaient aupa-
ravant, mais qui ne sont plus inhérents à la subs-
tance du pain el du vin qui étaient leur sujel; les-
quels Dieu conserve hors de leur sujet, de sorte
qu'ils snb^islent miraculensenienl par eux-mêmes. On
appelle ces accidenls /es espèces du pain et du vu»,
parce qu'ils nous meiienl devant les yeux la ressein-
lilance du pain ei du viii, ce qui est le même que de
dire « qu'ils nous représentenl le p:iin el le vin après
la coiisécratiou, quoique le pain el le via ue swcul
31 ACOE
moment, comme qudques auteurs l'ont écrit,
mais parce qu'ils observaicnl dans leurs
églises une psalmodie perpétuelle, sans l'in-
plus sous c«s espèces, mais \e corps et le sang de Jé-
sus-Clirist. >
< Si les cartésiens ne verilent pas que les accidents
du pain et da vin snl)sisleiit miiaculi-usemeiit liors
de leur sujet sulist nitiel, ne laut-il pas qu'ils aient
eujt-niênies recours .tu miracle, pour que les im-
pressions faites sur nos sens par le pain et le vin ,
©H les actions de nos sens soient pernianenles?
I Si on nous opposait que les anciens Pères,
quand iU ont parlé de Peucliaristie, n'ont point fuit
menliiin d'accidents qui soient sans sujet, et qui sub-
sistent par eux-mêmes, nous demeurerions d'accord
que les premiers F'éres se sont conlenlés de dire
t que le sacrement de l'eucharistie élait compose de
deux clioses, > dunt l'une esl fe/esfe et l'autre (err^s-
tre, l'one visible et l'autre invisible. Mais, (piand la
foi de ce mystère a élé attaquée par les hérétiques,
et qu'il a fallu en expliquer la vériié, pour nielire
les lidèles en élat de ne pas se laisser surprendre
par les suhlililés artificieuses des hérétiques, on a
dit que f la subsianre du pain et du vin était
changée par la conséciaiion, mais que les accidents
étaient conservés et restaient après la consécration,
«le crainte que nous n'eussions horreur de manger la
chair de Jés(i--Chrisi et de boire son sanp;. > Gnit-
mond, archevêque d'Averso, qui écrivait contre lié-
renger, ilans le onzième siècle, parlait ainsi dans son
lu' livre : Cur non siiflicil Ecclesiœ ratio..,, generali-
ter respondentis, rerum quicle.m suiislaniias mulari, sed
propler lioiroreni, priorein saporein, colori'mqug et cœ-
tcra quœdam anidentin ad sensum duiuuxat pertinen-
tia, relineri ? On peut même dire que c'est là le lan-
gage de ITglise, puisque, dans l'office du jour de
la Fêle-Dieu, on lit à matines une leçon tirée de l'o-
pusaile 57 de saint Thomas, où il dit : Accidentia
eiiim sine subjeclo in eodem (sacranienio) exislunl ut
fides locum liabeat, ilum invisibile vidbiliter smnitiir
$ub aliéna specie. Le concile de Cologne de l'an 1S56
a aussi canonisé coite manière de parler, en disant,
dans le chapitre 15 du titre de l'administraliou des
sacrements, que < les espèces du pain et du vin ne
sont autre chos'', après la consécration, que des ap-
parences sacramenielles et des accidents sans su-
jet (n). I Celui donc qui nierait qu'il y eût dans l'eu-
charisiie des accidenis qui subsistassent sans su-
jet, ne serait pas exempt de blànie.
4 En effet, un bénédii tin de la congrégation de
Saint-Maur, .lyant avancé en des iliéses souienues
dans l'abliaye de .Saint- Llienne de Caen, au diocèse
de Dayeiix , une prcqiosition qui laissait incertain
s'il y a des acciU. iiis sans sujet dans l'eucliarisl.e,
ÎL rèvèquc (le Bayeux la condamna par un mand'-
nient i;u 5 niai 1707, comme léméiaire et comme
ayant été condamnée par plusieurs unive sites (i),
et favorisant la seconde proposition de Wiclef, coii-
d.amnée par le C(mcile de Ciuisuince, dans la iiui-
liéme session, tenu Ici mai lil5. Accidentia pttnis
non manent iine subjeclo in evdem sucramenlo. Les
accidenis du pain ne deuiruieiil point sans sujet dans
le sacrement de l'eucharistie. Ifleri plus, le coneile
de lloiiiges, de l'an 1681, litre ii de l'eucharistie,
cano«i 3, veui < qu'où excommunie et qu'on regarde
comme liéréliques ceux qui nient que les accidents
du pain et du vin demeurent dans le sacrement de
reyckirislie, sans la substance du pain et du vin (c). i
Voy. LitUiiBisTiK.
(a) (juid enim panis et vint species aliud sunt post con-
secidtioneni, tpmni spccics s icramenules et accidentia sine
subjeclo.
(b) I. 'université d'An«ers est de ce nombre.
(e) Neiiuntei accidentia panis cl vini in sncramcnlo en-
c/wriMia-.
Aco n
terrompre ni jour ni nuit. Ce mot est grec,
composé d'à privatif et de v.oiaà'j , dormir.
Les acœmètes étaieiil partaftés en trois ban-
des, dont chacune psalmodiait à son tour et
relevait les autres; de sorte que cet exercice
durait sans interruption pendant toutes les
heures du jour et de la nuit. Suivant ce par-
tage chaque acœméle consacrait religieuse-
ment tous les jours huit heures entières au
chant des psaumes, à quoi ils joignaient la
vie la plus exemplaire et la plus édifiante :
aussi onl-ils illustré l'Eglise orientale par un
grand nombre de saints, d'évéquescl de pa-
triarches.
Nicéphore donne pour fondateur aux acœ-
mèles un nommé Marcellus, que quelques
écrivains modernes appellent Jlarccllus d'A-
pamée; maisBoilandus nous apprend que ce
fut Alexandre, moine de Syrie, antérieur de
plusieurs années à Marcellus. Suivant Bol-
iandus, celui-là mourut vers l'an 330. II fut
remplacé dans le gouvernement des acœmètes
par Jean Galybe, et celui-ci par Marcellus.
On lit dans saint Grégoire de Tours et plu-
sieurs autres écrivains, que Sigismoud, roi
de Bourg:ogne, inconsolable d'avoir, à l'ins-
tigaliuii d'une méchante princesse qu'il avait
épousée en secondes noces, et qui élait Glle
de Théodoric, roi d'Italie, fait périr Géséric
son fils, prince qu'il avait eu de sa première
femme, se relira dans le monastère de Saint-
Maurice, connu autrefois sous le nom d'A-
gaune, et y établit les acœmèles, pour laisser
dans l'Eglise un monument durable de sa
douleur et de sa pénitence. l
Il n'en fallut pas davantage poar que le I
nom d'acœmète et la psalmodie perpétuelle
fussent mis en usage dans l'Occident, et sur-
tout en France. Plusieurs monastères, entre
autres celui de Saint-Denis, suivirent l'oxem-
de Sainl-Maurice. Quelques monastères de
niles se conformèrent a la même règle. Il
paraît par l'abrégé des actes de sainte Sale-
berge, recueillis d ins un manuscrit de Com-
piègne cité par le Père Ménard, que celte
sainie, après avoir fait bâtir un v.:ste mo-
nastère cl y .ivoit rassemblé trois cents reli-
gieuses, les partagea e;> plusieurs chœurs
différents, de manière qu'elles pussent faire
relcnlir nuit et jour leur église du chant des
psaumes
On pimrrait encore donner aujourd'hui le
nom d'acœnièlea à quelques maisons reli-
gieuses, où l'adoration perpéluelle du saint
sarremcnt l'.til partie de la règle; en sorte
qu'i: ) a jour et nuit (juelques personnes de
la commun lUlé occupées de ce pieuY exer-
cice. Voi/. PSAI.MODII':.
On a quelquelois appelé les slyliles, «c»-
mète.'>. et les acainèlfa, sludMes. Voy. Stylitb
et SruDiTK.
ACOLYTE, c'est-A-dire, suivant, celui qui
accompaijne. Dans les auletirs ecclésiasti-
ques, ce nom est spécialement donné aux
jeunes clercs qui aspiraient au saint minis-
tère, et tenaient dans le clergé le premier
rang après les sous-diacres. L'iv^lise grectiuo
n'avait point d'aioli/ten , au moins les plus
a»cien$ monuments n'eu font aucune tiiin—
93
ACT
ACT
94
(ion ; mais l'Eglise latine en a eu dès le troi-
sième siècle; saint Cyprien et le pape Cor-
iu>ille en parlent dans leurs épilres, et le
quatrième concile de Carthage prescrit la
uiaiiière de les ordonner.
Les acoli/les étaient de jeunes hommes en-
tre 20 (^ 30 ans, destinés à suivre toujours
l'évêquc et à être sous sa main. Leurs prin-
cipales fonctions, dans les premiers siècles
de l'Kglise, étaient de porter aux cvêques les
lettres <|ue les Eglises étaient en usage de
s'écrire mnlucllement , lorsqu'elles avaient
quelque affaire importante à consulter; ce
qui dans les temps de pcrséculiou, où les
Gentils épiaient toutes les occasions de pro-
faner nos mystères, exigeait un secret invio-
lable et une fidélité à toute épreuve. Ces qua-
lités leur firent donner le nom d'acolytes ,
aussi bien que leur assiduilé auprès de l'évé-
que, qu'ils élaient obligés d'accompagner et
de servir. Ils faisaient ses messages, por-
taient les eulogies , c'est-à-dire les pains
bénits (|ue l'on envoyait en signe de commu-
nion : ils porlaienl même l'eucharistie dans
les premiers temps ; ils servaient à l'aulel
sous les diacres; et avant qu'il y eût des
sous-diacres, ils en tenaient la place. Le
martyrologe marque qu'ils tenaient autre-
fois à la messe la patène enveloppée, ce (jue
font à présent les sous-diacres ; ei il est dit
dans d'autres endroits qu'ils tenaient aussi le
chalumeau qui servait à la communion du ca-
lice. Enfin, ils servaient encore les évêques
et les officiants en leur présentant les orne-
ments sacerdotaux. Leurs fonctions oui
changé; le pontifical ne leur en assigne point
(l'autre que de porter les chandeliers, allu-
mer les cierges, et préparer le vin ei l'eau
pour le sacrifice : ils servent aussi l'encens,
et c'est l'ordre que les jeunes clercs exercent
le plus souvent. Tomass. Discipl. de l'Eglise.
Fleury, Instit. au Droit ecclés., tom. I, part.
1, cliap. 6; Grandcolas, Ancien S acram., 1"=
part., p. 12i.
Dans l'Eglise romaine, il y avait trois sor-
tes A'acolytes: ceux qui servaient le pape
dans son palais et qu'on nommait palatins ;
lesstalionnaires qui servaient dans les égli-
ses, et les régionnaires, qui aidaient les dia-
cres dans les fonctions qu'ils exerçaient dans
les divers quartiers de la ville. Voy. Or-
dres (1).
ACTE, ACTION. Les théologiens emploient
ces deux termes à l'égard de Dieu et à l'égard
de l'homme, mais dans un sens différent. Ils
disent que Dieu est un acte pur , c'est-à-dire
que l'on ne peut pas supposer en Dieu une
puissance d'agir qui ail réellement existé
avant Vaction; il est éternel et parfait; il ne
peut lui survenir, comme à l'Iiomme, Uiie
nouvelle modification, un nouvel attribut,
ou une nouvelle action, quicliange sou élal,
qui le rende autre qu'il n'était.
Cependant, comme nous ne pouvons con-
cevoir ni exprimer lesalliibuls et les actions
(1) Vdioi la inaiière et In l'ormft Je l'acolytiU. L'é-
vèiii.ie ilil, BH faisiiiil loiicl t r le cierge el le cliaiide-
lier : Aceipe ceroferarium cum ceno, el scias le ad
de Dieu que par analogie aux nôtres, nous
sommes forcés de distinguer en Dieu comme
en nous, 1° deux facultés ou deux puissan-
ces actives, savoir l'entendement et la vo-
lonté, et les actes qui sont propres à l'un et
à l'autre.
2' Des actes intérieurs ou ad intra, et des
actes extérieurs ou ad extra, comme s'expri-
ment les sciilastiques. Dieu se connaît et
s'aime : ce simt là des acies purement inté-
rieurs qui ne proiluisent rien au dehors.
Dieu a voulu créer le monde : ccl acte de vo-
lonté n'était qu'inléricur, avant que le monde
existât; depuis (|ue les créatures existent cet
(ictc est censé extérieur ; il a produit un
efi'et réellement distingué de Dieu ; l'acfe ou
le décret est éternel, mais son effet n'a com-
mencé qu'avec le temps. De même, dans
l'homme, une pensée, un désir, sont des actes
intérieurs; une parole, un mouvement, une
prière , ULie aumrtne, sont des actes exté-
rieurs et sensibles : les premiers sont nom-
més par les scolastiques, aclus immanehs ou
elicitus ; les seconds , actus transiens ou im-
peratus.
3° L'on distingue les actes nécessaires
d'avec les actes libres : Dieu se connaît et
s'aime nécessairement, mais il a voulu libre-
ment créer le monde , il aurait pu ne pas
vouloir et ne pas créer. Le sentiment inté-
rieur nous convainc que nous sommes capa-
bles nous-mêmes de ces deux espèces d'uc/eA-,
el qu'il y a une différence essentielle entre
les uns et les autres. Voy. Liberté.
k' La nécessité d'exposer le mystère de la
sainte Trinité a obligé les théologiens d'ap-
peler en Dieu actes essentiels les opérations
communesaux trois Personnes divines, telles
que la création, et actes nationaux ou na-
ttons, les actions qui servent à caractériser
ces Personnes et à les distinguer; ainsi, la
génération active est l'acle national du Père,
la spiration aciive est propre au Père el au
Fils, la procession, au seul Saint-Esprit, etc.
Voy. CCS mots.
On demandera sans doute à quoi servent
toutes ces distinctions subtiles : à donner au
langage théologi(jue la précision nécessaire
pour éviter les erreurs el pour prévenir les
équivoques frauduleuses des hérétiques.
3» Nous distinguons en nous les actes spon-
tanés, c'est-à-dire, indéliberés el non réllé-
chis (1), comme Vaclion d'étendre le bras
pour nous empêcher de tomber ; les actes vo-
lontaires el non libres, comme le désir de
manger, lorsque nous .sommes pressés par la
faim, l'amour du bien en général, etc.; les
accendenda ecclesiœ tuminaria maticipari in nomine
Doniini. Il lui fait en^llite tOHclier les biirelles vides,
en disant : Aceipe urceolum ad suygreiidum vinum et
aqttain in eitcliarislinm sançininis Cliristi , in nomine
Uornini. Celle matière et cette forme étaient déjà
einfliiyées dés le qiiaiiiènie siècle, comme iioiis
rapprend le coin ile de Cariliage de l'an 5i)8. Celte
aiiliqiiiié les rend infiniment respectables.
(1) Le sens du mot s;)on(aiics n'est pas celui qoe
lui donne Bergier : il si|?ni(le actes libres el volon-
taires. L'auteui' le cnnlond avec ce que les scolasti-
ques nouiueiil actes de l'Iiomme,
»5
ACT
ACT
W
actes libres que nous faisons avec rédexioa
et de propos délibéré ; ces derniers soiil les
seuls ini|iulables, les seuls moralement bons
ou mauvais, dignes de rèconi|)i'nse ou de
cliûlimenl. lis sont nommés par les moralis-
tes actes liutnnins, parce qu'ils sont propres
à riiomme seul; les iicles sponianés sont ap-
pelés actes de l'Iiomme. parce que c'est lui qui
les produit, qu(iit|ue les animaux en parais-
senl capables. Quant aux actes puremenl vo-
lunliiires, nous les appelons mouvements ,
sentiments, plulôt qu'actions.
ii" Les actes humains ou libres sont prin-
cipalement considérés par les théologiens
relativement à la loi de Dieu, qui les coni-
manile ou les défend, qui li'S approuve ou
les condamne; et c'est sous cet aspect ((u'ils
sont censés bons ou mauvais, péchés ou
bonnes oeuvres.
M.iis on demande s'il peut y avoir des
actions indifférentes, qui ne soient morale-
meiil ni bonnes ni mauvaises, il nous pa-
raît dilficilc d'en admettre de telles à l'égard
d'un chrélien, pane qu'il n'est jamais indif-
férent au salut de perdre le mérite d'une ac-
tion quelconque : or, il n'en est aucune qui
ne puisse élre méritoire par le motif et par
le secours de la grâce. En second lieu, la loi
de Dieu ne nous laisse la liberté de perdre le
fruit d'aucune action, puisqu'elle nous com-
mande de tout f.iire pour la gloire de Dieu,
1 Cor. X, 31. En troisième lieu, la grâce est,
pour ainsi dire, prodiguée au chrétien, et
donnée avec tant d'abondance, qu'il n'esl
jamais innocent lorsqu'il n'agit pas par son
secours. H ne peut donc y avoir pour lui
d'actions indifférentes , sinon par le défaut
d'attention et de réflexion.
7° Parmi les actions bonnes et louables,
les unes sont naturelles, les autres surnatu-
relles. Un païen qui fait l'aumône à un pau-
vre, par compassion, fait une bonne œuvre
nalurcllement ; il n'est pas besoin de la révé-
lation , ni d'une Inmière surnaturelle de la
grâce, pour sentir qu'il est bon et lou.ible de
secourir nos sembl.iblrs iiuand ils souffrent ;
la nature seule nous inspire de la pilié pnur
eux. Un chrétien, qui fait l'aumône parce
que le pauvre lient à son égard la place de
Jésus-Christ, parce que Dieu a promis à celte
bonne oeuvre la rémission des péchés et une
récompense éiernelle, agitsnrnalurellemcnl;
la raison seule n'a pas pu lui suggérer ces
naolifs, et il ne peut agir ainsi que par le
secours d'une grâce inli rieure et préve-
nante. Ces sortes de bonnes (puvres sont les
seules méritoires et les seules utiles au sa-
lut éternel. Quant à Celles que font natutcl-
Icmeiil les païens, nous prouverons, an mot
InI'Idèi.e, que ce ne sont pas des péchés et
que Dieu les a souvent récompensées. [Foy.
OEl VUES (lionnes .\
Mais nn chrélien pèchc-t-il lorsqu'il fait
une bonne œuvre par un motif purement
naturel? Nous ne le pensons pas el nous ne
voyons pas |jar i|uelle raison l'on pourrait
le prouver; il nous paraît même a |)eu près
iuipossihli; qu'un chrétien lasse une bonne
oeuvre, sans que les motifs qui lui sont sug-
gérés par la foi y entrent pour quelque
chose.
8° Entre les actions surnaturelles on dis-
lingue les actes des différentes vertus. Un
acte de foi est une protestation que nous
faisons à Dieu de croire à sa parole ; par un
acte d'espérance, nous lui témoignons la coii-
Gance que nous avons à ses iiromesses ; uii
acte de charité Cil un témoignage de notre
amour pour lui.
Nous sommes obligés sans doute de pro-
duire de temps en temps ces sortes d'nc^es;
mais, pour prévenir les scrupules et les in-
quiétudes des âmes simples, il est bon de les
avertir que la récitation du symbole est un
acte de foi ; que ijuand elles disent, Je crois
la vie éiernelle. c'est un témoignage d'espé-
rance; qu'en disant à Dieu, dans l'oraison
dominicale. Que votre nom soit sanctifié, que
votre volonté soit faite, etc., elles- font un
acte d'amour de Dieu. La prière, en général,
est un acte de religion, de confiance en Dieu,
de snuMiission à sa providence, etc.
ACTES DES APOTKES. Livre sacré du
Nouveau Te.4anieiil, qui contient l'histoire
de l'Eglise naissante uendant l'espace de
vingt-neuf ou trente ans, depuis l'ascension
de Notre-Seigneur Jésus-Christ jusqu'à l'an-
née 63 de l'ère chrétienne. Saint Luc est l'au-
teur de cet ouvrage, au commencement du-
quel il se désigne , et il l'adresse à Théo-
phile, auquel il avait déjà adressé son Evan-
gile. 11 y rapporte les actions des apôtres, et
presque toujours comme témoin oculaire :
de là vient que, dans le texte grec, ce livre
est intitulé Actes. On y voit l'accomplisse-
ment de plusieurs promesses de Jésus-Christ,
son ascension, la descente du Saint-Esprit,
les premières prédications des apôtres el les
prodiges par lesquels elles furent confir-
mées ; un tableau admirable des mœurs des
premiers chréiiens; enfin tout ce qui se passa
dans l'Eglise jusqu'à la dispersion des apô'
1res, qui se partagèrent pour porter l'Evan-
gile dans tout le monde. Depuis le point de
cette séparation, saint Luc abandonna l'his-
toire des autres apôtres dont il éiail trop éloi-
gné, pour s'attacher parliealièremenl à celle
de saint Paul, qui l'avait choisi pour son dis-
ciple et pour compagnon de ses travaux. 11
suit cet apôlre dans toutes ses missions, et
jusqu'à liomo mén)e, où il parait que les
Actes ont été publiés la seconde année du
séjour qu'y fit saint Paul, c'est-à-dire, la
soixante-lroisièiie année de l'ère chrétien-
ne, et les neuviènie el dixième de l'empire de
Néron. Au resle le style de cet ouvrage, qui
a été composé ei\ grec, est plus pur que ce-
lui des autres écrivains canonii|ues ; et l'on
remarque (jue saint Luc, qui possédait beau-
coup mieux la langue grecque que l'hébraï-
que, s'y sert toujours de la version des Sep-
tante dans les citations de l'Ecriture. Ce li-
vre est cité dans l'épîtrede saint Polycarpe
aux Philippiens, n. 1. iùisèbc le met au r.ing
des écrits du nouveau Test.inient de l'au-
thenticité desijuels on n'a jamais doulé; il est
place comme tel dans le canon dressé par le
concile de Laodicée, et il n'y a juiuais eu là-
I
97 ACT
dessus de conleslation. Saint Epiphane, Hœr.
30, c. 3 et 6, dit que ces Actes ont été tra-
duits en hébreu ou dans la langui' syro-hé-
braïque des Eglises de la Palcsiine; ils ont
donc été très-connus dès le monienl de leur
publicalion.
On ne peut pas non plus révoquer en
doute la vérité de riiistoire qu'ils renfer-
ment. 1° L'ascension de Jésus-Christ, la des-
cente du Siiinl-Esprit, la préilicalion de saint
Pierre , ses miracles , la formation d'une
Eglise à Jérusalem, la persécution des pre-
miers Gdèles , la conversion de saint Paul,
ses voyages, ses travaux, etc., sont des faits
qui se tiennent; l'un ne peut pas être faux
sans que tout le reste ne soit renversé. C>'S
faits sont trop publics et en trop grand nom-
bre, la scène est en trop de lieux différents,
pour que toute celte narration soit fabu-
leuse. Les fidèles ilc la Judée, ceux d'Antio-
che et d'Alexandrie, n'ont pas pu ignorer ce
qui s'était passé à Jérusalem depuis la mort
de Jésusl^hrist ; leur conversion même
prouve la vérité de ce qui est rapporté par
saint Luc; s'il l'avait altérée en quelque
chose, les fidèles de Jérusalem se seraient
inscrits en faux contre son histoire ; ceux
d'Anlioche, d'Ephèse, de Corinlhe, etc., au-
raient fait de même, si ce qui s'était passé
chez eux n'avait pas été fidèlement rapporté.
2" Les lettres de saint Pau! confirment la plu-
part de ces faits, et les supposent. 3° Le
schisme arrivé à Jérusalem entre les disci-
ples des apôtres et les ébioniles ou judaï-
sants, démontre qu'il n'a piis été possible
d'en imposer à personne sur des laits qui
intéressaient les deux partis. Dans la suite,
les éliioniles cherchèrenl à décrier la doc-
trine et la conduite de saint Paul ; ils forgè-
rent de faux actes pour le rendre odieux;
mais il n'onl pas osé s'inscrire en faux con-
tre les actes écrits par saint Luc : d'ailleurs
leur témoignage est venu trop lard pour af-
faiblir celui d'un témoin oculaire. k° Le Juif
que Celse tait parier avoue ou suppose la
naissance d'une Eglise à Jérusalem, telle que
saint Lue la raconte. L'apôtre saint Jean a
vécu jusqu'au comnienccmenl du second
siècle : tant qu'il a subsisté, a-t-il été pos-
sible de forger une fausse histoire des tra-
vaux des apûtres et de l'élablissenionl de
l'Eglise? o" Ce que l'on a nommé faux Ac-
tes des apôtres composés par les héiétiques,
ne sonl pas des histoires qui coniredisenl
celle de sainl Luc, mais de prctrndues rela-
tions de ce qu'ont fait les apôires, desquels
saint Luc n'a pas parlé : tels sonl les Actes
de saint Thomas, de sainl Philippe, de saint
André, etc.; pièces apocryphes, inconnues
au\ anciens Pères, qui n'onl paru que fort
lard, dont on ne peut fixer la date ni nom-
mer les auteurs.
Le premier livre de celte nature qu'on fit
paraître, et qui fut intitulé ,lc/es de Paul et
de Tliècle, avait pour auteur un prêtre, dis-
ciple de saint Paul. Son imposture lut décou-
verte par saint Jean, et quoique ce préUe ne
se fût porté à composer <;et ouvrage que par
un faux zèle pour son maftre, il ne laissa pas
ADA 9J
d'être dégradé du s'icerdoce. Ces Actes ont
été rejflés comme apocryphes par le pape
Gélase. Depuis, les manichéens supposèrent
des Acte- de saint Pierre et saint Paul, où ils
semèrent leurs erreurs. On vil ensuite les
Acte^ de sainl André, de saint Jean et des
apôtres en général, supposés par les mêmes
hérétiques, selon saint Epiphane, saint Au-
gustin etPhilistre; les Actes des apôtres faits
par les ébioniles ; le Voyage d' saint Pierre,
faussement allribué à saint Clémenl -l'Enlè-
vement et le ravissement de saint Paul, dont
les gnosliques se servaient ; les Actes de saint
Philippe et de saint Thomas, lorgés par les
encratites et les apostoliques; la Mémoire
des apôires, composée paf les priscillianis-
tes ; l'Itinéraire des apôtres, qui fut rejeté
dans le concile de Nicée ; et divers autres
dont nous ferons mention sous le nom des
sectes qui les ont fabriqués. Voyez Hiero-
nym.. De Viris illust., c. 7 ; Ghrys., Jn AcI.;
Dupin, Dissert, prélim. sur le Nouveau Tes-
/am.; Tertull., De liaplism.; Epiphan., Hœres.
8, n" kl et 61 ; S. Aug., De h'ide contra Mu-
nich., et Tract. inJoan.; Philast.,/7a'rM. 48;
Dupin, Bibtiôlh. des Auteurs ecclésiastiques
des trois premiers siècles.
ACTES DES CONCILES. Voy. Conçues.
ACTES DES MAKTYUS. Fo(/.Martyhe et
MaRTi rologe.
ACTES DE PILATE. Voy. Pilate.
ACTUEL. Les théologiens distinguent la
grâce actuelle et la grâce habituelle, le péché
actuel et le peclié originel.
La grâce actuelle est celle qui nous est
accordée par manière d'arme on de motion
passagère. On pourrait la définir plus claire-
ment, celle qui- Dieu nous donne pour nous
meltre en état de pouvoir agir ou de faire
quelque aciinn. C'est de cette grâce que parle
saint Paul quand ildit aux Philippiens,ch. i :
Il mus a été donné non-seulement de croire
en J ésus-C.lirist, mais encore de souffrir pour
lui. Saint Augustin a démontré, contre les
pélagiens, que la grâce actuelle est absolu-
ment nécessaire (lour toute action méritoire
dans l'ordre du salut.
La grâce /(((6ùue('/e est celle qui nous est
donnée jiar manière d'habilude, de qualité
fixe et permanente, inhérente à l'âme, qui
nous rend agréables à Dieu et dignes des ré-
compenses éternelles. Telle est la grâce du
baptême dans les enfants. Voy, Grâce.
Le péché actuel est celui que commet, par
sa projire volonté cl avec pleine connais-
sance, une personne qui est parvenue à l'âge
de discrétion. Le péché originel est celui que
nous conlraclons en venant au monde, parce
que nous sommes enfants d'Adam. Voy. Pé-
ché:. Le pèche actuel se subiJivise en péciié
mortel et pé'ché véniel. Voy. Mortel et Viî-
NIEL.
ADAM, nom du premier homme que Dieu
a l'reè pour être la lige dn genre humain.
Adam est aussi en hébreu le nom appeilaiif
de l'homnie en général; il paraît formé d'à
augmentatif et de la racine dam, dom, élevé,
supérieur; Il désigne le principal el le plus
fort individu de l'espèce.
89 ADA
On peut voir dans les premiers cnapitres
de la Genèse toute l'histoire d'Adam, la loi
que Dieu lui imposa, sa désobéissance, l3
peine à laquelle il fut condamné avec sa po-'
stérile (1). Cette narration, qui est fort courte,
a fourni une ample matière aux conjectures
des commentateurs, ans. disputes des théo-
logiens, aux erreurs des hérétiques, et aux
objections des innédules.
llestd'abord évident quele premier homme
n'a pu exister que par création. Les anciens
athées, qui disaient que les hommes étaient
lorluitemeut sortis du sein de la terre, comme
les champignons ; les maiérialisles moder-
nes,qui pensentque la naissance de l'homme
a été un effet nécessaire du dél)rouillement
du chaos ; les savants physiciens, qui ont cal-
culé et fixé les époques de la nature, sans
nous apprendre comment les hommes, les
animaux et les plantes, ont pu éciore d'un
globe de verre euilammé dans son origine,
(t) I Jusqu'ici Dieu, dil Bossiiet , avait tout fait
en cuminandanl; mais quand il s'agit de produire
l'homme. Moïse Ini fait tenir un noiive:iii lanf;age :
faisons riioinme, dilil, à notre image et ressemblance.
Ce ii'esl plus celle parole inipériiiusB et dominante ;
c'est une parole plus doute, quoii|ue non moms
eflicace. Diey lient conseil en lui-niéine ; Dieu s'ex-
cile lui-nièuie, coinine pour nous faire voir que l'ou-
vrage qu'il va enii'eprciidre surpasse tous les ouvra-
ges (|u'il avait faits jusqu'alors. Fuisoii.i l'homme...
La p;irole de conseil, dont Dieu se sert, niarque que
la créature <pii va èire laiie esl la seule i|ui peut
a!;ir par conseil et par inlelligence. Tout le reste
n'est pas moins «xtraordinaire. Jusque là nous n'a-
vions point vu, d ins riiistoirc de la Genèse, ie doigt
de Dieu appliqite sur une nwiière corruptible, l'our
former le corps de l'Iioinme, lui-mônie prend de la
terre ; et celle ti-rre, arrangée sons une lelle main,
reçoit II plus belle ligure qui ait encore paru daus
le inonde.
f Celle attention particidière, qui parait en Dieu
quand il fait l'Iiuiume, nous niunire ipi'll a pour lui
un cg^rd pariicnlier, quoique, d'ailleurs, tout soit
conduit immédialemcni par sa sagesse.
< Mais la manière dont il proiluii l'àine esl beau-
coup plus morveilleuso, il ne la liie point de malicre,
il l'inspire d'en haut ; c'est un souille île vie qui
vient «le lui-même. Quand il créa les liéies, il diu
Que l'eau produise des poissons., et il créa de cette sorlt
les munsires marins, et toute àme vivante et mouiunle
qui devait remplir les euujc. Il dit encore : Que la ler-
re produise loate àme vivante, les bêtes à quatre picUs
et les reptiles. C'est ainsi que devaient naiire ces âmes
vivantes d'une tic brute cl bestiale, à qui Dieu ne
donne pour toute aciion qire des mouvenienls dépen-
dants du cor|i3. Di u les tire du seiu des eaux et Je
la terre. Mais cette àme, dont l.i vie devait être une
imiiatiun de la sienne; cpii devait vivje, comme lui,
de laison et d'inlelligeine; qui lui devait élre unie
en le contemplant cl en raimant, et (|ul, potii' celle
raison, éiait laite à son image, ne pouvait élre tirée
de la matière. Dieu, en façonnant la matière, peut
bien lormer nu beau coips ; mais, en (pielque soile
qu'il la tourne et la Liçonne, jamais il n'y trouvera
sou image et sa lessumblànce. i/ànie, laite à sou
image, et qui peut èue lieureu»e en le pussédanl,
diHl être produite par une nouvelle création : elle
doit venir d'en haut; et c'e^t ce que sigiiilie ce souf-
dc de vie que Dieu tire de sa bouciie.
< Souvenons-nous que Moïse propose aux lium-
mes charnels, par des images sensibles, des vérités
pures et inlellcciuollcs. Ne croyons iias cpie Dieu
AD\ 100
sont aussi peusages les nnsqae les antres (1).
Leurs rêves sublimes disparaissent devant le
récit simple et naturel de l'auteur sacré : Au
commencement Dieu créa le ciel et la (erre ...
Il dit : Que la lumière soit, et la lumière
fut // dil : Faisons l'homme a notre
IMAGE ET A notre RESSEMBLANCE, et Vhomme
fut fait à l'image de Dieu. Gen. i. Par ce peu
de paroles l'homme apprend ce qu'il est, ce
qu'il doit à Dieu et à soi-même, ce qu'il a
lieu d'attendre de la bonté de son Créateur.
[ Voij. RÉVÉLATION primitive ]
Dieu est-il donc corporel aussi bien que
l'homme? On a répondu auxmarcioniles, aux
manichéens, «lUX philosophes du quatrième
siècle, aux incrédules du dix-huitième, qui
ont fait celle question, que la partie princi-
pale de l'homme n'est pas le corps, mais
l'âme. Or, cette âme est douée d'intelligence,
de réflexion, de volonté, de liberté, d'action;
elle a le pouvoir de réprimer les appétiis dé-
réglés du corps, de penser au présent, au
passé et à l'avenir, de communiquer aux au-
tres par la parole ce qu'elle- pense, de com-
mander aux animaux, de faire servir à son
usage la plupart des ouvrages du Créateur,
de le connaître, de l'adorer et de l'aimer;
c'est par là que l'homme ressemble à Dieu.
Préférerons-nous, comme certains philoso-
phes, de ressemblerauxaaimaux platôtqa'à
Dieu qui nous a faits?
souifle à la manière des animaux ; ne croyons pas
que notre àme soit un air subtil, ni une vapeur dé-
liée : le souflle que Dieu inspire, et (jui porte eu lui-
même l'image de Dieu, n'est ni air ni vapeur. Ne
croyons pas que notre àme soit une portion de la
iiatuie divine, comme l'ont rêvé quelpies pliiloso-
plie*. Dieu n'est pas un tout qui se partage. Quand
Dieu aurait des parties, elles ne seraient pas laites :
car le Créateur, l'Etre incréé ne serait pas composé
de créatures. L'àme esl faite et tellement faite qu'el-
le n'est lien de la nature divine, mais seulement une
chose faite a l'image et ressemblance de la nature
divine, une chose ipii doit toujours demeurer unie à
celui qui l'a formée ; c'esi ce que veut dire ce souffle
divin, c'est ce que nous représente cet esprit de vie.
« Voilà donc l'homme formé. Dieu forme encore
de lui la compagne qu'il lui veut donner. Tous les
hommes naissent d'un seul maiiage, aQn d'éire à
jainai», quelque di^pcrsés et multipliés qu'ils soient,
une seule et même lajinlle. >
(Il < La nature, dil llolland, dénuée de sentiment
et d'iMtelligence, a donc produit cet être merveilieux
dont la constitution étonne également l'analouiisle
et le p'iilosophe ! la terre a donc fait l'homme com-
me le b'oufgeois gentilhomme fait de la prose, c'est-
à-dice, sflits le savoir ! ces millions de parties qui
forment le < oi ps buinaiii ont donc été dispersées ja-
dis sur le globe, se sont rencontrées, on ne sait rjuand
ni comment, se sontentre- heurtées, attirées, repous-
sées ; puis, après bien des essais, se sont rangées
tout juste dans le bel ordre où nous les voyons ; or-
dre qui surpasse tout ce que l'art a pu produire et
toui ce i|ue l'esprit peut concevoir ! Mais ce n'est pH
la le |dus étonnant. Ces meniez atomes, de bruts e*
de morts qu'ils étaient, ont produit , par leurs corn-
binaisuns fortuites, la vie, le sentiment et la lacultc
de raisonner. Pour ^'épargner la peine de l'uriner à
si grands frais chaque indiviilu , ils se «ont arran-
gés en inàle et lemelle, dis maii/ere a pouvoir désor-
inuis étendic leur espèce par la \(tie de la généra-
tion. C'est ciiliu à leurs imputions rticipioqucs, à
ÎOl
ADA
ADA
f(tt
La manière dont la formation delà femme
est racontée dans l'hisloire sainte a donné
lieu à quelques railleries froides el à des
imaginations bizarres qui ne valent pas la
peine d'être réfutées ; ni;iis c'est une grande
leçon donnée au genre humain. Dieu a voulu
par là faire connaître à la feuiine la supério-
rité de l'homme de qui elle a clé formée ; à
l'homme, combien sa compagne doit lui être
chère, puisqu'elle est une partie de sa pro-
presubstance;à tous les deux, qu'ils doivent
conserver entre eux l'union la plus étroite,
de laquelle dépend leur bonheur et celui de
leurs enfants.
Mais cil quel état se trouvaient ces deux
créatures au momenldeleur naissance, quelle
était leur félicité dans l'élat d'innocence,
quelle aurait été leur destinée et celle de
leurs enfants, si les uns ni les autres n'a-
leur gravitation mutuelle, que l'on doit rinveiiiion
de la paiole, îles sciences tt des arts. Si ce système
p:iiaîi inoiislrueux à la raison, Il ladt avoiRT qu'il
plaii. nuiins à ritiiagiiiaiioii que les biillanies illusions
de la iiiyili"l<pgie —
t Si la iiauiie ou ta matière a produit tuus ces
corps urgaiiises, (liantes, animaux cl liuiumes , d'uù
vieul que, ilupuis qu'on l'obseive, cil; ne pioduil
plus lien de pareil? la nature a-l-elle donc cliangé?
pourquoi celle liiènie rencontre d'atomes, qui lii ja-
dis taul de merveilles, n'a-l-elle plus lieu, el pour-
quoi s'obstine i elle <• laisser aux êtres organisés le
soin de se reproduire eux-inémcs?
I Les anciens, qui ctaieni aussi ignoraiiis eii his-
toire naturelle (pi'uii physique , pouvaient croire
qu'un animal se luriiiail comme le sel, p;ir la juxla-
pusiuon de dlllérentes molécules réunies en vertu
de certaines (unes de rapport. Il leur éUiil permis de
conjecinrer (pi'une masse de boue, imprégnée et
écliauHée par les rayons du soleil, peut s'animaliscr,
loul comme ils se persuadaient ijue les insectes, les
grenouilles, les crapauds et les lézards qu'ils irou-
vaienl dans la fange du Nil, étaient de la boue ani-
jiiée par la chaleur. Mais il esl iiicoucevable que,
dans le dix-huitiènie siècle, après toutes les découver-
tes des modernes, on n'ait pas lioniede parler encore
comme les anciens , el délayer un système de plii-
losopbie sur des erreurs dont le ptuple même com-
mence à se moquer. Un animal ne naît que de son
seuililable, c'est la loi unilorine et invariable de la
nature. Rien de ce qui est organisé ne se forme par
opposilion, pas niènie le cliaiupignon ni la mousse.
La raison s'unil à l'expérience pour rejeier les géné-
rations équivoques. Elle nous àil qu'un corps orga-
nisé esl un tout qui n'a pu se iurmei' successivement,
puisque cbaque partie suppose l'existence des au-
tres. C'est un syslèiue d'un iiomlire inlini de mai bi-
nes qui correspondent diieciemeiii, ipii ont entre
elles des rapports intimes, qui sont laites les unes
pour les antres, et dont les forces concoureiil à un
but général. Ce tout se développe et augmenle de
volume; iHais, en tant que uiacbine, il est toujours
en peut ce qu'il seia en grand, de sorte que toutes
les oiaiières alimentaires ne sauraient y ajouter une
libre.
€ Imaginons pour un moment que l'aveugle con-
cours des molécules de la maiière inanimée ail
réussi à produire un homme, à l'aide des lois de
l'impulsion et de l'attraction. Supposons, contre
toute vraisemblance, que dis-je? contre toute certi-
tude, que la nature ne sait plus faire aujourd'hui ce
qu'elle a su faire en des temps plus reculés. Dévo-
rons enlin toutes les absurdités ipii entoureul et ac-
cablent le système de l'athce; soumettons le bon
sens aq préjugé et l'évideDce ii l'erreur; qui est-ce
vaientpas péché ? Questions intéressantes,
mais sur lesquelles l'Ecriture sainte ne s'est
expliciuée qu'avec beaucouj) de réserve.
Elle nous apprend que Dieu a créé l'homme
droit, EccVi. vu, 30, et dans In justice, Ephes.
IV, 2'i , par consé(]uent non - seulement
exempt de vice, mais encore doué de la grâce
sanctiliaiite qui le rendait agréable à Dieu.
Elle nous dit qu'il a été créé iinmortel. dans
ce sens qu'il pouvait s'exempter de la mort
en ne péchant (las ; la mort n'étant entrée
dans le monde que par la jalousie du démon,
Sap. II, 2.1,01 par le péché, Rom. v, 12. Nous
\ oyons aussi, Eccli. xvii, 6, que Dieu s'é-
tait plu à donner à nos premiers parenls tou-
tes sortes de conn.iissances, en créant dans
eux la science de l'esprit, en remplissant leur
cœur de sentiment, et leur faisant voir les
biens et les maux. D'où il suit que l'état du
premier homme avant son péché (tait un
ét.it très-heureux, quoique son bonheur ne
fût pas complel, puisqu'il pouvait perdre par
sa désobéissance la justice dans laquelle il
avait été créé, et tous les dons qui > étaient
attachés. Un bonheur plus parfait devait
être le fruit de sa persévérance libre dans le
bien. Nous ne savons pas combien il aurait
fallu qu'elle durât pour qaWdam fût confir-
mé dans la justice et ne pût désormais la
perdre.
S'il eût persévéré, ses enfants auraient eu
en naissant la justice origincUedans laquelle
il avait été créé ; mais chacun de ses descen-
dants aurait été peut-être assujetti à des
lois, exposé au danger de les violer, et de
perdre, comme Adam, tous les privilèges de
l'innocence : c'est le scnlimenl d'Estius d'a-
près saint Augustin, I. ii Sentent., dist. 20,
§5. On pourrait encore agiter bien d'autres
questions ; mais, puisque l'Ecriture se tait,
n'imitons pas la curiosité téméraire de notre
premier père : n'approchons pas de l'arbre
de la science pour y chercher un fruit qui
nous est défendu.
Pourquoi, demandent les incrédules après
les manichéens, pourquoi imposera l'homme
une loi, et lui faire une défense, lorsque
qui animera cet .iiidroide, cette matière organique-
ment disposée par les mains du hasard? qui est-ce
qui lui donnera la f.icultédc sentir, dépenser, déjuger
et de faire des abstractions? comment est-ce que la
nature donnera rintelligence et le seniimeiii, n'ayant
ni sentiment ni intelbgence? Hélas ! elle n'est qu'im-
pulsion et graviiaiion ; et il lui est aussi impossible
de produire par là une seule pensée, qu'il l'est au
néant de créer un seul atome.
I Les matérialistes croienl, en toute simplicité de
cœur, que le sol de la Lapouie a produit le renne ,
parce que cet animal est indigène à ce pays, et qu'il
ne peut vivre dans un climat plus doux. Que dites-
vous de l'argument? Voyez-vous ces vers qui four-
millent dans les cavités d'un vieux fromage? Ils y
trouvent une nourriture et une chaleur (|ui leur con-
vient; donc c'est ce fromage qui les a produits. Une
telle conclusion est fort bonne pour l'enlaut qui a
mangé le fromage sans se soucier du ver ; mais elle
étonne dans un philosophe (|ui se donne pour capa-
ble de creuser les idées, et irinlcrpréter la nature. »
(llolland, lii'llex. pliUus. sur le sysl. de la nal. , c G).
— Une simple léllexion a suili pour faire justice U(j
ces misérables sopliismes.
103 AD.\
Dieu savait bien qu'elle serait violée ? Parce
que rhi>mme créé libre éUiil capable d'obéis-
sance, et qu il la devaiUi son Créateur. C'est
par son libre arbitre, autant que par son in-
telligence, que Ihomme est distingué des
animaux; il était juste que Dieu exigeât de
lui un léuioignage de soumission, en recon-
naissance de la vie et des autres bienfaits
qu'il lui avait accordés. Dans tous les éiats
possibles, il est de l'ordre que le bonheur
parfait ne soit pas un don de Dieu purement
sraïuit, mais une récompense réservée à
l'obéissance de l'homme et à la vertu : au-
cun ari,'ument des incrédules ne peut prou-
ver le contraire ; la prévoyance que Dieu
avait de la désobéissance future û'Adam ne
devait déroger en rien à cet ordre éternel ,
infiniment juste et sage.
En effet, dit saint Augustin, pourquoi Dieu
ne devait-il pas permettre qu'^f/nm fût tenté
et succombât"? Il savait que la chute de
l'homme et sa punition seraient pour ses
descendants un exemple qui servirait à les
rendre plus obéissants ; que de cette race
même pécheresse naîtrait un peuple desaints
qui, avec la grâce divine, remporteraient â
leur tour sur le démon une victoire plus glo-
rieuse. Si donc cet esprit malicieux a semblé
prévaloir pour un temps par la chute de
l'homme, il a été vaincu pour l'éternité par
la réparation de l'homme. L. i contra ndvers.
leg. et propli., n, 21 et 23. De Civ. Uei, I.
XI v, c. 27. DeCalecli. rudib. c. 18.
Lorsque les incrédules demandent encore
pourquoi Dieu a interdit à noire premier
pore le fruit qui donnait la connaissance du
bien et du mal, ils alTeclent de ne pas enten-
dre de quelle connaissance il est question.
Adam connaissait déjà le bien et le mal mo-
ral ; l'Kcriiure nous apprend que Dieu la lui
avait donnée. E'cc/i. XVII, 6; autrement il
aurai! été aussi incapable de pécher que les
enfants qui n'ont pas encore atteint l'âge de
discrétion : mais il n'avait point encore la
connaissance du mal physique, puisqu'il n'en
avait éprouvé aucun ; il n'avait aucune idée
de la honte et du remords que cause la con-
science d'un crime. 11 les sentit après son pé-
ché; il fut en état de comparer le bien-être
et la douleur : telle est la connaissance ex-
périmentale de laquelle Dieu voulait le pré-
server. 11 ne s'ensuit donc pas qu'il y ait eu
un arbre dont le fruit avait la vertu de faire
connaître le bien et le mal (IJ.
C'est une nouvelle lemèriié, de la part des
incrédules, de soutenir qu'il y a eu de l'in-
justice à rendre /l(/om maître du sort de sa
postérité. C'est la condition naturelle delhu-
uianite ; et tel est l'ordre établi dans toutes
les sociétés |ioliti(iues. Un père, par sa mau-
vaise conduite, peut réduire à la misère ses
enfants nés et à naître ; il peut les déshono-
rer d'avance par un crime ; il peut, dans les
pays où l'esclavage est établi, les réduire à
(1) BerRier répond à ses adversaires par le nioyeii
de l'allégorie. N"iis cri)yiiiis que c'est im délaiil :
car une fois placé sur la penle ilc ralli;i;oric, on
arrive facilemeni à fausser loiiics les croyances.
Vov. Hf.rm^sumsme, Allécorie.
ADÂ
104
celte conaition en vendant sa liberté. Il est
du bien de la société que cela siiii ainsi, aOn
d'inspirer aux pères plus d'Iiorreur des cri-
mes qui peuvent avoir jiour leurs enfants
des suites si terribles, et plus de reconnais-
sance aux enfants envers un père qui, par
la sagesse de ses mœurs, les a mis à couvert
de ce malheur.
Dieu, continuent nos adversaires, pouvait
prévenir le péché de l'homme par une grâce
efficace, sans nuire à son libre arbitre; s'il
ne devait pas cette grâce à l'homme, du moins
il la devait à lui-même et à sa bonté infinie.
Ne donner à l'homme dans cette circonstance
qu'un secours inefficace dont Dieu prévoyait
l'inutilité, c'était plutôt lui faire du mal que
du bien.
Ce raisonnement, s'il était solide, prouve-
rait que Dieu, en vertu de sa bonté infinie,
ne peut donner à aucun homme une grâce
dont il prévoit l'inefficacité, et ne peut per-
mettre aucun péché ; mais ilporlesurlroisou
quatre suppositions fausses. La première,
qu'un moindre bienfait, comparé à un plus
grand, n'est plus un bien, mais un mal. La
deuxième, que de deux bienfaits inégaux,
Dieu se doit à lui-même d'accorder toujours
le plus grand, ce qui va droit à l'infini. La
troisième, que plus Dieu prévoit de résis-
tance delà part de l'horume, plus il est obligé
d'augmenter la grâce ; comme si la malice de
l'homme était un litre qui lui donnedroilaux
grâces de Dieu. La quatrième, qu'il faut rai-
sonner de la bonté de Dieu jointe à une puis-
sance infinie, comme de la bonlé de l'homme
qui n'a qu'un ponvoir très-borné. Toutes
ces absurdités n'ont pas besoin d'une plus
longue réfutation.
Une grâce inellicace, ou de laquelle Dieu
prévoit l'inefficacité, est sans doute un moin-
dre bienfait qu'une grâce dont il prévoit
l'efficacité; mais il est faux que la première
soit un mal , un don inutile ou perni-
cieux, un piège tendu à l'homme, etc. Un
secours, qui donne à l'homme toute la force
nécessaire pour le rendre maître de son choix
et de son action, ne peut sous aucune face
être envisage comme un mal.
Ce que l'historien sacré dit de la tentation
d'Eve et de ses suites a fourni aux incrédu-
les de quoi exercer leur malignité. Cette nar-
ration leur paraît renfermer plusieurs ab-
surdités : que le serpent soit le plus rusé de
tous les animaux ; qu'il ait eu une conversa-
tion suivie avec la femme, et qu'elle se soit
laissé tromper; qu'il soit plus maudit que
les autres animaux, pendant qu'il ^ a des
peuples qui lui rendent un < ulte ; qu il n'ait
rampe sur son ventre que depuis ce temps-
là ; (lu'il mange de la terre, etc.
Par ces réflexions mêmes, les censeurs de
l'histoire saiule prouvent, ou que Moïse
était un insensé, ou qu'il y a un sens caché
sous l'éforce de cotte histoire. C'est ce que
nous soutenons , et un célèbre incrédule
l'a reconnu. De la manihe, tlit-il, dont I his-
tnritn rarnnie cp funeste (<r('nement, i7 parnit
bien qnr stin iitlrnlion n'a pas été que nous
eussions comment la chose s'était passée, et
lOS
ADA
ADA
106
eeln seul doit persuader à toute personne rai-
sonnable que la plume de Moise a été sous lu
direction particulière du Saint-Esprit. En
e/fel, si Moïse eût été le maître de ses expres-
sions et de ses pensées, il 71' aurait jamais en-
veloppe d'une façon si étonnante le récit
d'une telle action; il en aurait parlé d'un
style un peu plus humain et plus propre à
instruire la postérité : mais une force majeure,
une sagesse infinie le dirigeait de telle sorte
gu'il n'écrivait pas selon ses vues, mais selon
tes desseins cachés de la Providence. Bayle,
Nouv., juin l()8(i, art. 2, p. 592.
Est-il vr.ii d'ailleurs que son récit ren-
ferme des absurdités? l°!N(Uis ne connaissons
pas assez les dilTérentcs espèces de scrpeiiis,
pour savoir jusiiuli quel point ces animaux
son! ruses et industrieux ; ceux ((ui enlen-
denl parler dcscaslurspour la première fois,
sont tentés de prendre pour des failles ce (lue
l'on en r.iconle. 2" 11 est constant que ce fui
le démon qui emprunta rorg.ine du serpent
pour converser avec Eie, et celte ftninie
n'avait pas encore assez d'expérience pour
savoir si un animal elait capable ou incapa-
ble de parler. 3° Il n'est pas moins vrai qu'en
général nous avons horreur des serpents, et
qu'il n'y a qu'une longue habitude qui puisse
accoutumer des peuples à demi sauvages à
se familiirisiT avec quelques es[ièces de ces
animaux. 4-" Si l'on en ci oit les voyageurs et
les naturalistes, il y a des ser|ients ailèi qui
s'élèvent dans les airs ; il n'est donc pas cer-
tain que toutes les espèces aient toujours
rampé sur leur ventre. On dit encoie qu'il
y en a qui sont d'une beauté singulière, et
l'on en a vu de très-apprivoisés. Enfin, si
les serpents ne inangeni pas la terre, ils
semblent du moins avaler la poussière et les
ordures eii cherchant les insectes dont ils se
nourrissent. Il n'y a donc rien d'absurde v.i
de ridicule dans la narration de Moïse.
Une question plus importante est de sa-
voir si Dieu a puni trop rigoureusement le
péché A'Adam, comme le supposent les in-
crédules. La fauie, disent-ils, fut légère, et
le cliâlimcnt est terrible : être coiulainiié,
pour toute cette vie, au travail et aux souf-
frances ; éprouver sans cesse la révolte de la
chair contre l'esprit, et des passions contre
la raison ; avoir continuellement sous les
yeux la mort cju'il f.iut subir, et un supplice
éternel dont nous sommes menacés, et cela
pour un prétendu crime qui n'est, dans le
fond, qu'une légère dcsohéissance ; y a-t-il
de la proponioii entre le péché et la p ine ?
Nous répondons, en premier lieu, qu'il est
absurde de vouloir juger de la grièvelede la
faute d'Adam auirement ()ue par le châti-
ment que Dieu en a tiré ; avons-nous assisté
au conseil de Dieu, ou avons-nous vu ce qui
s'est passé dans l'âme d'Adam, pour savoir
jusqu'à quel point il a éié criminel ou excu-
sable? La facilité de l'obéissance, dit saint
Augustin, est précisément ce qui, dans les
circonstances, aggrave la faute d'Adam. En
scconil lieu, les misères de cette vie, la con-
cupiscence même, sont une suite de notre
nature : l'exemption de la mort, la souuiis-
DiCT. DE Theol. dogmatique. 1.
sion entière de la chair à l'esprit, était une
grâce que Dieu ne devait pointa nos pre-
miers parenis, ainsi que nous le prouverons
à l'article Natuke pijre; il a donc pu, sans
injustice, en priver l'homme coupable et
ses descendants. En troisième lieu, l'on n'est
pas obligé de croire, puisque l'Eglise ne l'a
pas décide, que les enfants souillés du péché
originel sont tourmentés par des supplices.
Ils n'entreront pas dans le royaume du ciel ;
mais il n'est pas dit que le lieu où ils seront
sera pour eux un lieu de tourments. Nous
discuterons cette question au mot Baptême.
Les péchés actuels, qui lonl perdre la
grâce, seront punis, il est vrai, par des sup-
plices éternels ; mais ces péchés ne sont pas
des châtiments de la faute d'Adam, ce sont
des maux (lue nous nous faisons volontaire-
ment à nous-mêmes par des vices et des ha-
bitudes que nous avons contractées très-
librement, et dont il ne tiendrait qu'à nous
de nous préserver. Enfin, quand on [larle de
la faute d'Adam et de la punition, il faudrait
ne pas oublier la manière dont Jésus-Christ
l'a ré|iarée par la grâce de la rédemption.
C'esi en démontrant, par l'Ecriture sainte,
l'excellence, la plénitude, l'universalité de
cette grâce, que les Pères de l'Eglise ont ré-
pondu aux objections des marcionitcs et des
manichéens, qu'ils ont prouvé aux ariens la
divinité de Jé>us-Cbrist, qu'ils ont réfuté les
pélagiens, qui, dans leur système, rédui-
saient à rien la rédemption, comme font en-
core aujourd'hui les sociniens.
Ils nous font remarquer d'abord que la
promesse de la rédemption est aussi ancienne
que le péché. Avant de condamner Adam
aux souffrances et à la mort, Dieu avait déjà
lancé la malédiction contre le serpent, et
lui avait dit : La race de la femme t'écrasera
la tète. C'est, disent les Pères, en vertu de
cette promesse et des mérites du Rédempteur,
que Dieu n'a ccnil.imné Adam et sa postérité
quà une peine temporelle; ainsi la rédemp-
tion future a commencé d'ofiérer son effet
au moment même qu'elle a été promise. Vuy.
Frot-évangile, Kédemption.
•i° Us nous représeuti'iil que les souffran-
ces et la mort sont l'expiation du péché et un
sujet lie mérite en veriu de la passion du
Sauveur; d'où ils concluent que la condam-
naiion de l'homme a été sous ce rapport un
acte de miséricorde de la part de Dieu, .lésus-
Chrisl, dit saint Paul, a ôlé les amertumes
de la mort, en nous assurant une résurrec-
tion semblable à la sienne. J Cor. xv , 55.
Yoy. Mort, Sodfkrance.
3' Ils obseiveni que la grâce, répandue
avec abondance par Jésus-Christ, nous rend
victorieux de la concupiscence ; que parce
combat la vertu devient jilus méritoire, et
digne d'une récompense aussi grande (|ue
Celle qui était destinée à notre premier père.
Par ces dilTérenies considérations, no^-*aiiils
docieurs font comprendre la dig*ïfté à la-
quelle notre nalurt^ a été élevée ijar soa
union avec le \'erbe divin ;
la grandeur du mal par la-
remède.
w
ADÀ
ADA
108
Selon l'histoire sainte, la pénilcnce A'Adam
a ôté fort longue : il a véc i neuf conl trente
ans. Gen. v, 5. Dieu lui accorda celte longue
vie, aCn de perpétuer parmi ses descendants
la certitude des grandes vérités dont il avait
été témoin, ou qu'il avait reçues de la pro-
pre bouche de Dieu même : les hommes
pouvaient-ils avoir un maître plus respec-
table et plus digne de foi? Mais, sans la pro-
messe qui lui avait été faite d'un réparateur,
il aurait été souvent tenté de se livrer au dé-
sespoir, en voyant le délui^e de rnaux de
toute espèce que sa faute avait fait tomber
sur la terre.
Aucun des pères de l'Eglise n'a douté du
salut d'Adam; tous ont été periuadés qu'il
a été sauvé par Jésus-Christ. S.iint Augustin
dit que c'est la croyance de l'Egliso, et l'on
a taxé d'erreur Tatien et les encraiiles, qui
ne voulaient p.is adnicltre celte vérité.
On a même cru, dans les premiers siècles,
qxx'Àdam avait été enterre sur le Calvaire, et
que Jésus-Christ avait été crucifié si;r sa sé-
pulture, afin que le sang versé pour le salut
du monde purifiât les restes du premier pé-
cheur. Quoique cette tradition ne paraisse
fondée que sur nn passage de l'Ecriture mal
entendu, elle atteste toujours la h;iute idée
qu'avaient nos anciens maîtres de l'étendue
et de l'efficacité de la rédemption.
11 paraît que certains liiéologiens l'avaient
prol'ondément oubliéi", lorsqu ils ont dit que
le péché originel ou la chute i\'A(lam est la
clef de tout le système du christianisme, le
premier anneau auquel tient toute l;i chaîne
de la révélation: ilaur.iit fallu dire au moins:
Le péché originel effacé et pleinement réparé
par Jcsus-Christ.S.iUS le dogme fondamental
de la rédemption, celui du péché originel
pourrait nous inspirer de la crainte , des
regrets, de la douleur , peut-élrc le déses-
poir; il n'exciterait en nous ni reconnais-
sance, ni C'Uifiince, ni amour de Dieu, sen-
timents dans lesnuels consiste la religion.
Au mot Pi'.c.iiÉ ORIGINEL, nous ferons voir
que la croyance de l'un de ces dogmes ne
peut pas subsister sans celle de l'autre.
Quelques auteurs ont pensé que Maton
avait eu connaissance de la chute d'.lr/am, et
qu'il l'avait apprise p.ir la lecture des livres
de Moïse. Eusèbe, dans sa Préparation évnn-
géliuue, liv. xii, c. Il, cite une fable tirée
des Symposiacjues do Platon, dans laquelle
cotle histoire semble être rapportée d'une
manière allégorique; mais ceiti' allusion
n'est ni fort sensilile, ni absolument cer-
taine. Au temps (le Platon, les livres de Moïse
n'élaient pas encore traduits en grec, et ce
philosophe n'avait point de connaiss mce de
riiéhreu. On sait d'ailleurs que les Juifs ne
montraient pas aisément leurs livres aux
païens. Il faut juger do même de la fable do
Pandore, que quelques-uns ont prise pour
une altération de l'hrstoire de la chute
A' Adam.
ADAMlTKSou ADAMIKNS, secïed'anciens
hércliq.ucs. qu'on croit avoir été un rejeton
des'basiliaiMis et des carpocratiens, sur la
fin dn'ir ffiècle..
Selon saint Epipîiane, ils pjrirent le nom
à'adninite.s, parce qu'ils prétendaient avoir
été rétablis dans l'état de nature innocente,
être tels qu'Adam au moment de sa création,
et par conséquent devoir imiier sa nudité. 1
Ils délestaient le mariage , soutenant que .1
l'union conjugale n'aurait jamais eu lieu sur '
la terre sans le péché, et regardaient la
jouissance des femmes en commun comme
un privilège de leur prétendu rétablissement
dans la justice originelle. Quelque incom-
patibles que fussent ces dogmes iiifâ:nes avec
une vie cha'^te, quelques-uns d'eux ne lais-
saient pas de se vanter d'être continents, et
assuraient que si quelqu'un des leurs tom-
bait dans le péché de la chair, ils le chas-
saient de leur assemblée, comme Adam et
Eve avaient élé chassés du paradis terrestre
pour avoir mangé du fruit défendu ; qu'ils se
regardaient comme Adam et Eve, et leur
temple comme le paradis. Ce temple, après
tout, n'était qu'un souterrain, une caverne
ob-cur-, ou un poêle dans lequel ils en-
traient tout nus, hommes et femmes, et là,
tout leur était permis, jusqu'à l'adulière et
à l'ineeste, dès que l'ancien ou le chef de
leur société avait prouoneé ces paroles de la
Genèse, ci, y.^il, Crescite et mulliplicnmini,
Tliéodoret ajoute que, pour commettre de
pareilles actions, ils n'avaient pas même d'é-
gard à l'honnêteté publique, et imitaient
l'impudence des cyniques du paganisme. 'l"er-
tullica assure qu'ils niaient, avec Valentin,
l'unité de Dieu, la nécessité de la prière, et
traitaient le martyre de folie et d'extrava-
gance. Saint Clément d'Alexandrie dit qu'ils
se vantaient d'avoir des livres secreis de
Zoroasire; ce qui a fait conjecturer à M. de
Tillemont qu'ils étaient livrés à la magie.
Tom. H, pag. 280.
Celle secte infâme fut renouvelée dans le
xii" siècle par un certain Tendème, connu
encore sous le nom de 't'anchelin, qui sema
s<.s erreurs à Anvers, sous le règne de l'em-
pereur Henri X. Les principales étaient,
qu'il n'y avait puiat de distinctions entre les
prêtres et les laïcjues, el que la fornication
et l'adultère étaient (les actions saintes et
méritoires. Accompagné de trois mille scélé-.
rats armés, il accrétiila celte doctrine par
son éloquence et par ses exemples; sa secte
lui survécut peu, et fut éteinte par le zèle de
saint Norbert.
D'nutres ndamiles reparurent encore d.ins
le x!v' siècle, sous le nom do turltipins et de
pmtvres frères, dans le Dauphiué et la Savoie.
Us soutenaient que l'homme, arrivé à un
certain étal de perfection, était alTranchi de
la loi des passions, et que, bien loin (lue la
liberté de l'homme sage consistât à n'être
pas .«oumis à leur empire, elle (onsistail au
contraire à secouer le joug des lois divines.
Ils allaient tout nus, et commettaient en
plein jour les actions les plus lirulalcs. Le
roi Charles V en fit périr plusieurs par les
flammes : on brûla aussi quelques-uns de
leurs livres à Paris, dans la place du mar-
ché aux Pourceaux, hors de la rue Saint-
Honoré.
109
ÂDE
ADO
MO
Dn fanntiqne, nomme Picard, natif de
Fl.iiulri', ayant péiiélré en Allemagne et en
Boliême au commencement du xv siècle, re-
nouvel.i ces erreurs, et les répandit surtout
dans l'armée du laineux Zisea. Malgré la
sévérité (le ce général, Picard trompait les
peuples par ses prestiges, et se qualiliait fils
de Dieu. Il prétendait que, comme un nouvel
Adam, il avait été envoyé dans le monde
pour y rétablir la loi de nature, qu'il taisait
surtout consister dans la nudité de toutes
les p.'iriics du corps et dans la communauté
des femmes. Il ordonnait à ses disciples d'aï-
l«r nus par les rues cl les places publiques;
moins réser\é à cet égard que les anciens
adnmiles qm ne se permeilaient cette licence
que d.ins leurs asseinblées. Quelques ana-
baptistes tentèrent en Hollande d'augmenter
le nombre des sectateurs de Picard; mais
la sévérité du gouvernement les eut bientôt
dissipés. Celte secte a aussi trouvé des par-
tisans en Pologne et en Angleterre; ils s'as-
semblaient 1) nuit, et l'on prétend qu'une
des maximes fondamentales de leur société
était contenue dans ce vers :
Jura, pcrjura, secretnm prodere noii.
Mosheim, qni a examiné de près l'histoire
de ces fanatiques, pense que le nom de Pi-
carils ne leur venait pas d'un cbef ainsi ap-
pelé, mais (jue c'était une corruption du nom
de btqijliards ou biyç/liards. Yoi/ez ce mol.
Leur maxime capitale était que , quicon<|uo
nse d'babils pour couvrir sa nudité, et n'est
pas capable de voir sans émotion le corps im
d'une personne d un sexe différent dn sien,
n'est pas encore libre, c'est-à-dire suffisam-
noenl dégagé des afl'ections cor|)or<'lles. il
él.iil impossible qu'avec un pareil principe,
suivi dans la pratique, il ne se p/issât lien
de criminel diins leurs assemblées. Aussi
l^lo^lleim n'est point de l'avis de UasnMge,
qui a voulu juslilier les picards ou udamtles
de lîohème, et qui les a confondus avec les
vaudois. Trtid. de l'Ilinluire ecclésiast. de
Mofliei», t. m, page .V72.
Quelques savants sont dans l'opinion que
l'origine des ndamites remonte beaucoup plus
haut que l'établissement du christianisme :
ils se fondent sur ce que iMaaclia, mère
d'Asa, roi de Jud.i, était grande prélresse de
Priape, et ijue, d.ins les sacrifices nocturnes
que les feimnes faisaient à cette idole obs-
cène, elles paraissjiient toutes nues. Le motif
des adamilfs n'était pas le même que celui
des adorateurs de Priape; et l'on a vu,
par leur lliéologie, qu'ils n'avaient pris du
paganisme que l'esprit de débauche, et
non le culte de Priape.
ADESSfîNAlRtS, nom formé par Pratéo-
lus du verbe latin udesse, être présent, et
employé pour désigner les hérétiques du xvr
siècle, qui reconnaissaient la présence réelle
de Jésus-C.hrist dans l'eucharistie, mais dans
un sens ililïéreni de celui des catholiques.
Ces hérétiques sont plus connus sous le
nom iVlinpnnaleurs; leur secte était divisée
en quatre brandies : les uns soutenaient que
le corps de Jésus-Christ est dans le pain
d'antres qu'il est alentour du pain, d'antres
qu'il est sur le pain, et les derniers qu'il est
sons le pain. Voi/. Impanation.
ADIAPHORIStES, nom formé du grec
«oiiy-po,-, indifférent.
On donna ce titre, dans le xvi' siècle, aux
luthériens mitigés, qui adhéraient aux senti-
ments de Mélanchthon, dont le caractère pa-
cifique ne s'accommodait point de l'extrême
vivacité de I-ulher. Gonsèquemment , l'an
lois, l'on appela ainsi cfux qui souscrivi-
rent à Vinlàim que l'empereur Charles-
Quint avait (ail publiera ladiète d'Ausbourg.
Voi/. Ldthkhiexs.
(k'tle diversité de sentiments parmi les lu-
thériens causa entre leurs docteurs une
contestation violente : il était question de
savoir l- s'il est permis de céder quelque
chose aux ennemis de la vérité dans les
choses purement indifférentes, et qui n'inté-
ressent point essentiellement la religion ;
2' si les choses quii Mélanchthon et ses parti-
sans jugeaient indifférentes l'étaient vérita-
blement. Ces dispuleurs, qui appelaient en-
nemis de la vérilé [ous ceux qui ne pensaient
p;is comme eux, n'avaient garde d'avouer
que les opinions ou les rites auxquels ils
étaient attachés, étaient indifférents au fond
de la religion. Voy. MÉLANcnTuoMENs.
ADJUlxATION. Coiniiiandemenl que l'on
fait au démon, delà part de Dieu, de sortir
du corps d'un possède, ou de déclarer quel-
que chose.
Ce mot est dérive du latin adjurare , con-
jurer, soliciter avec instance; et l'on a
ainsi nommé li's formules d'exorcisme, parce
qu'elles sont presque touti-s conçues en ces
termes : Adjura te , spiritus iminunde , per
Dnim vivum, ut, etc.
Dans le Dictionnaire de Jurisprudence,
l'on a blâmé les curés qui font des adjura-
tions ou des exorcismes contre les orages et
contre les animaux nuisibles; nous en par-
lerons au mol Exorcisme.
ADONAI, est parmi les Hébreux un des
noms de Dieu; il signifie mon Seigneur. Les
massorètes ont mis sous le nom que l'on lit
aujourd'hui, Jehovali, les points qui con-
viennent aux consonnes du mot Adondi ,
parce qu'il était défendu, chez les Juifs, de
prononrer le nom propre de Dieu, et qu'il
n'y avait que le grand prêtre qui eût ce pri-
vilège, lorsqu'il entrait dans lé sancluaire.
Les Crées ont aussi mis le nom Adoniï à
tous les eiidroiis où se Irouve le nom de Dieu.
Le mot Adonai est tiré do la racine don, qui,
dans toutes les langues', signifie élévation,
grandeur, au propre et au figuré. Les Grecs
l'ont traduit par K-ipto;, et les Latins par Do-
minus, il s'est dit aussi quelquefois des hom-
mes, comme dans ce verset du ps. lOi, Con-
stitua euni dominum domus suœ, en parhint
des honneurs auxquels Pharaon éleva Jo-
seph. Voy. Génébrard, Le Clerc, Cappel, De
nomine Dei telraqramm.
ADOPTIENS, hérétiques du viii' siècle, qui
prétendaient que Jésus- Christ , en tant
qu'homme, n'était pas fui prf.i; re ou fils na-
turel de Dieu, mais seulement son fils adop-
HI
ADO
ADO
112
lif. C'était renouveler l'erreur de Nestorius.
Celte secte s'éleva sous l'empire de Ch.ir-
lemagne. vers l'an 778, à cette occasion. Eli-
pand, archevêque de Tolède, ayant consulté
Félix, évéque d'Urgel, sur la filiation de
Jésus-Christ, cet évêque répondit que Jésus-
Christ, en tant que Dieu, est vériiablcment
et proprement Ois de Dieu, engendré nulu-
relU-nient par le Père; ni^is que Jésus-Chnsl,
en tant qu'homme ou fils de Marie, n'. si que
fils adoplif de Dieu ; décision à laquelle Eli-
pand souscrivit. Le pape Adrien, averti de
cette erreur, la condamna dans une lellre
dogmatique adressée aux évêquis d'Es|)a;,Mie.
On tint, en 791, un concile à Narbonne, où
la cause des deux évéques espagnols fut dis-
culée, mais non décidée. Félix se rétracta,
puis revint à ses erreurs ; et Elipand, de sou
côté, ayant envoyé à Chailem.igiie une pro-
fession de foi qui n'ulait pas orlliodose , ce
prince fil assembler un coniili' nombreux à
Francfort, en 794, où la doctrine de Félix et
d'Elipand fut condamnée, de même que dans
celui de Forli,de Tan 795, et peu de temps
après daus le coucile tenu à Kome sous le
pape Léon IIL
Félix d'Urgel pa>sa sa vie dans une alter-
native continuelle d'abjuralious et de re-
chutes, et la termina daus l'hérésie; il en fut
de même d'Elipand.
Geoffroi de Clairvaux impute la même
erreur à Gilbert de la l'oirée; Scot el Durand
semblent ne s'êlre pas assez éloignés de cette
opinion, qui parait retomber dans celle de
Nestorius.
L'erreur dont nous parlons fut réfutée avec
succès par saint Paulin , palriarclie d'Aqui-
lée, et par Alcuiu. Dans la vie que Madrissi
adonnée du premier, il a diseulé plu-ieurs
faits concernant Elipaud el Feliv d'Urgel,
qui n'avaient pas encore été suffisamment
éclaircis. Histoire de l'Eglise gallic. t. Y,
an. 797, 799.
ADOPTION, dans le sens théulogique, est
la grâce que Dii'u nous a laite par le bap-
tême ; ce sacrement nous im|irime le carac-
tère d'enfants adoptifs de Dieu, de frères de
Jésiis-Cbrist, d'héritiers du bonheur éternel :
droit précieux duquel sont prives ceux qui
ne sont pas baptisés. Voi/ez, dit aux fidèles
l'apôtre saint Jean, (jiielle bonté Dieu le Père
n eue pour vous , de nous accorda' le nnni et
les droits d'enfants de Dieu {1 Joun. m, 1).
Or, coulinue saint Paul, si nous sommes en-
fants,nous soiiimesaussiliériliersde Dieu, collé'
riliers de Jésus-Christ (Rom. vin, 17) Dieu est
le père de tous les boui.nes, puisqu'il est le
créateur el le bienfaiteur de lous, non-seu-
lement dans l'ordre do la nature, m.iis dans
celui de la grâce ; il ne retuse à aucun les
secours nécessaires et suffisants dont il a
besoin pour parvenir au salut. Dieueil nean-
nioms plusparliculièremenl le Père des chré-
tiens, ()uisqu*il leur donne, par le baptême ,
une nouvelle naissance, et qu'il leur accorde
«les grâces de salut plus puissantes et plus
abondantes qu'au reste des tiomuies. Voy. En-
ï \?n' DE Dieu.
VDOHATION, ADOKEU. Ce terme , pris
dans sa signification littérale, signifie porter
la main à la bouche, baiser sa main par un
sentiment de vénération. Dans tout l'Orient
ce geste est une des plus grandes man|ues
de respect el de soumission : il a été en usage
à l'égard de Dieu el à l'égard des hommes. 11
est dit dans le livre de Job, c. xxxi, v. 17 : Si
j'ai regardé le. soleil dans son éclat, et la lune
dans sa clarté; si j'ai baisé ma main avec une
joie secrète, ce qui est un très-grand péché et
une manière de renier le Dieu irès-haul. Dans
le troisième livre des Kois, c. xix, v. 18 : Je
me réserverai sept mille hommes qui n'ont pas
fléchi le genou devant Boni, et toutes /e< bou-
ches qui n'ont pas hiii<é leurs mains pour I'a-
uoREii. Minulius Félix dit iiue Cecilius, pas-
sant devant la statue de Sérapis , baisa sa
main, comme c'est la coutume du peuple su-
perstitieux. Ceux qui adorent, dit saint Jé-
rôme, ont coutume de baiser la main el de
baiser la terre; les Hébreux, selon le génie
de leur langue, mettent le baiser pour l'ddo-
ratim : il est dit, Ps. ii, v. 12, Baisez le fils,
de peur qu'il ne s'irrite, c'est-à-dire, aouuez-
le, el soumettez-vous à sou empire.
Pharaon, parlant à Joseph , lui dit : Toitt
mon peuple baisera la main à votre conimaii-
deinent. Il recevra vos ordres comme ceux du
roi. Abraham adore le peuple d'Héoron ,
Gen. xxiii, 7 el 12. La S mami e adore Elisée,
quiavaitressuseiiéson fils IVReg. iv,37,elc.
Dans ces divers pas^ages, le terme adorer
ne signifie certainemenl pas la même chose
ni la même espèce de culte.
Lorsqu'il est employé à l'égard de Dieu ,
il signifie le culle suprême qui n'est dû qu'à
Dieu seul; lorsqu'il est mis en usage à l'é-
gard des idoles , c'est un acte d'idolâtrie ; si
l'on s'en sert à l'égard des hommes, ce mot
n'exprime qu'un culte purement civil. La
même équivoque a lieu daus l'hébreu comme
dans les autres langues.
Baiser la main, lléchirles genoux, se pros-
terner, sont des signes extérieurs dont le sens
varie selou riulentiun de ceux qui les em-
ploient.
C'est donc mal à propos que les protes-
tants se sont élevés contre noire croyance,
parce «lue nous disons adorer la croix , el
que nous donnons des marques de respecta
la vue de ce signe de notre rédemption, il
est évident que nous ne prenons pas alors le
terme d'adoration dans le même sens que
par rapport à Dieu, que ce culle se rapporte
ù Jésus-Christ Homme-Dieu; qu'il ne se
borne ni à la matière, ni a la figure de la
croix. ïoy. Vtxposition de la foi catholi-
que, par Hossuel.
N'ainement ils disent que Dieu seul doit
être adoié; s: |iar là ils enlendenl honoré
comme II tre suprême, cela est vrai ; s'ils en-
leiiileiit honoré comme être respectable, c'est
une laiisselé. Le culte, l'honneur, le res-
pect, doivent eue proportionnés à la dignité
(les personnages auxquels ils sont adressés,
el il serait absurde de souienir que le res-
pect n'est dû qu'à Dieu. Voy. Culte.
Us (lisent et répèieni sans cesse que nous
udorons les suints, leurs images , leurs rcli^
lis
ADU
ADU
114
qiies : c'est toujours la môme équivoque.
Nous honorons les saints, et nous leur té-
moignons du respect , mais non le même
respect qu'à Dieu ; nous respectons leurs
ima;;es à cause de ce qu'elles représentent ,
et leurs rt'liques parce qu'elles leur oui ap-
parlenti ; mais nous ne les adoTons pas , si
par adorer l'on eiitrnd le culte suprême.
Quand quelques auteurs calhollques , ])cu
exacts dans leurs expressions, auraient mal
appliqué le tenue iVadoration, cela ne prou-
Teralt encore rien, puisque noire croyance
est clairement exposée dans tous nos caté-
chismes. Yoij. Paganismk, § 11.
Une autre grande ()uesiiou entre les pro-
testants et nous , est de savoir si l'on doit
adnrer l'Eucharistie; cela dépend de savoir
si Jésus-Christ y est véiiiablement , ou s'il
n'y est pas. Voi/ez Eucharistie, § h.
Ou nomme incore adoraiion l'hommage
que les cardiniiux rendent au p;ipe après
son élection, et une manière exlraordiuaire
d'élection, qui se fait lorsque la foule des
cardinaux va subitement se prosterner de-
vant l'un d'entre eux et le proclame pape.
Ces ternies équivoques nepeuvenî induire en
erreur que ceux qui ne fout pas attention
aux bizaireries du langage, ou qui veulent
se tromper eux-mêmes par l'abus des ter-
mes.
Au mot Paganisme, § 11, nous réfuterons
la notion que quelques protesiauts ont voulu
donner de Vadoration, afin de persuader que
les catholiques a(/tiren/ les saints et les ima-
ges.
ADRAMELEC. Foi/. Samaritains.
ADKIANISTES. Tliéodoret mettes adria-
nisles au nombre des hérétiques qui sorti-
rent de la secte de Simon le Masicien; mais
aucun autre auteur n'en parle. Théodoret ,
livre I des Fables hérétiques, c. 1.
Les sectateurs d'Adrien Hamstédius, l'un
des novateurs du xvi" siècle, furent ap-
pelés de ce nom. 11 enseigna premièrement
dans la Zélande , et ensuite en Angleterre ,
que l'on était libre de garder les enfants du-
rant quelques années sans leur conférer le
baptême; que Jésus-Christ avait été formé
de la semence de la femme, et qu'il n'avait
fondé la religion chrétienne que pour cer-
taines circonstances. Outre ces erreurs et
quelques autres pleines de blasphèmes , il
souscrivait à toutes celles des anabaptistes.
Praleol. Sponde, Lindun.
ADVEllSITÊ. Voyez Affliction.
ADULTÈKE, crime de ceux qui violent la
foi conjugale. Les jurisconsultes ne donnent
ordinairement ce nom qu'à l'inlidélilé d'une
personne mariée; mais les théologiens ap-
pellent aussi adullèrc le crime d'une per-
sonne libre qui pèche avec une personne
mariée; parce que l'une et l'autre coopèrent
à la violation de la foi jurée ; si tous deux
sont mariés, c'est alors un double adultère.
Aussi la loi de Mdïse , qui condamne à la
mort les adultères de l'un et de l'autre sexe,
Levit. XX, 10; Veut, xxii, 22, n'exempte
Îjoiiitde la peine le coupable non marie : la
ui du décalugue qui défend à tout homme
de convoiter la femme de son prochain ,
n'excepte personne , non plus que la déci-
sion portée par Jésus-Christ, Matth. v, 28,
que celui qui regarde une fe.mme pour s'ex-
citer à de mauvais désirs, a déjà commis l'a-
diiltère dans son cœur. Saint Pau! s'exprime
d'une manière aussi générale, en disant que
si une femme, pendant la vie de son mari ,
habile avec un autre homme, elle sera cou-
pable d'udultère. Rom. vu, 3.
La sévérité de ces lois et de celle morale
est évidemment fouilée siirriniérét de la so-
ciété. S'il y a un crime capable de troubler
l'ordre pulilicelile fiire commettre d'autres
forlails, c'isl celui dont nous parlons. Plus
les devoirs qu'imi.ose l'étal du mariage sont
grands, plus il importe que cet engagement
soit sacre et inviolable. Les droits des deux
conjoints sont ég.iux ; quel que soit celui des
deux qui les foule aux pieds, it est, aux yeux
de Dieu et de la religion, coup ible du même
crime. A la vérité , l'infidélité de la femme
eniraîne des conséquences plus fâcheuses,
pui^qu'elte l'expose à placer dans sa famille
un enfantadullériii,qui enlèvera injustement
aux enfants Kgitimes une partie de leur hé-
ritage, et qui sera pour le mari une charge
de plus. Mais , d'antre part , un mari infi-
dèle, quelle que soit la piTsonne à laquelle
it s'attache, lait à son épouse l'injure la plus
sensible, et à ses enfauis un tort irréparable ,
il n'est pas rare de voir des pères perfides lé-
moigner pour les fruits de leur débauche
plus d'attachement que pour ceux de l'uniou
conjug.'ile.
Ce crime une fois commis, il ne reste plus
d'estime, plus de confiance, plus de tendresse
mutuelle entre les époux; le lien qui devait
faire leur bonheur leur devient insupporta-
ble. De là naissent les divisions éclatantes ,
les séparations scandaleuses, les diffamations
réciproques, les haines déclarées entre les
familles. A quels excès ne sont pas capables
de porter la jalousie, la vengeance, la fu-
reur? (Juels exemples pour des enfants qui
auraient dû Irouver des modèles de vertu
dans ceux de qui ils ont reçu le jour 1 Quelle
reconnaissance , quel respect peuvent-ils
avoir pour eux?
Lorsque les mœurs d'une nation sont dé-
pravées , que l'irréligion , le luxe, l'épicu-
réisme, ont étouffé tous les sentiments et
perverti tous les principes, ce désordre ne
peut pas manquer de devenir commun; l'on
n'en rougit plus, et l'on ferme les yeux sur
toutes les conséquences. L'on disserte alors
et l'on déclame contre l'indissolubilité du
mariage ; on soutient la justice et la néces-
sité du divorce. Uu crime peul-il donc ren-
dic nécessaire un autre crime? C'est aug-
menter le mal au lieu d'y remédier. Voy. Di-
vorce.
Jésus-Christ, plus sage que tous les dis-
sertaleurs, a pris le seul moyen efficace de
le prévenir , en fermant toutes les avenues
qui peuvent y conduire, en condamnant le
simple désir de l'impudlcilé. Pour conserver
les corps chastes, dii saint Jean Chrysoslome,
il s'est attaché à purifier les âmes , t. vu,
H5
ÂER
AER
116
Eom. 17 in Matth. En rétablissant le mariage
dans sa sainteté primitive, il a voulu bannir
les désordres qui le rendent malheureux.
Le sentiment commun des Ihcologicns
protestants est que ce divin Maître a per-
mis le divorce ou la rupture du mariage en
cas d'adultère; nous prouverons le contraire
au mot Divorce (1).
Certains iriliques ont été scandalisés de
ce que JésusClirist ne vo;ilut pas coiuiain-
ner la femme adultère. Joann., vui, 3. S'il
l'avait condamnée, ces censeurs téméi'Jiires
déclameraient encore plus fort. 1° Le Sau-
veur n'était ni juge ni nuigistrai; il ne vou-
lut pas seulement en faiieles fonctions pour
accorder deux frères qui contestaient sur
leur héritjige. Luc. xii, li. 2' Les scribes et
les pharisiens, qui accusaient cette femme,
ne l'étaient pas non plus: ce n'était point le
zèle pour l'observation de la loi qui les fai-
sait agir; mais le désir de tendre un piège
au Sauveur. Dès qu'ils virent que leur hy-
pocrisie était démasquée , ils so retirèrent
tout confus. 3° En usant d'indulgence envers
l'accusée, il n'ôtait pas aux magistrats le
pouvoir de la punir si elle était véritable-
ment coupable, et ce n'était point à lui de
poursuivre sa condamnation : il était venu
non pour perdre les pécheurs , mais pour
les sauver. k° En disant aux accusateurs :
Que celui d'entre vous qui est sans péché jette
la première pierre , il ne décidait pas qu'il
faut être sans péché pour juger un criminel,
puisque, encore une fois, il n'y avait point
là de juges, et que cette femme n'avait été
ni convaincue ni condamnée. Si tel avait été
le sens de sa réponse , les scribes et les pha-
risiens ne se seraient pas lus ; mais elle leur
fit sentir que Jésus-Christ connaissait leurs
motifs et leur dessein; c'est ce qui les cou-
vrit de confusion, et les ût retirer l'un après
l'autre.
Cette histoire manquait autrefois dans
plusieurs exemplaires de l'évangile de saint
Jean ; saint Augustin et d'autres auteurs ont
pensé qu'elle avait été omise exprès par des
copistes, qui craignaient que l'on n'en tirât
des conséquences fâcheuses, comme font au-
jourd'hui les incrédules. Fausse prudence,
mais qui, heureusement, n'a pas eu de suc-
cès. Cette narration nous fait admirer la sa-
gesse et la charité du S.iuveur; elle ne peut
inspirer une fausse confiance aux pécheurs,
mais seulement leur apprendre que s'ils se
repentent, Jésus-Christ et tonjours prêt à
leur pardonner. C'est encore une bonne le-
çon pour les zélateurs hypocrites qui décla-
ment contre la négligence et la douceur des
magistrats, pendant qu'ils seraient eux-nic-
mes en danger d'être punis, si les lois étaient
observées à la rigueur.
AÏilRlENS. Sectaires du quatrième siècle,
qui furent ainsi appelés d'Aérius, prêtre
d'Arménie, leur chef. Les aériens avaient à
peu près les mêmes sentiments sur la Trinité
(t) Voir Ift Dicliomiaiic de Tln'olnfiic. morale, pour
avdir mic idée con)|'lèle des lois divines, ecclésiaslt-
qiius Li civiles cnncernant l'adullcre.
que les ariens ; mais ils avaient de plus
quelques dogmes qui leur étaient propres et
parliculrers ; par exemple, que l'épiscopat
n'est point un ordre différent du sacerdoce ,
et qu'il ne donne aux évêques le pouvoir
d'exercer aucune fonction qui ne puisse ère
fuite p:ir les prêtres. Ils fondaient ce senti-
ment sur plusieurs passages de saint P.nil .
et singuTèrement sur celui de la première
épître à Timothée , c. iv, v. 14, où l'apôlie
l'exhorte ci ne pas négliger le don qu'il a
reçu par l'imposition des mains des prêtre*.
Sur quoi Aérius observe qu'il n'est pas là
question d'évéques, et qu'il est clair par ce
passage que Timothée reçut l'ordination par
la main des prêtres.
Saint Epiphane , //(Très. 75 , s'élève avec
force contre les aériens, en faveur de la su-
périorité des évéi|ues II observe judicieuse-
ment que le mot presbylcrii, dans saint Paul,
renferme les deux ordres d'évéques et de
prêtres, tout le sénat, toute l'assemblée des
ecclésiastiques d'un même endroit , et que
c'était dans une pareille assemblée que 'Ti-
mothée avait été ordonné. Voyez Fresbï-
TÈUE, EVÈQUE.
Les disciples d'Aérius soutenaient encore,
après leur maître, que les prières pour les
morts étaient inutiles ; que les jeiiiies établis
par l'Eglise , et surtout ceux du mercredi ,
du vendredi et du carême, étaient supersti-
tieux ; qu'il fallait plutôt jeûner le dimanche
que les autres jours, et qu'on ne devaii plus
célébrer la j.âque. Ils appelaient par mépris
antiquaires les fidèles attachés aux cérémo-
nies prescrites par l'Eglise, et aux traditions
ecclésiastiques. Les aériens se réunirent aux
catholiques pour combattre les rêveries de
celte secte, qui ne subsista pas longtemps.
Tillemont, Hist. ecclés., t. ix, p. 87.
Comme la plupart des erreurs soutenues
par Aérius ont été renouvelées par les pro-
testants, il est de leur intérêt de justifier cet
béréti()ue. Ils disent que son principal but
était de réduire le christianisnte ;t sa simpli-
cité primitive. Ce (/e.ssein, dit Alosheini , es/
sans doute louable ; mais 1rs primipes qui y
portent et les ntoi/ens que l'on emploie sont
souvent répréliensibles à plusieurs égards, et
tel peut avoir été le cas de ce réform leur
( Ilist. ecclésiast., iv siècle, ;r part., c. 3,
§ 21). Ainsi, selon Mosbeim, Aérius pouvait
avoir tort pour la tonne, mais il avait rai-
son pour le fond. Son opinion, dit-il encore,
plut beaucoup à plusieurs bons chrélienf qui
étaient las de la tyrannie et de l'arrogance de
leurs évêqnes.
Mais nous soutenons que ce réformateur,
très-semblable à ceux du seizième siècle ,
était répréiiensible et condamnable à tous
égards. 1° Etait-ce à un simple prêtre, sans
autorité et sins mission, de vouloir réformer
la croyance et la pratique de l'Eglise univer-
selle? S'il croyait y apercevoir des innova-
lions et des abus, il pouvait faire des repré-
sentalioiis modistes et respi ciueuses aux
pasteurs auxquels il appartenait d'y pour-
voir ; mais se révolter contre son evé(]ue,
lui débaucher ses diocésains, se séparer d«
117
AFF
AFF
l
l'Eglise pour devenir chef de secte et de parti,
c'osl une conduile condamnée par les apôtres,
et ((lie rien ne peut evcuscr. 2» Le motif qui
faisait as;ir Aérius élail connu : c'clail la ja-
lousie contre son évênue, et lo dépit de ne
lui avoir pascté préféré pour remplir le siège
de Sébast^; on en élail convaincu par ses
discours et par toute sa conduite. .']" Cet lié-
rétiqne n'aliaquaii point des abus nouvel-
lement iiitrodui s, mais des usa^:es aussi an-
ciens quo io chrisiianisnie. Saint Flpiphane,
en le rérutani, lui upp<'Se la tradition primi-
tive, constante et universelle de toute l'E-
glise chrclieiine, llœres. 75. Vouloir suppri-
mer ou changer ces notions el ces usages,
ce n'était pas réduire le christianisme à sa
simplicité primitive, mais créer un nouveau
christianisme. Ait quatrième siè le il était
aisé de savoir quel avait été le christianisme
depuis les apô!res. 4" Une preuve que ceux
qui s'atlaclicrent à Aérius n'étaient pas de
bons clnéiiens , c'est que cet hérétique n'ad-
mcllail pas la divinité de Jésus-Christ; aussi
ses si'ct.Ueurs et lui furent-ils chassés de
toutes les églises, réduits à s'assembler dans
les camp.'i^nes et dans les forêts, o" Aucune
secte hérétique n'a jamais manqué de regar-
der les pasteurs légitimas com j e des tyrans
et des arrogants; mais aucun chef de secte
n'a jamais manqué non jdus de s'arroger
une autoiilé plus absolue et plus tyrannique
~ui' celle (les évéquos : témoin Luther et
lalvin. Il est fâcheux qu'Aérius. un de leurs
précurseurs, ait été universellement coi.t-
damné comme novateur; cet exemple aurait
dû les rendre plus sages. Foj/e^ Novateurs.
AETll NS. To//e: Anomékns.
AFFIMIÈ, parenté par alliance. On Irou-
Tera dans le Dictionnaire de jurisprudence la
distinction des différentes espèces tVdfftnite',
el des divers degrés dans lesquels c'est un
empêchement dirimanl du mariage.
Affimtiî spiitiTUELi.K, espèce d'alliance que
conlraclenl avec leur filleul ceux qui lui ser-
vent de parrain et de marraine au baptême ;
ils la contractent encore avec le père et la
mère du baptisé ; de même celui qui bnpiise
est censé contracter une alliance ou af/inilé
spirituelle avec le baptisé el avec ses père et
mère. C'est un empêchement de mariage sur
lequel il f.iat consulter les canonistes. Koyes
aussi r.iwc(e)( Sncramentuire par Grandïo-
las, 2' part., p. 2;î. La même afftniti! se con-
tracterait par le sacrement de conGrinaiion,
si c'était encore l'usage d'y prendre des par-
rains et des marraines.
AFFLiCriON. Nous laissons aux philoso-
phes les réflexions que la raison peut nous
suggérer sur l'utilité des a///jeUo»s, et dont
nois nous servons pour répondre ans blas-
phèmes des athées contre la Providence et
contre la bonté divine. Notre travail doit se
borner à démontrerce que la révélation nous
enseigne sur ce point.
I>éjà, du temps de Job, les afflictions des
justes étaient un sujet de scandale pour ceux
qtii se piquaient de raisonner. S''s amis lui
soutenaient que Dieu ne l'aurait poini afflige',
s'il n'avait pas été pécheur ; le saint homme
ils
leur répond et justifie la providence : c'est
le plus ancien exemple de dispute philosophi-
que dont l'histoire nous donne connaissance.
1" Job fait parler le Seigneur pour appren-
dre aux hommes que sa conduite et ses des-
seins sont impénétrables, et qu'il n'en doit
compte à personne, c. ix, v. ■'W. Nous ne con-
naissons ni l'intérieur des hommes, ni ce que
Dieu fera pour eux ilatis la suite ; il y a donc
bien de la témérité à juger de sa providence
par le moment présent.
2" Il pose pour principe que l'homme n'est
jamais exempt de tout iiéché aux yeux de
Dieu, ibid., v. 2. Les a////cOons qu'il éprouve
peuvent donc toujours être le châtiment de
ses fautes. 3° Job soutient que Dieu dédom-
mage ordinairement en ce monde le juste
af/lir/i', cap. 21, 2i, 27 ; et il en est lui-même
un illustre exemple. 4" Il compte sur une
vie à venir. Qunnd Dieu m'ôterait la vie, dit-
il , j'espérerais encore en lui... Les leviers de
rnabière porteront mon espérance, elle reposera
avec moi dans la poussière dutombeau. C.xiii,
V. 15; c. XVII, v. 16, Hcbr. Après avoir dé-
plore la brièveté de la vie de l'homme, il
dit au Seigneur : Accordez-lui donc quelques
momints de repos, jusqti'à celui auquel il
attend, comme le mercenaire, le salaire de son
truviiil. G. XIV, V. 6.
Mais ces vérités capitales, qui faisaient
déjà la consolation des patriarches, ont été
mises dans un plus grand jour par Jésus-
Christ ; c'est lui qui, par ses leçons et par
son exemple, a fait comprendre aux hommes
qu'il faut acheter le bonheur éternel par les
souffrances, el qui a su apprendre aux justes
à remercier Dieu des afflictions.
D'ailleurs, l'iîcriture sainte nous fait sentir
que cette vie ne peut pas être le temps de
récompenser la vertu et de punir tous les
crimes. 1° Cette conduite ôterait aux justes le
mérite de la persévérance et de la confiance
en Dieu, bannirait du monde les vertus héroï-
ques, rendrait l'homme esclave el mercenaire.
Elle ôterait aux pécheurs le temps cl les
moyens de faire pénitence et de se corriger.
Un être aussi faible, aussi inconstant que
l'homme, doil-il être ainsi traité ? 2 Souvent
une action qui paraît louable, a été faite par
un motif criminel, elle est plus digne de pu-
nition que de récompense ; souvent un délit,
qui parait mériter des supplices, est pardon-
nable, parce qu'il a été commis par surprise,
par faiblesse, par erreur. Est-il utile à la
société que tous les crimes secrels soient dé-
voilés par un châtiment éclatant ? Qui ose-
rait souhaiter pour lui-même cette Providence
rigoureuse? 3° Il faudrait que notre vie fût
éternelle sur la terre ; quand les peines de
ce monde pourraient suffire pour [lunir tous
les crimes, la félicité de celle vie est trop im-
parfaite pour être le salaire dw la vertu, 'i-"
Il faudrait des miracles continncls pour met-
tre les justes à couvert des fléaux qui sont
universels, et pour empêcher les pécheurs de
prospérer par leur industrie el parleurs ta-
lents naturels. Ceux qui accusent la Provi-
dence sont donc des insensés.
Dès qu'il e^l étab'i par la rcvclation que.
iig
AFR
AFR
}20
quand Dieunous nffligp.cVst parmiséricorde ;
qu'il vcul p.ir là nous purifier eu ce monde,
.ifin de nous pnrdotimr et de nous récompen-
ser dans l'autre ; nous soinmcs encore plus
ob'ifïés de le bénir dans les afflictions que
dans la prospénlé.
AFFRANCHI, en lalin Ubtrtirms. Ce lermc
signifie proprement un esclave mis en liberté.
Dans les Actes des apôtres il est parlé de la
synagogue des affranchis, qui s'élevèrent con-
tre saint Etienne, «lui disputèrent contre lui ,
el qui montrèrent beaucoup de chaleur à le
faire mourir. Les interprètes sont parlajîés
sur ces libn-lins ou c//^rnnc/i(s ; les uns croient
que le texte grec, qui [lorte lib"rtini,esl fauiif,
et qu'il faut lire libi/stini, les Juils de la Libye
voisine de l'Egypte. Le nom liheriini u'esl pas
grec ; et les noms auxquels il est joint dans
les Actes, font juger que saint Luc a voulu
désigner les peuples voisins des Cyrénéens
el des Alexandrins ; mais ce'.te conjecture
n'est appuyée sur aucun manuscrit ni sur
aucune version que l'on sache. Joan. Drus.,
Cornet, à Lapid., Mill.
D'auires croient que les affranchis dont
parlent les Acies étaient des Juifs que Pom-
pée et Sosius avaient emmenés captifs de la
Palestine en Italie, lesquels ayant obienu la
liberté, s'établirent à Rome, et y demeurè-
rent jusqu'au temps de Tibère, qui les en
chassa sous prétexte de superstitions étran-
gères qu'il voulait bannir de Rome et d'Italie.
Ces affranchis purent se retirer en assez
grand nombre dans la Judée, et avoir une
synagogue à Jérusalem, où ils étaient lors-
que saint l'tienne fut lapidé. Les rabbins
eiisei;;nent qu'il y avail dans Jérusalem, jus-
qu'à quatre cents synagogues, sans compter
le temple. Oh'cumc'nius , Lijran, etc. Mais il
pou\ait y avoir en Afrique une colonie nom-
mée libertiiia, puisqu'à la conférence de Car-
thage, c. ll(),deux évéques, l'un catholique,
l'autre donaliste, prirent tous deux le litre
iVEpiscopus EccUsiœ libernnensis.
AFRICAINS, AFRIQUE. On ne sait pas
certainement qui est celui des apôlrcs, ou de
leurs disciples, qui a prêché le premier la
religion chrétienne sur les côles de VAf'ique.
Quelques auteurs ont écrit que c'était l'apô-
tre saint Simon ; d'autres soutiennent que le
chrislianisuK^ ne s'est établi dans cette partie
du monde que vers l'an 120 de notre ère. Il y
avail lait en peu de temps de très-grands
progrès, puisqu'au v'^ siècle on y comptait
plus do quatre cents évéques. Les Van-
dali'S, ()ui pour lors se rendirent maîtres
de l'Afrique, y établirent l'ariauisme ; mais
ils en furent chassés sons Justiuien, l'an 533.
Dans le siècle suivant, les Sarrasins ou .\ra-
bes mabomélaiis l'ont subjuguée, et en ont
banii le christianisme, l'o//. Fabricius, Salut,
lux k'vanfj., c. !ik, p. 702.
Pour ((imprendrc jusqu'à quoi point le
rhrisiianisuie avait changé le génie el le ca-
ractère des Africains, il n'y a qu'a comparer
les mœurs des anciens C;m Ihagiuois et celles
des Harbaresques d'aujourd'hui avec celles
qui régnaient dans ce même climat du lemps
do Torlullien, de saint Cyprien, de saint Au-
gustin. Le même phénomène se voyait en
EgyP'**. Pf subsiste encore aujourd'hui chez
les Abyssins; c'est bien une preuve nu'il n'y
a dan-, l'univers aucune contrée où le cliris-
tiani-me ne puisse s'établir et se conserver,
et que la sa in tel é de cette Religion peut triom-
pher dans tous les climats.
A la vérité, lorsque l'on fait attention à
l'excès du rigorisme de rerlullien,à l'obs-
titiation avec laquelle les évéques d'Afrique
refusèrent pendant longtemps de reconnaître
comme valide le baptême donné par les hé-
rétiques, aux fureurs atroces des don ilistes
cl de leurs circoncellions, aux mœurs de la
plupart de leurs évéques, à la dureté avec
laquelle s'expriment plusieurs conciles de
ce pays-là, on voit qu'eu général le cai^arlère
africain ne gardait point de mesure, el don-
nait presque toujours dans l'excès. Salvien,
de Provid., 1. vin, n. 2 et suiv., fait des
mœurs de celle partie du monde un affreux
tableau; il soutient que l'irruption des Van-
dales est une juste punition des crimes des
Africains. On est tenté de croire que, pour
conserver longtemps le christianisme dans
ce pays-là, il f.illait un miracle aussi grand
que celui (jue Dieu avait fait pour l'y établir.
Cependanl il y a subsisté pendant près de
six cents ans, en y comprenant le siècle en-
tier pendant lequel l'ariatiisme, des Vandales
y a dominé; notre religion n'y a été entiè-
rement détruite qu'en Tan 709, lorsque les
mahoméians, pour achever la conquête de
V Afrique, passèrent tous les chrétiens au fil
de l'epee. Ilisl. de l'Acad.des Inscript., t. X,
in-12, p. 20li.
Aujourd'hui même une très-grande partie
de l'/l/'rîçuc serait chrétienne, s'il était pos-
sible de vaincre plusieurs obstacles qui s'op-
posent au succès des missions. l°Daiis plu-
sieurs contrées de ce vaste continent le
climat est meurtrier pour les Européens ;
plusieurs des tentatives que l'on a faites
pour y élablir des missions, n'ont abouti qu'à
faire périr les missionnaires; comme à Ma-
dagascar, au Congo, à Loango, dans la Gui-
née, etc. H faudrait'des naturels du pays
pour y établir solidement la Religion chré-
tienne. 2° Les relations que les missionnai-
res européens sont forces d'eulrelenir avec
la nation qui les protège, les rendent sus-
pects aux Africains, qui reiloulent beaucoup
le génie conquérant, l'ambition, la rapacité
et le ton im|iérieux des nations de l'Europe.
3° La politique détestable de celles-ci les a
souvent portées à croiser le succèsdes mis-
sions ; parce que si les Africains embras-
saient le christianisme, ils ne vendraient
plus leurs compalrioles, el l'on n'aurait
plus de nègres pour cultiver les colonies de
l'Amérique. 1' Lecaradèro de la plu(>arl do
ces peuples méridionaux est extrêmement
léger, el à peu près semblable à celui des
enfants ; ils sont irès-.°ensibles au moindre
intérêt temporel; ils renoncent à la religion
aussi aisément qu'ils l'embrassent, dès qu'ils
y trouvent le moindre avanl:tç!,c. Etat pré-
sent (le la lleligiiin, etc., pig. 222 et suiv.
Mosheini, qui n'a négligé aucune occasion
121
AGA
AGA
442
de déprimer les iMvaiix et les succès des
inissionnaires cHliolitiucs, a cepeiulanl élé
forcé de rendre jiislice au /èli- hér<ii(ine avec
lequel les capucins se sont livrés aux mis-
sions de VAfri(itte. Hist. eccL, xvii' siècle,
secl. 1", § 18.
AGAG, roi des Amalécites. Saiil, vain-
queur de ce roi, l'avail épargné contre l'or-
dre exprès du Seigneur, Samuel imliçiié le
mil à mort devant le labcmat le. / Reg. xv,
33. On reproche à Samuel ce meurtre,
non-seulement comme un acte de crnaulé,
mais cnmuie un sacrifice de sang humain
offert à Dieu.
Il n'était point là question de sacrifice,
mais d'exécuier l'ordre de Oien, rt de IrailiT
un ennemi dans loule la rigueur du droit de
la guerre, tel qu'il était ccnuiu et suivi pour
lors. Liiin d'ayir par un motif de crnaulé,
Samuel veut punir Agar; de ses cruautés.
De même, lui dilil, gue ton c'pr'e a privé hs
tnires (le Inirs enfnnls, ainsi la mhe sera pri-
vée de loi. S.iiil lui-même reronnut qu'il
avait eu lorl d'épargner Agag. Ibid., v. 30.
Mais les incrédules formeiil cimlre Samuel
une accusaiion plus grave, c'csl d'avoir été
la cause de cette guerre : rien ne leur paraît
plus injuste que d'avoir engagé Saùl ,à ex-
terminer entièrement les Amalé<iles, sous
prélexle que, quatre cenis ans auparavant,
leurs ancêtres avaient refusé aux Israélites,
sortant de l'Egypte, le passage sur leurs
lenes.
Est-ce 1,\ véritablement tout le crime des
Amaléciles '? Non-seulement ils avaient re-
fusé le passage, mais ils étaient tombés sur
ceux des Isr.iéliles qui étaient restés en arriè-
re,épuisés de faim et de filigues, el les avaient
massacrés sans raison et sans crainte de
Dieu. Voilà pourquoi Dieu donna aux Israé-
lites l'ordie suivant : Lorsgue le Seigneur
vous aura donné le repos dans la terre gu'il
vous a promise, vous exterminerez de dessous
le ciel le nom d'Amalcc [Deuter. xxv, 17).
Ce même ordre avait déjà élé donné au mo-
ment que les Amaléciles vinrent attaquer les
Israélites. Esod. xvii, 8 el V*. Sous les ju-
ges, ils se joignirent deux fois aux Moabiles
el aux Madianiles, pour n\ettre les posses-
sions des Israélites à feu et à sang. Jud. iv,
13; VI, 3. Ils avaient donc mérité la ven-
geance qui fut exercée contre eux, et Sa-
muel était bien fondé à demander que l'or-
dre du Seigneur fiit exéeulé à la rigueur.
Mais pourquoi, disent nos censeurs, ex-
terminer non-seulement les hommes, mais
les animaux? Parce que Dieu l'avait ainsi
ordonné; parce que les Amaléciles avaient
agi de même envers les Israélites, Jud. vi,
k \ parce qu'en épargnant le bétail, les Is-
raélites auraient paru agir par cupidité, et
uoii par (ibéissance à l'ordre de Dieu.
AGAPES, du grec àià-^'n , amour : repas de
charité que faisaient enire eux les premiers
chrétiens dans b urs assemblées, pour cimen-
ter la concorde et l'iininn entre les -membres
du même corps, et pour rétablir du moins au
pied des autels la fraternité délruile dans la
société civile par la troD grande inégalité
des conditions.
Dans les commencements, ces agapes se
passaii'ut sans désordre el sans scandale; il
le parait par ce que saint Paul en écrivit
aux Ciirinthiens, Eiiist. I, c. xi.Les païens,
qui n'en connaissaient ni la police ni la fin,
en prirent occasion de faire aux premiers fidè-
les les reproches les plus odieux. On les ac-
cusa d'égorger des eiifanis, d'en manger la -
chair, lie se livrer dans les ténèbres à l'im-
|)U(licité; le peuple crédule ajouta ft>i à ces
calomnies. Mais Pline, après des informa-
tions exactes, en rendit compte à Trajan. et
assura que, dans les m/opes, tout respirait
l'iniiocence et la frugalité.
L'empereur Julien , quoique ennemi dé-
claré des chrétiens, convenait que leur cha-
rité envers les panvies, leurs agapes le soin
que leurs prêtres prenaient des misérables,
ctaienl un des principaux attraits par les-
quels ils eng geaient les païens à embras-
ser leur religion. OEuv. de Julien, édit. de
Spanheim, p. 305.
Les pasteurs, pour bannir toute ombre de
licence, défenilirent que le baiser de paix par
lequel s'unissait l'assenililé ■, se donnai en-
tre les personnes de sexe différent, et qu'eu
dressât des lits dans les églises pour y man-
ger [dus ciimmodémcnt ; mais divers autres
abus engagèrent insensiblement à suppri-
mer les agope<. Saint Ambroise y travailla
si efficacement, que dans l'église de Milan
l'usage en cessa entièrement. Dans celle d'A-
frique, il ne subsista plus qu'en faveur des
clercs, et pour exercer l'hospitalilé envers
les étrangers ; mais ce ne fut pas sans peine
que saint Augustin vint à bout de faire sup-
primer à Hip|ione celte coutume de manger
dans régli>e, abus qui avait été défendu par
le ( oncile de Laodicee, can. 18 ; il fut obligé
de prendre louies les précautions el d'user
de tous les ménagements possibles. Mém. de
Tillem., tom. Xlll, pag. "206.
Il y a eu entre les savants plusieurs con-
testations pour savoir si la communion de
l'eucharistie se faisait avant ou après le re-
pas des agapes; il paraît que dans l'origine
elle se faisa.t après, afin d'imiter plus exac-
tement l'action de Jésns-Chrisl, qui n'insti-
tua l'eui haristie et ne communia ses apôtres
qu'après la cène qu'il venait de faire avec
eux. Cependant l'on comprit bientôt qu il
était mieux de recevoir l'eucharistie à jeun,
et il parait que cet usage s'établit dès le se-
cond siècle ; mais le Irnisième concile de Car-
thage, en l'ordonnant ainsi, excepta le jour
du jeudi saint , auquel oh continua de laire
les agapes avant la communion. L'on en con-
clut que la discipline, sur ce point, ne lut pas
d'abord uniforme parloul. Bingham , Ong.
Eccles., I. XV, c. 7, §7-
Quelques écrivains prétendent que ces
agapes étaient une eoiilume emprimt;'e du
paganisme; c'était un des reproches de Fauste
le inani» héeii. .
Ils ne font pas alleniion que les Juils
étaient dans l'usage de manger des victime»
qu'ils immolaient au vrai Dieu, et qu en ces
125
AGA
AGA
124
occasions ils rassemblaient leurs parents et
leurs amis. Le chrisiianisme, qui avait pris
naissance parmi eux, en prit celle coutume,
indifféreiile en elle-même, mais bonne et
louable par le motif qui la dirigeait. Les
premiers fidèles, d'abord en pelit nombre, se
considéraient comme une famille de frères ,
et vivaient en commun : l'esprit de charilé
instiiua ces repas ofi régnait la tempérance;
mullipliés par la suite, ils voulurent conser-
ver cet usage des premiers temps; les abus
s'y glissèrent, et l'Eglise fut obligée de l'in-
terdire.
Saint Grégoire le Grand permit aux An-
glais nouvellement convertis de faire des
festins sous des lentes ou des feuillages , au
jour de la dédic-)ce de leurs églises ou des
fêles des martyrs, auprès des églises , mais
non pas dans leur enceinte. On renconire
aussi quelques traces des ar/apes dans l'usage
où sont plusieurs églises catliédrales ou col-
légiales de faire, le jeudi saint, après le la-
vement des pieds et celui des autels, une col-
lation dans le cliapiire, le vestiaire, ei même
dans l'église. Saint Grég., Ep. 71, 1. ix ; B.i-
ronius, ad ann. 57, .377, 38i ; Fleury, llist.
écoles., t. I, p. Cl-, 1. i.
AGAPÈTES. C'étaient , dans la primilivc
Eglise, des vierges qui vivaient en commu-
Bauté, et qui servaient les ceci, siasiiques
par pur motif di- piélé el de tharilé.
(;e mot signifie blen-aiinre, et , comme le
précédent, il est dérivé du grec.
Dans la première ferveur de l'Eglise nais-
sante, ces pieuses sociétés, loin d'avoir rien
de criminel, étaient nécessaires à bien des
égards. Le petit nombre de vierges qui fai-
saient, avec la iMère du Sauveur, jiarlic de
l'Eglise, el dont la plujyart étaient parentes
de Jésus-Christou de ses apôtres, ont vécu en
commun avec eux comme avec tous les au-
tres fidèles. 11 en fut de même de celles que
quelques apôln s prirent avec eux en allant
prêcber l'EvangHe aux nalioiis ; oulre qu'el-
les étaient prubablcment leurs prociic, pa-
renlrs, et d'ailleurs d'un âge et d'une vertu
hors de tout soupçon, ils ne les retinrent au-
près de leurs personnes que pour le seul in-
térêt de l'Evangile, afin de pouvoir par leur
moyen, comme dit saint (élément d'Alexan-
drie, iiilroiluire la foi dans certaines mai-
sons, dont l'accès n'était permis qu'aux fem-
mes. On sait que cluz les Grecs leur appar-
tement était séparé, et qu'eles avaient rare-
ment communication avec les hommes du
dehors. On peut dire la même chose des
vierges dont le père était promu aux ordres
sacrés, rotnme des quatre filles de saint Piii-
lippe, diacre, el de plusieurs autn s. Mais ,
hors de ces cas privilégiés et de nécessité, il
ne paraît pus que l'Eglise ait jamais souffert
que des vierges, sous quel()ue préiexte que
ce fût, vécussent avec des ecclésiastiques au-
tres que leurs plus proches parents. On voit
par ses plus anciens monuments qu'elle a
toujours interdit ces sortes de sociét.'S. 'l'er-
lullien, dans son livre sur le VnHe des licr-
ffc-f, peint leur état comme un cngagemcnl
indispensable à vivre éloignées des regards
des hommes ; à plus forte raison, à fuir toute
cohabitation avec eux. Saint Cyprien , dans
une de ses Epitres, assure aux vierges de
sou temps, que l'Kglise ne pouvait souffrir
non-seulemenl qu'on les vîl loger sous le
même toil avec des hommes . mais encore
manger à la même table : le même saint évé-
que, instruit qu'un de ses collègues venait
d'excommunier un diacre pour avoir logé
plusieurs lois avec une vierge, félicite ce pré-
lat de CPtte action comme d'un trait digne de
la prudence et de la fermeté cpiscop.ile ; en-
fin les Pères du concile de Nicéc (léfendent
expressément à tous les ecclésiastiques d'a-
voir chez eux de ces femmes qu'on appelait
subintro(luclœ,s\ ce n'étaient leur mère, leur
sœur, ou leur tante paternelle, à l'égard des-
quelles, disent-ils, ce serai! une horreur de
penser rue des ministres du Seigneur fassent
capables de violer les droits de la nature.
Par cette docirine des Pères , et par les
précautions prises par le concile de Nicée, il
est probable que la fréquentation des ngapè-
tfs el des ecclésiastiques avait occasionné
des désordres et des scandales. C'est ce
que semble insinuer saint Jérôme, quand il
demande avec une sorte d'indignation : Unde
aij:ipelaruiH pe.itis in Ecchsiitin introivit?
C'est à cette même fin que saint Jean Chry-
sostome, après sa promotion au siège de
Constantinople , écrivit deux petits traités
sur le danger de ces sociétés ; et enfin le con-
cile général de Latran, sous Innocent lli, en
1139, les abolit entièrement.
Les prolestants et tous ceux qui ont écrit
contre le célibat des clercs, ont lait grand
bruit des scandales qui naquirent de la fré-
queutalion des a japêles avec les ecclésiasti-
ques ; il semble, à les entendre, que cet abus
était très-commun, que les lois de l'Eglise
ne furent pas suffisantes pour le déraciner,
et qu'il fallut pour cela recourir à l'autorité
des empereurs ; ils ont répété vingt fois le mot
de saini Jérôme que nous venons de citer.
C'est ainsi que, par des exagérations ridi-
cules, on trompe les lecteurs. 1° Ces décla-
muleurs ne font pas attention que la fréquen-
tation dont nous parlons avait lieu avant qu'il
y eût Une loi générale du célibat pour les ec-
clésiastiques; celle loi ne fut pas même por-
tée dans le concile de Nicée, qui défendit aux
clercs promus aux ordres sacrés de retenir
chez eux des personnes qui ne fussent pas
leurs proches parentes: ce n'est donc pas la
loi du célibat qui donna lieu à leur société
a> ec les agnpèies, ou femmes sous-iiUroduites.
2° Tous les exemples que l'on a pu ciler de
ce scandale se réduisent à deux ou trois , à
celui de Paul de Samosale qui retenait chez
lui deux jeunes pcisonnes, el ce fut une des
causes de su déposiliou ; et à deux diacres
dont parle saint Cyprien dans ses lettres, et
qui furent excommuniés par leur évoque. O'S
châtiments exemplaires n'étaient pas fort
propres à persuader aux dercs qu'ils pou-
vaient être scandaleux impunément. Les au-
tres scandales que saint Cypri(Mi re|)ruchait
à des vierges ne regardaient pas le^ ecclé-
siastiques; du moins il n'y a riou dans ses
I2S
AG6
AGN
i2(
expressions qni le témoigne. 3" Quand il ne
scr.iil arrivé dans toute l'E|;iise à ce sujet
qu'unseul scainlale dans eiiKiu.mle ans, c'en
a élé assez pour donner liiîu aux lois qui
ont clé faites pour le prévenir, soit par les
conciles, soit par les empereurs; et il ne
s'ensuit point [)our cela que le désonire ait
élé commun. Ne sail-on pas qu.' le moindre
soupçon foraié contre la comluile d'un ccclé-
siasli:]uc connu, suffit pour cxcilcr une gran-
di' rumeur et faire parler tout le monde?
4" LoiS(iue saint Jérôme s'est élevé contre
les hérétiques et leur a reproché leurs dés-
ordres, nos adversaires le regardent comme
Un déclamaleur, et lui refusent toul<' croyan-
ce: ici, parce qu'il tonne contre les ecclé-
siastiques de son temps, ils ari;uraentcnt sur
ses expressions comme sur des paroles sa-
crameulelles. lîl voilà comme les protestants
et les incrédules, leurs élèves, ont traité
l'histoire ecclésiastique ; un seul fait dcsa-
vaiita;;euv au clergé, qu'ils peuvent citer,
est pour eux un triomphe; vingt exemples
de vertu ne leur paraissent mériter aucune
altenlion.
Le nom d'ar/apèlcs fut encore donné, vers
l'an 39j, à une secle de gnostiques qui était
principalement composée de fomuies. Celles-
ci s'allachaient les jeunes gens, en leur en-
srignanl qu'il n'y av;iit rien d'impur pour
les consciences pures. Une de leurs maximes
était de j'titr et de se parjurer sans scrupule,
plut H ijue de receler les secrets de la secte.
On a vu régner le même esprit parmi tous les
hérétiques débauchés. Saint Aug., Ilœr. 70.
Il ne faut pas confondre les agapèlcs avec
les diaconesses. Voy. Diacomcsse.
AGUEE, le dixième des douze petits pro-
phètes, naquit pondant la ca|itivilé des Juifs
à B.ibylone ; et après lour relour, il exhorta
vivement Zorohabel, prince de Juda, le grand
prêire Jésus, fils de Josédec, et tout le peu-
ple au rétablissement du temple ; il leur re-
pro( he leur négligence à cet égard, leur
promet que Dieu rendra ce second temple
plus illusirecl plusglorieux que le premier,
non par l'abondauie de l'or et de l'argent ,
mais par la présence du Messie. C. ii, v. 7
et suiv.
Cette prophétie est formelle ; les termes
ne peuvent pas être plus daiis. Encore un
peu de temps, ef j'ébranlerai le ciel, la terre ,
ta mer et tout l'univers, je mettrai en inouvo'
ment tous les peuples, et le désiré de toutes les
nations viendra. Je remplirai ainsi de gloire
cette maison, dit le Sdgneur des armées : l'or
et l'argent sont à moi ; »i«/*' la gloire de cette
maison sera plus grande que celle de la pre-
mière, et je donnerai la paix en ce lieu.
Le DÉSIBÉ DE TOUTES LES NATIONS ne pBUt
pas être un autre que le Alessie.
Selon la prophétie de Jacob, il doit rassem-
bler les nations ; selon les promesses faites à
Abraham, toutes les nations de la terre doi-
vent être bénies en lui ; si Ion les prédictions
d'Isaïe, les nations espéreront en lui , et les
lies aitendronl sa loi , etc. 'facile , Suctoiie
et Joséphenons appLennent qu'à l'avcnemcit
de Jésus-Christ, tout 1 Orient était persuadé
qu'un personnage sorti de la Judée serait le
maître du monde. A la venue du Sauveur, le
ciel, la lerre, la mer, ont élé ébranlés par les
prodiges qui ont paru ; le concert dos anges
qui ont annoncé sa naissance, l'étoile (jui l'a
indiquée aux mages, le ciel ouvert à son
baplcnie, les ténèbres qui ont couvert la Ju-
dée à sa niorl, son ascension, la doscenle du
Saint-Esprit, ont élé autant de pro liges opé-
rés dans le i iel ; il a calmé les lempcles , et
a rempli toute la Judée de ses miracles. Avant
sa naissance, les guerres des Juifs contre
les rois de Syrie ; après sa mort, la (■on(iuéle
de la Judée par les Humains , ont mis tous
les peuples en mouvomenl. Le second tem-
ple était beaucoup moins riche que le pre-
mier, mai-, il a élé sanciilié et honoré par la
présence du Messie, qui y a opéré plusieurs
miracles, cl qui y a prêché l'Évangile de la
paix.
Aussi les auteurs du Talmud ont ontendu
comme nous celle prophétie de l'avénenienl
du Messie. Gulatin, 1. viii, c. 9.
AIjIOGUAI'HE. Voy. Hagioguaphe.
AGNEAU PASCAL. C'est la victime qu'il
est ordonné aux Juifs d'immoler en mémoire
de leui sortie miraculeuse de l'Egvpte. Voy,
Paque. S.iinl Paul dit aux cbrélions que
Jésus-Chiist a été immolé pour être noire
agneau pascnl, ou notre Pàque. /. Cor. v, 7.
L'Eglise répète dans ses jinères ce que saint
Jean-Baplisle a dit de Jésus-Christ, qu'il est
V Agneau de Dieu, qui Ole les péchés du mon-
de. Joan. ï, 26.
AtiNOÈTES, AGNOITES, sorte d'héréli-
ques qui suivaient l'erreur de Théophrone
di' Cappadoco, lequel attaiiuail la science de
Dieu sur les choses futures, présentes et pas-
sées. Les cunomiens, ne pouvant soulTrir
celte erreur, le chassèrent de leur commu-
nion, et il se fil chef d'une secle à laquelle
on donna le nom d' eunonii spli ro niens . Socra-
te, Sozonièue et Nicéphore, qui parlent de
ces hérétiques ajoutent qu'ils changèrent
aussi la forme du baptême usitée dans l'E-
glise, ne baptisant plus au nom de la Trini-
lé, mais au nom de la mort de Jésus-Cbrisl.
Celle secle commença sous l'empire de Va-
lens, vers l'an du salut 370.
Agnoïtes ou Agnoètes, secle d'eulychiens
dont Tliémislius fui l'auteur dans le vi* siè-
cle. Ils soulonaiont que Jesus-ChrisI, en tant
qu'homme, ignorait certaines choses, et par-
ticulièrement le jour du jugement dernier.
Ce mot vient du grec àymnzo; , ignorant ,
dérivé d'àyvo-iv, ignorer.
Eulogius, palriache d'Alexandrie, qui écri-
vit contre les agnoites sur la fin du vi"
siècle, attribue celte erreur à quelques soli-
taires qui habilaieut dans le voisin igc de Jé-
rusalem, et qui, pour la défendre, alléguaient
différents textes du Nouveau Testament, en-
tre autres celui de saint Marc, c. xiii, v. 32,
que nul houmie sur la terr>î ne sait ni le jour
ni l'heure du jugement, ni les angos qui sont
dans le ciel, ni même le Fils, mais le Père
seul. Les SBciniens se servent aussi de ce
passige pour attaquer la divinité de Jésus-
Christ.
157
AGN
Les théologiens calholiqnes répondent, 1°
que, (tans saint Marc, il n'est pas question
du jour (lu jujreinent dernier, mais du jour
auquel Jésus-Christ devait venir punir la
nation juive par i'épée di-s Romains -, 2° que
Jésus-Christ, même comme homme, n'igno-
rait pas le jour du jugement, puisqu'il en
avail prédit l'heure, Luc. xvii, 31 ; le lieu ,
Mntrli. XXIV, 28;li's sif^nes et les causes, Luc.
XXI. 2o. Mais que par ces paroles le Sauveur
voulaii réprimer la curiosité ind scréle de
ses disciples, en leur Taisant entendre ((u'il
n'élail pas à propos qu'il leur révélât ce se-
cret. Sa réponse a le même sens que celle
d'un i)ère qui dit à un enfant trop curieux :
Je n'en sais rim.
Ainsi l'ont entendu saint Basile, saint Au-
gustin et d'autres Pères de l'Eglise.
En effel, Jésus-Christ dit <le lui-même ,
Joan. \ii, 49 : Je ne parle pas de moi-mhne,
je ne dis que ce qui m'a été ordonné par won
Père qui m'a envoyé. Et Art. i, 7, il réfioiid à
une antre question que lui faisaient ses apô-
tres : Ce n'est point à vous de ronnaitre les
temps lit les moments que le Père tient en sa
puissance. Saint Paul dit d'ailleurs qu'en
Jésus-Christ sunt cachés tons les trésors de
la sagesse et de la science. Coloss. ii, 3.
Les ((fynof'fes ohject-iient encore, aussi bien
que les ariens, le passage de l'évangile selon
saint Luc, c. ii, v. 52, où il est dit que Jésus
croissait en sagesse, en âge et en grâce, de-
vant Dieu et devant les hommes. Les Pères
réponilaii'nt que cela doit s'entendre tout au
plusdesapparences extérieures, puisquesaint
Jean dit dans son Evangile, c. i, v. li : iS'ous
avons DU .fa gloire, telle qu'elle convient au
Fils unique du Père, rempli de grâce et de
vérité, par conseillent de science et de sages-
né. Petau, de Incarn., I. ii, c. 2.
Par cette contestation et par la plupart des
antres disputes, il est évident que l'on ne
pourrait jamais terminer aucune question
avec les hérétiques, si l'on s'en tenait à l'E-
criture toute seule, et qu'il faut nécessaire-
ment recourir à la tradition, pour en pren-
dre le vrai sens, .\ussi plusieurs prolesiants
sont tomhés dans la même erreur que les
sociniens touchant la science de Jésns-Christ.
jVote de Feuardent sur snint Irénée, I. ii, c.
49.
AGW.S DEI , est un nom que l'on donne
aux pains de rire empreints de la iigure d'un
agneau portant l'étendard de la croix, et ((ue
le pape hénil solennellement le dimanche in
Alhis , après sa consécration , et ensuite de
sept ans en sept ans, pour élrc distribués au
peuple.
L'origine de cette cér.'monie vient d'une
coutume ancienne dans ri'"glise de liome.
On pri'iiait autrefois, le diin imhe in Alhis ,
le reste du ciergi' pascal béni le jour du sa-
medi saint, et ou le distribuait au peuple par
morceaux. t^Jia' un les brûlait dans sa mai-
son, dans les ('ham|is, les vignes, etc., com-
me un préservatif contre les prestiges du
démon, et contre les limpéles et les orages.
Cela se pratiquait ainsi hors de Home; mais
dans la ville, l'archidiacre, au lieu du cierge
AGO 1Î8
pascal, prenait d'autre ciré, sur laquelle il
ver-aitde l'huile, en faisait divers morceaux
de figure d'agneaux, les bénissait et les dis-
tribuait an peuple. Telle est l'origine des
Agnus Dei. que les papes ont depuis bénis
an'c [dus (le cé'émonies. Le sacristain les
prépare longtemps avant la bénédiclion. Le
pape, revêtu de ses habits pontificaux , les
trempe dans l'eau béniti', et les bénit après
qu'on les en a retirés. On les met dans une
boîte qu'un soos-diarre apporte au pape à
la messe, après Vagnus Dei , et les lui pré-
sente en répétant tios fois ces paroles : Ce
sont ici de jeunes agneaux qui vous ont an-
noncé /'alléluia ; voilà qu'ils viennent à la
fontaine, pi ins de charité, alléluia. Ensuite
le pape les distribue aux cardinaux, évêques,
prélats, etc.
On croit qu'il n'y a que ceux qui sont
dans les ordres sacrés qui puissent les tou-
cher; c'est pourquoi on les couvre de mor-
ceaux d'étoffe proprement travaillés, pour les
donner aux laïques. Quelques écrivains en
rendent plusieurs raisons mystiques, et leur
attribuent plusieurs effets. Voyez l'Ordre ro-
main, Amalarius, Valafrid Strabon, Sirmond
dans ses Notes sur Ennodius, Théophile
Raynaud, etc.
Agnus Dei, partie delà liturgie de l'Eglise
romaine, ou prière de la messe entre le Pater
et la communion. C'est l'endroit de la messe
oià le prêtre, se frappant trois fois la poitrine,
répète autant de fois à voix intelligible :
Agneau de Dieu, qui ôtez les péch's du monde,
pardonnez-nous, tresl une profession de foi
de l'universalité de la rédemption, qui est ti-
rée de l'Evansile. Joan. i, 29.
Isaïe avait déjà dit dans le même sens, lui,
6 : Nous nous sommes tous égarés comme drs
brebis , et Dieu a mis sur lui l'iniquité de
nous tous. Lebrun, Explic. des Cérém., tom.
11, pig. .577.
AGOBARD, archevêque de Lyon dans le
ix*^ siècle, est au nombre des écrivains ecclé-
siastiques. Il prouva, contre Félix d'Urgel,
que Jésus-Christ n'est pas seulement fils de
Dieu par adoption, mais par nature; il écri-
vit contre les duels, les épreuves supersti-
tieuses du feu et de l'eau, l'abus des biens
ecclésiastiques, et contre plusieurs erreurs
populaires. Il mourut en 8'jO. La meilleure
édition de ses ouvrages est celle de Baluze,
faite en lliGG, en 2 vol. m-4°.
Les protestants onl voulu mettre cet ar-
chevêque au nombre de ceux qu'ils nomment
les témoins de la vérité, parce qu'il attaqua les
superstitions de son siècle : preuve frivole et
([ui ne mérite aucune attention. Basnage a
voulu aussi faire douter de la foi i\'Agobard
touchant l'Eucharistie; mais il est constant que
cet érrivain a profes-é f irmelleinent la
croyance de ri"'glise sur ce point dans plu-
sieurs endroits de ses ouvrages.
AC.ONIE, At^.ONISANT. Ce terme vient du
grec iyov, combat. Les censeurs de la religion
chrétieniie onl poussé la prévention jusqu'à
faire un i rime à l'I'^glise catholique de la cha-
rité qu'elle témoigne aux fidèles prêts à sor-
tir de ce monde, et des secours spirituels
129
AGO
AHl
qu'elle s'efforce de leur procurer : ils ont
dit que c'est une rruauié de faire envisager
à un mourant sa On prochaine, et de uiellro
déjà sous ses yeux une partie de l'appareil
de sa pompe funèbre. Celle rédexion de leur
part démontre sans doute que ce dernier mo-
ment est terrible pour eus. ; mais il ne l'est
point pour un chrétien qui croit en Dieu,
qui espère en Jésus-Christ, qui atteml avec
conGince une vie éternelle. Les confréries
des agonisants, les prières que l'on y récite,
celles que l'on dit auprès d'un malade, les
derniers sacrements, sont une consolation
pour lui ; il les demande, il se tranquillise
surl'iniercession de l'ii'jllse et sur les vœux,
de ses friMes ; il les regarde comme la der-
nière marque d'amiiié que l'on peut lui don-
ner. Un père qui bénit ses enfauls rassem-
blés, prosternés et fondant en larmes, est
Certiiinement un grand spectacle. Souvent
il a fait rentrer en eux-mêmes des pécheurs
qui n'y étaient guère disposés ; et, si le plii-
losoplie le plus intrépide avait de temps en
temps cet objet sous les yeux, ce serait peut-
être la meilleure réponse à toutes ses ob-
jections.
Agomis de Jésus-Christ. Quelques mo-
ments avant d'être saisi par les Juifs, Jésus-
Christ, priant au j;irdin des Olives, e>t tombé
en faiblesse et à Vaijuuie; Il a conjure son
Père d'écarter de lui le calice des souffrances ;
il a sué sang et eau. CcKe dans Origéne, liv.
II, n. 23 ; les Juifs, dans le Muniinen fiilei, sec.
partie, e, 24'; les incrédules modernes, ont
insisté à l'envi sur celle circonstance. L'Uoin-
me-Dieu, disent-ils, aux approches de tamorl,
montieime faibles-e dont un humine courageux
rougirait en panil cas.
Nous les prions de considérer, 1° que Jé-
sus-Christ avait prédit plus d'une fois à ses
disciples sa passion et sa mort ; il venait
encore de leur en parler après la dernière
cène. Il nonmiail ses souffrances le momei\t
de sa gloire; il avait constamment annoncé
sa résurrection. 2"" Il ne tenait qu'à lui de
tromper le dessein de Judas et des Juifs ; s'il
était allé passer la nuit ailleurs ; s'il s'était
éloigné de Jérusalem, ses ennemis auraient
manqué leur |)roiL'. 3" Au nioiiienl qu'il sait
leur approche, il se lève, éveille ses disciples,
va audev.int des soldats, se présente à eux
d'un air intrépide, les renverse par lerre d'un
seul mol, leur f.iil sentir qu'il est le maîtie
de les exleruiiner ou de se livrer entre leurs
mains.
Par son agonie, Jésus-Christ voulait nous
apprendre que la répugnance naturelle de
soullrir et de mourir n'est jias un crime,
lorsqu'elle est jointe à une parfaite soumis-
sion à Dieu. Il voulait instruire les martyrs,
leur apprendre qu'il faut attendre la mort et
non la provoquer. Il finit sa prière par ces
paroles : Mon Père, que votre volonté se fasse
et non la mienne.
Un philosophe moderne est convenu qu'il
y a un extrême courage à marcher à la morl
en la redoutant. Voyez Dissertation sur la
sueur de sang, etc. Bible d'Avignon, t. XllI,
p. i68.
130
AGONISTIQURS, nom par lequel Donat et
les donatisles désignaient les prédiealenrs
qu'ils envoyaient dans les villes el dans les
campagnes pour répandre leur doctrine, et
qu'ils regardaient cominrî autant de combat-
l;inls propres à leur conquérir des disciples.
On les appelait ailleurs circuiteurs, circel-
lions, circoncellions, catropiles, coropile':, et
à Rome munlenses. L'histoire ecclésiastique
est pie ne des violences qu'ils exerçaient
contre les catholiques. Voij. Cikco.nckllions,
DOMATISTES, efC.
AGONYCLITIÎS, hérétiques du viir siècle
qui avaient pour maxime de ne prier jamais
à genoux, mais debout.
Ce mot est eoinposé d'« privatif, de yôw ge-
nou, et du verbe zÀiv,. incliner, plier, courber.
*AGItKl)A {Miiried'l. Moie, noiim ée d'Asfé.la, de
la ville (lù elle liil supéneine dii couvent de rimiiia-
ciilée-Coiiceplioii, iia(pill le 2 avril l(iu2, depirenls
nobles, riclies el craignant Dieu. Elle prii llialiil de
ndiiiieiise avec sa mère el sa subui', le 15 janvier
11)19. l'allé se lit reinaripier pendant son niiviiiat par
de graiidi-s austérités et pur son snAt parilcii ier
pour l'oraison, (jnelle avait praliqiiée dés si plus
Sjraiide jeiines-e. Elle parvint bientôt à un degré de
perlectioii inconnu au c iiiiin des religieuses.
0 eu permit ipi'el e fût allliijée par de grandi-s mala-
dies. Les esprits malins lui causaient des ciainies
lioriililes ; on assure iiièiii' qiiMs lui apparur ni sous
des ligu>es capables d*eûV:.yer les plus coura<îi'ux, el
(lu'ils lui flri'iil subir des loriures qui sembi oeiil lui
disloquer tous les iiieniiires. Maisà peine élail-ille déli-
vrée de ces rudes éiireive-, qu'elle tomba i dans des
exla>es, des ravissements, des visionsetiraiitiesmer-
vedlissemldaliles.Ellepréiendil avoir reçu l'ordre de
Du u d'écrire la vie de la sain e Vierge. Soii(unfes>eur
exiraordinaire lui ordunui de jeter cet éciitau l'eu,
elle obéit aussitôt ; mais son confesseur onliiiaiie lui
prescrivit d'écrire de nouveau cet ouvra'^e. Il parut
Sous le litre de : La mystique Ciiâ de Dieu, miracle
de su loiile-imissnnce , abùite de la (pàce de Dieu,
Ilisioirc divine, el la Vie de lu tiès-siiinle Vierije Ma-
rie, Mère de Dieu , manijestée dans ces derniers siècles
pur la saillie Vierg.', à lu sœur Marie de Jésus, abbesse
du couvenl de l'iiiimuculée-toncpiiunde ta ville d'A~
gréda.
Cet ouvrage fut mis à l'index .i Uonie en 1710.
Eiisebe Ainort, célèbre théologien, déclare que,
sons le I imlilieal de Benoii XIII, ce décret lui rap-
porté. Le proies de la caii"iiisalio.i île Mine d'Agréda
fut poursuivi en cour de Konie. Les anle irs de la
Bibliullièque sacrée assurent que Bem il XIV déclara
que les écrits de Marie d'Agréda ne conlieniienl neii
de ciiiilraire à la fi. Le jugenieiil sur sa canonisa-
lion a élé suspendu. La Sm bonne cniidamii i , en
IGDO, plusieui s propositions extraites de lu mysli<iue
Cilé. [Nous Cl oyons que la Norbniine s'est mouirée
trop se V ère. Nous ne voulons pas être plus rigides
que l'Ëglise elleinéuie; quoiqu'il y ait dans cet écril
des cliu>es qui paraissent extravagantes, cun-'idérant
que les plus baules voies de Dieu iiesonl pas toujours
Luiiiprélieiisibl'S aux esprits ordinaires, nous nous
absienuns du juger.
AGYNNIENS , hérétiques nommés aussi
agioniles, ou agionois, qui parurent environ
l'an de Jésus-Chrisl 094.. Ils ne prenaient
point de femmes, et prétendaient que Dieu
n'était pas auteur du mariage ; leur nom
vient d'à privatif et deyuvÀ, femme. Cetiesecte
paraît avoir été un rejeton des manichéens.
AUIAS, prophète du Seigneur, dont il est
parle, 111 Keg. xi, 29. C'est lui qui, sous le
13!
AHI
AIN
132
règne de Salomon , annonça à Jéroboam
qu'iiprès la morl de ce roi, il rôcnerail lui-
même sur dix des tribus d'Israël ; sa pio-
phélie saccomplil en effet sous Hohoam, (ils
de Salomon, parce que ce jeune roi traiia
avecdurelé le peuple qui lui demandaH d'ê-
tre déchargé d'une partie des inipôls.
De là les incré'iules modernes ont pris oc-
casion d'assurer que ce propbète fut la cause
du schisme de ces dix tribus, de toutes les
guerres et de tous les maux qui s'ensuivi-
rent; <iue ce fut lui qui inspira à Jéroboam
l'ambition et le projet de parvenir à la myau-
lé. Ils en ont conclu qu'en jiénéral les pro-
phètes éUiieni des rebelles fanatiques, qui
soulevaient les sujets contre leur roi, qui
sonfUaient la discorde, el qui, par leurs pré-
tendues prop'iéiios, toujours crues par le
peuple, furent enfin la cause de la ruine de
leur nation.
Ce reproche est grave ; mais a-t-il quelque
fondement dans l'histoire?
1° Nos censeurs supposent que la prédic-
lion A'Ahias l'ut laite à Jéroboam après la
mort de Salomon ; c'est une fausseté, Salo-
mon vivait encore : si ce prophète n'était
qu'un fanatique, comment put-il prévoir que
Roboam, monté sur le trône, rebuterait le
peuple ; que le peuple se mutinerait ; que dix
tribus, ni plus ni moins, sccoucr.iient le joug,
et se donneraient un autre roi? Jéroboam
conçut alors si peu le dessein de parvenir à
la royauté, qu'il se sauva en Egypte, et qu'il
n'en revint qu'après la moil de Salomon.
2' Nous ne voyons point qu'Aliins ait eu
aucune part au soulèvement du peuple, ni
qu'il y ail contribué en rien. La seule cause
de celte révolte fut la réponse dure et mena-
çante que fit Uoboam aux plaintes de celte
muUiludc assemblée. Dieu lui-même avait
révélé à Salomon ce qui arriverait après sa
mort ; Ahias ne fit que coiifiruier la |)rédjc-
tion. Si Salon)on n'en profita pas pour don-
ner de SMlutïiri's leçons à son fils, il lut cou-
paiile ; ce n'est point au prophète <iu'il faut
en attribuer la faute. 7/7 Ileg. xi, 11.
3° Jéroboam lui-même ne paraît être entré
pour rien dans la sédition. Il est dit que les
tribus méconlenics s'en retournèrent chacune
chez elle ; que Hoboani ayant envoyé un de
ses officiers pour les ramener à l'obéissance,
elles le lapiilèrcnt ; que le roi lui-môme s'en-
fuit de Sichem à Jérusalem ; qu'ensuite les
tribus ayant appris que Jéroboam était de
retour d"lv;ypte, elles lui envoyèr<uit d<-s dé-
putés, le firent venir dans leur assemblée et
l'établirent roi d'Israël. Ce fut donc de leur
propre mouvement qu'elles le choisirent, et
non point pari instigation du prophète, lîiid.,
%n, 1G. Si elles avaient eu (connaissance de
sa prédiction, sans doute elles auraient com-
mence par mettre Jérolniam à leur tetc,
avant de mettre à mort l'ulficier de lloboani.
k' Les prophètes, loin de souiller le l'eu
de la discorde à cett(^ occasion, empêchèieiit
la guerre el l'effusion du sang. Lorsque lio-
boam eut fait prendre les armes aux tribus
de Juda et do lienjamin pour forcer les dix
tribus rebelles à rentrer sous le joug, le pro-
phète Séméïas leur défendit dfî la part de
Dieu d;' comlMltre contre leurs frères; ils
n'allèrent pas plus loin, et la coerre n'eut
pas lieu. 77/ Rpg. xii, 22. Quelques incrédu-
les ont encore trouvé b >n de reprocher à
ce prophète qii'il avait confirmé les rebelles
dans leur schis;iie. Mais nous les défions de
citer un seul prophète du Seigneur qui ait
c\cité le peuple à se soulever contre son
souverain, soii dans le royaume d'Israël, soit
dans celui de Juda.
5° Nous ne voyons pas que Jéroboam ait
reconnu par au::un bienfait le service que
lui avait rendu le prophète Ahias; loin de
suivre ses leçons, il engagea les Israélites
d.ins l'idolâtrie. Aussi, lors'io'il envoya son
épouse dégnisée pour consulter Ahins sur la
maladie de son fils, ce prophète, quoiiiue de-
venu aveugle de \ ieillesse, la reconnut, .ivant
même qu'elle eût parlé ; il lui annonça sans
ménagement la mort prochaine lie cet enfant,
et les châtiments 'erribips que Dieu exerce-
rait sur la race de Jéroboam en punition de
son idolâtrie. Itiid. xiv.
Des I rophîles imposteurs et fanatiques
auraient cherché sans doute à faire leur cour
et à ménager le* rois ; nous voyous au con-
traire les prophètes juifs toujours prêts à
reprocher aux rois tous lenr> crimes, à leur
prédire des châtiments et à braver la mort,
pour s'acquitter des ordres qu'ils avaient re-
çus de Dieu. Leur attribuer les maux qui
sont arrivés, c'est vouloir qu'ils aient é!é la
cause de la perversité des princes (jui n'ont
jamais voulu profiter de leurs leçons. Peut-
on citer un seul roi qui se soit mal trouvé de
les avoir suivies ?
* AIGLF,. L'Ecriture p.irle soiiveul de cette espèce
d'oiseau. La loi aiicieiiiie inetlail l'niç;le au nombre
des animaux impurs. Levil. xi, 13 ; Deulév. xiv , 2.
D 'US le psaume 102. v. 5, il est dii que le Sei^nenr
renouvelle la jeunesse du juste comme celle, rie l'ai-
gle : Itenovabiiiir ut aqiiilœ javentns tua. Ce rajeunis-
.'■enieiil de l'aiiîle a tînt naîire l>ien des opinions ; il
esl constaté ipie l'aigle ne se rajeuuil pas auirenienl
que les autres oiseaux, qui qiiiuentloiisles ans leurs
plumes pendant la mue , et qui e^i re|irennent d'au-
tres. Nous croyons que ce passage sigiiiliu : Vous
vous renouvellerez et vous prcinlre/. des forces c»in-
ine l'ai|;ledaus sa jeunesse. Vid. Uucli., de Animal.
««(•)., ( i Meiiocli.
AINf], AINESSE. Il est naturel qu'un père
conçoive une tendre alïection pour le pre-
mier fruit de son mariage, pour l'enfant qui
lui a fait éprouver les |,remiers mouvements
de l'amour paternel. Ce sentiment était plus
vif dans les premiers âges du monde, lorsque
chaque famille était une petite république
isolée. Le cœur était moins partagé par la
multitude des afi'ectiuns sociales; les enfants
étaient la force et la richesse de leur (lère.
L'diiié était destiné par la nature à être le
chol'dela famille, si le père venait à man-
quer. C'est ce qui rendait le droit iVaiiiegfe si
sacré et si précieux chez les patrianhcs.
Moïse l'avait conservé en entier par ses lois
Mais à mesure que les peuplad s se sont
augmentées el civilisées, le pouvoir pater-
nel a diminué, el le droit d'oùicssc a perdu
son prix ; nous en sommes venus au point
133
AIN
ALB
134
de rop:arder aujourd'hui ce droit comme in-
jusln.
Il faut donc se rapprocher des mœurs an-
tiques pour sentir Ténerpiie de plusieurs ex-
pressions do rEciiliirc sainte. Dieu promet
à David qu'il le rendra Vnhié ilc tous les rois.
Saint Paul iiommo Jésus-Christ aîné de tou-
tes les créatures, parce qu'il a été encrendré
du Père avant la créai ion; dans l'Apocalypse,
il est appelé le premier-né d'entre les morts,
parce qu'il est li^ [)remier qui soit ressuscité
par sa propre vertu. Isaïe nomn\e premiers-
nés des ptimres, ceux qui soulTrent le plus;
dans le livre de .loi) /;rimo(7e(u7f/ mors signi-
fie la plus cruelle de loules les morts.
11 paraît par ri)i<loire sainte que le droit
à'aînesse a été établi dès la création , uiais
il n"était pas inaliénable; Dieu, pour de bon-
nes raisons, l'a souvent Iransporlé aux puî-
nés. Ainsi Ciiïn, fils aîné i' Adam, fut priié
de ses droits en punition de son crime, Selh
lui fut substitué. J;ipbel, fils aîné de Noé, fut
moins privilégié queSem; Isaac l'ut préféré
à Ismaël son aîné, mais qui était né d'une
élranuère; Jacob acheta le droit d'aînesse de
son frère Ksaii, il l'ôta à son propre fils Rii-
ben, pour le donnera Joseph; et en bénis-
sant Its deux fils de Joseph , il accorda la
préférence à lîpbraïm surManass\
Nous voyons p.ir le cbap. xxi, 12, du Deu-
téron()me, que l'oîiic' avait une double por-
tion dans l'héritjige paternel ; et après l,i mort
du père, il de^en.■lil le chef, par conséquent
le prêtre de sa famille.
Les incrédules ont censuré avec beaucoup
d'aijjrcur la conduite de Jacob, qui profila
delà lassitude de sou frère pour aclieler de
lui le droit (\'aînesse à très-vil prix, et qui
trompa son père Isaac pour e\lori|uer de lui
la bénédiction devinée à Vaîné. Nous exa-
minerons ce trait d'bistoiie au tuot Jacob.
Depuis que Dieu eut fait mourir tous les
premiers-nés des Egypti ns par l'épèe de
l'ange exterminateur, et qu'il eut préservé
ceux des Israélites, il ordonna que ceux-ci
lui fussent offerts et consacrés ; cette loi ne
regardait que les fiiâles, soit dos hommes,
soit des animaux. Exod. xiii. Si le premier
enfant d'une femme était fille, le père n'é-
tait obligé à rien, ni pour cet enfant, ni pour
les suivants ; si un homme avait deux fem-
mes, il était obligé d'olïrir au Seij;neur les
premiers-nés de chacune. lin les offrant dans
le temple, les par nls les rachetaient p lur la
somme lie cinq'sicles. Jésus-Ciirist lut offert
et r,;cheté par ses parents coiriuie les autres
premiers-nés ; miis il était destiné à clr<' lui-
mcnie le prix de la rédemption du monde.
Les [tremiers-nés des animaux purs, tels
que le veau, l'agneau, le chevreau, devaient
être olTcrls dans le temple, immolés en sacri-
fice, et non rachetés ; quant à ceux des ani-
maux impurs qui ne pouvoient pas servir de
victimes, ils étaient rachetés ou tués.
Cette loi était un monument irrécusable
du miracle opéré en Egypte en faveur des
Israélites ; elle fut observée d'abord par ceux
même qui avaient été témoins oculaires du
prodige. Auraient-ils voulu se soumettre à
celte loi onéreuse, s'ils n'avaient pas été con-
vainc is par leurs propres yeux de la vérité
du fait"? Il leur fut ordonné d'insduire soi-
gneusement leurs enfants du sens et du motif
de la cérémonie. Exod. xv, li. Ce témoignage,
ainsi tr.insmis de généialion en génération
avec l'observance de la loi, était une preuve
à laquelle l'incrédulité la plus hardie ne
pouvait rien opi)oser. Un incrédule quel-
conque vouiraii-il ainsi atlestir par ses pa-
roles et par son oliéissance, un f;.it pub:ic
et très-éclatant de la fausseté duquel 'il se-
rait intimement convaincu? La conduite des
Juifs dans tous les temps démontre qu'ils
n'étaient pas plus disposés que les mécréants
d'aujourd'hui à croire des choses dont ils
n'auraient pas eu la preuve.
* AINOS. Il se trouve duis les îles siiuées au nord
du Jaiiun des peuples connus sous ce nom. Lesoleil,
la lune, l;i mer, seul l'olijei île leur culte. Ils recoii-
naissenl aussi un Dieu du ciel et un niaiire des eu-
fers. Les Japonais «m fait souvent de giands elforts
pour introduire chez ces peiiides la religion des
bouddhistes. Leurs tentatives ont été inutiles.
ALBANOiS , hérétiques qui troublèrent
dans le vn= siècle la paix de l'Eglise, et qui
parurent principalement dans 1 Albanie, ou
dans la partie orientale de la Géorgie. Us
renouvelèrent la plupart des erreurs des ma-
nichéens etdesautres hérétiques qui avaient
vécu depuis plus de trois cents ans. Leur
première rêverie consistait à établir deux
principes : i'un bon , père de Jésus-Christ,
auteur du bien et du Nouveau Testament; et
l'autre mauvais, auteur de l'Ancien Testa-
ment, qu'ils rejetaient en s'inscrivant en
faux contre tout ce qu'Abraham et Moïse
ont pu dire. Ils ajoutaient que le monde est
de toute éternité; que le Fils de Dieu avait
apporté un corps du ciel ; que les sacre-
ments, à la réserve du baptême, sont des su-
perstitions inutiles ; (|ue l'Egiise n'a point le
pouvoir d'excommunier, et que l'enfer est
un conte fait à plaisir. Praléole Gautier, dans
sa Citron.
ALBIGEOIS, nom général donné aux hé-
rétiques qui parurent en France dans les
xii^ et xiif siècles , et qui furent ainsi nom-
més, parce qu'ils se iiiuitiplièrent non-seu-
lement dans la ville d'Albi, mais encore dans
le Bas-Languedoc, dont les habitants sont
nommés par les auteurs de ce lemps-ià Albt^
genses.
Le fond de leur doctrine était le mani-
chéisme , mais dilTéremment modifié par les
visions des différents chefs qui l'avaient prê-
ché en France, tels que Pierre de Bruis,
Henri son disciple , Arnaud de Bresse, etc. :
c'est ce qui fit nommer ces sectaires pétro-
brtifiens, lienriciens, arnaldistes ou arnau-
distes ; uinis il» portèrent encore plusieurs
autres noms tirés de leurs mœurs, dont nous
parlerons ci-après. Nous ne devons donc pas
être étonnés de ce que les auteurs qui ont
exposé leurs erreurs ne les ont pas rappor-
tées uniformément; jamais aucune seeto
d'hérétiques ne fut couplante dans ses opi-
nions : chiique docteur se croit le maître de
les entendre et de les arranger comme il lui
135
ALB
ALB
136
plaît. Les albigeois étaient un amas confus
de sectaires, la plupart irès-ignorants et
très-peu en étal de rendre comjjie de leur
croyance; mais tous st^ réunissaient à con-
damner l'usage des sacrements et le culte
extérieur de l'Eglise catholique, à vouloir
détruire la hiérarchie et changer la disci-
pline élablii'. C'est à ce titre que les protes-
tants leur ont f.iit l'honneur de les regarder
commi' leurs ancêtres.
Al iuus, moine ileCileaux, et Pierre, moine
de 'Vaux-Cernay, qui ont écrit contre eux,
leur reprochent, 1° d'admellro deux princi-
pes ou dcuv créateurs, l'un bon et l'autre
méchant ; le premier, créateur des choses in-
visibles et spirituelles ; le second , créateur
des corps, auteur de l'Ancien Testament et
de la loi judaïque, pour lesquils ci-s héré-
tiques n'avaient aucuiî respeci : voilà le fond
de l'ancien manichéisme. 2' Ue supposer deux.
Christs, l'un méchani, qui avait paru sur la
terre avec un corps fanlasli(|ue , qui n'était
mort cl ressuscité qu'en apparence; l'autre
bon, mais qui n'avait pas été vu en ce mon-
de : c'él.iil l'erreur de la plupart des gnosti-
ques. 3' De nier la résurrection fulure di; la
chair, d'enseigner que nos âmes sont des
dénions, (]ui ont été logés dans nos corps en
punition des crimes qu'ils avaient coinmis ;
conséquemment ils niaient le pi rgatoire et
l'uliiile (le la prière pour les morts; ils trai-
taient néme de folie la croyance des catho-
liques louchant les peines de l'enfer. Ces
rêveries sont empiunlées de d.fférenies sec-
tes d'hiTéliques. i' De cond;imner tons les
sacrements de l'Kgli^e, de rejeier le baptême
couiine inutile, d'avoir en horreur l'eucha-
ristie, de ne pratiquer ni la confession, ni la
pénitence, de croire le mariige défendu , ou
du moins de regarder la procréation des en-
fants coMime un crime. Celait encore l'opi-
nion des manichéens. Enfin ces auteurs rap-
portent que le- albigeois délestaient les mi-
nislres de l'Eglise, ne cessaient de les dé-
crier et (le déclamer contre eux ; qu'ils n'a-
vaient aucun respeci pour la croix , pour les
images, pour les reli(iucs ; qu'ils les délrui-
sa'ienl ei les brûlaient partout où ils étaient
les mailres.
Ils ( talent divisés en deux ordres ; savoir,
les parihils et b^s croyants. Les premiers
Cienaivnl une vie aosiére en apparence,
Vivaient dans la continence, f.iisaienl pro-
fession d'.'ivoir en boireur le jurement et le
mensonge. Les seconds vivaient comme le
reste d•^s honiines, et (ilusieurs avaient des
miturs trùs-dérégices; il croyaient èlre sau-
vés par la foi et par l'imposilioi, des mains
des parfaits. C'était l'ancienne discipline des
manichéens.
Le concile d'Albi, que quelques-uns
nomment conci/e rfcLom/;fs, tenu l'an llTli,
dans lequel les albit/cois furent condamnés
sous lenoinde^o((s-/t(jm(/ie.< , etdoulles actes
.sont cités parFleury, llisi. ecclc's., I. i.xxii,
n. til, leur allribuu les mêmes erreurs d'a-
pn^s lijur propre confession. Rainerius, dans
l'histoire «ju'ila donné;- de ces mêmes héré-
tiques sous le nom de cathares, expose leur
croyance à peu près de même. M. Bossuet,
Hist, des variât., I. ix , a cité encore d'autres
auteurs qui confirment toutes ces accu-
sations.
A la vérité, la plupart des protestants qui
auraient voulu persuader que les albigeois
soutenaient la même doctrine qu'eux, ont
accusé les écrivains catholiques d'avoir at-
tribué à ces sectaires des erreurs qu'ils n'a-
vaient pas, afin de les rendre odieux, et de
justifier la rigueur avec laquelle on les a
traités. Mosheim, mieux instruit, n'a pas
osé faire de même, il n'a rien dit de leur
dogme ni de leur conduite, parce qu'il a bien
senti qu'il n'était pas possible de justifier ni
l'un ni l'autre. Hist. ecclés. , xin" siècle,
deuxième partie, c. 5, § 2 et suiv.
Li! nom de bonshommes leur fut donné
d'abord parée qu'ils afl'eclaient un extérieur
simple, régulier et paisible, et ils se don-
naient eux-mêmes le nom de cathares , qui
signifie purs; mais leur conduite leur en fit
bienUit (tonner d'autres : on les appela pifres
et patarins, c'est-à-dire rustres et grossiers;
pubicdins ou poplicuins, parce qu'on sup-
posa que les femmes étaient cornmunes en-
tre eux ; joassuj/er*', parce ((u'ils envoyaient
des émissaires et des prédicants de toutes
parts pour répandre leur doctrine cl faire des
prosélytes.
Leur condamnation, prononcéeau concile
d'Albi, l'.in 1176, l'ut confirmée dans celui de
Lairan, l'an 117i), et dans d'autres conciles
provinciaux ; mais la protection que leur
accorda Uaimond V^I, comte de Toulouse ,
leur fil mépriser les censures de l'Eglise, les
rendit plus entreprenants, et empêcha le
fruil des pré>licalions de saint Dominique et
des autres missionnaires que l'on envoya
pour les instruire et les convertir. Les vio-
lences qu'ils exercèrent engagèrent les papes
'à publier une croisade contre eux l'an liilO.
Ce ne fut qu'après dix-huit ans de guerres
et de massJicres , qu'abandonnés par les
comies de Toulouse leurs protecteurs, af-
faiblis par les victoires de Simon de Mont-
forl, poursuivis dans les tribunaux ecelesias-
tii|ues et livrés au bras séculier, les albigeois
furent enlièremenl détruits. (}nel(|ues-uiis
s'ech.ippèreni et se joignirent aux vauduis
dans les vallées du Piémoni, de la Provence,
du D.iu|ihine et de la Savoie ; c'est pour cela
()ue quelques auleurs ont quel(|uel'ois con-
foniiu ces deux secies, mais elles étaient
trés-dilTérentes dans l'origine ; les vaudois
n'ont jamais été m.inichéens. Voy. Vaudois.
A II naissance de la prélendue reforme,
les uns cl les autres chrrclièrent à se joiu-
dr(' iiux zuingiien>,el il> s'uniienl entiit aux
calvinisie», sous le règne de I'rani;ois I".
Fiers de ce nouvel appui , ils se permirent
des violences (jui aliirérent sur eux l'exécu-
tion sanglante de t'.abrière cl de Mérindol ;
depuis ce niomenl ils ont disparu, et il n'en
reste plus que le nom.
La croisade entreprise contre les albigeois,
les supplices auxciuels on les condamna, l'in-
quisition <|ue l'on établit contre eux, ont
iuuriii une ample matière de déclamaliOD»
IS7
ALB
ALB
I3«
aux protestants et aux incrédules, leurs co-
pistes. Les uns et les autres ont répété cent
fois que cette guerre fut une scène conti-
nuelle de barbarie ; qu'il y avait de la dé-
mence à vouloir convertir des héréli(]ues par
le fer et par le feu ; que le vrai molil' de celte
guerre fut l'ambition ducomlc de Moutforl,
qui voulait s'emparer des Etals du comte de
Toulouse , et la fausse politique de nos
rois, qui ont été bien aises d'en partager les
dépouilles.
Nous n'avons aucun dessein de jiistiOer les
excès qui ont pu être commis de part ou
d'autre par des gens armés, pendant une
guerre de dix-huit ans ; nous savons assez
que dès que l'on a tiré l'cpée, l'on se croit
tout permis; qu'un trait de cruauté commis
par l'un des doux partis devient un motif ou
un prétexte de représailles sanglantes : c'est
ce que l'on a vu dans nos guerres civiles
du xvr siècle ; l'on n'était sûrement pas plus
modéré au xiir. Nous ne prétendons pas
soutenir non plus qu'il est louable ou |jcr-
mis de poursuivre à feu cl à sang des héré-
tiques dont la doctrine n'intéresse en rien
l'ordre et la Iranquiililé publique, et dont la
conduite est paisible d'ailleurs ; toute la
question est de savoir si les albigeois étaient
dans ce cas. C'est une discussion dans la-
quelle nos adversaires n'ont jamais voulu
entrer.
1° Enseigner que le mariage ou la pro-
création des enfants est un crime ; que tout
le culte extérieur de l'Eglise catholique est
un abus , et qu'il faut le détruire ; que tous
les pasteurs sont des loups ravissants, et
qu'il faut les exterminer : esl-ce une doc-
trine qui puisse être suivie et léduitc en
pratique sans que l'ordre et le repos public
en soulTrenl? Les pasteurs de l'Eglise peu-
vent-ils ^e croire obligés en conscience de
la tolérer? Le comte do Toulouse, quels que
fussent ses motifs, était-il sage et avait-il
raison (iela proléger? Nous savons bionqu'à
la réserve du premier article, les prolestanls
ont été de cet avis ; mais nous en appellerons
toujours au tribunal du bon sens, de leur
décision. 11 est fort singulier que les caliio-
liques aient dû tolérer des opinions qui ne
tendaient à rien moins qu'à les faire aposta-
sier et à les faire blasphémer contre Jésus-
Christ, et que les albigeois aient été dispen-
sés de tolérer la doctrine catholique, parce
qu'elle ne s'accordait pas avec la leur.
S-Quoi qu'en puissent dire les protestants,
les albigeois avaient commencé par des in-
sultes , des voies de fait et des violences
contre les catholiques et contre le clergé,
dés qu'ils s'étaient sentis assez forts. L'an
lli7, plus de soixante ans avant la croi-
sade, Pierre le Vénérable, abbé de Cluny,
écrivait aux évêques d'Embrun, de Die et de
Gap : On a v», par un crime inuui citez les
chrétiens, rebaptiser les peuples, profaner les
églises, renverser les autels, brûler les croix,
fouetter les prêtres , emprisonner les moines,
les contraindre à prendre des femmes par les
menaces et les tourments. Parlant ensuite à
tes hérétiques, il leur dit : Après avoir fait
DiCT. DE Thûol. uogmaxiqce. I.
lin grand bûcher de croix entassées , vous y
avez mis le feu ; vous y avez fait cuire de la
viande et en avez mangé le vendredi saint,
après avoir invité ptibliquement le peuple à
en manger. F\eur^, Ilist. ecclés., I. lxix,
n. 2h. C'est pour ces belles ex])édilions que
Pierre de Bruis fut brûlé à Saint-Gilles quel-
que temps après. Nous aurions peine à les
croire si les protestants n'avaieul pas re-
nouvelé ces excès au xvi' siècle.
3' L'on ne peut pas douter que tous les li-
bertins et les malfaileurs de ces temps-là,
connus sous le nom de routiers , cotereaux
et mainadis, ne se soient joints aux albi-
geois dès qu'ils virent que , sous prétexte de
religion, l'on pouvait piller, violer, brûler
et saccager impunément. C'est ainsi qu'à la
naissance delà réforme l'on vit tous les ec-
clésiastiques libertins, tous les moines dys-
coles et déréglés, tous les mauvais sujets de
l'Europe , embrasser le calvinisme, afin de
satisfaire en liberté leurs passions crimi-
nelles. Un huguenot qui avait un ennemi
catholique s'en vengeait à son aise et
avec honneur; les enfants révoltés contre
leurs parents les menaçaient d'apostasier ;
un paysan qui en voulait à son seigneur ou
à son curé pouvait exercer contre eux toute
sa iiaine : les prédicanls sancliflaient tous les
crimes commis par zèle contre le papisme,
leurs successeurs les excusent encore au-
jourd'hui.
4° Avant de sévir contre les albigeois, l'on
avait cmplo\é pendant plus de quarante
ans les missions, les instructions et toutes
les voies que la charité chrétienne pouvait
suggérer. L'on n'en vint aux armes et aux
supplices quo quand ces hérétiques in-
traitables et furieux ne laissèrent plus au-
cune espérance de conversion. Lorsque saint
Bernard alla en Languedoc pour les com-
batlre, l'an llkl , il n'était armé quo de la
parole de Dieu et de ses vertus. L'an 1179,
le concile général de Latran dit aualhôme
contre eux, et il ajouta : Quant aux Bra-
bançons , Aragonais , Navarrais , Basques,
cotereaux et triaverdins , qui ne respectent
ni les églises ni les monastères, et n'épargnent
?ii orphelins, ni âge, ni sexe, mais pillent et
désolent tout comme des païens , nous ordon-
nons à luus les fidèles, pour la rémission
de leurs péchés, de s'opposer courageusement
à ces ravages, et de défendre les chiétiens
contre ces malheureux [Can. 27). Voilà le mo-
tif de la guerre contre \es albigeois claire-
ment exprimé, et c'est pour cela que le lé-
gal Hinri marcha contre eux avec une ar-
mée, l'an 1181. Ce n'était donc pas pour les
convertir que l'on employait contre eux la
violence, mais pour réprimer leurs ravages.
Los excès auxquels ils s'étaient livrés ,
sont prouvés 1° par la confession même que
le comte de Toulouse lit publiquement au
légat, l'an 1209, pour obtenir sou absolu-
lion ; 2° par le vingtième canon du concile
d'Avignon, tenu la môme année ; 3° par le
témoignage des historiens du temps, témoins
oculaires. ()ue penser des albigeois, lorsque'
l'on voit le comte de Toulouse, leur prolec-
139
ALB
leur, poasscrla barbarie jusqu'à faire étran-
gler son propre frère, parce qu'il s'élail ré-
concilié à l'Eglise calholique? Le comte de
Fois élait un monslre encore plus cruel.
Ilist. de VE(]l. galL, t. X, 1. xxix et xxx.
Mosheim a déguisé les faits avec sa pru-
dence ordinaire; il dil que loules les sectes
hérétiques du xiii" siècle convenaient una-
iiimenienl que la religion dominante n'était
qu'un composé bizarre d'erreurs et de su-
perstitions , l'empire des papes une usurpa-
tion, et leur autorité une tyrannie. Ces sec-
taires, selon lui, ne se bornènni pas à ré-
pandre ces opinions : ils réfutèrent encore
les superstitions et les impostures du temps
par des arguments tirésde l'Ecriture sainte;
ils déclamèrent contre la puissante, les ri-
chesses et les vices du clergé , avec un zèle
d'autant plus agréable aux princes et aux
magistrats civils, que ceux-ci étaient las des
usurpations et de la tyrannie des gens d'é-
glise. Treisième siècle, w part. , ch. 5, § 2.
En ellet, les tisserands, les manouvriers,
les laboureurs de la Provence et du Langue-
doc étaieii. des docteurs fort habiles dans
l'Ecriture sainte; au concile d'Albl, l'an
1176, l'évêque de Lodève leur opposa l'E-
criture sainte, et ils furent confondus ; les
actes en font foi. Leurs seuls arguments
étaient les déclamations, les railleries, les
insultes, les calomnies, les voies de fuit,
comme ceux des huguenots. L'on sait d'ail-
leurs quel usage les manichéens savaient
faire de l'Ecriture sainte; nous levojons
dans les dis[)ute$ que saint Augustin soutint
contre eux.
Quand il serait vrii que la religion domi-
nante au xm" siècle était un amas d'erreurs
et de superstitions, celle des albujeois valait
encore moins, puisque c'était un chaos de
rêveries de deux ou trois sectes différentes.
Quand celle-ci aurait été plus pure, il n'ap-
partenait pas à de simples particuliers, sans
mission, del'établir, encore moins d'employer
la violence, le meurtre, le brigandage, pour
en venir à bout. Parce que les protestants
ont fait de même, ce n'est pas une raison
d approuver cette étrange manière de réfor-
mer l'Eglise.
Si les princes étaient las de la tyrannie
des gens d'église, comment ont-ils pu .soute-
nir a main armée les efforts que faisaient le
pape et les évèques pour réprimer les a/</j-
geois ?
Nous ne prendrons pas la peine de réfuter
les motifs odieux pour lesquels on prétend
que nus rois, et surtout saintLouis, sonten-
Irésdans la guerre contre le comte (h; Tou-
louse et contre les albigeois. A la vérité, le
traité par le({uel ce seigneur fit sa paix avec
saint Louis, en 1228, lut très-avantageux à
ia couronne, puisi|u'il y fut stipulé i|ue l'hé-
ritière du comte de Toulouse épouserait un
des frères du roi, et, (]u°au défaut d'enfants
mâles, ce comté reviendrait au roi. Mais
lorsque la croisade contre les ulbi(jcois fut
résolue, dix-huit ans auparavant, on ne
pouvait pas pi évoir celte clause, et il uous
parait que le cumle de Toulouse dut se teuir
ALB 140
fort honoré de celle alliance. Il se révolta
quatorze ans après , trait qui ne lui fuit pas
honneur ; mais la victoire de saint Louis à
Taillebourg fore i ce vassal rebelle de se sou-
mettre ; dès lors les a/ôtjeot's, privés de toute
protection, furent aisément détruits.
Basnage, dans son Histoire de l'E(iUse,
I. XXIV, a fait tous ses efforts pour réfuter
l'histoire des albigeois tracée par Bossuet;
voici ce qui résulte de loules ses recherches :
l- Avant que les •manichéens répandus
dans la Lombardie au xir siècle eussent pé-
nétré en France, il y avait déjà, dans nos
provinces méridionales, des sectateurs de
Pierre et de Henri de Bruis, qui y dogmati-
saient et y tenaient des assemblées. Quoi-
qu'ils n'eussent point les mêmes opinions
que les manichéens, ils ne laissèrent pas,
lorsque ceux-ci arrivèrent, de se joindre à
eux et de faire cause commune avec eux, de
même qu'au xiir siècle ils s'associèrent en-
core aux vaudois. Telle a toujours été la
politique des sectaires, afin de faire nombre
et de tenir tête aux catholiques. Par la même
raison les vaudois se sont ensuite joints aux
calvinistes, quoiqu'ils n'eussent pas l.i même
croyance.
2 De là même il résulte qu'au xiii' siècle
les albigeois étaient un ramas de manichéens,
d'ariens, de pétrobrusiens, de henricieiis et
de vaudois, très-peu d'accord sur le dogme,
mais réunis par intérêt et par la haine contre
ri'.glise romaine et son clergé; que la plu-
part très-ignorants ne savaient pas trop co
qu'ils croyaient ou ne croyaient pas. Do là
vient la variété des récits que les historiens
du temps ont faits de la doctrine de ces sec-
taires.
3 Dans les interrogatoires que l'on fit
subir à leurs chefs, et dans les conciles où
ils furent condamnés, il ne fut pas aisé de
découvrir et de distinguer leurs différentes
opinions, soit parce que ces prédicants n'a-
vaient aucune doctrine fixe, soit parce qu'ils
cachaient avec soin celles de leurs erreurs
qui pouvaient inspirer le plus d'horreur aux
catholiques.
4° Par là même on voit le ridicule de Bas-
nage et des protestants, qui veulent faire
passer les albigeois pour leurs ancêtres ; au-
cun de ces hérétiques n'aurait voulu signer
une profession de foi luthérienne ou calvi-
niste, et aucun protestant sincère ne vou-
drait adojjter toutes les rêveries des diffé-
rentes seeles d'(dbiyeois.
5° Basnage a eu grand soin de dissimuler
les véritables raisons pour lesquelles ou fut
obligé (II! sévir contre ces mécréants, savoir:
leurs violences, leurs voies de fait, leur fu-
reur contre le culte extérieur de l'Eglise ca-
tholique et contre le clergé. 11 veut persuader
qu'on les punissait uniquement pour leurs
erreurs, ce qui est faux. Si quelquefois on a
condamué au sujjplice des novateurs, avant
qu'ils eussent eu le temps de se former uu
parti redoutable, c'est que leur doctrine et
leurs prim ipes tendaient directement à la sé-
dition et à troubler lu trunquillilc publique.
Voyez llÉRÉriQUE.
Ui
ALE
ALE
142
ALCORAN. Voij. Mahométisme.
A LCDIN, diacre de l'Eglise d'York, fut
api)(lé en France par CharU-magno, el eut
l'avantage de donner des leçons à cet empe-
reur, et de contribuer au rétalilissenienî des
lettri's ; il mourut dans son abbaye de Saint-
Miiriin de. Tours, en 80i. Il a fait plusieurs
ouviages tln'ologiques qui se sentent de la
rudesse du viiT sièrle : mais la doctrine eu
est pure. L'auieur doit être rangé parmi les
écrivains ecclésiastifiues el les témoins de la
tradition. L'on attend la nouvelle édition de
ses oeuvres, promise par un savant béné-
dictin (le la eongrégation de Saint-Vannes;
elle sera plus exacte el plus complète que
celle d'André Ducliesne, en 3 volumes iu-fol.
Rasnage a voulu persuader i\n'xilcuin n'é-
tait pas du sentiment catbolique touchant
l'Rucharislie.; le conîrairo est prouvé dans
la Perpétuité de la fui, loin. I, 1. vni, c. i.
* ALEXANDRE LE GRAND. Le premier livre des
Machabées, c. vi, v. 2, dmiiie à Ale.\;indie le nom
(le premier roi des Grecs. Les ijicréiliiles mil vii dans
ce passage une erreur; mais II est cuMsi.uil tpic c'est
léelleiiieiit Alexandre, qui le prcinior, a pris le ijtie
do roi. Dos médailles ^oiit venues coidirmer celle
vérité, cl duiuirr ninsi raison à la llible cnnire les
arguiies des Incrédule^ el des protestants. Nous dé-
veloppons cette réponse au mut Médailles.
ALKXANDIUK. Nous n'avons à parler que
de l'Eglise fondée dans cette ville célèbre.
Selon tous les monuments anciens de l'his-
toire ecclésiastique, c'est saint Marc, disciple
de saint Pierre, qui a prêché l'Evangile dans
Alexandrin, et y a fondé une Eglise. M. de
Valois pense que ce fut la neuvième année
de l'empereur Claude, environ dix-sept ans
après la mort de .(ésus-Christ : d'autres pla-
cent cet événement div ans plus tard.
(^uoi (ju'il en soit , l'on ne pouvait
ignorer dans Alexandrie, ville remplie de
Juifs, ce qui s'était passé en Judée dix-
sept uns auparavant : il y avait un com-
merce habituel entre Alexandrie et Jérusa-
lem, et une synagogue dans cette dernière
pour les .Mcxandrins. Acl. VJ, 9. Si saint
Marc avait raconté des faits imaginaires dans
l'Evangile qu'il écrivit pour l'instructioii des
nouveaux, fidèles, il leur aurait été très-aisé
d'en constater la fausseté. A'pollo, disciple
de saint Paul, était C:' Alexandrie. Act. xvi.;,
2!i. Les troubles qui causèrent la i uine de
Jérusalem ne seOrent point sentir en Egypte;
l'Eglise naissante put y jouir d'une longue
tran(|uillité. Saint Marc eut une suite non
interrompue de successeurs dont Eusèhe a
donné la liste; la tradition apostolique a dû
se conserver longtemps sans altération dans
cette église patriarcale. On sait i\u Alexan-
drie était une des villes où les sciences
étaient le plus cultivées; il y avail une école
de philosophie. Panlhsenus, Clément iVAU-
xandrie, Origène y furent instruits el y don-
nèrent cusuitc des leçons. Ce n'est donc pas
dans les ténèbres, ni sous le voile de l'igiu»-
rance que le christianisme s'est établi dans
Alexandrie. Ceux qui ont cru en Jésus-Clirist,
ne l'uni pas fait sans s'être informés de la
yéiitë des l'ails publiés par les apôtres. 11
u'esl pas douteux que cette Eglise n'ait eu
une liturgie qui lui était propre, et il est très-
probable que c'est celle (|ui a paru dans la
suite sous le nom de saint Marc. Nous eu
parlerons au mot Litukgik.
Il n'est aucune des anciennes Eglises qui
ait été aussi agitée que celle d'Alexandrie;
cette ville, grande, riche et très-peuplée,
était partagée eu trois religions, le paga-
nisme, le judaïsme et le christianisme, et
ses habitants étaient naturellement séditieuic
et violents. Pour cette raison, les empereurs
furent obligés d'accorder beaucoup d'auto-
rité à l'évêiiue ; sa juridiction s'étendit bientôt
sur toute l'Egypte La célébrité de l'école
d'Alexandrie contribua encore à lui donner
beaucoup de considération parmi les autres
évéques ; mais plus celte place était impor-
tante, plus elle était exposée à de fréquents
orages. Dès le commencetnent du iir siècle,
l'ordination d'Origène, qui parut irrégulière
à deux évéques d'Alexandrie, leur fournit
un sujet de troubler le repos de ce grand
homme ; d'autres le protégèreni, en particu-
lier Denis , qui occupa ce siège vers l'an 250 :
mais celui-ci à son tour fut accusé d'avoir
préparé les voies à l'erreur d'Arius. L'an 306,
le schisme de Mélèce divisa cette Eglise, et
l'ail 320 Arius commença d'y publier son hé-
résie. On sait combien elle causa de désor-
dres dans toute l'Eglise, el à quelles persé-
cutions saint Athanase fut exposé, parce
qu'il soutenait avec zèle la divinité de Jésus-
Christ. Théophile, un de ses successeurs eu
385, fut ennemi de saint Jean Chrysostome,
et augmenta les brouilleries qui régnaient
déjà entre les évéques d'Alexandrie el ceux
de Cons-tantinoiile. L'épiscopat de saint Cy-
rille, neveu el successeur de Théophile, fut
Il ès-orageux ; Nestorius , qu'il condamna
dans le concile d'Ephèse en 431, et contre
'lequel il écrivit, eut beaucoup de partisans
qui accusèrent saint Cyrille d'eutychianisme.
Dioscore, qui lui succéda, embrassa ouver-
tement le parti d'Eulychès; il résista aux
décisions du concile de Chalcédoine, tenu
l'an 451, et entraîna toute l'Egyple dans sou
schisme. Lorsqu'on voulut mettre sur ce
siège des évéques calholiciues, les Alexan-
drins en massacrèrent un el en chassèrent
un autre. Pendant près d'un siècle, les em-
pereurs employèrent vainement loute leur
autorité pour rétablir la paix; leuiselTorls
ii'alioti tirent qu'à aigrir les Egyptiens contre
le gouvernement. L'an 630, le patriarche
Cyrus fui le premier auteur du monothé-
lisme, et quatre ans après, les mahométans
conquirent et ravagèrent ri'lgyple.
Ba;.nage, dans sou Histoire de l'iiglise,
liv. Il, s'est beaucoup étendu sur ce tableau ;
son des.sein était de prouver que les évéques
d' Alexandrie n'ont jamais r.cconiiu la juri-
diction du ponlil'e romain, et ne lui ont ja-
mais été soumis. Ce n'est pas ici le lieu de
discuter tous les faits dont il veul tirer avan-
tage; mas quand l'indépendance de ces évé-
ques serait encore mieux prouvée, qu'en ré-
sulterait-il? Les tristes effets qu'elle a pro-
duits sufliraieut pour dirmuutrer contre les
345
ALL
ALL
HK
protestants la nécessité d'un centre d'unité
dans la foi, et d'un chef dans l'cpiscopat;
puisque, faute d'en reconnaître un, les pa-
triarches d'Alexandrie ont vu leur Eglise
sans cesse agitée par des schismes et par des
hérésies, jusqu'i ce qu'enfin le chrislianisiiie
y ait été presque entièrement aboli; il n'y
en a plus qu'un faible reste parmi les Co-
phtes, et encore y est-il très-déQguré par l'i-
gnorance et par l'erreur. Voyez Cophtes,
Egypte.
L'abbé Renaudot a donné une histoire des
patriarches d'Alexandrie, depuis la fonda-
tion de cette Eglise jusqu'au xiii' siècle.
ALLEGORIE, discours dont le sens est
détourné, ou qui, sous le sens littéral, cache
un autre sens moins facile à saisir. Ce mot
vient du grec «Uv; àyopt-jm, je parle autrement;
c'est par conséquent une métaphore conli-
iiuée. La différence entre une allégorie el
une parabole est que la première renferme
un sens historique ou lilléral vrai, au lieu
que la seconde est une espèce de fable, dont
les personnages ou les faits n'ont jamais
existé. Ainsi saint l'aul, Galat. iv, 22, nous
apprend que ce qui est dit des deux fils d'A-
braham, dont l'un élait né d'une esclave,
l'autre d'une épouse, est une allégorie qui
signifie les deux alliances que Dieu a faites
avec les hommes, dont l'une produisait des
esclaves, l'autre fait naître des enfanis li-
bres; que la loi qui défendait aux J;iifs de
lier le mufle du bœuf qui foulait le grain,
signifiait que les fidèles devaient fournir la
subsistance aux ouvriers évangcliques, elc.
Cela n'empêche pas que l'histoire des deux
enfants d'Abraham ne soit vraie, et que la
loi imposée aux Juifs n'ait dû être exécutée
à la lettre. Au contraire, les paraboles dont
se servait Jésus-Christ pour instruire !e peu-
ple, comme celle de l'enfanl prodigue, de la
brebis perdue, etc., ne sont point des narra-
tions historiques, mais des fictions, dont le
but est de peindre la bonté et la miséricorde
de Dieu envers les pécheurs. Voyez I'ara-
BOLE.
Outre le sens allégorique de l'Ecriluro
sainte, les inlerprèles y distinguent encore
un sens Iropologifjue, qui regarde les mœurs,
et un sens anagugique, qui concerne les ré-
compenses que i)icu nous promet dans l'autre
vie. Vogez lù-.Rrrui.îî sainte, § 3
De là quelques incréilules ont pris o ca-
sion de conclure que les auteurs sacrés ont
écrit (.'xprés dans un style (■'nigmali(]uc, afin
de tromper les auditeurs cl les lecteurs :
conséquence très-peu relléchie. Quand nous
disons que rEcrilure sainte a souvent un
sens allégorique ou fi;;uratif, nous ne pré-
tendons pas iiuo les écrivains sacrés ont eu
toujours en vue un double sens. Il n'est pas
certain ((ue Moïse, en parlant des deux en-
fants d'Abraham, a compris que l'un élait
une figurr du peuple juif, l'autre du peuple
chrétien ; ni qu'en portant la loi dont nous
avons parlé, il pensait a pourvoir à la sub-
sistance des prédicateurs de llivangile. 11
peut avoir ignoré le dessein (juc Dieu avait
eu lui faisant écrire celle his luire ol porter
cette loi; et Dieu s'est réservé de le révéler
aux écrivains du Nouveau Testament. Moïse
n'a donc péché ni contre la sincérité d'un
historien, ni contre la sagesse d'un législa-
teur. 11 en est de même des prophètes et des
autres historiens sacrés ; tous peut-êlre n'ont
eu en vue que le sens lilléral; mais cela
n'empêche pas que Dieu n'ait pu nous dé-
couvrir, sous l'écorce de la lettre, un autre
sens, ou par Jésus-Christ, ou par les apô-
tres, ou par les docteurs de l'Eglise. Il ne
s'ensuit pas de là que Dieu a trompé les
écrivains sacrés, ni qu'il a voulu induire en
erreur les Juifs, dépo>ilaires des Ecritures ;
il s'ensuit seulement qu'il n'a pas révélé à
ces anciens tout ce qu'il se proposait de faire
dans la suite des siècles.
Nous lisons dans l'Evangile, Jocin. xi. W,
que Caïphe dit aux prélres et aux pharisiens
rassemblés, en parlant de Jésus-Christ : Vous
n'y entendez rien; vous ne voyez pas qu'il est
expédient pour vous que cet homme meiire
pour le peuple el pour qw. toute la nation
ne périsse point. L'Evaii-ile ajoute : Caïphe
ne dit point cela de lui-même; mais, comme
il était pontiff, il prophétisa que Jésus mour-
rait non-seulement pour le peuple, inais pour
rassembler tous les enfanis de Dieu. Caïphe
fil donc une prédiction sans le savoir; son
discours fui une allégorie dont il ne compre-
nait pas tout le sens. Mais soit que les écri-
vains de l'Ancien Testament aient compris
tous lu sens de ce qu'ils disaient, ou qu'ils
n'en aient vu qu'une partie, ils n'ont été ni
trompeurs ni trompés.
C'iisl une question de savoir si, dans le
dessein de Dieu, toute la loi de Moïse était
figurative; si l'on peut et si l'on doit donner
à tous les événements de l'Ancien Testament
un sens allégorique, et les envisager connue
autant de types et de figures de ce qui arrive
dans le Nouveau. Nous examinerons celte
question au mot Figure et Figurisme.
Non-seulement plusieurs incrédules, mais
quelques auteurs chrétiens, ont pensé que
les anciennes prophéties ne pouvaient être
appliquées à Jésus-Chrisl iiuedans un sens
allégorique ; que dans le sens lilléral elles re-
gardaient d'autres personnages et d'autres
evénemenls. Nous prouverons le contraire
au mot Prophétie.
De même que les anciens, surtout les
Orientaux, aimaient à parler en paraboles, ils
avaient aussi du goût pour les allégories; ils
se i)laisaient à trouver dans un événement
quelconque la figure d'un autre événement.
Un de nos philosophes, 1res - appliqué à
tourner en ridicule les livres saints, est con-
venu qu'une ancienne coutume d(! l'Orient
élait non-seulement de parler en allégories,
mais d'exprimer, par des actions singulières,
les choses qu'on voulait signifier, et de
peindre aux yeux des auditeurs les objets
dont on voulait leur frapper l'imagination.
Rien n'etail, dit il , plus naturel; car les
hommes n'ayant écrit longtemps leurs pen-
sées ((u'en hiéroglyphes, ils devaient prendre
l'habitude de parler comme ils écrivaient.
Nous ne devons doue pas être étouués de ce
us
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146
(lue Dieu a souvent ordonné aux prophètes
des aciions qui semblaient ridicules, mais
(]ui étaient très-capables d'exciter l'attention
des spectateurs, et qui renfermaient beau-
coup de sens.
Ainsi, le prophète Isaïe marche au milieu de
Jérusalem avec la nudité des esclaves, pour
annoncer aux Juifs leur sort futur, Isaïe,
c. 20; Jérémie met un joug sur ses épaules,
pour leur montrer d'avance celui qui leur
sera imposé par Nabuchodonosor; il envoie
des chaînes aux rois de l'idumée, de Moab et
de Tjr, symbole de celles dont ils étaient
menacés. Dieu ordonne à Osée d'épouser une
prostituée, de l'abandonner pendant quelque
temps, et de la reprendre ensuite, pour pein-
dre la conduite de Dieu à l'égard de la na-
tion juive, etc. Celaient des allégories très-
frappantes, et l'on en trouve quelques exem-
ples dans l'histoire profane.
Puisque telle était la tournure des mœurs
antiques, il n'est pas surprenniit i|ue les Juifs
aient souvent donné un sens allégorique aux
faits de l'histoire sainte. Saint Paul l'a fait
plus d'une fois; les Pères de l'Eglise les plus
anciens l'ont imité, parce que celte manière
d'instruire était du goût de leurs auditeurs.
Mais les protestants leur en font un crime;
ils disent (\ue cette méthode, ridicule en elle-
même, n'est bonne qu'à pallier l'ignorance
du prédicateur, à faire passer des visions
pour des vérités importantes, à donner aux
auditeurs un goût faux, à les détourner de
la recherche du sens lilléral et naturel de
l'Ecriture sainte. Tel est le jugement qu'en
a [lorté Barbejrac, Traité de la morale des
Pères, chap. 7, § ti et suiv. Il soutient que
l'exemple des apôtres ne peut pas servir à
justifier les Pères,
1" Les apôtres, dil-il , ont fait r.irenient
\}s;\^e i.\cs allégories , ci les Pèies s'en ser-
vent continneiicment ; les premiers y ont re-
cours, plutôt pour montrer, dius l'Ancien
Testament , les mystères de Jésus-Christ ,
que pour en tirer des leçons de morale ; à
peine en trouvc-l-on deux ou trois exemples
dans saint Pau!, au lieu que les Pères n'en
donnent presque point d'autres.
Cependant saint Matthieu a pris dans un
sens allégorique au moins vingt prophéties
de l'ancien Testament : c'est un reproche que
lui font les incrédules; et Barbejrac , sans le
savoir, a pris la peine de le confirmer. Saint
Paul a tourné en leçon de morale, non-seu-
leuicnt la loi du Deutéronome , dont nous
avons parlé, et celle qui défendait de se ser-
vir du pain levé dans la célébration de la pà-
que, mais encore la loi de la circoncision ,
celle du sabbat , celle des ablutions , celle
des abstinences, les promesses faites à Abra-
ham, les reproches et les menaces adressés
aux Juifs par Isaïe , etc. Les Juifs moilernes
en l'ont un crime à saint Paul ; ils disent que
c'est un expéiJient imaginé par cet apôtre ,
pour exempter ses prosélytes de l'observa-
tioD de la loi cérémonielle. Il est fâcheux
que Barbes rac n'ait pas vu qu'il autorisait
renlèteuienl des Juifs.
Saint Pierre, Epist. I, cap. ii, v.6, tourne
en leçon de morale la prophétie d'isaïe ,
c. VIII, V. 14, concernant la pierre angulaire
qui écrase les incrédules ; celle d'Osée, c: ii,
V. 2'i, qui regarde les Juifs rentrés en grâce
avec Dieu ; l'exemple des pécheurs exter-
minés par le déluge, et il comp.ire le bap-
tême à l'arche de Noé, c. iir , v. 20, etc. Ces
sortes de leçons ne sont donc pas aussi rares
dans les écrits des apôtres que Barbeyrac le
prétend.
2° 11 dit que , comme les écrivains sa-
crés étaient inspirés, nous devons les croire,
lorsqu'ils nous découvrent un sens allé-
goriiiue, dans un fait ou dans une loi , où
nous ne l'aurions pas aperçu; mais qu'ils
n'ont comiiiaudé à personne de l'aire de mê-
me, et qu'ils n'ont donné aucune règle pour
découvrir ces sortes de sens ; qu'ainsi ce
sont des explications arbitraires et de vaines
imaginations.
Nouvelle imprudence : comment n'a-t-il
pas vu que les incrédules se prévaudraient
encore <le celle remarque et la tourneraient
contre les apôtres mêmes? En effet, les in-
crédules disent que l'inspiration prétendue
ne peut pas rendie réel ce qui est imaginai-
re, ni respectable ce qui est ridicule, ni jus-
tilier un sens auquel il est évident que le lé-
gislateur des Juifs et leurs prophètes n'ont
jamais pinsé : c'est à Barbeyrac de prouver
le contraire. Il s'ensuit seulement de son ob-
servation que les explications allégori<iiies
données par les Pères ne sont pas des arti-
cles de foi ; et qui l'a jamais prétendu ? Les
apôtres n'ont pas commandé ces explications,
mais ils ne les ont pas défendues non plus ,
puisque saint Barnabe et saint Clément en
ont fait un grand usage; nous devons présu-
mer (|ue ces deux disciples imméilials des
apôtres connaissaient pour le moins aussi
bien les intentions de leurs maîtres, que les
critiques protestants du xvii' ou du xviii*
siècle.
S' Les apôtres, continue le censeur des Pè-
res, ont donné des sens allégoriques à l'E-
criture sainte, i)ar condescendance pour les
Juifs qui avaicnldu goût pour ce genre d'ins-
truction ; mais ce n'est. pas un exemple à
suivre : ce goût est pernicieux en lui-même,
parce qu'il nous détourne de la recherche du
sens littéral et vrai de la parole de Dieu.
Nous n'avouerons jamais qu'un genre
d'instruction duquel les apôtres se sont ser-
vis, soit pernicieux en lui-même; mais nous
soutenons que les Pères l'ont mis en usage
par le mêaie motif, par condescendance pour
leurs auditeurs. Eu effet , après saint Bar-
nabe et saint (élément de Rome , les deux
Pères de l'Kglise qui y ont été le plus atta-
chés sont saint Clément d'Alexandrie et
Origène ; l'un et l'autre instruisaient et écri-
vaient en Egypte : or, les Juils d'Alexandrie
étaient très -accoutumés aux explications
allégoriques de l'Ecriture sainte , témoin lea
ouvrages de Philon. Les Egyptiens eu géné-
ral n'y étaient pas moins habitués par l'usage
de leurs hiéroglyphes.
Uncautre preuve du motifqui a coudait les
Pères , c'est qu'ils no se bornent puiul au
147
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148
gens mystique ou allégorique de l'Ecriture
sainte. Origène, avant d'y avoir recours ,
donne assez souvent l'explication littérale
du texte , et l'on connaît les travaux entre-
pris par ce savant homme pour confronti^r
le texte hébreu avec les versions. Saint Gré-
goire de Nysse , après avoir tiré de la loi de
Moïse un grand nomlne d'al'égories, conclut
ainsi : Ce que nous venons de proposer se ré-
duit à 'des conjectures ; nous les abandon-
nons au juçjzment des lecteurs : s'ils les rejet-
tent, nous ne les réclamerons point; s'ils tes
approuvent , nous n'en serons pas pour ala
plus contents de nous-mêmes [L. de Vita Mo-
sis, p. 223 ). Saint Augustin , peu de temps
après sa conversion , avait écrit deux li\res
sur la Genèse contre les manichéens , où il
avait donné des raisons allégoriques de la
plupart des faiis, parer que je ne voyais pas,
dit-il, comment on pouvait les entendre dans
le sens propre. Mieux instruit dans la suite ,
il fit un autre ouvrage sur la Genèse, prise
dans le sens liti; rai , de Genesi ad litteram.
La bonne foi aurait exigé (jue Beausnhre fît
cette remarque, a\anldi' censurer saint Au-
gustin, Hist. du Maniclu, tom. 1 , I. i, c. 't ,
pag. 283.
C'est donc très-mal à propos que l'on blâ-
me les Pères de l'Iiglise ; voudrait-on qu'ils
eussent pris une autre méthode d'instruire ,
qui aurait déplu à leurs auditeurs , et qui
n'aurait pas été écoutée? Juger du goût des
II" et iiif siècles de l'Eglise par celui du xvnr ,
c'est une absurdité. En second lieu, les Pères
ne pensaient point à former dts savants ,
mais des chrétiens vertueux; ils voulaient
les accoutumer à chercher dans les livres
saints, non de l'érudilîon ou des contiais-.an-
ces profanes , mais des leçons de murale et
des sujets d'édification ; nous soutenons
qu'ils n'avaient pas toit. Grâces à l'cntéte-
luent des h. rétiques et des incrédules, te
n'est plus là ce qu'on veut aujourd'hui , il
faut des remarques grammaticales, criliques,
historiques, philosophiques , de l.i chronolo-
gie, de la géographie, de la physique et de
l'histoire miturelle, pour expliquer les livres
saints. Nous sommes sans doute , dans tous
les genres, plus habiles (jiie nos pères,
en sommes-nous meilleurs chrétiens? Ces
savantes discussions sont-elles à portée du
peuple?
Or, c'est principalement le peuple que les
Pères devaient 1 1 voulaient instruire. L'é-
vénement suffit ))iiur nous convaincre qu'ils
ont mieux réussi que leurs accusateurs. Les
savants conmii'nlaires des protestants n'ont
abouti qu'à multiplier parmi eux les dispu-
tes, les sectes, les erreurs ; ceux des Pères
«le l'Eglise formaient des hommes vertueux
et des saints.
Ce qu'il y a de plus singulier, c'est que les
protestants , (]ui censuriMit avec tant d'ai-
greur le goût des anti 'US Pères pour les nl-
fcqories, sont cepmdant Irès-altcnlifs à pro-
filer des explications (r^/C(/()r(V/)<(?s que saint
Clément d'Alevandrie, Origène et Tertullien
ont données quel(|UClois aux paroles de Jé-
sus-Christ touchant l'Eucharistie.
Mais il est bon de voir combien leur pré-
vention contre les Pères a donné d'avantage
aux incrédules. C'est mal à propos , dit l'un
d'entre eux, que les apologistes du christia-
nisme ont voulu prouver aux païens l'ab-
surdité de leur religion par la nécessité de
recourir à des allégories pour dissiper Ée
scandale de leurs fables ; ne sommes-nous
pas dans le même cas à l'égard de la plupart
des faits de l'Ancien Testament? Les Pères
de l'Eglise l'ont senti, puisque tous ont al-
légorisé et sont convenus que sans celte
n>éthode il était impossible d'entendre l'E-
criture sainte. Il cite en preuve saint Clé-
ment d'jMexandrie, Origène , Tertullien et
saint Augustin. La fureur pour les allégories
a fait diviniser le cantique de Salomou ; les
mahométans font de même pour pallier les
absurdités de l'Alcoran.
Vainement nous demanderions aux cen-
seurs des Pères une réponse solide à cette
objection ; ce n'est pas chez eux que nous
irons la chercher. Les actions infâmes et
scandaleuses racontées dans les fables étaient
attribuées aux dieux ; pouvait-on les con-
damner ou les blâmer? S'il y en a dans l'his-
toire sainte, elles sont attriituécs à des hom-
mes, elles ne sont point approuvées , sou-
vent même elles sont punies ; cela est fort
différent. Les hommes ne sont pas impecca-
bles, mais les dieux devaient l'être; tou-
tes les actions des premiers ne sont pas
des exemples à suivre ; mais pouvait-on
être coupable en imitant les dieux? Nous n'a-
vons donc pas besoin d'allégories pour ex-
pliquer l'ivresse de Noé,rincesle de Loth
avec ses filles, le mensonge que Jacoh dit à
son père pour avoir sa bénédiction, l'adul-
tère et l'homicide de David, etc., puisque
nous ne sommes pas obligés de les justi-
fier.
Nous avons vérifié les citations des Pères
que l'on nous oppose ; la plupart sont faus-
ses : voici tout ce qu'il y a de vrai.
Saint Clément d'Alexandrie, Slrom., 1. n ,
c. 1!), pag. 'iSl, dit que la manière dont Dieu
en a agi a l'égard d'Adam , de Noé , d'Abra-
ham, de Jacob et d'Esaii , était prophétique
et typique; c'est aussi le sentiment de saint
Paul à l'égard des deux derniers. Saint Clé-
ment conclut par les paroles de Jacob :
Parce que Dieu a eu pitié de vioi, il m'a don-
né tout ce que je possède, \. vi,c. 15, pag.8t)3.
Il observe que, selon l'Evangile , Jésus-
Christ ne parlait qu'en paraboles; i! conclut
que, puisque Jésus-Christ est aussi l'auteur
de la loi et des prophètes , il y a parlé de mê-
me en paraboles. Saint Clément en donne
pour raison, l" que par là Dieu a voulu ex-
citer notre vigilance et notre curiosité ;
2° parce que plusieurs auraient abusé d'un
style plus clair; 3' parce que c'était la ma-
nière d'enseigner la plus ancienne et la plus
générale ; k" parce que le style des Hébreux
est ordinairement figuré. Mais il ajoute que
les homm's vraiment intelligents sont ceux
qui eiileiulenl l'Ecriture sainte selon In règle
ecclésiastique. Il n'admettait donc pas les ex-
plications arbitraires, et il ne s'ensuit pas de
149
ALI
ALL
150
là que tout est parabole ou allégorie dans
l'Ecriture sainte.
Origine, parlant do la distinction des ani-
maux purs et impurs , llomil. 7 in Levit. ,
n° 5, dit que si ou l'entend comme les Juifs
et comme le peuple, les lois que Dieu a por-
tées sur ce sujet paraîtront moins raisonna-
liles et moins respectables que celles des
Athéniens , des Sparli.ites ou dos lloniains ;
mais que- si ou les entend selon te sois qu'en-
seigne VEglise , elles paraîtront vraiment di-
vines et supérieures à toutes les lois humai-
nes. L. Il in l'.pist. ad l'om., n. 9. II ile-
ninnde (jue peuvent avoir de commun avec
la loi naturelle celles i]ui ordonnent la cir-
concision , qui défendent de faire uti tissu de
lin et de laine, ou de manger du pain levé à
la fêle de Pâques. 11 dit qu'ayant demandé à
des Juifs la raison cl l'ulilité de ces lois , ils
ne lui en ont point donné d'autre que le bon
plaisir du législateur. Il ne s'ensuit pas de
là ([u'Origèue voulait que l'on prît aussi
dans un sens allégorique les autres lois dont
la raison était cia.ro et sensible , et les lois
morales contenues dans le Déi'alogue. Cl
nous paraît que l'on a jugé ce Père un peu
trop sévèrement , quand on a conclu de là
qu'il détruisait souvent le sens littéral de
l'Ecriture sainte; ce n'était pas le détruire
que d'avouer qu'il ne le voyait pas.
TertuUien, liv. v contre Marcion , c. 5, dit
que rien ne paraît plus ridicule ni plus mé-
prisalile que les sjicrifices sanglants, les pu-
rifications, la loi du talion , la circoncision ,
les abstinences ; qu'aussi tout hérétique
tourne en dérisi n l'aticien Testament dans
son entier; irais que Dieu a \oilé sous ces
énigmes et sous ces figures une sagesse qui
devait être révélée par Jésus-Christ. Cepen-
dant TertuUien , dans ce même ouvrage ,
donne de Irès-honnes raisons des abstinences
prescrites au\ Juifs , de la distinction des
animaux purs cl impurs, de la multitude des
sacrifices et des offrandes. Lors donc qu'il a
dit que tout cela pris à la lettre était ridi-
cule et méprisable, il a entendu que cela pa-
raissait tel aux hérétiques, et non aux fidè-
les instruits par Jésus-Christ. Quand même
il aurait voulu dire de toute la loi cérémo-
nielle ce que les incrédules lui attribuent, il
ne s'ensuivrait pas encore (ju'il a pensé de
même de tout l'Ancien Trstament.
Saint Augustin, L. contra M endacinm , ud
Consent., c. 10, n.2-'J etS'i-, soulienl qu'Abra-
ham et Isaac n'ont pas menti, en disant que
leurs épouses étaient leurs sœurs , non plus
que Jacob, en disant à Isaac qu'il était Ksaù,
son aine , parce que c'étaient des ligures ,
des types ou des métaphores. Nous ne pen-
sons pas que cette excuse soit solide ; parce
qu'une équivoque , employée pour tromper
quelqu'un est un vrai mensonge : mais on
n'en peut pas conclure que, selon saint Au-
gustin, toute l'histoire sainte est figurative
ou (dlégorique, et que sans le secours des
allégories, il serait impossible de l'entendre.
Il n'a pas été difficile de réfuter ^Voolstou,
qui prétendait que les miracles de Jésus-
Gbrist devaient être pris dans uu sens pure-
rement allégorique, et qu'ils avaient été ainsi
envisagés par les Pères. Foy. le sens litté-
ral de l'Ecriture sainte défendu par Stakliou-
se, etc.
Ce n'est point le goût pour les allégoties
qui a fait diviniser le cantique de Salomon ;
c'est au contraire l'habitude du style allégo-
rique , usité de tout temps chez les Orien-
taux , qui a fait écrire ainsi cet ancien ou-
vrage, monument original des mœurs sim-
ples et innocentes qui régnaient pour lors.
L'Kglise chrétienne l'a reçu comme un livre
divin, sur la foi de la tradition constante des
Juifs, transmise par les apôtres, et leur té-
moignage n'a pas besoin d'un autre garant,
il n'est pas vrai que les mahométans re-
coururent aux allégories pour pillier les ab-
surdités et les turpitudes renfermées dans
l'alcoran ; ils font profession de les croire ù
la lettre , telles que leur prétendu prophète
les a écrites ; et quand ils voudraient user de
ce palliatif, ils ne viendraient jamais à bout
de leur donner la moindre apparence de bon
sens. Voy, Marracci , Prodromus ad refut.
Alcoi'cinni, et Mahométisjie.
ALLI:LU-1A ou ALLELU-lAH, deux mots
hébreux qui signifient, louez le Seigneur.
Saint Jérôme est le premier qui ait inlro-
ihnl le mol alléluia dans le service de l'E-
glise ; pendant longtemps ou ne l'employait
qu'une seule fois l'année dans l'Eglise la-
tine , savoir le jour de Pâques ; mais il était
plus en usage dans l'Eglise grecque , où on
le chantait dans la pompe funèbre des saints,
comme saint Jérôme le témoigne expressé-
ment en parlant de celle de sainte Fabiole :
celte coutume s'est conservée d.ins celte Egli-
se , où l'on chante même i'alleluia quelque-
fois pendant le carême.
Saint Grégoire le (îrand ordonna qu'on le
chanterait de même toute l'année dans l'E-
glise laline : ce qui donna lieu à quelques
personnes do lui reprocher qu'il était irop
attaché aux rites des Grecs, et qu'il intro-
duisait d;ins l'Eglise de Rome les cérémonies
de celle de Conslantinople ; mais il répondit
que lel avait été autrefois l'usage à lîome ,
même lorsque le pape Damase, qui mourut
en 384 , introduisit la coutume de chanter
Valleluia dans tous les offices de l'année. Ce
décret de saint Grégoire fut tellement reçu
dans toute l'Eglise d'Occident, qu'on y chan-
tait Valleluia, même dans l'olûce des morts ,
comme l'a remarqué Baronius dans la des-
cription qu'il fait de l'enterrement de sainte
Uadegonde. On voit encore dans la messe
mozarabi nue , attribuée à sainl Isidore de
Séville , et introït de la messe des défunts :
Jm es portio mea, Domine , alléluia , in terri
viventium, alléluia.
Dans la suite, l'Eglise romaine supprima
le chant de Valleluia dans l'office et dans la
messe des morts , aussi bien que depuis la
sepluagésime jusqu'au graduel' de la messe
du samedi saint, et elle y substitua ces jia-
roles , Laus tibi , Domine , Rex œlernœ glo-
riœ , comme on le pratique encore aujour-
d'hui. Le quatrième concile de Tolède, dans
le onzième de ses canons , en fit une loi ex-
151
ALL
ALL
15)
presse, qui a été adoptée par les autres Egli-
ses d'Occident.
Saint Augustin , dans son épftre 119 ad
Januar., remarque qu'on ne chantait allé-
luia que le jour de Pâques. Il n'a f.iit que
rapporter l'usage de son siècle. Dans la
messe niozarabique, on le cliantail après
l'Evangile, mais non pas en tout temps;
au lieu que dans les autres Eglises on le
chantait cinume on le fait encore, entre
l'Epître et l'Evangile, c'est-à-dire , au Gra-
duel. Sidoine Apollinaire remarquait que
les forçats ou rameurs chantaient à haute
voix Vnlleluiu, comme un signal pour s'exci-
ter et s'encourager à leurs manœuvres." •
C'était en effet la coutume dos premiers
chrétiens de sanctifier leur travail par
le chant des hymnes et des psaumes.
Biugham, Orig. Eccl., tom. VI, lib. xiv, cap."
11, Si.
ALLEMAGNE. C<lle partie de l'Europe,
à la prendre dans lonle l'étendue qu'on
lui donne aujourd'hui, n'a pas été con-
vertie à la foi chrélienne en même temps.
Saint Boniface, archevêque de Mayeme,
né en Angleterre, et religieux bénédictin,
est regardé comme l'apôtre de VAllemagne;
c'est par ses travaux, continués depuis l'an
715, jusqu'à sa mort, arrivée l'an 755, que
les Germains, voisins du Rhin, c'est-à-dire,
les habitants de la Thuringe, de la Hesse,
de la Frise et même de la Bavière , fu-
rent solidement convertis au christianisme,
et que les premiers évêcliés de cette partie
occidentale de l'Allemagne furent fondés :
son apostolat lut couronné par le martyre :
il fut massacré par les barbares avec cin-
q-uante-deux. de ses compagnons, soit mis-
sionnaires soit chrétiens ; leur sang fut
une semence qui produisit d'autres apôtres.
Les protestants mêmes n'ont pas osé con-
tester son zèle, ses travaux, son courage,
ses succès; mais, comme ce saint mission-
naire a prêché le christianisme catholique,
et non le protestantisme, il a bien fallu
en déprimer l'éclat et en empoisonner au
moins le motif. Boniface, dit Mosheim, ob-
tint, par SCS travaux et par ses pieux ex-
ploits , le titre honorable d'apôtre de la
Germanie ; et il le mérita certainement par
les services signalés qu'il rendit au chris-
tianisme ; mais cet émimnt prélat fut un
apôtre à la façon moderne; il s'écarta à
plusieurs égards de l'excellent modèle qu'il
avait dans la conduite et le ministère des
premiers et vrais apôtres. Indépendamment
de son zèlr pour la gloire et l'autorité du
pontife rimain, qui égalait, s'il ne surpassait
point, c lui qu'il avait pour le service du
Christ et pour la propagation de sa reli-
gion, on lui reproche plusieurs autres cho-
ses indignes d'un vrai ministre chrétien. En
combattant les superstitions païennes , il
n'employa pas toujours les armes dont les
anciens hérauts de l'Evangile se servirent
pour faire triompher la vérité, mais souvent
la viobnce et la terreur, quelquefois même
l'artifice et la fraude , potir multiplier le
nombre des chrétiens. J'ajouterai que ses
lettres annoncent un caractère impérieux et
arrogant, un esprit fourbe et trompeur, un
zèle excessif pour accroître les honneurs et
les prétentions de l'ordre sacerdotal, et une
profonde ignorance de plusieurs choses dont
la connaissance est absolument indispensable
à un apôtre , et surtout de celles qui ont
pour objet la vraie nature et le véritable
génie de la religion chrétienne {Hist. ecclés.,
viir siècle, i" part., c. 1 , § k). Instruits par
ce tableau , nos incrédules français n'ont
pas hésité de dire que les missionnnires
de VAllemagne prêchèrent le papisme et non
le christianisme ; qu'ils furent les émissai-
res, les satellites, les esclaves des papes,
plutôt que les envoyés de Jésus-Christ ;
d'où nous devons conclure que les barba-
res ne Orent pas si mal de les massacrer :
mais il ne nous parait pas fort difficile de les
justifier.
1" Il est absurde de vouloir que saint
Boniface ait prêché dans l'Allemagne un
autre christianisme, une autre religion que
celle dans laquelle il avait été élevé et
instruit, et de la vérité de laquelle il était
très-persuadé; qu'il ait établi'le prétendu
christianisme île Luther et de Calvin, huit
cents ans avant que celui-ci eût été forgé. Il
y a donc aussi du ridicule à trouver mauvais
qu'il ait cru fermement à l'autorité du pape,
et qu'il l'ait établie dans les églises d'Al-
lemagne, dès que c'était pour lors la foi et
la croyance universelle de tout l'Occident.
S'il avait fait autrement, c'est alors qu'il
faudrait l'accuser d'infidélité à son minis-
tère et de mauvaise foi. La seule preuve
que l'on allègue de l'excès de son zèle sur
ce point, c'est que, selon les auteurs de
l'Histoire iiltér. de la France, « saint Boni-
face, dans ses lettres, exprime son dévoue-
ment pour le saint -siège en des termes
qui ne sont pas assez proportionnés à la
dignité du caractère épiscupal. » Mais ces
termes n'étonnaient personne dans ce temps-
là, parce que l'autorité des papes était plus
grande au viir siècle qu'elle n'est aujour-
d'hui; et nous verrons au mot Pafe, que
cela était ainsi par nécessité et par le besoin
des circonstances.
2° C'est encore une absurdité de con-
clure de là que le zèle de saint Boniface était
plus grand pour l'autoriti' du pontife romaiu
que pour la gloire de Jésus-Christ et pour
la propagation de sa religion. Puisque ce
saint missionnaire croyait fermement que
l'autoriié du pape avait été établie par Jésus-
Chrisl lui-même, qu'elle était nécessaire
pour la propagation de la foi et pour main-
tenir l'unité de l'iiglise, que l'on ne pou-
vait pas être sincèrement soumis à Jesus-
Clirist sans obéir à son vicaire sur terre;
son zélé pour cette autorité était un vrai
zèle pour la gloire et pour le service de
Jcsus-Chrisl. Quand saint Boniface aurait
été dans l'erreur, ce qui n'est pas, elle lui
aurait été commune avec tout son siècle,
et sa conduite était parfaitement d'accord
avec sa croyance.
'•i° Quelle preuve peut-on donner, pool
153
ALL
ALL
IS4
faire voir qu'il a employé la violence et
la terreur pour subjuguer les païens et
faire triompher la vérité? Aucune; on nous
fait seulement remarquer qu'il fut secondé
par la puissante protection et encouragé
par les libéralités de Charles Martel, de
Carloman etde Pépin, sesenfants. Il en avait
besoin, sans doute, pour fonder des évècliés,
des monastères et des écoles ; mais ces prin-
ces le firent-ils escorter par des soldats, pour
imprimer la Itrreur aux barbares, et pour
les forcera se faire chrétiens? Il ne voulut
pas seulement que srs compagnons fissent
aucune résistance, lorsque les Frisons vin-
rent le massacrer; sa douceur, sa patience,
sa résignation à la mort, sont attestées par
ses lettres. Vies des Pères et des Martyrs,
lom. V, p. 133.
4° On ne donne point de preuves non plus
de son caractère fourbe et trompeur, des ar-
tifices et de la fraude qu'il employa pour
multiplier le nombre des chrétiens. Si par
fraudeshs piolestiints entendent les reliques,
les indulgences, le purgatoire, la confes-
sion, même les miracles, nous avouerons que
saint Boniface les mit en usage ; mais il faut
commencer par prouver que tout cela sont
des fraudes, et que saint Boniface lui-même
n'y avait aucune foi. Ces prétendues fraudes
sont un peu différentes des mensonges, des
impostures, des calomnies, dont les prédi-
cants du protestantisme se sont servis pour
l'établir.
5° Nous avons beau chercher dans les
lettres de ce saint évêque, ou ailleurs, des
vestiges du caractère impérieux et arrogant
qu'on lui attribue, nous n'y trouvons que
des témoignages du contraire. Mais il était
zélé pour l'honneur et les prétentions de
l'ordre sncerdotal ; assurément , et ce crime
lui est commun avec saint Paul, qui disait :
Tant r/ue je serai l'apôlrc des nations, j'hono-
rerai mon ministère. {Rom. xi, 13), et à Tite,
II, 15 : Que personne ne vous méprise. Saint
Boniface ne s'est pas attribué autant d'auto-
rité sur les églises qu'il avait fondées que
Luther et Calvin sur celles qu'ils avaient
perverties. Avant sa mort il se donna un
successeur sur le siège de Mayence, et lui
laissa le soin de gouverner cette église, pour
aller conliniior ses missions chez les idolâ-
tres ; il n'attribua aux évéques point d'autre
autorité que celle dont ils jouissaient dans
tout l'Occident.
6° Enfin, quand les missionnaires de l'Al-
lemagne auraient donné quelque sujet aux
préventions des protestants, ce qui n'est
point, ces derniers seraient encore injus-
tes, et pour ainsi dire barbares, de cher-
cher à ternir la gloire des ouvriers évan-
géliques qui ont instruit et civilisé leurs
ancêtres : sans leurs travaux, Luther aurait-
il établi dans ces contrées sa prétendue ré-
formation? Aucun des prédicants n'est allé
prêcher l'iîvangiie chez les barbares ; et
nous connaissons le succès qu'ont eu leurs
successeurs, quand ils ont voulu faire le per-
sonnage d'apôtres. Us ne savent que noir-
cir et calomnier comme leurs prédéces-
seurs.
Nous ne nous arrêtons point à relever le
ridicule de Brucktr, qui reproche à saiut
Boniface de n'avoir pas assez rendu de ser-
vices aux lettres et à la philosophie, en por-
tant le christianisme en Allemagne: il se
fâche contre les bénédictins, parce qu'ils
lui ont attribué de l'érudition et de la capa-
cité, et qu'ils l'ont loué d'avoir établi des
écoles dans les monastères de Fulde et de
Fritzlar. 11 en prend occasion de confirmer
ce que les auteurs protestants ont dit de
l'ignorance de ce missionnaire, et il en ap-
porte pour preuve, non-seulement ses let-
tres, mais ce que rapporte Avenlin, que co
fut saint Boniface qui dénonça au pap(> Za-
charie Virgile de Salzbourg comme héré-
' tique, pouf avoir avancé qu'il y a des anti-
podes. Nous ne pensons point que l'intention
des bénédictins ait été de persuader que
saint Boniface était un grand philosophe,
et qu'il établit en Allemagne des écoles de
philosophie pour des Germains qui ne sa-
vaient pas lire. Ce zélé missionnaire était
instruit autant que l'on pouvait l'être au
viii'' siècle; il avait fait les études que l'on
faisait pour lors, et il s'était attaché aux
sciences ecclésiastiques, les seules dont il
eût besoin pour prêcher l'Evangile. Il éta-
blit des écoles pour ces mêmes sciences, et
contribua, autant qu'il le put, à tirer les
peuples de l'Allemagne de l'ignorance gros-
sière dans laquelle ils étaient plongés. Que
devait-il faire de plus ? et n'est-ce pas là un
service réel rendu aux lettres?
Ne savons-nous pas ce que veut dire
Mosheim, lorsqu'il refuse à saint Boniface
la connaissance des choses qui ont pour ob-
jet la vr(ne nature et le véritable génie de
la religion chrétienne ? S'il entend par là
que ce missionnaire ne connaissait pas le
christianisme tel qu'il a plu aux proles-
tants de le forger, nous en sommes déjà
convenu ; il suffit, selon leur opinion, de
lire et d'étudier l'Ecriture sainte : or, saint
Boniface l'avait étudiée et la lisait cons-
tamment, il l'avait même enseignée aux au-
tres dans son monastère; mais il eut le
malheur de n'y pas voir, non plus que nous,
ce que les prolestants ont [irétendu y voir
huit cents ans après.
Quant à la prétendue hérésie touchant
les Antipodes, voyez ce mot. Mosheim et
les autres prolestants n'ont pas parlé d'une
manière plus équitable des missions
faites au ix* siècle chez les Saxons , par
ordre de Charlemagne. Voy. Missions.
ALLIANCE. Dans les saintes Ecritures,
on emploie souvent le mot teslamentum, et
en grec SiaQnx"- pour exprimer la valeur
du mot hébreu berith, qui signifie alliance :
d'où viennent les noms d'ancien et de Nou-
veau Testament, pour marquer l'ancienne
et la nouvelle alliance. La première alliance
de Dieu avec les hommes est celle (|u'il fit
avec Adam au moment de sa création, lors-
qu'il lui défendit l'usage du fruit de la science
du bien et du mal. Gen. ii, l(j. Cette défense
!55
ÀLL
est une espèce de contrat entre Dieu et
l'.homme; cesl ainsi qu'elle est appelée.
Êccli. XIV, 12.
La seconde alliance est cfillo que Dieu
a laite avec l'homme après son péché, en
lui promettant un rédempteur. En considé-
ration de cette promesse, Dieu n'a point
condamné Adam à la peine éternelle qu'il
méritait, mais seolcment à une peine tem-
porelle, au travail, aux souffrances, à la
mort. Si notre vie, dit saint Augusiin, est
souffrante et sujette à la mort, c'est un effet
de la colère de Dieu, et une punition du pre-
mier péché.... Mais Dieu ne nous a pas traités
comme nos péchés le méritaient ; il a eu pitié
de nous comme nn père a compassion de ses
enfants ; ce ijue ?iO!(s souffrons est un remède
et non une vengeance, c'est une correction ti
non une damnation, etc. Il a envoyé son
Fils, parce qu'il a eu pitié de nous ( Enarr.
inPs. cil, n. 17 et suiv.; Enchir. ad Laur.,
c. 27, n. 8). Voyez Adam.
Saint Paul a souvent relevé les avantages
de celte a//tojioe p.ir laquelle le second AiJjim,
qui est Jésus-Christ, a pleinement réparé le
préjudice «lue le premier homme avait porté
à sa postérité. De même que tous meurent en
Adam, ainsi tous seront vivifiés par Jésus-
Cltrist [J Cor. xv,22). De même que par ta
désobéissance d'un seul, la multitude des hom-
tnes sont devenus pécheurs, ainsi par l'obéis-
sance d'un seul, la multitude des hommes de-
viendront justes [Rom. v, 12, 19j. Par sa.
mort, Jésus-Christ a détruit celui qui avait
l'empire de la mort, c'est-à-dire le démon
{ilebr. 11, 14-). Voy. Rédemption.
Une troisième alliance {tsl celle que le Sei-
gneur fil avec Noé , lorsqu'il lui dit de bâtir
une arche ou un grand vaisseau pour y sau-
ver les animajux de la terre, et pour \ retirer
avec lui un certain nombre d'hommes, alin
que par leur moyen il pût repeupler la terre
après le déluge. Gènes. \i, 18.
Celte alliance fut renouvelée cent vingt-un
ans après, l()rs()ue Us eaux du déluge s'étant
retirées, et Noé étant sorti de l'arche avec sa
femme et ses enfanis, Dieu lui dit : Je vais
faire ALU\^cE avec vous et avec vos enfants
après vous, et avec tous les animaux qui sont
sortis de l'arche; en sorte que je ne ferai plus
l)érir toute chair par lei eaux du déluge;
et l'arc-en-ciel qui' je mettrai dans les nues
sera le gage de rALLiANCE que je ferai aujour-
d'hui avec vous [Gen. ix, 8, !), 10 et 11).
Toutes ces alliances ont été générales en-
tre Adam et Noé et toute leur postérit • ; mais
celle que Dieu fit dans la suite avec Abra-
ham lui plus limitée; elle ne regardait que
ce pairiarciic et la race qui devait naître de
lui p.ir Isaac. Les autres descendants d'A-
I ruban) par Ismaël et par les enl'anls de Cé-
thura n'y devaient point avoir de pari. La
marque ou le sceau de cette alliance fut la
circoncision, que tous les mâles de la famille
d'Abraliam devaient recevoir le huitième
jour après leur naissance. F^es effets v.l les
suites de ce pacte sont sensibles dans toute
l'hisloirede l'vVncien Testament; la venue du
Messie en est la cousuuiinalion et la fin.
ALL 'J.l
L'alliance de Dieu avec Adam forme ce que
nous appelons la loi de nature ; l'alliance
avec Abraham, expliquée dans la loi de
Moïse, forme la loi de rigueur; Valliance de
Dieu avec tous les hommes, par la médiation
d» Jésus-Christ, failla loi de grâce. Gen. su,
1, 2; et xvii, 10, 11, 12.
Dans le discours ordinaire, nous ne par-
lons guère que de l'ancien et du nouveau
Testament, de Valliance du Seigneur avec
la race d'Abraham, et. de celle qu'il a faite
avec tous les hommes par Jésus-Christ;
parce que ces deux alliances contiennent
éminemment toutes les autres qui en sont
des suites, des émanations et des explica-
tions ; par exemple, lorsque Dieu renouvelle
ses promesses à Isaac et à Jacob, et qu'il
fait a/;/ance àSinaï avec les Israélites ■îlîeur
donne sa loi; lorsque Moïse, peu de temps
avant sa mort , renouville l'a/Ziance que lo
Seigneur a faite avec son peuple, et qu'il
rappelle devant leurs yeux tous les prodiges
qu'il a faits en leur faveur, lorsque Josué, se
.sentant près de sa fin, jure avec les anciens
du peuple une fidélité inviolable au Uiea de
leurs pères : tout cela n'est qu'une suite de
là première alliance faite avec Abraham.
Josias, Esiiras , Néhéniie , renouvelèrent de
même en différents temps leurs engagements
et leur alliance avec l(! Seigneur ; mais ce
n'est qu'un renouvellement de ferveur et une
promesse d'une ûdélilé nouvelle à observer
des lois données à leurs pères. Exod.xi,
24; VI, 47; XIX, 5. Deut. xxix. Jos. xxiii ,
23. y r Reg. u, 18. Paralip. ii, 22.
La plus grande, la plus solennelle, la plus
excellente et la plus parfaite de toutes les
alliances de Dieu avec les hommes est celle
qu'il a faite avec nous par la médiation de
Jésus-Christ : alliance éternelle ([ui doit sub-
sister jusqu'à la fin des siècles, dont le Fils
de Dieu est le garant, qui est cimentée et af-
fermie par son s.ing , qui a pour fin et pour
objet la vie éternelle, dont le sacerdoce, le
sacrifice et les lois sont infiniment plus par-
faites que celles de l'Ancien Testament. Voy.
saint l'aul, dans ses EpUres aux Galates et
aux Hébreux.
Vainement les Juifs soutiennent que Dieu
n'a pas pu établir une nouvelle alliance,
après leur avoir ordonné d'observer celle de
iMoïse à perpétuité. On leur prouve le con-
traire. 1° parce que Dieu l'a ainsi déclaré,
Jerem xxxi, 31 et suiv.; et c'est l'argument
que leur fait saint Paul, llebr. viu, 8. 2" Ils
conviennent eux-mêmes que, selon les pro-
phètes, le Messie doit être législateur aussi
bien que Moïse, Deut. xvni, la ; Isa. XLii, 4;
Muniinen fiilei , i" part., c. 20. Cette fonc-
tion serait superflue, s'il ne devait point éta-
blir de nouvelles lois. .> Dieu a rejeté les an-
ciens sacrifices et promis un nouveau sacer-
doce. Ps. xLix, 7. Isa. !, 113 et suiv.; lxvi,2.
Jerem. vu, 21. Ezech. xx, 5 et suiv. Mich. \ i,
(). Malacli, I, 10. (j'est encore un argunieiu
de sain! l'aul, llebr. vu, 12; vin, 8. 4" L'an-
cienne alliance mettait un mur de séparation
entre les Juifs et les autres nations; la loi
de .Moïse n'était praticable (ino dans la Ju-
.57
AI.P
AMR
158
dée ; sous le Messie, au contraire, toutes les
li.ilions iloivent se réunir et devenir le peu-
ple du Seigneur; les Juifs en conviennent :
donc il faut une loi nouvelle qui soit pratica-
ble dans toutes les parties du momie. 5' Dieu
a rendu la loi de Moïse impraticable aux
Juifs mêmes par leur dispersion, par la des-
truction du temple, par la confusion des gé-
néalogies, par l'incompatibilité de leurs lois
avec le droit public de toutes les nations :
donc Dieu en a clabli une nouvelle par le
Messie : ello subsiste depuis près de dix-huit
cenis ans. Voyez Pliilippi à Liinborch, Arnica
colliit. cum erudiio Jiidœo, etc.
ALOtilîS ou ALOGiENS, sec(e d'anciens
liérctiques, dont le nom est formé d'à privai it, et
dc>i,of, /)(iro/e ou «;pr6e, comme qui dirait saws
verbe; parce qu'ils i\iaientqneJésus-(^firistfût
le Verbe éternel. Us rejetaient l'Evangile de
saint Jean comme un ouvrage apocryphe,
écrit par Gérinthe; quoitiuo cet apôlre ne
l'eût écrit que pour confondre cet hérétique,
qui niait aussi la divinité de Jésus-Christ.
Quelques auteurs rapportent l'origine de
cette secte à Théodote de Byzance, torroyeur
de son métier, et cependant homme éclairé,
qui, ayant apostasie pendant la persécution
de Sévère, répondit à ceux qui lui repro-
chaient ce crime, que ce n'était qu'un
homme qn'il avait renié, et non un Dieu :
et que de là ses disciples, qui niaient l'exis-
tence du N'erbe, prirent le nom d'aXoyot : Ils
disent, ajoute M. Fleury, que tnns les anciens,
et même les apôtres, avaient reçu et enseigné
cette doctrine, et quelle s'était conservée jus-
qu'au temps de Victor, qui était le. treizième
évêijue de Home depuis saint Pierre; mais
que Zéphirin, son successeur, avait corrompu
la vérité. Mais on leur opposait les écrits de
saint Justin, de Miltiade, de ialien, do (Cé-
ment, d'Irénée, de Méliton et d'autres an-
ciens , qui disaient que Jésus-Christ était
Dieu et liommc; Victor avait excommunié
Tliéodole ; comment l'eût-t-il excommunié
s'ils eussent été du même sentiment? Ilist.
eccl., t. I, liv. IV, n° 33.
D'autres avancent qui" ce fut saint Epi-
pliaiiequi, dans sa liste des hérésies, leur
donna ce noai ; mais d';iulres Pères et |grand
nombre d'autres ecclésiastiques parlent des
aloqiens, comme sectateurs de 'l'héodote de
Byzance. Voyez Tertul., livre des i'rescr.,
chap. dernier ; saint August., de Ihvr., cap.
33 ; Eusèbe, liv. v, chap. 19; lîaronius, «rf
ann. 196 ; Tillemont, du Pin, Bibliotli. des au-
tettrs ecclés., premier siècle.
ALPHA et OMÉtiA , A et n, première et
dernière lettres de l'alphabet grec. Jésus-Christ
dit dans l'Apocalypse : Je suis I'alpha et
l'oMÉGA, le commencement et la fin. C. i, v. 8 ;
c. xsi, V. 6; e. xxii, v. 13. Il est en elïct lo
Vei be divin qui a créé toutes choses ; il en
est la dernière fln, puisque c'est en lui seul
et par lui que nous pouvons trouver le sou-
verain lionlienr. \oy. Coloss. i, loetsuiv.
ALPHABET grec et latin, caractères ou
lettres à l'usage des Grecs et des Latins, que,
dans la consécration d'une église, le prélat
consécraleur trace avec son doigt sur la cen-
dre dont on a couvert le pavé de la nouvelle
église.
Celle cérémonie nous donne à entendre
que l'Eglise est la vraie mère des Odèles;
qu'elle leur donne les éléments de la vraie
science, de la science du salut, et qu'elle réu-
nit tous les peuples.
AMALf;ClTES. Voy. Agag.
AMAURl, théologien de Paris, parut au
commencement du xiii" siècle. 11 enseigna
que Dieu était la matière première ; que la
loi de Jésus-Christ devait finir l'an 1200, et
faire place ;i la loi du Saint-Esprit, qui sanc-
tifierait les hommes sans sacrements et sans
aucun acte extérieur; que les péchés commis
par charité étaient innocents. 11 niait la ré-
surrection des morts et l'enfer, rejetait le
culte des saints, déclamait contre le pape,
etc. !1 eut des sectateurs opiniâtres. On par-
donna aux femmes ; mais dix de leurs sé-
ducteurs subirent le dernier supplice l'an
1210. Le concile de Latran, tenu en 1215,
confirma la condamnation de leur doctrine.
Amauri eut pour successeur David de Dinant,
qui prêcha la même doctrine, flist. de l'EgL
gallic, liv. xxx , an. 1210-1212.
AMBITION, désir excessif des honneurs.
Plusieurs philosophes de notre siècle ont fait
l'apologie de l'ambition, parce que l'Evangile
la réprouve et commande l'humilité. Ils di-
sent qu'un homme est louable lorsqu'il re-
cherche les dignités et les places importan-
tes, dans le dessein de se rendre utile à ses
semblables. Cela serait fort bien, si c'était là
le motif des ambitieux; mais on sait trop
par expérience que leur intention est de jouir
des privilèges attachés aux grandes places,
sans se mettre beaucoup en peine d'eu rem-
(ilir les devoirs, et que les sujets les plus
ine()tes sont ordinairement les plus avides et
les plus empressés de parvenir. N'imitez
point, dit Jésus-Christ, ceux qui recherchent
les premières places, les respects et les hom-
mages des hommes. Il reproche ce vice aux
pharisiens, et tâche d'en préserver ses disci-
ples. Matth. xxiii, 6. Cette morale sera tou-
jours plus sage que celle des philosophes.
Avec des palliatifs, il n'est point de passion
que l'on ne vienne à bout de justifier.
A.MBROISE (S.), docteur de l'Eglise et ar-
chevêque de Milan, mort l'an 397. La meil-
leure édition de ses ouvrages est celle des
bénédictins, en deux volumes in-folio. Le fait
le plus honorable à sam« .4Hi?/roise est d'avoir
eu saint Augustin pour disciple. On peut voir
SOS autres actions dans le Dictionnaire his-
torique ; nous nous boruons à examiner les
accusations formées contre sa doctrine. On
lui reproche d'avoir poussé trop loin l'éten-
due de la patience chrétienne, le mérite de la
virginité et du célibat; d'avoir dit qu'avant
Moïse il n'y avait point de loi qui défendît
l'adultère; d'avoir voulu justifier, dans les
saints personnages dont parle l'Ecriture,
des actions qui ne doivent être ni louées, ni
excusées.
Ces reproches empruntés de Daillé et do
Barbeyrac, deux protestants, ne valaient pas
la peine d'être répétés par les incrédules.
159
ÀM6
AMB
160
Les premiers chrétiens ont poussé la patience
jusqu'à rhéroïsnie: il le fallait, afin de con-
vaincre les persécuteurs de l'inutilité des sup-
plices pour exterminer le christianisme, et
de montrer auv pjiïens la supériorité des
maximes de l'Evangile sur la morale de leurs
philosophes. Aujourd'hui des censeurs témé-
raires osent soutenir que cette patience n'a
pas été poussée assez loin.
Dans les articles Célibat et Virginité,
nous ferons voir que les Pères n'ont rien dit
de plus que saint Paul; que cette doctrine
est sage et irrépréhensible; qu'il n'est pas
vrai qu'elle déroge à la sainteté du mariage,
ni qu'elle soit nuisible au bien de la so-
ciété.
Saint Amhroise a eu raison d'avancer qu'a-
vant Moïse il n'y avait point de loi pos(/ù'e
qui défendit l'.idiiltère; mais il n'a pas pré-
tendu qu'il fût permis paP la loi naturelle.
Le commerce d'.Vbraham avec Âgar n'était
ni un adultère ni un concubinage, mais une
polygamie; et alors elle n'était point réprou-
vée par le droit naturel, Voy. Polygamie.
C'est donc très-improprement que saint
Ambroise nomme adultère ce second mariage
d'Abraham ; mais il n'a pas tort de prétendre
qu'en cela ce patriarche n'a point péché. 11
est évident, par ce qu'il dit de Pharaon, A'A-
braftam, liv. ii, c. 2, qu'il n'a j.imais pensé
que l'adultère proprement dit pût être per-
mis; et, quoi qu'en dise Barbeyrac, ce n'est
point là une contradiction. Traité de la Mo-
rale des Pères, c. 13, § 12.
Quant aux autres actions des patriarches
que les Pères de l'Eglise ont excusées, voy.
Patriarche, Abraham, etc.
D'autres critiques ont accusé saint Am-
broise d'avoir enseigné que l'âme humaine
est moti'rielle, parce qu'il dit qu'il n'y a
rien d'exempt de composition matérielle que
là substance de la Trinité, qui r^t d'une na-
ture simple et sans mélange. De Abraham,
liv. II, c. 8, n. 58. Mais , dans cet endroit
même, il dit que l'âme humaine est indivisi-
ble et unie à la sainte Trinité, qui est simple.
D'ailleurs il professe formellement l'imma-
térialité et l'immortalité de l'âme dans plu-
sieurs autres ouvrages. In psalm. cxviii,
serm. 10, n. 15, 16, 18; Hexam., liv. vi, c. 7,
n. 10, etc.
Le Clerc, dans ses notes sur les Confes-
sions de saint Augustin, prétend que l'inven-
tion des reliques do saint Gcrvais et de saint
Protais fut une fraude pieuse de suint Am-
broise, qui se servit de cet ex[)édient pour
augmenter son autorité, pour réprimer les
ariens, pour en imposer à l'impératrice .lus-
tine qui les favorisait. Il prouve ce soupçon,
1° parce que saint Augustin riipporle iiue
saint Ambroise fut instruit par une vision ou
une révélation du lieu où étaient ces reli-
ques, au lieu que saint Ambroise ne parle
point de celle vision en racontant cet évé-
nement. Episl. 22, lib. i. 2 Saint Ambroise
dit : Nous trouvâmes deux corps d'une gran-
deur étonnante, tels qu'ils étaient dans les
anciens temps. '\^-ut-il parler dos temps hé-
roïques, ou veut-il faire entendre que les
martyrs devenaient plus grands que les au-
tres hommes? 3° Il rapporte que les possé-
dés, ou plutôt les démons tourmentés par ces
reliques, ronfondirent les ariens. k° En ef-
fet, cet événement servit à humilier et à con-
tenir ces hérétiques. Ce fut donc un strata-
gème imaginé à propos. Le Clerc pense qu'il
en est de même de toutes les autres inven-
tions de même espèce.
Sont-ce donc là des preuves assez fortes
pour accuser de fourberie un personnage
aussi respectable que saint Ambroise? S'il
avait parlé de la révélation qu'il avait eue,
Le Clerc lui aurait reproché de l'avoir forgée
par orgueil. Ce n'est pas un prodige que deux
martyrs aient été de haute stature, tels que
les poètes nous peignent les hommes des
temps héroïques ; il n'y a rien de ridicule
dans celle remarque de saint Ambroise. 11 se
fit d'autres miracles à cette occasion que des
guérisons de possédés. Saint Augustin ra-
conte qu'un aveugle recouvra la vue, et il
paraît l'attester comme témoin oculaire.
Pour commettre une fraude, il aurait fallu
avoir un trop grand nombre de complices,
les fossoyeurs et les témoins, les miraculés,
tout le clergé de Milan, et même tous les ca-
tholiques environnes des ariens ; croirons-
nous qu'aucun de ces derniers ne fut témoin
des faits? Saint Ambroise se serait exposé à
la dérision des hérétiques, au discrédit de la
foi catholique, au ressentiment de l'impéra-
trice Justine ; il n'était pas assez imprudent
pour courir un aussi grand danger. Etait-il
indigne de Dieu de confirmer par des mira-
cles la foi à la divinité du Verbe, et le culte
des reliques contre lequel Vigilance s'éleva
pendant ce temps-là? Mais Le Clerc, qui ne
croyait ni l'un ni l'autre de ces dogmes, aime
mieux accuser toute l'Eglise catholique de
fourberie, que de démordre de ses opinions.
Par un effet du même entêtement, il a repro-
ché à saint Augustin d'avoir feint les pré-
tendus miracles opérés par les reliques de
saint Etienne, et d'avoir aposté les mira-
culés.
AMBROSIEN (rite ou office). Manière par-
ticulière de faire l'office dans l'Eglise de Mi-
lan, qu'on appelle aussi quelquefois l'Eglise
Ambrosienne. Ce nom vient de saint Am-
broise, docteur de l'Eglise et évé<iue de Mi-
lan, dans le iv siècle. Walafrid Strabon a
prétendu que saint Ambroise était véritable-
ment l'auteur de l'office que l'on nomme en-
core aujourd'hui ambrosicn, et qu'il le dis-
posa d'une manière particulière, tant pour
son église cathédrale (lue pour toutes les au-
tres (le son diocèse. Cependant quelques-uns
pensent que l'Eglise de Milan avait uii nffice
diflércnt de celui de Kome, qnel({ue temps
avant ce saint prélat. En effet, jusqu'au
temps de Charlemagne, les églises avaient
chacune leur office propre; dans Rome
même il y avait une grande diversité d'offi-
ces ; et si l'on en croit Abailard, la seule
église de Latran conservait en son entier
l'ancien office romain : et lorsque, dans la
suite, les papes voulurent faire adopter
celui - ci à toutes les Eglises d'Occident^
4C1 AMB
afin d'y établir une uniformité de rite, l'E-
glise de Milan se servit du nom du grand
Ambroise et de l'opinion où l'on était qu'il
avait composé ou iravaillé cet office, pour
être dispensée de l'al)andonner ; ce qui l'a fait
notiiniei' rite ambrusien, par opposition au
rite romain. La liturgie ainbrosienne a été
publiéi" par Pamelius, en 15G0 : Le Père Le
Brun l'a tirée de divers missels anciens, im-
primés on manuscrits ; il note exactement en
quoi elle était difi'érente de celle de Home, ce
que saint Ambroise y avait ajouté, et ce qui
existait avant lui. Il rapporte les tentatives
qui ont été faites, soit par le pape Adrien 1"
sous Charlemagne, soit par les successeurs
de ce pontife dans les siècles suivants, pour
introduire dans l'Eglise de Milan la liturgie
romaine et le rite grégorien, et la résistance
constante du clergé de Milan. Saint Charles
lui-même fut très-zélé pour la conservation
du rite umhrosien ; el ce rite subsiste encore
dans la cathédrale et dans la plupart des
églises du diocèse de Milan. Explication
des Cérémonies de la messe, lom. 111, pag.
175.
Ambrosien (chant). Il est parlé dans les
rubricaires du chant ambrosien, aussi usité
dans l'Eulise de Milan et dans quelques au-
tres, et qu'on distinguait du chant romain en
ce qu'il était plus fort el plus élevé ; au lieu
que le romain était plus doux et plus harmo-
nieux. Voy- CuANT et Grégorien. Saint Au-
gustin altirihue à saint Ambroise d'avoir in-
troduit en Occident le chant des psaumes, à
l'imitation des Eglises orientales ; el il est très-
probable qu'il en composa ou en revit la
psalmodie. August., Confcss., I. i\, cap. 7.
AMBUOSIENS ou PNEUMATIQUES, nom
ijue quelques-uns ont donné à des anabap-
tistes disciples d'un certain Ambroise, qui
Tànlait ses prétendues révélations divines ,
en comparaison desquelles il méprisait les
livres sacrés de l'Ecriture. Gauthier, Z>e7/œr.,
au xvi' siècle.
AME, substance spirituelle, qui pense el
qui est le principe delà vie dans l'homme (1).
[Il est de foi que l'âme de l'homme est un pur
esprit (Ln/er.iv) ; immortelle {Later. \);uni'
que {Constant, iv); libre [Trident., sess. G,
can. il); qu'elle n'exiite pas avant le corps
qu'elle doil habiter [Constant, ii)]. C'est aux
pliilosopiies d'exposer les preuves de la spi-
ritualité et de l'immortalité de l'dme hu-
maine, que la lumière naturelle peut four-
nir ; le devoir des théologiens est de faire
voir que ces deux dogmes essentiels ont été
révélés aux hommes dès le commencement
du monde; que Dieu n'a pas attendu les spé-
culations de la philosophie, pour leur en-
seigner ces deux importantes vérités ; que
les philosophes mêmes n'ont jamais pu les
démonlrer invinciblement, faute d'avoir été
éclairés par la révélation. Nous ajoule-
l'I) M. l'abbé Cliarvoz el les partisans de l'Œuvre
de la Miséricorde prëiendent qu'il y a en nous deux
subsiaiices spirituelles , l'une que nnus noninions
&nie, duni nuus parlons ici, et l'auire qui esl un ange
décliu. Nous réfuions cette dernière opinion au mol
A^GE.
AMB
m
rons quelques réflexions touchant l'origiiio
de l'âme.
i. Delà spiritualité de l'âme (1). La première
vérité que nous enseigne l'histoire sainte, est
(I) Avant de suivre Bergier dans l'exposition des
preuves tirées de l'Ecriture sainte en faveur de la
spiritualité de l'âme, nous devons donner celles qui
sont puisées dans la raison.
Il faut d'abord couimenccr par apprécier l'argu-
nienl apporté communément par les lliéulogiens cl
les pbilosophes en laveur de la spirimalilc de l'àme.
Voici la substance de l'argument qui a été développé
longuement par le cardinal de la Luzerne, Disseria-
lion sur la spirilualiié de l'âme, el qui a élé reproduit
depuis dans presque tous les traités classiques de
pliilosopliie , cl notamment dans les Instiluliunés
philosopliicv de Mgr Bouvier, évoque du M:ins, les-
quelles soûl euseii;nées dans beaucoup de séminai-
res.* L'àme humaine esl simple, dit-on (Instil. pliilos.,
l. Il, p. «il, édit. 1837) , si la pensée ne peut avoir
pour siège tin sujel composé : or, la pensée ne i>cul
résider dans nu sujet coniposé; car alors ou toute la
pensée serait en niêine temps dans chaque partie du
sujet; ou luie partie de la pensée serait dans une
fraction du sujet, et une aune partie dans une autre
frai lion ; ou enfin louie la pensée serait concentrée
dans une seule partie : or, on ne peut soutenir au-
cune de ces trois hypothèses. Dans la première, la
pensée ne serait plus une , mais multiple; dans la
seconde , il faudr.iil soutenir que l.i pensée a plu-
sieurs parties el qu'aucune d'elles n'a la conscience
de toute la pensée; dans la troisième liypolhése, si
l'on suppose , pour ne pas retomber dans les deux
autres, que la paiiie matérielle dont on fait le sujel
de la pensée, soit simple ou indivisible, la contro-
verse, dit-uii, ne roule plus que stir des mots : C«ii-
sani obtineiuus, dit Mgr Bouvier (op. cit., p. 323);
car alors les maiénalisics regardent comme nialière
ce qui est réputé esprit. Donc, conclut-on avec une
absolue conliance, l'âme humaine esl simple.»
En résumé, d.ins rargumentatioii qui préièile, et
que nous avons traduite avec (idélilé , on n'exige
dans le sujet de la pensée (|ue la qualité de simple ou
d'indivisible ; parce que l'un suppose fort graïuile-
nieni que tout ce qui est matière est iiidéliidment
divisible. Ainsi, en dernière analyse, la déinonstra-
tiou que l'on prétend ibiiiner de la spiritualité de
l'âme , au moyen de l'argumeni ci-dessus rap-
porté , ne repose que sur le système de la di-
visibilité de la matière à l'infini, réprouvé par la
scienee moderne. M. Pouillel (député), professeur
de physique à la Faculté des Sciences de Paris, el
membre de l'Académie des Sciences, dit, dans l'in-
irodueiiun qui précède ses savants Eléments de phy-
sique expérimetilate (t. I, p. ;>, édit. I8li) , que la
théorie des éléments simples de la matière esl au-
jourd'hui exclusivement adoptée. M. Dumas en dit
aulaiit dans son Traité de chimie, et lait voir que
les combinaisons chimiques qui n'ont jamais lieui|ue
selon des proportions Iden définies , insinuent sulïi-
samment que tous les corps sonl composés d'élé-
ments simples ou d'atomes indivisibles.
Ce n'est pas il'hier (pie la théorie des éléments
simples est iionginée. Zenon trouva ses points maté-
riels indivisibles dans le v^ siècle avant notre ère.
Ocellus Lucanus et Démocrite soutinrent à peu près
la même ducirine, qui a élé renouvelée par Gas-
sendi. Leibniiz, pour'rendre raison de la comiiosi-
tion des corps , a supposé qu'ils étaient formés de
monades , ou éléments niaiériels simples et ^acis
étendue. On a olijecté avec raison contre ces systè-
mes que des élémenis inélendus, ou, comme on l'a
dit , des zéros d'étendue , ne sauraient constituer
des corps étendus. Le maihéuialicien Buscowikh ,
pour éluder celte diliiculié , tout en supposant i:iù-
teiidus les éléments de la matière, a préieudu qu'ils
163
AME
que Dieu est Ciéaieur, qu'il .1 loni fait par
sa parole ou par un simple acie de sa volon-
té , doue il est pur esprii. Au mol Création,
uous ferons voir que cette conséquence est
pouvaient néanmoins fornter des corps étendus. Il
s'est fondé sur ce que les atomes, en vertu de leurs
atiraclionset de leurs répulsions, s"éiablissaient dans
un état d'é(]uilil]re sans arriver jamais au coiiiact ,
et occupaieui ainsi une ciendue déterminée dans l'es-
pace. Lavoisier démontrait , à peu près à la même
époipie, qu'il n'y a dans In nature aucun contact par-
lait, par la considération qu'il n'y a pas de froid
absolu, et que p:ir conséquent la chaleur, qui est une
lorce centrifuge , lient les molécules matérielles à
une distance quelconque les unes des autres. Mais il
restait toujours une dilliculté dans le système de
lioscowikh, celle de s-avoir comment les éléments
inéiendus peuvent tojnher sous les sens. Déjà, ce-
[lendant, dans ce système il était facile de résoudre
ks objections que des esprits subtils (Voy. Logique
de Porl-lioijal, Follet, Séguy, Gérard, etc.) avaient
prétendu lirer de la géométrie contre la théorie des
éléments simples. 11 sullit, en elTet, pour y répondre,
de suppo-er (pie les parues maiériclbis ne sont point
coniigués, ce qui est conlorme à la vérité. D'ailleurs,
nous aurons occasion par la suite de démontrer que
les maihémaiiciens, avec tous leurs inlinis, ne font
que jouer sur les mots. J'ai été surpris, en 1854 ,
de retrouver de telles snbtililés dans les Annales de
philosophie chrétienne {i.y\l\, p. 172) ; mais heureu-
sement, l'auteur de l'article où elles sont rejjroduites,
commence p;ir avertir qu'il supposera les inolécuies
immédiatement voisines les unes dcsautres (p. iS4).
Quant aux lignesque l'on suppose pouvoir se rappro-
cher sans jamais se rencontrer, elles piouveraieni
tout au plus, comme les antres fiiis du même génie,
que l'étendue et non la matière est iudéQnie et di-
visible. Encore faudrait-il , pour être en droit de
l'allirmer, que l'étendue pùi être mesurée, ou seu-
lement fût appréciable sur les corps, ce ()ui n'c^t as-
surément pas. Celle infinie divisibilité , avec toutes
ses piétendiies démonstrations maihéniatiques, n'a,
comme l'a judicieusement fait remarquer Kani, d'uu-
Ire fondement (pie l'imagination, et encore l'imagi-
nation se représentant un espace limité par des corps.
Mais (pioicpi'un puisse sans grand effort résoudre
toutes tes objections tirées des inaihémaiiipies dans
le sysiéme de Boscowikh sur les éléments de la ma-
tière, nous avons vu qu'il leslait encore une grave
difiicullé, celle de savoir conimenl les éléments iii-
étendus peuvent tomber sous les sens. i^lM. LSiut et
Ampère , membres de l'académie des Sciences , iiui
ont été des premiers dans notre siècle à revenir à
la théorie des éléments indivisibles de la matière,
ont\aiiicH la dilliculté eu rcconn.iiss.inl de l'étendue
sur (les points ëlémcniaircs ou atomes. Selon M. Biol
{Traita de pliyaique, t. IV) , une foule d'expéric^nces
lions ont muiitré ([u'aucnn corps n'est un assemblage
continu de matière, nuis (pi'ils sont tous composés
de particules malérielles placées à distance ei main-
lennes dans cet état par les forces opposées de l'al-
Iractiou et de la chaleur. 11 suppose ensuite que ,
tJans les corps les plus denses, la capacité des inter-
stices pourrait bien surpasser plusieurs milliers de
fois le volume des particules niaicriclles ; que les
dernières particules élémentaires et impénétrables
qui ciinstituenl les principes des corps soient réu-
nies eu groupes , deux à deux, trois à trois, etc.
Ainsi, il est clair que te célèbre physicien astronome
admet que les corps ont pour principes constitutifs
des éléments impénétrables, c'est-à-dire indivisibles
et étendus tout à la fois. Feu M. Anipèiu {AïiiiaU's
Ue chimie , avril 1K14) enseigne la même doctrine,
et la (Iniinc comme étant celle des physiciens mo-
derics. C'est ainsi (|ue nous concevuns nous-mèiuus,
ÂME 164
incontestable. Or, cette même histoire nous
apprend que Dieu a fait l'Iiomme d son iniag-c
et à sa ressemblance. Gen. 1, -IG et 27; ix, 0.
Donc l'homme n'est pas seulement un corps j
depuis dix-huit ans, la théorie des éléments indivi-
sibles de la matière. Nous ne nous arrêterons pas à
montrer les difficultés que renfermait le système d6
la divisibilité de la matière à l'infini, lequel n'avait
de fondement que dans l'imagination. La matière
étani une substance essentiellement passive, est di-
visible par Une puissance active à un degré inassi-
gnable ; mais comme elle ne pouvait offrir aucune
résistance sans cesser d'être positive, et que l'ima-
gination concevait toujours dans le plus petit atome
un dessus et un dessous , on a conclu qu'elle était
divisible indéfiniment. «On a ainsi , dit M. Bûchez
{Essni d'un traité complet de philosophie , t. III , p.
145), transporté à la matière, comme propriété, ce
qui était possible de la part d'une activité spirituelle,
llne matière inliniinent divisible , dil-il quebpics
pages plus loin (page 154), ei une matière dont les
parties ont les propriétés particulières, paraissent...
deux afiirmations conira<licioires, où la seconde nie
la première. Nous en convenons , la coniradiction
existe 11 est impossible, ajoute le même auteur (p.
213) , de faire concorder avec la divisibilité à l'inlini
l'existence de propriétés positives ei diverses, telles
que celles remarquées par les corps simples occu-
pant d'une manière fixe des points diliéienis de la
matière. Ainsi, contiiine-iil (p. il5), le corps simple
ou élémentaire ilcs chimistes n'est autre clioe, selun
nous, (pi'un atome éienilu et indivisible, dont le
volmiie, la forme et les propriétés sont fixes. 11 en
donne pour preuve l'élude expérimentale de ce ()ui
se passe dans les combinaisons et décompositions
chimiques; il cite, par exemple, la formule de l'eau,
dont la conclusion logique.... est que la réduction
délinitive ne peut aller au delà de deux 11 (deu.x
aïoiiies ou é(iuiv:ilenls d'hydrogène ) et un 0 ( un
atome d'oxygène) dans la formation du composé E
(eau), c'est-à-dire au delà de trois atomes ou molé-
cules constituantes, dont deux sont représentatives
des propriétés 11 et une des propriétés O. De ce rai-
sonnement, poursuit-il , qui est a|»plicablc à tous les
corps chimiques , il résulte qu'il y a des atomes ou
molécules élémentaires.... Les atomes-(p. 217) sont
indivisibles , indcsiruciibles les uns pour les autres.
Qui croirait , après avoir lu les passages qui précè-
dent, (|ue ce savant auteur se déclare formellemeni, '
dans le même volume, partisan de la divisibilité de la
matière à l inliniV Mais il aiiribue les propriétés lixes
des élénienis matériels ù une force spéciale qu'il
nomme sérielle, laquelle force sérielle (p. 2 17) engen-
dre et cmiscrvc diverses espècesdc germes minéraux,
c'eji-àdire diverses espèces d'atomes élémentaires
ou de moiécules constituâmes, comme elle cngendic
et ciinserve diver.^es espèces de végétaux et d'ani-
maux.>Uii Voit, d'après cette explication, que le sen-
timent de M. liuchez ne diilcrc (lu ii()tre que dans les
mois. En cfl'el, une des raisons qui nous pnrteni à
admettre l'indivisibillic de:> éléments cnnslitulifs de
la matière , c'est que si la division les alleignail ,
elle (létrnirait en eux les centres d'action , elle anéan-
tirait toutes les I ropriélés physiques et chimi(|ucs,
enhii elle ferait (|ue tous les corps ne seraient plus
eux-mêmes. Mais nous voyons que la matière orga-
nique se résout constamment en les mêmes corps
simples ayant invariablement les mêmes propriété^;
que le-, cnrps cristallisahles, à quelque état de divi-
sion qu'on les ait soumis, all'ectent, en se solidiflani,
des furiiies toujours régulières et toujours identiipies
pour les mêmes corps ; (pie les phénomènes de la
vie organique, qui accusent des corps (pii ont subi
le maximum de la divisibilité, se reprodiiisenl sans
cesse d'une manière aussi symétrique; uiilin i|ue les
16S
AME
AME
i6G
il est intelliirent, actif, libre dans ses volon-
tés comme Dieu.
11 est dit qu'après avoir formé un corps
de terre, Dieu souffla sur le visage de l'hom-
gernies soil végétaux , soit animaux , se préseiiteiit
toujours les niênie» el sans aliér:iiion pour les inonies
espèces. Or, tous ces iiliénoin«nes ne seiiilciil pas
produits avec une constance aussi universelle, si les
éléments constitutifs de la matiore étaient altérables
par une cause pliysif|ue quelcoiupie ; car , à com-
bien d'accidents, à combien de causes de la divisibi-
lité ne sont-ils pas soumis ?
M. Huclu'z fait intervenir l'action immédiate d'une
force sérielle pour la prochulion il'edéts qui ne sont
qu'une conséquenoe de l'inaltérabilité, et conséqueiii-
nienl de l'indivlsibilîié des atomes matériels ; mais
au fond, l'idée est la même de part et d'autre.
Nous nous sommes étendu sur cette matière, pour
lairc voir sur quel fon<lemiMU ruineux on fait ordi-
nairement reposer une ibèse aussi importante que
l'est celle de la spiritualité de l'àme. On y donne
gain de cause aux matérialistes, dans l'Iiypoibése
que les cléments de la matière seraient indivisibles,
et cependant, comme nous l'avons montré, tout porte
à croire qu'ils le sont.
On n'a pas son.:é que c'est par cette activité que
l'àme liumaine dilTère essentiellement de la matière.
11 laudrait donc, pour établir sur cette considération
de la pensée une preuve spéciale de la spiritualité de
l'àme, démontrer, i" qu'il faut de l'activité dans la
cause productive de la pensée ; ^2» que celte activité
est toute autre cliose que du mouvement ; 5° que la
matière n'est susceptible que de mouvement, et que
même celui-ci doit lui être imprimé par une force
iiiimatérielle.
Examinons maintenant, au point de vue de la
science moderne, la question de l'existence et des
propriétés de l'àme bnmaine.
Voyons d'abord en peu de mots, si l'on est en droit
de contester l'existence dans l'bomme d'un principe
immatériel, ou, pour parler le langage connnun,
d'une substance spirituelle, par la raison que celle
substance ne tombe pas directement sous les sens.
Tout phénomène, tant dans l'ordre physique (|ue
dans l'ordic psychologique, implique l'existence
d'une substance ou, comme on aime à le répéter
aiijouririiui après les scholastiqucs, d'un substratum.
On ne peut concevoir aucune propriété sans sujet,
aucune action sans agent, aucune force sans moteur,
en un mot aucun effet sans cause. D'un autre côté,
comme il y a un rapport nécessaire entre la cause cl
l'effet, on ne peut attribuer à une même cause des
l>hénomènes dillérents.
On n'acquiert donc la connaissance de la subvtan-
ce que par l'examen des phénomènes, soit (pi'il s'a-
gisse d'êtres matériels ou d'êtres immalérnils La
substance matérielle en effet écli ippe à tous les sens,
Comme la substance iininalérielle ; les phénomènes
observés en constatent seuls l'exislein e, el lont dis-
tinguer l'une de l'autre, en nous découvrant dans
l'une l'inertie et dans l'autre l'activité, deux proprié-
tés qui s'excluent néce>sairemeni. Il est clair, d'a-
piès ce simple exposé de l'état de la question, qu'on
ne peut révoquer eu doute l'existence dans "homme
d'une substance tip;riluelle, parce qu'elle ne tombe
pas directement sons les sens. Ce n'est jamais que
par une opération de l'esprii que nous avous l'idée
de substance : nous arrivons à la connaissance de la
suttstance matérielle par voie d'abstraction , et à
celle de la substance dite spirituelle par voie de
conséquence.
Les pbétiomènes de l'ordre psychologique propre-
ment dit sont de trois sortes : les sensations, les
mouvements spontanés et les pensées ; or, ces trois
classes de phénomènes révèlent trois propriétés
ino ; que dès ce momciil, ce corps fut vivant,
animé , doué du iiiouvemeiil et de la parole.
En elîel, c'est sur le visage ou la physiono-
mie de rfaommc que brillent la vie, l'infelli-
d'une substance quelconque, qui e»t en l'homme : ce
sont la seiisibililé, la molilité et Vintetleclion. Chacu-
ne de ces trois propriétés a pour siège ou subsiruUini
une substance active, comme nous le démontreron»
rigoureusement , et par conséquent une substance
essentiellement immatériel!e, puisque l'activité et
l'inertie s'excluent iiécessaireiueiit dans un mente
sujet. Voilà notre argumeniatiun générale.
Il nous reste à prouver que la sensibilité, .a mutl-
lilé et l'intellection supposent nécessairement de
l'aetivité.
Mais l'activité ne peut être exercée sans un centre
d'action : nous allons d'abord examiner si cette ceu-
tralisalioii pourrait avoir pour siège le système ner-
veux, ainsi que l'ont prétendu des psychcdogisles
matéiialisles.
11 n'existe soit dans le cerveau humain, soit dans
celui des animaux, aucun point central du système
nerveux ; et par cunsèquent il n'y a pas, comme on
l'a cru autrefois, de si'nsorimii commune. Les maté-
rialistes eux-mêmes, comme Gall et liroussais, l'ont
reconnu, et c'est pour cela (ju'dsont admis un point
central variable (|ui s'établissait dans la partie du
cerveau actuellement en action . Au contraire, dans
le système nerveux de relation , appelé aussi système
nerveux de la vie animale, il y a beaucoup de cen-
I ralliés particulières qui se CLUiespondenl deux à
deux dans deux hémisphères du cerveau, el qyi se
ramifient chacune en deux appareils pairs et symé-
triques, l'une dans la partie droite, l'autre dans la
partie gauche du corps. Seulement, ces doubles
points de centre communiquent deux à deux au moyen
de commissures ou trajets nerveux, qui ne centrali-
sent aucune impressioji.
Mais demandera -t-on, si le cerveau ne contient
pas un point central universel, pourquoi la .soustrac-
tion de ce viscère déttrniine-t-elle imniédiatenient
la morl chez l'homme et chez les niammitèies ? i\>iis
répondrons que la véiitable cause de la mort n'est
pas l'ablation de l'encéphale lui-même, mais celle,
soit de l'origine, suit des troncs de certains nerfs do
la moelle èpinièrc, qui président aux fonctions du la
respiration et de la circulation.
«Ainsi, dit le docteur tinchez {op. cil. t. III p.
295), ou a vu des aneneépbales vivre quelipies heu-
res et même qneliiues jours sans cerveau ; m.iis les
nerfs dont il s'agit existaient chez eux. La mort
donc résulte non pas de l'ablation de la centralilé
encéphalique, mais do la destruction des neifs
(|ui servent à la respiration el à la circulaiioii.
Si chez nous et les mammirères, la disposition
anatomiqiie était autie, c'esi-à-dire telle ipron piU
enlever le cerveau sans toucher les nerfs dont il
sagil, il arriverait ce que l'on remarque chei les
animaux où cette disposition n'existe point. La
déca|iitation ne produirait point immédiatement
la moit. Ou a vu des tortues vivre sans tète assez.
longtemps pour que la plaie du col se ^oit Cicatri-
sée, etc. (
Nous avons dit plus haut que les cumiuissures el
le corps calleux lormanldes Irajels nerveux ne cen-
tralisent aucune iinpiessiun : c'est un fait que l'aiia-
lomie el la physiologie moderne démunirent claire-
ment. Uu'il nous sullise de faire obi. rver qu'ordi-
nairement un seul hémisphère du cerveau est mis
directement en exercice soit par les sens, soit par
l'usage des membres. Les cenlralités correspondan-
tes de l'autre hémisphère ne sont excitées qu'à l'aide
de tiajets nerveux qui y transmettent les impressions
au lieu d'en recevoir eux-mêmes pour les centraliser.
Au reste le corps calleux luauque dans des classes
m
AHE
AME
168
eence, l'activité, les désirs, les sentiments de
soQ (Une. Rien de semblable dans les ani-
maux, L'âme, l'esprit, ne sont point sensibles
par eux-mêmes, mais par leurs effets ; ils ne
«filières d'animaux, el on ne le rencontre que dans
ceux les plus rapprochés de l'hoinnie.
Il est déraoniré, par ce qui précède, que le'sys-
tème nerveux ne centralise rien, contrairemenl aux
assertions de quelques physiologistes nialenahsies de
ces derniers temps. Or, c'est là loul ce que nous nous
proposons d'établir comme principe londamenlal.
INous avons signaié trois séries de phénomènes ou
de faits psychologiques, qui sont les sensations, les
mouvenienis spontanés et les pensées. Ces phéno-
nièiies nous manifestent trois propriéiés d'une subs-
tance quelconque qui p;irait faire punie de l'homme.
Nous avons appelé ces phénomènes psychologiques,
parce qu'il semble, au premier aperçu, que ces pro-
priétés soient des modes d'action d'nn principe dnué
de spontanéité, et par cniiséi|ueni esseiiiiellemeni
âClif. On sait que les faits de l'ordre physique sont
au contraire les elTels immédials de causes dont l'ac-
tion est constante et ordinairement invariable. Il s'a-
git maiiileiiaiit de prouver que Ks propriéiés obser-
vées supposent un sujet acuf, c'està-dire esseniiel-
lement immaiériel. Ces propriétés relatives aux trois
classes de phénomènes qni les révèlent sont, comme
nous l'avons dit, la sensdjihié, la inutilité et l'iiiiel-
leciion.
Il y a quelque chose di; matériel dans toutes les
opérations de l'hoinnu', mais aussi il y a quelque
chose d'immatériel ; il faut donc, pour en faire une
analyse exacte, bien préciser ce qu'il est impossible
d'attribuer à la matière. La substance qui con^litue
le corps humain est organisée, c'est à-dne qu'elle est
maintenue dans l'état de vie et préservée de l'in-
fluence destructive des causes physiques et chimi-
ques, par une force indépendante de la volonté hu-
maine et dont nous nous abstenons, pour le présent,
de rechercher la cause. Cette lorce imprime à la iiia-
lière organisée une séiie de mouvements non inter-
rompus en vertu desquels une communication est
établie entre toutes les parties, en même temps qu'il
s'opère un transport et un déplacement incessant de
uiolécules. On voit qu'il n'y a dans l'organisme que
du inouvenieni ; encore faut-il admettre que ce mou-
vement est, tomme tout autre, produit par une force,
el conséquenimeni doit être rapporté à une cause
active, immatéiielle. Cependant, comme cette force
est dirigée selon des lois constantes indépendantes
de riiumme, et analogue anx autres lois qui' règlent
les corps, nous la regarderons, avec^idus les spiniua-
lisies, comme une forte matérielle, et par conséquent
d'nii ordre inférieur aux acies qni sont des effets de
la spuiiianéiic liumaine. Ainsi, en faisant abstraction
d'une cause première pour ne considérer que les
causes secondes, on peut dire que l'organisme est
matériel .
Examinons luaintenanL si l'organisme, ainsi que le
préseiilenl des matéiialistes pliy^lologlsies, peut être
considéré comme le siège de la sensibilité, c'est-à-dire
si la sensation s'accomplit et demeure dans l orga-
nisme. On croyait autrefois que le système nerveux
ne ciiiisliluail ou ne dominait que les organes de la
vie de relation ; mais il est inaintcnaiil reconnu,
surtout d'après les admirables découvertes de Bicliat,
qu'il préside aussi à toutes les fonctions de la vie or-
ganique, c'est-à-dire ii la nntrition, à la respiration,
aux sécrétions, etc. D'où l'on doit conclure qu'il y u
un Iles grand nombre u'uctions nerveuses dont nous
n'avons pas même la conscience, el qui par consé-
quent ne donnent occasion à aucune sensation. Il
n'y a que le sysiènic nerveux de la vi'é animale qui
donne- naissance aux impressions qui sont l'origine
des sensations. Cependant les iuiprus&iuiis soûl, lians
peuvent donc être désignés que pas là : le
plus sensible de ces effets est le souffle ou la
respiration; tout ce qui respire est censé vi-
vant. Il est donc naturel d'exprimer par le
l'un et l'autre système, le résultat du mouvement di:
fluide nerveux dans les névrilemmes. De même beau-
coup d'impressions ont lieu dans le système nerveux
de la vie de relation , surtout dans les nerfs, que
déterminenl les contractions musculaires, sans qu'il
s'ensuive aucune sensation. Ce n'est donc pas dans
l'organisme que s'accomplit la sensation. Il faut un
acte de l'attention pour que les impressions soient
senties, pour qu'il y ait sensation ; il hiut quelque
chone qui soit distinct des impressions elles-mêmes.
De plus ce quelque chose reçoit, sans les confondre,
des impressions de diverses natures, occasionnées
par chacun des cinq sens, dans une même matière
cérébrale, et par de simples mouvements d'un lluide
nerveux parlont identique. Lorsque tout inuuveinenl
a cessé et que même le lluide nerveux a disparu, ce
quelque chose qui a senii les impressinns, les ceiiiia-
lisc, souvent les identilie en les lapportanl à un mê-
me objet, les dislingue, les coordonne, en un mot les
domine toutes et réagit selon son bon plaisir sur le
monde extérieur, au moyen du second appareil ner-
veux qui traverse l'antre dans tous les sens, et opère
les contractions musculaires' nécessaires au mouve-
ment. Voila des actes spontanés qui n'ont aucun rap-
port avec ce qui se passe dans l'organisme à l'occasion
de la sensation quand celle-ci a lieu, el qui, par con-
séquent, doivent être attribués à un principe actil.
D'ailleurs, ce principe centralise tout sans rien con-
fondre, ce qui serait impossible s'il n'était qu'un point
de réunion où divers mouvements, ou plutôt diverses
ondulations nerveuses viendraienl se terminer, se
centraliser, ou au inoins se confondre les uns dans
les autres. Au surpins, nous avons dciiiontré aiiato-
iniquemenl ailleurs que le système nerveux, même
celui de la vie de rel.aiun, ne cenlialise rien.
J'ajoute, par sut abondance de droit, (pie la sen-
sation ne demeure pas dans l'organisme : je dis par
surabondance de droit , parce que s'il est certain,
connue nous l'avons prouvé, que la sensation ne
s'accomplit pas dans l'organisme , il est évident
qu'elle n'y demeure pas. INons concevons le souve-
nir de nos sensations, et nous les comparons entre
elles ; mais le résultat des impressions qui en nul
Clé l'occasion est l'épuisement du lluide nerveux.
Aucune nouvelle impression, en eO'el, ne peut avoir
lieu dans les nerfs qui ont été mis en action avant
que le phénomène de la nutrition ail remplacé le
lluide absorbé par nue substance identique que sé-
crètent les parois des névrilemmes. Il ne iesie donc rien
dans le système nerveux de ce qui a occasionné les
sensations, d'où il suit que ce qu'il y a de stable
dans celles-ci ne peut avoir pour sujet ou subsiraium
lien de ce qui a servi à iransniellro les impressions,
rien qui tienne à l'organisme, en un mot rien de
inaiéi lel dans le sens ci-dessus déteriniué.
il est donc phy^iologiqueillcnl démontré que la
sensation ne s'accomplit ni ne demeure dans le
système nerveux, et que par conséquent l'organisme
ne penl eue regardé cuiniue le siège de la sensibilité.
Au contraire, il résulte de notre ai guinen talion qui;
lu sensibilité réside dans un siijel actif ou imma-
tériel.
Celle propriété nous est révélée par les inouve-
iiicnts spontanés de l'homme. Il est donc clair que
nous n'eniendons pas parler ici de mouvemeuls
qu'une lorce, dont nous n'avons point à rechercher
uiaintenaiit la cause, produit dans l'organisme : celle
force, avonsnuus déjà dit, csi dirigée selon des lois
constantes, indépendantes de l'hoinnie, et n'offre à
nos investigations rien de spontané. L'ob-ervateur
le uiuins attenlif remarque en l'iiomme, ouiic les
169 AME
souffle le principe même de la vie. Mais il
est écrit que le souffle du Toul-Puissanl
donne rinlelligence. Job, xxxii, 8. Jamais
nos auteurs sacrés n'ont allribué l'intelli-
moiivemenls qui sont une condition indispensable
de l'organisation de son corps, des mouvenieiils de
spnnlaiiéilé. Il ouvre et ferme les yeux ei la bouche;
il dirige ses membres comme il lui pliîl ; il trans-
porie son corps où il veut, prenant en liiimême des
points d'appui ; enfin, il se meut à son gré pour sa-
tisfaire ou si-s besoins ou ses désirs. Quand ses sens
lui ont transmis des impressions occasionnées par les
divers corps de la nature, il réagit sur le monde
extérieur, comme nous l'avons déjà exposé, au moyen
d'un appareil nerveux spécial auquel un mouve-
ment est iustanianément imprimé dans la direciioa
du dedans au dehors, pour être communiqué à l'ap-
pareil musculaire qui exécute les ordres de la vo-
lonté. On conçoit que tous ces mouvements ont leur
origine dans l'intérieur du corps humain, et qu'ils
peuvent être modiliés snit en force, soit en vites-e,
au gré d'une puissance centrale liarmoiiisatrice douée
de spontanéité. Comme la matière est essentielle-
ment inerte, il y a incompaiibiliié, sous le rapport
de la causalité, entre l'idée de corps et celle de
mouvement, sp'mtané surioui. La même incompa-
tibilité existe si l'on considère l'organisme lui-tnême,
puisque, comme nous l'avons déjà fait observer, il
est soumis à des luis invariables qui excluent toute
idée de spontanéité.
Cependant des physiologistes matérialistes ne
voient dans l'iiomme d'auire force que celle qui pré-
side à l'organisme. Ils ne reconnaissent point en lui
l'existence de mouvements spontanés proprement
dits, et .'■ouiiennent que tous les actes sont les pro-
duits d'insiincts et d'aptitudes, comme chez les ani-
maux. Mais la fausseté de cette prétention ne peut
échapper à qiiicon<|ue réfléi bit un instant sur les
actes de la spontanéité humaine. Ne voyons-nous
pas, en elîet, combien nous \arions nos actions,
comhieu surtout l'exerciie ei l'application perfec-
tionnent les divers munvemenls de noire corps. Nous
sommes témoins tous les jours que différenls hommes
agissent de diverses manières dans les niènies cir-
constances, quoique mus par les mêmes instincts, et
que le même bomnie, dans les cas identiques, se
déiennine à des actes tout opposé^!. Mais dételles
anomalies n'auraient assurément pas plus lieu chez
rhoinme qu'elles n'ont lieu chez, les animaux, si,
comme ceux-ci, il n'éiait mû que par ses instincts
naturels; si, en un mol, il ne possédait pas un prin-
cipe lie moiiliié ou d'activité qui domine l'orga-
nisme lui-même , en agissant direciemenl sur le
système nerveux de relation. D'ailleurs, s'il n'y
avait en l'homme d'auire force que des appétits, des
instincts, connue ceux-ci ne se manifestent pas suc-
cessivement, il n'y aurait pas niàine lieu de choisir
entre îles acies slmplemeni coniradictoires, à plus
forte raison n'aiirait-on jamais à se déiernilner pour
le plaisir ou pour la peine, ce qui est évidemment
contraire à l'expérience quotidienne. Enlin l'homme
n'obéirait qu'à des lorces instinctives; ses actes, ses
habitudes domestiques surtout seraient invariable-
ment Irs mimes dans tous les temps et dans tous
les lieux; il n'inventerait ni ne perfectionnerait rien,
à l'instar des animaux ; par conséquent, il n'aurait
pu s'éever jusqu'à la hauteur de la civilisation ac-
tuelle. Qui ne voit, au contraire, qu'il y a en l'homiiie
un principe de spontanéité qui le fait agir non-seu-
lement en dehors de ses insiincts, mais aussi trés-
souvent contre ses instincts mêmes ?
C'est iii que se rattache naturellement la question
de Kl dépendance réciproque du principe actif hu-
main, et de l'organisme, ou, comme on dit vulgaire-
ment, de l'àme et du corps, l'our exercer la puis-
DiCT, DE Théol. dogmatique. 1.
AMË
170
gence à la matière. Les philosophes qui ont
dit que le sou/'/Ie désigne ici quelque chose
de matériel, ont bien peu réfléchi sur l'éner-
gie du langage.
sance de motililé, le principe actif agit directement
sur le système nerveux, et par son entremise sur
les organes du mouvemeni. D'un autre cô é, sa
puissance de seiisibiliié ne peut entrer en action
qu'après certaines modilicatioiis du cerveau, dont
les prolongements communiquent avec les faisceaux
nerveux les plus extérieurs, qui constituent les or-
ganes (les sens. Enfin, sa puissance d'intelleclion
elle-même ne peut en|,'endier aucune idée, aucune
réflexion, former aucun jugement, prendre aucune
détermination, sans l'action du système nerveux. Il
y a donc dans tout phénomène intellectuel, comme
dans tout phénomène de motiliiéel de sensibilité,
deux choses nécessairement unies, un acie de spon-
tanéité et une impression nerveuse également néces-
saires pour l'accomplissement du phénomène. Mais
ces relations intimes du principe actif n'ont lieu
qu'avec le sysiéme nerveux de la vie animale, et non
avec celui de la vie org mique. Les nerfs de ce sys-
tème, qui ont pour point d'unité tantôt un ganglion,
tantôt un plexus ou lacis du filet nerveux, sont le
siège d'une multitude de pliénouiènes sur lesquels la
volonté n'exerce aucune infiucnce directe, et même
dont nous n'avons la conscience que quand les im-
pressions sont douloureuses.
On ne conçoit pas, dira-t-on, comment l'àme
exerce une action immédiate sur le système nerveux
de la vie de relation. Nous nous abstenons de rap-
porter les divers systèmes de l'influx physique, du
médiaieur plastique, de l'harmonie préélaulie, etc.,
au moyen desquels les métaphysiciens cm cherché à
expliquer l'union de l'àme avec le Corps; parce
qu'ils ne sont fondés sur aucun l'ait que l'on piii-se
soumettre à l'observation. Il est prouvé que les actes
du principe aciif sont toujnui s précédés ou suivis de
certaines modifications du sysiéme nerveux de rela-
tion. Cependant l'iiilluence de la matière sera tou-
jours un mystère pour nous, vu l'incompatibililé de
ces deux substances sur l'esprit. Mais comprenons-
nous mieux, en mécanique, la communication du
mouveiueut et sa transiuission d'un corps à un
autre 1 Savons-nous même bien ce que c'est que le
mouvement, ce que c'est que la vitesse? Voilà ce-
pendant des phénomènes qui sont sous la douiina-
tion direcie des sens. Et nous voudrions connaître
le pourquoi et le comment des relations de l'esprit
avec la matière '. Nous ne comprendrons jamais, dit
le prolond Steinmetz [Cours de psychologie), pour-
quoi certains changements dans les corpuscules de
la matière cérébrale sont loujums suivis de certaines
modifications de l'àme; mais aussi comprenons-nous
pourquoi, dans certaines conditions, un sel en solu-
tion se sépare de son milieu et se cristallise, et
pourquoi il revêt une forme toujours identique ? En y
regardant de près, nous serons peut-être obligés
d'avouer que nous ne possédons le pouiquoi de rien.
Les phéuomènes qui manifestent cette propriété
du principe actif humain sur les faits psycliolo^iques
proprement dits caractérisent l'Iiomine bleu mieux
que les sensations, que les mouvements spontanés,
et peuvent tous être rapportés à l'idée générale de
pensée. M. liucliez regretieque, depuis Descarle>, on
se soit servi du mot de pensée puiir désigner la
propriété essentielle de l'esprit ou de l'àme humaine,
soit parce que la pensée n'est point, dans l'Iiomiiie
pourvu d'un organisme, un fait purement spirituel;
soit parce qu'elle est un lait de pure conscience, et
par conséquent indéiiiuntrable ; soit enfin parce que
le mot pensée ne donne qu'une idée confuse des
pensées intellectuelles de l'homme. «Que fait-on quand
011 pense? se demaude-l-il {Essai, etc., i. III, p.
<i
\1l AME
Dieu dit : Faisonn l'homme à noire image
et ressemblance, pour qu'il préside aux ani-
maux, à tout ce qui vit sur la terre, à toute
là terre elle-même [Gen, i, 26). Et Dieu lui
donne en eflot cet empire, v. 28; l'homme
est donc d'une nature bien supérieure à celle
556). (Xa, foirtnule des propositions, c'esl-à-(^ire l'on
juge, l'on imagine, l'on se souv.ent, l'on sem, l'on
raisonne, en un mol on agii. Une lelle analyse ne
laisse point lie place au vague, ^e demanderai d'a-
bord au profond pliilosophe, dont je sais d'ailleurs
apprécier le rare talent, comment les espèces, néces-
sairement moins alistraites que le genre, seraient
d'une nature plus spirituelle, ou moins mixte. On a
TU, du reste, que toutes les opérations de l'àme sont
jointes à des effets matériels. Ensuite, quand on
juge, qu'on se souvient, etc., on produit des actes de
pure conscience, qui ne sont coiumunii ables, comme
toute pensée, que par des skue^ sensibles exprimés
d'une manière quelconque. Enfin, le mot pensée est
trop propre à résumer les résultats du mude d'acti-
vité de l'àme, distinct soit de la sensibilité, soit de la
motilité. >
Certains matérialistes idéologues des temps mo-
dernes ont soutenu que penser était sentir et que
la sensation avait autant de (ormes que la pensée.
Or, ils faisaient riisider dans la niatièie la faculté de
sentir. Il snlût, pour réloler cette erreur, de renvoyer
à ce que nous avons dit sur la sensibilité ei de ré-
péter, après Laiomiguière (Leçons de philosophii',
passim), que l'on ne sent qu'au moyen de l'aitemiuii,
laquelle procède évidemment d'un principe actif ou
immatériel.
A plus forte raison, la pensée proprement dite
a-l-elle aussi un principe actif, puisque, couiraire-
nient à la sensation, elle précède toute niodiiication
du système nerveux. Penser, c'est réunir plusieurs
sujets souvent très-distincts les uns des autres, et
dont on a acquis la connaissance en difféenlspuinls;
c'est transporter les qualités d'un sujeldans un autre;
c'est aller souvent l'un de l'autre pour établir des
ressemblances ou des différences ; c'esj abstraire
les diverses propriétés d'une substance; cesl recom-
npser la môme sulistance après l'avoir analysée;
t'est rapporter les effets à leurs causes, et déduire
les conséquences de leur principe, etc. , etc. Or,
n'y a-t il point évidemment de l'activité dans la pru-
duciion de lou> ce> actes ? D'un autre côlé, il ne
s'opèie aui un dépla'cmeut des objets réunis ou di-
visés, aucun mouvement n'a lien liori de nous à l'occa-
sion de nos leiisées. A la vérité, il sVUéc ne dans
le système nerveux une translation de molécules ;
mais c'est postérieurmeut à l'acte qui pioduit, la
pçnsée. Au reste, pour que l'on put, avec quelque
apparence de raison, attribuer au mouvement, du
fluide nerveux les elTe s que nous avons men-
tionnés, il faudrait (in'il y eiiit comacl entre les nçrl's
et les objets ext,érii.urs, et que ce contact sulfii. pour
réunir les pbjels. Mais on convml que, dans cette
liypotlièse, les premières pensées liumaiues sur les
étoiles, le soleil, la Vine, la terre, etc., auraient bou-
leversé la nature. L'activité do^it résulte la peu.-ée
est donc mut autre cliosc que du mouveiueui. Mais
la matière n'est susceptible que de mouvement : cij-
co;;e faut il que çelui-ci lui soit imprimé par une
force, comme nous l'avous fait voir en traitant de la
sensibilité. Donc le principe de la pensée est doué
d'une acliviié, d'une spontanéité, dont l'organisme
buaiaiii même ii'e>t pas susceptible. Uoiic l'intellec-
lion est une propriété d'un sujet actil , innnatéricl.
Lgcke semble avoir cru que Dieu pouvait douer la
matière de la faculté de ^lenser ; ru^i^ rien ii'e^t plus
absurde que cette supposition, attendu qu'aucune
puissance no peut avuir le même sujet d',iii,iibirts qui
s'excluent essentiellement. Or, la matière est iacrte
AME
172
des aiiimaux, puisqu'il est créé pour être
leur maître. [Voy. ,arl. Adam, le beau pas-
sage de Bossuet sur ce verset de la Genèse.]
En effet, Dieu ne parle point aux êlres
matériels, il n'adresse point la parole aux
animaux ; mais il parle à l'homme, il con-
verse avec lui, il lui accorde des droits, lui
impose des devoirs ; il agit avec lui coniuie
avec un être intelligent, libre, maître de ses
actions, digne de récompense ou de châti-
ment : est-ce ainsi que l'on traite un auto-
mate ou un animal ? Des spéculations méta-
physiques sur la nature de l'esprit et de la
matière, des dissertations grammaticales sur
la signification des termes, sont bien froides
en comparaison des leçons que nous donne
l'histoire sainte.
11 n'est donc pas étonnant qu'il ne se soit
encore trouvé sur la terre aucun peuple as-
sez stupide pour confondre l'esprit avec la;
matière, et l'homme avec les atiimaa^ ; li
et partîtnl essentiellement inactive ; tandis que la
pensée suppose nécessairement un sujet actif. \i
est donc encore moins vrai que la matière puisse
penser, qti'il ne l'ist qu'elle puisse digérer, sécréter,
eu exercer une fonction quelconque. Le matliémati-
cien Euler, qui a fait une dissertation latine, aussi
claire que solide, pour démontrer l'opposition qu'il
y a entre la matière et la pensée (Opuscula), résume
toutes ses idées en cet argument.
Nullum torpus tiiiii habere polest ineriice cùtiUa-
riam ;
Alqiii (acullas cogitandi est vis mertim contraria;
Ergo iiuUum corpus facuUateni cogitandi habere
poleit.
On a soutenu, à la fin du dernier siècle et au corn-:
mencemenl de celui-ci, que la pensée est le produit
de l'organisme. Mais d'abord il n'y a dans l'organi^w^e
(]ue des molécules maléiielles et par conséqttettt
inertes; elles fout partie de l'organisme pour uq
temps plus ou moins long, puis elles rentrent tlaus
leur état d'inertie en relournani à la classe des corps
bruts. A la vérité l'organisme est constitué el con-
servé par la force vitale qui le soustrait aux actions
physiques el cbimiques que subissent les corps inor-
ganiques. Mais outre que ci'tte force n'a pour résul-
tat c|u'unceri le de mouvemenis, elle n'a ricu despi.>n-
tané, elle est absolue et tout à fait irrdéjiendaute de
la volonté, tandis que l.i pensée est produite el mo-
difiée au gré de cette puissance.
Le langage mémo, est pro|ire à montrer qu'il y a en
nous un principe actif d'iiitellection d'uii ordre supé-
rieur à l'organisme. En effet, il y a dans le langaj^o
deux cboses bien distinctes, le son et le sens : celui-
ci n'est pas le mèiue pour tout le monde ; le son, au
contraire est toujours le même. .Mais s'il n'y avait en
nous que de l'orgiiuisme, comme le même son pro-
duit cli'Z tout le monde I4 u.içme impression ner-
veuse, il réveillerait aussi constaminent la niéme
idée; <;l réciproquemeut, la même idée serait inva-
riaVlemeut aitac née à des sons ideutiques, ce qui esi
contraire à tous les. laits du langage. Il n'csi pas
nécessaire, pour sentir cette vérité, de posséder
plusieurs langues; U suful de cunn.iiire dans iriie
même langue deux iroprcssious ou luê ne deux mots
qui soient à peu prés synonymes ou seuleiuenl deux
liginouymes.
Il est doiicscierililiquement démontré, contre toutes
sortes de uiatcrialistcs, qu'il y a cii l'iioinnie uu prin-
cipe actif de sciuibiliU el d'inieUeeiion : or c'est c«
principe que l'on est conveuu d'appeler ime hu-
maine.
173
AME
plupart ont mieux aimé donner une âme in-
telligente'et spirituelle aux animaux que de
la refuser à l'homme.
Faudra-t-il parcourir toute la suite de
riiisiuire et des livres saints, pour montrer
la môme croyance toujours subsistante chez
les Hébreux ? Vainement on y chercherait
des vestif;es de matérialisme, ou des expres-
sions capables de prouver que les Juifs ont
mis l'homme au rang des animaux. Le re-
proche le plus sanglant que les auteurs sa-
crés font aux honmies corrompus et livrés
à des passions brutales, est de leur dire
qu'ils ont oublié leur propre nature, qu'ils
se sont dégradés jusqu'au rang des animaux,
et se sont rendus semblables aux brutes. Ps.
xi.vni, XV et xxi ; Isai. i, 3, etc.
On a voulu tourner Moïse en ridicule ,
parce qu'en défendant aux Israélites de man-
ger le sang des animaux, il a dit que Vâine
de toute chair est dans le sang, et que le
san;; est Vdme des animaux. Levit. xv.i, Il
et lii' ; Veut, xii, 23. Et l'on a conclu que
les auleur.s sacrés, en parlant de Vdme en
général, n'ont entendu rien autre chose que
le souflle ou la respiration.
Quand Moïse aurait voulu donner à enten-
dre que le principe de la vie des animaux
est diins leur sang, nous ne voyons pas par
quelle raison démonstrative nos plus habiles
physiciens pourraient prouver It^ contraire,
et il ne s'ensuivrait pas que Moïse a pensé
de même à l'égard de l'âme de l'homme. Mais
ce législateur ne faisait pas une dissertation
philosophique sur Vdme des bêles ; il don-
nait aux Hébreux une raison sensible de la
loi qu'il leur imposait. 11 leur défend de
otan^T le sang des animaux, parce que ce
sang, sans lequel les animaux ne peuvent
vivre, a été donné de Dieu aux Israélites
pour expier leurs âmes, lorsqu'il est offert
sur l'autel. C'est donc dans ce sens qu'il dit,
Levit. XV u, il : Le sang est pour l'expiation
de I'ave, et Deut. \\i, 23 : Leur sang est pou?-
/'ame. Mais cela ne signifie point que le sang
tient lieu d'dme aux animaux.
Comme ïdme signifie en général le prin-
cipe de la vie, les Hébreux ont pu dire, com-
me nous, Vdme des brûles, puisqu'elles ont
en effet un principe de vie. Quel est-il ? Nous
ne le savons pas mieux i.u'eux. Mais ils
n'ont jamais pensé, non plus que nous, que
ce principe fût le même en nous et dans les
brutes. Ils se servent du mot âme pour dési-
gner l'homme, et non les animaux quaml ils
disent : totcte âme qui ne recevra point la
circoncisiun, tnule âme qui péchera mourra,
toute doxc qui ne s'affligera point, etc. Ils at-
tribuent à Vdme et non au corps les fonctions
spirituelles. Lorsque David dit : 3Ion âme
se réjouit dans le Seigneur ; mon âme est af-
fligée ; mon âme, bénissez le Seigneur , etc.
cela ne peut s'entendre du souffle, de la res-
piration, du principe de vie matérielle.
Nous prouverons dans un moment quo
les Israélites ont cru constamment l'immor-
talité de l'dme humaine; il en résultera qu'ils
Qe l'ont point confondue avec le sauffle ou
la respiration.
AME 174
Personne ne nous obligera, sans doute,
à montrer que Jésus-Christ a confirmé par
ses leçons divines la croyance primitive de
la spiritualité de Vdme, et qu'il a plt iuemenl
dissipé les doutes qu'une philosophie con-
tentieuse avait répandus sur cette impor-
tante question : Dieu esl esprit, dit-il, et ceux
qui lui rendent un culte doivent l'adorer en
esprit et en vérité {Joan.. iv, 2'»). Mais c'est
surtout en établissant d'une manière invin-
cible l'immortalité de Vâme, que notre divin
Maître en a démontré la spiritualité ; nous
le verrons ci-après.
Les incrédules, qui ne savent argumenter
que sur des mois, ont cependant objecte que
souvent, dans l'Evangile, Vdme ne signifie
rien autre chose que la vie. Cela n'est pas
étonnant, puisque c'est Vâme qui est le prin-
cipe de la vie ; mais lorsque Jésus-Clirist a
di[ : Celui qui perdra son ame pour moi, la
retrouvera: celui qui hait son \me en ce mon-
de la garde pour une vie éternelle [Matth. x,
39 ; Joan., xii, 25) ; n'est-il question là que
de la vie du corps ?
Dans l'impossibilité de faire de Jésus-Christ
un matérialiste, nos savants dissertateurs
ont du moins voulu imprimer cette tache
aux Pères de l'Eglise. Ils ont soutenu que,
comme aucun des anciens philosophes n'a
eu l'idée de la parfaite spiritualité, les Pères
de l'Eglise ne l'ont pas mieux conçue ; qu'ils
ont seulement entendu par Vesprit une ma-
tière subtile ; que, selon leur opinion. Dieu,
les anges, les âmes humaines, sont foncière-
ment des corps, mais légers, ignés ou aé-
riens.
Nous n'avons certainement aucun intérêt
à justifier les anciens philosophes ; maia
nous ne pouvons nous résoudre à croire qua
des hommes, qui ont combattu de toalea
leurs forces contre le matérialisme des épi-
curiens , sont tombés cependant dans la
même erreur. Cicéron, dans ses Tusculanes,
a prouvé la spiritualité de Vâme aussi solide-
ment que Descaries, et il fait iirolession de
répéter les leçons do Platon, de Socrale et
d'Aristole. Nos littérateurs modernes se sont
moqués de celui-ci, parce qu'il a dit que
Vdme est une enléléchie ; ils n'ont pas vu que
hreli/jia chez les Grecs signifie la même
chose que inlelligentia chez les Latins. Voilà
des dissertateurs fort on état de juger de la
doctrine des anciens philosophes.
Nous croirons encore moins que les Pères
de l'Eglise ont préféré les leçons du portique
ou de l'académie à celles de l'Ecriture sainte,
et qu'en admettant un Dieu créateur, ils ont
supposé un Dieu corporel : ces deux dogmes
sont incompatibles. La plupart ont itisi^té
sur ce qu'il est dit dans la Genèse, que Dieu
a fait l'homme à son imasejet ils n'ont ja-
mais pensé qu'un corps, tant subtil qu'il pût
être, pouvait ressembler à un pur esprit.
Enfin, tous ont attribué à Vdme humaine l'in-
telligence, la liberté et l'immorlaliié : pro-
priétés qni ne peuvent appartenir à un
corps.
A la vérité les Pères, obligés de s'assujet-
tir au langage ordinaire, ont été da.ns le
17S
AME
AME
176
même embarras que les philosophes ; ils ont
été forcés d'exprimer la nature, les proprié-
lés, les opérations de Vâme par des termes
empruntés des choses corporelles ; parce
qu'aucune langue de l'univers ne peut en
fournir d'autres. Ainsi, les uns ont pris le
mot de corps dans un sens synonynoe à ce-
lui de substance, parce que celui-ci n'était
pas employé chez les Lalins dans la même
signiûcaiion que chez nous ; les autres ont
appelé la manière d'être des esprits une for-
me et leur action un mouvement ; d'autres
ont désigné la présence de Vâme dans toutes
les pariies du corps par le terme de dilfu-
sion, à'égalité ou de quantité ; autant de mé-
taphores sur lesquelles il est ridicule d'ap-
puyer des arguments. Au m° siècle de l'É-
glise, Plotin, disciple de Platon, dans sa qua-
trième Ennéade ; saint Augustin, dans son
livre De quanlilate animœ ; au v% Ciaudien
Mamerl, dans son traité De statu animœ, ont
démontré l'immatérialité de Vâme par les
mêmes preuves que Descartes. II est donc
ridicule de leur attribuer le matérialisme
par voie de conséquence, ou sur quelques
expressions qui ne sont pas parfaitement
exactes, pendant qu'ils font une profession
formelle de la doctrine contraire.
Le comble de la témérité a été d'afflrmer,
comme on l'a fait de nos jours, que saint
Augustin est le premier qui, après bien des
efforts, est venu à bout de concevoir la spi-
ritualité et l'essence de Vâme; que cepen-
dant il a toujours raisonné en parfait maté-
rialiste sur les substances spirituelles. Non-
seulement dans l'ouvrage que nous venons
de citer, mais dans le livre x de Trinitate, c.
X, ce Père donne de la spiritualité de Vâme
une démonstration à laquelle aucun maté-
rialiste n'a jamais répondu.
On attribuait autrefois à saint Grégoire
Thaumaturge une dispute dans laquelle
l'auteur prouve contre Talien que Vâme hu-
maine est une substance immatérielle, sim-
ple et non composée, par conséquent im-
mortelle. Cet ouvrage est sans doute d'un
écrivain plus récent, mais qui raisonne très-
solidement. Gérard Vossius observe que la
même doctrine est formellement professée
par saint Maxime dans une di>sertalion sur
ï'dme, par saint Alhanase, par saint Jean
Chrysostome et par saint Grégoire de Na-
zianzc. Nous aurons soin de justifier les au-
tres dans leur article particulier.
Parmi les passa^jes allégués par les incré-
dules pour calomnier les Pères, il y en a
plusieurs qui sont forgés, d'autres que l'on
a tirés d'ouvrages qui ne sont point des au-
teurs aux(iuels on les attribue, d autres dans
lesquels on force le sens des expressions ;
mais nos adversaires ne sont pas scrupuleux
sur le choix «les armes dont ils se servent.
Ils disent que les anciens étaient fort em-
barrassés à expliquer l'origine de Vâme, sur-
tout Tertullien, I. ite Anima, c. 19, et saint
Augustin, I. c/e (>r/(/(ne onii»iœ. Mais avons-
nous besoin de l'expliquer mieux que ne
fait l'Ecriture sainte? Saint Augustin n'a
traité celle question que parce qu'il aurait
voulu concevoir comment le péché d'Adam
est transmis à ses descendants. Cela n'est
pas fort nécessaire ; il suffit de croire le
dogme du péché originel tel qu'il est révélé.
Tertullien, dans ce livre même, soutient de
toutes ses forces la simplicité, l'indivisibilité
et l'indissolubilité de Vâme, c. 14. Cepen-
dant l'on s'obstine à dire qu'il a cru Vâme
corporelle.
11. De Vimmortalité de Vâme (1). On de-
mande si ce dogme est clairement révélé, s'il
a été cru par les patriarches et par les Juifs :
il n'en est rien, selon nos philosophes maté-
rialistes ; ils disent qu'avant la captivité de
Babylone les Juifs n'en ont eu aucune no-
tion , qu'ils l'ont emprunté des Chaldéens
ou des Perses ; mais on ne nous dit point à
quelle école ces derniers en avaient été
instruits.
(1) f L'iminortalllé de rame, dit Pnscal, est une
cliDse qui nous iniéresse si prolondémeiii, qu'il Taut
avoir perdu tout seiiiiment pour éire dans l'indillé-
reuce de savoir ce qui en est. Toutes nos actions et
toutes nos pensées doivent prendre des routes si dif-
férentes, selon (ju'il y aura des h eus éiernels à es-
pérer ou non, qu'il esi impossible de l'aire une
(lém:irclie avec sens et jugemenl ((n'en la réglant par
la vue de ce point, qui doit éire notre dernier ol)jei. i
L'iuiporiance de ce dogme l'a fait étudier par tous
les sages. Nous allons exposer les inolifs sur lesi|uels
il repose. Nous avons vuque l'âme est indé|iendaiilede
l'organisme, elle le domine même eu ce qu'elle agit
à son gré, eu venu de son aciivilé propre, sur le
système de relation ; d'où 11 suit qu'elle n'est pas
destructible, comme le corps, par les actions physi-
ques et cbimiques. Touicfols, nous devons avancer
que l'immortalité du principe imniatériel qui est en
nous ne peut se déduire ni de l'exiiérience ni de la
science. C'est donc dans une autre source que nous
devons puiser nos preuves. Nous consulterons d'abord
la croyance des peuples sur ce sujet, et nous eu dé-
duirons les conséquences qui en découlent. Nous
verrons ensuite ce que la raison nous enseigne par
rapport à rimniorlLilitë de l'âme. Une troisième
preuve se tirerait de l'Kcriiure ; mais Bergier la four-
nit abondammenl. Toutefois, pour ne pas scinder
l'addition que nous ajoutons Ici, nous parlerons en
Cure de l'inUuenee i|ue riuimorlallië de l'ànie peut
avoir sur la s'iciété.
1. Toutes les nations, nouvelles et anciennes, po-
licées et sauvages, ont professé la doctrine de l'iin-
monaliié de râmo. Dans quelque temps, dans quel-
que pays i|ue l'on voie des peuples, ou trouve cetie
foi établie. Tous ils ont en leur empire des morts.
Les Lalins avaient leur enfer, les tirées leur hadès,
les Egyptiens leur ameniliès, etc. ; en un mot, Cli:il-
déens.'l'liéniciens, Egyptiens, Perses, Indiens, Cel-
tes, Cerniains, sauvages des forèls américaines,
peuplades de la mer du Sud, tout ce qui a jamais
existé de nations a été réuni dans la même lui. Les
poètes les plus anciens la célèbrent. Timée le l'yta-
gorieien loue beauc 'up Honièie d'avoir conservé
dans ses poème» l'aneienne tradition des cliàtimenis
de l'autre vie. Les plnlosopbes les plus liclairés l'ont
enseignée. Dans les Dialogues de Platon, Socrate
s'attacbe à prouver rmuniirialilé de l'âme. Il on parle
comme d'une tradition de la pins haute aniiqnilé.
< On doit croire, dit expressément Platon, aux
opinions anciennes, (|ui enseignent que l'àme sera
jugée après la iiiorl et punie sévèrement si elle n'a
pas vécu eu èire raisonnable, i Aristote, cité par
Plutarqiie, parle du bonheur des hommes après cette
vie comme d'une opinion de la plus ancienne date,
dont personne ne peut assigner ni l'origine ni l'au-
iV
AME
Nons répondons d'abord que le soaffle de
la bouche du Seigneur ne nieurl point ; mais
nous ne sou'.mes pas r^-duils à celte seule
preuve. Après le péché d'Adam, avant de le
AMK 178
condamner à la mort, Dieu lui promet un
rédempteur. En» quoi celte promesse pou-
vait-elle l'intéresser, si elle ne devait pas
être accomplie pendant sa vie, et s'il devait
leur, et qui se perd dans l'obscnrité des siècles les
|)|iis reculés. Cicéroii dit que riinmorlalilé de l'.itne
a été souteuue par des savimis de la plus grande
aulorilé; (|ue c'est une opinion cnmiuune à tous
ceux qui approclieiil le plus des dieux; que l'ami -
quilé de cetle croyance est une preuve de sa vérité.
Nous serions inlinls si nous voulions citer tous les
poêles, tous les liisioriens, tous les philosophes, lous
les orateurs, etc., qui tiennent le même langage.
Mais, comme toute vérité qui gêne les passions mau-
vaises, l'iinmortalilé de l'àme a été rejelée par les
liommes qui placent le souverain lionlieur dans les
plaisirs sensuels. Nous aurions lieu d'être surpris que
les picuriens de nom et d'efl'et aient admis une
vérité qui comballail si fort leurs penchants déréglés.
On ne voit, dirons-nous avec Leiand, point de
conclusion plus légitime à tirer de la grande antiquité
(le Cflte dociriiie, (jiie celle-ci, savuir : qu'elle taisait
partie de la religion primitive communi(|uée par une
révélation expresse de Dieu aux premiers pères du
genre humain, alin qu'ils la iran^missenl à leur pos-
térité. C'est la pensée de (jrolius, qui dit que la tra-
dition de l'immortalité de l'àroe passa de nos piemiers
pères aux nations les plus civilisé' s : Quœ uiiliquis-
siiiia tradiliu a jirimis (unde enim ulioqui ?) paieiilibui
ad populos tnoratioies pêne omnes manavit, c. i\ . 11 est
en ellei dillii ile de concevoir (|ue, dans ces premiers
âges où les hommes gros^iers et igiioranis étaient
nicapables de faire des raisonnements alistraiis et
subi Is, ds lussent parvenus eux-niènies à se lorn)ep
des nulioiib de la nature d'un être immatériel qui
devait survivie à la mort du corps, et continuer de
penser apies la desiruition des organes corporels.
(yOiiMiieiii purent- ils alors s'élever aux spéeulaiions
sublimes et pénibles de la nature et des qualités de
l'àme, qui ont embarrassé depuis les philosophes, les
plus grands genres, dans le bel âge de la science ?
Toutes les cunnaiss:inces des lioinrnes se bonraierrl
à ce qu'ils pouvaient apprendre par l'obsi rvatiiur et
l'expéiieiice, ou par la voie de l'insiruciion. Ils
vuy.deiit leurs semblables mouiir après avoir vécu
urr certain nombre d'années. Voilà à quoi se rédui-
sait l'expérience sur la lirr de l'homme; elle n'élait
guère propre à leur donner l'idée d'une vie lulure, où
chacun serait puni ou lécompeiisé selon qu'il auiait
bien ou mal vécu dans celle-ci. Ce ne fut dorre ni par
un raisonnement sclentiUque, dont ils n'étaient pas
capables, ni par l'expérience et l'observation, que
les honiiras parvirrrent à la connaissance de l'irn-
iiK rlalilé de l'àme ei d'un état luiur. Il ne reste plus
qu'un moyeir, celui de rinstiuction divine ou Ue la
lévélalioii. C'est à la révélation qir'il laui rapporler
l'oiigine de celle iradiiion uiiivei selle. Plusieurs au-
teurs païens déjà cités lui durrirent uire origine divine,
Cl l'hcriiure sainte ne nous permet pas d'en dou-
ter. )
Cliâieaubriant, parlairi du respect de tous les peu-
ples pour les louibeaux, a loi rnuié la même croy.ince
dans son magnilique larrgage. i C'C'l ici, dil-il, que
la naiure hurrrairre se rrrontre supérieure au reste de
la créaiion, et déclare ses liauies destirrées. La bête
coirnail elle le cercueil, et s'irrquiètet-elle de ses
cendres'/ Que lui font les ossements de sorr père, ou
plutôt s lit-elle qui est son père après que les tiesoirrs
de l'enfance sont passés'? Parmi tous les êtres créés,
l'homme seul recueille la cendre de son semblable,
et lur porte un respect religieux : à nos yeux, le do-
maine de la mort a quelque chose de sucré. U'où nous
vient donc la puissarrie idée que nous avons du tré-
pas ? Quelques grains de pou.-siére ménieraient-ils
nos liommages ? Mon, sans doute ; uous respectons
la cendre de nos ancêtres, parce qu'une voix secrète
nous dit que tout n'est pas éteint en eux. et c'est cetle
voix nui consacre le culte limèhre chez tons bs peu-
ples de la tena. Tous sont également persuadés que
le sommeil n'est pas durable, même au lombeau, et
que la mort n'est (]ii'une iransliguralioir gloiieu'-e. »
II. Lorsque la raison humaine corisiilêie l'éiitdes
choses dans ce monde, et qir'elle le compare avec la
justice divine, elle ne peut manquer de dire que l'oià
doit, à sa sagesse, à sa boulé et à sa justice, de ren-
dre l'àme imiiiorielle. t Les biens de cette vie, dit
M. de la Luzerne, sont commnns aux bons et aux
méchanls, indifféremrnimt distribués aux uns et aux
autres. On peut même dire qu'a cet éi^ard les scélé-
rats sont mieux traités que les honnéles gens. La
raison en est que, n'ayant en vui- que ces sortes de
biens, ils emploient, pour se les procurer, touies sor-
tes de moyens honnêtes ou nralhonuéles que les
hommes vertueux ne se permetienl pas. Je n'ai pas
besoin de prouver' cette vérilé, que lait voir évidein-
nieiitet corrlinuellement l'expérience. ÎNos adversai-
res ne la contesieni pas. Au coiiiralre. Ils se l'ont de
la prospérilé des méchants un de leurs principaux
argiimeuls contre la providence, ar^umeirt qui véri-
latileruerit aurait de la force, si le dogme de la vie
future n'en donnait pas la solution. — D'après celte
répartition des biens et des maux de la vie, égale
entre les jusies et les irrallàiteurs, si même elle n'est
pas plus favorable à ceux-ci, nous faisons le raison-
neiiierrl conlraire à celui des rncrédules, et bien
mieux fondé que le leur. Nous disons que Dieu ne
récompensant pas dans celle vie les venus, et n'y
punissant pas les vices, c'est une cunsequerrce néces-
saire qu'il y ait, api es la mort, un autre état où la
récompense sera accordée et le chàiiment iniligé ;
qu'il se doit à lui-même celte sanction ; et qu'il
manquerait à sa sagesse, à sa bonté et à sa justice,
s'il luarrquait à l'exercer.
< 1° H esiconiraire à la sagesse devouloirune lin,
sans en vouloir les moyens. Dieu veut que l'homme
fasse le bien et évite le mal, et il lui en donne le
précepte. Il est donc de sa sagesse de pourvoir à
l'observation de ce précepte, en duiiiiaiil à l'hoinme
un motif pui-sanl, urriversel et toujours subsistant,
de suivre la vertu et de s'éloigrrer du vice. Les mo-
tifs qui déterminent l'horirme sont le désir du bon-
heur et la crainie du malheur : la sagesse divine
exige dorre qir'il sort pourvu à l'observation du pré-
cepie, eu attachant le bonheur a la venu, et le mal-
heur au vice. .Mais dans la vie présenie celle sanction
n'est pas ellectuée ; il doit donc y avoir, après cette
vie, un antre état où elle se réalise. — Dans l'Iiypo-
ihèse des incrédules, quel molif assez l'on pourra
déterminer l'homme aux sacrifices que snuvent exige
la pratique de la vertu '! S'il n'a d'autres biens à es-
pérer que ceux de la vie actuelle, son uirique intérêt
sera de se les procurer par toutes sortes de voies ;
et comme le vice apporte souvent plus d'avantages
présents que la venu, il aura, dans une mutlitude
d'occasions, plus d'iniéièt à commettre le mal qu'à
opérer le bien. Ainsi, la sagesse inlinie se contredi-
rait elle-rnêiue ; elle donneraii à la fois le précepte
de l'observation et le motif de l'inlraciion; elle met-
trait le moyen en opposition avec la lin.
c 2. S'il n'y a de bonheur que dans celte vie, la
bonié divine est éviderrrment err défaut; l'existence
qu'elle a donnée à l'homme n'est qu'un don funesie;
ks suuffrarrces ii'onl plus de dédommagement; les
combats contre les passions, plus de palmes : 'les
travaux, plus de salaires; les douleurs, plus de con-
solations. Les incrédules qui relèveut, qui exaUi
179
AME
monrir tout entier ? Dieu dit à Caïn : Si tu
fhis bien, n'en recevras- lu pas la récompense f
Mais fi tu fais mal, ton péché s'élèvera contre
toi {Gen. iv, 7). Cependant Âbel, loin de re-
AME
180
cevoir la récompense de ses vertus en ce
monde, a péri par une mort violente et pré-
maturée. Dieu, qui faisait alors la fonction
de législatear et de juge, a-t-il pu le permet-
qui quelquefois même exagèrent les maux que souf-
frenl les justes sur l;i lerre, font sentir bien claire-
ment la nécessiié d'une vie ililTérente sous l'empire
d'un Dieu bienfaisant. Un maiire bon doit faire le
bonlieur de ceux qui suivent ses ordres. Otez la vie
future, quel est le bimlieur que Dieu procure aux
observateurs de ses ci)niniande:iients? — Est-il con-
forme à la bojilé du Créateur, que sa créaiure, par
Tacie le plus parlait d'obéissance et. de veitu qu'elle
puisse faire, détruise son bonheur. Le comble de la
perftciion e-,t de mourir pour la vertu. Si cet acte
hérnîque ne mène pas au bonheur, il anéantit tout
ceiui i|ue l'homme p''nt espérer.
€ 3. Est-il juste à un supéiieur qui a donné des
ordres, de traiter égalemeit et indifféremment ceux
qui les enfreigtient et ceux qui les remplissent?
C'est cependant ce (lu'impnient à Dieu ceux qui pré-
tendent qu'il a bon é l'existence de l'homme à cetie
vie. Il faut même qu'ils aillent plus loin : comme le
vice jiiuit plus -ouvent des agréments et des avan-
tages de te monde que la vertu, ils doivent, consé-
qnemmi'nt à leur sys'.ème, souienir que la justice
divine a voulu et a élnbli nn ordre de choses dans
lequel c'est à l'infradion de ses commamlemenls
qu'elle a attaché le bonheur, et c'est à cause de
l'observaii(ui (lu'ellerend misérable. Voici le raison-
neii eut qu'ils altiibuentau duminateur essentielle-
ment et iiifiipimenl juste : En créant un êtie libre,
je lui ai donné de> ptvcepies ; y lui ai ordonné de les
oliserver, en n'épargnant ni efforts ni travaux ; je lui
ai déléiulu de les vndcr, quelque satislaction , quel-
que avantage qu'il put y trouver ; et celui qui m'aura
obéi aura, pour tout prix de ses sacrifices, les peines
qu'elles lui auront causées; celui au contraiie qui
m'aura désobéi aura, pour unique punition, la jouis-
sance des plaisirs qu'il se sera procuiés. Malheur
aux observateurs du couimandeinent, bonheur aux
iiilraciaires ; sage (eliii qui se rend lieureux aux dé-
pens de ses semblables, insensé celui qui fait le
bonheur public par ses privations. Voilà le système
de justice divine de nus adversaires.
€ Concluons en trois mots. Ou le précepte divin
de faire le bien et d'éviter le mal n'est muni d'aucune
sanction, ou il a sa sanction dans la vie présetiie,
ou, comme nous le soutenons, sa sanction est léser-
vée à une vie future. De ces trois < hoses la première
réputjne manifestement aux attributs divins; la se-
conde est formellement démentie par nue expérience
constante et évidente; reste donc la troisième.
I J'oserai donc le dire à la suite des docteurs de
l'Eglise : S'il n'y a pas de sanction dans une autre
vie, il n'y a pas de vertu sur la terre, il n'y a |)as de
bic-u dans le ciel. C'est bannir la vertu que de lui
ôiiT ses motils ; c'est anéantir Dieu que de le priver
de ses aiiribuis. » (M. de la Luzerne, Uisseriuiion
nur ta loi nalHrelle, chapitre 7,.)
Voici conmieiit Jeun-Jacques Kousscau exprime la
mèipie pensée : < Plus je rentre en mol, plus Je nie
consulte, et plus je lis ces mots gravés dans mon
àine : Sois juste, et tu seras lieureux. Il n'en esi rien
piiui tant à coiisidéier l'étal présent des choses. Le mé-
clianl pioapèteei le juste reste op|irinié. Voyez aussi
quelle Indignation s'allume en nous (juaiid cette at-
tente est fnisii ce ! La conscience s'élève et rmirmiire
contre son auteur ; elle lui crie en gémissant : Tu
m'as trompé. Je t'ai trompé, téméraire, et (|ui te l'a
dit? Ton àmecsi-clle anéantie? As-tu cessé tl'exlslci?
U lirulus I ô mon IIU, ne soniite point ta noble vie
en la Unissant ; ne laisse point ton espoir et ta gloire
aux champs de Pliilipiies. Pourquoi dis-tu : la veitu
n'est nen, quand tu vrs jouir du prix de la tienne'?
Tu vas mourir, penses-tu. Non, tu vas vivre ; et
c'est alors que je tiendrai tout ce que je t'ai promis.
« Si l'àme est immatérielle, elle peut survivre au
corps; et si elle lui survit, la Providence est justi-
fiée. Quand je n'aurais d'autres preuves de l'ininior-
lalité de l'àme que le triomphe du méchant et l'op-
pre-sion du juste en ce monde, cela seul m'empê-
cherait d'en douter ! Une si clioqiianie dissonance
dans riiarmonie universelle me ferait chercher à la
résoudre. Je medir.iis : tout ne finit pas pour nous
avec 1.1 vie ; tout rentre dans l'ordre à la mort.
« Quand l'union du corps et de l'àme est rompue,
je conçois que l'un peut se dissoudre et l'autre se
conserver. Pourquoi la destruction de l'un eniraine-
rait-elle la destruction de l'autre? Au contraire,
étant de nature si différente, ils étaient, par leur
union, dans un état violent; et quand celle union
cesse, ils rentrent tous deux dans leur état naturel.
La substance active regagne toute la force qu'elle
employait à mouvoir la substance passive et moite.
Hélas ! je le sens trop par mes vices : riiomme ne
vil qu'à moitié durant sa vie; et la vie de l'àme ne
se commence qu'à la mort du corps. » (Emile.)
III. De toutes les vériiés'il n'en est point de plus
propre à élever l'àme de l'homme, à le consoler
dans ses madieurs et à l'affermir dans le bien.
I 1. L'espérance d'une seconde vie, dit la Lu-
zerne, est bien plus flatteuse pour lui que celle du
néant; sa destination est bien plus noble, si, à la
suite de cette courte vie, la partie principale de lul-
mêinc existe encore pour recevoir le prix de ses bonnes
actiiuis, que s'ilest détruit tout entier comnieies béies.
Dans les malheurs qu'il éprouve en ce monde, la
plus douce consolation est de se représenlei' le bon-
heur qui l'attend dans un monde nouveau. 11 ne sera
jamais ébranlé par les maux actuels, celui qui s'iip-
puie loriement sur l'espérance des biens luturs. 11
re^^ardail comme légères et passagères ses dures tri-
bulations , celui qui élevait ses regards vers le poids
immense de gloire réservé pour lui dans l'éternité. Si
je me trompe, fait dire Cicéron au vieux Caïuu,
dans ma croyance de l'iinmortalilé des âmes, j'ai du
plaisir à me tromper ainsi. Je ne veux pas qu'un
m'arrache une erreur qui lait mes délices. Si, comuie
le pensent quelques minces philosupbes , je ne dois
rien si^ntir après mon trépas, je n'ai pas à craindre
que les philosophes mûris me i aillent de mon er-
reur.
« 2. Utile pour élever l'àme de l'hoinme, et pour
le consoler dans ses malheurs, la pensée de la vie
future l'est encore pour lui taiie embrasser la .vertu,
pour l'y maintenir quand il s'y est attaché, pour l'y
raiiieiier quand il a eu le inallieur de s'en écarter.
Quel encouragement aux actions généreuses peut
égaler la contemplation d'un Dieu qui en est le lé-
nioiii, le juge et le réiminérateur? Ulez la croyance
de l'unlre vie, quel iiiiéièt peut avoir l'Iioiume place,
dans des circonstances liès-fréqueiiles, cnlre la vertu
qui exige des sacrifices, et le vice qui promet des
avantages, sinon de préférer le vice à la vertu? «émet-
tez celle salutaire persuasion, vous rendez à l'homme
un intérèi de suivre la vertu supérieur à tous ceux
que le vice peut présenter. Cet intéiét de la vie fu-
ture donne un molil universel pour toutes les per-
sonnes, pour toutes les actions, pour toutes les cir-
cunstaiiccs; un m<itil facilement aperçu, un motif
coniiniieilcmeni aciil', un motif dont lu poids ne
peut raisonnablement èlre balancé par aucun autre ;
et pnur imus en convaincre, nous n'avons besoin
que de l'aveu môme des adversaires de notre dogme.
En contestant sa vérité, ils rccunuaisseut luriiielle-
m
aMë
AMË
162
tre, s'il n'y a b\ récdmpenses à espéref, ni
cliâtiinenls à craindre après la morl.— Abra-
ham entend de la bouche de Dieu ces paro-
les consolantes : Je serai moi-même ta grande
récompense. {Gen. xv, 1). Elle était liien fai-
ble, si elle devait se borner à la vie présente.
Que Taisaient à ce patriarche les bénédic-
ment son utiliié. Bergier a rf^iini un grand nombre
d* ciinressioiis pnsiiives des inciédiiles : je ne puis
mieux faire que de copier ses espiesslons.
f 3. Lesdeslrucleiiis de l'ànie sonl forcés d'avouer
I la iiécessiic du dogme (|ue mous éiablissons. Kpi-
( cure n'a janiais osé prétendre ((ne sa dmirine pi'it
I èlre iililc à la société, si elle devenait coniinune :
I il la donniil coniine un mystère (le<lliié seulement
« à laire la félicité d'un philosoplie, comme si on
I pliilnsoplii' n'était plus un homme! Spinosa couve-
< naii qu'il vaut ndcux i|uc le peuple lasse son de-
« voir par religion quo pur ciainte : or, la religion
I serait nulle, sans la croyance de la vie future.
< l'omponacc dit i|u'il a fallu, pour le bien eiimuinn,
( proposer au très-grand nombre des liommes les
< peines et les lécompcnses de l'auire vie, parce
< qu'ils sonl nés avec de mauvaises inclinaiions.
I Bayle soutient, contre Cardan, qu'il n'e^l pas vrai
( que ce dogme ait produit plus de mal que de bien ,
( iiiênie à ne cdiisuléier les choses que par des vues
< de poliiique ; que la dociiitie contraire dcsesi ère
< les gens de bien. Tullatid, dans ses Leiires pliilo-
t sojihiqnes , avoue que , p(mr réprimer les nié-
t cliauls, il a été nécessaire d'établir l'opinion des
I peines et des récnmpenses après la mon. Selnn
( Schafbliiiry, croire ijuc les mauvaises actions
< sonl punies par la justice divine, est le meilleur
I remède contre le vice, el le plus grand encoufage-
I ment à la vei tu. lioiinghroke ohserve que la doc-
I trine des peines el des récompenses fniure^ est
i propre à donner de la force aux lois civiles, el à
< réprimer les vices des hommes. David Hume ne
I Veut point reconn. litre pour bons citoyens m bons
« politiques, ceux qui s'ellorcenl de désabuser le
« genre bnmain des préjnt;és de religiim.
« Même coiicerl parmi les incrédules français :
« l'auieur de la Lettre de T: ra^ybule à Leucippe con-
I vient que la croyance d'une autre vie est le plus
I fer nie fondeuienl dis sociétés, porie les lioiiilnes
t à la venu, el les détnliriie du crime. Dans les
< Senlimmis des pliitosoplies sur la nature de t'mne ,
• l'auteur confesse que !a morale des athées esl
« dangerense en général, et n'est boime .i piècher
< qu'aux honnêtes gens. Dans les Dmlmjues sur t'âme,
« il est dit que, pour des hommes f.iibles et corroin-
< pus , une religion dnginalique el la supposition
t d'une première cause deviennent nécessaires ;
I qu'une origine divine et l'attente d'un bnidieur
I éternel llaiieni l'amour-propre, et peuvent pro-
< duire de grandes choses. I.'anteur du Système de
i la Nature prouve qu'aucun luolif mtuiel n'est as-
I sez fort pour détourner du vice un homme né avec
« des passmns vives, et (|u'il n'est pas le n ;iître d'y
« résister : il esl donc liès-à-propus de recourir à
« un motif surnalurel. Dans les Lettres à Sophie, il
«est dii que l'hvpiilhèse de rimmorialiié de l'âme
« esl, de tenues les fictions, l.i plus piopre au bun-
« heur du genre humain eu général, el à la lolii lié
« des paniculiers qui le tolnpo^eul. L'auteur du li-
« vre de l'Esprit esl d'avis qu'il faut conserver ,
I même aux fausses ielii;inns, ce qu'elles ont d'utile;
« qu'il ne laul point détruire le tarlure ni l'elysée.
« On demandera peut-être comment, avec de pa-
« reils aveux, de pi étendus zélaieurs des inlérêts de
» riiumanilé osent écrire coiitie la croyance d'une
il autre vie? Oe n'est point à nous de répomlre.
t C'esi au lecteur judicieux à leur rendre la justice
«ijui leur esl due.»
tiens qae Diea lui promeltait de répandre
sur sa postérité? AbrahaW achète uiie ca-
verne pour servir de toitibeau à Sara son é-
pouse ; il la laisse pour héritage à ses en-
fants. Jacob veut y être enterré et dormir
arec ses pères {Gen. xlvii, 30). La mort ne
peut être ceilsée un sommeil, qu'autant qu'il
y a un réveil à espérer. Ce patriarche, près
de mourir, assemble ses enfants : Je meurs,
dit-il; enterrez-moi dans le tombeau d'Abra-
ham et d'Isaac ; el s'adressant à Dieu, il a-
joute : J'attends de vous, Seigneur, ma dé-
livrance et mon salut {Gen. XLVm, 21 ; xi.ix,
18 el 29). 11 n'élait point question là de la
guérison; Jacob savait bien qu'il ne relève-
rait pas de sa maladie. — Joseph son ûls,
dans la môme circonstance, dit à ses frsres :
Après ma mort, Dieu vous lisitera et vorts
conduira dans ta terre qu'il n promise à nos
pères Abraham, Isaac el Jacob Tran<por-
tes mes os avec vous (l, 23). Cet ordre fui
exécuté {Exod. xiii, 19). Si on nous demande
où est gravé le dogme de rinimurlililé, nous
répondrons hardiment : Sur le tombeau des
patriarches.— Job, réduit au comble du mal-
heur, ne perd point courage ; il dit : Quand
Dieu m'ôterait la ve, j'espérerais encore en
lui ( xm, 15). Les leviers de ma bière porte-
vont mon espérance ; elle reposera avec moi
dans lapoussière du tombeau (xvi, 17 ; tlebr.).
Sur ce sujet, Salomon dit dans les Proverbes
(XIV, 32j, que le juste espère même dans sa
mort. Que peul-il espérer, s'il meurt pour
toujours ?
Il est inconlestable que les Egyptiens
croyaient non-seulement l'immortalité de
Yâme, mais encore la résurrection future;
c'est pour cela qu'ils enibanmaienl les corps.
Les Israélites ont demeure plus de deux
cents ans parmi les Egyptiens, el ils onl
imité leur coutume d'embaumer; serait-il
possible qu'ils n'eussent pas adopté la mê-
me croyance, si déjà ils ne l'avaient pas
eue pir la tradition de leurs pères? Mais
nous en avons des preuves trop positives
pour pouvoir en douter.
1° Moïse leur défend d'interroger les
morts, pour apprendre d'eux les choses ca-
chées , comme faisaient les Chananéens
{Deut. xviii , 11). Malgré la défense, celle
superstition fut pratiquée. Saùl fil évoquer
par une pylhonisse l'rfme de Samuel, qui lui
dit : Demain vous et vos jUs sereu avec moi
(/. Rrg. xxriri, 11). Isaïe parle encore de
cet abus (viii, 19; lxv, k). 11 n'aurait pas
eu lieu chez une nation persuadée que les
morts ne subsistent plus. C'est pour cela
même que tout homme qui avait toui hé un
mort était censé impur. — 2° En offrant à
Dieu les prémices des fruits de la terre, un
Israélite était oblige de protester qu'il n'en
avait rien employé à un usage impur, et qu'il
n'en avait rien donné au mort [Deut. xxvi,
13). L'usage de faire des offrandes aux mâ-
nes ou aux dmes des morts, de se couper
Us cheveux et la barbe, et de les mettre
dans leur cercueil , de répandre du sang à
leur honneur, suppose évidemment la
croyance de l'immortalité de \'âme ; toutes
483
AME
AME
184
ces saperstitioDS sont défendues aax Joifs,
parce qu'ils étaient enclins à y tomber {Le-
vit. XIX, 27 ; Dent, xiv, t). Cela n'aurait pas
été nécessaire s'ils n'avaient eu aucune no-
tion d'une autre vie. 3° Le prophète Balaain
dit {Num. xxiii, 10) : Que mon ame meure de
la mort des justes, et que mes derniers mo-
ments soient semblables aux leurs. Quelle
différence peut-il y avoir entre la mort des
justes et celle des pécheurs, s'il n'y a rien à
espérer ni à craindre après la mort. Les pre-
miers, sans doute, sont tranquilles et n'ont
point de remords ; et pourquoi les seconds
en auraient-ils, si tout finit avec celte vie?
— 4° Pour avertir Moïse de sa mort pro-
chaine, Dieu lui dit : Tm dormiras avec les
pères {Deul. xxxi, 16). Monte sur la monta-
gne de Nébo ; tu y seras réuni à les proches,
comme ton frère Aaron est mort sur la mon-
tagne de Hor, et a été réuni à son peuple
{Dent, xxxii, 49). Mais les parents de Moïse
et d'Aaron avaient été enterrés en Egypte ;
ces deux frères, morts dans le désert, ne
pouvaient donc pas être réunis, par la sé-
pulture, à leur f;imille. Ces expressions
nous indiquent évidemment un séjour des
morts (lifftrenl du tombeau. — 5° David, é-
tonné de la prospérité des pécheurs, de leur
insolence et de leur impiété, avait été tenté
de désespérer des récompenses de la vertu,
et de regarder les justes comme des insensés.
J'ai voulu, dit-il, comprendre ce mystère; j'y
ai eu de la peine, jusqu'à ce que je suis encré
dans le secret de Dieu, et que j'ai considéré
leur dernière fin. {Ps. lxxii, 16). Ce scandale
ne serait pas dissipé, si les uns et les autres
avaient la mort pour dernière fin. — 6° Salo-
mon son fils fait la même chose dans l'Ecclé-
siaste ; il lient d'abord le langage d'un épi-
curien, qui juge que tout se termine au tom-
beau, que les bons et les méchants ont la
même destinée. Qui sait, dit-ii, si l'esprit
des enfants d'Adatn monte en haut, et si celui
des animaux descend dans la terre?.... Tous
meurent de même ; les morts ne sentent ni ne
connaissent plus rien ; il n'y a plus de récom-
pense pour eux, et leur mémoire tombe égale-
ment dans l'oubli : bornons-nous donc à jouir
du présent, etc. Mais bienlôt il réfute ce lan-
gat;e impie. Ne dites point : Il n'y a point de
Pkovidence, de peur que Dieu, irrité de ce
discours, ne confonde tous vos projets
Craignez Dieu (y, 5). Il vaut mieux aller
dans une maison où règne le deuil, que dans
celle oi'i l'on prépare un festin : dans la pre-
mière, l'homme est averti de sa fin dernière,
cl quoique plein de vie, il pense à ce qui doit
lui arriver (vu, .'{). Parce que les méchants ne
sont pas punis d'abord, ies enfants des hom-
mes font le mal sans crainte ; cependant, puis-
que l'impie a péché cent fois impunément, je
suis certain que ceix qui craignent Dieu pros-
péreront à leur tour (viii, 11). Itéjouisscz-
vous pendant votre jeunesse, à la bonne heure :
mais sachez que Dieu sera votre juge sur tout
cela (xi, iJ). Soiivenez-vons de votre Créateur
dans ce temps-lèi mètne^ avant que n'arrive le
moment auquel lu poussière retombera dans
la terre d'oè( elle a été tirée, et auquel l'esprit
retournera à Dieu qui l'a donné (xii, l et 1-).
Craignez Dieu et observez ses commande-
ments : c'est l'essentiel pour l'homme ; Dieu
entrera en jugement avec lui pour tout le bien
et le mal qu'il aura fait (xiii). Comment les
épicuriens de nos jours ont-ils osé affirmer
que Saloinon pensait comme eux? — 7 Elle
voulant ressusciter un enfant dit à Dieu :
« Seigneur, faites que l'rfmede cet enfant re-
vienne dans son corps. » L'historien ajoute
que l'âme de cet enfant revint en lui et qu'il
ressuscita (/// Reg. xvii, 20). Ce n'est pas
le seul prodige de cette espèce rapporté dans
les livres saints. Les matérialistes ont-ils
jamais cru aux résurrections? — 8° Isaïe
nous assure que les justes morts se reposent
dans le lieu de leur sommeil, parce qu'ils
ont marché droit (lvii, 1 et 2). 11 suppose
(xiv, 9) que les morts parlent au roi de Ba-
bylone lorsqu'il va les rejoindre, et lui re-
prochent son orgueil.
Tous ces écrivains sacrés que nous citons
ont vécu avant la captivité de Bahylone ; ils
tiennent cependant le même langage que
ceux qui sont venus après, comme Daniel,
Esilras, les auteurs des livres de la Sagesse,
de l'Ecclésiastique et des Machabées. Cette
uniformité d'expressions, de conduite, de
lois, d'usages, nous parait plus capable de
constater le fait de la croyam e constante des
patriarches et des Juifs, qu'une dissertation
philosophique sur la nature et la destinée de
Vâme humaine, quand même elle aurait été
faite par l'un des enfants d'adam.
Les Egyptiens, les Chan inéeiis, les Chal-
déens, U-s Perses, les Indiens, les Chinois,
les Scythes, les Celtes, les anciens Bri'lons,
les Gaulois, les Grecs et les Humains, les
Sauvages même, ont cru de tout temps l'im-
mortalité de l'âme. C'est sur celte Iradiliou
universelle que Platon, Cicéron et les autres
philosophes fondaient l'opinion qu'ils en
avaient, beaucoup plus que sur leurs dé-
monstrations. Et (les disserta'eurs modernes
avaient entrepris de nous persuader que,
par une exception unique sous le ciel , les
Juifs ignoraient profondément cette vérité,
et qu'il n'eu est pas fait mention dans leurs
livres !
Nous convenons que chez les païens la
croyance de l'iniraortalilé de Vdme n'a ja-
mais fait partie de la religion publique ;
aucune loi ne rendait sacré ce dogme impor-
tant; on pouvait l'admettre ou le nier sans
conséquence et sans courir aucun danger.
C'est ce (|ui dénioiilre combien la religion
païenne était incapable de contribuer à la
pureté des mœurs, et combien les peuples
avaient besoin d'une religion plus sage et
plus sainte.
Lorsque .lésus-Chrisl parut sur la terre,
la philosophie épicurienne, les fables des
poètes sur les enfers, et la corruption des
mœurs, avaient presque entièrement détruit
chez les païens la croyance de l'immortalité
<le Vâme. Malgré les arguments de Platon
etdeljceron, Juvénal nous apprend que,
chez les Romains, personne, excepté les en-
fants, ne croyait plus à la fable des enfers.
185
AMR
AME
186
Par une vieille habitude, on honorait encore
les mânes ou les âmes des morts, et l'on fai-
snil des apothéoses; mais personne ne savait
ce qu'il fallait penser de TiHat de ces rimes.
La foi à la vie à venir n'entrail pour rien
dans la morale; il ne restait à la vertu, pour
se soutenir, que l'instinct de la nature et un
faible presscnliment des peines et des récom-
penses futures. Cette même foi élail ébranlée
chez les Juifs par les sophismes dos sadu-
céens; l'on seulait le besoin d'un maître plus
imposant que les docteurs de la loi et que les
philosophes.
Le Fils do Dieu annonça la vie éternelle
pour les justes , et le feu éternel pour les
méchants; il fonda ce dogme, non sur des
arguments philosophiques, mais sur sa pa-
role, qui était celle de Dieu son Père; il le
prouva non-seulement par les résurrections
qu'il opéra, mais par sa propre résurrection ;
il assura, non-seulement la vie éternelle de
Vâme, mais la résurrection future des corps.
Il fit de ce doj;me capital la base de toute sa
morale ; par là il consola et encouragea la
vertu, il fil trembler le crime, il l'ornia des
disciples capables de mourir comme lui en
bénissant Dieu, et i! imposa plus d'une fois
silence aux frivoles olijeclions des saducéens.
Lorsqu'ils voulurent argumenter contre le
dogme de la résurrrction future, il leur dit:
N'dvez-vons pas lu ce que Dieu vous a dit:
Je suis le Dieu D'.\BiiàHAM, d'Isaac et de
Jacob? // n'esi /ms le Dieu des morts, mais
des vivants. (Malth. xxii, 31). Kn effet, ces
patriarches n'ont pas été récompensés dans
cette vie de leurs vertus et du culte qu'ils
ont rendu constamment à Dieu; il faut donc
que Dieu les récompense dans une autre vie;
et s'ils vivent, pourquoi ne ressusciteraient-
ils pas? — Jésus-Christ, dil saint Paul, a
mis en lumière la vie et l'immortalité par
l'Evangile ^11 Tim. i, 10). S'il n'a pas dit de
la vie future tout ce que voudraient les phi-
losophes pour satisfaire leur curiosité, il
nous en a sulfisamment appris pour con-
firmer la foi des justes et pour effrayer les
pécheurs.
Celse et les autres philosophes ennemis
du christianisme ont tourné en ridicule le
dogme de la résurrection des corps; mais
ils n'ont osé rien affirmer sur l'état des âmes
après la mort : ils ont mieux aimé demeurer
dans une ignorance qui favorisait leurs vi-
ces, que d'embrasser une doctrine qui les
aurait excités à la vertu. 11 est trop tanl,
après dix -sept cents ans de lumière, de
vouloir ramener les anciennes ténèbres tou-
chant la nature el la destinée de l'dme hu-
maine.
111. De l'origme de l'âme. La croyance gé-
nérale de l'Eglise chrétienne est que les
âmes humaines sont l'ouvrage immédiat de
la puissance divine, et que Dieu leur donne
l'être par création. Ce sentiment est fondé
tout à la fois sur l'Ecriture sainte, qui dit
que Dieu a créé toutes choses sans exception,
el sur la notion claire que nous avons de la
nature des esprits. Puisque ce sont des êtres
simples, sans étendue et sans parties , uo
esprit ne peut être détaché de la substancs
d'un autre esprit; il ne peut donc en sortir
par émanation, comme un corps sort d'un
autre corps dans lequel il était renlcrnié.
Ou il faut que les âmes soient éternelles
el sans commencement comme Dieu , ou
il faut qu'elles aient commencé d'être par
création.
Cependant de savants critiques protestants
prétendent que ce n'a point éié là le senti-
ment des anciens Pères de l'Eglise; que la
plupart ont cru, comme le grand nombre des
philosophes, que les âmes sont une partie de
la substance divine, el qu'elles en sont sor-
ties par émanation. Beausobre, en pirtlcu-
lier, dans son Histoire du Manichéisme ,
1. VI, c. 5, § 9, s'esl attaché à prouver ce
fait, el il s'en est servi pour réfuter ou pour
éluder les arguments par lesquels les Pères
ont attaqué les manichéens. Gomme cette
erreur serait grossière et donnerait lieu à
des conséquences très-fausses, il est bon de
savoir si les Pères y sont réellement tombés.
1° 11 est difficile de croire que les Pères,
qui ont formellement enseigné que Dieu a
créé les corps ou la matière, aient douté s'il
a créé aussi les esprits; l'un lui a-t-il été
plus difficile que l'autre ? Les anciens philo-
sophes n'ont admis les émanations que parce
qu'ils retenaient le dogme de la création ;
dès que les l'ères ont professé ce dogme,
quelle raison auraient-ils. pu avoir de croire
l'émanation des esprits. 2° Beausobre, après
avoir cité un passage de Manès, qui porte
que la première dme émana du Dieu de la
lumière, dil qu'il ne faut pas presser ces
mois, qu'ils peuvent signifier seulement que
Vâme fut envoyée de la part de Dieu; mais
dans les passages des Pères qu'il cite, il
presse tous les mots, ou les prend dans le
sens K' plus rigoureux. 3° 11 ne veut pas que
l'on impute aux manichéens les conséquen-
ces qui suivaient de leur doctrine, parce que
ces hérétiques les niaient; mais il a grand
soin de relever toutes les conséquences des
opinions fausses qu'il attribue aux Pères,
quoique ceux-ci ne les aient jamais admi-
ses, l'elle est sa méthode dans tout sou livre.
Mais voyons les passages qui lui servent de
preuves.
Dans le dialogue de saint Justin avec Try-
phon, n. 4, ce Juif lui demande si l'dme de
l'homme est divine et immortelle; si c'est
une partie de l'Esprit souverain, regiœ men-
tis pariicula ; si, de même que cel Esprit
voit Dieu, nous pouvons espérer de voir en
esprit la Divinité, et d'être ainsi heureux.
Assurément, repond saint Justin. Mais ce
qui précèile prouve clairement, 1° que par
VEsprit souverain qui voit Dieu, saint Justin
entend le Saint-Esprit; 2° que la seule ques-
tion était de savoir si l'dme peut voir Dieu.
Ainsi, la réponse affirmative de saint Justin
tombe direclemcnl sur celte partie de la
question, et non sur ce qui précède. Beau-
sobre a tronqué le passage, pour persuader
le contraire. 3° Saint Justin déclare, ihid.,
n. k, qu'il ne croit point, comme Platon, que
idme est iucréée, àyènrixot, et indestructible
187
AME
AïlË
m
par sa nature, non plus que le monde. Je
ne pense p'is néanmoins, dit-il, qu'aucune ame
périsse. S'il avait pensé que Vâme est une
portion de Dieu, aurail-il cru quVlIe peut
être anéantie?— Dans le fragment d'un ou^
vrage sur la résurrection future, n. 8, saint
Justin reprend ceux qui disaient que Vâme
est incorruptible, parce que c'est une partie
et un souffle de Dieu ; mais qu'il n'en est pas
de môme di' la chair. « Serait-ce donc, dit ce
Père, une preuve de puissance ou de bonté
de la part de Dieu, de sauver ce qui doit être
sauvé par sa propre naiure, qui est une por-
tion de lui-même et son sonfilf? Ce serait se
rons< rver soi-même. " Je cri>irais, dit Beau-
sobre, que ce raisonnement de Justin est un
.■)igument ad liominfm, s'il ne s'était pas ex-
pliqué clairement dans sa dispute avec ïry-
phon. Or, nous venons de voir que cette
explication est absolument contraire au sen-
timent de Bcaiisobre ; donc le seul but de
saint Justin, dans le passage que nous exa-
minons, est df prouver que ceux qui nient
!a résurrection de la chair raisonnent ni.il. —
Tatien, son disciple, contra Grœcos, ii. 7, dit :
« Le Verbe divin a fait l'homme image de
l'immortalité; de manière que, comme Dieu
est immortel, ainsi l'homme, fait participant
d'une portion de Dieu, n aussi l'immortalité;
mais avant de créer l'homme, le Verbe a
créé les anges. » 11 est constant que, par
cette poi lion de Dieu, Tatien, comme saint
Justin son maître, entend le Saint-E'^prit ;
si cette portion était Vdme de rhomme, il
serait absurde de dire que l'homme en a
été fait participant. N. 1-2: « Nous connais-
sons, dil Tatien, deux espèces d'esprit : l'une
est appelée Vdme; l'autre, plus excellente,
est l'image et la ressemblance de Dieu. Les
premiers hommes avaient l'une et l'autre, de
manière qu'ils étaient en partie matière, et
en partie supérieurs à la matière. » Beau-
sobre, liv. V'i, c. 1. n. 1, conclut de ce passage
que les Pères, aussi bien que les manichéens,
admettaient deux âmes dans l'homme. Nou-
velle fausseté : jamais les Pères n'ont pnrsé
que le Saint-Esprit fût une partie de Vdme
humaine. - Saint C émenl d'Alexandrie ,
Strom., liv. VI, p. C63, et saint Irénée, liv. v,
c. i-2, n. 2, se sont exprimés de même; tous
ont pensé que Vdme est rendue immortelle
par la vertu du Saint-Esprit, et non par sa
nature, parce qu'elle a été créée : or, si
c'était une portion de la substance divine,
elle serait immortelle par sa nature même,
et serait incréér. — Saint Méthode, Sympos.
Virg., p. 74, dit que la semence humaine
contient, pour ainsi dire, une partie divine
de la puissance créatrice. Beausobre a sup-
primé ces mots pour ainsi dire, qui font voir
qu'il ne faut pas prendre à la lettre ce pas-
sage; il .signifie seulement que l'homme a
reçu de Dieu le pouvoir de procréer des en-
f.ints. — L'auleur des l'ansses Clémentines ,
homil. l.'j, n. Ki, dit que Vâme procédant de
Dieu est de même substance que lui, quoi-
que les âmes ne soient pas des dieux : c'est-
à-dire, que Vâme est esprit comme Dieu;
nuiis l'auteur ne dit pas qu'elle c»t une partie
de sa substance. — Suivant Lactance, liv. ii,
c. 13 : (( Dieu, ayant formé le corps de l'hom-
me, lui souffla une âme de la source vivitîanle
de son esprit, qui est immortel... LVime par
laquelle nous vivons vient du ciel et de Dieu,
au lieu que le corps vient de la terre. » Si
cela prouve que Vâme e-t une émanation de
la nature divine, il faut attribuer cette er-
reur à Moïse : Laciance ne fait que répéter
son expression. — Tertullien est plus obs-
cur : selon sa coutume, en parlant de Vâme
il prodigue les métaphores; si l'on veut tout
prendre à la lettre, il n'y a pas d'erreur que
l'on ne puisse lui imputer. Lib. de Anima,
c. Il, il dit que Vdme n'estpas proprement
l'esprit de Dieu, mais le souffle de cet esprit.
Il distingue l'esprit ou l'entendement d'avec
Vâme; il l'appelle le siège naturel de Vâme,
ce qu'il y a en elle de principal et de divin,
c. 12. « Cet entendement, dit-il, peut être
obscurci, parce qu'il n'est pas Dieu; mais il
ne peut être éteint, parce qu'il vient de
Dieu... Dieu l'a fait sortir de lui par son
propre souffle. » Adv. Praxeam, c. 5. il dit
que l'animal raisonnable n'a pas seulement
été fait par un ouvrier intelligent, mais qu'il
a été animé de sa propre substance. Rien
n'est plus formel. Mais il est de l'équité na-
turelle de juger des sentiments d'un auteur
par ses raisonnements plutôt que par ses
expressions. Or Teriullien, dans son livre
contre Hermogène, qui soutenait la matière
éternelle et incréée, prouve que Dieu est
créateur, seul éternel, que tout ce qui existe
a été créé de rien; c'est la conclusion de son
ouvrage. Ainsi, par le souffle de l'esprit de
Dieu, il entend l'effet d'un souffle créateur;
autrement cette expression serait inintelli-
gible. Dans son livre de Anima, c. 1, il dil
qu'il a traité contre Hermogène de l'origine
de Vâme, de Censu animœ; qii'il à prouvé
qu'elle n'e^t point tirée du sein de la matière,
mais du souflle de Dieu : puisque ce souffle
est créateur. Il faut que Vâme ait commencé
d'être par création. C'est aussi ce que prouve
Tertullien, c. 4. « Puisque nous soutenons,
dil-il, que Vâmr vient du souifle de Dieu,
nous devons par conséquent lui attribuer
un comini ncement; aussi enseignons- mius
contre Plalon qu'elle est née et a été faite,
parce qu'elle a commencé... Il est permis
(l'exprimer par le même terme, être fait, être
enyendré, recevoir l'être, puisque tout ce qui
a commencé d'être reçoit la naissance; et
l'on peut appeler un ouvrier le pêie de ce
qu'il a fait. Ainsi, selon notre foi, qui en-
seigne que Vâme est née ou a été faite, l'Ecri-
ture prophétique a réfuté le sentiment de
Platon. >i Or, Platon admettait les émanations
des esprits, parce (ju'il lejiiatt In ciéaiion.—
Ibid., c. 10 et suiv. Luin de distinguer deux
substances, ou deux parties dans Vâme, il
réfuie celle opinion comme une erreur des
philosophes. « \.'dme, dil-il, c. H, est une et
simple, tiiut entière en soi, de suo tuta est;
elle ne peut p.is plus être composée que di-
visible et destructible, etc. » .Après une pro-
fession d(! foi aussi claire, nous ne concevons
pas cuiuuieul un peut accuser Tertullien
18»
AME
AME
190
d'avoir cru Vâme corporelle, et cependant
émanée de la subslaiice de Dieu, et d'avoir
distingué Idme de l'esprit ou de l'entendc-
ment. il a seulement distingué dans l'âme les
facultés et les opérations, comme la vie ou
la respir.'ilion, la puissance de mouvoir ou
de senlir, l'intelligence ou l'enlendcment, et
la volonté : nous faisons encore de môme. —
Que prouve donc ce qu'il a dit en passant
dans le livre contre Praxéas, où il s'a(;issait
de tout antre chose que de la nalure de Vâme?
Rien du toul. On peut dire sans erreur que
l'homme a été animé par le souille de Uieu,
souflle créaleur, émané tie la propre sub-
slaiice de Dieu ; mais ce souflle a été la cause
efflcienie de l'âme, et non l'dine elle-même.
Cent fois l'on a dit que l'âme est un souflle
divin, parce qu'elle en est l'effet, et non
parce que c'est une émanation de la sub-
stance de Dieu. Nous lisons dans Job, c.
xxxiii, \. k : Le Sdiilflr du Tout-Puissant
m'a donné la vie. Les Pères n'ont rien dit de
plus.
Enfin Beausobre a cité Synésius, qui ap-
pelle Vâme de l'homme, la semence de Dieu ;
une étincelle de son esprit, la fille de Dieu,
une partie de Dieu : mais c'est dans les poé-
sies que Synésius s'exprime ainsi, et les mé-
taphores chez les poètes ne sont pas des ar-
guments de métaphysique. 11 est absurde de
les prendre à la rigueur, pendant que Beau-
sobre ne veut pas que l'on en agisse ainsi à
l'égard des hérétiques.
Nous convenons que la question de l'ori-
gine de Vâme est très-obscure, surtout lors-
qu'on s'en tient aus notions philosophiques:
il y a eu sur ce point trois ou quatre opi-
nions différentes chez les anciens. Les uns
ont cru la préexistence des âmes , comme
Origène, mais il supposait que Dieu les a
tirées du néant toutes ensemble ; les antres
ont pensé que Dieu les a créées en détail, à
mesure que les corps humains sont engen-
drés : plusieurs ont imaginé que Vâme d'A-
dam fut tirée du néant, et que toutes les au-
lnes naissent de celle-là par voie de propa-
gation , ex traduce. Quant au système de
l'émiination des âmes hors de la substance
de Dieu, c'a été celui des philosophes, et non
des docteurs de l'Eglise, qui tous ont admis
la création. Aussi saint Augustin qui, dans
sa lettre 143 à Marccllin, et dans sa lettre à
Optât, compte quatre opinions touchant l'o-
rigine de Vâme, ne fait aucune mention des
émanations. Au reste, il est faux que l'une de
ces opinions soit plus commode que les au-
tres pour résoudre les difficultés que l'on lait
sur l'origine du mal moral. Les critiques
prolestants ne se sont obstinés à prêler aux
Pères de l'Eglise le système des émanations,
qui a été celui des philosophes et des anciens
hérétiques, que pour avoir la satisfacliou de
les déprimer, et on dirait qu'ils ont cherché
à faire leur Cour aux sociniens. Voy. Emana-
TlOf) (i).
(1) Propriétés de Càtne Immaine; — Les propriétés
humaines rcssorUnl printipaleinent de noire âme :
nous allons les exposer. Ces propriétés sont l'unité,
l'idenUlé, la liberté el la pursunnalité.
Ame du monde. Le système de Pylhagore,
des stoïciens el d'autres philosophes , était
que le monde est un grand tout dont DieB
est Vâme, et diKiuel les différents corps, com-
me les asircs, la (crro, la mer, etc., sont les
membres ; que Dieu est répandu dans toutes
ces parties et les anini!', comme notre âme
vivifie et lait mouvoir toutes les piirties de
notre corpv. Celte opinion supposait que la
malière est élernclle ; que Dieu ne l'a point
1" Vniié humaine. Les trois modes d'action ([no
nous avnnii reconnus dans le principe actif humain,
sont très-souvent simultanément en exercice. Com-
bien de t'is n'ariive-lil \y.\s (|ue nous sentons, qui;
nous nous MKinvons el que nous pensons toul à la
fois? Et même, nous ne distinguons ces opérations
les unes des antres, nous ne les isolons que par ab-
stractiim. D'ailleurs, elles sont tontes réunies sous
l'empire d'une même volonté. Nous avons vu ci-des-
sus {col. ttii, noi. 1), coinment les diverses sensa-
tions sontcentralisées sans être confondues, comment
elles sont comparées par la pensée, comment à leur
occasion il y a réaction du principe actif sur le
monde exiérieur. 11 est donc évident que la sensibi-
lilé, la molUilé el Viitlelleclion sont trois propriétés,
ou mieux Imis modes d'action du mônie principe
actif. Ainsi, il v a dans 1 homme une unité réelle el
stable dont I aciivité eenlr:ilise loni.
Uueli|ues matérialistes ont prétendu que l'unité
humaine, donl ils ne peuvent inéconnailre rexistence,
avait son siège dans les organes. Nous avons dé-
montré, à l'endroit cité ci-dessns, qu'il n'y a point
dans l'organisme d'uniie prupreinenl dite, mais que
le sysiènie nerveux de relation, le seul des opé-
rations dui|uel nous ayons la conscience, a une multi-
tude de centralilés ijui se correspoiident deux à deux
dans les deux lobes du cerveau, el doni aucune n'est
plus importante que les :iulres. Il y a donc nécessai-
rement pluralité dans l'orgaiii^nie ; d'uù il suit que
l'unité Ininiaiiie a un luul autre piiueipe. On ne peut
même supposer que celle uniié réside dans un atonie
indivisible de matière, qiioi^)ue dans celle liyp iliese,
de la Luzerne, el après lui les traiiés classiques de
philosiipliie, disent que la question ne sérail plus i|ue
dans les mots. Cet ;ilouie, éprouvant simiillauémenl
plusieurs inipiessions dilTét entes, ne pourrait ni les
distinguer, ni les comparei' : cependant l'uniié hu-
maine compaie el juge. De plus, la pliysiol"gie mo-
derne recoim;.it que les molécules qui coiisUlvienl
l'organisme sont sans cesse renouvelées et rem-
placées par d'autres : or, ce phénomène ne pour-
rail concorder avec la stabilité de l'unité hu-
maine . si une molécule matérielle quelconque ,
soii divisible , soit indivisible, en était le siège.
Ce raisonnement est d'autant plus fort que les
matérialistes modernes placent Itur molécule pri-
vilégiée dans le système nerveux, el que cepen-
dant le llulde nerveux, seul propre aux impressions,
est renouvelé parlitllement aux dépens du sang après
chaque liausiinssion de mouvement, elintégraleinenl
par le sommeil, au moins une fois toutes les yinijl-
quatre heures. Il esl donc bien certain, d'après ces
faits, que l'unité lunnaine ne peut avoir qu'un sujet
actil ou immatériel.
i* Ideiiiiié liuma'iie. L'id.niiié humaine n'est rien
aulre chose que luiiiié considérée comme persévé-
rant pendant toute l.i durée de la vie : c'est l'unite
humaine elle-ujèine en lant que stable. Aussi, les
considérations physiologiques qui ont été expo-ees
concernant la naluie du suhslralum de I nmle, s ap-
pliquent-elles d'elles-mêmes à l'ideniiié. Mais voyons
enctire comment la conscience permanenle de noire
idenlilé prouve riinmaiérialilé du principe qui agU
ennous. La physiologie reeonnail depuis loiigiemps
que louie la substance du corps se renouvelle lUie-
19i
AME
AME
498
créée, mais seulement arrangée, et qu'il a
ainsi formé son propre corps , qui est le
monde. Quelques sloïciens poussaient l'ab-
surdité jusqu'à dire que le monde a une
âme, qui s'est faite elle-même et a fait le
monde : Babere mentein qitœ et se et ipsum fa-
bricata sit. Cic, Aciid. Quœst., 1. 2, c. 37.
On prétend que c'était aussi le sentiment
des Egyptiens. Dans cette hypothèse, toutes les
partiesdela nature sont;inimées aussi bienque
l'hommeetqueies brutes ; toutes lesdmes parti-
culières sont des portions détachées de la
grande âme qui meut le tout ; elles vont s'y
réunir, lorsque le corps particulier qu'elles
animent vient à se dissoudre. Combien d'er-
reurs les anciens philosophes ont soutenues,
faute d'admettre le dogme de la création !
Les athées modernes et les matérialistes,
aQn de tourner notre croyance en ridicule,
gralement plusieurs fois pendant I;» vie, par l'action
ineessanie de la nutrition, i Ce qu'il y a, dit nufl<in,
de plus constant, de plus invariable dans la nature,
c'est l'eiiipreinie ou le moule de chaque espèce; ce
qu'il y a de plus variable et de plus corruptil)le, c'est
la substance. > Le grand Cuvier a aussi décrit le mê-
me phénomène. « Dans les corps vivants, dit-il, au-
cune molécule ne reste en place; toutes entrent et
sortent successivement : la vie est un tourbillon con-
tinuel, dont la (liri'Clion, toute cotnpli(|uée qu'elle est,
demeure constante, ainsi que l'espèce des molécules
qui y s(uii entraînées, mais non les molécules indivi-
duelles elles-mêmes; au contraire, la matière actuelle
du coriis vivant n'y sera bientôt plus, et cependant
elle est dépositaire de la force qui coniraindra la ma-
tière fnture à marcher dans le même sens qu'elle. >
M. Flourens, membre cte l'Académie des sciences, a
coiiliiméen 1841 (Comple-rendu de l'Acad. des se,
janvier} par des expériences directes, le fait physio-
logique du renouvellement de l'oiganisme, même
dans les parties les (dus solides. Il a soumis un jeune
porc pendant un mois au léï^ime de la garance, et l'a
remis pendant six antres mois au rés;ime ordinaire.
H en a lait ensuite examiner les os par r.\cadémie
des science» : on y a remarqué une couche rouge ,
qui était sans (Ontredil la plus nouvelle quand l'ani-
inal éiait nourri à la gar.mce, mais qui était devenue
la plus ancienne, et par la résorption des ciiuclies
blanches les plus intérieures, qui préexistaient à la
couche rouge, et par la l'ormaiion de couches blan-
ches nouvelles , après (|ue le porc eut repris de la
nourriliue sans garance. Des expériences du même
genre oui été faites aussi dans ces derniers temps sur
des oiseaux avec beaueou|) de variété : elles ont eu
tontes des lésiilials analogues. Klles prouvent incon-
lesiablecneni que le subslralttm de l'identiié ne peut
être de la matière, et part .nt, qu'il est immatériel.
")" Liberté humaine, f^ous avons constaté, en trai-
tant soil de la seii-ibililé, soit de la moiililé, suit de
rinleilection du principe actif hnniain, que ce prin-
cipe esi doué de spontanéité (a). Or, pouvoir agir de
sol-même sans être nui par aucune force, c'est être
libre : la liberté déconle donc tonl natiirellemenl de
la spontai.éilé. Klle est fondée, en outre, sur le sen-
timent intime de cliaqne homme, et sur le léinoi-
giiagne de tous les inunines qui ont été ou qui sont
réunis en ci.rps de naiion. Tous ont accepte et smi-
vent même iin(iosé à leurs semblables une responsa-
bilité morale, qui ne peut avoir d'antre fondement
que la croyance univer.>elle en lalilierié humaine.
Des pliysiologisles de ces derniers temps ont pré-
tendu, pour anéantir la liberté tiumaine, et excuser
toutes les passions, qu'il existait dans chaque indi-
vidu quelques aptitudes à des actiuns spéciales, dé-
tenuinées par lui plus grand développement de cer-
(u) Voir ci-dcssus, col. lOÏ, not. 1,
ont dit que, sous le nom de Dieu, nous n'en-
tendons rien autre chose que X'âme du mon-
de, ou l'univers animé ; qu'ainsi nous re-
tombons dans l'erreur des stoïciens ; que,
comme eux, nous adorons la nature et rien
déplus; c'est ce qu'ils appellent le panthé-
isme. — S'ils voulaient être de bonne foi, ils
conviendraient au contraire que la révéla-
tion sape cette erreur par le fondement, en
nous enseignant que Pieu a créé le monde :
le panthéisme est absolument incompatible
avec le dogme de la création.
1° Les pythagoriciens et les stoïciens sup-
posent , les uns, l'éternité du monde : les
autres, l'éternité de la matière : dans l'by-
polbèse de la création, rien n'est éternel que
Dieu; tous les autres êtres ont commencé,
et Dieu les a tiré» du néant par son seul vou-
loir. Il a dit, et tout a été fait. — 2° Selon la
taines parties de l'encéphale. Ces renlleinents, selon
les mêmes ailleurs, seraient traduits par des protu-
bérances crâniennes plus ou moins saillantes, ma-
nifestant des penchants plus ou moins violents, des
aptitudes plus ou moins détei minantes. Sur ces faits
anatomiques vériiiés a posteriori, ainsi qu'ils l'ont
soutenu, iU ont essayé d'organiser une science qu'ils
ont appelé phrénvlotiie on craniuscopie. Call est l'iii-
venteiir de ce nouveau système de fatalisme et de
malérialiMue, que Bronssais mit tous ses snliis à po-
pulariser en France. J'ai fréquenté plusieurs lois des
Cours de plirciiotoiiie pratique, dans l'intenilon d'exa-
miner les choses de près, et je n'y ai trouvé qu'erreur
et charlatanisme. Lorsque les analystes ou les pro-
fesseurs eux-mêmes se trompaient dans l'appréciation
des aptitudes des sujets soumis à leurs investigations,
et ils se trompaient presque loiijniirs quand les per-
sonnes leur étaient tnut à lait incimiin 's, ils avouaient
que de l'aptitude on ne devait pas conclure la lié-
quenee des actes, ce qui, dans le tond , e;a t recon-
naître la puissance de la volonté, ou la liberté.
Mais citons l'autorité des hommes de la sdence,
pour démontrer que la pliréiiolc);;ie n'a dans l'anato-
niie aucun fondement véritable M. le docteur Foville,
dans ses rei lierches sur l'encéphale, est parvenu à
démontier, contre le système de tiall, que la forme
exiérieure du crâne est dépendante non des saillies
ou développeinenis des circonvolutions cérébrales,
mais des sacs séreux qui se dilatent dans les ventri-
cnb's. M. de Blain\ille, dans sou rapport sur le mé-
moire de cet habile e\périmeiilateui , appuie la mê-
me doctrine de nouvelles considérations, et prouve
que lus circonvolniKnis ccrébi aies, quand elles ap-
portent qneli|nes modiricatioiis à la loi nie du crâne,
ne joneiil iiu'un rôle irés-secoiulaire, mais que la
forme générale est certainenienl due à celle des
ventricules. (Voir ('.. R. de l'Acad. des se, séance
du il mai 18-lU). f Les piiré lologistes, du M. le
doclenr Biichez , piélendent posséder une scieiii e
faite, ayant nue icrtiliide et une méilinde, et don-
nant une prévoyance : or leur science n'existe pas;
elle est en contradiction avec ranatoinie. Us sou-
tiennent que les sens intra-crâniens sont des renfle-
ments nerveux on de petites masses nerveuses : or
dans le cerveau il n'y a presipie partout que des
lileis nerveux. Leur certitude, disent- ils, est fondée
sur l'observation; mais toujours , dans leurs obser-
vations, en les supposant niême aussi parfaites
qu'ils rassnrenl, il leur en manque nécessalremenl
la moitié. Ils piuvcni, eu elTet, obseiver les aetes
extérieurs des aninianx, c'est là le cùlé où ils peu-
vent avoir nue ceitaine certitude. Mais de là ils
concilient à nue aptitude, et à une certaine locallsa-
lion de cette aptitude dans un point de l'encéphale ;
voilà un (ôlé où la certitude leur inauquc l'oujours ,
195
AME
doctrine des stoïciens, Dieu, identifié avec
le monde, u'étuit pas libre d'en diriger.les
muuveuients à son gré : il était soumis aux
lois éternelles et immuables du destin : la
AMË
19*
providence n'était autre chose que la chaîne
successive et nécessaire de ces iiiêmes lois.
C'est par là que ces philosophes se flattaient
d'absoudre la providence des maux de ce
car d'abonl ils ne peuvent savoir si le système d'acies
exiéiieurs qu'ils onl reconim, esl l'effet d'une ou de
vingt apliluiles ; ensuite, quant à la loealisalion,
ils manquent cninpléiement des moyens de hi recon-
nailie d'une manière assurée ; leurs échecs , sous ce
rapport, sont innombrables; il n'est pas une seule
de leurs lucalisaiinns qu'une oliservuliun atleiilive et
répétée des lésions cérébrales n'ait démontrée
fausse. Leur métliode pour proiéder à la localisation
est grossière, mauvaise et tout à l'ait impropre. Que
faut-il, en effet, pour démontrer que tel sens réside
en tel lieu de i'encépbale ? Ils notent d'abord que
tel animal a tel insiinct ou telle aptitude; puis ils
examinent son crâne comparativement avec celui
d'un autre animal qui ne niainlesle ni cet instinct ni
celte :<piitudc; ils notent la saillie la plus considé-
rable qui se trouve sur le crâne du premier, et ne se
trouve point sur le crâne du second; et ils alliruienl
que le reidiement cérebial' dont dépend l'aptitude
quM s'agit de localiser, correspond à la saillie. C'est
sur la connaissance des rapports des saillies cr.i-
nieinies avec de prétendus renllemenis cérébraux
doiil la spécilicité a été établie de la manière qui
vient d'être décrite, qu'ils fondent leur prévoyance.
Or, l'analoinie prouve que dans l'Iioinnie il n'y a
point de rapport nécessaire entre les protubérances
du crâne et le développement des surlaces encépha-
liques correspondantes, et que dans la plupart des
animaux il n'y eu a presque jamais. En outre, l'a-
natomie nous Uiipreiid que le cerveau doit être con-
sidéré coiiinie une tiaine d'une très grande étendue,
une sorte de toile nerveuse plus longue que large,
qui esl ployée ou pli^sée sur elle-même de manière
à être contenue dans le ciàne : or, en supposant
qu'il y ail un renflement sur un point de celle trame
nerveuse, quel que soit le point rende, évideininenl
toute Cflie toile, plissée surelle-uiénie, en éprouvera
un soulèvement général. Pour reconnaître le lieu du
soulèvement, il taudrait déplisser la traîne : autre-
ment, nièine lorsqu'on constaterailune augmentation
de Volume dans la masse, on ne pourrait jamais sa-
voir d'où dépend ce développement. (Je dernier ar-
gument anaionii(|ue leiid impossible niêuie à attein-
dre ce que la pliréiiologie soutient cependant pos-
séder, butin, quand même l'arguuieut n'existerait
pas, il -y a un nombre considérable d'observations et
d'expéiiences qui concluent direcieinent contre les
diverses allinnations dont se targue cette prétendue
science, pour démontrer qu'elle existe. >
Disons un mol du pliicno-magnéiisme. Ce genre de
I)lirénologie, cultivé surtout en Allemagne et en An-
gleterie, consiste à tirer d'une tôle humaine la nia-
niléstatiuii d'une faculté quelconque, eu exciiant
l'organe spécial dans lequel elle est supposé; résider.
Mais celte théorie n'a aucun tondemeiil dans l'expé-
rience : car, suivant les partisan-, praticiens du ma-
gnétisme humain, les phénomènes obtenus ne
tiennent aucunement à la magnétisation partielle et
locale du cerveau ; tuais ils dépendent uniquement
de la réaction symphalique de la pensée du luagiié-
liseur sur le magnétisé (ti).! ijelun eux, on obiieui les
mêmes résultats aussi complètement eu agissant ina-
gnétiquemeiil sur tout autre point de l'organisme du
somnambule, tandis qu'aucun elli.l n'est produit par
un magnétiseur qui actionne au hasard un organe
dont il ignore eiitièreiiient les lonctions.
(o) Nous nous exprimons dans le sens des partisans du
inugnélisme humaio, sans nous prononcer, pour le pré-
sent, sur la valeur scientifique du œaguétisme lui-même.
Voy. art. MAli^ÉTlSME.
Ce serait ici le lieu de considérer le inagnéiisme
animal ou humain dans ses rapports avec la liberté :
mais nous espérons pouvoir parler plus pfrlinem-
menl des |diéiiomènes magnétiques , quand nous
traiterons de l'existence des miracles.
4° Persoimaliié humaine. Nous allons dire quel-
ques mots di; la personnalité du principe actif hu-
main, contre les panthéistes spirituallsles. Cette
propriété résulte évideininent de la spontanéité, de
l'unité, de l'identité; elle constitue l'individualité
que nos philosophes modernes, d'après les rationa-
listes allemands , appellent si inipropreinent le moi,
soit qu'il s'agisse d'eux-mêmes, soit qu'ils parlent de
tout autre. Pour nous, qui prenons à lâche avant
tout de nous rendre compte (le nos idées, et d'être
clair pour des e-prits atlentils, nous proposons de
remplacer selon les cas le moi, qui est si vague, et
auquel on donne tant de sens dill'éieiits, par les
expressions : l'iinilé, i'iileiuiié, la spoiilmieiié, la pti -
sonnalité, le senlimtnt de t'indiviilualiié ou la cuit-
science de ses propres opérations, lesquelles olfrent à
l'esprit des idées bien distinctes, que l'on ronlond
toutes dans l'irrationnel mui. Si l'on vent abréger,
ne dirait-on pas avec plus de raison le toi, quand
on veut exprimer le ientimeiil de l'individualité chez-
autrui '?
Chacun a le sentiment de son individualité, et par
conséquent celui de sa sponianéilé : ce senlimeiit
universel a servi de base à toutes les législations, à
toutes les institutions soeiales. Hi, comme le préien-
deiit quelques panthéistes modernes, tous les hoiiinies
avaient une àine qui fût commune à tons les êtres ac-
tifs, ils ne pourraient dans le même instant, ainsi que
cela a lieu, en \ertu de la motilité, produire les mou-
veineiits les plus variés, se livrer aux occupations les
plus diverses, inênie les plus opposées, et personne
n'aurait la responsabilité de ses actes, qu'un senli-
nient universel attribue à chaque indixiiiu ; il n'y au-
rait donc pas d'ordre social possible.
De plus, on démontre, à I aide des S' ieiices d'ob-
servation, i|iie le siège de la sensibilité n'est pas dans
l'organisme, et que par i onséquent il est dans un
principe immatériel, ou dans ràiiic. Mais, si la mê-
me àme était commune à tous les corps liuniaiiis, ou
seulement à deux, elle devrait souvent sentir en mê-
me temps les impressions les pins oppo>ees; et, dans
l'opinion de nos panthéistes, elle devrait éprouver
tout à fait d'incessantes douleurs et d'incessantes vo-
luptés, puisque tous les maux et tous les plaisirs im-
pressionnent l'iiumanilé siinullanément et sans relâ-
che. Or, quoi de plus co.itraire a l'expérience de
chaque individu et de chaque instant qu'une si étran-
ge assertion?
EnUn, pour réfuier le système panthéistique au
point de vue de l'intellection, qu'il suffi-e oe dire
que, si la même àme animait tout C irps humain aus-
sitôt qu'il est convenablement organisé, depuis long-
temps aucun homme n'aurait eu besoin d'éducation;
toutes les connaissances acquises au genre humain
seraient communes à tous les individus, parmi les-
quels il n'y aurait ni supériorité ni infériorité de fu-
niiéres ; les idées neuves, les inventions ne seraient
ignorées de personne, et jamais il n'y aiiiail eu ni
ne pourrait y avoir sur la terre divergence de doc-
trines, d'opinions, d'idées. Qui ne sent l'absurdité
d'un pareil système? Sa conception seule, conuaire
au sens commun le plus universel, est plus que suffi-
sante pour eu prouver la fausseté, et pour démontrer
d'une manière péremptoire l'existence de la person-
nalité humaine, laquelle est essentiellement incom-
municable.
195
ÂME
AME
196
monde. Vainement des critiques anciens ou
modernes ont cru adoucir la roideur du des-
tin, en disant que Dieu a commandé une
fois, qu'ensuite il obéit toujours : seinper pa-
ret, semel jussit. S'il a commandé librement
une fois, il est responsable des conséquen-
ces de sa propre loi ; s'il l'a fait nécessaire-
meal, c'est plutôt une obéissance qu'un com-
mandement. Suivant la doctrine de nos livres
saints, Dieu gouverne le monde aussi libre-
ment qu"il Ta créé ; il suspend , quand il
veut, l'effet des lois qu'il a lui-môme éta-
blies ; il pourrait anéantir le monde, sans
rien perdre de son être ; et avec un peu de
^•éflexlon, il est aisé de justifier sa providen-
ce. —3" Dans l'hv polUèse de Vâme du monde,
Dieu n'est point un être simple ; non-seule-
ment il est composé d'un corps et d'une ûme,
mais toutes les âmes des hommes, des ani-
maux, des éléments, ne sont que des parties
de la grande àme qui donne la vie aii tout.
De là il résulte que tous les êtres en mouve-
ment sont autant de dieux particuliers, aussi
dignes d'être adorés les uns que les antres.
C'est le fondement philosophique de l'idolâ-
trie. Aussi dans le Traité de Cicéron, de Nat.
Deor., \. Il, le stoïcien Balbus s'efforce de
prouver que chaque partie du monde est
Dieu ; qu'elle est animée, douée d'intelli-
gence et de sagesse, adorable par consé-
quent. — V De là il s'ensuit que Dieu est
corporel, qu'il est le sujet de tous les chan-
gements qui surviennent dans la naiure ,
que l'un des membres de Dieu périt lors-
qu'un corps se dis oui, etc. C'est l'objection
que l'épicurien Velléius fait aux stoïciens,
ibid., 1. 1 et qu'Origène répète contre Celse,
1. I, n. 20. Vainement Beausobre observe
que Pythagore niait celte conséquence ;
qu'il soutenait que la nature divine est une
et indivisible: l'opiniâtreté d un philosophe
à soutenir des contradictions ne l'excuse
point. Aucun de ses inconvénients n'a lieu
dans rhvpiithèse de la création. — 5° Dans
celle de Phythagore et des stoïciens, on ne
conçoit pas mieux la spiritualité des âmes
que celle de Dieu; toutes sont des parties de
la grande due, de laquelle elles ont été dé-
tachées, dont elles sont sorties par émanation,
et à laquelle elles doivent se réunir et s'y
confondre, comme une goutte d'eau qui re-
torùbe dans l'Océan. Les esprits ont-ils donc
des parliis, etc.? Beausobre emploie inutile-
ment toute son industrie pour sauver encore
cette absurdité. H peut avoir raison de sou-
tenir que ce n'est point là le spinosisnie ;
mais c'est du moins une erreur qui en ap-
proche beaucoup. — G Les dmes réunies,
après la utortdu corps, à la graude dme de
l'univers, n'ont plus d'existence individuelle
et personnelle; elles sont incapables do plai-
sir el de douleur, do récompense et de pu-
nition ; supposé le destin, elles sont dans
tous les temps privées de la liberté ; ce sys-
tème détruit donc toute morale raisonnée.
Le dogme de la création fait disparaître
toutes ces absurdités. Dieu, pur esprit, est
UD être simple; il a créé les âmes aussi bien
que les corps, il les a danées «le liberté, el
leur a donné des lois; il les punit ou les ré-
compense éternellement, selon leurs mérites.
Vâme du tnonde est donc une rêverie philo-
sophique qui n'a rien de commun avec la
doctrine révélée ; c'est une erreur inévita-
ble, dès que Ion n'admet point la création.
Mais le peuple n'a jamais eu connaissance
de cette absurdité ; aucun peuple u'a élevé
des autels à l'âme du monde. Les païens sup-
posaient autant d'âmes particulières dans
l'univers qu'il y a d'êtres qui paraissent ani-
més ; ils adoraient ces intelligences particu-
lières, parce qu'ils les croyaient douées de
forces supérieures à celles de l'hou\me, et
ils nommaient ces esprits les immortels. Les
patriarches et les Juifs ont adoré le Créateur
du monde, el l'ont adoré seul ; ils lui ont at-
tribué une providence générale sur tous les
èlres, el une providence particulière à l'é-
gard de l'homme ; nous l'adorons comme eux,
nous avons la même foi que Dieu a daigné
enseigner à notre premier père.
Quelques déistes ont voulu justifler ^'op^-
niou des stoïciens : dans ce système disent-
ils, il n'y a qu'un seul Dieu auquel se rap-
portait tout le culte que les païens rendaient
aux différentes parties de la nature ; on a
donc tort de les accuser de polythéisme.
Fausse réflexion. — En premier lieu, il était
absurde d'adresser un culte à un être assu-
jetti aux lois suprêmes du destin : lois im-
muables, auxquelles les bonnes i;i les mau-
vaises aclions des hommes ne peuvent rien
changer. Les stoïciens disaient que les dieux
d'Ëpicure étaient absolument nuls ; qu'il
était ridicule de les honorer, puisqu'ils ne se
mêlaient point des choses d'ici-bas ; mais
les épicuriens pouvaient leur rendre le chan-
ge, en soutenant qu'il était ridicule d'adorer
des dieu\ soumis à la fatalité, puisqu'ils ne
pouvaient faire de bien ni du mal aux hom-
mes que ce qui était déterminé par un im-
muable destin. Si Dieu n'est pas libre dans
les décrois de sa providence, toute religion
est superflue. — En second lieu, il n'est pas
vrai que le culte rendu aux dilïerentes par-
ties de la nature fût adressé à la grande dme
de l'univers. Uu païen qui adorait le soleil et
qui le croyait animé, était persuade que l'<î-
me de cet astre voyait el connaissait le culte
qu'il lui rendait, lui en savait gré, et pou-
vait lui faire du bien ou du mal. tin général
les dieux n'ont été adorés que parce qu'on
les supposait intelligents cl [luissanls, sus-
ceptibles d'amitié ou de colère. C'est donc à
Vâmc ou à l'esprit logé dans le soleil que le
culte se terminait, sans remonter plus baud
ni sans aller plus loin. On n'a jamais cru
que le soleil ou tel autre dieu attendait les
ordres de la grande dme de l'univers, pour
faire du bien uu du mal aux hommes. Il y
avait donc réoilemenl autant de dieux indé-
pendants les uns des autres, qu'il y avait d'ê-
tres animes dans la nature. SI ce n'est pas là
le polythéisme, comment doil-ou nommer
celle croyance '/ — En troisième lieu, Vâme
d'un homme n'était pas moins une portion
de la grande âme de l'univers, que l'dmt du,
soleil, de la lune, d'un, fleuve ou d'une fou-
197
AME
ÂME
198
laine ; on devait donc lui rendre un culte
aussi bien qu'à tous les autres êtres : nous
ne voyons pas pourquoi un héros, un hom-
me puissant et bienfaisant ne mcrilait [las
uu culte religieux pendant sa vie, aussi bien
qu'après sa mort. Ce même sjslème ne ten-
dait p;is à moii\s qu'à justifier les honneurs
divins que les Eg^'piiens rendaient aux ani-
maux. Il serait inutile de pousser plus loin
le détail dos absurdités qui en résultaient.
Ce n'est pas sans raison qne l'Ecriiure sainte
condamne avec tant de rigueur le polythé-
isme et ridoldlric ; de quelque côté qu'on les
envisage, ils sont inexcusables. Voyez ces
deux mots. Nouv. Démonst. évang. dej. Le-
land, tom. 11, pag. 2.'j0.
AMEN, mot hébreu, usité dans l'Eglise à
la (in de toutes les prières solennelles, dont
il est la conclusion ; il signifie fiât, ainsi siit-
il. Les rêveries des cabalistes sur ce terme
ne méritent pas de nous ocruper. Le mol
amen se trouvait dans la langue hébraïque,
ayant qu'il y eût au monde ni cabale ni ca-
balistes. Deuteronom., c. xxvii, v. 15. — La
racine du mol amen est le verbe aman, le-
quel au passif signifie être vrai, fidèle, cons-
tant, etc. On on a l'ait une espèce d'adverbe
attirmalif, qui, placé à la fin d'une phrase ou
d'une, proposition, signifie qu'on y acquiesce,
qu'elle est vraie, iju'on en souhaite l'accoiii-
plissemenl, elc. Ainsi dans le passage que
nous venons de citer du Deuléronomo, Moïse
ordonnait aux lévites de crier à haute voix
au peuple : Maudit celui qui taille ou jette en
fonte aucune image, etc., et le peuple devait
répondre amen; c' esl-à-diie , oui , qu'il le
son, je le souhaite, j'y consens. Mais au com-
mencement d'une phrase, comme il se trouve
dans plusieurs passages du nouveau Testa-
ment , il signifie vraiment , véritablement;
quand il est répété deux fois, comme il l'est
toujours dans saint Jean, il a l'effet d'un su-
peilalif, conformément au génie de la lan-
gui' hébraïque et des deux langues dont elle
est la mère, la chaldaïque et la syiiaque.
C'est en ce sens qu'on doit entendre ces pa-
roles: amen, amen, dico vobis. Les évangé-
listes ont conservé le mol hébreu amen ,
dans leur grec, excepté saint Luc, qui l'ex-
prime quelquefois par «^uôw;, véritablement,
ou vat, certainement.
* AMERICAINS. Au milieu d'une vaste mer où ou
ne croyait pas qu'i fût île la prudence de s'exposer,
on découvrit il y a trois siècles, un grand coniinenl
couveil d'iiouiines et d'animaux. D'où venait cette
population nouvelle? Comment les llls de Noë out-
ils pu parvenir jusi|ue dans ces régions lointaines ?
L'incrédulité a legardécouinie inipossilile la solution
de ces problèiiius; et elle en a conclu (jue les Amé-
ricains ne desceiiiieiii pas du premier liomiiie. Nous
proposant de traiter de l'unité de l'espèce humaine
au mot lloMsiE, nous pensons que la réponse aux
difficultés des incrédules sera mieux placée à cet
article. Nous y démonirerons que les descendants de
Noë ont pu aiséiiieni aller de l'ancien contuient dans
le nouveau, et que l'étude de la race américaine ac-
cuse une p.irenié avec plusieurs peuples de l'.mcien
monde. Nous nous coiiientODS de rapporter ici un
extrait de 13ullet qui résout très-bien la difliculié.
« L'Amérique n'a pu être peuplée par les descen-
dants de Noë. M. de Guignes, Mitmoires de l'Académie
des Inscriplion$, etc., a solidement répondu à cette
objection, dans une dissertation qui a pour titre':
liecliercliifs ««r les navigations des tliinois du lôté de
rAmériiiue. Cet illustre savant qui, par son éi udiiioa
dans les langues orientales, a si Inrt éiendu nos con-
naissances liisloriques, a iiidii|ué dans cet ouvrage
plusieurs manières dont l'Amèruiue a pu être peu-
plée par les nations de notre coniineut ; et il en a si
bien proiué la pussiUililé, et même pour (juelijues-
uiies la facilité, iiu'd ne doit rester aucune diliicuUé
sur ce sujet pour ceux qui cliei client la vérité de
bonne foi. Nous ajuuieroiis à ces preuves, déjà si
solides, une observ aiion qui leur donne une nouvelle
force, et qui n'a pu èire connue de cet habile aca-
démicien, parce qu'elle n'.ivaii pas encore éié fiile
lorsqu'il éirivait. kraiheninnikow a démuniré que le
coulmenl de l'AmérKjue lenuit aulrej'uis à l'Asie par le
kamtscliaika. Voici la note que l'éditeur fait sur ces
paroles de son discours préliminaire.
« Suivant le récit de ce savant étranger, le coiiiti-
< uent de l'Amérique s'étend du sud-ouest au nunï-
< est, presque partout à une égale distance des côics
< du Kamtschalka, et les deux côles semblent pa-
t rallèles, surtout depuis la poiule des Kowriles, ju -
I qu'au cap de Tchouk'it^a. Il n'y a que deux degrés
I et demi entre ce dernier cap et le rivage d>: l'Amé-
< riijue correbpundaiit. Un voit, par l'aspect des
I cotes, qu'elles ont été séparées avec violence, el
« ks lies qui sont entre deux lorineiit une espèce
< de cliaine comme les Maldives. Les habitants de
( l'Amérique COI respomlant à l'extrémité oiieniale
< de l'Asie sont de petite taille, basanes et peu bar-
( bus, comme les Kaintschadales, etc. Voyez les
I preuves de cette opinion dans l'ouvrage même de
« Kracheninnikow, traduit au second volume in-4°
« du voyage en Sibérie de l'abbé Chappe. Ces preu-
< ves sont trop fortes pour ne servir qu'à l'appui
I d'un système.
I Les lions, les tigres, et les autres bêles sauvages
que les tspa^noU ont trouvées dans le cuiiliiient de
l'Amérique, sont encore une priuve qu'il était an-
ciennement coiiiigu au nôtre; car ils n'oni trouvé
aucun de ces animaux dans aucune Ile éloignée de la
terre lerme.
« Un savant russe, professeur de l'académie de
Pétersbourg, nommé M. Kracheninnikow, prulitanl
des connaissances qu'il a acquises par un long séjour
dans le Ivamischalka, Histoire du liamtscliatka, t. I,
pag. 598, et des obseï valions de M. Sielbr qui y est
aussi demeuré plusieurs années, estime que cette
presqu'île de l'Asie était autrefois contigué à l'Aïué-
rii)ui-, d'où elle a été séparée par quelque t;raiid irem-
blemeiit de terre. Voici Ifs preuves qu'il en apporte :
< t° Le continent de l'Amériiiiie s'étend du sud-
est au nord-est presque partout à une égale distance
des côtes du Kamtscliaika, et les deux côles sem-
blent parallèles, surtnut d^'puis la pointe des Kowriles
jiisiiu'aii cap de fclioukotsa. — i" Ou voit par l'as-
pect des coies qu'elles ont été séparée-, avec violence,
et les lies qui sont entre deuv foruieiu une espèce
de cliaine cniume les Maldives. Les trenibleinenls de
terre sont Irés-lréquenls dans le Kamtschalka. —
5" Quantité de caps s'avancent dans la mer jusqu'à
l'espace de quinze lieues. — 4° Les habitants de
l'Atiiérique correspondant à l'extrémité orientale de
l'Asie, qui est vis-à-vis le Kamtschalka, ressemblent
aux Kamtschadales. Ils sont épais, trapus cl robus-
tes; ils ont les épaules larges; leur taille est
nioyeniie ; leurs cheveux soni noirs el pendants, ils
les portent épars ; leur visage est plat et basané;
leurs nez sont écrasés sans être fort larges; ils ont
les yeux noirs connue du charbon, les lèvres épais-
ses, pet: de barbe et le cou court. Us se nourrissent
de poissons, de bêtes marines et d'herbe douce,
qu'ils apprêtent comme les Kamlscliadalcs... Us re-
gardent comme un ornement particulier de se faire
des irous dans les joues et d'y uieiire des pierres de
199 ÂMb;
diiïérenies couleurs ou des morceaux d'ivoire. Qiieî-
qnes-uiis se metient diius les uariues des crayons
d'ardoise de la lousueMr d'environ dinix veiclioks ;
quelques :iulres pnneiil des os d'une éiîale grandeur
sous la lèvre inférieure; il y eu a qm en pcirtenl de
semblables sur leur front; les naturels des îles qui
sont aux environs du cap Tclionkolsa , et qui ont
communicaiion avec les fchoukiclii, sont vraisein-
blablenienl de la nième origine que ce-; peuples de
l'Amérique, puisqu'ilsregiirdenlaussi comme unorne-
inent de se mettre des os au visage. — 5° Les Amé-
ricains et les Kamiscliadales ont les mêmes traits de
visagi'. — 6° lis gardent et préparent l'herbe douce de
la mémemanière, ce que l'on n'a jamais remarqnéail-
letirs.— 7° llsi.e serventles uns et les autres du niéiue
instrument de bois pour allumer du feu. — 8° Leurs
haches sont de cailloux ou d'os; ce qui fait croire avec
ju.ste raison à M.Steller que les Américains ont eu au-
trefois communicaiion avec les Kaintscliadales. — 0"
Leurs habits el leurs chapeaux sont fait^ connue ceux
des Kiuniscliadales.— 10° Ils teignent, de même que
les Kaniischadales, leur peau avec de l'écorce d'aune.
( Toutes ces preuves réur)ies semblent ne pas
l:iisser lieu de douter que le Kamtscliaïka n'ait éié
anciennement coniigu à rAinérique, et que les Amé-
ricains qui sont vis à-vis le Kamtschalka ne soient
une colonie de Kainischadales, en supposant même
que le continent de l'Ainérique n'ait jamais été joint
à celui de r\sie. Ces deux parties du monde s.intsi
voisines, que personne ne disconviendra qu'il ne soit
très-possible que les habitants de l'Asie soient pas-
sés en Amérique pinir s'y établir, ce qui est d'aiiiaiit
plus vraisemblable que, ilans l'espace peu étendu
qui sépare ces deux continents , il se trouve une as-
sez grande (|uantiié d'iles qui ont pu favoriser cette
transmigration.
I Plu^ieurs parties de l'Europe ont éprouvé des
révoluiions semblables à celle du Kamtschalka. La
Sicile a été séparée de l'Italie, l'Iispague de l'Afri-
que, la Grande-Bretagne de la France, l'île de Fin-
lande du Groenland.
« On a mis avec raison les tempêtes au nombre
des moyens par lesquels le Nouveau Monde a pu se
peupler. Il faut ajouter que ce ne sont pas seulement
les vaisseaux qui peuvent être jetés par les vents,
des côtes d'Afrique jusqu'en Auiér. que, comme l'é-
prouva la flotte de Cabrai, mais encore de simples
barques, ainsi qu'il arriva à celle dont le 1'. GuuiiUa
raciiiiie l'lii>ioire.
« M'élant trouvé en 1131 {llisloire de rOiénoque,
I t. III, c. 51), au mois de décembre, dans la ville
< de Saint-Joseph de Oiuna, capitale du gouverne-
« ment de la Trinité de Burlovenlo , située à douze
< lieues de l'embouchure de l'Oréncque, j'appris des
« habitants qu'il était arrivé dans leur port un ba-
< teau de Ténénffe chargé de vin, lequel était con-
< duit par cinq ou six hommes maigres el décliarnés,
I lesquels ayant fait provision de pain et de viande
I pour quatie jours, passaient du TénérilTe dans
« une autre île des Canaries. La tempête les ayant
< surpris, ils furent obligés de s'abandonner à la fu-
< reur dos vents et des flots pendant plusieurs jours ;
< de sorte qu'ayant cousonimé le peu de vivres
« qu'ils avaient pris, ils se virent réduits à boire du
< vin pour toute ressource. Ils attendaient la mort à
< tout moment, lorsque, par une grâce spéciale du
< Ciel, ils découvrireni I Ile de la Triidté, qui est
I vis avis de i'Oiéiwque : ils rendirent grâces à Dieu
€ de le siicct'^s inespéré. Ils arrivèrent et prirent
I fond dans le port d'Espagne, au grand étonnemcnl
< de la garnision et des habitants, qui accoururent
« tous pnur être lémoins de ce prodige.
I Que ce passage ail été occasionne par le hasard
I pluiùl que par la volonté île ces pauvres insulai-
« res, je n'en veux d'autres preuves que leur décla-
< ration, l'étal misérable où ils étaient léduits, elle
< passe-port de la douane de Ténèrill'e, qui inar-
AME
200
< quait leur destination pour l'île de Palme ou celle
I de Gomère qui appariieiit aux Canaries. Ce fait
c ainsi attesté, qui [lourra nier que ce qui s'est passé
< de nos jours ne puisse être arrivé dans les siècles
f passés, vu que ces faits sont attestés par des au-
I teurs classiques? > Bullet, Hépomes critiques, t. I,
pag. 19.5, édit. de Besançon, 18.6.
AMÉRIQUE. Quelques incrédules avaient
soutenu qu'il élail impossible de concevoir
cotninent l'Amérique s'esl peuplée après le
déluge ; d'oii ils coiicluaienl que ce fléau n'a
pas été universel, et qu'il n'a pas submergé
cette partie du monde. Mais, depuis les nou-
velles découvertes qui ont été fuites par les
navigateurs, il est démontré que depuis le
nord-est de la Tartaric le passage en Améri-
que n'est ni long ni dilOcile. La ressemblance
que l'on a remur()uëe entre les habitants de
ces deux contineiiis achève de nous con-
vaincre qu'ils oui une origine commune ,
que les Américains septentrionaux sont ve-
nus des exlréiiiilés orientales de l'Asie.
M. de Guignes, dans son Hisloire des Huns,
a prouvé qu'au v"^ siècle les Chinois ont
commercé avec l'Amérique , el l'on a
trouvé des débris de vaisseaux chinois et ja-
ponais sur les côtes de la Californie el de la
mer du Sud. Au x= siècle , les Norwé-
giens découvrirent l'Amérique septentrio-
nale, et y envoyèrent une colonie qui fui ou-
bliée dans les siècl. s suivants: ce qui arriva
pour lors a pu se faire de même dans les
siècles précédents.
L'auteur des Etudes de la Nature, tome II,
p. Ciil, a rassemblé plusieurs observations
qui concourent à prouver que la pnpulation
de l'Amérique méridionale s'est faite par les
îles de la mer du Sud ; que les habitants des
extrémités méridionales de l'Asie ont pu,
d iie en île, pénélrer aisément en Amérique.
Les Noirs que l'on y a trouvés en petit nom-
bre ne sont dune pas indigènes ; ils y ont été
transportés par hasard ou autrement des
côtes méridionales de l'Afrique.
La question de la population de l'Améri-
que n'esl plus une difficulté parmi les sa-
vanls ; lorsque les incrédules allectent de la
renouveler, ils ne fonl pas honneur à leur
érudition. Ils n'ont pas parlé avec plus de
prudence des missions qui oui été faites dans
celle partie du monde, el des elïels qui en ont
résulté. De nos jours on a peint ces missions
sous les couleurs les plus noires ; on a sou-
tenu el on a essayé de prouver que le fana-
tisme ou le zèle aveugle de la religion a été
la vraie cause des cruautés que les Espa-
gnols ont exercées sur les Indiens ; que
douze ou quinze millions d'Américains ont
été égorgés, le crucifix à la main, pour éta-
blir le clirislianisme en Aincri(]ue.
Pour réfuter complétemeiU celte calomnie,
il suffit d'établir un certain nombre de faits
inciintcstables, el lous avoues par les écri-
vains luémes qui l'ouï avancée. 1" Il est
conslanl (|ue les pn;miers Espagnols qui ont
découvert ['Amérique, et ont commencé à y
pénélrer, étaient la lie de leur nation, des
aventuriers, des criminels échappés des pri-
sons , des scélérats qui avaient morilc le
SOI
AME
AME
!02
supplice; ils étaient conduits au delà des
mers par la soif de l'or, par l'atlrnit du bri-
gani1a<;e, par l'espoir de l'iiiipunKc. Il ost
absurde d'atlribucr à de pareils hommes un
zèle bien ou mal ré;i;lé; la plupart n'avaient
pas p'us lie religion que de mœurs. Quel-
ques moines, qui les suivirent eu qualité
d'aumôniers de vaisseaux, n'ét lient ni as-
sez puissants, ni assez habile'^ pour réprimer
la cru.iulé de ces malfaiteurs. '1' Après avoir
exercé leur caractère féroce sur les Améri-
cains, les Kspnjjnols ont fini par se faire la
guerre, par se déchirer et se devoier les uns
les autres; ils ont traité les liummes de leur
propre nation avec la même barbarie dont
ils avaient usé à l'égard des indiens. Ce n'est
donc pas un zèle fanatique de religion qui a
été le principe de leurs crimes. 3" Loin d'a-
voir envie de contribuera la conversion de
ces malheureux peu])les, les conquérants ont
traversé tant qu'ils ont pu les travaux dos
missionnaires. Ceux-ci n'avaient pas plutôt
rassemblé un certain nombre d Indiens, que
les Espagnols venaient les enlever pour les
faire travailler aux mines. Ils ont donc tour-
menté les Américains, non pour les obligiT
à se convertir, mais pour lis forcer à fouil-
ler les métaux, à découvrir leurs trésors, à
fournir de l'or, ^t-' Le gouiernement d'Espa-
gne a ignoré d'abord ces cruautés; loin de
les autoriser par aucun onlre, il avait re-
commandé de traiter les Indiens avec dou-
ceur; il fut enfin éveillé par les plaintes que
Barlhélenii de Las Casas, évéque de Chiapa,
vint porter au nom des Américains ; l'on en-
voya des officiers et des magistrats en Amé-
rique pour réprimer le brigandage des Es-
pagnols ; mais le mal était fait, il n'était plus
possible' de le réparer. 5" Aucun tribunal ec-
clésiastique n'a justifié, approuvé, ni excusé
la conduite des Espagnols. Lorsque le ver-
tueux L.is Casas la rendit publique et en in-
forma sa nation, un seul docteur, nommé
Sépulveda, pa é par les grands qui avaient
des possessions en Amérique , osa soulcnir
que la violence était permise contre les In-
diens. Son ouvrage fut censuré par les uni-
versités de Salamanque et d'Alcala ; le con-
seil des Indes s'était opposé à l'impression,
et le roi d'Espagne en fit saisir tous les
exemplaires. 11 est donc démontré (|ue la
soif insatiable de l'or, l'orgueil qui veut lout
obtenir par la force, le ressentiment contre
les Indiens dont on avait provoqué la cruau-
té, l'habitude de répandre le sang, ont été
les seules causes des crimes commis en
Amérique par les Espagnols, et que le zèle
fanatique de religion n'y est entré pour rien.
Voyez Histoire d'Amérique , par M. llo-
berison.
Des voyageurs désintéressés, des militai-
res, des navigateurs, ont rendu justice; dans
plusieurs ouvrages aux travaux, à la sa-
gesse, au zèle pur et véritable de ceux qui
ont établi les missions de la Californie, du
Paraguay, des Moxes, des Cliiquiles, du Bré-
sil, du Poroii : les calomnies des pre:estanis
et des incrédules, qui les ont copiées, ne fe-
ront pas oublier l'éloge qu'eu a fait 1 auteur
DicT. DE Théol. dogmatique. 1.
de VEsprit des Lois, 1. iv,c.6. Il est fâcheux
que la révolution arrivée en Europe, qui a
rappelé les missionnaires, ait entraîné la
chute de la plupart de ces établissements
aussi honorables à l'humanité qu'à la reli-
gion. ^ Mosheini, quoique luthérien, avait
parle des missions faites par les jésuites dans
l'intérieur de V Amérique, avec une cerlaine
modération ; il avait même applaudi au
moyen que ces missionnaires employaient
pour convertir les Sauvages. Rien, selon lui,
n'était plus sage que de commencer par les
civili, er avant de les instruire, et que d'en
faire des hommes avant de vouloir en faire
des chrétiens. 11 avait cependant cherché à
empoisonner le motif des missionnaires, en
disant que ces prétendus apôlres avaient
moins pour but la propagation du chrisiia-
nisme, que le désir de satisfaire leur avarice
insatiable et leur ambilion démesurée : et
il cilait pour preuve les sommes prodigieu-
ses d'or qu'ils liraient des différentes pro-
vinces de l'Amérique. Hist. ecchs. du xvir
siècle, sect. 1, § 19. Mais son traducteur,
mécontent de cette modération, soutient que
Mosheim n'était pas assez instruit; que de-
puis ce temps-là il a été prouvé que les jé-
suites n'avaient point d'autre dessein que
de se former au P.iraguay une souveraineté
indépendante des cours d'Espagne et de Por-
tugal, de dominer despotiqiieiiient sur les
Indiens sous prétexte de religion ; que ce
sont eux qui ont armé les Indiens, et qui les
ont engagés à se révolter contre rechange
que ces deux cours avaient fait entre elles
d'une partie de ces colonies; que telle a été
l'origine de la disgrâce (lue les jésuiles ont
éprouvée en Es|iagne et en Poilugal. Il cite
en preuve une relation publiée par la cour
de Lisbonne en 1758. Selon lui, Montesquieu,
le savant Muratoii et d'autres, qui ont fait
l'apologie de ces missionnaires, ont trahi la
vérité, ou ils étaient mal informés.
Pour rendre croyables les relations pu-
bliées contre la conduite des missionnaires,
il aurait fallu éclaircir plusieurs doutes
qu'elles ont naturellement fait naître; nous
les proposons avec d'autant plus de con-
fiance, que nous en avons puisé la plupart
dans l'ouvrage d'un militaire que l'on ne
peut pas accuser de prévention, soit en fa-
veur de la religion cathuliijue, soit à rét;ard
des missionnaires et des missions. De l'Amé-
rique et des Améiicrdns , pur \u philosophe
Ladouceur, Berlin, 1771. — 1" Il est difficile
de comprendre comment des jésuites alle-
mands avaient le courage de se dévouer aux
missions de ['Amérique, par l'attrait d'y éta-
blir une souveraineté temporelle de laquelle
ils ne jouissaient pas, et dont lout l'avan-
tage revenait à leur ordre ou à leur société
en Europe. Car enfin on ne les accuse pas
d'avoir eu au Paraguay, ou ailleurs , un
train de souverains, d'y avoir étalé le faste,
la magnificence, les commodités de la vie et
les plaisirs d'une cour européenne ou asia-
tique. Ils y étaient pasteurs, catéchises, pè-
res spirituels et temporels des Indiens; ils
supportaieut tous les travaux du ministère
7
903
AME
AMI
204
ecclésiastiqne ; sourent ils s'exposaient à
être massacres par les nouveaux Sauvages
qu'ils voulaient apprivoiser. On n'en a vu
aucun revenir en Europe, pour y J!)uir de
la récompense que la sociéié devuil accor-
der par reconnaissance à ceux de ses mem-
bres qui la rendaient souveraine en Améri-
que. Les olficicFS de la compagnie ansilaise
des Indes, après avoir exercé en son nom la
souverainelé sur les bords du Gange, se
sonl empressés de venir dépenser en An-
gleterre le fruit de leurs concussions ; pas
un seul jésuite n'a rapporté eu Allemagne,
ou ailleurs, la moindre partie des monceaux
dor qu'il avait amassés en Amérique pour
le compte de la société. Ou ces missionnai-
res étaient conduits par des molifs de reli-
gion , ou c'étaiiMii les plus vrais insensés
qu'il y eût au monde. 2° Si leur gouverne-
ment était absolu, dur cl lyrannique, com-
ment les Sauvages, originairement accoutu-
més à l'indépendance, consentaienl-ils à le
supporter? Commeiii ne désert .ienl-ils pas,
comme font les Nègres marrons rebutés
de l'estl ge, pour retourner dans les fo-
rêts? Les missionnaires n'avaient pas à leurs
ordres une armée d'Européens, pour retenir
les Indiens sous le joug malgré eux. Si au
conlr.iire le gouvernement était doux el pa-
ternul, nous ne voyons plus quel crime com-
mellaienl 1 "S missionnaires, en tiranl les in-
diens de l'état sauvage pour leur fjiire goû-
ter les avantages de la société civile, et en
les nnienani par ce bienfait au chrisiianisine.
Il n'esi défendu nulle part aux prédicateurs
de l'Kvannile de réunir, quand ils le peu-
veiil, le bien temporel d'un peuple à son sa-
lui éternel. 3° t)n ne prouve point le droit
qu'avaient les rois d'Kspagno et de Portugal
d'assujettir à leurs lois dos peuplades d'In-
diens oiiginaiiemeiit indépendants, de les
échanger et d'en disposer comme d'un trou-
peau de bétail; on ne dit point pourquoi des
jésuite; allemands étaient obligés en con-
science de soumettre à l'un ou à l'autre de
ces rois les Sauvages qu'ils avaient civili-
ses, el qui n'avaient reçu de Madrid ni de
Lisbonne aucun secours, aucun bienfait, au-
cune marque de protection. La manière dont
ces souverains ont Iraiié leurs sujets, dans
cette partie <Ui monde, etail-elle propre à
exciter l'ambition de leur appartenir? lui
supposant même que ce sont les jésuites qui
ont aimé les Indieiis, el les ont excités à dé-
fendre leur liberté, nous ne vojons pas en-
core en (|Moi ils se sont rendus c6u|iables de
sédition, de réiolte, de Irjiliison. Ou il faut
accuser de ce crime les peuples des litals-
Unis de l'Amérique, ou il faut en absoudre
les Indiens du P.iraguay; la cause de ceux-
ci est même plus favorable, puisque jamais
ils n'ont éié sujets de liispigne ni du Portu-
gal. ^° Puisi.ine les jésuite.», selon l'opinion
ile leurs aci usateurs, ont toujours été aveu-
glément soumis el devimés à la cour de Ho-
me, nous ignorons pourcjuoi celles de Lii-
boiine et de Madrid, nn'conteiiles df ces niis-
sionn.iires, n'ont pas porté d'aboid leurs
plaintes au pape, et n'en ont pas obtenu uu
ordre positif qui enjoignit à ces derniers de
soumettre leurs nouvelles peuplades à la do-
mination de l'un ou de l'aulre de ces rois.
Ce parti n'eûl-il pas été plus sage que de
mettre des armées en campagne, et de dissi-
per le troupeau en lui ôlanl ses pasteurs?
On sait que le mémoire publié en 1758 par
la cour de Lisbonne fui l'ouvrage du mar-
quis de Pombal, despote le plus absolu qui
fui jamais, el dont la mémoire est aujour-
d'hui en exécration. Cette i)ièce n'est pas as-
sez respectable pour opérer la condamnation
des accusés, sans autre preuve. 5° Une nou-
velle énigme à expliquer est la conduite des
missionnaires. Us ont armé les Indiens pour
la défense de leur liberté naturelle; mais ils
n'ont pas eu recours aux armes pour se
maintenir e;i possession de leur prélendue
souveraineté; ils ont obéi sans'résistance au
premier ordre qui leur a été donné de quit-
ter leurs missions; ils sont revenus en Eu-
rope, où ils étaient bien sûrs d'être maltrai-
tés, comme ils l'ont été en effet. Puisqu'on
leur suppose des trésors, s'ils avaient gagné
les colonies anglaises, qu'aurait-on pu leur
faite? G Nous ne demandons pas où sont
aujourd'hui ces monceaux d'or que les jésui-
tes tiraient de VAmériqur, ce qu'ils sont de-
venus, comment ils ont disparu; mais s'il est
vrai, comme on l'assure, que les Indiens,
désolés d'être privés de leurs pasteurs, se
sont séparés el sont retournés dans leurs fo-
rêts, nous demandons ce qu'ont gagné les
deux [luissaiices i\n\ ont fait celte destruc-
tion, et quel avantage elles peuieiit tirer
d'un pays désert , dont les habitants ont
mieux aimé redevenir sauvages que de subir
leur joug? — Que des ))rolestaiils et des in-
crédules applaudissent à cette brillanfe ex-
pédition, nous n'en sommes pas étonnés :
c'est un (fiel de leur fureur anticlir. tienne;
mais lorsque des hommes qui affectent du
zèle pour la religion, semblent se réjouir de
la desli'uction de plusieurs missions très-
nombreuses, on est tenté de leur demander
s'ils croient en Dieu.
Disons-le hardiment : il n'est que trop
prouvé par l'événement que les accusations
formées contre les fondateurs de ces mis-
sions sont de pures visions el des calom-
nies; l'on sent à présent la faui(! énorme (jue
l'on a laite en y piéianl l'oreille : mais le
m.il est fait, et il ne sera pas réparé. Voij. Jé-
siiTEs, Missions.
AMIilÉ. Plusieurs de nos moralistes in-
crédules ont enseigné (ju'il n'y a point d'a-
milié liésintéressée ; que ïnmitié ne fait que
dt s échanges; qu'il est impossible d'aimer
quelqu'un, à moins que l'on n'en espèio
(|uelque avantage. Ils ont consulté saos d(iu-
te leur propre co-ur; et comme ils se fuit
sentis incapables d'un sentiment Aiuniiié
pure, iU ont conclu qu'il en est de nicme de
tous les hommes. lésus-ClirisI, qui onn.iis-
sait mieux qu'eux l'humanité, nous a prêché
une morale très-opposée à la leur : Si vous
n'aimez, i\\{-\\, que ceux qui > ous nimriit, quelle
rer.omfiense aurcz-vousï les publieanis lU font
auCnut [Mullh. v, kii). il se donne lui-même
20S AMM
f
») pour exemple d'une amitié parfaite : Per-
sonne, (lil-il, ne peut témoigner un plus grand
amour que celui qui donne sa vie pour ses
amis (Joan. xv, 13^. Dans ce cas, il ne peut
y avoir aucun lieu à l'intérél.
Quelques censeurs se sont plaints de ce
que l'Evangile ne recomuiaiide p:is VamUié.
Ils devaient l'aire atlcnliou que c'est un sen-
linient naturel qui ne se cotnmaniie poinl;
les lois prescriraient vainement à un homme
d'avoir des amis, s'il n'a pas reçu de la na-
ture les qualités propres à lui ffajjner l'af-
feclion de ses semblables. Mais l'Evangile
nous commande certainement toutes les ver-
tus capables de nous eon<ilier Vamilié de
ceux avec lesquels nous vivons : la charilé,
la douceur, l'indulgence pour les défauts
d'auti'ui, la commisération pour ceux qui
souffrent, l'empressemenl à faire du bien à
tous, l'oubli des itijures, l'amour niéaic des
ennemis. Un chrétien, doué de toutes ces
qualités, pourrait-il ne pas avoir des amis?
Jésus-Chrisl en a eu plusieurs; Lazare et ses
sœurs étaient de ce nombre; il a eu une af-
fection particulière pour saint Jean ; cet apô-
tre se noMuiie lui-même le disciple que Jésus
aimait; souvent le Sauvenr appelle ses dis-
ciples ses amis [Luc, xii, 4). li dit à ses au-
diteurs : Fni(es-i ouK des amis avec les riches-
ses périssables de ce monde (xvi.O). Il ne s'est
donc pas borné à nous montrer, par ses pa-
roles et par ses exemples, que Vanniié est
un sentiment louable; mais il nous a appris
à la sanctiGer, à lu fonder sur sa vraie base,
sur la verlu.
A.MMUN, AMMONITES. Amman, né de
l'inceste de Lot avec sa fille puînée, a été la
tige des Ammoniles, peuple plaeé à l'orient
de la Palestine. Certains critiques ont écrit
que Moïse avait invenié cotte origine obs-
cure des Ammonites, alin de persuader à son
peuple qu'il pouvait sans scrupule s'empa-
rer de leur pays. Voy. Lot. — Au contraire.
Moïse déclare aux Israélites que Dieu ne
leur donnera pas un seul pouce du terrain
possédé par les Ammonites, par les Moabites,
ni par les desccuilants d'ilsaù ; il leur défend
d'y toucher, parce (jue c'est Dieu qui a placé
ces peuples sui- le sol qu'ils occupent, com-
me il veut établir le sien dans le pays des
Chananéeiis [Deut. i, 5 et Siu'r.i. Trois cents
ans après, Jephté, bien instiuit des inten-
tions de Moïse, soutient aux Ammonites que
les Hébreux ne leur ont pas enlevé un seul
coin de terre , non plus qu'aux Moabiles
[Jud. SI, 15). Lorsque Moïse décide que ces
deux peuples n'entreront jamais dans l'E-
glise du Seigneur, il n'allègue point leur ori-
gine, mais le refus qu'ils ont fait de laisser
passer les Isr.iélites sur leurs froiiiières en
sortant de l'Egypte {Ueut. xxm, 3). Il ne
parle de celte origine ((ue pour rendre rai-
son à son peuple de la défense qu'il lui fait
de la part de Dieu; il n'a>ail pas tort de re-
garder les Ammonites comme des ennemis
irréconciliables, ils le lurent en effet. Lors-
que David les vainquit et les subjugua, ils
avaient provoqué la guerre par une insulte
fui'e à ses ambassadeurs [Il iieg. \ et suiv.).
AMO
206
Kt c'est mal à propos que l'on accuse ce roi
d'avoir traité ce peuple avec cruauté. Voy.
David.
AMOUl'.HÉKNS , peuple. Lorsque Dieu
promet à Abraham de dunncr à sa postéi iic
le pays des Cbanané'iis, il lui dit que celtr.
promesse ne s'accomplira que dans quatre
cents ans, parée que les iniciuilés des Anior-
rhéens ne sont paseneori; parvenues au com-
ble {Gen. XV, IG). Dieu accordait donc quatre
siècles de délai à ce peuple pervers pour ren-
trer eu lui-même eldésarmerla justice divine.
Bel exemple de l.i patience de Dieu à l'égard
des pécheurs 1 Ou peut voir les observations
deM deGébelin sur les Ammonites, les Moa-
biles et les Amorrhéens, Monde primit., t. VI,
p. 21.
AMDS, l'un des douzi- petits prophètes,
était un pasteur de la ville de Thécué : il pro-
phétisait à Bélhel , où Jéroboam adorait des
veaux d'or; il piéditque la maison de ce prince
serait menée en c/iptivilé, s'il persistait dans
son idolâlrie. Amasias, préire des veaux d'or,
choqué de la liberté li'Amos, l'accusa devant
Jé'otioam , le traitant de visionnaire et
d'homme dangereux , propre à soulever le
peuple contre son roi ; ce qui obligea le pro-
phète à sortir de Bélhei, après avoir prédit à
Amasias que sa lemaie serait prostituée au
milieu de Samarie. et que ses fils et ses filles
périraient par l'épée. Du reste, on ignore lo
temps et le genre de sa mort. — Le principal
objet de ce prophète <'sl de reprocher aux
Juifs des deux royaumes d'Israël et de Juda
leurs infidélités et leur idolâtrie , de leur
annoncer les châtiments qui tomberont sur
eux et sur les peu[)les voisins; mais il finit
par prédire que les Juifs seront rétablis dans
leur terre natale, et (jue le trône de David
sera relevé (ix, 11). Les Juifs modernes abu-
sent de celte [)rophélie, eu se fiaitant qu'un
jour Dieu les rétablira dans la Palestine, et
y renouvellera le règne de David. 11 suffit do
lire attentivement le texte , pour voir que le
prophète a seulement prédit le rétablissement
des Juifs après li captivité de Babyloue, et
que ce qu'il a dit s'est accompli pour lors.
La Bible fait mention d'un autre Amos ,
père du pro[d)ète ls;iïe : on en trouve un
troisième dans la généalogie de notre Sau-
veur, rapportée dans l'Evangile selon saint
Luc.
AMOUR DE DIEU. Moïse dit aux Juifs :
Vous aimerez le Seigneur v / ire Dieu de toute
votre (Ime et de toutes vos forces (Peut vi,
4). Dieu fait miséricorde à ceux qui l'aiment
et qui gardent ses lois; il punil ceux qui te
haïssent ou qui violent ses commandements
[Exod. XX, 5). Cependant il y a des philoso-
phes assez mal instruits pour affirmer qu'il
n'y .ivail, dans les tables de l'ancienne lui,
aucun commandement d'aiiner Dieu. Nous
convenons qu'en général les Juifs accomplis-
saient assez mal ce précepte, que le moiifde
leur obéissance à la loi était plutôt l'espé-
rance d's biens temporels qu'un attachemini
sincère à Diiu. Ce défaut fut encore plus sen-
sible , lorsque le saducéisme cul infecté une
grande partie de la nation. — Jesus-Chiist a
207 'AMO
renfermé toute sa morale dans le comman-
dement d'aimer Dieu sur toutes choses . oi le
procb.tiii comme soi-même : Puns ces deux
coinmandemenis , dil-il, sont rtinl(nif< toute
la loi el les pr<,i,hèles [Malth. xxii, .il ; i\hirc.
XII ; Luc. \). Il ne nous l.iissp pas ignorer en
quoi consiste Vnmoitr de Dieu : Celui qui
retient mfs comuiaudetneiits el les observe,
m'aime vérilnblnnent ;... alui i/iiî. ne m'nime
point, ne les (.bserre point {loau. xiv, 21, 2'i.).
Il n'( si donc point iri qui'stion de senliinenls
affeilueux, souvent sujets à l'illusion, m;iis
doboissance el de ûdélilé à remplir tous nos
devoirs.
Les motifs qui nous portent à aimer Dieu
sont sa lionté infinie, les bienfaits dont il nous
a comblés dans l'ordre de la nature et dans
l'ordre de la grâce, les promesses qu'il nous
fait, le bonheur éternel qu il nous prépare,
l'amour qu'il a pour nons. Voy. Keconnais-
SA'NCi . Il n'est pas vrai que Jésus-Clirisl nous
ail défondu de rien aimer que Dieu ; cela sé-
rail conirailictoire au précepte d'aimer le
prochain comme nous-mêmes ; mais il nous
défend de rien aimer plus que lui (Malth. x,
37). 11 vent que nous soyons prêts à loul
quitter, lorsque' cela est nécessaire pour le
service de Dieu et pour le salut du prochain;
c'est le sens de ces paroles : Si quelqu'un
vient à moi, et ne liait pas so)i jière, sa mère,
son épouse, ses enfants, ses fn'res et sœurs, et
même su propre vie , il ne peut ^tre mon dis-
ciple (Luc. \i\, 20). Ce courage était néces-
saire aux apôtres , il l'est encore aux iiom-
Dies apostoliques; onlils cessé pour cela
d'aimer leur famille ? En se conliant à Jésus-
Christ, ils assuraient à leurs proches la pro-
tection du meilleur el du plus puissant de
tous les maîtres. Aucune morale ne tend plus
directement à resserrer les liens de la nature
el de la société que la morale de l'Evangile.
Nous ne nous arrêterons point ici à dis-
cuter s'il peut y avoir un amour de Deu pur
et désintéressé, sans aucun rapport à nous-
mêmes ; il nous sulfit de savoir que notre
plus grand intirét pour ce nionde et pour
l'autre est d'aimer D eu, et qu'un cœur assez
ingr.il pour ne pas aimer Dieu n'est pa-. fort
disposé à aimer les hommes. Voy. I^har.ti;.
A.MOUK DU l'UOCHAIN. Lorsque iésus-
Clirisl nons commande d.ins l'Kvangile d'ai-
mer notre proch.iin comme iious-inêmcs , il
explique très-ilairemenl en quoi doit consis-
ter cet amour, tuiles aux autres, dit-il, ce
que vous roulez qu'ils vous fassent {Malth. vu,
12; Luc. VI, 3ij. 11 ne nons ordonne point
d'avoir pour tous les hommes les senlimcnts
tendres el afleclueux que nous avons pour
nos aoiis, mais <le leur témoigner de la bien-
veillance par des efl'ets. La douceur, la coiu-
]jlaisance, l'indulgence, la commisération, les
secours, les eon cils , les ser»ices: voilà ce
que nous exigeons de nos semblables, et ce
<iue nous leur devons. -Comino les Juifs en-
tendaient assez mal ce commandeoient de la
loi, cl ne comprenaient, sous le nom de pro-
chain, que les homim s de leur naiion, Jesus-
Christ les détrompe par la parabole du Sa-
maritain qui soulage un Juif blessé, de-
AMP
208
pouillé, abandonné; il leur apprenait par
cet exemple qu'ils devaient regarder comme r
prochain les hommes même qu'ils délestaient
davantage, les Samaritains (Luc. x, 30). —
Le commandement qu'ajoute Jésus-Clirist
d'aimer nos ennemis, dans ce sens, n'a donc
rien d'injuste ni d'iiiifiossible. Ce sont des
hommes , ils ont droit à tous les devoirs
d'humaiillé. Les anciens philosiiphes regar-
daient la vengeance comme un dmit naturel ;
notre divin Maître la repiime, en nous assu-
rant que Dieu ne nous pardonnera point nos
fautes, si nous ne les pardonnons nous-mêmes
à ceux (lui nous off^'usent (Malth. vi, 14 et 15).
Si celte leçon n'était pas assez claire, que pou-
vons-nous opposer à l'exemple de Jésus-
Christ mourant, qui demande pardon à son
Père pour ceux qui l'ont crucifié?
AMOUK-PUOPKE, amour de nous-mêmes.
Un peu de réflexion suffit pour nous faire
comprendre le vrai sens des maximes de
rEvan2;ile, qui condamnent i'amour-propre,
qui nous ordonnent de renoncer à nous-mê-
mes et de nous haïr nous-mêmes. t)uoi qu'en
disent les inciédules, ces maximes ne sont
ni absurdes, ni impossibles à suivre. L'a-
mour-propre , pour peu qu'on le llatle . est
nécessairement aveu;;le et injuste, el il trouve
tôt ou tard sa punition en lui-même. Un
homme (jui saiine à l'excès, qui rapporte
tout à son propre intérêt, qui veut une pré-
férence exclusive, qui ne sait rendre justice
à personne, devient l'ennemi de tous; plus
il est sensible et chatouilleux, |)lus il est aisé
de le mortifier et de le chagriner. Combien
d'hommes célèbres se sont rendus malheu-
reux par là I ils avaient beau s'enivrer d'en-
cens el d'éloges , la moindre censure, le plus
léger traii de satire sulfisail pour les mettre
en fureur, pour troubler leur repos , pour
empoisonner leur vie. S'ils avaient su répri-
mer et modérer l'amour-propre, ils auraient
été heureux.
Il n'y a rien d'outré dans le tableau que
saint Paul a trace de cet odieux caractère:
// viendra, dil-il, des hommes amoureux d'eux-
mêmes, ambitieux, hautains, superbis. »io-
lents, ennemis de leur propre famille, ingrats
et méchanis, sans ulfeclion, incapables ddmi-
tié , calomniateurs, débauchés, querelleurs ,
durs envers tout le monde, perfides, insolents,
orgueilleux, ennemis de Dieu et de leurs sem-
blables (H Tim. III. 2). L'dii pnurrail peut-
être en citer un plus grand nombre d exemples
dans notre siècle que dans aucun autre.! oy.
AuMiCATioN, Haine, et le IHct. de Théol. tiior.
* AMPUlîIJi (Sainte). Iliiiciii.ir, ardievèqiie de
Reims, racdiile, d:iiis l:i Vie de saim fleini, <iut! lois-
()Ui! CCI illuslre piélal vdiiIdI hapiiser Clnvjs.mie
blanclie cnluinbe nppoii,') du tkl ntic peuie fiiilc
coMieiiaiil du l'Iiiiile sainte i|iii paifuiiia iniile l'église.
Elle servit au baptême du pi entier ro; elirélieii. l!:ile
cl.l:l g.'rdée dans l'aldiayc de Salul-Ui'ini peur le
sacie des mis. Lr.s incrédules ont icnuiiéeii ridicule
la pi 'lise (T'i\ance de (pielqnes liisloiieiis, el ont
clierclié à en faire iiii crime à la loligmii, (|Ui jamais
n'a lecoiinu le prétendu niiracle. ^l)ll,^ ne CKiyens
point à l'origine doniu'e par llincniar à la sajnle
auqioiile. t^regone de Tours, vdisni des temps de la
conversion de Gluvis, n'en parle poinl. Si le miracle
809
AMU
AMU
210
avait PU lie», ce grand narrateur de prodiges nVût
pns manqué de racnler celui-ci. La saiiili; ampoule
ii'éiait donc qu'une hiiili! siinte ordinaire, qui peut-
cire :ivait servi an liaplôine de Clovis, et qu'on ré-
servait pour le sacre des rois.
AMSDORL-'IKNS. Socle de proleslanls du
XVI' siècle, ainsi noniiiics de leur chef Nicolas
Amsdurf, dlsci()le de Luther, qui le fil d'il bord
ministre de Miigilehiiurg, cl, de sa propre au-
torilé, évéque de Nuremberg. Ses seclaleurs
étaient des confessioiiuistes rigides, <|ui sou-
tenaient (|ue non-seulement les bonnes œu-
vres étaient inutiles, mais même pernicieu-
ses au sailli : dociiine aussi coniraire au bon
sens qu'à l'Ecriture, et qui fut improuvéc
par lis autres sectateurs de Luther. Vny. Lu-
thériens.
AMULETTE , préservatif. On appelle ainsi
certains renièies superstitieux que l'ou porto
sur .soi; ou que l'on s'attache au cou, [our
se préserver de quelque maladie ou «le ([Uel-
que danger. — Pour remonter à l'origine de
cet usage, il faut se souvenir que, si Ion la
croyance des païens, les enchanteurs, les
magiciens, les sorciers, par de certains
charmes, par des paroles ou par des carac-
tères , pouvaient envoyer des maladies ou
d'autres malheu^rs aux personnes auxquelles
ils voulaient nuire; que, par d'autres paro-
les ou par d'autres figures , on pouvait ar-
rêter leur pouvoir it rendre leur malice inu-
tile ; qu'ainsi des médailles, des morceaux
d" vélin ou de parchemin, empreints de cer-
tains caractères , étaient un remède ou un
préservatif assuré contre toute espèce de
maladie et d'aicidenls. Lucien , dans son
Philopseudcs, a fait de sanglantes railleries
de celle absurdité. Vuy. Charmi:. Les Grecs
les nommaient pliijlacli'res, préservatifs ; les
Latins, amolimenium on nmuleliim, du verbe
amuliri , détourner : d'où nous avons fait
amuletle, qui a le même sens. Les Orientaux
les appellent talisman , et selon l'opinion
commune des Arabes, un magicien, par sou
talisman, peut o|iértr des prodiges. — C'esl
quelquefois une pierre précieuse, une pierre
tirée du corps de quelque animal , ses os ré-
duits en poudre, le signe d'une planète ou
d'une constellation , une langue de parche-
min, de plomb ou d'clain sur laquelle sont
écrites certaines paroles , une figure obscè-
ne, etc. Sur ce point, les hommes, dans tous
les temps et dans tous les lieux, ont poussé
la faiblesse et la crédulité à un excès in-
croyable. Les anciens avaient surtout grand
soin de pendre une amulette au cou des en-
fants, pour leur servir de préservatif contre
les regards des envieux; l'on supposait
qu'à Cil âge ils étaient plus sujets aux malé-
fices et aux eni'iianli'n)ents que les adultes;
que le simple regard d'un ennemi jaloux, ou
d'une vieille, pouvait les fasciner.
Comme ceitt- erreur vient d'un atlache-
inent excessif à la vie et d'une crainte pué-
rile de tout ce qui peut nous nuire, le chris-
tianisme n'est pas venu à bout de la détruire
unit ersellenienl. Dès les premiers siècles,
les conciles et les Pères de l'Eglise défendi-
rent aux fidèles ces pratiques du paganisme,
sous peine d'anathème. Ils représentèrent
<iue l'usage des nmulettet était un reste d'i-
dolàtrie , ou de la eonfiince que l'on avait
aux prétendus génies tiouverneurs du mon-
de , une cs|ièce d'aposla-ie de la foi chré-
tienne, un défaut de confiance en Dieu, un
préjugé aussi ridicule que celui des païens ,
qui attendaient du s 'cours d'une statue
muette et insensible. Thiers, dans son Ti nité
des Superstitions , 1'" part. , liv. v , c. 1 , a
r.ippoilé un grand nomlne de passages des
Pères à ce siijet, et les canons de plusieurs
conciles. — C'c-t aux médecins de décider si
des poudres, des p'anles , des préparations
chiuiiques , renfermées dans des sachets et
porlees sur la chair, peuvent ou ne peuvent
pas être des préservatifs contre certaines
maladies. Une vaine confiance à ces sortes
de remèdes ne tire à aucune conséquence
contre la religion ; il n'y a point de su-
perstition, lorsqu'on ne leur altriiiue qu'une
vertu naturelle, vraie ou laus^e. Il n'en
est pas de même lorsqu'on porte sur soi
des choses qui par leur nature ne peuvent
avoir aucune xertu, et que l'on se persuade
cependant qu'elles procurent <Iu bonheur ou
détournent quelque danger; c'esl le cas de
ceux qui espèrent de gagner au jeu , lors-
qu'ils ont sur eus d;; la corde d'un pen-
du, eic. Celle confiance est non-seulement
une ubs.irdiié, mais une impiété, puisqu'elle
suppose qu'il y a sur la terre un aul:e pou-
voir surnaturel que celui de Dieu , qui peut
nous l'aire du bien ou du mal. On poui rait
excuser celle erreur par la faiblesse d'esprit
de ceux qui y tombent , si elle n'était pas
ordinairement accompagnée d'opiniâlreté.
Une autre question est de savoir si c'est
une superstition de porter sur soi des reliques
des saints, une croix, une im ige, une chose
bénite par les prières de l'Eglise, comme l'^l-
(j)uts Dei, etc., et si l'on doit mettre ces cho-
ses au rang des amulettes, comme le jirélen-
deiit les protestants. Nous convenons que si
l'on attribue à ces choses une vertu Kurna-
lurelle de nous préserver d'accident, de mort
subite, de morl dins l'état du péché, etc. ,
c'est une superstition. Elle n'est pas du mê-
me genre que celle des innuletles , dont le
prétendu pouvoir ne peut pas se rapporter
à Dieu; m lis c'est ce que les théo'ogiens ap-
pellent vaine observance , parce que l'on at-
tribue à des choses saintes et lespectables
un pouvoir que Dieu n'y a point attaché. —
Un chrétien bien instruit ne les envisage
point ainsi ; il sait que les saints ne peuvent
nous secourir que par leurs prières et par
leur intercession auprès de Dieu ; c'esl pour
cela que l'Eglisi', a décidé «(u'il est utile et
louable de les honorer et de les invoquer.
Or, c'est un signe d'invocation et de respect
à leur égard, de porter sur soi leur image ou
de leurs reliques ; rie même que c'est une
marque d'affection et de respect pour une
personne que de garder son portrait ou (jnel-
que chose qui liai ait ap,arieau. Ce n est
donc ni une vaine observance, ni rue lolle
. confiance d'espérer qu'en cousidération du
i respect et de l'affection que nous témoignons
211
ANA
à UD sailli , il intercédera et priera pour
nous. — De même une croix n'a par elle-
même aucune vertu , m.iis c'est le signe du
chrislianisuie et de noire rédemplioii par Jé-
sus-Christ; porter ce signe nous est un té-
moignage de noire foi cl de noire confiance
aux (iiériles du Sauveur; ne sommes-nous
pas fondés à espérer qu'en récompense de
ces sentiments il nous accordera des grâces?
C'est une prière muelte dont l'Kglise nous
donne l'exeurple; par ce siiine , les premiers
chrétiens se dislinguaient des païens ; au-
jourd'hui il nous dislingue des hérétiques et
des incîédules. — Eu purLiut sur nous un
Agnus Dei , ou une autre chose bénite par
les prières de l'Eglise , nous attestons noire
confiance à tes iiicincs prières ; qu'y a-t-il là
de superslilieux ? h' Agnus Dei esl le symbole
de Jésus-Christ rédempteur du monde ; il ist
donc louable de le respecter et île l'aimer.
Par vanilc l'on étale des bijoux et des pier-
res précieuses; il nous paraît mieux de mon-
trer des .signes de religion et de piélé : plus
l'incréduiiié affeclo de mépris pour ces si-
gnes extérieurs, plus nous devons braver ses
folles erreurs et ses railleries absuides.
On nous objectera qu'il est bien difficile
de faire compren Ire au peuple le véritable
esprit de ces u-ages, le degré de vertu qu'il
<loii leur attribuer, et de confiance qu'il doit
y donner, qu'il s'y Iroinpe aisément, qu'il ne
cnaiique presque jamais de lomberdaiis I ex-
cès cl dans quelcjU' s abus. Soit. Nous répli-
querons toujours que , s'il fillail retrancher
tout ce donl ou peut abuser, il faudrait re-
noncer à loule religion et à toute pratique
de [liéié. Quand même les erreurs du peuple
scraieiiiinévilatiles, il vaudrait encore mieux
qu'il excellât dans des choses respectnbles
que dans des choses absurdes et délcstablrs ;
il vaul mieux qu'il donne sa confiance à la
croix qu'à une figure obscène , à l'image
d'un saint qu'au signe d'une conslellalion ,
à une relique qu'au membre d'un animal ,
au pouvoir di.s saints i|u'à la puissance des
démons. Ceux qui déclament le |ilus haut
< outre les .«luperslitions, en sont-ils exempts?
Tel ((ui se jouc du pouvoir des saints ad-
met les iuflueuce de la fortune; tel qui dé-
diigiierait d'avoir sur soi une relique, porte
de la corde de pendu ; de graves philoso-
])lies qui ne croy.iicnt pas en Dieu , ont cru
à la magie. Voij. Mauik.
ANAlJAlTISri.S. Secte d'hérétiques qui
soutiennent qu'il ne faut pas baptiser les en-
fants avant I âge de discrétion, ou qu'à cet
âge on doit leur réitérer le baptême , p.irce
que, Selon eux , ces enfants doivent élrc en
élalde rendre raison de leur loi pour rece-
voir validemenl ce sacrenit-nl.
Ce mut est compose d'«v« derechef , et de
,*'/.-•:»;•.., ou jSan-T , biijiliscr, laver, parce (jue
i iisajje de» unnlmiilistcs est de rebaptiser
ceux qui oitl élé baptisés dans leur enf.mce.
Dans les cuuimencemenis , ils reb.i(ilis.iient
aussi tous ceux qui einlirassaiciil leur secte,
et qui avaient reçu le baptême ailleurs. —
Les iiovaiiens , les cataphrigcs et les tluna-
lisles , dans les premiers siècles, ont été les
ANA 21-2
prédécesseurs des nouveaux anabaptistes ,
avec lesquels cependant il ne faut pas con-
fondre les évéques catholiques d'Asie cl d'A-
frique, qui, dans leur siècle, soutinrent
que le baptême des hérétiques n'était pas va-
lide , cl qu'il fallait rebaptiser ceux des hé-
rétiques qui rentraient dans le sein de l'E-
glise. Voy. Rebaptisants. — Les vaudois ,
les albigeois, les pétrohrusiens, et lu plupart
des sectes qui s'élevèrent au xiii' siècle, pas-
sent pour avoir adopté la même erreur; mais
on ne leur a pas donné le nom d'anabaptistes,
et il paraît d'ailleurs qu'ils ne croyaient pas
le baptême for! nécessaire.
Les anubaplislcs, proprement dits , sont
une secte de protestants (jui parut d'abord,
vers l'an fSS.'i en quelques contrées d'Alle-
magne, et paiiiculièrenienl en Westplialie,
où Ils commircnl d'horribles excès, surtout
dans la viliede Munsler, d'où ils furent nom-
més Moiiastéiiens et Munstériens. ils ensei-
gnaient que le laptême donné aux enfants
était nul et invalide ; que c'était un crimeque
de prêter serment ei de porter les armes ;
qu'un véritable chrétien ne saurait être ma-
gistrat : ils inspiraient de la haine pour les
puissances cl pour la noblesse ; voulaient <|ue
tous les hommes fussent lilires et indépen-
dants, et promellaienl un sort heureux à ceux
qui s'altachei aient à eux pour exterminer les
impies, c'esl-à-dire, ceux qui s'opposaient à
leurs sentiments.
On ne sait pas au juste quel fut le premier
auteur de celle secte : les uns en attribuent
l'origine à Carlostad, d'autres à Zuingle, etc.;
mais l'opinion la plus commune est qu'elle
doit son origine à Thomas Muncer, de Zwi-
ckau, ville de Misnie, et à Nicolas Slorchon
Pélargue, de Stalberg, en Saxe, qui avaient
été tous deux disciples de Luther donl ils se
séparèrent ensuite, sous prétexte quesadoc-
ti ine n'clail pas assez parfaite ; qu'il n'avait
que prépare les voies à la réformation, et
que, i>our parvenir à établir la véritalile re-
ligion de Jésus-Christ, il fallait que la révé-
laiion vînt à l'appui de la lettre morte de
l'Ecrilure : conséiiucmmcnt ces enlhou' ias-
tes se prétendirent inspirés, el communiquè-
rent le même fanatisme a leurs prosélytes.
— SIeidan observe que Luther avail prêché
avec tant de force pour ce qu'il appelait la
liberté évnmjélique , que les paysans de
Suuahe se liguèrent ensemble, sous prétexte
de défendre la doctrine évangelique cl de se-
couer le joug de la servitude. Us commirent
de grands desordres : la noblesse, qu'ils se
proposaient d'exterminer, prit lesarmes con-
tre eux, et celle guerre fut sanglante.Lutbcr
leur écrivit plusieurs fois pour les engager à
quitter les armes, mais inutilement : ils ré-
toiquèrenl contre lui sa propre doclrine,
soutenani que, puisqu'ils avaient été rendus
libres par le sang de Jésus-Christ, c'était déjà
trop d'outrages au nom chréiien, qu'ils eus-
sent élé réputés esclaves par la noblesse, et
que, s'ils | renaicnl lesarmes, c'était par or-
dre de Dieu. Telles étaient les suites du f ina-
lisine où Luther lui-même avail plonge l'AI-
icmagno. Il d'Ut y remédier en publiant uu
213
ANA
ANA
'Ui
livre dans lequel il invitait les princes à pren-
dre les armes contre ces séditieux. Le comte
de M'insfeld, soutenu par les princes et la
noblesse d'Allemagne, défit et prit Muncer
et PniTer, qui furent exécutés à Mulhau^eii
l'an 1525; mais la seclc ne fut que dissipée
et non détruite. Luther, suivant son caractère
inconstant, désavoua en quelque sorte son
prenaler livr(; par un second, à la sollicitation
des gens de son parti, qui trouvaient sa pre-
mière démarche dure et même un peu cruelle.
Cependant les anabaplistes se multipliè-
rent et se trouvèrent assez puissants pour
s'emparer de Munster, on 153.'i-,et y soutenir
un siège sous la conduite de Jean de Leyde,
tailleur d'habils, el qui se fit déclarer leur
roi. La ville fut reprise sur eux par l'évéque
do Munster, Iclk juin lo'JS. Le prétendu roi
ri son confident Knisperdollin y périrent par
les su|iplices ; etdcpuis cet échec la secte des
anabaplistes n'a plus osé se montrer ouverte-
ment en Allem.igne. — Vers le même temps,
Calvin écrivitconire eux unirailé. Comme ils
fondaient surtout leur doririue sur celle pa-
role (le Jésus-Christ ( Marc, xvi, 16 ) : Qui-
conr/ue croira et sera baptisé, sera sauoé , et
qu'il n'y a que les adultes qui soient capa-
bles d'avoir la foi actuelle, ils en inféraient
qu'il n'y a qu'eux non plus qui doivent rece-
voir le baptême ; qu'il n'y a aucun passage
dans le nouveau ïeslament où le baptême
des enfants soit expressément ordonné; d'où
ils liraient celle conséquence qu'on devait
le réitérer à ceux qui l'avaient reçu avant
l'âge de raison. Calvin et d'autres auteurs,
fort embarrassés de ce sophisme, curent re-
cours à la tradition et à la pratique de la
primitive Eglise. Ils opposèrent aux ana-
baptistes Oiigène, qui fait mi'ntion du bap-
tême des enfants ; l'auteur des questions al-
triliuées à saint Justin ; un concile tenu en
Afrique, qui, au rapport de saint Cyprien,
ordonnait qu'on baptisât les enfants aussitôt
quili seraient nés ; la praliquedu mémesainl
docteur à ce sujet; les conciles d'Aulun, de
Slâcoi), de Gironne, de Londres, de Vienne,
etc.; une foule de léiiioignjges de.s Pères, tels
que saint Iréoée, saint Jérôme, saint Ani-
broise, saint Augustin, etc. — Ainsi Calvin
et SCS sectateurs, après avoir décrie la tra-
dition, furent forcés d'y revenir ; mais ils
avaient appris à leurs adversaires à la mé-
priser. D'ailleurs Calvin, en soutenant la va-
lidité el l'utilité du baptême des enfants, con-
tredisait son propre système, puisque, selon
lui, toute la vertu des sacrements consiste à
exciter la fui.
On oppose aux anabaptistes que les enTinls
sont jugés capables d'entrer dans le royaume
des cieux {Marc, ix, li; Luc. xviii, 16). Le
Sauveur lui-même en fil aiiprocher quel-
ques-uns de lui el les bénit. Or, ailleurs, c.
m, V. 5, saint Jean assure que quiconque
n'est pas baptisé ne peut entrer dans le
royaume de Dieu ; d'où il s'ensuit qu'on doit
donner le baptême aux enfants. — Ce que
répondent les anabaptistes, que les enfants
dont parle Jésus-Christ étaient déjà grands,
est faux; dans saint Matthieu et dans saint
A'iarc ils sont appelés de jeunes enfants waiSfa;
dans sainl Luc, j3os'c)). de petits enfants; le
même évangélisle dit expressément i|u'ils
furent amenés à Jésus-Chrisi ; ils n'étaient
donc pas en étal d'y aller tout seuls. — Une
autre preuve se tire de ces paroles de saint
Paul aux Romains, c. v, v. 17 : Si, à cause
(lu pe'clié d'un seul, la mort a rt'fjné par ce
seul homme, à plus forte raisaii ceux qui re-
çoivent l'abomlanre de la nrâce et du don de
la justice régneront-ils da is ta vie par un
seul homme (jui est Jésus-Christ. Or, si tous
sont devenus criminels p.irunseul, les cht
fanls sont donc criminels ; et de mémo si
tous sont justifiés parnn seul, les enfants sont
donc aussi justifiés par lui : on ne saurait
êlre justifié sans la foi; les enfants ont donc
la foi nécessaire pour recevoir le baiilênie,
non pas une foi actuelle, telle qu'on l'exige
dans les adultes, mais une foi suppléée par
celle de l'Eglise, de leurs pères el mères, de
leurs parrains el marraines. C'est la doctrine
de saint Augustin, serin. ilG, de verb. Apost.,
lib. iii; deLib. Arb., c. 23, n° 07.
A cette erreur capitale les anabaptistes en
ont ajouté plusieurs autres des gnosli(iues et
des anciens hérétiques ; quelques-uns ont nié
la divinité de Jésus-Christ et sa descente aux
enfers ; d'autres ont soutenu que les âmes des
morts donnaient jusqu'iui jour <lu jugument,
el que les peines de l'enfer n'étaient pas éler-
nelles. Leurs enthiusiasies prophétisaient
que le jugement dernier approchail, et eu
fixaient nn'me le terme.
Le sommaire de leur doctrine était « que le
baptême des enfants est une invention du dé-
mon ; que l'Eglise de Jésus-Christ doit être
exempte de tout péché; que toutes choses
doivent êlre communes entre tous les fidèles;
qu'il faut abolir entièrement l'usure, la dîme
cl toute espèce de tribut; que tout chrétien
est en droit de prêcher l'Evangile; que par
conséquent l'Eglise n'a pas besoin de pas-
leurs; que les magistrats civils sonl absolu-
ment inutiles dans le royaume de Jésus-
Christ ; que Dieu continue de révéler sa vo-
lonté à des personnes choisies, p'ar des son-
ges, des visioiis, des inspirations, etc.» Mais
il ne |)0uvail y avoir une crDyatice uniforme
parmi une troupe de fanatiques ignorants,
dont chaque men)bre était en droit de se pré-
tendre inspiré. Aussi, à mesuie que le nom-
bre des anabaptistes augmenta, les sectes se
mulliplièrent parmi eux, et ou leur donna
différents noms, lires ou de leurs chef-*, ou
de leurs demeures, ou de leurs opinions par-
ticulières, ou de leur conduite. Outre les
noms de monastériens, munstériens et niun-
cériens, ils ont été appelés enthousiastes,
catharisles, silencieux, adamistes, géorgiens
ou davidi (ues, hulites, indépendants, mel-
chiorislcs, nudipédaliens, mennonites, bo-
ckholdiens, augiistiniens, libertins, dèrélic-
tiens, polygamiles , serapérorants, ambro-
siens, clanculaires, manilestaires, pacifica-
teurs, pastoricides, sanguinaires, waterlan-
diens, etc. Les partisans de l'une de ces sec-
tes prétendirent que, pour être sauvé, il ne
faut savoir ni lire ai écrire, pas même coa-
2IS
ANA
ANA
216
naître les premières lettres de l'alphabet, ce
qui les fit nommer abécédaires on abccéda-
riens. On prétend que Carlo-lad finit par em-
brasser ce parti, qu'il renonça à sa qualité
de docteur, se fil portefaix, cl se nomma frère
André. Mais la distinctiim la plus commune
est ci'lle des annbnpiistes rigides el des ana-
baptistes mitigés. Ces di'rniers ont été connus
sous les noms d'- gabriélites, tic liuttérites ou
frères de i)loravie, ewtxn sous celui de men-
nonites. Voici l'origine de ces noms.
Lorsque les anabaptistes eureui élé défaits
et proscrits en Allom.igne, à cause de leur
conduite sanguinaire, Galiriil et Huticr, deux
de leurs pri icipaux chefs, se relirèrcnt en
Moravie : ils rasseinhlèrent le plus grand
nombreiiu'ils purent de leurs partisans. But-
ter donna un symbole el des lois ; il leur en-
seigna, l'' qu'ils étaient la nation sainle que
Dieu avait clioisie pour la rendic dépositaire
du vrai culte; i" que toutes les sociétés qui
ne niellent pas leurs biens en commun sont
impies, qu'un chrétien ne doit rien posséder
en particulier ; 3° que les c h réliens ne doivent
point reconnaître d'autres magistrats que
l'es paslenrs ecclésiastiques; k" que Jésus-
Christ n'est pas Dieu, mais prophète ; 3" que
presque toutes les marques extérieures de
religion sont contraires à la pureté du chri-
stianisme, qui doit être dans le cœur; 6° que
tous ceux qui ne sont pas rc'aplisés sont des
infidèles, et que le nouveau bapiême annule
les mariagos coniractés auparavant ; 7 que
le baptême n'est point adininistré pour effa-
cer le péché originel ni pourdonnerla grâce,
mais que c'est un signe par lequel un fidèle
s'unit à l'Eglise; 8" que Jésus Christ n'est
point réellement présent dans l'Eurharislie;
que le sacrifice de la messe, le culte des saints
el des ir)iagcs, le purgatoire, etc., sont des
superstitions et des abus. Ainsi les opinions
des prolesiants étaient toujours la base de
celles des anabaptistes.
Hutler ne conserva parmi ses sectateurs
point d'autre pratique de religion quelebap-
téme des adultes ; il ne leur fil célébrer la
cène que deux fois l'année ; il leur persuada
de mettre en commun tous leurs biens, même
les enfants, afin que tous fussent élevés de
même. Celle ré|>ubli<|ue sin;;ulière foi ma d'a-
bord une société d'excellents cultivateurs,
laborieux, sobres, paisibles, très-réglés dans
leurs inœnrs ; mais la discorde, la corruption
et l'irréligion ne tardèrent pas de s'y intro-
duire. Ilutter el Gabriel ne purent p.is s'ac-
corder longtemps ; le premier ne cessait d'in-
vectiver contre les magistrats et contre tnute
es.pèced'dulorité; le second, plus nioiléré, vou-
lait <|ue l'on se eonforiiiât aux lois du pays où
l'on était. Il se forma ainsi deux partis, l'un
de Gabriélites, et l'autre de Uullcrites, qui
s'excommunièrent muluelleineiil. A|)rès la
mort de Huiler, i)ui fut puni du dernier sup-
plice, comme hérétique séditieux, les deux
sectes se réunirenl sous le (louvernement de
Gabriel ; mais il ne put y rétablir l'ordre ni
la régularité des mœurs : il devint o<lieux k
toute la secte, qui le fit chasser de la Mora-
vie, lletiré en Pologne, il finit sa vie dans la
misère. Après la mort de ces deux hommes,
les frères de Moravie se dispersèrent, et la
plupart se réunirent aux sociniens, qui ont
à peu près la même croyance. Catrou, Hist.
des anabaptistes.
Vers l'an 1536, Menno Simon, ou Simon
Menno, prêtre aposlal, né ilans la Frise, en-
treprit de faire en Hollande ce que Gabriel et
Huiler avaient fait en .Moravie. 11 enirepril
de réunir les dirférentessectesd'nnni'i/jfistes.
Par ses prédications, par ses écrits, par ses
voyages continuels, il on vint à bout, du
moins jusqu'à un certain poinl, et il leur
inspira des sentiments plus modérés que ceux
de leurs chefs précédents. Il leur lit compren-
dre la nécessité de retrancher de leur doctrine
non-seulement toutes les maximes licencieu-
sesqueplusieurs avaienlenseignées touchant
le divorce et la polygamie;, mais encore tou-
tes celles qui tendaient à détruire le gouver-
nement civil et à troubler l'ordre public, et
tes prétendues inspirations qui rendaient
leur secte ridicule. S'il en retint le fond, il
trouva du moins le secret de proposer ses
opinions sous des expressions moins révol-
lanti s. — ConséquemmenI, l'on prétend ((ue
la croyance ai luclie dis mcnnoniles se réduit
aux points suivants : ils n'administrent point
le baptême aux enfants, mais seulement aux
adultes capables de rendre compte de leur
foi; sur l'Eucharistie, ils oui embrassé le ■
sentiment des calvinistes. A l'égard de la ■
grâce el de la prédeslinalion, ils ne suivent i
point les opinions rigides de Calvin, mais
plutôt celles de Mélaiicbihon et d'Arminios,
qui se rapproclu'iU du pélagiauisme. H s'abs-
tiennent du serment ; leur simple parole
leur en lient lieu devant les magistrats. Ils
regardent la guerre et la profession des ar-
mes comme illiclles; mais ils contribuent de
leurs biens à la défense de leur patrie, ils ne
condiimnenl plus absolument les charges de
la magistrature ; ils s'absliennent seulement
d'en exercer aucune. Grands partisans de la
tolérance, par besoin plutôlquc par convic-
tion, ils souffrent parmi eux toutes les opi-
nions qui ne leur paraissent pas attaquer
l'essentiel liu chrislianisme, el l'on conçoit
que, selon leurs principes, cet essentiel se
réduit à fort peu de chose. — On dit qu'en
général leurs mœurs sont douces et pures ;
comme plusieurs néanmoins se sont enrichis
par la culture el par le commerce, ils se sont
i)eaucoup relâches de la morale sévère de
leurs ancêtres, el ils ne se f(ml plus de scru-
pule de jouir des comuiodilés de la vie. H y
en a dans plusieurs parties ib' l'Alleutagne,
un très-gr.ind nombre en H'ollandc, et plu-
sieurs eu Angleterre, où ils sont appelés bap-
tistes. Quoi(|uc leur dortrineressemble beau-
coup à celle des (juakers, ils ne fraternisent
cependant pas ensemble.
.Mosheim, <)ui a donné l'histoiro des ana-
bapliflrs el des inennonites, a fait son possi-
ble pour répandre de l'obscurité sur l'origine
de celle sede; il ne veut pas avouer (|uc ces
deux premiers fondateurs étaient deux dis-
ciples de-Luther; il a rougi sans doute de
cette postérité du luthéranisme. Hist. ec-
217 ANA
clésiatt. du xvi* siècle, secl. 3, W part., c. 3.
Maiscomtnent méconiiaîlre Ufiejjéncalogie
aussi claire? C'est Lulherqui :i ouvtI la Toie
à MuncereiàStorck, parsoii livre de la liberté
chrétienne, par ses déclamalioiis fougueuses
contre les pasieurs de l'Eglise, conlreles puis-
sances séculières qui les soutenaient, contre
l'autorité et les revenus du clergé; par le
principe qu'il a établi, que la seule rt-gle de no-
Ire foiest le texte de l'Ecriture sainte, entendu
selon le sens de chaque particulier, et que Dieu
donne à tous la grâce ou linspiratiou néces-
saire pour le bien enlendre. Avec de pareilles
armes, le fanatisme peut-il être arrêté par quel-
qu'une des barrières que l'on voudrait lui op-
poser ?
Mosheim ne dissimule aucun des excès ni
des crimes que se permirent les chefs des
anabaptistes de Weslphalie ; il avoue que
l'on ne pouvait pas se dispenser d'employer
contre eux lesarines et les supplices :1a bonne
foi semblait exiger qu'il recoiiimi de même
la première cause; de tout le sang qui a été
répandu. 11 était fort inulile de reinonler aux
vaudois, aux pélrol»rusiens, aux wiclefites,
aux hussites, pour en l'aire descendre les una-
baptisies; leur vrai père est Luther: il n'a
pas pu méconnaitre en eux son ouvrage ; il a
tâché vainement d'élein<ire un feu qu'il avait
allumé. — Mosheim ne parât pas avoir trop
hoiine opinion des meiinonites, même tels
qu'ils sont aujouril'hui ; il prétend qui^dans
leurs différentes confessions de loi, les arti-
cles qui regardent l'autorité des magistrats
et l'ordre de la société civile sont proposés
avec beaucoup plus d'adresse que de sincé-
rilé, sous des termes captieux qui IdiiI dis-
paraître ce que ces articles peuvent avoir de
choquant; ces confessions, selon lui, sont
pluiôl des apologies que des deciaratioiis
naïves de ce ([ue chacun doit croire. Ibid.,
§ 12 et 13. Cependant il observe que les iiien-
nonites exposent la plupart des articles de
leur croyance dans les propres ternies de l'E-
criture sainte. Comment celle Ecriture, qui
est si claire, au jugement des i rolestanis,
peut-elle fournir à tous les hérétiques des
termes captieux pour envelopper et dissimu-
ler leur vraie fui ? Voilà ce que nous ne con-
cevons pas.
11 y aurait bien d'autres observations à
faire sur l'emb.irras dans lequel se trouvent
les prolestaiils, lorsqu'ils ont à traiter avec
les dilTereiites se( t s quisunt sorties de leur
sein. — Les incrédules qui ont vanté la dou-
ceur, la rcgulariié, la simplicité des mœurs
actuelles des mennonites , afin de rendre
odieuses les rigueurs que l'on a exercées
contre leurs pères en Westplialie, et les édils
siinglants que Charles-Ouint lit publier con-
tre eux, ont montré bien peu de bonne fui
dans leurs déclamations. Qu'avaient de com-
mun les moeurs et la conduite des anabap-
tistes sédiiieux et sanguinaires , avec celles
des mennonites, tels qu'on nous les peint
aujourd'hui ? Les édits lurent publiés et les
exécutions furent faites imméJialement après
les ravages que les premiers avaient commis
à main armée à Munster et dans la Wesl-
ANA
218
phalïe. Si leurs descendants les imitaient ,
ils mériteraient d'être traités de même. H a
fallu toutes ces rigueurs pour faire cesser le
fanatisme destructeur dont la secte était ani-
mée pour lors. S'il y a quelque chose d'o-
dieux dans ce procédé, il doit retomber tout
entier sur les premiers iiuteurs du njal. Les
anabaptistes avaient exercé leur fureur non-
seulement en Allemagne, mais en Suisse, en
Flandre et dans la Uollandc : les prolestants
sévirent s outre eux avec autant de violence
pour le moins que les catholiques; ils n'ont
été tolérés que depuis qu'ils sont devenus
piiisibles. — Si nous en croyons Mosheim,
il s'en faut beaucoup que la tolérance soit
l'esprit général des mennonites, ou des ana-
baptistes modernes. En Angleterre, sous le
règne de Cromwell, ils eurent des chefs qui
n'étaient rien moins que modérés; aujour-
d'hui même ils sont divisés en deux sectes
principales, savoir : celle des anabaptistes
grossiers on modérés, qui, à proprement par-
ler, n'ont aucune croyance fixe et qui ne se
font aucun scrupule lie fraterniser avec les
sociniens , et celle des anabaptistes rigides ,
ou mennonites proprement dits , qui font
profession de retenir la doclriiie de Menno,
et de ne s'en écarter eu rien. Ceux-ci exer-
cent l'i xcoinmunicalion la plus rigoureuse
non-seulement contre Ions les pécheurs pu-
blics, mais encore contre tous ceux qui s'é-
k'ignent de la simplicité des manières de
leurs iiiicclres; ils loiii profession de mépri-
ser les sciences humaines, etc. Un ne peut
pas pousser l'inlolerance plus loin, puisque
parmi eux un excomuiunié ne peut plus es-
|)érer aucune marque d'aiïectiou ni aucun se-
cour, de sou épouse, de ses enfants, ni de ses
parenis les plus proches.
Il est bon de savoir que les sociniens ,
chassés de Pologne, profilèrent de la toléran-
ce accordée aux mennonites eu Hollande ,
()Our s'y introduire et s'y établir sous ce
nom. Ainsi, la plupart des hommes lettrés
qui prenaient en Hollanae et ailleurs le nom
de mennonites, sont de vrais sociniens ; c'est
ce qui a rendu celte secte si nombreuse , et
qui lui a valu la protection de nos incrédu-
les modernes. Mosheim, Hisl. Ecclés. du
xvii' sie't'/e, sect. -2, iv part., chap. 5; llist.
duSocin. i'' p., c. 18 et suiv.
ANACUOUÊ'IE, ermite ou solitaire, hom-
me retiré du monde par motif de religion ,
qui vit seul, afin de ne s'occuper que de Dieu
et de son salut. Ce mot vient du grec àvx-^apiiv,
se retirer, de même que ermite est dérivé
i\'i'pr,iioç, solitude, lieu désert. Dans l'origine,
on a encore donné aux solitaires le nom de
moines, lire de iJ-cim;, seul, isole.
Ce genre de vie a toujours été connu dans
l'Orient. Saint Paul [llebr. xi, 38) dit que les
pr«)pbétes ont erré dans les déserts et sur les
montagnes ; qu'ils ont demeuré dans les au-
tres et les cavernes de la terre. Saint Jean-
Baptiste, dès son enfance, se retira dans le
désert et y vécut jusqu'à 1 âge de trente ans ;
J'esus-Chrisi lui-même lit l'éloge de sa vie
austère et de ses vertus (Malth. ii, 7). Ma^
saint Paul de Thèbus en JEgyple est reg
V
219
ANÂ
comme le premier ermite ou anachorète du
christianisme. 11 se retira dans le désert de
la Théljaïdi! l'an 230, pendant la persécution
de DèiC et de Valérien ; bii-môt il y fut suivi
par saint Antoine et par d'auli es qui voulu-
rent mener le même genre de vie. Plusieurs
se réunirent ensuite pour vivre en commun,
et furent nommés cénobilrs. Cet exemple fut
même suivi par les femmes : quelques-unes
s'enfoncèrent dans les déserts pour fairo pé-
nitence et pour éviter les dangers du sièrle,
d'autres se renfermèrent dans des cloitres
])"ur y vivre ensemble sous une même règle.
Telle a été l'oiigine de l'état monasliqui".
Voy. Moine, Cénobite, Uel gieuse, etc. Sur
In fin du iv" siècle, la vie érémilicjue passa
de l'Egypte en Italie, et bientôt après dans
les Gaules; on" vit des anachorèles et des
cénobites. L'irruption des barbares, arrivée
au commencement du v'' siècle, contribua
à les multiplier ; pour se soustraire .lU 1 ri-
gandagc, un grand nombre d'bommes se re-
tirèrent dans' des lieux déserts ; plusieurs
guerriers, tourmentés par des remords et
par la crainte de retomber dans de nou-
veaux désordres, allèrent expier leurs cri-
mes dans la solitude : on admira leur cou-
rage et leur vertu. Les mênaes raisons qui
faisaient augmenter le nombre des monastè-
res servirent aussi à mullipiier les ermites
ou anachorètes, et le goût pour ce genre de
vie s'est cmservé jusqu'à nous; de là le
grand nombre d'ermitages que l'on voit d'un
bout du royaume à l'autre. Mais les supé-
rieurs ecclésiastiques ont reconnu depuis
longtemps qu'il ét.iit mieux de ré'inir plu-
sieurs ermites dans une même hai)ilation,
que de les laisser vivre absolument seuls.
Cette manière de vivre singulière ne pou-
vait [iianquer d'exciter la bile des ennemis
de la religion ; aussi a-t-elle été blâmée avec
autant d'aigreur par les protestants que par
les incrédules. Ils en ont censuré l'origine ,
les motifs, les pratiques : ils en ont relevé
les inconvénients et les pernicieuses consé-
quences. Le Clerc, Mosheim. Brucker et la
foule des protestants ont déclamé à l'envi
sur ce sujet; et nos philosophes moutonniers
ont enchéri encore sur leurs invectives. —
Les uns ont dit que le goût pour la vie so-
litaire était , dans l'Orient , et surtout en
Egypte, un vice du climat , un efl'et de la
mélancolie et de la paresse que la chaleur
inspire ; d'aatros ont jugé qu'il a été aug-
menté chez les chrétiens jiar les notions
do la philosophie de Pythagore et de Platon,
selon lesquelles on croyait que plus l'ânie se
de't.ichall du corps et de» sens, plus elle s'ap-
prochait do Dieu. Onelques-uns ont deviné
que, dans les premiers siècles du christia-
nisme, on renonçait au monde p;irce iiue
l'on croyait qu'il allait finir. Presque tous
ont décidé (luc l'estime [)our la vie austère
est née d'une notion fausse et absurde de la
Divinité. Les chrétiens, disent-ils, se sont
persuadé que Dieu, non content d'exiger le
sang de fon Fils pour apaiser sa justice, se
plaisait encore aux. tourments de ses crca-
lureg.
ANA 220
A toutes ces réflexions il ne manque que
du bon sens. Si tous ces savants disserla-
leurs avaient passé la plus grande partie de
leur vie à la campagne et loin du tumulte
des \illes, ils auraient éprouvé par eux-mê-
mes que l'on contracte très-aisément le goiît
de la solitude absolue, sans pensera la fin
du monde, sans connaitrela philosophie de
Pylhagore, et sans avoir des notions ab-
surdes de la Divinité. Une preuve qu'il ne
vient point du climat, c'est qu'il a été pour
le moins aussi commun et aussi vil dans les
contrées du Nord que dans les régions du
Midi. Mais bornons-nous à des considéra-
tions religieuses.
Il est fâcheux d'abord que les prolestants
aient condamné avec tant de hauteur un
genre de vie que Jésus-Christ a daigné louer
dans son saint précurseur, et que saint Paul
a proposé pour modèle dans les prophètes.
Dirons-nous des uns et des autres ce (|ue
Mosheim a osé dire de saint Paul, premier
ermite, que retiré dans le désert , il mena
une vie plus digne d'une brute que d'un
homme; Hist. ecclés du iii'^ siècle, ii' pari.,
c. 3, §3? Ou penserons-nous qu'Klie, les
autres prophètes et saint Jean - Baptiste
avaient puise le goût de la solitude dans les
écrits de Pylhagore ou de Platon, dans la
crainte de la fin du monde, etc.? Voilà com-
me les protestants respectent l'Ecriture
sainte. — En second lieu, nous les défions
de faire contre les solitaires aucun reproche
qui n'ait été fait aux premiers chrétiens par
les païens. Nous voyons par VApoloifé tique
de Tertullien, que ceux-ci appelaient les
chrétiens insensés, hommes inutiles au mon-
de, misanthropes ou ennemis du genre hu-
main ; on tournait en ridicule leur air aus-
tère et pénitent, leur goût pour la solitude ,
la société particulière qu'ils formaient en-
tre eux, etc. Les prolestants semblent n'a-
voir fait que copier tous ces sarcasn)es en
faisant la satire des moines et des iinaclto-
rètcs. Aussi les incrédules n'ont pas manqué
de tourner contre le christianisme mènie la
censure que les protestants ont faite de la
vie monasiique ou érémitique. Ils disent que
les maximes de l'Evangile tendent à séparer
l'homme d'avec ses seiiiiilables, et à le dé-
tacher absolument du monde ; que c'était dé-
jà la morale des esséniens et des thérapeu-
tes, et que Jésus-Chrisl avait puisé sa doc-
trine parmi eux. Ils soutiennent que les pre-
miers chrétiens furent de vrais nioiiies ,
puisque saint Antoine ne prétendit faire au-
tre chose que suivre l'Evangile à la lettre ;
d'où ils (oncluent que lu morale évangé-
lique n'est faite que pour des nmines. En
ell'et, « saint Antoine, dit M. Fleury, saint
Hilarion, saint Pacônie et les autres (|ui les
imitèrent, ne prétendirent pas introduire une
nouveauté ou renchérir sur la vertu de leurs
pères; ils voulurent seulement conserver la
tradition de la pratique exacte de l'Evan-
gile qu'ils voyaient se relâcher de jour en
jour. Us se proposaient toujours pour mo-
dèle les ascètes ou chrétiens fervents <|ui les
avaients précédés. » Mwurs dcsCliret., j 32,
221
AN A
AN A
111
Bingliani lui - même , quoique protestant,
avoue qu'à l'exceplion de la solilude ab-
solue, la vie lies ascètes était I;i même que
celle (les anachorètes et des moines. Orig.
eccb.'siast., 1. \i\, c. 1. Voy. Ascètes.
Nous prions les protestants de vouloir bien
juslifier, contre la censure des incrédules,
les premiers chrétiens formés par les leçons
de Jesus-Chrisl et des apôtres; ce qu'ils di-
ront nous servira de même à faire l'apolo-
gie des solitaires qui ont renoncé au mon-
de. Mais ils n'en feront rien ; peu leur im-
porte de livrer le christianisme au mépris
des incrédules, pourvu qu'ils satisfassent
leur propre haine contre l'Kglise romaine.
— On ne sait que penser, quand on lit leurs
lamentations sur la muhilude des erreurs
qu'a fnil naître dans l'Enlisé la philosophie de
P^thagore et de l'Iaton : De là esl née, disent-
ils, celte folle idée que l'on pouvait mener
une vie plus sainte que celle de Jésus-Christ
et des apôtres, et pratiquer des vertus plus
parfaites ijue celles qui sont commandées
dans l'Kvangile ; de là l'eslime insensée
pour les austérités corporelle», pour l'abs-
tinenc(^ et le jeûne, p.our le célibat et la
virginité ; de là la condamnation des secon-
des noces, le mépris pour l'ét.it du niariai;e,
etc. Brucker, Hist. l'Iiili's., toni. III, 3(53.
On croit entendre raisonner des déistes ou
des épiruiiens. En parlant de ces diffé-
rents articles de la discipline chrétienne,
nous leur ferons voir que tous sont fondés
sur l'Ivcriture sainte, sur les leçons fortnillcs
de Jésus-Clirist et des iipôlres, et nous les
mettrons à couvert de leur folle censure. Il
s'ensuit déjà que les platoniciens et les py-
Ihagoriciens, ((ui ont fait cas «le toutes ces
pratiques, étaient plus raisonnables que les
protestants cl les incrédules modernes. —
Ajoutons que la vie des solitaires de la Tlié-
baïde, «(ui nous paraît si leirible, était à
peu près la même que celle des pauvres et
du peuple en Egypte. Selon le récit des voya-
geurs, le seul habit des deux sexes est une
chemise ou un morceau de (oile, et les jeu-
nes gens, jus(iu'à l'à'^c de quinze ou seize
ans, sont absolunieni nus. Tous cotichent
sur la dure, dans la rue, ou sur les toits des
maisons, et avec deux poignées de riz un
homme peut vivre pendant vingt - (luatre
heure , sans avoir besoin d'autre nourritu-
re. Il en est de même dans les Indes; et telle
y fut toujours la vie des brachinanes ou dos
philosophes de ce pays-là. Mais des épicu-
riens septentrionaux sont effrayés de ce
genre de vie : gâtés par un luxe désordonné,
ils regardent les austérités comme un suici-
de lent et comme une folie , ils s'emportent
contre les anachorètes, parce que ceux-ci
étaient plus robustes et plus so.hres qu'eux.
Ecoutons néanmoins leurs déclamations.
Si saint Paul, disent-ils, et saint P.icôine ont
bien fait de renoncer au monde, et de se re-
tirer dans les déserts, tout homme qui fera
comme eux sera aussi louable qu'eux ; il
faudra donc rompre tonte société avec nos
Semblables , et vivre comme les animaux
isauvages, pour être chrétiens parfaits. Dès
que Dieu a créé l'homme pour la société, il
est absurde d'imaginer un état plus saint et
plus respectable que l'état social , ou des de-
voirs plus sacrés que ceux du sang et de la
nature. Se détacher du monde et s'en sépa-
rer, c'est dans le fond renoncera l'humanité
et se soustraire à l'ordre général de la Provi-
dence, se rendre inutile aux autres ; c'est un
travers, un attentat punissable; il ne peut
venir (jue d'un fonds de misanthropie, de pa-
resse ou de vanité : le canoniser et l'ériger
en vertu, c'est un trait de démence. — ISé-
punse. Si les anachorètes, en cherchant la
solilude, avaient manqué aux devoirs du sang
et de la nature, violé les engagements d'hom-
me et de citoyen , résisté à l'ordre de la
Providence , nous avouons qu'ils n'auraient
été ni saints ni louables. Mais c'est à leurs
détracteurs de prouver, 1' (ju'ils ont aban-
donné leurs parents et leur famille dans des
circonstances où elle pouvait avoir besoin
de leurs secours ; 2' qu'ils n'avaient pas reçu
de la nature un goût décidé pour la retraite,
pour la prière, pour un travail auquel ils
pouvaient vaquer seuls; 3' qu'il n'y avait
aucun danger pour eu-i à demeurer dans le
monde ; i° qu'ils n'ont été d'aucune utilité
pourtours srmblables. Autrement nous sou-
tenons ((u'ils n'ont manqué ni à la nature
<;ui les portait au genre de vie qu'ils ont
embrassé, ni à leurs parents qui pouvaient
Se passer d'eux, ni à leurs concitoyens aux-
quels leur retraite ne portait aucun préjudi-
ce, ni aux emplois publics pour lesquels ils
ne se sentaient pas laits, ni à la voix de Dieu,
puisqu'au contraire ils croyaient lui obéir.
Avant de conclure que tout homme Tera bien
de les imiter, il faut savoir si tout homme esl
dans les mêmes circonstances qu'eux.
Mais si tout homme prenait ce parti, que
deviendrait la sociélé ? — Folle supposi-
tion. Dieu y a pourvu ; il a tellement varié
les goûts, les caractères, les talents, les be-
soins des hommes, qu'il est impossible que
tous embrassent le même étal de vie, dés
qu'ils seront les maîtres de choisir. C'est
pour ci>la (|ue toutes les conditions se trou-
vent toujours à peu près également rem-
plies, el (ju'aucuue ne demeure vacante : le
choix que font les solitaires, loin de gêner
celui lies autres, leur laisse une place do
plus. Il n'est donc pas vrai qu'ils aillent con-
tre l'ordre de la Providence, puisque la Pro-
vidence veut que chacun choisisse l'état qui
lui convient le mieux; ni contre le bien de
la sociélé, puisqu'elle esl intéressée à ce que
personne ne soit gêne dans son choix ; ni
contre le droit de leurs semblables, puisque
ceux-ci n'en reçoivent aucun préjudice : les
solitaires nuisent moins au public que les
honnêtes fainéants qui surchargent la so-
ciélé du poids et de l'ennui de leur oisiveté.
—11 n'esl pas vrai non plus qu'ils soient inu-
tiles au monde. Dans les temps de calamité ,
de dévastation ou de contagion, lorsque la
religion s'est trouvée en danger, lorsque les
peuples ont man(]uc de secours spirituels ,
lorsque le cierge séculier a élé à pou près
anéanti, on u vu les solitaires quitter leur
323
ANA
ANA
224
retraite, accourir au secours de leurs frères,
exercer la charilé d'une manière héroïque ;
souvent les rois sont allés les chercher au
désert pour leur contier lis affaires les plus
importantes. Ceux de la Thébaïde travail-
laient, non-seulemeiii pour se procurer la
subsistance , mais encore pour aider les
pauvres du prix de leur travail. D'ailleurs,
plus les hommes sonl vicieuv , plus les
nuEurs pul)liques sont corrompues, plus il
est utile it nécessaire de leur donner des
excu.ples de frugalité, de désintéressement ,
de mortilicalion, de patience, de piété , de
soumission à Dieu, de mépris des choses, de
ce monde. Quoi que l'on puisse en dire,
les solitaires l'ont fait dans tous les temps ,
et les peuples ne les ont respectés qu'autant
qu'ils le méi liaient parleurs vertus.
Un homme, i'aiigué du tumulte de la so-
ciété, rebuté par les vices de ses semblables,
dégoûté des objets qui cxciient les passions,
»'a-t-il pas droit d'aller chercher dans la
solitude la paix, le repos, l'innocence, la li-
berié, le c^ilme de la conscience? t'.elui qui
fuit le danger de la corruption, qui s'occupe
à prier, à méditer, à travailler; qui s'accou-
tume à retrancher à la nature tout ( e dont
elle peut se passer, n'est-il pas louable? 11
donne aux autres une grande leçon, savoir,
que l'on peut trouver avec Dieu uu repos,
des consolations, un bonheur, que le monde
ne peut pa< donner.
ANAGOGIE, ANAGOGIQDlî. Voy. Ecri-
ture SAINTE, § 3.
ANALYSli DE LA FOI. Voy. Foi.
ANAMÉLECH. Voy. Samaiutain.
ANANIE et SAPHIUE. Ces deux époux fu-
rent frappés de mort à la parole de saint
Pierre, pour avoir menti au S.iiiit-Esprit
iAct. V, 3). Les censeurs de la révélation
n'ont pas manqué d'ob-ervcr qu'un simple
mensonge n'clait pas un crime assez grave
pour mériter la peine de mort ; que saint
Pierre agit dans cette circonstance avec une
cruauté peu digne d'un apôtre. — Si cette
observation était juste, ce serait à Dieu
même <iu'il faudrait s'en prendre : la parole
de saint Pierre n'a certainement pas eu par
elle-même la fnrce d(; faire mourir subite-
ment deux personnes ; il faut donc ((ue Dieu
les ait punies lut-même. Mais il est faux tjue
le crime il'Ananie et de SupUire ait été un
sin.pic mensonge. Comme les fidèles de .léru-
salem avaient mis leurs biens en commun,
personne n'avait droit de subsister aux dé-
pens de cette communauté , que ccu\ qui
s'étaient réellement dépouillés de leurs pos-
sessions. Annnie et Sapltire, après avoir
vendu un champ, donnèrent une partie du
[irix et gardèrent le reste ; c'était une fraude :
il fallait un exemple de sévérité pour préve-
nir cet abus [Act. iv,3iet3o). —D'ailleurs,
selon le sentiment de plusieurs Pères de I l-]-
glise, Dieu punit ces deux époux en ce
monde pour leur faire miséricorde en l'autre;
ainsi en ont jugé Origène, tom. \ in Muttli.,
n. 15; saint Augustin, liv. m cdiiiiu f'pist.
ad l'ttrmtn., c. i, n.3; Serm. \kH, n. 1; saint
Jérôme , Epis.t. 8, ad Démet., el d autres. Ils
se sont fondés sur les paroles de saint Paul
(/ Cor. Il, 30) : Lorsque Dieu nous juge, il
nous corrige, afin que nous ne soyons pas
damnés avec ce monde. A la vérité, il y en a
aussi quelques-uns qui craignent que ces
deux coupables n'aient été damnés ; mais ils
supposent dans le mensonge dont il e-^t ici
question, des circonstani es »• des motifs qui
ne sont ni certains ni approuvés par l'Ecri-
ture sainte.
ANATHÈME. Ce mot, tiré du grec àviôeua,
signifie, à la lettre, placé en haut ; l'on nom-
mait ainsi les offrandes faites à la Divinité,
et que l'on suspendait à la voiile ou aux
murs de< temples pour les exposer à la vue ;
de ta anuliièine a signifié citose consacrée.
Comme l'on exposaitaussi des objets ofiieox,
la tète d'un coupable ou d'un ennemi, ses
armes, ses dépouilles, anaf/ième a exprimé
chose exécrée ou exécrable, dévouée à la
haine publique ou à la destruction; el ce
dernier sens est devenu plus commun.
Ainsi l'Eglise dit anathème aux hérétiques,
à ceux qui corrompent la pureté de la foi ;
plusieurs décrets ou canons des conciles sont
conçus en ces termes : Si quelqu'un dit ou
soutient telle erreur, qu il soit anathème,
c'est-à-dire, qu'il soit relranché de la com-
munion lies (idoles, qu'il soit regardé comme
un iioinme hors de la voie du salut et en
état de damnation: qu'aucun fidèle n'ait de
commeree avec lui. tî'est ce que l'on nomme
anathème judiciaire ; il ne peut être jirononcé
que par un supérieur qui ait autorité el juri-
diction, par uu concile, par le pape, par un
évéque. — Lorsqu'un hérétiiiue veut se con-
vertir el se réconcilier à l'Eglise, on l'oblige
de dire auatltème à ses erreurs, c'est-à-dire,
de les abjurer et d'y lenonrer. — Saint Paul
dit [Rom. IX, 3) : Je ilésiruis moi-même d être
AN V 1 HÈMn de la pari de Jésus-Christ pour mes
frères, qui sont nos parents selon la chair.
Parmi les interprètes, les uns pensent que
dans ce passage artrif/ièmc signifie être mau-
dit ou ré|)rouvé par Jesus-Christ ; les autres
soutiennent (]u'ii faut entendre : Je souhai-
tais d'être mis à pari el dévoué par Jésus-
Christ au salut de mes frères.
Nous troinons, dans l'ancien Testament,
des exemples de cette double signification :
il est dit que Judith offrit au Seigneur les
armes d'Holo[ilierne fiour anathème d'oubli,
ou pour monument contre l'oubli [Judith
XVI, 'l'i). — Moï>e veut que l'on dévoue à
Vanalhèm'- ou à la destruction les villes des
Chunanéens qui ne se rendront pas aux Is-
raélites, et ceux qui adoreront les faux
dieux (Deut. ix, 2<i ; Kxod., xxii, 19). Le
peuple assemblé à Masplia dévoua à Vana-
thème quiconque ne prendrait pas les aimes
contre les Henjamiles, pour venger l'outrage
fait à la femme d'un lévile [Jud. \ix et xxi).
Saùl prononça Vanalhcme cimtre quiconque
mangerait quelque chose avant le coucher
du soleil, dans la poursuite des Philistins {/
Reg. XIV, 2V). Alors Vanathèmi' est expiinu;
par le; mot rticrem, dévastation, destruction.
Quicon{|ue s'y trouvait enveJoppé devait être
mis à mort. — Do là quelques censeurs de
52u
ANC
ANC
«26
l'Ecriture ont concla que les Hébreux of-
Traient à Dieu des sacriticcs de sang humain.
Selon leur opinion, il est dit [Lcvtl, xxvii,
28 et 2)) : Tout ce qu'un possesseur a voué à
/'anaihèmë, soit homme, soit animal , soit
pièce de terre, sera consacré au Seii/nfur, ne
pourra être racheté, mais sera mis à mort.
Nous soutenons que celle version est fau-
tive. 1" 11 est absurde d'ordonner qu'une
pièce de terre, ou ce qui en provient, soit
mis à mort. 2° il y aurait conlrailiction entre
cette loi et celle du verset 2 de ce même cha-
pitre, où il est dit que toute personne vouée
au Seigneur sera rachetée, '.i" Dans le Deu-
léronome, c. su, v. 30, il est sévèrement dé-
fendu d'offrir aucun sacrifice de sang hu-
main, el il n'y en a aucun exemple certiiin
dans l'Ecrilure. i" Cherem signifie conslain-
ment Vanathème prononcé et exécuté contre
les ennemis de l'Etat -, il y aurait eu de la lo-
lie à un Israélite de le prononcer contre ce
qu'il possélail, pendant qu'il pouvait en taire
un don ou une oblation au Seigneur. Il faut
donc traduire ainsi à la lettre : Tout ana-
THÈME jit'wrt hnmm' aura juré au Sriijneur,
hors de ce qu'il possède, en hommes, en ani-
maux, en terres qui lui appai tiennent, ne sera
ni vendu nirach lé ; parce que tout anathème
est sacré devant le Seigneur. Tout anathèmë
ainsi juré ne sera poml rncheté , mais mis à
mort. Dieu permettait à un lioinmede rache-
ter ce qu'il avait voué et qui lui apparlenail,
mais non de raclielcr ce qui élail aux enne-
mis et ne lui appartenait pis. Il est certain
que la préposition mi ou min du texte hé-
breu, que l'on traduit onlinairement par de
ou ex, signifie aussi hormis, excepté, Voy,
Gliissii PUilolog. Sacra, col. 1158, liai),
IIGC.
ANCIEN. Le gouvernement le plus natu-
rel et le plus sage est celui des ancims. Chez
les patriarches, toute l'autorité était entre
les mains des chois de faruille. Moïse, par le
conseil de Jéthro, en choisit un nombre dans
chaque tribu pour rendre la justice et faire
observer la police parmi le peuple [Exod.
xviii, 18 et suir.). (^Iiez les Romains, le mé-
fiât était l'as-emhlée des vieillards, senes.
Les apôtres établirent cette forme de gou-
Ternemenl pour maintenir l'ordre dans l'E-
glise de Dieu. Saint Paul, qui ne pouvait |ias
aller à Ephèse, fait venir les anciens de cette
Eglise et leur dit : Ai/ez attention sur vous-
ménxi^s et sur tout In troupeau dont le S lint-
Esprit voxks a établis surveillants, piur gou-
verner l'Eglise de Die i qu'il s'est acquise par
son sang {Aci. xx, 17, 28). Los apôtres d .li-
Bèreiit avec les anciens au comile de Jéru-
salem, el décident ensemble (xv. G, 22, '23,
VI). Saint Jean, qui a représenté dans l'A ■
pocalypse l'ordre des assemblées chrédennes
ou de l'ofiice ilivin, place le président sur un
trône, et vingt-quatre vieill.ird'i sur des sii;-
gos autc^ur de lui. [Apoc. iv et v). Ces an-
ciens ont été nimniL's prêtres, T:pîa'jÙTir.oi, vieil-
lards : le président, évêque, éni.cr/.'-nxo;, sur-
veillant. Ainsi s'est formée la hiérarchie. —
Il ne s'ensuit pas de là q^ie le gouvernement
de l'Eglise, dans sua origine, a été purement
démocratique , comme le soutiennent l,;s
calvinistes; que les évoques ne devaient el
ne pouvaient rien décider sans avoir pris
l'avis des anciens. Nous voyons, par les let-
tres de saint Paul à Timothée et à Tite, qu'il
leur attribue l'autorité et le pouvoir de gou-
verner leur troupeau , sans être obligés de
consulter l'assemblée, si ce n'est dans les
circoiisl.inees où il ét.iit besoin de témoigna-
ges, y'oq. EVKQUE, HliCBAUCHIE.
ANDÙÉ (saint), apôtre , frère de saint
Pierre, né a Belhsaïde, fut disciple de saint
Jean-Baptiste, el ensuite de Jésus-Christ. On
croit communé:iient qu'iprès la descente du
Saint-Esprit il prêcha l'Evangile en Achaïe,
et fut martyrisé à Palras. II ne reste aucun
écrit de ce saint apôire ; les actes de son mar-
tyre, écrits sous le nom des prêtres d'Achaïe,
sont contestés parles savants. TiUemont ,
dans ses Mémoires sur l'IIisl. rccl., loin. I,
p. 320, les regarde comme apocryphes; le
P. Alexandre, llist. erclés., lom. 1, soutient
qu'ils sont authentiques. M. Woog, profes-
seur d'hisloire et d'antiquités à Lei|)sick, a
suivi le même sentiment dans de savantes
dissertations qu'il a |)ubliées en 17V8 et 1751.
Ce n'est point à nuis à terminer cette con-
testation. — Les Moscovites sont persuadés
que saint André a porté l'Evangile dans leur
pays. Comme plusieurs anciens disent que
cet apôtre a prêché dans la Scythie , si on
doit l'entendre de la Scythie européenne ,
celle tradition serait favorable à l'opinion
des Moscovites; mais il n'y a rien de cer-
tain sur tout cela. Fabricius , Salut, lux
Eviing., etc., p. 98. —Celle incertitude, dans
laquelle la plupart des apôtres nous ont
laissés touchant le lieu, la durée et le succès
de leurs travaux, démontrequ'ils n'agiss lient
ni par iniérêl ni par vanité: des prédica-
teurs jaloux de leur gloire, ou conduits par
quelque motif humain , auraient pris plus
de soin de laisser des monuments de leurs
actions.
ANGE, substance spirituelle, intelligente,
la première en dignité entre les créatu-
res (1 .
Ce mot est formé du grec â.yyz'Mç, qui si-
gnifie messager ou envoyé: et c'est, disent les
théologiens, une dénomination, non de na-
ture, maisd'oflice, prisedii miiiislère qu'exer-
cent les anges, el ([ui consiste a porter les
ordres de Dieu, ou à révéler aux hommes ses
volontés. C'est l'idée qu'en donne saint Paul
(llebr. I, 14) : Tous les angks ne sont-ils pas
des esprits chargés d'une administration, et
envoyés pour l'utilité de ceux qui ont part à
l héritage du salut? C'est parl:i même raison
que ce nom est quelquefois donné aux hom-
mes dans l'Ecriture : comme aiix prêtres dans
le prophète .M ilachie, c. xt ; par saint Mal-
tliiea à saint Jean-Baptiste, c. xi, v. 10; et
par saint Jean, dans l'Apocalypse, aux évo-
ques de plusieurs Eglises. — selon les Sep-
(1) Il esi de foi qu'il y a des anges ; qu'ils oui été
créés dans un élal irinnocence ; que («liisieiirs anges
se sont révoltés coiilre ttieii ; que les dénions s ni
les eiiiiLinis des hoimues; qu'ils peuvent les lenier,
237
ANG
ANG
i>28
innle, le Messie est appelé dans Isaïe (ix, 6),
l'ange du grand conseil, nom qui exprime
son ministère et non sa nature ; il en est de
même de l'hébreu , melec, ange ou envoyé.
Cependant, l'usage a prévalu (rattacher a
ce terme l'idée d'une nalure incorporelle ,
intelligente, supérieure à l'âme de l'homme,
mais créée et inférieure à Dieu.
Quoique l'existence des anges ne puisse se
prouver par la raison, toutes les religions
l'ont admise en vertu de la révélation (t). A
l'exception des saducéens , les Juifs la
crovaieni, même les samaritains et les ca-
raïi'es, selon le témoignage d'Abusaïd, auteur
d'une version arabe du Pentatcuque, et se-
lon le commentaire d'Aaron, juif caraïte, sur
le raême livre; ouvrages qui sont en manu-
scrit dans la bibliothèque du roi —Les chré-
tiens ont suivi la même doctrine; mais les
Pères ont été partages sur la nature des an-
ges. Les uns, comme Terlullien , Origène,
saint Clément d'Alexandrie, etc., ont cru
qu'ils étaient toujours revêtus d'un corps
très-subtil. Les autres , comme saint Basile,
saint Alhanase, saint Cjrille, saint Grégoire
de Nysse, saint J( an ohrjsoslome, etc., les
ont regardes comme des êtres purement spi-
rituels. C'est le sentiment de lnute l'Eglise;
mais l'Ecriture sainte atlesteque souvent les
ariges ont paru revêius d'un corps; nous ne
voyons pas en quoi le sentiment de Terlul-
lien et des autres pouvait être dangereux.
— A la vérité, plusieurs ont cru que les an-
ges avaieni eu commerce avec les fill'S des
hommes, et avaient engendré les géants. Ce-
lait le sentiment commun des philosophes ,
que les dr'mons, c'est-à-dire les génies ou
inlelligences supérieures à l'humanité, n'é-
taient |ias des esprits purs, njais revêtus d'un
cl posséder leurs corps, mais seulemciii par une
peruiissiun spéciale île la Diviiiilc.
Il n'esl pas de foi qee les ;iiiges soient de purs
espViis, parée (pi'il n'y a auciiii c.mcile général qui
l'ail décidé ex j)ro(eiso. Ce serait cepeiidanl unii
grande téiiiérilé du le nier. — Il n'est p:is de lei
que les anges aient été créés dans un état de grâce,
quoique ce soit ropininn l,i plus coniniune. il a oe-
penilant e\islé des iliéoligiens qui ont enseii^né que
les anj^es o il été créés dans un état du JU^lice natu-
relle; mais que ce n'esl que dans la suite qu'iU ont
été élevés à l'étal de giàce
Aucun coiicde n'a déliui l'existence dos anges gar-
diens. Llle est iojidée sur une croyance tellenienl
universelle, que la nier serait une erreur, sinon une
liéiésie.
(I) Un savait par l'ancienne tradition , disent les
Mémoiri's de l'Acudi'mie des luscriplions , l. XLII,
qu'il exislail des esprits supérieurs à l'Iionime, mi-
nistres du grand roi, dans le gouveriicmenl du
momie. Ce lut de ces esprits qu'on aniaia runivers :
Otl en plaça partout, dans le ciel, dans les astres,
dans l'air, dans les moniagnes, dans les eaux, dans
les lorèts, cl même duns les enlr;iiil('S de la terre ;
et l'un linnora ces nouveaux dieii\ selon l'étendue
cl l'imp Tlanr.e du domaine (|u'i>n leur avait attribué.
Sul>ordoniié> les nn> aux aulres, (m leur faisait re-
connaître pour supérieur un génie ilu premier ludre,
que des naiions plaçaient dans le .soleil, et d'.niires
aiHile^sus de cet astre, selon que le caprie.e le leur
dictait.
corps subtil et aérien; conséqnemtnentils
croyaient qu'un grand nombre de ces génies
recherchaient le commerce des femmes ,
aimaient l'odeur des sacrifices, et se plai-
saient souvent à faire du mal aux hommes :
Lucien , Plutarque , P()rpliyre et d'auires
étaient dans cette opinion; nous ne voyons
pas en quoi les Pères sont si réprélicnsibles
de l'avoir suivie. Elle leur paraissait confir-
mée par la version des Septante {Gen. vi,2),
dont plusieurs exemplaires portent : tes an-
ges de Dieu , voyant la beauté des filles des
hommes, e\c., au lieu qu'il y a dans l'hébreu,
le samaritain, le syriaque et la Vulgate, les
enfants de Di'eu; dans le chaldéen et dms
l'arabe, les enfants d-s grands ou des prin-
ces. 11 n'a donc pas été nécessaire que les
Pères prissent celte opinion dans le livre
apocryjihe d'Enoch. — Mais quelle perni-
cieuse conséquence peul-on tirer de là ? 11
s'ensuit, dit-on, que les Pères n'avaient
point de notion de la parfaite spiritualité.
Ils l'admettaient du moins en Dieu, puis-
qu'ils le sui'posaient créateur. Quand ils au-
raient cru qu'elle ne pouvait avoir lieu dans
aucune créature, ce ne serait pas un jusle
sujet de les blâmer avec autant d'aigreur
que le font les prolcstants. « Voilà, dit Bar-
beyrac, les Pères des premiers siècles par-
faitement d'accord entre eux sur une erreur
grossière, puisée dans une mauvaise (ihilo-
sophie, dans un livre apocryphe, ou dans la
fausse supposition (juc la version des Sep-
tante était inspirée. Que l'on vienne encore
nous donner le consentement des Pères
comme une marque sûre de la tradition. »
Traité de la morale des Pères, c. 2, § 3. Ce
ton triomphant est bien mal fondé.
l°N(ius voudrions savoir par quelle dé-
monslration ou par quel lexle formel de
l'Ecriture sainte on peut prouver (jue l'opi-
ni m des Pères était une erreur grossière ;
nous délions Barbeyrac et tous ses pareils de
prouver la parfaite spiritualité des anges au-
trement que |iar la tradition el [)ar la
croyaiit:e universelle de l'Eglise. 2° Il esl
faux que tous les anciens Pères aient é!é
d'un sentiment unanime sur la nature des
anges : dès le comnienceniont du ()ualrièine
siècle, le très-grand nombre en ont soutenu
la parfaite spiiiiualilé. Le P. Pétau, Doijm.
théoL, tom. 111, I. I, c. 'i, a cité parmi Us
Grecs Tite, évêque de Boslres, Diilyme, saiiil
Basile, saint Grégoire de Nyssc, saint Gré-
goire de Nazianze, Eiisèbe de Cesarée, saint
Epiphane, saint Jean t^lhrysostoine, 'l'Iiéoilo-
ret el plusieurs autres plus réccnis; parmi
les Latins , Maiiiis X'ictorin, Laclance, s liiit
Léon, Jiimilius l'Africain, saint Léon, saint
Grégoire le Grand el ceux qui lonl suivi.
L'on a répelé cent fois aux proles'tanls que
la tradition n'est censée règle de foi, que
quand elle est constante et à peu près una-
nime. 3° 11 n'y a aui une preuve que les Pè-
res aieni élé trompés par le livre apocr;. phçs
d'Enoch, el ((ue la plupart i'aienl consulte ;
il parait mi'iin- que les plus anciens ne l'ont
pas connu. k~ (Juanil les anciens l'ôres n' au-
raient pas cru la version des septante iiispi-
229
ANC
ANC
•m
rco, de qnelle autre traduction pouvaient-îls
se servir? Il est fort singulier (|u'on leur
fn«se un rrime de n'avoir pas lu le texte lié-
breu que les juifs ca( liaient avec soin, et de
n'avoir pas su l'hébreu que les juil's ne vou-
laient ensei^incr à personne. A entendre rai-
sonner les proleslants, il senilile que l'on ne
puisse pas être bon chrétien sans avoir ap-
pris l'héhreu, et que Dieu ail mal pourvu au
salut des premiers fidèles en ne leur don-
nant qu'une, version grecque.
Selon leseiiiimenl commun des Pères et des
théologiens, hstuiyrs sont distribués eu trois
blérarchies, et chaque hiérarchie en trois
ordres ou chœurs. La première est celle des
séraphins, des cliérubins et des tr^ne»; ; la
scciinile comprend les dmiiinalions, les ver-
tus, les I uissanees ; la troisième, les princi-
pautés, les archanges et les amjes. Ce der-
nier nom est devenu commun à tous en gé-
néral.
L'églisechrétienne croit que tous les anges
ont été créés en état de grâce et destinés à la
féliciié, mais que plusieurs sont déchus
de cet état par leur orgueil; ((u'ils ont
été précipités en enfer el condamnés à
un supplice éternel , pendant que les
autres ont été confirmés en grâce, cl sont
heureux pour toujours. (]eux-ci sont
hommes les bons nnges, ou simplement les
anges; les antres sont appelés les mauvais
uiujes, lis diahtes ou les dc'mons. — Ce dogme
de la chule des aïKjes est fondé sur l.i ir Epî-
trc de saint Pierie, c. ii, v. k, où il ist dit
que Dieu n'a point pardonné aux anges qui
ont péché, mais qu'il lésa précipites dans
l'abîme, où ils sont retenuspar des liens, tour-
mentés et réservés jusqu'au jugement , ou
pour le jugement ; et sur cclli: de s.iinl .ludc,
V. G, où nous lisons que Dieu relient liés de
chaînes élernellis dans de profondes ténèbres,
et qu'il réserve pour le jugement du grand
jour, les ANGES qui n'ont pas conservé leur
première dignité, mais qui ont quitté leur
.propre demeure.
Un autre article de la croyance chré-
tienne est que Dieu a donné à chacun de
nous un ange gardien; on conclut <clle vé-
rilé de plusieurs passages de l'ivcriture
sainte (Gen. xLviii, 16; Matih. smii, 10;
Acl. XII, lo, etc.). C'est une tradition con-
slanie. — (Judques l'ères de l'Eglise ont
même pensé que chaque liomme, dès sa
naissance, était accompagné de doux anges,
l'un bon i]ui le porte au bien, l'autre mau-
vais el qui le porte au mal ; ils se fondent
snr un nassage du Pasteur d'Uermas, qui
l'enseigne ainsi : mais celte opinion n'a pas
eu un grand nombre de partisans.
11 y aurait de la témérité à former
sur le nombre des anges, sur leur état,
sur leur pouvoir , sur leurs fonctions,
des questions qui ne peuvent pas être réso-
lues par l'Ecriture sainte ni i;ar la tradi-
tion. — Une dispute plus importante que
nous avons avec les protestants est de savoir
s'il est permis de rendre aux anges un culte
religieux, de les invoquer, de compter sur
leur secours et leur intercession. C'est le
sentiment de l'Eglise catholique; mais ses
ennemis le lui reprochent comme une
erreur, ils y opposent les mêmes objections
qu'ils font contre le culte des saints. — lis
disent (|ue saint Paul a formellemeiil dé-
fendu ce culte aux Colossiens ; chap. ii, v.
18, après les avoir détournés du judaïsme et
des cérémonies légales, il leur dit : Qw
pcrsanne ne vous séduise par wne humilité
apparente et un culte religieux des angiss,
chosis qu'il ne connaît point, et sur lesquel-
les il se conduit selon les vaines imaginations
d'un esprit charnel, ne demeurant point
attaché au chef, duquel tout le corps reçoit
V union , la solidité et lacroiisanceque Dieu lui
donne. Ils ajoulenl que, quand saint Jean
voulut se prosterner devant l'ange du Sei-
gneur el l'adorer, cet ange lui dit : iVe /e
faites pus, adorez Dieu [Apoc. xix, 10); (|ue
le concile de Laodicée, tenu l'an 'lU'i-, can. 3o,
porte : >( 11 ne faut pas que les chrétiens
quittent l'Eglise de Dieu, pour aller invoiiuer
des anges, et faire desassemblées défendues.
Si donc on trouve quelqu'un attaché à celte
idolàtiie cachée, qu'il soit anathèmo, parce
qu'il a laissé Nolre-Seignenr.lésus- Christ Ois
de Dieu, pour se livrer à l'idolâtrie. » Enfin,
disent les |iroteslanls, une preuve que les
Juifs ont loujoirs regardé comme supersli-
tieux, criminel el idolâlrique, tout culte qui
n'était pas adressé à Dieu seul, c'est que
jamais ils n'ont rendu aucun cuite aux an-
ges; la secte des caraïles, la plus scrupu-
leusement attachée au texte de l'Ecriture,
enseigne fornicllemenl qu'il ne faut leur en
rendre aucun.
Nous repondons aux proleslants, que s'ils
voulaient convenir une fois avec nous du
sens qu'il faut attacher au mol culte on culte
religieux, la conlestalidii serait bientôt ter-
minée entre eux et nous. .Mais tant qu'ils
s'olislineront à soutenir que tout culte reli-
gieux est un culte divin el suprême, nous ne
serons jamais d'accord, parce que celte pré-
tention est evidemmeul fausse; et nous
prouverons le contraire au mot Culte.
Les savants ont remarqué que déj-i , du
temps de sainl l'aul, la docirine de Zoroastre
awiil pénétré dans l'Asie et dans la lirèce;
or, nous Voyons par le Zend-Avesta que
Zoroastre admet un nombre infini A'anges ou
d'esprits médiateurs , auxquels il attribue
non-seulement un pouvoir d'intercession
subordonne à la providence coniinuelle de
Dieu, mais un pouvoir aussi absolu que ce-
lui que les païens ])rélaienl à leurs di 'UX.
D'où il suit que le culle rendu à cette e-pèee
de dieux secondaires ne pouvait, en aucune
manière, se rapporter ii Dieu; que c'était
par conséquent un véritable polythéisme cl
une idolâtrie pure, 'i oy. I'arsis. C'est dans
cette source empoisonnée que Simon, Mo-
nandre, Valentiu, Cérintheel les ^no^(i(H:es
avaient puisé la notion de leurs e '«« "U
dieux secondaires, auxquels ils attribuaient,
aussi bien que IMaton, la lormati<in cl le
gouvernement dumonde; selon leur opinion,
ces esprits ou génies eiaienl chargés de tous
231
ANG
AN(Î
252
les soins de la Providence; le Dieu suprême
ne se mêlait de rien, et aucun culte ne lui
était dû. — Dans celle hypolhèse, saint
Paul avait Irès-grande raison de dire que les
partisans de celte eneur n'y connaissaient
rien, qu'ils étaient séduils parleur imagina-
tion, qu'ils ne demeuraient point allacliésnu
chef; el le concile de L;iodicée a été hien foiidé
à décider qu'ils abandonnaient Jésus-Christ
pour se livrer à i'idolâlrie; puisque le euUe
qu'ils rendaient aux anges ou aux esprits ne
pouvait pas plus se rapporter à Dieu que ce-
lui di>s païens. — Mais quand on commence
par croire que les anyes ne sont que les en-
voyés de Dieu et les exécuteurs de ses ordres,
qu'ils n'ont aucun pouvoir que celui que
Dieu leur donne, qu'ils ne font rien que ce
que Dieu leur commande, l'honneur, le res-
pect, le culte qu'on leur rend, ne s'adresse-
t-il pas principalement ù Dieu? Jésus-Christ
a dit à ses envojés : Celui qui vous écoule,
m'écoute ; celui qui vous méprise, me méprise ;
et celui qui me méprise, méprise celui qui m'a
envoyé [Luc. x,lG). Celuiqui vous reçoit, me
reçoit. [Malth. x, 40). Ce que vous avez fait
au moindre de mes frères est fait à moi-même
(xxiv,4-0).
Rien n'est donc plus frivole qucle sophisme
des protestants. Selon saint Paul, disent-ils,
en rendant un culte aux anges on se sépare
(lu chef; selon le concile de Laodicée on
abandonne Jésus-Clirist et l'on tombe dans
l'idolâtrie : donc tout culte rendu aux anges
est une idolâtrie. Oui, lorsquel'on si- fait des
anges la même idée qu'en avaient Zoro.istre,
les giiosliques et les païens; puisqu'alors on
en fait des dieux, c'est-à-dire, des êtres
puissants par eux-mêmes et indépendants :
mais lorsqu'on les envisage comiiiedesimples
ministres ou envoyés de Dieu, il est absurde
de dire qvi'en les honorant l'on n'honore pas
Dieu , puisque Jésus-Christ témoigne le con-
traire.
Aulre chose est, répliquent nos adversai-
res, de rendre honneur aux anges, et autre
chose de leur rendre un culte religieux. —
Fausse distinction. Culte, honneur, respect,
vénération, sont synonymes ; tout culte, tout
honneur, rendu direclenient à Dieu, est un
aclc de religion : or, le culte, l'honneur
rendu à un envoyé de Dieu, et par respect
pour Dieu, se rapporte à Dieu; pourquoi ne
l'appellerail-on pas culte religieux f —- Qua
r«n(/f de l'Apoc ilypse n'ait pas voulu être
adoré comme Dieu, cela n'est pas étonnant,
et il ne s'ensuit rien.
Est-il vrai qu'il n'y a dans l'Ecriture sainti'
aucun vestige de culte rendu au\ auges?
Gen. XXII, 26, Jacob demanda à fange, con-
tre lequel il avait lutté, sa bénédiction ; c.
XLviii, 16, le même patriarche bénissant les
enfants de Joseph, dit : Que Dieu, qui me
nourrit depuis ma naissance, que I'avgic qui
m'a délivré de tous twiux, bénisse ce< enfants.
Quoi qu'en disent les protestants , voilà
une invocation; ils l'ont si bien sentie, que
plusieurs de leurs commeiilateurs, pour es-
quiver les conséquences, on dit que par cet
ange il faut entendre le Verbe divin ou le
Messie; mais il n'y a rien dans le texte qui
autorise ce commentaire. Si nous parlions
comme Jacob, ils diraient que nous man-
quons de respect à Dieu , en mettant un
ange sur la nêine ligne, et en associant ses
bénédictions àcclles de Dieu. — Exod. xxiii,
10, Dieu dit aux Israélites : J'envoie mou
ANGE devant vous,... respectez-le, écoutiz sa
VOIX, ne le méprisez point, parce qu'il ne
vous épargnera pas lorsque vous pécherez, et
que mon nom est en lui. Les commentateurs ,
protestants prennent encore cet ange pour É
le Fils (ie Dieu ; mais sont-ils bien assurés T
qu'il faut l'entendre ainsi ? Au lieu de tra-
duire par respectez-le, ils mettent prenez
garde à lui : aucun passage de l'Ecriture
sainte ne les incommode. Num. xxii, 31,
Balaain se prosterna devant l'ange du Sei-
gneur qui lui apparaissait. — Josué, \, Ik,
voit un personnage armé, qui lui dit : Je suis
le prince des (irmces du Seigneur. Josué se
prosterne, pénétré de respect, et dit : Que
mon Seigneur veut-il de son serviteur? L'an-
ge répond : Déihaussez-vous ; la terre où
vous êtes est sainte. Josué obéit. C'e-l la
marque de respect que Dieu avait exigée de
Moïse en lui apparaissant dans le buisson
ardent [Exod, m, 5). Souliendra-t-on encore
que ce n'est p is là un culie? — Dans le li-
vre des Juges, xiii, 21, Manué, convaincu
que le personnage qui lui avait parlé était
Vangcdu Seigneur, dit à son épouse ; Nous
mourrons purcequenousavonsvuOieu. llétait
donc persuadé que celante tenait la place
de Dieu ; lui aurait-il refusé des respects?
Daniel, x, 9, demeure prosterné devant
l'ange qui lui parlait ; au verset 16 el 27, il
lui dit : Mon Seigneur, comment votre servi-
teur peut-il parler au Seigneur ? il ne me
reste point de force. Le prophète croyait
parler à Dieu en parlant à son ange; la
frayeur dont ilélail saisi était certainement un
respect religieux. — Zacliar. i, 12, un ange
prie Dieu pour la délivrance des Juifs et
pour leur rétablissement dans la Judée. —
Un an(/e (lit à Tobie, su, 12 : Lorsque vous
faisiez des prières, je les ai présentées au
5fiynear. Saint Jean, dans l'Apocalypse, vit
en esprit un ange qui oQrait devant le trône
de Dieu les prières des saints; chap. 8, v. 3
et 4.
C'est sur ces passages que les Pères de
l'Eglise se s ml fondés pour soutenir qu'il est
non-seulement permis, mais juste et louable
d'honorer, de prier, d'invoquer les anges el
les saints. — Celse disait : « Puisque les
chrétiens rendent un culte, non-seub'oient à
Dieu, mais encore à son Fils, ils duivcntdonc
aussi le rendre à ses ministres, par consé-
quent aux génies ou aux esjirits. Origène,
I. VIII, n. 13, répond : « Si Celse avait com-
pris qui sont après le Fils unique de Dieu
ses vrais ministres, eomuie Gabriel, Michel,
les autres anges et les archanges, et qu'il
soutint qu'il faut leur rendre un culte, peut-
être qu'en épurant le sens du mut culte et
les pratiques de celui qui le rend, je dirais
ce qui convient à ce sujet autant que je puis
9S5
ANO
ANC
134
le comprendre. Mais comme il entend par
ministres de Dieu, les démons que les païens
adureiil, nous ne; poinons nous résoudre à
hiinorer ces esprits que l'Ecrilure nous ap-
prend èlrc les minisires de l'esprit malin,
qui détourne tant qu'il peut Ips liotnmcsdu
culte (le Dieu : N. 60 : « Combien ne vaut-
il pas mieux nous confier ou Dieu souve-
rain, par Jésus-Christ qui nous l'a ainsi en-
seigné, lui demander non-spulemenl loulè
espècede secours, mais encore r.issist.incc
des sainis anges cl des justes, afin qu'ils nous
déliviciil dfs démons? » N. Gk : « Si Ceisc
soutient qu'.'iprès Dieu il nous faut enroïc
d'autres amis, qu'il sache que comme l'om-
bre suit le corp'i, la bonté de Dieu jiour nous
nous assure aussi la bienveillance des anges
ses amis, des âmes et des esprits ; car ils con-
naissent qui sont ceux qui méritent les bien-
faits de Dieu, et non-seulement ils leur
veulent du bien, mais ils aident à ceux- qui
veulent adorer le Dieu souverain, ils le leur
rendent propice, prient avec eux, et forment
les mêmes vœux. » — Origène lui-même in-
voquesoa ange girdi en {Humil. 1 in Ezech.,
n. 7). Sur le premier de ces passages, Gro-
tius et Spencer ont eu la bonne foi d'avouer
que le culte rendu aux anges n'est point con-
traire au premier cjmniandement du Déca-
logue, et ne déroge point à ce qui est dit
dans l'Apocalypse (xix, 10). Quelques théo-
logiens anglicans ont été de même avis.
Des martyrs du m' siècle écrivent à saint
Cyprien, Èpisl. 77: « Prions afin que Dieu,
Jesus-Christ et le» anges nous soient f.ivora-
bles dans toutes nos ;iclions. » — Saint Jé-
rôme, Comm. in Ps. 15; saint Augustin, liv. i
Locut. in (jenrs., se servent des paroles de
Jacob {Gen. xlvim, IC), pour prouver qu'il
est permis d'invoquer d'autres êtres que
Dieu. Le P. l'étau, tom. III, de Angelis, I.
Il, c. 8 et 9, a cilé un grand nombre d'autres
Pères du riiglise; mais les protestants nous
abandonnent sans dilGciilté tous ceux du
IV siècle et des suivants ; ils avouent que
des lors le culte des anges et des sainis
a été établi dans l'iiglisc. Quand nous ne
pourrions pas prouver qu'il l'a été plus
iôl, il nous par.iîl que deux cents ans après
la n)orl des apôtres on pouvait savoir mieux
qu'au XVI' siècle quelle avait été leur doc-
trine. Diss. sur les buns et les mauvais an-
ges. Bible d'Avig.. loin. XIII, p. 255. Tho-
massin, Traité des Fé es, liv. ii, c. 22. \'ies des
Pères et des Martyrs, lom. IV, p. 198; tom.
IX, p.2U(i (1).
* AxcEs g\i'.d;ens. Le Seigneur , dit le prophète ,
a ordonné à ses anga de vous ijariier dans louut vos
l'Oies (Ps. xc). .lésus-Clirisi as^ln•(; que les :u)ges des
eiifaiils voieiii b l'.ice du l'éie céleste (ilndli. xvui).
Ces pissages cl plusieurs aunes semblables répan-
dus dans les livres saims , ne laissent aucun lieu de
douter ipie les bumiues aient des auges gardiens ,
c'eslà-ilire des auges préposés de Dieu pour les
éclairer, les défendre et les conduire durant tout le
(i) Bergier a ejpnsé les prineipales questions qui
conceriieui les .saiuis aii;;es, leur exisience, leur
nalure, l'él.it dans leipiel ils uni éié créés, leurs
fonctions, la cliule de ipielques-uns d'entre eux et le
DiCT. DE Tdéol. bogmatiode. I.
cours de lenr vie. Mais ce sentiment est-il nne vériié
de foi? Il est de foi (pi'il y a des auges députés à la
garde des liiunmes. L'Ecrilure et la Iradilmn sont
expresses sur ce point. Mais cliaque iioiuiue en pnrli-
cuiier a-t-il son auge gardien? Quelques théologiens
croieul que c'esl une vériié de loi aussi bien que la
preiuiére, taudis que d'autres la regardent seulcnienl
comme une vérité si coiislanle, ipioique non expres-
séiueut dcliiiie, qu'un ne pourraii la nier sans lénié-
riié el presqiK-saus erreur. Assertio caiholica est, dii
Suarez ; qu(tmvi'< enini non sit expresta in Sciiptuiis ,
vet ab Ecclesiii di/iniia, Innto conseiisu £• clesiœ tini-
versnlis rccepln est , el in Scriitiuia , prout a Patribns
inlellec a esi,tnm miiqnwn liabel fundamentiim, ut sine
inijcnli lenieritiile.ac fere errore neqnrinon possit.
Les piïeis eux-iiièiues oui cru à rcsi^lence des
anges gardiens. « Ils inuis conduisent, dit PI. non , et
nous dérenilonl quelquefois en écarianl eux-niéuies
les accidents et les <ilijels nuisibles, et d'aunes fuis
en nous inspirant la pensée de les évilrr. > {l'ialo,
lib. X de Ligib.) Ce sont eux qui par des pressenti-
nn.-nls seciets nous inelteiil à coiiverldes maux [ircts
à nous aitcalder. Ce sont eux (|iii , cmume les mes-
sagers et les iiiiiiisires du Tré-llaul, lui lirésentent
nos prières et nous rapportent les secours et les grâ-
ces dont nous avons besoin. t)irecleurs sages, pru-
dents, zélés, inlatigables, ils nous assisieui particu-
liéreinenl dans l'eulauce , dans ks voyages , à la
guerre dans les dangers et surtout à la mort.
ANGÉLITES, héréti(iues sectateurs de Sa-
bollius, qui s'assemblaient à Alexandrie ,
culte qni est dû aux bons anges. Il nous reste à
reclierclier l'éiioque de la création des anges et
lé pouvoir i|u'ils ont sur le monde visible.
I. Il est certain que les anses sont des substances
spirimelles ipii ont été créées de rien au commence-
ment des temps : celle pioposilion a éié énoncée par
le iv« coneile de Lairan, lenii eu 121.^, sons le pape
Innocent III. Quant à l'époque h laquelle Ils ont été
tirés du néant, l'Ecrilure girde le silence le plus
absolu; nous ne pouvons donc procéder dans cette
reclierclie qu'à l'aide de la tradition et de l'iiiduc-
tioii. Quelques Pères ont pensé que les anges ont été
créés avant le inonde visible, ce sont ". Oiigène,
saint Uasile, saint Giégpire de Nazianze, saini Ain-
broise. saint Jérôme, saint llilaire. Acacius et Gen-
nadiiis veulent iiu'ils aient été créés après les êtres
matériels. Cornélius a Lapide ( In Gènes. Comment.)
afiirine iiu'ils ont éié créés avec le monde au coin-
nieiiceinenl des lemps, el qu'ils cm été placés dans
leciel einpyrée. Il cite eu faveur de son opinion saint
Augustin, saint (négiiire le Grand, Ituperl, liéde, le
Majire des Sentences et d'auins seolastii|ues. Un
grand nombre de Pères réunissent élroiteinent le
ciel des auges au ciel des astres, el beaucoup d'entre
eux peiisem que la création des uns el des autres a
été sin iiliiinée. Ils se londeul sur ce qu'en plusieurs
endroits l'Ecriture donne le nom de cieiix aussi tien
aux esprits aiigéliques_(|u'aux astres. De ce nombre
sont les passages suivants : Les cieux racontent la
gloire de Dieu [l'sal. xviii, 7); Les cieux ne'sont pas
purs en saprésence {Job, xv, tS); Louez le Siigneur,
cieux des cieux (Psnl, csLviii.i) ; j'exaucerai les cieux
(Osée, II, 21); Les vertus des cieux seront ébranlées
[Luc, XM,2b), etc., etc. Pliilou, qui forme comme la
iraiisiiiou cnire les deux grandes iraditiousdu genre
liuuiain, fait du ciel la demeure des espriis sainis,
tant invisibles que visibles. Sainl Tbéopliilc veut
que le cid donl il est queslion dans le premier
verset de la Genèse, soit invisible et didérent du
firmament. Origène entend aussi par le premier ciet
toule snbslinee spirituelle. Saint Augusiin dit de ce
premier ciel qu'il est intelligent ei spirituel, composé
des esprits bienlicureux qui sont les ciVux des
cieux qui loueni |.; Seimieur. N mis pourrions eni'ore.
citer eu faveur de cette opinion saint B.isile, S^ve-
8
835
ANG
dans un Uen nommé Agelius oa Angelius.
Foj/. Nicéphore, I. xviii, c. 49; Praléole.ao
mot Anoblîtes. L'un et l'autre auraient be-
soin de garant. Il est pins probable que les
rianus, saint Jean Damascène, saint Jérôme, saint
Thomas, saint Boiiaventure, et autres ( V. C. C. T.
t.XII, c. 261 ). Nous serons encore amenés, par
suite d'aulres considérations, à regarder ce senti-
ment comme le plus probable. iNoël Alexandre
( Hislor. ecclesiast. , Vet. Test., dissert, i, art. i,
prop. m ) dit qu'on ne s'écarie pas de la règle
de la Toi en mpportant à la création des an^es
celle de la lumière. 11 cite à l'appui de sa proposition
beaucoup de textes de saint Augustin, oi"i ce Père
entend la création du ciel ei surtout de la lumière, de
celle des anges, et la sép.iration des ténèbres et de
la lumière, de celle qui fut faite des mauvais anges
d'avec les bons. Rupert s'est aussi attacl é à cette
inleiprélation. Mais les autres Pères prélerenl avec
raison le sens littéral , et ne voient dans la lumière
que le fluide vivilicaicor de la nature, qui agit prin-
cipalement sur l'organe de la vue.
Pour nous, s'il nous est permis d'émettre noire
sentiment sur cette matière , nous allons établir
les assertions suivantes : 1* il est certain i|ue les
anges étaient créés et qu'une partie d'entre eux
étaient déchus avant la chute de l'homme. En efTet,
si nous interprétons le troisième chapitre de la
Genèse dans le sens obvie et littéral, comme ont
fait la plupart îles saints Pères et des couimentateurs,
nous reconnaîtrons lacilement qu'un mauvais ange,
un ange déchu, jaloux du bonheur futur de l'homme,
prit la forme d'un serpent pour tenter la première fem-
me. Les anges étaient donc créés et les mauvais déjà
condamnésavant que la fiiléliiéde l'homme fût mise à
l'épreuve. 2" Il ne parait pas moins certain que la
création des anges a précédé ou au moins accompagné
celle des astres, laquelle a eu lieu le quatrième jour.
Il serait trop long d'en déduire ici les preuves.
H. L'ne tradition constante et imiverselle atteste
que lesangi'S sont les instruments de la Providence
dans le gouvernement du monde visible (Cicer., de
Nai, deor., liv. i, c. 2), et notamment dans la direi lion
des astres. Huet (Alnet. Quœst., liv. n, c. 14j, a
montré que cette tradition se trouve chez tous les
peuples : que les Grecs l'avaient reçue des Egyptiens
et des Phéniciens, lesquels ont reconnu, amsi que
plusieurs anciens iihilosophes, l'existence d'esprits
prépnsés à l'ordre de la nature, aux astres, aux
Tégétaui, à la génération des animaux, aux élé-
ments, aux hommes eux-niéines. On voit que celte
tradition, qui ne peut avoir pour fondement qu'une
révélation primitive, s*est altérée, cnmme beaucoup
d'autres, en plusieurs points, et que cette altération
a donné naissance au sabéisme et à plusieurs autres
cultes idolàiriqucs ; mais toujours est-il qu'elle a
conservé une vériié importante. Le P. Lebrun (Hist.
eriliq. des praliq. supersiit., liv. i, c. 1) ne craint pas
d'aflirmer, d'après la l'ràparalion évangélique d'Éu-
sèbe, que les anciens peuples, t(mt en abusant des
plus grandes vérités, en ont conservé la subsiance.
• Un griind nombre d'anciens nmuuments, dit-il, ne
nous permettent pas de douter (ju'ils n'aient retenu
trois articles fondamenlaiix de la doctrine des pa-
Iriarclies : l'existence de la Divinité, de la Provi-
dence , et des esprits Inielligems qui sont ses minis-
tres. I.c mal est qu'ils ont placé ces intelligences
presque dans tous les corps. C'est I.*! l'origine du culie
rendu à tant de créatures matérielles et réellement
Inanimées.... Ils ont supiwsc d'eux-niêmcs (snriout
Zoroasire et les phdosophes cbaldéeus ) i|uc des
intelligi-nces animaient les astres, les éléments et
presque tous les corps. De là tous ces respects ren-
dus mm-seulcment anx astres, mais encore aux
animaux. De l.^ l'invocaiinn des anges, l'application
ANG 256
angéliles étaient des sectaires qnl rendaient
aux anges un culte superstitieux, comme les
gnostiques.
ANGELUS, prière que récitent les catho-
à découvrir quels étaient les génies, bons ou mauvais,
qui présidaient aux événements, etc. >
Les saints Pères reproduisent presque unanime,
ment, après l'avoir purifiée, ceite tradition antique
du gouvernement du nnmile par les anges.
Nous ne nous ariêierons pas à en rapporter les
lémiiignages, qui se trouvent cités longuement dans
le traité des anges du Père Pétau et dans Huet,
évêipie d'Avrûmhes.
Nous voyous de nos jours étenilre l'action des
anges d'une manière bien plus considérable. M. l'abbé
Cliarvoz et les partisans de VOEiivre de la Miiéri-
corde prétendent que la substance de l'bojnme est
composée non-seulement d'un corps et d'une àuie,
mais encore d'un esprit déclin. Nous ne disciaerous
pas longuement cette singulière opinion. Elle est
condanmée par le H= canon du vin"^ concile oecumé-
nique, qui a délini que l'homme n'a qu'une seule àme.
Voici ses e&pressiuns : < Quoique l'ancien et le nou-
veau Testament enseignent que l'homme n'a qu'une
âme intelligente et raisonnable, et que telle soit la
doctrine de tous les saints Pères et d< cteurs de
l'Eglise, i|uelques-uns ont poussé l'impjété jusqu'à
oser enseigner que l'homme a deux àines. Ce saint
concile œcuménique, se hâiant d'arracher les racines
de cette malheureuse opinion, prononce solennel-
lement anatlième contre les inventeurs de cetie
impieié et contre ceux qui ont des opinions de
celte espèce. »
Nous lenninerons cette note par un passage de
Bossuet qui nous donne une très-haute idée des
saints anges : i On les voit aller sans cesse du ciel
à la terre, ei de la terre au ciel; lU portent,
ils interprètent, ils esé<;uteiit les ordres de Dteu, et
les ordies pour le salut , comme les ordres pour le
ch.itimcnt, puisqu'ils impriment la marque saluiaire
sur le front des élus de Dieu ( .-Ipoc. vu, 3 ), puis-
qu'ils aiiàrcni le dragon qui vouiait engloutir l'Eglise
(xii, 7), puisqu'ils oOTrent, sur l'autel d'or, qui
est Jésus-Christ, les parfums qui sont les piières
des saints ( vni, 3 ). Tout cela n'est autre chose
que l'exécution de ce qui est dit, que les amjet
ionl esprits admiiiislraleurs envoyés pour le ministère
de notre salut {llebr. i, ti). Tous li'S anciens ont
cm, dès les premiers siècles, que les anges s'enire-
nietiaitnt dans toutes les actions de l'Eglise (T'cHiii.
de Bapt, v, b) : ils ont reconnu un ange qui présidait
au bapième, un ange qui intervenait dans l'oblatiun
et la portait sur l'autel sublime, qui est Jésus-Christ,
un ange qu'on appelait l'ange de l'oraisun ( Id. de
Orut. ii ), qui pré^entait à Dieu les vœux des liilè-
les ; et tout cela est loiidé principalement sur le
chapitre VIII de l'Apocalypse, où l'on verra claire-
ment .la nécessité de reconnaiire ce ministère
angéliqiie.
I Les anciens éta'ient si touchés de ce ministère
des anges, qu'Orl^éue, rangé avec raison par les
ministres au nombre îles théologiens les plus subli-
mes ( Jur. accomp. des propli. , p. 353), invoque
publiquement et direclenieut l'uiigo du baptême,
et lui lecummande un vieillard qui allait devenir
enfant de Jésus-Christ par ce sacrement ( Urig.
Mom. i, m Ezech. ) : témoignage de la doctrine du
m* siècle, que les vaines ci niques du ministre Uaillé
ne nous pourront jamais ravir.
I II ne faut point hésiter à reconnattre saint Mi-
chel pour déiciiseur de l'Eglise, comme il l'était
de l'ancien peuple, après le témoignage de saint
Jean ( Apoc. xii, 7 ), conforme à celui de Daniel (x,
13, 21, XII, I). Les protestants, qui, par une gros-
sière imagination, croient toujours ôier à Dieu tout
237
ANG
ANC
238
liquesromains, surtout on France, où l'usage
en tut établi pcir Louis XI, qui ordonna que
trois fuis par jour, le matin, à midi, et le
soir, en sonnerait une cloche pour avertir
les fidèles de réciter cette prière à l'honneur
de la saillie Vierge, et pour remercier Dieu
du mystère de rincarnatlon. — Elle est
composée de trois versets, d'autant d'Àve,
Maria, et d'une" oraison par laquelle on de-
maîide à Dieu sa grâce et le salut éternel par
les mérites de Jésus-Christ. Le nom de celte
prière vient du premier verset. Angélus Do-
ce qu'ils dnniieot à ses saints et à ses anges dans
raccdiiiplissi'iiieni de ses onvnises, vciilctil (|iie saint
Michel soil dans TApiicalypse Jésus-Christ môme )e
Prince des anges, et aiiparemnient dans Daniel
le Vetlic conçu élernellfnieiit dans le sein de Dieu
{Du Motil., Ace. dis Propli., sur le c/i. \n, v. 7,
p. 173 ei 178). Mais ne prendront-ils jamais le droit
esprit de l'Etiiiure? Ne voient-ils pas que Daniel
nous parle ilii prince des tirées, du prince des
Perses (x, l.">, 'il), c'est ù-dire sans dirticulié, des
angfs (jui pré>i(leril par l'ordre de Dieu à ces
naiiiui'^ ; et ipie salut Michel est appelé dans
le iiiênie sens le prince de la Synagogue , ou ,
comme l'archange Galnitl rex|ili")ue h Daniel,
Michel, votre prince? il ailleurs, plus expressément :
MUllrl, un grand prince, qui est établi pour tes enfants
de votre peuple? El ipie nous d>t saint Gabriel de ce
gi.mii piince? Michel, dit-il, un des premiers princes
(■\, 21 ; xn, 1). Lsi-ce le Verbe de Dieu, égal à son
Père, le Créateur de lous les anges, et le Souverain
de lous ces princes, qui est seulement un des pre-
nd, rs d'entre eux? Est-ce là un caraeière d gnc
du Fils de Dieu ? Que si le Michel de Daniel
n'est qu'un ange, celui de saint Jean, qui vjsible-
nieiil est le même dont Haniel a parlé, ne peut pas
être autre chose. Si le dragon et. ses auges combat-
tent contre l'Isglise, Il n'y a point à s'étonner que
sailli Michel ei ses anges la détendent {Apoc. xii. 7).
Si le dragon prévoit l'uveuir, et redouble ses elTurts
coiiire l'iglise, lorsipi'il voit (|u'i/ lui reste peu de
temps pour la conib.itire là mcuie (I-), p<Hiri|uoi les
saints anges ne seraient- ils pas éclairés d'une
Imiiière divine pour prévoir les lénifiions qui
soi.t prépiirées aux saints , et les prévenir par
leurs secours?
< Quand je vois dans les prophètes, dans l'Apoca-
lypse et dans l'Evangile même, cel ange des Perses,
cet ange des Grecs, cel ange des Juifs (Dan. x, 13,
2(1, -il , xn, 1 ) , l'ange des petits enfanls, qui en
prend la défense devant Dieu conire ceux qui
les scand:disent ( Mailli. x\n , lU), l'ange des
e:uiv, l'auiîe du feu (Apoc. siv, 18, xvi, 5) , et
ainsi des autres ; et ipiaiid je vols parmi lous ces
auges celui qui met sur l'auiel le céleste encens des
prières ( Hebr. vin, 3), je reconnais dans ces pa-
roles une espèce de médiaiion des saints anges ; je
vols niéuie le luiidement qui peut avoir dnnné uc-
casiiin aux païens de distribuer leurs divinités dans
les éléiiieuis et dans les royaumes pour y présider;
car toute erreur est fomléB sur quelque \érité dont
on abuse. Mais à Dieu ne plaise que je voie rien
dans toutes ces expressions de l'Ecriture qui blesse
la niéillation de Jésus-Christ, que lous les esprits
célestes reconnaissent comme leur Seigneur, ou ipii
tienne des erreurs païennes, puisqu'il y a une dille-
rcnce iiilinie euiru reconnaître, cumuie les païens,
un dieu dout l'action ne puisse s'cleudre à tout, uu
qui ait lie>oin d'être soulagé par des subalternes, à
la in^iniéie des rois de la terre, dont la puissance est
bornée , et un Dieu qui , faisant tout et pouvant
tout, honore ses créatures, en les associant, quand
il lui plaît, et à la manière qu'il lui plait, à son
actioiài >
mini, etc. Elle 8e nomme atissi le Pardon,
parcpque plusieurs souverains pontifes y ont
attaché des indulgences. Ceux qui ro<p'ardent
cette pratique et plusieurs autres semblables
comme des dévotions populaires , sont per-
suadés sans doute que le peuple seul doit se
souvenir qu'il est chrétien. Remercier Dieu
du mystère de l'Incarna lion et lie la rédemption
du monde, adorer le Verbe divin dans le sein
de Miirie, implorer le secours de cette sainte
Mère de Dieu, est certainement un© dévotion
très-solide, de laquelle aucun chrétien ne de-
vrait rougir.
ANGLKTERUE. On ne doute plus que les
Brelons, anciens habitants de ï'Angletrrre,
n'aient été converlis au christianisme sous
le poniificat du pape Eleuthére, sur la fin du
II' siècle, ou vers l'an 182. On peut en voir
les preuves. Vies des Pères et des Martyrs,
tom. IV. p. 595, et tom. IX, p. 607. Ceux
d'eiitie les protestants qui contestent ce fait
n'agissent que par prévonlion. AJais au v,
les Saxons, les Angles, les Juttes, peuples
idolâtres de la basse Germanie, ayant fait
une irruption en .ingleterre, s'en rendirent
les maîtres, et l'an ioi, ils forcèrent les
Bretons chrétiens à se retirer dans les mon-
tagnes du pays de Galles. — On ne voit pas
que ceux-ci aient fait aucune tentative pour
convertir leurs vainqueurs; mais sur la fin
du vr sièclo, vers l'an 596, saint Grégoire le
Grand envoya en Angleterre le moine Au-
gustin avec plusieurs autres missionnaires,
pour amener à la foi chrétienne les peuples
de cette île, et celte mission eut le plus grand
succès. Hist. de l'Egl. Gallic, t. III, an. 595,
590. — Il ne parait pas que les Bretons fus-
sent engagés pour lors dans aucune erreur
contraire à la foi catholique prêchée par Au-
gustin et par ses collègues ; ceux-ci ne leur
en reprochèrent aucune dans les conférences
qu'ils eurent avec eux. Augustinlesexhonait
seulement à se conformer à l'usage de l'Eglise
catholique dans la célébration delà Pàque,-
dans l'administration du baptême, et à se
joindre à lui pour prêcher l'Evangile aux
Anglo-Saxons encore idolâtres. Mais la haine
qui régnait entre les deux peuples depuis
cent cinquante ajis, rendit les Bretons in-
flexibles ; ils refusèrent de se lier avec les
missionnaires. Celte opiniâtreté n'empêcha
pas le fruit de la mission ; peu à peu YAttgle-
lerre se convertit et redevint chrétienne; elle
a persévéré dans la foi catholique jusqu'au
schisme de Henri VllI, en 1.533.
Avant celte dernière époque, les travaux,
les succès, les vertus, les miracles de l'apô-
tre de V Angleterre y avaient rendu sa mé-
moire vénérable : il y était honoré comme
saint à très-juste titre. Depuis que les An-
glais ont cessé d'être catholiques, plusieurs
de leurs écrivains se sont appliqués à ca-
lomnier la mission de saint Augustin ; et
les iuorédules modernes n'ont pas manqué
d'enchérir sur leurs accusations. — ils di-
sent : 1° que celle mission fui un effet de
l'ambition de saint Grégoire, plutôt que de
son zèle pour la foi chrétienne; que son
principal motif était d'étendre sur ÏAngle-
25<>
ÀISO
ANG
240
terre sa jnridiclion pontificale et sa supré-
matie, qui jusqu'alors n'y avaient pas élé
reconnues. Mais il est faux que les Bretons
chrétiens eussent jamais méromiu la juri-
diction des papes. Selon Bède et d'autres
auteurs, Lucius, premier roi clirélien des
Bretons, s'adressa au pape Eleuthère pour
obtenir les moyens d'instruire ses sujols et
de les convertir au christianisme. En 4^29,
lorsque saint Germain d'Auxerre et saint
Loup de Troyes passèrent en Angleterre pour
y étouffer le pélagianisme, le preniier élait
légat du pape saint Céicstin. Vot/. la Cliro-
nii/ue de saint Prosper. Giidas et Bèiie témoi-
gnent que, jusqu'à l'arrivée de saint Augus-
tin et de ses collègues, les Bretons avaient
persévéré dans la communion de lliglise
catholique ; or cetic couiinunion ne peul sub-
sister sans reconnailrc l'autorité de son chef.
Il est certain d'ailleurs que saint Grégoire
avait conçu le projet de convertir k-s Anglo-
Saxons, avant d'être pape, llist. de VEgl.
Giillic, ibid. — 2" Ils prétendent que les
Bretons ne voulurent pas adopter les nou-
veaux dogmes introduits dans 1 Eglise ro-
maine, et enseignés par le moine Auïustin,
le culte des saints, le purgatoire, la confes-
sion auriculaire, etc. La fausseté de ce f lit
est prouvée par le témoignage de Bède et de
Giidas ; le premier atteste formellement que
les Bretons reconnurent l'orthodoxie de la
doctrine de saint Augustin : tons deux as-
surent que, depuis la conversion des Bretons,
leur foi n'avait reçu aucune atleinte, sinon
par l'arianisnie et ie pélagianisme; mais ces
deux hérésies firent peu de progrès parmi
eux , et furent prompicmi'nt éioulTé 's. —
3° Quelques-uns ont dit que le missionnaire
Au','iislin aurait beaucoup mieux fait d'ins-
pirer aux Anglo-Saxons des ren)ords de
leurs usurpations, et de les eng.iger à rrsti-
lucr aux Bretons ce qu'ils leur avaicMit en-
le\é. A cela nous répomlons (juiine con-
quête, faite depuis cent cinqn.inU^ ans, ne
pouvait pas donner aux Anglo-Saxons des
remords fort efficaces; que (luami ils vi\ au-
raient eu, ils ne pouvaient pas ressusciler
les Bretons (|ue lenrs pèr( s avaient massa-
crés, ni leur lendre ce qui leur avail été
pris, l'ar la même raison, ceux qui conver-
tirent les Francs ne les en:;agèrent poinl à
restituer les Gaules aux Romains, et ceux
qui avaient converli tes bom.iins ne leur
imposèrent point l'oliligation de faire des
resliiutions à tonte.', hs nations de l'univers.
Mais nos moralistes sévères devraieni prou-
ver aux Anglais actuels la nécessite de dé-
dommager les Américains des loris (|u'»ls
leur ont faits, et surtout de réparer les
cruaules lioriibles (jue l'avarice leur a fait
commettre ilans les Indes. — U-' Pour allé-
nuer le mérite des tra\aux de saint Augus-
tin, l'on a supposé que rien n'élail plus aisé
que de conx iiir au christianisme les Anglo-
Saxons, puisque la reine Berllie, épouse
d'Elhclherl, roi de Keni, était chiéticnne ;
que tous les succès d'Augustin se bornèrent
à convertir ce petit royaume. iMalheureuse-
njeul ce reproche est contredit par un autre
que l'on fait encore à ce saint missionnaire :
on dit qu'il se laiss'i intimider d'abord par le
récit que lui firent les évêques des Gaules de
la difficulté deconvertirles Anglo-Sasons, de
leur férocité, de leur perfiiie, de leurs
mœurs. Ces évoques devaient en savoir
quelque chose, et ces obstacles sont prou-
vés par les témoignages de Giidas et de Bède.
Il est cepcndiinl certain que le chrislianisnie
transforma les Anglo-Saxons , les civilisa,
leur donna d'aulres mœurs, leur inspira les
plus grandes vertus : dans la suite, V Angle-
terre fut appelée Vile des Sain(s. Si saint Au-
gustin ne Convertit que le royaume de Kent,
ses collègues réussirent de même dans le
reste de \'Angl(tcrre. — 5° L'on a écrit qu'au
lieu de donner aux Anglo-Saxons de viaies
verius, Augustin et ses coopéraieuis ne leur
avaient inspiré que la bigoterie, les dévotions
mi[iutieuses, le goût du monacbisme, etc. ;
que jusqu'à la réformation les Anglais
avaient été le peuple le plus superstitieux
de l'univers. Mais il y a encore lieu de dou-
ter si. depuis la Lienheiireuse réfonnatxon, les
Anglais sont radicalement guéris de toute
superstition. Ceux (iui les ont observés do
près n'en conviennent point ; nous n'a-
vons pas moins sujet de douter si leurs
mœurs sont plus pures et leurs vertus plus
héroïques que sous le catholicisme ; de l'a-
veu de leurs propres écrivains, ils ont égalé
dans le Bengale les cruautés dont les Espa-
gnols s'étaient rendus coupables en Améri-
que, et il ne p.iraît pas qu'ils soient fort
scrupuleux observateurs du dtoit des gens.
Voyez VElat civil, poliliguc et cumnierçant
du /Jeiignfe, par M. Holts; le Zenil-Avesla ,
t. I, i" partie, p. 12 ; les Vot/ngcs de M. Son-
nerai, I. I, c. 1. Nous voudrions pouvoir ou-
blier (ine, parles exploits des réformateurs,
les plus riches liibliollièques de l'Angleterre
ont élé réduites en cendres, afin d'anéantir
tous les monuments du papisme.
!.<• (loeletir Lelaiid, iiuoique anglican zélé,
prétend (|ue Ions les vicL-sse sont introduits
parmi ses compatriotes avec l'irréligion.
L'auteur de l'Hi-^ioire des clablissenients des
Jiaropcens dans /e< Indes reconnait que tous
les princi; es de probité, d'iionneur, d'amour
du h'.en public, sont éto-jlîes chez les An-
glais par l'avidiié qirins])ire r<'sprit de com-
merce; Uieliard Siècle, dans une éjdtre sa-
tirique! au pape Clément \!, soutient que
leur fanatisme est toujours le même. « 11 est
vrai, (lit- il, «lue nous n'avons pas aujour-
d'hui le pouvoir de brûler les hérétiques,
comme les premiers réformateurs ; mais à
cela près nous employons toujours les mêmes
violiMices; nous persécutons, nous tourmen-
tons, nous emprisonnons et nous ruinons
tout homme (|ui prétend en savoir plus que
ses supérieurs : et plus cet homme est d'un
caractère irréprochable, plus nous crojons
qu'il est nécessaire de se servir de ces sortes
de rigueurs contre lui.... Sur la fin de jan-
vier et au comniencement do février, on
nous anime exlraordinairement les uns con-
tre les autres, parce qu'il est arrivé, il y a
plus de soixante ans , que nos ancêtres
Ml
ANG
A NU
iiï
élaient de grands scélérats, et l'on croit
qtron ne siiurait trop insister sur un sujet
si beau de génération en géuér.ilion, et que
l'on deviaii même en parler depuis le com-
nienceinent de l'année jusqu'à la lin. Un au-
tre sujet d'enllioiisi,isine evt le danger de la
pauvre Eglise, danger ((ui s'accroît toujours
à tnesuie (juc le crédit et 1' s espérances des
callioli(iuis aiigincnl.nl. J'ai vu le temps
que la finure d'une église f.iile de carton,
planice si ai lillcicuseinciit au bout d'un bâ-
ton (ju'elle p.iraissait chanceler, représecilail
le danger de noire pauvre Eglise; portée d'un
air triste et lugubre devant un vénérable ec-
clésiastique, aux élections des membres du
parlement, elle p issait pour un remède sou-
verain Contre ses ennemis, elle avait la \ erlu
de les eli.isser du champ île bataille tout con-
lus. J'ai vu même que le nom A' Eglise ou de
Jhinle-Eglisr, prononcé avec emphase, et
répété un certain nombre de lois, a pu chan-
ger l'air et la voix d'une multitude innom-
brable, lui donner un aspect hideux et fa-
rouche, agiter les cœurs, faire enfler les
veines comme par une espèce de frénésie.
J'ai vu en même temps que ce nom prononcé
d'un air touchant et pathétique, les yeux et
les niiiins vers le ciel, a pu clianger les men-
songes en vérités, un scélérat en un saint,
et un perturbateur du repos public en une
diviniiè lutélaire. Par un privilège sini;u-
lier, les hommes attaqués de cette maladie
ont acquis le droit de pénétrer b-s jugements
de Dieu, et de les appliquer à leur prochain ;
s'il .irrive un fléau de la nature, ou un autre
mallieur jiublic, ils savent à point nommé
pourquoi Dieu l'envoie, quel est le crime
qu'il a dessein de punir; et ce n'est jamais
contre leurs propres crimes qu'il est irrité,
c'est toujours contre ceux des autres, etc. »
Si quel(|u'un s'est laissé séduire par les
tableaux ponipcu\ que nos écrivains moiler-
nis nous ont fiils des heureux elTels que la
reliii-me a produits en Angleterre, nous l'in-
vitons à lire un ouvrage intitulé : La Cun-
vrrsion de /'Aiigletene nu chrisiianisme ,
comiarée avec sa prélcndae Réformution ,
in-S", l'aiis, 1729.
Les historiens prolestanls ont abusé de la
créilulilede leurs leileuis, lorsqu'ils ont voulu
persujider que la cause du schisn)e de VAn-
ylelerre, en lo;i3, fui r.iuloritc exces>ive, ou
plutôt la tyrannie que le pape exerçait sur
ce royaume ; cette prétendue cause n'avait
pas lieu en France ni dans les pays du Nord,
et l'hérésie ue laissa pas de s'y établir. H est
de toute notoriété que la cause <le la rupture
fut le refus que fit Clément Vlll de déclarer
nul le mariage d'Henri Vlll avec Catherine
d'Aragon, et d'accorder à ce prince la liberté
d'épouser Anne de Boleyn, de laquelle il
était épris ; puisqu'avant d'avoir conçu cette
passion, Henri Vlll avait écrit lui-même
contre Luther en faveur de la juridiction et
de l'autorité du pape. Les moyens dont on
se servit ensuite pour détiuire la religion
en Angleterre, ne fuieni pas plus légiiimcs
fii plus honnêtes que le motif : on y em-
ploya l'imposiure, la calomnie, la violence
et les supplices. M. Bossuel, dans son Hitt.
des Variai., I. II, I. vu, a mis ce fait dans la
dernière évidence, et l'a prouvé par le |)ropre
aveu des protestants; aucun d'eux ne sera
jamais en état de le convaincre de faux.
L'auteur de '.a Convcr sion de t' Angleterre, elc,
a fait do même. — Moshcim, dans l'impuis-
sance de contester cette vérité, est convenu
que les auteurs de cette révolution a^irenl
souvent d'une manière violente, téméraire et
précipitée; que plusieurs de ceux qui y eu-
rent part agirent plus par passion et par inté-
rêt que par zèle pour la véritable religion.
//isl. ecclés. du xvi" siècle, sect. 1, c. k, § 1'».
David Hume, dans son JJist. des maisons de
Tudor et de Sluarl, a posé pour principe que,
si la superstition est le caractère de la reli-
gion romaine, ie fanatisme a été lelui de la
prétendue reformntion. Le traducteur de
Mosbeim, lâché de cet aveu, a voulu prouver
le contraire, t. 1\', p. 138 et suiv. Mais, au
lieu de détruire ce f;iit, il l'a plutôt confirraé,
puisqu'il a été iorcé d'avouer que le fana-
tisme eut beaucoup de part à la conduite de
plusieurs de ceux qui embrassèrent la ré-
formation, p. 144 ; que l'on abusa souvent
de la liberté qu'elle inlroduisit; que l'ardeur
des [iremiers léformateurs fut plus ou moins
violente, plus ou moins mêlée avec la cha-
leur et la vivacité des passions humaines,
p. 146 ; que le zèle des réform iteurs fut
quelquefois excessif, p. 150; que peut-être
les emportements de Luther furent l'effet de
son ressentiment et de l'ardeur de son ca-
ractère, etc., p. 153. Ce n'était donc pas la
peine de disputer contre David Hume, puis-
que l'on se trouve réduit à lui accorder ce
qu'il a dit.
La question est de savoir si des hommes
conduits par le fanatisme, par la chaleur
des passions, par l'amour de la nouveauté,
et non de la vérité, étaient fort propres à
réforn'ier l'Eglise de Dieu, et s'il est proba-
ble que Dieu ait voulu se servir de pareils
instrumenta. Nous verrons dans l'article
suivant que la religion anglicane porte en-
core l'empreinte des mains (jui l'ont formée,
des motifs dont ses foudaleurs furent animés,
et des moyens dont ils se servirent. Une
preuve que les Anglais n'étaient pas fort
zélés pour la vérité, c'est qu'ils changèrent
trois fois de religion en douze ans. A la mort
d'Henri Vlll, ils tenaient encore à la foi ca-
tholique; en 1547, sous Edouard VI, ils
dressèrent une profession de foi moitié lu-
thérienne, mollié calviniste ; sous le règne
de Marie, eu 1354, ils redevinrent callioli-
liqiies ; en 1559, sous le rè'^ne d'Klisabelh,
le protestantisme fut rétabli.
Quoique l'on ait répandu des torrents de
sang pour cimenter cette religion nouvelle,
il s'en faut beaucoup qu'elle ait été généra-
lement adoptée en Angleterre ; [xindanl que
le gouvernement, les grands du royaume et
une partie de la nalion embrassaient ce mé-
lange de lutliérianisme et de calvinisme, avec
quelques faibles restes de catholicisme, que
l'on nomme la religion anglicane, une autre
partie s'attachait aux sentiments de Calvin,
tii
ANG
ANC
m
rejetait tout le reste, et formait la secte de ceux
qael'oxïnomvaepresbytériens etpuritains .ces
deux factions se sont fait pendant longtemps
une guerre cruelle; et si l'une des deux s'é-
tait trouvée assez forte, elle aurait exterminé
l'autre. Après bien des combats, elles se sont
reposées par lassitude, et elles ont été for-
cées de se tolérer mutuellement. — Dans le
sein de ces deux sectes, il s'en est formé une
infiniié d'autres , comme les quakers ou
trembleurs, les hernbules ou frères moraves,
les raélhodisles, les anabaptistes, les socl-
niens, les hrownistes ou indépendants, etc.
Ainsi le christianisme , en Angleterre , est
divisé en deux partis principaux; l'un est
celui des épiscopaux, que l'on appelle aussi
YEglise anglicane, ou la Haute-Eglise ; l'au-
tre , celui des non-conformisles , oa sépa-
ratistes, qui comprend les presbytériens, pu-
ritains ou calvinistes rigides, et toutes les
autres sectes dout nous venons de parler,
sans en exclure même les catholiques, qui
sont encore en assez grand nombre. —
En 1716, plusieurs Anglais et quelques Ecos-
sais avaient formé un concordat entre eux
pour s'unir à l'Eglise grecque ; mais ce
projet n'eut aucune suite. Les Grecs n'y au-
raient ccrlainemenl pas consenti, à moins
que les anfiUcans n'eussent changé leur
croyance sur ua très-grand nombre d'ar-
ticles.
Quoique nos écrivains aient beaucoup
vanté la tolérance établie dans ce royaume,
la religion catholique y a toujours été gênée
par des lois très-sévères. Jusqu'à nos jours
un catholique ne pouvait posséder aucune
charge, ni entrer au parlement, sans avoir
prêté le serment du test, par lequel on ab-
jurait le dogme de la transsubstantiation et
de la juriiliction spirituelle du pape. Ce ser-
ment a été aboli depuis peu par un décret
du parlement, et changé en un simple ser-
ment de Gdélité, qui n'a aucun rapport à la
religion; mais celte condescendance du gou-
vernemcnt anglais u échauffé la bile des
puritains, surtout en Ecosse, où ils sont la
secte dominante.
Moshoim, dans son Hist. eccl. du xviir
siècle, déplore le nombre des incrédules qui
ont paru en Angleterre, et les effets perni-
cieux de leurs ouvrages; il prédit que cette
contagion pénétrera bientôt dans toutes les
contrées de l'Europe, surtout dans celles où
la réformation a introduit un esprit de li-
berté : il était aisé en effet de le prévoir. Ce
sont les déistes anglais qui ont été les pré-
cepteurs de nos philosophes antichrétiens, et
c'est un mauvais service que nous ont rendu
DOS voisins; il ne fait pas plus d'honneur A
YAngleterre qu';\ la prétendue réformation.
ANGLICAN. On appelle religion anglicane
celle qui est autorisée en Angleterre par les
lois, pour la distinguer de celles qui y sont
seulement tolérées. De toutes les commu-
nions chrétiennes non calh()li(|ues, les angli-
can» sont ceux qni s'écartent le moins de la
croyance de l'Kglise romaine; ils en rejet-
tent cependant un grand nombre d'articles
essentiels. Aussi les autres protestants leur
reprochent de pencher toujours au papisme,
d'en avoir conservé de trop grands restes, et
de n'avoir fait la réforme qu'à moitié. 11
n'est pas toujours aisé aux théologiens an-
glicans de se défendre, de montnr pourquoi
ils se sont arrêtés en chemin , pourquoi ils
ont retranché tel article et en ont retenu tel
autre.
Dans la révolution qu'a subie la relicion
en Angloterre, il faut distinguer quatre épo-
ques principales. La première sous Henri
Vlil, lorsque ce prince, pour secouer le joug
du saint-siége et de l'Eglise romaine, se dé-
clara chef souverain de l'Eglise anglicane, et
défendit de reconnaître aucune autorité spi-
rituelle ou temporelle que la sienne. 11 ne
toucha néanmoins ni aux autres points de
doctrine, ni au culte extérieur établi dans l'E-
glise catholique. — La seconde sous Edouard
VI, son fils et son successeur. Après que les
partisans de Luther et de Calvin eurent semé
leurs erreurs parmi les Angl^iis, il fut décidé
par acte da parlement, en 15i7, que l'on ré-
formerait la discipline ecclésiastique et la
forme du culte : c'est ce qui fut exécuté en
1518; mais on ne convint pas encore d'un
formulaire de doctrine ou d'une profession
de foi. — La troisième sous la reine Marie,
sœur d'Edouard, et qui lui succéda. Celte
princesse, zélée catholique, fit casser en 1533
l'acte précédent, et fit rétablir le catholicisme.
— Enfin , sous la reine Elisabeth , autre fille
de Henri Vlli , qui avait été élevée dans les
opinions des protestants, le parlement, l'an A
1559, renouvela tout ce qui avait été fait sous ^
Edouard VI , et proscrivit de nouveau le ca-
tholicisme. M;iis la confession de foi angli-
cane ne fut dressée que trois ans après, dans
un synode tenu à Londres en 1562. On la
trouve d.ins le Recueil des confessions de foi
des Eglises réforniées, p. 99; elle contient
trente-neuf articles. Dans les cinq premiers,
l'on fait profession de croire la Trinité, l'In-
carnation , la descente de Jésus-Christ aux
enfers, sa résurrection, la divinité du Saint-
Esprit. Dans les trois suivants, on reçoit
comme canoniques tous les livres du Nou-
veau Testament; l'on exclut de l'Ancien les
livres de Tobie, de Judith, une partie de celui 1
d'Ksther, la Sagesse, l'Ecclésiastique, Baruch, |
quelques chapitres de D.iniel et les deux li- '
vres des Machabées; l'on déride que tout ce
qui n'est pas contenu dans l'Ecriture sainte
n'est point nécessaire au salut. Dans le 8* ar-
ticle, on reçoit le symbole des apôlres, celui
du concile de Nicée ot celai de saint Alha-
nase.
Déjà l'on peut demander aax anglicans
pourquoi ils rejettent ces livres dans l'An-
cien Testament , pendant qu'ils admettent
l'Epttre de saint Jacques, celle de saint Jude
et l'Apocalypse, que les calvinistes regar-
dent comme aporryphes, précisément pour
les mêmes raisons. Les sociniens leur sou-
tiennent que ce qui cA contenu dans le sym-
bole de saint Athanase ne peut pas être
prouvé par l'Ecriture s.iinte. Aussi, dans la
Gazelle de France du vendredi 7 mars 1786,
on nous annonce qu'une bonne partie des
245
ANG
ANG
2iG
Américaios anglicans ont retranché de leur
office le symbole de saint Atliaii;ise, et ont
ôlé de celui des apôlrcs : Il esl descendu aux
enfers.
Dans le 9* article et les suivants, il est
(léciilé que tous les hommes naissent souillés
du péché originel; qu'ils ont copi'uJant ua
libre arbitre, mais qu'ils ne peuvent faire
aucune bonne œuvre sans le secours préve-
nant de la gràc-; que l'homme est justifié
par la foi seule. Ce dernier dogme esl néau-
nioiiis lormellement contraire à ce que dit
saint Jacques, c. ii ; et les deux articles pré-
cédents ne sont point admis pnr les soci-
niens. — Nous ne savons pas par quel texte
de l'Ecrilure sainle on peut prouver que
toutes les œuvres faites sans la foi en Jésus-
Christ sont des péchés, arlicle 13; saint Paul
décide le contraire {Rom. ii, ik-). Ou rejette,
article 14., les œuvres de surérogalion comme
une impiété, en donnant un sens faux et ab-
surde à ce terme. Koi/. Surérogation.
L'article 16 porte que l'on peut obtenir la
rémission des péchés par la pénitence, et il
condamne lOpinion de l'inamissibili'é de la
justice, souienuc par les cilvinistcs. Le 17°
admet In prédestination; mais il avertit qu'il
n'y faut pas penser, de peur de tomber dans
la présomption ou dans le désespoir. Le 18^
décide que l'on ne peut pas être sauvé sans
connaître Jésus-Christ. Selon le 19% l'Eglise
est l'assemblée des fidèles où la pure parole
de Dieu est prêchée et où les sacrements
sont bien administrés : d'où l'on conclut que
l'Eglise romaine est dans l'eireur, quant au
dogn)e, à la morale cl au ctille extérieur. Cet
article est-il fort essentiel au salut? esl-il
clairement révélé dans rEcrilure sainte ?
Suivant le 20* et le 21', l'Eglise ne peut rien
décider ni rien établir que ce qui est porté
dans l'Ecriture sainte; les conciles, même
généraux, peuvent se tromper et se sont
souvent trompés en effet. Le 22° rejette la
doctrine de l'Eglise romaine louchant le
purgatoire, les indulgences, la vénération et
l'ailoration des images, des reliques, et l'in-
Tocallon des saints. On voit bien que le ter-
me d'adoration est affi'clé là par malignité,
il est décidé, dans le 23°, que la mission est
nécessaire pour prêcher et pour administrer
les sacrements ; que la mission est légitime
quand elle esl donnée par ceux qui en ont le
pouvoir; mais on ne dil point à qui ce pou-
voir appartient, si c'est au roi, comme chef
de l'Eglise anglicane, ou si c'est au clergé.
Gel article était délicat : il esl demeuré indé-
cis. Le 21i-° veut que la liturgie soil célébrée
en langue vulgaire. Les sacrements, selon le
25*. sont les signes efficaces de la grâce, par
lesquels Dieu excite el confirme noire foi en
lui; il n'y en a que deux, savoir : le bapiême
el la cène. On rejette les autres, parce que
ce ne sont pas , dil-on , des signes visibles
institués de Dieu; et cependant l'on avoue
que quelques-uns sont une imitation de ce
qu'ont l'ail les apôtres : il faut donc que les
apôlres aienl fait ce que Jésus-Christ ne leur
avait pas commandé? U esl évident que celle
définition des sacrements esl louche et cap-
tieuse, imaginée dans le dessein de concilier,
s'il était possible, l'opinion des proleslanis
avec la croyance de l'Eglise romaine. Consé-
qiieiiiment il esl dit, ariiile 27, que le bap-
tême n'est pas seulement un signe de la pro-
fession du christianisme, mais un signe de
régénération, le sceau de noire adoption, par
lequel la foi esl confirmée el la grâce aug-
menii'e, par la vertu de l'invocalion divine.
Mais si la grâce est augmentée, elle était donc
déjà dans l'âme du fidèle avant le ba])lèine?
En quel sens le baptême est-il une régénéra-
tion? Ce même arlicle veut que l'on baptise
les enfants. Le 28 est encore plus inintelli-
gible. U porte que , pour ceux qui reçoivent
la cène avec fol, le pain que notts rompons est
la communication du corps de Jésus-Christ;
et que le calice bénit est la communication du
sang de Jésus-Christ. Ce sonl les paroles de
saint Paul; mais on ajoute que le corps de
Jésus-Christ est donné, reçu et mangé seule-
ment d'une manière céleste el splriluelle;
que le moyen par lequel cela se fait esl un
objet de foi; que ceux qui n'ont pas une foi
vive ne sont pas participants de Jésus-Christ
en aucune manière, article 29. Voilà ce que
saint Paul n'a pas dil. Ce même article ré-
prouve la transsubstantiation, et l'usage de
garder, de porter, d'élever el d'adorer le sa-
crement de l'Eucharistie; et le 30° décide
qu'il faut communier sous les deux espèces.
Les rédacteurs de ces articles auraient
voulu trouver un milieu entre l'opinion des
luthériens et celle des calvinistes : on voit
comment ils y ont réussi ; à la vérité, les lu-
thériens s'expriment aujourd'hui de même.
Voy. EocHAnisTiE. Dans le 31°, ils rejettent
la doctrine catholique touchant le sacrifice
de la messe, co:nme un blasphème. Dans le
32°, il esl décidé que les évéques, les prêtres
el les diacres peuvent se marier; dans le 33',
que les excommunications sont valides; dans
le 34°, que pour le bon ordre il faut se con-
former aux usages et aux cérémonies éta-
blies par autoriié publique, mais que chaque
Eglise peut les instituer, les changer ou les
abolir à son gré. Le 35° donne la sanction
aux homélies publiées sous Edouard VI, et le
36' au pontifical pour les ordinations, rédigé
sous le même règne. Le 37° déclare que le
roi d'Angleterre jouit de l'autorité suprême
sur tous ses sujets; que tous, même les ec-
clésiastiques, doivent lai être soumis dans
toutes les causes, et qu'il n'est soumis lui-
même à aucune juridiction étrangère; que le
pape n'a aucune juridiction en Angleterre.
On ajoute cependant que l'on no prétend pas
attribuer aa roi l'administration de la parole
de Dieu ni des sacrements ; soit : on lui at-
tribue du moins le privilège d'accorder, de
limiter, ou d'ôler ce pouvoir à qui il juge à
propos. — Les articles suivants condamnent
la doctrine des anabaptistes louchant les
peines capitales, la guerre et la profession
des armes , la communauté des biens et les
serments.
Pour peu qu'un théologien soil instruit et
sente la valeur des Icrraes, il voit que celle
coufession de foi.daas la plupart des articles,
S47
Km
\m
S48
est captieuse, équivoque, diclée par l'intérêt
politique et par les circonstances, plus pro-
pre à perpétuer les disputes qu'à les éclair-
cir. Aussi s'en faul-il beaucoup que la doc-
Irine, les usages, la discipline dis anglicnns,
soient d'accord avec leur confession de loi;
et celle coniraillclion leur est continuelle-
ment reprochée par ceux qu'ils ;ippellcnt
non- conformistes. Il esl aisé d'ailleurs de la
prouver en comparant c<lle confcS'^ion do fol
avec le plan de la reli;;ion anylic'ine,\c\ qu'il
est tracé dans un livre intitule: ISeqni AïK/lioe
sub imperio ret/iiiœ Elisub?lhœ rdifjio el <ju-
bernaciu ecclesiastica. in-4°, Lundini, 1719, el
dédié à Georges 11 ; pièce a.itlienlique, s'il en
fut jamais. — En effet, suivant les 20' et 21"
chapitres de la confession , l'Eiilise ne peut
rien décider et rien établir ((ue ci! qui esl en-
seigné dans ri'"crilure sainte; les conciles,
même généraux, peuvenl se troijipcr, et se
sont trompés en effet: et dans le ]jlan de reli-
gion, 1" partie, chapitre 1, on fait profession
de recevoir comme authentiques, ou comme
faisant autorité, les trois symboles, les qua-
tre premiers conciles , les sentiments des
Pères des cinq premiers siècles; c. i , on dit
que les décrets de ces conciles ont été accep-
tés et confirmés par les états du royaume
d'Angleterre. Ces états ont donc accepté et
confirmé des décrets de conciles qui ont pu
se tromper, et qui se sont trompés en effet. —
Chapitre 5 de ce même plan, on reconnaît
que ce sont les Pères des cinq premiers siè-
cles qui nous ont désigné les livres canoni-
ques de l'Ecriture, qui nous ont transmis
l'histoire ecclésiastique, el qui ont réfuté les
hérésies de leur lenips. Mais si ces Pères se
sont Irompés , comment sommes-nous sûrs
du jugement qu'ils ont porté louchant le
nombre des livres canoniques? Les calvinis-
tes les chargent de mille erreurs, et les an-
glicans n'ont |ias pris la peine de les justi-
fier : ils ont laissé ce soin aux catholiques.
Chapitre 6, on déclare que les hérétiques
doivent être punis par les censures ecclé-
siastiques et par les supplices que leur inlli-
gent les lois civiles. Mais qui a dntit de juger
que tel homme esl hérétique? On ne le dit
pas, el nous demandons vainement comment
cela s'accorde avec la prétendue tolérance
des Anglais. — Dans le chapitre 7, les catho-
liques sont accu.iés de se dévouer à Dieu par
une foi non écrite; ii'adorcr ce qu'ils i^jno-
rent dans les reliques, dans les huslies, dans
les images; de prier dans une langue incon-
nue; de prier les saints plus souvent qae
Jésus-Christ; de se prosterner devant les
ima^'es ; (le retrancher la moitié de l'Eucha-
ristie; d'avoir inventé la transsubstantiation,
le purgatoire , le mérite des bonnes œuvres ;
de renouveler le sacrifice de Jésus-Christ
pour les vivants et pour les morls ; d(' pré-
tendre qui- riiglise romaine a de droit divin
la juridiction sur toutes les autres. Sans re-
lever la manière caplionse doiil plusieurs de
ces articles sont n-pr seules ou travestis, il
n'en (.«1. aucun qui' nous i\- [inmvions par le
seiiliment des cuneiles et dt^s p, res des cinq
premiers siècles : les luiliériuns el les calvi-
nistes n'en disconviennent pas , mais ils di-
sent que cela ne sulfit pas sans TEcrilure
sainte. Voil.i un point de dispute sur lequel
nos adversaires ne s'accorderont jamriis. —
Cependant, cliapilrc 8, les anglican<! font
profession d'être unis à toutes les Eglises
protestantes et à toutes les Eglises chré-
tiennes. Nous voudrions savoir en quoi peut
consister celle union, quand on n'a ni la
même foi, ni le même culte, ni la même dis-
cipline.
Outre 1,1 liturgie nn7//c7»?e, que l'on peut
voir dans le P. Lchiuii. Explicat. des cérém.
de la Messe, toin. \'ll, p. 5 i, les anglicnns ont
conservé l'office ecclésiastique dii matin et
du soir, les psaumes, les cantiques, les le-
çi>ns. la conléssion générale des péchés el
l'alisolulion , la doxoiogie, les alléluia, le Te
Deum, le symbole des apôlres et celui de
sailli A'haiiase, les litanies, desquelles ils ont
retranché les noms des-sainis, c. 12 et suiv.
Us administrent le baptême comme dans
l'Eglise romaine, mais sans exorcismes et
sans onctions. Leurs évéques donnent la
confirmation par l'imposition des mains,
avec une prière. Dans l'office des morls, ils
demandent à Dieu de ne pas nous livrer aux
supplices éternels, et d'accorder à tous les
fidèles la félicité du corps cl de l'âme: ils di-
sent la prière Kyrie, eleison.
Dans la seconde partie de ce plan, le gou-
vernement ecclésiastique d'Angleterre esl re-
présenté en seize tables. La première aliri-
bue au roi l'auiorilé suprême dans toutes les
matières ecclésiastiques , et beaucoup plus
de pouvoir (|ue nous n'en donnons au pape.
La seconde et les suivantes règlent le pou-
voir, les lonclioîis, la juiidiclion des arche-
vêques et des évéques; il y est question de
bénéfices en litre el des différentes espèces
de biens ecclésiastiques.
La troisième partie établit la discipline qui
regarde les simples fidèles, les fé:es. les jeû-
ner, l'abstinence. Nous y voyons Pâques, la
Pentecôte, la rriiiilé, tous les diniauclies, la
Circoncision de Noire-Seigneur, l'Epiphanie,
l'Annoneialion, l'Ascension, Noël, la Tous-
saint, les fêtes des apôtres, des évangélisles,
de saint Jean-Baptisle, de saint Elienue, des
Innocents. On nous aviTlil que tous ces jours
sont consacrés à Dieu seul, comme si quel-
qu'un avail jamais enseigné le contraire. On
y conserve le carême, les jeûnes des vigiles,
l'abstinence des vendredis et samedis, les
Qiialre-Temps , les Itogalions ; mais l'on
couiprend que les anglicans ne sont pas fort
scrupuleux sur touies ces observances :
l'exemple des autres sectes qui les méprisent
a prévalu sur la règle. Dans les cathédrales,
il y a des lecteurs, des chantres, des vicaires,
des chanoines, un sous-doyen, un trésorier,
un chance'ier, un préchantre, un doyen.
Mais les synodes provinciaux ne peuvenl
rien statuer que sous l'autorité du roi.
Ainsi, en conservant un certain extérieur
de ri'ligion, cl en défigurant la doctrine ca-
Iboliqne, les réformateurs anglicnns ont fas-
(iiie les veux du peuple et l'onl eniraliié
dans le schisme; les ennemis du clergé d'An-
Si9
ANS
ANG
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gleterre ne cessent de loi insulter à ce snjet.
Si (l'un côlé les anglicans soulieitnoiit que
l'Ecriture sainle est la seule rÔRle de foi, «Je
l'autre ils s'allrihuenl le droitde riiilcrpréter
et d'eti lixor lo vrai sens. « Il n'y a, dit
Richard Sloele à Clément XI, d'aiiln; diffé-
rence entre vous et nous, par rapport aux
fondenienis de la doctiine, de la hiérarchie,
du culte et de la discipline, que cidle ci : c'est
(|tie vous ne saut icz errer dans vos décisions,
et que nous n'errons jamais; c'esl-à-dire,
en d'antres termes, (pie vous êtes infaillible,
et que nous avons toujours raison.... Ainsi,
le synode de Dordierht ,doiit les décisions
.*iûres et certaines sont célébrées Ions les
trois ans dans ce pays-là par un jour solen-
nel d'ai lions de |;râces) ; ainsi, les synodes
naiionauv des ég ises réformées en France,
l'assemblée géiiérali^ de rh'glise presbyté-
rienne en Ecosse, et, si j'ose la nommer, la
convocation du clergé d'Angleterre, ont tous
eu également cette autorité inconloslable
que votre liglise s'/iltribue, et les peuples
ont clé obligés d'ol)éir à leurs décrets avec
autant de soumission que l'on en a p irmi
vous pour ce qui part d'une infaillibilité ab-
solue... En même lenips que nous soutenons
avec chaleur, contre vos conlroversistes,
que les peuples ont droit d'examiner et d'é-
plucher cux-môtnes les Ecritures, noiisavons
soin de leur inculquer, dans nos instructions
particulières, qu'ils ne doivent pas abuser
de ce droit, qu'ils ne doivent |ias prétendre
être plus sages que leurs supérieurs, cl qu'il
faut (|u'ils s'éludicnl à entendre les textes
parlii'uliers dans le même sens ()ue l'Eglise
les entend, et que leurs guides, qui ont
Vaulorilé iniei prétalive, les explicjuenl. Nous
réu$si>$ons aussi bien par cette méthode, (|ue
si nous défenlions la lecture de l'Ecriture
sainte.... El quoi(|ue, par nos paroles, nous
conservions à l'Ecriture sainle toute sa
dignité, nous avons cependant l'adresse d'y
substituer réellement nos propres explica-
tions et des dogmes tiri's de nos explications,
etc. » Ainsi en agissent louies les sectes pro-
lestantes. Thomas lloidon leur fait le même
reproche, Esprit du Clerrjc, p. kî. — En
second lieu , selon le même principe , les
anijlicitns n'admettent point l'autor.tô de la
tradition ; mais, dans leurs disputes avec les
puritains et avec les sociniens, ils sont forcés
d'employer le témoignage des Pères ou la
tradition, pour montrer le sens des passages
que ces seiiaires entendent comme il leur
plaît. Un théologien aii'jlicnn a très-bien
reluie le livre de D.iillé, De vero tistt Palrum.
C'esi princip ilemeiit par la tradition qu'ils
f>ou icunenl l'inslilution divine de l'épisco-
pal, la supériorité des évoques sur les sim-
ples prêtres, l'usage apostolique du carême,
etc. Ainsi, ils se fonJenl sur la tradition
lorsqu'elle leur est favorable; ils l'abin ton-
nent lorsque nous nous en servons pour
leur prouver les dogmes catholiques aux-
quels ils onl renoncé. — Ivu troisième lieu,
il en est de même de la iiiission et de la suc-
ces>ion des pasteurs. Vous ne pouvez, leur
dit-on, tgnir celle succetsioa et celte uiissioa
que des pasteurs de l'Eglise romaine; s'ils
ont été capables de vous la transmettre, à
plus forte raison l'onl-ils conservée pour
eux : les fidèles leur doivent donc la même
docilité que vous exigez pour vous-mêmes ;
ils sont donc aussi assurés de leur salut en
écoulant les pasteurs catholiques , qu'en
vous écoutant vous-mêmes. Oii étail donc
pour eux la nécessité de faire un schisme
pour vous suivre? Vous dites que la doctrine
des pasteurs catholiques est fausse; mais ils
soutiennent que c'est la \ôlre ; le .«impie
fidèle doit pluiôl les croire ((ue vous; il doit
présumer que la mission est plutôt chez eux
qui sont le tronc que chez vous qui n'êtes que
les branches, el que la vérité réside dans la
source plutôt que dans le ruisseau qui en
vient. C'est encore l'olijei lion que leur fait
Gordon, pag. 52. Aujourd'hui les méeréanls
anglais fonl à leur clergé les mêmes repro-
ches que les réformateurs onl faits à celui de
l'Eglise romaine, lorsqu'ils lui ont conti'sté
le droit d'enseigner, et qu'ils s'en sont sépa-
rés. — En qu.itrième lieu, (lordon prouve,
par les actes les plus solennels du parlement
d'Angleterre, que l'Eglise ang/jca/ie, sa con-
stitution, sou clergé, tous les pouvoirs el les
privilèges de celui-ci sonl l'ouvrage de la
puissance civile el qu'il lient loul d'elle ;
que tous ses membres l'on ainsi reconnu, et
se sont obligés par serment à le soutenir
ainsi; que ces mêmes actes attribuent au roi
tout pouvoir el toute autorité tant ecclésias-
tique que civile, le droit de réformer et de
corriger toutes les erreurs, les hérésies et les
abus; qu'en coiisé(iuenie c'est In puissance
civil.' qui a donné la sanction au livre de la
liturgie, au rituel el à la formule d'ordinaiion
pour les ministres de l'Eglise. Il dit (|ue, dans
le temps delà réforme, l'archevêque Cranmer
avouait que l'ordination des évêiiiies n'était
qu'une institution civile, par laquelle on
parvenait à un office ecclésiaslique; aucun
memlirc du clerjié aiifjtican n'aurait alors
osé soutenir le contraire. Tous furent forcés
de jurer et de signer celte doctrine, p. 52 et
106 ; aulremenl, en verlu de l'arrêt du par-
leinenl de io't7, ils auraient élé punis comme
(Timincls de lèse-majeslé. David Hume ,
IJisC. de la maison de Tudor, an ISW; Ueylin,
Buriiel, etc.
C'esl doiic contre toute vérilé qu'il est dit
dans la confession de foi anglicane que l'on
n'attribue point au roi le pouvoir d'admi-
nistrer la parole de Dieu et les sacre-
ments. Si le roi n'a pas ce pouvoir, comment
peut-il le donner? Corriger les erreurs et les
iiérésies, approuver la liturgie cl le rituel,
prescrire les f irmules de prière-, et d'ordina-
tions, n'esi-ce donc pas administrer la parole
de Dieu? C'est encore une absurdité de nom-
mer mission une institution purement civile,
et hierariltie ou pouvoir sacré, un pouvoir
émané de l'auliinte civile. Les apôtres ont
prétendu tenir leur mission et leurs pouvoirs,
non des puissances de la terre , mais de
Jésus-Chrisl; par l'imposition des mains, ils
ont voulu donner une grâce el une autorité
spiriluelle et surnaturelle, et non un oitice
231
Km
cÎTil. Saint Panl dil aux éTêques qu'ils ont
été ét.iblls , non par les princes et les
magistrats, mais par le Sainl-Esprit, pour
gouverner l'Rîlise de Dieu. Act.,c.\x, y. 28.
Le pouvoir de remettre les péchés, de lier et
de délier dans le ciel et sur la terre, que
Jésus-Christ a donné à ses apôtres, n'est
certainement pas un pouvoir civil. Les théo-
logiens an^Z/cans nomment avec emphase les
droits divins d.- i'épiscopal, et ils font dériver
ces droits et cette dignité de la puissance
royale : ces droits ne sont donc pas plus
divins que ceux d'un juge, d'un officier
militaire ou d'un finaneier; tous ces droits
sont de même nature, puisqu'ils sont émanés
de la même source. — Aussi le concile de
Trente a décidé que ceux qui ont été appelés
et institués au ministère ecclésiastique par
le peufile, par la puissance séculière, ou qui
s'y sont ingérés il'euK-mêmes, ne sont point
devrais ministres de l'F.glise, mais des voleurs
et des usurpateurs, sess. 23. c. 4.
Si le P. Le Courrayer, génovéfain, réfugié
en Angleterre, avait été mieux instruit, pro-
bahlement il n'aurait pas entrepris, en 1723
et 1726, de soutenir la validité des ordina-
tions an^/tcane*. Cette question en renferme
deux, l'une de fait, l'autre de droit. La ques-
tion de fait est de savoir si Matthieu Parker,
prétendu archevêque de t^anlorbéry, et lige
de tout l'épiscopat d'Angleterre, a reçu ou
n'a pas reçu l'ordination épiscopale , par
conséquent s'il a pu ou n'a pas pu ordonner
validement d'autres évéques. La question de
droit est de savoir si la forme d'ordination,
prescrite par le rituel anglican dressé sous
Edouard VI, et encore acluellement suivie,
est valide ou non.
Sur la première question, il faut savoir
que, depuis l'an 1559, époque de la consom-
mation du schisme de l'Angleterre, sous la
reine Elisabeth, non-seulement les Anglais
catholiques, mais les presbytériens et les
autres non-conformistes, ont constamment
souti-nu aux anglicans, que l'épiscopat ne
subsistait plus parmi eux ; que Parker n'a
jamais éié validement ordonné, puisque Bar-
low, évéque de Saint-David, et ensuite de
Chichester, prétendu consécrateur de Par-
ker, ne l'avait pas été lui-même. Plusieurs
ont posé des faits, desquels il résulte qu'il
to'a pu l'être; quelques-uns ont avancé
qu'il avait ordonne Parker dans une auberge
de Londres. On sait d'ailleurs que, selon la
doctrincétabliepour lors, le brevetdc la reine
donnait le pouvoir épiscopal, sans qu'il fût
besoin d'ordination.
Pour prouver le contraire , Le Courrayer
a soutenu , 1° (jui- Itarlow avait été réelle-
Went sacré évéque, puisqu'il avait assisté en
cette qualité aux assemblées du parlement
sous Henri VIII ; mais cela prouve seule-
ment que l'on présumait son ordination.
D'ailleurs un homme simplement nomme à
un évéché pouvait assister au paileuicnt
sans avoir encore été onlonné. 2" Qu'il n'est
pas vrai que Itarlow ait été absent et eu
Kcosse dans le temps auiiuel on sup|)ose qu'il
a été ordonné ; que , quoique l'on n'ait pas
ANG 2îi2
pu retrouver l'acte de son ordination , co
n'est qu'une preuve négative. Mais cette
preuve est devenue très-po~itive par l'affir-
mation cunstanie de ceux qui ont pu savoir
s'il avait été s;icré ou non. 3' Que la préten-
due consécraliiin de P.irker dans une auber-
ge est une fable. Cela peut êire; mais le
fait est très-analogue à la manière de pen-
ser des auteurs qui regardaient le sacre des
évêqiies comme une niomerie. 1° Que Parker
a été réellement sacré à L.imbeth le 17 dé-
cembre 1539, par lîarlow, assisté de Jean
Scory, élu évéque d'Héreford, de Miles Co-
verdale , ancien évéque d'Excesler, et de
Jeun Hocgskins , sulTragant de Bedfford. On
produit l'acte de cette consécration. — Mais
en 1727 le P. Hardouin , et en 1730 le P. Le
Quien , dominicain , ont réfuté Le Cour-
rayer; ils ont fait voir que la plupart des ac-
tes et des titres qu'il a cités, en particulier
l'acte de la prétendue orJination de Parker
à Lambelh, sont faux, supposés ou altérés ;
qu'ils ont été forgés postérieurement à l'an
1559, pour satisfaire aux reproches que les
catholiques faisaient aux anglicans touchant
la nullité de leur épiscopal; que Le Cour-
rayer a tronqué de mauvaise foi les pas-
sages de plusieurs auteurs, ils ont prouvé
par de nouveaux témoignages, que ni Barlow
ni Parker n'ont jamais été ordonnés évêques ;
que l'un et l'autre étaient très -persuadés
qu'ils n'avaient pas besoin d'ordinalion. Le
Courrayer n'a rien eu à répliquer de solide.
Sur la question de droit, ou sur la validité de
l'ordination prescrite par le rituel d'Edouard
VI , Le Courrayer a soutenu qu'elle est bon-
ne et suffisante, 1° parce qu'elle consiste dans
l'imposition des mains jointe à une prière ;
2° qu'il y est fait mention du sacerdoce eldu
sacrifice, du moins indirectement; 3" que les
erreursparticuhères, soit du consécrateur soit
de l'élu, no font rien à la \alidité de la céré-
monie ; k" que ïordinal ou le rituel d'E-
douard VI a été dressé par des évèques et
par des théologiens, et qu'il a été seulement
autorisé par le roi. — Pour savoir à quoi
nous en tenir, il faut examiner la ccrcmonio
telle qu'elleesl prescrite par ce rituel. 1 L'on
commence par lire le brevet du roi , qui
porte : Nous nomtnons, faisons, ordonnons ,
créons et établissons un tel évéque de tel
siège. 2° L'on fuit prêter à l'élu un serment
conçu en ces termes : « J'atteste et je déclare
sur ma conscience que le roi est le seul gou-
verneur suprême de ce royaume, tant dans
les choses spiridtetles ou ecclésiastiques que
dans les temporelles, et qu'aucun autre prin-
ce ou prélat étranger n'y a aucune juridic-
tion , pouvoir ni autorité ecclésiastique ou
spirituelle. 3" L'évêque consécrateur deman-
de à l'élu s'il a été appelé à r.idministration
de l'épiscopat suivant la volonté <le Jésus-
Christ et suivant les conslitulions du royau-
me , el s'il est dans la volonté d'en remplir
les devoirs, k" Après les réponses de l'élu,
le consécrateur lui met la main sur la tête ,
et prononce celle prière : « Que Dieu tout-
1^ .''puissant , qui vous a donné celte volonté,
VOUS accorde encore les forces cl la facullé
S55
ANG
ANG
SS4
de faire efficacement toutes ces choses , de
manière qu'il achève en vous son ouvrage,
qu'il vous trouve innocent et sans lâche, au
dernier jour, par Jésus-Christ Nolre-Seigiieur,
Ainsi soit-il, » — Or, on a soutenu contre Le
Courrnjer, et nous soutenons enrore que
cette formule est nulle et insulfisanli'. l" Loin
de laire aucune mention directe ou imliiecte
du sacrifice ni du sacerdoce, elle a été faite
exprès pour en exclure formellement ces
noiions, puisque l'.irt. 'M de la confession de
foi anglicane les rcjelle comme un blasjihè-
me. 2" Que demande le consécralcur pour
l'élu ? Que Dieu lui donne la \olonléde rem-
plir les devoirs de l'épiscopal, selon les cons-
ti'utinns du royaume ; vainement il ajoute,
selon la volonté de Jésus-Christ , puisque la
conslilulion du royaume touchant l'épisco-
pat est formellement contraire à la volonté
de Jésus-Christ : l'une de ces choses exclut
l'autre. 3° 11 n'est pas une fonction civile
pour laquelle on ne puisse faire la même
prière en laveur de celui qui y est installé ;
elle n'a donc rien de sacré ni de sacra-
mentel, i" Les erreurs particulières du con-
Sécrateur ou de l'élu ne feraient rien à la va-
lidiicde la cérémonie, si d'ailleurs elle n'ex-
primait pas formellement ces erreurs ; mais
ici les erreurs anyiicanes sont fortuellement
exprimées par le brevet du roi , par le ser-
ment de l'élu , par les interrogations du con-
sécrateur, et par la prière qui y est relative :
c'est le toial de la cérémonie qui détermine le
sens de la formule. 5° Il n'est pas question
de savoir qui a dressé le rituel d'Edouard VI,
mais qui lui a donné la sanction, l'autorilé,
la force de loi : or, selon la déclaration for-
melle de tout le clergé d'Angleterre , c'est le
roi et le parlertienl. Les évêi|ues et les théo-
logiens qui y ont travaillé étaient de sim-
ples commissionnaires , incipables de don-
ner à leur ouvrage aucune autoiilé ; ils
étaient d'ailleurs hérétiques, et ils y ont ex-
pressément professé leur hérésie. G" Ceux qui
ont rofulé Le Courrayer ont fiiit voir qu'en
soutenant la validité de cette formule, il est
tombé dans plusieurs erreurs grossières et
dans des hérésies proscrites par le concile de
Trente et par l'Eglise catholique. En effet,
trente-sept de ses propositions ont été con-
damnées par l'assemblée du clergé de Fran-
ce, le 22 août 1727, comme fausses, erronées
et hérétiques. 7° Le Courrayer a posé en fait
que, dans l'Eglise grecque , l'ordination des
prêtres se fait par la seule imposition des
mains , avec la prière ; il cite le Traité des
ordinalions du père Morin , et le père Har-
doniu l'avait supposé ainsi; mais il est cer-
tain que , chez les Grecs , l'évéque, assis de-
vant l'autel, met la main sur la tète de l'or-
diuand.et lui applique le front contre l'autel
chargé des vases pleins, en récitant la for-
mule ; ainsi la porrection des instruments est
réunie à l'impositiou îles mains, et détermi-
ne la formule à désigner le double pouvoir
du s.icerdocc. Traité sur lis formes des sa-
crements, par II- P. Morin, jésuite, c. 23. Au-
jourU'hui les savants conviennent que le
père MoriD n'a pas rapporté assez exacto-
menl les rites des Orientaux. 8* Avant d'être
ordonnés évéques , Barlow et Parker n'é-
taient pns prêtres :or, on ne peut ciler, dans
toute l'histoire ecclésiastique , aucun exem-
ple certain d'une pareille ordination recon-
nue pour valide.
En 1730, un théologien luthérien, d jns
une thèse soutenue sous la présidence du
docteur Mosheim , a examiné de nouveau
celte quesiion , tant sur le lait que sur le
droit. Dans le picmier chapitre, il fait l'his-
toire de la dispute et des ouvrages qui otit
été faiis pour on contre la validité des ordi-
nations anglicanes. Dans le second, il com-
pare les arguments qui ont été allégués de
part et d'autre. Dans le troisième , il porte
son jugement sur le tond et sur la forme. On
conçoit bien qu'il a pris parti pour Le Cour-
rayer; il n'approuve pas néanmoins tons ses
raisonnements , mais il témoigne beaucoup
de mépris pour tous ses adversaires. H serait
inutile de nous arrêter à l'histoire des faits; il
vaut mieux nous attacher au fond.
Chap. 2, § 13, l'auteur convient que le ca-
pital de la dispute est de savoir si la forme
de l'ordination des évoques anglicans est va-
lide et suffisante ; il soutient l'alfirmative
par les mômes arguments que Le Courrayer;
mais il ne satisfait point à ceux que nous lui
opposons. Suivant les meilleurs théologiens,
dit-il , le rit esseuiiel de l'ordination épisco-
pale consiste dans l'imposition des mains et
dans une prière; l'Ecriture sainte n'exige
rien de plus : or, l'une et l'autre se trouvent
dans le rituel anglican. — Nous soutenons
que toute prière ne sulfit pas; que si le sens
n'en est point relatif aux fins du sacrement ,
aux devoirs et aux fonctions qui y ont été
attachés par Jésus-Christ , à plus ïorte rai-
son si les circonstances délenninent les pa-
roles à un sens contraire, celle forme est ab-
solument nulle. Or, nous avons fait voir que
telle est la formule anglicane.
Les Anglais eux-mêmes ont si bien senti
qu'elle était défectueuse, que, sous Char-
les 11, ils l'ont changée. Ils y ont ajouté
pour les évéques : Recevez le Saint-Esprit
pour exercer les devoirs et les fonctinns d'é-
vêque dans l'Eglise de Diiu, et souvenez-vous
de réveiller la grâce de Dieu qui est en vous
par l'imposition des mains ; et pour les prê-
tres : Itecevez le Saint-Esprit pour exercer
lei devoirs et les fonctions de prêtre dans
l'Eglise de Dieu. Recevez le pouvoir de prê-
cher la parole de Dieu et d'administrer les sa-
crements. Les péchés seront remis à celui à qui
vous tes remettrez , et ils seront liés à celui
auquel vous les lierez. Ibid. , n. 22, 23, 28
Quand cette aildition rendrait la forme va-
lide, elle n'a pas eu lieu dans l'ordination de
Barlow et de Parker : ils étaient morls 80
ans auparavant; des évéques ordonnés sans
celte addition n'ont pas pu en ordonner
d'autres validemenl. L'apologiste a beau dire
que ces paroles ajoutées ne font point partie
de la forme, qui consiste dans la prière, les
Anglais ont compris qu'elles étaient néces-
saires pour déterminer le sens de la prière ;
doue avaDiraddilion le sens n'était pas assez
3SS
ANC
^Nl
S5<
déterminé; il l'était même, pnr les circons-
tances, à signiûer le contraire, comme nous
l'avons observé. Qu'ils aient cru ou n'aient
pas cru que la forme était déjà valide sans
celle addilion, cela ne nous fait rien.
il n'est pas ncccs'^aire , dit notre autour,
que la formule csprinie la fin prinrip.iie et
l'elTel du sacrement; elle n'.'sl point telle
pour le bapiê.ie, pour la confirtiiatiou, puur
l'oxlrême-onction, ni pour le m.iria^e ; cria
est f;iux. Ces p.iroles : Je le baptise, nu nom
du Père, etc., signifient ccrlaiucmenl, non la
purifiL'aliiin du corps, mais celli- de l'âme,
qui esi l'effet principal du baplème. Dans
la confirmation , la formule : Je le mart/ue
du siijne de la croix, et je te confirme par
leclirc'medn salut, elc, exprime Irès-disliuc-
temenl l'cftet du sacrement. 11 en est de mê-
me (le la prière de l'extrème-onciion : Que
par cille onction, et an grande miséricorde ,
le Seigneur vous pardonne les péchés, etc.
Pour le mariage, la bénédiction du prêtre ,
qui ilil : Je cous unis en mariage, au nom du
Pire, etc., n'est pas moins exprcssi\e non
plus que l'absolution dans la pénitence : à
plus forte raison, dans l'iiucharislie, les pa-
roles de Jésus-Cliri^t : Ceci est mon corps,
expriment l'effet de la consécration.
Le Courrayer eu avait imposée ses lec-
teurs, en disant que les anglicans ne rejet-
tent pas absolument la notion du sacrifice
dans rEu( baris ie , qu'ils y admettent au
moins un sacrifice commémoratif et repré.ii-n~
talif, qu'entre eux et les théologiens calho-
liijues il n'y a qu'une dispute de mots; que
la notion de saerifice n'est point fimdée sur
le dogme de la présence réelle. Ibid. , § 27.
Son apologiste, plus sincère, convient, c. 3,
§ 19, qu'un sacrifice commémoratif et repré-
sentuiif, ditns le sens anglican, n'est qu'une
ombre ou utse figure de sacrifice; que ce
n'est [loinl ainsi (luc l'a entendu le concile
de Trente. En effet, ce concile a évidemment
fondé la notion du sacrifice sur !e dogme
de la présence réelle , sess. 22, c. 1 et 2; et
au mol Elchaiust E , § o , nous avons fait
voir que celte notion ne peut pas être fondée
autrement. C'est une des principales raisons
qui (ml attiré à Le Courrayer sa condimna-
lion prononcée parle clergé de France, et
api'roiivée par le souverain pontife. — Quand
ce critique ;ijoute qu'il n'esl pas nécessaire
qu'un liomme soit prêtre pour pouvoir être
ordoimé cvéque, (ju'on ne le pense pas, mê-
me dans l'Kglise romaine , il se trompe en-
core; le Sentiment rontraire a été condamné,
comme nous l'avons oliservé ailleurs. Voij.
KvÊguK. — il avoue, c. 3, § 16, ((ue le rituel
d'Edouard Vi n reçu du roi toute la s.inction
cl toute l'auiorité i|u'il a pu avoir; que les
évêiueset les iliéologens, cliargés de le ré-
diger, n'ont été que les mandataires cl les
députés du roi ; que l'on ne reconnaît en An-
gleterre point O'autre source de l'autorité
ecclésiasli(|ue.
De Inul cela il résulte que l'Iîglise ro-
maine est Irés-bieii fondée à regarder les or-
dinations anglicanes comme al>soluMient nul-
les, et ù réuidouucr ceux qui ont éié ainsi
promus au sacerdoce ou à l'épiscopat, lors-
qu'ils rentrent dans le sein de l'Eglise.
Le même auteur soutient, contre Le Cour-
rayer, que si les évêquos d'Anirlelerro sont
ordonnés ralidement, ils le sont légiiimement,
et qu'ils ont droit d'exercor leurs fonctions,
malgré les an.ilbèmes de l'Kg'isc romaine;
nous n'.ivons aucun intérêt d'i^^Murner le-
quel des deux a raison. Nous verrons ail-
leurs les autres reproches que ce criiique
fait contre la doctrine (■allioli(iue : suivant la
coutume de tous les (iroiesliinls. il l,i iléfi|îure
pour avoir droit de la censnr'r; il prend
pour doctrine de l'Eglise les o|)inions parli-
cnl ères des lliéolo^iens les plus décriés. —
Nous avons déjà dit que la liiurgi? angl cane
se trouve d.ins le P. Lebrun ; mais elle a été
clianL'ée au moins quatre fois avant d'être
mise dans l'état où elle i st aujourd'hui. Oooi-
que l'on en ait reiramhé tout ce qui pou-
vait donner l'idée de la présence réelle de
Jésus - Christ dans l'Eiucharistie et do sa-
crifice , elle déplaît encore beaucoup au^i
puritains ou calvinistes rigides. — L'arche-
vêque de Canlorbéry, primat d'Angleterre ,
jouit encore de la même juridiction et des
mêmes privilèges dont jouissaient les évê-
ques dans le xiii' siècle ; mais le clergé
anglican ne peut faire sur la doctrine, sur
les mœurs, sur la diseipline, aucun décret ,
sans commission spéciale du roi , et ses dé-
crets n'ont de force qu'autant qu'ils sont eon-
firmés par l'anlorilé royale. Les fonctions
des évêques sont de prêcher, de donner la
confirmation et les ordres ; celles des rec-
teurs de paroisse ou des curés, sont de prê-
cher, de baptiser, de marier, d'enterrer les
morts. Les trois dernières fonctions se paient
très-chèrement, et tous les Anglais, sans dis-
tinction de religion, y sont assujettis; mais
en général le clergé est très-peu respecté en
Angleterre (1).
Vu l'indifférence que les anglicans affec-
tent pour le dogme, on ne doil pas être sur-
pris du peu de zèle qu'ils ont pour la con-
version des infidèles ; ils ont même souvent
tourné en ridicule celui de nos missionnai-
res. La religion ne leur paraît pas une affaire
de très-grande importance, et c'est pour cela
qu'ils ont été tant loués par nos philosophes ;
la plupart de leurs théologiens ont passé de
l'arianisme aux opinion dés sociniens (2).
ANIMAUX. Dieu dit à l'homme en le
créant : Domines sur les poissons de ta mer,
(1) L'indilTcrcnce dnni se pl.iint Dergier a fait
place chez les anglicans i\ un ccrl.iin zèle ponr la
prnpnsalinn du rhrisiianisme ei pour les études ihéo-
lo^ii|iies. IJe zcio s'est nianifeslé par de. nninbreii.es
lissdcialmns piiiir la prope.;alinn de raiigllcaïusnie,
el p»r inie fnnle de Iraitiiclioiis de la Rihie, dont les
(•\iiripl:iires ont é é répandus par n)illions sur loiile
la surfice iln gtnhe. (Vmj. Ribliquf.s, Sociéié^.) L'c-
iHiic lies sriciires ecrlési:i«li(|iies a en en An^lelerre
nn grand effel en faveur du calholieisiiie. ellea ramené
:iii ((iroM de t"l':!:iise nne nniliiiuilc d'esprits émiiients
df; l'l^liver^ilé proiesianle d'OxIord. Votj. Pitséijanif.
(-2) Nous crONOiis devoir iMininer ce.l arli. te de
nergier par !'.i|iprécianoii (|iie lail de VaiiiiHcnnUmê
l'un dos orgiiies les plui dévoués à celte religioa.
257 A NI
sur les oiseaux du ciel , et sur tous les ani-
mai x (jui se meuvent sur la terre (>î en . i , 'iS).
Il le rép(Hc à Noé après le déluge : Que tous
les ANIMAUX, vous craignent et vous redoutent
Ces pajes onl éié dcriies à l'occasiuii de la mort de
Mgi- Allre, archevêque de l'ur».
« (lue la iniirt esl glorieu-e qiiaïKl elle est la ré-
compense lie la verlii! I.'licroïsme est vénéralile,
lors iiiéiiie (|ii il est siipeiMilieiix : le raiiaiisme est
respi'iUible, iiinniil il prouve sa siiicérilé par le
sacrifice île sa vie. lin lioiiinie ipii ni; eriiil à rien,
(|irr pciil-il faire piiur le inoiule? Un lioinine ipii croit
trop, peut au moins iiiiiiirir pimr sa croyance. iNe
laissons pis une lelic aciinn s'elFaci r ilii miroir ilii
présent, sans l'ini, 'rimer d.ins la niémnire. Elle
place son anteiir parmi les Immines qui uni liicii mé-
rité de la société. C'est une goutte de msée versée
sur le sens mural desséché ; c'est une résurrection
(le rài;e héroïque dans uu siècle de ler. Cei honinie
du ni'piiis était dans sou ilevoir. Qu'un iirèlre le-
çoive son sahiire on qu'il le prenne, c'est chose lui l
onlinaire; uriis ce qui est moins commun, c'est un
prétie qui le mérite. Voici un évêque qui ne se liorne
pas à préclier i'Kvangile de paix, mais qui de plus le
pratique; qui, le visuge serein, au milieu de misé-
raliles altérés de sang, lis pres>e d'uhéir au cnni-
niandcmenl nouveau de s'aimer les uns les antres ;
et ijui, dans l'accoinplissemeiit de sa grande mission,
celle d'humaniser le monde, lomhe avec plus de
gloire que le guerrier enseveli dans un triomphe en-
sanglanté.
< Son maître, le pape, est devenu le libéraieiir de
riialie. Les Juil's eux mêmes onl été émancipés à
Koine. Le Pontile-Prince, au milieu des splendeurs
de sa sonveraineié. In. gai sans avarice, dé^inléressé
et sobre sans ascétisme et sans monieries pliarisai-
qu s, soulage à ses propics trais les n.>allieurs de
son peuple, ei clierclie à légner iioii-seulenient en
lialic, mais aiis^i dans nu rnyaiime qui n'e>t pas de
ce momie, non-soulenient sur des contrées, ni-'is
au>si sur îles cœurs. Kn Aniéi iqiii', ce n'est que dans
les I liapelles eallioliqnes qn on voit le inaiire et l'es-
clave ^igenouillés (ôlt; à coe devant le même autel.
Kn Irlande, pendant le pins fort du cliiiléia, et |ien-
dant la iiériode la ilus f.itale de la lièvre en;;cndrée
par la laiiiine, le- piènes cailioliqucs étaient là, la
fui dans un œil et la moit d.ms l'aiiire, siiccomliani
parceniaines sous le Iléaii, mais lidéles ei pleinsd'ai'-
denr dans r:icroiii lissement de leurs devons envers
le pciiple. Nou^ ne nous arrèurons pas à demander
quelles prières iU récilaienl ; nous n'examinerons
pas avec curiosité la forme de leur croy.inee ni la
coupe de leur phyUutère. t.'esl par leur» fruits .|ue
nous vonlins les recomi.dire. Qu'on les appelle des
lléréliqiies idolàlres et siiperstiueux, de pernicieux
desiruciciirs dûmes; pour nous, nous les v yons
rcspeetani l'esclave, consolant le mend.ani, relevant
le cœur lirisé du paysan mourant de laini, et ga-
gninl à la boiiclie du canon, au indien des passions
déchaînées des coinhatianls féroces, la liénédieimn
promise il ceux qui procurent la p;iix. (le n'est pas à
celte classe île piètres que nous iniligerons un bUiine
injurieux (Pneu irait, iiitiiiiue iacerUvlute); non, la
nise n'allronle pas si aisément le choléra; le charla-
tanisme se tient à un ; distance plus respectueuse de
la fièvre, et l'hypocnsie fastueuse se trouve plutôt à
la lin d'un Icsiiii, qu'an coininenceinent d'une tnélée
comme celle du faubourg Saint-Aulome.
« Kt que faisaient nos évéqiies pendant tout ce
temps? Le doyen de lléiélord lut' ait avec le docteur
Ilampdcn dans l'aiéiie des cours ecclésiastiques, se
diâpulaiit avec lui sur le cadavre de leur religion.
S^apy Snin, U'Uxluid (Soapy savonneux, sohriipiet
d'un évéque anglican), se venge. lit de la perle de
Caniorbery en faisaiii des discours politiques coiilre
ANI
U8
(ix,2).Le psalmisie bénissait Dinu de cet
empire qu'il a donné à l'Iioimne sur tous les
uni naux (Ps. v;ii, 8). Les pliilusophi's qui
ont ubservè lu nature avec un sens droit
la concession des droits réclamés en faveur des
Juifs. L'évèqiie de Londres marchamiait ses baux
dans l'iccaddiy, et plusieurs de ses Irès-révéremls
frères dans le Seigneur inimraienl en odeur de sain-
teté sur les plumes de leurs palais, laiss.int apiésenx
des Inens qui s'élevaii'iii en mryeune à 70, OUO liv.
st. (I,7..0,0ll.l Ir ). L'archevê|ue de Paris ne lece-
vait que l.iOU liv. st. (environ i8,0UJ Ir.), et il
déiien.sait tout pour sa reli;;ioii et pour ses fiéics.
L'évoque de Londn-s reçoit :i,'),OUiJ liv. st. par a»
(t)-2o, 00 1 11'.), et il dépense loin [loiir lui et sa fa-
mille. Dans ses tournées de conlirination, il fail
payer à ses piroi^siens l'avoine de ses chevaux, il
laisse lairc de sa cathédrale et de son ahliaye des
spect.icles à 'i pmce ('20 centimes) et il répand de^ lar-
mes de crocodile sur le dénûmeot spirituel de sou
diocèse, uniquement pour vider les bourses des fidè-
les et pour s'emparer du patronage des nouvelles
succnrsMles.
< Quel est le chef de la croisade contre l'ivrogne-
rie? nu jirèlre catholiiiue, le P. Matthew. Qui a don-
né l'idée et pris la direction du comilé saiiiiaire?
Soiiiliwood Suiiih, le prediciteur unitairien. Qui a
fondé des éc. îles pour les enlanis en haillons? les
dissiilenis. b'.igit-il d'alfromer la fièvre au ciievet du
pauvre, de dissiper l'ignorance de la religion d.ins
les hideux repaires du vice : qui ose braver le Iléaii,
s'exposer au danger? Quel évêque, quel recienr, quel
doyen, quel curé de l'église de l'Ltat Irouvera-t-on dans
de senililables occasions? Forcés parla chariié active
des dissidents à proiluire quelques œuvres chrétien-
nes, ils lont souscrire le slupide public de l'Eglise
anglicane à de misérables salaires accordés à ce qu'on
appelle les missionnaire, de la cité, et ils envoient
ces prédiciteiirs laiipies, comme David envoya IJrie
sur le champ d.i perd, au milieu des repaires du
ciiioe, laiidis qu'eux ils loin leur ronde parmi leurs
paroissiens d'élite, exerçant le Lbri^tianisme par pio-
cuiMtion, rempl ssant en personne l'ofliee de prêtre
et de lévite, et laissant les fondions du Saniantiin
qui leur soiu Imposées à quelqui; iNathaniel ulTainé :
celui Cl, avec un leveiiu aiinuel de deux jumeaux
devri évangeiisor les Stceii Diuls, èlre le rédempteur
de FLIU Lune, braver le typhus, allronter chaque
jour la lièvre scarlatine, le tu.il pour 40 liv. st. par
un (1,000 fi.), et un habit nor à Moél, si l'on e4
comenl de ses services. Nousn'avions jamais eiilendu
pailer de taxe pour 1 Eglise et de taxe des pauvres
avant le prolesiantisme. Qu.ind l'Eslisc papale ré-
gnait en Angleterre, elle nourii.sait ses p.iuvres «[
eiitrelenait la splendeur de ses temples avec ses
propres revenus. Examinez 1 histoire des missions
iiisiitiiées pour èvangéliser les païens et porier aux
sauvages les bienfaits de la civilisation. Qmlssont
le-i faits ipii se représenlenl invananleinent ? Des
piètres caiholiqiies, et généralement des Jésuites,
fiiienii s premiers missionnaiies. Après eux vien-
nent des piedicaieurs iinii cunlormisles, et l'Eglise
anglicane (orme ïcnleineni la tardive cl boiteuse
ainère-garde. Dans les chambres des lords, ce sont
les voles piépondéraiits de notie banc des évcques
qui ont mainleiin l.i traite des noirs jusqu'à ce que
le torrent de l'oplnioa publique l'ciil enfin ren-
versé.:.
< Pour peu que l'on soit impartial, quelle autre
cause pourra-i-on assigner à la niauv.iise adminis-
tration de l'Irlande, que l'oignedleuse et iniolérable
duiuinalinii protestante que nous avons usurpée? el
qu'est-ce que cette doimnation prolesianlc, sinon
la propriété exclusive des pains el des poissons que
s'adjuge l'établissement protestant? L'AngIcieii*
S50
ANI
ANI
260
Bons font remarquer que cet ordre du créa-
teur s'exécute sur toute la face du globe. Le
très-g;rand nombre des animaux sont doci-
les, s'accoutument aisément avec l'homme ,
est le seul Etat civilisé de la lerre qui n'ait point de
système national d'éducation, et son peu-de périt
dans l'isnorance, uniquement à cause de la violence
nvec laquelle le clergé s'oppuse à tous les plans d'a-
mélioration dans l'enseignement. Bii>n plus, il a été
constaté devant la commission charitable , en beau-
coup d'occasions, que leur odieuie rapacité n'a pas
même respecté le pairioti-me généreux des parlicu-
liers. Institués administrateurs des dotatiims et fon-
dations bienfai-antes d'éducation, ils en ont détourné
les fimils et se sont appropiié les revenus destinés
par les foiidaleurs à soulager la population dans son
indigence physique et intellecluelle; ils ont tranquil-
leiiieni laissé leur inmpeau dans l'ignorance ei dans
la misère, tandis qu'ils empochaient les sommes des-
tinées à guérir celte dcuible plaie. L'Eglise Me l'I^tat
a éié mise dans la balance, et l'opinion publique l'a
depuis longtemps jugée trop légère. Combien de
tehips soulfrira-t on qu'elle encombre le sol? Elle
reçoit plus que tomes les hiérarchies de toutes les
croyiincts de l'Europe. Qu'a-i-clle fait pour son ar-
gent? Souinies-nons plus religieux que nos voisins?
N'esl-il pas notoire que la majcirilé de la population
est irréligieuse, ce qui est dû en grande partie i» la
vie que mène le clergé de l'iitat? Sommes- nous plus
vertueux? au contraire. Les crimes de l'Angleterre
surpassent proportionnellement au moins du moiiié
ceux que présenienl les divers pays catholiques de
l'Europe. Sommes-nous plus intelligents? 11 n'est que
tropcertain ipi'à très-peu d'exceptions près, noiie po-
pulation olfre un moindre nombre d'individus sachant
lire et éi lire que toutes les autres nations civlli^écs.
liitei rogeons le 10 avril, les maismis de pauvres tou-
tes remplies, les assemblées de Conjédernlion et de
Conciliation llall.
« A quoi donc a servi l'Eglise de l'Etal? Quels
fruits a-i-elle portés? Quel bien a-t-elle lait? Quel
mal a l-elle détourné? Esi-ce donc un simple patri-
moine qu'il convient de déliiiir non par ses devoirs,
ses travaux, ses charges puliliques, mais par ses re-
venus, ses bénélices, ses dîmes, ses iiffrandes, ses
prcseuls, ses lionoraiics, ses pourboires? Comliien
de temps cette monstiueuse imposture mangera-t-elle
le pain de l.i paresse et recevra-t-elle le salaire de
l'ini(|nité? Quand liiiira celte duperie solennelle,
cette religieuse inutilité, cette futilité sociale, cette
orgucilleiisc, celle vaine cl bruyanie parade, affairée
aux éleriions, sévère au II ibnnal pour garder le gi-
bier, mais peu soucieuse de sauver les âmes, cou-
rant à la pisie des riclies, mais né^ligcml le soin des
pauvres. Jamais on n'a vu dans l'iiisloire des gou-
verncmenls nu renversement aussi complet de loul
< e <|ii'iinc institution doit être, jamais une aussi
éclataïUe nécessité de soustraire à tous les regards
le plus prompteineni possible, dans l'intérêt du lion
sens et pour l'honneur de la naiion, une semblable
personnilicalion d'hypocrisie pharisaiipie.
« Ennemi de loul progrès et de toute améliora-
tion, ub^lada au développemeiil de l'éducaticm et
de la léloruie, arc-bmitanl du tous les abus privilé-
giés, partisan de la tyrannie, ailversairc décidé do
toute extension de l'esprit de liberté, de tout dévc-
loppeniciil Social smis quelque forme que ce soit, el
du toute cs|icce de dmils liumains, i|ue pcul-on luire
d'un lui Iléau, sinon l'anéantir? El que mérite luic
semblable institution, sinon d'être arrachée comme
une herbe pe^tilunlicllu du chani|i de l'bisloire hu-
maine? Considéréu un elle-même, la charge pasto-
rale, la mission cléiicale csl un dus plus grands
traits sociaux el politiques du chrisliani^nic. Kéunir
dans un empire une société d'hommes bien éh vgs.
semblent souvent rechercher sa compagnie
et implorer sa proleclion ; les autres fuient
devant lui , ils ne l'attaquent point, à moins
que des besoins extrêmes ne les jettent, pour
ainsi dire, hors de leur naturel. L'éléphant,
tout monstrueux qu'il est, se laisse conduire
par un etifant; le lion s'éloigne de tous les
lieux habités par les hommes , et l'immense
baleine , au milieu de son élément, tremble
et fuit devant le petit canot d'un Lapoa
Elud. de la Nnt., t. Il, pag. 239, clc.
Boileau a pu douter, eu plaisantant.
Si, vers les antres sounls.
L'ours a peur lin iiassanl, on le passant de l'ours,
El §i, sur nii édil des pùlres (le Nubie,
Les lions de lîarea videraient la Liliye.
L'ours n'attaque jamais le passant, à moins
qu'il ne soit provoqué, ou qu'il ne craigne
pour ses petits; el si les déserts de Rarca
pouvaient être habités par des hommes, les
lions n'y demeureraient pas longtemps. Mais
nos philosophes incrédules nous objectent
fort sérieusement que cet empire prétendu
de l'homiDC sur les animaux est chimérique :
le requin, disent-ils, entïloulit le matelot
qui tremble à sa vue; le crocodile dévore le
vil Egyptien qui l'adore; toute la nature in-
sulte à la majesté de l'homme. Les manichéens
faisaient déjà cette objection. Saint Augus-
verlueiix, capables, désintéressés, pour enseigner
conlinuelleiiienl an peuple ses devoirs, pour lui (aire
connaître la morale, pcnir lui apprendre auiaiit par
des exemples que par des leçons, les principes de la
vertu appliqués à la vie de chaque jour, c'e^t assu-
réaient poser le l'ondeme'it le plus solide il'nn bon
gouvorneinent et de la félicité des peuples. Mais sur
les 16,000 sermons prêches chaque semaine du haut
des chaires piotcstaiiles sur les sujets les plus inié-
ressanis pour le cœur humain, les plus attrayants
pour l'esprit, el de la plus haute importance pour la
vie intime de l'homme, combien y en a t-il qui ser-
vent il qnehpie chose, si ce n'est à faire trop l.lléra-
lemeiit du dimanche nu jour de repos, en procu-
rant un profond el conlorlable sommeil à des parois-
siens somnolents? Combien y en a-l-il qui soient
écrits en rhélorique passable ? (^oinbieu y a-t-il
de piirases ipii valent la peine (pi'oii se les rappelle
une heure api es les avoir entendues?
t Si la religion esi une chose bonne, sommes-nous
religieux? Si le christianisme est précieux, sommes-
nous chrétiens? Où est le minisire qu'ace mpagnent
au tomîleau les larmes des pauvres? Quel est l'évê-
que qui menrleiiiouré 'les regrets el de la véoéraliou
(le son pays? Les augures, ses confrères, cuiivoilent
aviJeineiil su dépouille , et avant que le ilcrnier
souille n'ait abandonné son corps, ils as-iègeiil D.p\v-
ning-slreei pour solliciter sa pl.ice. Oxiord, llcre-
ford, Exeier, que dir(m-.-uous do ceux-là, si nous les
rapprochons du semiou sur la uMiiitague? Le pays
demande ù l'Eglise : Cun, où est ton frère? Et ceile
Eglise visiblement établie dans le seul but d'elcvcr,
d'instruire, de spiriiiialiscr le peuple, cette Egbse
qui reçoit d'énormes nveniis pour taire du peuple
un peuple spécial rempli de ièle pour les bonnes œu-
vres (Epit. à Tue, u , 14), cciic Eglise, destinée à
former le cœur aux habitudes de la veilu et à év.au-
géliser lésâmes, celie Eglise qui, lorsqu'elle ne l'ait
pas ces choses, ne fait rien, n'est rien, est moins
que rien, ou n'esl plus qu'un simple syphou à boire
cl à manger, iinu outre remplie de venl ; celte Eglise
euhu ne peut donner que celle triste réponse : Vrai-
raeni, je n'en sais rien; suis-je le gardien do mon
Irîirc' .
961
ANI
tin, 1. I de Gen., c. 18. — Cela prouve seule-
ment que le roi de la nature trouve quelque-
fois des rebelles parmi sessujels; mais il ne
s'ensuit pas de là que sa ilominalion soit in-
juste ou chimérique. Pour un matelot en-
glouti par les requins, il y a mille requins
harponnés par les hommes; pour un égyp-
tien dévoré par les crocodiles, il y a milli; cro-
codiles éveiilrés par les Egypiiens. L'empire
de l'homme sur les animaux n'est point illi-
mité ni alTranchi des régies de la prudence ;
lorsque les forces lui man(|uent, l'industrie
y supi)lée et le rend enfin le maître. La féro-
cité de plusieurs animaux est une des raisons
qui forcent les hommes à se rassembler et à
vivre en société.
D'autres ont prétendu, avec aussi peu de
raison, que l'Ecriture sainte semble attri-
buer aux animaux de l'intelligence, de la
réflexion, et les mettre an niveau de l'homme.
Gtn., i\, 5, Dieu dit à Noé et à ses enfants :
Je vengerai voire sang sur tous les aniuaux
et sur l'homtne qui l'aura répandu; vers. 9 .•
Je vais faire alliance avec vous et avec les ani-
maux. Mais le verset 5 est plus clair dans le
texte samaritain; ily a: Jeredemunderai votre
sang à la main de lout vivant, de tout homme,
etc. Il n'est pas question là des animaux. On
sait que dans l'Eeriture sainte le mut alliance
signifie souvent une simple promesse : Dieu
promet, v. 9 et suiv., de ne plus détruire
les hommes ni les animaux par un délu;:e
universel. C'est à quoi se borne cette al-
liance.
A la vérité, la plupart des peuples ont été
dans la fausse persuasion que les animaux
ont une âme intelligente et raisonnable,
qu'ils ont même plus de prévoyance et de
sagacité que l'homme, et qu'ils connaissent
l'avenir; plusieurs philosophes en ont eu
cette opinion. Ceisc soutient fort sérieuse-
ment que les animaiix ont plus de raison,
plus de sagesse, plus de vertu que l'homme,
et sont dans un commerce plus intime avec
la Divinité. Dans Origèiie, I. iv, n. 88. De là
«•st venu le culte que les Egyptiens rendaient
à plusieurs espèces d'animaux. — Mais les
adorateurs du vrai Dieu n'ont jamais adopté
cette erreur, et l'Ecriture sainte n'y donne
aucun lieu; elle mit une dilTerence trop
marquée entre l'homme et les animaux, pour
que l'on ait pu s'y tromper. Voy. Ame.
Comme nous sommes éclairés par la révéla-
tion, il nous semble qu'il n'y avait rien de
si aisé que de prévenir toute illusion sur ce
point essentiel; mais enfin les philosojjhes
n'étaient pas slupides, et ce[)endaiil ils pen-
saient comme le peuple, et comme font en-
core aujourd'hui les Nègres cl les Sauvages.
Nous ne devons donc pas attribuer à une
supériorité de raison naturelle les réflexions
que nous faisons sur ce sujet, et par les-
quelles nous démontrons la diUérence infinie
qu'il y a entre l'homme et les brutes.
Les Egyptiens rendaient un culte religieux
à plusieurs espèces d'animaux, parce qu'ils
les supposaient animés par un dieu, par un
génie bienfaisant, ou par un esprit redou-
table; ils les consultaient pour connaître
ANI 862
l'avenir. Les Grecs consacrèrent anx dieux
certains animaux, par des raisons bizarres.
Les Uomains n'entreprenaiint aucune expé-
dition sans avoir consulté le vol des "iseaux
ou l'appétit des poulets sacrés. Pendant
qu'ils donnaient les invalides aux animaux
qui leur avaient rendu de bons services, ils
faisaient, pour leur plaisir, couib.iltre des
hommes contre des animaux féroces, et ils
se jouaient de la vie des esclaves. Telle a
été la démenée des peuples qui ont été re-
gardés comme les plus sages (1).
(I) Lesniatérialisies ontcherclié de nouveau entre
l'hiniinie et l;i béte des termes de similitudes, pour
conclure qu'ils él.iient de même iiauire. Nous allons
montrer l'ininiense tlisproporlion (|(ii se trouve entre
les ;inim;iiix et l'Iinmme. La grande dilléreii'je se
tire de l'intelligenceoude la sponlnnéué. Or l'Iiomme
est intelligent , à l'exclusion des animaux (|tii pro-
duisent lies actes qui paraissent spontanés et le iriiit
de la réllexioi), [Lirie que de tels actes qui sont in-
variablement les mêmes, si on les considère sub-
stantiellement , ne sont que les elléts d'appéliis ou
d'instincts relatifs aux diver-es espèces. Mous disons
que pour bien apprécier la cause purement instin-
ctive des actes ciiez les animaux , il laiit considérer
ces actes subslaiiltellemeiu , c'est-à-dire diins leur
principe secondaire, (pii n'est autre cliose que le
bien-èlre physique. Sous la direction de l'Iiomme ,
les animaux paraissent agir contre leursappétits par
suite de rappiivoiseineiit, de la domesliciié, et dans
ces élais d'une éducation spéciale; mais dans tous les
cas ils ne Sont vérilablemeiit mus que par des ap-
pétits plus impérieux , ou par des besoins que l'on
lait iiaiirc en eux pour les satislaire , après avoir
exigé d'eux des exercices pénibles et peu coiil'oriiies
ou coiilraires à leurs lialiitudes. iM. Frédéric Cuvier
a reciiniiu, d'après de nombreuses expéiiences fai-
tes principalement à la Ménagerie de nnire Jardin-
des-Plaiiles, que les moyens les plus puissants pour
arriver à rapprivoisement et à une éducation quel-
conque des animaux smit l;i faim et la veille forcée.
L'homme excite ainsi les besoius les plus impérieux
de l'nnimal pour les sulislaire ensuite, et liioinphe
par là même de la violente du tigre et de la féio-
cile de l'hyéiie. Ces nmyens, applnpiés à un animal
Solitaiie, n'en font eiicire qu'nu animal appiivoisé;
mais applii|U( s à un animal sociable, ils m loiit un
animal dcimesliipie, dont la race est consliluue par
le l:iit de la tiaiis'missinn, d'une géijér;iiioii à une
autre, des nuidilicaiions acquises sous l'inlluence Iju-
niaine. (J'est en faisant naître de uuuveaux appétits
dans les animaux domestiques , pour se donner à
leurs yeux le mérite de les satisfaire , qu'on obtient
d'eux de pénibles etlints qui queiquelois seinldent
èlreks fnillsil'uiie noble passion, telle que la gloire,
la générosité , etc. Voici ce que dit M. tidouard Al-
letz (Eisui sur l'homme, ou accoiU de lu philosophie
et de la reHijion, sect. 1, livre m, ch. 5) sur les che-
vaux du Corso, à Itome : t leuis cavaliers ont épe-
roimé leurs lianes pour accélérer leur vitesse , et
ont eu soin de ménager une sensalion de plaisir à
celui qui alleignait le premier l'exirémilé de la car-
rière , soit en lui passant légèrement sur la crinière
une main caressanie , soit en lui faisant offrir un
aliment préféré. Punissant , au contraire , par une
impression opposce , le cheval le plus lardif, ils ont
joint ainsi le plaisir à la rapidilé et la souffrance à
la lenteur. Ces impressiims devaient être réveillées
par les mêmes circonstances qui les ont fait nuîire;
l'animal, conduit instinctivement à chercher le plai-
sir et à éviter la douleur dont l'image s'offre à lui en
réaliié ou par le souvenir , s'élame dans l.i carrière
au jour Jixé pour la course publique ; el, tandis que
tous les spectateurs étonnés admirent ces coursiers,
Î65
ANI
AM
toi
celle disliuclion? Elle esl aussi ancienne
que le mon.le, puisqu'elle se Iroove déjà ob-
servée par Noé, dans le choix qu il fil des
,„-, .e....le.uin,pa,,ents de gloire et -ides des^^suf.^
frage. e b foule «^^f;-',,,^ ,onle qui, f.appée
liisliMClil, et couri coiiimc ressort ou a ele
repou«c en elle con u ^^_^^ .,^^ ^„„j,„i, .
libres -, ' ',.f„.,^3o,"réve>llée e,. eux-iuiles puus-
EH? !^-"-"--'rTr
suncis ei les appéms q;nl i.e=t pas '"^'^ ^^J^^J \
pas? Le p:.>.ir ne peui èi-e le l""',':'l»^,j'= ' •'.^ ;„,a,
nar son Drimine :>cli d'ii;iellecuon , q»i le rend in
quM nous est i.nposs.ble ;"'!'"«'-'„l';'' " ^^PJvxa
alvéoles l.evaiiouales cle^ abeilles, H imiiortc U exa
n.më; fci M c'est eu venu de leui- ...lelhgence ou par
riinmiljion de leurs instiiicls. ... ,
' "u a b^ucou? discuté sur Tàme des beies depuis
Descuies qui les refeardailcou.u.e de pur. auloiua-
fe? B !i M. sans aller aussi lo n que Descaries , rc-
* ai tussi louie .nlelbgencc aux a.mnaux : ce
ue ces deux grands l.ounnes i.-apercev..ienl pa> a
le qui epâre rinlelLgeuce de rnuum.e de celle
de an. naux Coudul.c et G. Uroy, au contra re,
alÛibuaieul aux anuuaux des o,iéralu,ns mlellce-
tle;ii^.ès-élevees,p.urnepasay.urt^suug^^
iMuile qui s. pare l'instuicl de I luiebige ce. Il y a en
Tt Cl 'e. le'auiuiaux . -•-''-,«='•-' :;''','|';:,1,,';-
lelhKence et instinct tout a la lois, mais ilMliaii,
Sur 1 're la pari de luneel de l'au.re, des données
'pœuucres lomlees ^ur de n„u,breuses ol,ser^;,t,ou
cl sur des inductions .nm.édiate. et r.guu.eus.s 11
fallait, après avoir élinlié a..al.uiii.iuen.ent et zuolo-
gi ÏÏcmeùt les diverses parliez des au.inaux. el sur-
l„ul leur syslèuie nerveux cimpaie, «scn.iNcer
liaus le. lio.=, coiunic dit Leroy, pour sunre les al-
lures de ce. êtres .eulauts, ju«e. des developpeu.euis
et des ellels de leur lieulie de seniir, et voir >oin-
n.eni, par Taciiou repé.èede la sel.^atHln et de I exer-
cice ùe la mémoire, leur in.tinct s cle»e ju.-iu a 1 m-
tell.gence. . \ lallm, eu un mot, que 1 on converi.l
en science positive reiude de. in.iiucts e, de l intel-
l.gei.ce des aui.n.inv , commencée par bullu > el
héanmur.el continuée p..r Leroy et par les dei^x
ïuber. Or, cest ce qu'ont lait dans ces derme, s lenips
MM Ficdeuc Cuvier el Fiourens, niembies de I a-
cadémie des Sciences [ V.,ir le ^-'o-M"* rm'" J««
teintes de l'académie des bciences, avril 1841) . le
nreimer de ces savants a fourni les observalions, le
second y a joint les iiiduclioiis qui en Iixeiil les ca-
la) Nous ue garantissons en aucune façon celle oxpU
eati'ju du mouvemeDl.
raclères. M. Flonrens («^s«m^ analytique des obter-
vaiions de M. Frédéric Covier sur rm^ijnct el Cmlel-
ligence des animaux), après avoir rcliite les assenions
de Descaries, de Buffon, de Couddlae, et refuie les
erremsdeRé.umurel de Le.oy. annonce que •M.»'.
Cuvier s'est aitaclié à clierclier des faits et des limi-
tes. Le premier lé.ullal de ses observations marque
les limi'e^ de finlelligence dans les différents ordres
des m;,mmi!ères : l'oiaui;-outang esl celui qui en a
le plus, mais cet animal même n'a mme celle iniel-
iseuee une d.ns le j.uue âge, el elle .leer..ii a me-
sure que le. forces sa. croissent. Oudoilcnncl rede
la oue l'animal, consiilérécmme eire perfeciible, a
sa borne inarquée , mm-sculemei.l comme espèce ,
mais aussi comme individu. M, envier cl.erclie en-
suite la limite qui répare l'instinct de I inielligence,
el c'est pariiculicrenient sur le c.stor que p/u lent
ses observations. Cet anim.l est un m.mm.fere de
Poidre des rongeurs, c'esl-adoe de celui ou .1 y a
le moins d'intelligence; mais il a on iiislincliner-
veilleux que loui le mm.deconiiait, punr exercerune
industrie qui, si elle dépendait de I iniel.igeuce . en
supposerait une irés-élevée. Le point essemiel eia.t
doue de prouver qu'elle n'en dépend pas, el c esl ce
Qu'a fait M. Cuvier. Il a eideime .laiis une cage des
castors tièHeunes. pour qu'ils n'eussent pas besoin
de bâur; cependani ils ont Lan, pousses par un
aveugle in.linct. Il e.l bien reconnu .d ..près des
expcnences décisives, que tout ce qui dans 1 ..nima
paraiss..iisupe.ienrà l'intelligence de liommen est
qu'une force macbinale anaU.gue a celle. le I orga-
nisme elqueloutcequicliez lui esl eleclif eldcpeii-
danld; l'intelligeneee^l l.è.-éb.iiii.é de l'inlelliBence
de l'nomme, el a loujo.irs avec le pur msiinct une
connexinn plus ou moins éloignée.
Lulin M. Cuvier a |io.e la limite qui sépare 1 mlel-
lige.ite de l'iiommc de celle des ;.nimaux. Ceux-ci
reçoivent par leurs sens .les iinpresions dont ils
conservent les l. aces; ces imprcs-ions combinées
luimeni des as.ociali i.s variées dunl ils tireiil des
rapiio.ts imur fonder de, jngcmcnis louclianl la sa-
lislaction de leurs apiiciiis. Mais inuteleu. .me :genco
se reduii la, elle ne s'élève pas jiisqu a la rellexion.
C lie de l'iiumme, £U contraire, se développe imie-
liniment en delmis do tout appeiil, eu vertu d un
ni iiicipe sponla.ié prop.cnient dil ; elle considère les
autres éires sons burs divers rapports , surtout e.le
se connaît cl se ré.'.éebil sur ellemème. C'e.l dans
celte rélleMon de l'ame humaine sur ses p.opre»
onéiali.ms que M. Cuvier voil une limite .ufrancliis-
sibiceuiie l'inlelligeiicede rbnmnie et celle des ani-
niauv. lleiveuus avait d.t que I boimne ue devait qu il
ses niain^ sa .upeiuT le sur les Ic'.cj ; iM. Uuvier
m.mtie par l'ex.ni|le du plio.iue que du cerveau
.eul dépeiid le .léveLippeinenlcIelinielligence. .M. de
Dl .i.ivido a réi.cié bien .les fuis dans ses rui-rs que
l'es m.insde l'Homme sonl non la tiaduclmn , mais
le. Muiple. in.irumeul. de sou intelligence.
Li ■■la.lilion ob-ervée dans l'intelligence des ani-
,,.,ux''elCnnlMn.ee par I.. pbysndugie cl l'analom.e:
elle dé,.cnd du de.eloppen.cni graduel du cerveau
Il e.t lecounnque l'o.ang-ouiang , qui ressemble la
nlus à l'nomme, est an..i celui .le lous es animaux
La lo "1"* d'intelligence. Mais .pielle dillere.ice
daii^ le dcveloppemeiil même du cervcu entre I uoin-
.nc et cet animal. Feu .M. Geolfroy bainl-llila.re no
ueul paraître suspecl eu cette malicie ; i avait ap-
pa le m à l'école de Lamarck, qu. la^ail de I liomino
'un animal perleclionnc par des transformation, suc-
cessives , Cl soutint loujours lui-men.ele syMeme de
îa varnibiliu! de. espèces, même depuis la decoii-
vxrle des laits si déci.ils de l'embryogénie conipa-
■ée Touleluis, après av.dr ir.ice le. caiacie.cs ana-
loniiques du dèveloppemenl de la tète eu sens lUTcrse
2(;e ANi
animniix qui devaient entrer dans l'arche
{Gni., VII, i). Dans les climats pins chauds
(lue II' nôtre, l'usage trop rici|uent ou ex-
cessif de la chair des nn/miux cause ii[f,iilli-
blcment des maladies, rt il vn est iiliisieurs
dont il faut s'alislenir enlièreineiil. Coinnie
les hommes ont offert de tout lenips à Diou
les aliuKMits dont ils se nourrissaient, ils ont
jugé qu'il ne convenait pas d'olTrir à la
Divinité des chairs dont ils ne iiouvaient
pas se nourrir, el pour lesquelles ils avaient
de l'aversion. Les (inimmix exclus des of-
frandes et des sacrifices ont donc été regar-
dés ciimnie impurs, comme indignes d'cire
offerts à F)ieu. Cependant Moïse non-seule-
mont s'est réglé sur celte connaissance pour
désigner les victimes dont les Juifs pou-
vaient faire usage, el dont ils pouvaient
manger la chair, mais il a été inspiré de
Dieu pour leur intimer ce précepte. Il n'y
avait en cela ni supirslilion, ni allusion à
aucune fable. Si d;ins la suite h's nations ido-
lâtres ont imaginé de fausses raisons de celle
di^tinclion, cela ne déroge en aucune ma-
nière à la s.igesse du législateur des Juifs.
On sait avec quelle exactitude les prêtres
égyptiens avaient réglé le régime diététique
chez IhciMune cl l'orang-oiilung , voici comme il se
résume : < Voyez (onime ces deux êires, avec leurs
iiialéri;iii\ seiiililaliles, lendeiitavec raclion de leurs
iiiodilicalions piiiiirlles à s'écarter : leurs rapports
naturels les liennerilà une dislaiice irés-gra iule. Car,
si l'on pouvait se periiieilre d'admeUre une nouvi'lle
acciinuilaiiou de masse médullaire chez l'homnie, il
deviendrait plus homme, si Je puis m'expnmei'ainsi,
je veux dire plus susceplilile irinlelligeiKe , plus
capable encore de fundions plus élevées , plus dis-
posé aussi au progrès conimu, qui est l'nhjel el le
lerme de la pliilnsopiiietraiisci^ndanle. L'orang-outang
niarcliaul dans ini développemeiil inveise, giignerait
à l'épaid de l'homme eu lorce corporelle ce (pi'il
perdrai!, ce qu'il e~l appelé à perdre du côlé «les
i'ouciions iiilellecluelles {Compte-rendu des séances
de l'Académie des sciences sé.ince du 4juilleil8r)()).i
Cet ;icadémicieu s'exprima encore dans le même sens
dans la séance snivanie (11 jiiillet IciSy) : « Le sys-
tème sensilif (eiicéplialo-rachi(lieu) , dit il , domine
sur les appareils ilont il est enveloppé chez l'Iioinme,
tels que l'S, muscles ei léiiumenl-, lesquels ne s'.ic-
croissent poinl pruporliunnelleineni : et au contraire,
le> mêmes choses se passent loul difléreinmenlchez
l'orang-ouianj;, chez qui les masses méilullaires du cer-
veau ut de ré|)ine gaijneat peu, toul le tort du dive-
loppemeut prolilant plus et mcnie dspioportionnel-
leiiient aux os euvcli'ppants, aux muscles et à l.i peau.
Il y a Ih comme un elTel de b:iscule d'une espèce à
l'auiie. • Du voil , d'api éi de tels aveux , arrai liés
par l'évidence îles faiis à un naturalisie qui a passé
sa vie sous la doiiiiiiatiun des préjuges les plu^ anti-
religieux , combien il serait ridicule de soutenir,
connue on l'a lail dans le siècle dernier el au coiu-
menicmcnt de celui-ci, que l'homme a passépar les
divers dcgiés delaséne animale, el qu'il n'est ipi'iiii
orang-ouiaiig perléciioimé. Il esl analomiquemenl
démontré, au contraire, que plus l'animal qui-res-
tt iiible le plus à l'homme acquerrait de développe-
menl , plus il perdrait du coié da (onctions inullec-
tuelies , et par coiis.ipient , plus il s'éluii;ner:iii de
l'espèce liuniaine. Nous avons déjà dit, d'ailleurs,
qiied'apiès les obsi.rviinons directes de MM. K. Cii-
vier et Fluurens, el telles l:iites par plusieurs autres
savants illustres, il est consulte que roraiig-uulang
Jierd Son intelligence en devenant adulte.
DlCT. Dt TUEUL. DOG.UATH.)UE. 1.
ANN 2W.
qui devait être observe par le peuple, quels
inconvénients résultent de la malpropreté,
de l.i paresse, de la voracité des Égyptiens
maliumelans.
La plupart des animaux nue Moïse avait
ordonn/ d'immoler en sacrilice, étaient ho-
norés d'un culie superstitieux par les égyp-
tiens (Spencer, (le Lefjih. Ilebr. rilual., I. i:,
c. 4-, sect. i" }. C'est pour cela (jue quand
Pliar.ion dit à .Moïse : Offrez, si vous roulez,
des sacrifices à votre Dieu dans ce pnijs- ci ,
Moïse lui répondit : Cela «e se peut pas; nos
sacrifices seraient une abomination aux ijeux
des Eyi/pliens ; ils hous lapideraient, s'ils
nous loyaiinl immoler les animaux qu'ils
adorent {Exod. wti, 2a)
Lorsque l'Evangile s'est établi, la distinc-
tion des animaux purs et impurs est devenue
Irés-inutiie ; les sacrifices sanglants ont été
abolis par Jésus-Christ, el les nations étalent
assez policées pour n'avoir plus besoin (ju'on
leur délendît par religion les nourritures
malsaines. Comme le cbrislianisme est des-
tiné à tons les peuples et à tous les climats,
les institutions locales ne doiveni point y
avoir lieu. Lorsque l'Eglise défend de man-
ger de la viande, ce n'est pas par régime
de santé, mais par morlificaliou. Voy. aus-
TINRNCE,
ANNE.VU, ornement affecté aux évéquos
pour marquer l'étroite alliance (]u'ils ont
contractée avec l'Eiilise par leur oruinalion,
l'altachemeat el l'allVclion qu'ils lui doiv 'iit,
etc. Vofj. ['Ancien saeramentaire par Grand-
col;, s, première partie, page \k9
* A^^•l:AU nu pècheiir. L e-t le sceau avec lequel
sont scel es les lirels apostoli(|Ues. Ou l'appelle aJiiM
pan e (pi'on suppose que saint J'ierre, q o elaii pô-
clieur, en a usé le premier, et qu'il porte l'empriiuie
du cher du collège apostolique. Il n'y a que cinq cents
ans que c • lerme est en usage.
* A.NiNÉK. l'our bien apprécier certains faits de la
Bible, pour les ramener à une époque déterminée,
pour lesoudre cei tailles dlllicultcs qui prennent leur
origine dans l.i clironologie, il laiii avoir une idée
distincte de Vaiiiiéc, et du sens que les diflëreuls
peuples oui atl.iclié à cette expression. Un disiliigiie
deux sortes li'années, l'une astronomique el l'autre
civile.
Année astronomiijuiî. Définition, c L'année asiro-
nomiiiuc, dit l'ara du Plianjas, est celle qui ramène
lessaisiMis, celle qui règle aujourd'nui l'urdie poli-
tique et civil de louies les iiaiioiis policées el éclai-
rées, elle à laquelle ou as«iijelt t les calinls asiro-
nomi(|ues et chronologiques; c'est une révolution en-
tièie, réelle ou appareillé, du sideil autour de l'c-
cliptiqiie, à coinpier d'un poiiii iiiieUonque de i'é-
cliplii|ue, par exemple, du point équinoxial du
priiil' nips , jusqu'au retour vrai ou app:irent du
soleil au inéiiie point, au point é(|uinoxial du priii-
teiiips suivant. C<:lle rëvoluuun leulenne
Selou Tycliu-Brahé
De la liire Joins. Heures. Min. Se:.
tl Cassiui 5bj. . . j. . . . 49. . . OU.
Selon Kepler 563. . , 5. . . . 48. . . 57.
.Selou de la Caille 56o. . . 5- . . . 48. . . 43.
Selou Lalaiide ôG'i. .. S. ... 48. . . 45.
L'année asironomique a été (ixèe el déterminée
par les asiroiiomes de ces derniers temps, avec la
plusgiaiiile précision qu'on puisse avoir el désirer :
l'un eiiiluili' ne va pas, dit .M. de Lalande, à Iruis ou
quatre secondes de temps. >
Annél civile. Définition. « L'amiéc civile esl un
2C7
ÂNN
ANN
2(;6
esiiace périodique (.e temps, déieriiiiné par I usage
on par les lins d'une nation : la plus parlaile est celle
qui s'ac(<.rd.' le mieux aver rjiiiiée asiroiioniiqiie
tropii|iie. Mais les premiers li .Piiaiils île la terre, et
les piemicrs loiulaiciirs des republlipies ou des mo-
iiariliie^, liin-ni et durent être nécossairement de
liès-n.auvais asIroiiMuies, et leur année civile fut
souvent fort dillërenie et lorl indépemlanle de l'an-
née :is>iroii<miique doiiinous venons de pailer.
< I» Chez les llomains, l'année civile fnl d'abord,
sous lUiinuius, lie dix mois lunaiies, auxquels on
attribua tiois cent quatre joirfs ; elle fut ensuite,
sons .Niima, de drtiize inOls lunaires, que l'on supposa
répondre à trois cent soixanie-cim) jours. Comme
celte année de trois cent soivailte-tinq jour:- était
trop courte de près iie six heures, il bllui ajouter
de tetiii s en temps des jours intercalaires à l'année
civile, pnur la tanieuer à peu près à l'année astro-
nomique : ce qui lut abindonué au caprice dés poii-
liles. Jules ( ésar fit l'année civile de trois cent
snjiîante-ciiiq jour- et six heures ; et cette année, trop
liMigne de onze minutes et un quai t de minute, a
sutir.isté jus(|u'iiu temps de la réloiine du caleniJiier,
par le pape (iréjioiie XIII, en iSSi, où l'aui.ée civile
se iroiiVii d vaucer de d,x jours r.miiée astrimomi-
que. — 2" Cliez Us Grecs, l'anné ! civile éiait de
douze lunaisons, à laquelle on ajoutait, tous les
deux ou troi^ ans, une lunaison, qu'ils muimaieiit
emb()léiiiii|ue ou iotei cala re. — 5° Liiez tes Hébreux,
raiinée civile ét.ih de d((ii/.e InnaiMiiis, iiu'on tâ-
cliait derafiprnclier de l'année aslronouii.|ue, soil eii
aj'iutant cir que afinée onze ou douze jiuis à la (in
de ces douze lunaisons, soil en insérant de temps en
temps, à une année de douze lunalson^ unelreiziénie
lunaison, il lette ani ée de ireiz.; l'iii.iisons était ap-
pelée aiiuée emholémcjue. Liiez les Juifs mvderues,
chez Us 1 urcs. chez le^ Arubvs, l'année civile est à
peu pie- la n.cnie clinse, c'esi-à-diie une péiiode de
douze lUn:usoi:s, rapprochée de l'année astronomique
ou par des jours iuieicales à cliiique année, ou par
U!ie lunaison intercalée à une année api es un ceitaiii
espace de temp-; l>ejà au temps du ilé.uge, l'année
civile, cliez les patriarclies, était de douze lunaisons
etqmlques, jours, p isqu'ilest liildans la tjenèse que
le déluge dura douze mois et dix jours, et qu'il est
dit eiiïuiie ailleurs que le déluge Oui a environ un an.
Les années des patriarches n'ont lieu de commun
avec les années lunaire> et d'un mms dont on a sou-
vent parlé; ceux qui ont eu ce soupçon n'ont pas lait
aileiilion que dans liur absurde cak ul le- pairiarcbes
auraient été pères à l'âge de deux ans et demi. —
i" Chez tes Eijijf)liei:s, l'année civile, selon l'Iine,
l'lutari(ue, llcioilole, bioilore de Sicile et plusieurs
autres auieuis, lut d'abord composée d'une seule
Innaisonv ensuite iie liois, de quatre, de six, de
douze lunaison-. Aseth, tici le-deiixiémcroi d'Kjtypie,
ajouta Cinq jairs à l'année de douze lnllai^olls ;.ux-
(pielles in alti ituiail liois cent soixante jours. — Un
voit par là q.ielle liorrible Ci n'nsion a dtj iiécessai-
remi lit repainlrc, dans la clironolojjie des différentes
nati ins, i ette bizarre diversité d'années civiles dont
Us ciiinniencemenls vai tables eiraient suecessive-
nit'iit de nniis en mois. — b" Chez les Chalaéens, l'an-
née civi e lot lie trois cent soixaiite-ciiii| jours, selon
bérose, après le lègue d'un certain Lvoetitis; avant
ce lé^iie ou coinptait la durée (luleiiips par saies,
par nères, par sus es, dont on ne connaii guère la
valeur. — t>" Chez tes Chinuis, raiinée civile a été
de leiiiis iinnieuiorliil de trois cent soixante-cinq
jours ei Six lieiiies : elle comiiieii<;ait it linisMiit au
solstice d'hiver. Cette manière de compter cl d'éva-
luer les années rcmnnte, selon la traiiition nationale,
jusques vers les plein ers temps de leur nionarcbie;
et il paraii, par leurs annales, qn'. Ile avait déjà lietl
environ iUnO ans av;int .lesU5-Clirist. — 7" Dans
tous let Etals chréiieiis, à l'iMeption de la Kus^ie,
l'vnnée civile est niainlunaiit, selon la réiuruic dJ
caiciidner liii\e par les ordres et par les S"ins du
pape Grégoire XIII, de trois cent soixante-cinq jours
pendant trois ans consécutis, et de trois cent
Soixaule six jours l'année suivante. — Si l'anuée
ajlio.imnique était exactement de trois cent soixant<e-
cini| jiiurs et six heures, le bi!,sexle ou le jour inter-
calé an mois de février, lequel se trouve alors de
vingl-iienf jours, famènerait précisément tous les
quatre ans rannée civile à Panée asironoiniqiie.
Mais ce hissexle ajoute à l'année astronomique, en
quatre ans, environ 45 minuies de trop, ou environ
45 minutes au delà du temps qu'eni|iloie le soleil, eti
quatre ans, pour retournerai! même point du zodia-
que : ce ipii f,.il environ un joui en lis ans. De sorte
qu'apiés environ li.S ans il laul omettre le bissexte
occurrent, pour que l'année civile cadre à peu près
avec l'année astronomique. — Les astronomes etn-
ployés a 1 1 rélornie du calendiier grégnrien propo-
sèrent, et d'après leur a\ls il fut arrêté, que dans
le cours de quatre cents ans on omettrait trois his-
sextes. L'est pour celte raison que l'année HIO ne
fut point bissextile : l'année li-OO et l'année 1900 ne
le seront piint encore; mais l'aunée iUOO le sera.
ANNIVERSAIRES (les). Jours an»i/"t)ér.'iatVc4,
cliez nos .'iiicêires, étaient les jours oii \ei
niarlyrés des saints étaien! aiinuelleineiit cé-
lébiés (laiis 1 Eglise, coinrne aussi les jours
où, chaque lin d'aunce, l'usage était dé prier
pour les ûiucs des parents et amis liépas-
sés. — Dans ce dernier sens, l'anniter^
saire est le jour oii , d'aniiie eu anitée, on
rappelle la mémoire d'un déunt, en priant
pour le repos de son âme. Quelques auteurs
en raiiporlenl la pi entière origine au pape
Aiiaclel, et deptiis à l-élix 1'', qui instituè-
rent di s anniversaires pour honorer avec so-
leiinilé la uiémoire des martyrs. Dans la
suile, |)lusieurs parliculirrs ordoiinèrciit par
leur lesiamiMit, à leurs héritiers, de leur
faite des anniiersaires, el laissèrent des fonds
taiil pour l'enlrclien des i glises que pour
le soulagement des pauvres , à qui l'on dis-
tribuait tous les ans , ce jour-là, de l'argent
eldes vivres. Le pain el le vin iju'ou porle
encore aujourd'hui à roflraiule dans ces <m-
niiersaires, peuvent être des Iraces de ces
disliibutioiis. Uii nomme encore les anni-
versaires obils < l services.
ANNi .NCIADE, nom comhiun à plusieurs
ordres militaires, iiisliiués pour honorer le
mystère de l'Aunouciation ou de l'Incarna-
tion.
Le premier ordre religieux de celle es-
pèce lut élaiili en 1232, par sept marchands
ilorcniins ; c'est 1 ordre des servîtes on ser-
viUurs de la Vii^rgc. l'oi/ei Servîtes. — Le
•setond fut fondé à Rourges l'un loOU, par
saiulc Jeanne de Valois, reine de France,
fille de Louis XI et femme de Louis XII, qui
lit casser stm inaiiage par le pape Alexan-
dre ^'i, du consetiiement de celte vertueuse
reine. Ces religieuses ont un hahil brun, iiit
srapulaire rouge, un manteau blanc el uti
voile noir. Leur règle est él.ihlie sur douie
articles, qui regardent douze vertus de la
saillie Vierge ; elle fui approuvée par Alex-
andre VI, Jules il, Léon X, Paul V el Gré-
goire W . Le couvent de l'opincourl à l'aris
est de cet ordre. — Le troisième, qu'on
appelle des annonciades célestes (<u fille»
bieues, lut fonde l'an ItJOi, par une pieuse
2C9
ANN
ANN
270
veuve (le Gênes, nommée Marie-Victoire
Fornaro, qni mourut eu 1017. ("ol onlre a
ét('' approuvé par le s<iin(-siép;e, et il y en a
iiueli|»es maisons en France. Leur rèsle est
beaucoup plus auslôre que celle des niinon-
ciaflis fond^'-es par ia i-eiiie Jeanne Kllcs ont
un habit blanc, un scapulaire et un man-
teau bleu; elles gardent la plus sévère clô-
ture.
Annoncude. Société fondée à Rome dans
l'E^'ise de Notre-Dame de la Afinerve, l'an
14t)0, par le cardinal .lenb de Turrecremaia,
pour marier de pauvres filles. Elle a clé
depuis érigée en nrrhiconfraleriiîté, et est
devenue si riche pai- les grandes aumônes
et legs qu'oit y a faits, que Ions les ans, le
23 de mars, fêle de l'Annoneiation de la
sainte Vierge, elle donne des d ils de soixanle
écus romains chacune a pins de quatre cents
filles, une robe de serge blanche, et un llo-
rin pour des pantoufles. Les pape< ont fait
tant d'eslime de relie œuvre de piété, (ju'ils
vont en cavalcade, accompagnés des cardi-
naux et de la noblesse de Rome, distribuer
les cédulps de ces dots à celles qui doivent
l'es recevoir. Celles qui veulent être reli-
gieuses ont le double des- autres, et sont dis-
tinguées par une ronronne di^ lleurs qu'elles
portent sur la léle. Voi/. l'abbé Piazza, Ri-
tratto di Itoma moderna.
ANNONCIATION, est la nouvelle que
l'ange Gabriel vint donner à la sainte
Vierge, qu'elle concevrait le Fils de Dieu
par l'opération du Saint-Esprit. Voij. Incaii-
NATioN. Les Grecs l'apiiellent sù«/,E).i(7po;,
bonne nouvelle, et /«(osTcrao,-, salutation.
AnnoncivtioM , est aussi le nom d'une fcle
qu'un célèbre dans l'eglisc romaine, com-
niunémeiil le 25 de mars, en mémoire de
l'incarnation du Verbe divin. Le peuple ap-
pelle celle fêle Notre-Dame de Mars, à eause
du mois où elle tombe.
Il paraît que celte fête est de très-ancienne
institution dans l'Eglise latine : parmi les
sermons de saint Augustin, (|ui mourut en
WO, nous en avons deux sur l'Annonciation,
savoir, le dix-septième et le dix-huiiièiue de
sanctis. Le Sacramenlairc du pape Gélase l''
montre que celte fête était établie a Home
avant l'an 46'J; mais l'f^L'lise grecques tbs
monuments d'an temps encore plus reculé.
Proculus, qui mourut en 'i'i6, et saint Jean
Chrysostome en 407, ont dans leurs ouvra-
ges des discours sur. le n)ême mystère, ilivet,
Peikins et quelques autres écrivains protes-
tants ont à la vérité révoqué en douli; l'au-
thenticité des doux homélies de ce dernier
Père sur ce sujet ; mais Vossius les admet,
et prouve qu'elles sont véritablemeïit de ce
saint docteur. — Ainsi, Bingham s'est trompé,
en reculant l'origine de celle fêle jusqu'au
septième siècle. Oriijin. eccli's., lora IX, I.
XX, c. 8, § 4. Il est assez probable qu'elle
fut célébrée d'abord en mémoire de l'incar-
nation du Verbe, et que l'usage d'y joindre
le nom de la sainte Vierge est plus récent.
H en est de même de la coutume de la so-
lenniser le 25 de mars. Les Grecs la font
comme nous ce jour-là ; niuis plusieurs
Eglises d'Orient l'ont placé au mois de dé-
cembre, avant la l'été de Noël. Les Syriens
l'appellenl Buscnrahe', informaiiou, et leur
caleiiilrier l'a fitée au 1" décembre. Les Ar-
uiénieiis la font le 5 janvier, alin qu'elle
n'arrive pas en carême. Selon l'ancienno
discipline, les fêles et le jeune étaient re-
gardés comme incompatibles. — Jîn Occi-
dent, même variation. L'on prétend que l'K-
clise du f'uy-en-Vélay a conservé l'usage de
célébrer cette fêle pend intla semaine sainte,
lorsqu'elle y tombe, même le vendredi saint:
celle de Alil.in et les i''glises d'Espagne la
mettent au dimanche avant Noël; mais ces
dernières la font aussi en carême. En 031],
le dixième concile de Tolèd;' ordonna que la
fête de l'Annonciation de Notre-Dame cl de
l'Incarnation du Verbe divin se célébrerait
huit jours avant Noël, parce que L' Sa de
mars, jour auquel ce mystère a été accom-
pli, arrive ordinairement en carême, (luel-
qut^Tois dans la sitmaine sainte ou pendant
la solennité de Pâijuea, temps aui|uel l'E-
glise est occupée d'autres mystères et de
céréminies dilIerenles.Saintildefon.se con-
firma ce décret, et nomma celle fête l'attente
des couches de Notri-Vimie. Elle fut encore
appelée la fêtes des 0, ou de l'O ; parce <]ue,
durant celle octave, on chante chaque jour
pour le Magnificat, une aniiennc solennelle
qui commeu' e par O, comme, 0 Rex ijen-
tium, 0 Emmanuel, eic. C'est une exclama-
lion de joie el de désir. — Dans l'Eglise de
Kome et dans celles de France, celte der-
nière fêle ne se fait point, si ce n'est dans
quei(|ues monastères d'annonciades ou d'au-
tfrcs religieuses; mais depuis le 15 déeem-
br(; jusqu'au 23, l'on cbiinte tous les jours
à Vêpres, au son des cloches, une de ces
antiennes, que le j)euple nomme les 0 de
Noël, et que les rubricaires appellent les
grandes antiennes, antipiionœ majores ; elles
expriment les diiïérenls litres sous lesquels
les prophèies ont annoncé le Messie.
Les Juil's donnent aussi le nom d'Annon-
ciation à une partie de ia cérémonie de Pâ-
ques, celle où ils exposent l'origine et l'oc-
casion de celte solennité, exposition qu'ils
appellent Zhaygada, qui signifie .^njîonc/a-
lion.
ANNOTINE, pâque annotine. C'est ainsi
qu'on .ippelait l'anniversaire du baplémei
ou la fêle qu'on célébrait tous les ans en mé-
moire de son baptême, ou, selon d'autres, le
bout de l'an dans lequel on avait été bap-
tisé Tous ceux qui avaient reçu le baptême
dans f'i mêine année s'assemb aient , dii-on,
au bout de C'tle année, et célébraient l'an-
niversaire de leur géneralion s| iriiuelle.
ANNUELLES ( olïrandes ). Ce sont celles
que faisaient ancieniieiiient les parents des
personnes décédées, le jour anniversaire do
leur mort.
On appelait ce jour xtn jour d'an, et l'on
y célétirait la messe avec une grande solen-
nité.— On iiimme encore à Paris annuel,
une fondation de messes pour tous les jouis
de l'année, à l'intention d un délunt . Fon-
der un annuel. Voy l'.incien Sacramen-
471
ANT
A NT
272
taire par Grandcoias, i" part., pag. 529.
ANOMÉKNS, ou disxemblnltles. On donna
ce nom, dans le qualrii'iiie sièclo, aux. ours
arions parce qu'ils ensiignaieiil ([uo Dieu
le Fils était dissemblable , «vofioirov, à son
Père en essence et dans tout le reste. — Us
eurent encore dilTérenls noms, tomme
aétiens, eunomiens, etc., qu'on leur donna à
cau^e d'Aétius el iriiuiiomius, leurs chefs.
Us étaient opposes aux, semi-ariins, qui
niaient, à la vérité, la tonsubslanlialilé du
Verbe avec le Père, mais qui lui allri-
buaient une ressemblance en toutes choses
avec le Père. Vi'y. AKiiiNs. Semi-Ariens. -
Ces variations firent ([ue ces liereiii]ues ne
s'allaquèrcni pas moins vivement entre i ux,
qu'ils avaient attaqué les callioli(|ues ; cir
les seini-ariens coiulamnèreut les anoiDéens
dans le concile de Séleucie, et les unoméens
à leur tour condaïunèreiil les semi-ariens
dans les conciles de Cousianliiiople et d'An-
tioche; ils effacèrent le mot i/',o'J<rn; île la
formule de Ri ■ iui et de celle d'Autinciie, eu
protestant que le Verbe avait non-seule-
ment une dillèrcnte substance, mais encore
une volonté dilTérente de celle du Père. So-
craie, liv. u; Sozoïuèue, liv. iv; Théodorct,
liv. IV.
ANOMIENS. Voy. Antinomiens.
ANSElMK (saint), archeicque de Canlor-
béry, mort l'an 1109, est compté parmi les
dodeurs de l'E^'lise. Il a laissé plusieurs ou-
vrages de théolo^;ie et de piété, dont le Père
Gerberon, bénédictin, H donné une bonne
édition in-folio. Ce saint a été plus instruit
et meilleur écrivain que son sièi le ne sem-
blait le comportei'. Moslieim convient qu'il
excella dans la dialerlique, la métaphysique
et la théologie naturelle ; qu'il est l'auteur de
l'argument dont on a faussement attribué
l'invenlioii à Descartes, c'esl-à-ilire de la de-
ûionstralinn de l'existence de Dieu , tirée de
l'idée innée qu'ont tous les hommes d'un être
infiniment parfait. Il ajoute que ce saint ar-
chevétiue el Lanfranc, son prédécesseur et
son maître, sont les vrais fondateurs de la
Ihéolugie scolastiqiie, mais ((u'ils la traitè-
rent avec plus de sagesse, de discernement
et de solidité i\ue leurs successeurs. Il dit
enlin ((ue sninC Anselme l'ut le meilleur mo-
raliste de son teinp-, ; qu'il est le premier qui
ait donné un système général ou un corps
complet de théologie , m,iis (jue cet ouvia;,'e
fut surpassé par celui que compos i sur la t.n
de ce même siècle Hildebert, archevé()ue de
'l'ours. Uisl. e, clés, du \i' siècle, n' pcirt. ,
c. 1, § 7 ; c. 3, § .) el G. Cri éloge est conlirmé
par le suffiage du traducteur .inglais de -.los-
iieiiii, et par Hrucker, llist. de lu Philos. ,
tom. 111, p. ()G'i. Il n'est pas ordinaire aux
protestants de parler si av<iiitageuseuient des
Pères de l'I'igli e. Il y a une bonne notice
dei ouvrages de sanU Anselme ilans les V les
des Pires el des m n ti/is, loin. 111, p. lu'.i.
AN IIÎCKDIÎN r. Ce terme est usité en tliéo-
loi;ie, où l'on dit, en j),irl,int de Dieu , divrct
antécédent , volonté antécéleHle. — Un lie-
cret antécédent est celui qui précède, ou un
autre decrd» ou quelque action de la créa-
ture, on la prévision même de cette action-.
Les théologiens sont fort part;igés pour sa-
voir si la prédesiinalion à la gloire est un
décret antécédent ou subséquent à la prévi-
sion de la foi el des mérites de ceux (jui soûl
appelés ; c'est une opinion qu'on agite libre-
ment pour el contre dans les écoles catholi-
ques, et toutes deux sont fondées sur des
autorites et des raisons très-fortes. Voy. Pré-
destination.
\'olonlé antécédente, dans un sens général,
est celle (jui | récède quelque autre volonté,
désir ou prévision. On dit qu'il y a en Dieu
une volonté antécédente de sauver tous les
hommes ; mais, conséquemment à la prévi-
sion des crimes de plusieurs , il ne veut plus
les s;iuver, mais les damner. — On dispute
beaucoup dans les écoles sur la nature de
cette vtdonté : les uns prétendent que ce
n'est iju'une volonté de signe , une volonté
métaphorique, ineflicace, un simple désir qui
n'a jamais d'efl'et ; les antres, mieux fondés,
soutiennent que c'est une volonté de bon
plai ir, volonté sincère el réelle, qui n'est
privée de son derriier effet que par la faute
des hommes, qui n'usent pas, ou qui usent
mal des moyens que Dieu leur accorde pour
opérer leur salut. Cette volonté est donc prou-
vée par son eflèi immédiat, qui est d'accor-
der (les grâees. Voy. tîRACE, § 3 ; Salut. —
U est lion de remarquer (lue ce terme antécé-
dent n'est appliqué à Dieu que relativement
à notre manière de conce\oir. En effet, Dieu
voit et pr.voit eu même temps el sans diver-
sité dans la manière, tant l'objet de sa pré-
vision, que les circonslaoces inséparables de
cet objcl : do même il veut en même temps
tout ce qu'il veut, sans succession el sans in-
tonsiaiice : ce (lui n'empcehe pas que Dieu
ne puisse vouloir ceci à l'occasion de cela,
ou qu'il ne puisse a\oir un désir à cause de
telle prévision. C'est ce que les tiiéologiens
appellent ordre ou priorité de nature, piio-
7-ilas tiatura-, par opposition à l'ordre ou à la
priorité du temps, prioritas lem/joris.
ANTECIIKIST. Ce terme est formé de la
préposition grecque ù-jti, conlra, et de \pm!i(,
Christiis. U signi:ie en général un ennemi de
Jésus-Clirist, un homme ()ui nie que Jésus-
Christ soit venu, et qu'il soit le .Messie pro-
mis. C'est la notion qu'en donne l'apôlre
siiiiit Ji an diius sa preiniire Epine, c. 2. En
ce sens, on peut dire des Juifs el des infidèles
qu(! ce sont des untccinisis. - Par Anle-
cli7-ist, on entend plus ordinairement uii ty-
ran impie et cruel à l'excès, qui doit régner
sur 11 terre lorscjuc le monde touchera a sa
lin. Les persécutions qu'il exercera contre
les élus, seront la dernière et la plus teri i-
ble épreuve qu'ils auront à subir. Selon l'o-
pinion <lo plusieurs comment. ileurs , Jésus-
Christ même a prédit que les élus y auraient
succombé, si le tem|)S n'en eût elé abrège en
leur faveur : c'e t par ce lleau que Dieu an-
noncera le jugement dernier et la venge. luce
qu'il doit (.rendre des iliéchants. - L'Ecri-
ture et les Pires parlent de Wintechnst
cuinnie d'un seul homme, auquel , à la vé-
rité, ils duuueut uu grand mu., n.e (la precur*
273
ANT
ANT
274
seurs. Suivant snint Irenéfi, saint Ambroise,
saint Aiigusiin et presque tous les auircs Pè-
res, {'Antéchrist doit élre, non un homme en-
genilré par un demoii , coniine l'a [irélendu
sailli Jérôme, ni un démon revélii d'une ihair
aiiparenti' cl fanlasli<i:ie , moins encore un
ùénion incarné, comiiie l'ont imaj^iné d'au -
Ires ; mais un lioinme de la même nature et
conçu par la même voie que lous les autres,
([ui ne différera d'eux que par une malice et
une impiété plus dignes d'un déiiioii(|ue d'un
homme, tloiiimu les traits du lalileau (|u'ils
ont tracé ne sont que des conjectures cl n'ont
aucun fondement solide, il est assez inutile
de nous y arrêter.
On sait (pie plusieurs écrivains protes-
tants ont trouvé bon d'appliquer au [jape et
à l'Kglise romaine tout ce que ri<>,riinre, et
surtout l'Apocai^ pse, dit de l'/iîi^ec/ir/sf. L'ab-
surdité de celte idée n'a pas empêché que les
protestants du dernier siècle ne l'aient adop-
tée comme un article de foi d.ins leur dix.-
.septiènie SNiiode national, tenu à Ga|) en
I()03. Ils afi'eclèrent même de publier ([ue
Clément Vlll,qui décéda quelque temps a près,
elail mort de cliagriii de celte décision; mais
ce pontife, aussi bien que le roi Henri IV,
(ju'ils avaient déclaré en plein synode race
de r Antéchrist , n'opposèrent cà leurs oxcès
que la moderalioii, le mépris et le silence. —
Quoique le savîinl Grotius et le docteur Ham-
niond se fussent aitachi's a détruire ces rê-
veries, on a vu, sur la fin du siècle dernier,
Joseph iMède en Angleterre, il le ministre
Jurieu en Hollande , les présenter sous une
nouvelle lorine, qui ne les a pas accréiiilées
davaniajie. Les calholi(jues ont démontré le
fanatisme des explications de l'Apocalypse,
par lesquelles ces écrivains s'elïorçaient de
montrer que ['Antéchrist devait paraître et
sortir de l'ivglise romaine vers l'an 17iO. On
peut consulter sur cette matière l'Jlist. des
Vfiriations , p;ir IJossuet, loin, il, liv. xiii ,
depuis l'art. 2 jusqu'à la lin du même livre. —
11 est fâi hou\ que celle idée bizarre des pro-
testants ait élé consacrée a Genève par une
iuscriptionqui faii pitiéaus voyageurs sensés.
Pour en pallier l'absurdité, queljues pro-
testants uetdil que, quand ils soutiennent
que le pape est \' Antéchrist , ils n'entendent
point parler de sa personne, n/iiis de son
aulorilé; que cela signilie seulement que sa
dominalioii est un régne antichrelien , ou
contraire à resjirit du cliristianisme. Mais
ont-ils prévu les conséquences de celte pré-
tention Diêine ? Jésus-Christ avait promis à
son Eglise qu'il s"rait avec elle jusqu'à la
consuiiimalion des siècles, et que les portes
de l'enfer ne prévaudraienl point contre eile;
il a si mal tenu sa parole, que pendant plus
de mille ans, selon le calcul des protestants
mêmes, celte Eglise a reconnu pour son pas-
teur légitime et pour vicaire de Jésus-Christ
uu personnage anti-chrétien, et lui a con-
stamment attribué une autorité anti-chré-
licnne : ainsi, le rovau'ue de Jésus-Christ est
devenu un royaume anti-chrétien. Autant
vaudrait dire qu'il n'y a pas eu de vrai chris-
tianisme sur la terre depuis le v* siècle
jnsqu au xvr , et que l'antichristianisnie
en avait pris la plaie. Il l'audrait niênie sup-
poser (jue cet aiitirliristianisiiie a com-
mencé iuimédialemenl après la mort des apô-
tres, si le portrait (|ue les protestants ont fait
des pasteurs de l'Eglise dans Ions les siècles
était vrai; il nous piraîl i|ue de toutes les
opinions, il n'y en a point de plus anlichré-
tienne que celle-l.ï.
On Ironie parmi les écrits de Raban-^Iaur,
d'abord abbe de Fulde, puis archevêque de
l\Iayenci', auteur fort célèbre du i\' siècle,
UM traité sur ia vie et les mœur» de VAnte-
christ. Nous n'en citerons qu'un endroil sin-
gulier; c'est celui où l'aiiteiir, après avoir
prouvé par saint l'aul (juc la ruine totale de
l'empire romain, qu'il suppose être celui
d'Allemagne, précédera la venue de VAnte-
christ, conclut de la socle : « Ce terme fatal
pour l'eintire romain n'est pas encore ar-
rivé. 11 est vrai que nous le voyons aujour-
d'hui extrêmement diminué , et pour ainsi
dire détruit dans sa plus grande étendue;
mais il est certain que son <'cl.il ne sera ja-
mais entièrement éclipsé ; parce que, tandis
que les rois de France, qui en doivent occu-
per le trône, subsisteront, ils en seront tou-
jours le frnie appui. (Quelques-uns de nos
docieurs assurent que ce sera un roi de
France qui, à la fin du monde, dominera sur
tout l'empire romain » — 11 ne paraît pas
que nos rois aient jamais compté beaucoup
sur celle prédiction.
Malveniia, lh''ologien espagnol, a donné
un long et sivanl ouvrage sur VAnteclirist.
Son traité est diviséen treize livres. Il expose
dans le premier les diff renli s opinions des
Pères louchant l'Antéchrist. Il délerinine,
dans le second, le temps auiiucl il doit paraî-
tre, et prouve que tous ceux qui ont assuré
([ue la venue de ['Antéchrist était [iroclie ont
supposé en même temps que la lia du monde
n'et.iit pas éloignée. Le troisième esi une dis-
sertation sur l'origine de lAnlechrisl . cl sur
la nation dont il doit être. L'auteur prétend
qu'il sera Juif el de la tribu de Uan , et il se
fonile sur l'autorité des Pèr'es et sur le ver-
set 17 du cbap. XLix de la Genèse, où Jacob
mourant dit à ses fils : Dan est an serpent
dans le chemin, et un céra^l" dans le sentier;
et sur le cliap. viii, verset IG d:' Jérémie, où il
est dit que les a'inées de Dan dévoreront la
terre ; et encore sur le chap. vu de ['Apoca-
lypse, où saint Jean a omis la tribu de Dan,
dans l'énumération qu'il fiit des autres tri-
bus. Il traite, dans le quatrième el le cin-
quième, des caraclères de ['Antéchrist. H
parle dans le sixième de son règne et de ses
gue: res ; dans le septième, de ses vices ; dans
le huitième , de sa doctrine et de ses mira-
cles ; dans le neuvième, de ses persécutions ;
el dans le reste de l'ouvrage, de la venue
d'Enoch et d'Elie, de la conversion des Juifs,
du règne de Jesus-Chrisl et de la mort de
l'Antéchrist, qui arrivera après un rè^ne de
trois ans et demi. Il ne manque à toutes ces
belles choses qu" des preuves et du bon sens.
Ceux qui voudront prendre la peine de lire
la longue dissertation sur V Antéchrist^ que
S?j
ANT
ANT
27C
l'on a placée dans 1 > Bible d'A>'ig»o>i, t. XVI,
oa^c- SS. "'pu seront pas plus insîniils.
S>'U nous est permis d'en dire notre ayi? ,
Dons pensons que c'est une mauvaise ma-
nière d'expliquer l'Ecriiiire sainte, que de
rapprocher l'une de l'antre des prédictions
qui ont un objet tout différent, de prendre à
la leilre des expressions qui sont évidem-
ment (iffurées et hyperboliques, de supposer
au contraire des figures où il n'y en a point,
et où l'on trouve un sen^ littéral très-clair et
très-simple. Il n'est pas sûr que Malachie, en
annonçant le retour d'Elie, ail voulu parler
de cet ancien prophète, puisque Jésus-Christ
a fait à saint Jean-Raplis'e T.ipp ication de
celte prédietion. Voy. L'lïk. Jl n'v-t pas cer-
tain que Jé*us-Christ Jui-même ait prédii la
(in du monde, puisque tout ce qu'il dit peut
s'entendre de la ruine de Jérusalem et de la
fin de 1.1 république' juive ; plusieurs interprè-
tes catholiques l'ont ainsi entendu. Voy. Fin
DU :,ioNDE. Il est fort doulcnx si, dans la se-
conde Epîlre aux Tiiessaloniciens, saint P.'ul,
par l'homme (h pifilié, a voulu dé-i;;ner VAii-
Icrlirist, ou un des p'Mséculeurs qui avaient
entrepris la ruine du chrislianlsme. Nous n'ai-
Aons aucune preuve jcerlaine que saint Jean,
par i'^lîitef/irisï, ait entendu un seul homme,
[Uiisqu'il dit qu'il y a eu plusieurs an(e-
clirhts, etc. Enfin, l'on ne peut pas prouver
qu'il est question dé ce personnage dans l'A-
poraiypse. Que peut-il donc résulter de Iq
conipaKiison de quatre ou cinq luophéiies
doiit le sens n'est pas clair, sur l'explication
desquelles les inlérprcles ne spnt point d'ac-
cora, et qui peut-être n'ont avicuu rapporf.
entre elles ? Noire religion ii'a pus besoin d^
conjectures, de vains systèmes, de Dgurisipe
arbitraire, pour se ^oulcuij' ; la f^ippr de lui
donner de pareils appuis ne peut que lui
nuire et dounej- prise ^ çe^ pnqeipis. } oy. Fi:
GURISMIÎ.
ANTEDILUVIENS . tiqmiT^e? (\\\i Qut vpcu
avant le déluge. L'Ecrilùrp noiiis le^ repré-
seule comme une race (j'irapicj et d'hommes
pervers ; elle dit (]ue leur maiicp c'ait ex-
trême, et toutes leurs pensées tpdrnétss M'* s
l(! mal, que toute chair avait cfircpiupu s.j
voie. Dieu dit, ajoute la Vulgale, Mon çsprii
ne deineurira point avec l'hofnme pour tou-
jours, parce qu'il cft charnel ; jij ne If laisserai
plus vivre que cent v^nut n^s {(jm. \i, 3).
A ce sujet, saint Jérôme fait une ob^ervaiion
remarquablp : « Il y a, sel(|i| i'hcbreu , mon
esprit ne ivgera pas ces hommes pour l'éternité,
parce qu'ils sont de chair; c'est-à-dire, je ne
les réservprai pas à 'ies chàtimenis élei itels,
parce que la uatufi; di; 1 homme est fragile;
mais je leur repdiai r(; qu'ils nu'riteut. Ainsi
ce ver^plii'cxpfime p()i!|l U sjivéfilé de Dieu,
coniq^ç (|ijn? uoi yersipus ; (uais sa clémence,
lorsque Ip pécheur est puni eu ce monde
pour. 5t',s trjun;^. » [In (Jeu. G.) Eu elTel, le
texte Oç^i.ifpu pi le fiaiu.||ilaiit portent lilléra-
lenipnt le sen;; qq'y a vu 6;\iut Jérùuie. De là
les t'èrc<v p,j>t <o||p(n que p;\r le déluge Dieu
a puni Iç,;^ jj(jçhi.'urs çn ce uiqikîc , pour leur
faire niisécipprde qn l'autre. Oripèue, Nom.
in Ezçch,, \), 2. Torlull., L. de Jiapl., c. 8.
Saiut Je^n CJ)rysostonie,jH Ps. ex, n.3. Saint
Jérôme, Epist. nd Oceni. , tom. IV, i:" partie,
pag. C50. Saint Augustin, in l's. LviM,sfrm.2,
n. 6; serm. 171, de Verbis Apost., n. 5, etc.
Ils ont présumé que, comme le délu;;e n'ar-
riva pas tout à coup et ilans un seul instant,
mais peu à peu, les pér heurs eurent le temps
de demander pardon à Dieu, et que le Sei-
gneur se servit de la crainte de la mort pour
leur inspirer le repentir.
ANTHOLOtlE, du grec ùvOo\o-/!.r>v, que nous
rendrions en latin par fl irtliyium, recueil de
fleurs. — C'est un recueiidesprincipauxoffices
qui seul en usage dans l'Ejilise grec(iue.. U «-eu-
ferme les olfices propres de» fêtes de Jésus-
Christ , de la sainte Vierge et de quelques
saints ; de plus, des offices pour les prophè-
tes, les apôtres, l<s martyrs, les coulesseurs,
les vierges, etc. Léon Allatius, dans sa pre-
njière Dissertation sur ies livres ecclrsiasliiiues
des Grecs, et! parle, mais avec peu d'éloge.
Ce u'iiail d'abord qu'un livret, que l'avidité
ou la fantaisie de ceux qui l'uni augmenté,
a bcaMCOup grossi ; mais qui, à qnel.']ues
nouveautés près, ne contient rien qui i^o so
trcuve dans les menées et dans les autres !i-
vrrs ecclésiastiques des Crées. — Outre cet
antlioloye, qui esta l'usage des Eglises grec-
que , Antoine Areudius eu a publié un nou-
veau sous le titre de nouvel Antholoye ou
riorilçfie, imprimé à Uo:ne en 1598 : c'est
U!j abrégé du i-remier, une espèce de bré-
viaire raccourci et commode dans les voya-
ges pour les piètres elles moines grecs , qui
no peuvenî porter le j)remicr, à cause de son
exircjue gros eur ; mais il est encore moins
que celui-ci du goût d'Allalius, (jui aecuse
i'abbrévialeur île plusieurs altéralions et in-
fidélités considérables. Allât., de lihr. lîccl.
Grœc. R.; Simon, Suppi. aux ccrém. des Juifs,
ANJHlVOPOLOtUE, mot formé du grec
â.6/5W7roc, homme, "koyo;, parole ; c'est une ma-
nière de s'exprimer per I .quelle les écri-
vains sacrés aliribuent à Dieu des membres,
de-t actions ou des alTcctiuus qui ne ronven-
nciit qu'if l'honime : et cela pour s'accom-
moder à la fajbU-sse de noire intelligence.
AinM il est dit dans l.i Genèse que Dieu
march.iil 'tans le paradis terrestre, qu'il ap-
pela Adaiii , qu'il se repenlit d'avoir fait
i'hoiiimc ; dans les psaumes, que les cieux
sont rouvrau;e des mains de Dieu, que ses
yeux .sont ouverts et veillent sur l'indi-
gent, etc.
^■aiuement Ie<î manichéens se sont scanda-
lisés autrefois de ces expressions, et ont ac-
cusé d erreur les écri\aiiis de l'ancien Testa-
nieiil ; plus vainemeal encore, d'autres liére-
li(iucs lo> ont pri.ses à la lettre, et en ont
conclu que Dieu a une forme humaine. L'E-
criture nous enseigne assez cliiremeut que
Dieu est un é;re purement spirituel, simple,
sans coniposilion et sans parties. Mais iionr
faire coiniirendre aux hommes les opéra-
tions de Dieu, il a fallu se servir du langage
humain, et ce lan;.;agenc peut fournir, po>i;*
exprimer h'S aclimis do l):eu, tl'anires 1er-
mes que ceux qui désignent les actions des
liuuimes. Ces tenues, à l'égard de Dieu, sont
Ainsi, par analogie, ios yeux de Dieu sont grossièrenienl entendus. Cependaiil 1rs pro-
testants Veulent que les h:)iiimes les plus
igDorants lisent l'Ecrllure sainte.
277 A NT A.NT 278
des métaphore? qui nous apprennent seule- pas Dieu le Père, mais son Fils, qui , en prc-
nienl que Dieu a^^it, produil, par un siinplp nanl une fi'^ure huumiiie, préludait, pour
acte de sa volpnlé , les nicines effets que s'il .'linsi dire, à rinoarnalioi). Aih. Marcion.,
avait des pieds , des raains , des yeux, etc. 1- n. c. 27. Il était donc bien persuadé que
Nous touillons dins le même inconvénient à Dieu n'a point de corps,
l'égard des opéralions de noire àuie. Comme Moshcim rapporte qu'qu x' siècle cette
les organes du corps sont les insttunients erreur l'ut reniiuvelée en Italie par des gens
par lesquels npus exerçons nos facult s spi- du commun, et même par des ecclésiastiques,
rituelles, il esl naturel d'exprimer celles-ci et qu'ils j furent induits par l'iiabilude de voir
par les fonctions corporelles. Nous disons des images dans lis églises. Quand cela se-
d'un homme de génie que c'est une bonne rait, il ne s'ensuivrait rien contre le culte
télé, d'un esprit pénétrant qu'il a de bons des images : |es anlhropomorplntes iia qua-
yeux , d'un homme puissant qu'il a le bras trième siècle avaient été induits en erreur
long, etc. Ce langage ne (rompe personne, par [jlusieui:} passages? de rKcrilure sainte
Ainsi, par analogie, les yeux de Dieu sont
la connaiss'ince qu'il a de toutes chi>ses; sa
main, son br.is est sj\ puissance ; sa bouche,
sa parole, sont les signes qu'il donne de sa Aujourd'hui, parmi lesincredulfsmodernes,
volonté, etc. Le psalmisle dit que les cieux les uns accusent A'unUiropomorpliisme tous
sont l'ouvrage des doigts de Dieu , afin de ceux qui admettent un Dieu, parce (|ue nous
nous faire comprendre (lue Dieu les a faits ne pouvons pensera Dieu sans nous en for-
sans y employer toutes ses forces , mais avec mer une image. Mais cette illusion de l'imi-
autanl de facilité que ce que nous faisons du ginalion ne jjrouve rien, dès que nous fai-
bout des doigts. Koyej les deux arlicles sui- sons profession de croire (][ie Dieu est \in
vants. pur esprit. Toutes les fois que nous enten-
ANTHUOPOMORPHjS.ME , ANÏHROPO- dons nommer un ol.jet que nous n'avons j^-
MORPriri'liS, ternie formp(|'«vOy5W7roj //bm??ip, mais vu, nous nous en form'us une iinagc ,
et de fio/s>ii forme. L'aiUliropoinorphisme est et cette imape est toujouis très-différente de
l'erreur de ceux qui attribuent à Dieu une l'e qu'est l'objet en lui-même : il iv s'ensuit
figure humaine, un corps humain. D'anciens rien. — D'autres reprochent aux théologiiMis
hérétiques prirent à la lettre les antliropo- Vanlltropomorphisma spirituel , c'v^l-à-iVire,
logies de ri'lcriiure, et ce qu'elle nous dit que d'atliibucr à Dieu toutes les (jualilcs humai-
Dieu a fait l'homme à son image et à sa res- nés, l'enlenderpent, |a volonté , la science,
scmblancc. Ils en conclurent que Dieu a la sagesse, etc. De ce langage, disenl-ils, il
rcellemeni des pieds , dis mains, dos veux s'ensuit que Dieu est de même nature que
et un corps comme le nôtre; quêtes patriar- nous, un homme comme nous, quoique plus
(lies avaient vu Dieu , non sous une figure p.irl.iil peul-éire que nous. (Juand cela sc-
empruntée, mais dans sa propre substance «ait vrai , faudrait-il embr;isser l'athéisme ,
divine. Ils nommaient origénistcs ceux qui parce qi4e nous ne pouvons avoir de Dieu
leur soud'naicnt que Dieu est un être pure- des idées dignes de sa grandeur et ùi} ses per-
menl spirituel : ils allégorisenl, dis.iienlils, feclions inlinies?ou faul-il nous abstenir de
commeOrigène, les paroles de rKcnlure (|ui penser à Dieu et d'en parler , parce que le
prouvent que Dieu a un corps coinniè nous, langage humain n'est pas assez parfait? .Mais
Saint Epiphane appelle les anlltropomor- le re|iro(he des athi'cs est mal fotuie. Nous
philts, aiulieiis, d'un c.rtain Auditif, que l'on croyons et nous déclaroiis qu'en Dieu Ipiile
croit avoir clé leur chef, et qui a vécu dans pcriecliou est infinie , exem()te de tous les
la Mésopotamie ; il était à peu près coiilern- défauts de l'homme , mais que notre esprit
porain d'A;ius; saint Augustin les nomme borné iii' peut rien concevoir d'inlini : il n'y
tudteiis, vadiani. a donc là aucun danger d'erreur. Vou. Xr-
iMosheim, qui croit, sur des preuves assez tkiiuts, et l'arlicle suivant,
légères, que \'(mlliropumorphifme était une .VNTllUOl'OPATHll!!, figure, expression,
(erreur 1res -commune dans L's premiers discours par lesquels on attribue'à Dieu les
siècles de l'Eglise, non-seulement parnii les pas>ionsbuniaines, coinmel'amour, la liaine,
fidèles, mais parmi les évéquis, avoue néan- fa Jalou.sie, etc. Ce n'est pas la même chose
moins que ceux qui le soutenaient n'aliri- quanlhropulogie : celle-ci a lieu lorsqu'on
buaient pas à Dieu un corps grossier et chsr- attribue à Dieu quelque chose (jue ce soit
nel, mais un corps sulitil el délié, sembl::ble qqi convient à l'homme, comme des mem-
à la lumière, organisi' comme le corps bu- bres, etc. .4nf/(ro/)o/j«;/tie nese dit que quand
main, non par nécessité, niais pour l'orne- on lui prèle des '.passions ou des alTeciions
nient el pour se rendfc visible an^ bien- humaines. — Puisque Dieu est immuable et
heureux. souierainement parlait , il esl évident qu'on
Tertullicn semble être tombé dans l'n/U/i/'o- ne peut lui atlribucr dps passions, non plus
pomorphisme ; mais on peut aisémenl l'en qup des membres corporels, sinon dans un
disculper, puisqu'il a dcnmniré, contre Her- sens métaphorique. On dit que Dieu est ir-
mogène, que Dieu est créateur de la maiière; rite, lorsi|u'il punit ; qu'il \\;\\[ les iin|iies, par
il aurait donc fallu que Dieu créât son propre la même raison qu'il est jaloux de son cuite,
corps, absurdiii' qui n'e^i j .mais venue dans parce qu'il défend ue le rendre à d'autres
respritdeTerluUien.Cerèrepensequcquand i^u'à l".i , elc. Yoy.Glassii Philotog. Sucra,
Dieu est apparu aux patriarches, ce n'élaiit col. ia30 et suiv. — Tertullien disait aux
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iiiarcionilps, qui se scandalisaient oe ces ex-
pressions de l'Ecrilure sainte : «Je vous ré-
pète que lijeu n'a pu converser ;ivpc les hom-
mes à moins qu'il ne d.iignât parler comme
eux, s'atlriliuer leurs sentiments et leurs af-
fections. Il fillail ce langag;e humain pour
mettre à portée do notre faiblesse les gran-
deurs de la niajeslé suprême. Si cela paraît
indigne de Dieu, cela rst nécessaire à l'hom-
me : or, rien n'est plus digne de Dieu que
l'instruction et le .salut de ses créatur^'s. »
Adv. Marcion., 1. ii, c. 27; Origène, contre
Celse, I. IV, n. 71 et s.; saint Cyrille, contre
Julien, I. v, p. 151-131, répondent do même.
ANTHROPOPHAGES, peuples qui man-
gent de 1.1 chair humaine ; leur nom vient
d'a-jBpano; homme, et de çayEfv manger. Avant
que les hommes, devenus sauvages, eussent
été aitouci^ par la culture des aris el civili-
sés par des lois, il paraît que la plupart des
peuples mangeaient de la ihair humaine :
les sauvages en mangent encore ; les (îrecs
el les Homiii.s allnbuaient à Orphée la ré-
forme de cet horrible usage. Croirait-on qu'il
a plu à un philosophe de notre siècle d'ac-
cuser les Juifs d'avoir élé anlliropophnf/cs ?
Nous lisons dans Ezéchiel, c. xxxi et suiv. :
Dites aux oiseanx du ciel el aux bdes de la
Cdmpnijne : V cnez, accourez ù la victime que
je vais itnmoirr sur les montagnes d'Is)ab'l,
pour vous en faire mnvger la chair et boire le
sang. Vous iiiaugerez la chair des gunricrs ,
vous boirez le sang des grands de la terre, des
béliers el des tnurcuux, etc. Selon le philo-
sophe iio;;t nous [lai Ions, les oiseaux du ciel
et les bêles de la campagne sont les Juifs —
Nous ne relèverions pas cette ineptie, si nous
ne savions jusqu'à <iiiel point les disciples
des iihilc)so|ilies (lortei'l l'incicdulité.
ANTIADIAPHOIIISTKS, c'est à-dire, op-
poses ;iux adiaphoristes ou indifférenls. Voy.
AniAPnoiusTF>. - Dai.s le xvi' siècle, ce nom
fut donne à une secte de luthériens rigides,
qui refusaient de reconnaîire la juridiction
des évêques, et improuvaienl plusieurs cé-
rémonies de l'Egli-e observées parles luthé-
riens mitigés, y 01/. Li THÉHiKNs.
AMIDICOMAIUAMTES, anciens héréti-
ques qui oui prétendu ()ue 1^ sainte V^ierge
n'avait pas continué de vivre dans l'état de
virginité; mais qu'elle avait eu plusieurs en-
fants de .(oseph , son époux, après la nais-
sance de Jésus -Ch:isl. Voy. Viebge. — On
les appelle aussi untidicomarit/s, el quelque-
fois aiilininrinnites et untimarien^. Leuro[)i-
nion était fondée sur des passages de l'Ecri-
ture, où Jésus fait mention di' ses frères et
de ses sœurs, et sur un passige de saint
Malliiieu, où il est dit (|ne Ji)sepli ne coiniut
point M irie juscju'à ce qu'elle eût mis au
inonde notre Sauveur. Mais on sait que
chez, les Hébreux les frères et les sœurs si-
gnifient souvent les cousins et les cousines.
— Les aiitidiromarinnilrs éiaient des secta-
teurs i\' Hehidiiis et île Joriitien, (]ui paru-
rent à Home sur la lin du (luairième siècle.
Ils furent réfutés par saint Jérôme.
' ANTICONCOIIDATAIUKS.— L'I-glisede Fr.ince
avilit eu liurriblcnienl ii sonlTrir du lu révolution de
89, lorsque le pape Pie VII roncliil avec le jiremicr
consul le Coneordal tin l.S. juillet 1801. Les évê(|ues
de France éuiient ninrts on dispiTsés; les églises
privées de pnsleurs, étaient dans une espèce de veu-
vage. Il falliill, pour guérir un si gnnid irial, empliiyer
nn remède énergiiiiie. Pie VU ré.-olut de délmire
tous les sièges et d'en ét:\lilir de nouveaux. Un pa-
reil acte de suprême autorité ne s'était pas encore
vu dans l'Église, Le saint-|ère voulut d'abord re-
courir a la voie de la coneiliaiion. Il demanda à tous
les évêipies la iléniission de leurs sièges. Qualre-vliigl-
uii évéïpies existaient encore : (|uar:iiite-cinq aeeé.dè-
rent au désir du pontife ; Irenie-six s'y refusèrent,
alléguant pour niolif qu'ils n'avaient pas élé consultés
dans les nouveaux arrangements du pape avec le
premier consul. < Mais, eomuie l'observe M. l'iiol,
la proposition de consuller et d'entendre tous les
évêques éiait-eile d'une exécution facile dans un
temps de révolutions el d'iiieertiludes, qui n'olfrait
pas assez de tranquillilé pour la réunion d'iiii eonci-
le ? tt le besoin urgent d'éleindre un long schisme
et de faire cesser une per-éeulion déclarée ; la né-
cessité de rilever la religion de ses ruines, el de lu
rappeler dans le cœur des lideles, qui l'oubliaient de
plus en plus au milieu des orages et des entraves où
elle gémissait depuis plus de div ans, n'autorlsaleiil-
ils pas le pape à s'écarter des règles oïdiuairi s et à
dépiciyer un pouvoir proportionne à lu grandeur des
niauv de l'tglise ? i
Le pape ne tint compte de ce refus, et le 20 no-
vembre il rendit la bulle Qui Chrisli Domini, qui di-
visait la Fr.ince (qui compienait alois la Belgique et
la Savoie) en soixante diocèses, dont dix iiiéiro|ioles
et ciiKpianie évècliés. Par la bu le Quouiam favente.
Pie VU délégua au cardinal Caprara le pouvoir d'Iii-
stiluer de nouveaux évéques.Les évèques qui avaient
refusé leur démission lédigérent une proleslaliun con-
tre te qui veiiaii de se faire. File poriaii sur quatre
)ioints : — sur le Concurdai, — sur la reconMai>ance
du go ivern ■ment républicain par le pape, au détri-
ment du roi légiliiiie , — sur raliénation des biens
du cleigé , — et sur les articles organiques. Celle
prolestaiioii lut signée noii-senlemeiil par les treale-
b\\ évèipies, mais encore par M.M. j>e la Cliambre el
de La loiir, (|ui avaient envoyé leur démission.
Pie VU vint sacrer Mapoléon ; il exigea des évèques
un acte d'adhésion à loiilcs les in''suies prises par lui
relalivemeiil aux allaires ecclésiasiiques de France.
Tous souscrivirent. Ils avaient déj.i délégué leurs
pouvoirs aux évè<pics nommés aliii que leurs actes
ne lussent pas frappés de nulliié. Après la ciniie de
Nap(jiéuii, Louis XVIIl demanda aux opposants qui
avaient jusqu'alors persisté dans leur relus, de don-
ner ciilin leur démission. Pour ne pas conlrister le
cwiir de ce bon roi qu'ils aiinaent, ils remirent leur
déinissiua entre ses mains. Celte délni^siull était con-
çue en termes qui étaient loin d'itre flalleiirs pour le
pape. Une lettre écrite à Pie VII le ii août ISIC par
M. de Pcrigord et six autres évèques, lut rejelée par
lu cour de Home. Enfin, le 8 novembie, ils souscri-
virent un acie d'obéissance sans aucune réserve. Un
seul évcrpie, M. de riiémioes, persista dans ion refus.
Il «(Tivll à Louis XVIIl, qui avait parlé de mn sacre
dans un discnui S d'ouverture des Cb imbrcs : i Le siè-
ci'i est trop usé pour ne lui donner qu'une cérémonie
et nn spectacle sans préliminaire cl sans suite. Le
Uieii de Cluvis, de Cliarlemagae el de saint Louis e>\
li: Dieu de saint Iteioi, de uns les apôtres des (!au
les et de leurs biiccesseurs lé;;ilimes. Aussi, le grand
saint dit au bapléui<' de Clovis : liiisscz la léti-, liei
tsicambre; adorez ce que vous avez brillé, el brûle/
ce que vous avez adoré. Il faut ipie sauii Louis puis-
se dire il V. M. des paroles bien plus glorieuses :
Levez la léte, fils de saiiii Louis ; vous avez relevé
ce qui était aliatiu, et vous avez aba:lu ce ipii s'était
élevé. Sans cela, sire, le Dieu de saint Ueiiii, des
apôtres des Gaules et de leurs successeurs légiiimes.
2«1
ANT
ANT
282
le Dieu de Clovis, de Cliarloinagiie et de saini Louis,
ne sera poinl à votre sacre. » M. de Tliémiues fui
alors le chel' de la Peiite-Kglise, et ne se soumit
r)iren 18-29.
Environ quatre cents prêtres demeurèrent alla-
eliés aux opposant''. INous consacrons à leur schisme
un article |iarlicnlier sous le noui d'IicL.SE (Petite-).
ANTllilSNE, en latin antiphona, du grec
àvTt, contre , et f-.iv/j , voix, chant. — Les an-
tiennes onl été ainsi noiuDU'c s , parce que
dans rori|;inc on les clianlail à deux chœurs,
qui se repondaieiil allcrnalivcinent ; et l'on
toinpienail sous ce liire les hymnes et les
psaumes que l'on chantait dans l'Ei^lise.
Saini Ignace, disciple dos aprtires, a éié, se-
lon Socrate , l'auteur de celle manière de
chanter parmi les (îrecs, et s.iint Anibroise
l'a ioiroduile chez les Latins. Théodore en
attribue l'origine à Diodore et à Flavien.
(Juoi qu'il en soit, on comprenait sous ce ti-
tre tout ce qui se chantait par deux chœurs
dans l'Kglise alternaliv. nient. ,\ujourd'hui
la significalion de ce terme est nslreinie à
certains passages courts (ires de llîcrilure,
((ui cinvientieul au mjslère,à la vie ou à la
dignité du saint dont on célèbre la fêle , et
qui, soit dans léchant, soit dans la récita-
lion de l'olfice, précèdent les psaumes et les
cantiques. Le nombre des antiennes varie
suivant la solennité plus ou moins grande
des offices. L'intonation de Vanlienne doit
toujours régler celle des psaumes. Les pre-
miers mots de Vanlienne sont adressés par
un choriste à quelque personne du clergé ,
qui la repèle ; c'est ce qui s'a[ipelle in)poser
et entonner une antienne. Dans l'office* ro-
main, après l'imposition de Vanlienne, ie
chœur poursuit et la chante toute entière
avaiu le psaume, cl après le psaume tout le
chœur la répèle.
On don neaussi le nom d'rin^'eji/if à quelques
prières pariiculières que l'Kglise romaine
chanteà l'honneur de la sainte Vierge, et qui
sont suivi' s d'un verset et d'une oraison,
telles que le Salve lirgina, Itcfjinri cwli, etc.
* AMl'ILOGIE, contrailji tioii, oppusition. — L'E-
criture semble reuternier lie lucoup de contradiclions ;
mais elles ne sont pas réelte~ ; car il est impossible
tpii; l'Esprit-Saiiu ipii a dicié rtùntuie, se contredi-
se ; elles ne sont (lu'appareutes et rel.iiives à la lai-
blesse de notre esprit, à iiotn; manière imparfaite de
Concevoir, à rignoraiice où nous sommes de la lan-
gue, de riiisloire et des usager des Juifs, à la perte
de be.iucoup d'anciens inoiininenls nécessaires pour
l'iiilelllgence des livres saints. Plusieurs auleiir> onl
fait des traités uu des indices des antilugies apparen-
tes de l'Ecriture, enire anires Pontas; on peut les
consuller pour avoir réclaircissement de loutes les
contradictions ap; aïeules.
ANTILUÏHEIUKNS ou SACllAMENT.VI-
lŒS, hérétiques du xvi' sièch- , qui .lyant
rompu de communion avec l'Eglise, à l'iini-
tatiou de Lullier, n'oul cependant pas suivi
ses Oj inions, et onl forme d'autres sectes ,
telles que les calvinistes, les zuinglieus, etc.
ANTlMEiNSK, est une sorte de nappe con-
sacrée, dont on use en certaines occasions
dans l'Eglise grecque, il.ins les lieux oii il
ne se trouve point d'.iulel convenable. — Le
l'. Goar observe, qu'eu égard au peu d'égli-
ses consacrées qu'avaient les Grecs, et à la
difficulté du transport des aute.s consacrés,
celte Eglise a fait durant des siècles entiers
usage de certaines étoiles consacrées, ou de
linges appelés anlimensia, pour suppléera
ces défauts.
ANTINOMIENS ou ANOMIENS, ennemis
de la loi. Plusieurs sccles d'hérétiques oui
élé ainsi appelées : 1" les anabaplislcs, qui
soulinrent d'abord que la liberté i vangéli-
que tes dispensait d'éire soumis aux loi^ ci-
viles, et qui prirent les armes pour secouer
le joug des princes et de la noblesse. Eu cela,
ils prétendirent suivre les [irimipes que Lu-
ther avait élalilis dans son livre de la liberté
cvanf/elique. Vuy. Anabaptistics. — 2" Les
sectateurs de Joiiii Agricola , disciple de Lu-
ther, né comme lui à. Islèbe , ou Aisleben,
dans la basse Saxe, d'où ces sectaires furent
aussi nommés Jslébiens. Comme saint Paul
a dit que l'homiuc est jiistilié par la foi, sans
les œuvres de la loi ; que la loi est survenue
(le manière que le péché s'est augmenié ;
que si l'un peut être juste par la loi, Jésus-
fihrisl est mort en vain, etc., Luther et ses
disciples en prirent occasion de soutenir que
l'obéissaïue à la loi et les bonnes œuvres ne
servaient de lien à la jusiificalion ni au sa-
lut. Ils ne voulaient pas voir que, dans tous
ces passages, saint Paul parle de la loi céré-
nioniclle, et non de la loi morale contenue
dans le Décalogue , puisqu'en parlant de
celle-ci, il dit que ceux qui accomplissent
la loi seront justifiés [Rom. ii, 13).
Musheim a l'ait ce qu'il a pu pour pallier
la turpitude de la doctrine de Luther, et les
pernicieuses consiMiuenccs qui s'ensuivaient,
rendant que Luilicr , dii-il, inculquait aux
p uples la doctrine de l'Evangili! , qui nous
re|)réseiiteles mériiesde Jésus-Christ comme
la soiircedu salut des hommes; [leudantqu'il
réfutait les papistes, qui confondent la loi
avec l'iùangile, et qui nous représentent le
bonheur éternel coinme la récompense de
l'obéissance légale , il s'éleva un fanatique
nommé Agricola, qui abusa de sa doctrine ,
el ouvrit la porte aux erreurs les plus perni-
cieuses. Il se mil à déclamer contre la loi ,
soutenant qu'il necon\enait point de la pro-
poser au peuple comme une règle de mœurs,
et que l'on devait se borner à enseigner el
à expliquer l'Evangile; ses sectateurs fu-
rent nommés antinomiens. Oux qui les ont
combattus prétendent que leur morale était
Irès-dissolue; que, selon leur doctrine, un
homme pouvait se livrer à ses passions el
transgresser sans rcntords la loi divine ,
pourvu qu'il fût toujours attaché à Jésus-
Christ, el qu'il embrassât ses mériies par
une foi vive. — Mais, conliiiue iMosheim, il
ne faut pas croire aveuglement toutes ces
imputations : le principal crime d'Agricola
consistait dans quelijues expressions iiial-
sonnanles, inexacles et impropres, qu'il ne
faut pas prendre à la rigueur. Sa doctrine
consislaii à soutenir que les dix comn)ande-
meuts donnés à Moïse ne regardaient pro-
prement que les Juifs ; que les cliréiiens pou-
vaient les négliger sans pécher ; qu'il suffi-
sait d'expliquer ciaireuient et d'inculquer ce
Ï83 ANT ANT <iU
que Jésus-Christ et ses apôtres avaient en- les chrétiens peuvent les négliger snns pé-
seigné dans le nouveau Testanietil, tant nu cher. U est ntisurde (l'opposer l'Evangilt; à
suii'l «le la Rrâce et du salut, que par r.ip- la loi du Dér.ilo^ue , puisijue l'Eviingilé la
port aux obligations du repentir et de la renouvelle : il l'est de dire qu'il f.iut incul-
vcrlu. La plupart des docteurs de ce siiicle quer ce que Jésus-Christ et les apolrcs ont
ont le défaut de ne point expliquer leurs sen- enseigné, sans faire mention du Décalogue ;
timenis d'une manière claire et suivie; de là puisque !e Décalogue fait partie esseniielle
vient qu'on leur impute des opinions qu'ils de leur doctrine. Mais Mosheim, connue tous
n'ont jamais eues, llist. ccdés. , xyi" siècle, les protestants, ne voit des erreurs (|ue dans
sect. 3, 11° pari., c. 1, §S 21 et 2G. l'Eglise romaine; les plus monstrueuses et
Cette apoloi^ie d'un sectaire fanatique est les plus révoltantes ne lui paraissent rien
un chef-d'œuvred'entélenu'nt el de mauvaise dans sa secte.
foi. En prcnîier Ijeu, nous défions Mosheim 3" Dans le xvii" siècle, il y a eu d'autres
et tous les protestants de citer un seul tliuo- antinomiens parmi les puritains d'Angleterre
logien catholique qui n'ait pas représenté les qui tirèrent de l.i dodrine de Calvin les mé-
niérjles de Jésus-Christ comnu' la source mes conséquences qu'Agiicola avait tirées
du salut des hommes; qui ait attribué aux de celle de Luther. Les uns argumentèrent
bonnes œuvres un mérite indépcnd.ml de sur la prédestination. Ils enseigiièrent qu'il
ceux de Jésus-Christ ; qui ail représenté le <'st inutile d'exhorter les cliréiicns à la vertu
bonheur éternel comme |a réconipen-.e d'une et à l'obi-issame à la loi do Dieu , parce que
obéissance à la loi qui ne fût pas l'efiel de ceux qu'il a élus pour être sauvés, par un
la grâce de Jésus-Christ. Nous les défions décret immuable el éternel, sont portés à la
encore d'en filer un seul qui ail cimfondu la praliiiue de la piété et de la vertu par une
loi avec rÉyangile, (jui ail dit que le bon- impulsionde la grâce divine, à laquelle ils ne
heiif cternri est 1.) récompense de ro/;^('ssance sattruinit rcuister ; au liuu que ceux qu'il a
/^^a/e, si par là l'on entend l'obéissance à la destinés à être diimnés éterncllemenl, ne
Ipi cérénionielle dos Juifs. A la vérité. Lu- peuvent devenir vertueux , quelques exhor-
ther prêtait toutes ces erreurs aux théolo- t;ilions et quehiues remonUances qu'on
gieiis catholiques , en déguisant malicieuse- pui^si' leur faire, ni obéir à la loi divine,
ment leur doctrine; mais apiès les décisions puisijue Dieu leur refuse sa grâce et les se-
si fonrielles du conrile de Trente, universel- cours dont ils ont besoin. Ils conclurent iju'il
lemciit suivies p;ir tous les théologiens de faut se bornera prêcher la foi en Jésus-Christ
l'Ei^lise rom.iine, il y a bien de la manvaive et les avantages de la noqvelle allianre. Mai»
foi a confirmer encore la calomnie de Luther, quels sont ce? avantages pour ceux qui sont
et à leur imputer une doctrine (ju'ils regar- ilcsCines à être damnés? — 1 es an res rai-
dent comme hérétique. Quand il serait vrai sonnèrent sur le dogme de l'ionmissibililé
que les théologiens catholiques du seizième de la justice. Ils diient (jue les élus ne pou-
sipcle avqieut le même défaut que les autres vaut déchoir de la grâce, ni perdre la faveur
dcpleprs (le ces temps-là , et qu'ils n'expli- divine, il s'ensuit que les mauvaises aclious
quaient pas leurs sentiments d'une manière qu'ils commettent ne sont point des péchés
assiz claire, il y aurait de l'injustice à prcn- réels, et ne peuvent être regardées comme uu
dre à la rigueur les expressions inexactes aban:iondt> la li>i : que parconséquenlilsn'unt
dont ils se sopl seryi.s, pour leur impuler des besoin ni de confesser leurs péi liés ni de s'en
opiniifiis iiu'ils n'o.;l pas enes, pendant que repentir; (jne l'adultère , par exemple, d'un
r,on bla.ii|9 ce prppédp à l'égard des docteur^ élu, (luoiqu'il paraisse aux yeux des homme»
protestai/Il". Mosheim , en blâmant les dé- un péché énorme, n'est point tel aux yeux
tracteurs d'Agrlcol.i el dçs unlmviniciis, fait de Dieu ; parceqn'un des caractères csscndeU
évidcmnicnl le procès de Luther, et se cou- cl (iisliiiciifs des dus est do ne pouvoir rieii
damne lui-même. — En secoijd lieu, quand faire qui déplaise ^ Uieu et qui soit contraire
la doctrine (|e ces sectaires aurait élp telle usa loi. Mosheim, xvii' siècle, secl. 2, iC
qu'il le prétend, elle serait encore fausse et part. , c. 2, § 23. .Mosheim déleste avec ral-
fiirraellemenl contraire à l'Evangile. Jésus- son toutes ces conséquences; mais est-il en
Christ (Mutlh. v, 17) commence par déclarer état de démontrer qu'elles ne se tirent |iag
qu'il n'est point venu détruire la loi |)| les directement et cvideu)menl du dogme de la
prophète^, mais Icp accomplir; que qqicon- prédestination, et de celui de l'inamissibililé
que détruira 1,(! moindre commandemenl de delà justice, tels ((ue Calvin les a cnseigijésf
la loi, et enseignera i\ le faire, sera b- der- Le docteur Arnaud a prouvé la connexion
nier dans le royaui^je do? cieux; ensuilc il d() ces cppsé(iuences dans l'ouvrage intitulé :
explique phisiinirs de ces coipniande/nenls. Le renversement de la xmrdlc de Jés^t^-
ll répond à pu jeune homme qui lui dcjuan- Christ, par les erreurs des calvinistes ton~
dail ce qu'il faut fair(; jiour avoir la vie éler- chant la j'i$tiliciitiun ; et nous soulen(|ns
nclle : Si vttus vofflez rnli çr dans la vie, i,ctr- qu'elles nes'ensun eut pas moins de l'opinion
dez Us çommnndemciits , qui sont de ne corn- de la grdcc irrésistible , opinion cummune
mettre i^i homicide, niddullère, ni vul,ni fiiiix atix luthériens et aux calvinistes. Dans cette
tcmoiijiiiujc , d'honorer votre père cl i.otre hypothèse, il est aussi absurde de piêcbcr
mère, d'aim<r le pruchnin comme vuus mé- la nécessité de croire en Jésus-I'.hri^t et les
me. C(iap. xix, y. 10. C'est le Décalogue. avantages de la nouvelle allianc', que d'cx-
\\ est donc faux que ces dix commandp- horter les honimes à la véVtu cl à l'obéia-
lueuls no regardent que les Juifs, et que sance à loi de Dieu. Ceux à qui Dieu uo
28j
ANT
ANT
28C
donne i).s la grâce irrésistible de la foi en
Jésus-Chri«l, ne peuvent pqs plus avoir
c< lie foi, qu'ils ne peuvent ohéir à la loi,
l()rs(|ue Dieu leur reiuse la grdcc irrésistible
(l(! l'ohéissonce. Uans celle même liypolhèse,
il est tr<'s-vraiquo i'Iiotnnie privé de In prâce
ne pèclie point en désobéissant à loi; parce
qu'il est absiirie que riionimc qui pèihe
soit cqndamnable et punissable, en ne fai-
sant pas ce qu'il |ui est impossible de faire.
Or il est ipipossilde à riiounuc de croire c»
Jésus-Cbrisl et d'obéir à la loi sans la g^iiice.
— Il est donc évident que les erreurs de ces
diverses sectes d'anlinomiens ne pouvaient
in.in((uer d'éclore de la doctrine des [irélen-
dns icformaicurs.
•'i" Quelques-uns prétendent que l'on a
aussi donné le nom ti'anlinomivns à ceux
qui sonlienneiït que dans la pratique des
bonnes œuvres, il ne faut avoir aucun égard
ans inotils naturels, parce ((ue les œuvres
inspirées par res niolifs ne servent de rien
au salut. Mais ces uiolif:i ne sont point in-
conipatihles avec ceux que la foi nous i)rQ-
pose. Lorsque J> sus-Ciirist (iil -.Donnez, et
l'on vuyts donnerai... i:ous .serc: mesurés com-
me t'on* unreM mesuré les autres (Luc. G, 31));
AccurJez-vatts promptemcnt en ckcmin avec
voire udiersiire, de jjeur (/u'il ne tous livre
an juge, et que vous ne iuijez nàs en prison
[Maiih. v,25), lorsque saint l'aul dil : Gloire,
lionnciir et paix à quiconque fuit le bien, e(c.,
ils nous piennent paf nqire propre intérêt ,
niotjf irèj-nfilurel. Aulre chose est de dire
(|u'il ne faut pas a;;ir par les motifs naturels
seuls, et aulre chose de soutenir qu'il ne
faut jamais agir par aucun de ces motifs.
(Juoi(|u'uiie butine œuvre f.iile par ces seuls
motifs ne soit pas mériioire pour le sajut,
elle est cependant louable; l'iiabilude d'en
faire ainsi dispo-e, du moins indirectement,
à en faire par des motifs plus parfaits. Vu
païen vertueux par nature est sans doute
mieux dispose qu'un païen vicieux à deve-
nir clirélien, el àpialiquer la vertu lofsqu'il
le sera. L'Eglise a condamné avec raisoii Us
Ibéolugiens (jui ont enseigné que toutes les
bonnes œuvres des infidè.es sont des pcclié*
et que toutes les vertus des philosophes sont
dei vices. Voy. iNK.oicLEs, OKdvues (ij.
ANlIOCHE.li parait que l'Eglise de celle
ville capitale de Syrie, est |a plus ancienne
apiès celle de Jérusalem ; selon la tradition,
c'est là que saint l'jerre établit son premier
siège, el que les disciples de Jé>us-Cliii.il
prirent le nom de çltféliens { Act. xi , 18
et 'iG ; XIII, 1, e|c.). Sainl Luc, Tup des
évaiigelisies, elait d'Anlioclie. Comme c'é-
tait la denieurc du gouverneur romain
qui commapdall dans I4 i'alestjue, jl y avait
(I.) Il s'e^l fiirnié au xvni« siècle une n'uivclle sroie
d';i!iliiiiiiiMeiis. tille recoiuiiil pour clieru(i teriaiii
Wliilhûeld, qui cunipUi bienlôl un grand noiulire î\ti
iecliilcurs d'iiii rang distingué dans II' cuniié il'Kves-
ler. Si docirine esi un préde^liniauisnie absolu ,
jiarce que Dieu a voulu le s;ilui des uns el la cbonna-
lioii (les amres. Lajeilu, i-e\un lui, n'a d'aiiirc elTct
"juu (le lions doiuienin certain bien êi^c en celle vie.
On dbi rcvolié d'une lelle dottrine ijui détruit les
iioiious élémentaires de la justice éleriielle,
une relation nécessaire et continuelle entre
Jérusalem et Anlioche ; ceux qui crurent en
Jesus-Cbrisl dans cette d(!riiière ville, ne
purent ignorer les faits (|ui s'éiaienl pa'^sés
dans la première. Ce fut donc avec pleine
connaissance de cause que plusiiurs Juifs
iVAntioche, et ensuite plu-ieurs païens eiu-
brassèient le cbristianisme.il devait y avoir
parmi eux plusieurs témoins oculaiies des
miracles ([ue Jesus-Glirist avait qpéjés im-
médiatement avant 1,1 paque à latmelle il fut
nsis àmurt, et delà descente du Saint-Esprit
sur les aptilres à la fêle de la S'eiitee.ôle.
Celle église eul sans doute une lihirgie pro-
pre dès son origine; mais il n'e;.t pas certain
que ce soit celle qui a paru dans la suite
sous 1(! nom de saint Pierre. Voij. Liiirgie.
Que saint Pierre ail fondé le siège episcopal
d'^)i/(oc/(e avant d'aller à Rome, c'est un
fait attesté par les auteurs les plus respec-
tables; Origène, Eusèbe, saint J r6m(>, saint
Jean Chrysostome, etc., en parlent comme
d'une chose de Laquelle personne n'a jamais
domé;etla (èle i|e la chaire desajut Pierre à
Anlioc|ic esttrès-anciennedans l'Eglise. Fie»
des Pères el des Marli/rs, tom. li pag.345.
îiasuage, Uist. de l Eqlise, I. 1 i, c. 1, a fait
tous ses elTorls pour prouver le contraire par
les Actes des apôtres ; mais il n'en a lire que
des preuves négatives et des dilficullés de
chronologie, faibles aroies pour renverser
des témoignages posjtifs iouchant un fait qui
a dû élre très-public.
Au v et au vi" siècle, le patriarcat de celte
ville se nommait le diocèse d'Orient : il s'é-
tendait sur la Syrie, la Mésopotamie el la
Cilicie ; ia ville lut saccagée par Cbosrcès,
loi de Perse, l'an 5ï0, et prise par les Sarra-
sins niahonu'tans l'an C3'7. Les croisés la
reprirent l'an 1098, et les Turcg ^'en sont
emparés de nouveau eu I2d8. Aujoura'hui il
y a trois évéques qui prennent le litre de
patriarche lï'Anlioehe : l'un est celui des
melchiles, ou chrétiens grecs sthism:iliques ;
l'aulre, celui des Syriens moiiophysiies ou
jacobites ; le troisième, celui des Syriens
maronites, ou chréiiens catholiques attachés
à l'Eglise romaine, bn prétend que peiui des
jacobites s'est réuni depuis peu à celle même
communion, avec plusieurs évéques de sa
dépendance.
* ANTIOCIIUS. « Le second livre des Macliabées,
nous dit Myr Wisenian, nous olïre, dans le premier
cliapiirc, une leitre des Juifs de Palestine à leurs
frères dlifiyple, datée de l'an 1«S des Sélentides,
cl ((inluiianl un lécit détaillé de la mort d'Antioclius,
roi de t'e.rse. Quel pouvait être Cil Anlioelins ? a-l-oii
dcni.'flidé. Iiidépe/idauifueni des d'hicultcs clironologi-
ipie?, ee ne pouvait cerlaiueinent pas èire Auliedius
Siiier, ((iil niourut à Autioebe, ni San successeur An-
tioelius Tbeus, cpii fut empoisonné par Laodice, ni
Anlioclms Magiius, qui fut l'ami des Juilsr II est parlé
tout anlreiiient de la lin d'Antioclins lipipliane^ dans
ce mémo livre ix, v. 5. Ântioelins Enp.itnr, soji sik;-
eessenr, api es deux ans de règne, fut tué par Uéuié-
irius ; ei I enlaiit royal du même nom, qui loi pro-
clamé roi par Trypiioii, ne tarda pas Ini-iiPÔnie à être
empoisonné par lui. Il ne rele plus d'aniro mi iverain
deeeiiuni qu'Aiitiocbus Sidèles, ap^iele ansM Evcr-
gèles, doulie régne seul coïncide avic la (/aie de ia
letire. Jlais une difiiculié aussi sérita.c en a,ipareiicu
qu'aucune des piécédonles sciiibleraii l'exclure. Ce
287 AIST
moïK.rqne, en effei, commença à régner l'an 174; et
Porphyre el K.u-èhc s'acdinlenl à Ini assigner moins
(le neuf ans de durée. Il doil, suivant oiix, avoir péri
dans une gnerre vers l'an is2. Coniinent donc les
Juifs aiirairnl-ils pu, en 188, faire le récildesa mon
comme d'un é\cnemenl récent? S"imaginerail-on,
par exemple, que li's meinlires d'inie comnmnaulé
religieuse di'nosjours,v()idaHléi rire Cil commun me
lellreà leursfrère.s.liaLiilanlun pays Irès-voisin, pour
leur apprendre que le souverain (|ui les opprimait est
mort, alleiidisseni, pour le faire. Six ans entiers
après l'événemeni? Le témoignage ainsi oonforme de
deux liisioriens fui regardé, comme décisif conire
riiisloricii juif, et Pi idéaux, sansliésiler, adopta leur
senlinipul comme cerlain (((). Ur, Froililicli a prouvé,
sans laisser le moindre doute, qu'ils sont nécessaire-
ment dans l'erreur. D';ibord il a piésenlé deux mé-
dailles portant le nom d'Aulioclius, et datées l'une de
185 el l'antre de 184, deux ans par conséquent plus
lard que l'époqvie à laquelle ces historiens avaient
fixé le moment de sa mort. Voici ce que porli; une
de ces méilailles:
»\îiAEflï ANTii.(OT TTP : lEP : Aïr : ahp.
0(1 rui Antiochiis; de Ti,r. l'atiie sairé. 181 [!>).
Ces médailles oui éié.de notiel'mps, un objet de
discussion, lirnest Vferusdorlîrecounaîiraulheiiticilé
de celle donl nous venons de larler, et avoue qu'elle
I)rouve sullisamineiit qu'Anlioclius Sidétus a vécu
au delà de répo(|uequi lui est assignée par l'Iiistoire
prolane; il semble même ajouler son propre témoi-
gnage à celui de Frœliliili. Voici en cHél coiiiment i!
s'exprime : Quanquam igilur, quod ad numhmaia et
muios iisdeni insci.ipios uitinel, jucile asseiiiior lidem;
ciim ipsi niihi, hencjicio consultisiimi viri, cuiiiplures
(ib Anlioclio proci^ws iiummosmuln iisurpare ma,ibits-
que liactare cviiligeiit (c). S<ui fiéie cependant, qui
lui aussi son auMliaire, se montre plus dillicile : il
clierclie à insinuer que la Icgcinlc n'a uas été b en lue,
et que prob.bleMienl une légère alléialiim dans nue
Icllre auia changé le noiiibre 181 en I elui de 18! (d).
Mais quand même nous reconnaîtrions pour valalile
tout te qui a élé écrit conire ces deux médailles, il y
en a d'aulrcs, produiies poslérienremenl au\ objec-
tions soulevées par les deux frères \Veru>doilf, (pii
semblent nu tir.' .le point e/i que^llon hors de doiiie.
En elfel, Fiœiil.cli a publié depuis nue né aille du
même roi, ponant la date ISfi (e) ; et l'ckbel y en a
ajouté une quahicnii- frappéi' eu 180 (f).
(Je point lie chronologie saciée a élé cxnininé de
nouveau, il y a (pielques années, par M. Tocboii d'An-
necy (g) 1(111 évidemment n'étiit guidé par aucun dé-
sir il'inlirmer l'autoiilé des livres des Alacliabées. Il
prouve, cl loin le monde en cmiviendia, qu'il y a
dans louie liy|iolbése, des diflii ullés sérieuses, et
(pi'il ne faiil |).is rejeter légèreiucnl le léniolguage
(les hisioriens lorsqu'il ne s'ai corde pas avec celui
di> monuuiinls ondes iiiédiiiles. Nous devons in-
faillihleinenl lenconirer des contradictions appareil-
les dans toutes les parties de l'hisloirc: la diflicnllé
est de savoir où placer le blâme. Lis médailles frap-
jiées pour le couroiineineut de Louis XIV portent
nue daie dillcienie du jour auquel tous les bisunieiis
coulempoiains s'accordeul à lix.r cet évilnemenl.
tiilre tous ces historiens il n'en csl qu'un seul,
(0) L' Ancien el le iV» uv. Teat. réunis. Tables chroiiolo-
giqui's à la lin du viliiuie l\ , édil. ITiJ.
(fc) l'^ij^e if.— Voyez li.s niéjai.les sur sa oravure m.
nii27el29.
(c) De (uiilibuiliist. Stiriu;, p. xiii.
(rf) « (,ouini (le Ic^i possi t ADP, 181 ; riim elpnicntiimA
et Addeo siudliljiis liiieis exariHiir, ar oumuiiisipsr niiiiilus
sil, ut ne noiiieu quidim Auliochi distincte exhibial. »
Ubisiip. sec. xi.ii, p. "'.).
{e) Ad numisinala lequm vetenim anecdulael rariorn
acceisio noiu, p. (il).
{/■) Sylliigi nmnm. vcteni:», p-S; Docliinamimm. reter.,
I. III, p. 2"it;.
(3) Uisscrlalion sur l'ipoque de ta mon d'Aiitioctim VU
Eveigéles, Sidèlet. Pans, 18iy.
ANT S88
M. Ruinart, qui ail noté une circonstance qui expli-
que cette différence; il cs{ le seul, en elfei, qui rap-
porte que le couronneinenl avait été fixé pour un
jour déterminé, celui que portent les médailles, qui
en conséquence avaient élé préparées, mais qu'une
circonstaiife parliciilièrc força de remettre la céré-
monie au jour qui lui esi assigné par les historiens.
liien de plus simple que tout cela ; sans cette ex'pli-
calion cependani, les aniiquaires, dans un millier
d'années, pourraient se irmiver fort embarras-
sés pour trouver le moyen de concilier ces différen-
ces. Dans ce cas donc les médailles avaient tort; el
les hisiorieos, raison ; dans celui qui nous occupe,
nous nous trouvons également forcés de condamner
une ciasse d'aulorilés, ei la critique, je pense, n'Iié-
silera pas dans le choix. Car, dans l'exemple que je
viens de citer, les médailles sont inexactes, par la
raison que la date qui bur avait éié donnée ne fut
pas changée, bien que révéuenienl dont elles étaient
destinée^ à perpétuer le souvenir eût é;é difléré;
mais ici il nous 'andrail supposer l'existence d'une
erieur incroyable, l'existence d'une suite de fausses
dates, en conséMiience de nouvelles médailles frappées
en riionnenr d'un monariiue mon depuis longleiups,
M. Toclion rejcite les deux premières méd lilles,
piincipalcme it celle de ISi. pour des raisons diffe-
reules de celles di; Wernsdorll, niiiis admises par
Eckhel. savoir, que le prétendu a, ou 4, qui n'est
pas bien i!is|incl, parait êlre un b, ou 2, 'd'une
forme particulière (a). Quart aux deux dernièies,
il n'allègue contre elles que des .probabilités, les dif-
licultés que nous renconiroiis eu vimlant les regar-
der coiniHe auibenrupies, an mépris de tant d'aulo-
rilés hisliTiipies (h). A cerlaiiis égards, il n'est pas
trop juste envers Fiœhiicb : car il ne cesse de soutenir
que le savant jé-uite place la mortdu loi en i8s (c),
el demande, par conséquent, comment il se peut
laireque nou^ayonsdes niéd:iilles de son successeur,
AniiocliusCrypus, au millésime de IS7 ((/).0r, Hrœli-
licli place la "moit d'Aniii chus Evergèies en If-O {e).
De celle manière, l'iibsence totale de médailles d'An-
tiocbus Giypiis, portant une date plus ancienne, est
nue preuve négative en faveur de son (qiinion. Voilà
donc comme réunie des médailles a servi à dérendre
la chronologie de nos livres sacrés.
ANTIP.AI'ES. On donne ce nom à ceux qui
on! pr(''lendu se l'aire recoiiiiiiîlrfî pour sou-
verains poiilifos.au préjudice d'un piipe légi-
liinenii'iil élu ; ou en coinple depuis le ni"
slèele jiisiiu'.iiiiouHrimi vin gl- huit.
ANTIPODES, hommes dont les pieds sont
tournes vers les iiôlres : c'esl ce que sii^iiine
ce nom. Si nous en croyons Avcnlinus, d.ins
ses Annales de llavicrc, Bunilace, arciievêque
de .Maycnce, cl légal du paie Zachaii" dans
le viH" siècle, déclara liérélique un cvèi|ue
de ce lcni|)s nommé \ igile ou VirgiU-, pour
avoir osé soutenir qu'il y a des nnlipodcs.
L'iiuleur d'une Disserlatioii imprimée d.-ins
le.s Mémoires de 7'r^yo«a:, janv ier 1708, sou-
lienl , 1" que ce l'ait n'e^l pas constaté; le
seul moniimoiU qui en resie e-l une li lire du
pape Zach.irie à lîonil'aiiî; « S'il est prouve,
lui (lit le souverain poulilc, ()ue >'igil(! sou-
tient ([u'il y a un autre monde el d'.inlres
liomnies sous celle Icrre, un autre soleil cl
une uulre lune, assemblez un concile, con-
(a) Dwrl., p. 22.
(b) l'.i^eei.
((•)raKe. 21-29, etc.
((/) lioinmenl alors supposer que la inoiL d'Anliiu'hus
Evcrjî'tes puisse être arrivée l'an \HH't lille sérail poslé-
neiire au re;;iie de sou lils, pige (il.
(e) Aniio Imi. Circa Itoc lempus coÉtiqhse existimo cie-
dcm Auliochi Vil Eivigetis, p. 8».
S80
ANT
ANT
■2i)0
damnez-le, chassez-le de l'Eglise après l'a-
yoir dépouillé de la préirise, elc. » Il n'y a,
dil cel auleur, aucune preuve ((uc cet ordre
du pape ait élé exécute : soil que l'accusa-
liou iiileulée conire Vij;ile se soit trouvée
fausse, soil qu'il se soil expliqua ou rélriiclé,
il est cerUiiii que ilepuis ce temps-là il vécut
en bonne intelligence avec le pape, qu'il l'ut
élevé à raicliivéclié de Salzbnurg; qu'il a
même élé canonisé après sa mort, lionneur
qui ne lui aurait pas clé rendu s'il avait élé
candamtié comme hérétique. — 11 prétend,
2" que le pape Zacharie n'avait pas tort ; que
si Vigile avait soutenu qu il y avait dans un
autre monde d'autres h'immcs, c'est-à-dire
des hommes d'une espèce dilTéreiite de la
nôtre, et qui n'étaient pas comme nous en-
lanls d'Adam; un autre soleil et une aulre
lune dilïérenls de ceux qui nous éclairent,
cet évèque aurait élé véritablement condim-
nahle, |iarce que ce paradoxe serait con-
traire à riicrilure sainte. C'est dans ce sns
que l'entenilail le pape Zacharie; et c'est
dans ce même sens que saint Augustin a
rejelé les a)i/(/)yt/es dans son seizième livre
de la Cité de Dieu, c. 9.
Un critique moderne n'a pas goûté celle
apologie. ïielon lui, il vaul mieux s'en Icnir
à la tradition, qui nous apprend que Vigile
fut condamné. A la vérité , l'auteur de celle
Iradilioii est Avcntin, cabarelier de Bavière,
qui a écrit dans les fureurs du luth; ranisme;
mais les protestants ont recueilli avec soin
toutes ses. invectives conire les ecclésias-
tiques; ils y ajoulenl foi, donc il faut l'aire
comme eux. Selon ce critique, il valait mieux
passer condamnation sur le pape Zacliai ie,
parce qu'il n'est pas nécessaire que riii;lise
soit inlaillible en matière de physique; mais
il n'esl pas fort nécessaire non plus de con-
damner un pape sans raison, pour plaire à
quelques prolestants. Il est vrai, dit le sa-
vant Leibnilz, que Honiface, archevêque de
Mayence, a accusé Vigile de Salzbourg li'er-
reur sur ce point, et que le pape repond à sa
lettre d'une manière qui fait parailrc qu il
donnait assez dans le sens de Buniface; mais
on ne trouve point que cette accusaiiou ait
eu de suite. Les lienx antagonistes passent
pour sainis; el les savants de Bavière, qui
regardent Vigile conime un apôlre de la (la-
rinlhie et des pays voisins, en ont juslilié la
niémuiro. Espiii de LeUmits, I. 11, p. 31). —
Le critique dont nous parlons pense que Vi-
gile pouvait dire innocemineni qu il y avait
sous terre un autre soleil et une aulre .une,
comme nous disons que le soleil d'Klhiopie
n'est pas le nôlre. Cria se peut dire sans
doute en français ; mais cela ne s'esl Jamais
(lit en latin, et dans c lie langue la phrase
avait un sens tout différent. — Il couvie.it
que les anciens philosophes ont nié les unCi-
po(/es aussi bien (jue les Pères de l'ilglise;
ceux-ci n'elaient pas obligés d'êlre plus ha-
biles en cosmographie que les philosophes
de leur siècle. Cependant Philoponus, qui vi-
vait sur la lin du VI' siècle, a deinontré. dans
son livre de inundi Créât., 1. v, c. 13, que
saiul Basile, saint Grégoire de Nysse, saint
Grégoire de Nazianze, sainte Athanase cl la
plus grande partie des Pères de l'Eglise ont
su que la terre est ronde. Il est même parlé
des anliimdes dans saint Hilaire, In Ps. ii,
n. 23; dans Origène, 1. ii, de Piincip., c. 3;
dans saint Oémvnl, pnpo, Ejiist. 1 ad ('or.,
n. 20. Voy. les noies. Il n'est donc pas vrai
qu'en général les écrivains ecclésiasliques
aient élé dans l'erreur sur les antipodes jus-
qu'au xv siècle, comme quelques auteurs
l'ont prétendu.
ANTlTACrES , anciens hérétiques gnos-
liques, ainsi nommé.4, parce qu'en avouant
que Dieu, créateur de l'univers, était bon et
juste, ils soulenaienl qu'une de ses créatures
av.iit semé li zizanie, c'est-à-dire créé le
n\al moral, cl nous avait engages à le sui-
vre, pour nous nu-llre en opposition avec
Dieu; de là est dérivé leur nom, d'àvririrTco,
je mo]ipuse, je coiibats. Ils ajoutaient que
les commandements de la loi avaient été don-
nés par de mauvais principes; et loin de
se l'aire scrupule de les transgresser , ils
croyaient venger Dieu et se rendre agréables
à ses yeux en les violant. Ils ont été précur-
seurs des manichéens, yoy. saint Clém.
d'Alex., Strom., 1. v ; Uupin, Bibl. des Au-
teurs ercl. des trois premiers siècles; Tille-
nionl, t. Il, p. 357.
ANTirUlNlTAIllES. Ce nom convient à
tous les hérétiques (lui ont attaqué le mys-
tère de la sainte Trinité, qui n'ont pas voulu
reconnaître trois personnes en Dieu. Les
samosaléniens , qui n'admettaient point de
disliiiition entre 'les pi'rsonnes divines, les
ariens qui niaient la divinité du Verbe, les
macédoniens qui conlestaienl celle du Saint-
Esprit, ont éie tous anlitrinitaires. Sous ce
nom, l'on entend aujourd'hui principalement
les sociniens, que l'un appelle aussi unitai-
res, yoy. SociMENS.
AMI TYPE, mot grec, formé de la prépo-
sition «^Ti, pour, au lieu, et de tùtto,-, figure;
daus sa signihcalion grammaticale, il veut
dire ce que l'on meta la place d'un lype,
d'une Qgiirc ; mais dans les auteurs il signilie
simplement t^pe, figure, ressemblance.
Il y a dans le nouveau Testament deux
passages où ce mut est employé, el dont le
sens a donné lieu a des disputes, l" Dans \'E-
pilre aux Ihbreux, c. ix, v. 2i, il est dit :
Jésus-Christ n'esl point entré dans un sanc-
tuaire fait rf ■ la main des hommes it figure,
àv:i-.oiia, du vTai Sanctuaire , mais dans le ciel
même, afin de se présenter à Dieu pour nous.
2" Dans l.i première Epiire de saint Pierre,
c. IX, V. 21, le baptême est comparé à l'ar-
che de Noé, qui préserva du déluge universel
ce patriarche et sa famille; il en est appelé
àvriTUTTov, ce que la \'ulgate rend par similis
foimv, ressemblant. Nous ne voyons pas
que, dans l'un ni dans l'autre de ces passa-
ges, ii soil nécessaire d'abandonner le sens
ordinaire du terme pour recourir à la signi-
fication grammaticale.
Le mot antilype se. trouve souvent dans
les écrits des Pères grecs et dans la liturgie
de leur Ei;lise, pour designer l'Eucharistie
uiémc après la consécration; de là les pro-
291
ANT
APA
292
tesifints ont conclu que, selon la croyance
de ^li^lise grecque, cv sacrement »»'est que
la ligure du corps de Jésus-C.hrisl. — Celle
conseiiiieuce nous p.ir.iit fausse. Quoique
les espèces eucliarisliiiues reiiferiiieiil le
corps lie Jésus-Clirist, elles en snnl cepen-
diinl la figure, le It/pe, le synibole, ce qui
parait aux yeus; puisque ce corps n'y pa-
raît point sons ses qu.ilités sensililes, mais
sous les apparences du pain. — Il est vrai
que .Marc d'Ephèse, le patriarche Jérémic,
et d'auircs Grecs, disent que dans la liiurgie
fie saint liasile le pain et le vin sont appe-
lés aiitilijpes avant la consécration. Gela
n'euipèch ' pas qu'ils ne puissent être nom-
més de même après, puisque par la consé-
cration il ne se fait aucun changement dans
les qualités sensibles ou dans les apparences
du pain et du vin ; la figure demeure donc la
môme, quoique la substance soit cltangéc.
— Qu'importe l'abus que l'on peut faire d'un
mol lorsque la croyance est prouvée d'ail-
leurs? Au concile de Florence, les Grecs ont
solennellement déclaré qu'ils croyaient Jésus-
Christréellcineut présent dans l'Euchiirislie,
après la consécration; toute leur dispule
avec les Lalins consistait à savoir si, après
la consécraliou, les symboles devaientencorc
être appelés antilypes, contestation qui nous
parait assez fiivole. Après la coiiséeration,
nous disons encore sijmbohs cîicliarislifjiies ;
pourquoi les Grecs ne pourraieut-ils pas
dire anlitypes dans le même sens? — 11 n'est
donc pas nécessaire de changer la significa-
tion usuelle de ce lerme, de supposer que an-
titype signifie ce qui est mis à la place de la
figure; le corps de Jé<us-Clirist n'est point
mis au lieu de la figure, mais au lieu de la
substance du pain : et celle substance n'a
jamais pu cire appelée figure en aucun tens.
Dans le septièuie concile général, saint
Jean Damascène, les diacres Jean et l'^pi-
phaue, voulant expliquer la pensée des lllur-
gistes grecs sur ce sujet, disent iju'en nom-
mant l'Eucharislie nnlitype , ces auteurs
avaient égard au temps qui avait précédé la
consécration, et non à celui qui la suit.
Simon, Hisl. cril. de la croyance des nntiont
du Levant. Cette explication ne parait pas
fort nécessaire. Ce qui était figuré avant la
consécraliou l'est encore après, puisque par
la consécration rien ne change dans la C-
gure, ou dans ce qui paraît à nos yeux.
Nous avons à présent des monuments si
aulheniiques de la croyance des différentes
secles que renferme l'E^^lise grecque, des
melchiles, des jacobites syriens, des nesto-
rieiis, des cophles eulyehiens, etc., que les
protestants n'oseraient plus foniier aucune
conteslaiion sur ce point. Voy. la Perpétuité
de la !• 01.
ANTOINE (saint). Chanoines réguliers de
Sninl-Anloine de ViCnrmis. Voy. le Diction-
naire de Juriuprudeiice [cl celui des Ordres
religieux, édit. Migiie].
AN rOMN (sainl], archevêque de Florence,
mort l'an 1459, assista, en qualité de Ihéolo-
gien , au concile général ()ui y fut tenu en
WJ'J, lorsqu'il n'elait encore que religieux
de Saint-Dominiqne. On a de lui uqe Somme
Ihéologiquc dans laquel'e il traite des verlUs
el des vices, plusieurs sermons et d'autres
livres de u. orale.
AOD. il est dit dans le livre des Juges, que
les Israélites, eu punition de leur iàolàlrie,
furent subjugués par Eg on, roi de Moab, et
lui furent as^ujellis pendant dix-huit ans ;
que Dieu leur suscita un vengeur dans la
personne d'.lorf. Cet homme tua Eglon en
feignant d'avoir à lui [larler, se mit à la télé
des Israélites, gagna une batailli- , et les
affranchit du joug des Moabites. Les cen-
seurs de l'histoire sainte disent qu'^o(^ fut
coupable d'un légiciile, que c'est un Irès-
hiauvais exemple à proposer à tout peuple
mécontent de son souverain, qu'il a été la
cause de plusieurs crimes de même espèce.
— Cette décision nous surprendrait moins,
si nous ne connaissions pas» bailleurs la mo-
rale enseigiiée par ces mêmes censeurs. Ils
soutiennent qu'un conquérant n'acquiert au-
cune souveraineté sur une nation vaincue
que par le coiisenlcment de celle-ci; que
jusqu'à CI.' qu'elle l'ait reconnu librement
pour son roi, tout acte d'autorité qu'il exerce
est une violence et une usurpation; qu'elle
a droit de s'en rédimer par la force quand
elle le pomra Qu'ils nous montrent le traité
par lequel les Israélites avaient librement
reconnu Eglon pour leur roi.
On nomme régicide un sujet qui tae son
propre roi, et non celui qui tue un roi
ennemi j)Our mettre en liberté ses compa-
triotes. (]iiez les anciens peuples on croyait
généralement que la fouiberie était permise
contre les ennemis de l'État. .Mutins ScîEvola
ne lut point accusé de régicide, pour avoir
voulu tuer par surprise Porsenn.i qui assié-
geait Rome. — D'ailleurs, lorsque l'Ecriture
dit que Dieu suscita un libérateur à son peu-
ple, elle n'enseigne point que Dieu lui in-
spira lu mensonge, ni le meurtre qu'il com-r
mil ; une action citée comme un trait de cou-
rage n'est pas louée pour cela comme ua
acte de justice.
Souvenons-nous toujours que c'est l'E-
vangile qui a donné aux nations chrétiennes
les vraies notions du droit des gens et du
droit politique, s()il en paix, soit en guerre ;
que ces notions n'existent poinl, el n'ont ja-
mais existé ailleurs.
APATHIE, insensibililé ; c'est l'élat auquel
as|iiraient les sloïcieiis. Quoique les anciens
écrivains eiclésiasliques se soient quelque-
fois servis de ce lerme pour exprimer la pa-
tience et le détachement des choses de ce
monde que l'Evangile nous prêche, il n'en
faut pas conclure que Jésus-Christ a voulu
faire de ses disciples autant de stoïciens, et
nous ins|iirer une insensibililé absolue. 1*
Ces philosophes interdisaient au sage, sous
le nom de pussions, les affections naturelles
les plus modérées et les plus légitimes, la-
milié entre les parents, la pitié pour ceux qui
souflreni, l'amour du bien public, etc. L'E-
vangile, loin de nous défendre ces senti-
ments, nous les cumman !c sous le nom gé-
néral de charité; il ne les désapprouve que
205
APE
APO
'i9i
qtinnà ils snni poHcs à l'excès, et pfliivent
(levonif pour no(is une orra<ioii do péché; et
en fiïel, les iilTeclinns l'I les pcricll iiil>i natu-
rels ne duiveiil cire nommés pnssionit, tjne
qujind ils soiU poussés à l'e\cès. Voy. !***-
sioNs. — 2' Le»; sloïcibiis li'asplrîiienl ;i Tin-
seiisiliilité qde p;ir un principe d'orijucil; il9
jugeaient les choses de ce monde iiidip;ne9
d'affecler l'Aine du s.ipe; c'él.iil une inhiinia-
nilé réfléchie. Icsus-ChrisI veut que nous
Conscrvio!!;! la IranqiiilIKé d'âme par un
motif de conflance en Dieu, qne nous aimions
nos sehibl.tliles en Dieu et pour Dieu. — 3"
Si ses leçons pouv.ii(!ni nous laisser des dou-
les, il les a cxpliijuérs par son exemple : il a
aimé leiidreriient ses proches et ses amis: il
a répandu des larmes sac le tombeau de La-
zare ; il a pli'dré sur la ruine future de Jéru-
salem et des Juifs; il n'a rencontré aucun
malheureux sans le soulager, etc. Ce n'est
pas là (lu stoïcisme. — 'i-" Jésus-Christ n'a or-
donné le renoncemtM\t absolu qu'à ceUX
qu'il dcslinilit à la prédication de l'Fvanjîile;
il n'a conseillé à aucun autre de ses audi-
teurs de quitter son état, ou de négliger lés
devoirs d(! la société; iiu cdniraire, Siiitit
Paul enjoint à ceux qui se sont convertis, de
demeurer chacun dans l'étal où il a reçu sa
vocation à la foi ( / Tor. vr, 2 ) ).
Mais on accuse (luelques Pèri'S de l'Eglise
d'amir enseigné la même moraie que I is
stoïciens, d'avoir exigé qu'on chrétien fût
sans passions; c'est nn des principaux re-
proches que Barbeyrac fil à saint Clément
d'Alexandrie. Traité de i't morale des lucres,
chnp. 5, § '(-t). — Ex[)li(]uons les ter iics, le
scandale sera réparé. Nous disons qu'un
homme est sans passions, lorsqu'il l.'s ré-
prime si parfaitement qu'il n'en paraît rien
au dehors, et qu'elles ne lui font commettre
aucune faute : nous disons qu'il est insensi-
ble, loisqu'il ne donne aucun signe extérieur
de sensibilité. Voilà ce que veut saint Clé-
ment. Déjà nous avons observé que nos pen-
chants naturels ne sont censés passions (]uc
quand ils sont portés à l'excès. Or, cet excès
peul-il être permis? L'Evangile condamne
formellement toutes les passions, l'orgueil,
l'aii^bition, la vaine gloire, même dans les
bonnes(Euvre3, rattachement aux rii.'hesscs,
le désir de les posséder, l'inquiétude pour
l'avenir, la volupté et tout ce qui p'Ut y [Jor-
ter, le simple désir des plaisirs défendus , la
jalousie cl la haine, la colère et l'impatience,
le ressentiment et les projets de verigeancc,
l'intempérance, la mollesse, l'oisiveté, etc.
Jésus-t^hiist nous commande (ouïes les ver-
tus opposées; il serait aisé de le faire voir
en détail. Saint Clément n'exige rien de plus,
cl l'on ne peut lui faire aucun reproche (|ui
n'ait été tourné par les incrédules contre
Jésus-Christ et contre les apôtres. Voy. Mo-
rale CUnÉlIEVNE.
APELLITKS ou APELLÉIENS, cornhiè les
nomme saint Epi|)hane ; hérétiques du ii"
siècle, sectateurs d'Apelles, disciple de Mar-
Ciun.maisquiné suivit pa> en touleschoses les
fientiments de son maître. Il n'admit pas com-
me lui deux dieux, ou Ueus. principes actifs
et poéternels, mais nn seul Dieu exisi.nKl de
soi-même et souverainement bon; prol)able-
menl néanmoins il supposait l'éternité de Id
matière. Selon lui, le monde n'avait pas été
fait par ce Dieu bon, niais par un cspiil d'un
rang inférieur, dont l'impuissance ( l la mala-
dresse étaient cause des maux que nous éfirou-
vous. Peiis.iil-il que Dieu avait créé librement
cet ouvrier malhabile, ou que celui-ci était
sorti nécessairement de Dieu par émanation 1
Les anciens n'en disent rien. Au reste, Apel-
les n'accusait point cet esprit de méchanceté:
il snpiio-^ait au contraire que par ses prières
il avait obteiili que Dieu envoyât son Fils
sur la terre, afin de corriger le monde. — Il
ne soulen;iit point avec l^larcion que le Fils
de Dieu n'avait eu qu'une chair apparente,
et avait fait illusion à toits les sens ; mais il
prétendait qu'en descendant du ciel le Fils
de Dieu s'était forhié lui-même un corps tiré
des quatre éléments, sans s'incarner dans le
sein d'une vierge ; qu'il avait réellement
souffert ; qu'il (tait mort et ressuscité ; (ju'a-
vant son ascension il avait rendu aux élé-
ments le corps qu'il en avait tiré; qUé son
iime seule était retournée au ciel, (^enséquem-
meiit il niait, aussi bien que Marc on, la ré-
surrection future de la chair. H ne rejetait
pas absolument, comme lui. tout l'ancien Tes-
tament. Mais il y a, disait-il, du bon et du
mau\ais ; c'est à choisir, et c'est ce que Jé-
sus-Christ a voulu dire, lorsqu'il nous a or-
donné d'être de bons changeurs. On l'accuse
de ne pas avoir imil,' la continence de son
maître, de s'être livré à des femmes, d'avoir
nièiiie été séduit par une certaine Philumène,
qu'il regardait comme irispirée et une pro-
phélesse.
La multitude des sectes qui Ont piiru datis
le IV siècle, la variété dés rêveries forgées
par leurs divers docteurs, nous donneront
souvent occasion de faire des réllesions. 1°
Tous ces raisonneurs étaient des philosophes
sortis de l'école d'Alexandrie, ou d'ailleurs,
qui voulaient accorder les dogmes du christia-
nisme avec la doctrine de Pyihagore et de
Platon, et en savoir plus qu'il n'a plu à
Dieu de nous en révéler. 2° Tous voulaient
expliquer l'origine du mal, cl aucune de leurs
hypothèses ne résolvait la difficulté. Si c'est
Di .11 (jui a créé librement le formateur du
momie en prévoyant le mil qui arriverait, il
en est responsable comme s'il l'avait fait lui-
même. Si cet ouvrier a existé nécessairement,
tout est fatalité pure; autant vaut dire que
Dieu n'a pas pu mieux faire. 3° Ouoiqu'in-
téressés à révoiiuercn doute l'histoire de l'E-
vangile, et à portée d'en vérifier les faits, ils
n'ont pas osé récuser le témoignage des apô-
tres, ils l'ont plutôt ciinfirmé. 1° Saint Paul
les a peints d'après nature (7/ Tim. iv, 4) :
Jts ne pourront, dit-il, souffrir une saine doc-
trine; ils auront la déiiianyeaison d' écouler de
nouveaux maîtres ; ils fermeront leurs oreilles
à lu vérité, et courront après des fables.
APHTHARTODOCÈTES. Voy. Incorbup-
TlIiLES.
APOCALYPSE, du grec «T^o^iAv-^ii , révéla'
tion ; c'est le uuut dit deraier livre cauuui({UQ
S95 APO
de l'Ecritnre. — Il contient, èii vin^t-denx
chapitres, une prophétie touchant 1 elat de
l'Egliso depuis l'ascension de Jésus-Christ
au ciel jusqu'au dernier jugement, et c'est
comme la conclusion do toutes les saintes
Ecritures, afin que les fidèles, reconnaissant
la conformité des révélations de la nouvelle
alliance avec les iirodiclions de l'ancienne,
soient confirmés dans l'attente du dernier
avènement de Jésiis-Christ. Ces révélations
furent faites à l'apôtre saint Jean, durant son
exil dans l'Ile de Patmos, pendant la persé-
cution de Domilien.
L'enchaînement d'idées sublimes et pro-
phétiques qui composent l'Apocalypse a tou-
jours été un labyrinthe pour les plus grands
génies, et un écueil pour la plupart des «oin-
mentateurs. On sait par quelles rêveries Dra-
bicius, Joseph Mède. le ministre Jurieu, le
grand Newton lui-même, ont piélendu l'ex-
pliquer,- (cs vaines tentatives sont bien pro-
pres à humilier l'esiiril humain.
On a longtemps disputé dans les premiers
siècles de l'Eglise sur l'authenticité et la ca-
nonicité de ce livre; mais ces deux points
sont aujourd'hui pleinement éclaircis. Quant
à son aulhenlicilé , quelques anciens la
niaient : Cérinthe, disaient-ils, avait attribué
l'Apocalypse à saint Jean, pour donner du
poids à ses rêveries, et pour établir le règne
de Jèsus-ChrisI pendant mille ans sur la terre
après le jugement. Voy. Millénaires. Saint
Denis d'Alexandrie, cité par lîusèbe, l'attri-
bue à un écrivain nommé Jean, difl'ércnt de
l'évangélisle. Il est vrai que les anciennes
copies grecques, tant manuscrites qu'inipri-
inées, de \' Apocalypse, portent en tête le
nom de Jean le divin. Mais on sait que les
Pères grers donnent par excellence ce sur-
nom à l'apotie saint Jean, pour le distinguer
des autres évangélistes, et parce qu'il a traité
spécialement de la divinité du Verbe. A celle
raison l'on ajoute, 1° que dans l'Apoculypse
saint Jean est noniménient désigné par ces
termes : à Jean qui a publié la parole de
Dieu, et qui a rendu témoignage de tout ce
qu'il a vu de Jé^us-Clirist ; caractères qui ne
conviennent qu'à l'apôtre. 2° Ce livre est
adressé aux sept Eglises d'Asie, dont saint
Jean avait le gouvernement. 3* Il est écrit
de l'ile de Patmos, oîi saint Irénéc, Eusche et
tous les anciens conviennent que l'apôtre
saint Jian fut relégué en 95, et d'oii il re-
vint en !)8, épo(iue (jui fixe encore le temps
où l'ouvrage fut composé. '••• lintin, plusieurs
auteurs voisins des temps aposloli()ues, tels
que saint Justin, saint Irénée, Origène, Vic-
toiin, et après eux une foule de Pères et d'au-
teurs ecclésiasti(\ues , l'attribuent à saint
Jean l'évangélisle. Voy. Authenticité et Au-
THR>'T.Qi E. Ouaiit à sa cannnicilé, elle n'a
pas été moins contestée. Saint Jérôme rap-
porte que dans l'I^glise grecque, même de
son temps, on la révo(iuait en doute. Eusèhe
et saint l'^piphanc eu conviennent. Dans les
catiilogiies des livres saints, drossés par le
concile do l.aodicée, par saint (Irégoiie do
Nazi,m/e, par saint Cyrille de Jérusalem, et
j)ar queUiues autres auteurs (îrecs, il n'eu
APO
S9C
est tait aucune mention. Mais on l'a toujours
regardée comme canonique dans l'Eglise la-
tine. C'est le sentiment de saint .\ugusliii, de
saint Irénée, de Théophile d'Antioche, de Mé-
lilon, d'Apollonius et de Clément Alexandrin.
Le troisième concile de Carihage, tenu en 397,
l'inséra dans le canon des Ecritures, et de-
puis ce temps-là l'Eglise d'Orieut l'a admise
comme celle d'Occident.
Les al<!giens, hérétiques du w siècle, re-
jetaient l'Apocalypse, dont ils tournaient les
révélations en ridicule, surtout celles des sept
trompettes, des quatre anges liés sur l'Eu-
phrate, etc. Saint Epiphane, répondant à
leurs invectives, observe que l'Apocalypse,
n'étant pas une simple histoire, mais une
prophétie, il ne doit par paraître étrange que
ce livre soit écrit dans un style figuré, sem-
blable à celui des prophèies de l'Ancien
Testament. — La difficulté la plus spécieuse
qu'ils opposassent à l'authenticité de l'Apo-
calypse, était fondée sur ce qu'on lit au ch.
II, 18 : Ecrivez à l'ange de l'Eglise de Thya-
tire. Or, ajoutaient-il>, du temps de l'apôtre
saint Jean, il n'y await nulle Eglise chré-
tienne à Thyalire. Saint Epiphane convient
du fait, et réponil que l'iipôlre parlant d'une
chose future, c'esl-à-dire, de l'Eglise i|ui de-
vait être un jour établie à Thyalire, en parle
comme d'une chose présente et accomplie, sui-
vant l'usage des prophètes, (irotius remarque
qu'encore qu'il n'y eût aucune Eglise de païens
con\ertis à Thyalire, quand saint Jean écri-
vit son Apocalypse, il y en avait néanmoins
une de .luil's, semblable à celle qui s'était
établie à Thessalonique avant que saint Paul
y prêchât.
Il y a eu plusieurs Apocalypses supposées.
Saint Clément, dans ses Hypotyposes, parle
d'une; Apocalypse de saint Pierre -, et Sozo-
iiiène ajoute qu'on la lisait tous les ans vers
Pâques dans les Eglises île Palestine. Ce der-
nier parle encore d'une yl/joca/(//)se de saint
Paul, que les moines eslimaieut autrefois, et
que les copthos modernes se vantent de pos-
séder. Eusèbe fait aussi mention de V.Apoca-
lypse d'Adam; s.iint Epiphane, de celle d'A-
braham, supposée par les hérétiques séthiens,
et des révélations de Seth et de Narie, fcmmo
de Noé, par les guostiques. Nicéphore pirle
d'une /lpycfl/i/p.s'ed'Esdras,Gralienet Cédrèno
d'une Apocalypse de Moïse, d'une attribuée à
saint Thomas , d'une troisième de saint
Etienne, et saint Jérôme d'une quatrième,
dont ou faisait auteur le prophète Elle. Por-
phyre, dans la i' ie de Plotiii, cite les Ap ica-
lypses de Zoroastre, de Zostreiu, de Nicolhée,
d'Attngénes, etc., livres lonl on ne roniiait
plus que les titres, et (|ui vraisemblablement
n'étai nt que des recueils de fables. Sixt.
Scncns., lib. ii et vi. Dupin, Dis$ert. préliin.
tom. III; Bibliolh. des Aiil. ecclés.
On ne doit pas être étonné de ce que les
calvinistes ont toujours refusé do recoiiiiaî-
tre la canonicilé de V Apocalypse. Ce livre
renferme un tableau de la liturgie aposloli-
(|iiequi no leur est pas favorable. Voy. Li-
TiJiuiiB. De nos jours, Abauzit, professeur à,
Lausaunc, a fait une dissertation contre l'A-
507
APO
APO
2!l8
pocahjpse; le plas célèbre des incrédules mo-
dernes en a copié les objections dans deax
ou trois de ses ouvrages. Les anglicans au
contraire mellent re livre au nombre des
s.iinles Ecritures; depuis peu, le savant Lar-
dner a rassemblé les léinoignages des anciens
snr ce sujet. Credibilitij of tlieduspel Historij,
(OUI. XVII, p. 3.o6.Ceux qui oui traiié ee point
de (rilique s.icrée ne paraissiMit pas avoir
fait attention que le pape saint Clément, l'un
des Pères apostoliques, t';iit éviilemuienl al-
lusion à deux passages de ce livre. Dans sa
première leitre aux Corinthiens, n. 3V, on
lit ; Voici le Seigneur; sa récompense est arec
lui, pour rendre à cliarnn selon ses œiirres.
Ces mêmes paroles se trouvent (Apoc. xxii,
12). La lettre finit par ces mois •■ A Dieu, pur
Jésus-Christ, gloire, honneur, puissance, ma-
jesté, trône éiernel, depuis les sirclrs et pour
toujours. Voy. l'Apocalypse, c. v, v 13, — .Mais
coriime ce livre semblait favoriser l'erreur
des millénaires, ou craignait que Cérinîhe
ne l'eût supposé pour el.ii)lir celle fausse
opinion ; c'est ce qui empéclia d'abord plu-
sieurs catholiques de le reconnaître pour ca-
nonique. Le doute a cessé, lorsqu'on a vu que
le vrai sens ne donnait aucun lieu à cette erreur.
Pour affaiblir les témoignages qui dépo-
sent en faveur de l'aulhenticilé de V Apoca-
lypse, les prolestants diseni que les Pères ne
l'ont admise, que parce qu'ils étaient millé-
naires. Tout au conliaire, ceux qui ont em-
brassé l'opinion des millénaires ne l'onl fait
que parce (ju'ils la croyaient enseignée dans
l'Apacali/pse ; et (|ueli|ues-uns d'entre eux,
qui ont rétulé les millénaires, ont cependant
roçnV Apocalypse comme un livre canonique;
c'est cc'qu'a lait Origèue. Avant le troisième
siècle, on nepeulciler aucun des Pères qui ait
formellement rejeté ce livre.
Une autre objection des calvinistes, est
que ces mêmes Pères ont reçu comme au-
llientiques plusieurs aulres écrits, dont la
supposition et la laiisseié ont été reconnues
dans la suite ; qu'ils ont ajouté foi à plusieurs
liisioires évidemment f,.buleuses. Soit. Si
pour prouver l'auihenliiilé d'un livre quel-
conque, il faut des témoins qui aient éié in-
faillibles et à couvert de toute erreur, nous
demandons aux calvinistes qui sont les té-
moins auxquels ils se lient pour croire i'au-
theniicilé et la canoiiicité des livr.es qu'ils
admettent? Ils n'ont pas vu qu'en alléguant
ce reproche, ils sapaient p;ir le fondement
tonte espèce de certitude moral", touieespèce
de preuve pour constater des faits. — Puis-
que des livres qui avaient d'abord passé pour
iiuihentiques ont été reconnus dans la suite
pour supposés et apocryphes, nous deman-
dons encore pourquoi d'autres livres, dont ou
avait d'abord soupçonné la supposition, n'ont
pas pu dans la suite être reconnus pour au-
llienliques. Les mêmes règles de criti<iue, qui
nous font douter d'un fait lorsqu'il n'est pis
encore suins.inimenl prouvé, doivent sans
doute nous le faire croire lorsque nous avons
déconveri des preuves. — C'est ce qui est
arrivé à l'égard de plusieurs livres de 1 Iscri-
ture sainte, et en particulier de l'Apocalypse.
DicT. oF Thfoi.. dogmatique. 1.
En 397, le concile de Carthage la mit au
rang des livres sacrés, quoique Icseonoiles pré-
cédents ne l'eussent pas encore reçue conmie
canonique. On sait que le iv siècle, lors(|ue
la paix eut élé rendue à l'Eglise, fut on temps
de lumière, de recherches, de savanles dis-
cussions ; les monumenis des siècles précc-
denls furent rassemblés et comparés, la tra-
dition fut interrou:ée, les témoins conf.onlès :
ce qui avait élé obscur et douleux juscju'alors
put devenir certain et incontestable. T.int que
l'hérésie des millénaires avait subsisté, l'E-
glise avait ciaint de l'autoriser en canonisant
l'Apocalypse ; lorsque cette secte fut éteinte,
il n'y eut plus de danger.
Beausôl)re, Histoire du manichéisme, 2'
parlie.l.i, cbap. 5, § 3, soutient que les Egli-
ses orientales du rite syiien n'ont point re-
connu l'Apocalypse pour canonique, puis-
qu'elle ne se trouve pas dans l'ancienne
version syriaque du Nouveau Testament,
dont ces Eglises se sont toujours servies •
mais il se trompe : nous ferons voir le con-
traire au mol Bibles Syhiaqies.
APOCKÉ.XS. C'est la semaine qui répond
à celle que nous appelons la srptuagésinie.
Les Grecs l'appellent apocréas, ou privation
de chair, parce qu'après le diminche qui la
suil, on cesse de manger de la chair, et l'on
use de laitage jusqu'au second jour après la
quinquagésime , que commence le grand
jeune de carême. Pendant {'apocréas, on ne
chante ni triode ni allelaia.
APOCKISAIUE ou APOCKISIAIRE, répon-
dant, député, envoyé, terme giec dérivé d'i-
Tzay.fii.ou.cii, je réponds. L'on appelait ainsi dans
l'Eglise grecque des ecclésiastiques envoyés
dans la ville impériale par les Eglises, par
les évéques ou par les monastères, pour y
poursuivre les affaires qu'ils avaient à la
cour. Justinien, par une loi, défendit aux.
évéques de s'absenter pour longtemps de
leurs diocèses, sans en a\oir ri eu un ordre
exprès desa pari, et il leurordonna d'envoyer
Vapocrisiaire ou l'économe de le r Eglise à
la cour, lorsqu'ils y auraient des afl'aires à
traiter. U.ins la suite les empereurs nommè-
rent aussi apocrisiaires leurs ainiiass.ideurs
et leurs envoyés ; mais il ne faut pas les
coniondre avec les députés ecclésiastiques.
Bingham, Or/(//rt. ecclcs,,], m, c. 13, § 6;
Justin., S'oiell. VI, c. 2.
.\POCKYPHE du grec «roxjouyo?, terme qui,
selon son eiymologie, signilio caché. — Eu ce
sens, on t\uuua.i\l apoa'yplie tout écrit gardé
secrètement et déroué à l.i connaissance du
public. Ainsi les livres de. sibylles à Uoiue,
confiés à la garde des décemvirs ; les annales
d'Egypte et de Tyr, dont les prêtres seuls
de ce, royaumes étaient dépositaires, et dont
la lecture n'était pas |)ermise inililTeremuienC
àtoiitle m )nile, étaient des \\v\es apocryphes.
Parmi li s divines Ecritures de l'Ancien Tes-
tauienl. lin livre pouvait être en même temps,
dan ce s. lis géaéral, un livre sacré et di-
vin, et un livre a|)0cryphe; sacré et divin ,
parce qu'on en cunuaissait l'origine, qu'on
s.ivait (ju'il avait c te révèle; apocryphe, parce >^y Op
qu'il élait déposé dans le temple, et qu'il n'yAr><~~^>"'
10
290
APO
APO
500
vait point été communique au peuple. Car,
lorsque les Juifs publiaieuMeurs livres sa-
crés, ils los apppl.iionl canoniques el divins,
et ie nom iVapocri/plics restait à ceux qu'ils
gnnlaieiil diins leurs arcliivcs, ce qUi n'cni-
î >(h;iil p.is qu'ils ne pussent être sacrée et
divins, quoiiin'ils ne fusseni pas connus pour
tels «lu putilic. Ainsi, ;iva:il la lr;idur,lion des
Sepl.inle, les livres de l'Ancien Teslamenl
pmivaieni élre appe'és apocryphes par rap-
poii aux (iiMitils el par r.ippirl aux Juifs; la
nicme quaiificilion conven.iil aux livres qui
n'élaieiil p is insérés dans lecmon oulecala-
louue public des Ecrilures. C'est préciséinenl
ainsi qu'il faut enicndio ce que dit saint Epi-
pliane, que les livres apocryphes ne sont
point dépo-és dans l'arche parmi les autres
écrits inspirés
Dans le christianisme, on a attaché au mot
apocryphe une signification dilïérentn, et on
l'emploie pour exprimor tout livre douteux,
dont l'auteur est incertain, et sur la foi du-
quel on ne peut faire fonds, coramc on peut
voir dans saint Jérôme, el dans quelques
autres Pè'" i grecs et laiins plus anciens que
lui : ainsi 1 on dit un livre, un passage, nne
histoire apocryphe, elc, lorsqu'il y a de for-
tes raisons de suspecler leur huthenlicilé,
et de penser que ces écrits sont supposés.
En matière de doctrine, on nomme apoery~
phes les livres des hérétiques, et même des
livres qui ne contiennent aucune evreur,
mais qui ne sont point reconnus pour divins,
c'est à-dire, qui n'ont été mis ni par la sj-
na;;ogue, ni par riiglise,dans le canon, pour
être lus en public dans les assemblées des
juifs ou lies chrétiens.
Hans le doute, si un livre est canonique ou
apocri/phe, s'il doit fiire autorité ou non en
nialière de religion, on sent la nécessité d'un
tribunal supérieur et infaillible pour fixer
l'incertitude des esprits; el ce tribunal est
l'Eglise, à laquelle seule il appartient de don-
nera un livre le titre de divin, ou de le rejetc>r
comme supposé.
Les catholiques cl les protestants ont eu
des di-putes très-vives sur l'autorité de quel-
ques livres que ces derniers traiienl (\'apo-
cryphes, comme Judith, Esdras, les Macha-
boes : les premiers se soûl fiindés sur les
anciens canons ou catalogues, et sur le té-
moignage unifoime des l^■re^; les autres sur
la liaililion de quehiues l'.glises. La «j lestion
est de savoir si l'upininn d un petit nombre
d'Eglises particulières doit leniporler sur
celle du plus gr;iiil nombre Les livres re-
connus pour apocryphes \< \r rii^lisc catiioli-
que, (lui sont vérii.iblemenl hors du canon
de l'Ancien 'l'estaui'iil, et que nous avons
encore aujourd'hui, sont VOr'iison de Ma-
vasscs, qui est à la fin des biltlcs ordinaires;
le tii' el ie iv' livre des Machabécs. A la lin
de Job, l'U trouve une .'iililitiou dans le grec,
qui coiilienl une généalogie de Joli, avec un
discours de la fuinn' de Job; on voit aussi,
dans l'édliion grecque, un psaume (jui n'est
p.is du nombre des cent cinquante; el à la
fin du livre de la Sagesse, un di>rours de
galumun, tiré du viii' chapitre du 111' livre
des TRois. Nous n'avons plus le livre d'iùioch,
si célèbre dans l'antiquité; et, selon saint
Augustin, on eu su[)posa un autie plein de
fictions, ((lie tous les Pérès, excepté Tertul-
lieri, ont regardé comiue cpnerypUc. Il faut
aussi ranger dans la classe des ouvrages
apocrjjjihes, le livre de VAssomption de Moï-
se, et C'iui de \' Assomption ou Apocalyvse
d'Klic. Ouel(|ues juifs oui supposé des livres
sous le nom d 'S patriarches, comme celui
des Géncrolions ^<pr/ir//e.<,qu'i's atti ibuaient
à .\dam. Les éhionilrs avaient pareillement
supposé un livre intitulé V Echelle de Jacob,
el un autre qui avait pour litre ta (lénéalngie
des pis cl des filles d'Adun, ouvrages imagi-
nés ou par (les Juifs, amateurs des Gciions,
ou par les hérétiques, qui, par cet artifice,
semaient leurs opinions el en recherchaient
l'origine jus()ue dans une antiquité propre à
en imposer à des yeux peu clairvoyants.
Lor-nue l'Eglise a déclaré un livre apo-
cryphe, et l'a exclu du canon des Ecritures,
elle n'a pas prétendu décider par là que c'est
yn livre sans autorité et supposé sous un
faux nom. Ainsi le Pasteur d'Hennas, que
plusieurs anciens Pères ont placé dans le
même rang «lue les livres sacrés, n'a plus
aujourd'hui la même autorité; il ne s'ensuit
pas qu'il suit faussement attribué à Hermas,
et absolument indigne de croyance. Plusieurs
critiques, instruits d'ailleurs, semblent n'a-
voir pas assez fait celte distinction : parce
qu'un ouvrage est regardé comme apocryphe,
ils ont conclu que c'a été la production d'un
imposteur.
C'est la méprise dans laquelle paraît être
tombé l'auteur d'un mémoire sur les otivrayes
apocryphes supposés dans les premiers siècles
de r kl/lise, Mém. de l'Acad. des Inscript.,
t. XXVll, in-4", p. 95, qui a été copié par
l'auteur de VEjramen critique des apologistes
de la Religion chrétienne, C. ii. Il met à peu
près sur la même ligne les livres notoire-
ment sr,"r>'^s^s et foriiés par !;;s hérétiques,
les écrits Ooni les ciuicuis ne sont pas cer-
tainement connus, mais qui ne renferment
aucune erreur, el les ouvrages dont les au-
teurs sont connus, mais qui ne doivent pas
être placés dans le canon des livres sacres,
parce que le pape Gélase les a tous déclarés
apocryphes. Il est cepemianl évident qu'il y a
une graiule difl'ércnce à mettre entre les uns
el les autres. |
Nous convenons, t° que les faux Evangi-
les, publiés sous les noms de saint Picric,
de saint J.icques, de i-ainl Mathias, elc, les
faux Actes des .\p(Ures, les fauss 'S Apoca-
lypses, sont ou des impostures faites mali-
cieuseioeul par des herélniues dans le des-
sein d'étal lir leurs erreurs, et qui ne méri-
tent aucune allenlioii ; ou des histoires f lites
innocemment par des écrivains mal instruits
et trop crédules, mais ({ui n'avaient aucune
inleniion de tromper : une partie de ces dif-
férentes [iroduclious a paru dans le second
sièile; le reste ne nous est connu «|ue par
le ilécrel «le (iél ase, porté sur l,i fin du cin-
quième siècle. Tout cela ne doit poinl être
coufoudu. — 2° Nous convenons que l'au-»
SOI
APO
thendcité de la Lettre d'Abgare n'est pas
iiiconteslablc , qu'il n'csl pas absoliinient
ccri.'iiii que Ii's ii|iôties aicnl ciix-iiiéaies
coinpiisé le syinliole qui porte leur nom, non
plus (|uo lis lilurgi. s (jni leur son! utlriliuécs
et les cjuums appelés rri«ons (/es Apôtrci;
mais ce? cçriis S'iii-ils np crif-phcs dans le
même sens (jue les préiéit 'uls? Le s>n)l)olc
e.'t vérilableinenl le précis lie la iloelrine des
apôlres, leurs lilurj^ies sont iK^-s-anciennes,
et (tnl été en us's;e dès les premiers siècles
dans plusieurs l'g^ses; les canons aposioli-
ques sonl l'oiivrase dis pretniers eomiles,
el un munnm ni de la discipline scivie pour
lors dans i'ii^lise. Ce sont doue, des pièce;
respeclablcs, ()ue l'on iw peut rejelir abso-
lument sans léniérité. — 3' Nous soutenons
que le Parleur d'JIeiinas, la Li'llre de saint
Barnnhé , les deux Lettres, de mini Ciémrnt,
les sept Lfltri'S de suiitt lijnace .••ont mtthen-
tifjKes, sonl vérilahlenienl des auteurs au\-
quels on les at>ril>ue; mais (|ue l'on ne doit
pas lis melire au rang des livres sacrés ou
des éerilures canoniques : c'est dans ce sens
seulement que l'on peut les nommer o/jocn/-
plies. Niius parlerons de ces divers écriis
seus leurs noms propres, de niénic que du
célèbre passage de Joijèplie, des livres des
sibylles, etc.
(ju nul on a fait une fois tou es ces dis-
tinctions, l'on n'est plus élonné du grand
nombre d'écrits supposés dans les premiers
siècles et dans les suivants, ]tarce que l'on
voit les causes des dilTércnles espèces de
supposili ns ; il est aisé de nionlrer que la
iruliiludc des livres rejelés comme upocrij-
plies ne peut li rmer aucun préjugé contre
Ymttlienlicilé ou contre la canonicité des
autres; il en résulte que le jugement des
critiques anciens ou modernes n'est pus une
règle iiifaillibie, que la seule décision à la-
quelle on puisse se fier sans aucun danger
d'erreur est celle de 1 Eglise.
Mo>lieiin p:élend (|iie la multitude des li-
vres apocryphes, supposés dans le u* et le
ni' siècle de l'Eglise, est venue de la méthode
de disputer qui s'inlioduisit parmi les i'ères
el les docteurs de ces temps-là. ïiuivanl son
opinion, les docteurs chrétiens, élevés dans
les écoles des rhéteurs el des sophistes, ne
se firent aucun scrujiule d'adopter la maxime
des |datonicicns, qui pensaient qu'il était
permis d'enifilo'yer le uien>onge el l'impos-
ture jour souiei.ir la virile. Conséquern-
menl, les écrivains ecclésiaslii;ues, en dis-
putant contre les païens et contre les hé-
reiiiiues , furent plus occupés du soin ùs
vaincre leurs adversaires ou de les reluire
au sdcnce,quc de leur montrer la vérité; et
celte manière de traiter les conlroveises fut
uuniméc économique. On supposa d 's livres
sous des noms resjiectables; on employa des
fraudes pieuses, etc. Ilisl. eccle'siast. du W
siècle, i'« part., c. '3, § lii; lu"^ siècle, i\ part.,
c. 3, § 10,
Au mol Economie, nous réfuterons celte
calomnie fcrgée par les piotesl.inis, par né-
cessné de système, pour déficimer l'autorité
des Pères deliiglise, et avidemeut adoptée
APO 302
par les incrédules modernes; nous ferons
voir que ces accusai' urs téméraires ont
prêté aux docteurs chrétiens leur propre
génie et leur méihodc de disputer. En par-
l.inl du second siède, Moshoini n'avait pas
osé afiirmor celle imputation : « O.i aurait
tort, dii-il, d'atlribner loules ces fnudes
pii'::ses aux vr;iis chrétiens; la plupart des
ouvrages apocri/iihcs furent la production
de l'esprit fcriile des gnostiques ; mais je ne
saurais assurer que les vrais cliretiens eut
été enlièement exempis de ce l'eproche, »
Siius le iir siècle, il a éié plus hardi; il ac-
cuse les conlrov<'rsislcs d'avoir --upposé Ips
caMons des apolres, les c mslilulious apos-
toliques, les réci'Ruilions de saint (llcmepl,
et li's clémentines. — HeureiisemenI la ca-
lomnie se dément ici elle-mênje ; de l'âveU
de .Mo In im, les canons des ap6;res renfer-
nienl la discipline suivie dans l'Eglise peri-
daiit le 11'^ el le iir sècles : or, à celte époque,
on a fait prof ssion de suivre ce que les
aiiotres avaii'nt établi dans les Eglises qu'ils
avaiertl fondées ; où est la fausseié, où est la
fraude, d'avoir nommé canons apostoliques
les règles qui transmettaient par écrit la
discipline que l'on croyait cl que l'on savait
avoir été eliblie par les apôtres? Il est plus
que proiiable que ces caimns n'onl été re-
cueillis et rassemblés (]u'au iv siècle ; ce ne
peut donc ^pas être une fraude du ir = . — Il
en est de même des conslilulions apo^-lolir
ques, des récognilions el des clémeniinçs ;
on n'en voit encore aucun vestige dans les,
auteurs du ui^ siècle. Il y a eu plusieurs
écrivains nommés Cthnent; si l'on a attribué
p.ir erreur à saini Clément de Home les ou-
vrages d'un aulre Clément, il s'ensuit que
l'on a manqué de discernement et de crili-
que,elnon (|ue l'on a péché contre la bonnp
foi. Dans les bas siècles el presque de iinç
jours, on a mis sous le nom de saint Augus-
tin des sermons, des traiiés, des commen-
taires qui n'étaient pas de lui. La critique,
devenue plus éclairée et plus circonspecte,
découvre tons les jours de ces sortes d'er-
reurs ; elles ont eu lieu à régird d ^s auteurs
profanes, comme à l'égard des écrivains sa-
crés et des Pères de l'iigli-ie. Il y a de" l'entê-
tement et di' la maligMiié-i'i vouloir que loules
ces méprises soient des imposlures réfléchies,
plutôt que des fautes d'ignorance et de préoc-
cupation.
Aux articles Constitdtion's apostoliques,
Ev.4^Gll.E, Hermas, SiuYLi,ns, etc., nous fe-
rons voir que la plupart des suppositions
des livrei apocryphes ont pu se faire très-
inunceinment, que toutes celles qui ont été
réfléchies cl malicieuses ont clé l'ouvrage
des hérétiques et des philosophes, et non
des docteurs de l'Eglise ; qu'un Irès-granJ
nombre se sont laites postérieurement au
111= et niêine au iv siècle. Iieauso!)re, quoi-
que ennemi déclaré des Pères de TEgiis,,
convient que la plupart des faux livres tj i
ont paru plus tôt ont é:é forgés par un cer-
tain Leucius Carinus, hérétique de la secta
des docèles. Uisl. du Munich., l. I. L ii, c.2,
p. 348. Les soupçons et les accusaliona
505 APO
dos protestants copiés par les incrédales
sont donc léniéraires et sans aucun fonde-
ment.
En général, tout écrivain adopte aisément
et sans lieauioup d'examen une histoire, un
ino uimeiil, un livre qui lui parait favorat)le
à son opinion ; il le cile avec confiance lors-
qu'il ne voil aucune raison de 1 ; suspecter,
et son erreur ronlrbue à en tromper daulres
sans qu'il le veuille. Ce faible est commun
aux catholiques et aux hérétiques, aux ec-
clésiastiques et aux profanes, aux incrédules
et aux croyants ; il est dans l'humanilé, et
il durera aut;mt qu'elle; ce n'est souvent ni
malice, ni mauvaise foi, c'est preiiccnpation.
Y a-t-il de la juslite à vouloir ((ue les écri-
yains ecclésia liques en aient éié exejiipls ?
Lorsque nous accusons nos adversaires de
mauvaise foi, ils crient à la calomnie, et eux-
mêmes ne cessent de fornier rette accusalion
contre les personnages les plus respect.ihles,
sans aucune preuve. Voy. Authenticité,
Canon, Canonique.
APODIPNK. C'est ainsi que les Grecs nom-
ment l'office de compiles. Voy. Heures cano-
niales.
APOLMNAIUES ou APOLLINAUISTES ,
atlcieHS hérétiques qui ont prétendu que Jé-
sus-Christ n'avait point pris un corps d ■ chiiir
tel que le iiôire, ni une âme raisonnable
sembl.ihle à la nôtre.
Apollinaire de Laodicée, chef de cette secte,
donnait à Jésus-Christ une espèce de corps,
dont il soutenait que le Verbe avait été re-
vêtu de toute éternité : corps impassible,
qui était des'MMulu du ciel dans le sein de la
sainte Yicrfie, niriis ((ui n'était pas né d'elle;
qu'ainsi Jésus-Christ n'avait souffert, n'elail
mort el ressuscilé qu'en apparence, il met-
tait aussi de la dilTérence entre l'âme <le
Jésus-CInisI et ce que les tirées appellent
vaof, esprit, entendement ; en conséquence,
il disait que le Christ avait pris une âme,
mais sans l'entendement; défaut, ajouiail-il,
suppléé par la présence du \'erb('. Il y en
avait même, entre ses sectateurs, ((ui avan-
çaient positi\euient i|ue le Christ n'avait
point pris d'^iiiie liumaiiu'. On leur donne le
nom de si/nonsiciiles, de même qu'aux culy-
chiens et à tous ceux qui lonfoiul 'ient les
deux n-ituies de Jésus-f-hrist en une seule.
Voy. SvMoi siASTKS. — Apollinaire faisait en-
core revivre l'héréie des millénaires, et
enseignait d'autres erreurs sur la Trinité.
'rhéo<l()ret l'accuse d'avoir confondu les l'er-
sonnes en Di' u, et d'être tombé d.ins l'erreur
des sabelllens. Saint liasile lui reproche, d'un
aulre coté, d'abandonner le sens littéral <le
l'Jîcrilure, et de rendre les livres saints en-
tiéremenl alléporiques.
L'hérésie A Apollinaire consistait, comme
on voil, dans des distinctions très-subtiles,
aux(|uelles il n'etail gu 're pos iblc que le
commun des fidèles entendit (|uel(|ue chose;
cependant l'histoire ecileslastiqiie nous ap-
prend (|u'elli' fit des progrès considérables
en Orient; plusieurs Eglises de cette partie
du monde en l'urcnl inlccl es. lîlle fut ana-
tliémalisée dans uu concile d'Alexandrie,
APO
504
sous saint Alhanase, en 360 ; dans un concile
de Rome, sous le pape Damase, l'an .'Hi, et
dans le concile général de (Zonslanliimple,
en .381. Les npollinnrisles furent aussi ap-
pelés dimériles ou srpnralenrs, parce qu'ils
séparaient l'âme de Jésus-(]hiisl d';.vee l'en-
tendement ; erreur née piobablemeut de l'o-
pinion de Plaion, ((ui dislinguaii fâme sen-
silive d'av.ec l'âme raisonnable.
]l ne faut pas confondre l'hérétique dont
nous p irions aveo Apollinaire, évêque d'Hié-
raples, qui vivait au ii* siècl ■ , et qui pré-
senta, l'an 177, à l'empereur Marc-Aurèle.
une apolo;;ie du chrislianisme. Quelques au-
teurs prétendent que celui de Laodicée avait
écrit contre Julien l'Apostat.
APOLLONIUS DETYANKS, philosophe
pythagericien, qui a vécu pendiinl tout le i"
siècle, et qui est devenu célèbre par l'iiis|<;i:c
romanesque que Philosirate, aulre espèce île
philosophe, en a faite cent ans après la mort
de ce personnage.
On sait que li; chrislianisme n'a point eu
d'ennemis plus déi-1 irés que les philosophes;
ils n'ont épargné aucune sorte de loin berie
pour en détourner les hommes, et pour sou-
tenir 1 idolâlrie prèle à élre déiruile. Comuie
ils virenl que les miracles de Jésus-Christ
étaient une des plus fortes preuves dont nos
apologistes se servaient pour démontrer la
diviiiilé de notre religion, et qui faisait le
plus d'inifiression sur les païens, ils trouvè-
rent bon d'altriliuei des prodiges semblables
à ((uelques phi osophes, en particulier à ce-
lui dont nous parlons.
Vers l'an 211, l'impéralrice Julia Domna,
femmi; de Sepiime Sévère, princesse Irès-dé-
réglée, et curieuse cie merveilleux, chargea
Piiilostrate d'éiTire la vie d'Apollonius de
Tyaiics. Ce sophiste la servit selon son goût.
En Comparant les prodiges qu'il raiiporte de
sou héros avec ceux que les évangéiistes ont
at'ribués à Jésus-t;hrisl, on voit (|ue Philos-
trale s'est proposé de cojiier ces derniers, et
d en obscurcir l'ecial par la multitude de
ceux qu'il met sur le compte d'A|)ollouius ;
mais il aioule tant de i ireonstances fabu-
leuses, tant d'absurdités el de contradictions,
(|u'il n'a pas daigné garder l.i moindre vrai-
semblance : il s'ensuivrait tout au plus, de
ce qu'il raconte, qu'Apollonius était un ma-
gicien qui fascinai! les yeux, et profitait de
i'imiiécillilé de ses admiial''urs pour se faire
une réputation. — H s'en l'aiil beaucoup que
son historien l'ait représenté comme un
homoie très-vertueux ; outre les elïoiis qu'il
fit pour exciter des séditions contre Néron
et contre l)omiicn,on ne voit en lui qu'un
sophiste orgueilleux, (|ui ne cherche que la
célébrité, el qui ne s'occupe en aucune ma-
nière de la réforme des mœurs.
.Sons le règne de Dioclélien, Hiérocîès,
président de Itilliyiiie, et ensuite gouverneur
d'Alexandrie, grand ennemi des chrétiens,
fil un ouvrage pour prouver qu'A[)ollonius
était un plus grand personnage que Jésiis-
Chrisl, el il opposa les prétendus miracles
du philosophe à ceux de notre Sauveur.
Kusèbc de Cesaréc réfuta ce parallèle ridi-
505
APO
APO
SOC
cille; il fit voir que toutes ces merveilles
n'av.iient été rapportées par aui un témoin
oculaire; qu'il n'en avait pas été (iiicstion
pendant loul le siècle qui s'éiail écoulé, de-
puis la mort d'Apollonius jusqu'à la nais-
sance (lu roman de Pliil istrate ; (|ue ces mi-
racles imaginaires n'avaicnl produit aucune
révolulion ni aucun efl'el qui en pût consta-
ter la réalité; que la plupart étaient ridicu-
les, indignes de Dieu, sans aucune uiili'é
pour les lioiiiiiies, et ne pouvaient aboutir
qu'à f.iire rrgarder leur auieur comme un
magicien. Lactaiicc oppose une partie de ces
mêmes réflexions à Hiéroclès, DiiHii.lnsliC,
1. V, c. H. — Au>si, maigre tous les elîorls
des philosophes, le nom ii' Apollonius et ses
prétendus prodiges sont demeurés plongés
dans l'oubli, pendant que Jésns-C.hiist a été
lefonnu pour Fils de Dieu et Sauveur des
hommes clans une lrès-:;raude partie de l'uni-
vers. Tille r. ont, )/e (/es /i(/i/;er., I.ll. pag. 120;
Bruker , JJistor. pliilo<opli. , (om. Il , p. 'J8.
Moslieim, dans ses Notes stir Cudworlli, c.
'i-, § 1,'j, n'approuve point le sentiment de
ceux qui ont cru qu'Apollonius avait réelle-
meil opéré des prodiges par l'intervention
du démon; il ne peut se persuader que Dieu
ait permis à l'ennemi du salut d'exereer sur
la terre un pouvoir surnaturel pour lrom[)er
les liouimes, dans le temps même que Jésus-
Chrisl et l's apôtres y exeiçaient un pou-
V(jir divin pour détruire l'emfire du démon.
Il pense donc que les prétendus miracles
li'Apotlonius ne sont que d 's guérisons natu-
relles opérées par l'art de la médecine que
ce philosophe avait étudiée, mais qui paru-
rent mirai uleuses à des Orient !ux, toujours
extasiés du mérite îles médecins, et aux-
quelles ce l'ourbe habile eut soin de mêler
des tours de cli;;rlatans, afin de rendre ses
ciires plus merveilleuses. — Mosheim ajoute
que ce philosophe ne fut que le singe de Py-
thagore, dont il ambitionnait la célébrité;
que si l'on veut comparer l'histoire d'Apol-
louius par Philostr.ite, avec celle que Lucien
a faite du faux Alexandre, on trouvera en-
tre ces deux imposteurs une ressemblance
parfaite. Ces réflexions nous paraissent très-
judicieuses.
Al'OLOtlÉTKjUE. Ecrit ou discours fait
pour excuser ou justifier une personne ou
une action. Voy. .Apologie.
L'Apoloyc'iitiuf é< ril par Terlullien pour la
défense du chii-tianisme , est nu ouvrage
plein de force et d'élévation , digne du ca-
ractère véhément de sou auteur, li y adrt sse
la parole aux magistrats de Carthage.aux
grands lie l'empire , aux gouverneurs des
provinces. — Tertullien s'y attache à mon-
trer l'injustice de la persécution contre une
religion que l'on condamnait sans la con-
naître et sans l'entendre , à réfuter l'idolâ-
trie et les reproclies od eux que les idolâtres
faisaient aux chrétiens d'égorger des enfants
dans leurs mystères, d'y manger de la chair
liuiiiaine,, d'y commettre des incestes , etc.
Pour répondre au crime qu'on leur imputait
de niauquer d'amour et de iidélilé pour la pa-
trie, sous prétexte qu'ils refusaient de faire
les serments accoutumes et de jurer par les
dieux tulélaires de l'empire, il prouve la
soumission des chrétiens aux empereurs. Il
en expose aussi la doctrine autant qu'il était
nécessaire pour la disculper, mais sans en
dévoiler (ri>p clairement les mystères, pour
ne pas violer la religion du stcret, si ex-
pressément recommandée dans ces premiers
temps. t>t écrit, tout solide (ju'il était, n'eut
point d'elTet, et la persécution de Sévère n'en
fut pas moii:s violonle.
I a meilleure édition de cet ouvrage est
celle de l.eyde en 1718, in 8°, avec des notes
de Bavcrcamp, et la meilleure traduction est
celle ()u'a donnée réce:i.ment .M. l'abbé de
Gourcy.
Ai'OLOGIH , APOLOGiSTlLS. Nous avons
perdu plusieurs apoloijies delà religion chré-
tienne, faites par des auteurs ilu ii* siè-
cle de l'Eg'ise, et il y a lieu de les regretter :
celles de (^)uadr.itus, évéque d'.Vthènes, de
Aléliton, évêque de Sardes, d'Apollinaire,
évoque d'Hi.-raples. (^n ne nous saura pas
mauvais gré de donner ici la liste des ou-
vraj^es de nos anciens apolfxjistes ^a'\ subsis-
tent encore.
I^es deux Apolofjirs de saint Justin, et son
dialogue avec le juif Tryiihon. I^e discours
aux tjeiitils, par Talien. La satire contre les
philosophes païens, par Hermias. L'ambas-
sade d'Athénagore i oiir les chrétiens. Les
trois livres de s linl Théophile, évéque d'An-
tioclie, à Aulolycus. La lettre à Diogéiiète.
Tous ces onvr.iges se trouvent dan- la nou-
velle édition des œuvres de saint Justin, ils
sont du II' siècle. — L'Exhortalioii de saint
Clément d'Alexandrie aux païens. L'Apolo-
gétique de Terlullien, S"S livres aux nations
et à Scapula, gouveriKurde Carthagc. Son
livre conU'c les Juifs. La dispute d'.\ruoiie
contre les pa'ieus, en six livres. Le Dialogue
de Minulius Fé.ix , inlilulé Oclaïuus, Ji! ius
Firmicus Maternus, sur les erreurs des reli-
gions profanes. — Les huit livres d'Oiigèns
contre Ccise. Les Institutions divines de Lac-
lance, en sept livres. La Pi-epiiration et la
D.'uionstration évangclique d'Eusèbe, et son
livre contre Hiéroclès. Le discours de saint
Athanase eoutre les païens. La Thérapeuti-
que de Theodorel. Les dix livres de saint
(j\rille d'Alexandrie cou;re Julien. Les dis-
cours de saint tîiégoire de Nazianze contre
le même empereur. — Le traité de saint Cy-
prii'U sur la vanité des idoles, et sa lettre à
Démétiien. Les discours de saint Jean Chry-
so'slome contre les tieniils et les Juifs. Les
vingt-deux livres de la Cié de Dieu de saint
Augustin ; son traité de la vraie Keligion et
celui des Mœurs de l'Eglise contre les mani-
chéens. — La dispute d'Evagre enre le juif
Simon et le chrétien Théophilo. Le livre des
Consultations de Zachee, clirélien, et d'A-
pollonius, philosophe. Le traité de saint "Ful-
geuce sur la loi. Les traités dogmatiques de
saint Isidore de Séville ; celui de la foi or-
thodoxe, par saint .lean Damascène. Les Dia-
logues enire un chrétien et un juif, un ues-
lorien et un sarrasin, jjar Théodore d'Abu-
cara. Le .Monologue et le Prologue de saint
307
APO
A PO
308
Anselme sin 1 existence de Dieu. Deux ou-
vragés contre 1rs Juirs, par Picrn' île [Uois.
— Le 'Mre de lîaymnnii Martin, intitulé Pu-
(ji'i fidei, conire 1rs Juifs, a été public par
ifial.ilin, dans soa ouvrage de Arcatiis catlto-
liciv verilads.
On ne peut pas àfcciiser les premiers apo-
logistes du cliristiani<iiiè d'avoir déguisé les
faits ; Qiiadratus, Mélilon, saint Justin, jli-
nutius Félix, étaient environnes d'ennpiiii.s
qui av.iieni toutes les facitilés possililes l'e
trouver des preuves et des témoins poiir
coiifiHiiIre î'inipostiire, si ces écrivains tou-
lagfus avaient osé hasarder un seul men-
songe. Ils avaient eux- mèinrs examiné les
preuves de eel!e religion, puisque c'étaient
des philosorhes ou des hotiui;es instruits ;
ils élaiciil à la source des événi-meiiLs, puis-
qu'ils avaient été crnivertis ou par h's apô-
tres, ou p T leurs disciples imméui its. Le
christianisme était persécuté; aucun intérêt
temporel navall donc pu les engager à lem-
bra-ser. S lint Justin confirma, parson mar~
tjre, Il sincérité de sa cmyaiice. — On ne
peiil pas dire qu'ils ont passé sous silence ou
aflalbii les rais^^ns et les objoclions de leurs
ailversaires. Origène rapporte les propres
lei-nies do C'-lse; saint Cyrille copie exacle-
Dient les [^aroles de Julien. Sans celte l.onne
foi, ii ne rcblerait pas aiijoijrd'liui une si ule
phr.'se des ouvr;igi'S de es dclix philoso-
pliés. Les aveux que ceux-ci s^int forcés de
faire sont e icore le b'.uclier que nous op-
posons aux attaques des incrédules niod('r-
nes. Ou ils convienm iit expres-éouni des
miracles de Ji'su>-Clirisl ( t des apôtrC'; , ou
la mai ière dont ils les cumbattent éouivaut
à lin aveu lurind. Il n'a pas lenu à Origène
de verser son sang poui" sceller la vériie de
son Apoh'jiè.
OueNiues Incrédules, poiir esquiver l'S
conséiiuences de crs témoignages, ont pré-
tendu que ces premiers érrivains étaient des
philosophes pl.iiouiciens ; qu'ils aviienl em-
brassé le chrisliiinisn]e, parce qu'ils avaient
trouvéde la resscmblam-i' entre cesdeguirs et
ceux de Platon; qu'un'' fois persuadi s de la
doctrine, iU n'avaient point contesté sur les
faits, et les avaient admis sans examen, .\lal-
heuteusenieiit cittc conjecture est contre-
dite pir d'autres (:riti(j"es , qui soulienueul
que ce sont les [i!us am iens Pères de l'Kgli'C
qui ont inlioiluit dans h- olii islianisme les
idées de Plaion ; elles n'y étaient donc pas
encore lorsiju'ils se sont convertis. Si le pla-
tonisme chr. tien est leur ouvrage, il n'a pas
pu éire le moiil de leur conversion. — Est-ce
de Plaion (|ue le ; Pères ont emprunté l'unilc
d'un Dieu créiteur, \t) pécié originel, la ré-
dempiion du monde oar un Dieu fait homme?
Ces dogmes s'areonienl si peu avec ceux de
Platon, ((ue t'else et Jiilien ne cessent il'op-
poser la dotirinede <:e plii osophe à celle du
chiistianisme. i;'est aux hérétiques de son
temps i)ue Tert llien reproche 1 1 fureur dii
vouloir suliStilaer les rôwries de Plaion et
(les auires pliLo^ophes au". leçons de Jésus-
Christ et des apôlres. Y.oy- Platomsmi):. —
Loin de passer légèremcul sur les faits,
Origène y renvoie continuellemetit Son ad-
versaire : personne n'a soutenti la vérité des
miracles de Jésus-Clirist et des apoires avec
plus <le force que lui ; c'est cependant l'un
des Pères auquel on a supposé le plus d'i-
dées platoniciennes.
D'autres critiques ont conjecturé que les
remontrances de nos anciens apologistes n'a-
vaient jamais été présentées ni aux empe-
reurs , ni aux gouverneuis des provinces;
que ci'S écrits étaient restés inconnus dans le
portefeuille de leurs auteurs, comme les opo-
loyies ;ue composèrent plusieurs protestants
à la naissance de la prétendue reforme. —
Il faui du moins que celles de saint Justin
aient été présentées aux empereurs, puisque
la première est suivie d'un récit d'Adri n à
Minulius l'undanus, et d'un oidred'Anlonin
aux eommunes de l'Asie, pour défen'lre de
persécu'icr les chrétiens pour cause de reli-
gion, à moins (]u'ils ne se trouvent coupa-
bles de quehiues crimes. Des hommes tou-
jours prêisà mourir pour leur religion n'ont
pas pu craindre de produire au grand jour
i'apolugie qu'ils en avaient faite. Mais sur ce
fait, comme sur tous les autres, nos adter-
saires su ri enci>r.' en contrailictiou : tantôt
ils aciuseiil les chrétiens d'être allés provo-
quer la colère des juges païens sur leurs
tribunaux ; tantôt ils imaginent i|ue ces
homiiies avides du martyre n'ont pas seu'e-
ment osé présenter des reiiionlr.inces sages
et respectueuses. La vérité est que ces deux
nproclies sont aussi mal foniJés l'un que
l'autre.
Moçheini. qui ne laisse échapper aucune
orcasiou de déprimer les Pères de l'iiglise,
dit, eu parlant de nos apologistes du !i' et du
m' siècle, (lu'ils att.iquèreni avec beaucoup
de jugement, di^ dexiénlé et «le succès, la
siipersiition p lïenne, mais (pi'ils ne réussi-
rent pis si bien à ilèvelopj)er la vraie niture
et le génie du ( hrislianisme ; que leurs Apo-
logie^ sont défectueuses à plu- leurs égirds;
qu'ils ne f.rrent pas toujours iieureux dans
le choix de leurs iirgumenls ; que la plupirl
paraissent avoir mauqrré rie pénétration ,
d'érudiiion, d'oirire, rrexactiluile et de force ;
qu'ils cmploii'nt souvent des arguments futi-
les, plus propres à èMouir l'imagination qu'à
convaincre l'i^^prit. L'un, dit-il, aban'lon-
nant les livres saints, où l'on doit preiulre
des armes pour défendre la religion, s'en
rapporlr- aux décisions des ôvéques qui gou-
verTiair'ut les lîg ises aposioliqrres; un autre,
s'iuiiigii'ant r]ui! l'ancienneté d'une doctrine
est une preuM! dr; sa vérité, fait valoir la
prcscripiiori contre ses ariversairos, comme
s'il défendait sa pnqiriéîé devant un magis-
tral civil; un troisième, entêté d'idées caba-
listirjuas, allègue la puissance imaginaire
de certains norns ou termes mysli'incs. Do
là iiosîiein» conclut «jue ce fut dès W w
siècle que comtnença «le s'introduire la mé-
thode vicieuse rie disputer, t|uc l'on n«)inme
économiijur, par laquellr-cm rherdiait pliilril
à dérouler et à confondre i.ii adversaire,
qu'à lui uioutrcr la vcnié. Uist. ccclés. du
ir siècle, i" parL, c. 3, § .7 et 8.
I
S09
\vb
APO
:^fu
Mais, n'est-re pas Mosheim lui-même qui
innnquc ici de droilure ou do jiigetiient ?
1° La coMirailictiiiii csl palpable onlre l'é-
logu qu'il a fail d'abord dp nos apolorjistei
et les leiTodies par Icsijnels il l'empoisonne.
Si tous cfs r<'i roches sont vrais, leur tra-
vail est délestable; en quel sens ont-ils atta-
qué la superstition païenne avec brouciup de
jugement , de dexlérilé et de succès ? — 2" De
quel poids auraient été, pour dofi'udre la
religion, des arguments tirés t!e l'Eciituro
sainte, contre des païens qui ne eroyaient
point à cette lîcrituro , qui la regardaient
comme un recueil de rêveries et do fables?
II fallait donc, pour les convaincre do la vé-
rité et de la divinité do ces livres, des argu-
uienls tirés d'ailleurs ; Moslieim lui-mc.ne
aurait élc forcé de prondrecctt;» même rou'c,
s'il avait eu A prouver le diristianisnie con-
tre un pliilosopho païen. Mais voilà l'cntêle-
mont des pruteslaiils : parce que, selon leur
opinion, rien n'est plus vrai que ce qui rst
écrit, et que Ij'-eriturc est te seul ingane de
la révélation, ils jcgcnt (pie les rèrcs du
II' siècle, qui ont pensé difl'éreiiiuiont , ont
été dans l'erreur, qu'ils n'ont pas connu la
nature et le vi ai (jénie du chrisliauisme. Si on
veut f>arlordu ciirislianisuie protestant, cela
est très-vrai; mais ces Pères, Inslruits par
les disciples immédiats des apôtres, ont très-
bien connu el développé la vraie nature et
le génie du clirisiianisme apostolique, qui
n'est pas celui dos protestants. — 3' Un tics
principaux préjugés des paions contre notre
religion était de prétendre que cotte religion
était nouvelle inconnue à tous los Sages de
ranliquilo; ils se persuadaient que toute vé-
rité devait s<' trouver cliez los Cirecs. Pour
détruire cetto prévenlion, saint Justin, Ta-
tien, Alhénagore. saint Clément d'Alexan-
drie, se sont attachés tous à pri uver que la
doctrine do Moïse touchant la Divinité, doc-
trine qui est la base du cbrisli.iuisme, est
beaucoup plus ancienne que celle do t'^us les
écrivains grecs, el que Moïse l'a enseignée
plusieurs siècles avant la leur. Ils font voir
(|ue 1( s auteurs grecs les plus ancioiis et les
plus estimes sont d'accord avec Moï.^c tou-
chant l'unité de Dieu, la créaiion du tuoiido,
la formation de l'Iiomnie, etc. Ces l'ères pou-
vaient-ils répondre pli-.s direclcnicnl et plus
solidement à I i prétendue prescription sur
laquelle se rendaient les païens? — 4° Un
autre préjugé, répandu mime parmi les phi-
losopher, était do cniire qu'il y a des mois
efjîcuces, maisqui n'opèrent rien s'ils ne sont
prononcés dans la langue originale. Origène
se sort de cette opitiiou pour réfuter certai-
nes objections de Celse contre les exorcisnies
et contie les miracles que les chrétiens o[ié-
raionl par des pandes; nous ne voyons pas
où est le crime. De tout temps il a été per-
mis do faire à un adversaire un argument
personnel, que l'on nomnie argument nr/ lio-
minem^ tiré des pi incipos et des opinions de
celui contre lequel on dispute. Il ne s'ensuit
pas que par celte m, Ihode on a plus einie
de confondre un homme que de lui montrer
la vérité : la manière ia plus efficace de le
convaincre est de 1(> prendre par ses propres
principes. — 5" C'est ïertullion (|ui, dans ses
Prescripiions contre les lici c'iiijues, s'en rap-
porte aux décisions des évéques (jui gouver-
naient los Kglises apos'oli:iuos ; mais il ne
disputait pas alors contre des païens. Il était
question de sa\oir quels élaieut les livres
canoniques ou divins ; si les nôtres étaient
falsifiés, ou si c'étaient ceux des hérétiques;
quoi était le sens qu'il fallait leur donner.
Or, nous soutenois, avec Tertulliou, que ces
questions ne pouvaient être solidement réso-
lues (|ue par le témoignage des évéques qui
gouvi'rnaient les Eglises apostoliques, el que
ce témoignage était irrécusable. Au mot
l'REscKiPrioN, nous ferons voir que cet ar-
gument, invincible au uv siècle, n'est pas
moins solide aujourd'hui, et qu'il n'est pas
vrai, comme le piélend .Mosheim, que cette
f;içon de disputer puisse nuire à la cause de
la vérité. — H" Si l'on veut se donner la
peine do lire l'analyse des apologies i\e saint
Justin, de Talion, li'Athénagorp, etc., que les
savants éditeurs de saint Justin eu ont faite,
on verra qu'il est faux que ces auteurs man-
<iuent d'ordre, do méthode, de pénétration,
d'érudition et<!e force. Il en est de même de
V Ex'' or talion aux Gentils de saint Clément
d'Ali'xandrie , dont on trouvera l'analyse
dans l'éditioii de Potter, pag. 1, dans b-s
notes. Au mot Celse, nous donnerons
celle de l'ouvrage d'Origène contre ce philo-
sophe.
r.ion n'est donc plus injuste ni plus témé-
raire que la censure de I\Ioslieim , adopiée
avouglément par les ] rotostanis , pour se
mettre à cou\ert d'une objection qui les
écrase. Nous persuaileront-ils qu'au ii'' siè-
cle, immédialenient après la morl des apô-
tres, on avait déjà oublié la vraie nature et le
ycnie du chri.<(ianisme ?
APOLYTIOUE. C'est, dms l'Rglise grec-
que , une sorte do refrain qui termine les
parties considérables de l'o'fice divin. Ce re-
fr.iin change selon les temps. Le terme apo-
If/tique est composé de «ro et de l\i;>,je délie,
je finis, etc.
APOSTASIE, APOSTAT, En laissant aux
canonistes les divers sens de ce terme (jui
peuvent los concerner, nous entendons par
apostasie, le crinie de celui qui abandonne
la vraie religion pour en embrasser une
fausse.
Du temps des apôtres mémos, il y eut des
apostats du clirisiianisme; saint Jean nous
en p.irle , el les nomme des antechrists (/
Joan, II, 8). Le iioinbro en augmenta lors-
que lo^ persécutions devinrent cruelles, Piine
en uvat inlerroué plusieurs, et il déclare,
dans sa lettre à Tr.ijan, qu'il n'a rien décou-
vert par leur aveu, sinon que le christia-
nisme est un excès do superstition. Eu effet,
aucun dos Iransfuges n'a j imais révélé aux
juifs ni aux païens un seul f lii désavantageux
à la rel gion qu'il avait quittée ; ils en tirent
plutôt l'apoloiiie. Lorsque los j crséoutions
cessèrent, plusieurs reviurentàla pcnilence,
et obtinrent le p;trJon. trcst une preuve in-
vincible de la vérité cl de la sainteté du cbris-
511
APO
APO
313
tiariisme, à laquelle ses accusateurs n'ont ja-
mais fait alleiition.
Hobi'ps, qui prétendait mettre l'autorité
des souveniins au-dessus de relli' de Dieu,
soutient qu'un chrétien est oblige en cons-
cience d'obéir aux lois d'un roi infidèle,
même en matière de rclisiion, parconséquent
de renier Jésus-Christ par ses paroles, lors-
que le souverain l'ordonne , pourvu qu'il
conserve dans son coeur la foi en Jésus-
Christ. Alors, dit-il, ce n'est pns le sujet qui
renie Jésus-Christ devant les hommes, c'est
îe roi el le gouvernement. Consécpiemmenl il
n'approuve pas la ronslnnce des martyrs.
Pour prouver cette (léte>-table doctrine; il de-
mande ce (lue devrait faire un niahométan
ôunuel on commandenit. sous peine de la
vie, d'.ibjurer le inaliomélisme ot de profes-
ser le ( hristianisme contre sa conscience. Si
l'on soutient, dit il, qu'il doit plutôt souffrir
\n mort, on autorise tout sujet à résister à
son sou venin pour cause de religion, soit
vraie, soit fausse. Levinih. c. xLu, p. 334.. —
Nous ré[iondons que ce mahométan doit
commencer par se laisser instruire, afin de
déposer sa fausse conscience ; que s'il lui
éî lit impossible de dissiper son aveuglement,
supposition que nous n'admettons point, il
Sfiait obligé de souffrir la mort. Dieu avait
ordonné aux Israélites d'exterminer les au-
tres, mais il n'avait pas commandé de les
iraîaer aux pieds de ses autels, pour leur
faire pratiquer le judaïsme sous peine de la
vie. Jesus-(;iirisi n'a jamais ordonné d'em-
plover la violence el les supplices, pour for-
cer les païens à profes-er sa doctrine contre
leur conscience. Au reste, c'est un sophisme
de comparer la conscience éclairée et droite
d'un chtéii'ii, avec la conscience erronée et
fausse d'un [laïeii ou d'un mahométan. ("est
une absurdité de vouloir que l'aulorilé du
souverain l'emporte sur li loi divine foi-mel-
iemenl p<ir;ée par Jésus-Chrisl. Si (luelqn'un
vie renie devant les lioinmes, je le rcnieini de-
vant mon l'ire (Matth. x, 33). I.a loi du scu-
veiain ne peut avoir de force qu'autant que
Dieu nous ordonne de lui être soumis : or,
Dieu n'a donné à au( un souverain l'autorité
de faire de^ lois contraires à la sienne. Jésus-
Chrisl nous dit de lendre à César ce qui est
à César, el à Dieu ce qui est à Dieu. c. xxii,
V. 21 : or. c'c st à Dieu, et non à César, de
nous prescrire la r<dii;ion. Si !e souverain
ordoniiail de coumelire un parjure, un vol,
un ailullère, un homicide, ou tout au're
crime conli.iire à la lui naturelle, sciiuus-
nous for<és de lui obéir?
Oueliiiies aïK- CMS apostats , pour excuser
leur crime , nièreni la divinité de Jésus-
Christ ; ils dirent qu'iis avaient renié, non
un Dieu, mais un homme. Voij. Ivi.c.ksaïtics.
Parmi les calholiques, on nonune ciuors
iipuslat un homme ((ui, sans dis{ieusc légi-
time, renonce à riialiilel à l'ét.it religieux
dans lequel il avait fait profession.
♦ APOSTOI.IGITK (te l'Eglise. Un symbole roeu
presque uiiiversellemeni clic/, les tliréiiens des di-
verses ciiininimioiis .issi^iie pour notes de l:i véri-
table li)gljbc, c'est-à-dire de celle qui a cuiiservé
toute la doctrine et tous les préceptes de Jcsiis-
CliriSt, l'oNITÉ, la SAINTETÉ, I» CATHOLICCrÉ, ddlll
nous parlerons en leur lieu, et I'apostolicité. dont
nous avons mantenanl à nous occuper, laul sous le
rjpport du droit que suus celui du fut.
1. La véritable F.glise de Jésus-Clirist doil-elle
être apostnjiqne? Ou ^at par l'Evangile que le fou-
diileur de l'Eglise se servit pour l'élidilir de douze
apôlres ipi'il iiislruisil, el qu'il envoya dms les di-
verses pariies du imuide pour v annoncer la lionne
nouvelle. Il leur dit : Toute puissance m'n été donnée
dans le ciel et sur ta terre ; dlei donc el ensei'jnex
tontes tes nations, les baptisant au nom du Père, et du
Fils, et du Saint-Esprit, et leur apprenant à observer
lout,'s les choses que je vous ai commandées. Et voilà
que je suis avec vous tous les jours jusqu'à la consom-
mation des siècles. Comme mon l'ère m'a envoyé je vous
envoie. En parlant à pierre : Tu es Pierre, el sarcelle
pierre je bâtirai mnn Eqlise ; et les portes de l'enfer ne
prévaudront point contre elle , el je le donnerai tes
clefs du rofinunte des deux; et tout ce que tu lieras sur
la terre sera lié dans le ciel, et tout ce que tu délieras
sur la terre sera délié dnns le ciel; pais mes agneaux,
pais mes brebis (a). Saint Paul rappelle nue Jésus-
Chiist a établi les apôtres afin que l'Eglise demeure
ferme d:ins la foi et ne se laisse pas eniporier à tout
veut de dectriiie (b). On ne penl méeoiniaiire dans
CCS paroles l'ét iblisseinent du niinisière pasloral.
Aussi les apôlres oui organisé des éiilises pariicu-
lières eu parfaite liarinmiie les unes avec les autres,
y ont institué des p:is eurs h qui ils ont enseigné, avec
injiiuclioii de les iraiisiiieilre, les docirines et les ob-
servanee> prescrites par Jésiis-i^lirist; ils nul investi
ces pasteurs de toute l'aulorilé qu'ils avaient reçue
eux-mêmes pour se choisir des successeurs légitimes
qui auraienl aussi le druii de s'en choisir, et ainsi
indéliiiimenl, c'esi-à-dire jusqu'à la lin du monde, et
sans qu'il y ait inleriiiplH'U dans la succession des
p:isleurs. l)fc ces faits, il est lacile de cent lure que la
véritable Eglise de Jésus-Clirisl doit ê re celle «pii
s'est perpélnée par les moyens i|u'a prescrits sini fon-
dateur, el que, par conséquent, elle doit tenir des
apôlres son origine, sa doctrine, les i ralicpie'' e^>cn-
ticlles de sou culte, et ses pasteurs pai une succes-
sion non imerrom|iue, et en vi nu d'une mission lé-
gilimemeiit transmise jusqu'à ce jour
Aussi, dés les temps les plus reculés, nous voyons
la masse des cliiétieiis applniuer la règle lie l'aposlo-
licilé pour laire le di^cerneiuent de la vérilalile
Eglise de Jésus-tdirist d'avec les diverses socles ou
hactioiis de clirétieiis ipii cbercliaienl à ahérer !:*
doctrine reçue comninnéuieut coiuine venant des
apôtres. C'esl ce que lions savons priticipidemenl pur
les écrits de ceux ipii sont regardés universelleiueiil
comme les grands docteurs de leur temps, ei que
l'on iKuiime pour cette raison les Pérès de l'Eglise.
Voici d'abord eommeni, 'iaiis le premier siè le, suint
(ilémeiii, qniiirieine cliet de l'Eglise (V. UisirÉ),
cariietérise I'apostolicité dans sa 1" épine aux Coriii-
tliiens (vcr^. -ïH, 45 et 4iJ i Les apôtres, éetit-il, nous
ont évanqélisé de la part de ISoire-Seiijneur Jésus-
Clirisl, ei Jésui-Clirisl l'a fnil de la pari de bien. Le
Christ fui donc envoyé par . i. «, et la upolris le furent
par le Ctirisl, lavilonlé de Dieu l'iiyant ainsi ordonné.
C'e\l pouiquoi, après avoir accepté leur iiiissieii, les
apôtres, jorlenient persuadés par la résurrection de
Noire-Seiiineur Jésus Christ, ei loiilirntés dans lu foi
tant pur la parJe de Dieu ijuc par la plénitude de
l' Esprit-Saint, se dispersèrent pour annoncer t'urrivee
du royaume de llieu. Prcchiint donc diins les pays et
les vides, ils établirent évèques et diacres (c), sur ceux
(0) Miilth. XVIII, 10, UO; xvi, 18, id.—Joan. xx,2l ; xm,
lo, lli, IT.
[b) i:pii. IV, II.
(c) t,hieliiiies-niis oui voulu infi^rcr de ce passage que
saint Clciucui u'aUuieiiaii que deux ordres daus le clergé,
313
A PO
APO
514
qui ilevnienl croire, les prémices de leur aposl'itnt, après
les avoir éprouvées. Ce (jiaiid docteur, .iprés avoir
monlié que les envoyés dii Clirisl, perpéliiaiil le sa-
ceiilocc ei> vitUi d'une ini>si(>a divine, n'onl f.iil que
ce (|iio (il Mciise pour établir celui de l'ancienne loi
en le nieilaiil à l'abri de lonle cnnt'sialion, conlinue
en ces le'ines : c iNosapôlrcs oui connu, par iSolre-
Seigiieur Jésus-Clnisl, qu'il y aurait aussi des con-
losiaiions relaliveuient à l'épiscopat. C'e>t pour ce
Inolir, dont ils avaitnt acquis une parl'aile connais-
sance aiilicipée, qu'ils oui éialili les pasteurs ci-des-
sus mentionnes, el qu'ils (uil déleriiiiné, pour régler
lu $ucces>iou dans la suite, que lors(|ue ceux-ci
seraient morts liur minislére el leurs (onctions se-
raient conféi es à d'autres hommes éprouvés, i Enlin
il ajoute que cetivi transmission de pouvoirs ne se lait
que du cunscnUMueui de l'I^^îlise universelle.
Les canons apostoliques, (|ui, si'Iou de graves cri-
[i(iucs, furent téiligés par le nièuie souverain pontife,
l't (pii ont toujours joui dans l'Eglisi' de la plus
grande autorité (V . Canons M'OSToliqiies), tracent
les règles à suivre, tant pour la succession légulière
el la conservation de la mission léj;iiinie <les pas-
teurs de tou- les ordres (a), que pour le maintien de
1,1 iNcliine aposliiliquc (b). Les coustiiuiioiis aposto-
liques, dont ou ne i eui assigner l'époque précise,
mais (|ul sont assurément antérieures au pieniier
concile lie Nicée, c'esi-à-dire à l'an 3"23 (V. Consti-
TUiiONs APOSTOLiiiLES) (c) , rappellent {d) les précau-
tions i» preiiiire dans l'éleclion des éveques, connue
ayant été ob-ervées des les lNi)4>s apo^lollques.
Cil'UiS niainiciiant les témoignages diis docteurs
cliréiiens des premiers siècles, ou qui ont rappelé
dans leurs écrits l'aposlnlicité louime caractère de la
véi'Pable tgli>e, ou qui l'ont évidemment supposée,
sotcommt! un fait ado is univeisellenieul, soit comme
uu principe iiiconteslabl '. Saint Irénée, disciple de
s.iinl l'olycaipe, qui le lut Ini-inèine de l'ai ôire saint
Jean, oppose souvent aux liérétiques de son temjis
l'aiiosiolicité de la doctrine et la .>n( cession légliiine
des pasteurs. < 'Ions ceux qui veulent connaiire la
vérité, dil-il (e), n'oui ((u'à lover les yeux pour aper-
CcvoH diins toute l'Kglise la iradiliou ilis apôtres
léfiaii .ne <laiis ic monde entier : nous pouvons cmnii-
ttr ceux qui ont éié établis cvéïpn'S dans les Eglises
par le? a|iôires el leurs successeurs jusqu'à nous.
Auiun d'eux n'a eiisei;;iié celle doctime. Mais
comme il serait Iriq) long de tracer eu détail la suc-
ces^ion des évèqui'S dans les diverses Eglises, nous
vous lenvoyuns à la ir.idilion de la plus i;rande, de
lapins ancienne' cl la plus univcrsellemenl connue de
tintes, l'Ejîlise qui fui londee à Unme par saint
l'ierre et saint Paul et i|ni s'y est perpétuée par la
su. ci.ssion de ses évêques juM|u'a n s j"uis. > Il cite
iiisiule les noms des dilîeienls papes jusqu'à Eleii-
ti èi>;, qui viv.iil alors. < 11 ncl'ani pas clierclier cliez
d'auifcs, dii-il plus loin {/")>'^ vériié; il est facile de
mais c'est a lort. Si l'on se repo'le au vorsrt 10, on vpira
qu'il y menti. .une les attiibulions paiiirulièies du souve-
rain Ponlife, celle des prunes, dunl il csl encore quCîtion
au vers l 44, et même celles des lénUS- H ne parle ici
que des éït"'ques el des diacres, parce qu'il cite iuuiiédia-
lenicui aprè-, un texte d'Isaieotl il n'est question i|ue de
ces deux ordres de la h.érarcliii'. Saint Cléuieul a sans
doute elle d'apiès un ancirn mar.uscril grec perdu depuis
loiiytemps; car voici ce pa>sii,i;>'. d'isaie (lx, 1") sans va-
lianlOS EclOU les LXX : K«l S<l'o« toi; ifl'l-.IHi «ou iv tlp..vj, xni
toù; i-tffKo-ouf ao'j i-t Sixaioajv.[].
(n) Voir les canons I, is, i'J.67 el 75, dans la grande
COlleciion des conciles de Mausi, t. 1, col. 50 soi].
[bl Canon ijfl, jbiU. Voir aussi pour cet objet sainl C'é-
ni. m, Aposiotic. const., liv. i, c. 7, el Bellariuin, De clc-
ricit, liv. iiî, c. -10-
(c) ("ousulier Mansi, Suer, coiicil. ima cl amptissmia
(olieilio, l. t, c. 2.^8 seip
(d) Liv. H, c. .1, -2 et 3.
(c) AUversus hwreses, liv. ni, c. 3.
(nibid.,c.4.
la tirer de l'Eglise catholique, puisque les apôtres y
ont versé à pleines mains, coninie dans nu riche
dépôl, tout ce qui lient à la vérité : en sorte que
quiconque le veut peut y puiser le breuvage qrii
lionne la vie S'il s'élevait une discussion sur
quelque légère question, ne faudrait-il pas recourir
aux pins anciennes Eglises, où les apôtres ont vécu,
pour y apprendre ce qu'il v a de certain et de clair
sur la inaiière en litige? Que ferait-on si les apô-
tres ne nous eussent point laissé d'Ecriture^.? ne
faudrait-il pas se conbunier il la tradition qu'ils ont
coudée à ceux qu'ils ont cbargés du soin des Egli-
ses? >
Tertullien, dans son admirable livre des Prescri-
plioiis, s'appuie suilnul sur l;i règle de l'aposlolicilé,
imur confondre les béréiiques de son temps, i Lui-
même (.Jésus Christ), écrit-il (a), taudis qu'il était
sur la terre, soit dans ses discmirs au peuple, soit
dans ses instruiaious particulières à ses disciples, a
enseigné ce qu'il était, ce qu'il avait été, les volontés
de son père doul il était cliargé, et ce qu'il exigeait
des liomiiies. Parmi ses disciples, il en cboisit douze
|Our raccompagner el pour devenir dans la suite les
docteurs des nations. L'un d'entre eux ayant élé re-
tranché de ce nombre, il coinnianda aux onze autres,
lorsqu'il retmirna à son Père, après sa résurrection,
d'aller enseigner tonies les muions, el de les baptiser
au nom du Père, et du Fils, et dn Saint-Esprit.
\ussiiot après, les apôtres (ou envoyés) ayant choisi
Milliias, sur ipii loiiiba le sort, pour remplacer le
traître Judas, selon la prophélie de David, et ayant
reçu avec le Saint-Esprit qui leur avait élé promis,
le lion des langues et des miracles, prêchèrent la foi
eu Jésus-Clirisl, et etnliliretit des Egli&i^s d'abord d.iiis
la .luilée: ensuite, s'élaiit |)ariagé l'univers, ils an-
iioncèrent la même (oi et la même doclriiie aux
n.itions, et fondèrent des Eglises dans les vides. C'est
de ces Eglises que les aiiln s ont empruiilé la se-
mence de la doctrine, el qu'elles rempruntent encore
ton., les jours pour devenir des Eglises. P.ir celle
raison, ou les coinple aussi parmi les Eglises aposlo-
liipies dont elles sont les lilles. 1 oui se rai porte
nécessaircineiil à son origine : c'est ponrquni un si
grand nombre d'Eglises si considérables sont censées
la même Eglise, la pieiniérede loiiles, l'ondée parles
apôiri's el la mère de louies les autres. Toutes sont
apostidiques, loiiles ensemble ne font qu'une seule
Eglise par 1 1 coninmiiicalion de la paix, la déiiumi-
iialiin de (rères et les liens de l'iiospitaliié qui nnis-
si m tous les (iilèles V.i,;, ci.ntinue le îiiènie
l'ère (c. 21), comme ii'iis tirons de lii notre seconde
prescription. Si Nntre-Se gneur Jésus-Christ a en-
voyé ses apôlres pour prêcher, il ne faut donc pas
recevoir d'aunes prédic.iteuis, parce que personne
ne connaîi le l'ère que le Fils •;: ceux à qui le Eils
l'a révélé, et que le Fils n'a lévéb^ qu'aux apôires,
envoyés pour |irêcher ce ipi'il leur a révèle. Mais
qu'ont prêché les apôtre?, c'esl-à-diie que leur a
révélé Jésus Christ? Je piélends, fonilé sur la même
prescription, qu'i;ii ne peut le savoir que par les
Eglises que les apôlres ont {ondées et qu'ils ont
inslruites de vive \oix et ensuile par leurs lettres. Si
cd . est, il est ii contestai le que toute doctrine qui
s'accorde avec la doctrine de ces Eglises apostoli-
ques cl matrices, au^si anciennes que la foi, est la
vérilahle, puisque c'est celle que les Eglises ont
reçue des apôlres, que les apôtres ont reçue de JéMis-
Christ, el que Jésus-Christ a reçue de Dieu, il ne
nous reste qu'à démoni-rer que notre doctrine, dont
nous avons présenlé plus liant l'abrégé, vient des
apôlres, el que, par me conséquence nécessaire,
toutes les autres sont fausses. Nous coinniuniquons
avec les Eglises apostoliques, parce que notre doc-
trine ne dillére en rien de la leur : voilà notre dé-
monstration. 1 On ne peut établir ni plus clairement
(a) PrœiCripL, c. M
SIS
APO
APO
5I«
ni plus énerjîiqiiemeni la rèjle invariahle de Papos-
Ifiliclté, soit du iiiiiiisièrc.soit <li' la (Inciiiiie, que ne
l'a luit ce rère à la (iii dii ii^ s èdi'. Voyons mainte-
nant cnniincnt il en fait l'jppliciilion ciiiiUe los lié-
réiiiines de son temps. Arrès :tv lir parlé de Marcioii,
di- Valenlin et d'Apelle (e. 50) et de la nouveanté
de lenrs dncl'ilics, il tmilirme ainsi : i Qnaiit à im
cerl;iln Nigidliis. à Henniii;éne et à tant d'autres,
dont l'occupatioi) imiqne est do pervertir, qu'ih pro-
duisent les tlues de leur mission ... Qu'ils prouveut
donc qu'ils sont ili' nouveaux apôtres, que Jésus-
Christ est descendu une sl^cnndi; lois sur la terre, '
qu'il a de nouveau en-eigiié.... que, de plus il leur a
commnidqiié le pouvoir d'ofiérer les mêmes prodiges
que lui-niêiiie : c'est à ces traiis que nous recon-
naissons les vrais apôtres de Jésus-Clirisi. > Puis il
conclut (c ô2) : « AU leste, si (iup|i(ues-unes de ces
sectes osent se dire ciuiteiii|ioralnes des apôtres pour
par.iître en venir, faites-nous donc voir, leur répon-
d'ons-nous, l'origuie de vos éi^lisc», l'ordre et la
succession de vos évoques, en sorte que vous le-
niiJiiiiez jusqu'aux apôtres, ou jusqu'à l'un d.; ces
Iiommes apostoliques qui ont per.-évéré jusqn'à la lin
dans la conuiiuhioii des apôiri's; car c'est ainsi que
les églises vi aiment apostoliques jnsiillem qu'elles le
sont. Ainsi, l'Eglise de Smyine montre Polyoarpe
que Jean lui a "donné pour évêfpie, et t'i'gli-e de
IVome, CIcitiént, ordonné par Pierre. îoiiles nous
montrent dfe même C' iix ([Ue les ai ôlres ont étalilis
leurs évcques, et par le eau d de qui elles ont reçii
la seiiience diî la doclline apostolique. Que les liéié-
liqui s inveuteut du moins qnclqne i luise de seinldi-
ble. Après tant de l.laspliêiiU'S, tonl leur est permis :
m:iis ils auioiil beau inventer, ils ne ijagiicriuit rien;
car leur doctrine, rapprocliée de celle des apô'ies,
prouve assez pir sou opposition qu'elle n'a pouf au-
teur ni un .Ijiôtre, ni un homme apostolique. I.es
apôtres n'oni pu ê re opposés les uns aux antres
dans leur euseigucineni ; les hoiurnes apiistoliipies
n'ont pu l'éire iiux aiôlies, si vmls exceptez ceii.v (|Ui
les ont abandonnés. Oui, ([ue les hérétiques monlient
la conliuniilé de leur doctrine à la doitrine aposto-
lique ... Toutes les hérésies soûl doue soiiimées par
nos E;;libes de jiistilier par leur doctrine ou par lent'
origine qn'elles sont apnsloliipies, comme elles le
prétendent. La dillérence de leur doctrine dé iitre
au coniniire qu'el es ne sont ri<ui inoin-- qu'aposto-
liques : c'est pourquoi aucune Eglise apostolique ne
les reçoit à la paix et à la ciimmuiiion. ) Eiilin, ler-
lullieti renvoie (c. Tj:,) les héictiqties au\ ligl ^cs
fondées par les apôtres eux-mêmes. « VouIcï-vous,
leur dit-il, saiif.iire nlie Idnatilc curiosité, qui i
pour olijel le s;dut, paieouiez les Eglises apostoli-
ques, où président eiicnre, et dans le.s niènies pi icss,
les chaires 'les apôlres ; où iois(iue \dlis eiiieudnz |[(
lecture de leurs lettres originales, vous eroiléi les
voir eux-mêmes et entendre le sou de leui' voix.
Eles-vous près de l'Achaie, vous avez Cnrintlie; de
la Macédoine, vous avez l'Iiilippes cl 'l'Iie^salon que.
Passez vous eu Asie, vous avez Ephèse; ètes-vous
sur les lloutièies de l'Italie, viuiS :\\ez Uome, à r.:ii-
torité de ijui nous somnies aus-i à (lurlée de recou-
rir. Heureuse Eglse, dans le sein de lit|iielli; les
apôtics ont répandu et leur d' ctiiiie ei leur .sang;
où Pierre est criicilié comme snii m.iîire ; nù Paul
est (onronné comme Jeati-liaptlstc; d où Juan l'E-
vangéliste, sorti de t'Iimle bnuillaiitc >aiu el sauf, est
rclt'gué dans une ilc! Voyous donc ce (pi'a appii^ et
ce ipi'enseigiie Kome. et en (|Uoi elle communi |iic
pàrliculièrenient avec li s l'.glise-, d'Ariii|Ue. » Puis il
expose la loi de l"Ei;lis" ilo lloine pour jiistiikr de
raposifdicilé de celli;s d'Afrique, qui profe-sent la
même doririne.
Saiiif Cypiien, aii milieu du ni' siède, étalilissail
la coiisiituiion de l'Eglise mit l'onire de siifccssioii
dans l'épiscopal, observe dans les temps antérieurs
et remontant jusqu'aut apôtres (n). Enfin, au cnur
meiicement du iv siècle (an 5;3), le premier con-
cile léiiéral tenu à [Sicée rédigea un .symbole de foi
plus explicité que celui des apôires, d ui^ lequel J.i
qualité iVaposlvlique fut a Iriliuée solennellemi ni à
la vériiable Eglise. Or, cette profcssinii de loi fnt
répétée, meutionnée ou supposée dans tontes les
grandes assemblées des premiers p.isieiirs de l'EglLse^
qui se liurcui depuis, comme nous le voyous pour
les concileside Coustanlinople, d'Eplièse et de Clial-
cédoine, dans les actes tant du ii'^ une du m'' concile
iliî Conslanlinople (fc). Il en tut de uièine dans les
autres conciles tenus depuis, jus(|u à celui de Trente,
terminé en lîiGj, où 1 tHiêuie symliide fui rapnelé (c)
« t'expniplt; des Pères, qui dans les sair.is conciles, eut
observé la rnutume d'opposer ce bouclier à loulrs les
liérésie-i, au comuieiici'iiient d,' lenrs opérations Ce
syiniiole se trouve au>si reproduit dans l<ius tes livres
de liturgie. Ou voit ipi'il seraii superllii de citer les
Pères de l'Eglise qui depuis le premier concile de
ISicée ont parlé de l'aposlnheilc comme du caratlère
le |>lus (iistiiictif de la véritable société chrétienne.
l)'ailleurs, nous voyous dans tous les temps les
piemiers pasteurs assemblés b.^ser invariablement
leurs décisions tant doi:uiatiipics que disciplinaires,
aiusi rpie les jugements qu'ils av.nenl à prononcer
relative. lient à la réintégration ou à la dcposiii/iii des
évèi|ues, sUr la triple règle de l'apostolicité de la
doctrine, des praiiijues essentiKiles et du ministère.
ISniis trouvons une applicaiioii reuiaïquahie de cisite
règle, coueernant la doctrine, dans le !ii' con-
cile tenu il Constaniino|)le en (iSO (d), el une autre
eueoie plus solennelle, touchant la succession légi-
time des pasteurs, dans le i|ualrièuic concile (hui-
tième uecuméniquej assemblé d.ins la même ville en
Sti'J, à l'eflel de déposer l-liolius aiusi que tons les
évoques inlru--, el de rétablir dans leurs dignités
saint Ignace et ceux qui étaient eu coinniunion avec
ce paiiiaiclie légitime (el.
Ue tous I es fuis, nous somnies en droit de con-
clure ligoureiisemeni que la véritable Eglise de Jésus-
Clirist doit être apostolii|ue. C'està-diie , que la
siicié:é qu'il a établie si iiiiiaculcusement, au moyen
des lioimnes les pins simples, mais invetis d'une
autorité tniile divine, pour procurer aux honinies
lous les secours dont il. luit besoin dans l'oidredu
salui, doit évidemment, d'après sa natiirc, tirer son
oiigiue des apôtres, enseigner une doctrine et pres-
crire des pr.itiques apo>toliqui'S, ou dniii on iia
puisse pas iissiguer l'origine, eiillu être gouvernée
p:ir une ^éri r de pasteurs, tous e > comuiuniiui les
uns ;ivec les anlres, (|ui se soient siiccé ié sans inler-
ruption depuis les temps apoMoliques, cl dans la
comumnioii d'-s apôtres, b'.iillenr., nous avull^ vu
(|ue ce c:ir,ic ère essentiel de l'Eglise a éié rei'iuinu
dans tou.s les siècles, et i|li'il a invariablemeiil servi
de règle pour le dlsceriieiiieiit des doctrines, des
pratiques el des pasteurs légitimes de la véiilalile
sociéé chrétienne, de celle (|ui seule possède les
inoycus coiiiinuiis el extérieurs de salut.
II. Examinons maiiileiiant quelle est celle des so-
ciéiés cbiétii unes qui peut à juste litre s'airoger la
ipialité d'apostolique. iNmis avuiis vu ipiu la Véritable
Igiise de Jésus-Clirist doit eue apostoiiqiie, soit sous
le lapporl de sa iloctiinc el de ses piaiii|ues e^scu-
iielles, snii suus celui Je soi origine ei de la suc-
(CS-iou légilinie et non interrouipue de ses p.isteiir-.
CoiiilUérons d abord l'aposiolicie du l'Eglise suii.s le
pieiiiier point de vue. Il n'est poiiii uécess.iire, pour
en faire nue ju?l.' appieciation, de coiisidéicr sépa-
rément tontes I sdociiiiics et toutes les pratiques
d'une société cliréiieune, aliu d'en constater diiec-
(«) Kpist xxvii. — (b) Voir MaiiSi ,1. IK , rnl. "0, et
l. \l, col. l'M. — (c) a.ll., III. ((/; .Miinsi, t. .\l, i.Oseq.
— («) Cuncil. Consl., IV, ïul. 1, dans Maiisi, l.Wl, Cul. 27
seq.
517
APO
tenient l'origine apostolif|iie, en remontant ou en
descell(lan^ île siècle en siècle : ce serait un travail
ilont peu (le personnes sont capahlcs; tous les liom-
ines cependant, à (piel(|iie cundilioii qu'ils Ufipar-
licnncnl, doivent pouvoir sans grand cU'irt recon-
niiilrc la véiitahle porie du saint. Il sullil pour les
ç;ens simples ipi'iis exauiinent ou qu'ils s'Infurniont
SI telle ou telle société cliréiienne a on n'a pas été
retrancliée d'un« antre pins ancienne qui jouissait du
droit de p'Ss' ssinn, si l'on pont ou non assigner l'é-
p(i(pie où elle a roniincnrè avee nu code doctrinal ou
(lisciplinaiie dilTiTcnl en un on plusieurs points d'un
nuire suivi autéi ieuri'im'iit. Or ccl uxauicn, qui est à
la poriée du plus (■rnml mnnljre, sera docisil' : car,
ciunuie le lait oliscrver liossuet (a), < le nionienl de
l:i séparation sera toujours si cnnslani, ipie les héré-
tiques enx-iiicuies ne le pourront désavnner, et qu'ils
n'oseront pas senleineiit teiler île se f ire venir de la
siinrce par nue siiile que Ion n'.iii jamais vue s'iiiier-
lompre : c'est le faillie inévitable de tontes les seeles
que les liomines ont élalilies; nul ne peut changer
les siècles pils^és, ni se dunuer des prédécesseurs, ou
faire qu'il les ait trouvés en possession. Ln seule
Kj^lise catholique remplit tmis les siècles prceiiilenls
par une suite qui ne peut lui etie contestée. > .Mais il
est évident pour tout le tnoiiile qu'une sec e nonvcl-
lemeiil orRanibée, et avec la préienlioii de réloinicr
r;uicienne doctrine ou les anciennes pratiques, ne
pe l être apostolique. Il lesnlle de ci' Siin|ile e.vani ■«
que celte ijualrc ne peil ctie aiDilmée tpi'à l'Hylise
romaine, ipii seule n'ollre pnint le laractcre de la
iiiinveauié, qui seule n'a jamais varié si'it dans ses
croyances, (■oltdins ses praiiq es essentielles.
Saint Annu-lin (/)) ilniiiie !a rc;;le siivanle, pour
faiie juger de l'aposioli. ité, suit d'un ilo^nie soit d'une
pratique : t On est pai lacement r"nilé a croie, ilil-
il, que ce (|u'oliserve l'^yli e universelle et y lut lou-
jonis observé sans avoir éie prejcnl par les c un Iles,
ne peut venir (|iie de l'auto. iié ap uto i |iie. » baiot
\'incent de l.érins d:ins ses Ciinmonilori :, dit aiisi
que l'on doit lappoiter à une liaililon ajostnlique ce
qui a été cru ou oli ervé par ions les lidèles, ilans
tous les temps et lians tous les l.eiiv. .Mais irii con-
çoil que la réjîle est d'une :'p;ilieaiiou (l'..ntanl plus
diflicile, qu'elle CM^^e l.i connaissance pail.ntt; de la
Iradiiion de l'Iiiîlise nnivcisel e, sur unis les dni^nics
el toutes les pratiques. iSeaninoiiis nous eii fiions
usage poui- dénmnlrer la légitimité des princip;iics
croyances et des pratiques esseuiielKs de l'f^-lisé
romaine sous les litres qui leur ennvieniient (e).
Mais il est beanconp pins facile d'appiéi ier d'un
seul coup d'uMl l'aposlolieiié di' la vciil.ible liglise
par 1,1 Voie de la | rcM-r p ioii. Il est ilupo^sible, en
elfel, qu'il S'il snrveu.i aucun cliangeineiit insensible,
inaperçu , dans l"s dii' irines ou iiaus les praiiqnes
apostoliques : car ce cli.in^cmenl se ser;;it inirodiiit
OU par suite de l'i^ncnaine où r.m aurait été des
croyance!! et des piaiiqiies du siè- le pr. cédenl , ou
parce que (pielques-uiis aura eut voulu soit abolir,
Soit établir fiaiidiileusenient un dogme on nue piali-
qnu; ou piirce que tons les lidcles uura ent conspiré
unaiiiiiieinent lour altéier en i|Ue|ques p-dnis la Ira-
diiion apostolique. Or, cliaciine de ces bypollièses est
insnuleiMb.e : la première, parce que timtes les gé-
iiéialioiis ne linissenl point a.ec un siècle, (|ne les
piéeédeiites vivent avee les ^ni^allte^, et que de tnnt
leui|is le» lidèles de tons les âges ont l.iit eu ciimmnn
profession de la même lui et exercé publiqucinoot le
(«1 Discons sur l'Itisl. tmiv , p. ii, c. 30.
(bj Oe bapl. contra Doiiadstus, liv. iv, e. 2i.
Icj Oeil . q.ii ;iiment les urgiinifiiis ad h miiu'in ne linml
pi'si sans iiitérOl le cbqi. xxxiv U'uii onvi-.ue de rimiiiiis
MjoijBiiiliiulii: roi/i/(;e it'un Irlonluis à la reclie'clie il'u e
rfliijhfi. Cel iiitén'.^s ml aiiU'ur y jtou , e l'i:ini<iuil^ i>;:o to-
Hil e de la dijctiini: culhoinjue, t i.ni p^r I. s écrits di>s ré-
foriuateurs que |iar ceux de .pmtesl.uils plus modernes,
voir Vémunn. évang., t. XIV, col. loi) seq.
aW 318
même culte; la seconde, parce qu'on se serait récrié
Contre l'Iiilerition perverse des novateurs, aussitôt
qu'on se serait aperçu qu'ils avaient l.i prétention de
déroger aux croyances et au\ pratiques communes :
en supposant ((u'ils ell^senl réussi ibms une localité à
0|iérer (|uelque changement, on aurait réclamé dans
mille autres, eu leur contesiant le droit ipi'ils nsnr-
paieni, et c'est piéci-émenl ce que l'on a lait contre
les hérésiarques de tous les siècles; la Iroi-ième hy-
pothèse est encore pins inadMii,ssible , parc qu'il
aurait fallu couvenir sur Ions les points du globe où
la religion chrétienne éla l professée, d'aiouier on de
retrancher tel ou tel article, à partir de tel jour, taut
en le laissant i;;norer aux génératons snivanles, ce
qui eût été de toute impossibilité, vu l'opiiosilion des
inléiêls et des passions, vu Sinlout les léclauiiitions
que n'aur ient pas manqué de l'aire, n'impnrlK dans
quel siècli", les ennemis acharnés de l'IOglise, tou-
jours disposés à la trouver eu délaut.
On ne peut donc aiicuiit!inent'Upposer(|n'd soit ja-
nnds survenu nncuiKhangenieiit inaperçu, Mdtilnns les
doctrines, boit dans les prati.|nesapost. liipies ; d'où l'on
doit eonclure ipie celte Kglise seule est apostolique,
d.insliiquedeonnep ntsigualerauiUiiehangenienl,soit
dans la croyance, soit dans les pratiques essentielles :
or l'Kglis; romaine (v<t visiblement la seule qui .noit
danir ce cas. Dès lois donc qii • telle croy.mce on telle
pratique était reçue dans tel siècle, on doit en cou-
dure (|n'ello l'était dans le précédent, puis dans les
leinps antérieurs, en remontant ainvi jusqu'aux apô-
tres. Car, ainsi (|iie intns ra\ons Cail vtir, aucun
ch.ingemenl insensible n'est possible, et s'il se lût
intioduil quelque innovati m, ou coiinaiirait, selon la
remarque de l'ellarniin, comme on le fan sur toute
hérésie, les six ch.ises suivantes : 1* l'objet de l'in-
novation , a° son auteur, 3" le temps où elle a coin-
«lencé , i'Je lieu de sa naissance, à" ceux ipii s'y sont
iqiposés, ," la petite société i|ui en a d'abord favorisé
la propagation. Mais aucun de ces indices de Mou-
veau é n'est applicible soii aux doctiiiies, soit aux
pr.iliqui's cs^eiiiielles de l'Kglise lomaine, et lous, .-.u
conliaire, le sont aux cioyiincea el aii\ observances
des auires sectes; il est dnne clair que l'I'.glis.; ro-
maine seule pos.-ède un eneuihle lie doctiines eule
prali(|des dont aucune n'a élé nliéié ■ depuis les temps
des apôtres, ei (|ne, par conséqneni, seule elle doit
èire reconnue ai osioliqiie sons ic double rapport.
On ponnaitoljj.:, ter ici ijn'il y a eu innovation
dans l.i doctrini; ilo rh.i;lise rOinaiiie, toutes les fois
que de nonveanx points dogm.iliq.es om été détinis :
nous renvoyons p mr la répuii-o à l'article Foi, où
nous disiingnerou . ligoilrensement la foi iiiii bcilede
la loi explicite. Qnaml a la délerminalioH des prati-
ques essentiidles, i vtj. Culti;, Discii'Li.nh.
I.'apostoliciié du unnlslcre et l'appui et le garant
de l'aposiolicité de 11 doctrine. Si le c:inal par lequel
la doctrine passe ne ch inge pas et n'éprouve uiicnne
inteinipiioii, n'est-ce pas une preuve (|ue l'eau dé-
coule do la vraie .smiree? Si au contraire il y a iiiler-
rupiion.oii peut uiariiinr l'époque oûellea pu cesser
a'é le la vénlable doctrine.
« Ou distingue deux ciioses dans le minislère ec-
clésiastiqie, dit M. de La Luzerne, le pouvoir d'ordre
et le pouvoir d; juridiciion. Tous les deux émanent
des apôires qui les avaient reçus de Jésus-Chiisl.
C'est dans la c nilinuilé de ce» deux pouvoirs, depuis
les ripôlies qui les iiiemicrsout exercé ce-mini. lére
sacré, jusqu'aux évèq les qui l'exercent aujour.riini,
que consiste l'apostolicité du ministère. Le premier,
c'esi-à-diie le pouvoir d'ordre, s'est perpétué sans
interriipiion par l'ordinaiion canonique. Les apôtres
Ont ordonné les premiers évêques; ceu-f-là en ont
cons.icré d'autres : et ainsi les évêques de nos jours
ont leçn le même caractère épiscop.d qu'aval, iil les
()remitr^ successeurs des apôtres, .'•d, li-in., le cours
des siècles, il s'est rencontré qiudque homme assejs
téméraire pour entreprendre de faire une urdinaiiuii
319
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320
d'évêoaes, sans avoir reçu lui-même des successeurs
des apôires le car:>olère épi^cop:)!, celle ordiii;ilion
a été non-seulement illégitime, mais pnci're iMvalitle.
Un tel épiscnpal, n'étant pas le même qu'avaient les
apôlri's, n'est pas aposlulique; il es! nul. Le st>coud
pouvoir, qui est le pouvoir de jiuidiclion, ayant été
dés l'origine de l'Kglise Mxé à des sièges et circoiiscrit
dans ilis leriitoire-, c'est la succession coniinue des
évéques -ur ces sièges qui forme l'aposUdicité <le la
ju'iiliciion. Chaque successeur a reçu la juridiction
qu'Mvaii sim prédécesseur, et cette tradition non in-
leri- -iiipue remmiie jusqu'aux apôtres. Les éreciions
nouvelles d'évccliés ayant été laites par l'autoiité
des successeurs des apôres, sont de même d;ins la
succession apostolique. Les uns sont élalilis dans les
régions réceniMicnt acqui-^es à la loi , cl sont au-si
apostoliques que ceux ([n'établissaient les apôtres à
n)esiirè ipi'ils étendaient leurs prédications : ils sont
foulés, comme les premiers, par la puissance ;ipos-
tolique. Les autres S(uit des (léniemlnements d'éiê-
cliés ()ue l'on juge trop étendus. Les évéques qu'on
y installe succèileut légitime nent en celle p;irlie à
ceux dont on a démembré le leniloire, lesquels les
reconnaissent comme leurs successeurs. Ions ces
élahlissements réceils sont de oouveauv rameaux,
mais qui sortewl de la lige sacrée, et qui tirent leur
substance de la racine aposlolii)ue. Au contraire,
qu'un évé(iue prétende se l'dre un siège à lui-
même, ou, ce qui revient an même, qu'une puissance
qui n'est pas celle des apôtres entreprenne d'en éta-
blir un, ce ne sera point uti siège apostolique, paice
qu'd ne sera pas dans l'ordre de la succession. Celui
tpi'on y aura élevé pourra avoir l'ordination aposto-
lique, mais il n'aura pus la juridiction aiioslolique ; il
n'exercera donc pas un ministère apostolique. >
Il nous reste maiiilenanl à reconnaîtie quelle est
celle des Eglises chrétiennes qui doit être répuiée
apostolique sous le point île vue de son origine, et île
la succession légitime et ii'in iuieiTomp"^ de ses pas-
teurs. Il serait pres(pie aussi difiicile pour un chré-
tien (|iie pour un infidèle de rechercher la succession
régulière des pasteurs de tomes les liglises particu-
lières; et uiêiiK! la vie de plusieurs hommes ne ^uHi-
rait pas à un tel travail , yn»r l'organisilion duquel,
au reste, les matériaux mampieraieiit le plus souvent.
D'ailleurs, il est un grami nombre d'Eglises particu-
lières dont la doclrine n'a sulii aui'un i liangement
assignable, et doit être par conséiiuent léputée apos-
tolique , qui ne peuvent faire remonter la série de
leurs p.is'eurs jusqu'au temps des apôtres qu'en la
rattachant à une autre série entée elle-même sur une
soiitdie a|ioslolique. Il eu est plusieurs autres , prin-
cipalement eu Asie et eu Arri()ue, (|ui, bien qu'ayant
é'é fondées par des apôlrcs ou quelques-uns de leurs
successeurs légiiimes, ne i cuvent cependani produire
une suite noi iuterro:iipuc de pa^teurs pourvus d'une
mission légulicre , qu'en se grellant sur la souche
romaine, et cela pour avoir rompu pcndani un temps
plus ou m lins long la chaiie apostolique. D'après ce
qui précède, il est facile de comiure ((u'il est rare
(pie l'on puisse juger de l'apostolicilé d'oi i^^iiie ''t de
niinislére d'une Eglise p irlieulièie, en la coosiilér.inl
isolément , cl qu'il iniporle de s'assurer aviiiil tout
si celte Eglise e-i eu couuniiiiion avec une auire ré-
puiée plus ani ienne , dont il soit facile ii'élahlir la
succe-sion non interrompue de pasteurs légitime^. Il
est clair , en clfet , qu'une Eglise particulière (piol-
coiique , qui est en communion de doctrines et de
pratiipies avec une autre vi>ihlemenl aposloliipie,
sous tous les rapporis , ne peut être gouvernée que
par des pasteurs apostoliques , conforiiiémcnl à ces
doctrines et à ces pratiques aposloli(|ues clles-mô-
. mes.
Aussi, les plus anciens défenseurs de la véritable
Eglise se contenlaieni-ils de prouver contre les liéié-
tii|ues que la foi profebséc par leurs Eglises émit la
foi de Rome (n) , cette grande Eglise dont l'apostoli-
cilé n'a jamais pu êire sérieusement révoquée en
doute : en-^uile , ils nommaient Ions les successeurs
de saint Pierre sur le siège de Rome , jusqu'à celui
qui vivait de leur leinps. Nous nous absienons de
ciler une seconde fois saint Irénée (h) , dont nous
avons rapporié les paroles en traitant la (piesilcm dj
droit. Saint Augustin, dans l'exposition qu'il fait (c)
des motifs qui le retiennent dans le sein de l'Eglise
catholique romaine . mentionne expressément t la
succession de ses prélats sur son sié^'f>, depuis saint
Pierre , à qui le Sehineitr , nprè.s sa résitrreclion , a
cntifié le soin de paiire ses brebis, jusqu'à l'évêque ac-
tuel. • D' même saint Optai, écrivant contre les do-
natislcs, énuuière tous les pipes depuis saint Pierre
jusqu'à sairii Siriee, (pu vivait alors , « avec lequel,
dit- il , tout le monde et nous sommes unis de coni-
muoioii. Piiiir Vous (donalistes), ajoute-l-il, donnez-
nous riiisioire de votre minislère épiscopal (d). i
l'eue manière de proiéder des SS. Pères, en fait
d'apastolicilé, avait été reiiiarquée avant nous par le
savant Toiirnély : « Irénée, dit-il , n'éiiumère pas
les évéques if- Lyon, ni Ensélie ceux de Césarée, ipii
l'avaient précédé, non plusqu'Epiphane ceux de Sala-
mine , qu'Oplat ceux de Milève, ipi'Aiigustin ceux
d'Ilippone; mais tous s'attatlient à tracer la série
des poniiles romains. •
APOSrOLINS, religieux dont l'ordre com-
mença au xn'^ siècle, à Milan en Italie, lis
prirent ce nom, parce qu'ils faisaient pro-
i'essioii d'imiter la vie des apôlres el celle des
premers fidèles.
APOSiOLIQUK, signifie, en général, qai
vient des apôlres. On croit dans l'Eglise chré-
tienne, ((ue la doclrine, pour être vraie, doit
èire apoiloliqiie, qu'il ne faut rien enseigner
que ce qui nous a éié transmis par les apô-
lres, ou de vive voix, ou i)ar écrit : ])uisque
la doctrine chrétienne est une doctrine révé-
l.e, nous ne pouvons la recevoir avec certi-
tude que par l'organe de ceux que Jésus-
Clirist a e»tio//(''s pour l'enseigner. Teilullieii
a établi avec beaucoup de force ce principe,
dans svs Prescriptions contre les hérétiques.
— Par la mcm" raison, la mission des pas-
teurs , pour être légitime, doit venir des
apôtres par une succession non interrompue;
toute mission (|ui ne vient pas d'eux, ne ])cut
venir de .iésus-Ciirist, ne peut donner aucune
autorité ni aucun pouvoir.
Le tiire d'aposlolu/tie est donc un dos ca-
ractères distinct ils de la véritable Eiçlise,
parce (|u"elle fait profession d'être attachée à
la doctrine des apôtres ; que ses pasteurs,
par une successiou conslanle, tiennent leur
mission de ces premiers ciivon es de Jésus-
Clifisl. Aucune des soeiélés qui se ilisenl
chrétiennes ne réunit ces deux caractères.
Ce titre , qu'on donne aujourd'hui par ex-
cellence à l'Kgli^(• romaine , ne lui a [las
toujours élé uiii<|iienieiil alTeclé. Dans les
premiers siècles du christiaiiistne , il était
(«) Voyez Tertullien, PrœscHp., lib. , c. xxjivi; Dé-
tnonsl. évaiig., t. I, c. xcviii; Cio's. complel., l. I, col. 7113;
l'alroloq., t. I', c.--l », élit. Migue.
((') Ail,', luvies, liv. III, c. .ï.
( j C'iirii episl. Mnmchivi, qtinm vorant fiiiiflameiitl,
c. IV. l'atroioii., I. lAII, col. 175, é<)il. Mi};ne. Plus eurs
Kaliicacs , el eiiire aiiires liégiiier, oit supprinn' dans lO
texte iiii|ii)rt;mt ce qui a trait à li primauté du bainl-siége.
Voyez Cms. rompt., t. IV, col W)l.
((/) l^e sctûsmalc ihnatisl., liv. Il, n. 3. Pulroloij., t. XI,
col.9i7, édil.Miguc.
581
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3S2
Ciunmnn à toutes les Eglises qui avaient été
fondt'-es.pnr les apAIres, et parlirulitVement
aux sièges de Rome, de Jérusalem , d'Antio-
clic, et d'Alexandrie, comme il paraît par di-
vers écrits des Pères et autres monumeiils de
l'histoire ecclésiastique. Les Egalises mêmes
qui ne pouvaient pas .■■e dire apostoliques, eu
égard à leur fondation faile par d'aulrcs que
par des apoties , ne laissaient pas do. pren-
dre ce nom, soit à cau^e de la couformilé de
leur doctrine avec celle des Eglises apostoli-
ques par leur' fondation , soit i neore p.irce
que tnus les évèques se reg;irdaient comme
successeurs des apôlres, et qu'ils agissaient
dans leurs diocèses aiec l'aulorilé des apô-
tres. Voy. Evèques.
Il parait encore par les formules de Mar-
culphe, dressées vers l'an CCO, ([u'on donnait
aux évcques le nom A' apostoliques. La pre-
mière trace qu'on trouvé de cet usage,
est une lettre de Clovis aux prélats assemblés
en concile à Orléans ; elle commence par
ces mots : Le roi Clovis aux saints évêques
cl très-dignes du siège apostolique. Le roi
Gonlian nomme les évêques assemblés au
concile de Boulogne , les pontifes apostoli-
ques. — Dans les siècles suivants, les trois
patriarcats d'Orient étant lombes entre les
mains des Sarrasins, le tiire iVapostoUque fut
réservé au seul siège de Rome, cunime celui
de pape au souverain pontife, qui en esl évê-
que. baint (îrégoire le (irand, qui vivait daits
le VI' siècle, dil, livre v, epît. 37, que,
quoiqu'il y ait eu plusieurs apôlres , néan-
moins le siège du prince des apôtres a seul
la suprémi^ aulorilé, et par conséquent le
nom d'apostolique, par un litre particulier.
1,'abbé itupcrt remarque, lib. i de Divin.
Offic, ca|>. -27, que les successeurs des afiô-
Ires ont été appelés patriarches ; mais que le
successeur de saint Pierre a été nommé par
excellence n/jos/o/(V/«e, à cause de la dign'lé
du prince des apôlrt'S. Enfin le concile de
Reims, tenu en 10'i9, déclara que le souve-
rain pontife de Kome élail Ir seul primat
apostolique de l'Eglise universelle. Ue ià ces
expressions aujourd'hui si usitées, siège
apostolique, nonce apnstolique, notaire opns-
tolique. bic( aposlulique, chamhvc aposioli-
que, vicaire apostolique, etc.
Apostoliques (Pères.) Voy. Pères de l'E-
JBLisi:.
Apostoliques, nom que deux sectes diff;-
renles ont pris, sous prétexte qu'elles imi-
taient les mœurs el la pratique des api'jlres.
Les premiers apos<o/(çite«, autrement nom-
més apw/ac(i.'e<, s'élevèrent d'entre les encra-
ntes ou les cathares dans le \n° siècle ; ils
professaient l'abstinence du mariage, du vin,
de la chair, etc. Voy. Apotactites. — L'autre
secte des npostoliijues fit grand bruit dans le
xni' siècle ; son fondateur fut Gérard Saga-
relli, ou Ségarel. né à Parme. Il exi^ieail que
ses disciples, à l'imitation des apôtres, allas-
sent de ville en ville, velus de blanc, avec
One longe barbe, les cheveux épars et la tèie
nue, accompagnés de certaines femmes <|u'ils
nommaient leurs sœurs. Il les obligeait à re-
noncer à toute propriété, elà prêcher la pé-
nitence ; mais dans leurs assemblées parti-
culières, ils annonçaienl la destruction pro-
chaine de l'Eglise de Home, rétablissement
d'un ( ulle plus pur et d'une Eglise plus glo-
rieuse. Celle Eglise, selon lui, était sa secte,
qu'il nommait la conqrégation spirituelle. Il
publia que toute l'aulorilé ((ue Jésus-Christ
avait donnée à saint Pierre et à ses successeurs
avait pris fin, et qu'il en avait hérité; qu'ainsi
le souverain pontife n'avait aucune autorité
sur lui : il ajoutait que les femmes pouvaient
quitter leurs maris, les maris leurs femmes,
pour entrer dans sa congrégation ; que c'était
le seul mo V en d'élre sauvé; que Dieu étant par-
tout, il n'y avait pas besoin d'Eglise ni de ser-
vice divin; qu'il no fallait |ioint taire de vcpux,
et que l'attai hemenl à sa doctrine sanctifiait
les actions les plus criminelles. On sent quels
désordres pouvaient résu 1er de cette doctrine
fanatique. Ségarel fut brûlé vif à Panne, l'an
1300.C'est ac usede lui que ((oelques auteurs
ont désigné les apostoliques sous le nom de
sé(jare'lleiis.~ Après sa mort, un autre fa-
natique de Novare, nommé Dulcin ou Doucin,
prit sa place ; il se vanta d'être envoyé du
ciel pour annoncer aux hommes le règne de
la charité : l'on préleadqu'il se livrait à l'im-
pudicilé, et qu'il la permettait à ses secta-
teurs : la moiale préchee par Ségarel devait
nécessairement produire cet elïel. .Mors les
apostoliques furent appelés liulcinistes, du
nom de leur nouveau chef, qu'ils regardaient
comme le foiulaleur du troisième régne. Sé-
duits par les prèle. idues prophéties de l'abbé
Joachim, qui avaient cours pour lors, ils di-
saient que le règne du Père avait duré dejiuis
le commencement du monde jusqu'à Jésus-
Christ, que celui du Fils avail fini l'an 131)0 ;
que le règn(; du Sainl-Espril commençait
sous la direclion de Doucin. Celui-ci publia
que le pape Boniface VMI, lés prêtres et les
moines, périraient par l'épée de l'empereur
Frédéric ill, fils de Pierre, roi d'Aragon, et
(ju'un nouveau pontife pins pieux serait pla-
cé sur le siège de Rome. Il leva même une
armée, afin de commencer à vérifier lui-même
ses prédictions. Reynier, évéque de Verceil ,
s'ojiposa vivement à ce sectaire, et pendant
une guerre de plus de deux ans, il y eut
beaucouf) de sang répandu départ el d'autre.
Enfin, Doucin, vaincu el jiris dans une ba-
taille, fut mis à mort à Verceil, l'an 1307,
avec une femue nommée Marijuerile, qu'il
avait prise pour sa sœur spirituelle.— Dés
ce moinenl sa secle se dissipa en Italie. L'on
pièsume queles restes se reunirent aux vau-
dois dans les vallées du Piémont ; mais i! s'en
trouva encore eu France el en Allemagne.
IMosheim assure que 1 an 1402, l'un de ces
rinaliques lui brûlé vif à Lubei k. Hist. eccl,
(lu xiii« siècle, ir part., c. 5, § 14, note. Lors-
que les protestants déclament contre les sup-
plices que l'on a fait subir à ces sectaires,
ils devraient faire allenlion qu'on ne h s a
pas |.unis pour feurs erreurs, mais parce
(|u'ils troublaient la tranquililé publique et
l'ordre de la sociélé. Une erreur innocente,
qui ne peut porter préjudice à personne, est
graciable sans doute: ruais une doctrine s«-
525
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dilieuse, qui cchaalTe les esprits, corrompt
les mœurs, alarme les gouvernements et qui
est suivie d'émotion parmi le peuple, est un
crime d'Etat ; on a droit d'en punir les au-
teurs et les sect.iteiirs opinâlres.
Il n'est pas élonnanl que le>. historiens
n'aient pas rapporté d'une manière uniforme
les erreurs ol la conduite des apostoliques.
Dans une secte de fanatiques ignorants, la
croyance ne peut être la même ; chacun a
droit de rêver et de publier ses visions :
quelques-uns peuvent avoir des mœurs pu-
res, pendant que les ;iutres se livrent aux
plus grands désordres. Il en a été de même
dans tous les temps et parmi toutes sortes de
sectaires. — Mosheim nous apprend encore
que parmi les mennonites ou anabaptistes
de Hollande, il y a aussi une bianche que
l'on nomme npostoliiiucs, du nom de Samuel
Aposlool, l'un de kui s païlenr^. Ce sont des
mennonites rigides, qui n'admettent dans
leur conmiuniim que ceux qui font profes-
sion de croire tous les points de doctrine con-
tenus dans leur C()nfes^ion de foi publique;
au lieu qu'une autre branche, appelée des
galmistes, rrçoit tous ceux qui reco.inaissept
l'origine divine de l'Anciv'u et du Nouveau
Testament, (juels que soient d'ailburs leurs
sentiments particuliers. Hist. ecdésiast. du
xvir sircle sert. 2% II' pari., c. 4-, ^7.
APOiACTlTES ou APOTACTlUUpS, ep
grec, «Tt'.Ty/.TiTat composé d'«7vo et xc.tt',i, je re-
nonce. C'est le nom d'une secle d'anccns
hérétiques qui renonçaient à Ions leurs biens
et voulaient imposer à tous les chrétiens l'o-
biigalion de faire de même, pour suivre les
conseils évangeliques, et pour imiter l'exem-
ple des apôlres et des premiers fidèles.— 11 ne
parait pas qu'ils aient donnéd'abord dans au-
cune autre erreur. Selon qu( Iques auteurs
ecclésiastiques, ils eurent des vierges et des
niarlyrs sous la persécution de D oclélien au
quatiièine siècle. Ensuite ils tombèrent dans
l'Iiérésie des encratites ; de là vient que la
sixième h>\ du Code Ihéodosieu joint les apo-
iacti(jucs aux cunomiens et aux ariens. Selon
saini lîpiplianc, ils se servaient, comme les
encralisies, de certains ;ictcs apocryphes de
saint Thomas et de saint André, dans les-
quels :i est probable qu'ils ayajeni puisé leurs
opinions.
Al'OTHKOSE, action de placer un homme
au rang des dieux. Sur cet article, qui ap-
partient à l'histoire, nous ne ferons qu'une
réllexiun. Si les païens n'avaient iilacé au
rang des dieux ou des oiijels de leur culte
que des lioii;mes recomandables par leurs
Vertus et p,«r leurs bicnfails, c(!tle cérémmiie
qui alleslait la croyance de l'immortalité de
râ:ne , aurait été du moins une leçon pour
les nsœurs. Maisaccorderles honneurs divins
à des personnages aussi vicieux et aussi mé-
chanis que l'ont clé laplujiart des empercirs,
c'était un outragea sanglant f lit à la majesté
divine, et la p<us mauvaise instruction que
l'on (lût donner aux peuples ; il en résuliait
que ce n'est p:is la v ertn ((ui condu t riionime
au bon heur éternel. Celai' us démontre jusqu'à
quel p liul l'idée de la Divimlc était dcgrudée
chez les païens. — C'est une injustice absur-
de d'avoir voulu comparer Vapothéose des
empereursàla canoni.-at.on dessainlsconmie
ont fait queli]ues incrédu es ; jamais l'Cglist;
n'a prétendu accorder à des hommes les
mêmes honneurs qu'à Dieu, et n'a placé au
nombre des saints des pcrsoanages odieux
par leurs vices.
APOTRES, envoyé, du grec i.nô et arûXu,
j'envoie. Ou désigne sous ce nom les douze
disciples que Jésus-C risi a choisis et en-
voyés lui-même pour prêcher son Evangile
et le répandre chez touies les nations.
(Quelques faux pté iiraleiirs voulurent ron-
{ester à saint Paul la qunliié li'apô.'.re, sous
prétexte (| 'il n'avait éié ni instruit, ni en-
voyé par Jésus-Christ. Saint Paul releva ce
reproche avec force au commencement de
souEpiire aux Galat s. Ea elTet, son élection
et sa mission sont clairement mar<]uées dans
ces paroles que Dieu dit à Anauic, en par-
lant de Siuil converti (Act. ix , t6) : Cet
homme esl tin insl>ument (/uefui choisi pour
porter mon nom decani les rois el les initions.
Dieu voulait iiiontrer parla qu'il est le maî-
tre de donner une mission exir.iordinaire à
qui il lui pl;iil ; que, lorsque les apôtres choi-
sis par Jésiis-Clirist ne seraient plus, la mis-
sion ne serait pas pour cela détruite et
anéantie. — Mais à celte mission divine saint
Paul ajouta la mission ordinaire qui vient
des pastfcurs de l'Eglise, par la prière el [lar
l'imposilioii des mains, des prophètes et des
docteurs de l'Eglise d'Antioche ( ,4c^ xni,
2 et 3). Exemple qui n'a pas été imité p ir
ceux qui, dans la saite des siècles, se sont
prétendus susci;és de Dieu pour réformer
l'Eglise.
Le ministère des apôtres consistait, 1° à
enseigner toutes les nations : l'réchez l'E-
vantjih; à toute créature; ce que je vous dis à
Voreille, pahliez-le sur les loits, etc. Or, la
fonction d'enseigner a»ec autorité emportait
celle de juger el de décider (|uelle élait la
doctrine conforme ou roniraire à celle de Jé-
sus-Christ , d'apiMOUver la première el de
condamner la seconde : les npôlres en ont
usé ainsi, nous le voyons par leurs lettres.
2° A gouverner le troupeau de Jésus-Clirist
en qualité de pasieurs. Ce divin Sauveur n'a-
vait pas chargé saint l'ii-rre seul de cette
fonction, lorsqu'il lui avait dii : Paisse: mes
agneaux, paissez mes ùreliis, puisque C' t apô-
tre lui-même dit aux anciens de l'Eglise ou
aux prêtres : Paissez l'e troupeau de iJieu qui
est autour (le vous noncndominant sur le clergé,
mois en lui servant de modèle de tout voire
cœur ; et lorsque le prince des pasteurs paraî-
tra, vous reicvrcz une couronne de gloire m-
corniplible (/ f'etr. v, 2). Or, le soin du pas-
teur ne se borne point à guider les ouailles ;
il consiste aussi à les nourrir, à les guérif
lorsqu'elles sont malades, à les ramener lors-
qu'elles s'cg.irent : conséquemment Jésus-
Christ ( h.irge les apôlres de baptiser ; il leur
donne le pouvoir de renn'tlre et de retenir
les pé( liés, de consacrer son corps el sou
sang, de donner le Saint-Esprit, etc. Que
l'homme nous regarde, dit saint Paul, comme
32S
APO
Im minisires de Jésus-Christ et les dispensa-
teirs des mystères d^ Dieu {I Cor. iv, 1). Il
(lit aux anciens de l'Egli-ic d'Eplu^so, que le
S.tint-Espril les a établis évê(iuos ou surveil-
lants pour gouverner riîfj^lise de Dieu {Act.
}ix, 2>). 3° A exercer l'auldril;' de jnjjes cl de
lév'islalours : Au temps de la réi/énératio»,
leur dit .^ésus-(>llri^t, un du rrnonvcUement
de toutes choses, hrsque le Fils de l homme
se> a placé sur te trône de sn majisté. vous
seri'z assis vous m/'mes sur douze sirt/es pour
jn</er les douze tiibus d'Israël {Mailh. xix,
28). Il leur déclare que tout ce qu'ils auront
lié ou délié sur la terre sera lié ou délié
dans le ciel. cap. xviii, v. 18. Aussi, dans le
concile de Jéiusalcm, Ils font une loi aux fi-
dèles de s'abstenir du sang;, des chairs suf-
f(u|uées, etc. (.le/, xv, 28). Saint l'aul ju^e
un incestueux digne d'être livré à Salaa
(/ Cor. v, 3, etc.)
Sur ([uels l'ondemenls quelques proles-
tants, précepteurs de nos incrédules, leur
ont-ils appris que les apôtres n'avaient reçu
de Dieu point d'autre autorité que celle d'en-
seigner; que les autres privilèges dont le
clergé s'est emparé, sont auiant d'usurpa-
tions et d'entreprises injustes sur la lilicrlé
des fidèles? Aux mots Kvkqlk, Pasteir, Sic-
CKssiON , nous prouverons, par l'Ecriture
sainie et jiar des raisons solii'es, que les
pouvoirs des apitres sont transmis par l'ordi-
naliou aux pasteurs de l'Eglise, et nous ré-
pondrons aux calomnies des ennemis du cler-
gé.—Quant à l'enseignement» il est essen-
tiel de remari|uer que les apôtres ont été de
simples témoins de ce que Jésus-Christ avait
fait l't enseigné ; il Irur di: : Vous me servirez
de témoins {Act. i, 8). Eu\-mèmes se don-
n^'ut pour tels : Nous ne /jowi-ons, disenl-ils,
nous dispeusir de publier ce que nous avons
vu et entendu [Act. iv, 20). Nous vous an-
nonçons et nous vous attrstons ce que nmis
avons vu et entendu {I Joan. i, 1 et 2). J'ai
reçu du Seiijueur, dit saint Paul, ce que je
Vous ai cnseiçjné (/ Cor. ii, 23). il sérail ini-
possilile que douze apâlrc et une multitude
de disii[)les dispersés eussent enseigné une
même docirine, eussent établi une méiTie foi,
si tous n'avaient pas élé fidèles à prêcher ce
qu'ils avaient vu et ce (ju'ils avaient appris
de .léstis-Christ. L'uiiiformité de doctrine^at-
le.-le évidemment l'unité d'origine. — En se-
cond lieu, (juoiqu'ils eussent le don des mi-
racles, il leur aurait été impo-sible île faire
un grand nombre de prosélytes et de fonder
des églises, si les faits qu'ils publiaient n'a-
vaient pas élé incontestables et poussés au
plus haut degré de notoriété. Un thauma-
turge aurait beaii faire des miracles, pour
nous persuader des fai's dont la fausseté
nous serait clairement coiuiue, surtout des
faits dont les conséquences doivent inllucr
sur toute notre vie; à moins que la noto-
riété publique ne vienne à l'appui de son
témoignage, un miracle ne nous convertira
p.is.- Or, les faits que les apôtres ont pu-
bliés sur le lieu même où ils sont arrives,
où se trouvaient les témoins oculaires, sont
les miracles de Jésus-Ciirist et surtout sa ré-
APP S2tt
surrcction. L'on ne pouvait être chrétien
sans croire ces faits essentiels; ce sont les
f.iits qui ont persuadé 1 1 dncirine, et non ja
doctrine qui a fait croire les faits. Comment
les apôtres auraient-ils pu convertir un si-ul
Juif à Jérusalem, si les miracles et la résur-
recliou de Jésns-Cluist av.iienl élé contre-
dits parla no!ori;té publique?
On ne coiilesle point aux apôtres la qua-
lité d'en\oyés de Jésus-Christ ; mais il s'agit
de piduver aux incrédules que cette mission
él.iil divine, que les apôtres ont fait des mi-
racles pour le démontrer , qu'ils ont eu
d'ailleurs to:!S les signes qui peuvent carac-
tériser des envoyés de Dieu.— 1° L'histoire ap-
pelée les Actes drs apôtres, dans laquelle
leurs miracles sont rapportes, a été mise en-
Ire les mains des fidèles, dans un temps où
l'on pouvait apprendre des témoins oculai-
res si ces miracles étaient réels ou imagi-
naires. Le boiteux guéri sous les yeux du
peuple à 1,1 porte du ieuiple, la résurrection
de Tabithe, lesdons du Saint-Esprit commu-
ni()ués par l'imposition des mains des apô-
tres, l'efficacité' de l'ombre de saint Pier-
re, etc., ne sont point des prestiges sur
les(|uels l'illusion ait pu avoir lieu ; la plu-
part, ont élé opirés eu présence de témoins
intéressés à les contester. S ils ne sont pas
réels, si ce sont des imposteurs, il est impos-
sible que des juifs et des païens y aient
ajoulé foi et se soient convertis ; que les apô-
tres aienl fondé des églises à Jérusalem, à
Anlioche, à llome, et dans les principales
villes de la Grèce, composées en partie de
juifs qui avaient pu se trouver à Jérusalem
aux fêtes de Pâques ou de la Pentecôte, l'an-
née même de la morl du Sauveur.— 2° Saint
Paul, éci'ivaiit à ces difl'erenles Eglises, attri-
bue ses succès aux miracles qu'il a faits
(Rom. XV, 18 et 19; 7 Cor. ii, 4). 11 les
donne pour preuve de son apostolat (// Cor.
XII, 12; Ephes.x, 19, etc.). Si ceux auxquels
il parle n'avaient élé témoins de ces mira-
cles, aur;.ient-ils souffert patiemment les re-
proches el les répritnandi's qu'il leur fait? —
3' Dans le Talmud de Jérusalem, qui est le
plus ancien, les juifs conviennent qu'il se
faisait des miracles au nom de Jésus-(]hrist.
Te;/. Galatin, l. viii, c. 5. Il fallait que ce fait
fût bien avéré pour arracher un pareil aveu
de la part des juils. — k° (]else et Julien trai-
lentde mogicieitslcs disciples de Jésus-Christ.
Celle accusation prouve du moins que ces
disciples faisaient profession d'opérer des
miracles, et que c'était une opinion cons-
lanie. Mais j.imais les magiciens n'ont fait
des miracles pour tirer les hommes de l'er-
reur el du vice, pour enseigner la vérité et
la vertu. C'est la réponse de nos apologistes.
—5° A la naissance de l'Eglise, il parut de
faux messies, de faux docteurs, de faux apô-
tres : tous promettaient des miracles, sédui-
raient le peuple par des presî'ges. Jésus-
Christ l'avait prédit, les apôtres s'en plai-
gnent ; les premières hérésies ont élé l'ou-
vrage de ces imposteur-^. Si les apôires n'a-
vaient pas fait des miracles réels et inconr
lesiables pour les confondre, ils n'auraient
327 APO
pas euion succès plus darable; on n'aurait
pas fait plus de cas d'eux que des fourbes
qu'ils avaient démasqués.— 6- I.ps incrédules
ne réfléchisseni point sur la tlifficulté qu'il y
avait de convenir les juifs, de dessiller les
yeux des païens, de réunir en société reli-
gieuse deux espèces d'Iioinmes qui se déles-
taient, de subjuguer des philosophes opiniâ-
tres, de lasser la cruauté des perscruliurs.
Qu'ils se latent eux-mêmes, et qu'ils voient
si leurs prédécesseurs ont pu être vaincus
sans miracles.
Vainement ils ont épuisé toute leur saga-
cité pour trouver dans la conduite des apô-
tres des signes d'impostures ; la siiicériié, la
candeur, le désintéressement, la charité, la
patience, le courage des envoyés de Jésus-
Christ ont éclaté dans toutes leurs d -mar-
ches ; ils ont retracé le tableau des vertus de
leur maître : sans ce cara(;lère décisif de mis-
sion divine, ils n'auraient pas inspiré aux
fidcli s une si grande vénération pour eux.
On avait vu beaucoup de philosophes s'éri-
ger en réformateurs des vices et des erreurs
de l'humaiiilé ; miis aucun n'avait montré
les vertus, la sagesse, la charité, le courage,
la sainteté des apôtres.
Il n'est pas prouvé, dit-on, qu'ils aient
souffert le martyre pour confirmer leurs pré-
dications: l'on ne connaît leur genre de mort
que par des actes supposés, l'.ar des légendes
ridicules l'i apocryphes. — Nous soutenons
que le marlyre de l.i plupart des apôtres est
très-bien prouvé. Celui de saint Pierre et de
saint Paul est attesté par leurs disciples et
par leur tombeau : celui de saint .lacques ie
jlajeur et de saint Etienne est rapporté dans
les Actes des apôtres; celui de saint Jacques
le Mineur est rapporié par Josèphe, Antiq.
Jud., liv. XX, chap. 8; celui de saint Si-
méon, âgé de six vingts ans, et de plusieurs
autres parents de Jésus-Christ, est .itti'sté
par Hégésipp^', auteur presque contempo-
rain. Eusèlie, llist. ecclés., liv. iii,c.32. Saint
Clément de Home, témoin oculaire, après
avoir parlé du martyre de saint Pierre et de
saint Paul, dit qu'ils ont été suivis par une
grande multitude d'élus , qui ont bravé
comme eux les outrages et les tourments.
L'pist. 1, n" (i. Saint Polycarpc dit que saint
Paul et les autres apôtre.< sont tous dans le
Seigneur, avec lequel, ils ont souffert : cum
quo et passi sunl. L'pist. ad Pliilipp. Saint
(élément d'Alexandrie dit de même que les
apôtres sont morls comme Jésus-Christ, pour
les Eglises (ju'ils avaient fondées. Slrom. liv.
IV, c. 9. Ce divin maitre le leur avait prédit.
Luc. XXI, 16. Sa parole a éie accomplie. Nous
n'avons donc pas besoin de pièces apocry-
phes pour prouver le inart\ re d<'s apôtres.
— .Mosheim, ((ui le révoque en doute, Jti.st.
clirist., sect. 1, S l(i, y oppose un passage
il'Hèracléon, hérdique du ii^ .siècle, qui siu-
ticnl que .Mallbiiu, Philifipe, Thomas, Lévi,
et plusieurs autres, ne soni p.is mors pour
avoir confessé Jesus-I^hrist. Cément d'A-
lexandrie, (|ui reloti' ce passage, n'a pas ce-
fendant osé affirmer le fait contraire. Strom.,
. IV, c. 'u p. 595. Mais Moshei n impose.
APO
%iS
Héràcléon, qni soutenait l'inutilité dn mar-
tyre, était intéressé à contester celui des
apôtres; ainsi, son témoignage est suspect,
aussi Clément d'Alexandrie leVéfute forniel-
lement, ibid. p. 597. « Le ^eiirneur, dit-il, a
bu seul le calice pour purifier les hommes,
même les infidèles qui lui tendaient des
pièges; à son exemple, les apôtres, vrais <l
parfaits" gnostiques, ont souffert pour les
Eglises qu'ils ont fondées. » Mosheiin ne
fait point mention du I Miioignage de saint
Polycarpe, qui est décisif; les paroles des Pè-
res postérieurs qu'il allègue ne sont que des
jirpuves négatives, qui ne peuvent prévaloir
à des assertions posiiives. Vers le milieu du
ir siècle, temps auquel vivait Héràcléon,
l'on pouvait encore ignorer le martyre de
plusieurs apôlres, qui était arrivé dans des
pays éloignés, et duquel on a été informé
dans la suite.
Lors(|ue les incrédules ont voulu raison-
ner sur la conduite des apôtres, sur les cau-
ses du succès de leur prédication, ils se sont
trouvés fort embarrassés; ils ont été forcés
de leur prêter des qualités incompatibles,
et qui jamais n'ont pu se rencontrer en-
semble dans la nature humaine. Ils leur ont
attribué une ignorance excessive et des ru-
ses impènéirabU's, une grossièreté sans égale
et un projet de politique profonde, une cré-
dulité stupide et une prudence consommée,
un intérêt sordide et un courage héroïque,
un fanatisme révoltant et un zèle ardent
pour la gloire de Jesus-Christ, une scéléra-
tesse obstinée et le désir de «.aiidifier le
monde, une aveugle ambition et la soif du
martyre. — Ces accusations contradictoires
suffisent sans doute pour faire l'apologie des
apôlres ; mais si on les examine en détail, ou
en voit encore mieux l'absuidité. Quand les
apôtres auraient élé assez stupides jiour se
laisser tromper par les miracles, par les ap-
parences de vertu, par les promesses de Jé-
sus-Christ, leur erreur a dû cesser après la
mort de leur maître. S'il n'est pas ressus-
cité comme il l'avait promis, il est impossi-
ble que ses apôlres ei lous ses disciples
n'aient pas compris qu'il les avait trompés.
Quel motif a pu les engager pour lors à bra-
ver les travaux, les tourments et la mort
pour é:ablir l'Kvangile et pour tout rappor-
ter à la gloire d'un maitre qui s'était joué
de leur crédulité? Un tel projet choi|Uc de
front tous les sentiments de l'humanité. —
D'ailleurs, il eût été trop lard de former ce
projei pendant les quarante jours qui se sont
écoulés après la mort du Sauveur, puisque
l'on est obligé de supposer que les apôtres
ont dérobe son corps dans le tombeau, pour
pouvoir publier sa résurrection. Couiment
espérer qu'un complot, dans lequel il fallait
faire entrer tant de personnes, ne serait dé-
voilé par aucun des complices? Des hommes
simples et grossiers, tels que les apôtres,
sont ordinairement timides et peu suscepii-
bles d'ambition ; s'ils avaient été dominés
par l'inléièi, ils auraient eu plus à gagner
en découvrant aux Juifs l'imposture de leurs
collègues, qu'en s'ubstinant à la soutenir
559
AIH)
AI'O
5>4
aux dépens de leur vie.— Enfin, quel cs( donc
Vinte'rét qui a pu rngaper douze apôtres à
demeurer iitlachés à leur maître après sa
mort, s'il n'esl pas ressuscité? Dès ce mo-
ment ils oui dû perdre les espérances que ses
promesses leur avaient fait concevoir, ne
rien attendre que d'eux-mêmes, ne travail-
ler que pour eux seuls : au contraire, ils
persistent à se sacrifier pour lui; ils entre-
prennent de le faire reconnaître par toute la
terre pour le Fils de Dieu, de lui faire ren-
dre hommage par tous les hommes. Quand
cela aurait pu leur être utile dans la Judée,
où les miracles de Jésus -Christ l'avaient
rendu célèbre, cela ne leur servait de rien
dans les régions éloignées, où l'on n'avait
pas entendu parler de lui. Les a-t-on vus
quelque part se faire une fortune, se former
un troupeau pour leur utilité, s'attribuer la
floire de leurs succès, jouir tranquillement
es respects, de la coi. fiance, des libéralités
des fidèles 7 Saint Jean est le seul qui, dans sa
vieillesse, se soit fixé à un siège particulier:
tous les autres sont morts dans les travaux,
dans les voyages, dans les périls de l'aposto-
lal; tous ont pu dire comme saint Paul : Si
nous n'c.tperons rien que dans ce monde, nous
sommes les plus malheureux de tous les hom-
mes (I Cor. XV, 19 . — D'iiilleurs, si les apôtres
ont été des imposti-urs, loin de prendre au-
cun des mo\ens propres à déguiser leur im-
posture, ils ont choisi les pLis capables de la
dévoiler : des hommes intéres>és à tromper
auraient suppose di's personnages moins
connus, des faits moins palpahles, des pro-
diges moins récents, un théâtre moins pu-
blic.-^11 a paru dans le monde un assez
grand nombre d'imposteurs, mais ils ne se
sont pas conduiis coumio les apôtres; aucun
n'a montré autant de candeur, de désintéres-
sement, de zèle, n'a donné des leçons de
vertu aussi touchantes, n'a désiré de verser
son sang pour confirmer la vérité de sa doc-
trine, n'a rapporté à Dieu loute la gloire de
ses succès.
Indépendamment de l'intérêt qu'avaient
les Juifs de découvrir l'icuposlure des apô-
tres, s'ils avaient trompé sur un seul
fait, d'autres ennemis les auraient démas-
qués. 11 y eut bientôt de faux apôtres, qui
altéraient la doclriiie de Jésus-Christ : saint
Paul et saint Jean s'en plaignent dans leurs
lettres ; il y eut des Juifs enléics, (]ui, malgré
leur foi en Jésus-Christ, voulaient que l'on
continuât d'ohsi rver les rites mosaïques; il
y eut mên)e des apostais : nous le voyons
par les lettres de siint Jean; il -e trouva
bientôt des philosophes ijui contestèrent, les
uns la divinité de Jésus-Christ, les autres la
réaliie de sa chair, plusieurs sa naissance
miraculeuse, etc. Au milieu de ces disputes,
de ces jalousies, de ces intérêts divers,
comment ne s'est-il pas trouvé un seul horami;
qui ait eu ou la bonne foi ou la malice de
mettre au jour la i'ausselé de quelqu'un des
faits publiés par les apôtres, surtout du fait
le plus essentiel de tuus, de la résurreclion
de Jèsus-Chrisl? — Ils témoignent, dans leurs
écrits, qu'ils ont fait des miracles, que c'est
DiCT. «F TuÉOI.. DOr.MATIQt'p:. l.
par là qu'ils ont confirmé lenr doctrine, et
non p;ir des raisoaneiiients. {[.Cor. ii,4,
etc.) Si cela n'est pas vrai, l'on ne eonc vra
jan)ais comment ils oui pu trouver un seul
audiieur assez aveugle pour s'attacher à eux.
— Eu un mol, la conduite des apôtres, leurs
leçons, leurs suecès, leur persévèranre dans
l'aposlidat ius()u'àla mort, la durée de l'édi-
fice (]u'iis ont fondé malgré les orages dont
il est battu depuis dix-huit siècles, sont au-
tant de preuves démonstratives de la vérité
et de la divinité du christianisme.
On donne eommunément le nom d'apôtre.
à celui qui le premier a po t,- la foi dans un
pays : c'e^^ ainsi que saint Denis, preaiior
evéqoe <lc Paris, est Vapôire de la I-'rance;
saint Boniface, \'ap tre de l'AHemagiio ; lo
moine saint Augustin, Vapôlre de l'Angle-
terre ; saint François-Xavier, Vapôire des
Indes. — La mort tragique des apôtres sem-
blait bien propre à reliuler ceux i|ui seraient
tentés de les imiter; mais non, c'a été plutôt
un nouvel attrait pour engager d(!S milliers
(S'honimes à se livrer aux travaux de l'apos-
tolat. Voilà, suivant l'opinion des incrédu-
les, une nouvelle e pèce lie fanatisme dont
il n'y avait jamais eu d'exemple dans le
monde.
Il y a eudes temps où le papeélait s|)éeialo-
ment appelé ['Apôtre, à cause de sa préémi-
nence en qualité de successeur de s.iinl
Pierre. Voy. Sidoine Apollinaire, liv. vi,
ép. 4.
Apôtre était encore, dans l'origine de
l'Eglise, le titre que l'on donnait à ses en-
voyés, à ceux qui voyageaient pour ses inté-
rêts. Ainsi saint Paul dit dans son Epitre aux
Romains (xvi, 7) : Saluez Andraiiicus et Ju-
nia mes parents et compagnons de ma cnp-
tivité, qui sont distingues parmi les apôtres.
C'était aussi le titre ((u'on donnait à ceux
qui étaient envoyés par quelques Eglises,
pour eu apporter les coi'ectes et bs aumô-
nes des fidèles, destinées à subvenir au be-
soin des pauvres et du clergé de quelques
autres Eglises. C'est pourquoi saint Paul,
écrivant aux Phiîippiens, leur dit qu'Epa-
phrodite, leur apôlre, avaiï fourni à ses be-
soins, c. XI, 23. Les chréiiens avaient em-
prunté cet usage des synagogues, qui don-
naient le même nom à ceux (lu'elles ch.ir-
geaienld'un pareil soin, et celui d'uposio'at
à l'oflice charitable qu'ils exerçaii ni. iM.iis
les apôtres ou envoyés de la syuagogue n'ont
rien de commun avec ceux de Jesus-Ciirist.
.Apôtuiî, dans la liturgie grceque, ktto-
<j:okos, est un terme usité pour desigii,?r iiu
li^requi coulient [)riiicipalemeul lesEpîIres
de saint Paul, selon l'ordre ou le cours de
l'année; car comme ils ont un livre nommé
«CayyéXtov, qui contient Ics Evangiles, ils ont
aussi un i.Tt.iT-.oX.;, et il y a apparence (|u'il
ne conlenaii d'abord qu(' les Epiires de saint
Paul ; mais depuis un très-long teoips il ren-
feruie aussi les .\ctcs des apôtres les E(iiires
canoniques cl l'Apocalypse ; c'est pourquoi
on l'apjielle aussi 7rf«:«ffioTo)io?, à cause des
actes qu'il coniieut, et ((ue les Grecs nom-
ment Tzpxitiç. Le nom d'apostolus a été en
a
351
kff
AW
3St
usngc dans l'Eglise laline dans le même
sons, corrmc no'îs l'apprennent s;iint Gré-
goire le Grand, HinciDar et Isidore de
Scvill" : c'est ce qa'on numme aujourd'hui
épistolier.
•ArÔTUES (Faux). Il se tr mva dans la primiiive
Ei\ba de- Juifs cnnverlis qdi voyaient avec |iein« la
(l(ieir ne ili- Jé-iis-Clirist s'éiendie an ilcii de la Ju-
dée- ilsilis;iipiitqn'il élait venu iinii|iienieiit |iOcir sau-
ver Isiaël. Ils hirenl conilamnés. Ils sont connus
son» le nom <le faux apôlres.
APPARITION. Aciion par laquelle un
e«pril tel que Dieu, un ange bon ou mauvais,
l'ànie d'un mort se rend sensilile, agit et
converse avec les hommes. Les exemples en
soni fréquents dans rK<riiure sainle.
Selon riiisloire même dr la création, Dieu
a conversé d'une manière sensible avec Adam
et ses enfants, avec Noé et sa famille, avec
Abraham, Isaac, Jacob, iM(iï<e et plusieurs
piophèles. L s Pères de l'Kglise oui agile la
question de savoir si l'cl.iil Dieu lui-mènie
qui serendail présent el viable aux hommes,
ou si c'était un ange qui parlait et agissait
au nom de D eu. l'res<iue tous les anciens
eut été persuadé* que c é:ait le Verbe divin,
.scciinile personne de la sainte ïrinilé, iiui
préluilait ainsi au mystère de rincarnalion ;
d'autres ont cru que c'étaient des anges. Il
serait difiicile de prouver d'une manière
iiicortestable l'un ou I autre de ces senti-
ments; lousdcux pi uveni ctievrais, eu égird
aux circoiislanii s. Il semble d'abord qu'à
moms de fi ire violence au texte tacré, on ne
peut pas mer que le Créaienr lui-même n'ait
parlé (t conversé avec Adam, Noé et Abra-
ham; il ne parait pas probable qu'un ange
ait (lit à Moïse , dans le buisson ardent : Je
suis le Dieu de Ion père , le Dieu d'Abraham;
ei aux Israélites assemblés au pied du mont
Sinaï : Je suif le Seigneur votre Dieu, qui
vous ai lires d'Efjyplellixod. xx, 2j. Cepen-'
dant nous listms ilans les Actes des apôtres
(mi, 37), que c'était un ange qui parlait à
Muïse sur le ir.onl Sinaï; el saint Etienne dit
auxJuifs: Vous avezreçu uneloi disposdepar
les anyes [Ibid., b;5). Sous quelle ligure cet
ange se montrait-il alors? Sous auenne.
Moïse dit formellement aux Israélites :
I or.sque Dieu vous a parlé à llareb du mileu
d'un feu, vous avez entendu sa voix: mais
vous n'avez vu aucune figure, de peur que,
trompés pnr là, vntts ne fussiez tentés de faire
quelqw représenlalion de mile ou de femelle,
et de Iddorer (Deut. iv, 12, 15, etc.). Il est
(lit que Moïse parlait à Dieu face ;\ face
dans la nuée qui était à Icnlréedu taberna-
cle; mais lorsqee Moïse lui dit : Seigneur, si
l'ai trouvé grâce devant vous, monirczmoi
votre visage, afin que je vous connai se...
vi< nirez-mot viiire qloire. Dieu lui répond :
Vous ne j.dUiez pas voir mon visage ; au un
houime ne me verra sans mourir [Exod.
xxxii!,9. 11, Î3, e c). Il paraît néanmoins,
par b s premiers chapitres de la (ieiièsc, que
Dieu, pour lonvoiser .ivic nos premiers pa-
rents, se revêtait d'.m corps vi ib:e; mais on
ne peut pas alfirmcr que c'etaii un corps hu-
main. — Dans d'autres ciiconslanccs, les
anges qui parlaient aux hommes, leur appa-
raissaient sous une figure humaine .-ainsi un
ange conversa dans le désert avec Agar, et
cette femme crut que c'était Dieu lui-même
{Gen. XVI, 7 et 13). Les trois auges envoyés
pour détruire S «dorne prirent un repas dans
la lenle d'Abraham ; 1 un d'entre eux, qui lui
promit un ûls, est appelé le Seigneur, Jé/io-
vali (xvui, 13). Ces sortes A'apparitiens liea
bons anges sont fréquentes dans l'aneieB et
le Nouveau Testament; mais nous ne voyons
dans l'Ancien aucun exemple d'apparitions
des anges de ténèbres; la première fois qu'il
en est fait mention danslEi-riture sainte, est
à l'occasion de la tentation de Jésus-Clirist
au désert (Matth. iv, 1).
Il est aussi raren)ent question d'apparition
des nmris. S.wuuel apparut à Saùl, lorsque
celui-ci le fit évoqmr par la pythonis^e
d Endor (/ Reg. xxvm, 15). Judas M.ichabée
vil aussi le grand prêtre Onias el Jéréniie qui
lui parlèrent après leur mort, mais c'était en
songe (// HJachiib. xv , li). Nous lisons,
Matth., xxvii, 52, qu'à la nmrt du Sauveur,
et ai rès sa résurrection , plusieurs morts
sortirent de leur toiuheau, entrèrent à Jéru-
salem, et apparurent à plusieurs personnes.
Nous ne nous arrêterons point à exa-
miner la multitude des apparitions des es-
prits rappi>rtées par les auteurs profanes;
ii'S ]>hilusophes du ni» et du iv" siée e de
l'Eglise, entêtés de Ibéurgie, de théopsie et
de magie, croyaient ou faisaient semblant
de croire que Ton poiiv.iii converser a\ecles
génies ou dieux du paganisme; que plusieurs
hommes en avaient vu, leur avaient parlé
et en avaient reçu des réponses. Quebiues
Pères de l'Eglise ont été persuades qu'en
flîet le démon s'était rendu sensible à ses
magiciens, en particulier à Julien l'Apostat,
e! que Du'U l'avait permis (lour punir leur
impiété. On ne jjcul sa*(iir avec certitude
jusqu'à quel point l'imaginalion, les presti-
ges de l'esprit impur, ou l'imposture, ont eu
lieu dans ces circoiistanecs. Com nent nous
fier à de prétendus philosophes, dont la
mauvaise foi allait de pair avec leur fana-
tisme? Porphyre et Jamblique, moins entêteS
que les autres, ont témoigné qu'ils n'ajou-
taient aucune fii à toutes ces visions; les
chrétiens ont plus d'une fois défié les païens
de f.;iie agir eu leur présence ces génies
dont ou vantail la puissance { Tcrtull., Apo-
log., c. 22 et 23). Si l'on veut en cioire les
voyageurs, les magiciens caraïbes iint sou-
vent commcne avec le denu)n.
Ouant aux nppari/ion.t des morts, rien n'est
plus romimiu, suit (liez les hisioriens païiiis,
soit dans nos écrivains des bas .siècles; c'est
ce qui avait fait naître dans le paganisme
la nécromancie, ou l'ar; d'évoiiuerles mûris,
pour apprendre d'eux l'avenir; mais aucun
de ces laits dont nos pères repaissaient leur
cré'iuliiè, n'est foiiiié sur des preuves assez
fortes pour m. us obliger à I ■ croire. S'il y en
avait de bien prouvés, nous n'aurions au-
cune répugnance à y ajou!er foi. D'autre
part, I s doutes que nous inspirent des nar-
rations apocryphes, ne dcrogont en aucune
S33 APP APP 334
manière à la rerlitude des faits r;ipportés un fou terrible, d'où sor(ail une voix qui a
d:ms les livres saiiils ; vainomeiit les lucre- dicté le Décalogue. Nous ne fionvons décider
ddies se croiciil en droit de lo;il nier , si par d'aulrcs combinaisons 11 ne s'csl [las
parci> que lont n'i>l pas (■j;,'ilpni''nl prouvé, formé tout à coup une (itiure d'Iioniine qui a
l'Crux qui adnietleul un Dieu, peuvent-ils conduii, protégé et conililé de b eus le jeune
mettre des bornes à sa i uissance, réejor ses Tobie; si, par magie ou autrement, il n'est
lié' rets, prescrire la ciiuduite qu'il a dû tenir pas sorti de terre un spectre semblable à
envers les liomuies depuis la création? Dieu Samuel qui a parlé à Saùl,etc. Puisqiielana-
sans doute peut se revêtir d'un corps, c'est- turc, pir sa toute-puissance, a fait des liom-
à-d're rendre sa présence sensil>le, p ir la mes tels que nous sommes, pourquoi ne
parole et par l'iicliou qu'il tlonne à un corps pourrait-elle pas former des auyes bi auroup
qui'lcon()ue : que ce corps soit ie;né, aérien, pins puissants i|tie les liomutes, des coip-i
lumineux ou opa<iue, cela estéjjai; on ne i^nés ou aériens capables de faire des choses
prouvera jamais (]ue cette manière d'iustrui- su|iérieuresaux lorii-s liuiiiaines?
re les hommes, de leur dicter des lois de 3 lîu lionne loniqtie, les scepiiques peu-
leur prescrire une religion, est indigne de vent encore moins rej. ter le léiiioi;;nai;c des
la sagesse et de la majesté divine : Uieu a auteurs sacrés. S 'Ion leur sys'ème, il n'v a
donc pu s'en servir. Commenl prouvera- aucune connexion nécess.iire entre le-; idées
ton qu'il ne l'a pas fait? Une preuve qui nous viennent à l'esprit par les s u-
qu'il l'a fait à l'égard des palriarcbes , de satio^is , et l'état réel des corps existants
Moïse et d'aulies, c'est qu'il nous ont hors de nous : nous ne soniincs pas si'irs
laissé les monumenls d'une reli;;ion, plus s'ils sont réelleme'il tels qu'il, par.iissent ;i
pure, p'us «aiiile, (dus sensée, |ilus vraie nos sens. Donc le cerveau de .Moïse a p'.i
que toutes celles des peuples qui n'ont pas être aileclé de manière qu'il ait cru voir,
eu le même secours. 11 faut donc (juel)ieu la entendre, et faire tout ce qu'il raconte ; tes
leur ait révélée. La manière dont ils disent lètes de la famille de Tobie ont pu se Irou-
que celte révélation leur a étélaite et lit donc ver dans la même situation q;ie si un atiun
convnable, puisqu'elle a produit l'elîel que leur était apparu, leur arait pa lé, el avait
Dii u se pro|iosait. — Les apparitinns des fait tout ce qu'il ont <mt cru voir el
anges el des morts ne renf-irnieiii pas plus de éprouver; les organes de Saùl ont pu
dilïiciilté que les apparitions de Dieu, Il ne être moilitîés do la môme manière eue
lui est pas moins aisé do donner un corps à si Samuel était réellement sorti du Iciii-
nn ange que d en revêtir une iime liumaiiic ; beau, etc. Nous aurions doue tort de siis-
lor>que celle-ci est séparée de sou corps, pecter la sincérité de ceux qui ont écrites
Dieu peut cerlaiiiemenl la fairereparaiire, lui f.iils. A la vérité, si c'étaient des illusions,
rendie le même corps (ju'eile avait, ou un tous ces gens-là n'étaient pas dans leur bon
autre, lu remellre en étal de faire les mêmes sens ; qu'importe? Nous ne sommes pas sûrs
fonctions (ju'clle fais«it avant la mort. Ce si à ce moment notre cerveau et celui dos
moyen d'instruire les hommes el de les len- scepiii)ues ne sont pas aussi malades (]ue
dre dociles est un des plus frapjianls que celui îles peronnages dont nous parlons. --
Dieu puisse employer. Si donc les incrédules savaient raisonner,
2° Les malérialisles mêmes, qui ne croient ils ne borneraient jan^ais les forces de la
ni à Dieu ni aux esprits, cl qui nienl tous nature, ni le nombre des pos>ibles; ils sc-
ies faits capal)les d'en prouver l'cxis- rai'Ul aussi crédules que les vieilles, les
lence, ne raiscinnent pas (onséqueiumenl. enfants et les ignorants les plus [grossiers.
15ajle a démontré que S(iinosa, dans son (^eux qui croient à la magie s. us croiie
système d'alhéisine, ne pouvait nier ni les en Oi'u ne sont pas ceux qui raisonnent lo
esprits, ni leurs ajipnritions, ni b s miracles, plus mal.
ni les démons, ni les enfers. Dicl. ait., Spi~ 4° Le grand argument est do dire : Si tout
7wsa, rem. (J et suiv. Imi effet, selon l'opinion ccliéiail arrivé autrefois, il arriverait cuco-
des matérialistes, la puissance de la n.iture, re; puisqu'il n'arrive plus «lepuis que l'on
c'est-à-dire de la matière, est iiifinii! : or, est mieux instruit, c'est une preuve qu'il
elle ne le serait pas m elle ne pouwiit pas n'est jamais arrivé. Faux raisonnement,
faire tout ce qui est rappirlé dans riiistuire Selon l'opinion des matérialistes, il est ^orti
sainte. Un défenseur de ce sysicmo nous dit autrefois du sein de !a terre ou de la nier,
que nous ne savons point si la nature n'est des hommes tout formés, il n'en sort plus
l'as actuellement occupée à produire plu- aujourd'hui; tous viennent au monde par
sieurs êtres nouveaux, si elle ne rassemide une suite de générations régulières. Si nous
pas d.ins son laboratoire les éléments pro- en croyons les sceptiques, il n'y a aucane
près à faire éclor,' des générations toiilcs connexion nécessaire entre ce qui se fait
nouvelles, e( qui n'auront rien de comunin aujourd'hui el ce qui est arrivé auiref is.
avec ce que nous connaissons. Sijslàne de li Dès qu'il n'y a point de providence qui en-
niit., tom. 1, c. (5. pag. Sii, 87. Donc nous ne trelienne dans la nature un ordre constant,
savons p.'.s non plus si, filusicurs milliers il n'est rien qui ne puisse arriver par ha-
d'années avant nous, elle n'a I as pioduitdes sard, ou par des combinaisons inconnues
phénomènes singuliers, cl que nous ne con- de la matière.
tevons point. Nous igr.orons si, par quelques Les déistes, à leur tour, se fondent mal à
combinaisons fortuites de la malière, il ne propos sur ce même argument. S'il y a un
s'est pas allumé au sommet du mont Sinaï Dieii, il a pu et il a dû conduire sutremeul le
S3S
APP
APP
536
gpnrc humain il.ins son enf.iiice que dans
les àfC's postérieurs. Il f.ill;ii' alors des mira-
cles, dps prophéties, des apparitions et des
iiispiralioiis pour étaWir la vraie religion :
une fois fondée, elle n'en a plus iiesoin : les
mêmes faits qui lui ont servi d'attestation
dans l'origîne, lui en serviront jusqu'à la fin
des siècles : il n'est donc plus nécessaire que
Dieu fasse aujourd'hui ce qu'il a fait autre-
fois. C'est la réllexion de saint Augusiin.
11 s'en faut beaucoup que les dissertaiions
de dom C;ilniet sur les apparitions aient été
faites avec la sagacité et le bon sens qu'exi-
geait une matière aussi délicate. L'abbé
Langlet lui a fait, avec raison, plusieurs re-
proches dans son traité sur le même sujet,
t. II, p. 91. Celui-ci prouve fort bien que le
très-grand nombre des apparitions des morts',
rapportées par les écrivains des bas siècles,
manquent de preuves et de vraisemblance,
p. 393 et suiv.
Appauitiiins de Jésus-Christ après sa
nÉsuRRECTiQH. H est dit, Actes des apôtres,
qu'après sa résurrection, Jésus-Christ s'est
moniré vivant à ses apôtres, et les en a
convaincus par un grand nombre de preuves
pendant quarante jours, conversant avec
eus, leur parlant du royaume de Dieu,
buvant et mangeant avec eus; qu'ils l'ont vu
de leurs yeux, monter aux cieux {Ad. i). Les
évangélisles nous apprennent qu'il s'est mon-
tré dilTerentes fois à ses apôtres, soit disper-
sés, soil rassemblés, et aux saintes femmes ;
qu'il leur a parlé, qu'il s'est laissé loucher,
qu'il a invité le plus incrédule d'entre eux à
mettre le doigt sur ses plaies, qu'il a bu et
mangé plusieurs fois avec eux. Ces appari-
tions n'étaient donc point des illusions. —
Mais aucun des évangélisles ne s'est attaché
à raconter toutes ces apparitions et ces con-
versations, à les arranger d.ins l'ordre selon
le |uel elles sont arrivées , à en ilétailler
toules les circonstances. Saint Matthieu n'en
a cité que deux, saint Marc fait meniion de
«lualre, saint Luc n'en a rapporté que cinq,
saint Jean quatre; aucun d'eux n'en a fixé le
nombre. Ils en parlaient comme d'une chose
liès-connue parmi eux, sur laquelle per-
sonne ne pouviiil former des doutes. Ils ne
pensaient p;is que dans la suite des siècles
les incrédules éplucheraient toules leurs
paroles, y ehercheraient des coniradiclions,
argumeiileraienl sur la lirièvelé de leur récit,
se plaindraieni de ce qu'il n'est pas assez
exact, etc. Aucun litre, aucune histoire ne
peut être assez claire, ni assez iirécise, pour
|)iévenir toutes les objections des opiniâtres.
La grande objection des incrédules, est
que ces apparitions ne suffisent pas pour
prouver la résurrection de Jesus-Christ. 11
;ivait promis publii|uement de rcssu-citer,
disenl-ils; donc il devait ressusciter en pu-
blic. Il fallait se montrer aux prêtres, aux
pharisiens, aux docteurs juifs, au sanhédrin
de Jérusalem; le témoignage de ces geiis-lù
aurait éle d'un tout autre poids que celui d'une
poignée de disciples déjà séiluils. Un gou-
verneur romain, un léirarque, un grand
prôtra juif, converti» par \'a[ipar.ition de
Jésus-Chrivt, eussent fait plus d'impression
sur un homme de bon sens, que celle popu-
lace ignoianle que l'on suppose avoir élé
persuadée par la prédication de saint Pierre.
— Mais ici nos adversaires s'arrêtent en
beau chemin : la résurrection de Jésus-
ChrisI ne devait pas seulement éire crue à
Jérusalem, elle devait être publiée et crue
dans le monde entier. Pourquoi vouloir que
les autres nations fussent obligées de croire
aux témoignages des principaux de Jérusa-
lem ? Il ne tenait qu'à Jésus-Chri-l de mourir
et de ressusciter à Rome, à Pékin, à Paris,
de se montrer à l'univers entier : le miracle
aurait été plus authentique et plus convain-
cant ; les hommes de bon sens auraient cru sur
le témoignage de leurs propres yeux.
De tous les arguments des incrédules, il
n'en est peut-être point de plus absurde que
celui-ci : Dieu pouvait donner de plus fortes
preuves de telle ou telle vérité; donc celles
qu'il a données ne suffisent pas. Les athées
sont partis delà; ils disent que s'il y a un
Dieu, il devait écrire son existence dans le
ciel en caractères lumineux et visibles à tous
les yeux. — Noussoutenons que Jésus-Christ
n'a pas dû faire ce que l'on exige de lui, ni
pour les Juifs, ni pour les païens, ni en fa-
veur des incrédules; que quand il l'aurait
lait, sa résurrection no paraîtrait pas mieux
prouvée à ces derniers, et qu'ils ne seraient
pas plus disposés qu'ils le sont à y croire.—
1° Plusieurs posent pour principe, qu'une
résurrection est un fait impowiô/e, qu'aucune
preuve ne peut jamais le constater; d'autres,
que c'est un fait incroyable ; que quand ils
verraient de leurs yeux un mort ressuscité,
ils ne croiraientpas. Donc c'e-t une absurdité
et une dérision pure de leur part, d'exiger
des preuves auxquelles ils sont résolus
d'avance de ne pas croire. Si les Juifs pen-
saient de même, comme ils l'ont assez léinoi»
gné par leur conduite, il est clair que la vue
mècne de Jésus-Ci^rist ressuscité ne les au-
rait pas convaincus. Il ne leur aurait pas éé
plus difficile de dire : C'est le di ible qui a
pris la figure de Jésus pour nous tromper,
({ue de dire, comme ils ont fait : C'est pur le
pouvoir du démon que cet homme fait îles mi-
racles. — "■>:■ C'est une impiété de soutenir que
Jésus-Christ devait, par an excès de boulé
et par le don de la foi, récompenser la fai-
blesse de Pilate qui l'avait livré à la mort
contre sa conscience, l'injusiice du gi'and
piètre qui l'avait condainuc co mne bl.i»|itié-
mateur, la turpitude du sanhédrin ()ui avait
souscrit à l'arrêt, la fureur du pcupli' qui
avait crié. C>MCï/iei-/c, la rage des hourre.iux
qui l'avaient couvert d'opprobres et de places.
Dieu avail-il donc besoin de tous ces malfai-
teurs pour accomplir ses desseins"? — 3" Jé-
sus-Cnrist a rempli sa proiiio<sc dans toute son
élcndne; il n'avait pas promis de ressusciter
en public et sous les yeux des Juifs, ni de se
montrer à eux après sa résurrection inCDU-
testable. Mais les Juifs ont résisté au témoi-
gnage des gardes, à l'allesia.ion des apôtres,
confirmée par leurs miracles, à l'exemple de
huit mille hommes convertis par saint Pierre,
557 APF
à l'impression que devaient faire sur eux les
vprlus des premiers chrétiens, aux fliNiux ter-
bles que Dieu fit l'unher sur ia Judée iiimr punir
le dicide qui j avait élé coiuniis. Dieu doil-il
multipliei' les miracles pour forcer de pareils
hommes à se convertir? Tels ont clé et tels
seront toujours les incrédules de tous les
siècles. — k" Quauci les principaux Juifs el
le sanhédrin auraient cru en Jésus-Chrisl,
quelle imi)rcssi(»n leur témoii;nage aurail-il
fait sur les Uomaiiis ou sur les incrédules
modernes? Aucune. Les Romains ont dit, et
les incrédules réi ètcnt, que les Juifs étaient
des ij;norants, des rêveurs, des fanatiques
avides de merveilleux, Incapables de disccr-
ncrlevrai d'avec lefaux.eluu miracle d'avec
un prestige. Si'lon le irincipe de n^is adver-
saires, les Juifs de la Grèce ni ceux de Rome
n'étaient pas obliges de s'en lier au ténioi-
puage de leurs Iréres de Judée, sur un lait
aussi merveilleux et aussi incroyable (jue la
résurrection de Jésus ; les païens encore
moins; tous pouvaient dire comme les in-
crédules : Est-il raisonnable d'exiger que
nous croyions, sur la parole d'aulrui, un
fait dont Dieu pouvait nous convaincre par
nos propres yeux? — 5° Quand Jésus res-
suscité se serait montré aux ciiels de la
synagogue, comment le saurions-nous? Par
le témoignage des Juifs convertis : car enfin
des Juifs incréduli's n'auraient pas pris la
peine de nous en informer , ni de metlre
par écrit un fait qui les aurai! couverls
d'opprobre. Or, les incrédules modernes com-
mencent par rejeter comme suspecte l'altes-
tation de tous ceux qui ont cru en Jésus-
Christ : ce sont, disent-ils, des hommes
prévenus, séduits, intéresses à la cause de
leur maître ; ce sont des fanatiques ou des
imposteurs. Les chefs de la synagogue se-
raient-ils plus à couvert de cette accusaiion
que les apôtres et les évangélistes ? C'est
assez qu'un fait (judconque, ou un témoi-
gnage, paraisse aux incréiiules trop favora-
ble au christianisme, pour qu'ils les rejet-
tent sans examen : voilà la principale raison
qui les prévient contre le témoignage que
l'hislorien Josèphe a rendu à Jésus-Christ.
— 6° EuOn, si les grands prêtres, le télrar-
que de la Judée, le sanhédrin en corps,
avaient alleste la résurrection de Jésus-
Christ, el avaient cru eu lui, les incrédules
diraient qu'il y a eu collusion entre tous ces
personnages et les apôtres, qu'ils avaient
formé de concert le projet de faire recon-
naître Jésus-Christ pour lu Messie, afin de
soulever le peuple, de faire une révoluiion,
et de secouer le joug des Romains; que toute
cette scène a été un complot d'intérêt national
cl de politique; qu'ainsi la préleuduc con-
version des granls el du peuple ne prouve
rien, etc. L'espit fécond de nus adversaires
pourrail-il jamais manquer de raisons ou de
prétextes pour autoriser leur iucrédulile?
Dieu a su mieux qu'eux ce qu'il lallait
pour persuader les espri s droits et Ks liom-
U1C-. sensés. La résurrection de Jésus-Christ
a été publiée, prouvée el crue cinquante jours
après, sur le lieu même où elle était arrivée,
APP
Î5â
par huit mille Juifs que la prédicalionde saint
Pierre persuada et convertit { ict. ii, 41; iv,
6). Telles fureul les prémices de l'Eglise qui
se forma dès lors à Jérusalem, el qui a sub-
sisié aussi longtemps que celle ville. Bientôt
plusieurs prêtres furent au nombre des fidè-
les ( Art. VI, 7). Aucun motif ne pouvait les
engager n croire la résurrection de Jésus-
Chrisl, que 1,1 certitude inconleslable el la no-
toriété du fait : donc les preuves en étaient
convaincantes el invincibles. Tel est le point
essentiel contre lequel aucune objection ne
prévaudra. Voi/. RÉsuRriKCTiON.
APPEL AU FUTUR CONCILE. C'est un ex-
pédient dont on s'est avisé de nos jours pour
esquiver la censure de certaines opinions
condamnées par le souverain pontife, cen-
sure approuvée et confirmée par le sulTrage
de l'Eglise uni\erselle, puisqu'à l'exception
de quelques evéques de France, point d'au-
tres n'ont réclamé. Il est étonnant ()u'un pro-
cédé aussi étrange ait pu trouver des parti-
sans et des apologistes. — Les appelants sa-
vaient bien qu'il n'y avait point pour eux de
futur concile à espérer ; que l'Eglise unirer-
selle ne s'assemblerait pas pour juger s'ils
avaient droit ou tort, que c'était appeler à
un tribunal qui n'existerait peut-être jamais.
L'Eglise dispersée avait applaudi à plusieurs
jugements déjà portés par le sainl-siége sur
celte même matière ; pouvait-on supposer
que l'Eglise changerait de croyance lors-
qu'elle serait assemblée , el que la circon-
stance d'un concile opérerait une révolution
subite dans tous les esprits? Le comble du
ridicule a été de croire qu'un appel donnait
le droit de conlinuer à enseigner la doclrino
censurée. Si les appelants avaient élé cou-
damnés dans un concile, ils auraient appelé,
comme tous les hérétiques, au jugement de
Dieu.
Mosheim, dans une de ses dissertations
sur r//is(oj/e ecclésiastique, t. I, pag. 581, a
très-bien prouvé que ces sortes d'appels sont
inconciliables avec la doctrine catholique
ton liant l'unité de l'Eglise, que les ap(>elauU
se sont joués des terme», eu prolestant qu'ils
ne prétendaient point dérober à celte unité
par leur appel ; mais nous réfuterons ailleurs
ce qu'il soutient dans le même endroil. sa-
voir , que cette même croyance lourhanl
l'unité de l'Eglise, ne peut pas s'accorder
avec le sentiment de l'Eglise gallicane sur la
supériorité des conciles généraux à légard
du pape. Les partisans de Quesnel n'appe-
laient pas de la décision du pape seul à celle
d'un C6>nci7e général, mais de la décision du
pape, confirmée par l'acquiescement de l'E-
glise universelle. Cela est fort dilîéreiit. Fo(/.
Unité de l'Eglisb.
♦Appel COMME d'abb». L'appel comme d'abus esi un
acte |i:ir lequel une persDniie qui croit aviiir rison
de se plaindre d'un juKeuienl rendu par un juge in-
férieur, deuiaiiile ipie l'aU'iire soil eximino' el j'uiée
de nouveau par un ju;;e s\i|.iérienr. Ay uil iraiié «le
Tapprl et (le ses diverses espèces (la s n ilr.; l>ic-
tioiniairo de Tliéologii; morale, nniis iiiiiis conleiue-
rons d'y reaviiyer.
APPELANT, nom qu'on a donné, au corn-
339 API
nienromciit de ce siècle, àiii évéques et aur
Ires ( cclé^i.nsliquos qui avnicnl iniprjpté np-
pel au (ulur concile do la bulle Unigenilus,
àonnéo par le p.rpe Cornciii XI, el porlaiit
condanr /ilion liu livre du Pèro Oucsnci, in-
li!u!é, lléflexiona morahs sur le Noureau
Tfftdwent. — Coiiiine les apprinntx se llal-
taif Ml d'en imposer à riîglisc enlière jjar leur
praiid iioml're, on scUieiiaii dos appels de la
in<^ii)e manière que l'on brigue les suffrages
d'un juge ou d'un élcclour; el les chefs lic
ceparii iurciil assez insensés pour appeler
leurs el imoiirs le cri de In foi. HiMireuseiiient
res foll s ilémarclies ont élé rcvoiinées avec
autant de f.irililé qu'elles avaient élé faites,
1 1 l'on roui;it aujotird'bui de tout ce scan-
dale.
APPLICATION, se dit pnriiculièretnent, en
lhcolo!;ie, lie l'ailioh par licinelle notre Sau-
veur nous liansfére ce qu'il a mérité par sa
vil' el [>ar <i\ mort. — C'e'it par cette applica-
tion des niérili's de Jésus-Christ ijU^' muiS (le-
vons /-Ire justifiés, et ([ue nous pouvons pré-
tendre à la f;râie el à la ■:loire éternelle. Les
sairemciits sont les ynies ou les iustruinents
ordinaires pi-r les luels se fait celle applica-
tion, pourvu qu'on les reçoive avec les dis-
positions nécessaires cl prescrites par le
concile de Tresiie ilans la sixième session. —
t/Ë'ili^e nous les applii|i!e encore parlesaint
sar/rifice i!c la messe, par Ses prières, p;ir les
indulgences, par les bonnes u-uvrcs qu'elle
nous prescrit, l'ille a conlaïuné les protestants
qui sOiilieuiienl que cette a//p/(caM'on ne peut
nous é re faite que par la foi. Voy. Imputa-
tion.
AIPUOBVTiON, APPKOUVFU.Un préire
ap}iriiuré «-st c lui ijui a ie( ii de son évéque
le pouvoir d'm endre les coiife.'^sions el d'ab-
snndre. Comme c'est on acie de juridiction,
révèqueesl le maîtr.' de Lmiler cette rppro-
bal:oit loiir 1 • lemps, poiii' le lieu, pour les
cas (I). Un prétri' qui n'esi opprouvé que
pour un an, c-t olilii;c de riil<' nnoincler
se* pouvoirs à latin de l'au; ée ; celui qui
est (ipproHvr pourielle paroisse, n'a pas jjour
li'la le pouvoir (le confesser dans une autre:
celui qui a le |M!Uvoir d'alisouiire des cas or-
din-nr' s ou nou réservés, a besoin d'un pou-
voir spécial pour absoudre des cas réservés.
APSIS ou AlJSIS, mol usité dans les au-
(1) < Piiispie la nnliue el l'ordre dii jiigonienl
exigent qu'une sen ciice ne puisse être poiiée par un
JHpe que sut- ceux qm lui sont sigcis , «m n uiiij lus
été i*rsii:i(lc , «l.iii^ rKt!li,«i; iit; llieu , et le ciincile
(iMilinne ceUe véiilc, (|ii'' l'^ilisiiiiition pri'iiniicé'' p;ir
imiirétieMir ceUii Mir ipii I ii';ipusde jnridiclinn. suit
oui' 'iiire, .soil MilMlélc'giié • , iluii eire c nul imid-;.
{Ctnciii ae trnil.; >e.-N. l4, (II. 7.) yiioiipie les piê-
lies, il;iii> leur onlin.ilio > , ie(;ni e;il l:i ;>iiiss;inci!
d'aiisoudn; les |>é< lie-, lehxiiil cm.eili' dé' rcle ipi'au-
euii irèlre, n>èii>e lé^nlier, ne peut eiiU'ml e les
coiifessitinîi des séculiers, niéiiie i\f> pié re>, id èlre
re^'iirdii coiunie ulniue :t ce tiouihté'e, il uiiiiiis iju'il
ne pii>séde nu héMuliru piiroi >i.il , ou ipx; l'évépie
ne loi iluune ^raUnleulelU , ^luè^ r:iv(iir examiné,
s'd le lUge iiéce'<»aM'e, une uppiidiuuou, nuuoiiKlaut
toub k-s privilèges on c(iui(unes même Iniuniuiuriales.*
{Ses6. '23 (le la Hiform., c. \'o.j
AKA
540
leurs ecclésiasliijties |onr si;rnificr la partie
intérieure des anciennes é:;lises, où le clergé
était assis el ou l'autel éiail placé. — On
croit que celle parlie, do l'église s'appelait
ainsi, parce qu'elle était bâlie eu arcade ou
en voûte , ap; elée p,;r les l'.rccs U-^l; , et par
les Latins absi.i. Dans ce sens, le mot«/'sis se
prend aussi pour le presliytère, par opposi-
tion à la nef, ou 's la partie de l'église où se
tenait le peuple; ce qui re\ieiitàce ([uc
nous appelons chœur cl icirrluaire. — L'o;)-
sis élail bâlie en figure hémisphérique, el
consislail en deux parties, l'autei ou sanc-
tuaire, el le presbyière. Dans celle dernière
partie éfaienl contenues les stalles ou places
du clergé, el enire antres le trône de l'évc-
quo, qui élait p'acé au milieu ou dans la par-
tie la plus éloignée de l'autel. L'aulel élail à
l'autre eitrérailé vers la nef, dont ii élail
séparé par une grille ou balasirade à jour.
11 é'ail sur une estrade, et sur l'autel était le
ciboire ou la coupe, sous une espèce de pa-
villon ou de dais. Voy. Cordemov, Mém. de
Trév.. juillet 1710, p. 12G8 el suiv. ; Fleury,
Mœurs des Chu''., lit. xxxv.
Ou faisait plusieurs cérémonies à l'enlréo
ou sous l'arcade de ïapsis , comu»e d'impo-
ser les mains, de revélir de sacs et de cilices
les péniienis publics. Il est aussi souveni fait
mentiiiu dans les anciens munumeiits, des
corps des s:iiils (|ui éiaieut dans l'rt;)*!*. C'é-
laieiii les coi ps des saiiiis évéques ou d'au-
tres sainis, qu'on y transporlail avec grande
solennité. Synod. tu Carth., can, 32, Spel-
man.
Le Irôiie de l'évéquc s'appclàit ancienne-
ment apsis, d'où quelques-uns ont cru ((u'il
avait diiniié ce nom à la partie de la basili-
que dans laquelle il élait situé ; n)ais selon
d'auli-es, il l'avait emprunté de ce même lieu.
Ou l'appelait encore apsis (jrndala , parce
qu'il était élevé de quelques degrés au-dessus
des sièges des prêt: es; ensuite on le nomma
exhnirn, pui^ Irônc cl tribune.
Apsts elait aussi le nom d'un reliquaire
ou d'une châsse, où l'on renfermait ancien-
ueiueni les ri'liques des saints, et ()u'ou nom-
mait ainsi, parce que; les reliquaires éaient
faits eu arcade ou en voûlc ; peut-être aussi
à cause de Vnjisi.'i où ils élaicnt placés ; d'où
les Latins onl form,' co/J.'n, pour exprimer la
même chose. Ces r;'liquaii'es élaienl de bois,
qiieliiuefois d'or, d'argent ou d'auires ma-
tières precicusi's, avec des reliefs et d'autres
orncmënis ; on les plaçait sur l'aulel, qui,
coiiiii c nous l'avons dil, faisait partie de
Vapsis, qu'on a aussi nommé queliiuefnis lo
chevet de ri'giise,et (hjiit le fond, pour l'or-
dinaire,élail tourné a l'orient. Voy. Ducange,
IJescript. S. Sopliiœ ; Spelman ; t'Ieury, loc.
cit.
AOUARÎENS. Voy. Encratites.
A(Jl II.A, auieur d'une version de la Bible.
Voy. Vkiision.
Àll.\M>; [Version). Voy. PinLi;.
AKAIIIIv. Saint Paul nous apprend lui-
même ( llidat. 1,17 et suiv. ', qu'imujédialc-
ment après sa conversion, il alla prêcher eu
Arabie, cl qu'il y dcuieurd liois ans. On ne
5^1 ARA
peut pas dooler qu'il n'y aitf.tit des conver-
isions et fondé une r'"glise. P.irmi ceux qui
fareni témoins de la d^^sccnle du Saint-Esprit
sur lo8 apôtres à Jéru'^alcni, le jour de la
PentPcAle.il y avait des Juifs de V.iralne {Act.
11,11). Los interpr('tf>s de l'Iù-riture niit ob-
seryé qtie la conversion «les Aratx's avait été
piédilo par Isaïe, rliap. xi , \\, où il est dit
qiii' le peuple du Seistneur emportera les dé-
pouilles des enfants de l'Orient ; el ehap. \l.li,
V. H, le prophète dit (ine les habitants de
Pétra, ville d'Arabie, élèveront la voix du
sommet de lenrs montagnes, el rendront
gloire à Dieu. En erfo'.les doux évécliés prin-
cipaux de l'.lroôf'e ont été Bostres et Tcira;
mais il v en avait plusieurs autres, et l'on
trouve les noms de leurs évéques dans les
souscriptions des conciles.
On ne peut pas douter que les Arabes ne
soient la postérité d'ismael; i's se font en-
core gloire aujourd'hui de descendre d'.\bra-
ham. C'est le pli;s ancien peuple du monde ;
ils n'ont jamais été chassés de leur pays; ils
ont toujours subsisté depuis bur premier
établissement; ils n'ont eliangé ni leur lan-
gage ni leurs mœurs, parce qu'ils ne se sont
mêlés avec aucune autre nation. Aussi con-
servent-ils encoriMe caractère et les mœurs
de leur père Ismacl; l'ange ilu Seigneur, eu
annonçant sa naissance, dit à sa mère Ag;ir :
Ce lira un homme sauvage, sa main sera levée
conlre tous, el la main de tuu^ sera contre
lui ; il dressera ses lentes sons les yeux de
/les frères {Gen.xvi, IV). Vainement les Egyp-
tiens, les Grecs, les Uon>ains, les Turcs, ont
voulu subjuguer les Arabes, ils n'y ont pas
réussi pour longtemps. Ce peuple se m.iiu-
lieiit dans l'indépendance, el préfère la libellé
à toutes les commodités des nations policées.
Depuis près de(iiiatre mille ans, il est tou-
jours le mê ' e. Un homme très-sensé, qui l'a
vil (le près, dit que chez un Arabe il croyait
eniore être dans la tente d'Abrihain ou de
Jacob. Ceux du désert Curent converlis vers
l'an 373 par les moines qui habitaient dans
leur volsin.ige. Tbéodorel, 1. iv,c.23;So-
2om., I. VI, c. 38. Ceux de VArnbie heureuse
le furent sous l'empire de Constance par uii
évéijae arien. Ce peuple est accusé par les
anciens d'avoir immolé des victimes humai-
nes ; mais on peulri'procher cette barbarie à
un grand nombre d'autres nations.
Nos voyageurs les plus moJenies nons
avertissent qu'il n'est pas vrai que les Arabes
en général, même ceu\ que l'on nomme lié-
duuins, Scé-^dles, ou habitants (it< désert,
soient voleurs, peifides, sans I >is el sans
mcpurs. Niébnr, qui les a vus en 17(52 et 1763,
les peint tout différemment : il dit qu'à cet
égard il n'a aucun reproche a faire contre
eux. M. de l'ag s, qui it-s a visités peu de
temps après, en parle de même. Yoijages au-
tour du monde, lom. I, pag. 307. Les Arabes,
dit-il, ne se volent jama s entre eux, et vi-
vent Irès-soeiaidement ; mais une tribu est
souvent en guerre avec une autre tribu, et
alors les hostilités sont réciproques. Ils ne vo-
lent qaedans le désert el rassemblés en corps
ARA
-..i-23
de nation ; parce que, selon l'ancien p-, éjugé,
ils regarilenttouté ranger inconnu comme un
ennemi, à moins qu'ils n'aient fait une con-
vention avec lui, et qu'il ne leur ait payé une
espèce de tribut, ou qu'il ne soit piotégé par
l'un d'entre eux; mai-- quand on a un Vratie
pour sauve r.iide, on ne risque rien. Cotiimo
ils se croient maître'- el sei;;neurs du ilésert,
ils prelemlenl qu'un étranger n'a p as droil de
passer sur leurs terres sans leur permission
et sans leur payer un tribut.
Un incrédule célèbre, pour donner mau-
vaise opinion des Juifs, a répété dix f lis que ,
dans l'origine, c'était une horde d'Ara', es
lîédouins. Quand ce fait ne serait pas évidem-
ment faux, il ne s'ensuivrait encore rien,
puisque, selon le témoignage des voyageurs,
les Arabes liéilouins ne ^olll pas el n'ont ja-
mais é!c lels que cet écrivain a voulu '.es re-
présenter. — Mais, vu l'altacbemenl opiniâ-
tre qu'ils ont toujours conservé pour leurs
anciennes mœurs, on conçoit qu'il n'a pas été
ai^éde les convertir au chrislianisna', et qu'il
a fallu pour cela un grand changement dans
leurs habitudes et dans leurs idées, (^-pen-
dant l'an 207, le christianisme était déj;i flo-
rissant dans cette contrée ; Origène y fil trois
voyages pour y combatirc dilTérenles erreurs;
Bérylle, évéque de Bosties, l'une des prin-
cipales villes tii'WAra' le, enseigna qu'avant
l'incarnation Jésns-Clirist n'élait point une
personne subsistante, qu'il n'était Dieu de-
puis son incarnation que dans un sens im-
propre, et parce qu'il parlicipailà la diviniié
du Pè:e. Dans les conl'érenceS qu'il eut avec
Origène, il abjura son erreur, l'an 2i0. Eu-
sèbc, llisl. ecclés.. 1. vi, c. 20 el 33. Vers l'an
2iG, Origène retourna en Araliie \)n»r faire
conilamner l'erreur des f/ra/)V/i/e,«, el ilsetint
un concile à celle occasion. Eusèbe, ibil., c.
37. Voy. l'aitide -uivanl. L'an 209, l'cvéïiue
de Bnsircs assista au concile d'.\nlioche. Ti-
tus, évêque de celle même ville an iv' sièele,
écrivit un traité c mire les manichéens, qui
subsiste encore. On conjecture que saint Hip-
polyte, qui vi\ait au nr, était évéque, non
de Porto en lalie, mais il'Ailen en Arabie,
que les aneiens nommaient Purlus Romanus.
Voy. la note sur liusèbe, I. vr, c. 20.
Le christianisme s'est conservé dans cette
partie du monde jusqu'à la naissance du ma-
homclisme, au Vi;* siècle; alors il y a été
entièrement détruit. Mais an v» les neslo-
riens, el ensuite- les eutyi-hiens, y séduisi-
rent hcaucKtl i do personnes, et i'irrent maî-
tres de jdusîeurs évêcbés. Il n'est pas même
certain que V Arabie tout eoiiàic .lil jamais
été soumise à l'Evangile, puisqu'il y avail des
idol lires lorsque Maliomel y prè( ha SeS er-
reurs.
ARABIQUES, secte d'héréliqiies qui s'éle-
vèrent en Arabie vers l'an de Jésus-Cfïr'<t
207. Ils enseiguaicnl que l'àrne naissa'i et
mourait av(Cle corps, miis flitssi qu'elle ré«-
snscilerait en même (emps que le cor|)s. Ea-"
sèhe, liv. VI, cliap. 37, rapporte i;u'oii irrtt cH
Arabie même, dans 1 - ni" siècle, un con-
cile auquel assista Origène, qui convainquit
si clairemonlces hérétiques de leurs erreurs.
345 ARC
qu'ils les abjurèrent et se léunireni à l'E-
glise.
ARBRE DE LA SCIENCE «lu bion cl du
mal. 11 (Si dit dans la Genèse, c ii, v. 9, que
Dieu avuil planté au milieu du paradis Var-
Ire delà science du bien et du inaî, el qu'il
défefidil à Tbomme de manger de son fruil,
sous peine de la vie, vers. 17. On demande
pourquoi Dieu ne voulait pas qu'Adam con-
nût le bien elle mal, lommenl un fruil pou-
yail donner cette connaissance ; c'est une
ancienne obji-ction des niarcioniles el des
nianicbéens. Terluil. adv. Murcion., 1. ii, c.
2o; saint Augustin contra Faustnin, I. xxii,
C. k. — Nous lisons dans l'Ecclésiastique, c.
XVII, V. 5, que Dieu avait donné à nos pre-
miers parents le don d'intelligence, qu'il leur
avait montré le bien el le mal. Sans celte
connaissance, ils auraient élé incapables de
pécber. Mais Dieu ne voulait pas ((u'ils con-
nussent par expérience; la boule, les regrets,
les remords d'avoir fait le mal, ni qu'ils pus-
sent comparer ce sentiment avec celuide l'in-
nocence. \'oilà ce que le péché leur apprit,
Pl il n'éhiil pas néci'ssaire pour cela que le
fruit don! ils mangèrenl eut la vrriu physi-
que de faire connailre le bien el le mal. —
De qu<lle espèce était ce Iruit funeste ? Etait-
ce une piimme, une poire, une figue, etc. ?
A ci'tle iuiporlanle question, nous répondons
que Dieu n'a pas trouvé bon de nous l'ap-
preiiiire.
Arbiie de vie. Des commentaleurs , qui
avairiil sans doute beaucoup de loisir, ont
mis en(iueslioiisi cet arbre était le mênieque
celui de la science du bien el du mal. Il nous
parall que l'Eciiturc las dislingue très-
clairement; elle dil «pie Dieu avait pl.icé au
milieu du [).ir.iilis Vaibre de vie et rfir/;re de
la science du lien el du mal {Gcn. ii, 9). La
vertu qu'av;.ii le [ireinier de prolonger la
vie él ail -elle iiaiu relie ou su rnalurelle ? Celte
question est aussi intéressante que lisfaldes
forgées par les rabbins sur cett deux arbres
merveilleux. Nous nous contenions de re-
marquer que, selon Salomon, la sagesse est
Varbre de vie pour tous ceux qui l'e.nbras-
senl (Prov. m, 18). et queJésus-Chrisi mou-
rant sur la croix, en a fait un arbre de
vie plus puissant que celui du paradis. Voy.
RtDliVIPTioN.
AHC-KN-Cll L. Ce qui en est dil dans l'Ecri-
ture sainte a semblé ridicule à plusieurs in-
crédules. Après le déluge, Dieu dil à Noc et
à sa familli' : // n'y aura plus désurniais de
déluge qui désole lu Icrre, cl voici le signe de
l'allionce que je fais avec vous, ou de la pro-
messe iiiic je vous fais. Je mettrai mon arc
dans les 7iues, cl lorsque j'aurai courerl le ciel
de nuayes, mon auc // piiraitra, el je me soit-
viendriii de la proNiessr que j'ai faite de vous
conserver il ttius Us animaux (Geii. ix. 11 el
suiv). 1° Cela suppose , disent nos critiques,
que \'arc-cn-cicl n'avait pas exisié .ivanl le
déluge, puisque Dieu dit, je mettrai mou
arc d.ins les nues : or, ce fliéimuiène a dû
paraître toutes li s lois qu'il a plu d'un cà<c,
pendant que le soleil luisait de l'aulre ; il
iCcii doue pa» probable que Noé cl sa fa-
ARC
344
mille n'eussent jamais vu Vare-en-ciel. 2*
Il est ridicule de donner le signe de la pluie
pour sûreté qu'il n'y aura plus d'inondation,
el que l'on ne sera pas noyé ; cela prouve
que l'auteur de celle histoire était très-mau-
vais physicien.
Réponse. Cela prouve plutôt que les cen-
seurs de cet historien sont téméraires. 1°
Comme les verbes hébreux ne sonl que des
participes indéterminés , pour traduire à la
lettre , il faudrait dire: Me voilà mettanl mon
arc dans 1rs nues, el cela signifie cgalemenl/e
mets, j'ai mis oujemeltrai. -l" Eu laissant le ver-
be au futur il ne s'ensuit pas encore que l'arc-m-
ciel n'avait pas élé vu avant le déluge, mais
qu'il n'avait pas clé vu pendant le déluge , et
qu'il allait reparaître de nouveau. 3' En effet,
Yarc-en-ciel ne peut avoir lieu lorsque les nuées
sonl Irès-épaisses, et chargées de beaucoup
d'eau , comme cela dut être pendant le délu-
ge ; on ne peut donc le voir que quand les
nuages sont assez légers el assez interrom-
pus pour que le soleil puisse darder ses
rayons au travers. Donc toutes les fois que
\'arc-en-ciel paraît, c'est un signe certain
qu'il ne tombera pas assez de pluie pour cau-
ser une inondaiion générale; ce signe était
donc très-propre à rassurer Noéet ses enfants
contre la crainte d'un nouveau déluge.
Le terme d'alliance, dont se sert l'écrivain
sacié, a encore ému la bile d'un philosophe.
0 En quoi consiste donc, dit-il, celle alliance
que Dieu a faite avec l'honime el avec les
animaux? quelle.i ont élé les conditions du
traité? Que tous les animaux se dévoreraient
les uns les autres, qu'ils se nourriraient de
noire sang el nous du leur ; qu'après les
avoir mangés, nous nous exterminerions
avec rage S'il y avait jamais eu un tel
pacte, il aurait été lait avec le diable.» — Le
ridicule de celle tirade est poussé à l'excès ;
ce philosophe ne savaii pas que le même
terme eu hébreu signifie alliance el promesse
Qu'est-ce, en effet, qu'une alliance, sinon
une promesse réciproque ? Toute promesse
emporte l'obligation de fidélité d'un côlé, de
confiance et d'obéissame de l'autre. Or, Dieu
promet de ne plus désoler la terre, de ne
plus exterminer la race des hommes ni des
animaux par un déluge universel ; il dit :
Tant que durera la terre, les semailles et la
7noisson, le chawl el le froid, l'été et l'hiver,
le jour et la nuit se succéderont constamment
[Gen. vin, 22j. Celle promesse devait donc
engager Noé à cultiver la terre el à nourrii
des animaux, sans craindre d'être frustré du
fruit de ses travaux.
Quoique les animaux féroces el carnas-
sieis dévorent les antres, quiiii]ue les hom-
mes en délruisent beaucoup pour se nourrir,
cependant les espèces utiles ne laissent pas
de se conserver el de multiplier; Dieu leur
a donné une fécondité relative à la consom-
malioii qui s'en fait. Ma gré les déranue-
menls passagers des saisons, les orages, les
stérilités, la terre continue depuis le déluge
à fournir la subsistance à ses habitants, queU
que nombreux qu'ils soient ; les lauiiues ne
sont que locales el passagères. A laçsur»
Si 5
ARC
ARC
346
qae la population auf;menle, on Ironve le
moypn de rendre fertiles des termins qui
partiissent Inc.ipaliles de faire aucune jiro-
duction, elc. Tons ces plicuoinèues soni as-
sez beaux pour mériter l'aUentiDn des philo-
sophes, el assez merveilleux pour nue l'.iu-
teur snrré ail eu raison de les allribuer à la
bénéilir.iion de Dieu Id'en. i\, 1).
AHCHANGI<;, substance inlelligenle ou an-
ge du second ordre de la hiérarchie' céleste.
Voy. Ange et HiicRAiicniE. On appelle ces
esprits archanges, parce qu'ils sout au-des-
sus des ang s du dernier nrilre, du mot «rec
àp'/_ri, principalement, t'l^'l'v.yyù.'>;,anQe : saint
Michel est considéré comme le prince des an-
ges, el on l'appelle onlinairemenl ['archange
saint Michel.
AKCHli D'ALLIANCE , coffre d'un bois
incorrupiihie et revêtu de lames d'or, que
Moïse avait lait construire par ordre de Dieu;
dans lequel il avait renferme les deux tables
de la loi, un vase rempli de manne, el la
ver^e d'Aaron, qui av,;it fleuri dans le ta-
bernacle. C'étaii nt là incontcsiabhîmcnt les
objets les plus respectables de la religion
juive. Ce coffre était nommé arche d'alliance,
parce que la loi qu'il renfertnail était le ti-
tre de Vaillance que Dieu avait contractée
avec son peuple ; il fut placé derrière un
Toile dans le sanctuaire du tabernacle. — Le
couvercle de ce coffre était nommé propi-
tiatoire; il était surmonté de deux chérubins
d'or, dont les ailes étendues formaient une
espèce de siège, qui était censé le trdne de
la majesté divine. Les deux côtéa les plus
longs étaient armés chacun de deux anneaux
d'or, dans lesquels on glissait deux bâtons
dorés, qui servaient à transporter Yarche,
Deux sanriOcateurs ou deux lévites la por~
talent sur leurs épaules, comme l'on porte
aujourd'hui dans les processions les châsses
des reliques des saints ; ce soin fut particu-
lièrement confié aux descendants de Caath,
fils de Lévi.
L'arche, construite au pied du mont Sinaï
l'an du monde 251'i., voyagea pendant qua-
rante ans dans le désert avec Moïse et Josué.
Après le passage du Jourdain, elle fut placée
à Galgal dans la Palestine, et y resta environ
sept ans ; de là elle fut transportée avec le
tabernacle à Silo, où elle demeura trois cents
vingt-huit ans. L'an 2888, les Israélites l'en
tirèrent pour la |)orter dans leur camp. Dieu
permit qu'elle fût prise par les Philistins,
chez lesquels elle demeura sept mois ; par
les (léaux dont Dieu les afiligea, ils furent for-
cé» de la renvoyer à Bethsaniès : quelques
Bethsamistes ayant voulu, par curiosité, voir
ce ([u'elle renfermait , furent frappés de
mort. De là elle fut conduite à Cariathiarim,
et placée sur la partie la plus élevée de la
ville de Gabaa, dans la maison d'Aminadah.
où elle resta soixante-dix ans. David l'en tira
l'an du Hionde 29o9 • dans le transport, Oza
avant voulu y porter la main pour la soute-
nir, fut frap|)é de mort. David effrayé n'osa
la conduire chez lui, il la lit déposer dans la
niaison d'Ubtdedoui. Trois mois après, il la
transféra dans son palais sur le mont de
Slon ; elle y resta quarante-deux ans, jus-
qu'à ce que Salomon la fit placer dans le
saniluaire <ln (temple qu'il venait de bâtir;
elle y fut environ quatre cents ans, jusqu'au
siège de Jérusalem par Nahuchodonosor.
Pendant ce siège, Jéréinie la fit cacher dans
un souterrain, afin qu'elle ne tombât pas en-
tre les mains des Chiildéens ; après leur re-
traite, il la fit transporter dans une caverne
du mont Nébo, siiuée an delà du Jourdain,
et célèbre pir la sépuliure de Moïse, et eu
ferma l'entrée. Il ne paraît pas par l'histoire
qu'elle en ait jamais été tirée; les Juifs ont
toujours été persuadés qu'elle n'était pas
dans le second temple bâti par Zorobabel.
Fiiy. I. 11. Machiib , c. ii. Voy. dans les
planches de ['Histoire ancienne la figure de
['arche d'alliance. Dans la bible d'Avignon,
t. \ll, p. 523, il y a une liissertalion ou l'on
examine si cette arche fut cachée jiar Jéré-
niie, et si un jour elle doit reparaître.
Les juifs modernes ont dans leurs synago-
gues une espèce d'arche ou d'armoire dans la-
quelle Ils ren'érment leurs livres sacrés, à l'i-
mitaiioiide Varche d'alliance; ils la nomment
Aron. l'erlullien en parle déjà , et la nomme
urmarium jndaicum ; de là l'expression, met-
tre dans l'armoire de la synagogue, pour dire
vtetire au nombre des livres canonit/ues.
Aiicniî DE 'Soi:, sorte de vaisseau ou de
bâtiment fiottanl qui fut construit par iVorf,
afin de préserver du déluge sa famille et les
différentes espèces d'animaux que Dieu avait
ordonné à ce patriarche d'y faire entrer.
VoiJ. DÉLLGl^.
Les critiques ont fait beaucoup de recher-
ches et imaginé différents systèmes sur la
forme, la grandeur, la capacité de ['arche de
Noé, sur les matériaux employés à sa cons-
truction, sur le temps qu'il fallut pour la
bâtir, sur le lieu où elle s'arrêta lorsque les
eaux du déluge se retirèrent, elc. Nous par-
courrons tous ces points le plus brièvement
qu'il nous sera possible.
1' On croit que Noé employa cent ans à bâ-
tia Varche: savoir, depuis l'an du monde
15o5 jusqu'en lt)56, temps auquel arriva le
dèlujte. C'est l'opinion d'Origène, liv. iv con-
tre Celse ; de saint Augustin, de Civitale Dei,
lib. XV, c. 27; conlra Faust., lib. xii , c. 18,
Quœst. in Gènes., n. 5 el 23 ; de ilupert, sur
la Genèse, liv. iv, c. 22. Ils ont été suivis par
Salien , Sponde, Le Pelletier, etc. D'autres in-
terprètes prolongent ce terme jusqu'à six
vingts ans. Bérose assure que ^o^ ne com-
mença à bâtir Varche que soixanle-dix-huil
ans avant le déluge ; un rabbin n'en compte
que cinquante-deux ; les mahométans ne
donnent à ce patriarche que deux ans pour
la construire. Par le texte de la Genèse, il
est certain d'un côlé que le déluge arriva
l'an six cenl de Noé, de l'autre, qu'il était
âge de cinq cents ans lorsqu'il eut Sem, Chatn
et Japhet; d'où il s'ensuit que l'oiiinion de
Bérose paraît la plus probable. En effet, se-
lon le père Fournier, dans son Hydrographie,
et selon le sentiment des Pères, Nué lut aidé
dans son travail par ses trois fils : ces quatre
persouae» suffirent pour le finir; puisque
S47
ARC
Ane
34<
Arcliiai ne Corinihe, avec le secours de IroiS
cents ouvriers, consiruisit en un an le E;rand
vaisseau (i'Uiéroii, roi de Syracuse. — Quand
on supposerait l'acc/fe ii'aucoup plus grumie,
et liâtic. eu soixanlc-ilix-huil ans, il taudrail
faire atletilion au\ forces des Immmes du
lircuiier âge du monde, qui oui toujours été
reftardes couiui ■ tieaucoup plus iot)ustes que
ceux des leuip!! posiérieurs. Par ces ré-
flexions, l'on peut répond e aux objectons
de ceux qui préteiulenl que l'aîné des enfauls
di» \né ne naquit qu'environ le teuip* auquel
Varclie fui idiniuencée, que li- plus jeune ne
vint au inonde que lorsque l'ouvrage était
déjà fort avancé, qu'il se passa par consé-
quent un temps considéiable avant (ju'ils
fussent eu état de rendre servii;e à leur
père. Ou déiruit également ce que d'aulres
objectent, qu'il esi im|>ossible (lue trois nu
quatre lio )imes aient suffi pour construire
un tiàtiment auquel il fall.iil employer une
prodigi use quanliié d'arures, et un nombre
iulini de bras pour les façonner. Que sait-
on d'ailleurs si Noé ne se fil pas aider par
des ouvriers ?
2* Li' bois qui servit à bâtir l'arc/ie est ap-
pelé dans l'Eciiture hetsé rjopher, que les
Septante traduisent par bois eqnarri; Onkc-
los et Jonathan, bois de cèdre ; saint Jérô-
me, b::is taillé on poli, et ailleurs, bois tjou-
dronné, ou enduit de biluine ; Kimchi dit que
c'était un bois léger ; Valable, un buis qui
demeure dans l'eau sans se corrompre ; Ju-
nius, Treniellius et Buxtord, une espèce de
cèdre appelé par les Grecs •AE^^ù.à.-zn. -M. Le
Pelletier de Rouen pense de même, parce (]uc
ce bois incorruptible esl Irès-comuiun dans
l'Asie. Selon Hérodote et Arislopbane, les
rois d'Rgyple et de Syrie employaient le cè-
dre au lieu de sapin à la cou^lruclion de
leurs Hottes ; mais on ne doit pasfiirc beau-
coup de fond sur la tradition reçue dans
tout l'Orient, qui veut que Varche se soit
conservée jusi)u'à présent tout entière sur le
mont Ararat. — Bocbart soutient que (jopher
est le Cjjprès , parce que dans l'Arménie et
dans l'Assyrie, où probablciueul Varche fut
construite, il n'y a que le cyiirês qui soil
propre à consiruirc un long vaisseau tel que
Varche. Arrien, liv. vu, el Strahon, liv. svi,
racontent qu'Alexandre voulant faire cons-
truire une flotte dans la Babylunie, fut obli-
gé de faire venir des cyprès d'Assyrie. Or, il
n'est pas vraiscmblible que iVoe avec ses en-
fants, ohii^'és de faire un vaisseau si vasie
en si peu dt! temps, aient encore élé dans la
nécessité de tirer de loin les bois de cousiruc-
tion. - D'aulres enfin croient (ju.- l'Iiébreu
guplnr signifie en jjcnéral des bois gras el
résineux, comme le pin, le sapin, le terébin-
Ihe. Ou ne doit faire aucune atteniion
aux fables que les nialiuinélans ont forgées à
ce sujet.
o" >elon iMo'i'se , l'i/rr/ie avait trois cents
coudées de long, cinquante de largo, et trente
de hauteur. l'Iusicurs critii)ues ont prétendu
que ces mesutes ne doiinaicnl pas une cajja-
cité suffi.iaiilepourconlenir tous les animaux
Cl les proyisious qucrorc/iç dcvail renfermer.
Célse .s'en est moqué, el a nommé ce bâli-
nient Varche â'ahs-irdité. — Pour résoudre
c< tte difficulté, les Pères el les commentateurs
ont rechercbé qufile était la grandeur de la
couilée dont Moïse a parlé. Origène, saint
Augustin cl d'autres ont pi'usé qu'il était
question des coudées géométriquesiles R-^yp-
liens, qui contenaient, selon eix, six coudées
vulgaires ou neuf pieds. Mais on ne voit pas
que ces comlées aient été en usage cbez les
Hébreux. Dans cette supposition, Varche au-
rait eu 27i)0 pieds de lonsiueur; ce qui, joint
aux autres dimensions, lui eût donné une ca-
p;iciié énorme el superflue. Quebjues-uus ont
dit iiue les hommes d'alors étant plus grands
que ceux d'aujourd'hui , !''ur coudée était
aussi plus longue; mais par la niême raison,
les animaux devaient être aussi plus grands
el occuper plus de place. — D'aulres suppo-
sent que Moïse p.irlede la coudée sacrée qui
était de la largeur de la uiain plus grande
que la coudée ordinaire ; mais il ne parait
pas que celte mesure ait été employée ailleurs
que dans les édifices sacrés comme étaient
le temple et le tabernacle, — Buteo el le
P. Kircher paraissent avoir mieux rencon-
tré, en supposant la coudée de la lo gueur
d'un p'cd et demi. Ils prouvent géométrique-
ment qu'avec celle mesure Varche était irës-
sulfisanle pour renfermer tous les ani iiaux
et toutes les pro\isions nécessaires pour les
nourrir pendant un an. Ou est encore moins
gôné, à cet égard, dans le sentiment de MM. Le
Pelletier, Graves, Cumberland et Newton,
qui donnent à l'ancienne coudée hét»ra'i(iuo
la inénte longurur qu'a l'ancienne coudée de
Mempbis, c'est-à-dire envirnn vingt pouces
et demi, mesure de Paris. — Snellius a pré-
tendu que Vurche avait plus d'un arpent et
demi de superficie ; Cunéus el Budcc n'ont
pas calculé de même ; Arbnllinil compte
qu'elle avait quarante fois huit mille cent
soixante-deux pieds cubiques de capacité.
Le père Lami juge qu'elle était de cent dix
pieds plus longue que l'église de Sainl-Merry à
Paris, el de soixante-quatre pieds plus étroite.
Son traducteur anglais ajoute qu'elle était
plus longue que nel est l'églisede Saint-Paul à
Londres de l'est à louest, et qu'elle avait
soixante-quatre pieds de liautcuf selon la
mesure anglaise.
k" Outre les huit personnes qui compo-
saient la famille de I^oé, l'arc/ie contenait une
paire de chaque espèce d'animaux impurs,
el sept d'animaux purs, avec leur provision
d'aliments |iour un an. Au premier coup
d'œil, cela peut paraître impossible ; mais
quand on en vient au calcul, on trouve que
le nombre des animaux n'est pas si grand
qu'on se l'était d'abor<l imaginé. Nous ne con-
naissons guère que cent ou tout au plus cent
trente espèces de quadrupèdes, environ autant
d'oiseaux, et(|uaranle espèces de ceux qui vi-
vent dans l'eau. Les naturalistes comptent
ordinairement cent soixante et dix espèces
d'oiseaux eu tout. Wilkins, évé(iue <\\' Clies-
ter, prétend qu'il n'y avait que soixante et
douze espèces de quadrupèdes qui lussent
néccssaircmenl dans Varche.
349
ARC
ARC
S50
5" Suivant ladescripiion que Moïse fait de
cet éilificp, il parait ini'il était sôparé en trois
ola^os, qui avaient chacun dix coudées ou
quinze picdsdc liaulrur. Prnlialtlcinenl l'é!ap;e
le plus bisélail occupé par le» quadrupèdes
cl par les replilcs, celui du milieu par les pro-
visions , celui d'eu liant par les oiseaux,
par Noé et par sa l'aniille ; chaque étage
devait éire divisé en plusieurs loj;es. l'Iiilon,
Jdsèpiie cl d'aiilre< cointneiitalcurs , iinagi-
iienl encore un quatrième éla<;e sous les au-
tres, qui ct;iil connue le l'oud d;' cale du
vaisseau, qui conlenail le lest et les excré-
ini'U's des aniiuaux. — Drexélius pense que
Varclie était divisée en trois cents loges ou
appirlemenls ; le P. Fournier en compte
trois cent vinjçi-trois; l'auteur des Ques-
tions sur la (îen'se, qua're cents. IJiidi-e,
Arias, Monlanus, M'ilkins, le P. Lami, sup-
piisenl aulai\l di' loges (|n'il y avait <respè-
ces iraniuiaux. M. Le l'ellclier et B.)teo en
metlcni hi'aucoup moins, parce que, si on
les mnllipli lit trop, chaïune des huit per-
sonnes qui étaient dans Vorche aurait eu
quar.inie ou çimiuanle logos à pourvoir et à
heltoyer par jour; ce()ui est impossilile. —
Peiil-élre y a i-il autant de diflicnlté à dimi-
nuer le nombre des loges, à moins qu'un ne
dimiliue le nombre des animaux; il parait
plus difficile de prendre soin de trois cents
animaux dans soixante-douze loges que s'ils
occupaient chacun la leur.
Budée a calculé que tous les animaux ren-
fermés dans Varche ne devaient pas tenir
plus de place que cinq cents chevaux ou
Cliiquanle-six paires de hœufs. L • P. I.auii
porte ce nombre à soixante (jualre paires,
ou cent vingt-huit bœufs. Selon lui, en sup-
pnsanl que deux chevaux ne liensicnt pas
plus de place qu'un hcruf, si l'arc Ae a eu de
l'espace pour doux cent cinquante-six che-
vaux, elle a pu conlenir tous les anitnaux :
il déuionire qu'un seul étage pouvait conte-
nir cinq cents chevaux, en comptant neuf
pieds cinés pour un cheval.
Quant à ce qui regarde les aliments con-
tenus dans 11- second étage, IJudée a obser-
vé que trente ou quarante livres de loin suf-
fiseiil oïdinairement à un bœuf pour sa
nourriture journalière , et ((u'une coudée
soliile de foin, pressée comme elle est dans
les greniers ou magasins, pèse environ qua-
rante livres. Or, il parait que le second éta-
ge avait cent ciiiiiuaule mille coudées cubes.
Si on les divise entre deux cent six bœufs,
il y auia deux tiers di- loin plus qu'ils n'eu
pourront manger dans un an. — Selon le
calcul de AVilliinS; tous les animaux car-
nassirssont équivalents, po;ir leur volume
et pour leur nourriture, à vingt-sept loups,
cl tous les autres à deux cent huit bœufs.
Pour la nourriture des premiers, il met mille
huit cent vingt-cinq brebis, et pour c Uo
des seconds, cent neuf mille cinq cents cou-
dées de foin: or, les deux premiers étages
étaient plus que suffisants pour conte-
nir le tout.' Quant au troisième, tout le
monde convient qu'il ^ avait plus de place
qu'il n'en fallait pour les oiseaux, poHir
JSoé et sa famille, et pour leur nourriture.
(le savant évéque observe qu'il est plus
difficile d'évaluer la capacité de Yarche, que
d'y trouver une place suffisante pour toutes
les espèces d'animaux connus. La cause est
l'imperfection de nos listes d'animaux, sur-
tout des animaux des parties du monde qui
ne sont pas encore fréquentées et suffisam-
ment connues. Il ajoute que le plus habile
uia^hémaiicieu de nos jours ne détermine-!
rail pas mieux les dimensions d'un vaisseau
tel que l'urc/ie, qu'elles ne le sont dans l'IÎ-
criture, relativement a l'usage au(\uel Vnr-
che était destinée; d'où il conclut que la
narration de Moïse dont (ui a voulu faire
une obj>"elion contre la vérilé de Tlicriture
sainte, en est plutôt une preuve, lîn effet, il
est à présumer que, dans les premiers âges
du monde , les hiunines , moins exercés
qu'aujourd'hui dans les sciences el dans les
arts, devaient être aussi plus sujets à des
erreurs de calcul ; cependant, si l'on avait
aujourd'hui à proportionner un vaisseau à
la masse des animaux il à leur nourriture ,
on ne s'en acquitterait pas mieux; par con-
sé(iuenl Varche no peut être une invenlion
de l'esprit huiuaiu. En pareil cas, les hom-
mes sont exiiosés à grossir prodigieusement
les objets ; il serait donc arrivé, dans les di-^i
meiisions de l'ore/ic de Noé, ce qui arrive
dans l'estimalion du nombre des étoiles par
la seule \ue. Do môoie que l'on juge d'abord
le nombre des étoiles infini, on aurait poussé
les dimensions de Varclie à une grandeur dé-
mesurée, et l'on aurait produit un hàlimi'ut
beaucoup plus grand qu'il ne fallait ; l'hs-
torieii aurait plus pèche par l'excès d > ca-
pacité qu'il lui aur.iit donnée, que ceux qui
attaquent son histoire ne prélendeiit qu'il
pèche par défaut.
M. Le Pelletier de Rouen et Buteo ont
encore poussé plus loin l'exaclituile el la
précision ; voici l'extrait de leur travail, tel
qu'il a été donné p.ir doin Calmel, dans sa
iJisserlalion sur l'nrr/ie (/e Noé. Le premier
suppose que l'arche était un bâtiment de la
figure d'un paralléiipipède reciangle dont
on peut diviser la hauteur intérieure en
quatre étages. 11 donne trois coudées et de-
mie au premier, sept au second, huit au
Iroisième, six et demie au quatrième ; il
laisse les cinq coudées restantes des trente
de la hauteur , pour les épaisseurs du
fond, du comble, et des trois ponts ou plan-
chers des trois derniers étages. — Le pre-
mier étage était le fond, ou ce que l'on ap-
pelle la carène dans les navires ; le second
servait de grenier ou de magasin ; dans le
troisième étaient les établcs ; dans le qua-
trième, les volières. Mais comme la carène
ne se cimiptail point pour un étage, el ne
servait que d'un réservoir d'eau douce ,
Varche n'en avait proprement que trois,
comme l'Ecriture le dit, quoique les coin-
menlalcurs en aient supposé quatre en
comptant la carène. — Il ne veut que trente-
six étables pour les animaux tenestres,
el autant pour les oiseaux ; chaque éta-
ble pouvait avoir quinzecoudées quatre nea-
33 1
ARC
ARC
35^
Tièmes de long, dix-sept de large et huit de
hauteur ; par cooséciuent vingt sis pieds et
demi de long, vingt-neuf df lirgo. treize
pieds et demi de hiul, puisque M. Le Pclii'-
tier donne à sa coudée vingt pouces et demi,
mesnre de Piris. Les trente-sis volières
étaient de même étendue que les élah es. —
Pour charger égalenienl Varche, i\'oé avait
pu remplir les étrilles el les volières, en
commençant parcelles du milieu, des plus
gros animaux et des plus grands oiseaus.
Un calcul exact ilémontre qu'il pouv;iit y
avoir plus de trente-un mille cent soixante-
qu;itorze niuids d'eau douce dans la carène ;
c'est [>lus qu'il n'en f.illait pour abreuver
pendant un an quatre fois auiant d'honinics
et d'iinimaux qu'il y en avait dans Varche.
11 en est de même de la capacité du grenier
pour contenir la nourriture nécessaire à
tous pendant un an. — Dans le troisième
étage, A^u^ a pu construire trente-six loges
pour y serrer les ustensiles de ménage, les
instruments de labourage, les griins, les
semences, etc., une cuisine, une salle, 'qua-
tre chambres, et un espace de quarante-
huit coudées pour se promener.
M. Le Pelletier place la porte de Varche,
non dans l'un des côtés de la longueur où
elle aur lit gâté la symétrie et ôté l'équilibre,
mais à l'un dis bouts.
Quelques-uns ont cru qu'un réservoir
d'eau douce n'était pas nécessaire, que l'eau
de la mer mêlée avec les eaiis du déluge
pouvait être assez potable ; ils se sont troui-
pés ; l'expérience prouve qu'un tiers d'eau
salée mêlée avec deux tiers d'eau douce, est
encore une boisson insupportable. Comme
Varche cessa de llolter sur les eaux le vingl-
sepiièmcjour du septième mois, elle demeura
à sec sur les montagnes d'Arménie pendant
près de sept mois, pendant lesquels Noé ne
pouvait pas avoir de l'eau du dehors.
Le p. Jean IJuteo , né en Dauphiné, reli-
gieux de l'ordre de Saint-Antoine de Vien-
nois, dans son Traité de l'arche de Noé, écrit
au xvr siècle , suppose que la coudée dont
parle Moïse n'avait que dix-huit ; ouces
comme la nôtre; cependant il ne laisse pas
de trouver dans les diuiensions données par
Moïse tout l'espace nécessaire pour loger
dans Varche les hommes, les animaux et les
provisions. Il pense que Varche était com-
posée de plusieurs sortes de bois gras et rési-
neux , qu'elle était enduite du bitume dont
l'Assyrie abonde, qu'elle avait la l'oime d'un
paraliélipipèd(>, avec les dimensions que lui
donne l'Ecriture, mesurées à notre coudée.
11 y suppose quatre étages, le premier de
quatre coudées de hauieur, le second de huit,
le troisième de dix, le dernier de huit; il
destine le premier à servir de .seniiue, le
second est pour les élables, le troisièaie pour
les |)rovisiuns, le plus haut pour la demeure
des hommes, dis oiseaux, des ustensiles, etc.
Il place la porte à vingt coudérs prè- du bout
de l'un des côtes, la t.iii ouvrir et l'i;iiner en
poul-levis; il met In fenêtre au haut de l'.ip-
partemenl des hommes, el piélend ((ue les
auiuiaux D'avaieul pas besuiu de lumière. Il
élève le milieu du comble d'une coudée de
hauteur dans toute sa longueur . — Dans le
se(!ond étage, il met une allée de six coudées
de large et de trois cents coudées de long,
une autre qui la coupe à angles droits, et
deux autres parallèles. Par cette dislribuliou
il forme quarante peiiies élab'es ou cellules,
soixante grandes élables et quarante moyen-
nes. Or, en réduisant tous les animaux ren-
fermés dans l'arc/ie à la srandenr du bœuf,
du loup el du mouion, il juge qu'ils étaient
égaux à cent vingt bneufs, à quatre-vingis
loups et quaire-vingts moulons. 11 soutient
que les élables. telles qu'il les suppose,
pouvaient contenir soixante paires de bœufs,
quarante paires de loups, et quarante paires
de moulons. Pour nourrir les bêtes carnas-
sières, il pense que trois mille six cent cin-
quante moutons pouvaient suffire pour leur
en donner dix par jour, ou un à quatre. —
Il perce toutes les élables par le bas, pour que
les ordures des animaux tombent dans la
sentine el servent de lest ; il y met des sou-
piraux qui remontent jusqu'au dernier étage,
pour donner de l'air el prévenir l'infection.
— En divisant le troisième étage comme le
second, il trouve suffisamment d'espace pour
placer toutes les provisions, toutes les com-
modilLS dont Noé el sa famille pouvaient
avoir besoin, toutes les facilités pour soigner
sans beaucoup de travail les différentes es-
pèces d'animaux. Toute la capacité de l'ar-
che, selon son calcul, el en prenant la coudée
à dix-huit pouces, était de six cent soixante-
quinze mille pieds; elle avait quatre cent
cinquante pieds de long, soixante-quinze
de large, et quarante-cinq de haut.
Quelque ingénieuses que soient les idées
du P. Huteo , quelque exact que soit son
calcul, M. LePelleiier trouve plusieurs diffl-
cullcs dans son système. 1° La coudée dont
parle Moïse était celle de Memphis, plus
courte d'un septième que celle de Paris. 2° ¥
Un bâtiment plat et carré, plus long el plus
large que haut, n'a pas besoin de lest pour
l'empèclier de tourner, de (|uelque manière
qu'on le charge. 3' Les animaux seraient
mal placés entre des fumiers et des provi-
sions : ils auraient clé sous l'eau, privés de
la lumière, en danger d'être étouffés; on pré-
vient ces inconvénients en les mettant au
troisième étage. !^° La pesanteur des ani-
maux pouvant aller à soixante-dix milliers,
au lieu que celle des provisions pouvait se
mouler a plus de dix aullious de charge, il
n'cot pas convenable de placer les provisions
au-dessus des animaux. 5' La porte, placée à
un des côtés de Varche, avec une allée vide
d.uis toute la longurur, aurait rendu Varche
plus pesante d'un côté que de l'autre, el in-
commode dans sa totalité , etc. — Mais ,
comme le remarque dom Calmel, il y a peu
d'auteurs qui, en traitant dite matière, ne
soient tombés dans des inconvénients. Les
uns ont l'ail Varche trop grande, les antres
trop petite, plusieurs peu s^dide; l.i plupart
u'oiil envisagé dans l'histoire du dé'u;;e que
les iliKicuités qui peuvent concoriie;- la la-
paciie de Varche, sans faire atieuliou à ci Iles
3o3
ARC
ARC
?54
qui ponvaiont résulter de sa forme, delà
distribuliun de< a|>|)<irlcnienls el des logos,
de la minière dont il fallait duniu-raii\ ani-
maux de la nourriture, <lu jour, de l'air, de
la propreté. M. Le Pelletier les accluircies el
prévenues {Disserl. sur l'nrche de iVo.-', c. 52).
6° Dans (|uel lieu s'arrêta Varcke après le
déluge? (Quelques-uns ont cru que c\tait
près d'Apaaiée, ville de Phry^ie, sur le lleuve
iMarsyas, parce que cette ville était sur-
nomuiée l'A/c/(e, et portait une arc/ie dans
ses médailles. Mais il est très-probatile que
celte ville était iiuniinée KtÇ-.iri?, .Irc/'e, parce
qu'rlli- était située dans un vjillon Irès-étroit,
el renfermée comme dans un colTre ; Il pa-
raît que c'est mènic la sigiiificalion du nom
propre Apuince. On lit dans les vers syl)illins
que le muut AruraC, où s'arrcia Varvlie, est
sur les eonlins de la Plirygie, aux sources
du fleuve Marsyas : c'est une erieur. Tout
le monile sait que cette inonlagne est en
Arménie; Josèplie l'Iiistorieii, parlant il'l-
zales, fls du roi de l'Abdialiène, dit que .••on
père lui donna dans l'Arménie un canton
nommé A'aeroji, où l'on voyait, des rentes de
l\ii cite de Noc. il cite Berose , historien
clialdéen, qui dit que de son temps ou voyait
des restes de Vurclie sur les montagnes d'Ar-
ménie. Antiq., liv. i, c. 5; llv. sx, c. 2. —
Nicolas de Uamas, saint Théophile d'Antio-
' lie, saint Isidore de Seville, liti'ut la même
tradition ; Jean Sluys, dans ses voyagfs, dit
qu'en 1G70 un ermile de ce canton lui assura
encore ce fait : c'est une falde. M. de Tour-
nelort, qui a é'f sur les lieux, aileste que la
montagne d'Araral esl inaccessible , que de-
puis le milieu jusqu'au sommet elle est cou-
vei le do iicigi'S qui ne fondent jamais, et au
travers desquelles il n esl pas possible de
s'ouvrir un passage. Les Arniénitns eux-
inéuies tiennent par tradition, qu'à cause de
cet obstacle personne depuis Noé n'a pu
monter sur letle montagne ni donner des
nouvelles des restes de l'arche; c'est sans
aucune preuve et sur de simples bruits po-
pulaires que ((ue^ques voyageurs ont dit
que Ion en voyait encore des débris. Voyez
la Dissertation de doin Calmei ; celle de M.
Le Pflleiier de Rouen se trouve dans les
Mém. de Trévoux de l'année 1702.
Quelques incrédules , qui ne pouvaient
rien opposer de solide aux ouvrages ((ue
nous venons d'exiraire, se sont bornés à les
tourner en ridicule : c'est leur dernière res-
source. Mais quuiijue les divers systèmes
»ur la siruciure de \'arche ne soient que des
conjectures, elles di moiilreiil cependant que
les comnientaieurs qui ont travaillé à éclair-
cir la narration des livres saints, ont eu en
général plus decapaeilé, de lumières, d'eru-
diiion, de jugenienl, que ceux qui font pro-
fession de mépriser les an. iens monuments,
sans pouvoir eu donner aucune raison. Voy.
[)armi les planches de l'histoire ancienne la
ligure (le Wirclf de \oé.
* ARCHÉOLOGIE. Il y .i dans les choses aiiiiiiiies
lie:iiiciiu|i d'objets qui (leiiveiit servir de preuve à la
re.igioii ; r.ircliéolugie, qui semble devoir deiiieuier
emièiKDieni t'iraiigère à la cause religieuse, lui sert
d'appui en beaucoup de circonstances. Elle scn J*
correclitau liai ré des liisloriens anciens , el, dans la
casdecmillil, elle vient presque luiijoiirs coiilirmer
le léi il de la liihle contre les liistoneiis profanes.
Les médailles, les inseripiioiis, les nmiinnients onl
servi lie réponse aux plus graves objections, cclairci
les faits sur lesquels il s'était élevé des doutes, parce
que ce soin des témoins souvent plus véridinues
ipie les historiens , <|ui , n'ayant pas élé les témoins
de loiis les ovéïiemeniSj i|ui, racontant des f.iils pa—
ses, peuvent se tromper el êire induits en erreur
sur des choses de peu d'iiiipoilaiice. Nous verrons,
aux mois MédatlL-s, Inscriplion^, Monuments, coin-
ineiit l'arche. ilipgie a servi la cause clirélieiine, et
conliriné la vériié de nos llvies saints.
AltCllEVÈCllK (a) (dioii ecclés'an.) , terme qui
se prend en didërenls sens : 1" pour le diocèse d'un
arciievéïpie , c'est-à-dire pour l'éiendne du pays
soumis à sa juridiction , mais qui neciimpo!.e <]i\\a
seul diocèse. On dit en ce sens que tel évéclié a éie
érigé en (irclievêché ; qne tel urclievéclié eomieiit lel
nombre de paro.sses ; SJ° pour nue province ecclé-
siasii(|ue , composée d'un siège métropolilalii et de
plusieurs évêipi"S siiiïraganis ; ainsi l'u c/iei«c/ie de
Sens, ou régli<e méliopoliialuc et piiinali de de Sens
a pour sufl'rag^nt> les éveillés ii'Aiixerre, de Troyes,
de Nevers, et l'éïêciié titulaire de tiethléem; 3° pour
le paia s archiépisi'.opal , ou pour la cour ecclé^as-
tique d'un arclievèi|ue. Ainsi l'.ii dit : Un lel ecclé-
siastiipie a éié mandé à Vmcht'iéclié; on a agité telle
ou telle m il ère ■.xVarchevcclié ; 4" pour les revenus
temporels de \'arckevéché. Ainsi, \'archevéché de To-
lède pa^^e pour le plu> riclie du nounle.
Suivantnne lalile qui païaîi assez exacte, on comp-
tait, en 8 ), dans l'Iîj^lise catholique cent trois arche-
vêchés : savoir, qualoixe en lialie, y compris le s:ége
de Kume; di^-neul en France, en coinptanl Avignon;
v.ngl-quatre dans les royaumes de iNaples et des
Deux-buili's; trois en Sardaigne, un en Savoie, onze
en l'oriii^.d et eu br^pag.ie; cm.) en Allemagne, un
eu lîoliéine , deux en Ilon-ne, nu ilans les Pays-Uas,
deux en l'ologne. i.a Grèce, la Dalmatie et l'Alliania
en conlenaient onze , l'Asie trois el l'Amérique s.x.
— Les Li;li>es réformées en oui coiiS' rvé iieut : deux
en Angleierie, quatre en Irlande, un en Suéde, et
deux d.iiis le Uanemaik et la Morwége. — Eu France,
Viirchtvêclié de P.ins esl le plus disungiié par le lieu
de son Mége , qui esl la cipilale du royaume; mais
quelipies aunes le sonl encore plus oar in.e préémi-
nence alVeciée à leur siège. — L'arclievéque de
Lyon junissail des droits de primalie sur les mé-
tropoles de l'ans , Tours et Sens , et sur leurs
sullrag.ints. Celui de Bourges prenait la qiialiié de
primai d'Aipiilaiiie , el il exerçait sa priinatie sur
il métropole d'Albi et ses snllragants : celui de Bor-
deaux prenait la même qualité , et il l'exeiçait sur
\'ai chevêche d'Auch.
Il y avaii encore d'autres arclievêpies qui s'arro-
geaient la qualité de primat, sans exercer aucune
fonction prmiaiiale hors de leuis provinces. Tel
était rarchcvêijue de Sens, qui prenait la qualité de
primat de Germanie; celui de Marhoune, ipii prenait
le lltie de primat de la Gaule LN.irhonnaise; relui de
Reims se faisait nommer primai de la tielglqueel légal
du Saint Siéije ; celui de Vienne prenait le litiede
primat des pi imals; eiilin l'anlievéque d'Arles pre-
nait la qualité de léi;ai du Saint-Sége. Mais les litres
de légal, que prenaieiil les archevé(ues d'Arles et
de lièims ne leur donnaient pas le droil de faire les
fondions allacliées à ee litre; celui de Reims n'en li-
rait d'autre avantage 'pie la ipialité d'Excellence, que
lui donnaient ceux qui voula.ent lui faire honneur.—
La qualité de |iriiiial d^s quatre Lyonnaises fut don-
(a) Il V a dans cet arlicle, reproduit d'après l'édi-
liou de LÏége, beau.oupdc ihis s qui n'ont pas d'actua-
lité. iNous les avons coQaervCes. Le lecteur y verra
l'éiatdes iiiéiropokis de France avant la Kévolutiou.
SKS ARC
née pour la première fois à r;irclievêf|iic tie Lyon
pnrGiégnire Vil, en 1109, non comme mi droit mui-
vcan , iM;.is i (iimin! Une Mme des dioils ijni lui
aval idtijoiiis .ipparlcjin. Les arclievucines de
Se ss'v -nul opposés petiilniil Imigleriips; el ce n'q
ëlé (pi'''|irès la lénniiMi île !.T ville de l.yuii il la coii-
nmnedf Franee, sn s Philippe !• U'I, en iôl^i. que,
par eiiaiié lail enire le r..i el la Mlle de l.yoïi, la
piiinatie de l'arili-vècine de Ly^n sur celui ne Sens
fui 1 ni cienipiil éliililic. — l/:ireln'VÔ.]UC ilo Kouen
n'.i lainais reconnu la piiniale de L)on , malgré les
ellons d'S aiclievéi|ne* de iclie dernière viile : il a
même élé nianili un dans ci'iie rrai.cliise par un ar-
rêi il'i conseil dn \i mars 1702, enregistré dans les
parli'nienls de Paiis et de Uonen ; en sone i|ne le
niéiro|ioiitajn de llcnen élait resté en possession de
ne relever que dn Samt-Siége. — On trouve des ca-
nons qui aiiribufni la qualité de primats auv mé-
iropolilanis qnl ne rilè\ei't que du SiiiH-Su'ge ;
c'est p r cette raison que l'histoire Ciclésiasliquo
donne celle ipialilication à l'ar^ lievèque de Cliyiire.
Il n'y a ijue denx arclierrJiés en Angleterre, celui
de CaniorI éry cl celui il'Ycprk, iloni les prélats sont
appelés i)rimuts it mi'dopo.itui/s; avec ceile unique
dilîéienre, qne le ptenikr est appelé primat Je tonte
rAngletC'Tr , el l'auire siiiipleineni primat d'Angle-
teire. — L'arclievêqne de t^anlorliéry avait aulreiois
juridiciioii sur l'Irlainle , aussi bien que sur l'Angle-
terre; il et lit iioalilié de p.uiiarelie, et qi-elqnelins
alteriiis orbii papa; ei urbis Britannici po/i/i/e.r. Les
actes (|iii avaient rapport à son , iitonté se taisaient
81 s'eiir. g stiaienl en Sun nom, de telle manière,
nnno poiiiificiitus noilri piiiuo, (te.; il était aussi lé-
gat né. Il jouissait inciiie de ijuelques marques par-
liciiliéies de loyanié, comme n'êire patron d'un
évéclié, aillai qu'il le lut de celui de liocliesior; de
créer des chevaliers et de f,i re liatire nn/nna.e. Il
est encore le premier pair d'Angleterre , il sicge iin-
m6liateini;nt après la f imille i yaie , ayant ^a pié-
séai'.ce sur toui les lincs ei tous les giainls niiUiers
(le la c'ourinine. Suivant le •iioil de la nation , ia
vtJiificaion des leNiamonts ressortit à snn trihunal;
il a le pouvoir d'accorder des Iciires d'aduiinisira-
lion, (l'accorder des licemes ou privilèges, et des dis-
penses, d:>ns ions les cas (lù elles étaient autrelois
ponrsnivies en cour de Kome, et qui ne sont pnint
contraires à la lui de Dieu. Il lient aussi plusieurs
cours de jndicalnre , telles que la cour des arches,
la cour d'audièuce , la cour cle la prérogative , la
cour des paroisses ( rivilégiées. — Laiclieveque
d'Yoïk a ks mêmes ilrinis Uaiis sa (rovmceque
l'arclievêqne de t aniorbéy. II a la préséance sur
tous les ducs qui ne sont pas du sang my I , el sur
toUs les in.nisires d'tlal, excepiè le grand chance-
lier iiH rc y.inme. Il a les druiis d'un comte l'aUiin
im Ile.\amliyie.
l^e nom ii'anlievcclié n'a guère été connu en occi-
dent a«.ini le lègue de Charlemagiie : ei, si l'on s'en
est s rvi ^.ii)jaravai.l, ( e n'était alors qu'un tenue de
disiiiiclion qu'on doiinaii aux grands sièges,* mais
cjni ne leur aarinnal aucune sorte de jniui.clion,
iK lien qna pies, ni ce titre eniporie le droit de pré-
sider an concile de la pinvmce. C'est aussi il son
oflii'ia.ilé que smil portés les appels siin|.les des
causes jugées par h s ollieia.ix d.' ses sulliagants.
(bxiraii un Uiciwn. dejuruprwlencc.)
AKtllKNÈyifc, (o) [drun eick'siuiiii:iue), prélat
méliofiulit.iiii ijiii a pins.enrs é\eque» lo.ir sullia-
gants , et qui en esl le cliel. (.'est le premier des
cvéqiics d'une pru\inre cccieai.isiinue.
Saint Ailiaimse parait être le premier qui ail em-
ployé la dénoiniiiaiiun i\ urclievcque , \tii l'ailnbiiant
à l'evéquc d'Alex.. ndric. Mais si le Une n'c^t que du
(a) L'ol(ser?alion que nous avons faite, en commonranl
lanicle précéoeni .doit ètri' surtout appliiiuùi; a relui-cl
'P'ç nous reproduisons également d'après l'édition de'
ARC
5ë6
iv« siècle, ia dignité et la jnridiciion renionient
beaucoup plus haut. — L'Ecriture et la tradition
nous a|. prennent que les apô.res el leurs d s. i; les
ont résidé d'abord iIjiis les pra- des villes , d'où ils
envoyaient des évoques dans les villes inCernores.
Celles-ci regard.iieni les' i reinléies coninn; leurs
mères; on les nnnimail dé à métopola dan le gon-
vernenieni politique, et les évèqiies qui y résida eiil,
s'ap|ielèreiit aussi méiropoliunns. — l.'Kglise l'uiidée
pendant le règne des empeienrs romains siiivii Imu-
joursladivisioude-piovincesdecei empire le évèqms
établis dans lesg andesxillesmi inétr .po'es | r len In-
sensiblement le titre de )«e/ro);o/!((iin.setri'arr/i(iC(/ .es,
comme ayant d'autres cvèques dans le ir dé) end, .me.
— Les lévolulions arrivées d.ins l'Lnipirc el ,'éoi-
bliss;enieiit des peuples du IN'ird qi|i s'en p.ir agù-
renl les provinces n'ont presque rien changé à cet
égard. Les villes que les Romains avaient appelées
nié*/' opo/«s ont presque toutes coiis.'rvc leur liiie <t
leur ufchcvét]uc : quehpies-nnes seulement < ni cié
érigées depuis en métropoles, coninie Paris cl Alhy
en l-'rance. Voy. Métropole.
L'âge et les qualités requises pn>.ir un arche éque
sont les mêmes que pour les simples évèqoes; il a
les mêmes l'onclions à remplir : cninine eux. Il est
obligé à la lésldeiice; il n'en dlUére que par l'usage
du palliiini, et par rapjiort à la forme de sa tonsé-
cralion; car le- évèqn s ont, ainsi que lui, la plé .i-
tude du sacerdoce. — Les archevêques, cependanl,
en leni i|ualité de métropolitains, ont nue préémi-
nence d'honneur sor les é^éques de leurs proviin es.
— .4ulielois les niéir<>i>olllains assistaient aux élec-
tions de leurs sullragaiits : ils cirnlirinaient leux gui
avaleni élé élus, el ils les consacraient a|irés avoir
reçu leur sciiiient d'olié ssance. L'abrogation des
électii ns et le droit que les papes se sont ailribiiiî
in-ensiblemcnt pour la consécratnin oui privé les
métropi'lilains de lein pouvoir sur !■ us ees cliels.
Jlsont aussi laissii perdre, p.a- mi imn-nsage, le droit
de visiter les Kglises dt; le;ir prounce. On ne peut
cependant leur opposer que la presciiption sur ce
dernier ai ilde; car il n'y a point de loi qui les ait
dépouilles de celle péingalive aliachéeii cette dignité.
L'ai cite, éque peut célébrer pontjhcalemenl dans
toutes les égli es de sa proviine, y porter le pall um,
el la re poi ter devant lui la croiK archiépiscopale,
comme étant une maii|uc de son autorité. Mais tl ne
peut dans aucun cas exercer la puissance de l'ordre
dans le diuiése de Bon snlli agant, sans sa permis-
sion. — C'est aux arciieiêtiues i|u'ii|>partient le droit
d'indi(|iier le concile des rvèines de leni province,
de m.iqner le lien où il doit ôtie teiin, ei de présider
à celle assemblée. Les urrlietiques imliquaient aussi
les a-seinblees provinciales qui se tenaient pour noin-
. mer les dépiiiés aux asse.hblees générales du clergé;
ils marquaient le lieu et le temps di; ces nssenihlées
particulières, el ils y piésidaient. Suivant l'usage qui
s'est ciniservo dans l'Eglise de Fr.ince, les bulles de
jubilé doivent cire adresées aux arclictiques, qui
les envoient :'i leurs siillragants.
Ceux qui criileni avoir sujet de se plaindre des or-
donnantea ou des junemenls rendus |iar les évo-
ques, leurs grands viennes ou leurs nl'liciaiu, se
pourvoient par devant l'arc/ici'i'/;i(e, tant pour ce qui
est de la jm idictioii vidonialre que pour ce qui dé-
piiid de la juridiction conlciitieiisc.
I>esiiiéti'opoiiiiiln$no peuvent connaître en (ireinièie
instance des all.iii us dont la décision upparlienl aux
évéques, quand oéine ceux qui mit qu lipie intciét
dans r..lbiire y eonseotii.iieni, pane qu'il n'est point
permis aux pan limiers de se sonslraiie à la jnr, dic-
tion de l'uioinaire , et de iciiver-er l'ordre publie
des jni idieiions. — (.oniine le c apiire exeree Imite
la jnridli lion épiscoiial' pendiinl la vacinri; du siéi;e,
lesorc/iei'èi/iic.siie peuvent coiiiiai.re des affaires ecclé-
siastiques qui naissent dans les diocèses vacants,
qu'en cas d'appel de ce qu'uni décidé les ofllcicrs
dn c! .ipiire on le chapitre assemblé.
i
S37
AKC
ÂRC
SSS
Qimnd l'évêiiuc avail négligé de rnnfércr les béné-
fici'S; dans les six trois de vacanees qui i'ii sont
aecoidés par \r conei'e de Lniraii imnr J pniiivnir,
snii (|iie le hénélii-e tïit à la pleiii' (oIIiIhmi d' l'cvê-
(|iii', 011 (|ii'il eût dili 'e coiileK'r par ilroil de liévolii-
lioii, e.Vniii an riiétr(i|)iiliialn iin'il niipanenait d'en
accoider des provi>ion-i d uis les six mois snivanis,
à coinpier iln jiiiir que l'évêipic avait pn eiidisp 'ser,
ei avail néjligé dr le faire. >i Vnrrlieêqne coiderail
avani ipie les six im i» i\w l'évèipie Inssenl expirés,
les pnivi-^ioiis étaient iiidle^ de pli'in di(di, et la në-
gligi'ii e de révê(]"e ne les rendait pas valabes.
Les grands viiains d'-s arch.véqneu , reiiréseulant
le piélai ipii leur a cnnllé sun atnoiiié pxnr la jnrl-
dicii 'Il V louiaire, penvei't acenrier des visa, Inis-
que les évéi|ne- les tiiil refusés sans raison, dimncr
(it-s ilis|.en'>s, et ex' rcer tous li'S antres acies de la
ji'ridiiiion viiioniaire, en cas d'appel ; même fnnfé-
rer le- liénéliees vii'anls pai dévulnii m.si Vitrclievê-
que leur a sceordë spé' ialeineni, p.ir eiir coinniissiiin,
le dioit de ilimner des provision^ de héiiéliecs.
Clia.|iie inélro iilii.iin dfvait niiin ner nn ofli ial,
pour jngor les appellations des senlence^ reii Inès
daas 'e- iiKicialiles des évoques de la province. Cet
of tial inétiopoliiam ile>aii avoir les qiiai.és requises
par II'» ciiioiis piir les or.loiinaMi'e-pour les oUici mx
des rvôqiies, r'e«t .'l dire qu'il fallait ipi'il Irtt prclie,
né ' Il naiinali-éd.insle royaniiii' ; qnM lût Inenné en
dridtdii en iliénlouie; qu'il m: liV eonsrill'r ii'an une
jnriuirliiii riyai'e. L'aifhevéqne pouvait le lévininer
quand il le jugeait à propos, sans en expliqner la rai-
son, «Ml observant d- laire insinuer la léviKatinn au
gii ffe des iii^iiiiiai mis er< lésiasiiqiusde sou diucé^e.
Dans les églises qui avaient le titre de ()iiio .ti des,
cniiiiiietidlesdeL\<'n etdeliontgis, l'olliiial inéiopu-
filain jugeait iinn-senlenient les cuises d'appel de
liins li's diocèses des siilTrigants, mais encore celles
des appellations iiileijeées de i'iifltcial diocésain de
la métropole. L'oftlcial primatial j i-jeaii les appel-
lati.iiis des seiUeiircs rendues par l'oltlcial inéiiopo-
lilain. — Celle maxime éiail fondée sur un u^age
constant et iininéniui ial; mais il Initt avouer qu'il
était irés-dillirilf de lejnsliHei, siiivaril les principes
du droit, qiioii|iie plusieurs auteurs aient fait >ur ce
siijfi beaucoup d'eilort-.. (le qu'ils ont dit de iiieii-
leiir coiisisie à soutenir que les divers ofliciaiix ju-
geaient et pron()ii«.aieiit ebacuii selon l'ilendne de
leur pouvoir : le premier comme représeiilani l'cvê-
que diocésan ; le seeniid, le inéiropoliiaio, comme
juge du premier degré d'appel; et le iroisièiiie, le
pi imai qui l'a coiisiitiié pour les causes dévolues à
la priioalii!. Mais eomme les trois qualité^ d'évèque,
de ntélropolitatn et de primat se iniuvcnl réunies
dans une seule personne, ei que le liibuiial de l'of-
/iii.d est le même iiue celui île l'évèqire, il sembla
qn'appe er de l'olTnial diocésain d'un iirchevcquc à
son oflicial méiropolitaiii, et de son ofitci d niéiropo-
lilaiii à l'ollii ial priinalial, ce seraii appeler de l'é-
véqiie à lui-nièinc. Ce n'eiail donc (|tie par une abs-
Iraciloii, ou cotnnie parlent les caiioiiisles, inlellec-
tns coHsiileraiione, (pi'on divisait dans l'evèiiue mé-
tropolitain et pr mat ces dilïérenls degrés de jnri-
dii tion pour en faite des. tribunaux iiiltéreiils. Quoi-
que (elle jiiri>priidence soit Mijelle à des inconvé-
nie, is, <ui Ta conservée, parce qu'elle s. rt à obte-
nu trois semences conformes, à moins de frais.
I.'ofiicial d'un métropolitain ne peut pio(é.ler con-
tre les évèpies sulTrngniis (piand il s'agit de (oirec-
lionei de iliscipline eeciéMasiiqne : c'est Curclieuéque
eu pefoiiiie, enniuic supérieur immédiat, qtii doit
connaiirc de ces aflatres, ce qui a été ainsi éiabii par
respect pour le caractère épiscopal.
Les archevêques ne peuvent laire aucune foticlion
arcbiépis. opale avant d'avoir reçu du pape le patiium.
Dans l'origiiie, le •pailntm était un «rneinent d'Iion-
neiir, dont Consiaiilln, suivant plusieurs savams,
gratilia le pape cl les palriarclies d'Orient, Les em-
pereurs permirent ensuite à tous les évêques grées
de le porter. Mais en Occidenl les papes, qui d'abord
en aiaienl seuls le droil, l'accoMlèrcnl aux inéiro-
poliiain? on archevêques, et mène à quelques évê-
ques. — Le palliiun est iitie b mde de laine blanche,
dép 'inlle de deox agneaux, ipie des sous-diacres
apostoli lues oui eu soin de faire pailre et de tondre
cnxniènies. teiie bande esl cbaigée de Irni, croix
noires ; elle esl allacliée à un rond qui se niel sur les
épaules, cl elle forme deux penilanis longs d'envinu
un ped, auxquels soi t ailicliées de petites lames de
plomb an ondies, converies de soie et île quatre croix
ronges. Le pnttiiim doit avoir loiiclié les i urps de
saint lierre et de saini Paul. Il est le symbole di' la
p é.iilnde du sacerd ce, de rindépendance de \'ur-
cheiêqiie et de la dépendance de ses siillragants : son
einoi est une espèce de conlirmalioii des drons des
niéiropcdiiains ; il est tellement personnel à \'mcke-
vcqtu' ipii l'a obieiiii, (|ii',iii le lui laisse après sa
mon, et qu'on l'eu re\ôl avant de l'i n-evelir. L,B
tmtliian envoyé à un anbevê pie est icllement allecié
a son église, que, s'il esi transféré à un autre siège
métnq.oliiain, il est obligé d'en demander un nou-
veau, (l'.xirait du Uiction. de Jurisprudence.)
■^ All(;lllCt)NFUÉi;lfi UUSU.NI liTUlMACULÉlOEtH
DE MMlie. Les désordres ei l'irréligion qui se iiiiilli-
pliaieni de toute part iiispitèient au vénérable (uré
de iNoire-U e des Victoires, à Pari.s, de reeunrir
an saint cii'ur de Marie pour obtenir la convershm
des péebi iirs. Il lorina, à c • dessein, une pieuse as-
sociation. Etablie e|i lyao, elle lui érigée in arclii-
conlrèrie par un bief de Gré..;oire XVI, donné en
ISj'J. Le pape accorde par ce bref aux curés de
Notre-Dame des Vi(:ti>iri-s la lacolié d'y aggiéger
lonics les .issocialions qui se sont établies, ou qui
pourront s'éabllr sous le paironaije du saint et iiii-
macnlé cœur de la saiiile Vierge. L'arcbicmifiéne
coiiipie aiij luid'liiii des associés dans loiiies les par-
ties (In iiioiid •. Les piodiges de giiérison el de con-
veisioii se sont muliip ics eu laveur de ceux qui ont
eu recours, mi po.ir lesquels on a eu recours au saint
ca'ur de Marie. L'arcbicoiibérie a ses Annules, oit
sont (onsignès ce- prodiges. Il ne faut pas, t ■incfois,
admetiie tes miracles a la légère ni les proclamer
comme indubiiablenienl auibeuiiques, à moins d'une
perml-si II (le l'oidiuaire.
AUOIUUI.VCKI'; (n) {droit ecdésiusl.). C'est le nom
qu'un doniiaii auireios au plus ancien des diaeres,
ou à celui que l'evèiiue clioisissait pour être a leur
tète. C'est anjourd'liai un ecclésiastique pourvu
d'une dignité qui lui donne une lor> e de jiii idciion.
Un mot nic7(irfiacri;soiil venus ceux li'anludiaconal,
pour désigner l'oHice et dignité de l'archidiacie, cl
li'urchiduuoné piinr la parue du diocè.se qui est su-
jeile à la visite de l'ajc/i rfioc/c, et dont l'évéque a
déieimiiié l'étendue. — L'origine de celle dignité
remonte aux temps des apôires, qui cbo.sirenl parmi
les premiers clireiiens les plus zélés el le» plus vigi-
lants d'entre eux pour leur conlier le soin des pauvres
et les cbaiger de leur distribuer les libéralués des
lidcles. Le premier qui ail été liounré de ce tilre lut
saint Mienne, (|uc l'apôtre saint Luc appelle le pre-
mier dei diacres. Leurs lonclions se réuuis,(ieiii alors
à la seule distiibul.on des auiuôiies; mais le inanie-
iiieiit des deniers et des ricliesses de l'LgIise mit
bienlôi les archidiacres au deisus des piéîies, ipii,
hoinés aux lonclions puienient spirituelle*», tel. es
que la prière, riiis:rial iiii el radmiiiisiralion des
sacrements, eurent moins de crédit el d'antoriié;
c'est ce que non-, allons développer.
Les diacres lureni d'abord établis pour soulager
Iesévc|ue8 el les prêtres dans liis loncuons e.\ic-
rieures du goiivernenient de ri".gli,e [Voij. DiacriJ;
le litre il'aicliuliacre lui aitiiDiie ii celui d entre eux
que i'evèque regarda cunime le plus babile el le plus
(fl) Tel srticle est reproduit d'après l'éditioada Liège,
3»
ARC
ÀRC
U6
vigilant ; t)ienlôt après, les prélats en lui conférant
ce litre, lui roiilièrenl une parlie de leur juridiction.
Ainsi les anliidiacres furent aulrcfois les grands vi-
caires de revenue, et ils exercèrent, en son nom, la
juridiction épiscopale sur les églis.s de leur dépen-
dance. Ils en étaient regardés comme l"œd et la
main. Dans l'église, ils avaient S(uu de l'ordre et de
h décence du service divin; ils étaient les maîtres et
.es supérieurs des clercs, ils leur assignaient leur rang
et leurs fonctions. S'il n'y avait pas d'économe, ils
recevaient les oblaiions et les revenus de l'église, et
prenaient soin de la subsistance des clercs et des
pauvres. Ils éiaient les censeurs des mœurs, et veil-
laient à leur correction. Ils avertissaient l'évéque de
tous les désordres et faisaient à peu près les loni-
lions des promoteurs d'aujourd'hui, pour en poursui-
vre la réparation.
L'étendue de leurs pouvoirs et les fondions qu'ils
remplissaient, les faisaient (dacer, dans la lnérarchie
ecclésiasli.|Ue, immédiaiement après l'évèque. Vers
le VI' siècle, on leur attribua la juridiction sur les
prêires, et dans le xi« on les considéra coi odes
juges ordinaires, ipii avaient de leur chef une juri-
diction propre, et le pouvoir de déléguer d'autres
juges; ils usaient en leur nom îles dr.nis dont ils ne
jouissaient que comme délégués de l'évèque. Plusieurs
ont même prétendu eu Fiance avoir le droii déjuger
en première instance toutes les alîaires ecclésiasti-
ques de leur arcbidiaconé, et de pouvoir étiiblir un
ollicial pour terminer ce qui dépendait de la juridic-
tion Cimtenlieuse. Mais au commencement du xili"
siècle, les évêques s'ai pliquèrent à réduire dans de
justes iioriies les entreprises des uit/iii/iacifs, qui
s'étaient emparés de presque toute leur jurid clion :
ils leur ôtèrent 1 1 juridict on volontaire par rétablis-
sement des grands vicaires, la coineiitiensc par celle
des olficlaux, et iU lesseirèrent ce qu'ils leur cil
laissénnl en multipliant les arcbixliatoi.é*. Les ca-
nons de plusieurs itiivcilês maiutiureiit les évc.iues
dans leurs dr. its, et tuuies les lois qu'ils ont eu re-
cours aux tiibunaux séculiers pour se plaindre des
entreprises des archidiacres sur leur autorité, les par-
lements les ont déclarées abusives, et ont réduit la jii-
ridiciion des archidiacres à des bornes plus étroites.
Aujourd'hui le droit le plus considérable qui leur
ail été conservé est celui de visiter les églses de
leur arcbidiaconé, de dresser des procès vei baux de
l'état dans lequel ils trouvent chaque p.aioisse , des
plaintes que peuvent former les p.iroissieus contre
leurs curé', de recevoir les comptes des revenus des
fabriques, et de faire des ordonnances pour le re-
couvrement et l'emidoi des deniers qui en provien-
nent. Cla est ainsi prescrit par l'artcle 17 île l'edit
du mois d'avril li,95. — Suivant l'article M du
même édit, les archidiacres doivent, dans le mois
après leurs visites achevées, en remetire les procès-
verbaux aux archevêques on évèques, pour ordonner
8ur ces procès-verbaux, ce qu'ils croient devoir être
plus utile p.inr le bien de l'Eglise. — Les archidia-
cre$, qui sont en posse-sion défaire des ordonnances
dans le cours de leurs visites, peuvent statuer sur
ce qui regarde les vases sacrés, les bancs des égli-
ses, le service divin, et les aiiires madères de cette
nature, confonnèiueot aux statuts et aux usages du
diocèse : ils peuvent aussi, suivant la jurisprudence
des arrêts, décider des contestations légères, et (pii
ne inériient pas d'instrnrtion ; mais il ne leur est pas
permis de prononc<T Mur les questions qui doivent
être portées au tribunal contentieux , ni »ur le» af-
faires inipoi tantes qui dépendent de la juridiction
voluntaire, comme les di-<i>enses de publication de
bans, les permission!, de marier da.is un temps tlé-
lendu par rtglisc. — yuoiqii'en général la disci-
pline des écoles app.inu'niie aux juges séculiers,
f'nrc/iidiacre peut, ainsi que l'évèque, interroger dans
le cours du ses visites , les matires et inaiiresscs
d'école des petits villages, et nicine les destituer,
lorsqu'il n'est pas saiisfait de leur doctrine et de
leurs nufiiirs. C'e-t la ilisposiiion de l'article 2a de
l'édil du mois d':nril lt)9o. — Itéguhèreuieiit les
archidiacres n'ont pas le droit de visiter les monas-
tères ni les églises cnllégiaies de leur arcbidiaconé;
cependant s'ils étaient en possession de les visiter,
et d'y faire des ordonnances, il faudrait se conf'ir-
mer a cet ii^agi-. On trouve au Journal des Audiences
nu arrêt du 10 juin 1640, ipii a maintenu rari;/ii-
didcre d'Oiitre-Loiie , du diocèse d'Angers , d.uis la
possession de visiler l'église collégiale de Blésion,
située dans sou archidiaconé. — il est permis aux
archidiacres de visiler, en personne et sans frais, les
paroisses dont les religieux sont curés, celles où les
chapites prétendent avoir un droit de visite, même
Celles qui dépendent des commanderies de l'ordre de
Malie. A l'égard des églises paioissiales, desservies
dans les monastères qui se piéiendent exempis du
la juridiction des ordinaires, l'évèque seul peut les
visiter en |iersoniie. — Un archidiacre: ne doit visiter
qu'une fois par an les églises paroissiales , à moins
qu'il ne survienne queli|ue raison importante qui
l'oblige à l.iire une secoii :e visite ilans le cours de
l'année. — Il doit visiier toutes chapelles domesti-
ques, et se faire rendre compte des revenus des
conlréries qui se trouvent quehinelois dans les cha-
pelles des châteaux des seigneurs.
Les appellations des ordonuances que rendent les
archidiacres doivent être portées devant l'évèque, et
non devint le supéiieur de l'evêiiue, parce que l«s
archidiacres ne sont p;is regardés à p ésent comme
grands v.caires de l'évèque, et ((u'ils possèdent en
litie rarcbiiliaconé qui leur donne une e-pèce de ju-
ndicuon. — C'est à ['archidiacre qu'appai tient 1«
droit de piésenier à l'évèque ceux qnl Uoiveill être
ordonnés, d'assister à feifamen de ceux qui douent
rccevuir les ijrdii3s, et de mettre ou de fane mettre
en possession des béuélites cures ceux qui en sont
légitiiiieineiit pourvus.
Autrefois celui qui exerçait les fonctions d'arc/ii-
dtacrc ne pouvait être ordonné prêtre sans perdre s.i
dignité : depuis i|iie les archidiacres sont devenus
ordinaires, et qu'ils n'ont plus exercé la juridiction
sur les curés, comme vicaires de l'évèque, on les a
obligés de se fane piuiiiouvoir à l'ordre de prêtrise,
alln que tes curés ne lussent pas dépendants d'une
personne qui leur lût iiilérieuie par l'ordre : il faut
aussi que les ai chidiacres soient licenciés en théoio-
gie ou en oroit canon, (juand bien inéine ils n'au-
raient aucune fonction de juridict. on et de visite <k
exercer, parce que hs ardiidiaconés sont des digni-
tés des églises cathédrales, et que l'édil de loOlJ im-
pose à tous les tligiiiiaires des églises cathédiales
i'ob.igatioii d'êtie docteur licencié en théologie ou en
droit. Suivant la dispisiiiun de l'ariicle l"' du même
édit, tous les dignitaires doivent se laire piomoiivuirà
l'ordre de piéiiise dans l'année de leui paisible pos-
sessi 11, d'où on doit cmicltire qu un ne peut èire
pourvu d'un arcliidiacoiié que lorsqu'on est sullisani-
nieot âgé |iour étie ui donne piètre dans l'année.
Varcliidiacre étant pourvu de sa dignité eu litre,
ne peut en être dé,>ouiilé suivant le bon plaisir de
rétèi|ue, coiuine les giaiuls vicaires et les ufliciaux.
qui n'ont qu'une simple cuinmissioii ; on ne peiii le
priver de son titre qu'après des procédures réguliè-
res, quand il a mérité cette peine par i|uelque délit.
yiioiqu'il n'y eût autrefois qu'un urçhidiac're dans
chaque église cathédrale, l'étendue des diocèses a
obligé de les diviser en plusieurs archidiacunés ; c'est
pourquoi l'un voit plusieurs archidiacres dans ht
plupart des églises de France cl des piys voisins; el
d.ins (|iielques diocèses , {'archidiacre de la ville épi-
scop.ie prend le titre de grand archidiacre.
Quand l'archidiacre fait ses visites, on doit le re-
cevoir avec des marques de distinctiun. Une des
(a) Toutes ce» lois sont abrogeas.
361
ARC
Aftt
5(fâ
principales est d'être reçu à h porte des églises par
le curé, el de porter seul l'étole en lenr présence.
Un nriêt iln parlement de Paris, du "id juin 1726,
l'a ainsi jn^é pour l'aiT/orfiacrf ileSenlis; et nn antre
arrêt dn iS juin 1754 a proiinncê de même en laveur
de \'<ircliidiacre(\e Puisaie de l'église d'Auxt^ire. Ton-
lelnl- ce droii dépend de l'usage et de la pnssession.
— Un archidiacre pi^ul aussi, dans le cours de ses vi-
sites, se f.iire p;iyer dn droit de pr<pcnrali(in, qui est
ordiiiaiii'nient de trente, cini|naiiie ou sidxiiiiie sous
par jour, selon rus;ige des diocèses. — l.oisi|ne \'ar-
cliidiiicre est en visite, il esi censé présent au < liijenr,
s'il est cliaiioi! e, et il |)art cipe à lous les IVuiis et à
tontes les disirlhuiioiis de son liénélico, pourvu tou-
teroi> ((u'il ait suin d'avenir le clia|iilie de s'Mi dé-
part. Un ariêi du pailenieui de Dijnn, dn 1^' juil-
let l<)."i8, l'a ainsi jnné en f ivt-ur do l'iirclriliiicrc
d'Aninn. — Dans quelipies dincc-es les iircliidiacres
jouissent du revenu des cures et d'auti es druiis pen-
dant la vacance, on lors(|u'elles sont en litige, l^e
droit se nomme druii de déi)ori ; il est si oïlietjx que
le concile de Bàle avait voulu l'abolir; mais l'usage
a prévalu sur son autorilé.
A Paris, li'S areliidiacres jouissent de ce qvi'ils
appellent spulium ou droit de <lép<Miille. Ils ne sunl
fondes à cel égard sur aucune disposition du droit
c;vil ni du ilroit canonique; mais ils ont pour eux
une longue possession, au moyen de la(|uelle on les
a mainieiius dans l'usage de pieiiiire, aprèn le décès
des ciir^s, soit de la ville ou de la cniupuiiiie, te ineil-
leiir m garni, la robe ou sunUiue, lu Ciinlitre, le sur-
plis, l'uumusse, le bréviaire, le cheval on viulel, iitij
en a iiu, à cause de leur diguilé ifaieliidiac e, et
pour leur droit de fuuéraiil s. C'est ce (|ui résiiite
de tleux ai rets rendu-, le '20 jiiillei ItiSi et 18 mars
1711, en laveur de Ynrcliidiacre de Josas.
Plusieurs arrêts r.ipiiorié. dans le premier volume
des anciens Mémoires du clergé oui jugé que les ar-
chidiiuonés n'élaient pas sujets à l'exiiectaiive des
gradués. Ils en avaient élé déclarés exempts par
redit de 1596; mais comme il n'a élé enregistré
dans aucune cour de justice ces arrêts sont ap|inyés
sur l'article I'"' de l'édilde lOOii.qui déclare e\empics
de l'expectative des gradués louies les dignités des
églises cathédrales. — Un autre arrêt rendu au par-
lement de Paris, le 50 août 1678, eulre le sieur
Milloi, curé de Press'gny, à poriion congrue, et le
seigneur du lieu, déljiieui' de la portion < oiigrue,
eu qualité de gros déciuiateur, a jugé (|iie les gros
déciniateurs n'éiaient point tenus de payer li s dioits
de visite à l'urc/iididcrc, quoique le curé lût réduii à
sa portion congrue, (bxirait du Diction, de Juris-
prudence.)
AKOlllMANDmTE ( droit ecclés. ). Ce mot est
grec, et signilie le supérieur d'un munaslère, auquel
on donne anjonrd'nui le uoui i\'ubbé. On l'employait
aussi pour désigner pariiculièrenient ce;ix qui g n-
vcrnaient plusieurs uionasleies, el alors un e aen-
dai! par ce mot ceux que nous ap|ieloiis supérieurs
géitéiaux. Les Latins ont quelquelois dininé a ix ar-
clievéqucs le nom A'arcliiinandrnes, el, dans ce sens,
il vent due chef de troupeau. (Extrait du Diction, de
Juiisprudencc.)
AUClIll'Kt; I KE (i/roi; «cc/ds.). Dans la primitive
Eglise on duimait ce nom au |)lus ancien ou au cliet
des piètres, comme celui d'à; c/iidiuc/e au premier
des di.icres : aujourd'hui on donne ce nom à un
ecclésiastique levêlu d'une diijnilé à laquelle sont
atlri nés ddlereius droits. On appelle arcliipréiré ou
archipiéirise le titre el le district de ['archipréire.
D.iiis les premiers siècles de l'tglise on recoii-
uaissait trois dignités piincipales, qui étaient en
nièuie temp- dignités de l'église cathédrale et du
diocèse: s.ivoii, \'arcliiprélre, qui étail à la têli; des
préiies el di!S clercs; Vurchidiacre, établi sur 1. s
diacies, et le prnmcier, c'est-à-diie le premier des
clercs, établi sur tout le clergé iuiérienr. — Il esl
DlCT. DE XH£0L. B06UAT1QUE. I.
parlé de ces trois dignités dans les canons arabiques
du concile de Nicée. Et le concile de Mérida, ti;nu
en (166, ordonne à chaque évêqu.' d'avoir dans sa
catliéilrale un archiprêire, un arcliidiacie et un pri-
niicier; mais il ne marque pas quelles étaient leurs
fun<'lions.
Comme le nom de prêire vient de l'âge avancé où
devai''nt éire ceux qu'on linnorail de ce cariclcie,
Varchiprêire, qui élait le premier des prêlres. devait
être le plus âgé. Cèpe dmt les évêques donnaient
quelqueluis celle digniié au mériie, ipioi |ue ré^'ii-
liêrenieiit elle ne dùl être donnée qu'à l'aucienneié.
On voit que Prolérius, <|ni fut élu évêque d'Alexiii-
drie airês la déposiiion de Hinscore, d.uis le con-
cile de Chalcédoine, avait élé fait archip.étre de la
même égli-e ; et saint Jéiôuie semble faiie entendre
que dans l'Eglise latine tontes les cathédrales avaient
leurs arcliiprêlres, et qu'il ne devait y eu avoir qu'un
dans chacune.
Les anliiprélres ayant lenu autrefois un rang dis-
tingué dans l'Eglise, nous allons exposer leers loiic-
lioiis telles qu'elles étaient selon l'usage ancien et
tell' s qu'elles sont selon le droit canoiiii|ue actuel.
— bans l'origine , Varcliiprêtre élait la |ueinière
dignité après l'évêquo, et pour l'ordinaire il élait,
comme le grand vicaire, chargé de la conduite de
l'Egli-e lorsque l'évciiue étaii absenl. Le capiiiilaire
de Loui- le Uélionnairc, de l'année 828, appede les
arcliiprètres les ailes et les coadjuteiirs des évoques.
— Le concile do Pu is, iciiu en 8.i0, dit que les
arclitjirèlres étaient chargés d'evdleràla pénitence
publique ceux qui élaienl coupables de crimes pu-
blics, et que, cjujoiniement avec les évêques, ils
devaient nommer des piêlies et des curés pour re-
cevoir les conlessioiis des crimes secrets. — Le
second concile de Tours, après avoir réglé l'ordre
el les fonctions des arcliipréires, les condamne à
fiiire pénitem c dans un monasicre, s'ils ont iiiaii(|ué
de veiller sur la continence des piêlres, des dccies,
des sous-diacies : le même concile défend à toui
évéi|ue de déposer un urchipréire, sans avoir pris le
conseil de lous les prêtres et abbés du diocèse. —
Il parait par la régie de saint Clirodegand, évêciuc
de Mel/., ([u'ils élaienl les ininialres universels de
l'évêque pour le gouvernement spirituel des lai.|ues,
des curés cl même des chanoines, et que quand uii
évêque les avait une fois établis, il ne pouvait plus
les destituer que dans un synode, après leur avoir
lait leur procès. — Le concile de Clià ons, lenii eu
650, délèiidil aux juges séculiers de continuer les
visiies qu'ils avaient couiume de faire d.ms les pa-
roisses de la campagne el dans les mon.isleies, à
moins qu'ils n'y lussent invités par les archiprélres
Cl les abbes. — Le concile de Ponl-.\udeberi, tenu
en 1279, recommande aux arcliipréires de prendre
garde que tous les ecclésiastiques de leur res ort
portenl la tonsure et l'iiabil ecclésiasiiqiie. Il paraît
inciiie, par ce dernier concile, (|u'ils avaient "uri-
diclion, puisque le caihiii 16 leur défend de sus-
peiulie el d'excommunier, sans mettre leur sentence
par écrit.
Aujourd'hui le nombre, le rang, les fonctions et
les droits des archiprélres varient suivant les diffé-
rents dio( èses (a). A Pai is, il n'y en a que deux, qui
sont le curé de la Madeleine et celui de Saint-beve-
rin. Leurs fonctions consistent à envoyer les nian-
demeiiisde l'archcvêipie aux curés de la ville et de
la banlieue . iis assis'enl à la conirclion des saintes
huiles le jeudi saint, dans l'église meiropidiiaine,
mais ils n'v ont séance que dans les bas stalles. Au
synode de l'archevêque, ils sont nommés les pre-
(n) Nous faisons remarquer de nouveau que cet article
et plusieurs des préiédenls, reproduits d'après lediliou
de Licije, oui élé composés au point de vue de 1 an-
cien droit ecclésiastique. Voy., pour le nouveau, notre
Dictiouuaice de Tbéulugie morale
12
o63
ARI
AR1
S64
mierSi tiennent la première place du côié gauche
avec les doyens ruraux, et siiiveiit immédiaiement
l'arclievéuue à la procesMon à côlé îles sr:in(ls vicai-
res.— A Timrs, il y a cimi arc iprêires. Le premier,
i{iii a le lilre de (pand arcliiprêire, fsl un diginlaire
delà fallitdrale,'qiii ;i séaiine au dessus des cha-
noines, et les précède à la pr.iCi>ssion. Il a nn revenu
fixe outre le casuel iiiii lui esl coininiiu avec l(;s
autres archiprélres. Ceuv-ci ne niarclieiu à la pro-
cession qu'après les clianoiiies prél.endés. — \ Or-
léans, it n'y a qu'un arch'tprhre, qui e^l une des
dignités du ch:'ptrK, mais il n'exeice aucune fnnc-
liiiii. Il jouit du droit de prendre, dans réteniliie du
grand arcliidiaconé, le lit g;irni des cuiés après leur
mort. Ce tlroil est évalué cinquante livres pour les
cures où il y a vicaire, et vingt-cinq livres pour
celles où il ii'y en a point. 1! a d'.dll.-uis le tiers des
déports dans l'étendue ilu grand archidiaconé; les
deux autres tiers a|iiiarliennent au doyen, comme
giand archidiacre. — Dans d'autres dincèses, les
anltiprêlres ont les mêmes droits sur les curés de
ville que les doyens ruraux sur les curés de cam-
pagne. D;ins légiise niéiropolitaiiie de Ueims, les
archifircires ne sont que les vicaires des cli iiiuines,
ils ollii ient à leur place. Ils entonnent les petites
heures.
Il serait trop long de parler des fonctions des
arcliiprèlre-o .' ns les dilîérenls diocèses de France.
Leurs droiis et leur rang varient d'un dioi èse à un
autre ; il faut avoir recours à l'usage oe cliaquc
endroit, lorsqu'il arrive quelque comestation à cet
égard.
Lorsqu'un arcivprétré est dignité, il faut élre gra-
dué et âgé de vingt-deux ans pour le posséder; et
s'il a charge d'ànics, il ne faut pas moins île vingt
an< accomplis, comme pour les curés. (Extrait du
Ùictionn. de Jurisprudence.)
ARCHONTIQUE, adjectif, mot formé du
grec âpx'^'v, au pluriel cipxo-.Tzi, principautés
ou liierarcliies d'anges. Ou donne ce nom à
une secli; d'Iiérétiques qui parurent sur la
fia du II' siècle, parce qu'ils allribuaient
la création du monde, non pas à Deu, mais
à diverses puissances ou principautés, c'est-
à-dire à des iiilelligences subordonnées à
Dieu, et qu'ils a|)pclaieiit archontes, lis re-
jelaienl le hap'.êiiie et les suiiils mystères,
dont ils faisaient auteur Sabaoth, qui était,
selon eux, une des ]irincipaules inférieures.
A les entendre, la femme clail louvragc de
Satan , et l'àiiie devait ressusciter avec le
corps. On les regarde comme une bianclic
de la secte des valciitiniens oudes marcosiens.
{Tillnniinl, l. Il, p. 295.)
AUÏ;01'A(;iTK. Vol/, s. Dems.
AKIANISMK, AlUliNS. Arius, prêtre dA-
lexandrie , premier auteur de l'bérésie à
laquelle il a donné son nom, commença de
la publier l'an 310. Mécontent d'une expli-
cation ()u'Alexaiidre , son cvéque , avait
donnée du mystère de la sainte Trinilé, dans
une assemblée de prêtres, il soutint que le
Fils de Dieu, ou le Verbe divin, ctall une
créature tirée du néant, que Dieu le l'éro
avait produite avant lous les siècles, cl tic
laquelle il s'était servi pour créer le monde;
qu'ainsi le Fils de Dieu était dune nature et
d une dignité très-inférieures au l'ère; qu'il
n'était a|ipelé JHeu ((tie dans uu sens im-
propre. Condamné d'abord par son évéque
dans un concile d'Alexandrie, et dans uu
second tenu l'an 321, il su relira dans la i'u-
lestine;il écrivit aux évêques les l'uts cé-
lèbres, pour se plaindre de la rigueur avec
laquelle il était iraiié; il sut déguiser sa
doctrine et rendre odieuse celle d'Alexandre,
aussi bien que sa conduite: il gagna ainsi
plusieurs pariisans. surtout lîusébe de Ni-
comédie, dont le crédit était grand pour lors,
soit à la cour, soit dans l'iiglise Alexandre,
de son côté, rendit compte des erreurs d'A-
rius et des motifs de sa condamnation ; la
dispute commença dès ce moment de s'échauf-
fer de part et d'autre.
1. Lempereur Constantin, qui en prévit
les suites, tàclia vainement de concilier ou
de calmer les deux partis, et de leur imposer
silence. Voyant «lu'il ne pouvait y réussir, il
assembla, l'an 325, un concile général à
Nicée en liilhynie, auquel se trouvèrent trois
( enl dix-buit évéques, tant de l'Orient que de
l'Occident. Après un sérieux examen, dans
lequel Arius et ses partisans furent enten-
dus, le concile condamna leur doctrine; il
décida que Je'sus-Christ, Fils unique de Dieu,
est né (/it l'rie aiant tous tes siècles. Dieu de
Dieu, lumicre de lumière, vrai Dieu de vrai
Dieu, engendré et non fait, consuiistantie! à
son Père, et que par lui toutes choses ont été
faites. C'est le symbole de la foi que l'Eglise
rciièic encore ai^jourdliui dans sa liturgie.
Arius, ayant refuse de souscrire à sa con-
damnation, fut exile eu lllyrie; dix-sept évê-
ques firent d'abord le niéme refus, ensuite
ils se reduisii enl à cinq, et enfin à deux, qui
furent aussi exilés. — Mais l'an atlième pro-
noncé contre l'erreur ne la détruisit pas ; la
plupart de ceux qui n'avaient signé la déci-
sioi» du concile que pour éviier l'exil, de-
meurèrent attaches au parti d'Aiius. Cons-
tantin lui-même, séduit par un prélre arien,
queConslantia sa sœur lui avait recommandé
eu mourant, et qui avait gagné sa coniiance,
consentit à rappeler Arius de son exil en 328 ;
et cet liérclique, léuui à ses partisans, re-
commença de semer ses erreurs avec encore
plus de chaleur qu'auparavant. Mais saint
Allianase, qui avait succédé au patriarche
Alex;indre dans le siège d'Alexandiie, refusa
constamment de recevoir Arius à sa com-
munion, el parcelle fermeté il encourut l'in-
dignation do Constiintin. — Dès ce moment,
les (inens devinrent un parti rcdoulable; ils
tinrent plusieurs conciles dans lesquels ils
se trouvèrent les maîtres; ils parvinrent à
faire exiler plusieurs des évéïjues les plus
attachés a la loi de Nicce, en particulier saint
Alhanasc et saint Fuslaclie, évê()ue d'An-
tioclie. Ils s'appli(]iièrent à inlerprcler dans
un mauvais sens la doctiim; du concile de
Nicée, surtout le terme consnbstanliet ; ils
prétendirent que ce mol p()U\ail faire con-
fondre la l'eronne du Fils avec celle du
l'ère, et renouveler l'erreur de Sabellius, et
ils eurenl grand soin de le retrancher dans
toutes les professions de foi qu'ils dressèrent.
Mais leurs disputes, leurs variatitms dans
ces confessions do loi, sur Icstjiielles iN no
pouvaienl s'accord; r, el qu'ils cliangèrciit
au moins vingt fois, ne prouvèrent (|ue trop
la nécessité d'un tcruio qui coupait la ra-
56."
ARI
ARI
366
ciiift à tous leurs subterfiiKos. — Constantin
lui-même m- piii f.iirc coiisi-iilir A le k.! mire,
évéqiie <li' Ci)i\slai>liiiO|)li', à rrcevoir Arius
d.'Mis sa coiiiiiiuiiion ; cet hcrciiqiic mourut
d'une manièie ir.pp;i<iue dans celte circons-
tance même, l'an o.'JO; ceux qui accui^eiit les
callm'i(Hies de l'avoir empoisonin", les ca-
lomiiienl sans rondement et par pure mali-
gnité. — Après la niort de Conslaniin, ar-
rivée l'an 3.i7, le parti des ariens lut tantôt
plus fort et tantôt |ilus faible, selon qu'ils
furent piotétiés ou proscriis par les einpo-
reurs. Sous (lonslance, (pii les l'.ivorisait, ils
remplirent tiiul l'Orient de Iroulilc!), de sédi-
tions, de violences; mais Consianlin le .Irnne
et CoMslanl, (jui résinaient sur l'Occident,
empêchèrent Varinnismn d'y faire beaucoup
de progrès. Kn 3)1, Constance, devenu maî-
tre de tout l'empire p.ir la mort de ses <leux
fières, protège,! l'héri'sie cncoie plus hau-
teiricnl qu'au|jarav;int ; il y eut plusieurs
coix les tenus en Italie, dans lesquels les
ariens dominèrent; d'autres, dans lesquels
les catholiques repriieiit le dessus, comlam-
iièrent Arius et ses partisans, et confirmè-
tenl la loi de Nicee. Au concile d'Arles en
353, à celui de Mil. m tenu e'i 3j3. à Kiniini
en 359, plusieurs évèciues, ïaincus par vio-
lence, souscrivirent a la cond:mnaUon de
sainl Alhanase el signèrent di s conlessiiins
de foi dans lesquelles le mot de corifubstan-
tiel élait supprimé. Ceux qui oni conclu de
là que ces évèques avaient signé Variansine,
onl abusé des termes : les professions de foi
auxquelles ils sousrrivirent n'exp' imaient
pas assez expressément le dogme cailiolique,
mais elles n'exprim.iieui pas non plus l'er-
reur d'Aiius, puisqu'elles portaient ou que
le Fils est semblable au Père, en substance,
ou qu'il lui esl semblable en toutes ehoes,
ou ((u'il lui est semblable selon les écritu-
res, etc. Ce ne sont i as là des hérésies, quoi-
que les ariens aluis.issenl malicieusement
de ces expressions vagues pour semer leur
erreur. — 11 en l'ut de même de la formule
que le papo Libère signa par faiblesse dans
son exil, l'an 357. Vof/. Liuèhk. Il est cons-
tam d'ailleurs que, pendant lout'S les dis-
puies l'es évéques. les peuples, i|ui n'y cora-
prenaienl rien, conlinuaienl a croire el à
professer le dogme de la diviniié de Jésus-
Christ. Les é\èi|ues ariens eus-mêines n'o-
S lient pas prêcher en puilic, looime .\rius,
que le Fils de Uieu esl une cré.ilure liree du
néant; (ju'il est inférieur eu niture a son
Père; qu'il n'est pas Dieu d.ins toute la ri-
gui'ur du terme. Co.nuieiit donc piul-on sou-
tenir q le. dans le temps dont nous parlons,
l'a» iGHi.vme avait èlontle la foi catholique, et
domuait dans l'Eglise? — Julien, parvenu à
l'empire l'an 362, laissa dispuier les ariens
el les catholiques : son règm; ne dura que
deux ans, ci lui .le Jovien ne fut que de quel-
ques mois. >'alens, maîire de l'Orienl l'an
301, favoris I el embrassa Varianisme ; V'alen-
tinien, son frère, travailla ellicaceineul à
I extirper eu Oeri'enl. (iralien, el ensuite
1 benlose, le proscrivirent dans tout l'eiii-
pi'"e,de manière que, vers l'au 38>), celte hé-
résie, après soixante ans de lilmulfê, n'osa
presque plus se montrer. Au conimence-
menl du \' siècle, les Coths, b-s Bourgui-
gnons el les Xandalcs, qui en éiaienl infec-
tes, voulurent la rét iblir dans les Oaules et
en Afrique; ils exercèrent heauioup de vio-
lemes, el tirent un grand nonibi-e de mar-
tyrs; les Visigoths la portèrenl eu E-pagne :
c'est où elle a subsisté le plus longlemiis sous
la proiecùon des rois qui l'avaient embras-
sée; mais ceux-ci l'ayant enlin abjurée, elle
s'y éieig lil aussi vers l'an CCO. Nous la ver-
rons renaître de sis cendres au xvi" siècle.
II. Il esl probable que Variiinisme aurait
subjugué l'Orient tout entier, si ses parti-
sans avaient pu s'accorder; mais, comme
tous les hérétiques, ils se divisèrent promp-
temenl. Les deux factions principales furent
celle des purs aiens el celle des senti-ariens.
Les premiers disaient sans déiour, comme
Arius, que le Fils de Dieu était une cré;iture,
par conséquent Irès-inférieur et dissemblnble
à son Pèie : c'est ce qui les lit nommer nno~
méens, dissemblables. On les appelle encore
acaciens, eadnxiens, eusébiens, aétiens, eitno-
miens, ursaeiens. eic; parce que Ai ace, évé-
que de Césaree, Kudoxe, évéque d'Aiitioche,
Kusèlie de Nicomédie, Aétius, Runomius,
Ursace, évéque de Tyr ou de Sigedun, furent
successivement à leur tête; mars il ne paraît
pas que ce parti ait été le plus nombreux;
leur hérésie propos, e ainsi sans dégiir>ement
révoltait les esprits. — Los semi-w iens, qui
pensaient peut-être de même dans le fond,
dissimiilaiinl leurs vrais senlimrnts. Nous ne
pouvons mieux connaître leurs artifices et
leurs détours, qu'en examinant la conduite
d'Lusèbe de Ces.irée, qui paraît avoir été
coiistaiiiment dans ce parti. Il ne faisait point
de diflicnlté de dire, comme le concile de
Nicée , que Jésus-Christ ist le Verbe, la
raison ou la sagesse divine. Dieu de Dieu,
lumière de lumière, engendié du Père avant
tous les siècles, et qui a f.iil toutes choses;
mais il n'avouait pas que ce Vi rbe fût en-
gemlré de toute éternité et coétornel au Père ;
il prétendait, co nme font encore les soci-
nieiis, que le Père avait donné l'être au Fils
avant la création ; et quand il disait que ce
n'e-t pas une criatiire. il entendait que ce
n'e^t pas une créature semblable aux auires,
mais d'une nature beauroup plus parfaite,
et iiulanl semblable à Dieu qu'une créature
peut l'être. C'est pour cela même que les
semi-ai iens, au lieu du mot homoousios, con-
snb^tantiel, substituaient celui de lioinoiou-
sios , semblable en substance. — Eusèiie, en
profe-saiit, même dans le symbole de Nicée,
(|ue le Fils est fonsiibslanliet au Père, en-
tendait que le Fils esl sorti du Père non par
division ou par retranchement, comme uu
corps qui faisait partie d'un autre corps,
mais sans changement et sans diminution
de la substance du Père; ainsi, par consub-
stantiel, il n'entendait toujours qu'une res-
semblance imparfaite dans la substance, et
non une parfaite égalité avec le Père. 11 n.e
refusait pas de condamner Arius, ni de dire
anathème à tous ceux qui enseignaient que
567 ARi
le Verbe est sorti du néant, ou de ce qui n'é-
tait pns ; qu'il a été un temps où il n'était
pas encore, parée que, ilisail-il, ces expres-
sions ne sont pas ilans l'Ecriliire sainte. C'est
ainsi qu'il >.'e\plique dans li lellre qu'il
écrivit an peuple de ("ésarée après le concile
de* Nicée. Socraie, llist. erclé<., 1. i, c. 8.
Dans ses aulres ouvrages, il a nié pins d'une
fois l'élerniié «lu Verbe et son égalité avec le
Père. (Petau, Dogm. théol. t. Il, 1. i, c. 11 et
12.) Plusieurs soriniens se servent encore au-
jourd'hui des méuies ariificcs poui- pallier
l'impiété de leur seiitimenl louchant la divi-
nité de .Ii'sus-Cliri-t. Voi/. SEJii-AR;ANiSMt:.
. — Cel abus continuel des lennes, ces cxpli-
calio)is subtiles pour altérer le sins di s pa-
roles de l'Ecriluie sainle, ces expressions
amb!;;ui'S dans les professi uis de foi des
ariens, ces disputes toujours renaissances
parmi eux, démontraient assez la duplicité
de leur caracière et la fausseté de leur opi-
nion, ils crojairiit avoir remporté une grande
victoire, lorsque par fourberie ou par vio-
lence ils étaient venus à bout de faire signer
auï évéques catholiques une profession de
foi dans laquelle le mut consuhstanliel était
retranché. (Juclle différence entre cette mar-
che tortueuse de l'iiéié-ie, et la conduite
franche et ferme de l'Kglise catholique 1 Le
concile de Nicée, du premier coup et d'un
çeul mot, fixa la croyance d'une manière
irrévocable. Le mot consubl •ntiel rendait
toute l'énergie et le vrai sens des expres-
sions de l'Ecriture sainte; il prévenait toutes
les éqiiivoi|ues et les siibtilil.s des ariens;
rEi;;llse, après l'avoir une fo's adopté, ne l'a-
bandonna plus; il fut conservé dans toutes
les profession,-, de foi et dans les divers con-
ciles où les catholiques furent libres d'ex-
poser leur croyance; malgré toutes les atta-
ques de l'hérésie, après (luatorze siècles, la
consubstanliaiité du N'eilie est encore la foi
de celle ujénie Itglise. Voy. Conslrstan-
Tiiii., Divinité de .lÈsus-CHRisr, Fil' de Diei;.
III. Un des artifices dont se sont sirvis les
fauteurs de \'(iriainsme a été de représenter
ces disputes comme des conteslalions iiidif-
férenies au fund du clirislianisme, qui ne
valaienl pas la peine de faire lant de bruit;
de piéieiulre (]ue l'on prut élre bon chré-
tien sans souscrire à la dec isioii du concile
d ' Nicoe. Les incrédules n'ont pas manqué
d'appnjer cette préiention, afin tic. couvrir
de ridicule les Pères du iv siècle, et de
rendre le zèle de religion responsable d.s
troubles que Varidiiisme a causés dans le
monde. Nous .sonlenons au contraire que la
diviniié de Ji'sus-Christ, l'ondée sur l,i eoii-
suhslanli.ilité du Verbe, est le dogme fonda-
mental du christianisme ; (|iie SI ce dogme
n'est pas vrai, Jésus-Christ a établi une reli-
gion fausse.
1' Il est clair (|ue si les trois Personnes
divines, le l'ère, le l'ils et le Saint-Espril, ne
sont pas un seul Dieu dans le sens le jilus
exact et lo plus ri;.'o ireux, le chrisiiaiiiMue,
tel qu'il subsiste dans toutes les commu-
nions (|ui ne sont pas ariennes ou socinieu-
nes, est un véritable polythéisme, puisque
ARI
568
nous rendons à ces trois personnes divines le
niémeculte suprêni''. Entre les païens et nous,
il n'y aura point de différence, sinon qu'ils
adnii liaient un plus gr;ind nombre de dieux
que nous, et que nous savons déguiser notre
polythéisme par des subtilités qui leur étaient
inconnues. D.ins ce cas le mahométisme,
qui se borne au culte d'un seul Dieu, est
une religion plus pure que le christianisme.
Abbadie a porté celle conséquence jusqu'à
la dénionstralion, dans son Traité de la divi-
niié de Jésus-Christ. Elle est conlirmée par
le suiïrige de tous les sociniens, qui ne ces-
sent de nous reprocher le Iritbéisme, ou l'a-
doration de trois dieux. — Est-il croyable que
Dieu, qui, sous l'Ancien Testament, s'est
montré si jaloux du culte suprême exclusif;
qui répélail continuelleinenl aux Juifs : Je
suis seul Dieu, il n'y n point d'autre Dieu que
moi, ait permis que l'uiiiveis fût bouleversé
pour établir une religion (;ui n'aboulil qu'à
offusquer, par sa croyance et par son culte,
le dogme capital de l'unité de Dieu, sans le-
quel il ne peut point y avoir de vraie reli-
gion? — Dans ce même cas, les Juifs sont
bien fondés à demeurer dans l'incrédulilé.
Le dogme de l'unité de Dieu est le bouclier
que le juif Orobio ne cesse d'opposer aux
aignmenls de Liniborch ; celui-ci, qui était
socinien déguisé, en affeciaiit de laisser de
côlé le dogme de la Trinité el celui de la di-
vinité de Jésus-Christ, a évidemment trahi la
cause du christianisme qu'il voulait défen-
dre. Voyez Philippia Limborcli arnica collatio
cum erudilo Judœo, troisième partie.
2° Jésus-Christ a déclare qu'il était venu
dans le monde pour apprendre aux hommes
à rendre à Dieu le culte d'adoration en esprit
et en vérité (Joiin. iv, i'*). Or il veut que tous
honorent le Fils comme ils honorent le Père,
c. v. f. 23. S'il n'est pas un seul Dieu avec
le Père, ce culle est-il juste el lésçilime? C'est
une profanation et une impiété. Nous pre-
nons encore pour juges les sociniens. Y en
a-t-il un seul (|ui se croie obligé de rendre à
Jésus-Christ II' même culti> su))iéme, la même
adoration qu'il rend à Dieu le Père? Us ont
beau chercher des palliatifs, il s'ensuit tou-
jours de leur opinion que Jésus-Christ, par
celte funesle leçon, a voulu nous plonger
dans une snpersiition grossière el inévitable,
et (}ue toute la cbrél enlé y est tombée en
elTei. Pendani que d'un côté les sociniens
afl'i'Ctent de prodiguer à Jésiis-Chrisl les ti-
tres les plus pompeux, de l'autre ils nous
donnent à conclure qu'il a été le moins sage
de tous les législateurs, et un usurpateur
des honneurs de la Divinité.
3" Lors(|uc nous ciions les paroles de saint
P.iul (l'Iiilip. Il, (j) : Inii'ez Jésus-C.rist,
qui, étant dans In forme de Dieu, n'a point
reijardé comme une usurpation de s'iç/aler à
Dieu, etc., les sociniens nous disent i|ue nous
tradui-ons mal ; qu'il y a dans le Icvie :
K Jésns-f^.ii ist (|iii, étant dans la forme de
Dieu, n'a jioinl fait sa pruie de s'égaler à
Di.u, » ou ne s'est point attribue l'égalité
avec Dieu. — Nous soutenons ijuc celte ex-
plication socinieuiie est fausse. Eu premier
5(59
A RI
lieu, il est faux qup Jc5iis-r,hrist no seso'tpas
égalé à Dipu; il a ilil : l\lon père et moi som-
mes une même chose (Joan. x, 31) ; Celui qui
me voit, voit mon l'ère {\)\, i); Totil €■ qu'a
mon Père csH) moi (xvi, 15); il viut qiio toits
honorent le Fils comme ils honorent le Père
(v, 23). Vouloir olre honoré coinnic Dieu,
c'est ceriJlinemeTil s'égaler à D eu ; le! a été
le crime et la folie de tous ceux qui se sout
fait rendre les honneurs divins, l'in second
lieu, si Jésus-Ghrisl n'est pas égal à Dien,
oîi est l'huMiililc de ne pas y prétendre? En
avoir seulement la pensée serait une im-
piété. Kn troisième lieu, dans cette liypo-
Ihèsc, saint Paul et les aulres apAlres sont
des (irév ificaleurs : ils on[ ég ilé Jésus-( hrist
à Dieu, puisqu'ils lui ont donné Ions les at-
tribut^ de la Divinité, l'existence avant tous
les siècles, la toute-puissance, le pouvoir
créateur, la scirnce et la sagesse divine, le
nom même de Dieu. Ils ont contredit l'exem-
ple de Jésus-Christ, en exhortant les fidèles
à l'imiter.
4° Dès que les nouveaux' ariens ont mé-
connu la divinité de Jésus-Christ , il leur a
fallu déiruire successivement tous les dog-
mes du christi inisine, la Trinité, l'incarna-
lion, la rédemption des hommes par Jésus-
Christ, le péché originel, la nécessité du bap-
tême pour les enf.inls, l'effic.icité des sacre-
ments, les œuvres salisfacioires, etc. Ils ont
fait consister la religion chrélienne à croire
seulement l'unité de Dieu ; à regarder Jésus-
Christ comme un envoyé de Dieu, sans s'in-
former de ce qu'il est personnellcaient ; à
prendre l'Evangile pour règle de foi cl do
conduite, sauf à l'eneiidre comme chacun le
trouvera bon. C'est le déisme pur. Il n'est
pas étonnant que celte licence ait f lit éclore
tous les systèmes possibles d'incrédulité.
Esl-ce donc là le syslème sublime de reli-
gion (pie Dieu avait préparé pendant quatre
mille ans, pour i'élablisseinent duquel il a
opéré tant de prodiges et changé la f.ice de
l'univers? Nous ne scions jamais assez in-
sensés pour le croire.
Ou nous dit aujourd'hui qu'avant le con-
cile de Nicée, la doctrine louchant les trois
Personnes divines n'était point encore fixée;
que l'on n'avait rien prescrit à la foi des
chrétiens sur cet article, ni déterminé les
expressions dont onde^altse servir en par-
lant de ce mystère ; que les docteurs chré-
tiens avaient des seniiments dilTérenls sur ce
sujet, sansque personnes'enscand ilisâl, etc.
On cioira peut-èlre que c'est un sociiiien
qui s'exprime ainsi; non, c'est iMosheim ,
Uist. ecilés. du IV' siècle, ii" pari., c. a, ij 9.
Beausobre lui avait donné l'exemple. Ilist.
du mon., I. i;i, c. 7. — Cepindanl Bcillus,
dans sa Défense de la foi de Niréc, M lîos-
suel, (l..ns son sixième Avertissement aux
protestants, et d'autres, ont prouvé invinci-
blement qu'a\ant le concile de N;cée, les Pè-
res des trois preu'iers siècles ont piotessé
hautement l'é ernit du Verbe et sa consiib-
stantialité avec le Père. Une preuve positive
de Ci; fait, c'est que jamais Arius ni ses par-
tisans n'ont voulu s'en rapporter au juge-
ARI 370
ment des anciens docteurs, et qu'ils préten-
daient mieux enlendie l'Kcriture que tous
ceux (]ui les avaient précédés. Le paliiarche
d'Alesandrie, qui av.iit condamne Arius, le
leur rc()rocliaildéjà (Tlié()dorel,///.v7. ecclés.,
1. I, c. k]. Ils reinsèrent de même, dans le
cinquièdie concile de Cnnslantinople, sous
Théodose, l'an 383, d'être juïés par le sen-
timent des anciens Pères (Socrate. Ilist. ec-
clés.. 1. v, c. 10). Ils étaient donc bien con-
vaincus ijue les Pères des trois premiers siè-
cles ne pensaienl pas comme eux, et les ca-
tholiques le soulenaient ainsi. Sait-on mieux
au xvui" siècle qu'au iv ce qui en est? —
D',:il.eurs, ou le dogme de l'élerniié et de
l'égalilé parfaile du \ crbe avec le Père est
clairement et formellement ré>élé dans l'E-
criture sainte, ou il ne l'est pas. S'il l'est ,
don(' il éiait cru dans les trois premiers siè-
cles, et on ne pouvait refuser de le croire
sans être hérétique ; s'il ne l'est point , ce
n'est pas plus aujourd'hui un dogme de foi
pour les protestants, qu'il ne l'était avant le
concile de Nicèe, puisqu'ils ne reconnaissent
pour dogme de foi que ce qui est clairement
et formellement enseigné dans l'Ecriture
sainte : ils ne peuvent donc, même aujour-
d'hui, regarder les sociniens comme des hé-
rétiques. Ce n'est pas sans laison que nous
leur rei'rochons leur connivence avec les en-
nemis de la diviniié de Jésus -Christ.
Nous convenons que 1 Egl se n'avait pas
encore consacré le mol constibslant el pour
exprimer ce dogme, mais il ne s'ensuit pas
que le (lognn- n'était pas encore cru , puisque
l'on ex|)riniail par d'autres ternies ce que
celui-là signifie, en disant que le Fils ou le
Verbe est éternel et parlaitenwnt égal au
Père. Si les ariens avaient voulu s'expiimer
de moine, on ne les aurait pas condamnés.
Mosheiui ajou'e que si l'on considère les
moyens qu'iii ployèrent les niceniens et les
arirns pour défi'idre I.'urs oj)in<ons , on est
en peine de décider lequel l'es di'ux partis
excéda le plus les bornes de la probité, de la
charité et de la moilérnlion. Ibid., § 15. — ■
Nous ne relèverons pas l'indécenci' du nom
de niceniens, donné par mépris aux catholi-
ques; Mosheim pouvait les appeler encore
homoousieiis , comme faisaient les ariens ;
mais nous demanilons en quoi les caiho ii|ues
ont violé la probité à l'rgar d de leurs adver-
saires. (Jui' les ari nsvw général aient été de
mauvais- foi, c'est un fait ijui nous paraît
incontestable; mais les calholiques ont-ils
employé comme eux li'S é(]ui .oques, les ex-
pressions captieusis, les fausses protesta-
tions de zèle pour le fond du dogme, les
fausses proine»ses de paix, etc , dont se ser-
vaient les premiers pour parvenir à leurs iin^?
A la vérité iMusheim a trouvé lion d'accuser
saint Amhroise et d'autres évêques d avoir
supposé de fausses reliques et de faux mira-
cles [iour en imposer aux fidèles et confon-
dre les ariens ; mais celle accnsaliim esi-elle
prouvée'? (Tuant au delàut de cliunlé, nous
ne voyons pas en quoi les catlioliijues ont
été coupables de se défendre tant qu'ils ont
pu contre des hérétiques audacieux, violents,
571 ARl
sédilipox, oui iibiisaieni deTaotorité dos em-
p.-reuis (|uM-i Jivairiit séduits, pI qui «ni fait
le« l'I'is grands elT.irls pour aiiéaniir la f.ti de
rfiplis.'. Nous lisons i\»c les nriens ont fait
beaucoup de mar yrs, mais il n'est éirit nulle
part qu'il y en eni parmi eus; il n'est donc
pas vrai que 1rs ta holiqups aient autant
vi"lé les règles de la modération que les
anens. Après soixante ans de tumulte, nous
ne pouvons blâmer Théodose d'avoir porté
des lois sévères i ontre ces derniers ; il ne fut
pas obligé de répandre du sang pour les faire
exécuter.
IV. La raison de cette partialité de Mos-
lu'im el dfS proteslanis en faveur de l'iina-
nisme n'est pas dilficili' à découvrir; c'est
que l'on a \u au xvi' siècle cette hérésie re-
iiaîlre des i rincipes du protestantisme. Dès
que Lullierei Calvin eurent |iosé pour maxi-
me que la seule règle de foi est l'Ecriture
sainte entendue comme il plaît à chaque par-
ticulier, il se trouva des prédicanis qui per-
vei tirent le sens des p issages par lesquels on
prouve la dislinciion île-, trois Personiii s de
la sainte Triniié, leur coexistence éternelle,
leur égali é parfaile. l'unité de la nalure di-
vine; ainsi , Il divinité de Jé« us-Christ devint
parmi eux un problème. Luther même e!
Calvin ont parlé de ce mystère dans des ler-
iiies. Irès-c:ipahles de faire douter de leur foi.
Uist.duSocinidnisme, i«parl., c. 3. Plusieurs
aiiahaptisies. SfTlis de l'érole de Luther,
prêchèrent Variaiiisme en Suisse, en Allema-
gne, en Hiillande ; Okin el lUiccr en leiè-
renl, sous Edouard VI, les premières semen-
ces en An lelerre. Serve! voulut l'établir à
Genève; Calvin le fit punir du dernier sup-
plice. La crainte de subir le même sort écaria
de Genève Gentilis , Blandatra el d'autres,
qui soutenaient celte erreur ; ils se retirèrent
en Poloi^nc , où ils Ironvèrent des proti'c-
teurs, et il- y fondèrent des sociétés arifunes.
Les deux Soc. n, oncle et neveu, parvinreni à
les réunir à peu près dans le même fcnti-
menl, et donnèrent ainsi leur nom à toute la
secte. T'oy. Soi,iMiM-Mi!.~L"s prole.sianls,
honteux de celle postérité sorlie de leur sein,
oni vainement lait lous leurs elîorts pour l'c-
touffer ; dans toutes les conlérences cl les dis-
putes qu'ils ont eues avec les sociniens, ceux-
ci leur ont fait voir qu'avec l'Ecriture sainte
seule, on ne les convaincrait jamais d'en eur;
et lorsque l'on a voulu eiiip!o\ er contre eux
la tradition, lesentiment des l'éres, la croyan-
ce conslanle de l'Eglise (hrélieiine, ils ont
repriiclie avec raison aux protestants de ion-
tredire le principe fondanieiilal de la réfor-
me, et de recourir à une arme A laquelle ils
ont f.iii profession de renoncer. La voied'au-
loiilé, les lois pénales, les su[ plices méiiio
dont les priileslaiits ont usé plus d'une fois
envers les nouveaux uriens. sont une incon-
séquence encore pl'is révoltante, [)U:squ'ils
n'ont cessé de >e plaindre eux mêmes lors-
que les c.ilholiques in onl l'ail usage conire
eux. — Aussi tous ce.s mu\ens ont-ils pro-
duit liès-peu delTct ; ils n'ont pas empêché
les sociniens de pénétrer dans la Transylva-
nie, dans la Prusse, dans la Basse-Allèma-
ARI
372
gne, dans la Hollan le et en Angleterre , et
de s'y niultiplier parmi les dilTérenles sectes
qui jouissent d • la lolérsnee civile. D ins le
dernier siècle et dans celui-ci , Varianiitme
mitigé, ouïe setninrianisme, y a trouvé beau-
cou[) de partisans. - En effet, les nouveaux
ennemis de la divinité de Jésus-Chris! ont
compris, comme ceux du iv siècle, que \'a-
rianismc: ])ur n." pourrait jamais f.iire fortu-
ne ; l'on ne persuadera jamais à ceux qui
respectent l'Ecriture sainte, que le Fils de
Dieu est une pure créatu'e, tirée du néont
dans le temps, et qni n'existait pas avant la
naissance du monde ; encore moins que Jé-
sus-Christ n'est qu'un homme, quoique plus
parfait que les autres. Fa^isle, Socin el d'au-
tres ont osé le dire, et blâmer le culte rendu
à Jésus-Christ ; mais ils onl eu peu de spcla^-
leurs sur ce point. Ceux d'aujourd'hui ont
adoDié le semi-arianisme , tel ei peu près
qu'Eusèbe de Césarée et d'autres le soute-
naient; c'est pour cela qu'ils rejettent le nom
de sociniens, p rce qu'ils ne suivent pas à la
rigueur les sentiments de Socin. Ils disent
que le Verlie divin a été créé avant toutes
choses; quelques-uns même sont allés jus-
qu'à dire qu'il a été créé de tonte éternité;
d'autres, sans user du terme de création, di-
sent que les trois Personnes divines sont
égales en perl'eclion, niais qu'il y a entre
elles une subordinulion île nature en fait
d'existence el de dérivation. Ainsi s'exprime
le docteur C.iarke, accusé de semi-arianisme.
Mosheim, llist. ecclés. dn xviir siècle, îi la
fln, noie du traducteur anglais. Nous ne som-
mes |)as ass: z habiles pour entendre ce que
signilient ces termes. En 177", l'on a aussi
soutenu le semi-arinnisme à Genève, dans
une thèse publique et dans une brochure
in. tulée : Dissertalio liisloric'i-tlienhijira, de
Clirisii ileihile. Les arminiens de Hollande et
plusieurs théologiens angiieans passent pour
être dans le même senliment. 11 n'est donc
pas étonnant que les prolestanls.en général,
témoigneni beaucoup moins d'aversion puur
les sociniens que pour les catholi(]ues.
Aux mots Fii.s de Dieu et Ji';sL's-CnRisT
nous prouverons le dogme catholique opposé
à toutes C(!S erreurs.
♦Alll-TOTF.I.IKNS. Arislole est. ii jnsie lilio,
snrnonniié le, iirnire des |)lllll>^»|)lles de r«iili(|iiilé.
[s'il l'ùl éli' éeliiiié lies liiiinè e- cic l'Ev;iii!.'ile, il eiil
pnii>sé liés li'iii les (plesll(l|l^ (liigiinilniues el mo-
rales. MaLic les lénéines an |ia^:iiii..ine. il sut po-
ser avee unit île lnriililé les ineiniers principes île
loiiles les sciences, nn'il fui l(iii^lein|i> le -eiil nr.iele
de l'éen e. Au iimye . à;,'i', les niaiires chréliens seni-
blaieiil plieer son ;iuniriié :i côié île celle il»^ i'1'.v.ni-
};ile : c'esi t\,; ,ei cujiniieiiniiil ilérai^oiinidile pinir la
iliiclriiie iTAri^ilule ipie snin nés ses sccluleiirs .ir-
deuls, loiniiis sons le lein ifinislo élidis. M lloii-
nellv a |>;irtiileineiii appiéoc ruciioii du pliiln.soiilio
(le M:i!;yre sur le rliii>liiniisiui'.. i II e-l unie de
r. coînmander, ilii-il, à ceux qui veuleiil coiiiialhe les
causes el -invre l:i lilialinii îles e rems qui oni ilér liri;
ri'.Klise, il'é 11. lier si, il iis Irs prn| o-iilmis sur Wieii,
sur l'a III ■ el sur Wnlendemenl liiimaiii. iiiî si' iruinenl
p.is iléjà e iclié.s les (ilijeclions îles pliil isoplu-s sur la
Triiiiié, la iuescience de Hieii cl la spriimié de
l'àiiie ; dans les propos lions sur la volonté, les opi-
nions de Luiher el les subtilités des Jansénisles sur
573
ARM
ARM
374
la orSrfi, la liberté et la prédestination; dans les
pro'i»!- liions sur le monde, les erreurs de l'astrologie
iiiiliciaire, et celle manie de connaiire l'avenir par
t;iiit de- nmyeiis ridicules ; eiiUn dans les propo-ili ns
sur hi (lAi/os'iii/ii'i: el la llu'dlugic, les causes de celle
Ofiiposiliiin (|n'(in a piéleiidu vnir, cl qui' bien des
persiinnes venleni vnir encore, entre la nature et la
grâce, la r:nsoii et la fol, la loi ORtiirelle et la loi
révélée, la piiilosopliie fl la Ihéidogie.
< Après ces reclierciies, il lan'lra examiner encore
s'il n'y aurait pas (|;ieli|ups reste* de ces erreurs
aristoiélicieunes dnns nos livres d'enseigiiejueiii élé-
mentaire; car c'est une remarque à faire cpie l'auto-
rité d'Aiislote a él'' répudiée en ptiysli|iic, et en
médecine, et en aslnmomii', et dans la pliiiiart des
antres sciences : il n'en e^t plu* de traces que dans
renseigna ment de la pliilosopbie.
« .Nous crovoiis celte question importaule à exa-
miner; car, iouie* les fois que l'erreur esi dans les
inielligences, c'est dans renseignement qu'il faut en
reclierclier les cau-es. i
AUMÉE DU CIEL. Voy. Astres.
AltMlîiNlKNS toiisidérés par rapport à
leur relis^ion. C'est une secte des cliréliens
d'Orient^ niiisi appelés parce qu'ils habi-
taient autrefois l'Annénie. — On croit que la
loi fut portée dans leur pays par l'apôlre
saint Barlliélenii ; mais la tradition com-
mune des arméniens est que la plus grande
I)arliede leur pays fut convertie, au coin-
incncement du iv siècle, par saint Grégoire,
surnommé V Uluminateur. Ce qu'il y a de
certain, c'est qu'au commencement du iv=
siècle l'Ejjlise d'Arménie était très-floris-
sanle, et que l'aiianisine y fil peu de rava-
ges. M.iis l'an 335, une grande partie de
celle Eglise embrassa les erreurs et le scliis-
iiie des jacobiles ou iuonopliy>it 'S. Les ar-
méniens étalent du ressort du patriarche de
Coiistanlinople; ils s'en séparèrent avant le
temps de Pholius, aussi bien que les Grecs
de ce nièine pays, et composèrent aussi une
Eglise natioiiiilc, en partie unie à l'Eglise
romaine, et en partie séparée d'elle ; car on
en dislingue de deux sortes, les francs ar-
nirniens et les sthisnialiques. Les francs ar-
méniens sont catholiques et soumis à l'Eglise
romaine, lis ont un patriarche à Naksivaii,
ville d'Arménie, sous la domination du roi
de Perse, et un autre à Kaminii k en Polo-
gne. Leur liturgie a été imprimée à Rouie
dans leur ancienne langue, et on en a une
traduction latine, que le P. Lebrun a don-
née avec des remarques. Kxplic. ties ci'rém,
de la messe, tom. V, 10' dissert. Les armé-
niens schismatii|ues ont aussi deux patriar-
ches, l'un résidant au couvent d'Echmiazin,
c'esi-à-dire les trois églises, proche d'Eri-
van, et l'autre à Cis en Gilicie ou Caramanie.
— Depuis la conquête de leur pays par Scha-
Ablias, roi de Perse, ils n'ont presque point
eu de pays ou d'habitation fisc; mais ils se
sont dispersés dans quelques parties de l'Eu-
rope , particulièrement en Pologne. Leur
principal!' occupation est le commerce, qu'ils
entendent très-bien. Le cardinal de Kiche-
lieu, qui voulait le rétablir en France, pro-
jeta d'\ attirer grand nombre d'arméniens ;
elle cliancelier Séguier leur accorda une
imprimerie à Marseille, pour multiplier à
moins de frais leurs livres de religion, qui
avant ce temps-là étaient fort rares et fort
cliers. — Le chrislianisme s'est conservé par-
mi eux, mais avec beaucoup d'altération
parmi les arméniens srliismatiques. Le P.
Galaniis rapporte que Jean Hcrmac, armé-
nien catholique, assure qu'ils suivent l'héré-
sie d'I'lulychès louchant l'unité de nalure en
Jésus-Christ ; qu'ils croient que le Saint-
Esfirit ne procède que ilu Père ; que les â-
mes des justes n'entrent (loinl dans le para-
dis, ni celles des damnés en enfer, avant le
jugement dernier ; qu'ilj nient le purgatoire,
retranchent du nombre des sacrements la
confirmation et rexlréme-oncliou, accordent
au peuple la communion sons les deux espè-
ces, la donnent aux enfants avant qu'ils aient
atteint l'âge de raison, et pensent enfin que
tout prêtre peut absoudre iiidiffcremmenl de
toutes sortes de péchés ; en sorte qu'il n'est
point de cas réservés, soit aux évoques, soit
au pape. Michel Lefèvre, dans son Théâtre
de la Turquie, dit que les arméniens sont mo-
no[)h\ sites, c'est-à-dire qu'ils n'admettent
en Jésus-Christ qu'une nature composée de
la naliire divine et de la nature humaine,
sans iié.inmoins aucun mélange. Le même
auteur aj 'iite que les arméniens, on rejetant
le [lurgatoire, ne laissent pas de jirier et de
célébrer des messes pour les morts, dont ils
croient que les âmes attendent le jour du ju-
gement dans un lieu où les justes éprouvent
des sentiments de joie dans l'espérance de la
béatitude, et les mécbnnts des impressions
de douleur dans l'attente des supplices qu'ils
savent avoir mérités ; que a'anlres s'imagi-
n''nl qu'il n'y a plus d'enfer, depuis que Jé-
sus-Christ l'a detrrit en descendant aux lim-
bes, et que la privation de Dieu sera le sup-
plice des réprouvés ; qu'ils ne donnent plus
i'extrême-onction depuis environ deux cents
ans, parce que le peuple, croyant que ce sa-
crement avait la verlu de remettre par lui-
même tous les péchés, en avait pris occasion
de négliger tellement la confession, qu'insen-
siblement elle aurait été tout à lait abolie;
que quoiqu'ils ne reconnaissent pas la pri-
maulé du pape, ils l'appellent néaiMiioins
dans leurs livres le pasteur universel et vi-
caire (le Jésus-Christ ; qu'ils s'accordent avec
les Grecs sur l'article do l'eucharistie, ex-
cepté qu'ils ne mêlent point d'eau avec le
vin dans le sacrifice de la messe, et qu'ils s'y
servent de pain sans levain pour la consécra-
tion, comme les catholiques. — Mais il parait
que Galanus et Lefèvre attribuent aux armé-
niens schismatiq'ues des erreurs dont ils ne
sont pas coupables, ou du moins qui ne sont
pas communes parmi eux. Le P. Lebrun,
avant de rapporter leur liturgie, prouve (|u'à
l'exci ption de l'hérésie des nninophysites,
on ne peut leur imputer aucune opinion
absoluinent contraire à la croyance de l'E-
glise catholique; qu'ils s'accordent avec
nous sur le nombre el sur la nalure des sa-
crements, sur la présence réelle de Jésus-
Chri>l dans l'eucharistie, sur la transsubs-
laniiation, sur le sacrifice de la ine»se, sur
le culte des saints, sur la prière pour les
morts, elc. Vainement les protestants ont
575
ARM
ARM
576
cherché parmi eux leurs propres erreurs ils
n'eu onl liouvé aucun vesti|je. Ceprmlant
les arméniens scliismatiqnes sont sép^irés de
l'Eglise romaine depuis plus de douze cents
ans. —C'est sans fondiment que lirerewood
les a accusés de favoriser les opiinons des
sacramentairrs, et de ne point mander des
animaux qui sont estimés immondes dans la
loi de Moïse; il n'a pas pris garde que c'est
la couluni<- de toutes les sociétés chrétiennes
d'Orient, de ne mange r ni sang, ni viirndes
élouffées ; en quoi, seion l'esprit delà primi-
tive Eglise, il n'y a point de supersiilion.
Ils sont grands jeûneurs, et, à les entendre,
l'essentiel de la religion consiste à jrùner.
— On compte parmi eux plusieurs monastè-
res de l'ordre de Saint-Basile, dont les scliis-
maliques observent la régi ' : mais ceux qui
se sont réunis à l'Eglise romaine ont em-
brassé celle de saint Dominique, depuis que
les dominicains, envoyas en Arménie par
Jean XXII. enrenl beaucoup contribué à
les réunir au saini-siége. Celle union a éié
rompue et renom elée plusieurs fois, surtout
au concile de Floreu' e, sous Eugène I\ .
Les arméiiims font l'offue ecclésiastique
en ancienne langue arménienne, différente
de celle (i'aujour>!'hui, et que le peuple n'en-
tend pas. Ils ont aussi dans la même langue
toute la Bible, iraduite d'après la V( rsion des
Septante. Ceux qui sont soumis au pape font
aussi l'otGce eu cette langue, et lieiinenl la
même croyance que l'Eglise catholique, sans
aucun mélange des erreurs que professent
les schisiiialiques.— Nous remarquerons en-
core «lue le litre de rtrtabicd, ou docteur,
est plus respeciédes annénifns que celui d'é-
véque ; ils le confè ent avec les mêmes cé-
rémonies qu'on donne les ordres sacrés,
parce que, selon eux, cette dignité représente
celle de Jésus Christ, qui s'app lait mblii,
on docteur. (jCS verlal)ieils onl droit de prê-
cher assi-, cl de porter une crosse sctniila-
ble à celle du patriarche, tandis que les cvê-
ques n'eu ont (lu'iine moins distinguée, et
prêchent debout : l'ignorance de leurs évo-
ques a procuré ces honneurs aux docteurs.
Galanus, Conciliât, de l'Eglise armén. avec
VEijlise rom. Simon, llisl. des reli(j. du Le-
vant.
ARMES. Il n'est pas vrai, comme l'ont a-
vancé qnel(|ipes cen-'Curs du christianisme,
qu'il soil défendu à un cliréiien de porter les
armes. Saint Luc, dans son Evangile, rap-
porte la leçon qu(! fit s iyt Jean-Baptiste
aux soldats : A'c faites violence à personne
in/nsteinenl ; contmlez-rons de votre solde
(Luc. m). Il ne leur or<lonna point de quit-
ter les armes. Lorsque Jesus-Clirist loua la
foi du centurion, et lui aci orda un miracle,
il ne blàina point sa pofession {.Mntlli., v,i,
10, l.'{). Saint )*.ail veut que chacun demeure
dans l'état de vie dans lequel il a été appelé
à la foi ; les soldats ne sont pas exce|>tés (/
Cor. vil, 20). Terinllien atteste que de son
temps les camps et les aruuMîs étaient rem-
plis de chrétiens, qu'ils étaient bons soldats,
puisqu'ils ne craignaient point la n>ori. ApoL,
ch. 37 et 42. Si dans son Traité de l' Idolâtrie,
et dans celui de la Couronne, il décide qu'un '
chrétien ne doit point embrasser l'étal mili-
taire, c'est qu'alors on exigeait qu'un soldai
fit sou serment par les dieux de l'empire, et
rendît un cuite aux enseignes militaires char^-
gées des images des dieux : c'est dans ce
sens qu'il dit qu'il n'y a rien de commun en-
Ire le signe de Jésus-Christ et les enseignes
du diable, de Idolol. c. 10 ; qu'un chrétieu
ne doit pas veiller pendant la nuit à la garde
des dieux auxquels il a renoncé, de Corona,
c. 9. Lorsque ce danger n'exista plus, le troi-
sième canon du concile d'Arles ordonna d'ex-
communier ceux qui désertaient, même pen-
dant la paix. Constantin régnait pour lors ;
on ne tendait plus de pièges aux soldats chré-
tiens pour les engager à trahir leur religion.
L'horreur pour la profession militaire est
une erreur des quakers, réfutée par Bellar-
min, t. 11, Conirov. de Laicis.
AUMINIANIS.VIE, doctrine d'Arminius, cé-
lèbre ministre d'Amsterdam, et depuis pro-
fesseur en théologie dans l'académie de Ley-
de, et des arminiens, ses sectateurs. Calvin,
Bèze, Zanchius, etc., avaient établi des dog-
mes trop sévères sur le libre arbitre, la pré-
destination, la justification, la persévér.ince »
et la grâce; les arminiens ont pris sur tous ■
ces points des S' nlimenls plus modérés et T
approc hanl à quelques égards de ceux de l'E-
glise romaine. Goinar, professeur en théolo-
gie dans l'académie de Groningue, et calvi- .
niste rigide, s'éleva contre la doctrine d'Ar- .■
niinius ; après bien des disputes commencées "
dès 1(09, et qui menaçaient les Provinces-U-
nies d'une guerre civile, la matière fut dis-
culée et décidée en faveur des Gomaristes,
par le synode de Dordrechl, tenu en 1C18 et
1019. Outre les théologiens de Hollande, ce
synode fut composé de députés de touies les
Eglises reformées, excepté ties Français, (|Ui
en furent empêchés pour des raisons d'Etal.
Pour bien comprendre l'état de la question
qui était à décider, il faut savoir (|ue les
théologiens attachés aux sentiments de Cal-
vin sur la prédestination ne s'accordaient
pas : les uns soutenaient, comme leur maî-
tre, que Dieu, de toute éternité, et avant
même de prévoir le péché d'Adam, avait pré-
destiné une partie du genre humain au bon-
heur éternel, et une autre partie aux tour-
ments de l'enfer ; qu'en conséquence Dieu
avait lellemenl résolu la chute d'Adam, et
avait disposé les événements de telle manière,
que nos |ireoiiers parents ne [louvaieiit pas
s'abstenir de pécher. Ces théologiens turent
nommés siipraliipsaires, par<;e qu'ils suppo-
saient une pi édes inatiou et une réprobation
absolues ante lupsitm ou siip) a lapsum : sen-
timent horiible, qui peint l>ieu comme le
plus injuste et le plus crnel de tous les ty-
rans. D'autres disaient que Dieu n'a pas pré-
déterminé positivement la chute d'.Vdam ,
qu'il l'a seulement permise ; <]ue, par cette
chute, le génie humain tout entier étant de-
venu une masse de perdition et île damna- a
tion. Dieu a résolu d'en tirer un certain nom-
bre d'hommes, et de les conduire par ses
grâces au royaume éternel, pendant qu'il
377
ARM
ARM
378
laisse les antres dans celle masse, et leur
refuse les grâces nécessaires pour se sauver.
Ainsi, selon ces lhéoloi.M(Mis, la prédeslina-
lion et la réprobation se font siib Inpsiim ou
infrn Inpsum; c'est pour ci'la i)u'ils furent
nommés sublapsaires ou infrulapanires. Voy,
ce mot. Ces deux partis se réunirent sous
le nom de gomaristes, pour condamner les
arminiens.
La dispute pour lors se réduisait à cinq
chefs : le premier rrgardail la irédcstiiKilion ;
le second, l'universalité de la rédemption ; le
troisième et le ipialriéme, qu'on Irailail tou-
jonrs ensemble, regardaienl la corruption de
l'homme cl si conversion ; le cinquième ron-
cernait la persévérance.— Sur la prédestina-
tion, les arminiens disaient, « qu'il ne faut
reconnaître en Dieu aucun décrel absolu par
lequel il ai^ résolu de donner .iésns-Cbiist
aux seuls élus, ni de donner non plus à eux
scu's, par une vocation efficace, la fi)i, la
juslificalion, la persévérance el la gloire;
mais qu'il a donné Jésus-Christ pour ré-
dempteur commun à totil le miinde, et résolu
par ce décret de justifier et de sauver tous
ceux qui croiront en lui, el en même temps
de leur donner à Ions les moyens sulfisanls
pour èlre sauvés ; que personui' ne périt
pour n'avoir point ces moyens, mais pour en
avoir abusé ; que l'élcctinn absolue el pré-
cise <ies particuliers se fait en vue de leur
foi el de leur |)ersévérance future; qu'il n'y
a d'élection que conditionnelle ; que la répro-
bation se fait l'e même, en vue île l'infidélité
et de la persévérance dans le mal. » Ce sys-
tème était direclement opposé tant à celui
des suprulapsaires qu'à celui des infialap-
laircs. — Sur l'universalité de la rédeoipiion,
les arminiens enseignaient « que le prix payé
par le Fils de Dieu n'est pas seulement suf-
fisant ;i tous, mais arUullemeni offert pour
tous el un chacun ; qn'iiucun n'est exclu du
fruit de la rédemption par un déeret absolu,
ui autrement que p;ir sa faute. » Doctrine
tonte différeiUe de celle de C;!i\in el des go-
maristes, qui posent pour dogme indubita-
ble que Jésus-Christ n'est mort en aucune
sorle iiue pour les prédestinés, el nullement
pour les réprouvés. Sur le troisième el qua-
trième chef, après avoir dil que la grâce est
nécessaire à tout bien, non-seuicment pour
l'achever, mais encore pour le commencer,
ils ajoutaient (jue la grâce n'est pas irrésis-
tible, c'est-à-dire (|u'on peut y résister ; ils
soutenaient qu'encore que la grâce soit don-
née inégalement , « Dieu en donne ou en
offre une suffisante à tous ceux à (]ui l'E-
vangile est annoncé, même à ceux qui ne se
.couveilissent pas, et l'olîre avec un désir sin-
cère et sérieux de les sauver tous : Il est in-
digne de Dieu, disaienl-ils, de faire semblant
de vouloir sauver, el au fond de ne le vouloir
pas; de pousser secrètement les hommes aux
péchés qu'il défend publicjuemenl, » deux
opinions monstrueuses qu'avaient introdui-
tes les premiers réformateurs. Sur le cin-
quième, c'est-à-dire, sur la persévérance,
ils décidaient que « Dieu donne aux vrais fi-
dèles, régénères par sa grâce, des moyens
pour se conserver dans cet état ; qu'ils peu-
vent perdre la vraie foi justifiante, et lomber
dans des péchés incompatibles avec la justi-
fication, même dans les crimes airoces, y
liersévérer, y mourir même, s'en relever par
la pénitence, sans néanmoins que la grâce
les contraigne à le faire. » Par ce sentiment
ils délruisaienl celui des calvinistes rigides;
savoir, ijue l'homme une fois justifié ne peut
plus perdre la grâce, ni totalement, ni fina-
lement ; c'esl-à-dire, ni tout à fait pour un
certain temps ; ni pour jamais et sans re-
tour. Les arminiens sont aussi appelés re-
montrants, par rapport à une requête ou re-
montrance qu'ils adri ssércnl aux élals géné-
raux des Provinces-Unies en lUll, et dans
laquelle ils exposèrent les principaux arti-
cles de leur croyance.
Leurs cinq articles de doctrine furent so-
lennellement condamnés par le synode de
Diirdreeht ; eux-mêmes furent privés de
leurs places de minisires et de leurs chaires;
il lut décide qu'à l'avenir personne ne serait
admis à la fonction d'enseigner sans avoir
souscrit à celle condamnation. Les qomaristes
supraliipsaircs firent tous leurs efforts pour
faire approuver par le synode leur sentiment
touch'nl la prédestination , mais ils ne jm-
renl pas en venir à bout ; les théologiens
anglais elil'aulies s'y opposèrent : ainsi, la
doi-trine étaMie à Dordrechtest celle des in-
fralapfaires. Mosheim, Hist. erclés. du xvir
siècli', secl. 2, part, ii, c. 2, § 11. Les décrets
de l'assemblée de Dordrccht furent reçus el
adoptés I ar les calvinistes de France, dans
un synode national tenu à Cbarenton en
11)23 : nous verrons dans un moment quels
en furent les fruits.
Dc[)itis leur condamnation, les arminiens
ont ])onssé leur système beaucoup plus loin
(|ue n'avaii fait Arminius lui-même : ils sunt
tombés dans le péiagiaiiisme , et se sonl fort
approchés des soeiniens, stirloul lorsqu'ils
avaient nour chef Simon Episcopius. (juand
les calvinistes les accusent de renouveler
une ancienne hérésie, déjà condamnée dans
les pelagiens et les semi-pélagiens, ils répli-
quent que la simple autorité des hommes ne
peut passer pour une preuve légitime que
dans l'Fglise romaine; que les calvinistes
eux-mêmes ont introduit dans la religion
une toute autre manière d'en décider les dif-
ferenils ; qu'il ne suffit pas de faire voir
qu'une opinion a été condamnée, mais qu'il
faut montrer qu'elle^» été condamnée à juste
tilre. Sur ce principe, que les calvinistes ne
sonl pas en état de réfuter, les arminiens re-
tranchent un assez grand nombre d'articles
de religiiin que les premiers appellent fon-
damentaux , p.irce qu'on ne les trouve point
assez clairement expliqués dans l'Ecriture.
Ils rejettent avec mépris les catéchismes et
les confessions de foi auxquels les calvinistes
veulent qu'on s'en tienne. C'est pouriiuoi
ceux-ei, dans le synode de Dordreclit, s'atla-
chèrenl beaucoup à établir la nécessité de
décider les différends de religion par voie
d'autorité, et revinrent ainsi aux principes
des catholiques, contre lesquels ils ut lant
379
ARM
ARM
380
déclnmô. Lps arminiens furent il'aboi'd pros-
crits en Hollande', où on les loliVe cependant
aujourd'liui. — Ils onl abandonné la doctrine
de leur premier maître sur la prcdeslination
el l'cleelion faites de toute clerniié, en coii-
séiiuence de la pnvision des mérites; Kpis-
copius a imaginé que Dieu n'élit les fidèles
que dans le temps, el lorsqu'ils croient ac-
tuellement. Ils pensent que la doctrine de la
Trinité n'est point nécssaire au salut, et
qu'il n'y a dans l'Ecilure aucun précepte
qui nous commande d'adorer le Saint-Esprit.
Enfin, leur jirand prin(i[)e est qu'on doit to-
lérer touies les sectes chrétiennes, parce (lue,
disent-ils, il n'a point été décidé jusqu'ici qui
sont ceux d'entre les chrétiens qui onl em-
brassé la religion la p'us véritable et la plus
conforme à la parole de Dieu.
On a distingué le> (inriniens en deux bran-
dies, par rapport au gouvernement et par
rapport à la rdiiiion. Les premiers ont été
nommés arminiens politiques , et l'on a com-
pris sous ce litre tous les Hollandais qui se
sont opposés en (luelquc diise aux desseins
des princes d'Orange, tels que MM. Barne-
Melt cl de >Yiil,el plusieurs autres réformés,
qui onl été viciimes de leur zèle pour leur
patrie. Les unniniens ecclésiastiques sont ceux
qui, professant les sentiments des remon-
trants, n'ont point de p.irt dans l'adminis-
tration de l'Etal, ils onl d'abord été vivement
persécuiés par le prince iMaurice; mais on
les a ensuite laissés en paix, sans toutefois
les admettre au ministère ni aux chaires de
Ihéologie , à moins qu'ils n'aient accepté les
acies du synode de Dordrecbt. Outre Simon
Episcopius, les plus célèbres entre ces der-
niers onl été Etienne de Courcelies el Phi-
lippe de Limborcli, qui ont beaucoup écrit
pour e<iposer et soutenir les senlimenls de
leur parti. — Le (élèbre Jean Leclerc l'.ivail
aussi embrassé. II est lorl douteux, dit Mos-
IiemijSi la victoire remportée sur les iirini-
nii'iis par les gomarisles fut avantageuse à
l'Eglise réformée en général. Pour nous, il
nous paraît qu'elle a couvert la prétendue
réfornic d'un oppr(ilire élcrtul. 1° Après avoir
posé, pour maxime fondamentale de celle ré-
forme que l'Ecrilure sainte est la seule règle
de foi , le seul juge des contestations en fait
de <lo(lrine, il élail bien absurde de juger et
de <oi)dainner les arminiens, non par le teste
seul de l'Ecriture sainte, mais par les gloses,
les commentaires, les o^licaiions (ju'il plai-
sait aux g niaristcs d'y donner. Quand on
jette les yi ux sur les passades allégués par
ces demie; s dans le synode de Dordreciil, ou
voit qu'il n'> en a presque pas un seul à la
lettre duquel ils n'ajoulen; quelque chose, el
que la plupart peuvent avoir un sens loul
différenl de celui (lu'y donnent les gomaris-
les. Les (iniiinieiis en alléguaient de leur
côté, auxquels leurs atlversaires ne répon-
dent point. De ijucl Iront jieut-on dire <|u'ici
c'est l'Ecrilure sainte qui décide la contesta-
lion, pendant que c'csl le fond même sur le-»
quel on dispute? 2" L'on a pi'iiiiî à retenir
hon indigualiuti quand un voit le synode do
JDordrecht se l'uuder sur la promesse que
Jésus-Christ a faite à son Eglise d'être avec
elle jusqu'à la consomm.-ilion des siècles,
pendant que tous les prolestants font profes-
sion de croire (]ue ce divin Sauveur a aban-
donné cette même Eglise immédiatement
après la mort des apôtres; que, pendant
quinze cents ans , il y a laissé introduire les
erreurs les plus monstrueuses el les supers-
titions les |iliis grossières, de manière que
celle Eglise n'ctuil plus l'épouse de Jésus-
Chiisl, mais la prostituée de B.ibyline, de
laqurlle il a f.illu se séparer au xvr siècle
pour pouvoir faire son salul.Que penser en-
core quand on voil les docteurs tie Dordrechl
rappeler l'exemple et la méthode des anciens
conciles , de condamner les erreurs , et que
l'on se souvient des déclamations fougueuses
que les proleslanls se sont permises contre
tous les conciles? Pour comble de ridicule,
ils citent la comluiie des princes et des sou-
verains qui ont protégé I'E;;lise contre les
attaques des hérctiiiues, après avoir cent fois
blâmé les empereurs qui se sont mêlés des
disputes de religion ; ils félicitent l'Eglise bel-
gique d'être délivrée de la tyrannie de l'ante-
chrisl romain et de l'hurribie idoldti ie du pa-
pisme, penilanl (lu'eux-mêuies exercent contre
leurs frères un des principaux actes de cette
prétendue tyrannie, en se rendant juges et
arbitres de la croyance, etc. — 3° Aussi les
arminiens ne manquèrent pas de faire à
leurs adversaires lous les reproches que les
prolestants ont faits contre le concile de
Trente, qui les a condamnés. Ils dirent que
ceux qui s'arrogeaient le droit de les juger
étaient leurs accusateurs et leurs parties;
qu'un synode devait être libre; que les ac-
cusés devaient y être adoiis à se défendre et
à se justifier; que leurs prétendus juges se
rendaient arbities de la parole de Dieu , etc.
On n'eut aucun égard à leurs plaintes ni à
leurs clameurs. Il est constant aujourd'hui
(jue le synode de Dordrechl ne fut autre
chose qu'une farce politique jouée par le
prince .Maurice de Nassau, prince d'Orange,
pour se défaire de quelques républicains (jui
lui faisaient ombrage, i o//. (iomakistes. —
4-" Mosbeim nous fait observer que les dé-
crets de Dordrechl, loin de détruire la doc-
trine d'Arminius, ne serviient qu'à la répan-
dre davantage et à indisposer les esprits
contre les opinions rigides de Calvin. Les
arwmjVns, dil-il, altaquèicnl leurs adversai-
res avec tant d'esprit, de courage et d'élo-
quence, qu'une mullilude de gens fut per-
suadée de la justice de leur cause. Quatre
provinces de Hollande réinsèrent de sous-
crire au synoile de Dordrechl; ce synode l'ut
reçu en Angleterre avec mépris , parce nue
les anglicans lémoignaient du respect pour
les anciens Pères, dont aucun n'a osé mettre
des bornes à la miséricorde divine. Dans les
Eglises de Brandebourg el de Brème, à (îe-
nèvc même, Varminianisme a prévalu. Mos-
heim ajoute que les calvini-les de France
s'en rapprochèrent aussi , alin de ne pas
donner trop d'avantage aux lliéologiens ca-
llioliques contre eux : mais il oublie l'accep-
tation lormelle des décrois de Dordrechl ,
581
ARN
ARN
382
faite dans le synode de Charenton on 1623.
Ou cotle acceplalion ne fui pas sincère, ou
les calvinistes ont rouRÏ dans la suite de
l'aveiiiçlenionl de leurs doileurs.
Nous ne Qnirions pas, si nous suivions en
détail toutes les absurdités, les erreurs, les
traits de dii[ilicité et de passion que l'on voit
dans CCS mêmes déirels. Ils se trouvent dans
le. recueil des confessions de foi des églises
proteslantrs. Bossuet, llisloire des Yiiriat.,
liv. XIV, § 23, etc.
Les lulhériens, non plus que les anglicans-,
n'ont pas pu se dissimuler que la censure
portée à Dordreclil contre Varmiiiiariisine re-
tombait directement sur eux. Mosheim a
fait une disserlation, dans laquelle il prouve,
1" qui' les cinq articles di; doctrine con-
damnés par ce synode sont le senliinent
commue, des lutiiérien< et de la plupart des
théologiens anglicans. 2" Qui; le synode, loin
de conilamiier la conduite abominable de
'Calvin, qui représtiile Dieu comme auteur
du péché, l'a plulô adoptée et confirmée. 3°
Que les décrets de Uordrecht ont été exprès
conçus en termes ambigus, pour laisser la
liberté de les entendre comme on voudra.
!• 11 réfute les sopliismes et les subterfuges
par lescjucls plusieurs théologiens calvinis-
tes ont \oiilu prouver que la censure de
ce synode n'iniéress lit point les luthériens.
5° Il montre le ridicule des éloges outrés
qu'ils ont faits de cette assemblée et de ses
décrets, et l'opprobre ilonl les calvinistes se
sont couverts en usant de violence envers
les anninienf:, paice qu'ils les ont regardés
comme hérétiques. G" Il conclut que cette
condiille est le plus grand obstacle que les
calvinistes aient pu mettre à leur réunion
avec les autres protestants, et le plus sûr
moyeu ((u'ils aient pu trouver de rendre la
di>i-ion éternelle. De aiictotitale concilii
Dorderal., paciaacrœ noxia, in-'i-", lldmstad,
172(i.
AKNALDISÏFS ou ARNAUDISTES, liéré-
tiiiues ainsi nommés d'Arnaud de Bresse,
leur chef. Ils parun nt dans le xir" siè-
cle ; ils invectivèrent hautement contre la
possession des biens ecclésiastiques qu'ils
traitaient d'usurpation. Ils rejetaient le bap-
tême des enfants, le sacrifice de la messe,
la piiéie pour les morts, le culte de la croix,
etc. Us furent condamnés au concile de L i-
Iran sous Innocent II, eu 1139. Arnaud,
après avoir excité des troubles à Bresse et
à i'.ome, fut pendu et brûlé dans celte der-
nière ville, cnlloj, cl sescendres furent
jetées dans le Tibre. Quelques-uns de ses
disciples, qu'on n immail aussi publicriiiis
ou iioiilicains, étant passés de France eu An-
gleleire vers l'an MC6, y fuient arrêtés et
di>si|iés. (iCite secte devint ensuite une bran-
che de l'hérésie des albigeViis.
Moslieiin, aptdogiste déclaré de tous les
liéiéti.iues, dit qu'Arnaud de Bresse était
un h'inme d'une eruiiiiion imniense et d'une
anslêrilé etoiinanle, mais d'un caractère,
tui'liuient et impétueux; qu'il ne parait avoir
adopté aucune doctrine incoin|)atible avec
l'esprit de la véritable religion; que les
principes qui le firent agir ne furent répré-
hensibles que parce qu'il les poussa trop
loin, et qu'il les exécuta ave<- un degré de
véhémence qui fut aussi criminel qu'impru-
dent; qu'à la fin il fut la victime de la ven-
geance de ses ennemis: que l'an 1155 il fut
cracifié et jeté au feu. flist. ecclén. du xir
fii'cle, ii« pari., c. 5, § 10. — Mosheim a
sans doute oublié qu'Arnaud de Bresse était
moine et disciple d'.Mi.iilard, et qu'il n'a
laissé aucun ouvrage qui prouve son éru-
dition ; il ne fallait donc pas lui en suppo-
ser, ajirès avoir peint tous les moines de ce
temps-l.i comme des ignorants. Celui-ci con-
damnait le baptême des enfants, le sacrifice
de la messe, etc. Il voulait que l'on dépouil-
lât les ecclésiastiques des biens qu'ils pos-
sédaient légitimement; il excita des sédi-
tions. Nous reconnaissons là les principes
et l'esprit des méteudus réformateurs; mais
est-il com[)atinle avec l'esprit de la vérita-
ble religion, qui défend de troubler l'ordre
public, surtout à un niuine sans autorisé?
Mosheim eût-il trouvé bon qu'un zélateur
de la pauvreté évangélique lui eût oté les
deux abbayes qu'il possédait'? Arnaud de
Bresse ne fut donc pas la victime de la ven-
geance de ses ennemis, mais justement puni
comme séditieux et perturbateur du repos
public; il ne fut point crucifié, mais attaché
à un poteau, étranglé et brûlé.
11 ne faut pas le confondre avec Arnaud
de Villeneuve , chimiste et médecin célè-
bre, qui pratiqua et enseigna son art avec
beaucoup de léputation en Espagne et à
Paris au commencement du xiv' siècle.
Mallieureusenienl il voulut faire aussi le
théologien; il enseigna dans ses livres qu'en
Jc'US-Clirist la nature humaine est ég île eu
toute:; choses à la Divinité, et a su tout ce
que savait la Divinité; que le démon a fait
périr la foi; que Dieu n'a point menacé de
la damnalion éternelle ceux (lui pèchent,
mais senlenienl ceux (jui donnent mauvais
exemple ; que le monde devait finir l'an
1335,610. Q iinze propositions extraites de
ses ouviaties furent condamnées, après sa
mort, par l'inquisition de 'l'arragone, parce
qu'elles av.iient des sectateurs en Espagne.
Mais il n'est pas vrai (pie cet auteur ait
été du nombre do ceux qui eurent de la
peine à se s< uslraiie à la main du bour-
reau, comme l'avauciî Mosheim, xnr siècle,
II' partie, c. 1, § 9. .\riiaud de Villeneuve
mourut dans le vaisseau qui le Iranspirt ait
en Italie, où il était appelé pour traiter avec
le pape l>lémenl V. Voy. Dict. des lier., par
Plui|iiei [edit. Migne], qui cite ses garants.
ABNOIJE, professeur dii rhétorique à Sicca
en .Mrique, se convertit au christianisme
pend'anl la persécution de Dioclétien, et
mourut au commencement du n° siècle; il
eut pour disciple Lactance. Après sa con-
version, il écrivit en sept livres un ouvrage
contre les (jeniUs, où il fait l'apolog f d • la
ndigion chréUenne, et réfute la doctrine des
païens. Comme il n'était pas encore parfai-
tement instruit de nos dogm s, on lui re-
proche d'être tombé dans quelques mépri-
385
ART
ART
384
ses ; mais le P. Le Nourry et dom Cellier
l'ont justifié sur plusieurs articles. On n'a
point encore de meilleure édilion de cet ou-
vrage que celle d'Amsleidam en 1G5I, in-i".
Barbeyrac, Traité de la morale des Pères,
c. 4,. § 3, note, accuse Aniol/e d'avoir ensei-
gné que Dieu n'est point le créateur des in-
sectes ni des âmes humaines ; mais après
une lecture alleniive, il nous par.iîl qu'il a
seulement voulu dire que si l'on s'en Icnait
aux notions philosophiquis ei aux lumiè-
res que l'on jjouvail puiser chez les philo-
sophes, on ne pourrait jamais démontrer
que les insectes et les âmes humaines sont
l'ouvrage immédiat de Dieu ; et que l'on ne
pourrait donner des ré[)onses satisfaisantes
à ceux qui souienaient le contraire ; qu'ainsi
c'est de la révélation seule qu'il faut ap-
prendre ces vérités,
11 ne faut pas confondre cet auteur avec
Arnobe le jeune, prêtre de Marseille, qui
vivait vers l'an h-GO, qui a fait un commen-
taire sur les psaumes, et qui est accusé de
semi-péla^ïiauisMie.
ARUHABONAlRRS,nom qu'on donna aux
sacramentaires dans le xvr siècle, parce
qu'ils disaient que l'euiharislie est donnée
comme le gage du corps de Jésus-Christ, et
comme l'investiture de l'hérédité promise.
Stanciiarus enseigna celte doctrine en Tran-
sylvanie. Voy. Praté Ir, au mot Aiiruabo-
NAiREs. — Ce mol est dériié du laiin arrha
ou arrhabo, arrhe, gage, naniissemcnl. Les
catholiques conviennent (|ue l'eucharistie
est un gage de l'immorialité hienheiireuse,
mais que c'est là un de ses elTels, et non son
essence, comme le soutenaient les hérétiques
dont il est ici question.
ART. Certains critiques, fort mal ins-
truits, ont accusé le christianisme d'avoir
contribué à la dégradation des aits. Tour
peu que l'on ail lu l'histoire, on sait que ce
fut en iiurope un ellel de l'inondation des
Barbares, et en Asie une suite des ravages
des mahométans; que sans la religion chré-
tienne tous les arts de dessin auraient été
anéantis. Les mahomi tans ont en horreur
les stat' es : les iconoi lastes, pour leur [ laire,
brisèrent les images; les barbares venus du
Nord élaii lit trop grossiers pour faire aucun
cas de la peinture, de la sculpture, de l'ar-
chitecture, de Viirt des décorations; toute
pompe extérieures fut bannie, excepté du
culte divin et des temples du Seigneur. C'est
là qu'il s'en est conservé un reste de goût,
qui s'est ranimé à la renaissance des lettres;
et celles-ci n'ont été préservées (li; leur
ruine entière que par la religion. Voij.Let-
TBIÎS, SCIKNCRS.
AiiT DK- Esprits, ou art nnyéliquc, moyen
superstitieux pour acquérir la connais-
sance de tout ce qu'on veut savoir avec le
secours de son ange gardien ou de quelque
antre bon ange. On distingue deux sortes
d'art finr/^/iV/iie.-riin obscur, qui s'exerce par
la voie d'élévation ou d'extase; l'anlre, clair
et distinct, lequel se pratique par le minis-
tère des anges, qui apparaissent aux hom-
mes sous des formes corporelles, et qui s'en-
tretiennent avec eux. Ce fut peut-être cet art
dont se servit le père du célèbre Cardan ,
lorsiiu'il disputa contre les trois esprits qui
soutinaii nt la doctrine d'Averroës , et qu'il
reçut ou crut recevoir des lumières d'un gé-
nie qu'il eut avec lui pendant trente-irois
ans. Il est certain que cet art est supersti-
tieux, puisqu'il n'est autorisé ni de Dieu ni
de l'Eglise, et que les anges, par le minis-
tère de quels on suppose qu'il s'exerce, ne
sont autres que des es|>rits de ténèbres et des
anges de Satan. D'ailleurs, les cérémonies
dont on se sert ne sont que des conjurations
pnr lesquelles on oblige les démons, en vertu
de quehiue pacte, de dire ce qu'ils savent,
et de rendre les services (ju'on exige d'eus.
Voy. Art Notoiriï. Cardan, lib. xvi, de rer.
Variel. Thiers , Traité des superstitions ,
lom. L pag. 275.
Art notoire, moyen superstitieux par le-
quel on promet l'acquisition des sciences par
infusion et sans peine, en pratiquant quel-
ques jeûnes et en faisant certaines cérémo-
nies inventées à ce dessein. Ceux qui font
profession de cet art assurent que Salomon
en est l'auleur, et que ce fut par ce moyen
qu'il acquit en une nuit cetle grande sagesse
qui l'a rendu si célèbre dans le monde. Us
ajoutent qu'il a renfermé les préceptes et la
ui;thode de cet art dans un pelil livre qu'ils
prennent pour modèle. \'oici la manière par
laquelle ils prétendent acquérir les sciences,
selon le témoignage du père Deirio : ils or-
donnent à leurs aspirants de fréquenter les
sacrements, de jeûmr tous les vendredis au
pain et à l'ea'!, et de fair.' plusieurs prières
pendant sept semaines ; ensuite ils leur pres-
crivent d'autres prières, et leur lonl adorer
certanes imuges les sept prem ers jours de la
nouvelle lune, au lever du soleil, «iurant trois
mois ; ils leur font encore choisir un jour où
ils se sentent plus |)ieu\ qu'à l'ordinaire et
plus di'.posés à recevoir Ls ins|)irations di-
vines : ces jours-là ils les font mettre à ge-
noux dans une église on oratoire , ou en
pleine campagne, et leur font dire trois fois
le premier verset de l'hymne Vent, Crentor
Spiritus, etc., les assurant qu'ils seront après
cela remplis de la science comme Salomon,
Il s prophètes et les apôtres. Saint Thomas
d'Aquin montre la vanité de cet art pré-
teiiiiu : saint Atitonin, a. cliev'èque de Flo-
rence, Denys le Chartreux, Cer^on et le car-
dinal (^^.ijelàii, prouveiil (|ue c'est une curio-
sité criminelle par laquelle on lente Dieu, et
un pacte tacite avec le démon : aussi cet art
ful-il couilaniné comme supersiitieuv p ir la
faculté de théologie de Paris, l'an i;!20. Deirio,
Disquis. Miif/ic. , part. 2. Thiers, Traité des
sitperstiiioiis , ibiJ.
.\rt dk SjV >t Anselme, moyen de guérir
les plaies les plus dangereuses, en louchant
seulemenl aux linges qui ont été appliqués
sur les blessures. Quelques soMats italiens,
qui font encore ce métier, en attribuent lin-
venlion à saint Anselme; mais Deirio assure
que c'esi une sui)erstilion inventée par An-
selme de Piirme, lamcux magicien, et remar-
([ue qiie ceux qui sont ainsi guéris, si toute-
s:3
ASC
fois ils en p;uérissenl, retombent ensuite dans
de plus grands maux, et finissent malheu-
reuscmeut leur vie. Delrio , Bisquis. Magic.
liv. I.
Art de saint Pai l, sorte d'nrt notoire,
que (juclques superslilioux disent avoii' élé
enseigné par aninl Paul, après ((u'il eut été
ravi jusqu'au troisième ciel : on ne .'.ail pas
bien les cérémonies que pratiquent ceux qui
prétendent acquérir les sciences par ce
moyen, sans aucune élude et par inspira-
lion ; mais on ne peut douter qui' cet art ne
soit illicite; il est constant (lue sainl Paul n'a
jamais révélé ce ((u'il ouït dans son ravisse-
ment, puiS(]u'il dit lui-incme qu'il entendit
des paroles inelTabIcs, qu'il n'est pas permis
à un homme de raconter, l'of/. Art notoire.
ïhiers, Traiié des superstilions.
* AllTÉMONITES. Héieli(|iies qin reconnaissaient
AitéTnoii piuir niallre. Cel liéiésiari|iie avait adiiplé
les piiiicipiis (le Tliéodoie (Vo!/. TliéïKlulieiis). il en-
seignait que la divinité ne s'était unie à l'humanité
de Jésus-Clirist qu'à la naissance du Sauveur du
monde, et <\ue le Messie ne pouvait (primpiopre-
nient éire appelé Dieu. Aitémon conipie (iuel(]ucs
sectateurs à home.
AIITICLE DE FOI. Voij. Dogme.
* AiiTicLKS FONDAMENTAUX. Lcs proiesianis, pour
réunir lems diverses secics en une seule, ont divisé
les dogmes en rundanieiilaux et non t'ondameiitaux ;
les premiers sont ceux qu'on doit admettre pour fai-
re partie de la véritable Eglise de Jôsus-Clirisl. On
peut admettre ou ri jeter les seconds. Mous evami-
nerons S|iécialenieMi ce système à l'art. Jubieu, ob-
seivons seulement ici que les piotesianis n'ont pu
s'entendre sur le nombre de louis articles fondamen-
(aux, et que (|neli|ues-uus ont réduit le christianisme
à une pure école de philosophie.
* AriTitXES ORGANIQUES. Nuus avons apprécié les
articles oigain(|ues dans le Diclioimaire de rhéologie
murale, ^ous y avons joint les réclamations que le
cardinal Capraia lit contre ces articles. Nous nous
conltiilons d'y renvoyer.
ARTOTYIUTES. Voij. Montanistes.
AUUSPICE. Yoy. Divination.
ASCENSION, se dit pro|)rement de l'éléva-
tion miraculeuse de Jesus-Cbrist qir nd il
monta au ciel en corps et en âme, en pré-
sence et à la vue de ses apôtres.
Tcriiillien fait une énumération succincle
des dilTérenles erreurs que l'on a enseignées
sur Wisceiision du Sauveur. Les apelliles
pensaient que Jésus-Christ laissa son corps
dans les airs ( saint Augustin dit qu'ils pré-
tendaient que ce fut sur la terre) , et (]uil
monta s ins corps au ciei : comme .lésus-
Chrisl n'avait point apporté de corps du i iel,
mais qu'il l'avait reçu îles éléments ou monde,
ils soutenaient qu'en r<'lonrn.ciil au ciil il
l'avait restitué à ces éléments. — Les séleu-
cicns et les liermiens croy lient que le corps
de Jésus-Christ ne monta pas plus haut (|ue
le soleil, et qu'il y resta on dépôt. lU se fon-
daient sur ( e passage des psaumes : Il a
place son labcrnai-le dans le so/ei7. •Saint Cré-
goire d.e Nazianze attribue la même opinion
aux manichéens.
Le j piir de V Ascension est une féîe célé-
brée par ri';gli.e <lix jours avant la Penle-
cole, en mémoire de i'ascemiun de Notre-
Seigueur. Seloa saiut Augusiiu ( Episl. 118,
ASC 386
n. 1), elle a élé instituée par les apôtres ma-
nies. La célébration en est commandée par
les Constitutions aposloli(|ues, I. viii, cap. 3
(Tliomassin. l'raité den fi'les, p. 370).
(Juelques incrédules moderin's ont com-
paré malicicnscment Vascension de Jésus-
Christ à l'apolliéose de Koiniilus, pour insi-
nuer (]ue l'une n'est pas mieux prouvée que
l'autre. Selon l'histoire romaine , un seul
homme a dit que Uomulus lui était apparu
et l'avait assuré tie son transport dans le ciel.
Yoy. Tile-Live. Il ne risquait rien d inventer
celle fable. Douze apôtres et uni- multitude
de d sciples ont assuré (|u'ils avaient vu Jé-
sus-Christ ressuscité s'élever au ciel, et ils
ont répandu leur sang pour sceller la vérité
d(! leur lémoignage. L'apolliéose de Romu-
lus n'avait été ni prévue ni prédite; elle fut
imaginée pour écarter le soupçon d'un régi-
cide commis par les sénaleiirs ; la résurrec-
tion et Vascensioii de Jésus-Christ avaient
été annoncées par les prophètes et par lui-
même ; ces deux prodiges ont fondé le chris-
tianisme. On pouvait croire sans consé-
quence ou ne pas croire la fable de Romu-
lus ; ou ne pouvait pas être chrétien sans
croire la résurrection et lascension de Jé-
sus-Christ, professées dans le symbole, et l'on
ne pouvait embrasser le christianisme sans
s'exposer à la haine des Juifs et des païens.
Personne n'a eu iiilérèl de contester la divi-
nité de Romulus ; elle se conciliait très -bien
avec le système du paganisme : les Juifs, au
contraire, ont eu un très-grand intérêt à dé-
montrer la lausselé de la naeration des apô-
tres, et pour l'adopter il fallait renoncer au
judaïsme ou au paganisme. La fable de Ro-
mulus n'a pu servir (]u'à rendre les Romains
ambitieux, usurpateurs, ennemis de l'uni-
vers entier ; la croyance de la divinité de Jé-
sus-Christ a banni du monde les folies, l'im-
piété, les c rimes du paganisme, a établi le
règne de la vérité el do la vertu. Voilà des
différences incontes la blés.
ASCÈ l'ES, du grec, àay.n-ri^, mol qui signi-
fie à la lettre une personne qui s'exerce, qui
travaille. Ce nom a élé donné eu général à
tous ceux qui embrassaient un genre de vie
plus austère, el qui par !à s'exerçaient plus
à la vertu, ou travaillaient plus fnrlement à
l'acquérir que le commun des hommes. En ce
sens, les esténiens chez les Juifs, les pytha-
goriciens entre les philosophes, pouvaient
être appelés ascètes. Parmi les chrétiens, dans
les premiers temps, on donnait le même ti-
tre à tons ceux qui se dis inguaient des au-
tres par l'ansiérité de leurs mœurs, qui s'abs-
tenaient, par exemple, île vin et de viande.
Depuis, la vie monasii(iue ayant élé mise en
honneur dans l'Orient, et regardée comme
plus pirfaite (|ue la vie commune, le nom
d'asn'tes est demeuré aux moines, et parti-
culièrement à ceux qui se retiraient dans les
déserts, et n'avaient d'autre occupation qur
de s'exercer à la méditation, à la lecture,
aux jeûnes et aux autres mortifications. On
l'a aussi donné à des religieuses ; en consé-
quence on a nommé asceleria les monas-
tères, mais surtout certaines maisons daub
587 ASC ASC 388
lesquelles il y avait des moniales et des aco- les philosophes platoniciens et pythaeoriciens,
lytcs, dont riiffirc éiail (i'ensevi'lir les iiiorls. (ioiii Pori hue a r lido les fol'es idées dans
Les Grecs doiincnl pénéraleMient le lunn sw\ Trnilé de Vabstnence ; la seconde fui la
A'ascèas à tous les moines, soil anachorètes mélancolie qu'inspir • nalurellenicnt le cli-
el solil.iiiCS, suit cénobiles. mal de l'K^ypIe, maladie de laqu lie e(aieiil
M. d(> A'aiois, dans ses noies sur Eusèbe, alïcetés les esséniens et les Ihéiapiule-, qui
el le père Pagi. remarquent que, dans les av.iieiil déjà mené celle vie triple el lugubre
premiers temps, le mun d'a.«C''<es et celui de longtemps avant la venue de Jes'S-t hrist.
moines n'étaient pas synonymes. Il y a lou- De la, dil-il, elle passa dans la Syrie el dans
jours eu des ajife/p* dans l'Kulise, et la viemo- les contrées voisines, dont les lialiiiaiils sont
nautique n'a commencé à y être en honneur à peu près du même lempéraruenl que les
queilans h* iv° siècle, liingham observe plu- Egypiiens ; et dans la suile elle inTcla mê-
si<urs différences entre les moines anciens nie les nalions européenne* : telle a été l'o-
cl les asri'les ; par exemple, <iuc ceux-ci vi- rii-me des voeux, des tnorlificalidus monas i-
vaient dans les villes, qu'il yen avait de ques, du célibat des préties, des pénitences in-
toute coiidilion, même des clercs, et qu'ils fructueuses etdes autres supersiitions qui ont
ne suivaient point d'auires règles parlicu- terni la beauié et la sirnpiiciié du i hristia-
lières que les lois de l'Eglise, au lieu que les nisine. Jlist. ecclés. du secavd siècle, ii' part.,
moines >ivaient dans la solitude, étaient cap. .3, S 11 el suiv. C'e^t le langapede tou« les
tous laïques, du moins dans les commence- proteslanis. — Ainsi, suivant leur opinion,
nifnls,elassujeltis aux règlesou conslituiions c'est dès le second siècle, et immédiatement
de leurs fondateurs. De là on a nommé vie après la mort du dernier des aiôlres, que le
<isiéiiqi(e la vie que men.iient les chrétiens christianisme a conmiencé à se corrompre, à
fervents, — Elle con>.isiait, selon M. Fleury, devenir un cbaos d'erreurs et de supersii-
à pratiquer volontairement tons les exercices tions ; ce sont les disciples mêmes des apôlres
de la pénitenee. Les (iscnliques s'enf rmaient qui onl prél'éréà la doctrine de leurs maîtres
d'ordinaire dans des oraisons, on ils vivaient celle des philo-ophes païens, el qui ont fait
en grande retraite, gardant la coutinenee, et dominer celle-ci dans l'Eglise. El c'est ainsi
ajoutant à la fiiigaliié chrétienne des absli- que Jésus-Cbrist a tenu la promesse qu'il
nenees et des jeûnes extraordinaires. Ils pra- avait faite d'être avec son Ei^lise jusqu'à la
tiquaient la sérophagit! ou nourrilurc sèche, coi>sommalion des siècles. Quand on consi- X
et les jeûnes de deux ou trois jours de suite, dère ce système des protestants, on est tenté ■
ou plus encore ; ils s'exerçaient à porter le deleur demander s'ils croienlen Jésus-Christ,
cilice, à marcher nu-pieds, à dormir sur la Au mot Conseils Evancéliqi es, nous fe-
lerre, à voilier une grande partie de la nuit, rons voir que la distinciiou que les premiers
à lire assidûment l'Ecriture sainte, à prier chrétiens en ont faite d'avec les préceptes, X
le plus continuellement qu'il était possible, n'a pas été une vaine imagination de leur I
Telle était la \ ie osce/Z^ue : de grands évê- part, et que Jé>us- Christ la f;iite lui même ; ■
qnes et de fameux docteurs, entre autres que c'est lui qui a dit (in'il y a quelque chose
Origène, l'avaient menée. On nommait par de plus parlai! que ce qu'il a prescrit ou or-
cxeelleiiie ceux (jui la pratiquaient, les élus donné à tous les hommes, el qu'en le faisant
entre les élus, èzAeiiTM-^ r/).ey.-;oér,oi. Clément on peut mériter une pins grande récompense.
Alexandrin, Eusèbe, Ilisl., I. vi, cap. 3. Ici nous avons à prouver ((ne c'est encore
F\cury, Mœurs des chrétiens, ii^ part., n. 20. lui (|ui a donné l'exemiile de la vie ascétique,
Bingham, Oricj. ecclés., \iv. vu, c. 1, §6. et (|ueses apôtres l'ont pratiquée comme lui ;
On conçoit que la vie uscélKjue, telle que les ihiétiens n'ont donc pas eu besoin d'en
nous venons de la décrire, ne pouvait mau- aller chercher le modèli chez les philosophes
quer de déplaire aux protestants, et qu'il est païens, ni chez les esséniens ou chez lus thé-
de leur intéiét de la faire envisager comme rapeulcs juifs.
un elïel de l'enlhousiasme de quelques chré- Jésus-Christ a loué la vie so'itiirc, péiii-
tiens mal instruits. Ce fui, selon leur opinion, tente, chiislc et mortiliée de saint Jcan-Bap-
une erreur (apitale, un système exiravagant, liste (Mndh.n, H), vie itscétiqite, s'il en lut
qui a causé dans Ions les siècles les plus jamais ; il a pratiqué lui-même la i ha^teté,
grands maux dans l'Eglise. Un distingua, la pauvielé, la mortificaiion, le jeûne, le re-
dit Mosbeim, les jiréttpies que Jésus-Ctirist noiK'emenl à toutes choses, l.i prière conli-
a établis pour tous les hommes, d'avec les nuelle ; tout cela cependant n'est pas coin- ■
consci7s auxquels il a exhorté senleinent quel- mandé à tous les boMim( s : nous persuadera- ■
ques personnes ; on se llatla de s'élever. p;ii la l-on «[u'il y a de l'enlhousiasme et de la 1
pratique de ceux-ci, à un degré supérieurde folie à vouloir imiter JcsUs-Chri-t '? Il dit
vertu et de sainteté, el dcjouird'une union plus qu'il y a des hommes qui se sont fails euiiu-
intime avec Dieu, Dans cette persuasion, qiie< pour le royaume des rienx (.Wa'//*, xix,
plusieurs chrétiens du ir siècle s'interdirent \-l). Il appelle hienlieureiix ceux qui pleurent ;
l'us.ige du vin, de la viande, du mariage, il prédii que sesilisciples jeûneront lorsqu'ils
du commerce ; ils exlénuérent leui's cor|)S seront prn es de sa présenc<' ; il leur promet
par des veilles, l'alislinence, le travail el la le cenluple, parce qu'ils onl tout quilié pour
faim ; bienlûl ils allèrent du r( lier le bonheur le suivre (v, 5 ; i\, l'i ; xix. ^i)J. Il ne reste
dans les déserts, loin de la soiiétédes hom- aux prolestants qu'à se joindre aux iiicrédu-
mes. Ce travers d'esprit lui a paru né lie deux les el a dire comme eux ([ue Jésus-Christ
causes : la première tut l'ambiliun d'iuiiler était d'un caractère austère, fàchcii^L, mélan-
âSO
ASË
ASl
396
colique, comme les Egyptiens ; qu'il avait élé
ui' u- parmi les cs'iéniens, el s'oiail imliii de
leur morille alrabihiiro ; que le clirislianis-
ine, tel qu'il l'a prêché, u'esl propre qu'à
(les moines. — ils auront encore le même
leproche à faire à s^iint Paul : Je cliâlie mon
101 ps et je le réduis en servidute, ilit-il, f/ê
peur qu'aprh avoir jjréihé uw-r autrex, je ne
soin mot-même réprouvé [l ('or. ix, 27,i. Ceux
qui sont à Jésus-Christ crucifient li'ur ctiair
avec SIS vices et ses canvoitises [Culat. v, 2V).
Montrons-nous dignes ministres de Dieu, par
la patience, par les souffrances, parle travail,
par lcsr<-llles, i,ar les jeûnes, etc. (// Cor.v.,
kj. Il a loue la vie [«luvre, ausière el peiii-
liiitc des prophèies(//eir. x ,37). Nous avons
clicrclié vainomeiil dans les coiiimenlaieurs
pi olesianisdesexplic.ilionsel des sublerluges
pour esquiver les con^équences de ces passa-
ges : nous n'y en avons point trouvé ; nous
sciOiis force de les répéter aux mots Absti-
NENCK, Ci.L BAT, Ji;l!NE, MoUTl IICA P. ON, Mo:-
NEs,\'oEU, etc., parce que les proleslanls ont
blâmé toutes ces praluiues avec la mèuie
Opiiiiâtrelc cl toujours sans foiuleiiienl.
Mais ils se flaltent de repondre à loul par
un seul passa?;e de saint l'aul, qui dii à
Timolliee (/ Tim. iv, 'i) : « Exercez-vous
à la |)ii lé; car les exercices corporels sont
utiles à peu de chose , mais la piélé est
uliie à loul; elle a les promesses de la vie
préseiit(' el de la vie future. » La question
est de savoir si , par exercices curporels,
l'apôtre entend la prière , le travail , les
veilles, les jeûnes, etc., qu'il recommandai!
aux fidèles : dans ce cas l'apôtre se serait
coiilrcdil grossièrement, cl nous demande-
rions encore ce qu'il faut entendre pur s'exer-
cer à la piélé. Pour nous, qui craignons de
mcltre saint Paul en contrailii lion avec lui-
même, nous pensons que, par les exercices
corporels, il a entendu la course, la luile, ie
pugilat, le jeu du disque el les autres exer-
cice* Violenls dont Ifs Grecs et les Uomains
faisaient beaucoup de cas el beaucoup d'u-
sage; que s'exercer à la piélé, c'est s'occu-
per de la prière, de la médiialion, de la lec-
lurc, des louanges de Dieu, des veilles eldes
jeu. es, comme l'apôlre le recommande, et
cointiie faisaient les ascrles de l'Eglise pri-
mitive : nous soutenons que ces exercices
font partie de la vraie pieté, a laquelle Jé-
sus-Clirist a promis les récompenses de la vie
présente et de la ^ie fulure [Maltli, xix,
2!)).
ASCITES, ASCODIIUGITES , ASCODRU-
PlThS, ASCODltUlES. Yoy. M intanistes.
ASEITE, lerme laclice, dérivé du iaiin tns
a se, être qui existe de lui-même, par la iié-
cessilé de sa uaiure.Cel atlriliul ne convient
qu'a Dieu, il se lestât ribué lui-même, lors-
qu'il a dit : « Je suis l' litre ; vous direz aux
« Israélites : Celui qui est m'a envoyé vers
« vous. » [Exod. m , \k.) De cet attribut
de Dieu s'ensuivent tous les autres. En
efî.i, lien n'est borné sans cause : or, l'élie
nécessaire, qui exisle de soi-même, n'a point
de cause; il est lui-même la cause de tout ce
qui exisle hors de lui : un ne peut donc le
supposer privé d'aucune perfection, et au-
cune (les perfections qui lui appai tiennent
par nécessilé de nature ne peut élre bornée.
l,a raison pour laquelle loul élre créé a des
bornes, csi que le t>éateur a élé le maiire
de lui donner tel degré de perfeclion qu'il lui
a plu; de là vient l'inégalité iles êtres crées.
Consi-i|iiemmenl les théologiens regardent
Xasèilé comme l'essence de Dieu , comme
l'allnbul qui le distingue éminemment de
Ions les anlres êtres. Par là on démonlre en-
core, contre les matérialistes, que la matière
n'est point un être nécessaire, éternel, exis-
tant de soimême, puisqu'elle a des bornes,
el qu'elle n'est certainement pas douée de
loule perfection.
Malgré l'évidence de ce raisonnement ,
Beausubre a écrit que les anciens philoso-
pher ne le concevaient pas ainsi; que, selon
leur sentiment, la nécessilé d'éire, ou l'éler-
nilé, n'emporlaii pas tonte perfeclion, el il a
douté si les Pères de l'Eglise le concevaient
mieux. Ilisl. du Manick., 1. ni, c..'!, § 4-. Peu
nous iiiiporie de savoir si les anciens philo-
sophes raisonnaient mal; cependant Mos-
heim, dans sa Dtssert. sur la créaiion, a cité
un passage d'Hiéroclès, qui prouve (]iie ce
plaionicien comprenait tiès-liien les consé-
quences de Vasétlé. (Juant aux Pères de l'E-
glise, Tertullien, dans son livre contre Her-
iiiogène, c. k et suiv., a consUimment rai-
sonné sur le principe que nous venons d'éta-
blir, et il l'a développe en profond métaphy-
sicien. Beausobre lui-même a cite un passage
de saint Denis d'Alexandrie, qui prouve que
cclévêque a pensé comme Tertullien. Celui
que lieausobre allègue iie saint Augustin ne
conclut rien, et l'on pourrait en ciler vingt
autres dans lesquels le sainl docteur établit
que l'être est le caractère propre de Dieu,
qu'en lui l'être ou l'eSsence emporte loiile
perfeclion, qu'aucune perfection n'est distin-
guée de son essence, etc.
Il ne faut pas confondre, comme a fait
Spinosa, l'être qui existe par soi-même, ptr
(e, sans avoir besoin d'un sujel on d'un sup-
pôt dans lequel il subsiste, avec l'être qui
existe de soi-même, a se, sans avoir aucune
cause de son existence; le premier de ces
caractères est le propre de touie substance ;
le second ne convient qu'à l'être néci^ssaire,
qui est Dieu. C'est sur celle cnulu^iou des
termes que Spinosa fonde sou paradoxe,
qu'il n'> a dans l'univers qu'une seule sub-
stance qui esl tout.
ASIATItjLES, ASIE. Imlépondamment de
l'attai licment opiniâtre des Asintiques à leurs
anciennes mœurs, on conçoit (ju'il n'a pas
été aisé de faire tioûler la morale elirétienne
à lies peuples aussi livrés au luxe el à la
mollesse, tj'est là cependant que le cliristia-
ni>nie s'est él.ibii d'atiord, et qu'il a fait des
progrès rapides ; l'Aste mineure, la Syrie,
l'Ariénie, la Perse, ont vu écio;e îles pro-
diges de vertus dont on n'aval pas seule-
ment l'idée avant la naissance do christia-
nisme, il n'est presque pas po-sili e de con-
vertir aujourd'hui les Turcs qui habitent ces
mêmes contrées; les p.i'iens devaient élre
391
ASS
pour le moins aussi vicieux et aussi opiniâ-
tres que le sont les ninhotuétans. Pline, dans
sa Li lire à Trnjan , Lucien dans ses Dialo-
gues, Julien dans ses Lettres, rondenl témoi-
gnage aux vertus des cliréliens; c'est une
preuve que cette religion a fait dans ios
mœurs des peuples autant de changi'inenl
que dans leur crojance. On ne peut en dire
autant d'aucune autre religion de l'univers.
ASILE. Voij. AsYi.Ë.
ASLMA. Toi/. Samaritain.
AS.MODAl ou A5-M0DÉK, est le nom que
les juifs donnent au prince des dénions,
comme on peut voird.insla paraphrase clial-
daïque sur l'Ecclésiasti'iue , cap. i. Uat)bi
Elias, dans son dictionnaire intitulé Tliisbi,
dit qu'Afmoclat est li- même (juc S.iuiael qui
tire son nom du verbe iiebreu samad, dé-
truire; et ainsi .-Ismof/at signifie un démon
destructeur.
ASPERSION, du latin osperg-ere , arroser.
C'est l'action de jeter de l'eau çà et la avec
un goupillon ou une branche de ([ueique
arbrisseau.
Ce terme est principalement consacré aux
cérémonies de la religion pour exprimer l'ac-
tion du prêire, lorsque dans l'eglise il répand
de l'eau bénite sur les assistants ou sur les
sépultures des fidèles. La plupart des béné-
dictions se terminent par une ou plusieurs
aspersions. Uans les paroisse.-, ['aspersion de
l'eau bénite tous les dimanches précède la
grand'messe. — Quel(iues-uiis ont soutenu
qu'on devait donner le baptême | ar asper-
sion; d'autres prétendaient que ce devait
être par immersiou, et cette dernière cou-
tume a été assez longtemps en usage dans
l'Eglise. On ne voit pas que la première y
ait été pratiquée, si ce n'est peut-être lors-
qu'il fallait baptiser un grand nombre de
personnes en même temps. Voy. ['Ancien Sa-
cramentaire par Grandcolas, seconde partie,
p. 71, et l'article PuKiFiCATioN, — Les païens
avaient leurs nspersiuns, auxquelles ils attri-
buaient la vertu d'expier et de purifier. Les
prêtres et les sacrificateurs se préparaient
aux sacrifices par dis ablutions; c'est pour-
quoi il y avait a l'entrée des temples, et quel-
quefois dans les lieux souterrains, des ré-
servoirs d'eau oij ils se lavaient. Cette ablu-
tion était pour les dieux du ciel ; car pour
ceux des enfers, ils se contentaient de l'ai-
persion. Voy. Eau uicnite.
ASI'HALTE , lac Asphaltite. Voy. Mer
MORTE.
♦ ASSEMBLÉES UELIGIELSES. Itéiiiiion de per-
sonnes diiiis un liiil religieux. — Cuiiniic on peut se
réunir pour dilléivnls liiits religieux, pour la piiire,
pour regloi les allaires d'un diocèse, pour lixor les
dogmes de l'hglise et la disci|p||iif générale, de là
plusinns sortes U'asseuihlées religieuses qui oui re-
çu dillérenis noms selon leur objel. Les unes sont les
SvN"i)i:s {Voy. ce moi) ; les amies sont les Conci-
les {Yoij. ce mol). Celles <|iii se (ont dans le temple
sailli pour la celéhralHin di's ^aillls mysiéres cl de
l'ollice divin rr.lii-nnenl le nom gciiéi ii|ue d'assem-
blées religieuses. Dans loiiie soc eié Ine.j organisée,
il ne peut y avoir de réunions imljliques sans l'.issen-
tiiiicni des supérieurs ; c'est à eux a régler tout ce
qni les concerne.
ASS 392
ASSIDÉENS ou HASIDÉENS , socîe de
Juifs, ainsi nommés du mot hébreu hknsidim,
justes. Les assidéens croyaient les œuvres de
surérogation nécessaires au salut; ils furent
les predéceseurs dos pharisiens, desquels
sortirent les esséniens qui enseignaient
comme eux que leurs traditions étaient plus
purlaites que la loi de .Moïse.
Serrarius, jésuite, et Drusius, théologien
prolesianl, ont écrit l'un contre l'auire lou-
chant les avsjrfcefts, à l'occasion d'un pas-
sage de Joseph, fils de Gorion. Le premier»,
soutenu que, par le nom d'as-sid^êns, Jose|)h
entend les esséniens, et le second a prétendu
qu'il entendait h s pharisiens. Il serait facile
de concilier ces d ux sentimenis, en obser-
vant qu'«s.s/(/^e/is a été un nom générique
donné à toutes les secies des Juifs qui aspi-
raient à une perfection plus haute que celle
qui était prescrite p.ir la loi : tels que les
cinéens, les réchabiles, les esséniens, les
pharisiens, eic, à peu près comme nous
comprenons aujourd'hui sous le nom de re-
ligieux et de cénobites tous les ordres et les
instituts religieux. Mais tous les assidcens
n'ét.iient pas pharisiens. Brucker, Hist. de ia
Philos., tome 11, p. 7i3.
ASSISTANCE, secours particulier que Dieu
accorde à un homme ou à un • société pour
les préserver de l'erreur. Quelques théolo-
giens ont cru que ce secours était clui que
Dieu a donné à chacun des écrivains sa-
crés, pour empêcher qu'il ne tombât dans
aucune erreur ; tous conviennent que Dieu
donne cette ussisUmce à son Eglise, pour la
préserver du même danger.
Cette assistance n'est point la même chose
que la révélation et l'inspiration. Voy. Ecri-
ture SAINTE.
ASSO.MPTION, du latin assumptio, dérivé
d'assiimere, prendre, enlever. Ce mot signi-
fiait autrefois en général le jour de la mort
d'un saint, parce que son âme est enlevée au
ciel.
Assomption, se dit aujourd'hui particuliè-
rement dans l'Eglise romaine d'une lélc qu'on
y célèbre tous les ans, le 15 d'août, pouriio-
norcr la mort, la résurrection, et 1 entrée 1
triomphante de la sainte Vierge dans le ciel. f
Elle est encore devenue plus solennelle en *
France depuis laiinee 1638 , que le roi
Louis XIII choisit ce jour pour meltre sa
personne et sou royaume sous la protection
de la sainte Vierge ; vœu qui a été renouvelé
en 1738 par le roi Louis X.V.
Celle fêle se célèbre aussi avec beaucoup
de solennité dans les Eglises d'Orient. Ce-
pendant i'assoinption corporelle de la Vier-
ge n'est point un arliclo de foi, puisque l'E-
glise ne l'a pas décide, et que plusieurs an-
ciens et modernes en ont douté. Usuard ,
qui vivait dans le ix* siècle, dit dans .son
Martyrologe que le corps de la sainte Vier-
ge ne se trouvant point sur la terre, l'Eglise,
qui est sage en ses jugements , a mieux
aimé ignorer avec pieié ce que la divine Pro-
vidence en a fait, que d'avancer rien d'apo-
cryphe ou de mal fondé sur ce sujet : paro-
les qui se trouvent encore dans le Martyro-
595
AST
AST
594
lojçe d'Adon. Plusieurs n'appellent point
celle fêle l'Assomption de la sainte Vierge ,
Tiijiis seulement son sommeil, dormilio ,
c'est-à-dire, la fêle de sa mort : nom que lui
onl aussi donné les Grecs, qui l'ont désignée
tantôt par furàdruai;, trépas ou passage , et
tantôt par xoiuniji;, sommeil ou repos. —
Néanmoins la croyance commune de l'Eglise
est que la sainte Vierge est ressuscilée, et
qu'elle est dans le ciel eu corps et en âme.
La plupart des Pères grecs el latins, qui ont
écrit depuis le iv" siècle , sont de ce senti-
ment; et le cardinal Baronius dit qu'on ne
pourr^iil sans léniérité assurer le contraire.
C'est aussi le sentiment de la faculté de théo-
logie de Paris, qui, en condamnant le livre
de Marie d'Agreda, eu 1097, déclara qu'elle
croyait que la sainte Vierge avait été enlevée
dans le ciel en corps el en âme. Parmi les
ornements des églises de Rome, sous le pape
Pascal, qui mourut en H2k , il est fait men-
tion de deui, sur lesquels était représentée
Vassomption de la sainte \ierge en son corps.
Il est parlé de celte lét<; dans les capitulai-
res de Charlemagne et dans les décrets du
concile de Mayence, tenu en 813. Le pape
Léon IV, qui mourut en 83a , institua l'oc-
tave de \ Assoînptton de la sainte Vierge ,
qui ne se célébrait point encore à Rome. En
lljièce, cette fêle a commencé beaucoup plus
tôt, sous l'empire de Jusiinicn, selon quel-
ques-uns , et selon d'autres sous celui de
.Maurice , contemporain de saint Grégoire le
Grand. André de Crète, sur la fin du vir
siècle, témoigne cependant qu'elle n'était
établie que dans quelques églises; m;iis au
XII' elle le lut dans tout l'empire, par une
loi de l'empereur Manuel Lomnène. Alors
['Assomption était également fêtée dans
l'Occident, comme il paraît par la lettre Hh-
(le saint liernard au\ chanoines de Lyon, et
par la cro>ance conimuix; des Eglises , qui
tenaient l'assomption corporelle de Marie
comme un sentiment pieux, quoique non déci-
dée par l'Eglise universelle. Yoij. Vie des Pè-
res el des Martyrs, loin. \\\. pag. 323 et suiv.
ASTAROïHou ASTAlVi'É.idole des Philis-
tins que les Juils abattirent par le comman-
dement de Samuel ; c'était aussi une divinité
des Sidoniens, que Saiomon adora lorsqu'il
fut entraîné par ses femmes dans l'idulâlrie.
La plupart des éljinologies que l'on a
données de ce nom sonl fausses ou hasardées.
M. de Gebelin pense avec plus de justesse
qu'il est formé d'usfar, qui, dans les langues
orientales, signifie un astre; qu'ainsi astar-
té est la lune, la reine du ciel, la divinité de
la null. Alléy. orient., p. 30. Chez les Hé-
breux elle était connue sous le nom de la
rt'inc du ciel, chez les Egyptiens c'était Jsis,
chez les Arabes Alijtta ; les Assyriens l'ap-
pelaient Mtlytta, les Perses Métra, les Grecs
Ariemis, les Latins Diana. Dans l'Ecrilure
sainte, Baal et Astarolh sont presque tou-
jours joints ensei'.ible comme deux divinités
des Sidoniens; c'est le soleil el la lune. Cic,
de Nat. deor., liv. m. Terlul., Apoioget.,
c. 23, etc. Mém. de l'Acad. desJnscr., t. LXXl,
in-12, p. 17o.
DiCT. Dh ThÉoL. DOtiMAlIoUK. 1
ASPAROTHITES, adorateurs d'As.larolh ,
ou de la lune. On dit qu'il y eut de ces ido-
lâtres parmi les Juifs depuis Moïse jusqu'à
la captivité de Babylone. Voy. Asthes.
ASTATIENS, héréliiiues du ix' siècle, sec-
tateurs d'un certain Sergius, i)ui avait re-
nouvelé les erreurs des manichéens. Leur
nom, déri\é du grec, signifie sans consislan-
ce, variables, inconstants, parce qu'ils chan-
geaient de langage et de croyance à leur
gré. Ils s'étaient fortifiés sous l'empereur
Nicéphore (lui les favorisait; mais son suc-
{■esseur Michel Curopalale les réprima par
des édits très-sévères. On croit que ce sont
eux que Théo|ihane el Cédrène nomment
antiya}iieHs. Le père Goar , dans ses noteç
sur Théo|ihane, à l'an 803, prétend que les
troupes de vagabonds, connusen France sous
le nom de Bohémiens et (ï Egyptiens , étaient
des restes lïaslatiens ; mais cette conjecture
ne s'accorde pas à l'idée que Constantin Por-
phyrogénèle et Cedrène nous donnent de cette
secle ; née en Phrygie, elle y domina et s'é-
lemlil peu dans le reste de l'empire. Les as-
/«<«ens joignaient l'usage du baptême à tou-
tes les cérémonies de la loi de Moise, et fai-
saient un mélange absurde du judaïsme et
du christianisme.
ASTERE ou ASTÉRICS (saint), archevê-
que d'Ainasée dans le Pont, mort peu après
l'an 400, a tenu un rang distingué parmi les
docteurs de l'Eglise du iv siècle. Il re»lede
lui plusieurs homélies, dont les anciens ont
fait très-grand cas. Elles ont éié publiées
par le P. Combefis, Auct. Bibl. Patrum, t. I ,
avec les extraits de quelques autres tirées de
Pholius. Théophile Uaynaud les avait aussi
recueillies et fait imprimer en latin, en 1661.
ASTRES. La première idolâlrie a com-
mencé par le culte des astres. Lorsque les
peuples eurent perdu de vue la révélalioa
primitive, ils s'imaginèrent que les astres
élaient des êtres animés et intelligents. Com-
ment concevoir que ces gran<ls corps suivis-
sent une marche si régulière, s'ils n'éiaient
pas la demeure d'un génie qui les conduit ?
Leur lumière, leur chaleur, les iniluences
qui en viennent, sonl très-nécessaires aux.
hommes ; ce sonl donc des êtres bienfaisants
auxquels nous devons de la reconnaissance.
Souvent ils nous annoncent les change-
ments de l'air, le beau temps et la pluie ;
bans doute ils sont doués d'une intelligeoce
supérieure et de l'esprit prophétique, .\insi
ont raisonné non-seulement les ignorants ,
mais les philosophes ; Celse, dans Origène ,
s'elTorce de prouver qu'il faut rendre un
culle aux astres. Plusieurs Pères de l'Eglise
ont encore été persuadés que les astres
étaient conduits, non par des dieux, comme
le pensaient les païens, mais par des anges
soumis à Dieu. ) oy. Anges.
LesHebreux efles autres Orientaux appe-
laient les astres, l'armée du ciel, militia cœli.
Souvent les prophètes ont reproché au>c
.luil's d'adorer Baal, le soleil, Asl'irûfli ou
Astarté, la lune, el l'armée du ciel; celle
idolâtrie est ce que l'on nomme le sabisme
ou zabisine. C'est pour cela que les écrivains
13
39S
AST
AST
396
sacrés ont coutume d'appeler le vrai Dieu,
le Dieu des armées , c'esl»à-dire le créateur
du ciel et des astres. Ce nom ne signifie donc
point le Dieu de la guerre ou du carnage,
comme quelques incrédules ont affecté de
l'interpréter. Nous convenons cependant que
le vrai Dieu est quelquefois nommé le Dieu
des armées d'Israël, pour donner à entendre
que c'est de lui seul que les Israélites at-
tendaient la victoire ; mais ce n'est point là
le sens le plus ordinaire du titre de Oieu des
armées. Mém. de l'Acad. des inscript., lom.
XVIII, in-12, p. 30; t. LXXI, p. 131.
Il n'est pas étonnant que les Syriens et les
Arabes aient été singulièrement attachés au
culte des astres. Dans ces affreux déserts, où
le jour n'offre que le tableau uniforme et
triste de vastes plaines couvertes de sable
aride, la nuit au contraire, déploie à tous les
yeux un spectacle magnifique. Presque tou-
jours claire et sereine, elle présente à l'œil
étonné Varmée des deux dans tout son éclat.
A la vue d'un spectacle aussi merveilleux,
le passage de l'admiration à l'idolâtrie était
très-facile pour des hommes ignorants ; il est
tout simple qu'un peuple dont le climat n'of-
fre aucune beauté à contempler que cille du
firmament, la choisisse par préférence pour
objet de son culte. C'est la réflexion très-sen-
sée d'un écrivain moderne. — Aussi, selon
la remarque d'un autre savant, l'astronomie
a fait la grande religion qui couvrit toute
l'Asie sous des formes un peu différentes;
dans tout l'Orient s'éleva une multitude d'i-
doles astronomiques, dont chacune repré-
sentait le soleil, la lune, leurs phases, leurs
changements ; ou les planètes, les constella-
tions, les divers points du ciel ; ou des figu-
res allégoriques du jour, de la nuit, du ma-
tin, du soir, des points solstitiaux et équi-
no&iaux : celles des ans, des mois, des semai-
nes, desjours.etde tout ce qui, figuré dans l'é-
criture primitive, put devenir un [)crsonnan'e;
de tout ce qui, ayant servi dans des siècles
plus simples à indiquer les travauxde l'agri-
culture, put devenir un objet de vénération.
Au milieu de cette démence générale, il est
digne de notre attention de considérer le peu-
ple juif, seul adorateur du vrai Dieu, auquel
toute im;ige est interdite, et de trouver dans
cette défense du législ.iteur une preuve de
celte vérité, que l'abus dos images accusé la
plupart des erreurs des peuples polythéistes.
Comme l'observaiiou des astres servait à
fixer les fôles rurales et les travaux de l'agri-
culture, elle se trouva liée à la religion;
d'où il arriva que les observateurs furent à
la fois astronomes cl prêtres. Ce fut une des
raisons de l'exactitude ei de la persévérance
avec laquelle on observa ; m >is ce fut aussi
n-ne cause des superstitions qui s'établirent,
lorsque les rapports du ciel avec la terre fu-
rent regardés comme des influences, et que
Taslrunomie dégradée ne fut plus que l'astro-
logie.
L'histoire de la création, telle que Moïse
l'a tracée, était le meilleur préservatif contre
l'erreur des païens; elle nous apprend que
Dieu a créé les astres pour l'utilité des hom-
mes, et les conduit par sa volonté , ce ne sont
donc ni des dieux ni des génies tutélaires plus
favorables à une nation qu'à une autre.
Moïse dit aux Juifs : Lorsque vous élevez les
yeux vers le ciel, que vous voyez le soleil, la
lune et les autres astres, gardiz-vous de don-
ner dans l'erreur et de les adorev ; le Seigneur
votre Dieu les a créés pour rendre service à
toutes les nations qui sont sous le ciel [Deut.
IV, 19). Cette leçon servait encore à prému-
nir les hommes contre la terreur des éclipses,
des météores, des phénomènes singuliers,
dont les adorateurs des astres ont toujours été
consternés : Ne craignez point, dii Jérémie,
les signes du ciel, comme font les nations (x,
2). Par là enfin les Juifs étaient préservés de
la folie des pronostics, de la divination par
les astres, des horoscopes, de l'astrologie ju-
diciaire, etc. Ceux qui ne croient point à la
révélation, devraient nous apprendre com-
ment Moïse a été plus éclairé que les sages
de toutes les nations dont il était environné.
ASTROLOGIE judiciaire, science fausse et
absurde dont les partisans prétendent qu'il y
a une liaison nécessaire entre le cours des
astres elles actions humaines; qu'ainsi nos
destinées sont écrites dans le tableau du ciel;
que l'on peut les y lire et les annoncer d'a-
vance; qu'à la naissance d'un enfant l'on peut
tirer son horoscope, prévoir et prédire ce
qu'il sera, ce qu'il fera et quel sera son sort
pendant toute sa vie, etc.
A la honte de l'esprit humain, cette erreur
a régné chez presque tous les peuples et dans
tous les siècles ; les Chaldéens, qui se disiin-
guèrcnt par leur habileté dans l'astronomie,
déshonorèrent celte science en y mêlant \'as-
trologie. Cet abus est proscrit par les lois de
Moïse, par les lois des empereurs païens,
plus rigoureusement encore par celles des
empereurs chrétiens et par celles: de l'Lglise.
Plusieurs philosophes ont é'ié attachés à cette
étude vaine et frivole, et y ont eu conliancc,
en particulier l'empereur Julien ; Cicérou l'a
combattue dans son livre de Faio. Les Pères
de l'Eglise et les théologiens n'ont rien né-
gligé pour en désabuser les hommes ; ils en
ont fait voir l'absurdité et l'impiété. Mais il
n'y a pas encore longtemps que nous pou-
vons nous féliciter d'être guéris de cette ma-
ladie. Sous la régence de Marie de Médiiis,
aucune femme n'aurait entrepris un voyage
sans avoir consulié son astrologue, qu'elle
appelait, son baron. Louis Xlll fut surnommé
le Juste, parce qu'il était né sous le signe de
la balance ; et les .historiens nous apprennent
qu'à la naissance de Louis XIV, son horos-
cope fut tiré avec toute la gravité et l'impor-
tance possible. — 1) où a pu naître cette dé-
mence'.' d(' la même source (lue le culte des
astres. Par une mine imagination, dit le
Sage, les hommes oni méconnu Dieu dans ses
ouvrages ; ils sont persuadés que le» éléments,
les astres qui roulent sur nos télés, le soleil,
la lune, les planètes, sont les dieux qui gou-
vernent le monde ( Sap. xiii, 1 ). Par consé-
quent ils leur ont attribué des connaissances
el une puissance bien supérieures à celles des
hommes. Dès qu'on les a regardés comme les
397
AST
AST
368
arbitres de nos destinées, l'on a dû conclure
qu'ils pouvaient aussi nous los faire coniiaî-
Ire d'.ivance. — On a vu d'ailleurs que les
astronomes pouvaient prédire l'apparition de
tel astre ou de telle constellation, le chan-
gement des saisons et de la température de
l'air, une éclipse do soleil ou de lune ; que les
diverse» couleurs do ces deux astres annon-
ç lient ou le beau temps, ou le vent, ou la
pluie. Le» astrologues, pour se rendre impor-
tants, se sont vantés d'avoir des connaissan-
ces encore plus élendiies, de pouvoir prédire
des événements ((ui n'avaient aucune liaison
avec les phénomènes du ciel ; quelques-unes
de leurs prédictions, vérifiées par hasard,
ont inspiré aux ignorants uneconlianceaveu-
gle à leurs pronoflrcs. On sait jusi|n'oii a été
poussée la curiosité de tous les peuples, et
leur envie de connaître l'avenir. Ainsi s'est
établie la croyance générale <le l'inlluence
des astres sur nos destinées, l'opinion que
les dieux, c'est-à-dire, les astres animés, ré-
vélaient aux observateurs du ciel les événe-
inenls les plus cachés dans l'avenir. El puis-
que les stoïciens mêmes croyaient fernieiuenl
à l'as/ro/of/îe, il se peut très-bien l'aire que
les astrologues eux-mêmes aient été souvent
dupes de leur propre curiosité. Mém. de l'n-
ciid. des Inscri/it., t. LVi, in-12, p. 45. —
\ oilà pourquoi les Chaldéens, qui sont les
plus anciens observateurs des astres, tint été
aussi les plus celèlires devins de l'antiquité.
Dans le livre de Daniel, c. ii, v. '2 et 27, les
sages, les mages, les devins, les faiseurs de
prédictions, les Chaldéens, sont la même
chose. — Les philosophes qui ont combattu
cette erreur, n'en attaquèrent point le fonde-
ment, c'est-à-dire, la prétendue divinité des
astres ; ils ne purent donc pas la détruire :
leurs raisonnements étaient trop abstraits
pour élre à portée du peuple. La lumière du
christianisme fut plus efficace ; mais elle n'é-
toull'a pas entièrement l'habitude d'ajouter
foi aux prédictions des aslrol(<gues. Lorsque
les Arabes se mirent à étud.er l'aslronomie,
ils donnèrent dans le même faible que les
Chaldéens, et contriliuèrenl ainsi à entrete-
nir le préjugé. 11 domine autant que du passé
chez les Grecs, et l'on prétend qu'il est assez
commun en Italie. — Cependant les livres
saillis, les leçons des Pères de l'Eglise, les
anaihémes lancés contre cette superstition,
auraient dû la déraciner. Il était sévèrement
défendu aux Juifs de consulter aucune es-
jièce de devins ( Levit. xi\, 31; Deut. xviii,
10). Le prophète Isaï'' insulte à la crédulité
des babyloniens et à la folle confiance qu'ils
doiinnieul à leurs astrologues ( xi.vii, 13 ).
(Ju'ih paraissent, dit-il, ces hommessi habiles
t) contempler le ciel et à obsci'ver les astres,
qtti supputaient les Utnaisims pour vous pré-
dire l'avenir; qu'ils vous sauvent à présent
de vos malheurs; ils sonl comme la paille
Consumée par le feu, et ils ne pettvent se dé-
livrer eux-mémi's.
Une loi de l'empereur Constance défend,
sous peine de la vie, de consulter des astro-
logues ou mathématiciens, et les autres dé-
tins. Si elle porte aussi le nom de Julien,
elle ne fut pas faite de son aveu, piiî$((He,
dans son ouvrage contr(^ le christianisme, il
se déclare partisan de l'<istroliigie. Saint Cy-
rille, cmitre Julien , 1. x, p. ."îoG et 357. Ho-
norius et Théodose bannirent aussi les astro-
logues. Origène, saint Basile, saint Amhroise,
saint Augustin , ont démontré la vanité et
l'illusion de leurs prédictions. Saint Epi-
phane nous apprend qu'Aquila fut excom-
munié pour n'avoir jias voulu renoncer à
Vasirologie. Plusieurs conciles ont condamné
la confiance que 1 on avait à Cet art funeste,
et ont sévèrement défendu d'y avoir recours
— Nos rois ont confirmé ces lois par leurs
ordonnances dans les derniers siècles. Thiers,
Traité des supertt., t. I, c. 7, I. m, p. 2*3.
On dit que la philosophie seule a pu nous
détromper sur ce point; mais si la religion
n'y a contribué en rien, pourquoi les an-
ciens philosophes n'ont-ils pas pu y réussir,
et pourquoi plusieurs d'entre eux ont-ils
donné dans le même préjugé que le vulgaire?
Les Pères l'ont attaqué par la philosophie
aussi bien que par lareligion. Si l'on veut
comparer les argumentsde Bardai, dans son
Argents, avec ceux des Pères, on verra qu'ils
sont les mêmes. Voij- Devin.
* ASTllONOMlE. Dans leur liainepour le cliristia-
nisine, les impies ont fouillé les vieilles arcliives, pé-
neiié au fotid de li terre pour y trouver un démenti
aux vériiés éliirieiitaires de rfecriliire. Us ont aussi
interrogé les astres, et ils onl cru enleiidre les astres
leur répondre que le monde est beaucoup plU'i am ien
que ne l'.issure la liible. Il est viai que l'aslioiioniie
peut benucoup servir à délenniner ù quelle ét^uque un
évéïiemeiit est arrivé : car, parmi les époques les
plus lixi'S sont celles qui ont été déterminées pur les
ol)serviiti<ins astroiionii lues : v. g. , les éclipses de
soleil et de lune, les conjonctions des solstices et des
éipiino\es avec certaines étidies, les leveis liéliacpies
de certaines étoiles (n), et ainsi du reste. Quand on
sait p;ir riiisloire (]ue tel régne, tel évéiieineiit :i
coiic.ouiu avec telle écli|ise de soleil on de Juiie, il
est f;ic,ile, si récli(ise est bien caraciéiisét;, de deier-
niiiier par les régies asirouoniiqucs le temps précis
où doit élre placé ce rèijiie ou cet événemenl ; on
voit donc que les observations astronomiques d'un
peuple, lorsqu'elles ont été bien conservées, peuvent
Si'i'vir à constater l'anlbiuité d'une nation, il y a
quatre peuples ancieiis qui ont des observations as-
tronomiques qui paraissent remonter bien plus haut
que répoi|ue assignée par Muyso à la création. Ce
sont les Li;ypiieiis, les Ciialdéens, lus Indiens et les
Cbiuois. M.iis comme cbacini de ces peuples prétend
fonder son antiquité sur d'autres titres, nous exami-
nerons tous ces titres pour cbacun d'eux aux mots
(a) Les levers béliaques des étdile« sont trfescétèbfes
otiez les ancieus astronomes et chez, les aiiclcus poètes.
Une étoile qui se lève prnd^MU que le soleil éclaire l'iio-
rizon n'a point de lever béliaque , parce qu'on ne peut la
voir atteindre l'horizon lorsqu'elle se lève. — Mais quand
te soleil, par son mouvement réel ou apirarent il'OecIdent
eu Orient, a dé|]^s^é celte étoile d'un certain nombre de
degrés, et ([u'elle commence a piraiire le malin ilans Ibo-
1 izoïi nimuMlialeiiienl avant l'aurore, alors elle se lève
liéliaqueuienl, et c.tle pobilinn dans 1 ■ ciel, relativement
au soleil et à l'iionznn, est son lever liélla-iue.
Le coucher héliaque d'une étoile ariive quand elle de^-
ceiiil le .\oir sous 1 liorizon , u» peu api es le conclier du
soleil, en soi te que la lumière du crépuscule einpèclie de
t'ai>. reevoir.
I3n voi' donc que le lever béliaque est rapparition, et le
courber liéljaqne foc ullalion ou la liisjiai ihon d'une étoile
sur l'iiorizou daus le vuisiuaj,'e du soleil béliaque , ioiuiie,
du mot v<>ii soleil.
599 ASY
Egyptiens, Chaldéens, Indiicns, Chinois. Nous re-
mettons à ces mois à iraiter de la valeur de leuis ob-
servations aslrunoniiques.
ASYLE ou ASILE, sanctuaire, lieu de
refuge, qui met un criminel à l'abri des
poursuites de la justice. Ce mot, qui vient du
grec, est composé dV privatif, et de rruÂà-.),
prendre, arracher, dépouiller. On ne pouvait
sans sacrilège arrai lier un homuie de Vasijle
dans lequel il s'était réfugié.
Les temples, les autels, les statues des
dieux ou des héros, leurs tombeaux, élaient
chez les anciens la retraite de ceux qui
élaient accablés par la rigueur des lois , ou
0|iprimés par la violence des tyrans. Do ti>us
ces asyles, les temples étaient les plus sacrés
et les plus inviolables. On supposait que les
dieux se chargeaient eux-mêmes de punir
les criminels qui venaient se meilre ainsi
sous leur dépendance immédiate -, et on re-
gardait comme une impiété de vouloir leur
ôter le soin de la vengeance. — Chez les
païens on accordait ainsi l'impunité aux
criminels, même les plus coupables, soit par
superslition.soit pour peupler les villes par
ce moyen ; c'est ainsi en effet que Ttièbes ,
Athènes, Rome, se remplirent d'habitants :
preuve assez sensible de la multitude des
crimes qui se commettaient pour lors. — Les
Israélites avaient des villes de refuge que
Dieu lui-même avait désignées; mais elles
n'étaient un asyle assuré que pour ceux qui
avaient commis un crime par inadvertance,
par un cas fortuit et involontaire , et non
pour ceux qui s'en étaient rendus coupables
de propos délibéré.
Bingham.dans ses Origines ecclésiastiques,
I. VIII, c. 11, § 3, pense que le droit A'asyle
dans les églises chrétiennes a commencé
sous Constantin. Il observe que , dans l'ori-
gine, ce privilège n'a été accordé ni pour
mettre les criminels à l'abri des poursuites
de la justice, ni pour diminuer l'autorité îles
magistrats, ni pour donner atteinte aux lois,
mais afin de fournir un refuge aux innocents
accusés et poursuivis injustement, de laisser
aux juges le temps d'examiner miirement
les cas incertains et douteux, de mettre les
accusés à couvert de la vengeance et des
voies de fait, enfin, de donner lieu aux évé-
ques d'intercéder pour les coupables , chose
qu'ils faisaient souvent. Il ne faut donc pas
être surpris si les empereurs suivants con-
firmèrent ce droit d'os///e, et si les pasteurs
de l'Eglise furent ardents à le soutenir. Nous
en voyons un exemple remarquable dans
les ouvrages de saint Jean Chrysoslomc. VJn
favori de l'empereur Arcadius, nommé Eu-
trope, avait suggéré à ce prince de suppri-
mer le droit li'asyle ; bientôt disgracié et
poursuivi lui-même par des ennemis puis-
sants, il fut réduit à se réfugier dans une
église et à chercher son salut en embrassant
l'autel. Cet événement fournil à saint Jean
Clirysostouie le sujet d'un discours très-élo-
quent sur la vanité des grandeurs humai-
nes et sur la justice des liecrets de la Pro-
vidence. Op. t. III, p. .JSl.
Lorsque les empereurs Honorius et Thég-
ATH
400
dose eurent réglé et modéré le droit A'asyle,
les évêques et les moines eurent soin de
marquer une certaine étendue de terrain
qui fixait les bornes de la juridiction sécu-
lière. Peu à peu les couvents devinrent des
espèces de forteresses où les criminels se
mettaient à l'abri du châtiment et bravaient
les magistrats. Ce privilège fut étendu dans
la suite, non-seulement aux églises et aux
cimetières, mais aussi aux maisons des évê-
ques, parce qu'il n'était pas possible à un
criminel de passer sa vie dans une église, où
il ne pouvait faire décemment plusieurs des
fonctions anitnales. Mais enfin les asyles fu-
rent insensiblement dépouillés de leurs im-
munités, parce qu'ils ne servaient plus qu'à
favoriser le brigandage et à multiplier les
crimes. — Il faut convenir cependant que si
les asyles ont mis à couvert de châtiment
plusieurs coupables qui l'avaient justement
mérité, ils ont aussi sauvé la vie à un grand
nombre d'innocents injustement poursuivis
par les lureurs de la \ engeance. Dans les
temps malheureux où les vengeances parti-
culières étaient censées permises, où l'on ne
connaissait plus d'autre loi que celle du
plus fort, il fallait nécessairement avoir des
lieux de refuge contre la violence des sei-
gneurs loujoursarmés. Cette triste ressource
n'a cessé d'être nécessaire que quand l'auto-
rité de nos rois, la police des villes, la juri-
diction des tribunaux de magistrature, ont
été solidement établies.
Il y avait plusieurs de ces asyles ou sanc-
tuaires en Angleterre; le plus fameux était
à Beverly, avec cette inscription : /iœc se-
des lapidea freed stool dicilur, id est , pacis
cathedra, ad quain reus fuyiendo perveniens
omnimodum habet securilnlem. Gamden. En
France, l'église de Saint-Martin de Tours a
été longtemps un asyle inviolable- Les fran-
chises accordées aux églises en Italie res-
semblaient beaucoup au droit A'asyle; mais
elles ont été abolies. — Charlemagne avait
donne aux asyles une 'première atteinte en
779, par la délénse qu'il fit de porter à man-
ger aux crimineis réfugiés dans les églises.
Nos rois ont heureusement aciievé ce que
Charlemagne avait commencé. Hist. de
VAcad. des Inscr., t. 11, iu-12, p. 52; Méni.,
t. Lxxiv, p. 4G.
ATHANASE (saint), evéque et patriarche
d'Alexandrie, a élé l'un des plus célèbres
Pères de l'Eglise au iv" siècle. Ses com-
bats contre les ariens , les persécutions
qu'il essuya de leur part, la constance avec
laquelle il supporta leurs calomnies, plu-
sieurs exils, une vie erranti; et toujours ex-
posée pour la défense de la foi, sont des faits
connus de tous ceux qui ont lu l'histoire ec-
clésiastique. (Jueli|ucs incrédules en ont pris
occasion de le peindre comme un zélateur
imprudent, comme un houle-feu, un fanati-
que. La vérité est qu'il n'opposa jamais que
la patience, la prudence et la force de la vé-
rité à une persécution de cinquante anSé
Son caractère se montre dans ses ouvrages;
il n'injurie point ses adversaires, il ne cher-
che point à les aigrir, il les accable par l'aU''
401 ATH
lorilé de l'Eciituro sainte et par la force de
SCS raisonnements. Daulics lui oui repro-
elle d'avoir peu traité la morale ; mais il
Haii trop occupé des dangers que courait le
dogme pour avoir eu le temps de composer
des traités de morale. Plusieurs auteurs
protestants ont rendu justice à ses talents et
à ses vertus. La meilleure édition de ses ou-
vrages est celle qu'a donnée doni de Mont-
faucon, en 3 volumes m-/"w/io. On convient
que le symbole qui porte son nom n'csl'pas
de lui, m.iis il est tiré de ses écrits. Vies des
Pèreu et (1rs marti/rs, t. IV, p. 3i.
ATHÉK, ATHÉISME. Nous entendons par
atliéisme. non-seulement ie système de ceux
(]ui n'admettent point de Dieu, mais encore
l'opinion de ceuv qui nient la providence,
parce qu'à proprement parler, on Dieu sans
providence n'existe pas pour nous. C'est la
réllexion que lait Cicéron contre les préten-
dus dieux d'Epicure. Il est triste que ce soit
aujourd'hui le sentiment dominant parmi los
incrédules ; mais la multitude des ouvrantes
qui ont paru de nos jours, pour établir celle
doi trine désolante, ne prouve que trop le
nombre de ses partisans.
(7esl aux philosophes de réfuter les divers
systèmes A'alhéisme, et de démontrer l'exis-
tence de Dieu par les preuves que la raison
seule nous suirijère (1) : le devoir d'un théo-
logien est de faire voir que les auteurs sacrés
ont très-bien connu le caraclère, les causes,
leselTets dt'\'n(héisiiic:quc le portrait qu'ilsont
tracé di's athées de leur temps convient en-
core parfaitement à ceux d'aujourd'hui. — Se-
lon le roi prophète (Ps. \i]), l'insensé a dit dans
son cœur : Il n'y a point de Dieu. Ce langage
est cehu des hommes corrompus et pervers.
Il n'en n'est pas un seul parmi eux qui fasse
le bien. Leur bouche respire l'infection des
lomhenux, leur tangue exhale te poison des ser-
pents ; ils cherchent à séduire parte mensonge;
la noirceur de leurs calon'nies, l'amertume
de leurs reproches, démontrent qu'ils seraient
prêts à répanilrc le sang de leurs adversaires.
Ils passent des jours tristes et mailirureux,
jamais ils n'ont goûté la paix ; ils tremblent
où il n'y a aucun sujet de frayeur. Le Seigneur
est juste ; il se venge de ces insensés, pendant
que le pauvre, soumis et tranquille, met son
espérance fn Dieu. — Longtemps avant David,
Job avait remarqué que ['athéisme est le vice
des grands du monde, des hommes aveuglés
par la prospérité, corrompus par l'opulence,
perveriis par l'usage immodéré des |)laisirs.
ils 0)1/ dit à Dieu : lietirez-vons de nous; nous
ne voulons ni recevoir vos leçons, ni con-
naître vos lois. Qui est le Tout-Puissant, pour
que nous soyons ses adornlenrs, et âquoi notts
servirait de l'invoquer? ... Mais Dieu leur
(1) Nous ne voulons pas exposer iii les pri'iives
<\»\ ooinh.illeiil l'alhéisme. Elles seront mieux pla-
cées au iiiiii DiEi;. Nous yllons ciier (|iiel(pies lignes
d'une lettre de J.-J. Kousseau qui ont ('ail sur noire
espiii plus iriuipressioii ipie les plus longs salsonne-
nients. i Vous me marquez, iiiousieur, ipie le résul-
tat (le \os recliorclies sur l'auteur des choses e*t un
eial (le doute ; je ne puis jns^or de cet éial parce
'ju'il ne fut jamais le mien' J'ai erii dau» mon eiilau-
ATH 402
rendra ce qu'ils méritent, et alors ils le con-
naîtront [Job wi). — Il viendra un temps,
dit saint Paul, auquel tes hommes ne pour-
ront plus supporter une saine doctrine ; ils se
choisiront îles maîtres selon leur goût ; une
curiosité effrénée, la démangeaison d'entendre
quelque chose de nouveau, les détourneront
de ta vérité, et les feront courir après des fa-
bles (Il Tim. IV, 3;.
La principale source de Vathcisme, selon
l'Ecriture sainte, est la corruption du cœur;
plusieurs philosoplies modernes en sont con-
venus, et l'expérience le prouve. Les Grecs
étaient parvenus au comble de la prospérité
par leurs victoires sur les Perses, lorsque
leurs philosophes se précipitèrent dans l'épi-
curéisme. Kome était devenin' la maîtresse
du monde, elle regorgeait des richesses de
l'Asie, lorsque le luxe introduisit dans ses
murs cette philosophie meurtrière. Les Juifs
venaient d'être délivrés de la persécution
des rois de Syrie, ils étaient enrichis par le
commerce d'Alexandrie, lorsqu'ils virent
éclore parmi eux le saducéisrae, qui n'était
ce par aiiiorité, dans ma jeunesse par sentiment,
dans mon .âge mûr par raison ; maintenant je crois
parce que j'ai toujours cru. Tandis que ma mémnire
éteinte ne nie remet plus sur la ir.ice de mes raison-
nements, tandis que ma judieiaire affaiblie ne me
permet plus de les recommencer, les opinions qui en
ont résulié me restent dans toute leur force ; et sans
que j'aie la volonté ni le •'ourage de les mettre dere-
clief en délibération; je m'y liens en condance et en
conscience, certain d'avoir apponé dans la vigueur
de mon jugeuieni à leurs discussions toute l'altea-
lion et la bonne fui dont j'éliis capable. Si je me
suis trompé, ce n'est pas ma l'auie, c'est celle de la
nature, qui n'a pas donné à ma tête une plus grande
mesure d'inlelligence et de raison. Je n'ai rien de
plus aiijourd liui : j'ai beaucoup de moins. Sur quel
fondement recoinmencerai-je donc à délibérer ? Le
moment presse, le départ approilie. Je n'aurai jamais
le temps ni la force il'acliever le travail d'une refonte,
l'ormetlez qu'à tout événement j'emporte avec moi
la consistance et la lérmeté d'un homme, non les
doutes décourageants d'un vieux radoteur.
» A ce que .je puis me rappeler de mes anciennes
idées, à ce que j'aperçois de la marche des vôtres,
je vois que, n'ayant pas suivi dans nos recluTClies la
uicnie route, il est peu étonnant que nous ne soyons
pas arrivés à la même conclusion. Balançant les
preuves de l'exislence de Dieu avec les diKicullés,
vous n'avez trouvé aucun des côtés assez, prépondé-
rants pour vous décider, el vous êtes resté <lans le
doiile. Ce n'est p:is coniine cela que Je lis : j'oxaiuinai
tous les systèmes sur la f<indaiinn de l'univers que
j'avais pu connaître, je inédilai sur ceux tpie j'avais
|)u imaginer ; je les comparai tous de mon mieux : je
nie décidai, non pour celui qui ne m'offrait point de
dillicultés ; car ils m'en offraient Ions, mais pour celui
qui me paraissait en avoir le moins : je me dis que
ces diflicullés éiaienl dans la nature de la (h ose ;
que la contemplation de l'infini passerait toujours
les bornes de mon euleudenienl ; (|ue, ne devant ja-
mais espérer de concevoir pleinement le système de
la iiaïuie, tout ce que je pouvais faire éiail de lon-
sidérer par les côtés que je pouvais saisir: qu'il fal-
lait savoir ignorer en paix tout le reste : et j'avoue
que, ilans ces recherches, je pensai coumie les gens
donl vous parlez, qui ne rejettent pas une vérité ^<YY~Ô?Nk
cla re on suHisaiiimenl prouvée pour les difficiillév^'^ ■*C^>
qui l'accompagnent, et qu'on ne saurait lever. J'avai^y'^ ^\?
alors, je l'avoue, une confiance si téméraire, ou ^» / e*.
403
ATH
A.TU
494
qu'un épicuréisme grossier. Faut-il qu'a no-
ire tour la naissance de Vathéisme vienne
nous annoncer que nous lourhons au plus
haut point lie prospéiilé auquel notre n.onar-
chie soit parvenue depuis sa fondation? —
moins une si forie persuasion, q«e j'nurais défié tout
pliilosoplie de proposer aucun sysJcwe inlelliptihie
sur la iialiirc, auquel je ii'eiis?e upposé des olijec-
tions plus fones, plus invincibles que celles ([u'il
pouvait tn'opposer sur le mien ; et alors il lallait me
résoudre à rester sans rien croire, tomme vous fai-
tes, ce qui ne dépendait pas de moi, ou mal rais' n-
ner, ou croire comme j'ai fait.
f Une idée qui me vint il y a trenle ans a peut-
être plus contribué qu'aucune auire à me rendre irié-
braiilalile ; supposons, me disais-)e, le génie humain
vieilli jusqu'à le jour d:ins le plus cnmplei matéria-
lisme, sans que jaunis idée de Divinité ni d'ànie soit
inl ée dans aucun esprit humain ; supposons que
raihéisine pliilosoohiqne ait épuisé tous ses systè-
mes pour la formaiionet la marche de l'univers par
le seul jeu lie la maiièrc et du mouvement si néces-
saire, mol auquel, du reste, je n'ai jamais rien con-
çu : dans cet étal, m(msieur, excusez ma franchise,
je stipposais encore ce que j'ai toujours vu et ce que
je sentais devo r étie, qu'au lieu de se reposeï' iran-
(luillenieoi d ins ces systèmes, comme dans le srin
delà vérité, leurs inquiets partisans cherchaient smus
cesse à parler de leur doctrine, à l'écliiicir, à l'é-
tendre, à l'cxpllipier, la pallier, la corrig r, et, com-
me celui (|ui seul trcniMer sous -es pieils la maison
qu'il liibiie, à l'élayer de nouveaux arguments,
i Terminons enlin ces suppositions p:ir celle d'un
Platon, d'un fd^rke, qui, s'élevant tout à coup au
milieu d'eux, leur eût dit : Mes amis, si vous eussiez
commencé l'analyse de let univers par celle de vous-
mêmes, vous eussiez trouvé dans la nature de votre
être le chef de la constiiution de ce même univers,
que vous cberclieï en vain sans cela : (ju'ensiiile
leur explliiiiant li distinction des deux subtances,
il leur eût prouvé parles propriétés mêmes de la ma-
tière que, quoi (pi'en di-e Locke, la supposilioii de la
matière pensauie est une véiitable ahsmdiié ; qu'il
leur eût fait voir quelle est la niilute de l'être vrai-
ment actil et pensant, et ipie de rétablissement de
cet êire qui juge, il fût enfin lemonté aux notions
roiifuses, mats sûres, de l'Etre suprême : qui peut
douter que, frappés de l'éclat, de la simpi cité, de la
beauté de cclie ravissante idée, les mortels jus-
qu'alors aveuglés, éclairés des premiers rayons do
la Divinité, ne lui eussent offei t (lar acchmialioii
leurs premiers honiiiiages, et que les penseiiis sur-
tout et les philo-opbes n'eussent rougi d'avoir con-
templé si lengteinps les delnus de cette machine
immense, sans trouver, sans soupçonner même la
clef de sa cmistiluiion, et, toujours grossièrement
bornés par leurs sens, de n'avoir jamais su voir ([ue
matière où tout leur iinntiait qu'une autre substance
donnait la vie à l'univers eirintollii;cnce à l'Iiouime?
I C'est alors, monsieur, que la mode eût été pour
celte iimivelle philosophie; ipic les jeiims gens et
les sagesse lussent trouvés iraccnnl ; qu'une doctri-
ne si belle, si siililime, si douce et si consi lante
pour l'homme juste, eût réellement exciié tiiiis les
lioiiiMies à la vertu ; et qint ce lieiii mol li'huniiiiiilé,
rehaiiu niaiiifenant jiisi|u'à la fadeur, jusipi'.iii ridi-
cule par les gens lin nouide les initins hiiiiiains, eut
été plus empreint ilans les cœurs (pie Mans les livics.
Il eût donc suffi d'u::c siinph^ iransposilina >le iciiqis
pour f I re prendre l"Ul le contre-pied à la mode phi-
liiso|ibique ; avec celte diOi-ieme i;iie celle d'aujmir-
(l'Iiui, malgré son <lio(|unui île paioe.^, ne nous pro-
met pas une généiatioii bien esli hie, nides pbihi-
siqihi's bien vertueux i. (Cus paroles se sont accom-
plies à la lettre.)
Mais le luxe, père de la corruption et de \'a-
(h'-isme, prép;ire la ruine des états et la dé-
cadence des nations : ce qui est arrivé à cel-
les dont nous venons de parler devrait nous
faire Ireiiibler et nous rendre plus sai;ps.
I. Quel raolif pourrait eiiga;;cr un athée à
être vertueux ? Il sait, à la vérité, que le vice
peut lui nuire ; mais il est aussi des circons-
tances où le vice autorisé par l'exemple peut
devenir avantageux. Déjà nos moralistes
alliées nous avertissent que dans les sociétés
corronipues il faut se corrompre pour deve-
nir heureux, se mettre au ton des mœurs
régnantes pour être eslimé et applaudi. 11 y
a des hommessi mal consiilués par la nature,
que le vice est nécessaire à leur bonheur.
Qu'importe que le vire puisse nuire, s'il peut
aussi être utile ? L'événement dépend du
hasard; tout homme dominé par une passion
est tenté d'en faire l'épreuve. H n'a point de
remords à craindre, dès qu'il se sent le coura-
ge de les étouffer. — Les faules les plus secrè-
tes peuvent être dévoilées, mais il s'est com-
mis aussi plusieurs grands crimes dont on
n'a jamais pu découvrir les auteurs. Dans
les sociéiés corrompues, les faules sont si
communes que l'on n'y fail presque -lus d'at-
tention ; une dose suffisante d'effronterie
lient lieu de probité. A force do raisonne-
ments et de palliatifs, on parvient aujourd'hui
à justifier les iniquités les |)lus criantes, el à
rendre toutes les réputations équivoques. —
La société sans doute esl utile au bonheur
d'un athée ; mais, comme tant d'autres, il
peut jouir des avantages de la société sans y
mettre beaucoup du sien : ceux qui servent
le plus elficaceiiient leurs semblables ne sont
pas les plus honorés . les vertus les plus né-
cessaires sont ordinairement les plus obscu-
res, et les devoirs l'S plus pénibles sont les
moins récompensés.
On dit (|ue nous devons nous allaclier à la
patrie qui mms protège. .Mais combien
d'hommes profitent des bienfaits et de la
protection de la pairie, en lui rendant de
mauvais ser\i(es, en lui insultant, en décla-
mant contre ses lois, en décriant son gouver-
nemi'iit, en exallant Jusqu'aux nues le mérite
supérieur de ses ennemis 1 Selon un axiome
coos.icrc parmi les alliées, une patrie qui ne
nous rend point heureux, perd ses droits sur
nous. — Un huinmc, continue-l-on, doit se faire
aimer. Oii est celte iiécessiio pour un alliée ?
Il lui suflit d'être craint et que personne n'o-
se lui nuire. Qu'ai-je à faire, dira-l-il, de
l'amitié d'un père vieux, inliniie, languissant,
qu'il faut soigner et nourrir à mes dépens "/
Que me lendra-t-il en échan^te de mon ami-
tié ? .le conviens que l'ingratitude éloigne-
ra de moi mon bienfaiteur, le fera pcul-élre
repentir de ce qu'il a fait pour moi ; que
m importe s'il n'est jilus en étal de me faire du
bien, de se venger, ni de mé faire essuyei
des reproches ? .l'avoue encore que la justic/
est nécessaire au maintien deloule associa-
tion ; mais on peut prori(«r de l'association,
sans coiilrihuer ;\ son mainlien. On a prouvé
(Iode me ni de nosjoursiiue plusieurs vices sont
pour le nioins aussi nécessaires au maintien
4015
ATH
ATH
4M
lie 1.1 société qoe les vertus. D*<iilleurs la justice
ne suffit point si l'on y n'ajouti^ la cluirilc, Ttiu-
manité, la compassion pour les malheuroux;
sur quoi peutéire fondé pour moi liulevoir de
seconrirun élraii!;er,nn inconnu qui soulTre,
mais qui ne me connait point, cl que je ne re-
verrai j.'imais? Il est f;iux que nul homme ne
puisse êlrc content de soi-même, (juand il sait
qu'il est l'objcldo la haine puhliqno. Plusieurs
grands hommes l'ont encourue jjar leurs ver-
tus et par le zèle le pins pur; d'autres ont
gagné la faveur publique par îles crimes heu-
reux : ceux-ci avaient-ils plus de droit d'être
contents d'eux-mêmes i|ue les premiers ?
Toutes les maximes de morale des athées
sont donc fausses lorscju'on les examine en
rigueur; qn.md elles seraient vraies, le com-
mun des hommes est incapable de faire les
réllexions, les calculs, les raisonnements
nécessaires pour en sentir la vérité. Ailmel-
toiis un Uieu et une providence, ces maximes
deviendront des lois. — Oue le vice nous soit
utile "u pernicieux dans ce monde, n'imiior-
le ; Dieu le défend, il le punira tôt ou lard.
Onaïul le vice nous élèverait sur la terre au
comlile du bonheur, ce ne sera que pour
quelques moments ; ri\ri'sse passagère qu'il
nous causera seia suivie d'un mi>lheur éter-
nel. (^)ue les hommes connaissent le crime
on ne le connaissent pas, cela est égal ; Dieu
le connaît, le coupable n'échappera point à
sa vengeance : li's rcmorils sont les premiers
supplices par lesquels il leur fait sentir sa
justice. — Que la société, que la patrie, soient
justes ou injustes, reconnaissantes ou ingra-
tes A mon égard. Dieu m'ordonne de m'y at-
tacher et de les scrvii-, comme il leur ordon-
ne de me proléger. Si elles manquent à leur
devoir, cela ne me donne pas droit de violer
le mien : Dieu est témoin de ma conduite,
c'est à lui seul de me récompenser. — Par la
loi générale de la chai ité. Dieu commande à
tous les hommes de s'aimer, de s'aider, de se
rendr(! des services mutuels : amis ou en-
nemis, concitoyens ou étrangers, bienfaiteurs
ou rivaux, carncléies aimables ou fâcheux,
personne n'est excepté. Quand ils nous refu-
seraient leur amitié, nous serions encore
obligés de nous rendre aimables, afin de ne
pas les blesser.
Tel est le langage de la religion, de nos
livres saints, des justes de tous les siècles ;
c'est celui de la raison et de la i^aine philo-
sophie. Lorsque les nlkres s'obstinent à le
méc(mnaître, nous n'avons pas tort de leur
reprocher qu'ils sapent la morale par les
fondements. Sans la croyance d'un Dieu ,
souverain législateur, rémunérateur ( t ven-
fieur, il n'est plus de lois, plus de devoirs ou
d'obligations morales proprement dites, plus
de vices lii de vertus.
II. L'I-'criturc nous assure que les athées
n'ont jamais goiVé 1 1 pai\, qu'il n'est point
pour eux de consolation ni de bonheur en
ce monde: ils ont pris eux-mêmes la peine
de nous en convaincre. Oue voyons-nous
dans leurs livres? — 1" Une .iffeclation sin-
gulière de dégr ider l'homme, de le réduire
au iiivcau des bruU"i, alin de prouver im'il
n'est pas l'ouvrage d'un Dieu sage et bon.
Ce n'est pas là le moyen de nous inspirer du
courage, des sentiment.? nobles, l'héroïsme
de la vertu, la satisfaction secrète que goûte
une Ame élevée à sentir ce qu'elle est. Cet
avilissement volontaire cadre bien mal avec
l'orgueil philosophique. — 2* Des i)laintes
arnères sur les misères de l'humanité, sur
les rigueurs d'une nature marâtre, sur les
passions qui nous tourmenlenl, sur les cri-
mes qui nous déshonorent, sur les lléaux qui
couvrent la lerre. Ils en concluent qu'une
Providence bienfaisante ne se mêle point du
gouveinemenl de ce monde. Ces sombres
rédixions ne sont pas fort propres à nous
rendre contents de notre sort. Lorsque les
athées peignent le genre humain, ils le re-
présentent comme une société de m;iiraiteurs
aveuglés, corrompus, forcenés par religion.
Peut on se féliciter de vivre dans une pareille
comp.ignie, ou espérer d'y trouver jamais le
bonheur? — 3" Des blasphèmes contre la
justice d'un Dieu vengeur, contre la sévérité
avec l.iquelle on prétend qu'il punit le crime.
Celle idée, disent-ils, inspire l'elTroi, fait en-
visager Di.'u comme un èlre odieux. A ce
signe, il est diiticile de reconnaître le calme
d'une conscience pure, exempte de trouble
et de remords. Us se plaignent de ce que la
vertu n'est pas heureuse sur la terre, et ils
ne veulent point du bonheur d'une autre vie.
Mais si la vertu n'a rien à espérer, ni dans
ce inonde ni dans l'autre, où sera le molif
de lembrasser? — i" Des doutes jetés sur la
perpétuité île l'ordre physique du monde.
Nous ne savons pas, disent-ils, si une révo-
lution suliile ne replongera pas bientôt l'u-
nivers dans le chaos. .Jamais la superstition
la plus aveugle n'inspira une crainte aussi
puérile et aussi absurde. Epicure pensait
qu'il valait encore mieux être sous l'empire
d'un Dieu le plus capricieux, que sous le
joug d'une nécessité impitoyable que rien ne
peut lléihir. .'«ujourd'hui , ses disciples,
moins sensés que lui, préfèrent l'empire de
la nécessité à celui de la Divinité. — 5° Des
éloges prodigués à la fureur du suicide. Si
c'est à ce terme que doit aboutir la suprême
félicité des alliées, un iiomme raisonnable ne
sera pas tenté de la leur envier. Il est bien
absurde de nous proraeitre le bonheur ici-
bas, si nous voulons abjurer l'idée d'un Dieu
vengeur, et de vouloir prouver ensuite que
si nous sommes dégoûtes de la vie, rien n'est
mieux que de se détruire. - 6° Des sophismes
sans lin, pour démontrer qu'il n'y a aucune
certitude dans nos connaissances ; qu'un
sceplicisme général est la seule philosophie
du sage. Mais si toutes nos opinions sont
incertaines , ['alhéisme n'est donc pas un
système invinciblement prouvé, et auquel
on puisse se livrer avec une pleine sécurité.
Douter s'il y a un Dieu, une religion vraie,
une autre vie, ce n'est pas être conv>incu
qu il n'y en a point; l'incertitude sir un ob-
jet aussi important ne peut pas être une
situation douce et agréable. L«s méconlen-
temenis du présent, l'incertitude sur l'avenir,
des fureurs contre Dieu. (k'S invectives cou»
407
ATH
ATH
408
Ire les hommes, ne fareni jamais les sym-
plômesdela paix etdu bonheur. Nous sommps
donc forcés d'acquiescer à la sentence que
Dieu a prononcée ini-méme par un prophète :
Point de paix pour tes impies {Isai. xlviii, 22;
LVII. 21).
III. Le Psalmiste nous avertit que les athées
sont des hommes d'un mauvais caractère,
dang;ereux, malfaisants, pernicieux à la so-
ciété ; rsi-re une accusation fausse? — Puis-
qu'il est démontré que la situation des athées
n'est ni tranquille, ni heureuse, c'est un trait
de cruauté de leur part de vouloir commu-
niquer aux autres le doute, l'inquiétude, le
mécontentement, l'humeur, qui les tourmen-
lenl. Qu'ils s'obstinent à y demeurer, c'est
leur affaire; mais pourquoi vouloir arracher
à leurs semblables l'idée d'un Dieu qui les
console, une reliirion qui les porte à la verlu,
une espérance qui adoucit leurs peines ? A
considérer la manière dont la plupart des
hommes sont constitués, les alhéea sont-ils
sûrs que leurs principes, répandus dans le
monde, n'au{;menteronl pas la quantité des
crimes et le nombre des malfaiteurs? Le
moindre danejer à cet égard devrait arrêter
la main et fermer la bouche à tout homme
sensé. — Quand la vérité de la rrliiiion ne
serait pas invinciblement démontrée, elle est
du moins autorisée par les lois; chez toutes
les nations policées, on a sévi contre ceux
qui violent les lois en attaquant la religion.
Parce qu'il plaît aux alliées de trouver ces
lois injustes, il ne s'ensuit pas qu'elles le
sont en effet, et que l'on ne doit pas punir
ceux qui s'élèvent contre elles. Exiger dans
ce cas une tolérance absolue, c'est autoriser
tous les malfaiteurs à enfreindre toutes les
lois qui les gênent. — Accuser les vivants et
les morts, noircir les motifs de toutes les
vertus qui ont hrillé dans le momie, fouiller
dans tous les coins de l'histoiie pour trou-
ver des reproches contre les personnages
pour lesquels le genre hum.iin a eu le plus
de respect, sonner le tocsin contre ceux qui
prêchent la religion ou qui la défendent,
les peindre comme autant de fourbes ou de
fanatiques ennemis A'\ la société, attaquer
les souverains et les gouvernements comme
complices du même crime : voilà ce que les
athées ont fait de tout temps et font encore.
.Si tous ces excès ne sont pas punissables,
quel a donc été l'objet de la police et de la
législation ?
(l'est une imposture de lenr part de pré-
tendre (]ue Vathéi^me n'influe en rien sur les
mœurs, et qu'un alh('e peut être aussi ver-
tueux qu'un homme qui croit en Dion ; le
contraire est démontré [lar lenr propre crm-
duile. Un nthre n'évite le crime qu'aiil;int
qu'il y est Tircé par les lois ; il ne peut être
homme de bien sans contredire rontinnellc-
menl tous ses principes. — L'influence terri-
ble que Vnthéisme peut avoir sur les mnenr<
du peuple n'est que troft prouvée par un
tait arrivé de nos jours. Il y a environ dix
ans qu'il s'était formé, d.ins la Lorraine al-
lemande et dans l'électorat de Trêves, une
•issoci.'ilion de (?ens de l.i campagne qui
avaient secoué tout principe de religion et
de morale. Ils s'étaient persuadés qu'en se
mettant à l'abri des lois ils pouvaient satis-
faire sans scrupule toutes leurs passions.
Pour se soustraire aux poursuites de la jus-
tice, ils se comportaient dans b-urs villages
avec la plus grande cinonspeclion : Ton n'y
voyait aucun désordre ; mais ils s'assem-
blaient la nuit en grandes liandes, allaient
à force ouverte dépouiller les habitations
écartées, commettaient d'abominabbs excès,
et employaient les menaces les plus terribles
pour forcer au silence les victimes de leur
brutalité. lin de leurs comjilice. ayant été
saisi par hasard pour quelque autre délit,
l'on découvrit la trame de cette confédération
détcitable, et l'on compte par centaine les
scélérats qu'il a fallu faire périr sur l'éclia-
faud. (Lettres sur V Histoire de la terre et de
l'homme, par M. Duluc, 1779, I. I\', lettre 91,
p. liO. ) — Ce fait fut annoncé dans le temps
par les nouvelles publiques, mais il ne fut
pas assez remarqué. S'il avait été question
d'un événement peu favorable cà la religion,
nos philosophes en auraient fait retentir le
bruit dans l'Europe entière. Le sage écrivain
qui le rapporte, et qui en avait presque été
témoin, observe avec raison que si Vathéisme
ne produit pas le même effet sur les hommes
laborieux, timides, dont les passions sont
douces, la société aurait tout à craindre des
paresseux hardis, entreprenants, et dont les
passions sont violentes; l'irréligion en ferait
de vr.iis tigres.
Il ne restait plus aux athées qu'à vouloir
cacher leurs turpitudes sous le masque de
l'hypocrisie, àse prétendreanimés parun zèle
ardent pour le bien de l'humanité , à exiger
des éloges et des récompenses pour le cou-
rage qu'ils ont montré : c'est par là que les
athées ont couronné leurs travaux. — Ils di-
ront sans doute que par ces réflexions nous
cherchons à les rendre odieux, à exciter
contre eux la sévérité des magistrats. Non.
L'Ecriture les déclare insensés : nous sous-
crivons à cet arrêt. On ne punit point les
hommes tombés imi démence, mais on les
met hors d'état de nuire. Le roi-prophè!e re-
met à Dieu la venge.ince de leurs fureurs :
I.evcz-rnus, Seigneur, juf/ez iinus-méme roire
cause ; roi/ez les blasphèmi'S i/ue riysFfisi'. ne
cesse de vomir contre rous; rimarqnez et n'ou-
bliez pas t'orgnril d:' ceux qui se décinreni vos
ennemis, et celte nndarr qui s'nuiimenle de jour
en joui [Ps. lAMii, '■l'i). Instruits par les le-
çons de .lésns-t^Jirist, encore plus parfaites
que celles des anciens justes, nous niMieniaii-
dons à Dieu que la conversion des incrédules.
Nous ignoro'S pourquoi l'on a pris de
nos jours tint de neine pour justifier À'anini,
othre célèbie, ou du moins pour l'excuser et
pour f.iire paraiire ses jngcs coupables de
cruauté. Plusieurs de nos philosophes ont
trouvé bon de faire son apologie; mais l'in-
térêt peisoniiel et la conformité de sintimonl
n'auraiiMit-ils pas influé beaucoup dans cette
chnrilê .ingulière? - Il nous suffit d'obser-
ver (lue \';inini ne fut point livré au sup-
pliée précisément parce qu'il était alliée,
409 ATH ATH 410
mais parce qu'il prêchait Vathéisme , o[ aé- quiavaientservià l'él.iblir parmileshonMiiPs.
dulsait la jeunesse. Ces deux rriiDes sont Ouanl aux deux autres crimes dont on
Irès-diiTérenls. Si les «(/i/es p;ard;)ipnl pour charf;eait les chrétiens , /K/irrinr/ore sonlient
eux seuls leur impiété , personne ne s'infor- qu'ils sont assez réfutés par la purplé des
merail de ce qu'ils pensent : niais ces insen- mœurs qui rèirne parmi eux, par la lempé-
sés veulent dogmatiser, communiquer aux rance et la lidélité qu'ils gardent dans le ma-
autres le poison dont ils sont inl'erlés, et c'est riaf^e, par la modesli ■ avec laqnelle ils sa
ce qu'on a droit de punir. saluent , par leur amour pour la virginité ,
ATHÉNAtiOHE, philosophe athénien, con- par l'éloignement qu'ils ont pour les secon-
verti au chrisli.inisme, présenta, l'an 177, des noces. Il représente conihien il leur est
aux empereurs Marc-Aurèle-Anlonin et Lu- triste d'être acciisésdes crimes contraires par
cius-Aufèlp-(]()niinode , une apolo;;ie pour des hommes ()ni snnt coupables eux-mêmes
les chrétiens , par laquelle il juslifi' leur de toutes les espèces d'impndicité et de for-
croyance et leurs nicBiirs contre les calom- faits. — Loin de pouvoir être convaincus
nies des païens. Il a au<si fait un traité de d'aucun homicide , ils on' horreur de voir
la résurrection des niort^:. répandre le sanu; humain, soit dans les sup-
II demande d'abord pourquoi , sous le rè- plices des criminels, soit dans les combats
gne de deux princes philosophes et nalu- des gladiateiiis ; ils regardent les avorle-
rellement équitables, on n'accorde point aux menis volontaires comme un meurtre , et la
chrétiens , qui font profession d'honorer la coutume d'exposer les enfants comme un
Divinité, la mémcr liberté dont jouissent les vrai parricide.
superstitions les plus absurdes ; pourquoi xitkénigore finit par exposer la croyance
l'on ne procède point contre des hommes des chrétiens sur la résurreetion générale ,
dont les mœurs sont innocentes, dans la uiê- sortes récompenses et les peines de l'autre
me forme juridique qne contre des malfai- vie ; il observe que, quand ce sciaient là des
leurs coupables ilcs plus grands crimes. — erreurs, ce ne seraient pas encore îles cri-
Les pa'iens accusaient les chrétiens de trois mes pour lesquels il fût juste de ha'i'r, de
crimes principaux, d'athéisme, de mer et de persécuter, de mettre à mort ceux qui sont
manger un enfant dans leurs assemblées, de dans ces sentiments.
s'y livrer ensuite à l'impudiciié. Athéiiagore Cette apologie fut présentée vingt-six ou
demande comment l'on peut reprocher l'a- vinijl sept ans après celle de saint Justin,
théisme aux chrétiens qui adorent un seul Les critiques proteslanis, Jurieu, Leclerc,
Dieu en trois personnes.il fait voir que plu- iîarbeyrac et leurs copistes , font plusieurs
sieurs philosophes ont enseigné l'unité de reproches contre la doctrine A' AlUénagore.
Dieu ; que le polythéisme est absurde; que les 1° 11 a eu , disent-ils, trop d'idées platoni-
chrétiens reconnaissent même des anges dont ciennes. Mais il faut faire attention que cet
Dieu se sert pour exécuter ses ordres ; i|ue la écrivain parlait à des empereurs qui fai-
purelé de leur vie démontre assez qu'ils ne saient profession de philosophie, et <iui sans
sontpoint athées. — Le principal fondementde doute respectaient PI ilon ; c'était un traii
celle accusation était l'aversion que li-moi- de prudence de se conformer à leur goût ef
gnaieiit les chrétiens pour les sacrifices et de leur alléguer en plusieurs choses l'auto-
pour l'idolâtrie des païens ; Athénwjoi e s'at- rite de ce philosophe. Quand même Alliéna-
tache à prouver (]ue l'on ne doit [loint liono- gore aurait conservé , après sa conversion ,
rer Dieu par des sacrifices sanglants ; que les opinions platoniciennes qui lui parais-
dans les différentes villes de l'empire l'on saient conciliahles avec les dogmes du chris-
n'adore pas les mêmes dieux; qu'il esl ab- tianisme , nous ne voyons pas où serait le
siirde de prendre les créalures, la matière, crime. De là même il s'ensuit que noire re-
l(> monde, ses dilTi-renles pariies, ou les ido- ligion, dèi sa naissance , n'a pas reiloulé
les, pour des dieux : il fait voir que toutes l'examen des philosophes. — 2" L'on prélend
ces superstitions sont d'une invention très- qu'Athénagore n'attribue à Dieu (|u'une pro-
récente. — Vainement les païens préten- vidence générale , qu'il a supposé que les
daient que le culte des idoles se rapportait anges étaient chargés en détail dugouverne-
auK dieux qu'elles représentaient , et qu'il nient du monde. Selon Barbeyrac , cetti> idée
était confirmé par laverMi miraculeuse de empruntée de Platon , présentée à deux em-
plusieurs de ces simulacres. Alhénagnre dé- pereurs païens, a dû leur fiire conclure que
montre, parle lémo:gnag(^ d s philosophes les chrétiens élaient des polythéistes. — N'ou-
et des poètes, ((ue ces prétendus dieux blions pas que ces deux princes étaient phi-
avaient été des hommes, qui ne méritaient losophes, capables, par conséquent, de mel-
aucun culte religieux ; il insiste sur l'indé- tre de la distinction entre des êtres créés ,
cence de leurs ligures , sur les passions et tels que les anges et un Dieu incrééique
sur les crimes qu'on leur attribuait; il mon- selon la doc'riiie formelle d'Alhénayorr, jii-
tre que l'on juslifiiit mal ces fables , en leur cuii être créé n'est Dieu. Dans son Apologie
doiinaiil un sens physique , et en les appli- et dans son Trailc île la lié^urreclion , il al-
qiianl aux phénomènes de la nature. tribiie expressemen-t à Dieu le gouverne-
il expose la doctrine de Thaïes et de Pla- ment et la destinée de l'homme ; il suppose
ton sur les démons, et celle des chrétiens tou- que les anges n'a'^issent que par les ordres
chant les anges, bons ou mauvais; il souiient et selon les desseins de Dieu; ce n'est pas là
que les esprits malfaisants sont les vrais du |dalouisme. — D'un côté, plusieurs de
auteurs de l'idolâtrie et do tous les prestiges non philosophes ont Koutenu ^ue Vlaloa* qui
411
ATT
ATT
m
admettait un Dieu suprême et des dieux se-
condaires, ou des génies inférieurs à Dieu ,
n'était pas polylliéiste ; de l'autre, nos cri-
tiques soutiennent que celle doctrine, pré-
sentée à deux empereurs instruits, a dii leur
paraître un poljtliéisnie. Rarbeyrac prétend
qa'Athénar/ore n'enseigne point le rulte de»
anges ; comment don<; les empereurs ont-ils
pu conclure de sa doctrine, que les chrétiens
adoraient plusieurs dieux ? Avant de blâmer
les Pères, leurs censeurs di^vraient comnien-
crr par s'accorder avec eux-mêmes. — 3° lU
accusent Atliénuf/ore de n'avoir pas été or"
thodoxe sur le dogme do la Trinité, et jus-
quà présent, (lit lîarbejrac, il n'a pas été
justifié. Probablement ce critique n'a lu ni
la défense de la foi de Nici'e par Hullus, ni le
sixième avertissement de M. Bussuet aux
[iioteslanls, c. 10, n. (il) et suiv., où Aihe'nn-
(jore est justifié pleinement et sans réplique.
Cet auteur dit : « Nous reconnaissons Dieu
le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit ;
nous montrons et l<'ur puissance dans l'unité,
et leurdistinctmn dans l'ordre.» Légat. ,n.iO.
Pour trouver là du polythéisme, ïïarbeyrac
lui fait dire : « Nous a»OHS Dieu le Père ,
Dieu le Fils et le Saint-Esprit unis , à la vé-
rité, d'une certaine manière, ?nais néanmoins
distincts, et ayant leur ordre entre eux.
Nous avons aussi des divinités inférieures à
celles-là, etc. » Est-il permis d'altérer ainsi
la docirin(^ li'un auteur, pour avoir droit de
loi imputer des erreurs? — V" Le grand crime
d'Alhcnagore, aux yeux de nos critiques li-
cencieux , est d'avoir fait trop de cas de la
virginité, et d'avoir dit que les secondes no-
ces sont «m honnvle adultère. Malheureuse-
ment pres(|ue Ions les anciens Pères ont
parlé de même, et c'a été le sentiment géné-
ral des premiers chrétiens. Quand on se rap-
pelle à quels excès la licence du divorce était
portée chez les païens, on n'est plus surpris
des expressions et de la morale sévère de nos
apologistes. Voy. Bigamie. — o" L'on a dit, au
hasard , (\\i'Alliénit<iore n'avait été cité que
par saint Epipliane ; c'est encore une erreur :
il l'a été par Photius, Cod. -iii, d'après saint
Méthode, évéque et martyr, mort vers l'an
311, et par Philippe Sulclas, Serin. 24.
Nous ne sommes pas étonné de i'alTec-
tation des incrédules à déprimer les anciens
délenscurs du christianisme; mais il n'est
pas fort honorable aux protestants do leur
avoir fourni le tuuevus de tant de fausses ac-
cusations.
Les deux ouvrages d' /W /te ««go re se trou-
vent à la suit(; de ceux de saint Justin , ilans
l'ed'tion ili's bénédictins.
ATlltlIiCIS, qualités ou perfections de
Dieu. Quoiiiue l'essence di>ine, parfaitement
simple en elle-même , cxciui; toute composi-
tion et toute disllnrlioii , notre entemiemcnl
borné est forcé de distinguer en Dieu divers
(ilinbuls ou p( rfecliiin;.. Les uns sont nom-
més "^mV/u/s nicltipln/sii/ais; Ifh sont l'aséiié
ou nécessité d'être, l'eteriiiié, riiilinilé , l'im-
mensité , la spiritualité, l'immutabilité , la
simplicité, l'entendement, la volonté, la tout' -
pui»SiiHCt« , la «cionc0 , lu sagesse , etc. Les
antres sont nommés perfections morales ; ce
sont celles qui établissent des relations mo-
rales entre Dieu et les créatures intelligen-
tes , et qui nous imp isenl des devoirs mo-
raux envers Dieu : telles sont la providence ,
la bonté, la sainteté, la justice, etc. Knt^. cha-
cun de ces attributs sous son nom particulier.
Dans le mystère de la sainte Trinité , les
attributs de Père et de l'ils sont nommés at-
trihuts relatifs, parce que l'un rappelle l'i-
dée de l'autre ; il n'en est pas de même des
attributs absolus don\. nous avons parlé; l'i-
dée d'immensité ne rappelle point relie de
toute-puissance, etc. — Nous ne pouvons con-
cevoir les attributs de Dieu que par compa-
raison avec ceux île notre âme, ni les expri-
mer autrement ; comme celle comparaison
n'est pas juste, il en résulte une diflieulié in-
surmontable de concilier quelques-uns de
ces attributs enire eux, par exemple, la sim-
plicité de Dieu avec sou immensité , sa li-
berté avec son immuiabilité. Il n'est pas
moins difficile de concilier la prescience de
Dieu avec le libre arbitre de l'homme. Mais
lorsque plusieurs vérités sont démontrées ,
la difficulté de les concilier entre elles ne
prouve que la faiblesse de notre entende-
ment. — De là les athées ont pris occasion
de nous reprocher l'anthropomorphisme spi-
rituel , c'est-à-dire , d'attribuer à Dieu des
qualilés humaines , et de concevoir Dieu
comme un homme plus parlait que nous.
C'est une accusation fausse , puisque nous
avouons qu'en Dieu toute perfection est in-
finie, et que l'infini passe toutes nos concep-
tions. Voy. ANTH»opo:Moi<eiii8ME.
ATTIUITON , contrition imparfaite. Les
théologiens scolasiiques la délînisseut une
douleur et une détestatiou du péché, qui nait
de la considéraliou de la laideur du péché
et de la crainte des peines de l'enfer. Le con-
cile de Trente , sess. l'i- , c. * , déclare ((ue
celle espèce de contrition , si elle exclut In
volonté de pécher, et renferme l'espérance
d'obtenir pardon de ses fautes passées , est
un don de Dieu , un uiouvement du Saint-
Esprit , et qu'elle dispose le pécheur ù rece-
voir la grâce dans le sacrement de péniten-
ce. Le sentiment le plus reçu sur Vallrition
est que, dans le sacrement do pénitence, elle
ne suffit pas pour justifier le pécheur, à
moins qu'elle ne renferme un amour com-
mencé de Dieu , par lequel le pécheur aime
Dieu comme source de toute justice. C'est la
doctrine du concile de Trente, sess. G,cha|i.t>,
et de l'assem lée du cierge de France, en 1700.
Les théologiens disputent entre eux sur la
nature de cet aiii^ur : les uns veulent que
ce suit un amour de ehariié proprement dit;
les autres souiieniiiul qu'il suffit d'avoir uu
amour d'espérance , et qu'il est impossible
d'espérer di' Dieu grâce et miséricorde, sans
re.-seiitir nu inouvemeiit vi'imour. En ef-
fet, lorsqu uu (léeheur tail allenlion à la
bonté de Dieu , qui daigne nous pardonner
et nous recevoir eu grâce, pourvu que nous
nous repentions dr l'avoir oITensé, (lue nous
eu l'a>.sions liuiiiblemeiil i'aveu, et que nous
soyons résolus de ne plus pocher, se peut-il
415
ADD
AUG
414
faire qu'il ne senle pas au fond de son cœur
un mouvemenl d'amour de ceCte bonlé infi-
nie? Il paraîl donc impossible d'espérer siu-
cèrenicni le pardon de nos crimes, sans coni-
ntenccr d'aimer Dieu coiiiiiie source do toute
justice, à moins qu'on ne soulienne qu'il est
possible de désirer et d'esiicrer un bienfait ,
sans peuser direcleinenl ni indirectenienl au
bieufaiteur, cl sans ressentir aucun mouve-
ment de reconnaissance : or cela n'est pas
concevable.
li est bon de remarquer que le nom d'ai-
Irilion ne se trouve ni dan» l'Eerilure ni
dans les Pèris;(ju'il doit son origine aux
lliéoio^iens scolastii|ue$; et ils ne l'ont intro-
duit qne vers l'an 12-21), comme le remarque
le l>. Morin, de Pœnil., lib. vin, c. 2, n. 14.
Avant ce temps-là on ne pensait pas à faire
l'anatomie des senliiiienls du pécheur au tri-
bunal de la |iéiiilcnie. On supposait que la
volonté sincère de se réconcilier avec Dieu
est déjà un commencement d'amour do Dieu.
ATTUllIONNAlUliS , nom qu'on donne
aux théologiens qui soulienneni que ï'atlii-
tion servile ou conçue par une ciainle ser-
vilo est sufiisante pour justifier le pécheur
dans le sacrement de pénilence.
Ce terme est ordinairement pris en mau-
vaise part et appliqué à ceux qui ont sou-
tenu, ou que ['atti iliun conçue par la crainte
des peines éternelles, sans nul uiutif d'amour
de l>ieu,clail sur(isante,ou qu'elle n'exigeait
qu'un amour iialurelditDieu, ou ((uc la crainte
(les maux (emporeU sullisait pour la rendre
bonne : opinions condamnées par les papes
et par le clcr';;e de France. Voy. Ckainïe.
AUHE \ oy. HaB;TS s Afiiiii dotaux.
AUDlKiNS, AUDÉliiNS ou VADIliNS, héré-
tiques du IV siei le , ainsi appelés du nom
d'.lu(/ius, leur chef, qui vivait en Syrie ou en
Mésopotamie vers l'an 3i2,et qui, ajanl dé-
clame conire les mœurs des ecclésiastiques,
finit par dogmatiser et former un schisme.
isnlre autres erreurs, il célébrait la pâque
à la façon des Juifs , et enseignait que Dieu
avait une ligure humaine, à la lessemidance
de laquelle l'homme avait été créé. Selon
Theodoret , il cmyait (jue les ténèbres , le
feu et l'eau n'avaient point de commence-
ment. Ses sectateurs donnaient l'absolution
sans imposer aucune salisfaction canonique,
se conienlanlde faire passer les penilenls en-
tre les livres sacrés et apocryphes, lis menaient
une vie trés-ietirée, et ne se trouvaient point
aux assemblées ecclésiasliques, parce qu'ils
disaient que les impudiques et les adultères
y étaieni reçus. Cependant Théodorel assure
qu il se cominetlait beaucoup de crimes
parmi eux. Saint Augustin les appelle ni-
diens, et dit que ceux (jui étaient en lîgyj te
communiquaient avec les catholiques. Quoi-
qu'ils se lussent donne des évéques , leur
secte fut nombreuse; leur hérésie ne suli-
sistait déjà plus , et à peine connaissait-;) i
leur nom du temps de Facundus , qui vivait
dans le v« siècle.
L« P. Petau prétend que saint Augusiin et
Theodoret ont mal pris le seiitinn ni de; nn-
<i>fns et ce qu'eu dit saint lipipliaue , qui no
leur attribue, dit-il, d'autres sentiments que
de croire que la ressemblance de l'homme
avec Dieu consistait dans le corps. Kn effet,
le texte de saint Epiphanc ne porte que cela,
et ce Père dit expressément que les aadieni
n'avaient rien changé dans la docirine de
riiglise ; ce qui ne serait pas véritable, s'ils
(u«sent donné à Dieu une forme corpo'-
relie.
AUGSIiOUIlG. Confession û'Aufjsùourg ;
formule ou profi-ssion de foi présentée par
les luthériens à l'einpereur Charles V, dans
la dit'te tenue à Amjsljourf/ en lo.'iO.
Celle confession , composée par Alélanch-
Ihon, élait ilivi'^ée en d(Mjx parties. La pre-
mière contenait vini;t-un articles sur les
princi|)aux points de la religion. Dans le
premier, on reconnais-ait ce (|ue les quatre
premiers conciles généraux avaient décidé
louchant l'unité d'uu Dieu et le mystère de
la Trinité. Le second admettait le péché ori-
ginel, de même que les calholi<iues, excepté
que les luthériens le faisaient consister tout
entier dans la concupiscence et dans le dé-
faut de crainte de Dieu et de confiance en sa
bonlé. Le troisième ne comprenait que ce
qui est renfermé dans le symbole des apô-
tres, louchant l'incarnation, la vie, la mort,
la passion, la résurrection de Jésus-Christ ,
et son ascension. Le quatrième établissait,
contre les pèlagiens , que l'homme ne peut
être juslilie par ses propres forces : mais on
y prelendait, contre les catholiques, que
la jusUGcation se faisait par la foi seule,
à l'exclusion des bonnes œuvres. Le cin-
quième était conforme aux senlinienls des
catholiques , en ce qu'il disait que le Sainl-
Esprit esl donné par les sacrements de la loi
de grâce ; mais il dilTérait d'avec eux, en re-
connaissant dans la seule foi l'opêraiioli du
Sainl-Esprii. Le sixième, avouant que la foi
devait produire de bonnes œuvres , niait ,
contre les catholiques, (jue ces bonnes œu-
vres servissent a la justification, prétendant
qu'elles n'élaient laites que pour obéir à
Dieu. Le septième voulait que l'Eglise ne fûl
coihposée que des seuls élus. Le huitième
reconnaissait la parole de Dieu et les sacre-
ments pour efficaces , quoique ceux qui les
confèrent soient méchanls et hypocrites. Le
neuvième Sùutenail, contre les anabaptistes,
la nécessilé de baptiser les enfants. Le dixiè-
me professait la présence réelle du corps et
du sang de Jésus-Chrisl dans l'eucharistie.
Le onzième admettait, avec les catholiques ,
la nécessilé de l'absolution pour la rémis-
sion des péchés, mais rej^'lait celle de la con-
fession. Le doiizièm- condamnait les ana-
baptistes qui soulenaJent l'inaïuissibilité de
la justice, et l'erreur des novaliens sur l'i-
nutililé de la pénitence : mais il niait, contre
la foi catholique , qu'un pécheur repentant
pût mériler, par des œuvres de jiCnitence, là
rémission de ses pèches. Le treizième exi-
geait la foi actuelle dans tous ceux qui re-
çoivent les sacrements , même dans les en-
fants. Le quatorzième défendait d'enseigner
publiquement dans l'Eglise, ou d'y adminis-
trer les sacrements sans uue vocation iégi»
415
AUG
AUG
41 S
time. Le quinzième commandait de garder
les fêtes et d'observer Us cérémonies. Le
seizième tenait !es ordonnances civiles pour
légitimes, approuvait les magistrats, la pro-
priété des Ijiens et le miiriage. Le dix-sep-
tième reconnaissait la résurrection future,
le jugement général, le paradis et l'enfer, et
condamnait le* erreurs des anabaptistes sur
la durée finie des peines de l'enfer, el sur le
prétendu règne de Jésus-Christ , mille ans
avant le jugement. Le dix-huilièine déclarait
que le libre arbitre ne suffisait p;is pour ce
qui regarde le salut. Le dix-neuviènie, qu'en-
core que Dieu eût créé l'Iionime , et (lu'il le
conservât , il n'était ni ne pouvait être la
cause de son péché. Le vinglièm*' , que les
bonnes œuvres n'étaient pas loul à fait inu-
tiles. Le vingt-unième dcfendail d'invo(iuer
les saints, parce que c'était, disail-il, déro-
ger à la médiation de Jésus-Christ. — La se-
conde pariie , qui contenait seulement les
cérémonies et Irs usages de l'Eglise, que les
protestants trailaieni d'abus , et qui les
avaient obligés, disaient-ils, à s'en séparer,
était comprise en sept articles. Le premier
admettait la communion sous deux espèces,
et défendait les processions du s.iint sacre-
ment. Le second condamnait ie célibat des
prêtres, religieux , religieuses , etc. Le troi-
^ième excus.iit l'abolition des messes basses,
et voulait qu'on célébrât en langue vulgaire.
Le quatrième exigeait qu'on déchargeât les
fidèles du soin de confesser leurs péchés, ou
du moins d'en faire une énumération exacte
et circonstanciée. Le cinquième combattait
les jeûnes et la vie monastique. Le sixième
improuvait ouvertement les vœux miMiasti-
qucs. Le septième enfin établissait , entre la
puissance rcclésiasiique et la puissance sé-
culière, une dislinclion qui allait à ôter aux
ecclésiasli(iucs toute puissance tem|K)relle.
Celte coiilession de foi était signée par l'é-
lecteur de Saxe et par le due de Saxe, par le
marquis de Brandebourg, par deux ducs de
Lunehourg. par le landgrave di\ Hesse, par
le prince d'Anhalt, parle magistrat de Nu-
remberg elpar celui île Reuilingue. Nous n'y
ferons que (juehiucs observations. — 1" Il
s'en faut biaucoup que cette pièce vantée
parjMosheim et pai- les luthériens comme une
merveille soit un chel-d'œuvre de théologie;
l'ordre y manque, on n'y suit peint le iil des
matières. Ce (jui regarde les bonnes oMivres,
par exemple, est paila^é en deux ou trois
articles; on dit, dans l'un, qu'elles ne con-
tribuent en rien à la justification; dans un
autre, qu'elles ne sont pis inutiles, et l'on
n'expli(ine point en (|iioi consiste leur utilité.
Le cinquième article décide (|uc les sacre-
ments donnent le Sainl-Ksprii, et que l'opé-
ration (1(1 Saint-Ksprit consiste dans la loi
seule ; l'on souiienl dans le neuvième qu'il
faut néanmoins baptiser les enfants: mais de
<|nelle foi les enfanls sont-ils capables?
Quelle peut être en eux l'opération du ^ainl-
Espril? Il y aurait bien d'antres conlradic-
lioiis à remarciuer. — 2' Mosheim en impose
quand il dit que tous les prutendmls l'aiiop-
tèrenl pour règle de leur foi. Uist. ccclés, du
XVI» siècle, sect. 1, c. 3, § 2. Les luthériens
mêmes ne la soutinrent pas dans tous ses
points, telle que nous venons de la lappor-
ter; mais ils l'aliérèrent et varièrent dans
plusieurs, selon les conjonctures et les nou-
veaux systèmes que prirent leurs docteurs
sur les différents points de doctrine qu'ils
avaient d'abord arrêtés. En effet, elle avait
été publiée en tant de manières, et avec des
différences si considérables,;! Wurtemberg et
ail eurs, sous les yeux de Mélanchthon et de
Luther, que quand, en 1561, les pruleslanls
s'assemblèrent à Naumbourg, pour en don-
ner une édition authentique, ils déclarèrent
en même temps que celle qu'ils choisissaient
n'iniprouvait pas les autres, et particulière-
ment celle de Wurtemberg,, faite en 15iO.
Les sncramenlaires croyaient même y trou-
ver ce qui les favorisait. C'est pourquoi les
zwingliens, dit M. Bossuet, l'appelaient ma-
lignement laboîte de Pandore, d'où sortaient
le bien et le mal ; la pomme de discorde entre
les déesses; un grand et vaste manteau oîi
Satan se pouvait cacher aussi bien que Jé-
sus-Christ. Ces équivoques et ces absurdités,
oîi tout le monde pensait trouver son compte,
prouvent que la confession A'Augsboiirf/ était
une pièce mal conçue, mal digérée, dont les
parties se démentaient et ne composaient pas
un système bien uniforme de religion ; Calvin
feignait de la recevoir pour appuyer son
parti naissant, mais dans le fond il en por-
tait un jugement peu favorable. — 3° En
même temps que les chefs du parti luthérien
présentaient celte confession de foi à la dièle
A'Augsbourf/, (juatre villes impériales, Stras-
bourg, Constance, Mémingue, Landaw, qui
avaient embrassé les sentiments de Zwingic,
présentèrent aussi la leur, qui avait été eom-
posée par Martin Bucer, et qui fut aussi re-
garilée comme un prodige de doctrine par lo
parti zwinglien ou calviniste. Cela n'empê-
cha pas Bucer de souscrire la confession
û'Aiigsbourg cl la défense de celte confession ;
les signatures ne coulaient rien aux préten-
dus réformateurs, dès que cela leur était
utile. Mélanchthon lui-même, qui, d.ins la
seconde partie de la confession A'Aiigsbonrg,
condamnait si hautement les cérémonies de
l'Eglise romaine, le fais lit contre son propre
sentiment, et uniquement |iOur complaire à
Luther. On sait d'ailleurs (jue Mélanchthon
regardait ces rérémonies comme assez in-
di!Tèrentos, et ne jugeait pas que ce lût un
sujet légitime de l'aire schisme avec l'Kglise
catholique; Mosheim en co'ivient, itirf., c. '(■,
§ k, note. Ainsi les princes protestants, qui
n'étaient certainement pas théologiens, el
qui ne voulai ni avoir aucun respect pour
le pape, juraienl dans le fond sur la parole
de Luther. Quoi(iue l'on ne voulût pas ad-
mettre celui-ci à la diète ni aux conférences,
parce qu'il élaii trop violent el trop brouil-
lon, il se tenait à Cobourg, dans le voisinage
t\'Au(jsbou)g, el les protestants ne faisaient
rien (|ue par son inspiration. Mosheim, ihid,
c. 3, S 2, note du traducteur sur le § k. S'il
lui avait plu d'être sacramentaire ou ana-
baptiste, tous les luthériens le seraient au-
w
AUG
AUG
ils
jourd'hui. — k° Les zwingliens ou calviiiis-
l(<s, les anabaptistes , les socinieiis mèiiics,
•vi leur parli avait déjà été formé pour lors,
n'auraient pas eu moins de droit que les lu-
(hérieiis de demander l'exercice libre de
leur religion; cependant ceux-ci ne le vou-
laient pas souiïrir où ils élaienl les mailrcs:
nous voudrions savoir pourquoi l'emiicreur
et les princi's de l'empire étaient plus oblijjés
de permettre l'exercice libre du luihérauisme
que relui des autres sectes. Dans le fond,
qu'élait-il besoin de confessions de foi ? Les
luthériens auraient dû suivre un procédé
plus franc ol plus honnête ; ils devaient se
borner à dire à la diéle : Vous n'avez rien à
voir à nos sentiments ni à notre doctrine,
nous n'en devons compte qu'à Dieu seul;
nous prétendons avoir droit de le servir se-
lon les lumières de notre conscience ; bien
enleudu que nous accordons le même droit
aux autres. Mais non, les luthériens vou-
laient être tolérés et intolérants, jouir de la
liberté et ne l'accurdei- à personne, dominer
seuls, chasser et proscrire (|uiconque ne se-
rait pas luthérien ; et si on veut les en croire,
l'on a violé toutes les lois divines et humai-
nes, en leur refusant ce qu'ils demandaient.
Celait aussi l'esprit des calvinistes et de
toute autre secte prolestante. — 5° Les lu-
thériens faisaient semblant de désirer un con-
cile général; Mosheim déclame contre Clé-
ment Vil, qui semlilail le redouter et qui en
retardait la convocation sous difl'erents pré-
textes ; mais quand ils virent (jue Paul 111
consentait à le convoquer, ils ijrolcstèrent
d'avance contre tout concile qui serait as-
semblé par le pape, surtout en Italie, et ils
prétendirent que l'empereur avait droit de le
convoquer en Allemagne, sous prétexte que
partout ailleurs le pape aurait trop d'auto-
rilé. Mosheim, ibid., S 8 et 9, notes du tra-
ducteur sur les S ^ et 9. Mais nous deman-
dons à quel titre les évèques d'iispagne, d'I-
talie, de France et d'Angleterre, pouvaient
élre obligés de se rendre à un concile con-
voqué en Allemagne par ordre de l'empe-
reur, pendant qu'ils étaient tous persuadés
que c'était au pape de l'indiquer et de l'as-
sembler? Pourquoi les souverains catholi-
ques devaient plutôt consentir à la tenue
d'un concile général en Allemagne, que les
princes allemands à ce qu'il liil tenu en Ita-
lie? Pourquoi les évêques de ces divers
royaumes pouvaient espérer plus de liberté
en Allemagne, déchirée pour lors par des
factions, que les Allemands en Italie où tout
était tranquille? A-t-on quelque preuve
qu'au concile de Trente les évèques français,
espagnols ou allemands, ont été gênés par
l'autorité du pape, qu'ils n'ont pas eu la li-
berté des opinions , qu'on les a forces de
souscrire à quelque décret contre leur pro-
pre sentiment? Il est donc clair que les lu-
thériens ne voulaient point de concile, à
moins qu'ils ne fussent assurés d'y être les
maîtres: cela est démontré par la narration
même de Mosheim. — t)° Enfin, supposons
que le concile eût été convoque et asseiuhic
en Allemagne, il fallait y appeler nuu-seule-
mcnt les catholiques, mais les anabaplisl.s,
les calvinistes et les an!;;licans : les (îrecs
même srhismaliques, les nesloriens, les ja-
cobites,les arméniens, n'y avaient pas moins
de droit que toutes ces sectes récenies. Nous
ne demandons pas si les Asiatiques auraient
été fort uliéissanls aux ordres d'un empereur
d'Allemagne; mais si les sectes protestantes
se seraient mieux accordées dans un concile
qu'elles n'ont fait ailleurs. Les protestants
ne cherchent qu'à faire illusion, lorsqu'ils se
plaignent de la manière dont les catholiques
se sont comporlésà leurégard. Uossuet, Hist.
des Variai., I. m.
La confession ti'Auçisbourg se trouve dans
le recueil imprimé à (îenève en 165''i';mais
on ne sait pas si elle y est telle (Qu'elle fut
présentée en 1330, puisqu'elle a été changée
plusieurs lois.
AIH;UKK, AUSPICKS. Voy. DivmArioN.
AUGUSTIN (saint), évêque d'Hippone en
Afrique, est le plus célèbre des docteurs de
ri'lglise ; aucun autre n'a autant écrit. Un
théologien ne peut se dispenser d'en connaî-
tre les ouvrages. La meilleure édition est
celle des bénédictins, en onze volumes ia-
fcl. Le premier contient les deux livres des
lîélractations, les Confessions, quelques ou-
vi-ages philosophiques, et plusieurs Traités
contre les manichéens. Le deuxième, les Let-
tres de saint Augustin. Le troisième, des
Commentaires sur différentes parties de l'An-
cien et du Nouveau Testament. Le quatrième,
des Discours sur les psaumes. Le cinquième,
les Sermons. Le sixième, différents Traités
sur le dogme et sur la morale. Le septième,
d'autres ouvrages semblables, et les vingt-
deux livres de la Cité de Dieu. Le huitième,
plusieurs écrits contre les manichéens et les
ariens, et quinze livres sur la Trinité. Le
neuvième, les ouvr;iges contre les doTiatistes.
Le dixième, ce qu'il a écrit contre les péla-
giens. Le onzième renferme la \ic de saint
Augustin, et des tables très-amples. 11 faut y
ajouler pour douzième volume l'Appendice
lait par Le Clerc.
Aucun des Pères n'a reçu de plus grands
éloges, n'a essuyé des censures plus amères,
n'a donné lieu à de plus vives contestations.
Les théologiens catholiques le regardent
comme l'oracle de l'Eglise et le vainqueur
de trois sectes d'hérétiques ; comme un génie
supérieur auquel Dieu avait donné des lu-
mières extraordinaires pour expliquer l'E-
criture sainte , surtout les écrits de saint
Paul ; comme un maître duquel on ne peut
rejeter les opinions sans se rendre suspect
d'erreur. Les hétérodoxes, surtout les soci-
niens, soutiennent que c'est le plus igno-
rant de tous les commentateurs, qu'il ne sa-
vait ni l'héhreu ni le grec, n'avait aucune
des connaissances nécessaires pour entendre
les livres saints; un enthousiaste et un so-
phiste, toujours prêt à ériger ses opinions en
articles de foi, et à persécuter ceux qu'il lui
plaisait de nommer hérétiques : < 'est ainsi à
peu près qu'il est représente par Le Clerc.
Saint .[uguslin a eu parmi les modernes
de savants apologistes : le cardinal Noris, le
419 ÀtjG
célèbre Muralori, le marquis Seipion, Maffei,
M. Bossuel, Défense de la trail. el des saints
Pères, elc. Sans iJérogor iiu nu rilo do leurs
ouvrages, el sans les conlredire en rien,
nous nous permellions qui Iques réflexions.
— 1° Le meilleur moyen de réduire au silence
les ennemis de snint Ainjustin cl de l'Eglise
n'est pas d'allribuer à ce Père une espèce
d'iiir.iillihilitc à laquelle il était bien loin de
prétendre: souvent il a désapprouvé sur ce
point le zèle trop ardent de ses amis : « Si
vous préleuilez, leur dit-il, que je ne me suis
trompe dans aucun en Iroit de mes ouvrages,
vous travaillez en vain , vous défendez une
mauvaise cause, vous la perdrez à mon pro-
pre tribunal. Je n'exige point que l'on em-
brasse toutes mes opinions, ni que personne
me suive, sinon dans les choses surlesquelles
il verra que je ne suis point dans l'erreur.
C'est pour cela même que je fais des livres ,
dans lesquels j'ai résolu de revoir liies ou-
vrages, afin de monlnrquuje ne me suis
pas suivi moi-même en toutes choses. Kl
quoi(|ue, par la miséricorde de Dieu, je crois
avoir fait des [>rogrès , je n'ai pas la vanité
de penser qu'à mon â^e même je si)is à cou-
vert de tout danger d(> fiiillir. » Epist. Ii3,
n. "2; Jipist. 44-3, n.8; De dono persev., c. 21,
n. 53; De anima el ejus orig., 1. iv, c. 1, n. 1 ;
lieiracl., 1. i ; Prolog., n. 2, etc. — 2' Puis-
que saint Augustin lui-même en appelle à \n
Iralition, c'est suivre la règle qu'il tr.ice que
d'examiner si tous les sentiments qui sont
dans Ses ouvrages sont d'accord avec la doc-
trine des Pères qui l'ont précédé. On ne peut
être obligé de les suivre qu'autant que' l'on y
reconnaîtrait une Ir.iditioii constante qui re-
monterait jusqu'aux siècles apostoliques. (]e
saint doclcur n'a jamais cru qu'il dût seul
former le langa;;e de la foi ; et quelque res-
pecta! le que soit son autorité, elle n'empê-
che pas d'examiner différents points sur les-
quels l'Eglise n'a rien décidé. — 3' L'an .V31,
le pape saint Célestin, écrivant aux ciêques
des (Jaules, après avoir reconnu le méiiie de
saint Augustin, les services qu'il a rendus à
l'Lglise, et I orthodoxie de sadocliine, après
avoir fixé le dogme catholique contre les pé-
lagiens, ajoute : « Ou.inl aux questions plus
dilficiles et plus profondes, qui ont été trai-
tées plus au long par ceux qui ont réfuiè les
hérétiques, nous n'osons pas les mépriser;
mais nous ne croyons pas qu'il soit néces-
saire de les étatdir. En effet, pour confesser
la grâce de Uicu , au mérile el à l'influence
de la(|uellc il ne faut rien ôter, il nou» parait
suffire de tenir ce que nous ont enseigne les
ècrils du siège apostolique selon les règles
dont nous venons di; parler, et de ne point
regarder comme calh')lique tout ce qui pa-
rait contraire à ses décisions. » — Or, dans
la doclnne [irescrile par ce ponlife , il n'est
question ni de la prédestination gratuite à la
gloire éternelle, ni de la distribution plus ou
moins abondante de la grâce, ni de la nature
de la grâce eflicuce, ni de la luauicrc de la
concilier avec la liberté, ni du supplice éler-
nel réservé au péché originel; donc toutes
ces (lucstions sont du nombre de celles que
AUG
420
saint Célestin n'a pas jugées néci^ssalres à
établir, qui, par conséquent, ne tiennent
point à la foi catholique. — 4° C'est un trait
de prévention de ne vouloir puiser les Senti-
ments de saint Augustin sur la grâce que
dans ses ouvrages contre les pélagiens ; par
là on donne lieu de penser qu'il y a contredit
ce qu'il avait écrit contre les manichéens,
qu'il a mal réfuté ces derniers, qu'il a trahi
la cause de la religion : autant de supposi-
tions injurieuses et fausses. On dit que l'E-
glise a solennellement approuvé tout ce que
le saint docteur a écrit contre les pélagiens ;
mais elle n'a pas répi'ouvé ce qu'il a écrit
contre les manichéens et contre les donalis-
les , ses Commentaires sur l'Ecriture sainte,
ses Lettres , ses Serinons , ses ouvrages de
morale et de piété; dans ceux-ci , saint Au-
gustin ne disputait pas, il instruisait. On
ajoute qu'il n'a rien rétracté de ce qu'il a
enseigné contre les pélagiens : je le crois ; il
écrivait encore contre eux lorsqu'il est mort,
et son dernier ouvrage est resté imparfait :
si par là on veut insinuer qu'il a rétracté ce
qu'il avait dit contre les manichéens, on nous
en impose; eu 420 ou 421, après dix ans de
disputes contre les pélagiens , il réfute un
manichéen. L. contra advers. legis et propit.
Loin de déroger à ses premiers ouvrages, il
y renvoie ; il n'en désavoue donc pas la doc-
trine. Pour prendre ses vrais sentiments, il
faut le comparer avec lui-même, et voir com-
ment on peut le concilier. — 5" Les pélagiens
ont été condamnés par l'Eglise grecque et
latine au concile d'Ephèse. Les Grecs n'ont
donc pas adopté les erreurs de ces héréti-
ques, et l'Eglise grecque a fait partie de l'E-
glise universelle jusquau i^'^^ siècle. Dans cet
intervalle ont vécu saint Cyrille d'Alexan-
drie, Thcodoret , saint Isidore de Dainietle,
saint Proclus de Constantinople , saint
Epbrem, saint Maxime, saint Pierre Chryso-
logue, saint Jean Damascèae, etc. Ces Pères
ont-ils emb.assé toutes les opinions de s.iint
Auguslin, toutes ses explications de l'Ecri-
ture, que l'on voudrait faire passer pour des
articles de foi? - G° Aux jeux des hommes
instruits, un zèle excessif pour les opinions
de saint Augustin peut paraître suspect. Avec
quelque-, passages cent fois répétés, et qui se
trouvent partout, on se donne à peu de frais
le relief de l'oi tliodoxie; on se trouve dis-
pensé de consulter l'Ecriluie sainte dans ses
sources, de rechercl^er la tradition des quatre
premiers siècles , de respecter les anciens
Pèr( s, de garder aucun ménagement envers
les théologr^Mis modérés, même de raisonner
Cons (ju inincnt.
11 nous reste à défendre saint Augustin
conlic les calomnies des hérétiques et des
incrèdulis. - Ils l'accusent , 1" d'avoir tou-
jours raisonné en parfait inatériulisie sur la
nature des substances spirituelles. Cependant
nous trouvons, dans ses livres sur la Triiiiié,
liv. X, c. lll, une démonstration de la spiri-
tualité de l'àme à la(|uelle 1 s malèrialisles
n'ont jamais répondu; elle e>t tirée du sen-
timent intérieur. Je sens ma propre exis-
tence, dit saint Auguslin, et je me sens dis-
i<»l
AL'G
lingue de tout être qui n'est pas moi : or, je
ne stMis ni l'existence , ni la structure , ni le
|cu de mon cerveau, ni d'aucune partie inté-
rieure de mon corps; donc chacune de ces
parties , et toutes prises ensemble , ne sont
pas moi : ce que j'appelle mni, ou mon âme,
est quelque chose de plus. Saint Augustin a
certainement cru et prouvé la création, \>r\>e
en rigueur; un être corporel ou matériel
peut-il être créateur? Vny. Immaiéiualisme.
— 2° D'avoir rejeté la liberté d'indillérence,
J'avoir admis dans la volotiié , mue par la
grâce , la même nécessité d'agir que Calvin
et Jansénius. Fausseté criante. La vérité est
(Jue saint Augustin a rejeté seulement Vindif-
férence soutenue par les pélagions, c'esl-à^
dire, le penchani égal au bien et au mal , la
même facilité de faire l'un que l'autre, l'équi-
libre de la volonté enlro l'un et l'autre; c'est
en cela que les pélagiens faisaient consister
la liberté. Voy. Op. imperf., lib. m, n. lOi»,
117, clc. Saint Augustin soutient avec r;iison
que l'homme, corrompu par le péché origi-
nel, n'a plus cette heureuse iuilifféreiice ,
qu'il est plus porté au mal qu'au bien, qu'il a
^c-oin d'une grâce qui rétablisse en lui le
libre arbitre , en lui rendant le pouvoir de
choisir le bien. Il a fallu toute la prévention
de Calvin et de Jansénius , pour soutenir
qu'une grâce qui rétablit la liberté impose
la nécessité de faire le bien. — 3' D'avoir été
aussi grand préilcslinaleur (]ue Calvin. Nous
ferons voir à l'art. Prédestination la diffé-
rence qu'il y a entre le système de Calvin et
celai de saint Auguttin. Il suffit d'observer ici
que, par prc'dcsiination des saints, ce Père
a entendu la prédestination des lidèles à la
grâce de la foi , et nous le prouverons par
l'analyse du livre qu'il a fait sous ce titre. —
4" On lui reproche d'avoir enseigné une mo-
rale pernicieuse, en soutenant que Sara,
éi)ouse d'Abraliam , a pu permettre à ce pa-
triarche de prendre Agar pour concubine,
et en posant pour maxime que tout uppar-
tient aux justes. A l'article Polygamie, nous
prouverons que cet abus n'était pas défendu
aux patriarciies par le droit naturel ; qu'Agar
était une seconde épouse, et non une concu-
bine. L'abus d'un terme n'est pas un titre
légitime pour condamner les Pères de l'Eglise.
— Loin d'approuver la maxime : tout appar-
tient aux justes, saint Augustin a blâmé et
condamné ceux ((Ui, sous ce préiexle, s'em-
paraient des biens des donatisles. — 6° L'on
dii qu'après avoir ppescril la tolérance en
faveur dis manichéens, il a prêché la per-
sécution et la violence contre les donatisles.
Oui , contre les donatisles séditieux, armés ,
sanguinaires, qui, par leurs circoncellions,
remplissaient l',\frique de dosordies cl de
carnage; mais saint Augustin n'a pas dit
qu'il fallait employer contre eux la violence
lorsqu'ils étaiejit paisibles : il a ense gné et
fait le contraire , ei il a eu la consola ion de
les voir réunis à l'Eglise. — Barbcyrac pré-
tend que ce saint docteur a ap|)rouvé la
peine de mort portée par les empereurs con-
tre les païens. Il fallait dire au noins contre
Its sacrifices des païens. Le passage de saint
Ava m,
Anguslin est formel. Episl. 93, ad Vincent.
Rogalislam, n. 10. On iiouvait être p.iïcii
sans offrir des sacrillces, et nous ne voyons
pas en ((uoi il importait a la chose piibli()ue
qu'un usage aussi absurde, et souvent ac-
compagné de crimes, fût conservé.— 6' L'on
préicnd qu'il a été pélagien en ècriv/ml con-
tre les manichéens, et qu'il est redevenu
manichreu eu disputant contre les pélagiens.
C'est une calomnie, et saint Augustin s'en
est justifié lui-même dans ses livres des Ré-
tractations et ailleurs. Mais pour comparer
dix volumes in-folio, pour saisir les vrais
sentimenis de ce saint docteur, pour distin-
guer les .irguments absolus d'avec les argu-
ments personnels qu'il tire des principes de
ses adversaires, il faut plus de sagacité, de
patience, de droiture, que n'en ont eu les
censeurs de ce Père. Les accusations (jue nous
venons de voir ont été tirées des sociniens
et des arminiens, leurs amis, de l$ayle,de Le
Clerc, de B^irbeyrac; les savants Muralori et
MalTei, et plusieurs théologiens, les ont réfu-
tées sans réplique. Nous en réfulerons iious-
même un assez grand nombre dans les divers
articles de ce Dictionnaire. Vog. Lamindus
Pritanius, de ingeniorum moderutione in re-
ligionis negotio, et Uisior. Theul. dogmatum
et opm., de divinn gratin, etc.
Heausobre, dans son Histoire du Mani-
cliéisme, accuse souvent saint Augustin de ne
pas rapporter fidèlement les opinions des
manichéens ; d'attribuer à ces hérélitiues des
erreurs qu'ils n'ont pas soutenues, cl de It's
réfuter par de mauvaises raisons. Ce repro-
che suppose que tous les docteurs manichéens
avaient les mêmes opinions, et que tous sui-
vaient la doctrine de Manès : faux préjugé ,
qui ne s'est vérifiL- à l'égard d'aucune secte
hérétique, et qui n'aura jamais une ombre
de vraisemblance , puisque tout hérétique
prétend être arbitre de sa croyance, et n'ê-
tre assujetti aux leçons d'aucun maiire.
Croirons-nous que suint Augustin n'a pas
su mieux connaître les vrais L-enliments de
Fauste , d'Adimante, de Félix, du Sécondi-
nus , etc. , avec lesquels il avait disputé de
vive voix, que Ueausobre, qui prétend les
deviner par des conjectures et des probabi-
lités?
Quant aux réponses et aux arguments de
ce saint docteur , nous verruns,à l'article
Maricuéisime qu'il a réfuta victorieusement
le principe fondamental de cette hérésie, et
qu'il a résolu solidement la difficulté tirée
de l'origine du mal. Ce point décisif une fois
obtenu, tout le reste du système de Manès
tombait pur terre; mais îieaust)brc n'a pas
daigné faire celte observation, qui était ce-
pendant la première chose à examiner pour
nous faire un tableau fidèle de la dispute.
Les ennemis de ce saint docteur ne se
sont pas bornes à calumnier sa doctrine , ils
ont encore voulu rendre suspectes ses verlus,
.ses actions les plus louables, la confession
mêoie qu'il a faite de ses fautes. Le Clerc
prétend que sant Augustin a écrit ses Con-
fessions, plutôt pour fermer la bouche à ses
détracteurs que pour s'humilier de ses fai-
1-23
AUG
AUG
iti
blesses , et quo c'est une espère d'dpolonie
loii adroite.» Saint Augustin, dit-il, y avoue
les désordres de sa vie qu'il ne pouvait pas
caciier ; il supprime ou excuse le reste, et ne
uénlige aucune occasion de se faire valoir ;
il lui a fallu une forle dose d'ainour-propre
pour parler si longtemps de soi, et pour en-
tretenir ses lecteurs de choses qui devaient
leur être fort iadilTérenles ; il s'adresse à Dieu
pour ne les occuper que de lui-même : s'il
eût voulu simplement les édilier , il n'était
pas moins nécessaire d'avouer les fautes
qu'il avait faites depuis son baptême que
celles qui l'avaient précédé.» — Des ennemis
jaloux pouvaient dire que sat'rU Anfjuslin n'a-
vait pas fait un grand sacriflce en renonçant
à la profession de rhéteur et d'orateur pro-
fane, pour exercer son talent sur un Ihèàlrc
plus brillant, dans l'Eglise niême, où il clail
sûr de jouer un rôle plus honorable tt plus
avantageux; que , par une pauvreté appa-
rente, il avait acquis le droitde subsister aux
dépens des riches, même la faculté d'assis-
ter les pauvres; qu'en paraissant renoncer
à tout, il était parvenu à dominer sur tout
un peuple au nom de Dieu, à se rendre chef
de parti , à pouvoir excommunier, condam-
ner et proscrire ceux qui lui déplaisaient.
Les vraies fautes, continue Le Clerc, dont
Aufjustin avait à se repentir, étaient d'avoir
voulu se mêler d'expliquer l'Ecriture sainte,
après en avoir fait une simple lecture, sans
avoir appris le grec ni l'hébreu, sans avoir
acquis aucune des connaissances iiécessai^-
res ; c'était d'avoir été ordonné prêtre et évê-
que contre les canons du concile de Nice,
qui délendaient à un évêque de se donner
un successeur de son vivant; c'était eiilin
d'être parvenu au plus haut degré de gloire,
d'autorité et de pouvoir, en faisant semblant
de renoncer au monde, aux richesses , aux.
honneurs , artilice qui a éle employé dans la
suite par tant do gens, et toujours avec le
même succès.
Quelque indécente que soit cette satire de
Le Clerc, nous n'avons pas iraintde la co-
pier, afin de montrer jusqu'où les protestants
ont poussé la malignité contre les i'èies de
l'Eglise. Avant de hasarder une pareille cen-
sure, il aurait fallu être certain de plusieurs
faits desquels Le Clerc m' pouvait avoir au-
cune preuve, et que l'on reconnaît être faux,
pour peu que l'on consulte l'histoire. —
1° Le Clerc suppose que quand suint Aui/us-
tin a écrit ses Confessions, il a eu inlenliuu
de les publier, et que, par un esprit prophé-
tique, il a prévu qu'il aurait besoin de celte
apologie adroite pour fermer la bouche a ses
détracleui s ; que son dessein était d'occuper
de lui-même se> lecteurs, et non de s'exciter
à la reconnaissance envers Dieu , par le
souvenir des fautes que Dieu lui avait re-
mises par le baptême. Mais il parait (crtaiii
que cet ouvrage a éle lait vers l'an 'lOO, peu
de temps après la pronmiion de saint Aayiis-
tin à l'épiscopat ; et alors nous no voyons
pas qu'il ait eu des délr.icteurs, ni des accu-
sations à repousser. La manière dont ii eu
parle, en les envoyant à ui'. ami, ijui les lui
avait demandées, Epist. 265, marque la
plus parfaite candeur, et nous ne croyons
pas lui faire grâce en disant qu'il était d'un
caractère trop vif pour être hypocrite. S'il
ne parle pas des fautes qu'il avait commises
depuis son baptême, c'est qu'elles devaient
être la uiatière d'une confession sacramen-
telle, et non d'une déclaration publique ;
celle-ci ne convenait plus à un évêque, obligé
de l'aire respecter son caracière. — 2' La plu-
part des fautes dont saint Augustin s'accuse
n'avaient pas été assez publiques pour ve-
nir à la connaissance de ses ennemis, et les
étourderies de jeunesse qu'il se reproche
n'étaient pas de nature à le déshonorer : où
était donc la nécessité d'en faire une apolo-
gie adroite? Quel avantage saint Augustin
pou vail-il tirer de là pour sa réputation ? Les
Africains, charmés de ses talents, ne pen-
saient guère à aller rechercher ce qu'il avait
fait en Italie. — 3° Qui a révélé à Le Clerc
que quand ce saint docteur quitta la profes-
sion de rhéteur, après son baptême , et re-
tourna en Afrique , il avait déjà le dessein
et l'espérance d'être promu aux ordres sa-
crés ; que quand il se retira dans la solitude,
il savait qu'on l'en tirerait bientôt pour
l'élever au sacerdoce et à l'épiscopat; que
quand il opposa de la résistance à son évê-
que, qui voulait l'ordonner, elle ne fut pas
sincère? Si en cela l'évêque Valère pécha
contre les canons du coucile de Nicée , la
faute ne peut pas en être attribuée à saint
Augustin; c'clàil au primat de Carlliage et
aux autres évêques d'Alrique de s'en plain-
dre, et nous ne voyons pas qu'aucun ait
réclamé : ils jugèrent sans doute que ces
canons n'étaient pas indispensables. — V°Si,
en entreprenantd expliquer l'Ecriture sainte,
saint Augustin avait eu le même dessein que
Le Clerc, qui était de faire pacade d'érudi-
tion et de se montrer plus habile que les au-
tres commentateurs , il aurait eu besoin ,
sans doute, de grec, d'hébreu, d'histoire, de
géographie, etc. ; s'il a seulement voulu en
tirer des leçons morales pour lui et pour les
autres, tout cet appareil ne lui était pas né-
cessaire. Mais voila rentélement des protes-
tants : ils interprètent l'Ecriture sainte com-
me on explique Homère ou Hérodote; el
parce que les Pères de l'Eglise y ont cherché
de quoi nourrir la piété et non la curiosité,
cela déplaît aux protestants. — 5" Le Clerc
a su encore, par révélation sans doute, que
quand suint Augustin a écrit contre les lua-
nichêens, contre les donatistes, contre les
pèlagicns, contre les ariens, contre les pris-
ciihanistes, il l'a fait par humeur, par l'envie
lie contredire et de disputer, et non par zèle
pour la pureté de la toi et pour le salut de
son Iroupe.iu. Cepeiid.int d'autres protes-
tants ont remarque qu'il a traité les héré-
tiques avec plus de modération que saint
Jérôme, qui était cependant plus vieux que
lui. .Mais siin grand crime a é;é de subjuguer
les esprits, de gagner la confiiince, de se
faire admirer par la supériorité de ses la-
lents el par l'ascendant de ses vertus. Heu-
reux, ceux ù qui Dieu a iluiiné assez de mé*
435
AUG
AUG
«ti
rile pour s'allirer de pareils reproches I 11 a
été le Iléaii des héréliiiues de son ti'tnps : il
doit donc être censuré par les hérétiques de
tous les siècles.
Un antre critique, encore plus téméraire ,
a prétendu que saint Atigustin se reconnais-
sait lui-même sujet aux excès du vin, parce
qu'il ditditnssesConfessions, I. x, c.31,n. 47 :
Je suis bien éloifiné de m'enivrer ; cependant
la crapule me .<uri ient quelquefois. Cet ha-
bile homme n'a pas su que crnpulit sigiiilie
souleiiii'nl la douleur de léte qui provient du
vin m,il tligéré : l'homme le plus sobre peut
y être sujet par faiblesse d"es oinac , mala-
die que produit assez ordinairement le tra-
vail d'esprit continué trop longtemps. Il est
fort singulier que des écrivains du xvir ou
du XVIII' siècle se soient flattés de détruire
une répuiatioii de talents et de vertus établie
depuis douzf cents ans ; ou ne doit p.is ôire
élonné de la fureur avec laquelle ils déchi-
rent les vivants, puisqu'ils n'épargnent pas
même les morts ni les saints.
.\u<iiSTiN, tilre que Corneille Jan<énius,
évêqiie d'Yptes, a donné à un ouvr ige qu'il
a composé sur la grâce, parce (ju'il préten-
dait y soutenir le vrai sentiment de saini. Au-
giislin , et y donner la cb'f de> endroils les
plus difficiles de ce Père sur cette matière.
t]e livre, (pii a causé des disputes si vives,
et qui a donné naissance à l'hérésie nom-
mée le Jansénisme, ne parut qu'après la mort
de son auteur , et fut imprimé pour la pre-
mière fois à Louvaiii, ( n IGVO, in-folio. Il est
diïi^é en trois partie-.. La première contient
huit livres sur l'hérésie des pélagiens. La
seconde eu renferme neuf; un sur l'usage
de la raison el de l'aulorilé en matière tlièo-
lugique. un sur la {j;iâre du premier homme
et des anges, quatre de l'éial de nature tom-
b •(■ , irois de l'eiat de pure nature. La
troisième partie est subdivisée en deux :
l'une contient un traité de la grâce de Jésus-
Ch> isl, in di\ livres ; l'autre est un parallèle
entre l'erreur des semi-pélagiens et l'opinion
de quelques modernes, c'est-à-dire des théo-
logiens qui adinetlenl la grâce suffisante.
C'est de cet ouvrage qu'ont été extraites
les cinq fameuses propositions qui en con-
tiennent toute la substance , et qui ont été
ci>udriiiinées par plusieurs souverains pouti-
fe<. A l'article JANsiiMsME, nous en traite-
rons avec plus d'étendue.
AUGISTIMANISME , AUGUSTINIKNS.
Dans les écoles on d mne ce nom aux théo-
logiens qui soutiennent que la grâce est elfi-
cace par sa nature, absolument, sans aucune
relation aux circonsianees ni aux degrés de
force, et qui prétendent fonder cette opinion
sur l'autoiitéde saint Auguslm.
Leur s stèiiie se réduit principalement aux
points suivants : 1° Que, pour l'aire des œu-
vres méiiloires el utiles au salut, les créa-
tures libres, en quelque élal qu'on les sup-
pose, ont besoin du secours intérieur el sur-
naturel de la grâce. C'est un dogme de toi
décidé contre les pélagiens. -i" Que dans l'é-
tat de nature innocente, cette grâce n'a pas
été efficace par elle même et par sa nature. ,
DiCT. DE TUÉOI. DOGMATIolE. I.
comme elle l'est à présent, mais versatile,
c'est ce qu'ils appellent ndjalnriuin sine quo.
— .'{"Que, dans ce même état de nature inno-
cente, il n'y a point eu de décrets absolus,
efficaces, antécédents au consentement prévu
de la naiure, par conséquent, nulle prédes-
lination à la gloire avant la prévision des
iiiériles, nulle réprobation qui ne supposât
la prévision des démérites. — k" Que, dans
l'état de nature tombée ou corrompue par
le péché, la grâce efficace par elle- même est
nécessaire pour toutes les actions surnatu-
relles; et ils appellent celle grâce arfyMoriwm
quo. — .')" Ils fondent la nécessité de cette
grâce, non sur la subordination et la dépen-
dance dans laquelle la créature est à l'égard
du Créateur, comme le veulent les thomis-
tes, mais sur la faiblesse de la volonté hu-
maine considérée après la chute d'Adam. —
()"llsfont consister la nature de celle grâce
elficace dans une déleclalion ou suavité vic-
torieuse , uon par dearés et relativement
comme l'admeilenl les jansénistes, mais sim-
plement et absolument, par ia()ueile Dieu
incline la volonté au bien , sans toutefois
blesser sa liberté. Ils disent, aprè^ saisit Au-
gustin, que Dieu a une infiiiilé de moyens
inconnus et inconcoables à l'iiomme pour
déterminer absolument sa volonté ; Deus
miris inejj'ubilibusquc modis hominss ad se
vocal el traliit. L. i, ad SimpUc. — 7° Outre
la grâce efficace, les atgustiniens en admet-
tent une autre qu'ils numiiienl suffisante,
giâce réelle (jui donne à la volonté assez de
force pour pouvoir, soit médialement , soit
iiniiiédiatement, produire des œuvres surna-
turelles el méritoires, mais qui cependant
n'a jainas son effei sans le secours d'une
grâce efficace. — 8" Selon ces théologiens ,
lorsque Dieu appelle elficacemeiil quelqu'un,
et veut lui faire pratiquer le bien , il lui
donne une grâce efficace qui a toujours son
effet; aux autres il accorde seulement une
grâce suffisante pour accomplir ses com-
mandements, ou au moins pour demander
el obtenir des grâces plus fortes qui leur
fassent remplir leurdevoir. Il est un peu dif-
û(ile de concevoir en quel sens esl suffisante
une grâce (jui n'est pas par sa nature adju-
toriuin quo ; encore plus d.fficile de compren-
dre commeiilla volonté privéede Vadjulorium
quo a un pouvoir réel de faire le bien, —
'.)" Ils soutiennent (jue. quant à l'état de na-
ture tombée, il faiil admettre des décrets ab-
solus et effiraCRS par eux-mêmes pour les
œuvres qui sont dans l'ordre surnaturel, et
que la prescience de ces mêmes œuvres est
fondée sur ces décrets absolus et efficaces.
— 10° Que la prédestination, soit à la grâce,
soit à la i;loire, esl absolument graluilv^; que
la réprobation positive se fait en consé-
quence de la prévisio.) des pèches actuels ,
et la réprobation négative à cause du seul
péché originel. — Ajoutons que, dans ce sys-
tème, le salut éternel n'est accordé qu'à uo
très-petit nombre de prédestinés, qui y sout
conduits par une suite de grâces efficaces.
On divise les augusiiniens en rigides et en
relâchés. Les rigides sont ceux qui soutiea-
li
427
AlIG
AVG
438
nonl tous les points que nous venons d'ex-
poser ; l.s ; (lâchés sont ceuv qui <lisiingnen{
dos œuvres surnalureiles finiies, et des cpu-
vres difficiles , qui n'exigent une grâce efO-
cnce par elle-même qui" pour ces dernières,
et soutiennent que p.mrles iiutres, ti-Ue que
1,1 prière par laiiuelie on obtient des secours
plus forls et plus abondants, la lîrâce suffi-
sante a souvent son effet sans autre secours.
C'éiail le sentiment du cardinal Noris, du P.
I honiassin , et selon M. Habert , évêque de
Vabres, celui que de son temps l'on suivait
communément en Sorbonne. Tonrnély ,
Tract, de Grnt., pari, ii, q, 5, § 2. Nous ne
voyous pas pourquoi une grâce suffisante ,
avec laquelle on fait une bonne œuvre facile,
n'est pas appelée pour lors une grâce effi-
cace, ou adjitlorium quo.
Bornonsnuus àremarquerqu'à la réserve
du premier point, décidé par l'Eglise contre
les pélagiens et les semi-pélagiens , tout le
reste est pure opinÎDn. Eu lisant saint Au-
gu'^tin avec toute l'attention dont nous soui-
mcs capables, nous avons vu qu'il appell'
adjutorium quo le don de la persévérance fi-
nale qui renferme la mort eu étal de grâce ;
mais nous n'avons trouvé nulle part que
saint Augustin donne ce nom à la gràoe ac-
tuelle, nécessaire pour toute bonne œuvre
surnaturelle et méritoire. C'est cependant
sur cette supposition fausse que porte tout
le système qu'on lui prête. La distinction
entre adjutorium sine quo et adjutorium quo,
ne se trouve que dans le livre de Corrrpl. et
Grnt., c. XI, n. 3'* ; et il est question là de
la persévérance finale, et non daurune au-
tre grâie.— Mais un inconvénient qui mérite
la plus grande attention, c'est qu'on ne peut
pas concilier li plupart des pièces de ce sys-
tème, surtout la réprobation négative du très,
grand nombre des hommes à ca.ise du péché
originel, avec la volonté de Dieu de s;iuver
tous les hommes, clairement énonc(edans
l'Ecriture sainte, et avec la réiemption de
tous les hommes par Jésus-Christ : deux vé-
rités que saint Augo-tin a soutenues de tou-
tes ses forces, aussi bien que les autres Pè-
res. — Pour être sûr iiuo l'on suit ses véri-
tables sentiments, ce n'est pas assez de re-
chercher ee qu'il a écrit dans ses livres con-
tre les pélagiens ; il faut encore concilier ce
qu'il y a dit avec ce (|u'il a ensi'ig;ié dans ses
commentaires sur l'Ecriture sainte et dans
ses sertnons, pourcxciter les fidèles à ta con-
fiance en Dieu, à la reconnaissance envers
Jésus-Christ, à une ferme espérance du salut
éternel. Si un système Ihénlogique n'est pas
oiile pour animer la foi, pour alïerinir l'es-
pérance, exciter l'amoir de Dieu, pour cal-
mer les craintes et angni' n er le i ourage des
àm<'S trop timules, de quoi sert-il?
Il y a néanmoins une ilistiuciion essentielle
à melire entre les (lugustiniens catholiques,
dont nous venons de parler, dont le sysième
ne renferme rien de coiitr.iire à la foi, et les
/Vmr rtiignis/ifiie/is. Ces derniers sont ceux qui
snuliennenl les opinions (jue Haïiis, Jansé-
nius, (Juesnel cl d'aulres ont osé attribuer à
saint Augustin : opinions (]ue le saint doc-
teur n'eut jamais, et dont il aurait eu hor-
reur si on les lui avait proposées. Au niol
Jansénisme, nous ferons voir qu'il a profe-sé
formellement les vérités diam 'tialement op-
posées aux erreurs que Janséuius a préiendu
tirer de ses écrits.
Alsustiniens , hérétiques du «vi« siècle,
disciples d'un sacramentaire appelé Augus-
tin, qui soutenait que le ci'i'l ne serait ouvert
à personne avant le jour du jugement der-
nier. C'est l'erreur des («recs, qui fui con-
damnée dans les conciles de 'Lyon et de Flo-
rence, et à laquelle ils firent profession de
renoncer, lorsqu'ils feignirent de se réunir
à ri''glise romaine,
AUGUSTINS, religieux qui reconnaiss«vnl
saint Augustin pour leur maître et leur ins-
tituteur, et qui professent une règle qui lui
est attri!>uée.
L'ordre des Auqitttins (n) est tin des plus anciens
qui se snienl établis d;nis \.> pariie o cidenliile (!<• la
cliréiieiilé. il a coinuieiicé eii Aliiqiie l'^n 5S8.
Après ipic saint Augustin eut recule b,iptènie, il
renonça à luuti s les priHe 'lions qu'il pouvait avoir
sur la terre : fenune, enfants, dignités, rieh ssfs,
tout fut unblié pour se consacrer eniièrenienl à la
perfeclion évan;.'éliipie. H vendit tout ce qu'il avait
pour le soulaî^enieni des pauvres, et ne se réserva
que ce qui éiaii absolunieiil nécessaire à la vie. Il
eul des compagnons qui s'iuiirent à lui dans le même
dessein, el il ne fui que-iion que de trouver nu lieu
propre à l'exéculer. Il restait encore asainl Augu-tin
des terres auprès de Tatfasle en Afrique, Qt cet en-
droit leur parut le plus l;ivorable pour y vivre retués
du monde ; ils s'y exereèrent pendant irois ans aux
jeûnes, à la prière, aux bonnes œuvres, iruilanl W plus
qu'il était possible la vie des solitaires de l'I-gyple.
Saint Augusiin , peu de temps après lut tan évé-
qu ' (l'Ilippune : il laissa ses ciuupagnous pour aller
vaquer aux devoirs de l'cpiscopat. Il établit dans
celle ville un niouaslère, el y appela des cleics pour
l'ailler dans ses travaux aiiostoliques. Ses C(un-
pignnns faisaient de plus eu plus, de leur côté, des
progrès dans le nouveau genre de vie qu'ils :i.vaient
euibia^^é. Toui le monde s'eslimait heureux d'avoir
de ces pauvres voloniaires qui avaient tout (|uitié
pour praliipier la vie coiiinnine. On leur donnait des
terres, des jarduis; oii leur bà.issail des églises,
des monastères ; en un mut , on n'avaii d'autre
ardeui' que celle de multiplier leurs éiablissemeuis.
Ils éiaienl déjà en grand nunilue dans le v siècle,
lorsipie ,les Vandales enlrèrenl en Afrique et la
dèsolcrchi Toutes les égli>es , tous les monasières
furent pillés, sa' cages : la piuséculion fut si vio-
lente, que les é^èiucs, les clercs el les religieux
furriiii obliges de qiiilier le pays, el de se reliiijier
épars dans d'ITéreiiis endroits d.' IKurope : et cVsl
San- doute celle révolniiOo tpii porte à cioire ipie les
religieux qui oui pris .a ipialilc il'i'rmilcJ de Saint'
Attuitiii tirent leur oriuiiie diS ;ini ions moines éla-
blis par ce préUt eu .\friipie.
ytiaol ù la règle 'pie snivaiiMil les premiers disci-
ples de ce sailli insiilutein-, il y a beaucoup d'appa-
rence, comme le fait observer le I'. Ilélyol, qu'il»
n'eu avaient point d'auiri; ipie celle de l'tvangile,
puisque répitre I0".( de saiiil Augustin est la 211"
dans l'édition doiince p:ir les Ul(. Pt>. Bénédictins,
qui seit piésenleinenl de légle aux personnes de
liin cl l'autre sexe des dillérenles coiigrégalions
qui se glonlienl d'avoir pour l'ère ce saint ilmieiir,
n'a éie adressée que l'au 4:;3 aux rel gienses qu'il
avait établies .à Hipponc , mais de savoir quand
elle a élé accommodée à l'usage des hommes, dan»
(n) t>l arlicle et le suivant sont reproduits d'après le-
dit Iod de Liège.
J20
AUG
AUG
430
Hiii-I pavs, et par qui fie cliangeinpnt a été fait, c'est
cicui-,. une ililliciillé (pitî Ifs s;ivaiils ii'o;it pu réson-
d If j 11- qu'à pré-eni. — CtMiij'ily a ileceriain, c'esl ipie
lesiTiii.les (II- Sainî-Aii^'iis in se iroiiv.ii.'iii prodigieil-
SPiiioiii iiinliipliés fil Ei^riipe dans le xiiT s ècle ; ils
formuienl iiiirérente'i (■oii;^iéi{:ili"n'i, dmil les plus
cciiiiiii'S éiaii'iit cellc'S des Jean lioiiites, q'ii avaient
pour foudaliMir Jean le Bon, vi celle des llritimiens,
qui avaient coiiinicncé à Uriitiiii dans la Marclie
d'Aiicône. La plniail de ces C"iigii'g liions n'avan'iit
rien de commun eulre elles, nr pour la règle, ni pour
le rég ine. Il y eu ava.i inêuie c|u»-lques nues qui
n'avaient aucune rè-:lo (ixe : ce qni occasii'nnail
souvent dis codtesatldiis entre les différeiils uicin-
l)res(|iii lescon.posaicnl. CefuI piur ohnerà tous ces
iniouvéïiients, qu'Alexandre IV se délermina à les
unir ensemble, pinir ne plus furnier qu'irn seul et
même corp*. Il iravailla à celle union dès la pre-
nuére année de ^ou ponidical, c'est-à-dire l'an liSl.
Il C'iniinii à cet effet Uiclurd, cardinal du inre de
Sainl-Aiige , qui était déjà proiecieur des Ermites
de T.'se ne. Ce cardinal éerivii à tous les supérieuis
des diirércnles coiigi égalions de venir le trouver : ce
qui ne se lit pas sans (lilllcullé; car on ne put les
rasseinlilcr qnVn 1-251), dans le couvent de Siiiite-
Marie-dn-PeUi le. — Leur preniicie opérât ou lut de
nouimer nu général qni gouvernât seul louies les
congrégations i|ui exis aient :dors, pour ne plus
foruier à l'avenir (pi'uii nièiiie ordre, et leur clioix
lonibi sur LaniVant Septala, Milanais d'orii;iiie, et de
la cungrégaiiiin des Jean-lioniles. Eiisuile, dans la
même asjcinlilée , ou divi-a l'nrdre eu quatre pro-
vinces, qui furent celles de France, d'Allemagne,
d'Espagne et d'Iialie; et, pour cei ellet, ou nonun.i
qualie provinciaux. Le linit fut cunlirmé par le
liicme pape, suivant une Imi!Ic du 15 avril de la
même année; et, par nnc Inille de l'année siiivanle,
il exempta l'ordre de la juridiction des ordinaires. Il
créa en même le:nps p ur protecteur de cet ordre le
cardinal Kicliard , qui avait pié idé an chapitre gé-
néral, et qui avait le pins travaille à celle noiuelle
union. Il lui diinna de plus le p"iivoli' de légler lou-
les choses dans cei ornre nais-ant, et d'y l'aire tous
■les cliaiigeinents qu'il eroiiail convenables loiir y
maimcnii la tr mquiiliié et l'observance régulière.
^Olls pouvons reniai quel ici (|u'avant cetie i éunion
il yavait eu liea icnup d'allercalioiu entre le^ Ermiles
de Saiiii-Augnstin et les religieux qn'nn appelle
t'rèies Miiie:.n, au sujet de la couleur de leur habit :
les uns et les autres voulaient le poriei' gris, et les
Frères Mineurs soiiienaient que cette cou,eur n'ap-
partenait qu'à eux, à l'exeiii-idii des Ermites. Gré-
goiie iX, pour faire cesser ces d'spuies, régla que les
Ermites poileiaieiit im liai it noir o i blaiie, avec des
nianciies larges ei longnes in Inruie de coule, et une
Ceinture de cuir pu -iie>siis, assi z Inngiie poui être
vue; qu'ils auraient loujuiir» à la luai.i des bâtons
hauts de eiiiq pannes, laiis eu lunne de héqiiiln s ;
qu'ils diraient de quel oïdie lU éiaieiii eu deman-
dant raumôiie ; enlin que leur r ibe ne serait pas de
longueur à empêcher de voir leurs souliers, et cela
pour qu ou pût mieux les di>tingiier des Eièies
jliiieurs ipii étaient Céehaussés. L'obligation de
porter liauitneliement une g ande béquille avait paru
aux .'liigiisiiH'. une chose aiis^i ïéuame que ridicule :
ils pioliièrenl des bnniirs dispo^iiions où élail pour
eux le pape .\lexaiidie IV, ei ils dem.iniiéreui, lois
de leur léiiniuu, d'être affra.icbis de cette espèce
de servitude : ce qui lenr fut oelroyé.
Ce ne lut que l'an 1"2^7, sons le généralat de Clé-
ment d'Auxiiiias , qu'on examina les pre:oièrcs
constitutions de l'oidre, et qu'elles furent appi on-
dées dan= le cliapilie gênerai tenu à Finrence. tldes
furent derechef ex inimées et aiipiouvées, en H'JO,
dans le chapitre général lenu à Hatisboiine. On y lit
encore quelques ch.ingeinenis dans un chapitre tenu
à Konie en tô75; eiiliii, en 15i>0, il y eut de nou-
velle» constitutions dressées par le cardinal Savelll,
proiecieur de l'ordre, et par le ;;énéral Tliadée de
l'éroiise. Ces nouvelles rcn.,iituiiiiiis lurent ensuite
approuvées parCrégone Mil, apiê< qu'elles eurent
élé examinées, selon ses ordres, par les cardinaux
Alciat et Jiislinien. — C'e-I eu vertu de ces dernières
constitutions que les cliajiiires généraux dcdvent
se ten r loiis les six ans, si les votanx le jngeiit
nécessaire. Q i ind ces cli ipilres se lienmnt, ou peut
obliger le général à re nellie les sceaux de l'ordre;
et l'est alors qu'on est en dnli d'élire un niinv.au
général. Dans celui iiii lut tenu à itouie eu IC2I),
ou conipla cinq cents vocaux : i e nui prouve ipie les
4ugMs(i/s s'étaient fort niultiidiés. Cet ordre est pré-
senlemeiil divisé en quarante-. leux provinces , sans
parler de la yieairie des Indes, de celle de Moravie, et
de plusieurs nouvelles lOiiLjrégitions, q d oni des vi-
caires généraux. Quel, pi. s au euis dis;'ut qu'il y a eu
aiiirefiiis jusqu'à deux mille uiimasiéres de ce uiêuie
ordre , ipii renlermaieni plus de trenle mille n ligienx.
Entre ailles pérogaiivos a cnr ées par les s .u^e-
rains pontilês à i'orilie donl il s'agit, on lemaïqne
Celle d'aviiir ^itaclié l'otliee de saerisiain de la
cliipelle du pape à un iiieiiibre de cei ordre: cet
olliei r prend le titre de préfi t de la ta.rhtie dit
papi^ ; il a en sa garde lois les ornements, les vases
d'or el d'argiuit, les reliquaires, el toiii ce qu'il y a
de piéeieux dans celle sacrisiie. Quand le pape dit la
messe, soit ponlKicalenu nt, soit en ; ar:iciiiier, c'est
ce même idlicier qni fait, eu sa piésenee, l'e^-ai du
pain et du vin. Si le pape entreprend un long voyag-e,
deux estalieis, l'un domestique de Sa Sai.ilcié, et
l'autre, d nueslique du sacristain, lieiiiient la mule
par la bride. Le sacristain exerce alors une espèce
de juridiction sur tous ceux qui acciniipagneni le
pape; et pour marque de sa juridiction, il pore un
bàion à la main. Ce même ollicier distribue aux
cardinaux les messes qu'ils doivent célébrer solen-
nelle.nent; mais il didi auparavant l.iire voir au
premier cardinal-prôlre la di- ribiiilon qu'il eu fait:
il distribue au-si aux piélats assistants les messes
qu'ils doivent célébier dans la chapelle du paie. Si
le sacristam est évéqiie ( car pour l'oriiiiiaiie ou lui
donne du moins Uu êvêclié »i ;) iriifcus ), ou s'il est
consiuué en dignilé, il lient rai g dans la ' liapelle
pa on les prélas assistants, lorsque le pape s'y
trouve; et si le pape ny est pa^, il a séance parmi
les prélats, selon sou ancienneté, sans avoir é,;ard à
sa qualité de piélat assistant. S'il n'est pas évêque,
il prend son rang après le dernier évêqne ou après
le dernier abbé milré; et, qu< iv|u'il ne sidi pis evé-
que, il ne laisse pas de porier le mantelet et la
mosetle à la nianiére ibs prél.iis de Koiiie. Après la
mort du pape, il entre dans leconcl.ive eu qualité île
premier conclavisle ; il y dit lous les jnurs la uiesse
en présence des carJui oix : c'est lui ipii leur admi-
nistie les sacrements, ainsi qu'aux cou lavistes. La
sacristain était autreiuis en iiièiiie temps nibliothé-
caire du Vatican, et ceci a duré jn-qii'au pontilicat
de Sixte IV, qui sépara ces deux oflices, pour don-
ner celui de bildioiliécdre à Platine, auteur de la Vie
des Papes, el de plusieurs autres uuvr. ges.
L'ordre des AïKju^tim fui mis au no.nbre des qua-
tre ordres mendiants par le |iape l'ie V, eu l.)07,
du moins il voulut qu'ils l'ussenl léputés mindants,
quoiqu'ils posséda-sent d<'s rentes et des fonds. Cet
ordre a produit nu grand nombre de peronnages
recmniiiindaiiles, ou par- leur s.iiiiteié, mi par leur
ériiiiitioii. Parmi ceux qui se sont illus'rés par leurs
vertus, on remarque saint Thomas de Villeneuve,
arelievêqiic de Valence, saint Nicolas de rolentin ,
saint Jean Facond, etc. Un conipie parmi les sa-
vants, Oiiuplire Pavini de Vérone, auteur de plu-
sieurs ouvrages concernant les antiquités de l'Eglise,
Christian Lupus, natif d'Ipres, etc. Mais un do ceux
qui a fait le plus d'iionucur à l'ordre est'le cardinal
Henri Noris , originaire de Vérone : les querelles
43t
AUG
AUG
432
qu'il cssiiya pour soii Uislohe Pétayieitne en oui fait
un lies hommes les plus cé'èlires de l'i'flie- Li;s
autres cardinaux nue cet orilre a donnés à l'Iigl se
sont le P. Boiiaventure, le l'. Gilles, le P. Seripan,
le P. Peiroi liin, etc.
L'habillement de ces religieux consiste en une
rolie et un scapulaire blancs, quand ils sont dans la
maison; et, lorsqu'ils sont au chœur ou qu'ils doi-
vent sonir, ils passent une espèce de coule ii"ire,
et par dessus un grand capuce qui se termine en
rond par devant, et en pointe par-derrière jusqu'à la
ceinture, laquelle est de cuir noir.
Les Augus'ins avaient deux grands couvenis, qui
étaient soumis imiiiédiatcmenl au général de l'ordre
l'un à Rome, cl l'autre à Paris. Le couvent de Paris,
appelé des Grands-Auguslins, servait de collège à
louies les provinces de l'ordre en France, ([ui y
învoyaieni étndieL^eux de leurs religieux qui vou-
laient parvenir au doctorat ; ils étaient admis aux
éludes de l'Universilé, aussi bien que les trois
autres ordres mendiants, qui étaient les Francis-
cains, les Cannes et les Jacobins.
Le couvent de Paris ayant eu besoin de rélorme,
le P. Paul Luihini, général de l'ordre, y fit la \isiie
en 165;>, et comme général, et comme commissaire
apostolique, en vertu d'un bref du pape Alexan-
dre Vil. Ce général y lit plusieurs règlements pour
l'observance régulière, et ces règlemenis Inri-nt
approuvés dan^ le chapitre général qui se tint à
home, l'an Itibl.
Ouire ces deux couvenis de Rome et de Paris, il
y en avait encore environ trente-six auires inimè-
diatemeiil soums au général. Le supérn^nr de celui
de Brnnen, en Moravie, était perpétuel : il se ssrvait
d'ornements pontilicaux ; il exerçait i.ne jiiriuiciion
presque épisc pale en plusieurs lieux (ff).
ADGO^Tl.Ns RÉFORMÉS. Le relàcliemeut qui s'in-
troduit part -ut , n'avait pas épargné l'ordre des
Auguitini, lorsque plusieurs de ces religieux songè-
rent, dans le xiv' siècle, à se reformer, c'esl-à-iliie
à embrasser im genre de vie plus régulier qne celui
qu'ils obseï valent. Le premier mona>iere où la ré-
forme commençi, en 1385, lut celui d'IUiceto, eu
Italie; ceux qui s'assotiérenl à celte réforme, com-
pnsèrenl la première congrégation réiorniée, qu'on
nomma lïllliceto. — L'exemple de celle léiorme
doniii naissance à nombre d'.iulres congrégations
louies diUëremes les unes des autres : on vit éclore
la congrégation de Carbonnières dans la ville de >a-
ples; celle de Pérouse à Rome; cellr de Loinbariiie,
d'où dépi^nd le mouaslére de iSolre-Dmie de lirou,
proche de fiourg- en-Bresse; cille de Gènes, celle de
Monie-Orlono, celle de la l'oniUe, ce:le de Saxe, qui
a produit le faincui liciésiari|ne Luther ; celle de la
t;iaustra en Espagne, C' lie de la C ilabre, ceile de
Cenlorbi en Si. ile, celle des C loi Iles dans le i oyau-
ine de Naples, celle de Dalin.iiie, etc. — Les deux
congrégations réfuinié'S qu'il y a en France, sont
relie de saint Gni'luume >le ISoiiiges, el celle >lii
biiMibennux Tlinmas île Jésus, diie des .liiiyiisli/is
déi haussés. — La congiégalion des Aiiijusliiis de saint
Guiil niiiie de liouiges, (|u'on nomiiie .lutiement les
Guitltlmites, n'entra point dans l'union géiiéra'e des
Efiii les de Saiut-Aiig isiin; M>it qu:' les dcpulés
qu'ils avaji'iit envoyés au chapitre général, tenu pour
la léunion $ou> Alexandre IV, eu-senl excédé leur
pouvoir ou aiiiremenl, ils s'étaient uppo.>és à l'uniini,
et avaient demandé à demeuier d .us leur même
état, sous l'institut de saint Gmllauine : eu qui leur
av.iit éié accordé; c'e>t pourquoi cette congrégation
forma dans la suite elle ^cuïe, une des quarante-deux
provinces de l'ordre des Aiiijusltns : cependant on ne
laisse pas de la mettre au nombre des congrcgaiions
(û) C'était l'état de ces rfligieiix .nvaiit la llévolution.
Vofi. le Dlcl. des Ordres monastiques du P. Héljot [édil
Migne], pour leur élat acluel.
réfor..ées de l'ordre de Saint-Augustin. En effet, la
rétorme fut intrndiiile dans r.tie province en 1S'J5,
par le zèle des PP. Liienne Raiiache et Roger Girad;
ces religieux, consiilérant le peu d.' proportion qu'il
y avait entre rancienne obser\ance et celle (|ui se
pratiquait pour lors en France dans les dilTérenls
couvent-, de l'ordre, résolurent de vivre conformé-
ment aux anciennes cinisliîuii'ins. qu'ils se proposè-
rent d'oliserver à la lettre sous l'ohéissance du pro-
vincial de la province de France, ih eurent d'abord
quelques compagnons qui se joignirent à eux ; le
couvt-nt de Boiir;;es lui le pieinier où ils menèrent
celle nouvelle vie : et c'est de là que celte con.;ié-
gaiion lut appelée la Conimuiiauié de Bvurqes. Ils éri-
gèrent ensuiie de nouveaux monastères, auxquels se
réunirent quelques autres monastères amieus; de
sorie qu'en peu de temps il y en eut jusqu'à vingt
qui lurent gouvernés dans la suite par un provincial
particulier. Celte province a pris, depuis nombre
d'années, le nmn de jirovinee de Saint Guiltaunie : on
les appelle à Paris les Peiils-Auçiustins ou les Auyus-
tins de la Heine Maïquetite, (larce que leur c.uient
y a été fondé par AJargueiiie de Valois, première
léinnie de Henri IV, avant qu'il fût roi de France.
Leur liabillenieiit est à peu piès seinhiable à celui
des Auyustins de rancienne ob-ervance, qu'on n mime
en France les Grands- Aiii/usiins; tome la dilléreiice
qu'il peut y avoir, c'isi que < eux de la rélurnie de
Bomges portent leurs habits plu> étroits; et alin que
leurs frères quêli urs à Paris soient distingués de
ceux du couvent dis Grands-Auf/usIins, ils porlent
la robe p us courte ipic ceux-ci.
La rélorme des Auytislins déchaussés esl ainsi ap-
pelée parce que ceux qui font embraysée oui ajouté
la nudité des pieds à nombre il'aiilres mortilicaiions.
Le P. Thoinas de .lésus en jeta les premiers foiide.-
nieiits, ei le P. Louis de Léon la Conlinna, en i588,
dans le monastère de Talavera, en Castille : cel;e
rélorme lit biaucoup de progrés; elle lut portée en
Italie , dan-. l'Alh m igiie , dans l'Autriche , dans la
B liême, dans la Sicile et dans d'autres pays : voici
connue elle fut introduite en France. Malhieii de
Siiule-Fraiiçoive, prieur des AïKjusiins de l'ancienne
observance à Verdun, voyant qu'il tiavaillerait iuu-
lilemeiil à la réfoime de son mon asière, lui en Italie
avec le P. François Amel ; ils eiiirèreiil à Home
dans la maison des Augnsttns déchaussés de Saint-
Paul de la règle; ils fuient reçus parmi ces rélormés
avec le ronsenleiiienl du général. Apiés leur année
de noviciat, ils tuent piulessi n de la règle adopiée
par la rélorme; ell^ult^• le pape Clément Mil les
nomma pour la p rter en France, et créa Mathieu de
Sainte Frall(,■oi^e vicaire général de la cungiégalioii
qu'il allait établir.
L'archevè iue d'E^inbrun , Gnillannie d'Avcnçon ,
prieur rommeiidaia le de Sainl-.Mariin de .Miseié,
dans la province de Daiipliiné, se trouvant alors à
Rome , ei voulant léiablir l'oOservance réguler.;
dans le prieuré de Villars-lieiioii, dépendant de c< lui
de MIm ré, lequel aval été ruiné |iar les héréiii|iies,
olilitil du même pape un bref, l'an I5'J5, par ieijuel
il lui permis d'introduire, ilaiS ce monas.ère, les re-
ligieux déchaussés de l'oiilrc de Sai.il-Augusiiii , et
à ceux-ci de s'y étab.ir, et même iie continuer, en
France, la réfoime qui av.iii clé coinmei céu en Es-
pagne. — Pour rcxéciili n de ce Inef, l'arclievéqne
d'Eiiibriin put des airaiii;emeiils avec les supérieurs
et les i'elii<ieux, et l'acte fut pas^é à Ruine le 7 mars
15'JU. Le P. .\ialliieu de Sainte-Franç.Mse , le P.
Amel el un Irére lai reçurent leur obédience du gé-
néral pour Vriiir en France; ils suivireni l'aiThevé-
que, et à leur arrivée iU prirent possession du
|ir,eiiré de Villais-Benoit,
Le nombre de ces nouveaux religieux ayant be.iu-
cuiip au;^nionlé en peu de temps , ils obtinrent , eu
l(iOl), periiiission des supérieurs de l'ordre pour de
nouveaux éiabiinseiiieuls; le pape Cléuienl VIII y
435
Al)G
tloiiiia son Dtiache par iin lirel' île la même année; et,
par lin aiiire bref «lu 26 juin 1007, il recnmmanda
(is niêrues religieux au roi Henri IV. — L'année
auivaiiie, le 1'. Aniel lïil envoyé à Marseille pour
premlre possession d'un inonasière (lu'oii leur avait
accordé dans celle ville ; ils s'élalilirenl à Avignon
l'an IblO. Deux ans après , Ir' général leur accorda
un vicaire. La même amé-' , Paul V ccnlirriia , par
un bref du 4 décembre, celui de Clémenl VIII, en la-
veur des AKgusliiDi i!échaussés de France. Le pre-
riiier cliapilre de celle nouvelle congié^aiion se lint
à Avignon : Louis XIII cimliniia les leitres patentes
que Henri IV avait données (liiur l'élab issemeni de
ces religieux, et leur permit de posséder des biens
immeubles : ces bn'fs ei ces lellres patellle^ fui uni
eiirevis^résau parlement d'Aix en 1(JI9. — C'est eu-
fore Lo»is XIII qui fut le londaleur du i onveiit de
Paris, S'US le n"in de ISolre-Daïue des Victoires, en
mémoire de la prise de la UoclieUe sur les calvinistes.
La reine An.e d'Aiitricbe él:ibM de> religieux de
celle C"iigréi;iaToii au lien ;ippelé les Luges, dans la
fmét de Siiil-Geriii;iin; elle se déclara aus-i loiida-
Irice de leur m<m:islèie de Tariscoii. — Liiui> XIV,
en lus, leur acrord:! de^ letlies pour leur procuier
un élabli-ssement à IJonie de religieux franc ds : nids
elles n'eiirenl aucun etlel ; cependant ce pnuce, ne
vuubiiii pas i|ue l'einie qu'il avait de niar«|uer à ces
relii;ieux l'estime qu'il avait pour eux deiueunU sans
ère ciiiinMe, il donna à cette ciingrégali..n des armes
tpii S"iii d'-'zur semé de fleurs de lis d'or, cliai'gées
en (CBur d'un éeusson d'or à tro;s cœurs de gueules,
surcliaigées de trois (leurs de lis d'or, l'étu surmonté
d'une counmue de prince du sang, et entouré d'un
cbapelet, avec une ceinture de Saint-Augustin , et
tiuiiué d'un cbapeau d'évêque. Le même monarque
donna en outre à cliacune des trois provinces ilmit
est composée cette congrégation, des armes particu-
lièies : ces trois provinces sont ee'le de Daiipliiiié,
qui a (|uiii/.e maisons, celle de Provence, qui en a
autant, et celle de France, qui n'en a que six.
Leurs cniMiiuiioiis dilléreiii en iimlque clio-e de
celles des llaliens. Les uns et les autres ont deux
sortes de frères lais, les uns :ippelcs coiiveis, et les
autres commis : les frères convers portent le capiice,
et les II ères commis ont un cliapeau sans capuce.
<a's frères éiaieiu pour la quête ou pour le service de
la maison.
AncusTiNS ( Chanoine» réguliers de Saint-Augus-
tin). Il ne faut pas coiil'omlre ces religieux avec
ceux <li>nl lions venons de parler; les Cti.Mioi jes
doni il s'agit iei formaient entre eux plusieurs cou ■
gi égalions lontes ilidei entes de celle des l.nniles de
haini-Aiig! siui. Parmi les diverses congrégations de
n'y CbaïKÙnes, on Connaissait en France celles des
(^liaioines de Lalrau, du Saint-Sépulcre, de Saint-
Sauveur, du Val-des-E> (iliers, et noiamment de la
Congrégaiion de Fr nce, plus connus sous le nom de
Céiivrélim. Tous les Cliaiioines étaient liahiles à
posséder des iiniiieiililes , ei nième des lié^iéliees.
— lin parlant des bénélices de leur ordre, nous ne
devons pas laisser ignorer qu'il a été remlu, le 22
aoûi 177(1, une déclaraiion enregisiiée le 9 août de
l'aimée suivante, concernant en général les bénéfices
dépendanis des congrégations des Clianoines régu-
liers de Saint-Augustin : suivant celle lieclaration,
il n'y a que les religieux qui ont fut profession dans
ces congrégaiioiis qui puissent y posséder des béné-
lices à charge d'àmes; aucun d'eux n'en peut aecep-
ler qu'après avoir obtenu le consentement du supé-
rieur général : on doit niéiiie produire ce cunsente-
menl à l'évéque diocésain; el si le supérieur général
juge à propos de révoquer le bénélicier, celui-ci est
obligé d'obéir, pourvu que la révocation soit du cmi-
senieinent de l'évéque, el ii<m aulrunieut, malgré ce
qui peut résulter de ('onaaire sur ce point de l'édil
de 16ôC. — Le roi, par une autre déelaïaiinn du ii
août im. Interprétative de la précédente, a ordonné
AU. M 454
que le pécule des Chanoines réguliers décédants,
pourvus lie bénéfices à charge d'âmes , continuera
d'apparlenir à la congrégation dont ils sont proies,
nonobsiuii touie transaeiinn ou iiaitéde partage.
quand même les bénéfices ne seraient pas dépen-
dants de l'ordre où les titulaires ont fait profession.
— Il est libre aux supérieurs de visiter une lois l'an-
née lesbâtinieiils qui dépendent de ces bénélices, el
de coniraindre ceux qui les possèdent d'y faire les
réparations dont ils soni tenus. .S'il s'agissait d'em-
prunt, on serait ob ii;é d.- se conformer à ce que
prescrivent les articles 16 et 17 d- l'é lit de 1773,
cité dans Cette déiiarali' n. (F.xlrail du Ditlion. de
JuMS/))iirf('nre.)— [V. \eDicliun. de$ Ordres religieux,
par le P. llélyot, éiil. Mignc. |
ALLIQUE, nom d'un iwte ou d'une llièse
que soutient un jeune théologien tliins quel-
ques universiiés, el pjirliculièrcnient dans
celle de Paris, le jour qu'un licencié reçoit le
bonnet de docteur, el à laquelle préside co
même licencié iiiiniédialcinent après hi ré-
ceplion du bonncl. — Le nom de celle llièse
vient du mot aula, pane qu'elle se passe
d;ins une salle de l'université, el à Paris dans
une salle de l'archevêché (1). Voy. Degré,
DocTKTR, etc.
AU.VIO.NIÎ, don fail aux pauvres par molif
do charité et pour les soulager. Elle est sou-
vent commandée dans l'Ecriture sainte; il
élait spécialemeol ordonné aux Juifs d'assis-
ter les pauvres , les veuves, les orphelins .
les étrangers (/>ea(. xv, 11 ;£cc/. iv, 1, etc.).
Les maximes de charité que Jésus-Chrisl
répète c intinuellemenl dans l'Evangile, onl
encore mieux fait sentir la nécessité de ce
devoir. 11 semble Caire dépendre notre salul
éternel du plus ou moins d actions charita-
bles que nous aurons faites [Mnllh. \xv, Si).
L'ordre des diacres a élé institué pour pren-
dre soin des pauvres (.4c;. vi). La ferveur de
l'Eglise primiiive engagea les fi lèles à ven-
dre leurs biens, à en déposer le prix aux
pieds des apôtres, pour subvenir aux besoins
des indigents.
Saint Paul écrivant aax Corinthiens, leur
recommande de faire des collectes ou des
qucles lous les dimanches, pour assister les
pauvres, comme il l'avait prescrit aux Egli-
ses de Galatie. Saint Ja^tin (Apol. 2) nous
apprend que tous les fidèles de la ville et de
la campagne s'assemblaient ledimauche pour
assister a la célébration de^ saints mystères;
qu'après la prière, chacun faisait son oa-
m(5ne, selon son zèle et ses i'^icullés; qu'on
en remet lait l'argent à celui qui présidait,
c'est-à-dire à l'evêque , pour le distribuer
aux pauvres, aux veuves , elc. Cet usage
s'observait du temps de saint Jérôme, et il
est encore pratiqué dans les paroisses : a la
messe du dimanche on quête pour les pau-
vres.
M. de Tillemont, fondé sur un passage du
Code théodosien, observe qu'au iV siècle il
Y avait des femmes pieuses qui s'oLXupaienl
à recueillir des aumônes pour les prison-
niers ; on conjecture que c'étaient b's diaco-
nesses.
(1) Cet usage , comme bien d'autres , n'exist*
plus;
438
AUM
A UT
459
La charité envers les malheureux fut le
caractère dislinclif des premiers ctirétiens :
plusieurs la poussèrent jusqu'à se rendre
esclaves, et à secourir les pauvres du prix de
leur liherté (Sain! Clément, Epi.il. i, n. 65).
Ils assistaient les p.iïens aussi bien que les
filiales : Julien lenr rend celle juslice; il écrit
à un pontife du p;)g:inisne {Èpist. 62) : « Il
est houleux que les G.ililéeus miurrissent
leurs pauvres et les noires. » Aucune reli-
gion n'a inspiré aux hnmmes une charité
aussi industrieuse, n'a suggiré autant d'éta-
blissctnenls divers pour soulager les diffé-
reiils besoins de l'Iiumanilc. — Dans l'origine,
les ministres de l'Kglise ne subsistaient que
d'aumônes. Les ohlulinns des fiJèies se di\i-
saieiit en tiois parts, l'une pour les pauvres,
la seconde pour l'entretien des églises et le
service divin, la troisième pour le clergé.
Saint Cliro Jegand, évéque de Metz au viii»
siècle, dans la règle qu'il prescrit aux cha-
noines réguliers, veut qu'un prêtre à qui
l'on donne quelque cho'^c pour célébrer la
messe , pour chauler des psaumes et des
hymnes, ne le reçoive qu'à tilre d'aumône.—
Tel a toujours éié l'esprit de l'Eglise. Les
dons qu'on lui a fiits, les biens qu'elle a re-
çus par donation, les l'onilalinns par lesquel-
les elle a été enrichie, sont regardés comme
des aumônes, dont ses ministres sont les éco-
ncrncs, les dispensateurs, et non les proprié-
taires. Il y a cependant Uiie différence à laire
entre une solde, une subsistance accordée à
titre de service, et une pure uumône. Voy.
Casuel.
Dans notre siècle calculateur on a soutenu
sérieusement que l'aumône n'est point un
précepte rigoureux. Que sigi.iOe donc la
semence prononcée par Jésus Christ contre
les réprouvé.», p.irce qu'ils n'ont (las fait l'an-
niôae? On ajoute qu'elle produit plus île mal
que de bien, parce qu'elle entretient la fai-
néantise des lanvres. C'tte prétention sérail
pardonnable, si tous les piiuvres étaient en
état de travailler; mais les infirmes, les vieil-
lards, les femmes enceintes ou en couche ,
celles qui sont chargées d'enfants, les imbé-
cilics, les enfants en bas âge, les impotents ,
le» voyageurs surpris p.ir des besoins im-
prévus, etc., ne dnivent piis èire condamnés
a mourir de faim. C'est une f;iusse politique
de fournir aux rich s des prétextes pour en-
durcir leurs enlr.iiiles aux souffrances des
malheureux. S; le^ pauvres abusent de \'tiu-
tnône, les riches abusent bien davanlnge de
leurs richesses : vingt pauvres snulagés mal
à propos sont un moindre inconvénient qu'un
seul pauvre réduit à périr p;ir la dnrele des
riches. Si, toutes les fuis qu'il se pré<enlc
une bonne œuvre à f ire, ou commençait par
disserter sur les abus et les ineonvenienis
qui peuvent en résiil;er,on n'en ferait j.imais
aucune. Il est da. gereux que ce ne soil là
le dernier Iruil d.' la philosophie régnante.
Voy. I^hahitk, foM)ATn>N, HApital.
a Donner, dits iiil Au'.; siin, à manger à
« celui q li a fiinn , et à boire à celui qui a
« soif, rew'lir un bi>uime nu, loger un voya-
« !<eur, (tonner un asile à un fugitif, visiter
•( nn malade ou un prisonnier , racheter nu
« esclave, soutenir un fiiible, guider un avéu-
« gle, consoler un aflli^é, panser uu blessé,
« montrer le chemin à celui (|ui s'é 'are, dsn-
« ner un conseil à celui qui en a besoin, et
« la subsistance à un pauvre, ne sont pus les
'( seules espèces d'aitmônes que l'on peut
« faire; mais pardonner à celui qui pèche,
« ou le corriger quand on a autorité sur
« lui , en oubliant l'injure que l'on en a re-
« çue, et en priant Dieu de lui faire grâce ;
« ce sont des œuvres dt> miséricorde que l'on
« peut regarder comme des aumônes. » L. de
Fide, Spc et Charit., c. Lxxi , n. 19.
* \l].MI).MKI{S. Noms avons liaite des difîérenler.
estèees iraiiinôiiiers dans nnl'e Oiclionnaire ileThro-
lofiie tmrale. Le gouveinement s'est réservé la nnml-
naljnii de eerliilns amiiôiiiers ; cela iloit s'en.odre
qu'il les |)ié,enle à l'cMéiine, qui confère ou i|ui re-
fuse la jnndicii 'O , sans la(|Mel e loiiie luiietitin cc-
clesiasiii|ii(! est nulle, si elle dépend du pouvoir jji-
ndictiiiiiiiel.
AU.MUSSE, fourrure que les éhartoiries cl
d'jmlies ecclésiastiques portent sur le bras
ganciie en été. Dans l'origine, elle élait des-
ti lée à couvrir la lêle et les épaules en hi-
ver pendant l'office de l.i nuii. Le nom d (,w-
muse signifie liuéra'e nenl au coucher; on
vieux français S'' nuisscr c'est se cacher, et le
soleil mus-'inl est le soleil couchant.
AUlllCULAli'Œ , se dit de la confessiAn qiiî
se fait secrètement à l'oreille. Voy. Côîîfbs-
810\.
AUSÈOtJRG. Voy. Augsuourg.
AUSPICK. Voy. DivNAT oiv.
AUsTLlUTÉS. Voy. Mortification.
AUTEL, plale-furme de terre , de pierres
ou de bois, élevée au-dessus du sol. et sur
laqu. Iléon offre un sacrifice. On voitd'abord'
que autel vient du latin ullus, à cause de soti
élcvniion. Les Cirecs le noiuinaienl Bxxriaa n-
fitov, du verbe eOstv, tuer, immoler ; les Hé-
ireux i\Jisbeaclif de zubacfi, égorger, s icri-
fior. Ce num est donné d.;ns l'Kcrilure à
l'aK/e/desholoc.iustes et à celui des parfums,
et non à la table des pains de proposition sur
laquelle un ne consumait rien. Cette remar-
que est essentielle.
Sous la loi de nature, les patriarches éle-
vaient des iiulch en pleine campagne,
pour offrir des vii'times au Seigneur. Noé ,
Ahrah.im, Jaeob, en usaient ain>i. Piir la loi
de .Moïse, Dieu déromlit aux Israélites d'of-
frir des sacrifices ailleurs que dans le taber-
nacle, cl prescrivit la manière dont les autels
devaient être con iruits. U y en avait un
nommé Vautrl des holvcniisles , sur lequel
on brûlait les victimes, et unautrc sur lequel
on ciinsumait les parfums ; il en fut de mê-
me lorsque le temple fut bâti. Lvioalels qui
furent ériges par Jéroho.iiii à Saniarie, et par
quelques autre- rois, sur des lieux élevés,
fnrenl autant de crimes commis contre la loi;
Dieu en punit le auteurs. Dans ïllist. de
lAcad. des liisrnpL, t. III, in-12, p. 19, cl
t. IV, p. il, il y a une histoire exacte des au-
tels consacré " au vrai Dieu, depuis la créi-
tion >lu monde jusqu'à Jé'US-Uirisl.
AuTiL, chez les chrétiens, est uuc table
437 ADT
carrée placée ordinairement à l'orienlde l'é-
glise, el' sur laquelle ou célèbre la messe. On
lui donna cette forme, parce que Jésus-Chrisl
élait à table lorsqu'il institua l'eucliirislie ,
el p;irce que l'on offre sur i etio table le sa-
crifice du corps et du sang de Jésus-Clirisl.
Dans l'Fglise primitive, les autels n'étaient
que de hois, et se lianspnrlaient soui:eMl d'un
lieu à un autre , nt.ii» un concile d'Mpaone ,
de l'an 517, défendit de construire des aulels
d'autre mali'ère que de pieire. Pans les pre-
miers siècles, il n'y avait qu'un seul- anle[
dau>^ chaque église, mais le nombre en aug-
menta bienli'il ; saint Grégoire dit que de son
temps, au vr siècle, il y en avait douze ou
quinze d.ins certaines églises. A la cathé-
drale de Magdebourg, il y en avait quarante-
deux.
L'autel n'est quelquefois soutenu que par
une seule colonne, coirnie dans les chapel-
les soiilerraines de ; ainte-Cécile à Uome et
ailleurs; que qiicfois il Test par quatre co-
lonnes, comme Vautrl de saint Sébastien, in
cnjpta aretxiria ■ mais la méihode la plus
oïdiii^iire est de poser la table d'ni/te/ sur un
massif de piiTre. — Ces autds ressemblent
en quelque chose à des tombeaux, Kn efl'el,
les premiers clirèiiens tenaient souvent leurs
assemblées aux tombeaux des martyrs, et y
célébraient les saints m\ stères. Il est dii dans
l'Apocalyp'-e : Je vii sous /'aitel les dutes de
ceux qui ont été mis à mort pour la pw oie
de Dieu, et pour le lémoif/nage qu'ils lui ont
rendu (vi, 0). De là es! venu ru>age de ne
poini consacrer d'autel sans y nietire des re-
liques des saints.
L'us.ige de la consécration des autels est
assez ancien, el la cérémonie en est réservée
aux évéques. Depuis qu'il n'a pins été per-
mis d'offrir que sur des aitlelê consacrés, on
a fait des aulels portaiifs , pour s'en ser-
vir dans les lieux où il n'y a point d'autel
solide cens icré ; Hincmar et Bède en font
mention. A la place d'autfls jiortalifs ,• les
Grecs se servent de licgcs bénits (|u'ils nom-
ment à-jTifihiia. , c'est-à-dire, qui liciinent
lieu d'nateh. Sur la fortne, la riécoralion. la
bénédiction des autels , voyez Vancien Sa-
crumeniaire par Granicoiaà, 1'' part., p. 33
clGlO
I.'abbé Rpnandot , dans sa collodion des
Liturgies orientales, I. 1, p. 181 et 331, t. 11,
p. 52 et 5G, a remarqué, après le cardinal
Bona, que dans toule-i les Eglises d'Orient,
aussi bien que dan> l'Eglise latine, on a tou-
jours regardé Vautel, non comme une fable
commune, mais eomme une table s.icrée, sur
laquelle le corps el le sang de Jesus-t^Jiri^t
sont offerts en sacrifice. L'usage constant de
consacrer les aulels, les prières que l'on ré-
cite, les cércfiionies que l'u)i l'ail pour ce su-
jet, attestent liauieuent (jue les Orientaux
ont' toujours atlaché au nom d autel la même
idée que nous. Pendant les persécutions , il
n'était pas possible d'avoir des autels mas-
sifs et solides ; on fut obligé de se s rvir de
tnides de bois et d'autels portatifs. L'espèce
ll'eselavage dans lequel le^ Grecs ou melchi-
les, les cophtes, les Syriens , etc., sont en-
AUT
a$
core à l'égard dos mahométans, les obligent
souvent de faire de même. Mais dès que l'on
eut la liberté d'élever des basiliques , on y
plaça des aulels de pierre ou de marbri-, sou-
vent revéïus d'ornements d'or et d'argent.
Fleury , l\I(eurs des l'hritiens, n. 35 ; Lan -
guet , du véritable Esprit de l'Eglise dntit
l'usai/e de ses cérémonies , p. h3'2. — C'est
donc mal à propos que Daillé el d'autres
écrivains protestants ont voulu persuader
que, dans les écri's des Pères et dans les an-
ciens monuments ecclésiastiques, le nom
d'ai(/ci élait pris dans un sens abusif, et ne
signiliait qu'une table commune ; qu'ainsi
l'on ne peut en tirer aucune conséquence
pour prouver que les anciens regardaient
l'eucharistie comme un véritable sacrifice. 11
y a des preuves positives du contraire. Saint
Paul dit aux Hchnux (xiii, lOy : Nous avons
un AiiTEL, duqwl les ministr s du tabernacle
n'ont pas le pouroir de manger. Dans le t,i-
bleau de la lilurgie chréiienne, tracé par
saint Jean {Apoc. iv, 2) , nous voyons un
trône occupé par un personnage vénérable,
autour de lui vin t-quatre vieillards ou prê-
tres; devant le tr6nc, au mili('u des Vieil-
lards, un agneau en état de niort ou de vic-
time (v, 0), C|ui reçoit les honneurs de la
Divinité (vi, '.>) ; sous Vatilel, les âmes de
ceux qui ont été mi- à mort pour la parole
de Dieu. A^oilà certainement l'appareif d'un
sacrifice.
Saint Ignace, instruit par saint Jean VK-
vangélisie, écrit aux Fliil.nlelphiens , n'. It :
Ayez soin d'user d'une seule eucharistie. Il if
a une sede chair de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, un seul calice, pour marquer l' unilé de
son sang; un seul aitei. , comme un seut
év'gie, avec le presbytère el les diacres. Dafl^
ces trois pissages, le grec porte fijinaTTnpto/;
ce terme n'a jamais signifié une simple table
à manger, mais un autel d.'stiiié à offrir des
s icrifices. — Saint Irénée {Adv. Hœr., 1. iv,
c. 18, n. G), parl.int de l'eucharistie, dit que
Dieu nous ordonne, comme à l'ancien peu-
ple, de lui (aire souvent et sans inlerruption
nosolTr.iiides surson auiel, quoiqu'il n'en ail
pas besoin, (irabe, sur cet endroit, est forcé
de convenir <iu'ilest questio i là d'un autel
proprement dit et d'un sicrifiee dans toute
l'énergie du tenue. Origène, Hom. 10 in Jo-
sue, parle des fidèles qui faisaient des dons
pour l'ornemenl des églises et des aulels.
Saint Cyprien, /s'/^îs^ 55 ad Cornet., ol)pose
l'Kglise au Capilole, el les autels duSeigricur
aux autels des i ioles. Kusèbe, Hist. ecelés.,
1. vil, c. 15, fait menlion d'une é;;l se et d'un'
autel, dans 1 1 villo de Gesarée, sous le rèjiue
de tjallieu, p.ir conséquent au milieu du iir-
siècle. Les prolestants ne peuvent p is iirei'
que les Pères du iv n'aient souvent donné'
le nom d'autel à la table sur la(i'u«lle on> con-
sacrait l'eucharistie, et ne l'aienl! ap-peiée
l'ati el sacré.
Mais comment prouveront-ils que le sens
deceteme n'a pas- toujours été le mêmie,
que saint Paul t l saint Jean n'ont eniendir
pai là qu'une lab e à manger, pend.iut que
les Pères jostérieufs l'ont pris pour ute table'
4S9
AUT
de sacrifice ? Ces deux apôtres n'ont pas pu
confondre un autel avec une table, puisque
ces doux objets ont un nom diiTorenl en
grec et en hébreu. Pour prendre leurs re-
pas, les anciens se couchaient sur des lits :
nous ne lisons nulle pari que les premiers
chrétiens aient éié dans celte altitude pour
recevoir l'eucharistie; il faut donc qu'ils ne
riiienl pas euvisairé comme une cève ou un
souper, tel que le tout les protestants, mais
comn)e une cérémonie auguste et sacrée,
digne du plus profond respect, et ils l'ont
témoigné par la manière dont ils ont oiné
des nul'ls, dés qu'il leur a été possible et li-
bre de le faire.
Les noms [XKrrrnpiovpropitialoirCfBxtatuiynpi'iv
sacrificalvii e, table sacrée, etc., que les Orien-
taux ont toujours donnés et donuenl ercore
anx nulels, ne signifient point une table
commune. Tontes les l'ois que les p;iïens, les
héreliipM's,, les iMahoruét ins , otil renvetsé
et dâraoH les nutels, cet acte de haine a été
regarde par les chiéiiens comme une im-
piété et une profanalion. On peut f^iire la
même remarque sur les linges ou nappes
û'autel, <'t sur les vases .vocr^s; jamais on ne
les a traités comme des meub'es ordinairivs.
En général les rites, les cérémonies, les usa-
ges religieux altesleni la crojance des peu-
ples avec plus d'éneigie que les expressions
des théologiens. Lorsqui' les protestants oui
démoli les autels dans les (''g'i!.es desquelles
ils se sont emparés, ils ont nssez témoigné
qu'ils voulaient détruire l'ancienne croyance
du christianisme touchant l'eucharisiie.
Al'tel de Prothèse, est une espèce de cré-
dencesur laquelle lesGrecs bénissent le pain
deslinéausacrifiee,avautdeleporterau grand
aulel, où se fait le reste de la célébraiion.
Selon le P. (ioar ce petit aulel ou crédence
était autrefois dans i;i sacristie. Les proles-
tanis n'y font pas tant do façons puur célé-
brer leur cène : bonne (ireuve qu'ils ne pen-
sent pas comme les Grecs.
AiiTEL se trouve aussi employé dans \'his-
toire ecclésiastique pour signifier les obla-
tions ou les revenus casuels de l'église; ra-
cheter les autels, c'était raeheterses revenus
usurpés par les séculiers. Ou appelait IV-
(jlise les dîmes et les autres revenus fixes, et
autels les revenus casuels. Quand on dit que
le prêtre doit vivre de l'aiWe/. cela signifie
(lu'ild droit de vivre des revenus de l'éLilise.
AIITEUUS ECCLÉSIASTiyURS. C'est le
nom général que l'on donne ,iux écrivains
qui ont paru d.ms le ehristiiinisme depuis
les apôires, en y comprenant les l'ères
a|i(>stoliqnes et ceux des siècles suivants ;
souvent aussi l'on désigne par là ceux qui
ont écrit depuis saint lSern;ird, mon l'an
1153, et qui est regardé comme le dernier
des Pères de l'Kglise.
L'an 392, saint Jérôme fil h^ Catalogne d s
Ecrivains illustres, Aans lequel il (omprit
même les apôlres et les evan(;e!isles et
parla de leurs ouvrages. Kusèbe avail fait i!e
même dans son Uistoire eccisiasliepie, écrite
avant l'an 32t> ; mais m l'un ni l'autre n'ont
prétendu donner une notice exacte de tous
AUT 440
ceux qui avaient paru. En 85G, Photius en-
core-la'ique, coïiiposa sa Bibliolhque dans
laquelle il renferma l'extrait de 279 ouvra-
ges de divers auteurs, soit ecclési.isiiques,
soit profanes , dont plusieurs ne sont pas par-
venus jusqu'à nous. Le cardinal Bellarmln ,
mort l'an !6-21, fil un Catalogue des auteurs
ecclésiastiques , qui n'est pas trè<-exact;
depuis ce temps-là on en a fait de plus am-
ples ei de plus complets.
Guillaume Cave, savant anglais, publia
en 1G88, une Hisloirp littéraire des Errirains
ecclésiastiques, en un volume m-fo/fo, quia
élé ensuite réimprimé en deux volumes,
avec des augmentations et de n «uveiles re-
marques ; il l'a poussée jusqu'en lal7. Le
Nain de Tillemonl, dans ses Méritoires sur
l'ilinioire ecclésiastique, en seize volumes
in-h", n'a compris que les auteurs des ^ix
premiers siècles. En ItiSG, le docleur Dupin
eommetiça de pubber le premier volume de
sa B'bliotlirque des Erriva'ns erc'ésiusiiques,
qui renferme cinquaiile-huil volumes (ti- 8°;
maison l'a jugé digncde censure en plusieurs
points. Dom Hemi Cellier, bénédiciin, a dom é
un ouvrage du même genre, et qui est plus
exact, en vingt-quatre vcdiimes in-k°.
AiTEi'Rs PROFANKS. C'est ui c quesliou as-
sez curieuse de savoir si les auteuts profanes,
les poètes, les philosophes, les législateurs ,
ont eiiiprunté des Juifs et de leurs livres les
connaissances qu'ils font paraiire dans
leurs écrits, ou si c'est Moïse, au contraire,
qui a emprunté des Egyptiens ses idées sur
la divinité, sur la morale, sur la législation.
Il y a sur ce sujet une dissertation de Dom
Calmet, Bible d'Avignon, t. III, p. 8i et
suivantes.
Le premier sentiment paraît avoir été
suivi par plusieurs anciens Pères de l'Eglise,
tels que saint Justin, saint Clément d'A-
lex.indrie, Origène, Tertullien, saint Cyrille
d'Alexandrie, Eusèbe, 'I heodorel, saint Ain-
broise, saint Augustin ; mais il est sujet à
de grandes difficuliés. — 1" Nous ne voyons
pas (ju'auiun ancien auteur grec ait eu con-
nais'iani'e delà langue hébraïque, dans la-
quelle étaieni écrits les livres des Juifs. Ces
livres n'ont élé traduits en grec que vers
l'an 290 avant Jèsus-Chri>t, 2'iG ans après
le premier retour de la captivité. Les Juifs
eux-mêmes n'ont commencé que vers ce
même temps à faire usage de la langue grec-
que. Pythagore, Platon, etc., étaient morts
longtemps avant celte époque. H est donc
fort difticile que les Grecs aient pu conver-
ser avee les Juifs, el eu ap|>reiidre quelque
chose. — 2° Déméirius de Phalère, le faux
Arisice, le Juif Arislobule, Philon el Josè-
phe, ne paraissent point êlre du senti. i>enl
des Pères sur ce point de fait, et nous n'a-
vons aucun inoiif solide de récuser leur té-
moignage. — .3' Les Pères mêmes que nous
avons cités n'en parlent point d'une manière
constante el uniforme ; ils dirent plusieurs
choses qui nous funl juger que sur cet ob-
jet ils a\,iieut pliilôt des doutes et des soup-
çoiis, (|u'uii sentiment lixe et déterminé. —
'•■" Ouelques rapports vogues de conrormilé
441
AUT
AUT
4AS
entre quelques maximes ou quelques ex-
pressions des anciens philosophes, el les vé-
rités révélées diiiis les livres s;iiiits, ne suffi-
senl pas pour prouvt'r rempriml supposé.
Ces écrivains ont pu puiser ce qu'ils ilisiiit ,
ou d^ins les lumières MJilirrelics de la raison,
ou dans la Iradiiion généralement répandue
chez loiiles I s nations, qui remonte jusqu'à
la révélation primitive, comme avaient l'.iil
Job el ses arris.
La seconde question a élé déciilée trop
lés^èiemml par plusieurs auteurs moderm's.
Ils ont affirmé au hasard, que Moïse avait
eniprunié loule sa législaiion des Kgyp-
ti. ns, el ils n'ont pu eiler en preuve que
quelques cérémonies des Juifs, qui, selon les
auteurs ffiens, éliiient aussi prali(|uées par
les li'iîypliens : ma s il y a sur celle préten-
due ciMiforuiilé plusieurs réflexions à faire.
— 1" Les Giccs sont trop modernes pour
nous rendre coinpie des usag s que sui-
vaient les Kgypliens au siècle de Moïse, qui
a vécu plus de mille ans auparavant ; el
il est certain que li-s anciens li^gypiiens
n'avaient rien laissé par écrit ; eux seuls
connaissaient leurs hiéioglvphes. Moïse,
loin de nionlror .luiun pencliant .1 copier les
Egyptiens, defi'ur! à son peuple d'iiiiiliT les
super>tilions de rKgvptc ; il leur aurait ten-
du un piège, s'il av.iil mis sous leurs yeux
le même cévémonial qu'ils avaient vu suivre
en Kgjpte. — 2° Il dit que le culle que les
Isr.iéliles devaient prati(]uer ne pouva l
manquer de piraStre aboiuinable aux Egyp-
tiens. (Exod., viii, 20). On sait de (luelie
indignation il fut saisi, lorsqu'il vil 1 s Hé-
breux imiter dans le déserl le culle du dieu
Apis, en odorant le veau d'or. Il ne leur per-
met de fraterniser avec un Egyptien ou avec
un Idumèen qu'à la troisième génération
[Dent., XXIII, 7 el 8). L'antipathie entre ces
nations et les Juifs a élé constante el la mê-
me dans tous les sièclis. jMais les auteurs
grecs et latins, la plupart fort mal instruits,
ont confondu mal à propos les rites dos
Juifs avec ceux des Egyptiens. — 3° L;i doc-
trine de Moïse sur le dogme et sur la mo-
rale» été préi'isémenl la même que celle des
patriarches ses ancêtres ; il n'a donc pas
eu besoin de l'apprendre chez des étran-
gers. On ne monlrera jamais clie.; les Egyp-
tiens des notions de la création, de la pro-
vidence, de l'unité de Dieu, dv l'absurdité de
l'idolâtrie, etc., aussi pures el aussi subli-
mes que celles que Moïse attribue à ses
aïeux. — U' De même la plupart des céré-
monii'S religieuses, les sacrifices, les oflVan-
des, les purifications, les ahsiinences, les
symboles de la présence de Dieu, etc., ont
élé communes à toutes les nations ; elles
avaient été employées par les patriarches au
eulle du vrai Dieu, avant d'être profanées
par les polythéistes égyptiens, iduméi'us,
cbananéens, elc. Moïse, en les ramenant à
leur destination primitive, n'a fail que sui-
vre les leçons de ses ^aneêlres et les oidres
exprès de Dieu. Il n'a donc pas eu besoin
de rien emprunter aux Egyptiens.
Auteurs sacbks. On nomme ainsi les écri-
vains inspirés de Dieu, de la plume desquels
sont sortis les divers livres de l'Ecriture
sainte, soit de l'Ancien, soit du Nouveau
Testament, tels que Moïse, les historiens qui
l'ont suivi, les proj^hèles, les apôtres, les
évangélisies, pour les distinguer des auteurs
ecclesiasli(|ues.
AUlHENri(>UE. On nomme livre authen-
ti(iue celui qui a élé écrit par l'auteur dont il
porte le nom, et auquel il est communément
atiribué (1).
Une histoire, une narration, peut être
vraie ou conforme à la vérité des faits sans
être uutheni.il/ue , sans avoir élé écrite par
l'auteur auquel elle est attribuée : il snifit
qu'ille ail éié faite pur un écrivain suffisam-
ment ius'ruit et sine ère, ()oel qu'il soit. Parco
que l'auteur d'un livre n'est pas connu, il
ne s'i-nsuit pas que tout ce qu'il renferme
soit faux et filiuleux, et il peut ;ivoir autant
de poiils el d'autorilé que si l'auteur était
certainement connu. — En effet, parmi les
l:vrcs s.iints, il en est quelques-uns, surtout
de l'Ancien Test.imenl, dont on ne connaît
pas cerlainemrnt les .luteurs; on sait seule-
ment qu'ils sont parlis d'une main respecta-
ble , puisque les anciens, plus à portée que
nous d'en découvrir l'origine, y ont ajouté
loi et l'ont cité comme faisant autorité. Sur
ce point, la tradition est le seul guide auquel
nous puissions nous en lenir. Pour les livres
du Nouveau Tesiamenl,on s;iit certainement
qu'ils sont authentiques, qu'ils ont élé écrits
par les auteurs dont ils portent les noms.
(i) S'il est des nhirques auxquelles une crilique
judicieuse recoiiiiail la fiipposilimi de cerUiiiis 01;-
vr:iges , il en est J'aiUres aussi ipii lui servent , pour
ainsi (lire de lionssole, et ipii le guident dans le dis-
cenieiiient de ceux i|iii sonl autlientiqiies. En effet ,
cnninienl pouvoir .soupçonner qu'un livre a élé sup-
pové, iorsipie nous le voyiins cilé par d'anciens éeij-
vains, el Punie snr une cliaiiie non interrompue do
léiiioins c(uiforiiies les uns a-ix antres , snrinut si
cette cliaine connuence où l'on dit que ce livre :iélé
écrit et ne linit qu'à nous ? D'ailleurs , n'y eùl-il
point d'ouvrages qui en cicassenl un aulre coniniu
appartenant à tel auieur, pour en conoailre l'a>i-
llienlicité, il me sulliiait qu'il nreùl clé apporté
conjine étant de tel auteur, par une tradition orale,
sunicnne sans inierruptiuii depuis son époque jus-
qu'à moi , sur plusieurs ligues cullatciales. Il va,
outre cela des ouvrages qui liinnenl à tantile choses,
que ce sérail folie de douter de leur autlieiiliciié.
M.iis la plus gianile preuve de l'authenliciié il'ini
livre, c'est lor>que depuis longiemps ou travaille à
saper sou anliipiité pour l'enlever à l'auteur à qui (ui
l'ailriiiue, el ipi'ou n'a pu trouver que îles raisons
si li'ivides, i|ue ceux inéuies qui sont ses eniieinis
déclarés, à peine daignent s'y arrêier. Il y a des ou-
vrages qui intéressent plusieurs royaumes , îles na-
tions euiié es, qui , pour cela nièuie, ne s diraient
être supposés : les uns contiennent les annales de
la nation el ses titres ; les autres ses lois et ses cou-
liiuies; enliu, il yen a qui conliennent leur religion.
l'Ius on ;iccuse les hommes en général d'être super-
siilieux, plus on doit avou'T (|u"ils ont toujours les
yeiixouvertssnrcequi intéresse leui- religion. L'Alco-
raii«iraur.iii jamais élé iranspor.é au teiiiiis de Ma-
boinei, s'il avait éié écrit après sa mort : c'est que
loiil un peui.le ne saurait ignorer l'éiioque d'un
livre qui règle sa croyance el lixe iouie> ses espé-
rance». (Encyclopédie du xviii» siècle, nn.Curiiiud*.)
445
AUT
MIT
i'H
Pour qu'un livre soit censé canonique, ins-
piré, divin , réputé parole de Dieu , ce n'est
pas assez qu'il soil aulhentiqne , qu'il ail
élé é rit par un des apôtres ou par un de
leurs disciples iniiiiédials ; il faut encore que
l'Eslise l'ail adopté coiume le! et que la tra-
dition ancenne dépose en sa faveur. L'Eglise
ne sirait pa< en état de nous giraiiiir la
doctrine (hrétit une si elle n'avait pas eu
l'auiorilé de nous apprendre, sans danger
d'crriur, qu' Is sont les livres que nous
devons reg.irder comme règles de notre
croyance. Les régis do critique peuvent
siTvir à dérouvrir si un livre a élé écrit par
tel ou tel auteur; mais elles ne peuvent nous'
apprendre si ce livre est ou n'est pas règle
de foi : c'est à l'Eglise de voir s'il coniienl
ou ne contient pas la doctrine de Jésus-
Christ. Celte société sainte a été instruite de
vive voix par les apôims, avant d avoir reçu
leurs écrits, el aucun livre ne peut suppléer
entièrement à renseignement pnlilic el tou-
jours siib^islant de TEglse. Voy. Autorité
DB l'Eglisk, Canon, lNFâiL.LiBiLiTÉ.
AiTHENTiQiJE, signifie quelquefois faisant
autorité; c'esl dans ce sens que le concile
de Trente a déclaré la Vuigate aulheniique.
Voy. Vl LGATE.
ACTOCfiPHALE, terme dérivé du grec «0-
TÔf, lui-même, et y.sfoào, c' ef. il signifie celui
qui né reconnaît point de chef. On cioirail
d'abord que l'on a voulu désigner par là les
sectes d'indépendants ; ni.iis on donnait ce
litre aux évécines qui n'étaient soumis à au-
cun métropoliiain, et aux trétropoliiaiiis qui
ne reconnaissaient point la juridiction du
patriarche.
AUTu-DA-EÉ, acte de foi. Voy. Inqui-
sition.
AU rOGUAPHE, nom fo.mé du grec kOto?,
lui-inémc, et de yçicfu, finis. On nom ne
ainsi un livre qui a été écrit de la propre
ni.iin de l'auteur. Pierre, évéïue d'Alexan-
drie, rapport" qu'au vr sièele on g.irdait
enéore à Epliése l'autogra/ihe, ou l'original
de l'évangil" de saint Jean, lho/jif,ov- Cliron.
Al X., a liadero edilum. Lorsque TerUillien
dit ()iie dans les E^li^e^ fou iées par les apô-
tres on lit leurs lellres milhcnliqiies,i\ parait
qu'il entend les originaux ou les autoi/ra-
plien. Nous pensoiis di> même que l'exem-
plaiie de la loi qui, sous le règne de Josias,
fut trouvé d.ins le temple, était l'original
érrit de la propre main de Moïse. /F /{t'(/.
XXII. S.
AUTOKl'fÉ, droit de commander. La pre-
mière (lueslii'ii (itii se présente esl de savoir
que le est la s >nrce de ce ilroil. Nos ph I so-
piies modernes, et queicvues jnriséonsulles
qui les copient, posent ponr ptimipe qu'au-
cun homme n'a reçu ilc lu nature le droit de
«■oniiiianler auv autres. La liberté, dis ut-
ils, l'St un présent du ciel; chaque individu
de même espèce a le droit d'en jouir aussitôt
qu'il jouit de sa raison. De là ils concluent
qu'un homme ne | eut être assuj-tli à un au-
tre (|uo par son consente nent libre, donné
t'ii coiisld. ration des lue faits i|u'il en a re-
çu» ou qu'il eu espère. Sans doute par la
nature ces dissertatenrs entendent Hieu, qui'
en esl l'auteur; et par la liberté, l'indépen-
dance de toute autorité humaine. Nous son»
tenons que ces principes et leurs conséquen-
ci'S sont autant de fausseté'; aussi opposées
au lion sens et à 'a saine philosophie qu'aux
leçons de la rêvé atioi. — Nous le démon-
Iri'iis d'abord par deux vérités inconiesla-
blés : l'une, que [)ar la nature, c'est-à-dire
par la vohmté et rinîenlion du Cré.i.ieor,
i'Iio nme est destiné à la socié'é. Cela est
prouvé par la constitution, par les besoins,
jiar les inclinations de l'homine; et Dieu lui-
mémi' dit, a p' es l'avoir créé : Il n'est pas bon
que l'homme soit seul {Gen. ii , 18). L'autre,
qu'aucune société ne peut subsister sans
subordination. Cela est aussi évident qu'un
axiome de géométrie : doue Dieu, fondateur
de la SOI iélé, est aussi l'auteur de toute au-
toiilé. Nous délion> nos adversaires de ren-
verser ce raisonnement. Dieu n'a pas plus
allendu le consentement de l'homme pour le
soumettre à Vautorilé que pour le destiner à
la société ; ce con-enlemenl n'esl pas plus
nécessaire pour l'une que pour l'autre, li est
absurde d'envisager les hommes comme des
élies nés fortuiteinenl du sein de la terre,
Ltolés, indépen lants, san; aucune relation
nuituelle, libres de tout engagemenl et de
tout devoir naturel; cette h\potlièse sent le
malérialism« le plus grossier. Si l'homm.i
naissant n'avait point de devoirs, il n'aurait
pas non plus de droits; et ii lui esl aussi im-
possible de s'acquérir un droit que de s'im-
poser un devoir, à moins 'que l'un et l'autre
ne soient ratifiés d'avance par la loi éter-
nelle du Créateur.
Examinons toutes les espèces de sociétés»
que l'homme peut foi mer; nous verrons
sortir de la même source Vaulorité conju-
gale, paternelle el dômes ique, l'autorité ci-
vile el politiiiue, \'au(orilé ecclésiastique ou
religieuse. Le fait el les principes, la Con-
duite de Dieu et sa parole, se réunisjicnt
constamment pour démontrer l'absurdi-l'é dd
la théorie de nos philosophes.
AiTORirii co\Ji;i;4LE, patkrnellk et DO^
Mii.sTiQiii;. Elle résulte de la société eulrc Ib
mari el son épouse, entre le père el ses en-
fants, entre le m. dire el ses serviteurs. Dieu
s'est clairement expliqué sur les devoirs qui
en sont inséparables. I( n'est pas bon, dit le
Seigneur, que l'homme soit seul; faisons-lui
xiiie aide semblable à lui [Genrs. ii, 18). Dieu
forme uno femme de la snhslance même,
d'Adam : la femme est donc une aide donnée
à l'nommc, et non une égale qui ail drol de
lui disputer l'empire. Il est la souche de la-
quelle elle est sortie; la supénoriie de force,
de tète, de courage arcordée à l'homute dé-
montre l'inleniion du Ciealeur. Après le pé-
ché. Dieu dit à la feuimc : Tu seras soui la
puissance de ton mari, et il e.nrcera /'iiixo-
HiTii sur lui fiii, l(i). Dieu n'a pis deu» mdfi
le consentement de l.i femme pour la sou-
niellre à sou époux, el s'ils avaieni stipulé
le contraire, Dieu aurait annul • le conir.i'.
-Au moment même u'il leur .uiorde la
fécoudiie , il leur donne laulorilé !>ur leurs
<15
ATÎT
AUT
446
\
enfants : Croisiez, mititipliez, peuplez In terri
et soumeltes-la {\, 28). Ainsi, Ir droit de sou-
motire les enfants est allacheS au pouvoir
niénip de Iv8 met re an monde, c\. retie sou-
liiission à la'iui'ljp Dieu condamne les en-
fants est déjà un bleni'iil pour eux; en leur
prescrivant des devoirs, il l-ur donne des
droits, puisqu'il ordonne à leurs pères et
iïi(^res de les conserver. Dès le moment de la
eoneepiion, il est défendu an père ei à la
mère de détruire l'ouvrage de Dieu; c'est un
dép(S( (hKiuel ils Ini sont rcsponsaliles. Aussi
Rve, devenu*!' mère, s'écrie : J'ni reçu, de
Bi'V la p')svT.«,v-(on d'un homme (iv, 1); elle
reg.irdo son lils comme un bien qui lui ap-
parlient, unis bien précieux, qu'elle a reçu
de Dieu, à l;i conseivalion duquel elle doit
donner tous ses soins. Or, où seraient la jus-
fice et la réi-iprocité, si le père el la mère
étaijul ohli.'és de droit naturel à nourrir, à
élever, n ronseï ver un enfant, et que l'enfanl
no leuT dût rii-n dès qu'il serait en étal de se
pisser d'i lit '.' Aitendrons-n.ius que celui-ci
eonsenle, |iai' reconnaissance, à les respec-
ter et à leur obéir? Dieu a stipulé d'avance
pour le genre hum in lout eniier; et l'effet
de celle loi irrévocable, fondée sur une
exacte jnsiice, ne peut êire frustré par au-
cune couve ni ion.
L'obligation d'honorer les pères el mères,
et de leur obéir, est confirinée par la puni-
l'ion de Cham (ix,2:)) el p;ir toute l'bis'oire
des pitriarches. I>i n altachi' ses bienfaits à
là bénédiction qu'ils donnent à leurs en-
fants , et des châtiments aux malédictions
qu'ils prononcent ; lorsqu'il dicte sa loi aux
Hébreux, il place ce devoir important imnié-
dlalem ni aprè. le couimandement de lui
rendre un culte [Exod. xx, 12).
On ni)«s obji'Cti' que Vauioiiti' palernelle a
ses bornes : qUi en doulc? Si elle n'en avait
point, elle seraii iipposée à la fin pour la-
quelle elle a élé donnée. Dieu, sagesse éter-
nelle, ne se co. tredit point dans ce qu'il fait :
il a établi Vautorilé des pères et des nieres,
afin de les intéresser à la conservation de
leurs enfants : il ne leur a donc pas accordé
le droit de les détruire. 11 leur a prescrit des
devoiis, par l.'i même il a borné leur nulo-
rité, el il en est de même de tiute autre (ut-
torilé quelconque : celli'-ci est donc bienfai-
sante par «a nature, c'est-à-dire selon l'in-
tention du C'éateur; il l'a établie pour faire
le bien, el non pour faire le mal. Mais lors-
que le déposilaire de Vauiuriié en a!>use.
Dieu ne l'eu depouilh^ pas pour cela, parce
qu'il en résulterait un plus grand mal; et
lorsque ce déposilaire pèche en violant ses
devoirs, il ne nous donne pas le droit de
pé her el de violer les nôtres. — Il est faux
que, dans létal d- nature, Vautorilé pal'-r-
n 7/f finirait aussitôt que les enfants seraient
en étal de se conduire. (Juel est donc cet étal
imaginaire de nature, opposé à celui dans
lequel Dieu a crée le genre humain? Puis-
que toute obligation est réciproque, le p're,
dans ce même étal fictil', serait di-pensé de
fonseiver et d cl ver si)n lils ; il pu.irrait en
diaposer comme du [cti d'nn auiuial, elc'esl
ainsi que pensaient les Grecs et les Romains.
Mais ne rougit-on pas de nous renaettre au
point où ils étaient?
Pour étayer celle détestable morale, nos
philosophes sont allés plus loin : ils ont dit
que la qualité même de Oéaleur ne donne
pas à Dieu le droit de commander aux créa-
tures ; qu'il faut y ajouter les allribuls de
sasiesse el de bonté. Quoi 1 la création n'est-
elle donc pas par elle-même un effet de
bonté? l'être, la conservation, ne sont-ils
pas dé|A un bienf lit, el le commandement de
Dieu n'en ist-il pas encore un autre? A en-
tendre raisonner nos ; hilosophes, on dirait
que Dieu nous fait tort en nous donnant des
lois: qu'une lllierté illimitée nous serait plus
avantageuse qu'une liberté réulée el b rnée
par la loi divine, et que nous serions plus
heureux si Dieu, après nous avoir créés,
nous avait livrés à nous-mêmes. Il faut avoik"
un coeur bien dépravé pour penser et rai-
sonner ainsi. Ln loi du Seif/neur, dit le roi-
prophète, est la droiture, la saijes<e et la jus-
tice même; c'est la cvnso'ation de notre cœur,
la lumière qui nous guide, la m'iin qui nous
conduit, etc. ; c'est un trés(,r plus précieux
que toutes 1rs richesses de l'univers : il fait la
douceur el le seul vai plaisir de la rie (Ps.
xviii , 8). Quoi qu'ils en disent , la création
donne le droit d'anéantir aussi bien que ce-
lui de conserver : donc elle donne, à plus
forte raison, le droit de commander, el Dieu
n'a pas plus besoin de notre consentement
pour l'un que pour l'autre. Hienlôl, peut-
être, on nous enseignera que, quand il ne
nous fait pas autant de bien que nous en dé-
sirons, nous avons droit de nous révolter
contre lui.
Dans les premiers temps du monde, un
père âgé de plusieurs siècles, qui voy.iitcinq
ou six générations de ses descendants, devait
être à leurs yeux un personnage bien res-
petiabie : p uvait-on envisager ses volontés
autrement que comme des lois? D'aulre part,
les [latriarches, persuadés que la fécondité
est un don de Dieu , que les enfants sont un
dépôt duiuel il demandera compte; qui
voyaient dans cette nombreuse famille leur
force el le présage certain de leur prospérité,
devaient la chérir tendrement. Ainsi la puis-
sance p.ilernelle, indépendante pour lors de
toute loi civile, était tempérée par l'affection
naturelle , pur lintérèl , par la religion ;
l'Kcriture ne nous montre aucun exemple
d'un père qui en ail abusé. Mais nous
voyons, par l'histoire de Juda el de Tham^ir,
qu'un chef de famille avait droit de vie el de
mort sur chacun des membres {Gen. xxxviii,
2k). Il le fallait, puisqu'il n'y avait alors au-
cune puissance publique que l'autorité pa~
ternelle et domestique. — Lorsque cette so-
ciété s'est augmentée par l'acciuisition d'un
nombre de serviteurs ou d'esclaves, le chef
de f.imilli" a exercé sur eux, de droit n ilurel,
la même autorité que sur ses enfants. Au
mot Esclavage, nous prouverons que, dans
l'origine, cet état n'a été contraire ni a"
droit naturel de l'humaBilé, ni au bien co
uiun; que la liberlé citile des servitepc^
447
AUT
était incompatible avec la vie nomade des
premiers hommes, et qu'elle n'cil devenue
nn liien que par l'clablissemenl de la société
civile. Aussi ne voyons-nous point Abraham
blâmé, dans rEcirilure sainte, d'avoir eu
trois cents esclaves; Sara, son épouse, rhâ-
tie Agar, sa servante, qui lui manquait de
respect; lorsque celle-ci prit la fuite, un
ançe du Seigneur lui ordonne de retourner
et "de s'hiimillpr sons la main de sa m;iî-
Iresse (Gen. xvi, 5). — Un prisonnier de
guerre desliné à l;i tnorl se trouve heureux
d'y échapper en se rendant esclave : il doit
la vie à celui qui le prrnd à son service. Un
particulier sans ressource, exposé à périr
par la f.iim, trouve un maîlre qui s'<ibli;;p à
lui fournir la subsislanre et à ses enf.ints,
sous condiiion d'un service periiéluel. Un
chef de famille rcnconire nn enfant exposé
et abandonné; il l'élève et l'entrelien! , dans
la persua'iion que cet enf;int lui iippiirlien-
dra. Où est l'injustice, dans ces différents
cas? Quand il y nnr;iit un contrat dans les
deux premiers, il n'y en a point dans le
troisième; la même loi naturelle qui or-
donne à un chef de famille de sauver un en-
fant de la mort, (|uand il le pru!, commande
à celui-ci d'honorer et de servir son libéra-
teur, comme s'il était né de son sang' : il
n'est ici besoin d'aucun contrat ni de con-
vention de part et d'autre. Dieu y a suppléé
d'avance p, r la loi éternelle de la justice et
de l'humanité; et sans cette loi suprême,
aucun contrat ne pourrait avoir force de loi,
ni imposer aucune obligation morale.
Nous cheichoiis vainement dans la nature
humaine le titre di> cette liberté prclemlue
que l'on soutient être un don du ciel, don fa-
tal, qui exposei-ait l'espère humaine à une
ppr'e inévitable. I.es besoins au\(iuels la
nature assujettit l'homme dès sa naissance
ju-qii'A la puberté, les accidents auxquels il
est exposé d'ailleurs, les fautes même (lu'il
peut commeltre, sont un titre de dépendance
pour loiile sa vie. Si c'est 1 1 naluri' qui éta-
blit cette dépendance, c'est donr aussi elle
qui établit Vautorlté : l'une ne peut être sans
l'autre. — A cette voix impérieuse de la na-
ture. Dieu n'a pas manqué d'ajouter une loi
positive; l'Ecriture, parlant de nos premiers
parents, dit que Dieu a ordonné à chacun
d'avoir soin de son prochain, mnndavil illis
unirulque de proximo suo (Eccli. xvn, 12).
Donc il a ordonné aussi à celui qui a reçu
des soins, d'honorer, de respect(>r, tic servir
son bienfail'ur ; il n'a point atteniiu le con-
sentement libre di' l'un ou de l'autre pour
leur imposer celle obli;;aiiun. Il est donc laux
que r(ju/«n7(f conjii(;ale, paternelle, domesti-
que, soit lonitée sur un contrat; elle l'est sur
la loi divine, natunlle el positive, anlérienre
à toute convention. — Dans l'origine, celte
autorité n'était point illimitée, puisque la
même loi qui la fou<lait lui prescrivait des
bornes ; mais elle élaii absolue dans ce sens,
qu'elle n'était encore gênée par aucune loi
humaine; au-dessus d'elle elle ne voyait qui?
la loi divine, elle s'étendait à tout ce (|ui
était nécessaire au maintien et au bien-être
AUT m
de la société domestique. Depuis l'établisse»
ment de la société civile el des lois humaines,
Vautoriie' paternelle a dli être subordonnée
à la puissance publique, par la même raison
que l'inlérêt de chaque famille doit céder à
l'intérêt général de la société entière. Nous
voyons, en effet, l'aiitorilé paternelle restrein-
te par les lois de Moïse ; un enfant rebelle à
ses père et mère est condamné à mort, non
par eux. miis par les juges, et c'est le peuple
qui est chargé d'exécuter la sentence {Dent.
XXI, IS) : police beaucoup plussage qiiecelle
des Grecs et des Romain-^ qui attribuaient au
père le pouvoir de disposer de la vie d'un
enfant nouveau-né, de l'exposer ou de le
venilre jusqu'à trois fois après l'avoir élevé.
La loi chrétienne a fait réfo- mer ce désordre;
elle a resserré et sanctifié les obli^almns des
époux ; ils on! appris par el'e à respecter et
à chérir davantage un enfant consacré à Dien
par le ba()lême.
C'est ilans cet état de choses que des phi-
loso[)he'' insensés viennent attaquer les fon-
deuienls de Vautorilé paternelle , ausai an-
ciens que le monde, el ébranler du même
coup toute espèce (['aulorilé ; soutenir qu'au-
cune n'cit donnée par 1 1 nature, que toutes
sont établies sur un prétendu contrat qui
n'exista jamais, sur la reconnaissance des
bienfaits reçus, ou sur l'espérance de ceux
que l'on recevra. Ils consliluent aussi les
inférieurs juges et arbitres de ['autorité à
laquelle Dien leur ordonne d'être soumis ;
bientôt peut-être ils décideront ([u'un enfant
parvenu à la puberté esl de droit et par na-
ture supérieur à son père. Celte morale abo-
minable n'atteste que trop la diminution de
l'autorité paternelle, et la nécessité de la
renforcer, s'il était possible. On le sentira
mieux encore en lisant l'article suivant.
Autorité civile et politique. Par des ac-
croissements successifs, nue famille esl de-
venue une peuplide, et la réunion de plu-
sii urs a formé une nation. Soil que les
peuplades se soient réunies par le voisinage,
par un commerce mutuel, [tardes alliances, ou
par la nécessité de se déleudre contre des ag-
gresseurs injustes , cette nouvelle sociélé
pouvait encore moins subsister sans subor-
dination qu'une sociélé domestique. L'ha-
bilude d'obéir à un père disposait déjà les
membres à reconnaître rou^or/ïe d'un chef ;
aussi le gouvernement monarchique parait-
il le plus ancien. Mais soil que l'on ail établi
un seul chef on j)lusieurs, la source de r«u-
^)/(<e est la nêuie ; Dieu en avait prévu el
préparé le besoin ; il s'en est rendu le garant :
un législateur quelconiiuc n'a pu avoir Vau-
<orifc' nécessaire pour obliger les particuliers,
si ces lois n'avaient pas été autorisées jiar le
législateur suprême. Quand tous les mem-
bres sans exception y auraient consenti,
cela suftir/iit peut-être pour faire régner la
force, mais non pour obliger la conscience;
;iutant il esl impossible à un homme de s'im-
poser à soi-même une obligation morale,
autant il esl incapable de donner à un autre
homme Vautorilé et le droit de la lui impo-
ser. Quand il aurait promis cent fois d'obéir,
m
AUT
Aur
4SI)
qui l'obligora (le tenir sa parole, s'il n'y a
pas une loi antérieure et éternelle qui lui
enjoint de tenir sa promesse ? (Juaml II le
refuserait, qu'en ré-iuller.iit-il ? Touie la so-
ciété, (le la(]ueile il veut cire membre sans
en observer les lois, serait en droit de le trai-
ter comiue un ennemi, de le cbas^er ou de le
punir.
Dès qu'une société civile ou nationale est
une lois formée, ellu est obligée, de droit na-
turel, à conserver et à protéger toute créa-
ture humaine (|ui nuit dans son sein ; elle
en est censée la mère, de même (lue Uieu eu
est le ]ière : à son tour, clia(iiie individu, est
dès sa naissance, soumis aux lois de la so-
ciété dans la(|uellu il reçoit le jour, autrement
elle ne pourrait subsister. Dieu,(!ui ordonne
à la société de le conserver et de le protéger
parce qu'il est homme, lui eoininande, par
réciprocité, d'obéir aux lois élablies et à l'f/M-
torité {\ui gouverne : sans cela il n'y aurait
plus d'égalité ni de justice. Dieu, qui n'a pas
consulté le corps de la société pour lui im-
poser ce devoir, n'a pas plus besoin du con-
sentement de ( haqne pai ticulier pour l'assu-
jettii à celte obli-jation. Appeler cette récipro-
cité de devoir un contrat réel ou présumé, un
pdcle social, c'estabuser du termeet brouilliT
toutes IfS notions ; il n'y a ici liberté ni de part
ni d'.iutrc ; Dieu, père l'I bienfaiteur de l'Iiu-
maiiilé, a lout régie et tout pre^c^il d'avance,
et il aurait été absurde de laisser à chaque
particulier une liberté destructive de la so-
ciété.
Dieu est donc aussi réellement l'auteur
et le fondateur de la société civile (iiie de
la so( ièlé conjugale et domestique ; il a
destiné riiomme à l'une et à 1 autre par
les besoins, par les inclinations, par les
passions nièini' qu'il a données à l'homme,
et qui ont besoin d'un fiein ; donc il e^t
aussi le seul vrai principe de l'(i»/o/i7d civile
et légi>lalive : sans la loi divine naturelle,
les lois liumaiDi-s seraient réduit s à la seule
force coaci» e ; mais cette force n'impose
pas plus une obligaiion mor^.le que la vio-
lence d'un voleur armé. — Au>si l'Ecriliire
sainte, plus sa^e que \:i pMlosnphie, nous dit
que Di<;u a étiibli un chef sur chaque njition,
in uiiaii)(juiintqnp ge:i(em posuil rccioiem
(Ëccli. XVII. IV). Dès que Dieu s est choi.si un
périple particulier, il n daigne en être le lé-
gislaeur ; cette fonction etail irop auguste
pour être confiée à un homme; m.iis II donna
à Moïse \'(iuto)il(' de faire exécuter les lois,
et il commanda d'elahlir des juges pour en
faire l'application ; il prononi^a la peine de
mort conire (juiconque résisterait à leur sen-
tence : en annonçant que les Ivraeliles se
chuisiraieiif un roi, il lui défendit d'opprimer
son peuple (Deul. xvii, 9, 20). Ainsi, par le
fait et par les principes, se déimoiire la vé-
rité de la maxime, que loule puissance vient
de Dieu.
Mais nos adversaires, aussi habiles com-
Dienlateurs de l'Ecriture sainte que profonds
raisonneurs, nous accusent de mal traduire.
Saint Paul dit {Pom. xni, 1) : Que lou'.e per-
sonne loil soumise aux puissances supérieures ;
car il n'est point de puissance qui ne vienne
de Dieu, et ciîlles gin sont, ont été oiidun-
NÉEs ou RÉGLÉES PAK LLi : (linsi celui qui ré-
siste à la puissance, résiste à l'ordre de Dieu.
Vous avez tort, répliquent nos philosophes,
il y a : celle< qui sont de Dieu sont ordonnées
ou bien réglées; donc celles qui sont mal ré-
glées ou mal ordonnées, ne viennent pas de
Dieu. C'est ainsi qu'il f;iul l'entendre, confor-
mément à la droite raison cl au sens littéral ;
car enfin n'y a-t-il pas des puissances in-
justes, des aulorilés usurpées, établies coniro
l'ordre ei la volonté de Dieu? Faut-il obéir
en tout aux persécuteurs de la vraie religion?
Et [lour fermer la bouche à rimbécillité, la
puissance de l'antechrist vieiidra-t-elle de
Dieu? etc. — S.ins nous émouvoir de celle
insulte, nous disons que ce commentaire est
opposé au texte ; il suppose que s;iinl Paul,
après avoir dit qu'il n'est point de puissanco
qui ne vienne de Dieu, se rétracte ou restreint
celte maxime, et décide ((ue la puissance ne
vient de Dieu que quand elle est bien réglée I
Mais qui décidera si elle est bien ou mal ré-
glée? Les particuliers, sans doute; avant d'o-
béir ils examineront si i'autorité est légi-
time ou usurpée, si les lois sont justes et
conformes à la volonté de Dieu; si elles leur
paraissent injustes, ils seront dispensés de la
soumission, et ils auront droit de résistera
ïautorilé. Excellente morale 1 C'a été celle de
tous les séditieux et de tous les fanatiques
de l'univers.
1 • Saint Paul a donc eu tort d'ordonner aux
fidèles en général de rendre hoiineiii, tribut,
respect aux puissances établies pour lors ;
c'étaient des païens, des tyrans, des persé-
cuteurs, de viais antecbrists. Claude et Né-
ron étaient empereurs, 1 1 l'on ne soutiendra
pas, sans doute, que la puissance de ces
monstres était fort bien réglée. 2 S.iint Pierre
dit sans restriction : Soyez soumis pour Di*u
(} toute créature humaine, au roi comme le
plus ilecé en dignité, aux ojficiert qu'il a pré-
posés piiur punir les malfaiteurs et protéger
les ()ens de hien ; parce que telle est la volonté
de D eu yl Petr. i., 13). 3° Le Sage p.irlanl à
des puiss.mces très-injustes, leur dit : licuii-
tez, vous qui giiuvcrnc les peuples et qui
vuyiz avec complaisance les nations oulour de
vous; ci-sl Dieu qui vous a donné l' ai toritè,
et votre puissance vient du Très-Haut; il ju-
gera vos actions et vos plus secrètvs pensées,
parce qu'étant les niini-'ti es de son royaume,
vous n'avi z pas gardé les lois de la justice, ni
gouvi-rné selon sa volo téySap. v , 3 . 4° Les
premiers cliréliens, quoi()ue persécuies par
les empereurs. L or ont oi)éi d.ins tout ce
qui ne lenait pointa la religion ; nos apolo-
gistes l'ont ainsi représenté aux empereurs
mêmes et aux m.igistrats; ïertuUien, s.iint
Irénée et les autres Pères, entendent com-
me nous les paroles de saint Paul. 3' C'est
des protestants que nos censeurs ont em-
prunté leur théorie louchant les fondements
de Vautorité : Jurieu a soutenu av.int eux
qu'il n'y a aucune relation de maître, de ser-
viteur, de père, d'enfant, de mari et de
femme, qui ne soit établie sur un pacle mu-
m
AUX
AUT
4S2
IupI ; que l'autorité, fondée sur le droit de
connuéle, n'est qu'une pure violence, etc.
M. BcssueU'a réfuté sans réplique, cinguièmc
auert. aux prore>«., n. 50 et suivan s. 6* Cepen-
diinl- les plus célèbres commeniafeurs, méuie
protestants, n'ont pas osé tordre le sens de
saint Paul, comme le font nos jurisconsultes
njodrrnes. Voy. la Synopse des critiques sur
ce passage.
Il y a lies autorités illégitimes, des puis-
sances u-urpées, des gouvernements tyran-
niques, contraires à la volonté et à la loi de
Difu, nous I n convefions ; mais enfin, dès
qu'elles existent et sont reconnues, il est de
l'inlérêl général et du bien commun qu'elles
soient respectées et obéies, parce que l'anar-
chie est le plus grand de tous les maux. Dans
quels dangers serait la société, s'il élaii per-
mis au premier ins 'nsé qui jugera Vnutorité
injuste ou illégitime, de lever l'étendard et
do sonner le tocsin de la sédition contre elle?
Alors un conquérant serait forcé d'avoir
toujours le alaive levé sur la tète d'un peuple
conquis, et de le gouverner avec un sceptre
de fer, pour lui ôler le pouvoir de secouer le
joug. Ainsi les principes de nos adversaires,
loin de favoriser la lilierté du peuple, ne ten-
dent qu'à fournir aux souverains un motif
ou un prétexte de lui ôter toute liberté. —
On nous demande fièrement s'il faut donc obéir
en tout aux persécule'irs de la vraie religion.
Non, sans doute : Jésus-Christ a posé la
limite au delà de laquelle ['autorité civile n'a
aucun pouvoir; il a ordonne de rendre à
César ce qui est à Cé-ar et à Dieu ce qui est
à Dieu : or, la religion est à Dieu et non à
César; c'est Dieu qui l'a établie, non-seule-
ment sans le concours de Vatitortté civile,
mais malgré sa résistance ; et c'est dans ce
sens que les apôlres ont p 'sé pour maxime
qu il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hom-
mes. Il n'est personne qui ne puisse abuser
des facultés naturelles qu' 1 a reçues de Dieu,
aussi bien que de Vautorilé dont il est dépo-
sitaire, il ne s'ensuit rien.
Qaehiues incrédules ont poussé la démence
jusqu'à dire que si toute c.utoiité vient de
Dieu, la peste, la guerre, la stérilité et les
autres Iléaux de l'huma ni' e en viennent aussi ;
qu'il ne s'ei>>uit pas néanmoins ((u'il n'est pas
permis de s'en mettre à couvert quand on le
peut. Ainsi, selon leur avis, toute autorité
est un fléau de l'humaniié, comme la guerre,
la lamine, ou la peste. Mais est-il démontré
que la siciéié humaine peut se passer aussi
alseiiRMil d'une nnlnrilé quelconque pour la
gou» erner, (\uo. des fli'aax lionl nllu^ p. irions?
Ndus prion« ces declamateurs insensés de ci-
ter l'exemple d'une société civile ou do(nesti-
que (|ui ail subsiste el prospéré sous une
anarchie alisolue. Le vrai lleau de l'huma-
nité serait c> tte liberté chimérique dont nos
adversaires ont l'imagin ition frappée, el
qu'il» ne cessent Ar. réclamer : a»ecce beau
privilège, aucune société ne p.'Uirait se
maintenir, el les membres ne tarderaient
pas de se déiruirc les uns les autres. L'hom-
me, né avec des passions fougueuses, a be-
soin de lois qui les répriment, et les lois n'au-
raient aucune influence, s'il n'y avait pas
une autorité armée de la force pour les faire
exécuter.
Avant de décider que les souverains ont
reçu de leurs sujets Vautorité doir ils sont
revêtus, nos profonds politiques auraient dû
nous apprendre comment les sujets peuvent
donner ce qu'ils n'ont pas, et ce qu'ils n'ont
jamais eu. On nous dit que Vautorité appar-
tient de droit naturel au corps de la société,
qu'elle ne peut s'en dé|)Ouiller absolument
et pour touours, qu'elle est en droit de la
reprendre lorsque son chef nu ses chefs en
abusent. La fausseté de ce principe est déjà
sulfisam. lient prouvée; mais il faut achever
de némontrer le contraire par l'état général
du genre humain, afin qu'il ne reste aucun
doute sur une matière si importante.
Dans les sociétés les plus démocratiques,
Vautorité n'est jamais entre les maiusdu plus
grand nombre, mais des chefs de famille et
des principaux citoyens; les femmes, les jeu-
nes gens, les serviteurs, les étrangers rési-
dants, n'y ont point de part ; ils foui cepen-
dant au moins les trois quarts de la société.
S'il est vrai qu'aucun houiine n'a reçu de la
nature le droit de conmander à sou sembla-
ble, ai la liberté est un don du ciel, dont tout
homme a droit de jouir dés qu'il fait usage
de sa raison, il est clair que, dans la démo-
cratie même, la quatrième partie qui gou-
verne le reste a usurpé Vautorité ; que ce gou-
vernement est aussi contraire au droit natu-
rel que l'aristocratie et l'état monarchique.
Pour que chaque membrede la société jouisse
de la liberté, il faut qu'il n'y ait plusd'anro-
rité, et que l'anarchie soit absolue. — Dans
cet état des choses, voyons comment Vautorité
pourrait naitre.et quel en sera le fondement.
Tous les membres de la société sont rassem-
blés pour établir et choisir un gouvernement;
tous doivent donner leur sulïrage. Qu'ils re-
mettent Vnalo'ité aux chefs de famille, à nu
sénat, à un roi, cela nous est é;;al ; il s'agil
de savoir ce que peut opérer et ce que signi-
fie le sulTraji» que chacun ilonne à ce mo-
ment. S'il dit : Je vous donne lu portion d'au-
lorité que j'ai sur la société, il déraisonni»,
puis(iu'ii n'en a réellement aucune, et que
l'anarchie subsiste encoie. S'il entend ; Je
vous donne /'antoi ité que j'ai sur moi, cela ne
se peut pas : il est absurde qu'un parlicu ier
ail r«Hfor(7^ sur soi-même et soit son pro-
pre supérieur. S'il veut dire : Je vous remets
ma liberté natnn Ile, c'i'sl un attentat; une li-
berté accordée par la nat ire est inaliénable !
ainsi le veulent nos philosophes. Si cela si-
gnifie ; Je vous la donne seulement jiour un
temps , sauf à la reprendre qunnd il me
plaira, le don est illusoire ; f/flH«er, dit-un, el
retenir, ne vaut. Ainsi, le simple particulier
ne (leut donner validemeut ni i'rt«(()r//(' (|u'il
n'a pas, ni la lilierl,' qu'il a. Si nous suppo-
sons qu'il dit : Je rous clun^is paur subvenir
au besoin que la société dont je suis inembrt a
d'être (jourernr'e, cela se comprend ; mais
alors ce particulier ne fait que céder à une
nécessité tlont Dieu même est l'auteur, et son
consentement n'est pas libre. S'il dit : Je vous
453
AUT
AUT
4«4
choisis pour exercer au nom de Dieu /'auto-
rilé qu'il a sur nous tous, roli se conçuii en-
core mieux, el jilors c'i'si Dieu et non l'h iin-
nie qui revél île Vdutorité le (téposll;iiie choisi
par Ifi sociéic. Nous défions nos .'iiiversaires
(Je doiiiKT un .'lutre sens raisonnalile au suf-
I- frage (lun électeur quelconque.
Éiinii, l'absurdité de leurs principes est
palpable, par les consé(|ueiices éiioruifs qui
s'ensuivent. En sup|iosaut que loule autoi ilé
i est donnée en con^idér.tiioa des bienfaits
reçus ou que l'on espère, ils ont décide qu'une
société qui ne procure aucun bien à ses mem-
bres, perd le droit de leur coinniander; que
tout membre mécontent de son sort a le droit
de se détruire et de jiniver la société de ses
services. Suivant celte morale, le mécoa-
lentemenl de ce membre le dépouille de l'bu-
maiiilé, et le met dans l'état de pure ani-
nuiliié, puis<iu'il ne lient plus à la société
humaine. Y eut-il jimais une société qui
n'ait procuré et ne prodre aucun bien à ses
membres? Kllc a veillé à leur conservation
même avant leur naissance; ils sont redeva-
bles à ses lois de l'éducition qu'ils oui reçue,
de la sûreté dont ils ont joui, des mœurs
qu'ils oui contractées, des plaisirs de l'ado-
lescence, de leurs vertus s'ils en oui; leurs
vices sont leur propre ouvrage, et de là vient
le malheur qu'ils impuleul à la société. Si
ïaulorilé, en général, était aussi mallaisante
que nos philiis^phcs ingrats le supposent,
elL> ne soutTrirait pas aussi patiemment les
insultes qu'ils lui font. lNous nous garderons
bien de copier les conseils abouiiu.ibles que
quelques-uns ont donnés aux sociétés me-
contenies de leurs chefs.
La plupart ont reproché à la morale chré-
tienne de lavori-er le desjioiisme des sou-
verains, eu rendant leur aulorilé sacrée.
A-t-il donc été possible aux chrétiens sensés
de méconnaître une vérité sentie méaie par
les païens? Hésiode et Homèie disent que les
rois sont les lieutenauls de Jupiter, et que
c'esl lai qui les a placés sur le trône; les
Chinois, que les prim-es uni reçu leur com-
mission du ciel; Zcroastre, qu'Ormudz, ou
le bon prince, a établi les rois jiour gouver-
ner les peuples. Une preuve posiuve do
l'heureuse inlluence de l<i morale chrétienne
sur les gouvernemeiils, c'esl que la puissance
souveraine n'est nulle p.irl plus tempérée et
plus sagement réglée que chez les n.itions
éclairées par les lumières de l'Evangile;
parlout ailleurs le despotisme et l'esclav ye
sont établis. Constantin, premier empereur
chrétien, est aussi le premier qui, par ses
lois, ail mis des bornes au despotisme exer-
cé par ses prédécesseurs. Voy. Loi, Ro:, etc.
AtJTORlTÉ nF.LIGIKUSE OU ECCLIÎSIASTIQU E.
Nous eniendons par là raii^or/tc des pasteurs
de l'Eglise sur b-s simples fidèles. Lorsqu'un
chrétien est convaincu que, depuis le com-
mencement du monde. Dieu a révélé et pres-
crit aux hommes la religion, c'est-à-dire, le
culte qu'il exigeait d'eux, il ne peut plus
douier si c'est Dieu qui a donné aux pas-
leurs Vautorilé nécessaire pour enseigner
lesfidèJes, et pour les guider dans la voie
du s.'ilut.
D.ins l'état de sociélé purement domesti-
que, le chef de famille élan aussi le ministre
du culte divin; les enfants d'Adam , Noé,
Abraham, Jacob, oikt oITert des sacrifices;
IVIelchisédeoh. roi de Salem, était aussi prétie
du Dieu Irès-Haut. Gen., c. xiv, v. i><. Mais
lorsque plusieurs pi uplades réunies ont
formé une sociélé civile, il a été convenable
que 1,1 puissance temporelle et Vauiorité
spiriiuelle ne fussent plus réunies dans la
même personne. Dieu, en donnaul sa loi
aux Hébreux, choisit la tnbu de Lévi pour
faire les fonctions du culte divin ; il confia
l'auforj'te civile et politii|ue à Moïse et aux
juges. Jésus-Christ, qui a paru sur la terre
lor-que les nations avaient une législation
civile établie, n'y a dé.ogé qu'en ce qui re-
gardait la religion; il a donné u\ apôires
et à leurs successeurs la puissance Sjii-
rituellé, ou l'ait^y/ ùe nécessaira p.mr faire
croire la doctrine et oî-server la morale de
rEvai:;^iie : c'esl ce que l'on nomme \'auto-
riCé de l'Eglise; et l'on comprend que dans
cette expression l'Ej-lise est le corps des pas-
teurs, et non l'assemblée d^s fidèles.
Cette autorité est évidemment divine, puis-
que Jésus-Christ est Dieu; elle est iudépea-
dante de la puissance civile, puisque le
Sauveur a éiabii son Evangile malgré les
puissances de la terre ; elle ne la gène point,
puisque la puissance civile ne s'étend point
à la religion; elle ne l'aflaiblit point , au
contraire, elle la renforce par les leçons d'o-
beissance qu'elle fait aux peuples'. Jésus-
Christ a dit à ses apôires : Toute puissance
m'd élé donnée dans le ciel et sur la terre;
allez donc, enseignez toutes le-: nation-, bap-
tisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint-
Esprit, et apprenez II ur à g irder tout ce que
je vous ai ordonné; je suis avec vous jusqu'à la
consommaiion des siècles {Mailh. xxviii, 18).
Lorsque les souverains et les peuples oui em-
bras^e le christianisme, ils se sont soumis à
cet ordi e suprême.
Mais aucune vérité n'est à couvert des
altentjits de l'hérésie. Pour avoir droit de se
révolter contre une autorité établie depuis
seize siècles, les seclaires ont dit que Jesus-
Ghrist a donné Vaulurilé spirituelle à VE-
SF^ii-e, c'est-à-dire à l'assenîblee des fidèles ;
et non aux pasteurs ; que ceux-ci la reçoivent
de l'Eglise, el non d'ailleurs; qu ils sont
simples mandataires des fidèles; (]u'i|<, n'ont
û'autoiité sur le troupeau qii'.iuîanl que les
ouaiiles trouvent bon de leur en accorder.
Jésus-Chrisl, en donnant la mission a ses
apô res, parlait-il donc à l'assembée des
fidèles, qui n'exi-t.iii pas encore? Trouver i-
t-on dans l'Ecriture q le Jésus-Christ a donné
aux lidèles la commission d'enseignée et de
gouverner leurs pasteur> ? Sans doule, comme
on y a trouvé que c'est aux enfuiis de com-
mander à leurs pères et au peuple de m.iilri-
ser les rois. — Comiue les predicants no
pouvaient établir leur secle que par une
a((tyr(7t' divine, il a fallu recourir aux puis-
sances séculières; ce sont elles qui ont fondé
455 AOT
par leurs lois les églises luthérienne, calvi-
niste et anglicane : aussi n'a-t-on pas man-
qua il'enseigner que Uieu a doiuiéaux rois
el aux magistrats le droit et le pouvoir de
régler et île prescrire la (ioctrine et la disci-
pline de l'Eglise ; et cela s'eU trouvé à point
nommé dans l'Ecriture sainte. Mais lorsque
l'inlérèt a chaniié, l'on y a trouvé aussi que
les souverains, à leur tour, ne sont que les
niamlalaires de leurs sujets; que leur au(o-
7-lté , lorsqu'ils en abusent, est aussi ré-
vocable que celle des pasteurs. Bien entemlu
que celle nouvelle doctrine n'a été prêchée
que dans les Eials républicains; dans les
autres, le souverain ne l'aurait pas soufferte.
Malgré les analhètnes lamés contre ces
erreurs, quelques-uns de nos jurisconsultes
modernes ont osé les renouveler, et ont sui-
vi la même marche que les prolestants : ils
ont soutenu d'aboni que les pasteurs de l'E-
glise ne peuvent légiiiniemenl exercer au-
cune fonction publique de leur ministère, ni
faire aucun acte d'aulorité ecclésiastique ,
sans l'agréiuent et l'aveu de la puissante ci-
vile ; ensuite, pour compléter le s> slème, on
prétend aujourd'hui que les rois tiennent
toute leur autorité de leurs sujets, qu'elle ne
vient pas plus de Dieu (lue celle des pasteurs
ne vient de Jesus-Clirisl. Ainsi, les gouverne-
ments ne peuvent plus être dupes du zèle
hypocrite que l'on avait affecté d'aliori pour
la prétendue suprématie lieXcar pouvoir.
Dans raiiicle précédent, nous avons dé-
montré que Dieu est le seul et véritatile au-
teur de la l'uissance civile et politique, quel
que soit le sujet dans lequel elle réside. Au
mot Pasteurs, nous ferons voir que leur
autonié vient de Jésus-Christ, et n'est sou-
mise à aucune autre ; que Vaulorité de l'E-
glise est celle dos pasteurs, el non du corps
des fidèles.
Il faut distinguer Vaulorité de l'Eglise en
matière de foi, et son aulurilé eu fait de
discipline. La première est la mission même
que les apôtres et leurs successeurs ont
reçue de Jésus-Christ pour enseigner les
fidèles, mrssion qui impose à ceux-ci l'obli-
gation de croire; il a dit aux apôtres : Celui
qui vous écoute m'écoute moi-même, elcilui
(jui vous méprise me méprise (Luc. x , llij.
A l'article Mission, nous prouverons (jue
celle des apôlces ne s'est pas terminée à eux,
mais qu'elle a passé à leurs successeurs, et
durera auianl que l'Eglse.
Sans aucun égard pour la mission, les pro-
testants souliennenl (]ue , pour régler sa
croyance, le simple fidèle ne doit point s'en
rap()orler à Vauturilc de l'Etiliae ou a l'ensei-
gnement des past( urs, mais qu'il doit ex,i-
miniT par l'Ecriiiire sainte ce qui est réveié
de Dieu, ou non révélé, par conséquent vrai
ou faux, cert.iiu nu douteux; les calhuliques
prétendent le contraire , conséquemmeiit
ceux-ci s'en tiennent à la voie d'autorité , et
les premiers à lu voie d'exameit. Il faut donc
voir d'abord le.juel de ces deux procédés
c^t le plus aisé ou le plus possible à un sim-
[de fidèle, de s'assurer de Vauloriié divine
de l'Ecriture sainte, ou do constater la mis-
AUT
456
sion divine des pasteurs de VEglise. Nous
soutenons que le premier de ces examens
est impossible au commun des fidèles, et que
le second est très-aisé.
Pour fonder noire foi sur la seule autorité
de lEcrilure sainte, il faut être certain, i°
que tel livre e»t canonique, écrit par un au-
teur ius|iiré, et que c'est véritablemi nt la
parole de Dieu ; si c'était un livre supposé,
apocryphe, altéré, rempli d'erreurs, il n'au-
rait aucune autorité. 2° Qu'il a été filèlement
traduit, et que la version rend exactement le
sens du texte original. 3° Que le sens du
livre esi véritablement tel qu'il nous paraît,
que nous ne nons trompons point dans la
manière dont nous l'en endons. Il n'est
aucun de ces trois points ■-ur lec]uel il n'y ait
des disputes entre les croyants et lis incré-
dules, entre les catholi(|ues el les hérétiques:
un simple fidèle est évidemment incapable
d'entrer dans touies ces contestations, <i plus
forte raison de les décider. — Pour être as-
suré de l'HU/orùe divine et infaillible de l'E-
glise, il faut êtie convaincu, 1" de la missioa
des iipôlres, 2° de la succession légitime
des pasteurs qui les remplacen!. La mission
divine des apotr s est constatée par les
mêmes preuves >iui établissent ladiviniiéde
la religion chrétienne, et que nous nommons
motifs de crédibilité; ce sont les miracles de
Jésus-Cbrist, ceux des apôtres, leuis vertus,
leur mariyre, leurs succès, le monde changé
par le christianisme : preuve démonstialive,
à portée des plus gr.ssiers. La succession
des pasteurs de V Eglise par la voie de l'or-
dination est un fait public, incontestable,
sur lequel personne n'est tenlé de former
des (toutes et de disputer. Dans le sein de
VEglise catholique un simple fidèle a le
même degré de certitude en m.iiière de foi,
qu'il a de ses intérêts les plus chers, de sa
naissance, de ses droits, de ses devoirs na-
turels et civils: la certi ude morale est poussée
au plus haut de^re de notoriété.
Une preuve de la nécessité de cette mé-
thode, c'est qu'elle esl suivie dans les sectes
mêmes qui lont profession de la rejeter.
Avant de lire i'Ecrilure sainte, un luthérien,
un calviniste, un socinien, sont imbus déjà
liés renlaiice, par leur catéchisme, de la
doctrine de leur communion. Le premier
trouve dans l'Ecriture sainte le Inthéranisine;
le second y voil le calvinisme; le troisième y
découvre la doctrine de Stuiii. Ce n'est donc
pas le sens de l'Ecriture qui les guide, c'est
leur croyance antérieure qui décide pour l'us
du sens de l'Ecriture. Voy. Eciuiuiib: sainiiï,
Eglise.
Une antre question est de savoir si en
matière de discipline V lùjlise a Vaulorité de
faire des lois, et d'obliger par des peines les
fidèles à les observer, loy. Lois ecclésias:-
TIQUES. — Comme toutes les conli'Stalioiis
entre VEglise catliolique et les sci les hété-
rodoxes se réduisent a savoir quelle est la
voie la plus certaine jiour connaître la vraie
dociriue de Jésus Christ, il est bon do faire
voir que notre méthode est fondée sur un
princii-.c unique et simple, dont les consé-
457 AUT AUT 458
qiipncps sont palpalilos. Ce prini'i|)e est allostcr quelle fst l.i croy;ince dos dilTérenlos
qiu> la neli(jion clirélienne est une reliijion sociéiés (|iii la cuniposeiil, il ce tétiioi{;iiaf;e
reréicr. esl-ll oliy;iie de foi? o" Il en résulte ijne l;i
De là nous concluons, l°d(ine nous devons culhoUcilé ou l'uiiiforuiité de dociriac fi,ln>
I.i recevoir par roîi;aiie de ceux qtie Oleu a crs sociétés dspersces est la vraie rèij^e à
S()ecialeiiieiil ch.ir^és di' l'enseigner, el non laquelle les grands el les petits, le:^ s.iv.t ,L,
par un autre canal. Toul liDuime (|ul n'est et les i^nor.iiiis doivent Tiire atlenlioii, don-
point envoyé de Dieu, (joi n'est p.iini revêtu ner leur cunli.ince. Lorsqu'eiitre plusiei>r:<
d'une mission divine, cstsanscjiraclère elsans preuves il s'en trouve une qui est également
autoi iié pour dogmatiser : Ls taliils, les lu- à poit^'e de Ions, el qui supplée à toutes les
niieres, la sainteté, et tous les avantages autres, il est naturel que Ions y aient recours
possibles ne peuvent snp;ileer ai défaut de el se reposiMit sur elle. Il serai ahsunle de
mission. Jesus-Christ l'avait donnée à ses renvoyer l(^s simides (i'Ièles à des lectures, à
apôtres ; ceux-ci l'uni communiipiee à leurs de- ili>cussions sur drs livres el des p iss.iges,
successeurs ; ils ont voulu que ce te mission à des raisonnements dont ils sont évidein-
fùl alleslée par l'on/inaiion donnée à la face ment incapables. — Nous concluons enfin :
(Je \'E<ilise; ainsi le christianisme s'est per- Donc tout docteur qui veut établir un point
pélué jusqu'à nous, ainsi il doit se conser- de dogme par une des trois preuves dont
ver jusqu'à la fin des siècles. — 11 s'ensuit, nous avons parlé, et rej 'lie les deux autres,
2" que la révélation du christianisme, qui qui veut renverser la tradition par le silence
est un fait général, doit se prouver comme de l'Eciilure, au lieu de suppléer à ce silence
toul autre fait, par la tradition orale, par par la iradiiioii et par l'énergie des nionu^
l'histoiie écrite, par les monumeuis, ou par menls, se rend suspect de Iraude. S'il manque
les rites exteri urs qui y sont relatifs, d'ailleurs du caractère essentiel à l'enseigne-
Puisqu'ici la ceniiuile morale ne- peul être ment, de mi>siun divine el légitime, c'est uq
poussée trop loin, et que notre foi ne peut pr.-varicateur ; s'il résiste au témoignage
être irop ferme, aucune de ces trois preuves et à la décision de VEgl ve, c'est un hérétique,
ne doit être rejilée ; de leur coiicerl p.irfait Outre l'cnchainement et l'évidence de ces
ré-ulie le plus haut d' gré de certitude et de conséquiiice , nous avons pour nous l'usago
notui iélé possilile. C'esl ainsi que l'on pro- observe conslamuienl depuis les apôires jus-
cède ilaiis toutes L'S questions que l'un peut qu'à nous. Lorsqu'une dispute sur le do^juie
fui nier sur nn fait imi)orUint, duquel défun- s'esl élevée, le-, pasteurs se sunt assemblés; ils
dent nos intérêts les plus chers. — 3" One ic ont dii: Voilàceque nous enseignonsauxfiJè-
fail général de la révélation du christianisme les, ce que nou-. avons trouvé, établi et pro-
se résout et se décoinp.)se en une multitude de fessé dans V t'gt.si: dont legouverneaienl nous
faits particuliers qui doivent se prouver par est confie. Lorsque ces témoignages se sont
les mêmes ^ignes que le fait général. Toute trouves uniformes, unanimes, ou presque
question, en matière de religion, se réiluit à unanimes, ils ont dicté la déiision, el nu a
demander : Jésus-t^hrisl et les apôtres ont- dil anathèuie à ceux qui résistaient. Si l'on
ils enseigné telle doctrine"? Qu'ils l'aient est enlreavec ce- derniers dans la discussion
écrite ou non, cela ne décide rien, puisqu'en des piissages de lEcriiure el des raisonne-
matière détail il reste deux autres pr.'uves, mentsqu'ilsobjectaieiil.ç'aété pour le- mieux
la tradition et les monuments. Quand les confondre. La srule explication certaine et
apiilres n'auraient écrit nulle part que le inl'ailliiile de l'Ecriture est l'enseignement
b.jptême est nécessaire au salut, il nous suf- cunslanl et unilorme ite V Eijlise. — Ainsi ont
firail de savoir par l'histoire qu'ils ont voulu raisonné au ir siècle saint i(énée, pour réfu-
que tout fidèle fùl baiilisé, et que l'on n'a ter les héréliques de ce temps-là; au iir,
jamais tenu un homme puur clirétien , à Terlullien d.ins ses Prescriptions contre
moins «lu'il ne fût baplisé ou n'eiîl désiré d:; eux ; au iv, les Pères q^i oui disputé cou—
l'ère. Pour savoir quels elTets ils ont allii- Ire les ariens ; el celle méthode n'a jamais
bues an bapK^me, nous n'avons besoin que chang,'. — Ainsi ont été forcés d'.igir l 'S pru-
de considérer le» eéreinonies avec le-quelies tesiants eux-mêmes, lors |u'ils ont disputé
ce sacrement fut toujours admiuisirè. — dans leurs syundcs contre les sociniens, pour
Nous concluons, V' (jue toute autorité eu savoir s'il l';iut bai liser les enfants , et si le
matière de foi se réduit au témoignage. biptème leurest nécessaire :au silence de l'E-
l.orsqu'l est constant, uniforme, universel crilure objec é par les sociniens, aux passa-
de la part des dilTérentes Eglises ou sociétés gi's mômes sur lesquels ils se fondaient, les
chrétiennes dispersées dans le monde, il ne proleslanls ont voulu opposer la pratique
peul être faux. Lorsque les témoins sont constante et générale de l'Eglise.
revêtus de caractère, jurent el prolestent Qu'ont répl.qué les sociniens? A'ous en
qu'il ne leur est ni permis ni possible d'al- revenez, ont- ils dit, au piincipedes calholi-
lérer le fait dont ils déposent, leur attesta- ques, (jue vous faites profession de rejeter
tion est plus forte et plus respectable. Tel est aussi b eu que nous. Le loudemeni do votre
le témoignage des Eglises dispersées, énoncé croyance el de la notre est que loiiL' ques-
par la bouche de leurs pa- eurs. Lorsqu'on tion doit être décidée par l'Ei-riture seule.
met en quislion si ï Lglise a une nnfon'/e Quand il a fallu irendre parti sur les con-
en m, ilière de foi, c'est comme si l'on deman- lesl liions survenue-i enlie les arminiens el
dail : l'A'jf/ise esl-eile a lm;> ii)le a rendre le- le- gomarisl. s, les minisires assemblésàDor-
Rjoiguage par la bouche do- pasieurs, pour drccUl oal décidé, à la pluralité des suffrai^es,
DiCT, DE Théol. dogmat;,:;le. l. lo
'4S9
AUT
AVE
460
que le sentiment des arminiens est contraire
à l'Ecrilure, et que ceus-ci prenaient mal le
sensdes passages surlesquels ilssefondaient.
Mais nous demandons par quelle voie un
simple calviniste peut être assuré que les
gomaristes ont mieux pris le sens de l'Ecri-
ture que les arminiens? — Il nous parait
plus naturel de déférer au témoisnage des
évéques, lorsqu'ils disent : Nous attestons que
telle est la croyance de nos Eglises; c'est un
fait public sur lequel il leur est Impossible
de se tromper ou de nous en imposer, que de
nous soumettre au jugement des ministres
lorsqu'ils disent : Nous déclarons que tel est
te sens de l'Ecriture ; ceci est un article sur
lequel mille docteurs se sont trompés depuis
la naissance du christianisme, et ont été lé-
gitimement condamnés.
Fidèles à suivre la marche des hérétiques,
les sociniens et les déistes prétendent que,
pour savoir si une doctrine est révélée de
Dieu, ou non révélée, il n'est pas question
d'examiner si elle a été enseignée par Jésus-
Christ, par les apôtres, ou par quelqu'un des
écrivains sacrés, mais qu'il faut voir si elle
est conforme à la droite raison, ou si elle y
est opposée, parce qu'une doctrine contraire
à la raison est inf lilliblemenl fausse, et ne
peut avoir été révélée de Dieu. Il est clair
que ce procédéest encore plus absurde que
celui des protestants; mais c'est une consé-
quence qui ne pouvait manquer de s'ensui-
Tre : c'est ainsi que la prétendue réforme a
frayé le chemin au déisme. Déjà saint Au-
gustin a réfuté celle théorie dans son livre
JDe ulilitate credendi.
1° La plupart des vérités révélées sont des
mystères ou des vérités incompréhensibles à
l'entendement humain ; l'examen de celte
doctrine en elle-mémiî ne peut donc aboutir
qu'à conclure : Ve n'y conçois rien. Or, l'igno-
rance et le défaut d'intelligence de notre part
ne prouvent rien. iJ° De savoir si Dieu a ré-
Télé telle ou telle docirine, c'est un fait : or,
ce fait se prouve par des témoignages, et non
par des arguments spéculatifs. Parce qu'une
doctrine nous parait vraie, il ne s'ensuit pas
que Dieu l'ait révélée ; quand elle nous parai-
trait fausse, il ne s'ensuivrait pas non plus
qu'elle n'est point révélée. Lorsqu'il est ques-
tion de savoir si telle loi est émanée de l'auto-
rité souveraine, on ne commence point par
examinersi ellecstjiisteou injuste, raisonna-
ble ou absurde, utile ou pci niiiciise ; on s'en
rapporte aux faits (]ui prouvent que celle loi
a été véritablement portée et promulguée.
C'est un principe universi'lli'nieiit ai'lniis ,
qu'il est absurde d'argii ■enter contre les
faits, 'd La révélation est faite pour les igno-
rants aussi bioU que pour les savmls : or,
les ignorants ne sont pas plus en étal de ju-
ger de la vérité ou do la fausseté d'une duc-
Irine en elle-même, que de décider de la
justice ou de l'injustice d'une loi quelconque.
Mais l'homme le plus ignor.jul peut être con-
Taincu des faits qui prouvent la uiission di-
Tino des pasteurs ilc l'EgliNC. Voij. Mission.
— <►" La voie d'examen a été de tout temps
,1a source des hérésies ; elle est encore le
principe de toute espèce d'incrédulité : parce
qu'un socinien et un déiste jugent que les
mystères du chrislianismf» sont f<ux et ab-
surdes, ils décideni que Dieu n'a pas pu les
révéler, que toute révélation est une impos-
ture : ils imitent l'opiniâtreté des athées, qui
soutiennent que Dieu n'a pas créé le monde,
parce qu'il n'est pas assez bien fait à leur gré.
11 ne faut donc pas confondre l'examen de
la mission avec l'examen de la doctrine : le
premier est à la portée des simples fidèles, le
second ne l'est pas. Lorsque la mission des
pasteurs est prouvée, le devoir du fidèle est
de croire sans examiner la doctrine, parce
qu'il en est incapable.
AVARE, AVARICE. C'est aux philosophes
moralistes de faire sentir la bas^e<se et les
funestes conséquences de cette passion ; les
théologiens la nomment l'un des sept péchés
capitaux : souvent elle est censurée dans
l'Kcriture sainte. Salomon, dans le^ Prover-
bes, et les pro[)hètes, se sont appliqués à en
guérir les Juifs ; Jésus-Chrisl reprend fré-
quemment ce vice des pharisiens ; saint Paul
en inspire de l'horreur et du mépris ; il dit
que c'est une iilolàtrie. En effet, l(!s désirs
de notre cœur sont une espèce de culte que
nous adress'ins aux objets dans lesquels nous
faisons consister notre bonheur. Il est pas^é
en usage de dire que les arares n'ont point
d'autre Dieu que l'argent.
AVE, MARIA, ou Salutation angélique,
prière à la sainte Vierge, très-usitée dans
l'Eglise romaine. Elle est composée des pai o-
les que l'ange Gabriel adressa à la sainte
Vierge, lorsqu'il vint lui annoncer li' mys-
tère lie l'incarnation, de celles de sainte Eli-
sabeth, lorsqu'elle reçut la visite de la Vierge,
et enfin de celles de l'Eglise, pour implorer
sou intercession. On r.ippolle Ave, Maria,
parce qu'elle commence par ces mots, qui si-
gniGcnt : Je vous salue, Marie.
On appelle aussi Ave, Maria les plus pe-
tits grains du chapelet ou rosaire, qui in-
diquent que, quand on le récite, on <loil dire
des Ave, à la différence dis gros grains, sur
lesquels on dit le Paler o\i l'oraison domini-
cale. Voij. l'A^icirn sacramen/fiire par Grand-
Colas, preinière partie, pag. klk.
Ave, Maria (religieuses de l'J. Voy. Sainte-
Claire et Ordklièues.
AVÉNEVl'Nr, se dit de la venue du Messie.
On distinguo deux sortes & avènement s ilu
Messie, l'un accompli, lorsque le Verbe s'est
incarné, et qu'il a paru parmi les hommes
revêtu d'une chair mortelle ; 1 autre futur,
lorsqu'il descendra visiblement du ciel dar.s
sa gloire et sa majesté pour juger tous les
hommes.
Les juifs sont toujours dans l'atlentc du
premier aiéne'iieni du Messie, et lis chrétiens
dans celle du second, qui précédera le Juge-
ment, ("est une question parmi les commen-
tateurs, de savoir si Jésus -Christ a parle de
ce dernier avènement dans l'Evangile {i)Iallh.
xxiv; Marc. \ii; Luc. xxi ). Malgré les ef-
forts que l'on a faits pour le prouver dans
uncdissertaliousurco sujet, Jiilile d'Avignon,
tom. XUl, p. 403, il nous parait plus naturel
4«l
AVE
AVE
ira
de penser qu'il est sonlemont question du
siège de Jérusalem, de la ruine cl do la dis-
persion de la nation juive. Pour entendre
autrement le discours île Jésus-Clirisl, il faut
forcer le sens de res paroles : Cette généra-
tion ne pa$'<era point jusqu'à ceque tout s'ac-
complisse. Les Pères ont pensé, à la vérité,
que les événements dont parle le Sauveur,
sont une figure de ce qui doit arriver à la
fin du monde ; mais aucun n'a décidé que ce
soit là le sens littéral des évangélistes.
AVENT, temps consacre par l'Isglise pour
se préparera célébrer dignement la féîe de
l'avènement ou de la naissance de Jésus-
Christ, cl qui précède immédiatement celle
fêle. Voy. Noël.
Ce temps dure quatre semaines, et com-
mence le dimanche qui tombe ou le jour de
saint André, ou le jour qui en est le plus
proche, soit avant, soit après, c'est-à-dire, le
dimanche qui lombe entre le 27 novembre et
le 3 décembre inclusivement. Cet usage n'a
pas toujours clé le même. Le riie ambrosien
mar(|ue six semaines pour ïavent, et le sacra-
tnenlaire de saint Grégoire en conipte cinq.
Les capitulaires de Charlumagne portent
qu'on faisait un carême de quarante jours
avant Noél: c'est cequi est appelé, dans quel-
ques anciens auteurs, le carême delà Siinl-
Marlin. Cette absiin(înce avait d'abord été
instituée pour trois jours par semaine; sa-
voir, le lundi, le mercredi et le vendredi,
par le premier concile de Màcon, tenu en
581. Depuis, la piété des fidèles 1 avait éten-
due à tous les autres jours : mais elle n'était
pas constamment observée dans toutes les
Kglises.ni sirégulièremenl parleslaïquesquo
par les clerc-i. Cliez les Grecs, l'usage n'était
pas plus uniforme : les uns commençaient le
jeûne de Vavenl dès le 15 novembre, d'au-
tres le 6 de décembre, et d'autres le20. Dans
Conslantinople même, l'observation de l'a-
vent dépenilail de la dôvolion des particulier';,
qui le commençaient tantôl trois, lanlôl sis
semaines, et quelquefois huit jours seule-
nienl avant Noël. — lin Angleterre, les tri-
bunaux de judicalure étaient fermés pen-
dant ce temps-là. Le roi Jeaufilàce sujet
une déclaration expresse, qui portait défense
de vaquer aux affaires du barreau dans le
cours de \'avent : In advenlu Domini nulla as-
sisn C(ipi débet; el niê'ne encore à présent il
est défendu de se marier pendant l'auenï sans
dispense.
Une singularité à observer par rapport à
Vcvent, c'est que, contre l'usage établi au-
jourd'hui d'appeler la première semaine de
lavent celle par laquelle il commence, et
qui est la plus éloignée de Noël, on donnait
ce nom à celle qui en est la plus proche, et
l'on comptait ainsi toutes les autres en ré-
trogradant, comme on fait avant le carême
les dimanches de la sepiuagcsime, sexagé-
simc et quinquagésime , eic.
AVEUtiLEME.NT SPlUIfUEL. Il consiste
à ne pas sentir l'importance du salut , le
prix des grâces de Dieu, l'ènormité de nos
péchés, la nécessité de faire pénitence, etc.
L'Ecriture dit des infidèles , qu'ils sont dans
les ténètires, el de lom les pétfccuis ..qu'ils
sont aveugles. Lorsque cet aveuglement v t
volontaire, il e-t criniinel sans.dou,le; s'il
ne l'était pas» il n- serait pas imputable. —
Cependant nous lisons dans plusieurs en-
droits des livres saints, que Dieu aveugle
les pécheurs, les impies, les inerédues ;
comment cela doit-il s'entendre? Souvent
Dieu reproche au\ pécheurs leur aveugle-
ment: peut-il en être l'auteur? non sans
doute. Il est dit, (Sap. ii , 25 ) que les pé-
cheurs sont aveuglés par leur propre malice,
cl (7/ Cor. IV, k) que c'est le ddu de ca
siècle, ou les passions divinisées, qui ont
aveuglé l'espril des infiilèles ; ce n'est donc
pas Dieu. Saint Paul dii que le cœur des faux
sages a été aveuglé, parce qu'ayant connu
Dieu, ils ne l'ont pas honoré , qu'ainsi ils
sonl inexcusables ( /?oin. I, 20 el 21); c'a
donc été leur faute, et non celle de Dieu.
Saint Jean dit que celui qui hait son frère no
voil pas clair, que les ténèbres l'ont rendu
aveugle; mais il nous avertit que Dieu est
la lumière, el qu'en lui il n'y a point de té-
nèbres {Joan. 1, 3: 11, 12) ; l'aveuglement ne
vient donc pas de lui. 11 dit que le Verbe
divin est la vraie lumière qui éclaire tout
liomme qui vient en ce monde {Joan. i, 9) ;
les pécheurs ne font pas exceptes.
Dieu répèle continuellement aux Juifs :
Soyez saints, parce que je suis saint : or, Ia
sainteté de Dieu consiste en ce qu'il défend
le péché el le punit; il ne peut donc y con-
tribuer en aucune manière. Dieu, dit le Sase,
détente l'impie et son impiété (Sap. xiv, 9).
Ht il ne donne lien de pécher à personne
[Eccli. IV. 21;. Dieu ne veut pas seulement
que l'ou dise qu'il abandonne les pécheurs
( /ii'rf., 1 1); à plus forie raison serait-ce un
blasphème de penser qu'il les aveugle, qu'il
leur Ole absolument toute lumière de la
grâce. Enfin Jésus-Christ dit formellement
aux Juifs : Si vous étiez aveugles, vous n'au-
riez point de péché, c'e^tà dire , vous ne
seriez point coupables du péché que vous
commettez , en refusant de croire en moi
(Joan. IX, kl). Cela nous paraît clair. —
Cependant Calvin a cité vingt passages qui
prouvent que Dieu aveugle positivement les
pécheurs; les incrédules ne cessent de les
répéter; plusieurs Ihéologiens en abusent
pour prétendre qu'il y a des pécheurs nux-
(luels Dieu refuse des grâres de conversion;
il faut donc les examiner en détail. La ques-
tion est très-importante; il s'agit de savoir
si nous n'avons pas alTaire à des aveugles
voloniaires.
Kemarquons d'abord que dans (ouïes les
langues, même dans la nôtre, il y a deux
équivoques très-communes. La première est
de dire (|u'un homme l'ail ce qu'il laisse faire,
ce qu'il néglige d'empêcher autant qu'il le
peut ; ainsi l'on attribue à un magistral les
désordres qu'il n'empêche point, à un père
les passions de son fils lorsqu'il ne les ré-
prime jjoint, à un maître le libertinage d'an
domestique sur lequel il ne veille point. Les
Pères de l'Kglije disent aux riches qui n'as-
sistent point les pauvres : Vous ne les avez
ifiS
AVE
AVE
464
point nourris , vons Ips avez lues. Non pa-
visli , occidisli; et cela signifie seulement ,
vons les avez Inissés périr. Nous «lisons à un
imprudent qui s'est attiré des nialhours par
défaut de prévoyance et de précaution : Vous
l'avez voulu, elc. La seconde, qui revient au
même, est d'appeler cause ce qui est seule-
ment ocffisio» ; ainsi nous (lismis brusque-
ment à un hotnmo , vous me fnile<> enrager ,
lorsque son caiactère ou sa conduite sont
pour nous une occasion de dépit et de co-
lère, méuie contre sim intention ; la vraie
c;iuse est noire impatience , et souvent la
biz.irrerie de notre propre caractère. On dit
à a'i jeune homme follement épris des al-
trails d'une femme : Celte heaiité vous aveu-
gle, vous rend (ou; souvent «'lie l'ignore o(ï
en est fâchée. On dit des cr.inds (lui pro li-
guent leurs bienfaits, ((u'îVs fon( des ingrats;
ce ne devrait pas être là le fruit des bien-
faits. — C'est dans ce double sens qu'il est
dit que Dini, aveugle Us pécheurs; 1 parce
qu'il ne leur accorde pas des lumières aussi
abondantes et aussi puissantes qu'il le fau-
drait pour dissiper facilement leur aveugle-
ment ; mais l'evcès de leur opiniâtreté n'est
pas un litre pour exiger de lui de plus
grandes grâces ; 2' parce que la paiience
avec laquelle il les attend, les bienfaiis «|u'il
leur accorile, leur persuadent souvent qu'il
en sera toujours de même, et que Dieu ne
les punira pas. Dieu dit aux Juifs ( Isaï.
XLiii , 24): Vous m'avez fait servir à vos
propres iiiii/ui tés , c'cst-à dire, vous avez
abusé (le mes bienfaits pour m'offenser.
Toutes ces façons de pailer, abusives et
fausses en bonne Ionique , ne doivent pas
plus nous surprendre ( n hébreu qu'eu
franc lis , dans les auteurs sacrés que chez
les écrivains profanes.
Le passage le plus fort qu'il y ait sur
cette matière est dans le prophète Isiïe,
chap. VI, T. 9. Dieu lui dit : l'a et dis à ce
peuple. Ecoutez et n'entendiîz pas, votez
ET ^E COMPRENEZ PAS. Eudurcis le cœur de ce
peuple, houche-lai les oreilles el ferme-lui les
yeux, de peur (ju il ne voie, n'entende et ne
compi evne, qu'il ne se convertisse et qnc je ne
le guérisse. .Ii sques a qi and, Seignkub? Jus-
qu'à ce que ses villes svienl sans liidiitaiits, ses
maisons déseiles, il ses terres sans culture.
Si l'on prenait ce piiss.ige à la letire, rien
ne serait plus absurde. 1^ Ce serait une con-
Iradicti m de la part de Dieu d'envoyer un
prophèle aux Juifs pour leur faire des repro-
ches, s'il avait le dessein de les aveugb'r et
d(^ les endurcir : ils l'éiaient déjà. 2° Isaïe
n'avait certainement p;is le pouvoir de les
rendre pires qu'ils n'éiaienl. Il est donc évi-
dent que c'est ici une prédiction, et non un
conimaiidement -, le sens est : « Va dire à ce
peuple : Vous écoutez el n'entendez pus,
vous voyez et ne comprenez pas. Mais laisse-
le endurcir son cu'ur, se boucher les oreil-
les, se f( rmer les yeux, parce qu'il craint de
voir, d'enlendre et d'être guéri ; et cela du-
rerajusqu'à ce iiue l'excès de ses malheurs le
fasse rentrer en lui-même. «Cette unnace
était évideuimcnl plus propre à convertir les
Juifs qu'à les avengler; c est le langage d'un
père irrité contre ses enfants, mais qui vou-
drait les changer, afin de ne pas être obligé
de les punir.
Ce passage d'Isa'i'e est répété cinq ou six
fois dans le Nouve.ui Teslauienl Matih. xi i,
1.3, .lésMS Chri>l dit des Juifs : Je leur pai le en
parabo'es, parce qu'ils regardent el ne nient
pas ils écoulent el ils n'entendent pas, ei necutn-
p enneni rien. Ainsi s'accomplit à leur égard la
prophétie d'Jsa-e, qui leur dit : Vous écou-
terez ET N'ENrENDBEZ PAS, VOUS REGAItDE-
Ri;z iT NE VERREZ PAS. Car le cœur de ce
pe.iple esl appesanti; ils ouvrent à peine les
oreilles, ils ferment les yeux de peur de voir,
d'entendre, de comprendre, de se convertir et
d'éire guéris. Ainsi le Sauveur attribuée la
malice voluntaire des Juifs ce <iue la pro-
phétie semblait attribuer à Isa'i'e lui-même.
Malgré celte évidence, les incrédules con-
cluent que Jésus-Christ parlait exprès aux
Juifs en paraboles, fin de les ;iveug!er el de
les endurcir. O'Joi ! di^s paraboles sensibles,
des comparaisons palpables, n'élaienl-elles
pas la leçjîi la plus propre à ouvrir les jeux
d'un peU; le j;rossier et obstiné? Il était
question là de la parabole de la semence,
image de la parole de Dieu, et des causes qui
l'empêchent de produire du fruit ; cette éni-
gme n'était ;:as fort difficile à comprendre.
Cependant, disent les incrédules, Jésus-
Christ témoigne qu'il n'a aucune envie d'ou-
vrir lesyeux auxJuif-^; lorsque ses disciples
lui demandeni : Pourquoi parlrz-voas en pa-
raboles à ces gens-là? il repond : l'arce qu'il
vous est donné de cannailre le mystère du
roi/aume des deux, au lieu que cela ne leur est
pas accordé (Ihid., il], Eus\i\e il explique
8 ses disciples en particulier le sensde la pa-
rabole, el ne l'explique point au peuple.—
Mais pourquoi n'éiait-il pas donné aux Juifs
de coun. litre les niy stères du royaume do
Dieu? Parce qu'ils ne le voulalenl pas :
Jésus-Cbrist le dit forme Ile meni; ils lermaienl
lesyeux, ils se bout hiieiil les or. illes, elc.
S ils lui avaicul demandé une explication
dans le dessein d'en profiter, il la leur aurait
donnée aussi liien qu'à ses disciples. — Point du
tout, répliquenl les incrédules ; suitanl saint
Marc, chap. iv, v. Il, Jesus-Chri^t dit à ses
disciples : // vous est donné de cunnnkre les
mgstires du royaume de Dieu, au lieu qu'aux
étranijers tout est dit en parabnles, afin qu'ils
voient sans connaître, qu'ils écoutent sans en-
tcmlre, de peur qu'ils ne seconvertissenl,el que
les péchés ne leur soient remis. — Fausse ira-
diiclion ; î-.ccen grec, ut en latin, ne signifient
point là afin que, ma'ia de manièi eque; il serait
absiiide de supposer que Jesus-Christ [lar-
lait, instruisait, reprenait les Juifs, afin qu'ils
n'écoulassent pas el ne fussent pas conver-
tis. Voy. Intention.
Dans le même sens, Jésus-Christ dit [Joan.
IX, 3!)) : Je suis venu dans ce monde pour
exercer un jugement, de manière que ceux
qui né vaient pus soient éclairés, el que ceux
qui voient deviennent aveugles. La suite
donne l'explicaiion. Les pharisiens lui de-
inaudèrciit : Sommes -nous dune aus$i des
46S
AVE
aveugles? — Si vous Vêliez, répliqua le Sau-
vpiir, vous n'auriez pninl de péchi' ; mnln vous
dites NoDS voyons; votre péché demeure.
Donc, si Vnvenqlemfnt des jihiirisipns élait
venu de .lésns-ChrisI, cl non di> leur opiniâ-
(rt'lé. ils auiMieiil été exempts de pcrlié. —
Jonii. XII, 37, nous lisons i ncorc : Quiir/ue
Jésus eût fait desi (jrnndsmirnfles 'Ttprésence
des Juifs, ils ne rroi/aiint pas en lui, ni? m\ -
N ÈHK {iv'iLf arcomplissaient ce qu'a dit Isnie :
« Seigtienr, qui a cru ce que nous avons an-
noncé, ijui a reconiuc l'upérntinn de votre
6iY/s?»lls ne |)ouv;iipnt pis croiie, p;irce
qu'Isaïe a enrore dit : Dieu les a rendus
avcuqles et a rndirei leur cœur, de manière
qu'ils ne vnienl point, elc. — A ce sujet, saint
Âugusiiii dit : « Si l'on me demande pour-
quoi ils ne pouvaient pas croire, 'y répondrai
d'aliord. parce qu'ils ne le voulaient pis...
S'ils ni- 11" > oulaii>nt pas, c'était la f.iiite de la
volnnto hirnaine l's étaient si orgueil-
leux, iiu'ils voulaii'nt leur proure jnslice, et
non C' Ile du Diru. » {Tract. ^3 in Jonn.. n.
Gel 9.; '!'( js les jour-, nous disons dans le
même sens : (et honum ne peut se répondre
à faire telle chose; el cela signilic M'ulcrneiil
qu'il ne le veut pas, qu'il le refuse avec obs-
tination.
Souliendra-l-on que Ii'S juiTs refusaient de
croire, afin d'accomplir la préilic'ion d'Ua'ie,
el que Dieu les aveuglait po-ilivement, aftn
de les rendre incrédules"? Non-seulement
l'on dira deux absurdités, mais l'on contre-
dira l'évangrliste ; il ajoute que ccpendanl
plusieurs l'es principaux Juifs rrureiit en
Jésus-Christ, mais qu'ils ne se declarai"nt
pas, à cause des pharisiens, et de pour d't Ire
chassés di' la synagogue. l*uis(|ue les princi-
paux crurent, il ne tenait qu'aux autres de
faiie de même.
Mé ne langige dans sainlPauI. En parlant
de l'incréduMc des Juifs, il leur ajiplique
encore la [irédicllon d Isaïe, (,-lc^ xxviii,
24', el suiv.; 7?o»i. xi, 7); mais il ajoute
que, malgré leur obstiiialioii. Dieu les aime
encore a cause de leuis pèns, el qu'il les a
laissés dans rincrédulilé, aus^i bien que les
gentils, aliii d'avoir pitié de tons, vers. 28 et
3'i. Ce n'éiait donc pas afin qu'ils demeuras-
sent aveugles el incrédules.
Dès le ir siècle, saint Dénée a donné celle
réponse aux marcioniles, qui abusaient
déjà des p.issages (]ue nous venons d'exami-
ner. ,< C'i'st le même IJieu, dit-il, qui aveugle
les incrédules qui le méprisent, coinnii' le
Soleil, sa créature, aveugle ceux qui ne
pi usent pas regirilersa lumière à cau>e de
qui l()iie maladie des yeux, et qui accorde
une luimère plus grande el plu> parfaite à
ceux qui croient en lui el le suivent...
Comme il connait toutes choses d'avance, il
laisse dnns l'iiicrédulité ceux donl il prévoit
la résistance, il sedclourne d'euxet les laisse
dans les lénèhres qu'i s oui cho sies eux-
mêmes. p{Adv. flitr., I. IV, c. 29.) Terlul-
lien répond à peu près de même à ces liéré-
ti(liies, 1. II ailv. Marcion., cap. li, et Ori-
gèiie, de l'rincip. I. i i, c. 1, n. 1 I.
Cependant saiul Augusliu semble avoir
AZI 4M
pensé que Dieu aveugle positivement les
pécheurs pour punir leurs passions déréglées :
Sp'irqens pœnnhs cœcilates super illicitns eu-
pidiiales, Confess., 1. i, c. 18, n. 29 ; et il l'a
répété pins d'une fois. Mais il a aussi ex-
pliqué plus d'une fuis ce qu'il entendait par
là. « Dieu, dii-il, aveugle et endurcit, en
ahandoniKiiit et ne scroiirint p.is. » [Tract.
53 in Joan., num. 6.) (,)iiiconque est tnmbé
dans Vdveuqlement d'esprit est privé de 1 1 lu-
mière intérieure de l)i u, mais nunpas enliè-
reminl , laiii qu'il esi dans cette vie. » ( Enarr.
in l'sal., c. V!, n. 8.) Il applique à Jésus-
Christ lout Cl- qui est dit du soleil dans le
psaume xviii. « Lorsque le A'erbe s'est fait
chair, dii-il, el qu'en se retéiant de noire
morialilé il a daigné habiter parmi nous, il
n'a pas voulu qu'aucun liomm ■ pût s'excu-
ser d'é re d-ms les ombres de la mort, el la
chaleur du Verbe y a pénétré. » Foy. Grâce,
§ 3; Knodrcissf.mknt.
AVOC \T, AVOCATE. Vay. Pahaclet.
A7,\ZKL. Foy. lioi c émissaire.
AZOTE, y «y. SEi>TUAi;i;»niE.
AZl.ME, du grec âiiiio , sans levain, pain
qui n'est pis fermenté. Depuis le schisme des
Grecs, consommé dans le xr siècle par le
patriarche Micliel Cérularius, il y a eu dis-
pute entre eux et les Lalins, pour savoir si le
pain ilont ou se sert pour la consécration de
l'eucharistie, doit être levé ou sans levain ; les
Grecs el les autres Orientaux, les Syriens ja-
cohiles el maronites, les cophles el les nesto-
riens, se servent de pain levé, et il parait
que cet usage est éiabli <'hez eux depuis les
premiers temps du christianisme; les Latins
consacrent du pain azijme, et les savants ne
conviennent point de l'époque à laquelle
celte coutume a commencé, quoii|u'elle
n'ait |ias été toujours généralement ob-
servée.
Bingbam , charmé de trouver une oc-
casion de blâmer l'Eglise romaine , pré-
tend que l'usage des pains azymes, que nous
nommons hosties, a été inconnu dans tou-
te l'Eglise avant le xi' siècle; il veut
nous le prouver par saint Epiphane, qui
parle du pain azyme comme d'un rite affecté
par les ébionites {Dœr. 30, n. la); par saint
Ambroise, qui appelle le paiii de l'eucharis-
tie un pain usuel, de Sacram,, 1. iv, c. 4 ;
par l'auleur de la Viedu pape .Melchiade, mort
l'an 31», qui nomme l'eucharistie /"e/jncn/um ;
par le pape Innocent I", mort en 417, qui
l'appelle de même dans une de ses lettres;
enfin , parce qne Pholius, qui commença le
S(hisme des Grecs au ix' siècle, n'objecte
point aux Latins l'usage du pa\n azyme, au
lieu que Michel Cérularius leur en fit un
crime en lO'il ; donc, dit liingham, il n'en
élail pas encore question dans l'Eglise latine
(Orig. ecclés., 1. xv, c. 2, § .').) — M.iis ces
preuves ne peuvent pas |)iévaloir aux lémoi-
giiages p isilifs d'Alcuin en 790, el de llahaii-
.Maur en 819, qui parlent du pain azyme,
comme d'un usane commandé et nécessai-
re à observer ; le premier conniiss.iil la
pratique des Eglises d'Angleterre, et le se-
cond celle des Eglises d'Allemagne. Lorsque
467
BAA
BAA
468
le riîe grégorien fui introduit en Espagne,
dans le xr siècle, au lieu du rite mozarahi-
qu?, les Eglises de ce royaume ne changè-
rent rien dan» le pain doiil elles se servaient
pour l'eucharislie; le pa'ivazyme y élail donc
usilé, au moins depuis la On du vi' siècle.
Dans le x'et le xT, le [.ipe Léon IX soutint,
contre les Gre( s, que l'on s'en servait en
Italie do temps immémorial. — Ce que saint
E|iiphane a dit des éliionites, nous donne
lieu de penser que, dans l'Eglise greique,
I on s'abstient de consacrer du pain azij-
tne', de peur de paraître approuver l'er-
reur des hérétiques, qui en usaient par
attachement aux rites iuda'Hjues ; mais la
même raison n'avait pas lieu dans l'Occi-
dent, où les cbionites ne parnrentjamais. —
II n'est pas prouvé que du temps de saint
Ambroise le pain usuel fût du pain levé;
aujourd'hui encore le peuple des campa-
gnes mange souvent des gâteaux de pain
sans levain; il semble au contraire que
dans la Vie du pape Melchiade, et dans la
lettre d'Innocent I", le mot fermenlum est
employé pour distinguer le pain eucharisti-
que du pain ordinaire. — Du silence de Pho-
lius, l'on doit seulement conclure que ce pa-
triarche et les autres Grecs n'allachaient
pas pour lors au pain levé autant d'imporlan-
ce qu'ils lui en ont donné cent soixante ans
après, lorsqu'ils ont voulu absolument con-
sommer leur schisme, et que dans le xi»
siècle ils ont été moins raisonnables qu'au
IX*. — On ne se persu:idera jamais que
dans cet intervalle les Eglises d'Italie, des
Gaules, d'Espagne, d'Angleterre et d'Alle-
magne, ont conspiié tout à coup à se servir
de pain azyme contre leur ancien usage,
sans que Ion puisse découvrir aucun motif
ni aucun événement qui ait pu donner lieu
à ce changement; on sait le temps auquel le
missel grégoriea a été substitué au missel
gallican et au missel gothique ou mozara-
bique, la manière dont cela s'est fait, et
les motifs par lesquels on s'y est déter-
miné : pourrait-on ignorer l'origine da
pain azyme, si l'usage du pain L'Vl' avait
clé constant et universel dans tout l'Occi-
dent?
11 est à peu près certain que Jésas-Christ
a consacré l'eucharistie aveedu paiu azyme,
puisque c'était le seul dont il lût permis
d'user dans la célébration de la Pâque :
celle considération jointe à la leçon que
saint Paul fait auv fidèles (/ Cor. v, 7):
Purifiez-vous du vieux levain, etc., a fait
conclure que le pain azyme ciaii. le plus con-
venable ])our l'eucharislie. Aujourd'hui en-
core les Abyssins cophles se servent de pain
azyme pour consacrer l'eucharistie le jour
du jeudi saint: les arméniens ont affecté de
ne mettre ni levain dans le pain eucharis-
tique, ni vin dans le calice, aCn d'exprimer
ainsi leur erreur touchant l'unité de nature
en Jésus-Christ ; les étiionites s'abstenaient
de célébrer avec du pain levé, par attache-
ment aux rites juda'iques ; u»ais l'Eglise lati-
ne ne s'est conduite par aucun de ces motifs.
C'est très-mal à propos que les Grecs l'ont
voulu charger de ce ridicule; par mépris,
ils nous appellent a^yifu'/es; par réciproci-
té on les a nommés fermentaires. Les pro-
testants auraient dû s'abstenir d'imiter l'o-
piniâtreté des Grecs. L'Eglise latine a été
plus raisonnable qu'eus ; lorsqu'ils con-
sentirent à se réunir à elle au concile de
Florence, il fut décidé que chacune des deux
églises serait libre de conserver son anciea
usage. (Le Brun, Explic.des Cérémon.,U V,
p. 116 et suiv.)
Tliiers fait mention de plusieurs supersti-
tions pratiquées par dilïerentes sectes à
l'égard du pain eucharistique. [Tr. des $u-
perslilions, t. il, 1. m, ch. 1.)
B
BAAL on BEL, divinité des Assyriens, des
Babyloniens on Chananéens, des Carthagi-
nois,etc. Ce nom signifie Seigneur :i\ paraît
synonyme à Moloch, prince ou roi ; c'est un
des noms anciens du soleil: la première idolâ-
trie a été l'adoration des astres. Voy. Astri:s.
On sacrifiait à Baal ou à Moloch des victi-
mes humaines, des hommes faits ou des en-
fants ; et -e culte impie fut souvent imité par
les Juifs, malgré la défense exjiressc que
Dieu leur en avait faite ([)eut., xii, 30). Jé-
rémie leur reproche d'avoir brûlé leurs en-
fants en holocauste à naul (\ix, ^), et de les
avoir initiés à Moloch (xxvii, 33). Les
rabbins, pour diminuer l'horreur de ces
sacrifices impies, soutiennent que leurs an-
cêtres ne brûlaient pas leurs enfants, niais
qu'ils les faisaient seulement passer par le
feu à l'honneur de Moloch. Les expressions
de Jcrémie, comparées à la loi du Deutérono»
me, semblent témoigner le contraire. Si dans
le culte de Baal il n'en coûtait pas toujours
la vie à quel(|u'un, ses autels du moins
étaient souvent arrogés du sang de ses pro-
pres prêtres. On le voit par le sacrifice sur
lequel Elle les défia de faire descendre le
feu du ciel. Ils se blessaient selon leur usage,
dit l'écrivain sacré, aiec des couteaux et des
lancettes, jusqu'à ce qu'ils fussent couverts de
sang [III lierj. xviu, 28).
Dans la suite, ou a cru que le Dieu Bel
des Assyriens était Nemrod , et que celui
des Phéniciens était un roi dcTyr;maisil
n'y en a aucune preuve, le culte rendu aux
morts est postérieur de bcaucuap à l'ado-
ration des astres. H n'a commencé que
469 BA.\
quand il y a en des rois assczpoissanls poor
en imposer aux hommes par l'éclat du faste,
et des peu|*les assez esclaves pour pousser la
flatterie aux derniers excès V oi/. la Disser-
lalion nir Molacli, etc., liilile d'Avignon, t.
]], p. 355; Mém. de l'Académie des Jnscript.,
t. LXXi. in-12, p. 172.
(Juand on considère les désordres et les
crimes dont l'ancienne idolâtrie élait accom-
papni'e, on n'est plus surfiris de ce que Uieu
l'avait défendue aux Israélites sous peine de
mort.
BAALITES, adorateurs de BaaI. Pour ex-
cuser le culte rendu au soleil , et toutes les
autres espèces d'idolàirie, quelques incrédu-
les ont prétendu que ce culle se rapportait
au vrai Dieu ; que les polj Ihcisles adoraient,
dans les asires et dans les différentes parties
de la nature, la puissance et la bonlé du
Créateur. C'est picler des idées bien spiri-
tuelles à des hommes irès-grossiers , et dont
nous avons peine à concevoir toute la stu-
pidiié.
S'il y avait nne idolâtrie excusable, ce se-
rait sans doule le culte du soleil ; cet astre
esi, pour ainsi dire, l'ànie de la naiiire ; rien
de plus piim()eux que les hymnes faits à son
honneur par les anciens poêles. Mais si l'on
avait demandé aux Péruviens, qui l'ado-
raient, à quel personnage ils avaient inten-
tion de rendre leurs respects et leurs vœux,
iln'cst pasà présumer qu'ils auraient nommé
le Créateur de l'univeis, dont la Providence
gouverne toutes choses. Ils croyaient que le
soleil élait un être animé et intelligent ; c'é-
tait même l'opinion des philosophes grecs ;
c'est donc à lui que s'adiessaieiit les hoin-
miiges <iu't)n lui rendait, puisque l'on était
persuadé qu'il voyait, eniendiit et approu-
vait ce que l'on faisait pour obtenir ses fa-
veurs. Lorsque Zoroastre voulut donner une
religion nouvelle aux Clialdéens qui ado-
raient lis asires, il ne pensa point que leur
culte élit aucun rapport au seul Dieu créa-
teur dii monde. — Il y a plus. Celse, Julien,
Porphyre, ont fait un trime aux chrétiens de
ce qn'iis ne voulaienl rendre aucun culle aux
génie:!, aux prétendus dieux inférieurs ou
secondaires, auxquels, selon eux , le Dieu
suprême a confié le gouvernement de l'uni-
vers. 11> soutenaient, comme Platon , que ce
Dieu suprême était trop grand ou trop oc-
cupé de son bonheur, pour se mêler des
choses de ce monde ; conséquemment qu'il
était fort inuiile de lui rendre aucun culle,
que l'encens, les prières el les offrandes de-
vaient être adressées seulement aux génies ,
ou dieux inférieurs. Porphyre , Traité de
l'abstinence, liv. ii, c. 34-, 37, 38. Le soleil,
sans doule , élait un de ces dieux ; en quel
sens le culte qu'on lui rendait pouvait-il se
rapporter au vrai Dieu ?
Sans entrer d;ins une plus longue discus-
sion, nous pouvons 6!re as iurés que si l'ido-
lâtrie avait eu quehiuc rapport au Créateur,
elle n'aurait pas lait nailre chez les pa'i'ens
tant d'absurdités et lant de crimes, et Dieu
ne l'aurait pas punie par des cbâlimeuts si
BAB
170
rigoureux. Yoy. Dieux des Païens, Idola-
TllIE.
BAANITES, hérétiques, sectateurs d'un
certain Baanès, qui se disait disciple d'Epa-
phrodile, et enseignait les erreurs des ma-
nichéens vers l'an 810. Yoy. Pierre de Sicile,
Hist. du manichéisme renaissant. Baronius ,
ad aiin. 810.
BABLL. L'histoire sainte rapporte que les
hommes rassemblés d.ins les plaines de Sen-
naar n'avaient encore qu'un même langage;
qu'ils foimèrent le dessein de bâtir une tour
élevée jusqu'au eiel, avanl de se séparer, ou
plutôt afin qu'elle leur servit do marque
pour ne pas se séparer ; que Dieu, pour ren-
verser ce projet, confondit leur langage sur
le lieu même, de manière qu'ils ne s'enten-
dirent plus les uns les autres; qu'ainsi il les
força de se diviser pour aller habiter ditïé-
rentes contrées : que celte tour reçut le nom
de Babel, confusion , parce que le langage
des hommes y fut confondu. Gen. xi (1).
Cet événement arriva l'au du monde 1802 ;
(1) A riiisioire de la lourde Babel se rattachent
des qiiesiiinis de la plus haute plillosopliie. Civilisa-
lion antii(ue, uniié primitive du lang;igi!, dispersion
des peuple^ ; ces laits sont bien dignes de lixer l'ai-
leiilion d'un véritable philosophe. Tous ils sont
intiineineiil liés à l'hisfoiie di; la lourde Babel. Pour
les résouilre , nous ramènerons lonl ce que nous
avons à e» dire à ces trois points : t" la coiisiructioii
de la lour de l!;ibel ne suppose-l-elle pas des hom-
mes plus nombreux et plus civilisés que ne pouvaient
Téire cent vmgi :ins après le déluge les enfants de
^l)é ; 2" l'uniié primitive du langage est-elle un fait
coeslaié par la science ?— La confusion des langues
date-telle léelleiiient de la lour de Babel ; 5° la
plaine de Sennaar, ou le centre de l'Asie, esl-il ,
coiiiuie le suppose le récit de Moïse, le berceau du
peuple et le poini de départ de la civilisation antique'?
p« QuESTiiN. — La construction de la tour de
Babil ne suppose-t-elle pas des hommes plus twm-
hrtux et plus civilisés que ne pouvaient l'être cent
vingt ans après le déluge les enfants de Noé ?
Eciiappés ;iu déluge , les enf.ints de Noé forment
bienlôt le projet d'élever une tour dont la hauteur
aliei|iuele ciel. — Cet événement, dont le souvenir
s'est conservé cliez tous les peuples, arriva , selon
la différence de cliroiiologie, ou c<'nt vingt ans , ou
environ quatre cents ans api es legiand talaelysuie.
Si MOUS nous en tenions à celte dernière daie, qui a
sesraismis, nous rencontrerions à peine quelques
ditlicultés. Mais adoptant la première, on nous de-
mande comment alors il s'est trouvé assez d'hommes,
el chez ces bmnnies assez de connaissance des arts,
pour une entreprise si gigantesque.
Si les dimensions de la tour de Babel nous étaient
bien connues, s'il élait vrai qu'elle eût clé élevée à
une hauteur prodigieuse, peut-être partagerions-nous
la surprise de nos alvers.iires ; mais les fouilles en-
treprises en diiléreuis temps sur le terrain de Ba-
byloue, n'ont éclairé ni sur le lieu, ni sur la masse
de la lour de B.ibel. Toutelois accordons-lui le pro-
digieux qu'on lui suppose ; la terre n'aVait-elle ni
assez d'Iiahiiants ni assez de civilisation , pour con-
duire à lin une telle entreprise ?
Pour rendre compte du cours que la propagation
de l'esiièce hUinaine suivait alors , il serait injuste
de le comparer avec les naissances actuelles. Selon
le iéiuoiguai;e de l'ticriture el d'u'ie miiliiiude d'au-
teurs anciens, alors bs hommes vivaient trés-loiigr
temps, et les femmes engendraient dans un âge irès-
4Tt BAH BAb 47»
Phalog;, le dertiipr des patriarches de la fa- dale s'accorde avec les observations qne Cal-
niillc de Soni , vrnjiil île nailrc ; selon quel- lislliènc eiivoyji de Bihyloiie A Arisiot' ; elles
qiies coiiirneiilaiours, il .iv.iji alors (iiialorze élaicut de 1603 ans ; c'est prpiisétnenl l'in-
ans, el son nom signifie dispersion. Cette lervolie de temps qui s'éliit écoulé dejiuis la
avanré. L'iipprécînlinn dft ce»! eircnnstanccs fea
coiiipreiiilre que le noiiilir- île-* homnie* ponvnil élre
lié'-Tai d ii't'iine aiirè- le déliise. — M:iis :iv:iii-ir ils
assez (le c^'iHiaissniife des :iris pour lonrier le des-
sein d'é'ever la unir de Buliel ?
Noc, i|iii exisiail encore, él;iit il inlnliile & donner
le plan de celle lonsirinlion. et à en diri.,>(>r 1,-s tra-
vaux ? Ses enfants ii'avaienlils iu coiiiiaiin- de lui
la civilisation antédiliivieune? H.iaienlils si grossii-rs
et si é oi;;iiés des arl-, le^ peuples ainiei s, <|ui
avaient à peine qiiiiié li* lieroeaii du genr>- hiiinaiii
•(uaiid déjà ils élevaient des édilices mn devaicni ré-
sisier à pi es de quarante siècles? car de liens criti-
ques ne recul nt pas de beaucoup ifaniié-s la cnn-
struction des pyramides (Vor li 'ssiiet. Uni. lunv.)
Heconnai^soiis-le, il n'y a que l.i mauvaise T i qui
puisse avancer qu'il n'y av-^ii alors ni assez d'halii-
lanls ni a~se/ de civilisation pont élever l'édilice de
Italjel. — 11 état en cmirs d'eséeulinu , loiS'pi'iin
t;rand événenieiil lorç;i les ouvriers à le laisser ina-
clicvé.
Il« Question. — L'unilé p imiiire du Inngaije esl-elle
11)1 (ait conslaié par la science? Lii cmfiision des
tangues date-t-etle rétllemeiU de la loiir de Babel?
Dieu descendit et troubla ce nmiiument il'orgiieil.
Il mil la confusion dans les langues des peuples qui
auparavant parlaient le nièiiie langagi; (f.Viics. m, 7).
Ces paroles de l'tcninie n'ois in.ii juenl les deux
poinis de notre iiueslion.
1* L'unité piiniiiive du langage esi-elle un fait
cou-talé par la science? La llnïiiislii|ne eu ciliiio-
grapliie a fait de grand- pr'L'rcs d os ces derniers
leiiij'S. Les connais-, nces ipi'e le a acunises des diUé-
ren les langues parlées su ' la 1er le, des al II ni tés qu'elles
ont entre elle-., des rapports qi'eilis ont conservés
avec les langues anciennes d'"ii elles sont dérivées,
répandeut une innuère pi-odigieiise sur la question
qui nous occupe. L'etlmog'aiiliie , pai de-. deo;ou-
Slraliens aussi i igoiirenses (priméressanies, a prouvé
(|lie tous les idii>ioes coiiiiu onl avec "ne sonclie
coinniuiie d ■ riomlirenses analogies de loriiic, de ra-
cine, fpi'oii ne saurait raisoooali eoieiii alirilnier au
liasard. Elle a dénioniré par de savantes couipaiai-
SniiS que, malgré la surprenante varié é i\v.- nlio-
mes, nous part ns en rénilé el radical, nient li lan-
gue d'un peuple ancien dont elle ne tixe |i:is l'.iuli-
qniié. Klle |ii»se pour consiaiii à l'inie ligence la
(iliis viil;;aire une plus on réir grade d..u> les sici les,
plus COI vint les lang uS diniinner île iiomliie, pour
se coiif.iidre en qiielines-uneN.el qnV.n ponssani (dus
loin ilaiis les onips, ou arrne de langue en langue
à une époque où le^ homme pailaioiit le même langage.
I II sullll, (lii M. lUilii , d'une léviè.e iciiiiiue des
diiréri MIS iiliomes pniii saisir la chaîne qui | ar mille
anneaux les ta laclie à la n èine migln . >
Tel est le réstiliai de travaux dignes de notre admi-
ration, mas ilmii lavanlatC le plus réel estderecon-
nailreqne la liihie a dil viai sur un de- p.ints le- pins
iniporiaiits de l'hisloiie humaine (»'. LTiiNoGiucinE.)
±° 'linii en aucMaia l'niiiie ,,iMni ne ..u langage,
la scico.e se I lii -ur l'époque de li contusion ileS
langues. Les lusioiies îles dilli-ienis neniiles anciens,
sans j 1er une Ino leie hien \ive sur l'objet de i oire
exauieii, en lais-i ni enlreior le i lenl. A l'excep-
tiiui de l'Iisloire <lii peiple de l>ieu, il n'en est au-
< nue vcainienl d g le ce iiinn, rpii lemnule.m delà
lie répo.|ue où le- eiilaMis de .Noé se dispcrscieiit.
liii'ii ne prouve d .ne ipie la cmdusiou an précédé la
daic de Moi.ie, qu'elle ail. suivi de piés la dispersion
des peuples, c'esl un lait qui parait incunicaabic,
puîs'tne les vieilles nations ont des histoires qui les
niènenl, pour ainsi dire, nu |iie I ck 1 1 tour de B.iliel.
L'histoire sin'e seule lève la dilliiailié par ees pa-
roles de ri'Ciiliire. Ibi coiif'isu'ii esl labinm unircsce
lerrce. Il est vrai qne saint Grég-iire de \y-se en-
tend Ces paroles d'une conluson lenle, arrnée par
les moyens oïdinaires après la disiiersioii des peu-
ples. Le^ déd'iciioiis de l'eihnograpli.e appuieraient
penl-être celte opinion. Mais le lexie sacré n..||s ps-
rail trop clair pour «iser dé-eii. r l'oiiini >h cuniuinne.
Les langues éiaient c. iiloiidiie>, les onvr ers de la
gramle loiir ne s'enlemi ient plii-. Ils se dis|)ersè-
reiil. Ils alléieul porier la civili ation daii> de nou-
velles coiiliées. C'est ce qui sera l'objet de notre
examen.
111* QtrSTiON. — La pla'ti' de Scnnnar, ou le centre
de l'Asie esttl, cuiniue le suppose Mui>e, le bciceau
des peuples et le puinl de départ de la civiliiutiou
aniiejue ?
i° La pi liue de Seniiaar esl-elle le berceau des
peuples? — Cep iiit d'his o:re, si clairement écrit
dans la Bilile, selit dans l'bistoiic du monde, dans U
niarcln^ des nations, dans le résullal des re< herches
de 11 science.
Il y a une chose bien frappante dans l'hisloire,
c'est .ju'elle nous inoutie tous les |i' tiples touriiaiit
niiitorméineui leurs regards vers l'Orient , s'adres-
saiii à on même pay-. , elce pays est le centre de
l'Asie. Les empires comimnceiit-ils? c'est là qu'il
faut al cr les cliBic er. Les cilés s'élèvent-elles ?
c"e>t là ■|u'. Ile- sont placées, c'est là ipi'on trouve
^lnive el la grande lkil>yloue; ei un peu pins tard, la
super. "c Tyr. I>es iiaiens ignureni-eiles le.ir ori-
gine'? c'est là qu'elles Vent la demander.
Il lant des h.ilniaiils à de nouvelles contrées; des
fonda is à .le nmivel es »illes ? C'esl de là lu'ils
vie.idioiii. Kl Pi moi Canbage s'élève, la Giéce se
Cnllive. le Latmm e>l [leupé. A mesure que les
boinmi's se niultiplient, la lerie Se convie de proche
en pnctie; les p nple^ se c-liassenl en sen» divers.
.M. lis ils soitcni o'iiu o ènie lien, (.'est un I it reiuar-
ipiable ipie tmit. s les é.i igiaiions sie sont t lijo.irs
la:ies lin cenire di-i'A-ie veis le>exiréoiité5,el jamais
des exiiémités vers \k ceniie.
L cihmigiapliie tnrt.tie ces motifs puissants. Si
rniiilé piiniilive du langag - est un l'ail acquis par la
.science, c'e^tanssi un tail (irouvé |iar elle, (pie la sou-
che coinmnne des lauKue- est au centre de l'.V le, el,
par ni.e con-è lUence ii évnable, quec'esl là ((u'iilaul
aller cheicber le berceau du genre humain. Cardes
rappioclicments i etireiix qui ne se déiiienlenl ja-
mais, M. Balbi a ilémontré (|ue tomes les langues
connues oui une rcssenihlince parfaite avec la la-
inille des l.ingnes oneiiiale-, je veux dire des lin-
gucs tiélnaîque, syiiaqne, mciliqiie, arabique et abys-
siiiieiiiie. b'ii est vr.ii que là où l'on trouve tes
langues pi'en.iéres, ou doit reconnailie les lioiniiies
preinleis, i.ous concluions, an prulil de notre cause,
que si le centre de l'Asie eii le berceau des laii-
gtics, il est aussi lelni des peiijiles.
A celte [irciive si parlante de la véracité de nos
livres saints, les Cliaiiipo|,i,in, les Figeac.ctc, vicn-
nentd'y en aj uicr uneaiireqii', parce que leurs
trav.iiix ne sont p.is encore terminés, ne limt pas l.i
qiiesti II, ma -. laisse apercevoir l'aurore du grand
jo r iprelle diiil en tirer. (>es l.diorieux orientalistes,
interrogeant naguère la mysiérieuse Egypte, ont lu
la langue des Héhreux, sur ses iiticliM|ues, sur les
pi.rois de ses temples, au dus de ses statues
lUiii la ville des morts ils oui retrouvé la langue
47?:
BAB
BAB
474
fondation de la tour de Babel jusqu'à l'en-
tréi' (l'Alexandre à Babyloii'-.
I.'rcriliire rprnai(ine (Mirore que celte
ninsse d'cdiCice éi.iil de briiiiK! liée avoc du
bi'Uine : li'S vo iis;<'urs nous appieniieiil que
dans ce môme lieu l.i (erre continue ii vomir
une quantité [irtidiu'iiuse de biiiimc. On
trouve, à un nuarl de lieue de l'Iùiplii aie ,
vers rOrionl , des ruines qie l'on croit, être
les restes de la tour de Babel; mais celle
OI)ini(in ii'e t ap|iu\ée snr aucune preuve.
Ouel()ues incrédules ont fait des dilticultés
contre riii>l lire de la (■oll^ll^ion des langues
et de la loui' do linbcl. SeliMi la lîené>e, ili-
sent ih, letle el^r'•pli^e l'ut faite ci-nl ili\-
S pt an^ apc'S le déluge ; pendant nu si court
e-pae.ile pou. ail [las êire né 'ssez d'Iiom-
mes I < u< fir r louies les peuplades dont
pille M ï-e. pour f.iire un é ifice aussi im-
mense, e( il n'y .ivaii pas en assez de temps
pour iri\enter tons Ks ails oec ssaires à
i'exécHl lin il'u'i pare! oiivia.ie. — M.iis
M' ï-e ne suppose puinl que pour lo s la terre
fût déjà eouverie de toutes l's peuplades
dont il parie au «hipitre x de l.i (leiiése ;
il y dél.iiil d'.iv.iiue :• s pénér.iti us (|ui ne
viiiieiit au iiiouil g i'apiès la disperNioii. —
Connait-ou - ssez (|iieile fu la niasse el la
liauieur de la lou^ de Babel, p.ur assurer
qu'il n'y avait pis .ilor^ as^ez d'homiui's exis-
tants p ur l'avoir faiic? Le liésir qu'ils
avaieni de coiislr lire une tour fut haute,
ne (iriiuV'' pas qu'ils l'aient élevée eu effet
à Une grande liauleur. 11 n'y a d'ailleurs au-
saiiile, et à celle contrée si nvare de ses secrets, ils
OUI peiil-élre r vi leldi il- son i.rijjiiie. — Les :iiiim-
le< des liiilfS t-l do la (diine,, iiiieiiv aiiiuéciéi-s par
les sivaiiis, iidu-i iiicniiiiiii ces ciiiilréis ;iyiiiià
I eiiie ipielipies lioniganles lorsque ilepiiis liinj-lemps
la plaine de Sennaar av lii de> villes oiiuleiiie». —
^"ll■e di^serlalillll île l'unilé de l'espère Ininiaine
(V"!/. llousiE, notes) ne (leiii laisser aucun ilnuie
que les Américains étaieiil soilis de l'uiicien cun-
iineiii.
Il n'y aurait donc que la plus ins'gne mauvaise
loi r|iii iiiiiii'iaii coiiie-ter au ce iire ilt; l'Asie le privi-
lège (l'avoir éié le lierc. au îles pruples.
2» Fnl-il aii-si le poinl de déi'ari iJe la civilisation
aniiipie ? — Ce pi'ini n 'iis parail une con>éipieiice
si nécessaire îles lails 'pie innis venons d'éiaiiûr, iiiril
nous senilile i iilile ireiiuer ilaiis lie iiomeaiix ilé-
vilopieineiiis. En nous p éseinant le cenire de l'Asie
Ciininie le lierceau île ions les peuples, l-liisioire nous
le II outre anSM eoiiiiiie le pninl ciiliiiinaal de l:i Ci-
viliSiiliim. Allièiiesel. K Mlle n'avaient aucun moiiii-
1111 m reinaniu il)le, ijue Itabylone élait l'éloiiiieuieiit
de rmii.ers. Non conieoles d'eu avoir iiansp uleles
scieines ei l^s arls, l.-> ain ieinie- iialioii^ allaient en-
coMi rfdeiiiander île noiivc les lu mè e> à la mère
p-iirie. I.ors'iue l'Asie el 1 1 Greee irélaient pas en-
core le ceinredeta civilisalioii, leurs sages et leurs
phiioMiplics :i|laieii( eu Asie clierclier les scie. Ces i;iui
les oui |il.icé-> si liaui. L'Iiisloue alicsie irnp liien
ce l.iit pour ipi'il puisse ètie eontesié; mais au be-
soin nous poiiniuu.^ en uoiiver la preuve ilms les
science- el ilans le» ans : car cliei louies les uaiions
on trouve tracés en ciraeiéresiiiaèlebiles, ilaiis leurs
conluiiies el iiiéine dois I iirs iiioiiiiiiienls, des ineu-
ves éviileiiles J'une orijîine asiainpie. Nous ne fai-
sons ipriuduiuei celle cousiilèraiioii, l.-s ilévelii()|)e-
ineiits nous ciilraiiieraieiil bien au de>à d'une simple
amicilation.
cune nécessité de s'en tenir à la chronologie
du texte hébreu, toui h ml la date de col évé-
nement ; suivant les Se|)tanto el le texte sa-
maritain , il n'est arrivé qu'environ quatre
cents ans après le déluge, — Noé et ses en-
fants connaissaient les arts, pui-qu'ils avaient
bâti r.irclie ; ils n'en (lerlirent | oint la con-
naissanie pendant l'année du déluge; ils
purent donc la donner à leurs descendants ,
sans que ceux-ci lussent obligés de les in-
venter.
Ces mêmes critiques demandent comment
loutes ces peuplades pouvaient avoir encore
la même langue, pendant que Moïse a dit ,
dans le chapitre précédent, que chacun avait
sa Langue ; commenl elles se trouvaient ras-
semlilées dans les plaines de Sennaar, après
qu'il a dit qu'el es «Maiont allées peupler le
iNod et le Mi li. — Ferons-nous un crime à
Cet historien d'avoir dit, par anticipation et
brièvement dins le chapitre x, ce (jii'il se
pro])iisail d'ex[)i)ser plus en détail dans le
chapitre suivant? Si c'était une faute, on
pourrait l.i reprocher à tous les écrivains de
l'aniiquiié-
Loisiiue les censeurs de Moïse témoignent
leur étonneinont de ce que la conslrucliou
de la Inur de Babel et la confusion des lan-
gues sont deux laits ilonl les ;iuteurs pro-
fanes n'ont ou aucune conn liss ince, ils mun-
irent eux-mêmes que les leurs sont tiès-
bornées. Eusèbe, dans sa Préparalion évan-
géti ,ue, liv. i\, c. IV, 17, etc., nou.« a con-
servé un fragment de l'histoire d'A-syrie,
écrite par Abvdène, où ces deux grands évé-
nements sont rapporté-. ; donc la tradition
eu était conservée sur le lieu même. Il ciie
encore Arlapau et liiipolème , qui disent la
même chose. Il paraît que 11 guerre des Ti-
tans contre les dieux, dont parleni les poë'os,
n'est antre chose que l'entreprise de Babel
déguisée par les fables. Celse el Julien pré-
lend.iient au contraire que Moïse avail em-
prunté des païens toute celle histoire; mais
les écrits de Moïse sont plus anciens que
ceux des poêles ; Tatien, Oiigène, saint (Cy-
rille, l'ont prouvé par tous les monuments
de l'histoire profane (1).
D'autres critiques, dont l'ambition était de
diminuer le nombre des miracles, ont voulu
faire disparaître celui de la confusion des
langues à Babel. Selon le génie de la langue
hébraïque, disenl-ils , celte expression de
Moïse : Toale la terre n avait qu'une binclie
et une parole, peut sigiiilier que tous les hom-
mes étaient parfaitement d'accord, n'avaient
qu'un même seniiinenl el un même dessein;
par conséquent les paroles suivantes , Dieu
confondit leur langa'je, peuvent signifier que
par la permission de Dieu la di corde se mit
enlre eux, et qu'ils se séparèrent [lour aller
habiter différentes contrées. Or la dilTérence
de leur langage dui résuller nalurellemeiit
de leur séparation mèun; ; très-peu de temps
suffit pour ijue deux peuples qui ne se Iré-
(1) Vnij. les noies de Jean Lerlerc dans le Traité
(le la lUligiun de Grulius [ Uémonsl. évany. édil.
Migiie].
475
BAG
BAI
476
qnenfent pins, ne parlent pins la même lan-
gue. Leclerc, in Gènes., c. xi ; Seniimenl de
quelques lliéologiens de HolL. lelt. 19; Si-
Bion, Bist. cril. de V Ancien Teslam., iiv. i,
e. 14 el 15; Hép. aux Tliéol. de HolL, ch. 20.
Saint Grégoire de Njsse. Oral. 12, conlra
Eunom., parait de ce sentiment. — Mais cela
n'est pas conforme au sens naturel du texte :
Moïse dit que Dieu confondit leur langage
sur le lieu même, et il le répète deux fois,
chap. Il, V. 7 el 9 ; il ajoute : Tellement que
l'un n'entendit plus la parole de son voisin.
Qu'une multitude d hommes n'aient eu d'a-
bord qu'un Sf ul et même dessein, qu'ils aient
commencé à l'exécuter de concert, que tout
à coup ils se soient divisés sans raison et
sans motif, et n'aient plus voulu s'enlendre,
cela ne nous paraît pas nalurel. L'iiistorien
prévient même cetle idée, en attribuant à
Dieu ces paroles : Si nous les laissons faire ,
ils poursuivront l'ourruge qu'ils ont com-
mencé, jusqu'à ce qu'ils en soient venus à bout.
Il n'est donc pas ici question de la simple
permission d'un événement nalurel , mais
d'une intervention positive de la toute-puis-
sance de Dieu.
Plusieurs auteurs ont fait des dissertations
pour savoir si le langaije que les hommes
parlaient avant la confusion se conserva
sans aucun changemeni dans la famille de
Sem ou ailleurs; si cetle première langue est
l'hébreu, ou une autre, etc. Ces discussions
ne nous regardent point. Puisqu'il est prouvé
à présent que toutes les langues sont com-
posées des mêmes racines monosyll.ibes, que
toutes leurs dilTèrences consislenl d;ins l'u-
nion, l'arringeiiient, la prononciation plus
ou moins forte de ces mêmes éléments , l'hé-
breu ne peut pas être censé la première
langue plutôt qu'une autre, à moins que l'on
ne prouve que les racines primitives y ont
été conservées avec plus de simplicité que
dans les autres ; c'est ce que l'on n'a pns en-
core fait. Un simple changement de pronon-
ciation des mots priinitils a suffi pour que
les ouvriers de Babel ne s'entendissent plus,
et il aurait fallu un miracle permanent pour
que les descendams de Sem conservassent
toujours parmi eux la même prononciation
et le même arrangement de mois primitifs.
Voy. VOtiijine du langage et de l'écriture, par
M. Ciébelin.
BACHKLIER. Voy. FàCULTé de Théologie.
BAlilNOLAIS ou B \GN0L1KNS, secte d'hé-
rétiques ((ui parurent dans le viir siècle , et
furent ainsi nommes de liagnols , ville du
Languedoc, au diocèse d'Uzcs, où ils étaient
en assez grand nombre. (Jii les noiiinia aussi
concorilois ou ronzocois, termes dont on ne
connaît pas i<i véritable origine.
Ci'S bagnolftis Hn'irni manichéens , et fu-
rent les précurseurs des albigeois. Ils reje-
taient l'ancien Testament el une partie du
nouveau. Leurs principales erreurs étaient
que Dieu ne crée p t li s âmes (]uand il
les uiiil aux corps ; (|o'il n'y a point eu lui
de prescience ; que le momie est cicrnel, etc.
Ou duuua encore le même nuiu à une scclo
de cathares dans le xîii* siècle. Voy. Ca-
TIliKE*.
BAHEM, ou plutôt BAHIM. Dans le pre-
mier livre des Machabées, il est dii que le roi
Démétrius écrivit au grand prêtre Sim(m en
ces termes : Coronnm auream et bnliem qnain
misislis, suscepimus. Le grec, au lien de hulietn,
lit bd'inam, que Grotius dérive de b is, une
branche de palmier. Ce seoliraent paraît le
meileur. Il éiait assez ordinaire d'envoyer
ainsi des couronnes et des palmes il'or aux
rois vainqueurs, eu forme de présents [Hla-
ctiah. I, XIII, 37).
BAIANISVIE ou BAYANISME, erreurs de
Baïus el de ses disciples.
Michel Baïus ou de Bay, né en 1513 à Me-
lin dans le terriloire d'Alh en Hainaut, après
avoir étudié à Louvain el passé successive-
ment par tous les grades de cette université,
y reçut le bonnet de doclenr en 1550, el fut
nommé l'année suivante, par Cliarles V,
pour y remplir une chaire d'Ecriture s linle,
avec Jean Hessels, son compagnon d'études
et son ami. Il enseigna dans ses écrits, et Gt
imprimer diverses erreurs sur la grâce, le
libre arbiire, le péché originel, la charité, la
mort de Jésus-Chrisl , etc. Elles sont conte-
nues dans soixante-seize firoposilions , con-
damnées d'abord en 1576 par le pape Pie V.
On peut rapporter toutes les propositions
de B.iïus à trois chefs principaux : les unes
regardent l'état d'innocence; les autres l'é-
tat de niture tombée ou corrompue par le
péché; les antres enfin l'étal de natuie ré-
parée par le Fils de Dieu faii homme et mort
en croix. 1° Comme les anges el les hommes
sont sortis des mains de Dieu justes et iiino-
cenis, Baïus el ses disciples ont prétendu
que la destinalitm de ces créatures à la béa-
titude céleste, que les grâces qui les y me-
naient de proche en proche, n'étaient pas
des dons gtaiuits, mais des dons insépara-
bles de la condition des anges el du premier
homme; que Dieu les leur devait, tout
comme il devait à ce dernier la vue, l'ouïe
el les autres facultés naturelles. Selon le
principe fondamental de Baïus, une créature
laisonnable et sans tache ne peut avoir d'au-
tre fin que la vision iuluitive de son Créa-
teur ; D eu n'a pu , sans être lui-même l'au-
teur du péi hé, créer les anges et le premier
homme que dans un état exclusif de tout
crime, ni par conséquent les destiner qu'à la
béaiilude céleste : cette destination était à la
vérité un don de Dieu, mais ()u'il ne pouvait
leur refuser sans déroger à sa boulé,;') sa sain-
teté,àsa justice. Tclleest la doctrine de Baïus,
dans son livre De prima liominis jusiitia, sur-
tout chap. 8. Elleest cxpriméedans les propo-
sitions il, 23, 2k, 26, 27, 55,71 et 72, condam-
nées par la bulle de Pie V. 2' Coiiséqucm-
mcnl Dieu a été dans l'obligation indispen-
sable de départir aux anges et à l'homme les
moyens nécessaires pour arriver à leur fin;
d'où il résulte iiue toutes les ;:râces, soit ac-
tuelles, soit habituelles, qu'ils ont reçues
dans l'étal d'innocence , leur étaient dues
comme une suite naturelle de leur création.
3° Le mérite des vertus et des bonnes actions;
*77 BAI
élail do même espèce , c'est-à-dire naturel
ou, Cl' qui ri'vienl au même , le fruit de la
pi('iiii(\re criNiiion. k" L.i (clicilé élornelle at-
tiiclioe à res tiiériU's ciait de mé.iie oriire,
c'i'Sl-à-dire uiio pure rétribiilinii, où 1,1 lilié-
ralilé j;raluiie de J)ieu ii'eii(r;iil pour rien ;
c'élail une r^'Compi'iise et 110:1 une srâce.
5° L'Iioiiimo innocent élail à l'abri de l'igno-
raiice, des souffrances et de la mort , en vertu
de sa cré.ition ; l'ex' mplion île tous ces niaux
était une dette que Dieu pavait à 1 et.it d'in-
nocence, un oriire établi par la loi naturelle,
toujours invariable, parce (lu'elle a pour
ohjrl ce qui est essentiellement bon et jusie.
C'est la docirine expresse des propos il ions !)3,
69, 70 et 73 de Ha'ùis. Voy. Le P. Ducbe-ne ,
Hist. du Buianisme . liv. 11, p. 177, 180; et
liv. IV, pag. 356 et 361 ; et le Traite hist. et
dogm. sur la doctrine de Baïus, par l'abbé de
La Chambre, tom. 1, cbap. 2, pag. 49 et suiv.
Quant à l'étal de nature tombée , voici les
erreurs de Baïiis et de ses seclaleurs sur la
nature du péché originel, sa transfusion et
ses suites. 1° Dans leur système , le péché
originel n'est autre chose que la concupis-
cence habituelle dominante. 2^ Celte idée
supposée, la transfusion du péché d'Adam
n'est plus un mjsière qui révolle la raison ;
ce péché se transmet de la même manière
que l'aveuglement, la goutle et les autres
maladies plijsiques de ceux dont on lient la
naissance : cette commtinicalion se fait indé-
pendamment de tout arrangement arbitraire
de la part de Dieu ; tout péché, par sa na-
ture, a la force d'infecter le Iransgresseur et
toute sa poslériié, comme a fait le péché ori-
ginel, proposition 50. Cependant ce dernier
est en nous sans aucun rapport à la volonté
du premier père, proposition 4-6. Sur les sui-
tes du pécbé originel, Baïus dit, 1° que le li-
bre arbitre, sans la grâce, n'a de force que
pour pécher, proposition 28. 2' Qu'il ne peut
éviter aucun péché, proposition 29; que tout
ce qui en sort, même l'inGdélité négative ,
esl un péché ; que l'esclave du péché obéit
toujours à la cupidité dominante ; que jus-
qu'à ce qu'il agisse par l'impulsion de la
charité, toutes ses actions partent de la cu-
pidité et sont des péchés, propositions 3i, 36,
Ok, (58, etc. 3* Qu'il ne peut y a\oir en lui
aucun amour légitime dans l'ordre naturel ,
pas même de Dieu, aucun acte de justice, au-
cun bon usage du libre arbitre, ce qui paraît
dans les iniidèles , dont toutes les actions
sont des péchés, comme les verlus des phi-
losophes sont des vices , propositions 2j et
26. Ainsi, selon Baïus, la nalure tombée et
destituée de la grâce est dans une impuis-
sance générale à tout bien, et toujours dé-
terminée au mal que sa cupidité dominante
lui propose. Il ne lui reste ni liberté de con-
trariété, ni liberté de contradiction exemple
de nécessité : incapable d'aucun bien, elle ne
peut produire d'action qui ne soit un péché ;
nécessitée au mal, elle s'y porte au gré du
penchant qui la domine, et n'en est ni moins
criminelle ni moins punissable devant Dieu.
Yoy. les auteurs cités ci-dessus.
Les erreurs de Baïus, d'tiesscis et de leurs
BAI
478
sectateurs ne sont pas moins frappantes
loufhinl l'élat de nature répnrée par le Ité-
di'iiipieiir : ils disent fonnellcment que la ré-
Iribuiion de la vie éiernelle s'accorde aux
bonnrs aciions, sans avoir égard ;iux méri-
tes <le .lé^us-Clirist ; qu'elle n'est pas même,
à propreinent parler, une grâce de Dieu,
mais ICITct el la suile de la loi naturelle, en
vertu de laquelle le royaume céleste esl te
s ilaire de l'oliéissance à la loi; que toute
bonne œuvre esl de sa nalure méritoire du
ciel, conmie toute mauvaise est de sa nature
méritoire de la damnation ; que le mérite
des œuvres ne vient pas de la grâce sancti-
nantc, mais seulement de l'obéissance à la
loi ; que toutes les bonnes aciions des caté-
chumènes, qui précèdent la rémission de
leurs péchés , comme la foi et la péni-
tence, méritent la vie éternelle, propositions
11, 12, 13, 18, 69.— La instification des adul-
tes, selon Baïus, deJuslif., cap. 8, et de Jus-
titia, c. 3 et 4, consiste dans la pratique des
bonnes œuvres et la rémission des péchés.
En conséquence, il soutient que les sacre-
ments de baptême et de pénitence ne remet-
tent point la conipe du pécbé, mais la peine
seulement ; qu'ils ne confèrent point la grâce
sanctifiante ; qu'il peut y avoir dans les pé-
nitents et les caléchumènes une charité par-
faite, sans que les péchés leur soient remis ;
que la cliariié, qui esl la plénitude de la loi,
n'est pas toujours jointe avec la réaussion
des péchés; que le catéchumène vit dans la
justice avant d'avoir obtenu la rémission de
ses péchés ; qu'un homme en péché mortel
peul avoir une charité même parfaite, sans
cesser d'être sujet à la damnation éternelle;
parce que la contrition , même parfaite ,
jointe à la charité et ou désir du sacrement,
ne remet point la dette de la peine éternelle,
hors le cas de nécessité ou de martyre, sans
la réception actuelle du sacrement, propo
sillons 31, 54, 55, 67, 68, etc.
Comme dans le système de Baïus on est
formellement justiGé par l'obéissance à la
loi, ce docteur el ses disciples disent qu'ils
ne reconnaissent d'autre obéissance à la loi
que celle qui coule de l'esprit de charité,
proposition 6; point d'amour légitime dans
la créature raisonnable, que cette louable
charité que le Saint-Esprit répand dans le
cœur, el par laquelle ou aime Dieu, et que
tout autre amour esl cette cupidité vicieuse
qui attache au monde, et que saint Jean ré-
prouve, proposition 38. — Leur doctrine n'est
pas moins erronée sur le mérite el la valeur
des bonnes œuvres ; puisqu'ils avancent d'un
côté que, dans l'état de la nature réparée,
il n'y a point de vrais mérites qui ne soient
gratuitement conférés à des indignes ; et que
de l'.iuire ils prétendent que les bonnes œu-
vres des fidèles qui les juslifieut, ne peuvent
pas satislaire à la jusiice de Dieu pour les
peines temporelles qui restent à expier après
la rémission des pécliés, ni les expier ex
condiijno, ces peines, selon eux, ne pouvant
être rachetées, même par les souffrances
des saints, pcoposiiious 8, 57, 74.. l'oi/. les
auteurs cités ci-dessus, el ï'AOréyé du ïraiié
479 BAI BA[ 480
de la grâce de TourneJy, par M. Montagne, innocente tous les privilèges et les avanta-
— Ce sysli'mp, comme le remarque soliile- pes aciordé< à Adam? Dieu sans doule ne
ment rè Ihéologieo, esl un composé bizarre petit pas créer l'homme on élal de péché,
de pélaj^i.iiiisme, ipianl à ce qo' remanie l'é- cela serait conirairi' à sa sainl<'lé et à sa jus-
tat (le nature innocente, de lutliéraiiistiie et tice ; mais c imineni prouvera-l-on ()nc Diea
de calvinisme, pour ce (lui concerne l'élal de doit a l'hoiiime cxi'ini)! de péclic telle itieMire
nature tombée. Quant à l'état de luitiire ré- de dims spiiiinels el lorpoels. iil leuré de
parée, le* seiilinvnls di' Hanis sur la joslj- boniit'ur <-\ de bicn-cire iioor le pré-eu! et
(icaiion, l'eflicacilé ile>. sacrements et le nié- pour l'avenir? 0) ne peut fonder celte pré-
rite des hmnes œuvres, sont directement op- lention (|iie sur les '■ophi-iiies des anciens
posés à la dociri'ie du concile de l'iente : ils phil isophes et des inaïucbéins toiicliani To-
re I ouvaient éviter les dilTérentes censures rigme du ui.il. Diru, es entieilem'Mit mal:re
qu'il< ont essujées. — Kii elTel, dès loo-2, de ses dons el lont-pnis-nnt, peut en accor-
Riiard Tapper , Josse Uavesiin , Kilchou , der (dus ou moins à l'infini el en telle nie>ure
Cuiiner et d'julres iloctenrs île Loovain s"é- qu'il lui plaîi. C'est le nrincipe qu'a posé
levèrent conire Baïus ei HesseU, qui répan- saint Angusiin avec raison, pour lél'uiei- les
daiint les premières semences de leurs opi- ma ichéeus. Il y a d(> l'absiirdit ■ à siippo-
nions. En 1560, deuv saril eus d' s Corde iers Sir que Uieudoit quelque clios" à une ciéalure
de France en déférèrent dix-huit articles à à laciiie'le il ne doit pas même l'exi-lence.
la faculté de théologie de Paris, (joi les C'>n- Dans celte h poihèse ri :icu e, il serait ini-
damna par sa censure du 2" juin «le la loèine possible «le comilier la permission du péelié
année. En 1567 parut la bulle de V'm- V, du avec la justice, la sa<;e-se, la saiii'e c et la
l"oclobre, portantcondamnalionilesoixinle- bonté de Oieu. S'il devait tant de faveurs à
seize propositions qi;'( Ile censurait in (jlobo, l'homme innocent, pourquoi ne lui devait-il
maissans nommer Ba'ius. Lecardinal deGran- pas aussi la grâce effiiace pour persévérer
velle, charcé de Texécniiou de ce décret, dans l'innocence ? — Dès que le |)rinci/)e fon-
l'envoya à Moi illon, son vicaiie !;énér.il. qui damenlal de Baïus est évilemnient faux et
le présenta à l'unive siié de Louvain, le 29 sent le manichéisme, tontes hs conséquen-
décembre 1567. La bu le fut reçue avec res- ces qu'il en tire ne sont pas moins lau-ses.
pecl, et Ha'ios païui d' b ^rd s'y soiimellr<'; D.ms ce même système, la rédemption du
mais ensuite il écrivit une longue apologie monde par Jé^us-Chrisl est absiliiment nulle.
de sa doctrine, qu'il adressi au pape, avec Le ;;enre humain avait tout perdu par le pé-
one lettre du 8 j invier lo69. Pie V, après ché d'Adam : (jue lui a rendu Jesus-Christ ?
un mûr examin , confirma, le 13 mai Do quoi l'a-t-il racheté ou délivré ? Nous n'en
suivant, son premier jnjjement. et écrivit un savons rien. Les expressions pompeuses, par
bref à Ba'ius, iiotir l'enfiagei à se soumettre les(]uelles l'Iïcriture sainte nous vante le
sans tergiversation. Bi'ius hésita quelque bienfait de la rédemption , les actions de
temps, el se soumit enlin, en dnnnani à Mo- grâces que l'Eglise chrétienne en rend à
rillon une révocation i!es propositions con- Dieu, le titre de Sauveur du moii'le, etc.,
damnées. M is après la mort de Josse Baves- sont des mois vides de sens : le dogme fou-
tin, arrivée en 1570, Ba'ius cl ses disciples damental du christianisme n'est qu'un rêve
reuT èrent de nouveau, (irégoire XIII, pour de l'imagination. — Si au moins ce système
niellre fin à ses troubles donna une bulle le était consolant, capable de nous inspirer l'a-
29 janvier 1570, en confirmation de celle de iiiour de Dieu el le goût des bonnes œuvres.
Pie \ son predéci-sseur, el choi^il, pour la on ne serait plus surpris de l'opiniâlrelé avec
faiie accepter par l'université de Lonyain, laquelle il a été soutinu; mais il n'eu est
François "Tolet, jésuite, el depuis cardinal, ancun qui soit plus propre à désoler et à
Alors' Baïus rétracta ses propositions, et de décourager les âmes veriueuses, à faire en-
vive voix, it par un écrit signé de sa main, visager Dieu comme un tyran, el notre exis-
dalé du 2'i- mars 1580. Dans les huit années tence comme un malheur. Il esl très-taux
suivantes jnsi|u'à la mort de Ba'ius, les con- que saint Augustinen soit l'auteur; s'il l'clail,
Icstations se réveillèrent, et ne furent assou- comme on ose le préiendre, il s'ensuivrait
pies que par un corps de doctrine dressé par seulement qu'après avoir mil raisonné con-
les théologiens de Louvain, el adoplé par tre les manichéens, il a encore plus mal ar-
ceux de Douai. Jacques Janson, professeur gumenlé contre les pélagieii>, et qu'entraîné
de ilié(dogicà Louvain, voulut ressusciter les par la chabur de la dispute, il esl tombé
opinions de Baïus, el en chargea le fameux dans des excès répréhensildes; mais il n'en
(iornéliiis Jansénius, son élève, c,ui, dans esl rien. l'o//. Svnt Augustin.
son ouvrage intitulé Aiujiisiiuus, a renou- Nous ne sommes pas surpris de voir un
velé les prineipi s et la plupart des enoins luthérien tel (ine Jlislie in confondre cnsem-
de Baïus. Voy. .I,vnséni-mk. (Jiiesnel en>uit>4 ble les opinions de Luther, de Baïus, de Jan-
a répété mot pi'ur moi, dans i-c^ liéflrsioiis séiriis, tles augusiiniens , des llioniisies ;
morales, un grand no i. lire de propo itions supposer que c'est le senlioient de saint An-
condamnées par Pie V^ el Grégoire Xlll. gosiin, et prèh'ii ire ((ue l'on n'eu a jamais
Voy. QuKSNi Li.isMK. montie la iiilïrrenc. . Hi^l. ercléf. du svi*
Il n'est |ias nécessaire d'être profond lliéo- siècle, sei 1. :t. i" part., c. 1, § .'1<S. Oii pi'ul la
logien .pour démontrer que le svsième de croire quand on n'a pas lu les ouvrages <lo
Baïus est absurde en lui-même. Sur ipioi ce sa ut docteur, el que l'on ne s'est pas don-
fondé soulieut-il que Dieu devait à la nature né la peine tle confronter les divers systè-
481 BAL
mes; mais an Ihénlo^icn bien instruit sait
aisôinciil les disliiiiiuer.
L'.ipologie que U^iïus a faite de ses propo-
sitions coniiaiiiiiées n'est ni sincère ni solide;
il ne les jiislifii; (lu'en abusant des pas<;iges
de saut Paul et de saint iVu.;usiin, comme a
fait Lullier, et comme font encore tous les
faux aususiiiiiens.
KAISKU DR PAIX. Vny. Paix.
lîALAAM, prophète appi'iv- par Bal.ic, roi
des Moaliitcs, pour maudire les Israéliies;
Dieu le fore 1 de les bénir et de prédire leur
prospérité future (.Vi(»i. xxn , 17). Il sortira,
dit-il, une étoile de Jacob, et il s'élèvera un
sceptre dans Israël, qui gouvernera tous les
enfants de Setli, par cou-équenl loiis les
hommes, puisque, depuis le déluge, il n'est
rpsté au iiidiicle (|ue la posiérile de Seih. Le
Targum ou jiar.iplirase d'Oiikelo*, et celui
de Jonathan, Maioiouidc et d'autres savants
rabl)ins, oui appliqué cette prophétie au
Messie. Les rommemateurs chrétiens n'ont
do'ie pas Iciri de l'enlcndre de même.
Le< iiirréiliiles ont fail des railleries insi-
pide* Mir ce qui est dit {Num xxii, 181, que
hien fil p irlei' l'ànesse sur lai|iieile liatnniii
éta t monté ; ils ont regardé celle iiarr.iliou
comme une fable ridiciiie. Mais nous ne
vo ons pas pourquoi il éliiit plus indigne do
Dieu de faire pa 1er un animal (jue de faire
enli iidre une voix en l'air, ou de se sec\ir
d'un autre signe pour intimer ses volontés à
un prophète. On ne peut, sans roniredire le
texte sacré, suppos'r que Babiam était un
faux prophète, un infidè e, un idolàite, |)arce
qu'il demeurait p.irmi les Amnoniies ; il est
évident, par la narration de Moïse, que cet
homme connaissait et .idorait le vrai Dieu ;
il ne partit, pour se rendre à l'invita! ion du
roi des Moaniies, qu'après avoir con-ulté le
Sei:;neur, et après en avoir reçu une ()er-
nlis^ion expresse. Si donc l'ange du Sei-
gneur lui dii, chap. xxn, v. 32 : Ton voi/nge
eft c iminci et lonlraii e à mon dessein, c'est
proli.ilileinent piirce que ce pr pliète médi-
tait en lui-même commeni il pourrait conci-
lier les ordres de Dieu avec les vues du roi
des Muabiies, afin de ne pas être privé d'une
récompense. La manière dont saiul Pierre
en parle (Jl Episl. ii, 15j ne paraît pas signi-
fier autre chose. Au reste, les commenla-
leurs ne s'accordent pas trop sur l'idée que
l'un peut avoir de ce personnage. — De sa-
vants critiques en ont pris occasion de trai-
ter une question, qui est de savoir si Dieu
peut se Servir des personnages vicieux ,
même des inOdèles et des idolâtres, pour
préilire l'avenir. Plusieurs exemple* allé-
gués dans l'Ecriture sainte prouvent que
Dieu l'a fait par d'autres que pir lialaam.
Le prophète Alichée (m, 11) accuse quel-
ques-uns de ses confrères de prophétiser
pour de l'argent; il ne dit pas néanmoins
que c'étaient de faux prophètes. Dans le li-
vre de Daniel (h, 1), nous vojons que Dieu
envoie un songe prophétique à Nabuchodo-
nosor, prince idolâtre, quoiqu'il connût le
vrai Dieu. Jésus-Christ [Matth. vu, 23) dit
qu'au jour du jugeuient il réprouvera des
BAI.
482
hommes qni se vanteront d'avoir prophétisé
et f^iit des miracles on sou nom. Saint Jean
( 1,31) nous apprend que l^jiïphe, en quiLté
de pontife, prophéiisa que Jésns-I]brist mour-
rait non-seulement pour sa nation , mais
pour rassembler les enfants de Dieu. Proba-
biemenl il (il celte préiliciion sans le vouloir
et s;ins eu roiii|irendre le sens. Noie de Mos-
h iin sur didwiirili, c. 5, § 89, à la lin.
Oiianl aux prediciious qui avaient cours
parmi les païens, voi/. Oracle.
BALE (coïKiie de). Il est reçu en France
comme œcumeni(|ue , du moins jus(!u'à la
vingt-sixième session. Il fut assemblé l'an
1431, et dura jusqu'à 14-5i-.i; m.iis la dissen-
sion entre le concile et le pape Eugène IVcom-
mença dès l'an l'i37, à la vingt-sixième ses-
sion, et dura jusqu'à la fin. li avait été con-
voque en vertu du décret du concile général
de Constance, qui .avait ordonné, session 39,
que dans cinq ans il se tiendrait un nouveau
Concile général.
Les deux principaux objets du concile de
Bdle étaient la réunion des Grecs avec l'E-
glise romaine, et la réformalion générale de
l'Eglise, tant dans son (hef que dans ses
memhres, suivant le projet qui en avait été
fait au concile de Constance. Cou séquem ment
il déclara, dans sa seconde session, qu'il te-
nait son pouvoir immé liatemenl de Jésus-
Christ , (lue toute personne quetconqui; ,
même le pape, était obligée de lui obéir dans
ce qui regardait la foi, l'extirpation du schis-
me et la réforme générale de l'Eglise dans
son chef et dans ses membres. Ce décret est
censé avoir été confirmé par le pape lui-
même, puisqu'il donna une bulle par la-
quelle il déclarait que, quoiiju'il eiit cassé lo
concile de fifl/e, légitimement assemblé, néan-
moins, pour éviter les dissensions, il recon-
naissait que ce concile avait été légiiimement
continue depuis son commencement, et de-
vait 1 être à l'avenir; qu'il l'approuvait dans
ce qu'il avait ordonné et décide, et déclarait
que la dissolution qu'il en avait faiie était
nulle. Celte hu'le fut reçue et publiée dans
la seizième session, le 5 février 1431. — Le
concile lit ensuite plusieurs canons de disci-
pline touchant les mœurs du clergé, con-
damna et siipprim,) les annales.
Mais après l,i viuglcinquième session, te-
nue en li37, le pape transféra le concile de
liùle à Ferrare, et deux ans après à Flo-
rence. Comme les Pèri'S de Bdle s'obsti-
nèrent à y continuer leurs assemblées, et
procédèrent juridiquement à la déposition
du pape; depuis ce moment le concile de
Bdle ne put plus être envisagé comme légi-
timement assemblé : aussi les évéques s'en
retirèrent peu à peu, et sentirent que tout
ce qu'ils feraient u'aurait plus aucune au-
torité.
11 est fâcheux ((ue ce concile n'ait pas eu
une plus heureuse issue ; les décrets de dis-
cipline i|ue l'on y dressa étaient très-sages.
Plusieurs même ont été suivis, surtout en
France, comme ce qui regarde l'établisse-
ment des professeurs des liingnes hébr<iïque
et giecque dans les universités, la fréquenta-
485
BAP
BAP
481
lion des «•xcnmmtiniés, la prpscrip|îon en fa-
vear de cpux qui ont possédé paisibl ■ment
un bénéfice pendant trois iins, la récilalion
de l'office divin, la suppression des expecta-
tives de la cour do Rome, les privilèges des
gradués, etc.
On prétend que le haut cierge d Allema-
gne demande aujourd'hui l'exécution des
décrets de ce concile, Merc. de France du 2
décembre 1786.
Les actes originaux de ce concile sont
conservés dans les archives de la ville de Bd-
le, et il y en a une copie authenti(]ue à la bi-
bliothèque du roi. Hist. de l'Eglise gallic, t.
XVI, I. sLvii, an. 1431.
BANNIÈRE d'église. C'est une espèce de
drapeau ou étendard de couleur, sur le-
quel est peinte ou brodée l'image du patron
d'une église, et qui se porte à la télé des pro-
cessions. Lorsque plusieurs paroisses vont
en procession au même lieu de dévotion,
chacune se reconnaît et se rassemble à sa
bannière. Lorsqu'il y a plusieurs confréries
ou associations de dévotion dans une même
église, chacune a sa bannière, à laquelle les
confrères ou consœurs se réunissent, pour
mettre plus d'ordre dans les processions.
Voy. GoNFâLON ou GONFANON.
BAPTÊME (1), sacrement qui efface le
péché originel, et qui nous fait chrétiens,
enfants de Dieu et de l'Eglise. Jésus-Christ
l'a institué en disant à ses apôtres (MuUh.
XXVIII, 19) : Allez, enseignez toutes les na-
tions, et baptisez-les au nom du Père, et du
Fils, et du Saini-Espril (2).
Le root Baptême, en général, signifie lo-
tion, immersion, du mol ;;rec ^«nxa ou ^cm-
TiÇw, je lave, je plonge. Tous les peuples ont
compris que l'aclion de laver le corps élait
(1) Nous avons exposé les principales questions
qni eoiicerneni le baplêiue dans notre Dictionnaire de
Tliéoliigie morale.
(2) Il est (le fui que le baptême est un sacrement
de la loi nouvelle (Conoit. ï'nrf., sess. 7, can. I). Il
est de foi que le baplèiue conféré suit aux enfaiils ,
soit aux adultes, apiilique les mentes de Jésus-Christ,
douiie la grâce, remet le péché originel el tout ce
qui participe de la nature du fâché [Concil. Trid.,
sess. 5, eau. 3 el 5). Il est de foi que le bupiêine
est le moyen conimuiiémenl et ordinairemeul requis
pour obtenir le salut {éonn. ni, 5; Coiicil. Carlh., an.
416). Le martyre et la cliarilé parfaite peuveritcepen-
dant suppléer le baplèuie lorsqu'il n'est pas possible de
le receviiir (Voy. les rouis t^UARiTÉ pabfaiti; el Mar-
tïbe). L'eau vérit;ible el naturelle esl de nécessité
de sacrement pour l:i validité du liaplrme (Cmiri/.
Trid., .sesS. ,7, on. 7). l'oiir ennrcrcr valuleineiil le
baiilèine, il nuit absiilnnicut invoquer les trois piT-
soimes de la Trinilé (Malili. xxviii). Pour la validité
du biipiême, il n'est pas ni'ce saire que celui qui
le conlère ail la foi (Coiicil. Trid., sess. 7, eau.
•4). Les enfants sont capables de recevoir le bapiénie,
il ronvieni île le leur coulérer (Concti. Tnd., ses>.
7, can. li, !.■>, 14). Il n'est jamais permis de réité-
rer le bapiéme, même eu faveur de celui quia alpjuré
la foi (CoHCil. Trid-, sess. 7, can. 11). Le souvenir
du bapléme, ou la contiaiioe ilaiis le liiipéuie reçu,
ne remettent ni ne diiiiinueiil le-, péctiés commis
après le bipiême [Cmicil. Tnd., sess. 7, eau. 10).
Le baptême de saint Jean n'av.iit ni la même natu-
re, ni la même ellicacité que celui de Jésus-Clirist
{Lonàl. Trid,, %m. 1, c«n. 1).
an symbole de la purification de l'âme. Les
.liiifs appelaient baptême cerl;iines ptirifica-
lions légales qu'ils prali juaienl sur leurs
prosélytes après la circoncision. On donne le
même nom à celle que pratiquait saint Jean
dans le désert à l'égard des Juifs, comme une
disposition de pénitence pour les préparer,
soit à la venue de Jésus-ChrisI, soit à la ré-
cpplion du baptême que le Messie devait
instituer. Celui-ci est absolument différent
du baptême de saint Jean, par sa nature, sa
forme, son efficacité et sa nécessité, comme
le prouvent les théologiens, contre la pré-
tention des luthériens el des calvinistes.
C'est Jésus-Christ qui a donné à celle céré-
monie la force d'effacer le péché. Voy. la
Dissertation sur les trois baptêmes , Bible
d'Avignon, tom. Xlll, p. 199.
Le baptême de l'Eglise chrétienne esl ap-
pelé dans les Pères de plusieurs noms relatifs
à ses effets spirituels, comme adoption, re-
naissance, régénération de l'âme, illumina-
tion, etc.
Ce sacrement a été rejeté par plusieurs
anciens hérétiques des premiers siècles, tels
que les ascodrules, les inarcusiens, les va-
lentiniens , les quinlilieiis , qui pensaient
tous que la grâce, qui est un don spirituel,
ne pouvait être communiquée ni exprimée
par des signes sensibles. Les archoiilii|ues
le rejetaient comme une mauvaise invention
du Dieu Sebahoth, c'tsl-à-dire du Dieu des
Juifs, qu'ils regardaient comme un mauvais
principe. Les séleuciens et les hermiens ne
voulaient pas qu'un le donnât avec de l'eau;
ils employaient le feu, sous prétexte que
saint Jean-Baptiste avait assuré que le Christ
baptiserait si s disciples dans le feu. Les ma-
nichéens, les pauliciens, les massaliens, le
rejetaient également. D'autres en ont altéré
la forme. Ménandre baptisait en son propre
nom ; les éluséens y invoquaient les dé-
mons ; les niontanistes joignaient le nom de
JMontan, leur chef, et de Priscillc, leur pro-
phétesse, aux noms sacrés du Père el du Fils.
Les sabelliens, les marcosiens, les disciples
de Paul de Samosale, les eunomiens el quel-
ques autres hérétiques ennepiis de la Trinilé,
ne baptisaient point au nom des trois Per-
sonnes divines : c'est pourquoi l'Eglise re-
jetait leur baptême, mais elle admettait celui
des autres hérétiques, pourvu qu'ils n'alté-
rassent point la forme prescrite, quelles que
fussent d'ailleurs leurs erreurs sur le fond
des mystères.
Les.cbréliens orientaux, grecs, jacobites,
syriens, égyptiens et éthiopiens, les neslo-
riens et les arméniens, dont pliisiiui t> so;il
séparés de I Eglise romaine di'puis douze
cents ans, ont conservé la même croyance
qu'elle louchant le biiplnne. Tous en recon-
iiaissenl la nécessite absolue, cl lui attri-
buent les mêmes elTcls (]ue nous ; ils re-
gardent comme nous l'eau naturelle seule
comme la matière de ce saiTcn)ent; ils l'ad-
ininistrciit pir trois immersions. La seule
dilVérentc qu'ils mellcnt dans la forme, c'est
qu'au lieu de dire comme nous, Je le bap-
tist, etc., ils disent: Un tel e$t baptisé au
f
ISS
BAP
BAP
«86
nom du Père, efc. Tous observent les Ptor-
cis;nes ri les iiulres côrémuiiios du baptême;
mais dans le cas de nécessité ils les suppri-
ment ( Perpét. lie la foi, lom. V, liv. ii. c. 1
et suiv.). Les proleslants avouent que le
baptême est un sacrement; mais tous n'en
reconnaissent pas égalemenl la nécessité et
les edels ; tous en ont supprimé les céré-
monies.
Conséiiucmmenl les théologiens catholi-
ques sont obligés d'examiner, 1° quelles
sont la matière, la forme, les cérémonies du
baptême; 2° ((ui en est le ministre, ou |)ar
qui ce sicremenl peut élre validement ad-
ministré ; 3" quelles personnes sont capables
de le recevoir; 4" (piels effets il produit;
5° do quelle nécessité il est ; G" quel est le
sort éiernei de ceux qui meurent sans avoir
eu le bonheur d'être baptisés. Nous tâche-
rons d'abréger toutes ces questions.
I. De lu matière, de la forme, des cérémonies
du baptême. Le sentiment universel de tout
les cliréliens est que l'eau naturelle de fon-
taine, de rivièie, de pluie, est la seule ma-
tière avec laquelle on puisse baptiser vali-
tleu)eni ; Jésus-(]lirisl l'a ainsi déierininc, en
disant : Si quelqu'un n'est pas régénéré par
l'kau et pur le Saint-Kspnl, il ne peut pas
entrer dans le royaume de Dieu [Joan. m, 5).
Toute autre liqueur, soit aililicielle, soit na-
turelle, ne peut êlre employée pour baptiser.
Ainsi l'a décidé le concile de Trente, sess. 7,
de Bapt., can. 2. Miiis l'Eglise chrétienne,
toujours attentive à professer sa foi par ses
cérémonies, a été, dès les premiers siècles,
dans l'usage de bénir l'eau des fonts baptis-
maux par des prières particulières ; ç'.i été,
de la part des protestants, une témérité très-
condamnable de supprimer et de blâmer
cette béuédiition. Yoy. liàu bénite, Eau du
BAPTÊME.
La forme ou les paroles par lesquelles ce
sacrement est administré, sont : Je le baptise
au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Es-
prit; et ce sont lis propres paroles de Jésus-
Christ. Dans l'Eglise grecque, le prêtre dit :
Un tel es(, baptisé au nom du Père, etc. Quel-
ques théologiens ont douté autrefois si celte
forme était valide, parce qu'ils prenaient
mal le sens de la formule des Grecs ; ils
croyaient qu'elle signifiait : Qu'un tel soit
baptisé, etc. Aujourd'hui personne ne doute
que ce baptême ne soit valide. Dans quelques
sociétés protestantes, la (oulume s'était in-
troduite de faire verser l'eau sur la télé du
baptisé par un diacre, [lendaiit que le minis-
tre, placé dans la chaire prononçait la for-
mule du baplême. Alors le baptême était
nul, pui>que !e sens littéral des paroles n'é-
tait pas verilié ; le ministre n'aurait pas dû
dire : Je te baptise, mais Je te fais baptiser ;
nous ignorons si cet usage subsiste encore
quelque part.
On a toujours cru sans contestation que
l'invocation expresse des trois Personnes
divines est absolument nécessaire, et c'est
principalement par celte formule du baptême
que l'on a prouvé autrefois aux ariens et à
d'autre» hérétiques l'égalité et la consub-
stantialité des trois Personnes de la sainte
Trinité ; de manière que le baptême conféré
au nom de Dieu, ou ou nom df Jésus-Christ,
serait censé nul. L'Eglise fui toujours très-
atleiitive à. examiner si les hérétiques chan-
geaient quelque chose à la formule de ce sa-
crement ; et toutes les fois qu'ils ont eu
Cette témérité, elle a rejeté leur baptême.
Quelques incrédules modernes ont écrit
que le baptême conféré au nom des trois
Personnes fut adopté par les sectateurs de
Platon, devenus chrétiens, parce qu'ils y
trouvaient les sentiments de ce philosophe
sur la Divinité. Ces savants critiques ont
ignoré sans doute que c'est Jésus-Christ lui-
même qui en a dicté et prescrit la formule
à ses apôtres, et que ses disciples ont baptisé
sous ses jeux [Joan. iv, 2 ). Il ne reste plus
qu'à prouver que Jésus-Christ a été disciple
de riaion. Yoy. Tiunité.
Quant aux cérémonies qui précèdent, ac-
coiiipagnenl el suivent ce sacrement, oa
croit avec raison qu'elles sont d'institution
aposloIique;elles n'auraient pas été aussi uni-
versellenienl adoptées, si elles n'avaieiil pas
eu pour auteurs les fondateurs même du
christianisme. Les constitutions apostoli-
ques, les plus vieux sacramenlaires, les Pè-
res du 11" et du iii* siècle en font mention,
non comme de rites institués récemment,
mais comme d'usages observés partout. Les
uns parlent des instructions et des exorcis-
mes dont le baptême était précédé; les au-
tres, du renoncement au démon, à ses pom-
pes et à ses (uuvres, el des promesses que
faisait le catéchumène ;les uns, de l'iminer-
sion ou de l'infusion de l'eau répétée trois
fois ; les autres, des onctions faites au bapti-
sé, du signe de la croix imprimé sur son
front, de la robe blanche dont on le revê-
tait, etc. Tout cela était jugé nécessaire pour
donner au nouveau chrétien une haute idée
de la grâce qu'il recevait, et des obligations
qu'il contractait. En traitant ces cérémo-
nies de superstitions, el en les supprimant
comme des abus, les protestants ont évi-
demment témoigné que leur croyance tou-
chant le baptême n'est plus la même que
celle de l'Eglise primitive; si elle en avait
eu une idée aussi basse et aussi abjecte
qu'eux, elle aurait baptisé comme eux sans
aucun appareil, en versant l'eau d'une ai-
guière sur la tête du baptisé, dans un plat
bassin. C'est principalement dans les cxor-
cismes du baptême qu'au commencement du
V" siècle on prouvait, contre les pélagiens.
que les enfants, avant d'clre baptisés, son:
sous la puissance du démon, par conséquent
souillés du péché.
Mosliim, dans ses Dissertations sur l'hi-
stoire ecclésiastique, t. 1, p. 215, prétend que
plusieurs cérémonies du baptême ont été em-
prunlées des pa'i'ens ; que les exorcismes en
particulier sonl relatifs à ce que les platoni-
ciens croyjiienl des démons. Dans son His-
toire ecclésiasiique da t" siècle, \i' part., c. 4,
§ 1 el 2, il dit que les apôtres el les disciples
du Sauveur tolérèrent par nécessité, ou éta-
blirent, pour de bonnes rai$oas, différentes
487
B\P
BAP
488
cérémonios relatives nu temps et aux circon-
glaiit cs.llco'ueiiail, (lil-il,d :ns ces preruiers
teniiis, d'iivoir queli)ues égards jiour les nn-
cii'iines opioioiis, pnur les riKBuis et les lois
des différentes u.iiions auxi|(iellcs on prê-
cliail rEvaM<;ile. lio.iusobre dit que les exor-
cismcs d'- IVau et les oikIIoms du baptême
sont venues di s valenliniens. O'iiuties <Mit
pensé que les apôlri's av.ilent éialili d.ins
ques Eglises drs i érérnoiiles juives ; u)ais
Mi>sheini n'.'sl pis de cei avis. Les iiicridules
n'ont p3S manqué d'alfirmer posilivemeiit
que nos céré nonies sont des restes de paga-
nisiie : Calvin, encore plus foujjueux, a dit
qu'elles ont été inventées [lar le diable. —
Impiété e( fanatisme anli-rcligieus. E>l-il
croyable que les apôlies, qui onl iispire aux
fidèles tant d'horreur pour I s usages, pour
les mœurs, pour les praiiques îles pa'ens,
aient conservé quebjues-uuis de leurs céré-
monies, ou aient voulu ménaifer leurs opi-
nions? La plupart des cérémonies religieuses
avaient été en usage parmi les adoraieurs
du vrai Dieu, avant d'être prof inées par les
païens; pourquoi ne les aurait-on pas rame-
nées à leur première destin ilion ? Jesus-
Chiist lui-même en avait ilonné l'exemple ;
il souffla sur les apôtres, p ur leur donner
le Sainl-Esprii, il imposait les mains sur les
malades, il toucha les oreilles et la bouche
d'un sourd et muei pour le guérir, il mit de
la boue sur les yeux d'un aveugle-né, etc.
Il exorcisait les possédés pour les délivrer;
quelques incrédules ont dit qu'en cela il imi-
taii les magiciens. Les apéires n'uni donc
pas eu besoin de la doctrine de Platon tou-
chant les démons, ni des idées païennes,
pour insliluer les cérémonies du bapCéme.
Voy. CÉiiÉMONiEs, Exorcisme.
Quand les réflexions de Mosheim seraient
aussi vraies qu'elles sont fausses, il s'eusui-
Traii déjà que les préiendus réformateurs
n'ont pas imité la sagesse et la charité des
apôtres. Ils onl trouvé les cérémonies éta-
blies et pratiquées dans toute l'Eglise chré-
liriine depuis quinze siècles ; les fidèles y
étaient accoutumés et elesnedonnaient lieu
à aucune erreur; lesprédieanls les onl ban-
nies ; ils les ont taxées de superstitions et
d'idolâtrie : ils n'ont pas eu pour les mceurs
et les habi udes des eatholiijues la même
condescendance (pie les apôtres, selon Mos-
heim, ont eue pour les mœurs des nations
païennes auxquelles ils prêchaient l'Evan-
gile ; il nous parait que celle diffi'rence ne
leur fait pas honneur. Dans l'ariiclc Eau
b^;mtr:, nous prouverons, contre Heausobre,
que la béncdiition de l'eau n'est point une
superslilion, ni un rile en)}>runlé des héré-
tiques. — .\ la vérité il y a eu quelques
changements lé;;crs dans la manière d'admi-
nistrer le haptéiiie; mais les rites princl(iaux
onl toujours été conservés. Autrefois on le
donnait par une triple immersion, comme
font encore les Orientaux, et cel usage a
duré dans l'Occident jus()u'au xir siècle.
Dans le vr, quelques calhoiiques d'Espa-
gne ne fais. lient qu'une seule immersion,
de peur,Uisaieul-ils,<luc Icsaiicns Vi^iguths
n'imaginassent que par la triple immersion
l'on divisait la Trinité; mais cette raison
locale ne fil point d'impression sur les au-
tres Eglises. La coutume de baptiser par
inrusiiii, en versant de I eau sur la tête, pa-
rait avoir commencé dans les pays septen-
trionaux, où l'usage du biin est impratica-
ble pendant la plus grande partie de l'année,
el elle s introduisit eu .\ugleierre vers le
IX' siècle- Le concile de Cal but ou Celcliylh,
tenu en 816, ordonna (|ue le prêtre ne se
coulent Tail pas de vi r-er de l'eau sur la
tête de l'i nfini, m is qu'il la plmigirait .la jS
les lonls b.iplismaiix. » oij, Immeusion. Nous
voudrions s.ivoir pourjU.ii 1 s prulesl.iiils,
qui font profession d'imiter scrupuleusement
l'Eglise primitive, n'ont pas renouvelé l'u-
sage de doiiii r le baiitême i ar immersion.
Les écrivains e<'(i<!sias iq les parleul de
plusieurs cér.'inonics i|ue i u i pratiijuait au-
tr. fo.s en administrant ce sa. reiiieul, el qui
ne se lo il plus, ou dont il ne re^t ■ que de
légères Ir.ices, comm • de ilooner aux nou-
veaux bipli-é> du laii ei du lOi I it.ins l'E-
glie d Orient, du un et du iniel dniis C'Le
d'OLTiJeni, lie les revêtir d'une roue n anche,
de leur d.muer incoiiliiu:ni la confirma-
lion el l'eucha islie. AncU Sacr.,iiieiil., pat
Grandcolas, ii' |iarl., pag. 1,
Le temps aui|iiel ou .idministr.iit solen-
nellement le baptême était la lete dr Pâques
et cel e de la l'ei.lcôte, non pas pa.ce que
la saison est alors la pus faioralile aux
bains Iruids, comme l'a rêvé un médecin an-
glais, m.iis à cause des deux giands mystè-
res que l'on célèbre ces jours la. D. Claude
de ^'erl avait avancé que l'uiigine du baptê-
me est venue de la coutume Ue l.iver les en-
f.inls imméilialement a|j'ès leur naissance.
M. Langiiet a lait voir que Jésus-Chrisl n'a
eu aucun igard à cel usage en instituant ce
saeremenl ; que, quand saint Paul a dit que
lorsque le baptisé est plongé dans l'eau el
en soit, c'est une ligure de la sépulture et de
la résuriei lion de Jésus-Chrisl, il n'a fait
que de développer le vr.ii »eiis de la cérémo-
nie et rinleiitlon du Sauveur ; que Ls noms
de régénération, de vie nouvelle, etc., dont il
s'est seivi, ne sont poini des mor<ililes ni
des mel.iphores empruntées des Juifs ; que
quoique le baptême ne se donne plus au-
jourd'hui par immersion, il ne laisse pas de
repiesenier sufiisammenl riuteuliuii de Jé-
sus-Christ el les leeons de saint Paul. Du vé-
rituelle esprit des Céréin. de l'Eyltse, § Iti el
suivants.
il iinporie fort peu de savoir si les Juifs
pr.'iti(|uaienl une espèce de baptême à l'é-
go'rd de leurs prosélytes, el quell idée ils y
atlachaieni ; ( e qui est ilit dans l'Evangile,
du baptême de S <int Jeaii-ltaptiste, ne nous
instruit |ias beaucoup; nou.s voyons, par la
c.inversation qu.' Jésus-CInist eut avec. Ni-
codème , touchant la règénéraliou .spiri-
tuelle, que ce docteur juif lut fort elouué de
l'idée que le Sauveur Jui eu donnait (Joan. m,
ô J ; il n'y a donc aucune ressemblance entre
te qui >c faisait chez les Juifs el ce que Je-
8us-Clirisl a instiluo.
489
UAP
BAP
i'.A,
II. Du ministre du baptême. Il est prouvé,
pnr Ips Actes des .ipi'Xres et par les lettres
de saint Paul, qu'ils baptisaient ceux qui
croyaient en Jésus-Clirist ; m.iis qu'ils pré-
fér;)ient à cette fonction celle d'annoncer
l'Evangile ( / Cor., i, 17). Il y ii donc lieu do
penser qu'ils se déchargèrent de ce soin sur
les diacres ou sur les laïques. Aus>.i, selon
la pratique de l'Eglise, il a clé établi que les
évéques et les prêtres sont les ministres ordi-
naires de ce sacrement ; mais que dans le
cas de nécessité il peut être administré par
toutes sortes de personnes, même par des
femmes.
Au III' siècle il y eut une dispute assez
vive pour savoir si le buptéme «idministré par
les hérétiques était valide; les évêques d'A-
frique, à la léle desquels était saint Cyprien,
prétendaient que ce baptême était nul, el ils
s'autorisaient de la coutume établie parmi
eux, de rebaptiser ceux qui l'avaient reru.
Le pape saint Etienne leur opposa la prati-
que de l'Eglise de Rome, qui était univer-
sellement suivie hors de l'Afrique, et qui
était plus ancienne que la leur : N'innovons
rien, leur dit-il, lenons-nous'en à la tradi-
tion, llègle invariable, que l'Eglise catholi-
que a toujours observée, el qu'elle suit en-
core, qui démontre la fausseté du fait dont
les prolestants voudraient se prévaloir; sa-
voir, que les apôtres n'avaient point établi
de discipline unifornu', qu'ils avaient laissé
aux diiïérenles Eglises la liberté de faire ce
qui leur paraîtrait le plus convenable, et
qu'ils n'avaient donné à personne l'autorité
d'en juger, ni le soin d'y veiller. Après quel-
que temps de lésisiance, les évêques d'Afri-
que sentirent la sagesse de la règle alléguée
par le pape et la nécessité de s'y conformer.
Voy. Kebaptisants. Il est donc demeuré
pour constant que le baptême donné par les
hérétiques est valide, à moins qu'ils n'aient
altéré on la matière ou la forme de ee sacre-
ment. C'est encore la décision du concile de
Trente, sess. 7, de liapt., can. h.
III. Des personnes capables de recevoir le
baptême. Il est évident que ceux qui reçu-
rent le baptême de la main de Jésus-t^brist
et des apôtres étaient des adultes, et qu'a-
vant de le leur donner, Jésus-Christ et les
apôtres exigeaient d'eux la loi : Allez, dit le
Sauveur, enseignez toutes les nations et bap-
tisez-les (Mallh. XXVIII, 19). Prêchez l'Evan-
gi'e à toute créature ; celui qui croira et rece-
vra le HAPTÉME stra sauvé, celui qui ne croira
pas sera condamné {Marc, xvi, 15). Les apô-
tres baptisèrent ceux qui avaient cru à la
prédication de saint Pierre (Act. , ii , kl).
Saint Philippe dit à l'eunuque de la reine
Landace : Si vous croyez de tout votre cœur,
vous pouvez recevoir le baptême (viii, 27,
etc.). De là les anabaptistes et les sociiilens
ont conclu que la foi actuelle est une dispo-
sition nécessaire pour le sacrement ; que les
enfants étant incapables d'avoir la foi, ne
doivent point être baptisés ; que s'ils l'ont
été, il leur faut renouveler le baptême lors-
qu'ils sont parvenus à l'âge de raison et suf-
fisamment instruits. Cette doetrine est une
DiCT. DE TllÉOL. DOGMATIQUE. I.
conséquence naturelle de relie des protes-
tants, qui enseignent que la grâce de la jus-
lificalion est l'effet non du sacrement, mais
de la foi, et que toute l'elficacile du sacre-
ment consiste à exciter la foi. De là s'est
ensuivie une autre erreur ; c'est que comme
le baptême n'est pas le seul mo>en C'ipable
d'exciter la foi, ce sacrement n'est pas abso-
lument nécessaire ; et pour le soutenir, il a
fallu nier le péché originel : ainsi s'enchaî-
nent les erreurs ; nous ignorons pouripiui
tous les protestants n'ont pas raisonné de
même. — Nous réiiondons d'abord que le
meilleur interprète du sens de l'Ecriture
sainte est la pratique constante et univer-
selle de l'Eglise : or l'usage a été, dès le
commeneemenl du christianisme, débaptiser
les enfants, comme le témoignent saint Iré-
née, adv. Bœr., I. m, c. 22, Origène, saint
Gvprien, el les Pères postérieurs, quoique
cet usage n'ait pas été d'abord généralement
observé. On peut même le prouver p.ir une
lettre de l'hérésiarque Manès. (Saint Augus-
tin. Op. imperf., I. m, u. 187.) Les sociniens
ne le nient point; mais ils prétendent que
c'est un des abus qui s'introduisirent dans
l'EL'Iise incontinent après la mort des apô-
tres. Ils ajoutent que le baptême des enfants
n'est fonde sur aucun passage de l'Ecriture
sainte ; nous soutenons le contraire. — Dans
saint Maitbieu, chap. xix, v. li, Jésus-Christ
dit : Laissez approcher de moi les enfants,
tels sont les héritiers du royaume des deux.
Or, il dit ailleurs que l'on ne peut pas en-
trer dans le royaume de Dieu, si l'on n'est
)ias régénéré par l'eau et par le Saint-Esprit.
Donc les enfants sont capables de cette régé-
nération. Il est dit de quelques-uns des pre-
miers fidèles , qu'ils ont été baptisés arec
toute leur maison (/ Cor. i, 16, etc.). Les
enfants ne sont pas exceptés. D'ailleurs,
nous prouvons par l'Ecriture, contre les
anabaptistes, les sociniens et les protestants,
(jne les enfants naissent souillés du péché
originel ; que celti; taehe est effacée, non
par la foi, mais par le baptême; que ce sa-
crement est absolument nécessaire : donc
c'est leur système, et non pas le nôtre, qui
est contraire à l'Ecriture sainte. Quand ils
nous parlent de prétendus abus introduis
dans l'Eglise immédiatement après la mort
(les apôtres, nous les prions d'être moins té-
méraires, et de présumer que les disciples
immédiats des apôtres ont dû connaître ce
qui était ou n'était pas abusif, pour le moins
aussi bien que les raisonneurs du xvr' siè-
cle. C'est donc avec raison que le concile de
Trente a condamné le sentiment de ces der-
niers touchant le baptême des enfants, sess.
7, de Bapi., can. 13. Mais nous ne voyous
pas de quel droit les ])rotestants, en suivant
leurs principes, peuvent blâmer les soviniens
ni les anabaptistes.
On convient aujourd'hui que l'on ne doit
pas baptiser les enfants des infidèles, mal-
gré leurs parents, à moins que ces enfants
ne soient en danger de mort ; non-seulement
parce que celte espèce de violeuee faite aux
pères et mères est contraire au droit naturel
16
^* m
qu'ils ont sur lears enfants, mais encore
parce que ceux-ci, devenus grands, seraient
exposés à profaner leur baptême par l'upos-
lasie à laquelle ils seraient engagés par leurs
parents.
Dans les premiers siècles, plusieurs chré-
tiens différaient U'arhapléme ia»(\a'à la mort,
et le recevaient au lit pendant leur dernière
maladie : les uns agissaient ainsi par humi-
lité, et parce qu'ils craignaient de n'être pas
encore assez bien disposés ; les autres par
libertinage, aGn de pé( her plus librement,
dans l'espérance que tous leurs péchés se-
raient effatés par le baptême. L'Eglise n'ap-
prouva ni les uns ni les autres, elle s'éleva
même hautement contre la négligence des
derniers ; elle déclara irréguliers, les clini-
ques ou grabataires, c'est-à-dire, ceux qui
avaii'nt été ainsi baptisés au lit ; le concile
de Néocésaiée défendit de les élever aux or-
dres sacrés, à moins qu'il ne fût prouvé que
leur baptême n'avait pas été différé par un
mauvais moiif. Vny. Guniqdks. — On refu-
sait aussi, dans l'Eglise primitive, ce sacre-
ment aax personnes répnlées infâmes, en-
gagées dans des proicssiioiis criminelles et
incoinpatibles avec la sainlelé du christia-
nisme, à moins qu'elles ne renonçassent à
leur état. Tels étaient les sculpteurs et au-
tres ouvriers qui faisaient des idoles, les
femmes publiques, les comédiens, les co-
chers, gladiateurs, musiciens ou autres, qui
amusaient le public dans le cirque ou dans
l'amphithéâtre; les astrologues, devins, ma-
giciens, enchanteurs; les honunes passion-
nément adonnés au\ jeux du théâtre, les
concubinaires publics, ceux qui tenaient des
lieux de débauche, etc. ; ceux qui promet-
taient de s'en abstenir étaient mis à l'é-
preuve (Bingham, Orig. eccl., 1. xi, c. 3, §
6 et suiv.).
Saint P.iul (/Cor. xv, 30) dit : Si les morts
ne ressitscilent point, que font ceux qui sont
baptisés pour les moris ? à quoi bon ci: bap-
tême? De là quelques-uns imaginèrent que
l'on pouvait baptiser après la mort (es caié-
chumèncs qui avaient désiré le baptême, et
un concile de (^arihage condamna cci abus ;
daulres se ligurèreiu qu'un vivant pouvait
recevoir li- bup tente à la place du mort, et
lui obtenir ain i le pardon de ses fautes. Ter-
lullicn p;:rle de cette superstition dans son
livre de Re>urrcctionc Garnis, cl ((uelques l'è-
res l'ont allnbuée aux niarciunites. Il est évi-
dent que tous ces srclaires entendaient mal
le texte de saint Paul, et que ces abus n'é-
taient pas encore connus du temps de l'Apô-
tre ; mais les commentateurs, soit catholi-
ques, soit prolcsianls, ne sont pas d'accord
dans l'explicalion qu'ils ilonnenl de ce pas-
sage. Vvi/. la Synopse des Crit. sur cet en-
droil, et la Dissrrl. sur le baptême pour les
morts, mille d'Avignon, lom. XV, p. 'tlS.
IV. Des ejjets du baptême. Nous avons dé-
jà observe plusieurs conséquences diî l'er-
reur des protestants, qui enseignent que
toute l'efficacité des sacrernents consiste dins
In vertu qu'ils ont d'exciter (-n x'oas la foi
Justiûante ; mais elle a encore donné lica à
d'autres excès. Plusieurs sectaire» en ont
conclu que le baptême de Jésus-Christ n'o-
père rien de plus que celui de saint Jean-
Baptiste, puisque celui-ci avait aussi la vertu
d'exciter la foi et les sentiments de pénitençei
Ils ont soutenu, ou qu'il n'y a point de pé-
ché originel dans les enfants, où qu'il n'est
pas eff icé par le sacrement ; que la tache de
ce péché demeure encore dans le baptisé, et
que celui-ci peut encore être repiouyé à
cause du péché originel ; ils ont dit que le
bnplême ne donne point la grâce ■^^ancliflanle,
n'imprime à l'âme du chrétien aucun carac-
tère, qu'ainsi rien n'empêche de le réitérer,
si on le trouve bon : ils ont enseigné que ce
sacrement impose tout au plus au chrétien
l'obligation de croire, mais non celle d'ob-
server les commandemenls de Dieu et de 1 E-
glise ; d'où il s'ensuil, en dernière analyse,
que le baptême n'est ni fort utile, ni absolu-
ment nécessaire, et que l'on peut le négliger,
sans courir aucun risque de son salul ; aussi
les quakers d'Angleterre s'abstiennent-ils de
donner et de recevoir ce sacrement, et un
assez grand nombre de protestants ne se
pressent point de le faire donner à leurs en-
fants.
Le concile de Trente a condamné toutes
ces erreurs dans les sessions 5, C et 7, oii il
a établi la croyance catholique lonchani le
péché originel, la justiBcalion, les elïels des
sacrements et ceux du baptême en particu-
lier; et les théoloiiiens n'ont pas de peine à
faire voir que toutes les conséquences du
système des prolestants sont foimellement
contraires à l'Ècrituie sainte. Si les prétendus
réformateurs avaient éié aussi grands théo-
logiens qu'on les supi)0se, ils les auraient
prévues, et il est à présumer qu'ils aur. lient
reculé à la vue de l'abîme dans lequel ils
allaient se précipiter.
Saint Jean-Baptiste dit lui-même aux Juifs:
Je vous baptise par l'eau, mais celui qui vient
apris moi vous baptisera par le Saint-Esprit
et parle feu [Malth. iir, 11). Saint Paul lit
b.iptiser au nom de Jé^us-tJhrist des (idèles
()ui avaient déjà reçu le baptême de saint Jean
(Act. XIX, v). Il est donc faux que ces deux
baptêmes aient eu la même vertu. Au uîot
OniGiNEi,, niius prouverons que tous les i n-
fanls, sans excepiioii, naissent souillés du
péché : qu'il soit pleinement effacé par le
baptême, c'est la doctrine formelle de saint
Paul, qui dit aux (îalales (m, 17] ; Vous tous
qui êtes baptisés en Jcsus- Christ, avez été re-
vêtus de Jêsus-Chrisl. Et aux Itomains (vin,
1) : // n'jj a donc plus aucun sujet de con-
damnation dans ceux qui sont tn Jésus-
Christ, cl ne marchent plus selon la chair.
Anauie lui avait dit quand il fut converti :
Recivcz le lîAPriiMi:, et lavez vos péchés, après
avoir invo'iuc le vom de Jêsus-Chri^l (Act.
XXII, 10). Saint Pierre écrit aux fidèles (/
Episl. Mi, ■2\) : Le baptémi! vous sauve, non
en purifiant les souillures de la chair, mais
en vous ilonnant le témoignage d'une bonne
conscience devant Dieu, par une résurrection
semblable à celle de Jésus-Christ. De quoi
vous sauve-t-il, siuoa du péché et du cLdti-
.93
n\p
RAP
*C4
ment? Saint Pierre n'atiribqe point cet effet
à la foi, mais au baptême, quoique 1^ foi soit
l<ne disposition nécess.tire.
Dans |e iiarn^rapiio suivant, nous démon-
trerons par l'Ecriture la nécessité absolue
de ce sacrement, el l'obli};;ition rigoureuse
iniposée à lout chrétien do le recevoir. Saint
Payl parle du caractère qu'il imprime, en
disqpt aux Ephésicns (iv, 30) : Ne rontristez
{tUS le Sdint-Espril de Dieu, dans lequel vous
avez éle' marc/uéfi d'un sceau pour le jour de
la rédemption. El ces p.irolcs sont analo|,'ues
^ ce qu'il a dit d'Abraham, qu'il a reçu la
circoncision comme un sceau de l,i justice
qui vient de la foi [Rom. iv, 11). Or, le sceau
ou le caractère de la circoncision était inef-
façable. C'est sur ce fondement que saint
Augustin a soutenu, contre les donalistes,
que c'était un crime de réitérer le baptême,
el dans toute l'anlitiuiié ecclésiastique ou ne
peut citer aucun exemple de cet attentat, si
ce n'est chez les hérétiqui'S.
Ceux qui ont soutenu que le baptême n'im-
pose point au chrétien d'autre obligation
que d'avoir la foi, n'ont pas moins contredit
la doctrine dé saint Paul, puisqu'il exigi' des
chrétiens une foi qui opère par la charité, et
qu'il ne cesse de les exhorter à l'aire de
bonnes œuvres (GaUit. v, 6 ; vi, 9, etc.).
Fow. OEuvREs, .lu-TiFicATiox, elc.
\. De la nécessité du baptême. Jésns-Christ
a institué ce sacrecnent comme un moyen de
salut abs(duii)ent nécessaire, lorsqu'il a dit:
Si quelqu'un n'e;:! pas régénéré par l'eau et
par le Saint-Esprit, il ne peut pas entrer
Hans le roijaume de Diexi (./oaH. Ui, 5). Pré'
chez l'Evangile à toute créature ; celui qui
croira et sera baptisé sera saufé, celui qui ne
croira pas sera condamné (Marc, xvi, IG],
Saint Pierre a répété cette même vériié, en
(lisant que le baptême nous sauve (/ Epist.,
m, 21); cl saint Paul nous enseigne que
Dieu nous a sauiés par le bain du la régé-
nération el le renouvellcmenl du Saint-Es-
prit (Tit. III, o). Nous n'ignorons pas les
subterfuges par l>squels les calvinistes el
les sociniens ont tordu le sens de ces passa-
ges, et de plusieurs autres qui établissent
ce dogme ; mais l'Eglise, en condamnant
leurs erreurs, a fra(ipé du même analhèmc
les interprétations Hiusses qu'ils ont données
à l'Ecriture saintp. Le concile de Trente,
après avoir décidé qu'Adam a transmis à tout
le genre hur\iain, non-seulement la néces-
sité de souffrir el de mourir, mais encore le
péché, qui est la morl de l'âme, enseigne
que ce péché ne peut être effacé que par les
Diériles de Jésus- Christ, et qu'ils nous sont
appliqués parle baptême, sess. 5, can. 2el 3;
que depuis la promulgation de l'Evangile,
l'homuie ne peut passer de l'étal du péché
à l'état de grâce sans le baptême, ou sans
le désir de le recevoir, sess. G, can. k. Con-
séquemment il dit anathème à quicon(|ue
soutient que ce sacrement n'est pas néces-
saire au salut, sess. 7, can. 5. — Celte doc-
trine a été'déjà soutenue au v siècle contre
les pélagiens. Pelage prétendait que le pé-
ché d'Adam n'avait nui qu'à lui seul et non
à ses descendants ; que le baptême était don-
né aux enfants, non pour effacer en eux au-
cun pé'-hé, mais pour leur donner la grâce
d'adupiion ; que quand ils mouraient sins
l'avoir reçu, ils obten.iienl la vie éternelle
par le mérite de leur innocence. Saint Au-
gustin combattit de toutes ses forces contre
ces erreurs ; elles furent condanmées par
plusieurs papes et par plusieurs conciles
d'.Xfrique, et cotte cond.imnaiion fut confir-
mée par le concile général d'Epbèse, l'an
'1^31. Calvin n'a pas été moins téméraire que
Pelage en enseiçinant que les enfants des fi-
dèles sont sanctiliôs dès le sein de leur mère ;
la croyance commune des calvinistes est
que les enfants des inliilèles qui meurent
sans baptême sont damnés ; mais (]u'il n'en
csl pas lie même des enfants des chré-
tiens, p;irce qu'ils ont part à l'alliance que
Dieu a faite avec les hommes par Jésus-
Christ. Dans celte supposition, l'on ne voit
pas pourquoi il est encore nécessaire de bap-
tiser les enfants des fidèles.
Il faut remarquer que le concile de Trente
déclare que l'homme ne peut passer de l'é-
tal du péché à l'état de grâce sans le baptême
ou sans le désir de le recevoir. En effet l'on
a toujours cru dans l'Eglise que la foi. jointe
au désir du baptême, peut tenir lieu de ce
sacrement, lorsiju'il y a impossibilité de le
recevoir ; on n'a jamais douté du salut des
catéchumènes morts sans avoir pu obtenir
cette grâce. On a jugé encore que le mar-
tyre opérait le même effet à l'égard de ceux
qui mouraient pour Jésus-Chrisi ; c'est dans
cette croyance que l'Eglise rend un culte
aux saints Innocents. De respectables évé-
qnes du troisième siècle ont même pensé que
les fidèles qui avaient reçu ( hez les héréti-
ques un baptême nul, mais qui étaient reve-
nus de bonne foi à l'Enlisé, et qui avaient
participé aux saints mystères, n'avaient pas
absolument besoin qu'on leur réitérât le bap-
tême. C'était le sentiment de saint Denys il'A-
lexandrie et de saint Cyprien [Epist. 73 ad
Jubaian.). Voy. Eusèhe, Uist. ecclés., I. vu,
c. 9, el la noie de Lowlh ; Biiigham, Orig.
ecclés., I. X, c. 2, § 23. Enfin, les Pères, è^
l'exception de sainl Augustin, ont tous été
d'avis que sainl Jean-Baplisle a été sanciifié
par Jésus-ChrisI dans le sein de sa mère;
c'est pour cela que l'Eglise célèbre sa n;^ti-
vite. Conséquemment les théologiens distin-
guent trois espèces de baptême, savoir : ce-
lui de désir, baptisnius flaminis; celui de sang
ou le martyre, baptismus sunguinis ; el le
baptême d'eau.
Le passage de saint Paul, duquel Calvin
et ses sectateurs abusent, ne prouve pas ce
qu'ils veulent. L'Apôtre dit (/ ("or. vu, 14)
qu'un mari païen est sanctifié par une femme
chrétienne, et qu'une épouse païenne est
sanctifiée par un mari chrétien; autrement,
ajoute-l-il, vos enfants seraient impurs: or,
ils sont ,soin?«. Cela ne prouve jwis que ces
enfants naissent exempts de péché , mais
ijii'urdinairement un père ou une mère, qui
fait profession du christianisme, procure le
baptême à ses enfants, ou qu'il y a lieu d'es>
i'ih BAF
pcrer qu'ils seront élevés dans cette reli-
gion. Voy. la Synopse des critiques sur ce
passage.
VI. Quel est le sort éternel des enfants
morts sans baptême 'l Cette question paraît
ilejà snffisammi'nl résolue par ce que nous
venons de dire louchant la nécessité absolue
de ce sacrementpour obieuir le salut, el par
les raisons Jont on s'est servi au cinquième
siècle pour réfuter les erreurs de Pelage,
bans les comiiienccmenls, cet hérésiarque
n'osa rien décider tou( haut le sort de ces en-
fants. Je sais bien, disait-il, où ils ne vont
pas; mais j'ignore où ils vont: Quo non cant,
scioiquo eant, nesiio. Dans la suite, pour ne
pas contredire formellitnent les paroles de
Jésus-Christ (7oa/i. m, 5), il dit qu'à la vé-
rité ces enfants n'entraient pas dans le
royaume des cieux, mais qu'ils n'étaient pas
uon plus condamnés à l'enfer; qu'ils avaient
la vie éternelle par le mérite de leur inno-
cence. Saint August., 1. i de Pecc. meiilis et
remiss., c. 28, n. 54-; Serm. 29'i. c. 1, n. 2;
episl. 156. etc. U imaginait ainsi un lieu ou
un état miioyen entre la gloire du ciel et la
damnation. dans lequel il plaçailces enfants;
d'où il s'ensuivait qu'ils étaient sauvés de
l'enfer sans avoir participé en rien aux mé-
rites ni à. la rédemiition de Jésus-Christ. —
Saint Augusiin el les autres défenseurs de la
foi catholique réfutèrent toutes ces vaines
opinions ; ils prouvèrent par l'Ecriture
sainte, par la tradition des quatre premiers
siècles, par les exorcismes du baptême, que
tous les enfants d'Adam naissent souillés du
péché originel, par conséquent privés de tout
droit à la vie éternelle ; qu'ils ne peuvent
être purifiés de ce péché que par ra()plica-
tion des mérites de Jésus-Christ et par le bnp-
téme : {\ue s'ils meurent sans l'axoir reçu, ils
sont damnés. Conséquemment ils rejetèrent
le lieu ou l'état mitoyen que Pelage avait
imaginé entre le royaume de Dieu et la
damnation, état qu'il nommait la vie éter-
nelle, et dans le(iucl il plaçait les enfants
morts sans baptême. D puis cette époque, le
sentiment commun des théologiens est que
non-seulement ces enfants sont exclus du
bonheur éternel, mais qu'ils sont condam-
nés aux tourments de l'enfer; (lue cepen-
dant ils les souffrent dans un degré beau-
coup moindre que les autres ré|irouvé«.
Maigre le nombre et l'autorité <le ceux qui
sunliennent ce senlin)cnt , saint Thomas,
saint Ronaventure, le pape Innocent lli et
d'autres théologiens scolastiques, très-ins-
truits de ce qui a été décidé contre les Péla-
giens, ont jui;é qu'à la vérité il est de foi que
les enfants morts sans baptême ne peuvent
entrer dans le royaume des cieiix, ni jouir do
la vie éternelle; qu'ainsi ilseprouvent ce que
l'on nomme l<i peine {lu dum; mais qu'il n'est
pas de loi qu'ils soulTrcnl aussi la peine du
sens, ou les snp()liei's de l'enfer; quo c'est
seulement une opinion théologique l'omlcc
■ iir do fortes preuves, do la(|uelio cependant
il est très-permis de s'écarter. Ouelques-uns
même S'ait allés jusqu'à ilire ((ue ces enfants
jouissent d'une félicité naturelle qui les dé-
BAP
i96
dommage de la perte qu'ils ont faite du bon-
heur éternel acquis par les mérites de Jésus-
Chrisi. C'a été l'opinion du cardinal Sfon-
drate (1), dans le livre intitulé: Nodus
prœdestinalionis dissolulus, dont plusieurs
évêques de France demandèrent au souve-
rain pontife la condamnation en 1696.
Personne ne s'est élevé avec plus de cha-
leur contre le sentiment mitigé des scolasli-
ques que les partisans de Jansénius. Comme
il était de l'intérêt de leur système de per-
suader qu'un adulte même peut être coupa-
ble et punissable pour un péché qu'il ne lui
était pas libre d'éviter, ils ont fait tout leur
possible pour prouver que la condamnation
des enfants morts sans èapt^me aux supplices
de l'enfer est un article de foi, et que l'on ne
peut pas soutenir le contraire sans être héré-
tique. Nous ne prétendons pas favoriser leur
entêtement, en rapjiorlant fidèlement les
preuves qui établissent le sentiment rigou-
reux des autres théologiens. La plupart ont
été employées par saint Augusiin contre les
pélagiens, et son autorité y ajoute un nou-
veau poids.
1" Les paroles de Jésus-Christ [Joan. jii, 5)
sont claires : Si quelqu'un n'est pas régénéré
par l'eau et par le Saint-Esprit, il ne peut
entrer dans le royaume de Dieu. L'expédient
imaginé par Pelage, de distinguer le royaume
de Dieu d'avec la vie éternelle, était absurde,
puisque ces deux termes, dans l'Ecriture
sainte, désignent également le bonheur éter-
nel. Les sociniens et les protestants ne s'en
tirent pas mieux en disant que, dans plu-
sieurs autres endroits, le royaume de Dieu, le
royaume des cieux, signifient le règne de Jé-
sus-i,hrist sur son Eglise : cen'cst point ainsi
qu'on l'entendait du tempsde Pelage, ni avant
lui ; les Pères ont donne constamment à ces
paroles le même sens qu'a suivi le concile de
Trente, et ont entendu par là le bonheur
éternel. — 2° Saint Paul {Ephes. ii, 3) dit :
I^ous étions par naissance enfants de co-
lère (2). Donc, dit saint Augustin, nous étions
enfants de vengeance et de châtiment, masse
de perdition et de damnation, à cause du pé-
ché originel. L'Apôtre dit (Rom. v, 18) que le
péché d'un seul est pour la condamnation de
tous, et que la justice d'un seul est pour la
(1) Celle opinion du cardinal Sfondrale n'a pas clé
eonclaninée, il s'ensuit nue conséi|iienre ininiensc :
qne la raison la plus exigeaiilc ne peut trouver l'oin ■
bie d'injiisiiee dans l'evcliision du parailis des en-
tants morts sans lia|ilénie. ^oll■i taisons ressortir
celle cnnsé'iiieci' e :in nml Oiuginf.l ( l'^ch,' ).
(2) Le texte de saint Paul qu'on objecte ici fail nue
ti es- grave (lillicnllé. Les coiniuenlaleurs se sonlpar-
la};és sur le tens qu'il faut donner à ce passage. Quel-
ques-uns renieniienl de tous tes lioinnies sans excep-
liiin, jeunes et vieux ;lesauire$ le resireignpnt aux seuls
coupables de péchés actuels. Le conlexte seiiilile fa-
voriser celle interprctaiioii. Voici le passage inui en-
tier : /•-( voi, cum esse.tis morlui delictit et peccatii
veulris, in quibus aliquaiidu ambulastis secuiiditm sœ-
culiim mnurii Iikjks, nerundum prhicipem potestaiii
tieris liujiis tpiritus, qui nunc operalur in filios difji-
denlias. In .;»i7ii(s et nos omnes aUgiiamlo lonvermli
sumus, in dcfideriis cninis noslrœ Iniieiitcs volitnta-
tem caniis cl cogilalionum ; el eramm n.vtira fitii
497
BAP
BÂP
498
justification «le Ions. S'il n'est pas question
là d'une condanihiilion à l'enfer, on ne peut
|ilus dire, comme l'Ecriture sainte, que Jé-
ï.us-Clirist nous a sauvés de l'enfer, de la
puissance des ténèbres , de la puissance
du démon, etc.; il faut prendre le terme de
rédemption dans un sens métaphorique,
comme font les sociniens après les péla-
gieus. — 3" Ce mémo Apôtre dit, comme
saint Pierre, que le baptême nous sauve. De
quoi nous sauve-til, sinon de l'enfer et du
supplice éternel? Donc, quiconque n'a pas
reçu ce sacrement n'est pas sauvé. — 4° Jé-
sus-Ctirisl, parlant du jugement dernier, ne
fait mention que de deux places ; savoir, de
ia droite, où sont les justes qui sont envoyés
à la vie éternelle, et de la gauche, où sont
les méchants condamnés au feu éternel
[Matth. XXV, 3.3). Les enfants morts sans bap-
tême ne peuvent être placés à la droite, donc
ils seront à la gauche, et subiront le sort des
réprouvés : point de milieu. — 3" Les conci-
les d'AI'ri(iue, les papes Innocent l'.Zozime,
Célestin I' % Sixte III, saint Léon et Gelase,
qui ont condamné les pélagiens, le concile
général d'Iiplièse, qui a confirmé cette con-
damnation, sont censés avoir approuve la
doctrine de saint Augustin : or, ce saint doc-
teur a toujours enseigné que les enfants
morts sans baptême sont damnés. — tj" tj'a
été aussi le sentiment de tous les Pères latins
des siècles suivants et des théologiens, jus-
qu'à la naissance des scolasliques. Dans le
second concile de Lyon, qui est le quator-
zième général, tenu l'an 1274, il est expres-
sément décidé que les âmes de ceux qui
meurent en péché mortel, ou avec le seul pé-
ché originel, descendent inconliiienl en en-
fer, pour y subir néanmoins des peines dif-
férentes ou inégales. Celte même décision
est répétée mol pour mol dans le concile de
Florence, tenu l'an 1439. canon 4. C'est une
condamnation formelle du sentiment des sco-
lasliques. — 7° Le concile de Trente, sess. 3,
dans son décret touchant le péché originel,
déclare, canon I", qu'Adam, par son péché,
a non-seulement perdu la sainteté et la jus-
lice originelle, mais qu'il a encouru la co-
lère et l'indi^'natioQ de Dieu, la mort et la
captivité sous la puissance du démon; can. 2,
qu'il a transmis à tout le genre humain, non-
seulement la mort et les peines du corps,
mais le péchéqui est la mort de l'âme ; can. 3,
que ce péché ne peut être ôté que par les
mérites de Jésus-Christ, et qu'ils nous sont
appliqués par le baptême. Or, la mort de
l'âme et la ca|>livilé sous la puissance du dé-
iion entrainent la damnai ion comme unccon-
séquence nécessaire ; et il n'y a d'autre mo\ en
que \ebaptvii.e par lequel les mérites de Jésus-
Christ puissent être appliqués aux enfants.
On ne peut pas nier que ces arguments ne
irœ. Vnyez Menocliins, Coriieliiis a Lapide, l'eqiii-
gny, sur ce passage de rA|i6ii'c.
Mais, qiiflle <|iie soil l'uilertirélalion qu'on ad-
ineUe, elle ne doit i leii préjuger Sur létal des rii-
faiils iD' ris sans ba|iléine. .N<iiis lappeloiis dans la
M>ie précédente ce que la loi miii^ oblige de iroire
sur le sort de ces eiifiiuts.
soient très-forts ; ils prouvent invincible-
ment que les enfants morts sans baptême sont
exclus du bonheur éternel, et souffrent la
peine du dam; mais ils ne démonlrent pas
aussi certainement que ces enf.ints souffrent
encore la peine du sens. Kn voulant trop
presser ces raisonnements, l'on s'expose à
des inconvénients fâcheux, et l'on pourrait
y en opposer d'autres qui ne paraîtraient
pas moins concluants. Il n'y a donc aucune
nécessilé d'embrasser sur cette question le
parti le plus rigoureux : aussi, la faculté de
théologie de Paris, dans la censure d'Etn'le,
prop. 24 etsuiv., édit. iii-12, pag. 90, a lait
remar(]ocr que l'Eglise catholique laisse la
liberté de penser, avec saint Thomas, (ju'on
n'est point sujet à la peine du sens à cause
du seul pèche originel, mais qne l'on est
seulement privé de la vision intuitive de
Dieu, (lui est on don gratuit, surnaturel, au-
quel les créatures intelligentes n'ont, de leur
nature, aucun droit.
[ < Pour ce qui esi du do^jine du péclié originel,
dil l'auteur de la Foi ju$li/iéc de loul reproche de
cotiiradiciion avec la raison, p. (iO, il n'y a ni injusti-
ce ni délaul de bonté dans Hieu de n-fuser, à la pos-
térité d'un |ière coupable, des privilèges piiiemeiii
griiluits, qui n'étaieiii dus ni au père m aux entants,
et qui n'elaieiit assuiés aux uns et aux autres ipie
sous la colidnion d'une oliéis-auce liilèle à la loi du
Créateur. Un sujet comblé des griiees et des faveurs
de sou prince se révidteconire lui, et le prime en
C()nséi|ueiice lui relire et à sa posl''riié des privilèges
qui ne devaient èlre liérédilaires que sous des con-
dilioiis justes, qui n'ont pas été remplies, el auxquel-
les inéine on a manqué foriiielleiiienl. Y a l-il eu
cela quelque injustice ou un délaul de bouté? Mais
voilà au vrai à quui se réduisent les suites du pécUé
originel.) ]
Ajoutons que saint Augustin a éprouvé les
mêmes embarras que nous au sujet du sort
des enfants, sans pouvoir se satisfaire lui-
même {Epist. 28 ad Hieron.). Et s'il n'ose les
exempter de toute peine, il ne les assujettit
qu'à la plus légère de toutes. Il ne se hasarde
pas même à décider quelle sera la nature de
cette peine, ni quel en sera le caractère et
l'étendue {L. vi contra Jul., c. 5). Il n'ose
assurer qu'elle sera pire que l'anéantisse-
meiit, el qu'il eût mieux valu pour ces en-
fants n'avoir jamais été {Ibid.). Aussi quel-
ques théologiens estiment, el Gonet entre
autres, que la privation de la vision héatifi-
que ne causera aucune douleur ni aucune
tristesse à ces enfants infortunés. Cet étal
sera, en quelque sorte, un étal mitoyen entre
la récompense et le châtim'ent ; ce qui ne pa-
raissait point impossible à saint Augustin
lui-même (De Lib. Arl)., 1. m, c. 23). Gonet
s'appuie encore de l'autorité de saint Gré-
goire de Nazîanze, de saint Grégoire de Nyssc
el de saint Ambroisc. Saint Thomas (in 2,
disi. 59, q. 2, ait. 2) semble insinuer cette
façon de penser, et admelire un ordre de
providence bienfaisante de la part de Dieu
sur ceux même qu'il ne peut récompenser.
Si l'on trouve mauvais que des théologiens
qualifient trop rigoureusem.ent les senti-
ments rigides de l'école, lors même qu'ils
ressemblent assez dans l'expression aux er-
i99
BAP
BAP
§00
reurs condamnées, ne devrait-on pas avoir
le mênie ménagement pour certaines opi-
uii'ns plos tloucps, sonlennes par des Ihéo-
iogiens respectables, et qui sont très-firopres
à arrêter les incrédules qui se seandalisenl
de la prétendue dureié du sentiment con-
traire ? L'on ne doit néanmoins donner à ces
opinions que la valeur qu'elles ont d'avoir
des partisans estimables^ et se contenter do
prouver par là que le sentiment contraire
ne l'ait pas purtie du do^me décidé, très-in-
dépendant de ces discussions d'école. Yoyz
les Cwférencfs d'Amiers, sur les Péchés,
2' question, îirticle 3 (1).
BAl'TISTÈK!:, esi le lieu ou l'édiflce dans
lequel on conserve l'eau pour baptiser.
Les premiers rhréliens, suivant saint Jus-
tin Martyr et Tertullien, n'avaient d'autres
baptistcr'S que les fontaines, les rivières, les
lais ou la mer, qui se trouvaient plus à pur-
tée de leur habitation; et, comme souvent la
persécution ne leur permettait pas de bapti-
ser en plein jour, ils y allaient de nuit, ou
donnaient le baptême d.jns leurs maisons.
— Dès que la religion chrétienne fut deve-
nue celle des empereurs, outre les églises,
on bâtit des édiliccs particuliers uniquement
destinés à l'administration du baptême, et
(jue par celte raison on nomma baplislêres.
Oiifiques auteurs ont prétendu que cet,
bapiist ères éyiÙL'nl aiiciennement placés dans
le vestibule intérieur des églises, comme le
sont aujourd'liai nt)s lonts baptismaux. C'est
une erreur. Los baplistères étaient dos éilifi-
ces entièrement séparés des basiliques, et
pl.icés à quilque distance des murs exlé-
rieuis de colles-ci. Les témoignages de saint
Paulin, do saint Cyrille de Jérusalem, de
saint Augustin, ne pcrmellent pas d'en dou-
ter. — Cts baptistères, ainsi séparés, ont sub-
sisté jusqu'à la fin dii vi' siècle, quoique dès
lors on en voie déjà quelques-uns placés
dans le vestibule intérieur de l'église, tel que
celui où Clovis reçut le baptême des mains
de Saint Rémi. Cet usage est ensuite devenu
général, si l'on en excepte un petit nombre
d'éçliscs qui onl retenu l'ancien, comme celle
de Florence et toiiles les villes épiscopales
de Toscane, la métropole de Uavcunc et l'é-
glise de Saint-Jean-ile-Lalraii à Rome. — Ces
édifices, pour la plupart, étuieni d'une gran-
deur considér.ible, eu égard à la discipline
des premiers siècles, le l)a|)téme ne se don-
nant alors que par immersion, et (hors les
cas de hécéssilè) seulement aux deux fêtes
les plus soleniielles de l'anine, IViques et la
Pentecôte. Le concours prodigieux de ceux
quise présentaient au b.ipléine,la bienséance
qui exigeait que les hommes fussent baptises
sé|)arémenl des femmes, demandaient un em-
placement d'aut.ml plus vaste, qu'il fallait
encore y ménager des autels où les néophj tes
reçussent la confirmation et l'eucliarisiie im-
me liatement après leur baptême. Aussi le
tapa'sieVede l'église de Sainte-Sophie à Cons-
(ti Nous avons donné H.ins noire Diciiounaire du
Tliéotoqie momie l'exposiiion cl le (léveluppeineiit
des cérémonies du bapiénie.
lantinople était-il si spacieux, qu'ii servit
d'asile à l'empereur Basilisque, «t de salle
d'assemblée à un concile fort nombreux.
Los baplislêres avaient plusieurs noms dif-
férenis, tels que ceux de piscine, lieu d'illu-
mination, etc., tous relatifs aux différentes
grâces qu'on y recevait par le sacrement.
On trouve peu de chose dans les anciens
auteurs sur la forme et les ornements des
haptis'ères ; o\x i\i moins ce (|u"on y en lit est
fort inoertain. A'oici ce qu'en dit M. Fleiirj,
sur la fii d'Anastise, de Grégoire de Tours
et do Dirand, dans ses notes sur le poniifiral
attribué au pape Damase : « Le baptistère
était d'ordinaire bâti en rond, ajanl un en-
foncement où l'un descendait par quelques
marches pour entrer dans l'eau ; c'était pro-
prement un bain. Depuis on se contenta
d'une grande cuve de marbre on de por-
phyre, comme une baignoire, et enfin on se
réduisit à un bassin, comme sont aujourd'hui
les foits. Le 6n/)n's/f>"e était orné de peintu-
res convenables à ce sacrement et tneuhié de
plusieurs vases d'or et d'argent pour garder
les saintes huiles et pour verser l'eali. CeuX-
ci étaient souvent en forme d'agneaux bu de
cerfs, pour représenter l'agneau dont le saiig
nous purifie, et pour marquer le désir des
âmes qui cherchent Dieu, comme un cerf al-
téré cherche une fontaine, suivant l'expres-
sion du psaume xli. On y voviit l'irnage de
saint Jean-Baptiste et une colombe d'or oU
d'argent suspendue^ pour mieux représenter
toute l'histoire du baptême de Jésiis-Christ
et la vertu du Sain(-Hs|irit qui descend sur
l'eau baptismale. Quelques-uns même di-
saient : le Jourdain, pour dire les fonts. »
(Mœurs des Chrétiens, tit. 3(5.) Ce qu'UjbultS
Durand, que les riches ornements dont l'em-
pereur Constantin »vait décoré le baptistèri
de l'Eglise de Home, étaient comme un mé-
morial de la grâce qu'il avait reçue par les
m;iins du pape saint Sylvestre, est visible-
ment lauXi puisqu'il est aujourd'hui démon-
tré que ce prince fut l)aplisé à Nicomédie
peu de temps avant sa mort.
Il n'y eut d'abord de baptistères que dans
les villes épiscopales : d'où vient qu'èticorfe
aujourd'hui le rite ambrosion ne permet pas
qu'on fasse la bénédiction des fonts baptis-
maux les veilles de l'àques et de la Pente-
côte, ailleurs que dans l'église métropoli-
taine : d'où les églises paroissiales prennehl
l'eau qui a été bénite, pour la mêler avec
d'autre, depuis qu'on leur a permis d'avoir
des baptiflères ou fonts particuliers. Daiis
l'Eglise de Meaux, les curés de la ville vien-
nent baptiser les enfants, depuis le samedi
saint jusqu'au samedi suivant, sur les lunls
de l'église cathédrale. C'est un droit attaché
à cha()ue paroisse en litre et à quelqlies suc-
cursales, mais non pas à toutes, non plus
qu'aux chapelles et aux monastères, qui,
s'ils en ont, ne les possèdent que par privi-
lèges et par concession des éVêqueS.
On confond aujourd'hui le baptistère avec
les fonts baptismaux. Anciennement on dis-
tinguait exactement ces deux choses, comme
le luul et la (lartie. Par bapustère, on euteM*
m
BX'A
MR
502
dait tout l'édifice où l'on adminislirait le bap-
tL'UK" ; el Tes fonts n'étaicnl autre chose
(|iit! la fonlaini' ou le réservoir qui contenait
les eaux doiil on se servait pour le baptême.
Voi/. r.4ncKn Saonm., iv partie, pag. 55.
Nous avons parlé de la héuédiction des fonts
baptismaux dans l'article Hu'ikme.
BARALLOTS, nom qu'on donna à certains
hérétiques (jui parurent à Bologne en Italie,
el qui niettaielit tous leurs biens en commun,
même les f "mines el les enfants. Leur ex-
trême facilité à se livr. raux. plus honteux
excès de la débauche leur fil encore don-
ner, selon Ferdinand de Gordoue, dans sou
Trait:' De exif/'ais Annonis, le nom d'obéis-
sants, ohei'lienles.,
BAKBAIŒS. L'irruption des peuples du
Nord qui, dans "le v siècle et les sui-
vAnls, se sont jetés sur l'empire romaiil,
ei l'ont détruit dans l'Occideul, est une épu-
que célèbre dans riiisluire. mais faiale à la
religion et aux mœurs. Un th ologien se
trouve intéressé k en recliercher les causes
et les 'éfh'IS, parce que plusieurs incrédules
ont ett l'injustice de les attribuer au cliris-
tiànimuo. M. Fleury les a très-bien exposés
(Mœurs (les (tiré t., n. 50 et soi v.).
Au comineftc enienl du v siècle, l'empire
romain êlail alîaibli de toutes liiaiiières ; il
n'y avait pllis ni discipline dahs les troupes,
ni autorité dans les chefs, ni conseils suivis,
ni science des an'aiies, ni vigueur dans la
jeunesse, ni prudence dans les vieillards, ni
amour de la patrie il du bien public. Cha-
cun ne cherchait que son plaisir el son inté-
rêt particulier, ce n'étaient qu'infidélilés et'
que trahisons ; les Uouiainà, amollis par le
luxe et l'oisivelé, ne se délViulaSeni conlre
les llarijares que par d'autres Barbares qu'ils
soudoyaient. La mesure de leurs crimes
étant Comblée, Dieu en fit la justice exem-
plaire qu'il avait prédite par saint Jean
(Apof. xiii, 18). Kotue fut prise et srtccagée
plusieurs fois; le sang des martyrs dont elle
s'était enivi-ce fut vengé ; l'empire d'Occi-
dent denieùi-a en proie aux peuples du Nord,
qui y fondèrent de notneau'c royaumes. Xo\-
1.1 les vraies causes de la chiiie de l'empire
romain, el bon léiablissement du clnislia-
nisme comme les païens le disaient alors,
et comme Machiavel, et après lui d"auires
lioliliques impies ou igiioranls, ont osé le ré-
péter.
On dira sans doute que le christianisme
établi poui" lors dans l'empire aurait dû cor-
riger les mœurs, et empêcher les Romains
de cotltraeler d'aussi grands vices ; mais
celle religion n'avait commence à être tolé-
lee |iuhliquement par les empereurs qu'eu
•'3' I ; bieillùt après elle fut dtfiguree p.ir l s
ariens, et les l>arbares sont venus en VOO ;
Eliirs un grand nombre de. Romains luttaient
encore contre les lumières de l'Evangile. 11
a semblé que Dieu avait fait venir les farou-
ches habitants du Nord, pour démontrer qu'il
était plus aisé de convertir des hommes à
déihi sauvages que des épicuriens.
Les chrétiens ne pouvaient vivre au milieu
d'ude génération aussi corrompue, sans par-
ticiper à ses vices ; il n'est pas étonnant ()ue
les Pères de l'Eglise leur en aiei't reproché
de très-grossiers (S. .\ugHsiin, de Catechiz.
riidib 3, 7. 17, 28; de M:.,ib. L'rcL, c. 34,
etc.). Les ravages des Burbnres ne nuisirent
pas moins aux mœurs de l'Eglise que la cor-
ruption des derniers Romains. L'Evangile,
qui est la souveraine raison, condamne éga-
lement tous les vices ; la slupiilité, la fourbe-
rie, la férocité, la cruauté, sont aussi incom-
patibles avec la vraie religion que le luxe et
la mollesse Les guerres, les lioslililés, le
briiçandage, sont aussi contraires à la piété
qu'a la justice el à la probité naturelle.
Quand ou est occu[>é des moyens de conser-
ver sa vie et son bien dans une ville prise
d'.issaul ou dans un pays livré au pillage ;
d'éviicr l'esclavage, de sauver l'honneur des
femmes, il est très-difficile de penser au spi-
rituel; et il faut des vertus bien héroï(|ues
pour se soutenir au milieu ilu carnage et des
horreurs d'une victoire brutale.
Possidius, dans la vie de saint Augustin,
peint l'état de l'Afrique désolée par les Van-
dales. Ou voyait, dit-il, les églises destituées
de prêtres, les vierges et les religieux dis-
persés ; les uns avaient succombé aux tour-
ments, les autres avaient péri |iar le glaive,
les uulies avaient jierdu dans une dure capti-
vit • l'inlégriié du corps, de l'esprit et de la
foi ; ils étaient ré iuits à servir des euneuiis
farouches et !)rut,.ux. — ■ Nou-seulement les
hymnes el les louanges de Dieu avaient ces-
sé dans les églises, mais en plusieurs lieux
ces édificis étaient détruits. Les sacrifices
et les sacrements n'étaient plus recherchés ;
il était difficile de trouver quelqu'un qui pût
les administrer. Les évèques et les clercs
qui avaient é( happé au fer des ennemis,
étaient déiouillés, réduits à la misère, inca-
pables de donner aucun secours au peuple.
Salvien a trace le même tableau de la désola-
tion des Gaules; elle n'était pas moindre en
Espagne el dans l'IUyrie. A la vérité, les
Francs se firent eiirétiens ; les Golhs, les
Bourguignons, les Lombards, d'ariens devin-
rent catholiques ; mais ils demeurèrent long-
temps Barbares, attachés à leurs anciennes
habitudes ; ils embrassèrent l'exlérieur de la
religion sans en prendre l'esprit. C'est ce
qui arrive encore aujourd'hui à l'égard des
Sauvages de l'Auiérique, lorsqu'on parvient
à les convertir. Les princes mêmes ne perdi-
re!.l qu'une partie de leur férocité. (]lovis et
ses entants funl paraître d'un ci'ite beaucoup
de respect el de zèle pour la religion ; mais
d'ailleurs ils cunimclleut des injustices et
des ciuaulés. Le bon roi Contran, que l'E-
glise a mis au nombre des saints, entre une
infinité d'actions de piété, a fait de gr/indes
faute- ; el Dagobert,cet illustre fondateur de
monastères, a été très-vicieux. Ce n'est pas
que les évéques de ce temps-là manquas-
sent absolument de vertu et de vigueur apos-
tolique; mais de deux maux intSitables, ils
choisissaient le moindre ; ils aimaient encore
mieux obéir à des princes demi-chrétiens
qu'à des païens persécuteurs de l'Eglise. Une
marque qu'ils ne se fiaieul pas beaucoup à
5J5 BAK
Jes Batbares conrerlis, c'est que pendant
deux cents ans on ne voit guère de clercs
qui ne fussent romains; cela se connaît pat-
leurs. noms.
Ainsi, par le mélange des Romains avec
les Barbares, ces derniers s'adoucirenl et se
civilisèrent : mais les premiers devinrent
ignoranis et grossiers. On cessa d'étudier
l'histoire el la physique, de consulter lauli-
quilé sacrée et profane ; les peuples devin-
rent superstitieux et crédules; on crut voir
partout des miracles, des pronostics, des si-
gnes delà bienveillance ou de la colère de Dieu;
ies légendes des saints ne renfermèrent plus
que des fables el des puérilités. — D'autre
part, l'autorité des évêques allait toujours
croissant ; outre la dignité du sacerdoce et
la sainteté de la vie de plusieurs, ils étaient
plus instruits que les laïques ; les rois les fi-
rent entrer dans leurs conseils, et leur lais-
sèri'nt le soin de gouverner: la plupart s'en
acquittèrent avec la plus grande fidélité, el
coniribuèrent, autant qu'ils le purent, à di-
minuer la misère des peuples. On ne con-
naît aucun siècle dans lequel il ne se soit
trouvé parmi eux des saints el des hommes
d'(in mérite distingué. Mais leur crédit se
trouva insensiblement mêlé de puissance et
de juridiction temporelle ; ils devinrent sei-
gneurs, avec les mêmes droits que les laï-
ques, par conséquent avec les mêmes char-
ges de fournir des gens de guerre pour le
service de l'étal, et souvent de les conduire
en personne. Ci- fut là une des principales
sources du relâchement de la discipline.
Au ix' siècle, Charlemagne travailla beau-
coup à la rétablir, de même que l'étude des
lettres ; mais les guerres civiles, dont sa
mort fut suivie, ramenèrent partout l'igno-
rance el le désordre. Pour comble de maux,
l(?s Normands, encore païens , pillèrent el
désolèrent la Fiance de tous côtés ; les Hon-
grois coururent l'Italie; les Sarrasins en
infeslèient les crtles, occupèrent la Fouille
et la Sicih' ; déjà ils étaient les maîtres de
l'Espagne depuis un siècle. L'ignorance s'ac-
crut au jioinl que les seigneurs dédaignèrent
iJ';i()|ireiidre à lire, el regardèrent la culture
lies lettres comme une marque de roture.
(Cantonnés chacun dans son châleau, tou-
jours en guerre les uns contre les autres, el
souvent contre leur évêque, ils ne fréquen-
inii-nt plus l'église* épiscopale ; ils se conten-
tèrent des messes de leuis chapelains, on de
l'olfice des monastères voisins. Mais les inoi-
nes n'.'ivaieni pas de mission pour ensii-
gner, ni d'autorité pour corriger; les évé-
(|ucs prêchaient si peu, qu'il y a des conci-
les qui leur recommandent d'enseigner, au
moins en langue vulgaire, à leurs diocésains,
le symbole et l'oraison dominicale. Dans
ces temps de lénèbres et de désordres, les
papes Se trouvèrent obligés de veiller de plus
près sur toute rK(,'lise, de se mêler de toutes
les affaires, de suppléer à ce que les évê()ues
ne faisaient plus. Le pouvoir illimité qu'ils
s'aiti ihuérent. el (jiie des crili(iues mal ins-
truits ont regardé comme l'etTel d'une ,imbi-
lioii démesurée, fut dans le fond l'ouvrage
BAR
■iU
des circoDslaoces el de la nécessité. — Les
prêtres et les clercs étaient contraints de dé-
feudre à main armée les biens de l'Eglise
dont ils subsistaient ; plusieurs, pressés par
la pauvreté, étaient réduits à exercer des
métiers sordides, ou à passer de province en m
province pour trouver à vivre auprès de '
quelques évêques ou de quelques seigneurs.
Quelles études pouvaient-ils faire, quelle ré-
gularité pouvaient-ils observer dans leurs
mœurs ? A peine les éludes el la piété purent-
elles se conserver dans quelques églises ca-
thédrales el dans quelques monastères ; mais
les monastères furent pillés, ruinés et brûlés
par les Normands ; les moines et les cha-
noines massacrés ou dispersés, et réduits à
vivre au milieu des séculiers.
On peut juger combien les pauvres
étaient abandonnés dans ces temps de mi-
sère publique : où aurait-on pris des aumô-
nes, lorsqu'il y eut des famines si horribles
que l'on mangeait de la chair humaine?
Le commerce n'était pas libre pour suppléer
à la disette d'un pays par l'abondance d'un
autre, ou plutôt il n'y avait point de com-
U5erce, et la terre n'était plus cultivée que
par des esclaves. Il rcsUiit, à la vérité, de
grands patrimoines aux églises ; mais ces
biens étaient une tentation continuelle pour
les seigneurs, qui avaient toujours les armes
à la main. Souvent les évêchés furent usur-
pés par des hommes tout à fait indignes, qui
s'en emparèrent par force; souvent un sei-
gneur y élablissail à main armée son fils en
bas âge, afin de jouir des revenus de l'Eglise
sous son nom. Rome mêm(i fut exposée à ces
ilésordres; les petits lyransdu voisinage y fu-
rent les plus forts, et disposèrent despotique-
menldela papauté. Pendant le x' siècle, ce ne
furent qu'intrusions et expulsions violentes
dans ce premier siège, où jusqu'alors la dis-
cipline s'était conservée pure. Aujourd'hui
les prolestants el les incrédules triomphent
de la mauvaise conduite de ces papes indi-
gnes de leurs places ; ils fonl un crime à l'E-
glise romaine de ce que les pontifes du siè-
cle suivant ont clierché à mettre leur siège
à couvert de ce scandale el de ces vexations.
— Les conciles devinrent très-rares, à cause
de la difliculté de s'assembler au milieu des
hostilités universelles, qui ne permettaient
pas que l'on pût aller en sûreté d'une ville à
l'autre; et quand ils auraient été plus fré-
quents, qui aurait eu assez d'autorité pour
en faire observer les canons par des bri-
gands toujours armés? — Des prédicants
profitèrent de ces temps malheureux pour se-
mer des erreurs. Il leur fui aisé de décrier le
clergé, qui était absolument déchu de son
état; de défigurer la doctrine chrétienne,
que l'on ne connaissait presque plus; de
tromper les peuples par de fausses apparen-
ces de régularité et de piété. C'est ce qui fil
éclore les dilTérenles sectes de manichéens,
sous plusieurs noms divers, ensuite les vau-
dois et d'autres fanatiques. Les protestants
ont eu grand soin d'exposer au grand jour
les scandales du clergé, l'ignorance et la mi-
sère des peuples, les plaies de l'Eglise; mai»
505
BAR
BAR
806
ils ne se sont pas donné la peine de remonter
à la cause première de tous ces maux : ils
ont affecté même de la dissimuler, afin d'en
faire retomber tout l'odieux sur les ministres
de la religion. Si le christianisme n'avait pas
été l'œuvre de Dieu, il aurait cerlaiiiement
succombé sous d s attaques aussi violentes ;
mais Jésus-Christ a fait voir qu'il n'a jamais
oublié ses promesses, qu'il est toujours avec
son Eglise, et que nulle révolution humaine
n'est cap.'ible de l'ébranler.
Nous-n'avons fait qu'abréger le récit et les
rédexions de M. Fleury ; quiconque voudra
les lire sans prévention , demeurera con-
vfiincu que non-seulement la religion chré-
tienne n'a contribué en rien aux malheurs de
l'Europe, mais que sans elle ces maux au-
raient été beaucoup plus grands ; que c'est
elle qui a fourni des ressources pour les
adoucir, et des moyens pour les réparer;
nous prouverons ailleurs ce fait important.
Voy. Lettres, Sciences, etc.
Les protestants ont encore fait tous leurs
efTorls pour donner une idée très-désavanta-
geuse des missions qui ont élé faites pour
convertir les Barbares du Nord dans les dif-
férents siècles. Quand ce qu'ils ont dit serait
Trai, il faudrait encore bénir Dieu des heu-
reux effets qui en ont résulté ; mais nous
réfuterons leurs calomnies Voy. Missions,
Nord.
Un des plus fougueux de nos incrédules
modernes a poussé la démence jusqu'à vou-
loir insinuer que ce lurent les chrétiens per-
sécutés par les empereurs païens, qui invi-
tèrent les Barbares du Nord à fondre sur
l'empire romain ; sa narration est curieuse.
« Quand les Barbares du Nord, dit-il, fondi-
rent sur les terres de la domination romaine,
les chrétiens, persécutés i)ar les empereurs
païens, ne manquèrent pas d'implorer le se-
cours des ennemis du dehors contre l'état
qui les opprimait. Ils prêchèrent à ces vain-
queurs une religion nouvelle, qui leur im-
posait le devoir de détruire l'ancienne. Ils
dem.indèreul les décombres des temples pour
bâtir des églises. Les sauvages donnèrent
sans peine ce qui ne leur appartenait pas ;
ils exterminèrent, ils prosternèrent aux pieds
du christianisme tous leurs ennemis et les
siens ; ils prirent des terres et des hommes,
et en cédèrent à l'Eglise ; ils exigèient des
tributs, et en exemptèrent le clergé, qui pré-
conisait leurs usurpations : des seigneurs se
fient prêtres . des prêtres devinrent sei-
gneurs, etc.»
Cette narration est un chef-d'œuvre d'é-
tourdcrie. 1° Ce savant hislurien oublie que
les irruptions des Barbares sur les ter-
res de l'empire ont ronmiencéau moins 107
ans avant la naissance de Jésus-tlhrist, et
out continué sans inlerru|)tion jusqu'à leur
étaldissement dans les Gaules en VOO. On dit
que Marins, dans l'espace de deux ans, en
tua (rois cent mille, et lit cent quarante mille
prisonniers ; ()ue Jules-César en extermina
pour le moins autant. Sous le règne d'Au-
guste, Drusus les battit de nouveau ; mais
ils taillèrent en pièces les légions romaines,
commandées par Quintilius Varus. Sous l'i-
bère, Germanicus les vainquit encore; mais
il ne put empêcher leurs irruptions. Sous
A'espasien, Pline l'Ancien trouva assez de
matériaux pour composer en vingt livres une
histoire des guerres de Rome contre les Ger-
mains. Tacite observe que depuis le consu-
lat lie Cecilius MétuUus, jusqu'au second de
Trajan, c'est-à-dire, pendant près de cent
dix ans, les Komains n'avaient été occupés
qu'à dompter ces terribles ennemis, mais
que, malgré toutes les défaites de ces Bar-
bares, ils étaient toujours agresseurs ; qu'ils
avaient délogé plusieurs fois les légions, et
qu'ils n'étaient rien moins que subjugués.
Jusqu'alors, ou les chrétiens n'existaient pas,
oirils étaient trop faibles pour oser implorer le
secours des Barbares. — 2° Marc-Aurèle ,
Commode, son fils, Maximin , Valéiien,
Claude le Gothique, Aurélien, Probus, Dio-
ctétien, Constance et Julien eurent contre
eux de grandsavanlages; mais ils y perdirent
souvent des armées entières. Trouve-l-on
dans l'histoire quelque sujet de soupçonner
que, dans ces différentes circonstances, les
Barbares avaient élé appelés par les chré-
tiens? Ceux-ci se trouvaient en si grand
nombre dans l'armée de Marc-Aurèle, qu'ils
s'attribuèrent la victoire sur les Quades et
les Marcomans, et prétendirent eu être rede-
vables à un miracle. Voy. Légion fulmi-
nante. Ils continuèrent à servir de m.ême
sous les empereurs suivants, et nos apolo-
gistes ont soutenu aux persécuteurs même
qu'il n'avaient dans leurs armées point de
meilleurs soldats que les chrétiens. Les his-
toriens qui ont calculé le nombre des hom-
mes qui avaient péri dans l'empire depuis le
règne d'Auguste, par les guerres contre les
Barbares, par les batailles entre les divers
prélend.inls à l'empire, par les massacres
des Juifs, par la contagion, par les persécu-
tions exercées contre les chrétiens, ont. con-
clu qu'au commencement du V siècle, l'es-
pèce humaine, en Europe et en Asie, était
diminuée au moins de moitié. Les Barbares,
placés sur les bords du Rhin, n'avaient donc
pas besoin d'être avertis, pour comprendre
qu'alors la conquête de l'empire était très-
facile, et ils ne se trompèrent pas ; comment
les forces romaines auraient-elles résisté à des
armées de deux ou trois cent mille hommes?
— 3° Déjà, l'an 395, les Huns, peuple scythe
ou tartare, s'étaient jetés sur la partie orien-
tale de l'empire romain et l'an 457 ils pé-
néirèrent dans la Perse; élaient-ce encore
les chrétiens qui les avaient appelés? — 4
A cette époque, Arcadius et Honorius, qui
régnaient, l'un en Orient, l'autre en Orei-
denl, étaient chrétiens, aussi bien que Théo-
dose, leur père ; ils n*ont jamais perséculé le
christianisme non plus que leurs succes-
seurs ; quels motifs auraient pu avoir les
chrétiens d'appeler les Barbares , surtout
dans les Gaules où il n'y avait jilus île
païens? Les Goths, les Bourguignons, les
Vandales , les Lombards, jui inondèrent
l'empire, étaient chrétiens, puisqu'ils étaient
ariens : les Francs étaient païens: si les Gau-
507
BAR
BAR
508
lois avaient eu l'imprudence de les appeler,
ils eu auraient clé nia! récompenses pair lès
ravages que ceS Ilnrbarcs commirent d'a-
bord.
A la vérité ils se convertirent sous Ciovis ;
mais alors ce n'était plus le temps de leuk-
demander les décombres des temples poui-
hâtirdes églises, puisqu'il n'y avait plus de
temples, et que les Francs pillaient les églises
avant d'être convertis. Ciovis, devenu chré-
tien, donna des terres aux églises; mais il ne
fut obligé de les rnlcvcr li personne, puis-
qu'alors la moitié des Gaules était en friche,
faute de cultivateurs. Ce n'était pas une mau-
vaise politique d'engager le clei j;é à mettre
les terres en valeur, en se procurant des
colons, et de les affranchir des impôts. Lé
roi Louis XVI a trouvé bon d'accorder une
franchise de vingt ans à cem qui mettront
des terrains stériles en culture; personne
n'est assez inscn'é pour l'en blâmer. Mais
011 sont les ennemis du christianisme que
Ciovis et les Francs ont estermiiiés, ou qu'ils
ont prosternés aux pieds de celte religion,
comme le disent nos philosophes incrédules?
C'est ainsi que ces savants critiques ar-
rangent l'histuiie. Us argnmenlent sur des
faits qu'ils ont rèrés; ils méconnaissent les
motifs qui ont déterminé la conihiite des sou-
verains el celle du clergé; ils blâment au»
hasard des procédés que dictaient les cir-
conslance-i dans lesquelles l'Europe se trou-
vait pour lors. Voy. Réméfice. CttiRGÉ, etc.
BARIîELlOTS ou RAKBiJIllENS, seCte des
gnustiqncs, (|ui disaient qu'un éon imiiiiorlel
avait eu commerce avec un esprit vierge
appelé Barbelolh, à (jui il avait accordé suc-
cessivement la prtscienie, l'incorruptibilité
et la vie éternelle; que B;irbelolh, un jour
plus gai qu'à l'ordinaire, avait engendré la
lumière, qui, perfectionnée par l'onction de
l'esprit, s'appela CAr/.'ît ; que Christ désira
l'intelligence, et l'obtint; que rinlelligeac<',
la raison, l'incorruptibilité el Chrisi s'uni-
rent; que la raison et l'intelligence engen-
drèrent Autogène; qu'Autogène engendra
Adamas, l'homme parfait, el sa femme la
connaissance parfaite ; qu'Adanias el sa
femme engendrèrent le bois ; (jue le pre-
mier ange engendra le Sainl-iisprit, 1» sa-
gesse ou l'runlc; que Prunic, ayant senti le
besoin d'époux, engendra l'rolarchonle , ou
premier prime, qui fut insolciil et sol ; que
i'roliirrhonte engendra les créatures; iju'il
connut charnelleinent Arrogance, et f|U ils
engendrèrent les vices et toutes leurs bran-
ches, l'our relever encore touies ces mer-
veilles, Its gnostii|ues les débilaient en hé-
breu, el leurs cérémonies n'élaienl pas moins
abominables que leur doctrine était extra-
vagante, loi/. Théodorel, llœrit. fabiil.
HAUDESANISI'ES, nom d'une secte d'hé-
rétiques, ainsi appelésde ll(irdesanes,Sy iwii,
qui vivait dans le ii» siè» 1(\ el demeurait à
Èdes«e, ville de Mésopotamie. Si l'on croit
saint Ëpiphane, Hardesancs fui d'abord ca-
tholique, et se distingua autant par son sa-
\oir que par sa piété l'>.isébe, au contraire,
en parle comme d'uu honunc qui a toujours
été dans l'erreur. 11 fut d'abord engage dans
celle de Vàleblin, en rejeta une partie, eu
retint une aulre, et y en ajouta de nouvelles
de son propre fonds.
Beausobre, qui a fait l'histoire de Barde-
snnes et de ses erreurs, {llist. du Mcmich. l.
II, "I IV, c. 9), les réduit à trois principales. La
première, d'admellrc deux premiers prin-
cipesde toutes choses, l'un bon, l'aulre mau-
vais; de supposer que celui-ci existe de lui-
même et s'est produit lui-même, el qu'il est
l'jiuteur de tout le mal qu'il y a dans le
monde. La seconde, de nier que le Verbe
cleruel ou le Fils de Dieu ait pris une chair
humaine; selon cet hércii(iue , le X'erbe
s'était seulement revêtu d'un corps céleste
el aérien, comme les anges qui ont ap|iaru
plus d'une fois aux hommes; iiinsi la chair
du Fils de Dieu n'était qu'apparente, il n'a pu
soulîrir, mourir et ressusciter qu'en appa-
rence. C'était l'erreur commune à la plupart
des sectes des gnosti(jues. La troisième, de
nier la résurrection future de la chair, de
soutenir que les bienheureux auront des
corps célestes semblables à ceux des auges
el à celui de Jésus-Christ.
Après cet exposé, nous ne concevons pas
comment Beausobre peut soutenir que Bar-
desanes, comme tous les autres sectaires qui
ont admis deux principes, ne reconnaissait
cependant qu'un seul Dieu, bon, toul-puis-
sani, qui a l'empire de l'univers, sans qu'au-
cun être poisse se soustraire à son pouvoir.
Ibidem, | 10. 1 " C'est une absurdité de sup-
poser qu'un êlre incréé, (jui existe de soi-
même, piir conséquent de toute élernilé,
est essenliellenienl mauvais, et qu'il n'est
pas Dieu; la notion la plus claire que nous
ayons de la Divinité, esl d'cxisler de soi-
mêuie el nécess;iirement. Lorsque Barde-
sanes di.-ait que le mauvais principe s élail
produit lui-tn^nii', il déraisonnait; ce qui
n'existe point encore peul-il se donner l'exi-
slence? 2" En quel sens le Dieu bon est-il
loul-piiissanl el maîlre absolu de l'univers,
s'il y a un être mauvais duijuel il ne peul
pas empêcher l'action, el qui ne dépend pas
(le lui, puisqu'il n'a pas reçu l'être de lui?
3" S'il est vriii que le mauvais esprit esl con-
tenu et conservé par le Dieu bon, si rien
n'arrive Siins la volonté ou sans la permis-
sion de celui-ci, il est clair, ou que le Dieu
bon lais c volontairement exister le mal, ou
(ju'il en ignore l'existince, ou qu'il ii'a pas
le pouvoir de l'empèclier. '^'' 11 n'est pas
question de savoir si ces mêmes conséqucn-
ce.> résultent du système orthodoxe, comme
l(! prétend Beausobre, ou si elles n'en résul-
tent pus, mais de s:ivoir en quoi l'evislcnce
supposée d'un nlauvais principe peut servir
à e\pli(iuer l'origine ou mal; des qu'il est
évident ((U'elle ne sert à rien, que dans cette
hypollièsi; Dieu est t>iujours r<sponsal)le du
mal qui arrive dans le monde, il est rid.cule
de la soutenir, o' Il ne s'agit pas seub ment
d'expli(juei d'où vient le mal moral, et desa-
voir pourquoi Dieu le permet, mais de dire
quelle est la c:iuse du mal physique, dis
suuITrunccs (les ciéalurc» »euïiblus el du
S09 BAR
leur imperfectioD naturelle, qui est dans le
fond la première racine du mal moral. Or
l'opinion de Bardt-saiies ne salisfail point à
cetl(; (lilTiculté. fi° Quand mên)e on suppose-
rail dans te système orthodoxe que Uicu a
créé les iionimi'S tels qu'ils sont, impai faits,
sujets à la douleur, enclins an mal moral, et
(•apa!)li'S de le commettre, il ne s'ensuivrait
encore rien conirc la loute-piiissance, la sa-
gesse et la bi'uté infinie do Dieu, nous le dé-
montierons à l'article. Mal. L'Iiypotlièse de
Bardesaiies et des autres anciens seclain^s
est donc inuiile et absurde à tous égards:
mais la fureur de vuiloir les excuser et les
disculper a rendu Heansobre aussi mauvais
logicien qu'eux. Nous le verrons raisonner
de même dans les articles CtiivtiOMEiNS, Ma-
nichéens, MAKCioNitiiS, etc.
Il ne servait à rien de dire que le Dieu bon
avait créé d'abord les âmes des hommes
pures et d'une nalure céiesle, mais que le
mauvais principe les séduisit et les entraîna
dans le péché; que pour les punir Dieu per-
mit au mauvais principe de les enfermer
dans des corps grossiers et corruptibles (lu'iî
avait tonnés. Il s'ensuit toujours que ces
âmes, par leur nature, étaient capables de
se laisser séduire et de pécher, par consé-
quent faibles et très imparl'iiites ; le Dieu
bon n'aurail-il pas pu les créer meilleures et
les préserver de la séduction? La difficulié
tirée de la permission du mal subsiste donc
toujours, et l'hjiiothèse de Hardesanes n'y
salislail en aucune manière. Nous ne voyous
pas sur quoi est fondé le titre i\'ltabtie
homme ([ue Beausolwe lui prodigue. On dit
qu'il écrivit un traite contre les marcio'.iites;
mais son système ne valait guère mieux que le
leur.
L'erreur de ceux qui n'admettaient dans
le Fils de Dieu qu'une cli.iir fantastique et
api)arenle était née dès le temps des apôlies,
puisque saint Jean la réfute (/:/;«'.•>/. ii, v. 7).
Lile lut embrassée par la plupart des héré-
tiques du II'' siècle; et c'est une preuve de
la réalité l't de la cerlitiide des fails publies
pai' les apôtres. Si leur lenioignaLie n'avait
pas été irrécusable , tous ces iiéréticiues,
philosophes mal convertis, l'auraient aliaqué.
Comme ils ne pouvaient concilier les liunii-
liàlions du Fils de Dieu avec l'idée i|u'ils
s'ét, lient formée de la Divinité, ils auraient
uié absolument qu'il fût né, mort et ressus-
cité, comme le disaient les apôtres, s'ils
avaient pu opposer à ce témoignage celui
des Juifs ou de quelques témoins oculaires.
Mais ils se retranchèrent à dire que tout cela
s'était fait seuleme.t en apparence; que Dieu
avait fasciné les yeux des apôtres cl des au-
tres spectateurs, et les avait lrom|ies par
des illusions. Or, avouer l'apparence des
faits, récuser la certitude du témoignage des
sens, c'était rendre justice à la sincérité et à
la proliite des a|iôlres. C'est tout ce ((ue nous
demandons. Les incrédules, qui usent aujour-
d'hui les accuser de mensonge, tiaiter de
fables leurs narrations, ne peuvent récuser
des témoins qui n'étaient point liés d'intérêts
avec les apôtres, et qui cepoudatit coulir-
BAR
510
ment leur récit par la manière même dout
ils le combattent. La Proviibnce divine a
donc en ses raisons en permettant la multi-
tud(! d'hérésies que l'on a vues eclore dans le
ir' sièi^le.
n.VKNAnfi (saint) est appelé apôtre par les
Pères de l'iiglise et par saint Luc lui-même
( Act. Mv, 13 ), quoiqu'il ne fût pas du
nombre des douze que Jésus-tJhrisl avait
choisis, mais l'un des soixante-douze disci-
ples que le Sauveur avait instruits lui-même
et envoyés pour prêcher l'Evangile i Luc. x,
1 et 17). Siitnl Iliunubé (ul le compagnon des
voyages et des travaux de saint l'anl; il eut
beaucoup de part à tout ce que lirent les
apôtres pour ilablir le christianisme.
11 re^te de lui une épîlre qui a été mise à
la tête des écrits des Pères apostoliques, de
l'ediiion de (jolelier, mais ilont le cummeii-
cément est perdu. Elle était adressée aux
Juifs convertis, (|ui prétendaient que les ob-
servances légales étaient encore nécessaires
au saint pour tous ceux qui croyaient en
Jésus-Christ, (juuique les apr)tres eussent
décidé le contraire dans le concile de Jéru-
salem {Acl. x\).Siniil. Uarnahé, dans la pre-
mière partie de sa lettre, montre que les cé-
rémonies mosaïques ont été abolies par la
loi nouvelle ; dans la seconde il donne d'ex-
cellentes leçons de morale sur l'humilité, la
douceur, la patienc-, la ch ii iié, la chastelé,
etc. On \ trouve beaucoup d'érudition hebra'i-
quc, une grande connaissance des Lcritures,
et des explications allégoriques, telles qu'elles
étaient en usage parmi les Juifs.
Celte épîlre a été citée sous le nom de saint
Barnabe par saint Ciémeiil d'Alexandrie, par
Oiigèue, par Eusèbe, par saint Jérôme. Les
deux premiers semblent la mettre au rang
(les Ecritures canoniques , et lui attribuer la
même autorité ; les deux derniers disent
qu'elle est apocryphe. Il ne faut pas conclure
de là, comme ont fait (juelques modernes,
qu'Eusèbe et saint Jérôme ont été persuadés
que cette lettre n'était point de sanit liar-
nubé, où qu'ils en ont douté, mais seulement
(ju'ils l'ont exclue du nombre des livres
canoniques. Ils nomment apocryphes non-
seulement les écrits faussement attribués
aux apôtres ou aux disciples de Jésus-Clirist,
mais encore eeiix qui oui été placés mal à
propos par quelques anciens au nombre des
livres sacrés. C'est une équivoque, de la-
quelle ont abusé les critiques protestants,
et par laquelle il ne faut pas se laisser trom-
per. — TilU-mont et d autres, prévenus de ce
préjugé, disent que si cette lettre avait été
reconnue pour être véritablement de samt
Barnabe, l'Eglise, qui honore ce saint comme
un apôtre, n aurail pas manqué de la rece-
voir au nombre des livres sacrés et canoni-
ques. Cette Conséquence n'est pas infaillible.
Saint Barnabe n'était point du nombre des
apôtres choisis par Jésus Christ, mais l'un
des soixante-douze disciples. Il e4 très-pro-
bable que Hermas et sainl Clément avaieut
eu le même avantage; leurs écrits cepen-
d ml u'oiit pas été const.iuiment placés p.irmi
les liTrei) sacrés. La lettre tic saint Barnabe
su
BAR
BAR
SIS
était adressée aux Juifs, aussi bien que celle
de saint Paul aux Hébreux, et celte dernière
a donné lieu à des contestations. Les fautes
piolendues que les critiques modernes trou-
vent dans cette lettre, ont pu faire aussi im-
pression sur les anciens, et les empêcher de
la mettre au rang des livres canoniques. 11
est bonde savoir ce que l'on y trouve à re-
prendre.
L'auteur, dit -on, cite divers passages qui
..e se trouvent point dans l'Ecriture ; selon
lui, tous les Syriens, les Arabes et tous les
prêtres des idoles reçoivent la circoncision;
toutes choses seront terminées dans l'espace
de six mille ans, et Jésus-Christ est monté
au ciel le dimanche. Ces reproches sont-ils
assez graves pour qu'on ne puisse pas attri-
buera saint Barnabe la letlre qui porte son
nom? — Chapitre?, il cite un passage du
livre des Nombres, au sujet du bouc émis-
saire; il y ajoute des paroles qui ne sont
point dans ce livre, mais qui expriment une
circonstance de cette cérémonie telle qu'elle
se f lisait par les Juifs. Où est l'erreur? Les
Juifs ne pouvaient pas y être trompés. —
Chapiire 12, il cite un prophète qu'il ne
nomme pas, et l'on croit trouver ce qu'il dit
dans le quatrième livre d'Esdras, qui est
apoir\phc. Mais cette citation peut aussi
a\oii été tirée «l'un autre livre prophétique
qui n'existe plus. - Pour que saint Bar-
nabe ait pu ciler aux Juifs le quatrième livre
d'Esdras, il suffit que les Juifs l'aient res-
pecté comme prophétique; il ne s'ensuit pas
que saint Barnabe l'ail regardé comme tel
lui-niênie. C'était un argument personnel,
bon pour les Juifs. — Ce ((u'il dit de la cir-
concision des Syriens, etc., chap. 9, est con-
firmé non-seulement par Origène et p;ir
d'autres Pères, mais encore par les auteurs
profanes, Voy. les Noies de Colelier et de
Ménard sur cet endroit. Ce qu'il ajoute ,
ehaf)itre xv, sur la durée du monde cl sur
sa liii après six mille ans, était une tradition
juive, fausse sans doute, mais à laquelle
saint Irénée el d'autres Pères ont ajouté foi;
saint Barnabe a pu la ciler sans en être fort
persuadé. — Quant au passage (]ui regarde
le jour de l'Ascension, il nous parait que
l'on en prend mal le sens; il y a, chapitre
XV : Nous célébrons avec joie, le huitième jour
auquel Jésus-Christ est ressuscité; el après
s'être fait vnir, il est monté au ciel. Cela né
signifie pas qu'il est monté au ciel le j';ur
même qu'il est ressuscité.
On excuse ces fautes, dit Tillemonl ; mais
ne vaut-il pas mieux ne pas se réduire à être
ob'igé d'excuser des fautes, dans un apAtre?
Si ce sonl là des fautes, elles n'inléressent
ni la foi ni les mo'Urs, et nous ne voyons pas
qu'il soit fort nécessaire de supposer que
saint Barnabe a dû en être exempt. - L'au-
teur du Mémoire sur les libres apocryphes
yHist. de l'Acad. des inscript., t. xin, t'H-12),
el celui de Vlîsatnen ciitiqur des apologistes
de la Religion (hrélienne, (jui ont regardé
le jugement deTillemont comme irréfragable,
auraient du examiner la <|uesliun de plus
près. - Le savant Lardencr, qui avait lu tout
ce que a l'on écrit pour on contre, croit que
celle lettre est véritablement de saint Barnabe,
qu'elle a été écrite immédiatement après la
ruine de Jérusalem et du temple, i'an 71 ou
72 de Jésus-Christ. Credibility of the Gospel
histury, 1. 111, 1. 1, c. 1.
lîAKNAlilTES (o). Religieux de la congrégation des
Clercs réguliers de SaiiU-Paul.
Celle cniigiégalion commença l'an tS30, sous le
ponlllicat de Clément VII. Elle reconnaît trois fon-
dateurs, (|ui sonl AnlDine-Marie Zacharie, Barthélé-
my Ferrari et Jacques-Antoine Morigia : le premier
originaire de Crémone, et les deux antres d« Milan.
Cis trois lionunes issus des familles les plu< remar-
quable'i de leur pays, mais encore plus distingués
par leur piété (|ue par leur naissance, s'unirent pour
fonder la congrég.ition (les Clers réguliers de Sainl-
Paul, connus sous le nom de Barnubites, à cause de
l'ég ise de St-Bainabé qui leur fut accnrdéc à Milan.
Cet établissement eut pour (djjet de former la vie
des chrétiens sur la doctrine des EpUres de saint
Paul ; de leur donner des ndnisires pour la conles-
sion, la piéilication et l'enseignement de la jeunesse
daiisles collèges et les séminaires, et pour se consacrer
au» missions. Plusieurs excellents sujets s'associèrent
;i celte congiégalion : elle n'avait pas encore deux
ans d'existence, que Clément VII s'empressa de la
C'inlirnier par un bref, en lui permettant de se choi-
sir MU cliel, et de faire les liois vœux de la relgion.
L'Iiabil des membres de cette congrégation est le
même que celui i|iie portaient les préires séculiers
de ee temps-là ; il est eiitiéremeiit semblable à celui
des Jésuites. Ils vivent suivant les constitutions que
leur laissa Antoine-Marie Zacharie. (.'.es constitutions
furent augmentées dans un chapitre général tenu
en Ibi'l, et présidé |iar l'évéque de Laudicée, com-
me député du Saini-Siége ; elles furent retouchées
dans un autie chapitre tenu en l."i79, examinées par
saint Charles borroméc et par le c.irdinal Jean-An-
toine Serbellini, protecteurs de la ((uigiégalinn ; en-
fin elles lurent approuvées par le pape Gié^uiie XIII,
et depuis ce temps-là elle n'ont point varié.
Une congrégation si utile à l'église ne pouvait
man(|uer de s'accroître. Les Umnubiles lurent appe-
ler à Pise, a LIvourne, à Boulogne, à Naples, à
( énes et dans plusieurs autres villes d'Italie. Ils
se ié|>aiidirentdansla Buiiéme. (>harles-EmmanuelI°'
les attira d;ins la Savme, et ils y formèrent plu>ieurs
élahlisseinents. L'empereur Ferdinand II les demanda
à la cuiigrégalion de Propagande, el leur donna
plusieurs maisons. Henri IV les ht venir en France.
Ils furent (ralxnd employés dans le liéarii à la eon-
VI r^ioll lies calvinistes; la leligion catliolitpie y reprit
ses exercices, et Ion peut dire' que c'est a leurs
soins qu'on est en quelque façon redevable du ré-
tablissement de la loi dans celle province. — Louis
Xlll leur aeconla, par des lettres paienles de l'an
l(.t"2, la permission de s'éiablir dans toutes les villes
d(^ son royaume où ils seraient appelés. Henri de
(ioii'li, évéqiie de Paris, leur dimna, en i(J5l, l'é-
glise et la niaiseii du prieuré de âainl-Eloi à Paris.
Ils possédaient plusieurs collèges et plusieurs sémi-
naires dans dilfereiiti'S villes nu royaume : ils ea
avaient dans les diocèses de Paris , de Sens , de
'l'ours, de Limoges, do Lescar, d'Oléion, de Oax, de
Basas et de Viviers. Los papes leur oui accordé suc-
cessivement plusieurs privilège» el exemptions ; mais
en France ils ne jcniissaient d'aucun de ces privilè-
ges ; ils n'avaient d'autres exemptions que celles qui
étaient co lunes aux ordres religieux en général ;
et dans les diocèses on ilseiaienl établis, ils se regar-
daient comme soumi» à tout ce qui esl du ressort de
l'auiorite ë|iiscopale.
Ils ne |iossédaieut en France ijue deux cures,
(a) Cet arllcle est reproduit d'après l'cdiliio de I.iége.
SI!
BAii
BAR
SU
(loin l'une éiail celle.de Passy, près Paris. Ce béiié-
(iccleura occasionné une conleslalion en 1775, avec
M. le marquis île BonNiinvilliers, seigneur de l'en-
(Iriùt, représenlant madame de Clialiu, diniie de
l'assv. el l<nidulrice de ce bénélice. Il olail dit par le
litre de fondation passé le l el 5 mai l(i72, ijue le
supérieur de la communanKi des Barnabiles , de
la maison de Sainl-Eloi a Paris , indiquerait ,à
celle dame et à ses successeurs , seigneurs de
Passy, un religieux pour desservir la cure, el <|ue la
noniinaiion serait donnée aux religieux par cette
dame et ses successeurs, sur l'indication : en consé-
quence, lorsqu'il fut question de nommer, en 1773,
un nouveau curé à Passy , dum Nogm^res fnl indi-
qué par son supérieur. M. de Boulainvilliers s'opposa
à sa prise de possession, quoiqu'il lui eût éié pré-
senlé piHir avoir son agrément ; il prétendit être
niaîlre lui-même du choix du sujet. Les Baniabues
de Saini-Kloi prirent le fait et cause de leur reli-
gieux : ils firent voir que la nomination, laissée au
seigneur de. Passy n'était qu'un droit Imnorilique, et
que ce seigneur ne pouvait refuser le sujet qu'on
lui présentait. Celle assertion fut appuyée de dilFé-
renls moyens lires de plusieurs actes concernant le
béuéûce, et surtout du fait de possession, suivant le-
quel jamais aucun curé de l'endroit n'avait été antre
que celui qui avait été indi(|ué par son supérieur; au
moyen de quoi la conleslalion se termina à l'avan-
tage des Barnabiles {a).
Leur manière de se gouverner était assez conforme
à celle de li plupart des corps religieux : ils avaient
un général qui faisait ordinairement sa résidence à
Rome ou à Milan, ei ce général étendait son aiito-
rilé sur loule la congrég .lion. Cliaque province
avait ensuite son supérieur particulier sons le litre
de provincial. La congrégation lenail un chapitre gé-
néral tous les trois ans , alternaiivemeiil à Koine et
à Milan. C'e>t- dans celle assemblée que se nom-
maient ions les supérieurs généraux et particuliers ;
mais l'aulorilé qu'on leur iloimail n'éiail que pour
trois ans ; elle pouvait cependant leur être continuée
dans un autre chapitre pour le même nombre d'an-
nées, mais elle (levait cesser au bout de ce temps-là,
excepté pour les maisons de noviciat, où les supé-
rieurs pouvaient encore être continués pour trois
années de plus.
L'ordre ties Barnabiles n'a jamais donné prise à la
censure : la douceur de son gouvernement enti eie-
iiail parmi ses membres une union exemplaire. Les
religieux, uniiiuemeiu occupés de leurs devoirs, ne
se sont jamais mêlés de ces misérables disputes qui,
dans ces derniers temps, alUigeaienl la religion.
Leur étude principale élail celle des sciences pour
l'instruction des jeunes gens coiiliés à leurs soins
dans les collèges; el l'on peut dire qu'ils s'acquittè-
rent de celle partie de leur inslitul avec autant de
succès que de zèle. Leur congrégation a fourni à
l'Eglise nombre d'e piélits, entre autres dum de
la Koque, pioniu à l'évêclié d'Eumènes-. Us ont eu
en llalie plusieurs grands écrivains, et en France,
les Pères l.olomne, Mirasson el de Livoy, se sont
tait connaître par des ouvrages pleins de sages^e el
d'érudition, (l'.xtrait du Diction, de Juriaprudence.)
BAUSANIENS ou SE.MIUULITES, liéréli-
qiies qui paruretil au vt' siècle. Ils soule-
iiaienl les erreurs des gadianites, el faisaient
consister leurs sacriûces à prendre du bout
du doigt de la lleur de farine et à la porter à
sa bouche. Voy. saint Jean Dainasc, de Hœ-
rex.; Baronius, ad an». 535.
BARTHELEMY (saint), apôtre. Les anciens
écrivains ecclesiasliques ne nous apprennent
rien de certain des actions ni des travaux de
(a) Ce régime u'existt plus
ce saint apôtre. Selon la tradition coniinuiic,
il a prêche dans les Indes; mais il parait que
sous ce nom l'on entendait autrefois l'Arabie
heureuse. 11 n'a rien laissé p.ir écrit; le faux
évangile que quelques hérétiques avaient
forgé sous son nom fut déclaré apocryphe
par le pape (iélase.
Barthélémy (Massacre de la Saint-J. C'est
un des plus fâcheux événements de notre his-
toire, dont les ennemis de la religion sont très-
attentifs à renouveler le souvenir, el qui
fournit une ample matière à leurs déclama-
tions. C'est le massacre des calvinistes, fait à
Paris le "Ik août 1572, que l'on a nommé la
journée de la SainC-Barlhélem!/. En supposant
que les catholiques furent poussés à cet acic
de cruauté par le zèle de religion, il a été aisé
de rendre ce motif odieux, et de faire con-
clure qu'il n'est point de passion plus redou-
table. — Mais il est prouvé par des monu-
ments incontestables, 1° que la religion ne
fut point le motif de ce massacre, et que les
ecclésiastiques n'y eurent aucune part. L'en-
treprise formée par les calvinistes d'enlever
deux rois, plusieurs villes soustraites à l'o-
béissance, des sièges soutenus, 'des troupes
étrangères introduites dans le royaume,
quatre batailles rangées livrées au souve-
rain, n'étaient-elles pas des raisons assez
puissantes pour irriter Charles IX , sans
le motif de la religion, et pour lui faire en-
visager les calvinistes comme des sujets
rebelles et dignes de mort? Ils ont beau
excuser leur révolte par la prétendue droi-
ture de leurs intentions et par la raison du
bien public, ce motif, toujours aisé à feindre,
ne peut pas plus servir à les jusli6er qu'à
excuser la cruauté des catholiques. — Aucun
ecclésiastique ne fut consulté el n'entra au
conseil dans lequel le m.issacre des calvinis-
tes fut résolu ; le duc de Guise même en fut
exclu. Il est faux, quoi qu'en dise l'auleur
des Essais sur l'histoire générale, que celle
funeste résolution ait été préparée et méditée
par les cardinaux de Birague et de Retz; ces
deux hommes n'avaient pour lors que très-
peu d'influence dans les affaires; ils ne furent
élevés au cardinalat que longtemps après. Si
Grégoire XIII rendit solennellement grâces
à Dieu de l'événement, ce n'était pas pour se
réjouir du meurtre des calvinistes, mais de
la conservation du roi, (jui écrivit dans toutes
les cours (juc les rebelles avaient mis sa vie
et sa couronne en danger. Que le fait fiît
viai ou faux, le pape pouvait le croire de
bonne foi et remercier Dieu de ce que le roi
et la religion calholiqueétaient sauvés. Si les
ennemis étaient sur nos frontières, si on les
battait et que l'on en tuât un grand nombre,
nous remercierions Dieu, sans doute, non de
l'effusion de leur sang, mais de la cessation
du péril. — Il est piouvé encore, par l'aveu
même des protestants, que les évéques, les
ecclésiastiques, les religieux, loin de prendre
part au meurtre dans les villes otji le peuple
voulait massacrer les calvinistes, comme on
avait fait à Paris, firent leur possible pour
l'empêcher, elen sauvèrent un grand nombre
dans les couvenls. Cela se lit même dans la
51g
BA'R
DAR
510
ville de Nîmes, où les hnguenols avaient
deux fois massacré les catholiques de sang-
froid. Plusieurs catholiques furent envelop-
pés dans le massacre dt>s calvinistes. L'au-
leur des Annales politiques n'a donc pas eu
tort de soutenir, loin. III, n" 18, que le clergé
n'a eu aucune pari à celte boucherie.
2° La proscription des calvinistes fut dictée
par une fausse politique. L'ambition de l'a-
miral de Coligny, sa jalousie contre les Gui-
ses, sa conduite séditieuse, furent la vraie
cause de tous les troubles du royaume. Il
était plus souverain, à l'égaid des calvinistes,
que Charles IX ne l'était à l'ogard des cntho-
liques ; les huguenots avaient osé dire au roi :
Faites II guerre aux Espagnols, ou nous se-
rons conlrainlsde vous la faire; l'amiral avait
eu la témérité d'offrir au roi dixmillehommcs
pour entrer d;ins les Pays-Bas; il les avait
donc à ses ordres. Ce sujet rebelle n'avait
que trop mérité l'arrêt de proscription pro-
noncé contre lui ; mais ce n'est pas par un
massacre qu'il fallait le punir. Les éloges
que lui ont prodigués les calvinistes sont
trop suspects pour servir à sa justification.
— 3° Il est encore prouvé que le massacre de
l'amiral el de ses partisans ne fut point un projet
prémédité et préparé de longue main, mais
l'effet momentané du ressentiment de Cathe-
rine de Médicis et de son Ois le duc d'Anjou,
et de la colère qu'ils inspirèrent à Charles IX.
La proscription regardait seulement Paris et
les chefs du parti huguenot, el non les autres
villes du royaume ; mais la fureur du peuple
une fois allumée se porta beaucoup plus loin
que le gouvernement n'aurait voulu. Dans
les autres villes, où le peuple lit de même
malgré les ordres du roi, ce ne fut pas le
même jour, mais dans di's temps très-diffé-
rents, puisqu'à Toulouse et à Bordeaux ce
fut plus d'un mois après le massacre fait à
Paris. Les calvinistes et leurs partisans ont
eu la mauvaise foi de «lire que le roi dépêcha
des courriers dans les différentes vilh-s du
royaume pour y faire massacrer les hugue-
nots, pendant qu'il lis envoyait réellement
pour empêcher que cela n'ariivàl. — 4° Il
est certain que le nombre de ceux qui périrent
est beaucoup moindre qu'on ne l'a supposé.
Si quelques écrivains l'ont porté jusqu'à cent
mille hommes, d'autres ont soutenu qu'il n'a
pas passé dix mille hommes, et c'est encore
trop. Le Martyrologe des protestants, qui en
com|jlait mille à Paris, n'a pu en assigner
dans le détail que (juatre cent soixante-huit,
et pour tout le royaume sept cent quatre-
vingl-six, au lieu de quinzi: mille qu'il sup-
posait en bloc. — Si l'on y veut faire atlen-
lion.ccn'étail pasau bas peuple calviniste que
l'on en voulaii, c'était aux chefs, àccuxau.x-
quels on attribuait les révoltes, les séditions,
les meurtres, qui s'étaient commis dans hs
différentes villes; il est donc impossihie que
le nombre des morts ail été aussi grand
que nos déclamaleurs modernes l'ont sup-
posé.
Ce (lue nous venons de dire est lire d'un
ouvrage dont on a indignement calomnié
l'auteur, eu prélenJanl qu'il avait fait l'apu-
|ogie de la Saint-Barthclemy, tandis qu'il ne
s'esi proposé autre chose que de montrer
que les protestants et leurs copistes ont dé-
guisé le vrai motif de celle exécution san-
glante, en ont exagéré l'atrociié, et en ont
chargé des hommes qui n'y eurent aurune
part. Dn auteur qui commence p ir dire :
« Quand on enlèverait à la journée de la
Saint- Barthélémy les trois quarts des horri-
bles excès qui l'ont accompagnée, elle serait
encore assez affreuse pour être déti siée de
ceux en qui tout sentiment d'humanité n'est
pas éteint; » el qui Bnii par les vers du pré-
sident de Thou : Excidatilla dies, etc., peut-
il être désigné de honiie foi comme l'apolo-
giste de ce massacre?
L'auteur d'un écrit intitulé VEsprit de Jç~
sus-Christ sur la tolérance , pour excuser 1rs
calvinistes d'avoir pris les armes , dit :ju'ils
y funnl obligés, parce qu'ils savaient qu'on
en voulait à leurs privilèges ; qu'ils agis-
saient de concert avec Catherine de Médicis,
et pour empêcher que les Guises ne devins-
sent maîtres du royaume.— Mais, parce qu'il
plaisait aux huguenots de penser qu'on en
voulait aux privilèges qu'ils avaient obtenus
par force , était-ce une raison légitime de
prendre les armes contre leur souverain ?
Catherine de Médicis était-elle en droit de
les y autoriser, et la crainte de voir les Gui-
ses devenir trop puissants était-elle un juste
sujet de se révolter? Voilà d'étranges prin-
cipes de droit public. — Il prêtent^ que Iç
meurtre des calvinistes fut une affaire 4e re-
ligion et de proscription tout ensemble. La
proscription est certaine , il vient lui-mémo
d'un indiquer les motifs; mais où sont les
preuves de l'influence de la religion ? 11 n'en
donne aucune. 11 n'est pas sur, dit-il , que
Barague et de Retz ne soient pas entrés au
conseil. S'ils y étaient entrés, les iniguenols
ne se seraient pas tus , et ne leur auraient
jamais pardonné. Cet écrivain prétend que
l'humanité de plusieurs catholiques , en
cette rencontre, ne prouve rien; mais l'hu-
manité des évêqucs,des préires, des moines,
prouve-t-elle en eux un fanatisme de reli-
gion ? — II justifie très-mal la conduite et les
desseins de l'amiral de Coligny, par les élo-
ges que les historiens ont faits de lui. Ces
éloges sont partis de l;t plume des protes-
tants oii d'éirivains qui les ont copiés par
prévention. Le comble du ridicule est de sou-
tenir (lue le sac de Mérindol et de Cabrières,
arrivé vingt-sept ans auparavant , avait été
le [irélude du massacre des huguenDts. — Il
assure que, pendant que Gharlçs IX envoyait
des courriers pour prévenir ce désordre
d.ins les provinces, il dé|iéchait des émissai-
res secrets pour y exciter Içs catholiques :
c'est une |)ure caloi^mic. Pour prouver le
grand nombre de ceux qui furent w» à
mort, il n'allègue que des écrits qui ont été
plusieurs lois réfutés.
Nous ne voyons pas quel avantage les in-
crédules peuvent tirer de ce fait odieux pour
calomnier la religion.
BAIV I HliLlîMI I ES , clercs réguliers fon-
dés par Barthélémy Hobzaiizer, à Salzboorg,
p
517
BAR
BAS
818
le premier août 1C40, et répandus dans plu-
si<'Urs provinces d'Allemagne, en Pologne et
en Catalogue. Ils vivent en comniun, sont
dirliiés par un président général et par des
présidunls diocésains; ils s'occupent à for-
mer des ecclésiastiques. Les présidents sont
» soumis aux ordinaires , et ont sous eux des
doyens ruraux. Ces degrés de subordinalinn
et d'autres usaïï;es qu'ils observent , répon-
dent avec succès au but de leur inslitulion.
Un curé bartliélémite a ordinairement un ai-
de; et si le revenu de sa cure ne suKit pas
pour deux , il y est pourvu aux dépens des
curés plus riches de la même congrégation.
Tous sont engagés par vœu à se secourir
mutuellement de leur superflu , sans être
privés de la liberté d'en disposer par legs ,
ou I our assister leurs parents pauvres. —
Ce fonds , augmenté de quelques dona-
tions, suffit à l'entretien de plusieurs mai-
sons dans quelques diocèses. (Juand il y en
a trois , la première est un séminaire com-
mun pour les jeunes clercs, où ils étudient les
humanités , la philosophie , la théologie et
le droit canonique. On n'exige aucun enga-
gement do ceux qui font leurs humanités;
les philosophes promettent de vivre et de
persévrrer dans l'institut; les théologiens
en font serment. Ils peuvent cependant ren-
trer dans le monde avec la permission des
supérieurs, pourvu qu'ils n'aient ])as reçu
les ordres sacrés. Les curés et les bénéli-
ciers de l'inslitut hal)itent la seconde maison;
la troisième est la retraite des invalides de la
congrégation. Innocent XI approuva leurs
consiitutions en lliSO. I.a ntéme année l'em-
pereur Léopold ordonna que dans ses pays
héréditaires ils fussent promus par préfé-
rence aux bénéfices vacants ; et le même
pape Innocent XI approuva, en lli84, les ar-
ticles surajoutés à leur règle pour le bien de
l'institut.
BAKUCH, prophète, fils de Néri ou Né-
rias, et secrétaire du prophète Jerémie. Ses
prophclies sont contenues en six chapitres ;
nous ne les avons plus en hébreu, mais on
ne peut pas douter qu'il n'ait écrit en cette
langue ; les fréquents hébraïsmes que l'on
y trouve le font assez connaître. On en a
deux versions syriaques ; mais le texte grec
parait plus ancien.
Josèphe l'historien remarque [Anliq. l. x,
c. Il) que ce prophète était d'une naissance
iUuslre et très-habile dans la langue de son
pays. Dans le IP livre des Machabéos, c. i',
V. 1 et suiï., les -luifs de Jérusalem écrivent à
ceux d'Egyp'.e que Jerémie reco;nmanda ex-
pressémentà ceux qui allaient deJuiléedans
un pays étrangiT, de ne pas oublier la loi
du Seiyneur, et de ne pas tomber dans l'ido-
lâirie; c'est m effet l'ot)jol de la Iritre de
Jéiéioie aux Juifs de Babylone, qui lut le .vi«
chapitre de Rninch.
Mais comme les Juifs n'ont vouiu recon-
naître pour livres sacrés que ceux qu'ils
avaient en hébreu , ils n'ont point compris
«lans leur canon la prophétie de Baruch ;
par la même raison elle ne Sf trouve point
daus 1«8 catalogues des livres sacrés donnés
par Origène, par Méliton, par saint Hilaire,
par saint Grégoire de Nazianze , par saint
Jérôme , par Rufin; mais il est à présumer
que la plupart l'ont comprise sous le nom
de Jerémie, comme ont fait les Pères latins.
Le concile de Laodicée, saint (Cyrille de
Jérusalem, saint Athanase et saint Kpiplia-
ne, nomment dans leurs catalogues Jerémie
et lianich. Saint Augustin et plusieurs au-
tres Pères citent les prophéties de Baruch
sous le nom de Jerémie, et dans l'Kglisi' la-
tine , ce qu'on lisait de Baruch dans l'oflice
divin était lu sous le nom de Jerémie. —
C'est donc assez mal à propos que les pro-
testants se prévalent de l'opinion des Juifs ,
du silence des Pères , et du préjugé dans le-
quel plusieurs ont été au sujet de la prophé-
tie de Baruch ; elle ne contient rien que d'é-
difiant, qui ne convienne très-bien au carac-
tère d'un vrai prophète et aux circonstances
dans lesquelles Baruch se trouvait.
Saint Irénce , Terlullien, saint Cyprien,
Kusèbe, saint Ambroise, saint Hilaire, saint
Grégoire de Nazianze , saint Basile , saint
Cyrille d'Alexandrie, saint Jean Chrysos-
toiiie, saint Augustin, saint Bernard et la
foule des commentateurs ont regardé comme
une prophétie de l'incarnaiion du Verbe,
ces paroles de Baruch (m, 30) : C'est lui qui
est notre Dieu, qui a donné la science à Jacub
son serviteur, et à Israël, son bien-atmé. Après
cela il a été rtt sur la Irrre et a conversé avec
les hommes. Cette pensée leur a paru la mê-
me que celle de saint .lean : Le Verbe s'est
fait chair, et il a habité parmi nous. On ne
conçoit pas en quel sens le prophète a pU
dire que sous l'Ancien Testament Dieu a été
vu sur la terre. Lorsqu'il parlait aux jia-
triarches, à Moïse , aux prophètes , il ne se
rendait pas visible. Voy. la Préface sur Ba-
ruch, Bible d'Avignon, I. X, p. i21.
BAHULlîS , hérélii|ues dont parle Sandé-
rus , qui soutenaient que le Fils de Dieu
avait pris un corps fantastique; que les
âmes avaient été créées avant la naissance
du monde, et avaient pécliè toutes à la fois.
Ces deux erreurs ont été communes à la
plupart des sectes qui sont nées au second
siècle de Tliglise. Les philosophes qui eu-
rent connaissance du christianisme, ne pu-
rent se résoudre à croire ni la chute du
genre humain, par le péché d'Adam , ni les
humiliations auxquelles le Fils de Dieu s'est
ré luit pour la réparer. Voy. Bardesams-
TES, Basilde, etc.
BASILF (saint), évoque de Gésarée en
Cappadoce et docteur de l'Eglise, qui mou-
rut l'an 379. Dom Garnier et d.iui Prudent
Maraud , bénédictins . ont donné une belle
édition de ses OEuvres en grec et en latin, en
3 volumes in-folio, en 1721 et 1730.
Le premier tome contient V Hexaméron ,
qui est une explication de l'ouvrage des six
jours de la création , treize Homélies sur
les psaumes, un Commentaire sur Isaie ,
cinq livres contre Eunomius , qui sont une
réiutatiou de l'arianisme. Le second rrnfer-^
me vingt-quatre Homélies sur différents su-
jets de morale et sur les fêtes des martvrs ;
519
BAS
BAS
.SSO
•divers Traités de morale nommés ascétiques,
les grandes el les petites règles pour les moi-
nes. On convient que les Constitutions 7nn-
nastiques qui ont élé allribuées à saint Ba-
sile ne sont pas de lui. On Iroir, e dans le
troisième volume le livre du Saint-Esprit ,
où la divinité de cette troisième Personne de
la sainte Trinité est prouvée par l'Ecriture
sainte et par la tradition ; trois cent trente-
six lettres sur divers sujets. Le livre de la
Virginité lui a été faussement attribué ;
mais il paraîta voir été écrit dans le même
siècle.
Il \ a chez les Orientaux une liturgie qui
porte le nom de saint Basile , qui élait en
usage dans les Eglises du Pont , de laquelle
.se servent encore les« jacobites , les Grecs
melchites, les cophtes d'Egypte et d'Abjssi-
nie. L'abbé Uenaudot, dans le tome 1'^ de sa
Collection des liturgies orientales, l'a donnée
traduite du cophle , ensuite en grec et en la-
tin. Mais comme il le remarque très-bien ,
il ne faut pas imaginer que saint Basile l'ait
composée et faite en entier; il n'a fait que re-
toucher la liturgie qui était déjà en usage
dans son Eglise, y ajouter quelques prières,
en corriger quelques-unes, etc. , sans en al-
térer le fond. La conformité do cette litur-
gie avec la multitude des autres liturgies an-
ciennes démontre que toutes ont été faites
sur un modèle primitif, suivi di puis les
temps apostoliques, et auquel on n'a jamais
touché. Le P. Lebrun en a aussi donné une
notice, Explic. des cérém. de la messe, tom.
IV, pag. •372. Voy. Liturgie.
Il n'est point de critiques anciens ou mo-
dernes qui n'aient rendu justice à l'éloquen-
ce, à l'érudition, à la pureté du style de saint
Basile. Pholius, Erasme , RoUin , n'ont pas
hésité de le proposer comme un parfait mo-
dèle de l'art oratoire. Mais les protesl.ii'.ts
ont attaqué sa morale , et les incrédules
n'ont pas respecté ses vertus : leurs repro-
ches sont aussi mal fondés les uns que les
autres. — Barbeyiac, dans son Traité de la
morale des Pires, ch. 11, accuse saint Basile
d'avoir enseigné que celui qui blesse à mort
un ennemi, même en se détendant, est cou-
pable de meurtri' ; qu'il n'est jamais permis
de tuer , même à la guerre ; qu'un chrétien
ne peut sans péché avoir des procès, nu
faire un serment; il ne permet le mariage
de deux personnes qui vivent dans la forni-
cation, que pour éviter un plus grand mal ;
il recommande aux moines un extérieur
triste, sale et négligé , malgré la leçon con-
traire que Jésus-Christ donne dans l'Evan-
gile. — Si , au lieu d'enseigner une morale
Irès-sévère, les Pères de l'Eglise avaient eu
des maximes relâchées , on déclamerait con-
tre eux avec encore plus d'amertume. Déjà
quelques incrédules de nos jours les ont ac-
cusés il'avoir eu plus à cieur la doctrine spé-
culative que la mor.ile, el d'avoii' fait plus de
cas de l'orthodoxie que des uKeurs. Mais
quelque austères que fussent leurs leçons, el-
les étaient cependant pratiquées , du moins
par un bon nombre de chrétiens fervents :
cela nous parait démontrer que la morale
des Pères n'était pas aussi outrée qu'on le
prétend.
On dit qu'ils ont poussé trop loin les rè-
gles de la patience qu'ils prêchaient aux fi-
dèles ; et tous les jours on accuse les chré-
tiens de n'avoir pas été assez patients , soit
envers les païens dans le temps des persécu-
tions , soit envers les hérétiques , lorsque
ceux-ci abusaient de la protection des em-
pereurs. Comment contenter des censeurs
aussi bizarres ? — Souvenons-nous que saint
Basile écrivait dans le temps que les ariens ,
soutenus par l'empereur Valens , exerçaient
le brigandage dans tout l'empire; ou ne
pouvait leur résister sans paraître se révol-
ter contre l'empereur : les Pères de ce temps-
là n'avaient donc pas tort de prêcher la pa-
tience aux catholiques , et de prendre à la
rigueur pour ce lemps-là les paroles de l'E-
vangile. Voy. DÉFENSE DE SOI-MÊME. — Us
avaient conçu une haute idée de la sainteté
du mariage ; il fallait inspirer le même sen-
timent aux chrétiens , parce que les lois
des empereurs y avaient très-mal pourvu ,
et que la licence du paganisme avait élé
poussée au dernier excès sur ce point ;
nous ne voyons pas en quoi la morale de
saint Basile pouvait être dangereuse. — 11
voulait que les moines portassent à l'exté-
rieur les marques de la pauvreté et de la
mortification de leur état ; en quoi contredi-
sait-il l'Evangile? Lorsque Jésus-Christ dé-
fendait d'affecier par hypocrisie un extérieur
tiiste et un visage exténué par le jeûne, il
ne parlait pas à des moines. On est aujour-
d'hui scandalisé de ce qu'ils n'observent pas
assez rigoureusement les leçons de saint
Basile. — On sail avec quelle fermeté il ré-
pondit à l'empereur Julien , qui avait d'a-
bord voulu le séduire , et qui ensuite me-
naça de raser la ville de Césarée , s'il ne
faisait pas porter au fisc mille livres d'or. Il
n'en montra pas moins à l'égard de l'empe-
reur \'alens, qui le faisait menacer de l'exil
el de la mort s'il ne livrait pas les églises aux
ai'iens. « Celui qui n'a rien , dit-il , que des
haillons et quelques livres, ne craint pas
d'être dépouillé. Je regarde comme ma pa-
trie, non le sol sur lequel je suis né, mais le
ciel. Un corps exténué tel que le mien ne
peut souffrir longtemps; la mort, en termi-
nant mes peines, me réunira plus tôt à mon
Créateur.» — Plusieurs incrédules umdernes
lui ont fait un crime de cette résistance aux
ordres de l'empereur; s'il y avait obéi , ces
mêmes censeurs l'accuseraient de lâcheté. Ils
lui ont reproché de n'avoir donné qu'un petit
évêché à saint Grégoire de Nazianze, son
ami. ils ignorent sans doute que saint Gré-
goire avait renoncé volontairement au siè-
ge de Constantinople , qu'il n'ambitionnait
comme !<aint Basile que la retraite , le re-
pos , la liberté de servir Dieu , loin du tu-
multe du monde. 11 est heureux pour nous
de n'avoir à justifier les Pères que de l'hé-
roïsme de leurs vertus; elles ont été trop pu-
res pour plaire à des esprits pervers et à des
cœurs corrompus.
Basile (Ordre de Saint- 1. C'e§l le plus an-
un
BAS
BAS
an
cien des ordres religieux. Selon Topinion
commune, il a tiré son nom du saint évcque
de Césarée, dont nous venons de parler, qui
donna des règles aux cénobites d'Orient ,
quoiqu'il ne fùl pas l'institulnur de la vie
monastique. En elTel, l'histoire île l'Eglise
atteste qu'il y avait eu des anachorètes et
des cénobites, surtout en Egypte, longli>mps
avant saint Basile. Il est très propable que
ce saint docteur ne lit (|ue mettre par écrit
ce qui avait été observé dans les commu-
nautés de moines de la Thébaïde qu'il était
allé visiter.
Cet ordre a constamment fleuri en Orient,
et s'y est maintenu depuis le qualricine siè-
cle. Presque tous les religieux qui y sont
aujourd'hui sous le nom de calo er, suivent
la règle de saint Basile, même ceux qui ont
pris le nom de sainl Antoine. Treize siècles
de durée nous paraissent prouver que cette
règle n'est pas d'une rigueur aussi outrée
que certains critiques ont voulu le persuader.
On prétend que saint Basile, s'étant retiré
vers l'an 357 dans une solitude de la pro-
vince de Pont, y resta jusqu'en 362 avec des
solitaires, auxquels il (irescrivit la manière
de vivre qu'ils ilevaienl observer en f.iisanl
profession de la vie religieuse. Kufin tradui-
sit ces règles en latin, ce qui les Ht connaître
en Occident; mais elles n'ont commencé à y
être suivies que dans l'onzième siècle. Ce fut
vers l'an 10o7 que les moines de sain/ 5, ;si7e
vinrent s'y établir. Grégoire XIII les réfor-
ma en 1579, et mit les religieux d'Italie,
d'Espagne et de Sicile sous une mèmt; con-
grégation. Dans ce même temps le cardinal
Bessarion, Grec de nation et religieux de cet
ordre, réduisit en abrégé les règles de sainl
Basile, et les distribua en 23 articles. Le
monastère de Saint-Sauveur de Messine en
Sicile est chef de l'ordre en Occident, et il
passe pour constant que l'on y fait l'offîce
en grec. Voij. Le Mire, de Orig. ordin. relig.
On sera moins surpris de l'austérité des
règles de saint Basile, si on fait attention
qu'en général la vie des Orientaux est beau-
coup plus sobre que la nôtre, et que le cli-
mat exige beaucoup moins de nourriture.
On y mange très-peu de viande; les légumes,
les herbes potagères, les fruits, y sont plus
succulents et plus nourrissants que les
nôtres; une exacte sobriété est absolument
nécessaire pour y conserver la santé : le
peuple y vit en plein air, presque sans au-
cune couverture, sans aucun besoin des
précautions que l'on observe dans les pays
septentrionaux. La manière de vivre des
moines de la Thébaïde était, à proprement
parler, la vie des pauvres en Egypte et des
personnes peu accoutumées aux superdui-
tés.
BASILIDE, BASILIDIENS. Au commence-
ment du ir- siècle , Basilide d'Alexandrie,
entêté de la philosophie de Pythagore et de
Platon, voulut en allier les principes avec
les dogmes du christianisme , et lorma la
secte des l/asiliiliens.
La grande question qui occupait alors les
philosophes, était de savoir d'où vient le
DiCT. DE Theol. dogmatiqcb. 1.
mal dans le monde. Platon , pour la résoudre,
avait imaginé que l'Êire suprême, infiniment
bon par nature, n'avait pas créé le monde
immédiatement par lui-même , mais qu'il
avait laissé ce soin à des intelligences infé-
rieures auxquelles il avait donné l'être; que
le mal qui s'y trouve était venu de l'im-
puissance et de la maladresse de ces esprits
secouilaires. Celte supposition ne faisait que
reculer la difficulté. Pourquoi l'Etre infini-
ment bon, muilre de créer le monde par lui-
même, en a-t-il donné la commission à des
ouvriers dont il devait prévoir l'impuissance
et l.'i m.iladresse? — Cependant les premiers
hérésiarques, Simon, Ménandre, Saturnin,
Basilide, et leurs seclaieurs, qui prirent le
nom de gnosliques, intelligents ou philoso-
phes , embrassèrent cette hypothèse; ils
eurent l,i lémériié de faire la généalogie et
l'histoire deces |)rétendusesprils subalternes,
de leur donner des noms, etc. — Ils suppo-
sèrent encore que les âmes humaines avaient
existé et avaient péciié avant d'être unies
à des corps, que pour les punir Dieu les
avait soumises ici-bas à l'empire des esprits
inférieurs, que chacun de ces esprits prési-
dait au gouvernement d'une nation. C'était
aussi l'idée de Celse, de Julien, et de la plu-
part des philosophes éclectiques ; c'est là-
dessus qu'ils fondaient la nécessité de rendre
un culte à ces esprits, p;ir le moyen desiiuels
ils prétendaient opérer des prodiges. —
Selon Basilide, l'esprit ou l'ange qui avait
gouverné la nation juive, était l'un des plus
puissants; c'est pour cela qu'il avait fait
tant de miracles en leur faveur ; mais comme
il avait voulu par ambition soumettre les
autres esprits à son empire, ceux-ci avaient
inspiré aux peuples qu'ils gouvernaient de
la haine contre les Juifs. Ainsi les guerres,
les malheurs, les revers des nations, étaient
l'elTct de la jalousie et des passions des es-
prits qui gouvernaient le monde. — Enfin,
Dieu, louché de compassion, avait envoyé
son Fils ou Vinlelligence, sous le nom de
Jésus-Chrisl, pour délivrer de celle tyrannie
les hommes qui croiraient eu lui. Pour fon-
der leur foi, Jésus, selon Basilide, avait
réellement fait les miracles que les chrétiens
lui allribuaieut ; mais il n'avait qu'un corps
fantastique et les apparences d'un homme :
pendant sa pa'^sion il avait pris la figure de
Simon le Cyrénéen, et lui avait donné la
sienne; ainsi les Juifs avaient crucifié Simon
au lieu du Christ qui se moquait deux, et
qui était remonté au ciel sans avoir été
connu de personne. — Basilide en concluait
que les martyrs qui souffraient pour leur
religion ne mouraient pas pour Jésus-IIhrist,
mais pour Simon, qui seul avait été crucifié.
11 concluait encore que ce n'était pas un
crime de se livrer aux désirs déréglés de la
chair, puisqu'ils étaient inspirés à l'àme de
l'homme par les esprils au pouvoir desquels
Dieu l'avait soumise, et que ces déirs étaient
involontaires (S. Clém. d'Alex., Sti ont. Ib.
ni, p; 510, etc.).
Ceî hérésiarque, enlélé du p\ Uiagorisme
et des prétendues propriétés que Pythagore
17
523
BAS
attribuait aux nombres, imaiiina que l'unité,
svmbotp, (In solrii, le nombre septénaire, re-
latif aux sept planùtes,le nombre 3(5o. qui
«'■'.primait celui des jours de l'année ou des
r.'volulions du soleil , devaient avoir des
propriétés merveilleuses, déterminer l'espril
gouverneur du monde à opérer des prodi|;es.
Là-dessus il fonda sa confiance à ki Ihéurgie,
à la ma"ie, aux talismans. 11 soutint que le
Doin Abracsas ou Abrnxu:i, dont les lettres
forment en grec le nombre 363, imprimé >ur
une médnille avec la figure du soleil et avec
quelques autres signes, était un laiismau
très puissant, que ce devait même être le
nom de Dieu.Conséqueniment les basilidiens
remplirent le monde {Vahrnxas de toute es-
pèce ; le P. (le Mon' faucon en a fait gra-
ver plusieurs. — Quelques chrétiens peu in-
struits se laissèrent séduire par ces visions,
et firent aussi des abraxas à rhoiineur de
Jésus-Christ; les Pères de l'Eglise s'élevèrent
contre cette superstition.
Basilide enseignait aussi la métempsycose
comme Pyihagore, et niait la résurrection de
la chair. Il avait composé un faux évangile,
ou plutôt un loni;- commentaire sur les évan-
giles; puisque Kusèbe nous apprend iiu'il
avait écrit vingt-quilre livres sur les évan-
giles, et qu'il avai': forgé des prophéiies
sous le no n i\ebarrAibiise\ de barcoph ; il sup-
posait dans riiomme deux âmes différentes.
Sur cet exposé, que nous al)ié„'eous au-
tant qu'il est possible, il y a des réflexions
importantes à faire. 1° Les anciennes hé-
résies ont été l'ouvrage des philosophes, et
rclîct de leur opiniâtreté à vouloir concilier
les dogmes do christianisme avec leurs vains
sysiènnes ; c'est au contraire la philosophie
qu'il .lurail fallu éclairer et corriger par les
lumières de la révélation. 2" La source de la
plupart des erreurs aueicunes a été la célè-
bre question de l'origine du mal; elle est
encore aujourd'hui le fondement des divers
systèmes d'incrédulité : il est impossible d'y
donner une solution salislaisaute, à moins
que l'on n'adopte les principes de la théologie
chrétienne. 3° Les plus anciens hérésiar-
ques n'ont pas osé contester la vérité de
l'histoire évan;;élique, des actions et des
miracles de Jésus-Christ, puisqu'ils ont tâché
de les accorder avec leur système; ils lou-
chaient cependant d'assez près à l.i date de
ces faits, pour avoir pu en constater cer-
tainement la vérité ou la fausseté. 'i^" Quel-
ques incrédules modernes ont accusé saint
Clément d'.Mexandrie et les auires Pères
anciens , d'avoir faussement attribué aux
guosliqucs une morale et une conduite dé-
testable; mais cette morale deroul lit évi-
demment de leurs principes, et il est impos-
sible que ces raisonneurs ni-, s'en soient pas
aperçus. Elle a été renouvelée par les sectes
fanatiques du xiv' siècle, et l'on a vu re-
naître parmi elles les niénies désordres.
Beausobre, qui s'c^t fait un point capital
de jusiilier tous les lieretique., et de conire-
dire les Pères de l'Iighse, a disserté fort au
long sur les basilidiens {His!. du Manicli.,
\mu. il, I. IV). Il préteud qu'eu général ou
BAS SU à
ne doit pas trop se fier aux Pères touchant
les anciennes hérésies, que li plupart i\'in
ont parlé que sur des onï-dire : qu'ils ont
exagéré les erreurs des sectaires, eic. Pour
donner un air de justice à ce reproche, il
aurait fallu commencer par prouver (jue
tous les seclateiirs de Basilide ont ensmgné
conslamment la même doctrine que lui, et
qu'aucun d'eux n'est allé plus loin. Or, dans
quelle seete hérétique cela est-il arrivé? Il
se peut très-bien faire que les basilidiens,
qui ont été connus de saint Irénée dans
l'Asie Mineure, et de Tertnllien en Afrique,
n'aient pas suivi absolumeni 1 s mêmes
opinions que ceux dont saint Clément d'A-
lexandrie a lu les ouvrages eu Egypte ; il
peut donc y avoir de la véiilé et même de
i'opposiiion entre les récits de ces Pères,
sans qu'il y ait lieu de les accuser d'igno-
rance , de préorcnpation nu d'inlidéliié.
Voilà ce qu'un historien judicieux n'aurait
pas manqué de remarquer. Moslieim est cou-
pable Ue la même injustice, llist. Christian.,
sœc II, § ilj et suiv.
C'est encore une fort mauvaise méthode ,
pour justifier un hérétique, de prèieiidre
qu'il n'a pas |)U enseigner telle erreui, puis-
qii"il a soutenu telle autre opinion qui ne
s'y accorde point; il est ass'Z prouvé que la
doctrine des anciens héréti(|ues, aussi bien
que celles des modernes , est un tissu de
cuiitradiciious, et qu'ordinairement tous rai-
sonnent fort mal.
Il n'est donc pas fort certain que, selon la
croyance commune des basilidims , l'ange
ou l'esprit qui avait créé le ntoiide , était un
être bon, qui av lit eu dessein de plaire au
Dieu suprême et de faire du bien; pui^q''e ,
de l'aveu même de lieausobre , d'antrfts hé-
rétiques soutenaient que le Créateur, ou
plutôt le formateur du monde , était un être
méchant. Dès que l'on supprise la matière
éternelle, il n'est plus question de cronlion
proprement dite. Nous avons le malh(!ur de
ne pas voir, coinini- Beausolire, un grand
effort d' imagination dai\i le système de/îas/-
/(V/e , pour rendre r.iison des maux de (C
monde, sans intéresser les perleclioiis du
Dieu suprôme; les ignorants, qui attribuent
au déaiuu tout le m, il >|ai leur arrive, ne
fout pas un grand effort d'Imagination. Pour
peu i]ii'un reQeeliisse , on cuui|ireiid que
Dieu, quoique inliniiuent puissant elJtun,
n'a pu rien liiirc qui ue fût borné , par con-
séquent iiu{iarfait et suji-t à des défauts ; et
que la supposition «les deux |iriiicipes ne ré-
sout point du loul 11 difliculté.
Nous n'accuserons pas non plus les Pères
d'avoir imaginé une f.ible en disant que, sui-
vant l'idée des basilidiens. Ji-sus, avant d'être
crucifié, avait change sa ligure eu celle de
Simon le Cyréuoen, et avait substitué cet
homme à sa pl.ice; plusieurs d'entre eux
ont é'.é assez ridicules d'ailleurs pour ima-
giner cette absurdité, (|Uoii|ue peui-éire Ba-
sil.d' ue lait jamais dite , et qu il ait pensé
tout antremetii .
Il n'est pas mieux prouvé que jamais les
, biisilidiens n'ont déprimé le martyre; Beau-i
525 BAS
sobre ne les en disculpe que par des conjec-
tures et piirvoie (tcconséquonce, cs|ièc(' d'a-
polngio (iiii ne pcu( prévaloir à des lémoi-
giiages formels. Il ne réussit pas mieux à
les absoudre du crime de masie, puisque
ces hérétiques avaiiMit confiance au pouvoir
des prclenilus r;énies ou esprits répandus
dans la naiure ; il n'est pasiori aisé de prou-
ver qu'ils n'ont jamais eu recours à ceux
qu'ils supposaient mauvais el malfaisants ,
mais senli'incnl à ceux <iu'ils croyaient in-
capables de l'iiredu mal. L'une de ces mau-
vaises pratiques conduit infaillibiement à
l'autre.
l'ar la môme raison, nous n'avouerons
pas que les l'cns ont calomnie les basili-
dietts, (juand ils les ont accusés d'une mo-
rale détrstahle loue haut l'impureté, et d'une
conduite qui y était conforme ; si dans loutes
les si'Cles il y a eu (luelques linmuies qui
ont conservé de la honte naiurelle el de la
verlu , il y en a eu aussi d'autres qui ont
poussé li's conséquences de leurs erreurs
jusqu'où elles pouvaient aller, et qui n'ont
pas rougi de les melln^ en pratique. Il est
diinc tout simple (jue l'on ait pris pour l'cs-
pril général de la si-cle une conduite qui
était commune parmi ses membres. Mosheim,
moins eniclé que Itijui^obre, avoue qu'une
bonne partie de* gnosliques liraienl di; leurs
principes une morale pratique très-licen-
ciense (llisl. clirist., proleg., c. 1, § 36i.
Noussrrons obligés de répéter )dus d'une
fois ces mêmes réflexions à. l'égard des hé-
résies anciennes ou modernes, parce que
plusieurs des protestants qui en ont parlé
ionl fait avec les mêmes préventions que
Beausobre. Ce (|u'il y a do singulier, c'est
que ces critiques vrulent nous faire envisa-
ger leur euléteitient comme une preuve d'iin-
parlialité.
liASlLI'tUR. Ce nom grec signifie jnatson
»M//' 7e ; on l'adonné au\ églises des cliré-
ticns , parce qu'on les a reg.irdees comme
les palais du Koi des rois, dans lesquels ses
adorateurs vont lui rendre leurs hommages:
c'est iiinsi qu'eles sont nommées par les
écrivains ilii iv et du v' siècle.
Sel()n liellarmin, les chrétiens mettaient
une différence entre les b isiliques et les
temples. I^es premiers éiaienl des édilices
Oestinés aux assemblées chrétiennes el à la
céléhration des sainis mysières ; |)ar les
icm/j/e--, on entendait les temples des pa'i'ens
desiiiiésà offrir d s sacrifices sanglants etâ
immolerdes animaux. Conseil iietnmenl quel-
ques anciens, comme Minuliùs l''eli\, Ori-
gène, Arnobe, Lattance, onl dit que les chré-
tiens n'avaient pas de temples ; et lorsque les
païens leur en faisaient un crime, les mêmes
écrivains onl répondu que le sanctuaire le
pl'is dj^ne de Dieu était l'âme d'un homme
de bien. Il ne faut pas en conclure que pour
lors les chrétiens n'avaient point d'éditiees
consacrés au culic du Seigneur ; nous prou-
verons le contraire au mot lioLisE ; mais on
évitait de leur donner le môme nom qu'aux
éiiifices destinés à l'iilolàule : ou prelera ilc
les nommer basiliques.
BAS
Sf«
Dans l'Occident, au iv" et au v° siècle, l'on
entendait par Véglise la cathédrale, et l'on
nommait basiliques les églises dédiées aux
martyrs et aux saints ( Hist. de l'Acad. des
iiisciipc, t. XIII, iu-12, p. 3tl).
11 paraît que la forme et le plan des églises
chrétiennes avaient été tracés sur ce qui est
dil dans VApocaUjpse, chap. iv, vi , vu. Saint
Jean y fait une description de la gloire éter-
nelle exactement semblable à cellequ'a faite
saint Justin des assemblées des chrétiens
(.\pol. 1, n° G.o et suiv.), et de la manière
dont ils célébraient l'ottice divin. Saint Jean
pai'lc d'un trône sur lequel est assis le pré-
sident de l'assemblée ou l'évêque, de sièges
rangés des deux côtés pour vingl-quaire
vieillard- ou prêtres : c'est le chœur. Au mi-
lii'u et devant le trône il y a un autel sur le-
quel est un agneau en étal de victime ; sous
l'aulel sont les reliques des martyrs. Devant
l'aulel un anjje offre à Dieu, sous le sym-
bole de l'encens, les prières des saints ou
des fidèles, il parle d'une source d'eau qui
donne la vie ; c'est le baptistère ou les fonts
baptismaux. — Par cette forme que les |.)re-
niers chrétiens onl donnée à leurs églises,
il est aisé déjuger si ce sont les catholiques
qui ont abandonné la croyance de l'iîglise
primitive, ou si ce sont les prolestaiiis. Ces
derniers n'ont dans leurs temples ni chaire
pontificale, ni autel , ni reliques , ni encens,
ni fonts baptismaux; ils semblent les avoir
construits sur le modèle des synagogues des
Juifs. Mais tout ce qu'ils ont supprimé parle
et réclame contre rinuovation qu'ils ouï
faite; ce sont des témoins dont ils n'élouff'c-
ronl jamais la voix.
* BASKIRS. Les annotaienrs de l'édition de Le-
fort oui lait un aiiiele (lailiciilier sur les criiyaiices'
de ce |ieu|ile. Lel ariicle serait liien placé dans un
dicl.oinuiiie des religions el des cultes, mais nouj
le croyons enlièiernent étranger à ce Diclioiiiiain; ;
car les croyances dï ce peuple n'orii aucun lappert
avec la ilicologie cinélienne. Adii qu'on ne taxe pas
notre ju;;eiueiii de trop de sévénié, nous allons citer
une partie de l'article.
< (.es p upics, qui n'ont aucune connaissance de la
slinciure du yl"be, croient que les éloiles sont sus-
pendues dans l'an el attachées au linnanicnt par de
grandes cliaines de fer; ils s'Imaginent que la teire
repose sur truis énonnes poissons, dont l'un est déjà
mort, preuve éviilenie de la lin prochaine du inondi!;
ils allinneiil qu'au nionient de la naissance de eha-
que individu, le nombre des jours qu'il doit passer
sur la leno ci la ipianlilé de nouiriture qu'il duil
consouiincr sont iHscl•it^ sur le livre du de^tni. Chez
eux, un léuioigna^e, appuyé du serment, n'a de
fiicc qu'ant.int (pi'il a été f.ni, non dans une niai on
ou dans un temple, niais sur le terrain du cimetière.
Non loin du bourg (le Biliafsk se liouve un cimetière
nialiométan, appelé Balyu-gniss, forl en honneur
chez les t artares et les 15a-kiis ; ils le regardent
c<inime sacré, el croient que les dévots uiiisulniai;s,
doiu les dépouilles mortelles nccu'ciii ce cliamp,
font tons les jours quelque mir^icle; en été, ce cinie-
lière devient xm lien de pèlerinage. Lorsqu'u i
honiinc tombe malade, ses parents l'ont venir le prê-
tre 0.1 1110. lali, i|ui récite ijuelipies par. des du Coran
el fait de fréquentes aspersions de salive sur les
yeux et le visage du patient : ces oi.dsons et de
l'eau claire sont les seuls ii^oyens employés poiir,,*^?^'
guérir le malade. L'emploi des philtres est irès-rrjj!»?^.^
«27
BEA
BEE
5Ï8
(liieiil cliôî les Baskirs. Les Iraces il'uiie supersiitioii
si grossière deviennent plus laiiiles ilcpuis l'éuihlis-
sonieni à Oienbjurg d' nnc école appi^lée liisiiiul de
Napliiijeff. »
♦ UATAKS. C'esl une peuplade de l'ile dn S:ima-
ira : file cioil à l'exislence de l'Etre suprême. D'ail-
leurs s>^s doctrine^ n'uni anrun rapport avec n^lre
obJHl, pnnr les raisons rapportées dans l'arlicle
précé'denl. Nous n'avons ciié ce peuple (|ue parce
<)u'il se trouve nommé dins quelques éditions de
;. Bergiei'.
15AYANISME. Voy. baïan-smiï.
» liÉATE 1>E CUENZA, illuminée espasnnle. Celte
femme se mil, en 1805, à répandre qu'elle avait des
communications inlitiies avec Jésus-Clinst, la sainte
Vierge et les saints. Bientôt elle devint le sanctuaire
àe PiiMi et de toute la cour céleste. Elle prit un ion
prophéiicpie, annonça la régénéral on du iiionde,
une nouvelle préd c^ition de l'Evangile, un nouvel
apostolat. Les imaginations vives des Espagnols s'é-
tnureiit; on la crut réellement inspirée. Bientôt la
loule lui rendit des honneurs divins, elle la condui-
sit en procession environnée de cierges allumes :
plusieurs ecclésiastiques parlagi'aienl la cioy;inie
populaire. Il était temps d'arrêter une superstition
aussi folle. La sainte inquisiliou intervint, condamna
les lèves de l'ilUKninée, et l'empêcha de continuer
ses extravagances.
BÉATIFICATION, acte par lequel le sou-
verain ponlife déclare, au sujet d'une per-
sonne dont la vie a été sainte, accompagnée
de quelques miracles, etc., qu'il y a eu lieu
de penser que son âme jouil du bonheur
éleriiel, et en conséquence permet aux Gdc-
les de lui rendre un culte religieux.
La béatificntiun diffère de la canonisation
en te que dans la première le pape n'agit pas
comme juge, en déterminant i'élat du béatilié,
mais seulement en ce qu'il accorde à quel-
ques personnes, commeà un ordre religieux,
à une communauté, etc., le privilège de
rendre au béatifié un culte particulier,
qu'on ne peut regarder comme superst lieux,
dès qu'il est muni du sceau de l'aulorité poii-
lificale, au lieu que dans la canonisation, le
pape parle comme juge, et détermine ex cn-
//icJra l'étal du nouveau saint.
La cérémonie de la béalifiralion a été in-
troduite lorsqu'on a pensé qu'il était à [)ro-
pos de permettre à un ordre ou à une com-
munauté de rendre un culte particulier au
sujet proposé pour être canonisé, avant que
d'avoir une pleine connaissance delà vérité
des laits, et à cause de la longueur des pro-
cédures qu'on observe dans la canonisation.
Vot/. C.AINONISATION.
BÈAIITIIDE , état de félicité des saints
dans le ciel. Voy. Uonhelr étebmcl. Il n'est
pas fort nécessaire de savoir C'- que les Ihéo-
logicns de l'école nomment bcaliliide objec-
tive et bcatitude formelle.
BÉATITUDES liVAiNuicLiot ES. On nomme
ainsi les huit maximes que Jésus-Christ a
placées à la léie du discours qui renrernie
l'abrégé de sa morale. L;i montagne sur la-
quelle 011 iroil (|Uil le lit, a conservé le
nom de Monlaijw des biuiiitwles , parce que
rcs maximes coiiimcncent par le mut nBATl.
Ueurrux, ilil-il, le» p'imies d'espril, parce
--^ (juc le roijattnic des deux est à eux. L'on
,' ^fiiprcnd que Jésus-Chris', par la imiyroté
d'esprit, entend le déiacliementdes richesses.
Heureux les carnctères doux, parce (/u'ils
posséderont tous les rd'urs ; hein eux ceux qui
pleurent, p^rre qu'ils seront consolés; heureux
ceux qui ont faim et soif de In justice . parce
qu ils seront rassasiés; heureux les hommes
miséricordieux, parce qu'ils obtiendront mi-
séricorde ; heureux les cœurs purs, parce
qu'ils verront Dieu; heureux les pacifiques, i
parce qu'ils seront apnelés enfants de Dieu; m
heureux ceux qui souffrent persécution pour i
la justice, parce que le roi/aume des deux leur
appartient (Malih, v, 3 et suiv.). — Ces
maximes, véiifiées par l'expérience des
saints de tous les siècles, n'ont pas besoin
d'apologie ; mais si l'on veul en avoir un
commentaire très-èlo(|uent, on n'a qu'à lire
l'exorde du sermon de Massil on sur le bon-
heur des saints. Yoy. Conseils évangéli-
QUES.
BEDE, moine et prêtre anglais, mort en
735, se flt adiniier dans son siècle par sa
science et sa piété. Il écrivit l'histoire ccclé-
sia><tique d'Anglelerre , des commentair.es
sur l'Ecriture sainte, des (■ermons el d'autres
ouvrages. Ils se sentent de la dégradation uîi
étaient tombées les lettres au viii* siècle;
mais ce vénérable auteur est un témoin non
suspect de la doiliine crue et profe-sée pour
lors dans l'Eglise ; des écrivains, même pro-
testants, lui ont rendu justice. Voy. 1 te dfs
Pères et des martyrs , etc., t. IV, p. 621, 632
el suiv.
BÉELPHÉGOK, dieu des Moabites et des
Madianiles. En rapprochant du texte sacré
les conjectures des anciens et des modernes,
il parait i)uc cette divinité était à peu près
la même que le l'riape des Latins, le dieu de
la luxure, et qu'il était d'une figure très-
obscène, il est dit dans le livre des Nombres,
chap. XXV, que les filles des Moabites invi-
tèrent 1rs Israélites à leurs sacrifices, qu'ils
y allèrent, qu'ils adorèrent les dieux de ces
filles, se firent initier au culte de Béelp'iégor,
et se livrèrent à la débauche avec elles.
Dieu, irrité de ce crime , ordonna à Moïse de
faire pendre les principaux du peuple. Moïse
commanda aux juges de incllre à mort tous
ceux qui étaient coupables d'idolâtrie. Phi-
nées, pelil-fils d'Aaron , tua publiquement
un Israélite avec une prostituée madianite;
il [îéril vingt-ijualre mille hommes à cette oc-
casion. Dieu (irdounaenciire à Moïse de trai-
ter les Madianites en ennemis déclarés, el do
les exterminer. Cet ordre fut exécuté quel-
que temps après (iViim. xxxi).
Cet exemple de sévérité n'a pas trouvé
grâce aux yeux des incrédules ; ils ont ac-
cusé Moïse de cruauté, d'ingratitude envers
les Madianites , chez lesquels il avait trouvé
un asile cl avait pris un<î épouse; de bar-
barie en mettant leur pays à feu et à sang.
— Le législateur des Hébreux sera aiscmenl
justifié, si Ion veut faire quelques réllexituis.
1' Dons la république juive, et en verlu da
la loi que Dieu avait por;ée , l'idolâtrie élait
un crime de lèse-majesté divine : vu !<■ pen-
chant invincible des Israélites a imiter leurs
voisins, et les Uctoidresdonl l'idolùlric étyiil
529
BEG
BEC
sso
toujours accompagnée, il n'y avait point
d'autre moyen de la prévenir et de l'extirper
que de mettre à n)Oit tous les coupables.
2° Les tribus des Madianiles voisines des
Moal)ites n'étaient point les mêmes que
Celles qui étaient près de l'iilgypte , et où
Moïse s'était retiré : on voit, par l'exemple
de Jéihro son beau-père , que celles-ci ado-
raient le vrai Dieu ; les premières s'étaient
corrompues avec les Moabites, et honoraient
Bétlphéijor. .'J" La conduite de ces peuples
était une perfidie; ils avaient suivi le con-
seil détestable que Balaam leur avait donné
de séduire les Israélites ot de les porter au
crime, afin d'exciter contre eux la colère de
Dieu [Num. xxxi, 16). Tls étaient aussi cou-
pables que s'ils avaient envoyé la pesti' dans
le camp des Hébreux. i° Que les Israélites,
les Moabites, les Madianiles et tous les cou-
pables aient été punis par un supplice, par le
Iléau de la guerre, par une contagion, etc.,
cela est fort égal pour la justice divine; on
ne peut pas l'.iccuser plutôt de cruauté dans
un de ces tas que dans l'autre. Voy. Justice
DE Dieu.
BÉKLZÉBUB, dieu des mouches ; il était
adoré par les Accaronites. (^oinine dans l'O-
rient les insectes sont souvent un lljau ter-
rible, il n'est pas surprenant que les peuples
do ces climats aient souveiitcbargé les dieux
du soin do les chasser. Ainsi les (irets ont
adoré Hercule Muiaypo,- et Kopuw^iof, Hercule
qui chasse les mouches et les sauierelles ,
Apollon i^nbf'ji , qui lue les rats, etc. Voy.
l^liiie, l. X, c. iS; et I. xx, c. 6. Ochozias,
roi d'Israël, étant malade, envoya consulter
Béelzébub, et en fut puni par la mort {IV
Reg. I).
Il est dit dans l'Evangile que les JuiTs ac-
cusèrent Jésus-Christ du chasser les démons
par le pouvoir de fieV/^eôuil), prince des dé-
mons ( Matlh. XII, 2'i- ). Le Sauveur leur
fit aisément senlir qu'il ne pouvait avoir de
collusion avec l'ennemi du salut; qu'au con-
traire il èiait venu pour le vaincre et lui
enlever ses dépouilles. La plupart des exem-
plaires grecs du Nouveau Testament portent
Bic'ktiiSo-'À, le dieu des ordiires ; ce peut être
une faute des copistes grecs,
BKGtJAHUS ou BKliUAKUS, secte de faux
spirituels ou de faux dévols, qui parut en
llalie, en France et en Allemagne, sur la fia
du xiii' et au commencement du xiv° siècle.
Avant cette époque, les albigeois et les
vauduis s'étaient fait remarquer par un ex-
térieur simple, mortifie, dévot; plusieurs
renonçaient à leurs biens, vaquaient à la
prière et à la lecture de l'Kcriture sainte,
laisaienl prolessiin de pratiquer les conseils
évaiigéliques. Cette régularité vraie ou
feinte, comparée a la vii' licencieuse do la
plupart des catholiques , et d'une partie du
cierge, avait contribué beaucoup aux pro-
grès de l'hérésie et au discrédit de l.i foi ca-
tholique. Plusieurs personnes, touchées de
ce malheur, senliieiil la nécessté de refor-
mer les mœurs et de tenir une conduite plus
conforme aux maximes de lEvangile. C'est
ce qui Ut nailrc la multitude d'ordres reli-
gieux et de congrégations que l'on vit éclora
dans le temps dont nous parlons. Les esprits
une fois tournés de ce côté-là, seraient en-
core allés plus loin, si le concile de Lalran,
tenu l'an 1215, n'avait défendu d'établir de
nouveaux ordres religieux, de peur que leur
trop grande diversité ne mît de la confusion
dans l'Eglise. — Plusieurs séculiers, sans
prendre l'habit religieux, formèrent aussi
des associations de piété, et s'unirent entra
eux pour vaquer à des pratiques de dévo-
tion; mais par le défaut d'instruction et de
lumière, plusieurs doniièreiil bientôt dan»
l'illusion, et d'un excès de piété tombèrent
d.ins un excès de libertinage. Tels furent
ceux que l'on nomma beggards , frérots ou
fratricelles , dulclnistes, apostoliques, etc.
Ces dilïérentes sectes n'avaient entre elles
aucune liaison ; elles ne se ressemblaient que
par la manière dont chacune s'était éga-
rée de son côté.
H faut distinguer des beggnrdsde plusieurs
espèces. Les premiers furent des franciscains
austères que l'on appelait les spirituels, qui
se piquaient d'observer la règle de saint
François dans toute la rigueur, de ne rien
posséder en propre ni en commun , de vivre
d'aumônes, d'être couverts de haillons, etc.
Comme ils se séparèrent de leur ordre, et
refusèrent d'obéir à leurs supérieurs , Boni-
face Vill condamna ce schisme vers l'an 1300.
Alors ces révoltés se mirent à déclamer
contre le pape et contrôles évoques; ils an-
noncèrent la réformalion prochaine de l'E-
glise par les vrais disciples de saint Fran-
çois, ils adoptèrent les rêveries de l'abbé
Joachim, etc. Ils attirèrent dans leur parti
un bon nombre de frères lais du tiers ordre
de Saint-François, que l'on nommait fratri-
celles ou petits frères , en ilalie <>ùoc/a ou
bt'saciers, en France béguins, dans les Pays-
Bas et en Allemagne beggards ; de là tous ces
noms furmt donnés à la secte en général :
comme tous les prédicants, ils en imposèrent
par leur extérieur mortifié.
Au commencement du xiv siècle il s'ea
trouvait un grand nombre en Allemagne le
long du Khin, surtout à Cologne ; et comme
leur fanatisme était allé toujours en crois-
sant, leurs erreurs se réduisaient à huit
cliifs principaux. 1' Ils prétendaient que
l'homme peut acquérir en cette vie un tel
degré de perfection, qu'il devienne impecca-
ble et ne puisse plus croître en grâce. 2' Ceux
qui sont parvenus à ce digré, n'ont plus
besoin de prier ni déjeuner; leurs sens sont
tellement assujettis à la r.iison, qu'ils peu-
vent accorder librement à leur corps tout ce
qu'il demiude. 3° Parvenus à l'etal de li-
berté, ils ne sont plus tenus d'obéir, ni d'ob-
server les iiréceptes de l'Ej^lise. k° L'Iiomme
peut pirvenir ici-bas à la parfaite béatitude,
et posséder le méni!; degré de perfection
qu'il aura dans l'autre vie. 5° Toute cre.iture
iiilelligeiile est naturellement bienheureuse,
et n'a pas besoin de la lumière de gloire pour
voir il posséder Dieu, ti" La iralique des
vertus est pour les âmes imparfaites ; cellct
53f
BEG
BEL
S32
^ui ont atteint la perfection, sont dispensées
de les pratiquer. 7" Le simple baiser d'une
'emrae est un péché mortel ; mais le com-
merce charnel avec elle n'en est pns un,
lorsque l'on est tenlé. 8° Pcmiant l'élévation
du corps de Jésus-Christ, les parfaiis ne sont
pas obligés de se lever, ni de lui rendre au-
cun respect ; ce serait un acte d'imperfec-
tion pour eux de se distraire de la conlem-
pliilion, pour penser à l'eucliarisiie ou à l;i
passion dt; Jésus-Christ. Voij, Dupin et le
P. Alexandre sur le \iv' siècle.
Ces erreurs furent condamnées dans le
concile général de Vienne sous Clément V,
en 1311 ; mais celte conilamnalion n'étouffa
pas entièrement l'rrreur ni les désordres
qui en élaient la suite. Us subsistaient en-
core dans le xV siècle. Leurs partisans se
nommaient alors tes frères et les sœurs du
libre esprit; on les appelait en Allemagne
heggariis et schwrstriones, traduction du la-
tin sororius; en Bohême pi(jards ou picards ;
en France picards et lurlupins. Pour lors ils
avaient secoué loute honte ; ils disaient que
l'on n'est parvenu à l'état de liberté et de
perfection que quand on peut voir sans émo-
tion le corps nu d'une personne de sexe
difl'érent ; par conséquent ils se dépouillaient
de leurs habits dans leurs assemlilées , ce
qui leur fit donner le nom A'adarnites. Ziska,
général des hussiles, en extermina un grand
nombre l'an 1421. Quelques-uns ont donné
par erreur le nom de frères picards aux hus-
sites ; mais ces deux sectes n'avaient rien de
commun.
Au xvir siècle , les sectateurs de Mo-
linos ont renouvelé une partie des erreurs
des beggards. C'en est assez pour nous con-
vaincre que les anciens Pères de l'iiglise
n'en ont point imposé, lorstpi'ils ont attri-
bué les mêmes égarements et les mêmes
turpitudes aux gnostiqnes. Les hommes se
ressemblent dans les différents siècles, et les
mêmes passions produisent les mêmes elTels.
Jlisl. de l'Ëql. gallic, 1. 3G, an. l.ill.
BEGGHaKDS , BEtJUlNS ET BÉGUINES ;
sont aussi les noms qu'on a donnés aux re-
ligieux du tiers ordre de Sainl-François. On
les appelle encore à présent, dans les Pays-
Bas, beggards , parce (lue longiemps avant
qu'ils eussent reçu la règle du tiers ordre île
Saint-François, et qu'ils fussent érigés en
communaulé régulière, ils en formaient déjà
dans plusieurs villes, vivaient du travail de
leurs mains, et avaient pris pour patronne
sainte Bcgglie, lille de Pépin le Vieux, et
mère de Pépin de Herslal , princesse qui
fonda le munaslère d'Andonne, s'y relira et
y mourut, selon Si;,'elicrl, en tJ'J2. A Tou-
louse, on les nomma béguins , parce qu'un
nommé Harlhélemi Becliin leur avait donné
sa maison pour les établir dans cette ville.
De celle conformiti" de nom, le peuple ayant
pris occasion do leur impuler les erreurs
des begghards et des bdguins condamnéiS au
concile de \iennc, les papos Clément V et
Uenoît XIl déclarèrent, par des bulles cx-
pre^Sl■s, (|uc ces religieux du tiers or Ire n'é-
laieni nullement l'objeldes anallièmes lancés
contre les beggards et les béguins répandus
en Allemagne. Mosheim dérive les noms
beggnrd, béguin, bégatte, birjol, du vieux
mol allemand beggen, demander avec im-
portuniti-, ou prier avec ferveur.
BÉGUINE, BÉGUINAGE. C'est le nom
qu'on d mue dans les Pays-Bas à des filles
ou veuves qui, sans f.iire de vœux, se ras-
semblent pour mener une vie dévnla el ré-
glée. Pour être agrégé au nombre des bégui-
nes, il ne faut qu'apporter sulfisammenl de
quoi vivre, l.e lieu où vivent les béguines
s'appelle béguinage; relies qui l'habilent
peuvent y tenir leur ménage en particulier,
ou elles peuvent s'associer plusieurs ensem-
ble. Elles portent un habillement noir, assez
semblable à celui des religieuses. Elles sui-
vent de certaines règles générales , el font
leurs prières en commun aux heures mar-
quées; le reste du tem|)S est employé à tra-
vailler à des ouvrages d'aiguille, à faire de
la dentelle, de la broderie, etc., et à soigner
les m.ilades. Il leur est libre de se retirer du
béguinage. Elles ont aussi une supérieure,
qui a droit de comm;inder, et à qui elles sont
tenues d'obéir lant qu'elles demeureront
dans l'élai de béguines.
11 y a dans plusieurs villes des Pays-Bas
des béguinages si vastes et si grands, qu'on
les prendrait pour de petites villes. A Gand,
en Flandre, il y en a deux, le grand el le
petit, dont le premier peut contenir jusqu'à
huit cents béguines.
Il ne faut pas confondre ces béguines avec
certaines femmes qui élaient tombées dans
les excès des béguins et des beggards, qui fu-
rent condamnées comme héretiijues par le
pape Jean \il, et dont il ne reste aucun
vestige. Vog. BEGOiRos.
BÉHÉMOTH. Ce mot signifie en général
bête de somme, et toute espèce de grands
animaux. Selon les ral)bins, il désigne dans
le livre de Job un bpuf d'une grandeur ex-
traordinaire, que Dieu a créé pour en faire
un grand festin aux Juifs à la lin du monde
ou à la venue du Messie.
Les Juifs sensés savent bien à quoi s'en
tenir sur ce conte; ils disent que c'est une
allégorie qui désigne la joie des justes, figu-
rée parce festin. Celle théologie symbolique
tient quelque chose du slyle des anciens pro-
phéies : nous en voyons même des exeuij.les
dans le Nouveau Teiament. Mais les rab-
bins proposent crûment leurs allégories ; ils
y ajoutent des circonstances ((ui les rendent
1(! plus souvent ridicules, el le commun des
Juifs les croit sans examen. Samuel Bothard
a montré dans la seconde partie de son
Ilicroz., I. v, c. 15, que le bélumulh de Job
est rhi|)popotame ou cheval maiin (1).
BÉLIAL. L'Ecriture nomme enfunis de lié-
Uni les méchants, les impies, li s hommes
sans religion et sans mœurs. Quelle que soit
(I) l'n vny.icenr a ronslalé l'exislence de l'aiiii.
que Itéliéiiioiii. C'est, dil-il, le rilaiiiiiKiiilli mi Mjsio-
(ioiite (|ii'iin trouve dans la rc^ioil Si |ili'iili i"ii:ile de
la Itiissie. Un évalue son poids à cin(| niillo kilu-
(^ranuiics.
533
BEN
BEN
534
l'élymologie tie ce mot en hébreu, il est sy-
noiiyiiie au neqnam des I.iitins, et an terme
injurieux Ap. vaurien. Ou('l(i(ii"--uns préten-
dent (|iie Béluû él.iit le nom d'une iilnle des
Sidoniens , mais il n'en est itoiiil question
dans les livres saints ; et II n'est pas sûr que
quand saint Paul dit : Quelle sm-iéti- y u-l-il
entre Jésiis-CInist et Bélial (Il Cor. vi, 15)?
il entend par là le démon : rela pi-ut siij;ni-
fior. quelle sociélé y a-l-il entre Jêsns-(]lirist
et les impies» ou l'impiété? — Koî/. les Cou-
^'oriliiiicea hélirmqiics.
liÉNKDICriNS , HÉNÉDICTiNES , ordre
célèbre, l'ouilé fiar saint Benoit.
Mosheim, qui n'a rien nésliijé pour décrier
les ordres inouastiques , est forcé d'avouer
que le dessein de saint Benoît l'ut que ses re-
liilieux vécussent pieusement et paisible-
ment, el parla^eassenl leur temps entre la
prière, l'étude, l'éducation de la jeunesse, et
les aulres oecupalions pieuses el savantes.
JHist. ecclés. (lu vi« siècle, iv part., c. 2, § 6.
Tel est en effet l'esprit el le plan de sa règle.
Mais de quel front ce critique a-t-il pu avan-
cer ((ue déjà, dans ce temps-là, l'Irlande, la
Gaule, l'Alleniaguo et la Suisse étaient cou-
veites de couvenis remplis de moines oisifs
el paresseux, l'anati(|ues (>t perdus de déhau-
clics? Il est prouvé par tous les monuments
du VI' siècle, que les moines d'Irlande oli-
servaienl la mèfue règle que ceux de 10-
rienl, partageaient leur teirpsenlre la prière,
l'étude, les missions, le travail des mains,
ou la culture de la lerre ; que les monastères
élaient aulant d'écoles où l'on accourait pour
s'inslruii e"; qu'un grand nombre des abbés
qui les ont gouvernés, el des é\èques qui en
sont sortis, ont (té placés par les peuples au
nombre des saints. C'est de là que saint Co-
lomban apporta dans les Gaules, dans l'Alle-
magne el dans la Suisse la vie monastique.
Il ('■•t prouvé par les ouvrages île ce saint
moine, qu'il avait l'esprit très-cullivé, et
qu'il établit dans les coiivenls (ju'il fonda la
même discipline qui ré;;nait dans ceux d'Ir-
lande, t^e sont ses disciples qui ont défriché
les solitudes dans lesquelles saint Colomban
les établit, pendant que des coiuiuérants fa-
roucbes ravageaient les Gaules, el portaient
la désolaiion partout. En quel sens ces pieux
solitaires peuvenl-ils être appelés des hom-
mes oisifs, paresseux, fanatiques ou perdus
de débauches?
Sainl Benoit et saint Colomban élaient
donc animés du même esprit, ont travaillé
sur le même plan, et ont produit les mêmes
etïeis ; ils n'auraient [las eu des succès si
prodigieux, s'ils avaienl été tels que Mos-
lieim veut peindre les moines : de quoi au-
raient vécu les troupes de solitaires qu'ils
ont rassemblés, si ceux-ci n'avaient pas été
très-laborieux? On ne leur donnait alors ni
des terres cultivées, ni des colons pour les
faire valoir, puisqu'ils se plaç. lient tous dans
les déserts. Mais les censeurs de la vie mo-
nastique demandent, pourquoi renoncer aux
atT. lires de la société, aux devoirs et aux
obligations de la vie civile, pour aller passer
sa »ie dans la solitude ? Pourquoi ? Pour
se soustraire au brigandage des tyrans et des
guerriers qui ravageaient tout, qui cepen-
dant resiiectaient encore les moines dont la
vie les étonnait, et dont les vertus leur en
imposaient. Pour vivre dans la société civile,
si ceiiendani il y avait encore une sociélé, il
fallait ou faire violence ou la souffrir; des
âmes paisibles et vertueuses ne pouvaient si!
résoudre ni à l'un ni à l'autre, elles fuyaient
au loin.
Mosheim prétend que dans In suite des temps
Icsdiscipbsdesainl lîenoît dégénérèrent linti-
leiisement de la piété de leur fondateur; que
devenus riches par la Hbéralile des persou-
nes opulentes, ils se livrèrent au luxe, à
l'intempérance el à l'oisiveté ; ils se mêlèrent
des affaires séculières, se glissèrent ilans les
cours , multiplièrent les superstitions, tra-
vaillèrent avec ardeur à augmenter l'arro-
gance cl l'autorilé du pimlife romain. Mais
il avoue que saint Benoît ne pouvait prévoir
que l'on pervertirait à ce peint le biil de son
insijiution, el qu'il n'autorisa jamais cet
abus. — Voilà donc déjà le saint fondateur à
couvert de tous reproches; ses disciples
sonl-ils aussi coupables qu'on le prétend?
On leur fait d'aliord le procès par une con-
tradiction ; on les blâme d'avoir quitté le
monde, el ensuite d'y être rentrés ; on les
accuse de fanatisme , pour avoir embrassé
une vie pauvre el laborieuse ; de luxe, d'i i-
lempérance, el de toutes sortes de Tices,
pour .avoir rendu leurs services aux princes
(|ui les ap|ielaient auprès d'eux. Que de-
vaient faire les moines ?
Ils dégénérèrent dans la suite des temps,
nous le savons ; mais en quel temps, et pour-
(jui? Lorsque les seigneurs, après avoir
pillé tous les biens profanes, voulurent en-
core envahir les biens sacrés , dépouillèrent
les monastères, vendirent les abbayes, y pla-
cèrent leurs enfants et leurs créatures, dis-
persèrent les moines , leur ôtèrenl la liberté
de servir Dieu, d'observer leur règle et de
vivre selon l'esprit de leur état. Nous vou-
drions savoir si les vertus sublimes de leurs
accusateurs se seraient longtemps soutenues
dans une pareille confusion. Avant de déci-
der si les moines multiplièrent les supersti-
tions, il faudrait savoir si toutes les prati-
ques qu'il plaît aux protestants d'appeler
superstitieuses , le sont en effet. Nous ne
douions pas que, réduits à la misère, à l'i-
gnorance , à l'impossibiliié de s'instruire
comme autrefois, les moines n'aienlquelque-
fois employé quelques fraudes pieuses pour
en imposi'raux brutaux dont ils ledoul aient
la raptcité et la violence; ils oui mal fait,
sans doute; mais leur crime est du moins
diminué par les tristes circonstances dans
lesquelles ils se trouvaient. Ils travaillèrent
à augmenter l'autorité des souverains pon-
tifes dans un temps où celte autorité était de-
venue absolument nécesssaire pour répri-
mer les attentats de la multitude des tyians
qui désolaient l'Eglise aussi bien que la so-
ciété civile. Si c'est un crime aux veux des
protestants, ce n'en est pas nu selon l'avis
des hommes sensés.
555
BEN
IIE.N
33C
Nous traiterons plus amplement cette ma-
tière à l'article Moine.
" BÉNÉDICTINS DE SOLE'^MES. L'ordre dos en-
fants de Saint-Bennii avait disparu de la France
pendant la toiirmenle révolutionnaire; l'abbé r.né-
renger résolut de la rétablir. Secondé par Mgr Bou-
vier, évêque du Mans, il inlra dans l'ancien prieuré
de Snlesnies, près Siblé. H était accompagné de neuf
personnes, tant religieux que frères conver>. Il adoiita
la rénjrnie de Saint-Maur pour règle. Grégoire XVI
donna à cet ordre une existence canonique, et éleva
la maison de Solcsraes en abbiye-chef d'onlre en
France. Dom Gnérenger en fut nommé abbé. Cet
ordre a déjà beaucoup prospéré et rendu d'utiles
services à la science ecclésiastique et aux lettres.
BÉNÉDICTION, liénir, c'est souhaiter ou
prédire quel()ue chose d'heureux, à une per-
sonne à laquelle on veut du bien ; ainsi nous
voyons, dans l'histoire sainte, des patriar-
ches au lit de la mort bénir leurs enfants,
leur souhaiter et leur prédire les bienfaits de
Dieu.
Sous la loi de Moïse, il y avait des béné-
diclions solennelles que les prêtres donnairnt
au peuple dans certaines cérémonies. Moïse
dit au grand prélre Aaron : Quand vous bé-
nirez les eiifanis d'Israi^l, vous dirpz : Que le
Seigneur fasse briller sur vous ta lumirre de
son visage, qu'il ail pitié de vous, qu'il tourne
sa face vers vous, et quilvous donne sa paix.»
{Num. IV, 2't-.} Le ponlife prononçait ces pa-
roles debout, à voix haule, les mains éten-
dues et les yeux élevés vers le ciel. Les pro-
phètes et les hommes inspirés donnaient
aussi des ftene'd/crons aux serviteurs de Dieu
et au peu[jle du Seigneur. Les psaumes sont
remplis de bénédictions on souhaits heureux
en faveur des Israélites. — Dieu ordonna
que quand ce peuple serait arrivé dans la
Terre promise, on le rassemblât entre les
montagnes d'Hobal et de Garizim; que sur
celle-ci l'on prononçât des bénédictions pour
ceux qui observeraient la loi, et sur l'autre
des malédictions contre les prévaricateurs :
c'est ce qui fut exécuté par Josuê, chap. 8,
V. 33.
Dans le christianisme, les bénédictions se
donnent par le signe de la croix, pour f.iire
souvenir les fidèles que les bienfaits de Dieu
leur sont accordés par les mérites de la mort
de Jésus-Christ, comme l'enseigne saint Paul
[Eph. 1,3}.
Bénédiction, dans l'Ecriture sainte, signi-
fie souvent bienfaits, les présents que se font
les amis ; parce (|u'ils sont ordinairement
acconipat^nés de souhaits heureux de la part
de ceux qui les donnent et de ceux qui les
reçoivent (Gen. xxiii, 2; Josue, xv, 1!) ; /
/(eg. x\v, 27, etc.). Dans ce sens les bien-
faits de Dieu sont appelés bénédictions, lors-
qu'on dit : (^)ue le .S(!,gncur vous bénisse,
c'est-à-dirc, qu'il vous fasse du bien.
BÉNÉDicrioN signifie encore abondance.
" Celui, dit saint Paul, qui sème avec, épar-
gne, moissonnera peu ; et celui qui sème en
bénédiction ou en abondance , moissonnera
en bénédiction Que la bénédiction ou
l'aumône que vous avez promise soit toute
prêle, et qu'elle soit, comme elle est vérita-
blement, une bénédiction, et non nn don de
l'avarice » Hl Cor. ix, 5 et 6). Jacob sou-
haite à son fils Joseph les bénédictions du
ciel, c'est-à-dire la pluie et la rosée en abon-
dance, les bénédictiiins des entrailles et des
mamel'es, ou la fécondité des femmes et des
animaux {Gen. xlix, 15). Le psalmiste dit au
Seigneur : Vous remplissez toute créature vi-
vante de BÉNÉDICTION, ou de l'abondance de
vos biens {Ps. cxliv, 16).
Bénir est quelquefois employé par anti-
phrase pour maudire. Les faux témoins npos-
lés contre Naboth, l'accusèrent d'avoir béni
Dieu et le Roi, d'avoir mal parlé de l'un et de
l'auire {III Reg. xxi, 13).
BÉNÉDICTION DE l'Eguse. Quaud on se
rappelle la multitude des superstitions du
paganisme, et la nécessité d'en déshabituer
les nouveaux fidèles ; qu:ind on sent com-
bien il est important de rappeler aux hom-
mes que tous les biens de ce inonde sont des
dons de Dieu, qu'il faut en faire un usage
modéré, que Dieu ne nous les accorde pas
pour nous seuls, etc.; on conçoit pourquoi
l'Eglise a institué des formules de bénédic-
tions de toute espèce, pourquoi elle bénit les
maisons et les campagnes , les fontaines et
les rivières, les animaux elles aliments, etc.
Le commun des païens croyait que toutes
les parties de la nature étaient animées par
des esprits ou génies qu'ils adoraient; les
philosophes, défenseurs de l'idolâtrie, sou-
tenaient que les aliments et les .lulres cho-
ses usuelles étaient un pré-ent de ces génies
ou démons; les niarcioniles et les mani-
chéens prétendaient qiie tous les corps
avaient été formés par un mauvais principe
ennemi de Dieu. Pour combattre toutes ces
erreurs et en désabuser les fidèles, rien n'é-
lait plus convenable que les bénédictions de
l'Eglise. Toute créature de Didtest bonne, dit
saint Paul ; elle est sanctifiée par ta parole de
Dieu et par la prière ( I Tim. iv, 4 et 5 ). Or,
\cs bénédictions sont des prières; c'est donc
ici un usage apostolique.
Dans les grandes villes, où l'on se débar-
rasse tant que l'on peut de l'extérieur de la
religion, où l'on traite de dévotions popu-
laires les pratiqui's les plus louables, on a
perdu l'usage dont nous parlons ; mais le
peuple des campHgi\es, qui se sent plus im-
médiatement sous la main de Dieu, qui voit
souvent sa fortune et ses espérances détrui-
tes par un fléau; qui conçoit que rien ne
peut prospérer si Dieu n'y met la main, re-
court plus souvent aux prières de l'Eglise,
y ajoute de bonnes œuvres, des aumônes,
qnebjuc service rendu aux pauvres, etc. La
religion conserve ainsi et nourrit en lui les
sentiments d'humanité.
L'usage qui a toujours été observé dans
l'Eglise catholique de bénir et de consacrer
tout co qui sert au culte divin, les habils sa-
cerdotaux, les linges et les vases de l'autel,
les édifices mêmes dans lesquels on t"élèbre
les saints mystères, est un téuimgn.ige de
sa foi : par là elle fait voir la haute idée
qu'elle a de ses mystères mêmes par lesquels
le Fils de Dieu daigne se rendre réclleaienl
857
BËN
BEN
présent parmi nous. Comme les protes-
tants se sont départis de cette croyance an-
cienne et univiTsi'llc. il leur a fallu suppri-
mer tout cet appareil extérieur (jui dépo-
sait contre eux. — Mais ils ne sont pas venus
à bout de prouver que les bcnédiclions
étaient d'une institution moderne ; la plu-
jjart se trouvent dans le Sacranieiilairc de
saint Gréjîoire : celui-ci était, dans le fond, le
même que celui ilu pape Gélase, qui vivait
au cinquième siècle, et ce pape n en était
pas le premier auteur. Aussi sont-elles en-
core usitées chez les différentes sectes de
chrétiens orientaux, séparés de l'Eglise
mmaine depuis plus de douze ans. Les pro-
testants qui, nialf^ré l'autorité de saint Paul,
traitent toutes ces cérénonies de supersli-
tions, aurai>'nt dû cotiimencer par f lire voir
en quoi elles sont opposées <à la vraie piété,
à la confiance de Dieu, à la reconnaissance,
à l'ohéiss;iiice, etc.
HÉNÉFICE, Nous laissons aux canonis-
(es le Soin de recherchi-r l'orii^ine, la nature,
les différentes espèces de bénéfices, la ma-
nière dont ils peuvent être remplis ou va-
cants, etc.; il suffit à un théologien d'ob-
server que tout revenu ecclésiastique est
essentiellement attaché à un olfice ou à un
service quelconque rendu à l'Kglise. selon
la majiiine : lienelicium pmpter officium.
Que ce service consiste en prières, en tra-
vaux apostoliques, en fondions d'ordre ou
de Juridiction, cela est égal; l'oblii^ation de
les acquitter est la même, ou ne peut autre-
ment avoir droit de percevoir le revenu qui
y est attaché. Ce revenu n'est point une au-
mône qui n'oblige à rien, mais un salaire;
ce n'est point un bienfait pur, ni une sub-
stance gratuite : c'est une solde, un hono-
raire payé à titre de justice.
De là s'ensuit, 1" l'obligation d'acquitter
ces fonctions par soi-même, quand on le
peut, et non par d'auires; par conséquent
de résilier. 2° De distribuer aux pauvres le
superflu du revenu, c'est-à-dire tout ce qui
excède le nécessaire convenable; parce que
l'intention de l'Eglise est de nourrir ses ser-
viteurs, et non de les enrichir. 3' De se con-
tenter d'un seul bénéfice, lorsqu'il suffit pour
fournir au possesseur une subsistance
honnête. — Cette morale, rapprochée de l'u-
sage actuel, paraîtra peut-être sévère; mais
les abus invétérés, les subtiles distinctions
des casuites, les prétextes de la cupidité,
l'exemple ni l'autorité, ne prescriront ja-
mais contre l'évidence des devoirs d'un bé-
néficier. Ils sont fondés sur la loi naturelle,
sur la lui divine, sur les lois ecclésiastiques
les plus anciennes, en particulier sur les
décrets du concile de Trente. Si l'Eglise
réunissait le pouvoir coactif à l'autoriie lé-
gislative, elle forcerait certainement les bé-
iiéficiers à exécuter ce qu'elle leur ordonne.
— Si les bénéfices simples ont été trop mul-
tipliés, ce n'est pas à l'Eglise qu'il faut s'en
prendre. L'ambition des séculiers, la v.mité
du droit de iiatrou.'ge, l'orgueil des grands
qui veulent avoir des ecclésiastiques a leurs
ordres, la mollesse qui trouve !o culie pu-
m
blic trop pénible, et préfère sa commodilé à
la communion des saints, des dévolions ou
des restitutions mal entendues, etc.; voilà
les sources ordinaires des abus. L'Eglise a
beau faire des lois, les passions trouveront
toujours plus de moyens de les éluder, que
l'autorité la plus active n'en trouvera pour
les faire exécuter.
C'est aujourd'hui une question de savoir
si, de droit n.ilurel et de droit divin, les mi-
nistres de l'Eglise sont habiles ou inhiibiles
à posséder des biens; autiefois le simple
doute sur ce point aurait paru absurde. —
En effet, selon les principes de l'équilé na-
turelle, tout homme dévoué au service du
piililic a droit d'eu recevoir l,i siibsisiaiice,
quelle iiiie soit la nature des fondions qu'il
est chargé de remplir; tel a été et tel est en-
core le sentiment de tous les peuples du
monde: mais parmi nos jurisconsultes mo-
dernes , (iuel(iues-uns <mt Iroiivé bon de
douter s'il est de la justice d'alimenier des
hommes préposés pour présider au culte di-
vin, pour donner des leçons de morale el de
vertu, pour instruire les ignorants, pour
corriger les pécheurs, pour assister les pau-
vres et les malades. Cependant l'on n'a pas
mis en question, si les ecclésiastiques sont
obligés en conscience d'exercer leurs fonc-
tions; l'on a su|iposé, avec riison, qu'ils y
sont tenus par jusiice; et lorsqu'ils y man-
quent, on sait bien le leur reprocher. Puis-
que toute obhi^atiou de jusiice est récipro-
que, il est difficile de concevoir comment le
public peut éire exem|)t de celle de pourvoir
a la subsistance de ceux qui le servent. —
Il n'est donc pas vrai que la subsistance ac-
cordée aux minisires de l'Eglise soit une
pure aumône, une franche aumône, comme
il plaît à certains canomstes de la nommer.
L'aumône n'engage à rien le pauvre qui la
reçoit; c'est un don de charité, un secours
purement gratuit, quoique commandé par
la loi de Dieu naiurelle et positive; la solde,
au contraire, la relribution, l'honoraire, que
perçoit un ministre de l'Eglise, lui imposent
le devoir rigoureux <rexercer ses fonctions
pour l'avantage spirituel des fidèles : c'est de
part et d'autre jnslicp, et non charité.
Jésus-t^hrist, qui est venu sur la terre, non
pour détruire ou pour changer le droit na-
turel, mais pour le mieux laire conuaitre,
n'y a point dérogé sur ce point : il s'est
borné à prévenirles abus. Après avoir donné
à ses disciples le pouvoir d'opérer des mi-
racles pour prouver leur mission, il leur
dit : Viius avez reçu (/rattiitemenl ces dons,
accordez-les yraluilemenl. N'ayez ni or, ni
argent, ni monnaie, ni provision pour vos
voi/aijes, ni habit double, ni chaussure, ni
arme .l)our vous défendre; l'ouvrier est di-
gne DE SA NOURRiTi-RE. (Matlh. X, 8). Il ne
leur dclend donc pa-. de recevoir leur sub-
sistance, mais de vendre leurs fonctions et
d'eu faii e commerce pour s'enrichir. 11 les
assure que celle subsistance ne leur man-
quera j.imais. Lorsque je vous ai envoyés
sans argent, sans provisions et sans habttt,
avez-vous manqué de rien? Non, répondi-
539
BEN
BEN
540
rent les disciples {Luc. xxii,3o). — N'avons-
nous pus droit, disait s.iinl Paul, de recevoir
notre nourriture?... Qui porta jamais /'■,< or-
m'S à ses dépens? Celui qui cuUive la terre
et celui qui foule le qruin. le font dons l'<s-
pérance d'en recueillir le [mit: si nous avons
semé parmi vous les dons sp rituels, est-ce une
grande récompense d'en recevoir quelques
dons temporels? Ceux qui sont occupés
dans le lieu saint virent de ce qui est offert,
et ceux qui servent à l'autel participent au
sacrifice : ainsi, le Seiqnciir a réglé que
ceux qui annoncent l' Evangile vivraient de
l'Evangile; mais je n'ai jamais usé de ce droit
{1 Cor. IX, 4). Kii tffcl, cet apotie Iravaillail
de ses ni.iiiis, afin de n'èire à cliaruti à per-
soiiiii' (Act. XX, 34-); mais il n'en ûl jamais
une loi aux autres prédicateurs df l'Ev m-
gile. Lorsque les vaudois et les wicléfitcs
soulinreiU qu'il n'ctail pas permis aux nii-
Dislres de l'Eglise de rien posséder, ils fu-
rent condamnés par les concile^ généraux
de Latran et de Constance ; mais les enne-
mis du clergé ont toujours fait profession
de mépriser les censures de l'Egli-e.
Que la manière de pourvoir à la subsis-
tance des occlésrastiiiui's ait varié, qu'on
leur ail accordé ou les oblaiions, ou la dime,
ou des fonds, cela est indiffèrent, et cela ne
change rien à la nature de leur droit. Sur
ce point, comme sur tous les antres, la dis-
cipline s'accommode aux circonstances, aux
révolutions, aux besoins ou aux inconvé-
nients qui peuvent survenir ; la lui naturelle
et la loi divine positive demeurent les
uiémes. — Il y a des preuves certaines
qn'avant le iv" siècle , et avant la (on-
viTSion des empereurs, les l'glises chré-
tiennes possédaient déjà des fonds, puisiju'ils
furent c(mlis(]ués par IJiocléticn et par iMa-
ximien, l'an 302; ils furent restiués en
veriu de l'éilit de t^onstantin et de Licinius,
en 313. (Kusebe, Vie de Const., 1. ii, c. 39.
Lactance, de Mort, prefecl., c. 48. ) .lulien
s'en empara de nouveau; après sa mort, ils
furent rendus.
A ces preuves, qui nous paraissent claires,
on oppose, 1° que Jésus-Ctirist a ordonné à
ses apôtres d'exercer leur ministère gratni-
tement ; mais nous venons de voir qu'en
même temps il leur alirii)ue le droit à une
subsistance. Vendre des fonctions et des
dons surnaturels, les mettre à prix, vou-
loir en faire pa>erla valeur, c'est une pro-
fanation, c'est ie crime que saint Pierre re-
procha à Simon le M igiiien, qui voulait
acheter des apôtres, à prix d'argent, le pou-
voir de donner le Saint-f-lsprit. Mais une
solde, un hiinoraire, une subsistance accor-
dée à un homme occupé de quelques fonc-
tions, n'est ni un prix, ni un payement de
ces fonctions; le prix est relatif à la valeur
de la chose; l'honoraire est attaché à la
place et à la personne; il est égal pour
(nus ceux qui exercent telle fonction, quoi-
(jne leur mérite personnel, leurs lalenls,
leurs services soient fort inégaux. Quand
on dira qu'un médecin \cnd la san^é, qu'un
avocat cl uu magistrat font commerce de la
justice, qu'un militaire met sa vie à pris,
qu'un ofQcier public trafique de ses servi-
ces, etc.; ces expressions ib' mépris, qup la
nialiguité invente, et auxque les la suttise
applaudil, ne chingcronl pas la nature des
choses, et n'aviliront pas des fonctions res-
pect.ibles d'ailleurs. — 2° Une seconde ob-
jection est que Jé-us-Cbrisl a défendu à ses
apôtres de rien posséder; mais il les avertit
en même temps que tout ouvrier est digue
de recevoir sa subsislmce: il a donc im-
posé aux fidèles l'obligation de la f lurnir
aux ouvriers évangéliciues. La manière du
satisfaire à ce devoir a dû être relative aux
circonstances. Les apôtres, envoyés i;our
prêcher l'Evangile à toutes les nations, ne
pouvaient pas être séilentaires dans une
seule église; mais ils ont établi dans cha-
cune des pasteurs en titre, auxquels les fidè-
les ont dû assigner une subsistance fixe et
assuiée : c'est ce qui a fait établir les héné-
fices. — 3° L'on a soutenu (|ue la réliibulion
due aux ministres de l'Eglise est tout au
plus une aumône, et que la possession des
biens-fonds en cbanger.iil la nature. Nous
avons l'ait voir que c'est un honoraire, tel
que celui qu'on accorde aux magistrats, aux
médecins, aux militaires et à tous les offi-
ciers publics : or, celui-ii n'est pas une au-
mône. — 4° L'on a |iosé pour maxime que
l'E^glise est un corps étranger à l'Etat, qu'il
est donc inhabile à posséder aucun bien.
Comme par 1 Eglise on entend sans doute
lis ecclésiastiques, nous ne comi)renons pas
comment un corps de citojens occupés à
servir le public, soumis aux lois civiles, qui
porte sa part des charges communes ])nr
les senices qu'il rend, peut èire étranger
à l'Etal. Il n'est pas plus étranger que le
corps des militaires; et l.irsque nos rois ac-
cordèrent à ceux-ci des fiefs pour leur tenir
lieu de solde, nous ne vo, ons pas qu'ils
aient dérogé au droit naturel. (Juaud le
clergé serait un i orps d'étrangers, comment
prouvera-t-on qu'ils sont inhabiles à pos-
séiler des fonds, dès qu'ils rendent un ser-
vice bahiiuel, et dès que le souverain et la
naiion leur ont assigné ces fonds pour satis-
faire à l'obligation naturelle de les susten-
ter? Les régiments étrangers ont-ils moins
de droit à une solde que les nationaux? —
S° Pour prouver que l'Eglise est inca|)able
de posséder, l'on a fait remarquer qu'olle
ne peut pas aliéneCses fonds, que la pro-
priété lui est inutile; que c'est donc le sou-
verain et la naiion (|ui sont les vrais pro-
priétaires (les biens de l'Eglise. Sans dispu-
ter sur la n;;lure des différentes propriétés,
il nous sulfit do prouver que les ecclésiasti-
ques ont, de droit naturel, l'usufriiii perpétuel
des biens de l'I'^glise. parce que leur service
est perpétuel. Le droit d'aliéner ces biens
serait ilircc'ement contraire au but pour le-
quel ils ont élé doiinés, qui est de sul)\onir
il un besoin perpétuel, et de remplir une
obligation de justice qui ne cesse point.
Celte espèce de prapriéé n'est point inutile,
puis(iii'elle met les ministres de l'Eglise à
C uvcrl du danger de manquer de subsi-
541
BEN
BER
stanco, et qu'elle les engaiie à rendre meil-
leurs (les foiiils dont ils savent que la pos-
session ne leur S'Ta poinl 6lée. Il nous
paiiiît absurde d'atirihuir au souverain et à
la nation une prélrndnc pruprirlé dont ils
ne fieineiit lé-iilirnement faire usaiçe que
pour investir un suce ssenr dn mènie droit
que son prédécesseur. — G' Quelques-uns
ont avancé (|ue. du moins en Fr/incn, les
ercésiasliiines sont inhabiles à posséder des
fonds, parce que ee sont nos rois qui ont
dolé les e<jli--»'s. II est dit, ilans le premier
concile d'Orléans tenu l'an 507, can. 'i- et 5,
que Clovis a d inné des terres auK églises,
qu'il a concédé aux clercs l'impunité réell(!
et |iersonnelle. ("onsé(|uemiiient le cotuMle
règle l'usage que l'on doit faire des revenus.
— Mais si Clovis a donné des terres aus
églises, ce sont donc les églises ((ni les pos-
sèdent; autrement le don serait illusoire. De
même, lorsque nos rois ont accordé des fiefs
aux militaires, ceux-ci, ei non d'autres, les
ont possédés. Avant Clovis, il y avait en
France des églises fondées depuis plus di;
Irois cents ans, et des ministres pour les
desservir; il y avat donc des revenus, quels
qu'ils fussent, pour les faire subsister. La
plupart des égli^es avaient été dépouillées
et ruinées par les Barbares ; Clovis sentit la
jusliie d • leur rendre ce qu'on leur avait
ôlé, ou l'équivalent. La distribution des le-
veiius, orilonnee par le concile, prouve en-
core que les évéques se regardaient comme
possesseurs Irès-légilinics.
Si les ennemis du clergé étaient mieux
instruits, ils ne raisonneraient pas si mal;
ils sauraient qu'au commencement du
VI» siècle le nombre des hommes était dimi-
niu'; au moins de moitié de ce qu'il avait
été, dans les Caules et dans tout l'empire
nuiiain, sous le règne d'Au;;uste; le reste
avait péri par les ilévaslaiious des Barbares,
par les guerres civiles entre les divers pré-
tendants à l'empire, par le mauvais gou-
vernement des empereurs, par les conta-
gions, sûtes ordinaires de la guerre; par
Cnnsé(|uent il y avait pour lors au moins la
moitié ries terres en friche, lin ne consul-
tant même (lue rinlérèt politique, Clovis ne
pouvait rien taire de mieux que d'en accor-
der une parlie .lUX ecclésiastiques, afin
qu'ils les remissent en valeur; indépendam-
ment des motifs de religion, l'immunité qu'il
y ajoula était l'ondée sur la même raison
que la déci iralion du roi Louis XVI, de
l'année ITid, qui accorde vingt ans de fran-
chise aux terres nouvellement mises en cul-
ture.
Du moins, dit-on, il vaudrait mieux que
les ministres de l'Ealise fussent alimeniés
par des pensions. Mais, dès les premiers
siècles, on a senti les incon\ énients de ce
mieux prétendu; c'est ce qui a délerminé
les souverains et les nations à leur assiiincr
des fonds. A la décadence de la maison
de Charlema ne, le cierge fut à peu près
anéanti, parce qi:e les siigneurs s'emparè-
r(-nl des biens de l'Eglise; li; peuple, privé
do secours spirituels, fut obligé de recourir
Ui
aux moines, ou de faire subsister les eccle-
si.isliques à ses frais. — fendant la peste
noire de l'an 13i8, la plupart des mourants
qui avaient vu périr leur famille entière et
leurs héritiers, laissèrent leurs biens aux
églises, aux monastères, aux hôpitaux; à
qui devaient-ils les donner ?
S'il nous est permis de copier les réflexions
que l'on a opposées plus d'une fois aux re-
formaleiirs de la discipline actuelle, nous
leur dirons, 1° qu'il est utile au bien de l'Etat
«lu'il y ait de riches propriétaires, parce
qu'ils S'int en état de faire de fortes avances
pour améliorer les fonds. 2" Ou'il est bon que
les fonds changent souvent de main, parce
qui' dans le nombre des pos-oseurs, il s'en
trouve tôt ou tard quelqu'un qui répare la
négligence de ses prédécesseurs. 3° Que la
quantité des biens donnés au clergé est une
atteslation des services qu'il a rendus aux
peuples, surtout dans des temps malheureux.
Ceux qui ont lu Vhisloire ecclésia.^lii/iie sa-
vent ([ue les églises ont été enrichies par hs
souverains, par les évêques, qui, en se dé-
vouant au service d'une église, lui donnaient
leur patrimoine; par de riches paniculicrs
qui mouraient sans héritiers nécessaires;
par des seigneurs à qi;i la conscience repro-
chait des concussions, et qui ne pouvaient
les réparer aulremenl, etc. Aucun de ces
moyens d'acquérir n'est illégilime. k' Toutes
les fois que les biens ecclésiastiques oui été
pillés, l'etal ni les peuples n'ont jamais pro-
filé en rien de cette dépouille ; elle a toujours
élé la proie des gr.uuls. Ou commence tou-
jours cette opération par dresser des proj Is
et des plans sublimes; lorsque les parts sont
faites, chacun garile celli^ dont il s'est em-
paré, et les vues d'intéièt puldic s'en vont en
fumée. Ou l'a vu au ix^ siècle en France,
au xvi'^ dans les pays du Nord et en Angle-
terre, de nos jours en Pologne, en Allemagne
et ailleurs. Voy. Fonuation (1).
BÉBENGABIKNS, sedateurs de Bérenger :
celui-ci était archidiacre d'Angers, il fut en-
suite trésorier et écolàlre de Saint-Martin de
Tours, ville oij il éiait né. 11 osa nier la pré-
sence réelle de Jésus-Chnsi dans l'eucharis-
tie; ce fut vers l'au lOi" qu'il commença de
dogmatiser. Condamné successivemeuî par
plusieurs papes et par cinq ou six conciles,
Bérenger rétracta ses erreurs, signa Irois lois
des professions de foi calholi(iues, et les ab-
jura autant de fois. Ou croit cependan! qu'il
mourut sincèrement converti tl délrnmpé (ie
ses erreurs. Qnelques auteurs ont prétendu
qu'il coud, nouait encore les mariages légiti-
mes, el soutenait que les lemun's devaient
être communes; qu'il réprouvait aussi le
ba[)téme des enfants : mais ces deux der-
nières accusations no sont pas prouvées.
Entre plusieurs évéques ou abbés qui écri-
(I) Aux preuves qu'.ippone Bergier, nous devons
■ijniilei le gr.chil t:di de iioire liisloiie. E.n 179.1, l'K-
lal s'est eiii|i;iré de tous les biens ecclé'.iasii i»es, le
peuple e^^l-il devenu plus riche ? C"s liieiis sont pas-
sé<enlre les mains de qnolipiei puissmls ilii siècle,
qui sont loin iJ en hijre le noble usni^e qu'en lalsiiieiit
les maisons .religieuses,
SIS
BER
BER
Ut
virent contre loi avec avantage, Lanfranc
f l Guitmond se distinguèrent. Ce dernier e\.-
pnsi- ainsi les opinions et les v.iri;ilions des
bcrengariens sur le sJicrement de l'eucha-
ristie ; « Tous, (lit-il, s'accordent à dire que
le pain et le vin ne sont pas essentielleinetit
ctiangés; mais ils dilTèrent, en ce que les
uns di>eiit qu'il n'y a rien du corps et da
sang de Jésus-Christ, que le sacrement n'est
qu'uni- ombre et uni- fi;^ure : d'autres, cédant
aux raisons de l'Kjilise, sans quitter li'ur er-
reur, disent que le corps et le sang de Jé-
sus-Christ sont en effet contenus dans le sn-
cremenl, mais cacnés par une espèce d'im-
pnnalion, afin que nous les puissions pren-
dre; et ils prélenlent iiue c'csi l'opinion la
plus subtile de BérengiT même : d'aulres
croient (|ue le p.iin et le vin sont changés en
partie ; quelques-uns soulienncnt ()u'iis sont
changés entièrement, mais quf, quand ceux
qui se présentcni pour L-s recevoir en sont
indignes, le sang et la chair de Jé-us-Christ
reprennent la nature du pain el du vin. »
Guitmond, runtni f}e>eng., Biblinl. PP.,
p. 327. — Par cet fxposé, l'on voit que les
bérenijariens oui été les précurseurs des lu-
thériens et des calvinistes dans leur erreur
sur l'cuebaristic, que les uns et les autres
se sont trouvés dans le même embarras pour
tordre le sens des paroles île l'Evangile. Par
la conduile que l'I'lglisc a tenue envers les
pre niers, il est aisé d'apercevoir quelle éiait
alors 11 crojance catholique et universelle,
si c'est IT'^glise ou si ce sont les protestants
qui ont innové cinn cenis ans après.
Tons les écrivains du xr siècle qui ont
atta(|ué Bérengcr, attestent que sa doctrine
était une nouveauté, que personne ne l'avait
encore soutenue, à l'exceplion de Jean Scot
Erigène, au ix'' siècle, et qu'elle fut con-
damnée dès qu'elle osa se montrer; elle le
fut de même au concile de Latran, composé
de cent treize évèques, l'an 1059.
Quelques efforts ((n'eussent faits les bi-
rengariens pour répandre leur doctrint; en
France, en Italie eu Allemagne, les auteurs
contemporains témoignent qu'ils étaient en
petit nombre, et l'on ne peut pas prouver
qu'il en restât encore lorsque Luther et Cal-
vin parurent. Ouoique le xp siècle n(! soit
pas l'un des plus éclairés, il ne faut pas
croire ce que disent les proteslauts, que Bà-
renger fut très-mal réfuté, et n'eut contre lui
qu(! (les moines. Les évêques de Langres, de
Liège, d'Angers, de Bresse et l'archevêque
de Kouen écrivirent contre lui; leurs ou-
vrages subsis'enl encore; le traité du Corps
el lia Sunij du Seigneur, jiar Lanfranc, ar-
thevèqu • de Cantorhéry ; celui de Guitmond,
évèque d'.\ verse près de Naples; celui du
prêtre Alger, scola^tique de Liège, sous le
même titre, sont des ouvrages savants el
so ides. Erasme en faisait grand cas, et les
prêterait à tous les écrits polémiques qui
avaient paru sur cette matière dans le xvi"
siècle. Bérenger se sentit inc.ip.ible d'y ré-
pondre, et fut obligé d'avouer sa défaite.
Les lettres el les fiagments ijui nous restent
de ses ouvrages ne donnent pas une haute
idée de ses talents , encore moins de sa
bonne foi. — Dans les F(>s- des Pères et des
Martyrs, fom. III, il y a une notice exacte de
la vie et des erreurs de Bérenger, el des ou-
vrages qui furent écrits contre lui, pag. 531
et suiv. On en trouve un détail encore plus
amp'e dans VHist. de l'Eglise gallic, lom.
Vil, 1. XX et XXI.
La manière dont Mosheim en a parlé, Hist,
ecclésiast. du xr siècle, w part. c. 3, § 13 et
suiv., montre à quel excès un homme, éclairé
d'ailleurs, peut porter l'aveuglement sys'é-
maiiqup. II dit d'abord que Bérenger était
renommé pour s.on savoir et pour la sain-
teté exemplaire de ses mœurs : il n'a pas cru
pouvoir se dispenser de donner quelques
grains d'encens à un héréli()ue. Mais le sa-
voir de Bérenger est fort mal prouvé par ce
qui reste de ses écrits, et sa sainteté encore
plus mal par trois parjures consécutifs. — ■
Mosheim prétend qu'avant ce siècle l'Eglise
n'avait encore rien décidé sur la manière
dont Jésus-Christ est dans l'eucharistie, et
que chacun en croyait ce qu'il jugeait à
propos. Si cela était vrai, il s'ensuivrait déjà
que Bérenger était fort téméraire de vouloir
expliquer un mystère que l'on s'était con-
tenté de croire simplement el sans vouloir le
pénétrer. Mais la vérité est que jusqu'alors
la croyance de l'Eglise catholique avait été
la présence réelle de Jésus-Christ dans l'eu-
charistie, comme l'attestent tous ceux qui
écrivirent contre Bérenger. Ce (|ui avait été
écrit au ix' siècle contre cette vérité par
Jean Scol Erigène, n'avait eu aucune suite,
et n'avait point eu de partisans. Bérenger
lui-même n'a jimais osé prétendre qu'il sou-
tenait le sentiment commun des fidèles, et
que les évêques qui le condamnaient étaient
des novateurs. Aucun écrivain de son siècle
n'a osé prendre la plume pour le défendre.
Parce que Grégoire VII traita Bérenger avec
plus d(! ménagement que ses prédécesseurs,
Mosheim le soupçonne d'avoir embrassé la
même opinion : nous prouverons le con-
traire. Grégoire, avant d'être pape, avait
assisté, en qualité de légat, .lU concile de
Tours, l'an lOoi, où Bérenger avait rétracté
ses erreurs. Fin 1039, sous Victor II, dans
un concile de Home, composé de cent treize
évê(iues, Bérenger fil profession de croire
(]ue le pain et le vin o/l'erts à l'aulel sont,
après In consécriUion, non-seulement un sa-
cmnenl, mois le vrai corps et le vrai sang de
Jésus-Cliiist; que ce corps est toucké par les
miilns des prêtres, non-seul'ement en forme d«
sacrement, mais réellement el en vérité. Mns-
heini dit que cette doctrine était absurde et
insensée. En 1063, un concile de Bouen dé-
clara, contre ce môme hérétique, que dam
la consécration le pain, par la puissance di-
vine, est change en In chnir née de la sainte
Vierge, et que le vin esl changé véritablement
cl sulistantiellement au sang répandu pour la
rédemption du monde.
L'an 1078, sous Grégoire VI!, dans un
concile de Koiiie, Bérenger signa, sons la
fui du serment, que le pain posé sur t'auttl
devenait, par la consécration, le vrai corps dt
MS
BER
BER
SM
Jésus-Christ, et que le vin devenait le vrai
sang qui aiait coulé de son côcé. \)i\ là .Mos-
heiin cuiiclut que Grégoire \\\ reiioiiçiiil à
lu conlession de fui de l'an lO.'ll), el (|ii'ii la
rcvo(|Uiiil, (luoiqu'clle eùl élc .solciuii-lle-
ni^iit .iiiprouvee [)ar un piipc dans un con-
cile. Il fsl ct'pondanl évident tiue celle se-
conde formule n'esl dilïérenU- de la première
qu'en ce qu'elle exprime la transsubstanlia-
lion lieaucoup plus clairement. — L'année
suivante, dans un autre concile, ISérenger
protesta de croire que le pain el le vin, pur la
prière el pir les paroles de nuire Rédempteur,
étaient substantiellement changés dans le vrai
et propre corps ei sang de Jésus-Christ ; ce sont
les mêmes expressions que celles du concile
de Kuuen. AJals Bcrenger ne fui pas plus fi-
dèle à celle prolesiatiuD qu'aux deux précé-
dentes.
Comm^ Grégoire VII ne fit point de nou-
velles poursuites contre Héren;;er, Mosheini
en conclut qu'il ne lui sut point mauvais gré
de sa perfidie, el que prol)al)lement il pen-
sait comme lui. Par la même raison, il de-
vait conclure que les évéques de France em-
brassèrent aussi le parti de Béren;;er, puis-
que, malgré sa troisième rechute, ils ne pro-
uoncèrenl point de nouvelles condamnations
contre lui; on secoiiteni.i de réfui erses erreurs
d'une manière qui le réduisit au silence.
Suivant un écrit de Bérenger, Grégoire VII
lui dit : Je ne doute point que vous n'ayez de
bons sentiments touchant le sacrifice de Jésus-
Christ, conformément aux Ecritures : de là
Moshi'lin conclut encore que ce pape pen-
chait vers l'opinion de cet hérétique. Alais
cette opinion élait-ell'e véritablement con-
forme à l'Ecriture sainte, el selon cette opi-
nion , l'eucharistie pouvait-elle être appelée
un sitcrifice? Voilà comme on s'aveugle par
intérêt de système.
Mosheim tourne en ridicule les écrivains
catholiques qui ont voulu persuader que Bé-
rcng.T s'était converii; mais lui-même en
fournit les preuves. Il dit que ce personnage
laissa en mourant une haute opinion de sa
sainteté : en aurail-on jugé ainsi, si on l'a-
vait encore cru hérétique? Il dit que les cha-
noines de Tours honorent encore sa mémoire
par un service qu'ils font tous les ans sur
son tombeau; cerlainemenl ils ne le feraient
pas, SI Ton n'avait pas été persuadé dés lors
que Bérenger élaii mort dans la communion
de l'Eglise. Il «lit (lue Bérenger, dans son ou-
vrage, dem.inde pardon à Dieu du sacrilège
qu'il a commis à Hume, en se parjurant :
cela ne prouve p.is qu'il persévérait encore
dans ses erreurs. Le moine Clarius, Richard
de Poitiers, l'jLUleur de la Chronique de saint
Mai tin de Tours, Guillaume de Malmesbury,
allestenl que Bérenger mourut repentant et
conveili. Ce témoignage des conlemporaiuâ
doit prévaloir aux vaines conjectures ûes
protestants.
Mosheim parait avoir pris ce qu'il a dit de
Bérenger dans VHist. de l'Eglise pa%- Basnage,
1. XXIV, c. 2. L'on y trouve les D-.èmes faits et
les mêmes rélletions. Le li>ut n'est fondé
que sur les assertions de cet hérésiarque,
cent lois convaincu d'imposture et de perfidie.
BSil'.N.VUI) saint), abbe de Clairvaux,
mort l'an 1133, est, dans l'ordre des temps,
le dernier des Pères de l'I'-glise. L;i meilleure
édiiinii (le ses ouvrages est celle qu'adonnée
dom M.iliillon en IG'JO, et qui a été réimpri-
mée en 1711), en 2 vol. in-fulio.
Les philosophes incrédules n'ont pu lui
imputer aucune erreur; mais ils lui rrpro-
cheiil d'avoir faussement prophétisé le succès
de \:i seconde croisade. Gomme sur ce point
saint Bernard a fut lui-néme son apologie,
ce reproche est réfuté d'avance. Nous ajoute-
rons seulement que si les croisés avaient
mieux suivi dans leur conduite les avis du
sailli alibé, la croisade aurait eu un succès
plus heureux. Voy. Cr'Isade. — On dit en-
core qo'il avait une science très-médiocre,
qu'il entasse pêle-mêle l'Ecriture sainte, les
canons et les conciles, qu'il est fécond en
allégories. .Mais sainl Bernard savait l)eau-
coup pour son siècle, puisqu'il possédait l'E-
criiure sainie et les canons; ce n'est pas sa
faute s'il est né dans un temps que l'on
nomme siècle de brigandage, d'ignorance et
de su|)ersliiion; il n'a été coupable d'aucun
de ces trois \ ices. Quant aux allégories, il en
l'ail moins usage que plusieurs des anciens
Pères; il ne les emploie que dans des ou-
vrages de morale el de piéié, jamais dans les
écrits qui concernent le dogme; ce n'est point
là-dessus qu'il fonde la croyance catholique,
lorsqu'il la défend contre les liéréti(|ues.
Eu général, on ne peut refuser à ce Père
un esprit vif el pénétrant, une belle im.igi-
naiiun, un style doux cl insinuant, une élo-
quence persuasive, une piété lendre, un zèle
ardent, mais éclairé, pour la pureté de la foi
et pour l'observation de la discipline, enfin
des vertus fort supérieures à l'esprit de son
siècle.
Il a été aussi accusé d'avoir persécuté
Abailard par jalousie; nous avons réfuté
cette calomnie dans l'article Abailaru. Pour
avoir une juste idée des talents et des vertus
du saint abbé de Clairvaux, il faut consulter
VHisl. de l'église gallicane, toiu. IX, I. xxv
et XXVI.
lîEUiNAUDINS (il). On désigne parce nom les reli-
gieux de l'urdie de Ciieiiiix, qu'il nu faut |.ims confon-
dre avec d'autres religieux (|ui porieiil le iiiéuie niiiu,
eldniit iKius parlerons suus le mot siilv^inl.
Un a donné aux Cisterciens le iiuin de liernardins,
a cause de saint Bernard, |ireiiiler alilié de Cla.rvaux,
l'un des plus illustres abliés de cet ordre, dont les
vertus elles lalmls lui ont acquis, ainsi qu'à l'ordre
entier, une grande rcpiiiallon.
AncienniMiii'iii les Bciiéilictins, dont nous avons
parle, el les Bernardins d'aujourd'hui, ne lais.iienl
qu'un même ordre de religieux suus la règle de saint
Benoit. Dans la suite, ce corps se divisa en deux
tiranclies : il fui question d'une réforme, que les mis
embrassèrent, et que les autres ne vouliireiil iminl
adopter. Mais pour ne point user de redites sur la
(iliaiiou de l'ordre de sainl Beiioîi, voyez ce quii
nous avons dit à l'ailicle Hé.\édictins.
L'ordre de Liteaux, dont il s'aj^il ici, a pris niis-
sance dans l'abbaye de ce nom aiiuée en liourgoi^ne,
(a) Cel anitle el les deux suivants soiil reproduits d'a-
près l'édilimi de Liéye. Voy. le Okiiomaire des Ordifs
religieux par Iç P. Hél)ot (èJil Migne)-
547
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diocèse de Cliâlnns, et fondée en 1008, par le duc de
Bomeoene. Saiiil Kob-rl, soni de l'tlihaye de M»,
lêi.ie ;.vec quelque religieux, dans le des ein de lor-
mer Uii noiiveleUiblisseine.il, fut le pieiuier alibede
Cîlea.ix. — A s.aii.1 R.djeil sncféda, en 1100. sainl
Albéric. Sous cei abbé les religieux de Ui. aux aire-
tèienl uinl ne seiail lomlc aucune abbaye de leur in-
Slilul qu'après que l'evéque diocésain se serait désiste
de louie uréleminn d'aulnrilé elde jundulionsurles
llioua=lères à b.nder. — Saint Albéric eut pour suc-
se-seur.'aml Etienne, eu 1107, et c'est ce Iroisieuie
abbé que loidrc reccumait pour son vrai lond^ileur.
C'est snus son administration que Curent arrèies,
avec les religieux, les règlcmenis et les stalnis qui
devaient réglera perpéiuiié les luouasières p"ur lors
exisianls, ei ceux' qu'on se pioposait de louder. Ces
réglenienis et ces statuts portent le iioiii de Carte de
clturiié : le pape Calixte y donna son approbation, eu
11 11). Celte carte de clmnié éiablii deux si.'iies
de juridictions, l'une qui est parliculière, et l'aulie
générale. Eu vertu de la jnridbtinn paniculiere,
l'alibéqul a fondé des maisons exerce sur elles I au-
lorilé (l'un supérieur majeur, avec puuvi.ir de les vi-
siier et d'y faire les règlements qu'il croit convena-
bles ; mais sa jiiridiciion ne s'étend pas aux autres
jiiaisons qui peuvent dériver de ces buidalious-, et
ce sont ces maisons que dans l'ordre on n.unnie ar-
rière-lilles. Celui au nuilraire qm n'a point lait de
pareilles londaliniis, n'a de juridiclion que dans sou
monastère, qu'il gouverne pour le spirituel cmiinie
pour le temporel. — La juridiclion générale est celle
qui renl'.'rme le pouvoir suprême, et celle Siuivei aine
autorité n'est conliée, par la carie de cliariié, a au-
cun supérieur particulier. Elle réside dans rassem-
blée générale de tous les abbés, etc.
Après la rédaclinii de ces slalnls, saint Etienne
fonda en 1113, l'abbaye de la Ferlé, diocèse de
Cbàlons en Bourgogne. Il y éialdil pour premier abbe
\iu de ses religieux nommé Beilrand. Cetie abbaye
était regardée comme la première lille de Cîteaux.
^- L'année d'après, saint ELeniie fonda l'abbaye de
l'ontmni, au dincèse d'Auxerre, et il y mit pour pre-
mier alibé un de ses religieux : celte abbaye éi:«u la
deuxième lille de Cîteaux. — Le même saint fonda
ensuite, en 111.'), l'abbaye de Claiivaux, tioisiéuie
lille de Cileaux. Il ycouslilua pour premier abbé l'il-
luslre saint Bernard, si connu par ses démêlés avec
Abailard et par .ses piéilieaiioiis de la sec; lide eroi-
saile. — S.iini Elienne fonda la même année l'abhaye
de Moriinond, qualtiéniB lille de Cileaux, et il y éta-
blit Aruauld pour premier iibbé.
C'est à raison de ces (juatie premières abbayes,
jnsliliiées depuis la Carie de cliarilé, que les alibés
de ces mêmes abbayes sont déunuimés les qna re
premiers Pères de Tordre de Cileaux. — Comme
l'abbaye de Cîteaux éiait l'abbaye mère de toutes
celles qui ont clé fondées depuis, l'abbé de Cîteaux
élaii reconnu clief supérieur général de l'ordre, lanl
pour la France, ipie poiir les auires pays étrangers.
Cet abbé était éleciif, Il ne pouvait être pris que
parmi les re igieux de l'ordre, mais ne pouvait être
élu c|ue par les religieux pi oies de la maison de Ci-
leaux. L'élection élait coUaiive, c'est-à-dire qu'elle
conlérail de plein droit à l'abbé éiu toute adminis-
Ir.ition, laiit pour le spirituel i|ue pour le temporel,
sans alti'iidre aui ui.e cunliimaiio'i du saint-siége.
— L'alibé de Cileaux était conscillcr-iië au parle-
ment ili; Dijon ; il avait droit d'être a|.pelé aux élas-
généraux du royaiinie, et au\ étals particuliers de la
province de Itoiirgogne. Bans les conciles, il siégeait
iinmediatemeiil api es le» cvéques, avec les iiieines
bonneurs et les meiiics |iiêrogallves : il était regardé
cuiiiine le premier des Abbés.
Coiweixemint de Cordre de Cileaux. La maison de
Cileaux , représentée par l'abbé général, avait une
iirspection sur tuiiles les aiiires iiiaisimsde l'ordre;
et les abbés pariiculicrs do ces aulrcs maisuiis, qui
en ont fondé à leur lour, avaient, comme il est dit
par la Cane de cliamé, mie jurnlielion sur ces inai-
snns de leur liliatiim ; mais ceil- juridiclion deiiieu-
rait l(Mi;onrssounii>e à l'aiitHilé générale de l'.ibbé
clief de l'ordre. Les abbés de Clairvaiix, de la l'erté.
de Pnnligni et de Moriinond a\aienl bien disputé
cette préémiiieiice à l'abbé général ; ils avaient pré-
tendu que celui-ci n'éiail que leur égal, et seuleinenl
le premier d'entre eux, cl qii'iU avaient avec lui une
autorité coujoinle. Ils lui dispnlaient le d'-oil de vi-
siier les monastères de leur lilialioii; ils se cioyaient
fondés, tout comme lui, à bénir les abbés et les ab-
besses de l'ordie; maislomes ces préleiii;on. lurent
rejeiées par un arré' du conseil d'Elit du lit sep-
leorbre lGHl,ren'lu en faveur de l'abbé général.
Voici C'nnnent s'est gouverné l'ordre depuis cet
arrêt; l'administratinu et la jiirnlicion iniérienre
des maisons irapparlenaieni qu'aux supérieurs de
ces luêuies lll.li^olls. L'adininisiralion temporelle ap-
pai tenait à l'abbé <lont elle dépendait, conjoiiilement
avec les auires religieux ipi'ou appelait les Sf^iiieiirs
de la maison. — Bans les délibérati.ns,» les choses
s-e réglaient à la pluralité des SoU'rages, et l'abbé n'a-
tail point, en cliapilie, de voix prépondéranie. A
l'égard des novices, l'abbé, comme ayant .«eul iiiri-
dieiion inlérieiiie dans les nionasiêres de sa lilialliiii,
avait dioit de les bénir el de rece-oir l'émission de
leurs vœux. Il n'app.irieiiail ipi'a l'ablié de les ad-
iiielire à la prolession ; cependant il élait obligé de j
consiilier le inonas ère. L'évèiiue diocésain élait ■
néaiiinciins en droit de les examiner, noiiobstanl tous ■
les privilèges de l'oidie. —Si l'abbé élait conimeu-
daiaiie, le son des novices dépendait des prieurs
claustraux et des aiiires religieux du monaslcre : 4
exception sagement établie ; car, sans cela, il eùl éié
fort indillérenl à un abbé eonimendalaire que les
novices cooviiissenl ou non à la maison où ils se
faisaient afiilier. — Il y avait des no\iciais cmn-
muns pour touies les nialsnns de l'ordre, qiinique
ceux qui devaient faire piolesSion fussent spéciale-
Uieni destinés à Une maison particuliéie. Les candi-
dats eiiirés dans les inaisims cornuiunes de noviciat,
devaient êlie éprouvés .laiis les inaisnns pour les-
quelles ils se desliiiaient; el avant d'être adinis à la
vélure, ils devaient etie exaiiiinés par le vicaire gé-
néral delà province et parle inaiire des uoviies.
Apres leur année de probalioo, s'ils devaient êtie ad-
mis à la prolession, il fallait qu'ils la lissent en re
les mains d 1 vicaire généuil de la province, nu en
son ab-ciice entre celles du sopéi leur de la maison
du noviciat, avec cttte observaùou que les pensions
du noviciat se payaient par les maisons respectives, à
moins qu'il n'y eût compensaiimi de religieux. — Lts
pnifes, au sortir de leur noviciat, devaient être en-
voyés dans les maiMUi^ coiniuiines d'études éialilies
dans cbaque province de loi die, pour y denienrer
jusiu'i» c qu'ils lussent en é. ai d'être renvoyés dans
les maisons pour les.pielles ils ava eut fait vœu de
stabiliié. — Tout religieux de Cileaux piomun'ait
le vœu de stabilité pour un inoiiasicre parin nlier.
Ce vœu forinaii un Inii, un contrat léciproqne enire
le monastère qui le recevait et le religieux qui avait
promis celle slabiliic. Par ce contrat, le monasiere
acquérait des droits sur sou religieux, comme . elui-
ti en acipieiail sur son inoiia.siêre. Les seuls leli-
gieux proies pour une maison en composaient la
couimu.iaiilê; les autres religieux étaient regar-
dés coinme exlernes : JlioiiHC/ii /io.s,)i(es. Ces leli-
rf^eux eMcrues éuiienl ceux (pi'on clait oblige il en-
vovtr dms nue antre maison que celle mi ils
a>aien: leur lé-ideiice lixc, smt alin qu'ils y expnib-
fient's.iis scandale les lauies dool ils s'e aient ren-
du coiuaMes, soit pour d'autres raison*, telle
qiiunt inaiiu, ,i,..,iésasires. des ruines, des in-
c^mi;: ''H^Z. ^«lîces à pan, tm' religieux
'.cïuvaîl eue ^riiii.^'S.é sans la permission Ue i'ab-
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BER
BER
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lié jiénérnl ; et en ce cns, la maison de profession
dev:iil payer' la iiensinn ili's ri-lii;it'iix liaiisiéros, ex-
ci|ilé (le teiix qui l'avai^iil clé |i(iui' cause de niilie,
d'inceii lie, elc. Olisi'ivez enciiie i|tie les Pères im-
inélints ne pniivaifiii liaii-rérer aucun relij;ieiix de
leur lilialiiiii, i|ii'' ilaiis le coins de lenrs visites ré-
gulières pour lail de réforiiiaiidii ; il fallait même là-
dessus le <(inseiiieinenl des Séiiieurs de la ciunmu-
liaiilé. A l'é^aid des niaisuns CKinunines de noviciat
el d'éuides, les vicaires généraux pouvaienl en faire
sortir les religieux dyscoles, ou ceux avec lesquels
il e-l dillii'ile de viVre.
l-es |ii leurs claustraux des abbayes tenues en com-
nieiiile irélaieiit pniiit snus la lulèle des abliés coin-
nicnd.ilaiics; ils ne pipuvaienlèire inslil'uésni <lesliliiés
que parlesl'èresiE^iiiédiais, après (|ue cenx-ciavaii'iu
ooiisn lé le vicaire géuciMl de la province. Mais l'ab-
bé général, visitant, soit par lui, suit par ses conniils-
saires, les maisons de l'ordre, pniivail desliiuer ces
prieurs et en iiislituer d'aulrus à leur place, sans
préjudice iiéaiiiiiniiis de l'auCiirité du l'ère iinniédiat
pour autre cause. Le vicaire géiiéial avait aussi le
pouvoir de les destituer pniir dciitcritLi. — Les
prieurs claustraux devaient être jiris parmi les reli-
gieux pridèsdela niaisun, à moins qu'il ne s'en
Iromàl pas de capililes pour cet eniploi, ce (|ue le
Pfie immédiat devait exprimer dans Ses lellrcs d'in-
StltUtlMIIS.
Les cellériers, les syndics, les procureurs et les
autre» nfliciers nomryés à l'ailniinistratioii du tein-
iiorel, devaient ètie iosiitues, savoir, dans les ab-
bayes régulières, par l'abhé, du coiiseiiteinent du
ciiuveiil, et ilans celles qui siuit tenues en < oni-
meiide, pir le prieur et les religieux; lesolïicieis
devaient élre alisoliiinenl pris parmi les religieux
pidlcs de la maison, à moins qu'il ne s'en trouvât
point de capables; et ceux qui ètaieiil nommés de-
vaient prêter .sermciil entre les muiiis de l'abbé el
de^ ieiigieu\ du nicuia^lère.
L'aiildrite dans l' idminisiralion et dans le com-
maiidemi-nt n'aepai teiiaii qu'a la supériorité locale.
L'aiitoiité de l'allié général, des l'ère^ iinméiliats el
dc^ \ il aires généraux était restreinte à nue jnri-
di ton de inauiilention , de C'rreclioii et de rélor-
niatloii ; ciifiiNe ne pnuvaieiil-ils l'exiicer que dans
le cours d'une visite régulière, pane qu'il n'y a que
lu vi.'-ile régulière qui susjiende l'auloiiié de la su-
péiiorité locale.
L'administration de chaque monastère élait com-
mune et cniijointe entre l'abbé et ses religieux; car
dans ttnis les points où le monastère élait iuléiessé,
son (onsentenienl devait intervenir aux actes qui le
fOiicernaieiit. — Il ne pouvait être lait aucun ein-
priitii, aucune aliénaliini, aucun échange, aucune
ciiii|ie de bois de liante futaie, pas iiiéuie de b lil eni-
pliytliéoti(|ue, ni aucun aeie important d'adminisira-
tioii, qu'il n'eu eût été délibéié par la coinuiunauié,
à la plural. lé des siill'rages ; il fallait même avoir
obtenu le consentemeiu du vicaire général et du
l'ère immédiat : il fallait de plus la permission el
l'approbation de l'abbé de Cîteaux el du chapitre
général.
Les procureurs et les vicaires généraux élaienl
iiistiiues ou destitués par le chapitre général, et dans
les intervalles par l'abbé de Citeaux, de l'avis el du
coiisentemenl des quatre premiers l'éres de l'ordre.
— C'est à l'abbé chef qu'apparieiial la convocation
et l'iniliclioii du chapitre généial. Il devait se célé-
brer tous les trois ans; l'abbé général le présidait à
liiie d'aiilorité et de snpériuriié. Tous les autres
alihés et les prieurs tilulaircs étaient membres i s-
seniiels de ce chapitre. C'est dans cette ass'inldée
que lesiilaitle pouvoir légivlatil' de l'ordre, avec la-
Culié de régler de nouveaux staluis ou d'interpréter
les anciens. Le pouvoir exécuiil de ce qui était de-
ceriié par ce chapitre apparleiiaii à l'abbé général.
JJ ctjiii en droit et en possession de décerner toutes
les ordonnances nécessaires pour le maintien de la
di-ciplilie régulière, pour le bien du léniiinr el pour
l'oliservaiion des lois et des statuts do l'ordre. —
C'est lUuis ce chapitre que se jugeaient, en dernier
ressort (en matière purement régulière) tous les dil-
féreU'ls qui s'élevaient eiiire les niemlires de l'or-
dre. S'il arrivait que dniis ce cas il y eut partaged'o-
pimoiis, de inaiiicre que la majeure parue eileeiive
des suffrages ne Se trouvât pa> d'un côté, l'affaire
élait renvoyée au didiuiloire pour déparlager le cha-
pitre. Le (Iclinitoiie liiait (Mieoie juge des causes
que le cliap Ire lui renvovait à décider, quand il ne
voulait ou ne pouvait pas s'en occupej'. — Le déli-
nitoire était une e-pèee de tribunal que l'ahbé de
Ctteaux créait a chaque eh.ipilie général. Ce tribu-
nal ne jugeait que sur l'autoiité et au nom de l'alibé
général, iluipiet tous les membres recevaiei l leur
instiiulion. Voici comment se composait ce Inbuiial.
L'abbé, en sa qualité de l'ère général, noniniaii qua-
tre abbé^ de sa liliatiou, (|n'il iiiniilnail (Jéliniienrs.
Il instituait tels en même temps les qiia re iiciniers
abbés de ronlre. Chacun de ces quai e abbés pré-
sentait à celui lie Citeaux cinq abbés de sa hbaiion,
parmi lesquels l'abbé de Citeaux en prenait q niiit%
el les instituait déliniteurs, s'il les trouvait capables
de celle lonction; et si dans le déliniioire il y avait
partage d'opinions, c'étail i» l'abbé général de le le-
ver par sa voix, qui devenait alors prépondérante :
sur (pioi il est bon d'observer que dans les causes
qui intéress •ienl la personne des abliès, le général
é.ait leur juge de droit; ces soi les de causes ne (mu-
vaieiit êlie renvoyées au délinil'i'e ipie quand il y
avait pailage dans le chapitre. Observez aussi que
le cliapitie général pouvait déposer son chel, dans
le cas marqué par la C.irle de charilé.
Dans les affaires de discipline susceptibles d'sp-
pel le» appellations se poriaieul par degrés du vi-
caire général au l'ère imuiédial, de celui-ci à l'abbé
général, el de l'abbé géneial au chapitre général.
Les religieux ne pouvaient, en maiière purement
régulière, appeler lii.rs de l'oidre que dans le cas
d'une injure m.inilèste, ou lorsqu'il y avait déni de
justice ; ils pouvaient cependant user de cette voie
d.ns les autres cas où les ordonnances les y auiu-
ns lient.
Li s livres liturgiques servant à l'usage de l'ordre
ne pouvaient êlre imprimés que par l'auloiilé du
chapitre général ou de se^ députés; mais liors du
temps de la tenue des cliapitres, l'abbé de Citeaux
était endroit el en posses>iou Oe d<jiineT des man-
dements el (les privilèges pour l'impression de ces
sortes de livres. Observez qu'aut^un feliijieux de l'or-
dre ne pouvait publier l'ouvrage doiil il élan aiileur,
sans la permission du chapitre ou de l'abbé général'.
Cet ablié, les i'ères immédiats el les vicaires gé-
néraux avaient diiiit d'érigi^r une convenliialiiè dans
chaque maison, suivant ses revenus, et cette con-
ventualiié ne pouvait être (liininuée sans I a perinis-
sioii du chapitre général ou de l'abhé deCîleaux.
Lorsqu'il venait à vaquer une abbaye légiiliére
radiiimistratioii, tant au spirituel qu'au lenipurel, ciî
a|)parleiiait au monastère vacant. Ce monasièie avait
même iiemlanlce temps la juridiction (pour le spiri-
tuel seulement) sur les autres abbayes qui en dépen-
daient.
L'abbé, Père immédiat, présidait aux élections
des abbayes de sa liiiation. C'est lui (|ui indiquait le
jour de l'élection; le prieur de la maison vacante
convoquait le^ religieux profès du monastère vacant,
seuls en droit de donner leurs suffrages pour l'élec-
lion. Si le l'ère immédiat ne pouvait point présider
en personne, il ne pouvait pareilleineiil députer des
commissaires qu'autant que le vicaire général était
absent oti jiisienieni suspecté, parce que c'était à ce-
lui-ci de pié-ider en l'absence du l'ère imincdiat;
mais, tpiuiqu'il appariiiii au Père immédiai de pré-
sider, rien n'enipechalt que l'abbé général ne piït J<j
S51
BER
BET
55S
faire aussi conjoiniemenl et concurremment avec les
antres abhés pnnr tomes les iniiismis de l'ordre. —
Lorsque l'ablié ét:iit élu, son éleciinn se confirmait
par le Père imniédiil : l'iililié séiiéral y donnait en-
Sniie son npprobauon. t'éiail à cet alibé général ou
à ses délégués qu'il npparlenaii de bénir les abhés
et les abbessps de l'ordre. Ces abbés et ces abbesses,
pendant la (érémonie de la liénédiciion, étaii!0l te-
nus de pronieitre obéissance à l'abbé général et à
leur Vé<'e immédiat.
L'abbé de Cîte:iu\, en sa qualiié de chef et de su-
pé ieur général, était en droit et en possession de
visiter, tant par lui que par ses commissaires, tontes
les niaisdiis de l'crdre, et, pendant le cimrs de ses
visites, d'y ex<TCer mules sortes d'actes île juridiction.
— Les anires abbés, que nous appelons les Pères im-
médiats, avaient la visite des maisims de leur liba-
tion ; mais il lallait (|n'ils remplissent cette visiie
en personne; ils le pnnvaient dépmer des commis-
saires ciue quand le vicaire général de la provim e
était absent ou légilinienjeiii susiecté. Le vicaire
général visitait en personne chaque année tonle> les
maisons de son vicariat. — L*-» vicaires généraux
n'éiaieni souniisqu'à l'abbé de Ciieaux et au chapi-
tre général, quoiqu'ils fussent subordonnés aux Pères
immédiats en ce qui toncliaii les degrés d'ppel. —
Les collège-, généraux de l'ordre étaient administrés
par Paiitorilé du chapitre iiénérul ; ei dans les iiiler-
v.Tlles, p.if l'aiiioriié de l'ahbé de Liteaux. L'est à
cet alibe ou au chapitre qu'il apparicn.iit d'instituer
ou dé destituer les proviseurs, les i égeiits et les autres
officiers. — Aucun religieux ne p<iuvait prenilre de
degrés dans nue univeisiié, sans en avoir ohliiiii la
perlni^sion du chapitre ou de l'ablié général; et
celle permission ne s'aiconlaii ipie sur les attesta-
tions des proviseurs et des régents des collèges.
Lorsi|u'nn religieux désirait d éire e ivoyé dans les
collèges, il lui (allait un consenteineiit de sa maison
de prolé-sioii, et cetie mai^Oll élaii tenue de payer
la pension de ce religieux dans le collège où il était
envoyé.
Comme il arrivait souvent qu'il se présentait des
alTaires imponanies qui ne pouvaient être leovojées
au chapitre général, et que ces afTaires (leniandaicnt
une prompte expé liiion, il tut du, par li: liref de
rélormation que donna, en lUOO, Alexandre; Ml, et
qui a été lévéïu de lettres patentes enregistrées au
grand conseil, tpie dans l'iiiter\a!le d'un chapitre gé-
néral à l'autre, il serait tenu une assemblée inier-
iné<Jiaire au Jour et au lieu qui suraient indiqués
par l'alibé de Liteaux. On devait convo(|uer à cette
assemblée les quaire premiers abbés visiteurs des
provinces, les pré-idems des cungiègations et les
procureurs généraux de l'ordre. Tons ces abhés y
avaient voix dèlibeiative et décisive pour y légler
provisoireniiiil tout ce qui pouvait intéresser essen-
lielleinent le régime de l'ordre, saul au chapitre gé-
néral à réformer définiliveiuent la délibéiation.
BtKNAUUliN-S. religieux différents de ceux de
l'ordre ue Liiuiux, dont nous venons de pailei ; leur
congiégalion esi connue sous le nom d'un saint Uer-
naiil, qui n'est pas le méiiie que celui (|ui a illih.trè
J'ahbaye de Liairvaux : ce fut Martin Vasga, moine
à la vérité de l'ordre de Liteaux, ipii forma, en 1 W.'j,
Cette Congrégation au Munt-Siun, proclie de Tolède
en Espagne; mais quoique cette congrégaiioii ait
embrassé le premier esprit de fa ré^le de Liieanx,
les religieux de cet ordre n'ont rien de commun avec
les aulie^. (Extrait du Diclwn. de Junsprudeiue.)
ULKiNAKUlMiS. Le sont des religieuses insii-
tuées par des moines de l'ordre de Liieaux. Leur
cliel-lieu était l'abbaye du Tari, de la ville de Di-
jon ; leur régime csi a peu près le même que celui
de l'ordre, auquel elles sont alfiliées. Anciennement
elles tenaient de» cliapiircs généraux, comme les reli-
gieux de> lleaux;iiiaiS plusieurs incuiaéiinnts ont fait
cesser ces chapitres. L'ahbesse du Tari u.ait ù l'é-
gard des autres religieuses de l'ordre, ce qu'était
l'abbé de Cileanx à l'égard des religieux qui dépen-
daient de lui. — Ces religieuses éiaienl sons la juri-
diciion spirituelle et temporelle des moines de Ct-
teaux. Un arrêt du grand conseil, du 14 août 1750,
lit délénse aux abbesses et supérieures de cet ordre
de faire aucun emprunt sans délibération préal ihie
de la communauté capitulaireinenlassemblée, ei sans
l'autorisation des supérieurs majeurs. Elles avaient
pour confesseurs des re igieux de Cîteanx. Iesi|uels
n'avaient pas besoin de t'approbalion de f'évêque dio-
césain pour remplir cette cinnmis-ion. Mais pour l'exa-
men des religieuses novices, c'e-t à l'évèque iiu'il
appartenait : les prélais avaient été maintenus dans
ce droit, malgré mus les privilèges de l'ordre de
Cileanx. — Les abbesses de cei ordre étaient sous
l'auioiiié i!e l'abbé géiièr.d de Liteaux; il avait droit
de les lièiiir on de commeitre un antre abbé pour
celte belle iciion, lors de laijnelle cfiai|ue abhesse
proinettail particulièrement l'ohéissance à l'ahhé
cliel. — Les abbesses avaient une autorité parlicu-
tière dans leur monasiére. Un arrél du giaiil con-
seil du 10 juillet I70i a jugé qu'elles avaient dioit
d'instituer et de destituer les ofliciéres de l'abbaye;
otcet:iriét dècfare en même lenips abusive une
élection faite de ces oflicièies par tes religieuses de
la commun. lu.é. te méaie tribunal a jugé, par cet
arrêt, i|ue loisin'il y aurait dos demandes couceinaiu
la ciôinre ei l'exèeution îles antres clauses d'un bref
d'Alexandre Vfl, rendu p^uf les religieuses de cet
ordre, tes demandes ser.iient portées ilevanl l'abbi
général de Citeaux. (Lxiraii du Dici. de Jitrisp.)
BESSAHION, moine grec de Siiiiil-Basile,
palriurche lilulaire de Cunslaiitiiiu|jle, ar-
chevêque de Nicée, ensuite cardinal el légat
en France sous Louis XI, mourut fan 1472.
Ce savant hoiiiine se rendit odieux aux
Grecs schisiuatiques par le zèle avec lequel
il travailla à les réunir avec l'Eglise ro-
maine. Il a composé plusieurs ouvrages à ce
sujet, cl une dclènsu dt! la philosophie de
Pfalon, que l'on a réunis d;ins le seizième
lome de la Bibliothèque des Pères. Brucker,
quoique protcslanl, a fait de ce cèièhre car-
din.il un éloge complet. //(ii. p/ij7o5.,lom. IV,
p. 43.
BETHLÉli.M, pelile ville ou bourgade de
la Judée, dans laquelle Jésus-Chrisl esi né.
Sainl Justin, qui éluit de la Samarie, ci e au
juif Tryphon la caverne dans I quelle Jcsus-
Chrisl est venu au monde, n. 7S. Origène dit
à Ceise que les ennemis même du christia-
nisme la connaissent, I. 1, n. 51. Les pro-
plicles avaient prédit que le Messie naîliail
à Bethléem, les juifs le croient encore au-
JDurd'fiui. Voyez Munimen filei, i" partie,
c. o'J. Cela était convenable, pour mieux dé-
montrer qu'il était du sang de Uavid, origi-
naire de iJefhl.em.
Quelques incrédules ont prétendu que
cefie opinion n'était luiidee que sur une
Ifiusse explication d'une prophélie de Mi-
ellée (y, -il , où on lit : L'i lui , Bethléem
d'Ejiltraia, la n'es qu'une des moindres villes
de Judd : main il soi lira de loi un chef qui
ri'ijnei n sur J>ract, el dont la naissance esl de
loiile cicrnilé ; (/ sera loue jusqu'aux ex-
Irémilés de lu lerre. et il sera l'auleur de la
j)aix. (;ellc prédiction, disent-ils, regarde
Z'irol),ibel, et non le .Messie; le coniiaire
nous pjraît évident. — 1° le nom de Zoro-
bubel lomoigne que ce chef élail ué à Babj"
SS3 BIB
lonr, et non à Belhléhem ; on ne peut pas dire
de lui ()ue sa naissance est de toute éleruilé,
qu'il a rt'-uni aux Israélites le reste de leurs
frères, qu'il a été reconnu griind jusqu'aux
extrémités de lu terre, et l'uuleur de la paix :
ces caractères ne oinvienitenl qu'au Messie
et à Jésus-Christ. 2' Le paraphraste ehal-
daïque l'a compris, et en a fait l'aiiplication
au seul Messie; ('.'élai( li tradition des Juifs,
on le voil dans le Taliiiud <t dans les écrits
des anciens rabbins : plusieurs modernes
l'ont encore entendu de même {Galatin, I. iv,
c. 13). 3° Le cinciuième concile de Constan-
linople, art. 2, un concile romain tenu sous
le i)ape Vigile, 'l'héodoret et d'autres Pères,
ont condamné ceux qui cherc liaient a dé-
tourner le sens de ccite piédiclion. Grotius
a vaineujent fait ses efforts pour faire valoir
cette opinion; il cherchait à favoriser les
juifs ei les soc'ini ns, qui voient avec peine
un prophète atlri'.mer au Messie une 7iais-
sance de tuutt ét'.rnité. Voy. la Synapse des
criiiques.
BKTHLÉBÉMITFS (les frères). C'est un
ordre religieux qui ;i été fondé dans les îles
Canaries par un gentilhomme français noni-
mé Pierre de Bétencoiirl , your servir les
malades ilans les hôpitaux. Le pape Inno-
cent XI approuva cet instuut en 1087, et lui
ordonna de suivre la règle de saint Augustin.
L'hab t de ces hospitaliers est sembiahle à
celui des c.ipueins, hormis ()ue leur ceinture
est de cuir, qu'ils portent îles S(lulier^ et ont
au cou une médaille qui représente la uais-
sani'e de Jésus-Christ à Bethléhem.
lilBLË. Du grec Eiê/oî, papirr, l'on a f.iit
BiS).t',v, livre, et l'on a nomme hibiia l'Ecri-
ture sainte, pour dés'gner tes livres par ex-
cellence, et qui sont les plus dignes de res-
pect. Cette collection de livres sacres, ou
écrits par l'inspiration du Saint-Esprit, se
divise en deux parties, savoir : l'Ancien et
le Nouveau Testament. Les premiers sont
ceux ()ui ont été écrits avant la \enue de
Jésus-Cli> ist ; ils contiennent, outre la loi de
Moïse, l'histoire de la création du monde,
celle des ()atriarches 1 1 des Juifs, les prédic-
tions des pro| hètes et dillérenls traites de
morale. Le Nouve.iu Testament renferme
les livres (jui ont été écrits depuis la mort
de Jésus-Christ par ses apôtres ou par ses
disciples.
An mol Testament, nous ferons l'énumé-
raiion des livres de l'Ancien et du Nouveau
Testament,coiif'iriiiément au catalogue qu'en
a dressé le concile de Trente, sess. 4-. — Dans
l'ariicle Eckituiie sainte, nous parlerons de
l'inspiration des livres sacrés, de leur auto-
rité en matière de foi, des règles que l'on
doit suivre pour en acquérir l'intelligence,
de l'usage que doivent en l'aire les théolo-
giens, etc. — Au mot Livres SAINTS , nous
en ferons la comparaison avei les écrits que
les Ciiiiiuis, les indiens, les Parsis, les maho-
Diétans , nomment livres sacrés , et nous
montrerons le ridicule de la méthode que
les incrédules ont suivie pour attaquer les
nôtres, ici nous n'envisageons la Bible que
Dif.T. DE Theol. dogmaiicjie. I.
BIB S54
comme un objet d'histoire littéraire et cri-
tique.
La plus grande partie des livres de l'An-
cien Testament ont été reçus comme sacrés
et canoniques par les juifs, aussi bien que
par les premiers chrétiens. 11 y en a cepen-
dant quelques-uns que les juifs n'ont pas
reconnus comme tels, et que les chrétiens
des premiers siècles ne [>araissenl pas avoir
reçus non plus comme canoniques; mais ils
ont été ensuite placés dans le canon par
l'Eglise. Tels sont les livrr-s de Tobie et de
Judith, la Sai;esse, l'Ecclésiasticiui' et les
deux livres des Machaliérs. Qneliiues anciens
même ont douté de l'auihentici é des livres
de Baruch et d'Esther. Il serait singulier
que I Eglise chréiieiiue n'eût pas, à l'égard
des livres sacrés, la même autorité que l'on
accorde à la synagogue. Ceux qui ne venbul
s'en rapporter qu'au témoignage île celle-ci,
ne sont pas seulement instruits des motifs
qui ont déterminé les juifs à recevoir comme
sacrés tels livres, et à ne pas l'aire le même
honneur aux autres. Voy. Cxnov.
Tous les livres qui ont éié anciennement
reconnus pour sacrés ont été écrits en hé-
breu , nous n'avons les antres qu'en grec;
mais il n'a pas été essentiel à l'inspiration
d'un auteur qu'il écri\îl dans une langue
plutôt que dans une autre : une trad ction
lidèle tient lieu de l'original lors(|u'il est
perilii. — Les anciens caractères hébreux,
dont les écrivains juifs se sont si rvis, étaient
les samaritains; mais après la captivité de
Babylone, les juifs trouvèrent les taiarlères
chaldeens plus commodes, et les ado|.tèr(nl.
La date de ce changement n'est pas cerlai-
neriicnt connue ; mai- il n'a pas pu intro-
duire plus d'altéraiion dans le texte, (|ue la
substiiution (|ue nous avons faite de nos ca-
ractères modernes aux letires gothiques. —
Les livres écrits en hélireu ont été plusieurs
fois traduits en grec; la version la plus an-
cienne ei la plus célèbre esi celle îles Sep-
tante, qui a été faite avant Jésus-Christ, et
(le laquelle on pense que les apô res .-^e sont
servis ; nous en parlerons en son lieu.
Quo que la plupart des livres du Nouveau
Tesiameiil aient été aussi reçus pour cano-
nique:- dès les premiers temps de l'Eglise, il y
en a cependant desquels on a douté d'abord;
tels sont l'Epître de saint Paul aux H hreux,
celle de saint Jude, la seconde de saint Pierre,
la seconde et la tioisième de saint Jean,
i'A|)ocalypse. — Tous ont été écrits err grec,
excepte l'Ewjngile de saint MaUhieu, que
l'on croit avoir été originairement composé
en hébreu, mais dont le texte ne subsiste
plus; c'est le sentiment de saint Jérôme.
Quelques critiques modernes ont voulu sou-
tenir que tout le Nouveau Testament avait
d'abord été écrit en syriaque; mais leur
opinion est absolument di'Slitrice de preuves
et de vraisemblance. Le P. Haidouin. nui a
voulu prumer que les apôtres ont écrit en
latin, et que le grec n'est qu'une version, n'a
persuadé personne (1).
(1) 1) imiiortc exlrémeiiieut de coniiaitie en quelle
18
555
BIQ
BIB
SS6
On conçoit qae les exemplaires de la Bible
ont dû se muiliplier beaucoup ; non-seule-
ment les textes originaux ont été copiés à
l'infini, mais il s'en est fait des versions dans
langue nos livres ssiinls oui été écrits et quelle est
la \aleur du texte primitif qui est parvenu jusqu'à
MOUS.
La plupart des livres de l'Ancien Testament ont
été écrits en héhreu. Les livres deiiléroc^inoniques
du Vieux Teslanieui ne naus siml parvenus qu'en
grec. On croit généralenieiil que 1:» Sagesse et le
\ecotid livre des Machahéei oui éié composés en
grec. On ignore en quelle langue le livre de Tobie
a éié écrit priiiiitivenienl. L'Ecclésiastique, Baruch,
lesfrflgnit'H/sdeutéiocanoniques de Daniel eiii' E^ther,
paraissent avoir été écrits orginaiiemeiu en hébreu
ou en clialdéen : mais le texte en e-l perdu.
Les livres du Nnoveau Testament ont é é éeriis en
grec, à l'exceplioii de V Evangile de saint Miillhieu, qui
très proliableuienl a été composé dans un liébreu
mêlé de syria^pn*, mais donl il ne lestc plus maiiite-
naiil qu'une version grecque qui nous lient lieu il'oii-
giiial. Plusieurs auleuis ont prétendu que ['Epitre
aux Hébreux avait éié composée priniiiivenienl en
hébreu. Il y en a beaucoup d'autres qui pensent
qu'elle a clé écrite en grec ou en syro-clialdaï'iue.
On comprend que nous ne pouvons entrer dans
l'exaiMen de celle question.
i'Iusieurs auteurs de lutule répulation ont prétendu
(pie le lexie hélireu a éié piol'jndéuienl altéré par
les Juil's, et qu'on ne iloil le consultiT qu'avec une
extrême défiance. Telle est l'opinion du l'. llardouin,
de lloubigant, de Scrrarius, de Billuaii, etc. La
discussion de celte opinion ne manque pas d'impor-
lance, car on recourt souvent au lexie hébreu pour
déterminer le sens des différentes vitsioiiS. Nous
cmiUons en principe qu£ le le.\te hébreu est parve-
nu jusqu'à nius sans alléralion subsmnlielle, et il
répugne eo particulier d'attr.bucT cette aliération à
la malice des Juils. Tel est maiutenaiil le seiiti-
ineiil commun.
Nous pruuvons cette proposition par la croyance
de l'Lglise et par l'iinpossibilité de l'hypothèse de
nos ailveisaircs.
1* Par la croyance de i' Eglise. On doii regarder
comme cerlain ce qui a toujours éié cru dans l'kglise
depuis les apôlres jusqu'à nos jours. Or l'intégrité
du texte hébreu a toujours élé ciue dans l'Eglise.
Elle était rcgardéeconiiiieioconieslable au iii^' siècle,
puisque c'est à cette époque qu'Origène, fainpliile
eisainl Lucien entreprirent leurs iinnieii-es travaux
pour corriger la version des Sepianlc sur le texte
hébreu, ou comme ils le disent eux-mêmes sur la
Vérilé Hébraïque {juxta kebraicam veriiniein), et cha-
cun sait avec i|uel eiiipresseinent leur travail lui
accueilli parles difTcrenles églises ; or, coinineot
aurait-un pu entieprendre et adopter des currcciioiis
laites sui un texte que l'on aurail regardé comme
altéré substaniicllemem ? Au v^ sicde, à l'instigation
du pape Damas on cnlrcpril une version latine du
Vieux Tesianienlsur le icxie hébreu, et maigre quel-
ques oppositions ce. le version lut bieniôt reçue dans
loiitc l'i'.glise latine sous h; nom de Vulgnie. Le droit
canonique a éi igé eu maxime celle sentence de saïut
Jcfôme, qui! i|ii iiiil il s'a^il de corriger les versions
du Vieux Tcsiauieiii, il laul recourir à rurigiual hé-
breu, et c'est d'après cette maxime qu'.vIcuiM, au
viti' siècle, le cardinal Hugues de Saiiil Cln r au
ïiv siècle , onl corrigé les faulcs qui s'c aient
glissées dans la Vulgaie, el même depuis le concile
de Trente, sous les papes tjixie V et Clément Vlll,
on a corrigé la Vulgatesur le texte hébreu. —Donc
l'Eglise a toujours cru que le texte hébreu avait
conservé son intégrité subsianiielle, autrement elle
n'aurait pu adopter les versions curreciives faites
la plupart des langues mortes ou vivantes.
Sous ce double rapport, on distingue les
Bibles hébraïques, grecques, latines, chal-
daïques, syriaques, arabes, cophtes, armé-
niennes , persanes , moscovites , etc. , et
celles qui sont en langue vulgaire. Nous
donnerons une courte notice des unes et des
autres.
Bibles hébraïqces. Elles sont manuscrites
ou imprimées. Entre les manuscrites, les
meilleures el les plus estimées sont celles
qui ont été copiées par les juifs d'Espagne ;
les juifs d'Allemagne en ont fuit un plus
grand nombre, mais elles sont moins exac-
tes. 11 est même facile de les distinguer au
coup d'œil ; les premières sont en beaux ca-
ractères carrés, comme les Bibles hébraïques
de Bomberg, d'Etienne et de Plantin; celles
d'Allemagne ont des caractères semblables
à ceux de Munster et de Grypbe.
Richard Simon observe que les plus an-
ciennes Bibles hébraïques manuscrites ont
tout au plus six à sept cents ans d'antiquité;
cependant le rabbin Menahem, dout on a im-
primé quelques ouvrages à Venise, en 1618,
sur les Bibles hébraïques, en cite un grand
nombre qui, dans ce temps-là, dataient déjà
de plus de six cents ans.
Morin ne donne que cinq cents ans d'an-,
tiqtiité au fameux manuscrit d'Hillel, qui est
à Hambourg. Le P. Houbigant n'en a point
connu qui remontât au delà de six à sept
siècles ; il a pensé que celui de la bibliothè-
que des Pères de l'Oratoire, de 1 1 rue Saint-
Honoré à Paris, pouvait avoir près de sept
cents ans. Ceux de la bibliothèque du roi
ont paru moins anciens à l'abbé Sallier. Les
dominicains de Bologne en Italie en ont un
du Pentateuque, dont le P. de Monlfaucon a
parlé, et dont l'antiquité peut êlre d'environ
neuf cents ans. Dans la bibliothèque bod-
sur ce texte. Au reste, saint Augustin qui s'était
d'abord oppoaé à la version de saini Jérôme, est
ensuite totalement revenu au seniimeni que nous
soutenons, car voici comme il s'exprime : Absit ut
prudens quispiam Judnorum perversitatem lantuni
potuisse credui in curdibus tam muUis el tam lunge
lateque dispersis (De Cicit. Dei, I. xv.)
ii" Vnr iimp'jssibilité de t'hypoilièse de nos adver-
saires. Eu effet il est impossible d'assigner l'éiioque
de celle prélendiie alléraiion. F^lle n'a pu avoir lieu
avant Jésus-Chri<t ; car abirs les Juifs n'avaient au-
cun iiiotif de falsilier les prophéiies, et Jésus-Christ
el les apôtres qui leur onl reproché tant d'autres
crimes n'auiaient pas inan<pié de leur reprocher
une l'alsilicatlou au.->si ci iiniuelle. De plus, comment
supposer que tout un peuple s'accoidc ainsi dans
une entreprise de celle naïue sans qu'il se fasse
.lucune réclamation ? Ce ne peut être non plus de-
puis Jé-us-Christ; car coiiiiiieiit les Juils convertis
anciiristiani-niei-t les chrétiens qui savaient Ihébreu,
auraient-ils simlTerl une altéiaiion importanle ï Cela
esi impossible, liomine les aulres livres anciens, la
Bilile n'était divisée ni en chapitres, m en versets. U
n'y avait ni accents, ni esprits, ni poinls-ivyellet.
C'est le cardinal Hugues de Saïut-Cher qui le pre-
mier divisa la Bible en chapitres. Le célèbre iuipri-
meur Kobcrl Etienne divisa les chapitres du Nouveau
Testament en vcrsels. La poiiciuallon ne remonte
pas avant le IX'' siècle : on ne trouve ni points ni
virgules dans les nianuscrils qui remontent plus haut.
557
DIB
mn
558
I
leyenne, en Angleterre, il y en a un da Pen-
taleuque, et un autre qui contient le re<te
de l'Ancien Testament, auxquels on attribue
sept cents ans d'antiquité. Le plus fameux
manuscrit du Penlaleiiquc samaritain que
gardent les samaritains de Naplousc, qui est
l'ancienne Sichein, n'a, dit-on, que cinq cents
ans. Celui de la bitiliollièque atnbnisicnnc à
Milan peut être plus ancien. 11 y a un ma-
nuscrit hébreu à la bibliothèque du Vatican,
que l'on dit avoir été copié en 073.
Les plus anciennes Bibles hébraïques im-
primées ont été publiées par les juifs d'Italie,
en particulier celles tie Pes.iro et de Brosce.
Ceux de Portugal avaient commencé d'impri-
mer quel(|iies parties de la Bible à Lisbonne,
avant. qu'on les chassât de ce royaume. On
peut remarquer eu général que les meilleu-
res Bibles en hébreu sont celles qui ont été
imprimées sous les yeus des juifs; ils sont
si attentifs à observer jusqu'jiux points et
aux virgules, que personne ne peut pousser
l'exaclitude plus loin.
Au commencement du xvi* siècle, Daniel
Bomberg imprima plut;ieu;s Bibles hébraï-
ques, in-folio et in-'*", à Venise, dont quel-
ques-unes sont également estimées par les
juifs et par les chrétiens. La première parut
en 1317; elle porte le nom de son éditeur,
Félix Prœenni; c'est la moins exacte. La
seconde fut publiée en 1526. On y joignit les
points des massorèles, les conimeniaires de
divers rabbins, et une préface du \\. Jacob
ben Chajim. En 15i8, le n)ême lioniberg im-
prima la Bible in-folio de ce dernier rabbin;
c'est la meilleure et li plus parfaite de tou-
tes. Elle est distinguée de la prtmière Bible
du même éditeur, en ce qu'elle contient le
commentaire de R. David Kimchi sur les
chroniques ou Paralipomènes, qui n'est pas
dans l'autre. — Ce fut sur celle édition que
Buxiorf le père imprima à Bàle, en 1618, sa
Bible hébraïque lies rabbins; mais il se glissa,
surtout dans le commentaire de ceux-ci,
plusieurs fautes; Buxiorf altéra un assez
grand nombre de leurs passages peu favo-
rables aux chrétiens. La même année parut
à Venise une nouvelle édition de la Bible
rabbinique de Léon de Modèiie, r.ibbin de
cette ville ; il prétendit avoir corrigé un
grand nombre de fautes répandues dans la
première édition ; mais outre que cette Ihble
est fort inférieure, pour le papier et pour le
caractère, aux autres Bibles de V enise, elle
passa par les mains des inquisiteurs, qui ne
laissèrent pas les commentaires des raiibins
dans leur entier. Au reste, ou ne voit point
en quoi les traits lancés contre le christia-
nisme par les rabbins, et retranchés par
Buxtorf et par les inquisiteurs, pouvaient
Contribuer à la perfection d'une Bible hé-
braïque. — Celle de Robert Etienne est esti-
mée pour la beauté des caractères, mais elle
est inGdèle. Planliu en a fait aussi imprimer
à Anvers de fort belles ; la meilleure est
celle de loC6, in-k'. Manassé ben Israël, sa-
vant juif portugais, donna à Amsterdam deux
éditions de la Bible en hébreu, l'une î«-V°,
l'autre tn-8°. La première est en deux co-
lonnes, et par là plus commode pour le lec-
teur. En 1631, Habbi-Joseph LombrosO en
publia une nouvelle édition in-k° à Venise,
avec de petites notes au bas des pages, où
les mots hébreux sont expliqués par des
mots espagnols. Celte Bible est estimée des
juifs de Constantinople; on y a distingué
dans le texte, par une petite étoile, les en-
droits où il faut lire le point carnets par un o,
et non par un a.
De toutes les éditions des Bibl's hébraïques
in-H°, les plus belles et les plus correctes sont
les deux de Joseph Athias, juif d'Amsterdam;
la première, de 1661 , préférable pour le
papier; la seconde, de 1G67 , plus fidèle.
Cependant Vander-Hoogl en a publié une en
17(13, qui l'cuipoi te encore sur ces deux-là. —
Après Athias, trois prote.-tanis qui savaient
l'hébreu s'engagèrent à avoir et à donner
une Bible hébraïque, savoir: Claudius, Ja-
blonski et Opitius. L'édition de (Claudius fut
publiée à Francfort, en 1677, in-!*". On trouve
au bas des pages les différentes leçons des
premières éditions; mais l'auteur n'est pas
toujours exact dans la manière d'accentuer,
surtout à l'égard des livres poétiques de
l'Ecriture; d'ailleurs, comme cette édition
n'a pas été faite sous ses yeux, elle fourmille
de fautes. Celle de Jablons \ parut à Berlin
en 1699, in-k°. L'impression en est fort nelte
et les caractères très-beaux. Quoi |ue l'au-
teur prélende s'être servi de l'édition d Athias
et de celle de Claudius, il paraît n'avoir fait
antre chose que de suivre servilement l'édi-
tion in-k° de Bomberg. Celle d'0|iitius fut
aussi imprimée in-k" à Keil, en 170'J ; c'est
dooim ige que la beauié du papier n'ait pas
répondu à celle des caractères. D'ailleurs
r.iuteur n'a lait usage que des manuscrits
d'Allemagne, et a négligé ceux (jui sont en
France; défaut qui lui est commun avec
Claudius et Jabionski. Ces Bibles ont cepen-
dant cet avantage, qu'outre les divisions,-
s ni générales, soit parti -ulières, en purachis
et en penkim, selon la manière des juif»,
elles sont encore divis es en chapitres et en
versets selon la méthode des chréliens; el-
les renferment les keri hélib, ou différentes
façons de lire, ei les sommaires en latin ;
ce qui les rend d'un usage très-coiiimode
pour les éditions latines et les conconlances.
— La petite Bible in-16 de Robert Eiicnne
est estimée pour la beauté du caractère. On
doit observer cju'il y en a une autre édition
à (îenève (jui lui ressemble beaucoup, mais
dont l'impression est mauvaise et le texte
moins correct.
On peut ajouter à ce catalogue quelques
autres Bibles h bi niques sans points, in-8' et
!n-2i, fort estimées des juif», uni(|uement
parce (jue la petitesse du volume les leur
lend plus commodes dans leurs synagogues
et dans leurs écoles. Il y en a deux éditions
de cette forme, l'une de Planliu, in-S° à deux
colonnes, l'autre m-2i, imprimée par lia-
phelingius, à Leyde, eu 1610. On en trouve
aussi une édition d'Amsterdam en gr.iuds
caractères, par Laureut, en 1631, et une
autre m-12, de Francfort, en I69i, avec une
S39
BIR
BIB
560
préface de Leusden; mais elle e«t pleine de
fautes. — Le leste hélireu sans points, que le
P. Koubiganl de rOr,itoiro a fait imprimer
en quatre volumes in-fol., à P.iris, en 1753,
avec un commentaire , est d'um- grande
beniiié; cependant on reproclu^ à l'auteur
d'avoir h isardé trop légoriMneiii des correc-
tions, et de s'être exposé souvent à corrom-
pre le texte, au lieu de le corriger. — On
sera désormais plus à couvert de ce danger,
avec le secours de la liible hébrai'jue que le
docteur Keiinicol vient de faire imprimer à
Lomlres en deux volumes in-folio. H a ^uivi
l'édition de Vander-Hoogt, qui passe pour
la plus correcte, et a rassemblé au bas des
pages toutes les variantes recueillies d'après
le^ meilleurs manuscrits qui sr trouvent dans
toute l'Europe. Uien ne nous manque donc
plus pour avoir le texte bébreu dans la plus
grande correction. V oij. Texte.
Bibles ghecqles. Le grand nombre des
Bi' les que l'on a publiées en grec peut être
reliait à trois ou quatre classes principales,
savoir : celle i!e Complute , ou d'Alcala de
Hénarès. celle de Venise, celle de Rouie et
celle d'Oxford. — La première parut eu 1513,
par les ordres du cardinal Ximeiiès, et l'ut
mise dans la Bible polyglotte, que l'on ap-
))ille orJiuairemeut la Bible de Complute.
Celte édition n'est pas exacte, parce que
dans plusieurs endroits l'on y a cliangé la
version des Septanie, pour se conformer au
texte hébreu. Ou l'a cependant réimprimée
dans la polyglotte d'.\nvers , dans celle de
Paris et dans la Bible in-k° connue sous le
nom de Valable, sans y rien corriger. — La
seconde Bible grecque est celle de Venise,
qui parut en 1318, où le texte grec des Sep-
tante a été imprinié conformément au ma-
nuscrit sur lequel on a travaillé. Celte édi-
tion est pleiue de fautes de co[)istes, mais
aisées à corriger. On l'a réimprimée à Stras-
bourg, à Hâle, à Francfort el ailleuis, en
l'allérant dans queli|ues endroits pour la
rendre conforme au lexie bébreu. La plus
commode de ces Bibles est celle de Francfort,
à laquelle on a joint de courtes scholies dont
l'auieur n'isl pas i ommé, mais que l'on at-
tribue à Junius : elles servent à marquer les
difl'érenles interprélaiioiis des anciens tra-
ducteurs grecs. — La troisième est celle de
Home, en 1587, que l'on appelle Védilion
Sisline, dans la(|uelle on a inséré des sclio-
lies iirées des manuscrits grecs des biblio-
lliC(iues d(' Home, et recueillies par l'ierre
Moi 111. Elle pisse pour la plus exacie. Cette
belle édition tut léinipiimée à l'aiis eu 1028,
par le 1'. Miiriii de l'Oratoire, i|ui y joignit
l'ancienne version latine de Noliil.us; celle-
ci, dans l'eilniou de Home, était imprimée
séparément avec les commenlaires. L'édition
grecque de Home se trouve dans la poly glotte
de Londres, el porte en marge les dilVerenics
leçons tirées du manuscrit d'.Mexandrie.
Ou l'a aussi donnée en Angleterre »/(-'•■" et
iri-12, avec quelques changements. Lambert
Bos Fa encore publiée en 170',), à Franeker,
avec toutes les dilTérenles leçons qu'il a |)U
receuvrar. — Enfin , la quatrième Hible
grecque est celle qu'on a faite en Angleterre
d'après un exemplaire très-ancien, connu
sous le nom de manu^tcric d'Alexandrie, parce
qu'il a élé envoyé de celle ville. Elle fut
commencée à Oxl'ord par le docteur tlrabe,
en 1707. Dans celte Bible , le manuscrit
d'Alexandrie n'e^l pas im!)riiné tel qu'il était,
mais tel qu'on a cru qu'il devait élre. Ou y
a changé les endroits qui ont paru être des
fautes de copistes, el les ino's qui élaieul de
différents dialeci' s. Quelques-uns oni ap-
plaudi à celte liberté, d'autres l'oiil blâmée;
ils ont prétendu que le manuscrit éiait exact,
que les conjectures ou les diverses leçons
avaient élé rejetées dans les notes dont il
était accompagné, (oi/. Septante ; el pour
les autres versions grecques, vny. Version.
HiBLEs LATiNKS. Quoique leur nombre soil
encore plus grand que celui des Bi les grec-
ques, on peui le réduire à trois classes; savoir,
laucieniie Vulgate, nomnée Vcrsio Ilala,
traduite du grec des Septanie ; la Vulgate
moderne , dont la plus grande panie est
Irailuile du texte hébreu, et les nouvell 's
versions I ilines faites sur l'hébreu dans le
xvr siècle. — De l'ancienne Vulgale, diiul
ou s'est servi en Occident jusqu'après le temps
de saint Grégoire le (Irand, il ne reste point
de livres entiers que les Psaumes, le livre de
la S igesse el l'Ecclésiaste, el des fragments
épars dans les écrits des Pères, il'où Nubilius
a lâché de la tirer tout entière : projet qui
a été exécuté de nos jours par dom Sabalier,
bénédictin.
On connaît un grand nombre d'éditions de
la ^'ulgale moderne, qui est la version de
saint Jérôme laite sur l'hébreu. Le cardinal
Ximénèsenfit insérer dans sa polyglotte une
qui est altérée ou corrigée eu plusieurs en-
droits. La meilleure édition de la \'ulgale de
Hubert Etienne est celle de ISiO, réimprimée
en loij, où l'on trouve en marge les diffé-
rentes leçons des manuscrits dont il avait pu
avoir connaissance. Lesdocieurs de Louvaiu
l'ont revue, y ont ajouté de nouvelles leçons
inconnues à Uoberl Etienne; leur meilleure
édition est celle qui contient à la Ou les no-
tes critiques de François Lucas de Bruges.
Toutes ces corrections de la Bible lutine fu-
rent faites ayant le temps de Sixte V et de
Clément Vlli, depuis lesquels personne n'a
osé f;iire aucun changement dans le texte de
la Vulgate, si ce n'est dans des commentaires
ou dans des notes séparées. Les corrections
ordonnées par Clément Vili, en 1592, sont
celles que l'on suit dans toute l'Eglise catho-
lique; (le deux réformes qu'a faites ce ponti-
fe, on s'est toujours tenu à la première. Ce
fut d après elle que Plantin donna sou édi-
tion, el toutes les autres furent faites d'après
celle de Plantin ; de sorte que les Bibles com-
munes sont d'après la correction de Clément
Vin. Yoij. Vui.CATE. — Il y a un très-grand
nombre de Bibles latines de ta troisième clas-
se,ou de versiunslatinesdes livres sacrés fai-
tes sur les originaux depuis deux siècles. La
première est celle de Sanclès Pagniuus, do-
minicain ; elle fut imprimée à Lyon in-k",
eu 1528; elle est fort ettimé» des juifs. L'au-
1
Ml
BIB
leur la perfectionna, et l'on en fila Lyon une
belle édition in-folio, on 1512, avec des scho-
lies sous le nom de Michael Yillunnvanus.
On croit que c'est Mii lui Servrt, brûlé depuis
à Genève. Sorvel prit ce nom, parce qu'il
était né à Villanueva en Aragon. Ceux de
Zurich donnèrent aussi une éditinu in-'v° de
la Bible de P.i{;ninus. Roliert Kiienne la ré-
imprima in-folio avec la \'ulpale, en 1586,
en quatre colonnes sous le num de Valable,
et on l'a insérée dans la liiblern quatre lan-
gues de l'édilion de Hambourg;. — Celti? mê-
me version de Pagnmus a éié rrtouchée et
rendue lillérab' par Arias Montanus, avec
l'apiirobalioM des docteurs de Loinain, insé-
ré<' ensuite, par l'ordre de Philippe II, dans
la pcilyplolle de Cnui|iliile, et enfin dans celle
de Lmidres. où elle estplacée entre les lignes
du texte I ébr u. Il y en a eu dilTérenles édi-
tions in-folio, in-k et in-S", aux(iuelles on
a joint h' texte hébreu de l'Ancien Testament
et le grec du Nnnveau. La meilleure est celle
de l!i71, in-folio. — Depuis la rcfi>rmation,
les protestants ont aussi donné plusieurs ver-
sions laiines di' la Bille. Les plus estimées
sont celles de Munster-, de Léon Juda, de Cas-
talion et de Trcmellius; les trois dernières
ont été souvent réimprimées. Celle de Cas-
talion l'emporte pour la beauté du laiin ;
mais les critiques sensés ju^tent que celle af-
fectation d'élégance est déplacée dans les li-
vres saints. La version de Léon Juda, minis-
tre de Zurich, corrigée par les tliéi logiens
de Salamanque, a été jointe à l'ancienne édi-
tion publiée par Itobert l'Uienne, avec les
notes de V'atable. Celles de Junius et de Tre-
miliius sont préféiérs par les calvinistes, et
il y en a un grand nninbre d'éditions. Mais
c'est mal <à propos que les protesianis donnent
à ces différentes éditions la prélërence sur
la Vulgaie; leurs [tins habiles critiques, com-
me Louis de Dieu, Drusius, .Milles, Walsou,
Capel ont rendu justice à la fidélité de crlle-
ci. — L'on pourrait ajouter pour qualriènn;
classe des 5i6<es /a//nfs, celle d'Isidore Cla ri us
ou Clair, écrivain latholique, et évèque de
Fuligno dans l'Ombrie. Cet auleur, peu cou-
lent des corrections faites à la Vulgaie, vou-
lu! la corriger de nouveau sur les originaux.
Son ouvrage, impiimé à Venise en 151.2, fut
d'abord mis à Vimlex, ensuite permis el réim-
primé à Venisi- en 156i, à l'exception de la
préface el des prolégomènes, dans lesquels
Clarius avait paru ne pas lespecter assez la
Vulgaie. Plusi urs prolestants ont suivi cet-
te méthode; André et Luc Osiandcr ont pu-
blié chacun une nouvelle édition de la Vul-
gaie corrigée sur les originaux ; mais ont-ils
toujours été assez sûrs du sens des originaux,
pour juger avec ceilitude que l'interprète
latin s'était trompé?
Bibles orientales. On peut mettre à la
lêle de cesBibles la version samaritaine, qui,
de tous les livres de l'Kcrilure, ne renferme
que le Penlaleuque. [Il ne laut pas confondre
celle version avec le Penlaleuque samaritain
qui n'est que l'hébreu éeril en caractères sa-
maritains.] Cette version est faite en samari-
tain moderne, peu différent du chaldaïque,
RIB 961
8ur le texte hébreu écrit en caractères sama-
ritains, et qui est différent eu quelque chose
du texte hébreu des Juifs. Le P. Morin de
l'Oratoire est le premier qui ait fait imprimer
le Penlaleuque hébreu des samaritains avec
la verràon. L'un et l'autre se trouvent dans
les polyglottes de Londres el di; Paris. Les
samaritains ont encore une version arabe
du l'entateu(|ue. qui n'a point été icnprioiée
el qui est fort r ire ; il \ en a deux e\em-
|>laires dans la bibliothèque du roi. L'auteur
de cette version se nomme Alitsard, et a mis
en marge quehiues noies liiterales. Ils ont
ausM l'histoire de Josué, qu'ils ne rejardent
point comme can<ini(|ue. et qui est diffeienle
du livre de Jusué renfermé dans nos Bibla.
BiBLiîs chaldiïenne-. Ce ne sont point de
plires versions du texte hébreu, mais des
gloses ou paraphrases de ce texte, que les
Juifs ont faites en langue chaldaï(|ue, lors-
qu'ils la parloienl. Ilslis nomment lai gumim,
interprétations. [ Elle est h littérale qu'on
peut la regarder comme une simple version.l
Les plus estimées sont celle d'Onkélos, qui
ne comprend que le Penlaleuque , el cel-
le de Jouiilban, sur les livres que les juifs
nomment jyro/j/îè;«s, tels que J'isue, les Juges,
les livres des Rois, les grands el les petits
prophètes. Les autres paraphrases chalda'i-
quis sont la plupart remplies de f.ibles. On
les a mises dans la grande Bible hébra'i'que
de Venise et de lîàle, mais elles se lisent plus
aisément dans les polyglottes où la traduc-
tion latine se trouve <à côté. Voyez Targum.
Bibles syriaqi;es. ( 1 j Les Syriens ont
deux versions de l'Ancien Testament dans
la langue de leurs ancêtres; l'une faite sur
le grec des Septante, qui n'a point été im-
primée, l'antre faite sur le texte hébreu, qui
se trouve dans la polyglotte de Paris et dans
celte d'Angleierre. Parmi les versions orii'n-
tales de l'Ecriture, celle-ci esl l'unii des plus
précieuses. — Elle paraît avoir éié faite ou
du temps même des apôtres, ou immédiate-
menl après, pour les Eglises de Syrie où el-
le est encore en usage. — Les maronites,
et les autres chrétiens qui suivent le rite
syrien, atlriliuent à celte version une anti-
quité fabuleuse. Ils prétendent qu'une partie
a été faiie par ordre de Salamon, pour Hi-
ram, roi de Tyr, et le reste par orilre d'.Vb-
gare, roi d'Edesse, contemporain de Notre-
Si-igneur. La seule preuve qu'ils en iloniienl
est que saint Paul, dans son ÉjiUreaux Ephc-
sinis (iv, 8) , a cité un passage du psaume
Lxviii, V. 18, selon la version syriaque. Il
dit de Jésus-Christ qu'il a mené captive une
multitude de captifs, et a donne des dons
aux hommes ; l'hébreu et les Seplaute por-
tentseulemenl : Ha reçu diS dons pour leshom-
mes. Celle preuve esl trop légère pour établir
un fait aussi important. — La vérité esl que
cette version est fort ancienne, qu'elle a pré-
(1) Mgr Wiseman a fait un travail très-important
sur le^ versions syriacpies. Il en a tiré des preuves
iiès-piiissaiiies contre le protesiaiiiisiiie. Le savant
écrii de .Mgr Wisenian se iroiive d;ms te liiine XVI
des Démnntirwions cvangélique$ (édii. Migiio).
ses
E|IB
BIB
§64
cédé toutes les autres, excepté celle des Sep-
tante, les targums d'Onkélos et de Jonathnii.
C'est le sentiment ile Pocock, dans sa Préfa-
te de Michée; de l'abbé Hen.-iudot, dans sa
Collection des liturgies orientales; de Wallon,
Prolég., 13, etc. Il paraît que son autour
est un chrétien, juif de nation, qui savait
très-bien les dt-ux langues; elle est fort ex-
acte et rend avec plus de justesse qu'aucune
autre le sens de loriginal. Le génie de la
langue y contribue beaucoup; comme c'était
la langue malernelle de ceux qui ont écrit le
Nouveau Testament, et un dialecte de l'iié-
hreu, il y a plusieurs choses qui sont plus
heureusement exprim;'es dans celte version
que dans aucune autre. Elle n'esl pas moins
fidèle sur le Nouveau Testament que sur
l'Ancien ; il n'eu est donc aucune de laquel-
le on puisse tirer plus de secours pnur l'in-
telligence des livres sac-rés. Tiabriel Sionile
a pulilié à Paris, en 1.d2o, une Irès-belle édi-
tion des psaumes en syriaque, avec une tra-
duction latine.
La première éditionduNouveau Testament
syriaque esl celle que Widmanstadius fit pa-
raître à Vienne en Autriche, l'an loo5, aux
frais de l'empereur Ferdinand. Dans le ma-
nuscrit apporté d'Orient, cldontçn se servit,
il manquait la seci nde Epître de saint Pierre,
la seconde et la troi-ièin<' tic saint Jean, celle
de saint Jude et l'Apocal* pse. On en conclut
assez légèrement que ces livres n'élaienl
point admis dans le canon des Kcrilures par
les jacobiies, quoi ju'ils lussent entre leurs
mains. Mais Louis de Dieu, aidé de Daniel
Hcinsius, fit imprimer en syriaque l'Apoca-
lypse en 1627, sur un manu'^crii (jue Joseph
Scaliger avoit légué à l'université de Leyde.
En ltj30, le savant Pocock, âgé seulement de
vingt-quatre ans, trouva dans la liitiliothè-
que bodieyenne un très-beau manuscrit sy-
riaque, qui contenait plusieurs écrits du Nou-
veau Testament, et en particulier les quatre
épitres qui manquaient dans le manuscrit de
Vienne. 11 joignit aux caractères syriaques
les points selon les règles dv)nnées par Ga-
briel Sionite, le texte grec, une version la-
tine comparée avec celle d'Eizélivis, des no-
tes savantes et utiles, et fit iiiii)rimer cet ou-
vrage à Leyde ; ainsi l'on est parvenu à nous
donner une version très-complèle de l'Ecri-
ture sainte dans une langue ((ui a été ccIIl-
de notre Sauveur et des A()ôlres. Elle est
dans la polyglotte d'Angleterre, tom. V. —
Comme on ne peut pas prouver que celle
version des dilTérenles parties d(î l'Ecriture
sainte ait été faite en divers temps et par
des auteurs dilTérenls, il en résulte que,
quand elle a été faite, les Eglises de Syrie;
regardaient comme canoniques les (ivres
que le» protestants ont trouvé bon de rejeter,
et dont ils s'obstinent encore à mécomiaitre;
la cantmicité. — .Xssémani, liibliotli. orient.,
t. II, cbap. 13, utlritiue celle version à Tho-
mas d'iléraclée, évéque de (iermanicie, qui
écrivait en Glti. [Il y a eu plusieurs aulre^s
versions syriaques qui n'étaient peut-être
que la première qui parut sous dilTerentes
formes. /,'£a:ap/aire, faite sur les Exaplcsd'O-
rigène, est probablement du vir siècle. La
Philoxénienne, qui a eu pour auteur Phi-
loxène, évéque d'Hiéropolis, est de la fin du
v" siècle.]
C'est donc très-mal à propos que Beau-
sobre a triomphé de ce que l'Apocalypse ne
se trouvait pas dans le manuscrit mis au
jour par Widmanstadius, et qu'il en a con-
clu que les Eglises orientales ne reconnais-
saient pas ce livre pour canonique. Les au-
tres preuves négatives qu'il allègue de ce
Il éme fait ne concluent rien. Yoy. Apo-
calypse.
Bini.Es ARABES. Elles sont en très-grand
nombre; les unes à l'usage des juifs, les au-
tres à l'usage des chrétiens, dans les pays
où les uns et les autre- parleni cette langue.
Les premières ont toutes été faites sur l'hé-
breu, les secondes sur d'autres versions.
Ainsi, la version arabe des Syriens a été prise
(lu syriaque , depuis que cette dernière
langue n'a plus été entendue du peuple :
celle des cophtes a pris pour original la
version cophliquc, dont nous parlerons ci-
après.
En 1516, Augnsliîi Jusiiniani, évéque de
Néliio, donna à Ijêues une version arabe du
Psautier, avec le texte hébreu et la para-
phrase cbalilaïque, et y joignit l'interpré-
tation latine. Ou trouve dans les polyglottes
de Londres et de Paris une version arabe Ae:
toute l'Ecriture sainte; mais l'abbé llenau-
dot a observe que celte version n'esl qu'une
compilation de plusieurs autres (l)qui n'ont
rien de commun avec celles dont se servent
les chrétiens orientaux, soit syriens, soit
Cophl(!s ; (]u'ainsi, elle n'aurait chez eux
aucune autorité. Litiirg. orient, collectio,
tom. 1, p. "208. — 11 y a une édition com-
plète de l'Ancien Testament en arabe, qui
fut imprim.e à Home, en tti"!, par ordre de
la congrégation de propayaivla fide ; mais
on a voulu la faire cadrer avec la \ ulgate,
et par conséquent elle n'esl pas toujours
conforme au texte hébreu. — Plusieurs sa-
vants pensent que celle qui est dans les po-
lyglottes a été faite par Saadias Gaon, rab-
bin, qui vivait au commencement du x'
siècle; en elîel Alieii-Ezra, grand antagonis-
te de Saadias, cite quelques passages de sa
version qui se trouvent dans celle des po-
lyglottes; mais d'auties pensent que la ver-
sion de Saadias ne subsiste plus (2). — En
1622, Ei'péiiius fil imprimer un Penlali'U-
que urid)c- (jui lui appelé le l'enlaletique de
Àiauritunie, parce i|u"il était à l'usage des
juifsde iiarbarie ; la version en est très-lil-
térale et passe pour exacte. Déjà en 1716,
il avait publié à Leyde un Nouveau Testa-
ment comjdel en arabe, tel qu'il l'avait
trouvé dans un manuscrit. Avant lui, en
11)91, l'on avait Imprime à Home les quatre
Evangiles en arabe, avec une version latine
in-folio. Celle version a été réimprimée
(i) Celle lie Josiié ;i éié fciie sur l'hébreu ; celle
de Job sur une version syri.i(|tie.
(2) Llle couipieiiail le Pent.iieuque et le proplicle
Isaïu.
565
BIB
BIR
5èn
dans les polyglottes de Paris et de Londres,
aven quelques changeraenls faits par Gabriel
Sionite.
KiBLES COPHTES. Ce sont les Bibles des
chrétiens d'Ep;yple que l'on appelle coplUes
ou copies : elles sont écrites dans l'ancion
langage lie ce pays-là, qui est un niélinsje
de grecetd'éjïyplien. M n'y aaucuiip |)iirliede
la BibleUnprUnée eu cophtr 'l), mais il y eu a
plusi urs en inaiiuseiit dans les grandes bi-
bliothèques , suriout dans celle du roi.
Coinuie la langue cophle u'ai plus eulendtie
par les chrétiens d'Egypte, depuis qu'ils sont
sous la domination des maliomotaus, ils li-
sent l'Ecriture dans une versi<in arabe.
Quant aux leçons tirées de l'Ecriture qu'ils
lisent dans leur liturgie, ils les prennent
dans une version coplite qui a été fiile sur
celle des Septante. — L'abbé llenuu<l>>l juge
que leur version eophle du Nouveau Tesla-
tament est très-ancienne ; il lui paraît certain
que les anciens solitaires de la Tbébaïde
n'entendaient que le cophte, et ne pouvaient
lire l'Evangile que dans cette langue. Il sé-
rail bon d'avoir plus de connaissance que
nous n'eu avons de cette version, do savoir
si elle renferme tous les livres que no is re-
cevons comme canoni(|iies : co serait un ar-
gument de plus contre les prétentions des
protestants. Nous pouvons le présujuer ainsi,
puisque les Abyssins ou Ethiopiens, qui onl
reçu lies patriarches d'Alexandrie leur cro-
yance et leurs usa!;es, i>nt dans leur Bilile le
même nombre de livres que nous ; c'est du
moins ce que rapporte le P. Lobo. loy.
Lebrun, Expl. des Cérémon., lom. IV, p.
535.
BiHLEs ÉTHIOPIENNES. Les chréticus d'E-
thiopie, que l'on appelle abyssins, ont traduit
quelques parties de la Bible dans leur laii-
gue, comme les psaumes , les canîiciues,
quelques chapitres de la Genèse, Kuth, Joél,
Jonas, Malachie cl le Nouveau ïestameni.
Ces divers morceaux ont été d'abord impri-
més séparément, et ensuite recueillis dans
la polyglotte d'Angleterre. Cette version (2)
doit avoir été laite ou sur le grec des
Septante, ou sur le cophte (jui a lui-même
été tiré des Septante. Le Nouveau Testament
éthiopien, imprimé d'aboi d à Home en ii>'i-8,
est très-inexact ; on n'a pas laissé de le faire
passer avec toutes ses fautes dans la poly-
glotte de Londres. Wallon. Prcléij. 15, pense
que cette version du Nouveau Testament a
été faite sur le texte grec, et non sur aucune
autre version; il est persuadé, avec raison,
que les Kthiopiens onl une version complète
de la Bible dans leur langue, qui ressemble
beaucoup au cbaldeen, par conséquent à
l'hébreu ; mais il n'avait pas pu parvenir à
en avoir un exeiuplaire complet. Leur Nou-
veau Testament renferme l'Apocalypse et les
(t) 11 y a quelques pariies des versions copines
ou égylieiiiies qoi onl élé imprimées. Le Penlaleii-
que a élé imprimé à Londres en 1751, le Psanlier à
Rome en i74-iol l^i.t.el iinepariie de Daniel en 178 j.
(â)t'Jlcesi fort ancienne. S.iiiit Je;ni Chrysoslo-
Bieeit parle dans sa 2< houiélle sur saint Jean.
quatre épîlres dont certains critiques moder-
nes ont voulu contester l'authenticité. Nou^
parlerons ailleurs de leur croyance et de leur
liturgie. Voij. ETnioi>iENS.
BiiiLEs ARMÉNIENNES. H y a uuc très-an-
cienne version arménienne de toute la Bible,
qui a élé faite d'après le grec des Septante
par quelques docteurs de cette nation, dès le
temps de saint Jean Chiysoslome, vers l'an
410, et longtemps avant que les Arméniens
fussent eiig igés dans le schisme. Comme les
exempla ires manuscrits étaient rares et chers,
Oscliam ou Uscham, évéqiie d'Uschoiianeh,
l'un de leurs docteurs [après l'avoir corrigée
sur la Vulgale], (il imprimer la Bible armé-
nienne enWèrt', in-tv^à AiDSlerdani, en iCGÎ,
et !eNouveauTestamenlùi-8°.Le Psautier ar-
1 énicn avait iléjà è'é imprimé longtemps au-
paravant. Il ne paraît pas que les Artnéniens
aient rejeté aucun des livres que nous appe-
lons deiitérocanoniques.
RiBLEs piRSANES. Comme le christianisme
a é-lè florissant dans la Perse dès le i"'' siècle
de l'Eglise, on présume que l'Ecriture sainte
fut traduite de bonne heure en langue per-
sniir, et quelques-uns des Pères semblent
l'insinuer; mais il ne reste rien de celle an-
cienne version que l'on suppose avoir été
faite sur le yrec des Septante. Le Pentateu-
qup persan, que l'on a imprimé dans la po-
lyglotte d'Angleterre, est l'ouvrage de R. Ja-
cob, juif persan. Les quatre Evangiles que
l'un y a mis dans la même langue, avec une
traduction latine, onl été tradui's plus ré-
cemment : ])lusieurs critirues ont jugé que
celte version était très-inexacte, et ne valait
pas la pei le d'èi.e iioîiliée.
B'BLEG'ixniQUE.On croit généralement que
Upliilas ou Gulphilas, évéque des tjotbs qui
habitaient dans la Mœsie, fit dans le iv siè-
cle une version de la Bihie entière pour ses
compatriotes, qu'il eu retrancha cependant
les livres des Unis; il craignit que la lecture
de cette iiistoire ne fût dangereuse pour une
nation déjà irop belliqueuse, que les guerres
et les combats dont il y est fait mention ne
fussent pour elle un prétexte d'avoir tou-
jours les armes à la main. Quoi qu'il en suit,
on n'a plus rien de celle ancienne version
que les quatre Evangiles qui furent impri-
més à Dordrechl en 16G5, d'après un très-
ancien manuscrit.
Bible ;moscovite. C'est une traduction de
la Bible entière en langue esdavoue, de la-
quelle la langue des Ri:sses ou Moscovite.'!
est un dialecte. Elle a été faite sur le grec, et
imprimée à O^travie ou Ost'Og en Volhinie,
province de Pologne, aux dépens de Constan-
tin Basile, duc d'Ostrasie, à l'usage des chré-
tiens qui parlent la langue esclavone. On
ne sait pas précisément par quel auteur, ni
en (luel temps celle version a été faite; mais
elle ne peut pas être fort ancienne.
Bibles en langues vilgaires. Le nombre
en est prodigieux, et ces traductions sont
trop connues [)our (|u'il soit n, cessaire d'en
traiter en particulier. Au mol \ ersion, nous
dirons quelque chose de celles qui ont été
faites par les protestants.
987
BIB
BIR
5«8
Sur les différentes Bibles dont nous venons
do p.irl.^r, vny. KorthoU, rie rarii:) Biblior.
edit.; K. Elia^, levita; le P. Moriii, Exernta-
tiones biblieœ ; Simon, Hint. Cril. du Vincx
et du .\ouveaH Test-imem ; ^a Pin, Bibhot.
des Anirnrs eedps..,yo'A. I; Biblothèquesa-
crre du P. Lolonj;. et relie que dom Cal met a
joi le à son Diciionnaire de la Bible [édit.
*''?"«]■ ... j ■ j- •
Il nous reste dtox mots a dire de la divi-
sion de la Bible en livres, en chapitres et en
verseU. D ms l'oriprine, le texte élaii écrit de
suite s;iiis .lucune division: l'an 3.!6, un au-
teur, dont on ne sait pas le nom, pariURea
en chapitres les Fpîires de saiiil Paul, ci y
mitdes litres inii indiquent le sujot on abrégé,
comme l'on fait emore. L'an '^58, Kutlialius,
diarre (l'Alnxandrie, fit la même chose sur
les Actes des apôtres et sur les Epîlres cano-
nique^; il distingu:i même ces dilïérenls ou-
vrai'es en ver<cls. D'autres ont in'roluil les
même'! divisions dans le texte des l':vangili"s,
avant et après Eullial'us ; mais on l'.'en sait
rien «le certain. T'o!/. Zacauni, Collrct veter.
Mdn'im.Erchsiœgi'd'cœel lniinœ.\»-!i°.Rom'r,
16 8. - Quanl h la division des livres de
l'Ancien TesMniont en chajiitres et en vrr-
sels, elle est heauconp plus mnderne : elle
n'a é:é fiite qu'au xi i siède, lorsque l'on a
dressé les cimcordances de la Bilile. Vcy.
Concordance. — Par conséquent cette divi-
sion ne fait pas loi ; si, pour trouver le \rai
sens d'un passaae il faut réunir deux versets
séparés, ou diviser par une nouvelle ponc-
tuation une phrase réunie dans un seul ver-
sei. cela est très-permis, à moins que le sens
différent ne soil fi\é parli tradition. L'E-
glise, en déclarant la Vulsale authentique,
n'a pas déci é (|ue la poncuialion cl l'arran-
{jement des versets S"nt une clrnse sacrée, à
lai|uelle il n'est pas permis de toucher.
BIB; lOTHftpUR. On a ainsi Ttommé, non-
seulement les iieux dans lesquels on a ras-
semblé des livres, mais les recueils ou cala-
lo(;oes d'.iuieurs et d'ouvragi s d'un certain
peiite. Il en est deux ou trois dont un théo-
logien doit avoir connaissance; telle est la
Bihliotlièiiue sacrée du P. Leiong de l'Ora-
toire, d ins laquelle ce savant donne la no-
lice de tous les auteurs qui ont Irav.iil é. ou
sur CE, rilure sainte en général, ou sur quel-
qu'une (le ses part es. Le P. Desmolrls l'a
publiée en 172'{, en deux volumes in-folio.
En second lieu, la Bihlinthnpf des auteurs
ccclésiaaiiquen ; le doctenr du Pin en a fait
sine trés-ample en cin(|nanlc-liuit vol. i(i-8',
cl dom Itemi Cellier, bcncdiciin, une plus
exacte en vin(;l-qualie volumes in-h", sous
le titre i\' Itisloii e des Au'eurs erclésiasli'/ue:'.
Il y en a une de Ciuillaume (^ave, sa\aol An-
glais, en deu\ volumes in-folio, et nue Irès-
abrégée de (irand'olas, imi deux volumes
in-l2. — La Bihlinthèque de Plioliiis, c im-
posée au l\' siècle, est précieuse; pai'ce
qu'il y a donné un extrait d'un grand nom-
bre d'ouvrages d'.ineicns auteurs, soit ecclé-
8iasti(|ues, soit prolani's, (|ui sont perdus.
BIliLIOUl'., terme (|ue les Ihéoligieiis em-
ploient pour désigner un genre de méilioda
et de style conforme à celui de l'Ecrilure
sainte.
A la naissance de la théologie scolastique,
au xir siècle, les docteurs chrétiens se par-
tauèrenl en deux classes ; ceux qui conli-
nuèrent à prouver \cs dogmes de la fol par
l'Ecriture sainte et par la tradition, furent
nommés doctores bihlici, pnsilivi, veteres;
les autres furent appelés d 'Ctores senlenlin-
rii et novi, parce qu'ils s'atiachaienl princi-
paleuient à expliquer les sentences de Pierre
Lombard, et à prouver leurs opinions par
des raisonnements philosophiques. Ceux-ci
se croyaient flirt supérieurs aux premiers, et
s'attiraient toute la considéralion ; mais ils
furent vivement attaqués par leurs adver-
saires. Guibert, abbé de NogenI ; Pierre, abbé
di' Moulier la-Celle; Pierre le Chantre, doc-
teur de Paris ; (îauibier et Richard de Saint-
'Viclor, écrivirent avec chaleur conire les
scolasiiqiies, et les accusèrent d'altérer li foi
chrétienne; celle dispute fil grand bruit, sur-
tout dans les universités de Paris el d'Ox-
ford, et continua pendant le xii» siècle. «Iré-
goire IX, pour arrêter ce désordre, écrivit
aux docteurs de Paris : « Nous vous ordon-
nons el vous enjo gnons rigoureusement
d'enseiitner la pure théologie sans aucun
mélange de science mondaine, de ne point
ait' rer la parole de Dieu par les vaines irna-
ginaiions des [)hilo-ophes, de vous tenir dans
les bornes posées par les Pères, de remplir
les esprits de vos auditeurs de la connais-
sance des vérités célestes, et de les faire pui-
ser à Il Source du Sauveur. » Du B iulay ,
Hisi. Acnd. Paris., lom. III , p. 129. — A la
renaissance des lettres, les Ihéologiens sont
revenus à la méhode des Pères, mais sans
abandonner entièrement celle des scolasii-
ques, (;ui met pi s d'ordre pt de neltelé dans
les discussions des matières. Voy. Scolas-
TIQUK.
» BIBLIQUES (Sociétés), émlilies dans le dessein
de prnpajjer la Bilile. — Un ecclésiasuipie ipie le
besoin de se procnnr une Bilile conduisit à Londres
donna lien à la premier.! société h bliqiie. Elle se
proposa d'aliord de ré|i;iiidre l.i Bible dans toiiles
les lainilles pauvres d'Anglelerre. Mais bieniôt s<in
ceicie d'aclion s'éleiidil heauconp. Il y enl des afii-
lialions de la société lilliliipie dans les principanx
Eial> du niiui.te. Du fii des irailiictions de la Bible
dans loiiies les laiifïnes. Pinkerion acquit à Paris
|iiinr !a soeiéic des iradnciiuns loires faites dans les
diilectesdii Nord el du Tliihet, ainsi qui; les nianns-
crils appelles des archives delà propai;ande de Itunie
sons Map dé'in. Elle a également eoniriluié à l'iin-
pressiuu lie la Bili' ' iradnte en langue serhe. On
assure que le irivail le plus dilficile a été la tra-
dnclioii de la Bible dans la langue des Esquimaux.
Les sociiUés bibliques ont dépensé des smiunes pro-
digieuses, el innnclé le momie d'Anciens el de Nou-
veaux l'eslamenis. Elles n'ont voulu les accompagner
d'aucun roniiueiilaire allii ipie cliaenn puisse lui i>er
.sa foi à sa vcilonlé. Qiielipies ailleurs oui regardé
coiimie incileiilalile le progrès (|ue les sociéie- bi-
hliqies nul lail faire au monde. Il esl po-sible que
par leurs voyageurs, elles aient conlnbué il l'éiiranie-
ment du iiiomb; qui semble vouloir rélrograder vers
le chaos.
L'Eglise catholique, loiil en regardant la Bible
comiiie eonlenaiit la parole de Dieu, a ciunlamné les
tocii'tci bibliiines (Pie VII, Léon XII, Via VIII, Gré-
."if!9
BIR
goire XVI, les ont liaiilempiit réproiivéfs). En effet
i'Kglise callioliqne ne regarde pas l'Ecriture comme
|3 senle sonrre <le la vérité clirélieniie, elle recnn-
n;iil eneore la ir.iilition; elle enseigne de pins qn'il
(SI impnssihie de former sa fui par l.i le<lure seule
(le la l!il)le rpii doit êire interpréiée par nne aiiinrité
inl:iillilde. Ces piincipes reçoivent des développe-
tneiils dans divers arlicles de ce D elionnaire. La
Hilile protestante n'est pas eniière, elle est mmilce,
anire danger pour la foi. Un catholi.ine siniéie ne
P' ni donc qne rondam ler les sociétés hibliiities.
Ces tociélét n'onl pas eu pour le protesimitisme le
siiecès ijn'il en attendait. «Les Sociétés bibtiijues et
les associalions des missionnaires protestants , di-
sait PU 1855, le Moiitlily- R^'fittv, ont roniinencé
len s travauN il y a plus de irciit(; ans. Elles ont
ainasvé it d(^|ieiisé des revenus lie priiiee ; elles ont
(tes ngenis d.ms t"Ules les parties du glolie. Les îles
les jiliis élo'gnees des mecs du Sud, de I'Ocimu pi-
eiliqiw ei des mers de l'Inde, ont éié visitées par
leurs envoyés. Nous les avons entendues proelamer
plus d'une fois non-senleinent (|ue l'idolâtrie était
aiiéaniii' darrs les petites iles, mais inènie que la
Taitarie, la l'erse ei l'Inde eiaient sur le point de
c<^der aux effirts (les missionnaires britanniques, et
d"ad pler la religimi de la croix...
« L;i Société hd'lique de Londres existe depuis
pins de trente ans : eile a, dans rAnglelerre seole,
ti'29 socicics auxiliaires qui iravuilleiit sons sa di-
rectioii. In irè--grand noinine de snciélés protes-
tantes sendilaliles ont éié élalilies à l'aiis, Lyon,
Toulon e, Moiilpclier, .Mines, Sirashniiig , Nantes,
Monianlian, etanires parues de la I''r;inee ; dans les
Pa\s I5(S, la Suisse, la l'iusse, dans louie l'Alle-
niav'iie, la Suède, le Dmemaik, etc. La Société bi-
bliquf de Londres reçoit seule arinnellemerit des
sons(Ti|iiioiis rarement au dessous de 8U,nOli livres
sieiliiig. (deux millions d(! Iranes). Il y a eu des
années où elles onl éié ari-des-ns (Je 90.0(10, (deux
inUlioris, 2.'i'0,(i00). Elle a lait imprimer douze riiil-
li..ns de Hihies en 147) langries. M:iis, oiiiriî les So-
ciales éiablies pour la distribntinn de la Bible, il y a
un irès-grand n 'inbre d'.(ssociatlons de missiini-
n^ires qui rainassent aus i des sou^cripiions. L'An-
gleterre seule en a dix de (Irfférentes sectes; les
Etals-Lnis en ont cinr] de .sectes diverses; il y en a
aussi en ."Allemagne, en Er.iiice, etc. ; tomes possè-
deni d' gra ds revenus. En ISIl), nue seule de ces
associalions reçut pour si part trente milbî livres
sler'ing (750,000 fr.), et les receties aiiiinelles de
n>nf autres, une année d IIS l'autre, sniil de vingt.
riii(| mille livres sieili g (Ci'i.OtiO Ir.), pour chaciine
dans l'Aogleierre seuleiiieiit. Selon les rafiports pu-
bliés par ces asso latioiis, le noinbre des mission-
naires eiitreicniis par elles dans les deux mondes
est de 2.S0O, 'ans cimipier leurs lemines, doril on
vante aii-si les travaux ellicMces dans la même car-
rière. La plus grande parte cependant de ces mis-
sionnaires sont des per-oones d'un ■ édiiealion Irès-
borriée. Le plus souvent, leur vocarion a sa source
darrs le désrr de recevoir de ricbes appoiiriements
de dius à trois fciiis livres sterling p:ir an, uniipie-
uieirt à l( charge de lire et de fane circuler l;i Bible
parmi les peuples idolâtres; el ,i ce prix-là est-ce un
saci ilice, pnir des liommes qui (leuverrt à pêne se
procurer chez eux les moyens de vivre, de s'embar-
quer pour les pays loiiiianis, surtout lorsqu'ils peu-
vent emmener avec eux leurs leinmes et leurs en-
fants ? LorNqn'ils sont arrivés à leur desiinatinn,
quels efforts l(uit-ils, ou peuvent ils faire ? La pre-
mière pen-ée qui les occupe, c'est de se loger aussi
coniiriodénrenl qu'il e-t possible, el de se tenir tou-
jours, autant que faire se peut, sous la prolection
du canon britannique. Ils ne pi'iiètrent (pie rarement
chez les nations barbares; ils ont peur .le la peste el
du cliolera-morbris, auxquels (Ui ire peut pas rai-
soiiriablemeiit s'attendre qu'ils veuillent exposer
BIE 570
leurs familles, ou qne leurs familles leur permettent
de s'exposer eux-mêmes ; et, d'un antre côté, pour
les mêmes raisons, ils n'ont pas envie d'être mar-
tyrs.
I Nous avons des preuves en abondance qu'aussi
longtemps que les missionnaires hrilannirpies con-
linneriint leur système aciuel, ils dniveni nécessai-
rerrreni écbmier dans leurs tentatives de convertir les
Indrcns : l'éducation, les mœurs et les préjugés de
ces peuples sont tels que la simple leeiure de la
Itible, sans de longues insti iictinirs préalab'es pour
l(>s aider .à l'inierpréter. les él igrre de la religion de
l'Evangile, nlutftt une de les y anirer. D'ailleurs, les
traductions de la Bib e dans les dialectes de l'Inde,
sont si inex:i(tes el si éiiiinemment ridicules, que
même le petit nombre d'Indieus (pri les liserrt avec
un e-p'it impartial et déporlipi de iiréjugés, en sont
dégoiliés à la première vue. On peut dnne. assurer
que, mal ré tout ce oiie nous lisons dans les rap-
ports poiipeiix de la Socété biblique, et dans ceux
de^ m ssionnaires britanniques, leurs succès sont
réellement si peu de cbose, que leur résiil at n'est
rien en comparaismi des dépenses énormes qu'ils oc-
easiniinent. >
BIBLISTES, nom donné pnr quoique.s au-
teurs aux lit^réliqties qui n'adineKenl que le
texte de In Bible ou de rEcritiire sainif-, sans
atirtine inlerprélaiion, qtii rejellenl l'auUi-
rilé de la Iradilion el celle de l'Eglise, pour
décider les roirtroverses de la religion. IMu-
sietirs proleslanls sensés ont tounré en ridi-
cule cet eniêlemenl, et l'ont appelé hiblio-
manie, parce qu'il dégénère fort aisément en
fanatisme. C'est une absurdité de ])rétendre
que tout fidèle qui sait lire, est suffisaimneot
en état d'entendre le texie de l'Ecriture
sainte, pour y conformer sa croyance. C'est
un excellent moyen pour fitmiër autant de
reli' ions que de (êtes. Fi,//. Ecriture sainte.
BIEN, .MAL, dans l'ordre ph.s que termes
relatifs et qu'il faut s'abstenir de prendre
dans un sens absolu.
II est dit dans l'Iiisioire de la création :
Dieu vit Iniit ce qu'il aiitit fait , el lotit était
BIEN OU trèa-bnn [Gen. i. 31). Es|-re à dire
que les créatures son! sans dofaul ? Elles se-
raient égales à Dieu; le Im-n absolu, c'est
l'infini. Nous nommons hiin ce qui nous esl
ulile et conforme à nos désirs; mais nos dé-
sirs ne sont pas toujours justes et sages; ce
qui est un htm pour nous esl souvent un mnl
pour d'autres. — Les créatures sont 6ien lors-
qu'elles coirespondeni à la fin pour Liquelle
Dieu les a faites ; c'est donc une bonté rela-
tive; elles ne peuvent être bonnes ou liien
dans un autre sens : il ne s'ensuit point qu'il
n'en puisse résulter un mal relatif dans plu-
sieurs circonstances, el (|ue Dieu n'en eût pu
f.iire de meilleures. Puisque toute créature
esl essentiellement bornée, il esl impossible
qu'elle ne soil bonne el mauvaise, un bien et
un mnl, sous différents aspects.
Tout est donc bien, relativement au des-
sein que Dieu s'est proposé; mais tout pour-
rait élre mieux, parce que la puissance du
Créateur est infinie; tout est mal aux yeux
des incrédules, parce que rien n'est conforme
à leurs désirs ; mais ces désirs même sont un
mal, parce qu'ils ne sont conformes ni à la
volonté de Dieu, ni à la raison. — Dans l'hy-
pothèse de l'athéisme, du matérialisme, ae
571
BIE
BIE
573
la fatalité, rien n'est positivement ni bien ni
mal, puisque rien ne peui élre autrement
qu'il est ; il n'y a plus ni or.lre ni désordre,
puisqu'il n'y a point d'inlelli!,'ence suprême
qui ait rien ordonné.
Toutes les otiji-rlions des manichéens ré-
pétées p r Ba le et par les alliées sur l'ori-
gini» du mal no sont que des sophismes ; ils
confondeni le bifti et le mal relatifs avec le
bien et le ma/ absolus. Si Biyle avait lu saint
Augustin .ivec plus (raltenlioii. il aurait vu
que ce Père a lrès-l)ien saisi le point de la
diflicullé, et a fondé S''s réponses sur un
principe évident : « Quelques biens que Dieu
fasse, dit-il, il peut loiijours faire mieus,
puisqu'il est tout-puissant ; il n'y a donc au-
cun degré de bien qui ne soit un mal. en com-
paraison d'un dej^ré supérieur : où faudra-l-il
nous arrêter? (£'/Jis<. ISi. c. 7, n. 22. L.con-
l>a Epist. fundam,, c. 25, 30, 37, el».) \ oilà
ce que Bayle et ses copistes n'ont jamais
voulu concevoir. — Ils disent qu'un être
souverainement puissant et bon n a pu faire
dn mid. S'ils enlendeni un mal absolu, cela
est vrai. Mais où est dans le monde le mal
absolu? 11 n'y en a pas plus que de bien ab-
solu. S'ils entendent par mal un bien moin-
dre qu'un autre, leur principe est faux. Un
être souverainement puissant et bon a pu,
sans déroger à sa bonté, faire un bien moin-
dre qu'un aiilre bien. Si l'on s'obstine à sou-
tenir qu'il a liû faire le plus grand bien qu'il
a pu, on tombe dans l'absurdité: Dieu ne se-
r.jit pa? tout-puissani, s'il ne pouvait | ai
faire mieux que ce qu'il a fait.
Tous les sophismes que les anciens et les
modernes ont faits sur l'origine du mal ont
été fondés sur cette équivoijue et sur la com-
paraison fautive qu'ils ont faite entre la
bonté jointe à une puissance infinie, et la
boulé des créatures jointe à une puissance
très-bornée. — Ils ont fait le même abus des
mots bonheur el malheur. Le bonheur est
l'élat habituel du bien-(:re; celui dont nous
sommes capables ici-bas est nécessairement
borné, non-seulement dans sa durée , mais
en lui-mêM;e, par conséquent n;élaiigé de
mal et de privation ; quehine p irfajt que l'on
puisse l'imaginer, la cerdiude dans laquelle
nous sommes de le voir (inir un jour suflit
pour y répandre l'amertume: il n'y a point
de bonheur absolu que le bonheur éternel.
Les idées de bonheur et de malheur sont
donc encore des notions purement relatives,
et non des idées absolues ; un clal habituel
quelconque est censé heureux, quand ou le
compare à un élat moins avantageux el
moins agréable; il est réputé malheuicux en
comparaison d'un état dans lequel on goû-
terait plus de plaisir et où l'on sentirait moins
de privations. Knire le bunhiur absolu qui
est celui de l'élernité, el le malheur absolu
(|ui est la damnation, il y a une échelle im-
mense d'élals qui ne sont le bonheur ou le
malheur que par comparaison ; quel que soit
celui de ces états dans l><)uel nu homme se
trouve, il n'est ni absolument heureux, ni
absolument malheureux. Les driraclenrs .c
la providence ont beau répéter que Vhonune
est malheureux en ce monde, cela signifie seu-
lement qu'il est moins heureux qu'il ne
pourrait et ne voudrait l'être, et il ne s'en-
suit rien contre la bnnté de Dieu; puisque
celte bonté ne peut jamiis s'étendre jusqu'à
rendre l'homme aussi heureux actuellement
qu'il le peui et le veul être (1). — (Jnand un
homme serait habiluellemenl exemptée toute
souffrance, et dans un senlimenl continuel
de plaisir cela ne suffirait pas pour le rendre
absolument heureux, à moins qu'il ne fût
certain que ce sentiment ne finira et ne di-
minuera jamais. Or un sentiment de plaisir
trop vif <>u continué tnp longlemp- dégénère
en douleur et devient insupportable.
Ainsi les objections tirées du prétendu
malheur des êtres sensibles, ou de leurs
(1) Sailli Augustin a lrès-t>ien résolu celte préten-
due ddliciillé. « Il :• plu à la divine iiroïiJence, dil-
il, de prép:\rei' a x bons piuir le siècle à venir, des
biens dont les méchants ne joinmiil point, el aiii
inécli:iiits des maux dont les bons m; serunl pas
lourineniés. Mais pnur les biens el les maux de celle
vie, elle a voulu qu'iU fusseni cniiiiiiiins aux uns et
aux autres, alin (|u'on ne désire point avec ardeur
des biens nue les niéclmnls pussé^leiil conni e les au-
tres, el (pi'oii ne reïiaide pninl connue lionleux des
maux dont les lions suin rarement à couvert. — il y
a pourtant, aJMUte le même docteur, une irès-graiidu
(tilléreiH e dans l'usage 'pie le.s uns el les autres Imit
de ces biens et de ces maux ; ear les b us m; s'élé-
veiil poinl dans la bonne l'oriiiue el ne s'.itiatliiil
piiint dans la niauvai-e ; au lieu que les niécliaiils
CDiisidéreiil l'adversité coiniiie une grande peine, el
s. un oinsi punis de s'être laissé corrompre par la
prospérilé. Souvent, néaimioais, Dieu fait parailre
qu'il agit lui-même dans la dispen>ali<in des biens el
des maux ; et verilalileiuenl si lonl péché était pu-
ni dès Cille vie d'une puuilien nianil'esie, l'on croi-
rait qu'il lie reslerail plus rien dans le dernier ju-
gemeiii ; de méine que si Dieu ne punissait mainte-
nant aucun peclié de peines sensibles, on cioirait
qu'il n'y a point de providence. Il en esl de même
des II eus temporels. Si Dieu, par une liliéralité liiiiie
vibilile, ne les ai cordail à queti|ues-uiis de ceu» i|ui
les lui deuiaiideni, nous dirions ipie ces clioH>s-là ne
sont point en sa disposition ; et s'il les ilonnaii à
lous ceux qui les lui demandeni, nous eroiriims qu'il
ne le faudrait servir ipie pour ses récmnpenses ; el le
service que nous lui rendrions, ii'entrcliendrail pa>
eu nous la piété, mais l'avance et riiitéréu Cela
éuiii ainsi, I usipie les bous et les méclianis sont
éijalenieni al'lligés, il ne se lani pis imaginer qu'il
n'y ail point de ililléreuce eiUre eux, parce iju'il n'y
a (loiiil de dilléieiiee de ceu\ qui sont eliàiiés ii
ceux (pii ne le soiil pas, parce que Imis som aileiiils
par la lessenililaiRe du cliàlluienl. La vertu et le
vice ne sont pas une luénie ciiose, pour élre exu ■-
se-, aux méaies soulVrances ! Car, couiine un luéiue
leii lait briller l'or el noircir la paille ; comme un
lléaii écrase le cliaume et purge le froiueiil, el de
iiièiue eiieoie que le mire ne se mêle pa» avec l'Iiuile
quoiqu'il soil lire de l'ulivr sous le nié !;<■ pressoir,
ainsi un iiK'Uie mallieur, venait à fniidre sur i S
bous et sur les niécliinls, éprouve, purilie el fait
celaier la vertu lle^ uns. et au cunlraire, perd, dé-
Iriiil el ilaniiie les aiilies. C'est pour cela qu'en une
iiièine allliiliou le> mécliants blasplièiuenl cuiilre
Dieu, laniiis que les bons le prient et le béiiisseiil ;
laiil il rai inipuri.inl de eoiisalcrer, non ce que l'on
soiilTre, II. ail eelui qui soullie ! Car le même mou-
vement qui lire de la boue, eu laii -orlir les exIi -
lai 0119 les p us suavcï. > (Dti la Ciii (la Dieu, liv. i,
c. 8.)
575
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574
souffrances, ne prouvent pas plus contre la
providence et la bont6 de Dieu, que celles
que l'on veut tirer de l'iniperfecllon ou des
dél'iuts des créatures. Voy. Mal, Mani-
chéisme.
BIKN ET MAL MORAL. C'est ce que l'on
appelle en d'autres (ei mes boulé et méchnn-
celé des actions hum unes. S'il n'y avait point
de loi siipréuic émanée de la volonié de Dieu,
souverain légi>l;iteur, il n'y .lurail d.ins nos
actions ni bien ni mal mornl. Lorsqu'une ac-
tion quelconque serait bonne et ulile pour
nous, nous serions dispensés de savoir si
elle est nnisihie à d'autres. Le bien moral,
c'est ce qui est conforme à la loi naturelle
qui nous est iniimée p.ir l.i raison et p.ir la
conscience ; le mal mural, vc qui est con(r;]ire
ou à cette loi ou à la loi <livini> positive.
Il est dit dans rKcritiire (jue Dieu, en
créant nos premiers parents, leur doiin;i l'in-
telligence , leur montra le bien et le mal
{Kccii xviî, 5). Il nepouviiit leur donner cetie
connaissance qu'en leur imposant une loi;
sans loi, il n'y a plus de devoir ou d'obliga-
tion morale, i>lus de bonne œuvre ni de pé-
ché ; il n'y a plus ni vice ni verlu. Voy. ces
arlieles. — Les lliéologiers observent que
parmi les actions libres de l'hoinnie, il y en
a (iui sont bonnes ou mauvaises, précisé-
ment parce qu'elles sont cominandées ou dé-
fendues; d'autres qui sont bonnes on mau-
vaises en eiles-mêiiies , et abstraction faite
de toute loi qui les commande ou les défend ;
conséquemmcnl ils distin^;ueol la bonié et la
méi hanceté fundammlale de certaines ac-
tions d'avec la bout.'! cl la méchanceté for-
melle. Ainsi, (lisent-ils, l'aelionde mau<;er le
sang des animaux, dans les premiers .'îges
du monde, n'elait pas un crime en elle-même,
mais seulement parce que Dieu l'avait défen-
due; l'observation du sabbal n'était un acte
de verlu que parce qne i)ieu l'ai ait comman-
dée par un précepte positif. Au contraire,
aimer Dieu et le prochain sont des actions
cssenlieilemenl bonnes et louables, indépen-
damment de toute loi; Dieu n'a doue pas pu
se dispenser de les commander i\ l'homme:
le blasphème, le meurtre, le parjure, sont
des actions essenlielleinenl et foniiamentaie-
uienl mauvaises, que Dieu n'a pas pu se dis-
penser de défendre. Les actions fondamenla-
lenieut bonnes ou mauvaises sont l'objet de
lu loi nalurellc; les autres sont l'objet des
lois positives, luis que Dieu était libre d'é-
tablir ou de ne pas établir. — La bonté fon-
damentale d'une action est donc sa confor-
milé avec ce qu'exige la souveraine perfec-
tion de Dieu , ou avec le dirtumen de la
sagesse divine; la bonté lormeile est sa cou-
forinili' à la loi. La méchanceté fondamen-
tale d'une action esl l'opiiosilion à celle
même sagesse divine, qui a dicté à Dieu i e
qu'il devait eommander ou défendre; la mé-
chanceté formelle dune action esl son oppo-
sition à la loi.
Celte dislinction subtile a pu élre néces-
saire pour mettre pins de précision ilans n s
idées, mais les incrédules en ont élrange-
m iul ab^usé; Bajle en a conclu que dans le
système même de l'athéisme, et indépendam-
ment de la notion de Dieu, il peul y avoir du
6/en el du mal moral ; \es niatérialisles ont
suivi la même théorie pour londerdans leur
système une prétendue moralité de nos ac-
tions, ils disent que la bonté mor.ile d'une
action est sa conformité avec ce qu'exige la
nature humaine, avec ses besoins, avec son
intérêt bien eolendu. ou avec l'intérêt géné-
ral lie tous, consénuemment avec le dtcta-
mm de la raison et de la conscience; qne la
niécliancelé morale est l'opposition d'une ac-
lion à ces mêmes objets. Soit , disenl-ils,
qu'il y ait un Dieu, ou qu'il n'y en ail point,
certaines ai lions sont par elles-mêmes eun-
lormes ou opposées au bien général de l'hii-
niaiiité ; c'en est assez pour ((u'elles soient
censées moralement lionnes on mauvaises.
Mais n'esl-ce pas là se jouer des termes?
1" Si la nature de l'homme n'est pas dill'é-
reiitede celle des animaux, comment ses be-
soins, son intérêt, son avantage, peuvent-ils
être une règle des mœurs, une loi propre-
ment dite? Parmi les actions des animauK,
il en est qui sont conformes à leurs besoins,
à leur conservation, à leur bien-être, par
conséquoul à leur intérêt et à leur nature;
d'autres ijui y sont opposées , comme de
se besser, de se tuer, de se dévorer; cepen-
dant on ne s'est pas encore avisé d'imagi-
ner à leur égard une règle de mu-urs, une
loi naturelle, une oliiig.ition morale, ni de
leur attribuer des actes de verlu ou des cri-
mes. La théorie des matérialistes peut bien
fonder une boulé ou une méi hanceté aiii-
mah : mais bâiir sur celte base ie bien et le
mol moral, c'est une dérision et une absur-
dité.— "2" Une action peul êlre conforme à
mes besoins, à mon intérêt, à mon liien-éire,
sans que je sois obligé pour eela de la faire,
quand même elle ne nuirait à personne ; il
esl des cireonslances dans lesquelles il est
très-loualile de restreindre nos besoins, de
résister à l'appétit, de réprimer un penchant
violent, de souffrir une privation ou une
douleur; c'est un acte de verlu, puisque
c'est un effet de la force de l'âme. Le droit
di' faire une action n'esl pas toujours un de-
voir, elle peul m'êlre permise sans m'élre
cominaii'lee, il n'est donc pas vrai que la
bonté morale, ou l'idée de vertu dans une
action, consiste dans sa conformité avec nos
besoins, nos intérêts, notre bien-être, notre
sensibilité physique. — 3° Les matérialistes
affeclenl ici de confondre l'intérêt particulier
d'un homme avec l'inlérét général de l'hu-
manité, c'est une supercherie ; souvent ces
deux inlérôls sont Irès-ooposés. Gomment
prouveront-ils que je suis obligé de procurer
le bien général prélérableinenl à mon bien
personnel, de sacrifier ma vie pour conser-
ver celle de mes concitoyens, de me priver
d'un plaisir sensuel dans la crainte de nuire
à quelqu'un? Mes besoins, mon intérêt, nion
bien-être se bornent à moi ; en verlu de
quille loi ilois-je les faire céder à ceux des
autres? S'il n'y a point de maître ni de légis-
lateur qui me l'ordonne, je suis à moi-mè ne
mon auique el ma dernière fin ; ks autre»
«5 BiE BiE an
ne me louchent qu'autant qu'ils peuvent derniers sont ou naturels ou surnaturels,
servira mon bonheur. On me parle d'un in- Tout ce qui peut contribuer au bien-êlre
téréi bien entendu : mais c'est à moi seul de d'une créature sensible, dans l'ordre physi-
l'eiilenilrc bien ou mal : et quand je l'enlen- quo, est sans doute un bienfait. Indépindàm-
drais mal ce serait une erreur el nnn un ment de la multitude des èirrs l'estinés dans
crime. — i" Pmcv. que la saçessi' de Dieu l'univers à notre usage, il est des bienfiils
exioe qu'il commanile ou défende telle a<"- personnels accordés à chaque particulier,
lion , il ne s'ensuit pas qu'il y est obligé par comme des organes sensilifs bien conformés,
une loi antérieure et indépendante de sa vo- un tempérament robuste, une santé cons-
lonlé; si Dieu n'avait rien voulu créer, oti tanie, un caractère toujours égal, eic; sans
ser:tit la loi qui l'y aurait forcé ? G' li ne si- c^ l;i l'Iiomme ne jouit qu'iniparfaitement des
gnifie rien, sinon (lue Dieu se conlrodirait êtres créés pour lui. Un esprit juste et droit,
Ini-mème, si, en créant l'homme, il ne lui im- des passions calmes, un goût inné pour la
posait pas telle loi : or un être infiniment vertu, sont dans l'ordre moral de» avantages
sage ne peut pas être en contradiction avec inestimables. — Tous ces dons sont disiri-
îui-méme. hnëi aux liommes avec beaucoup d'iuéga-
Les déistes ont encore abusé de la dislinc- lilé; il n'est peul-é.lre pas deux individus
lion faite par les théologiens, en soutenant qui les possèdent dans la même mesure; les
que Dieu ne peut pas commander ou défen- tempéraments sont aussi variés que les vi-
dre par des lois positives des choses qui sont sages; mais il n'est personne qui ne parli-
en elles-iiiétnes indifférentes; c'est une er- cipe plus ou moins aux bienfaits de Dieu,
reiir, puisque Dieu, par ses lois positives, dans l'ordre physique et dans l'ordre moral,
rend l'observation de la loi naturelle plos Quand on y regarde de près, l'inégalité
sûre, et en prévient la transgression ; ainsi la ne se trouve plus aussi grande qu'elle le pa-
défense de manger du sang avait pour objet raît d'abord; Dieu a lelleinenl ménagé et
d'inspirer à l'homme l'horreur du meurtre, compensa ses dons, (|uc personne n'a lieu de
et la loi du sabbat était une leçon d'huma- se plaindre. Quel esU'homme sensé qui vou-
nité, qui obligeait l'homme à donner ilu re- drail changer son existence, prise dans sa to-
pos aux esclaves et même aux animaux talité, contre celle d'un autre homme quel-
(i^eit^. v, 14». —Appellera-t-on 6i>n înwra/ ce conque? En général chacun est content de
qui est conforme à la raison? La rai-on nous soi ; il n'a donc pas droit d'être mécontent de
montre ce qui est bien ou mal, mais ce n'est Dieu. Mais ses bienfaits sont nuls pour qui-
pas elle qui le rend tel ; d'ailleurs qui nous conque n'en sent pas le prix ; c'est la sa-
oblige à suivre notre raison plutôt que notre gesse, la reconnaissance, le bon esprit, et
appétit? Ce qui est conforme à notre cons- non la quantité des biens, qui nous rendent
cience? Même réflexion ; si la conscience ne heureux. Les désirs va^'ues du mieux être
nous montre pas une loi, nous en serons sont un égarement de l'imagination, presque
quittes pour l'étouffer. Ce qui nous est avan- toujours nous aurions sujet de nous alfliger,
tageux à tous égards? Notre avantage n'est si Dieu exauçait nos vœux.
pas une loi ; en y renonçant nous serons Les bienfaits surnaturels sont tous les
peut être insensés, mais nous ne serons point moyens intérieurs ou extérieurs de parvenir
criminels. au salut éternel. Voy. Grâce.
La révélation nous a donc donné la vraie L'essentiel est de savoir, à l'égard des uns
notion du ///r'n et du ma/ »(i/ra/, ou de la mo- et des antres, que la bonté infinie de Dieu
rallié de nos adions, en nous montrant Dieu n'exige point (lu'elle nous les accirde plus
comme un souverain législateur, qui a exei- abondamment qu'elle ne fait ; que sa justice ne
ce eelie angnsle foniliou dès la création. En consiste point à les distiiiiucr égale nent à
s'ecarlant de celte idée lumineuse et primi- tous, mais à ne demander compte à chaque
live, les philosophes ont vainement disputé particulier que de ce qu'il lui a donné. Ces
sur la règle des mœurs ; ils n'ont trouvé que deux vérilés bien comprises épargneraient
de. erreurs et des lénèlnes. Voy. Cons- au commun des hommes une inlinilé île mur-
ciKNCf, Dkvoir, Loi naturelle. mures injustes, et aux philosophes un grand
Vue grande question est de savoir si un nombre do faux raisonnements. Voy. Honti;,
Dieu bon, jusie, saint, a pu permettre le ma/ Justice. Ecalité.
moral, s'il n'a pas dû le prévenir et l'empé- lUKNHËUKEUX. En théologie, ce terme
cher ; nous la II altérons a I article Mal. signilie ceux auxquels une vie pure cls.iin'c
IIIENS. >'"!/. K GUI ssES. onire le royaume des cieux. Qui pourrait
B KNs K' Cl ksiast;ques. Voy. Bénéfices, peindre le ravi. sèment d'une âme qui, dcla-
BIENF\irS DE DIEU. L'Eiriiure sainte chée tout à coup des liens du corps, et dé-
iKMi^ dit que Dieu .1 heni tousses ouvrages, barrassée du voilr qui lui dérobe la Diviniié,
qu'il ne néglige aucune de ses créatures, se trouve admise à conlem: 1er celte dnine
qu'il est hou ei bienfaisant a l'égard de tous essence, à voir Dieu tel qu'il est, à puiser le
les hommes, que ses misériconles se répan- bonheur dans sa source même? Nous serons
dent sur tous sans exceptiin (G^n. V, 2; ii'a/j. semblables à /u/, dit saint Jean, parce que
XI, :25; Ps. CXI. IV, 9). (^'est une des vérités noiii le verrons tel qu'il est {l Joan. ni, 2).
dont il nous importe le plus d'éire per- Vos saints, Seiyneur, seront enivrés île l'a~
suailés. b'inda ice de vos bien*, vous les nbi enverex
Il l'.iiit distinguer les ti>n/(n^» r/e />(>w dans d'un torrent de délices , el les l'clnireres de
l'ordre physique el dans l'ordre moral; ce» votre propre lumière (Ps. xxxiii, il). Là dis-
677
BIE
BIE
578
paraissenl les conlradiclions apparentes des
mystères dcint la hauteur étonne notre rai-
son ; là se développent toute l'étendue de l'a-
mour <ie Dieu pour nous, et la multitode de
Ses bienfaits ; là s'allume dans l'âme cet
amour immense (|ui ne s'éteindra jamais,
parce <|ue l'amour de Dieu pour elle sera son
aliment éli'rnel.
liiKNiiKL'RKDx se dit encore de ceux aux-
quels l'Eglise décerne un culte public, mais
subordonné à celui qu'elle rend aux saints
qu'elle a canonisés. La béatification est un
degré pour arriver à la canonisation. Voy. ces
articles.
* lîlBNS (Communauté des). Il y a dans noire siè-
cle un lernbie anLigmiisnie entre ce (lui pos-éde el
ne posséile pas. On léve un clnngeiiKMit lol:il des
foruiirs ; on croit i|ue la ciiinnniiiaulé îles biens se-
rait le reiiiéiie salutaire à celle in''gili(é i|Ui ilévore
la société. Nous avons nionlié, au mut pROPmÉTÉ,
que la pri'iirléle est nu véritalile progrès d.nis la
sotiéié et une source de peifcctiouneniiMils. (Vuy.
le Oici. de Tliiuloij. mor., an. Proi'kiété). Nous ne
reviendrons lias sur les considéialioiis que nous
avons présentées d in-; cet article. Il est bon île sa-
voir si à l'origine, lorsque riiiiniine sortaii à peme
de'< inanis du Ciéaieur, tous les biens étaient ciun-
niuiis. C'est une erreur encore répandue dans plu-
sieurs de nos livres pliilosopbiques ei même reli-
gieux.
M. de Cnuison a écrit plusieurs lettres sur le so-
cialisme iniiderne. Il se prup >sc, dans la qnatricine,
de faire l'Iiislaive de la communaulé i>'lle qu'elle a
exiilé chez tes nations barbaret tle l'uniiquiié. Il coiii-
nieiice ainsi son travail: « L'Iiisloire nous révèle que
dans l'enlancedes sociétés, avant (pie tes iieuplailes
nomadis ne lussent descendues de leurs cbariots de
voyage, la terre était comiiiune entre les bumiiies.
Ainsi cliez les Scyllies, au témoign ge de Nicolas de
Damas, les biens étaient en commiiii. (Prodrom. de
la Bibliolli. greiqiie de Coray, p. '271, -272.); le mê-
me usage étaii eu vijjuenr cliez les IJreious. yuant
aux Germains, César nous appriinl (pie la pro(iriéié
fixe et limitée à la o'aiiiere lomaine l.'in éiiil tout
à lait inconnue : c'éiaient les n anisirals et les piiu-
ces de la naiicui, dit le grand lilslinien, qui, sur l'au-
tre rive du Kbin,assinnaieiitcliai|Ue année aux familles
el aux tribus la poiiioii de teiraio (pi'elles (leva eiil
occuper dans telle ou telle Incalilé. L'année suivante,
ils les «ibligeaii ni à s'établir ailb urs. (t.oesar, de binl.
Coll., VI, 52). Les mêmes laiu -e r^ trouvent au mê-
me degré de culture enrore chez tous les peunles^
ajoute M. de (Joui son. (Ilerod. Melp. ISt) ; Uiod.
Sicut. l. I, p. 135; Poinp. M la, i, 8) ; el c'est ce
qui expliifue les étrange^ systèmes do la liépublique
de Plalmi, souvenirs viv.ices d'une époip.ie loiile bar-
bare au sein d'une civilisaiioii trés-avancée. » Telle
est la iliéiuieexpo>ée pir.M. deCourso'i. Nous croyons
que si elle était vraie, si les méines faits se r. liou-
vaient chez tous les autres peuples, le coniinunlsine
pourraii s'en prévalon ; lieineusement i|u'il n'en est
rien. Il y a ici ou exagéralion donnée sur ipiclques
faits, ou eneurcoinpléte sin les antres. Non, l'Iiisloi-
re ne nous révèle rien de semblable, tlle nous ilit
au contraire que dès le commeiiceuieMi les biens
n'ont pas été c miniiiis. An.l avait ses troupeaux,
Gain ses Iniits qu'ils oITraieiii au Seigneur : l'oUraiide
de l'un n'etaii pas celle de l'aiurc. Les idées, ces
pensées de vraie propriété, ces pandes, mes trou-
peaux, UES {ru\ls, oui élé prononcées (lès le coni-
nienceineni : elles repiésentaient Tordie pre>cii[,
enseigné, or.ionné de Dieu, et les cliels des peuples
enseignèrent et Iraiisiiiirent ces iiiêines enseigne-
ments et ces luénies traditions à leurs eiilantset aux
Peuples qui en dascendireat. La même chose ad-
vint sous Noé. Ses enfants avaient Liiuiis troupeaux,
LiiURS hubils, LiiURS tentes, l()»l cela li:i;R appartenait
et constituait une vérilalile propriété. Cei ordre avait
été établi de Dieu, pour rendre la sm iété possible
et dnrabl.'. Dès le premier jour où il y eut des fa-
milles, le iirécepte tu ne voleras point, fui promul-
gué et coiinii. Voilà le vrai fondement de la proprié-
lé, el non ceux que l'on elieicbe péniblemenl à éta-
blir et qui croulent aussi de loules paris sous les
coups du communisine. Il en arrivera ainsi de tout
étal, de inut ordre que l'on voudra établir sans tra-
dition et sans Dieu.
Ain^i donc il esl faux que, dans l'enfanc' des so-
ciétés, tous les biens lusssenl coininuus. Mais n'a-
l-il pas pu arriver (|ne ([uelques tribus, ipiebpie por-
tion <le la grande famille liiiu.aine, détachées de la
souche cimiinuiie, ayant perdu la tradition, aient re-
gardé les leries et les biens comine comniuns ''. Ceci
est une amre question qui n'inliriiie eu rien la pre-
mière; ce ser.iit une aiiomaiie, un oubli, uu éj^are-
nieiil, un abrulisseineiii et non un établissement pri-
mitif. LxanniKuis si cette assenioii e^t entièrement
réelle. César s'eX|ir.ine ainsi relaliveinenl au coni-
mudsine des Cei mains : i Les tiermains ne s'uc-
cupenl pas d'agriculture ; leur nourriture la plus
coinmune consiste en laii, fromage ei diair d'ani-
maux ; personne n'a de champs déierminés ni de
limites propies ; mais les inagisirals el les princes
ass.gneiil tons les ans à chaque tribu et à chaque
lamille d'individus, ipil se sont assemblés eu com-
mun, autant de champs qu'il leur fmt, et dans le
lieu ([u'il leur plait, ei puis, l'an d'après, le-, obli-
gent à passer ailleurs, i (Cae^ar, de lieilo Gallico, I. vi,
c. 5.) — Lcî comineiitateurs et les légistes ont
longuenient dis-eiié sur ces lexte^ ; iiO'is n'avons
pas à les y suivre, mais pour la thèse actuelle nous
dirons : 1" yne supposé mê e ((ue cette commu-
naulé de leiies fui cmnplète el entière, on ne de-
vrait pas en conc lure que les mêmes faits se retrou-
vent dans l'histoire de tous les autres peuples. Qu'esl-
ce que cette peuplade de (lermains en comparaison
des Gaul.'is, des Bretons, des Aialies, des Egyptiens,
des Assyriens, des Indiens, des Chinois cbez les-
quels le principe de l.i propriété étail bleu neil eut
reconnu'? Pourquoi prendre une peuplade pour l'uni-
vers entier ? -À" — M.iis est-il bien vrai ipie le prin-
cipe de propriété lut inconnu aux G.rinains ? N'a-
vaieiuils pas leurs temmes et leurs enlants propres?
n'avaient iu pas leurs chars et leurs troupeaux pro-
prrs, c'esl-à-.iire les ob,els de nécessité première,
leurs maisons ei leurs voiluns ? ces terre» mêmes
n'é aieiit-elle-> pas leur propriété pendant raiince
qu'ils les possédaient ? celle propiiélé n'élait-elle
pas concédée avec ordre et par autorité, parles
magistrats, comine chez nous ? César ne dit-il pas
evprissement que les voU el les déprédations élailnl
de e.dHs piiniii eux? (iela ne piouve-i-il pas que le
princiiie de la proprié é y éldlcminu? — 5" Il esl
vrai que la pr- prieié immobilière n'y était pas en
us.ige : mais outie le> raisons qu'en donne César, et
dont la principale était la crainte que le peuple n'a-
bandonnai le mé>i>T des armes pour ragiiculiuie,
n'éi.iit-ce pas une condiiion forcée de leur vie pre-
mière, d'une vie eriante et riche eu iroupeaux ? 'tons
les peuples qui oui d'immenses iroupeaux, ei qui
soiii dans des lieux espacés el sans propriétaires,
peuvent-ils faire autrement ? Même de nos jours, les
'l'ariares ont-ils un aime genre de vie, nos ;viabes
d'Alji;éiie ne l'oni-ilspas comme les Gerinaios, chan-
geant de païuiages selon leurs besoins uu leur plai-
sir ? Cela em|ièclie-l-il que le principe de la proprié-
té ne soil 1 onnu d'eux ! Dans notre France nieiiie,
n'avons-iioUs pas nos leiraiiis cominnnaiix el de li-
bie pàluie ? yue > iraii-on de celui qui vieiidrail en
induire que le principe de la propriété n'y étail pas
connu, ou qui voudrait élendre cel usage restreint à
tous les autres peuples (fciccard, Montesquieu, ei de
S19
BIG
Ma
880
nos jours le docle M. Giiérard, ont cru découvrir
dans ces mots de Tacite stiam quisque domum ipa-
lio circumdal, l'origine de la lene immobilière ou
saliqui'. Eli sorte que la propriété territoriale elle-
même aurait été comme des Germains ; mais nous
n'avons pas besoin de traiter celte qiiesiion pour ce
que nous voulons prouver. — Voir Eccard, Leges Sa-
ticœ, Lxn. — Moninvq., Esp. des lois, xviii, ii. —
Guérard, Poliipt. d'Irminon, prolegom., |>. 485).
BIGAME, BIGAMIE. On a soi»venl reproché
de nos jours aux Pères de l'Eglise la sévé-
rité aiec laquelle ils ont condamné la biga-
mie, ou les secondes noces, soil des honnmes,
soit des femmes ; on a blâmé les canons
qui défendent d'élever aux ordres sacrés un
bigame, c'est-à-dire, un homme qui a eu suc-
cessivement deux femmes, ou qui a épousé
une veuve. Celte rigueur, dit-on , semble
avoir attaché une note d'infatnie aux secon-
des noces, qui, dans le fond, ne sont [las
plus crimiitelles que les premières. Barbe) -
rac, Traité de la morale des Pères, c. 4, §
14, etc.
Si on voulait se rappeler quelle élail la
dépravation des mœurs du paganisme, ou
sentirait mii'ux la sagesse des Pères et de la
discipline de l'Eglise. La licence du divorce-
avait fait du mariage une vraie prostitution.
L'adultère servait de gage pour de secondes
noces; c'est Sènèque qui nous l'apprend (de
Benef., liv.i,c. 9). Les fiançailles les plus
honnêtes, dit-il, sont l'adultère, et dans le
célibat du veuvage, personne ne prend une
femme qu'après l'.ivoir débauchée à son
mari.
Pour rendre au mariage sa sainteté primi-
tive, il fallait nécessairement inspirer aux
fidèles la plus haute estime pour la conti-
nence, soit dans l'état de virginité, soil dans
le veuvage : un excès de corruption ne pou-
vait être corrigé que par une très-grande sé-
vérité. S'il y a quelque chose d'étonnant,
c'est que la morale cliretienne ait pu avoir
assez de force pour changer ainsi les idées
sur un point de la plus grande importance
pour les mœurs, et qu'une discipline aussi
austère ail pu s'éiablir chez des peuples qui,
autrefois, n'attach^iient aucun mérite à la
chasteté. On a beau dire que ces idées d'une
perfection chimérique peuvent diminuer le
nombre des mariages et nuire à la popula-
tion. Le christianisme, loin de produire ce
mauvais elTel, lit tout le contraire. Ce n'est
pas la sainteté des mariages qui les rend sté-
riles, c'est leur corruption. Sans les tléaux
qui fondirent sur l'empiie romain, lorsque le
chrislianlsi'.ie y fut dominant, la population
réduite à rien par les mœurs du paganisme,
par des lois absurdes, p^ir un gouvernement
despotique, se serait certainement rétablie
par la sainlelé même delà murale de I Evan-
gile. Toutes choses égales d'ailleurs, il n'est
point de nations clie/ lesquelles la popula-
tion fasse plus de progrès que chez les na-
tions chrélicnn.s. - ()n sait d'ailleurs, par
Une expérience constanie, que quami les
veufs de l'un ou do l'autre sexe, qui uni des
enfants, se remarient, ceux-ci ont peine à
le pardonner ; ils ne se voient qu'avec une
extrême répugnance réduits à plier sous les
lois d'un bean-père oa d'une mapâtre, et ils
ne voient naître qu'avec beaucoup de regret
des enfants d'un second lit: le même incon-
vénient avait lieu s-ins doute pendant les
premiers sièrles; il n'est donc pas étonnant
que les Pères aient forl recommandé la con-
tinence dans le veuvage.
Mais on leur reproche de s'être servis d'ex-
pressions trop fortes : Alhénagore dit que
les secondes nores sont un honnête adultère ;
l'auteur de l'ouvrage imparfait sur saint Mat-
thieu, quel'ona eru faussemenlétresaintJean
Chrysostome, prétend qu'elles sont en elles-
mêmes une vraie fornication ; mais que
comme Dieu les permet, lorsqu'elles se font
publiquement, elles cessent d'être déshonnê-
tes. De là Barbeyrac conclut que, selon quel-
ques docteurs chrétiens, l'honnête et le dés-
honnéte, le bien et le mal, dépendent d'une
volonté de Dieu purement arbitraire.
Si l'on veut faire attention au passage de ■
Sénèquc que nous avons cité , l'on verra ■
qu'.Mhénagore parle des secondes noces tel- T
les qu'elles se faisaient communément chez
les piïens; el ce n'est pas sans raison que
les Pères de l'Eglise voulaient inspirer aifx
ch.réliins l'horreur de ce désordre. Quant
à l'auleiir de l'ouvrage imparf.iit sur saint
Matthieu, on s;iil qu'il est justement suspect
de montJinisme et de manicliéisme, deux hé-
résies qui alt.'iquaient la sainteté du mariage
en général; c'est par la même raison que
Tertullien, devenu montaniste, condamna les
secondes noces avec la même rigueur. Mais
la conséquence (|ue Barbejrac en tire est
absurde; il reconnaît lui-même que l'Evan-
gile condamne plusieurs choses que Dieu
avait permises ou tolérées chez les Hébreux,
comme le divorce; s'ensuit-il île là que le
bien et le mal moral dépendent d'une volonté
arbitraire de Dieu '?
11 est fdux que la bif/amie ait été mise atf
nombre des irregulariiés ecclésiastiques, seu-
lement pour ui:e rai^an mytique, comme on
le dit dans le Diclionnnire de. Jurisprudence ;
elle l'a éié pour les raisons que nous venons
d'alléguer.
BllJOT. Quelle (jne soit l'origine de l'ély -
Diologie de ce terme, il signifie un dévot su-
perstitieux, et l'on nomme bigoterie, une
piélé mal dirigée et peu éclairée. Mais l'abus
que les incrédules el les mauvais cliiéliens
font de ce mot pour inspirer le mépris de la
piété en général ne doil en imposer à per-
sonne; ce sont de mauvais juges qui ne cun-
nai-sent ni la religion ni la vertu.
DISSACIlAMliNi'AUX , nom donné par
quelques théologiens à ceux des hérétiques
qui ne recontîaissenl que deux sacrements,
le baptême el l'eucharistie; tels que sont les
caivinistes.
ULAiNCHAUD. Le Conroid.il de 1801 jeta dans la
consiernatiun un certain noinlire {\r prêtres exilés en
Aiigleierre. L'ablié Ulancliard, ancien piofesseurdc
tliéidogie, puis curé an diocèse de I.isieux, attaqua
vivement le Concordat. Il déclara que li nouvelle
Ei^lise de France était scliisiiiaiiqiie et hérétique.
Mgr. Millier, évéque de Gastabala, vieaire apostoli-
que du district du milieu en Angleterre, publia un
mandement contre les crraurs de Blanchard el de
S8I
BLA
BOE
SS3
I
ses adilérenis. Loin de se soumettre, Blanchard ri-
posla par un nouvel écrit, où il rorn)ulaii plus net-
tement toute sa pensée, t J>nsi"igiii>, dit il, 1» que les
évêques non-déntissionniires sont les seuls évé(|ues
lésiliiiiea de France ; 2" que l'Eglise concoidataire
est liérélique, schisnialiqiie, et S"«s un JO' g huinaiu
accepté ; 5" (|ue c'est là un elfei duconcunlai et des
mesures de Pie VII ; t" quant à ce pape, ]« dis sen-
leiiient (jn'il faut le dénoncer à l'Eglise c:ilholique,
encore sans spécilier si e'e^t coninie liciéii(|ue et
scliisniatique, ou ntiiijnetncut pour avoir vmlé les
règles saintes, el je ne prends pas svir moi de l'aire
une dénoDcialion dont j'énonce la nécessité. »
Il lui l'rap|)é d'inlerdil par Mjçr Oonulas, évèipic
du district de Londres ; il répondit qu'il ne dépen-
dait ()iie des éï<^qiies fr.inçais, luaxtine contraire à
tons les prim Ipes de juridiction. Il s'éleva avec une
nouvelle VTgueiM' contre le Coneonlat de 18 17. — Au
mot Eglise (/*«?(('<;-) , nous développons toutes les
erreurs des sectateurs de Blanchard.
BLASPHÈME, se dit en général de tout
discours ou écrit iiijurieuK à la majesté di-
vine ; mais dans l'usage ordinaire oii entend
spécialemeul sous ce terme les jurements et
les impiétés cu:itre le saint nom de Di(<u.
Les lliéologieiis disent que le blauphrme
consiste à attribuer à Dieu quelque qu.thté
qui ne lui convient pas, ou à lui ôter quel-
qu'un des altri'oiits qui lui conviennent. —
Selon saiat Augustin, toute parole injurieuse
à Dieu est un htasplu'me : Jam vero lilasplie-
mia non accipitur, nisi mnla verba de Deo
dicere(Ue Muiih. Munich., lib. n, c. 11). C'est
donc un blasphème de dire, par exemple, que
Dieu est injuste ou cruel. 11 u'esl guère d hé-
résies qui ne ddunent lieu à îles biafphcines ;
toute opinion lausse (nuchant la nature de
Dieu ou la eonduile de sa provideuce en-
traine infailliblement des couséqueuces in-
jujl-ieuses à Dieu.
BLASPHÉMA l'EUR, celui qui prononce un
blasphème. Ce crime a toujours été sévère-
menl puui par la justice humaine, soit dans
l'ancienue loi, soit dans le christianisme;
chez les Juifs, les biasphémateurs étaient
punis de mort ( Levii. x\iv ). Sur cette loi,
très-mal appliquée,Jé^us-Ch ris 1 futcondamiié
à mort, parce qu'il assurait qu'il était le Fils
de Dieu {Mutth. xxvi. 1)5).
Les lois de saint Louis et de plusieurs
autres de nos rois coiidamiient les blusphé-
maleurs à élre mis au pilori, à avoir la lan-
gue percée avec un fer chaud, par la main
du bourreau. Pie \, dans des règlements faits
sur Lj même matière, en iSliii, condamne
les blasplic maleurs à une amende pour la
première lois, au l'ouet pour la seconde, si le
criminel est un laïque; s'il est ecclésiasti-
que, ce pontife veut qu'à la troisième il soit
dégradé et envoyé aux galères. La peine la
plus ordinaire aujourd'hui est l'amende ho-
norahle et le bannissement. — Les incrédules
de nos jours doivent se féliciter de ce que ces
lois ne sont pas exécutées : personne n'a
vomi autant de blasphèmes qu'eux contre
Dieu, contre Jesus-Chrisl, contre tous les ob-
jets de uolre culte; mais pour suivre les lois
à la lettre, il faudrait punir un trop grand
nombre de coupables.
BLASPHÉMATOIRE, qui renferme ou ex-
prime un bla&pbèoie. C'est ainsi que l'oo
quali6e une proposition qui attribue à Dieu
une conduite contraire à ses divines perfec-
tions, et qui e^^ capable de diminuer le res-
pect que nous devons à sa m.ijesté suprême.
Ainsi la cinquième proposition de Jansénius,
conçue eu ces termes : C'est une erreur se-
mipélwjienup <le dire que Jésus-Christ en mort
ou a répandu son smni pour tous les hommes,
entendue dans ce sens , que Jésus-Christ
n'est mort que pour le salut des prédesliués,
est déclarée binsphnnnioire dans la coudam-
nitionquele pape Innocent X en a faile
Eu eflei, cette proposition suppo>e nou-seu-
lemeut que Jésus^Cbrisl a manqué de charité
pour le Irès-graud nombre des hommes,
mais qu'il nous a Irompés en se faisant
appeler Sauveur du monde, agneau de Dieu
qui efface les pèches du monde, victime de
propitiatiou pour les pèches du monde en-
tier, etc.
Le cardinal de Lugu dislingue deux sortes
de priiposilious blasphémât. lires; les unes qui
joignent au blasphème une héré^e claire-
liieiii énoncée, les autres dans ies(|uelles
l'hérésie n'est pas foruiellemeni exprimée
{Uifp. 20, de Fide, secl. 3, u. 100).
Il est peu d'héiésies qui n'entraînent des
conséquences blasphémitoires , des consér
quences injurieuses à la boulé, à la justice,
à la sainlelé de Dieu. Les plus anciens héré-
tiques craignaieiil, disaient-ils, de blasphe-
tner, en supposant que le Fils de Dieu avait
élé sujet aux misères et aux souffrances de
rhum.isiité ; mais ils retombaient dans ce
précipice, en disant qu il ii'avail eu qu'un
corps l'anlastiquc, et qu'il avait fait illusion
aux sens de tous les hommes pour les trom-
per. Les ariens blaspliémaient, en soutenant
que le Fi. s do Dieu et.iil une simple créature ;
les manichéens, en disant que le Dieu bon
avait ele forcé à lerraeltre le mal produit par
un mauvais principe ; les pélagiens, en ex-
pliquant la réileiiiption dans un sens méta-
phorique; les défenseurs des décrets absolus
de prédeslinalion et de réprobation, en attri-
buant à Dieu uae conduiie odieuse et tyran-
nique, etc. ; tous, en supposant que Jesus-
Ciirist n'a pas daigné veiller sur son Eglise,
pour la préserver de l'erreur.
iiOEGE. Nous ne pomons nous dispenser
de mettre au nombre des écrivains ecclé-
siastiques cet homme célèbre par ses talents,
par ses vertus et par ses malheurs. Après
avoir été élevé au comble des honneurs, et
avoir jimi d'une pros;iériié éclatante sous
Théodoric, roi desGoihs, il linil sa vie dans
les supplices, l'an 523, parce qu'il tâchait de
soutenir la dignité du sénat de Rome cinire
le despotisme de ce roi.
Doèce avait écrit un traité Idéologique
contre les erreurs d'Eulyelièset contre celles
de Neslorius, et un autre sur la Trinité, dans
lesquels il soutenait le dogiïie catholique.
Dans sa Consolalion de la jihilosophie, qu'il
composa dans sa prison , iî parle dignemeut
de la prescience et delà providence de Dieu.
La meilleure édition de ses ouvrages es*
celle de Leyde, avec les notes variorutHf
in-8%enl671.
583
BUH
BOL
S84
BOGARMILES, BOGOMILES ou BONGO-
MILKS, secle d'héréliqucs, sorti.-, dis mani-
chéens ou paulicicns el selon d'.iulres, des
niassaiiens, qui se tirent connaîire à Con-
stanlinople au comniencemenl du mi« siè-
cle, sous ie règne d'Alexis Coninène. Selon
Ducangi', leur nom esl dérivé de la langue
bulgare ou esclavone, dans laquelle liog
sigiiiûe DifU.et »"î7«i, ayez pillé; il désignait
des hommes qui se conflenl à la miséricorde
de Dieu.
Sous ce litre imposant, les hogomiles en-
seignaient une doclrine très-impie, el joi-
gnait nt une partie; des erreurs des mani-
chéens à celles des massalicns ou euchiles.
Ils disaient que ce n'est pas Dieu, mais un
mauvais démon qui a ciee le monde; que
Jesus-Chrisl d'^ eu qu'un corps fantastique.
Ils niaient Li résui rei lion des cnrps, el n'en
admeilaienl point d autre que la résurrection
spiriiuelle par la pénitence. Us rejetaient
l'Ancien Teslamenl, à la réserve de sept
livres , leucharislie el le sacrifue de la
messe; soutenaient que l'oraison doiiiinirale,
qui éiail leur seule prière, était aussi la seule
eucharistie. Us méprisaient les croix et les
images, assuraient que le baptême des ca-
tholiques n'était que le baptéuie de saint
Jean, et qu'eux seuls administraient le bap-
tême de Jésus-Christ; ils eondamnaient le
mariage. On leur attribue encore d'autres
erreurs sur le mystèie tie la sainte Trinité.
Un de leuiscbel's, nommé Basile, wédvcin
de pioles^ion, aima mieux se laisser brûler
à Constanlinople, que d'abjurer ses erreurs.
L'histoire des toyoï/ii/es a éleéirite par un
professeur de NV ineuiberg, en 1171. Voy.
Baronius, arf nn. 1118, Sponde, Euihymius,
Anne Comnène, S.iiiderus (Uœi ts. 138, elc).
— Dans la suite ces hérétiques lurent connus
sous le nom de bulgares, parce qu'ils étaient
en assez grand numlire liais la Bulg.irie,
sur les b.inls du Doiiube el de la mer Noire ;
ils pénétrèrent eu Italie, et surtout dans la
Loiiibaidie , tirent beaucoup de bruil en
France sous le nom d'(i/6((/i ois, et en Alle-
magne sous celui de cutltares; aucune secte
n'a p rie un plus grand nombre de iioiiis difl'é-
reiils. \ oy. i'Utstoiie dis vari'ttuiis, par
M. Itossuei, liv. XI. Mais il parait que dans les
diveises contrées où elle s'elablil, et dans les
dillérinlssiècles,elle ne conserv,. pastoujours
exactement les mêmes dogmes ; comment
l'uiiite de dcictrine aurait-elle pu se mainte-
nir parmi des cnthousiastis ignoranis de
dilTerriiies nations el de divers cariictèi es ?
BOHÉMIENS (Itères), ou F i ères Muraces.
Voy. UhllNUTliS.
♦ BullÉMIliNS. il y a qiLitre cents ;uis il soriil du
DeUii di; riiiilns une |ieu|ilade li;iltiliiéu à vivre au
milieu des ciiani|)S. Llle s'avança du < liié. de l'Etiro-
pe. L<>rsi|ii'el e y |iéiiéiia, elie se itmnia cdi e un
peuple égyptien iiU|>|i0 4Jenialé<lielicin |)>ur n'a voir pas
vuulu accorder l'iiospilaliieà .lc^u<-ClH'isl,luisi|uM lui
Coniraiiil de se ritirer en b(;>pie .ivec sa saiiilc Mc.e.
I D' puis celle épuque, di>aieiil ces vjjjabuuds, iiuus
avuns éié ciindainués à nieucr une vie erraiilu ; iiuus
ne pouvons nous ll«er dans aucun lieu, nous dres-
sons nos lentes pour une nuit. Le jour suivant nous
la« plions et nous diri(;uuii8 nuire cuur:o vers d'au-
tres lieux. > Les Bohémiens furent reçus comme des
peuples réellement tVappé^ de la malédieiion de
Dieu, qui fais.iieiil péiii enee de leur ciiine. Les Eu-
roi'éeiis, lohcliés (l'un si ^raiid nialhenr, essayèrent
de l'alléger. Mais ce pen|ile lut biemôl conini. On
l'éiu lia s'iiis le rappoil religieux, moi al el social, el
on découvrit de gr.mds vices.
Li's Bonémiens Snnl sans aucun principe religieux.
Il» adiuelieiit toutes les religions, proiessenl celle
du peuple chez leipiel ils se irnuveia, ils sont doue
tour à tour, cailiiili(|ue-, calvinistes, luiliérieus. eie.
Il n'y a qu'un point sur lequel ils ^uiit ctnislanls ;
c'est celui de la sup rslilioii. Ils prétei.deiii partout
avoir le don iie lire dans l'.<venir. tn prenant la
main d'une persoiuie, ils ass renl Mu'its decuiivreill
dans les lignes capricieuses, qui .serpriilent en ions
sens, ses destinées luluies. C'est un moyen d'acquéiir
de l'argeiil.
L'iinmuraliié des Bohémiens est absnbie. Us ne
savint le que ce>t (|\ie le in;unige. Ils s'uni.-senl
pour iiii jiiui et loriiieiil ie lendunain de iiouvelles
unions. Les entants qui ne cunnusseiit pas leurs pè-
res, à le.ne ée^és par leur mère, s'allaclieiil à la
première c.iravane venue.
Les Buliémiens paraissent n'avoir aucune notion
de justice, 'roulis les luis qu'ils peuvent éiliapper
à la viiidicle liimiaine, ils ne eraigneni pas île vo-
ler. Il esi rare que leur jiassage ne soit marqué de
dévastaiions. Aussi luiii les peiuiles les uni eus eu
horreur. Les éUils d'Oiléms de 1,'jljl ordiiiméreiit
qu'ils S' raienl exteMuiiiéi par te fer et pir le feu.
Les ellurts que toutes les naiiiin> de l'Europe ont
f.iils pour Civiliser ces eues va;jaboiids ont été sans
sueccs. Nous avo.is encore ii s bohémiens el nos
éijyptieiis, le< Allemands liuis Zit/eioiers, le^ li.S|ia-
giiirls leurs Gilaiios, les Aoiilai-. leur- Gijpsy el les
lialieiis leurs Zinguni. C'est le niéiue peuple errant
p^rloiil sons d.lleieiils noms, mais il e.sl pour les
iKUioiis civilisées un objet de mépris.
BOHMISTKS. On appelle ainsi en Saxe les
scclateurs d'un nomme Jacob Bolim, qui est
mort en 1G2V , il a laissé j)iusieurs écrits
mystiques remplis d'une théologie obscure et
inintelligible.
BOLLA.xDlSÏES, conlinualeurs àeBollan-
dus, savants jésuites d'Angers, qui, depuis
plus d'un siècle, se sont occupé» à reiueillir
les actes ei les vies des sainis, d'après les
auteursurigin<iu\, et uni ainsi réussi a v clair-
cir plusieurs faits impurlanls de Vllisloire
ecclésiusliijue el civile.
Cet utile el vaste projet fut formé au com-
mencement du XVI.'' siècle, par le P. He-
riberl Kosweid. jésuite d'Anveis; mais ou
seul qu il cl.iii beaucoup au-dessus de» for-
ces d un seul homme; le P. Bosweid ne
put laire pendant toute sa vie qu'amasser
des matériaux ; il mourut en 10.9, sans atoir
commencé a leur douir r une iorme. —
L'année suivante, le P. J an Bollanous, son
conLère, reprit ce tiessein sous un auire
point de vue, el se proposa de composer lui-
même les vies des saints d'après les auteurs
originaux, eu y ajoutant des notes sembla-
bles a Cl Iles dont les éditeurs des Pères ont
accompagné leurs ouvrages, soit pour éclair-
cir les passages obscurs, soil pour distinguer
le vrai du fabuleux. Ln ll>35, il s'associa le père
Godefioi Henschenius, el, en ltti3, ils lirent
paraître les Actes des sainis du mois de
janvier tu deux volumes in-folio. Ce livre
eut un succès qui augmenta lorsque, en
1058, ces deux savants eur«ul donné troi»
I
58ii
OUL
autres volumes dans la même forme, qui
contenaient les actes des saints du mois de
février. IJoliandus s'était encore associé, en
1G50 , le P. l';ipebiocli , et tr.ivaiilait à
donner le mois de mars, lorsiin'il innnrul
en lëtiS. — Après la mort d'Hensclienius, le
P. Papt'hrotk cul la principale direction de
cet ouvrage, et prit succes*ivcnieiit pour
coopérateurs les l'P. liaëit, Janniii<;, Duso-
lier et Itaie, (|ui ont publie vingi-(itialre
volumes, conieninl les \ ies des >airits jus-
qu'au mois de juin. — Depuis la mort du
P. P.ipcbriicl), arrivée en 171i, les l'P. Du-
solier, duper, Piney cl Kocli ont continué
r<iuvra};e, et ont f.iilparaiiresuccessivcinent
les acies des sainis des mois suivants. Celle
immense collection conliciil à présent plus
de ciiiquauie volumes in-folio. Elle avait été
interrompue pendant plusieurs années, à
cause de la suppres-ion de la société des
Jésuites ; mais elle a éié reprise depuis quel-
ques années sous la proleclion cl par les
bienfaits de feue l'Impératrice reine.
On a reproché à Bollandiis de n'avoir pas
été assez en garde cotitre les légendes apocry-
phes el fabuleuses ; Papebroth et ses succes-
seurs ont eu une critique plus éclairée et
plus exactedans le choix des monuments dont
ils se sont servis.
]-eur premier soin, dès le commencement
de ieur travail, a élé d'établir des correspon-
dances avec tous les savants de lEurope, de
faire chercher dans les archives el dans les
bibliothè>|ues les titres et les monum< n s qui
peuvent servir à leurs desseins ; les matériaux
rassemblés forment une bibliolhèquc consi-
dérable.
Âvanl de faire usage d'aucun titre, les
bollandisles en examinent l'aulheniicilé, le
degré d'autorité qu il peut avoir, el le rejel-
lenl absolument s'ils y découvrent des in-
dices de supposition ou de fausseté; s'ils le
jugent vrai, ils le publient tel qu'il esl avec
la plus grande ruiélité, lU eu éclaircissent les
endroits obscurs par des noies; si c'est une
pièce douteuse, ils exposent les raisons de
douter ; s'ils n'ont que des extraits, ils en
font une histoire suitie.
Lorsque ces savanis critiques reconnais-
sent qu'ils se sont trompés, ou (]ii'lls ont éic
induits en erreur, ils ne manquent jamais
d'en averiir dans le volume suivant, cl de
rectifier la méprise avec toute la candeur el
la bonne fui (lussible.
L'on trouve souvent, dans cet important
ouvrage, di's traits qui iniéressent iion-seu-
leinenir/ii.'.oi're errlésiastique, mais Vliistnire
cil lie, la chronoloyie , la géograpliie , les
druils el les prétentions des souverains el
des peuples; tous les volumes sonl accom-
pagnes de t.ibles exactes et très-commodes.
Le soin qu'oui ces laborieux écriv.iins lie se
fumier des successeurs, semble répondre au
public (|ue cel immense projet sera un jour
ctinJuil à sa fin. Comme les premiers \olumes
donnés par Bullaudus étaient devenus très-
rares, ou a réiiupriuié a Venise toute la col-
DlCT. DE l'UÉOL. OOGUATIQCB. I.
l'.ON S80
lection; mais celte édition ne vaut pas cello.
d'Anvers fl).
liON, BONTÉ. C'esl celui des altribuls do
Dieu (|iii nous touche d.ivanlage, et dont les
livres sainis nous parlent le plus souvent (•!).
Davi I ré|ièie continuelleuieni dans les (pau-
mes : Loitcz le Seii/iieur, parer qu'il est bon,
et f/ue su misérirordf est éternelle. Uiea fait du
bien, plus ou moins, à touti s les créatures ;
il n'en esl aucune qui ne reç livc de lui des
bieiif.iiis ; sa honte esl donc pr^mvee par les
elïels. Il ne leur en fait pas autant qu'il leur
en pourrait faire; sa pui<sanceest infinie, et
les iréalures m; sont susceplibles que d'une
quaniileile bien bornée. 11 ne leur en fait
pas autant qu'elles le désirent, parce que
leurs (Jésirs n'ont point de bornes el sont
souvent déraisonnables. Il ne leur en fait
pas à tontes également; l'inégalité esl le
i'ondemenl de la société cl de nos devoirs
mutuels ; la sagesse de Dieu préside à la dis-
Iribulion deses dons, et sajustice ne demande
compte à < hacun que de ce qu'elli! lui a
donné. — De là même il s'ensuit que les
notions de la bunié humaine ne peuvent être
appliquées à la ^o/»/^ divine ; parce que la
première est joinieà une puissance très-bor-
née, el la seconde à un pouvoir infini, lia
hommen'esl censé bon que quand il fait leplus
de bien qu'il peut, qu'ill'accjrdele plus prom-
ptement au plus grand nombre de personnes,
el continue le plus longtemps qu'il lui est
possible. Aucun de ces caractères n'est appli»
cable à la bonté de Dieu.
On tombe dans l'absurdité , si l'on exige
que Dieu fasse le [lus de bien (|u'il peut ; il
en peut faire à l'iiilini ; qu'il le fasse le plus
proiiijileinenl, il l'a pu de toute éternité ; qu'il
en fisse au plus grand nombre de créatures
possible, il en peut créer à l'infini ; qu'il le
fasse le plus longtemps, il peut le continuer
pendant toute rétemilé.
11 s'ensuit encore que la notion de bonté
infinie ne nous vient point des créatures,
puisque l)i(^u n'a répandu sur ell.s qu'une
quaniilé de bien très-bornee, par consequeat
mélangée de maux ou de privatiuns ; cette no-
lioii se lire dneclement de celle ti'étre néces-
saire, cxislanl de soi-même, dont les allributs
(1) La rév(dnUon fr-iiiçaise de 17S9 A\:t\l f.iil
siispeiilre les giainls ir.iv.nix des bollandisles. Les
Ac(o saiiclorum éliienl airèlé> an 14 o lobre. La
sociéié des Jésuiles a repris, il y :i quelques an-
nées, la eoiilniiiaiioii de celle iiiniiense pabiiealloa.
Le giinveriiciiienl lielge a mis, à cel effet, des Inids
à sa dispiisitinii. A lin d'avuir plus de lacililé pour
les reclierciies, les Josuiies o t ir.insiiorlé à tiiii-
xelles le siège du U'.ivail. fiois religieux d'uae vasle
érudilioii, les PP. Booiie, Van der Moeren el Coji-
peiis, dnigenl les jeunes ciUalniralein» iin'ils se sont
assuiiés. tspér(Mis qu'ain un coiure-leinps l'àclieuv
ne viendra plus suspeiidie une u'iivre réelleiiieiit
prodigieuse, dont la sociélé religieuse el civile peut
lirer un gia^d prolii.
(.) La biMiié de Dieu reçoil différents noms selon
ses acies. LorsipM^lle lé^aud des lienliii-, eilc eau-
serve le iioai ae haiilé; ipiaud elle alleu. I le pee'icur
à p«iiiienre, ebe reç .ii celui de L(inuvmi;ité ( Vuy.
ce mol) ; liTMpi'elie paidaïuie, elle pieua celui de
MisÉRicuiiDE (Vuy. ce mot;.
587
BON
BON
S88
ne peuvent être bornés par aucune cause.
M^iis larévcliitionnoiis fail connaîircla ôon^e
de Dieu beaucoup tneuK que la raison.
Ceux qui pr.leudent que l'élal actuel des
créatures n'est i as assez avantageux pour
qu'on puisse l'allribuer à un Dieu infiniment
6c;!, d vraienl fixer une fois pour toutes le
degré auquel le bien-être des créatures de-
Trait être porté pour qu'elles n'eussent plus
sujet de se plaindre; aucun de ces philoso-
phes n'a pu encore l'assigner. Dieu, disent-ils,
pourrait nous rendre heureux et contents :
nous ne !e sommes point ; mais nous le se-
rions si nous étions sages, et il ne lient qu'à
nous de l'être. Job, au comble du malheur, ré-
duit sur son fumier, était content et bénissait
Dieu ; Alexandre, possesseur d'une grande
partie du monde, ne l'était pas. Le cœur de
l'homme est trop grand pour être heureux
par la possession des biens de ce monde. —
Accuserons-nous Dieu de n'être pas bon,
parce qu'il punii le crime en ce monde ou en
i'i'ulre ? Au contraire, il manquerait de bonté
s'il laissait la vertu sans récompense et le
crime sans ciiâtimcnt. En lui la bonlé ne nuit
point à la justice, et la justice ne déroge
point à la miséricorde, — Ce sont de fausses
notions de la hoiUé infinie, tics comparai-
sons toujours fautives entre la bonte'di. ine et
la bonlé humaine, l'abus des termes de bien et
de nui/, de buntiur el ib' ni(ilhetir,i]ui servent
de fondement à tous les sophismes des plii-
losoplies anciens . t modernes sur la grande
question di- l'origine du mal. Voy. Mal.
Bon. en parlant des créatures, a un double
sens. Leur bontr pli} sique est la même chose
que leur perfection ; elles sont parfaites lors-
qu'elles réponilent à l'usage auquel Dieu les
a destinées. Mais les termes de perpclion et
A' imper faction sont des termes |)urement re-
latils: il n'y a point de perfection absolue
que celle de Dieu ; rimpcrfeclion absolue est
le néant.
La bonlé morale des êtres intelligents est
rinclinalion à faire du bien; la bonié momie
de leurs actions est la conlbrmité de ces ac-
tions avec la règle des mœurs, ou avec la
volonté de Dieu, souverain, législateur. Voy.
BlE?C UORiL.
UO.N AVENTURE (saint), religieux francis-
cain, ensuite évc(iue d'Alhano, et cardinal,
mort l'an 127'i-, a é;é l'un des plus célè.ires
théolo;;iens scolasliques du xiu^ siècles ;
il est autant respecté chez les cordeliers que
saint Thomas d'Aquin chez les jacobins. En
1GG8, ses ouvrages ont été imprimes à Lyon,
en huit volnines in-foHo. Les deux jiremiers
renferment des commentaires sur l'Ecriiure
sainte; le troisième, des sermons; les deux
suivants sont un commentaire sur le Mailre
des senlences, par conséquent un couis de
théologie; le sixième et le septième conlien-
iient des traités de morale et de piété; le
huitième, des o|)Uscules sur la vie religieuse,
dans lesquels il se plaint amèrement du relâ-
chement qui s'était déjà introduit chez les
franciscains, trente ans après la mort de
saint François. Ou a donné à saint lionaven-
fure le nom de docteur séraphiquc; il joignit
aux vertus d'un parfait religieux des con-
naissances rares d.iiis son siècle. Voy, VHi$t,
ilei'ËijLgallic.,lom.Xll,li\.\\xi\, an. 1272.
BONHEUR. Voy. Bien.
♦ BONIIEUU. L'Iioinine est fait pour le boiilieur,
une force invinc ble le poiisse vers la lélicild. La re-
li3;ioii, i|iii iloil satisfaire à tous les liesoins ilel'tnnna-
iiilé, possède les sourees du véril;ible boiilieur. L»
pliilosoidiie a prétendu se sul>3liliier à sa place.
Voyons d'ab ird ce que ta religion fail pour rendre
riitioiine lieiireux ; umn examinerons ensiric si U
plulos >idiie puise vanier d'av^iir trouvé le principe
du \éril;ible bonlieur.
l. Ce n'est pas sur cette icrre que rhontine peut
espérer un luinlieur complet : c'est dans le ciel qu'il
peut le ir mver. Nous traçons dans l'ariicle suivant
la nature du buulieur des élus. Olservoiis que IVs-
péraiice du ciel est déjà pour nous sur la lene une
source de honlienr. < l^n proie à la douleur, <Ji:.:nt
J.-J. ISimsseau, je la supporte avec patience eu son-
geant qu'elle esl pissai;ére et i|u'elle vie t d'un corps
qui ii'esi point à moi. Si je fais nue bnime aciioo
sans témoins, je sais qu'elle est vue et je prends
acte pour l'autre vie de ma coiiduiie en celle-ci. En
souillant une iiiju-iice je médis: L'Klre jusle qui
régit loiit saura bien ineo (lédomniager ; les besoins
de moo cieiir, les misères de ma vie, me ren<leiit
l'idée de la iiiurt plus sti[)porl >ble. (ie seront autant
de liens de monis à roin^ire quand II faudra tout
quitter. Ce qui impurlc à riionniiL', c'est de remplir
îes devoirs sur la lene, et c'est eu s'oubliaiit qu'on
travaille pour soi. L'iiitéréi paniculier nous iroiiiMe ;
il ii'y a que l'espiir du jusie qui ne trompe poiul. »
Quoique la pléiiiiuile du boolieur soit dans le
ciel, nous pouv(Mis cependani aiieindre i une certai-
ne mesure de félicité sur cette lerre: non point celte
félicné laiiiasii(|U3 ei siiisiielle qui, née du vice,
n'engendre <|ue des maux ; mais celle lelicité douce,
calme, paisible, la seule compatilile avec notre état,
la seule que l'Iiomme puisse espérer ici bas, la seule
qui remonte ju^(lu'à la cause de iius p -iiies pour les
guérir. La vie esl un composé de bleus et de maux.
(Connaître les véritables Idens travailler avec me-
sure à les ai quérir, n'user des dons les plus agréa-
bles et les plus précieux que Srloii les règles de la
raison, c'est une pariie es!<eiitlelle du bonheur. Pour
le rendre aussi complil ^lu'ii peut le devenir, il faut
encore savoir se conduire avec sagesse à l'éi^uid des
maux. Il y eu a que nous pouvons eloigaer, d'autres
que c'est une nécessiié de subir. Savoir se délivrer
des premiers et supiiorter avec courage les seconds,
c'esi tout ce que t'inimme raisonnable peut deman-
der. Voilà en deux mois tome la science du bon-
lieur: d siiuguer les ^érilabtes biens pour en user
avec sagesse, accepter avec rcsiguaiion les maux
que la raison nous couimauile de subir.
(>e qui nousdnniieraii cette aiimirable science serait
ceriainemenl ui iden lellemenl précieiiv que le sa-
ge devrait le pour-uivic tous les jours de sa vie.
Lit bien ! la venu nous procure ces iiiappréciabli g
avaniages. Elle n et dans l'esprit cette liauie pru-
dence qui clioisit le meilleur dans luiil ce que nous
pouvons lecberclicr Elle élève l'ùme au-dessus des
muix de la vie, la rend ca|iable de supporter les plus
grands désastr -s. Le poé e ne disait pas trop en aASU-
r.iUi que le jusie vivrait le ciel s écrouler sans en éira
ébranlé. Knliii, la viilu tempère la fougue des pas-
sions, ei mu 1ère l'aidi iir qui pousse rhonnue xers
le plai-ir. MoUs ne cr.dgnoiis pas de ralliiiiier, il n'y
a pas un b'au seiilimeui, nn aile généreux, nue
pensée lieuieiise, une siiualiuii rcellcmeiil buune qui
ne vienne de la veilu. Et qui donc a lonné ces
liuiniiii s q li |i.ir leur douce gaieté sont le charme de
la bonne socieie'/ tjui a donné la vie à ces aU'ectioiis
tou&hanles qui sont le bonlieur de la leire 'I Quia
créé les véritables amis, le plus précie<ix ii«»ur du
ï;89
B(,'N
noN
S90
mmdH ? C'est la venu ei rieji que la verly : l'affcc-
liiin, l'iini'iié fondée sur une autre base e-t frivole,
iroin lieuse, nviisougère.
Tous ceux (|ni oui ccinnn et pr:itiquc In ve'tn, sa-
vent n"6 ce tiililfau n't'sl pniiii mm rhiiiière.
Piiiirqniii n'est-il p:is dduné à ceux qui Ji uiécoii-
naissent de le Cdiiiprendic alls^i ? Ali ! s'il leur élail
diinnt de lire (Lins l'ànie di's l)iini.ilie!; les plus ver-
tueux, ils seraient siii pris de i'éipl Mvi^.ipl de leur
âme ; ils les verraient heureux, nici.i,ie au niiliey (Ji'S
plus grandes ealatni es. Job sur so i fuinier était le
plus inroriuué des murtels. Klait-il niallieureux ? Lja
traiiqiiilliié de son àrne, cette entière soumission à
la voliinié de Hien, i|uc rien ne pouvait (rouiller, tue
persuadent qu'il lioiiviii encore un < élesle bonlnur
dans ions se^ maux. — Aristide ce juste du pai;anis-
nie, baïuii par ses coiniiiiyeus, s'en allant sur la
terre de l'exil, Ari>lide étaii-il m^illieureux ? Lorsque
je le vois, au sertir de la ville d'Atliénes, élever vers
le ciel lies mains su|>pli:ii!les , ei demander :iux
dieux qu'il n'arrive rien île fàelieux à sa patrie, les
cenjurer ipie lainiiis .Ailièiies ne soi! dans la iiéees-
site de le rippelcr, je me dis à moi-inêine : Non, il
n'étiiii piijul ni illienri'ux
Et saint Liiiiis, le plus grand de nos rois, voyez-
le captif sur la lerre d.'Kiiyiile. Et il-il mallienreiix'/
Du seul trait de sa caplivité rcpnndra à celle i|iieS'
lion. Au nioineut i t'i les Sarrasins se saisirent de sa
personne, avec aulanl de calme que dans son palais,
il deinaiida son bréviaire à sou auiiiônicr pour réci-
ter les noues. On ne deiiiaude pas à un lioinine ca-
pable d'un lel pnnlige si les innux de la vie ont pu le
rendre uiallieiireux. (Jii aliiriiie sans Icinérilé i|ue la
veilii lavait placé aii-di'ssns de toutes les inf'rtunes.
'lout ce qu'il y a d'unie, de beau, d'a};réable, de
grand, de saint, de jusie prend donc sa source dans
la vertu ; c'i'sl sa gr.iiidiur luèine, c'est snu excel-
leice i|iii esi l'origine du saint respect que les plui
vicieux lui pnrtent , de ce dé.-.ir, de ce bi soin de re-
venir au bien qui lourinente les plus grands coupa-
bles au milieu de leurs crimes.
II. La pliilosiipliie s'est donnée comme la maîtresse
de la véritible léliciié de rboinnn; sur la lerre.
Nous seriiins inlinis si luiiis vnulions éluilicr tous ses
systèmes (a). Qu'a-l-elle lait pour satisfaire l'csprjl,
le cdpnr et le corps de l'Iiouiiiie ?
Clniciin connait les lliéuries insensées des pliilosu-
pJies anciens et nouveaux sur les pins grandes véri-
tés, sur la nature de Dieu et sur la lin de riiomme.
Pour qu'on ne nous accuse pis d'exagéiaiinn, imus
ciliins deux corypliées dans la pbilosupliie, Lucien
et Rousseau.
Voici ce i|ue dit Lucien : i Daus l'état d'Ignorance
et de perplesilé ou jéiais sur l'ignor.ince du iiionde,
je pen>ai qu'il n'y aurait rien de mieux à f<ire que
de recourir aux pliilosoplies. Persuadé qu'ils é aient
les dépusiiaires de toutes les véiiiés, et qu'ils dissi-
peraient me» dmites, je m'adressai :»ceuv d'entre eux
que je cru> plus babiles. Je jiigeii d' leur niéiile à
la gravité de leur extérieur, à la lâleur de 1 ur vi-
sage et à la longueur di! leur barbe, marques infail-
libles, selon moi, de la prulondenr ei de la subtilité
de leurs conn.<issances. Je me mis donc entre leurs
mains, et après être convenu du prix, qui n'était pas
modique, je voulus d'abord eue instruit de tous les
coules qu'ils nous font Sir ce qui se passe dans le
ciel, et savdir comment ils s'y prennent pour nous
expliquer l'nrdre établi dans l'univers. Quel fut niini
éluniieiiient, lorsque tous les doctes maîtres, b.en
loin de dis'^i|ler ma pieinière incertitude, me ploii-
gèreiil dans un aveuglement mi le fuis plus grand
enceie I J'.ivais tous les jours les oreilles rebattues
des grands iiiola de principes, de fms, d'alumes, de
(a) Varron complaît d^ja île son lemji<; deux cent qua-
ire-vinul-liuil sisiènies sur le bouUeur. Si nous énuiuô-
rioiis ceus qui uni éié lails du|iuis, uou« en aurious peut-
éue pi is d'uu inllliou.
vide, de inQiii're, de forme. Ce qu'il y a de plus insup.
piiriaîile piMir iiini, c'est que cliacun d'eux, eu m'eii-
seignint précisément le contraire de ce qu'avaient
dit les filtres, exigeait que je n'eusse confiance qu'en
lui seul et me donnait smi système comme éiani le
seul bon. 1 — «Je consultai les pliilosoplies, dit
llou>seaiJ, je leiiilleiai leurs livres, j'ex:iinioai leurs
diy- res opinions, je les trouvai tous tiers, aflinna*
tifs, dogiiiatli|ues mênie dans leur scepiicisine prê-
te idu, n'igmiranl rien, ne prouvant rien, se mu jiiaiit
les uns des autres ; el ce poiiil, commun à tous, me
parait le jSeiil sur lequel ils ont tous raison. Tiioin-
pb int q.Mand ils allaquent, ils ne sont unis que pour
déi.iuire ; si vous compiez les voix, chacun se réduit
à la si'Miiie; ils ne s'aecnrdent que pour dis|iuter. »
« Si je m'ai rèie à la morale de nos sages, disait
Gérard, je \i>is le plus (iiand nombredans un éternel
conllii d'opinions; des oui, des non sur cliai|ue arti-
cle de leur toile et Joutes les \éi liés réilnites en
problèmes. Je b'S vois établir assez généralein-nl que
la murale tire son origine île la politique, comme
les lois el le* b»urreaux-; qu'on doit reg.nder les
actions comme i/idillérenies en elles-niémes, ei que
c'est au législateur à lixer l'instant où elle^ cessent
d'être vertueuses el deviennent vicieuses ; qu'il n'y
a eu soi m vice m verlti, ni bien ni mal nuirai, ni
juste ni inju-te ; que tout esl arhitraire ei ha de
main d'homme ; qu'une Ame ii orlelle n'a po ni de
devoir ; que c'e»t la sensibilité physique el l'inlérêt
peisniinel qui sonlles aiUguis de Inuio jiisiice ; qii'ii
est aussi impossible à l'iiomine d'ai-ner le bien pour
le liieii que d'aimer le mal pour le mal ; que la véri-
té et la vertu sont des êtres ipii ne valent qu'autant
qu ils sont prulitubles à celui qui les possède. »
Ames droites, âmes honnôies, vous frémisse» en
parcourant avec iniii ce coile de démence et d'im-
nioi alité; mais suspendez pour quelques moments
Votre indignation et ne pei dons rien des leçons de
nos nouveaux niaitiej. Qu'ajouient-ils à ces premiè-
res insiiluiioiis, qu'une maMiiie de bonté naturelle
plus utile que celle de laite à autrui comme nous vou-
lon- qu'on nous lasse, qui sont celle-ci : Fais ton bien
avec le moins de m. il qu'il esl possible. Interdire les
p.issions aux liommes, c'est leur déiendre d'être
liumtins. Conseiller à une peisoiine d'uue imagina-
tion eniporlée de modérer ses désirs, c'est lut con-
seiller de changer son oi ;;aiiisali.in ; c'est ordonne^:
à son sang de couler plus lentemeiil. La diversité
des passions el des gouis décide de nos venus el
de los vices. Le sentiment est l'àine des passions,
et lesenliineiit n'est point libre. Tout sentiment qui
liait en mius de la craiitf; des soullVances et de l'a-
uiiuir des plaisirs est légiiime et conlurme à notre
iiistiiici. Suivie ses désirs, c'est l'unique moyen de
s'atfianci.ir de leur itiiportunité. Pour êire heureux,
il laul éliiuller les remords, q.,i sotil inutiles avant
le crime et qui ne servent pas plus après (|ue pen-
daitl qu'on le coiiimel. La buntie philosophie se
déshonorerait en pure per'.e en réalisant des spec-
tres el eu s'arrêiant à ces vieux préjugés : il faut
songer au cori'S avant que de songer à l'auie.
De pareils principes étaient loin de pouvoir satis-
faire les besoins du cœur: aussi, loiirmeiilé piir des
liraillements opposés et pervers, il se lionvait dans
un état d'antagonisme perpétuel ; ce qui faisait son
tourment.
JNoire siècle a été surtout le grand défendeur des
salislaciiuns corporelles , c'esi pour cela que nous
avons vu naiire les cointiiunlstes, les foiiriérisles, les
plialanstéiiens, les soci.di-ies, etc. Nous consacrons
un article spéc al à chacune de leurs théories ; nous
nous contentons d'obseï ver ici que si nous jugeons
des suites par les débuts, nous n'avons à attendre
que spoli.iiion et guerre civile.
C est donc dans la religion que nous devons
cher notre félicite ici-l.as. La loi eff.ici tout;
diUérences intellectuelles, suit originaires, soi
591
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5!;3
les proviennent de l'éducalinn, delà condition, ou
d'autres eirconsi;iiices accidfnlelles, et, piêlunt nne
force inliiiie à la raison méine d.; l'e ilani, parce
qu'elle l'él:il)lit en s,ociéié avec la raison inlimc d-;
Diiu ; elle décide ii rovocalile nent sur loiilcs les
grandes qnesiions (jiil l'ont innmer la léie ans plii-
losipphes. Dès lois l'Imninic n'a idns iieu à clienlier :
il connaît sa puce dans l'o.dre de- élrps ; il comiait
Dieu, il se coiuiail liii-inéine, et ronve suis i-Hnrt,
dans la conieinplaliDn de la vériié inunii; lile, la paix
tle l'inlelliseiice et do l'amnur. Iii-l;iiit dir >es de-
voirs tomme de ses destinées, el Iran piille su • le
reste, il irigoore rien de ce ■in'il lui est néci'-sai c
on vraiment nlile de savor. De là un repos pr doml,
un bien-ê're inexpnin.ilde, iodépeud.inl des s osa-
lions, et (pie lien ne saurait Inmbler, p :rC'! ciii'il a
sa Senne dans le l'uiul le pins inliioe de l'ame alian-
donnée entre les mains du gr.ind Lire essenlielle-
ntent bon el lout-puissani, qui se réèleet snnit par
les vi)ies ine(Iible> an cœur dncih. il ses inspir lions.
Eclairé d'une Inmière noiiveUe , el appiécmnt
loules les clm-e- à leur vrai prix, l'Iinmine tes-e a'è-
tre le jouel des passions. La règle inva iahie ib; l'nr-
dre deleniiine, iiio>lère ses aitaclie nenls < t se- dé-
sirs, el, dans les vieissilndes in-é|iir.ibles île celle
vie pa-sajjére, il ne voit que de courtes épieuves
dont une iininorl l'e féliiiiè sera le leinie et la ré-
compense. On parle de plaisirs ; eu est-il de com-
parables il ceu\ qu'accompagne l'i iiiu eiice ? N'e-t-
ce rien que d'èlre coniejjt de soi et des autres ?
N'est-ce rien que d'éire exenqjt de re|ieiiiir el de
reinonls, ou de Ironier conire h renionls un usile
assuré dans le ie|>enlii ? Cir les larmes inèiiie île la
pénilenre ont plus de dom eur que n'en eurent les
faules qui les Inni couler. Le conir du vrai cbréiieii
est une lèle C' iilinnelle : il joml plus de ce qu'il se
relnse, que l'inciéilule ne jouit de ce qu'il se per-
met. I.euienx dans la prosuériié, plus lieureux dans
les souffrances, parce qu'elles lui olVrenl un iiinje i
d'acciiiiire le boulienr qu'il aileiid, il s'avinue d un
pas tranquille, ii travers les pi iiies de la vie, vers la
iiionlagne qui ciuioniie la iité pei nianenle, séjour
célesle de la poix, des délices éternelles et de tous
les biens.
BoNHEUK ÉTERNEL. L'ntlente d'anbonhenr
éternel ajirès I.i iiiurl, est le seul iiiulif i|iii
puisse nous faire suppurler pulieiiiuieul les
maux de celte >ie, et nous exciter elliciice-
menl à la vertu. Kxposé ici-biis à des afllic-
lions do toute espèce, riiomnie serait l<'i plus
inallieureusc de Inutcs les créatures, s'il n'a-
vait rien à csiirrer au delà du tombeau, il
n'est doue pas éloiitiant que les iiicreduK'S
qui ont iciioticé à la loi d'une autre vie, ne
cessent de déplorer la triste condition de l'Iiu-
inaiiilc, et parlent de là pour hkisphémer
contre la Providence.
Il paraît que tous ceux qui avaient perdu
la connaissance liii vrai Uieu n'oui eu aucune
certitude d'une vie fulure, ni aucune cni-
naissancc de l'état dans lequel doit se trou-
ver l'âme séparée du co ps. Les païen-, à
la vérité, élaient persuadés de son immorta-
Jilc ; mais ce que les piieles disaient de l'elat
des unirls n'isait ni assuré ni l'ort consiil.iiit ;
ils supposaient que les morts eu {çéiicral re-
grettaient la vie, et desiraieiil d'j revenir ;
ils ne les croyaient donc pas places dans un
Clal de l'éliciié assez parlaile pour servir ilc
récompense à la verlu. Los aiu iciis justes,
adorateurs du viai D.eu, a\aieiil une pers-
pective plus capable île les oiu-oura^er. Ils
savaient ijue Dieu avait transporté llénoc à
cause de sa pièiéfGen. v, 54). Dieu avait dit
au patriarclie Abraliam ; Je Kerni la (/runde
récompense (xv, 1). Job, dans l'excès de son
alfl l'Iion, disait : Jexais q e mon lii'deinpieur
est rivant, qu'au dernier jour ji' m" rclêverni
de la lerre, que je reprendrai m,i dépiuille
mortelle, et que je verrai mon iJieu dons ma
chai''; celte espérance repose £/.in.« mon cœur
{J' h, x;x , 25). Baliiacn, qnoiqu'environiic
li'id plâtres, s'écriait : Que mon Ame mew e de
la mort des justes, et que mes derniers mo-
men's soient sembiibles aux leurs [Num. xxiii,
18;. David, parlant des hommes verueux,
dit à Dieu : Ils seront rassasiés île l'abondance
de votre maison ; vous les abreuverez d'un
torrent de délices, et vous nous écl irerez de
votre propre lumière [Ps. xxw, 9). L'auteur
du livre de la Sagess;^ as-ure que les justes
vivront elernellement, que leur récompense
est auprès de Dieu, qu'ils S'Uil au nombre de
ses enlaiils, elc. {Sap. v, l[\]. Otte croyance,
aussi ancienne que le monde, venait évi-
dcmnient dc'. leçons que Dieu avait données
à nos premiers pirents, et il n'en Tallait pas
moins pour les consnler de la perte de la fé-
licité dans laquelle ils avaient été créés.
iMais comme c'éta t à Jéàiis - Christ de
rouvrir aut hommes la pori»' du ciel, (ermée
par le péché d'Adam, c'était .lussi à lui de
leur aiiiioncer celte heureuse nouvelle, et de
leur révéler le bonheur éternel plus claire-
ment qu il n'avait été montré aux anciens
justes. Aussi, selon l'expression de saint
Paul, ce divisi S.iuveur a mis en lumière la
vie el l'immortalité par l'Iîvangile (// Tim.
I, 10) ; il a représenté le bonheur éternel sous
les traits les plus capables d';ilTermir noire
espérance el d'enflammer no- désirs. Il nous
apiireml que les justes brilleront comme des
soleils dans le royaume de leur l'ère [Maltli.
xiM, 'i3j ; que Dieu leur rendra le centuple
de ce qu'ils auront quitté ])our lui ;xi\, 2!));
que dans le séjour qu'ils habitent il n'y a
plus de crainte, |)lus de souffrances, plus de
larmes ; que Dieu changera leur tristesse en
joie, et les revêtira de sa pmpre gloire pour
toute l'éternilé [Apoc. xx , 3; x\ i, 5); qu ils
recevront une couronne dont l'cclat ne se
ternira jain lis (/ Peiri, v, k).- Pour nous en
donner encore une pins grande idée, Jésus-
Chrisl nous lait entendre que les saints par-
ticipcni il à la mêaie gloire dont il jouit
courue Fils unique ou Père : Je veux, dit-il,
q 'ils soient où je suis moi-vu'me (Joan. xvii,
2i). Je pincerai sur mon trône celui ijui aura
vaincu, comme je me sui^ assis sur le irône de
mon l'ère après ma victoire {.ipiic. i, 2.'J). Par
sa transfiguration, il montre à ses disciples
pendant quelques iusiants un r.iyoïi de la
gloire éternelle (Luc. ix. 2i)). Mais il écarte
lie ce bonheur suprême toute idée sensuelle
et giossiè.e; il dit qu après la résurrection
les justes seront senililables aux anges de
de Dieu d ins le ciel {Marc, xii, 25' ; et son
apôtre le conlirme, en représentant les corps,
ressuscites coiiimo spirituels et incorrupii-
hles, semliiaiiles à celui de Jésus-Chri»t (/
Cor. x\ , i2).— Knlio, pour bannir toute in-
quiétude et toute déliaoce, il met, pour aiusi
S95
RON
BON
ë9i
dire, lo bonheur éternel soiis les yeux de ses
diseiple";, en les quiltniil pour en aller pren-
dre possei-sion : Je rais, dii-H, vous prépayer
itne pince ; l'Esj.rit cinisalatetir que je vous
enverrai (iemeurira arec vous jusqu'à ce que
je vienne vous chercher ; si vous iti'tiimez, rt-
jotiissez-vous (le ce que je retourne à mon
Père [Joan. xiv, 2, 10, 18, 28 (1).
Après (!e< proroesscs aussi posiliveset des
assuraiicrs aus^i eerlaiiies, il n'est plus éloii-
nanl que Jésus-Chrisl ail eu des disciples
capables de se sacrifier pi)ui lui. el que ses
Jeçoiis aient lail ( i lore parmi les honiiiies
d( s vertus dont du n'avait jias encore vu
d'exemple. Par là même Jésu>— Clirisl a jus-
tifié les maximes de morale qui [louvaienl
paraître trop rigoureuses à dos âmes éner-
giques et corrompues ; nous devons en con-
clure, eomme saint Paul, que tout ce que
nous pnuvdns faire ou soulliicen ce monde
pour Dieu n'a point de proporiion a\ec la
gloire qui nous est réservée (Itom. vin, 18).
Nous ne sommes donc ]) is embarrassés de
répondre aux incrédules, lors(|u"ils viennent
nous dire que l'espérance dont nons nous
flattons n'est l'ondée que sur notre orgueil ;
que, puis(|Ue Dieu ne nons rend | as heureux
en ce monde, rien ne peut nou-^ assurer qu'il
nous réserve! un bonlieur futur: que si d'un
côté la religion nous console par de belles
promesses, de l'autre elle n)U< épouvante
par des idées terribles de la justice divine, et
nous rebute par la sévérité de ses niaximcs.
Nous les invitons à considérer 1° qu'un no-
ble oi};U( il sied très-bien à des âmes ([iii se
croient raclielées p;ir le sang d'un Dieu ; (juc
ce sei\liment les empêche de s'a\iiir p.ir de
honteuses passions, el leur inspire le courage
de se saci ilier comme Jé-us-Christ au salut de
leurs sembla bles;(]ue(iuaudc.' Ile croyance ne
serait qu'un préjugé, il serait encore utile rie
l'entretenir parmi les hommes ; mais qu'elle
est solidement fondée s'.ir la parole, sur les
souffrances, sur ia résurieciion et sur l'as-
cension du Fils de Dieu. — 2" Que noire elat
sur la terre ne peut [)lns paraître m illieu-
reux, dès que nous soiiimes assurés de jouir
d'un bonheur eleniel après celle vie ; que c'est
la faille des incrédubs si elle leur semble in-
supportable depuis qu'ils n'espèrent pins
rien ; que c'est encore de leur part un trait
(1) Nous devons observer «pie quelque sr:i"d que
soil le lioiilieiir des élus, il ne ixiuria jnniais eue
inlii'i, )iaiee iiu'uii ici I Iieiir ne | eut cxis.er ilaiis
une eiéaiuie liiiie. Nniis iiiiriiiis dans le ciel une
coniiaissaiice de Uieii l)i':iiic(iii|i plus ciini|i!èU! que
celle que lions possédons acuirlleiiienl, iiniis jainals
nous ne pournnis le coïiipreiulre cnlièreineiil. Il y a
dans le ciel iliveis degrés de boiilienr piopnrlioiinés
à rexcellenci: de^niéiiles : /ao meritorum diverhitalé,
dit le concile de l'Ioieiicc. Cciie décision esl l'oinlée
sur le-i iiiaxinies de nos s.ainii:s l'.eriliires : Il y a
^(«siiKis demeures dmis tu Maison de mon l'éie («).
Aune esl In clurlé dn soleil, nuire la c'.arié (/.' lu
liitic, nuire In clarté des cluilet : bien plus, uneclodc
diffère (('ui.c nuire éioiU en carné. Il en sera de tnéine
n la résurrection des uioris {b).
(n) Joim. siv, 2— {b) [ ad Cor. m, 8.
de cruanlé d'ôler aux autres le seul motif
capable de les consoler, et sans lequel les
fiois quar'sdu genre liumain seraient réduits
au désespoir. 11 est démontré par la noiioa
même ti'ètrc uécessaire, que Dieu esl essen-
tiellenie.it lion ; les maux de celte vie sont
donc une preuve que si bouté veut nous en
dé lommager. — 3° Loin de nous eiïrayer par
les not ons de la justice divine, notre reli-
gion nous apprend (]ue celle justice a été
satisfaite par la mort d • Jésus-Clirist, el que,
par son sacrifice, la p lix a été léiablie entre
le ciel et II ieire (// Cor. v, l'J; Eplies. i,
10; II, \'v ; Coluss. i, 20, etc.); que notre sa-
lut n'est (dus une affaire de justice rigou-
leuse, niais de grâce el de miséricorde. —
4° Une preuve que les maximes de noire re-
ligion ne sont ni impraticables, ni trop sé-
vères, c'est qu'elles ont clé suivi' s à la lettre
par tous les sainis, el qu'elles le sont encore
aujuurd'liui par une infinité d'âmes vertueu-
ses, au îiilieu même de la corruption du
siècle, el malgré les sarcasmes de l'incrédu-
lité. Or, nous demandons qui esl le plus eu
état de juger de la s.'gi^sse el de la douceur
de ce> maximes, ou ceux qui n'ont jamais
essayé de les suivre, ou ceux qui en font la
règle de leur conduite ?
Il y a eu une dispute entre les théologiens
catholiques et plusieurs sectes d'Iiérétiques,
pour «avoir si les âmes des justes, qui
n'ont plus de fautes à expier, vont incon-
lineiil jouir dans le ciel du bonheur éter-
nel, ou si ce bonheur est retardé jus-
qu'après Il résurrecii m générale el le ju-
gcnieiii dernier. Au commencement du v*
siècle. Vigilance, au xn', les tirées et les Ar-
méniens .schisiiiatiques, au xvi", Luther et
(Jalvin onl soutenu que les saints ne doivent
jouir de la gloire éternelle qu'après la ré-
surieciion et le jugemeiil dernier; que jus-
(lu'alors leurs âmes sont, à la vérité, dans
un étal de repos, mais ne peuvent encore
être censées heureuses qu'eu espérance,
f^eltc erreur a éé condamnée par le deuxiè-
me concile général de Lyon, l'an 1275, sess.
'i-, et par celui de Florence, en 14.39, d ms le
décret louchant la réunion des (Irecs à l'E-
gl se romaine ; l'un et l'autre onl décidé que
les âmes justes, sorties de ce monde en
étal de grâce, vont incontinent jouir de ia
gloire du ciel, et que li-s âmes décédées dans
l'étal du péché vont incontinent soufTrir les
tourments de lenfer. Le concile de Tn nie
a confiriiié celle décision, sess. 25, dans son
décret concernani linvocalion des saints.
Les piotestauls ont allègue p!usieurs [las-
sages de l'Iicriture sainte et des Pères, pour
étayer leur opinion ; mais ou leur en a op-
pose de |)lus clairs et de plus décisif-. Jé«us-
Christ dit au bon larron sur la croix : Aujour-
d'hui vous serez arec moi en paradis [Luc.
XX m, 43). Nous gémissons, dit saint Paul
(// Cor. v,'2), en licsirant de jouir de notre
hobit .tinn dans le ciel. [Ephes. iv, 8) : Jésus-
Christ, montant au ciel, a conduit une multi-
tud" de captifs. {Philipp. i, 23) : Je désire de.
mourir el d'être avec Jesua-Ctirisl. ]l est dit
{Apoc, VII, 9) que les saints sont devant le
595 BON
trône de Diou, elc. — C<'ax d'entre l^s Pè-
res de l'Eglise (|iii s'expritiiont autreinenl ,
éiaionl dans l'oiiinion dos inillénniros, ou ils
onl seulemenl entendu qne la féliiilé dis
saints ne sera complèle et parfaite nu'aptès
le jugement dernier, et lorsque leur corps
sera réuni à l'ur âme. Mais le plus grand
nombre des s.iinls docteurs ont 8un i la lettre
et. le sens di-s passives de l'Kcriture samie
que nous lemms d'alléguer 5 on peut le voir
dans le 1». Pelait, loin. I, 1, vu, c. 13. Sur relie
e(;oy.;nci' est fondée la pratique dans laquelle
l'Église a été cimslamnient d'invoquer les
s.iints et d'impliiror leur intercession auprès
de Dieu. Lorsin'ejlo prie ()our les morts, elle
demande à Dieu de les placer dès à présent
dans le bonlieur élernel. Luther et Calvin
n'ont adopté l'erreur des Grers que pour at-
taque!' avec plus d'avant ge ces deux pr iti-
ques de l'Éalisi' calliolique. Bell.irmin, Con-
trov., tome 11, lit. de Ecclesia triumpli., q. 1.
* liOMKAl.l'J VIII. Les sniivernins penlil'es qiii imt
su tiélend'e avec le plus di; leniielé les droiis de
rt; lise nul é(é l'olije' des plus vives alluques, et on
a l';iii reloiidjér ^IM■ l'I' gli^e iuciiik leurs faille? réelles
ou siippi.sé''s. Iioiidaie Vlll est du iiendue des pmi-
lifiéis qui Oui éié le plus \ivi;iiieiit 3li:iqiiés. Les :iccii-
satiolis faiisscs el injurieuses .idresèdes île S'iii temps
à cei illusire pdiiiile oui élé iinn.tiitalisces !ar le
Dante. Ces ac< u^alioiis du puéle dut clé réiééesà
l'cuvi par l'éi'le moilernPî itiAis il a élé déiiidiilié
qii'i llis él lieiil sans liiiideiU' ni. Voici en quelques
Iliflts le ié~iinié des iinnvelies leclieiclies liislii lipieS
qui |la(enl lî iiilaco Vj.l au iioinlire des i>taiid-. pa-
pes el smit une jus'ill mi n 1 ■ iiiplé'e de sii vie :
< Je n'ai ( (lilil pailé, dit Mgr Wiseiiiaii, des iié-
goci:ilioiis que Ce jihiiid , <ifilile «ni a^fc les puis-
sances éiiiiiigè'es, renipetèur, Ik roi de Sicile, et
suiteut le loi de France; car il sérail impossible de
parler ioiim iiahlemem de cliaeliiie d'eiles dans un
uavad aussi cnurl que i elui-ci. Mais il est un ear.c-
tiri! Iiappanl que, l'iui peiil racilemeiil ubseivcr
J.iiis tdii es ceè iiéci'cialioiis, el qui semble avoir
écliappé ad W'iiard do leus les hisloiieiis modernes.
Il rapporte poiirlaiil lieauenup d'Iioimcur à liouilace,
el lait en inéini' Icmp^ rester ir le mciisuiijje laiil de
fois répété tjiie l'elnii un lioiimie lit gieux el d'une
anibiiion démesurée : c'est que cliaciiiie de ces né-
giiciaiiiins aVaii pnur Imt d'oliieiiir la paix el de
meilrc un leniie aux querelles et à l'eiïusion du sang.
Pour fortes et éiieigiques que lu^'eiil ses convieiioiis,
pour rigide (jui; lui sa iiiaiiiére d'agir, il avail Inii-
jours en vue de iaire en sorie que les souverains
rein sseiil l'épée dans le fiiurrea», res|iecla>senl les
droits de buis voisins plus faibles, el iniissenl leurs
effiiris pour le cniid dessein de toute lui cbrélienne
de oc leiiips : d'ahallie et de détruire la piiissance
toujours crois^aiiie des Sarrasins. Si la inaxiliic des
tyrans esl, Divide el im/icra, à coup sûr Unnirace
ne fui point un lyriii; si le système des nnibilieux
pour s'agrandir eux-mèines esi de, Iaire en sorte que
les autres s'enlre-délrnisent en de tiintuelles contes-
talions, il ne fut ni anibiiieux ni jaloux d'obtenir un
giiiiveriicini'iit sans bnrnes. Sitôt qu'il fui inuniésur
le Initie, il s'cHiirça d'opéiér une réconciliation en-
tre l'empereur et les rois d'Aif^leterre el de France,
el plus tard entre ces deux derliiers. Ilallam âVolie
que le cnniprnnns qu'il dimna él.iit plein de justice.
H pacifia les républiques ijvaies de (iénes ei de Ve-
nise, depuis lonj^leiiips en guerre l'une coiilre l'au-
tre. Pise vint spontaiiénieiii iiKtllre entre ses inains
les renés de sa république, en lui oflranl un tribut
annuel : il éliveya ilu gouveniCiir avcr oidre de s'en-
gager par ieriiieiltîi (fflsefver le^ lois, et à employer
BOR
596
les revenus au maintien de la i^iilice consacrée à la
délense de cet éial. Velletri le choisit pour son po-
destat ; Florence, Bologne et Orvielto lui tirent éle-
ver des statues de marbre d'un grand (irix. Qiimd
il lit la gtieire, Florence, Orvielio ei d'autres pays
lui envoyèrent de-; soldats ; el on riconle qui; les
teinines inêmes , ne pouvant Coinbalire {Pe(n")ii,
Mérn.), recrut dent d<s soldats pour lui. Il éiait aimé
des Uoinains, dont tout le désir était qu'il vonlùl
resier plus longtemps au milieu d'eux. Tous ees
fiiis, donl le temps ne nie pennel pis de ciler des
preuves, démontreul qm' ce tut un liomnie pacillqiie
et jiisie, resiiccié des bons el des i;ens vertueux de
son siècle. Quant à s m savoir cl à son expérience,
personne n'en peut doiiier. Mais d'ailleurs j'ai lait
leinarnuer que pas un de ses ennemis les plus
acliariiés n'a osé censurer sa conduite en fait de
mœurs; bien plus, ils onl déclaré p'isitiveineiil ne
point trouver en lui d'autre vice que l'nrgneil el
I ambition. El e icore, je dirai que, malgré ce^ ac-
cnsaiiiins de tyrannie el d'anibiiioii, il n'y a |ias un
seul cas où il ail refusé de piidonner à quiconque
imploia sa générosité ; il s'en faut encore davantage
qu'il ait puni de mort un ennemi tombé en son pou-
voir. 1 {Uémonst.évung., t. XVI, col. bOS, édit. Migne.)
BONOSIAQUES ou BONOSIENS , nom
d'une secte que Bonose, évèque de .^!acé-
ddine, îCnouvela au iV siècle. Il soutenait,
comme Pliotin, ()ue Jesus-Christ n'èt lit Fils
do Dieu que par adoption, el que .'«la rie sa
mère avait cessé d'être vierge dans l'enfan-
lemebt. Le pape Gélasc condamna ces deux
erreurs.
BONS - HO.VIMES , religieux établis l'an
l2.i9 en Angleterre, par le prince Edmond ;
ils professaient la règle de saint Augu>lin,
el portaient un habit bleu. Sponde croit
qu'ils suivaii-Mit l'instilul du bienheureux
Jean Lebon, qui vivait en ce siècle. On donna
en France ce nom aux loiniiiies, à cause du
nom de bunhomme que louis XI avait cou-
tume de donner à saint François de Paule
leur fond.ileur. Les albigeois afleclaient aussi
de prendra ce uiêmc no.".! de bons-hommes.
Vorj. Polydore Virgile, llisl. Aiigl,, livre
xvi ; Spimde, en 1259, n° 9.
BONFÉ. Voy. Bon.
nOKBOIUTES, sccle de gnosliqucs, la-
quelle, outre les erreurs el le libertinage
commun à tous les hérétiques connus sous
ce nom, niait encore, selon Philastritis, la
réalité du juiioment dernier (Saint Epipli.,
thvrv!^. 23 et 2G ; Saint Auguslin, de Uœres.,
c. b ; lîaronitis, ad an. Chr. 120j.
BOKKÉLISTliS. S oupp, dins son Traité
de la religion des Hollandais, p.irle d'une
SIM le de ce nom, dont le chef èlail Ad.iin llo-
rell, Zèlandais, qui avail quel |ue connais-
sance des langues hébraïque, grecque el l.i-
line. Ges bo lélisles, dil cel auteur, suivent
la plus grande partie des opinions des nien-
nonites, quoiqu'ils ne se trouvent point dans
leurs assemblées. Leur vie esl fort austère ;
ils emploient Une partie de leur bien à faire
des aumônes. Ils ont en aversion toutes les
églises, l'usage des sacreuieiils, des prières
publiques, el toules les autres fonctions es-
térieiires du service de Dieu, ils soolicnnent
que toutes les églises (|ui sont dans le inonde
ont dégénéré de la pure docti ine des apôtres,
parce qu'elles ont souffert que la parole de
i
?97
nou
BOU
5<>«
Dieu fût oxpliquôe et corrompue par des doc-
teurs qui ne sont pas infaillibles, et qui veu-
lent faire passer pour inspirés leurs c;ilé-
eliisines, leurs confessions de foi, leurs liCur-
uies et leurs sei'n)ons, qui sont l'ouvraiie
»les hommes. Ces borre'listes prétendent (ju'il
ne faut lire que la seule parole de Dieu, sans
y ajoulcr aucune explication des lionimes.
BOUC if:MI- SA IRK. Dans le chaiiti e xvi du
Léviliqiie, on voil ce que devait faire le };rand
prêtre des Juifs à la fêle de l'expiation, qui
se célébrait le dixièine jour du septième
mois, appelé lisri,el qui répondait au nu.is
de septembre. Ou amenait au g;rand prêlre
deu\ lioucs, ()u'il lirait au sori, l'un pour le
Seif?neur, laulre pour Azazd; celui sur le-
quel tombait le sort du Seii;neur était im-
mole, et i-ou sang servait pour l'expiation ;
le grand prêtre mettait ses deux iiiains sur
la lé(e de l'aulre, confessait ses péchés et
ceux du peuple, en chargeail, pour ainsi
due, cel animal, qui élaii ensuite conduit
dans le désert et mi; en liberté. Par celle
raison, celui-ci élait nommé Azazel, bouc
émissaire, ou renvoyé : c'est ainsi que les
Septante et la Vulyatc ont rendu le terme
hélireu. ,
Quelques interprèles ont pense qu Azazel
él!:il le nom du démon, qu'ainsi le bauc ren-
voyé était censé livré à l'ennemi du sahil.
C'est le senlimenl qu'a suivi Spencer dans
sa Pisserlaiion sur h bouc étnissaire, Trailé
des /o;.i, céiéin. des Juifs, liv. m. Beausolire
s'en est prévalu, pour persuailer (lue l'ou
trouvait chez les Juifs un ve«lis;e de la
croyance des deux principes, adiplée par
les manichéens (ILst. du Manich., \. v, c. 3,
§ G). Azazel, dit-il, esl ceriainement le dé-
mon, comme Spencer l'a prouvé. i\iais les
preuves de Spencer sont nulles, el elles sont
réfutées dans Vllist. nniv., faile par des An-
glais, t. il, et dans les iVo^es sur la btùle de
Citais, Lévil. xvi, 8. Beausobre ne pouvait
donc en tirer aucun avantage. — D'autres
ont cru (\u'Azazel était le nom d'une monta-
gne, d'un désert, ou d'un précipice vers le-
quel on conduisait le bouc ( haigé des iniqui-
tés du peuple. Tout cela n'est que conjer-
l„r(>. — Spencer pense encore que le culle
rendu aux bnucs, en Egypie et ailleurs, lut
une des raisons qui enf-agèrent Moise a
choisir cet animal pour objet de malédieliou,
et à le char.cr des iniqui;és du peuple ; on
ne le tuail pas, de peur i|u'il ne parût im-
molé au démon. 11 n'est pas étonnant que
les cérémonies d'expiation aient éié en usage
chez tous les peuples et dans toutes les reli-
gions ; c'est une preuve que l'on a coi:;pris
partout la nécessité de se repentir et de satis-
faire à la jusiice di\ ine quand on a péché ;
mais dans les fausses religions ces ceréiio-
nies étaient ordinairement superslilieuses^
et souvent c'éliieiil de nouveaux crimes.
Chez les Juifs, au conlr.iire, la cérémonie
élait nou-seulemeni innoeenie eu elle-même,
mais encore destinée à les détourner des pra-
tiques abusives ou criminelles des autres
peuples. Vainement l'empereur Julien, que
nos incrédules modernes ont copié, iireten-
dait que la cérémonie du bouc émissaire était
empruntée des païens, que cette victime élait
offerle aux dieux espialeurs, dns avrrruncis.
Saint Cyrille, conire Julien, 1. i\, p. 289.
Les Juifs ne connurent ces dieux prétendus
que quand ils se livrèrent à l'iiiolâirie pi>iir
imiter leurs voisins. Mais dans la suil<' des
temps ils ajoulèrenl à la cérémnnie plusieurs
circonstances que Moïse n'avait pas oi don-
nées, el qui pouvaient avoir été empruntées
des Chananéens (Prideaux, Uisl. des Juifs,"
1. IX, tom. 1, p. 'S'M.
Ceux qui ont dit que le bouc émissaire
élait une (igure ou un type de Jésus-Christ
chargé des iniiiuilés du monde, paraissent
avoir assez mal rencontré. Saint Paul , au
conlraire (//e&r. IX, 7, 13,25). compare le
sang du honc immolé en sacriTue, avec le-
quel le grand prélre entrait dans le sanc-
tuaire, au sang de Jésus-Christ , qui seul a
été capable d effacer les péchés. Voy. Expia-
tion.
» i;OIinr»ll,\,P()l)I>nilISME. nepins longiempson
a iicdirclé inie alleiiliini p:ii licnliére à la reliirioi! de
Bouddha, mais malgré les inivaiu des orieiiliilistes,
il ii'evisie pas encore d'Iiisioire complèle sur le
boiiililhisme. Les talciils bs plus vêridiqnes porlent
la naissance de Boiidnliit à envin.n 1000 ans avant
Jésus CImIsi. Su lelrgioii se propiigea assi i lenle-
iiienl d'almrd dans les Indes ei ilaiis le* iles vo si-
iies. Ce ne lui ipie 2nt/ ans avaiil Jcsiis-CInist
qu'elle pril des accroi-ssenieiils considérables. Elle
péiiélra en Chine; ses l.vies lurent traibiits du saii-
sciii en cliiiiois. De lii elle vint an vp siècle en Corée
et an Japon. Celle croyance péiiélra à plusieurs re-
pr!>es en Uncc.arie, an Tlnliel seplenlrionnl et
dans la Mongolie, où elle se cmd' ndil avec la doc-
iniie de '/.oroasire, mais de telle soiie ipie bs doc-
trines de Bouddha en sont restées la hase. On ussnre
que le bouddhisme compte plus de deux cenls mil-
lions de secliileurs. Ses livres sacrés birmenl 108
liiris volumes.
Ce qui nous intéresse le plus dans le boKddhisnn,
ce sont ses rapporls avec le calbolieisine. On y a
trouvé une grande analogie avec les docirines cliré-
tiennes. La divinilé, .selon les bouddliis;es,esl inlinie,
toute puissagie, douée de bonté el de sagesse, el
telle qu'elle ne peul èlre honorée (pie par d s bon-
nes œuvres cl la n.édilalion inlelleclnelle. iiouddha
est né d'en Dieu et d'une vierge, il y a "ne inulli-
iiide d'êtres supérieurs à l'honuue qui babiieni le
séjour de la plinre.
La moral.; du bouddhime présente quelque chose
de beau. L'enfer esl réservé aux (riininels el le para-
dis à la venu. Pour arriver au séj • du bonlienr il
faut éviter riioniieide, le mensonge, le bla^pienie, la
caloiuine, l'iniiisiice, l'égnisine, etc., parce que tous
les lioinines sont Irères.
La ciMislituiion ecelésiasiique des bouddhistes et
leur culte semptueux nul depuis longleusp^ lixé les
regards des observateurs. Ils v oui vu une lelle ana-
logie enire l'orgauisitiou du cler-é ealliolique el le
cuiie calbolique, qu ils oui eouciu que l'nne des deux
reli"ioiis a dit emprunter à l'autre son org uiisalmn
clérïcale el son culle. Nous ne p»uvons d ois eel ar-
ticle entrer dans les développeineins que ileiuaiido-
nii ce pniiil de critique. Ou croii générale en: que
da.sson conl..cl avec le calliolicisuie dans la parue
de la haute A>ie, le bouddliisiiu a einprume au ea-
ihoiiclsnie les formes majestueuses de smi culie.Ce
qui donne le plus de poids à celle Çioyame c e»t
nue cesl surtout au centre de l'A.ie, dans le riiibe
ï!e le culie du bouddhisme se rapproche le plus du
culte caibobqiie.
539
ERO
BRO
POO
Nous olisorvernns, en finissnnt cel article, que la
religion ilu bouddliisme telle que nous venons de la
présenler, n'est qn'iin exlmt de se^ lieUes iniivinies
et de ses beaux dogmes, tirés du milieu il'un latras
de maximes insensées et de dogmes in( oliérenis. (ht
le boiiddliUme ne forme pns un corps de religion
suivi et i;iti. el. (Ywj. I^DE et le Ukl. des Religions,
édil. Migne.)
BOUlUGNONiSTES ; nom de secte. On ap-
pelle ainsi, dans les Pays-Bas proteslaiils,
ceux qui suivent la dorliine d'AnloincItc
Bourignon , célèbre quiétisle. Voij. Qvii:-
TISMK.
UUACIIITKS . sec'e d'hérétiques qui pa-
rtirent dans le troisième siècle. Ils suivaietit
les erreurs de Manès el d; s gni>sli(]'ies.
♦ HU.MIMA, niSAIIMISMF,. BrrJima e-t le Dieu
suprême des Indoiis. (Jn n'attend p.is de u us i|iic
nous tassions Plili^loiri! du Itraliniisine. N(nis nous
conienlernn- de faire c- nnaîlre les points de la doc-
trine qui ont de l'analogie avec le christianisme. Il
sera facile de comprendre que la tradition priniiiive
lui a servi de base. ( loi/, le Vicl. des Religions,
édit. Migne.)
Les spéculalions sur Dieu, l'univers et les r tppnrts
de riioiiiciie et lie l'univers avec Dieu sont portées
cliez les Indiens à nn Ircs-banl degié de perfect nn ;
mais la niétii ide pliilosopliiqne est partout mêlée à
la poésie, de sorte qu'il devient sonvenl irès-dilfnile
de distinguer le fond s|écnl:ilif de son enveloppe
poétique. Selon les Véila-, la force créatrice île l'uni-
vers est la pensée de Brnlima, a (pii il a suffi de
penser pour créer des mondes, pour qu'ils exisiassent
aussitôt en veilii de son verlie créateur. Aprè> la
création de la matière, vient celle de la lumière, du
tiiinamenl, etc. Un point londamental de l;i doeliine
des lirilimisles , c'est que Dieu a créé tout bien et
que riioninie. eomme ci caliire libre, est seul coupab'e
lin II al mural qui existe. Une conséquence de la
clinte de riioinnic fut la inéieni|isyci>se, pour |iunir
le péi lienr de >es f.iiiies. ïouiiiée de compassion
pour b's liomnies et voulant les mmcuer à la vertu,
la divinité esi venue, plusieurs fois sur la terre pnur
les insirnire. Elle vienilr:i un jour pour cousomnier
tons les siècles. I>a cliule des esprits a eu un elfel
visilde sur le inonde : elle a causé !e déluge uni-
versel.
Ce simple exposé suffit pour cnnlirmer les rapports
qui existent entre la l'icologie clirétiqline et la lliéo-
1 gie inilicnne. Un grand nnmbre de nos do;;nies, at-
la nés coinne absurdes, ridicules, conlraiies au sens
couimnn, se trouvent ainsi api nyés sur la croyance
des penp es dont b-s doctrines paraissaient diainétra-
lenieiil opposées aux iiôlie.-. < h puisez le livre île la
seeme. et i' en soitira lUMiniivelles lumières en la-
>eiir de nniieloi, > dirirns-nons aux incrédules.
lî'îA.MIi. nUA.MINE. Vri/. Indien.s.
nilANiJiai.M. Voi/. Bi.LiQLK.
iilŒI' AI'()STf)LI(jUi":, k-ltre adressée de
la part du i ape à des parl;c;ilicrs ou à des
coiniiiiiiiautcs, pour leur accorder des dis-
penses ou lies imlulgences , nu siini 1 ineiil
pour leur don ne ni es ma <q lies d'afieclion. t^es
letlrcs sont signées | ar un sectélaifc des
. Iififn, ou par le iai<liiial pénitencier.
On iioiiiine aus-i hrvf. oido, ou dirtrtoire,
II' livre qui coiilienl les riibrii|iies selon Ics-
({uelles ou d..il dire rolllce tous les jours de
l'année.
JiUKMAIRK. Yoy. Okficiî divin.
Itlil)Ul>OLACAS, terme formé du grec mo-
derne p/ioOzof, boue puante, et /«^xoc, fosoe,
fusse remplie de boue; les Grecs tnodcrncs
nomment ainsi les cadavres des excommu-
niés. Ils soni pi rsuaiiés que ces cadavres ne
peuvent pas se dissoudre; que le démon s'en
emiiare, les anime, les l.iit paraître, s'en sert
pour effrayer el lourmen'er les vivants; que
le seul moyen de s'en délivrer est de déter-
rer le mort, de lui arracher 1" cirur, eldele
mettre en pièces, ou de brûler le tout, et que
l'on trouve ordinairement la fosse remplie
de boue. Us firélemlenl {\ue souvent ces
corps se trouvent enflés, remplis de vent ,
el font du bruit comi-te un tambour; alors
Ils les nomment Oq-jtt' ou kSo-jjti, Inmbour. Ils
croient, enfii), que l'absolution, donné:- par
leurs cvéqiies ou leur pape ;iux excommu-
niés, afirès leur mori, fait tomber en jious-
sière les cadavres. Celle persuasion, auto-
risée chez eux par une infmilé d'histoires ,
leur fait craindre à l'excès l'excommunicu-
tlon , et sert à les confirmer dans leur
schisme.
Touineforl, dans son Voi/age du Levant,
to;n. I, pag. oi et suiv., rapporte un exem-
ple de l'exhumation d'un excommunié, dont
il fut témoin dans l'ile de Mycon en 1701;
mais il n'y vit rien autre chose que les effets
d'une imagin.'iliun exallée et du fanatisme
d'un peuple ignorant. Aucune des hisloires
qui rapportent ces sortes de laits n'est attes-
tée par des témoins oculaires el aussi in-
struits que l't lait Tourneforl : il en est de
même des histoires do revenants que l'on a
fiiles parmi nous. Pendant plusieurs siècles
l'usage a régné dins nos climals de ne point
cnleirer les excommuniés , mais de jeler
leurs cadavres à la voirie, de les couvrir de
pierres, ou de les enfermer dans un >ieux
tronc d'arbre. Voij. Ducaiige, au mul Imblo-
caliis : ])om Caliuet, Disserl. sur les reve-
nants, n. 38 el suiv. ; Lenglet, Traité des vi-
sions et d s apparitions, loin. Il, p. 171, etc.
BK0\VNI."s'rES, nom d'une sccle i|iii so
forma de celle des pinilaiiis, vers la lin du
XVI' siècle, en Anglelcrre; elle fui ainsi
noinm 'e de Hobcrl lirowii, son chef.
Ce Uobeii Bniwn étiil d'une assez bonne
famille de Ilutlaiidstitre, et al.ié au lord-lré-
soi ier IJurleigli. 11 fit ses études à Cambridge,
comiiiença à publier ses opinions el a décla-
mer cimlre le gouvernement ecclésiaslique
à Norwich, en liiHO, ce (|iii lui attira le res-
sentiment des évcques. 11 se gloriliait lui-
mciiic d'avoir été pour celle cause mis on
treiile-deux dinérenles prisons , si obscures
qu'il n'y pouvait |ias distinguer sa main ,
iiiciiie en plein midi. Par la stiile, il sortit du
royauiiii' nvei; ses seclaleiirs, cl se relira à
Mlddelboui g en Zélaiide, où lui cl les siens
obtinriMil des liials la permission de bàlir
une église, el d'y serNir Dieu à leur in.'inière.
Peu Uf temps après, la division se mil pirini
eux. Plusieurs se sèpaièienl, ce qui dégoûta
tellemewi Bidvvii, qu'il se déuiii de son ul'lii e,
reloiiriia en Angleterre en 158:), y abjura
SCS erreurs, el fut élevé à lu plaie de rec-
teur dans une église de Northamplonshire ,
où il mourut en 11)30. — Le changement
de Urovvn entraîna la ruine de léglise de
Middclbour^ , mais les semences de son sys-
601
BUL
BUL
6-^i
lème ne furrnt pas si aiséos à ilélriiire en
AnglolniTi'. Sir Wallpr Uali'ijfli, dans un dis-
cours composé en 1692, coniplc déjà jusqu'à
viliïl mille personnes imbues des Oj)inions
rie ISrown. — Ses scclatenrs n'jelaicnl loulc
espèce d'aulorilé eeclésiasiique , voulaient
que le ffouvcrnemenl de riî;;lise fûl enliè-
remont dcm icralique. l'arnii ou\, le minis-
tère èvangéliqu'î clait une simple commis-
sion révocable; chacun des membres de la
société avail le di-oit de faire des c\bortalions
et di's qiH'siions s'ir ce (jui avail été prêché.
— Les inddpciuhnis, (juise fornièient parla
suite d'enire les b owmsies , adoplérenl une
partie de ces opinions.
La reine Elisabeth poursuivait vivement
C?l!e secte. Sous son ièi;ne les prisons lu-
rent ret/iplies de broirnisles ; il y en eut
même quelques-uns de pendus. La commis-
sion ecclésiastique et la cli inbre éloilée sé-
virent contre cuv avec la ni de vigueur, (ju'ils
furent obligés de quitter l'Angleterre. Plu-
sieurs fanii.les se retireront à Amsterdam ,
où elles formèrent une Eglise, et choisirent
pour pasteur Johnson , et après lui Ains-
vvorth , connu i)ar un commentaire sur le
Penlalcuqiie. On compte [larmi leurs chefs
lîarow et Wilknson. Leur Elglise s'est sou-
tenue pendant environ cent ans.
BKUI'ES. I 01/. Ammmix.
liULGAIlliS, hérétiques qui semblèrent
avoir ramassé diffi'rentes erreurs des autres
hérésies pour en com[)oser leur croyance ,
cl dont la secte et le nom comprenaient les
pa'arins, les cathares, les bogouiiles, lesjo-
vinieus, 1 -s albigeois et d'autres héréti(iues.
Les hulfjares liraient leur origine des mani-
chéens, et ils avaient emprunte leurs erreurs
des Drientanx et des (irecs leurs voisins,
sous l'empire de Basile le Macédonien, dans
le i\^' si. 'de. Cu root de btdgni es , qui
n'était qu'un nom de nation , de\int en ce
lemps-là un nom de secte, cl ne signifia
pourlani d'abord que ces héiéliques à- Bul-
garie ; mais ensuiie celle même hérésie s'é-
laut répandue en plusieurs endroits , avec
quelque dilTerence tlans les opinions, le nom
de hulgnres devint con)mun à tous ceux qui
en lurent inf; des. Les petrobrusiens, disci-
ples de Pierre de Bruis, (|ui fut hrùlé à Samt-
Gillcs en Provence, les vandois , sedaleuis
de \'aldo de Lyon, un reste même des mani-
ciiéens qui s'elaionl longtemps c.icliés en
France, les henriciens, et tels autres nova-
teurs qui, dans la dillerncc de leurs dog-
mes, s'accordaient tous à coniiiatlre l'auto-
rité de l'Eglise romaine, turent condamnés
en 1176, dans un concile tenu à Lombez ,
donl les actes se lisent au long dans Koger
de Hoveden, liislurien d'Angleierre : il rap-
parie les dogmes de ces hérétiques, iiui te-
naient, eiiire autres erreurs, ([u'il ne fallait
croire que le nouveau Testament ; que le
baptême n'élail p >int nécessaire aux petits
enfants , que les maiis qui vivaieni conju-
galement avec leurs femmes ne pouvaient
être sauvés; que les prêtres qui menaient
UQL! mauvaise vie ne consacraient point;
qu'on ne devait obéir ni aux évéques, ui aux
cccle^iasliques qui ne vivaient point selon
les canons; qu'il n'élail point permis de ju-
rer en aucun cas, et quelques autres articles
qui n'étaient pas moins erronés. (]es mal-
heureux ne pouvant subsister sans chef, se
firent un souverain pontife qu'ils appelè-
rent pape, et qu'ils reconnurent pour leur
premier supérieur, auquel tous les autres
ministres étaient soumis ; et ce faux ponlil'e
établit son s ége dans la Bulgarie, sur les
frontières de Hongrie, de Croatie, de Dalma-
tie.où les albigeois qui étaient en France
allaient le consulter et recevoir ses déci-
sions. Hégnier ajoute (]ue ce pontife prenait
le titre d'évê(iue et de Mis aîné de l'Eglise
des buli/ines. Ce fol alor-, (]ue ces héiéliques
comoieiicèrenl d'être nommés tous généra-
lement du nom commun de bulgares , nom
qui fut bientôt corrooipu dans la langue
française qu'on parlait jilors ; car, au lieu
de bu'gares, on dit d'.ibord boiigare.t cl bou-
cliers, dont on lit le latin bugari iiibngrri;
cl (le là un mot Irès-s.ile en noire langue,
qu'on trouve dans les histoires anciennes
appliqué à ces liéréiiques, entie autres dans
une histoire de Frani:e manuscrite , qui se
girde dans la bibliothèque du président de
.Mesmes, à l'unnéfi 122o, et dans les ordon-
nances de sailli Louis , où l'on voit que ces
liéréiiques étaient brûlés vifs lorsqu'ils
étaient convaincus de leurs erreurs. Comme
ces misérables étaient fort adonnés à l'usure,
on donna dans la suite le nom dont on les
appehiii à tous les usuriers, comme le re-
marque Ducange. Alarca , //('.</. de liéarn;
La Faille, Aunnies de lu ville de Toulouse ;
Abrrije de l'ancienne lli'iloire.
lîULLl';, r, scrit du souverain pontife. Nous
n'avons à parler que des bulles adressées à
toute l'Eglise, pour accorder aux fidèles l'in-
dnlgeiice du jubilé, ou pour condamner des
cricursen fiiit de doctrine ; celles qui sont
expédiées pour la nomination des bénéfices
regardent les canonistes.
Les bulles d'indulgiMicc pour le jubilé sont
dilTérenles des brefs or-linaires d'indulgence,
en ce que les premières sont adressées à tous
les fidèles, .iccordcnl à tous ceux qui satis-
feront aux conditions prescrites une indul-
gence pléiiière , il tous les confesseurs ap-
])rouvés le pouvoir d'absoudre des cas ré-
servés, de ( uni iiucr les vœux simples, etc.
Il est d'usage en France que ces 6«//es soient
visées par les cvêques, et adressées par eux
à leurs diocésains. Voy. iNDULGEXcii , Ju-
IlILli:.
Les bulles concernant l.i doctrine sont aussi
adressées à tous les fidèles, et sont souvent
appelées runstilutions. Elles énoncent le ju-
geinenl porté par le souverain pontife sur
la doctrine qui lui a élé dénoncée. Lors-
qu'elles (Mil été acct'ilées, soit par une dé-
claration formelle des évéques, soit par leur
acquie^cemeiU tacite, elles sont censées énon-
cer le sentiment de l'Eglise universelle; elles
ont force de loi dogmatique, comme si ceju-
gemenl avait élé porté dans un concile géné-
ral. La réclamation même d'un petit nom-
bre d'évêques , opposés à l'acceptaliou de
605
CAB
<:Afi
G'Tt
leurs confièies, ne peut former aucun pré-
jusf" conire la décision , di' niônie ((ue leur
opposilion d^ns u" c >niilt^ n'.iiirail .inciine
force conire le suffrage du Irè^-grand nom-
bre.
Les évêques, établis par Jésus-Christ pour
enseigner, ne sont pas les maiires de s'as-
semldi r toules les fois q:i'ils le jiisjerairnt
nécessaire; le ffoiiverncmeiit de l'Eglise se-
rait donc Irès-iléfeclueux sL elle ne pouvait
déclarer sa croyance aiilreincnt que par la
décision d'un concile, Peut-elle parler plus
hautement c|ue par l'organe de son chef, au-
quel (ous les évêques sont censés unis de
croyance, dès c.u'ils ne réclament pas? Si la
décision leur paraissail fausse, leur silence
sérail une prévaric^ilion el un piège inévita-
ble d'erreur po' r les fidèles. Voy. Constitu-
tion.
lioLLE In cœna Domini. On appelle ainsi
une bnlle qui se lisait publiquement à Rome
tous les ans , le jour du jeudi-saint, par un
cardinal-diacre, en présence du pape, accom-
pagné des autres cardinaux et îles cvéques;
ou ne sait |i;;s(iuel en est le premier auteur.
— Celle bulle porte la peine d'excommuni-
cation conire tous les hérétiques, les conlu-
iiiaces el les réfraetaire^ qui dé- obéissent au
sainl-siége. Après la lecture, le pape pre-
nait un llamboau allumé el le jetait dans la
place publique, pour inaniue d'an.iilième. —
Dans la bulle de l'.iul III, de l'an 1336, il est
dit au coriimenci'Mient que c'est une ancienne
coutume des souverains pontifes de pul)lier
cette escommuiiicalion le jour du jeudi-
saint, pour conserver la pureté de l.i vvU-
gion chrétienne, et pour entretenir l'union
entre les fidèles; mais on n'y voit pas l'ori-
gine de celle cérémonie. — Les censures de
la bulle In cœna Domini rei;arileiil principa-
lement les hérctiques et leurs fauteurs, les
pi.ates et les corsaires , ceux qui falsifient
les bulles el les autres lettres .ipostoliqnes ;
ceux i\u\ mallrailcnt les prélats de l'Eglise ;
ceuK qui Iroulilent ou veulent re lrei;idre là
juridiction ecclésiastique, même sous pré-
texte d'empêcher quelques violeiKcs, quoi-
qu'ils soient conseillers ou procureurs gé-
néraux des princes séciiJiers, soit empereurs,
rois nu ducs; ceux qni usurpent les biens
de l'Eglise, etc. Ces dernières vlauses ont
donné lieu à plusieurs théologiens et aux ju-
risconsultes de soutenir que cette bulle ten-
dait à élaliiir indirectement le pouvoir des
papes sur le temporel des rois. Tous les ('as
dont D'US venci.ns de parler y sont déclarés
réserves; en sorte que nul prêtre n'en puisse
absoudre, si ce n'est à rartii:le de la mort.
Le concile de Tours, en 1310, déclara la
bulle In cœna Dumini insoutenable à l'égard
de II l'iaii' e ; nos lois ont souvent fait pro-
tester conire celte bulle, en ce (|ui regarde
leurs droits , ceux de I urs officiers, et les
libertés de l'Eglise gallicane. En 1580, quel-
ques évêques , pendaul le Icmps des vaca-
tions du iiarleinent, voulurent faire receioir
dans leurs diocèses la bulle In cœna Domini,
Le procureur général eu forma sa plainte ;
le parlement ordonna que tous les aiche-
vêques et é'éques qui auiaient reçu celte
bulle, et ne l'auraient pas publiée, eussent à
l'envoyer à la cour ; ((ne ceux qui l'auraient
fait piiblier fussent ajournés, el leur tempo-
rel saisi; que quiconque s'opposerait à cet
arrêt fût réputé rebelle et ci iminel de lèse-
majesté. ( Mézer.ii , Histoire de France sous
le rèane de Henri 111.) — Le pape Clément
XIV a suspendu la publication de celte bulle
eu 17T.3 ; il est à présumer que la crainte d'in-
disposer les souverains empêchera celte pu-
blication dans la suite.
IJuLLE Unigeniius. Voy. Unigenitus.
(;AI$.\I.I<. on pintol CABllALE, mot hébreu
qui signifie tradition. Sous ce nom, les Juifs
ont formé une vaine science qui n'est qu'un
tissu de rêveries. Nous n'i-n parlons que
pour en f.iire comprendre l'absurdité, el pour
réfuter urte accus ilion fausse, intentée à ce
sujet contie les Pères de l'Kglise. Voici, se-
lon l'opinion delà plupart des savants, i(uelle
a clé l'origine de la cibbnle.
Les Cbaldeens, qui ne pouvaient compren-
dre (pi'un seul Dieu fiit l'auleur de Ions les
phénoinènes de la nature, du bien el du mal
qui en arrivent aux hommes, imaginèrent
une mnllitude rt'inielligences, d(! génies ou
d'esprits, les uns bons, les autres mauvais,
.-luxquels ils allribuèrent tout ce qui arrive
ici-bas. Ils s« persuailérent ((ue l'homme pou-
vait enlrt;r en commen-e avec eux , se con-
cili<'r la bienveiilsnce des bons esprits , et
par leur secours vaih'ere on écarter l'in-
fluence des génies malfaisants. Telle a clé ,
chez tous les peuples l'origine du polythéis-
me , du culte rendu à de prétendus dieux in-
férieurs.
Pour invoquer le secours des bons génies,
pour gagner leur alTection, il était essentiel
de savoir leurs noms ; l'on en forgea, el l'on
crut que la prononeiaiion de ces noms avait
la force d'évoquer les bons génies, de les faire
agir, de mettre on fuite les mauvais esprits.
De là vieni la supersiiti in des mots ejlicnces,
par lesquels on crii\ait pouvoir opérer des
prodiges, la confiance aux talismans ou ,iux
médailles sur lesquels ces mots mystérieux
étaient gravés, etc. Ainsi la co ' biuai'^iin des
lellres de l'aipliabet cl des nombres a'arilli-
mélique, les dilîérenles manières de loiirner
el décomposer un mol, devinrent un art au-
quel s'appli{|iièrent seriensemenl les esprits
curieux el crédules. — On ne peut guère
duulerque les Juifs n'aient fondé sur c<' pré-
jugé l'opinion qui règne parmi eux qie la
(iO."
CAB
CAR
6of
prononciation du mot hébreu de lôieu peut
opérer dos mirarl's ; de là encore la supersti-
tion qu'ont eue leurs dix'leurs d'en cliaiijjer
les poinis \oyelle9, pour que la vr.iie pio-
nuiicialion de ce mot fût igiiori'e, de l'appe-
ler inelTal)le,elc.lls ont forgé un art préicndu
de décomposef les mots du l'Iùriluie sainte ,
de Ironver la valeur nuniéri<|uc des lellies ,
dp fonder là-dessus des tny léres et des do;^-
nies qu'ils croirnl séricuseuiciil. Leurs se-
p/iirols ne paraissent être autr;' chose qu'une
liste et une généalogie des intelligences ou
des génies, selon la mélhodo des Cli.ildéiiis.
Cotnuic Platon a Iniellait au-si di's génii'S
ou dieux inférieurs pour gouverner le mon-
de, et que Pylhagore allrll)iiait aux nombres
une vertu ineiveilleuse, les ])rei!:icrs philo-
sophes (|ui eurent conn'iiïsance du christia-
nisme Oient un mélange des idées chaldécn-
nes, judaïques et plalonicieiines, et voulu-
rent y accommoder les dogmes prêches par
les apôtres. De là les e'ons des valeniiniens,
la prétendue science cachée des gnostiques,
la magie, dont la plupart des anciens héré-
tiques firent profession. Cet enIêUMiicnl se
perpétua parmi les piiiloso|)hes éflecliciucs
du 111' et du iv« siècle; il se renouvela lors-
que les Arabes apportèrent en Europe la
philosojihie de Pylliagorc et de Platon; l'un
a vu même dans le xvir siècle des hommes
qui avaient entrepris de faire revivre les
folles imaginations des cabalisies juifs.
Ainsi s'est lorniée, selon la plupart des
critiques, la cabhale des juifs. Plusieurs pro-
testants, comme Basnage, Mosheim, Brucker,
n'ont pas manqué d'observer que le génie
cabalistiiiue, né eil Kgyptc chez les essé-
iiiens et les thérapeutes juifs , se glissa
prouiplement daiis le christianisme; que les
différentes sectes en étaient infectées, que
les Pères de l'Eglise même ne surent pas
s'en préserver. IJc là, (lisent ces profonds
raisonneurs, est venu le goût des Pères pnur
les interprétations alléjioriques de IKcriture
sainte; de là sont nées les opinions philoso-
phiques qui, d(' siècle en siècle, ont été mê-
lées avec la théologie chrétienne. Pour pous-
ser cette belle idée jusqu'où elle peut aller,
il restait aux incrédules à dire que Jésus-
Christ lui-même a suivi le goût cabalisliquo,
en se servant de (laraboles pour instruire le
peuple, et que l'auteur de l'Apocalypse en a
d'onné des leçons, c. xiii, v. 18, en nous in-
vitant à co opter les lettres et les chiffres du
nom de la bète.
Un savant de l'Académie des inscriptions,
Mém., t. XIII, m-12, p. 58, a parlé plus sen-
sément de la cahbnle juive et de son ori^ini» ;
Mosheim et Brucker auraient du profiler de
ses rédexions. Le taldeau qu'il a tracé de
cette folle science est îles plus énergiques.
« Principes faux ou incertiins, dii-il, maxi-
mes supcrstiiieuscs , inlerprétaiions arbi-
traires, allégories forcées, abus manifestes
des livres s;iiiils, mystères recliet-cliés dans
les événements, dans les olijeis réels et ilans
les symboles; vertus allrit)uées à des jeux
d'imagination sur les mots, sur les lettres
sur les nombres ; attention à consulter les
astres, commerce prétendu avec les esprits,
récils fabuleux, histoires riilicules : tout y
respire l'itiiposture et la séduction. » L'on
nous dispensera do croire que les meilleurs
esprits de l'antiquité les philosophes chai-
déeiis et égyptiens, Pytha^'ore et Platon, et
surtout les t ères de l'Église, ont été tous en-
lêlés plus ou moins de ce chaos d'absurdités.
— l'Ai effet, lu doete académicien s'attache à
les en di-culper.,11 fait voir que la cnblmle
juive n'a iju'uu rapport très-éloigné et très-
imp.iriait avec les idées rslrologiques des
Clial léens, aiec les nombres de Pythagore,
avec les ubraxas ou talismans des basili-
diens ; que les e'ons di- Viilentiii ressemh eut
encore moins aux scphirols de la cabbale
qu'aux générations divines de Saiiclionia-
Ihon. Nous ajoutons que l'on peut retrouver
les mêmes erreurs et les mêmes préjugés
ciiez les Indiens, chez les Chinois, même
chez les sauvages ue l'Amérique; sans doute
ces derniers ne sont pas allés les chercher
en ligypie. C'est un eiitètcuieni, ridicule do
vouloir trouver dans un seul lieu de l'uni-
vers la source des opinions viaies ou fuisses
qui viennent naturellement dans l'esprit de
tous les peuples. — 11 observe très-judicieuse-
ment (jue le goût des anciens pour les symbo-
les, les hiéroglyphes, les allégories, est venu
do laiiécessilé,iiela tournure de l'imagination
des Orientaux, et non du dessein de cacher la
vérité au vulgaire, comme nos philosophes
modernes l'ont rêvé ; qu'il n'est pas éton-
nant que les Pères de l'iiglise, et même les
écrivains sacrés, se soient conformés à le
goût doiiiiiianl ; tous les savants et tous les
s.i[;es étaient forcés d'y avoir égard, puisque
atilrement ils n'auraient pas pu se faire
écouter. Croirons-nous que les Péruviens et
d'autres peuples de r.\mérique se sont ser-
vis d'Iiiéroglyphes au défaut d'écriture, afin
de ne pas être entendus de tout le monde?
-- Le savant académicien prouve que la
cabbale n'est pas ancienne, même parmi les
juifs ; vainement on a cru en trouver des
vestiges el un faible coinmencement dans le
Talmud, compilé au vi siècle ; alors les juifs
nC cuiiivaieiit point d'autre si ieiice que celle
de leur religion ; ainsi la cabbale n'a pu naî-
tre chez eus que vers le x' siècle. En cfiet,
le raliliiii Haï (Jaon, mort l'an 1037 ou 10.38,
est le premier auteur dans les ouvrages du-
quel la cabbale soit clairement énoncée. Oa
doit eu conclure que les premières semences
de cet art ridicule sont veuues des philoso-
phes arabes, et qu'elles ont été communi-
quées aux Juifs dans le temps que ceux-ci
vivaient sous la domination des Sarrasius,
par consé(|uent dans les viii', is' et x' siè-
cles. C'est depuis cette époque seulement
que les Juifs ont commencé à cultiver les
sciences profanes, en particulier l'astrologie
et la grammaire.
Ainsi se trouvent détruites, par des preu-
ves positives, toutes les fausses conjectures
des criiiqiies protestants, et leur pompeux
sysième louchant les effets contagieux de la
philosophie orientale, dans laquelle ils ont
cru trouver l'origine de toutes les opinioii»
607 CAl CAI rm
de l'univers , vraies ou fausses ; système l'an 130 du monde, peu avant la naissance
éblouissant au premier coup d'œil, et sou- de Selh, Adam et Eve avaient eu un grand
tenu d'un {jrand appareil d'érudition, mais nombre d'cn^ints et de petits-enfan's dont
dont le fond ne poric sur rien. l'Iurilure ne parle point. Quant à ce que dit
CADAVHH. Si Ion la loi d s Juifs, qiiicon- Josèphe, que Cnin devint chef d'une troupe
que avait touché un cadavre él;iit souillé ; il de briginds, c'est une conjecture qui n'est
devait se purifier avant d • se préenler au point fondée sur l'hisloire sainte, et qui ne
1,'ibernacle du Scigmiir { Nitm. six, 11 et mérite aucune attention. Dès ce moment lo
suiv.). Quelques censeurs des lois de Moï-ic nom de Caïn n'est plus prononcé dans l'An-
«int jugé (fue celle ordonnance était supersli- cien Testament.
lieuse; il nous parait au Poiilraire (lu'elle il est dit que Dieu lui imprima un signe
était Irès-sage. 1° C'était une précaution cou- pour empêcher (ju'il ne fût (né; quelques
trc la superstition des p.iï ns, qui interro- aulrurs se sont persuadé que Dieu avait
geaient les morts pour apprendre d'eux l'a- changé la couleur du visnge de Cain, l'av.iit
venir on les cbo^cs cachées ; abus sévère- rendu noir, que de là est venue la race des
ment interdit aux Juifs (Deut. xvit!, 11), nègres, t^est une vaine imagination; ces
mais qui a régné chez la plupart des na- écrivains ne se sont pas souvenus qu'à l'é-
tions. La coutume qu'avaient les Egyptiens poque du déluge universel toute l.i race hu-
de conserver les momies pouvait y d.mncr m;iiiie a été l'ormée do la postérité de No6.
lieu, et ce n'était pas un exemple à imiter. De là un incrédule de nos jours a pris occa-
2° Celle loi tendait à inspirer plus d'horreur sioii de dérUnuer contre les commenlatenrs
pour le meurtre. Quand on sait combien ce des livres saints; mais faut-il attribuer aux
crime est commun chez les peuples mal po- conimenlaleurs eu général la méprise d'un
licés, on n'esl pas tenté de blâmer un législa- ou de deux particuliers ? Quelques inlir-
teurqui prend tous les moyens possibles pour piètcs traduisent ainsi le texte hébreu: Dieu
le prévenir. Dans les climats aussichaudsque fil un s'upic ou un miiacle devant C:\ïi\, imur
la Palestine, il y a du danger à garder long- l'nasurer qu'il ne serait pas tue. D autres :
temps un carfi-it^rf sans luidonneriasépn'ilurc; Dieu disposa l'oreiiir /)oi(c Caïn, de manière
il était donc très à propos d'engager les Juifs f/u'il ne fàl pas tué par quiron'iue le rencon-
à ensevelir promplement les morts et à se pu- trernil. Un écrivain qui entend Irès-liien
riOer après les avoir louches. Depuis que les l'hébreu a donné récemment des réponses
mahomélans ont négligé de prendre les mê- solides à d'.iutres objections que l'on peut
mes précautions et d'observer la même pro- faire contre l'histoire de t'oïii. {Réponse cri-
preté que les Juifs et le'* lieyptiens, l'Asie et lii/ue, etc.. I. IV, p. 1.)
l'iîgypie sont devenus 11' foyer de la peste. Si CAIMTES, hérétiques du ir siècle, qui
l'on connaissait mieux les anciennes mœurs, rendaient de> ii inncurs exlraordiiiaires à
les daiigersrelalifs aux climats, les erreurs et Caïn et aux aulrcs personnage^ (lue l'Iùri-
ies désordres dont Moïse était environné, on turc nous peint comme les plus méchants
n'aurait plus la témérité de blâmer aucune de des hommes, tels que les Soilomites, Ksaii,
ses lois. Coré, Judas, etc. C'était une bianclic des
C \IANISTES. Foy. Monophvsites. gnostiques, qui joignait aux mœurs les plus
CAÏN. fils aîné d'Adam, et ujcurlrier de corrompues des ei reurs monslrueuses.
son frère Alicl. L'indulgence avec laquelle (>omme ils adme<laicnt un principe supc-
Dieu traita le malheureux après son crime rieur au Créateur, i)lus sa^-e et plus pui^sanl
est digne d'attention; elle a été remarquée que lui, ils disaient que Caïn était enfant du
par plusieurs Pères de l'Eglise. Dérhiré par (iremier, et Abel une production du second.
les remords, tremblant pour sa propre vie, Us soutenaient que Judas était doué d'une
Caïn éliil prêt à se livrer au désespoir ; Dieu connaissance et d'une sagesse supérieures ;
daigne le rassurer, et se ronlenlede lui faire qu'il n'avait livré Jésus-Christ aux Juils que
expier son crime par une vie errante. Ce parce qu'il prévoyait le bien qui devait en
Ir.iil de miserieorde et une infinité d'autres arriver aux hommes; conséquemmeut ils lui
q:ie rapportent les livres saints, élaiciil né- rendaient des .icliims de grâces et des h )n-
cessiatres sans doute pour donner aux pé- neurs, cl avaient un Evangile sous son nom;
cheurs des espérances de pardon, et pour les ce qui leur fil donner aussi le nom de /i(rf»ï-
cmpécher de (Icvenir j)lus rcdoulables par les les. Ils rejelaieni l'ancienne loi et le dogme
fureurs du désespoir. de la résurrection future; ils exhortaient les
C'isl donc lré^-mal à propos qu'un incré- hommes à détruire les ouvrages du Créateur,
(lu'c moderne a été scandalisé de l'indiilgen- et à comm; tlie toutes sortes de crimes; sou-
ce avec laquelle Dieu a traité le fratricide, ten.iient que les mauvaises actions condui-
Ce crime no deoieiira pas impuni, puisque saient au salul. Ils supposaient des anges
le coupable fut condamné à mener une vie qui président au pèche, et qoi aident à le
errante sur la terre. 11 demande comment commeltre; ils les invoquaient et leur ren-
Cain pouvait dire pour lors : Qnico'iquc me daient un culte. Enfin, ils faisaient con-ister
trotnera me tuera (Gen. iv, l'i). C'est l'ex- la perfe ■lion à se dépouiller île tout senti-
pres-ion de la frayeur. Il est imerlain si ment de pudeur, et à commelire sans houle
Adam n'avait pas déjà un grand nombre les acli ms les plus inlâoies. Tcriullieii iioiig
d'enfants, si Abel même n'en a\ail pas laissé; apprend (lu'ils enseignaient encore des er-
Cain pouvait donc redouter la vengeance de reurs sur le baptén)e. — La plupart de leurs
les neveux, ou plutôt il parait évident que o|)inions étaient renfermées dans un livre
609 CAL
qu'ils nommaient V Ascension de fuinl Paul,
où, sous prétexte dos rcvélalions (ailes à cet
aprtlre, dans ^oii ravissement au ciel, ils cn-
seiiiiiaient leurs impiétés et leurs bliispliènn's.
Une femme de tt Ite scele, nommée Qain-
tille, vint en Al'rii]ue du lemps de rerlulljfn,
et y pervertit plusieurs personnes; on appela
quintillianisles les se('laleurs ((u'elle fui-ma :
il paraît qu'elle ajoutait encore d'horrililes
pratiques ans intimies des cninile.i.
On aurait peine à se persuader qu'une
secte entière ail pu pousser à cet excès la
démence et la dépravation, si ce lait n'était
pas alle'>té par les Pères de l'Kglise les plus
respectables; mais saint Irénée, Tertullien,
saint Kpipliane, 'l'Iiéodorel, saint Augustin,
en parlent de môme; et les deux premiers
étaient témoins contcmpnraius. Les égare-
ments des ranatii|ues qui ont paru dans les
derniers siècles, rendent croyables ceux qui;
l'on attribue aux anciens. Hornebec, Cun-
trov., j). 390, |iaile d'un anabaplisle qui pen-
sait sur Judas comme les cniin(7e.v. Lorsque
l'esprit est entraîné par la dépravation du
cœur, il n'est point d'erreur ni d'impiété dont
i'bomme ne soit capable.
CALCtUOlNE. Voy. Chaicédoine.
♦CALENL)R1H:U Ktl'UBLICAIN. La Convention
natiiiiihie, usant de sa toiiU'-|>(iissaiicc, voulaiil, di-
saiNolle, i|iie la rcgénéiuiioii lui eoiiiplèle, vl aliii
(|iie les années de liljurlé et de L;luire de la naliuii
fiiupçaise niarquassenl encore plus par lenr durée
dans I II sloire des peuiles ipie ses annéts d'esclavage
et d'Iiuinilialioii dans l'hi^loire des rois, ubolil te ca-
lendrier grégorien pour lui sul)?liluer le léjiubli-
cain. Me lenanl coinple ni des ii'c<'S clirélieiines, ni
du suiiliiiieni de Ions les peuples relaliT à la division
du leiiips en sept j"urs, «ile div.sa l'année ei! douze
niiiséginx cliacon de irenle joins, cl cliai|ue iii< is
en trois séries ininiiiiéi'S déi ades, cliacune de dix
jours, l'oiir cuinideter raniié.; solaire, il devait y
avor cliaqiio amiCi! cin(| jours nippléin, lUuiiiS ipii
reçuieiit ce nom, après avoir d'aboid poile celui de
Sans-culoUides. Ciaipn; i|iiilre ans il y avait un
sixième jour suppleiiieniane nuimiié la Frunciade.
Le premier des sans- cnlotdiles lui consacré à la
Venu; le second, an Génie; le troisième, au 'l'ia-
vail ; le (piairième, à l'Upiiiion ; le cinuiiième (ut la
félo des Keconipiuses ; aux années sextiles, le sixiè-
me (ut la lè'e de la Kevolulion.
Cninnie si on avaii voulu lout matérialiser, on at-
tacha aux jours des idées exclusivement iiiaièii''lles.
Ainsi, pour ciier un exeiuile, on eut : Vuniémiaiub ;
priiiiiUi, raisia ; duvdi, safrun ; iriiii, cliàtaujiic ; quar-
tidi, cuUhujue ; iiuinlidt, cheval; scxtidi, buUumiiic ;
teptidi, Ciiruite; octidi, amunmllie; twnidi, puiiuis ;
décudi, cuve.
Le calendrier républicain avait été composé en
hosiililé ouverte contre toiile idée clirétieiiiie; lors-
que rSapolcon rétablit le Ciilie calbo!ii|iie en Kiaiice,
il fut impossible de conserver ci tle division du
leiiips. Un décret du ^l IVnclidur au MU (il entèrc-
nieiil dispaiailre ce cabndrier inuiile depuis I 'iig-
teuips. {Votj. la Concordance des caleinlriers répu-
blicain et gi'égoiieo , au loin. 1 ;du Dict. de Jnnsp.
civ. ceclés., art. Calkndrieu, et Oicl. de Cbronol.,
ad cidcem, étiit. .Migne.)
G.VLlCIi, C(mpe, vase à boire; ce terme
est souvent employé pir les écrivains sacre s
dans un sens métapliorique, buidé sur les
anciens usages. Comme on mettait dans une
coupe les peiiles boules, les lèves ou les bil-
lets dont on se servait pour tirer au sort,
CAL
610
cftlice signifie souvent le sort, la portion
d'béritage échue à quelqu'un par le sort.
Psaume x, v. 7, le feu, le soufre, les venis
orageux, seront la portion du calice des im-
pies. Psaume xv, y. 5, il est dit: Le Seigneur
est la poiiion de mon héritage et de mon
c«//ce, c'est-à-dire, la portion d'héritage qui
m'est ècliue par le sort.
Par une métaphore semblable, les écri-
vains hébreux emploient, pour désigner
riiérilage ou la possessiin d'un homme, le
cordeau ou la perche, avec lesquels on mesu-
rait la portion de chicnn des héritiers. Dans
le psaume civ, v. 1, le cordeau de votre hé-
ritage; dans le psaume i.xxiii, v. 2, la verqe
ou la perche de voire liérilage, signifient vo-
ire portion, ce que vous possédez. — Dans
un autre sens, cdice signifie un breuvage,
une potion bonne ou mauvaise; les bienfaits
de Dieu sont comparés à une potion douce
et agréable, ses cliâtimenis à un breuvage
amer qu'il faut avaler. Psaume lxxiv, v. 9,
il est dit que le Seigneur tient dans sa main
un calice de vin mêlé d'amertume, qu'il en
verse de côté et d'autre, que les pécheurs
en boirnnt jusqu'à la lie. Jérémie, chap. xxv,
V. 15, dit: Le calice du rt-t de la colère du
Seiijneur, etc. — Jésus-Christ demanda à
deux de ses apôtres : Pouvez-vuus boire te
CALXE (jue je dois avaler [Mntlh. xx, 22) :
Pouvez-voiis supporter les souffrances qui
me sont réservées ?
L'usage était autrefois, et il subsiste en-
core parmi le peuplu des campagnes, à la lin
des repas de cérémonie, île verser aux con-
viés du \ in à la ronde, de boire à la santé les
uns des antres, de remercier l'hôte, qui, de
son côté, leur répond d.'s clioses obligeantes,
de se lever ensuite de table , cl de rendre
grâces à Dieu. Chez les anciens on biivail à
la ronde dans la même coupe en signe dii
fraternité. Consèipiemmeni cette coupe et it
appelée la coupe de bénédiction ou de souhaits
heureux, la coupe d'actions de grâces, lu
coupe de satiété, cidis inebrians; la coupe de
sunié, parce qu'on la prenait encore pour
faciliter la digestion. Prendre la coupe de
sauté, calicein salutaris, ci iiivnqucr le nom
duSeigneur (Ps.cw, v. 13), c'était remercier
Dieu de ses bienfaits. Chez les personnes ri-
ches, celte coupe était d'or, et queli|uefois
garnie de pierreries, c'était une marque d'o-
pulence. Le ps ilmisle s'écrie : « (iue ma
coupe de satiété est belle ! Calix meus ine-
brians, quam prœclaru^ est ! » Psaume xxii,
V. 5 : Oue mon sort est heureux 1 — Dans
les repas destinés à cimenter une alliance,
ou à la fin d'un sacrifice, on ne ni>'ini|uail
pas de boire la coupe d'actions de grâces et
de béneilictioii^ ; c'était alors la coupe d'al-
liance et d'amitié; dans ceux qui se faisaient
après les obsèques d'un mort, c était la coupe
de consolation [Jérém. xvi, 7).— Jésus-Chrisl,
après sa dernière cène, daigna faire allusion
à ces divers usages : // prii une coupe pleine
de vin, la bénit, rendit grâces à Dieu, en fit
hoir': à tous ses apôtres, et leur dit : Ceci est
la coupe ile mon sang et d'une nouvelle al~
liance ; [ailes ceci en mémoire de mot, clc.
611
CAL
CAL
Gif
{Mallh. XXVI, 28 ; Luc, xxii, 20). Ainsi, selon
riiilenliim du Sauveur, celte action est un
symbole tle reconnaiss ince envers niru, et
d'arli. 111 (le grâces, d'alliance avec Jésus-
Clirist, de partieipalion à son sacrifice, de
fraternité entre les hommes, de sanié pour
nus âoKSj l'eucharistie ne remplirait pas
parfaitement (ouïes ces significaivons, si ce
n'était rien de plus que la cérémonie faite
par les anciens ; encore moins pourrait-elle
produire les effets pour lesquels Jésus-Christ
l'a insiiluée.
CALiCE, se dit particulièrement de la coupe
ou du vase dans lequel on consacre le via de
l'eucharistie. Le vénérable Bède pense que
le calice doiil Jésus-Christ se servit dans la
dernit're cène était une coupe à deux anses,
et contenait une chopiiie; que ceux donl on
s'est servi dans les premiers siècles étaient de
la même forme. Plusieurs étaient de bois ou
de verre ; le pape Zéphirin, ou, selon d'au-
tres, Uiiiain I", ordonna qu'on les fît d'or ou
d'aigerit; Léon IV détendit d'emp!ojer des
calices d'élain ou de verre; le concile de Cal-
chut .lU CelC3th en Angleterre renouvela la
tnéme défense l'an 787. — Les calices des an-
ciennes églises pesaient au moins trois
marcs; l'on en voit dans les trésors et les
saciLslies de plusieurs églises qui sont d'un
poids encore plus considérable. 11 y en a
même dont il parait que l'un n'<'s ja:iiais pu
se servir, à cause de leur volume, et qui sont
probablement des dons faits par les princes
pour servir d'ornenienl. Horniiis, Lindau
elBealus lUiénanus disent qu'ils ont vu, eii
Allemagne, d'anciens calices auxquels on
avait ajusté, avec beaucoup d'arl, un tuyau,
qui servait aux la'iques pour recevoir 1 eu-
charistie sous l'espèce du vin. Voy. l'Ancien
Sucramentaire de lEijlise, par tirandcolas,
pag. 92 et 728; Bona, d« Rcb. lilury. , I, ,
c. 2.3.
L'abbé Renaudot, dans sa Ci)llection îles
liturgies orientales, observe avec raison que
l'ancieiine coutume de l'Eiiiise, de consai'rer
purJes prières et par des on. (ions les cutices
cl les autres vases destinés à contenir 1 eu-
charistie, le soin de les renfermer et d'empo-
cher qu'ils ne servent à des usages prolanes,
esl uneallcstalion assez claire de la eroyai ce
générale touchant la présence réelle de Jé-
siis-(;hrist dans l'eucharistie. Si on avait
regardé ce sacrement du même a'il que les
calvinistes, ou aurait dit la messe comme ils
font la <-ène, avec des vases ordinaires, sans
y attacher aucune ulee de sai:i(elé ni de res-
pec( ; mais on n'a tenu celle condiiile dans
aucune communion chrétienne. Il prouve
que de tous (euips les Orientaux ou( eu beau-
coup de respect p.)ur les ciiUces et les auhis
vases sacrés ; qu'ils les ont faits d'or ei d'ar-
gent, autant qii'tU l'ont pu; qu'ils ont des
benéiliction)< ei des prières propres pour leur
consécration {Liluuj. orient. CoUeet., t. 1, p.
102). Cello ilis( i[iline n'estdonc p.is une nou-
velle inslituliou faite par l'Kglise romaine,
comme les pro(c8(anls l'ont prétendu.
CAL1\TIN8, sectaires (|iii s'élevèrent en
Bohcuie au conioiencemcnl du xv siècle. On
leur donna ce nom parce qu'ils soutenaient
la nécessité du calice ou de la comniunicrn
sous les deux espèces, pour participer à la
sainte eucharistie.
Immédiatement après le supplice de Jean
Hus, dit .M. Bussuel, on vit deux sectes s'éle-
ver en Bohême sous son nom, le calixtina
sous Hoquesane, les <o6or(/e.v sous Ziska. La
docirine des premiers consistait d''aljord en
quatre articles Le premier concernait la
coupe, ou la i.-ommunion sous l'espèce du
vin : les trois autres regardaient la correc-
tion des péchés publics il particuliers, sur
la(iuelle ils portaient la séventé à l'excès, la
prédication libre de la parole de Dieu, qu'ils
ne voulaient pas que l'on put défemire à
personne, et les biens de l'Eglise contre les-
quels ils déclamaient. Ces quatre articles
furent réglés dans le concile de Bâie d'une
manière dont les calixtins parurent contents;
la coupe leur fut accordée sous certaines
conditions donl ils convinrent. — Cet accnrd
s'appela compacutm, nom célèbre dans l'his-
t'iire de Bohême. Mais une partie des hus-
siles,qui ne voulut pas s'y tenir, commença,
sous le nom de laboriles, les guerres san-
glantes qui dcvastèrenl la Bohème. L'autre
partie des hussiles, nommée des calixtins,
i]ui avaient accepté l'aoï'ord, ne s'y lini pas;
au lieu de déclarer, comme on en était con-
venu a Bàle, que la coupe n'est pas néces-
saire, ni coni;iiandéc par Jésus-Chrisl, ils eu
pressèrent la nécessité, méuie à r,f;ard des
enfants nouvellement baptisés. A la réserve
de ce jxiint, ils convenaient de toMt le dogme
avec l'Eglise romaine, el ils auraient re-
connu l'aulorilé du p.ipe, si Boque ane, pi-
qué lie n'avoir pas obtenu l'archevêché de
Prague, ne les avait entretenus dans le scliis-
nie. - Dans la suite, une partie d'entre eux
jugea qu'ils avaient trup de ressemblance
avei- l'Eglise romaine; ceux-ci voul.ireiil
lJOU,;ser plus loin la reforme, <;t firent, en
se séparant des calixtins , une nouvelle
sccie, (|ui lui nommée les frères de houéme.
(Hist. des Variât., 1. %i. n. ICSelsuiv.)
Le-; calixtins paraissent avoir subsisté
jusqu'au temps de Luther, auquel ils se réu-
iiirenl la plupart; el quoique celte secte
n'ail jaiuais été fort nombreuse, on prétend
qu'il s'en trouve encore quelques-uns ré-
pandus en Pologne. Mosheiui pense que les
taborites, devenus moins furieux qu'ils ne
l'avaient été d'abocd, se reunirent aussi à
Luther el aux autres réformateurs, n)embres
bien digues, sans doute, de former une nou-
velle Eglise de Jésus-Christ.
Calixtins, est encore le nom que l'on
donne à quelques luthériens mitigé» qui
si.iivent les upijiions de Georges Culixle ou
Caliste, Ihéulogieu célèbre parmi eux, qui
mourut vers le milieu du xvi ' siècle. Il com-
bailail le sentiment de saint Augustin sur la
prédestination, la grâce el le libre arbitre;
ses dusciples son; regardés tiunme seiui pe-
lagieiis. 'ialixte s:>uteiiait qu'il y .i dans
les bommes un certain degré de connais-
sance nalurelle el de bonne volonU , el que,
quand ils usent bien de ces laculies, Dieu no
CIS
CAL
CAL
6U
mnnqufi pas Ao leur donner tous les moyens
nécessaires pour arriver à la perfecliou ili;
la vcrlu, dont la révélition mais muiilre le
clieuiln. Selon le dogoïc cidiolic] ic, au cod-
Iraire, l'Iioiiiine ne pcul l'airi', (l'aucune fa-
culté naturelle, un usai;.' utile au sal I, que
par le secours il'uiie {jrâce nui nous pro-
vient, opère en nous el a\ec nous. C'est une
maxime uuiversillcmeut reconnue, que le
simple désir de la grâce est déjà un coui-
luenceoient de giàre. Ou prétend que les
ouvrages qu'il a laissés sont Irès-uiédiijcres,
malgré les éloges pompeux que lui uni don-
nés les proleslanls. Au reste, il était plus
modéré que la plnpail de ses confrères; il
avait loriiié le projet, sinon de réunii- ensem-
ble les catholi<|ues, li's luthériens el les cal-
vinistes, du moins de les engager à se trai-
ter uiuluelleiiienl avec plus de d<iuceur, el
de se lidérer les uns et les autres. Ce dessein
lui attira la tiaim; d'un grand nombre de
théologiens de sa secte; ils é<ri virent contre
lui avec la plus granle clialeur, et lui repro-
chèrent plusieurs erreurs. Ou le rcg.irda
comme un faux frère, qui, par amour pour
la paix, Iraliissail la vénlé. Mosheim, avec
beaucoup d'einie de le justifier, n'a pas osé
le faire, ni approuver le projet que CalJxle
dvail formé. Util. ccclé:<.da xvii= siet'/c, sect.
2, (art. II, c. 1, § 'i3. Pour plaire aux pro-
testants, il faut déclamer conlse l'EijIise ro-
maine et témoigner pour elle la plus grande
aversion. Foy. SïNciiiiiisTKS.
CALOMNlbl, fausse impuialiunfailc à (|uel-
qu'un d'un vice, d'une mauvaise acUon ou
d'une mauvaise intention dont il n'est réel- .
lement pas coupable. Outre le péché de
mensonge nui est la hase de ce crii/je, c'est
une injustice qui blesse le prochain dans ce
qui lui e^t le plus cher, dans sa réputation,
el souvent nuit à sa foilune. Les calomnies
couchées par éciit, rendues publicjues par
l'impression, sonl encore plus odieuses que
celles qui se burnenl à des discours; les
libelles difl'auialoires contre les vivauts et
les mofls niérilenl des peines aifliitivcs, el
ne peuvent être punis trop sévèrement. —
Celui, dit l'Keclésiasie, ^M< CALOMNIE en se-
eiil tst un aerpent qui moid dans le stleiicn
[HccUf. X, ll);c'c»f un homme abominable
aiec lequ l il uc j'au( pomt Ittr société [t'iov.
Kxiv, 9 ei. 21). Vous ne calomnierez point
voire prochain, vous ne lui ferez puini vio-
lence {Leiit. XIX, 13). C'est une loi de l'Ancien
leslamcnl, fondée sur les nolious natu-
relles de la justice. — Ne vous accusez point
les uns les a Ures; celui qui juge ou noircit
son frère manque de respect à lu loi {Jac. iv,
11). Ilenuncez à la maligniic, à l'imposture,
ù la médisance; ne rendez point le mal pour
le nuil , ni CALOMtnn pouk calom.N!1î [l Pelri,
11, 1 ; m, 9). Priez Dieu pour ceux qui vous
persécutent et vous calomnient [Mallh. v, kï].
Tels sont les préceptes de l'iivangile.
Une accusation lausse est aisée à f ^rm r ,
mais Irès-difticile à réparer : malgré la mulli-
ludc do calomnies dont tout le monde se
plaint, on ne voit point d'exemples do réj-a-
ralioiis. Saiul Paul accuse de «e r rime les
anciens philosophes {liom. i , 29 et 30). !l se-
rait à souhailer que les modernes lussenl
plus atleiilifj à s'en préserver; mais il n'ar-
rive (jiie trop soiivenl que ceux qui déclar
nient avec le plus d'amertume contre la car
lomnie sonl ceux qui se la pernielteiit le
plus aisément, liaylc, dans sa lettre au\ ré-
fugiés, reproche aux calvinistes d'avoir in-
troduit en France des libelles diffamatoires;
son Dictionnaire critique n'est presque rieu
autre chose; mais il n'est aucune de ses ca-
lomnies (|ui n'ail été répétée cl ampliffée par
les incrédules d'aujourd'hui.
CALOIIÎK ou CALOGIÎU, calogeri, moine,
religieux cl religieuse grecs , qui suivent la
règle de saint lî.isile. Les culoijers habitent
parliculièremenl le mont Alhos , mais ils
desservent presque touies les Iv.lises d'O-
rient. Ils (ont des vœux conime les moines
en Occident. Il n'a jamais elé fait de relorme
chez eux ; ils gardent cxactemeni leur pre-
mier iiistilut, et conservent leur ancien vêle-
ment. Tavernier observe (juMs mènent un
genre de vie fort austère el fort relire: ils ne
mangent jamais de viande, el oulre cela ils
ont quatre carêmes, el oliservenl plusieurix
autres jeûnes de l'Eglise grec(iue avec une
extiéuic regularilé. Ils ne mangent du pain
(|u'apres l'avoir gagné par le travail de leurs
mains; il y en a qui ne mangent qu'une lois
en trois jours, el d'autres deux fois par se-
maine. Pendant leurs sepl semaines de ca-
rême, ils passent la plus grande parlie de la
nuit à pleurer et à gémir pour leurs pèches
el pour ceux des autres.
Ouelques aulens i/bservenl qu'on donne
pa: liculièremenl ce nom aux religieux qui
sont vénérables j ar leur âge , leur letrailu
el l'austérité de leur vie, el I • dérivent du
grec za>of, beau, el ynpat, vieillesse. U est à
remarquer que quoiqu'en France ou com-
prenne loiis les moines sous le nom de ca-
loijers, il n'en est pas de même en Grèce; il
n'y a que les frères qui s'appellent ainsi : car
on nomme ceux qui boni prêtres léronoma-
ques, i-.fyovoiJLiMl, sacri/icnteui s. — Les Turcs
donnent aussi quelquefois le nom decaloyer
à leuis dervis ou religieux.
Les religieuses caloyères sonl renfermées
dans des uionastères où elles \i\eiil séparé-
ment chacune dans leur maison. Elles por-
tent toutes un habit de laine noire cl un
manleau de même couleur; elles ont la léle
rasée, les bias et les mains couverts jus-
qu'au bout des doigts : chacune a une cellule
séparée, el toutes sont soumises à une supé-
rieure ou une abbesse. Elles n'observent ce-
pendant p.is uue clôture fort régulière, puis-
que l'entrée de leur couvent, inlerdile aux
piélres grecs, ne l'esi pas aux Turcs, qui y <
voni acheter de petits ouvrages à l'aiguille
faits par ces religieuses. Celies qui vivent
sans être eu communaulé, sonl pour la plu-
part des vi uves, qui n'ont fait U'.iulre vœu
ijuc de mettre un voile noir sur leur tète, et
de dire qu'elles ne veulent plus se marier.
Les unes el les autres vont partout où il leur
plait, el jouissent d'une assez grande liberté
a ia faveur de i'babil religieux.
615
CAL
CAL
616
GALVAIUE, montagne située hors des
murs de Jérusak'ni, nommée en liébreu Gul-
gotliu, crâne ou lête chauve, paicu qu'ejle
était sans verdure; c'est la que Jésus-Clirist
fut crucifie. Sainte Hélène y lit bâtir une
église. 11 est dit dans lEvaTigilo , qu'à la
mort du Sauveur il --e fil un Irembli meut de
terre, et que les rochers se fendirent. Dts
voyafieurs anglais et des historiens irès-in-
struiTs, Millard, Fléniing, .Maundrell, Schaw
et d'autres aileslent que li; rocher du Ciil-
vaire n'est point fendu naturellement selon
les veines de la pierre, mais d'une manière
évidemment surnaiurclle. « Si je voulais nier,
dit sa in l Cyril le de Jérusalem, que Jésus-CInist
ait élè crucifié, cotlc montagne de Golgutha
sur laquelle nous sommes prcsentiinciit as-
semblés me l'apprendrait {Calecli. 13). »
Dans les premiers siècles de l'Eglise on
croyait, sur la foi d'une tradition des Juifs,
qu'Adam avait été eniené sur lu Calvaire, et
que Jésus- Christ avait été crucifié sur sa sé-
pulture, afin que le san^ versé pour la ré-
demiition du monde purifiât les restes du
premier pécheur. Origène, saint Cyprien,
saint Hasilc, saint Epiphanc, saint Alhauase,
saint Jean (ihrysostome, saint Ambroise et
d'autres, citent celte tradition; saint Jérôme,
après l'avoir rejelée, semble \ être revenu.
Epist. ad Marcellam. Qu'elle'soil vraie ou
fausse, peu im[iorte ; elle atteste toujours lo-
pinion que l'on avait dans celemps-la de l'ef-
Dcacitéet de l'universaliié de la lédemptiun.
CALVAiBE, cliez les chrétiens, tst i.nedia-
pelle de dévotioa où se trouve un crucifix,
et qui est élevée .mw un tertre proche dune
ville, à l'iniitatiori du t'fi/tfK/eoù Jésus-t^tirist
fut mis en croix près de .lérusalem. Tel est
le Cnlvaire du Monl-Valérien, piès de P.iris ;
dans chacune des sept chapelles dont il est
composé, est représenté quelqu'un des mys-
tères de la passion.
Calvaire {Cotujrégation de Noire - Dame
du) (1). C'est un ordre de religieuses qui
suivent dans toute la rigueur la règle de
Saint-Benoît. — Elles ont été fondées par
Antoinette d'Orl-aus, de la maison de Lon-
giieviilc. Celte daim-, veuve à l'âge de vingt-
deuv ans, de Charles de Gondi, marquis de
Belle-lsie, son mari, se relira au monastère
des Feuillantines de Toulouse, où elle se lit
religieuse en lliOl. Elle fut appelée pour met-
tre la n forme dans l'ordre de Fonlevrautt;
elle établit sa demeure dans le monastère de
l'Encloitre, à deux lieues de Poitiers, où elle
fut autorisée à recevoir les tilles qui vou-
draient einbrassir une vie plus réijuliére. —
Le r. Joseph, confesseur et agent du cardi-
nal de Ki( lu lieu, obtint le 'i^ octobre ltil7,
avec le coiisenlement de l'abbesse de Fonie-
vraull, un bref de Kome, qui permit à la
Mère Antniiieite de sortir de l'ordre de Fon-
tevrault, et de prendre po>aession d'un cou-
vent que l'evéque de Poitiers veniiit de lui
faire bâtir dans sa ville, et d'y iuiroduiio
les religieuses qui voudraicui la suivre.
L'abbesse de Fontevi<iiill interjeta ensuite
(1) Cet :irlii;le c^l re()ioduii d'après l'édiiiou de
iJetje.
appel lin bref du pape. Le roi prit eonnais-
saiice de cette affaire, et chargea le cardinal
de Sourdis de lui en rendrecom, te. L'abbesso
se désista de ses poursuites, et permit à ses
religieuses de faire une nouvelle ijrofession.
La Mère Antoinette ne vil point la fin de
cette affaire, elle était décedée le 2o avril
1C18. Mais ir. P. Joseph, qui n'avait point
perdu de vue le nouvel instiiut, donna aux.
religieuses qui voulurent rfcmbrH>.ser le nom
de filles du Calvaire. Il engagea la reine
mère, Marie de .Médiiis, à leur bâtir une
maison près le priais du Luxembourg, ce qui
fut exécuté en 1620. il leur procura, en
iy38, un nouveau couvent dans le .Marais :
la place (ut achetée des deniers de la con-
grégation, et le monastère construit par les
libéralités du roi, du cardinal de Uichelieu et
de madame Combalel, sa nièce, depuis du-
chesse d'Aiguillon. — Le P. Joseph leur
donna des constitutions particulières, qui
furent approuvées par le pape Grégoire X'V.
Par sa bulle il érigea les couvents de Paris,
de Poitiers et d'.\ngers, et tous ceux qui se-
raient fondés |iar la suite, en congrégation
de l'ordre de S.iint-Benuît, sous le lilre de
ISolre-Dome du Calvaire.
Le monastère établi au Marais portait le
nom de Crucifixion, pour le distinguer de
celui du Luxembourg. La directrice ou gé-
nérale de l'ordre y résidait or inaireuient. —
il était gouverné par trois supérieurs ma-
jeurs , qui étaient ordinairement des cardi-
naux et des prélats, un vi.-'ileur et une géné-
rale. 11 était exempt de la juridiction des or-
dinaires. Les supérieurs majeurs él.ient à
perpétuité : le vi ileur n'était que pour trois
ans, mais il pouvait être continué. La géné-
rale n'était non plus que pour trois ans;
cependant de chapitre en chapitre on pou-
vaii aussi la coiitinucr, mais cette continua-
lion devait cesser après douze ans d'exercice.
Au bout de ce tem|is, elle devenait la der-
nière de la comiiiuuauté pendant un an, et
ne pouvait cire élue prieure qu'apiès trois
ans. — Pendant qu'elle exerçait son géné-
ralal, elle avait quatre assisitanies pour l'ai-
der di' leurs con.^eils. L'une d'elles l'aceoni-
pagiiail dans les visites qu'elle était oiiligéu
de taire de tous les monastères de la congré-
gation. — Lorsqu'il était question de la te-
nue du chapitre général, les prieures des
monastères et leur communauté, dans la
personne élue par chacune d'elles, avaient
le droit d'envojer par éciil leurs sullrages
au chaiiilre général. Le visiteur qui prési-
dait ce chapitre iivec trois scrutatrices, élues
par la communauté où il se tenait, ouvrait
les lettres, coinjUait les sullrages, et décla-
rait gêner. lie, assistantes et prieures, celles
qui aviiienl le plus de voix.
La congrégation dont il s'agit était com-
posée de vingt maisons, dont la première
était â Poitiers : il y en avait deux, comme
nous venons de le dire, à Paris, sept ou huit
en Bieiagiie. Les antres éiaienl aOile.ins.'à
Chinon, a Mayente, â Vendôme, a Louduu
et à Tours. L'abbaye de la Trinité de Poi-
tiers a été aussi unie â celle congré(;aliun,
617
€AI
CAL
M 8
ainsi que le monnslère des bénédictines de
Baiigé. L'habillement des ReligUnsef du Cal-
vaire était une robe de couleur brune, avec
un scapulaire noir, qu'elles mettaient sur la
guimpe, comme les carmélites déchaussées.
Au chœur, elles portaient un manteau noir,
et elles étaient déchaussées depuis le l"mai
jusqu'à la fête de l'Exaltation de la sainte
croix. (Extrait daDiclion. de Jurisprudence .)
[ Voy. le Dict. des Ord. relig. du P. Hélyol,
cdit. Migne. ]
<;ALV1N (Jean), fondateur de la secte qui
porte encore aujourd'hui son no.n , naquit à
Noyon, en 1509, et mourut à Genève en l.'iGV.
Jl y a, dans la conduite de ce célèbre réfor-
mateur, des traits de cara-itère (ju'il importe
de saisir pour se faire une idée juste du cal-
vinisme.
Instruit par un des émissaires que Luther
et ses associés avaient envoyés en France,
il vil que ces réformateurs de la religion
n'avaient ni principes suivis, ni corps de
doctrine, ni profession de foi, ni aucun rè-
glement fixe de discipline. 11 eiitreprlt.de
former un système complet de théologie
conlorme à leurs opinions, et il en vint à
bout dans son ïnsliiation chrétienne, qu'il
publia en 1536. — 11 y pose pour principe
que la seule règle de foi qu'un fidèle doive
consulter est l'Ecriture sainle, que Dieu lui
en fait connaître la vérité et le vrai sens par
une inspiration particulière du Saint-Esprit.
La question est de savoir comment on peut
distinguer sûrement cette inspiration pré-
tendue d'avec le fanatisme d'un imposteur.
Calvin, retiré à Genève, où Farel et Viret
avaient établi les opinions des réformateurs
d'AUeniague, commença par s'élever contre
un décret du synode de Berne, qui réglait la
forme du culte; il se crut mieux inspiré que
ce synode. Obligé de se retirera Strasbourg,
et ensuite rappelé à Genève, il y acquit un
empire absolu, fît un catéchisme, établit un
consistoire, régla la forme des prières et des
prédications , la manière de célébrer la
cène, elc et revêtit son consistoire du
pouvoir de porter des censures et d'excom-
munier. Ainsi ce prtdicant, après avoir dé-
clamé contre l'autorité que les pasteurs de
l'Eglise catholique s'attribuaient, usurpa lui-
même une autorité cent fois plus absolue,
à laquelle l'inspiration qu'il accordait à cha-
que fidèle était obligée de céder. — Le ira-
ducteur anglais de Mosheim, qui prétend
que Calvin surpassa tous les autres réfor-
mateurs en savoir et en talents, convient
qu'il poussa aussi plus loin que les autres
l'opiniâtreté, la sévérité et l'esprit turbu-
lent, tom. 1\ , p. 91, note. Quelles qualités
pour un apôtre ! 11 jui;eu lui-même que le
pouvoir qu'il s'était arrogé était exorbitant,
puisqu'aviint de mourir il conseilla au clergé
de Genève de ne point lui donner de succes-
seur. (Spon, Hist. de Genève, tom. II, p. 3.)
Les protestants, qui ne eessent de déclamer
contre l'ambition et le desjjotisme des papes,
pardonnent à Calvin de l'avoir porte beau-
coup plus loin ; ils l'excusent cl cause, ilisent-
ils, de ses services et de ses vertus. Où sont
DiCT. DE Théol. dogmatiqce. I.
donc les vertus de ce fougueux réformateur?
Bolsec, carme apostat, lui prouva que par
sa doctrine il f.ùsait Dieu auieur du péché.
Calvin fit bannir Bolsec, et il n(! tint pas à
lui qu'on ne le punît par des peines afllicli-
ves, comme pélagien et séditieux, t^.ast.ilion,
pour avoir aussi attaqué la doctrine de Cal-
vin, avait été de même obligé de sortir de (ie-
nèvc. Ce n'était plus l'Ecriiure ni l'inspira-
tion de chaque tiilèle qui était règle de foi
dans cette ville, c'était l'autorité despotique
de ('al vin.
Michel Servel,qui avait attaqué le mystère
<lc la sainte Trinité, et qui était poursuivi en
France, se sauva à Genève ; Calvin le fit ar-
rêter, le fit condamner à être brûlé vif, et la
sentence fut exécutée. Pour justifier sa con-
duite, Calvin fit un traité, où il entreprit de
prouver qu'il fallait punir de mort les héré-
tiques. Ainsi, ces ministres qui soutenaient
que l'Ecriture est seule règle de notre foi,
que chaque particulier est juge du sens de
l'Ecriture, condamnaient comme hérétique
un écrivain, parce qu'il ne voyait pas dans
l'Ecriture le même sens et les mêmes dogmes
qu'ils prétendaient y voir ; pendant qu'ils se
déchaînaient contre les magistrats qui pu-
nissaient de mort les hérétiques en France,
ils faisaient eux-mêmes brûler Servet, parce
qu'ils le jugeaient hérétique. — Gcntilis.
Okin, HIandrat, qui voulurent renouveler à
Genève les opinions de Servet, faillirent à
être traités de même. Gentilis fut mis en pri-
son et obligé de se rétracter ,Okin fut chassé,
Blandrat poursuivi en justice, forcé à signer
une profession de foi, et à s"évader.
Il ne faut pas croire que celle contradiction
entre les principes des réformateurs et leur
conduite ait cessé dans le calvinisme. Ses
partisans ont toujours continué d'enseigner
que l'Ecriture sainte est la seule règle de
notre loi, que Dieu éclaire chaque fidèle pour
juger du vrai sens de l'Ecriture, que le sen-
timent des Pères, les décrets des conciles, les
décisions de l'Eglise, ne sont qu'une autorité
humaine à laquelle personne n'est obligé de
déférer, et en même temps ils n'ont pas cessé
de tenir des synodes, de dresser des profes-
sions de foi, de condamner des erreurs, d'ex-
communier ceux qui les soutenaient; ils ont
ainsi traité les sociniens, les anabaptistes, les
arméniens. — Un déiste de nos jours, élevé
parmi les calvinistes, leur a reproché avec
beaucoup de véhémence celte contradiction.
« Votre histoire, leur dit-il, est pleine de faits
qui montrent de votre part une inquisition
très-sévère, et que, de persécutés, les réfor-
mateurs devinrent bientôt persécuteurs. A
force de disputer contre le clergé catholique,
le clergé prolestant prit l'esprit disputeur et
pointilleux. Il voulait tout décider, tout ré-
gler, prononcer sur tout ; chacun proposait
impérieusement son opinion pour loi suprê-
me à tous les autres; ce n'était pas le moyen
de vivre en paix. Calvin avait tout l'orgueil
du génie qui sent sa supériorité et qui s'in-
digne qu'on la lui dispute. (Juel lioinme fut
jamais plus trancbanl, plus i npéiieuv, plus
décisif, plus divinement infnillibie, à son gré?
20
Ci')
CAL
CAL
620
La moindre objection qu'on osail lai faire
ét.iil toujours une œuvre de Snlni, un crime
digne du feu. Ce n'esl pas au seul f>ervet
qu'il en a coulé la vie pour avoir osé penser
autrement que lui. — La plupart de ses col-
lègues étaient dans le même cas, tous en cela
d'autant plus coupables qu'ils étaient plus
inconséquents; leur dure orthodoxie était
elle-même nne hérésie selon leurs princi-
pes. » Deuxième lettre écrite de la Montagne.
p. 49,50, 58(1).
Il faut d'ailleurs qu'an protestant ail l'es-
(t) Nous croyons devoir cottipléler cette citation
inslriiclive. « (Qu'est-ce que la religion de l'Eîat ,
dit Ri>iisse;>u? (l'est la s:iinle ré ormalinn cvangéli-
qiic Voilii, sans coiilredit, des mots bien siinii:i"l'«.
Mais qu'est ce à Genève aiijoiiril'inii que li saimc ré-
foimiilion évangél que' Le siinipz vuns, m nsienr,
p;ir hasard? En ce cas je vous en foliriie. (juanl à
moi, je l'ignore. J'avais cru \t- savoir ridevanl ;
m. lis je me iranipiis ainsi (pie hien d'aiiiies pins
savants que moi sur loni autre poiui, et non moins
ignorants sur celui-là.
« Quand les r<ilorniatenrs se déiaclièrenl de TE-
gijse nunaino, ils l'accusèrent d'erreur, ei, pour
corriger celle erreur dans sa source, ils donnèreoi a
l'Eciilure un .luIre sens que c 'lui que l'Eglise lui
donnait. 0:i leur demamla (laquelle anloiiiè ils s'é-
cai talent ainsi do la dur truie reçie. Ils dirent que
c'élait de leur anloriié propie, de celle de leur rai-
son. Ils dirent qui; le sens de la Bilde élmt inleli-
gible et clair à tous les honinies in ce qui élaii du
saint, chacun était juge compéent de la doclnm' ,
et pouvait inierpréter la Bible qui en est la règle,
selon son esprit pariiculier; que l'uis s'accordaient
ainsi sur les t lioses es^euiielles, et que celles sur les-
quelles ils ne pourraient s'aicorder ne l'élalenl point.
« Voilà donc l'esprit particnller éiabii pour iinii|ue
interprète de l'Ecriiure ; \oiià l'anloiiié de l'Ejilise
rejeiée ; voilà chacun mis pour la docirine sous sa
propre juridiction. Tels sont les deux points foa-
danicnlaux de la réforme. Keconnaîne la Bible
pmir règle de sa croyance, et n'admettre d'autre iii-
lei prèle du sen.-. de la Bible que si i. Ces deux
poinis Ci'Uibinés lornienl le priiK ipe sur lequel
les chrétiens réiorniés se sont se, ares de l'fcglise
romaine, et ils ne poiivaicnl nniins l.iire sans tomber
en contradiciioii : car quelle aiiiorito iuierprét itive
auraient-ils pu se réserver, après avoir rejeté celle
du corps de l'Eglise?
f .Mais, dira-t-on, comment sur nu tel principe les
reformés ont ils pu se léunir? C'imim'ni, vou'aiit
avoir chacun leur façon de penser, oiil-ils fait corps
contre l'Eglise catholique? ils le devaient l'aire : ils
se réuni^salcnl eu ceci, que tous re^ onuaissa eut
chacun d'cuv comme juge coinpéienl pour lui-mèuie.
lu toléraient, ei ils devaient tolérer tiniies les inter-
préiaiioiis hors nue, savoir celle qui Ole la liberté
des interprétai ions. (Jr celte uoii|ue interprétation
qu'ils rejeiaient était celle des catholique'. Ils ile-
vaieui donc proscrire deconceri Idnne seule, qui les
proscrivait é,;aleiiieul tons. I.a diversité même de
leur-, f.içons de penser sur loui le reste éiaii le lu-n
couimun qui i< s unissaii. Citaient aulaol de petits
états ligués conire ui.e grande puis.sancR, et dont la
conredcraiion générale n'otait rli.a à riudépendauce
de chacun.
I V.qià comment la réformatioii évangéliqiie s'est
établie, et voilà cominen' elle doit se cous •■ ver. Il
est liien vrai (pie la doctrine ilii plus grand noiuhii^
peut élr.^ pr.po-'é'' a ton-, eoinne li plus pr^hab e
et la plu' aul Misée. Le suiiuuain peut moiiie la
rédiger en lurmulu et la pi escrire à ceux qu'il charge
d'eii»ei,sner, parce qu'il laui ipielque ordre, quelipic
prit étrangement préoccupé, pour s'imagi-
D'r que c'est l'Kcriture sainte qui est la
règle de sa foi. Avant de lire ce livre, un
jeune calviniste est déjà prévenu des dogmes
règle dans les insirnciions publiques, et qii'-u fond
l'on ne gêne en ceci la libené de personne, p»isi|iie
nul n'est fiircé d'enseigner malgré lui; mais il ne
s'ensuit pis de là (]iie les pariicu'iers soient obligés
d'adiiietlre précisémenl ces interprétations i|n'.iii
leur donne el cet e doctrne qu'on leur enseigne.
Cbaciio eu ileoieiire seul juge pour lui-uiême, et ne
reeniinati en cela d'autre aut.irité que la sienne pro-
pre. Les b mues insiruclions doivent moins lixer le
choix nue nous devons faire que nous mettre en état
de bien i boisir. Tel est le véritable esprit de la ré-
fnriiiatioo, tel eu est le vrai foiidinneiil. La rals(iu
pai ticiilière y proiioiice, en liiant la foi de la règle
couimiine qu'elle établit, savoir l'Eva gile; et il est
tel eoient de l'es-ence de la raison d'èire libre, que
quant elle von irait s'aservir à l'anloriié, cela ne dé-
pendrai! pas d'elle. Tiriez la inoiiulre a leime h ee
principe, el loin révansélisme crniile à l'in^lant.
Qu'un me prouve anjourd'hiii qu'en inati're de foi je
suis obligé de me soumeilre aux décisinas de quel-
qu'un, dès demain je me lais calholiqiie, et tout
huiiime conséipient ci viai lera inmme moi.
« Or, Il libre iiiterpiéi nion de l'Ecriture emporte
nou-seulemenl le droil d'eu expliquer les passages,
chacun selon sou sens pariiculier, mais celui de res-
ter dans le doute sur ceux iiu'oii trouve douteux, el
celui de ne pas comiirenilre cenv qu'on trouve in-
coiopiéheu'ibles. Voilà le dmii de cliaque (idèle,
droil sur lequel ni les pislcnrs ni les magisirais
n'oiil rien à voir. Pourvu qu'on respecte toute la Bi-
ble et qu'on s'accorde sur les poiuis capitaux, un
vit selon la rélonnaiionévaugé IqU'. Le seruienl des
bourgeois de Genève n'emporte rieu de plus que
cela.
« Or, je vois déjà vos docteurs triompher sur ces
points capiiaux, et préieudre que je m'en écarte.
Douceuieiit, messieurs, de grâce ; ce n'est pas en-
core de moi qu'il s'agit , c'est de vuus : sai bons d'a-
bord qneU so il, selon vous, ces poinis capitaux; sa-
chons ipiel driiX vous ave/, de me contraindre à les
voir où je ne les vois pas, ei "ù peiii-êire vous ne
les voye^pas vous-uiènies. N'oub.iez poiitl. s'il vous
plail, que me donner vos deci- ous pour lois, c'est
Vous ec.irter de la sainte réiormalion évangélique,
c'esi eu éhraiiler lis vrais fondements ; c'est vous
qui par la loi méritez punition.
1 La r'ili.ion proiesianle est tolérante par princi-
pe, elle esl lolérante es-eulielleineul. elle l'e-l auiant
qu'il est po-sible de l'être, puisque le seul dogme
qu'elle ne lolère pas esi celui de l'iniolérauce. \"ilà
riiisuriiioiiiable bimère ijui nous sépare des calbu-
liqnes, et qui réuiiil les autres coiinnunions entre
elles : chacune regarde bien les autres coiiime éiaut
dans l'erreur, mais nulle ne regard.' ou ne doit re-
garder cette erreur comme un obstacle an salut.
t Les réformes de nos jours, du moins les minis-
tres, ne connais^eiil pas ou n'aiment plus leur reli-
gion. S'ils I ataiiui connue et aimée, à la publica-
tion de mon livre ils auraicui poussé de coiiceri un
en de joie, ils se seraient Ions unis avec moi qui
n'atlai|i<ais que leurs adversaires; mais ils aiment
mieux aliaiiilnniier leur propre cause i|ui; de soute-
nir lu iiiicniie ; avec leur Km risildement arrogant,
avec leur rage de chicane ei d'iuiolérance, ils ne sa-
vent plus ce qu'ils croient, rii ce qu'ils veulent, ni
ce ipi'ils disent. Je ne les vois plus que coiiiiik! de
mauvais v dets d • ptèlres. qui les servent moins par
aiii >ni' pour eux ipie par haine cmiire iimi. Ijn.inil ils
nuroiii bien di'.puie, bien chaîna Ile, liicii ergoté,
bien pronom é, tout au tort de leur pi lil triomphe,
le clergé minain, qui inainlenaut ni el les lai^e
63f
CAL
qu'il doit y <ron?fir, par les leçons de son
c;ii(''i !;ismc, par les iiistriicd'ons des minis-
tres, par le ton fjéiiéral de la secte ; (elle est
l'iii-.pir>ilion qui le guide dans cette lecture.
faire, viendra les cliiisser armé d'arguments ad ho'
niini'm saiia i('p'i(|iie, el los liatlaiit (l« leurs propres
auiirs, il leui' 'lir.i : Cela va bien, nuiis à pré^enl olcz-
voHs de là, méchants intrus que vous ê:es, vous n'avez
Hoinilié que pour nous. Je reviens à iiioii s'ijel.
< L'I'^glise (le Genève n'a donc el ne doit avoir.
Comme n'Iorniée , ancnm; profession de foi pré-
cise, ariii iili'e, et rominiine à ions ses nii'mhres.
tii l'on vnulaii en iivoii une, en celii même on l)les-
serail la lihcilé évansjéliqne, on reiionceraii :iii piin-
ci|i>' lie la réforniaiion, (m violerajl lu loi de l'Ëlat.
I iiiili's les Kiillses piolestiinics qni ont dressé des
forinnles île profossioii de foi, ions les synodes qui
Oui délirminé des poiiils de dorlrine, n'ont voulu
(|ue prescrire aux parleurs celle qu'ils devaient en-
seii;ner, d ('ela éiaii bon el convenalde. Mais si ces
Ivi-lisi'S et ces synodes onl prétendu faire plus par
tes forniulf.->, el prescrire aux fidèles ce qu'ils de-
vaenl croire ; alors par de lellcs décisions ces as-
semliléi'S n'imi prouvé antre chose, sinon qu'elles
igmiraii'iil leur propre relif^ion.
« L'Kfjiise do Genève parais-ail di'pnis longiemps
S'écarler moins que ks aiiires du véritable esprit
lin cliristiaiiisnie, cl c'est sur celle Ironipcuse appa-
rence que j'iKMiorais ses pasie ts «l'éloi^es dont je les
rrova s iligies: car mou inlenliiin n'était assurément
pas (l'abuser le public. Mais qtd peut voir anjonr-
d'hni ces nunisires, jadis si coiilaiits ei devenu^ tout
à coup si rigides, chicaner sur l'oribodosie d'un laï-
que, el laisser la leur dans une si scandaleuse in-
cerlitiido ? On leur demande si Jésus-Clirist est
Dieu, ils n'osent réiiondre; on leur demamle quels
mys cre.> ils admellent, ils n'osent répondre. Sur
quoi donc lépondront-ils, el quels seront les articles
fondamentaux ililTércnis di^s miens sur lesquels ils
veiiieiu qu'on se décide, si ceux-là n'y sont pas com-
pris ?
( Un pbilosoplie jelte sur eux un coup d'œil ra-
pide ; il les péiièlre, il les voit ariens, soiiniens; il
le dit, el criiii 1. ui- faire bonneur : mais il ne voit
pas qu'il expose leur iniéiét leinporel, la seule
cl'iose qui généralemeiil décide ici-bas de la loi des
liomnii'S.
< Anssiiôt alarmés, efTrayés, ils s'assemblent, ils
disciileiil, ils s'agilenl, ils ne savent à quel saint se
^ouer; el après force consuililions, délibérations,
coiilérences, le loiil alioulii à un ampliigourl où l'on
ne dit ni oui ni non, et aui|iiel il e-t aussi piu pos-
sible de rien comprendre i|n'aiix deux plaidoyers de
Kabclais. La doctrine orihodoxc n'esi-elle pas bien
claire, el ne la VMilà-i-il pas en de sûres mains?
< Cepi iidanl, parce qu'un d'entre fiix compilant
foic' plai^anl^rlcs scolasiiques aussi bé dgiies qu'é-
léga lies, pi>ur juger mon clirisiianisme, ne craignit
pa> d'ali|iii'er le sien ; tout rbarmés du savoir de
leur conlrère, ei sniioui de sa logiipic, ils avouent
son docU' cHivragi', d l'en reinerciem par une dépii-
laiioii. Ce sonl, en vérité, de singulières gens que
messieurs vos niinjsties ! Un ne sait ni ce qn lU
iiuienl ni Ok: qu'ils ne croieni pas; on ne sait p.is
même ce cpi'ds font semblant de croire: leur stiile
mail èie d'établir leur foi est d'altaquer ce le des
iiiiiics.... Au lieu de s'ex|)lii|uer sur la dorlrine
qu'on lear impute, ils pcu-eni donner le change
aux autres Eglises en cbeicl.ani querelle n leur
propre iléleiiseur: iU veulent prouver par leur iii-
gratitiiile ipi'ils n'avaient pas besoin de mes soins,
el «loieol se montrer assez orthodoxes en se mon-
Iranl (rersécuieurs.
« De toitl CLCi je conclus qu'il n'est pas aisé de
(jire en ijiwi consiste à Genève aujourd'hui h sainie
CAL €33
Anssi nn luthérien ne manque jamais de voir
dans l'Ecriture les sentiments de Luther, un
socinien ceux de Socin, un anglican ceux
des épiscopaux, tout comme un calviniste f
trouve ceux de Calvin. — Ce \ice originel du
calvinisme suiflt pour en démontrer l'absur-
dité.
Nous ne voyons pas ce qu'auraient pu ré-
fiondre Calvin et ses collègues, si un catho-
ique instruit leur avait ainsi parlé : Vous
prétendez être suscités de Dieu pour réfor-
mer l'Eglise ; mais vous n'êtes envoyés ni
par aucun pisleur légitime, ni par aucune
Eglise chrétienne; il f;iiit donc que vous ayez
une mission exiraordinaire et miraculeuse.
Commencez par la jiroiiver di^ la même ma-
nière que Moïse, Jésus-Christ et les apôtres
ont prouvé la leur. Luther el d'autres se
donnent pour réformateurs aussi bien que
vous ; vous ne vous accordez point avec eux,
vous n'enseignez pas en toutes choses la
même doctrine, vous vous condamnez les
uns les autres. Auxquels d'entre vous dois-je
croire par préférence ? — Vous me donnez l'E-
criture sainie pour règle unique de ma foi; mais
vous ne reconnaissez p.is pour l'Ecriture
sainte plusieurs livres que l'Eglise catholique
me donne comme lels : comment termine-
rons-nous celte contestation ? Sera-ce l'E-
crilure sainte qui m'apprendra si tel livre
est canonique ou non ? Vous me présenlei
une traduction française de la Bible. Duimez-
moi un garant de la Odélité de votre traduc-
tion, de laiiuelle je ne suis pas en état de
juger par moi-même. Vous dites que j'e ne
dois point déférer à l'anlorité des hommes I
donc je dois récuser la vôtre sur tout ce que
vous trou erez bon d'affirmer. — Puisque
l'Ecriture sainte estla seule règle de ma foi,
vous avez lorl de prêcher et de vouloir ex-
pliquer l'Ecriture ; je sais lire aussi bien (jue
vous ; c'est à moi d'y trouver ce que Dieu
a révélé, cl non à vous de me le montrer.
Vous mi* proinotlez l'inspiration du Saint-
Esprit pour prendre le vrai sens de l'Ecriture ;
je le veux : celte inspiration me dicie que
vous prêchez l'erreur, el que l'Eglise catho-
lique enseigne la vérilé.
Pour toute réponse, Calvin aurait opiné à
fnire brûler ce raisonneur : Pareils mottslres,
disait-il, doivent être étouffés ; comme fis ici
en l'exécution de Michel Servet, espagnol.
Lettre de Calvin à M. du Poël (1).
rcformation. Tout ce qu'on peut avancer de certain
sur cet aitu'le est qu'elle doii consister principale-
ment à rejeter les points contestés .à l'Eglise romaine
par les premiers réformateurs, et surtout par Cal-
vin. C'est là l'esprit de voire iiisiiiuiion ; c'est par
là que vous êtes un peuple libre, el c'est par ce côté
seul que la religion fait chez vous partie de la loi de
ri'.lat. I — Seconde lettre de la Montagne.
(I) L'article de Bergier est insuffisant pour bien
apprécier Calvin. Ce fameux réformateur a été dans
notre siècle l'objet d'une étude toute spéciale. Sa vie,
ses mœurs, son influence reliijieiise ont éié l'objet
d'examens critiques assez sévères. Voici un extrait
bien curieux delà Discussion amicale (Imn. I, leitr.2,
iippend. 2) :
< Obligé de quitter la France pour se soustraire »
«25
CAL
CALVINISME, doctrine de Calvin et de ses
sectateurs en matière de religion.
L'on peot réduire à six chefs principaux
les dogmes essentiels du calvinisme. t° Que
CAL
«24
Jésus-Christ n'est pas réellementprésent dans
le sacrement de i'euchnrislin, que nous l'y
recevons seulement par la foi. 2° Que la pré-
destination et la réprobation sont absolues,
des poursuites juridiques, Calvin pnssa en Allema-
gne, y reclierdia la plupart de ceux qui remuaient
.ilors les consciemes el ngilaienl les esprils. A Bàle
il fut pré^eiilé par ISucer à Erasme, qui se tenait aux
écoules, sans se laisser emporter aux 0|iinions des
novateurs. Erasme, .Tprès s'èlre enirelenii avl-c lui
sur qucliiues-nns (les pitintsde la religion, fnrl étonné
de ce (|u"il avait dérouviTt dans cette âme, se lourna
vers Bucer, et lui dit, en lui niftnlrant le jeune t:al-
vin : « Je vois un «rand (léau s'ék'ver dans l'Eglise
contre l'Kglise : Viileo magitum pestem oriii in Ec-
clesia conira Ecclesiam. »
I L'isprii intdiéiant el sanguinaire de cet homme,
devenu trop célèbie, se nionire dans une de ses let-
tres au mari|uis du Pnêt, son ami : c Ne laites faute,
lui dit-il, de défaire le pays de ces zélés fanaiiques,
qui exhortent les peuples par leurs discnurs à se roi-
dir contre nous, noircissent notre cunduiie, et veu-
lent faire passer pour rêverie notre croyance. Pareils
monsires doivent être étnulfés, comme fis eu l'exé-
cution de Michel Servel, espagnol. >
c Les mauvais sentii-jeiils de Calvin sur la Trinité
excitèrent contre lui le zèle d'un homnn^ qui, d'ail-
leurs, partageait se? opinions sacr.imentaires : < Quel
démon t'a poussé, ô Calvin, à déclamer avcr Aiuis
rooire le Fils de Dieu? C'est cet anleilirisi ilu
Sepii'oirion que tu as l'imprudence d'adorer, ce
graniTiiairien Melancthoii... Garde- loi, lecteur ciiré-
li'ii, et V(uH surtout, ministres de la parole, gardez-
vous des livres de Calvin... Us conliennent une doc-
trine impie, les lilasphènies de l'ananisme, comme
si l'espril (!<■ Michel Servct, en s'échappanl du bû-
cher, avait à la platonicienne transmigré tout entier
dans Calvin. > (Slancharus, de Médiat, in Calvin.
Inslil., n. 5 et i.) En enseignant que bien était l'au-
teur de tous les péchés, Calvin révolta contre lui
tous les partis de la rélorme. Les luthériens de l'AI-
ieniagne se rtiuuirenl loiir réliiler un si linrrilile
blasphème. < Cotte opinion, disent-ils, doit èire
pailout eu horreur, en exécration : c'est une fureur
stoïcienne, fatale aux mœurs, moiislrnense et blas-
phématoire. » (Corpus dnclrind' cliristiana- .}
« (^elie erreur calvinisiique est horriblemenl inju-
rieuse' à Dieu, et de toutes les erreurs la plus hnicsie
an genre Inmiain; selon cette théologie calvinienne.
Dieu serait le i lus iniusle des tyrans..., et ce n'est
plus le démon, jiiais Dieu lui-même qui sera le pèie
du mensonge.) (Conradus SchIusseniLierg, Cait'//i.
'Iheolog.,- loi. il).)
f l.e même auteur, qui était surintendant inspec-
teur général des églises luihériennes en Allemagne,
dans les trois livres qu'il publia contre la lliéologic
calvinienne (Francfort, l'iOi), n'y nomme jiinais les
calvinistes sans leur donner les epilhetes d'inliilèles,
d'impies, de blasphémateurs, charlatans, hérétnpies,
incrédules, gens frappés d'un esprit d'aveuglement
el de vertige, gens san^ liont el sins pudeur, minis-
tres tuihulents et br^mllon-. de Satan, etc.
« lleshnsius, api es avoir exposé la doetriiie des
ralvinlsti^s, déclare avec indignatimi, < que non seu-
lement ils iransforinent Dieu en démon, ce dont la
seule pensée fait liorieur, mais qu'ils anéantissent
le niérite de Jésns-Chrisl a tel point rju'ils sont ili-
gneb d'être relégue> an fond des enrers. i (Lili. de
PiiV&eiilia corpoiis Ciiriili.)
I Les partisans de (;al\in ont essayé de le justilier
sur le crime et la IlétiisMire dont on l'accusaii liau-
lemeiit de porter la niari|ue ii l'epaiile; mais « c • qui
doit passer pour une convlcilon indiihitalde des cri-
mes imputés à Calvin, est ipie depuis qu'il a été
chargé de cette accusation, l'Lglise de Genève non-
feulement n'a pas justifié le contraire, mais même
n'a pas nié l'iniormation que lierlhelier, envoyé par
ceux de la même ville, lit à Noyon. Cette informa-
tion était signée îles plus apparents de la ville de
Noyon, et avait éié faite avec lonies les formes ordi-
naires de la justice; et, dans la néme infoiination,
l'on voit (|iie cet liéiC'-iaripie ayant été convaincu
d'un péché abominable, que l'on ne punit que par le
feu, la peine qu'il avait méritée fut, à la iivière de
son évèqiie, modérée à la fleur de lis Ajoutez à
cela que Bolsec ayant iMpporlé la inéiiie inrorniaiion,
Berthelier, qui vivait encore au temps de Bolsec, ne
le iléinentii point: ee qu'il edl lait, sans doute, s'il
e&t pu le faire sans trahir le sentiment de sa con-
science et sans s'opposer à la créance publique. Ainsi
le silence et de toute une ville intéressée et de son
secrétaire, est, en cette occasion , une preuve in-
faillible d 'S dérèglements imputés à Calvin, i ( Le
cardinal de Biehelieu, liv. ii.)
< Ces dérèglements étaient alors si peu contestés,
qu'un auienr calholoine (Oimpian, dans la iroitième
raison, an. I5S1), parlant de la vie iiilàme di; Calvin,
avance comme un lait connu eu Angleterre, que < le
chel des c.ilvinisles avait été fleurdelisé et fugitif, cl
que Son antagoniste Wltiaker, avonint le la.l, n'y
répond que par cet indigne parallèle : Calvin a été
stigmatisé, mais saint Paul l'a été, d'autres l'ont été
aussi. >
f Stapleion, hirt à portée d'en être instruit, puis-
qu'il avait passé sa vie dans le voisinage de Noyon,
parle de l'aventure de Calvin dans les termes d'un
liomme très-sûr de son lait : Inspiciunlnr elian ndliue
liodie cioilalis Noiiodune isis in l'ictndia scrinia el re-
rum geslaruiii monumeitla : in itlis adliuc hodie legitur
Jounnem hune Cnivinutn, sodomice convictum, ex epi-
kcojii el niiitiislratus iiululfienlia. solo stigmate in tergo
noliUinn, nrbe excesùsse ; nec ejns juniilice lione>tissi-
iiii viri, udlmc siiperstiles, impetrare huclenus polue-
runl ul hujns facli ntenwria, guœ loti familiiv uolam
aliqiiam iuiiril, e civicis ilUs monumenlis ae scriniis
eraderelur. (l'rompluarinm cathuliciim, pari, m.)
I Les Iniiiérieus d'Allemagne en p;irlaient égale-
ment alois cinnme d'un lait certain : De Calvini va-
riis fldgiliis et sodomiheis libidiuibus, ob quas stig-
m« Joiinnis Calvini dorso )mpressum fini a niagislraiu
siib quo vixit. (C. Schiussemberg, in C'a/fin. Tlieol.,
Itb. Il, fol. 7-2.)
< Enlio, si l'on en croit un de ses disciples, léiiioin
oculaire, il mourut dans le desespoir et d'une mala-
die liorrible. Caleinus in desperatioiie finii-ns vilain,
obiit lurpiiïsimo el jœdissimo nioibo, qiiem Oeus rebet-
libiis et miiledieiis cummiiialus etl prias excrueialus il
cunsiiDiptu^. Qiiod ego verissime altesiari audeo, (jui
(unesluin et tragicum itlius exilum et exilium liis meis
ocitiis prœsens aspexi. (Joan. Ilaren, apud l'cirnin
Cni7.eiiiiiiui.)
< Les luthériens allestent le même fait : Deus eliam
in hoc t.(vento judieinm tn Calvinum paiefecit, qiiemin
virga furoris visiiuvil, (itqnc hnrnbiliter piinivit aiite
mortis infclicis horuni. Deus enini manu sua potenti
udeo liuuc liœrelicHni percussii, ul despcrnia salule ,
da'monibus iiivoeatis.juritns, txseciansel blasphemnns,
misemme auiiuani malignam exhalant; vermibus circa
pudeuda in n/iosicma'e !:eu ulcère fœlenlissimo crescn-
libus, iiu m nullus asbisleatium lœlorem ampliut fere
possei. (Conrad. Schlusseinbeig, in Theoluy. Calvin.,
1.11, fol. 1±) .
M. Anilin, dans son excellenie Histoire de Calvin,
a apprécié l'influence du refurmatenr sur les mojurs,
la religion , et les habitudes des Genevois. < Si Ge-
iièie, avilit IS5'>, dit-il, était plongé dans les lé-
6â5
CAL
CâL
«26
indépendantes de la [irescience que Difu a
des oeuvres bonnes ou mauvaises de ch;ique
pnrticulier ; que l'un et l'autre de ces deux
décrets dépend de la pure volonté de Dieu,
sans épard au mérite ou au démérile des
hommes. 3" Que Dieu donne aux prédestinés
une foi et une justice inaniis'^ihles, et ne leur
impute point leurs péchés. k° Qu'en consé-
quence du péché originel, la volonté de
l'homme est tellement afTaiblie qu'elle est
incapable de faire aucune bonne œuvre mé-
ritoire du salut, mêtTic aucune action qui
ne soit vicieuse et imputable à péché. 5° Qu'il
lui est impossible de résister à la concupis-
cence vicieuse ; que tout le libre arbitre
consiste à être exempt de coaction et non de
nécessité. G" Que les hommes sont justifiés
par la foi seule, conséquemment que les bon-
nes œuvres ne contribuent en rien au salut;
que les s.icrenieiits n'ont point d'autre effi-
cacité que d'exciler la f(ii. Calvin n'admet
que tieux sacrements, lo baptême et la cène ;
il rejette absoluinent le culte extérieur et la
discipline de l'Eglise catholique. — On voit
que, poiir former son système, cet hérésiar-
que a rassemblé les erreurs de presque toutes
nébres de la superstition, quelles vérités Calvin a-l-il
donc tait luire ? Ëludions la lumière qu'il vint ap-
porter à ce peuple déchu. M:iis qui iiiins guidera?
Nos IVères de. la réforme repnusseraient le témoi-
gnage d'écrivains catholiques : eli bien ! appeloiis-eu
au protestantisme.
« Le livre d'or de Calvin est son Institution cliré-
liemie : ouvrons-le donc.
I El d'abord, ipie dire de ce symbolisme Irinilaire
que le rélormateur veut imposer à sa communion ?
(ieiililis l'a (uiveriemiMU repoussé ; mais Gentilis est
récusé p:ir Hé/.e et Drelincourt. Voici venir Hennins,
ce pur disciple de l'Evangile, comme on le nomme
en Silésie. Hennins n'a l-il pas dénoncé Calvin
comme un docteur qui a jndaisé, corrompu la Hible,
dénaturé la parole de Dieu, falsifié les textes scriptu-
raires et bbisphcmé la Trinité? Ainsi Calvin n'a pas
apporté à (Jenéve ta vérité luucliaiu le dogme delà
Trinité.
« [Nous connaissons son mythe eucharistique, où
le catholicisme n'a pu irouvei' ni corps, ni âme, ni
idéalisme, ni réalité : c'est sa gloire dans réc<ple ge-
nevoise. Il en a poursuivi le triomphe avec une per-
sévérante obstination. Et les luthériens ont traité
son système céuique plus mal encoie que les callio-
liijues. Le protestant qui l'atiaijua le plus vivement
n'e.il point une inielligence obscure : c'est un liuina-
nisle qui, à vingt ans, lisait dans cette chaire de Wit-
tenibirg, que Mélaiicliton avait si magnill(|ueinent
occupée; i|ui, à viii^t-qiiatie ans, était principal du
Cdlléjie il'Eisleben, où na(|uit Luther ; a trente-trois,
dnycn général de Mansteld ; it trcnle-cimi, profes-
seur (le théologie d'Iéiia ; Grawer, eiiliii, qi;i s'est
pris à la métonymie de Calvin comino Martin aux
nmines de Cologne, et l'a terrassée aux applaudis-
sements de ses coreligionnaires. Jamais dominicain
de Leipzig ne parla de llutleii aussi irrévéremment
que Grawer de (Calvin. Croiriez-vous qu'il pose eu
tète de l'un de ses livres ce titre véniablement in-
Iradiiisilile : Absiirda absurduiuni , absur.lisshiia
€ulv'inhlic(i ahsvicUi? et h; paniplilel obtint un grand
Siiccè<... Grawer vnus dit ipie la méionymie de
Calvin est une absurdité ! felissoii le caiholique
était plus poli. >
Il faut lire le livre de M. Audiii tout entier pour
apprécier la valeur de Calvin ei de sa docirin?.
les sectes connues, celles des prédestinatiens,
de Vigilance, des donatistes, des iconoclastes,
de Bérenger; qu'il a répété ce qu'avaient dit
les albigeois, les vaudois, les heggards, le»
fratricelles, les wicléûles, les hussites, Luther
et les anabaptistes.
Sur l'eucharistie , il n'enseigne point ,
comme Zwinule, que c'est un simple signe
du corps et du sang de Jésus Christ ; il dit
que nous y recevons véritablement l'un et
l'autre, ntais seulement par la foi; mais le
corps el le sang de Jésus-Christ n'y sont ce-
pendant point avec le pain et le vin, ou par
iiiipanation, comme le veulentles luthériens,
ni par Iranssubslantiatiou , comme le sou-
tiennent les catholiques. — Ainsi, depuis la
naissance de la réforme eu 1517, jusqu'en
1532, voilà déjà trois systèmes différents qui
s'étaient formés sur ce que l'Ecriture dit du
sacrement de l'eucharistie. Selon Zwingle,
les paroles de Jésus-Christ, cf ci' est mon corps,
signifient seulement, ceci «47 le signe de mon
corps. Calvin soutient qu'elles expriment
quelque chose de plus, puisque Jésus-Christ
avait promis de nous donner sa chair à man-
ger iJoan. VI, 52). Donc, reprend Luther , le
corps de Jésus-Christ y est véritablement
avec le pain et le vin. Point du tout , dit Cal-
vin, si l'on admettait une présence réelle, il
faudrait nécessairement admettre la Irans-
subslantiatiou comme les catholiques , et le
sacrifice de la messe. Voilà comme s'accor-
daient ces docteurs, tous suscités de Dieu
pour réfiirmer l'Eglise, et tous inspirés par
le Saint-Esprit.
Si l'on compare ce qu'enseigne Calvin sur
la prédestination avec ce qu'il dit du défaut,
de liberté dans l'homme, on sentira que Bol-
sec avait raison de lui reprocher qu'il faisait
Dieu auteur du péché; blasphème qui fait
horreur. Toute la différence qu'il y a entre
les prédestinés el les réprouvés consiste en
ceque Dieu n'impute point les péchés aux
premiers, au lieu qu'il les impute aux au-
tres : un Dieu ju-.te peut-il imputer aux
hommes des péchés qui ne sont pas libres,
damner les uns et sauver les autres, précisé-
ment parce qu'il lui plail ainsi ? L'abus que
faisait Calvin de plusieurs passages de l'E-
criture sainte, pour établir celte doctrine
odieuse, était une démonstration de l'absur-
dité de sa prétention, de vouloir que l'Ecri-
ture seule fût la règle de uolre croyance. —
Aussi le prétendu décret absolu de prédesti-
nation el de réprobation causa-t-il, paiini
les .proli'slauls, les disputes les plus animées;
il donna naissance à deux secles, l'une des
!'n/ra/«p«n(rM, l'autre des siiprulapsaires, el
donna lieu à une infinité d'écrits de part el
d'autre.
Pour esquiver le sens des paroles de Jésus-
Christ, (|ui nous assurent de sa présence
réelle dans l'eucharistie , Calvin opposait
d'autres passages oîi il faut recourir au sens
figure; et pour expliquer les passages qui
semblent supposer que Dieu est l'auteur du
p 'clié, il ne voulait pas faire usage de ceux
dans lesquels il est dit que Dieu hait, déteste,
6Î7
CAL
CAL
6^8
défend le péché , qu'il le permet seulement,
mais qu'il n'en est pas l'auleur.
L'inamissibililé de la justice dans les pré-
destinés, l'inulililé des bonnes œuvres pour
le salut, étaient deux autres dogmes qui en-
traînaient Ifs plus pei nie euses conséquen-
ces. Calvin avait beau les pallier par toutes
les subtilités possibles, les simples fidèles ne
sont pas en étal de saisir cette oliscure théo-
logie ; elle est d'ailleurs direclenient opposée
aux passages les plus formels de l'Ecriture
sainte; elle n'est bonne qu'à nourrir une
folle présomption et à détourner le chrétien
défaire de bonnes œuvres.
Une nouvelle contradiction était de soute-
nir que Dieu seul peut instituer drs sacre-
ments ; que , selon l'Ecriture, il n'en a puint
institué d'autres que le baptême et la cène,
et de prétendre que ces sacrements n'ont
point d'autre effet que d'excitip la foi. L'in-
stitution de Dieu est-elle nécessaire pour
élablir un signe capable d'exciier la foi?
C'était évidemment par nécessité de sys-
tème que Calvin niait la présence réelle de
Jésus-Christ dans l'euchari-lie. S'il avait
avoué qu'en vertu de linsiituliondu Sauveur,
les paroles qu'il a prononcées ont le pouvoir
de rendre présents son corps et son sang,
comment disconvenir qu'en venu de la
même institution, d'autres paroles ont la
force de produire la grâce dans l'âme d'un
fidèle disposé à la recevoir? — IMosheim et
son traducteur conviennent que sur ce [lOiut
la doctrine de Calvin n'est pas iiilelligible.
Dans la suite, les calvinistes ont senti les
inconvénients du système de leur inaflre; à
peine ont-ils conservé un seul de ces dogmes
en son entier; ils ont changé les uns, adiuei
et modifié les autres. Presque tons ont pris
le sentiment de Zwingle sur l'encharisiie; ils
ne l'envisagent que comme un signe. Un très-
graitd nombre ont rejeté les déerets absolus
de prédestination, et sont devenus pélagiens.
yoy. AnmiNiENs et Gomakistds.
Les théologiens calliolii|ues ont attaqué en
détail tons les doi;nics forges par Calvin,
même avec les paliiaiifs (|ue ses disciples y
ont apportés. Ils ont démontré l'opposition
l'ormelle de ces dogmes prétendus avec l'E-
criture sainle, avec la tradition ancienne et
constante de l'E^bse, avec les vérités que
tout chrétien est obligé d'admettre. Ce réfor-
mateur ac( usait j'Enlise romaine d'avoir
changé la doctrine de Jésus Christ établie
par les apôtres. On a prouvé jusqu'à l'évi-
dence que c'est lui-même i|ui a innové, qu'il
n'y a dans l'univers entier aucune secte qui
ail professé le c<ilvinisme; qu'il est proscrit
cl dclesié dans des sociétés qui se sont sé|)a-
rées do l'Eglise romaine depuis plus de qua-
torze cents ans. Ce qui lorme déjà un pré-
jugé lerrilde contre ce système, c'est qu'il a
fait éclore le sociuianisme ot le déisme. Voy.
I'kotkstants.
Depuis son clablissemcnt, il s'est toujours
maintenu à Uenève , où il a pris naissance ;
des Irei/e cantons suisses, il y ( n a six qui le
professent. Juiqu'en 157:2, il a été la religion
ùuminaiile en Hollande: quoique dès lers .
celte république ail toléré toutes les sectes
par raison de politique, le calvinisme rigide
y est cependant toujours la religion de l'E-
tat. En Angleierre, il est allé en décadence
depuis le légne d'Elisabeth, malgré les ( fl'orls
qu'on! f lit les puritains ou presb\ lériens pour
le soutenir. Depuis que l'Eglise anglicane a
p; is des sentiments plus nu)derés, le calvi-
nisme est au nombre des seeti s non confor-
mistes et sinipleuienl tolérées. En Ecosse et
en Prusse, il est encore dans toute sa vigueur.
Dans quelques parties de l'Allemagne, il est
mélangé avec le luthérianisme; il a été souf-
fert en France jusqu'à la révocation de l'é-
dit de Nantes.
On demandera sans doute comment un
sysième si mal conçu et si mal raisonné , ca-
pable de désespérer les âmes vertueuses et
d'alTermir les pécheurs dans le crime, défaire
envisager Dieu comme un t^ran plutôt que
comme un niaitre aimable, a pu trouver des
sectateurs dans presque toutes les parties de
l'Europe. Nous tâcherons d'expliquer ce plié-
noiiiène dans l'article suivant. Parmi nos
conlroversisles qui ont réfuté le calvinisme,
Bossuet, Ainauld, Nicole, Papin, Pélissou,
tiennent le premier rang, et sont les plus es-
timés. — iMosheim réduit à trois ou quatre
chefs les points de doctrine qui divisent les
calvinistes d'avec les lutliériens. 1° Touchant
la cène, ceux-ci dirent que le corps et le
sang de Jésus-Christ y sont véritablement
donnés aux justes et aux imjiies, quoique
d'une manière inexplicable; selon les calvi-
nistes, ce corps et ce sang n'y sont qu'en fi-
gure, ou présents seulement par la foi; mais
tous ne l'entendenl pas de même. Le traduc-
teur de Mosheim a très-mal rendu ce point
de la croyance des luthériens, en disant qu'ils
a-surent que le corps et le sang de Jésus-
Christ sont maiériillement présents dans le
saciement; jamais les lutherii ns n'avoue-
ront cette présince matérielle : ils disent (jue
le corps et le sang du Sauveur y sont don-
nés et reçus par la communion, sans vouloir
avouer qu'ils y sont présents indépeuilam-
ment de l'action île communier. 2° Selon les
calvinistes , le décret par lequel Dieu , de
toute éterniié, a prédestiné tel homme au
bonheur du ciel et telaulre à la iiamnation,esl
absolu, arbitraire, indépenilantdela prévision
<les mérites ou démérites futurs de l'homme ;
selon les luthériens, ce décret est condition-
nel et dirige par la pr escieiue. .'1° Les cahi-
nistes rejettent toutes les cérémonies comme
des superstitions ; les luihérieus pensent (|u'il
y eu a dillérentes et que l'on peut conser-
ver, comme des peintures dans les églises,
des baliiis sacerdotaux, les hosties pour con-
sacrer l'eucharistie, la confess.'on auricu-
laire des pèches, les exorcismes dans le
baptême, plusieurs fêles, etc. iMais Mosheini
conviiiil que ces divers article-, de croyance
fournissent matière à un grand nombre de
questions subsidiaires, l^" Ni l'une ni l'autre
de ces deux sectes n'a aucun pri ripe certain
louchant le gou\('iiiement île l'i glise ; dans
plu.sieurs endroits, les luthérien', ont conser-
vé des évéques sous le nom i\e surin le nUatUs}
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650
ailloiirs ils n'ont qu'un simple consistoire,
commp les calvinisttvs ; chez les uns et les
aulri's !e fiotivoir c:vil des souvernins et des
iTi^ip sir.ils a plus ou moins d'influence dans
les alTaires eciléNiasliqucs, suivani les lieux
et les circiinslances. A profiremenl parlrr,
leur seul point de réunion est leur haine et
leur animosilé eonstanle contre l'I'^glise ro-
maine. Histoire erclés. du svr siècle, secl.3,
11' partie, ('.2, § 29, 32.
CALVIMSTI.'S, sectateurs de Calvin; on
les nomtn»' aussi proleslnnts, prétendus ré-
formés, sucramcniatres, huçjuenuls. Vvy. ces
Diuls.
Il est à propos de rerhercher les causes
qui oui contribué aux progrès que ces sco-
laires firent si rapidement en France; ce que
nous en <lirons pourra servir avec propor-
tion à 1 é;;ard des autres contrées de l'Iïu-
rope.
On sentait de toutes parts, au conimence-
iDenl du xvi= siècle, le besoin d'une réforme;
les va-tix qu'avaient formés sur re point les
conciles de Constance et de Bâle, les mesu-
res qu'ils avaient prises pour la procurer,
tant dans le chef que dans les membres de
l'Ejjlise, avaient été sans effet; on ne voyait
aucun niojeM d'y parvenir. Tout le monde
et, lit ntéconlenl de l'état des choses, tout
annonçait une révolution proch;iine. — 1" Sur
la lin du xv siècle, Alexandre VI avait scan-
dalisé l'Eglise par ses mœurs et par son am-
bition. Jules II, son successeur, plus occupé
de guéries et de conquêtes que du jjouver-
nemeiil île lliglise, fut ennemi implacable de
Louis Xllei de la France. Il souleva contre
ce roi toute l'Italie, lança contre lui une es-
coiiimiinieation, mit le royaume en inlerdit,
dispensa les sujets du serment de fidélité.
Plus Louis Xll était aimé et tnénlait de
l'être, pus Jules 11 fut délesté. Léon X, qui
lui succéda, ne montra pas plus de venus
pontificales, ni île zèle pour la réforme. Il
élail aisé de prévoir que le mécontentement
centre les papes cnlrainerait bientôt une
révolte contie le joug de leur autorité. —
2° Les moines, surtout les mendiants , soit
par zèle, soit par intérêt, attiraient les tidè-
les dans leurs églises par des dévotions sou-
vent assez mal réglées, multi[)liaient les con-
fréries, les indulgences, les reliques, les mi-
racles, les hisluin s fausses et apocryphes,
faisaient à cette occasion des quêtes lucra-
tives, entreprenaient sur les droits des curés
et sur la juridiction des évèques, alléguaient
les privilèges qu'ils avaient oblenus du saiiit-
siige, etc. <Juelques-uns des théologiens qui
éeinirent contre ces abus ne gardèrent pas
toute l.i modération possible, et firent retom-
be, sur les pratiques même une partie du
blàiiie que méritaient les religieux. — 3° La
]■ ridicllon ecclésiastique n'était pas renfer-
mée dans des liornes aussi sages qu'elle de-
vait l'êti e, les tribunaux laïques s'en plai-
gnaient. Il y avait du désordre dans la ma-
nière d'obtenir, de posséder, d'administrer
les béni fices ; en général le cierge séculier
était moins instruit et moins réglé qu'il ne
l'est aujourd'hui, et les peuples se ressen-
taient de ce malheur. En un mot, tous les
abus qui ont été corrigés ou prévenus par les
décriîts du concile de Trente , étaient |ires-
qiie généralement répandus. — V Les théo-
logii'us, bornés à la scolastiquc, ne culti-
vaient ni rèriidiiion sacrée ni les belles-
lettres, regardaient même celle étuile comme
dangereuse pour la religion. Les laïques qui,
depuis le règne de François 1 ", avaient ac-
quit des connaissances, niépiisaient les théo-
logiens, et se cro; aient pour le moins aussi
capables qu'eux de juger des matières de
re! gion.
L'on ne doit pas être surpris si les émis-
saires de Luther, de Mélanchlon, de Bucer,
qui étaient lettrés, qui parlaient et écrivaient
bien, qui avaient étudie l.'s langues et l'his-
toire, trouvèrent parmi les littérateurs des
disciples tout prêts à être séiiuits. C'était
assez de déclamer contre le pape, contre le
clergé séculier et régulier, contre les abus en
fait de religion, pour être écouté. La con-
fession, les jeûnes, les œuvres satisfacloires,
les vœux, les pratiques du culte public, les
honorairi-s des ministres de la religion, sont
un joug; l'on en était fatigué, et on voyait
un moyen de s'en débarrasser.
Le poison, répandu en secret, gagna da
proche eu proche, infecta des hommes de
tous les étals; ceux qui l'avaient reçu furent
eux-mêmes étonnés de se trouver d'abord
en si grand nombre. Les livres de Luther,
de .Mélanchton, de Carlosladt, de Zwingle, se
multipliaient en France, et en firent naître
d'autres : on vit éclore de toutes parts des
livres de piété, des traités dogmatiques, des
ouvrages polémiques ; ils inondèrent le
royaume et y allumèrent le fanatisme. Les
décrets de la iaculté de théologie, les man-
dements des évêques, les recherches de la
police ne purent en arrêter le cours. Peu
importait quelle doctrine on adopterait,
pourvu iiue l'onchangeàtde religion. L'/ns i-
tulioii de Cahin parut; cet ouvrage était
séduisant, il fut reçu avec acclamalion ; une
graiule partie du royaume se trouva bientôt
calviniste sans l'avoir prévu.
Ce p.u'ti, qui sentit ses forces, éclata par
des voies de fait, p.ir des placards, par dos
libelles injurieux; les migisirats et le gou-
ncment alarmés eurent recours aux suppli-
ces : il était trop lard ; ces exécutions aigri-
rent les esprits et rendirent les calvinistes
furieux. — N'oublions pas que sous les Va-
lois les peuples étaient aussi méconlenls du
gouvernement que de l'état de la religion.
François 11, prince inappliqué, se déchargea
de l'administration du royaume sur les prin-
ces de Guise ; ceux-ci avaient gagné la faveur
du clergé par leur zèle pour la religion ca-
tholique; les grands, qui voulaient leur en-
lever l'autorité, se rangèrent du côté de;;
calvinistes. La conjuration d'Amboise, qu'ils
fonnèrenl dans ce des'-eiu, éclata et fut dé-
concertée; la punition des conjurés ne servit
qu'à augmenter la haine, et à faire concvoir
de nouveaux projets de révolte. — Ch irles
IX. en montant sur le tiôae, voulut en vain
calmer les deux partis ; laniuislie accordée
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6Si
par son édit aux protrstants ne prouve que
trop les excès auxquels ils s'éiaient déjà
porlés. Un lunaullc arrivé par hasard à Vassi,
et dans lequel plusieurs protestunls furent
lues, leur servit de prétexte pour lever une
armée et commencer une guerre civile. Elle
embrasa bientôt tout le royaume, et elle se
fit de part et d'autre avec loules les fureurs
que la fanatisme peut inspirer. Deux fois
elle fut suspendue par des édits de pacifica-
tion, ou plutôt de pardon ; à la Iroisième, les
proleslaiils obtinrent de leur souverain tout
ce qu'ils demandaieut, el même des places
de sûrelé. — Un roi réduit à traiter avec ses
sujets devenus ses ennemis, leur pardonne
difficilement cette injure ; Charles IX, indi-
gné des conditions qu'on lui avait fait subir,
frappé de ce qu'il avait à redouter de la part
d'un parti toujours menaçant, conçut le fu-
neste projet de se défaire des chefs du parti
huguenot, et permit de les massacrer. Le
peuple, une fois animé au carnage, ne se
borna pas à immoler les chefs; un nombre
infini de catholiques satisfirent leurs haines
particulières , poussèrent la cruauté aux
derniers excès, et donnèrent ainsi lieu à une
nouvelle guerre civile. Vuy. Saint-Barthé-
LEMI.
Henri 111, pour la faire cesser, fut obligé
d'accorder aux calvinistes un cinquième édit
encore plus favorable pour eux que les pré-
cédents; les catholiques mécontents formè-
rent la ligue, qui fut nommée très-mal à
liroyios la sainte union; la crainte de voir
passer la couronne sur la tête d'un prince
hérétique rendit les catholiques aussi intrai-
tables que les huguenots.
Henri IV avait été malheureusement élevé
dans le calvinisme ; il fut obligé de conquérir
son royaume sur les ligueurs. Enfin, victo-
rieux et universellement reconnu, il accorda
aux calvinistes, qui l'avaient utilement servi,
un nouvel édil de pacification, semblable
aux précédents, avec des villes de sûrelé;
c'est l'éditde Nantes. — Heureuse la France,
si la paix eût éteint le fanatisme ! mais il
subsistait encore; Henri l\ en fut la victime,
et périt, comme Henri 111 , par un assassi-
nat.
Sous Louis XIII, les protestants reprirent
les armes; ils furent vaincus, el leurs places
fortes démolies. Mais l'édil de Nantes fut
confirmé quant anx autres articles. Louis
\IV, plus puissant et plus absolu qu'aucun
de ses prédécesseurs , révoqua l'édit de
Nanti's en 1685, et depuis ce moment les
calvinistes ont dé privés en France de
l'exercice public de leur religion. Nous
n'oserions examiner si celte révocation a été
mjuste et illégitime, si elle a porté au
royaume un préjudice aussi considérable
que l'onl prétendu quelques écrivains mo-
dernes (1).
(1) La révocation (lo l'fdit iW. Nantes •■» été rap-
poriée en 178S, sous le minislore ilii cardinal de
ItritMine. C'csl nn princiiu; i\k ions lis lrin|is que
nons proclaNiDiis aiijiini'<l'|jnl avec ciiiilianco : une
libelle eiiiicic el toiiipléie de couse. eiice csi plus
Celle narration Irès-abrégée suffit pour
donner une idée des maux qu'a causés à la
France une prélenJue réforme qui, loin de
rendre la foi plus pure et la morale plus
utile à la vraie religion qu'une protection despotique.
— La liberté de conscience est nn droit qu'aucun
pouvoir liumain ne pem ravir.
Quoique 1:\ question de U révocation de Tédit de
Manies soit plus du ressurl de la politique que de la
lliéol(K„'ie, cependant, parce qu'on en a fait nnegrande
olijeclion coulre la religion, nous croyons devoir
citer ici rappréciatinn qu'en a faile M. Frayssinius.
< Les longues et sanglâmes guerres de la religion,
dil-d, élaienl encore vivement présentes à tous les
esprits, et le souvenir des maux passés invliall à
prendre des mesures pour en prévenir le retour. >
< Je ne m'atiaclierii pas, > dit à ce sujet l'aiigusie élève
de Féneloii, le duc de Bourgogne , « à ciinsi.lérer
I les maux que l'iiéré'^ie a fans en Allemagne, dans
< les royaumes d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande,
I dans les Provinces-Unies et ailleins; c'est du
( royaume seul dont-il esi question. Je ne rappellerai
I pas même dans le détail celte chaîne de désordres
< consignés dans tant ili^ nioniiinenis aullienliques,
« ces assemblées secrèies, ces serments d'associa-
( tion, ces ligues avec l'éiranget, ces refus de payer
I les tailles, ces pillages des deniers puldics, ces
* menaces séditieuses, ces conjurations ouvertes,
I ces guerres opiniâtres, ces sacs de ville, ces in-
I ceiidies , ces massacres réllécliis , ces attentats
i contre les rois, ces sacrilèges multipliés et jusqu'à-
( lors iiioiiis : il me suflil (le dire que depuis Fran-
< çnis I" jusqu'à nos jours, c'e>t-à-dlre snus sept
I règnes diiïércnts, tous ces maiixel d'autres encore
c uni désolé le royaume avec plus ou moins de iu-
I reiir. Voilà, di»-je, le l'ail hishuiqoe que l'on peut
« charger de divers incidents, mais que l'on ne peut
< coiiiester subsianlielleinenl, ni révoquer en doute;
« el c'est ce point capital qu'il faut toujours eiivi-
< sager dans l'examen politique de cette affaire. »
I Plein de ces pensées, le gouvernement s'occu-
pait depuis longtemps à miner iiiseuslbleineiu un
parti reiloulable qui ,avait porté l'audace jusqu'à
vouloir loriiier un Liai républicain au milieu iiièine
de la France. < Les arrëiset les édils se succédaient
I raijdement, dit l'iilusire liistorien de Bussuei ; on
< pensait alors que les édils précédents de t'iié-
I rance et de pacliicalion n'élaient pas des traités
I d'allianre, mais des ordonnances faites par le<
I rois pour l'ulilité piibliipie et sujets à révocation
f lorsque le bien de l'Ltat le duinaiide. Tel était le
( senlimenl du docteur Arnauld, et, ce qui est plus
< remarquable, de Groiius lui-même. Le gouvenie-
I ment français paraissait suivre le même système
« poliiiqiie que les gouvernements praesianis
I avaient mis depuis luiigleiiips à exécution coulre
I leurs sujets lallioliques; et même, en comparant
< leur code pénal avec celui de la France, il serait
I facile lie prouver qu'il se montra plus indulgent
< et plus tolérant. Il était fidèle depuis quinze ans à
( celle marclie progressive, et rien n'annonçait l'a-
( boliiion ciiiiëre de redit de Nantes, lorsque des
< (omplols alariiiaiils, qui éclatèrent en l(iS3, la
I tirent mettre en délilnTalinn. Les protestants du
I l'oîtou, de la Salnlonge, de la Guyenne, du Lan-
I gnedoc.des Cévennes.ilii Vivarais et du Daupliiné,
< formel eut un projet général d'union pour relever
I les leiiiples ipil avaieni éié démolis, cl reconquérir
I les privilèges dmit ils avaieni été dépouillés.
« L'elendard d(î la révolte l'ut arbore dans quelqiies-
< unes de ces provinces C ''"-'s t^'ofes furent mises
I sur pied pour les conicnir. Celte atlaire devint
I l'objet plus baliiliiel dis pensées du roi et de ses
< conseils. ICnlin l'edit fut révoqué. L'opinion géné-
I raie paraissait alors lelleinent consacrer la sageise
653
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634
parfaite, renouvelle une foule d'erreurs con- désespoir, et les méchanis dans une funeste
damnées dans les différents siècles de l'E- sécurité, ôte tout motif de pratiquer la vertu
glise , dont les dogmes renversent les prin- et qui a inspiré, dès l'origine, à ses secla-
cipes de la morale fondés sur la liberté de teurs, la même révolte tant contre les puis-
l'homme , jettent les âmes timorées dans le sances séculières que contre l'aulorité ecclé-
c de celle mesure, que Loiiis XIV reçut les féliciia-
I lions de Iniis les ordres de son royaume. Tous les
I p.irleineiiis s'em|iresséreru d'enregistrer un édil
c ipi'ils ;iva enl prévenu eiix-niènies par une iiiulli-
« Inde ir;irrêls particuliers dmit l'étal de révocation
f IIP semblait ère que la sanction générale. Les
« inscriptions qu'on lisait encore, il y a vingt-cinq
« ans, au pied de \:\ slalue de Louis XIV, à la place
« Veiulonie et à l'IIôiel-de-Ville de Paris parais-
t s.tient n'avoir été, par leur confnrniilé avec ce qui
• niius reste des mémoires eonteniporaiiis . (pie
« l'expression sincère de l'opinion publique. Ll t'est
I avec raison qu'un auigir, ipii ii'esl pas suspect,
I disait en 1789, que Ldiiis XIV n'avait fait que cé-
I der nii vœu ijénérat de Idnalion. On avait cru trop
« aisément que les uns seraient conlenns par la
« crainte, et que les autres seraient gagnés par la
« persuasion ; la résistance année des proteslmis
« lit voir qu'on s'élait trompé; elle amena des me-
< sures de rigueur «ini n'entraient que trop dans le
« caractère violent de Loiivois, et l'on ne peut que
c gémir sur les excès déplorables commis des deux
I côtés. Enfin la paix de llisvvick vint rendre le
< calme à la France, et permit an gouvernement de
« s'occuper du sort des protislaiit>. Le marquis de
c Loiivois, le plus a' dent promoteur des mesure-; de
< ligueur, n'existait plus, et Louis XIV était toujours
« dispiisé à accueillir tous les moyens de douceur et
« de raison qui étaient conformes it sa modération
t et à Sun équité naturelle. Les cris de tant de vic-
« litnes innocentes on coupables :ivaient retenti
I jusqu'à son àme sensible et généreuse. La religion
« même s'était indignée de l'abus criminel qu'on
« avait osé taire de son nom et de son autorité, con-
I tre ses intentions bien connues et souvent expri-
« niées. Le cardinal de Noailles, qui était également
f opposé par caraiière et par principe à tout ce
< qui pouvait ressembler à la conirainle et à la vio-
t lence ; Bossuet, qui n'avait jamais voulu employer
I que le^ iirmes de la science et les moyens d'ins-
« truction, firent prévaloir peu à peu les conseils de
I la douceur et de la modération. Ils furent lieureii-
I sèment secondés par les insinuations encore plus
f persuasives de madame deMainlenon, que la piété
« naturelle à son sexe, et uneiaison douce et ealme,
1 rendaient toujours accessible à des maximes
« avouées par la religion conimme par l'humanité.
« Ln exilant les ministres, Louis XIV avait défendu
« :mx sectateurs de leur cumtnnnion de quitter la
f France, mais l'éinigration des pasteurs entraîna
< celle d'une partie de leur trouiean. liasnage, écri-
« vain protestant porte à trois ou quatre cent mille
t le nombre des proteslanis réfugiés. Celle seule
< énuméiatinn de trois nu quatre cent mille dans une
I pareille inalière, est laite pour inspirer de la nié-
« fiance à un critique judicieux. La Martinière, cga-
« Icmenl proiest ml, réduit ce nombre à trois cent
« mille. Larrey, aussi protestant, le réduit à deux
t cent mille, et l'Iiislorien protestant de la révoca-
I lion de redit de Nantes, Benoit, s'arréie aussi Di
( deux cent mille. >
t On sent qu'il esl permis de conserver au moins
des doutes sur des calculs aussi vagues lorsqu'on
Voit des écrivains de la méuK^ conimimion placés .i l'é-
poque même des événements différer de quatre cent
mille à deux cent mille sans donner à leur evalua-
liiin des bases qui puissent en parantir la coiti-
Imle.
< Ecoutons le duc de lîonrgDgne, qui avait fait
d'exactes reclierclics sur cette luaiiére : « Du a exu-
I géré innniment le nombre des huguenots qui sor-
( tirent du royaume à celle occasion, et cela de-
< vait-être ainsi : comme les intéressés sont les
< seuls qui parlent et qui crient, ils aflirment tout
< ce qui leur plaît. Un ministre qui voyait son iroii-
« peau di-persé publiait qu'il avait passé cheï Té-
« trauger. Un chef de manuraciure qui avait perdu
« deux onvii.-rs taisait son calcul comme si tous les
« f.ibricanis du royaume avulenl fait la iiiènie pêne
€ que lui. Dix ouvriers sortis d'une ville où ils
« avaient leurs onnai^sances et leurs amis faisaient
€ croire, par le bruit de leur fuite, que la ville allait
I manquer de bras pour tons les aieliers. Ce qu'il y
< a de surprenant, c'est que plusieurs maîtres des
< requêtes, dans les instructions qu'ils m'adressé-
« rent sur leurs généralités, ado|ilèreiU ces bruits
I (lopiilaires, et annoncé' eut par là combien ils
I éiaient peu instruits de ce qui deïait les occuper;
« aussi leur rapport se trouv.i-i-il contredit par
I d'autres, et dénionlié faux parla vérilicalion faite
< en plusieurs endroils. Quand le nombre des bu-
« giienots qui sonirenl de France à cette époque
« monterait, suivant le cal. -ni le plus exagéié, à
I soixante sept mille sepi cent trente-deux persoii-
t nés, il ne devait pas se trouver |iaiini ce nombre,
< qui comiirenait tons les âges et tous les sexes,
« assez d'Iiomnies utiles pnur laisser un grand vide
« dans les campagnes et dans les ateliers, .et influer
I sur le royaume entier. Il est certain d'ailleurs que
« ce vide ne dut jamais être plus sensible qu'au nio-
I ment où il se fit. On ne s'en aperçut pas alors,
I et l'on s'en plaint aujourd'hui! il faut donc en
f clierclier une autre cause : elle existe en elfel, et,
I SI l'on vent la savoir, c'est la guerre. >
€ Quant à la retraite des biigueuots, elle coûta
moins d'Iiommes utiles à l'Etat nue ne lui en enle-
vait une seule année de guerre civile. S'il fallait écou-
ter certains déclamateurs , on croirait rjue les ri-
chesses et la prospérité avaient lui la France avec
les protestants réingiés ; et cependanl , je le de-
mande, le commerce et l'industrie ont ils cessé de
prendre des accroissements dans le cours du xviii*
siècle; n'a-t-on pas vu se multiplier de toutes parts les
éloflés précieusrs, les meublessnperbes, les tableaux
de- grands maîtres , les maisons richement déco-
rées ?
« A l'époque de la révoc:ition, notre commerce,
à peine sorti des mains de Colbert, son cré.iteiir,
était encore dans l'enfance. Que pouvions-nous ap-
preiKlre .i nos rivaux, de qui nous avions tout ap-
pris ! L'Angleterre, la Hollande, l'Italie nous
avaient devancés dans la carrière; les manulaitures
de Louviers et de Sedan oni eu leurs modèles chez
nos voisins. Le nom seul d'un très-grand nom-
bre de nos fabricants rappelle Londres, Florence, Na-
ples, Turin, et décèle ainsi nue origine étrangère. La
Prusse esl presque le seul Etal où les rélngics aient
fait des établissemenis considérables; Hrêine, llain-
boiirg, Lubeck et plusieurs autres villes ii'ét;iient-
elles pas riches et puissantes avant toutes les émi-
grations? On voit ici avec quelle légèreté Voltaire et
ses copistes ont avancé que jusque-là le Nord de
l'Alleiiugiie n'était qu'un pays agreste.
I Sans doute le clergé put bien, avec le reste de
la France, applaudir à une mesure qu'on regardait
comme dictée par une sage politique; mais on peut
dire que s'il est entré pour qiirique cliusc dans les
sanglants et réciproques excès i|ui en ont souillé
lixéciition, ce ne lut que pour en être la vicliuie,
ou pour les adoucir, t
6IS
CAL
CAL
esc
siasiique. Aujourd'hui , revenus de leur an-
cien fan;ilisme, sp'* «locleiirs sont forcés de
convenir que l'Eglise romaine, de laquelle
ils se sont >éparés, n'enseig;iie aucune erreur
foiid.imenlale, ni ^ur le do<;;ni<- , ni sur la
inoiali-, ni sur le «ulle; qu'un bon catholi-
que peut faire son salui dans sa reli-^ion.
Ou'é!aii-il donc nécessaire de bouleverser
l'Europe entière pour la détruire, et pour
établir le caUinisnie sur ses ruinrs? —
Qii;ind on n'aurait à leur reprocher que
l'incendie de plusieurs riches bibliothèques,
tant en France ((u'eu An^çli-terre , c'en serait
assez pour faire détester l'esprit qui les ani-
mait.
Cependant une foule d'incrédules, toujours
prêts A soutenir le parii des séditieux, veu-
lent faire retomber sur la religion catholuiue
les excès auxquelles les calvinistes se sont
portés, et tous les maux qui s'en sont ensui-
vis. Us disent que les défenseurs de la reli-
gion donitnante se sont élevés avec fureur
contre les sectaires, ont arme conire eus les
puissances, en ont arraché des éilils san-
glantx, ont soulflé dans tous les ( œurs Iri dis-
corde et le fanatisme, et ont rejeté sans pu-
deur sur leurs vi> limes les désordres qu'eux
seuls avaient produits. Cela est-il vrai?
1° L'on connaît les principes des premiers
réformateurs, de Luther et de iJaUln ; ils sont
consignés dans leurs ouvrages. En lo20,
avant qu'il y eût aucun edit poilé conire Lu-
ther, il publia son livre de la Libeili chré-
tienne, où il décidait que le chiélien n'est
sujet à aucun homme, et déclamait conire
tous les souverains; c'est ce qui causa la
guerre des anabaptistes. Dans ses tliès(>$ il
s'écria qu'il fallait courre sus au pape, aux
rois et aux répars qui prendraient son parti.
Dans son traité du Fisc commun, il voulait
que l'on pillât les églises, les monast res et
les évéchés. En conséquence, il fut mis au
ban de l'empire en 1521. Est-ce lecl rgé qui
dicta cet arrêt? La gramle maxime de ce fou-
gueux réformateur était que l'Evangile a
toujours causé du (rouble, qu'il faul du sang
pour l'établir. Tel est l'esiirit dont étaient
animés ceux de ses disciples (]ui vinrent
prêcher en Fiance. — Calvin écrivait qu'il
fallait exterminer les zélés faquins qui s'op-
posaient à l'élablissemenld(! la réforme; que
pareils monstres doivent être étouffés ; il aj)-
puya relie doctrine par son exemple, fil un
traité exprès pour la prouver. Yoy. les Lct-
Irei de Calvin à M. du Poët, et Fidelis expo-
titio, etc. Nous demandons si des prédicants
qui s'annoncent ainsi doivent être soufferts
dans anrun état policé? — 2' Le premier
êdit porté en France contre les cnivinisies
fui publié en 15:i'j. Alors la réforme avait dé-
jà mis en feu l'Allemajine ; il y avait eu en
France des itnages brisées, des libelles sédi-
tieux répandus, des phirards injurieux alfi-
chés ju-qu'aux portes du Louvre. Fran-
çois 1" craignit p;iur ses Etals les mêmes
troubles (|n'il avait fomentés lui-iiiéine en
Allenijigne. Telle fut la ciuse des |iromières
exécutions l.iiles en Fi.ince. Lorsiine les
princes protestants d'AUcinagnc s'en plai-
gnirent, François I" répondit qu'il n'avait
fait que punir des séditieux. Par l'é lit de
Î54f>, il les proscrivit c >nime perturbateurs
de l'Etat et du repos public: personne n'a
encore osé accuser le clergé d'jivoir eu part
à ces édiis Un célèbre écrivain de nos jiurs
est eonvi'nu que l'esprit dominant <lu calvi-
ni^uK' était de s'ériu'er en république. Essais
sur 'hisioirt générale, etc. 3" Nous délions les
Ciilomnialeurs du clerué de citer un seul
pays, une seule ville, où les ravin sles de-
venus les maîtres aient sonfferi l'exercice
de la religion catholique, i'^n Suisse , en Hol-
lande, en Suède, en Angleterre, ils l'ont
proscrite, souvent contre la foi des traités.
L'ont-ils jamais permise en France , dans
leurs villes de sûreté? Une maxime sacrée
de nos adv rsaires est qu'il ne laui pas to-
lérer les inloléranis: or. j;imais religion ne
fut plus intolérante que le calvinisme; vingt
auteurs, même prote>tants, ont été forcés
d en convenir. Dès l'origine, en France et
aiieurs, les cailioli(]iies oe.t eu à choi-ir, ou
d'exterminer les huguenots, ou d'être eux-
niê nés exierminés. — 4° Si, avec tout le
flegme que peuvent inspirer la chanté chré-
tienne, l'amour de la vémé. le respect pour
les lois, le vrai zèle de religion , les premiers
réformateurs s'étaient ait'iches à prouver
que l'Esili-e romaine n'est point la véritable
Eglise de Jesns-Chiisi, que son chef visible
na aucune auioiié de di'<rii divin, i|ue son
culte extérieur est contraire à l'Evangile,
que les souieraiiis qui la protègent en. en-
dent mal leuis intérêts et ceux de leurs peu-
ples, ec; si, en demandant la liberté de
conscience, ils avaient solennellement promis
de ne point molester les catholiques , de ne
point troubler leur culte, de ne p'dnl inju-
rier les préires, etc., et qu'ils eussent tenu
parole, sonimes-noiis certains que le gou-
veinement n'eût point laissé de sévir conire
eux? Ouaiid même le clergé eût solicité des
édils sanglants, les aurait-il obtenus? On
sait si pour lors la c lur était fort chrétienne
et fort zélée pour la religion. — o° En sup-
posant que le massacre de Vassi éliiit un
crime p éinedité, ce qui n'est point, cétail
le fait particulier du duc de Guise et de ses
gens ; était-ce un sujet légitime de prendre
les armes, au lieu de porter des plaintes au
roi, et de demander justice? Mais les cd/t'i-
nii/e.v avaient déjà lésolula guerre, ils n'at-
tendaient qu'un prétexte pour la déclarer.
Dès ce niomeni ils n'ont plus rien voulu ob-
tenir que |iar la force r-l les armes à la main.
Le clergé n'a donc pas eu lie-oin de souffler
le feu de ka discorde pour animer les catho-
liques à la vengeance; les liuguenols furieux
ne leur ont fourni ()uelrop de sujets de re-
présailles. Ceux ci ont dû s'attendre à être
traites en ennemis, loules les fuis que le gou-
vernement aurait assez de force pour les
punir. — C'est donc une calnmnie grossière
d'att'ibuer au clergé et au zèle fanaii(.]ue de
la religion les excès qui ont été cnmmis pour
lors ; le foyer du faialisme elait chez les cat-
tin/-/es, et non chez les catholiques. — 6"
N uus n'avons pus besoin de chen-hcr aiLlcnr&
I
#37
CAL
CAM
638
que chez nos ailversaires les preuves de ce
que nous avançons. Bayle , qui ne doit pas
élre sus|iocl aux incré<lulcs, qui vivait parcai
les calvinistes, eU\ui les (.•ortriais'ail (rès-bien,
leur ;i ri-proclié, dans son Aiis aux réfugiés,
eu 1C90, d'avoir poussé la licence des écrits
saiiri(|ues à un evcès dont on u'.iv lit point
encore eu d'exemple; d'.ivoir, dès leur nai*-
s.ince, introduit eu France l'usage des libelles
riilîiimaioires, que l'on n'y conoaissait pres-
que pas ; il leur rappelle \i s édits i)ar lesquels
on fut obligé de réprimer leur audace, et la
tiialignilé avec laquelle leurs docteurs, l'IÎ-
vang^ile à la main , ont calou)nié les vivants
et les nnuris. 11 leur oppose la modéraliou et
la paiience que les catholiques, en pareil cas,
ont montrées en Angleterre, il accuse les
premii-rs d'avoir eusi igné constamment que,
quand un souverain manque à ses promes-
scs, ses sujets sont déliés de leur serment de
fidélité, et d'avoir fondé sur ce principe tou-
tes les guerres civiles dont ils uni été les
auteurs.
11 leur représente que, quand il a été ques-
tion d'écrire coulre le pape, ils ont soutenu
avec chaleur les droits l'I l'initépendaiice des
souverains ; que lorsqti'ilsonl été mécontents
de ceux-ci, ils ont remis les souverains dans
la dépendance à l'égard des peuples ; qu'ils
ont souHIl' le froid et le chaud, suivant l'iu-
lérét du liea et du moment. Il leur montre
les conséquences uffreoses de leurs (jrinci-
pes louchant la prétendue souveraineté ina-
liénable du peuple ; el aujourd'hui nos poli-
tiques iicrédulesosent nous vanter ces mêmes
principes, comme une découverte prérieuse
et nouvelle qu'ils oni f ;ile ; ils ne savent pas
que c'est une doctrine renouvelée des hugur-
nols. Il n'y a, conlinoe Bayle, l'oiut de fon-
dements de la tranquillité publii|ue (|ue vous
ne sapiez, [)oiiii île frein c.ipable de retenir
les peuples dans l'obéissance que vous ne
Lrisiez Vous avez ainsi vérilie les crain-
tes que l'on a conçues di- votre parii, dès
qu'il parut, el ()ui tirent dire que quiconque
rejelle l'aiilorile de l'Iîglise, n'fst p.i , loin île
secouer celle des puissances souveraines, et
qu'après avoir soutenu l'égalité entre le peu-
ple el les pasieurs, il ne tardera pas de sou-
tenir encore l'egalilé entre le peu|ile el les
magistrats séculiers.
Bayie va plus loin ; il prouve que les cal-
vinistes d'Angleterre ont autant contribué au
sup) lice de Charles 1" que les indépendants ;
que leur secte est plus ennemie de l<i puis-
sance souieraine qu'aucune autre secte pro-
testante ; que c'est ce qui les rend irrécon-
ciliables avee les luthériens et les anglicans.
11 lait voir que les païens ont enseigné une
doeirine plus pure ()ue la leur, tunchant
l'obéissance que l'on doit aux lois et à la
pati ie ; il réfute toutes les mauvaises raison
par lesquelles ils ont voulu justifier leurs
révoltes irequentes. 11 demonire i|ue la ligue
des catholiques pour exclure Henri IV du
trône de France parce qu'il était huguenot,
a élé beauciiui lius i iiiuinelle que la ligue
des irotcstanls pourprner le duc d'Vork
de la couronne d' mgleterre, parce qu'il était
caiholique. Telle esll'analyse de Y Avis aux
réfugiés, qu'aucun calviniste n'a osé entre-
prenilre de réfuter. — DeJ.i, clans sa Ré/ionse
ù la lettre d'un réfugié, en 1088, il avait mon-
tré (|iie les calvinistes sont beaucoup plus inlu-
térants que les catholiques, qu'ils l'ont tou-
jours élé. qu'ils le sont encore, qu'ils l'ont
prouvé par leurs livres el par leur conduiie ;
que leur principe invariable est qu'il n'y a
point de souverain légitime que celui qui est
orthodoxe à leur manièri'. Il leur avait sou-
tenu qu'eux-mêmes OUI Ibrcé Louis XlVà ré-
voquer l'édit de Nantes; qu'en cela il n'a fait
tout au plus que suivre l'exemple des Etiit> do
Hollande, qui n'ont tenu aucun des traités
qu'ils avaient faits avec les catholiques. Il
avait prouvé (|ue toute> les lois des Etais pro-
lestants ont été |jIus sévères contre le catholi-
cisme, que celles 'le France contre le calvi-
nisme. 11 y rappelle le souvenir des émissaires
(|Ue les huguenois envo , èreiit à Croinwel,
en 16o0, des offres qu'ils lui tirent, des résolu-
lions séilitieuses qu'ils prirent dans leurs sy-
nodes de la basse liuienne. ii se moque de
leurs laiiientalions sur la [iréiendue persécu-
tion qu'ils éprouvent, et il leur déclare que
leur conduite justifie [)leineiuent la sévérité
avec laquelle on lésa traités eu France. OEu-
vres de liaylr, lom. H, p. 5't4-.
L'écrivain qui, eu 1158, a fait l'apologie
de la révocation de l'édit de Nantes, n'a pres-
que rien fail autre chose que répéter les
mêmes repioehes et les mêmes faits que
Bayle avait soutenus en face aux calvinistes,
eu 1G88 et IG90 Cependani tous nos politi-
ques anticlirétiens oui élevé la voix contre
lui : ils ont voulu le faire passer pour un
boule-feu et pour un fanaiique : qu'auraient-
ils dit, si cet auteur avait déclaré hautement
qu'il co|uait Bayle presque mot pour mot ?
Voy. GukBRES DK Religion, Pkotestant, To-
lérance, elc.
CAMALDULES, ordre religieux, fondé par
saint Komuald, en 1009, ou, selon d'autres, en
9C0. Saint Bomoald envoya plusieurs de ses
religieux prêrher l'Evangile aux peuples de
la Hongrie, qui étaient encore infidèles ; il y
allait lui-même dans ce pieux dessein, lors-
qu'il fui sui pris de la maladie dont il mourut.
Le P. Ziégelliaur a donne la notice des écri-
vains de cet ordre en 1730, à Venise, in-fnlio.
La congrégation des ermires de sainl Ko-
muald ou du mont de la Couronne, esl une
branche de celle de CamaMoli, asec laquelle
elle s'unit en 15.12. Paul Ju>tiniaiii. rie \'enise,
commença son établissement m 1520, el en
fonda le principal monastère dans l'Apennin ,
au lieu nomme ie monl de la Couronne , à dix
mille de Péiouse. I «y. Baronius, Baynaldi,
Stiiinde, ad unn. 1520.
Les prote>tants ont forgé une calomnie
grossière conire saint Komuald. Dans une
histoire ecclésiastique imprimée à Berne en
1701, il est dit que Serge son père s'élant
l'ait moine, et voulant i|uitter cet état, duquel
il élail degonié, Komuald acourul au mo-
n istère, mil des entraves aux pieds de son
père , el ne ces^a de le fr.ipoer, jusqu'à ce
qu il eûl promis de persévérer dans iéiat
639
CAN
CAN
(t4d
monastique. Fable absurde s'il en fut jamais.
Tous les historiens déposent que saint Ro-
muaid n'employa que les raisons, les prières
et les larmes pour engager son père à la
persévérance. Comment aurait-il osé exercer
une violence dans un monastère où il n'avait
au( une autorité, où il n'était ni supérieurni
religieux ? S'il s'était cru la violence permi-
se, il l'aurait fait exercer parquelcjue moine,
plutôt que de s'en rendre coupable lui-mê-
me. Pendant toute sa vie il a donné des
exemples d'une douceur et d'une patience à
loule épreuve.
Les censeurs du christianisme demandent
si," pour se sancliûer, il est nécessaire de se
retirer dans les déserts? Non, sans doute;
mais ce goût que Dieu a inspiré à des per-
sonnages très-vertueux, n'a pas été inutile au
monde. Us ont défriché et rendu habitables
des lieux qui étaient sauvages ; la renommée
de leurs verlus a souvent tiré du désordre
des hommes qui seraient moris impénitents ;
la solilude est nécessaire à ceux pour lesquels
le monde est un séjour dangereux. — Mais si
tous les hommes étaient saisis de cet accès
de mélancolie, la société se dissoudrait. Ne
craignons point ce malheur, Dieu y a pour-
vu ; il n'a donné le goût de la solitude qu'à
un très-petit nombre d'hommes, et il y aurait
de l'injustice à gêner leur inclination.
CAiMÉKONlENS. Dans le xvii" siècle, on a
donné ce nom en Ecosse à une secte qui avait
pour chef un certain Archibal Caméron, mi-
nistre prcsbv térien, d'un caraclèresingulier.
Il ne voulait pas recevoir la liberté de con-
sciencequeCharles II, roi d'Angleterre, accor-
dait aux presbytériens ; parce que, selon lui,
c'était recoimailre la suprématie du roi, et le
regarder comme chef de l'Eglise. A celte bi-
zarrerie on reconnaît le génie caractéristique
du calvinisme. Ces sectaires, non contents
d'avoir fait schisme avec les autres presby-
tériens, poussèrent le fanatisme jusqu'à décla-
rer Cliarles II déchu de la couronne, et se
révoltèrent ; on les réduisit aisément, et en
1690, sous le règne de Guillaume III, ils se
rcunirentaux autres presbytériens. En 1706,
ils recommencèrent à exciter du trouble en
Ecosse ; ils se rassemblèrent on grand nom-
bre, et prirent les armes près d'Edimbourg ;
mais ils furent dispersés par des troupes ré-
glées que l'on envoya contre eux. On prétend
qu'ils ont une haine encore plus forte contre
les presbytériens que contre les épiscopaux.
Il ne faut pas confondre le chef de ces
caméroniens avec Jean Caméron , autre cal-
viniste écossais , qui passa en France , en-
seigna à Sedan , â Saumur et à Montauban.
Celui-ci était un homme très-mudéré , qui
désapprouva le fanatisme de ceux qui se
révoltèrent contre Louis XIII , cl essuya de
mauvais traitements de leur part. Il a laissé
des ouvrages estimables.
CANA, ville ou bourgade de la Galilée,
dans la(tuclle Jésus-Clirist fut invité à des
noces , et fit le premier de ses miracles en
changeant l'eau en vin. Plusieurs incrédules
ont lait des efforts pour rendre ce miracle
suspect. Ils disent que Jésus lit remplir d'eau
deux cruches, qu'il y mêla sans doute quel-
que drogue ])our donner à l'eau la couleur et
le goût du vin. Ils ajoutent que Jésus favo-
risa l'intempérance des convives , en leur
fournissant du vin lorsqu'ils étaient déjà
ivres.
Mais si Jésus-Christ ne Gt rien autre chose
que de donner de la couleur et du goût à
l'eau , il ne favorisa donc point l'intenipé-
rance ; l'un de ces reproches détruit déjà
l'autre.
Depuis que la chimie et l'histoire naturelle
sont poussées au plus haut degré , a-t-on
découvert quelque drogue qui ait la vertu
de donner à l'eau la couleur et le goût d'un
excellent vin ? Les Juifs n'étaient pas des
chimistes fort habiles, et Jésus-Ghrisl n'avait
fait en Judée ni ailleurs aucune étude. Il ne
toucha point aux vases dans lesquels l'eau
fut changée en vin ; tout passa par les mains
de ceux qui servaient à table : saint Jean ,
qui rapporte ce miracle, en fut témoin ocu-
laire.
Le maître d'hôtel, après avoir goûté de ce
vin miraculeux , dit à l'époux : Tout autre
que vous sert d'abord le bon vin, et après que
l'on a beaucoup bu, cvm inebuiati fuerint, il
en sert alors du moindre : pour vous, vous
avez réservé le bon rin pour la fin du re-
pas {Joan. Il, 10). Dans le style des écrivains
sacrés , inebriari ne signifie pas toujours
s'enivrer, mais boire à sa soif, abondam-
ment. Au Oguré, il signifie recevoir en abon-
dance des biens ou des maux. On ne peut
donc pas conclure de ce passage que Jésus-
Christ favorisa l'intempérance des conviés.
Voy. Glassii Philolog. sacra, I. v, tract. 1,
c. 12.
CANANÉEN. Voy. Chananéens.
CANON , terme grec qui signifie règle ; il
se prend en plusieurs sens (1).
On appelle ainsi, en premier lieu, le cata-
logue des livres que l'on doit reconnaître
pour divins ou inspirés de Dieu , et que
l'Eglise donne aux (idèles pour être la règle
de leur foi et de leurs mœurs (â).
Le canondc laUlble n'a pas toujours été le
(1) La question de U canonicilé des livres saiirts
esi irès-iinponanic. Il est iiéeessuire de prouver que
le canon du concile de Trente n'a lait i|u'exprimer
la croyance de l'Kglise de Ions les temps, et n'a rien
innové en cetli; nialière. Mais la diflicullé concerne
surtout les livres lieuiérocaiioniques. Nous remet-
tons à développer nos preuves au mot Dëutého-
CANONHiUES.
(2) Le saint concile de Trente, ayant donné son dé-
cret snr l'Kcritiire sainte, jugea convenable il'y join-
dre le caialogiie des livres sacrés, alin que pers»niie
ne puisse demeurer dans le dunle à cet égard. Voici
ce catalogue.
Les livres de l'Ancien Tesl;iment sont : les cinq
livres de Mois', s;ivoir : la Ceiii-se, ['Exode, le LM-
lufue, les Nombres (ii le UeuUronome ; Josué, les Jh-
ges, Hiilh, les qu.ilre livres des Kuis, les di-ux des
l'aralipomî'iics, le premier il'Esdras , el le second,
sous le litre île SiHii'inius, Tobie, Judith, lùllier,
Jdb. les i> i/mms île D.ivid, les l'rovirbe$, Vf-ccté-
siiisi,', le Comique di',s ciiiiiiipua , l.i Siiuc^e, Yliccté-
siiihlique, Isiiïe, Jéréni:i\ lUintcli, l'-iihlnet, Daniel,
Usée, Joël, Ainos, AbUuis, Jvnat, Mnhée, Wa/ium,
6M
CAN
CAN
641
même dans toDS les temps , et il n'est pns
uniforme non plus d.ins (ouïes les sociétés
chrétiennes; les catholiques sont en coiiies-
lalion sur ce point ;ivec les protestants.
Outre les livres du Nouveau Testament, que
l'Ejîlise reconnaît pciur canoniques par tra-
dition , elle a aussi placé dans le canon de
l'ancien Testament plusieurs livres que les
Juifs ne reçoivi^nt point Cdmnu- divins. C'est
ce qui a donné lieu de distinfjuer les livres
saints en prolocanoniques, deuiérocanoni-
ques et apocryphes. Mais nous verrons dans
la suite que les livres sur la cnnonicité (les-
quels on dispute, ne sont pas en grand nom-
bre. Sur ce sujet l'on peut former plusieurs
questions importantes ; nous les propose-
rons , non pour les décider toutes avec con-
fiance , mais pour montrer la manière dont
on doit procéder dans ces sortes de discus-
sions.
I. Y a-t-il eu chez les Juifs un canon des
livres sacrés? On ne peut pas en douter,
quand on sait que les Juifs , d'un consente-
ment unanime, ont reçu comme divins les
mêmes livres et le même nomhre de livres,
et qu'ils n'ont pas regardé comiiie tels d'au-
tres livres , qui sont cependant respectables.
Il faut qu'ils y aient élé déterminés par une
tradition constante, ou par une autorité qui
a entraîné tous les suffrages. Cette unanimité
n'a pas pu être nn elîet Ou hasard. Or, nous
sommes assurés de ce concert des Juifs ,
l" |)ar le témoignage des anciens Pères de
l'Eglise. Toutes les lois qu'ils ont eu occasion
de faire l'énumération des livres reconnus
comme divins ou canoniques par les Juifs ,
ils se sont accordés à en dresser le même
catalogue ; nous le verrons ci-après. Ils ont
donc été très-bien intormésdu sentiment des
Juifs, puisque tous l'attestent de même. S'ils
avaient eux-mêmes forgé cette liste ou ce
canon, il y aurait eu entre eus de la variété ;
plusieurs y auraient placé quelques-uns des
livres que nous nommons deiilérocanuni-
ques, puisqu'ils les regardaient comme di-
vins , et les citaient comme tels. Mais ils ont
eu la bonne foi de convenir que ces livres
n'étaient pas mis dans le canon par les Juifs.
- 2° l'ar le témoignage de Joséplie. Gel his-
torien, qui était de race sacerdotale et très-
instruit des sentiments de sa nation, dit dans
son premier livre contre Appion, c. '2 , que
les Juifs n'ont pas comme les (îrecs une mul-
titude de livres; qu'ils n'en reconnaissent
comme divins que vingt-deux ; que ces livres
llnbacuc, Sophoiiins, Aggée, Zachnrie, ilalucliie, et
les deux premiers livres des Mwliabce.'i.
Les livres du Nouveau Teslaiiienl sont : les qua-
tre iivaiigiles selon aniiu Malliieu, saint Marc, suint
Luc, et tainlJcan; les Actes des A/jôtie», les qiia-
loiie Kpilres de saiiil P.iul, savoir : nue aux Ro-
mains, dëiix aux Coriwhiens, une aux Caluii's , une
aux Epliésiens, uin- aux Philipinens, une :aix Colas-
siens, deux aux Tliissalonitiens, deux à Tinioihét;
«ne à Tiie. une .à Pliilémon, et une aux Hébreux;
les lieux Epines de sainl l'ierre, 4-s Irois de saint
Jean, une de saint Jacques une de sainl Jnde, et
VAnocalypse de saint Jean. ( Coucil. Tritt., sess. 4,
ran. desacris Script.}
contiennent tout ce qui s'est passé depuis 1(
coinmenccment du monde jusqu'au règne
d'Arlax 'nés ; que. quoiqu'ils aient d'autres
écrits, ces derniers n'ont pas i hez eus la
même autorité que les livres divins. 11 ajoute
que tout Juif est prêt à répamlie son sang
pour la défense de ceux-ci. — -i" La persua-
sion des Juifs d'aujourd'hui. Ils ne comptent
encore, entre les livres divins, que ceux dont
leurs pères ont , disent-ils, dressé le canon
dans le temps de la i/rande synagogue. Ils
nomment ainsi l'assemblée de ceux de leurs
docteurs qui ont vécu après le retour de la
captivité. C'est ainsi que s'exprime l'auteur
du traité Méijilah, dans la Gemare , c. 3.
L'unUo.rmilé de toutes les bibles hébraïques
publiées par les Juifs ne laisse aucun doute
sur ce point. L'existence d'un canon des
livres saints, chez les Juifs, est donc incon-
testable.
11. N'y a-t-il en chez les Juifs qu'un seul
cl même canon des saintes Ecritures? —
(Quelques auteurs ont supposé qu'il y en
avait eu plusieurs, et (|ii'ils n'étaient pas ab-
solument semblables. Génébrard , dans sa
chronologie , pense qu'il y en a eu trois : le
premier au temps d'Ksdras, et dressé par la
grande synasiogiie ; le canon, selon lui, ne
renfermait que vingt-deux livres : le sec nd,
fait sons le pontife Eléazar, dans un synode
assemblé pour délibérer sur la version des
livres saints que demandait le roi Plolémée,
et que nous appelons la version des Septante.
Alors, dit Génébrard, on mit au nombre des
livres divins Toliie , Judith, la Sagesse et
l'Ecclésiastique. Le troisième , au temps
d'Hircan, dans le septième synode, assemblé
pour confirmer la secte des pharisiens, dont
Hillel et Sammaï étaient les chefs , et pour
condamner Sadoc et Barjelos, promoteurs de
la secte des sadducéens. Alors on mit dans le
canon les livres des Machabées, et l'on con-
firma les deux cnnons précédents , malgré
les sadducéens , qui , à l'exemple des sama-
ritains, ne voulaient reconnaître pour divins
que les cinq livres de Moïse. Ce sentiment de
(jcnébrard est une pure imagination , qui
n'est appuyée ^ur aucune preuve. — Serra-
rius, plus moderne que Génébrard , attribue
aux Juifs deux canons différents : l'un de
vingt-deux livres , fait par Esilras ; l'autre
dressé au temps des Machabées, et augmenté
dis livres deutérocanoniques. Ce sentiment
n'est pas mieux fondé que le premier ; l'un
et l'autre sont contredits parles Pères, qui
nous assurent constamment que les Juifs
n'ont reconnu pour divins que vingt-deux
livres. — Méliton dit à Onésime qu'il a
voyagé dans l'Orient pour savoirqucis étaient
les livres canoniques , il n'en nomme que
vingt-deux. — Saint Jérôme , dans son pro-
logue défensif, dit qu'il l'a composé afin que
l'on sache que tous les livres qui ne sont pas
parmi tes vingt-deux qu'il a nommi's , doi-
vent être regardés comme apocryphes. On
comprend qu'ici iipocrijphe signifie simple-
ment non reconnu comme divin; saint Jé-
rôme le fait assez sentir : il ajoute que la
Sagesse, l'Ecclésiastique, Tobie et Judith, na
645
CAR
CÂN
644
sont pas dnns le canon. Dans sn pr^fnce sur
Tobip,il dit que li-s Hébreux cxcluenl ce
livre du nombre des Erriiiires divine-! , et le
rejeltenl entre Ips apocrvphes. Il le répèle à
l;i tête de son Cowmenlnire sur le prophète
Jonns. — Origène écrit, dans sa lettre à Afri-
c;iin , que les Hébreux ne connaissent ni
Tobie ni Judith , mais qu'ils les mettent ;iu
nombre des livres apocryphes. — Saint Epi-
phane dit , dans son livre des Poids et des
Mesures, n" 3 et 4, que les livres de la Sagesse
et de l'Edlésiastique ne sont pas cliez les
Juifs au rang des Ecritures saintes. — L'au-
leur de la Syiwpse assure que Tobie, Judith,
la Sagesse et l'Ecclésiastiquo ne sont pas des
livres canoniques , quoiqu'on li's lise aux
catéchumènes.
Aucun de ces anciens écrivains ne parle
de deux ni de trois canons reçus chez les
Juifs.
III. Combien de livres renferni.nit le cannn
dos Ecritures chez les Juifs, et quels étaient
ces livres? — H est constant ijuc les Juifs
en ont toujours reconnu vingt-deux, autant
qu'il y avait de letires dans leur .ilphabet, et
qu'ils les désignaient par ers le 1res mêmes;
c'est la remari]ue de saini Jérôme dans son
prologue défensif. A la vérité, (juelques rab-
bins en ont compté xingl-quatrc, e( d'autres
viiigl-sppt; mais ils divisaicnl certains livres
en plusieurs pariies, et n'angmenlaienl pas
pour cela le nombre réel de vingt-deux. —
Ceux qui en comptaient vingt- quatre, sépa-
raient les Lameniations de Jéréraie d'avei;
ses prophéties, elle livre de Ruth d'avic ce-
lui des Juges ; au lien qu'on les laissait ordi-
nairement réunis. Pour les désigner par
vingt-quatre lettres de l'alphabei, ils répé-
taieui trois fois la lettre jo'^ à l'honneur du
nom de Dii'ii, JéhuvaU, écrit en chaldéen pur
trois jod. Ainsi font encore les Juifs d'au-
jourd'hui. Saini Jérôme pense que les vingt-
quatre vieillards de rApocal\ pse foi'.t allu-
sion à ces vingt-(iuatre livres. — Ceux (jui
en comptaient vingl-sept , paiiageaient en
six les livres des Uois et des Paralipomènes,
qui, dans les autres catiiingues, n'eu fai-
saient qnelriiis; et pour les désigner, ils
ajoutaient aux vingt-deux lettres hébraïiiues
les cinq Gn/iles; c'est ce que dit saint Kpi-
phane dans son livre des Poids et des Me-
sures.
I.e ranon était donc toujours foncièrement
le même, mais la manière de compter |)ar
vingt-deux était la plus ordinaire, comme le
suppose Josèpbe ; Uichard Smion prélend ,
sans aucune preuve, que la plus ancienne
manière é:ail d'en compter vingt-quatre.
Quels étaient ces livres? Saint Jérôme, hou
témoin dans cette matière , en fait ainsi l'é-
numéralion. Ln Genèse, VErodr, le Lrviil-
fjue, les Notid'rrs. le Deutérunome, Josué, les
Jtiijes avec Itiilli, Snmiiel ou les deux pre-
miers livres des liais, les Hms, qui soni les
deux dprniers livres de ce nom, Jsoie, Jc'rc-
mie avec ses Lnmentations , Ez^ciiiel, les
douze petits PrnphHes, Joli, les Psaumes, les
Provrbes, V Ecclésiasle, le (^anlii/ue, Daniel,
Jcg Pnmlipomênes en deux livres , Esdras,
aussi double, Eslher. — Saint Epiphane fait
la même liste, Itwres. 8, n°fi; De Pond, et
Me,<s.. Il» 3, k, 2-2, 23. — Saint Cyrille de
Jérusalem , Cnlech. W, dit aux chréiiens de
médi er les viugi-deux livres de l'Ancien
Testament, el de se les mettre dans la mé-
moire tels qu'il va les nommer, el il les
nomme comme saint Jérôme et saint Epi-
phane. — Saint Hilaire, Prolog, in Psal., le
concile de Laodicée, can. (.0, Origène , cité
par Eusèbe, Hist. liv. vi, c. 26, ont dressé
le même catalogue. Mélilon vivait au ii" siè-
cle ; il avait voyagé exprès dans l'Orient
pour s'instruire; les anciens ont fait grand
cas de se- ouvrages ; il ne parle pas du livre
d'Esther, ce qui peut éire une faute de co-
piste. — Hellarmin, dans son catalogue des
écrivains ecclésiastiques , s'est trompé, en
disant que Mélilon mettait le livre de la Sa-
gesse ;iu nombre des saintes Ecritures; on
lit dans Eusèhe, 1'Ao'j.''ivoç U^.piiu.iat r, xai Zoyia
Salomonis Proverbia quœ et Sapicnlia, parce
que les Proverbes étaient souvent appelés la
Sagesse de Satomon. Voyez la i\ote de Valois
sur Eui'èbe, liv. iv, c. 26. — Josèphe, liv. i,
contre Appion, c. 2, dit que sa nation ne re-
connaît cnmme divins que vingt-deux livres,
cinq de Aloise, trei.ze des prophètes, el q la-
tre autres qui renferment ou des li\ranes à
la louange île Dieu, ou des préceptes pour
les mœurs. H ne parait pas qu'il en aii voulu
désigner d'auires que ceux que nous avons
nommés. (Quoiqu'il ne dise rien des malheurs
de .lob dans son Histoire juive, il ne s'en-
suit pas qu'il ait regardé le livre de Job
comme api'cryplie; l'Iii^lnire de Job ne lenait
en rien à celle de la nation juive, el Josèphe
a pu la regarder comme une parabole ou
comme un poëme divin, plutôt que comme
une narration historique.
IV. En quel temps a été dressé le canon
ries Juifs, et qui en est l'auteur? — Cette
question n'est pas fort aisée à résoudre,
li'esl aujourd'hui une espèce de paradoxe,
d'avancer qu'Esdras ne fut jamais l'auteur du
canon des livres sacrés des Juifs. Les écri-
vains, même les plus judicieux, ont trouvé
bon de mettre sur le compte d'Esdras tout ce
qui concerne la Bible, el dont on ignore
l'inventeur el l'origine. Ils l'ont fait correc-
teur el réparateur des livres perdus ou altè-
res, réformateur delà manièred'érrire, (luel-
<]ues-uns même, inventeur des poiris voyel-
les, et Ions, auieur du canon des Ecritures.
— Malgré l'unanimité des sulfrages sur ce
dernier point, il nous parait (]u'il n'y aurait
aucune témérité à en douter, el même à sou-
tenir le contraire. Soit que l'on consulte les
livres d'Esdras lui-i.iéme et de Nehémie, soit
que l'on cherche des preuves ailleurs , on
n'en trouve aucune ; ce qui est dit dans le
IV' livre apocryphe d'Esdras, cbap. xiv, vers
21 el suivants, n'est d'aucune autorité.
Avant de prendre aucun j.arli sur celle
question, il y a plusieurs difiiculiésà résou-
dre. 1* Il faut s'assurer du temps auquel Es-
dras a vécu; 2° savoir sous (|uel piincc il esl
venu de Habylone à Jérusalem ; 3° si tous les
; livres qui sont dans le canon étaient écrits
6iS CAN
;iv,in(lni; 1° s'il a écrii liii-m<*me le livre
qui porle son nnm. — Quami on s'accorde-
rail sur touies ces quesiimis, nmis nt> voyous
pas par quelle autorité Ksdras aurait fiiit les
grandes opérations qu'oi; lui atliibue, ni
comment les Juifs, nalurcilemenl si indoci-
les, se seraient soumis à ses ordonnances.
Il n'était ni grand piètre ni prophète; il n'a-
vait de pouvoir qu'autant que la nation vou-
lait bien lui en ar(<ir<lpr. — Il est très-pro-
bable (pie la prophétie de Malachie et les
Paralipomènesoiil été éerils assez longtemps
après Esdras ; que Néhémie lui est poslé-
rii'ur (le près d'un siècle. Ce n'est donc pas
Esdiasqui a pu mettre ces divers érriis dans
le canon. — Nous ne voyons aurun inronvé-
itient à supfioser que le cnnon des livres de
l'Ancien Teslameut a éié formé comme celui
dis ( crils du Nouveau, par la (radiiiou coui-
nuine, sans qu'aucun paiticulier ni aucune
assemblée ait dressé ce catalogue et lui ait
donné la sanction.
C'est l'alïaire des protestants de voir si la
tradiiiiin juive est une autorité sulfisante
pour noïis faire recevoir des livres comme
divins , inspirés , parole de Dieu et n'g e de
foi. Ils en ont senli la faiblesse, puiî-qu'ils
ont eu recours à une inspiration du Saint-
Esprit ac ordée à chaque particulier : ce
n'est pas ici le lieu de démonli'er l'illusion
de ce système. — Pour nous, nous avons un
meilleur garant de notre croyance; c'est
l'aiitorilé de Jésus-Clirist mètne et des apô-
tres, qui oui donné aux fidèles les livres de
l'Ancien Teslamenl comme la paroiede Dieu,
et nous sommes assurés de ce fait par le ic-
nioignage de l Eglise. Nous ne pouvons sa-
voir par aucune autre voie quels livres ils
ont désignés comme tels, pusque cela n'est
écrit dans aucun livre, ni attesté par aucun
monument.
Nous convenons que le canon des Juifs a
été suivi dans les premiers sièries de l'Eglise;
les anciens Pères ne pouvaient mieux faire,
puisque alors l'Eglise n'avait pas encore
prononcé; on n'avait pas encore pu compa-
r(T la tradition des Eglises de l'Occident avec
celle des Eglises de l'Drieni ; cela ne s'est
fait que dans l,i suite. Mais les Pères qui ont
cité le cavon des Juifs n'ont pas prétendu
que l'Eglise était privée de l'autorité néces-
saire pour y ajouier d'autres livres; ils ont
supposé le contraire, puisqu'ils ont cité eus-
inêines couime livres dninsdes ouvrages
qui n'étaient pas dans le cmwn des Juifs. —
Les protestants leur en foui un crime ; mais
c'est encoie à eux de nous dire pour(]uoi ils
reçoivent le canoyi des Juifs qui nous est
transmis parles Pères, en même temps qu'ils
accusent d'erreur ou do témérité ces témoins
vénérables.
Dès l'année 397, un concile de Carthage a
placé dans le canon des saintes Ecrilures ,
des livres que le concile de Laodicée n'v
avait pas mis trente ans auparavant. Les
Pères de Carthage suivaient en cela la tra-
dition des Eglises de l'nrciilent, de laquelle
ceux de Lucdicée n'avaient pas eu connais-
sance. Lorsque le concile de Trente a fixé le
CAN
646
nombre des livres canoniques, et a prononcé
l'anallième contre ceux ()ui ne se soumet-
traient pas à sa décision, il n'a fait ce dé-
ciel qu'après avoir consulté la tr.idilion de
toutes les Eglises et de tous les siècles.
A l'ariicie Canonique , nous parlerons da
caïKin des livres du nouveau Testament.
Dinsert. sur In ciinonicilé , etc.; Bible d'Avi-
gnon, tome i", p. S'i-, elc.
V' . A qui appariienl-il de décider si un li-
vre est ou n'est pas canonique ? Nous répon-
dons hardiment que c'est à l'Eglise, cl que
nous ne pouvons le savoir certainement par
aucune autre voie.' En voici les preuves : —
1° Au mot E>Gi.isE, nous prouverons que Jé-
sus-Christ a donné à l'Ègise. c'est-à-dire
au corps des pasteurs, la mission et l'auto-
riié pour perpétuer sa doctrine, pour ensei-
gner les fidèles, pour dirig(>r el fixer leur
cr )>ance. Or, s'il y a un article essentiel
d'enseignement, c'est de savoir quels sont
les livres que nous devons recevoir comme
parole de Dieu et comme règle de notre foi :
donc c'est a l'Eglise, et non à aucun autre
tntiunal, de nous l'apprendre. — 2° Il faut
distinguer la canonicilé d'un livre d'avec son
autiieniicité; demander si un livre esl au-
thentique, c'est demander s'il a élé vérila-
blement (crit par l'auteur dont il |iorte le
nom , si ce! auteur est un des apôtres ou un
de leurs disciples, si ce livre n'a pas élé cor-
rompu ou falsifié : mellre en question s'il
est raiionique. c'est examinersi l'auteur était
in-piré de Dieu, si cet ouvrage doit être reçu
comme parole de Dieu el comme règle de loi.
Un livre peut èire authentique sans être
pour cela canoni'iue ; ainsi l'on ne doute pas
que la Lettre de "ainl Barnabe, les deux
Lettres de saint Clément, \e Pastear d IJ ennas
n'aient elé écrits par des disciples immé-
diats des apôtres, tout comme les évangiles
de saint Aiarc et de saint Luc; cepennant
ces d.'us évangiles sont des ouvrages cano-
niques; el les écrits dont nous venons de
p.iiler ne le sont pis. Pourquoi cette diffé-
rence? (larce que l'Eglise a ie(;u des apôtres
ces deux évangiles comme parole de D;eu,
et n'a pas reçu de même les autres écrits.
Or c'est à l'Eglise seule qu'il appartient de
nous attester quels sont les livres qu'elle a
reçus de la main des apôtres comme parole
de Dieu, ou qu'elle n'a pas reçus comme
lels ; donc, c'est à elle seule à fixer nos dou-
tes .sur ce point. — 3" De l'aveu même des
protestants, la question de savoir si un livre
est authentique, s'il a été lait par tel auteur,
s'il n'a été ni corrompu, ni falsifié, est une
question de fait qui ne peut se décider que
par des témoignages et par la tradition do
l'Eglise des premiers siècles. Or, de savoir
s'il est canonique, inspiré, parole de Dieu,
c'est aussi une quesLiou de lail; puisqu'elle
se réduit à savoir s'il a élé donne comme tel
à l'E^jlise par les apôtres : donc cette se-
conde (luestion se doit décider par des té-
moignages el par la tradition, comme la pre-
mière. — Pour esquiver celle cinséquence
évidente , les protestants cherchent a l'obs-
curcir; ils disent que la question de l'a»-
647
CAN
CAN
m
Ihenticité d'un livre est, à la vérité, une
queslion de fait, mais que la canonicilé est
une queslion de droit ou de foi. Conséquem-
menl ils ont déclaré, dans leurs confessions
de foi, qu'ils reconnaissent les livres de l'E-
crilure pour canoniijues, non tant par le
commun accord et consentement de l'Eglise,
que par le témoignage et intérieure persua-
sion du Saint-Esprit. Beausubre, Hist. du
Manich., lom. 1"; Disc, sur les livres apo-
cryphes, § 6, p. kïi. — Déjà nous venons de
démontrer que la canonicilé d'un livre est
une pure question de fait ; nous ajoutons que
selon Beausobre lui-même ['authenticité
porte sur une question de droit ou sur une
discussion de docirine. Il dit que pour juger
si un livre était authentique ou apocryphe,
les Pères ont eu pour première règle d'en
comparer la doctrine avec celle qui avaitélé
enseignée par les apôtres dans toutes les
Eglises; pour deuxième règle d'en compa-
rer encore la doctrine avec celle des ouvra-
ges qui étaient incontestablement des apô-
tres ou (les hommes apostoliques, ibid., § 5,
p. 4^1, kk3. Or, voilà certainement un exa-
men de foi et de doctrine : donc ce n'est pas
une pure queslion de f.iit. Si les Pères ont
pu s'y tromper , quelle certitude peut nous
donner leur témoignage louchant Vaulhenti'
cité d'un livre? Vuy. Ecritcre sainte, § 1
et 2. — 4° il est évident que le prétendu lé-
nwii/nage et intérieure persuasion du Saint-
Esprit, à laquelle recourent les protestants,
est un enthousiasme pur. Le Saint-Esprit,
sans doute, ne fera pas un miracle à l'égard
de chaque protestant pour lui donner une
capacité , des lumières , un discernement
qu'il n'a pas naturellement. L'authenticité
de la première Lettre de saint Clément est
universellement reconnue, et il est prouvé
par l'histoire que ce saint pape a été disci-
ple de saint Pierre aussi immédiat que saint
Âlarc. Celte lettre ne renferme aucun point
de doctrine contraire à celle que les apôtres
ont préchée dans toutes les Eglises, ni à
celle qui se trouve dans leurs ouvrages in-
contestables. Sur quoi donc porte l'inspira-
tion du Saint-Esprit qui lait connaiire à un
proli stant que l'Evangile de saint Marc est
canonique ou parole de Dieu, et que la Let-
tre de saint Clément ne l'est pas ? — Aussi
l'inspiration du Saint-Esprit n'est point la
même à l'égard des dilTérenles sectes pro-
testantes. Les ealviiiisles rejettent haute-
ment et constamment l'Apocalypse comme
un livre apocryphe et sans autorité ; les lu-
thériens el les anglicans n'en jugent pas de
même. Le Saint-Esprit ne parle pas toujours
le môme langage dans la même secte : dans
un temps VEpilre de saint Jacques a été re-
tranchée des bibles luthériennes ; dans un
autre, elle y a élc rétablie; Luther, dans sa
préface; sur celle épîtrc, laisse à chacun la
liberté d'en juger coinnie il voudra ; elle se
trouve dans toutes les bibles calvinistes;
Walleinbourg , Tracl. '^, part, m , sect. 2,
§ .'J. A laquelle de ces ditlerenles inspira-
lions devons-nous croire? — Puisque c'est
le Saint-Esprit qui fait connaître aux pro-
testants que tel livre est canonique, et que
tel aulre ne l'est pas ; c'est encore lui, sans
doute , qui leur dicle que telle version est
lidèle, el que telle aulre ne l'est] pas ; que
tel passage a tel sens, et non celui qui lui
est donné par les autres sectes. Si cela est
ainsi , les protestants n'ont plus besoin d'é-
rudition, de recherches, de discussions, pour
savoir si les livres sont authentiques ou apo-
cryphes , s'ils sont entiers ou altérés , s'ils
ont été bien ou mal traduits, elc. Le Saint-
Esprit supplée à tout, et décide souveraine-
ment de tout. N'est-ce pas là un fanatisme
pur? — 5° Dès son origine, l'Eglise s'est at-
tribué le droit el l'autorité de décider quels
sont les livres canoniques. Dans les canons
des apôtres , dressés par les conciles du
II' et du iii« siècle , elle a dil aux fidè-
les, can. 76, alias 85 : « Voici les livres
que vous tous, clercs ou laïques, devez re-
garder comme saints et vénérables , savoir,
pour l'Ancien Testament, etc. » Elle a fait de
même au concile de Nicée, l'an 325; au con-
cile de Laodicée , en 3;i6 ou 367; -«u troi-
sième de Carthage, en .^97. Souliendra-t-on
que dès le il" siècle , les pasteurs de l'E-
glise, établis et instruits i)ar les apôtres, ont
oublié les leçons de leurs maîtres, se sont
attribué une autorité qui ne leur apparte-
nait pas, et une inspiration du Saint-Esprit
qui était promise à tous les fidèles?
Les protestants nous objectent que ces
décisions du concile n'ont pas été uniformes ;
qu'il n'y a point eu, dans les premiers siè-
cles, de canon des Ecritures universellement
reçu el suivi; que jusqu'au viir et au ix', les
différentes Eglises ont joui d'une entière li-
berté d'admettre dans leur canon ou d'en re-
jeter tels livres qu'elles juge;ii<nt à propos.
— Si cela était vrai, il y aurait lieu des'éUmner
de ce que le Saint-Esprit, qui inspire aujour-
d'hui les proleslaiils sur cet article essentiel
de croyance, n'a pas daigné parler à aucune
Eglise pendant huit ou neufsiècles; mais le
fait est faux, puisque aucune Eglise n'a lor-
mellernent rejeté aucun des livres que l'on
nomme prolocanoniques ; le canon est donc
demeuré constamment et universellement
reçu, quant à ceux-là ; il n'était plus ques-
tion que de savoir si on devait y en ajouter
d'aulres, ou si on ne le devait pas. Pour le
savoir, il a fallu attendre que l'on put com-
parer ensemble la tradition des difTérentcs
Eglises, tant de l'Orient que de l'Occident.
Une (ireuve que celle comparaison a été faite,
el que le canon a été dressé uniformément
dès le V siècle au plus tard, c'est que les nés-
toriens el les eutycbiens ou jacobites, qui se
sont sépares de l'Eglise romaine à celle épo-
que, placent dans le canon les mêmes livres
que nous. ( Assemuni , liiblioth. orient. ,
lom. IV, c. 7, § 7, pag. 236.)
Les protestants ne sont rien moins que
d'accord entre eux sur le temps auquel le
canon des livres du Nouveau Testament a été
irrévocablement fixé. Basnage prétend qu'il
ne l'a pas été avant le viii ou le ix' siè-
cle; Mosheim soutient qu'il l'a été dès le W ;
mais il convient que l'on ne peut en juger
Gi'J
CAN
CAN
que pai' cr.njeclurp» Après de pareils aveux,
nous lie concevons pas comment l'on peut
s'obsliner à soutenir que les livres saints ont
toujours été regardés comme la seule règle
de foi. Quand nous avouerions que la liste
des livres prolo-canoniques a été faite et
arrêtée dès le ii" siècle, est-il bien certain
qu'il n'y a point d'autres- articles de foi que
ce qui est contenu dans ces livns, et que l'on
n'en peul lirer aucun des livres deiitéro-ca-
iioniques ? V^)ilà ce que les prolesiants n'ont
pas encore démontré. Quand ils l'auraient
fuil, nous demandons encore comuienl la foi
a [lU cire fixe et cerlaine dans les sociétés
qui ont demeuré longtemps sans avoir les
livres saints traduits dans leur langue. H
y aurait bien d'auires questions à faire.
Voy. Ecriture sainte , Deutébo canoni-
QLE, etc.
Canons des Apôtres. C'est un recueil de
règleiiiruls de discipline de l'I'^tîlise primi-
tive ; ils sont au nombre de soixante-seize
ou de quatre-vingt-cinq, selon les différentes
manières de les partager. Tout le momie con-
vient (|u'ils n'ont pas été dressés tels que
nous les avons , par les apôtres mêmes ; du
moins il n'y en a aucune preuve ; mais leur
autorité est incontestable. Daillé et quelques
autres protestants ont fait de vains efforts
pour prouver que ces canons sont absolu-
ment supposés, qu'ils n'ont commencé à être
ronnus et cités qu'au w" ou au V siècle. Le
savant I$ivériilge, évéque de Saint-Asaph,
théologien anglican, a fait voir que ces ca-
nons ou règlements ont été faits parles évo-
ques et par les cmicile-i du ir et du m' siècle,
qu ils sont p.ir conséquent antérieurs au pre-
mier concile de Nicée, que ce concile les a
suivis et s'y est conformé. Voyez Codex Ca~
nomiin Ecclcsiie prinuiivœ PI*. Aposl. I. 1",
p. y*-2 ; loin. II, part, ii, p. 1. — En effet, il
n'est pas probable que saint Jean, qui a gou-
verné l'Eglise d'Eplièse pendant un grand
nombre d'années, n'ait fait aucun règlement
de discipline pour cette Eglise ; il en esl de'
même à l'égird de saint Jacques pour celle
de Jérusalem, de saint Marc pour celle
d'.Mi'xandiie, de saint Pierre et de ses pre-
miers successeurs pour celle de Home. Dans
ces dilT.renles villes, il s'est tenu des conci-
les pendant le ir et le u\' siècle ; il est natu-
rel que les évoques qui y ont assiste se soient
fait un devoir de suivre celle discipline res-
pectable, en aient fait des règles générales,
et les aient fait observer dans leurs Eglises.
On n'a pas eu tort d'appeler ces règles Ca-
nons drs Apôlres, puisqu'elles ont élé dres-
sées d'après ce que les apôtres cl les hom-
mes aposliili(iues avaient établi. La préten-
due siii)posilion de ces canons n'est (ju'une
équivoque sur laquelle les prolesiants ont
joué très-m:il à propos ; ils sont apucryplies ,
duns ce sens qu'ils n'ont élé écrits ni par les
apôtres, ni par saint Clément, auiiuel ils sont
attribués ; mais ils sont vrais el authentiques,
dans ce sens qu'ils renlerment véritableineiit
la discipline qui passait , au u' et au ni' slè-
•cle, pour avoir élé établie par les apôtres. —
Quoique ces règlements regardent direclc-
PlCT. DE ThÉOI.. dogmatique, I,
g:;o
ment la discipline, ils no sont pas indiffé-
renls à l'égard du dogme, de l,i morale du
culte extérieur. On y voit la distiiiction'des
évéques d'avec les simples piètres , l,i préé-
minence des premiers, leur autorité sur le
clergé inférieur, les mœurs et les devoirs
prescrits aux ministres de l'Eglise el aux
simples fidèles. On y trouve les noms d'autel
et de sacrifice, ce qui était observé dans l'ad-
minislralion du baptême, de l'oucharislie, de
la pénitence, de l'ordination, etc. — Il en ré-
sulte que la doctrine des prolest, mis est aussi
opposée à celle des teiiips apostoliques, que
leur culte et leur discipline sont contraires à
ce que l'on observait pour lors. Autant ils se
sont trouvés intéressés à en contester l'au-
thenticité, autant il importe aux catholiques
de la soutenir. 11 est heureux pour nous que
les théologiens anglicans aient pli inement
éclairci, et, pour ainsi dire, épuisé cette ques-
tion.
Canons d'un Concile. On appelle ainsi les
décisions d'un concile en matière de dogme ou
de discipline; parce que ce sont les rf(//es aux-
quelles les fidèles doivent conformer leur
croyance el leur conduite Les canons dog-
matiques sont oniiiiairement conçus en ces
termes : 5/ quelqu'un dit telle chuse , enseigne
telle doctrine, qu'il suit anatltème, c'esl-a-dire
retranché du corps de l'Eglise et de la sociélé
des fidèles. — QuanI aux cnninis ou décisions
des conciles et des souverains poniifes en
matière de discipline, ils lieniienl iiidins à la
théologie qu'au droit canonique. Mais un
ecclésiastique ne doil jamais oublier les pa-
roles suivantes du concile de Trentiî : « Le
concile a voulu que tout ce qui a élé salu-
taireiiient ordonné par les souverains ponti-
fes et par les sacrés conciles, touchant la vie
des clercs, leur extérieur el leur doctrine, etc.,
soit observé dorénavant, sous les mêmes pei-
nes que celles qui ont élé slaliices dans les
Conciles précédents. » Sess. "22, de lleform.,
C. 12. C'est dans ce dessein que l'on a mis
dans les nouveaux bréviaires les principaux
canons qui concerneni la conduite des clercs.
11 esl absurde d'avoir part aux liions el aux
privilèges de l'Eglise sans \ouloir élre sou-
mis à ses lois.
Canons Arabiques du concile de Nicée.
Voy. Nicée.
Canon de la messe, règle ou formule de
prières et de cérémonies que le prêtre doit
suivre pour consacrer l'eucharislie. — En
comparant ensemble les différenlcs liturgies
grecques et latines, on voit que la messe y
esl toujours divisée en trois parties : savoir,
la préparation, l'action et la conclusion. La
première s'étend dcfiuis le commencement
ou l'introït jusqu'à la préface; la seconle,
qui est proprement le canon, depuis le san-
ctus jusqu'à la communion ; la troisième est
l'action de grâces. L'action esl la plus essen-
tielle, puisqu'elle renferme la consécration;
les (irecs l'ont nommée «vayopà , élévation,
soit parce qu'avant de la commencer lo prê-
tre exhorte les fidèles à élever leurs cœurs
vers le ciel, sursum corda; soit parcequ'après
la consécration il élève les symboles eucha-
(51
CAS
CAN
652
risligucs pour luire adorer aux assistants
Jésus-Clirisl présent. Dans I.i iilurgio ro-
maine, le canon coiiMncnce par ces mots : Te
igiiur, etc.
Quelques lilurgistes oal écrit que c'est
sainl Jérôme qui, par ordre du pape Sirire,
a mis le canon d;in> la forme que nous avons:
d'auîres (|ue c'esl le pape Sirico lui-même ,
qui vivait sur la fin du iv siècle. Mais on
disait la messe avant Sirice cl avant saint
Jérôme ; il y avait donc déjà un canon ou une
règle que le prélrc devait suivre : jamais
celle action sainle n'a clé abandimnée au
gnùt et à la discrélion des particuliers. —
L'abbé Uenaudol , dans la di^s' riaiion qu'il
a mise à la lêle de la Collection des liiuryies
orientales, a fait voir que le canon vient des
apôtres; il le prouve par la c(jnformilé qui
se trouve entre les liturgies syriiqiies, coph-
tes, grecques et lalincs : s'il y a de la varicté
dans les prières, si quelques cérémonies se
font dans un cidre dilïérent, toutes cepen-
dant reviennent au même pour le fond , tou-
tes renferment une invocation à Dieu, des
prières pour les vivants cl pour les morls ,
l'invocation des saints, les piiroles de Jésus-
Christ pour la consécration , l'élévation ou
Vostension de Tcucharistic, et l'adoralion ; il
conclut avec raison que ce canon est d'insli-
tution apostolique, que jamais personne n'a
eu la léu cri lé d'y loucher ni de le changer
cssenliellemeiit. C'est la profession la plus
claire et la plus éclatante que l'Kglisc puisse
faire de sa foi louchant l'eucharislie. — Ue
même le P. Lebrun, dans son Explication
des cérém. de lamcsse, tom. III, p. 1;^, a l'ait
•voir que le canon de la i/ie.«sc était écrit avant
l'an khO ; et que le pape Géla>ie l'inséra dans
son sacramentMire, tel qu'on le suivait pour
lors , sans y faire aucun ch.ingenicnt : que
l'an 538 ce canon fut envoya par le p.ipe
Vigile aux l'^spagnols, «omme étint de tra-
dition apostolique ; que vers l'an GOO, s.iiut
Grégoire le Grand y ;ijoula seulomeut ces
mots : diesque nostros in Inn pace disponas ;
<iu'il pl'ça l'oraison dominicale avant la
fraction de l'hosiie, au lieu que dans les au-
tres liturgies elle ne se disait qu'après. De-
puis ce lemps là, un n'y a pas louché, sinon
pour y ajouler le nom de quelques saints.
C'est dans cri état (juc, le canon de la messe
fui porté en Angleterre par le moine Au-
gustin; il y en a un manuse.rit tait avant
l'an 700. Le V. Lebrun prouve que le pape
Gélase même n'y avait lail aucun change-
ment, mais seulement des additions au sa-
cranienlaire, au'iuel il mit des collectes ou
oraisons jiour les jours qui n'en avaient
point de propres, en y laissant toutes celles
qui y étaient déjà. .Vvanl lui, les p.ipes luno-
rcnl I'' et sainl Léon avaient fait de même.
Kn effet, l'ancien canon de la messe ronuiine ,
qui est celui du p;ipe Gél.ise , tel qa'il l'avait
trouvé en usage, est entièrement conforme à
celui du sacramenlaire de saint (irégoire.
Voy. Codices focram. Th'Viasii, p. li;0. —
Ainsi, quand nous lisons que le pape Sirice
au iv siècle, (îélase au v, saint (irugoiie au
TU*, ont ajouté ou changé quelque chose au
sacramentaire, cela ne doit pas s'entendre du
canon, mais des autres p rties de la messe.
C'est (!an^ ce sens que Jeqn diacre, dans la
r.'e de saint Grégoire, [. ii, c. 17, dit que ce
saint j ape renferni.i dans un ^eul volume le
sacramentaire de Gélase, qu'il en retrancha
plusieurs choses, en changea quelques-unes,
et y en ajouta fort peu. — C'est doue avec
raison que le concile de Trenle a dit que le
canon de lamessea été dressé par l'Eglise,
qu'il est cmposé des paroles de Jésus-Christ,
de celles des apôlres et des premiers pontifes
qui ont gouverné l'Eglise. Si les prétendus
réformateurs avaient été plus instruits, s'ils
avaient comparé ensemble toutes ces litur-
gies qui d.ilent des premiers siècles, ils n'au-
raient nas condamné avec tant de hauteur le
canon rfe/o Hiesie de l'Eglise romaine. Voy. Li'
TLBGIE.
Le concile de Trente prononce l'anathèmé
ciintre tous ceux qui condamneront la coutume
établie dans celte Kglise, de réciter à voix basse
une partie du cano7i et les paroles de la consé-
cration, ou qui soutiendront que l'on doit cé-
lébrer en langue vulgaire. Sess. 22, can. 9.
Croira-t-on qu'au commencement de ce siècle
quelques prêtres prononçaient à haute voix
les paroles du canon el de la consécration ,
alin de persuader aux femmes qu'en répétant
ces paroles elles consacraient avec le prêtre?
Ils ignoraient que la liturgie n'a été mise par
écrit qu'au W siècle, et qu'avant ce temps-là
les prêtres .>-euls savaient les prières du ca-
non. Voy. Langues vulgaires, Sixrètes , et
r^l)zc('m Sacramentaire, par Grandcolas ,
1" part., p. 78tj.
Canons Pénitentiaux. Ce sont les règles
qui lixaient la rigueur et la durée de la pé-
nitence que devaient faire les pécheurs pu-
blics qui désiraient êlre réconciliés à l'Eglise,
el reçus à la communion. — Nous sommes
étonnés aujourd'hui de la sévérité de ces ca-
nons, (jui furent dressés au iv siècle; mais
il faut savuir (jue l'I'lglisn se crut obligée de
les établir, 1" pour fermer la bouche aux iio-
vatiens et aux monlanistes, qui l'accusaient
d'user d'une indulgence excessive envers les
pécheurs, et de fouienter ainsi leurs dérègle-
ments ; 2° parce qu'.ilors les désordres d'un
chrétien étaient capables de scandaliser les
pjiïens, et de les détourner d'emhrasser le
christianisme ; c'était une espèce d'a|ioslasie;
3' p'iree que les persécutions qui venaient
de finir avaient accoutumé les chrétiens à
une vie dure el à une pureté de mœurs qu'il
était essentiel de conserver. — Au reste, ci'S
canons n'ont été rigoureu-ement observés
que dans l'Eglise grecque; le concile de
Trente, en corrigeant les abus qtii pouvaient
s'êtie glissés dans l'administration de la pé-
nitence, n'a témoigné aucun désir de faire
revivre les anciens canons pdnitentiau.r.
Sess. li, chap. 8. Il est cependant très à pro-
pos il'en conserv er le souvenir, soit pour pré-
munir les cnnfesseurs contre l'excès du relâ-
chement. Soit pour réfuter les calomnies que
les incrédules se sont permises contre les
mcQMrs des premiers chrétiens. Voy. PÉ«
'S (les pren
esô
CAN
CAN
<;tii
NiTr.Nciî, PKNïTiî siiEL, Ancien Siicramcntaire,
ir piiii. , p. uG3.
Canons des Saints, calalofjue des saints
rrciiDiui : ou canonisés par l'Église. Voij. Ca-
nonisation. — C'est un usage aussi ancien
que le christianisme, de recommander à
Dicu d.ins In liturgie les fidùlis vivants',
nnmiiiéniiMit 1rs évcM|ues et les pasieurs ; c'c-
l;iil aiilrofois un (émuignage de tommnnion
^^l! foi avec eux et de catholicité. Voy. Dip-
^TïQLiiîs. On y a toujours prié pour les nions,
et on y a fait mcnlmn des saints, surtout des
marlyi's, en demandant à Dien la grâce de
pailiciper à leurs mérites et à leur inter-
cession. Ainsi, le cunon de la messe s'est
trouvé être aussi le canon dis saints, et leur
nombre a augmenté de jour en jour. — Cer-
tains critiques ont conclu mal à propos que
le canon de la messe n'est pas fort ancien ,
parce que l'on y voit In nom de quelques
sainls qui ne sont pas des proniiers siècles :
ils n'ont pas fait attention que ces noms ont
éié ajoutés à mesure que les sainls sont ve-
nus a mourir.
CANONKJUIÎ. Un livre est appelé canoni-
que, lors(|u'il se trouve dans le canon ou
dans la li»lc des saintes l'^criturps. Au mot
Canon, iicus avons vu quels sont ceux qui
composent l'ancien Testament. Quant à ceux
du nouveau, l'on a consiamment reconnu
pour canoniques les quatre livangiles , les
Actes des apôtres, les quatorze épîires de
saint Paul, excrplé l'épîlrc aux Hébreux; la
première épitre de saint Pierre , et la pre-
mièic épitre de saint Jean. Voilà, dit Euséhe,
après lis Pères plus anciens, les livres qui
sont reçus <!'un conscntemonl unanime. Ilist.
cccïésiasl., 1. m, c. 2o. C'est ce qui leur a
Tait donner le nom iSç protocanoniques.
11 y a eu d'ahonl quchiues doutes sui- la
canonicilé de 1 Epitre aux Hébreux, des Epl-
tres de saint Jacipus et de saint Judc , de la
seconde «le saint Pierre, de la seconde et de
la troisième de siint Jean, et de l'Apoca-
lypse. Ik'pendant ces écrits oui été reçus de
tout temps par (juelques Eglises, et ensuite
par l'Eglise universelle. Nous le voyons p;ir
les anciens cat.i'.ogues des livres du Nouveau
Tcslanirnl, (el (juc celui des conciles de Lao-
diccc, (le Carlli,ii;c el de Homo, celui que l'on
trouve dans le dernicrcanon des apôtres, etc.
C'ect ce qui a déterminé le concile de Trente
à les nicllre au même rang que les autres,
et ils sont appelés dcutérocanoniqucs. — Ce
canon des livres du Nouveau Testament n'a
point été dressé d'abord par aucune asscni-
iilée ecclésiastique, ni par aucun particulier;
il s'est forn^é peu à peu sur le consentement
unanime de toutes les lig ises, et ce consen-
tement n'a pu devenir unanime que quand
ces diiîéientes sociétés ont été à portée de
rendre leuioignage de ce qu'elles avaient ou
n'avaient pas reçu dos apôtres. — Mais les
Epîtres dont la canonicilé a d'abord été con-
testée, n' ivaicnl été adressées nommément à
aucune Église ; celle de saint Piiul aux Hé-
breux était pour tous les juifs convertis, quel-
ques-unes étaient pour de simples particu-
liers, et ne paraissaient pas fort imj)ori;:n-
fes; elles n'ont pu être d'abord revêtues
d'une attestation aussi authentique que cel-
les qu'avaient reçues les Eglises de Uome ,
de Corinlhe, d'Epliôse, etc. H en est de môme
de l'Apocalypse.
Vainement quelques incrédules ont cru
fonder une grande objection sur la lenteur
avec laquelle le canon des livres du Nouvc.iu
Testament a été furnié. Cet argument peut
incommoder les protestants, qui ne veulent
point d'autre règle de foi que i'Eerituie
sainte; c'est à eux do nous f.iire concevoir
comment l'Eglise chrétienne a pu dcmcuier
si longtemps s.ins sai oir cert.iinemenl (jnels
livres elle devait ou ne dev.iif p;is ri'".irder
conmie Ecriture sainte. Pour nous, i|iii sou-
tenons, comme nus pères, que i.i |)r;nci|)alp
règle de foi est l'enseif^nemeut [.ubiie, cons-
tant et uniforme de l'Eglise, nous ne voyous
pas en (juoi il était si important (jue le canon
des Ecritures fût promplement dressé el uni-
versellement connu.
Eusèbe {llistoiie ecdés., 1. iw, c. 2:j), dis-
tingue trois sortes de livres du Nouveau Tes-
tament : 1" Ceux qui ont été reçus d'abord
d'un consentement unanime, et' dont nous
avons vu ci-devant l'énu'néraiion. 2' {'eux.
qui n'ont point été reconnus d'abord p,ir
toutes les Eglises, mais seulement pyr quel-
ques-unes; ou qui ont éle cités comme Ecri-
ture sainte par quelques auteurs ecclésias-
tiques. Mais cette seconde classe se divise en
deux, l'une des livres qui dans la suite ont
été reçus par toutes les Eglises, el ont été
nommés deulerocftnoni'/tirs ; nous les avons
désignés : l'autre des libres qui n'ont point
été placés dans le canon, mais que l'on a
conservés comme des livics utiles et respec-
tables. Tels sont les livres du Pasteur, la
Lettre de saint Jlarnaljd, les deux Lettres de
saint Cle'mrnt, etc. 3" Les livres suppusés et
forgés parles hérétiques pour autoriser leurs
erreurs, livres que l'Egli-e catholique a tou-
jours rejetés; tels sont les faux évangiles do
saint Thomas, de saint Pierre, les fausses
Apocalypi^es, etc. — J)c là il résulte que la
seule raison qui nous détermine à regarder
tel livre comme canonique, divin ou inspiré,
est la tradition ou lautorité do l'Kglise.
Quand nous serions pleinement persuadés
qu'un livre a été véritablement écrit par un
apôtre ou par un disciplede Jésus-Christ, qu'il
est par conséquent authentique ; quand il ne
renfermerait rien que de vrai et de conlorme
à tous les articles de notre croyance, cela ne
suflirait pas. La divinité des livres saints ne
porte principalement ni sur la certitude his-
torique, ni sur les règles de critique, ni sur
le témoignage d'aucun particulier, mais sur
l'autorité et la garantie do l'Eglise; cl nous
ne voyons pas sur quel autre fondement on
peut l'établir.
Lorsque les protestants font profession de
ne recevoir pour divins que les livres dont
la canonicitc a été universellement reconnue
dans les premiers siècles, c'est d'abord une
fausseté; l'épîlre aux Hébreux qu'ils reçoi-
vent, a été douteuse pendant quelque temps.
D'ailleurs, si le sentiment unanime de ran-<
6o5
CAN
CAN
C.56
cicnnc Eglise suffit pour nous apprendre
que tel livre est divin, nous ne voyons pas
pourquoi il ne suffit plus pour nous ensei-
gner comment nous devons l'entendre, ou
■>our nous convainrre que tels et tels dogmes
bnl révélés. — Nous concevons encore
moins sur quel fondement les protestants
croietit l'iiuthenticilé des livres même proto-
c;inoniques, coMimenl ils osent se fier au té-
nioignnge des anciens auteurs ecclésiasti-
ques pendant qu'ils nous les représentent
couimo des hommes d'une probité très-dou-
teuse, qui ne se sont jamais fait de scrupule
de commettre des fr;iudes pieuses , ni de
meiilir pour la gloire de Dieu et pour la pro-
p;ifaiion de la foi. Voy. Mosheim, Jnstit.
hFsI. Christ., W parl.,c. 2, §23.
CANONISATION d'un siiinl ; décret par
lequel le sonver in pontife déclare que tel
Iiomine a pratiqué les vertus chrétiennes
dans un ite^ré héroïque, et ((ue Dieu a opéré
des 11 iracles p;ir son intercession, soit pen-
dant sa vie, soit apiè> sa mort. Con-equem-
nienl il juue que I'mi doit l'honorer comme
un saint, il iicnnet d'exposer ses reliques à
la vénération des firlèles, de l'invoquer, de
célélirer le saint sacrifice de la messo et un
olfice en sou honneur. La cammisation est
ordinnirenient précédée d'un décret de Béa-
tification. Voy. ce mot.
Dans II s premiers siècles de riîglise, les
martyrs ont éié les ])remiers auxquels les
fidèles ont rendu un cuUo solennel. Ou éle-
vait un autel sur leur tombeau, et l'on y cé-
lébrait les sairils mystères; en cela consis-
tait toute la c rémoiiie de la canonisation.
Nous en voyons un exemple dans les actes
du martyre de saint Ignace, et dans la lettre
de l'Eglise de Smyme au sujet du martyre de
saint l'olycarpe. Ce sont donc les peuples
qui ont été les premir-rs auteurs du culte
rendu aux saints, et l'Eglise l'a approuvé
avec raison. — Les évéïiues jugèrent néan-
moins qu'il y aillait apporter beaucoup de
précaution , pour empêcher que l'on ne
rendît les honneurs dus A la vertu, à des
hommes qui ne les auraient pas mérités.
Saint Cyprien ordoun.i de faire des informa-
tions eiacti s de ceux qui étaient véritable-
ment morts pour la foi, de lui envoyer leurs
noms et les circonstances do leur martyre,
afin de ne pas conloudrc avec eux ceux dont
le zèle pouv.iil paraître suspect. Epist. 37 et
79. — Dans la suite on crut devoir rendre le
même culte aux personnages vénérables
qui, sans avoir souffert le murtyre, avaient
c.ilié l'Eglise par une vie exemplaire. Mais
la piélé souvent imprudente des peuples, les
erreurs dans lesquelles on était tombé à cet
égard, la négligence des évéques cà constater
les vertus et les miracles de ceux auxquels
on s'empressait de rendre un culte, obligè-
rent les souverains poniifes à se réserver ce
jugement. Le premier exemple d'une cano-
nisnliun solennelle faite par le pape est de la
fin du XI' siècle. Vny. ÏAncien Sacramen-
taire, par Grandcolas, i" partie, p. 385 (1).
,. (1) Les niarlyr» furent des lorigine ohiciis sur nos
Les prolestants se sont exercés à l'cnvi à
lourneren ridicule la cononisafio» des saints ;
mais ils auraient dû nous apprendre ce que
devait faire l'Eglise pour prévenir les pré-
tendus abus qu'ils lui reprochent. A-t-ella
pu ou a-t-elle dû empêcher les peuples de
respecter la mémoire des serviteurs de Dieu,
dont on avait admiré les vertus pendant leur
vie?Ce senlimentesl naturel; ilatoujours été
et il sera toujours le même; il a régné chez
les juifs aussi bien que chez les chrétiens
aiiiels. Depuis la paix de l'Eglise on étendit cet hon-
neur à ceux des fidèles qui s'endorment dans le bai-
ser (lu Seigneur après une vie passée dans la persé-
vérance de louie justice , ou dans l'ccercice d'une
pénilence laborieuse. Ces saiiils sont entrés en par-
tage des honneurs que la religion accorde à ses hé-
ros. Sailli Martin de Tours par^iil en avoir joui le
premier, du moins en Oi cideiit. — La confession la
plos écl tante, la vie la plus sainte, la mort la plus
glorieuse, ne furent pas des titres suflisanls pour
consacrer autlieniiipieoient la niéuioire d'un athlète
de la foi clirétienne. On atiendiiit que SQii triomphe
eût été proclamé par la voix des premiers pasteurs.
Il leur apparienait de brûler le premier encens sut
son cercueil, et c'était de leurs mains que son nom
devait être inscrit d.ins les fastes ecclésiastiques. De
là ce lire dislinctif de Martyrs approuiéi ( Martyres
vindicati), pour désigner ceux que l'auUiriié légitime
nietiail en possession des honneurs iju'on doit aux
bienheureux habiiauis des eieiix. (Voir les ilécrels
des comiles de Miièse, de Cidogne, les capitulaires
de Charleinague, etc.) Celte barrière ne parut pas
siiflisanle pour éviter la profmaiion. Ou crut (pie
l'évéque diocésain n'olfraii pas de garaiilie ^ufli-
saute. On linit par attribuer au saiiit-siége, sans au-
cun ptinage, le droit de canonisaiion. Il sérail assez
diflieile de lixer d'une manière précise une daie à ce
cliaii;;eiiieiii impoitani. Alexandre III est communé-
ment regardé comme l'auteur de celle réserve.
La cour de Rome procède dans ces causes avec
une pru(len(e digue d'admiration. On ose délier la
malignité la plus ingénieuse d'inventer, pour démas-
quer l'imposiure ou prévenir l'erreur, des moyens
plus assurés et plus prompis (|ue ceux (pu sont mis
en œuvre dans toutes les infonnalions des commis-
saires et les jugements de ce tribunal. On emploie
tout ce i|Ue la religion du sernieiit a de plus !>a''ré,
et la crainte! des censures ecclésiastii|ues de plus
imposant, pour tirer la vérité de la bonclie des té-
moins. On a^il avec tant de lenteur cl de iiiatiirité;
on revient si souvent avec tant (rapplicaiion iiu'on
n'a neii à ciainJre de la piccipilation ni du zèle
enthousiaste. Quand on considère les proeé- do l'or-
dinaire, el l'examen qu'ils siinisseiit à Uune, les
nouvelles enquêtes des commissaires ap(>5loliipiei
sur les mêmes sujets, qu'on d.icute-avec la iiiéiiic
sévérité; les iid'ormalions parliculiéres sur les ver-
tus et '•ur les miracles; l'Iiércisme qu'on exige dans
celles-là; les caracièies qu'on requiert dans ceux-fi;
les doutes qu'on agite dans les coiigré;;aiiouA: les
chicanes du promoteur de la foi; les disputes (|u*on
excite exprés euire les médecins el les auiies ex-
perts qu'on appelle à ces questions; on ne pcil è:re
qn'elfrayé de cette multitude d'obstacles iju il laut
vaincre pour parvenir à inellie en éudcnce la sa n-
lelé des serviteurs de Dieu dont on poursuit la caiio.
nisaliuii. Me nous étonnons doue plus que des héré-
tiques qui ont suivi de prés tontes ces procédures
se soient écriés:» Non, il n'y a pas au monde un seul
tribunal qui mérite la conliaiice de celui des Uites.»
Toutefois il y a loin de là à l'infaillibilité dans tous
SCS jugements. Faut il admeilre (lue lorsque les JU'
657
CAN
CAN
O'.S
{Eccli. xLiv et suiv.). Les protestants disent
qu'autre chose est de respecter la mémoire
des saints, et autre chose de leur rendre un
culte; nous leur soutenons que, supposé la
croyance de l'immorlalilé des âmes et du
boi'heur éternel des saints, il a clé impossible
de les croire heureux dans le ricl et pénétrés
de l'amour divin, sans être persuailé qu'en
eux la charité n'est pas morte, qu'ils s'inté-
ressent au salut de leurs frères, qu'ils inter-
cèdent pour nous, et qu'il est utile de les in-
voquer. Il a fallu tout ren'êlemenl des pro-
leslanls pour leur faire rejeter une consé-
quence aussi palpahle- Voi/. Cilte. —Cela
posé, les pnsleiirs de l'Eglise ont-ils dû lais-
ser à la discrétion des peuples le choix des
gpmcnls nnl été admis par l'Eglise universelle ils
sonl infaillibles?
Convaincus que le secours divin accordé à l'Kglise
ne surpasse l'as celui nue les écrivains sacrés reçu-
roiil (lii ciel, qnelqnos callioliiiues ont pensé que Tin-
fallliliiiilé ne s'clcnd pas à la caiionisalion. Le grand
apôlre n'avait rien à se reprodier, rependanl il n'o-
sail dire qu'il lui juslilié. — Un laii conlimie celle
opinion : pendant nn granil nombre de siècles des
persoiiiiajjes ont clé portés sur le catalogue des
saints avec l'assenlimenl de l'Kglise universelle. Ils
ont jnui dans imites les Eglises des honneurs rendus
âiix saillis; cependant ils ont éié rayés des sacres
diptyques.
Sans se laisser ébranler par ces motifs la grande
inajiirilé des ilncleurs admet comme iiuliibilable que
TEglise universelle ne peut si' tromper en miitère
de canoiiisatiiin. Be oti XIV trouve cette opinion
tebeine t fondée qu'il appelle celle qui lui est op-
posée, scandaleuse, léméraire, injurieuse aux saints,
etc. — El en elfet, supposer que l'Egl se puisse se
tromper sur ee suiel, n'est ce pas lémuigner une ilé-
Tianic eriminellc que le Saini-Es|irii ni:iiiqiie à sa
divine épouse dans une déiisioii où la pure é du
culle est si fort intéressée? N'est-ce pas prêter un
appui aii\ liéiétiqiies qui s'efforcent de saper noire
croyance? Des anatlièmes mulliiliés ont repoussé
Cis entreprises audacieuses. Les pères du concile de
Trenie n'ont lail que répéter contre celle impiélé les
condanuMlioiis portées par ceux de Clialcédnine, de
Coiislainiiiople, et par le second de Ni ée. N'est-ce
pas une monstruosité que de supposer que l'Eglise
puisse exposer des démons à la vénération des Ijdé-
les, implorer l'assistance des ennemis du Clirisi,
présenter le vice pour modèle à ses enfants?
Je sais que nos adversaiies nous disenl que le fait
est contre nous. Qu'ils fassent alteniion que l'Eglise,
en révisant le Mailyrologe romain, n'a fait qu'éloi-
gner les noms qui s'y élaienl glissés sans qu'une ca-
nonisation en règle les eut mis dans les fastes sacrés :
et ils convienilront aisément que les faits qu'ils pour-
roiii nous opposer n'ont pas la force de véritables
preuves.
L'Eglise ne peul juger des dispositions iniérienres,
disent encore nos adversaires. — Nous l'avouerons,
si ebes ne sont liées à aucune preuve extérieure;
mais si elles sont inliniemenl unies à des prodiges
seinblabl' s à ceux qu'on requiert peur la canonisa-
tion, nous le nions. Ce ser.iii, dans l'Iiypothése con-
traire, ébranler l'auloriié ues miracles.
Qu'il nous soit permis de déclarer qu'on ne peut,
sans une indécence scandaleuse, sans une téménlé
pleine d'iiijiisiice, affecter des doutes et soulever des
disputes en celle uialière. C'est alarmer sans raison
la piélé des fidèles, alicnler à la gloire des saints,
el autoriser l'iiiipiélé des liéréliques qui s'en décla-
rent les ennemis.
personnages qui méritaient ou ne méritaient
pas d'être réputés saints, plutôt que de se
réserver ce jugement? Dès les premiers siè-
cles il a fallu faire le discernement des vrais
martyrs d'avec les faux. Les prolestants eux-
mêmes soutiennent que dans les ix', xi* et
XII' siècles de l'Eglise, les peuples sont tom-
bés dans des erreurs et des excès énormes
touchant les hommes réputés saints; il a
donc f;iilu. pour prévenir les abus, que les
papes se réservassent les procès de la cann-
nisalion des saints, puisque c'est on objet
qui inléresse l'Eglise universelle. Quand nos
adversaiies se récrient sur le trop grand
nombre de saints canonisés, on diriiil qu'ils
sont fâchés de ce qu'il y a eu trop d'âmes
vertueuses d.ins le monde, qui ont mérité de
servir d'exemple aux autres.
II n'est pas possible de pousser plus loin
l'exacliliide de l'examen qui se fait à Itome
de la vie, des actions, des miriiiles d'un per-
sonnage dont on poursuit la cano7iis(ilion.
Il est aisé de s'en convaincre par rouvr.ig(3
que le pape Benoît XIV a fait sur ce sujet.
Les catholiques pensent avec raison qu'un
jugement, porté avec tant de précaution, ne
peut pas êlre sujet à l'erreur; que, dans une
circonstance aussi importante. Dieu accorde
à son Eglise l'assistance qu'il lui a promise
jusqu'à la fln des siècles.
Un des reproches que les incrédules de
nos jours ont répétés le plus souvent, est que
l'Eglise a placé au rang des saints des hom-
mes inutiles qui n'ont rendu aucun service
au monde, el de faux zélés qui en ont troublé
la tranqiiilliié ; des princes qui n'ont eu que
les vertus du cloître, ou qui ont été les per-
sécuteurs de ceux qui ne pensaient pas
comme eux. Mais les philosophes, qui con-
naissent Irè^-mal la vertu , sont mauvais
juges du mérite des saints. Un homme ii'e-.t
point inutile au monde, lorsque, dans le si-
lence el la solitude, il emploie son temps à
louer Dieu, à prier pour ses frères, à prati-
quer la mortification, l'obéissance, le déta-
chement de toutes choses. Ces exemples, qui
sont connus tôt ou lard, sonl très-utiles pour
faire comprendre aux hommes en quoi con-
siste le vrai bonheur ; celte leçon vaut mieux
et produit plus d'effet que les dissertations
des philosophes. — Lorsque les saints sont
revêtus d'une dignité qui leur donne un rang
dans la société, el leur impose le devoir de
veiller sur la conduite des iiulres, il est im-
possible que leurs leçons et leur conduite ne
déplaisent pas aux hommes vicieux, et qu'ils
n'éprouvent aucune contradiction. Leur dou-
ceur serait blâmée comme une molle con-
descendance; leur fermeté passe pour am-
bition de dominer, pour inquiétude ou dureté
de caractère; on leur fait un crime de leurs
vertus mêmes. Tous ceuùc, dit saint Paul, qui
veulent vivre pieusement selon Jésus-CInisl,
soujfrironl persécinion, pendant que les hom-
mes méchants et séducteurs feront des progrès
dans le mitl, et entraîneront les autres dans
leurs erreurs {II Tim. m, 12 el i:J). C'est l'his-
toire de tous les siècles. •- Lorsque des
princes ont employé aux protiques de piélé
659
CAN
CAN
OU
;a Icmps qup d'aiiîrcs donnent à <ies plaisirs
bruyants, djspendicns et souvent scanda-
leux, nous no voyons p;is ce iiuo les pcnpies
y ont perdu. Quant au nom an pf.rsf'cuteurs
quo l'on donne aux souverains qui ont ré-
prin>é raodace dos hérétiques et des incré-
dules, l'abus d'un mot ne doit pas nous en
imposer; ils ont dû punir ceux qui corrom-
paient les mœurs et détruisaient les prin-
cipes de vertu. Voy. Saints.
CANTIQUE. Voy. Cuant ecclésiastique.
Cantique des Cantiques, livre sacré, ainsi
nommé par les Hébreux pour exprimer son
cxceireiice. On latlribue à Salomon, duquel
il porte le nom dans le texte hébreu et dans
l'ancienne version grecque. Les lalmudisies
ont prétendu qu'il était d'Èzéchias; mais
cette opinion n'a pas été suivie par les au-
tres rabbins. Il est dit dans l'Ecriture que
balomon avait composé des cantiques aussi
bien que Davi'l, et le nom de Salomon se
trouve dans plusieurs endroits de celui-ci.
En examinant d'abord le sens lilléral, ou
plutôt grammatical, de ce cantique, les cri-
tiques en ont porté des jugements fort diffé-
renis. Les uns ont prétendu que c'est un
ouvrage purement profane, d;ins lequel Sa-
lomon a célébré ses amours avec la fille de
Pharaon, roi d'Egypte, qui était la plus
chérie de ses épouses. C'était le sentiment
de "Théodore de Mopsueste, qui regardait cet
ouvrage comme dangereux pour les mœurs;
c'est encore l'idée qu'en ont les anabaptistes.
Les Juifs en avalent interdit la le(-ture avant
l'âge de trente ans, quoUiue d'ailleurs ils le
rcg.irda-senl comme un livre inspiré. D'au-
tres ont pensé que c'était un épilhalame, un
poëme destiné à être (hanté dans les noces ;
ils ont cru y disiinguer sept parties d'églo-
gui', qui ré|iondeiit aux sp| t jours pendant
les(iM(ls duraient les noces des ancii'ns. C'a
été le sinlitii'nl de M. Bossuet, dans le com-
inentaire qu'il a fait sur ce livre, et cel:)i do
Lowtli (De sacra poesi Hebrœor., prœlect. 30
et 31).
Quelques commentateurs, prévenus de ces
idées, ont fait de ce cantique des traductions
trop libres et capables d'.ilarmer la pudeur,
comme Bèze, Castalion, Grolius, et un cé-
lèbre incrédule de nos jours; d'autres ont
affecté de faire remar(|uer les endroits qui,
selcn nos mœurs, paraissent trop licencieux,
et ils ont fait un crime à l'Eglise catholique
de ce quelli- a placé quelcju 'S morceaux de
ce poëme ilans l'olfice divin. Tous, au reste,
son! convenus qu'en fait d'ouvrages profanes,
il n'en est pas de plus agréable que celui-ci;
que l'on y trouve un fi;)!, une délicatesse, une
variété d'images inimitables; C'est une pein-
ture très-naïve des anciennes mœur.s de l'O-
rient. Cepemlanl un de nos liUéraleurs mo-
dernes n'y a rim trouvé de merveilleux;
suivant son avis, si l'on excepic quelques
images champêtres assez agréables, le reste
n'a rien d'élo(|uent ni de sublime. — Mais
toutes ces opinions ont été réfutées par un
critique trés-babile dans les fm'^ui'S orien-
ta es. Le savant Michacis, dans ses Notes
$ur /.»4«(A, tQutieot et prouve qu« l'objet du
cantique de Salomon n'est de peindre ni l'a-
mour licencieux de deux personnes libres, ni
de celui de deux jeunes époux au moment de
leurs noces, mais l'amour très-chaste de deux
époux déjà unis depuis longtemps. A la vé-
rité, cette idée ne s'accorde point avec nos
mœurs, mais elle est très-analogue à collés
des Orientaux, chez lesquels les femmes,
toujours renfermées, ne voient point leurs
maris quand elles le veulent, et n'ont aucune
société avec les autres hommes, où elles sont
sujettes d'ailleurs à toutes les passions qu'ins-
pirent le climat, la clôture et la polygamie.
Il observe que ce défaut de société, entre les
deux sexes, est cause que les hommes s'ex-
f)riment avec beaucoup de liberté dans les
conversations qu'ils ont, soit entre eux, soit
avec leurs épouses; que de leur côté les
femmes ne croient point blesser la pudeur
par la naïveté de leurs expressions : celte
licence dans le langaire ne fait pas plus d'im-
pression que la nudité presque entière des
deux sexes si commune dans Ces mêmes cli-
mats. — Par là il démontre, d'un côté, l'in-
justice du scandale que les rcnseurs des li-
vres saints ont voulu tirer de ce cantique et
de plusieurs passages semblables du pro-
phète Ezéchiel; de l'autre, la témérité des
traducteurs, qui ont voulu rendre toute l'é-
nergie du texte hébreu d:iiis la lingue do
ppupb's dont les mœurs ni les usages no
sont plus les mêmes que ceux des anciens
Orientaux. — Ce judicieux critique prouve
ce qu'il avance par des exemples. Sur le té-
moignage du voyageur Chardin, il cite un
poète asiatique, irès-grave d'ailleurs, qui a
traité les plus sublimes matières de la théo-
logie affei live sous le voile de l'allégorie, et
dans un syle qui piraîirait être celui du li-
bertinage le plus grossier. Les docteurs juifs
et les Pères de l'Eglise n'imt donc pas eu
tort de regarder le cantique de Salomon
comme un poëme allégorique, et non comme
un ouvrage profane. Les premiers, sous l'i-
mage de l'union conjugale, ont entendu l'al-
liance de Dieu avec la synagogue; Ezéchiel
et d'autres prophètes l'ont représentée de
môme, et c'est le sens qu'a Suivi le para-
phra-te Chaldéen. Les Pères ont été encore
mieux fondés à y découvrir l'alliance perpé-
lui lie et indissoluble de Dieu avec l'Eglise
chrétienne, puisqne, dans plusieurs endroits
du Nouveau Testament, l'Eglise est appelée
l'épouse de Jésus-Christ; lui-même repré-
sente sous la figure d'une noce l'établisse-
ment (le celle sainte société [Mattli., xxii, 2 ;
XXV, 1 ; Apoc. XIX. 7, etc.). C'est dans ce
sens seulement (|ue l'on a placé dans l'office
divin quelques morceaux du cantique, et on
l'a fait avec tout le choix cl les précautions
convenables. Les ministres de ri''glise, ac-
coutumés à ne voir d;ins ce livre sacré qu'un
sens spirituel cl allégorique, sont à l'abri de
toute idée profane, contraire à la chasteté et
à la ()iété. — Si le littérateur moderne qui a
voulu déprimer la composition de cet an-
tien |ioëiiie, avait consulté Lowlh et Mi-
chaëlis, il en aurait mieux senti l'énergie,
les ullysious cl les beautés, cl pcul-ctrc qu'il
661
CAP
aurait réformé son jugement. D'autre part,
crnx qui oiit nppliqué aux sept .Iges de l'R-
■glisp les sept jours pendant lesquels se l'élé-
brai"nl les noces, ont mal rencontre, puisque
ûi\n%\e rintlfjne i\ n'est ques ion ni de noces,
tii de ilîslinclinn de jours {Bible d'Avignon,
lom. VIII. pag. 390 el suiv.).
Les olijeclions que l'on a faites contre
l'inspiration de ce livre ne sont pas diftiriles
â résoudre. On est d'abord clonné de ce qu'il
n'est point rite dans le Nouveau Testament;
tnais il y a d'autres livres de l'Ancien qui
n'y sont p is cités non plus. On ajoute que le
nom de Dieu ne s'y trouve pas; (|n'imporle,
puisque c'est Dieu lui-même qui est l'objet
du poë ne.
Oiioiquo nous fassions très-grand cas de
l'érudition et de la sagacité de Lowth el de
Michaëlis, nous ne pouvons souscrire à la
censure qu'ils ont faite des Pères el des com-
men'ateiirs, qui, non contents de soutenir
que le vitnliqitc tout entier est mystique et
allégorique, ont encore tâché de donner à
tontes ses parties nn sens suivi el analogue
à ce sens général. Nous convenons qu'aucune
ue ces explications ne peut faire autorité,
puis(iu'il est libre à chacun de donner la
sienne : aussi n'a-t-on jamais fait usage de
ce polMne pour prouver aucun article de loi.
Mais comme il est très-essentiel d'écarter de
l'esprit de tous ceux qui le lisent toute idée
profjine, on ne doit pas blâmer ceux qui ont
cherché une leçon de piélé dans chaque clia-
f)itre et dans chaque verset. Par la même
raison, il y aurait dn l'Immeur à censurer
ceux qui en ont fait l'application, non-seule-
ment à Dieu el à l'Eglise, mais encore à
Jésus-Clirist el à l'âme fidèle. Qu.ind ce ne
serait pas là le sens le plus naturel du texte,
c'est du moins toujours une leçon utile à la
piélé; et quoi qu'en disent nos savants criii-
qnes pro'eslants, c'est le meilleur fruit que
nous poissions tirer de la lecture des livres
saini». En tournant cette méthode en ridi-
cule, en se tenant scrupuleusement atlai hés
aiix règles de grammaire, de logique et de
critique, les protestants ont presque travesti
l'Ecriture sainte en un livre purement pro-
fane, comme si Dieu nous l'avait donnée
pour augmenter nos connaissances curieu-
ses, i-t non pour nous porter à la vertu. Ce
n'est pas ainsi (jue saint Paul nous la fiit
envisager : Toute Ecriture divinement inspi-
rée, dii-ii, est utile pour enseigner, pour re-
prendre, pour corriger, pour instritir- ilans
la justice pmtr rendre un tiomme de Dieu
parfait et exerci' à toute bonne œuvre {Il Tint.
III, llîj. De (inoi y servirait le cnnliijue de
Sa'omon,si on >e bornait au si ns qui parait
le plus littéral?
CAPIJAÎîNAUM, ville de Galilée, dans la-
quelle Jesus-Christ a fait sa démeure i)en-
d.int (ineiques années [Matlh. iv, 13). Il s'est
plaint pln-ieurs lois de l'incrédiJit • (U's ha-
biianls de cette ville, et les incrédules oio-
dernes en ont voulu tirei avantage pour
rendre sus ecls les miracles et les vertus du
Sauveur.il ne pouvait, disent-ils, éu'ë mieux
jugé que par ses concitoyens.
CAP 662
Nous pensons, au contraire, qu'il ne pou-
vait l'être plus mal. Quand on connaît par
expérience les prévenions, la jalousie, la
malignité naturelle des tiabilanls des petites
villes, on sent la vérité de la maxime que
Jesus-Clirist a prononcée à cette occision,
que personne n'est prophète dans son pays
(Mntth. xiir, 57). Les Galilcens, imbus du
préjugé général de la nation juive, que le
Messie devait être un conquérant, poov;iient-
ils aisément se persuader que le fils d'un
artisan, dont lonie la lamille était connue,
fût le Fils de Dieu descendu du ciel et in-
carné pour le salut des hommes? Trois ans
d'instructions, de miracles et de vertus n'é-
taient pas trop pour persuader à des hommes
très-grossiers une vérité aussi étonnante,
pour laquelle les incrédules de tous les siè-
cles ont eu tant de répugnance. On ne doit
pas être surpris si les (^apharnaïtes furent
révoltés, lorsque Jésus-Christ promit de don-
ner sa chair à manger el son sang à boire
(Joan. VI, 52). Il se trouve encore aujour-
d'Iiui des sectes de chréliens qui n'en veulent
rien croire. Mais enfin Jésus-Christ vint à
bout de persuader ses concitoyens, puisque
la plupart do ses disciples étaient Galiléens,
el que plusieurs de ses parents même souf-
frirent la mort pour lui après sa résurrec-
tion. Voy. Parents.
CAPISCOL, dignitaire de plusieurs chapi-
tres ou églises, soit cathédrales, soit collé-
giales, en Provence et en Languedoc. Il pa-
rait que c'est la même dignité que celle de
chantre, de celui qui préside au ch(Kur. Ca-
pisiol se dit [)oiir cnput schnlœ , le chef des
chantres. Dans le pontifical romain , les ec-
clésiastiques dont l'évèiiue est accompagné
dans les cérémonies sont appelés schola.
CAPITAL. On nomme péchés capitaux les
vices habituels ou les passions déréglées qui
sont en nous la source ordinaire de nos pé-
chés. Ce sont l'orgueil, l'avarice, l'envie, la
gourmandise, ia luxure, la colère el la pa-
resse. Yoij. ces divers drlicles Ooelque- in-
terprèies pensent que Jésus-Chrisl a voulu
les désigner, lorsqu'il a p irlé des sept dé-
mohsqui s'emparetil de l'homme {Malth.xii,
45; Lw. vin; 2).
CAPITULE, petit chapitre. Ce sont quel-
ques véisels tirés de l'Ecriture sainte, et re-
latifs à l'office du jour, ((ne l'on récite après
les psaumes cl avant l'hymne. Le c;ipilulo
des compiles se dit après l'hymne, et il est
suivi d'un répons, comme dans les petites
heures.
CAPTIVITÉ DE BAnVLONR. Moïse, de la
part de Dieu, avait aorionc.; aux Israélites
que, s'ils n'étaient pas fidèles ,i olisiTver sa
loi, il les trans orleiait hors de la terre pro-
mise et les livreraii au pouvoir d'une nation
éiraooère (Deut xxviii, 49 et (54 ; mai< (jue
s'ils levenaienl à lui , il les réiabliraii (xxx,
1 cl suiv.). Comme sous îeurs rois ils se li-
vr'ieni tres-soove .1 à l'idolâ rie et contrac-
I relit des mieiirs très c 'rrompiies, Dieu leur
déclara par ses prophètes qu'il allait accom-
plir ses uieuaces, que toute la nation serait
assujettie aux Assyriens et transportée à
Goô
CAP
CAP
GU
Bahylone ; mais il leur promit qu'après
soixanle-dix ans ils seraient délivrés et re-
conduiis dans la Judée (Jerem.-s.s.v, M el 12;
XXVI, 10). Tout cela fui vérifié par l'èvéne-
ment.
1! ne faut pas sn persuader que cette cap-
tivité ail été un dur esclavage; que les Juifs,
sous la domination des rois assyriens, mè-
dcs ou perses, aient été absolument mallieu-
reux. A la réserve do l'exercice public de
leur relifiion , qui ne leur était ni permis ni
possible, ils jouissaient de tous les droits de
sujeîs; nous le voyons par les histoires de
Tobie, de Suzanne et d'Eslher. Ils possé-
daient des terres et les cultivaient; plusieurs
furent élevés aux dignités et eurent un très-
pranil crédit à la cour. Un grand nombre de
Juifs se trouvèrent si bien en Assyrie, qu'ils
ne voulurent pas revenir eu Judée, lorsque
Cyrus leur en eut accordé la liberté.
Aujourd'hui, quand on deniande aux Juifs
pourquoi Dieu, malgré les promesses qu'il a
faites à leurs pèies, les a réduits depuis dix-
sept cents ans d.ins un état beaucoup plus
fâcheux que la captivité de Babylone ; pour
quel crime Dieu les a dispersés et humiliés
chez touies les nations de l'univers, si ce
n'est pas pour avoir mis à mort le Messie,
ils répondent que leur captivité présente est
une conlinualinn ou uneextension de la capti-
vité de Bahyinie. et qu'ils sont encore punis
aujourd'hui des anciennes prévarications de
leurs pères. C'est une espèce de proverbe,
parmi eux, qu'il ne leur arrive aucune cala-
mité dans laquelle il n'entre au moins une
once de l'adoration du veau d'or.
Indépendamment de l'absurdité de ce pré-
ju'.'é, riïcriiurc sainte fournit des preuves
po'iilives du contraire. — 1° Les mêmes pro-
phètes qui ont annoncé la cnpliiiié de Ihiby-
lonr en ont aussi prédit la fin : Jérémie dé-
clare formellement qu'elle ne durera (|ue
soixante-dix ans, et D;inipl le comprit ainsi
en lisant ce prophète {Jerem.i.\y et xxix;
l)an. IX). Un ange révèle à Daniel que ces
soix;inle-dix ans sont l'abrégé de soixante-
dix semaines d'années qui doivent s'écouler
jusqu'à la venue du Messie (Ibid.,\. 2i-).
Cel.i est précis. — 2° L'édil de C\rus permit
à tous les Juifs, sans exception, de retourner
dans leur pairie; les termes sont formels et
illin,itcs (/ Exdr. i, 3). L'auteur des Parali-
pomènes reconnait, dans les derniers versets
du second livre, que ce! édit mit fin à 'a cap-
tivité. Il y a de l'opiniâlreié à soutenir le
contraire. — 3° Daniel el N( hémie recon-
naissent que les menaces de Moïse, dans le
Deuléronouie, ont été accompli<'s à Bahy-
lone {Dan. i\, 11 el 12; // lisdr. i, 8). lin
effet, Moïse dil aux Juil's qu'ils seront trans-
portés arec leur roi dans une terre éloignée;
qu'ils y servironi des dieux étrangers , des
dieux de bois et de pieire {Deiil xxviii. 30).
Cela ne peut pas être a|ipli(|ué à leur capti-
vité présente; ils n ont [)lus de roi, ils ne
sont forcés nulle part d'adorer des idols. —
4* Lorsque les Juifs se plaignent à llaby-
lonr de ce que Dieu leur a lait porter la
peine des prévarications de leurs pères ,
Ezéchiel leur soutient que cela est faux,
qu'ils sont punis pour leurs propres crime»
(Ez. xviii). Ceux d'aujourd'hui ont donc tort
de répéter celle plainte absurdede leurs aïeux.
De là nous concluons contre eux que le
crime pour lequel ils sont punis depuis dix-
sept siècles est non-seuleinent un crime na-
tional, mais personnel à chacun des Juifs ; et
il n'en est aucun qui réunisse ces deux ca-
ractères, que le déicide qu'ils ont commis
dans la personne de Jésus-Christ. C'esl un
crime national, puisque les chefs de la na-
tion l'ont rejeté et condamné à mort ; le
peuple y a participé, puisqu'il a crié : Que
son sang soit sur nous el sur nos enfants..
C'est un crime personnel à chaque Juif,
puisque tous ceux qui n'ont pas cru en
Jésus-Christ ont applaudi à la conduite de
leurs pères, et ont tâché de la justifier; au-
jourd'hui encore tous blasphèment contre ce
divin Sauveur.
Que le sort actuel ait été prédit ou non
par la prophétie du Deutéronome, cela est
indifférent. Celle de Daniel est expresse : il
déclare qu'après le meurtre du Messie, la
dévastation et la désolation des Juifs dure-
ront jusqu'à la fin {Dan. ix,27). Jamais ils
n'ont rien opposé de solide à celle preuve
accablante.
CAPUCIATl, encapuchonnés. On nomma
ainsi, sur la fin du xii" siècle, certains fana-
tiques qui firent une espèce de schisme civil
et religieux avec les autres hommes, el pri-
rent pour marque de leur association parti-
culière un capuchon blanc autjuel pendait
une petite lame de plomb; l ur dessein était,
disaient-ils, d(! forcer ceux qui se faisaient
la guerre à vivre en paix.
Celle idéi' vint dans la tête d'un bûcheron,
vers l'an llSti. Il publia que la sainle Vierge
lui avait apparu, lui avait donné son image
et celle de son Fils, avec celle inscription :
Agneau de Dieu , qui fffacez les péchés du
monde, donnez-nous la paix; qu'elle lui avait
ordonné de former une association dont les
membres |)orleraienl celte image avec un
capuchon blanc, symbole de paix et d'inno-
cence , s'obligeraient par serment à conser-
ver la paix entre eux, et forceraient les au-
tres à l'observer.
La lassitude el le méconlentement qu'a-
vaient proiluils dans tous les esprits les di-
visions, les guerres intestines, l'anarchie de
ce malheureux siècle, donna de la consis-
tance à la fantaisie bizarre des capuciés; ils
trouvérenl des approbateurs et tirent des
j)rosél>tes dans tous les l'lal< , surtout eu
Bourgogne ei dans le Berri. Malheureuse-
ment, pour établir la |)aix, ils romminçaient
par f.iire la guerre, el vivaient aux dépens
de ceux (|ui ne voulaient pas se joiMdr(î à
eux. Les seigneurs el les évêques levèrent
des troupes, dissipèrent ces fanatiques el
fireni cesser leurs brigandages — M lis on eu
vil bientôt paraître d'autres, les sladings, les
circoucellions.li's albigeois, les vaudois,elc.,
qui élaieul animés du même espril l't couiuii-
rent les nièm:'s désordres. — D.ins le siicle
suivant, l'an 1387, il y eul eu Anglclcrre des
fC5
CAP
CAP
mo
capuciés d'une antre espèce : c'étaient des
hérétiques sectateurs de VVicIef, qui ne vou-
laient pas se découvrir et gardaient leur ca-
puchon devant le s.iinl sacremenl. Ils pri-
rent la défense d'un nom né Pierre P.nesliul,
moine auiiustin qui avait quiité le froc, et
qui, pour justifier son apostasie , accusait
son ordre de plusieurs crimes. (Labbe, Nouv.
Bihl., tome I, p. M7. U'Ari;entro, Collée.
Juilic, lome I, p. I2'1. Sponde, ad an. 1377.)
CAPUCINS (1), religieux de l'ordre do
Saint-François de la plus étroite observance.
On leur donne ce nom par rapport à la foriiie
extr.iordin.iire du capuee ou capuchon exlrè-
lïiement jiniiiln dont ils se couvrent la tète.
Ils sont velus d'une grosse robe , d un man-
teau et d'un c.ipuce d'un gros drap brun; ils
portent la barbe, des sandales, et une cou-
ronne de cheveux.
Celte réforme des Frères Mineurs ou Cor-
deliers.aeu pour auteur, au commencement
du XVI' siècle, Maithieu de Baschi ou Hassi,
Frère Mineur Observantin du duché de Spo-
letle , et religieux au couvent de Montefias-
canc , qui, en 1525, assura que Dieu l'avait
averti plusieurs fois, d'une manière miracu-
leuse , qu'il devait pratiquer à la lettre la
règle de saint François. — 11 se retira avec
la permission du pape Clément VII, et le
consenlenient de son provincial , dans une
solitude, où il fut suivi de douze auires per-
sonnes. 11 y établit sa réforme d'une manière
étonnante. Le même pape approuva leur
congrégation par une bulle de 1520. Son suc-
cesseur, Paul 111, la confirma en 1535, et leur
donna un vicaire général avec des supé-
rieurs. Ce ne fut que sous le pontifical de
Gr.goire Xlll qu'ils obtinrent la permission
de s'établir au delà de 1 Italie : jusqu'à lui
leur réforme y avait été concentrée. — Sous
le règne de Charles IX, Pierre Ucschamps ,
nalif d'Amiens , profès chez les Cordeliers ,
commença l'éiablissement de cette réforme
dans la maison de Picpus, ainsi qu'il est
prouvé par des lettres patentes, données à
Blois en 1572. Le P. Pacifique, Italien, vint
l'y joindre, et ils obtinrent de Henri 111 et de
Catherine de Médicis sa mère, une nouvelle
maison à Paris, près du lieu nommé les Tui-
]eties. — Les rois de France, successeurs de
Henri lil. ont toujours favorisé celte congré-
gation. Louis XlN', par un arrêt du conseil
du 23 septembre KitiS , déclara qu'il n'avait
pas entendu la comprendre dans l'édil de dé-
cembre IGGG, qui révoquait les permissions
données à dilïérents ordres de s'établir dans
le royaume. Aussi les Capucins s'y sonl-ils
multipliés en grand nombre. On compte dix
provinces de cet ordre , en comprenant la
Lorraine, et plus de quatre cents maisons.
Ces religieux font un vœu particulier de la
plus grande pauvreté , en sorte qu'ils ne
peuvent posséder aucune espèce de biens,
môme en corps ou eji communauté. C'est
par cette raison qu'ils sunl exempts de
toute imposition, pourvu qu'ils n'abusent
pas de leurs privilèges pour favoriser la
fraude contre les droits du roi; qu'il leur
(Ij Cet article est reproduit d'après l'édil. de Liège.
est permis de faire la quéle dans les villes
et dans les campagnes ; qu'ils uo peuvent
recevoir que quelques legs modiques, en
deniers une fois payés , à litre d'aumônes;
et qu'on a déclaré nul, au parlement d'Aix ,
en 1732 , le legs d'une rente de cent livres ,
qui leur avait été fait
Régime de l'ordre des Capucins suivant
leurs constitutiotis. — L'él'Ction des minis-
tres provinciaux et des custodes se fait dans
la tenue des chapitres. Chaque communauté
a droit d'y envoyer un discret qui a voix avec
le gardien, discret né par sa place; et afin
que l'élection des discrets soit à l'abri de tout
soupçon d'intrigue et de cabale, on ne peut
changer les religieux dans les trois mois qui
précèdent la convocation du chapitre. Pouv
cette élection, Its Frères convers donnent
leurs suffrages, ainsi que les autres reli-
gieux. 11 y a quelques années que dans la
maison de la rue S linl-Honoré , à Paris, on
s'imagina que les Frères ne devaient point
être appelés en chapitre : ceci donna lieu à
des discussions juridiques qui se terminèrent
à l'avantage des Frères , par la médiation
du Père général. — Le provincial a pour con-
seil quatre définiteurs qui doivent être pris
dans le corps du chapitre , au lieu que le
provincial lui-même peut être choisi quoique
absent. Les custodes élus pour le chapitre
général, doivent y assister, à moins que des
raisons légitimes ne les en dispensent. —
C'est au Père général qu'appartient le droit
d'approuver pour la prédication. Il ne le fait
que sur le certificat des définiieurs et des lec-
teurs en théologie, qui attestent que le reli-
gieux a fait ses deux années de philosophie ,
et qu'il a étudié de plus pendant quatre ans
en lliéulogie : il est libre aux examinateurs
d'accorder ou de refuser leur suffrage, qui se
reçoit par la voie du scrutin. Le religieux
approuvé doit encore, avant d'exercer son
ministère, se soumettre à tout ce que peut
exiger de lui l'évéque diocésain : une con-
duite contraire serait blâmée, et môme punie.
— Le provincial peut, dans certains cas, pri-
\er ses religieux de l'exercice des pouvoirs
qu'ils ont obtenus, et ordinairement il u'ac-
corde celui de la confession qu'après des
preuves suivies de capacité du sujet. On dit
ordinairement , parce que souvent il nomme
confesseurs, pour la communauté, des reli-
gieux pour lesquels il diffère quelquefois la
permission de se présenter à l'examen des
évéques pour la confession des séculiers. —
Le provincial est le premier supérieur de la
province : on défère à son tribunal toulei
les matières contenlieuses ; il les juge de con-
cert avec ses définiteurs. Lorsqu'il est en
cours de visite, il n'existe plus d'autorité que
la sienne dans la maison où il s'arrête. La
visite s'ouvre par un discours, après lequel
chaque religieux est appelé en particulier au-
près du provincial, qui écoule les (ilaintes
des supérieurs el des inférieurs , chacun à
son tour. H examine ensuite les comptes,
parcourt les lieux réguliers pour savoir s'ils
sont en bon état de réparation, et icra.ine sa
visite par les réprimandes (ju'exigent les ia-
607
CAR
CAR
ces
culpalions qu'on lui a déférées. Cet acle ae
juridicUon terminé, le giirdien rentre dans
tous ses droits. — Chaque maison se gou-
verne par un gardien, doni réieciion a été
faile par le provincial et les définitcurs, à
scrutin secret. Le gardien n'est en place que
pour trois ans ; cependant il peut être conti-
nué pour trois autres années. — Outre le
gardien , il y a dans chaque maison un vi-
caire , qui se nomme et se destitue au gré des
supérieurs, à la dilTérence du gardien, qui
he peut être destitué que par une sentence,
suivant les formes juridiques approuvées
dans l'ordre.
Comme c'est une maxime généralement
adoptée parmi la plupart des rcligieu^i ullra-
montains, qu'ils ne doivent jamais recon-
naître pour leurs juges , les magistrats (jui
composent les tribunaux séculiers, les Capu-
cins s'étaient imaginé qu'en France celle
liiaxime devait éire écoutée, et en consé-
quence deux de ces religieux, en 1599, refu-
sèrent de comparaître au parlement, oii ils
avaient été cités. La cour ordonna qtu> la i!é-
iibération par laquelle il avait élé arrêté que
ces deux religieux ne comparaîtraient point,
serait lacérée, et qu'il serait fait lecture de
l'airêt dans le couvent des Capucins, en pré-
sence des religieux. Depuis ce lem, s-là il ne
parait pas qu'ils aient cherché à méconnaî-
tre l'autorité des juges séculiers et à si' sous-
traire à leur juridieiion. (Kxt. du Dicl. de
Juiifpnidencr. ) [Voy. le Dict. des Oïdies
reli/. du P. Hélyot.édil. Migne.]
CAIlACTÈUli (1). Ce terme, en théologie,
signifie une marque spirituelle elinelTaçable
que Dieu imprime dans l'âme d'nn chrétien
^ar quelques-uns des sacrements. Il n'y en
a que trois qui opèrent cet effit, le baplêmc,
là confirmation et l'ordre : aussi ne les rél-
lère-t-on jamais, même aux hérétiques,
pourvu qu'en les administrant l'on n'ait rien
nian(|ué d'essenliel dans la matière ni dans
la forme.
La réalité de ce caiaclère est prouvée par
des passages de saint Paul, dont le sens est
à la vérité contesté par les héréti(|ues , et
même par quelques théologiens catholiques;
niais dans celle (luesiion, comme d.ms toute
antre; là tradition doit servir de guide. Saint
Augustin, en écrivant contre les donatistes
qui relieraient le hapiènu; et l'ordination , a
supposé et a soutenu ([ue ces sacrements
impriment un caractère ineffaçable (L. coii-
tra Episl. Paimcn., n° 28). Toute l'Eglise
d'Afriiine a coiilirmé celte vérilc par son suf-
frage, et c'est le sentiment de l'Lglise catho-
lique.
Un savant anglican, qui le combat de tou-
tes ses force^ , soutient qu'il n'eu est ques-
tion dans aucun des ani'iens conciles. 11
avoue cependant que plusieurs Pères de
l'Eglise ont appelé le baptême le sceau, lo
(1) Si qiih ilireiil, in tribiif Sdcrameiit'is, bap'ismo
tcilicel, confirmalioiif et online, iiaii iinjtrimi char.c-
lereiH in (initiia. hoc esl tigiiiiiii quuildain spiiiiiite et
initelthiic , nude ta iterari non po.fsunt , mmllieiiia
li*. CoMi M. Trid., scss, 7, caii. '.', de Hucram. in gé-
nère.
siqnê, la mordue, le caractère deJésus-Chrisf i
mais ils n'ont rien conclu de là , sinon qu'il
ne faut pas réitérer ce sacrement. Il ne s'en-
suit pis, dil-il, qu'un chrétien apostat, infi-
dèle, excommunié, conserve encore quelque
droit ou quelque privilège en vertu de son
bapicme (Bingliam, Orig. ecclés., t. XI,
p. 2oC). Nous convenons que le seul droit
qui lui reste esl de ne pas élre rebaptisé
lors(iu'il fera sa pénitence et qu'il rentiera
dans le sein de l'Eglise. — De même , dit ce
criti(jue, lorsque les anciens conciles ont ex-
communié ou dégradé un prêire, ils ont dit;
Nous l'avons privé du sacerdoce et de tout
pouvoir sacerdotal ; nous déclarons qu'il
n'est plus prêtre, nous le privons même de
la communion la'ique.elc. Que resie-t-il
donc à ce prêtre dégradé en vertu de son or-
dination passée? Nous répondons qu'il lui
reste le pouvoir radical tle l'ordre, et non
celui d'en faire les fonctions. Gela est si
vrai que, si ce prêtre parvient à Se faire
absoudre et réintégrer, on ne l'ordonnera
pas de nouveau ; il recommencera d'exercer
Validemenl et licitement les fonctions du sia-
cerdoce. Il n'est pas de rinlérél d'un anglican
de soutenir le contraire, puisqu'il s'ensui-
vrait que L'S évoques et les prêtres d'Angle-
terre, excommuniés comme hérétiques par
l'Eglise romaine , ont perdu dès ce moment
leur c«rflc/à"e et tous leurs pouvoirs, consé-
qiiemmenl qu'ils n'ont pu donner aucune
ordination «alide; que le clergé de l'Eglise
anglicane n'est composé que de purs laïques,
comme nous le prétendons.
Ou ml à la nauire du caractère dont nous
pai Ions , les Ihcologiens ne sont pas d'accord
pour l'cxpliciucr. Comme le mol caractère
signifie littéralement une gravure, il ne peut
être appliqué à notre âme que par métaphore.
— Durand, in (/narlum, dist. 4, q. 1, dit
que II! caractère n'est point ime qualité abso-
lue distincte de l'âme, mais une simple dé-
nomination extérieure, parMaquclle l'hominc
baptisé, confirmé ou ordonné, esl disposé
par la seule volonté do Dieu, et rendu pro-
pre à exercer soit passivement, S'iit active-
inenl, quelques fonctions. Si quelqu'un peut
comprendre ce verbiage , il faut l'en féliciter.
— D'autres souliennenl que le cnraclcre est
une qualité réelle el absolue , une puissance
d'exercer ou de rccevi>lr des choses saintes,
qui r<'side dans l'entendement comme dans
son sujet immédiat. Tournély , de Sacrain.
in gen., qne>t. '*, art. 2, Quand nous saurions
lequel de ces deux sentiments est le plus
vrai , nous n'en serions pas plus instruits. Il
faut se borner à croire ce que l'Eglise ensei-
gne, renoncer à l'amliition de comp'rcndre
ce qui est incompréhensible , et d'expliquer
ce qui est inexplicable.
Le^ protestants nient l'existence du tA-
raclère sacramentel, et disent qu'il aété ima-
giné par le pape Innocent III.; mais saint
Augustin a vécu près de huitcenlsansavantce
pajie. Cependant les prolcstants pensent qu'on
ne doitpoinl réitérer le baptême; ils seraient
bien eniliarrassés d'en donner une autre rai-
son que la pratique de l'Eglise. S'il était vrai.
66'1
CAR
CAR
670
comme ils le hUiilieiinent, que les sacrements
n'ont point d'uulre effet que d'exciter la foi,
qui em|iêelierail de réitérer le b.iptème au-
tant (le ('i)is qu'on le jugerait à propos î
CàRACTÈllES HÉBRAÏQUES. VojJ. HÉBIIEU.
(Iahactkbes MiGiOUES. Voy. Magie.
CAKAlTliS, sccic de Juifs opposte à celle
des ralibiniies. Leur nom parait dérivé du
clialdéen kara, écrire ou ccrilurc , parce
qu'ils prennent pour règle de leur cro>ance
le texte de l'Ecriture seul, et font peu de cas
«les traditions des rabbins, et de leur préten-
due Iiti orale renfermée dans le Talniud.
Nous ne nousarrclerons point à ce que les
iiébraïsants, juifs ou autres, ont écrit au
sujet des Cf;r«ï/es, parce qu'ils ne s'accor-
di nt point, et que leurs conjectures ne sont
fondées sur aucune preuve. — Ce qui paraît
ûe plus probable, est que la secte des cn-
rttites a commencé au vi« siècle de notre ère,
peu de temps après la compilation du Tal-
uiud. Les plus sensés d'entre les juifs, rebu-
tis des visions, des puérilités, des erreurs
rassemblées dans cet énorme recueil , pri-
rent le parti de s'en tenir au teste des livres
saints, et de rejeter toutes ces traditions
rabbiniques. Du moins les plus modérés
I consentirent à les regarder seulement
comme un secours qui pouv.iit servir jus-
qu'à un certain point à expliquer l'Ecriiure
sainte et les divers usages de la loi de
Moïse, n)ais (lui n'avait d'autorité (ju'autant
que l'on pouvait juger que les auteurs de ce
tommenlaire avaient bien renconir'. — Delà
les rabbinisles ou rabbanistes, partisans zé-
lés du Talmuil , et qui lui attribuent autant
d'autorité qu'au texte même de l'Ecriture ,
regardent les caraUfs comme des scbis-
Dialiques et des hérétiques, leur attri-
buent gratuitement une inlinité d'erreurs, et
les délestent presque aut<ii\tque les anciens
Juifs abhorraient les Saruiiritains. On croit
que ce fui un juif babylonien, nommé Anan,
qui, vers l'an 7o0, se déclara ouvertement
contre les traditions du Taluiud, et con-
somma le schisme qui jusqu'alors n'avait
pas éclate.
Les rabbins, qui ont donné aux curaites
le nom de saclducéens, sont évidemment in-
justes , puisque les carailes admettent les
dogmes que niaient les sadducécns, l'existence
des esprits, l'immortalité de l'âme, les pei-
nes et les recompenses de la vie future, et
les prouvent par le texie des livres saints.
Ils lisent l'Ecriiure et leur liturgie en public
cl en particulier dans la langue du pays où
ils vivent; àConstanlinople en grec, à Caffa
en turc, en l'erse en persan, et en arabe
dans tous les lieux où cette langue est vul-
gaire.
On prétend qu'il y a des carnUesen Pologne,
en llussie, dans la Crimée, au Caire, à Da-
mas, dans la Perse et àConstantinople, mais
en assez petit nombre , puisqu'on ne peut
pas les porter au delà de quatre à cinq mille
en tout ; on ajoute que ce sont les plus hon-
nêtes gens parmi les Juifs. On connail peu
de leurs livres en Europe ; ils mériteraient
cependant mieux d'être connus que ceux des
rabbins. On y verrait que, dans l'explicalion
d'un infinité de passages de la loi et des
prophètes, ils se rapprochent buaucoup du
Sens qu'y donnent les chrétiens.
Mais s'il est permis d'élever ici un soup-
çon, nous observerons que les cnraiies ne
nous sont connus qui' par des écrivains pro-
testanls; il est dangereux que la conformiîê
que ces derniers ont trouvée entre leurs
principes et ceux des carailes, ne les ail uu
peu prévenus en faveur de relie secte juive;
c'est par les livres de ses docteurs qu'il fau-
drait en juger. Voy. Prideaux, Hisl. flea
Juifs, liv. XIII, n° 3, t. Il, in-'r, p. 1(52.
Brucker, Ilist. cril. jjhitosoph., 1. 11, pag.
730 et suiv.
* CARBONARI. C'est le nom d" l'une des sociélés
secrètes le-; plus dangereuses. Voici comment elle
est caracièiïsée dans réUiiion Leforl : « La soc été
des fraiics-inaçons a peut-être été l'origine, et elle a
ceriaineuifiu clé le modèle de celle des Carbonari,
qui s'e^t nouvidlement organisée, qui s'est pmpagée
dans toute l'Italie et dans d'^iuires pays, et qn, liien
que divisée en plusieurs branches et' portant dilfé-
reiils noms, suivant les circoiisianees, est cependant
réelk'nieni une, lani pour la communauté d'opinions
et (le vues, quiî par sa eonsliiution.
« Les Carbnnari :ifl'eclent un singulier respect et
un zélt! inerveilli'ux pour la religion cnllioli^iue et
pour 1.1 dnclrine el la parole du Sauveur, qu'ils ont
quelquefois la coupable audace de nommer liMir
grand-niaîire el le clielde leur société : mais ces dis-
cours meilleurs ne sont que des traits dont se ser-
vent crs hommes perfides, pour blesser plus sûre-
ment ceux qui ne se tiennent pas sur leurs gardes.
— Le serment redoulalde par lequel, à l'exemple
des anciens priscillianisies, ils promeileni qu'en aq-
cun lemps el qu'en aucune circiiislance ils ne révè-
br ni i|uoi que ce soit qui puiss'- concerner leur su-
ciélé à des hummi'S qui n'y sotaifint piint admis, ou
qu'ils ne s'entretiendront jamais avec ceux des der-
niers grades de choses relaiives aux grades supé-
rieurs; déplus, les réunions clandestines et illégi-
limes (pi'ils lorinenl, à l'inslar de plusieurs liéréii-
ques, et l'agrégation de personnes de loiiies les reli-
gions et de toutes les sectes dans leur soc été, moll-
irent a-seï, quand môme il ne s'y joindrait pas d'au-
tres indices, (|u'il ne laut avoir aucune cunliance dans
leurs paroles.
« Leurs livres imprimés, dans lesijuels on trouve
ce qui s'observe dans leurs réunions, suriont duis
celle des grades supérieurs, leurs caiéclnsmes, lotirs
statuts, tl'autres d ciiments anilientiqui'S, les témoi-
gnages de ceux qui, après avoir ahandonné celle as-
sociation, en ont révélé aux magistrats lesartilices et
les erreurs, tout établit que les C.uboiiari ont priuLi-
palemenl pour but de propager riiidiUérence en ma-
tière de religion, le plus dangereux de tous les sys-
lènie>; de donner à chacun la liherié absolue de
profaner et de souiller la Passion du Sauveur par
quelques-unes de leurs coiiiiables cérémonies, de
mépriser les sacrements de l'Kglise (auxi|uel5 ils pa-
^ai^selll cnsiih^tiluer quelques-uns inventés par eux),
de lejeler les mysières de la Religion catli"lique,
enfin de renverser le saint-sié,;;e contre lequel, ani-
més d'une liiiine toute particulière, ils trament les
complots les plus noirs et les plus déie^laldes.
< Les piéceples de morale (jue donne la soeiéié
des Carboiiari ne sont pas moins coupables, qiini-
qu'elle se vante liautemeui d'exiger de ses sectaieurs
qu'ils aiment et pratiquent la charité et les autres
vertus, el qu'its s'absiiennent de tout vice. Ainsi ello
favorise ouverienieiit les plaisirs des sens. Elle en-
seigne qu'il est permis de tuer ceux qui révéleraient
le secret dont nous avons parlé plus haut, Llle en-
671
CAR
CAR
67-2
seigne encore an mépris des paroles des apôtres
Pierre et Paul, qu'il esl permis d'evciler des révolies
pour (lép"iiill(^r di;. leur puissance les rois el tons
cenx (|"i cmiiiandent, anxquels elle doiiiie le nom
injniienx de tyr;iiis.
« Tels sont le^ dogmes el les préceptes de celte
société; et les aiieniais po'itiqnes, accomplis en Es-
pagne, dans le Pié t, à Naples, ait ntais accom-
pagnés d'ouiriges el de mesures linsiiles à la Reli-
gion callioliqne, en ont été la triple appl cation. T.ls
sont aussi les doijmes et les préceptes de laiil d'au-
tres socieie* secié/es conformes ou analogues à celle
des Carbnnari. ) [V'oy. Sociétés secrètiîs, où lions
avons rapporté la condamnation qui eu a élé faite
par Pie Vil el Léon XII.]
CARDINALES (Verlus). La prudence, la
juslice, la force, la tempérance, sont nom-
mées par les Ihéoiogiens vertus cardinales ou
principales; p;irce que les philosophes mo-
ralistes ont rapporté à ces quatre chefs tous
les actes de verUi. On peut douter si cette
division esl fort juste. Le nom de vertu signi-
fie la force de l'àme ; dans ce sens tout acte
de vertu est une action de force; nous ne
voyons pas pourquoi la religion n'est pas
autant vertu cardinale (\ue la prudence ou
la justice. Toute vertu peut être pratiquée
par un motif de religion, et les actes de
celle-ci n'ont pas besoin d'un autre motif
que ci'lui qui lui est propre.
CARÊME, quadrugesima, jeûne de quarante
jours, observé par les chrétiens pour se pré-
parer à célébrer la fête de Pâques.
Suivant saint Jérôme, saint Léon, saint
Augustin et la plupart des Pères du iv et du
y siècle, le carême a été institué par les
apôtres. Voici comment ils raisonnent. Ce
que l'on trouve établi dans toute l'Eglise,
sans que l'on en voie l'institution dans au-
cun concile, duit passer pour un établisse-
ment fait par les apôtres (S. August., de
Bapt. contra Donat., liv. iv, c. 2i). Or, tel
est le jeûne du carême; le 69' canon des
apôtres, le concile de Nicée tenu en 32'S, ce-
lui de Laodicée de l'an 365, les Pères grecs
et latins du ir et du iii' siècle en parlent
commed'un usagcobservé danstoutel'liglisc.
Les protestants ont prétendu que le jeûne
du carême avait élé d'abord institué par
une espèce de superstition et par des
hommes simples, qui voulurent imiter le
jeûne de Jésus-Christ; qu'ensuite celte cou-
tume s'établit peu à peu, et devint ù peu près
générale. Cliemnitius , Daillé , un Anglais
nommé llooprr, ont disserté fort au long
contre celte institulion, el n'ont rien négligé
pour en rendre l'origine suspecte Mais ils
ont élé savainntcnl réfutés sur tous les points
par IJévcridge, cvéïiuc de Saint-Asaph, théo-
logien anglican , dans ses Notes sur les Ca-
nons des apôtres, liv. m. Vojez /••/*. Apost.,
loin. Il, n partie, p. 134 el suiv.— Moslieim
s'esl trouvé forcé de convenir que les preu-
ves el les raisonnements de cet auteur sont
Irès-forts. Après un pareil aveu, il a eu
mauvaise grâce de préiendre, comme Daillé,
que la durée el la loriiie du jeune du ciirciitr
n'ont élé (iéleriiiiiiées (iii'au iv siècle; puis-
que Révéridge a fait voir (|ue, selon le con-
cile de Nicée, leuu lau 32^i, le carême était
un usase déjà connu et observe dans toute
la chrétienté.
Leur plus fort argument est un passage
de saint Irénée, cité par Eusèbe.liv. v, c. 2V,
qui dit que de son temps, c'est-à-dire sur la
fin du II'' siècle, les uns croyaient qu'ils de-
vaient jeûner un jour, les autres deux,
ceu\-ci plusieurs jours, ceux-là quarante.
Donc, disent-ils, il n'y avait encore pour
lors rien de constant ni d'uniforme sur ce
point de discipline. Mais, comme l'observe
Bévéridge, saint Irénée n'en demeure pas
là; il ajoute que cela esl venu de ce que
quelques anciens n'ont pas élé exacts à re-
tenir la forme du jeûne, et ont laissé pas-
ser en coutume ce qui venait de simplicité
el d'ignorance [Ibid., p. 156 et 15'7). Or,
quelle était la forme du jeûne au ii" siècle?
Origène, qui a vécu cinquante ans après
saint Irénée, nous apprend qu'elle était de
quarante jours ( Bom. 10 in Levil,, n. 2).
(^'élail donc par simplicité et par ignorance
que quelques-uns ne l'observaient pas ainsi.
Bévéïidge conclut que M. de Valois et les
autres critiques ont mal pris le sens du pas-
sage de saint Irénée, qui est assez obscur.
D'autres protestants ont dit que ce fut le
pape Télesphore qui institua le carême vers
le milieu du if^ siècle, que ce jeûne était d'a-
bord volontaire, qu'il n'y eut de loi que vers
le milieu du iii'. il est fâcheux que les Pè-
res de ces temps-là aient ignoré cette anec-
dote. Lorsque saint Télesphore fut placé sur
le siège de Rome, il y avait trente ans tout
au plus que saint Jean était mort ; cela nous
rapproche beaucoup du temps des apôtres.
Mais les protestants y ont-ils pensé, lors-
qu'ils ont atlribué à un pape du ii*^ siècle le
pouvoir d'introduire un nouvel usage dans
toute l'Eglise? Victor, l'un de ses succes-
seurs, soiaante ans après, en avait beau-
coup moins, puisqu'une partie de l'Asie lui
résista au sujet de la célébration de la pâ-
que. — Quand l'institution du carême ne re-
monterait qu'au 11' siècle, elle serait assez
ancienne pour que les réformateurs eussent
dû la respecter, s'ils avaient eu envie de
perfectionner les mœurs, et non de les re-
lâcher.
Anciennement, dans l'Eglise latine , le
jeûne n'était que de trente-six jours; dans
le V siècle, pour imiter plus précisément
le jeûne dequarante jours observé par Notre-
Seigneur , quelques-uns ajoutèrent quatre
jours, et cet usage a élé suivi dans l'Occi-
dent, cxceplé dans l'Eglise de Milan.
Les Grecs commencent le carême une se-
maine plus tôt que nous ; mais ils ne jeûnent
point les samedis, excepté le samedi de lu
semaine sainte.
Les anciens moines latins faisaient trois
carême< : le principal avant Pâques, l'aulro
avant Noël ( on l'appelait le carême de la
Saint-Martin), le troisième de saint Jean-
Baptiste, après la Pentecôte; tous les trois de
(]uar.inic jours.
Oiilre celui de Pâques, les (Irecs en ob-
servaient quatre autres, qu'ils noniiuaient
des apôtres, du l'Assompliou, dcNoèl cl delà
675
Càl!
CAt\
eu
TransGgurnlion ; mais ils les réduisaient à
sept jours chacun. Les jacobites en Tout un
Giiiquième, qu'ils appellent de la pénitence
de Ninive , et les maronites un sixième, qui
est celui de l'Exaltation de la sainte Croix.
De tons temps les Orientaux ont été grands
jeûneurs.
Le huitième concile de Tolède, de l'an
653, ordonne que ceux qui , sans nécessité,
auront mangé de la viande en carême, n'en
mangeront point pendant toute l'année, et
ne communieront point à Pâques. Ceux que
le grand âge on la maladie obligent à en
manger, ne le feront que par permission de
l'cvêque [Can. 8).
Insensiblement la discipline de l'Eglise
s'est relâchée sur la rigueur du carême.
Dans les premiers temps le jeûne, même
dans l'Occident, consistait à s'abstenir de
viande, d'oeufs, de laitage, de vin , et à ne
faire qu'un seul repas après les vêpres ou
vers le soir ; cet usage a duré jusqu'à l'an
1200. Mais avant l'an 800, on s'était déjà
permis l'usage du vin , des œufs et du lai-
tage. Quelques intempérants prétendirent
que la volaille n'était pas un mets défendu, et
voulurent en manger; on réprima cet abus.
Dans l'Eglise d'Orient, le jeûne a toujours
été fort rigoureux ; pendant le carême la
plupart des chrétiens vivaient de pain et
d'eau, de fruits secs ei de légumes. Les Grecs
dînaient à midi et faisaient collation d'her-
bes et de fruits verts, le soir, dès le vi" siè-
cle. Les Latins commencèrent dans le sur
à prendre quelques conserves pour soute-
nir l'estomac, ensuite à faire collation le
soir. Ce nom a été emprunté des religieux
qui, après souper, écoulaient la lecture des
conférences des saints Pères , appelées en
latin coUalionnes ; après quoi on leur per-
mettait aux jours de jeûne de boire de l'eau
ou un peu de vin, et ce léger rafraîchisse-
ment se nomma aussi collation. — Le dîner
desjours déjeune ne selittependant pas tout
d'un coup à midi. Le premier degré de ce
changement fut d'avancer le repas à l'heure
de none, c'est-à-dire à trois heures après
midi. Alors on disait none , ensuite la messe
et les vêpres, après quoi on allait manger.
Vers l'an 1500, on avança les vêpres à l'heure
de midi, et l'on crut observer l'abstinence
prescrite en s'abstenant de viande pcndiint
la quarantaine, et en se réduisant à deux
repas, l'un plus fort , l'autre très-léger, vers
le soir.
Nos historiens ont remarqué que, pendant
l'invasion que firent en France les Anglais,
l'an 1360, leur armée et les troupes françaises
observaient l'abstinence et le jeûne du
carême (Froissarl, I. ii , c. 210).
I>ès l'origine, on joignit au jeûne du ca-
rême la continence, l'abstinence des jeux,
des divertissements et des procès. H n'est pas
permis de se marier pendant le carême sans
une dispense de l'évêque. roi/. Thomassin ,
Traité histor. et polit, du jeûne.
Les épicuriens de notre siècle ont disserté
avec leur zèle ordinaire contre l'abstinence
et le jeûne du carême, et ils ont cherché à se
parer d'un motif de bien public. Ils disent
qu'à Paris le maigre est cher, mauvais et
j)eu substantiel ; que le peuple , obligé de
travailler, est hors d'état de'faire abstinence
et déjeuner. — Mais dans les siècles pa'>sés,
le maigre élait-il moins cher ou meilleur
qu'il n'est aujourd'hui, et le peuple élait-il
moins assujetti au travail? Les politiques de
ces temps-là n'ont point jugé qu'il fallût
abolir le cnreme. Ils l'observaient eux-mêmes,
et trouvaient bon que personne ne s'en dis-
pensât. Ceux qui violent aujourd'hui la loi
voudraient que tout le monde suivit leur
exemple, aGn que leur turpitude fût moins
remarquée. — Le taux des vivres à Paris
n'est pas la règle de l'univers entier. Dans
les provinces les pauvres mangent rarement
de la viande , le peuple vit de laitage et de
légumes, et ne s'en porte pas plus mal. Ce
n'est pas lui qui se plaint du carême, ce sont
les riches fatigués de la somptuosité de leur
table. Si à la pratique du jeûne ils joignaient
celle de l'aumône, comme l'Eglise le pres-
crit , les pauvres vivraient mieux et plus
commodément en carême que pendant le
reste de l'année ; ils béniraient Dieu de cette
institution salutaire.
L'Eglise anglicane a conservé le carême,
non par un motif de politique, ni par un inté-
rêt de commerce , comme quelques spécula-
teurs l'ont imaginé, mais parce que c'est une
institution des apôtres aussi ancienne que
le christianisme. Voy. VHist. des Variât., 1.
VII, n°90; Bévéridge, dans l'endroit que nous
avons cité; Thomassin, Traité du jeûne, etc:
CAKLOSTAniENS. Voy. Luthériens.
CARMIiL. Il y a deux montagnes qui ont
porté ce nom dans la Palestine, l'une au midi
près d'Hébron, l'autre plus au nord près de
Ptolémaïde. Saint Jérôme dit que c'était uu
lieu planté de vignes, très-fertile et fort
agréable (/n /«oiam , XVI, 10). Souvent ce
nom est employé dans l'Ecriture pour ex-
primer la fertilité et l'abondance. C'est sur
la seconde de ces montagnes que le prophète
Ëlie et son disciple Elisée ont habité ; mais il
n'y a aucune preuve que c'était un lieu de
dévotion. La confrérie de Notre-Dame du
MonC-Cannel , ou du Scapulaire, est connue
depuis la fin du siii' siècle. Voy. Scapllairk.
CAKMÉLIÏES (l), religieuses qui vi\ent
selon la règle de l'institut du Mont-Carmel,
conforménient à la réforme introduite par
sainte Thérèse.
La règle des ordres de Saint-Dominique
et de Saint-Augustin avait été embrassée
par plusieurs personnes du sexe , et on
voyait partout des religieuses qui l'obser-
vaient. Animé par cet exemple, le bienheu-
reux Jean Soielh , religieux Carme, voulut
faire suivre aussi par des religieuses l'insti-
tut du Mont-Carmel; il vint à bout d'établir
cinq couvents, dont celui de N annes en Bre-
tagne est du nombre. Nicolas Vaprouva l'exé-
cution de ce projet par une bulle de li52.
Les filles de cette institution sont habillées
(1) Cet article et Les deux suivants sont reproduits
d'après l'édition de Liège,
675
CAR
CAR
676:
comme les religieux de leur ordre : elles
oni ure robe el un scapiilaire de drap de
couleur minime, el au chœur elles mellent
un m;inlcau lil.iiic, avec un voile noir.
En lo.;(>, sainte Thérèse, religieuse du
monastère d'Aviln en Casiille, entreprit de
reformer les religieuses de --on ordre ; ei!e
es'iina beaucoup do coiitradiclions ; elle
vint enfin à bout de faire des constitutions
conlcirnies à son nouvel institut , et de les
faiie approuver par le pape Pie IV, le 11
juillet 151.2.
Les Ciirmélites Réformées d'Espagne sont
soumises dans quelques endroits aus supé-
rieurs de l'ordre, dans d'autres elles dépen-
dent de l'évcque du lieu; dans les villes un
peu opulentes , elles ne doivent pas avoir de
revenus, il faut qu'elles vivent d'aumônes.
Ceux de leurs niouaslères qui sont rentes
ne doivent renfermer que quatorze filles, à
moins que celles que l'on reçoit di; plus
n'apportent de quoi vivre. Il no peut jamais
y en iivoir au delà de vingt, y compris les
sœurs converses. Cette détermination d'un
nombre lise n'a lieu que pour les couvents
rentes (|ui sont soumis aux supérieurs de l'or-
dre ; à l'égard de ceux qui sont sous l'inspec-
tipn des ordinaires, le nombre des religieuses
n'est pas délerminé. Dans les couvents non
rentes, et où ces filb s doivent vivre dans la
plus grande pauvreté, le nombre des reli-
gieuses de chœur ne peut éire que de treize.
Ces religieuses portent une tuni(iue el un
scapiilaire de couleur minime, avec un man-
teau blanc par-dessus , d'une éiofl'e de serge
très-grossière; elles ont pour chaussure des
sandales de cordes, et des bus d'une étoffe
aussi grossière que leur roOe. Leur genre
de vie (Si fort aoslèie, elles font perpétuelle-
ment maigre, el jeûnent habituellement de-
puis le !"■ septembre ju>(]u'à Pâques.
Cet ordre a été introduit en France par
les soins de la fille du sieur Aurillol, maître
des comptes à Paris, qui engagea le cardinal
deBérulle, supérieur général de l'Oratoire,
à aller chercher iui-mémc quelques-unes do
ces religieuses en Espagne. Elles ont en-
viron soixante-deux monastères dans le
royaume : il y en a Ir'ds à Paris, el un à
Suint-Denis, où Madame Louise de France
a fait profession, de l'agrément et du conscn-
temenl de Louis XV. — Elles ne sont pas
limitées, en France ainsi qu'en Espagne , à
ne recevoir qu'un certain nombre de reli-
gieuses. Il est à remar(|ucr qu'elles n'ont
donné aucune atteinte à la régularité de la
reforme dont elles fout profession. — Leur
élablissemeni dans le royaume a été con-
firme par un bref d'Urbain VIII, en 1G2:3. Les
lellres patentes dont il fut revêtu en Uilk,
portent qu'il sera exécuté, quoiqui' non
homologué autre part qu'au conseil d'I'-tal
de Sa Mijeslé.
La .supermrilé de l'ordic a fait pondant
plusieurs aimées le sujet de bcaueoup de
ronleslalions. Lorsde leur an ivee en France,
il n'y avaii encore uu( un etalilissemeiil de
Carmes déchaussés; en conséquence le pape
uomma plusieurs supérieurs, entre autres le
cardinal de Bérulle ; depuis, le général des
Carmes y prétendit, et y fut autorisé par
une sentence de l'archevêque de Bordeaux ,
en 1620. Mais Paul V et Grégoire XV con-
firmèrent les supérieurs nommés précédem-
nienl. En 16ri7, le pape nomma pour visiteur
des Carmélites , le supérieur généra! de la
congrégation de la Mission; par un autre bref,
il permit aux religieuses établies à Paris, rue
du Chapon, à Pontoise el à Saint-Denis, d'é-
lire, de tiois ans en trois ans, leur recteur ou
supérieur immédiat, qui serait confirme par
le nonce résidant en France, ou |)ar l'ordi-
naire des lieux, comme délégué du pape , à la
charge que ce rccleur ne pourrait s'enlre-
metlre de la visite, ni les visiteurs faire les
funclions du supérieur, si non en cas d'abus
ou de malversation de la part de ceux-ci. —
Le jjape fii en même temps plusieurs règle-
ments concertiant la clôture, les parloirs et
la réception dos filles de cet ordre. Ces brefs
avaient été reçus en France. (Extrait du
Diclionn. de Jurisprudence.) [ Voy. le Dic-
tionnaire des Ordres religieux du P. Hélyot,
édit. Aligne.]
CAHMES, religieux de l'ordre de Noire-
Dame du Monl-Carmel. Ils tirent leur nomda
Carmel, montagne de Syrie, autrefois liabitéo
par les prophètes Elle et Elisée, et par les
enfants des Prophètes.
Quelques auteurs Cannes, peu intelligents
et peu versés dans la critique, ont prétendu
que la fondation de leur ordre remontait au
prophète Ëlie, qu'il descendait par une suc-
cession non interrompue de ce même pro-
phète et de ses disciples ; l'un d'eux l'a même
soutenu dans des thèses singulières, impri-
mées à Béziers, el qu'on trouve dans les
Nouvelles de la république des Lettres de
Batjle. — Cette folle prétention a fait la ma-
tière d'une dispute très-vive entre les Carmes
cl les Jésuites , dans la(]uellc les premiers
n'ont point épargné à leurs adversaires les
injures les plus grossières. Le Pape Inno-
cent XII a été obligé , pour la faire cesser ,
d'imposer silence aux parties , par un bref
du 20 novembre 1G98.
Quelques auteurs donnent aux Carmes
Jésus-Christ pour fondateur immédiat : quel-
ques-uns ont imaginé que Pylhagure a\ait
été Carme, naturellement el sans le secours
de la métempsycose ; d'autres, que nos an-
ciens druides des Gaules étaient une bran-
che ou un rejeton de cet ordre.
Mais abandonnons les fables pour nous
allachcr à la vérité de l'hisioiie. Phocas ,
moine grec, qui vivait en 1185, dit que do
son temps on voyait encore sur le Carmel
la caverne d'Elie, auprès ^\^' laquelle élaienl
les restes d'un bâtiment qui paraissait avoir
élo un monastère; (iu(; depuis (juelques an-
nées un vieux moine, prêtre île Calabre, s'était
établi eu ce lieu , en conséquence <l'une ré-
vélation du pro|)hètc Elie, el qu'il y avait
rassemblé dit frères. — Albert, patriarche
de Jérusalem, donna, eu l'iOO, à ces solitaires
une rè-li> ijui fut approuvée par le pape
Honoré III, et que le P. Pabebrok a fait im-
primer. Cette règle fit naître beaucoup de
677
CAR
scrupules parnii les religieux, snr la ms|-
nière île l'observer. On iKunni,-) des com-
missjiires iijiosloliques pour l'cxpliniicr el
la corriger; les rh;Migemeiits qu'ils y appor-
lèreiil furoiil approuves por Innocent IV.
Jusqu'à lii pais conclue entre l'etnppreur
Frédéric 11 et les Sarrasins, en 1229, l'ordre
(les (armes ne s'était pas étendu au delà de la
torre sainli'. Les persccullons qu'ils éprou-
vèrent les déterminèrent à chercher un asile
en l'iurope : plusieurs de ces religieux se
répandirent en Chypre, ru Sicile, en Angle-
terre , à Marseille et ailleurs. — Saint Louis,
A son retour de la terre sainie , en emmena
avec lui qu( I(iues-uiis, qu'il étaldil ù l'aris
en 1259. C'est de ce couvent que sont sortis
ceux de France el d'.illeniague. Les papes
accordèrent à cet ordre les privilèges des
ordns mendiants, quoiqu'il lui soit permis
de posséder des biens-l'onds : il a élé agrégé
à l'université de Paris, el il s'esi rendu cé-
lèbre par les évoques , les prédicateurs el
hs écrivains qu'il a donnés à l'I'^glise.
Les Carmes, lorsqu'ils passèrent d'Orient
en Ei.rope, portaient des chapes barrées de
blanc el de couleur launée ; ce qui leur lit
donner le nom de barrés. Quelques-uns de
leurs écrivains ont prétendu que cette hizar-
rerie daps la couleur de leurs habits , était
fondée sur ce que le manteau qu'Llie jeta à
son disciple Elisée, lorsqu'il fut enlevé dans
un char de feu , avait été noirci dans ses
parties extérieures, tandis que le dedans et
ce qui se trouva renfermé dans les plis con-
serva sa blancheur naiurclle. — Us quiltè-
renl ces chapes bigarrées après le chapitre
général tenu à Montpellier en 1287, et de-
puis (elle é()oiiue ils portent une rolie noire,
avec un scapulaire el un capuce de même
couleur, cl par-dessus une ample chape el
lin cainail de couleur blanche. — Nous n'ou-
blie rims pas de remarquer en passiinl, qu'ils
prirent le scapulaire, parce que, disent leurs
auteurs, cet habillement avait clé montré
quelques années auparavant , parla sainte
Vierge, au bienheureux Siméou Slok, leur
sixième général. C'est sur ce motif qu'ils
ont établi et qu'ils entretiennent dans leurs
maisons la confrérie du Scapulaire.
L'ordre des Carmes prit do très-grands
accroissements. 11 se divise aujourd'liui en
deux branches, ceux de l'ancienne obser-
vance, niqielés aulienieiit \e^Griinds-Carincs,
el qu'on nomme aussi mitiiies, parce que
l'austérité de leur règle a élé adoucie par
les papes Innocent IV, Eugène I\' el Pie II ;
et eenx de l'clroile observance, qui suivent
la réforme introduite en 11)33, confirmée en
1C38 par le pape Urbain VIII. — Les Carmes
de l'amienne observance composent Irenie-
huit provinces , sous le gouvernement d'un
gé.ér.il qui fait sa résidence onlinàire à
Rome, dans le couvent de Sainte-Marie, au
delà du Tibre, el qui est élu tous les six ans.
Ce couvent lui est imin dia(em<'nl soumis ,
ainsi que celui de Sainl-Martin-des-Monts
dans la même ville, celui de la place .Mauherl
à Paris, cl celui du Monl-Olivct, qui ne re-
lèvent d'aucune des trente-huil provinces.
CAR t"8'
— La congrégation particulière deManlone,
qui embrassa la réforme vers l'an H.'iS, fait
partie de l'ordre des Grands Ctirmes, et est
soumise au général : elle |)ossè(le environ
cin()iiaiitc-quatre couvents, sous la direction
imméiliale d'un vjcalie général. Les mem-
bres de celle congrégation diffèi eiil des autres
Carmes par rapport à l'h-il)illement , en ce
que les réformes portent un chapeau blanc.
— Les Carmes do réiroile observance for-
ment d( ux congrét^aiions differenics, qui ont
chacune leur général. L'une est élalilie eu
Evpa^ne, où elle possède huit provinces dé-
pciidaiiles d'un général pa licnlier; la s»^
coude csl eu Italie, où réside son général ,
el elle cimiple dans ce pa>s et dans diffé-
renles parties de l'Europe, dou/o provinces.
Lorsqu'il fut qiieslion d'exci uler ledit do
17f)8, concernant les ordres religieux , les
Cirands-Carmes de France demandèrent au
roi qu'il leur lût permis do s'assemliler à
Paris, au couv ni de la place Mauberl, et
qu'à c t effet il lût nommé deux députés dans
les chapitres de chacune de leurs provinces,
afin de prendre des mesures pour ()iic (otites
les maisons de retordre, qui seul dans le
roy lume , fussent gouvernés par la même
règle et le même espiii. Celte assemidée fut
autorisée par un arrêt du conseil du 24 fé-
vrier 1769; en conséquence, les religieux
s'assemblèrent au mois de juillet 1770, et
firent des changements à leurs constitutions.
Parmi ces changemeuls , il y en eut un con-
ceiiiaut les gradués , dont ceux qui avaient
vécu jusqu'alors sans avoir pris de grades
se Irouvèreiil alarmés ; mais sur les ropré-
senlations du général à ce suj(^t, le roi, pour
les traiHiuilliser, a rendu un arrêt à sot^
conseil, te 27 sepiembre 1773, par leriiiel Sa
^Majesté a ordonné que , dans les provinces
de Tordre des Grands-Carmes, où le privilège
des gradués n'avait pas lieu avant rassem-
blée de 1770, les religieux non gradués qïij
ont fait profession antérieurement aux nou-
velles constitutions de l'ordre, conlinueront
de jouir, pendant leur vie, des mêmes rangs,
honneurs el préséances dont ils jouissaient
en vertu des anciens usajïes (1).
Carmes déchaussés ou Dkscuaux. C'est le
nom (ju'on donne à une congrégalion de
Cnrme.s réformés, parce (ju'ils vont nu-pieds.
Elle fut établie dans le xvr siècle par sainie
Thérèse, qui commença par inir.iduir'' l'au-
stérité de II rèj;le dans les couvenis de tilles,
et la porta ensuite dans ceux des hommes,
aidée dans ce dessein par le P. Anloiiie de
Jésus et le P. Jean de la Croix , religieux
Carme. Ce dernier éprouva de gr.indes per-
sécutions de la part des Carmes miligés : il
fol emprisonné dans un de leurs monaslèrcs,
où il mourut accablé de souffrances, le I ï dé-
cembre 1391. Clément X le mil, en 1(575, au
rang des hienheureux. — L'achanie nenl de
ses ennemis n'arrêta pas sa riforme : dès
son vivant . elle fut portée aux Indes ; après,
sa mort elle s'est répandue en France, dans'
les Pays-Bas , dans l'Italie et dans l!i»^t'él
chrétienté. «- -' >^]
(1) Ces luis ont disparu de nos codes.
679
CAR
Les maisons de celle réforme demeurè-
rent d'abord sous l'obéissance des anciens
provinciaux mitigés, ayant seuleraenl des
prieurs particuliers pour maintenir la nou-
velle discipline. Les choses subsistèrent ainsi
jusqu'en 1580, que Grégoire XIII, à la prière
de Philippe II, roi d'Espagne, sépara entiè-
rement l<s réformés des miligé< , et donna
aux premiers un provincial pariiculier, les
laissant d';iilleurs soumis au général de
r.>rdre entier. — Sixle V, en 1587, voyant
que les réformés se multipliaient considéra-
blement, ordonna qu'ils seraient divisés par
provinces, et leur permit d'avoir un vicaire
généril. Ce règlt'ment subsista jusqu'en 1593,
que Clément VIII, pour établir une sépara-
tion plus particulière entre les réformés et
les miligés, pennil aux premiers de s'élire
un général. Ce pape, en 160i), divisa encore
ces réformés en deux congrégations , sous
deux dilTérenis généraux , l'un pour l'Ilalie
et l'au re pour l'Espagne. Ce qui donna lieu
à celle division fut la prclemion des Espa-
gnols, qui soulenaienl que la réforme de
sainie Thérèse ne devait point s'étendre hors
du royaume d'Espagne.
La vie de ces religieux réformes est assez
austère et ap|irocliante de celle des Char-
treux. Ils reçoivent des frères qu'on appelle
convers. Ces frères fonl deux ans de novi-
ciat, après lesquels ils ne font que drs vœux
simples. Lors(|u'ils ont demeuré cinq ans
dans l'ordre , ils sont admis à un second
noviciat d'un an, après lequel ils fonl pro-
fession solennelle ; mais s'ils ont resté six
ans dans l'ordre sans demander à faire cette
profession , ils n'y sont plus reçus dans la
suite ; ils demeuient dans leur état sous
l'obligation de leurs vœux simples.
Une chose à remarquer, est qu'indépen-
damment des différints monastères que peu-
vent avoir les Carmes cléchauss''s , ils ont
encore dans chaque province un endroit re-
lire qu'ils appellent leur Déaeri, pour y aller
pratiquer plus particulièrement de temps à
autre toutes les vertus de la vie soliiaire, et
se rétablir ainsi dans la ferveur monastique.
Ces déserts sont ordinairement élablis dans
des forêts. On connaît celui de leur monas-
tère près de Louviers en Normandie, fondé
en IticO, par Louis le Grand. — Le nomlire
des religieux qui habitent ces déserts ne doil
pas excéder celui de vingt : i'enirée en est
interdite aux novices, aux jeunes prod'-s ,
aux malades, et à ceux qui oui peu de dis-
positions pour les exercices de la vie spiri-
lufclle. Aucun religieux n'y peut demeurer
moins d'une année, cl il y en a quatre qui
peuvent y rester toute leur vie, alin d'y
mieux perpétuer les usages et servir d'exem-
ple aux nouveaux solitaires. Le silence y
est étroitement gardé. Après que le temps
du solitaire est expiré, on le renvoie dans
son monastère, en l'cxliorlant à ne pas
oublier les leçons de vertus qu'il a vu pra-
tiquer. — Les constitutions défendent de
laisser visiter ces déserts aux jiersonnes du
monde, do quelque condition qu'elles soient,
à moins qu'elles n'aient coopéré à en former
«AR 680
l'établissement. L'entrée en est interdite aux
religieux même de la coiigrégalion, à moins
qu'ils n'aient par écrit une permission du
général ou du provincial. Le supérieur du
désert peut néanmoins y recevoir, par droit
d'hospitalité, les relig'ienx des autres ordres,
sans permission , et même leur donner le
couvert pour une nuit seulement dans l'en-
ceinte du désert.
Quoique les Cormes déchaiissés aient tou-
jours montré be;iucoup de zèle dans les
exercices de la vie monastique, le relâehe-
menl n'a pas laissé de se glisser parmi eux
sur quelques points de leur institut primitif;
et comme dans tous les temps il se trouve
quelques religieux fervents qui désirent de
se conduire suivant toute la rigueur de la
règle qu'ils ont embrassée, ce qu'ils ne peu-
vent f.iiredans les communautés oîi le relâ-
chement s'est introduit , sans devenir en
queLjue sorte odieux à ceux qui n'ont pas
le courage de pratiquer les mêmes austé-
rités, il y a eu en 1772 plusieurs Carmes dé~
chaussés qui, souhaitant avec ardeur de
vivre suivant les règles primitives de leur
institut, ont engagé la sœur Louise-Mario
de France, religieuse carmélite de Saint-
Denis, à prier Louis XV de seconder des vues
aussi pieuses et aussi utiles au bien de la
religion, et pour cet effet, d'assigner et d'é-
tablir le couvent de Charenton , du même
ordre, diocèse de Paris, pour y réunir tous
les religieux qui voudraient suivre à per-
pétuité la règle de leur institut primitif. —
Le roi a écoulé favorablement la demande,
et en conséquence il a obtenu un bref du
pape qui les autorise à se réunir dans le
couvent de Charenton, pour y suivre leur
premier institut. Ce bref a été revélu île let-
tres patentes, le k mai 1772, et elles ont été
enregistrées le lendemain au parlement.
(Extrait Aw Diclion. de Jurisprudence.) [Voy.
le Dict. des Ordres relig. du V. Helyot, édit.
Migne.]
(AltOLINS (Livres). Voy. Lmage.
CAUI'OCKATIENS , secte d'hérétiques du
ir siècle; c'était une brandie de gnosliques.
Ils eurent pour chef Carprocrate d'Alexan-
drie , espèce de philosophe mal instruit et
mal conierii , dont les mœurs étaient très-
corroiiipues, et qui voulut allier le christia-
nisme avec les idées de la philosophie païenne;
à peu près contemporain de Basilide et de Sa-
turnin, il donna dans les mêmes erreurs, et
y en ajouta de nouvelles.
Pour expliquer la trop réièbre question
de l'origine ilu m.il, Il supposa, comme Pla-
ton, que le monde n'avait pas été créé par un
Dieu suprême, infiniment puissant et bon,
mais par des génies inférieurs très-peu sou-
mis à Dieu. On conçoit par là que tous ces rai-
sonneurs n'admettaient pas la création pli^c
dans la rigueur du terme ; comment des êtres
inférieurs à Dieu pourraient-ils être doués
du pouvoir créateur ? — Pour rendre raison
des im|)erfections , des misères, des faibles-
ses de l'hoinme, Carpocrate supposa la pré-
existence desâmes, prétendit qu'elles avaient
péché dans une vio antérieure; qu'en puni-
681
ZkS
CAS
6S2
tion de leur crime elles avaient été condam-
iiées à être renfermées dans les cor|is , et
soumises à l'empire des génies cré.'ileurs du
iDonile ; que, pour plaire à ces génies, il
falli'iit satisfaire tous les désirs de la chair
et tous les mouvements des passions. Il con-
cluait qu'aucune action n'est bonne ou mau-
vaise, vertueuse ou criminelle en soi, mais
seulement selon l'opinion des hommes. C'é-
lait aussi la morale des philosophes de la
secte cyrénaïque. — Toute âme, ajoutaient
les carpocraliens, qui n'a pas accompli en
cette vie toutes les œuvres de la chair, est
condamnée, après la mort , à passer dans
d'autres corps, jusqu'à ce qu'elle ail satis-
fait à toute celle dette. La concupiscence est
cet ennemi dont parle l'Evangile (Matlh. v,
25), avec lequel nous devons nous accorder
pendant que nous marchons avec lui, de
peur qu'il nous fasse payer jusqu'à la der-
nière obole. Conséquemment, ces hérétiques
se livraient à l'impudicité , établissaient la
communauté des femmes, blâmaient les jeii-
nes et les mortifications, ne cherchaient que le
plaisir, avaient des manrs très-licencieuses.
Ils avaient de Jésus-Christ une idée très-
bizarre. Selon eux, l'âme de Jésus-Christ,
avant d'être incarnée, avait été plus Adèle à
Dieu que les autres. C'est pour cela que
Dieu lui avait conservé plus de connais-
sance qu'aux autres hommes , plus de for-
ce pour vaincre les génies ennemis de l'hu-
manité, et pour retourner au ciel malgré
eux. Dieu, disaient-ils, accorde la même
grâceà ceux qui aiment Jésus-Christ, et qui
coriDaisscnl comme lui la dignité de leur
ânie. — Les carpocraiims regardaient donc
Jésus-Christ comme un pur homme, quoique
plus parlait que les auires, U' croyiiicnt iils
de Joseph cl de Marie, avouaient se-< miracles
et ses souffrances. On ne les accuse point
d'avoir nié sa résurrection, mais d'avoir nié
la résurrection générale, et d'avoir dit que
l'âme seule de Jesus-Christ était remonlée
au ciel. — Conséquemment ils prétendaient
que l'on pouvait ég-iler Jésus-Christ en con-
naissances, en vertus et en miracles ; quel-
ques-uns de ces sectaires se tlattaieni même
de \v surpasser ; et, pour le persuader aux
ignorants, ils pratiquaient la magie, absur-
dité très-commune parmi les philosophes de
ces temps- là.
Tel est le tableau que saint Irénée a fait
de ces liérètiques, livre i, ch. 25 ; personne
ne pouvait les niieux connaiire que lui,
puisqu'il a vécu dans le même siècle ; les
autres Pères en ont parlé île même.
Voilà uni" secte de préicndus philosophes
qui enseignaiful une doctrine très-opposée
à celle des apôtres, qui n'éiaient donc pas
subjugués par leur autorité, et qui cependant
convenaient des principaux faits publiés par
les apôtres, des vertus, des miracles, des
souffrances, de la résurrection de Jesus-
Clirist ; selon saint EpTph.inc, les carpocra-
(i'ensel ies cérintliions admettaient rév.ingile
de saint Matthieu, Uœr., 28 ei 30 Comment
li's incrédiilos peuvciii-Js soulciiir aujour-
d'hui que les faits publias par les apôtres
D.CT. DE IhÉOL. DOGMATlUCt:. 1,
et l'histoire qni les rapporte n'ont été crus
que par le peuple, par des ignorants, par
d( s imbéciles que les apôtres avaient subju-
gues ? - Mais les impudicités et les désor-
dres auxquels ces sectaires élaii'iit livrés
causaient au christianisme le plus grand
préjudice. Les païens étaient incapables do
discerner les vrais chrétiens d'avec les faux ;
ils attribuaient à tous en général la perver-
sité des mœurs de quelques hérétiques, et
les prestiges de ces derniers decrédilaient
les vrais miracles opérés par les apôtres et
par leurs disciples. Les Pères de l'Eglise
nous font remarquer cet inionvénient.
(Saint Epiphane, Hœres. 34, etc.) Celse s'en
prévalait contre les chrétiens; il parle d'une
secte des carpocratiens qu'Origène fait pro-
fession de ne pas connaiire. {Conlra Cels.,
liv. v , n° 62.) H est probable qu'il voulait
parler des carpocratiens.
Mosheim, Hùt. christ., saec. ii, § 9, a parlé
des carpocratiens sur le même Ion que des
autres hérétiques du ii' siècle ; il ne peut se
persuader que Carpocrate ait enseigné tou-
tes les absurdités et les infamies que les Pè-
res de l'Eglise lui ont attribuées ; il soup-
çonne ou qu'on l'a mal entendu, ou que
l'on a supprimé les correclifs par lesquels
il adoucissait peut-être ce que sa doctrine
présentait d'abord de plus révoltant, etc.
Par cette méthode, il n'est point d'insensé ,
d'imposteur, de blasphémateur, que l'on ne
puisse excuser. H est fâcheux que celle cha-
rité de Mosheim envers les hérétiques dé-
génère en malignité à l'égard des Pères de
l'Eglise; on dirait qu'il ne cherche à excu-
ser les premiers que pour donner plus mau-
vaise opinion des seconds: cette atTeclalion
est II op marquée pour ne pas être aperçue
par tous les lecteurs non prévenus ; par con-
séquent elle ne peut plus faire impression
sur aucun esprit sensé. Le Clerc a été plus
circonspect.
CAS DE CONSCIENCE, question de mo-
rale relative aux devoirs de l'homme et du
chrétien, qui consiste à savoir si telle ac-
tion est permise ou défendue, ou à quoi
peut être obligé un homme dans telles cir-
constances. C'est aux théologiens casuistes
qu'appartient celle décision ; c'est à eux
d'en juger selon les lumières de la raison,
les lois de la société, les canons de l'Eglise.
et les maximes de l'Evangile : quatre gran-
des autorités qui ne peuvent jamais être en
coniradiclion, mais dont la dernière doit
l'emporter sur les autres ; parce qu'il est
beaucoup jtlus aisé de voir si l'Evangile a
prescrit ou défendu lelle action, que de ju-
ger si elle est conforme ou contraire à la
droite raison et au bien de la société.
Pour savoir si une décision des c.isuisles
est vraie ou fausse, il faut bien examinei les
termes dans lesquels la questmn leur a
élé proposée : parce qu'une circoiislance
omise ou changée dans i'exposiiiou du caSf
doii souvent clianger absolument la déci-
sion : et il en est de même à l'egiird des con-
sultations des avociits el des c.iiionisies. —
11 serait assez iuulile d'examiiar lequel des
22
6ii5
CAS
CAS
6K4
deux porte le plus de préjudice à la société,
celui qui attaque les dogmes et les preuves
de la religion, ou celui qui, par des princi-
pes trop relâchés, travaille à corrompre la
morale ; l'un et l'autre de ces abus sont per-
nicieux : tous deux doivent êlre réprimés.
— Déjà les censeurs les plus sévères des
casuistes conviennent que dans la foule
de ceux qui ont été convaincus de rcîâ -he-
ment dans les principes, il en esta peine
un seul que l'on puisse accuser de relâche-
ment dans la conduite; que tous semblent
n'avoir été indulgents que pour les autres ;
que leurs mœurs personnelles n'avaient
lien de commun ave:: leurs maximes. Est-il
tien sûr, au contraire, que les casuisles les
plus rigides suivent esaclem"nt dans leur
conduite la sévérité de leurs décisions ? Les
premiers peuvent être excusés par la droi-
ture de leurs intentions: ils raisonnaient mal,
mais sans aucun intérêt : ils craignaient de
rendre la morale odieuse aux âmes rail>les :
ils avaient tort, sans doute; mais ils ne
voyaient pas les suites funestes de leurs dé-
cisions, et ils n'avaient aucun dessein de s'y
conformer eux-mêmes.
Peut-on en dire aut.int des incrédules qui
attaquent la religion par leurs écrit-? Peu-
vent-ils avoir un dessein louable? ils n'ont
reçu d'aucune puissance la commission d'in-
spirer des doutes aux croy.inls, ni de Irou-
Jjlcr leur repos. Le ton impérieux de leurs
écrits, la témérité de leurs assertions, la
malignité de leurs reproches, l'infidélité de
leurs" citations, ne sont pas des moyens fort
honnêtes de persuader et de gagner la con-
fiance. Les casuistes ont écrit dans une lan-
gue qui n'est pas celle du vulgaire ; ils
étaient moralement sûrs que leurs ouvrages
ne seraient consultés que par des théolo-
giens, que leurs gros volumes demeureraient
renfermés dans les bibliothèques. Au con-
traire, nos incréilules modernes écrivent
pour le public el pour les femmes, répan-
dent des brochures, font tous leurs etïoris
pour que le poison pénètre jusque dans les
derniers états de la soci té. — Plusieurs
d'entre eux conviennent que la corruption
des mœurs s'ensuit infailliblement de l'ir-
réligion ; que B')urdaloMe et d'autres l'ont
dénu)nlré;ct nous n'en sommes que trop
convaincus par l'expérience. Lst-il aussi
certain que les décisions des c:isuistes relâ-
chés du dernier sièrie ont beaucoup influé
sur la dépra\atiitn de nos mœurs? Nous
n'avons point d autres garants de ce lait
que des clameurs de parti. l>ux qui ont
crié le plus haut ont pent-cire contribué
plus que personne, par l'jibsnrdité d.; leurs
systèmes, à liiire éclore l'irréligion.
Cas I)K consciknck. Voy. Jansénisme.
CAS ltÉSEltVi;S(I). Dans la discipline ec-
clésiastique, on donne ce nom à icrtains pé-
chés atroces, dont le pnpe ,'les chèques el les
autres supérieurs eccl('siasti(iues se réser-
vent l'absolution à enx-mémis ou à leurs
vicaires généraux. - Dans la pratique ac-
(4) Cet article est reproduit d'aprù- l'éil. do Liège.
tuelle de l'Eglise catholique il y a des cas
réservés au pape et d'autres réservés aux
évêques.
L"i! cas réservés au pape, suivant le Rituel
de Paris , sont : 1° L'incendie des églises et
celui des lieux profanes , si l'incendiaire est
dénoncé publiquement; 2° la simonie réelle
dans les ordres et l's biméfices , et la confi-
dence publique; 3° le meurire ou la mutila-
tion de celui qui est dans les ordres sacrés ;
k" frapper un évêque on un autre prélat ;
5' fournir des armes aux infidèles ; 6 falsifier
les bulles ou lettres du pape ; 7° cnvnhir ou
pill r les terres de l'Eglise romaine ; 8" vio-
ler l'inlerdit du saint-siége. — Autrefnis il
fallait aller à Rome pour obtenir l'alisolution
des cas réservés nu pape; mais à présent il
donne, par des facultés paKiculières, le droit
d'en absoudre, aux évoques , et quelquefois
même à des prêtres. Le concile de Trente a
même autorisé les évêqu^'S à absoudre Ar
tons les cas réservés an pape, i" lorsqu'ils ne
sont pas publics; 2'' lorsqu'ils ont été commis
par des religieux , des religieuses , des fem-
mes mariées , des filles , de jeunes veuves ,
des pauvres el des vieillards , el par tous
ceux qui ne peuvent pas aller à Rome. —
Lorsqne le pape donne le pouvoir d'absou-
dre des cas qui lui sont réservés, il donne
également cdui d'al)soudre des censures
qu'on a encourues, parce que ces r a« ne siont
réservés au pape qu'à cause des censures
qni y sont attachées. — Suivant le concile
deTrenlc, tout prêtre, imn excommunié dé-
noncé, peut absoudre dé toute sorie de co'.- et
de censures les per>ounes qui sont à l'article
de la mort ; ce que les théologiens élendeiit
avec raison à tout péril probable de morl.
Pes cas réservés aux éoétfues. Les réserva-
tions de certains cas a^i\ éréi/ties sont dilTé-
renles , suivant l'usage des diocèses : elles
sont utiles en ce qu'ellis donnent plus d'hor-
reur des granils crimes, par la diffirnlté d'en
obtenir l'absolulion. — Suivant le Rituel de
Paris , les cas reserrés à rar( hevêque sont :
1" l'action de frapper notablement un reli-
gieux ou un clerc promu aux oidres sacrés ;
2° l'incendie volontaire; 3* le vol dans un lieu
sacré avec riTraction ; '1° l'iiomicide volon-
taire ; 5 le duel ; 0° l'action d'aHenter à la
vie de son mari ou de sa femme ; 7" e Ile de
procurer l'avortemenl ; 8" celle de frapper
son père ou sa mère ; 9° le Éi»crilégc , l'em-
])oisonnep.ient et la divination ; 10" la profa-
nation de rcucharistic ou des saintes huiles ;
11' l'ofliision violente dn sang dans l'église ;
12 la fornic;tXion dans l'église; l^i" l'action
d'abuser d'une religieuse; 14'° le crime d'un
confesseur avec sa pénitente; 13" le rapl ;
Ki" l'inceste au deuxième degré ; 17° la sodo-
mie el les autres péch'S semblables ; 18" le
lanin sacrilège; l'J" les crimes de faux té-
moignage , (le fausse monnaie ei de falsifica-
tion de lettres e.clésiasiiqiies; 20' la simonie,
la confidence cachée; 21" la supposition de
titre ou de personne à l'exaineii pour pro-
niolion au ordres. — L'evêque , son grand
vicnire , son pénitencier et c -ux an\.quels il
accorde ce pouvoir spécial , peuMiit abiou-
685
CAS
CAS
C8Q
drc des rns qui lui sont réservés. Mnis à l'ar-
(ic'lc (le la mort il n'y a ni (li>;tinclioii de non-
fp^scur, ni réservation de ra~ ; lnul préire
pont absoudre celui <]ui se trouve en eel élat,
P'iurvu qu'il ait iloiiné quelque signe de
péiiilence. — Lorsque le rliajiilro de Iri ca-
lliédraie exeiC' la jurilielion oendaiil lu
vacance du siège épiscopal, >'est à lui qu'ap-
partient le droii de cominettie des persoîines
pour alisouiire des cas qui étaient r. serves à
i'évéque. Il peut parcillctnenl donner des
pouvoirs aux coness 'urs, les limiter pour le
temps , les lieux , les ras et les personnes, et
révoquer les permissions que l'évêiiue a ac-
cordées, soit par lui-même ou par son grand
vir.îir''.
V V a aussi dans les couvents des cn^
ré.-eri-es parles chapitres dont les supérieurs
seuls ont droit d'absoudre.
Les c.iiionistes ont agité la question de
savoir si celui qui a commis dans un diocèse
un crime dont l'absolution est réservée à
i'évéque , se trouvant sans fraude dans un
autre diocèse oîi ce crime n'est pi)int réser-
vé , peut en recevoir l'absolution d'un con-
fesseur qui n'a point de pouvoir spécial pour
les cas réservés ? Les plus habiles canonistes
ont cru que dans ce cas tout confesseur pou-
vait absoudre le pènili'nt : ils ont donné
deux raisons de leur avis : la première, que
les confesseurs ne sont point obliges de sa-
voir les cas qui sont réservés dans tous les
diocèses d'où il peut se présenter des péni-
tents ; la seconde , que même , suivant les
priuiipesdu droit rotnain qui ont été adop-
tés dans le droit canonique, l'accusé doit être
jUi^é suivant les règles qui sont observées
dans le liiu où son prorès est instruit (Ex-
trait du Diviion. rfc Jurisprudence).
l^Ces ronsidéraiions et deci-ions ont besoin
de rectifications : on hs trouvera dans notre
Dictionnaire de Théolugle vwrate. Voy. aussi
le Uicliunnaire de>- Cas de conscience, édit.
Migne.]
CASSIFN , abbé du monastère de Saint-
X'ictor de .\!arseilli', mort peu après l'an 433,
a été célèbre au comniencemenl du V siècle
par ses vertus et par ses écrits. On a de lui
un livre de l'/jicornoaon contre Nesiorius ,
les Institutions de la vie monastique en douze
!ivr -S . un de Conférences spirituelles. D.ius
le treizième , Cassien a paru enseigner l'er-
reur des semi-pélagiens ; c'est pour le réfuter
que saint l'rosper écrivit son ouvrage inti-
tulé : Contra Collatorem. Mais du temps de
Cassien l'Eglise n'avait pas encore prononcé
sur ce point ; il ne lut décidé qu'au concile
d'Orange en 529; conséquemnient la méprise
de Cassien ;''a pas empêché que sa mémoii e
ne fût en vénération. Les [roteslanls le Irai-
ti lit d'ignorant et de sup' r.lilieux , parce
qu'il introduisit dans Tes Ijaules la manière
de vivre des solitaires et des moines de l.i
Tliéliaïde; nais la prévention des protestants
contre la vi • monastique les rend très-mau-
vais juses du mérite de ceux qui l'ont prati-
quée. Voy. Moine.
CASUEi. , droits casuels. Or. appelle aii\si
les honoraires ou rélribulions accordées aux
curés , vicaires ou desservants des paroisses
pour les fonctions de leur ministère, pour les
baptêmes, mariages, •sépultures, etc.
Souvent on a cherché à rendre ces droits
olicux , parce qu'on en ignorait rorif;ine.
Dans les premiers siècles de l'Eglise, ses mi-
jiistres subsistaient des oblations volontaires
des (idèles ; ainsi , à propremrnt parler, tout
était casuel. Les diff 'rentes révolutions cau-
sées par les persécutions , par les hérésies ,
par les inondations des barbares, firent sen-
tir que la subsistance des ecclésiastiques
serait moins précaire, si ou leur assignait
des Ibnds.Cela ne coûtait rien dans des temps
où il y avait une grande quantité de terres
incultes par le défaut de propriétaires. Telle
est l'origine de l'institution des bénéfices. —
v*^ous Charleinagne , on accorda ou l'on fit
rendre aux pasteurs la dîme , par le môme
motif. A la décadence de la race carlovin-
gienne , l'Fglise fut dépouillée par les sei-
gneurs , ils s'emparèrent des fonds et des
dîmes; le clergé fui à peu près anéanti. Les
peuples furent obligés d'avoir recours aux
moines pour recevoir les secours spirituels ,
ou de faire subsister des prêtres par des ré-
tributions manuelles; ainsi le casuel s'est
établi.
Si les pasteurs étaient les maîtres de choi-
sir, ils préféreraient sans hésiter une subsis-
tance assurée sur des fonds et sur les dîmes,
à la triste néressilé de recevoir des lionorai-
res pour leurs fondions. Dans plusieurs dio-
cèse-. , il y a des paroisses qui se sont trou-
vées suflisamiucnt dotées par des fonds et
))ar la dîme ; le casuel y a été retranché. Au
contraire , les supérieurs ecclésiastiques et
les tribunaux séculiers se sont trouvés dans
la nécessité de régler un casuel j)lus fort
dans les paroisses qui n'avaient ni des fonds
iii des dîmes , et d'établir les portions con-
(jr es.
l'iusieiirs jnri-consultcs , et même des au-
teurs ec lésiasliques , ont dit que les préIres
recevaient ces honoraires à titre A\iuinône ;
ils nous paraissent s'éire trompés. Une au-
mône n'est due que par charité , elle n'en-
ga'^e à rien celui qui ia reçoit ; l'honoraire
est dû par justice, et i' impose au ministre
(les autels une nouvelle obligation de rem-
plii- exactement ses fonctions. Il est de droit
naturel de fournir la subsistance à tout
homme qui est occupé pour nous , quel que
soit le genre de son occupation. De même
qu'il est juste d'accorder la solde à un mili-
tiire, rhi>noraire à un magistral, à un mé-
decin , à un avocat, il l'est de faire subsister
un ecclésiastique occupé du saint ministère;
l'honoraire qui lui est assigné n'est pas plus
une aumône qne eilni des hommes utiles
dont nous venons de parler. - (le que reçoi-
vent les uns et les autres n'est pas non plus
le prix de leur travail; les divers services
qu'ils rendent ne sont point estimaldes à
prix d'argent , et ils ne sont pas payés par
proportion à l'importance de leurs fmictions :
la diversité de leurs talents et ilti nirrite per-
sonnel de chaque particulier n'en met aucune
dans l'honoraire qui leur est attribué.
587
CAS
CAS
C88
Vainement,, pour les avilir, l'on affecte de se
servir d'expressions indécentes; l'on dit
qu'an ecclésiastique vend les choses saintes,
qu'un militaire vend sa vie , un magistrat la
justice , un médecin la santé , un professeur
les sciences , etc. La malignité des censeurs
n'a pas le pouvoir de rendre injuste et
méprisable ce qui est conforme dans le fond
à l'cquilé naturelle et à la raison. — Lorsque
Ji'-siis-Clirist a ordonné à ses disciples de
«ioiincr gratuitement ce qu'ils avaient reçu
p.ir pure grâce, il a eu soin d'ajouter que
loiit ouvrier est digne de sa nourriture
(Matth. \, Set 10).
Si nous répétons plus d'unn fois ces prin-
cipes , c'est qu'ils ont été méconnus par des
écrivains qui se croyaient fort instruits , et
qui cependant ne relaient pas assez, qui ont
censuré la discipline actuelle de l'Eglise sans
raisons suffisantes.
Im.1 1757, il a paru une dissertation sur
l'honoraire des messes, dans laquelle l'au-
teur condamne toute réiribulion manuelle
donnée à un prêtre pour remplir une fonc-
tion sainte , les droits curiaux et casuels, les
fondations pour dos messes ou pour d'autres
prières à perpétuité, etc. Il regarde tout cela
comme une espèce de simonie et comme une
prot.inalion. — Cette doctrine; est certaine-
ment fausse. On ne peut pas nier qu'il ne se
soit glissé souvent des abus et des indécen-
ces dans cet usage; l'auteur de la disserta-
tion les f.iit très-bien sentir; il les déplore et
les réprouve avec raison : mais il fallait imi-
ter la sagesse des conciles , des souverains
pontifes et des évéques, qui, en condamnant
les abus et en les proscrivant , ont laissé
subsister un usage légilime en lui-même.
Encore une fois, il fait distinguer entre
un payement, un honoraire et une aumône.
Le piiyement ou le prix d'une chose est censé
être la compensation de sa valeur; ainsi l'on
achète une denrée, une marchandise, un
service mercenaire, et l'on en paye le prix à
proportion de sa valeur, l.'honoraire est une
espère do «olde ou de subsistance accoidée à
une personne qui est occupée pour le public
ou pour nous en particulier, qnelle que soit
d'ailleurs la valeur de son occupation. On
donne la solde on l'honoraire à «m iiiiiilaire,
à un mngistr.it, à un juriscoiisulle, à un mé-
decin , à un professeur de sciences , à un
homme en charsie quelconque , sans p éten-
dre payer ou compenser la valeur de leurs
services on de leurs talents , ni mettre une
proportion entre l'iiii et l'uilre. tju'ils soient
plus on moins habiles , plus ou nio'iis zélés
ou appliques, rii'inoi-.iire est le niiMiie. LVim-
mén,' est due à un pauvre par cliarilé, I'Iid-
nor.iire est dû à titre de justice. ll.'Iui <|ui
refuse l'aumàne à un pau\re, pè lie sans
dmito, mais il n'ist pas tenu à resliluliou :
celui qui refuserait l'Iionoiaire à un lnmiuKi
(|ui a rempli pour lui ses funclions , ser.iit
condamné à le lui restituer. — Que i'Iiono-
rairc suit fixe ou acci<lenlel , payé par le
pulilic ou par les pariiculiiTs , accordé à
litre de gage annuel ou de pension ;qu'il sot
ratuel , aliaché à chaque loneiion que l'on
remplit ou a chaque service que l'on rend,
cela est égal ; il ne change pas de nature; le
litre de justice est toujours le même.
11 n'est donc pas vrai qu'un prêtre ou un
clerc ne puisse rien recevoir légitimement
des fidèles, si ce n'est à titre d aumône. Dès
qu'il prie, qu'il célèbre, qu'il remplit une
fonction sainte pour une personne ou pour
plusieurs , et qu'il est occupé pour elles , il a
droit à une subsistance , à une solde, à un
honoraire. Jésus-Christ l'a ainsi décidé en
parlant de ses apôtres : L'ouvrier est diqne
de sa nourriture [Mallh. x , 10). Saint Paul
a parlé de même (/ Cor. ix , 7, etc.) : Qui
porte les armes à ses dépens?.... Si nous vous
distribuons les choses spirituelles, est-ce une
grande récompense de recevoir de vou< q.uel-
quf réiribulion temporelle ? Ceux qui servent
à l'autel ont leur part de l'autel; ainsi le
Se'qneur a réglé que ceux qui annoncent
l'Evangile vivent de l'Evangile. — Que ces
choses spirituelles soient des instructions ,
des sacrifices , des sacrements , des prières ,
l'assistance des malades , etc., le titre à un
honoraire est le même.
On sait que dans l'origine les ministres des
autels reçurent des offrandes en denrées ou
en argent ; dans la suite, pour rendre leur
subsistance plus assurée et moins précaire,
on institua 'pour eux des bénéfices ecclé-
s'iasliques, semblables aux bénéfices mili-
taires. Ceux d'entre les jurisconsultes qui
ont soutenu que les revenus des bénéfices
sont une pure aumône, auraient dii le déci-
der de même à l'égard des anciens militaires.
Lorsque le clergé a é é ruiné par les grands
dans des temps d'anarchie, il a fallu en re-
venir aux I élribulions manuelles. C'a été un
malheur, sans doute ; mais il ne fiiut l'altri-
huer ni à l'Eglise, ni à ses ministres, qui en
ont été les premières victimes.
En général, défions -nous des réformateurs
trop harilis ; jamais ils n'ont été en aussi
grand nombre qu'aujourd'hui. Qu'ils di-ent,
s'ils le veulent, qu'il serait mieux que, sui-
vant l'ancienne discipline, aucun prêtre ne
fut orilonné sans être pourvu d'un bénéfice,
et sans être attaché à une église pour quel-
que fonelion ; qu'il serait mieux que les fi-
dèles eussent plus de confiani-e à la commu-
nion des saints et aux prières générales de
1 E;4lise, et moins de vanité, moins d'ambi-
tion d'obtenir des |)rêires des prières parti-
culières pour eux seuls. Il ser.iit mieux, en
effet, que les prêtres eux-mêmes préféras-
sent la qualité de mmisires de VEglise ou de
la société commune des fidèles, à celle de
serviteur, domesii,|ue d'un grand seigneur.
l! serait fort à souliaitcr (|ue les grancls fus-
sent moins orgueilleux et moins esclaves de
leur mollesse, qu'ils assistassent aux exer-
cices publies du cuite divin , plutôt (|uo
d'<xiger pour eux un culte domestique et dos
minisires qui sont à leurs ordres. .Mais, lors
iiiê >>(■ que l'on ne peut pas obtenir le mieux,
il ne faut (las condamner ce qui n'est pas
inaiivaii absolument et à tous égards. Si
rEnliiC entreprenait ta réforme des abus
qu'on lui reproche, toutes les puissances se-
689 CAS
culières, tous les particuliers intéressés à
les conserver, s'y opposeraient de toutes
leurs forces. — Il est très-permis de montrer
ces abus, d'en désirer la correction, de pro-
poser les moyens de les relr;inclier ; mais il
ne faut jani/iis arnfumenler sur des principes
faux, ni atlril)uer le mal à ceux qui n'en
sont pas les ailleurs. C'est le moyen de dé-
crélitcr un ouvrage qui pouriaii élre utile
d'ailleurs, de man(|uiT le but auquel on as-
pire, de fournir des armes aux heréti(|ues et
aux inciédules. N'avons nous pas vu ces
derniers reprocher à saint l'aul les maximes
justes et sages que nous avons citées ci-des-
sus ? Ils n'ont pas rougi d'écrire que les mi-
nistres de l'Eglise ont hérité des apôtres
mêmes l'esprit mercenaire et ambitieux dont
ils ont toujours été animés. Voij. Bénéfice,
Simonie.
CASUISTE. théologien qui a fait une étude
particulière de la morale, des lois divines et
humaines, des devoirs de l'homme et du chré-
tien, afin de se mettre en état de lever les
douies que les lidèles peuvent avoir sur leur
conduite, de leur faire sentir la grièveié de
leurs fautes, de leur prescrire ce qu'ils doi-
vent faire pour les réparer. Puisque la mo-
rale fait partie essentielle de la théologie, il
doit nous être permis de donner quelques
réflexions sur ce sujet.
La fonction de casuiste est certainement
une des plus difliciles par l'étendue des lu-
mières qu'elle suppose, une des plus impor-
tantes parla nature de son objet, une des
plus dangereuses à cause des couséquences
que peut entraîner une fausse dérision. Dans
ce genre, le rigorisme outré ne [Toduit pas
des effets moins funestes que le relâchement
excessif. Un casti ste fait la fonction déjuge ,
il ne lui est pas plus permis d'exagérer que de
diminuer les obligations (|ue Dieu nous im-
pose. S'il lui arrivait d'exiger de celui qui le
consulte une restitution qui n'est pas due, il
ne pécherait pas moins grièvement que s'il
l'en dispensait mal à propos. — Lorsque les
casuisles onl manqué de jusiesse d'esprit, ou
se sont laissé entraîner par le torrent de
ceux qui les av;iient procèdes, ils ont eu tort,
sans doute ; mais on ne peut guère les accu-
ser d'avoir péché vnlonlairement. Où est
rtiomme assez insensé pour vouloir risquer
son propre siilut sans aucun intérêt, en se
rendant responsable des péchés d'aulrui ?
De nos jours les philosophes ont élevé un
cri génér.il pour soutenir que la loi natu-
Tolle est évidente par elle-même, que la rai-
son nous en découvre infaillililement tous
les devoirs. Cependant l'on a fait un assez
grand nombre de livres pour savoir si le
mensonge oflicieux est permis ou défendu
par la loi naturelle, si l'intérêt de l'argcnl
perçu en vertu du simple prêt est légiiime
ou iisurairc. Où est donc cette évidence pré-
tendue, et la boussole qu'un casuiste (io\{ sui-
vre pour se décider sur ces questions? —
On ne doit cependant pas blâmer l'exacti-
tude et même la sévérité des pasteurs de
l'Eglise à réprimer, lorsqu'il est nécessaire,
la Icmériié des casuisles ; un de leurs princi-
CAT
698
paux devoirs est de veiller à la conserva-
tion du dépôt de la foi et de la morale.
-Mais faut-il approuver de même la cha-
leur avec laquelle Pascal et d'autres ont pour-
suivi, vers le milieu du siècle dernier, la
morale relâchée de quelques cnsuisles obs-
curs? Ils devaient prévoir que les principes
de ces auteurs, recueillis en un corps et ex-
posés on langue vulgaire, ne manqueraient
pas d'enhardir les passions toujours dispo-
sées à s'appuyer de l'autorité la plus fragile.
Le scandale que la délation de ces maximes
occasiiinna dans l'Eglise fui peut-éire un
[dus grand mal que celui qu'auraient ja-
mais fait des volumes poudreux relégués
dans les ténèbres de quelques bibliothèi)ue8
monastiques. — En etïet, qui connaissait
Villalobos, Connink, LIamas, Âchosier, Deal-
koser, Squilanti, Hizozéri, Iriharne, de tiras-
salis, de Piligianis , Slrevesdorf et tant
d'autres? Leurs pi incipes étaient-ils dange-
reux pour les ignorants et les femmes, qui
n'entendent pas la langue dans laquelle ces
auteurs ont écrit, pour les gens du monde
qui ont oublie le latin, et qui n'ont pas le
temps de lire, ou pour des théologiens éclai-
rés et décidés sur ces matières? Il n'est pas
nécessaire d'être grand castiile pour juger
lequel des deux est le plus coupable, celui à
qui il échappe une proposition absurde qui
passerait sans conséquence, ou celui qui la
remarque et lui donne de l'importance.
Vainement les écrivains d'un autre genre,
les prédicateurs de l'irréligion, voudraient-
ils s'autoriser de ces réHexions pour inno-
center leurs propres égarements, pour ren-
dre odieux les théologiens qui les font re-
marquer et les réfutent. Leurs erreurs,
qu'ils publient eux-mêmes, sont d'une tout
autre conséquence que celles des casuisles ;
on ne peut excuser les premiers par aucun
motif louable; les ouvrages des incrédules
ont fait plus de mal en dix ans que tous les
cnsuistes de l'univers n'en ont fait dans un
siècle. Voy. Cas dk consciiînce.
CATAOAPTISTES. On s'est quelquefois
servi de ce nom pour désigner en général
tous les hérétiques qui ont nié la nécessité
du baptême, surtout pour les enfants. Il est
formé de zarà, qui en composition signifie
quelquefois contre, et de ;«n-.-i:.), hiver, bapti-
ser : il signifie opposé au baptême, ennemi
du baptême.
Ceux qui ont soutenu cette erreur sont
tous partis à peu près du même principe ;
ils ne croyaient pas le péché originel, et ils
n'attribuaient au baptême aucune autre
vertu que d'exciter la foi. Selon eux, sans
la foi actuelle du baptisé, le sacrement ne
peut produire aucun effet; les enfants qui
snnt incapables de croire le reçoivent Irèg-
inutilement. C'est l'opinion des sociniens.
D'autres ont [)osé pour maxime générale que
la grâce ne peut pas être produite dans une
âme par un signe extérieur qui n'alTecte que
le corps, que Dieu n'a pas pu faire dépendre
le salut d'un pareil moyen. Celle doctrine,
qui attaque l'elficacité de tous les sacrements,
h99f
CAT
CAT
60-2
est une conséquence naturelle de la précé-
dente.
Quoique Pelage niât le péché originel, il
ne contestait pas la nécessité ou du moins
l'utilité du baptême, pour donner à un en-
fant la grâce d'adopiion ; dans un enfant,
disait-il, la grâce trouve une adopiion à
faire, mais l'eau ne trouve rien à laver :
Habet (/relia qiiod ndoplet. non hubil luida
qitnd abiuat. La notion seule de haijlcine, i\u\
emporte celle de puriQcation, sulfit pour ré-
futer Pelage; jamais cet hérétique n'a expli-
qué nettement en quoi il faisait consister la
grdce d'adoption.
GATAGOMBE, du prec x«rà, dans, et xOfiêoç
creux, désigne une cave souterraine prati-
quée pour servir à la sépulture des morts.
Les catacombes se nommaient aussi cryplce,
cavernes, et cœmeteriu, dortoirs.
Selon quelques auteurs, ce nom ne s'est
donné aulrelbis à Uome qu'aux tombeaux
de saint Pierre et de saint Pdul, ou à une
chapelle de saint Sébasileii, dans laquelle,
suivant l'ancien calendrier romain, a été
mis le Cdfps de saint Pierre, l'an 258, sous
le consulat de Tuscus et de Bassus,
Aujourd'hui l'on appelle en Italie catacom-
bes de vastes amas de sépulcres souterrains
qui sont dans les environs de Rome, priiici-
palemeni à trois milles de celte ville, près de
la voie Appienne. On croit que ce sont les
tombeaux des martyrs ; on va les visiter par
dévotion, et l'on eu tire des reli(iues qui
sont envojées dans les divers pays catholi-
ques, après que le pape les a reconnues sous
le nom de quelque saint. — Ces catacombes
sont de la largeur de deux ou trois pieds, et
ordinairement de la hauteur de huit à dii
pieds, en forme de galeries qui se communi-
.quent les unes aux autres, et s'étendent sou-
vent jusqu'à une lieue de Rome. 11 n'y a ni
maçonnerie ni voûte , la terre se soutient
d'elle-même. Les deux côtés de ces rues, qui
en sont comme les murailles, servaient, de
haut en bas, à mettre les corps des morts. On
les y plaçait en long, à trois ou quatre ranj^s
les uns sur les autres, et parallèlement à la
rue; on les enfermait avec des tuiles fml
larges et fort épaisses, quelquefois avec des
morceaux de marbre, cimentés d'une ma-
nière que l'on aurait peine à imiter aujour-
d'hui. Le nom du mort se trouve quelque-
fois, mais raremi'nt. sur les tuiles ; on voit
aussi ()uelqucfois une branche de painner,
symbole du martyre , avec ce chiffre ,
peint ou gravé XP, (juc l'on interprète pro
Christ').
Pour rendre suspectes les reliques tirées
des catacombes , plusieurs prolcslanls ont
soutenu que ces caveaux étaient destinés à
la sépulture des |)aïen8 ; (|ue, ({uoiquo les
Romains fussent dans l'usage de brûler leurs
morts, ils enterraient cependant les esclaves
pour éviter la dépense- Les Romains devenus
chrétiens , disent-ils, voyant la vénération
que l'on avait pour les leliijues, et voulant
en avoir â leur dispn^ilion, entrèrent ilans
les Cdtaciimbrs, mirent à côté des tonibe.inv
les chiffres ou les inscriptions (jn'illeur plut,
et les fermèrent pour les rouvrir dann !a
suite quand ils en trouveraient l'occasion fa-
vorable. Celte supercherie fut ensuite ou-
blié-, jusqu'à ce que le hasard fît ouvrir les
catacombes. — Avant d'accuser les Romains
cliréliens d'un crime aussi grave, il faudrait
avoir dt's ireuves : non-seulement les protes-
tants n'en ont point, mais leurs cimjeclures
sont absurdes. Tous les haldlanls d'une ville
ont-ils pu convenir ensemble de commettre
une fourberie et une impiété, pour procurer
à leurs descendanis la salist'aclion de distri-
buer de fausses reliques, sans y avoir au-
cun intérêt, et sans qu'il se suit trouvé per-
sonne (|ui ail eu assez lie probité pour récla-
mer contre cette supenlierie "? On ne commet
l'as des crimes [lour le seul plaisir de les
commeitre.
Il est prouvé, au contraire, 1° que l'us.Tge
des Romains "aïens n'étaient point d'enterrer
dans les catacombes les criminels, les escla-
ves, le bas peuple, mais de les jeter dans de
grandes fosses nommées puticuli, el d'y en
brûler un grand nonijre à la fois; au lieu
qu'on brûlait en particulier le corps des per-
sonnes considérables, et qu'on renfermait
leurs cendres dans des urnes. Les Romains,
qui laissaient rijourir <le f.iim dans une île
du Tibre leurs esclaves vieux ou malades,
se sont-ils donné la peine de leur accorder
une sépulture honorable dans les catacom-
bes?— 2° Les chrétiens évitaient avec soin
d'enterrer leurs morts dans le même lieu
que les pa'iens, nous le voyons par l'histoire
que le martyr Lucien a faite de la découverte
des relii|ues de saint Etienne. Saint Gyprien
fait un crime à Martial, évéquc espagnol,
d'avoir fait enterrer des enfants dans les
tombeaux profanes, et de les avoir mêlés
avec des étrangers. Nous sommes donc cer-
tains (ju'il n'y a eu aucun païen enterré dans
un ciuielière destiné à la sépulture des chré-
tiens. — 3° II est incontestable que les cala-
combes ont servi aux assemblées chrétiennes
dans les temps de persécuiiou, el par la mê-
me raison à la sépulture des tnarlyrs, (|iic
l'on était obligé d'enterrer avec le plus
grand secret. L'usage constant a été de cél"-
brer les saints mystères sur les reliques des
martyrs, elles (idèles, par devolion, dési-
r.hent d'être inhumés à côte de ces précieux
dépol s. L'Iiis toi reecclésiastiqueel les actes lies
martyrs font mention des défenses faites aux
chrétiens par les persécuteurs de tenir leurs
assemblées dans les cimetières. Ils n'au-
raient pas voulu les tenir parmi les tom-
beaux des pa'iens. — V' PrudiMice, saint Pau-
lin et d'autres, attestent (pie les calaromljcs
de Rome renfermaient les corps de plusieurs
milliers de martyrs ; ce faii est encore attesté
par des inscriptions, dont l'une fait mention
de cinq cent cinquanle martyrs enterrés en-
semble, une autre île cenl cinquanle. Saint
Jérôme dit que dans sa jeunesse il avait cou-
tume de visiter les catacombes le dimancho
{/;( h'zecli. xl). Ces saints lieux n'ont donc
jamais été oubliés ni perdus de vue, et
l'on savait au iv"' siècle qu'ils renfcr-»
niaient des niarljrs et non des païens, — >,
C93
CAT
5" (Jn grand nombre c!e ces tombeaux de
martyrs sont reconnaissaliles par des ins-
criptions cl par d'autres synil)oles, par le
inonouranune de Jésus-Chrisl XP, par la fi-
gure du bon pasteur, par des [lalnies, par
les (ioles ougoheli'is de sang mis avec leurs
corps, etc. — 6° L'on ne peut assigner le
iPinps auquel on suppose que les calaconibes
ont été malicieusement fermées par les Ro-
mains, pour donner lieu à une erreur dans
la suite. Pendant les perséculions, les chré-
tiens s'en sont servis pour leurs assemblées
et pour les sépultures ; lorsijue la paix a été
rendue à l'Iiglise, elles ont élé visitées par
dévotion. Si on les a l'erniées lorsque les bar-
bares ont siiciagé Uonie, ce n'a pas été par
fourberie, mais pour prévenir les profana-
tions. Lor>que la tranquillilé a élé rétablie,
on n'av.iit pas oublié ce que les auteurs ec-
clésiasiiques en avaient dit au iv siècle. —
Les conjectures des proteslanis, de Burnet,
de Missod. de Spanheim, de Basnage, etc.
sont donc fausses à tous éjjards.
Do ces observaiions l'on f eut coiicluie,
avec îoute la certitude possible, que les os
tirés des catucombe^ sont des reliques, ou
des marijrs, lorsque cela est ain;.! attesté,
ou des premiers iidèles. Quoique ceux-ci
n'.'iient pas tous été des saints, quand on
connait les inœuis de l'Eglise primitive, et
la disposition dans laquelle étaient les pre-
miers chrétiens de mourir pour leur foi, on
ne peut pas disconvenir que leurs reliques
ue soient dignes de vénération. — Si quel-
ques lecteurs catholiques se sont laissé sc-
tluire par les soupçons et parles conjectures
malii^nes des protestants sur ce sujet, c'est
qu'ils n'ont pas examiné la question d'aussi
près que l'ont l'ait les critiques et les anti-
quaires de Home. On peut voir dans les Vies
disPères,des Martyrs,', te, touic IX, pag. 68.i
et suiv. , les preuves détaillées des faits que
noDS avons allégués.
Les catacombes de Naples peuvent être un
objet de curiosité pour les voyageurs, mais
elles ne fournissent aucune nouvelle ré-
flexion à faire sur les reliques que l'on tire
de celles de Uome.
CATAPHKYIJES ou CATAPHRYGIENS.
Voy. MoNTAMSTLS.
CATARACTE. Voy. Déluge.
CATÈCiiÈSE,>iuQ\cc.u.Tàx^'jii, instruction;
catéchisme a li même étyniologie et le même
sens. C'est l'inslruclion que l'on donnait à
ceux qui voulaient embrasser lechristiauismc
él recevoir le baptême; ïc catéchiste est celui
qui était cl.argé de cet!e fonclion.
Dans les premiers siècles, l'usage n'était
point de mettre par écrit les dognieset les
pratiques du christianisme, il aurait clé à
craindre que ces écrits ne vinssent à tomber
entre les mains des pa'iens , qui en auraient
abusé et les auraient tournés en ridicule,
parce qu'ils n'y auraient rien compris. Mais
on n'eut jamais Timprudeiicc de donner le
baptême aux juifs ni aux j>a'iens, sans leur
avoir enseigné auparavant les dogmes qu'il
fallait croire et la morale qu'il fallait prati-
(jiier. — Aiuâi l'muil ordonne Jésus-Christ j
CAÏ 694
il dit à ses apôtres d'enseigner toutes les na-
tions, et de les bapliserensuite (Matih. xxviu,
19). Il en avait donné l'exemple, les apôtres
l'ont suivi ; les Pères de l'Eglise, les évé(iues,
les p.isleurs, ont rempli ce devoir dans tous
les siècles, avec plus ou moins d'exactitude
et de succès. Dans tous les temps les conciles
ont exhorté les ecclésiastiques à le remplir,
et leur en ont fiit un devoir rigoureux : le
concile de Trente en a renouvelé les lois,
sess. 24, (/e Rc/'orm., c. 7. Mais il n'est prouvé
paraucun ancien monunientquc l'instruction
des néophytes ait consisté à leur faire lire
l'Ecriture sainte, comme Mosheim et d'autres
proteslanis l'imaginent, selon le préjuge de
leur secte. Les incréilules, au contraire, ac-
cusent les premiers chrétiens d'avoir caché
leur, livres avec lopins grand soin: autre
prévention qui n'est pas mieux fondée.
C'est donc une injustice de la part des in-
crédules de vouloir persuader (jne le chris-
li«iiisnie s'est étaljli dans les ténèbres, par
s-.éduclion et par artifice, que les premiers
Iidèles ont ciu sans preuves et sans motifs,
ont reçu le haplême sans savoiràquoi ils s'en-
gageaient, La rigueur des épreuves auxquel-
les on les soumettait, n'était certainement
pas un pié;;e tendu pour les séduire. Aucune
religion n'a imposé à ses ministres une obli-
gation aussi étroite d'instruire les ignorants,
et ils n'ont négligé ce devoir dans aucun
temps. Leurs anciens ennemis, Celse et d'au-
tres, leur ont reproché la passion du prosé-
lylisme, ceux d'aujourd'hui leur en font en-
clore un crime, ils n'en rougiront jamais.
Voy. Ecoles Chrétiennes.
CATÉCHISME. C'est non-seulement l'ins-
Irudion que l'on donne aux enfants ou aux
adultes pour leur apprendre la croyance et
la morale du christianisme, mais encore le
livre qui renferme cette instruction. Comme
les évéques ont élé établis par Jésus-Christ
pour enseigner les fidèles, c'est à eux de dres-
ser et de donner à leurs diocésains le livre
que nous appelons caléchisme- Celui qui a
été fait par ordre du concile de Trente a élé
le modèle sur lequel on a formé la plupart
de ceux dont on se sert aujourd'hui dans l'E-
glise catholique. L'uniformité de la doctrine
enseignée dans tous ces livres élémentaires
est une preuve irrécusable de l'unité de foi
qui règne dans toute celle Eglise. Si quel-
quefois des évéques ont essayé d'y émettre
des opinions qui n'appartiennent point à la
foi catholique, ordinairement cette témérité
a élé mal accueillie; ils ont trouvé, de la
part de leur clergé el de leurs ouailles, une
résistance à laquelle ils ne s'attendaient pas.
Preuve qu'ils ne sont pas les maîtres de chan-
ger, quand ils voudraient, la foi de leur
troupeau.
Dans la plupart des catéchismes faits par les
protestants, ils ont eu soin d'y mettre des ac-
cusations contre l'Eglise romaine, afin d'ins-
pirer aux enfants, dès le berceau, des pré-
ventions et de la haine contre le catholicisme.
Plus modérés qu'eux, nous n'.ippienons point
aux eiifanls à détester ceux qui sont dans
G95
CAT
C\T
C'JG
l'erreur; nous voudrions pouvoir leur laisser
ignorer qu'il y a des hérétiques au monde.
De lous les livres, le plu-; difficile à f;iire est
|)eul-étreunbon caiéchisme:('es\.ui\ abrégéde
théologie; plus un homme esl inslruit, mieux
il sent TPtie difficulié.
CATÉCHISTE, ecclésiastique chargé d'en-
seigner aux catéchumènes les premiers élé-
ments de la religion, et de les disposer à re-
cevoir le baptême et les autres sacrements.
Comme il est rare aujourd'hui de baptiser
les adultes, la funclion de catrchiste se borne
à instruire les enfants des vérités de la reli-
gion, à les disposer ainsi à recevoir les sa-
crements de confirmation, de pénitence et à
faire leur première communion. — Si cette
fouction est communément confiée à de jeu-
nes ecclésiastiques, ce n'est pas qu'elle soit
très-aisée à bien remplir ; elle exige une net-
teté d'esprit, une prudence et nue patience
singulières; mais c'est que les moyens d'ins-
truction sont si multipliés p;irmi nous que
l'un peut toujours suppléer à l'aulie.
CATÉCHUMÉNAT, CATÉCHUMÈNE. Un
catéchumène est une personne qui désire de
recevoir le baptême, et qui se fait instruire
dans ce dessein. Dans l'Eglise primitive, cela
se faisait avec beaucoup de précaution et
avec cérémonie.
« Celui qui était jugé capable de devenir
chrélicn, dit M. Fleury, était fait caléchumi'ne
par l'imposition des mains. L'évêque ou le
prêtre le marquait au front du signe de la
crois, en priant Dieu qu'il profilât des in-
structions qu'il allait recevoir, et qu'il se
rendit digne de parvenir au saint biiptéme.
Il assistait aux sermons publics , auxiiuels
les infidèles même étaient admis. Le temps
du catéchuménat élaitordiiiairement de deux
ans, mais on le prolongeait ou on l'abrégeait
suivant les progrès et les dispositions du caté-
chumène. On ne regardait pas seulement s'il
apprenait la doctrine, mais s'il corrigeait ses
mœurs, et on le laissait en cet état jusqu'à
ce qu'il fût entièrement converti. » ( Mœurs
desChrét., tit. 2.)
Les catéchumèn/'s étaient distingués des G-
dèles, non-seulement par le nom qu'ils por-
taient, mais par la place qu'ils occupaient
dans l'église. Ils étaient avec les pénitents,
sous le portique ou dans la galerie intérieure
de la basilique. On ne leur permettait point
d'assister à la célébration des saints mystères,
mais immédiatement après l'évangile et l'ins-
truction, le diacre leur criait à haute voix :
lie, catechumeni :missa est : rcX\rcz-\oiiii, caté-
rhumènes, on vous ordonne de sortir. Cette
partie inèmede lamesscs'iippelait la messedes
catéchumènes. Il parait, par un canon du con-
cile d'Orange, qu'on ne leur permettait pas de
faire la prière avec les fiilèlos; on leur donnait
du pain bénit, nommé par cette raison le pain
des cntéchuiiii'i)cs, comme un symbole de la
communion à laquelle ils pourraient un jour
être admis.
II y ;ivait plusieurs ordres ou degrés de
catéchumènes; mais lenomhroet li ilislinction
de ces ordres n'ont p.is été constants ni les
mêmes partout. Les auteurs grecs en dislin-
gnent deux classes, l'une de catéchumènes im-
parfaits, l'autre de parfaits ou capables d'être
admis au baptême ; ils nomment les prerniers
écoutants, oudi>n<fs, \e< second-, asenouil (^s,
genufleclenie- ; ils disent que ce« derniers hs-
sist;iient aux prières et llécliissaient les ge-
noux avic les fidèles, m lis que les premiers
ne restaient dans l'église que pour assister
à la lecture de l'évangile et au sermon. —
Le cardinal Bona en dislingue quatre degrés,
les éioutams, les agenouillés, les compétents,
et les élus, andientes, genuflectente.i, compé-
tentes, electi. M. Fleury n'en connaît que
deux, les auditeurs et les compétents ; d'au-
tres les réduisent à trois : preuve que cette
discipline n'était pas conforme.
On recevait les calrchumènes par l'imposi-
tion des mains et par le signe de la croix ;
dans plusieurs églises on y joignait les esor-
cismes, les cérémonies de sou/fler sur le vi-
s;Lge ; d'apfiliquer de la salive aux oreilles
et aux narines, de faire une onction sur la
poitrine et sur les épaules, de mettre du sel
dans la bouche. Ces cérémonies, dont le sens
est expliqué dans nos catéchismes, sont encore
observées aujourd'hui dans l'administration
du baptême, même pour les enfants ; autrefois
elles le précédaient de quelques jours, lors-
qu'on ne baptisait qu'aux fêtes solennelles.
Selon Tertullien, on donnait aussi du lait et
du miel aux catéchumènes avant de les bap-
tiser, symbole de leur renaissance en Jésus-
Christ, et de leur enfance dans la foi ; c'est
dans ce sens que saint Augustin a nommé
sacrement ou mystère cette cérémonie ; on la
nomrnait aussi le Scrutin. Voy. ce mot.
On a fait observer le catéchuménat dans k'S
Eglises de l'Orient et de l'Occident, aussi
longtemps qu'il y a eu des infidèles à con-
vertir, par conséquent dans l'Occident jus-
qu'au viii« siècle. Dans la suite on n'a
plus observé cette discipline aussi exacie-
menl à l'égard des .idultes qui demandaient
le baptême, parce que l'on n'avait plus les
mêmes dangers à craindre que dans les siè-
cles précédents. — Mais il n'est pas inutile
d'en conserver la mémoire ; il en résulte
non-setilemenl que l'on a toujours eu grand
soin d'instruire ceux qui voulaient embras-
ser le christianisme, mais que l'on a toujours
craint iju'après avoir été baptisés ils ne dés-
honorassent par une une vie païenne la sain-
teté de notre religion. C'est une preuve de
plus puur réfuter les incrédules anciens on
modernes, qui ont osé dire que les premiers
fidèles étaient un amas d'ignorants ou d'hom-
mes flélrls par de mauv;iises mœurs.
Le catéchuménat était donc une épreuve et
une précaution que l'on avait jugée néces-
saire pour ne point admettre dans la soiiélé
chrétienne de sujets mal instruits, vicieux,
mal affermis, capables d'abandonner leur foi
et de la renier au moindre péril ; peut-ôiro
de calomnier l'Eglise auprès des persécu-
teurs. La durée de celte épreuve ne fut
pas la même dans lous les temps ni dans tous
les lieux ; le concile d'Klvire, en Espagne,
tenu vers l'an aOI>, décida qu'elle durerait
deux ans ; Justinicu ordonna la même cliusv
697
CAT
CAT
098
pour les juifs qui voudraient se convertir.
Le concile d'Aide, l'an 50R, n'exige pour
eux que huit mois d'instruction. Les consli-
lutions aposioli(|ues, plus anciennes que ce
concile, avaient demandé trois ans de pré-
paration avant de recevoir le baptême, liv.
VIII, c. 3-2. Quelques-uns ont cru que le temps
du carême sufCsail. Dans des circonstances
pressantes on abrégeait encore ce terme. So-
crale, parlant de la conversion des Bourgui-
gnons, dit qu'un évcque dos Gaules se con-
tenta de les instruire pendant srpl jours. Si
un catéchumène se trouvait subitement en dan-
ger de mort, un le baptisait sur-le-champ. En
général, on laissait à la pruilence des évêques
de prolonger ou d'abréger le temps de l'ins-
truction et des épreuves, selon le besoin et les
dispositions qu'ils voyaient dans les catéchu-
mènes, (liingham, Ony. ecclés., t. IV,l.x,c.l,
§ 5; Morin, de Pœnit. ; Laiibépiiie, Obsena-
tions sur les anciens l'ites de l' Eglise ; Fleury,
Mœurs des chrétiens et Histoire ccclcsiast.;
Ane, Siicram., ii' part., t. III, p. 2, etc.)
CATHAUES, du grec yKexf.i;,pur; nom que
se sont attribué plusieurs sectes d'hérétiques,
surtout les a|>oiacli(|ues ou renonçants, qui
étaient une branche des encraliies. Quelques
montanisles se parèrent ensuite du nom de
cathares, pour témoigner qu'ils n'avaient
point de part au crime de ceux qui niaient
la foi dans les tourments; qu'au contraire ils
refusaient de les recevoir à pénitence : sévé-
rité injuste et outrée. Pour la justifier, ils
niaient que l'Eglise eût le pouvoir de remet-
tre les péchés; ils porlaiini des robes blan-
ches, pour montrer, disaient-ils, par leur ha-
bit, la pureté de leur conscience. No va tien, pré-
venu de la même erreur que les montanistes,
donna aussi le même nom à sa secte, et quel-
ques anciens ne la nomment pas autrement.
Par ironie, l'on a nommé cathares différen-
tes sectes d'héréiiques qui firent du bruit
dans le xii* sièrie; les albigeois, les vaudois,
les patarins, les coteieaux et autres, descen-
dants des henriciens, de Marsille, de Ten-
dètue, etc. Ils furent coiLdamms dans le
III* concile de Lalran, tenu l'an 1179, sous
Alexandre 111. Les puritains d'Angleterre se
sont enfin décorés ilu même litre.
C'est ordinairement sous un masque de
réforme et de venu que les hérésiarques ont
séduit les s mples et se sont fait des parti-
sans ; mais une afferlaiion de ré;;ulariié, qui
a pour base l'espril de révolte eli'opiniàtreté,
n'est pas ordinairement de longue durée;
souvent ce n'est qu'un voile pour cacher de
véritables désordres ; les novaieurs, devenus
les maîtres, ne sont plus les mêmes que lors-
qu'ils étaient encore faibles. Tint d'exemples
de cette hypocrisie, qui se sont renouvelés
depuis la naissance de 1 Eglise, auraient dû
détromper les peuples ; mais ils sont toujours
prêts à se laisser prendre au même piège.
CATHARISTES ou purilicateurs, secte de
manichéens, sur laquelle les autres rejetaient
les ordures et les impiétés qui se comoiet-
taient dans la prétendue consécration de leur
eucharistie. (Saiul Augustin, Hœr. VG ; saint
Léou, Epis t. 8.)
» CATHEDRA (Ex). On désigne parcelle expres-
sion les actes du souverain pontire agissant cumiiie
cher de l'Kglise.
« Le pape, dit Grégoire XVI (Triomphe du Saint-
Siéye), peiii parler comme chel'de ^Egli^e el comme
docteur privé ; celle distinclion n'a rien de conlr,iire
à la primaulé. Pour éviter de coiilondre ces deux
qualités el parer aux désordres que celle confusion
pinirrait occasionner dans l'Eglise, il raulqii'il y ail
des iiutes claires ei non douteuses, auxquelles un
puisse reconnaîire les cas où le pape prononce so-
lenncllerninl, c'est-à-dire ex catlte(lra,el ceux où
ses décisions n'onl pas Ci; caractère. L'existence de
ces notes est démontrée loiil à la fois el pir la réa-
lilé de la disiinciiou que nous venons d'élablir, et
par la certitude du désnrdre que leur défam orca-
sionnerail inévilableiiient dans l'Eglise, désordre es-
senliellenienl oppnsé à la lin pour laquelle la pri-
mauté a été établie. Ur ces noies sont ou intrinsè-
ques, ou exlriiisé |ues; les unes sont propres aux
déliiiilions mêmes, les autres dépendent de la cou-
liinie de l'Eglise. Parmi les premières , voici les
principales, qui ne sont que des conséquences né-
cessaires de la nature et de la lin de la primaulé :
1" Pierre a élé établi par Jcsus-Cbrisl clief de son
Eglise, pour conserver l'nnilé de la foi ; donc le
poini délini par le pape doii appartenir à la foi ; '^° le
pape délinil un point de foi pour tracer aux fidèles la
règle infaillible de leur croyance el ne plus leur
laisser ni doute, ni perplexiié , ni inquiétude ; son
jugement doit donc annoncer que ses propres pen-
sées soni elles-mènies bien fixées el arrêtées sur ce
point; ")" le pape est le prince et le chef de toute
l'église, el la foi est d'un intérêt nniversei pour elle;
lors donc que le pape décide comme chef, il doit
faire connailre sa décision à ^R^;li^e; 4° il doit donc,
dans cette décision, parler à l'Eglise, el par consé-
quent l'adresser à l'Eglise elle-même; 5* le souve-
rain pontife délinissam exerce l'office de juge : c'est
en cette qualiié qu'il détermine l'objet de foi et qu'il
commande à la volonté d'y soumettre rinlelleci, et
non comme un simple ibéoiogien , dont l'office est
uniquement de convaincre la raison; il faut donc que
les termes dans lesquels la définition est conçue
montrent dans le pape rinienlion de commander ab-
solument el en venu de sa suprême autorité l'acte de
foi sur cet article déterminé. Cependant, pour juger
si le pape prononce comme juge ou s'il parle comme
lbéoli);;ien, il ne faut pas seulenent considérer la
n ilure et la quailé de l'objet dont il est question ;
cela dépend encore de sa volonlé : il y a donc cer-
taines lornuiles établies el déterminée^ par un usage
constant de l'Eglise el des papes, pour faire connai-
lre d'une manière précise à loule la cbrélienlé les
ju'^emenls suprêmes el. définitifs, el la peine coiisé-
quemment encourue par les réhactaires ; si le pape
omet cette funnule, sans indiquer suflisauimenl que,
malgré celle omission, il entend el veut détioir en sa
qualité de soiiveraiu pontife et de juge de la foi, il
faut en conclure qu'il n'a pas prononcé son juge-
ment en celte (|ualité, p.irce qu'il doit s'accomm<ider
à rinlelligfuce universelle. La principale de ces for-
malités consiste à qualifier d'béiéiique la doctrine
coiilraire, ou à Inlniiner l'analhème contre ceux qui
la prolésseraient dans la suite. On ne devra donc
pas legar.ler comme iléfiiiitifs les jiigenienls du pape
où ne se Inuive pas celle formule on quelque chose
d'équivalent, ni croire qu'il ail entendu et voulu, en
les lendant , exercer sa primaulé d'aulorilé. Au
reste, cette dernière note est purement exlrinséque. »
CA THÉURALE, église épiscopale d'un dio-
cèse ; ce nom a élé lire du mol cathedra, sié^e
d'un évéque. Dès l'origine de l'Eglise, pen-
danl la célébration des saints inysières, l'é-
véque présidait au presbi/iêre ou à l'assem-
blée des prêtres ; il était assis sur une espèce
de trône ou de siège plus élevé que les leurs;
xm
CAT
CAT
700
c'est ainsi qae saint Jean, dans l'Apocalypse,
représente une assemblée ciirolienne (iv, 2).
De là est venu l'usage de désigner la dignité
d'un évéque par le nom de cliairc. ou de
siège, cathedra; àe célél)rer même les fêtes
de la chaire de ^aint Pierre à Antioche et à
Rome; d'appeler église cathédnde, l'église
00 l'assemblée principale à laquelle l'évêque
préside.
Mais ce nom, employé pour désigner un
édifice ou un lemple i!ans lequel un cvéque
célèbre ordinairement, n'est pas fort ancifu;
il n'a été usité en ce sons que dans l'Occi-
dent, et depuis le x'^ sièile. (Ju(>iq.ue It'S cliré-
liensaient eu la libcrtéde bâtirciuclqucs lieux
d'assemblée dès la fin du iir, sous le règne
de Dioclélien, il parait que l'on commença
seulement à bâtir de grandes églises sous
Constantin, lorsqu'il eut permis le libre exer-
cice du christianisme ; et dans tout l'Orient
ces églises, dans lesquelles l'évéciue célébrait,
étaient appelées la grande église, l'église
épiscopale, l'église de la ville, ou simplement
l'église; et l'on nommait liasiliques les églises
pariiculières érigées à l'honneur des mar-
tyrs ou d'autres saints.
Plusieurs autres espagnols, qui ont écrit
sur l'antiquité de leurs églises cathédrales,
ont prétendu qu'il y en a eu qui dataient du
temps des apôtres ; mais cette prétention n'est
fondée sur anrune preuve solide.
CAÏHOLIODE ; ce terme dérivé du grec
x«9o>ou, partout, signifie universel. L'Eglise
est nommée catholique, non-seulement pour
marquer qu'elle est répandue par toute la
terre, chez toutes les nations, mais pour ex-
primer la profession qu'elle fait de croire et
d'enseigner partout la même doctrine, de
prendre pour règle de sa foi ['universalité de
croyance, qui est suivie dans toutes les so-
Ciéiés particulières dont elle est composée.
Tel est le caradère qui distingue la véritable
Eglise de Jésus-Christ d'avec les sectes qui se
sont séparées d'elle.
C'est l'idée qu'en donnait saint Irénée dès
la fin du ir siècle. « L'Eglise, dit-il, quoique
dispersée par tout le monde, conserve avec le
plus grand soin la foi et la iloctrine (ju'elle a
reçues des apôtres et de leurs disciples. Sem-
blable à une seule famille qui n'a qu'un
cœur, qu'une âme, qu'une même voix, elle
croit, (Miseigne et prêche partout de même,
d'un consentement unanime. Malgré la dis-
tance des lieux et la diversité des langues,
la tradition est uniforme partout, etc. » [Adv.
flwr. ,hy. I, c. 10, n. 1 et 2.) Saint Augustin
n'a fait (]ue copier celte notion, en écrivant
conire lesdonalislcs {De Unit. Hccles., n jiiU;
Tract. 3 in F.pisl. Joan.). TertuUien et saint
Cyprien s'en étaient servis avant lui pour
réfuter les hérétiques. Tel est aussi le sens
que M.Hossuel donne au mol catholique (Pre-
mière Inst. past. sur les promesses de l' Eglise,
n. 29).
Quelques auteurs ont prétendu que Théo-
dose le Grand élait le premier auteur de
celte l'énumination, qu'il y av.it donné lieu
en ordonnant, par un edit, que le titre de ca-
tholique (ùt.n{\.r\h\ià [>ir prélercnceaux Egli-
ses qui suivaient les dérisions du concile tie
Nicée. Vossius pense que ce mot n'a été mis
dans le symbole qu'au m" siècle. .Mais ces
deux opini ns sont insoutenables. Dans la
lettre des fidè es de Smyrne louchant le mar-
tyre de saint Polycarpe, qui est de l'an 16'J,
il est parlé de l'Église calhilique; dans Eu-
sébe, liv. iT, c. 15. Valois, d.ins .«es noies sur
ï'flisl. ecf/('s. d'Ei:sèbe, liv.viii, observe que
le nora de catholique a été donné à l'Eglise
dès le temps le plus voisin des apôtres, pour
la dislingner de> sociétés hérétiques qui s'é-
taient séparées d'elle. En effet, saint Ignace,
plus ancien que saini Polycarpe, a dit, dans
sa lettre aux fidèles de Smyrne , n* 8 : « Où
est Jésus Christ, là se trouve l'Eglise catho-
lique. » Au conirjiencenient du n' siècle ,
Gel>e nommait déjà l'Eglise catholique la
granile Eglise , pour la dislinguer des sectes
hérétiques. (Orig.*, contre CeUe , 1. v, n-SO).
Saint Cyrille et saint Augustin observent
(jue les hérétiques mêmes et les schismati-
ques donnaient ce nom à la véritable Eglise
dont ils s'étaient séparés , et les orthodoxes
la désignaient par le nom de catholique tout
seul, catholica. — En effet, aucune secte hé-
rétique n'a jamais voulu s'astreindre à pro-
fesser la doctrine catholique ou universelle ,
la doctrine uniformément enseignée par tou-
tes les sociétés particulières qui composent
la grande Eglise. Loin de se soumettre à
celle condition comniune comme à une rè-
gle de foi , elles ont toujours fait un crime
de celle méthode à l'Iîglise romaine; hérésie
et catholicité sont deux termes contradic-
toires : le premier désigne une doctrine dont
on a fait un choix particulier; le second,
une doctrine professée partout. ( Bossuet ,
première Instruction pastorale sur les pro-
messes de l'Eglise, n"" 23, 29.) — Ainsi ,
lorsque nous disons dans le symbole : Je
crois la sainte Eglise catholique , nous en-
tendons : Je crois que la véritable Eglise de
Jésus-C-hrist est celle qui fait piofession d'en-
seigner la doctrine universellement reçue de-
puis les apôtres dans toutes ses sociétés par-
ticulières qui forment cette grande société.
Ce caractère n'est pas difficile à discerner ;
l'Eglise romaine est la seule qui se l'aliri-
bu(! ; tontes les sectes d'hérétiques, loin d'y
prétendre, le lui reprochent connue une er-
reur. Dans l'articlet'Ariioi.ir.isMR, nous prou-
vi-rons (jne ce caractère est essentiel à la re-
ligion de Jésus-Christ, et IJossuet l'a démon-
tré [Ibid.).
Nous ne savons pas ce que peut entendre
un protestant, lorsqu'il dit , en récitant le
s\ mliolc des apôtres: Je crois la sainte Eglise
catholique, ni en quel sens il peul at'riliuer
ce litre à la société particulière dont il est
membre. Cette société n'est ni la [dus éten-
due de toutes les communions chrétiennes ,
ni la plus ancienne; elle n'a aucune relation
ni avec l'Eglise grecque scliismatitiue , ni
avec aucune des autres Eglises orientales ;
toutes ces sociétés s'accordent avet lEgliso
catholique à condamner les protestants.
.M.Hossuet observe très-bien que (luanil
ou dit: Je crois la sainte Eglise calholit^iic^
'701
CAT
CAT
:o2
cela nesignifie pas seuleniL'nt.je crois q\i elle
existe, mais je crois ce qu'elle croit ; autre-
iiKMil ce ne sérail plus croire qu'elle est,
puisque le fonil, et pour ainsi dire la subs-
tance de son êire, est la foi qu'elle déclare
à tout l'univers. [Esprit de Leibni{zAoin. II,
pag. 101).
On nous fait ccp( ndant une objection. Au
iv siècle , lorsi|ne les ariens se prévalaient
de leur grand nombre, les Pères leur ont ré-
pondu (|ue la uiiiltituile des errants ne
prouve rien. Au v, les catholiques repro-
chèrent aux nestoriens leur petit nombre,
cl ces héréti(jues, à leur tour, répétèrent la
réponse que l'on avait donnée aux ariens.
Il eu lut de même des eutycliiens. Ces sectes
sont-elles devenues plus catholiques en de-
venant plus étendues?
Réponse. Non, sans doule ; mais , 1" il est
faux que les ariiMis aient jamais été en plus
grand nombre <iue les calholiques. "2" Il n'y
a jamais eu entre eux aucune unité , puis-
qu'ils n'ont jamais pu convenir d'une même
profession de loi. 3° Us n'ont jamais voulu
prendre pour règle le consentement univer-
sel el runiliirmiiè de croyance. En quel sens
pouvaient-ils s'altiibuer la catholicité? Nous
convenons ijue l'étendue dune secte et la
multitude de ses partisans, considérée abso-
lument , ne prouve rien , puisqu'elle a tou-
jours commencé par un i)etil nombre ; mais
puisque cnlin Jésus-t^iirisl a promis à son
liglisc de lui réunir toutes les nations, il est
absurde île vouloir que leschisint- d'une par-
tic de ses membres l'emporte sur le corps
entier.
Les patriarches ou primats dOrient ont
pris le titre de calholiques ; on disait le ca-
/Ao/j(/«e d'Arménie, pour désigner le primai
ou le principal évcque d'Arménie , titre à
peu près semblable à celui il'wcume'nique
qu'avaient pris les palriarclies de Constauti-
nople. il parait ceptiidant que le titre de ca-
tholique était moindre que celui de patriar-
che ; Ivs nesiorlens , obligés de se réfugier
dans la Perse , nommèrent leur principal
évêque catholique ; iis n'usèrent pas l'appe-
ler patriarche , quoique Neslorius l'eiîl été
de Constaniinople. Ce nouveau tilre ne fut
institué que sous Juslinicn au vi" siècle.
Voy. Kenaudot , Di^sert. sur le patriarche
d' Alexandrie . n" 'i-.
CATHOLICITÉ , universalité, extension à
tous les lieux, à loiis les temps, à toutes les
personnes. La catholicité d'une doctrine
consiste eu ce qu'elle a été la même depuis
les apôtres jusqu'à nous, dans toutes les so-
ciétés chrétiennes qu'ils ont fondées , dans
tous les siècles, dans le corps des pasteurs
comme dans celui des fidèles. La calliolicilé
de l'Kglise est la professioi\ qu'elle lait do
regarder cette uniformité générale et cons-
tante comme un signe infaillible de véril ■.
La catholicité d'un fidèle csl sa soumission
à celte iiiélhude d'euseigaemenl (1).
(4) « I,;i eaiholicité de l'Eglise, dit M. de la
Liixerue, est son iiiiivcts.Tlité. l'Iiisieiirs saints Pi;res,
trailau de lu calliolicilé, dislinguent uau iiiple uui-
Si par la catholicité do l'Kglise on enlen-
dail seulement son étendue dans toutes les
parties du monde , il serait impossible à iia
Cdèle ignorant de savoir certaiuemeril qu'il
versalité : iiniversalité de temps, en ce (|iie l'Eglise a
iDiijdiiis sut)sisié ei (|u'elle subsistera toujours jus-
(juà la lin lies sièries ; universalité de doclrini' , en
ce <]ije l'E^lisi! eMseis;ne toutes les vérités ipie Jésiis-
('.ll^i^t a apiinriées à la terre; universalité de lieux,
en ce que l'Eglise est répandue par tout te monde...
C^'est de celte troisiènie esiièce d'universalité qu'il
s'ai;il ici....
« Il y a plusieurs disliiiriions à faire sur Piiniver-
saliié ou calliolieilé de l'fglise. Nous distinguons
d'abord l'nniveisalilé physique el l'uiùversalité mo-
rale. La première est celle qui comprenil tous les
pays tie la terre sans exception ; la seconde, (elle
<|ni s"élend dans la pins granité partie des régions
connues. Ce n'est que de celle secomle qu'il est
(pieslion ici. C'est l'établissement de notre Eglise
d.ins la pins grunile partie îles régions connues, qui
lonne, selon nous, sa catliolicité, et qui est une
preuve de sa divine origine. Nous ne croyons pas
iniii plus, et en ce point lions suivons la dOc Iriiie de
saint Augustin, qu'il soit nécessaire à la catholcKé
de l'Eglise que la totalité des liabitaïus des pays où
elle a été intioduite s'y soit suniiiise. Il sulTii ([u'il y
ait dans ces régions un nondjrc nolalile de catlioli-
ques, pour qu'elles fassent partie de la catholicité.
(Saint Augustin contra Lrescon., lib. iv, c. 01 , 7i. )
D'après celte observation, il est nécessaire d'entendre
les oracles sai rés qui anuoncenl la diffusion de l'E-
glise sur tonte la terre dans un sens moral ; et ceite
interprélation est conl'onne à la inan ère nrdinairo
de s'exprimer des auteurs sacrés. Ainsi nous
liions dans Jérémie que tous les royaumes de
la terre étaient sous la puissance de Naliuclicdonosor
(xxxiv, 1 ); daasDaniel , iiue le iioisiéme royaume,
qui devait être celui d'Alexandre, coinniaiideraii à
loute la terre (xi, 50); dans saint Luc, qu'il lut
publié un édil de l'empereur Auguste, pour faire le
déiiombreiuent de tout l'univers ( xi, 1) ; dans saint
Paul, que la toi de l'Eglise de Koine est célèbre
dans tout le monde (Rom. l, 8).
I Une autre disiiiiction essentielle à faire est
entre l'universalité successive et l'universalité ac-
lurlle. Nous croyons que l'Eglise de Jésus-Christ
doit avoir successivement la caibolieité physique
et totale; c'est-à-dire que, dans tout le cours des
siècles, il n'y aura pas un pays habité sur la terre
où la vraie lui n'ait été annoncée, el où Dieu n'ait
eu ses adorateurs eu vérité, el coiiforménienl au
culte qu'il a prescrit. C'est ainsi que nmis entenduiis
l'oracle de Jésus-Chrisl que je rapporterai iocessam-
luenl , SIM' la prédicaiiun de son Évangile dans tout
l'univers. Mais ce n'est pas parmi nmis un puini de
doctrine certain , une l'Eglise de Jésiis-Clinst doive
être dans aucun temps physiquenieiil el iiiialeinent
universelle, eu sorte qu'il n'y ait pins sur la tcire
que des cathi;|ii|ues. JNous ne voyous pas que ce
genre d'uiiivoisaiilé lui ail été promis par Jésns-
Cbrisl. Ce peut être l'objet do nos désirs, même de
nus espérantes, mais non de iiotre Un. Au re le , la
catiicdicilé successivement totale, ipie nous regardons
comme de\aiit être une qualité de la vraie Eglise,
ne peut pas être piéseiilée coiuiue une de ses notes,
puisqu'elle n'est pas actuellement visible. Ainsi lO
n'est pas de celle-là ipie je larlerai ici, je ne devinerai
comiix note disliiiclive de l'Eglise que son uuiver-
saliié actuelle telle que nous la voyous, telle que l'iait
vue .tons les âges : c'esi-à-dire , ie le répète, sou
universalité morale.
I Re;;ardanl la catliolici-lé comme im caractère
acconlé à la vérilable ICgiise, pour la discerner des
autres coiiiiuuniuns diiéiieiiucs, nous disliiijjuoiis
705
CAT
CAT
70A
est membre de l'Eglise catholiqae. Il peut
très-bien ignorer si elle est plus étendue
qu'aucune des autres secies ; mais il ne peut
pas ignorer que l'Eglise dont il est mem-
encore sa citlioticiié absoiiie et sa calliolicilé rela-
tive ; c'esi-5-ilire, la difTusinn, l'éleiiiliip, de l'Eglise
de Jésus-Chri^l considérée en elle-même , et son
étendue, sa diffusion, comparée à celle des secies
séparées d'elles. Nous pensons que, qu()ii|u'il puisse
y avoir des pay> on la vraie foi n'ait pas pénétré, et
même qnelnues-uns iionl elle soit positivement ban-
nie, cependant elle est et elle doit être en tout temps
plus ré|iandn>' que chacune des Eglises fausses, el
que celle dl^'u^ion plus grinde est un des caracti res
auxquels on doit la reconnaître et la distinguer
d'elles....
f D après ces observations, je réduis à deux
points principaux la notion de la catliolicilé , consi-
dérée comme caracîére de l'Eglise véritable. Elle
consiste en ce que, 1° l'Eglise de Jé^us-Clnist soit
répandue aciuellemeiit dans la plus graiule partie des
régions connues; 2° qu'elle soit consiaminent plus
répandue que chacune des communions qui la com-
battent. Telle est notre doctrine....
< Les preuves de la caiholiciié, telle que nous
l'entendons, se tirent de l'Ecriture, que les protes-
tants prétendent être la règle de leur loi, et des Pères
des premiers siècles, dont ils reconnaissent que la
doctrine a été pure.
« Oans l'Ancien Testament , la propagation de
l'Eglise de Jé-ius-Christ sur toute la terre est prédite
par une niultiiude d'oracles des plus claiis. Je me
borne à en rapporter i|uelqiiis-uns.
î Les proiestants professent comme nous que
c'était de Jésus-Christ et de sa religion que Dieu
disait à Ahraliaiii : Toutes les uaiioiis de la terre
seront bénies dans votre race ( Gt'n. xii, 3, et 18;
XXVI, i; xxwiii, li). Or, ils conviennent aussi avec
nous que les bénêdiclions de Dieu ne sont que
pour ceux qui sont dans son Eglise, et qu'il ne les
accorde point aux membres d'Eglises qu'il réprouve.
Toiiies les nations doivent doue, selon la prophétie
de Dieu même, entrer dans son Église,
I Les protestants appli(|uent au>si, du même que
noits, au Messie, ces paroles des psaumes : Demandez-
moi, et je vous donnerai les nations pour héritage, et
les extrémités delà terre pour possession // dominera
d'une mer jusqu'à l'autre, et du fleuvi- jusqu'aux bornes de
l'univers. Tous les rois de la terre l'adoreront ; toutes 1rs
nations Itii obéiront Tous les con/ins de la terre se
convertiront nu Seiyneiir ; toutes les familles des nations
seront en adoration devant lui. ( P». ii, 8; lxxxi, 8, "iS ;
XXI, I S), l'eul-on dire que les Eglises fausses, qui pro-
les^ent une doctrine contraire à celle de JésustJirist,
soient sa possession et son héritage, tandis qu'il les re-
jette; qu'elles lui obéissent, elles qui sont en révolie
conire lui ; qu'elles se coinerlissent à lui, en s'éloi-
gnant et en l'oOeMsant? il i.'y a que la vraie Eglise de
Jésiis-Clirisldonl toiiKela peulètre dit. C'est ellequi
est son royaume sur la terre, qui obéit à ses préceptes,
qui est convertie à lui. Or, d'après ces prophéties,
celte Eglise doit comprendre toutes les naiions, se
soumeire tous les rois, s'étendre jusqu'aux bornes
de l'univers.
f C'est encore, .selon les protestants, Jésus-Christ
qn'Isaïeavaitenvnc, lorsque, inspiré de l'Esprit-Saint,
il disait : Cest peu que tu sois mon serviteur, pour rn-
niwer les tribus de Jacob cl convertir In lie d'Israël:
Voilà que je l'ai élnbli lu lumière des naiions, pour que
lu porta le salut qui vient de moi jus(iu'au.i: extiémiiéi
de la terre Le Seigneur a prépaie son saint bras aux
ijcnx de loulei les nations : et toutes les bornes de la
terre verrunt le salut de notre Dieu ( h. xi.ix. G; i.ii,
10). Le prophète annomc que le saint doit être porté
jus(junux extrémités de la terre; donc, d'après ces
bre , lui propose pour règle de foi l'unifor-
mité de doctrine entre toutes les sociétés
particulières dont elle est composée; unifor-
mité attestée par l'union et la soumission à
oracles, l'Eglise dans laquelle seule peut se trouver
le salut doit y êire étendue : or, les proiestanls ad-
nietlent comme nous le principe qu'il n'y a de saint
que d;ins la véritable Eglise ; donc la véritable K-lise
doit s'étendre jusqu'aux confins de la terre.
I Nous lisons dans Malachie une célèbre prophétie
que les protestants entendent ainsi que nous de la
religion de Jésus-Chnst. Je ne mets plus en vous ma
volonté , dit le Seigtieur des armées , et je ne recevrai
pins de dons par vos mains ; car du levant jusqu'au
couchant, mon nom est glorifié parmi les nations, et
dans tous les lieux on offre el on sacrifie en mon nom
une offrande pure {\, 10,11). C'est du levant au
coiicliaiit que doit être glurifié le nom du Seiirneur;
c'est dans tous les lieux que doit lui Olre présentée
une offrande pure; donc son Eglise doit, du levant
au couchant, s'étendre en tous lieux ; car je n'ima-
gine pas qu'on soutienne que Dieu tienne son nom
glorifié par les Eglii-es ennemies de la foi, et qu'il
accepte comme pures les offrandes qu'elles lui font.
« Ces prophéties de l'Ancien T'e~iaiiient, si claires
et si positives en elles-mêmes, pour annoncer la
future dilTusion de l'Eglise d.<ns tontes les naiions,
deviennent plus démonstratives encore par l'applica-
tion que Jésus-Christ en a faite à cet objet, ei parce
qu'il a déclaré quec'est dans ce sens <iu'elles doivent
être entendues. Ce ftit dans une des apparitions qui
suivirent sa résurrecliou, et que lappu te saint Luc,
que, iniintranl à ses apôtres l'accouiplissemenl dans
sa personne des oracles de la loi de Moïse , des pro-
phètes et des psaumes, il ajouta : Ainsi il a été écrit,
el ainsi il a fallu que le Clirisi souffrit et ressutci ùt le
troisième jour d'entre les morts, et qu'en son nom la
pénitence el la rémission des péchés fussent prê. liées
dans toutes les naiions. en commençant par J érnsalem
( Luc. XXIV, i'i, 45, 46, 47 ). C'est donc Jésus-Clirist
lui-iiiéine qui nous apprend i|ue, si nous voyons son
Eglise étendue sur toute la terie, c'est une suite des
oracles qui l'avaient annoncé; c'est lui-mêine qui
nous fournit contre les protestants ce raisonnement.
S in Eglise est où la pincent \e-: prophètes, et où
après eux il la place lui-même, dans toutes les na-
tions de la terre. Doue toute Eglise qui i.'exisle que
dans qiiel(|ues naiions n'est pas l'Eglise de Jésus-
Christ.
« Le Nouveau Tcsiament n'est pas moins positif
que l'Ancien. Outre les paroles de Jc>us-l^hrist i|ue
je viens de rapporter d'après saint Luc, nous le
voyons dire à ses apôtres, tantôt : Cet Kraufiile du
royaume sera prêché dans tout l'nnirers, pour servir de
témoignage à loules les nations ; et alors viendra la
consommniion; tantôt : Toute puissance m'a été donnée
dans le ciel et .sur la terre. Allez donc, enseiinez dans
toutes les nations, les haplisnnt nu nom du Père, et du
Fils, et du Saint-Esprit; leur enseignant à observer
tout ce que je vous ai commandé ; tanlôl : Allez dans
le monde entier : prêchez l'Evangile à toute créature ;
lantôl ; Vous redvrez la vertu de l' Esprit-Saint ijui
descendra sur vous, et rons me servirez de témoins
dans Jérusalem, dans la Judée, dans la Samarie , et
jusqu'aux extrémités de la terre { Mallh. xxiv, 14;
XXVIII, IH, lit, 20; Marc. \\\, lô; /le/, i, 8). D'après
ces passages, réunissons quelques principes qui
porteront jusqu'à l'évidence notre dogme de la
catholiciic.
< 1° Il est évidemment prescrit aux apôtres, dans
ces textes, de piocher l'Evanjjile il toutes les nations
du inonde. Celle vérité est si évidente :\ la seule iiis-
pcrtioii des paroles du Sauveur, qu'il serait riilicule
d'entreprendre de la prouver. "2" En ordonnant à ses
apôtres de prêcher sa loi.u toutes les nations, Jésus-
705
CAT
un seul chef, qai est le vicaire de Jésus-
Ciiri.st. C'est ce qu'un Ccitholique fait profes-
sion de croire en récitant le symhole. Pour
être convaincu de la catholicité de l'Eglise ,
CAT
706
il lui sufOt de l'être de sa catholicité fetson-
nelle.
L'étendue de l'Eglise n'a pas existé d'a-
bord, eln'a pas toujours été la même; la ca-
\
Clirislleschargi>aitd'y éiablirson Eglise. Celte vérité
est la coiisé l'it-iice imniédl.iie de la piéeédeiite, et
est ég;ilenieiu cl;iire. L'Kglisf éiani cinnposée de ceux
qui liinl priilessioii de la viaie fui, donner ;iiix ;ipd-
ires la mission de planter dans tous les pays la vraie
foi, c'était leur ordonner d'y él.iblir l'IJuiiso. Ils ne
pouvaient pas faire l'un s:>ns l'anlre. 3" Les apôtres
ont l'iinné l'Eglise comme leur divin Maiire leur av:iii
ordounë. Jamais les proleslants ne les ont accusés
d'avoir niaïugué à ses préceptes. Ils loni prolessiou
de les révérer ciiinuie de saints personnages. Ils leur
attribuent même la prcroi;Hlivi; de l'inrailiilùliié. 4°
Les apôires ont donc fondé l'Eglise dans tc.ules les
nations, dn moins autant ([u'ils l'ont pu de leur vi-
vant : et certes ils l'avaient ct:iblie <lans un très-giand
nombre de contrées. L'histoire de leur préillcatiou en
est la preuve, ^ons lisons d^ins rEv;inK]le de saint
Maie qu'i/s prêchèrent purtoiu (xxvi, 20). Saint Paul
dit aux Kouiaïus que lui et >es colléguis oui reçu la
grâce de l'upoitotat, puitr faire obéir à la fui toutes tes
nations au nom de Jésus-Christ[i, 5) ; aux Colossiens,
que ta parole véritable de l'Evangile est parvenue, nau-
neuliinenl à eux, mais dans tout le monde ; (\uetle y
fructijie et y croit chaque jour ; et que l'Evangile
qu'ds ont entendu a été prcciié à toute créature (|ui
est sous le ciel ( i, E, tj, to). 5° La véritable Eglise
est celle que les apôtres ont l'ondée d'après le pié-
cepte de leur matirc. Lis protestants ne contesteront
pas non plus cette vérité. C° Donc la vraie Eglise est
celle que l'on voit universellement étendue. Je ne
coiiç<iis pas comment, lorcés de convenir de toutes
les autres propositions, nos adversaires pourront nier
celle-là.
« Ain-i nous voyons la caiholicilé, c'est-à-dire, la
diffusion uni\erse.le de l'I'glise, prédite par les pro-
plicties, présente par JésnsChnst, elîei tuée par les
apôtres. Qae taui-il de plus prur y croiie?
« Ce qui couliriiie notre doctrine sur la callndiciié,
c'est que le sens que nous d'inniint aux passages de
l'Ecrilure est (ixé par la manière dont les ont en-
tendus les l'éies des preuners temps, les uns disci-
ples immédiats ou presque iniinédiais des apôlres,
les auires, diseip'es de ceux-là, et qui oui lleun dans
les siècles dont, de l'aveu des pi otestaiits, la foi était
pure et la doctrine saine.
I Nous ne vuy'uis pas dans le> livres saints le mot
catholique empoyé : mais iiou» le tiouvons appliqué
à l'I'.glise de Jésus-Chii^t dès le temps ipii a iniiiié-
dialeiuent sui\i les apônes. Le symbole qui pinte
leur nom atteste 1 1 crnyanee à la aainte Eglise catho-
lique, â:iint Ign.ice, évéque d'Anliuclie et martyr, qui
avait éié disciple de saint Jean, et qui avait vu Ji;-
sns-Cliiist ilaiis sa cliair, dit que là est l'Eglise ca-
llioliqiie, où est Jésns-Clirist (Ep. ad. Smyrnenses, n.
H). Lépiire de l'Eglise de ^nlyrlle, au sujet >lu mar-
tyre de saint Polyc.irpe, son évoque, e^l adieisée à
l'Eglise de Dieu qm est à Pliilomé^e, et à tons les
diocèses de la sainte Eglise cailioln|ue <laus tous les
lieux ; et on y lit que te saint é\è|iie recoiinnaiide
dans scspiieres l'Ei^lise cailiolique réiandue dans
tout l'iiniveis, totnisiiiie Ecclesiœ cuihulicœ per uni-
versum orbein dilj'usœ menltonem fecent (Euseli., Hist.
eccl s., lib. IV, cap. 15). ^ons voyons dans celle
épitie deux clioses réunies : la catlmliciiè de l'E,L;li-
se, et son étendue sur loute la terie : ce qui montre
que dés lors, c'est-à-iliie, dans le leinps qui a iminc-
diaiemenl suivi les apôiics, non-seulement on dis-
lin;5uait l'Eglise de Dieu par le lilie de calbolique,
mais qu'on lin donnait ce nom à raison de la dillu-
siuii unnerselle.
< Sailli Justin suit iuainédiateiiieiHles disciples des
apôlres, qui lui av.iient enseigné la doctrine de leur
maiire. Argumentant contre 'rryidion qui était juif,
il lui prouve, [lar le texte de Malaclile que j'ai r.ip-
porté, que les Juifs ne sont plus le peuple de Dieu.
D'abord, lui dit-il, votre nation n'est point lepandue
du levant au coucliani, ei il y a des pays où l'on ne
voit lialiiier aucun des vôtres. .Mais ensuite, ajoute-t-il,
il n'y a aucun peuple, soit grec, soii barbare, quel
que soit son nom, quelles que soient ses mœurs et
ses coutumes, dans lequel il ne soit adressé des priè-
res à Dieu le Père, au nom de Jésus crncilié (Oiflf.
cum Trijph., n. 117). C'e.t à nu juif, il est vrai, eJ
non à un liéictique, que Justin propose ce raisonne-
inenl : mais le principe de snn raisonnement est ap-
plicable aux liéréiiijiies conjiie aux juifs. Ce principe
est que, d'après l'oiacle de Malaeliie, la vraie doc-
trine, le vrai peuple de Dieu, doivent être répandus
dans tous les pays. Ainsi, seioii ce Père, toute doc-
trine qui n'a pas celle dillnsion, toute société ipii n'a
pas celle étendue, ne sont pas la doctrine et l'Eglise
de Dieu. — Saint Irénée était, coinine saint Jnsiin,
disciple des Pèies apostoliques, ayant été instruit par
saint Polycarpe. il dit, dans plusieurs endroits de son
ouvrage contre les Hérésies, que l'Eglise est répandue
par toute la terre, et y conserve la loi (Lili. i, cap.
1, n. 1 et 2 ; lib. m, cap. 2, n. 8 ; lib. iv, cap, 2t),
n. 2). Ce n'éiail certainement pas des secies liéré-
liques que parlait ce saint docteur ; il les excluait
même certainement, puisque c'éiail contre elles qu'il
écrivait, et qu'il faisait valoir l'universelle dilTiision
de l'Eglise, conservatrice de la vraie foi. —Saint Cy-
piieii, dans son traité de l'Unité de l'Eglise, établit
aussi sa catbolicilé dans le sens que nous enlemlons,
en disani qu'elle conserve son nniié, quoiqu'elle son
répandue d.iiis tous les pays. Il la repiésenle éclai-
rée de la lumière du Seigneur, répaniJaiit ses rayons
dans tout rmiivcrs. Il la coiiipare à un arbre qui
étend ses rameaux sur loiiie la leire. Il p. nsail donc,
coiiiine le^ Pères qui l'avalenl précédé, qu'une pré-
rogative de l'Eglise de Jésns-t^brisl est ne s'éiendie
dans toutes les légions: et, par une conséquence
nécessaire, il n'aurait pas reconnu comme l'Eglise de
Jésus-Clll•l^t celle dans qui il n'aurait pas vu cette
dillnsion. — baint Pai ien, qui, nans le même temps
que saint Cyiniuii, coiubatiait comme lui les nnva-
tiens, du qoe < l'I-glise, e>t un coip> plein, solide,
déjà lépamlu dans tout l'univers (t'pist. 5). » — Dans
le siècle suivant, saint Cyrille de Jérusalem, dans
une de ses catéchèses, expliquant ces paroles du
symbole : Je ciois la sa.nle l'.ylise catholique, dit :
( L'Eglise esi appelée catholique ou un verselie,
parce qu'elle est ré(iandue dans tout l'univers, de-
puis Une exlréiu té de la lerie jusqu'à l'anire. > Voi-
là une iléliiiiliun de la c ilfioliciié piécise et absolu-
nieiu Ciiiilniine à la nôtie. Et il faut obseiver ijue
c'eji daii,-. nu ouvrage l'ait pour l'instiuclion des sim-
ples lidèles, où les expressions doivent être simples
et très-exactes. Un peu |ilus bas, ce même l'ère,
comparant l'autorité leinpoielle à celle de l'Eglise,
y met cette dill'éreiice, iiue les souverains, disiribués
eiidillérents lieux, liouveut dans les limites de leurs
Etals des bornes à leur puissance, mais que la sainte
Eglise catlinllque seule jouit d'une puissance illimi-
tée, el dans tout l'niiivers (Calechesi 18, n, 25 et
27). — Quelque leinps auparavaiii, au concile de
Nicée, .\itiis et Euzocius avaient présenlé une pro-
fession de loi, < -.Nous croyons, y est-il dit, une Egli-
se tatlioliqi.e de Dieu, qui s'étend des premiers lun-
(leinenls jusipi'aux dernières extiémilés de la terre.
Nous avons reçu cette loi des saints Evangiles, le Soi-
gneur ayant dit à ses discipics : Allez, et enseignti
Ï07
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708
tholicUé, dins le sens que nous expliquons,
est aussi anciennequ'clie, et n'a jamais varié.
Aujourd'hui quelques proleslanls ne font
pas difflculté de dire qu'ils sont catholiques ,
toutes les tintions. » (Socraies, Jfist. Eceks., 1. i, c.
2'>. ) Ainsi, c;illiolii|iies el liéiétiques, tous, dans ces
premiers siècles, pinfes'^aienl comme un ariicle de
foi que l'Eglise a jeçn de Jésus-Chiist U prérogative
de l'universelle dlITnsion. — A la liji du même siècle,
deux grandes lumières de l'Eglise d'Afrique, saint
Opiai el saii.i AugusUn, prouvaient aux donalisies
que leur secie n'était pasia \éritalile Eglise, parce
qu'elle n'éiait pas cailinlique, c'esl-ii-dire, Uiiver-
scUemeni répandue. < Nous avons, leur dit saint
Optât, à déinoiilrer ce que nous avons promis que
nous établirions : quelle est cette Eglise que Jésiis-
Clirisl appelle sa colouihe el son épouse. Vous diles
qu'elle e^t en vous seuls. Apparemment que, dans
votre orgueil, vous vous attribuez spécialement la
sainteté ; en sorte que l'Eglise soit où vnus voulez,
et ne soit poiiit où vous ne voulez pis. Ainsi, pour
qu'i Ile puisse être chez vous, dans une petite par-
lie de l'Afrique, dans le coin d'une petite région, elle
ne sera pas avec nous dans une autre partie de l'A-
frique ; elle ne sei a pas dans les Kspagnes, dans les
Gaules, dans l'Italie, où vous n'êtes point, j Le saint
docteur fait encore l'énuniération d'un grand nombie
de lays, où il n'y a point de donaiistes, et d'où ils
excluent l'Eglise, et il poursuit ainsi : « Où sera donc
la propriété du nom de catholiiiuc, puisque l'Eglise
est appelée catholique parce qu'elle est raisonnable
el répandue paitout? Car, si vous la resserrez ainsi
à votre volouié dans un lieu étroit, si vous lui ôtez
toutes les nations, où sera ce que le Fils de Dieu a
niéiité ? Où sera ce que lui a promis soloiitairement
son Père, lui disant dans le psaume second : Je vous
doiineriii les iialions en hérituge, el les bornes de la
terre pour voire possession '/ Pourquoi enfreignez-vous
une telle promesse, en sorte que l'étendue de tous
les fioy^unies soil mise par vous comme dans une
ut isoii ? l'ourquoi voulez-vous vous ojipo.-er à cette
libéralité ? pourquoi combattez-vous les mérites du
J^aiiveur '! l'eriiietlez an Fils de [losséder ce qui lui
a clé accordé. Permettez au Icie d'accomplir ses
j)romisses. De quel droit posez vous des bornes,
Iracez-yous des limites? Quand Dieu le Père accor-
de au Sauveur toute la terre, rien n'est excepté dans
aucune partie de la terre, 'foute la terre avec ses
nations est la pos^^ession du Christ, i Saiut Optai
répèle ensuite le texte du psaume second, cl rapporte
celui que j'ai cité du psaime soixanle-oiize {De
Hcliism. Vonat., lili. n, c. 1). Il ne peut rien y avoir
déplus Icrniel que ce texte pour établir que la vraie
^;gli^e est celle que l'on voit répandue sur louie la
leire ; que celle prérogative lui a été accordée pur
sou divin fondateur, et qu'elle lui est essentielle. La
clai lé évidente de ce passage me dispense d'en rap-
porter d'auires où saint Optât établit le même prin-
cipe. — Saint Augustin, dans son traité, de lllniic de
l'iùjl se, contie les don.itistes, traite ex professo la
que'îiion de la calliolicilé, et tléinonlre, jiar beau-
coup de icMi'à de la sainte Ecrituie, que l'Eglise lie
JésUS-Christ est celle ipii s'étend sur toute la lercc.
Il commence par la G< nè>e ; lappniie li prome-se
faite à Abraham, que lnutes le» na ions sercuit b'énes
dans son rejeton ; prouve que ce lejcion ea Jésiis-
(^brisl ; inonne qui! la promesse a clé renouvelée à
Isaac cl il Jacob ; < Donnez imus, cunclul-il, celle
Eglise, si elle est pai mi vus ; montrez que vmis
êtes en coniniuiii<m avec tomes les naiinnsi|ue nous
voyons maintenant bémes dans ce rejeton Doiim'z-
la, nu, dé osant votre erreur, rei-cve/.-la, non pas de
moi, mais de celui-là nièuie dans inii imites les na-
tions sont bénies. » (C. 6, n. U ) < une lit-on dans
les prophètes ? ajoute-l-il. Combien suiit nombreux,
c'esl-à-dire , membres de l'Eglise tiniver-
selle, romposée de tous ceux qui croient en
Jésus-Christ; mais c'est un abus grossier du
tenue. Comment peut-on appeler Eglise l'a-
combicn sont évi lents leurs témoignage- au stijeidr;
riOglise répandue dans toutes les nations, sur toute
la terre ! Qu'Isaïe nous dise où, par une révélalioul
divine, il a vu d'avance l'Eglise, aliii que, dans les
paroles de celui qui jirédisa'l l'avenir, nous voyons
ce qui niainlenaiii est devenu pié-ent. » H produit
plusieurs textes de ce prophète, et il fiit voir coin-
liieii ils prouvent elairenient l'éteniliie tmivers Ile dû
l'Ejîlise. f y le eeliii qui l'osera, repienil-il, contre-
dise ; mais que celui qui ne l'osera pis espère en
Jésus-Clirist avec toutes les nations, et ne se sépare
pas de l'utiiié des peuples- qd espèrent en lui : ou,
s'il s'en est écarté, qu'il revienne, afin de ne pas
périr.... Qui esl-ce qui esl assez sourd, assez inseti-
sé, assez aveugle d'esprit, pour oser parler cônire
des léiuoigna<;es si évidents 1... Que peut-on exiger
de plus clair î Voyez dans un seid prophète coinbieu
d'oracles, qwetle esl leur clarté : et cependant on
résiste, on contredit, non un homme, mais l'e-piil
de Dieu et la plus évidente vérité. Et cependant ceux
qui se glorihent du litre de chrétiens envient la g oi-
re du Christ, et ne veulent pas qu'on croie aiconi-
plies les clios'S qui, si longtemps avant, avaient ele
prédites de lui, lorsqu'elles sont, non plus prédites
mais montrées, maisvu;;s, mais possédée-^, t (Ibid.,
c. 7, n. 15, 1(5, l'J.) — Saint Augnslin oppose en-
suite aux donatisies les psaumes, el siiéciaieiuenl le
second et le soixanleonzièine. A|)rès en avoir rap-
jiorté les passages : « Voilà, dit-il, que dans les psau-
mes esl m.inifesiée l'Egli-e répandue dans toutruni-
vers, sur laquelle repose la gloire de son souverain...
0 le ré|ioiidiHuil à ce que )>•. viens de rap;'orler des
prophètes cl des |>saumes au sujet de l'Eglise de Jé-
su>-Chrisl qui est ri'pandue dans tout l'univers, ceux
qui aiuienl mieux la comliaitre avec perversité, que
de commiiiiKluer avec elb: en se corrigeant '! t (C. 9
el 9, n. 2i cl 23.) — De l'Ancien Testmieni le saint
docteur passe au Nouveau. Il en cite des passaïie.i
que j'ai rapportés. Sur celui de saint Luc, il oppose
aux donaiistes le raisonnemeiil ipie j'ai fait plus
haut, que .Icsus-Clirisi lui-mènie a appliipié à l'iiiii-
veiselle dilbision de sm Eglise les passages de la
loi, des prophètes et des psaumes. Sur le passage des
Actes des apôires, il dit (pie l'on y volt le conimen-
ccinent do l'Eglise dans Jérusalem, dans la S<niarie,
cl sa propagation succès i\e dans toutes les na-
tions. Il prouve |iar les fa<ls el par l'enumération de
beaucoup de pays où la vraie loi élan déjà purlé«
de son temps, et il résume ainsi : < Il iioU'. a été aii-
iioneé que l'Eglise serait sur inute la terre. Le Sei-
gneur lui niêiiie a attesté ipie cela était pré lit dans
la lui, dans les pro)diéles et dans les psaumes. Il a
propliéiisé (pi'elle commencerait par Jérusalem, et
qu'elle se répandrait sur toutes les nations. Il a pré-
dit à .'■e^ apôtres, lorsqu'il est remunie dans les cieux,
qu'ils ser.iienl ses témoins dans Jérusalem, dans
toute la Judée et la Sainari', et jir que dans inuie la
terre. Les liiis se sont eoniunnés à ses paroles. Com-
ment, ayant commence par Jérusalem, et de la s'é~
tant accrue dans la Jiidee el la Saniarie, el ensuite
sur lente la terre, lEglise s'y agraiidit-clle mainte-
nant, jusqu'à ce ipi'cnlin elle possède le reste des u -
lions où elle n'ex.ste pas encoie î Le léin ignajie îles
saillies Eciilnrus le inonlre |iosilivement. Ouicnnipii;
évangélise autrement, i|u'il sidt aiiallième. <Jr cilui-
là évaugél se antremeiii, qui dit que l'Eglise a péri
dans le reste du monde, ci subsiste dans la seine Afri-
que et dari^ le parti de Uoiiat. i HOid., c.ip. 10, II.
2-5, et c. H, n. 2!S, ei seq.)
« Il léstilte évidemment Oc tous ces passages liiés
du Seul inilié de l'Unité de l'Eglise, que non-seule-
709
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710
nias de plusieurs sectes , qui n'ont entre el-
les aucune union, qui se regardent les unes
comme hérétiques, les autres comme idolâ-
tres, qui se disent muluellemeiil aiiathème?
Pour 6lr» catholique , il faut prendre pour
rèj;le de foi le coiisenti'nienl unanime do
toutes les sociétés chrétiennes qui recon-
naissenl un seul chef. Nous avons prouvé
ailleurs qu'un des caractères essentiels à la
véritable Eglise est Vunité dans la foi , dans
le culle, dans la soumission à un chef. Voy.
Eglise, § 1 et 2. Or, ce caractère se trouve
dans rE;i:lise romaine seule : elle esi donc la
seule catholique (1)
ment ce saint docteur éiaii dans le.s mêmes princi-
pes (jue nous sur la cailioliciié, luuis que, pour les
prouver, il employait les mômes raisoiiiiemenls que
nous. Les preuves dont nous combailons les proles-
tants s<ml celles dont il réfutait les donalisles. Les
liérëiii|ui's moderiies, pour voir leur coiidamuaiion,
n'ont (|u'à voir ce qui a été opposé aux liéréiiqiifs
anciens. — Et nous voyoïs de pins que, dans l;i cé-
lèbre conférence de Cartilage, ciitru lescatliolj{|ues et
les dunaiisies, les donaitsirs i'.iis;iient consister la
cailiolicité, non dans la réunion de l'univcualiié des
lialioiis, maisilans la plénitude des sacrements {Biev.
coll. ctim Dov.al., dies 3, c. 3, n. 5) : ce qui ne s'é-
loigne pas beaucoup du système [iroieslani. Mais Ils
furent ciimballus par les évc|ues callioliiines, qui
l)r0l1lli^irent les textes convuinc.iiits de ri'Jcnture sur
la dilfusiou universelle de ri'^glise. t.es donatistes
noii-si!ulement ne voulureul pas disculer ceue ques-
tion, mais ils ll'osèr('lllpa^ l'aborder. Ilsserabatlirent
à soutenir que l'Eglise de Jésns-Christ n'est CDUipo-
sé« que des bommes vei tueux, et ne comprend pas
les péclieiirs {Ibid., e. 8, n. 10), ce qui est encore
une préienliou des protestants.
I Voilà ime cbaine d'autorités qui embr.isse et qui
unit eusenibli; tons les temps écoulés depuis la pio-
njesse l'aile à Abraliam. Il en résulte évidemmeiu que
la vraie Kgbse de Jésus Cbrisl doit, par son inslitu-
lion, s'éleiidre sur toule la Icire. Mous voyons celle
étendue nniver>elb; prédite dans l'ancicmie loi, par
une multitude d'oracles, commandée par Jésus-Christ
ï plusieurs reprises, exécutée par SfS apôires auiani
qu'ils l'oni pii, réalisée peu après eux, et Jè^ les
premiers teni;is du christianisme, revendiquée par les
saints docteurs couimcun signe de la vérité de leur
Eglise et de la fausseté des communions séparées.
Cummenl, en adinettanl toutes ces autorités, peu-
vent-ils refuser d'y croire"/ Selon eux, l'Iicriture est
iiilaillible:de leura'veu, les l'cresdes premiers siècles
n'ctaieiil point dan~ l'erreur. Cimiment donc peuvenl-
iU se soustraire à renseigneineni unanime de tous
les livres sacrés et de tous ces saints personnage-, î i
(Le cardinal de la Liizerne, Diss.rlulioin sur les Egli-
ses catholiques cl protestâmes, toin. 11, cli. 8.)
(1) Après avoir exposé la catliolieité de droit, nous
devims rexaminer en faii. Quelle est la société
Cbréiienne qui peut prélemlio an litre de catholi-
que Ml est évideni (pie c'est la seule fciglise roiiiai-
lie : elle est répandue par40ul. Allez dans tous les
pays du monde, vous n'en trouverez pas un seul
iiii il n'y ait des catholiques, où l'Eglise romaine ne
soit connue, l'renez au coniraire nue secte séparée
du seiude l'Egliie romaine, vous la verrez circons-
Orlie dans un rayon très ress.rié. Toutes ces sectes
«ni le siège de leur empire et ne s'éiendeut guère
au delà. Pi i.sesséparéiiienl, elles soni peu nombreuse-^.
Yainenienl elles voudraient se réunir, elles n'ont ni la
uième cioyance ni le même ministère; elles se pré-
teiUeiii , à l'exclusion l'une d; l'autre, en posses-
sion de la vérité. Le lait esi donc évideunneni pour
la seule Eglise romaine, ijui conséquemmeut est la
Vériiiiltlc Ëgltse.
CATHOLICISME , système dans lequel on
soutient que la catliolicilé de la doctrine est,
la règle de foi à laquelle tout homme qui
croit en Jésus-Christ doit se conformer.
Comme toutes les sectes qui oui paru depuis
les apôlres se sont élevées contre ce systè-
me , nous ne pouvons nous dispenser de
prouver que c'csl le seul vrai , le seul que
puisse suivre un homme qui se pique de sa-
voir raisonner. Hossiiet et nos autres con-
troversisles l'ont démontré contre les pro-
testants : voici à peu près le soDiniaire de
leurs réiiexions.
l°Dans la religion primitive, la règle de
foi était dans la tradition domesli()ue ; les pa-
triarches n'en avaient point d'autre. Sous la
loi de Moïse, la règle de foi était la tradition
nationale; Dieu l'avait ainsi ordonné (Deut.
XVII , 10; XXXII , 7). Donc sous l'Evangile,
destiné à être prêché à toule créature , et
jusqu'à la consommation des siècles , la règle
de foi est la tradition générale. Cette unifor-
mité du plan de la Providence en démontre
la sagesse ; il est absurde de penser que
Dieu en ait changé. Sous la première épo-
que de la révélation, tous ceux qui ont per-
du de vue la tradition di-s leçons données à
Adam sont tombés dans le polythéismo.
Sous la seconde, toutes les fois que les Juifs
se sont écartés des préceptes de leur reli
gion nationale, ils se sont précipités dans
l'idôlalrie et dans les superstitions de leurs
voisins. Sous la troisième, quiconque refuse
de consulter la tradilion universelle , se li-
vre au délire d'une fausse philosophie. Il y
en a autant d'exemples qu'il y a eu d'erreurs
depuis les apôtres jusqu'à nous. — i" L'u-
nité est essentielle à l'Eglise de Je. us-î'.hrist;
il a dit lui-même de ses ouailles : J'en funi
un même troupe ai sous un seul pasteur [Joan.
XI, 6). Selon saint Paul , les fidèles sont nu
seul corps, qui a un seul Seigneur, une seule
foi, un seul b;iptéme ( Ephea. iv , it et 5 ).
Quiconque se sé])are de cette unité n'apjiar-
tient donc plus au troupeau de Jésus-Christ.
Or celte unité ne peut se conserver qu'au-
tant que les diverses sociétés qui composent
l'Eglise se servent mutuellement de lémoins,
de garants et de surveillants ; de manière
que si l'une venait à s'égarer, toutes les au-
tres pussent la redresser. L'unité ne peut se
trouver dans l'erreur, ch icun se trompe à
sa manière; l'unité est donc un signe infail-
lible de vérité.— 3° De savoir si Jésus-Christ
a révélé telle doctrine, ou une docirine coii-
tr lir ', c'est un fait. Or, pour constater un
fait quelconque, on ne se borne pointa con-
sulter l'histoire , l'on interroge la tradilion
orale et les mouuinents. La tradition est du
plus gr;ind poi Is, lorsque le^ tém lins sont en
très-grand nombre; que tous eut intérêt à
être informés du fait et à le publier tel qu'il
est ; que ce ne sont point de simples parti-
culiers, mais des sociétés entières. Récuser
la ccriiiude morale ainsi portée au plus haut
point de notoriété, c'est vouloir évidemment
se tromper. — k° Depuis la naissance de
l'Eglise , on s'est servi d : celle règle pour
juger si une docirine ctai' vraie ou fausse ,
7H
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CAU
7»
orlhodoxe ou nérctique. Les conçues ont
été assemblés pour que les évéques des dif-
férentes parties du- monde pussenl y rendre
témoignage de ce qui était cru , enseigné et
professé dans leurs Eglises. Lorsque tous ,
ou le très-grand nombre, ont attesté que
telle était la croy;ince qu'ils avaient trouvée
établie, on n'a pas hésité déjuger que c'était
la doctrine de Jésus-Christ, et que l'opinion
contraire était hérétique. Est-il croyable que
dès l'origine l'Eglise se soil trompée sur la
règle qu'elle devait suivre pour enseigner les
fidèles sans aucun danger d'erreur? 11 fau-
drait que Jésus-Christ l'eût abandonnée au
moment même qu'il venait de la former. —
5° Ou il faut suivre cette règle , ou il faut
s'en tenir à l'Ecriture seule, comme le veu-
lent les protestants ; il n'y a pas de milieu.
Mais quand il s'agit de fixer le vrai sens de
l'Ecriture , et de savoir comment l'on doit
i'enlendre , c'est une absurdité de nous ren-
voyer à l'Ecriture. D'un côté , une poignée
de docteurs soutiennent que ces paroles de
Jésus-Christ, Ceci est mon corps, doivent être
prises dans le sens figuré ; de l'autre, toutes
les Eglises de l'univers attestent qu'elles les
ont toujours entendues dans le sens littéral.
Faut-il préférera cette croyance générale et
constante l'opinion particulière d'un petit
nombre de novateurs? — (5° Toutes les sec-
tes qui ont abjuré le catholicisme n'ont plus
trouvé entre elles aucun centre de réunion ,
elles sont successivement tombées d'une er-
reur dans une autre. Voy. à l'article Er-
REu:i reiicliiiînement de celles des protes-
tants. Ils sont divi-és en luthériens, calvinis-
tes, arminiens, goinaristes, anglicans, qua-
kers , hernbules , frères moraves , piétistes ,
sociniens, cotcéiens, etc. Le désordre aurait
encore été plus grand , et les ruptures plus
fréquenies, si la rivalité entre ces sectes et
l'Eglise cathoiiqiie ne leur avait pas souvent
sei vi de frein ; e les ne sont unies que par
la haine qui les anime contre elle. Après
avoir secoué le joug de la tradition univer-
selle , «Iles ont été forcées de s'en tenir à
leur tradition pariiculièri-, aux décisions de
leurs synodes, à des confessions de foi , aux
ordonnances des magistrats , même d'em-
ployer les censures et les peines pour main-
tenir dans leur seiu une unité du moins ex-
térieure.
Depuis plus de dix-sept cents ans l'Eglise
caihol.(]ue n'a varié ni dans ses dogmes , ni
dans sa règle de fo(, cela serait impossible.
Comment les (lilTérenles Eglises qui la coiii-
poseiit, dont les unes sont iiè>-éloignées des
autres, qui se croient loules obligées de con-
sei ver la doctrine reçue ilo Jésus-Chrisl par
les apôtres, qui ne peuvent avoir aucun in-
térêt ni aucun motif de la clianger, pour-
riiieiil-elles former une conspiration géné-
rale, un des>ein tiinluriiie de l'altérer? Un
mè'iie esprit de vertige ne peut pas les s.iisir
toutes à la fois ; l'une d'entre eiIes ne peut
pas s'éearter delà tr.idilion , sans (pie les
autres s'en aperçoiveiil. Toutes les fois qu'un
ou plusieurs particuliers, évoques ou autres,
ont voulu inuover, le scaudalea ccUlé d'a-
bord, et ils ont été condamnés. Le catholicis-
me est donc un principe infaillible d'unité,
de perpétuité, d'immutabililé dans la doc-
trine. Voy. Egl sk (1).
CATHOLIQUES (Nouvelles) (2). Ce sont
desliliesqui, dans le derniersiècle,sesontéri-
gées en communauté, sous ce litre, ou sous
celui de la Propagation delà Foi, pour ins-
truire, à l'exemple des missionnaires , dans
les vérités de la religion , les personnes de
leur sexe qui ont été élevées dans l'hérésie.
— Les personnes qui entrent dans les com-
munautés pour s'instruire y sont entrete-
nues jusqu'à ce qu'elles aient lait leur abju-
ration, et qu'elles soient bien afîerniies dans
la toi. Elles peuvent même y être reçues au
nombre des sœurs. — Dans quelques-unes
de ces communautés , les filles qui s'y atta-
chent font des vœux simples de pauvreté ,
de chasteté , d'obéissance , et promettent de
s'employer à l'instruction des nouvelles con-
verties. Uans d'autres, ces filles ne font qu'un
vœu de stabilité ; dans d'autres, enfin , elles
s'engagent par un contrat d'association. —
Chacune de ces communautés a des règle-
ments particuliers, suivant qu'il a plu à l'é-
véque du lieu de leur établissement de les
leur donner. La communauté de Paris est
sous le nom de A ouvelles-Converlies ; ceWe
de Sedan et quelques autres sous celui de la
Propagation de la Foi. (Extrait du Diction,
de Jurisprudence).
CAUCAUBAROn ES, branche d'eutychiens
qui, au w siècle , suivirent le parti de Sé-
vère d'Antioclie et des acéphali's. Ils reje-
taient le concile de Chalcéiioine , et soute-
naient, comme Eutycliès, qu'il n'y a qu'une
seule nature en .lesus-Chrisi. Le nom de cau-
cauljardites leur fut donné d'un lieu dans le-
quel ils tinrent leurs premières a-semblées
{iMct'plioie , I. xviii , c. 49 ; Bironiu.i , aiin.
333). (Juelques-uns les ont nommes conlo-
baOdiies. Yoy. Eutychiens.
CAUSE. Les théologiens , aussi bien que
les philosophes , sont forcés de distinguer
plusieurs esp.ces do causes. Non-seulement
nous coiinaisson-. une cause première, qui
est Dieu , mais des causes secondrs, qui sont
les créalure.<,. l'armi celles-ci une cause peut
être matcrie le ou formelle , el'licieiiie ou
occasionnelle, finale ou Inslrumenlale, phy-
sique ou morale, totale ou partielle, pro-
chaine ou éloignée, etc. Le détail de toutes
ces notions app.irtieiit à la métaphysique,
cl il peut fournir la matière à un traité fort
élciidu.
Les athées nous disent gravement qu'il
n'est pas nécessaire que l'univers ait une
cause première , qu'il est ù lui-même sa
(I) L'iniiniilabilité de l.i croyance rhrclienno a
clé |iiiiir les iiieiédiiles une source il':illaipics toiuro
lu ealliiilicisiiie : il l'onl ri'g.adée cuiiiine él.nit l'cn-
iieinic du progrès. Nous croyons ce puinl de coiitro-
ver cassez iiiipnrliiiil pour consaerei un article spé-
cial sous le litre Ciiuva>ce>-c*tiioi.iques ( l'roijrèt
des).
r^) Cet arliclo est reproduit d'après i'édiliou d<
Lioge,
m
CAU
caHSp,(\u il a toujonr? oxisté etscra toujours,
que (oui ce qui arrive est un <'ffet nécessaire
(les roinbiii.-iisoiis et du inouvemeiil de la
nitliorc. — Selon celle sublime philosophie,
loul esl néfessaire dans l'univers et tout
change, loul s'y fait de loule éieruilé el tout
se succède ; les coiiibinaisous de la malière
siMil nécessaires eu général, el aucune n'est
néci'ssaiie en particulier, puisqu'il dépend
souvent de nous de les changer à noire gré.
Quand nous n'aurions pas pour nous le sen-
liinenl intérieur et invincible de celte vé-
rité, l'absurdité et les contradictions du lan-
gage des alliées suffiraient pour nous con-
vaincre de la nécessité el de l'existence d'une
cause /jrcmji'rc , intelligente cl libre, qui a
fuit le monde tel qu'il est, et <iui aurait pu le
faire a ulremeiil-i elle l'avait voulu, loi/. Dieu.
Ce même senlimenl intérieur, qui esl le
souverain degré de l'évidence, nous convainc
que nous sommes véritablement actifs et non
purement passifs coinoïc la iiiaiièie, que
nous sommes par consé()uent Va cause ef fi-
cicntcel prop emenl dite de nus actions. Mais
comme la foi nous enseigne (|ue nous ne
pouvons faire aucune action méraoïre pour
le salut, sans le >ecours de la grâce, c'est une
grande question de savoir si la grâce divine
est la cau^e physique de nos actions méri-
toires, ou si elle en esl seulement la cause
mii'ale, dans le mêuie sens que les motifs
qui nous déterminent sont censés cire cause
de nos actions ordinaires.
Nous appelons cause physique un èlre quel-
conque à la présence duquel arrive toujours
tel événement qui n'arrive jamais dans son
absence; ainsi le feu esl censé être cause
physique de la lumière, de la chaleur, de la
brûlure, parce que ces elTeis se Ibnl toujours
sentir plus ou moins, lorsque le feu esl pré-
sent, et non lorsqu'il est absent; la coexis-
tence constante de ces phénomènes nous fait
conclure que l'un est la cause de l'autre,
qu'il y a une connexion nécessaire entre
l'un el l'autre ; nous n'avons poinl rl'autre
signe pour en juger; nous ignorons la rai-
son n priori pour laquelle le feu produit la
lumière, la ch ileur et la brûlure. Mais celle
causal lé physique n'a lieu qu'entre un corps
cl un autre corps, elle ne peut nous donner
aiicuni' idée de la manière dont la grâce agit
sur nous.
Une cfiHse moraie se connaît par le signe
contraire; elle ne produit pas toujours le
même elTel, el souvent un même effet est
pioiluii jiar (les causes di/férenies. Ainsi un
même molif peut nous A. ire faire plusieurs
actions qui ne se ressemblent poinl, et une
même action peut être faite par plusieurs
motif- divers; ceux-ci ne peuvent donc être
qi.e cause morale de nos actions ; il n'y a en-
tre celle Cduse el ses elTels qu'une connexion
coulingenle. Cependant un homme qui sug-
gère des motifs à un autre, qui commande,
qui conseille, qui excite à faire une action,
est aussi censé en être la cause morale ; elle
lui esl iùipulée aussi bien qu'à celui qui l'a
faite. — En est-il de même de la grâce ?
A proprement parler, un molif qui nous do-
DlCT. DE ThiÎOL. l)0G)1.4TigLE. I.
CAU 7ii
termine à agir ne nous donne point de force
nouvelle; la force esl censée êlr<' en non»
indépendamment du molif. Or, la grâce nous
donne une force que nous n'avons p s nalii-
rellomcnl. 11 n'y a donc pas non plus une
ressemb'ance exacte eulre In causnlité mo-
rale et celle de la grâce. Faut-il s'elonner si
la manière dont la grâce agit sur nous est un
niystèie,ilont nous ne pouvons avoir auriina
idée par ce ijui se passe d'ailleurs en nous,
et si les disputes louchant l'efficacité de la
grâce sont interminables? Voy. CiHace, § IV.
11 y a plus: souvent l'Ecriiure sai le sem-
ble nous donner pour cause d'un événement
ce iieiaul, si c en esl un, est commun à t..u
les peuples et à toutes les langues, il est Irès-
fréquenl dans la nôire. — Nous disons: Cet
homme me donne de l'humeur, il est cause
de ma damnaliou; il n'eu a peol-êire aucune
envie, sa conduite est seulement l'oi-casion
el nu la cau^e dis pa-sions i;ui nous ilomi-
nenl. On dit à un jeune homioe (|ue les at-
traits d'une femme le rendent fou, à un bien-
failec- - '" '■ '• ' • • -
par
iiteur qu'il fait des ingrats, à un pire (|u«
ar sa tendresse il gale el perd ses enfants,
_ un maître qu'il r< nd son val t insolent,
etc. Est-ce leur inlenlioo ? Non, sans doute,
personne ne s'y trompe: on conçoit que
dans toutes ces façons de parler l'occasioa
esl prise pour la cause , el il ne s'ensuit rien.
Pourquoi serions- nous scandalisés de trou-
ver le même style dans l'Eiriture sainte? —
Nous (leioandons à un homme ingral et bru-
tal : « Faut-il me maltrailer/joîtr avoir voulu
vous rendre service? » Nous disons d'un éco-
lier qui a mal profi é des leçons qu'on lui a
données : " 11 est bien mal instruit, iwur avoir
éludié sous d'aussi habiles maîtres. » Dans
ces façons de parler, pour n'exprime certai-
nement pas la cause, mais l'événement.
Jésus-Christ du dans l'Evangile: Je ne suis
pas venu apparier lu paix, mais le glaive
[Mutlh. X, 3i). Son intention n'était pas de
diviser les hommes, puisiiu'il leur a constam-
ment prêché la douceur el la paix ; mais il
prévoyait que, par la malice el l'incrédulité
de plusieurs, sa doctrine serait parmi eux
une cause accidentelle, ou plulôl une occa-
sion ou un sujet de division ; il avertissait ses
apôtres des obstacles qu'ils .auraient à vain-
cre (jour l'ét iblir. Dans le même sens, il est
dit de lui qu'il a été établi pour la ruine et la
résurrection de plusieurs dans Israël [Luc.
II, 3i); que l'Evangile el ses ministres sont
pour les uns une odeur mortelle qui les tue,
et pour les autres une odeur de vie qui les
ranime {I Cor. ii, C). Ce ne sont pas là des
hcbra'ismes, comme plusieurs l'ont prétendu,
mais des gallicismes purs. Encore une fois.
Ces façons de parhr vonl communes à loules
les langues. — Conséquemment, l.i conjonc-
lioii ut de la version latine ne doit pas tou-
jours se rendre en français par afin que,
comme si elle exprimait l'iolention de celui
([ui ngil, mais pas demanière lyue, expression
23
Hô
CAD
ca(j
7«6
tlUi désigne seulemenl ce qui s'est ensuivi,
même conlrc le gré de relui qui ;!y;issail.
Dans ['Exode, chap. xi, v.9, Dieu semble dire
à Moïse: Pharaon Uf vous écoutera pas, afin
qu'il se fasse des prodiges en Egypte. Etait-ce
l'inlcnlion de Pharaon? 11 faut nécessairc-
inenl traduire de manière qu'il se fera, ou je
fiTai des prodiges, etc. Jésus-Clirist dit aux
Juifs : Vous atleslerez vous-mêmes que vous
éles les enfants de ceux qui ont mis à mort les
prophètes [Mattli. xxiii, 31). Les Juifs n'a-
v.iient aucune envie de l'aitester; lîiais c'est
une conséquence (]ui s'ensuivait do leur con-
duite. Les apôtres leur disent: Puisque vous
rejetez la parole de Dieu, et que vous vous
.luGEZ INDIGNES de la vie éternelle, nous nous
tournerons du côté des païens [Acl. xin, 46).
Les Juifs n'en jugeaient p;is ainsi; mais leur
indignité était une conséiiuencc de leur in-
crédulité. Jésus-Christ avait ajouté : t'ows
poursuivrez et mettrez à mort mes disciples,
AFIN DE faire tomber sur vous tout le sang des
justes, etc. [Matth. xxiii, 34 et 35); afin ne
désigne point ici l'inlenlion, mais l'événe-
ment. — Nous faisons encore la même équi-
voque en français, lorsque nous disons à un
liornme avec humeur: (hélait bien la peine
d'aller là po\ir faire une pareille sottise, ou,
ce n'était pas la peine de tant travailler pour
réussir aussi mal. Nous ne prétendons pas lui
reprocher qu'il avait cette intention. Ainsi,
lorsque saint Paul dit : La loi est survenue
POUR augmenter le péché {Rom. v, 20), nous
ne sommes pas leniés de conclure que c'était
là l'intention de Dieu ; nous pensons qu'il
faut traduire: La loi est survenue de manière
que le péché s'est augntenlé, et c'est la re-
marque de suini Jean Chry^ostome. A la vé-
rité, saint Augustin a donné à ce passage un
sens plus rigoureux; il [irétend ((ue Dieu a
donné exprès la loi aux Juifs pour augmen-
ter le péché ; afin qHe, con\aincus de la né-
cessité de la grâce par la multitude de leurs
transgressions, ils implorassent le secours
de Dieu (L. m contra dutis epist. Pelag.,c,. 4,
n. 7, elr.). Mais cette explication ne parait
pas assez conforme au principe posé par
saint Paul, qu'il ne faut pas faire le mal afin
qu'il en arrive du bien (Rom. m, 8): et à ce
que dit l'Ecclésiastique, xy, 21, que Dieu n'a
donné lieu à personne de pécher. Le saint
docteur a entendu, comme saint Jean t'hry-
.sostome, le passage de saint Paul, tourhaut
la loi ancienne (L. i ad Simplic, q. 2, n. 17,
et I. Il centra Adiers. legis et prophel., c. il,
II. .'Jti). L'autre explication n'est donc pas in-
contestable. — De même lorsque l'Eorilure
scuildc attribuer à Die;i l'aveuglement, les
erreurs, l'iucrédulilé, l'endurcissement des
|ié( heurs, nous ne (oncluroiis pas, comme
CaUin, comme les manichéens, comme les
incrédules, que Dieu a donc mis lui-même
ces mauvaises dispositions dans leur cœur,
mais que sa fialiencc, ses bienfaits, ses me-
naces ou ses chàliiiienls n'ont abouti (|u'à ce
Cuncste effet; qu'il l'a p<.roii$, (|ii'il n'a point
fait usage «le sa toute-puiss.inee pour l'empê-
cher. Dans ce seos il est écrli ()ue Dieu sus-
t.ila un ennemi à Salouion (/V/ Reg. xi, 23) •
que Dieu avait commandé à Séméi de mau-
dire David (// Reg. xvi, 10) ; qu'il u envoyé
un esprit de mensonge dans la bouche des
faux prophètes (/// Reg. xxii, 22} ; qu'il leur
a donné un esprit de vertige (Isui. xix ,
14) ; qu'il les a séduits [Ibid. lxui, 17; Jcrem,
XX, 7); qu'il les a trompés [Esech. xiv, 9);
qu'il a livré les philosophes à un sens ré-
prouvé (Rom. I, 28) ; qu'il a envoyé un esprit
d'obstination {'Ihid., 8); qu'il a tendu un
piège d'erreur [IThess. u, 11); qu'il aveugle
les pécheurs, les endurcit, les rend sourds
aux remontrances (Exod. \\, 21 ; Rom. ix,
17, 18, etc.). — Sans cesse l'Ecriture répèle
que Dieu est saint, ennemi du crime; qu'il ne
le commande point, mais qu'il le défend et le
punit; qu'il déleste l'impiété; qu'il ne trompe,
ne séduit, ne tente personne : elle dit que les
pécheurs s'aveuglent et s'endurcissent eux-
mêmes : Dieu n'y a point de part. Nous ne ci»
leroiis à ce propos qu'un seul passage. N»
dites pas : Dieu me manque ; ne faites point
ce qu'il défend. N'ajoutes /las: C'est lui qui
m'a égarf. ; car il n'a pas besoin des impies...
Le Seigneur n'a commandé à personne de mal
faire; il ne donne lieu de pécher à aucun
homme ; il ne veut point augmenter le nombre
de ses en fanls in fidèles et pervers { Eccli. xi , 11).
Cent expressions équivoques ne peuvent
obscurcir une vérité aussi claire; celles que
nous avons cilées ne pouvaient pas plus
tromper les Juifs que nos discours onlinaires
ne trompent nos concitoyens. Si les incré-
dules y trouvent un piège d'erreur et un mo-
tif d'o| iniàtreté, c'est qu'ils le veulent ; Dieu
n'est pas plus l'auteur de leur enlèlement
que de l'endurcissement de tous les pécheurs.
— Dans Isaïe (xliii, 24), Dieu dit aux Juifs :
Vous m'avez fait servir à vos péchés. Les
Juifs avaient-ils donc le pouvoir de faire con-
tribuer Dieu à leurs péchés ?Non, sans doute;
mais par leur obstination , les bienfaits de
Dieu ne servaient qu'à les rendre plus mé-
chants et plus ingrats. — Au contraire, ce
qui est la vraie cause d'un événement est
quelquefois exprimé dans l'Ecriture sainte,
comme s'il n'y avait pus contribué. Dans 7^-
rémie (Thren. v, IG), les Juifs disent : Mal-
heur à nous, et nous avons péché, c'est-à-dire,
car ou parce que nous avons péché : la con-
jouclioii hébraïque n'indique pas seulement
la suite accidentelle, mais l'elTel du péché.
Saint Augustin, dira-t-on, s'est servi de
tous les passages objectés parles incrédule»,
pour prouver que Dieu est véritablement la
cause de la malice et de l'endurcissement des
pécheurs. Lorsque Julien lui répond que les
pécheurs ont été abandonnés à eux-mêmes
par la patience divine, saint Augustin sou-
tient que, selon saint Paul, il y a eu un acte
de patience et un acte de puissance; et il le
piou\e par ces mêmes passages (Con<raJu/.,
1. v, c. 3, ir 13 ; c. 4, n 15, etc.). — Il n'est
pas vrai que saint Augustin ail soutenu cette
doctrine ; il s'est servi lui-même du passage
de l'Ecclésiastique que nous venons de citer,
pour réfuter ceux qui rejetaient sur Dieu la
cause de leurs péchés (L. de Oral, et lih. arb.,
'-'• - '■■ Z]- 11 ^^ yut- O'cu cudtircil, non ea
717
CAl
«AU
713
donoant de la malice au pécheor, mais en ne
lai faisant pas niiséiicord» {Epist. 19Jp ad
Sixtum, c. 3, n. 14). Que s'il endurcit en ne
faisant pas miséricorde, ce n'est pas qu'il
donne à l'homme ce qui le rend plus mé-
chant, mais c'est qu'il ne lui donne pas ce
qui le rendrait meilleur [Ad Simplic., I. i,
(I. 2, n" 15i, c'çst-à-dirf, une grâce aussi
foric qtj'il la faudrait pi)ur vaincre son obs-
tination {Tract. 53 in Joui., iv 0 et sui?.).
En cela même consiste l'ocre de puissance que
Dieu exerce pour lors: celte puissanie ne
brille nulle part avec plus d'éclat que dans la
di"stribulion qu'elle fait des grâces comme il
lui plaît ; mais les pélagicns ne voulaient pas
que le pécheur eût besoin de grâce. — Le
saint docteur dit que Pharaon endurcit lui-
même son propre cœur, el que la patience
de Dieu en fut {'occasion (L. de Grat. et lib.
nrb., n°45 ; Serin. 57, n''8;irt ps. cxl, n" 17)
Il soutient que Dieu ne nous aide jamais à
ptelier {De pecc. meriC. el remiss., 1. ii, n" 5) ;
que quand nous disons à Dieu de ne pas nous
induire en tentation, nous demandons de ne
pas nous y laisser tomber en nous abandon-
nant (lipisl. 157, i\° 16; de Dono persev.,
u" 'J el 12, Ole). — Origène, saint Basile,
saint Grégoire de Nazianze, saint Jean Chrj-
soslome, saint Jérônu-, ont expliqué demêmc
les passages de l'EL-riluro qui regardent l'en-
durcissement, el qui sentblenl altribuer à
Dieu la cnuse du péché. C'esl donc Irès-mal
à propos que Calvin, Jansénius el tant d'ati-
tres onl prétendu avoir pui.sé dans saint Au'
t(!uslin les impiétés i]ii'ils onl sculenues ; et
c'esl une injustice, de la pari des incrédules,
d'afGrmer que saint Augustin a été dans les
mêmes opinions que Jansénius et Calvin,
loi/. Grâce, § 111.
Causes finales. La question des causes fi-
nales semble regarder de plus près les plula-
sophes que les théologiens; mais l'Ecrilurc
sainte, dans l'histoire de la création, attribue
à l'auteur do la nature un but, un dessein,
dans la production des dilTérenls êtres; elle
nous enseigne que Dieu a fait l'un pour ser-
vir l'aulre; qu'après avoir aclievc son ou-
vrage, il vil que tout éUtil bien. Elle suppose
donc qu'il y a des causes finales; il s'agit de
savoir si les raisonnements el les hypothèses
des matérialistes peuvent renverser celle
doctrine.
Ou le monJe, Ici qu'il est, vient du hasard
el d'une nécessité aveugle, ou c'esl l'ouvrage
d'une cause intelligente : il n'y a pas de mi-
lieu.Tout pourrait être autrement qu'il n'est,
Sans qu'il en réswllâl aucune conlraJiclion ;
il n'ya djnc point là de nécessité. Or, certains
êtres dcpendenl des autres el ne peuvent sub-
sister sans eux : celle relation de dépendance
esl constante cl invariable; elle ne vient donc
pas du hasard, c'a été le dessein d'une cause
inlelligenle el libre. — Lorsqu'une inlelli-
g.!nce agit, elle sait ce qu'elle fait; elle
cunnaîl son action , cl veut l'eiTct qui doit
s'ensuivre; quand elle produit une raitse
physique, elle prcvoit el veut l'elTel qui en
résultera: autrenienl elle agirai tout à la
(jis eu cuuse inlelligenle cl en cnusf aveugle;
ce qui esl absurde. L'effet est donc le but
immédiat ou la fin prochaine qu'un être
inlelligont se propose en produisant uno
couse physique, et celte cause est le moyen.
Ainsi, la recherche des causes finales n'est
autre chose que la recherche des effets pro-
duits par les causes physiques. — Puisque
certains êtres conlrihuent comme causes pliy -
siques à la conservation et au bien-être des
autres, c'est l'inlelligence du Créateur (jui a
établi celte relation; elle n'est ni fortuite, ni
imprévue, ni nécessaire à son égard ; il au-
rait pu faire autrement, et il a voulu faire
ce qui est : donc les élres qui servent à l'uli-
lilé et au besoin des autres sont destinés par
le Créateur à cet usage ou à celle fin : donc
les derniers sont la cause finale des pre-
miers. Nous ne voyons pas en quoi pèche
cette démonstration. — Or, entre les cires
vivants, celui auquel Dieu a donné plus de
facultés et plus de talent pour faire servir à
son bien-êlre les autres créatures, esl évi-
demment l'homme; donc Dieu a formé ces
créatures pour l'avantage el le bien-être de
l'homme, malgré l'abus que celui-ci peut eu
faire contre l'intention du Créateur. Celle
doctrine de l'Ecriture sainte tend à rendre
l'homme altenlif, reconnaissant, religieux;
les sophisnies par lesquels ou l'attaque ne
peuvent aboutir qu'à nous rendre slupides et
abrutis.
On dilqa'cnattribuanl àDieu des desseinsët
un but, nous le faisons agir à la manière do
l'homme; celui-ci se propose uuc fin, parce
([u'il en a besoin, Dieu n'a besoin ni de lins, ni
de moyens. —En nous accusaul d'un sophisme
el d'une comparaison fausse, ne sonl-ce pas
nos adversaires qui font l'un et l'autre?
Voici leur raisonnement : lorsque l'homme
se propose oiic fin et prend des moyens,
c'esl (ju'il en a besom; donc si Dieu fait de
même, c'esl aussi par le besoin. Nous reje-
tons celle conséquence Dieu n'avait pas be-
soin de créer le monde, cepenilanl il l'a fait ;
il n'avait pas besoin d'e produire tel elTel
physique par le moyen de telle cause, mais
il a voulu que cela fiil ainsi; il n'avait pas
besoin d'aliments pour conserver les élres
vivants, ceux-ci néanmoins ne peuvent sis
conserver autrement. Agir pour une fin n'est
donc pas pour lui un besoin, mais une per-
fection; il agit ainsi, non parce qu'il est in-
digent, mais paixe qu'il est intelligent, sago
et bon. Nous demandons si agir à t'aveugle,
sans savoir ce qu'on fait et sans le vouloir,
esluneplus grande perfeclion que d'agir pour
une fin. — A la vérité, il y a encore plusieurs
êtres dont nous ne voyons pas l'ulilité ou la
cause finale, de même qu'il y a des phénomè-
nes dont nous ignorons la cause physique ;
mais de ce que nots ne connaissons pas tou-
tes les causes, il ne s'ensuit point que nous
n'en connaissions aucune. Une élude assidue
de lanalurenous faildôcouvrir tous les jours
de nouveaux phénomènes el de nouvelles
causes [ihysiques; donc elle peut nous mon-
trer aussi des cau»c3 finales qui nous étaient
inconnues.
On répIi lue : Si Diou a destine à notre
713
CAU
CEL
7iô
e •isprvalioa el à notre bion-èlrc ce qui y
ooniribue en effet, il a donc- aussi (le>liné à
notre malheur et à nulro deslrucli jn ce qui
nous lilesse el nous lue; où est le motif de
bénir la bonté el la s.igesse du Créalour? —
S'il avait été de celle honléot de celle sa-
gesse inOnie de nous accorder sur la terre
un l)onlirur cotiiplel et constant , une vie
exempte de-l(uit iiinl physiiiue, Dieu l'aurait
fait, sans doute ; il aurait disposé les êtres de
manière qu'aucun ne pût nous nuire ; mais
cela devait-il être ainsi? Depuis que l'on ar-
fçumente sur l'origine du mal, el que l'on
eu fait la liasi' de mille objections , esl-on
parvenu à démontrer que le bien-être ac-
cordé aux créatures vivantes par une lionté
infiniene doit être mélangé d'aucun degré
de mal, que le bien est un mal, à moins qu'il
ne soit absolu et augmenté à l'infini? On ne
le prouvera jamais, puisque c'est une absur-
«lilé. Conséquemuient , sans déroger à la
bonté divine, nous croyons , conformément
à l'Ecriture sainte el à la droite raison, que
Dieu seul, principe du bien, est aussi l'au-
leurdes maux (Isai, xlv,7; Amos, m, 6, etc.),
el qu'il ne s'ensuit rien contre les caitses fi-
nales. Voy. Mal.
Les philosophes modernes qui se sont éle-
^és avec chaleur contre les causes finales ne
nous semblent pas avoir saisi le vrai point de
la question ; elle .se réduit à savoir si l'u-
nivers est le résultai d'une néi essité aveu-
gle, que nous nomn-.ons \e hasard, ou si c'est
l'ouvrage d'un être inlclligent et libre qui
o|)ère avec connaissance el avec choix. Di-
ront-ils que la constitution de l'univers ne
dénote pas certaincmont l'opération d'une
cause intrlligenle ? Dans ce cas, nous leur
demanderons (]ucl est le signe par lequel
nous pouvons distinguer le procédé d'une
cause intelligente, d'avec celui d'une cause
aveu^^le; mais nous attendrons longtemps la
réponse. — Dès que l'on perd de vue les cau-
ses finales, et (|ue l'on méconnaît dans la
marche de l'univers l»main d'un Di;!u bon,
sage el puissant, l'élude de la nature devient
sèche , insipide, morte, sans fruit cl sans at-
traits ; la physique , l'histoire nalurclle, la
tosnii gonie, la botanique, eic., se réduisent
presque à une simple nuuienclalure et à un
mécanisme aveugle dont on ne voil ni le
principe ni l'utilité. Si au contraire l'on rap-
porte t"ul à une providence attentive et
bienfa saute , le cœur est louché el l'espril
sali.sfa l ; l'homme seul .':lors (|u'il lient un
rang dans l'univers, il béuii l'auteur de son
être, et en devient meilleur. — Agir poiir une
cause finale à dessein el avec une intention ,
csl le caractère des êires intelligents et li-
bres, el les aciions ainsi faites sont les seu-
les capables de muralitc, les seules qui nous
soient imputables. Mais nous avons déjà
remarqué dans 1 article précédent (lue sou-
vent I licriture sainic semble altrihurr a une
intention, à un dessein lormé , à uni- cause
jinale, ce qui arrive contre riulention ou sans
l'inlenliou de celui qui agit ; elle s'exprime
ainsi, soit à l'égard dé -Dieu , soi! à l'égard
dos liouiiiies. Sainl .Mailliieu, par cxiinple,
fail aux circonstances de la vie du Sauveur
l'application de plusieurs prophéties qni ,
selon le sens d'un prophète, paraissent avoir
en un autre objet ; il dit, c. ii, v. 15, que Jé-
sus enfant demeura en hgyple jusqu'à la
mort d'Hérod;', pour accomplir, ou afin d'ac-
complir ce qui avait été dit par un prophète :
J'ai appelé mon fils de l'E<j>ip!e; c'est en par-
lant des I>raéliles qu'Osée avait dil ces pa-
roles, 0. II, V. 1, et probablement les parents
de Jésus n'avaient aucun de-sein il'accomplir
celte prédiction. Il dil, v. 23, que Jésus de-
meura à Nazareth pour accomplir ce qui
avait été dil par les prophètes : // sera nommé
Nazaréen; il est vraisemblable que les pro-
phètes ne faisaient, par ces paroles, aucune
allu ion à la ville de Nazareth. L'évangéliste
entend donc seulemenl q'c ces paroles et
les piécédentes se trouvèrent accomplies
une seconde fois et dans un sens différent de
celui qui peut-être avait été le seul qu'eiit
le prophète en écrivant.
Saint Paul [Galat. ti, ih] dit à saint Pierre :
Vous forcez les gentils à judaïser. Ce n'était
pas le dessein de saint Pierre ; mais sa con-
duite pouvait donner lieu aux gentils de con-
clure qu'ils étaient obligés de juda'ïser, ou
d'observer les cérémonies de la loi de Moïse.
Tous les jours nous disons de même dans les
discours familiers : \'ous m'avez forcé de
faire telle chose ; c'est-à-dire, votre condui-
te a été Dour moi un molifde faire ce que j'ai
fait.
On ne peut pas trop répéter ces réflexions,
parce que les incrédules et même quelques «
théologiens ont fait un abus énorme des
équivoques semblables qu'ils ont trouvées ,
soit dans l'Ecriture sainte, soit dans les Pè-
res de l'Eglise. Ils veulent nous persuader
que l'hébreu est une langue extraordinaire,
inintelligible, qui ne ressemble à aucune au-
tre, qui signifie tout ce (iiie l'on veut, parce
qu'ils n'ont pas pris la peine de la comparer
à aucune autre, pas même avec leur langue
maternelle, dans 1 iquelle ils auraient trou-
vé les mêmes prétendus contre-sens et les
mêmes inconvènicnls. Voy. Hébiuisme.
* Cacies MAjEuiiES. On donne ce nom à loiiies les
causes religieusis iiiiporlantes cuncernanl les grands
persoiniages, les rois, les évèipies, etc.
On demande si le p.ipe peut év()f)uer à son tribu-
nal les causes majeures. — Ci; droit est une coiisé-
fpience évidente du principe de la juriiliciion du pa-
pe : car si le (lape possède une juridiction iinmc-
diaicsur louii' rKgli-e, il peuiévoi|uer à son triliunul
non seuliMiieiit li^s call^es majeures, mais niêiiie
loiiie ospèc'e de cau>es. — Mais doit-on rapporter
au triliiinal du souverain pontife les causes majeures?
Les thé ilogieiis (lisent qu'il y a oliligaiiun de lefairc,
parce ((ue le tnliuiial d'un évèiph; snumis à l'autori-
té lempiirelle d'un prince liiui-|iuissaiit pourrait ne
pas avoir assez d'indèpcnilaiire pour les décidcT coii-
forriidiiient aux règl 's de la justice. l.'aiiCÉin deigé
de France, si ami de sesljbenés elde ses fiaiicliiscs,
reco Il la néeessiié de les porter à nu tiiliunal
supérieur, tlnatre-viuj^ls évêipies demandèienl, en
l(>>l,ipie, suivaiil la couinuie solennelle et perpé-
tuelle, les causes majeures fusseui réréré..'S au saint-
siège.
CfiLÉURANT. L'on appelle ainsi dans l'E-
glise toinaiuc l'évéïiue on !• prêtre qui oITro
■m
CF.L
le sainl sarriflc.e de la messo, pour le dis-
tinguer du diacre, du sous-diacre et des au-
tres minislies qui assislent à l'aulel.
L'abbé Reiiaudot, dans sa CoUfvtion des
lilaniies orientales , le P. Lebrun, dans son
Explication des cérémonies de In messe, l. 1 ,
e(c., ont f.iil voir que dans toutes le-, com-
munions chrétiennes il est d*usaji;e que le cé-
lébrant se prépare à offrir le saint sacrifice
par la confession de ses péchés, s'il en a be-
soin, par la retraite, par des veilles, par des
prières, par la plus grande pureté intérieure
et extérieure. L'oftice delà nuit et du malin
est une pariie de celte préparation ; mais il
y a encore d'autres prières qui doivent pré-
céder la célébration ; il en est que le prêtre
doit réciter en prenant les habits sacerdo-
taux, et tout ce qui précède le canon n'est
censé qu'une'préparalion à la consécration
de l'eucharisiic. L'on a toujours été persua-
d ■ (lue le célébrant doit apportera celte gran-
de action des dispositions plus saintes et
plus p.irfaites que le simple Cdèle n'est obli-
gé d'en avoir pour recevoir la communion.
De cette conduite de l'Eglise chrétienne, il
est aisé de conclure que dans tous les siècli's
elle a eu du sacrifice de la messe une idée
bien dilTérenle de celles que les secles hé-
térodoxes ont conçues de la cérémonie qu'el-
les nomment la cène. Le dogme de la pré-
sence réell.' qu'elle admet, a dû mettre entre
son culte et le leur la difi'éience énorme que
nous y voyons, et l'appareil de son culte est
aussi ancien qu'elle. Vot/. Lituugie.
Lorsqu'un prêtre se souvient que ce que
l'on nomme aujourd'hui messe solennrlle, est
la messe dis premiers siècles, c'en est assez
pour lui faire comprendre que l'habitude
d'offrir lous les jours ce sainl sacrifice ne le
dispense pas de la préparation.
Dans le voyage (]ue le souverain pontife
Pie VI a l'ail en Allemagne, en 178-2, les pio-
teslants, aussi bien (loe les calholiques, ont
été frappés de la majesté, du respei I, de la
p'iélé avec lesquels ils lui ont vu clébrer le
saint sacrifice de la me-se.
CÉLESTiNS (I ). religieux qui vivent selon
la règle du pape ('éleslin V. Geponlife, avant
d'èlre élevé sur la chaire de saint Pierre, et
ne portant encore que le nom de Pierre de
Moron, établit, en 12'i4, une congrégation
de religieux réformés de l'ordre de S;iiiit-
liernard. — Son premier élaldisscmeat se fit au
mont Majella en Italie; Urbain IV le confir-
ma en 126i,eldix ansapiès, Grégoire X,dans
le second concile général de Lyon, accorda
à cet ordre, par ses bulles, plusieurs privilè-
ges cl exemptions, et entre autres celles de
la juridiction des ordinaires et du payement
de la dime de ses fruits et de ses troupeaux.
— Gel ordre passa d'Italie en France vers
l'an 1300, sous le régne de Philippe le Bel,
qui leur donna deux monastères, l'un dans
la forêt d Orléans, au lieu appelé Ambert,
l'autre dans celle de Compiègne, au Mont-
de-Chartres. En i;{18, ils s'établirent à Paris
dans une niiiison que leur fonda Pierre .Mar-
tel, bourgeois de celle vi':e. — Celte m dsDu
(I) Cet article est reprodiiii d'.iprés l'éd. de Liéi;o.
CRf, 7-'.-}
était, en France, chef de l'ordre, qui consis-
tait en vingt-trois maisons, (lui toutes étaient
gouvernées par un provinci.il électif, tous
les trois .ans, par le chapitre particulier des
Céleslins du royaume. Ce provincial avait le
même pouvoir sur les monastères de Franco
que le général sur ceux de l'ordre. — La
maison de Paris jouissait, sur les émolu-
ments du sceau, d'une bourse semblable à
colle des secrétaires du roi, que Charles,
dauphin de France, leur avait donnée pen-
dant la détenti:in du roi Jean, son père, îu
Angleterre. En 1673, Louis XIV avait or-
donné qu'/iu lieu de cette bourse ils louche-
raient sur les émoluments du sceau 75 livres
par quartier.
Nous ne nous étendrons pas davantage sur
cet ordre, qui ne subsiste plus en France.
Louis XV, par un édit de 1768, avait ordonné
que la conventualité serait rétablie dans
toutes les maisons religieuses, et qu'en con-
séquence, chaque ordre établi dans le royau-
me s'assemblerait en chapiire général pour
lui proposer les moyens qu'il trouverait
convenables pour remplir ce but. — Les Ce-
/e.s/iHs s'assemblèrent an mois d'octobre 1770,
à Limay-lèsMantes ; effrayés de la proposi-
tion d'une réforme, ils demandèrent, d'une
voix unanime, d'être dispensés de l'exéculion
de ledit de 1768, et consentirent à l'enliève
destruction de leur ordre. — Le roi fil con-
naître leurs intcMlions au pape. Ijlément XIV
adressa un brel aux évêques de France, et
les chargea de visiter, chacun dans son
diocèse respectif, les maisons des Cclestins
qui y étaient situées. Lors()ue ce bref eut été
revêtu de lellres patentes dùme?U enregis-
trées, les évêques, comme commissaires et
délégués du siinl-siege, procédèrent à la
visite ordonnée. Leurs procès-verbaux ont
constaié l'iinpossibililé d'él.iblir la réforme,
et la persévérance des religieux à demander
leur sécularisalioii. D'après ces procès-ver-
baux, le pape a procédé à la suppression,
non de l'ordre entier, mais des maisons par-
ticulières. Celles des monastères de Metz,
Sens, des Termes, ambert, de Veihy, d'Rs-
climonl, de \ille-Ncuve, d'OITremont, de la
Châtre, de llouen, de Lim ly, d'Amiens et de
Lyon, ont déjà été supprimées par des brefs
particuliers de Pie VI, des 2i mai 1776, 8
janvier 1777 et 30 septembre 1778. Ces brefs
ont été revêtus de lettres patentes enregis-
trées au [larlemenl de Paris. — Par ces brefs,
les religieux Célestins ont été sécularisés.
Le pape et le roi ont néanmoins permis à
ceux d'entre eux qui désireraient coniinuer
de vivre eu forme de communaulé religieuse,
de se retirer dans la maison de Slarcoussy,
diocèse de Paris.
Le sort de l;i ra.iison de Paris n'est point
encore fixé. En vertu d'un arrêt du conseil
du 2 octobre 1778, les cominiisaires nom .es
par le roi ont procédé au réeolemeii' de
l'inventaire des biens meublis et immeuh es
en dépendants, fait précédemment en cxécu-
lioi) de deux autres ariêls des 2 octobre 1772
et -29 mirs 1776. Les religieux ont été obligés
de sortir de la maison aussitôt que ce réco-
725
CEL
CEL
784
lement a éîé fini : la régie ae lenrs biens n
été confiée an receveur généra! du clergé,
sons l'inspeclion et l'aulorilé dos commis-
saires du roi ; il rsl lenu de payer, de deux
niois^en deut mois et d'avance, les pensions
ordonnées p"ur la nourriture et l'cnlrelien
de chaque relip;ieux. (Eslrait du Diclionn. de
Jurif prudence.) \i]
CÉLinAT, CONTINENCE, état de ceux
qui ont renoncé au mariage par motif de
religi'.iii.
L'Iiisloire du c^/ifta?, considéré en Ini-
iiiéme, l'idée qu'en ont eue les peuples an-
I icn«, les lois qui ont été faites pour l'abolir,
les incon\énients qui peuvent en résulter
dans les circonstances où nous ne sommes
poin', sont l'es spéculations étrangères à
l'objet de la théologie. Nous devons nous
borner à examiner si l'Kglisc chrétienne a
l'U de bonnes raisons d'y assujettir ses mi-
nistres, et d'en autoriser le vœu dans l'état
monastique, si les prétendus avantages qui
résulteraient du mariage des prêtres (I des
religieux sont aussi certains et aussi solides
«ju'on a voulu le persuader de nos jours.
Déj'i les censeurs de cette diseipline de
l'Eglise conviennent que le célibat, considéré
on liii-niênje, n'est point illégitime, lorsqu'il
est ét'ilili p ir une autorité divine; que Dieu,
t^ati.s do'ile, peut témoigner que la [)ralique
de la coMiinenee lui est agréable : or, il l'a
témoigné (n elTel. Jésu>i-Christ, après avoir
à\l: Heureux les cœurs purs, parce qu'ils
rerront Dieu [Mallh. v, 8), ajoute ailleurs :
Jly n des eunuques qui ont renoncé un mariage
four le roijnumc des deux : que cehii qui peut
le runceioir ij fusse attention... Quiconque
aura quitté sa famille, son l'pon^e, ses enfanis,
.1rs p ssessions, à cause de nion nom, recevra
te centuplt et aur.i la vie éternelle (Matth.
xi\, 12, :-n). .Si celui qui vient à moi n'est pas
disposé à i,uittcr son père, sa mère, son épouse,
ses enfanta, ses fri'nes et srurs, sa propre vie,
il ne peut être mon disciple [Luc. xiv, 26),
Tel est, en effet, le sacrifice que les apôtres
ont été obligés de faire ; ou ils ont demeuré
dans le célibat, u\\ ils ont tout quitté pour se
livrer à la prédication de l'Kvangile et aux
«ravaux de raposlol.it. Cependant certains
criHijucs ont affirmé avec une entière cou-
fianee <(ue Jésus-Christ n'a imposé à per-
sonne l'oblig tion de la coniiiionce , pas
même au\ apôtres (Barheyrac, Traité de la
Morale des /'ères, chap. vm, §i et suiv.). —
Saint Paul ilit ans fidèles : Ce n'est point un
ordre que je vous donne, mais un conseil : je
voudrais que vous fussiez tous comme moi ;
mais chacun reçoit de IHeu le don qui lui
convient. Je dis donc A ceux qui sont dans le
CÉLIBAT ou dans le veuvage, qu'il leur est bon
d'y demeurer comme moi. S'ils uc peuvent
garder la co^tinenck, qu'ils se marieni ; cela
tout mieux que de brûler d'un feu impur (/
Cor. VII, 6). Il avait commencé par poser
pour maxime qu'il est bon à 1 homme de ne
pas toucher une femme [Ibid., v. 1). Pour
(\) Ot ordre, comme beiuiciinp d'antres, ;i dispii
u en France. •• • -
t. Hélyoi, èdi
lu en France. Voy. le Dic(. rfes Ordres reliejicux du
^ t. MIgne.
détourner le seils de ce passage, Darlieyrat
dit que saint Paul parlait ainsi, à cause des
persécutions, et non pour tous les temps ;
mais le texte même réfuie cette explication.
La raison que donne saint Paul est que celui
qui est marié est occupé des choses de ce
monde et du soin de plaire à son épouse ; au
lieu que celui qui vit dans le célibat n'a d'au-
tre soin que de servir Dieu et de lui plaire
[Ibid., V. 32). Cette raison est certainement
pour tous les temps, il exhorte Tiuiolhée à
se conserver chaste (/ Tim. v, 22). Entre les
qualités d'un éTêque, il demande qu'il n'ait
eu qu'une femme, et qu'il soit continent [Tit.
I, 8). Par continence, jamais saint Paul n'a
entendu l'usage modéré du mariage, mais
l'abstinence absolue; cela est clair par le
premier passage que nous venons de ciler.
Mosheim convient que, dès l'origine du
christianisme, les paroles de Jésus-Christ et
celles de saint Paul ont été prises à la lettre,
et que c'est ce qui a inspiré aux premiers
chrétiens tant d'estime pour le célibat; il le
prouve par des passages d'Athénagore <'t de
Tertullien {Hisl. christ., sec. 2, § 35, nnie 1).
^ Saint Jean représente devant le trôm- de
Dieu une foule de bienheureux plus élevés
en gloire (lue les autres. Voilà, dit-il, ceux
qui ne se sont point souillés avec les femmes;
ils sont vierges, ils suivent l'Agneitu partout
où il va; ce sont les prémices de ceux qu'il a
rachetés à Dieu parmi les hommes [Apoc. xiv,
4). El Ion ose encore décider que l'Ecriture
n'attache aucune idée de sainteté ou de per-
fection à la continence, liarbeyrac {[bid.).
Vainement (|uelques incrédules ont conclu
de là (jue le christianisme avilit le mariage
et en détourne les hommes; au contraire,
c'est Jésus-Christ qui lui a rendu sa sainteté
et sa dignité primitives; les apôtres ont con-
dainné les hérétiques qui le regardaient
ctimnie un étal impur; mais ils nous repré-
sentent la continente comme un état plus
parfait, par conséquent comme plus conve-
nable aux ministres du Seigneur. Un état
moins parfait qu'u;\ autre n'est pas pour
cela criminel ou impur.
Les mêmes critiques avouent, en second
lieu, (\uc tous les peuples anciens ont atta-
ché une idée de perfection à l'étal de conti-
nence, cl ont jugé que cet état convenait
surtout aux hoMiines consacrés au culte de
la divinité. Juifs, Egyptiens, Perses, Indiens,
Grecs, Thraces, Romains, Gaulois, Péru-
viens, philosophes, disciples de Pytliagore
cl de Plalon, Cicéron et Socrate, tous se sont
accordés sur ce point. On sait l'excès des
prérogatives ([uc les Romains avaient accdr-
dées aux vestales. Il n'est donc pas étonnant
que les fondateurs du christianisme aient
rectifié et consacré cette même idée. Malgré
la haute sagesse dont se Hattent nos politi-
ques modernes, nous présumons que l'opi-
nion des anciens pouvait être mieux fondée
que la leur.
lui troisième lieu, ils conviennent que
l'espril et le vœu de l'Eglise ont toujours été
que ses principaux ininislres vécussent dang
la continence, et qu'elle a toujours travaillé
a PII établir 1.1 loi. En effet, le concile .!e
Néoccsorée, tenu en 315, dix ans avnnt celui
de Nicée, ordonne de déposer un prêtre qui
se serait marié après son ordination. Celui
d'Ancyre, deux ans auparavant, n'avait per-
mis le mariage qu'aux diacres qui avaient
protesté contre l'obligation du céiihnt en re-
cevant l'ordination.
Lo 20' canon des apôtres ne ppnnelîait
qu'aux lecteurs et aux chantres de prendre
des épouses. Selon Socrale, liv. i, cbap. Il,
et Sozomèiie, liv. i, chap. 23, c'éliiil l'an-
cienne Irailiiion de l'Iiglise, à laquelle le
concile de Nicée trouva bon de se fixer, el
qui est encoie observée aujourd'hui dans les
différentes sectes orient.iles.
Nous convenons qui' ces conciles n'obli-
eèieiit point les évèques, les prêtres ni les
diacres, à quitter les épouses qu'ils a\ aient
prises avant d'ètie ordonnés; mais on ne
peut montrer par .lucnn exemple qu'il leur
Ûil jamais été permis de se marier après leur
ordination, ni de vivre conjugalement avec
les femmes (lu'ils avaient épousées aupara-
vant. Saint Jérôme, adv. Viijilnnl., p. 281,
el saint E])ipliane, hœr. 59, n. k, attestent
que les canons le détendaient. — Nos ;idver-
gaires sont-ils en étal c'e prouver que saint
Jérôme et saint Kpiphane en ont imposé ?
Dodwel , nissert. Cypriiin. 3, n. lo, cite
l'exemple de plusieurs ecclésiasli'jues qui
vivaient avec liurs épouses comme avec
leurs sœurs. Eusèbe, liv. i, Démonsl. évang.,
chap. 9, en donne pour raison (jne les prèircs
de la loi nouvelle sont enlièreincni occupés
du service de Dieu et du soin d'élever une
famille spirituelle.
En Occident, la loi du célibat est plus an-
cieîiiie; elle se trouve dans le 33' canon du
concile d'Elvire, que l'on croit avoir été tenu
l'an 300. l'Ile fui coniirmée par le pape Si-
ricc l'an 385, par Innocent I " en Wt, par le
concile de 'i'()li'>de l'an iOO, par ceux de Car-
tilage, d'Orange, d'Arles, de Tours, d'Agde,
d'Orléans, etc., et par les capitulains de nos
rois [Yotj. Sois-diacosat]. — Cette loi n'est
que de discipline: qu'importe? Elle est fon-
dée sur les maximi's de Jésus-Christ et des
apôtres, sur le vœu de l'Eglise primitive, sur
la sainteté des devoirs d'un ecclésiastique,
sur des raisons même d'une sage poliiiqui;;
nous le verrons dans un moment. Oue faut-il
de plus pour la rendre inviolable ?
Les devoirs d'un ecclésiastique , surtout
d'un pasteur, ne se bornent point à la prière
et an culte des autels : il doit administrer
les sacrements , surtout la pénitenci; , ins-
tiuire par ses discours et par ses exemples ,
assister les malades. Il est le père des pau-
vres, des veuves, des orphelins, des enfants
abandonnés ; son troupeau est sa famille ; il
est le distributeur des aumônes, l'adminis-
Iratcur des établissements de charité , la
ressource de tous les malheureux. Celte mul-
lilude de fonctions pénibles et difticiles est
incompatible avec les soins , les embarras ,
les eiiiiuis de l'étal du mariage. Un prêtre
'■jui y serait engagé ne pourrait plus se con-
cilier le degré de respect el de confiance né-
CEL
726
cessaire au succès de son ministère; nous
PU sommes convaincus par la conduite des
Grecs envers leurs papas maries, et des pro-
testants envers leurs ministres.
L'E!;lise ne force personne à entrer dans
les ordres sacrés, au contraire , elle exige
des épreuves , et prend toutes les précau-
tions possibles pour s'assurer de la vocation
el de la vertu de ceux qui y aspirent ; ceux
qui s'y engagent le font par choix et de leur
plein gré, à un âge auquel tout homine est
censé connaître ses forces el son tempéra-
ment, longtemps après l'époque «à laquelle il
est habile à contracter le niaiiagc. S'il y a
de fausses vocations , elles vienuenl de la
cupidité et de l'ambition des séculiers, el non
de la discipline ecclésiastique. — A qui la
continence esl-elle pénible? A ceux qui n'ont
pas toujours été chastes , à ceux qu'infecte
Il dépravation actuelle des mœurs publiques.
11 faut retrancher la cause, el la vertu ren-
trera ilans tous ses droits. Lorsqu'il arrive
des scandales , ils ne viennent point de la
part des ouvriers accablés du poids des fonc-
tions ecclésiasli(|ues , mais des intrus que
l'intérêt et l'ambition des familles tout entrer
dans l'Eglise malgré elle (1).
On nous oppose l'intéiêl politique de la
sociéié, Jes avantages qui résulteraient du
mariage des clercs , surtout l'accroissement
de la population. Cette discussion ne devrait
pas nous ri'garder,il faul cependant y sa-
lisfaire. — l'Il est faux, toutes choses égales
d'ailleurs, que la population soit plus nom-
hr''use dans les pays où le célibat est pros-
crit. 1/llalie, malgré le nombre des ecclé-
siastiques et des moines , est plus peuplée
qu'elle n'était sous le gouvernement des Ro-
mains : on peut le prouver, non seulement
par un passage de saint Ambroise , qui l'as-
surait déjà de son temps, mais par Pline lo
Naturaliste, qui avouait que sans les espèces
(1) On a examiné quelle peut être l'influence du
célitial sur la longévité des prélresel des religieuses.
Un médecin a fail le catcnl snivaiil : f Du 1" janvier
IS'iâan 51 décembre ISi'i, on a conslalé le décès
de 757 eiclési:isliques app.irienanl an diocèse do
l'aris, niiyrésiiliiil mnmenlanémunl, 7ot ecclésiasti-
qnes déeéilés pcmlani celle période de vingl aimées
duiil on a pu coniiailre l'âge, oui vécu ensemble
quaranle-sepl mille ciiiq cent quatre-viiKjl- seize aiis,
ce qui pni le la moyenne de lelir vie à soixante tioïs
ans |i;issés. Sur ces 751 individus, Vi6 ont vécli .m
delà de soixante ans ; 271 au delà de soixante-dix
iins ; 177 ont dépassé quaire-vingisans; enlin 17 oiii
vécu (lins de qn:ure-vingi-dix .lus ; daps cpiclie amiji
prolession iionveraii-on une pareille loiigéviié 1 —
Sur 3U"2 leligieuses Carinéliles inorles à |'arls, rni!
d'iinler, en la maison-mère, dont je suis le méilecui,
09 ont vécu .ni delà de soWanle ans , 50 au delà di;
soixanic-dix ; 23 au delà de quaire-vingls. Ainsi,
malgré les austériié^ do cet ordre , la moyenne de la
vie en communauté de ces 502 religieuses a éié de
trente-deux ans linit mois, el celle de leur vie en-
tière de cinquanie-sepl ans quatre mois. — Les
'Irappisies el les Chartreux prolongent aussi tprt
loin leur carrière ; à l'abri des passions qui auraient
pu les agiter d.iiis le monde, la plupirl de ces reli-
gieux iiemeuienl pas, à proprement pirler, de mala-
die; ils s'éieigiieiil paisiblement : leur lin a pour eux
la doui-eiir du sommeil, i
127 CEL
de prisons qui renfermaient les esclaves,
une partie de l'Italie anrail été déserle. S'il
y a donc encore aujourd'hui des parties dé-
peuplées , elles le sont par la tyrannie, du
pouvernement féodal, et non par l'inlluence
du célibat relisicus. Lorsque la Suède était
catholique, elle était plus peuplée qu'elle
n'est depuis qu'elle est devenue prolestante.
Les cantons c.ilholiques de l'Allemagne ont
autant d'h;ibitants , à proportion , que les
pays prolestants. 11 en est de même des can-
tons de la Suisse, et de l'Irlande, en compa-
rais'in de l'Angleterre. On prétend que la
ï'ranre était plus peuplée il y a deux sièiles
qu'elle n'est aujourd'liui, nous n'en croyons
rien : cepemlaiit il y avait alors un plus
grand nnmbre d'ecclésiasiiques cl de reli-
f;ieu\ (ju'il n'y en a de nos jours. — 2° Il est
absurde d'aitiibner le tuai à une cause in-
nocente , lorsqu'il y en a d'autres qui sont
odieuses, et sur lesquelles il faudrait frap-
per. [),ins les grandes villes on compte plus
de célihniuires vo upiueux et libertins que de
prêtres et de tnoinrs, et le noiiibie des pros-
tiiuées excède de beaucoup celui des reli-
gieuses : fiÉui-il épargi er le vire pour ban-
nir la vertu? Dans les campagnes, le défaut
de snbsibtîince éloigne du mariage les deux
sexes ; ce n'est p;is au célibul des prêtres
que l'on doit s'en prerdre. — Le luxe qui
rend les mari ges ruineux, la corruption
ties mœurs qui y porte r.imertume et l'i--
gnoniiiiie. le fasie, 1 oisiveté, les prélenlions
des femmes, le préjuge de naissance qui fait
éviier les alliances inégales , la muliilude
des doinesiiques et des artisans dont la sub-
sistance es! incertaine, le liuertin.ige des en-
fanis , qni fail redouler la |i;iternité, l'irré-
ligion et l'égoï-me qu' ne veulent soutïrir
aucun joug, etc., voilà les desordres qui, de
t>>ut temps, onl dépeuplé l'uiiiveis, contre
lesqui Is il f.uil sévir avant de touclier à ce
que l.i religion a sagement établi. — 3* Les
politiques qui se soiii élevés contre le ma-
riage lies soldats onl dil que 1 Etal serait
suri har;;é des veuves et des enfants qu'ils
laisser. lient dans la misère : il le sérail
encore davaniage par les veuves et les
enfants des ecclésiastiques. La plupart des
paroisses de la campagne ont bien de la
peine à l'aire subsisier un curé seul , et on
veul les charger de la subsistance d'une fa-
mille entièri'. Les pères qui oui un nombre
d'enfants, convienneul qui!, sans la res-
source <le l'étal ecclési^islique et religieux ,
ils ne sauraient coitimeiil placer leurs eu-
fanis, et on veul la leur Aler.
Il y aurait bien d'aulres reflexions à faire
sur les disserl;ilions politiques des détrac-
teurs ilu cétibitl: mais nous y répondrons
ci aprè-. - Un théologien anglais, nnnimé
Wartltun, qui a Iraiié celle question, a vi.ulu
prouver, 1" que le crlibnt du cli'rgé n'a été
institué ni par Jésus-CJirist. ni par les apô-
tres ; '1° qu'il n'a rien trexeellcni eu soi , el
ne [iioeuie aucun avanlage à l'I'lglise ni à la
religion chrélienne; 3" qui- la loi qui l'im-
pose au clergé esl injuste et coiiiraire a la
loi de Dieu j h- qu'il n'a jamais été prescrit
CEL
728
ni pratiqué universellement dans l'ancienne
Eglise. Voilà de grandes prétentions : l'au-
teur les a-l-il bien établies ? — Sur le pre-
mier chef, nous avons cité les paroles de
Jésns-Chrisl et celles des apôtres, qui prou-
vent l'estime qu'ilsont faite de laconlinence,
la préférence qu'ils lui ont donnée sur l'état
du mariage, la disposition dans laquelle doit
être un ministre de l'Evangile, de renoncer
à lout pour se livrer entièrement à ses fonc-
tions. Ils n'ont pas prescrit le célibat par une
loi expresse cl formelle, parce qu'elle n'au-
rait pas été praticable pour lors. Pour les
fonctions apostoliques, il fallait des hommes
d'un âge mûr; il s'en trouvait très-peu qui
ne fussent mariés. Mais ils onl suffisamment
témoigné que, toutes choses égales d'ailleurs,
des célibataires seraient préférables, il est
plus aisé de renoncer au mariage que de quit-
ter une épouse el une famille, comme Jésus-
Christ l'exige. L'Eglise l'a compris et s'est
conformée a rinlenlion de son divin maî-
tre, dès qu'elle a pu le f.iire. — 'Warihon
dit que le célibat du clergé lire son origine
du zèle immodéré pour la virginité, qui ré-
gnait dans l'ancienne Eglise; que celle es-
time n'était ni raisonnable, ni universelle ,
ni juste, ni sensée. Cependanl elle était fon-
dée sur les leçons de Jésns-Chrisl et des apô-
tres ; c'i'st la prévention des protestants con-
tre la virginité el le cénbat, qui n'est ni rai-
sonnable, ni sensée :elle vient d'un fonds de
corruption el d'épicuiéisme qui esl l'opposé
du christianisme. — Il entreprend de prou-
ver , par saint Clément d'Alexandrie , que
plusieurs apôtres onl été mariés. Ce Père,
disputant contre les hérétiques qui condam-
naient le mariage, dit : « Condamneront-ils
les apôtres ? Pierre et Philippe ont eu des en-
fanls, et ce dernier a marie ses filles. Paul,
dans une de ses Epîtres, ne fuit point diffi-
culté de parler de son éfiouse ; il ne la menait
pas avec lui, parce ([u'il n'avaii pas liesoin
de beaucoup de services; il dit dans cette
lettre: N'avoris-nous pas le pouvoir de me-
ner avec ri'ius une femme notre sœur , comme
font les autres apôlies? Mais comme ils
donnaient toule leur attention à la prédica-
tion, ministère qui ne veul point de distrac-
tion, ils loenaiciit ces femmes , non conimt
leurs épouses, mais comme leurs sœurs, afin
qu'elles pussent entrer sans reproche cl
sans mauvais soupçons dans rapparlemenl
des fenuncs, cl y porter la doctrine du Sei-
gneur. « [Slruin. , 1. iii, c. 6, p. 535, cdit. de
Potier.) Warihon a supprime ces dernières
paroles el a tronqué la moitié du passage.
Nous avons prouvé par sainl Paul lui-
même qu'il n'éiail pas marié. Le Philippe
qui avail deux lille.s était l'un des sept dia-
cres, Ci non l'apôtre sainl Philippe. Ces lieux
méprises de saint Clément d'Alexandrie ont
été remarquées par les anciens el par les
modernes. Voy. les notes des critiques sur
cet endroit des Slroiiiatis , et sur l<.,usèbe ,
Jlisl. rcrlcs., Iiv. 111, c. 30 et 31. Il résulte
du |)assage même de saint Clémcnl d'Alexan-
drie, i|ue les apôtres ne vivaient point con-
jugalement avec ces prcleiidues épouses.
7-29
CiîL
Saint Pierre csl donc le seul dont le mm iago
soit inconloslable; mais il l'avait conlraolé
avant sa vocation à l'aposlol.il, et il dit liii-
mônie à Jésus-Chiisl : Nous avuns tout quitté
pour roiis sxiivre { Mattli. xw, -11). — Au
iir siècli', on était si persuadé (jue les apô-
tres n'avaient pas été mariés, que la secte
des apo>:toliq<ies renonçait au mariage afin
d'iiniler les apôlres.
Sur le second chef, ce n'est pas assez de
prouver, roinine l'ait Wartlion, que l'us.ige
chrétien dn mariage n'a rien en soi d'impur
ni d'indécent , c'est la doetrine formelle de
saint P.iui ; il faut eneore déuionlrer , con-
tre l'Kv.iiigile et (onire saint Paul lui-même,
que la coiitiuenoe n'est pas un élai pins par-
fait et plus agréable à Diru , lorsqu'on y
demeure afin de mieux servir Dieu. Elle
renferme eu soi le luérile de dompter une
pa-sion très-impérieuse ; et si le nom de
vertu, sNUonjme de celui de force, signifie
quelque chose , la coniiiicnee est certaine-
ment une vertu. — Le livre de VExode (six,
15), et saint Paul (/ Cor. vu, 5), attachent
une idée de sainteté et de mérite à la conli-
nenre passagère; comment celle qui dure
toujours peut-elle être moins louable? —
Le cc'libni des ecclesiasliciues procure à l'E-
glise cl à la religion chrétienne un avantage
Irès-réel , qui est d'avoir des minisires uni-
quement livrés aux lonclions saintes de leur
état et aux devoirs fie charité, des ministres
aussi libres que les apôtres, toujours |ir6ls
à porter comme eux la lumièie de l'Evan-
gile aux extrémités du monde. Les hom(nes
engagés dans l'elat du mariage ne se consa-
crent point à servir les malades, à secourir
les pauvres, à élever et à instruire les en-
fants, etc. Il en est de même des femmes ;
celte gloire est réservée aux célibataires de
l'Eglise catholique. Il n'est pas étonnant que
les protestanis , ajirés avoir reirauehé le
saint sacrifice, cinq des suicremeiits, l'oflice
divin de tous les jours, clc, aient trouvé bon
d'avoir des ministres maries ; on sait com-
ment ils ont réussi à en faire des mission-
naires et des saints.
Sur le troisième chef, Warthon n'a pas
prouvé , selon sa [iromesse , que la loi du
ci'Ulidl mipobée aux clercs est injuste et con-
traire à la loi de Dieu. Elle pourrait paraî-
tre injuste si l'Eglise forçait quelqu'un ,
comme elle l'a fait autrefois, à entrer dans le
clergé, et à se charger du saint ministère.
Lorsqu'un homme marié avait d'ailleurs tou-
tes les lumières, les talents cl les vertus né-
cessaires pour êlre un excellent pasteur,
l'Eglise, en lui faisant une espèce de violence
pour se l'attacher, ne croyait point devoir
pousser la rigueur jusqu'à le séparer Je son
épouse; cette femme aurait eu le droit d'al-
léguer la sentence de Jésus - Christ : que
l'homme ne sépare point ce que Dieu a uni
[Mallli. XIX, 6). — Pendant les persécutions
des trois premiers siècles, les prêtres élaienl
les prineii aux i hjels de la liaine des païens ;
ils étaient loiçés de preudredes précautions
pour ne pas êlre connus, et de vivre, à l'ex-
térieur , comme les laïques : il n'y aurait
CEL 7 0
donc pas eu de prudence à leur imposer
pour lors la loi du céiihal, ou à les obliger
d'abandonner leurs épouses. — Mais on ne
peut pas citer un seul exemple d'évêques ni
de prêtres qui, après leur ordination, aient
continué à vivre conjugalement avec leurs
épouses, et en aient eu des enfants. Les pro-
lestants ont vainement fouillé dans tous les
monuments de l'anliquilé pour en trouver ;
celui deSynésius, dont ils triomphent, prouve
contre eux. Ce saint personnage, pour éviter
l'épiscopat, prolestait qu'il ne voulait quit-
ter ni Son épouse, ni ses opinions philoso-
phiques ; on ne laissa pas de l'ordonner. —
« Je ne veux, disait-il, ni me séparer de mon
épouse, ni l'aller voir en secret, et déshono-
rer un amour légitime par des manières qui
ne conviennent qu'à des adultères. » Ce fait
même prouve que les évêques ne vivaient
plus conjugalement avec leurs épouses après
leur ordination (Evagre, lli t. ecrlcs., liv.i,
c. 13). Beausobre , qui a senti cette consé-
quence, dil que c'était une discipline parti-
culière au diocèse d'Alexandrie; mais où en
est la preuve?
Su rie quatrième chef allégué par Warthon,
il ne sert à rien de citer un grand nombre
d'évê(|ues mariés et (|ui avaient des enfants,
à moins (|ue l'on ne fasse voir qu'ils les
avaient eus depuis leur épiscopat, et non au-
paravant. Voilà ce dont les ennemis du ci'li-
6a< ecclésiastique ne fournissent encore au-
cune preuve. Ils citent l'exemple du père de
saint Grégoire de Nazianze; nous éclairci-
rons ce fait dans l'article de ce saint docteur.
— Socrate, liv. i, c. 11, et Sozomène, liv. i,
c. 2k, rapportent qu'au concile général de
Nicée les évêques étaient d'avis de défen-
dre, par une loi expresse, aux évêques, aux
prêtres et aux diacres qui s'étaient mariés
avant leur ordination , d'habiter conjugale-
ment avec leurs épouses; que l'évêque Pa-
phnuce , quolcjoe célibataire lui-même el
d'une chasteté reconnue , s'y opposa ; qu'il
insista sur la sainteté du mariage, sur la ri-
gueur de la loi proposée, et sur les inconvé-
nients qui en résulteraieot ; que, sur ses re-
présentations, les Pères du concile jugèrent
qu'il fallait s'en tenir à l'ancienne tradition
de l'Eglise, selon laquelle il était défendu aux
évêques , aux prêtres et aux diacres de se
marier, dès qu'une l'ois ils avaient été or-
donnés. — Pour comprendre la sagesse des
rêlleKions do Paphnuce et de la condnife du
concile de Nicée, il faut savoir que, pendant
les trois premiers siècles de l'Eglise, il y
avait eu plusieurs seeles d'hérétiques qui
avaient condamné le mariage et la procréa-
tion des eulants comme un crime. Outre ceux
dont parle saint Paul {l'im. iv, 3), les docè-
tes, les marcionites, les eucratites, les mani-
chéens, étaient de ce nombre. Sons l'empire
de Gallien, mort l'an 268, plusieurs évêques
furent mis à mort comme manichéens, par-
ce que l'on supposa qu'ils gardaient le cé-
ttbal parle même principe que ces hérétii|ues
fUenaudot, Hist. Palrinrclt. AlexanL, p. kl).
Si la loi proposée au concile de Nicee avait
eu lieu, elle aurait paru favoriser ces sec-
7-1
cet
tîiires, et ils n'auraient pas manqué de s'en
prévnloir ; Paphnuce avait donc raison d'in-
sister sur la saiatelé du mariage et sur l'in-
nocence du commerce conjufjal, el les évê-
qucs n'eurent pas tort d"y avuir égard dans
CCS circoiist;uices ; c'est pour cela que le
'i3' canon des apôtres condamne les ecclé-
siastiques (/ui s abstiennent du mariage en
haine de la création.
Malgré ces faits, Beausobre affirme que
les Pères de l'Eglise avaient puisé leur es-
time pour le célibat dans les erreurs des do-
célps, des encratiies, des marcioniles et des
manichéens; mais, par une contradiction
gr issière, il avoue que plusieurs cliréliens
donnèrent dans ce fanatisme dès le commen-
cement , par conséquent avant la naissance
des hérésies dont nous parions [llist. du Ma-
nicli,, liv. Il, c. 6, § 2 et 7) ; preuve certaine
qu'ils avaient puisé ce prétendu fanatisme
dans les leçons de Jésus-Christ et des apô-
tres. En elTet , Beausobr e avoue encore ail-
leurs qu'il venait d'une fausse idée du bien
et (lu mieux, dont saint F'aul a parlé (/ Cor.,
vil). Ibid., 1. vu, c.h, § 1"2. Mosheim, plus
judicieux, fait le même aveu {Hisl. Christ.,
sœc. II, § 33, not.); il prouve la réalité du
fait par le témoignage d'Atliénagore et de
Terlullien ; il n'a pas osé blâuicr cette estime
pour le célibat, aussi ancienne que le chris-
tianisme.
Ces mêmes faits prouvent que les Pères de
Nicée attachaient une idée de perfection el
de sainteté au célibat ecclésiastique et reli-
gieux ; qu'ils le regardaient comme l'état le
plus convenable aux ministres des autels ;
qu'ils auraient désiré dès-lors pouvoir y as-
sujettir le clergé. Eu effet, les inconvénients
qui s'ensuivaient du mariage des ecclésiasti-
ques firent bientôt sentir la nécessité d'en
venir là, ou de prendre des moines, obligés
par vœu à la continence, pour les élever ;\
l'épiscopat et au sacerdoce; et si cette loi
n'existait pas déjà depuis quinze cents ans ,
on serait bieulôt forcé île l'établir ; sans cela
l'on verrait renaître les mêmes désordres qui
arrivèrent au ix' siècle cl dans les sui-
v.ints, lorsque les grands s'emparèrent des
évécliés, (les abbayes et des cures, en firent
le p.iiriiiioine de leurs enfants , déshouorè-
reui l'Eglise par les vices des intrus, et anéan-
tirent enfin le clergé séculier par leurs ra-
pines.
S'il était vrai, comme le prétendent nos
adversaires, que la loi du célibat csl injuste
en elle inéoie, el cmilraire à la loi de Dieu,
il ne serait p.is moins injusie d'empéclier
les clerc> (le ^e marier api es leur ordination
qu'aup.iravaiii. (]epeii(laiil nous voyous, par
tous les moiiiiiiiciits ecilésiastiques , (jue ni
d.ins l'Orient, ni dans l'Oecidenl, on ne leur
a jamais laisse celte liltirlé. Ouel avaul.ige
Ces censeurs impruilents peuvent-ils donc ti-
Tvr de l\ini'i('nne discifilino '•! de la pru-
dence avec lai|nclle se coniluisireul les Pères
de Nicée? Eusèlie, qui av;iit assisté à ce con-
cile, dit (|ue les prêtres de riineieniie loi vi-
vaient dans l'étiil du mariage et désir. ient
d'avoir des enfants, au lieu que les pr('îlres
CF.L "2
de la loi nouvelle s'en abstiennent, parce
qu'ils sont unic^uement occupés à servir Dieu
et à élever une famille spirituelle (Démonst.
Evanqél., 1. 1, c. 9).— Aussi la loi du célibat
pour les évéques, les prêtres et les diacres,
après leur ordination, a continué d'être ob-
servée par les jacobiles el par les nestoriens
après leur schisme. Elle fut interrompue
chez ces derniers l'an 483 et en 496, mais
rétablie par un (W leurs patriarches, l'an .tV4
(Assémaiii, niblint. orient., toni. IV, c. 4 et
c. 14, pag. 837). — En 1349, le parlement
d'Angleterre, quoique réformateur, fut plus
raisonnable que les écrivains modernes de
cette nation; dans la loi même qu'il porta pour
permettre le mariage aux ecclésiastiques, il
dit : « Qu'il convenait mieux aux prêtres et
aux ministres de l'Eglise de vivre chastes et
sans mari.ige, et qu'il serait à souhaiter
qu'ils voulussent d'eux-mêmes s'abstenir de
cet engagement. » ( D. Hume , Hist. de la
maison de Tudor, lom. 111, pag. 204.)
Un nouveau dissertateur vient encore de
réveiller cette question, dans une brochure
intitulée les inconvénients du Célibat des prê-
tres, imprimée à Genève en 1781. Il a ras-
semblé tous les sophismes, les reproches,
les impostures des proleslants sur ce sujet;
il n'y a rien ajouté que quelques passages
qu'il a falsifiés, d'autres qu'il a forgés, en ci-
tant des auteurs inconnus, et quelques phra-
ses impudiques copiées dans nos philosophes
épicuriens; nous ne relèverons de cet ou-
vrage que les endroits les plus absurdes. —
L'auteur, i" partie, c. 2, prétend que le cé-
libat peut nuire à la santé el abréger la vie ;
il exaiîère l'exlrême difficulté de garder la
continence. Si celle vertu est si pénible el si
meurtrière, il est de l'humanité de nos cen-
seurs de permettre l'adultère aux personnes
mariées, qui se trouvent séparées pour long-
temps, ou dont l'uiie est tombée dans un éiut
d'infirniilé qui lui rend la vie conjugale im-
possible. 11 faudrait encore permettre la for-
nication aux particuliers des deux sexes qui
ne peuvent pas trouver à se marier, malgré
le désir qu'ils en ont. Y a-t-il moins de vieil-
lards parmi les célibataires rcelésiasliques
ou religieux, que pirmi les gens mariés'? —
Selon lui, le célibat est un signe certain de
la (iécadenc(! et de la corruplion des mœurs.
S'il entend parler du célibat voluptueux el
libertin des la'ùjues, nous pensons comme
lui; miiis est-il en état de; prouver que les
inflpurs sont pins pures dans les lieux où le
cierge n'observe point \o. rfVî'/af ? Oiiand il a
dit : Maliipliez les miuiaqes, et is iiiaciirs de-
viendront mtillenrc<: il dev.iil changer la
phrase et diri- : t'uripez les moeurs, el les
mariiif/es semiiUiplierunl, sans qu'il soit be-
soin de changer l'état des ecclésiastiques ni
des religieux, c. •'! et 4. — A l'exemiile des
protestants, il soutient, c. 8, (iiie les paro-
les de Dieu adressées à nos premiers parents:
Cruissez, multipliez, pritiilez la terre, renfer-
ment une loi. Cepcndanl le lexie clé|ins!> que
«•'est une bénédiction el non une loi. (Jnand
c'en aiir.iil ele une pour les premieis hom-
mes, elle n'a plus lieu depuis que le monde
735
CEL
CEL
75*
e«t pouph'. Soutiendra-t-on que tout homme
qui ne so marie point pèche contre la loi de
Dieu? On (lit que si le c(f/i7/n( devenait géné-
ral le genre humain périrait. Nous répon-
dons que si le mariage était j;éi)éral, la terre
ne pourrait plus nourrir ses habitants ; la po-
))ulalion ne consiste p is seulement à mettre
des hommes au monde, mais à les faire sub-
sister.— Dans la ir partie, ch. 2, notre grand
criliqiie prétend que le célilml, loin d'être
loué ou recommandé dans l'Kvangile, y est
formollement condamné par ces mois : Que
l'homme ne sépare point ce que Dieu n uni;
saint Clénjent d'Alexandrie, dit-il, l'a ainsi
entendu {Siromnt., 1. m, p. bk\). C'est une
citation fauss(î. Saint Clément prouve seule-
ment par ces paroles que le mariau;e n'est
point un état criminel comme l'entendaient
certains héréliques. Mais antre chose est de
vouloir séparer ceux que Dieu a unis ])ar le
mariage, et autre chose de trouver bon que
ceux qui ne sont pas mariés continuent à
vivre ainsi, lorsque cela peut être utile pour
eux et pour les autres ; saint Paul lui-mémo
a fait cette distinction.
Après avoir ci-nsuré tous los commenta-
teurs de l'Evangile, ce même écrivain s'érige
en interprète des paroles du s;\avi}MV [Hlaltli.
XIX, ri) : // ;/ a des eunuques qui ont renonce'
au mariage pour le royaume des deux : que
celui qui peut le concevoir ij fasse altcnlion.
Si ces ()aroles, (lit-il, signifient <iue celle sen-
leiico est obscure, elle ne prouve rien; si
cela veut dire qu'il f.iut une grâce particu-
lière pour pratiquer celle masimc, ce ne
peut pas élre une loi; le sens le plus natu-
rel (le ce passage est que ceux qui se trou-
vent séparés par un divorce, feront fort bien
de s'alistenir d'un second mariage. — Cette
découverte n'est pas heureuse. Une preuve
(lue la maxime du Sauveur n'est pas obscure,
c'est qu(! tout le monde l'entend trcsbien, à
l'exci ptiou des anlicélibalaires qui font la
sourde oreille. Jésus -Christ lait enten-
dre qu'il faut une grûce et une vocalion
l)arliculière pour bien comprendre ce (|u'il
dit; par conséquent ce n'est pas une loi
pour tous, mais pour ceux à qui Dieu donne
cette grâce et cette vocalion. Mais après que
le Sauveur a déclaré formellement que ceux
qui se remarient après un divorce commet-
tent un adultère, il est absurde do lui faire
dire simplement que ceux qui ont fait di-
vorce feront ircs-bien de no p;\s se marier.
Il est d'ailleurs évident que ceux qiii avaient
renoncé au mariage pour le royaume des
deux, étaient Jean-Baptiste et les apôtres,
puisque ceux-ci disaient à leur maître : Sei-
ytitur, nous avons tout Quitté pour vous
suivre.
Le passage de saint Paul (/ Cor. vu) est
clair : // est bon à l'homme, dil-il, de ne pas
toucher une femme... Je désire que vous soyez
tous comme moi ; mais chacun u reçu de Dieu
un don particulier, l'un d'une manière, Van-
tre d'tme autre. Mais je dis à ceux qui sont
dans le CÉLIDAT, oit dans le veuvnye, qu'il leur
est bonde demeurer dans cet état comme moi.
Que s'ils ne so/it pas continents, qu'Us se ma-
rient : il est mieux de se marier que de briller
d'un feu impur. Notre censeur, fidèle écolier
des protestants, dit, c. .'J, (pie saint Paul
parle ainsi à cause des porséculions; faux
comm-^ntaire : l'apôtre ajoute qu'il (lonne
ce conseil, parce que ceux (|ui ne sont pas
mariés s'occupent du service de Dieu et des
moyens de lui plaire, au lieu que ceux (]ni
le sont s'occupent des affaires de ce momie,
vers. 32. Ensuite notre critique prétend rpio
saint Paul parle seulement des veufs, et les
exhorte à ne pas passer à de secondes noces.
Nouvelle falsification ; l'Apôtre s'exprime
clairement : Je dis aux veufs et à ceux (|ni
ne sont pas mariés : Dico autan non nuijlis
etviduis, V. 8; il parle mémcdes vierges, v.
25. Il dit que celui qui marie sa fille l'ait
bien, et que celui qui ne la mai ie pas fait
micu\, V.38. Si c'é;ait une loi et un devoir
de se marier, comme nos adversaires le sou-
tiennent, de quel front saint Paul aurait-il
))u y donner atteinte d'une manière aussi
formelle?
Mais nous avons affaire à des disputenrs
fertiles en ressources ; saint Paul, disent-ils,
était marié, ou du moins l'avait été ; c'est le
sentiment de saint Ign.ice, dans son épître
aux Philadelphiens ; de saint Clément d'A-
lexandrie, Slromat., I. m, c. C, p. 533; d'O-
r'i^ènc, in Epist. nd Rom., I. i, n. 1 ; de saint
Basile, de ahdic. Serin.; d'Euscbe, Hist. eccL,
1. m, c. 30, et de plusieurs autres Péics.
Saint Paul lui-même le témoigne assez dans
sa lettre aux Philippiens, c. V, v. 3. Donc il
a seulement voulu détourner les fidèles des
secondes noces, el encore ce conseil esl-il
contraire à celui qu'il donne aux jeunes
veuves (/ Tim. v) : Je veux, dit-il , qu'elles
se marient. — Si nos censeurs étaient moins
aveugles, ils auraient vu que siiint Paul, (jui,
suivant eus, était veuf lorsqu'il écrivit aux
Corinthiens, n'a pas pu parler de son épouse
coaimc vivante, dans sa lettre aux i'hilip-
piens, qui ne fut écrite que cinq ou six ans
après; mais la prévention leur a ôté la pré-
sence d'esprit. La plupart des citations qu'ils
nous opposent sont infidèles; il n'est parlé
du prétendu mariage de saint Paul (|ue dans
la lettre interpolée ou falsiliée de saint Ignace
aux Philadelphiens, et non dans le texte grec
anlhenliquc. Il n'est pas vrai (ju'Origèno
soit (le ce sentiment; ii dit que, selon l'opi-
nion de quelques-uns, saint Paul était marié
lorsiju'il fut appelé à l'apostolat ; que, .'îiji-
vant d'autres, il ne l'était pas. Nous n'avons
rien trouvé dans saint Basile de ce qu'on lui
attribue; saint Clément d'Alexandrie est le
seul des l'èrcs qui ail cru le mariage de sair.t
Paul. Eusèbe, à la vérité, cite ce qu'a dit
saint Clément, mais il n'y doiuie aucune
marque d'approbation ; et cette opinion
n'est fondée que sur un passige de saint Paul
mal entendu. — Aussi Tertullien (/>. i ad
Uxor.,c. 3; /. de Monaijaui., c. 3 et 8) ; saini
Hilaire [In Ps. csxvii); saint Epipliane (Hœr.
5S); saint .\mbroise [In Exhoria!. ad Viiqi-
nés); saint Jérôme [L. i contra Jovin. et
Epist, 22 ad Eustochium); saint Augustin
(L. de Grat. el lib. Arb., c. '*; L. de Bono
^^-i CEL
Conjug. c. 10; L. i de Adiilt. conjug., c. '•■;
L. lie Opère Mnnach., c. 1) affirmenl iinani-
momont que saint P;iul ne fut jamiis marié.
L'opinion particulière de saint Clémenl d'A-
lexandrio ne peut pas prévaloir à cette tra-
dition conslaïUe.— Il n'y a aucune opposition
entre les divers avis que donne saint Paul;
il veut que les jeunes veuves se remarient,
parce qu'elle» en ont le désir, quia... nuliere
rohin<,et parcequeplusieursontmanquéà la
foi qu'elles avaient jurée (/ Tim. v, 11 et
12). Sans doute il était mieux pour elles de se
remarier que de brûler d'un feu impur (/
Cor. vil, 9). — Quant <'iu passage de saint
Paul, Ciré de la même lllreaux Corinthiens,
c. is, V. 5, qui a trompé saint Clémenl, et
sur lequel nos adversaires insisleni, il ne
fait aucune difûculté. N'avons-nous pas, dit
l'Apôtre, le pouvoir (le mener avec nous une
femme, comme notre sœur, comme foni /e* au-
tres apôtres et les frères du Seigneur, et Cé-
phasî Saint Clément, disent ce« critii)ues ,
sous le nom de femme a entendu une épouse,
celle Irailuclion est fautive. Mais nos cen-
seurs, toujours fr;ippés du mêtne vertif-e,
veulent que saint Paul, après avoir parlé
comme veufdans le chipitre vm, ait fait men-
tion de son épouse dans le chapitre ix. —
Suivant leur coutume ordinaire, lorsqu'un
Père de l'Ei^lise a dit quoique chose qui leur
est favorable, ils en font un éloge pompeux ;
pour tous ceux qui ne sont pas de leur avis,
ils les dépriment et en parlent avec dédain.
— A force de spéculations, ils ont deviné
l'oriçine de l'estime que l'on a eue dès les
premiers siècles pour la virginité et pour le
célibat; elleest venue, disent-ils, de la
croyance dans laquelle était les premiers
chrétiens que le monde finirait bientôt,
de la mélancolie qu'inspire le climat de l'E-
gypte et des Indes, des idées chimériques de
perfection puisées dans la philosophie de
Pythagore et de Plalon ; el cette sunerstitiou
s'est répandue |)artout.
Nous voilà donc réduits à croire que Jésus-
Christ et ses disciples, saint Paul et l'auteur
de l'Apocalypse, qui ont fait cas de la virgi-
nité el du célibat, étaient dans l'opinion de la
fin prochaine du monde ; qu'ils étaient atta-
qués de la mélancolie de l'Egypte et des In-
des; qu'ils élaient prévenus des idées de l'y-
Ihagorc et de Platon. A l'article Monde, nous
ferons voir qu'il n'est pas vrai qu'ils en aient
prédit la fin prochaine.
Oui n'admirerait l'entêtement de nos ad-
versaires"? Ils disent que l'estime pour la vir-
ginité et pour le céliltat est absurde, inju-
rieuse à la nature, contraire aux desseins du
Créateur, aux inlérétsde l'humanité, aux plus
pures lumières du bon sens, cl, p;ir une con-
tagion déplorable, celte superstition s'esl ré-
pandue partout ; elle a passé de l'iîgypte aux
Indes el à la Chine, elle a infecté les igno-
rants elles philosophes. Avec le christianis-
me, elle a pénétré en Italie el dans les Gau-
les, eu Angleterre cl dans les climats glacé»
du Nord ; elle est allée jusqu'au Pérou f,iire
établir les vierges du soleil. Ils se flattent
ucaumoÎDS, -par la supériorité de leurs iu-
CEL
75r,
niières , de guérir enfin l'univers entier de
cette maladie, et de lui rendre le bon sens
qu'eux seuls croient possé'Ier exclusivement.
Ils disent que cette estime aveugle pour la
continence a été poussée à l'excès par les Pè-
res de l'Eglise, et ils s'efforcent de prouver
que les Pères n'ont jamais pensé à en faire
une loi au clergé. Ils distnt ((ue les Pères
ont eu le même mépris pour l'état du ma-
riage que les docèies, les marcionites et les
manichéens; el à peine ces héréiiques ont-
ils paru, qu'ils ont été réfutés el cond.imnés
par les l'ères — Mais c'est iii un fail dont la
discussion est iniMortanie. Notre nouveau
disserialeiir, instruit probablement par Beau-
sobre, soutient que ces anciens hérétiques,
détracteurs Ju mariage, ne le condamnaient
pas comme absolument mauvais et criminel,
qu'ils le regardaient comino un état ni' ins
parfait que le célibat, doctrine qui est à pré-
sent celle de l'Eglise romaine, mais qui a été
condamnée par les Pères. — Heureusement le
maître el le disciple se contredisent et se ré-
futent chacun de son côté. Le premier, après
avoir fait tous ses efforts pour prouver que
les maiiichéeiis ne pensaient pas, louchant
le mariage, autrement que les Pères, est forcé
de convenir que ces hérétiques ne pouvaient,
suivant leur-, principes, ni approuver le ma-
riage, ni le regarder comme une inslilulion
sainte, puisqu'ils enseignaient que c'est le
démon ou le mauvais principe qui a cons-
Iruil le corps humain, et qu'il s'est proposé
de perpétuer, tant qu'il le peut, par la pro-
pagation, la captivité des âmes; c'était aussi
l'erreur de plusieurs sectes de gnosliques
{Uist. du Munich., liv. vu, c. 3, § 13 ; c. v,
§ 9j. Le second n'a pu s'empêcher d'avouer
que les encraliles et les apostoliques reje-
taient le mariage comme absolument mau-
vais, qu'Euslale de Sébasie en Arménie fut
condamné au concile de Gangres, vers l'an
24.1, parce qu'il interdisait la cohabilalion
aux gens mariés (Inconv. du cclib., w part.,
c. 9, 10 el 13). Voilà ce que les Pères ni l'E-
glise romaine n'ont jamais enseigné, mais ce
qu'ils ont toujours proscrit ou censuré.
Nous ne suivrons pas cet auteur dans ses
déclamations contre les vœui, contre l'étal
monastique, contre les couvents de religieu-
ses, contre les superstitions- portées dans le
Nord par les missionnaires dans le ix' siècle
el les suivants ; ces invectives, copiées d'a-
près les protestants, et rebattues par les in-
crédules, seront réfutées chacune dans sa
place. Ouant aux mœurs du clergé dans les
bas siècles, el aux scandales qui ont afiligé
l'Eglise, ces désordres n'ont eu lieu qu'après
la chute de la maison de Charlemagne, et
après la révolution qui bouleversa les gou-
vernemonls dans nos contrées. Les sei-
gneurs, toujours armés, s'emparèrent des
bénéfices, en firent leur patrimoine, y placè-
rent leurs enfants et leurs protégés ; ces in-
trus ne pouvaient manquer d'avoir tous les
vices de leurs patrons ; la simonie el le coii-
cubina|j,c allèrent toujours de (-'oniprignie ;
Moslieim et d'autres protestants l'ont remar-
qué aubâi bien ijuc nous. En général, qui sont
757
CLL
les prélats qui oiil le plusdéshoiioié l'Eguse?
Ceux qui avaionl eu des cofanls légitimes
avaiil leur ordiiialioii, ou qui avaieut eu des
eul'iinls naturels. Faut-il renouveler aujour-
d'hui les désordres qu'ils ont causés? Il est
faux que le mariage permis aux iniiiislres do
la religion , dans les pays du Nord, y a
rendu les mœurs plus pures; liayle a prouvé
le contraire ( Dict. cril., EimiXE, rem. 1,
§3)- . .. .
Pour ne rien laisser a désirer sur cette
question lanl rebattue, il nous reste à exa-
miner si le cliangeiuenl de discipline sur ce
point produirait des effets aussi avantageux
qu'on le prétend. — Dans \e-^ Annales polili-
(jues de 1782, n" :il, il y a une lettre dont l'au-
teur se propose de dénionlrer, par le calcul,
que la suppression du célibat ecclésiastique
et religieux serait une fausse politique, une
puérilité indigne de l'ait ntion d'un grand
législateur, et une innovation sans fruit pour
la populalion. — La haine, dit-il, lu jalou-
sii', la crédulité, l'enlhonsiasme réformateur,
la rivalité des philosophi-s avec le clergé,
ont exagéré ju qu'au ridicule le nombre des
ecclésiastiques et des moines; mais voici le
résultat des dénombrements les plus exacts.
— Sur plus de dix millions d'habitanis, l'Es-
pagne compte cent soixante mille céliba-
taires religieux, dont un turs l'orme le clergé
Séculier ; c'est un et demi pour cenl de la gé-
nération complète. En Italie, il y a quatorze
millions et demi d'individus, et deux cent
quatre-vingt mille ecclésiastiques ; ce sont
deux hommes par cent sur la totalité des
Ijabitanls : mais plus de la moitié d'entre
eux se trouvent dans le royaume de; Naples
et dans les étals du pape; le reste d(^ lltalie
ne suppose qu'un soixante-iiuinzième ou
environ de sujets voués â la religion. — 11
faut observer que l'Italie a peu ne grandes
villies qui absorbent la population; eile n'en-
tretient point d'armées ni de marine mili-
taire. Un climat doux, un sol fertile, en di-
annuant les besoins, augmentent les subsis-
tances. — Les derniers calculs faits sous
l'administration de M. Necker ont porté la
populationde la France à vingt-trois millions
cinq cent mille habitants ; en y supposant
deux cent mille célibataires religieux, comme
l'ont fait les plus grands exagerateurs, c'est
moins d un centième de la nation. — 11 y a
plus. Sur le total de six millions et plus de
deux cent mille femmes propres au mariage,
il y en a un million et quaiante mille qui ne
Sont pas marices, et on ne peut compter que
s<iixante et dix mille religieuses , c'est le
(luinzième des femmes célibataires. Sur la
totalité des lioiiuu.'s, on doit en c^mpier au
moins un million qui pourraient être maries
et qui ne le sont pas ; sur ce niillion il n'y
en a qu'cnviro.i cent trente mille ecclésiasti-
ques ou religieux, ce n'est que le dixième.
— Rendez aa monde, continue l'auteur,
tous les humilies enfermés dans les monas-
tères, ce sera soixante mille célibataires de
moins sur unuiillioii. Mais luus n auront pas
les facultés, le penchant, la fortune, la vo-
cation nécessaires au lien conjugal, L s ca-
CEL
Uets de famille, les vieillards, les infirmes,
ceux qui préféreront la liberté et l'indépen-
dance du célibat au joug du mariage, etc.,
sont à retrancher, et c'est au moins une moi-
tié.Vous gagnerez donc, sur un million d'ha-
bitants, environ trente mille sujets, »ur les-
quels la mort, la pauvreté, l'alistinence for-
cée prendront leurs tributs : voilà à quoi se
réiluiseut les romanesques visions des dé-
clamateurs. — La seule capitale renferme
plus de domestiques qu'il n'y a de religieux
dans tout le royaume; le nombre de ces es-
claves du luxe, dans toute l'étendue de la
France, est un douzième de la populalion.
Aux serviteurs , le mariage est interdit
comme nuisible à l'intérêt des maîtres : dans
les femmes, on tolère le libertinage, et non
la fécondité légitime. Le célibat forcé des do-
mestiques est un foyer de désordres, celui
des ecclésiastiques est contraint dans ses
penchants par la sainteté de son institut,
par la crainte de la honte, par l'honneur du
corps : un religieux a devant lui dix exem-
ples de vertu pour un de dépravation. — Deux
cent cinquante mille soldats ou mate-
lot sont enlevés sur la population , et l'on
choisit les individus les plus capables des
services civils. La débauche, les maladies
honteuses, empoisonnent les armées, tandis
que la désertion les diminue. — Comptez les
mendiants, les employés des fermes, les ren-
tiers, les journaliers, la nuée des gens de
lettres, mais surtout les philosophes : l'es-
prit philosophique , qui n'est autre chose
que l'esprit d égoïsme , fut toujours antipa-
thique du mariage. Voyez nos mœurs, nos
capitales, nos ménages ; observez le luxe
dans ses gigantesques progrès, le concubi-
nage impossible à réprimer, la puissance
maritale et paternelle de jour en jour plus
relâchée el plus insupportable , le ton et la
conduite des femmes; llattez-vous ensuite
que la propagation de l'espèce va couvrir la
terre, lorsque cinquante mille moines au-
ront renoncé au vœu du célibat. — 11 estiste
dans le ro}aume deux fuis autant de prosti-
tuées que de religieuses : lesquelles sont les
plus funestes à la population ? Depuis 1706
jusqu'en 1775, le nombre des enfants trouvés
à Paris est augmenté d'un tiers. — La no-
blesse des villes produit peu de mariages, et
encore moins d'enfants; nos lois et nos usa-
ges ont condamné les cadets à l'indigence et
au célibat : les monastères ou les ordres sont
donc une ressource pour la noblesse des
deu.<w sexes ; ils recueillent les cèlib.itaires
produits par le désordre de la société; mais
ils ne les engendrent pas.
Il vaudrait donc mieux réduire notre état
militaire, renvoyer la moitié des gens de li-
vrée dans les campagnes, avoir deux tiers
moins d'avocats, de procureurs, d'oflices de
finance, d'huissiers, d'auteurs, etc., el con-
server les moines. — Cela est impraticable ,
sans doute ; et c'est là le mol de tous les
beaux plans de reforme qu'on nous étale
dans les livres, et que l'on prône dans les
nouvelles publiques, ^ous chérissons nos
vices, cl nous eu iudiquous le remède. Ou
739
CEL
CEL
740
déclame contre le luxe, lorsque le luxe no
peut plus être réprimé; ou disserle sur l'é-
ducalioD lorsque l'abus de la société efface
de plus CD plus les caractères ; on peuple
les états dans dps brochures , sans observer
l'aclioD irrésistible des mœurs et des usages
sur les vraies sources de 1 ! population.
L'auteur des lierherches plttlosophiquHS sut
le célibat s'écrie : « Voyez les états protes-
tants, ils fourmillent de br.is, et la catholi-
cité de déserts. » Vingt autres ont fait celte
comparaison. — Mais en Suisse, !e plus
peuplé des cantons est celui deSoleure, et il
est catholique; il a des ecclésiastiques, des
moines et des religieuses; si la Sicile est
pleine de masures , c'est l'etîet du gouverne-
ment féodal, le plus atroce et le plus des-
tructeur qu'ait inventé l'usurpation. Les
Pays-Bas catholiques, les riches républiques
d'Italie, étaient-elles dépeuplées dans le
XV» et le xvi" siècle? Avaient-elles moins
de prospérité que la Hollande? La Prusse
est-elle plus féionde en habitants que le Pa-
lalinai, et la SuùJe que ta Lonibaidie? La
fertilité du sol, la position lopographique et
le gouverncmenl, ont une toute autre force
que les couvents.
Uéformer cl non pas détruire, telle doit
être la maxime de tout homme qui spécule
en politique. Changez des asiles inutiles en
hospices de la p.iuvrelé, de l'âge, de la dou-
leur, du repentir et de l'abnégation, la so-
cièlé pourra y gagner, mais non sa popu-
lalion. L'ariiourilu paradoxe n'inspire point
cette opinion; quand on se défund avec des
chilïres, on ne peut guère être soupçonné
d'iniposlure.
il nous paraît que cet auteur ne craint pas
d'être réluié; s'il se trompe, il est très-à
propos de déuntntrer sou eireur.
L'auleur de l'article CÉi ibat <lans le Dic-
tiannaire (le Jurispindmce, a copié les dia-
tribes del'alibé de Sainl-Pierre, placées dans
J'anci.'une Encyclopédie, et il y a joint ce
que les proiestJinls ont dit dans celle d'Yver-
dun. Nous ne pouvons nous dispenser de re-
lever quelques-unes des contradictions de
cet article.
Après avoir soutenu que le célibat était
proscril chez les Juifs en vertu de la préten-
due lui, croissr: et muliiplies , on nous as-
sure qu'lilie, lilisée, Daniel et ses trois com-
.pagnons, vécurent dans la continence. Voili
doue, des proplièles, des amis de Dieu, qui
ont violé publiquement la loi de Dieu portée
dès la cré.iliou. L'on nous vante le^ lois que
1 -s tjrecs et les lîomains av.iienl failes con-
tre le cébbal, l'espèce d'inlamie dont ils l'a-
vaient noté, les privilèges qu'ils accordaient
aux personnes mariées; cependant l'on nous
fait observer que tous les peuples ont atta-
ché une idée de sainteté et de perfection à la
coniinence observée par motif de religion; il
n'est donc pas vrai que toute espèce de céli-
biil ail été noléo d'infamie. D'un côlé l'on dit
qu'il n'y a guère d'homme à ((ui le célibat ne
«oit dillicile à observer, que les ce ibal.iires
d»iv(nl être tristes et mélancoliques; de
l'autre, on cite une harangue de Méielrus
Numidicus, adressée au peuple romain, dans
laquelle il avoue que c'est un malheur de ne
pouvoir se passer des femmes; que la na-
ture a établi qu'on ne peut guère vivre heu-
reux avec elles. Pour être heureux, il fau-
drait donc n'être ni marié ni célibataire. Un
de ces oracles dit que, dans le christianisme,
la loi du célibat, pour les ecclésiasiiques, est
aussi ancienne que l'Eglise, que Dieu l'a
jugé nécessaire pour approcher plus dijçne-
ment de ses autels ; un autre prétend que lo
célibat n'était que de conseil, et que, malgré
ce (ju'en a pensé le concile de Trente, 1»
question que nous examinons est purement
politique. Dans la même page on lit qu'en
Occident le célibat était prescrit aux cleres,
et qu'il était libre dans l'Eglise latine; il faut
donc que celle-ci ne soit pas la même que
l'Eglise d'Occident. — Ce que disait l'abbé
de Saint-Pierre, que les ministres prolestanls
sont aussi respectés du peuple que les prê-
tres catholiques, est absolument faux. 11 est
certain, par cent exemples, que les protes-
tants sensés, même les souverains, ont tou-
jours témoigné plus de respect pour les prê-
tres catholiques, dont ils connaissaient les
mœurs, que pour leurs propres ministres ;
on sait d'ailleurs qu'en Angleterre le bas
clergé est très-méprisé {Londres, t. Il, p.
241). — Nous n'avons garde de blâmer ce
qui est dit daus cet article contre le célibat
vo ontaire ou forcé des séculiers; mais les
moyens que l'on propose pour y remédier
sont à peu près impraticables, et ceux que
l'alibé d' Saint-Pierre avait rêvés pour pré-
venir les inconvénients du mariage des prê-
tres sont absurdes.
Les ennemis du célibat ecclésiastique et
religieux n'ont donc épargné, pour l'atta-
quer, ni les contradictions , ni les impostu-
res ; en voici encore un exemple récent.
Dans le Journal encyclopédique du 15 mars
1783, pag. 309, on a pl^cé une lettre d'yEnéas
S Ivius , qui devint pape sous le nom de
Pie II, l'ail 1438, dans laqueile on prétend
qu'il a jusliiié le libertinage de sa jeunesse,
et dans laquelle il s'élève contre le célibat
des prêtres ; c'est la 15' du recueil de se»
lettres. Mais dans l'Année liltéraire de cette
même année, W 13, un savant a prouvé, 1*
que le journaliste a traduit infidèlement la
lettre d'^Enéas Sylvius, et qu'il y a mis du
sien les deux phrases les plus fortes confie
le célibat des prêtres. -2* Que cette 13* lettre
a été écrite dans la jeunesse de l'auteur,
longtemps avant qu'il fût engagé dans les
ordres sicrés. 3" Que pendant son pontificat
il a désavoué et rétracte ce qu'il avait écrit
autrefois dans l'effervescenee des passions.
Dans sa lettre 31)3, adressée à Charles Cy-
prianus, il dit : Mcprisrz et rejetez, ô mor-
tels, ce que nous avons écrit dans notre jeu-
nesse au sujet de i amour profane; suivez ce
que nous tous disons à présent. Croyez-en un
vieillard plutôt (jiùtn jeune homme, un pon-
tife plutôt qu'un simple particdlier. Pie II
plutôt qu'Mnéas Si/lvius. k' (Jue Flaeus Illj-
ricus, sur la foi de Piatinc et de Sabcllicus,
attribue mal à propos à ce pape la maxime
741
CEL
CEL
74«
suivante, savoir : que le mariage a clé inter-
dit aux prêtres pour de bonnes raisons, mais
qu'il y en a de meilleures pour le leur rendre.
11 esl démontré au contraire qu'il n'y en a
aucune de toucher à l'ancienne discipline, et
que toutes sortes de raisons engagent à la
conserver. Voy. Virginité.
CÉLICOLES. Voy. Coelicoi.es
CELLITES, nom d'une congrégation de re-
ligieux hospitaliers, qui ont des maisons en
Allemagne et dans les Pays-Bas. Leur fonda-
teur est un nommé Meccio ; c'est ce qui les a
fait appeler mecciens en Italie. Ils suivent la
rè^le de saint Augustin ; leur institut tut ap-
prouvé par Pie II , vers l'an liCO ; mais ils
existaient déjà depuis plus d'un siècle. Ils
sont occupés à soigner les malades, particu-
lièrement ceux qui sont attaqués de mala-
dies contagieuses, telles que la peste; ils
gardent et servent les insensés, enterrent les
morts, etc. Us ont beaucoup de rapport aux
Frères de la charité.
Ainsi l'on n'a pas attendu au xvii° siècle
pour faire, par motif de religion, des établis-
sements utiles à l'humanité. Parmi un grand
nombre d'instituts, dont nous ne voyons plus
la nécessité, parce que les raisons qui les
ont fait établir ne subsistent plus, il en est
dont les services continuent toujours, et du-
rerontaussi longlempsque l'on voudra sedon-
ner la peine de les proléger et de les favoriser.
Ça été un trait de malignité de la part de
Moshcim, de dire que l'institut des cetlites se
forma, pirce que les ecclésiastiques du xiv°
siècle ne prenaient aucun soin des malades
ni des moribonds ; il n'a pu prouver celte
accusation par aucun fait ni par aucun mo-
nument. Les vrais motifs de cette institution
furent les ravages énormes de la maladie
conlagieuse (jui régna l'an 13+8 et les an-
nées saivantes, qui désola l'Italie, l'Espagne,
la France , l'Angleterre, l'Allemagne et les
pays du Nord, et ([ui fut appelée la peste
noire, cl les indulgences qae Clément VI ac-
corda à tous ceux qui donneraient aux pes-
tiférés les secours spirituels ou temporels.
Mais pendant que les celliles leur procuraient
les seconds, qui leur donnait les premiers,
sinon les prêtres et les religieux? C'est
comme si l'on disait que les Frères de la cha-
rité ont été institués l'an 1520 pour soulager
les corps, parce que les orêtres négligeaient
les âmes.
Mosheim observe que les celliles furent
aussi nommés lollards ; mais il ne faut pa^ les
confondre avec plusieurs sectes d'hypocrites,
qui fiirent ainsi appelés dans la suite. Voy.
L0LI.\RDS.
CELLULE, diminutif du mot celle, qui a
signiGé autrefois un lieu fermé, elconséquem-
menl un monastère. C'est une petite chambre
habitée par un religieux ou par une reli-
gieuse, et qui fait partie d'un couvent. Elle ren-
ferme ordinairement un lit uu un grabat, une
chaise, une table, quelques images et quel-
ques livres de piété : le reste serait superflu.
Un religieux qui sait s'occuper dans sa
cellule à prier, à lire, à méditer, à écrire, à
faire quelques ouvrages des mains, esl plus
heureux qu'un grand seigneur il.ms un vaste
appartement. S'il lui arrive d'entrer dans uu
de ces palais qui renferment les chels-d'œu-
vre des arts, et des meubles précieux dont le
maître ne se sert jamais, il peut dire, comme
un ancien philosophe : combien de choses
dont je n'ai pas besoin!
Dans la Thébaide, il y avait trois déserts
habiles par des solitaires uu anachorètes,
l'un appelé des Cellules, l'antre de la moula-
(jne de iSilrie, le troisième de Sce'Jrf; c'était le
plus éloigné du centre de rEg\pie, il conQ-
nail à la Libye.
CliLSE, philosophe du ii' siècle, est célè-
bre par son ouvrage contri; la religion chré-
tienne, écril vers l'an 170. De nos jours on a
pris la peine de recueillir, dans saint Cyrille,
les fragments des livres de Julien sur co
même sujet, et d'en faire un discours suivi;
nous ne connaissons aucun ouvrage de nos
adversaires dans lequel ils aient fait la même
chose à l'égard de celui de Celse. Ç'à élé sans
doute un Irait de prudence de leur jiarl ; ce-
lui-ci renferme plusieurs aveux trè^-favora-
bles au christianisme, et ils ne peuvent être
suspects. La réfutation qu'Origène a faite des
calomnies de Ce/se est le plus iniporlant des
ouvrages de ce Père. 11 semble supposer que
son adversaire étail épicurien; mais il est
plus probable que c'était un éclectique ou
nouveau platonicien, qui faisait prolessiort
de n'épouser aucun système, et de ne tenir
à aucune école.
Celse regarde comme une folie le projet
formé par les chrétiens de convenir tous les
peuides cl (le les ranger sous la même loi;
il veut que chaque nation conserve sa reli-
gion, quelle qu'elle soit (Orig contre Celse ,
1. V, n° 2j; 1. vu, n° 72). Alais si la religion
des Egyptiens et celle des Juifs étaient faus-
ses et absurdes, comme il le soutient, ces
deux peuples auraienl-ils eu tort d'en em-
brasser une meilleure ? S'il avait vécu plus
longtemps, il aurait vu le projet des chrétiens
à peu près exécuté; il aurait été convaincu
que chez tous les peuples et dans tous les
climats, le christianisme a produit les mêmes
elïets el la mônie révolution dans les mœurs,
comme Origène le fait observer. —Ce [ihiloso-
phe connaissait nos Evangiles : il parait mê-
me avoir en sous les yeux celui de saint
Matthieu ; il en suit sommairement l'histoire,
et il avait comparé les deux généalogies du
Sauveur, 1. xi, n" 32. 11 avait lu l'Anci. n
Testament, du moins le livie de la Genèse
lout entier, I. iv, n° 31! et suiv. Il est le pre-
mier qui ait accuse Jésus-Christ dêlre né
d'un commerce illégitime, cl il met ce repro-
che dans la bouche d'un Juif, 1. i, n 2S. Si
cette calomnie avait eu quelque fondement,
les Juifs contemporains ne l'auraient pas
passée sous silence ; ils n'auraient pas souf-
fert que Jésus enseignât el se donnât pour
descendant do David, Cerinlhe, C irpucraie,
les ébionites, ne se seriiient pas ohslines à
soutenir que Jésus était né de Joseph el de
Marie ; les évangélisles n'auraient pas osé
tracer et publier sa généalogie , et Jésus
u'aurail trouvé aucuu disciple parmi les
74j CLL
Juifs. Il no conlosie point le massacre des
Innoceiils, ordonné par Hérode, pour faire
périr Jésus enfaiil; il n'y oppose qu'un rai-
sonnement qui ne signifie rien, 1. i, n° 58. Si
ce fait éclatant et public n'était pas vrai,
toute la Judée aurait pu déposer du con-
traire. Qu'oppose-l-il aux miracles de Jésus-
Christ? C'était i'arliclele plus imporlanl. 11
dit que personne ne les a vus, si ce n'est ses
disciples, et qu'ils les ont beaucoup exagérés,
1. I, n" 68. Mais si Jésus-Christ a laissé sur la
terre au moins cinq conls disciples, comme
saint Paul nous l'apprend, ce nombre de té-
moins nous paraît assez considérable(/ Cor.
XV, 6). Il dit que Jésus a opéré ses miracles par
ia magie, par des enchantements, par l'invo-
cation des démons ou génies; il lui reproche
d'avoir appris la magie en Egypte, et d'avoir
eu ensuite l'orgueil de se faire passer pour
un Dieu, 1. I, n' G, '2S. Il ajoute que plusieurs
autres imposteurs ont fait des miracl«s sem-
blables ; que Jésus lui-même a défendu d'y
a'jouter foi, n* 68. Il accuse aussi en (général
les chrétiens de faire usage de la magie, n" 6.
Mais si les miracles de Jésus-Chnsl et de ses
disciples n'étaient pas vrais et inconlesiables,
pourquoi rc^^ourir à la magie?ll fallait les nier
ferme et s'en tenir là. il faut (jue Celse ait
senti que cela n'était pas possible ; que le
témoiguaiie constant et uniforme des disciples
de Jésus, l'aveu des Juifs, la révolution qui
s'était ensuivie, étaient des preuves invinci-
bles de la réalité des mir.icles.
Contre la résurrection du Sauveur, il ob-
jecte que plusieurs autres imposteurs
avaient promis de ressusciter, ou avaient
prétendu être revenus des enfers; que Jésus
ressuscitén'avait été vu de personne, excepté
d'une femme et de quelques disciples ; qu'ils
avaient rêvé, n'avaient vu qu'un fantôme,
ou avaient forgé ce mensonge. Si Jésus, ajou-
lait-il, était ressuscité, il devait se montrer
à ses ennemis, à ses juges, à tout le monde ;
il eût encore mieux valu qu'il ne se laissât
pas crucifier, ou qu'il descendit de la croix
en présence des Juifs, 1. ii, n° ok et suiv. Mais
Celse pouvait-il citer l'exemple d'un impos-
teur, duquel un grand nombre d'hommes
eussent jamais dit : Nous l'avens vu mourir,
une ville entière l'a vu comme nous ; ensuite
nous l'avons vu vivant, nous l'avons louché,
nous avons bu et mangé avec lui, après sa
résurrection, pendant quarauti) jours. Où
est l'homme, excepté Jésus, duquel on ait
jamais rendu un pareil témoignage?
Il devait ne pas se laisser crucifier, ou
descendre de la croix, ou se montrera tout
le monde. — Pourquoi le devait-il? où
.sont les raisons (pii prouvent ce devoir pré-
tendu ? Nous soutenons (ju'il ne le devait pas ;
(|ue quand il l'aurait lait, li's incréilules n'en
seraient pas plus touches que du miracle de
sarésurrcciion, prouvé comme il l'est. — Cette
résurrection a été publiée , crue et professée
par des milliers de Juifs, cinquante jours
après , sur le lieu même où elle est arrivée ;
Celse n'a pas osé en disconvenir : donc ses
disciples ont solidement jirouvé qu'ils n'a-
vaient ni rêvé, ui menti.
OéL ''-''
Hien n'est plus ahsnrde que de rejeter uu
miracle, parce que Uieu pouvait en f.iire un
antre, et de contester une preuve, parce que
Dieu pouvait en donner d'auires. Quoi que
Dieu fasse, les incrédules sont bien résolus
de n'avouer jamais qu'il a bien fait; et quel-
ques preuves qu'on leur allègue, elles ne
suffiront jamais pour vaincre leur opiniâ-
treté. Plusieurs ont déclaré que (luand ils
verraient de leurs yeux un mort sortir du
tombeau, ils ne le croiraient pas.
Celse convient que le christianisme a été
prêché, s'est établi, et a l'ail des progrès
très-peu de temps après la mort de Jésus-
Christ, I. Il, n° 2 et 4 ; que ceux qui publient
sa doctrine lui font une infinité de disciples,
n' 4(3. Il avoue (ju'il y a parmi les chrétiens
des hommes vertueux, sages el intelligents,
I. I, n° 27. Il ne leur reproehe point d'autre
critne que de s'assembler en secret, contre la
défense des magistrats, de délester les simu-
lacres et les autels, et de blasphémer contre
les dieux. Nous prions les incrédules mo-
dernes d'y faire allenlion, et d.' ne pas pous-
ser les «-alomnic-s plus loin que lui. — Tantôl
il approuve, et lanlôt il blâme la fi-rmeié des
martyrs ; mais il convient de la cruauté îles
supplices qu'on leur fait suiir, 1. viii, n. 39
43, 48, etc. C'est cependant un faii que l'on
a osé contester de nos jours. Il dislingue la
grande Eglise d'avec les autres sectes qui
se disaient chrétiennes ; il ajoute que ces
difl'érenles sectes se haïssent el se déchirent,
1. V, n° 59 el suiv. — C'est jusiement ce qui
prouve qu'il n'a pas pu y avoir de colluion
entre les premiers secl-iteurs du christianisme
pour forgerdes fails, pour les publier, pour eo
imposer aux hommes crédules. Les divisions
ont commencé dès le temps des apôtres ; ils
s'en plaignent et démasquent les faux doc-
teurs ; ils ont donc toujours été surveillés par
des ennemis allenlifs eljaloux, soit juifs, soit
païens, même par des philosophes mal con-
vertis. .Mais parmi ceux qui ont levé réten-
d.ird contre les apôtres , aucun ne les a ja-
mais accusés d'avoir forgé, déguist', dénaturé
les fails de l'Evangile. Si les fails sont vrais,
le chrislianisme est invinciblement prouvé.
11 n'est pas aisé de démêler quels étaient
les sentiments de Celse touchant la Divinité;
sa philosophie est un chaos inintelligible, et
son ouvrage un tissu de contr.uiiclions.
Quelquefois il semble admettre la providen-
ce, d'autres fois il la nie; il joint à l'épicu-
réisme le <logme de la fatalité ; il ci'oit que
les animaux sont d'une nature supérieure à
celle de l'homme. Il n'exige point (]ue l'un
rende un culte à Dieu, créateur et gouver-
neur du munde, mais seul' ment aux génies
ou aux dieux des païens; il ranle les oracles,
la divination, les prcieiuius prodiges du pa-
ganisme. Tantôt il semble approuver, el tan-
tôt il blâme le culte des simulacres ou des
idoles. A proprement parler, il ne savait pas
lui-même ce qu'il croyait ou ne croy.nt pas.
C'est assez la philosophie de la plupart des
incrédules; ils se ressemblent dans tous
les siècles. — La plupart des reproches qu'il
fait aux chrcticus en général ne pouvaient
7*5
CEN
CEN
7*6
tomber que sur les gnosliques, qu'il con-~
fondnit mal à propos avec les véritables
chréliens.
L'exaclilude avec laquelle Origène rap-
porte les propres paroles de CeUe, prouve
que nos anciens apologistes n'ont cherché ni
à supprimer les ouvrages de leurs adversai-
res, ni à déguiser leurs objections, ni à les
rendre odieux. Sans les livres d'Orifrène, qui
saurait aujourd'hui ce (|ue Celse a écrit? Ce
philosophe était très-voisin des r.iils, puis-
qu'il a vécu au milieu du u^ sièric, cin-
quante ou soixante ans seulement après la
mort du dernier des apôtres. Il pouvait con-
sulter les Juifs, vérifier si les disciples de
Jésus-Christ avaient élé des imposleurs. Il
dit qu'il connaît parfaitement le christia-
nisme, qu'il s'est inlonié de tout; il l'ait
même parler un juif; cependant il n'oppo>e
aux chrétiens, ni aucun fait décisif, ni aucun
lémoignage contradicloiri" au leur, ni aucun
argument fort rcdoutabl''.. S'il y avait eu de
l'imposture de leur pjirt, il serait incroyable
que Celse ne l'eût p;is démasquée. Tout con-
sidéré, son ouvrage est un des monuinenls
l'es plus honorables et les plus avantageux
à notre religion. Si l'on veut voir un extrait
plus exact des objections de CeUe et des ré-
ponses d'Origène, on le trouvera dans le
Traité historique et dogmatique de la vraie
Religion, t. X, 2'^ édit.
CENACLE. Notre Sauveur, la veille de sa
passion, dit à ses disciples d'aller préparer
le souper de la pâque à Jérusalem ; qu'ils y
trouveraient un cénacle tout prêt, c'est-à-
dire, une salle à manger, avec b s tables et
les lits sur lesquels on se plaçait pour man-
ger. Dans les siècles postérieurs, on a mon-
tré à Jérusalemune salle, qui fut changée en
église par l'impératrice liée le, où l'on pré-
tendait que notre Sauveur avaii fait sou der-
nier souper, et avait institue l'eucharistie ;
mais il y a lieu de douter que celte salle ait
élé garantie de la ruine de Jérusalem, lors-
que cette ville fut prise par les Romains ; on
pouvait tout au plus connaître, par tradition,
le sol sur lequel le cénaile avait été placé.
Mais le respect que l'on eut pour le lieu
dans lequel on croyait que Jésus-Cbrisl avait
institué l'eucharistie, prouve assez la haute
idée que l'on avait conçue de cette aciion de
Notre-Seigneur. Si l'on avait envis.igé pour
lors la dernière cène du même œil que les
protestants, on ne se serait pas avisé de chan-
ger le cénacles» église.
CKNDKR. Le mercredi des Cendres est ac-
tuellement le premier jour de carême. Il est
probable qu'il a élé ainsi nommé, à cause de
l'usage dans lequel étaient les pénitents,
dans les premiers siècles, de se présenter ce
jour-là à la porte de l'église, revêtus de ci-
lices et couverts de cendres.
Mais quel rapport y a-t-il entre la cendre
et la pénitence ? C'est un monument des an-
ciennes mœurs. Se laver le corps et les ha-
bits, se parfumer la tête était le symbole de
la joie et de la prospérité : au contraire, la
marque d'une douleur profonde était de se
rouler dans la poussière, et d'y demeurer
DiCT. OEThÉOL. DOGUATigCE. I.
couché. Cela se voit encore quelquefois par-
mi le peuple des campagnes, qui se livre vio-
lemment aux impu'sioDS de la nature. Du
homme qui se montrait avec le corps., les
cheveux et les habits couvi-rts de po issière,
annonçait, par cilextéri 'ur néglige, le deuii
et l'alfliclion. Les exemples en sont fré-
quenis dans l'Kcriture saiiiti'; Job, l'hisloire
des rois, les prophètes, rRvaugilc même en
parlent. — David, pour exprimer une douleur
amère, dit qu'il maiige.iit la rendre cmiiine
le pain, ou plutôt avec le p:iin (Psal. ci, 10).
Comme les anciens cuisaient leur pain sous
la cendre, ne pas se donner la peine de se-
couer la cendre dont le pain était couvert,
était une marque d'afllirtion.
Aujourd'hui, dans l'Eglise romaine, le
jour des cendres, le célébrant, après avoir
récité les psaumes péniteuliaux et d'autres
prières, bénit des cendres, en impose sur la
tête du clergé et du peuple, qui les reçoit à
genoux, et à chaque personne à laquelle il en
donne il adresse ces paroles : f/oiiime, sou-
viens-toi que lu es poussière, et que lu i/ retour-
neras. C'est la sentence terrible que Dieu pro-
nonça contre le premier pécheur (tffl/i. m, 19).
Lorsque la coutume de brûler les morts sub-
sistait, un peu de cendre tirée du bûcher et
appliquée sur le front d'un homme était un
symbole encore plus énergique; c'était un
arrêt de mort encore plus sensible.
Sui)rrslition I disent les protestants ; mo-
merie des prêtres 1 s'écrient les philosophes.
Nous leur répliquons : Vous ne savez pas
seulement ce que signifie le rite que vous blâ-
mez. Dans la bénédiction des cendres, l'E-
glise prie Dieu d'inspirer des sentiments do
pénitence à ceux qui les recevront, et de
leur pardonner leurs pccliés ; le fidèle qui se
présente vient ratifier pour lui-uiême cette
prière de l'Eglise, se frapper de l'image de la
mort, afin de se détacher du péché. Oà est
la superstition? Uetrancher du culte reli-
gieux les symboles les plus naturels et les
plus expressifs, c'est étouffer tout à la fois
la religion et la nature.
CÈNE, souper, du latin cœna, et du grec
xoivD, ret)as commun d'une famille rassem-
blée. Pourquoi les anciens ont-ils donné ce
nom au repas du soir, plutôt qu'à celui du
matin, ou à celui du milieu du jour ? Parce
que la famille d'un laboureur est dispersée
pendant tout le jour pour les travaux do l'a-
griculture; elle prend ses repas au hasard et
dans la campagne, elle ne se rassemble que
le soir : c'est le souper qui la réunit.
Le nom de cène a élé spécialement donné
au dernier souper que fil Jésus-Clirist avec
ses apôtres rassemblés la veille de sa mort,
dans lequel il mangea la pâque avec eux, et
après lequel il institua l'eucharistie; l'Eglise
en célèbre la mémoire le jeudi saint. Pour
nous remettre sous les yeux l'humilité de
Jésus-Cbrist qui, après la cène, lava les pieds
à ses apôtres, il est d'usage dans chaque
église de laver les pieds à douze pauvres. Nos
rois renouvellent aussi cette céréuionie lou-
chante et majestueuse, et c'est ce que l'ou
appelle faire la cène. Après un sermon cou
2i
'«
CEN
CEN
748
fenalile au sujet, et après l'absoute faite par
un évoque, le roi, accompagné des princes
du s.iiig cl des {;rands officiers de la cou-
ronne, lave et baise les pieds à douze pau-
vres, les sert à table, < l leur fait une au-
tiôiie. Après midi la reine fait de même à
douze pauvres filles.
C'est une question parmi les lhéolo»iens et
Us coninuMilateurs de l'Kcriture sainte, de
savoir si, dans la dernicre cène, Jésus-Christ
mangea la pàque avec ses apôtres ; quelques
auteurs modernes ont soutenu qu'il lie la
mangea point : nous prouverons le contraire
an mol Paque.
Lorsque les protestants ont donné le nom
de cène à ia iiianicre dont ils célèbrent l'ins-
tiluiion de l'eucbaristie, ils se sont écartés
de l'ancien usage de l'Eglise, et ont abusé du
terme par nécessité de système. Ils ont voulu
donner à entendre par là que toute l'essence
du sacrement consiste dans le repas religieux
que font les fidèles en communiant ; mais
toute l'antiquité dépose contre eus. Dès
le I" siècle de l'Eglisi^, l'usage a été de
nommer c -haristie l'action de consacrer le
pain et le vin, et d'en faire le corps et le
sang du Seigneur. Aucun des anciens Pères
de l'Eglise ne s'est avisé d'appeler celte ac-
tion la cène ou le souper du Seigneur. Cette
cène était finie, lorsque Jésiis-Clirist consa-
cra l'euchari'lie pour la donner aux apôtres
{Luc. XXII, 20 ; I Cor. xi, 25). Il est absurde
de regarder l'action des apôtres, et non celle
de Jésus-Christ, comme la partie essentielle
et principale de la cérémonie. Voy. Elgha-
RisTiK, § ;i.
CÉNOBITE, religieux qui vit dans une
communauté, sous une règle commune, avec
d'autres religieux ; ce mot vient de xoi.o,-,
commun, et de ^U;, vie. Un cénobite est ainsi
distingué d'un ermite ou d'un anachorète
qui vit dans la solitude.
L'abbé Piammon parle de trois espèces de
moines qui se lrouv;iient en Egypte dans la
Tliébaïde ; savoir, les cénobites qui vivaient
rassemblés en communauté ; les (uiachoi êtes,
qui demeuraient seuls, el les sarubailes, qui
étaient vagabonds ; ce« derniers ont toujours
été regardés comme de faux moines. Il rap'
porte au temps des apôtres l'instituiion des
cénobites : c'csi, selon lui, une imilation de
la vie commune des fidèles de Jérusalem ;
mais ces fidèles étaient des gens mariés qui
n'avaienl pas renoncé au monde. Saint Pa-
cômc passe pour le prcmi(>r instituteur de la
vie cénobilique, parce qu'il est le premier
qui ait fondé des communanlés réglées.
Avant lui, les moines étaient anachorètrs ou
solitaires. On prétend ce|)finiianl que saint
Antoine avait bàii un monasièrc vingt ans
plus tôt que saint Pacôrae ; mais celui-ci est
le I riinier qui ait écrit une règle monas-
tique.
Dans le Code théodosicn, I. xi, tit. 30, De
Appelldt. Lerj. a", les cénobites sont appel s
s>/nvbitn;, à la lettre, gens ipii marchent en-
semble, (jui suivent le même chemin ; ce ne
sont donc pas les domestiques des moines,
comme l'ont imaginé quelques glossateurs,
mais les cénobites. fBingham, Oriij. eccl.,
tom.lll. 1. vn,c. 2, § 3.)
Quelques écrivains modernes, qui ont con-
sidéré les cénobites sous un aspect purement
liolilique, ont conclu qu'il est de l'intérêt pu-
blic de faire subsister un grand nomtire
d'hommes à moins de frais qu'il est possible,
que la vie commune esl beaucoup moins
dispenlieuse pour chaque individu que la
vie particulière; qu'a ce* égard les couvents
sont un mo\ en d'économie : l'expérience con-
firme celte observation. Pour noiis, qui ne
devons envisager cet obict que du côté des
mœurs, nous pensons que plusieurs hommes
rassemblés, qui vivent sous une règle com-
mune et sont assujetlis aux mêmes devoirs,
ont dans l'exemple de leurs frères un puis-
sant moyen de plus pour se soutenir dans la
vertu; que malgré les censures lancées par
la malignité contre ce genre de vie, il est
utile el louable à tous égards. Voy. Moine,
E FAT MONASTIQUE.
CENSURES ECCLÉSIASTIQUES. Ce sont
les peine» que l'Eglise inflige à ceux qui ont
désobéi à ses lois, i'uiscju'en vertu de l'insti-
tuiion de Jesus-Ghrisi, les pasteurs de l'E-
glise ont droil de. l'aire des lois, ils ont aussi
le pouvoir d'intliger des peines, de retran-
cher aux chrôliens réfractaires les biens spi-
rituels, qui sont accordés aux fidèles soumis
et dociles. Voy. Lois ecclésiastiques. Mais
comme 1 autorité de l'Eglise est celle d'une
mère tendre, elle ne se résout à punir que
pour des cas graves, et après avoir tâché
d'intimider par des menaces ses enfants dos-
obf'issants.
On dislinftue trois espèces de censures,
l'ExCOMMUNICATION, la SUSPENSR, I'InTERDIT.
]'oy. ces mots en particulier. Il y a des cen-
sures réservées, et d'autres non réservées ;
toul prêire approuvé peut absoudre des se-
couilcs, et non des premières, pour les-
quelles il faut un pouvoir spécial du supé-
rieur ecclésiastique qni les a portées. Dans
le tribunal de la pénitence, le prêtre, avant
d'absoudre le piiutenl de ses péchés, l'absout
• des censures non réservées qu'il pourrait
avoir encourues. Voy. l'Ancien Sncramen-
' taire par Crandcolas, i" partie, p. 554,
Il se peut faire que dans les siècles peu
éclairés, lorsque les peuples ne pouvaient
être retenus que par la crainte, les supé-
lieurs crclésijistiques aient quelquefois abusé
des censures, surtout en les employant pour
des inlércls purement civils, ou pour des cas
qui u'éiaienl pas assez graves ; mais cet abus
n'est i)as une raison de conleslor à l'Eglise
le pouvoir que Jésus-Chrisl lui a donné, pou-
voir nécessaire pour conserver la discipline
ecclésiastique.
CENSI HE DE LITHES OU DE HOCTRINB. I.'K-
glise, qui a reçu de Jésus^Chrisl la commis-
sion et l'aulurité d'enseigner lc< fi èles, a
conséiiueinnienl le droit (!« condamne r tout
ce qui esl contraire à la vérité cl à la doc-
trine (le son divin maître. Si elle se bornait
à donner à ses enf.ints les livres propres à
les instruire, sans lcur<Ster ceux qui peuvent
les égarer, elle uc remplirait que la muilié
749
CEN
de son objet. Tout homme qui publie des
écrits esldi)nc soumis à la censure de l'Ivglise,
et s'il refuse; de s'y couformer, il est coupa-
Mc de dcsobéissauc» à l'autorisé Icijiiime.
Dos qu'un ouvrage nuelcoiique est condamné
comme pernicieux, il n'rst plus permis de le
lire ni de le garder; s'olisiincr à en faire
l'apologie, c'csl se révolter sans raison con-
tre l'autorité de Jésus-Christ même. — Depuis
que les livres sont multipliés à l'infini, aucun
ouvrage particulier de doctrine, de morale
ou de piété n'est absolument nécessaire aux
fidèles ; dès qu'il est condamné, il ne peut
plus leur être utile.
Sous le nom do rejisure, on n'entend pas
ordinairement la condamnation d'un(> doc-
trine portée dans un CDUciie, mais celle qui
a été faite, soit par le souverain poniife, soit
psr un ou [)!usieurs évêquos, soit par des
théologiens ; Ion appelle (iualiiicaiiun!i les
notes qu'ils ont imprimées ans propositions
qui leur ont paru réprehensihlos, soit (]u'ils
aientapiiliqué distinctement ces notes à cha-
que proposition en p irticulier, soit (ju'ils les
aient censurées seulement en général ou i«
globo. — Une proposition peut être condam-
née comme impie, biaspliématoire, héréti-
que, sentant l'hérésie, eironée, fausse, scan-
d.ileuse, captieuse, téméraire, dangereuse,
mal sonnante, olTensive di's oreilles pieuses ;
il est à propos de donner une idée nette et
précise do chacune de ces quaiiTications. —
Une doctrine ou une proposition est impie et
blasphématoire, lorsqu'elle attribue à Dieu
des qualités ou une comliiitc qui déroge à
ses infinies perfections : telle est celle qui
exprime que Dieu est l'auteur du péché, con-
duite contraire à la sainteté de Dieu et à sa
justice. Celte note est la plus (létrissante que
l'un puisse imprimer ;\ une proposition ; elle
donne lieu de juger que l'auteur a méconnu
une vérité non-seulement révélée, mais dic-
tée par la droite raison, cl qu'il a perdu tout
senlinient de respect pour la Divinité. — La
doctrine héréliquc est celle qui est directe-
ment contraire à une décision formelle de
l'Eglise, il peut arriver à un écrivain qucl-
comiue de contredire une vérité révélée sans
lonibor dans l'héiésie, lorsque l'Iiglise n'a
pas encore expressément décidé que tel est
le sens de la révélation ; mais lorsejuc l'Eglise
a prononcé, il y a de l'opiniâtreté, et c'est
une hérésie de résister à sa décision.— Quand
on dit qu'une proposition stil l'hérésie, ou
approche de l'hérésie, on entend qu'elle donne
lieu de juger que l'auteur nie et veut com-
battre un dogme décidé par l'Eglise. Si un
théologien soutenait que l'eucharistie n'est
que la figure du corps et du sang de Jésus-
Christ, celle proposition sérail hcréiique,
puisque l'Kglise a solennellement décidé la
présence réeile de Jésus-Christ dans l'eucha-
ristie. S'il se bornait à direque c'est la fignre
ou le signe du corps et du sang de Jésui-
Chrisl, sans faire entendre que c'est quelque
chose de plus, cette façon de parler sentirait
l'hérésie ; elle ferait soupçonner que l'auteur
n'admet pas la présence réelle, à moins que
dans le reste de son ouvrage il n'eût professé
CEN 750
disllnctcmenl cet article de notre foi.— Lors-
qu'une proposition est (léirie comme erronée,
il semble que c'est quelque chose de plus que
si elle riait condamnée corn ne fausse. Une
fausseté peut être sans conséquence, lois-
qu'il n'en résulte rien contre la foi ni contre
les mœurs ; mais on appelle erreur une faus-
seté qui atla(]U' l'une ou l'autre. Cependant
toute erreur n'est pas une hérésie l'ormcUe.
Il est faux, par exemple, que saint l'ierre
n'ait pas été à Home ; mais on ne taxerait
pas d'hérésie un homme (jui se bornerait à
contester ce faili S'il afiirmail que le souve-
rain pontife n'est |>as le successeur de saint
Pierre, ce sérail une doctrine erronée, de la-
quelle il s'ensuivrait que le souverain pon-
tife n'est pis le chef visible de i'iîglise. Or
cette dernière proposition sentirait l'hérésie,
parce que c'en est une de soutenir qu'il n'a
pas un pouvoir de juridiction sur toute l'E-
glise ; le contraire est formellement décidé
par le concile de Trente. — Une doctrine est
scandaleuse ou pernicieuse au salut des àmcs,
lorsqu'elle tend à diminuer dans les fidèles
l'horreur du péché, le respect pour les cho-
ses saintes, la soumission ;'i l'Eg'ise ; une
proposition fausse en fait de morale est ordi-
nairement dans ce cas. On doit regarder
comme scandaleux des éloges [irodigués par
certains écrivains aux hércli(iues et aux en-
nemis lie l'Eglise, dans le dessein de persua-
der c|u'ils ont été condamnés mal à propos,
que leur doctrine était vraie et innocente ;
alTectation très-comniune chez nos auteurs
modernes. — Lorsqu'une opinion est con-
traire au sentiment du très-grand nombre
des théologiens, et à la cro. ance commune
des fidèles, (|u'clle n'est londée que sur des
conjectures et sur des raisonneaienis très-
peu solides, elle est léméridre; c'est la note
que mériterait un écrivain qui attaquerait
la conception immaculée de la sainte Vierge.
Sa doctrine offenserait encore les oreilles
pieuses, parce que tout chrélien ipii fait |iro-
fession de piété, honore singulièrement la
Mère de Dieu, et ne peut soulTrir que l'on
attaque ses augustes privilèges. — On a,ipe!lo
doctrine dangereuse celle dont les hérétiques
peuvent abuser pour souienir li-urs erreurs;
mais ce qui est dangereux dans un temps
peut cesser de l'ère; ainsi le mot consub-
stantiel fui rejeté par un concile d'Antioche,
parce que les partisans de Sabellius en abu-
saient pour confondre les personnes divines
elles réduire à une senle; mais lorsque ce
danger n'exista plus, le concile de Nicee con-
sacra ce même terme pour exprimer la divi-
•)ilé de Jésus-Cb ist. — S: une proposition
exprime une vérité en lermos durs, indé-
cents, capables de la rendre odieuse, elle «s'
notée cuininc mal sonnante. Lorsqu'un théo-
logien dit (lue la e/rde a manqué à saint
Pierre, il donne à entendre que toute grâce
lui a manqué, ce qui est faux. Saint l'ierre
a manque d'une grâce efficace, et non d'une
grâce suflisanle ; autreaient sa chute n'au
rail été ni libre, ni imputable à péché, "■
la même raison, cette même proposition
captieuse, parce que, sous des ternies
■JM
CEN
l'dii peut prendre en bonne pari, elle carhe
le venin de l'erreur (Holden, de Ilesolut. fidei,
I. II, C. 8, lecl. 1 ; Canus., de Locis TUeul.,
1. Xll, c. 10). [Vol/. OUALIFCATIONS.]
Dans mitre ^iùcle, on a sérieusement mis
en question si le souverain pontife et
l'Efllise peuvent condamner un nombre de
proposiliouj î" i/lobo, comme respectivement
fausses, scandiilt'uses , hérétiques, cti-., sans
appliquer à chacune en parliculier la note
ou la (inililicalion qui lui cunvienl. On di-
sait : Oi'e nuu< apprend une pareille con-
damnation? l'Ile ni'Us appri-nd qu'il n'est
aucune des propositions conifirises dans la
censure qui ne mérite quelqu'une des notes
ou qu.ililic. liions qui leur sont données en
généial; par cimsequent, qu'il n'est permis
d'en soutenir aucune telle (pi'elle se trouve
dans le livre condamné; elle nous a|)prend
que la lecture de ce livre est pernicieuse aux
fidèle-, et n'e^ plus permise à aucun. Qu'im-
porte au simple (idrle de savoir si telle pro-
position est liérélique.ou seuleu)enl erronée
et rmssc? Quand elle ne ^erail que mal son-
nante ou captieuse, n'en est-ce pas assez
pour qu'il f.iille s'en abstenir? C'est l'affaire
des Ihcologiens de voir en quels termes cha-
cune doit èlre notée. — Il est (rès à propos,
sans doute, de recommander réi|uilé, la mo-
dération, le desintcressenient . l'indulgence,
la timidité même, aux théologiens chargés
de censurer des livres; il l'aul les prier de se
souvenir que dans cette circonstance ils sont
juges et non dispiileurt; qu'ils doivent re-
noncer à tout système, à toute prévention
coulre un auteur et contre le corps dont il
est me.nibre, à tout esprit de parti ; qu'une
censure infeclée de l'un de ces dclauis est
nulle et sans autorité. Mais il ne faut pas
oublier non pins de piccher aux écrivains la
sagesse et la docililc. Lorxju'un auteur n'a
point écrit dans le dessein de dogmatiser, de
faire du bruit, d'in(iuiéler les pasteurs et les
théologii'HS , il mérite de l'indulgence, s'il
consent volontiers à s'expliquer </U .i se ré-
tracter; s'il avait des intenlions contraires,
il n'a droit d'exiger aucun niénageinenl. La
censure à laquelle un auteur se soumet sans
résistance ne le flétrit point auv yeux d • ses
conleniporains ni di' la postérité : Fenelou
s'est acquis plus de gloire par sa soumission
qu'il n'aurait pu faire par une apologie com-
plète. Celui ((ui résiste et déclame contre ses
juges est un plaideur de mauiaise loi. —
Dans ou siècle où la plupart des écrivains
semblent saisis de l'esprit de V( rlige,ne res-
pectent aucune religion ni aucune aulurilé,
s'excitent les uns les autr<'s /i braver toute
cen^'ure , ce n'est pas le cas de les ménager.
L'intrépidité dont ils se parent ne les mettra
point A (Ouvert de l'ignominie <)u'iK méri-
tent; leurs ouvrages l.iiiiberonl dans l'oubli,
la censure subsista ra. I^eiu auteurs qui ont
fait autrefois du bruit ne sont plus connus
aujourd'hui que par la lleirissure dont leur
nom est chargé; les ailentats d<" nos pre-
miers incrédules ont été elTaces par ceux do
leurs successeurs, et déjà on ne se souvient
plus de ceux qui ont précédé : il en sera do
CEP Î52
même dans tous les temps. Voy. Livkes dé
FENDUS.
♦ CENTRE D'UNITÉ. Il Tiul à l'Eglise un cenlid
d'iiuiié.Le sié^e île saint l'ii'rie est ce i entre, toiiiuia
iKiiis le Mientroiis aux mois Pape, Primauté. Nous
nous contenions de ra|i(iorler ici tesbetlispiiroles de
Bnssiiet : I L':iiiiorilé ei'clésjasiiqiie, d'après saint
Cé-aire d'Arles, |preiiiièrenieiil éiatilie en l:i piMsun-
iie il'un sent, ne s'esl ié|iaiiilne qu'à cniidilion d'èur!
Idiijoiirs ramenée an pinici|ie de son uniié, et que
tous ceux qui auront à l'exercer se itoivrm tenu'
insè|>arat>temeiit nui-, à la niénie chaire. Cest celle
chaire romaine lam célcltiée dans les Pères, où ils
onl exalté coinnii! à lenvi la prinripuulé de la cliul-
re upoilotiiiue ; la tir.iicipaulé print'f^ale ; lu source de
l' unité el dans la place de i'ierre Céniinenl deijré de la
chaire sncerdotnle, l'Eçflise mèri\ qui lient en .^a main
la conduite de loules Us autres Eijlises, le chef de
l'épiscopat, d'où part le ray m du i]Ouvernemenl ; la
chaire principale ; ta chaire unique, en laquelle seule
tous giirdciil l'uniié. Vous eiiienilez dans ces mots
sailli Optai, s:iint Angiisiiii, saint Cyprien , saint
Iréiiée , sainl Pro>|ier, saiiil Avii, saint 'Iliéodorel,
te concile de Clialiédoiiie et les autres ; rAlruiue, les
Ganles, la Grèce, l'Asie, rOrieiil el l'Occident unis
eiisenilile. >
CE.STURIES DE MAGDEBOUKG, corps
d'hi-itiiiie ecclésiastiiiue composé par quatre
luthériens de Magdebourg , qui le conimeu-
cèrenl l'an loJO. Ces quatre auteurs sont
Maihias Flaccius, surnommé Illyricus, Jean
Wigand , Mallhieu Lejudin , Hasile Fabert,
auxquels quelques-uns ajoutent INicolas Gal-
lus, el d'autres André Corvin. Illyricus con-
duisait l'ouvrage, les autres travaiilaienisous
lui. On l'a continué jusqu'au xiir siècle.
Ithaque centurie contieut les choses re-
marquables qui se sont passées dans un siè-
cle. Celte coiopilalion a demandé beaucoup
de travail ; mais ce n'est une histoire ni
fidèle, ni exacte, ni bien écrite. Le but des
centiu ialeui s était d'.itlaquer l'Eglise romai-
ne, d'établir la doctrine dj Lulher, de dé-
crieiles Pcrcs el les lliéol.ij;ieiis catholiques.
Le cardinal Baronius entreprit ses Annales
ecile'siasliijaes pour les opposer aux centu-
ries.
On a reproché à Baronius d'avoir été trop
crédule et d'avoir mani)ue de critique. Ceux
qu'il réfute avaient peclié par l'excès con-
traire : ils avaient rejeié el censuré loul ce
qui les iiicummudail. Le I'. Pagi , cordelier,
Isaac Gasaulion, ie cardinal Noris.Tilleniont,
le cardinal Orsi, etc., ont relevé les fautes de
Baronius , cl on a réuni leurs remar(|ues
dans une édition des Annales ecclésiustii/ues
donnée à Luc{iues. Au contraire, les erreurs
el les calOiiinics des ccnturintcurs ont ete ré-
pétées, commentées, ain|/lifiè<'s par la plu-
part des écriv.iins proleslanls ri par les in-
crédules, leurs copistes. On a beau les réfuter
par des preuves invincibles, ceux (jui onl iii-
tercl de les accréditer ne se rebulenl point,
et à force de renouveler les méuies impostu-
res , ils parviennent à les persuader aux
ipuorauis. Vui/. IlisroniE EccLKsusriiiuu.
CEPllAS, iiom que Jesus-Cbrist donna à
Simon, (ils de .Jean, lorsque son frère .\ndre
le lui amena [Joan. i, 'r2}.
Cephiis,{:n syriaqui, signifie /'/erre, comme
l'explique saïut Jeau. De là, les apôtres qu*
735 CEP (;i:r 754
ont érnt en grec ont appolô saint Pierre né- qui en rapiiorle le passage sans le contre-
Toof, cl les Latins Pc^m; ils ont eopeniiaut dire; Korolliée de l'yr, dans une ehrunique
retenu en quelques endroits le nom de Ce- pascale; plusieurs écrivains dont parlent
;j/ifls. Telle est l'élyniolonie qu'ont donnée saint Jean Clirysoslome. saini .lérôme , saint
de ce nom Terlullien , saint Jérôme, saint Grégoire, et iiui vivaient de leur lemps ; l'.iu-
Auguslin et la p.lupirl des coiiunenlalcurs. leur de la Chrnnvjue (T Alexandrie , qui écri-
Quelques-uns ont cru que Céphas venait du vail au vii° siècle, i-t Oi'>umcnius, qui est
grec vfidïn, Ifle; mais Ji-sus-Clirist ne par- mort dans le \r. — Comme il s'agil, non pas
lait pas grec, et saini Mitlliieu avait écrit en d'un poiiil de dogme, mais d'hisioire et de
syria(iue. Il avait uil, cliap. xvi, v. 18 : Ta criti(iui', le P. Hardouin a pensé qu'il devait
es Cfpiia, el svr celle cépii* je bâtirai mcn se décider par di"- raisons pliiiôt que par des
Eglise. Uatis les versions grec(iue el laline , aulorilés. puisipT'l n'y a point iri de témoins
on a changé le noni /)p(r(/ eu celui de Pelrun, conleniporains. il a laii en 1709 une disser-
pour le filin- convenir à saint Pierre; in.iis talion pour prouver que Céphas n'est point
en français il n'y a rien à changer : Tu es l'.ipôlre saint Pierre. L'/ililé Boileau l'a ré-
lierre, el >Mr celle pierre je txliirni mon fuie dans une aulre dissert iiion , en 1713.
Eglise. — Jésns-Cln isl a donc voulu faire Dom Calmct a raiiporlé les raisons pour et
Coniprenilre (|u'en élevant saint Pierre à la conire, 'lans une disserlalion sur ce même
dignilc de chef des apôlres, il en faisait la sujet, /iihle d'Aiif/von , i. XV, pag. 705. Il
pierre fondamentale de son lîglise. Puisnu'il s'est décidé pour le senlimeiil de l'.ibbé Boi-
ajoule que cet éililice ne sera |)i'iiit renversé, leaii. — Chai un de ces auteurs arrange la
mais subsistera jusqu'à la fin des siècles, il chronologie d'une manière favorable à son
faut que l'autorité de saint Pierre ait passé à opinion ; mais comme c'est une pure conjec-
ses successeurs, et que son siège soit tou- Inre de part el d'autre, nous ne nous y arrô-
jours le centre d'uniié auquel les fidèles doi- Ions point. La principale difficulté es! de sa-
vent tenir pour être membics de 1'; glise. voir si la dispute de saint Paul avec Céphas
Ainsi ont raisonne les Pères, et après eux les arriva .ivant ou après le concile de Jéru-a-
Ihéologiens ; les hérétiques et les incrédules Icin , dans lequel il avait été iléciilé (juc les
font de vains efl'orls pour obscurcir celle gentils n'étaient point obligés d'otpserver la
vérité. loi de Moïse , comme le pi étendai<nl les
Un passage de ITpître de saint Paul au\ Juifs. — Le P. Hardouin soulienl que ce fui
Galales, chap. ii, v. 1 et siiiv., a donné lieu avant le concile, parce que si saint Pierre
à une liispute sur le nom de Céphas. L'apôtre avait commis la faute dont on l'accuse, après
dit que quatorze ans après sa conversion, ou avoir jugé lui-naème la cause contre les Juifs
après un voyage qu'il avait fiità Jérusalem, et en faveur des gentils, sa conduite à Antio-
'il y en fit un autre pendant lequel il conféra clie serait inexcusable. Don Calmel ne sera-
sur l'Kvangile avec les apôtres, et en parti- ble pas avoir suffisamment satisfait à celle
culier a»ec i;pu\ qui paiaissaient être i/udqae première objection du P. Hardouin. — Celui-
c/iose; que Jacques , r<'/'/i«.s et Jean , 7i(i pa- ci observe, en second lieu, ((ue saint Paul,
raissaicnt être les colonnes de celle liglise, dans l'Kpître même aux (nila'es, appelle
trouvèrent bon qu'avec Barnabe il préehâl trois fois saint Pierre, ni 710- (e. i,v. 18; c. 11,
aux gentils, comme enx-méines piécbaient v.7et8j; qu'il n'est pas probable qu'au v. 9
aux circoncis. Mms , ajoute sain! Paul, Ci!- il le nomme Céphas. La manièie dont il parle
l'iiAS éUinl venu à Aiilioche, je lui résistai en de celui-ci sérail très-indécente à l'égard de
fuce , parce qu'il élait ripréhen-ihle. Avant saint Pierre. A-l-il pu dire de lai : Je confé-
l'arrivée de quelques Juifs, venus de la part rai avec ceux qui paraissnienl être quelque
de Jacques, il munijeail avec les gentils; de- chose (v. 2]; ceux i/ui paraissnienl être quel-
puis leur arrivée, il se retirait el se tenait à que chose ne m'onl rien donné (v. fi) , après
l'écart, de peur de déplaire aux circoncis; et avoir dit, chap. i, v. 18 ; Je vins à Jérusalem
il en rnirahia plusi'urs dans cette dissimula- voir Pierre, el je demeurai chez lui pendant
tien. Comme je ris (/u'ils n'agissaient pas se- quinz' jours? l'M-il piobable que, pendant
Ion la droiture de l'Evanqile, je dis à Ciien*?, ces quinze jours, saint Paul n'avait profilé en
devant loni le monde : Si vous, qui êtes Juif, rien des instructions de saint Pierre? Il est
vivez comme les gentils, pourquoi voulez-vous beaucoup plus naturel de croire que Jac-
les vbliijcr à judaiser? etc. — La question est (|ues , Céphas el Jean, desquels il parle, v. 6
de savoir si ce Céphas, repris par saint P.iul, cl 9, avec une e-pèi'e de mépris, n'étaient
est l'.ipôlre s linl Pierre ou un disciple de ce pas trois a|iôlres, mais trois disciples des-
nom. Les anciens ont été partagés sur i elle quels saint Paul n'élait pas contenl. — Dom
question : Origène , Uidyme , Apollinaire , Caimet répond que , puisque saint Pierre
liusèbe d'Edesse, Théodore d'Héraclée, saint a» ail deux iio:iis, saint Paul a pu s'en servir
Jean Clirysosiome , Tbéodoret , parmi les indifféremment ; mais il ne satisfait pas à la
(îrecs; Tertullien, saint Cyprieu, saint Jérô- seconde partie de l'objection. — En troisième
nie, saint Augustin, l'auleur nommé .-Im/^ro- lieu, dans la première l^iilre aux Corin-
siaster, saint Grégoire le Grand, saint Tho- Ihieiis, c. 1, v. 12, saint Paul leur reproche
mas, parmi les Latins, et le plus grand nom- qi;e parmi eux les uns disaient : Je suis à
bre des commentateurs, ont pensé que ce Paul; les autres, Je suis à Apollo; ceux-ci,
Cf'p/ids esl l'apôtre saint Pierre. On cite pour Je suis kCéphas; ceux-là. Je sui-s à Jésus-
le senlimenl contraire saint Cleuienl d'A- Christ. Outre qu'il est fort douteux que saint
lexandrie, dans ses Hypolyposes; Eusèbe, Pierre ail jamais prêché à Conulhe, v ail eu
7S5
CER
CEIt
756
des disciples parlicoliers, y ait été nommé
Céphas, et non hét/soc, peut-on se persuader
nue saint Paul ne l'iiit placé qu'au troisième
rang, el après un siniple disciple? 11 fait de
niênie. c. i\, V. 5, en parlant des autres apô-
tres , des frèr.s du Seigneur et de Ccphas. Il
', aurait en cela une affeclation trop mar-
quée. — On a biau dire qu'il ne s'agissait pas
là de régler les rangs : la |)Iace que lenail
saint Pierre parmi les apôlres exigeait plus
de mén.igemeni que saint Paul n'eu témoigne
pour Céplius. — Les autres raisons qu'allè-
gue le P. Hardouin ne paraissent pas fort
solides, et l'on ne peut pas approuver son
aHectniion de préférer la leçon de la Vulgale
à celle du te\le grec
Dans le fond, celle conleslation ne nous
paraît pas fort iniporlante, Quand le Céphns
repris par saint Paul serait l'apôtre saint
Pierre, quand relui-i i aurait ii cnagé à l'ex-
cès le I réjugé des Juifs, sa faute ne nous pa-
raîlralt pas fort grave. Saint Paul lui-même,
par ménagi'mcnl pour les Juifs, fit circoncire
son disciple Timoihée, se purifia dans le
temple et lit les oblations prescrites par la
loi {Ad. XVI, 3; xx;, 21). Il jugeait donc,
aussi bien que saint Pierre, qu'il él.aità pro-
pos d'avoir queliiue condescendance pour la
pré\ei)lion des Juifs; qu'il ne fallait pas la
licurler d> front. Quand saint Pierre n'aurait
pas d abord lait alleniion au* conséquences
qui pouvaient en résuller, ce ne serait pas
un crime. C'< si Irès-injuslemenl que les hé-
rétiques el les incK'duies ont pris occasion
de ce fait pour calomnier ces deux apôlres;
il u'\ i\ dans la conduite dr l'un ni de l'au-
tre aucun Irait d'Iiyiioci isic ni de iiiauv ise
foi. Ce;!x d'entre les protestants qui ont con-
clu do là que saint Pierre n'elail pas iv failli-
ble se sont joués du terme : ils devaient con-
clure tout au l'Ius que saint Pierre n'était
pas impcccdhie. Tenir une conduite de la-
quelle on peut lir< r une fausse consé(inence
et une err( iir, ce n'est pas cnseii;ner pour
cela l'erreur. Saint Pierre pourrait donc
avoir péché dans sa conduite sans avoir failli
dans sa doi'lrine.
CKKDONIKNS, hérétiques du ii^ siècle.
Cerdon, leur maître, né en Syrie, suivit les
erreurs de Simon le Magicien. Il vint à Uome
sous le pape Hjgin, y séjourna longtemps, y
seuia sa doiliine , tantôt en secret, tantôt
oiivertemcnl. Hepris de sa témérité, il lit
semblant de se npcniir et de se réunir à
l'Eglise; mais son hypocrisie fut connue, et
il fut absolument chassé.
Comme la plupart des hérétiques de ce
même siècle, Cerdon soutenait ijuc ce monde
n'étail pas l'ouvrage d'un Dieu tout-puis-
sant. 6age et huit, non plus que la loi de
Moïse, qui lui paraissait imparfaite et trop
rigoureuse. Consé(|nemment , il admettait
deux principe* de toutes choses : l'un bon et
l'autre mauvais; c'est à ce dernier qu'il attri-
buait la fabrique du monde et la loi île Moïse.
L'autre, qu'il appelait le principe inconnu ,
était selon lui le père de Jésus-Christ; mais
il n'avouait point que le Fils de Dieu se lût
réellemeul revêtu do rfaunianité, fiât né d'une
vierge, eût enduré véritab.ement les souf-
frances el la mort; tout eela, disait-il, ne s'est
fait qu'en apparence. 11 n'admettait point la
résurreclicin des corps, mais seulement celle
des âmes : il supposait par conséquent que
celles-ci mouraient avec le corps. Il rejetait
tous les livres de l'Ancien Testament, et
n'admettait du Nouveau que l'évangile de.
saint Luc; encore en retranchait-il une par-
tie. Les mêmes erreurs furent soutenues par
llarcion et par ses disciples. V. Mauciomtks.
Plu.sieurs critiques prétendent qu'outre
les deux principes, l'un absolument bon,
l'autre mauvais par nature , Cerdon et
Marcion en admettaient un troisième inter-
médiaire, qui était d'une nature mixte, et
que c'est à celui-ci que ces hérétiques attri-
buaient la création du monde el la législa-
tion mosaïque; cela peut être. Mais s'il est
vrai que, suivant leur opinion, ce principe
mixte, quoique continuellement en guerre
a\ec le mauvjiis piincipe, aspire cependant
aussi bien que lui à supplanter l'Iilre su-
prême, à soumettre à son propre empire
tous les habitants do la terre, ce principe
mixte nous parait beaucoup plus méchant
qu'il n'esl bon. C'est un trait de méchanceté,
non-seulement de serévoller contre le Dieu
souverainement bon, mais de vouloir sous-
traire à son gouvernement les hommes qu'il
désire de rendre heureux. Suivant les cerdo'
niens, le Dieu bon a envové Jésus-Clirist
son Fils sur la terre pour détruire l'empire
du mauvais principe et celui du principe
mixte, el pour ramener à Dieu les âmes
qu'ils ont séduites. Tous d 'ux, dit-on, se
sont ligués contre Jésns-ChrisI, ont suscité
contre lui les Juifs pour le crucilier et le
mettre à mort; mais connue Jésus n'a\ait
qu'un corps apparent, ils n'ont pu y réussir
qu'en apparence. Voilà donc le principe
mixte, piélendu Dieu des Juifs, devenu aussi
méchant que le mauvais principe ou le prince
des ténèbres : ainsi la supposition de ce prin-
cipe intermédiaire ne remédie à rien ; ce n'est
qu'une absurdité de plus. — D'ailleurs, ou
c'esl le Dieu bon ijui a donné l'existence
aux deux autres principes , ou ils sont
éternels cl existants par eux-mêmes aussi
bien que lui. S'ils sont éternels, c'est une
ahsurdité de ne pas les supposer absolument
bons par naluie; de quelle cause est venue
leur malice? Si c'est le Dieu bon qui les U
produits, ou il a été iiii) rudml et borné dans
ses connaissances, ou il a mal l'ail de les pro-
duire, et il est responsable de tous les maux
qui en ont résulté.
H n'est pas inutile d'observer que loulcs
les hérésies du ii'' siècle ont eu la même
orii;ine, savoir, la difficulté de concevoir
qu'un Dieu bon soit l'auteur du mal, ail pro<
duil des créatures sujellcs à tant d'impericc-
lions et de souffrances , ail imposé aux
hommes une loi aussi rigoureuse qu'était
celle de Moïse. Les philosophes ne conce-
vaienl pas mieux qu'un Dieu se fût abaissé
jusi|u'â s'incarner dans le sein d'une femme,
se re\élir de nos misères, mourir ignouii-
nicuscmcnl sur une croix. Pour sortir de cet
757
CER
CER
75C
embnrras , les uns avaient imaginé deux
principes fo-élernrls, l'un cause du bien,
l'aulri- auteiir du mal ; les autres pensaient
que Dieu .iv^il produit plusieurs pspiils In-
férieurs à lui-n)cme, ci leur avait laissé le
soin (le fabriquer cl de gouverner le inonde.
Les raisonneurs se parl.igèrent entre ces
deux systèmes; mais tous se réunirent à
soutenir que le Fils de Dieu, qu'ils regar-
daient comme un être fort inrérieur à Dieu,
ne s'était fait homme qu'en apparence ,
n'avait eu qu'une chair fantastique cl appa-
rente.
Il est évident à tout homme qui veut y
réfléchir que leur système était non-seule-
ment absurde en lui-niéme, mais incapable
de résoudre aucune difficulté. Car enfin, ((ue
le Dieu suprême ait l'ail lui-mêuie le monde
tel qu'il est, ou <iu'il l'ait laissé fiir<3 à
des ouvriers Impuissants et mal habiles, la
faute est égale de sa part; qu'il ail donné
par lui-même une loi imparfaite et vicieuse,
ou qu'il l'ait laissé établir par d'autres, l'in-
convénient est le même. N'est-il pas aussi
indigne de la Divinité de Iromperlcs hommes,
de fasciner leurs yeux, de les induire en
erreur par de fausses apparen<es d'une
chair humaine, (;uedese revêtir des misères
de l'humanité? (juant à l'hypolbèse de deux
principes coélernels , nous ferons voir à
l'arlicic Mal qu'elle ne soulage pas mieux
la raison que la préeédenle.
Jlais les raisonneurs du ii*^ siècle, malgré
leur enlêlement, n'osèrent pas nier les fails
publiés par les apôtres, la naissance, les
miracles, la prédication, les souflrauccs, la
mort et la résurrection du moins apparente
de Jésus-Christ; parce que tous ces faits
étaient prouvés par la notoriété publique :
ils n'élevèrent aucun soupçon contre la sin-
cérité el la bonne foi des apôtres. C'est le
point essentiel. De là il résulte conire les
incrédules, que les apôtres n'ont pas seuJe-
iiient subjugué des ignorants , des hommes
creilules el incajjablcs d'examiner des faits,
niais des philosophes très-disposés à les
contredire, s'ils avaient jiu, el qui cepen-
dant, ont eonfiriiié leur témoignage.
CÉIIÉMDNIE, signe cxiérieur ou démons-
tration des senliiueiils du cœur; telle |)araît
élro l'étyniologie de ce terme : il est dérivé
<le /car,, Tcnp le ctEiir, el de moneu, avertir,
faire connaître. Mettre en question si les
ciirémoDies en général sont nécessaires, c'est
demander si les hommes ont besoin de se
communiquer mutuellement leurs pensées
et leurs alleclions par des signes extérieurs.
Sans cela, pourrait-il y avoir enire eux au-
cune société?
il n'est aucun sentiment qui ne se montre
au dehors par un geste particulier; nous
n'avons pas besoin de leçon pour compren-
dre que se irosterner e'st une marque de
respect et de soumission, qu'élever les yeux
i;l lés mains vers le ciel est nn signe d'invo-
cation, qu'une offrande est un témoignage
de reconnaissance; un homme qui se frappe
la poitrine muntre qu'il a du repentir, celui
qui se lave le corps fait profession de vou-
loir purifier son âme, etc. Dn discours ac-
compagné de ces signes éloquents fait une
impression plus profonde; il tait passer dans
l'Allie des auditeurs les passions dont un
orateur est agité. On convient qu'il faut des
cérémonies dans la vie civile, que chez les
Chinois elles suppléent à la morale et à la
législation ; pourquoi n'en faudrait-il pas
dans la religion? Les signes extérieurs de
bienveillance mutuelle adoucissent les
mœurs; les démonstrations de respect en-
vers la divinité rendenl l'homme religieux.
— Parmi les ci'rémonics qui tendent à ce
dessein, les unes sont saintes el louables, les
autres superslilieuses et absurdes. On ne
doit mettre au rang des premières que celles
qui ont pour objet le culte du vrai Dieu, et
qu'il a daigné prescrire ou approuver. Il ne
faut passe persuader qu'il y ail eu jamais une
religion sans cérémonies.
Dès le commencement du monde les pre-
miers hommes, qui n'avaient point reçu
d'autres leçons que celles de Dieu, lui ont
fait des offrandes el des sacrifices, lui ont
adressé des Vuux, ont élevé dis autels, les
onl consacres par des effusions d'huile el de
parfums, ont juré par son saint nom , l'ont
pi is pour témoin de leurs alliauees , onl usé
de (lurificalioiis, ont mangé en commun la
chair des victimes, etc. C'est ainsi que l'his-
toire sainte nous peint la religion des patriar-
ches. — Lorsiiue Dieu réunit les Hébreux on
corps de nation, il leur prescrivii, par l'or-
gane de Moïse, les rites qu'ils devaient ob-
server; les lois cérémonielles furent incor-
porées à leurs lois civiles. Mais ce cérémonial
n'était pas alisolumeut nouveau pour eux ;
une partie avait déjà été pratiquée parleurs
pères. Vainemenl le chevalier Marshara ,
Spencer el d'autres, onl prélen.lu que la plu-
part des cérémunles juives étalenl emprun-
tées des Egyptiens; les patriarches s'en
étaient servis pour honorer Dieu avant que
les Egyptiens les eussent profanées par l'ido-
lâtrie. Un grand nombre de ces riles tendaient
à préserver les.luirs des supersliliLins de leurs
voisins. Voy. Lois ciinKMONiELLES. — Enfin,
lorsqu il a plu à Dieu de réunir toutes les
nations dans une même sociélé religieuse, il
a envoyé son Fils unique pour leur ensei-
gner à honorer Dieu en esprit et en vérité. Ce
divin Alaîire a institué par lui-mê.nc une
partie de nos cérémonies, et a laissé aux
apôtres, remplis de sou Esprit, le soin d'éta-
blir les autres. Dès les temps apostoliques,
au milieu même des jjersécutions , nous
voyons déjà une liturgie, des sacrements, un
clergé, une liiérarcbie. Au iv siècle, lorsque
l'Eglise eut la liberté de pratiquer son culte
au grand jour, la liturgie fut mise par éi.ril;
mais on l'avait reçue par iradilion des apô-
tres. i;ans les différentes Eglises de l'Orient,
de l'Occident, dans les langues grecque, sy-
riaque el latine, elle se trouva la même pour
le fond. Si c'eût été l'ouvrage des bomme.s,
il se serait senti du caractère el dn génie de
chaque nation, nous ne voyons pas que l'on
ait tenu aucune assemblée pour le former.
— Dieu n'a donc jamais laissé les cérémonies
759 CER
de son culte au choix et à la discrétion des
Jiomnies ; plies ont une liaison trop élroile
a?ec le dogme, avecl.i morale, avec le bien
de la société. Ceux qui les envisapont comme
un hors-d'œuvi-e iiulilTéroiit à la religion
u'en connaissent ni l'origine ni les consé-
quences.
Une cérémonie qui était sainte et respec-
table lorsqu'elle servait au cuite du vrai
Dieu, est devenue suiierstilieuse et criminelle
lorsqu'elle a été employée à honorer de faus-
ses diviniiés. L'hoinme, après s'être fonné des
dieux selon so;i (loût, s'est fait aussi un céré-
monial à son gré. Il n'a eu besoin pour cela
ni des leçons des prêtres, ni du conseil des
imposteurs, ni du secours des faux inspirés ;
il lui a suffi de suivre l'instinct des passions
et les caprices d'une imiiginalion déréglée.
Le désir immodéré d'obtenir du ciel «les biens
temporels, l'impaticnre de se délivrer d'un
mal présent, une curiosité effrénée de con-
naître l'jivenir, de fausses observations delà
nature, les équivoques inévitables du lan-
gage : voilà les vraies sources de toutes les
superstitions imaginables. Voy. Supersti-
tion. — Aueiine (le ces c.iuses n'a contribué
aux cérémonies religieuses des adorateurs du
vrai Dien; une s.igesse supérieure a présidé
à leur institulion : pour s'en convaincre, il
suffii de considérer leur analogie avec les
besoins de l'humanité sous les différentes
époques de la révélalion.
Dans le premier <1ge du monde, les céré-
monies avaient pour objet d'inculquer aux
hommes le dogme essentiel d'un seul Dieu,
créateur et con^^rvaleui- de l'univers, souve-
rain distributeur des biens et des maux, pro-
tecteur des familles, vengeur du crime, et
rémunérateur de la vertu ; de les faire sou-
venir <|ue l'homme est pécheur et a besoin de
pardon : elles tendaient à resserrer entre
eux les liens de la société fraternelle. Il se-
rait aisé de le montrer en les considérant en
détail. Leur usage devait donc préserver les
lioinn)es du polj théisme, du préjugé qui dans
la huite a peuplé l'univers d'une multitude
d'esprits, de génies, nommés dieuxoudémons:
erreur de lai|ucllc s'est ensuivie l'idolâtrie
avec tous ses crimes. Puisqu'il faut à l'homme
des rites extérieurs, il ne peut être préservé
des cén'monies superstitieuses que par des
pratiques saintes et raisonnables. — Sous la
loi de Moïse, les rites reli;;ieux étaient des-
tinés à persuader aux Juifs <|ue Dieu est non-
seulemenl l'unique maitre de la nature, mais
Je souverain législaieur, le fondateur et le
père (le la société civile, l'arbitre des nations,
qui dis()Ose .li leur sort comme il lui plaît,
les récompense par la prospérité, ou les pu-
nit par des malheurs. La plupart dci céré-
monies ]ai vos étaient autant de monuments
des faits miraculeux qui prouvaient la mis-
sion de Moïse, la protection spéciale de Dieu
sur son peuple, la certitude des promesses
»^ue Dieu lui avait faites. Elles devaient donc
ieiiir les Juifs en garde contre l'erreur géné-
rale des autres peuples touchant les dieux
locaux, indigètes, nationaux, auxquels ils
olTraient leur encens. Dieu lui-niéme témoi-
CER
760
gne par ses prophètes qu'il n'a prescrit aux
Juifs cette multitude de cérémonies que pour
réprimer leur penchant à l'idolâtrie [Ezech
XXII, 5 et suiv,; Jerem. vu, 22). Ces mêmes
prophètes ont souvent répété aux Juifs (|ue
le culte cérénioniel ne peut plaire à Dieu
qu'autant qu'il est l'expression des senti-
ments (lu cœur. En quel sens nommera-t-on
superslitions, des cérémonies que Dieu avait
piiscriles pour prévenir la superstition?
Sous le christianisme, les cérémonies ont
un objet I ncore plus. auguste et nu sens plus
sublime; elles nous mettent continuellement
sous les yeux un Dieu sanctificateur des
âmes, (jui, par Jésus-Christ son Fils, a ra-
cheté les hommes du péché et de la damna-
tion; qui, par des glaces continuelles, pour-
voit à tous les besoins de noire âme; qui a
établi entre tous les hommes, de quelque
nation qu'ils soient, une société religieuse
universelle que nous nommons la commu-
nion des saints.
Ainsi dans le christianisme, aussi bien
que sous les deux époques précédentes, les
cérémonies sonl, i" un monument des faits
qui prouvent la divinité de notre religion:
nous célébrons par nos fêtes la naissance,
les miracles, les souffrances, la murl , la ré-
surrection de Jésus-Christ, la descente du
Saiul-Esprit : monument d'autant plus irré-
cusable, qu'il remonte à la date n.éme des
événements, et qu'il a été établi par les té-
moins oculaires. 2" C'est une profession de
foi des vériiés que Jésus-Christ nous a en-
seignées, qui marche à côté de l'Ecriture
sainte et en détermine le sens : les cérémonies
du baptême nous apprennent la corrupiion
de la nature humaine par le péché; celles
delà liturgie nous attestent la présence réelle
de Jésus-Christ; le signe de la croix nous
relraee les mystères de la sainte Trinité, de
l'incarnation et de la rédemption, etc. 3" Ce
sont autant de leçons de morale qui nous
enseignent nos devoirs, nous avertissent des
vertus que nous devons pratiquer et diS vices
que nous devons éviter. Le cérémonial du
baptême est un tableau des obligations du
chrétien ; celui du mariage, un catéchisme
sur les devoirs mutuels dés époux; celui de
l'ordre, une instruction pour les prêtres : les
bénédictions de l'E^ilisc nous [orcchenl la re-
connaissance et la soumission envers Dieu,
l'usage modéré des biens de ce monde, etc. 4*
Nos cérémonies sont des liens de société qui
nous réunissent <.'ux pieds des autels, qui
rapprochent les conditions trop inégales ,
qui contribuent à la douceur des mœurs et
an repos de la société; le mariage et le bap-
tême assurent la conservation ei l'eduralion
des enfants, l'état et les droits du citoyen;
les obsè'iues des morts sont établies, non-
seulement pour attester le dogme de la ré-
surrection future, mais pour la sijreté des
vivants : c'est une précaution contre les
morts clandestines, par consé(ineiil contre
l'homicide ; la pénitence et la confession
préviennent plus de crimes que les luis pé-
nales ; la couiinunion nous place tous à la
même table, etc. L'orgueil des grands, l'é-
761
CER
CF.R
762
goïsme philosophique, délestent tous ces rites
destinés à les humilier.
Aussi, sur celle parlic de la religion, dans
quels écarts une fausse pliilosophie n'a-t-elle
pas donné? — Quelques auteurs, donl les in-
tentions élaieiil pures, sans doute, mais dont
les lumières étaient très-bornées , ont iu)a-
giné «lu'il n'y avait dans les cérémonies rien
de moral ni de mystérieux, que loules étaient
fondées sur des raisons physiques et liislo-
riqiies. Selon leur opinion, l'on emploie l'en-
cens pour chasser les mauvaisrs odeurs, les
cier(;( s pour dissiper les ténèbres de la nuit,
les (lifl'érents gestes pour l'aire allusion aux
paroles que l'on prononce, elc. C'i-st le sys-
tème qu'a suivi doin (llaude de \'ert, dans
son Ëjplicalion Ullérale et liislorique des
Cérémonies de fEglise. 11 a été solidement
réfuté par M. Languel et par le 1*. Lebrun,
dans la préface de. son Explicutiun des céré-
monies de la messe. — Les protestants, plus
hardis, onl dii que les cérémonies de l'Eglise
sont des superslilions nouvelles, inconnues
aux premieis fidèles, une source infaillible
d'erreurs pour le peuple, un efl'el de l'ambi-
tion des prêtres; co".iséquemmenl ils les ont
relianchées et pioscriles : ils ont appelé ré-
forme ce trait d'ignorance et de lemérité.
D'autres cependant prétendent que ce sont
des restes de judaïsme. Comment accorder
ensemble tous ces reproches? (Ju leur a fait
voir que nos cérémunies ne sont ni nouvelles
ni supersiilieuses , mais aussi anciiMines
pour la plupart que le christianisme; que
quelques-unes sont aussi anciennes que le
inonde. En mettant au jour la liturgie, au iv
siècle, on n'a fait que rédiger par écrit ce
qui avait été pratiqué dans les trois siècles
précédents , puisque l'Apocalypse nous
montre déjà le plan de la liturgie telle que
sainl Justin l'a r<'piésent e au i' siècle , et
saint tj\ rille de Jérusalem au m'. C'est ce
qu'a démontré l'abbé Uenaudot dans les
tomes IV et Y de la Perpéluilé de la Foi, et
après lui le P. Lebrun. — A la vérité, lors-
tiu'un dcigme catholique a été attaque par
les hérétiques, l'Eglise en a fait une pro-
fession plus expresse dans son culte, et a
multiplié les formules qui l'exprimaient.
Ainsi, comme le mystère de la sainte Trinité
a été attaqué de très- bonne heure par les
giiostiques, par les sabelliens, les ariens, les
macédoniens, etc., l'Ei^lise, pour attester sa
loi aux trois personnes divines, a partout
affecté le nombre de trois; de là le kijrie ré-
pété trois fois à l'honneur de chacune, le
Irisfigion ou trois fois saint, la triple immer-
sion pour le baptême, lu doxoloyie pUuée à
la tin de chaque psaume, elc. Les défenseurs
de l'orthodoxie onl opposé aux ariens les
caiiti<|ues des fidèlps ; aux péhigiens , les
prières de l'oflice divin; aux bcreiigaiiens,
l'adoration de l'eucharistie, elc. C'est donc
par les cérémonirs que l'Eglise a picmuni
ses enfants contre l'erreur ; et l'on vient nous
dire que cetleprofession de foi est une source
d'erri urs.
Si les protestants onl déclamé contre la li-
turgie , c'est qu'ils y voyaient leur condam-
nation, la présence réelle attestée par l'ado-
ralion de l'eucharistie, des termes qui expri-
ment la transsubslantiaiion, les notions d'of-
frande el de sacrilice , la communion sons
une seule espèce , l'invocation des saints, la
prière pour les morts, la hiérarchie, etc.
Qu'a fait l'Eglise dans celte circonstance? Ce
qu'elle avait fjil de tout temps ; depuis la
prétendue réfoiiue, elle a rendu le culte de
l'euchaiistie plus pompeux, l'invocation de
la sainte ^'ierge et des saints plus fréquente,
la liturgie plus majestueuse. C'est une pro-
fession de foi qui parle aux yeux, qui fdit
distinguer aux plus ignorants une contrée
protestante d'avec un pays catholique. Nous
ne concevons pas comment les th>'olo^ii'ns
anglicans et autres peuvent jeter les yeux
sur ces anciens monuments de la croyance
de l'Eglise, el persévérer dans leurs préju-
gés ; ils en parlent historiquement tomme
d'une chose indifférente , sans eu considérer
jamais les conséquences
Les trois principales sectes protestantes ne
se sont point accordées sur les cérémonies
qu'il fallait retrancher ou conserver : les
calvinistes les onl presque toutes suppri-
mées ; ils n'ont retenu que le baptême et la
cène, et ils en ont banni tous les anciens ri-
tes : les luthériens en ont -gardé un peu da-
vantage, el, si Luther avait été le miîlre, il
en aurait conserve un plus grand nombre;
mais il fut oliligé de céder à la frénésie de
(jnelques autres réformateurs ; c'est ce iju'il
écrivait en l,o28 à Guillaume Prawest son
ami. Les anglicans, plus m idérés, sont ceux
qui en ont le moins retranché, cl c'est une
des raisons pour lesquelles les calvinistes
leur reprochent des restes de papisme. Cn
écrivain anglican est convenu qu'il n'était
pas forlaiséde lixer le point jusqu'où il fal-
lait pousser la réforme sur cet objet; c'est le
goût et la fantaisie qui en ont décidé. —
Néanmoins un calviniste très-entété est con-
venu que les cérémonies sont utiles pour
confirmer ce qui a clé dit par les théologiens,
el pour connaître le véritable sens des ex-
pressionséquivoques ou contestées. Il y en a
quehjues-unes, dit-il, donl on lire une con-
séquence si naturelle el si évidente, qu'on
ne peut se défendre de l'admettre. Cet aveu
nous parait remarquable el très-important
(Basnage, Hist. de l'Eglise, 1. xiii, c. 6,
Mosheim dit, comme les calvinistes, que
Jésus-Christ n'a institué que deux cérémo-
nies, le baptême et la cène : s'il entend que
Jésus-Christ n'a ordonné, par un piéceple
formel, que ces deux cérémonies, cela est
vrai; mais les apôtres n'ont-ils rien prati-
qué ni rien commandé de plus ?lls ont donné
le Sainl-lisprit par l'imposition des mains :
ils onl ordonné des prêtres et des diacres
avec le même rite. Saint Jacques a recom-
mandé l'onction des m.ilades et la confes-
sion des péchés , saint Jean, dans l'Apoca-
lypse, a tr.icé le i)lan d'une liturgie pom-
peuse. Les jiasteurs, successeurs des apô-
tres , n'ont-ils pis eu comme eux une au-
torité législative, et ont-ils abusé de leur
763 CER
pouvoir, en établissant d'autres cérémonies
rel.ilives au\ circonslances et aux besoins
de lE^lise ? — Mosheim ne leur conteste pas
foriiieilement cette autorité ; il avoue même
que les apôlres ont insliluc plusieurs céré-
monies, et que les protjrès du cliristianisme
ont rendu celle institution nécessaire ; mais
il s'efforce de rendre suspects les njolifs que
se sont proposés les successeurs des apô-
lres. Il prétend qu'au ii'' siècle l'on établit
pluj^ieurs nouvelles cérémonies, 1° par con-
descendance pour les Juifs et pour les païens,
qui étaient accoutumés à un culte extérieur
pompeux, et afin de les aniencr plus aisé-
ment au christianisme ; 2° pour réfuter le
reproche d'athéisme que les païens faisaient
aux chrétiens, parce qu'ils ne voyaient chez
ces derniers aucun appareil do religion ;
3» parce que l'on emprunta des Juifs les ter-
mes Ac pontife, de prêtres, de lévites, de sa-
ciifice, d'autel, etc.; 1" afin d'imiter les mys-
tères du paganisme, qui inspiraient du res-
pect pour la religion; 5" pour se conformer
au goût des Orientaux, qui aimaient une ma-
nière d'enseigner symbol3quc et mys'é-
rieuse; C' pour ménager les anciens préju-
gés des prosélytes juifs et païens. (Ilist.
Christ., l'roleg., c. lï, § 5, et sœc. ii, § 36;
Jnst. maj., sœc. i, part, ii, c. 4, § 7; Ilist.
Ecoles, du 11' siècle, ii» part., c. 4, § 1 et
suiv., etc. — Il pense qu'au m' siècle le
nombre des cérémuniis fut encore augmenté,
parce que les Pères de l'Eglise adoptèrent
les iiiées de Pyiliagore et de Platon touchant
le pouvoir des démons sur les corps et sur
les âmes ; de là naquirent, selon lui, les
exorcismes et les autres rites du baptême ,
les bénédictions des aliments et des autres
choses usuelles, l'estime pour les mortifica-
tions et pour la continence, les pénitences
rigoureuses imposées aux pécheurs scanda-
leux, riiorrcur pour les excommuniés, etc.
Il dit que le nombre des cérémonies inven-
tées au IV siècle paraissait déjà excessif à
saint Augustin {Epist. 53 ad Januar., c. 19,
n. 33). — Nous sommes déjà redevables à ce
critique, de ce ([u'il reconnaît (|ue la plupart
de nos cérémonies ont pris nais'^ance au ir et
au m" siècle ; par là il relève la bévue de
ceux ([ui ont .soutenu que c'ét.iieiit des abus
intruiluits dans les siècles d'ignorance qui
ont sui\i l'irruption des barbares. Il n'était
pas possible de trouver plus tôt des vestiges
de nos rites, puisqu'il nous reste très-peu
de monuments du r'' siècle, et l'apùtre
saint Jean a vécu jusqu'au eommencernenl
(lu 11' .
Nous n'opposerons pas aux conjectures de
Muslieini rallachenienl que les IJglises fon-
dées par les apôtres, dans les dilTérenlcs
parties du monde, conservaient |)0ur les le-
çons de leurs fondateurs, la profession que
font les Pères les plus anciens de s'en tenir à
ce que les apôlres avaient él.ibli ; mais l'im-
pussibililé d'introduire en même temps un
nouvel usage dans l'Eglise de l'Egypte, de
l'Arabie, de la Syrie, de la Perse, de l'Asie
loineure, de la Grèce, de l'Iliilie, des (îau-
*es, de l'Espagne et des côtes de TAfrique :
CER
764
pendant les persecotions du ii« et du m*
siècle, il y avait peu de relation entre
ces sociétés différentes. Qui a pris la peine
de les parcourir pour y introduire unifor-
mément une nouvelle pratique? Connnent
dans toutes les Eglises, très-éloignécs les unes
des autres, dont le langage, les mœurs, les
préjugés, n'étaient pas les mêmes, ne s'co
esl-il trouvé aucune qui ait eu la constance
et le bon esprit de vouloir s'en tenir à ce que
les apôlres et leurs disciples immédiats
avaient réglé ? Voilà ce qu'il faudrait d'a-
bord expliquer. — Dans les écrits des Pères
du 11'^ et du ni*' siècle, dans les ouvrages de
nos apologistes, loin de trouver aucun ves-
tige de condescendance pour les préjugés et
les habitudes des Juifs ou des païens , nous
voyons tout le contraire , une alTectatiou
marquée de la part de ces écrivains d'atta-
quer (le front les idées et les notions du pa-
ganisme et du judaïsme , et d'y opposer
celles que les chrétiens avaient reçues de
Jésus-Christ et des apôtres. On peut compa-
rer sur ce point les apologies de saint Jus-
tin, (le Terlullieu , de .Minutius-Félix, d'Ori-
gène, etc.; on verra s'ils ont cherche à mé-
nager les préjuiîés de leurs adversaires, afin
de les gagner, et s'ils ont élé lentes de les
imiter en quelque chose. D'un côté, les pro-
lesl.inls nous objeclenl le silence de ces écri-
vains louchant les cérémonies dont parlent
les .luleurs du iv^ siècle; de l'autre ils sup-
posent que ce sont ces docteurs silencieux,
ou li'urs contemporains , qui les ont éta-
blies ; ils ont donc rougi d'apprendre aux
païens ce que l'on faisait dans l'Eglise chré-
tienne par condescendance pour eux. —
Nous convenons du goût général, non-seu-
lement des Orientaux, mais de tous les peu-
ples du monde, pour la manière d'enseigner
symbolique et allégorique, pour les cérémo-
nie, majesuieiises el inslrnctives qui renfer-
ment un {^■and sens. De là même nous con-
cluons (|ue .Iésus-(]hrist, les apôlres el leurs
disciples, étaient trop sages pour retrancher
aux humilies un aussi puissant moyen d'ins-
truction. Ces symboles, disent nos adversai-
res, cel appareil extérieur plaisent aux
ignorants ; cela est vrai, el en cela ils sont
plus sensés que les prétendus savants qui les
dédaignent et qui veulent les snppri'uer. Jé-
sus-Christ et les apôtres n'ont-ils voulu ins-
truire et convenir que des philosophes? —
Quant à la doctrine des pythagoriciens et des
platoniciens du iii siècle, Mosheim pouvait
remonter plus haut ; il l'aurait vue dans les
écrits des apôtres et des évangélistes. Ils
nous apprennent que le démon a osé tenter
Jésus-Christ lui-même.; que c'est lui qui
tourmentait les possédés guéris par Jésus-
Christ, el qui mit dans le cœur de Judas de
Irahir son .Maître. Ils disent que cel esprit
malin enlève la parole de Dieu du cœur de
ceux (jui récoulent; (luil tourne autour de
nou'- comme un lion rugissant; qu'il nous
tend des embûches ; qu'il faut lui résister
et le mettre en fuite, etc. Ces vérités suffi
saient sans doute pour faire iusliluer des
exorcismes et des bénédictions, pour inspi
7es
CER
rer aux chrétiens l'eslinie de la mortification,
de la'conliiienre, de la chasteté, de l'a péni-
tence, sans qu'il fût besoin de consullcr Py-
thaj^oro ou PlatdU. Nous présumons que les
Pères et les' chrétiens du ii' ol du m" siè-
61e ont formé leur croyance sur les livres
du Nouveau Teslament, plutôt que sur la
doctrine des philosophes païens. Ouelques-
ùns de nos incrédules ont dit ([uo les éclecli-
ques ou nouveaux platoniciens avaient ima-
giné leur théurgie sur le modèle des cérémn-
nics chrétiennes; d'autres, que ce sont les
chrétiens qui ont imité cette théurgie; c'est
sans doute Mosheim qui leur a suj^géié cette
idée : on doit le féliciter des disciples qu'il a
formés. — Il a dû voir de même, dans les
écrits des apôtres, les noms de ponlife, de
prêtre, de sacerdoce, û'nutel, de sncri/ice. de
victime, etc. C'était à lui de prouver que les
pasteurs de l'Eglise en ont /ihusé ;iu ii« et
au iii« siècle, pour changer la vraie notion
de l'eucliai istie , pour s'arroger des pou-
voirs, des droits, des privilèges, auxquels
ils n'auraient pas dû prétendre.
Il dit que les personnes sensées et ver-
tueuses furent indignées de la multiplication
des cérémonies, et il cite le livre de Terlul-
lien de Creaiione ; on ne trouve point ce li-
vre prétendu parmi les écrits de Tertullien;
il allègue, avec encore plus d'infidélité, le
témoignage de saint Augustin. Ce saint doc-
teur parle des cérémonies (|ui ne sont fon-
dées ni sur l'autorité de l'Kcriture sainte, ni
sur les décrets des poncilcs, ni sur l'usage de
l'Eglise universelle, mais qui varient sui-
vant les dilTérenls lieux, de manière que l'on
ne peut découvrir les c iuscs de leur institu-
tion ; il est d'avis de les retrancher absolu-
ment, et il dit que le joug des rites judiiïques
est plus favorable que celui de ces inven-
tions de la présomption humaine. Mais il dit
qu'il ne faut ni rejeter ni blâtner, mais plu-
tôt louer et imiter les pratiques dans les-
quelles on voit les caractères opposés, et qui
ne sont conlraices ni à la foi, ni aux bonnes
mœurs, mais qui peuvent servir à l'cdilica-
tion {Episl. b5 ad Jaiiuar., ch. 18 et 19, n.
34- et 35). VoilA une doctrine bien difTérenle
de celle de Mosheim et des protestants. — II
allègue enfin, en troisième lieu, un Iraii de la
vie de saint Grégoire Thaumaturge, dans
laquelle il est dit que, voyant la muilitude
ignorante persévérer dans l'idolâirieà cause
des plaisirs sensuels et de la joie qui ré-
gnaient dans les lélcs des païens, il permit
aux chrétiens de se récréer el de se rcjuuir
dans les leles des t-.iailyrs , espérant que
d'eux-mêmes ils en viendcaicnl à une con-
duite plus grave et plus honnête. Delà .Mos-
heim conclut que saint Grégoire permit aux
chrétiens de danser , de jouer, de faire des
festins sur les tombeau* (Tes marijrs le jour
de leur fêle , et de pratiquer tuid ce que les
pa'iens faisaient dans leurs temples en l'hou-
nenr de leurs dieux {Hist. ecctés. dit iie
siècle, II' partie, c. 4, § 2). Si cela est vrai,
saint Grégoire Thaumaturgie permit encore
aux chrétiens les spectacles du théâtre, l'i-
vrognerie et la prostitution ; puisque les
Ci:[\ 766
païens faisaient tout cela dans leurs tempfcs
à l'honneur de leurs dieux. Est-il donc in»-
possihle de se récréer et de se réjouir d'une
manière honnête, et sans aucun iLiiigcr pour
les mœurs? Voilà comme, par des cooimen-
taires malicieux, les protestants calomnient
les Pères de l'Eglise. — Nous ne répondrons
rien an reproche qu'il fait aux évéques des
siècles suivants, d'avoir multiplié de nou-
veau les cérémonies par un motif d'ambition,
afin de s'attirer plus de considération et de
respect de la part des peuples. Il ne coûte
rien à la malignité de nos adversaires de
prêter des motifs vicieux à ceux qui en ont
d'ailleurs de très-louables.
Nos philosophes incrédules ne pouvaient
manquer d'enchérir sur les reproches des
hérétiques ; mais ils n'ont fait que suivre le
chemin que ceux-ci leur avaient tracé. Ils
disent qu'un culte aussi chargé de cérémo-
nies et de pratiques extérieures (jue le nô-
tre, n'est pas l'adoration en esprit et en vé-
rité que Jésus-Gliri^t est venu établir, qu'il
ressemble trop au judaïsme, qu'il ne con-
vient qu'au peuple le plus grossier. Nous ré-
pondons que le culte en esprit et on venté
est celui qui est profondément gravé dans
l'esprit el dans le cœur, et qu'il ne peut l'ê-
lie ([ue par l'entremise des sens. Celui des
Juifs se bornait à l'extérieur, ne leur inspi-
rait ni respect, ni recoMnaissance, ni sou-
mission à Dieu, ni charité pour leurs frères;
c'est ce que Jésus-Chiist leur a reproché.
Tout homme, philosophe ou autre, qui ne
veut point d'extérieur (le religion, en a déjà
d'avance abjuré les sentiments. Si Jésus-
Clnist avait aboli le culte extérieur, il serait
venu pour rendre les hommes athées el in^
crédules. — Ils objectent que les cérémonies
sont un picge d'erreur po.r le peuple, qu'il
y met sa confiance, leur attribue la vertu de
purilier l'âme, est plus jaloux d'y satisfaire
que de remplir les devoirs essentiels de la
morale. Quand cet abus serait vrai, il prou-
verait la lurpitudeet la stupidité de l'homme,
cl non le danger des cérémonies. De deux
maux, il faudrait encore choisir le moindre :
or, c'est un moindre mal quele peuple abuse
quelquefois do l'extérieur de la religion, que
s'il perdait tout sentiment de religion. Il est
absurde de dire que les c^rcHioiucs sont faites
pour le peuple, et que c'est pour lui un
piége inévitable d'erreur; c'est supposer
qu'il est né pour être trompé. Mais le peu-
ple rend aux philosophes le mépris qu'ils
ont pour lui ; en dépit de leur sngesse su-
blime, le peuple sent très-bien que la piété
consiste, non dans les gestes, mais dans les
sentiments, de même que l'humanité con-
siste dansles affections el les services, et non
dans les dehors de, la politesse. — D'autres
plus entêtés ont soutenu que nos cérémonies
sont un resle du paganisme, qu'il n'y a au-
cune différence entre les rites du christia-
nisme el la Ihéurgie des païens. C'est une
vieille objection des maniciiéens (Saint Au-
gustin, conlra Paustum, 1. xx, c. 4 el il).
Nous soutenons au contraire (|ue l'emploi
des cérémonies au culte du vrai Dieu est la
m
CER
restitution d un vol fait par les païens. La
vraie r< ligion est plus ancienne que les faus-
ses, elle a droit de revendiquer les rites
que ses rivales ont profanés. Faut-il nous
abstenir de prier Dieu, parce que les païens
ont prié Jupiter et Veiius, ni plus nous met-
tre à genoux, parce qu'ils se sont prosternés
devant des idoles ?
Les protestants eux-mêmes ont retenu
des céiéiiiovies les assemblées de religion et
le chunl ; 1 ■ baptême, qui est une purification
ou U! e luslralion ; la cène, qui e>t un repas
religieux ; des (êtes, des jeûnes solennels,
l'imposition des mains, les obsèdues pour
le.> morts ; ils se mettent à genoux pour
prier, quelques-uns font le sip;nedc la croix :
les païens ont observé presque tous ces ri-
tes ; soiit-ce des restes de paganisme ?
Quand on nous dit que noire culte exté-
rieur est un reslo de judaïsme, nous répon-
dons que le judaïsmelui-même était un reste
de la religion des patriarches ; que celle-ci
venait d Adam, et de Dieu qui la lui avait
enseignée. — Il n'y a pas plus de ressem-
blance entre la Ihéurgie (laïenne et le culte
de l'Eglise, qu'entre l'impiété et la religion.
Un théurgiste prétendait, par le moyen des
ril<'s qu'il avait imaginés, forcer les génies
ou démons qu'il adorait à l'aire des miracles,
à lui dévoiler l'aveni,-, elc. Un prêtreemploie,
non des cérémonies dont il >sl l'auteur, mais
que Dieu lui-même a instituées ; loin de
commander à Dieu , il sait que Dieu lui dé-
fend d'y rien mettre du sien ; il ne demande
pas à Dieu des mir.icles, encore moins des
connaissances prophétiques, mais les grâces
que Dieu a promises au\ lidèles.
Enliii , ceux qui disent que les cérémonies
ont été établies pour l'intérêt des prêtres,
se persuadent sans doute que, dans les qua-
tre premii'rs siècles de l'Kglise, il y avait des
droits casuels attachés à chacune d.s fonc-
lioes du sacerdoce. Ils ne savent pas, ou ils
oublient que ces droits n'ont cotnmeneés à
s'éiablir qu'au x' siècle ou plus tard , lors-
que le clergé eut été dépouillé de ses posses-
sions par 1(8 seigneurs (jui s'en emparèrent.
C'est ainsi que l'ignor.mce décide de lout sans
réflexiiin. Y oij. (^ulte, Litlugie, Supeusti-
TION, ThÉDUGIE, [SACREMliNTsJ.
CÉRÉMoNri;s JldaÏques. Voy. Lévitique ,
Lois CÉnÉMdN'IF.LLES.
Cf<:HlNrillENS , hérétiques du i" et du ii'^
siècle. Leur chef (ut Lérinthe, juif de nation
ou de religion, qui, après avoir étudié la
philosophie dans l'école d'Alexandrie, parut
dans la l'aleslino, et répandit ses erreurs
principalement dans l'Asie Mineure.
(Quelques anciens, surtout saint Kpiphnno,
ont cru que Gérinlhfi était un de ces Juifs
zélés pour la loi de Moïse, (|ui voulaient y
assujettir les (jcnlils, qui trouvèrent mauvais
que saint Piei rc eût instruit cl baptisé le
centurion Corneilh'. qui troublèrent l'Kgliso
d'Antioche [lar leur olislination à garder les
cérémonies légales, (lui ilécri.iienl l'apôtre
saint Paul, parce qu'il excmplail de ces cé-
rémonies ceux qui n'étaient pas nés Juifs ;
mais il paraît qu'en cela saint Epiphane a
CER 768
confondu les cérinlhiens avec les ébiouites.
— Il est plus naturel de s'en rapporter à
saint Irénée, qui est plus ancien. Selon ce
qu'il dit, Cériiithe ne parut (|ue sous le rè-
gne de Domilien, vers l'an 88, et fui connu
de l'apôtre saint Jean, qui écrivit son Evan-
gile pour le réfuter.
Cériiithe, conformément aux idées de Pla-
ton, croyait que Dieu n'avait pas créé l'uni-
vers immédialemenl par lui-même, mais
qu'il avait produit des esprits, des intelligen-
ces ou génies, plus ou moins parfaits les uns
que les autres ; que l'un de ceux-ci avait été
l'artisan du monde; que tous le gouvernaient
et en administraient chacun une portion.
Il prétendait que le Dieu des Juifs était un de
ces esprits ou génies, qu'il était l'auteur de
leur loi, et des divers événements qui leur
sont arrivés. Il ne \oulait pas que l'on abo-
lit eulièremcnt celle loi ; il pensait qu'il fal-
lait en conserver plusieurs choses dans le
christianisme.— 11 prétendait que Jésus était
né de Joseph et de Marie, comme les autres
hommes, mais (|ii'il était doué d'une sagesse
et d'une sainteté fort supérieures ; qu'au mo-
ment de son baptême, le Christ, ou le Fils de
Dieu était descendu sur lui en forme de co-
lomlie, lui avait révélé Dieu le Père, jus-
qu'alors inconnu, afin qu'il le fit connaître
aux hommes, et lui avait donné le pouvoir
de faire des miracles ; qu'au moment de la
passion de Jésus, le Christ s'élait séparé de
lui pour retourner auprès du l'ère, que Jésus
seul avait souffert, était mort, était ressusci-
té; mais que le Christ, pur esprit, était in-
capable de soulTrir. Ces erreurs sont li's mê-
mes que celles de Carpocrale; mais il parait
que les disciples de Cérinlhe y en ajoutèrent
d'autri s dans la suite.
Ou rroit encore qu'il fut l'auteur de l'hé-
résie des millénaires; qu'il supposait qu'à la
fin du monde Jésus-Christ reviendrait sur la
terre pour y exercer sur les justes un règne
temporel pendant mille ans ; que pendant cet
intervalle les saints jouiraient ici-bas de tou-
tes les voluptés sensuelles. C'est ce qui donna
lieu à quelques anciens d'attribuer à Cériii-
the le livre de r.\pocal\ pse, dans lequel ils
croyaient trouver ce prétendu règne de mille
ans ; d'autres ont cru que Cérinlhe avait
composé une Apocalypse diiïéreule de celle
de saint Jean, et y avait enseigné celte rê-
verie.
U est essentiel de remarquer que Papias et
les autres Pères anciens qui ont aussi ad-
mis un règne temporel de Jésus-Chrlsl pen-
dant mille ans, ne l'ont jamais conçu comme
Cérinlhe; ils n'ont jamais cru (|nc les saints
goûteraient sur la lerre de^ volufités sensuel-
les, mais des délices purement spirituelles ,
telles qu'elles conviennent à des corps res-
suscites, glorieux, affianchis des besoins de
la nature. Les incrédules qui ont attribué
aux anciens Pères le milléniiriiime de Cerin-
the, ont voulu en imposer aux ignorants.
Voy. Mu.LÉNAlRES.
i.es opinions de cet hérétique donnent lieu
à des remarques importantes. 1° Voilà uu
philosophe formé à l'école do Platon, qui.
JO
CEn
CER
770
loiu d'admeltre en Dieu une trinité, n'y ad-
met pas seulement une dualité, no suppose
point le Fils de Dieu égal à son Père, mais
le regarde comme une cré/iture : comment
les anli-lrinitaires ont-ils osé soulonir que
leniNSIère de la Trinili- élail un dogme sorli
de l'école de Plalon ? Quand on conn.iSl li'S
principes de ce philosophe, on est convaincu
qu'il n'a jamais pensé a supposer une irinilé
en Dieu. 2°Cerinllie ne s'est point laisse sub-
juguer par les apAlrcs, il a été leur adversai-
re.; cependani, loin d'attaiiuer le lémoignage
qu'ils ont rendu des nn'raclcs de Jésus-(>hrisl
et de sa résurrection, Cérinihe le conlirme ,
convient de ces faits essentiels, tâche d'en
rendre raison par le pouvoir surnaturel com-
muniqué à .lésus : les incrédules \ieiidronl-
ils encore dire (jne ces fails n'ont été crus
que longtemps après, lorsqu'on ne pouvait
plus le^ voriiier, et par des hommes simples
et ignorants (|ui ne se sont |)as donne l.i pei-
ne do rien examiner. 3^ 11 faut que Jésus-
Christ ait enseigné clairement el lormelle-
nienl qu'il était le Fils de Dieu; s'il n'était
question que d'une niialiou métapliurique et
par adoption, Cérinthe n'aurait pas eu tort
de l'entendre comme il a f.iil ; cependant il
a été regardé comme hérétique, et réfute par
saint Jean. Ue quel front les sociniens et
leurs adhérents, Locke, liury, etc., ont-ils
osé soutenir que pour être clirétieu, il sudi-
sail de croire que Jesns-t^hri-t élail le Mes-
sie, l'euvojé lie Dieu ; que le tilre de Fils de
Dieu ne signifie rien autre chose, etc. ?
Nous ne pouvons pas douter que saint
Jean n'ait com[)osé sou Evangile pour réfu-
ter (]erinlhe, comme le dii saint Irénée, I. ii,
c. 11. L'Ajiolre attaque de front cet h, reli-
que, en commençant sa narration. Il dit :
Au commencement était le Ver'oe, il était en
Dieuit a était Dieu.... tout u été fait par lui,
et rien n'a été fait sans lui. C'est donc une
erreur d'enseigner, comme Céiinlhe, que le
Créateur du monde n'est pis Dieu lui-même,
mais une vertu, une intelligence, un esprit
distingué de Dieu, inférieur à Dieu . et cjui
ne connaissait p.is Dieu (Saint Iréncc, liv. i,
C. 2G), Selon saint Jean, ce Verbe était la vie
el la lumière de tous les hommes ; il n'a ces-
sé de les éilairer, quoiqu'il n'ait pas été
CODuu ; il a toujours clé dans le inonde, el il
y est venu comme dans son propre domaine,
quoiqu'on n'ail pas voulu îe recevoir. Il n'est
donc pas vrai que le monde ait été gouverné
par des génies subalternes, par des esprits
créés, comme le préleiidaient Cérinllie el
Carpocrale ; c'est ce même Y erbe qui s'est
fait chair, qui a Vi eu et conversé avec les
hommes, el c'est le Fils unique du Père ; c'est
lui-inéiMC qui nous l'a fait connaître. Il est
donc faux que .'ésus et le Chi isl soient deux
personnages dilTcrcnls, elc.
Il ne parait pas que la secte des cérinthiens
ail subsisté fort louglemp;, il n'eu est plus
question depuis Oriiièue; probablement elle
se fondit dans quelqu'une des autres sectes
du 1.' siècle.
Mosheim {Hist. clirist., séec. i, § 78, et
instit. maj., ii" part., c. 5, § Iti) s'est attache
à donner un plan suivi et an système rni-
sonné des erreurs de Cérintli»» ; in;iis il nous
parait faire un peu trop d'honneur à cet hé-
rcli(]ue et aux autres sectaires du ir siècle,
puisqu'il est prouvé que tous étaient très-
Uiauvais raisonneurs. Il ne [leul pas se per-
suader que Cérinthe ait firétendu que les vo-
luptés sensuelles auriiienl lieu dans le règne
de Jesus-Christ sur la terre, pendant mille
ans. Coiiimcnt ce docteur, dil-il, aurait-il pu
donner dans celle idée grossière, lui qni ren-
dait témoignage de la sainielè éminente, et
des vertus de Jésus-Christ"? Alais outre qu'il
n'y avait aucune absurdité à supposer que
Dieu n'exigeait pas di's justes une vie aussi
pure el aussi sainte que celle de Jésus-Christ,
une simple prohabilité ne suffit pas pour
accuser les i'ères d'avoir voulu rendre Cé-
rinihe odieux, afin de détourner les fidèles
de l'erreur des millénaires dont il élail l'au-
teur. Ce soupçon ne s'accorde guère avec la
prélenlion des aulres protestants, qui disent
que tous les l'ères des premiers siècles ont
été prévenus de celle erreur.
CliRTlTUDfc;. Nous laissons aux philoso-
phes le soin de (lislin:,Mier les dilTérenîes es-
pèces <le certitude, <i\'i\ établir les règles, de
répondre aux objections des sceptiques el
des pjrrhoniens (1). La seule question qui
(I) Il y a quelques années, une nouvelle école de
pliilosopliie avaii essayé de dDimcr de nouveaux riiii-
ilciiienis à la cerliiiiiie : elle avail surtout en vue les
inlerèls religieux. O'.iprés son syslème. la iliéologie
(levait iiécessairenienl eue ruinlee sur d'autres base;,;
les arjiunieiils devaient pnicéJr d'une autre sniiice
el èire appuyés uiiii|iieiiieiii sur le si;hs commun.
L'auteur des iNiiles de l'édition de tîesançijn (I8:2(i)
avaii en soin dans toutes les occasions de surchar-
ger le Dictionnaire de bergier di' notes puisées dans
les livres des plus grands main es ne la nouvelle
école. Ce système de ceiiilude est jugé aujourd'liui
el rejeté par les lioiumes les plus sages. Il a été coii-
d.iiniié par la bulle ipie imus avoiH citée dans notre
avcnissement. Mgr Doiiey, dans son édilion de ber-
gier, n'a pas entièrement (luige la pieniièie édiiiit»
de liesMiçon 'les mauvais prncipcs qu'elle renf.rine.
Nous allons donner sur la certitude quelques notions
qui nous paraissent plus exactes.
Nuire laculle de ciiiinaiire, dont il faut avant tout,
conniie «m le dénuintie en pliilosoplne, admettre
rmlailliliilité, en supposant toutefois ((u'elle soildiri-
gée cenven.iblemenl, a à sa disposiiion trois moyens
naturels pour s'appli(juer à la reclieiclie de la vérité;
ce sont l'ubservaiion dans l'espace, la cnnleinplalion
inleiiie ou le raisoniirment , le léiiioignage des
liomines. Ces trois moyens nous mènent à la con-
naissance de (rois ordres de laits, qui sont les laits
physiques entendus dans tonte la généralité du ter-
me, les faits psychnlogiques ou intellectuels, et les
laits historiques. L'appréLiaiion des fait-i de chacun
de ces trois ordres doit avoir lieu selon certaines
iégle>, qui sont la garantie nécessaire de la cerli-
tuUe.
Outre ces moyens, qui, bien appliqués, conduisent
à la ceriitiide spéculative et n.Tturetle, notre faculté
de ciiiinaîiie a la ressource de l'autorité, (|ui déter-
mine nue certitude surnaiurelle et pratique, laquelle
est ou di'ginalique ou morale, selon qu'elle a pour
ol)jet la croyance ou les mœurs. iNoiis ne pnuvons
nous occuper de certitude siniiaturelte avant d'avoir
établi son l'existence de l'auloriié, qui en est le
fuudeinent, soit l'iiistitutiou de^ moyens employé»
m CER
rrgnrde directement Tes théolof;iens, est de
SJivoir si les règles de certitude sont appli-
cables aux f.iils surnaUuels comme aux .lu-
t!os ; bi nous pouvons élre aubsi certains d'un
parelle pniirpnrvenir à ses Tins. Nous ne parlerons
donc iiiainleiiaiii que île la ctTiilihIe iiaiiirclle.
On ailrnei coiiiiiiunéineiil irois sorlc^ du ctMlIliiile :
la coriiiude pliysiiiue, la ceriliinli; iiiéia|)liysi(|ii(^ el
la ceniUiile murale, auxquelles correspondeiil, ilil-
on, dis vérllés de trois ordres , c'esià dite des véii-
tés pliysiiiiies, des vérilés niéiapliysiques el des vé-
riiés Mioiales. Quiconque a lélléclii, a reconnu sans
grand ffforl que les niélapliysiciens sonl incoiisé-
quenls en ce qu'ils altacheMl aux expressions certi-
tude morille , ordre moral, vérités mondes, des sens
Lifus dillérenls. Ils eiilcinleni nrdinaireinenl par
certitude momie celle qui osl fondée sur le lénioigua-
ge des hommes, lequel a [irincipaleuient pour objet
la coustaiatinn de faits >enslbles. appai tcuaiil par
conséqueul à l'ordre physique. Ils rangent au con-
traire dans Voidie moral, ilans la calégnrie des l'eri-
tés morales, luul ce qui e^icernela ivgl.i des moeurs
et s'irt nécessairenient rie l'ordre pliybi(|ue. On voit
en ouire qu'ils conlondent le vrai avec le bien, la
ceiiiiude spécnlalivo iiveila cerlilude pratique. Il ré-
sulle de toutes ces incidicrciices uneconlusiou d'idées
qui ne peut amener aucun rét^uiial logique. Ëiicnre,
qu'entend(!iil-ils |iar ceriilude méUipliijsHjue , ordre
tnélaphysique, vérités méluphijsuiues ? « On iiommo
certitude métaphysique, dit l'abbé Para du l'hanjas
{Philos, lie la retig., preiii. part., pieiii. secuou,
24), celle dont l'ob.cl a une imnmtabilité absolue
et essentielle, à laquelle il est impossible qu'un mi-
rai le même déroge. > Cela ne caractérise rien. La
loi par laquello Dieu veut être aimé de ses créatures
raisirnnables u'a-l-elle point une immulabililé abso-
lue ? Ccpendaut elle appai lient à l'ordre moral. La
loi de l'ordie, qui régit le monde visible, ne ren-
ire-ielle pas dans l'ordre physique ?' Cependant
elle est d'une immutahiliié absolue; puisque Dieu ne
pourrait voulnir le désordre, ou créer pour une au-
tre liii que pour sa glo le. D'un autre côté, combien
d'assertions seirntiliipies ne sunt point armées de cel-
le immutubililé absolue, el sonl cependant classées
dans Vordfe métaptnjsiiiue ? Kl même nous mettrons à
découvert plus tard la faiblesse des principaux ar-
guineiits diis métaphysiques. Nous le répétons donc :
la cerlilude métapliysique , l'ordre métaphysique ne
carai lérisent rien. Aussi .M. Cauchy, un des pre-
miers niaihcniaticiens el des meilleurs esprits de no-
tre époque, a-l-il subslilué Vordre intetlecluel à l'or-
dre méluphysifue dans sou célèbre Mémoire sur l'ac-
cord des ihéortes malliémaliques el physiques arec la
vériliible philosophie (Coinple-rendu, séance du li
juillet 184.";).
Nous avons fondé trois ordres de vérités, ou, si
l'on aime mieux, trois ordres de laits, sur nos trois
moyens naturels de connaitre : sur ces trois ordres
nmis établissons trois sortes de certitudes, qui sont
la certi ude seiisilile ou physique, la cerlilude inlel-
lectui Ile on psycliologiijue, el la certitude icstiiiio-
llialo ou historique. Ueelierchuns quelles sont les re-.'
gles an moyen desquelles on peut juger que les l'ails
uni le caiactcre de ta icrlitiide.
Cerlilude physique. Les faits physiques, sont coiis-
lalés lar l'observalion des diverses parties du mon-
de visilde. Dans l'observation directe, qui donne
toujours la ccrliiinle, il est queUpielois nécessaire,
soii de (aire usage de plusieurs sens ei des iii.iileurg
nialiuineiits, son de leiterei les expériences. Selon
la lé.^le suivie géneialeminl p.ir l'Académie des
iLieiice-, un fait n'est léji'ité leilain cl acquis il lu
jcience que quand il a ctc cei tilio par des sav.mts
Jiilrcs que ceux qui les premiers en oui annoncé la
iéeuuveiie. Dans l'observaiiou iudiiecio, ou u la
CER
772
miracle que noos le sommes d'un fail natu-
rel , si les mêmes preuves, (|ui siifOsenl pour
nous convaincre de l'un, ne sont pas suffi-
saules pour nous faire croire l'autre.
certitude qu'on se base snr une analogie réelle, ou
sur des ressemlilauces b en constatées, dont on dé-
duit des conséiinences rigoureuses. .4 pins l'orie rai-
son a-t-on la certitude, ipiaiid l'analogie est f'iiidéô
sur ridenliié de causes ou d'ell'eis, c'est-à-dire, et»
dernière analyse, sur la constance des lois de la
nature.
Voyons comment, en bonne physique, nous devons
entendre cette conslaice des lois de la nature. La
seule propriété qui soit ess.'tttielle à la inalière, ou
au point matériel, à l'atome, c'est l'inertie, qui la
rend inc.ipable par elle-niêiiie de changer son état
de repos on de inouvenienl. Tour changer cel état,
pour imprimer il un point maléiiel une vitesse qu'il
n'.ivaii pas, ou pour modtller, soit eu grandeur, soit
en direction la vitesse acquise, il faut appliquer unâ
force au point dont il s'agit. M. lis la force appliq léc
au point matériel aurait pu ne pas l'ètie ; dans ce
cas il aurait été abandcumé à Sun iiieiiie. Aussi, dans
le bel ouvrage qui a pour litie l'hilosophiiu uauralis
frincipia mulhemalicu (Ltlt. Milieyulœ piv.losopliamii),
Nevvioii a-l-il dil expres'énienl : Grariialem corpori-
bus csienlialem esse minime ajfumo, je n'allirme iiul-
lemeiit que la giavAalion soit essentielle aux corps.
Si les Cl rps sont doués de niouvemeiil, s'ils sont as-
sujettis à des lois constantes, coinine il n'y a point
d'elltfi sans cause, il laul en conclure qu'ils oljéissent
à une force impulsive et directrice qui est ratiribiit
d'un être immatériel. Il nous est inuiile pour le pré-
sent de rechercher où rtside la cause première de
celle force, il nous suijii de constater que ce n'est
point eu rhoinme. La gravitation universelle, la pe-
santeur des corps à la surtace de la terre, les forces
électriques et m.ignéliques, les actions el réactions
nioléeulaires sonl des lorces physiques permaneiiles,
qui substsienlsans nous et même malgré nous, que
nous pouvons quelquefois mettre en oeuvre, on op-
piiser les unes aux autres, mais qui sont indépeii-
daiites de notre volonté. 11 en esi de même à pius
forte raison de la force vitale, dont sont doués tous
les êtres org.misés, el de la force non inniiis mysté-
rieuse de rnislinci chez les animaux, chez l'iiumnie
lui'inéme. Mais si l'éire essenliellemeiit iiumalériel,
et évidemnienl supérieur il tons ceux que nous pou-
vons observer, suspendait ou mudiliait d'une maniè-
re quelconque, el par rapport à un êire qiieleonipie,
raclion do sa bnce, qui n'est que l'expiessiou de sa
volonté, il en lésullerait néeessairemenl un déran-
gement, une aiiumalie plus au inoais considérable
dans l'applicaiton des lois générales de la nature. H
s'ensuit donc que 1.1 constance de Ces lois n'a lieii
d'atjsolu, et qu'elle est sous la depeiulance de la vo-
lonté d'un eue iminaléiiel quelconque, supérieur it
l'homme iui-meme. l'ar coiiséquiMil, U ceniiiuiu
pliy-ique, même iondee sur les faits les plus gené-
ran\ el les plus seiisilde-, est puremenl livpotiicli-
<j :e , el loate alliriiiaiion dans l'ordre physiipie e<t
Mibjidonnce il celle Condition: posilis nulurœ leyi-
f«s, supposé que les lois ordin.iires de la nauiie
aient leur cours. Lu voila auiaiii qu'il en faut, je
pense, pour iieiiio.itier seicniiliqueineiU, et u'uiC
iiianiere rigoureuse, la possibilité des mir.icies d.ins
l'ordre piiysi jue : c'est le bui que je m'elais (uo-
posé.
Certitude intellectuelle ou psychologique. Les laits
psyclioiogi(|ues sont tous acquis, i|uonpie de d, ver-
se, n anicres, dont nous n'avons point n -nous occu-
per. De-c.iiies, lui-même, rcpiiiê le (lère des Idées
m. es, a avoué que la seule l.iculie d'en acquérir
est innée. Voici cumineiit il .s'explique au sujet de
l'idée de Dieu : ( Quand j'ai dil que l'idée de *>'«•<
775
CER
CER
774
Malgré la multitude des sophismes par
les(iii('ls les incrédules ont emiirouillé celle
(]upsti<in, il nous paraît cvidenl, t°(|uo, par
le scnliinent iuléricur, un liomiuc sunsc peut
est naturellement en nous, je n'ai jamais entendu....
sinim ijue U iv.nare a mis en nous une l'acuité par
iacjurlje nous puuvons roniiailre Dieu ; mais jiiiials
je n'ai écrit ni pensé (|iic toiles iilées fussont aclnel-
les, e(c. ) (ToMi. I, Leii. xcix). Les préieiidiies Idées
innées de certains pliilosniilies sont mul siin|>loniont
des notions lévéléus (pi'ils ont |iniâéi:s au sein de |a
Sociélé clnéiienne, cl dont ils ne peuvent se rendre
oinnple par leur»: nioyi'ns nalnrels. L'incréilulilé nu
le di l'aul do logicpio peui seul engendrer des idées
innées. Nous avons toujours la ceriilude suijeciive
de nos pi'nsées, alteuiln que notre ànie ne peut pas
{jIus douter de Si'S modllici lions (pie du sa proiire
existence. Quanta la certitude objective, elle existe
partout oii se trouve revideuce, cuuiniedans les axiô-
uies, li's propusitiiuis matliéuiati(|ues, les rigoureu-
ses déductions lo;4ii]ues hasées sur des prémisses
certaines, lt;s induciioiis légii mes de vérités Idea
reconnues. En résumé, on a la certitude objociiva
dans l'ordre Intellectuel tontes les luis (|ue r«ii puut
applii|uer la régie inlaillilito du principe d'ideniiié:
Le qui est, est ; ou celle du principe deconiradiclion,
qui en est un corollaire: Le inémc objet ne peut tout à
/« (ois être el n'être pus. Dans cet ordre de faits, l'a-
naloj-ie n'engendre, la pinpai t du temps, qu'uin; pro-
babilité plus on moins grande: il en est de méinu de
rindutlion. (Jonnue loiile science de raisonncuient
est basée sur l'abstraction, il iniporie de généraliser
sur des rapports bien établis, et de vérifier riianno.
nie des diverses parties d'un tout au moyen de la
synthèse.
L'iiomine aime la scii:iice, non-seulement pour sa
propre satisfaction, mais pour la couiinuniquer à ses
semblables ; et c'est une vérité do l'ordre psycholo-
gique fondée incontesiablemoiit sur l'expérience de
Ions les siècles, (|n'il éprouve le besoin do laire part
de tout ce qu'il a appris soit par lui-même, soit par
autrui, surtout s'il le Irouvo extraordinaiie. C'est
qu'i/ y a dans la vcyilc évidemment connue, dit Para
(Ju l'Iiaujas (l'Uilos. de ta relig., i'^' part., sect.
1", 2(i), une force qui nous incline à lui accorder
notre sujfruge ; el que nous ne trahissons la vérité
connue, en juueur du meiisoKje, que quand notre àme
est dominée par quelque pas-ion dcréjlée. Il s'ensuit
qu'en général nous pouvons accroître notre science
à l'aide des cunsiaissanccs de nos semblables. Mais,
dans l'ordre |isycboloKi(iue, ce moyen do connaître,
con-'iiéré en lui-niéine, ne peut induire i|u'à une
certaine probabilité ; à moins ipio les laits intellec-
tuels enseignés ne soient de nature à devenir évidents
pour tout le monde, coinine sont, par exemple, des
découvertes en ni:illiéinaliipies.
Les connaissances de l'bomme, quoique pouvant
s'étendre Ircs-loin, ont cependant leurs limites. U
peut prédire les positions des aslies plusieurs mil-
liers d'années d'av.nice ; m lis il no lui est point d >n-
në de prévoir dos elTets qui n'ont aucune connexion
avec des causes déjà existantes et connues. Ainsi, il
ne peut naiurellenient connaître d'avance les futurs
contingents, le^quels dépendent d'une volonté libre ,
à laipielle il ne laul ipi'uii instani pour se délerini-
ner à la production de tel ou tel acte. Ue méaie, il
ne peut natiirellenienl réirogiader dans le pa-sé,
pour y voir des événciuenls qui dépendaient d'une
volonté libre, et qui n'ont aucune liaison rigoureuse
avec des pliéuuméncs actuellenient constatables.
Dans le présent mêiiie, il ne lui est ordinairement
point donné d'observer à distance en dehors des
limites naturelles de l'action de ses sens. A plus
forte raison les pensées et les sentiments purement
internes de ses semblables lui sont-ils tout à fait
être métaphysiqiiement certain d'an miracle
opéré sur lui-même, en avoir .lulani dti cer-
titude que de sa propre existence. Le para-
lytique de tieule-huil ans, guéri par Jésus-
étrangers dans son état normal. Mais nous avons
dit, en traitant de la certitude pbysi(pio, que la iiiaiié-
re, ess.nti.lieinenl inerte, ne peut tenir ipie d'un être
iiuinatériel, supérieur .i l'Iiomme, les diverses forces
diMil elle est douée ; d'où il suit qu'un tel êire dis-
pos(! la matière selon sa volonté. Cela posé, un être
iiiiinatériel qui aurait détonniné dans le passé, ou
qui déterminerait diiis le présent, ou qui se propose-
rait de déterminer dans l'avenir certaines combinai-
sons de mou\eineiits qui donnassent lien :i des plié-
noiiièues quelconques, ne ponrait-il pas eti instruire
nn ou plusieurs hommes? N'a-t-il pas, pnir obtenir
ceii(! (In, plusieurs moyens à sa disposiiinn ? D'a-
boid II lui est facile, au moyen de déplacements,
d'ai rangeinents et de simples inouvenienls de mo-
lécules matérielles, d'agir sur les organes des
sens, de (aire voir et entendre ce qu'il veut", et même
de modilier tout siinplement les nerfs optiques ou
acoiistitpies co.nme ils le seiaient pour la vue de
Ceriains objets ou par l'aiidilioii de certains sous.
Ensuite, ne peut-il pas coinnuiniqner directement
avec l'ànie liumaine ? L'Iioinine a aussi à sa disposi-
tion certaines forces qu'il dirige .i scm gré, ce qui
prouve qu'il y a en lui un être de inéiiie nature que
celui ou ceux qui produisent des résultats analogues,
indépendants de sa volonté. Ur, iptelle ré|iu^iiaiice
y a-t-il à ce que des êtres actifs communiquent di-
rectement entre eux? De plus, il est certain que les
force* de l'Iiomine ne sont que des forces communi-
quées, puisqu'il y en a eu lui qui sont absol ent
indépendantes de sa volonté, et que celles dont il
peut disposer s'alfaiblissent et se perdent. Mais com-
ment niercpie l'être immatériel qui lui prête lemporai-
remenl des forces, puisse communiquer directement
avec lui? Pourquoi ne pourrait-il pas aussi coinmuni-
qner successivement et même simultanément avec plu-
sieurs àines liuniaines, et faire connaitie aux unes les
modilications des autres ? De tout cela nous sommes
en droit de conclure rigoureusement que riioinme
peut être instruit extraurdinairemeiil de choses qu'il
ne lui est pas ordinairement donné de connaître, et
que, par conséquent, le miracle est possible dans
l'ordre psychologique, et dans beaucoup de ras au
niêiiie litre qu'il l'est dans l'ordre physique. D'après
ces données, on conçoit liês-bien qu'il puis>e exister
des prophètes, révélateurs du passé, iiu présent et
de l'avenir, et qu'un miracle a la iiiénie valeur dans
le sysiéme de lloutteville que dans le sentiment com-
mun : seulement, il e^t de l'ordre psychologique, au
lieu d'être de i'oidre physique. Les niélaphysiciens
rapportent ordinaiienieni à l'ordre moral les mira-
cle^ de l'ordie psycho'iigique, ipii ont pour objet l'il-
luiiiiiulion extr.iordinaire de rinielligeme; c'est peu
ratuinnel. Poumons, nous no reconn lissons de mira-
cles dans l'ordre moral que ceux qui ont pour lésul-
tat des effets extraordinaires delà grâce, coiiime par
exemple la déterminaiiou siiluie au bien d'une vo-
lonté longtemps rebelle au devoir. Mais, connue nous
l'.ivous déjà dit, l'ordre moral sort de celui des véri-
tés connues naturellement, et nous n'avons point en-
core acquis !e droit d'en iiaiier.
L'exi.-ience de lafnrce, et surtout celle de la force
vitile, déiiioiure incontestablement l'existence d'un
ou de plusieurs êtres luimatériels. Nous avons vu
aussi que ces êtres peuvent coniimiinqner, même
directement, avec les êtres immatériels hoinains, el
leur faire connaitro des événenienis soit passés, soit
présents, soit luturs. Ces mêmes êtres, (pii counnii-
niquenl aux hommes la vie- et la f uce, et qui, par
consei|ueni, doivent connaître les relations my^ié-
Tieuses des êtres immatériels avec les matériels, pe>
•/75
CER
CER
770
Clirist, avait cette certitude métaphysique de
riinpiiissance dans laquelle il avait été de
marcher et de se mouvoir, du pouvoir qu'il
en avait reçu de Jésus-Christ, et dont il fai-
ço'ivenl aussi indiibiiablemeiii, soit dans leur être
propre, soit dans «l'aiilies, des rapimils inionnus
aux élres qui leur sont iulérieurs. Ainsi, l'on tongoit
iiu'ils puissent insiruire l'Iiouinie de bien des choses
qui existent en dehors île sa S|ilière, et qu'il ne coni-
preinie pas, famé de moyens termes, qu'il ne saurait
irouver dans l'ordre de ses pr<ipres connaissances.
On diiil conclure de là qu'il peut y avoir des mystè-
res pour l'Iiomnie dans l'onlre psycbolugique, coni-
Dîe il y en a dans l'ordre pliysigiie.
Certitude teslimouiale ou lihlonque. Tous les faits
constalables par le témoignage des hommes sont de
l'ordre liiatorique. Considérés sous le rapport de
leur origine, c'est-à-dire dans le temps niénie où ils
ont élé constatés, il soiil néces-airement pliyslipies
ou (.sycliologiqucs. Avant de faire coimaitre les con-
diiions paiiiculiéces dont doivent être revêtus les
faits bisinriques de diverses soi tes pour être admis
avec certitude, nous posons eu principe général (jue
tous, sans exception, doivent être jugés possibles
avant d'éire crus (a). Il est dillicile de concevoir eu
effet que l'on croie des pliénoniènes sensililes ou des
inanilesiaiionsde rappori» que l'on regarderait com-
me impossibles. Cependant, le motif de notre croyan-
ce ne peut être la |iossi bible des faiis, l.npielle n'est
qu'une noie iiég.ilive de leur vérité. Il fani de plus,
pour df.iermiiier notre assentiment, que la réalité eu
soit convcn.ibiement cnnsialée. Nous avons démon-
tré .scienliliqueuient et rigoureusement la possibilité
soit des miracles, tant ne l'ordre idiysiiiue qi e de
l'ordre psyclioiogiiiue, soii des mystères eux-ujêmes.
Quand donc des faits (|uel(0nques seront établis sur
des lémoignages juges sullisants par des esprits
sages, et d'un tar.iciére tel que leur récusaiinn con-
sacieiait le pyirlioniMi.e bistonque, on ne sera pas
en droit d'opposeï à leur cré iibililé leur qualité
soit de miraculeux, soit de mystérieux. U'auiinl
plus que les lails de celle sorte ii'oul pas besoin,
pour étie incunlesables, d'èlre prouvés par d'.iiilres
moyens que pir les moyens oriliiiiiires. En ellei, les
laits iiiiraculenx, couiino par exemple la resurrec-
lion d'un mort, li g lérison d'un malade , no sont
jugés lels [i.ir ceux qui les observent qu'en vertu
(l'une induction : ils voient le même individu dans
J'élal d • moit ou lie maadie, poi^ un instanl ai.rés
dans l'état de vie ou de saolé ; et de la prouiple suc-
cession de ces deux élats, consiatables |iar les
moyens ordinaires de connailie, ils concluent qu'il
y a eu résurrection ou guéiison inlraeuleuse. Il est
clair, d'après les données, que des témoignai;es bu-
mains ordinaires pourront garantir la certitude de
toutes sories de l.iits.
'loutelois, il y a celle diHerence entre la consia-
laliun faim par Ous témoins contemporains, des laiis
pbysiques, et celle des l;iits psyciiulogiques, que les
premiers sont repmés vrais sur la fui du simple té-
moignage, tandis (|uc les seconds sont seulement rap-
purlé-) avec cei litude à leurs véritables ailleurs, sans
aucune garanlic de leur vcriié. Si ces aineurs rela-
tent des lails psyeUilogiiiues auxipiels ils doiin< nt
l'auiuriié diMoe, il laul, pour être crus, ou qu'ils
rapporiciit à l'..ppiii de leurs dociiiues des miracles
divins ccmveiialilenieni alieslés, ou qu'ils en U|it;rent
eux-méinvs devant des léinoiiis. Kn tout CdS, il tant
que le téinoigiiai;e bisioriqiie nous ollre ces garanties
Ue l'origine divine des l.nis psychologiques c onmii-
(o) S'il s'a^'il des iKils rapportés daus les iiioiiuiiieiils sur
lastjuels la religion clinlieiiiie csi londee. il csl clair (pio
nous u'cxigeuiis la ri.'eoiiiialss.nce préalable >Je la po^>s.-
bilité, que des pbilosupbis qui veuleui suivre une iiiéibode
raliuiiuelle pour éublir leur crujauce.
Bait actuellement usage, du passage subit
qu'il avait fait du premier de ces états au se-
cond, sans remèdes, sans préparatifs, sans y
avoir contribué lui-même en rien : ici l'illu-
sion ne peut avoir lieu. Que ce passage ou
ce changement fût surnaturel el miraculeux,
c'est une conséquence évidente qu'il pouvait
tirer, sans craindre d'y être trompé; il n'est
niques , pour que l'autorité en soit inconieslable.
Ainsi, en dernière analyse, le ténndgiiage bistonque
transmis porte iinmé lialeinent sur des f.iits physi-
ques et médiaiemeni seulement sur des laits psy-
cbol gique^.
Il importe surtout d'examiner si les fails leslimo-
niaiix ou de l'ordre historique sont suscepiibles de
cerlituile, ei dans quels cas on peut y ajouler foi
sans craindre de se tromper. Les laits qui sont l'ob-
jet du lémoigiiage des liommes sont de deux sortes
si on les considère sons le rapport du lemps : les
uns sont contemporains, et le^ autres passés. Coin-
ine ces sortes de faits sont essentiellement basés sur
la liberté liumaine, mobile de sa nature et incoiis-
t.iiite, ils ne portent pas sur un fonds aussi solide
que ceux des ordres pbysique et psychologique, qui
reposent immédiatement sur l.i conscience ou faculté
deconiiaîire. Aussi, n'engendrent-ils le plus souvent
qu'une probabilité plus ou moins grande, motivée
tant sur noire propre expérience que sur la miméie
d'a|;ir de ikis semblables. Celte probabiliié suffit
dans l'usage de la vie ei dans le cours des affaires
de la sociéié ; aussi, le calcul des probabilités, qui
touelic à presque toutes nos connaissances, en est
le supiilément nécessaire dans une multitude d'oc-
casions.
Cependant, il est des cas dans lesquels tout hom-
me qui réUécliit sent le besoin d'avoir la ceriilmle
dans l'onire liistorii|ue ; c'est surtout quand il s'agit
de croyances religieuses, que l'on dil être fondées
sur le témoignage des liomnies. Il faut alors, pour
adliérer prudemment à telle ou telle religion, don-
née p;ir ses seciaU-urs comme l'expression de la vo-
limté divine, que l'iiomiue ait des molifs suflisants
de croire à la vérité du témoignaije. Nous sav wis
par expérience, ainsi que nous l'avons vu en trailanl
de la cerliiude psychologique, que riiomme, par
amour pour la vériié, aiuie à commimiquer à ses
semblables tout ce qu'il sait, et qu'il ne inampie pas
de te l.iire, surtout quand la cliose est extr.iuidinai-
re et impurlaiiie, lorsqu'aiicune passion ne le domi-
ne assez pour le porter au mensonge. Si donc un
témoignage est revêtu de conditions telles, ()ue les
contemporains qui l'ont rendu n'aient pu être trompés
dans l'appiéi'iation des faits qui en sont l'objet, et
ne puissent être supposés avoir voulu tromper leurs
.scoiblables. on doit prmleiiime;it y ajouler fui, sous
peine île n'admettre jamais (|Ue ce que l'on sent ou
perçoit soi niémc, ce (|ui serait le comble du riili-
cule, et auéaniirait tout ordre soeial. Or, il est des
lé:iioigiiages levélus de condilioiis qui offrent celé
garantie sufli^antc.
Ces coud. fions soni, suivant Para du Plianjas(P/ii/.
dt ta icliij , i" part., sect. 1"=, ii/i, t" nu iioiii-
bie sullisjiitde lemoiiis ; i'' la giavilé des lêinoins ;
5" leur droiure bien reconnue ; i" la cuiisiance et
la persévérance dans les Icinoign.iges ; 5" l'.iccord
et ruiiaoïinite morale dans les niâmes téinu gingcs ;
(i" la p ssilnlilé (nous l'avons, comme on sait, exi-
gée avaiil tout) et la sensibilité dans l'objet des té-
moignages. L'ab é de l'r^ides (linrycl. métli., Ml.
Ueriiiiidc) veut (jue les lémoins soient opposés île
passicms et d'inicréls : celle condition dmiiie au té-
moignage un nouveau degré de lerce, mais die n'est
point nécessaire pour constituer la certitude bisto-
riquc
777
CER
CF.n
77S
pas nécessaire d'être philosophe, médecin Oa
naturaliste, pour lesenlir.
Oi\ aura beau dire qu'il y a des rôves d'i-
niagination qui font sur nous la tnême im-
pression que les lails réels; que plusieurs
personnes saines se sont crues inal.iiles, que
plusieurs malades se eroient guéris sans l'être:
il n'est arrivé à personne de rêver pendant
trente-huit ans qu'il était paralyii(;ui', ou de
croire qu'il inarcliail pendant (^u'il ctail dans
l'impuissance de se niouvuir. linlreprendra-
t-on de nous prouver que jamais nous ne
sommes absolument certains si nous sommes
sains ou malades, impotents ou valides? —
2° Ceux qui avaient vu ce paralytique pen-
dant trente-huit ans, qui avaient aidé à le
poiler et à le. mouvoir, qui le voyaient mar-
dur et emporter son grabat, étaient, par le
témoi{;nage de leurs sens, phi/siqv.emcnt cer-
tains de ces mêmes faits. L'illusion ne pou-
vait pas plus avoir lieu pour eux que pour
le malade même. Un homme ne peut trom-
per lous les yeux, pendant trente-huit ans,
par une paralysie fein(e; les yeux d'une mul-
titude d hommes ne peuvent être f.iscinés au
point de leur faire croire qu'un homme mar-
che et agit pendant qu'il est iininobilc, ou de
leur f.iite prendre à lous, pour un même
homme, deux hommes différents. Où en se-
rions-nous ? la société pourrail-elle subsis-
ter, si le témoignage de nos yeux, sur des
faits aussi «(talpables, n'était pas pliysi(|ue-
mcnl certain, et pouvait nous induire en er-
reur? — On peut nous étonner un moment par
des dissertations sur les artifiees des four-
bes, sur les prestiges des jongleurs, sur la
ressemblance des visages, etc. Sans aucun
effort de logique, nous sentons que les pres-
tiges ne peuvent nous en imposer au point
de nous rendre incertains si un liomme, avec
lequel nous vivons haliituellement, est tou-
jours lui-même et non un autre.— Ces té-
moins 01 ulaires étaient donc certains du mi-
racle, par le même raisonnement évident que
faisait le paralytique. — 3* Le témoignage
réuni de cette multitude de témoins oculai-
res donnait à ceux qui n'aviiienl pas vu le
mirai le ni le paralytique une certitude mo-
rale complète de ces mêmes faits. Ils sen-
taient qu'un grand nomtire de témoins, qui
n'avaient aucune part ni aucun intérêt à ce
miracle, ne pouvaient avoir forme entre eus
le complot de tromper leurs concitoyens,
pour le seul plaisir de mentir; que tou> ne
pouvaient avoir eu les yeux fascinés et l'es-
prit saisi du même délire; que la simplicité,
l'uniformité, la constance de leur témoi-
gnage était une preuve irrécu-alile contre
iaiiuelle le pyrrhonisme se trouvait désarmé.
— Si la déposition des témoins oculaires a
donné aux contemporains une certitude mo-
rale du miracle, ce même témoignage, mis
par écrit sous les yeux des contemporain^ et
transmis aux générations suivantes, par une
histoire qui a toujours été lue, connue et
regardée comme incontestable , nous donne
du fait la même certitude que nous .nous de
tous les autres faits [lasses, soit naturels, soit
surnaturels. — Il serait absurde de soutenir
DlCT. DE Tni (JL. DOGMATIQUE. 1.
qu'un fait métaphysiquement certain pour
celui qui l'éprouve, physiqu- ment cerlain
pour ceux ((ui le voient, moralement certain
pour ceux qui le lienucrnt il. s témoin, ocu-
laires, ne peut pas l'être pour l«^s générations
suivantes; le surnaturel du fait ne jieiK pus
plus influer sur la narration des historiens,
que sur les yeux de ceux (|ui voient, el sur le
sentiment intérieur île celui qui éprouve.
C'evt cepenilant la thèse qui a été soute-
nue de nos jours avec toute la gravité et toute
la philosophie possildes. On a écrit ei repé-
té plus d'une lois qu'en fait de miracles au-
cun témoignage n'est admissible ; que l'a-
mour du merveilleux , la vanité d'avoir vu
un I rodige et de pouvoir le raeouler, le fana-
tisme (le religion, la cièduliié du peupli; en
ce genre, rendent toute alteslalion suspecte;
que, dès qu'il s'agit de religion, l'on ne peut
plus compter sur la sincériié, le discerne-
ment, le bon sens d'aucun témoin. CVst
comme si l'on avait dit que personne n'est
croyable dans l'univers, excepté les allées
et les incrédules. — Par la même raison, il
aur.iit encore l'.illu soutenir qu'à l'égard d'un
fait surnaturel lous les sens nous trompent,
et que le sentiment intérieur est fautif; que
quand un homme aiirait éprouvé sur lui-
même un miracle, il ne pourrait le savoir
ni en être cerlain. C'est dommage que l'on
n'ait pas encore pous^-é la ptiilosopbie jus-
que-là.— Les théologiens ont répomiu, nue si
les hommes étaient tels que les incrédules
le prétendent, il serait fort surprenant que
l'on ne vît pas éclore tous les jours de nou-
veaux miracles; la v.iiuté et l.i fourberie
dans les uns, la crédulité et l'enthousiasme
dans les autres, ne manqueraient pas de les
accréditer, cependant ils sont ti es -rares;
lois(|u'on en publie, nous ne voyons pas
qu'ils produisent de grand-, effets; ceux que
l'on a vantés au commencement de ce siè-
cle , n'ont pas eu grand ncnibre de par-
tisans.
Mais ou les incrédules prennent le change,
ou ils veulent nous le donner. Que les hom-
mes soient avides de miracles favorables aux
opinions qu'.ls ont embrassées, à la religion
dans laquelle ils sont nés, on peut le suppo-
ser ; mais qu'ils soient enclins à forger ou à
croire des prodiges contraices à leurs préju-
gés et à leur persuasion, c'est un paradoxe
absurde. lî>sayez, si vous le pouvez, de per-
suader à un catholique (lue les hérétiques
fout des miracles, à un prolestanl qu'il s'en
fait dans l'iiglise romaine, à un Juif uu à un
Turc qu'il y a des thaumalurges parmi les
chrétiens, vous verrez si l'amour du mer-
veilleux, l'enthousiasme, la crédulité, fout
beaucoup d'effet sur ces gens-là.
Les Juifs, entêtés de leurs pr jugés et de
leurs espérances, n'étaient pas fort disposés
à recevoir des miracles opérés pour les dé--
trom|ier;ils faisaient connue nos incrédules:
pour les croire ils voulaient les voir; lors-
qu'ils les avaient vus, ils les ailribuaienl à
l'esprit de ténèbre'. Les parus, ijiévenus
d'un profond mé| ris pour les Juifs, n'étaient
pas fort euclins à croire que les Juils opé-
770
CER
CER
780
raient des miracles pour prouver la lausseté
du png.tnisnie, elà s'exposer au plus ^''an'l
danger en les ailmellant. Copemlanl les uns
et les autres ont céilc à rcvidcncc de celle
preuve, et plusieurs ont versé leur sang
pour la confirmer. La vanité, la fourberie,
i'.imnur du merveilleux , la ciédulilô, le fa-
natisme, ont-ils roulume d';iller jusque-là ?
Voilà donc un raisonneujent auquel les
înrrédules ne répondront jamais : un mira-
cle est susceplitile <le la certitude niélapliy-
si»(uc pour ceux qui le sentent, ilc la certi-
tude |)liysique pour ceux qui le voient; donc
il est aussi susceplilde de la certitude morale
podr ceux auquel» il est rapporté, soit de
vive voix, soit par écrit 5 et surtout lorsqu'il
esl encore prouvé par les effets de.-que!s on
ne peut pas douter.
Il nous p;irail que sur celle question les
incréilules ronfomlenl deux choses irôs-dif-
ferentcs, la répugnance qu'ils ont de croire
un fait surnalurel, avec l'incerlilude de ce
u^êine fait. Mais ^i la certit\ide i\es faits lii-
niinuait à proportion du degré d'opiniâlrelé
des incrtii 1 /s, i' n'y aurait plus lieu de cer-
laid dans le mond(>. Proposez-leur un fait
naturel inmiïqui est arrivé pour la première
fois, mais qui leur est indifférent, ils le
C! oient sans difticiilté dès qu'il esl prouvé.
Racontez-leur nu autre fait nalurel revêtu
des mêmes preuves, mais qni ciioque l(Mirs
opinions et leur système, ils coniestcront
sur chacune des preuves, et soutiendront
qn'il n'est pas certain. S'il s'agit d'un fait
surnalurel encore mieux prouvé, ils le rejet-
tent .'■ans examen; ils décl.irent que quand
ils le icrraiiul ils ne le croiraient pas. — Je
suis ptr.s sûr, dit l'un d'entre eux, de mon
jugement que de mes yeux. VA moi, je vous
soutiens nue vnus êtes plus sûr de vos yeux
que de votre juf;cmcnl. Vous avez été cliré-
lien pendant une honne pnrtie de votre; vie,
vous jugiez donc que le cluislianismc est
prouvé. Viius y avez renoncé pour embras-
ser le déisme : vous avez donc élé persuadé
que ^olru jugement vous avait trompé sur
vingt ((ueslions, Apiès avoir soutenu le
déisme de toutes vos forces, vous avez passé
à l'alliéisme el au m.ilérialisme ; vous avez
doni' reconnu que votre jugement était en-
core faux sur toutes les prél.iulues preuves
dudéisM.e. C.otnpt.z, ji» vous prie, de combien
d'erreurs vous le trouvez coupable. Cilez-
uioi une seule occasion dans la(]ueile vos
jeux vous aient trompé sur un objet mis à
leur portée, par exemple, sur l'idenlilé d'un
personnage avec lequel vous avez liahilnel-
nuMit vécu. Celte maxime uumuc : Je suis
plus sûr de mon jufjemenl que de mes yeux,
esl la démonstration complète de la laùssclé
de votre ju;ieuienl.
Une seconde question est de savoir si,
en fait de miracles, la cerliinde raornie
complète cl bien établie ne doit pas préva-
loir à la prétendue crrlilnde plivsique. qui
u'esl qu'une expérience; négadve^ ou plutôt
une pure ignorance, ^os pliilosoplies moder-
nes l'ont picicudu, el l'on ne peut p;is abu-
ser des termes d'uuc manière plus révulluule.
Nous avons, disen(-ils,une certitude plij siqile
absolue^ une expérience infaillible de la cou-
slancedu cours de 1 ; nature, puisque nous eii
sommes convaincus |)ar le Irmoiguage de
nos sens ; c'est ainsi que nous savons que
le soleil se lèvera demain, que le feu con-
sume le bois, qu'un liouuue ne pcul marcher
sur les eaux, qu'un mort ne revient poiul à
la vie , etc. La certitude morale, poussée au
plus haut degré, ne | eul pas prévaloir à une
certitude physique sur laquelle, nous som-
mes forcés de nous reposer dans toutes les
circonstances de notre vie.
Quelques réllexions suffisent pour démon-
Irer la fausseté de cet argument, l' Il est faux
que le témoignage de nos sens nous donne
une certitude absolne de la constance du
cours de la nature, si nous n'admettons pas
une Providence. Aussi les matérialistes qui
la nient, soutiennent gravement que nous ne
sommes pas sûrs si le cours de la nalure a
toujours élé el sera toujours tel qu'il esl ; si,
dans quelques inoinenls, l'univers ne retom-
bera point dans le chaos ; s'il ne naîtra piiint
de ses débris un nouvel ordre de choses et
des généraiions qni n'auront rien de coin-
muii avec celles (\ul' nous connaissons, etc.
C'( si donc uni jueiiient sur la sagesse cl la
bonté de la Providence, que nous nous re-
posons louchant la constance des loisqu'ellA
a établies ; nous savons qu'elle n'y dérogera
point sans raison et sans nous eu avertir;
niais comment sommes-nous assurés qu'elle
s'est été à elle-même le droit d'en suspendre
le cours pendant quelques moinenls poUr un
plus grand bien, qu'elle ne l'a jamais fait et
qu'elle ne le fera jamais? Quelle certitude
nos sens cl notre prélenduo expérience peu-
vent-ils nous donner sur ce poiul? — 2° Si
c'était là une véritable certitude physique,
ferme el invincible, il s'ensuivrait que ce-
lui qui est témoin oculaire d'un miracle ne
doit pas y croire, ni se lier au témoignage de
ses yeux ; que celui iiiême qui éprou\e eu
lui une guéiison miracueuse, ne peut s'en
tenir au sentiment intérieur qui la lui
atteste. Nos sceptiques obstinés porlerool-
ils l'opiniàlrclé jusque-là ? lin raisonnant
comme eux, un nègre est en droit de nier .ib-
soluuienl tout ce qu'on lui dit de l'eau glacée
sur liiquelle ui> hoini.e peut marcher ; ceux
qui oui eiilemlu parler de la renaissance des
têtes de limaçons pour la premier e fois ,
étaient 1res- bien fondés à traiter d'impos-
teurs les fdiysiciens (lui attestaient ce phéno-
nu'ne. A plus forte raison un aveiig|.-ne, à
qui tout ce que l'on dit des couleurs, d'un
miroir, d'une perspective, parait impossible
el contradictoire, doit-il se raidir contre 1 1
cirlitude mor.ile de Ions ces pliénoméne;,
fondée sur le témoignage r onslant el tini-
forme de tous ceux ()ui oui des veux. -3" Il
esl clair, par Ions ces exem|,les, que ee qu'il
plaîi à nos philosophes d'appelei" expérience
constante el certitude physique absolue, n'est
dans le fond i;u'uu def.iul d"e\i)érience et
une pure ignorante. Parce que nous n'avons
j.iuia^s vu tel ou tel plicnomèue, s'ensuil-il
que personne au uioudc ne l'a vu non plus,
781
CUk
CUK
782
et que noire ignorance, sur ce point, doit
préfaloir au lémoi}>nage posilif de leurs
yeux ? Voilà néanmoins l'absurdité sur la-
quelle on a fait, de nos jours, do savantes
tlisserlalions ; et c'est par là que d habiles
prolestants ont cru délruin- louie cerlilude
du miracle de la tianssubstanlialloii.
Aussi les incrédules, iiivincibleinentrérulés
sur toutes les objections qu'ils aviiient fuites
contre la cerlilude des miracles , ont été for-
cés do soutenir qu'ils sont impossibles, et de
se jeter dans l'Iijpotbèse de la néiessilé, de
la fatalité, du matérialisme. Voy. Fams, jMi-
RACI.HS.
CÉSAIHE (saint), archevêque d'Arles, pré-
sida, l'an 529, au concile d'Orange, dans le-
quel les semi-péla-iiens furent cond.imnés,
et mourut l'an ok2. Il a laisse des sermons,
dont la phip.irt avaieni été allribués à saint
Anibroise et à saint Au^iuslin : on les Imuve
dans Vappendix du loiiie V des 01i!uvrcs de.
saint Augustin, cii'ilion des hénédicliiis. Saint
Césaire a fait aussi une règle pour des reli-
gieuses.
CHaINE , Catena Palrum. Voy. Coumen-
TAiRK.
CHAIR, se prend dans l'Ecriture sainte,
npn-seulemenl dans le sens propre, pour la
chair de l'homme et des animaux, et pour le
corps humain tout entier ; iiinsi nous disons
là résurrection de la chair, pour iii résurrec-
tion de riioiiime en chair et en os : mais ce
terme a plusieurs autres sensinétaplioriques.
11 si|,'ni(ie : 1° Les êtres animes en général.
Dieu dit {Gen. vi, 17j : Je vais faire mourir
toiue chair, c'est-à-dire toute créature vi-
vante.— 2" L'homme en général [Ibid., v,
\2]'. Toute chair avait corro npu sa voie,
c'est-à-dire Inutc créature biimaine , l'un et
l'autre sexe s'étaient livrés au crime. (Jhap.
li,2'i.: L'bomnie et sa femme seront deux
dans une seule chair, seront censés élre une
seule personne. ,Jfute, ch.ip. uni, 7 : Lors-
que vous \ errez un pauvre réduii à la nu-
dité, revélez-ie, cl ne méprisez pas votre
chair, un homme semblable à vous. Dans ce
sens, le Verbe s'est fait cliair , s'est fait
botiime. L'Ecclésiastique , chap. x\v, v. 30 :
Eloignez de vos clians une lemme libertine,
c'est-à-dire «éparcz-la d'avec vous. — 3' Les
sentiments naturels à l'hiimanilé. Jesus-
Cbrist dit à saint Pierre [Matlh. xvi, 17) :
Ce n'est point la chair et le sang qui vous
ont révélé ce que je suis; vous n'avez point
puisé cette connaissance dans les lumières
et les sentiinenis de l,i nature. Selon saint
Paul {I Cor. XV, 50) : La chuir et le sang ne
peuvent [losséder le royaume de Dieu ; on
n'y parvient point par les alTeolions et les
actions auxquelles la nature nous porte. —
k° La chair signilic les liens du sang ; les
frères de Joseph disent de lui {Gen. xxxvii,
27) : C'est notre frère et notre chair; nous
sooiines nés du n)èine sang. — 5° Les affec-
tions de famille. Saint l'aiildit (Ga/af. ii, lli):
Je n'ai point aci|uioscoà la chmr et au sang;
je n'ai point suivi mon affection naturelle
pour mes proches et jionr ma nation. —
6° Les iucliuatiuus de l'humuie corrompu
par le péché. Dieu dit {Gen. vi, 3) : Mon es-
prit ne demenrer.i pas toujours avec l'houirae,
parce qu'il est clutir, c'est-à-dire sujet à des
passiiins grossières et honteuses. Selon saint
Paul, la (7uitr convoite ciintre l'esprit, et l'es-
prit conire la chair {Gnlat. v, 17). Les pas-
sions lésistent au sentiment moral qui nous
porte à la vertu, et c'est ce qui la rend dilti-
cile. Mirther selon la chair {Rom. viii,l),
c'est suivie les penchants déréglés de la na-
ture corrompue.— 7" La chair se prend pour
les parties du corps que la pudeur cache
{Levit. XX, 10). Dans ce sens, la luxure est
nommée péché de la chair {Galat. v, 19). —
8° Suint Paul emploie ce terme pour signiBer
un culte extérieur et grossier ( 6V//a^ m,
3) ; il reproché aux llalales d'avoir com-
mencé p ir l'esprii, et de finir par la chair ;
d'avoir embrassé d'abord le culte spirituel
du christianisme, et de vouloir retourner
aux cérémonies du judaïsme, à la cii-conci-
sion, etc. Il nomme ces cérémonies les jus-
tices de la chair { Uebr. ix, 10), parce (Jue
celait un culte purement extérieur.
Lorsque Jésus-Christ eut dit aux Juifs :
Le pain que je donnerai pour ta vie du mond»
est ma propre chair car ma cuaih est vé-
ritablement une nourriture, et mon sang un
brcurage, etc. {Joan. vi, 52, 5(5;, ils en lurent
scandalises. A ce sujet le Sauveur ajouta,
V. (i4 : C'est l'esprit (jui donne la vie,laCH!i\jn
ne sert de rien : tes p rôles que je vous ai dites
sont esprit et vie. Par là les calvinist<'s ont
voulu prouver que dins l'euclMnsiie Jésus-
Christ ne donne pas réellement et substan-
tiellement son corps et son sang, mais qu'on
le reçoit spirituellement, par la ( >i et non
autremrnt. — Cependant on voit, par une
lecture attentive de ce discours du ."«auvcur,
qu'il a seulement voulu corriger l'erreur des
Capli.irnaïles, qui se figuraient que Jésus-
Christ donnerait sa chair à manger d'une
manière sensible et sanglante » comme on
mange la ( hair des animaux , au lieu qu'il
nous la donne sous les ;ip()arences du pain
et du vin. S'il nous les donnait seulement par
la loi, il ne serait pas vrai de dire que sa
chair est véritablement une nourriture et
son sang un breuvage ; ce serait la foi qui
nourrirait notre âme, et nou la chair de Jé-
sus-Christ.
Plusieurs hérétiques du ir siècle, Barde-
sancs, Uasilide, Cerdon , Cérinthe, les docè-
tes et la plupart des gno^liques. disaient que
le Fils de Dieu fait homme n'avait pas eu
une chair réelle, m;iis seulement apparente;
qu'ainsi il était ué, mort et ressuscité seule-
ment eu apparence. Les Pères de l'Eglise ré-
futèrent celte erreur contre laquelle saint
Jean l'évangélisle avait déjà prévenu les fi-
dèles (/ Joan. IV, 2 ; // Joan. v, 7). Elle fut
renouvelée au ii;« siècle par les marcionites,
qui niaient aussi la résurrection future de la
c/ia«' ;ïerlullien écrivit contre eux ses livres
de Carne Christi et de Resurrectionè car-
nis.
Chairs ou Viandbs lUPnRBS. 'Foy.AnvAAat
PORS ou IMPURS.
1S5
CHA
CHA
784
Chairs ou Viandes immolées. Voy. Vic-
nuBs.
CHAIRE DE moïse. Ce Irnne , dans l'E-
vanyile, signifie la foiulion d'enseigner
qu'exerçaient chez les Juifs les di)cleiirs de
la loi, parce que l'.nir enseignement consis-
Jflil à lire et à expliquer au pcu|)le la lui de
Moïse. Les scribes et les pharisiens, {\\{ le Sau-
veur, sont assis sur la cuAiitt: de Moïse ; ob-
servez donc et faites tout ce qnils vous di~
ront ; mais n'imitez pas leur cond lite, car ils
ne font pas ce qu'ils disent. Ils chargent les
hommes de fardeaux pesants et insupporta-
bles, et ne veulent pas seulement les remuer du
bout du doigt {Matth. xxiii, 2j.
Celte leçon de Jésus-ChristsoulTre quelque
difliculté, elles rabltins en ont abusé. Vou-
laii-il obliger le peuple à se charger des far-
deaux insupportables que lui im|j(i>aien! les
scribes et les pharisiens? Souvent le Sau-
veur leur avait reproché de corrompre la loi
de Dieu par de fausses traditions ; il avait
dénionlré la fausseté de plusieurs de leurs
décisions ; (Otnmeut pouvait-il ordonner au
peuple d'olisi'i vir et de pratiquer leur doc-
trine V — Il nous paraît qu'il faut ici distin-
guer ce qu'enseignaient les scribes et les
pharisiens en public, lorscju'ils exjjliquaieut
la loi de Moïse dans les sjnagogues, d'avec
ce qu'ils décidaient souvent en particulier;
que leur doclrine publique était urdiuaire-
inenl orthodoxe, (in'il fallait donc la suivre;
au lieu que leurs Icçnns particulières étaient
souvent fausses, et qu'il fallait s'en ccarler
aussi bien que de leurs exemples. C'est as-
sez Il coutume des faux docteurs en géné-
ral, tels (lup Jésus-Christ a peint les scribes
et Ips pharisiens. — Les rabbins ont donc
eu tort de conclure de ce passage que, selon
Jésus-Cbrist même, la morale des Juifs était
très-bonne, el qu'il lui a éié impossible d'en
enseigner une meilleurs. Voy. la Conférence
du juif Ornbio avec Liinborch , p. 192 et
suiv.
Chaire de théologie, est la profession et
la lonction d'enseigner celte science. Olile-
iiir une chaire dans une université , c'est
éire admis el autorisé à j faire des leçons de
théologie. Bemplirune chaire de langue hé-
braïque ou de théologie positive, c'est expli-
quer aux jeunes Ihéolngicns le trxie hébreu
de riùriiure sainlr, ou leur faire des leçons
sur l'histoire eci lésiastiijue, etc.
CuAiHE ïpiscopale, espèce de trône sur le-
quel sont assis les cicques lorsqu'ils offi-
cient ponlilicalemenl. De là est venu le nom
de sié(je épiscopal, Ki d éylise calhrdralc dans
laquelle lévcque préside à l'olOce div!n. La
manière la plus ancienne do placer ccitc
chaire u été de la mellre dans le fond
du chœur, plus loin que l'autel , e( de pla-
cer à droite el à gauche un rang de siè-
ges pour les jirèlies. (^est ainsi ([u'ont été
consiruiles les plus anciennes busilii|ues, et
le modèle en est lire du livre de l'Apoca-
lypse, c. IV el V. De là on peut tirer une
preuNC certaine delà prééminence des évé-
ques au-dessus des simples prèlies, et de la
dislinction reconnue entre ces deux ordres
dès le temps des apôtres.
CuiinE DR SAINT Pierre. Nom de deux fê-
tes qui se célèbrent dans l'Eglise catholique,
l'une le 18 janvier |iou;- la c^Kiiie de saint
Pierre à Uume, l'aulrc le 22 lévrier pour la
chaire de crt apôtre à Aniioche. Ces deux fê-
tes sont anciennes; la première est marquée
dans un exempl.jire do .Maityiolose alliibué
à saini Jérôme, el un concile de Tours en a
fait menlion l'an 5G7. Déjà il est parlé de la
chaire de saint Pierre, en général, dans un
calendrier dressé sous le pape Libère, vers
l'an So'i-, el c'est le sujet du centième sermon
de sailli Léon. \ oy. Vies des Pères et des
martyrs, I. 1. pag. 3i3, el lome II, pap .34G.
Dans l'Eglise primilive, de même que les
chréUens célébraient l'annivi'rsaire de leur
bapléme, les évêques solinnisaient le jour
anniversaire de leur ordination ou do leur
exiillaliun; telle a été l'origine des deux
fêles dont nous parlons. L'Eglise a élé per-
suadée que la surcession de sainl Pierre n'é-
tait point atachée au premier siège qu'il
avait occupé, mais à celui dans lequel il est
mort et a laissé un c^êque pour le rempla-
cer. Or, malgré les nuages que les protes-
tan:s ont voulu répandre sur !e voyage, le
séjour el le martyre de sainl Pierre à Rome,
c'est un point d'histnire qui est aujourd'hui
à l'abri de loule conlrstalion.
Que, dès les preraiiTS siècles, le siège de
Rome ail éié regardé comme le cenlie de
l'Eglise catholique , c'est un fait attesté par
sainl Irénée dès le ir. «11 faut, dit-il,
que loule Eglise, ou loule l'Eglise, c'est-à-
dire les fidèles qui sont de tontes parts, con-
viennent avec cille Eglise (de Rome), à cause
de sa prééminence pliis marquée : Eglise
dans I iquelle les fidèles de tout le monde
ont luuj'iurs conservé (ou observé) la Iradi-
liou qui vient des apôtres. » [Adv. hœr., 1.
m, c. 3.) (^e passage a toujours beaucoup
incommodé les proleslanls; ils ont IViit tous
leurs elïoris pnur en détourner le sens :
nous verrons ailleurs s'ils y ont réussi (1).
Voy. SâiNT-SiÉGE.
(I) M. r;ihlié Ocrliet a f;iit une description delà
cliiiiri' (le suiiil i'Ieire.qrie iimis .niions lr;iiiscrirc :
< Le (iieiiiier des Mioiininetils qui s^e con^rvenl à
Home dans lu basilique vatiran , est lu Chaire de
sailli l'une. On sait ipie dés l'origine les é>éq lies
eurcnl des siégi-s anxipiels on doimaii ce iinni. C'é-
tait une niaii|iii- d'iioniiciir et un s 'pne d'aiiiorilc que
de iiarler as^i>. A leur iiii'rl on plai,Mil, an moins de
lcm|>seii lenips,leur'scliairesilaiis leurs innibc mv. Les
preriiieis lideles |i(irlaii'iit nu grand resficcl aUK
siégi'S dont l>s apôlrcs s'éliient s 'rvrs pour Knr iii-
seigner la 'oi ou |iunr re nplir d'aunes luiiiiions de
leur ininislère. Ils (Inniil éirc cunsirvcs avec soin :
ce qui semble iiiilii|iié par cpielquis mots de 'ferlid-
lieii, qui lei ré<enle, à cet èi^ard, les tradiliuiis du
secKiKl siècle, i l'aicoiirez, da-il dans son livre des
l'rescrip wits comre les tiéiéliqnes, parcourez les
é;;lise,- apnslDli iiies, dans les.|iieile» les cli.dr es mêmes
des a| oins iné^rderil à leur place, el où leurs ipiiies
aulhciiiiqiiis siiiii lins à liaiiie voix : l'irciine eccle-
sids ai:uU iiuui ivsœ aclhuc calltediai apunoluniin suit
locis pnrsiJiiit, iipuU quai iiibceautlieiiàcœ liHenu eo-
tuiii leiiiaiitui , c. r> i. 1
( Uigauli est d'avis, dans une des noies de sou
7Sfi
CHA
CHALCÉDOINE (concile de). CVst le qua-
trième (les conciles pénérnux ; il fiil lonn l'.Tn
451 contre les erreiifs d'iMilyclKVs. Ccl héré-
tique, pour ne pus loinber dans l'erreur do
cn,\
780
Nestorins, qui admedail deux personnes eu
Jésus-Chrisl, soutint qu'il n'y avait qu'une
seule nature; que, par l'union h.ypost.tli(|ue,
la nature humaine de Jésus-Chrisl avait été
éililinn de Terliillien, que ce mot ile chnirct dnit être
entendu ici dans un rriiI sihis fisun; ; nviis d'.iliord
rien n'nl)|i[;e à réiiuditT le sen-; liliéiMl, le savant
annolalonr n'en iloniie mienne raison. Kn second
lien, il n'est pas viaisenililablmiiie TiTiiillicn se soil
borné à cit^T des mnnnmcnl'i niélai>tioiiqiics, lundis
qu'il pouvait si^'nal^r les chaires réelles, cmnoie le
prouve le pussaïc (riùi^èln', (pie noiK rapiviruTons
toul à riicurc. Cela esl d'aulanl moin»! probahle que
cet écrivain élaii porté, par ses lialiitmles d'esprit
€t(le siylc, à raUacliHr autant que possilde ses asser-
tions à qnel'pies faiis maiéiicls : ses oiivr;i!>es en
oflrent une foule d'exemples. Ue sens naiiu'el de ce
passage esl donc relni-ci : dans le second uiembre
de celle phrase, TcrluUien rajcielle qiie les églises,
fondées p^r les aiôlres, pouvaient montrer les exem-
plaires »ulhenli>|ues des lettres (pi'ils leur avaient
adressées; il dit, dans le premier niemlire, (pie ces
^liscs conservaient encore les chaires sur losipielles
ils étaient :issis ; ces deux faits servent de pendant
riiii h l'anire. Kiisèbe nous appreiiil ([u'nn vnyali de
son temps, à Jéinsaiein, la cliaire de son premier
évê'pie, saidi ,lacques-le-Minenr, (pie les clin'iieos
avaient sauvée à travers tous les désaiires (lui
avaient accablé relie ville (ii). On sait aussi que l'é-
gli-e d'Alexandrie possédait celle de sainl Mare, son
fondateur, et (|u"uii j'uir un de ses évêques, nommé
Pierre, ayant iris place au pied de celle même
chaire d:ii:s une (éréimmie pub Kpie, et tout le iieiiple
lui ayant crié de s'y asseoir, l'évè pie avait répondu
qu'd n'eu éliil p:is digne, Act. S. l'elr. A'erand.
viarl., iraduns /h (irec en latin i>nr Annsliise le Biblio-
théciiiie. L'Eglise de Itnine dut mettre au moins au-
tant d'empressement et de soin à garder celle du
prince des apôtres, d'aiiiant plus qu'outre les motifs
de piété commuiis à tous les clnéiens, le caraciére
romain était, comme on le sait, emineiiiiiienl con-
servateur (les niomnnenls, et que h s caiacoiiihes
fournissaient aux premiers lidcies de Uonie niie
grande facilité pour y cacher, en lieu sûr, un dépôt
aussi précieux.
< Suivant une iradili(m d'origine immémoriale,
saint l'ierre s'esl servi de cette ch.iire, (jui se trouve
mntntenant au fond de l'i'glise, et qui a éié levèiue
d'une enveloppe de bronze. Avant cette époque, elle
avait éié siiccesslvenieiii placée dans d'autres pailies
de la bi'^iliqiie. Les textes que l'hœbns a recueillis,
De ideulitate ccitli. B. t'eiri. Itoniœ, KiliG, pariicu-
lièiemenl dans les mniuscrits de la b hlioilieque
vaticane, nous l'ont suivre sim histoire dans ces
diverses translalioiis. Le pape .\ie\andre VII, ipii
l'a fixée à rcmlroit oti nous le vénéious acluelle-
nicnl, l'avait pri-e près de li chapelle qui seil au-
jourd'hui de i):iplistére, on Urbain VIII l'avait f.iit
transporter peu de temps auparavant, Curol. Fon-
tana, de Biisil. val., c. 2"J. l'.lle avait élé précédem-
ment déposée d.ins la chapelle des reliipics de l'au-
cieiine sacristie, Grhnald. maiins., C'iiil.sac. reliq.
Basil, vatie. On sait aussi (pi'elle était le.-lée, durant
quel.pie tem;s, dans un autre oiaioire de cette sa-
cnsl e, celui de Saillie-Anne : In hoc sacello uhi se-
des seu calhedra S. Pelri pulclierrima, tuper quant
(fl) Les fidèles de Jérusalem ont encore parmi eux la
chaire de .lacques, siinioimné le frère du Seigneur, qm fut
établi lar le Sauveur et par les apôtres le premier évèqie
de leur ville, et ils le gardent avee grande \é éralioii ; ce
qui l'ait voir rla renii nt que les clir' liens, laot des siècles
passés que du nôtre. OUI toujours reniln de grands hon-
neurs aux saiuts, a cause de l'amour dont ils briMaient
pour Dieu. Hist. ceci., liv. vu, cap. i'X
{Noie de il. Gerbet.)
sedebnl enm munia pnnlificnlia exercehnt honorifiee
con'erv'itnr (Tih. .ilfurnni, mnnns. valic.). après avoir
eu pnor résidence la chapelle de Saiiit-Adi leii :
Porro in ipsn S. .Adriani laclns esl nnnc eqrei/ie nr-
n(K»v, ubicollornin est ca'h-drn auper qnnn sedehat
B Prtriis dum Sflcmnin nqerel (Mnpli. Veqqins, de
rebiis iinliq. meniirnb. ban lie. S. P. tri, lih. iv, ma-
m/.vc. l'rtjic), près de l'end rot oii nuis voyons au-
j uid'liui la cita re du grand i énitencier. A Irien
l" l'y avait hxéedansle viif siècle iGrimnIil., Culal.
S. lieliquiar. nsseival. in Arcli. valie. Il s'appuie sur
tin pass;ige de Mapli. Viggius). Pendant iniiii- cette
périodiî, divers pissa;:es des anciens auteurs font
menliofi d'elle. Nous eu mmlionnerons ici plusieurs,
pour tnnrqur la siiiie de la tradition relative à nit
mcuiumenl si vénérable. Heu est (pieslion : dius une
bulle de Nicolas ill. (;ii 1271) : [>enarii qui daiitiirpor-
taiilibits ad nitiire et reportant bus calliedr,im S. Pétri.
Pierre Benoît, chanoine de la basilii|Me vatieaiie,
dans le xir siè. le, a lais-é un iiuaiiiis<ril qui con-
tient des renseigiiemeiits sur la liiilr;,''e de cette égli-
se : voici ce qu'il m t me pour 1 1 Icte de la ch lire
de saint Pierre : t L'iffice est celui de la lèle même
de l'apôlre ; senleineni à vêpres, a m itines cl à
laudes, on chante ranlicnne Eece sarerdns. Siatiotl
dans sa basiliipie. A la messe, le seigneur pipe
doit s'asseoir sur la chiire, in cnihi'drn. în cuthedra
S. Pétri leqilitr .■iieul in die nitali ejua, taninin ad
vespiras, ml mulniinum et landes eanitiir : EccK S\-
CEtt.ds. Siatio eJHs in bnsiUca; domintts pnpa sedere
débet in calhedra ad missiim. D'i uis les premiers
siècles, les papes élaienl dans l'usage de prendre
place sur un siège cinincni, non pas setilemenl pen-
dant la iiies»e, mais aussi pendant les vêpres, les ma-
tines et les laudes, lorsqu'ils a-s-sliieiit ;iux nlfices,
ce qui arrivait plusieurs l'ois dans raniiée, aux prin-
cipales fêles. Il est visible, d'après cela, qu'en no-
tant, comme une rubrique pai liculière de la lêle de
la chaire de l'apôlre, que le pa|ie devait être assis
sur la chaire à la messi;, railleur que nous veuiuis
de ciler, a désigné la cliaire même ipie la Ira lilioii
coiisidéiail comme celle de saint l'ierre. D'ailleurs,
dans tout son livre, lorsqu'il parle seulemeni du
siège ordiiii.ire du pontife, il le désigne toujours
sous le nom de .'iidye éleeé, et j mviis sous celui de
chaiie. Pierre M inlius, qui appariieiii à la même
époque, dil avoir lu dans Jean t^aballinus que, du-
rant le siècle précédeiu, sous Alexandre 11, la chaire
de saint Pierre avaii élé respec ée par un ineendie
qui avait consniiié les obje s environnants {Petni$
Manlius, de Cvnsuetudin. et reb. busil. valic.). Nous
trouvons aussi, dans un écriv.iindu xi' siècle, Otiion
de Frejssingie, des pissages ipii tout me lion d'elle
(Ou. FrisKjens, in Frcder.). On voit, par des récils
d'Aiiasiase le liiblioibétaiie, relatifs aux ix* et vin" siè-
cles \Anasl., m Vit. l'aul. 1. Serq. Il), que le [lape
élu él lit d'abord conduit an patuarial de Latran, où
il s'assey^iit sur le trône ponilical ; ipie, le di nanclie
suivant, il se rend.iit, revcui du manieau papal et
ati milieu des cliants sacrés à la basilique vaticane,
et q le 1.1 il pieiiiil place sur Vaposloli jue et très-
sainte cliaire desahit l'ierre; ce sonl les termes em-
ployés par Anasiase («)• iNotis voi'à arrivés au
VI r siècle, c'est-à-dire h l'époipie où le pape Adiien
la lit èt.iblir, ainsi que nous l'avons déjà dit, dans
l'oraioiie consacré au sai.a dont il porte le nom.
Les lexles d'Anaslase nuits font remonter encore
{a) Aposbiica sacratis<iima Pétri en hadra. I. "rsque l'é
lection avait eu lieu dans la l).isdiqiie vjin jne, on proeéiUi
iiiiiiédialeaieat à l'iustallalioa du poatife sur cette cliaire
{Nou de M. Gtrbet,\
787
cnA
CHA
788
absorbée par la nature divine; d'où il s'en- nn concîlo do Constantinople, tenu en &&8,
suivriiit quecélail la naliire divine qui avail par saint Flavien. patriarche do cette ville.
souffert la passion et la niorl. Enlycliès s'en plaip;nil an pane saint Léon;
Celle doctrine fut d'abord condamnée dans Flavien, de son côté, rendit compte à ee
plus Iiaut, piiisqu'en pnrlitnt de l'usage dont ilvieni
d'âlii; question, il r;.ppelle la couuiuie .«nciomie. la
CiMiinme til;m..liio par le lemiis, cawi comu?Hi(l«. Le
calalot'iio <le^ siiniles Imilcs cnvoycis par Crogniie
leCranilà Thi'iulo iiiie, roiiie tics Louil)arils, tait
pieniioa (le l'Iiiiile it^'S lamie^ qui hiùlaieui devant
la cliairi" sur l:iinirll« sainl Pierre, s'était assis, de
olco (le sede ubi inins sedit S. PHiua. H paraît qu'à
cette épnipie !es(idi'les la reiicniiiraieul av:mt d'eii-
trerdan- la Icijil qie : ftllc se iroiivaii près de la
place qu'iiccupe anjonrd'liui la Ptulo-Saiiile (llistnr.
teuipl. vciti,c., c. 25). Los nécpliyies, revciiis de la
nbe lilandie du lia|iéiue, éiaieiil conduiis au pied
de cette chaire pour la véncror. Lu rappelant oot
usage, dans son Aputogie pour le pape Syininaqiie,
Etitiodius désisue ce numunient d'une manière Inrt
claire. I On les mène, dil-il, (ncsdii siéiie iiota'oire
de laconjession apoitoliquey rX, pendant qu'ils v.r-
sentavcc ab'ind.inie de-, lamtes que li joie leur l'ail
conter, la bonté de Dieu donlile les ç;ràecs qu'ils ont
rernes de lui : Ecce iiiiuc ad çies^utorinm s> liant npo-
stol C(v confessions uda miiUiul limiiia cmdidi.tos. et
liberibus gaudio exaiore jUlibiis, collaVi DA lenrficio
donacuuiulaïUHr. (Eiinod. Apnlug., p. 5."i-2. Toriiaci.) »
Cette exjiression, sie'gi; ge<(H(aii(',caraclériso e\aele-
nient, comme nn le x'erra l>ienlôi, la t'ime spéciale
et la destiuaiion primitive de celte «liaire. Kininiiiiis
écrivait au cnuunencuiient (iu vi' siècle. Le iv' nous
fournit lui lénioignage irès-pnsiùf d'Oplal de Milèvc.
Sadressaiil à des si lli^nlaliqlles, qui se \anlaienl
d'avnir des partisans à Knme, il lenr fiit cette inie.r-
pellation : i (Jn'ou demande à vntie M:icrol(e où il
siège en cette ville; pouira-i-il rèpomlre : Je siège
sur la cliaire de IMerre ? > Si cet auteur n'avait
rien dit de plus, on pourrait dnultr qu'il ail parlé,
dans ce passage, de la chaire niaiériclle : roinine il
ne fais;iii pas de l'iiisliiirc, mais de la pidèiuique, il
aurait très-liieu pu su servir du cene expiession pour
signilier seulement la chaire inoralemeul prisn, ou
l'autorité de saint Pierre, survivant dans >es succes-
seurs, et méconnue par les scbismatiqucs, cnutre les-
quels il arguinent:iit. -Mais ce qu'il ajoute ne permet
pas cette supposiliim : « Je ne sus las nième, dit-il,
si Macriihe ai seulaïunt vu celte chaire de ses propres
yeux. ) Evidemment, il a voulu désigner la ehaiie
in;itérielle, ce qui e>t d'ailleurs lonllrmô par tout le
reste <lu uièuie pa-sage, dans letiucl il continue
d'opposer aux sih^àinaliqiies les inununienls de saint
Pierre et de saint Paul : Ueiiique si Macrobio dieu-
tur iifci iUc sedcut, numquid poiesl dicere : in cuiliedra
Pétri ? Qumxt ncsciu si vel oCdlis kovit, et ad citjus
MEMoRiASi N<A.x AÇCF.uff , quoii scUiniKtiicus COHlra
aposiolum (aiicns,q'n u.l : ntemotiii sancturuin cotit-
municuiiles. Ecce prasi'nlcs sunl ibi dHoruiu hkmo-
MM. apostoLorum : dtcile vi au has iXGitEil PoiuiT, ita
u( vbluleril illic ubi ^uncivnim wemurias esse canslnl.
(Oplaïus Milevit., conir. Vitrin., lib.,n.) Dans le style
des premicis <;hié leus, le mol vieiiwria était cin-
plu>é pour dcsigi^er les nnummenls Innèlnes des
apAlres nu dos martyrs, cninmc U'ius l'aviuis iié)à vu
dans un passage cité précédemuieiil, relalil à la
cnnsirncliou du n ouniiiciil de $:iinl Pierre {coii-
slruxit itumoriatu). i.e lerino a pu éllO ensuite ajipli-
quç ■,,\\>\ biisH qncs ciigèo^ sur ces louiheaiix.
( il est dnnçceiiaih que cete cltaii'u a été expo-
sée jiuliliiiueuièiit à la vonéraiii.ii des chréli<'ns, dans
le hiede inèit^t^ QÙ le «luiïiiui.isuie a uu la iihuilcdu
culle pnhiic. Il n'est pas é nnnai;l (jii'il n'en soit
point lait uieilliiui dans les doe.iimeias i}.c l'époque
améiicuro : il serait, au contraire, éiunnant qu'ils eu
eussent pailé. il ne ppus reste qu'un petit nouibrc
d'écrits rédigés à Rome pendanl les trois premiers
siècles : les actes des marlvrs ne mêlent guère k
leurs récits les parlicnlarilés inunnmentales, si cç
n'est qu'ils indinnenl. et'sniiveni par un seul mol, |e
lien du supplice et celui de l'inliiiina ion. Les nu-
vraçîPS r.pologét qies et polémiques avaient à faire
qucinne chiise de plus pressé que le son de tenir
note di'S mpuliles sacrés, ce qui eijt été d'aillenrs
une indisciéliiin dangereuse, qui eût pu iiroyonuer
les per(|uisiiiinis des p:iïens. 0"^"' "nv livres c"in-,
posés .à celte époque pir les écrivains qui résidaient
dans d'antics parties du monde roin!(in, les même?
nliservalinns s'y appliquent ; et il est, dii reste,
exirèineineni vraisemlilalile que lems auteurs, au
iii"ins la plupart, ont ignoré l'exis'ence d ' ce nio-
ininuMil, qui devait être renfermé à Uiinie dans quel-
que lieu secret, suivant la coulinMe cjcs temps de
perséeiitinn. Ce n'est qu'au ive siècle que d'autre^
chaires, C'uiiemperaines de la chaire desiint Pierre,
celle de saint Jncques .i Jérnsaîeni, iclle de saint
Maio dans l'église d'Alexandrie, reparaissent sous
le soleil et dans l'h sloire. Les clirélifus s'empresT
sèreni alors de véiu'rer, dnns la lumière de leurs
basiliques, les dépôts que leur avaient conservés les
crypios fonleriaiiics. Tout nous pcrsmnle que la
cliaiie lie saint Pierre avait éié cachée dans le s^iiç-
tuai'eniènie de son lond)ean. Un manuscrit de la
liililinlbèuuc Darberi le {Midi. Leonic, noi.manus,),
qui l'atlirme (losit vement, a été, on peut le croire,
l'écho d'un souvenir traditionnel ou de renseigne-
ineiiis consiaiiés dans qiielqu "S feuilles d"S archives
romaines, qui se sont ensuite perdues. C'est donc,
suivant loitle apparence, à l'époque des constructions
faites pir saint Svivosire dans la confe-siou de saint
Pierre, que cet'e ch:<ire a é é ofl'erie à la dévotion
publique et lihre du peuple qui altliiait dans le temple
qne Constantin vemiit d'ériger. Sortant du toinheau,
elle a pris possession de la grande basilique; elle en
a visité sncccssivnieni, dans le cours des iiges, le
vestibule, les chapelles, le chœur, pour se fixer cnlin
à la place radieuse qn'ille occupe aujourd'hui, éçl'i-
rée (l'en haut par l'yiiréole de la colombe qui plane
suielle, couronnée pur losanges, légèrement soute-
nue par quatre grands doctenis du rile laliu et du
rite grec, saiot Aud)riiise, saint Angnsiin, saint Atlia-
nase , saini Chiysoslôme, et suspendue au-dessus
d'im autel dédié ù la sainte Vierge et à tous les saints
papes. Sur leurs tiô^es céles'.es, ils gardent sans
doute un souvenir de celle chaire, au pied de la-
quelle ils se S(u)i sanctifiés, si que'(iucs images des
nionuinenls terrestres vont se rclléchir , coqinie
l'ombre du teinis, ju.-que dans les splendeurs de
l'èteruilë.
I Deruis plusieurs siècles, les papes ont cessp de
s'en servir aux têies solennelles- Sa vétusté pouvat
l'aire craindre qne rcite rcliqiie prccieiise ne soniïiît
qui'lqne doiiim>gesi l'on eût continué de la déplacer
et de l'eniploy. r pour des fonciions du culp' : le soiq
de SI con-ervali'ui l'a rendue désormais iuimqbile,
C'est aussi pour cela ipi'elle a éié revêtue, sous
Alexandre VII, d'une enveloppe de bronie. Pu reste,
tout le monde peut en avoir une copie dans nue des
salles de II saciisne vatieane, it ou en conserve
un /'(ic-simi/edans les comldes de l'église, prés de
l'endroit où sonl dé|iosés les pLuis en relief des dir
vers piojeis qui ont élé proposés liaiis le leinps pour
l'architeclnre de la basJiqne moderne.
I Torrij^i, i|ui a examiné cette iHiaire en lfô7, el
qui en a pris la niesiin- dans unis les sens, nous en
a laissé la description suivante :
I 1.0 devant (du siège} est large de quatre palmes
789
CIIA
CHA
790
pontife fies motifs de la condamnation ; saint
Léon l'approuva, el écrivit.! Flav ion une lettre
qui est devenue célèbre par la nctielé avec
laquelle ce saint pape y expose la doctrine
et haut de trois et demie ; ses côtés en ont tin peu
plus de deux et demie en largeur; sa JiiniliMir, en y
îdmpri'nanl le dos, est de six piilrnes. Klle est de
bois avec des coloiitielles cl de peiiles arches : les
colonnelles sont liantes d'une p:ilnie ei dfux onces
(a), les priiles arches de deux palmes et demie; sur
le devant du sli'i;i; sont ciselés dix-linil suj ts en
ivoire, e^éeii'és avec une rue |iei lection, e.l eulie-
itiôlés de |ieiils(unenieuis en laiton, d'un iravail irès-
delirat. Il y a antoui' (dusienrs fij-nrines d'ivoiie en
bas-relief. Le dqs de la ciiai<c a quatre doijjls d'é-
paisseur (Li sacr. lio(ei. Koinnii., c. ^1, p. 1-2:2). i
( Il faut ajouter à celle Ocscnplion que le dos
carré est terminé h son sommet par un cnmpai timent
triangulaire. Tonigi a on'is aus-i de noter une au're
Circon-tance plus i(uporiaule que imus rappellerons
tout à riieme, et il s'est irouipc eu un point : les
Oinempiits quM a cru être en lailon sont en or trés-
pnr. Celte pan cularitc, qni a élé véri(iée par nue
comiiiissinn qu'Alexandre VII a n'immce à cette
elTei, n'est point, coninic nous le verrons, jndiirérente
pour rexplienilon de ce niirnument.
< Les peiite'i sciilpiures (l'ivoire, qni rcprésinient
les Travaux (<7/cic»/e, prouvent (lu'il est d'eiigiiie
païenne. Alislr:iciinn l'aile de la Ir.uliti.in que ni us
avons constatée, il n'est pas pnssilile de snp()()ser,
avec qnel(|ue apparence de rais (|ne cette eliaire
romaine ait élé i'ahri(|née dans l'intervalle de temps
qui s'est écoulé depuis la chute du pagani^tue au
■y» siècle, jusqu'à la lévohilioii oiiérce d.ms la sculp-
ture vers la lin du moyen âge. Un ne se (ù\ pas
perniis <le représenter une légende essentiellement
inyiliologi(|né sur nu meulile aus>i sacré, destiné à
figurer piès de l'anlel pendant les sainis iiiyslèies.
Le» moiionicnts religieux lie celle période, (|ui exi-
stent à UoniC en grand nombre, kmt voir clairement,
Jiar leur sévéri é cbiéiicrme, que celle fanlaisie pro-
ane y a éé aussi étrangère an caractère de l'art
qu'elle etit éié opposée aux préoccupations domi-
nantes : les siliyles n'ont pu étie adnijses à figurer
sur ces monuments ([ue parce qu'elles éiaieiit consi-
dérées, .suivant l'opininn de plusieurs anciens Pères
de l'I'glise, comii.c avant prophcli^é le Chn.sl. Nous
verrons d'ailliurs (pie le slyle des sculiilnrea dont
il s'aijit déuiile une origine bien anléienre à celle
période. En rdnontanl plis haut, nous rencontrons
i'épo^iue qni est c(unpiise enlre le triomplie du
cliristiani^ine, sous (Jonslant ii, el la chute complèie
du paganisme. Elle est encore moins lavi-rable à
riiypoihèse de l'oiigine cliréliemie de ce inonunieni.
Loin d'êlr- dispoésà jouer avec de [lareils einhlè-
mes, les chrétiens, quiavaienl éié loriéi jusipt'alors
de tenir secrets les signes e\iérieiirs de leur loi,
s'empressèrent de les multiplier so"S diverses bjr-
Uies, sur les monunients puhlics et privés. Jlesleiil
donc les trois siècles de peisécution. iians telle pé-
riode nous Ir'iuvons, il est vrai, parmi les peintures
des caiaconibes, une figure allégoriiiue tirée de la
niylho ogie : le Christ, le céle>ie enchantiur, comine
l'appelle Clément d'.Vlexandrie, y est repré-ciiié sous
les traits d'Orphée. Touieiois les motif:? qui ont lait
Kdérer celle excepiion aux régies suivies, ne s'jpph-
qiienl pas aux sculptures Ueceiiechaire. L'iiinigosvni-
Çolii|ue d'Orphée était dune dimension assez gra'mi^;
pour frapper les regards des (idèles qui se réunis-
saient dans les souterrains sacrés ; un Igiir en ex-
pii<|ii:iit le sens, et ce tableau devenait ainsi, comme
toutes les autres peintures qui décoraicui ces "a.e-
{a) L'once, ou la douzième partie de la palme romaine
équivaut à un ci .ilimoln^ huit niilhnièlres. '
oalholiqne louchant lincarnalion. Dans l'in-
tervalle l'empereur Tliéodose fil assembler à
Kplièse un concile, en i'i-',) , auquel présida
Dioscore, patriarche d'Alexandrie, homtue
ries, une prédication qni parlait aux yeux. Mais de
petiies ligures mythologiques, sculptées dans les
parois d'un meuble et qu'on pouvait à peine distin-
guer à deux pas, ne pouvaient remplir le même but.
t;es incrusialions n'eussent é.é qu'un ca|irice sans
iitiliié ccmiiie sans convenance, el les premiers
cliré ions ne faisaient fléchir leur aver»ion pour les
allégories de la poésie laienne, ipielor-ipie de graves
raisons les y déleriniuaicnl. Dans ces mêmes ( ata-
comlies qui ont f jurni le lalileau dont il vicnl d'être
qnesion.on n'a reirouvé aucun emprunt mvllmlo-
giqne parmi les peiils symb des tracés par les'lidèles
Sur les pierres sépulcrale^; ilj sont tous exclusive-
lucnl chiéiiens. Mous soimues donc conduits à pen-
ser que ce mivnument a dii appartenir piiuiitivemeul
à un paieii, et iju'oii ne doit pas lui assigner une
origine postérieure aux premiers siècles de l'ère chré-
tienne.
< Le caractère de ces ornements, envisagés sous
un point de vue purement anislique, sert à déler-
niiner, d'une manière plus circonscrile, la péiiode
de lemps à laquelle ils remoulent. Ils sont lori re-
niirqnah es par la beauté, la dé iralesse et le lini
(lu Iravail ipii déeeleiit une époque oit la S( ulpllire
élaii très 11 Hissante. Or, les h.storiens de l'art ont
conslité, d'après l'élnile coniparée des monuments,
que la sculpture a subi nue dégéuéralion tiès-pro-
Moneée à prlir du cnnmeu enienl du troisième
Siècle, et coimiie ceit'? décad.iice se lait déjà remar-
quer dans le second, ils aitribu.'nt en général au siècle
d'Auguste les œuvres qui se disling ,enl par un grand
mérite d'exéeiilion.
I Une anire particularité permet de resserrer en-
core en des limites p us éiro.ies l'époque de ce luo-
nnnient. On sait ipii; la mode des siéyes gestaluires
ou chaises à porteur a commencé parmi les princi-
paux personnages de lioiiie, après l'avènement de
Claude à l'empire. C'est ce qui a faii dire à Juste
Lipse, après avoir examiné à ce sujel les passages
des auteurs latins de celle époque : t Au temps
d'Auguste, je ne trouve pas la chaise, niais toujours
la litière ; au contraire, depuis Claude, très-rare-
ment la litière, et I resijue loujouis la chaise. Aon
ripcrio tempore XiiQuii sellant, seinper leclicain ; ast
posl Clamliuin plciuimiui: sellani, rara nieiiwria leclicœ
{Jitil. Lips.. 0|ier. omn. tiujdun. Itilj, t. I; Etecl.,
I.l); I, cap. 14, p.5|-i). I ll'ser.iii bien diliicile de
ne pas recunnaitre une de ces chaises à porteur, sella
(/es(n/orw, dans le meuble dont nous nous occupmis
eu ce moment, puisqu'on y voit de chaque cô é des
anneaux doubh'S en ler, (lar les.|ue!s on devait laire
pas-er des biancards. A(/ usuiii genalor'ue sdlx pro-
cul dubio a/fubre faclu ceriiitur, liubens in uin^que to-
lère duplicia mmiubria ferrea, Iwblis porlalilibus im-
mttleiidis apposita (fliœb., de Lima. Calli., p. iO).
Les grands seigneurs romains de cette épo(|ue, trés-
aiiiis du luxe et de leuis aises, ne inanquaicnt pas de
garnir leurs chaises à porteur de riches et moel-
leux coussins ; elles devaieni avoir une dimension qui
pût se prêter à cet arrangement. La structure du
meuble en question, qui esi celle d'nn grand el large
riiiteud, s'accorde ain>i irè.-b.eu avec la de^tnaiioa
elaiiemeiit indiquée par les anneaux de ler latéraux. .
Il réiulie de i es ohservaiions (p.e, selon toute pro- '
babilité, son origine n'est pas antérieure au lésnè de
Cl.iude, et qu'elle estposlérieure aux Gommencements
de la prédication évangélique ijui uni eu lieu sous le
lè^iie de 1 ibère.
< lin suivaia ces divers indices, on parvient à dé-
couvrir quelle a dû êire la position sociale de son
premier possesseur. Les p.aiiculaiiiés qui caracté-
risent en elle une chaise à porteur, et par là uième
70)
CHA
violent, orgueilleux, d'un caractère intrai-
table, el nincmi de saint Flavien. Il se dé-
clara hniitcmenl pour 1 1 ducirine d'Eulychès,
an.illiùmaliba saint Flaviea et saiul Léon,
CHA
79Ï
força les évêques à signer cette décision , fit
employer même les coops et les outrages
conlre saint Flavien et contre les évéques
qui lui étaient attachés , le Cl envoyer eu
un gonre de menhle dont les grands seuls se ser-
vnienl, son ami'lenr, sa slruclnre soignée, ses élé-
gaiiis (irnonicnls d'ivoire entrelaces lie (ileis d'nr, la
perferlinn des soulptnres, loiilaniiniiccî qu'eUi' n'élail
pa-- lin nii'iilile oui iiaiie, mais iin siéiiededistinrlii n,
une espèce ilc diai-e cuinle, apparlenaiil à <|iii> que
pis âge opulent de la classe arisiocratique ou
fénai' lia'e.
< Niiiis venons de reciiiillir qnatre indications dis-
Ilncies : 1° celte cl. aire a clé origliiair'ini'iil une
cliaise à porteur ; 2' le pcis"nn:ige dont el e él^iii la
propriété clail iKiîeii; 5" il lai-ait pariiedc la liaiile
sociéié dans la litm e impériale ; 4* le siècle d"Au-
giisie, si Ton en reiiaiiclie le (ueinier tiers qui pré-
cède le règne de Claude, se piésente comme étant
réplique à laquelle il est le [dus raisonnable de laire
remiiiiier ce nioiiiimeut.
I (Jnnfronioiis maintenant ces indices avec des
obsiTvalions qui dérivent d'une autre source. Saint
l'ierr", airivc' à lionie dans le fièile d'Augnsie et
sons le ré};iio de (.lande, y a reçu rhospiialité cliez
le sénalenr Pndens, ccnivei t par lui an clirislianisme.
C'est là que st; sont tinii.s l^-s premières assemblées
d.'S fidèles, e'esl là que sa chaire pa.-l^irale lui a été
fournie. Comme la ciiairc éiait une marque d'autoi i(é,
il e.«t iiès-naniiel (iiie l'uilens ail tenu à lui procurer
à cet elfei nn meuble distingué. Le gesiaioire, dont
se servaient l'empereur ei les grands, était éminem-
ment nn siège d'I.oiinenr, et il n'est guère donicux
«jiie le sénateur l'iidens n'ait possédé un meuble de
ce genre, puisqu'il faisait partie de la classe qui
avait ado. ti- C' tie mode, à l'exemple du souverain.
c ^ons avons donc deux séries d'inilications : les
unes se ilcdiiisi'iil des pailicnlantés matérielles du
nionament; les autres lésulienl des données hisio-
ri(pies sur répo(|ue et la maison on saint Plerie a
pris possession d'une cliaire dans Kome. (^es deux
séries, (|ni>ii]iie d'origine diverse et réciproi|neiiient
iiidépendanies, s'aj stent l'une à l'autre sur tons les
poiiiis piiiir concoriler, d'une manière Irapiianie,
avec la tradition qui a répéiéde siècle en siècle que
sette cil. me antique e^t celle de saint l'ierre.
I On ileniaiiieia sans doute si la légende mytlio-
logique, représentée par les sculptures d'ivoire, ne
peut pas foi nier une (dijection légitime contre l'au-
tlienficité de ce niuiiiimenl. AsMiiément il ne serait
pas raisonnable de supposer qu'en faisant fabriquer
une cliaire ap islolicpie, on ait exigé que ses orne-
nients lignrassent de- objeis prolanei; niai> tri n'est
poiii' le cas piésent, puisqu'il s'agit d'un siège ipic
Pndens aurait pris paiiiii tes meubles qu'il po-sédait
avani sa conversion au clirislianisme. Il est aisé de
coni evoir qu'on y ait laissé subsister ces iictils eni-
liléiiii!) en la\oiM du sens allégorique auquel ils se
prci ient :iUssi naïuiellcnieiil que (elle ligure d'Or-
pliée que II' Us avinis lappelée Inut-à l'heure, et (|ui
av.iil été iraci'c sur les mis des caiacombes par
les premiers cliiétiens. Oipbée, doinpiam L'S ani-
liian\ par les aci n-ds de sa lyre, était une belle
allégorie ilu (lirisl snbugiiani les âmes leticlles par
sa dcicirine céiiste; de inéiiie saint Pierre éiait le
vériiable II renie ipii était venu à Home i oui y ter-
rasser riiydre inlernale île l'iilolàirie. C'eût élé, je
l'avoue, lin syiiiliidisme presipie iinpei(eplilile à
raisnn de revigniié des ligures, et il n'ai.rait pas eu,
comme je l'ai déjà dit, le genre d'utilité qu'avaient
les peintures des cataenmlies. Mais, si le rappro-
cbenieni allégorique n'explique pas ponrquui l'on
aurait clioisi tout u\|irés de pareils emlileincs pour
les iiicmster dans le meuble desiiiié à ètie la cliaire
de l'apôtre, il explique sul'lisaminent pourquoi on a
pu les laisser dans un meuble préexistant, pourquoi
on n'a pasienii à briser sur cette cliaire euriile du
conquérant cliréiien de Rome les ligures en ipielque
Snrie propliéliqiies dont elle se trouvait ornée. Cette
c\plicatiiin se prése 'le très-naiurellenieni , su, .posé
que ces premiers clirétiens aient alliclié qnebpie iiii-
perlance à ces orn menis; mai-, du reste, il estlrès-
possib e et inêine pndiable qu'ils n'y oui siiièie pris
garde. Il ne faut pas juger de ce qui a dû arriver
alois d'a|irès le qui se passe anjourd'lini, lorsqu'on
foiiruii une chaire à un évéque : la cliuse ne s'est
pas faite avec t.nit d'aiprèl. Sanl Pierre élaiii étalili
cliez Pndens, des néopliyies s'y sont réunis dans
une salle pour remendre prèitier et pour recevoir de
lui le s eau du bapième. On a choisi sans délai,
parmi les meubles de celle maison, (jiii h veille
était encore païenne, un siège d'iinnnenr doiil il pût
se servir en présidant celle asseir.b ée religiene, et
il a coiiliniié d'en user, sans que lui ni ses disciples
se sriieiit mis à éplucher les petites figures décou-
pées entre les pieds de cène chaise, tandis qu'il
s'agissait de cnniineneer la lutte conlre I • grand
colosse de Rome. .Après la mort de 1', poire, la vé-
nération due à sa mémoire n'aura t pas permis, si la
pensée en était venue, de mutiler la chaire sur la-
quelle il s'était assis, et de proscrire ce qu'il avait
toléré.
< Quelque supposition qu'on fasse, ces emblèmes
ne saliraient donc former une objeili"n solide; car, en
matière de crilique, et spécialement de critique
monu eentale, il est de principe que lorsqu'une dilTi-
cnlté se ré ont par une explicali ii plausible, elle ne
peut ni inlirnier les indice- qui éclannl les origines
d'une chose, ni à plus forte raison prévaloir conlre
une iradiiion coiistanie. Combien n'y ai-il pas de
monuinenU do.it on ne conteste pnint l'auilieniicilé,
quoiqu'ils pré-enlenl des singularités moins l'acile-
iiient explicables que celles dont nous venons de
parler ?
« l>oin de porter alteinle à la tradition, celle par-
ticularité sert au cuniraire à l'appuyer. Si après quel-
ques siècles on avait commencé à présenter aux
respects publics une fausse chaire de saint Pierre,
on n'aurait pas manqué de choisir nn meuble
exempt de ces images païennes qui poiivaieiil la
rendre suspecte. La piésence de paieilles sculptures
sur un pareil monument semble doue prouver l'u'il
n'a pu être vénéré de siècle en sièc'c que parce que
chaque siècle a iroiivé mie traililion préexistante qui
engiranlissait l'aulheiitieité.Cesurnenienis profanes,
incrustés dans la première chaire de la chrélienlc,
ont sans diinte embarrassé plusd'un savant du ineyen
âge qui ne pouvait pas connaiire, coumie nous, d'a-
près des miinumenls reiroiivés uii étudié- plus tard,
l'indulgence des premieis lidéles envers cenains
emblèmes mylliologiques. Mais ce i|ni a pu être une
lentaiinn de iloute pour la s lUplicité île nos aïeux,
n'est plus, pour les Inmiércs arrhéolO|{iques des
temps inoilerncs, que la conlirniation d'uuc vénéra-
ble croyance.
I S'nis lin po'ut de vue simplement arcliéoiogique,
ce serait déjà cho-e fort iiiléressanle qu'une ciiaire,
iiini de marine ou d'airain, mais de buis, appartenant
au premier siècle, quia siibsisié jusqu'à nos jours
pour se perpétuer bien au delà, dans un assez lion
état de coiiservaiion et presque dans son iniégriié
native. La vénération des reliques a ciintrilnié, par
IVIlicacilé propre aux soins qu'elle prescrit, a con-
férer au siège du premier des apôtres ce privilège
de durée. Mais il faut convenir qu'elle a été singu-
lièrement favQrisée à cet égard, puisque les auirei
795
CHÂ
CHA
794
exil, où il mournl des mauvais traitements
qu'il avait essuyés. C'est ce qui a f.iit nom-
mer celle assemblée lumuliueusc le brigan-
dage d'Eplièse.
Ce concile ne fut point wcitménique, quoi
qu'en dise Mosheim ; la Icllre de convocaliim
purlall : que l'exarque ou patriarche pren-
drait avec lui dix mélrupuliijiins de sa dé-
pendance, cl dix autres évéïiues , pour se
trouver à Eiilit^se ; rassemblée fut composée
tuut au plus de cent trente-cinq évê(iufs,et
les légats du pape prolestèrenl contre lout
ce qui s'y pissi. Il n'est pas vrai non plus
que le concile précédent, tenu dans la tnème
Ville, l'.in h'i\, contre Ncslorius, ait été dés-
honoré par la mémi? injuslii-e et la même
violence que celui-ci. S.iiiil Cyrille, qui pré-
sidait au premier, ne fit user d'aucune vio-
lence contre Nesiorius , qui était protégé et
gardé par les officiers de l'empereur ; dans
le seciind, Dioscore, escorté di's mêmes offi-
ciers, et appuyé par des soMals, lit ni.illrai-
ler cruellement saint Flavien et les évéques
opposés à Eulycliès.II n'y a aucune ressem-
blance entre ces deux conciles. — Saint Léon,
inform,' de tous ces excès, engagea l'empe-
reur Marcien, successeur de Tliéodose, à
convoquer un concile à 67(a/c(f(/oi)ie , pour
établir la doctrine catholieiue et procurer la
chaires .ipostnliqucs n'ont point participé à celle
préregilive. Elles nnl péri |);ir la main ou par la
iiéslijjonce des liomnies ; celle de suint Pierre seule
a élé sauvée par queUpie chose qui se iinnKiie, je
crois, la Proviilence. Des évéïieiiieols técQU'ls en
deslrmlions de tout genre l'oul siuivent nienacée,
couinie un incendie qni échiliiji autour (l'ello : ce ne
sont pas les ilévasiatioris qui mit nian(|ué à Ilonie.
D'AIaric à Totila, dans l'espace d'environ tiO ans,
celte ville a oié saccagée quatre lois. Un indigne
héritier du l:ône de Conslaniin Unit par se mettre à
la léle des ruis liarlires pour la dcpoiiiller. La der-
nière fois que cette s<niveraiiieié dégénérée y lit une
apparition, .m seiiliènie siècle, l'aigle impérial, de-
venu un oiseau pillard, dit adieu à Rome eu empor-
lant dans ses serres avilies une l'onle d'olijets pré-
cieux, et jusqu'aux unies dorées du Panilieon. Au
onzième siècle, l'empereur 11 'nri IV vi'ir.iit d' rava-
ger une piirtie de la ville connue sous le nom de
caé Léuiùne, ipii îenfennail l.i basilique de Saint-
Pierre, lor.Mpie l'aniiée de lioliert (jui-.caril, q li ar-
rivait pour le chasser, dévasta plus compIé;ement
eiiciire l'autre partie. Le sac de Unine par le< bandes
luiliériciines du connéialile de linurbun déirui~it,
dans les églises et dans les sacristies, uiiefunle d'an-
liipiilés qui avaient échappé à loules les dépiéda-
lii'Ms prccédenies. A ces époques ilé>asiieiises. Hune
a vu piller ses trésors sacres, jeter aux vents des
reliques saintes, abattre des (oloiines de granit; la
(ragile (ilanche sur laipielle saint l'ierre s'e>t assis,
a irjiveisé tant de siècles cl tant de destruciions
Cdinine un einblénie perpétuel de l'indéfeciibilité de
la loi.
Non de marmoreo, asi .Tterno e frngmine lexta,
Durât iu exlreinum Urniu cathedra dieiii.
(Aiidr. Mabiands, llb. n, epigr. ô.)
< On pourrait lui appliquer (es mots : Tu ninrche-
ras sur l'aspic cl le busilic, et lu fouleras aux pieds te
lion i'( te dr.igoii, auxquels taisaient allusion les ani-
maux symboliques sculpié^ sur les gradins de l'an-
iii|ue chaire en niarhre fin dont se servaient les
papes dans la basdique de Latran. >
paix à l'Eglise. Ce concile , présidé par les
légats du pape, fut composé, selon quelques
auteurs, de six cent trente évéques. On y
examina les ades du concile de Constanti-
nople, où Kutycliès avait été condimné, et
ceux du faux concile d'Ephèse; la profes-
sion de foi d'Eulychès, la lettre de saint Cy-
rille contre Nesiorius, et celle de saint Léon
à l'^lavien. A la lecture de celle-ci, les évé-
ques s'écrièrent que telle était la toi de l'E-
glise et des apôtres; que Pierre avait parlé
par la bouche de Léon. Conséqueminenl la
décision du concile fut que « Jésus-Christ
Noire-Seigneur est vraiment Uieu et vrai-
ment homme, composé d'un âme raisonna-
ble et d'un corps consubslanliel au Père seloa
la diviiiiié, et consubslanliel à nous selon
l'humanité, Seigneur en deux natures, sans
coulusion, sans changement, sans division,
sans séparation, et sans que l'union oie les
prupriclés et la différence des deux natures,
en sorte qu'il n'y a pas en lui deux person-
nes, mais une seule, que c'est un seul et
même Fils unique de Dieu, etc. » — Ainsi
furent condamnés lout à la fois Nesiorius,
Eulychès et leurs adhérents ; Dioscore fuldé-
pose, anathématisé et exilé, tant pour les
violences qu'il avait exercées à Eplièse que
pour d'autres crimes et pour ses erreurs,
iylais cette décision ne rétablit pas la paix.
La plupart des évéques d Egypte demeurè-
rent aliachés à Eulychès cl a Dioscore leur
patriarche ; ils pulilièrent que le concile de
Clialceddine, en condamnanl Eulychès, avait
aus-.i condamné la doctrine de sainl Cyrille,
et approuvé celle de Nesiorius, deux lausse-
tés évidentes. Ils ne réussirent pas moins à
former un schisme et une secle, dont les par-
tisans ont élé nommés monophijsites , et par
la suite j'acoôiies. Voy. EuTïCHttiNS.
C'est sans aucune raison que Mosheim et
d'aulres proleslants nomment le concile de
Cludccdoine une assemblée Oruynnle et luinut-
tueuse, et veulent nous persuader que tout
s'y passa dans un desordre à peu près égal
à celui du faux concile d'Ephèse. L'empe.eur
lui-même fut présenta plusieurs séances, et
rien ne se lit <|u'après un mûr examen ; il a
fallu toute l'opiniâtreté qu'inspire l'heresie,
pour se prévenir contre la manière donl on
y procéda. Le traducteur de Moslieiai dil que
saint Léon, dans sa lettre à Flavieii, expli-
que, avec une grande apparence de clarté, la
croyance calholii{ue sur ce sujet embrouillé;
la carié de cette lettre n'est point apparente,
mais très-réelle, el lui jugée telle non-seu-
lemenl en Orient, mais dans loutl'Occident;
de sou propre aveu, celle lettre passa pour
un chef-d'œuvre de logique et d'éloquence,
el on la lisait chaque année pendant l'A-
venl, dans les églises d'Occident. Les pro-
testants eux-mêmes sont obligés de s'expri-
mer comme saint Léon, dans leurs disputes
contre les sociiiiens, touchaut le mystère de
l'incarnalion.
Après avoir fixé le dogme catholique, le
concile de Chalcédoine fil aussi plusieurs ca-
nons de discipline ; le vingt-huitième , qui
attribuait au siège de Conslanlino, le les
Î95
CHA
mêmes privilèges et les mêmes prérogatives
qu'à cclnideKome, a cansé de vives contes-
tations ; les léijals de saint Léon rcclamè-
reiil contre ce règlement et soutinrent qu'il
était contraire au sixième cinon du concile
de Nicée, qui porte que l'Eglise romaine a
toujours eu la primauté; saint Léon lui-
même s'en plaignit, et refusq de le confir-
mer. Mais les Grecs y sont demeurés aita-
chés, et ça été le premier germe du schisme
qu'ils oiil formé avec l'Eglise litine dans les
siècles suivanis.
CHALDAIQUR.qu! appartient aux Chnl-
déens. Nous parlerons des Paraphrases chal-
rfaïyues sous leur litre particulier, et de la
lang'C clialda que dans l'article suivant.
CHALUEENS, peuplequijdans sonorigine,
habitait la Mésopolqmie, pays situé entre 1-
Tigre el l'EiipIirale, et duquel il est souvent
parlé dans l'Eiriliire. Ce n'est point à n^us
de discuter les antiquités fabuleuses di's
ChaldtUns que les incrédules ont sauvent
oppos 'es à riiistoire sainte : personne n'y
croit plus aujourd'hui ; on est convaincu (jue
leurs obs<'rvqtions asironomiques ne remon-
taient pas plus liant que jusqu'au siècle du
déluge. Ainsi plu> l'on étudie les monuments
de l'histoire; mieu\ ou voit la vérité de ce
que l'Ecriture nous dit des peu pies anciens (1).
Elle nous apprend que les Chaldéens sont les
(1) La m;inie de l'nnliqnité ne fut suère nmiiis
énergique dans I» nnlion Clialiléeniie (|iie dans les
anires grands peuples an< iens, el < les prôires de Ba-
bylone, dit Para du Plianjas, ne s-e ninnirèrent pas
riinins ardents que les prcires d'Egypte à soiilenir et
à éieM<lre en ce jî'^nre la gloire de leur nnlion.
f Bérosp, prêire de Déliis, à Babylnne, né vers le
leinps où Alexandre lit la conipiéie d(! celle grande
ville, rédigea en corps d'Iiisioire les tablas clialdéeii-
iies, comme Mnnéllion avait rédigé en corps d'Iiis-
toire les faliles égyptiennes. Cette histoire de Bérose
n'exiite plps depuis loirgiemps , et am ui| critique
n'a éié trompé par lesiinpies rêveries qu'a publiées
dans ces derniers leuips sous le nom de Bérose le
dominicain Annius de Viicrlie.
« 1" Les Clialiléans ainsi que les Egyptiens divi-
saiejil leur auiiquiié en temps fuliuleux et en leiiqis
bistorlques ; les loinps fabuleux, selon les Clmldeens,
précédaient les temps liisioriques de plusieurs niyr
riades ou de plusieurs luis dix mil|e ans. Voici ce
qu'en dit M. Fréret { Dam su Oéfense de la chronolo-
gie, contre U ujii'eme de Newinn, pag. 23i ), d'après
Syucclle, (pii nous a conservé quelques fraguirnls
de i'Iiisloire de Bérose : Les Biibiiloniens a.lmeilnienl
une ]<rogression assez Ifule dims la [ormalion des
eues, et ils sniiposuieiU que pendant loniilemps, tu na-
ture, qui efsuiiail pour ainsi dire ses forces, n'avait
produit que de* moHiires et que des êtres irréguliers.
Am^i (es temps tiisloriquet ne coinmeiifaicnl qitnu re-
flue d'Atorut, le premier homme et le preinier \oi de
ta Clmldée.
< Il ne sera pas inutile de remarquer ici comme
en passant, que chez les Egyptiens, les leinps fabu-
IcuK cl.iieMi remplis de généalogies des dieux, et ipie
chez les Cbaldéens, (;ts mêmes ((^mps labuleux
éiaienl livrés à la lérmentatmn do la nature, à lu
lente formation des cires ; les premiers élaieiU plus
déeidés pqur l'absurdii polythéisme , les derniers
pcncliaicpi pins viis le slnpidc iiiaiérialis'i c. On
dcviiici.'i peut être par là piinr'jtioi l'on voit qin;l-
cjues pliilosopbes iuoUerue> insi.lar et s'appesaiilir
ei fort sur la lente formation des êtres, sur ta lonie
CHA 79'i
premiers tombés dans le polythéisme, et que
l'idolâtrie la plus ancienne a été le culte des
astres. Voy. Astres. Or, les Chaldéens ont
été les premiers observateurs du ciel. Ils
étaient invités à se livrer à l'asironomie par
la beauté des nuits dont leur climat est favo-
risé. — Leur histoire se trouve essentielle-
ment liée à celle des Juifs. Abraham partit
de la Chaldée pour venir habiter la Palesti-
ne ; Isaac et Jacob épousèrent des Clial-
déennen. Déjiî, sous Abraham, les roitelets
(le !a Mé-opolara;e faisaient des incursions
dans la l';ilesline ; d ins le livre de Job, c.
1, V. 17, il est parlé des Chnltéens comme
d'un peuple adonné au brigandage. — Les
rois d'Assyrie, après avoir soumis la Chal-
dée, n'ont jamais abandonné le projet d'as-
sujettir les Israélites, et Dieu mi>nlre à ces
derniers ce peuple ennemi comme un fléau
dont il se servira pour puuir leurs infidélités ;
formation des langues, des arts, des sciences, do^
soriéiés, des empires, qui demande, selon eux, une
suite de sièeles immeiisémeni p|us grande (pie celle
que donne an genre humain I'Iiisloire saiiiie : on se
peint souvent plus qu'on ne pense et qu'on ne veut
dans ses écrits.
< La durée de ces temps historiques, cnmimie le
même auienr d'après les mêmes fiagmenls de Bé-
rose, éiait parlariée chez les Babyloniens en plusieurs
intervalles, par époifues différentes. Le premier inter-
valle, depvis Alorus jnsqn''à Xisulhrus, sous lequel
arriva le déluge universel, comprenait le rèqne de dix
rois successif', et la durée en était de li(j sare.;, ou
périodes chaldéennes. Depuis le délu e de .Xisulhrus,
on comptait neuf sares et demi, jnsquau riqne d'/'.'ro-
choûs. Après cet Evochoûs, on commençait h compter
la durée par années solaires de 5l!u jours, et l'on
comptait ^^'6■") ans jusqu'à la destruction de rempire
syrien sous le dernier Sardanapate.
2' Mais qu'éiait-ce que ces sares qui mesurent les
premiers leinps historiques de la nation cbaldéennc ?
C'était une durée de ôiiOO ans , selon les anciens
astrologues chaldéens, nue durée de lilitlO j<iurs se-
lon les clironoliigi-tes chrétiens, ii'ie durée de 222
lunaisons selon quelques livres «le raslron.imie clial-
déenne, seliMi Suiilas, selim llalley et Krcret ; par
on l'on voit ipiel fonds de ceitiiude et de piéei-iun
peut donner celte clironol 'gie clr.ildéeiine, nie ne
dans ce qu'on iionime les temps his oriijues. La cliro-
no'ogie dinldéenne renrerme évidemniciil la inènip
iiiceititude, la même confusion, les mêmes oppo-i-
lions, les mêmes rêveries que n(Mis venons d'obser-
ver dans la clironiilogie égyptienne.
« Bérose, dans le premier livre de son Histoire,
faisait remonier l'origuie cl les prcmieis lemiis de
Baliylone, abstraclioii laite de la longue durée ipii
avaii concouru avec la lente fonnailou des cires, ,l
une immense antiquité, .à 150,0 0 ans selon Syncelle,
à i7l),U0n ans selon d'.iiilres hi-lorieiis.
< Le pliili'snphe et l'orateur romain, Cicéiou, re-
gardait ces préleniiiins d'anciennclé comme une lolie
ou comme une impo-lure; elles oui éié rejelécs de
même par Diodore de Sicile, par Lucrèce, (lar .Ma-
crolie, par Laciance, par saint Augustin. Quel s^eiet
motif a pu animer quelques philosophes modernes à
faire de si piiissauls et de si inutiles cll'oris pour les
faire adojiler comme des réalités ?
I M. Fréret, évaluant av. c assez de vraisemblmeo
le sare childéeu à 22i lunaisons, el appli piani celc
évaliialiou à riil-inire de Bérose, coniite depuis le
règne d'Aloi us jusqu'il Ji'Sns-Clirisl iSO'J ans, ce ipii
concilie à peu près la chronologie des laides chal-
déennes avec la chronologie des livres saints, i
m
CHA
cnA
798
cette menace fnl accomplie par la captivité
de Babjioiie. F.cs Juifs, transplaniés lians la
Clialdée par Nabuihodono-or, apprirent le
chaldéen, le mêlèreiil avec l'hébreu, corrum-
pircnl ainsi leur lan^iue. I, 'hébreu pur, tel qu'il
est dans les livres de Moïse, cessa d'èlre la
langue vulgaire du peuple ; il fallut lui ex-
pliquer ces livres en chnldéen dans les syna-
gogues. C'est ce qui a donné lieu aux Tar-
gumn ou paraphrases chaldaïques : les Juifs
adoptèrent même les caractères cliahléens,
qui sont plus simples cl |)lus commodes que
les lettres hébraïques ou sauiarilaiiies.
On a souvent écrit que le chiildéfn était
partagé en trois dialectes, celui d(^ Uabylone,
celui li'Antioche et de la Coinagène, celui de
Jérusalem et de la Judée ; mais cela ne doit
s'entendre que des derniers siècles de l'his-
loire juive. Du temps d'Abraham, le l.in-
gage de la Mésopotamie, celui de la Syrie,
et celui des Chanaiiéens de la Palestine
étaient tellement semblables, que ces peu-
ples pouvaient s'entendre sans inlorprètc.
De là l'hilon a dit que les livres saints avaient
été écrits en c/m/dcfin, c'est-à-dire dans la
langue que parlait Abraham ((uand il sorlit
de la Chaldée. Mais ce langage changea dans
la suite dans ces trois contrées ; du temps
de Jésus-Christ, lesyriaque d'Antioclien'étail
plus le même idiome que le clwldeen de Ba-
bjlone ; il était écrit en caractères différents
des lettres babyloniennes. La langue de Jé-
rusalem était mêlée d'hébreu, de chaldéen
et de syriaque ; de là elle a été nommée
si/rochaldairiue ei syro-héhrnïque. La version
syriaque de l'Ecriiure sainte n'est point la
Oléine chose que les paraphrases chaldaï-
ques. Voy. B:i)LES syriaques.
Ctrlains critiques assez mal instruits ont
voulu persuader que le clunigeraent des let-
tres hébraïiiues ou samaritaines en caractè-
res chaldéens avait pu causer do l'altération
dans le texte des livres saints ; c'est comme
si l'on disait que quand nous avons quitté les
lettres gothiques pour adopter nos caracières
modernes, nous avons changé le texte de nos
livres.
Suivant la tradition des Orientaux, plu-
sieurs des apôtres, mais particulièrement
saint Thomas , saint Adée ou 'l'hadee, et
d'autres disciph'S du Sauveur, oot prêché
l'Evangile, non-seulement aux Chuld.ens
dans la Mésopotamie, mais aux Perses et
aux autres peuples les plus reculés vers
l'Oiienl. Foy. Or!entalx. 11 y eut dans la
Çiialdée deux principales villes épiscopales,
Kdesse et Nisibc, dans chacune desquelles il
y eut des écoles célèlires, et qui ont produit
des savants. Ce furent des docteurs sortis de
l'une cl do l'autre, qui séduits par les écrits
de Dioilore de Tharse, de Théodore de Mop-
sueste et de Nestorius, répandirent les erreurs
de ce dernier dans la Cballée, l'Ass rie et la
Perse, qui les portèrent mèiiii> jusque dans
les Indes, la i'arlarie et la Chine. Dans lu
la suite, ces sectaires ont rougi du nom de
uesloriens, et ils ont toujours afteitc de si;
nonmn^r Chaldéens cl OiieiUaiix. Yoij. Nr.s-
TOHiENS, Perse, etc., Assémaui , Biblio'th.
orient., tome IV; Dissert., sur les Nestoriens
ou Clia'déens.
* CIULIX'R nu GLOBE. L» fomniioii d.i globe
a élo l'otijelde riillenlion des goolomies el des ii.ilu-
rdisies. Ils ont cru décenviir ipie noue «Lnbe a d'a-
bord é é en (usion ei qu'il se relroiilii gr.idnellftiiieiit
de jour en jnur. Les impies oui < lierctié ii tirer da
là des inductions roriire imtre fui : ils uni prétendu
qu'il y a cnniradieticin entre l'expérience et l'eiisei-
gueuienl de 1;\ liible. Nous ne voyons d'abord aucune
couiridiciion entre la niimiion de la bible et l'in-
cand'Seonciî du globe : nous l'avons dénnmiré ;iU
mot CosMOcoNiE. OiK'l qu'ail éiti l'élal de noire globe
avant du prendre la Inrine rpi'd a aiijiiiinl'lini, i'i et
fanv, ciiinnie le iircilendenl no- advers;iiies, i|ue no-
ir^'glolie se refroidisse (mms les jours. « Oel'égililô
dans la (birée des oscilialions d'un lunidule , dit
M. ,léli;in, on peu| conclure ,à rmvavi;d)ililé de sa
leni|>(!rature ; cti bien! de mène la consiaiice t',>: 1^
vile'.se de rotation qui anloïc le globe terrestre nous
douée la mesure de la stabilité de sa température
moyenne.
« La découverte de cette relation entre la longueur
du jour et la chaleur du globe esl assurément l'une
des plus biillanles applications (|u'on ait pu jaire
d'mie longue connaissance des mouvenienls célestes,
à réiudc de l'état- thermique de noire planèie. On
sait que la vitesse de rnlalion de la terre dépend de
son Volume; la masse de la terre venant à se relVoi-
dir par voie de rayonnement, sou volume doit dinii-
nui;r; par cimséi|uent, tout décroissemeiii île tempé-
rature correspond à un ai;croissemenl de la vitesse
de rotation, c'esi-à-dire à une diminution dans la
longueur di| jour. Or, en tenant coinpie des inéga-
lités séculaires du mouvement de la lune dins le
calcul des éclipses observées aux époques les plus
reculées, on trouve que, depuis le temps d'ilipp.ir-
que, c'esl-à-dire depuis deux mille ans, la longueur
du jour n'a ceitainemenl pas diminué de la ( ciiiième
partie d'une seconde. On peut donc allirmer, eu res-
tant dans les mêmes liniles, que la tempéralure
mnyeiiiie du globe terrestre n'a pas varié de 1;170
de degré depuis deux mille ans. i
ClIAM, fils de Noé, ayant vu son (lère ivre,
couché et endormi dans une posture indé-
cente, en fil une dérision, et fut maudit dans
sa postérité pour celle insolence. Il eut un
grand nombre d'enfants et de petits-fils qui
peuplèrent l'Afrique. Pour lui, on croit qu'il
demeura eu ligypte ; mais il n'est pas certain
que les Libyens aient eu inleiilion de 1 adorer
sous le nom de Jupiter-Ammon, cominc l'ont
cru plusieurs my'hologues. 11 se peut Irès-
bien l'aire que ce dieu soit de la façon des Grecs,
que sou nom soit J upit tr-Sablonneux , oq qui
préside aux sables de Libye.
Quelques censeurs Je l'Ecritqre sainte di-
sent que Moïse a forgé l'histoire de la malé-
diction de C'/mm, pour autoriser les Israélites
à s'emparer du pays des Cbananécns ; mais
Moïse ne fonde pas le droit d^ cette conquête
sur la malédiction portée coiiire Cbaujan ;
il le fonde sur la volonté et la promesse de
Dieu, qui voulait punir les Chananéens de
leurscrimcs. foi/. Chanankems. llcst boiid'ob-
servcrquela predictiott de Noé s'exécute en-
core aujourd'hui par l'asservissement de
l'Egypte sous des souverains étrangers, et par
l'esdavaçe des nègres. Les paro es de Noé
sont une | rophélie et non une iuiorécutiou.
YOU. iUPRliCATKIN.
(JUA.MOS, dieu des Ammonites et des Moa-
799 CHA
bites ; il s'écrit en hébreu Kamosch, ou Ke~
tnosch, lerme assez approchant de Schmesch,
le soleil : il paraît que cet astre a été la
principale divinité d/s Orientaux.
Quoi qu'il en soit, Clinmos a donné lieu à
une objection contre l'histoire sainte. Sous
le gouvernement des juges, les Ammonites
déclarèrent la guerre aux Israélites, sous
prétexte que ceus-ci s'étaient emparés d'une
partie du territoire des Ammonites. Jephté,
chef du peuple de Dieu, leur soutint que cela
était faux, que le terrain occu; é par son
peii|)le dans leur voisinat;e avait été conquis
sur les Anvorrliécns, qui l'avaient autrefois
enlevé aux IMoabili s, et qu'Israël en était
en possession paisible depuis Irois cents ans.
C'est, en effet, ce (jui est rapporté ilans le li-
vre des Nombres, r. xxi. J- pht • ajoute, selon
le texte : Ne posséderez-vous pas le terrain
dont votre dieu Chamos vous mettra en pus-
session? Nous continuerons donc aussi de pos-
séder tout ce dont Jéhovah, notre Dieu, nous
a donné la possession {Jud. xi, '2h). — Voilà,
disent quelques incrédules, Jephté qui met
Chamos sur la inème ligneque le Dieu d'Israël ;
il n'avait donc p.ns uni' plus haute idée de l'un
que de l'autre ; Jéhovah était, comme Chamos,
un dieu local, le ilieu d'un peuple p;irlicuiier,
et non le .'ouverain Si'igiieur de l'univers :
telle était la crov;ince des Israélites. — .Mais
les exploits de C/i«mos, mis par Jephté au fu-
tur contingent, et comparés à la posse-sion
réelle et actuelle des Isr.iéliles, nous parais-
sent une dérision assez forlr de ce faux dieu.
Jéhovah, continue Jephlé, 71/^rra en ce jour
entre Israël et les Ammonites. Il ne redoutait
(loui- pas beaucoup la puissance de C/(rt(/ios ;
en eltel, les .\mnioniles furent vaincus par
Jcpliié, et la dispute fut terminée.
I)e là même il résulte (jne Jephié avait lu
l'Iiisloirc rapportée dans le chapitre x\i du li-
vre iles Nombres, il n'en omet aucune cir-
constance. Ce livre de .Moïse existait donc
p<iur lors, cl il n'est pas vrai que le Penla-
tenquo, dont il fait partit', ;iit été écrit dans
les siècles suivants , et longtemps après
Moïse.
CHANANÉENS, peuple de la Palestine,
descendu de (Jhanaan, pelit-fils de Noé. Les
censeurs <le l'histoire sainte ont fait plusieurs
remarques à ce sujet.
Dans la Genèse, c. xii, v. 6, il est dit (|ue
quand Alualiam vint en la Palestine, les
Chanani'ens y habitaient déjà, c. xiii.v. 7;rau-
teiir ajout(! (jue (|uand Abraham revint d'K-
gypie, il y avait dans celle même contrée des
Chananéens et des Pliéiézéens. Cette remar-
que, disent nos critiques, n'a pu cire faite
que par un auteur qui écrivait dans un temps
où les Chananéens n'él.iient plus dans ce pays-
là, par conséquent a()rès la conquête de la
Palestine par les Israélites.
Mais à quel propns un écrivain postérieur
à l'expulsion des Chananéens aurait-il f.iit
cette remarque sur la Palesline ? On n'eu
voit aucun motif. Sous la plume de Moïse
celte observation se trouve plat^éo avec sa-
gesse. Il venait de rapporter la promesse que
Dieu avait faite à Abraham de donner la Pa-
CHA 800
lesline à sa postérité; il fait remarquer en
même temps que ce pays n'était cependant
pas sans babiiation, que les Chananéens et
les Phérézéens s'en étaient déjà emparés et
s'y étaient élablis. Ainsi, enrapporlant la pro-
messe. Moïse fait aussi mention des obstacles
qui semblaient s'opposer à son exécution,
obstacles d'auiant plus sensibles pour lors,
qu'Abraham n'avait point encore d'( nfanls.
Loin de conclure de là que Moïse n'est pas
l'auteur du livre de la Genèse, il faut plutôt
en inférer le contraire.
De quel droit, continuent les incrédules, les
Israélites ont-ils dépouillé, chassé, exter-
miné les Chananéens pour s'emparer de leur
pays ? Cette conquête est aussi injuste par la
forme que pour le fond, puisque les Israéli-
ies y exercèrent des cru mtés inouïes ; lat-
triliuer à un ordre exprès de Dieu, supposer
qu'il y a contribué par les miracles, c'est
blasphémer. \'o\onssi les déclamations aux-
quelles on s'est livré si souvent sur ce sujet
sont bien fondées.
1° Les Israélites élaient sous le joug de la
nécessité. Ils avaient éié forcés par la tyran-
nie des Kgypticns à sortir de l'Egypte, ils ne
pouvaient subsister naturellement dans un
désert inculte et stérile, ils ne pouvaient se
procurer une habilallon et des terres à cul-
tiver que l'épée à la main et aux dépens de
leurs voisins. De tous les motifs qui leuvent
autoriser une guerre et une conquête, nous
défions nos adversaires d'en alléguer un plus
légilime. — -2" Les dilTérenles peuplades de
Chananéens ne posséilaienl pas la Palestine à
un titre plus juslc que les Israélites ; pen-
dant quatre cents ans elles n'avaient cessé
de se dispuler et de s'arracher leurs posses-
sions. Les Amorrhéens avaient enlevé une
partie du terrain des Moabiles; les Idumécns
avaient pris, sur les Horréens, le pa\s do
Siïr, et avaient pjc-sé ce peuple au fil de l'é-
pée ; les Caphtorim avaient exierminé les
Hévéens,(|ni possédaient le caniou de Hassé-
rim'jusqu'àtîaza. Les Moabiles s'étaient empa-
résdu pays des Lmim,et les Ammonites de ce-
Inides Zonzommi m, a près a voir éteint ers deux
nations {Num. x\i, 26 ; Veut. 11). Dieu voulait
leur apprendre q le c'i'Sl à lui de di>tribuer
les différentes contrées de la terre à qui il
lui plaîi. Si tous les peuples aiaient mieux
retenu celle vérité, il j aurait eu moins
de sang répandu dans toute la suite di's siè-
cles. — iî" Les Chananéens furent agresseurs
à l'égard des Israélites; ils n'atiendirent pas
qu'ils fussent attaqués. Les Amaléeites, les Idu-
niéens, les rois de Madian, de Moab etd'Arad,
les .Amorrhéens, les Ammonitesallèreiitau-dc-
vanl des Hébreux et leur présentèrent le com-
bat {Num. XX, \xi, xxii). Ceux-ci étaient donc
obligés ou de reculer dans le désert, ou de
passer sur le ventre à tous ces ennemis. Les
Chananéens avaient plus déterre (|u'il ne leur
en fallait; mais ils n'étaient pas disposés à
en céder la nuiindre (lartie. — '»" Dieu ne
lais>e point ignorer les raisons pour lesquel-
les il ordonne de les exterminer ; ce sont
leurs crimes, l'idolâtrie, les superstitions de
toute espèce, les sacriGces de victimes hiH
CHA
CM
809
mainrs et dé leurs propres enfants, l'impu-
diciléla plus grossière, des cruautés inouïes,
etc.; et il menace les Israélites de les dé-
trniri' à leur tour, s'il leur arrive d'imiter ces
aboiiiiiialioiis. Mais Dieu avait accordé aux
Cliananéens quatre cents ans pour se corri-
ger. Lorsqu'il promet au patriarche Abra-
ham (te donner la Palestine a sa pustérilé, il
lui déclare qne cela ne s'exécutera que dans
quatre cents ans, parce que les iniquités des
Aniorrhéens ne sont pas encore parvenues
à leur comble {Gen. xv, 16 ; Snp. su). Puis-
que ces peuples étaient incoriigibles, ils mé-
ritaient d'èlrc déliuits. — 5" Lorsque Dieu
a résolu de punir une nation, il est le maître
de se servir de quelque fléau qu'il juge à
propos, d'nnc famine ou d'une contagion,
des traits de la foudre ou de l'épée d'un con-
quérant ; quelle que suit la manière dont il
frappe, c'est une impiété et une absurdité
d'accuser sa justice. De tous les Iléaux, la
guerre est encore celui qui laisse le plus de
lieu à la résipiscenre et au repentir. Les mi-
racles ((u'il plut à Dieu de faire à celte occa-
sion en faveur des Israélites étaient juste-
ment ce qui aurait dû convertir les Chana-
néens (Josue, ii, 10). — G° Quant à la ma-
nière, on sait comment se taisait la guerre
chi'z les peuples anciens : sans quartier et
sans rien épargner. Ainsi en agissaient les
Chananéens eux-mêmes ; ainsi en ont usé les
Grecs contre les nations qu'ils nommaient
barbares, les Uomains contre les Perses et
contre l'S peuples du Nord, ceux-ci à leur
tour conti e les Uoinains ; ainsi se traitent
encore les nations sauvages. Si celles de l'Eu-
rope connaissent mieux le droit des gens et
le violent plus rarement, c'est à l'Evangile
qu'elles en sont redevables ; toutes celles
qui ne sont pas chrétiennes sont encore aussi
farouches à la guerre que les peuples an-
ciens.
Mais on suppose irès-faussement que les
Israélites commencèienl par tout détruire.
Les victoires furent poussées de proche en
proche, et coiiliiiuées pendant longtemps.
Dieu lui-même déclare qu'il conservera ex-
]irèsdespeuplrides de Chananéens, aQn de s'en
servir |)our châtier son peuple lorsqu'il l'aura
mérité [Jusue, xvii, 1^ ; Jiulic. i, 3, etc.). La
comiuéte ne fut achevée que sous les rois,
quatre cents ans après Josué. Telle est l'his-
toire que les livres saints nous tracent de la
conduite de Dieu et de celle des Israélites ; si
on n'en altérait aucune circonstance, on n'y
trouverait aucun sujet de scandale. — Quel-
ques censeurs de mauvaise loi en ont cher-
ché un dans le premier chapitre du livre des
Juges, v. 19. Ils y ont lu que Dieu se rendit
maitre des montagnes, mais qu'il ne put
vaincre les habitants des vallées, parce qu'ils
avaient des chariots armés de faux ; de là ils
ont conclu que l'auteur représente D.eu com-
me un guerrier très-impuissant. .Mais il y a
dans le texte : Dieu fut avec Judu, et il pos-
séda ta montagne, mais non pour cliaasir les
haliitnnts de la vallée, parce qu'ils avaient des
chariots armés de faux. C'est une absurdité
d'attribuer à Dieu ce qui est dit de Juda,quil
posséda la montagne; si Dieu ne fut point avec
lui pour chasser les habitants de la |)laine,
cela ne prouve point que Dieu n'avait pas le
pouvoir di- les chasser.
C'est ainsi que par de petites supercheries
les incrédules de tous les siècles, marcionites,
Dianichcens, philosophes et autres, se sont
attachés à rendre l'histoire sainte ridicule et
scandaleuse ; ils n'ont réussi qu'auprès des
ignorants. Il y a dans la Bible d'Avignon, t.
111, p. 327, une dissertation sur les migra-
lions des Chananéens après la conquête de
Josué.
CHANANÉENNE, femme des environs de
Tyr et de Sidon, qui vint demander à Jésus-
Christ la guérison de sa (il le, tourmentée pir le
démon. Le Sanvi'ur parut la rebuter d'abord.
Je ne suis venu, dit-il, que pour les brehix per-
dues de la maison d' Israël; il ne convient
pas de premlrc le pain des enfants et de le
jeter aux chiens [Matth. xv, 2i, 26). Par celte
réponse, disent certains criliiiues, Jésus con-
firmait le préjugé des Juifs, qui regardaient
les Gentils comme des animaux impurs. —
Au contraire, il voulait détruire ce préjugé;
il leur faisait voir que parmi les Gentils il y
avait des âuies plus humbles, plus dociles,
plU'i dignes de ses bienlails, qu'ils ne l'éiaicnl
eux-mêmes, .\insi, après avoir mis à l'épreuve
la coiiiiance delà chananénne, il dit : Femme,
votre foi est grande, qiif votre désir soit ac-
compli. De retour cliez elle, elle trouva sa
fille en parfaite santé.
Les incrédules, qui ont voulu épiloguer
sur ce miracle, auraient dû nous apprendre
comment et par quel pouvoir Jésus-Christ
guérissait des malades éloii^nés, sans autre
appareil que de prononcer une parole.
CHANCELAUE, congrégation de chanoi-
nes réguliers.
CIlANCSïLIEU d'une université. C'est uu
ecclésiastique ch irgé «lu soin de veiller sur
les études. Il a le droit de donner, d'auto-
rité apostolique, à ceux qui ont fini leur
cours de théologie, le pouvoir ou licence
d'enseigner, en leur faisant prêter serment
de défendre la foi catholique jusqu'à la
mort.
Dans l'université de Paris, il y a deux
chanceliers, celui de Notre-Dame et celui de
Saillie-Geneviève. L'institution, les droits,
les privilèges resjjcciifs de l'un et de l'autre
sont du ressort de l'histoire moderne et de
la jurisprudence canonique, plutôt que de
la théologie. Lo célèbre Gorson, chancelier
de l'Eglise de Paris, ne dédaignait pas de
faire les fonctions de caiérhiste, et disait
qu'il n'en voyait pas de plus importante
pour sa place. Nous ne parlons de cette di-
gnité ecclésiasliiiue que pour faire remar-
quer le zèli; qu'a eu l'Eglise, dans tous les
temps, pour l'enseignement public, et pour
dissiper l'ignorance que les barbares avaient
répandue dans toute l'Europe. Pendant plu-
sieurs siècles, il n'y a point eu d'autre ri'S—
source contre ce fléau que les écoles ecclé-
siastiques.
CH.VNDELEUR, fête célébrée dans l'Eglise
romaine le second jour du mois de février,
803
CHA
CHA.
Cfi mémoire de la présentation de Jésns-
Clirist au te(tiple,et ilë la purilication de Sct
sninle Mère.
Le nom de Cltanrieleut fait allusion aux
cierges que l'on bénil, tjue l'on aliume, et
qui 8ônl portés en procession ce jour-là par
le clergé et par le peuple. l'Eglise fait celte
cérémonie pour nous faire souvenir que
Jésus- Ch ri ht est la vraie luiilièie qui est
venue pour éclairer loules les nations ,
comme le dit Siméoii datis le cantique que
l'on chanle à celle occasion. — Les Grecs
nomment cette fêle Hypanle, rencontre,
parce que le vieillard Siméon et la proplié-
lesse Anne rencontrèrent Jésus enfant dans
le temple, lorsqu'on le présentait au Sei-
gneur. C'est une fêle el une cctémonie an-
cienne; le pape Gélase I", qui tenait le
siège de Rome l'an 492, saint Udcphonse,
saint Eloi, saint Soplirone de Jérusalem,
saint Cyrille d'Alexandrie, etc. , en parlent
dans leurs sermon».
Quelques auteurs ont prétendu que le
pape Gélase les avait instituées pour les op-
poser aux luperca'es des païens, et qu'en
allant processionnellement autour des
champs on y faisait des exorrismcs. C'est
le sentiment du vénérable Bédé. « L'Eglise,
dit-il, a changé lieureusement les lustra-
lions des païens, qui se faisaient au mois
de février autour des champs; elle leur a
sulislitué des processions oii l'on porte des
ch.'uuielles ardente;,, eil mémoire do celle di-
vine lumière dont Jésus-Christ a éclairé le
monde, et qui l'a fait nommer par Siméon
la iuuiièie des nations. )i D'autres en atlri-
bueiit l'instituiion au pape ^'igile en 530, et
veulent qu'elles a ent été substituées à la
fêle de Proserpine, que les païens célé-
braient avec des torches anienles au com-
ment emeiit de février. — Mais ces préten-
dues substitutions s'accordent mal avec le
calendrier des païens. Les lupercales se cé-
lébraient, non lu 2 de février, mais le IG,
el 11 n'était pas question dans cotte fêle de
torches anlentes ni de cierges. Celle de
Proserpine se liisait lu 22 novembre à la
fin des semailles, el non au mois de février.
■Voy. Vlîisioire reli(/ieuse du Calendrier, par
M. de Gèbelin, p. Si', 407, 417. Si la cou-
lume avait elé établie d'aller autour des
champs le jour de la Purilication, le peu-
ple des campagnes aurait conserve i et usage,
el l'un ne roiinail aucun pays oi'i il subsiste
aujourd'hui.
Il parait donc que l'Eglise, en instituant
ceiie féle, n'a eu en vue que d'honorer les
myléres de Jésus-Christ el de la sainte
Vierge, La subsiitntion d'une cérémonie
pieuse à la place d'un rite païen n'aurait
rien (jue de louab'e, mais il ne laul pas la
supposer sans ireuve.sur de faus-es allu-
sions ; c'est auiotiser les hérétiques el les
incrédules à nous reprocher très-mal à pro-
pos des restes de paganJMne.
ClIANlJfLIEIt DU ILMI'LE. Dans les li-
vres lie lAncien '1 estau.eni. Il est fait men-
tion de deux ckundelkn, l'un réel, l'autre
mystérieux. Moïse tit faire le premier, cl le
804
plaça dans le tabernacle. Ce chandelier, avec
son pied, était d'or battu, el pesait un ta-
lent. De sa lige partaient sept branches
courbées en deiui-cercle, cl terminées cha-
cune pas une lampe à bec. Le sanctuaire,
l'aulel des parfums, la table des pains de
proposition n'étaient éclairés que par ces
lampes que l'on allumait le soir et qu'oa
éteignait le malin.
Salomon fil faire dix chandeliers sembla-
bles à celui de Moïse, el les plaça de méraé
dans le sanctuaire du temple, cinq au midi
et cinq au septentrion. Les pincettes el les
niouclieltes dont on se servait pour les
chandeliers de Moïse el de Salomon étaient
d'or. A la prise de Jérusalem par Nabiicho-
doaosor, tous ces meubles précieux lurent
transportés dans l'Assyrie : il n'est pas cer-
tain que les chandeliers faits par Salomon
aient é;é rendus aux Juifs, lorsque Cyrus
leur fil restituer les vases du temple enlevés
par les Ass} riens, du moins il n'en est paS
fait mention expresse (/ Esdr. i, 7 el suiv.).
On sait seulement qu'à la prise de Jérusa-
lem par Jile, il y avait dans le temple un
chandelier d'or qui l'ut emporté par les Ro-
mains, et placé, avec la table d'or des oains
d'offrande, dans le temple de la Paix que
Vespasien avait fait bâtir. On voit cilcore
aujourd'hui, sur l'arc de triomphe de Ves-
pasien, ce chundtlter avec les autres dé-
pouilles de la Judée et du lemple. — Le
chandelier de la vision du prophète Zacharie,
c. IV, V. 2,eiait aussi à sept branches; il n'é-
tait différent de ceux de Moïse et de Salo-
mon, qu'en ce que l'Iiuile tombait dans les
lampes par sept canaux qui sortaient du
fond d'une boule élevée à leur hauteur. Elle
descendait dans celle boule de deux conques
qui la recevaient dégoutianle des feuilles de
deux oliviers places aux deux côtés du chan-
delier.
Quant aux chandeliers que l'on place sur
les aulels, l'origine en est aussi ancienne
que celle des cierges que l'on allUmC pen-
dant le service divin. Voij. CiEtiiiES. Il est
parlé dans l'Apocalypse, c. i el ii, de sept
chandeliers d'or au milieu desquels saint
Jean vit un personnage respectable sous iiii
exléiieur majestueux et terrible; c'était Jé-
sus-Christ lui-môme. Nous aurons souvent
occasion de remarquer que cette vision de
saint Jean a fourni le premier modèle de la
liturgie et du culte divin. \ oij. r.^nci'en 5a-
cruinentaire par Grandcolas, I" part., p. 52.
CHANOINE.CHANOINESSE. Un mol grec
xKvwv, ré^lc, on a fait canonicus, homme qui
vil sous une règle ; el l'oa a nommé kanoi-
nes, el ensuite chanoines, les ecclésiastiques
attaches à une église cathédrale ou collé-
giale-, (jui, dans le dessein de mener une vie
plus ciiili.inle, observaient une lègle com-
mune et un régime Irès-approehant de ce-
lui des moines. On a donné le nom de r/i»-
noinesses a des lillcs ou femmes pieuses,
qui, sans f nre les vœux solennels de reli-
gion, se réduisaient à la n)éme \ie. L'expé-
rience de tous les temps prou\e que celle
80S
eux
CHà
800
Vie uniforme contribue a inspirer le goût de
la vertu et de la piété.
L'instiluHon , les devoirs, les droits des
difi'ércnles espèecs tie chanoines sont un ob-
jet de discipline qui regarde les canonistes.
Nous observerons seulemi-nt que si, dans
Jcs bas siècles, toutes les iusiilulloiis pieuses
ont pris un air et un ton nionaslii|uc, c'est
qu'alors il n'y avait presque plus de décence
ni de régularité que dans les cloîtres. Plus
on a pris de préveiilion et d'aversion pour
cet éiatdans notre siècle, plus il est 'i crain-
dre que l'on ne soit bientôt forcé d'y revenir.
Ce n'est (las la première fois qu'a|irès avoir
secoué le JDug de la règle, ou s'est trouvé
dans la nccessilé de le reprendre. — Les
lîloitres, dont la plupart des cathédrales sont
environnées, sont un inonuinent de la vie
commune observée autrefois par les cha-
nonea.
Chanoines régouebs. On appelle ainsi les
chnnoinrs qui non-sculemenl vivent en com-
niun et sous Une niéuie règle, mais qui s'y
sonl engagés ou jiar un vœii simple, ou par
des MPiiK solennels, et sont ainsi de vr.iis
religieux. Les Congrégations qu'ils ont tbr-
niées sont très-variées, et portent dilïérents
noms.
La plupart ont commencé sur la fin du xr
siècle et au xir . Comme le clergé séculier
était alors dégrade par l'ignorance et par le
relâchement des niœurs, les ecciéslasiiques
les plus sages couipriiciit que le seul moyeu
de remédier à ce malheur était d'imiter la
piété et les vertus qui régn.iienl alors dans
les cloîtres. C'est à cette époque (jue l'on vit
éclore en France les cougrégidons de Sainl-
Ruf à Avignon, de Saint-Laurent en i)au-
pliioé, de Saint-Yves à lîcauvais, de S.iinl-
NicOlas-d'Arose en Artois, de .Alurbàch cli
Alsace, de Notre-Sauveur en Lorraine, de
Saint-Sauveur et de Latran en Italie, de
Saint-Victor à l'aris, etc. Ue celte dernière
sontsoriis, au xir siècle, les chanoines ré~
<>u/ie»jî de la congrégation de Fri\nce ou de
Sainte-Geneviève. Voij. Génovéfai\s, Victo-
RINS, etc.
Ainsi, dans tous les siècles, l'excès du dé-
sordre et de la corru|)tion fait renaître enfin
la régularité et ramène les hommes à la
vertu ; voilà ce qui déplaît aux ennemis de
la religion. A quoi sert, disent-ils, d'établir
des instituts, des règles, des téformes qui
déchoiront nécessairement par le penchant
invincible de la nature, et qui auront le
même sort que toutes celles qui ont précédé?
C'est comme si l'on dem.indail, à quoi sert
de rendre la santé à un malade qui, tôt ou
lard, retombera dans une autre extrémité
par la destinée inévitable de la nature? C'est
justement parce que l'humanité tend naïu-
rel;ement au désordre et au vice, qu'il ne
faut pas se lasser de la soutenir et de la rele-
après ses chutes. Quand un établissement
Utile, une rctorinc salutaire ne durerait que
pendant un sièc e, c'est aulani de gagné sur
lu faiblesse de la nature au prolii de la vertu.
GUAM' lïCCLÉSIASlIQlJb;. Dans tous les
temps et chez les peuples les plus grossiers,
le ch-ant a fait partie du culte divin, et il est
très-prohable que les premiers cantiques ont
été destinés à célébrer les bienfaits de Dieu.
La rccinn.iissance, la joie de recevoir con-
tinuellement de nouveaux dons de sa Provi-
dence, la douce émotion que produit dans
les cœurs la réunion des liomines au pied
des autels, ne pouvaient pas manquer d'é-
clater par des chants. Quoique l'Iîcrilure
sainte ne parle pas de cet usage dans l'his-
toire des patriarches, nous ne pouvons guè,re
douter qu'ils n'aient snivi en cela, comme
les autres hommes, l'impulsion de la na-
ture.
Ce n'est point à nous de parler des canti-
ques des païens : ils en avaient perverti l'u
sage ; au lieu de célébrer par leurs cbauis le
souverain Auteur de la nature, ils chantaient
les aventures scandaleuses et les crimes qu'ils
attribuaient à de fausses divinités; les rè*es
de la mythologie n'ont clé connus des peu-
ples (|ue par les chants des poêles : c'était une
école de > ices et de corniptiou.
Dès que les Hébreux furent réunis en corps
de n,;tion, ils surent relever, par les accents
de la voix, les louanges du Seigneur. Qui no
connaît pas les cantiques sublimes de Aloïse,
de Déb ira, de David, de Judith, des pro-
phètes ? Ils ont pour objet non-seulement de
louer Di u des bienfaits (lu'il a prodigués à
tous les hOiMuies dans l'ordre de la nature, et
des faveurs particulières qu'il avait accor-
dées à son peuple, mais encore d'ifiiplorer
sa miséricorde, et de lui demander l'abon-
dance de ses dons dans l'ordre de la grâce.
David ne se borna point à composer des
psaumes et des cantiques, il établit des
chœurs de chantres et de musiciens pour
louer Dieu dans le tabernacle; il exhorte les
jieuples à louer le Seigneur par les accents
de leurs voix et par le son des instruments :
Saiomon, son llls, lit observer le aième usage
dans le temple.
Les différentes dissertations que l'on a
faites sur la musique des Hébreux, et sur les
divers instruments à cordes ou a vent dont
ils se servaient, ne nous ont pas fort instruits.
Nous s ivons seulement par les livres saints,
que .Moïse fit faire des trompettes d'argent
pour en sonner pendant les sacrifices soleu-
ne's; que les lévites éiaient chargés de chan-
ter et lie jouer des instruments dans le taber-
nacle, et ensuite dans le temple; qoe, sous
David et Saiomon, il y avait vingt-quatre
bandes de musiciens qui servaient tour à
tour. Il est à présumer que cette musique
n'était pas la même (lue celle dont les Juifs
faisaient usage dins les noces, dans les fes-
tins et dans les réjouissances profanes ; qu'elle
était |)lus grave et plus majestueuse
M. Fourmonl, dans les Mém. de l'Acadé-
m'e. des Jnscriiilioiit, s'est attaché à |)rouver
qu'il y a dans les psaumes et les cantiques
des Helireux des dictions étrangères, des ex-
pressions peu nsiiées ailleurs, des inversions
et des transpositions ; que le style de ces ou-
vrages, comme celui de nos odes, en devient
plus sublime, plus pompeux et plas énergi-
que ; que l'on y distingue des strophes, des
807
CHA
refrains, aes mesares, différentes sortes de
■vers, et même des rimes. Lowth, de sacra
poesi Hebrœorum, et Michaelis, dans ses no-
ies sur cet ouvrnpe, souliennont la même
chose, et ils le monlrenl par plusieurs exem-
ples. Nos meilleurs poêles se sont appliqués
avec succès à traduire eu vers français un
grand nombre de psaumes et de cantiques de
l'Ecriture sainte.
Chez les Hébreux, comme ailleurs, les
cantiques n'étaient pas toujours les expres-
sions de la joie; ou les employait aussi a dé-
plorer des événements tristes et lugubres;
témoin le cantique de David sur la mort de
Saiil et de Jonnthas (lIReg. i), et les Lamen-
tations de Jérémie sur les malheurs de Jéru-
salem. Ces canli(|ucs lugubres ou élégies
plurent si fort aux Hébreux, qu'ils en firent
des recueils ; longtemps après la moit de
Josias, on réiiélait les plaintes de Jérémie
sur la fin tragique de ce roi [Il Parai, xxxv).
Dès la naissance du christianisme, lâchant
fut admis dans l'oflicc divin , surtout lorsque
l'Enlisé eut acquis la liberté de donner à son
culte l'éclat et la pompe convenable; elle y
fut autorisée par les leçons de Jésus-Christ
et des apôtres. La naissance de ce divin Sau-
veur avait été annoncée aux bergers de
Bethléem par les cantiques des anges ; on
connaît ceux de Zanharie, de la sainte Vierge,
du vieillard SIméon; pendant sa prédication,
Jésus-Christ trouva bon que des troupes de
peuple vinssent au devant-de lui, l'accom-
pagnassent dans son entrée à Jérusalem , en
chantant .- Dusanna, béni soit celui qui vient
au nom du Seigneur, sulul et prospérité nu
pli de David, et continuassent ainsi jusque
dans le temple ; il reprit les pharisiens de ce
qu'ils étaient indignés de ces démonslra-
tions de joie (yi/n«/(. xxi, 9, 15). Saint Paul
exhorte les fidèles à s'exciter mutuellement
à la piété par des hymnes et des canlii|ues
spirituels (£'p/ies. v, 19; Co/o^s. m, 16). Dans
le tableau de la liturgie primitive que nous
présente l'Apocalypse, il est parlé d'un can-
tique chanté dev;int l'autel par les vieillards
ou |)ar les prêtres h l'honneur de l'Agneau
(v, 9j. Les chrétiens que Pline interrogea
pour sayoir ce qui se passait dans leurs as-
semblées, lui direnl ([u'ils se réunissaieni le
dimanche pour chanter des hymnes à Jésus-
Christ comme à un Dieu {Plin., 1. x, episl.
97). Sorrate, dans son Histoire ecclésiastique,
1. VI, c. 8, dit que saint Ignace , évcque
d'Antioclic, établit dans son Egli>e l'usage
de clianter à deux tliœiirs des cantiques et
des psaumes, et qu'il fut imité par les autres
Eglises : or, saint Ignace vivait immédialc-
ment après les apôlr.s.
Lorsque les ariens nièrent la divinité de
Jésus-Christ, on h^ur opposa les cantiques
des fidèles qui , dès lorigine de l'Eglise,
attribuaient à Jésus-Christ celle auguste
qualité [Eusèbc, I. x, c. 28]. Paul de Samo-
sate fit supprimer ces cantiques dans sou
Eglise, parce que ses erreurs y étaient i lai-
rement condamnéis [Ibid., I. vu, e. 30).
Saint Augustin composa exprès un psaume
fort lung , poar prémunir les fidèles coulrc
CHA SOS
les artifices des donalistes. Ainsi , de tout
temps , l'Eglise chréiienne a professé sa
croyance par ses prières et par son culte
extérieur ; et c'est souvent une source où on
peut la trouver plus aisément que dans les
discussions théologiqties.
Les valentiniens, Basilide, Bardesanes, les
manichéi-ns et d'autres hérétiques compo-
sèrent des hymnes et des cantiques pour
répamlre plus aisément leurs erreurs. Pour
remédier à cet abus , le concile de Laodieée,
can. 59, défendit de lire ou de chanter dans
les églises des psiuincs composés par des
particuliers, et ordonna de se borner à la
lecture des livres saints.
Saint Augustin atteste l'impression que
firent sur lui les cantiques et les psaumes
qu'il entendit chanter dans l'église de ;Vlilan
(Confess., lib. ix, c. 6). « Combien je versai
de pleurs, dit-il, par la violente émotion que
je sentais lorsque j'entendais , dans votre
église, chanter des hymnes et des cantiques
à votre louange 1 En même temps que ces
sons touchants frappaient mes oreilles, voire
vérité coulail par eux dans mon cœur, elle
excitait eu moi les mouvements de la piélé.»
Les missionnaires les plus expéiimentés
nous rendent témoignage de l'efûcacilé des
cantiques spirituels pour porter le peuple des
campagnes à la vertu, et pour le dégoûter
des chants prolanes (1).
(1) € Nous n'avons sur ce sujet .nucun témoignage
bien clair, avant la paix reiuliie à l'Eglise, époque à
laipielle Luséhe rapporte i|ufi dits plaies diverses
éiaieiit .'issi;;iiées aux jeunes g'os el aux vieillards
qui cliaiilaicul les psaulue^. Saint Augustin aluibue
l'iiilroiluctioii du clianl à deux cliœurs allcrnatifs en
Occident à saint Ainliroise, i|ui l'avait appris pen-
dant son séjour en Urieni. Il y a dans ses Confes-
sions im passage ce èbre où il décru la part qu'eut
la ninsiipie de l'église de Milan à si cunversion, en
lui faisant verser des larmes de tendresse tontes les
fois qu'il l'entendait. Un ne coniiait pas le système
intniduil par saint Aulbl'oi^c; il n'y a pas ilu doute
qu'il élaii tonde sur l'ancien svslèine grec ; et coiiinie
il a servi égaleineiil de liase à celui (|ue l'on désigne
inainienant snus le nom de ciiaiit grégoilcn , on ne
peut douter qu'il n'aii avec lui une gnnide ressem-
blance, et qu'il n'ait été cff'ctivoinent ou surajouté,
ou niéine enticreiiienl tondu dans la refornie intio-
duile par le pape Ciréijoire le (iranddans la musique
d'église. Je suis loin de vouloir entrer dans des dé-
tails puieiiieiil ti'cliniipies ; niais coiiime il peut être
intéressant pour plusieurs de savoir eu i|uoi 1 > gainiiie
ou les cil l's du cliant grégorien ou plain-cliani dif-
fcient de eellcs de la mnsii|ne onlinairc, je vais en
pari r liricveinent. Saint Grégoiie donna aux huit
notes qui coniposiiit la ganinie les nions (pi'elles por-
leiil iiujoiird'Iiui, A, It, (), l>, etc. Suiv.mt son sys-
tème et celui de la musique actuelle, cliaciine de ces
notes peut devenir la donnnante, mais alois il nous
faut introduire aulanl de bémols el de dictes qu'il
est nécessaire pour laiie toiolier les tons et demi-
tons aux inéines intervalles dans chaque ton m.q'eur
ou mineur respectivement. Ue là il suit ipi'une pièce
de chant écrile dans un ton peut être chaulée dans
un auire, sans qu'il en résuile d'anlre cliangement
que celui de la clef. De iiicine dans le clinnl grégo-
rien , (liai|uu noie peut devenir la dominante, nais
il ne peut y avoir de diè;ces ou de liéinols, sinon le
lift dans la clet de F. Ainsi, dans chaque cld, la po*
Sillon des duiui-tons varie; et une pièce de musique
&0«
CIIA
CHA
810
Comme il ne convenait pas que le chant
religieux fût semblable à celui qui exprime
«les passions déréulées, l'Eglise ciiiélicMiie a
toujours veillé à ce que ii' ctifint de la liturgie
et de l'office divin lût prav<' et majesineux,
exprimai la piélé. et non une joie fulâlro ;
c'est pour cela même qu'on l'a nommé le
plain-c/iiint, pour le distinguer de la musique
des Ihéâircs el des chansons proF.ines. I^cs
Pères de l'Eglise les plus respectables ,
comme saint Jean Chrysoslome, saint Jé-
rôme, saint Ambroise , saint Augustin, don-
nèrent la plus grande attention à bannir des
assemblées chrétiennes les clianis mous ,
efféminés, el la n)usi(|ue trop gaie, qui ne
servaient qu'à flatter les oreilles el à étoulTer
les senlimenls de piélé. Les donalisies re-
prochaient aux catholiques la manière trop
grave dont ils chantaient les psaumes; saint
Augusiin, au contraire, accuse les donallstes
d'exprimer par leurs chants les tr.insporls
de l'ivresse, pluUU ((ue les affections pieuses
{Epist. 55, (id Janaar., n. 34).
Saint Amiiroise, (|ui régla le cliaiit de son
église dans un temps où les théâtres du pa-
ganisme subsistaient encore, évita soigutu-
semenl d'en imiter la mélodie; saint tiré-
goire, qui flt la même chose pour l'Ei^lise de
Uome, dans un siècle où ces Ihéâires n'csis-
taienl plus, ne trouva aucun inonvénieni à
introduire dans le chant ccclisiasiiqne des
airs plus agréables, mais qui ne poin aient
rappeler aucun souvenir dangereux. De là
esl venue la dislinetion entre le chant am-
brovicn et le chant grégorien; le premier
élait plus grave, le second plus mélodieux.
Maison a eu tort de penser que saint Aio-
broise élait le premier auteur du /j/adi-c/u/H/;
avant lui saint Aih.mase l'avait établi dans
l'Eglise d'Alexandrie; il avait mis en us:ige,
dit saint Augustin, un chant des psaumes qui
ressemblait plus au récitatif .d'un discours
qu'à un véritable chant [Confess., I. x , c. 33).
Charlemagne, qui remarqua que le chant
gallican était moins aj^réable que celui de
composée dans une clef ou ton esl compléiemeiit
allérée el devient insnpporlnhle si nu I.t naiispdse
dans un autre. Huns l'espace de peu de siècle, il se
glissa de Irisies eiirrupnons dans la iiuisiipie ecclé-
siasilipie, el il s'éleva de gr.nules disputes |);ir rap-
port au iioiiiliie de clefs ou de tous ipil .Oy iniuvaient.
Celait alors un leui|is où l'on lespecl 'il l'autonié,
et le point en litige fut lé éié .i Cliaileinagin'. Ce
prince étudia à fond la (|uesiioii, prit conseil et ren-
dit son (lécrel impérial , que huit ciels ou modes pa-
ratstnient bien suffisaïus. Il tarait qu'il s'éleva îles ré-
claniaiiiius, siiiluui do l.i part des (irecs, el un second
décret priiininça (;i('i( y mail douze modes (iiaini,
Vie de l'uleslritia, t. II. p. 81).
I Le clianl grégorien esl complélemenl dialoui-
qne; il esl iiiélodii|ue, c'cst-à-dire eliaiiié par loutes
les voix. Kunsseau a fait oberver, et tout musicien
en conviendra, qu'aucune iiiusii|ue moderne ne sau-
rait s'élever comine lui à ce ion pathétique ipii donne
lin air majestueux à la voix liuinaiiie; et un auire
auteur remarque que tous les elfirts liiiiés dans les
lemiis modernes pour l'imiter dans la (omp^sitioii
ont cu.i plétemeni é. I é. > (dgr Wiseinan, Cu;i/er.
sur les ulfires île la se, naine sainte, dans les Démonsl
àiang., éuii. Migiie.)
DlCT. DE ThÉOL. DOGMATigUK. 1.
Rome, y envoya des clercs pour apprendio
le chant romain, et l'introduisit ainsi dans
les tiaules.
Les l'ères de l'Eglise, dont nous avons
parlé, les fondateurs des ordres moaasti (des,
tels que saint Henoit, saint licrnard et d'au-
tres, -iiit souvent recoiiiinaiidé l'atlention, le
respect, la modestie, le recneillemenl, la dé-
votion avec lesquels on doit chauler au chœur
les louanges du Seigneur. Toules les fois (jue
l'on s'est écarté de l'ancien «sprit de l'Eglise,
el que l'on a iniroduit dans l'ofliie divin une
musique profane, les auteurs ecclésiasli(|iies
en ont fait des plaintes amères, et plusieurs
conciles ont formellement défendu ces aiius,
comme le concile in Ti iillo, l'an Gl)2, celui
de Cliiveshoii, l'an 747. celui de 15 lur-'es,
l'an 1584, etc. Il est fâcheux que ce dé.,or-
dre Suit aujourd'iiui plus commun c]u'il ne
fut jamais; toutes les personnes vraiment
pieuses en désirent la réforme.
Quelques missionnaires, pour apprivoiser
les sauvages américains, et les allirer a leurs
instructions, n'ont point Irouvé do meilleur
moyen que de leur jouer des airs de llùte; ils
ont ainsi réalisé ce (|ue la fable raconte d'Or-
phée. Cet arlilice innocent et trés-louable
prouve le pouvoir de la musique sur les
hommes les plus grossiers, et combien il est
aisé de les corronipre en gi'iiéral par des
airs efféminés et lascifs. (Bingham, Uriy.
ecclés., I. XIV, c. 1, § 15 el suiv.j
Par un trait d'humeur ordinaire aux pro-
testants, Brucker prétend que saint lirégaire
le Grand, par le soin quil prit d'élililirà
Home des écoles de chant ecclésiasliijuc , et
de former des chantres, contribua beaucoup
à augmenter l'ignorance et la barnar e du
Viii siècle. Que l'on juge, dit-il, du progrès
que pouvaient faire les lettres et la philco-
phie, lorsiju'il fallait dix ans pour appren-
dre à chanter l'office divin [Uist. pliilos..
tom. 111, p. 572 ; loin. VI, p. 361). Ce repro-
che nous paraît absurde. 1» C' n'était pas
saint (Grégoire qui avait attiré les Barbares,
qui Ils avait engagés à ravager l'Europe en-
tière, et à détruire lous les mo;,ens d'a[)pr .n-
dre les lettres et les sciences; il ne laut pas
lui attribuer le défaut et l'impcrleciiou des
méthodes que l'on suivait alors pour ajipren-
dre une science ou un arl quelconque : il
n'était pas obligé d'en créer de n uvelles.
Avant d'enseigner aux jeunes gens les scien-
ces cl la philosophie, il f;iul leur apprendre
à lire, a écrire, à chiffrer, el les instruire des
vériles de la religion ; dans les écoles de vil-
lage, ils apprennent aassi ù clianler au lu-
trin ; dans tous les pays du monde, ce sont
là les piemières éludes : nous présiiinons
qu'il en était lie même dans celles de Uome,
et il n'e.si pas fort éloiuianl ijuau viir siècle
on y ait employé dix ans de la première j-u-
nesse. 2 Si saint Grégoire avait lort de soi-
gner ces premières éludes des clercs, il faut
blâmer aussi Charlemagne, qui ne les dédai-
gna pas, elle roi Koberl, qui s'en occupa;
on les regarde cependant comme les re-tau-
ratcurs des lettres, et non comme les au-
teurs de la barbarie. Il faudra encore censu
■m
su
CHÂ
CHA
812
rer les anciens philosophes, qai ont regardé
la musiqne comme une partie de la philoso-
phie : or, la musique de ces lemps-là n'étjiit
pas fort supérieure au plain-chant d'aujour-
d'hui. M. Burette, dans ses Recherches sur la
musiqne des anciens, a fait voir que l'on peut
de nos jours apprendre en six mois ce qui
rien);md;iit alors une élude de dix ans. Au
lieu de reprocher aux grands hommes des
bas siècies les efforts qu'ils ont faits pour
détruire la première rouille de la barbarie,
il fiiut les bénir de ce qu'ils se sont abaissés
jusqu'aux soins les plus minutieux ; s'ils n'a-
vaient pas voulu les prendre, nous n'en se-
rions pas où nous en sommes.
C'est par allusion à ces anciennes écoles
romaines, que le pontiGcal nomme schola\es
clercs qui accompagnent l'évéque et l'assis-
tant dans ses fonctions solennelles : Episco-
pus cum scliola (Ducange, au mot Cantores).
C'est encore ce qui a donné de l'importance
à la dignité de chantre dans les églises ca-
thédrales ; parce que sa fonction est de veil-
ler à la conduite des chantres et à la décence
du cultcdi'. '.<A.
liingham (Orig. ecclés., liv. m, c. 7), dit
qu'il n'a pas été question de chantres dans
l'Eglise avant le commencement du iv siècle :
mais il avoue qu'il en est fait mention dans
la liturgie de saint Marc : or, nous prouve-
rons en son lieu que cette liturgie est plus
ancienne que le iv"^ siècle. Il prétend que
l'état des chantres était autant un ordre ecclé-
Siasli(|ue que celui des lecteurs, et qu'ils
recevaient une espèce d'ordin.ition; pour
nous, nous pensons que si c'avait été un
ordre, il aurait continué de l'être. Il veut que
dans l'origine, la fonction de chanter ait élé
commune à tous les fidèles. Soit, du moins
il fallait que des chantres instruits donnas-
sent le ton pdur éviter la cacophunie ; aussi
l'an 3GI ou 370, le concile de Laodicée or-
donna que les seuls chantres inscrits sur le
catalogue de l'église, pourraient mouler sur
l'ambon et chanter sur le livre. Mais les pro-
testants, iiilalués de leur usage, troutent
qu'il n'y a rien de si beau que le style gothi-
que des psaumes de Marot, et le chant lu-
giibie qu'ils ont adopté; nous voudrions
savoir pour(]uoi ils ne chantent pas les can-
tiques de l'ancien et du nouveau Testament :
sont-ils moins respectables que les psaumes'?
* CHAOS. Moise, dans sa cosmogonie, établit
l'exi^lence |iriiiillivc du cliaos. C'est aussi la croy.m-
ce (le tous les peuples; nous eu avuns foui ui la preuve
diiiis plusieurs :nucles de ce Diciloiinaire. V«y. Cos-
UOGOME, CUI^ATIDN.
CHAPE. Voy. Habits sacrés ou sacerdo-
taux.
CHAPELAIN, CHAPELLE. Une chapelle
est un oialoii'c ou un lieu destiné à la prière,
dans lequel il y a souvent un autel, et où
l'on dit la messe ; le chapelain est l'ecclé-
siasiiqiie chargé (le la desservir. On nomme
aussi chapelle l'oflice pontilical célébré par
le pape; on dit qu'il lient c/j(;/)e//e lorsqu'il
ollitie solennellement. A Versailles, on ap-
pelle jours de grande chapelle les fêtes solen-
nelles auxquelles l'ofGce est fait par un
évêque à la chapelle du roi.
Il y a beaucoup d'apparence que les cha~
pelles ont été ainsi nommées, parée que l'on
y conservait les chapes Oii manleaux des
saints. On sait que nos rois faisaient porter
à la tète de leurs armées la clia(/e de saint
Martin ; après, on la renfermait dans la
Sainte-Chapelle (Ducange, au mot Capella).
De savants critiques ont remarqué que les
anciennes églises ou les cathédrales étaient
sans chapelles roilaiérales. On bâtit d'abord
les premières au dehors, et en joignant le
mur, pour y placer le lombeau des saints ;
dans la suile on perça le mur, et les chapelles
se trouvèrent ainsi faire partie de l'église.
Ce n'est point à nous de réformer l'abus
des chapelles domestiques, et les scandales
qui s'ensuivent; mais il est permis de les
faire remarquer. Depuis que les grands out
cru qu'ils seraient dégrades, s'ils étaient con-
fondus avec le peuple dans la maison de Dieu,
que les exercices publics de religion leur ont
paru trop incommodes , ils ont voulu avoir
des autels presque dans leur chambre, des
prêtres à leurs ordres, des prières pour eux
seuls ; on dirait qu'ils ont renoncé à la com-
munion des saints, et l'on sait de quelle ma-
nière Dieu est honoré dans ces lieux pro-
fanes. Faut-il s'en prendre à l'Eglise et à ses
pasteurs trop faibles î Souvent on leur force
la main, et l'on se venge quand ils refusent.
L'irréligion déclarée porte peut-être moins
de préjudice au christianisme qu'un masque
de pieté contraire aux règles, aux lois, à la
discipline de l'Eglise : vainement le concile
de Trente a voulu prévenir cet abus , sess.
22; il subsistera aussi longtemps que l'or-
gueil, la mollesse, l'indévotiondes grands. Le
peuple des campagnes fait souvent plusieurs
lieues de chemin dans la plus mauvaise sai-
son pour satisfaire aux devoirs de la religion;
tel qui veut s'en acquitter sans sortir de chez
loi, refuserait de contribuer à la construction
d'une succursale dans un village. Voy. l'An-
cien Sacramentaire , \" part., pag. 655 et
8'i4.
CHAPELET. Ce sont plusieurs grains en-
filés qui servent à compter des Pater et des
Ave, que l'on récite à l'honneur de Dieu et
de la sainte Vierge. On les appelle aussi pa-
tenôtres, et ceux qui les font patenôtriers. 11
y a aussi des chapelets décorait, d'amhie, do
coco, et d'autres matières plus précieuses.
Leur nom est venu de ce qu'ils ressemblent
à une couronne de roses, que l'on nommait,
en vieux français, cliapel de roses.
Dans la basse latinité ils ont été nommés
capellina, et chez les Italiens corona; ils con-
tiennent cini| dizaines de grains, et les ro~
saires en ont quinze.
L'usage de réciter le c/u/pe/et n'est pas fort
ancien; quelques protestants en rapportent
l'origine à Pierre l'Krinile, personnage cé-
lèbre dans l'histoire des croisades , sur la fin
du xr siècle ; le rosaire a élé institué par
saint Dominique.
Il y a aussi un c/iape{e( du Sauveur, com-
posé de trente-trois grains, à l'honncar des
8!3
CRÂ
Cil A
814
lienle-Irois ans que Notre-Seigneur a passé
sur lâ terre; il a c(é imaginé par le père Mi-
chel, de l'ordre des Camaldules. Yoy. Ro-
SAIRT.
CHAPITRE d'un livre. Sur la division des
liVres saillis en chapitres cl en versels, voyez
CONCORDVNCE.
Chapitre. Assemblée de clianoines ou de
religieux. [Voy. le Dictionnaire de Théologie
morale.]
Chapitres (Trois). Ce sont trois érrits con-
damnés dans le cinquiètne concile général
tenu à Constanlinople. Voy. Constantino-
PLE.
CHARITÉ, vertu théologale, par laquelle
nous aimons Uieu sur toutes choses, et no-
tre prochain comme nous-méraes; ainsi la
charité a deux objets, Dieu et le prochain.
Comme on distingue un amour parfait de
Dieu et un amour imparfait, les théologiens
disputent pour savoir en quoi l'un est diffé-
rent de l'autre. Quelques-uns disent que c'est
seulement par le degré d'intensité ou de
ferveur, et non par la diversité des motifs ;
l'es autres prétendent que l'amour parfait
consiste à aimer Dieu précisément pour lui-
même, sans aucun rapport à nous, au lieu
que l'amour imparfait est accompagné d'un
fuotif d'intérêt propre. — Mais la question
est de sa»oir si la charité parfaite exclut
toute espèce de retour sur nous-mêmes.
Lorsque saint Paul (lis;)il : Je désire ma dis-
solution et d'être avec Jésus-Christ {Philipp.,
1,23): le désir de la béatitude était uni en
lui à la p'us ardenie charité.
Il y a donc deux excès à éviter dans cette
matière. Plusieurs aiinent Dieu en pensant
tellement. à eux, que Dieu ne tient que le se-
cond rang dans leur affection. Cet amour
mercenaire ressemble à celui des faux amis,
qui nous abandonnent aussitôt (|ue nous
cessons de leur être utiles. Une âme qui
aime ainsi est en quelque manière son dieu
à elle-même; cet amour n'est point la cha-
rité.
D'autres, en aimant Dieu, renoncent à tout
motif d'intérêt; leur amour est si pur qu'il
exclut tout autre bien que le phiisir d'aimir;
ils n'espèrent, ils ne désirent rien au delà;
ils sont métne prêts à sacrifier la douceur de
ce sentiment, si les épreuves qui servent à
le purifier exigent ce sacrifice. Cet amour
nous paraît une illusion de quelques fiiux
spéculatifs. En plaçant le sublime de la chw
rite à se détacher de toute espérance, ils se
rendent indépend.ints.
Du principe incontestable est que nous
cherchons uaturellement à être heureux ;
c'est, selon saint Augustin, la véi ilé la mieux
entendue et la plus constante, c'est le cri .!e
l'humanité : ce penchant ne p'-ut déplaire à
Dieu, puisque c'est lui qui nous l'a donné.
Suivant l'observation du savant évéque de
Meaux, saint Au^ustin ne parle pas d'un
instinct aveugle; car on ne peut pas désir>'r
ce que l'on ne connaît point, et i.n ne peut
ignorer ce que l'on sait qu'on veut. L'illustre
arclievêque de Cambrai, écrivant sur cet en-
droit de saint Augustin, croyait que ce Père
n'avait en vue que la héatitude naturelle.
Qu'importe, lui répliquait M. Bossuet, il de-
meure toujours incontestable que l'homme
ne peut se désintéresser au point de perdre
dins un seul acte, la volonté d'être heureux,
puisque c'est par celle volonté que l'on veut
toute chose. Donc l'homme aura la même
ardeur pour la béatilude surnaturelle que
pour la héatitude naturelle, dès que la pre-
mière lui sera connue. — Comment, en elTct,
se délacherait-oii du seul bienque l'on veuille
nécessairemenl? Y renoncer formellement
est une chose impossible. Si l'on en fait
abstraction, la fin que l'on se propose n'en
est pas moins réelle. L'artiste (|ui travaille
n'a [las toujours son but présent à l'esprit,
quoique toute sa manœuvre y soit dirigée.
D'ailleurs, le cœur ne fail point d'absiractFon,
et il s'agit ici d'un mouvement du cœur, et
non d'une opér^ition de l'esprit. — Saint
Thomas, qui s'est distingué par son grand
sens, disait : Si Dieu n'était pas tout le bien
de l'homme, il ne lui serait pas l'unique rai-
son d'aimer. L'amour présent et le bonheur
futur sont toujours unis chez ce docteur de
l'école.
Mais, dira-t-on peut-être, quand nous igno-
rerions que Dieu peut et veut nous rentre
heureux, ne pourrions-nous pas nous élever
à son amour par la contemplation seule de
ses perfections infinies, M. Bossuet répond
qu'il est impossible d'aimer Dieu sans l'en-
visager comme un être souverainement par-
fait: or, une partie de ses perfections est d'ê-
trebon, libéral, bienfaisant, miséricordieux
envers ses créatures. Que l'on choisisse, si
l'on veut, pour objet de contemplation entre
les perfections divines cel es qui n'ont au-
cun rapport à nous, l'immensilé ite Dieu, son
éternité, sa prescience, s;i toute-puissance,
etc. ; il en résultera del'admiralion.del'éton-
neinent, du respect, mais non de l'amour;
l'esprit sera conf(jndu, le cœur ne sera point
touché. — D'où il s'ensuit ({u'enlre les attri-
buts de Dieu, les seuls qui excitent en nous
des sentiments d'amour, sont ceux qui met-
tent de la liaison entre Dieu et nous ; que ces
sentiments sont tellement unis à l'idée du
bonheur, qu'on ne peut les en séparer que
par des précisions chimériques, fausses dans
la spéculation et dangereuses dans la prati-
que. Mais il faut se souvenir que le senti-
ment d'amour de Dieu peut exciter en nous
de bons désirs, nous porter à des actions
excellentes, influer sur notie conduite, sans
que nous en ayons toujours une perception
distincte et présente.
Comme il nous est impossible de démêler
parfaitement les mo ifs de nos actions, de
sentir jusqu'à quel point tel ou tel motif y
contribue, les disputes sur l'essence de la
c/mrù^ seront toujours interminables; les
systèmes sur ce sujet sont aussi mal fondés
que les scrupules des âmes timides, et l'en-
thousiasme des im iginaiions vives. De quoi
nous sert de savoir si un acte damour de
Dieu peut ou ne peut pas être absolument
désintéressé ? 11 nous suffit de comprendre
que Dieu a daigné nous intéresser à l'aimer
845 CHA
fl h mettre en lui tout notre bonheur. Celui,
dit Jcsus-Clirist, qui garde /»'■< commande-
ments eut celui qui m'aime; i' sera aimé de
mon Père, je l'aimerai moi-même, cl je me fe-
rai connaiire à lui [Joan. xiv, 21 ). iSe cher-
chons pointa en savoir davantage. Vingt
disserialions sur l'aoïouriie Dieu ne nous en
feront pas faire un arle de plus, et nous met-
tront en danger do ne pas pratiquer foi t ex-
acteiiient l'amour du prochain. — G> qu'il y
a de fâcheux, c'est que ceux qui soutieniienl
le plus chaudement la néeessiié de l'amour
de Dieu sont justement ceux qui nous en
tournissent le moins de motifs : ils alTectent
de le peindre comme un maîlre si lerrilile,
qu'ils eu inspirent plutôt la terreur que
l'amour.
Une seconde question est de savoir si tou-
te action qui n'est pas faite par un motif
d'amour de Dieu est un péché, comme l'ont
soutenu quelques théologiens, qui iiréten-
daient puiser celle doctrine dans saint Au-
gustin. — On leur a répondu que, selon le
concile de Trenle, sess. 0, d<' Justifie, c. G,
les sentiments de foi, (res!iérance, de crainte
de Dieu, sont non-seulement louahles, iuais
utiles, puisqu'ils nous disposent à la ]usiili-
cation; donc les aciious laites par ces molifs
seuls ne sont (las d(-s péciiés, à plus forte
raison celles qui ont pour motif la reconnais-
.sance des hienlaits de Dieu. — Saint Augus-
tin a nommé charité le hou vouloir, la honne
intention, même dans un patix.Op.iDiperf.,
1. m, 11. Ht et 103. G est donc, une erreur de
penser que ce saint docteur a regardé comme
péclié toute action qui n'd p.is pour niotii la
charité proprement dite. — De ce passage
l'on conclut que les actions même ((ui n'ont
pour principe que la vertu morale, telle que
pouvait l'avoir un païen, sont bonnes et loua-
bles, quoique non méritoires pour le salut ;
selon saint Augusiin, Dieu en a souvent ins-
piré aux païens, et les en a récoiiipensés (L.
de Grutia Christi, c. "24., n' 2.'); in Ps. lxviii,
Serm. 2, n° 3; Epist. 93 «'/ \'incent. Ilui/al.,
!i°9, lilt. iv; contra duas L'pisl. Pelaij., c. (i.
n° 13; de Civit. Pei, lili. v, c. 19 et 2't). C'est
la docirine fornielle de l'Eii ilure sainte.
( rslhrr, Mv, 13; xv.ll ; Esdr. i, 1 ; vi, 22;
VII, 27 ; Ezcch. \xix, 18 et suivants, etc. )
Or Dieu lie peut inspirer ni récompenser des
péchés.
Knlio les motifs louables de nos action^,
les uns sont naturels, les autres surnatu-
rels ; cl entre ces dernicr.s il y en a d'à 'i 1res
que la charité proprement dite. Les motifs
naturels, louables . lel-, que la piti/' ei la
comniiseralion, l'amour di; nos semblables
et de la patrie, les senlimenls (l'honneur,
etc.. Sont un exercice légitime des r.uullés
que Dii'u a mises en nous, et des [leiich ints
qu'il nous a donnés; ces molils peuvcntdonc
rendre les actions d'un païen dignes de ré-
compense» en ce monde, puisqu'il ne peut
pas en être résomjiensé dans l'autre. Penser
que les actions d'un cliréiien, faites par les
mêmes molifs , lui senmt inériluircs dans
l'autre monde, par un privil gc aliachc au
caractère de chrétien, et par la parlicija-
CHA.
8îi>
tion aux mérites de Jésus-Christ, ce serait
s'approcher beaucoup du semi-nélagianisme :
mais d • ce qu'elle-^ ne sont pas mériioires, il
ne s'ensuit pas que ce soient dos péchés. —
Dans un chrétien, les molifs naturels, n'ex-
cluent point les motifs surnilurels, quoique
nous ne puissions apercevoir en mémo temps
plusieurs mollis différents. Tantôt l'huma-
niié agira la première, tantôt ci- sera la cha-
rité; mais le chrétien peut passer d'un do
ces molils à l'autre, se les rappeler succes-
sivement , et sanclifier l'un par l'autre.
Alors l'action est très-bonne, quel que soit
le molif qui a inilué le premier ; mais l'action
n'e^t méritoire pour un chrétien qu'autant
qu'elle vient d'un motif surnaturel inspiré
par le mouvement de la grâce. — Un moyen
de donner ci nos actions tout le mérite pos-
sible, est de perfectionner, par des actes
d'amour de Dieu anticipés, nos pensées et
nos intentions subséquenics, de demander
souvent à Dieu de suppléer ce qui manque
à nos actions, lorsque les molifs naturels
pourront provenir les molifs surnaturels.
L'h .bilude de l'amour de Dieu dans le
cœur d'un chrétien supplée sans cesse aux
actes d'amour particulier; elle iiilUie sur ses
actions sans qu'il s'en aperçoive, de même
que l'amour habituel que iious avons pour
nos par nts, p^ur nos amis, pour notre
patrie, etc. Il fint donc niuis attacher
à forlilier en nous la charité habituelle
|iar la prière, par les bonnes œuvres, par
la fréquentaiion des sacrements, par le
souvenir des bienfaiis de Dieu, eic. Mais
nous n'aurons le bonheur d'aimer Dieu se-
lon toute l'étendue de nos facultés que dans
le ciel ; c'est dans le sein de Dieu que se
fera la consommation de la c/iar((c du chré-
tien et du bonheur de l'honime. (ci-bis nous
avons deux lègles : selon Jésus-Christ lui-
même, c:'liii qui garde les commandements
de Dieu est celui qui l'aime vérilableinenl ;
et selon saint Jean, personne n'aime vérita-
blement Dieu (lUe celui qui aime ses frères
{Juan, xiv, 21, 23, 2i ; / Joan. iv, 20 et
21 j. (^est à quoi il faut nous en tenir.
(Juelqucs incrédules ont poussé l'entête-
ment jusqu'à soutenir qu'il est impossible
d'aimer un Dieu tel que la religion nous le
représente, c'est-à-dire, un Dieu redouta-
ble i|ui punit le crime [lendanl toute l'éter-
nité. Mais si Dieu ne punissait pas le crime,
sur quoi fondes ( sp rerions-nous (|u'il ré-
compensera la ViMlu ? Celle double l'onction
estle caiaclére essentiel d'un Dieu législateur,
cl l'une n'entre pas moins (|ue l'autre dans
la notion de \ii justice. S'il n'y avait pas une
justice divine a craindre, ce monde ne serait
pas habitable, les méchanis seuls y seraient
les mailles, la vertu serait sans espérance
et sans molifs. Dieu ne serait donc plus ai-
mablepour les bous, s'il n'était pas redouta-
ble pour les méchanis. - Nous concevons
tiès-hieii (lu'un mauvais cu'ur, qui met son
bonlieurà s.atisfaire des passions ticieuses, ne
peut pas aimer Dieu. Mais il lui est utile de
le craindre ; et lorsqu'il pourra enlin se ré-
soudre a mettre son bonheur dans lu vertu.
en
CHA
CHA
818
il le trouvera aussi dans l'amour de Dieu.
Charité se prend encore pour l'/iniDiir que
Dieu témoigne .lUX hommes. Dieu, dit saint
Paul , a làil éclnter sa (7(rtri7e' envers nous,
en ce que Jésus-Clirist est morl pour nous,
lorsque nous étions encore pécheurs [liom.
XV, 8). De même que la chnrilé du Dieu en-
vers nous ériate |)ar des hienruils, aill^i no-
tre nniour pour Dieu et pour le prochain doit
se pr'Uu'r par nos ce. ivres.
CH\iiiri^ à i'ejjard du prochain. Jéstis-
Chrlsl en a renouvelé la loi : Y ous (limcrez
votre prucluiin comme vous-niênie. Il expli-
que ce qu'il enlend sous le nom du /irochain,
en y comprenant nièiiie les étrangers et les
cnneniis (7,Mf. X, 29). Il nmis apprend en
quoi cet amoui' consiste : Faitcx aux aulres
ce que |70M< voulez (pi ils vous fass' rit {Luc. vi,
31). 11 se donne lui-niême pour modèle : Ai-
viez-i-ous /'■s uns le.i nuiief comme je i uns ai
aimés [Joan. xiii, 3'i;. li nous monire le mo-
tif : Aimez vos ennemis, afin (/ic vous soyez
les enfants du Pè>e céleste qui [ait du bien à
tous ( Mallh. V, Vo ). Pouvi,it-il mieux déve-
lopper le précepte de la charité ? — Ce pré-
cepte renferme donc, non-seulement les sen-
timents de bienveillance, mais toutes les ac-
tions qui en sont la preuve : les hiriifails ,
les secours, les conseils, la douceur, la com-
misération , l'indulgence pour les défauts
d'atitrui, l'oiihli des injures, la crainte d'hu-
milier et de conirigler nus semblables ; nous
esigenns toul cela pour nous, si on nous le
refuse, nous nous plaignons : nous le devons
donc aux autres.
Qi.'eliiues incrédules ont prélemlii que ces
maximes de l'Ei angile sont obscurcie'! par
d'autres, où il est dit f|u'un disciple de Jé-
sus-Christ doit hair si n père , sa mère, ses
proches, sa femme, ses enfants , «a propre
rie, pour Dieu et pour Tlivaiigile. Ces der-
nières paroles auraient dû leur ouvrir les
veux. Qu'est-ce que h'ir sa propre vie, sinon
6;re prêt à la sacrifier lorsque cela est né-
cessaire pour obéir à Dieu ( l pour rendre
témoignage à l'Evangile'? Donc , haïr son
père et sa famille, c'esl aussi être prêt à les
quitter lorsque Dieu l'oi donne, et pour aller
procli r au loin rE\anyilc. Voilà ce que les
apôtres ont été obligés de faire , et Jesus-
C.hrist avait droit de l'exiy;er. Mais les apô-
ties n'ont pu téiDoigiier à leurs proches une
ari'clion |)1ms solide qu'en leur assurant la
protection d'un bienfaiteur tel que Jésus-
Christ. — 1,'ne preuve qui démoaire que les
maximes du Sauveir ont été bien entendues,
c'esl la charité universelle et héroïque des
premiers chrciiens. « Nous connaissons , dit
saint Clémcnl de Home , plusieurs d'entre
nous qui se sont mis dans les chaînes pour
en tirer ceux qui y étaient détenus; ji'u-
sieurs se sonl lails esclaves , et ont eaijjloyé
le prix de leur lihiTlé à no-.irrir les pau-
vres. » {Episl. 1, n° 7.) Plusieurs ont bra^é
la moil pour donner des secours aux mar-
tyrs. Pendant la pesie qui ravagea l'empire
ro.iiaiu l'an 252, et qui dura dix ans, les
chrélieus soignèrent non - seuieu>enl leurs
frères, mais les païens, pendant que ceux-
ci abandonnaient leurs malades. (Eusè!)e,
flisi. ecelés.. liv. Vil, c!i. 32; Ponce, FiV de
saint Cijprien.) Julien convient qui' les chré-
tiens nourriss.iienl leurs pauvres et ceux du
paganisme {Leilre \'} à Arsace). S.iint Jean
Cllr^S(lstome aileste que leur c/iari/rf est ce
qui a le plus coiitiihué à con» erlir les païens
{Préface sur l'Epitre a :x Pliilippiens). — Pen-
dant l.'i pesIe noire de l'an 13'i.ri, l'on vil les
religieuses hospitalières et les moines renou-
veler les exemples de charité héroïque dont
a parlé saint Ijypricn; l'on .i vu des évè(]ue8
vendre jusqu'aux vases sacrés pour racheter
des esclaves.
La persévérance de cette vertu dans le
christianisme est prouvée par li multitude
d'établissements d' charité i\n\ y subsistent,
et dont les iialio'is inOJèles ii'ont poiiil donné
d'exemple. Les hôpitaux pour les malades ,
pour les vieillards, pour les incurables, pour
les enfants trouvés, pour les or|)helins, pour
les invalides, pom- les insensés, pour les
voyageurs ; les maisons d'éducation pour les
deux sexes, de travail pour tous les âges, de
retraite pourles personnes iiirirmes ; les éco-
les de clturiié, les confréries qui assistent les
pauvres, les prisonniers, les criminels con-
damnés à mort; les foiidaliniis d'aumônes,
les monis-de-piéic, la rédem;ilion des cap-
tifs, etc. Tel est l'ouvrage de la charité chré-
tienne. — Un de nos ph Insophes incrédules
convient que dans la seule vilie de Konie il
y a au moins cinquante maisons de charité
de toute espèce; on pourr.iil en compter ua
pins grand noinbio à Paris, el il eu est de
même des autres villes du royaume , à pro-
portion. 11 en conclut qucriinmme n'est point
naturellement méchant, mais bon et bien-
laisanl. li l'est, sans doute, lorsque la reli-
gion le rend tel; mais pourquoi celle bonté
ne se moiitre-t- elle ptini ailleurs avec au-
tant d'c.l.il que dans le christianisme? Nos
philosophes ne nous en disent point la rai-
son. — De nos jours, ils ont voulu subsli-
tuor au Icrme charité celui A' humanité ; mais
nous n'avons encore vu aucun philosophe se
consacrer, par humanilé, aux bonnes œuvres
dont nous venons de parler; lorsque l'huma-
nité philosophique aura fait aiitaiil de bien
que la chanté , nous verrons laquelle des
deux mérile la préférence. La pompe avec
laquelle l'humanilé l'ait annoncer au public
ses libéralités est déje'i d'un Irès- mauvais
augure. — On a l'ail plus : nos dissertaleurs
politiiiues Ont pr;s la peine de décrier tou-
tes le- f indations et les élablissemenls de
c/iarj'<e comme des insiitutions impruilentes
et pernicieuses, ((ui produisent plus de mal
que de bien, qui sonl l'ouvrage de l'igno'
rance el de la vanité : nous réfuterons leurs
réllesioiis ailleurs. Voy. 1''o.\dation, Hôpi-
tal.
Ce ser.iit déjà une erreur grossière de bor
ncr les devoirs de la charité au seul précepte
de l'aumône; c'en est encore une p. us scan-^'
daleiise d'enseigner, comme on la l'ail, qu.»
l'aumône même n'est point un piéccpl
goureux, mais un simple conseil. Esl-c^lut/:y
inanité qui a dicté cette décision? — Oii o
81 g
CHÂ
CHA
82v>
jecte que l'.iumône noarrit la fainéantise ,
et souvent ontrclient le libertinage des pau-
vres. Soil.'Si avant de l'aire une bonne œu-
vre on voulait prévoir les divers abus que
l'on en peut faire, lis inconvénients qui peu-
vent en ariivcr, le mérite ou l'indignité de
ceuï qui en profileroni, etc., on n'en ferait
jauiiiis aucune, puisqu'il n'en est aucane de
laquelle on ne puisse abuser. La malice hu-
maine trouve toujours plus de moyens pour
faire du n)al, que la charité la plus prudente
ne pourra prendre de précautions pour le
jirévenir. — Lorsque Dieu jugera nos œu-
vres, il nous demandera compte du bien que
nous avons pu faire, et non du mal que nous
n'avons pas pu empêcher. Il faut donc nous
en tenir à la leçon de saint Paul : faire le
bien sans nous lasser et sans nous rebuter
jamais {Galal. vi, 9; II Thess. m, 13), et lais-
sera Dieu et à ceux qui liennentsa place ici-
bas, le soin de punir ou de réprimer le mal.
Voy. j\tiMÔ\E.
Un déiste célèbre a compris que les devoirs
de la churilé ne se bnnent point à faire
l'aumône. Combien d ■ malhiureiix , dil-il,
combien de uialaiies ont plus besoin de eon-
S(d,ilion que d'aumônes 1 Combien d'oppri-
més à qui la protection sert plus que l'ar-
gent ! Raccommodez les gens qui se brouillent ;
prévenez les procès; portez les enfants au
devoir, les pères à l'indulgence; favorisez
«l'heureux mariagis ; em|iéchez les vexa-
lions ; employez, prodiguez le crédit de vos
auiis en faveijr du faible à qui on refuse jus-
tice , et (lue le puissant accable; déclarez-
vous hautement leproteeleurdu malheureux ;
soyez juste, hiim;iin, bienfais;inl ; ne faites
pas seulement l'aumône, faites la charité : les
œuvres de miséricorde soulagent plus de
maux que l'argent ; aimez les autres et ils
vous aimeront , servez-les et ils vous servi-
ront, soyez leur père et ils seront vos en-
fants. — Il serait ai^é de f.iire voir que 1'^-
criture sainte nous commande en particulier
tous ces devoirs de charité, et que, sans ces
leçons divines , nous ne connailrions pas
mieux celte morale que les anciens philoso-
phes auxquels L.iclance reprochede n'avoir
prescrit ces mêmes devoirs par aucun pré-
cepte (Divin. Iiistil., 1. X, c. C).
Chaiiité est le nom de plusieurs ordres
religieux. Le plus conno parmi nous est ce-
lui des fri'res du la Charité, inslilué par saint
Jean de Dieu, pour le service des malades.
Léon X l'aiiprouva comme une simple so-
ciété eu 1320; l'ie V lui accorda quelques
privilèges; Paul IV le confirma en l(il7 en
qualité d'ordre religieux. Outre les trois
'vœux d'obéissance, de pauvreté ei de chas-
teté, ces religieux font le vœu de s'employer
an service des malades. Ils ne fi.iit point d'é-
tudes et n'entrent point dans les ordres sa-
crés; s'il se trouve parmi eux un prêtre, il
ne peut jamais parvenir à aucune dignité de
l'ordre. Le B. Jean de Dieu, leur fondateur,
allait tous les jours à la qnéle pour les ma-
lades, en criant : Faites bien, mes /rèrc^, pour
i'aïuour de liieu; c'est pourquoi le nom de
fatc ben, fratelli, leur est demeuré en Italie.
• — Malgré les préventions des philosophes
incrédules contre les ordres religieux en gé-
néral, ils n'ont pu s'empêcher de donner des
éloges à celui-ci. 11 semble avoir été insiitui
exprès à la naissance du protestantisme pour
démontrer contre les rét'ormaleuis l'utilité et
la nécessité des vœux monastiques. Des hotn-
mes à gages rendraient-ils des services aussi
constants, aussi généreux, aussi purs que
les frères de la Charité? et sans le vœu par
lequel ils s'y engagent, auraienV-ils le cou-
rage d'y employer toute leur vie? La préten-
due réforme, avec ses belles idées de perfec-
tion, a-t-clle trouvé un moyen de suppléer
aux bonnes œuvres pratiquées par les reli-
gieux hospitaliers ? Il est d'aulres ordres que
celui-ci, et qui rendent les mêmes services :
nous en parlerons sous leurs noms parti-
culiers. Ce n'est point la philosophie qui
les a fondés, c'est la charité cfarélienne. Voy.
HOSPITALIKBS.
Charité (Sœurs de la). Communautés de
filles instituées par saint Vincent de Paule,
avec le secours de M""^ Le Gras, pour assis-
ter les malades dans les hôpitaux et dans les
maisons particulières , visiter les prison-
niers, élever les cnf.inis trouvés, tenirles éco-
1( s pour les pauvres filles. Elles ne font que
des vœux simples et pour un temps borné ;
elles peuvcntquitterleurcongrégation quand
elles le jugent à propos. — Cet institut, l'un
des plus utiles qui ait jamais été établi , a
un grand nombre de maisons ou d'hospices
dans la seule ville de Paris, où il remplit les
divers objets de sa fondation. Il en possède à
proportion dans les autres villes du royaume,
et il a «luelqnes maisons en Allemagne et eu
Pologne ; partout ces vertueuses filles fout
bénir la mémoire des fondateurs.
On doit comprendre sous le nom de filles
delà C7i«riïï plusieurs autres congrégations
qui remplissent les mêmes funcliuns que
celle-ci, soit en France, soit ailleurs. Voy.
Ho^PiTALlÈRES.
CuAniTÉ (Dames de la). On appelle ainsi ,
dans les difl'érentes villes du royaume, les
dames pieuses qui s'assemblent pour s'oecu-
per des moyens de soulager les pauvres ,
pour recueillir les auuiônes qu'elles font uu
qu'elles procurent, et pourlcsdistribucravec
prudence.
Si l'exemple des souverains est capable de
donner du relief à une bonne œuvre , celle-
ci est devenue plus respe(-table par cette rai-
son. Tous les mois la reine tient chez elle
une assemblée de charité ; par son exemple,
et en quêtant ollc-même pour les pauvres ,
elle engage les dames de la cour à faire des
aumônes, et les remet aux curés des pa-
roisses pour en faire la distribution. — Quel-
ques précautions que l'on prenne pour met-
tre à couvert de tout reproche celte ma-
nière d'exercer 1 1 charité , il est rare que
l'on y réussisse ; souvent elle donne lieu à
des murmures. On dit que dans les recher-
ches qui se font pour c 'nnaitrc les besoins
et la conduite des pauvres, il entre de la cu-
riosité et de l'imprudince; qu'il v a delà
prédilection dans la distribution des aumôues.
821
cas.
CHA
833
que souvenl elles sont refusées à ceux qui
en sonl le plus dignes, et prodiguées à ceux
qui les rnéritenl le moins , elc. Jusqu'où ne
pousse-l-on point la Icmérilé el la malignité
des soupçons ? — C'est donc le si)rl de louli'S
les bonnes œuvres d'essuyer des censures ;
mais celles-ci ne devraient jamais partir de
la plume des philosophes , (jui se donnent
pour les défenseurs de la morale et de l'hu-
manité. Faut-il s'abstenir de faire le bien
par la crainte d'être blâmé? Non, sans doute.
Saint Pierre dit aux (idèles : Ai/ez une sage
conduileaii miiien des ennemis de la religion,
afin qite ceux mémrs qui tous peignent comme
lies malfiiiteurs, soient forcés, par l'examen de
vos honnes œuvres, à glorifier Dieu (/ Petr.
Il, 12).
CHARMKS, paroles magiqnes auxquelles
on attribue la vertu do produire des effels
merveilleux el surnaturels, (^e mot vient du
latin cnrmcn, qui signifie non-seulenient des
vers ou <ie la poésie, mais une formule de
paroles déterminées dont on ne doit pas s'é-
carter. On nommait ainsi les lois, les formu-
les des jurisronsulles , les déclarations de
guerre, les clauses d'un traité , les évoca-
tions des (liei)x, elc. Tite-Live appelle /ea;
horrendi carminis la sentence qui condam-
nai! à moit Horace, meurtrier de sa sœur.
— Le charme esl distingué de l'enchantement,
en ce (]ue celui-ci se faisait par des chants ;
mais souvenl l'on a confondu l'un avec l'au-
tre : on s'est encore servi de ces deux mots
pour exprimer un maléfice; il y a cependant
une diflérence à mettre entre ces termes :
voyez-les à leur place.
Comment a-l-on pu se persuader qu'il y a
des paroles efficaces, à la prononciation des-
quelles est attachée une vertu particulière,
et qui peuvent opérer des prodiges? 11 ne
5C! 1 à rien d'allribuer à l'ignorance des peu-
ples une erreur aussi commune; l'ignorance
ne produit rien sans une raison bonne ou
mauvaise , solide ou apparente ; il faut la
chercher , afin de ne pas confondre le vrai
avec le faux, les usages légitimes avec les
ahus. — Tous les hommes ont connu une di-
vinilé quelconque , et lui ont adressé des
prières ; ces prières, toujours conçues à peu
près en même termes, ont passé des pèresaux
enfants, et ont été relenues [lar ceux-ci avec
un senlimenl de respect. Lorsqu'un homme
a vu ses vœux exaucés et a reçu de Dieu
un bienfait qu'il avait désiré avec ardeur,
il a pu croire aisément que sa formule de
prière souvent répétée , avait eu par elle-
même la vertu d'intéresser la Divinité, el de
produire l'effet qu'il avait souhaité. Ainsi ,
l'on voit encore dans quelques familles cer-
taines prières conservées par tradition, et
auxquelles les membres de cette famiile ont
une dévotion et une confiance parlicu'.iéres,
parce qu'ils les ont reçues de leurs pères.
Cette confiance n'a rien de superslilieus
lorsquelle n'est pas excessive, et que la for-
mule ne renferme d'ailleurs aucune erreur.
— Après la naissance du poljlhéisa-.e , les
formules d'invocation devinrent plus impor-
tante* et dIus sujettes aux soperslitioas ;
celle qui était propre à tel dieu ne conve-
nait pas à un autre; chaque dieu avait sou
département et son pouvoir p irlieulicr ; il
fallait que l'invocation y fiit analogue. On
fut donc obligé de multiplier les formules, el
leur différence devint une espèce de gri-
moire. Toute personne qui crut avoir reçu
de tel dieu ce qu'elle lui avait demandé par
telle formule, s'imagina que l'efficacité de sa
prière était altaciiée aux paroles ; que si on
les changeait, la prière n'aurait aucun effet.
Le même préjugé s'introduirait encore dans
le christianisme , si l'on n'avait p.is soin de
répéter souvent au peuple la leçon que Jé-
sus-Christ nous a f.iile, savoir : que le mé-
rite de la prière dépen<l de l'alifeclion du
cœur, et non de la mullilude ou de la tour-
nure des paroles {Mittlh. vi, 7, etc.). — La
fourberie des imposteurs contribua sans
doute à confirmer l'erreur di-s païens ; un
homme qui se vaut lit de guérir les maladies
air.'cta, pour donner plus d'importance à sou
art et de i redit à ses remèdes, d'y joindre
des invocations et des conjurations , de les
exprimer en termes barbares ou dans une
lan|:uclnconnue,afin d'étonnerles ignorants.
Comme, selon la croyance du paganisme, les
biens et les niiiux, la santé et la maladie , la
prospérité et les malheurs venaient des gé-
nies, des démons bons ou mauvais , qui dis-
posaient du sort des hommes , les charla-
tans prétendirent que ces génies leur étaient
soumis , étaient forcés d'obéir à leurs con-
jurations; que, par l'entremise de ces esprits,
on pouvait guérir toutes sortes de maladies,
ou les donner aux hommes et aux animaux,
faire tomher la grêle ou la foudre , exciter
des tempêtes, etc. Ainsi s'établit chez toutes
les nations la conOaiii'e aux charmes ou aux
paroles elGcaces. Lorsque ces paroles étaient
imprimées ou gravées , on les nommait ca-
ractères; quand on les portait sur soi comme
un préservatif, c'était une amulette. [Voy. ces
termes, et le Dictionnaire des sciences occa/-
fes, éd;t. Migne.] — On sait à quel excès les
païens poussaient l'enlètemcnt sur ce point;
ils croyaient que les magiciens ou sorciers
pouvaient, par leurs conjurations, forcer la
lune à descendre du ciel :
Carniina vel caOo possDnl deducere liintra.
En effet, puisque, suivant lacroyance des phi-
losophes même, la luneétail un êtreanimé, un
génie féminin que l'on nommait Hécate ou
/>(ane, pourquoi n'aurail-ellepas été sensible
aux invocations ou aux charmes des magi-
ciennes? Pourquoi Ju[)iter, mailredu ton-
nerre, aurait-il refusé d'accorder un coup de
foudre à ceux qui avaient trouvé le secret de
lui pi lire par quelques paroles qu'il aimait à
entendre ? .Ainsi, la magie eu général, et tou-
tes ses es))èces , tenaient essentiellement au
système du polythéisme el à la philosohie
des païens. )'oy. M^gie. — Selou l'opinion
des stoïciens, les noms ne sont pas arbitrai-
res ; ils viennent de la nature, et ils ont par
eux-mêmes une certaine force. Origène avait
adopié ce sentiment des stoïciens , ou do
moins il s'en sert pour réfuter Celse ; il sou-
tient, contre ee philosophe, qu'il n'est pas
S23 CHA
indifférent de donner à Dieu 1rs noms sous
lesquels il s'est désigné lui-même dans les
livrps siiinls, ou de l'appeler Jupiter, Zcus ,
le Ciel, etc., comme f.ii^.iient les païens. 11
avait raison pour le foml , piiis(]ue çauiait
été donner lieu de confondre le vr.ii Dieu
av(C des démons imaginaires; mais il le
prouvait par un mauvais argument toujours
tiré de la pliilosophie stoïcienne : c'est que
les noms dont se servent les enihaiileurs et
les ii.agii'iens n'ont plus de venu quand on
les clian^e et qu'on les Iraduil dans uiu' au-
tre langue. Jamblique pensait de moine.
Plalon était persuadé que les noms primitifs
des choses étaient de l'invention des dieux.
(Origéne, contre Celse, I. i, n. 2'j ; 1. v, n. 45.
Noti s de Spencer). Ainsi, l'elficiciié de cer-
tains noms était un dogme philoso(ilii(|ue
dont les meilleures tètes d'Athènes etdc Kouie
élaienl prévenues.
On ne trouve rien dans l'Ecriture sainle
qui ait pu contribuer à établir celle cireur;
cous ne voyons dans l'hisloiie des palriar-
ch( s aui'Uiie formule d'invocation ni de con-
juration : chez les luifs, aucun nom n'était
sacré que Ci lui de Dieu ; cens des anges
exprimaient leur fonction. Leséciivains qui
ont avancé que les Juifs ont poussé aussi
loin que les aulre^ peuples la superstition
des charmes se sont lio.npés ; cela ne peut
élre arrivé aux Juifs que quand ils se li-
vraient à l'idolâtrie de leurs voi-iiis; on l'on
a confondu les Juifs des derniers siècles, in-
fectés des erreurs égypiiennes el chaldéen-
nes , avec les anciens Juifs instruils par
JMoïse ei par les prophètes. Il leur était sé-
vèremenl défendu par leurs lois d'avoir re-
cours aux charmes et aux enchanleinenis.
(Deul. xviii, Itj. C'est un des crimes que
l'Ecriture reproche à l'impie JM.i nasses [II
l'oral, xxxiii, Gj. Moïse, de la part de Dieu,
avait prescrit aux prêtres une formule pour
bénir le peupie (IS'um. vi, -li) ; mais elle est
conçue dans les ternies les plus simples, et
Dieu avait p omis de l'exaucer. — Par la
lu^i.ièrede riivan^ile, le monde fut désabusé
du prétendu pouvoir des divli\ilés païennes,
el apprit à n'attendre des bienfaits que de
Dieu seul. Nous savons que Jésus-Ciirist a
vaincu les puissances iiileriiales, et (]ue la
seule présence d'un chrétien a souvent stidi
pour déconcerter toutes leurs opératioiii. (ce-
pendant il s'est encore trouvé «les lioinnies
assez pervers et assez impies pour vouloir
opérer des prodiges p,ir l'intervention du dé-
mon, et se persuader (jue les esprits infer-
naux obéissaient aux cUunnes, aux invoca-
tions, aux coiijuralioiis i|ii'on leur adresse :
il y a eu ibs siecies dans les(|iK'ls celle abo-
minaiiiin n'el.iilque trop coiuiiiune. Ces pré-
tendus chariiif s i-i:in-i\l or linairemiMil un mé-
lange sacrilège liu ni. m de Dieu, des paroles
de l'Kcriiuie sainte, du signe de la c:oix,
avec des mots bari^ares, des noms de dé-
mons, etc. Plusieurs sectes d'iieiéiiiiues ont
lait prole~sion de magie ; l'Eglise n'a pas
cessé de lancer des analbèmes contre eux et
contre leurs imitateurs : c'était un reste de
paganisme qui s'est perpétué par lu malice
CHA
S2i
obstinée des hommes. On peut voir dans le
Traité des sitijerstiliuns de Thiers, i. vi, c. 1,
avec quelle sévérité les Pères de l'Eglise, les
conciles, les statuts synodaux de divers dio-
cèses, ont défendu toutes ces pratiques abo-
minables ; et dans le Dictionnaire de Juris-
prudence, les lois par lesquelles elles ont été
proscrites et punies. — Jesus-(]lirist nous a
enseigné une formule de prière, mais elle
s'adrcssi! à Dieu, el il nous avertit que l'ef-
ficariié do la prière en général liépend de
l'affection du cœur. Saint Pau! exhorte les
fidèles à prier de cœur et d'esprit, de manière
qu'ils entendent ce qu'ils disent (/ t'or. xiv,
15). Nous savons que Dieu connail nos dé-
sirs et les plus secrètes pensées de notre âme
(Ps. X, 17, etc.). Jésus-(]hrist par lui-même
a institué la forme du baptême et do l'eu-
cbaristie ; par ses apôircs le rite el les paro-
les des autres sacrements , mais il est Dieu,
il a eu le pouvoir d'attacher à ces paroles
telle vertu et telle efficacité qu'il lui a plu.
L'Eglise a institué des formules d'invocation ,
de bénédiilion, d'exorcismes, de conjura-
tion, mais elle nous avertit que leur effica-
cité vient des mérites de Jésus-Cbrist, delà
foi, de la confiance, des saintes dispositions
de ceux auxquels on les applique. Les in-
crédules , qui on! alTeclé de comparer ces
rites et ces formules aux charmes et à la
tliéiirgie des païens, n'ont fait qu'une rail-
lerie insipide, répétée d'après Celse el Julien ;
quel(|ues protestants, qui se la sont permise,
ont oublié qu'eux-mêmes se croient oliligés
à observer la forme du baptême el de la
cène que .lésus-Christ a prescrite.
De mêiiie qu'il a été i-.écessaire, dans la
société civile, d'élablir, et pour ainsi dire, de
consacrer des formules pour la validité des
contrats, des leslamenls, des procédures,
des arrêts, sans lesquelles tous ces actes
sont cens, s nuls, il a fallik au^si en instituer
dans la religion, afin de prévenir les erreurs,
les indécences et les absurdités qui pour-
raient naître de l'ignorance, de la négli-
gence ou du caprice des miuislresde l'Eglise ;
il n'y a pas plus de magie ni de superstition
dans les unes que dans les autres : l'unifor-
mité n'est pas moins nécessaire dans le culte
que dans la croyance. Vuy. Tuéuugie.
CUAHTKEUX, ordre religieux institué
par saint liruno, chanoine de lleims, l'an
10S5, et remarcjuable par l'auslérilé de sa
règle, l'-llo oblige les religieux à une solitu-
de perpétuelle, à l'.ibslinence de la viande,
même en Ciis de mala lie dangereuse ou mor-
telle, el au s.lence absolu, excepté en cer-
tain" temps mar(|uès.
Un phil()>oplie célèbre, qui ne pouvait
leur refuser des éloges, v a joint cependant
deux restrictions malignes : « C'est, dit-il, le
seul ordre ancien qui n'ait jamais eu besoin
de rél'orme ; il est |)eu nombreux, trop ri-
che, à la veri;é, pour des hommes séparés
du siècle ; mais, malgré ces riche.-ses, con-
sacrés sans relâchement au jeune, au silen-
ce, à 1,1 prière, à la solitude, tranquilles sur
la terre, au milieu de tant d'agitations dont
le bruit vient à peine jusqu'à eux, et ue con-
825
CHA
CHA
838
unissant les souverains que par les prières
où Irurs noms sont insérés. Heureux si des
vertus si pures et si persévérantes pouvaient
être utiles au monde 1 » — Jusqu'à présent
l'oi\ n'a pas accusé les Chartreux de faiie un
mauvais usape de leurs ricliesses, ni de re-
fuser du secours au iiiallicureux. Nous ne
croirons j iinais (\ue l'exemple des vertus
pures et persévérantes si>il inutile au mon-
de ; il n'est nulle part plus iiécessaiic que
dans la capitale du royaume. — Voilà donc
un ordre reli{;ieux qui depuis sept cents ans
persévère dans la ferveur de sa première in-
stitution : prouve assez convaiiicaiile de la
sagesse et de la sainteté de la rè^le qu'il
observe. C'est donc, à tort (|ue les censeurs
de la vie mon islicjue ont répété cent fois que
la prétendue perfection à UKjuelle aspirent
les rel jîieux, est incompatible avec la l'ai-
b'esse huuiainc ; que leurs fondateurs ont
été des enthousiastes imprudents; qui; la
vie du cloitre est un suicide lent et volon-
taire, etc. M. de Kancé, abbé de la Trappe,
voulut prouver que les Chnrlreux s'étaient
relâchés de l'extrême austérité qui leur était
prescrite par les constitutions dcGuigues I"',
leur cinquième général ; mais D. Innocent
JMasson, élu général en 1G75, dans une ré-
ponse à M. de Hancé, a fait voir que les pré-
tendues constilulfbns ou statuts di; (îuigues
n'ét, lient ()ue des coutumes qu'il avait com-
pilées, cl qui ne devinrent des lois que long-
temps après. — En elTet, saint Bruno ne
laissa aucune règle écrite à ses religieux.
Guigues, élu l'an 1110, mil par écrit les cou-
tumes et les usages de l'ordre ; et ce fut Ba-
sile, huitième général, élu l'an liai, qui
dressa leurs coustilutious, telles qu'elles lu-
rent approuvées par le saint-siége. Les
Chartreux ont donné à l'Eglise plusieurs
saints prélats, et un grand nombre de sujets
illusiies par leur doctrine et pir leur piété.
Leur général ne prend que le litre de prieur
lie la Grande Chartreuse. U. Pelréius , Char-
treux, a fait imprimer la Bibliothèque des écri-
vain^ de son ordre, à Cologne, en 1609, jn-S".
Bruclicr s'est aliadié à piouver, contre D.
M.ibillon, que saint Bruno, fondateur des
Chartreux, avait été disciple du fameux Bé-
renger, hérolique condamné pour avoir nié
la présence réelle de Jésus-Christ dans l'eu-
charistie. Qu'impoile le l'ail, dèj qu'il est
certain i|ue saint Bruno a réfuté expressé-
ment Bérengerdans son commentaire sur la
première Epîire de saint l'aul aux Corin-
thiens, c. 11, el qu'avant de mourir il lit la
profession de foi la plus foriiiCUe du dogme
catholique touchant la présence réelle {\'ie
des Pères et des Martyrs, tome IX, i)ag.i66).
Voilà deux faits que Bucker n'aurait pas dû
passer sous silence; mais il n'en a rien dit,
aGn de laiser soupçonner que saint Bruno
pensait probablement comme Bérenger tou-
chant l'eucharistie. [Hiit. philosoph., tom.
m, page 662).
On sait que l'histoire de la conversion
de saint Bruno, causée par la déclaration
préieadue d'un chanoine mort, qui révéla
qu'il était damné, est une fable duut plu-
sieurs critiqnes ont prouvé la fausseté, et
qui n'a élé publiée que cent cinquante ans
après la mort de saint Bruno. Son ordre
possède 17^ maisons, divisées en seize pro-
vinces ; la ferveur de ses religieux est la
même dans les divers Etats de l'Europe. Il y
en a, dit-on, 70 eu France ; l'auteur du Dic-
tionnaire f/eographique est d'avis (lu U faut
les supprimer, de peur , sans doute , que
l'exemple des vertus pures et persévérantes
de ces religieux ne devienne contagieux, et
ne prouve trop clairement l'absurdité de la
morale philosophique.
CHAlvI'UKUsES, religieuses dont l'insli-
tul est assez peu connu. O que l'on en sail,
est que le premier monastère de Chartreuses
parait avoir été fondé pendant la vie du B.
(juigucs, vicaire général de l'ordre. Il n'y
en a plus à présent que cinq monastères :
Prdmot, à deux lieues de Grenoble, fondé
l'an r2;^'j par Béatrix de RIontferrat, épouse
du dau|)hin .Vndré ; Melun, dans le Faussi-
gny en Savoie, diocèse de (ieiiôve, fondé en
12s8; Salette, sur le bord du Rhône, dans la
baroiiuio de la Tour, fonde i)ar le dauphin
Humbert !'■■■, Anne son épouse, et Jean leur
lils, l'an 129S». Mjrie de Viennois leur fille
s'y lit religieuse, et en fut prieure. Gosné,
.•i u diocèse d'.Vr ras, fondé par l'évéque Thierry
Hérisson, en 1308; Bruges, fondé en iSV*.
Les Chartreuses se conformenl en toutes
choses, autant qu'il est possible, aux reli-
gieux de ce saint ordre, tant pour l'office
divin, les rites et les cérémonies de l'Eglise,
que pour les abstinences, les jeûnes, le si-
lence el les autres austérités, excepté qu'el-
les mangent toujours en commun el dans un
même réfectoire. — Avant le concile de
Trente, elles faisaient profession à l'âge do
douze ans, et allaient au spaciement avec les
chartreux leurs directeurs elles convers. Le
nombre des religieuses était fixé dans cha-
que maison ; elles ne prenaient point de dot,
el ne recevaient de sujets (|u'autant que le
monastère pouvait en entretenir. A présent
elles reçoivent des dots , ne sortent point
de leur clôture pour aller au spaciement , et
ne fout profession qu'à dix-huit ans. —
Comme 1rs Chartreux ont conservt' les an-
ciens rites de l'Eglise, les Chartreuses ont
aussi retenu l'usage de la cou.sécration des
vierges marque dans les anciens pontificaux;
elles ne la reçoivent qu'à l'âge de vingt-cinq
ans, el conservent le voile blanc jusqu'à ce
temps-là. Celte cérémonie se f,iil par l'évé-
que, qui leur donne l'étole, le mauipute et
le voile noir, en prononçant les mômes pa-
roles (]ue dans l'ordinaiion des diacres el des
sous-diacres. Elles portent ces ornemeuls le
jour de leur consécration, à leur année de
jubilé, c'est-à-dire, à la cin()uantiéme an-
née de religion, et on les enterre avec ces
mêmes oniemenls. — Les prieures el les re-
ligieuses promettent obéissance au chapitre
géiiéi al de l'ordre, et y envoient tous les ans
une nouvelle promesse de soumissiou ; les
prieures sont encore tenues d'obéir au père
vicaire qui dirige leur maison ; les siiiiples
religieuses el tes converses sont soumises à
«27
CHA
CRA
828
la prieure et au vicaire. Celui-ci vil ordinai-
rement avec qualrc ou cinq religieux, tant
prêlres que convers. — Les monaslères de
Cliarlifuses ont leurs enceintes et leurs li-
iiiiles Osées cuiimie ceux des religieux : par
les derniers st?.vuls, il est défendu aux prieu-
res et aux vicaires d'envoyer les religieux
hors de ces enceintes sans peruiissioii du
chapitre général. Par les statuts qui furent
recueillis en 13G8 par le général D. Guillau-
me Uainaldi, eu 1581 par D. Bernard Cu-
rasse, et conûrmés par le pape Innocent XI,
il est aussi défendu d'ériger de nouveaux
monastères de Chartreuses, ou d'en incor-
porer à l'ordre, sans doute parce qu'un plus
grand nombre deviendrait à charge aux re-
ligieux. — L'habit des Chartreuses est une
robe de drap blanc, une ceinture, un sca-
pulaire attaché aux deux côtés pir des ban-
des, un manteau blanc, comme ceux dis
Chartreux ; leur voile et leur guimpe sont
semblables à ceux des autres religieuses.
Elles ne parlenljamais aus séculières, niênie
à leurs proches parentes, que le voile baissé,
accompagnées de la prieure ou de quel-
qu'aulre rdigieuse. Ou a cependant moiléiè
pour elles la rigidité du silence el la solitude
des cellules.
CHASSE Voy. Rejliqces.
CHASTETÉ, vertu morale et chrétienne ,
qui consiste à réprimer el à modérer les dé-
sirs déréglés de la cliair. 11 esl dangereux de
blesser celle vertu, lorsqu'on en parle sur
un ton trop philosophique ; c'est une faute
que l'on peut reprocher aux protestants et
aux incrédules. Au mut Célibat, nous
avons cilé les paroles par lesquelles Jésus-
Christ el les apôtres oui voulu inspirer aux
chrétiens la plus haute estime pour la cJtas-
teté. Le nom même de vertu, sjnonjnie de
celui de jorcc, nous lait sentir qu'il est loua-
ble de réprimer les penchants qui m.iilrisenl
trop iaipérieuseinenl la nature : or, s'il ea
esl un dont l'empire soit redoutable, c'est
le goût des voluptés sensuelles ; puur peu
que l'on ait pour lui d'iudulgence, on eu
devient bientôt esclave.
Malgré la corruption du paganisme, les
philosophes anciens a\ aient com|iris le mé-
rite de la chasteté. Cicéron , après avoir re-
connu que le culte de la Divinité exige beau-
coup d'innoceocc el de piété, une inviola-
ble pureté de cœur et de bouche, [De A'al.
Leur., 1. Il, c. 28), rapporte un passage de
Socrat>-,bir ce philosophe compare la vie des
àaxcs chastes it celle des dieux (ï'«.<ci(/., q.
liv. 1, il" iik). Casld placent superis^ disaient
les poêles mêmes. A Hume, dans les plus
grandes solennités, on faisait marcher des
chœurs de jeunes gens de l'un el l'autre
sexe pour chaalci' les louanges des dieux ;
on présumait que la cliasleté propic à leur
âge était un mérite aux yeux de la Divinité.
Mais il faut convenir que les mœurs publi-
ques lépundalenl mal a celle persuasion.
Heureux les cœurs purs , parce qu'ils ler-
roiil Uicu (Maith. v, 8j. l'.ir ces courtes
paroles, Jésus-Cbnst a eclaue le monde,
«l l'a purifié des Ué&ordres du pagauisiuc.
Nous convenons que sur ce point l'Evangile
porte la sévérité très-loin ; qu'aux yeux d'uQ
chrétien, une pensée réflérhie, un désir, un
regard, la moindre com|ilai^ance sensuelle,
suffisent pour blesser la chasteté. Il est éton-
nant qu'une morale aussi austère ait pu
trouver non-seulemenl des auditeurs dociles
dans des siècles très-corrompus , mais des
sectateurs qui l'ont réduite en pratique sous
les climats les plus propres à y mettre obs-
tacle. — liien cependant ne prouve mieux
Il sagesse de notre divin Maître. Lorsque
les nations sont parvenues au dernier degré
(le civilisalion, la liberté el la familiarité
qui régnent entre les deux sexes pourraient
avoir les plus funestes suites, s'il n'y avait
jtas de principes de morale capables de pjo-
(luire les mêmes effets que la clôture, la ré-
serve , la vie retirée des femmes chez les
Orientaux. Il faut donc alors que la religion
suggère les précautions, excite la \igilance,
anime les efforts , écarle les dangers , dé-
fende sévèrement tout ce qui peut nuire à
la pureté des mœurs : telle a été précisé-
ment réjoque à laquelle l'Evangile a été
prêché.
On doit distinguer la chasteté d'avec la
continence-, un homme qui vil dans la con-
tinence ou hors l'état du mari;ige , peut
n'être pas cliaste , el il y a une chasteté pro-
pre à l'élal du mariage, ftlais i|uicoiique ne
s'en esl pus fait une heureuse habitude, ne
la gardera dans aucun état; ordinairement
elle coûte peu, lo:s(iu'on s'est accoutumé
de bonne heure à la respecter, et à fuir
tout eu qui peut y donner atteinte. — 11
n'est pas vrai qu.^ les éloges donnés cà a
chasteté par les Pères de l'Eglise el par
l'Evangile, inspirent du mépris ou de l'éloi-
gnemenl pour le mariage; au contraire,
personne n'a pourvu plus eflicacement à la
s.iinleié de cet état que Jésus-Christ, en
nous faisant connaître le prix de la chasteté.
Ce u'esl point la pureté du mariage qui en
éloigne les hommes , c'est sa corru|)tiou.
Nous ne ferons donc j^as un crime aux Pères
de l'Eglise d'avoir loué des vierges , qui ont
préféré la mort à la perle de leur pudeur;
ils connaissaient mieux que nos philosophes
jusqu'où il fallait pousser la rigueur des
maximes sur cet article important. — Quel-
ques-uns de ces derniers onl dit que la chas-
teté cojisislc à ne jouir des plaisirs sensuels
qu'autant que la loi naturelle le permet.
Nous n'adoptons point celte nolion. La lui
njilurelle a été très-mal connue par les phi-
losiiphes, plusieurs onl approuvé ou excusé
la lurniealion el d'autres désordres ; saint
Paul esl le premier qui ait prescrit aux per-
sonnes mariées, et à celles ()ui ne le sunt
pas, des règles sages el solides (/ Cor. vi
et Vil). — C'est donc l'Evangile qui nous a
fait connaître sur ce point la vraie loi natu-
relle. En nous enseignant que l'homme est
fait à l'image de Dieu , que son corps même
est consacré à Dieu par le baptême, qu'il est
le temple du Sainl-lisprii , et destiné à une
résurrection glorieuse, il nous a donné de
rUommc une toute autre i;lée que celle qu'en
829
CIIE
CHE
830
avaient 1:"^ philosophes; il nous a mieux fait
sentir la nécessité i!e dompter les appélits dé-
réglés du corps, cl di' les soumettre à l'ospril.
IMais quand on pense, comme la plu|)arl des
incrédules modernes, que l'homme n'est qu'un
animai, un en conclut comme cu\. qu'il est
en droit de suivre sans scrupule toutes les
inclinations de l'animalité, (t que quand il
y résiste, il résiste à la nature. Il est aisé
de voir les effets que d lit produire sur les
mœurs des nations cette doctrine détes-
table.
Par antipathie contre le célibat et contre
le va'u de continence , les protestants ont
parlé de la cliasiclé avec une espèce de mé-
pris ; ils ont tourné en ridicule les éloges
qu'en ont fait les Pères de l'Eglise. Qu'eu
est-il arrive? Hs sont devenus moins scru-
puleux sur l'adultère , et Luther lui-même
s'est exprimé sur «c point d'une manière
scandaleuse; ils ont permis le divorce pour
cause d'adultère, et ils ont donné sur ce
sujet une fausse interprétation de l'Evangile.
En second lieu , les mœurs des peuples du
Nord , <iui étaient autrefois plus pures que
celles des nalion^ du Midi, sont aujourd'hui
pour le moins aussi licencieuses ; c'est le
témoignage qu'en rendent les voyageurs.
Voilà comme le relâchenieni, sur un article
de morale, no manque jamais d'en entraîner
d'autres , et de produire les plus funestes
effets. Yoy. Célibat, Continence , Virgi-
nité.
CHASUBLE. Voy. Habits sacrés ou sa-
cerdotaux.
CHATLMENTS DE DIED. Voy. Justice
DR Dieu.
CHAZINZARIENS, hérétiques Arméniens
du vil'" siècle, ainsi nommés par Nicéphore ,
du iiot chasus, qui, dans leur langue, si-
gnifie crojx. On les a aussi nommés sUiu-
rolâlrcs, parce que de toutes les images ils
n'Iionoraient que la croix. C'étaient des
nesloriens qui admettaient deux personnes
en Jésus-Christ, et aux(iuels Nicéphore re-
proche plusieurs supcrsiilioiis , liv. xviii,
c. 5'j. Au reste, ils sont peu c;onnus , et ne
paraissent pas avoir été en griind nombre.
CHEFClEll (1) : c'est le nom d'une dignité
qui existe dans quelques chapitres d'églises
collégiales.
Les canonistes ne sont pas d'accord sur
l'origine de cette dignité. Les uns la confon-
dent avec celle de piimicier ; d'autres pré-
tendent que le chefcier ctait anciennement
celui des membies du chapitre qui avait
soin des ornements et des habits sacerdotaux
des ministres des autels. C'est le senliment
des Bénédictins. — Aujourd'hui le clicfcier
est la première dignité de quelques collé-
giales. Saint Grégoire le Grand attribue à
«ctte dignité des droits de juridiction dans
le ehœur, pour veiller à ce que le service
di\in soit fait décemment. Le chefcier a
aussi le droit d'infliger des peines aux clercs
qu'il trouve en faute; et s'ils ne changent
(1) Cet article est reproduit d'après
Liège.
'édition de
point de conduite, il les dénonce à l'évêque.
Comme c'est par l'usage particulier de
cha(|ue chapitre que les droits des dignitaires
se règlent, on ne peut marquer d'une ma-
nière précise les différents privilèges dont
les cltefciers jouissent dans les églises où ils
existent. — Plusieurs canonistes assurent
que les fonctions du chefcier consistaient
autrefois ù lever la capitation; mais ces
fonctions ne sont plus aujourd'hui attachées
à cette dignité. (Extrait du Dictionnaire de
Jurisprudence.)
CHEF DE L'EGLISE. Voy. Pape.
CHEi'iCHEUUS. Stoup, dans son Traité de
la lieiujion des Hollanduis, dit qu'il y a dans
ce pays-là des chtrclteurs qui conviennent
de la vérité de la religion de Jésus-Christ,
mais qui prétendent que cette r ligion n'est
professée dans sa pureté par aucune Eglise,
par aucune communion du christianisme;
on coiisei|uence, ils ne sont attachés à au-
cune, mais ils cherchent dans les Ecritures,
et tâchent de démêler, disent-ils, ce que les
hommes ont ajouté ou retranché à la parole
de Dieu. Stoup ajoute que ces chercheurs
sont aussi communs en Angleterre. Il doit
s'en trouver dans tous les pays où l'incré-
dulité n'a pas encore fait les derniers pro-
grès. Quant aux incrédules décidés, ils ne
cherchent plus la vérité, ils ne s'en soucient
jilus, ils craignent même de la trouver. Ter-
tullien disait aux chercheurs de son temps :
« Nous n'avons plus besoin de curiosité
après Jésus-Christ, ni de recherches après
l'Evangile Cherchons, à la bonne heure,
inais dans l'Eglise, dans l'école de Jesus-
Clirist; un des articles de notre foi est que l'on
•ne peut trouver que des erreurs hors de
là.» {De Prœscript. hceret.) — Saint Paul a
pris le nom de chercheur dans un sens diffé-
rent (/ Cor. 1,20) : Où est le sarje, dit-il, où est
le scribe , où est le ciiEncHEvR de ce siècle?
Il [laraît que l'Apotre entendait |)ar là Ceux
d'entre les Juifs qui cherchaient dans l'Ecri-
ture des sens mystiques et cachés, mais qui
n'y trouvaient que des rêveries, couiuie ont
fait la plupart des docteurs juifs.
CHEltUBIN, esprit céleste, ange du second
ordre de l.i première hiérarchie. Les com-
uientaleurs ne sont |)as d'accor.l surli vraie
signilicalion du mol hébreu chérub, au pluriel
chérubiin. Les uns disent qu'il vient du chal-
déen charab, laboureur ou graveur ; chérubim
signifierait donc simplement des gravures
ou des figures. D'autres disent qu'il signifie
fort ci puissant, ei ils citent Ezéchiel , qui
dit au roi de Tyr : Tu cherub tinctus, voa&
êtes un roi puissant. Quelques-uns préten-
dent que chez les Egyptiens cherub était une
figure symbolique , couverte d'yeux, et qui
a^ait des ail.s, emblème de la («iéte et de la
religion. D'autres pensent que chérubim si-
gnifie en hébreu, comme des enfants; de là
les peintres représentent les chérubins
par des têtes d'enfants, avec des ailes de
couleur de feu. Plusieurs enfin ont cru que
chérub signifie une nuée; que quand l'Ecri-
tuic peint Dieu assis surles chérubins comme
sur un char, elle entend les nuées.
851
cm
CHl
85?
La Ogarp des chérubins n'est pas mieax
connue (lue le sens de leur nom. Selon Jo-
sèplie (Aniiq. Jiul , liv. m . c. C ), les clic'ru-
6i/(s qui couvraif iil l'iinhe élaienl des ani-
maux ailos qui n'appiochaienl d'aucune
flgure qui nous soit ronnue. Ezéchiel
parle de c/iéiulilns qui .'vaienl la figure de
riiouime, du bœuf, du lion, de l'aiite; n)ais
rasseiiil)laieiii-ils (outi s ces figures en une
seule? \lllalpand le croit ainsi, mi s cela
n'est pas ceriain. Saint Jean i Apoc. iv )
nomme les cliérubins des animaux sans en
déterminer la forme. — Par ces synib )lcs ,
les écrivains sacrés ont sans iloule voulu
donner aux Hébreux une idée de lintelli-
gence, de la lori <•, de la célérité avec les-
quelles les esprils célesles exéculenl les or-
dres de Dieu. ïhrodoret et d'autres ont
pensé que le chérubin placé à l'enliéo du
paradis terrestre, après qu'Adam el Eve eii
eurent été chassés, élait une figure effrayante
el lerrille; idusieurs croient que c'élail une
nuée mêlée de flammes , ou un mur de feu,
qui fermait à nos premiers parents lenlrée
du paradis.
CHÉKUBIQUE , nom d'une hymne de la
liturgie des (îrecs, dans laquelle il est fait
meniion des chérubins. On la récite pendant
que l'on transporte le pain et le vin du petit
autel ou de la prothèse, à l'aulel du sacrifice;
on croit qu'elle fut instituée du temps de
l'empereur Ju~(inien.
CHILIaSTES. Yoy. Millénaires
CHINE. Ceux d'entre les philosophes de
nos jours qui se sont fait une éluile de con-
tredire en loiilcs choses l'histoire sainte, ont
cru trouver à la Chine des monumeiiis pro-
pres à ébranler noire croyance ; mais la plu-
part des faits qu'ils ont avances se trouvent
faux.
1° Ils ont dit que l'histoire de la Chimie re-
monte plus haut que le déluge, duquel elle
ne fait aucune mention, qu'elle va même
plus loin (|ue l'époque de la création; (pie
celle histoire est cependant Irès-authenliiiuc;
rédigée par des écrivains puldics el coiUern-
porains des événemenis, qu'elle est fondée
sur des observations aslronomiijues et sur
le calcul des éclipses, dont l'une a été ob-
servée 'Ii'.i6 ans avant noire ère. — La vé-
rité est (]ue le premier compilateur de l'Iiis-
loire (hiiiuise est Conlui ius, qui a vécu 5j0
ans seulement avant Jésus-l^hrist, el que les
Chinois n'ont aucun livre plus ai.cieii. Ce
philosoplie n'a pu renioiiler plus haut qu à
deux cents ans avant lui, par des dates rer-
laines; et ju.s()u'à présenties savants n'ont
pas encore [lu s'accorder sur l'année ou sur
le siècle dans lequel il faut placer l'éclifise si
ancienne dont on nous parle, iarla manière
dont Confuciu. en lail inenlion, l'on ih; peut
pas seulement savoir si c'était une éclipse de
soleil ou de lune. Ce sonl les historiens pos-
térieurs à Coiifucius qui ont entrepris de
remonter plus haut cjue lui, et de fixer des
daie» qu'il n'avait pas pu delerminer. Plus ils
sonl récents, plus ils ont eu l'ambilion de
reuioiiter loin dans rélcrnité, el jamais ils
De se sont accordes sur leurs systèmes chro-
nologiques. 11 est encore certain que l'his-
toire chinoise fait mention d'un déluge dont
elle ne fixe pas la date. — Dans les Mémoires
de l'Académie de,< Inscriptions, tome LXV,
in-l-2, pag. 305, M. de Guignes, après avoir
examiné sans préjugé l'ancienne histoire
chinoise, a jugé qu'elle n'est ni certaine, ni
aullieiilique; qu'elle ne peut nous donner des
noiions exactes de l'éiat dans lequel élait
celle iialion dans les temps voisins de sa for-
iiialion. Elle ne renferme aucune remarque
do géographie ni de chronologie, elle est
sans suite et sans liaison-. Le savant acadé-
micien est bien revenu île l'enthousiasme que
Mil. Fouriiiontel Fréret avaient conçu pour
les annales cliinoises; on doit regretter les
efforts qu'ils ont fiils pour concilier ces
monuments avec la chronologie de l'histoire
suinte (Ij.
2° Nos ph losophes ont assuré que la reli-
gion des Cliinois est le théisme pur, sans
aucun mélange de fables ni de superslil'ioiis.
Mais il est prouv ■, d'une manière iucoiites-
laljle, que le prélendu théisme des t^iiinois
ne subsiste plus que dans leurs anciens li-
vres, il qu'il y (Si déjà défiguré par un culte
religieux rendu aux esprits et aux âmes des
(1) Les aiinsles cliinoises (ini éié de noire temps
l'oljjet d'iiiie élude spéciiile. On les avait regaidées
con.iiie une, olijectiDii iiiéluiable contre les livies de
Moise. Le savant G.iquet assurait, dans le ileniier siè-
cle, ipie < jusipi'à 2u() ans avanl Jésiis-t.lirisl, leur
I liisinin; ne niériialt aucune cinyance. > bans éiie
aussi ailiiiiiatils . les savants de noire siècle ont dé-
inonné ipie, quolifue les annales ciiluoiscs di^'iits du
CO.'ili.iiice leniiinlent à uin; as^ez liante aiilii|nilé,
elles n'ont eepeiidant nen de lomiiclable (lOir notre
loi. Voici les conclusions ipie Mgr Wiseiiian Inedes
derniers travaux des savanis sur les antiquités clii-
llnifS.
< l>a (Iliiiie possède une litiérature originale, d'une
grande ai)iii|uité , el (iréiend éire la pieiiiière , la
principale nation dti gtolie. .Sous savons tous aussi
qu'elle l'ait reinoiiter ses annales ù une :iiitii|ui:c
vraiment lorinidalile ; et vous vous alleiidez penl-
étre à me voir examiner ses prétentions avec autant
d'atteiilion (|ue j'en ai mis à véiilier celles de sa ri
val'' dans l'ind'. h', me eoiilenterai toutefois de vouf
exposer, en peu de mois, les conclusions auxipiello;
Klapidtli est arrivé par l'élnde de ses éerivains, qu'il
a prjncipaleiiieiil appiufondis ; et je puis vous assu-
rer (|ue vous aurez la décision d'un juge qui n'est
nullement di^po^é à seconder nos désirs en dépré-
ciaal la gloire des Chinois.
( U'aprcn lui (Iniie, lu plus ancien liislorien de la
Cliiiie II son célèbie pliilusoplie cl niiir diste Coii-
hicius. Il a, n ns dii-nii , tracé li'S annales de sou
pays, connues sons le nom de Onoii-klng, depuis lu
luiiips de YaojiiMju'a sou propre temps. Or, on sup-
pose qu'il vivan envnoii (piaire ou cimi cents ans
avant Jésus (iiinsi , el l'ère de Yao esl placé 2,SJ7
ans avant iiutre ère. Ainsi plus de 2,0Ui) ans siifiA-
relit le premier ln^torlell des piemieis événements
qu'il rapporte. Alais celle anliquité, quelque reculée
qu'elle Un, ne sali^lit point la v.<oilé des (jliiiiois ; el
des liislor.ens plus récents oui placée d'autres réginis
avant (el u de Ya», et les ont lait reuioiner jiisipi'à
la vénérable antiquité de 5,270,800 ans avant Jésiis-
Ciii ist.
« Aliii ipie vous puissiez mieux apprécier l'aii-
tiieiiticiié des annales chinoises , je ne dui:» pas ou-
blier du vous dire que, ^UU ans après la uiorl de
8S:^
CMI
CRI
834
morts. Aujourd'hui reinperour, les lettrés et
le peuple île la Chine, sont tous livrés ;iu po-
lythéisme et à riildlâirjp, et plusieurs de ces
lettrés donnent dans l'alhéisnic. — On a
voulu faire un mérite à Confurius de ce qu'il
ne s'est pas vanté d'clre envoyé do Dieu ni
inspiré. On se Ironipe : dès qu'il s'est donné
pour rors;ane des ancien'; sages rhiiiois, c'est
conimi' s'il s'ét.iit dit descendu du ci'l. Les
Chinois portent le respect pour leurs ancêtres
jusqu',! l'adoration; ils en font comme .'.u-
tant de divinités. Confncius se vantail d'a-
voir souvent vu en songe un ancien philo-
sophe, et d'en avoir reçu des leçons; cela
vaut hien les révélations que Numa avait re-
çues de la nymphe Egérie, et iMahomet de
l'ange Gahriel. D'ailli'iirs les savants ilispu-
Icnt pour savoir si Confncius a supposé un
Dieu ; (■ommei\t se serait-il dit envoyé de
Dieu? « La religion chinoise, dit M. de Gui-
gnes, prise en général, diffère peu des auires
religions païennes ; ni'.i' foule de divinités
président au ciel, à la terre, aux éléments,
aux tonneries, aux vrnt<, aux pluies, aux
montagnes, aux rivières, cl A lonles les par-
ties de la nalnrc. Toutes ces divinités, dont
on vent adoucir l'idée en ne les nommanl
que des esprits, sont subordonnées à la pre-
mière, qui récompense les bons et punit les
méchants, et qui voit tout ce qui se passe
dans l'univers. » {.Mémoires rie l'Académie des
Jnscripiio)is, tom. LXXVII, »/i-12, p. 304.)
IMosheitn et lirucker pensent que le système
philosophique qni sert de base à la religion
chinoise n'est autre chose que l'incien stoï-
cisme, et que leur Dieu prélen-lu suprême
est l'âme du monde, de laiinolle sont ^oïlis
par écnanation les esprits moteurs de la na-
ture et les âmes humaines. C'est aussi le sen-
timent de plusieurs philosophes indiens {lfi<l.
crit. philns., t. VI, p. 886 et 888). Ce système
a dû entraîner nécessairement les lettrés chi-
nois dans l'idolâtrie. Voi/. Ame du -:onde.
— Mais outre cette secte principale, il y en
a encore deux aulies à la CTïhc, celle de
Lnhio-Kiun. dont les disciples admettent un
dieu matériel cl d'autres divinités inférieu-
res, et pensent que l'âme périt avec le cor|is.
Ils croient aux augures, à la divination,
rendent un culte aux morts, et donnent dans
Confiioiiis, l'eiiipereiir Clii-Honng-Ti , de l;i dvii.isiie
de Tsiii, proscrivit les ouvrages de ce pliilosuplie ,
el orilornia que lonles les cnpies en fussent doiiiii-
les. IjC Cliou-King eepeiidnnl lut, sous h ilynaslie
suivanie des Han, récrit sous la dictée d'un vieillard
qui l'avait retenu de méinnire. Telle est l'origine de
la science liistorique en Chine ; et, en dépil de Inule
1:1 vénération du- au grand mtiralistede l'Orient, et
quoiqu'd afiiruie n'avoir écrit que d'après des niaié-
riaux déjà existants , Klaprotli n'hésite pas à nier
l'existence de lome cirtiiude liislorique d:uis le cé-
leste empire , aniéneuremeut à l'année 78-2 avant
Jésu<-(;iirisi, vers l'époque de la loudaiion de Uouie,
et alors que la lilléraluieihébrainne était déjà sur
son déclin (a) t.
fa) Atvid Récnusat panît disposé à accorder que rti'sliire
des Chinois renioiite à l'an 2,200 avant .1.-1'., et lems Ir.i-
(hlions pliiiisitiles il l'au 2,6,17. Cette anti |uilé mèroe n'a
rien de lorniidable pour la loi du clirélieri. — Notiveuiix
Mélanges asiatiques, tom. I, p. 6t. Paris, 1829.
toutes sortes de superstitions. Une troisième
secte est celle de /•'» ou Fo('. qui a pour au-
teur un philosophe indien de ce nnu; ses
partisans adorent trois idoles monstrueuses,
en placent encore d'autres plus petites dans
les pagodes et sur les grands chemins, et en
ont tous dans leurs maisons. Celte secte, qui
est celle du iieuple, entretient des milliers de
bonzes, espèces de moines qui vivent en
commun et dans le célibat, sont fort inté-
ressés, vicieux el méprisés. On trouve même
à la Chine des adorateurs du grand Lama,
qui demeure à lîaranlola dans le Thibet. —
Il n'i si doue pas vr.ii que la religion de l'em-
pereur el des lettrés chinois soit le déisme ou
la reliirion naturelle, lommcon l'assure dans
le Dictionnaire (jéoqrnphique ; il est constant,
au contraire, que la religion enseignée dans
leurs livres classiques est le stoïcisme, par
conséquent le culte de l'âme du monde,
ajouté au polythéisme et A l'idolâtrie, tels
que les pratiquaient les Grecs et les Ro-
mains ; que dans la pratique, l'empereur et
les leUrés adorent Fo el Poussa, et sont Irès-
siiperstitieux : c'est un fait attesté dans les
non\eaux Mcmoires des niissiotinnires de
Pékin.
3" Les lois morales de Confncius, quoique
l'on en dise, ne valent guère mieux que ses
dogmes; elles ne portent sur rien : ce philo-
sophe n'y attache que des récompenses tem-
porelles. Or, un Chinois pent-il être assez
simple pour se persiia<ler que les vertus mo-
rales ont le pouvoir de diriger la niarehe de
la nature, de produire le be.iu temps el la
pluie, l'abondance et la prospérité, de (iré-
venir les fli'anx el les malheurs"? Confucius
le dit fonne'lemenl d ins le Clion-King, p. 172.
Aussi, de toutes les leçons do morale, il n'en
est point de plus mai observées que celles de
Co: fucius ; le peuide n'est en étal ni de les
lire ni de les connaître.
C'est donc très-mal à propos que l'on nous
vanîe la morale de ce philosophe, la législa-
tion el le gouvernement des Chinois, la pros-
périté singulière de cet empire. .\près avoir
examiné ce« dilTérenls chefs, il nous paraît
quelamoraledes philosophes chinois est très-
imparfaite et vicieuse en |)ltisipurs points, el
que les moeurs publiques de la Chine sont
très-mauvaises. Il n'y a dans cet empire
aucun code de lois fixes : c'est la volonté ar-
bitraire el despotique de Truipereur qui lient
lieu de lois. Aussi, la Chine a essuyé vingt-
deux révolutions générales, et la police y est
très-défectueuse. La population excessive
que l'on y suppose vient du climat el de la
fertilité du sol. beaucoup plus (jne de la sa-
gesse du gotivernenient. lA^Chou-King, livre
classique dés Chinois, publié par .M. de Gui-
gnes, les nouveaux Mémoires de la Chine.
dressés par les mis-iionnnires de P, kin. et
que l'on a commencé à imprimer en 177C,
nou> onl enfin détrompés de tout le merveil-
leux que nos philosophes avaient publié sur
cette nation.
V'oici ce qu'en dit l'auteur du Voyage fait
aicr Ind'S et à la Chine, depuis l'année 1774
jusqu'en 1781, t. Il, I. iv, c. I : « En France,
855
CHI
les économistes, occupés de calculs sur la
subsistance des peuples, ont fait revivre
dans leurs leçons agronomiques les fables
que les missioiuiaires avaient débitées sur le
commerce et le pouverncmenl des Chinois.
Le jour auquel l'empereur descend de son
trône jusqu'à la charrue a été célébré dans
tous leurs écrits; ils ont préconisé cette vaine
cérémonie, aussi frivole que le culte rendu
îar les Grecs à Cérès, el qui n'empê. he pas
que (les milliers de Chinois ne meurent de
fjiim, ou n'exposent leurs enfants, par l'im-
|/uiss;ince où ils sont de pourvoir à leur sub-
sistance.
« Les entraves que tes Chinois mettent à
toute liaison suivie entre eux et les étran-
gers n'ont ceriainement d'autre cause que
le sentiment de leur propre faiblesse; le eou-
vernement des peuples esclaves est trop vi-
cieux pour se rendre respectable par ses
propres forces Les lois ne sont connues
que des seuls lettrés ; les charges de miinda-
rins ou magislrals s'achètent; pour plaider
à leur tribunal, il faut se ruiner : à propre-
ment parler, c'est le bâton qui gouverne la
Cldne. Les ordonnances du t^ouvernement
n'ont de force qu'aussi longtemps qu'elles
demeurent affichées; quand l'afllche n'existe
plus, on les viole impunément; avec de l'ar-
gent, l'on évite tout châtinionl. Personne
n'oseraii regarder l'empereur ; quand il passe
il fiut tourner le dos ou se prosterner. 11 est
précédé de deux mille bourreaux.
« Confucius a écrit quelques livres de mo-
rale, ad.iptés au j;énie de sa nation; c'est un
amas de visions obscures, de vieux contes
mêlés d'iin peu de philosophie. Les préten-
dues traductions de ses ouvrages ont été for-
gées par les missionnaires. Ses ouvrages,
quoique pleins d'absurdilés, sont adorés par
les Chinois. Ce philosophe ajoutait foi aux
augures el aux soris; les Chinois ne font
rien sans les avoir consultés; ils ont autant
de femmes qu'ils peuvent en nourrir. L'idée
de la iiort ne cesse pas de les tourmenter, et
les poursuit jusque dans leurs plaisirs; ils
dépenscTit des sommes excessives pour les
funérailles. Il y a plus d'un million de bonzes
d.ins l'empirequi ne vivent qucd'aumônes.et
leur chef jouit de la plus haute considération.
Un Chinois passe la moitié de sa vie à connaître
les caractères desa langue, l'autre moiliédans
son sérail; il est im[)0ssihle que les sciences
fassent du progrès à la Chine; l'empereur ne
peut se passer d'astronomes étrangers.
« Li s Chinois sont lâches, poltrons el mau-
vais guerriers, ils seront toujours vaincus
par les nations qui voudront h's atlaiiuer;
aucune de leurs \iiles ne pourrait soutenir
uiî siège de trois jours. Leur artillerie n'est
bonne (juc pour des réjouissances; leurs fu-
sils sont à mèche , et après avoir ajusté
leur coup, ils délonrncnl la tôte. Trente mille
Barmans détruisirent, il y a peu de temps,
une armée ilc cent mille Chinois. Ils sont
fripons, fiers, insolents cl lâches : dix Euro-
péens, armés seulement d'un l>âton, en fe-
raient fuir mille; el s'ils ne nous accordent
aucune liberté, c'est parce qu'ils connaissent
CHI 836
leur faiblesse. Mais l'intérêt du comip.ercc
engage les négociants européens à saçrîSsr
l'honneur de leurs nations; la cupidiié seule
peut les mettre à la merci d'un peuple aussi
méprisable par son caractère que par sou
ignorance. Ils sont exposés à des concussions
et des vexations de toute espèce, et ils les
souffrent pour exercer un commerce aussi
superflu qu'il est onéreux. »
Nous ne garantissons point tous les traits
de ce tableau, il est évidemment chargé;
plusieurs des faits avancés par l'auteur sont
l'orniellemenl contredits dans les mémoires
envoyés de Pékin. Mais si le savant acadé-
micien qui a fait le parallèle de Zoroastro,
de Confucius et de Mahomet, et l'auteur du
Diclioitnnire de Géographie, avaient consulté
ce voyageur et quelques autres monuments,
ou ils les aoraienl réfutés, ou ils se seraient
abstenus de faire l'éloge des lois et du gou-
Ternenient de la Chine. Ce que le dernier y
trouve de plus admirable, c'est que ce gou-
vernement tolère toutes les superstitions et
toutes les sectes. On n'y établit pas, dit-il,
comme ailleurs, une inquisition sur la pensée
de l'homme; les lois sur cet objet sont tolé-
rantes, parce qu'elles ont été faites, non par
les bonzes, mais par la raison. Il soutient
que la logique des Chinois est meilleure que
la nôtre, qu'elle ne leur enseigne point à er-
goter sur les mots, et à di-séquer une pen-
sée; que les logieiens chinois valent bien les
étemels dispuleurs de nos universités. — Du
moins la logique des Ciiinois ne brille pas
dans les absurdités qu'ils professent en fait
de religion el de morale; des hom iies qui
passent la moitié de leur vie à étudier les
car.ictères de leur langue, n'ont pas beau-
coup de temps de reste pour le donner à la
philosophie; il n'y a point chez eux d'écoles
publiques. Les Chinois, si tolérants, n'ont
cependant pas voulu tolérer le christianisme,
parce que c'est une religion étrangère, et
qui leur paraît nouvelle ; est-ce encore là une
preuve de la perfection de leur logique? Par
l'étal des sciences et du gouvernement à la
Chine, nous voyons ce que peut produire la
tolérance, dont nos écrivains incrédules ne
cessent de nous vanter les merveilleux effets.
M. de Guignes, mieux instruit que l'au-
teur du Diclionnaire, est persuadé que les
Chinois, soit dans les temps anciens, soit
dans les siècles plus récents, ont en)prunlé
des peujiles qui sont à l'occident de la Chine
tout ce qu'ils savent, cl (|ue c'est une pure
vanité de leur part de se l'attriliucr.
On ne i)out plus douter que le christia-
nisme n'ail pénétré à la Chine de très-bonne
heure; quelques auteurs pensent qu'il \ fut
porté par l'apôtre saint Thomas, peut-être
même par saint Barlhclemi ou par (]uelqu'un
de leurs disciples. Arnobe, qui vivait au
iv° siècle , dit que le christianisme était
établi dans les Indes , chez les Sna ou
Chinois, les Mèdes el les Perses ; mais par
le déiaut de missionnaires ou par d'autres
causes, il ne paraît pas y avoir sulsisté long-
temps. Au vu' siècle, les ncsioriens, qui
avaient porté leur religion sur la tôle de Ma-
857
cm
CHI
labardans les Indes et- dans la p;rande Tar-
taiie, priK'trèrent à la Chine et s'y élablirenl.
Ce f.iit est prouvé non-senlein-nl par le té-
moignage de plusieurs érriv.iins orientaux,
iiKiis par lin tnoniimcnt (iiii fut (iétcrré en
1625 dans la ville de Sii/an-Foii, capitale
d'une province de l.i C/ime. C était une gr.uide
pierre au haut de la(]uelie était une croix,
ensuite une longue iiiscri|3tion, parlie en ca-
ractères chinois, et partie en caraclèrci sy-
riens, majuscules, uoniniés coinmiinénient
stranghclo. Le ma^iistrat du lieu, qui crut
devoir la conserver, la fit transporter dans
un temple de lionzcs. \'A\c portait que l'an
635 de notre èr", il était arrivé à la Chine
un homme do J'a-T-itt ou de l'Occiden!, qui
avait présenté à l'empercLir des livres de la
religion qu'il venait piêrlier, et que l'.in 6 iS
l'empereur avait donné un édit en faveur du
christianisme. On y lisait ensuite les princi-
paux dogmes de la religion chrétienne, et il
était dit que cette inscription avait été faite
pour servir de monument de ci s faits, l'an
1()'J2 des Grecs, de Jésus-Christ 7S0, sous le
pontificat d'Anan-Yesou, patriarche des nés-
ioriens.
LaCroze, Beausobre et d'autres critiques
prolestants , ont trouvé bon de contester
i'authencité de ce monument, de supposer
que c'a été une fraude pieuse imaginée par
les missionnaires catholiqies en 1623, afin
de persuader aux Chinois quelechrislianisme
n'était pas une religion nouvelle chez eux,
mais anciennement établie dansleur empire.
M. de Guignes, dans une savante dissertation
sur ce sujet [Mémoires de l'Académie de't Ins-
criplions, lom. LIV, in-12, p. 295), a prouvé
la lausscléde ce soupçon , et l'authenticité de
l'inscription de Sigan-Fou, par le témoi-
gnage des annales delaC7t/n«,et de plusieurs
auteurs chinois. Il fait voir que ces auteurs
ont confon.lu les missionnaires nestoriens
avec les bonzes de Fo, et qu'ils ont désigné
sous ce nom tous les prédicateurs de reli-
gions étrangères; mais ce qu'ils en disent
se rapporte si exactement, pour le temps et
pour les circonstanciés, à l'établissement des
nestoriens à la Chine, qu'il est impossible
que le hasardait pu produire cette confor-
mité. Il prouve aussi, par le témoignage îles
vo ageurs, qu'il y avait encore de ci'S chré-
tiens nestoriens à la Chine d;ins les xu»
cl xiu" sièilcs, niais qu'alors leur religion
était fort altérée et défigurée parnn mélange
de mahomélisme, tellement (]ue quand les
Portugais arrivèrent à la Chine, en 1317, ils
n'y trouvèrent plus aucun vestige du chris-
tianisme. Le savant Assemani, de sou côté,
a produit plusieurs autres preuves de I'au-
thencité et lie la vérité de l'inscription trou-
vée à Sigan-Fou (Biblioth. orient., t. IV, c.
9, ^' 6). Le jugement de ces savants est d'un
tout autre poiils que les vaines <:onjeclares
des crriiques prolestants.
Ce lut en 1580 que les Pères Iloger et
Kicci, Liif^isiounairos jé'iuiîes, entrèrent à la
Chine, et tfois ans après ils obiinri'nt la per-
mission de s'y établir. Dans l'espace d'un
siècle la religion chrétienne y lit tant de
D58
progrès qu'en 1715 il y avait dans cet empire
plus de trois cents éj;lises, et au moins trois
ecni mille chrétiens. Mais en 1722, l'empe-
reur Yong-Tching publia un édit contre le
christianisme, résolut de rexlerminer. et fit
exercer contre les chrétiens une sanglante
persécntiiin. En 1731, tous les missionnaires
furent h.innis à Maeao : depuis 1733, on ne
permet plus à aueun étranger de pénétrer
d ins l'intérieur de la Chine, et les prédica-
teurs qui ont été découverts, ont été mis à
mort. Les jésuites, que l'empereur a gardés
à^ la cour, en qualité de mathématiciens ,
n'ont pas l.i permission d'exercer les fonc-
tions de missionnaires. Cependant, depuis l'an
1753,1a persécution paraît ralentie; il leur
est permis d'assister les chrétiens qui s'y
trouvent encore ; ils ont demandé au gou-
vernement français des successeurs, dans
l'espérance d'obtenir peu à peu plus de li-
berté de faire des prosélytes. On prétend
qu'actuellement il y a déjà plus de soixante
mille chrétiens dans cet empire. — Malheu-
reusement, au commencement de ce siècle,
il s'éleva une contestation entre les Jésuites
de la Chine et les tnissioanaires des autres
ordres religieux. Il s'agissait de savoir s'il y
avait de la superstition et de l'idolâtrie dans
les honneurs que les Chinois rendaient à
Confucius el à leurs ancêtres, honneurs ac-
compagnés d'offrandes, d'invocations, de
parl'u:ns, etc. Eu 1704, Clément XI con-
damna ces riteschinois commesuperstitieax
et idolâtriques ; en 17i2, Henoît XIV con-
firma ce décret par sa bulle Ex quo stngu-
/(»■/.• depuis ce temps-là les missionnaires
ont interdit ces rites à leurs prosélytes.
Mais ct'tte dispute, trop animée de part et
d'autre, a nui beaucoup aux intérêts du
christianisme. — Outre cet obstacle acci-
dentel e t passager, il y en a d'autres qui re-
larderont toujours les progrès de la religion
chrétienne dans cette partie du monde. La
corruption des maurs populaires de cet em-
pire, l'attachement opiniâtre des Chinois à
leurs usages, attachement cimenté par le culte
religieux qu'ils rendent à leurs ancêtres;
leur vanité, qui leur persuade qu'ils sont le
peuple le plus parfait de l'univers ; l'orgueil,
l'ambition, la jalousie des lettrés, qui sout
seuls en possession de l'enseignement, dont
les uns sont athées, les autres idolâtres et
superstitieux ; le despotisme de l'empereur,
qui est le chef suprême et l'arbitre de la re-
ligion aussi bien qu(! des lois, sont autant
d'obstacles qui rendent les conversions très-
dilficiles. Les Chinois méprirent les étran-
gers, les craignent et les haïssent. Mallieii-
reiiseineni les navigateurs desdifférentesna-
tioiis européennes qui ont séjourné à la
Chine, ne s'y sont pas comportés de manière
à gagner la confiance et l'affection des habi-
tants du pays; et cette condui ■ n'a pas peu
contribué à indisposer les Chinois contre
le christianisme. Ils auraient moins de
répugnance à écouter des missionnaires na-
tionaux quedes ;!rang,>rs.
Si nos philosophes incrédules étaient véri-
tablement auiis de l'humauité, ils auraieut
m
cm
CHOE
840
Jéploré comme nous le bannissement des
missionnairos de la Chine; au rontraire, ils
en ont triomphé : il« en ont pris occasion de
rendre odieux le chrisiianisin- même, aussi
bien que ceux qui le prêchent. Ils ont dit
que les empereurs delà Chine oni proscrit
cette relig;ionà c;iuse dp son intolérance, ou
du droit que ses ministres s'attribuent l'e
forcer les peuples à l'embrasser; à cause de
l'indépendance dans laquelle ils veulent être
à l'égard de la puissance temporelle; à cause
de leur caractère séilitieuv et lurbuleiil;à
cause enfin du torique le célibat fait à la po-
pulation. Il n'est pas possible de calomnier
d'une manière plus noire. — Dans les mé-
moires présentés à l'empereur de la Chine
par les mandarins, contre le christianisme,
ils n'ont fait aucun de ces reproches aux
missionnaires ; ils ont seulement représenté
que cette religion est nouvelh' et étrangè-
re dans l'empire, quelle n'admet ni Divi-
nité, ni esprit, ni amélres. L'ttres édifiantes,
tome XXIX, pag. 217 ; tome XX\, pag. 156.
On voit par là ce qui est encore prouvé
d'ailleurs, que les lettrés chinais l'ont aller
de pair le culte des esprits et des ancêtres
avec le culte de la Divinité, et il est fort dou-
teux s'ils admettent d'autre Divinité que les
esprits qui président aux dilTérentes parties
de la nature. La lecture du Cliou-King, qui
est leur livre classique, ne nous montre chez
eux point d'autre croyance que celle des
anciens polythéistes. — Quand le irénie des
missionnaires serait tel que les incrédules
le représentent, ont-ils été a-si z imprudents
pour le faire connaître, pour [irêcher l'into-
lérance, l'indépendance, la .■-édition et la ré-
volte contre un gouvernemenl absolu et des-
potique? Une accusation aussi atroce ne
doit point être hasardée sans preuve; les
incrédules ne peuvent en alléguer aucune.
D'un côté, ils rrj)rorhenl au clii istianisme de
favoriser le despotisme des princes et l'es-
clavage des peuples; de l'autre, ils prélen-
doiit qu'un empereur despote a redouté les
principes et la morale de cette religion : ce
sont deux accusations contraiiicloires.
Une autre absurdilé est de penser (|ue les
Chinois, qui font périr chaque année plus
de trente mille enfants, ont craint que le
christianisme ne nuisît à la population;
qu'ils redoutent le célibat, pendant qu'il se
trouve à la Chine des millions de bonzes qui
vi>entdansle célibat. V.n général, le gou-
vernement cliinois craint plus l'accroisse-
nienl de la population que sa diminution.
Yoy. Mission (1),
(I) i'uiir coinpiéler cet article, nous avons besoin
du (iDiiiior une idée de U reli^inn cliinoise d.iiis ses
ra|i|iorts aNec nos croyances. Dans la liédemplion
annoncée par les Iradiiions (Vuy. Démonst. ih'unj.,
édit. MIgne), Schiniu inuiitic (pi'il y a un (;r.iij(l
iioinlire de croynncrs (|in vienne il de la révclulioii
primitive. Il s-iail en ifl'et it .iiianl qu'un peuple
qui rcniiinlc bi liant n'cùi rien lunserve di: la loi de
nos premiers pari'iils. Voici l'exposiiion deSclimiU :
1. Crûyance$ des Cliinok.
« Oulre une morale exccllenlc, (es fragments el
les livres canonijiies des Ciimiis uiTiejit (.es traces
renianp ables de vérités recelées. Au milieu do la-
CHIROTONIE. Voi/pz Impositiondesmains.
CHOEUR, dans nos églises, est un espace
blés incnliércnles , nous lisons que Tao cré.i le ciel
cl la terre , etcoimiie Tao s'gnille trois personnes
dans une, ces ouvrages <li>enl ipie l'une lira l'iiiiivcrs
du néaiil , que l'aiiire sépara les êires conloiidus
dans le chans, (|ue la troisième fil le jour el la nuit.
I On y trouve la créalii'ii derinmimo, formé avec
de la terre jaune. On y trouve un pirailis l.rreslre,
placé à la pnrie du ciel fermoi' à .-es hal)itanls , ar-
rosé par qu.ilre fleuves ipii jaillissent d'une source
jaune (le jaune est la couleur saciée des Cliinois).
On le I onime le Jardin, donl la vue et l'entrée sont
éjjalemenl iiilerdiles, mais d'où la vie s'est répan-
due. On y trouve un arbre , duquel elle s'est , i our
ainsi dire, détachée comme son l'ruil naturel : on
trouve encore la descriplion d'un à;;e d'or. < Le dé-ir
immodéré de la scieiae, observe Huinaulsee, a perdu
le genre Irumaiii. »
< t'n anrien proverbe dit : « Il ne faut pas écou-
ter les discours de la leiiime. i La glose ajouie :
« Car la lemiiie a clé la sonr> e el la racine du mal. >
f Après la dégr.id ilinn de rimmine, dii Lopi, les
animaux, les oiseaux , les insectes ei les serpents
commencèrent à l'envi à lui faire la guerro. Après
que l'homme eut acquis la se e;ice, toutes les créa-
tures lurent ses euueuiis. En moins de imis mi de
cinq liciiies, cuntiiiiie Lopi, le ciel cliangea et l'hom-
me ne lui plus le même, i
I Ouaiid rinnncence eut été perdue, dit Hoinant-
see, parut la miséricorde. »
II. Emblèmes el dogmes divers.
f De pieux mi-sionnaires oui cru reconnaître les
mysières les [ilns élevés du clirislianisine dans l'é-
crilure ji(jiirée des Chinois. A:nsi, relalivenient au
signe qui indique uuèire dont on attend la presance,
et qui retrace un nuage auquel un enfant se irouve
suspendu, le Père Liltol se rappelle la parole du pro-
phète Isaie : Et nubes pluiint jvsttini. Cibot voit le
lédeinpteiir , te .Messie , dans plusieurs semblaides
ligures ; un signe antique , iiiconipréliensitile pour
les tiiinois modernes , inexplicable pour les anciens
auteurs , lui repréAcnie même la cliule du premier
liomiiic : c'est un arbre sous lequel sont placées deux
persuniies, et, au-ilessns , la léle d'un démon. — A
l'exemple de l'autel que l'aptilie saint Paul trouva ,
à Alliéiies , avec celle inscription ; Ignuto Ueo , ces
enililèmes religieux pouvaient , soit dans le cours
d'une prédication, soit même dans une simple con-
versation avec des Chiiioi-, fournir à un pieux
nii-sioiinaire l'occasion de |iiép.iri r la voie au.x vé-
rités de l'Lvangile. 11 est pos-ible que le ilernier si-
gne ail réelleiiienl le sens ipie lui attriline Cibnt
{iléni'iics concernant les Cliinois) \ car, bien cei-
taineinent , la ilo'trine liérediiaire de notre pre-
iniéie cliuie dut se conseiver longlemps au sein de
la race séparée, de laquelle sont issus les Chinois
actuels; mais les plus ancJeii'. écilvains de eu pays
étaient déjà éirangers à celle inlerprétatiuii. On nu
saurait ineci>:inailre mm plus rimpuriancu du trian-
gle equilaiéial (|ue le l'ère Cibot regarde comme le
symbole de Vvnilé. D'après le lÉietioniiaire ( imiposu
par l'empereur kaiighi, il indique aussi conjonction.
Un livre , pariieuieiement estimé des Cliinois, dit :
< Le triangle signiiiu Mois , iiintondus eu un. > Une
savante explication des plus anciens caractères ,
Lieululsing, s'c.vprime ainsi sur ce snjel : i Lelrian-
gleesi l'emblème d'une secrète conjuncliun, de l'Iiar-
ninnie , premier bien de l'Iioninie , du ciel il de la
terre. C'est la conjonction des trois Ts-ai (Tsai , dit
Ko, iuuiipie le iiincipe géi ératcur , le pou-
voir, la science dans Tao). Iléunis ei siuiuliané-
nient , ils gouvernent, crée .t ei souiienneul ce cpii
est créé. > — Un aiiiru livre dit : « Anlielols l'ein-
peieur otlrail, lous les trois ans, un saeritice soluu-
ncl a t'esprit de conjuncliun et d'unité. » — « Oc
841
CtlOË
cnoE
S4-2
siliK' ou derrièio l'autel, ou onlrcl'aulel el
In ucf, (i.Tiis l('<i«cl est placé le cicrijé [loiir
chauler l'ollke ilivii. Dans la i luparl dos
églises d'Italie, le chœur est placé derrière
Conii;iit en Kiirope, r:i|ii)ortt> Ko. le fimoiix lexle de
l/iol-ec : 'i.w esl iiti , de sa iiilnic; le pieiiiii-r en-
gendra le sei'iiiid; les deux 1 loiiiins (Mil firodiiillo
trciisième; les nuis ont lail lonles clnises. > — Vnicl
comme !)'e\|iiiîiiail, relaii\emeiil a l'origine de l'u-
iiiveis , le |ilii!ii-0|ilii' l.ilankiiim , pins ancien gne
Cordiicliis : < La loi ou 1 1 taiMiii |iri>(lnisjl l'un ; ce-
lui-ci piodiH^il deuv ; les (it:n\ prodnjsiienl Irois ;
les tiois prnddisireni Imilesclin.ses. > Ceili" srnleiicf,
au lénioiyiiage de Coup el , esl encore répéiée par
les seclairurs de sou école. — Snivam un texle dif-
férent : ( Celui i|ui, pour ainsi dire, est visible, sans
iiéaniiinins cire vu , s'appelle lUii. Celui <|ue l'on
peut inleiidrc, q'ioii|u'il ne parle point aux oiedies,
se nomme lli. Celui qui se laisse , pour ainsi dire,
sentir, bien qu'il se dérobe au louelier, s'aiipidio
Lri. V.n vain iiilerrogez-vous vus sens sur la nature
de I es trois cires , la raison seule peut vous eu in-
s'rnire, el, ce qu'elle vous apprend , c'est qu'ils ne
lurmeiil (|ii'un , au-dessus (liii|iiel ne brilb' am une
lumière, au-iless>ius duquel ncxisient auennes lénè-
bro'^. Il est éternel. Ancnn nom ne saiirail lui cire
.illribuc ; il ne res enible à aucune de toiit.-s les
cliiises qui nous enl'iiueiil. C'est une ligire sans
t'oruie, une loi me sans matière. Sa Ininieie esl en-
veloppée de léiiebies. Elevez-vous les y.-ux , vous ne
voyiZ pa^ son Cdinmeiicemeni. Le suivez-vous, vous
n'en lionvtz pas la iiii. l'ar cela seul i|u'ilesl le'l'ao
de tous les siècles , jugez (pielle est sa iiaïuie. Si-
voli' (|u'il esi éieruel , voilà le comiiieiiceiuent de la
sagesse, i
< Je suis entré deux fois, dit un missionnaire, dans
les pagodes ou les temples cbinois. Dans la première
cour ou dans la première partie, se présentent trois
graniles statues po>ées per|ieniliciil:iiiemenl el qui
représentent trois boinincs ; cliaipie siaiiii' porte un
sceplie A la main ; celle de droite isl élevée sur un
lion ; celle de gauclie sur un éiépli ml : ces trois
persu.iiies, lepemlani, à ce que préteiidcin les bon-
zes, ne fornien! i|:i'uii seul Dieu. >
III. Allégorie du Messie.
I Les livres canoniques de la Cliine cnntioiini'iit
une al.égorie frappante du Messie. Connue les t;iic
nois n'ont rien pu emprunter à Isaîe, il |iar.'it 'lu'ils
lieiinenl de Mo, leur aiitiMir, l'idée de Ja rédemption ;
car leurs ancêtres savaient, aussi bien (jue les an-
ciens Toscans, iprune vierge cnnoevrail, qu'elle en-
lanlera l le Saint des saints; mais assniément celle
prupliétie, béiédiiaire clie/. les enlants de Sein, lut
aussi mal coinpri^e en Cliine qu'elle lut mal Iniei-
prélée par les desieiid.iiils de Japliel, en Italie :
dans ces deux légions, elle ilonna lieu au nié. ne abus.
De ineciii; que Viigile, à l'egird <lii li!s de roliion ,
les Chiuiiis laisaienl nailri; d'une vioige c laeuii de
leurs iiersonnag.'s les plus nuii.iiqualilos ; lontelois,
malgré cet abus, ce peuple égaie c.nei vait, avec
loiile sa piireié, la itiidilion (|ue lo Siiiii des siiiuls
liai i-.ut un jour dans un pays situé à l'oecideiit d.' la
Cbine. Ou sail qur Colll'uelu^, aniérienr de cinq cent
cini|uanie et un ansà Jésus-Clirisl, objei d'aiileuis de
la plii^ Imite vénération cl.ez les, Cliiimis , avait pré-
dit < (lu'à l'Occident apparaî riit le Seigneur, i l.on-
lueius n'était point un prophète : il conlii niait seu-
leiiieiil la irailitioii orale et é<'iitcde la iny lé. iense
doctrine par laquelle les bvies caiioniipies cliinois et
leurs interprètes classiques ilésigiiaieni le Saint des
saints d'une manèie pusiiive et rec jinaissalile. Ils
enteiiilent jiar le Saint des sai.iis : « Celui >pil sait
toui, qui voil tout, dont toutes les paroles liistriii-
seul, dont toutes les pensées sent vraies ; celui qui
D.CT. DE ThÉOL. B0GM4TH}UK. I,
l'autel, et alors coltii-ci se trouve rapproché
(le l'assenililéo du peuple ; c'est ce que l'on
uomtni' tiHlel à la romaine. E:i [■'ratice, le
chœur est orditiairetneiit situé entre l'autel
est célesle et mirarnlenx, dont la sagesse n'a point
de bornes, :iux yeux diiipiel l'avenir iiitier est sau.î
voiles, dont cliaqiie parole os! efiii aei'. Il est un avec
le Tie.i (Dieu), et, suis b; Tien, lo monde ne pour-
rait le reeonn ûire; lui se«l peiii o|)'r.r un iioloeaii'le
digne de l.i niajeslé dn Se liaiilzli (Den, souverain du
ciel). Les peuples riieiideiil, dit Mentius, disciple
di- Ciinluciiis,. comme les plaines llélries aliendenlla
rosée. I
« Le livre Tscbong-Jong, nu le juste iivlieu, com-
posé s un doute par un disciple du ce èhre i;oiirii-
cius, (ilTie quel pics pissages qui ont diieetenicnt
Irait au Iniiir .Messie, i Comb en soin sublimes les
VO'Cs du Saint des saints! sa vertu embrassera l'u-
nivers enler; il inculquera à tout une nouvelle vie
el une nouvelle force, et s'élèvera jusqu'au lieu
(c'e;.l-à-dire jusqu'au ciel). Quelle immense carrière
s'ouviira pour nous ! Combien de lois et de devoirs
nouveaux ! Que de rites imijesluenx et de solennités !
Mais, couimeiil les observer, s'il n'en tloi.iie lui-
iiiéine l'exemple? Sa présence peut seoli; en prépa-
rer, eu faciliter l'aecoinplissemenl. De l.i vient cet
a lage de ions les siècb s : Les voies de la perleclioa
ne Seront rréqneiiiment paicourues, qu'.ilors que le
Sailli d.s saints les aura consacrées en y iiupriiiiaut
Ses pas. Les peu les se prostenioroiit vievani lui ; eu
le voyant, en l'écoiitaiil, ils seront convainci s, el
tous enseuible l 'auront iliis qu'une voix pour clianter
seslouaoges. L'univers reteniira du bru t di!So i nom,
sera rempli de sa maguilicence. La Cbine verra les
rayons de sa gloire parvenir jusqu'à elle ; ils péiié-
treroul cliez les iiaiions les plus .sauvages, dans les
déserts les plus inaborlaliles, ou dans "les lieux que
ne peut visiter aucun vais-em. Dans l'un el dans
l'aulie liéiiiisplière, de l'une à l'autre extiéuiité de la
mer, il ne demeurera aucune région, aucun parage ,
aucnn pays, éclaiiés pu- les astres, buiueclés par la
|■o^ée, habites par les bonmes, où son ii 'in ne soit
béni et lionoré. » (Mén'Oiies conceniani lea Chinois.)
< Le gr.uol ((inimeiitalre sur le Cliou-king, un de
leur.i auties livres classiques, s'ex()riiiie ainsi ; « Le
« lieu esl le Saint des saints invsilile; le Sainl des
« saillis es. le Tien rendu visible po ir instruire les
« lioiMine». » L'I l'explication de l'Y-Kiiig dit : i Vu
« bonime il'unc eerlaiiie iiature est le iieii, el la Tieu
I Cl lin bouillie d'il le ceitaiue ml ne (a). > — Les
anciens sages de la Cliine nomnienl le Saint des
saints, l'Iiu e, l'iionime le plus grand, le (dus beau
des II mes, riiomine par evcelleuce, l'n uiin • mi-
raculeux, le premier-né; il rcnouvelleia l'uiiiveis,
cbangera 1 s imBurs, expiera les pécué^ du iiio ide ,
mollira accablé de douleur et d'opprobre, ouvrira la
porie du c.el. — l'eiil-on, de nos jour-, el -.iiis pro-
noncer son nom, dé-igncr Jé^us-l-bnst d'une ma •
nieie pins positive? peut on en rarler d'une manière
pln^ sniiliiue? Or ce Sdiil de> siiuts, i|ui voit loui ,
(pii coiiniiit t ut, qui est nii avec D eu, a paru ou
p.ir.iiir.i à riiieideiit île la Chine. Assiiiéiiieni, en se
rendait visible, en deven.ini boiiuue, le lieu a re-
vêiU l'Iiuinaiiiié. La secie de Fo se sert d'un siitne
(fl) Ce mol, si souvent répété eu cet emlroil, ne saurait
sigiiilier Ici le ci' 1 maté' lel. Coiiniienl , en ell l.lociel
iiiat riel peul-il Uevenir visible , peu'.-il devenir 11 .iinne ?
Coiiniieia le .Sai.il des saints qui duii naître à l'occideulde
Il llli.'e, I ciil-d ne laire qu'un avec lui ' l^uniineiii peut
brider sa sa.; esse, el l'ave.irse déioiler a ses }■. ux?l.oiii
ni ni aussi des igiior.'ints, capables a peine de balbutier
que ques mots clniiu.s, o.it-'K pi lai' eaux jé>uiles un
Cliine d ' dire fitiu a^ec ces |>eupl -s, loisqu ils vuulaleDt
pari, c de Dieu ? Le uicil lieu siguiOe le ciel, mais 11 sigoi-
lie encore l'iilre suprême. (^Votc de Sih,nui.)
27
843
%110E
et la nef, environne d'une balusuaile ou
d'un tnur, garni à droite el à gauche de
deux rangs de stalles, où se placent les ecclé-
siastiques et les chantres.
composé de deux parues, dont l'une indique l'action
lie descendre, de s'/uimi/ier ; l'autre , une niihsance
future : eWe nnMiin<; le signe rinc:irnaiinn d>: Fn,
mais un ancien aiueur piétend qu'elle ne l'imerprèie
ainsi que par alms; que ce signe est de boaiicniip
antérieur à l'eNisienre, en^'liine, (i'aiifun aduraieiir
de Fo ; qu'il ilésigne spdeialenieiil celui cpii linii eu-
ricliir les lim es avec ses rirliesses, les ennoblir
en leur coininuniquaul sa digiiilc ei su grandeur.
t Mais l'abus mêiiie que f(uil de ce signe les st'c-
taleurs de Fo, esi lrès-reuiai:(iiialile. Coiiimenl sont-
ils arrivés à imaginer l'iiicarnaiion de leur diviniié ?
L'idée que I>ieii prendrait une organisai on maté-
rielle, que, par là, il se trouverait abandonné à l'u-
.«age de ses lorces pliysiques, est bien élmgnée de
l'iiitelligence limiiaine, el il me senilile loul à fail
inipossibleqnel bfinime, livré àses propres faculiés, ail
jamais I u la rencooirer. J:imais, d'adleurs, les peuples
païens plus mndernes, les Giecs , les lùrusques, les
L;ilins, ne pièlérent une naluie organique à leurs
diviniiés : ils se bornaient à l'appareiiee, car il suf-
lisall de faii^ .ilusion aux sens : or ce n'elail point
au-dessus de la louie puissance divine. Les adora-
leiirs de Fo iibii-creiil de ce signe, mais son inven-
l on n'ai p:iripii:iil point au hasard, elle dérivait d'une
dnnriiie béiédiiaiie (pi'iU avaient scuienient alté-
rée. Prob:ililfnieiii, lors de bmr intiddiiclioii en
Chine, ils Irouvéïciu celle doilnne cl le signe qni
la représentait déjà enveloppés de ténèbres , iimis
leur secie même date d'i.ne épo.pie antéiinite à cet
abus; leurs idées s-ur Fo déi-ouleiii piéciséunn t de
ceiie docirine liérédilaire, non moins (oniiue des In-
diens que des Chinois duis les temps piimilils, ce-
pendant iléliguiée bemcoup plus tôt c'. d'une manière
plus déploralde p'r la délirante ini.iginalioii des
premiers el par les mensonges sysiémalii|ues de
leurs braniines.
I Avec «es idées se coordonne une docirine aussi
ancienne qn'incomprélnnsible ehez les premiers peu-
ples, les Imiieus, les Chinois, les Kgy|iliens. Le Fo
der Indiens, nommé au Japon Scliaka (Xacaj, Busd
et BikIm), lui engindré par iino vierge, sans aucune
coliai.ilalioii. Li^s anciens Chinois l'iisaienl desctii-
dre de verges les divers chel'> des maisons (pii ont
successivement gouverné l'empire. Cliei les pnëies
de la Créée ei de Knnn-, qui empruntèrent loules
leurs fables aux li}iypiieiis et aux l'hénicien., ou
trouve des lièros issus de vierges, ou, du moins,
conçus d'une ruan ère surnaturelle. D'où viendrait
Cl Ile idée, si éliaugère à l'ordre de la nature,
conimnne à des peuples que séparait tant de di-
Slaiice, malgré la diversiié des détails qui l'envi-
roinie.ii d ms les dilleien es conirées, si elb; n'avait
oiig nairemeiu jnilii de la même source? l'ainii
ions les peuples du p ig.misme, la virginité coininaii-
dail 11 plus hame venéraliou. P.irloul, et à lonles ies
époques de rcxi^lence du genre humain, l'oci trouve
des \ieiges consitîées à la Uivinité. Quelle iislnn-
lioii ellai;.! en gloire relie des vesl.des? Avec le culte
de Ve-ia se soutint le lusire de rciiipirc roinain;
avec lui aussi on le vit s'éieindrc. — Dans le tem-
ple di- Minerve, à Alhènes, des vinges ciiiieienaieni,
comme à Koiiic, le Icu sacré. — Un a reironvé les
nièines vesl.dcs cbe/. d'anlres peuples , noiaiiiinei<t
aux deux Inde , ut rècnniiieiit au l'cruu, où, chose
merveilleuse, la iraiisgression de lenrs voeux était
punie de la iiiénie piMiiC iju'à Home. On j reganlail
la virgiiiilé coiiiiiie une digiiiié sainli', égalemiMit
agréable à l'empereur et aux dieux. — Dans les
Indes, la loi de Menu dispose que les léies prescrites
sn riionneur de la chasteté ne cuncerneni que les
CHŒ 814
Le chœur signifie aussi l'assemblée ' ceux
qui chaulent; ainsi le cfiœxir répond ;"i cé-
lébr.mt ; on chiiilcà deiiK c/iffius; le /(fi;î.'-
cltœur, ce sont les chanoines ou 1,'s prêtres
vierges, et que les femmes auxquelles ce litre n'ap-
pallient plus doivent demeurer élr.ingèris à riules
les céré.uonies qu'elle établit. — (Jénérabineiit ,
parmi loiites les nations, ou altacbait le plus grand
prix à la virginiié.
« La source d'où se répandirenl ces idées est ,
sans contredit , la d<>clrine anlii|ue cl liéiédilaire
d'un futur Messie, ré\élée à riiii des plus anciens
pères d.i ?enre biimain, enracii ée pr Noé dans
l'espril de sa posiérilé. Klle s'cflaça depuis chez les
diverses raC( s, di<p:iriiissant t"iit à lail, ou bien se
dé.;iadant par l'adjnnclion des pins iiionslriieux
piéjngés, des fibles les pins ndieiibs : ce n'est
qu'au sein du peuple élu qn'ille se conserva lumi-
neuse et coinplèie. — Vue vierge, du Kaie, conce-
vra el eiigi'uttre a un fils, qui sera «ppe/é Emmiiuuel.
— Aucun inlerprèle l'e l'Eerilure saiiiio ne donne-
rait un aille sens à ce piss^ge, fût-il familiarisé
avec le conteiiii de tous les ouvrages chinois. — ■ La
Chine eiilière en avait lu de seinli ables on d'analo-
gues, laiit dans ses livres canoniques que dans leiii'î
cinninenlileiirs, quand, vers Tin iio de notrç ère ,
l'empereur Mim-Ti voidnl envo\er à la recherche du
Saint des saints, on du moins, s'il était iléjà mori,
de sa docirine. — Malhenieusi'in ni les c<>iinaissan-
Ci's géographiques de ce | rince sur l'Occidenl se
boni lieiil aux tiides H fil pa'lir une ambassade qui
devait eu ramener le Siiiil des saints, ou en rap-
poiler la doctrine dans son empire. Les ambassa-
deurs y troiivcrenl une divinité, objet du respect
général, numiiiée Fo ou Foê, et une autre, plus an-
cienne encore, appelée Umilo , auxquelles les In-
diens atiribuaient les plus gnnids miracles, dont ils
racontaient les choses les plus eviraordiu.iires. Les
ambassadeurs, croyant avoir rencontré le Saint des
saillis dans ces deux divinités , rajqionèient en
Ciii'ie leiiis images avec les livres qui les concer-
naient, et ramenérenl quelques piêire^ voues à leur
culte sous le noin de Talapoiiiciis. Au Japon, où se
propagea celte idolâtrie, ils reiinreiil celui de bonzes,
dont se servent les missionnaires de la Chine, parce
que nos relations aniérieures avec le Japon l'avaient
l'ail coniiailre aii\ i'^uropceus : leur vériiablc nom
chinois est lloschang. L'ailoration de l'oë eiiianail
(le l'empereur : il n'est donc piinl éloiinaul (preii
Chine, où piesipie cliarpie aciiun, chaque mot ei clia-
(|ue pensée du monarque passent pour un oracle ei une
lui , ce genre d'idolaiiie se ^uil rapidement répandu.
1 Dès lois la porie fni ouverte a louies les absiir-
diiés du la supersiilion ; les principes et la saine
morale s'évanouirent bieiilôt. Celte abominable ido-
lùlii(\ qui règne encore aujourd'hui à Biain el à Ciy-
lan, se propagea lellemeni eu Chine depuis celle
époque, (|iruiic grande masse de ses h.ibilants en est
mainienanl inleclée. >
IV. Conlrate des deux religions de la Chine.
t Auiaiil il est consolant de penser que, durant
i;ne longue série de siècles, alors ipie tous les peu-
ples, excepié celui d'Israël, seivaieni des idoles
mueiles, sourdes, aveugles, nue iiaiion , séparée du
reste des liommes, qui comptait plus d'Ii ibiiantsque
rLuioi'C entière, pcisévcralt iiéanun ins à honoier
le irai Dieu, autant l'on csl aflligé de V"ir coinmeut
cette nation, trompée duisson aiteiiie du Srnt des
saillis par lu doeiriiie de Foë. tomba dans une hon-
teuse ididà^rie, dont le joug pèse encore sur ses des-
ceiidaiiis. >
V. Maintien partiel de l'ancienne croyance.
1 Quand, vers le milieu du xvu'' siècle, les Tarlares
envabireiil la Chine el fondèrent la dynastie actuelle,
les idoles de la 'i'artarie suivirent les vaiiiqueurg :
»45 CHŒ
qin occupent les stalles les plus élevées ; le
bas- clhpur, ce sont les cluiiilrcs, les musi-
ciens, les enfants do cfiœiij- qui reinplissenl
les bas stalles.— Dans l'origine xo/)o; signiGe
une assemblée finnée en rond, une en-
ceinte; c'est ponr cela qu'il ilésiij:n.iit um;
troupe de danseurs qui se tenaient par la
iiiaiii, et forniaicnl un cii( iiil. Il ne faut pas
en eoiiciuro, comme ont f.iit quelques au-
teurs, que chorus a «iguifié, dans les églises,
unespacoù l'on dans.iii. D.ins le seeond
livre i\'L'silr,(s (xii, 31,37, 3')}, ^of^ii signi-
fie évidemment des chantres et non des dan-
seurs.
On prétend que le chœur des églises n'a
élé séparé d<! la nef que sous le lô^çne <lc
Con^tanliii. Cela signifie seulement qu'il n'
a point de preuve plus ancienne dec(lte sé-
paralion. Alors il lut environné d'une ba-
lustrade , et nu'me d'un voile ou riiieau qui
ne s'ouvrait qu'après la consécration. Dans
le XII siècle , on le ferma par un mur; mais
comme cette séparation defiijure une église
et cache le coup d'œil de r;!rrhiteclùre ,
on est revenu à l'usajie des balustrades. —
Dans les monastères de filles, le c/iwur est
une salle attachée au corps de l'église,
(le laquelle il est séparé par une grille ;
loiuefois , 1.-1 cour et les conqiiéranis cuiiseï veut
seuls leur culte.
I !Je;Mii:<iu|i de Cliinois professent eucore leur .l.jc-
Irine (iriiiiiiivc, bien qu'entachée du i,rali(|iii;s su-
perstitieuses A leur idolùirlc l.irtare les eu.pereuis
allient une proCumle véuéraiion pour Coiiluilus ù la
«loiale ilii.piel les Cliiuois soîil ri:iJevaljli;s il'avo r vu
produire inèiii • à la u.Hivelle dyunstie îles s.iuve-
raiiis que leur Sii^esse, Uui' huuianiié, leur zèle loii-
deni (ligues .lu plus ancien et du plus puissant uô le
de la terre, i
\ I. .'Ipparid'oH du cUrhlianisine.
I Au milieu du xvu" siècle, à l'..ide des mission-
naires ratlM>lii|uos et parti, uliéreuibii; des jésii.les,
rtvaiigile trouva accès «■ii Chine. L'einpi'réiir Xini-
Clii proié^^eail les missionnaires, hs jc-niles snrluul
qui, par leur éduciuiou, leurs muiurs ausleivs, leurs
connaissances en pliy>i,|ne cl en inallio n .lii|ii,s, se
Concilièrent l'atiaclicmeni de ia cour impérial.-. M.is
a la mort de ce monarque, ut si. us le jjiniveru incnl
des iniiiisties ^ui adini.,i!,lraienl pendant la minorité
de son succtrsseur, les choses changèreiil. I, 'in-
fluence des jcsnilcs sons le rè„'ne piéiedoiK leur
avait fait des eniieniis et les exposa à des |ierséci!-
lions. Uiielines-uns lurent Ijainiis, d'anlr.M mis à
inoil. — Jlai, (pi iid runipereur Kang-lli coininenga
a rej;ner par Ini-mè.ue à sa majurilé, en lOlii, la
iiissiou en i;é éial, les jésuites en particulier, épi'oii-
verent un meilleur traiiemeiit. Cet empereur lit ve-
nir d'fc,iin.pe un plu.syiaiid noinlire de jesuiics, les
loimra a .^a cimr des premières digniié., leur coniia
les plus importantes allaiies de l'einpire, leur lit lia-
liruiiesupeibeésjliseà proximilé du pahus, déclara
la reliHion chreuciiuc iimoi eme, ei permit a ses su-
jets de 1 embrasser. Si.ns .|uel,|iies empeieuis (inj
lui siiccédereit, les dnetiens souirrirent d'iiorrililes
per.secui.ons, (luel.piefois d'après leurs ordres direc.s
et dans toute lelendue de re.npue; plus souvent,
isoléuieiil dans les piuvincs, de la part des manda-
rins (aouveriieurs). Ceux ci s«,it-ils ennemis des
Chreueiis, ils remeiionl eu vigueur les lois iiui les
prosciiveiit, et ,|ue les niaudarms a.iimés d'un antre
e.vpril lai.-senl dunmr dans les districts couliés k
leurs soins. >
c'HOi:
8iG
c'est là que les religieuses chantent l'oflice.
Binghani {Orig. erclrs., I. viii, c. 0 5 7)
a prouvé par plusieurs anciens monumenls!
que dans les premiers siècles le c/((C((r des égli-
ses elait réservé au clert^é seul ; qu'il u'érait
permis aux laïques dapprorher de l'autel
que pour fiire leurolîrande et pour rece-
voir la communion. Cette enceinte est sou-
vent nommée n,///hjm , li, u où l'on n'entre
Iioinl. (JuaiKl on compare le plan des aiieieu-
nes hasriques avec le table.iu des assem-
blées chrétiennes, trace par saint Jean dans
\ Apocalypse, c. iv et v. on voit que cette dis-
cipline venait des apôires ; l'empereur Ju-
lien , quoique apostat, la respectail. Saint
Ambroise ne permit point à l'emp^reurTriéo-
dose de se placer dans le chœur de l'é-lise
de Mil n : rentrée du sanctuaire était sur-
tout interdite aux femmes; les la'iiiues, sans
dislindion, devaient se lenirdans la nef pen-
dant les saints mystères : preuve irrecusa-
ble, contre les protestants, de la disiinelion
q'ii a règne entre les prêtres et les laïques ,
des l'ongine du christianisme , el de l'idée
que l'on aitachail à l'auguste sacrilice des
r.nlels. Mais lorsque les barbares se lu-
rent rendus maîtres de l'Ocridenl, ils porlè-
reiild.iiis la religion leur car.icière hautain,
nnlilaire et feioee;ils enlrèrenl dans les
é-hses avec leurs armes, qu'ils ne qninaient
jamais; ils prirent les places du cler^'é, el ne
respectèrent aucune loi. Les possesseurs des
moindres fiefs suivirent l'exem.Je des prin-
ces, et prétendirent au même privilège; une
place dans le chœur devint un droit seigneu-
rial. Aujourd'hui encore un seigneur (le pa-
roisse ne se contente pas de l'occuper; mais
sa l'e.mne , ses ei fanis , ses laquais, ses ser-
vantes , ont l'impudence de s'y placer; et si
les pasteurs s'y opposaient, il» seraient con-
damnés dans tous les tribunaux.
Les évêques de l'iiglise primitive, les dis-
ciples des apôtres, seraient iii.n éloniiés si,
revenus au monde, ils voyaient , dans les
jours les plus solennels, le saneluiire des
églises occupé par des so dats armes, qui s'y
comluiseul a peu près comme dans un camp,
et comm ' s'ils venaient taire la guerre à
Dieu, les laïques et les femmes approch r du
saint autel a^ec aussi peu de respect que
d une l.ible profane , etouiler les sentiments
de re,i,iju p.ir orgueil et p ir curiosité.
Irei.iblez de respect à la vue de mm snnc-
Cuaire; je suis le .Seigneur {Levit. xxvi, 2). On
ne se souvient plu, de celle Lçon.
l'armi les le.tres de Jali.n,*il en est une
adressée à Arsace, souverain ponlifede Ga-
lalie, qui e^l une censure sanglanle de nos
mœurs. « Lorsque les gouverneurs , lui di!-
il , viendront aux lemples , on ira les rece-
voir dans le vestibule. Qu'ils ne s'y fassent
point aceompaguer par des soldats, mais
qu il soil libre à qui voudra de les suivre.
Des qu'ils mettent les pi ds dans le temple ,
ilsdevieiine.il de simples particuliers. Vous
seul avez droit d'y cominander, puisque les
dieux l'ordonnent ainsi. Ceux qui se sou-
uiettenl à cette loi font voir qu'ils ont vérita-
blement de la religion ; les autres , qui tio
847
CHO
\ I nient pas se dépouiller un moment de leur
lusle et (le leur grandeur, sont dts hommes
superbes , remplis d'une soite vajiité. » (Lef-
ïreWi. —Nous ne Hiisoi!- puml <('lle re-
m;irqiie pour censurer nos lois i iviles ; nous
savons qu'tl es onl flél'duvraiîe des circons-
1,-inces, et sou \ eut de la iiecessilé, qui est la
plus forte de loiilcs les lois; mais il est tou-
jours uiile de lappeler le souvenir de l'an-
cienne disiipline. parce que c'est un monu-
meni do la croyance primitive.
Choeib des Anges. Voi). Anges.
CHOIX, élection de Dieu. Selon les monu-
ments de la révélation , Dieu a choisi Abra-
ham pour se faire dmnaitre à lui plus par-
faitement qu'aux autres hommes; il a choisi
la pos'ériti' de ce pairiarclie pour en faire
son peuple particulier;il nous a choisis nous-
mêmes pour nous lendre , par le bapicme ,
ses eiilanis adopiifs. Ce diotx de la part de
Dieu esl-ii , comme le prclcndenl les incré-
dules, un trait de partialité, une aveugle pré-
dilection, une injustice?
On pourrait le dire, si la grâce que Dieu
a laile à Abraham avait dérogé eu quelque
chose à celles qu'il accordait aux aulies
hommes ; si , en adnpimt les Israélites , il
avait absolument aband inné les aoires peu-
ples; si les grâces dont il a daigné nous
conihler, diminuaient la mesure de celles
qu'il veut départir aux infuléles : mais qui a
jamais osé l'errire ou le peiiseï ? Uit-u , maî-
tre absolu de ses iloiis , soit dans l'ordre de
la nature, soit dans l'ordre de la grâce, peut,
sans injustice , mettre dans la dislriliutiou
qu'il en fait telle inégali'é qu'il lui plaît. Un
inTidèle, qui a reçu moins de grâces (ju'un
chrétien , n'a pas plus de dioit de se plain-
dre , qu'un honitne disgr.icié par la nature
ne peut accuser Dieu, iiarce qu'il a domié à
un autre homme une âme plus belle, uu es-
prit plus pénétrant, un cœur plus noble, etc.
Dans l'une el l'autre espèic de liienfaits ,
tous ^onl absoluouiil gratuits. — La justice
de Dieu est a couvert de Mâme, parce ((u'elle
ne fait rendre compte à chacnu que de ce
qu'il a reçu ; sa bonté est justifiée , puisqu'il
n'est aucune ciéalure à laquelle il n'ait fait
du l)ien , plus wu moins. La sagesse dl\ine
brille d.iiis cette conduite ; puis(ive par celto
diversité même elle coaduil toutes choses à
leurs lins. Il n'y aurait plus ni dépendance ,
ni besoins mutuels, ni société entre les hom-
mes, s'ils él .ienl tous éjiaus , tons doue> des
ménie^ ((ualités, tous favorisés des mêmes
avantages : légalité parfaiic qu'exigent Icsin-
créilules. n'est dans le foiul qu'une alisurdité.
L'objection lies déistes eonlre la révi la»
tiun, contre la dispensaiion des grâces sur-
naturelles , est donc | récisémenl a même
que celle des a;heei conire la conduite de la
Providence dans la distriliuliou des dons de
la nature : les uns et les .mires se font une
idée fausse de la lionté , de la justice , de la
sages-ede Dieu; ils ne; s enleuucnl pas eu\-
memes. Ils demandent pour(|noi Dieu est ap-
pelé par les Kcrilures sacrées le Dieu (/7s-
JVic/, le Dieu d'Abraham, d'isaac et de J icob;
n'esl-il donc pas le Dieu de tous les peuples
CHO 8i8
el de tous les hommes? Il est sans doute leur
créileur, leur bienfaiteur, leur souverain
Seigneur, mai* tons ne l'ont pas reconnu
comme tel, puisque la plupart ont adoré des
dieux (ju'iis avaient forgés eux-mêmes.
.Abraham cl sesdcscendanls, mieux instruits,
n'ont rendu leurs hommages qu'au vrai
Dieu; il a donc été leur Dieu par préférence,
et dans le même sens qu'il est encore le
Dieu des chrétiens, parce que nous n'en
connaissons point d'autre.
Toute la question est donc réduite à savoir
si Dieu n'a pas donné à tous les hommes,
sans exception, les moyens de le connaître ,
el s'il n'a pas tenu à eux de l'adorer : or l'E-
criture nous atteste (|ui' Dieu s'est révélé et
manifesté à tous les hommes i ar les ouvra-
ges de la création, par les lumières de la rai-
son, par les leçons de leurs premiers pères ,
par le témoignage de la conscience , par les
bienfaits et les ciiâtimeiits (lu'il leur a dé-
partis. Les incrédules onl donc tort de sup-
poser que Dieu a délaissé , abandonné , mé-
connu aucune de ses créatures, l'y//. Inkga-
LiTÉ, Bienfaits deDieu. Justice de UiKU.etc.
♦ t;ilOLKKA-.MOI{BUS. C^ue maladie lerril.le, qui
a décimé l'IvMiipe il y :i dix-nciir :nis el qui cunl nue
ses ravages aujuuid'tnii, aflliijeail aussi le peuple juif
et pesait (Oiiiiiie une lualé liciioii sur les iiileiii(ic-
ranis. Voici deux p;issages de l'Kcriliire sur côlte
effray une maladie : Qiam sufliciens cslliomiiii eruUilo
vinum exignuni! et iii dormiei.do non laboraiis ub illu,
non seiiùes dolorem ; vigitiu, çmollrx el torliira viro
iiifruuilo { Eccli. xxxi, 'z-2, ïJ3 ). yoU iifidus esse iii
viiini eimlatione , et non te eljiindas super omnem
esciiHi ; in imdiis enim escis erit infirniiias, et avi-
dila.1 npiiiop iii_iU(ibit tisque ad ciidleram. Propter
ciiip:iltiin iiiii(/i ubit'runi ; qui aulem ubstinens est,
adjiciet vitunt [Eccli. xxxvii, ô"!, 04).
CHOHÉVÈQUE. On appelait ainsi autre-
fois un prêtre iiui exerçai! quelques fonc-
tions épiscopales dans les bourgades et les
V illages , et qui était censé l." vicaire de l'é-
vêqne. Ce nom vient de x ?"'> t'cyion, cou-
trée. 11 n'en est pas question dans l'Eglise
avant le concile d'Antioche, tenu en 34-1), qui
fixa les lim;t's de la juridiction des chorécê-
qttes; le concile de liiez, (jui relu sil .\rmeu-
tarius à celte dignité, l'an i3i), est le premier
concile d'Occident qui en ail parlé. L(ï pape
Léon 111 voulait abulir ce litre : il eu fut ecu-
péché par le oiuile de Katisbonue.
Les (liurévciiues n'avaient pas lo'is reçu
l'ordination épiscopal' , mais seulement uu
degré de juridiction sur les autres prêtres;
ils pouvaient cependant ordonner des clercs
mineuis cl des sous-diacres, el donner, coii-
joinlemeiil avec l'evêiiue diocésain, le diaco-
nat et la prêtrise. Ceux qui , dans l'Occi-
dent , voulurent s'allriliiier toutes les fonc-
tions épiscopales , lurent reprimés ; on les
supprima eiiliéremenl au x" siècle, on leur
substitua h's archiprêlics el les doyens ru-
raux. Aujourd'hiii q;ieli|Ucs évêqucs dont lo
diocèse est fort éleud i , ont des >ic.iires gé-
néraux cil .rgéi de faire plusieurs fondions
épiscopa es dans u'ie partie de leur terri-
toire : tels sonl en France les grands vicaires
de l'onloise el de .\ioulins. Le premier des
sous-diacrcs de Saint-Martin d'Utreclil , le
8iS
CHO
CHR
850
premier clianlro, des collégiales de Colo<;no ,
el (iiicliiiies diji;nilaires des chapilri's de Tiè-
Vi'S, ont le litre de chorcv/'iiues , el l\nil les
fdiiclioiis des doyens ruraux. Binpii.im {Orig.
ecclfs. , 1. u , e. iï, § 4 ) pciis.' , connue plu-
sieurs autres lliéologieu-i aiip;lieaiis, ((ue lous
leacliorétéqKes avalent reçu l'ordination épis-
copale; mais les preuves quM en donne ne
sont pas sans réplique. — Mosheini f lit re-
nionler plus haut loi i;;ine des cliiirivêtjues ;
il la rai porte au \" siècl' (tlisl. rcclés.,
V ficrie, second, part., cliap. 2, § 13; Inst.
JJisl. clirist. , seconde psrl. c. 2, § 17). L s
évéques , dil-il , établis dans les villes ,
avaient, soit par leur ministère, soit par celui
de leuiS jirélres, fondé de nouvelles églises
dans les villes et les villages voisins ; elles
restèrent sous l'inspection des évêques des-
quels elles avaient reçu l'Evangile. Mais à
mesure que leur nombre aiigmenti, elles for-
ii.èrcnl lies espèces de provinces ecclésiasti-
ques, auxquelles les diecs donnèrent, dans
la suite, le nom de diocèses. (]omme l'év.éque
de la ville jirincip île ne pouvait veiller seul
sur cette qiianliié d'églises répandues dans
les villes et les villages, il établit , pour ins-
truire et gouverner ces nouvelles sociétés ,
des siiffr.iganls on députés , auxquels on
donna le liire de chorén'ques, ou d'évêques
de campagne. Ils tenaient un rang mitoyen
entre les évéques et les prêtres ; ils étaient
inférieurs aux premiers , et su|)érieurs aux
seconds. Selon celte noiion , les cliorévéques ,
dans l'origiiit! , éiaient les pasteurs ùu se-
cond ordre, qui, dans la suite, nnt (té nom-
més curés, lorsqu'ils ont eli' attachés par un
litre perpétuel à une église pai ticulière ;
mais il parait que, d lUS la premièie instilu-
tion , c'étaient (dulol des missionnaires de
campagne que des curés. — Sous le iv siè-
cle, Moslieim prétend que les évéques es-
clurenl enlièremcnl le peuple de toule ailmi-
nislralion dans les alîaires ccclésiasliijues ,
qu'ils dépouillèrent iiiêiiie les prêtri s de
leurs anciens privilèges et de leur autorité
priinilivc, alin de n'avoir plus personne (|ui
pût s'opposer à leur ambition, el afin de pou-
voir disposer .i leur gré dos bénéHc 'S el des
revenus de l'ICglise ; qu'ils supp; imcrenl les
chiiréii'gurs dans plusieurs cndioils, dans la
vue d'éleiulre leur propre |.uissance el leur
juriiliclion (iv siècle, seconde part., c. 2, §2
et 3).
Ce reproche nous pnr.ût une pure imagi-
nation. 1° (, 'est mal à propos que Slosheiiii
suppose que pemiant les trois premiers siè-
cles le peupki avait part à r.idminislraliou
des alTaires eeclésiasli(iues ; il e-.! prouvé ,
par les Kpîires de saint Paul, par les c.inons
des apôtres, par ceuv de plusieurs conciles,
par le témi ignage des écrivains ecclôsiasli-
ques, que celé a'Iminislraliou a toujours élé
la fonction des evéques. ioij. Aiituuitl: k :-
CI.É>1ASTIQUE . KvÈQLE, HlÉnàliCU-IE: , elc.
2* il n'y a aucune preuve que pendaiil ces
trois siècles les simples prêtres aient eu plus
d'autorité qu'ils n'en eurent au qualrièuie; le
contraire parait sujiposé par Mosliciui lui-
même, qui dit que pendant ce siècle les prê-
tres et les diacres poussèrent leur ambitioa
el leurs prétentions aux derniers excès ,
{Jhid., § 8). Les évéques pouvaienl-ils éten-
dre leur .iiitorilé en même temps que les
ministres inléricurs travaillaieul à augmen-
ter la leur"? Si les premiers s'y opposaient,
cela ne prouve pas qu'ils aient dépouillé les
prêtres de rinlluence qu'ils avaient eue au-
l»aravanl dans les alTaires ecclésiastiques.
3" C'est au eoiilraire pendant le iv siècle
que les cliorévéïines , ou pasteurs dos églises
de la camp;igiie, p raisseul être devenus ti-
tulaires et inamovibles, au lieu qu'ils ne l'a-
vaient pas été aup:iravant. Mais la préven-
tion des prnie-tanis contre le gouvermiuent
hiéiai chique leur l'ail conloudre toutes les
époques , el embrouiller lous les faits de
ï histoire ecclésiastiiiue.
Il est bon (le se souvenir que les chorévé-
ques ne sont pas la même chose que les co-
cvéques ou siilïraganls. Voi/. Cokvêque.
CHRÊME, terme formé dii ^p^aiJLv.. on cCion,
est une composition d'huile d'olives et de
baume , consacrée par l'évêque , le jeudi
saint, de l-iquelle on se sert dans l'adminis-
iralioii du b;iplème, de la confirmation el de
l'ordre, i'our rextréme-onclion , on se sert
d'Iiuile seule, beniie aussi par l'évêque pour
cet effet. Les Grecs nonmenl le saint-chrê-
me, mijron, onguent, parliim.
Les maronites, avant leur réunion à l'E-
glise romaine, employaient dans la composi-
tion de leur chrême, l'huile, le bauiui- , le
musc, le safran, la cannelle, les roses , l'en-
cens blanc et d'autres drogues. Le P. Dati-
dini, jésuite, envoyé au mont Liban en qua-
lité de nonce du pape , en 155(5 , ordonna ,
dans un synode , que le saint-chrême ne fût
à l'avenir composé que d'huile el de baume.
Co lime l'onction du saint chrême est cen-
sée faire p.irtie de la malière du sacrement
de confirmation , l'événue seul a le pouvoir
de la faire , aussi bien que celle dont on sa
s<'rt dans lord. nation ; mais c'est le prêtre
ijui la lait dans le b.ip'.éme et dans l'extrème-
onclion. — Autrefois les évéques exigeaient
du clergé, pour la confection du saint-chrê-
me une contribution qu'ils appelaient denarii
chrismales ; à présent c)n tire seulement une
légère rétribution des fabriques, en leur dis-
tribuant les saintes huiles dans la plupart
des diocèses. Voij. l'Ancien S(icr.,tncnlaire ,
par Grandcolas , seconde partie, p. 103. —
La bénédiction ou consécration du c/(r^/ne ,
qui sert de malière à plusieurs sacrements,
est un témoignage de lu (foyance de l'Egli-
se, el des elïels qu'elle attriliuc à ces augus-
tes cérémonies ; on le voit par le Ponliiical
romain, où se trouve la formule dont l'évê-
que se sert. Les protestants n'ont pas man-
qué de loiirner en ridicule cet usage, et de
le traiter île supersii.ion ; il est cepen tant
très-ancien, puisqu'il a élé conservé par les
sectes de chrétiens orientaux qui se sont sé-
|)aiés de l'Eglise romaine drpuis plus de
douze cents ans. Il, n'y a pas plus de supers-
tition dans ci'tte cérémonie, que dans l'action
de .lésus-Christ, qui se servit de boue et de
crachat pourr«ndre la vue à un aveugle-aé
851 CHR
{Joan. IX , 6 ). — La Croze , d;ins son His-
toire du christiart'sme â s Indes, tome I",
p. SOS , prélenJ qui' les Ai menions rep;;ir-
upiil la bénéfliclion du nnjon ou du snint-
clircme . coiiimc un sacronicnl , el qu'ils al-
tribupnl à celle aclion l.i même vertu qu'à
la consérrallon de Teucharislie. Il cile en
preuve une homélie de Gréijolre de '■aréka,
docteur de l'Hiiii-e aruicnieiine , qui a vécu
au X' siècle, et un pa-sitfe de Vardanès, au-
lne doiteur ariiiéiiirn , du xni', où il dit :
« Nous vo\ons des yeux, du corps, dans l'eu-
charis'ie, du p.iin et du \ in , et par les yeux
de la foi ou de reuiendeincpt, nous y conie-
M)MS le corps et le sang de Jésus-Christ : de
même que dans Ii- iitijrmi nous ne voyons
que de l'huil; ; mais par la foi nous y aper-
cevons l'F.sprii di- Dieu. » Donc, dit La Cro-
ze, tous li s ArménicMis ad:iiellent un sacre-
ment iiicDiiuu dan^ l'Eglise ronaine, ou,
selon leur opinion, il n^' se fait pas plus de
(ranssulist;:ii(iation dans l'euclririslie par la
consécration, que dans ie myron par la bé-
nédiction. — Voilà san; doute un fort argu-
ment ; m lis est-ce de deux docteurs (rès-
nii derncs, et qui ne paraissent pas fort ha-
biles Ibeologiens , que nous devons appren-
dre quelle est la croyance de l'Rglise armé-
nienne ? Les livres liturgiques de celte
Eglise, et les professions de foi de ses évê-
ques , nous paraissent des preuves plus so-
lides de sa doctrine , que les écrits de deux
particuliers ; on peut voir ces preuves dans
le premier et le troisième lunie <le la Perpé-
tuité delà Foi, et dans le 1'. Lebrun, touie V.
Tout ce qui s'ensuit ilu passage de \';irdanès,
est que la coo;paraison qu'il l'ail entre l'eu-
ciiari^lic et le ?»î// o« n'est pas fort exacte;
elle signilii' seuieuieiil que par l'onclion du
saiiit-c/'>('/He nous recelons la grâce du
Sainl-i!.s|)ril ;;ussi réellement que nous rece-
lons le cor;s cl le sang de Jésus-Chrisl par
l'eu-, harislie, et tclie est aussi la doctrine de
rKglise louiaine. 11 n'est pas plus besoin
pnur cela d'une Iranssulislanliation dans ic
sainl-c/tf'^nte , que dans l'eau du baptême
pour elîacer le péché originel. Ce n'est jKiint
sur l'ciTclque produit reucharislie (|ue nous
fondons le do^^me de la transsubstantiation,
uiais sur les paroles de Jc^us-Cbrisi. — Au
n sie, celle remarque de La Crozc n'est pas
la seule dans l.n|U( lie il a montré lorl peu
de justesse et de sagac.té. V oy. AlisiÉMENS.
CHKÉMEAU, boUi.el ou béguin de loile
blauelie que l'on met sur !a tête des enfants
après le baptême, pour tenir lieu de la robe
blancii<>, symbole de l'iuiiocenee, donl ou
révélait autrefois I<s caiécliuuiènes, après
les avoir liaplisés. Cette roiie blanche était
un témoignage des eflets que l'on attribuait
au bapléiue. ^^i l'on avait pensé, comaie les
pruleslanls, i|necc sacrement n'a poiul d'au-
tre verlu (jue d'evciter la i li, on n'y aurait
pas ajoute uu symbole de ta pureté de l'û-
U)e qu'avait reçue le b i, tisé.
(•lliUi'JTli'.N, eu ] ai tant des (lersonnes, si-
guilie un homme qui est baptise, et fait
prwiession ue suivre la doctrine de .lésus-
Clirisl; eu pariaul des choses, il signilio ce
CHR
«52
qu! est conforme à celle doctrine : ainsi l'on
dit, un dscours chrétien, une vie chrétien-
ne, etc.
Ce fui dans la ville d'Antioche, vers l'an
'îî.que les disciples (\e Jésos-Cbrisl fiireul
nommés chrétiens. On les nommait encore
élus, frères, saints, croi/ants, fidèles, naza-
réens ou purifiés, jes.^éms, iyJ)J:, mot formé
des lettres iiiiiiales des tiir^s de Jésus-
Christ, Inuo'jç, Xp-criôç , BsoO Vtoj , ^wT),a, Jé-
sus, Christ, Fils de Dieu, Sauveur ; (/nosti-
qtics. iiilellir>eiils ou illuminés, théophores,
cl chrislnphores, temples de Dieu et de Jé-
sus-Cbiisi, quelquefois même christs, con-
sacrés à Dieu par une onction sainte. 11
n'csl pas sûr (lue l'hilon les ail désignés sous
le nom de TuÉUAPEin.'s. Vi'y. ce terme. —
Les p:i'iens, par haine, les chargèrent de
n );ns injurieux ; iN les nomuièrenl im-
posteurs, magiciens, juifs, galiléens, sophis-
tes , athées , pnraholnires ou parnbolins ,
c'est-à-dire, désespérés, à cause du courage
avec lequel les c/ir(fn'erts bravaient la mort ;
biothamiii. gens (jui vivent pour mourir;
sarmenlitii, houiuies qui sentent le fag il ;
seiniassi, dévoués au gibel, elc. Les béréii-
ques firent de mèuie, eu nommant les catho-
liques, simplfi:, ailéiiorisles, anthrupoldlre»
ou adorateurs d'un lioimiie, elc.
Aujourd'hui ies imiédules veulent se pré-
valoir de celle prévention des païens : ils
piéleudent la coulirmer par des calomnies.
Ils disent que les premiers qui ont cru eu
Jésus-Christ élnienl la lie du peuple, ce qu'il
y avait <le plus vil chez les Juifs et chez les
la'ieus, par conséquent, des ignorants et des
fanatiques; (|uc la plupart ont été mis à
morl pour leurs crimes ot leur caractère sé-
ditieux, et non pour leur religioti; que
quand ils sont devenus les mailres, ils ont
usé de représailles envers les pa'iens et leur
oui rendu avec usuie les cruautés qu'ils eu
avaient essujées. Il est important de réfuter
ces trois aci usalions. — Avant de luouver
le conlraire, observons d'abord que le pro-
dige de l'élablissement du cbrislianisme ue
serait pas moins grand , (luand mé.'.ie il
n'auraii clé embrassé d'abord que par le
peuple : les ignorants et les pauvres sont
plus portés à la superstition que les luiiii-
uies instruits et d'une condition honnête; les
premiers par conseiiuent ont dû être plus
attachés au paganisme que les seconds, et
|dus difficiles à convertir. — Nos adversaires
d'ailL'urs ont soin de se réfuter eux-mêmes.
Ils disent qu'un des attraits qui oui le plus
cunlnbué à la propagation de l'Evangile
sont les auiuônes aiionilauies des premiers
chrétiens; mais si lou^ avaient été de la lie du
peuph', où auraient-ils lrou\é de (|uoi faire
i'auinôiie ?
■Venons aux preuves pusitives de la faus-
seté de loirs reproches. — 1" Dans la Judée,
sainl Jean-I!aptiste, Nicodème, Jo eph d'Ari-
niaihie, Lazare, Zachée, le prince de Ca-
pharnauni dont Jésus-Chrisl guérit le fils,
Jaïre, dont il ns^useiia la fillo. crurent en
lui avec leur famille. Ce n'claieiil puiiil là des
hommes de la lie du peuple ni des igiiu-
833
r.HR
rants. Après la résurrection de Lazare ,
plusieurs des princi|);iux Jtiif< firpiit de nié-
mo IJoan. XI, k'r> ; XV, ki). Après ii descente
du S.iint-Espiit, sailli Paul et GanialicI son
maître, un g;rand iioinlirc de prèlrt-s et di- pha-
risiens, et, lient au nonil)re des fidèles (Icf.
IV, 34, 39; VII, 7 ; \v, 3). (le sont autant de
témoins oculaires de ce qui s'était passé à
Jérusalem. Dira-t-nn qu'ils étaient la plus
vile panie du i euple ? — Le centurion (lor-
Deille, l'eunuque de la reine Candace, Ser-
gius-Paulus, proconsul de Chypre, les prin-
cipaux Juifs de Bérée, Denis d'Athènes, Ois-
pus, chef de la syn.ijioiiue do Cminihe,
Apollo, Céphas , Tiinolliée, Tite, disciples
de saint Paul, n'étaient ni des hommes do la
lie du peuple, ni des ignorants; les princi-
paux do l'Asie étaient ses amis {Acl. xix, 19,
21), 31). Hermas, saint Clément, saint Igna-
ce, saint Poljcarpe, ceux auxquels les a|iô-
Ires ont écrit, élaioHt certainement des
hommes lettrés. A Koine, saint Paul eut des
prosélytes, non-seulement parmi les princi-
paux Juifs, (nais dans le palais des empereurs.
Selon les auteurs profanes , riavius-(^,lé-
nient, parei l de Domilien, Uomililla, soeurde
cet eniperiur.le consul AcilisGlahrio, Po.-n-
poiiia (iia>cina, et d'autres personnes du pre-
mier rang, avaient renoncé au paganisme.
La p'upart des leçons que saint Paul fait
aux fidèles dans ses lellrcs, v.c peuvent être
applicables qu'à d s hommes d'une condilion
relevée, cl insirui's dans les sciences hu-
maines. — Dans le i." siècle, (Jualratus,
Méliton, Hégésippe, Athénagore, saint Jus-
lin, Talien, llermias, Théophile d'Aniioche,
Apollinaire d'Iliera|)les, Denis de Corinlhe,
Polycrale d'Kphèse, Pan'œnus, siint Iréiiée,
Cléii:enl d'.Viexandrie, eti-., ont fait honneur
au christianisme par leurs ouvrages aussi
bien que pa'" leurs \crtus. Les Pères de l'E-
glise du IH' et (iu !V' sièilc ont été les plus
savants écrivains de leur temps. — •!" A
l'article Maut. us, nous prouverons que les
chrétiens ont été mis à mort pour leur reli-
gion seule, et non pour aucun crime ni au-
cun acte de sédition ; mais nous pouvons
nous borner d'avance au témoignage de
ceux mêmes qui ont affecté de les mépriser.
Tacite ne leur reproche point d'autre crime
que leur superstition, et d'être haïs du gen-
re humain (Annal., I. xv, n°6). Pline, après
les per(iuisi(ioiis les plus sévères, atteste
qu'il n'a d.-couvert en i us qu'une supi'rsti-
lioD grossière et opiniâtre, lib. x, cpisl. 97.
L'empereur Antonin, dans son rescritaux
états de l'Asie, rend justice à l'innocence de
leurs mœurs (Saint Justin, Apol. i, n. 09 et
70). Julien, acliariie à les calomnier, est
forcé de faire l'éloge de leur charilé, et de
leur aitrihiier au moins l'apparenci- de tou-
tes les vertus [Lettre 49 à Arsace). Celse,
après leur avoir reproché leur incrédulité,
leur aversion pour la paganisme, leur fu-
reur de courir à la mort, leur zèle à faire
des prosélytes, convient qu'il y a parmi eux
des hommes graves, intelligents et instruits
(Ori^., contre (Jelse, 1. i. n. 27, etc). De pa-
reils aveux, faits par des ennemis déclares,
CllR Rai
nous paraissent une assez bonne apologie
contre les calomnies des incrédules. —
.3" Pour pouvoir accuser les chrétiens de
vengeance et de cruauté envers les païens,
les incrédules ont eu recours à des expédients
singuliers. Ils leur attribuent les cruautés
de LIcinius leurperséculeur. On sait que c'est
ce monstre (jui fil jeler dans l'Oronte la
femme de Maximin son ennemi, fil massa-
crer ses enfants, fil égorger dans l'Egypte
et dans la Palestine les magistrats qui
avaient suivi le parti de Maximin; c'e«l lui
(jui fit mourir le césar Valérius oa Valciis
qu'il av.'il créé lui-même, et le jeune Cau-
didien, fils adoptil' de .M.iximien Galère, elc. :
et l'on ose cliirger les cliréiiens de ces cri-
mes, affirmer qu ils en sont les auteurs. Par
un Irait de la même équité, l'on a répété
vingt foi^ que Constantin fit triompher le
cliristiaiiisme par des édits sanglants, par
des violences et des cruautés inouïes exer-
cées conlre les païens. Il est cependant in-
clûtes.able que les premiers édils de Cons-
tantin accordaient seulemeiU la tolérance
aux chrétiens, que les suivants établirent des
peines conlre les crimes des païens, et nrn
contre leur religion, que la plupart de ces
édits ne lurent pas exécutés. Ou ne |;eul pas
citer l'exemple d'un seul païen mis à mort
pour avoir persé\éré dans le paganisme.
Voy. iVém. des Insciipt., lome XXll in- 12,
p. 330 ; tome XV i/i-.'i.°, p. 94.
Eiitin, nos adversaires ont trouvé bon d'at-
tribuer aux chrétiens les violences et les fu-
reurs que les ariens exercèrent conlre les
calholiques sous les règnes de Gonslaiic-, de
Julien, de Valens, qui favor screut l'aria-
nisme ; comme si celte hérésie n'avait p.is
éléun vérilible antirhrisli inism". De pareil-
les impostures ne feront jiim.iis lii)nne;!r à
ceux qui y auront recours. — Nos aniiens
apologistes, saint Justin, Origène, Tertul-
lien, s;iinl Cyrille, ont défié les païens de re-
pro" lier ans chrétiens un seul icle de sédi-
tion ou de révolte, un seul crime avéré; et
cela dans un temps ou l'empire, déchiré par
des guerres civiles, dévasté par des usurpa-
teurs, dési'lé par des tyrans, no présen'ait
qu'un tableau de forfaits. Uii troupeau de
fanatiques imbéi iles. d'ignorants .ibnsés par
des imposteurs, d'h.immes sans aveu et sans
mœurs, a-t-il pu se trouver tout à coup
doué de toutes les vertus' Voilà l'argument
auquel nos anciens ennemis n'ont pu ré-
pondre, et que les calomniateurs modernes
ne détruiront jamais.
^ous convenons que les Juifs et les païens
se sont souvent réunis pour accuser les chré-
tiens des plus grands crimes. On publia (jue
dans leurs assemblées ils égorgaienl un en-
fant, le mangeaient, sesouillaieul pardes im-
pudicités abominables; le peuple en était
persuadé. On les accusait d'être magiciens,
parce qu'il se faisait parmi eux des mira-
cles ; on leur allribuait les fléaux de la na-
ture cl les désastres de l'empire: nos an-
ciens apologistes furent ob.igés de répon-
dre sérieusemenl à tous ces reproc'ies diclés
par les fureurs du (anavisme. — Mais ï^acite.
SnS CHR
j'iino, Aiilonin, Celse, Liirien, Jnlipn, Li-
baiiiiis, n'.mt rien trouvé <le semhl.ilile, et
n"eii ont rien cru. Pline .iv.iil fail meltre <i la
îorlure phisinirs rlir( liens pour savoir ia vé-
rité, et il li's ji'gea exrmpls de cri.ne ; ceux
mêmes qui .iv.iicnt aposlasié, protesicreiit
qu'ils n'avaieni ri{Mi vu que d'innocent dans
la religion dire tienne.
On prélend que les chrétiens etcilcrent la
haine d.'s maj^istrats et du p;ouvernemenl,
parce qn'i's voulnicul se rendre iiidépen-
danls de l'anlorité civile, que telle était
i';imbition de 1. urs pasteurs, ty pendant il
n'o«l parlé de celle inibilion |)rélenilue, ni
lîans 1rs mis n*- (lue donne Tari e de la per-
sérulion de Néron, ni dans l.i lettre de IMine,
i)i dans la réponse de Trajan, ni dans les
édiîs des empereurs, ni d.ins les inlerr.>|j;;i-
toires des maityrs, ni dans les plaintes de
nos apolojîisles. Teriuilien défiait les niigis-
Irals de citer un seul trait d'indépendance,
de révolte, de désobéissance de la part des
tliriUiena ; ils ne \iolaienl qu'une seule loi,
celle qui ordonnait d'adorer les dieux de
l'empire.
La plupart de nos adversaires jugent que
la morale de l'iîvangiie, lo:n de favoriser
l'indépendance, est au contraire irop favo-
rable aux piinces et aux cliefs des nations;
< lie commande l'obéissance passive, elle lend
à reiiilre lc^ peuples esclaves. Selon eux,
c'est un des mulifs qui portèrent Constaniin
à favoriser le ciiristi inismo ; il jugea que les
priucipt-s de celle religion étaient les plus
l'onvenables à snn .iUlonté di spotique. 11
était donc bien convaincu que les rltietiens
ne voulaient ni se rendrez indé|,endanls de
l'aiitorlié civile, ni allribiier à leurs p.ih.teurs
une juridiction cotitiaire à celle liu souve-
rain. Les môuies iicciisalcurs ont écrit plus
d'uue fois qui; c'e*l Cousianlin lui-même
qui accorda aux évêques un pouvoir exces-
sif et une partie de l'.iuiorilé des m;igi trais,
que c'est lui qifi a excité et nourri l'ambi-
tion du c'erge. 11 est donc bien certain qu'a-
vant Celle Ciioque les pas;eurs '.e rii;;lise
ii'avaient pensé ni à se rend;e indépcndauls.
ni à s'emparer de l'autorité ci>ile.
C'est ain'i que nos adversaires se réfutent
eiix-mémcs, et font, sa:is le v ;uloir, l'apolo-
■*ie de notre religion, — Si l'on veut savoir
quels ont été les chrétiens dans les dilTércnls
«ièc'es. ilf;ini cunsniler l'ouvr.igc deSI. Flen-
ry, iniiliilc Mœurs de.i clirétirns ; il n'avance
rii'ii que sur d • bonnes preuves, et il déve-
loppe avec b"aucoiip de sagacité les causes
qui oui influé sur les mœurs l'es peuples de
l'Kurope, dcpn s ijtrils sont devenus chré-
iifi s. Cepeniiai'l il f.iut se souvenir que les
exemples cilés par M. Fleury ne sont pas
toujours une rè;:le générale ; dans les siè-
idcs les plus purs , il n'a pas laissé d'y
avoir des chrétiens irès-virieix, et dans les
'igos le.i plus corronjpns, on a loujours vu
des exeuiples de vertu héroïque. Aiijour-
'l'Iiui moine, malgiéia pervorsi é ilu grand
iioinbrc, il n'est pas lare de trouver des
âmes vraiment chrétiennes , et dont les
CHR
856
mœurs sont dignes des plus beaux si'ècles
de l'Eglise.
On jugerait fort mal du caraclère et de la
conduite des chrétiens en général , si l'on
s'en rapportait au tableau qu'en a l'ait Mos-
licim dans les différents siècles de sou His-
toire erriésidsiiqiie : il semble n'en avoir
parlé que pour faire oublier le changement
que le cbrisliaiiismc a opéré dans les mœurs
des peufiles qui l'ont embrassé, efl'et <jni est
l'une des preuves les plus sensibles de la di-
vinité de noire religion, et sur laquelle tous
nos apologistes ont insisié. Sons e i*^' siècle
même, ir pari., c. 3. § 9, il dii qu'on ne
doit pas juger de la vie et des mœuisdu corps
d<'S (idèles par les exemples éminents de
sainleié (]ue quelques-uns ont ilo.inés, ou
par les préceptes sublimes et les exhorta-
tions de certains docieurs pieux, ni s'imagi-
ner que l'on bannissait jusqu'aux apparen-
ces du vice et ilu désordre dans les premiè-
res soc étés chrétiennes ; (|ue le contraire
est prouvé par des téu)oignages. Mais il n'en
a cité aucun. — Le meilleur témoignage que
nous aj'ons de la pureté des mœurs d's chré-
tiens du premier siècle est sans doute celui
de saint l'anl : or, après avoir censuré les
vices qui régnaient parmi les pa'i'ens, l'iilo-
làtrie, la fornication, l'adultère, les péci.és
contre nature, l'avarice, l'inlempérance, les
einpoilements , la rapacité, il dit: Quel-
ques-uns d'entre vous ont été coupnb'es, mais
vous êies lavés, purifiés, sanctifiés au nom de
Ji sus-Christ et par r Esprit dr Die i (1 Cor.
VI, 9). La rigueur avec lanuclle il menace
de traiter un incestueux nous paraît pruu-
ver qu!' l'on ne souffrait aucun vice ni aucun
désordre dans les premières sociélés chrétien-
nes. Si l'on ajoute à ce témoignage ce que
disent saint Clément et saint Ignace dans
leurs lettres louchant les mœurs >ies fidè es,
la preuve de leur innocence nous semble
ce 1 plète.
Sous le II'' siècle, il dit qu'à mesure (jue
les bornes de l'iiglise s'étendirent, le nombre
des personnes vicieuses et déréglées qui y
entrèrent augmenla à proportion; nous pen-
sons que celui des personnes verlucuses
s'accrut encore davan âge, ci à plus forte
raison. Quel molil' auraient pu avoir des hom-
mes vicieux d'embiasser le christianisme,
dans le temps qu'il élait persécuté et u.ii-
versellemeiit ilélesié, cl (pie ses sectateurs
étaient couliimellement exposés au sup|dice?
Nous avons pour garants de la sainteté des
mœurs des chrétiens de ce siècle , non-
se^ilement saint Jusiiu , Alh''nagore, saint
Irénéc, saint Tliéo[dii.e d'Antioc'.ie, t\ui ont
délié les païens de reprocher aucun crin;e
aux (idèles; mais la lettre de IMiio à Tra-
jan, le léu)oignage des apostats (|u°il avait
interrogés, ci lui de l'empereur Antoniu dans
son rescrit aux élals de l'Asie, et celui do
Lucien dans sa relation de la mort de Perc-
grin.
(iomnie c'est par la discipline péniteniiclle
que les pasteurs de l'Kglise y entretenaient
la pureté des mœurs, Moslieim a jugé qu'il
élait de son intérêt d'en noircir l'origine.
8?.7 CHR CIIR 858
Selon lui, cette institution fort simple dnns et dos autres vices ? Presque tous avaient
li's couiinenrcmeiils, s';illéra insensibliMncnt clé élevés dans les auslérilcs de la vie ino-
par la mul.iludii des céioinoiiies (]ii(' l'on y nastinue , et l'admiration de leurs vertus a
ajoiila. el que l'on cinpruuta, dil-il, de la porté les peuples à leur rendre un culte
discipline reçue dans les niyslères du paga- reli[{ieux après lour mort. Mais quand on
nisnie. Mais les rèjjles, 1rs pratiques, les comnieiice par se faire une fausse idée de
exemples de la péniience n'élaieiit-ils pas la vraie piété et de la solide vertu, il n'est
assez clairement exposés dans les écrits des pas étonnanl qu'on la méconnaisse dans
prophètes el des apôlres, sans qu'il fallût en ceux mêmes qui en ont été les plus parfaits
chercher le modèle chez les païens? Peui-on modèles, (^eux dont nous i)arlons n'ont pas
montrer, par des preuves posilives, que l'on pu soulTrir les liciétiques, ils ont tonné et
pratiquait dans les mystères du paf;anisnie sévi contre eux : voilà, aux yeux d'un pro-
ies mêmes choses qm.^ dans la pénitence, testant , le crime qui efface el détruit toutes
soit publique, soit particulière, des fidèles les vérins. Saint Ambroise d^'fendil l'entrée
du 11' siècle? Moslieim en voulait surtout à de l'éulise à i lièodose lui-même, coupable
la confession : or, elle est prescrit(! par saint du massacre de Thessalnnique ; cela nous
.Tac(iues, cliap. v, v. Ki, et par saint Jean paraît prouver que la pénitence n'et.iit pas
(/ Joan. 1, 1)}. C'est ainsi que, par enlèlement réservée aux seules personnes obscures et
di; seele, les proteslanis caliiiMiienl l'Kplise iniligenles. Laclance, Kusèbe, Arnobe, dipo-
primitive. Il reste a examiner, dil Moslieim, sent de la dilTérencc qu'il y avait encore
s'il convenait ou non d'emprunter des ennc- entre les moeurs des chrétiens et celles des
mis de la vérité les règles de celle discipline païens : Julien lui-même, quoique apostat,
salutaire, el de sanclilier en quelque sorle fut forcé d'en convenir,
une pai lie des supcrstiiions païennes. Mais La liste des grands êvêques du V siècle
le premier examen à faire est de savoir si est pour le moins ;iussi nombreuse qu'au iv.
les pasteurs de l'Eglise ont véritablement Nous nous bornons à nommer saint Epiplia-
couimis celte faute, et c'est ce que l'on ne ne, saint .!ean Chrysostome, saint Sulpicc-
prouvera jamais. — Le |>rincipal crime que S vère, saint Augustin, saint Paulin, sainl
Moslieim reproche aux cliréliens du iv siècle, Isidore de Damietle, sainl Cyrille d'Alexan-
ce sont les //vdif/i* pi'pMAe.'i: à Cet article, nous drie, saint Hilaire d'Arles, saint Ljon, et
verrons ce qu'il en est. saint Jérôme, simple préire. C'est cependant
11 n'a lien dit de paiticulier sur les mœurs à celte époque que, selon Mosheim, les vices
de l'E^ilise du iir siècle; il a senti (|ue les du clergé furent portés à leur comble: ca-
ouvraj;es de Minulius Félix , de saint Clé- lomnie que nous réfuterons au mol Clergé.
inenl d'Alexamlrie, de Terlullien, d'Origène, Le livre de saint Augustin, de Moribus Ec-
et les exemples de fermeté <ine donnèrent clesiœ calholicœ, dépose haulement contre
saint Cyprien el d'.iu'res èvêques, dépose- les préveniions des hérétiques et des incré-
r, lient contre lui. Il a été forc^' de convenir diiles. — Nous convenons (jue l'irruplion des
que la vigueur di; la discipline pénitenlielle barbares, qui arriva pendant ce siècle, causa
se conserva pendant toute la durée de ce siè- une révolution fâcheuse dans les mœurs;
cle; mais il a exagéré sans raison le nombre m lis elle ne fut sensible que dans les siècles
des lapses ou de ceux qui succombèrent à la suivants. Voij. Barbaues.
rigueur des persécuiions. Vay. Lapses. Que prouve la censure des vices que les
Au iv% il n'a pas ménagé les tei mes : on y Pères et les moralistes ont faite dans tous
trouve, ilit-i! , qurliiues per-onnes dislin- les siècles? Que notre religion nous enseigne
guées par leur |iictè, et (i'autres souillées de une morale beaucoup plus sévère que celle
crimes. Le nombre de cliréliens vicieux, coui- des païens, qu'elle nous prescrit des vertus
mei'.ça si fort à s'accroître, que les exemples qu'ils ne connaissaienl pas, et nous défend
d'une vraie piélé, d'une solide verlu, devin- des vices dont ils ne faisaient aucun scru-
rent exlrémemenl rares ; la plupart des pule. La vie d'un honnête païen paraîtrait
é'éques mon rèient à leurs troupeaux des fort corrompue el fort scandaleuse dans un
exemples coiit;igieux d'orgueil, de luxe, de chrétien. Voy. .Moralk.
mollesse, (ranimusilé et lie plusieurs autres On demandera, sans doute, quel motif
vices. La péniience rigoureuse que l'on in- ont les protestants de noircir les monirs de
fligeail aux pécheurs scandaleux, ii'aNait pas l'Kglise dans Ions les siècles ? C'est l'inlérct
lii u à l'égard des grands; il n'y avait que de syslème. il fallait répondre quelque chose
les personnes obscures et indigentes ([ni aux c<ilholi(|ues (fui oui comparé la conduite
éproav;isseiit la sévé.ité des lois. — Il est des prétendus réformateurs à celle des pre-
cependan. inco,,test ililc que le iV siérie a miers foadaleurs du christianisme, et les
clé le plus brillant de Ions par la muliitu ie mœurs des sectnires avec celles des premiers
des èvêques qui oui honoré l'Eglise par fnlcles. Pour pallier l'opprobre de la hien-
Iciirs veiliis aussi liirii que p.ir leurs lalenls; heureuse rcforinntion , nos adversaires ont
il suffit de monmer saint Alhana-e, saint été forcés de calomnier l'Eglise primitive,
hasile, saint Cjr.l'e de J.rusalein, sainllire- tant sur la doctrine que sur les mœurs,
goire de Nazi inze, sainl Cregoire de Nysse, T'oy. RÉFORMiTioN. Peu leur importe de
saint Hilaire de Poitiers, saint Martin, saint fournir des armes aux ennemis du christia-
Ambroise, etc. Sonl-ce ces grands hommes nisine, pourvu qu'ils inspirent des préjugés
]'i\ (.nt donné à leurs ouailles des exemples contre l'Eglise calholique. Les écrivains sen>
J'orgueil, de luxe, de mollesse, d'animosilé ses de VIJistoire ecclésiastique se sont alla-
8^9
CHR
cnR
8''0
chés à y montrer des vertus, persuadés de
l'ulililé de celte leçon; les héréiiques s'ap-
pliquent principalement à y trouver lie- vi-
ces, afin d'autoriser s.ms doulc Ions les !)oin-
mes à les imiter, et il'ôler à noire reliuion
l'une des pr nripales preuves de sa divimlé. !
Les accusations qu'ils ont formées conlre
la croyance des premiers chrétiens, ne sont
pas mieux fomlées que relies (Qu'ils ont ha-
sardées conlre leurs mœurs. Mnslieim [Insl.
hxft. christ., c. m, § 17) soiilient que du
temps même des apôires. ou immédiatement
après, les fidèles élaienl imbus de plusieurs
erreurs, dont les unes venaient des .luifs,
les autres des gentils; il en conclut (|u'il ne
faut pas penser qu'une opinion tient à la
doririne chréiii'nne parce qu'elle a régné
dans riîglise dès le i*" siècle; qu'ainsi l'ar-
c;ument tiré de ]?. Iradiliou e^l absolument
nui. 11 mel .:u ranjr des erreurs judaïques
l'opinion de la fin pro( haine du monde, de
la venue de l'Antcchrist, des guerres et des
crimes dont il devait être l'auteur, du règne
de Jésus-Christ sur la terre pendant mille
ans, du feu qui purifierait les âmes à la (in
du monde, il allrihuo aux leçons des païens
ce que l'on pinsait au sujet des esprits ou
génies bons ou mauvais, des spectres et dis
fautôrni'S, de l'étal des morts, de reffioacité
du jeûne pour vaincre les mauvais esprits,
du nombre (if ; cieux, etc. Il n'y a rien de
lotit cela, dit-il, dans les écrits des apôtres;
c'est ce qui prouve la nécessité de nous en
tenir à rEciilnre sainte comme à la seule
règli- de croyance.
Ainsi, linlérél syslén)atique conduit les
protestants jusqu'à noircir les disciples des
apôtres; 1rs incrédules ont fait un pas de
plus; ils ont attribué ces erreurs au\ apô-
tres mêmes. Bornons-nous à disculper les
premiers chrétims, cous justifierons les apô-
tres ailleurs. 1° Mosheim n'a vu parmi les
Juifs, avant le christianisme, aucun vestige
des opinions judaïiiues dont il parle, et nous
défions Ions les ciitiques proteslants d'en
indiquer aucun; .Moslicim convient, dans un
autre endroit, que l'on n'en raisonne que par
conjecture. 2° 11 observe lui-même, § 18,
que les premiers clirélims curent plusieurs
cotitesialious avec les Jiuls et avec les païens
entêtés de philosophie ; ils n étaient donc
rien [uoius que disposés à suivre les opinions
des uns el des autres. 3" S'il entend que,
dans le 1" et le 11"^ siècle, quelques particu-
liers ont retenu des opinions judaïques ou
païennes qui n'étaient contraires à aucun
dogme de la foi clirélienuc, nous ne dispute-
rons pas contre lui; mais s'il prétend que
ces Opinions élaienl assez communes cl as-
àez répandues i)Our former une espèce de
tradition, c'est u;ie fausseté et une supposi-
tion contraire aux promesses de JcsusChrisl.
Moslieim convient (|u'alors le Sainl-Ksprit
présidait encore à l'E^jUsc diréticnnc pour
opérer des miracles; y étaii-il moins pour
la préservorde l'erreur? 4."S'il y a eu parmi
les premiers docteurs r.lnctiens (]uelques opi-
nions fausses ou douteuse , nous soutenons
qu'ils les ont puisées dans une interprétaliun
fausse de l'Ecriture sainte, et non dans au-
cune autre source. .Mnsi quelques-uns ont pu
croire la fin du monde prochaine, à cause
des l'aroles de Jésiis-Clirist [Matih. xxiv, 3i),
de celles de saint Paul (/ Thefs. iv. H), etc.
Les incrédules nous ohjecienl encore <iue
.lésus-Christ et les apôtres oui annoncé la fin
du monde, afin d'épouvanter leurs auditeurs*
L'avéuemeni, le règne, les crimes de l'Anle-
christ semblent prédits {II Tliests. a, 2; /
Joan. II, 18), etc.; plusieurs romincnlateurs
le croient encore. 11 en est de même du rèjne
de mille ans {Apoc. xx, G el suiv.), et du leu
purifiant (/ Cor. m, 13; 77 i^err;, m, 7et 10),
etc. 11 n'a donc pas été besoin de rousulter les
Juifs sur tons ces articles. Voy. Antechkist,
Fin du JIonde, Millknaibes.
Quiinl aux opinions prétendues païennes,
il n'est pas plus difficile d'en montrer la
source dans nos livres saints; la distinction
eulre les bons el les mauvais esprits, entre
les anges el les démons, est riairenu'nt
établie : on y a vu ce qui est dil des appari-
tioiis des a:iges aux patriarches, du soin
qu'ils prennent des hommes et des nations,
des leçons qu'ils onl données aux prophè-
les, etc. On y lit encore ce qui regarde le
démon dans le livre do Job el dans celui de
Tobie, dans l'Evangile el dans les E,jîlres
des apôtres; n'en élait-ce pas assez pour
faire raisonner sur la nature des bons et des
mau\ais esprits ? il est parlé des fantômes ou
des spectres {Matth. xiv, 26; Luc xxv, 37).
La parabole du mauvais riche, la descente
de JiSus-Clirisl aux enfers, les pnunesses
de 11 résurrection géncrale, ont donné lieu
à des conjectures sur l'étal des morl>, etc.
L'utilité de l'abstinence, du jeûne, des mor-
liiicalions, n'est poinl fondée sur des idées
païennes, mais sur les leçons et sur les
exemples de Jésus-Christ, de saint Jean-
Baptiste, des apôtres el des prophètes. \ oyez
AnsTiNENCE, etc. Les anciens docteurs chré-
tiens, qui oui parlé de ces diveri points de
doctrine, onl cité l'Ecriture sainte, et non
k's traditions des Juil's ou les opinions des
philosophes païens, il est mi'me fait mention
du troisième ciel (// Cor. \ii, 2 et 4); les in-
crédules n'ont pas oublié de le reprocher à
saint Paul.
Nous avons donc ici trois sujets de re-
proche cintre nos advers/iires : le premier,
de ce qu'ils osenl taxer d'erreur des senti-
ments évidemment fondés sur l'Mcriture
saillie; le second, île ce qu'ils attribuent aux
Juifs et aux païens quelques opinions dou-
U'iises,qui viendraient plutôt d'une iiiier-
prëlalion fautive du texte des livres saints,
que de toute autre cause; le troisième, de
ce qu'ils tirent de là une conséi]ueucc tout
opposée à celle qui s'ensuit naUirell'emenl.
S'il est arrive aux premiers chrétiens deu-
tcndri! mal ce icxte sacré, comment pou-
vaient-ils se détroinpor en s'y tenant aila-
cliés comme à la seule règle de foi ? Le seul
moyeu qu'ils avaient de sortir de l'erreur
étail évidemment de con.suiler la crovauce
coiiiiiiune des iiglises aposloliques ; c'est
aussi ce que l'on a fait pour discerner la vraie
8GI
CIIR
CiKt
8G2
doctrino 'e Jt^sus-Christ d'avec les opinions
doulon.'es ou fausses. Mais ce n'est p;is ici
le soûl cas dans lequel nos adversaires, ea
vnuiaiit il(''créditer la Iradilion, nous en dc-
inoiili-ent la nécessité.
CiiRÉTiiiNS DE Sai.nt-Jean. Voy. Mandaï-
TKS.
Chukt'ens de Saimt-Teomas. Voy. Nes-
TOMIEXS. § 4,
CIlUÈTlIiNTÉ, signifiait autrefois /ec/erç^;
ou appeliiit cour de clin'iieulr, une juridic-
tion ecclési.islique et le lieu où elle se tenait.
Il y a encore des diocèses où li's doyens
ruraux se nomment doi/ins de chrétienté.
Aujourd'hui l'on cnleiid par chrélienlé la
collection génér. Il' de tous les homuies qui
professent la reli;.:ii^u lie Jésus-Cliiist, sans
avoir égard aux diverses opinions qui les
part igenl en différentes sectes. Ainsi , la
chrétienté. n'vsl pas lenlermée dans \.i seule
Eglise calludique, puisqu'il y a hors do cette
Eglise des hommes et des sociélé'i qui por-
tent le nom do chrétien, cl font profession de
croire en Jésus-Clirist. — Mais dans les pre-
miers siècles de l'Eglise on n'accordiiit p .s le
litre de chrétien aux hérétiques. Terlullien,
saint Jérôme, saint Athanase , Lactancc,
deux éilits, l'un de Constantin, l'autre de
Théodose, le concile général de Sardique,
décident que les hérétiques ne sont pas
chrétiens (Binsliam, Oriij. ccclés., liv, i, c. ;!,
§ 4-, t. 1, !). 3.X3). Ainsi, le mot chrétienté
a aujourd'hui un sens plus général qu'autre-
fois.
De tout temps les ennemis du christinnisme
lui ont fait un crime de celte multitude de
sectes qui le divisent; ils en |)rennent occa-
sion de soutenir (|ue cette religion est une
pomme de discnrdi' qci Siinhle avoir été je-
iée p.irmi les hommes, pour les mettre aux
prises et les ai'.imer les uns contre les autres.
— Mais il ne fiiul pas allrihuer à la religion
en général un vice de l'homme qu'elle de-
vrait corriger, ni à une religion ] ai liculière,
rinconvénient qui se trouve dans toutes les
religions, dans les écoles de j)hllo^ophie, chez
les incrédules comme parmi les crojanis.
Or, il n'est sur la terre auctine religion qui
ail eu le pouvoii' de prévenir les dis|iules et
les schismes, aucun systèine qui ait réuni
tous les philosophes, m aucun système d'in-
crédulité qui ail pu accorder tous les incré-
dules. Les uns sont déistes, les autres sont
athées; ceux-ri matérialistes, ceux-là scep-
tiques ou pyrrhoniens; les uns tolérants, les
autres inlolér.uils, etc. — Une doctrine révé-
lée, contraire aux préjugés et aux penchants
de la nature, destinée à subjuguer l'e-prlt
et à réformer ie cœur, ne peut uirinquer île
meiire la division parmi les hommes natu-
rellement curieux, vains, dispuleurs, opi-
niâtres. Chacun , par vanité , se flatte de
l'entendre mieux qu'un autre, veut avoir
raison, faire ado|)ler ses opinions, gagner
des parlisans; souvent il y réussit, devient
chef de secte, et veut faire bande à pari.
Cette maladie avait commencé dans les éco-
les de philosophie; elle tut p .rléc diins le
cfarisiianisme par des raisonneurs indociles
et mal convertis. Ils voulurent allier la doc-
trine de Jésus-Christ avec leurs opinions
philosophiques; au lieu de réiormer- celles-ci
par les lun)ières de la révélation, ils tirent
éclore les différentes hérésies qui ont aKligé
l'Eglise presque dès sa naissance. Jésus-
Chrisl l'avait prédit, les apôlres nous ont
prémunis contre ce scandale, (^e n'est pas
aux successeurs de ceux qui l'ont fait naître,
qu'il convient de nous l'objecter; eux-mêmes
les perpétuent et travaillent à rendre \e mal
ineurahle. D'où sont venues les hérésies,
sinon d'un fond d'incrédulité?
On sait en quoi consiste le cluislianisrae
ou la prédication des apôlres; ils ont dit:
Jésus-Christ, Fils de Dieu, a enseigné telle
doctrine, et nous a ordonné de prêcher telles
vérités. Us ont dit aux pasteurs (l'i'ils ont
établis : Gardez fidèlernent la doctrine que
nous vous avons conliée, et enseignez-ia a.ux
autres (// Tin. ii, 2). Ici la philosophie, la
curiosité, la fureur de do;;maliser, n'ont rien
à voir. Ou il faut croire les apôtres et leurs
successeurs, ou l'on n'est pas chrétien. Si
quelqu'un veut arranger sa foi, créer un
système, choisir des opinions à son gré, il
ne croit pas à la parole de Dieu, mais à ses
propres luiiHères ; il est hérétique et non fi-
dèle.— Pourquoi cette mélhode a-l-elle donné
lieu à des disputes ? Parce que l'on s'est ré-
volté conlro elle. L'un dit : Je ne veux croire
que ce qui est écrit, et je veux l'enteiulre
comme il me plaira, lit moi, dil un autre, je
ne veux croire que ce que je conçois ; Dieu
lui-même n a pas droit de me faire croire ce
que je ne comprends pas. Moi, dit un troi-
sième, je no ^eux rien croire de tout ce que
les autres croienl, je veux avoir un système
à moi. Avec de telles dispositions, est-on
chrétien ou incrédule ? Il est aussi absurde
d'attribuer au christianisme celte opinià-
Irelé, que d'atiriliuer à la raison les travers
des faux raisonneurs. Voy. Dispute, Hè-
res E.
CHRIST. Ce nom, dérivé ilu grec xpi^tv,
oindre, faire une onction, signifie dans l'ori-
gine une personne consacrée par uio^ onc-
liou sainte; c'est le synonyme de l'hébreu
Messie.
De tout temps les Orientaux ont fait grand
usage des parfums, et ils étaient nécessaires
lorsque l'usage du 1 nge était inconnu ; c'é-
tait le seul moyen de prévenir les mauvaises
odeurs. Au sortir du bain, l'on ne manquait
pas de se frolier le corps d'une huile ou d'une
essence parfumée; en répandre sur la tête,
sur la b a be, sur les vêlemcnis de quelqu'un ,
c'était lui faire honneur, ie traiter comme
une personne de distinction. De là les effu-
sions d'huiles odoriférantes devinrent un
symbole de cons cration ; ainsi furent sacrés
les ro s, les prêtres, les prophètes. Dans le
style des écrivains de l'Ancien Testament,
oindre une personne pour quelque chose,
c'est l'y destiner ou l'y consacrer. — Nous li-
sons dans le prophète Isaïe, xlv, i : Le Sei-
gneur a dit à Cynis : Mon cnn st ou mon roi,
]e vous ai pris par [a main pour vous sou-
mettre les nations et les rois,... et vous ne
8u:
CHR
CHR
8C4
m'avez pris connu. Quelques incrédules ont
é'iï éloniics de voir le non» de christ donné à
un roi infidèle; ils ne comprenaienl pas le
sens ordinaire de ce lerine. — Dans un sens
plus sublime, le nom lie Christ ou de Messie
a clé donné au Fils de Dieu incarné, parce
qu'il a réuni dans sa personne la dignité de
rui, de prêtre et de proplièle. Les écrivains
romains qui en i;;noraient la signification,
et {]ui le [irenaient pour un nom propre, ont
quel(iuefi>is écrit Chrestus pour Christus.
(( Christ, dit Laclance, n'e>-t pas un nom pro-
pre, mais un litre (jui désigne la puissance
et la royauté : c'est ainsi que les Juifs appe-
laient leurs rois Il leur était ordonné de
faire et de consacrer un parfum pour oindre
ceux qui étaient élevés au sacerdoce nu à la
dignité royale. De même que chez les Ro-
mains une robe de pourpre est l'ornement et
la marque de la souveraineté, ainsi cliez les
jui"s une onction sainte était le symbole de
la loyauté. C'est pour cela que nous appe-
lons 'Christ celui qu'ils nommaient Messie,
c'esl-a-dire oint, ou sacré roi, parce que cet
auguste personnage possède, non un royau-
me temporel, mais un royaume céleste et
éternel. " [Divin. Inst., 1. iv, c. 7.)
CHKISIIANISME , religion que Jésus-
Clirist a établie, qui le reconnaît et l'adore
comme Fils de Dieu cl Uédempteur des hom-
mes, il y a bientôt dix-huit cents ans qu'elle
a commencé, el son établissement a opéré
une grande révoluiion dans la meilleur!' par-
lie de l'univers. On demande anjouid'hui si
celte religion est l'ouvrage de Dieu, ou une
invention des hommes, si elle a fait dans le
monde plus de bien que de mal ; ce doute ne
peut élrc élevé que par des hommes Ires-rnal
instruits, ou déterminés à s'aveugler eux-
mêmes.
La première question est de savoir quelles
sont ses preuves, ou quels sont les motifs de
crédibilité qui doivent engager un bouime
sensé à s'y attacher ; ceux qui l'allaiiuent
les ignorent ou afl'ec lent de les méconuaitrc ;
nous ne pouvons faire que les indiquer som-
mairement ; pour les développer, il faudrait
plusieurs volumes; mais ils seront traités
plus au loi;g, sous chacun des articles aux-
quels nous simimes obligés de renvoyer le
lecteur, et i\u\ seront ici maïqués en li'ttrcs
italiques. A iropremenl parler, tous les ar-
ticles de ce IHctionnuire tiennent à celui-ci
de près ou de loin.
Nous donnons pour première preuve de la
di\inilé du cliristianlsme, la liai-on qui se
trouve entre les trois ép -ques de la rctcla-
lion (1). Celle que Dieu avait donnée aux
(1) I.a rëvoliiiinn .irrivce dans le monde par le
chrisiiaiiisine ftsl V: iIcmiiT irait d'un | jati suivi,
coiislanl, ilnifmiiie de la l'ioviile.ice. De mèiiie i|iie
la religion donnéo aux pali inclics étnu proinirliiin-
néo à l'état d'eiih'nee ilans Icrpiel ('laii alors le (joiirc
huinan, celle i\\h- Dieu av.m presiriie par M ise
élan évaieiiiiiionl, relative a l'étal de sé|iaralioii et
fie guerre inuliielle dans leipiel les nalioiis (lé|:i for-
mées vivaient viilie elles. Le clirislianiMiie, an con-
traire, s'e->l trouvé cxacieiiieiil analioiie à l'état Ad
société et de couiiuerce auquel les peuples étaient
premiers hommes dès le commencement du
monde était destinée à fonder la société na-
turelle et domestique ; elle convenait à des
familles naissantes, et qui ne pouyaient en-
core former des peuplades considérables. La
seconde, de laquelle Moïse fut l'organe, ten-
dait évidemment à établir entre les descen-
dants d'Abraham une société nationale, à
fonder sur la même base la religion el les
lois : législation remarquable que Dieu plaça
exprès dans le centre de l'univers connu, et
qui aurait dii servir de modèle à tous les
peuples. La troisième révélation a été don-
née par Jésus-Christ, lorsque les nations se
sont trouvées sufiis.immenl policées pour
former entre elles une sociéié religieuse uni-
verselle, et tel a été son dessiun, lorsqu'il a
ordonné à ses apôtres A'enseigner louies les
nations. L'une de ces révélations a servi
ainsi de préparation à l'autre, toutes ont été
analogues à l'état dans lequel se trouvait le
genre humain. Dieu a fait u)archer l'ouvrage
de la grâce du luéme pas que celui de la na-
ture.— Voilà ce que les ennemis du christia-
nisme n'ont jamais compris : ils le considè-
rent comme s'il était tombé des nues, comme
s'il n'avait ni litres originaux, ni relation
avec personne ; ils ne voient pas que c'est
un plan préparé depuis la création du
monde. —2" La seconde preuve sont les pro-
phéties qui l'ont annoncé. C'est encore uue
chaîne qui a commencé par Adam, a conti-
nué pendant quarante sièeles, et s'est termi-
née à Jésus-Christ. La clarté de ces pro|)hé-
ties va toujours en augmentant, à mesure
que les événements approchent, et leur sens
.'e développe enfin par leur accomplisse-
ment. L'une n'a pas pu servir de modèle à
l'autre, toutes annoncent des événements
que Dieu seul pouvait opérer. Ici les incré-
dules prennent encore le change ou veulent
le donner. Ils ne cousidérenl les prophéties
que séparément ; ils aiïeclent de ne pas voir
que c'est l'ensemble (]ui en fait la [ilus grande
force. — 3° Une preuve encore plus frappanle
est le caractère auguste de Jésus-Christ, la
parvenus, lorsipie Jésns-CInist a paru sur la lene.
Dieu avait insliiiil les patiiairlies iinincdialeinent
par liii-nioiiie : il s'était l'ail connaître aux llétiroiix el
.iiu nations voisines par des pro'ligi'S i|iii iii-piraieiil
la teneur : par le njinislère de son Fils (inique, i: n'a
répandu que des bienl'iits. L'olijet des niiiaele. du
Sauveur éiail d'éclairer les esprits en g ign.uit le.^
CQ'ui s. Sa doelriiie, sa morale, ses promesses toutes
spiiiliielles, auraient (ait peu d'iiiipress.on sur l(!S
lioniines encore à demi sauvages; elles poiivaicnl en
taire d.ivanla^e sur des peuples oivili.^és el deviiius
plus ilo! iles par la culture des sciences el des arts.
i'oiir prouver (|ue notre rcligimi est l'ouvrage du
hasard ou de ';iiel>|nes liommes adioils, il faut com-
mencer par démoiilrer cpic, depuis la créalion, la
l'iovideiice diMiie n'esl iircrviMiiie pour rien dans
l'oiatili^semenl el le m.iiniien de la vraie reli;;:oii,
Lnrsque la philiisi>pli)e envisaj^c le clnislianisme
comme un édifice isolé qui ne lient à lien, comino
un accès de déineiite ipii a sai-i tout à coup une
grande partie du «eure liiimain, elle nioiiire ijue ses
vues sont tiés-lioriiéos, qu'elle ne con .ait seulciuenl
pas le svsléme qu'elle ose aiiaqiier. (liergier, Tiailé
hiil. et Uoym., l. Vlll, édil. de 18'20.)
îiG3 CHR
sagesse de ses leçons, la subiiinilé de sa doc-
trine, la sainteté de sa morale, l'héroïsme do
ses vertus, l'éclat ilc ses miracles. Où est le
lé-îislaicnr, le fondateur de religion, qui ait
réuni dans sa personne aniaiit de signes d'une
mission divine? Lui seul s'est altrihiic la
qualité de Fils de Dieu, mais aussi il n'a
nian(|ué d'aucun des caraclères qui pouvaient
convenir à un Dieu l'ait iionnne (Ij. — '*' La
prédication des apôtres et les circonstances
(1) « L'Evangile, dit Rmis-eaii, ce divin livre, le
seul iiécessiiire à un clirélien, l'I le plus mile de lous
à quiconque ne le serait |)as, n';i hesoiti que d êlre
niédilc, pour porler dans l'ànie l'amour <le son
auteur, et la volonté d'^iceoiui)lir ses préceptes. Ja-
mais la vertu n'a.pirlé un si doux langage, jamais la
plus priifoiidc sagesse ne s'est e.\pii niée avec autant
d'énergie et de simplicité. O.i n'eu quitte puiiu
la leetuie sans se .sentir ineille ir (|u'auparavaut.
I Voyez les livres des philosophes avec imile leur
pompe: qu'ils sont peiits aupiés de celui-là! Se
pe'.il-il (|u'un livre, à la fois si sul>linfe et si sage, so t
l'ouvrage des hoinine' ? Se peui-il (pie celui ilonl il
fait l'histoire ne soit qu'un lioniiue lui-nièuie? Est-ce
là le ton d'un eulliousiaste ou d'un ambitieux sectaire ?
Quelle douceur, quelle pureté dans ses nioeuîs I
quelle grâce louchante dans ses iiislruclions ! quelle
élévation dans ses maximes ! quelle prof imle sagesse
dans ses discours! quelle présence d'esprit, quelle
fliiesse el quelle justeSM: dans ses lépouse^! quel
euipirc sur ses pasioiis! Oii est l'Imniiue, où est le
sage (jui sait agir, soulfi ir el mourir sans laihlesse et
sans ostentation? Quand l'Iatou peint snii juste ima-
ginaire, couvert lie tout l'upprolire du eniiie, et
digue de tous les prix de la veriu, il peiiii irait pour
tr.iil Jésus-Christ : la res.,einl)lanee est si frappante,
que Kuis les Pères l'ont sentie, et qu'il n'est pas pos-
sible de s'y iroiiiper.
« Quels préjugés, quel aveuglement ne laui-il point
avoir, pour oser toniparer le liU de Sophiouisi|ue au
iils de Marie! Quelle distance de l'un à l'autre ! Soeiate,
inouraiil sans douleur, sans igiioiniiile, soulietil aisé-
ment jusqu'au bout S(Mi pers(uiiiage ; et si cette facile
mort n'eiU lionnré sa vie, (ui d:iiiteraii si Sucrate,
avec tout son esprit, lui aiiire elio-e qu'un sophiste.
Il inventa, dil-oii, la mora'e. l)'alllle^ avant lui l'a-
vaient mise en piaiiipie; il ne lit que dire ce (|u'ils
avaient fait ; il ne lit que mettre en leçons leurs
exemples. Aristide avait été jusie avant que Sutraie
eilt dit ce que e'élail que li ju-liee; Léonidas é ail
mort pour son pays avant que Sacrale eût lait un
devoir d'aimer la patrie ; Sparu; é ail sobre avant
que Siicia e eut loué la sobiiéié; av.ini qu'il eût
loué la verlu , la Gré.e abniidail en liomuies ver-
lueuv : mais où Jésus av.iit-il pris chez les .-ieiis cette
miirale é'evée et puie, dont lui seul a duimé les
leçons et l'exemple? Du sein du plus linieiix laiia-
tisnie, la plus liauie sage^se se lit enleudie, el
la simplicité des plus liéioiques vertus honora le plus
vil de ions les pe iples. La uiorl de Suer:. te pliiloso-
plianl traiiipiiilement avec ses amis est la plus
dcuice ini'ou puisse désirer ; celle de Jésus expirant
dans les touriiienls, injurié, raillé, maudit de tout
un peuple, est la plus hoirible qu'on puisse eiain-
die. Socrale, prenant la coupe enipoi»oiiiiee , bénit
celui qui la lui piéseiile el qui pleure : Jé^us, au mi-
lieu d'un supplice allreux, prie p lur ses boni remx
acharnés. Um, si li vie et 1 1 nmrt de Socrale sont
d'un sage, la vie et la mort de Jésus soiil d'un Dieu.
« Diroiis-Mous que l'histoire de l'Kvaiigile est iii-
veiilée a pliisir ? Ce n'est [jas ainsi qu'où invente ;
et les l.iits de Sncrate, doiil p;'i>onne ne douie, soiil
moins attestés que ceux de Jésus-Christ. Au fond,
c'est reculer la dilliculié sans la détruire. 11 serait
CHR
8G6
dont elle a été accompagnée, leurs qualil 's
personnelles, la certitude de leur témoignage,
les olislacles qu'ils avaient à vaincre, la con-
tinuiié de leurs succès, la mori qu'ils ont su-
bie pour sceller la vérité des laits qu'ils an-
iionçaienl, la manière dont le cfirisliunisme
a été ailaqué, et la manière dont il a été dé-
fendu, les révolutions arrivées dans la suite
des siècles, qui semblaient devoir l'aiiéaulir,
et qui, dans le l'ait, ont nonlrihué à sa pro-
payatioii. Nos anciens apologistes, Origéne,
saint Justin, Tertullieii, Lactance, avaient
déjà fait valoir celte preuve ; elle est deve-
nue bien plus forte par la succession des
temps (1). — 3" Le témoignage rendu par les
plus inconcevable que plusieurs hommes d'accord
eussent labriipié ce livre, qu'il ne l'est qu'un seul en
ait lu uni le sujet. Jamais Oe< auteurs juifs n'eussent
lioiivé m <e tiui ni celle morale; el l'I'Jvangile a des
caractères de vérité si frappants , si parfaitement
iniinilahles, que l'iiiveuleur en serait plus étonnant
()ue le héros, t (Esprit, Maximes de J.-J. llousscau.)
{{} t Entre les divers événenienls qui appartien-
nent à l'or.ire moral, comme d ms les plieiioméues
de l'oidr.; physique, il existe des rapports d'après
lesquels nous pouvons souvent, ou remonter de l'ef-
fet à la cause, ou de^ceudre de la cause à l'elTet. Si
les miracles de Tlivangile soin réels, Il est impossi-
ble qu'ils n'aieiil pas eu des suiies considérables
dais le monde : el réciproquement, i peu d'années
api es 1,1 mort de sou lond.itenr, je vois le christia-
nisme s'établir p.irtniil où il est annoncé, je ne puis
m'empècher de regarder ses progrès connue la con-
séqiieme naturelle des miracles de l'I.van^ile.
I Ciimmeiiçons p.ir établir les laits (|ui doivent
servir de base au raisoniieineul. Iteprenons le livre
des Actes et les Lpitres du i\oiiveau Tesiaui -ut, où
.se inmve Ihisloire coiileuiporaine de la naissance du
christianisme. Il ne s'était pas encore écoulé deux
mois depuis la inorl de .lésus, lorsque tout à coup
les apoires se moulrenlcl enseignent piiblKpieiiienl
au milieu de Jérusalem. De la I. ur doeirine se ré-
pand dans liiuie la Judée et d.ins les provinces cir-
convoisines. llieiilôt après, elle péiiélro dans la Gré-
ce, dans riialie, el jusque ilans l'Lspague. Ils loiulent
des Eglises à Corinthe, à l'hilippes, à Tiiessalon>-
que, à Epliêse, à Amioche, à Home, dans l'ile do
Crète, dans le Pont, dans la Caiipadoce, la (i.'.lalie,
la lîilhynie, etc. i\ous avons la preuve de ces fans
dans l'iiisloire originale du li\re des Actes, éciile
par un lémuiii ocuia.re, el dans les Epitres que les
apôtr,;s adressaient aiu li lèles de toutes ces con-
trées. Avaiil la lin du premier siècle, l'Apocalypse
de saint Jean nous iiionlie des l'.glises régulières,
gouvernées par des évéïuci dans les principales vil-
les de l'Asie .vli.ieure. — Vers le milieu du ii" siècle,
saint Justin, dans son dialogue avec le juif Try|dion,
avaiue coiiiuie un fan généraleuient connu, qu'il
nesl point ue n.ilion, soit policée, soit barbare, nù
l'on n'adresse des priéies el des actions de giàcs à
Dieu créateur, au i oui de Jésus crucilie. Qiiebpies
années : prés, saint lituée, évéque de Lyon, vuuiant
pro.acr ipie la foi calho.iqiie eiait la même dans lo il
l'uiiiveis et jusqu'aux exlréuii es de la leire, nomme
les bgliscs des Cmles, de la Germaine, de l'Iberie,
de rOiieiit, de l'Egypte il de la Libye. — Tertullien,
qui vivait au eomuiencement du ni" siècle, eiilie-
preiid de prouver eontie les Juifs, par lenimiéi.a nn
des peuples cpii croyaient à rCvangi.i', que le loyau-
ine (le Jesus-Ciirisi el.cit plus étendu que les empire;
de ^abuchodonosor, (J'.\le.\andre et des Romains.
Mous ne sommes que d'hier, dit-d encore dans ^o
Apoloijétiiiue, et non- remplissens vos villes, vos îles
867
ClIR
CHR
SfiS
martyrs aux faits sur lesquels le christia-
nisme est fondé, et à la sainlelé de celle reli-
vos fonere'ses, vos colonies, vos camps, vos trihiis,
vos déciiri.'s, le palais, le sénal, les assinil) ées.
Nous ne vous avons Liissé (|iie vus li-in|iles. — Siiiit
Alliana^e, tlans iiiie é(iiiie syiioill(|ii<', norimie les
Eglises d'Ksptgiie, île la Gramie Ure^is"*!. "'<"* ^••»''
les, (le rilalie, de a Ualmaile, de la ftlvsie, de la Ma-
cëdoiiie, de la Grèce, de rAlViijiie, de la Sardaigiie,
etc. Kiilin Ions les conciles (]ui om piécédé le con-
cile de Nicée soiii des inonnmenis irrécusables des
vastes con.|néles qne la foi cluétieiine avait laites
avant le rèL;ne ei la conver ion de C.'inslaiilin.
t L'nistoire prof ne est d'accord avec Tliibloire ee-
clésia-tique. Tacite nous apiirciid ((ue, sous le règne
de iNcron, trente ans après la mon de Jésus-lUiiist,
il y avait à Home une grande inuilitiide de chrétiens.
Dans le même temps, Senèiine, ciié par saint Augusiiii
{De Civil. Dei, lib. vt, c. 15), !.'indi',îiie des progiés
qne foni ilans luul Punivi'rs les coniuuies des Jniis :
c'e^i ^linsi qn'il désigne les cliiétiens sortis de a Ju-
dée. Les va nqncurs, dit il, ont leçn la loi des vain-
cus. — Avant 11 lin du i^' siècle, Pline le Jeune,
pri consul de liilliyiiie, écrivait à l'einpereiir Tiajan
(|ue les villes el les campagnes de cette province
étaient tcmplies de cluélicuS de (ont lang, de tout
âge et de tout sexe (a) ; el l'on ne peut douter qu'il
n'en iijt de inèiiie des auires piovince-i de l'empire.
Lucien nous apprend ijue, sous le règne de Cmniiio-
de, la province de Poiil, sa patrie, éiail pleine d'é-
picuriens el de chiéiicns. Dion Cassiiis, an coinmen-
cemcni du troisième siècle, nvuue qne cette supers-
tition, siiiiveiit répriiiice, était pins luite ipie les lois
et faisan Ions les jouis de iiouveans prn^rès. l'iutar-
que, SirabiMi, Lucain, Jnvénal, déploient les! eiice
des or^icies, que l'un ne peut atirib.ier qu'.tu d Seré-
dit où ils liinoaienl à inesnie que s'étendait le cliris-
llaiiisme. Porphyre dit expressément, qu'Esculapc
et les autres die>ix ne l'unt plus sentir leur pruiec-
tion depuis que Jésus est adoié.
I Mais qu'esl-il besoni de ciier les écrivai:is des
premiers siècles '? C'est un lait iiiluire (|ue, avant le
règne de Constantin, l'Lvangile avait pénélié d^iiis
toutes les régions du inonde connu, et bien au delà
des liiniles de l'empiie luinain. Loin de le contes-
ter, les incrédules s'en prévaienl souvent p uria-
loinnier lu conversiun du piemier pi inee ciirélieii.
Selon eux, la (onvution n'y eut aucune pan, cl
Coiisl.inlin, indiliéreiit au lund sur lou.es les reli-
gions, ne se déclara en faveur du clirisliaiiisiue que
pour se meure à la (éle du parti le pins puissant.
Ainsi, de leur aveu, la nouvelle religion avait pris
le dessus dans l'empiie, non seulemenl sans le se-
cours, mais eiicoie m.ilgié tous les ellurts de la puis-
sance publique. — Lu elîcl, depuis sa naissance jus-
qu'au leni|is de Coir^laïKin, b; clirisliiinisnie n'a pies-
que j in.iis cessé d'eue en bulle aux jilus viu.en.es
peisecutiuiis. A Jérus.ilem, les apôtres sont ciiipri-
soniics, baitns de verges • n mis a mon. P.irlnul où
ils porieiil leurs pas, tes jnil's les pirursuiveni, les
accusent i!ev..nt les ti ibun.iiix ou soulèvent le pi'uple
contre eux. ^éron icjetle sur les chrétiens l'inceu-
die dé KiMiie, cl I s lait expirer dans des supplices
aflreux. 1) iiiiiieii, Trajaii, bevéïe, Décius, Vaieneii,
Auiéneii, Uiocielien cl ses collègues pnbliem des
édils sanguinaires cou re le chrisiiauisme. Les gou-
yerneuis ues proiinces ajoutent à la cru. lUié des lois
iuipcn.dcs. bans tiuie l'étendue de l'empue, une
populace siipcisiitiiiise et len.ce demande à grands
cri» le sang des cliictiens. Leurs lourinenis lunt
paille des sp'ectacles ei des jeux publics. L'hisloire
(n) MulU oiDDis Ktalis, oninis ordiuis, utriusque sexus
eiiaui vocdiilur lu pericutuin, el voeatmiilur. iNeque eniiu
civitutes, $.:d veu^ eliauj alque agios :>u,je[birUuuis isllus
tonla^io pcrvagaia est.
giaîi qu'ils avaient en)brassée avec pleine
coiuuiissance de cause : lémoignage coiilirmé
ecclésiastique compte dix persécnlinns générales or-
données par des édils ; in.iis, lors même que les
eiiipereiirs seml)laienl accorder ipielqne répit aux
cliréiiens, il s'élev.iil (les perséeii ions locales, au-
toii.sées en (|Uilqiie sorte par les anciennes luis qui
dél' iid.ueut d'inlrodniie de nouvelles religions
€ C'e^t donc nn f lil iiicontestaiile que la foi s'est
étendue et alfermie au milieu des per.séciilions, et
que le saiu des martyrs, comme dit rerlullien, est
devenu une semence féconde : Semen est saiiguis
Christianorum.
« Piiisi|ue la puissance publique h'y à eu aucune
part, à quoi donc allribnerons-iious réiablissement
et li's progrés rapides de rtvangile ? Cherclierons-
noiis les causes naturelles de ce pliénomèiie singu-
lier, ou dans la nature même de la doctrine cbrélien-
ne, ou dans les qualiiés personnelles de ceux qui
l'enseigua eut, ou d.ms les dispositions el les préju-
gés des peuples à qui elle éiail anuoncée ; ou enfin
dans rignoiMiice, la crédulité ou les besoins des pie-
iiiiers cbiéiiens !
t i" Considérée en elle mênip, et indépendain-
nient de louie preuve exlnnséi|ue, la dorlriiie
cliiclieniie n'avait rien qui pùl lui pioinetlie un pa-
reil succès. Il esl vrai que pai' la sublimité de ses
dogmes, cl par la pureté de .'a morale, le cbi islia-
iiisine l'emportait inliniuieui sur les religions doini-
liaoïes, mais ces dogmes sublimes n'éiaienl nulle-
meni à la portée du peuple , et les philosophe.^ ne
pimva eut (prèlie révoltés de ces mystères qui con-
fondaient tout leur savoir el ne s'aecordaieiii avic
les principes d'.iucniie secie. Pane (pi'ils n'éiaienl
pas idolàires, les cbréiien^ lureiii loi.giemps regar-
dés comme des alliées. Ou porta la haine ei la préven-
lion jiisiprà les accuser de c iinnieiire dans leurs as-
semblées les crimes les plus abominai les. — La iiiO-
raie évaiigéliijiie ciiil iro|i sé'èio pour un siècle où
régnait la corrnpiion la pins elliénée. Llle ne devait
luui au pins eue goiilée i|ue nu pelii nonilne d'hom-
mes raisonnables el vei tueu.v qui ne font secte nulle
part. Le gouvernement ne vu pas l'avantage qu'il
pouvait en retirer pour les mœurs publiques. Jamais
il ne se dmina la peine de l'examiner. Lis princes,
les magistrats, les plil >si)|.hes ne la connnreot pas
mieux que le vulgaire. iMarc-Auièle lu -même, stoï-
cien incuiiséqienl, persécuta le christianisme; el
dans ses liéllcxiom iiwruUs, il lui l'ait un crime de la
ci'iislaiiee qu'il insp re au milieu des lourinenis. 'l'oiis
les préjuges de l'élucaiion, de l'babiiude el de la
politique conspiraient contre la nouvelle religion ; el
si, aiijoaid liui que ce. préjugés n'existent plus, ou
pluiol qu'ils existent en laveur du cbrisianisine,
nous Voyons an inibeii de nous un si graiiil ih^mbre
d'incrédules, pouiqu i supposeriez-vou.s que le^ apô-
tre» n'ont eu IjCsoin ipie de proposer leur dociriiie,
pour s'attacher une ii.ullitude iimoinbiab e de piosé-
lyiesï — iN'o biions pas Ui.eanlie cim-idéiation bien
impcinaïue, parce qu'elle proine que l'on ne doit
éiablir aiieune pariiê entre lé cbiisiianisine el les
f.iusses icligions. hmlcs les religions, excepté celle
de Moïse, ipii lait paitie du clirislanisme, »unl fuii-
dée» ou sur des mii.icles clandestins, ou sur de vieil-
les li.iditioiis eg.ilcmenl inaccessibles à la criiiqnc,
éga.emeiilprojiie» il coiiriir rcotbonsiasme et lac:c-
dulilé. Mais le cbiislianisme, au ininnenl ne son ori-
gine, n'était (jue l'Iiisloiie île ce qui vciiail de se p.is-
ser en Judée, sons les veux de louie la iiaiiuii ; el
l'en voit d'abord que l'cMimen d'une histoire si pn-
bli(|ue el SI récente donnail moins de piise £i l'cire.ir
(|iie 1. s opinions spéculatives ou liudiliunnelles des
fausses religions.
< 'i." Par qui la religion clirélienne a telle éié an-
nuiicee 'f Jésu» venait d'expirer sur une ciuix, cl il
beiiibl.iil que sa religion d&i limravec lui. Mais i'
SfîO
CIIR
CHR
870
pur les ntlciqucs mômes des philos tpiies, par duilo des apostats, ".ous lirons aujourd'hui
les aveui forcés des liér^ tiques, par la cou- presqu'auluiil d'avanlage des écrils de nos
avaii (Mdoiiné à doiue de ses disciplos de la prêt her
dîiiis l:i Judée el d^iis uiui l'iiiiivcis. Coiniiient osail-
•I iciiii|iier s.:r leur oliéissaiice |)(psiliiiiiie ? Quel ein-
I lie esi érait il > oiiscrver sur ili'S esprils ilé, oinayés
cl dis ilmséi |>ar s;i mon '! El piii-, vii-mi jaiiiai'i un
( lii-i lie p:ii 11 ('hoisir plus mal sis eoi)|ii;i alMirs .' — Ce
II ciml i as iKip pour nue pareille eiiiie|>i-.se cpie la
léiiHii'ii lie tuiues lus ipialilé^ i|ui pi'iivent imposer
,Mi> luMumeS, les éiilmi.r ou les Nulgiiguer. La cou-
(pi h\ du Miiiiide, la tréaliuu iriiiii: miiuanliie uni-
\eiseile sur les . sprls, ii'el.ill pas ipielipie chose de
SI ficilc, ipie l'on dût eu iiIjaiiJoiiiier le suiii à des
Iiomuies vulgaires. Cependant, c'est à douze niisé-
ralile-^ | èe'.ii'ins, sans luii.iéies, sans courage, sans
élévaiiiiii, que Je^us cuulie re.véculioii de ses vastes
desseins. Allez, leur dilil, iuslruisez loules les na-
tions, et soiiuielicz-les n iiia loi. Quoi ! les Juils, i|ui
l'oul cnicilié ! Ie> t.iecs, si litrs i.e leur philosophie !
les lloiiiaiiis, ipii eroienl devoir à leurs dieiu l'em-
pire ilii niiinde ! tous ces pcu|i|rs dont ils ne toiinais-
seul ni le pays, m le^ mœurs, m la langue ! Quel
élraii;;e coininandemeiil ! ipielle minsiou ! i|Uel$ mi-
nisiies ! (cependant les ^'pdlies ont oiéi, elds (iiil vu
la dotlriiie de leur niaiire él.li)lift dans toutes les
provinces dr l'einpire roin.iiii.
« 3" Allnbuerez-vous le succès des apôtres aux
di^llvl^iliolls (aviiial)lcs qu'il- trouvèrent dans les es-
prits ? 1) rr/.-voiis (pie les Juils et les païens élalent
piépare» a recevoir la ducirine cliréiiemie ? — Ce
seiaii une erreur manileste. four ce qui e=i des Juifs,
il l'st certain ipie jama s ils ne se monlièrent plus
aiiacliés à la reiignm de Moise, qu'à l'époque de la
prédicalion des a|ôiKS. On en liouvera l.i preuve
dans tous les livres du Mouveau Testaineni ei dans
rilisluire de Josèplie. Il est encore certain que les
Juils reg iidaieiil le cliiislianisnie coniiiie un culte
inroinpaiible avec celui de Moïse. Ce tut le zèle du
peuple piiur la lui qui lournii aux enuenli^ de Jésus
le prétexte de sa condanination. Lirs apôires eux-
luèuies ne lurent jamais accuses d autre criuie que
de blaspliémer coniie le temple et de vouloir détrui-
re l'aniieiine religion. Les préjugés superstitieux du
peuple, la politique des inagistrals, riméiét des prê-
tres, riiiiniieur de la nation, tout s'élevait contre la/
nuuviUe doctrine. — Les Juils devaient liair le clins-'
liaiiisine ; les païens devaient le mépriser. Une re-
ligiii» née dans un pays décrié painii louus les na-
tions éclairées, connue le Lieiccau d'une upeistitiou
triste, aUsurde et odieuse au genre humain (a) : une
religion proscrite dans le lieu même de son origine,
déslionoree par le supplice de son auteur, annoncée
par des hommes dépuuivus de tout ce qui peut ins-
piier la cunliance : une religion austère dans ses
pré. o|iles, incompréhensible dans ses dogmes, et qui
ollV.iii à ses sectateurs un Dieu crucilié pour objet
de cuite et puur modèle ; le christi.inisnie, en un
mut, était peu propre à s'attirer rattciiiion des Crées
et des Uornains. Ces peuples déJ.dgneux et corrom-
pus n'étaient pas disposés à quitter des superstitions
anciennes cl domestnpies, qui llattaicni rnnagina-
tion, les sens, les passions, la vanité natiun.ile, pour
lin culte danger qu: ne respirait que la pauvreté,
les hnmiliaiions et la luiie des plaisiis
« •'i" L'opinion des pieniicis lidéles, dit rincrédnle,
ineiile peu de considv^raiion. Le cliristiaiiisme, d-ins
ton origine, n'a trouvé de sectateurs ipie dans le pe-
tit peuple, piéparéà la séduction, non-seuleineiil par
Son ignoiance et sa crédulité, mais encore par son
iid'oriune et par les espérances, les consolulions, les
auiiiùnes que lui otl'r.ul une religion bienlaisanle,
aiuie des pauvres et des malheureux. — 11 est vrai
que les apôtres comptaient un plus grand nombre de
prosélytes dans la classe du peuple, i|ue parmi les
riclii s et les savants. Saint l'aiil liii-nièiiic en lait la
reniaripie dans plusieurs de ses Epjtres, niais, loin
(le l'onner un pi(>jiigé contre le clirislianisme, la l'a-
cilité el l'eiiipressemonl avec lequel ce grand nomtire
de pauvres el d'ignorants riuit emhiassé, piouverait
plutôt que pour y croire il ne lallail que de la sim-
plicité et de la bonne fui. S'il s'agissait d'une di.ctri-
iie fondéi! sur le raisonnemeiil on sur des retlierclns
savauies et dilliciles, l'opiniun du peuple ne seiait
iJ'aucun poids. Mais lois.|n'il est (piestion de faits
éclaianis et miioiii s,(pii ne deuLindent que des yeux
et des oreilles, riiomme simple et ignor.iiit peut ju-
ger aussi bien que le pliilosophc ; et s'il se montre
plus disposé à croire, c'est (pi'il ne s'éiudie pas à
combatire p.ir de vaincs siihiililes l'impression iia-
tuielle qur lait sur sou esprit le rapport de ses sens.
— Cependant il ne faut pas s'iniiginer que l'Eglise
chrétienne, dans ses premiers lenips, ne lui compo-
sée que d'ignorants et de misérables de la lie du peu-
ple. Le contraire est prouvé par les Epîtrcs inéiiies
de saint Paul, où nous tronv >ns des piécepies et des
conseils pour liutis les conditions, pour les maîtres
ciMiime pinir les esclaves, pour les riches coniine
peur les pauvies, pour ceux ipii s'adonnaient à l'é-
lude de la loi, ou i!e la philosophie, aussi bien que
pour ceux qui vivaieni du iravail de leurs n ams.
Parmi les discip es de Jésus, l'hisioire évangéliipie
nomme un Nicodcme, prince des Juifs ; un Ji'iseph
d'Arimathie, noble décurion, ou, comtne jorie le tex-
te grec, noble sénateur ; un Hachée, homme riche et
cliej des publicains ; un Jaire, prince de la symigoijue,
et plusieurs autres d'un rang disiingué. iNons lisons
dans le livre des Actes, que dés le coininenceinent de
la prédicalion des .ipiitres un grand nonibie de prê-
tres, multa turba sacerdolum, et inèine plusieurs pha-
ris eus, obéissaient à la fin. Le cenienier (Corneille,
reuiinque de la reine (.audace, le proconsul Paul,
Denys l'Aiéopagiie, éiaieul ilcs personnages cnnsi-
dérables. A Ihessaloniipie, les premiers qui embras-
sèrent la foi icnaient un rang distingué dans la ville,
et ils ne se rendirent qu'après avoir compare l'ensei-
.giiemeiit des apôtres avec la docirine des tcritu-
|res («). l'ainii les tphesiens qui crurent à la prédica-
tion (Je saint i'aul, il y avait des hommes lettrés,
puisque plusieurs apportèrent des livres impies ou
snpersiilieux, et en biùlèrenl pour une somme con-
sidérable. — Le consul Flavius Clémeiii et Doniitilla,
Son épouse, tous ileux parents de Domitien, périrent
dans la persécniion allumée par cet empereur. Pline
atteste qu'il y avait en Bithynie des chrétiens de tout
rang et de toute condition, omnis ordinis, TertuUien
avertit Scapula, proconsul d'Afrique, que parmi les
chrétiens tpi'il veut immoler, il irouvera des se a-
tenis, des lemmes de la plus hante naissance, les
parents de ses amis. Dans un de ses rescrils, l'em-
pereur Valérien recimnait que des sénateurs el des
iémines du premier rang oni embrassé le christia-
nisme. — Les nioniimeiils qui nous restent des deux
premiers siècles de l'Eglise, les lettres de sanii Clé-
ment de Rome, de saint Ignace, de saint Polycarpe ;
les écrits d'Ilerinas, de saint J istiii, d'.^lheiiagore,
sans parler de (Jnadralus, d'Aristide, de iMelilon et
d'une inliiiité d'antres donl les ouvrages ont péri,
font assez voir (pie le cbrislianisme, dans son origi-
ne, n'était pas ré luit à une mullit ide ignoranle et
imbécile. — Dans le iii« siècle, lorsipi • la preuve
des laits évaiigeliques conservait eniii;e loin sou
éclat, el que les monuiDeiiis originaux étaieni entre
(a) Hi autem eranl nobiliores enrum qui sunl Thessalo-
(a) (".-elera ins ilula sinistra, fanla pravilate, valuere nicu;, nui susceperuul verbuni cum omui avidilate, quoll-
Ju.l:eoruni mes absurdus sordidusque. (Tactl.) die scrutaules Scripiiiras,sili«C.itaseiubereDt {Àct.xni)
«71
CKR
CHR
872
ennemis que des ouvrages do nos apologis-
tes. [Voi/. l'art. Martyrs, oi'i celle preuve se
trouve (iévcloppée.] —6° Si nous examinons
\e christianisme en lui-mêinc, qu'y voyons-
nous? Des dortmps suhliines, une morale
sainle, un culte majeslneux el pur, une dis-
cipline sévèro. Toutes ces partitîs se soutien-
nent et se servent mulueliement d'appui ;
sans nos mystères, la morale ne sérail londée
sur rien ; l'un el l'autre seraient méconnus,
si les pratiques du culte n'en rappelaient
continuellement le souvenir: le cuhe à son
tour serait bientôt altéré, si la discipline ne
veillait à sa conservation. [Vcy. Loi évangé-
LiQUE, Morale.]— 7" Tout cet ensemble porte
sur l'enseignement vivant et puitlic de ['E-
glise ; il est de même pour les savants el pour
les ignorants ; tous y trouvent sans elToi t
l'unité, l'universalité, l'inimutahiliié de la
foi. Vingt sectes ((ui s'en sont écartées n'ont
fait que rendre cet enseignement pius ferme
et plus et latant ; elles servent aujourd'hui de
témoins de ce (lui était cru et enseigné à
l'époque lie leur séparation, [y^oij. Kgi.ise.]
8° Quels effets cette religion divine n'a-l-elle
pas produits dans tous les climats? lille a
opère sur les mœurs et sur la civilisation des
peuples la même révolution en Kurope et eu
Asie, en Afritpie et dans les pays du Nord ;
aucune nation ne l'a embrassée qui ne soit
sorlie bientôt de la barbarie, et aucune ne
les mnins de tout le monde, les lidinines les plus sa-
vants, les plus beaux génies, un Terlullieu, un Ori-
gcne, uii lianiiniiiiius il'AI'Xiiudiii', Jiiles-Alricain,
saint Cyprieii, Laclauce, Kuscbe do Césarée, consa-
cieui leurs veilles à 1 éiuile el à i:i iiél'eiise du cliris-
tianisiiie. Depuis sa naissance jus!|u'à nos jours, la
religion de l'l;,v;iu(;ile, dcd. liguée par le bel-esprit, le
demi-savoir el le tiberiiua>;e, a cuiisiaiumeni ubleim
rtioininage de loul < e (ju'il y a t-ii de pius eélébre par
le génie, les lumières el les vei uis. > (Unvnis n, inui.
Xlli des Ué'iiOH'itialioiis évaiujéliquts, éilll. Mi..;iie.)
C'csl d'après ces iiaiiles CiHiMiléialions i)ne s:iiul
Augiisiiii s'éiriail : i Ici se préseiilciil iioisclioses iii-
crovables : il est iiioroyalile que le Clinsl S'Hl res-
suscité ; il est iiicroyalj.e ipie le moinlo ail pu le
croirn; il est incroyalile (|ue ce soiluii petit noiiibre
d'Iioiiinies iguiiraiils el de la lie du peuple qui aient
persuadé (C (ail, iiéiiie aux savants. De i;is trois
Cliosis iiK royalties, ceux qui di^piiienl iimlre iinns
reluseiit de ( roue la i reiniiTi; ; ils voient la secoinle
dt! leurs yi'ux, cl ils ur peuvt ni due couiiiieut elle
s'e»! laite, à nioiiis d'adiiiellre la iniisiénie. — l,a ré-
surrection du Cliiist est publiée, crue dans le iiionde
entier. Si elle n'est pas eroyalde , poiir,|uoi loul
l'univeis la croit-il ? Ï!ii un grand iiuuilire de savaiiis
el d'Ijiiinnics tlisliiiguéa s'êiaieiu donnés pour (Cjiuiiis
de ce pr^'il ge, il seia.l uiimiis éloniianl que le nionde
les en i ùl enis, l'I je ne vois pas poimpioi l'on reluse-
rail anjoiinriiui de les croire. iMais si, euinnie il esl
vrai, li; iiioiMe a cru sur le lénioi};iiage d'un peut
noinlire d'Iiuiiiincs obscurs el iguoraul-, cuninieiK se
trouvet-il eneme des entêtés <|ui ne vciilenl pas
croire ce qu'.i cru le nr nde eniier ' Celui ipii, pour
croire, deuianilede nouveaux |iioilige>, i si lui ineiiie
lin prodige inoustnieux, piiiMpru lé-isU; seul à la I i
de i'uiiiveis....Si l'on ne vi ui p.iscioiie que les apô-
tres eux-iiieiiies aient opéié des niiNicles en preuve
de la résurrection du Clirisi, ce sera pour n^us un
assez grand luiracl- que Utiile la lerie ail cru sans
miracle Ole Civit. Uei, lib> xxii, c.ip. 5). >
l'a quittée sans y tomber. Après dix-sept
cents ans, la différence est toujours la même
entre les nations chrétiennes et celles qui ne
le sont pas. — 9" Lorsque nous romparins le
chrisiianisme avec les autres religions, soit
anciennes, soit modernes, avec la croyance
des Chinois, des Indiens, des Parsis", des
Egyptiens, des Grecs, des mahomélans, il n'est
pas tort difncile de distinguer celle qui vient
do Dieu d'avec celles qui ont été forgées par
les hommes : lotîtes ces dernières se sentent
du terroir sur lequel elles sont nées ; la nô-
tre n'a pas plus de lelation a^ec une partie
du monde qu'avec l'autre. — 10° Eiifin, une
preuve non moins frappimte que les précé-
dentes de la vérilé du cliristiniiisrne, est la
chaîne des erreurs qu'il faut pariourir, dès
que l'on s'écarte une fois du chemin qu'il
nous trace el des vérités qu'il nous enseigne.
Ceux qui refusent de subir le joug de la loi
passent rapidement de l'hérésie au sociuia-
nismo et au déisme, de celui-ci à l'aihéismc
et au matérialisme, pour abi^uiir enûn au
pyrrhonisMie absolu. Cette progression est
inévitable à loul homme qui se pique de rai-
sonner conséqucmmenl.
On peut, sans doute, ajouter d'autres preu-
ves à celles-là ; plus on éiudie la religion,
plus on en découvre de nouvelles. Puisqu'il
y a un Dieu, il n'a pas pu permettre qu'une
religion fausse portât un si grand nombre de
signes de vérité; il aurait letidu aux esprits
droits el aux coeurs vertueux un piège iné-
vitable d'erreur.
Parmi le grand nombre d'incrédul"S qui
ont avancé que les preuves du christianisme
ne sont pas solides, il ne s'en esl pas encore
trouvé un seul qui ait osé entreprendre de
les détruire l'une après l'autre, ou de nous
donner un système mieux raisonné. Nous
n'en connaissons aucun q;ii se soit attaché
à Qionlrer iiu'il y a ilaiis le monde quelijue
reiiyion fausse qiii peut alléguer en sa faveur
les mê nés motiis de crédibilité que le ciiris-
tinnisme. A la vérité, il n'est aucune de ces
preuves contre laquelle on n'ait lait quelques
objections ; mais elles déiionlrent moins la
sagacité de nos adversaires que leur préven-
tion et leur ('piniàtreie. LU 'S servent plutôt
à iortiticr nus raisonnements qu'à les affai-
blir.
On demande pourquoi Dieu a donné trois
révélations, pendant qu'il pouvait produire
le même effet par une seule; pourquoi, dés
le commencement du monde, il n'a pas opéré
ce qu'il vouliil faire quatre mil e ans aiirès?
— C'est comme si l'on demandait pourquoi
un père ne donne pas à son eiirant, au sorlir
du berceau, les mêmes leçons ()u'il lui ré-
serve pour l'âge de (|.iin/e ans ; pourquoi
Dieu ne lait pas naître les hommes dans uti
âge mûr, au lieu de les fa re naitre dans
l'enfaiice'/ Pourquoi IMeu n'a-t-il pas créé
le monde quatre mille, vingt mille ou cent
mille ans plus tôt; pourquoi n'a l-il pis
donné l'é re a cent millions dliommes de
plus ; pourquoi ne les a-l-il pas rendus
aussi parfaits que les anges"? etc. Toutes ces
873
Cllft
CHR
871
questions sont absnrdes, parce qu'elles vont
à l'iiifîiii.
Oieu, aux yeux duquel toute la dur^e des
siècles n'csl qu'un point de l'élernilé, devait-
il se presser d'acroinplir ses desseins ? Qu'im-
porte qu'il ail accordé aux premiers hommes
moins de lumières, moins de {grâces, uioins
de moyens de salut qu'à nous, dès qu'il n'a
jamais demandé compte à personne que de
la mesure des secours qu'il lui avait don-
nés? L'é{;alilé de bienfaits naturels ou sur-
naturels pour tous les temps, rppug;ne au-
tant à la sagesse divine que l'égalité pour
tous les lieux, pour tons les peuples, pour
tous les individus. Vot/. l\i':r.*i.iTK. Les in-
crédules ont dit que pour tirer une preuve
des prophéties, il faut les entendre dans un
sei\s mystique, allégorique, figuré, Irès-
dilTérent du sens que le prophète avait en
vue, et qui n'esi qu'un rêve de l'im.'igina-
tiou des commentaleiiis juifs ou chrétiens. —
Nous soutenons le contraire, cl à chaque
prophétie que nous citons en preuve, nous
faisons voir que tel est le sens direct, litléral
et naturel ; ou peut laisser de côté les pro-
phéties t' piques et allégoriques, sans (|ue le
chrisiianisiue \ perde lien, et sans qu- l'on
puisse blâmer les apôtres ni les Pères de l'K-
glise, (lui ont eu de bonnes taisons d'allé-
guer aux Juifs les prophéties tjpi(]ucs dans
le sens qu'y donnaient les docteurs juifs.
Voi/. Allégorie, Figuiusmk, Type, etc.
Pour attaquer le caracièie personnel de
Jésus-Christ, il a fallu pousser la mali^iiiié
plus loin <|ue les Juifs, travestir ses discoirs
et ses actions, empoisonner ses inientious
et ses motifs, altérer la narration des évan-
gélistes, falsilier les passages, etc. ; procédé
nialhonncie et odieux qui déshonore les in-
crédules, et sufiit pour faire détester leurs
opinions. — Ils ont dit avec un ton de mépris
que Jésus n'était qu'un vil artisan de Judée,
qui n'a pas pu trouver croyance parmi ses
compatriotes, qui a été mis à mort comme
un séditieux et un malfaiteur, et dont quel-
ques fanatiques se sont avisés de faire un
Dieu après sa mort.
Nous voudrions savoir d'abord pourquoi
Dieu devait plutôt se servir d'un Chaldéen,
d'un ("iree, d'un llomain ou d'un Gaulois,
que d'un Juif, pour instruire, sauver et sanc-
tiGer les hommes. C'est aux Juifs qu'il a\ait
été prédit que le Messie sérail fils de David
et d'Abraham, et il est prouvé par sa généa-
logie que Jésus descendait véritablement de
ces patriarL-hcs ; y avai-il un sang plus no-
ble ilans l'univers? Il est faux que Jésus
n'ait pas trouvé croyance parmi les Juifs;
puisque c'est dans la Judée mèoie que le
(•//ri.-tfaHîijne a commencé de s'établir. Jésus
a été condamné à mort, non pour avoir com-
mis aucun crime, mais parce qu'il s'est at-
tribué la qualité de Messie et de Fils de Dieu;
la question est de savoir s'il ne l'a prouiée
ni par sa doclrine, ni par ses vertus, ni par
ses tniracles. Dans ce cas le projet formé
par ses disciples de le faire reconnaitre pour
Dieu après sa mort, serait le plus insensé
qui eût jamais pu entrer dans des têtes hu-
blCT. IK Tuiîoi.. DOOMAfigL'K 1.
niaines, et il leur eût été impossible d'y réus-
sir. Si Jésus-Christ a prouvé sa mission et
sa divinité, le succès ne doit plus nous éton-
ner; mais nous prions b s incrédules d'ex-
plii|uer comment cela aurait pu se faire au-
trement. — Nous leur demandons encore le-
quel de ces deux mystères est le plus aisé à
concevoir' ; Dieu, pour instruire, pourrache-
ter et sanctifier les hommes, a daigné se re-
vêtir de l'humanité, paraître sous l'cxiérieur
d'un artis.-in de la Judée, se laissrr crucifier,
et ressusciter ensuite; ou Dieu a permis
qu'un vil artisan de la Judée réunît dans sa
personne tous les caracières ca|iables de le
faire reconnaître pour le .Messie promis auv
Juifs, et poitr le Fils de Dieu ; qu'il soii p ir-
venu à se faire adorer conimo tel p jr une
grande partie du genre humain, et que cette
illusion dure depuis dix-huit siècles.
Les eiinernis du chriftiani^me n'ont pns élé
plus équilables à l'égarl des apôtres : ils
leur ont prélé un caraiière indéfinissable et
des qualiiés contradictoires, une ignorance
stupide et des ruses impénétrables, une gros-
sièreté sans égale et une prudence consom-
mée, un inlérôi sordide el un courage héroï-
que, un fanatisme révollanl et un zèle ar-
dent pour la gloire de Jésiis-i;hrist, une scé-
lératesse d cidee et le désir de sanctfier le
monde, une aveugle ambition et l,i soif du
martyre. Des raisonneurs réduits à cet excès
d'absurdité devraient parler sur un ton plus
modeste. — Comment n'ont-ils pas vu (jue
plus ils exagèrent les vices de l'esprit et du
cœur des apôlres, plus ils augmentent lo
merveilleux de leurs succès ? Di's iguorauls
grossiers n'auraient pas enseigné une doc-
trine aussi sublime, ne nous auiaieiit pas
laissé des écrits aussi sages, n'auraient pas
attiré d.ins leur école des savants et des phi-
losophes. Des hommes funcièremenl vicieux
n'auraient pas prêché une morale aussi par-
faite , el n'en aurait ni pas donné l'exemple
les premiers. S'ils avaient éié ambitieux ou
intéressés , chacun d'eux aurait travaillé
pour soi , n'eût point voulu s'entendre ,ivcc
les autres, aurait fait bande à part, comme
ont fait les fondateurs de la prétendue ré-
forme. S'ils n'avaient travaillé que pour ce
monde, ils auraient fui tant qu'ils auraient
pu les persécutions et la mort, comme ont
fait encore les prédicants du xvi' siècle et les
docleurs de l'incréilulilé. Enfin, si c'eût élé
une troupe de fanatiques, ils auraient en-
fanté un ( haos d'opinions discordantes, tel
que le protestantisme a élé dès son origine
cl sera toujours, et comme il est arrivé à
toutes les autres hérésies qui ont subsiste
longtemps.
Même embarras pour nos adversaires ,
lorsqu'il a fallu expliquer les causes de la
propagation de l'Fvangile et de la conver-
sion du monde. Aux yeux d'un liomme
sensé, ces causes sont évidentes : 1° la force
persuasive que Jésus-Christ avait piomis de
donner à s^s apôtres [Lnc.wi, loj; 2' la
sainteté de leur doclrine, la sublimité de leur
morale; 3" les miracles qu'ils ont opérés, et
le pouvoir qu'ils ont eu de communiquf r
•l'A
875 Gllft
aux fidèles les dons mirnculeux; 4° l'esprit
prophétique, et la connaissance des plus se-
crètes jiensées des lnnnines ; 5" leur charité
héroïque, leur courage, leur désinléresse-
menl , leur patience; 6° les mêmes vertus
qu'ils ont fait régner parmi les premiers
clirètieiis.
Mai- les incrédules ze sont creusé l'esprit
pour trouver des causes naturelles de cette
révoluiion. et en faire disparaître le merveil-
leux ; nous ne pouvons nous dispenser de
li'> discuter, du m lus soinmairenipul. Ils ont
dit, 1° One l'on éiail dégoûté «les f.ibles, des
siipersliiions, des désordres du paganisme;
que 1 inconstance et le goût de la nouveauté
engagèreni plusieurs personnes à embra^ser
ri.vaiigile. Mais les édils des empereurs, re-
nouvelés pendant pins de deux cent cin-
quante ans, pour maiiilonir l'idolâtrie; l'apo-
logie du pagaiiisme, faite par plusieurs phi-
losophes pendant le n:ênie intrrvalli', et leurs
écrits sanglants contre notre religion; les
cris tumultueux des païens dans l'amphi-
tliéâlre, pour demander le sang des chré-
tiens; les su):plices de ceux-ci , continués
depuis Néron jusqu'à Constantin , sont- ils
des preuves du dégoût c|ue l'on avait du pa-
ganisme, ou d'un grand empressement de
changer de religion? Le lanalisme le plus
opiniâtre pouvail-il faire queli]oe chose do
plus? — On n'a qu'à liri', dans Àlinutius Fé-
lix, l'apologie qu'un [laïen fait du poly-
théisme et de l'idolâtrie , on verra si le
monde en était dégoûté. Voij. Paganisme,
§ 10. — Us ont dit, -1" qu'au milieu des mal-
heurs dont l'empire était accablé, les peu-
ples avaient besoin d'une religion qui leur
apprit à souffrir. Us en avaient besoin, sans
doute ; mais, s'ils le sentaient, comment ont-
ils résisté si longtemps? On attribuait ces
malheurs au clnislianisme et à la colère des
dieux irrités contre les chrétiens ; apiès
quatre cents ans, saint Augustin lut encore
obligé d'écrire contre ce [jréjugé. D'ailleurs,
soulfiir par les moiils surnaturels que four-
nit le claistinnisme, ce n'est plus un procédé
naturel. V^oici du moins un hommage (lue
nos ailversaires sont forcés de rendre à notre
religion : elle consola les peuples dans l'ex-
cès de leurs malheurs; elle leur apprit à
s(mffrir avec courage; et s'il faut croire une
Providence, il faut avouer aussi (ju'elle ne
|ionvait envoyer celle consolation plus à
propos. Bientôt les barbares vinrent mettre
le comble aux malheurs que i'em|)ire ro-
main a\ait essuyés de la part de ses maîtres.
Nous avons donc lieu d'eSjérer que (juand
les incrédules auront (iuel(|ue chose à souf-
frir, ils redeviendront chrétiens. — 'S" Ils
prétendent que la persécuiion déclarée con-
tre les chrétiens les rendit inléressanis , (|ne
la piti;- naturelle leur attira des partisans,
que l'on fut tou(hé de leur conslanei'. Il fau-
drait commencer par prouver que la cmis-
lauce des martyrs, au milieu des pi. s cruels
supplices, était naturelle. Des peuples accou-
tumés à voir couler sur l'arèiii' le sang des
gladiateurs, à repaître leui s yeux du specta-
cle d'un homme qui mourait de bonne yrâce,
C.nw ' 870
à exeilor par leurs cris la cruauté des bour-
reaux, n'étaient cerlainenii nt pas fort portés
à la pitié. Us demandaient à grands cris le
sufiplice des chrétiens, non pour en avoir
pitié, mais pour satisfaire leur propre bar-
barie. Souvent des magistrats, peu portés
d'ailleurs à sévir contre les chrétiens, y ont
été forcés pour satisfaire une populace effré-
née. Nous convenons que, selon le mot de
Terlullien, le sang des martyrs était une se-
mence de chrétiens; mais il est absurde de
penser que ce phénomène était naturel.
A-t-on vu que la persécution exercée pir
Alexandre contre les mages, par les Humains
contre les druides, par plusieurs empereurs
contre les juifs, par quelques souverains
contre les mahoinélans, ait multiplié les par-
tisans de ces religions? — 4° L'on était en-
têté de prodiges et de miracles, disent nos
profonds raisonneurs, et les prédicateurs du
chnstianisihe faisaient profession d'en opé-
rer. Nous soiitenons qu'ils en opéraient en
effet : les Juifs, Celse et d'autres païens en
sont convenus; mais ils attribuaient ces mi-
racles à ia magie. Ce n'est point là une cause
naturelle, et ce n'est point par hasard que
les vrais miracles des chrétiens ont fait tom-
ber les faux prodiges des païens. Si les mis-
sionnaires avaient encore aujourd'hui le don
des miracles, comme les apôtres et les pre-
miers chrétiens, ils auraient les mémi-s suc-
cès.— b° Nos adversaires conviennent que
le zèle ardent et infatigable de ces pre.i iers
prédiealeurs no pouvait manquer de faire
enfin un grand nombre de prosélytes, lien*
dons-leur grâce de cet aveu. Mais un zèla
aussi pur, aussi désintéressé, aussi infatiga-
ble qu" celui des apôtres ( t de leurs disci-
ples n'est pas puise dans la nature; il ne
pouvait venir d'aucune passion humaine^
d'aucun uolif humain. Vainement on chiir-
cherait, parmi les fondateurs des rel gions
fausses un zèle tel que celui dos apôtres, et
accompagné des mômes vertus. - 0' L'on dit
qu'ils persuadèrent les csprils par le dogme
intéressant de la vie à venir; qu'ils louchè-
rent les cœurs par une morale sublime, par
leur douceur, par leur charité; que celle
même vertu, praliciuée par les premiers fidè-
les , fut on attrait, surtout pour les jiauvres
el les malheureux. Nouvel hommage reu lu
par les incrédules à la sainteté du clirislia-'
iiisme. Mais ci lie sainteté aurait elle pu se
trouver et persévérer constamment chez des
hoirnucs coupables des impostures, des four-
beries et des autres vices dont on a o-é accu-
ser les apôires? rendant e,ue le dogme de la
vie à venir était ébranlé par les fables du pa-
ganisi'.ie, par les disputes des pliiloso|ihes,
p.ir les crreuis des sadilucéens ; pendant que
la morale des nus cl des autres él;iil aussi
corrtimpue qoe les mœurs publiques, douze
péeheur.s de la .ludée étonnent I univers par
la sublimilé de leurs leçons el par la sainteté
de leurs exemples. Si ce n'esl pas là un pro-
dige de la grâce, où laul-il le cherclier?
Au eommcneeiiient du ir siècle, Celse re-
gardait comme une folie le projet de donner
la même troyaucc cl les mêmes lois aux,
s:7
CHR
imiplos lies trois p.irlies du monde connu
pour lors ; cependant celle entreprise ne
larda pas longtemps d'èlre cxéculée; et au-
jounl'hui on prétend prouver que cela s'rst
fait nalureilemcni, et qu'il n'y a rien là de
merveilleux.
Piusieurs de nos adversaires ont soutenu
que le rltrisliimisme était redevable de ses
progrès à l:i protection que lui accordèrent
les empereurs, aux lois qu'ils [)orlèrent en
sa faveur, à la violence même dont ils usè-
rent envers les païens pour leur faire chan-
ger de religion. Nous prouverons le conliaire
au mol Iii>iPEniai\. — 11 ne fiut pas oublier
(lue pour se faire chrétien il lallait qu"un
juif ou un païen commençât par croire les
miracles de Jésus-Cliri--t, surtout sa lésur-
reclion et ^on ascension dans le ciel : ces
deux faits sont deux articles du symbole de
la foi chrétienne. Or, il était ai-é, surtout
aux juifs, de se convaincre de la vérité ou
de la fausseté des miracles de Jésus-Christ ,
publics par les apôtres. Si ces faits n'étaient
pas vrais cl invinciblemenl prouves, aucune
des causes de conversion dont nous avons
parlé ne pouvait engager un prosélyte à les
croire. C'est ici un caraclire tellemenl pro-
pre au clirislianisme, qu'il ne se trouve dans
aucune religion fausse. On p.iuvait être
païen sans croire aux fables du pagani.>me;
sectateur de Zoroastre , sans s'informer s'il
avait fait des miracles ; musulman , sans
ajouter foi aux prétendus prodiges de Maho-
met, etc. Nos adversaires ne dai;;nrnt pas
remarquer (elle difl'ôience. — Ils ferment les
jeux sur les obslades qui s'opposaient à la
propagation de l'Evangile. Il lallaii engager
les juifs et les païens, qui se déleslairnl et
se méprisaient mulueMemciit, à fialerniscr
cl à former une seule Eglise, accoutumer les
maîtres à rogar.ier leurs esclaves à peu près
ciunuie (les égaux , apprendre aux princes à
respecter les droits de l'humanité. 11 fallait
faire reformer toutes les lois et les coutumes
qui blessaient ces dioils sacrés; changer les
idées, les mœurs, les habitudes, les préten-
tions de tous les étals; refo dro, pour ainsi
dire, le caraclère de tous les peuples. (^ue les
égyptiens et les Arabes, les Syriens et les
Perses, les Scythes cl les Grecs, les habi-
tants de rilijlie el des (îaules, de l'Espagne
et de rAfrii]ue aii nt é!c tous païens, cela se
conçoit : tous avaient leurs dieux propres,
leurs fables et leurs fêles particulières, des
usages et des |)raliqi!cs analogues à lurs
mœurs. Le christimiisme ne laissai' plus do
liberté pour la croyance, plus de vaiiélé
dans la morale, plus de (lilîércnce dans le
culte extérieur : il ] ropo>^ait à tous un seul
Dieu, une même foi, un baptême unique,
une seule Eglise, Quand on veut persuader
que celte résolution s'est faite naturellement
et sans miracle, on fait pr.ifession de ne pas
connaître la nature humaine.
Lors(iue nous représentons aux incrédules
la niiiliitude des hommes instruits, éclairés,
savants, (|ui ont embrassé le clirislianism: cl
(|ui ont écrit pour le défendre, ils disent que
ce préjugé ne prouve rien; que le puga-
CIIK 878
nisme, tout absurde (|u'il élait, a été suivi
cl professé par les plus grands hommes. —
Mais l'onl-ils professé par conviction, par
persuasion, ou seulement par habitude? Ils
reconnaissent eux-mêmes que celle religion
n'est fondée sur aucune preuve; ils disent
néanmoins qu'il faut la suivre, parce (ju'elle
a été transmise par les ancêtres , pane
(lu'elle est autorisée parles lois, jiarcc qu'ii
y aurait de la témérité à vouloii- en forger
une autre. Ainsi ont parlé Platon, Varron,
Cicéro!),Sénèque, Minutius Féliv, etc. : leur
sentiment est donc plul(jt contraire que Favo-
rable au paganisme. Ce n'e>t point ainsi que
les docteurs chrétiens ont envisagé notre tc-
ligion : ils l'ont embrassée i)arce qu'ils l'ont
jugée vraie, et ils m ont prouvé la vérité
avec tant de force, qu'ils ont converti, à leur
tour, des savants et des philosophes : leur
témoignage est donc une preuve solide, et
non un simple préjugé.
Ceux d'entre les incrédules qui ont fait
semblant d'examiner les dogmes, la morale,
\s culte, la discipline du christianisme , n'ont
pas montre beaucoup de bonne foi : ils ont
altéré notre symbole et nos catéchismes,
Irasesli les décrets des conciles, pris de tra-
vers les maximes de l'iîvangile, comparé no-
tre ciille à celui des païens, déguisé l'objet,
les motifs, les efl'ets de loules les lois ecclé-
siastiques. Nous traiterons de chacun de ces
articles en parlicnlicr. .Mais nos adversaires
n'en ont jimais considéré l'ensemble et la
liai.s(m; ce ciiraclèie de vérité ne se trouve
point dans les religions fausses. Nous ferons
Voir (juil n'est aucun de nos dogmes qui ne
tienne essentiellement à tous les autres, qui
n'entraîne de- conséquences morales, qui ne
fonde les pratiques di culte, et auquel la
di.-cipline n'ait quelque rapport : preuve
évidente qu'une sagesse plus qu'humaine a
construil tout cet édifice. Aucune des sectes
qui ont donné quelque alleinle à l'une de ces
parties n'a pu conserver les autres dans leur
entier. — De qisoi a servi aux incrédules d(j
répéter, conlie renseignement de l'Eglise,
dont les pasteurs sont l'oigane, les sophis-
mes et les clameurs des protestants? Les uns
ni les autres n'ont pas seulement saisi le
vorit .ble ét:it da la (]ues ion. Vinfuillibitité
que nous attribuons à l'Eglise est fondée sur
le secours siunaturel que Jésus-Christ lui a
promis, el qui esl ajouté à la certitude mo-
rale du témoignage de cette même Eglise,
cerlilude poussée au plus haut degré; nous
le ferons voir au mut iNi'.uLi.iBir.iTÉ. (Juaud
Jésus-Christ n'aurait pas formellement pro-
n)is à son Eglise une assistance perpétuelle,
nous serions encore forcés de la recounaitrc
au milieu des révolutioi\s terribles qui sont
arrivées dans le monde depuis dix-huil cents
ans. Persécutions cruelles, hérésies de toute
espèce, irruption des barbares, mélange des
peuples , changement dans le langage , dans
les mœurs, dans les lois, dans les usages,
destruction de la plupart des monuments de
sciences et des arts, tout semblait cous
à la ruine entière du chrisiiunisntt; a
ûuiro religion n'a essuyé de pareils o
8Î9 Cfltl
non seuleiuenl la nôtre subsiste, mais c'est
elle qui a tout réparé et tout conservé. Que
les autres se mainliennenl par l'ignorance et
par la corruption des mœurs, ce n'est pas un
prodige; le christianisme cherche la lumière,
il ne cesse rfe la répandre, et c'est par là
qu'il se soutient.
Pour déprimer renseignement de l'Eglise,
pour rendre sa tradition suspecte, les proles-
tanls ont vomi des torrents de bile contre
le clergé; ils ont représenté les pasteurs de
tous les siècles comme un corps de prévari-
cateurs, appliqués non à conserver ce que
Jésus Christ avait établi , mais à le dénatu-
rer; les incrédules, copistes serviies. n'ont
fait qu'enchérir sur leurs invectives : on n'a
pas seulement fait grâce aux successeurs
immédiats des apôtres. Qu'en résulle-l-il?
Que nos divers adversaires sont conduits par
la passion, par l'intérêt de pallier leur turpi-
tude, et non par l'amour de la vérité. -Mais
ils ont beau faire : il sulfil de considérer seu-
lement l'analyse de la foi, pour sentir que la
catholicirc de l'enseignement est la seule base
sur laquelle un simple fidèle puisse fonder
raisonnablement sa croyance, et que le ca-
tholicisme est le seul système dans lequel on
raisonne conséquenimenl. Il faut bien que
ce système soit solide, puisqu'il se sou-
tient depuis dix-sept siècles contre les atta-
ques redoublées de ses divers ennemis.
Il y a une réflexion capable de convaincre
un esprit droit : c'est la considération des
effets civils et poliiiques que le christianisme
a produits chez toutes les nations qui l'ont
embrassé. Montesquieu les a reconnus; il
dit que nous devons au christianisme non-
seulement la décence et la douceur des
mceurs, mais dans le gouvernement un cer-
tain droit politique, et dans la guerre un
certain droit des gens que la nature humaine
ne saurait assez reconnailre. Il soutient que
les principes du christianisme , bien gravés
dans le coeur, seraient infiniment plus forts
pour nous faire remplir nos devoirs de ci-
toyen que le faux honneur des monarchies,
les vertus humaines des républiques, et la
crainte servile des Etais despotiques. Chose
admirable 1 dit il, la religion chrétienne, qui
semble n'avoir d'objet que la félicité de l'au-
tre vie, fait encore notre bonheur dans celle-
ci {Esprit des lois, I. xxiv, c. 3 et G).
Mais il était réservé aux profonds politi-
ques de notre siècle de démontrer la fausseté
de cet éloge , d'apprendre à l'univers que le
christianisme a produit beaucoup plus de mal
que du bien. Ils ont poussé la démence jus-
qu'à écrire que celle religion a énervé les
esprits, qu'elle a plutôt perverti que réfor-
mé les mœurs; elle tyrannise la pensée, elle
inspire un zèle fanatique et cruel ; c'est la
plus sanguinaire de toutes les religions : elle
seule a causé plus de meurtres que toutes les
autres religions ensemble ; elle n'a produit
que des martyrs insensés , des anachorètes
atrabilaires, des pénilinls frénéticpies, des
rois desputes et persécuteurs qui sont ho-
norés comooc des saints. Loin de diminuer
*e8 uiulheurs des peuples, elle n'a fait qn'ag-
CHR
8S0
graver leur joug : il y a lieO aujourd'hui de
regretter le paganisme. Ainsi avaient décla-
mé les déistes. Les athées, survenus ensuite,
ont fait un pas de plus : ils ont conclu de ces
réflexions sublimes que la seule notion d'un
Dieu a causé tous ces maux, que le seul
moyen de les réparer serait d'étouffer pour
jamais celte notion fatale, et d'établir l'a-
théisme d'un bout de l'univers à l'aulre.
Avant d'entrer dans aucun détail, nous di-
sons à ces graves raisonneurs : Montrez-
nuus sous le ciel une nation chez laquelle il
y ait plus de lumières, des mœurs plus pures,
une législation plus sage, un gouvernement
plus modéré, une société plus douce et plus
décente, un bonheur public plus sensible que
chez les nations chrétiennes ? faites-nous-en
connaître une qui, après avoir joui de ces
avantages sous le christianisme, lésait con-
servés en embrassant une autre religion ;
nous conviendrons alors que la nôtre n'a pro-
duit aucun bien, que ce qu'il v en a dans le
monde vient d'une autre cause et ne prou-
ve rien. Lisez seulement Y Esprit des usages et
des coutumes des différents peuples, et couipa-
rez-Ies avec les nôtres ; vous verrez s'il y a
quelque chose à perdre pour eux en se fai-
sant chrétien. On ne nous répond p is, et l'on
continue de déclamer. Vuy. Arts, Sciexcks ,
Lois, Gouvernement, etc. Quant aux prodi-
ges que produirait I'Atuéis.me, consultez cet
article.
Au jugement de nos adversaires, notre re-
ligion nuit à la population [Voy. Célibat].
Si cela était vrai, nous dirions qu'elle dé-
dommage d'ailleurs la sociéié du nombre des
individus parles mœurs qu'elle leur donne;
pour procurer le biin général, il faut des
hommes, et non des animaux à deux pieds.
Mais le reproche est faux en lui-même ; au-
cune religion ne favorise autant que le chris-
tianisme la naissance des hommes, et ne veille
de plus près a leurconservation; aucune con-
trée de l'univers, sans excepter même la Chi-
ne, n'est plus peuplée que celles qui sont ha-
bitées par les nations chrétiennes, et la ci-
vilisation n'est nulle part aussi parfaite. —
Ils disent que le chrisiianisme, en condim-
naiit le luxe, nuil à l'iiidusirie et au com-
merce ; mais il est démontré que le luxe,
alimenté par le commerce, et le commerce
encouragé par le luxe, se rongent et se dé-
truisent l'un l'autre ; que l'excès en ce genre
entraîne la ruine des Istats et des sociétés :
c'est un fait avoué par tous les philosnplics ,
et confirmé par une expérience de six mille
ans (loy. Luxe).
Un re|iroche plus grave est Vintolérance at-
tachée au chiistianisme; il divise les hommes,
fait éclore les disputes, les haines, les guer-
res de religiim. Cent fois l'on a répondu que
l'intolérance est attachée , non-seulement à
toute religion quclconijue, mais à toute opi-
nion que l'un croit importante, même à luul
système d'incrédulité ; c'est uii elfct des pas-
sions inséparables de L'humanité. Or aucune
religion ne; travaille plus efficacement que la
nôtre à répriiuer toutes les passions, à ins-
pirer aux hoiJiiiies la douceur, la paix , la
881
CHR
CHR
882
charité maluelle, par conséquent une tolé-
rance raisonnable. Quant à la tolérance il-
liinilée qu'exigent les incrédules , c'est un
désordre qui n'a jamais été soulTcrt chez au-
cune nation policée. V. Toliîuance.
Le christianisme, disent-ils, nous occupe
trop du bojiheur de l'autri* vie, il nous dé-
tourne des soins du travail, dos devoirs do la
vie présente. Si l'homme était de même na-
ture que les brutos , borné comme elles à la
vie présente, on pourrait blâmer avec raison
les espérances que donne le christianisme, el
les désirs qu'il nous inspire; mais la phi-
losophie a-i-elle prouve que nous sommes
dfS brutes? Voilà la faute essentielle qu'ont
commise la plupart des législateurs ; ils n'ont
pensé qu'à cetie vie, n'ont rien fait pour en-
gafîer les luimmos à se procurer le bonheur
à venir. Jésus Christ, seul sage, nous com-
mande la vertu comme le seul moyen d'être
tieureux en ce monde et en l'autre ; et la
principale vertu qu'il nous prescrit est l'a-
mour du prochain, par conséquent le désir
de contribuer au bonheur des autres. — Mais
nous avons encore pour nous le témoignage
de l'expérience. Les épicuriens, les philoso-
phes égoïstes, les incrédules, qui ne désirent
et n'espèrent rien après cette vie, sont-ils
plus laborieux, plusoccupés du bien de leurs
semblables, meilleurs citoyens qu'un chré-
tien pénétré delà foi et de l'espérance d'une fé-
licité fulure?Nous cherchons vainement, dans
les siècles p.issés cl dans le nôtre, les servi-
ces que les incrédules ont rendus à l'huma-
nité, il est bien absurde de prétendre qu'une
religion qui nous attache à nos devoirs par
un intérêt plus puissant que celui Je la vie
présente, nous détourne de nos devoirs. En
quel sens le désir d'être heureux dans le ciel
peut-il nuire à l'envie de nous rendre utiles
sur la terre ? Le plus grand éloge que fait
riicrilure des saints de l'Ancien Testament ,
est d'avoir procuré la gloire et le bonheur
de leur nation (Eccli. xlvi et seqq.j.
On a souvent répété que le christianisme
établit deux puissances , deux législations
qui se croisent et se nuisent réciproquement,
une autorité ecclésiastii)ue toujours occupée
à empiéter sur les droits des magistrats et du
gouvernement : on ne cesse de nous parler
des u-urpaiions du clergé, el de l'abus qu'il
a fait de sa juridiclion. Jésus-Christ cepen-
dant avail établi la règle lumineuse, et posé
la borne qui devait séparer ces deux puis-
sances, en disant : Berniez à César ce qui
est à César , el à Dieu ce qui appartient
à Dieu. Tant que l'on s'y tiendra , il est im-
possible que l'une nuise à l'autre; au con-
traire , elles se forlilieront mutuellemenl.
Mais dans quel lemps leur est-il arrivé de se
croiser? Lorsque les princes, conlents de
dominer par la violence, ne connaissaient
plus ui droit naturel, ni lois civiles, oppri-
maient les poup'es elles gouvernaient com-
me un troupeau de brutes : sans l'appui des
lois ccclésiasiiquos , le malhtur public au-
rait encore été plus grand. Au sortir de ce
chaos, l'on a dit que les [irêlres avaient voulu
loutUouuer à Dieu, el n'avaieut rieu laissé à
César; aujourd'hui l'on soutient que tout est
à César, de manière qu'il ne reste rien à
Dieu. Lequel de ces deux excès est le plus
grand? L'événement seul en décidera. Mais
si Dieu n'avait pas consacré ce qu'il a don-
né à César, que resterait-il à celui-ci pour
gouverner? La violence, comme aux barba- t
fis; le bâton, comme à la Chine ; le sabre
comme en Turquie et dans les autres Etals
mahométans. 11 est aisé de voir si les peuples
s'en trouveraient mieux. — Aussi, par une
contradiction très-ordinaire à nos adversai-
res, ils ont dit que le c/(n'siianisme tendait à
diviniser l'autorité des princes , par consé-
quent à rendre les peuples esclaves ; qu'il y
avait entre les prêtres et les rois une collu-
sion mutuelle pour détruire toute espèce de
liberté civile; que les prêtres attribuaient
aux souverains le despotisme politique, afin
d'en obtenir à leur tour le despotisme spiri-
tuel. Cette caloranieabsurdea été répétée cent
fois de nos jours. Si elleétait vraie, les nations
chrétiennes seraient les plus esclaves de toute
la terre; heureusement le fait seul suffit pour
montrer que ce reproche n'a pas le sens
commun.
Enfin, quelques rêveurs ont écrit que
quand un a voulu faire du christianisme une
religion nationale, on s'est écarté de l'esprit
de Jésus-Christ, dont le règne n'est pas de
ce monde. Si, par religion nationale, ou en-
tend une religion qui soit tellement propre
à un peuple, qu'elle ne puisse convenir à
un autre, l'intention de Jésus-Christ ne fut
jamais d'en établir une pareille, puisqu'il a
ordonne à ses disciples d'enseigner toutes
les nations, el qu'il s'est proposé de les ras-
sembler toutes dans une seule Eglise, comme
des brebis dans un seul bercail et sous un
même pasteur. Mais serait-il tort avanta-
geux au genre humain que les nations, déjà
trop divisées d'ailleurs, le fussent encore
par la religion, n'eussent ni le même Dit-u,
ni la môme croyance, ni le même culte ? D'un
côté, l'on reproche au christianisme de divi-
ser les hommes par des disputes de religion;
de l'autre, on lui fait un crime de ne pas leur
inspirer assez l'esprit national, exclusif,
isolé, le patriotisme furieux, ennemi du re-
pos de tous les autres peuples, tel que fut
celui des Romains. — De même si, par le
règne de Jésus-Christ, l'on entend un règne
temporel, civil, politique, il est clair que r,
Jésus-Chrisl n'y a jam;iis prétendu; s'il est f
question d'un règne spirituel, par lequel les j
esprits, les volontés, les mœurs soient sou- j
mises à ses lois, il est certainement roi dans
ce sens, depuis près de dix-huit siècles; j
il l'a déclaré lui-même, et en dépit des
incrédules, il lésera jusqu'à la fin dos siècles.
Nous ne finirions pas s'il nous fallait réfuter
dans un seul article, toutes les objections de
nos adversaires ; ils en ont rempli des volu-
mes entiers. Nous n'en connaissons cepen-
dant aucun qui, par un parallèle suivi entre
le christi<inhme ( t une auire religion, ait
entrepris de faire voir qu'elle était la meil-
leure ; tous ont senti que la comparaisou
tournerait à leur confusiuu. Mais ils out
fl 3 CIIR
clierché à [inllier l'absurdité dts autres, à en
dissiîimli r les effets et les conséquences,
pour diminuer d'autant le triomphe du chris-
tianisme : c'est de nos jours que le poly-
théisme , l'idolâtrie, le mahométisme, ont
trouvé des apologistes. On a prétendu que ces
religions fausses pouvaient s'étaycr des mê-
mes preuves que la nôtre ; heureusement ce
faf.t est encore à démontrer, et nous ne crai-
gnons pas que l'on en vienne à bout. — Il est
iTussi impo^siJjle à nos adversaires de rompre
la chaîne des erreurs dans laquelle ils sont
engagés, que celle des vérités que nous leur
opposons ; entre le chiisliaiiisme catholique
et l'incrédulité absolue, point de milieu ;
leur propre exemple nous tient lieu de dé-
monstration.
L'on nous objectera peut-être que les
preuves que nous venons d'alléguer ne sont
pas à la po (éo des ignorants. Si l'on veut
dire qu'elles ne sont pas également à leur
portée, et qu'ils ne sont pas aussi en état
aVii sentir la force que les savants, nous
rn conviendrons sans peine. Mais nous sou-
tinons qu'elles sont assez à la portée des plus
simples, pour qu'ils puissent en av(tir une ce r-
lilude entière, pour peu qu'ils soient instruits.
- En effet, un homme élevé dans le sein du
clirislinnisme ne peut pas. ignorer que l'avéne-
mont de Jésus-Christ et l'élnblissrinent de son
l'glise ont été prédiis par des prophéties ; que
(es pré fictions sont dans les livres des Juifs;
que cortalncinent les Juifs ne les ont pas
forgées pour favoriser notre religion : toutes
les années, jîendant le temps de l'Avent, ces
prédictions sont le principal sujet de l'oftice
divin et des instruclions des p;!steurs : il
est de la plus grande notoriété que les Juifs
aliendent encore aujourd'hui un Messie, sur
la foi de ces anciennes prédiclious. — II ne
peut douter que Jésus-Christ cl ses apôtres
n'aient fait des miracles ; s'ils n'en avaient
pas fait, il leur aurait élé impossible d'éta-
blir le cliristinnisme. Ces miracles sont le
sujet (le la plupart des évangiles qu'on lit
à la messe, des fréquentes instructions des
prédicat' iirs, des tableaux exposés à tous les
yeux ; et si un incrédule voulait contester
ce fait, on Iji ferait voir que les Juifs, les
païeos, 1rs iii;ihométans en sont convenus.
— Les obsiaeles qui s'opposaient à la pro-
p.'igalion de notre religion, les persécutions
qu'elle a essuyées, les moyens [)ar les'^uels
elle a vaincu, sont connus des ignorants
par 1;; moliitude dis martyrs que l'K^lise
honore, dont les tombeaux et les cendres
sont encore sous nos yeux. I, 'homme le plus
gro^sier sait qu'il fut un temps <iij, à la ré-
serve des Juls, tous les peuples éiaient
païens, et il seul que nos pères n ont [las pu
abandonner une religion aussi licencieuse
que le paganisme, pour en embrasser une
tr(•s-^ainle, !?ans (|iiel)ieu ne soit intervenu
dans cette révolution. Sans a>oir lu l'his-
toire, il est bien convaincu que les barbares
du Nord n'ciaient pas cliieiiens, lorsqu'ils
sont venus ravager nos contrées, et que
leur conversion n'a pas du être facile à
opérer. — Quand il n'aurait pas le témoi-
CHR
881
gn:ige Je sa conscience pour lui atlester la
sainteté et la pureté de la morale chrétienne,
il la verrait encore par la différence qu'il y
a entre ceux qui la pratiquent et ceux qui
ne l'observent pas, et par les vertus subli-
mes des saints dont il entend rapporter les
actions. La multitude même des scandales
qui arrivent, des erreurs, qui se répandent,
des efforts (jue font aujourd'hui les incrédules
poar étouffer jusqu'aux premiers principes
de religion, sert à convaincre tout esprit ca-
pable de réflexion, que si Dieu ne la soute-
nait par une providence surnaturelle, il
serait impossible qu'elle subsistât long-
temps.
En général les savants sont fort peu en
état de connaître ce qu'un simple fidèle sait
ou ce qu'il ignore, ce qu'il pense ou ne pen-
se pas, jusqu'à quel point il est en état de
raisonner sur sa religion. Partout où les
mœurs sont innocentes cl pures, le peuple
aime sa religion, il en enlenil parler avec plai-
sir, il converse volontiers avec ses pasteurs,
il les écoute avec attention, il les interroge
quand il le peut; souvent l'on est étonné de
la sagesse (Je ses ((ueslions et delà faclité
aicc laquelle il saisit les réponses. Lors
même qu'un ignorant n'est pas capable de
rendre compte de ce qu'il pense, il ne s'eu-
s'.iit point qu'il ne pense pas, ou que sa
croyance n'est pas raisonnable, parce qu'il
ne sait pas en (Jéduire les raisons; il sent
très-bien la fausseté d'une objection, quoi-
qu'il ne soit |)as en étal d'y répondre et de la
réfuter. Ceux qui sont chargés de diriger
les âmes simples et pures, admirent à tout
moment la manière dont Dieu les éclaire,
les réflexions que la grâce leur suggère, la
foi sage et solide qu'elle leur inspire. Voy.
IciMORANci':, Foi, S 6.
Nous ne pouvons nous dispenser d'obser-
yer que les protestants ont frayé le chemin
à la plu|>arl des arguments des incrédules.
Ils ont dit que le christianisme, dans son
origine, tel qu'il était suili de la main de
Jésus-Christ et des apôtres, était vraiment
une religion divine, sainte, irrépréhensible,
la plus parfaite et la plus utile au genre hu-
main : mais que bientôt après, les pasteurs,
par le mélange des opinions philosophiques,
par l'ambitiou de s'attribuer une autorité
supérieure à celle des apôtres, par l'in-
fluence (l'3 toutes les passions humaines,
étaient venus insensiblement à bout d'en al-
térer les dogmes, d'en corrompre le culte,
d'en énerver la morale, d'en changer la dis-
cipline ; que par la succession des siècles
celte religion divine était devenue nu chaos
d'erreurs, de supersiilions, d'atius et de dé-
sordres, et av.iit causé tous les maux dont
on se plaint aujourd'hui ; mais qu'eiilin, au
xvi". Dieu a suscité les réformateurs pour
la rétablir dans son premier état de pureté
et de sainteté : c'est selon ce plan sublime
qu'ils ont construit toutes leurs histoires
ecclésiaslit)ues ; elles n ont pour objet que
d'en convaincre les lecteurs.
On sent bien (jue les incrédules n'avaient
garde de s'arrêter en si beau chemin, cl qu'il
883
CIIR
cim
sso
leur était aisé délirer parti de co (abiinii.
Ils oiit dit aux protestonls : De votre propn;
aveu, \e clirùtianisme ne pouvait maïKiuer
de se corrompre, de devenir pernicieux et
funoslo au genre humain; di)iic ce n'est
pas Dieu qui en est l'auteur. S'il l'avait éla-
bli lui-ménae, il aurait tenu la main à son
ouvrage, il aurait pris des moyens plus sûrs
pour le conserver dans sa pureté. C'était bien
la peine de bouleverser l'univers pour fon-
der une religion qui, moins d'un siècle après
sa naissance, devait commencer à se dépraver,
à devenir |)ernicieuse, elijui, d'âge en âge,
n'a cessé d'être retidue plus mauvaise. Fal-
lait-il attendre quinze siècles avant d'arrêter
ce lorrenl do corruption et ce déluge de
niau\ qui ont accablé le genre humain?
— Oserez-vous soutenir que votre prétendue
réforme en a réparé aucun ? Montrez-nous
les guerres qu'elle a prévenues, les S( hisnies
qu'elle a étouffés, les disputes qu'elle a fait
cesser, les souverains qu'elle a rendus plus
sages et plus pacifiques, les vices qu'elle a
corrigés, les peuples dont elle a f;Mt le bon-
heur. Vos propres auteurs déplorent les dé-
sordres qui régnent parmi vous ; les mœurs
n'y sont pas plus pures (|ue cluz les catholi-
ques, contre lesquels vous avez tant dùcla-
nié ; l'intolérance n'y rè^ne pas moins, et
il ne lienl pas à vous de renouveler les siè-
nes sanglanles que vous avez données pen-
dant plus d'un siècle |)Our vous éiablir. No-
tre réforme inia';inaire n'a servi qu'à démon-
trer que le chrisiianisme est essentiellement
irréformable, etc.
Nous ne savons pas encore ce que les
protestants répondant à cet argument des
incrédules; mais il nous parail qu'ils ne
feront jamais solidement l'apologie du
chiisliiiniimf! en général, sans faire en même
temps celle du catholicisme et de l'Eglise ro-
maine (1).
(1) Nous pensons, en lerminanlcet arlicle, devoir
donner que^pies cnnsidératious sur les bienl'uils ilii
chrisiianisme réii.Tndus sur loules les n:iti(ms. < Les
lumières el les prâces que répamlail p;irl(inl le
clirisU;inisnie , dit Pointer (Preuves de la relifioii
ghiélknne , dans les Démonst. étang., éilit. Migae) ,
partout rcpar:iienl les iiianx c:uisés par le péché. La
nainre dégradée de l'Iiumme éail rendue à sa di-
gnité priniiiive, et les cliangemenîs les plus heureux
s'opéiaicnt p irmi tou es les n.itiuns qui lecevaient la
foi et la lui do Chrisi.
c Quel éial ijue celui auquel !e péché avait réduit
le i;t'nre IniuKiin ! Quel ahime de crimes cl de mi-
sères ! L'Iiomine , dans l'oriLiine, ciéé iinioceoi et
lie TCiix, j.iinais n'eût vu s'ahérer sa léliciié. Il de-
vait lé ner sans Un , envirnniié de gloire el couihlé
de délices , si, lidèle à sou Dieu el soumis aux com-
liiandcmenls de sou Créa eur, il eût su, dans le court
cspaee de temps assigné pnnr sou éiueuve, sa mon-
trer digne de I elle haute rétmnpen^e. Sou enlemle-
nienl éiail ériairé par la connaissance de bien el de
la vcrilé; sa vidonlé le pmlaii sius ces e vers le
bien, et ses alTeetiuns ei ses désirs é aut loujims
soumis à la laison, loojours iliK iles à la voloolé du
Créaliur, l'onlie le plus pirlait ré^mit dans ses l'a-
cul.éi sou de lame, soil du enrp- , et toui en lui
CÙl été priiicii e d sumcede limilieur, lanl qu'il fût
resté attache à Dieu pai- l'ohélssauco et par l'aiiioin-.
* rnniSTiA.Ni-ME itATiONMi.. Lo clirislianisnic est
la raismi portée au souverain degré. C'est dans ton
sein que les pliilosnplics vont puise.- leurs p!ui bel-
les comeplions. Cependnit la raisoi; liinmine gémit
d'èire forcée de rcionnaitrc son inférioriié. lîlle
croit faire beaucoup en < onsentanl à ruarelier à
pas égal avec l'Evangile : tel éuiil rependant le but
d'une nouvelle secie religieuse fondée en .\nj,'leierre
par Kippis, l'ringle, llopkins, Enlield. rouloiin. Ce-
Mais (lu moment que, par l'acte le plus criminel , il
eni désobéi, quel eliangeuient ! Il n'y eut plus (pie
trouble et désordre dans loin son élre , el en per-
dant l'innocence il perdit le bonbeiir. Enveloppée
tout emiére dans celle l'auie de nos premiers pa-
rents eu (jiii se trouvait dépo>(;o loule noire ilesli-ée
morale, la raee biimaine lot aussi t-oinpiis ■ ilans
l'arrêt (pii les eondaiiinait à U mon , à la perle du
ciel, il une éternelle misère ; eliàiimciit trop jiisle
d'une aussi borrihie prévaricalioii. Affieiise eoiidi-
tioii ! Les maux les plus lerrihles alteiident l'homme
cuupiible arrivé au terme de sa uas^a^ère existence
sur la terre, el nul bonheur réel ne lui esl réservé
dans le court espace de sa carnère niorlelle. Son
corps, son ànie, toiil en lui est infeclé du ce poison
funeste que le péché y a aiiacbé; som corps s'alTii-
blil, se corrompt et meurt; son cnleiulomenl esl oli-
scurci parles ténè'ires de l'ignoraoci' ; sa volonté
sans cesse renlraîiie vers le mai , et le détourne du
bien. Kn proie à une loule de passions violenles qui
se cnnib nient et le dijcliireni, son cœur est un foyer
continuel .le innible el de désordre.
« (Jn'il fut prolood el dé|iloi'ahle cet aveuglement
qui, dans la suite, s'empara de tous les esioils , se
réjiandii dans l'uni\ers païen el lin déroba eiiliére-
nieni la iumièie des vèri.ès célestes ! Lu Jinlée , il
e>l vrai , Dieu était connu , il son nom ci;iil ijrand
dans Israël : mais parioiit ailleors, dè.scpie la grande
majorité de la race iiomaioe eut ab.ndonné la tra-
dition .es révélaiions primitives , dès ipi'iMi matière
de iciigioo et de moiale elle eut coiiiin 'iKé il iiren-
dre pour régie de ses sentiinenis ropiiii.oi privéi; el
individuelle, alors elle se trouva é^aiéedans les dé-
tours néhuleuv d'un lahyrinilie inexliicahle ; elle se
piéeipia d'erreurs en erreuis, d'aiiMir lilés en ab-
suid.tés , irinipélés en im|iiélé-., el rignoiance la
pins gros-ière de tout ce ipi'il importait le plus à
I hoiiioie de coiiniii re exaclemeot piévalit dans le
nmnde. Voyez, chez lentes les n il mis païemiei ,
parmi celles mêmes ipii luii été le plus cèlèhres par
leur civilisniion, chez les Grecs, ciici es Romains;
voyez i|nell<! disence de lumières positives sur l'au-
t.nr (le l'iiiiivris, sur la natiiie ei les pcrieciioos Je
Dieu, sur rioiiiioilaliié de l'ànie , sur la rin pour la-
quelle riioinnie a éié créé, sur les règles ei les mo-
tifs de nos devons iiiora ix, el sur les voies qui coii-
dnisent au boolieiir! Uuehine imposant ipi'aii pu être
lecaraclérede (piel(|iies idée> générales qu'ils avaient
admises sur ccs ohjets si iinporlanis, elles s- trou-
vent Coiiloiidoes dans une loule d'opinions particu-
lières, si incoiiipalihles, si conliadieiime-. eoireel es,
que l.i véntiî, olisi iir. ie par taul de nuage-, ne pou-
vait se (lire jour à travers reiie inas-e épaisse d'er-
reurs el de préjugés, ielle était, en maiiéie il'idées
religieuses , I .gnoraiice prot^uide dans lai|iielle le
inonde païen su trouva plongé, i|iie saint P.iul, en par-
lant des s éeles qui ont joéiédé la venue do .Messie,
ne les désigne point aiitremeiii ipie par ces mois,
il'ini b 'IIS spé ial : Et tcm\)ora qnideni liiijus iiinoraii-
lice, ces temps malhenrtuxd ignorance (Ici. xvn, M).
t La Conséquence iialiirelle de c lie ignorance
générali! fui , chez toutes les nai ons paifiines , )e
régne général de l'iinpioté et de l'iio nor.i iië. Toilt
y était devenu un objet de eu ils il d'à oraiion , et
cepie le Dieu vrai et unique. Les allciiiles nuriées à
la loi de naiiirc devinrent si gravai (i{ si communes.
«87
CIJR
lail un vérilablft déisme iléguisé sous le nom de re-
ligion. David Williams en Tut le çrand poiilife sous
le nom de Prêtre de ta naltire. Ses leinples furent
bieuiol déserls. Ses adeptes passaient rnpidernent à
un ailiéisine coniplel. Le li'inp'e des clnéiiens ra-
lioiinels fut à peine ouvert pendant quatre ans.
CHP.
883
CHRISTOLYTES, hérétiques du x« siècle;
leur nom vient de .y^iTroç, et de Xùw, je se-
;;'ire; parre qu'ils séparaient la divinité de
Jésus-Christ d'.ivec soti humanité. Ils soute-
naient que le Fils de Dieu, en ressuscitant,
que le sens moral de ce qui est décent et honnête
parui entièremejit éteint, et l'Iiomiiie sfmbla s'èlre
ravalé hii-iiiêinc au-dessous de la lièle immonde. La
violiMne, li^ ineurlre, la luxure, rinlempérance et la
déhaiiclie n'avaient plus nen de linnieux et de re-
pous-anl aux yeux de ces hommes ilépr.ivés. On vil,
en plnsieni'scimli'éi'S , l'iunnoraité poussée à un tel
point de dégiadaiion , (pie , sous les noms de Mars,
de lia clins et de Vénus, la vengeance . l'Ivro-nerie
el l'impureté, ces vices inf.imcs, liireni déiliéseï ado-
rés pubiiipicment par dfS actes aussi scaïuialeus que
criminels (|u'oii usa consacrer comme faisant partie
des riies saciés de la religion. Quelle sombre, quelle
elfrayante peimure de ces excès du monde païen
lions est tracée par saint Paul, dans le premier Clia-
piire de son E|iitie aux Itoinains , depuis le verset
18 jusqu'à la lin! Avec quelle énergie il en parle
dans celle aux Epliésiens '. Ces (yc/id/s suivent dans
leur conduite la raniié de leurs iiemé.s; ils ont l'es-
prit plein de ténèbres ; ils smU éloignés de la vi-- de
Dieu, à cause de l'içinurance oii ils sont, et de Cendur-
ei sèment de leur cœur; ayant perdu taul esiioir de
saint, ils s'abandonnent à la dissolution et se idonijeut
avec une ardeur insatiable dans toute sorte d'impure-
tés (Epli. IV, 17, 18, i;)).— Par snile de (elt« igno-
rance 'le Dieu, de cei <mldi des règles et des moiifs
de nos devoirs, de cet aliandon sans réserve à toutes
lesiiiclinai nus vicieuses, quel déluge époiivanialile de
crimes et de m:iu\ vint inonder la surlacede lalerre!
A (piei e prolDiideiir de ligule et de coirupiioi: la
iraiiire de 1' ine ne parul-elle pas desceiiine, et
combei cliaipie joni-, a|oiilan. à lanl d'.ni (uilés, ne
dut- il pis ajontei aux ini-ôies bumaines !...
f Telles Claie, t, pimr le genre linm 'in. les horri-
bles coiiéi|iieni(s du péclié. Qui pnnvaii le délivrer
de cel éiai adieux ? Liaii-.e la pliiioso, lue? [Sun;
tout le savoir. Iniis les elfoi ts île ses sage^ y ensseiil
écliniié ; et que pouvait- elle celle pliilosopliie , pour
détruire, pour écarter la cause limesie de lous ces
désorilres,de tous ces inanx, le péclié?.'Vvaii-elb; une
victime à offrir en expiaiion de ce péclié ? Eiait-elle
capable de dissiper ces nuages d'ignorance générate
qui, en maiièie de religinn, s'éiaimi épaissis ci cou-
vraient le monde païen, elle qui n'avait jamais eu
rien de ilve et d'arréié sortes vériiés relatives aux
idées religieuses : elle i|Ui pouvait être accusée, peut-
être, d'avilir, piiur sa part, coniiibué à entraîner les
hommes dans ces rmie^ léllél)l■eu^e^? Elail-elle à
même de corriger les liommes de leurs vices el de
les guider dans la prati(|ue des vénlables vertus ,
elle i|Ui, en tant de circonstances , avait moniré si
peu de I icres, on du moins lanl d'iiicenilinle sur
les principes el sur les rsgles de- devoirs moraux ?
Quels mollis asseï puis>aiiis pouvaii-elle prési^nler
à l'homme vicieux , pour le déiourner de l'nabiiude
du mal? et i rbomnie praliqiianl la venu, quel sup-
port ifl'iaitelle contre les lenlaiioiis , elle qui , par
la voix de ses sages, par celle des iqaioii, des Ari-
sloie el ile_ ses sioiciens, avaii eusc gné et encouragé
les pinsgrosMèresii naliiés ? ÎSim. la pliihisnphie
avait reconnu elle-menie .son iinimissance à rcloimer
les vices du mimde, ei elle avait loin à fait déses-
péré de pouvoir jamais aiiéier ce> lorrenls d'iniiiui-
lés .|ui. se grossissant de jour en jour, allaieni en-
gloutir lï terre.
^las purentum, pejoravis, lulit
Nos nequiores, mox daliiros
j Progeniem vitiosiorcui,
Nos père<;, plus méchants que n'élaient nos aïpux, I
Onl eu pour successeurs des enfanls plus coupables, •
Qui seront remplacés par de pires neveux. (Lasiotte.)
c Combien donc était désespéré l'état où se trou-
vait le inonde, quand les apôtres turent envoyés à
loules les nations de la terre pour leur anmmcer la
rémission des péchés , pour les éclairer et pour les
sanclilier, en répamlanl parmi elles et les lumières
de la foi, et les grâces du Christ ! — Ce qui conslilue
l'essence du péclié, c'est la désobéissance , et c'est
par le grand sacrilice o'obéissance offert sur l'autel
de la croix , que le Fils de Dieu a expié le péché.
La destruction du péclié faii disparaître la eau e de
tous tes maux qui pèsent sur le genre humain. La
rémisson des péchés réconcilie riioinme avec Dieu;
lève l'arrêl de sa condamnation, le sauve îles loiir-
meiils élernels , le rétablit dans la dignité d'enfant
de Dieu et daiis tons ses droits à t'Iiérilage du royau-
me sans fin. — C'élaii ce bieiilait, le plus grand de
tous, c'éi -it cette rémissi n des péchés qui avait éié
offerte à toutes tes nations eonime devant venir du
Clirisl. // est écrit ainsi de moi, d saii ce divin .Mé-
diateur, il Uillnit que le Christ son/frit de la sorte ,
qu'il ressuscita' le troisième jour, et i/ l'on prêchât enson
nom la yénieuce et la rémission dex péché< parmi toutes
les mitions, en Cummençant par Jérusalem (Luc. xxiv,
4t), 47). Ce lut aiu apôtres que Jé^us-Cliiit donna
le iioiivoir et la mission d'aller lépamlre ce b etilail.
Il leiii' dit : Recevez le Saint-Esprit, les péchés serjut
renis à ceux à qm vous les remettrez (Jonn. \\ , 2J ,
25). Futées à leur missioii, les apôtres renipiiieiit
avec zèle le niinisljre de la réconciliation, el ils
s'cMiipie~èreiil d'accorder la grâce de la rémission
des péchés à ions ceux qui s'empressaient de s itis-
laire aux conditions imposées par te Christ. Dès le
premier jour où l'Evangile esl proclamé ii Jérusalem,
sailli l'ierre s'adiesse à la nmltiinde assemblée, el
dil : Faites pénitence, et que chacunde vous suit baptisé
au nom de Jésus-Christ pour la rémissiun de sesiiéihét
{Aci. II, "j8). C'était là celle grande bénédicliou pro-
mise depuis si lungtemps , et que toutes les nations
devaient recevoir par le Christ, en qui toutes devaient
être bénies (Gen. xii, 3; xviii, 18; xxti, 18; xxv, i).
« Ainsi , de même que le péclié avati clé pour
l'hi e ta source de tous ses maux , de même la
rémission des péchés devait èire pour lui te principe
de tout son bonheur. Le péché avait renne les por-
tes du ciel, elles >c ronvrenl aujniird'hui à qunoti-
que a su , av.nil de iiinmir , laver dans le .sang de
l'Agneau toutes les souillures du [léclié. Quelle douce
consolalioii répand dans bs cchuis ce. le doctrine ilc
la rémission des péchés! Que de hénédiciiiins pré-
cieuses émanent de ce ininislère de lécoiicitialion ,
quand il esl exercé suivant les insliliitionsde Jèsus-
Christ ! Et quid bonheur pour rhoinme coupable de
savoir avec certitude ce iprd lui tant faire pour ob-
tenir sa grâce, et à quelles condilioiis il sera jnslitié !
Les voilà ces bienf.iils ineslimaliles q e le christia-
nisme a portés chez toutes tes iialioiis, en se répaii-
daiil paiini elles. — Avant que la grâce de la jiisti-
licaiion dcsiemlil dans le cœur des h iiiiiiics, il fal-
lait que teiii es, rit lût éclairé par la connaissaiice
des vérités célestes et des précepie.» de la morale
surnaturelle que le Kits de Dieu avait p éi bée à ses
aiôlics. Inaruisct toutes Us nations, i s baptisant et
leur apprenant toutes les choses i/iii; je vous ai ordonné
de leur apprendre (Matih. xviii). Leur iu:itrucliou
devait doue précéder kur baptême.
sm
CHR
avait laissé dans les enfers son corps et son
âme, et qu'il n'était monté au cirl qu'a-
vec sa divinité. Saint Jean Damascène est
le seul auteur ancien qui ait parlé de cette
secte.
CHR m)
* CHRISTO SACRUM. L'immense fraciionne-
inent (les églises proieslames d'Allemagne inspira à
J:icol) llendrir Onderde-Wyng ir-Caiiïieux la pensée
db- réunir loiiles les sociélés cliréiieiines en une
seule : pour cela il Ot le symbole le plus large pus-
( Mais quoi de plus consolant en soi, quoi de plus
salutaire pour i'Iiomnie, que le corps entier de ces
diigmes sublimes, do ces préceptes moraux , de ces
instiiiiiions sacrées qui constituent la religion chré-
lieime et que propagèrent unifurmémenl les apôlres
à l'époque où ils élaldirenl le christianisme chez
toutes les nations ? Quel dut être l'étonnement de ces
tiommes qui, >i longlt-mps , étaient restés assis dans
les lénébres du péché et dans l'ombre de la n)ort,
qiiaiid tout à coup ces dogmes et ces mysièn.'s leur
furent proposés et expliqués I Quels transports de
j(ii(' durent inonder et leur cœur et leur esprit ! Ce
n'étaient point là de vainis fables savamment ima-
ginées, ce n'étiiient point les npiniims vagues ou les
cniiseds d'honiiiips ou ignorants ou tronipi-nrs ; mais
c'élaiiMit les vériiésel les ordonnances de Deu, con-
firmées et rendues tcrtames par le témoignage et
par le commandenn'Ht de Dieu, et de pins appuyées
el consolidées par une série de faits d'une évidence
telle, que toutes les attaques di-s sophistes les plus
liabiles ii'étaient pas capables de les ébranler. Ce
que nous iwons vu, ce que nous avons enlendit , voilà
ce que nous vous déclarons, disait un apôlie {Joan. i,
5). Cétail la tloclrine qui , aifunt été premièrement
annoncée pur le Seigneur Ini-ménie, a été emuile con-
firmée, parmi nous, par ceux qui l'avaient k^tehuve
Di: SA l'UopiiE BOi'ciiE, «HK/Htï/s Dieu a rnidu témoi-
gnage par les miracles, par les prodiges, par les diffé-
rents effets de su puissance et par la distrihulioii des
grâces du Suint Esprit, qu'il a partagées comme il lui
a plu {llelir. ii, 3, 4). El celle docirine si certaine,
si sublime, si excellente, portail dan-, les esprits une
Inmière célesie, et dan^ 1 s cœurs une chaleur vivi-
lianie ei loute spirituelle !
I Qu'on imagine ce qui dut se passer dans l'esprit
de cet enfant du paganisme, qui, plongé dans les ténè-
bres de l'inlidélilé, et ayant admis et adoré une mul-
titude de dieux laniastiques , auxquels mille crimes
infâmes étalent imputés, entendait dévilopper celte
docirine qui annonçait un Dieu de gloire et de sain-
relé , seul vr.ii , seul vivant, créaliur et souverain
Seigneur du ciel et de la terre , étemel, immense ,
inlini en pouvoir, en sages^e , en bonlé , en louto
sorte de peifections. Avec quel encbanlement ses
regards se tournèrent vers les rayons bienlasants do
ce jour qui , pour la première lois , commençaii à
luire pour lui, lui qui, si hmgtemps enveloppé dans
une miii pri>roude , se iratu.iil errant cl inceilaiu
dans les sentiers dangereux de l'erreur cl du men-
songe ! Ceux que de tels bienlails venaieni trouver
pouvaient dire avec vérité : Le Dieu qui a commandé
que la lumière sortit des ténèbres a fait luire sa clarté
dans nos cœurs, afin que nous puis'sioiis éclairer les au-
tres, et leur donner la connaissance de la qloire de Dieu,
selon quelle pur.;i( en Jésus-Clirist (II Cor. iv. G).
< Mais ce qui répandit la lumière la plus écla-
tante et la plus merveilleuse sur la connaissance de
la gloire du vrai Dieu, ce fut la nianifestaiion du re-
doiilable cl sublime mystère des trois personnes di-
stinctes en une seule nature divine; mystère d'une
vérité et d'une certitude irréfragables , puisi|u'il a
été révélé par ce grand Dieu bii-rnème , qui se coii-
iiaii si parlaiiement, et qu'd étaii attesté par ceux-là
mêmes à (|ui son propre Fils en avaii donné con-
naissance : inysière grand, profond, inellable, el sur
lequel repose tout le système du christianisme.
i Voyez iiiiiintenant quelle brillante perspective
d'une gloire immortelle élail développée aux regards
de l'homme par la doctrine de l'Evangile. Ce n'élait
pas une vaine illusion propre uniquemeui à tlaiier
son orgueil ; c'était l'espoir certain , indubitable ,
d'un bonheur parfait, éiernel , assuré pour l'âme et
pour le corps : espoir fondé sur la promesse solen-
nelle que Dieu lui-même s'élail engagé d'accoiii|dir
envers tons ceux qui rempliraient les comlmons
prescrites par son Fils Jésos-Chrisi. — Ceux que
renseignement de cette doctrine iniroduisaii ainsi i
la connaissance des desseins et des œuvres de Dieu,
quelles puissantes consolations, que d'objets intéres-
sants leurélaieni présentés dans le grand mysière de
la rédemption et de la sanclilieation de ce iTionde !
Si, d'un côté, elle exposaii, dans toute leur éiendue,
la dépravation et la misère de l'homme, combien,
de l'autre part, elle faisait éclater la miséricorde et
la clémence de Dieu ! L'homme , par son i éclié ,
s'élail rendu indigne à jamais du bonheur qui lui
était réservé dans les cieux ; il avait encoiiru le ter-
rible arrêt qui le condanmait à un châtiment éternel,
et cependant ce Dieu offensé ne peut cesser d'aiii.er
sa coupable créature; il désire encore sou bonheur,
et tel est l'evcès de ce désir, que son Fils bien-aimé
est envoyé sur la terre et condamné à se fiire hom-
me ; et c'e-t dans l'ahaissemeul de cette huma ne
naiure (|ue ce divin .Médiateur deviendra victime
d'expiaiion pour les péchés des hommes, el cause de
salui pour tous ceux qui voudront lui obéir. 0 pro-
fondeur des my-téres de la sagesse divine , ô prodi-
ges de sa bonté el de son amour!.... Dieu a lellemeiU
aimé le monde , qu'il a donné son Fils unique , afin
que quiconque croit en lui ne périsse point , mais qu'il
oit la vie éternelle (Joan. vi, l(j). Au temps marqué,
ce Fils de Dieu est conçu dans le sein d'une vieri;e,
il est mis au monde; il meuitsur une croix pour
obéir aux ordres de son Père et pour as-mer le salut
des lioinnies ; le troisième jour, il se ressusciie lui-
même, il monte aux cieux , et à la fin des lenips il
viendra juger tout le genre humain. C'est alors que
seront rendus à la vie les corps de tous les bmnines ;
alors ceux qui auront lavé loutes leurs lauies dans
son sang, il les récompensera par une gloire éter-
nelle : mais il punira, par d'éiernels tonrinenisceni
qui seront moris dans les feus du péché. Voilà les
dogmes , Voilà les laiis qu'annonçaient les apôlres.
Tous découvrent à nos yeux les myslèies les plus
merveilleux d'une puissance, d'une justice , d'une
clémence, d'un amour, qui n'ont poiiil de bornes, et
tous sont aussi certains qu'ils sont sublimes. Ceux
qui se soumettaient à la loi de Jésus-Chrisi , quelle
pureié, quelle sainteté ne tiouvaiemils pis dans les
préceptes de u or.de qui leur éiaient prêches , pré-
ceptes qui enjoignaient rélmgnemeol absolu du
toute espèce de péchés, soit en pensées, soit en pa-
[(des, soit en actions ; préceptes qui altjquaieiit ,
jusque dans leur principe , les mouveraeiits de la
concupiscence, en imposant la pratique du renon-
cement à soi-même; préceptes qui prescrivaient
l'exercice de loutes les venus, de la piéié, de la dé-
votion, de l'amourde Dieu et du proch.iin, delà sin-
cérité el de la justiie , et qui commandaient le sa-
crilice héroïque de lous les avantages li^mporels ,
plaisirs, prolil, honneur, dès que la loi de Dieu avail
parlé. Tous les devors , ceux de riiomme envers
Dieu, ceux d'homme à homme, de supérieurs à In-
férieurs, d'inférieurs à supérieurs, d'égaux à éj^aux,
étaient slriclemenlspéciliés et ordonnes. La sobriété,
la chasieté, éiaienl essentiellemeiu recommandées,
el suriout celle perleclioii morale à lai)uelle cha |ue
indiïiilu devait tendre , et qu'il se doit à lui-même,
comme liiêiubre de Jésiis-Christ, et cum.ue temple
de l'Espril-Saint. L'unité, i'indissolubiliié, la saiu-
893
CIIR
CHU
8b
sil)le, il il'exigeaii la croyance qu'à un seul dngnie,
à II réileinption du fiente hniiiain p;ir le Clirist. Il
rejetai! avec liorreiir les termes île secie et de secta-
leurs ; il voulait coiisiiiinT U' e sociéié dans toute
la force du l ruie. Celle secie, réduite d'abord au
nombre de quatre individus, aiieigint bientôt le cliif-
fre de trois mille personnes. Elle ne prit jamais
beaucoup d'extension et liuii par s'éteindre faute de
télé du mariage, étaient consacrées et protégées. La
paix, riianiioiiie rcntriieni d:ins les ramilles ; l'or-
dre, le droit, kl jusiicedans la vie civile, et tois ces
avantages y étaient maintenus. Il n'e-t pas un seul
de ci's objets auquel ne s'éteudissenl les préceptes
de l'Evangile , lesquels , enibrassaiii un sysièmc de
morale aussi éclatnit qiiecompbt, ne tendaient ,
dans leur cnsemblo, qu'à faire sortir l;i nature liu-
n)aine de cet abiine de corrnpiion où le pécbé l'avait
plongée, et à redonner à l'hoinnie :a diguiié pre-
mière, eu rélablissant en loi l'image de la Divinité.
I Pendant ijue la religion cbrétieiine piuposait
ces préceptes d'une morale si pure et si parlaiie,
elle éi:iii loin de négliger b'S moiifs poiss:inis (|ui
devaient en assurer î'i'xacie observance. S:ins cesse
elle pré-entait aux yeix des liommes l'autorilé du
Dieu suprême q ii les avait commandés, la sainteté
de ce Dieu à (pii ne peuvent échapper ni pensées,
ni paroles , m aciinns ; la justice de ce Dieu qui les
jugera lous 61 rendra à cliacuu selon ses œuvres, les
réC' mpenses élcrnelles réservées à quicumpie aura
persévéré dans le bien , les é;ernels cbàtuueiits qui
SiTiiiit inlligé> à ceux qui se seront olisliiés dans le
mal; ci sans cesse elle leur ra|)pelail 1' .moiir inliui
d'un Dieu pour l'iKunims et l'exemple de ce Fils de
Dii'ii, de (0 JéMis, modèle de toutes les perleciious ,
qui s'est livré Un même j)oitr nous, afin de nous rache-
ter de loule iniquité et de nous purifier pour se (aire
un p Uj}le particulièrement consacré à son service et
fervent dans les bonnes œuvres (Tit. ii, \i).
i Les apôlics en élablissai.t la rcl gioii clirctionne,
ncii-seulcmciil prèi'baie.^t c es doctrines siililuncs, ei
inciilipiaient ces |>ré(:eiiles di' piclé ei de morale;
mais d.' plus, à l'aide de i ites sacrés que Jé>ns-Clirist
avait io>tlliiés, el dont le miuisière leur é ait conlié,
ils rép'nnaienl sur tous les Ikuihucs une aboudiiicc
de jirâccs célestes, dont l'idiji t étaii d'tiïacer entiè-
rem> nt le pécbé et ses suites , de lairo desi endrc
da. s Ic-espiils les lumières de la sancs^e élerotlle,
et d'eiillamnicr bs coe rs des plus sainis désirs.
Jésus-(;iirisi avait allaciié à ces sacieuieiils licoin-
miiiiicaiHin (le loiiics les griues de l.i ju.-,i,ficaiion ;
mais il fallait ipi'ils lussent adminis rés d'airès ses
ordouuan es, et reçus par \c> lidéics avec les dispo-
sitions de foi , de repeniir et de soumission qu'il a
prescrites. De Va ces paroies de saint Pierre : lùtitcs
pénitence et que chacun de vous soit baptisé «« nom île
JésUS-ChrisI, lOLR lA RÉMISSION Dli VOS l'iiClUS (.Il /.
Il, 58). Delà saint l'ierie et sainl Jean, se rendant
près des Samaritains, riiuiiiM rouu eux , nfm qu'ils
rrçussint le Saint- Exprit...; ils li.uu rMpnsÉiu:Nr i.i.s
MAINS, et ils reçurent le Saint-Esprit {Ibid., viii, lo,
17). — C'éiail ainsi que les sacrements cl les auires
rites extérieurs établis par le Cbrisl el admini^tiés
par ses apôlrc» , devenaient pour lous ceux qui les
relevaient avec les disposiiions ie(iuises , la source
des gràics de la sanctilicali>ui que le divin Hcdemp-
teur nous a mériiées par sa mort.
t Sainl Paul rappelle souvcnl à la mémoire des
gemils convertis <p.il a été leur bmilieur di; recevoir
la grâce de la ju^ll(il•alion. Pie savez-vous pas, dit-il
aux Corintliitùv-. , ijia' les injustcf ne saonl pas héri-
tiers ituroiianme de Diiu? Se vous y trompez p .s :
ni les [orniiiteurs, ni les idolâtres, ni les udultcr.s ,
ru les imi utiiques , ni les abominables . ni les voleurs,
hi les Hi'oii's, iii II s irrwf/iics . ni les r.iéchanii , ni /...>
rniissciirs du bien n'oidrui , uc seront hérilicis du
royaume de Ditti. C'etl ce (jue quelques-utis de vous
ncu veaux ailiiérenls: elle compte auj.uird'liiii fort
ppii d'adepies après 30 ans d'existence. Sun culte se
divise en deux parties, l'un d'adornlloii et l'autre
d'insiruciion. Six bds par année on célèbre la Céae.
Après cette cérémonie, les assistants se proslerneut
sur les dalles du temple dans un éiai de (Oinplèie
immobilité pendant qu'on récite les prières et que le
ministre donne les bénédictions.
CHRONIQUES. Yoy. Pabaupomènes.
CHRONOLOGIE de l'histoire sainte.
Les incrédules de noire siècle ont f.iit grand
bruit sur la difficulté qu'il y a de former une
chronologie exacte de l'histoire sainte, sur
la variéic des opinions et des hypollièses
iin.iginces à ce sujet pnr les savaiUs. On »
de la peine à concilier le lexle hébreu avec
les versions, et d'accorder les aulcurs sacrés,
soil el)lr(^ eti\, soii avec les historiens pro-
fanes. Nos critiques pointilleux ont dit que
si Uieu était l'auteur de celle histoire, il
n'aurait pas permis que des écrivains qu'il
daignait inspirer ioinhassenl dans aucune
faute, el fussent oppos'és les uns aux autres.
Quand on leur a répondu que la plupart de
ces fautes vraies ou appircnles pouvaient
êlre venues de~ topisles, et non des auteurs
saciés, ils ont répliqué que Dieu devait veiller
d'aussi près sur hs copies que sur les origi-
naux; que des écrits divinement inspirés
devaient êlre aussi divinement copiés. —
Ainsi, selon ces grands génies, dès (jue Dieu
a voulu prendre la peine de nous instruire,
il a dû nous donner non-seulement les leçons
nécessaires pour légKmolrefdi elnos n.œurs,
mais encore loules les connai^s.iiK es cu-
rieuses (ju'il nous plairait d'exiger, et nous
ôter la peine de f lire des éludes, des re-
cherclici, des discussions pour les acquérir.
Nous leur demandons en quoi un sjslèiuo.
esaci et complet i\e. chroniloijie, depuis la
cré.ilion jusiju'à nous, pourrait servira per-
feclionnerla loi ou les mœurs. Dès que nous
sommes assuré> que Dieu a créé le monde et
la race humaine, i]oe noire premier père a
péché cl en a été puni a\ecl'>utc sa postérilé,
mais que Dieu lui a pronis un rédempteur;
qu'après plusieurs siècles il a cliâlié celte
race criminelle par un dél!i2C universel ; dès
qu'il csl ccrlain que Dieu a dicié des lois aux
Hébreux par l'org.ine de iMoïse ; qu'il a sus-
cité parmi eux des prophètes pour annoncer
SCS desseins cl renouveler ses promcs es;
qu'enliii, lorsqu il a trouvé bon de les ac-
complir, il a envoyé son Fils unique pour
racheter le genre humain, el lui don ler de
nciuvclles leçons ; que nous importe de savoir
en ijuel lcni(is piécisemenl ces divers événe-
lueiils sont arrivés; combien il s'est écoulé
ont é:é auiiefois; mais vous avkz kik lavés, iioii*
avez élé sanctifiés , l'oiis ni cî été justifiés au nom et
par les mérites de Notre-Seiqueur Jésus-Christ et par
l'Esprit de notre Dieu (l Cor. vi, l), il). II), le;/.
l'Kpiire au-\ KpLcsieiis (il, 1,0), celle aux Colos-
sicn>(i, il, iî).
< Veul-on uri témoignage bien frappant de refli-
ca( ilé de ce^ gr.'ices dans la régénérai i'Hi du C(eur
liumain? yu'iui lise ce que raKuile saint Cypiien ,
dans S(m livre à Douât, du cbaugeineut ipii s°n|)éra
cil lui quand il reyiii le bapiciiic. »
HK
CHR
CIIR
m
d'année;» ciuro l'un el l'autre; à quelle 6po-
(|ue de l'hisloire profane il faut les rappor-
ter? Celle coniiaissaiice servirait s:;ns doute
à satisfaire notre curiosité ; nous ne voyons
pas eu quoi elle contribuerait à nous rendre
meilleurs.
Sommes-nous beaucoup mieux instruits de
la chronologie des autres nations (jue de celle
des Hébreux? Dans l'origine des sociélcs, les
peuples, uni(inement oceupés de leur sub-
sistance, n'avaicnl le temps ni de composer
des annales, ni de dresser des monuments.
Rien de plus incertain que les premières
époques de ^lli^loire cliinoise; telle des In-
diens est encore plus oliscure; on n'est pas
parvenu non plus à ranger, d'une manière
incontestable, les dynasties des Egyptiens,
ni à débrouiller les conmiencements de la
monarcliie des Assyriens. Les Grecs n'ont
appris à écrire que fort lard; on ne sait pas
seulement avec certitude en quel temps Ho-
mère u vécu. Les premiers fails de l'Iiisloire
romaine ont paru fabuleux à plusieurs sa-
vants, et nous sommes forcés de commeneer
la nôtre au régne de Cioiis. Si Dieu n'avait
passuscité Moïse pour nous donner une faible
connaiss.'tnce des origines du nmnde, nous
n'en saurions pas un mol, et UdS philosophes,
avec tous li urs talents pour la divination,
n'fiuraient pu nous rien , pprendre. — Sui-
vant leur opinion, des fiules conire la chro-
nologie, la geograpiiie et l'hisloire naturelle,
sont la pierre de louehe pour juger de la
fausseté d'une révélai ion. Il y aurait peul-
élrc moins d'absurdil • à dire que c'est un
préjugé pour présumer (lu'clle est vraie;
parce iju'il csl indigne de Diru de communi-
quer aux boumies, par lévélalion, des con-
naissances «lui n'ont Jamais servi qu'à les
rendre orgueilleux, induciles el incrédules.
La vérité est que ces fautes prétendues ne
prouvent rien, lant que l'on n'est pas en
étal de démontrer invinciblement que ce
sont des fautes : or, nos adversaires n'en
sonl pas encoie venus à boul, à i'égard de
celles qu'ils croient trouver dans l'histoire
sainte, l^lusieurs savants leur ont fait voir
qu'ils n'en jugent ainsi que piir ignorance,
et qu'il en est de même des ( onliadictiuns.
hixm V Histoire de l'astrolugie ancienne,
liv. I, ^ii; Eclaircis., 1. i, § U et suiv., l'au-
teur a moiilré qu'en comparant les différen-
tes methoiles selon lesquelles les divers peu-
ples oui calculé les lenips, les dillérenles
chronologies (1) s'acconlent et ne dilTérent
que de (luelijues années, touchant les deux
époques les plus m morables; savoir, la
création et le déluge universel; que toutes
su réunissent encore à supj)oser la inèiuc
durée depuis le commencement du monde
jusqu'à l'ère chrétienne, en suivant le calcul
des Seplanle. Dans le liecudl de l'Académie
(1) Il y a f|ii,iire peuples prinoipmi'c qui foni re-
moiiler la créalioii liien au del.i de l'épcMiiie marquée
par Moise. Ce sonl les L'gypliens, les dialJéens, tes
hi.lieijs el les tiliinois. INuiis discutons aux arlicles
qiii coucenieiii (a peuples, la valeur bistorlnie de
leurs (iréieiidues aniiquilés.
des Inscriplions, il y a plusieurs mémoires
dans lesquels ou a très-bien réussi à éelair-
cir les difdcultés touebant l'histoire des rois
d'Israël el deJuda, et d'autres faits particu-
liers : n'est-ce pas assez pour nous faire
présumer que l'on peut dissiper de même les
aulres emliarrasqui peuvent encore se trou-
ver dans l'histoire sainle?
Le plus grand de tous est de concilier le
texte hébreu avec la version des Septante et
avec le texte samaritain, au sujet de la date
du déluge et touchant l'âge des patriarches,
avant ou après celle grande révolution.
Suivant le te\le hébreu, il ne s'est écoulé
qu'environ six mille ans depuis la création
jusqu'à nous, et le déluge est arrivé l'an du
inonde lUbti. Les Seplanle ajoutent 1800 ans
de plus à l'antiquité du monde; le Penlaleu-
que samaritain ne s'accorde avec aucun des
deux. L'hébreu place le déluge 2 Î48 ans
avant Jésus-Christ; les Seplanle 3017 ; voilà
près de 1300 ans de différence. Pour savoir
d'où elle a pu venir, les savants se partagent.
Les uns pensent que les Hébreux ont rac-
courci exprès leur chronologie ; mais on ne
peut pas deviner pour quel motif, en quel
temps ni comminl ils auraient pu altérer
tous les exemplaires du texte. D'autres ju-
gent que ce sont les Septante qui oui allongé
la durée des temps, pour se rapprocher de
l'opinion des Egyptiens, qui supiiosaient le
monde très-aneien. D'autres enfin ont donné
la préférence au samaritain, qui garde une
espèce de milieu entre les deux aulres mo-
numents. Aucun de ces trois seniiuients n'est
fondé sur des preuves dé:iionstralives. —
Nos pliilosopbes, plus habiles que tous les
savants, ont fait profession de mépriser tous
les travaux de ceux-ci, ils ont entrepris de
créer une nouvelle chronologie, de fixer la
durée du monde et les éjioques de la nalure
par des conjeciures de physique, par l'ins-
petliou du globe , par les matériaux des
montagnes, par la manière doul les lits en
sont disposés, par les dep).;icei;icnls de la
mer, etc. La question esi d'r savoir s'its ont
deviné juste, si toutes les monlagnes du globe
sont faites comme celles qu'ils ont examinées,
s'ils n'ont pas altéré les fails pour les faire
cadrer avec leurs idées, etc. Déjà plusieurs
physiciens ont l'ail voir que la plupart de
leurs observations sonl fausses. Lettres phg-.
nii/ucs et mortdes sur l'Histoire des monta-
gnes cl de l'homme ; Etudes de la nalure, etc.
Ceux qui ont voulu allaquerriiistoiresainte
par des observations astronomiques , n'ont
pis mieux réussi. Nous iiouvons donc eu
toute surclé nous en tenir à ce que l'Lcrilurc
nous apprend. Voi/. Histoiue sainte, Mox-
UE, etc.
CHUYSOSTOME (saint Jean), ou bouche
d'or, p.ilriarehedeConstantinopIc, et docteur
(le l'f'g'ise, lut ainsi nommé à cause de son
éloquence : il a vécu au iv siècle. La meil-
leure ccliliou d; ses ouvrages est celle qu'a
publiée le V. île Montfaucon , en grec el eu
lalin, en 13 volumes in-folio, à Paris 1718.
L s censeurs des Pères ont reproché à
siiiil Jean Chrytostome de s'être esprimé
&9'J CHR
d'une manière scandalease sur la conduite
qu'Abraham Uni en Egypte à l'ép;ard de Sara
son épiiuse. Quand cette accusation serait
mieux fondée, ce n'étnit p;is la peine de re-
lever cette tache dans un corps d'ouvrage
de 13 viilumes in-folio, et dans un Père de
l'Eglise, respectable d'ailleurs par la pureté
de sa morale ei par la modération de ses
sentiments. Ce saint docteur n'a entraîné
personne dans de fausses opinions de mora-
le, et ses censeurs sont forcés d'avouer (|ue
si le fait d'Abraham étail ra[iporté par Moïse
avec toutes ses circonstances, probablement
il serait aisé d'exeuser ce p ilriarche. Voy.
Barbeyrac, Traité de la Morale des Pères, c.
XIV, § 2i. Sans recourir à celte présomption,
l'on peut voir dans l'article Abuaham , qu'il
n'est pas fort difficile de justifier sa conduite.
— D'autres ont trouvé mauvais que saint Jean
Chrysostome ail condamné absolument le
commerce. La vérité est qu'il l'a condamné,
non absolument, mais tel qu'on le faisait de
son temps, c'est-à-dire l'usure, le mono-
pole, la mauvaise fui, les fourberies , les
mensonges des marchands : s'il a cru (|ue le
commerce ne pouvait pas se faire autrement,
il s'esl trompé sur un objet de politique , et
non sur les principes de la morale. — D'au-
tres enfin , plus téméraires , ont accusé le
saint docteur d'avoir été d'un caractère in-
quiet, turbulent, austère à l'excès ; de s'êlre
attiré par humeur la persécution de l'impé-
ratrice Eudoxie et des courtisans, à laquelle
il succomba. C'est une calomnie. Ce saint
évéquc n'avait pas tort de désapjirouver les
assemblées tumultueuses de baladins qui se
faisaient auprès de la statuede l'impératrice,
et qui troublaient l'office divin, ni de censu-
rer les vices des courtisans. S'il avait agi
autrement, on l'accuserait d'avoir fait bas-
sement sa cour, et dissimulé des désordres
auxquels il aurait dû s'opposer.
Musheim convient que la conduite d'Eu-
doxie, de Théophile , patriarche d'Alexan-
drie, et des autres évéques qui déposèrent
saint Jean Chrysostome pour plaire à celle
princesse, et le firent condamner à l'exil, fut
également enielle et injusie; mais il dit que
ce saint est blâmable d'avoir accepté le rang
et l'autorité (]ue le concile de Conslanlino-
ple avait accordés aux évéques de celte ville
impériale ; de s'être porté pour juge dans le
démêlé (ju'eut Théophile avec les moines d'E-
gyple ; de s'être ainsi attiré mal à propos la
liaine et le ressentiment de cet évéïiue : le
traducteur ajouie , dans une note , que ce
même saint blâma ù'ww manière indécente
Eudoxie d'avoir fait placer sa statue d'aigcnl
près de l'éf^lise. Ici la prévention des pro-
testants contre les Pères est palpable. A l'ar-
ticle NtsToRrANisMK , iious vcrrous qu'ils
n'ont pas blâmé Nestorius d'avoir exercé I.i
même autorité que; saint Je.in Chrysostome;
au contr.iire, ils ont pris sa défense. 1 s se
sont emportés conlie samt Cyrill(! , (|tii ce-
|)eiidant ne procéda point loulre Nestorius,
coupable d'Inrésie, a\ei- la mê;iie passion
que Théopiiile son (nu'e avait poursuivi
taiul Jeun Chrysostome, Uuut l'iuiioceuce esl
CHR
80(
connue. 11 n'est pas vrai que celui-ci se soit
porté pour juge entreThéophile et les moines
de Nitrie, que ce prélat accusait d'origénis-
me. ils se réfugièrent à Constantinople; saint
Jean Chrysostome les accueillit avec bonté ,
ieup- fit rendre compte de leur foi , les admit
ensuite à la communion. Ce n'était pas là
prononcer une sentence contre Théophile.
Une preuve que ces moines n'étaient pas
coupables, c'est qu'après la mort de saint
Jean Clirysostome, Théophile les remit dans
ses bonnes grâces , sans aucune formalité.
Lui-même se repentit, au lit de la mort, d'a-
voir persécuté un saint, et voulut en avoir
l'image auprès de son lit. — Il n'est pas plus
vrai que ce saint se soit emporté avec indé-
cence contre l'impéralrice Eudoxie ; il ne
déclama que contre le tumuite et les désor-
dres auxquels le peuple se livrait autour de
la statuede celte princesse. Le P. de Mont-
faucon a prouvé la fausseté d'un prétendu
discours attribué à saint Jean Chrysostome
sur ce sujet.
Un incrédule de notre siècle, auteur d'un
prétendu Tableau des Saints, qui n'est qu'un
tissu d'invectives et de calomnies, ajoute aux
reproches des proteslants, que ce saint pa-
triarche fut un chef de parti ; qu'il manqua
de tendresse |iour sa mère en la quittant;
qu'il atlaibllt sa sanlé par les austérités; que
l'on fut obligé de l'exiler à cause de son or-
gueil et de son opiniâtreté ; qu'il a condamné
absolument les secondes noces , et a blâmé
le mariage comme une imperfection ; qu'il
n'a prêche contre la persécution que parce
qu'il était le plus faible. — 11 est constant
nëantnoins que saint Jean Chrysostome ne
fut jamais à la téie d'aucun parti ; c'est une
absurdité de lui faire un crime de rattache-
ment que son peuple témoigna pour lui ,
lorsqu'il le vit injustement persécuté ; pour
prévenir toute espèce de sédition, ce saint
évê(iue se déroba secrètement à son clergé
et à son peuple , et exécuta sans murmurer
les ordres de l'empereur. Il ne quitta sa mère
que pour un temps, et il ne tarda pas de re-
venir auprès d'elle ; il en a toujours parlé
avec le plus grand respect , et celte mère
vertueuse eut tout lieu de se féliciter de la
gloire dont elle le vit couvert par ses talents
et par ses succès. Nous convenons qu'il pra-
tiqua toutes les austérités de la vie monas-
tique; qu'il exalta le mérite de la virginité et
de la continence; qu'il fil envisager cet état
comme plus parfait que le mariage; qu'il a
parlé des secondes noces comme Ions les au-
tres Pères de l'Eglise; et dans tout cela nous
soutenons (lu'il a eu raison; que c'est pour
lui un sujet d'éloge, et non de censure. Voy.
Bic.AMiE, CÉi.iHAT, etc.
Saint Jean Chrysostome a mérité à tous
égards, soit la réputation dont il a joui pen-
dant sa vie, soit le culle qui lui a élé décer-
né après sa mort. On ne peut contester ni
ses talents, ni ses vertus, ni la sagesse de sa
condiiile; l'empereur Théodose 11, fils d'Eu-
doxie, tendit [)leino justice à la mémoire du
saint é\èiiue, cl demamla pardon du crtfiio
de ses parents. Aucun autre Père n'a eu ujrv
l
é9î
CIK
CtE
838
plus parfaite intelligence de l'Ecriture sainte,
et n'en a Tait un usage plus judicieux. 11 a
été par excellence le prédicateur de la misé-
ricorde de Dieu, et de la charité envers les
pauvres. Peut-être serait-il à souhaiter que
l'on ne se fût jamais écarté du sens, qu'il a
donné aux Epîlres de saint Paul. On sait
avec quel respect saint Augustin a cité ce
père dans ses écrits contre les pciagiens , et
la haute opinion qu'il avait de son ortho-
doxie.
La liturgie de saint Jean Chrysostome est
encore en usage dans l'Eglise grecque; nous
en parlerons au mot Lulrgie. Voy. Tille-
mont , tome XI ; Vies des l'ères el des Mar-
tyrs, totn. 1 ; les OEuvres de saint Jean Chry-
sostome, toin, XIII, etc. il y a dans le Re-
cueil de l'Académie des Inscriptions, loin. XX,
jn^l2, p. 197, uu mémoire dans lequel le
l'ère dcMontfaucon a fait ledét^iil des mœurs
cl des usages du iv siècle, uniquement tiré
des ouvrages do saint Jean Chrysostome.
CHUTE D'ADAM, loy. Adam.
CIBOIRE, vase sacré , fait en forme de
grand calice couvert , qui sert à conserver
les hosties consacrées pour la communion
des Qdèles dans l'Eglise catholique.
On gardait autrefois ce vase d.ins une co-
lombe d'argent suspendue dans le baptis-
tère, sur le tombeau des martyrs, ou au-
dessus de l'ault'l, comme le Père iMabillon l'a
remarqué dans sa liturgie gallicane ; le con-
cile de Tours ordonna de placer le ciboire
sous la croix qui est sur l'autel.
Les théologiens catholiques ont observé
que l'usage de conserver l'eucharistie pour
la communion dts malades , est une prouve
invincible de la foi de l'Eglise à la présence
réelle. Les protestants ont retranché celte
coutume, parceqii'ilsn'adnieltentla présence
de Jésus-Chrisl que duns l'usage ou dans la
communion, plutôt que dans les espèces con-
sacrées. Or, il esl prouvé (jue l'usage de les
conserver esl très-ancien , qu'il esl observé
dans les Eglises orientales séparées de l'E-
glise romainedepuis plus du douze cents ans.
Voy. la Perpétuité de la foi , tome IV, liv.
ni, c. 1, el tome V, liv. vin, c. 2.
CiBO RE, chez les auteurs ecclésiastiques ,
désigne encore un petit dais élevé sur qua-
tre colonnes au-d"S>us de l'autel. On en voit
dans quelques églises de Paris et de Rome ;
c'est la même chose que baldai/uin ; les Ita-
liens appellent ciborio un tabernacle isolé.
Voy. ['Ancien Sacramentaire, parGrandcolas,
1" partie, pages 92 el 728.
CIEL. Ce terme, dans l'Ecriture sainte ,
comme dans le langage ^ie tous les peuples ,
signifie l'espace immense qui environne la
terre, el qui, selon noire manière de voir,
est au-dessus de nous; tel esl le sens des
noms qui le désignent dans toutes les lan-
gues. Consé(|uemmenl ciel signifie, 1' l'air
ou l'almosplière; 2° l'espace plus éloigné
dans lequel roulent les astres ; 3° le lieu où
Dieu fait éclater sa gloire, rend heureux les
anges el les saints.
Quelques écrivains de nos jours oui pré-
tendu auo les Hébreux avaient une fausse
idée du ciel, qu'ils le regardaient comme
une voûte solide, à laquelle les étoiles sont
allacliées, au-dessus de laquelle il y a des
réservoirs d'eau el des calaracles ou des
portes pour en faire tomber la pluie , etc.
Toutes ces rêveries n'ont aucun fondement
dans l'Ecriture sainte ; il esl ridicule de pren- ■
dre au pied de la lettre les expressions popu- '
laires, qui sont en usage parmi nous aussi
bien que chez les Hébreux.
Une tour élevée jusqu'au ciel , une tour
élevée jusqu'aux nues , est une tour Irès-
liauie ; les cularactes du ciel sont. les cAufes
d'eau de l'atmosphère ; le feu du ciel esl un
feu qui tombe d'en haut ; Vannée du ciel sont
les astres ; les gonds du ciel (cardines cœli)
sont les pôles sur lesquels le ciel paraît tour-
ner, etc.
On a vainemenl insisté sur ce que le ciel
esl souvent appelé prmamenl. L'hébreu ra~
quiah, que les Scpianle ont nmdu par ars-
piwua, etlaVulgale par firtnnmentum, signifie
espace ou étendue, et rien de plus. Un dus
interlocuteurs du livre de Job, qui avait dit
que Its cieux sont très-solides el aussi ler-
mi'S que l'airain, esl appelé dans le chapitre
suivant, un vain discoureur qui parle com-
me un iguoraiil {Job, xxxvii, 18; xzxvni ,
2). Il est dit dans le même livre, que Dieu
a suspendu la terre sur le ville ou sur le
rien, cliap. xxvi , v. 7. Les Hébreux iiom-
maienl comme nous la terre le globe; ils n'a-
vaient donc pas une idée fausse de la struc-
ture du monde
Ciel, dans le langage des théologiens, est
le séjour du bonheur éiernel, le lieu dans le-
quel Dieu se fait connaître aux jusies d'une
manière plus parfaite que sur la terre, et le»
rend heureux par la possession de lui-niême.
Nous concevons ce lieu comme placé au delà
de l'espace immense que nous voyons au-
dessus de nous, et rien ne peut prouver que
celle idée soit fausse. Elle /)araît fomlée sur
l'Kcriture saiiiie, qui nomme ce séjour divin
les cieux des deux, ou les cieux les plus éle-
vés, le iroisiriiie ciel. Il est encore appelé la
Jérusalem célesie, le paradis, Veitipirée, c'est-
à-dire, le séjour du feu ou de la lumière, le
royaume des cieux el le royaume de Dieu;
mais ces deux dernières expressions signi-
fient souvciil dans l'Evangile le royaume
du Messie, ou le règne de Jésus-Christ sur
son Eglise.
Le prophète Isa'îe el l'apôtre saint Jean ont
fait des descriptions magniG<]ues du ciel, des
richesses qu'il renferme, du lionheurde ceux
qui l'hab.ienl; mais saint Paul nous avertit
que l'œil n'a point vu, que l'oreille n'a point
entendu, que le cœur de l'homme n'a pas
senti ce que Dieu prépare à ceux qui 1'. li-
ment (/ Cor. u, 9). Ce bonheur est au-dessus
de toutes nos pensées el de nos expressions;
il ne peut être conçu que par ceux qui en
jouissent. Voy. Iîonheuk éternei..
CIERGE, ( tiandelle de cire que l'on allume
dans les cérémonies religieuses. Comme 'es
premiers ehréiiens, dans le temps des persé-
cutions, n'osaienl s'assembler que la nuit, et
souvent dans des lieux souterrains, ils furent
8'J9 CIK
obligés (le scservirde cierges et do nambeauK
paur cé'ébrer les saints mystères. Ils en eu-
rent encore besoin lorsqu'on leur eut permis
de bâiir des églises ;cei:cs-ci ciiiient construi-
tes de manière quelles recevaient très-peu de
jour ; l'ottscuriie inspirait plus de recueille-
ment et de respect ; pins les églises sonl an-
ciennes, plus elles sonl obscures. — H n'est
donc pas nécessaire de recourir aux usages
des païens ni à ceux des Juifs pour trouver
l'oriiiine des cien/es dans les églises ; saint
Jeaii", <i"i a représenté dans l'Apocalypse les
.TS~enib'ées cbrélienncs , f^iil nienlion de
cierijps el de chandeliers d'or; dans les ca-
nons apostoliques, cun. 3, il est parlé des
lampes qui brûlaient dans l'église.
Ue lout temps et chez tous le-, peuples, les
illuiiiinalions ont clé un signe de joie , une
minière d'honorer les grands : il est donc
Irès-naturel que ce signe ail été employé
pour honorer aussi la Divinité. « Dans tout
l'Orient , dit saint Jérôme , on allume dans
les églises des cierges en plein jour, non pour
dissiper les ténèbres, mais eu signe de joie,
et Jifin de represenier, par celle lumière sen-
sible , la lumière iiiicrieurc de laquelle a
parlé le p-almistc, lurs(iu'il a dit : Voire p.i-
role, Seigneur, est un (lambeaii qui m'é( laii e
et qui dirige mes pas dans le chemin de hi
verln. » Tom. IV, i^- part., p iSi.
Les cierges nous fonl souvenir que Jésus-
Christ est la vraie lumière qui éclaire tous
les hommes; que c'est au pied île ses autels
que nous recevons la lumière de la grâce ;
que nous devons cire nous-mêmes , jiar nos
bonnes œuvres, une lumière capable d'éclai-
rer el d'édiPer nos frères. Matth. v, 16.
Dom Claude de Vert, dans sou Explicatinn
des cérémonies de l'Eglise, avait avan.é que
dans l'origine on n allumait des cierges que
par nécessité, parce que les offices de la nuit
demanilaientceseC'iurs, cl que l'on n'a com-
mencé qu'après le ix' siède à donner des
raisons morales et m\siiques de cet usage.
iM. Languel, en réfutant cet anleur, a prou-
vé, p:ir des monuments du \n' el du iv° siè-
cle, que dès les commencements de l'Eijlise
ou a lait usage des cierges dans l'ofûee divin,
par des raisons morales el mystiques, pour
rendre honneur à Dieu, pour lémoigner que
.lèsiss-Chrisl est, selon l'expression de saint
Jean, 1(1 vraie liimii're qui éclaire tout humine
venant en ce monde; pour faire souvenir les
fiilèles de la parole de ce divin maître, qui
a ilil à ses disciples : Y ous êtes la lumière du
nioniie ; ceignez vos reins, et tenez à la main
dis Inmpes allumées, etc. C'est pour cela ijue
l'on niellait à la main des nouveaux bapti-
sés un cierge allumé, en leur repéta'.il cette
leçon, et que l'on allumait des cierges jiour
lue l Evangile à 1 1 mcs-.e. Ainsi le ciiiiiile
de Trente n'a p.is eu lorl de regarder cet
us.ige comme venani d'une tralitiun apostO'
livjue, sess. 22, c. '6. l'ar consequenl les pro-
totauts ont eu tort de le supprimer el de
l'iinisager comme un rite sup, rstilieux. —
Au commencement du v' siècle, riiéiéli.|uc
Vigilance ohjectail, comme eux, que c'étail
Une pratique empruntée des païens, qui fai-
CIE "''^
saient brûlerdes lampes et des cierges devant
les statues de leurs dieux. Saint Jérômo leur
répond que le culte rendu par les paï'us à
leurs idoles était détestable, parce qu'il s'a-
dressait à des objets imaginaires et indignes
de vénération ; que celui des chrétiens ,
adressé à Dieu et aux martyrs, est louahle,
parce que ce sont des êtres réels el très-
dignes de nos respects. Marie , sœur de La-
zare, cui-elle ton de répandie des parfums
pour faire honneur à Jésus-Ciirist , parce
que les païens en répandaient aussi dans
leurs temples? Il réprimanda ses disciples
lorsqu'ils voulurent le trouver mauvais et
blâmer la sainte prodigalité de celte femme.
Nous serons obligé de répéter vingt fois que
s'il fallait nous abstenir de toutes les prati-
ques dont les païens ont abusé , il faudrait
supprimer toute espèce de culle extérieur.
Les abus subsistaient déjà chez les nations
idolâtres , lorsque Dieu prescrivit aux Hé-
breux le culte qu'ils devaient lui rendre ; il
voulut cefiendant qu'ils fissent à son hon-
neur plusieurs choses que les païens faisaient
p!)ur leurs dieux. Voy. Cérémonie , Culte
EXTÉR.ECR.
Le concile d'iîlvire , tenu vers l'an 300,
Cfin. 3'* , défend d'allumer pendant le jour
lies cierges sur 1<'S cimetières, parce que, dil-
i!, il ne faut pas inquiéter les esprits des saints.
L'on a donné différentes explications de ce
canon ; il nous paraît faire allusion au re-
proche que fil Samuel à Saiil . lorsque celui-
ci le lit évoquer par la p>lhonisse d'Eudor :
Pourqu<ii avez-vous troublé mon repos , en
me faisant sortir du tombeau? Qunre inquie-
lasti me xit susciiarer [l Rcg. xxviil , 15) ?
Ainsi le concile condamnail la superstition
de ceux qui allumaieiii des cierges sur les
cimetières dans l'iuleution d'évoquer les
ui(u-ls : c'était un reste de paganisme.
De nus jours, on a poussé I ineptie jusqu'à
supputer lombieii coûte chaque année le
luminaire des églises ; on en a porté la dé-
pense à quatre millions pour le royaume, et
ion a conclu gravement à suiiprimerles cier-
ges. Les raisons sur lesquelles on a fondé la
iiécessiié de cette réforme ne tendeut pas à
moins qu'au retrinchemcnt de toute cérémo-
nie qui peut être dispendieuse. A cela nous
répondons que les leçons de vertu valent
mieux que l'argent ; que ceux qui ne don-
nent rien à Dieu , ne sont pas forl enclins à
donner aux pauvres; iiue ce n'esl point à des
philoM>phes sans religion qu'il appariienl do
prescrire ce ciiie l'on doit fa re par religion.
Niius ne supputons point ce qu'.ii en coûte
chique année pour l'illumination des specta-
cles ( t des éioles du vice ; il:, peuvent se dis-
penser aussi de calculer les dépenses du culte
divin. M.ilheur à liule uiition chez laquelle
ou compte ce qu'il eu coûte pour honorer
Dieu cl pour être homme de bien! Vog. r.4ii-
cien Sacramcnlairc, \" p.irl., p. iii el 717. —
Mais, puisqu enfin il faut des raisons de p.)li-
liiiue el (le finance pour satisfaire nos cen-
seurs , nous dis. MIS que la cuiisoiiuiiatioii qui
se fuit dans les églises n'est pas moins utile
^r
ah
CIR
;(I2
aiî fommercc que celle qui se fait dans les
maiions des particulii-rs.
CiEBGE PASCAL. Dans l'^glinp romaine ,
c'est un p;r()S cierge au(|uol un diacre allache
cinq gr.iins d'encens en forme de croix , el il
allume ce cirrge avec du feu nouvrnii pen-
d.iiil l'ofllfe du sami di saint. — Le Pontifical
dit nue le pape Zozime a institué celte céré-
monie ; Baroiiius prélenil <|u'rlle est plus
ancirnne , el le prouve par une hymne de
Prudence : il croit que Zoziine en a senle-
nienl élendu l'usajje aux églises paroissiales,
et qu'auparavant on ne s'en servait que d.ins
1rs prindcs églises. P.ipebrork en marque
pins dislinclemciit l'origine dans son Conalus
chrnnico-ltistorirus. Lorsque le concile de
Nicée eut réj;lé le jour auquel'il fallait ccMé-
lirer la fêle de Pâtjues, le p.ilriarclie d'Alex-
andrie fulcliargèd'cn faire un canon annuel,
c! de l'envoyer au pape, (lomme loulis les
foies mobiles se rè;;lenl par celle de l'àques,
on en faisait tdus les ans un catalap;iie , que
l'on écrivait sur uo cierge, et on bénissiil ce
cierge avec beaucoup de cérémonie. — Selon
l'abbj ChâleLiin , ce cierge n'était pas fait
pour brûler, il n'avait point do mèche ; il
élail seulemcul destiné à servir de lableltcs
pour marquer les fêtes mobiles de l'année
courante. Alors on gravait sur le marbre ou
sur le bronze les choses dont on voulait per-
pétuer la mémoire; on écrivait sur du papier
il'Kg'tpie ce (pie l'on voulait c inserver long-
temps; on se conlenlail de tracer sur la cite
ce qui devait élre Je peu de durée. Dans la
snile on écrivit la liste des fêles mobiles sur
du papiei', mais on l'atlachait toujours au
cirrge pascal ; celle coutume s'observe encore
à Notre-Dame de lluuen et dans toutes les
églises de l'ordre de Cluiii- Telle (laraît être
l'oiiginc tic la bénédiciion du cierge pascal ;
mais il est dil dans celle bénédiction que ce
cierge allumé e^t le symbole de Jésus-tJbrist
ressuscité. La préface, qui fait partie de cette
bénédiciion , est au plus lard du v" siècle ;
elle se trouve dans le missel gal.ican telle
qu'on la chante encore aujourd'hui ; les uns
l'attribuent à saint Augustin , les autres à
saint Léon.
CILICE. Voij. Sac.
CIMETIÈRE. Voy. FiNÉnAiurs.
ClRCO^CLLLlONS ou SCOTOPITES , do-
natisies d'Afrique au iv" siècle, ainsi nom-
més parce qu'ils rôdaient autour des mai-
sons, dans les villes et dans les bourgades,
sous prétexte de venger les injures , de répa-
rer les injustices , de rétablir l'égalilé [larmi
les hommes. Ils mettaient en liberté les
esclaves sans le consentement de leurs pa-
trons , déclaraient quittes les débiteurs et
comnicltaienl mille désordres. IMakide et
Faser furent les chefs de ces brigands en-
thousiastes. Ils portèrent d'abord des bâtons
qu'ils nuMimaient bâtons d Israël, par allu-
sion ;\ ceux que les Lsraéli(es devaient avoir
à la main en mangeant l'agneau pascal ; ils
prirent ensuite des armes pour opprimer les
calhoiiques. Donal les appelait les chefs des
saints, et exerçait par leur moyen d'horribles
vengeances. Un Taux zèle de ni;'rljro les
porta à se donner la mort : les uns se préci-
pitèrent du haut des rochers , ou se jetèrent
dans le feu ; d'autres se coopèrent la gorge.
Les évêques , hors d'élat d'arrêter par cux-
mômes ces evcès de fureur, furent contraints
d'implorer l'autorité des magi-trals. On en-
voya des soldats dans les lieux où ils avaient
coutume de se rassembler les jours de mar-
ches publics ; il y en eut plusieurs de tués ,
que les autres honorèrent comme des mar-
tyrs. Les femmes , perdant leur douceur
naturelle , imitèrent la barbarie des circ»n-
celliins; l'on en vil plusieurs qui , malgré
leur grossesse , se jetèrent ilaiis des iirecipi-
ces. Voy. saint Augustin, hœr.G9; lîaron.,
an. 3;]1, u" 9 ; '3h8, W i>G, etc. ; Praléule, Phi-
laslre, etc. — N'ers le milieu du xiir siècle ,
on dcinna le même nom de circonreltioiis à
qu( Iques prédicanls fanatiques d'Allemagne,
qui suivirent le parti de l'empereur Frédéric,
excomuiunié au concile de Lyon par le pape
Innoceiit IV. [Is prêchaient contre le pape,
c Mitre les cvéques, contre tout le clergé et
contre les moines ; ils prétendaient que tous
avaient perdu leur caractère, leurs pouvoirs
el leur juridiction par leinauvajs usage qu'ils
en av.iienl fait ; que tous ceux qui suivaient
le parti de Fr, déric obtiendraient la rémis-
sion de leurs péchés ; que tous les autres
seraient réprouvés el damnes. Ce fanatisme
fil beaucoup de tort à l'emiereur, et détacha
de ses Intérêis un giand nombre de catholi-
ques. Vay- Dupin, sur le xiii' siècle, p. 190.
CIRCONCISION, cérémonie religieuse chez
les Juifs ; elle consislait à couper le prépuce
des enfants mâles huit jours après leur nais-
sance , ou des adultes qui voulaient faire
profession de la religion juive. La circonci-
sion est encore en usage parmi d'autres peu-
ples , mais non comme un acte de religion.
Nous n'avons à parler que de la circoncision
des Juifs.
Celle cérémonie a commencé par Abraham,
à qui Dieu là prescrivit comme le sceau de
l'alliance qu'il avait faite avec ce patriarche
(Gcn. xvii, 10). En conséquence de celte loi,
portée l'an du monde 2108 . Abraham , âgé
pour lors de quatre-vingt-dix-neuf ans , se
circoncit lui-même , son fils Ismaèl et tous
les esclaves de sa maison , et depuis ce mo-
ment la circoncision a été une prali()ue héré-
ditaire pour ses descendants. Dieu en réitéra
le précepte à Moïse [l'.xod. xii, 4i , .'i8).
Tacite, parlant des Juifs, Hisl., 1. v, chap. 1,
reconnaît expressément que la circoncision
les distinguait des aulres nations ; saint Jé-
rôme cl d'auires auteurs ecclésiastiques font
la même reniai que.
Celse et Julien , pour contredire l'histoire
sainte, ont prétemlu qu'Abraham, qui était
venu de Cliablée en l'^gyple , y aviil trouvé
l'usa^e de la cii <o)icision établi, el qu'il
l'avait emprunté de.s Egy|)tieiis; qu'elle n'é-
tait donc pas un signe dislim tif du peuple
de Dieu. Le chevalier M.irsham , Le Clerc et
d'autres ont soutenu la même chose, fondés
sur quelques passages d'Héroiloie et de Dio-
dore de Sicile. — On leur oppose, 1° que le
t;"iioignage d'Hérodote sur les antiquités
905
CIR
CIR
9ni
égyptiennes est très-suspect ; cet auteur, qui
uVnkMidail pas la langue (11- l'Egypte, a été
trompé forl aisémeal par les préires égyp-
tiens ; Manélhon , né dans ce pays-là , lui
reproche plusieur» erreurs à cet égard.
L'autorité de Moï>e, qui élail beaucoup plus
ancien el mieux instruit que des étrangers,
nous parait préférat)le à celle d'Hérodote et
de Diodore de Sicile. — 2° Abraham, qui
avait »oyagé en Egypte , en sortit sans être
circon( is , el on ne voit pas quelle raison
aurait pu l'engager à imiler un usage égyp-
tien ; il ne recul la circoncision que par un
ordre exprès de Dieu , el il y a plus de rai-
sons de penser qu'au contraire les Egyptiens
ont adopté cet usage des Jsniélites, qui de-
meurèrent longtemps en Egypte. — 3' Les
Juifs regardaient la circoncision coiimie un
devoir de religion et d'obligation étroite pour
les mâles seulement, auxquels on la donnait
le huitième jour aprc> leur naissance ; chez
les autres peuples c'cliii un usage de pro-
preté , de sanié , peut-être de nécessité phy-
sique ; on ne la donnait aux enfants ijue
dans la quatorzième année, et les filles y
étaient assujetties aussi bien que les garçons.
— k° La circoncision des mâles n'a jamais
passé en loi générale chez les Egyptiens ;
saint Anibroise, Origène, saint Epiphane el
Josèphe attestent qu'il n'y avait que les prê-
tres , les géomètres, les astronomes et les
savants dans la langue hiéroglyphique qui
fussent astreints à cette cérémonie. Suivant
saint Clément d'Alexandrie {SCrom., liv. i) ,
Pythagore, voyageant en Egypte, voulut
bien s'y soumettre, afin d'être initié d;ins les
mystères des prêtres eld'apprendre les secrets
de leur philosophie.
Arlapan, ciié dans Eusèbe, Prœp. Evang.,
I. IX, c. 27, assure que ce fut Moïse qui coui-
muniqua la crcunctsion aux prêtres égyp-
tiens. D'auires [xnsent qu'elle ne fut en
usage parmi eux que sous le règne de Salo-
mon. Fort longtemps après cetie époque ,
Ezéehiel , c. xxxi, v. 18 ; c. xxxii , v. l'J, et
Jéremic , c. ix , v. 2'i- et 25, comptent encore
les Egyptiens parmi les pcupies incirconcis
{Méin.de l'Acad: des Inscript., t. LXX, («-12,
p. 112). — Spencer, de Leyib. UeOrœorwn
rilualib., liv. i, c. 4 , sect.i, a rapporté les
raisons pour et contre touchant l'origine de
la circoncision chez les Juifs, el n'a pas
voulu décider la question. — Vainement on
a cherché des raisons physiques de cel usage
j)arini les Juif* ; une preuve qu'ils n'en
avaient besoin ni pour la i)roprele , ni pour
éviter aucune maladie, c'est que les chrétiens
qui ont habité pemlanl lungleinps la Pales-
tine , les Grecs qui y demeurent encore au-
jourd'liui avec les Turc-, n'ont jamais prati-
qué la circoncision, cl n'ont ressenti pour
cela aucune incommodilé.
r>hez les Hébreux, la loi n'avait rien pres-
crit sur le ministre ni sur I instrument de la
circoncision ; le père de l'enfant, un parent,
Un piètre, un chirurgien, pouvaient f.iire
cette opération. L'on se servait d'un rasoir,
d'un couteau ou d'une pierre Iranchantc.
Séphora , femme de Moïse , circoncit son lils
Eliézer avec une pierre {Exod. iv, 25). Josué
en usa de même envers les Israélites à Gai-
gala, c. V, V. 2. On prétend que les Ej^ypiieus
se servaient aussi de pierres tram hautes
pour ouvrir les corps des morts qu'ils eni-
baum:iienl. Chez les Juifs modernes , la eir-
conciiion se donne aux cnf.inis mâles avec
beaucoup d'appareil ; mais le détail des céré-
monies qu'ils observent ne nous regarde pas.
— Sous les rois de Syrie , les Juifs ;iposlats
s'efforçaient d'etîacer en eux-mêmes la mar-
que de la circoncision ; il est dit dans le pre-
mier livre des Machabées , c. i, v. 16 : Fece-
runt fibi prœpulid, et Josèphe en convient
{Anliq. Jud., I. xii, c. 6). — Saint Paul (/ Cor.
vil, 18) semiile craindre que les Juifs con-
vertis au christianisme n'en usassent de
même : Circtimcisus aliquis vocalus est, non
adducat prœpulinm. Saint Jérôme , Uupert et
Haiinon nient la possibilité du f.iil, el croient
que la circoncision est ineffaçable ; mais des
médecins célèbres, Celse, Galien, Barlholiii,
etc., soutiennent le contraire.
Outre l'eflél naturel de distinguer les Juifs
des autres peuples , la circoncision av.iit des
effets moraux ; elle rappelait aux Juifs qu'ils
descendaient du père des croyants, de la race
dont devait naitre. le Messie ; qu'ils devaient
imiter la foi d'Abraham , croire comme lui
aux promesses de Dieu. Selon Moïse , Dent.,
chap. XXX, V. G, c'était un symbole de la cir-
concision du cœur ; selon Philon, de Circum-
cis., el saint Paul , GalaC, c. v, v. 3 , elle
obligeait le circoncis à l'observation de toute
la loi ; enfin elle était la figure du baptême.
M. Fleury, Mœurs des Israélites , observe
que les anciens Juifs n'avaient pas une aussi
haute idée de la circoncision que les rabbins
modernes ; plusieurs ne la regardaient que
comme un simple devoir de bienséance.
Les théologiens la considèrent comme un
sacrement de l'ancienne loi , en ce qu'elle
élail un signe de l'alliance de Dieu avec la
postérité d'Abraham. Voy. saint Th mi.is {In
k Sent., dist. 1, quœsl. 1, art. 2, ad quartam).
Mais ce sacrement donnait-il la grâce , et
comment? — S.iint Augustin a soutenu que
la circoncision remettait le pèch.- originel
aux entants {De Niipt. cl Concup., lib. iv,
c. 2) ; il le répèle dans plusieurs de ses ou-
vrages contre les pélagiens et contre la letre
de Pètilien. Saint Grégoire le Grand , d.ins
ses morales sur Job, I. iv, c. 3, liède , saint
Fulgence , saint Prosper, le Maîire des Sen-
tences, Alexandre de Halès , Scot, Durand,
saint iSonaventure , Eslius, elc. , sont de
iiiémc sentiment ; ces deux derniers sont
allés jusqu'à dire que la circoncision produi-
sait la grâce ex opère operalo, connne les
sacrements de la lui nouvelle. — Quelque
respectables <)ue soient ces autorités, elles
n'ont point subjugué. les théologiens; le très-
grand nombre pensent , comme saint Tho-
mas , que la circoncision n'avail point été
insiituèc pour servir de remède au péché
orit!iiiel; ils le prouvent, 1" parce que le
texte de la Genèse, c. xvii , v. 10, n'eu dit
rien; il ne donne la circoncision que comme
un signe d'alliance entre Dieu el la postérité
90S
CIR
CIT
noe
d'Abraham. 2° Saint Paul (Rom. iv, 11) en-
seigne qu'Abraham recul la circoncision
comme le sceau de la justice qu'il avait eue
avant d'être circoncis. Le même apôlrc, par-
lant en général des cérémonies de l'ancienne
loi , les appellcdes éléments vides et sanseff'ets,
des justices de la chair ; donc aucune n'a eu
la vertu d'effacer le péché. 3" Tous les Pères,
avant saint Augustin , ont unanimement
soutenu que la circoncision n'avait pas la
vertu d'eliacer le péché originel ; ainsi ont
pensé saint Justin , saint Irénée, Tcrtullien,
saint Cypricn, saint Jean Chrysostome, saint
Ambroise, saint Epiphane, Théodorel, Théo-
phylacte, ORcuniénius, et la foule des com-
mentateurs, 'i-' Puisque le péché originel est
commun aux deux sexes , il n'eût élé ni de
la bonté ni de la sagesse de Dieu d'établir
pour ce péché un remède qui n'était applica-
ble qu'aux mâles. 5° Pourquoi attendre au
huitième jour, pourquoi interrompre pen-
dant quarante ans la circoncision dans le
désert, si c'était un remède au péché? 6° Phi-
Ion et les rabbins anciens ou modernes ,
malgré la haute idée qu'ils avaient de la
circoncision, ne lui ont jamais attribué la
yerlu d'effacer le péché ; il est même incer-
tain si le commun des juifs avait aucune idée
du péché originel.
Sainl Augustin , pour établir son opinion,
a forcé le sens de l'Ecriture sainte. H lisait
dans les Septante ou dans l'ancienne Vul-
gate : Tout enfant mâle dont la chair n'aura
pas été circoncise le huitième jour sera exter-
miné de son peuple, parce qu'il a violé mon
alliance. Mais, 1" ces mots, le huitième jour,
ne sont ni dans l'hébreu , ni dans notre Vul-
gale , qui est faite sur l'hébreu ; comment un
enfant, avant l'usage de la raison, aurait-il
violé l'alliance du Seigneur? 2° Saint Augus-
tin voulait que ces mots, sera exterminé de
son peuple, signifiassent, sera condamné d
l'enfer : or ils signilient seulement, sera puni
de mort, ou sera enlevé par une mort préma-
turée, ou sera séparé du corps des Israélites,
ou sera privé des privilèges attachés à l'al-
liance que Dieu a faite avec Abraham. 3" C'est
de celle dernière alliance qu'il s'agit uni-
quement, et non de celle que Dieu avait faile
avec nos premiers parents , alliance que ,
selon l'idée de saint Augustin , nous avons
tous violée dans la personne d'Adam. Le mot
pactum , alliance , répété jusqu'à huit fois
dans le chapitre xvii de la Genèse , signifie
constamment les engagements que Dieu im-
posait à Abraham.
11 n'y a donc aucune preuve que dans
l'ancienne loi, ou auparavant, Dieu ait ins-
titué un remèile ou un signe extérieur pour
effacer le péché originel. Y oxj. cet article et
les Dissertations de U. Calmei sur la Circon-
cision ; Bible d'Avignon, tom. 1, pag. 580,
et tom. XV, p. 31i.
Circoncision de Notre-Seigneur, fête qui
se célèbre dans l'Eglise romaine le premier
jour de janvier. Jésus-Christ a dit lui-même
qu'il n'était pas venu pour détruire la loi,
mais pour l'accomplir: conséquemment il
se soumilà la circoncision, ni la reçut comme
DCT. PB Thi'^OI,. DlIGMATIQliiî. I
les autres enfants. On croit commnnément
que ce fat à Bethléem, et, selon saint Epi-
phane, dans la grotte même où il était né;
il reçut dans celte cérémonie le nom de Jésus
oti (le Sauveur {Luc. ii, 21). — Autrefois on
appelait cplte fête VOclave de la Nativité;
elle ne fut établie sous le nom de Circon-
cision que dans le vu» siècle, et seule-
ment en Espagne. En France, le premier
janvier était un jour de pénitence et de jeûne,
pour expier les superstitions et les dérègle-
ments auxquels on se livrait ce jour-là, el
qui étaient un reste de paganisme. — A ces
divertissements profanes, abolis en IVii,
suivant l'avis de la faculté de théologie
de Paris , on substitua une fêle solennelle
qui est actuellement célébrée dans toute
l'Eglise, et qui est aussi la fêle du saint
Nom de Jésus.
» ClUCONSCRIPTION DIOCÉSAINE ET PAROfS-
SIALK. Toiiie espèce de puissance souveraine, en
coritérant la juridiction .î une autorité inférieure,
trace des limites au delà desquelles celle-ci ne peut
validenicnt exercer sa juridiction. Si chaque auto-
rité inférieure pouvait user de son pouvoir sur tout
le territoire de la République, il n'y aurait que con-
tusion. Il en serait de même dans l'Eglise, si les évê-
ques et les curés ne reconnaissaient pas de limites
à l'exercice de leur pouvoir. Il faut une autorité (lour
tracer ces limites. Il est évident qu'elle ne peut êire
autre que celle qui confère la juridiction ecclésias-
tique. Le pape, conférant la juridiclion en maître ab-
solu, peut seul déterminer les limites des diocèses.
Il a aussi incontestablement le droit de déterminer
celles des paroisses. Mais ce pouvoir est remis à
l'évêque, à qui il appartient par le droit de sa di-
gnité.
Nous avons eu en France des parlementaires qui
ont prétendu que la démarcation diocésaine et pa-
roissiale est du ressort du pouvoir temporel, parce
qu'une division territoriale est quelque chose de, ma-
tériel. C'est un étrange abus de mots. La division dio-
césaine et paroissiale ayant pour but unique l'exer-
cice d'un pouvoir spirituel, absolument indépen-
dant de la puissance temporelle, ne ponant nulle at-
teinte à celle-ci, est entièrement soumise à l'autorité
spirituelle, sans que l'autorité civile puisse réclamer
avec l'ombrede raison. La Constituante de 1789 mécon-
nut ce droit et lit de sa piopre autorité une nouvelle
démarcation métropolitaine, diocésaine et paroissiale.
Pie VI condamna cet acteusurpateur dans son bref du
10 niars 1791 : c Un des articles les plus répréliensi-
bles de la Constitution civile du clergé, disalt-il, est
celui qui anéantit les anciennes méiropoles, supprime
quelqi.es évéchés, en érige de nouveaux, et change
toute la distribution des diocèses La distribu-
tion du territoire lixée par le gouvernement civil n'est
point la règle de l'étendue ei des limites de la juri-
diction ecclésiastique. Saint Innocent l''"' en donne
la raison : Vous me demandez, dit-d, si, d'après la divi-
lion des provinces établies par l'empereur, de méni,:
qu'il 1/ a deux méiropoles, it faut aussi nommer deux
éi'èijues nu'lropolilains ; mais sacnez que i'Eylisenc duit
point soulfrir des variutions que la nécessité miroduic
dans le gouiernement temporel, ni des cliancjemeivs quif
l'empereur jufie à propos de fane pour ses inlérêls. 11
faut, par coii-équeni, que le nombre des métropoli-
tains reste coidbrmeà l'ancienne circonscription des
provinces. »
CIRCUM-INCESSrON. Voy. Thimté.
» CISTERCIENS , CITEAUX. Voy. Bernardins.
CITATION DE L'ÉCRITURE SAINTE.
Voy. ÉcRlTUtlE SlINTE.
23
907
aA
CL\
908
CLAIRE (Beligiense de Sainte-; ou CLA-
mSSE (l). On donne ce nom à un ordre
(le reliïîieuses qui vivent sous la règle de
saint François d'Assise. — Cet ordre, le plus
austère de tons les monastères de filles, a
été formé dans le xiii' siècle, en même temps
(jue celui des Frères Mineurs.
Claire, nnlive d'Assise en Ombrie, animée
par l'exemple de son concitoyen François,
eonçut le dessein de faire, pour les person
nés de son sexe, ce que celui-ci faisait pour
les hommes. Elle reçut l'habit rolisi^'ux dt>s
mains de ce saint patriarche: sou exemple fut
bientôt imité par plusieurs filles qui se vouè-
rent à la règle la plus dure et la plus aus-
tère. Leur premier monastère fut établi d;ms
l'église de Saint-Damiens, d'où elles ont été
appelées Damianif:tes. ~ Urbain IV trouva
leur première règle si dure et si pénible,
qu'il crut devoir la niitiger; mais toutes
n'ont pas accepté cet adoucissement. On ap-
pelle Clarisses celles qui ont conservé l'an-
cienne observance , et Urbanistes celles qui
ont reçu la règle mitigée.
Les Clarisses font profession de la pauvreté
la plus rigoureuse. Elles jeûnent toule l'an-
née, vont le plus souvent pieds nus, sans
soques ni sand;i)es. Leur habillement est
d'une grosse serge gris(!, sous Irquel elles
portent encore un cilicc. lîlles gardent un
silence perpéHiel, ne se saluent, en se ren-
contrant, que par ces mois, Are Maria: ce
qui leur a fait doniier le nom de Filles de
7AvE Maria. — Elles sont reçues sans dot,
elles renoncent à tout revenu, et ne vivent
que des aumônes qu'on leur envoie. Elles
porteiil le cordon tlu tiers ordre pour mar-
quer iio'elles sont lilles de saint François.
Elles sont sous la direction des Cordelicrs.
L'offue divin, la prière, les exercices les
plus humbles, partagent tout leur temps, le
jour tt la nuit.
Les Urbauisles doivent leur origine à Isa-
ielle de France, sœur de saint Louis, qui,
en 12oo, fonda le monastère de Long-
champs, près Paris, sous le nom de \'Humi-
lité de Nolre-^Dame. Elle avait d'abord adopté
la règle de sainte Claire ; mais elle fut
adoucie par les papes Urbain IV cl Eugène
IV. Elle est la même que celle des Frères
Mineurs. Elles peuvent, comme eux, man-
ger de la viande dans les jours ordinaires ;
on a aboli la loi du silence, qui leur était
imposée. Elles porl'iil une robe de ser};o
gri>e, serrée d'un cordon blanc: au chœur
cl en cérémonies, elles ont \in mantetiu de
mi'mc éloffe que leur lOlie. On exige des
posiul.iiiles une nais-auce honnête el une
certaine snmmed'argenl. (E\traildu Diction.
de Jnrisp.) [ Vov- le Dict. des Ord. rel. du
P. llélyol, édil. .Vligne. ]
CLAIUFTTES (les), miison de filles reli-
gieuses (le l'ordre de Cilcaux et de la re-
forme de la Trappe, fond.e par (.îeoiïroy,
troisième comte du Perche, et érigée en
abbaje en 1221. Ces religieuses «ni pinor
(I) Ccl article esi reproduit d'après l'édiiioii do
Liège.
supérieurs immédiats les abbés de la Trappe,
et imitent la vie îles religieux.
Il semble d'abord que l'austérité de la
règle des clarisses , des chartreuses des
clairettes, etc., devrait effrayer et dégoviter
les filles qui ont de la vocation pour l'état
religieux. Nous voyous le contraire : là
couvents les plus austères sont ceux qui
trouvent le plus aisément des sujets, dans
lesquels les religieuses paraissent le plus
contentes, et vivent le plus longtemps. Les
philosophes reg'.rdent ce phénomène comme
lin effet de l'enthousiasme et de la folie; il
nous paraît plus naturel de le prendre pour
un effet de la grâce. L'enthousiasme passe
et se dissipe, au lieu que nous voyons la
ferveur d'Une bonne religieuse persévérer
pendant toute si vie.
CLA^CULAItlES. Toy. Anabaptistes.
CLAUDE DE TURIN, était Espagnol de
naissance, et disciple de F 'lix d'Urgel, qui
soutenait que Jésus-Cbrist, en tant qu'hom-
me, n'élait pas le Fils de Dieu par nature,
mais seulement par adoption. Vo;/. Aoop-
TiEMS. Claude, placé sur le siège de'l'urin par
Louis le Débonnaire, l'an 823, commença
par faire briser el brûler les croix et lés
images qui étaient dans les églises ; il sou-
tint que l'on ne devait leur rendre aucun
culte, non plus qu'aux reliques ; il fut même
accusé de nier qu'on doive honorer les
saints, et de blâmer les pèlerinages au tom-
beau des martyrs ; il disait (jue l'apostolique
ou le pape n'est pas celui qui occu|ie le
siège de l'apôtre, mais celui qui en remplit
les devoirs; erreur qui fut renouvelée par
les Vaudois sur la fin du xir siècle.
Par ces exploits, C/nwf/e de Turin a mé-
rité d'être pUicé par les protestants au nom-
bre de leurs prédécesseurs, et de ceux qu'ils
nomment les témoins de la vérité. Mosheim
en parle avec la plus grande estime ; il vante
les commentaires de ccl évoque sur l'Ecri-
ture sainte, et sa capacité dans la manière
de l'expliquer; il dit que, pur sa noble har-
diesse pour la défense de la religion, ce sa-
vant et vénérable prélat encourut la haine
des enfants de la superstition; mais qu'il dé-
fendit sa cause avec tant de dexlérilé et de
force, (ju'il demeura triomphant , et acquit
plus de crédit (|ue jamais {Hist. ecclés., ix*
sv'rle, seconde , partie, c. 2, § li; c. 3, § 17).
Itasnage en a l'ail un éloge encore plus com-
plet. — Mais si l'on veut jeter un coup
d'œil sur la manière dont ce prétendu savant
défendait sa cause, on verra qu'il raison-
nait fort mal, et uu'il su|)pleait par un Ion
de hauteur el de lierté à la f.iiblesse de ses
arguments. S'il est vrai qu'en arrivant sur
le siège de Turin il trouva le cube des
saints, des im.iges. des reliques, poussé par
le peuple jusqu'à la supcrslition el à Tidolà-
irie, ne lui était-il pas possible d'instruire
ses ouailles, s;ins donner dans un autre
excès ? C'est ce que lui représentèrent l'abbé
Théodémir, le moine Duiigal, Jonas, évé-
que d'Orléans, et Walafrid Sirabou, (jui
écriviri'nt contre lui. Us distinguent, cu;niMe
nous faisons encore, entre le culte divin et
909
CL\
CLA
910
suprême, ou Tacioration prnpiomcnt dite,
qui n'csl due qu'à Dieu seul, et l(! culte re-
latif cl inférieur que l'on rend ;uix saints,
aux images et aux reliques; ils le fondent
sur la pratique constante cl universelle do
l'Eglise, contre laquelle les sopliismes de
Claude de Tiu'in et ses déclamations ne prou-
vaient rien du tout. Voi/. Flcury, Ilisl. ec-
clés., \i\.\i.yi, §20 et 21 ; iiv. xLv;n, § 7.
— Les prolestants ont grand soin de garder
le silence sur les autres erreurs que Claude
avait reçues de Félix d'Urgel son muitre, et
qui loni rendu à bon droit suspect de nes-
torianisme. Le prétendu triomphe qu'ils lui
allribuent ne consista qu'à laisser quelques
disciples qui n'ont pas été capables de ré-
habiliter sa mémoire. La plupart de ses écrits
n'ont pas été imprimés, et il paraît que la
religion ni les lettres n'y ont rien pcnlu.
Pour l'aire l'apologie de cet évoque con-
tie les reproches de liossuet, Basnage ob-
serve, 1" que Claude de Turin ne pouv;iit
être tout à la fois arien et nestorien. t\ ne
l'ail pas atieiilion que l'erreur de Félix d'Ur-
gel, dont Claude de Turin était disciple, te-
nait une espèce de milieu entre l'arianisme
et le ncstorianisme; car enfin, si Jésus-
Chrisl, en tant qu'homme, n'est pas Fils de
Dieu par nature, c'est ou parce que le Verbe
n'est pas vérilablement Dieu, comme le sou-
tenaient les ariens, ou parce qu'entre l'hu-
manité (le Jésus-Christ et le Verbe divin il
y a seulement une union morale et non
substantielle, comme l'entendait Nestorius.
Il n'est donc pas étonnant que les uns aient
accusé C/f(!«(/e (/eTiirin d'arianisme, les au-
tres de neslorianisme. — 2° il dit que cet
évoque admettait doux Eglises, dont l'une,
ornée de toutes les vertus, était le corps de
Jésus-Christ ; l'autre s'assemblait seulement
au nom de Jésus-Christ, sans en avoir les
vertus pleines et parfaites. Nous demandons
aux protestants à laquelle des deux ils
croient appartenir ; il est bien certain que
saint Paul n'a connu qu'une seule lîglise. —
3° Claude de Turin égalait saint Paul à saint
Pierre, et ne reconnaissait point d'autre
chef de l'Eglise que Jésus-Christ ; mais au
moins il ne disait pas, comme les protes-
tants, que le pape est l'Antéchrist. — '»" Il
était zélé partisan de la doctrine de saint
Augustin sur la prédeslinalion el sur la
grâce, et on l'accusait de n'eslimer aucun
autre Père; du moins il ne taxait pas d'er-
reur les autres Pères, comme font les pro-
testants. — 5° Il rejetait les mérites des
hommes ; il disait que si Jésus-Christ n'a
tiré aucune gloire de ses actions, à plus
forte raison les hommes ne doivent pas rap-
porter A eux-mêmes ce qu'ils font de bien.
Mais les catholiques disent la même chose,
sans rejeter pour cela le mérite des bonnes
œuvres. Voij. JIi'îniTr:. — G° Il soutenait que
l'on est sauvé par la foi seule, el non par
les œuvres de la loi; cependant il exigeait les
bonnes œuvres. Si par ^i loi il cnicndait,
comme saint Paul, la loi mosaïque, il avait
raison, et nous pensons comme lui; s'i! eu-
Icndail la loi de Jésus-Christ, il se contre-
disait comme les protestants, et rejetait,
comme eux, la doctrine de saint Jacquet.
Voy. Justification. — 7* Il ne voulait pas
que l'on priât pour les morts, parce que
chacun doit porter sa charge; et que si noua
pouvons nous aider les uns les autres dans
cette vie, ni Job, ni Noé, ni David, ne peu-
vent plus prier pour les âmes, lorsqu'elles
sont menées devant le tribunal de Jésus-
Christ {Ezech. xiv, l'i- et 18). Ce sophiste
mettait donc saint l'aul en contradiction
avec lui-même; cet apôtre dit (Galat. vi, 2
et il) : Portez la charge les wns des autres; et
le passage d'Ezéchiel est ici fort mal appli-
qué. Voy. PRiiîinE pouu les morts. — 8""
Claude de Tttrin n'aôme[lait ni la présence
réelle do Jésus-Christ dans l'eucharistie, ni la
transsubstantiation, puisqu'il dit que Jésus-
Christ a rapporte mystiquement le vin à son
sang. Nous >. oudrions savoir si Basnage a
entendu le verbiage et les froides allégories
qu'il cile à ce sujet de Claude de Turin; il
es' évident que ce sophiste ne s'entendait
pas lui-même. — Enfin, il brisa les images,
en condamna l'idolâtrie et ceux qui les
adoraient. Si par adoration on entend un
culte absolu et suprême, ce serait en effet
un acte d'idolâtrie de le rendre aux images ;
mais puisque Basnage lui-même a remar-
qué qu'adorer ne signifie souvent que faire
la révérence ou témoigner du respect, pour-
quoi insister toujours sur ce terme équivo-
que, qui causa toutes les disputes du is"
siècle?
Cependant Basnage tridmphe de ce que son
héros ne fut condamné ni par le pape ni par
aucun concile, et il en conclut que, du moins
en France, tout le monde était dans la mêmp
croyance que Claude de Turin. Il devait se
souvenir que cet évêque écrivait en 823, et
qu'en 825 le concile de Paris condamna éga-
lement ceux qui brisaient les images ou les
étaient des églises, et ceux qui leur rendaient
un culie superstitieux. Deux cents ans au-
paravant, saint Grégoire le Grand avait fait
la même chose en écrivant à Sérénus, évêque
de Marseille. Quoique les évêques du concile
de Paris eussent mal pris le sens des expres-
sions du deuxième concile de Nicée, du pape
Adrien, et des Grecs eu général, le pape Eu-
gène II crut devoir garder le silence, en es-
pérant que cette erreur se dissiperait d'elle-
même, comme il arriva en effet. Mais, lors-
que les papes ont tonné contre les errants,
les prolestants déclament contre c zèle ;
lorsqu'il-, ont temporisé et toléré quelques
abus, les protestants concluent que les papes
les ont approuvés. Comment satisfaire de pa-
reils censeurs? — Basnage va plus loin : il
pense que les habitants des vallées du Pié-
mont conservèrent précieusement la doctrine
de Claude de Turin; qu'ils doivent avoir en-
tretenu l;i succession dans leur Eglise, et
qu'il faut les regarder comme un canal par où
la vérilc, opprimée en d'autres lieux, a passé
aux siècles suivants. M.iis il y a un peu loin
du IX' siècle au xvi", et d.ms cet intervalle il
y eut à Turin des évoques qui ne pensaient
pas comme celui dont nous parlons, el ils
911
CLE
CLE
912
n'ont pas accusé lears oaailles d'être schis-
matiques ni hérétiques. L'essentiel pour les
protestants serait de prouver que ceux qu'ils
adopti'nl pour ancêtres soutenaient le prin-
cipe fondamental de la réforme, qui est
qu'un chrétien ne doit point avoir d'autre rè-
gle de foi que l'Ecriture sainte; c'est à quoi
Basnage et les autres n'ont pas pensé. Hist.
de rEyliae, tom. II. pages 1306 et ISSi.
CLAUOIANISTES , branche de donatistes
qui avaient pour chef un certain Claude, dont
l'histoire ecclésiastique ne nous apprend
rien. Voy. Donatistes.
CLEF. Avoir la clef d'une maison, dans le
sens figuré, c'est en être Téconome et l'admi-
nistrateur. De là le Seigneur dit daiis Isaïe
(sxii, 22) : Je donnerai à mon serciteur Elia-
cim /a Clef de la maison de David: il ouvrira
et nul ne fermera ; il fermera et personne
n'oxivrira. Ces paroles sont appliquées à Jé-
sus-Christ dans l'Apocalypse (m, 7j ; elles
désignent la souveraine autorité de Jésus-
Christ sur sou Ej^lise. Dans le même sens, il
dit {Apoc. I, 18) : J'ai les clefs de la mort et
de l'enfer. — D'un côté il adresse ces paroles
à saint Pierre: Je vous donnerai les clefs du
royaume des cieuoc ; tout ce que vous lierez et
délierez sur la terre sera lié ou délié dans le
ciel [Matih. xvi, 19) ; de l'autre il dit aux
docleurs de la loi : Vous avez pris la clep de
la science : vous n'y êtes pas entrés, et vous
avez empêché les autres d'y entrer [Luc. y.!, ^ii).
La clef de la science est la fonction d'ensei-
gner; les docteurs juifs se l'étaient attri-
buée sans avoir l'intelligence de la loi et des
prophètes, et sans pouvoir la donner aux
autres.
En comparant ces divers passages, les
théologiens catholiques ont disputé contre
les hétérodoxes, pour savoir en quoi consiste
l'autorité que Jésus-Christ adonnée à saint
Pierre, en lui confiant les clefs du rojaume
des cieux. Parmi ces derniers, plusieurs ont
dit que c'est la fonction d'enseigner; d'autres,
plus sensés, ont avoué que c'est le pouvoir de
remettre les péchés. Les catholiques soutien-
nent que c'est quelque chose de plus. Ji'sus-
Chrisla dit à tous ses apôtres: Tout ce que
vous lierez oit délierez sur la terre sera lié nu
délié dans le ciel [Matlh. xvni, 18). Les péchés
seront remis à tous ceux auxquels vous les re-
mettrez [Joan. X, 23). Mais il n'a pas adressé
à tous les mêmes paroles qu'à saint Pierre.
— Puisque, dans le style de l'Ecriture sainte,
les clefs sont le symbole du gouvernement et
de raulorité, et que le royaume des cieux dé-
signe l'Eglise, nous concluons que Jésus-
Christ a donné à saint Pierre, non-seulement
une prééminence sur ses collègues, mais une
', autorité de juridiction sur toute l'Eglise.
•; Comme cette société sainte ne peut subsister
\ sîiiis un gouvernement, nous soutenons (juc
. ;les successeurs de saint Pierre jouissent de la
'même autorité que lui de droit divin, et en
vertu de l'institution de Jésus-Christ. Voyez
Pape.
CLÉMENCE DE DIEU. Voi/. Miséricorde.
CLÉMENT (saint), pape, mort à la fi:! du
i" siècle, esl un des Pères apostoljaucs. îi
nous reste de lui deux lettres aux Corin-
thiens, dont la première n'est pas entière, et
sur l'authenticité desquelles il y a eu des
doutes.
Dans les Mémoires de V Académie des Ins-
criptions, tome XXVIl,in-l% p. 95, on a placé
l'extrait d'un mémoire sur les ouvrages apo-
cryphes supposés dans les premiers siècles
de l'Eglise; il y est dit, 1° qu'Eusèbe, saint
Jérôme et Photius rejettent absolument la
seconde lettre de saint Clément. 2° Que la
première porte des caractères d'ignorance
qu'on ne peut mettre sur le compte de ce
saint pontife. Celte censure, copiée d'après
les protestants, ne nous paraît pas juste. —
Eusèbe (Hist. ecclés., liv. m, c. 36) dit seule-
ment que la seconde lettre de saint Clément
n'est pas aussi connue que la première; ce
n'est point la rejeter absolument. Saint Jé-
rôme, dans son Catalogue des écrivains ec-
clésiastiques, dit à la vérité que la seconde
des lettres attribuées à saint Clément esl re-
jetée par les anciens ; mais on ne sait pas
qui sont ces anciens dont saint Jérôme veut
parler, on n'en connaît aucun qui se soit ex-
pliqué là-dessus. Photius, cod. 113, dit de
même qu'elle est rejetce comme supposée ;
mais, cod. 126, après avoir parlé des deux
lettres de saint Clément, il ajoute : « On pour-
rait trouver à y reprendre, 1° qu'il admet des
mondes au delà de l'Oiéan; 2' qu'il y em-
ploie l'exemple du phénix comme un fait
certain ; 3° qu'il se borne à donner à Jésus-
Christ les titres de pontife, de chef, de sei-
gneur, sans y ajouter des titres plus éminents
qui caractérisent sa divinité, à laquelle il ne
dit cependant rien qui soit contraire. » Ces
reproches de Photius sont sans doute les ca-
ractères d'ignorance que l'auteur du mémoire
a jugés indignes de saint Clément.
11 est clair d'abord que Photius ne rejette
la seconde lettre de ce pape que sur l'opinion
d'aulrui;que sa critique tombe également
sur l'une et sur l'autre ; mais il ne paraît pas
fort difficile de satisfaire à ses reproches. - -
Platon, Aristote, Pline, Elien, avaient en-
trevu, aussi bien que saint Clément, qu'il y a
des mondes, ou plutôt des terres habitées au
delà de l'Océan ; c'est une vérité que les dé-
couvertes modernes ont confirmée. Il en ré-
sulte que l'on a eu tort de répéter si souvent
de nos jours que tous les Pères de l'Eglise
ont nié les antipodes. Origènc, 1. ii de Prin-
cip.,c.3, se fonde sur le passage de saint
Clément pour les admettre, et saint Uilaire
en parle in l's. n, n" 23. — Non-seulement
saint Clément [Epist. 1, n. 25), mais Origène,
Tertullien, siint Cyrille de Jérusalem, Lac-
tance, Eusèbe, saint Grégoire de Nazianze;
saint Ambroise, saint Epiphane, Synésius et
d'autres, ont cité l'exemple du phénix comme
un modèle de la résurrection générale: nous
ne voyons pas en quoi ils ont péché. De leur
temps le fait du phénix passait pour vrai ;
Hérodote, Plutarque, Pline, Sénèque, Pom-
ponius Mêla, Solin, l'hiloslrate, Libanius;
Tacite, etc., en ont jiarlé comme les Pères
de l'Eglise. D'habiles rrili((ucs ont douté si,
dans le livre do Joh, il ne fallait pas traduire
913
CLE
CLE
U14
le verscl 18 du chap. xxix de cette manière -.
J'expirerai dans mon nid, el comme te phénix
je multiplierai 7iics jours. Voyez In note de
Fell sur le ir 2o de la première Epître de
saint Clctiieiit.
Ce saint pope finit sa première lettre, en
disant que par Jésus-Christ Dieu a la gloire,
la puissance, la majesté et un trône éternel,
avant les siècles et après ; comment cela, si
Jésus-Christ lui-même n'est pus coéternel à
Dieu? Au commeiuement de la seconde il
l'appelle Dieu, juge des vivants et des morts.
Il a donc clairement professé la divinité de
Jésus-Christ.
11 est encore bon de savoir que saint Denis
de Corinthe, soixante-dix ou quatre-vingts
ans après, dans une lettre au pape Soter, at-
teste que de temps immémorial on lisait dans
son Eglise la lettre que saint Clément lui
avait adressée. Kusèbe (Uisl. ecclés., I. iv,
c. li). Saint Irénée juge qu'elle est très-forte
et très-pressante {Ailv. Jlœres., 1. m, c. 3).
Saint Clément d'Alexandrie la cite au moins
quatre fois dans ses Slromatcs; Origène en
fait mention, I. ii, de Princip., c. 3, et dans
son Commentaire sur saint Jean. Eusène at-
teste que l'on ne doute point de son authen-
ticité. Saint Cyrille de Jérusalem, saint Epi-
phane, saint Jérôme, témoignent qu'ils en
font la plus grande estime. Elle est donc à
couvert de tout soupçon. Le savant Lurdner,
Crcdibility, etc., toni. 111, en ju^e ainsi : il
pense qu'elle a été écrite vers l'an 90 de notre
ère, immédiatement après la persécution de
Domilien.— Quant à la seconde, si Ion veut
prendre la peine de voir le jugement que
Gotellier en a porté {PP. Apost., tom. 1,
p. 182), on verra que les sentiments de saint
Jérôme et de Photius ne sont pas des arrêts
irréfragables ; que cette lettre n'a en elle-
même aucune marque de supposition ; que
si elle a été rejetée par les anciens, cela si-
gnifie qu'ils n'ont point voulu l'admettre
comme Ecriture canonique, et non qu'ils
l'ont regardée comme un écrit faussement
atiribuc à saint Clément. Toutes deux étaient
placées au nombre des Ecritures canoni-
({ues dans le soixante-seizième canon dos
apôires.
Il n'en est pas de même des Récognitions,
des homélies appelées Clémentines, des Cons-
titutions apostolic/ues, el d'une Liturgie, que
l'on a données sous le nom de ce même pape.
Tout le monde convient que ce sont des ou-
vrages supposés dans les siècles postérieurs ;
nous en parlerons sous leurs titres particu-
liers; mais il ne laut pas envelopper dans la
même proscription les ouvrages vrais et les
pièces fausses. Plusieurs critiques modernes
ont cru que ce Père apostolique avait cité un
passage de l'I'lvangile apocryphe des Em/p^
liens; nous ferons voir le contraire. Voij'.
Egvptikns.
En 1751 et 1752, le savant Walslein a pu-
blié deux nouvelles épîtres attribuées à saint
Clément, et qui ont été découvertes depuis
peu ; mais plusieurs criliiiues en ont déjà
couteslé l'autli .nticité.
Clément d'Alexandrie (1), philosophe
éclectique, oa qui n'était attaché à aucune
secte, fut disciple et successeur de Pauthène
dans l'école d'Alexandrie ; il y eut pour au-
diteurs Origène et Alexandre, évêque de Jé-
rusalem, et mourut au commencement du
III' siècle. La meilleure édition de ses ou-
vrages est celle qu'a donnée Potter, à Ox-
ford, en 171.Ï, in-folio. Elle a été réimprimée
à Venise en 1758.
Comme il nous apprend lui-même qu'il
avait vu et entendu les successeurs immé-
diats des apôtres {Slrom., liv. i, pag. 322),
ses écrits méritent la plus grande attention.
Dans son Exhortation aux (jentils, il s'est
proposé de faire sentir l'absurdité de l'idolâ-
trie, des fables du paganisme, de ce qu'eu
ont dit les philosophes et les poètes. Ses Stro-
mates, ou tapisseries, sont un mélange de la
doctrine des philosophes comparée à celle de
l'Evangile. Dans le traité intitulé : Quel riche
sera sauvé? 'û montre qu'il n'est pas néces-
saire de renoncer aux richesses pour être
sauvé, pourvu que l'on en fasse un bon usage.
Le Pédagogue est un traité de morale, dans
lequel on voit la manière dont les chrétiens
fervents vivaient dans ces premiers temps.
Il avait écrit plusieurs autres ouvrages, des-
quels il ne reste que des fragments.
Clément d'Alexandrie est un des Pères de
l'Eglise contre lesquels les critiques anciens
et modernes ont montré le plus d'humeur.
Ils ont dit, non-seulement que ses ouvrages
sont sans ordre, son style négligé, ses rai-
sonnements vagues et obscurs, ses explica-
tions de l'Ecriture sainte souvent fausses,
ses maximes de morale outrées, mais que sa
doctrine n'est rien moins qu'orthodoxe. —
Scultet, Daillé, Le Clerc, Mosheim, Brucker,
Semler, Barbeyrac, ont répété à peu près les
mêmes reproches, et se sont plu à exagérer
les méprises vraies ou apparentes de ce doc-
teur vénérable ; nos incrédules modernes
n'ont fait que copier tous ces censeurs pro-
testants. — Nous convenons que ce Père est
souvent obscur, qu'il est difGcile de prendre
le vrai sens de ce qu'il dit; mais les philo-
sophes qu'il copie ou qu'il réfute n'étaient
(I) Bergier, dans son Dictionnaire, attribue sou-
vent à ce Père le rang de sdint, bien qu'il ne le fasse
pas dans ta Biographie qu'il nous en a donnée. Beau-
coup d'autres auteurs le décorent du même titre,
conlorinémeni au Martyrologe d'Usuard, bénédictin
du ix^ siècle. L'auteur de l'article Clément d'Alexan-
DBIE, inscié dans la Biographie univericlle de Mi-
chaud, va jusqu'à dire : « Un a raison d'éire surpris
que le nom de ce saint docteur ne soit pas inscrit
dans le Murltjiotoge romain ; on l'est bien davantage
encore d'apprendre que le savant Benoit XIV a publié,
en 1749, une disseriation tendant à prouver (|u'il
n'y a pas de raison suflisanle de l'y établir ; mais ni
raulonlé de Benoit XIV, ni celle du Jlarlyrologe ro-
main n'ont jamais empêché les Eglises de France de
célébrer i-a léle le i décembre, suivant !e Martyrologe
et l'autorité d'Usuard.» Pour des catholiques, le Mar-
tyrologe romain et les papes lont ^euls autorité en
celte matière: Usuard écrivit longtemps avanl(|ue
home se lût prononcée ; et Bergier se laissa entraî-
ner parle toirent, (luaiid il traça l'expression : Saim
Clément d'Alexaniirie.
913
CLE
CLE
916
pas eux-mêmes fort clairs. Quiconque ce-
pendant se donnera la peine de le lire, sera
frappé de l'élendue de son érudition, des
grandes idées qu'il avait conçues de la misé-
ricorde divine, de l'efflcacilé de la rédemp-
tion, de la sainteté à laquelle un chrétien
doit tendre. Il a jugé les païens, qri'il con-
naissait très-bien, avec moins de sévérité
que n'ont fait plusieurs autres Pères ; mais
il n'a dissimulé ni leurs erreurs ni leurs
vices.
Photius l'accuse d'avoir enseigné des er-
reurs monstrueuses dans ses livres des Hy-
potyposes, que nous n'avons plus; mais
peut-on en croire Photius, lorsqu'on trouve
une doctrine contraire dans les ouvrages de
Clément qui nous restent? Quelques anciens
ont pensé que les hérétiques avjiient altéré
plusieurs de ses ouvrages ; Photius a pu être
trompé par un exemplaire ainsi falsifié. Eu-
sèbe, saint Jérôme, saint Epiphane, saint
Cyrille, Théodoret, etc., tous capables d'en
juger, ont rendu pleine justice au mérite de
Clément. — Mais les critiques modernes n'ont
pas été aussi équitables ; plusieurs l'ont ac-
cusé d'avoir dit, en termes formels, que Dieu
est corporell. Strom., !iv. v, c. ik, il a dit le
contraire. Selon Clément, les stoïciens disent
que Dieu, aussi bien que l'âme, est une na-
ture composée de corps et d'esprit; vous
trouverez cela, dit-il, dans nos Ecritures ;
mais il ajoute que les stoïciens en ont mal
pris le sens. En effet, les stoïciens conce-
vaient Dieu comme l'âme du monde; selon
ce système, Dieu était revêtu d'un corps
aussi bien que l'âme humaine; mais, conti-
nue Clément,\\ou% ne disons pas comme eux
que Dieu pénètre tonte la nature ; nous di-
sons qu'il est créateur de la nature par son
Verbe. Il réfute ensuite Aristote et les autres
philosophes qui admettaient deux principes,
l'esprit et la matière; il dit que Platon n'en
admettait qu'un, que cette matière imagi-
naire a été forgée sur ce qui est dit dans
YEcrWyiTCt'. La terre était sans forme et sans
ordre, etc.
Dans son Exhortation aux gentils, c. k,
p. 35, il enseigne que « la seule volonté de
Dieu est la création du monde; qu'il a tout
fait seul, parce qu'il est seul vrai Dieu; que
sa volonté soûle opère, et que l'effet suit son
seul vouloir. » Il n'est pas possible d'attri-
buer à Dieu, d'une manière plus onergi<iue,
le pouvoir créateur: or, ce pouvoir ne peut
convenir qu'à un pur esprit. Comme Platon,
il n'admet qu'un seul premier principe de
toutes choses, qui est l'rsprit. 11 dit ailleurs
[Pwdaij., 1. I, c. 8, ]). l'tOi que Dieu est un
et au-dessus de l'unité ; cela serait faux s'il
était corporel. Le Clerc, dans son Art cri-
tique, toniolll, p. 12, s'csl néanmoins ohstiné
à soutenir que Clément d'Aleaandrie a sup-
posé l'éternité de la matière, puisqu'il n'a
pas réfuté formellement Platon et les autres
philosophes qui admettaient une matière
éternelle. Mais il n'a pas non plus réfuté
formellenieiit Heraclite, qui soutenait l'éter-
uilé du monde; s'ensuit-il que Clément a été
dans la môuii erreur? Qu'il ail ou n'ait
pas admis les idées éternelles de Platon, qu'il
ait même prétendu que ce philosophe les
avait prises dans Moïse, il ne s'ensuit rien ;
cette opinion n'entraîne aucune conséquence
contraire au dogme du christianisme. ^
Lorsqu'il appelle l'âme de l'homme l'esprit
corporel, il entend l'esprit revêlu d'iin corps
humain, et non une matière subtile, comme
Hayle, Beiusobre, d'Argens et leurs copistes
alléctent de l'entendre. Dès qu'un auteur
s'est une fois expliqué, il est absurde d'ar-
gumenter contre lui sur un mol.
Une autre injustice de la part do Le Clerc
est de vouloir persuader que Clément d'A-
lexandrie ne s'est pas exprimé d'une manière
orlhodoxe sur la divinité du Verbe ; ce Père
a été vengé par Bullus, Defens. jkleiNicœn.,
sect. 2, cap. 6 ; et par M. Bossuet, sixième
uvert. aux Protesl., n° 79. — Ce même cri-
tique fait grand bruit de ce que Clément et
plu-iieurs autres Pères, trompés par la ver-
sion des Septanle , ont cru que les anges
avaient eu commerce avec les filles des hom-
mes, et avaient engendré des géants : nous
convenons du fait, et nous ne voyons pas ce
que celte erreur a pu avoir de si dangereux.
yoy. Ange.
D'autres ont dit que Clément n'avait pas
admis le péché originel. Noi>-seulement il
l'admet, mais il le prouve par les paroles de
Job, c. XIV, V. 4 et 5 , selon les Sept.mle :
Personne n'est exempt de souillure, quand il
n'aurait vécu qu'un seul jour. Selon lui, lors-
que David a dit : J'ai été conçu dans l'iniqui-
té et formé en péché dans le sein de ma mère
(Ps. L, âj, il parlait d Eve dans un sens pro-
phétique Strom., liv. in, c. 16, p. 556, 557).
Mais il s'élève contre ceux qui concluaient
de là que lu procréation des enfants est ud
péché, et qui condamnaient le mariage.
Un reproche plus grave que lui fait Bar-
beyrac, est d'avoir très-mal enseigné la mo-
rale. Après avoir donné, à sa manière, un
extrait du Pédagogue de Clément d'Alexan-
drie, il lui reproche, 1° d'avoir écrit avec peu
d'ordre, et de n'avoir pas fait do la morale un
système méthodique. Lorsqu'on nous aura fait
voir quelles nouvelles vertus ont lait éclorc
parmi nous les systèmes méthodiques de mo-
rale enfantés par les philosopiies modernes,
quels vices ils ont corriges, nous consenti-
rons à reconnaître le tort des Pères de l'E-
glise, et nous regretterons que Jésus-Christ
et les apôtres n'aient pas fait eux-mêmes des
traités méthodiques el raisonnes pour sanc-
tifier les mœurs. — 2" Barbeyrac dit que Clé-
ment d'Alexandrie n'a point parlé des devoirs
qui regardent Dieu directement. Cependant ce
Père a souvent insisté dans ses ouvrages sur
la nécessité d'adorer Dieu en esprit el eu vé-
rité, comme faisaicnl les chrétiens, de croire
à sa parole, d'être reconnaissants de ses bien-
ftïits, résignés aux ordres de sa providence ,
soumis aux lois (ju'il nous a prescrites dans
l'Evangile. Il nous paraît que ces devoirs re-
gardenl Dieu tus-dircclement. - 3" Selon co
mêmcci nscur, ( lémmt a voulu inspirer aux
chrétiens l'apathie des .sloïcicns , a aouIu
qu'un gnoslique , c'esl-à-dire . un parfait
un.
CLE
clirélien, fût exempt de passion. Lorsqu'on
veut en juger avec uu peu d'é(|uité, on re-
connaît qae ce Père exige seulement qu'un
Gliiélicn réprime si exacletnciit ses passions,
qu'il ne paraisse plus en avoir. Quand sur ce
sujet il aurait répelé qu('l()u'une des expres-
sions dont se servaient les stoïciens , il ne
faudrait pas en conclure, comme fait Bar»
beyrac, que CInnent a. pensé comme eus. ,
puisque souvent il combat leurs maximes. —
4" Un autre critique a dit que ce Père exhor-
tait les chrétiens au martyre par .l'exemple
des anciens païens qui se donnaient- la mort.
C'est une calomnie. Clément dit au contraire
que ceux qui ihcrctieut la mort ne eounais-
seul pas Dieu, et n'ont rien de chrétien que
le nom; il taxe de témérité celui qui s'es-
])Ose au danger sans nécessité ; il dit qu'en
se présentant aux juges il se rend coupable
de meurtre, et contribue, autant qu'il est en
lui, à l'injustice des persécuteurs; que s'il
les irrite, il est dans le même cas que celui
qui provoquerait un aniin;il féroce {Slrum.,
liv. IV, n" 4 et 10, p. 571, 51)7). Barbeyrac lui
fait encore un crime do cette décision , et
soutient que Clément la prouve par île mau-
vaises raisons. — 5" Enfin, il assure et s'ef-
foree de prouver que ce I^ère a voulu justifier
l'iilolâtrie des païens. Dans le passage qu'a
cilé Barbeyrac, C/e'»ien( dit seulement que ,
selon l'intentiim de Dieu, c'était pour les
païens un moindre mal d'adorer le soleil et
la lune que d'être sans divinité, ou d'être eu-
tièrement athées, puisque leur vénération
pour les astres devait les conduire à la con-
naissance du Créateur. Mais il ajoute , qu'à
Bioins qu'ils ne se soient repentis, ils sont
condamnés, les uns parce (jue, pouvant croire
en Dieu, ils ne l'ont pas voulu; les autres
parce que, quoiqu'ils le voulussent, ils n'ont
pas fait tous leurs efforts pour devenir fidè-
les {Strum., liv. vi, c. 14, pag. 795 , 79G). —
Après avoir reconnu que les expressions
de Clément (VAlvxundiie sont souvent obs-
cures, il y a de l'imprudeuce à vouloir juger
de ses i^entiments par un seul passage. —
6" D'autres lui oui fuit un criuie d'avoir
cru le salut des païens vertueux, et d'avoir
ainsi frayé le chemin au péligianisme. Pour
disculper ce Père, il suffit de com|)arer son
sentiuient à celui de Pelage. Cet hérétique
soutenait qu'un païen pouvait êlre sauve
sans gnhe, par le uierite des vertus qu'il pra-
tiquait par les seules forces de la nature. Il
faisait consister toute la grâce delà rédemp-
tion en ce que Jésu .-Christ nous a donné de,
leçons et des exemples de vertu ; dans cette
hypoihèse, il est clair qu'un païen qui ne
connaît pas Jésus-Christ n'eu reçoit aucune
grâce. Si donc il était sauvé, il le serait sans
que .lesus-Clirist eût aucune part à son sa-
lut. 'Noilà ce que saint Augustin n'a cessé de
reprorher aux pélagiens. « (Comment, dit-il ,
celui qui os(> promettre le salut à quelqu'un
sans Jésus-Chris(, peut-il espérer lui-même
d'être sauvé par Jésus-Chrisl ? » {Serm. 29.'i ,
0. i, n° 4.) — L'st-ce là ie sentiment de Clé-
tncnt d'Alexandrie? 11 dit que le Verbe de
Dieu prend soin de toutes les créatures, et
CLE 9\8
fait l'office de médecin de la nature humaine
(Pœdaij., liv. i, c. 2, p. 101). Selon Pelage ,
la nature humaine n'avait pas bcsoiu de mé-
decin, puisqu'elle n'est pas malade. Dans les
Stromntcs , liv. vi, c. 13, p. 793, Clément en-
sei(;iie ([u'iln'y a qu'un seul testament de sa-
lut qui nous vient d'un seul Dieu /)or un seul
Seigneur, mais qui opère son effet de différen-
tes manières. Il n'admet donc pas un salut
sans Jésus-Christ. 11 dit que Dieu, seul toul-
puissant et bon , a voulu de siècle en siècle
donner le salut pur son Fils, liv. vu, c. 2,
p. 831 et suiv., etc. Pour trouver là du pé-
lagianismc, il faut supposer, comme les pé-
lagiens, que Jésus-Christ ne donne point de
grâce à ceux qui ne le connaissent pas ; c'est
une erreur que jamais les Pères n'ont admi-
se, qu'ils ont même combattue de toutes leurs
forces ; en enseignant le contraire, ils ont ré-
futé les pélagiens d'avance.
Il nous a paru d'autant plus nécessaire do
i^slifier Clément d'Alexandrie, que les repro-
ches qui lui ont été faits par les prolestants
sont regardés par nos critiques incrédules
comme des objections sans réplique et des
décisions irrélragabies. Le P. Baltus en a dé-
montré la fausseté dans sa Défense des saints
Fcres .iccusés de platonisme, liv. iv, etc.
CLÉMENTINES; ce sont des lettres, des
homélies ou discours, et uue histoire des ac-
tions de saint Piene, qui ont été faussement
atribuées à saint Clément, pape, et qui pa-
raissent être l'ouvrage de quelques héréti-
ques : il n'en est pas fait mention avant le
iv siècle. Voy. lan Pères apost. de Colelier ,
touie I. — Mosheim, dans ses Dissertations
sur l'histoire ecclésiastique, 1. 1, p. 175 et sui-
vantes, pense que cet ouvra;ie a été composé
au conmiencement du iir siècle ; c'est lui at-
tribuer une haute antiquité. Il juge que l'au-
teur était un philosophe d'Alexandrie, demi-
juif et d(!mi-chrétien; mais à cette conjecture
il en ajoute beaucoup d'autres qui sont très-
sujetles à content ilion. Vuy. encore sa dis-
scrtalion, />t' tin Oata per recmtiores plutoni-
eos Ecclesia, n" 34 et suiv. — Il ne faut pas
confondre avec ces pièces apocryphes les dé-
crétâtes de Clément V, que l'on nomme aussi
clémentines, et qui font partie du droit ca-
non.
* CLÉMENTINS. Une lois qu'on a ab;\nddiuié la
vérilé pour se jeier dans le sentier de l'erreur, ou
court sans savoir où s'arréier. Quelques pi'èlres cii.'i-
concorddtaires, en déclarant anaihitnie à Pie VII, re-
inoiilcreiit la chaîne îles poiilil'es |ioiir recoiinaliie à
quelle C(>ûque elle s'élail rompue!, lis reiiionlèieut
jusqu'à sailli Cléiiieat, aU'|uel s'arréie, seloa eux, la
succession légliinie des papes. Ils leçurenl le ujhi
de Prêtres Clémeniins.
CLÉOBIENS, secte de simoniens dans le
I" siècle de l'Eglise. Elle s'éteignit presque
dans sa naissance. Ilégésippe ci Thcodorci,
qui en parlent, ne spécifient p .int par quels
sentiments les cléobiens se distinguèrent des
autres siminiens ; on croit qu'ils ont eu pour
chef un nommé Cléobius, compagnon de Si-
mon. Il avait composé, avec cet hérésiarque,
des livres sous le noni de Jésus-Ch;ist, pour
Irinper les chrétiens. Uégcsippe, apudl^u
9l'j
CLE
CLE
920
seb., liv. IV. c. -22 ; Constit. apost., liv. vi, c.8
cl 16. — On voil que les faux docleurs, op-
posés aux apôtres, n'ont nép;ligé aucun arli-
fice pour empêcher le succès de leur prédi-
cation ; que s'il avait été possible de con-
vaincre de' faux les apôtres sur quelque fuit
ou sur quelque point de doctrine, cette mul-
titude d'hérétiques, qui levèrenl l'étendard
contre eux, en serait certainement venue à
bout. Cependant toutes ces sectes se sont dis-
sipées, se sont ruinées les unes les autres ; la
vérilé en a triomphé. Preuve évidente que le
christianisme est redevable de ses succès ,
non à l'ignorance ni à la docilité des peuples,
mais à la certitude invincible des faits sur
lesquels il est fondé.
CLERC, CLERGÉ. On comprend sous ce
nom tous ceux qui par étal sont consacrés
au service divin; il vient du grec, z)Âfo?, sort,
partage, héritaije. Dans l'Ancien Testamrnt ,
l;i trihu de Lévi est appelée le partageou l'hé-
ritage du Seigneur, Quoique tous les chré-
tiens puissent être envisagés de même, ceux
qu'il a choisis et consacrés spécialement à
son culte sont, dans un sens plus étroit, son
partage ou son héritage, et en embrassant
cet état, ils font eux-rnèmes profession de
prendre le Seigneur pour leur part et leur
héritage. Lorsqu'un clerc reçoit la tonsure,
il prononce ces paroles du psaume xv : Le
Seigneur est la purtiun d'héritage qui m'est
échue par le sort ; c'est vous, û mon Lieu ! ijui
me la rendrez. — Saint Pierre donne déjà le
nom de clerc ou de clergé à ceux qui, sous
!es évèques, sont employés au saint ministè-
re : neque dominantes in cleris [1 Petr. v,3).
Plusieurs critiques prolestants ont soute-
nu que la distinction entre les clercs et les
laïques n'avait pas lieu dans l'Eglise primi-
tive, qu'elle n'a commencé qu'au iir' siècle.
On leur a prouvé, par les lettres de saint
Clément pape, par celles de saint Ignace, par
Clément d'Alexandrie, que cette distinction
a eu lieu dès le temps des apôtres. (Bingham,
Orig. ecclés., liv. i, chap. 5, § 2, t. 1, p. k2;
Dodwel, première Dissertation.)
Quelquefois les auteurs ecclésiastiques ont
désigné, sous le nom de clercs, les ministres
de l'Église inférieurs auxdiacres, c'est-à-dire
les sous-diacres, les lecteurs, etc. Les clercs,
en génér.il, étaient aussi appelés canoniques
ou chanoines, parce que leurs noms étaient
inscrits dans un canon ou catalogue pour
chaque église. Par là ils étaient distingués
des laïques que l'on appelait séculiers et
idiots, c'est-à-dire personnes privées , ou
.simples particuliers (Ringham, ibid.).
Ci'u\ (|ui ont étudié l'ancienne discipline
de l'Eglise ont reu)arqué la sagesse des
précaulioiis que l'on prenait pour s'assurer
lie la foi, des mceurs et de l'état de ceux que
l'on élevait à la c léricature. Les soldats, les
serfs, les acteurs de lliéàlre, ceux qui étaient
chargés des deniers publics, les bigames ,
tons ceux dont la condition et la profession
u'élaicnt pas honnèles, ne iiouvaient aspirer
àcniicr dans le ilergr. [I y a» ait dis lois
Irès-sévèrcs pour inainlenir parmi les clercs
la réj^uldritû dcsuiaurs, lu décence, lu paix,
l'assiduité à remplir leurs fonctions ; des pei-
nes pour châtier les désobéissances et pré-
venir les moindres abus. La plupart des con-
ciles ont été assemblés pour cet objet; et il
y a lieu de regretter que les règlements qu'ils
ont faits n'aient pas toujours été observés
avec la plus grande exactitude. (Riiigliaui ,
liv. IV et VI ; Fleury, Mœurs des chrétiens,
n° 32.)
Chez tous les peuples policés, l'on a com-
pris que tout citoyen n'était pas propre à
remplir les fonctions publiques du culte di-
vin ; que ce ministère respectable devait être
confié à un corps particulier d'hommes qui
en fissent leur étude et leur occupation ; sur
ce point, la conduite des Egyptiens, des Juifs,
des Grecs, des Romains, a été la même. —
Dans le christianisme, cela était encore plus
nécessaire. 1° Pour enseigner une religion
révélée, la mission est essentielle, et Dieu la
donne à qui il lui plaît; Jésus-Christ ne l'a
donnée qu'à ses apôtres et à ses disciples.
2" Les pouvoirs de ces ministres sont surna-
turels ; il n'appartient pas à tout Cdèlc de
remettre les péchés, de consacrer le corps et
le sang de Jésus-Christ, etc. 3° La multitude
des fonctions dont ils sont chargés exige
qu'ils s'y livrent tout entiers ; l'étude seule
des dogmes et des preuves de la religion, des
combats qui ont été livrés à cette doctrine ,
de la manière dont on doit la défendre, suf-
fit pour occuper un homme pendant toute sa
vie. k' Les travaux apostoliques des missions
doivent être continués jusqu'à la fin des siè-
cles : il faut des hommes libres de tout autre
engagement, et toujours prêts à porter au
loin la lumière de l'Evangile. — Ainsi en a
jugé notre divin législateur. 11 dit à ses apô-
tres qu'il les a tirés du monde, qu'ils ne
sont plus de ce monde, etc. Eux-mêmes se
sont regardés comme les /tomme» de Dieu,
dévoués uniquement à son service et au sa-
lut de leurs frères. Leurs premiers dis-
ciples, saint Clément et saint Ignace, ont
clairement distingué les évèques, les pré-
Ires, les diacres, et nous montrent la hié-
rarchie comme établie parles apôtres. Cette
discipline n'a jamais varié. Ce n'est pas ici
le lieu de développer toutes ces preuves, ni
de répondre en détail à toutes les subtilités
par lesquelles les luthériens et les calvinistes
ont tâché d'en détourner les conséquences.
Ils ont été réfutés non-seulement par les ca-
tholiques , mais par les anglicans qui ont
conservé la hiérarchie.
Mais nous ne pouvons nous dispenser de
mettre sous les yeux des lecteurs le tableau
que la plupart des prolestants ont tracé des
mœurs du clergé dans tous les siècles, depuis
la naissance de l'Eglise jusqu'à celle de la
prétendue reforme; leur dessein a été de
prouver que leur séparation d'avec les pas-
leurs catholiques était indispensable ; qu'il
n'y avait point d'autre moyen de corriijer les
vices et les abus; nous verrons s'ils sont ve-
nus à bout (le le démontrer. Coitimniçons
par queliiues réilexions générales sim l'injus-
lice de leur procédé; elles serviront aussi à
faire Yuir lu Icuicrilé des incrédule» , ijui ré'
921
CLE
CLE
m
pèlenl les mêmes reproches. — 1* 11 y a de
l'injustice à prétendre que la saint(!té du mi-
nistère pcclésiastique doit changer en d'au-
tres hommes ceux qui en sont chargés, et
éloulTer en eux toutes les imperfections de
riiumanité ; que Jésus-Christ a dû perpétuer
en eux, par l'ordination , le même proilige
qu'il avait opéré dans ses apôtres par la
descente du Saint-Esprit. S'il avait voulu que
les hommes fussent gouvernés par des an-
ges, il en aurait envoyé, sans doute; mais
des anges mômes ne seraient pas à couvert
des attaques de la malignité des incrédules,
(leux-ci ont fait contre les apôtres et contre
Jésus-ChrisI même ia plupart des calomnies
que l'on a forgées contre leurs successeurs.
—2° il y a de l'impiété à vouloir nous per-
suader que dès le ir ou le iir' siècle, Jésus-
Christ a été infidèle aux promesses qu'il
avait faites à son Eglise, et qu'au lieu de lui
donner des pasteurs capables delà sanctifier,
il a laissé tomber sou troupeau entre les
mains de loups dévorants, qui n'étaient pro-
pres qu'à corrompre la foi et les mœurs. —
3' C'est une absurdité d'argumenter sur des
faits particuliers, sur quelques désordres ar-
rivés parmi le clergé d'une seule église, et
de conclure que le même scandale régnait
partout ailleurs. Au m" siècle, l'abus des
agapètcs ou des femmes suus-introduites ,
parait n'avoir eu lieu que dans quelques
Eglises d'Afrique, et il ne fut imité que par
Paul de Samosate (Dodwel, /^is^er^ 3, Cy-
prian., etc.) ; et l'on en parle aujourd'hui
comme d'un dérèglement général du clergé
de ce temps-là. C'en est une autre de vouloir
prouver la corruption des ecclésiastiques ,
par les lois qui ont été faites pour la préve-
nir ; un seul crime connu a suffi pour alar-
mer le zèle des évêques, et pour engager les
conciles à le proscrire. Parce que saint Paul
a fait rénumération des vices auxquels un
ministre des autels pouvait être sujet, con-
clurons-nous qu'il y avait déjà pour lors des
évêques et des prêtres très-vicieux?— i'C'est
une marque d'entêtement et de prévention
d'ajouter foi à ce que les historiens on dit des
vices de quelques ecclésiastiques, et de refu-
ser toute croyance au témoignage qu'ils ont
rendu des vertus et de la sainteté des autres.
Dans tous les temps il y a eu des scandales ,
il y en aura toujours, Jésus-Christ l'a prédit;
mais il y a eu aussi de grandes vertus : les
prolestants ne parlent que du mal, ils le re-
cherchent avec soin, et ils l'exagèrent; ils ne
tiennent aucun compte des actions vertueu-
ses, ils les passent sous silence, ou ils en
empoisonnent les motifs, et ils ont donné ce
bel exemple aux incréilules; ils ont ainsi
leussi à l'aire de leurs histoires ecclésiasti-
ques autant de chroniques scandaleuses. —
5' Est-il juste d'attribuer aux mauvais exem-
ples ilu clergé une corruption de mœurs qui
est évidemment venue d'une autre cause, de
l'irruption des barbares, de l'ignorance et
des désordres ((ui s'ensuivirent ? Uévolution
terrible, qui changea la face de l'Europe en-
tière, par laquelle les ecclésiastiques lurent
culra'iués aussi bieu que les laïques , et qui
faillit à détruire absolument le christianisme.
Pour ne parler que de nos climats, depuis le
y siècle, il y a eu trois ou quatre pestes gé-
nérales en France ; dans le viii" et le ix', les
Normands, le» Sarrasins, les Hongrois, ont
porté la désolation dans presque toute l'Eu-
rope. Dans ces temps de ravages, il est im-
possible (jue la discipline soit observée en ri-
gueur, et que les mœurs ne se relâchent par-
mi les minisires de la religion. — 6° Est-il
juste enfin de reprocher avec tant d'aigreur
au clergé catholique des vices dont les refor-
mateurs et leurs disciples ont été pour le
moins aussi coupables, pendant que l'ou
cherche à les pallier et à les excuser dans
ces derniers ?
\'oilà ce que nous avons à reprocher aux
protestants, et eu particulier à Rlosheim, qui
est aujourd'hui leur oracle. Le portrait qu'il
a fait des ecclésiastiques dans tous les temps
est remarquable; sous chaque siècle de son
histoire ecclésiastique, il y a toujours un ar-
ticle des vices du clergé, et il n'y est jamais
question de ses vertus : Basnag(! n'a pas été
plus équitable. — Mosheim commence par
s upposerqu'aui" siècle, du temps des apôtres,
les ecclésiastiques n'avaient aucune supé-
riorité d'ordre, de caractère ni d'autorité sur
les simples fldèles ; que les prêtres étaient
seulement les anciens, et les évêques de sim-
ples surveillants ; que le gouvernement de
l'Eglise était alors purement démocratique ,
tel qu'il a plu aux protestants de l'étalilir : fait
absolument faux, contredit par l'Evangile et
par les lettres de saint Paul. loi/. Gouverne-
JIENT ECCLÉSIASTIQUE, UlÉUARCIlIE, LOIS, CtC.
C'est de là néanmoins que partent Mosheim
et Basnage, pour invectiver contre le clergé.
Dès le II'' siècle, disent-ils, ou plutôt immé-
diatement après laniinede Jérusalem, l'an 70,
les docteurs chrétiens persuadèrent au peuple
que les ministres de l'Eglise chrétien ne a valent
succédé au caractère, aux droits, aux privilè-
ges et à l'autorité des prêtres juifs ; les évêques
rassembles en concile s'arrogèrent le droit
de faire des lois et d'y assujettir les fidèles ;
on ne peut les excuser, disent-ils encore, que
sur la droiture de leurs intentions. — Or, les
docteurs chrétiens de ce temps-là étaient
saint Clément de Kome, saint Ignace, saint
Polycarpe, disciples immédiats des apôtres,
dont nous avons les leltrei ; ce sont eux qui
ont commencé à changer le gouvernement
que Jésus-Christ avait établi ; et saint Jean ,
qui vivait encore, a souffert cette prévarica-
tion sans se plaindre et sans en avertir ; le
Saint-Esprit qu'il avait reçu ne lui a pas
révélé les maux qui devaient s'ensuivre de
ce germe d'ambition né parmi les évêques,
duquel cependant, si nous en croyons Mos-
heim et ses pareils, sont nés tous les vices
du clergé et toutes les plaies de l'Eglise. —
En effet, il dit qu'au iii*^ siècle saint Cyprien
et d'autres évêques s'arrogèrent toute l'au-
torité, en dé|;ouillèrent les prêtres et le peu-
ple ; que de là naquirent le luxe, la mol-
lesse, la vanité, l'ambition, les haines et les
disputes entre les pasteurs; que la corrup-
tion s'empara de tous les membres du corps
923
CLÏ,
CLE
921
ecclésiaslique. 11 cite en preuve Orii^ène el
Eusèl>€, il pouvait y ajouter saint Cyprien
lui-aiêiiie.qui reprochent aux pasteurs leurs
disputes et les autres vices dans lesquels ils
claieut tombés avant la persécution de Dio-
clctien. C'est dans ce mênie temps que saint
Cyprien tonna contre les désordres des clercs
qui vivaii nt avec des femmes, ou avec de
prétendues vierges qu'ils tenaient chez eux.
— Il est d'ahord difficile de ( oaiprcndre com-
ment les prêtres et le peuple , dépouillés de
leur ancienne autorité, eu sont devenus plus
vigoureuK ; l'ambition des évêques ne pou-
vait influer que sur leurs mœurs, et non sur
celles du bas clergé. On ne conçoit pas mieux
comment l'ambition, source de tous les vices,
a pu se concilier, dans saint Cyprien, avec
la pureté et l'austérité des mœurs dont il a
fait profession ; est-ce à lui que l'on peut re-
procher du luxe, de la mollesse, de la cor-
ruption? Si, dès ce temps-là, les mœurs dis
clercs comnionçaii'Ut à se conomprc, les é\è-
ques n'avaient pas tort de chercher à répri-
mer ce désordre par des lois ; c'est un devoir
que saint Paul leur avait prescrit dans ses
lettres à Tite et à limothée. Les décrets por-
tés dans les conciles du ii' et du iii'= siècle ne
regardaient pas seulement les simples fidèles
et les clercs inférieurs, mais les évéques eux-
mêmes ; nous, le voyons par ces décrets que
l'on nomme canons des apôtres : esl-ce par
ambition que les évoques s'imposaient le joug
d'une discipline sévi^re? — U y eut, dans ces
deux siècles, des divisions, des schismes, des
iiérésies ; un disputa sur la célébration de la
pâque, sur le rigorisme outré des novatiens,
sur les erreurs des gnostiques, des marcio-
niles, des manichéens, etc. ; mais les auteurs
de ces hérésies et de ces schismes ne furent
pas des évéques ; ceuv-ci s'y opposèrent : la
question est île savoir s'ils le firent par de
mauvais motifs, ou par attachemciit à la doc-
trine, aux. leçons et à la pratique des apô-
tres. Devaient-ils laisser de mauvais philoso-
phes et des dispulours téméraires dogmatiser
à leur gré? Dans ces temps de persécution,
plusieurs ministres de l'Kglise furent obligés,
pour subsister, d'exercer des arts, des mé-
tiers, ou défaire quelque commerce; d'au-
tres furent réduits à fuir et ù s'expatrier :
Icur.s mœurs purent en souffrir; mais ce
qu'on disent Origèuo, Eusèbe et d'autres, ne
prouve pas que la corruption fût générale
parmi les membres du corps ecclésiaslique ,
comme le iirétendent les protestants ; ces
auteurs n'avaient pus parcouru toutes les
Eglises du monde pour savoir ce qui s'y
passait.
Au iV' siècle, après la conversion de Cons-
tantin, les évêques fiéquenlèrenl la cour, de-
vinrent riches et puissants ; ils s'emparèrent
de tout le gouvernement des lîgliscs, et vou-
lurent dominer dans les conciles : les empe-
reurs se mêlèrent des affaires ecclésiasii-
qucs ; les papes se rendirent importants par
la ricliesse de leur Mgiisr ; les c\éques de
Cu:ist;intinoplc firent de même ; tous iuiilè-
rciil le luxe et le fasle des gramU <.u monde;
ieb priucipaux. voulurent être patriarches,
afin de se donner un nouveau degré d'auto-
rité, et ils ne cessèrent de se disputer sur
les limites de leur juridiction. — Il y a quel-
que chose de vrai dans ces reproches ; mais
encore une fois, il est absurde de lirer une
conséquence générale de quelques faits par-
ticuliers. Nous ne voyons pas que les évê-
ques d'Afrique, d'Espagne, des Gaules, de
l'Angleterre , aient beaucoup fréquenté la
cour des empereurs ; que prouve contre eux
le faste de quelques évoques orientaux ? Ceux
qui ont donné dans ce travers ont été très-
mal notés par les écrivains ecclésiastiques ;
preuve que ce désordre n'était pas très-com-
mun. 11 ne faut pas oublier que le iv siècle
a été le plus remarquable par la multitude
des grands et saints évêques qui ont paru
même en Orient ; la plupart avaient été moi-
nes, et ils conservèrent sur leur siège la pau-
vreté, la simplicité et l'austérité delà \ic
monastique. C'est par l'i même qu'ils déplai-
sent aux protestants. Ces censeurs bizarres
ne peuvent soulîrir ni la vie un peu trop
mondaine de quelques évéques, ni les mœurs
austères et mortifiées des autres, ni les ver-
tus paisibles du plus grand nombre, ni le zèle
actif et laborieux de ceux qui occupaient les
premières places. D'ailleurs il y avait déjà
pour lors des pasteurs du second ordre, des
chorêvéques qni remilissaienl, à l'égard des
peuples de la campagne, les mêmes fonctions
qu'e\crcent aujourd'hui les curés ; les fau-
tes de leurs supérieurs ne doivent pas re-
tomber sur cuv. Knfiii, c'était le peuple qui
élisait les évêiiues ; il est diflicile de croire
qu'il choisissait ordinairement des hommes
vicieux.
Au commencenienl du V siècle , les barba-
res se répandirent dans l'Occident et s'y éta-
blirenl.On dit .(uc leurs rois augmenlèrenl
les i)riviléges des évéques, par un reste de
leur superstition, et en vertu du respect qu ils
avaient en pour les piètres de leurs dieux.
Mais est-il cenaiii que le mérite personnel des
évêques n'y entr.i pour . ien?Lessainls Uemi de
lleims, tjermain d'Auxerre, Loup delroyes,
Eucher de l.\on, Agn:,n d'Orléar*s, Sidoine
Apollinaire de Clermont, Mamert de Vienne,
Honorât et llilaire d'Arles, etc., étaient pour
lors l'ornement du clergé des (jaules ; leur
vertu, et non leur fas'le, imprima le respect
aux barbares, méuie avant la conversion de
ceux-ci, cl ces saints évê(iues étaient trop
zélés pour soulîrir, parmi les ccclésiasliiiues',
le luxe, l'ai rogancu, l'avarice, le liherlina:;e,
dont Mosheimles accuse sans (ireuve et con-
tre tuiite vérité. Lorsqu'il dit que tous ces
évêques no furent regardes comme saints, et
respectés que par l'ignorance des peuples, il
oublie que dans l'Ojcidenl le v siècle a élé
le plus éckiiré de tous, et il en fournit lui-
mêii,e les preuves [Jlisloire eccUisiasl'iqnc ,
v siècle, :2' pari., c. 1 ut 2 j. Lursiju'il accuso
d'orgueil saint Martin, parce qu il élevait lo
•sa<:erd ,ce au-dessus île la royauté, et saint
Léon d'une ambition s.ais liurnes. parce qu'il
soutint Us droits de son siège , il :c montre
aussi mauvais juge de la \erlu ijue des la-
Icnls.
r
923
CLE
CLE
9-20
Il prétend que, pendant le vr siècle , les
ecclésiastiques ne pensèrent qu'à établir des
superstitions lucratives, que leurs désordres
sont prouvés par la quantité de lois portées
contre eux par les conciles ; nous avons déjà
observé <iue ces lois ne prouvent autre chose
que la vigilance des évéqufs et le zèle qu'ils
ont eu pour le maintien de la discipline. Il y
eut des schismes à Uonie pour la papauté ;
uiais quelle eti l'ut la cause? le despotisme
des empereurs et l'ambition des grands, qui
voulurenl disposer de cette dignité, et gêner
les suflVaj'es liu clergé et du jjcuple. IMosheim
pousse l'iMitètement jusqu'à dire que les moi-
nes, quoique vicieux, fanatiques, intrigants,
remuants et perdus de débauche, étaient ce-
pendant très-rcspectés; nous soutenons que
s'ils avaieni été vicieux pour la plupart , ils
auraient été méprisés et détestés. — Il répète
la même absurdité, lorsqu'il reproche au
clergé ii\i vn' siècle l'ambition, une avarice
insatiable, des fraudés pieuses, uu orgueil
insupportable, un mépris insolent des droits
du peuple. Ce ne sont point les ecclésiasti-
ques, mais les guerriers sous le nom de no-
bles, qui ont opprimé le peuple, qui ont re-
gardé comme esclave quiconque ne portait
pas les armes. Le plus grand fléau de l'ii-
glise a été l'ambition de ces mêmes nobles
d'envahir toutes les dignités ecclésiastiques ;
mais l'atlribuerons-nous au clergé, qui en a
été la victime, plutô! qu'au caractère brutal
et féroce des barbares ? Lorsque Moslieim a
cru voir du relâchement parmi les moines ,
il a déclamé contre ce désordre ; quand il n'j
a vu que la solitude, le recueillement, l'aus-
térité, le travail, il leur a reproché une ajjec-
talion pliurisaique de piété ; mais le vrai ca-
ractère pharisaïque est de calomnier mal à
propos. Il dit que dans ce siècle les parents
avaient la fureur de mettre leurs enfants
dans les cloîtres ; la raison en est fort sim-
ple, c'est qu'ils ne pouvaient leur faire don-
ner ailleurs une éducation chrétienne. 11 dit
que des scélérats s'y retirèrent par une vaine
espérance d'obtenir le pardon de leurs cri-
mes ; eûl-il mieux valu qu'ils les continuas-
sent que d'aller en faire pénitence?
Selon lui, on ne voit, dans le clercjé An
vm" siècle, que luxe, gloutonnerie , incon-
tiuence, goût pour la guerre il pour la
chasse. Il est à présumer, en effet, que plu-
sieurs de ceux qui furent intrus dans les évê-
( hés el dans les prélatures, par la tyrannie
des nobles, y portèreut les vices de leur édu-
cition. Mais il y a des preuves positives que
ce désordre, trop commun dans les Gaules ,
ne fut pas le même partout ailleurs ; pour y
remédier, on tira des moines de leur cloître,
et on leur confia le gouvernement des Kgli-
scs ; Charlemagne fol le premier à rendre
justice aux talents et à la vertu. Le vénéra-
ble Bède ; Egbcrt, évéque d'York; Alcuiu ,
précepteur de (.harlemagne ; saint Bonifaco,
archevêque de Alaycnce ; saint Chrodegand ,
évéque de .Metz; Tliéo(lnl[)he , évéque d'Or-
léans; saint l'aulin d'Aquilée ; Ambroise
Aulperl, Paul diacre, etc., se distinguèrent
par leur zèle et par leurs travaux. Si leurs
écrits ne sont pas des modèles d'éloquence
ni d'érudition, ils respirent du miiins la piété
l;i plus sincère. — On imagine que les do-
nations qui furent faites aux Eglises étaient
un effet de l'ambition des clercs, qui ensei-
gnaient que c'était le meilleur moyen d'etîa-
ccr les péchés ; nous pensons, au iontrair(^,
que la plupart étaient des restitutions. Sou-
vent la clause, si comniune dans les chartes,
pro remedio animœ meœ, ne signifie pas, })our
obtenir le pardon de mes péchés , mais punr
acijnilti'r ma cvnscicncc, en restituant ce qui
ne m'appartient pas. Rlosheim convient (juc
plusieurs évêques parvinrent à la dignité de
princes, parce que les rois et les empereurs
comptaient plus sur leur fidélité que sur celle
de leurs barons ; ils ne se trompaient pas, et
ce motif ne fait pas déshonneur au clenjé.
Nous convenons que ce n'est pas dans le
ix° siècle qu'il a brillé davantage. Les guer-
res causées par le partage de la succession
de Charlemagne, les incursions des Nor-
mands el des autres Barbares , l'ignorance
du peuple et des nobles, l'intrusion de ceux-ci
dans les evêchés, le pillage qu'ils firent des
biens ecclésiastiques, furent autant de fléaux
pour l'Eglise aussi bien que pour la société
civile ; le oncile de Trosley, tenu en 909,
attribue à celte môme cause le dérèglement
des moines. On publia de fausses légendes,
de fausses reliques , de faux miracles, on
donna dans les dévotions minutieuses et pu-
rement extérieures , etc.'; mais nous soute-
iions que, dans tous ces abus, il entra moins
de fraudes pieuses que de traits d'ignorance
et de crédulité aveugle. Ceux qui tentèrent
de remédier au mal ne purent faire que de
vains efforts ; et le siège de Rome se ressen-
tit du malheur commun autant que les au-
tres : à qui |)eut-on s'en prendre?
Il y a donc de l'injustice et de la malignité
à soutenir, comme fait Mosheim, que les
papes, devenus des monstres, furent la cause
de l'ignorance et des vices du clergé dans le
X siècle. Le mal datait de plus loin, et plu-
sieurs papes firent ce qu'ils purent pour en
arrêter Us progrès. Ont-ils eu quelque part
à la dégradation, à l'ignorance, aux vices du
clergé dans l'Orient, où ils n'avaient plus
aucune inlluence? Tous les scandales arrivés
à Rome furent l'ouvrage des tyrans qui rava-
geaient l'Italie, qui disposaient de la papauté
comme de leur patrimoine, qui la donnaient
exprès à des sujets vicieux, de peur que des
papes plus respectables par leurs mœurs ne
prissent trop d'ascendant sureux. Une preuve
que les désordres lia clergé venaient du pil-
lage des biens ecclésiastiques, c'est que les
conciles, qui ont noté d'infamie le concubi-
nage des clercs, ont condamné en même
temps la simonie qui en fut toujours insépa-
rable; et cette tyrannie des séculiers est
avouée par Mosheim lui-même, x'' siècle,
u pari., c. 2, § 10. Ces deux vices régnaient
principalement en Allemagne, où la religion,
dit M. FIcury, avait toujours été plus faible.
C'est ce (jui rendit le cleri/é de ce pays-là si
furieux contre Grégoire VU, qui voulait le
réformer. Mœurs des chrétiens, n" C2.
927
CLE
Ces désordres furent à peu près les mêmes
dans le xi* et le xir sièrie ; mais dans ces
temps même de confusion et de brigandage il
y eut un grand nombre de personnages
respectables dans le clergé, soit séculier, soit
régulier. 11 est de la bonne foi d'avouer que,
pendant la famine de l'an 1032, la charité
des évéques et des abbés fut poussée jusqu'à
riiéroïsme {Histoire de l'Eglise gallic, tom.
VII, liv. xs, an. 1031). — Les querelles
entre l'empire et le sacerdoce, dont les pro-
testants ont fait. tant de bruit, sont venues de
ce que les empereurs voulaient avoir à Rome,
non-seulement la puissance ci vile, mais encore
le droit de disposer arbitrairement du i>on(i-
ficat ; les malheurs qui avaient résulté de
celte prétention faisaient sentir aux papes et
au clergé la nécessité de s'y opposer. Si la
plupart de ces pontifes ne furent pas des
hommes irès-verlueux, les princes contre
lesquels ils disputaient valaient encore
moins : nous ne voyons pas ce que la religion,
les mœurs, la police y auraient gagné, si ces
despotes ambitieux étaient venus à bout
d'asservir l'Eglise pour toujours. Les papes
voulurent disposer de tous les bénéfices ,
parce que les princes séculiers y pourvoyaient
fort mal.
Au xiii'i siècle, on fit des projets et des
tentatives de réforme, mais avec peu de suceès.
Cela donna naissante aux ordres de reli-
gieux mendiants, et Mosheim avoue qu'ils
gagnèrent, par l'austérité de leurs mœurs,
la confiance des peuples. Malheureusement
ce remède n'était pas suffisant pour tout répa-
rer, et le grand schisme d'Occident, survenu
pendantle xiv siècle, rendit la réforme à peu
près impossible. On sait d'ailleurs que la peste
noire, qui régna l'an 13'+8 et les deux années
suivantes, eut des suites terribles, et fut une
des principales causes du relâchement qui
s'introduisit parmi le clergé cl dans les mo-
nastères. Voy. l'Histoire de l'Eglise gallic,
tom. XIII , liv. XXXIX. Mosheim n'a pas
daigné en dire un seul mot. Quel remèle la
prudence humaine peut-elle opposera de
pareils fléaux'? Ce fut un sujet pour tous les
sectaires de déclamer avec emportement
contre les vices et les abus du clergé; mais
faut-il regarder toutes ces invectives, dictées
par une ignorance furieuse, comme de fortes
preuves de la corruption générale de l'état
ecclésiastique? Kllcs continuèrent pendant
le XV' siècle. Cependant, quand on considère
d'un côté la liste des conciles qui furent
tenus pendant ces trois siècles, et la teneur
de leurs décrets; de l'autre, le catalogue des
écrivains ecclésiastiques, et rol>jct de leurs
ouvrages; en troisième iieu, le noiiilirc des
saints dont les vertus furent authentiquement
reconnues, on est forcé de penser que les
clameurs des vaudois, des albigeois, des
lollards, des wielélites, des hiissiles et d'au-
tres fanatiques semblables, ne iiiéiilenl pas
beaucoup d'attention, et que les prolestants
ont lrès.»grand tort de nous les <loniier comme
un litre aulheiili(iue de la mission des réfor-
mateurs.
Enfiu parut, (laos le xyi siècle, la grande
CLE 928
lumière de la réformalion ; l'on sait quels eu
furent les auteurs, par quels moyens elle
s'exécuta, et les merveilleux effets qu'elle a
opérés ; nous les examinerons dans leur lieu.
Voy. UÉF0RM4TI0N. Les incrédules mêmes,
après avoir copié toutes les satires des pro-
testants contre le clergé, ont tourné en ridi-
cule le ton de jactance de ces prétendus
réparateurs ; et plusieurs écrivains, nés dans
le protestantisme, sont convenus de la li-
cence des mœurs qui ne larda pas de s'y in-
troduire, et qui y règne encore. Où est donc
le «raiid bien quien estrésulté?
Mosheim finit son libelle diffamatoire par
nier l'utilité des décrets du concile de Trente,
touchant la discipline ; suivant son avis,
cette réforme n'a rien opéré, surtout à l'é-
gard des évéques. Quand cela serait vrai à
l'égard des évéques d'Allemagne, qui sont
princes souverains, que prouve leur exem-
ple contre ceux de France, d'Espagne et
d'Italie? D'autres prolestants ont éie plus
judicieux; ils sont convenus que si, avant le
concile de Trente, le c/fr^é' avait étélel qu'il
est aujourd'hui, il n'y aurait pas eu lieu a la
préîendue réforme de Luther et de Calvin.
Quelques incrédules ont poussé la mali-
gnité encore plus loin ; ils ont prétendu prou-
ver que l'état ecclésiastique, par lui-même,
est essentiellemeiil mauvais. — 1" Ils disent
que des pouvoirs tels que le clergé se les
attribue doivent nécessairement ins|)irer de
l'orgueil à un ecclésiastique, le rendre ambi-
tieux, fourbe, hypocrite et foncièrement vi-
cieux. Si ce reproche était sensé, il retom-
berait sur Jésus-Christ même, puisque c'est
lui qui a donné aux pasteurs de l'Eglise les
pouvoirs d'instruire, de remettre les péchés,
de reprendre et de corriger. 11 leur a dit,
dans la .personne de ses a|iôtres : Celui gui
est mon ministre sera honoré, par mon Père
{Joan. XII, 26). Mon Père vous uime, parce
que vaut m'avez aimé et avez cru en moi
(xvi, 27). iMais il a eu soin de réprimer eu
eux l'orgueil et l'ambition, en les avertis-
sant que celui qui veut être le premier, doit
se rendre le dernier et le serviteur de tous
[Mutth. XX, 26). Si un homme embrasse
l'état ecclésiastique par intérêt, par ambi-
tion, sans un désir sincère d'en remplir les
devoirs, il était déjà vicieux avant d'y entrer;
ce n'est pas la cléricature qui l'a rendu tel.
Il est absurde de dire qu'un état dont tous
les devoirs sont des actes de vertu, peut
rendre un homme vicieux. La seule ambi-
tion permise est d'être utile ; tant que le
clergé continuera de l'élre, il sera honoré en
dépit de ses ennemis. 2' Ils prétendent i|ue
le clergé est un corps étranger à l'Etat, et
qui se regarde comme tel; que les intérêts
particuliers de ce corps éloulTent, dans un
ecclésiastique, tout zèle de rinlérêt public,
le rendent mauvais sujet et mauvais citoyen.
— Il n'est pas aisé de comprendre comment
un corps dévoué au service du public ou de
l'Etat, (|ui subsiste aux dépens de l'Iîtat, qui
doit dunner l'evemple de la soumission aux
lois civiles et au gouveriuiiienl , peut se
croire étranger à l'Etat. Ou pourrait, avcfl
029
cr.E
CLE
930
autant de raison, ou plutôt avec autant d'ab-
surdité, faire le même reproche à l'état mili-
taire, à celui de la magistrature, à cilui de
la noblesse, qui tous ont des privilèges et
des intérêts particuliers. Souvent on a répété
que jamais le clergé n'a stipulé, auprès des
souverains, que |)our ses propres intérêts ;
c'est une fausseté. Dans les assemblées de la
nation, {eclergé n'a jamais manqué do porter
aux pieds du irône les représentations, les
besoins, les justes demamles du tiers-élat.
Dans les rommencements de la monarchie,
les évêques furent presque toujours revê-
tus du litre de défenseur, chargés de sou-
tenir les droits, les privilèges, les intérêts
des villes et des eomnuines; et jamais cette
charge n'a été mieux remplie (|ue par eux :
aujourd'hui encore il n'est aucun curé de
campagne qui ne rondo le même service à
ses paroissiens. — 3" Plusieurs ont osé écrire
que le clergé esl toujours prêt à résister aux
ordres du gouvernement et à se révolter;
d'autres prétendent que le clergé est le plus
ardent promoteur du despotisme des souve-
rains, et leur a toujours fourni des armes
pour opprimer les peuples. — Deux accusa-
lions contradictoires n'ont pas besoin de
réfutation. Sans se révolter, tout chrétien se
croirait obligé de résister à des ordres qui
seraient contraires à la loi de Dieu, et de
mourir plutôt que de trahir sa conscience.
Excepté ce cas, il sait, aussi bien que le
clergé, que Dieu ordonne d'clre soumis aux
puissances supérieures, etc. (Rom. xiir, Ij.
Depuis que les philosophes ont trouvé bon
de sonner le tocsin contre le gouvernement,
d'enseignerdes maximes séditieuses, de souf-
fler l'esprit de révolte, le clergé se croit
obligé de prêcher l'obéissance plus soigneu-
sement que jamais.
D'un côté, les incrédules ont représenté
les anciens prophètes comme des rebelles et
des séditieux, parce qu'ils reprochaieiil aux
rois leurs désordres; on a blâmé saint .lean
Chrysostome de la CL-nsure qu'il fit des vices
qui régnaient à la cour des empereurs, et
par laquelle il s'attira la haine des courti-
sans ; aujourd'hui on se plaint de ce que le
clergé ne s'oppose point au des|)otisnie des
princes. On dit qu'il y a une conspiration
entre les ecclésiastiques et les souverains
pour opprimer les peuples. Du moins ce n'esl
pas \e clergé qui fomente le despotisme des
princes mahométans ou idolâtres de Siam,
de laCochinchine, du Pégu , de la Chine, du
Japon, des Indes et de l'inlérieurde l'Afrique:
il y a bien de la ditïérence entre leur gou-
vernement et celui des monarques chrétiens.
Depuis que les protestants ont dépouillé les
: ministres de la religion de toule autorité,
•^ voyons-nous les souverains d'Allemagne
; traiter leurs sujets avec plus de douceur que
: sous le règne du catholicisme? C'est toujours
îf eu écrasant le c/frge' que les mauvais princes
*' parviennent au despotisme.
' On voit, dans le Dictionnnire de Jurispru-
dence, les privilèges, les immunités, les dif-
férents degrés d'autorité et de juridiction dont
jouitle cJerj/e, et qui émeuvent la bile de
nos philosophes réformateurs; il faut, dit-
on, les supprimer pour l'avantage du public.
Mais comme l'observe Irès-bien un écrivain
de nos jours, il n'y a pas un abus, pas une
loi injuste, pas un genre d'oppression , pas
une espèce d'iniquité publique, à conunencer
depuis le despotisme jusqu'à l'anarchie, ((ui
n'ait eu pour prétexte le bien général, l'in-
térêt des hommes, le bonheur des sociétés.
Il n'y a point d'autre bien public que l'ob-
seivation de la loi naturelle. Or, selon cette
loi, on ne pourrait toucher aux privilèges
des ecclésiastiques, sans révoquer aussi ceux
de même nature qui ont été donnés à la
noblesse, aux charges de magistrature et à
d'autres litres (1).
Il est bon de se souvenir que le nom de
clerc, donné dans les bas siècles à tout homme
lettré, et celui de clergie, qui désignait toule
espèce de science, sont un lémoigiiage irré-
cusable des services que les ecclésiastiques
ont rendus à l'Europe entière après l'inon-
dation des Barbares; si la religion ne les
avait pas obligés à l'élude, toute connais-
sance aurait été anéantie. Mais depuis que les
philosophes ont voulu se saisir de la clef de
la science, être les seuls docteurs de l'univers,
ils ont déclaré la guerre au clergé par jalou-
sie de métier.
Clercs réguliers. On nomme ainsi les
ecclésiastiques qui se réunissent en congré-
gation par dos vœux, et s'assujettissent à
une règle commune, pour remplir les fonc-
tions du saint ministère, pour instruire les
peuples, assister les malades, faire des mis-
sions, etc. Ils sont distingués des chanoines
réguliers, en ce que ceux-ci se sont astreints
à des jeûnes cl à des abstinences, aux veilles
do la nuit, au silence des moines; au lieu
que les clercs réguliers ne s>^ sont itnposé
aucune austérité, mais seulement l'exactitude
à remplir tous les devoirs ecclésiastiques.
Ils ont jugé avec raison et ils ont prouvé par
leur exemple, que la vie commune, l'assu-
jetlissemenl à une règle, la séparation d'avec
les séculiers, les bons exeniples mutuels,
soutiennent la vertu, excitent la ferveUr, el
préservent un ecclésiastiaue des écueils de
la piéle.
On connaît en Italie huit congrégations de
clercs réguliers: ceux de saint l'aul, appelés
barnabites ; ceux de saint Gaétan ou Ihéatins,
\os jésuites qui n'exisienl plus, ceux de saint
IMaïeul, nommés somasques ; ceux des écoles-
pies, ceux de la Alèredè Dieu, les clercs ré-
guliers mineurs, et les ministres ou serviteurs
dos infirmes. Ces derniers lurent institués
en Italie par un prêtre nommé Camille de
Lellis, pour soigner les hôpitaux et soulager
les malades. Sixte V, Grégoire XV et Clé-
ment VII ont approuvé cet institut digne des
éloges de tous les gens de bien ; son foiula-
leur mourut saintement en 1614. Ses nieiii-
(1) La révolution a aboli tous les privilèges du
clergé. Nous sommes loin de nous en plaindre. Nous
diMiianderoiis seulement qu'on nous donne mie li-
l)i;rié complète de croire , de professer et d'ensei-
gner la religion catlioiique.
931 eu
bres rendent les mêmes services que les
frères de la charité. On les nomme aussi cru-
ci fc'rés, parce qu'ils portent une crois rouge
sur leur soulane.
CLIMAT. De «os jours on a mis en ques-
tion si la religion chrétienne était pro|ire à
tous les climats, par conséquent si Jésus-
Christ a eu raison de dire à ses apôtres, ailes
enseigner toutes les nations. Sans entrer dans
aucune spéculation physique ni politique, la
question nous paraît décidée ])ar un fait in-
contestable : c'est que le christianisme a pro-
duit les mêmes effets, le même changement
dans les mœurs de tous les peuples chez
lesquels il s'est établi. La mollesse des Asia-
tiques, la férocité des Africains , l'humeur
vagabonde des Parthes et des Arabes, la
rudesse des habitants du Nord et des Sau-
vages, ont été forcées de céder à la morale
de l'Evangile. On peut s'en convaincre par
le tableau des mœurs qui ont régné avec le
christianisme pendant quatre siècles sur les
côtes de l'Afriijue, en Egypte, en Arabie, qui
régnent encore chez les Abyssins, par la ré-
volution qu'il a o|)érée chez les Perses, au
VI' siècle en Angleterre , au 1%." chez les
peuples du Nord, de nos jours parmi les Amé-
ricains et aux extrémités de l'Asie.
11 y a sans doute des climats sous lesquels
les mœurs sont ordinairement plus corrom-
pues, et les habitants moins propres à s'ins-
truire; mais il n'est point de dillicultés que
le christianisme n'ait autrefois vaincues ; il
pi'ut donc encore les vaincre aujourd'hui.
Au 11"^ siècle, Celse jugeait, comme nos poli-
tiques modernes, que le dessein de ranger
tous les peuples sous la même loi était un
projet insensé; cette spéculation profonde
s'est trouvée fausse, elle le sera toujours ; le
christianisme a été destiné de Dieu à être la
religion de toutes les nations, comme il doit
être celle de tous les siècles.
Une preuve démonstrative que la religion
a beaucoup plus d'empire sur les mœurs des
peuples que le climat, c'est que partout où le
christianisme u été détruit, la barbarie et
l'ignorance ont pris sa place, sans qu'aucun
laps de temps ait pu les dissiper. Y a-t-il
quelque ressemblance entre les mœurs qui
régnent aujourd'hui sous le mahométisme
dans la (jrèce, l'Asie .Mineure, la Perse, la
Syrie, l'Egyplc et sur les côtes de l'Afrique,
et ceUes que le christianisme y avait intro-
duites? Dans peu d'années notre religion
avait civilisé toutes ces nations ; il y a près
de douze cents ans qu'elles sont retombées
dans la barbarie , cl elles semblent con-
damnées à y drmeurer pour toujours, à moins
qu'elles ne reviennent à la lumière de l'E-
vangile dont l'alcoran lésa privée... Un voya-
geur, (jui a fait récemment le l'.;urdu monde,
atteste qu'il a vu le chrisliaiiisme produire
lis mênii'S effets dans tous les iiintats , et
partout où les missionnaires sont |)arvcnus à
l'établir.
Nous no devons donc pas noua Hcr à ce
qu'a dit l'auteur ûeVl^sprit des lois, qu'il est
presque impossible que le cliristia.nismu
s'ilablisse jamais à la Chine. Selon lui, les
CLI 932
vœux de virginité, les assemblées des femmes
dans les églises, leur communication uéees-
saire avec les ministres de la religion, leur
participation aux sacretnen<s, la confession
auriculaire, rextrcme-onction, le mariage
avec une seule femme, sont des obstacles -
invincibles; parce que tout cela lenvorse ■
les mœurs et les manières du pays, et frappe w
encore du même coup sur la religion et sur
les lois. — Mais les vœux de virginité et le
mariage d'un homme avec une seule femme
seraient-ils plus difficiles à établir à la Chine
que dans la Perse, dans l'Arabie, en Elhio-
pie, en Egypte et sur les côtes de l'Afrique, :
où le c/(m«< est beaucoup plus brûlant qu'à I
la Chine, où la religion, les mœurs et les lois T
n'étaient |)as meilleures lorsque le christia-
nisme y fut porté"? Qui empêcherait d'ailleurs
que dans les églises les femmes ne fussent
séparées des hommes par des barrières im-
pénétrables, que l'on ne leur administrât les
."•acrements avec les mêmes précautions qu'à
des religieuses? Lorsque l'Egypte, la Libye,
la .Mauritanie étaient chrétiennes, les femmes
n'étaient pus renfermées, les deux sexes y
vivaient à peu près avec la même liberté que
parmi nous, et les Pères de l'Eglise n'mit
point envisagé cette société libre comme une
source de dépravation mutuelle. Elle subsiste
encore chez les chrétiens d'Ethiopie; les
voyageurs n'ont pas vu que les femmes y
soient plus corrompues qu'ailleurs, 'ferlul-
lien, en soutenant que les vierges doivent se
voiler dès qu'elles ont atteint l'âge de puberté,
suppose que les fenmies ne portaient point
de voile, et il ne parle pour elles d'aucune
espèce de clôture [L. de Virgin, velandis).
Aujourd'hui à la Chii\e, et partout où le
mahométisme a porté la corruption , les
voiles, les sérails, les verroux et les eunu-
ques ne suffisent pas pour calmer la jalousie
inquiète des maris. Un Chinois necoinprendra
jamais, dit-on, qu'une femme puisse décem-
ment parler à l'oreille d'un confesseur; il
ne comprend pas non plus qu'un homme
puisse se trouver seul avec une femme, dans
un lieu écarté, sans être tenté de lui faire
violence; il comprendrait l'un et l'autre s'il
était c hréticn. En bannissant la polygamie,
en montrant aux hommes le mérite de la
chasteté, le christianisme retrancherait les
deux principales sou rc' s lie corruption. Contre
des faits positifs et incontestables, les spé-
culations et les conjectures philosophiques ne
prouvent rien.
CLINIQUES. On donnait autrefois ce
nom à ceux qui avaient été baptisés dans
leur lit peu aut une maladie; il vient du
grec -/livo, lit.
Dans les premiers siècles de l'Eglise, plu-
sieurs diffeiaiei.t ainsi leur baptême jusqu'à
l'article de la mort, quelquefois par humilité,
souvent par libeillnagc et pour pécher avec
plus de liberté. On regardait, avec raison,
ces chrétiens comme faibles dans la foi et
dans la vertu. Les Pères de l'Eglise s'élevè-
rent contre cet abus , le concile de Néorési- ■
rcc, can. 12, déclare les c/iHi^ues irréguliors
pour les ordres sacrés, à moins qu'ils ne
esô
CLO
CLD
9-4
soient d'îiilleiirs d'un mérite aisfingué , et
im'on ne trouve pas d'autres mini-itros ; on
rriign.iit quo quelque molif suspect ne les
pût eiip;ngés à ri'cevoir le baptême. F.o pape
saint (]()ineille, dans une lettre rapportée
par Eusèbe, dit que le peuple s'opposa à
l'ordination de Novalieu, parce (]u"il avait
été baptisé dans son lit éiant malade. Les
clinù/ites étaient aussi appelés grahutaires,
pour la même raison. Saint Cyprien, EpUt.
76, ad Mmjnum, soutient cependant que ceux
qui sont ainsi baptisés ne reçoivent pas
moins de grâces que les autres, pourvu néan-
moins qu'ils y apportent les mêmes dispo-
sitions. Mais on ne les élevait pasau\ ordres
sacrés, dès que l'on soupçonnait qu'il y
avait eu de la néglifîence de leur part. 11
paraît que la maladie était le seul cas où il fût
permis de baptiser par aspersion. (I?inghani,
1. XI, c. H,tom. IV, p. 333.)
CLOCHKS, bénédiction des cloches. L'E-
glise veut que tout ce qui a quelque rapport
au culte do Dieu soit consacré par des cé-
rémonies ; conséqucmment elle bénit les
cloches nouvelles : comme les cloches sont
présentées à l'église, ainsi que les enfants
nouveau-nés, qu'on leur donne un parrain
et une marraine, et qu'on leur impose des
noms, l'on a appelé baptême celte bénédic-
tion.
Alcuin, disciple de Bède et précepteur de
Cliarlemagne , parle de cet usage comme
antérieur à l'an 770; la iorine en est prescrite
dans le Pontifical romain et dans les rituels.
Après plusieurs prières, le prêtre dit : Que
cette cloche soit sanclifiée et consacrée, itu
nom du Père, et du Fih, et du Saint-lisprit ;
il prie encore, il lavtt la c/oc/ic en dedans et
en dehors avec de l'eau bénite , il fait sept
croix dessus avec l'huile sainte, et quatre en
dedans avec le saint-chrême; il l'encense et
il la nomme. On peut voir cette cérémonie
plus en détail dans les cérémonies religieuses
de l'abhé Banier.
CLOirRE, en général, signifie un monas-
tère de personnes religieuses de l'un ou de
l'autre sexe, et quelquefois il se prend pour
la vie monastique; on dit dans ce sens que
l'on peut faire son salut dans le cloître plus
aisément que dans le monde,
La plupart des cloîtres ont été autrefois
non-seulement des maisons de piété, mais
aussi des écoles où l'on enseignait les lan-
gues et les arts libéraux , négligés partout
ailleurs. Bède {llisl., liv. m, chap. 3) nous
apprend qu'Oswald, roi d'Angleterre, donna
plusieurs terres aux cloitres, afin que la
jeunesse y fût bien élevée. La richesse des
monastères n'a donc pas une source aussi
odieuse que les critiques modernes vou-
draient le persuader. Les cloitres de Saint-
Denis en France, de Saint-tial! en Suisse, et
une infinité d'autres, dans lesquels les en-
fants des rois avaient été élevés, lurent non-
seulement dotés richement par ce motif,
mais encore décorés de plusieurs privilèges,
princifialement du dioil d'asile. Ils servaient
aussi de prison, Siirloul aux princes, soit
révoltes, soil maliieureux, exclus ou dé-
posés du trône. L'histoire byzantine et celle
de France en fournissent de fréquents exem-
ples.
C1.0ÎTUIÎ (1). C'est la partie d'un monastère
faite en l'oiine de galerie ou de portique,
laquelle a ordinairement ((ualre côtés, avec
un jardin ou une cour au milieu, et règne au-
dessous des dortoirs. Ce mot se dit encore
d'une enceinte de maisons où logent les cha-
noines des églises cathédrales et collégiales,
et les chanoincsses de certains chapitres.
Ou entend aussi simplement |)ar cloître la vie
monastique ou rrligicuse. — Anciennement
ceux qui s'engageaient à la vie monastique
s'engageaient à une clôture perpétuelle en
entrant dans hr cloître, qui était fait pour
tenir les religieux clos et fermés ; mais au-
jourd'hui la clôture n'entre plus nécessaire-
ment dans les vœux de la profession ndi-
gieuse, du moins parmi les hommes, si l'on
en excepte quelques monastères, où règne
encore la ferveur des premiers temps de la
vie monastique. A l'égard des femmes, la
clôture perpétuelle devient nécessairement
leur partage dans la plupart des monastères.
Il y a pourtant nombre d'ordres de religieu-
ses qui font des vœux, et qui ne sont point
assujetties à la clôture. — Quoique les reli-
gieux et les religieuses qui ne sont point
cloîtrés aient la liberté de sortir, cette li-
berté est néanmoins subordonnée à la vo-
lonté des supérieurs ou des supérieures ,
c'est à-dire que les uns et les autres ne
peuvent point sortir sans en demander au-
paravant la permission; et si elle leur est
refusée, ceux ou celles qui passent outre
sont dans le cas de subir la punition déter-
minée par la règle ou , par les constitutions
de l'ordre, parce qu'alors ils blessent le vœu
d'ohéissance, qui est la base de la subordina-
tion monastii|ue. — Il n'est point permis aux
élr.ingers d'entrer dans les monastères où la
clôture est observée. H n'est pas plus permis
aux femmes qu'aux hommes' d'entrer chez
les religieuses cloîtrées. Anciennement la
même défense était pour les hommes comme
pour les femmes à l'égard des moines; niais
aujourd'hui que la plupart des religieux peu-
vent sortir, les hommes peuvent entrer chez
eux; quant aux femmes, elles ne peuvent
point s'introduire dans la plupart des mo-
nastères qui étaient anciennement cloîtrés.
Cependant la défense à cet égard n'est que
lociilc; elle n'est, pas la même dans tous les
diocèses. L'infraction de celte défense dans
les lieux où elle est établie forme ordinaire-
ment un cas réservé à l'évêque diocésain.
(Extrait du Diction, de Jurisprudence.)
CLOTURE DES RELIGIEUSES. Voy. Re-
ligieuses.
CLUNI, célèbre abbaye située en Bourgo-
gne, dans le Maçonnais ; c'est le chef-lica
d'une congrégation de bénédictins qui eu
portent le nom.
Cette abbaye fut fondée sous la règle de
saint Benoît, l'an 910, par Bernon, abbé de
(I) (>i article est reproduit d'après l'édition de
Liése.
935
CLU
coc
935
Gi!;ny, sous la protection et par les libéra-
lités de Guillaume I'', duc d'Aquitaine et
rouite d'Auvergne. Quelques auteurs mo-
dernes ont voulu faire remonter sa fondation
à l'an 826; mais leur opinion est dénuée de
preuves solides. — Dans son érection , cette
abbaye fut mise sons la protection immédiate
du saint-siége, avec défense expresse à tous
séculiers ou ecclésiastiques de troubler les
moines dans leurs privilèges, et surtout dans
l'clection de leur abbé. Us prétendirent, par
celte raison, être exempts de la juridiction
de l'évéque, ce qui donna lieu à d'autres
abbés de former la mèuie prétention. Cette
contestation a été jugée depuis quelques an-
nées en faveur de l'évè:juc de Màcon.
La congrégation de Cluni esl regardée
comme la plus ancienne de toutes celles qui
sont unies en France sous un seul chef, et
qui ne composent qu'un corps de plusieurs
monastères unis sous la mèrne règle. Elle a
donné à l'Eglise plusieurs jiersonnages re-
commandables par leur savoir et par leurs
vertus. Dom Martin Marrier a fait imprimer
à Paris, en 1614, \sl Bibliothi'qnedes écrivains
d". celle congrégation, en 1 vol. in-folio.
Cette ab'oaye fut pillée et la bibliothèque brû-
lée par les calvinistes en 1562.
Mosheim a remarqué que l'on parle impro-
prement, quand on dit Vordre de Cluni,
puisque cette abbaye et ses dépendances ne
sont pas d'un ordre différent de celui des
autres bénédictins ; on doit dire \ii congré-
gation de Cluni, comme la congrégation de
Saint-Maur, de Saint-Vanne, etc. Mais cet
auteur ne fait pas une réilexion fort judi-
cieuse, lorsqu'il dit que saint Odon, succes-
seur de l'abbé Bernon, premier fondateur,
obligea non-seulement les moines à observer
leur règle, mais qu'il y ajouta quantité de
rites et de cérémonies, qui, bien qu'inutiles,
malgré leur apparence de sainteté, ne lais-
saient pas d'être sévères et incommodes. 11
prouve lui-même que ces pratiques n'étaient
pas inutiles, puisqu'il dit que cette règle de
discipline combla de gloire saint Odon ,
qu'elle fut adoptée par tous les couvents de
l'Europe, que par ce moyen l'ordre de Cluni
parvint au degré d'éminence et d'autorité ,
d'jpulence et de dignité, dont il jouit pendant
ce siècle et le suivant.
Une autre preuve de leur utilité, que Mos-
heim fournit lui-même, c'est que dans le xii*
siècle les moines de Cluni se relâchèrent,
parce qu'ils négligèrent ce qui leur avait été
prescrit par saint Odon. Saint Bernard réta-
blit ces mêmes pratiques parmi les religieux
de son ordre, et co fut avec le même fruit.
Lors(iue les chinistes voulurent blâmer les
observances trop rigoureuses de Cîli'aux ,
saint Bernard en Ht l'apologie, et leur repro-
cha leur relâchement. Pierre le Vénérable,
pour lors abbé de Cluni, entreprit, de son
côté, de justifier ses religieux, et écrivit à
saint Bernard avec beaucoup de modération ;
mais il sentit si bien le tort des clunistes,
qu'il fil lui-même des règlements pour se
rapprocherde ceux de Citciux. (!• Icury, IJist.
tcclé8.,\. Lxvii, § 48- l r.xviii, § 81. j
Mosheim en impose encore lorsqu'il repré»
sente celte dispute comme une espèce de
guerre scandaleuse, qui eut des suites fu-
nestes, et qui causa des troubles dans plu-
sieurs parties de l'Kurope; ce fut une simple
guerre de plume, et rien de plus modéré que
les écrits de part et d'autre. (.Mosheim, Hist,
ecclés. du \' siècle, ii' part., c. 2, § 11 ; du
xir siècle, u' part., c. 2, § ii.)
COaCTIF, revêtu du pouvoir de contrain-
dre ou de se faire obéir par force. Les lois
du souverain ont par elles-mêmes la force
conctive, parce qu'il peut infliger des peines
afflictives à ceux qui les violent. Les lois de
l'Eglise n'ont par elles-mêmes que la force
directive, puisque l'Eglise ne peut infliger
que des peines spirituelles; ses lois n'ont
force coactive que quand elles ont été auto-
risées par le souverain, et sont devenues lois
de l'Etal. Elles n'en obligent pas moins les
fidèles, sous peine de péché , puisque, selon
la sentence prononcée par Jésus-Christ
même, celui qui n'écoute pas l'Eglise doit
être regardé comme un païen et un publi-
cain {Mattli. xviii, 17).
COACTION, violence faite à la volonté, et
qui lui ôte la liberté d'agir ou de résister ;
conséquemmenl lorsque la coaction a lieu,
il n'y a plus de mérite ni démérite, ni crime
ni vertu dans l'action de celui qui est ainsi
forcé. Entre la nécessité et la coaction, il y a
cette diiïérence que la première vient d'un
principe intérieur à celui qui agit, et que la
seconde vient d'un principe extérieur. Un
homme qui a jeûné pendant longtemps ,
éprouve, par nécessité, la faim ou le désir
de manger ; celui auquel on met par vio-
lence des aliments dans la bouche souffre
coaction de manger. L'une et l'autre privent
l'honime du pouvoir de choisir, par consé-
quent de la liherié ; quoiqu'un insensé ou un
frénétique ne soient pas poussés par un prin-
cipe extérieur, mais par la disposition inté-
rieure de leurs organes, à faire certaines ac-
tions, ils ne sont pas censés plus libres en
les faisant que s'ils avaient été conduits et
poussés malgré eux par un homme plus
fort qu'eux.
Lorsque Jansénius a enseigné que pour
mériter ou démériter, dans l'état de naUire
tombée, il n'est pas besoin d'être exempt de
nécessité, mais seulement de coacHon, c'est-
à-dire de ne pas éprouver de violence de la
part de quelqu'un, il a contredit également
la saine théologie et le bon sens, et il a fait
une injure sanglante à saint Augustin en lui
attribuant celte doctrine absurde. Voy. Li-
IIKUTÉ.
COCCf:iENS , sectateurs de Jean Cox ou
Coccèius, né à Brème en 160.3, professeur
de théologie à Leyde. et q>ii fit grand bruit
en Hollande. Entêté du figtirisnie le plus ou-
tré, il regardait toute l'histoire de l'Ancien
Testament comme le tableau de celle de Jé-
sus-i;hrist et de l'Eglise chrétienne; il pré-
tendait que toutes les prophéties regardaient
directement et lillcralement Jésus-Christ;
que tous les événements qui doivent arriver
dans l'Eglise jusqu'à la lin des siècles sont
0S7
COE
COE
938
figurés et désignés plus ou moins clairement
dans l'histoire sain(e et dans les prophètes.
On a dit de lui qu'il tronv.ilt Jésus-Christ
partout d;ins l'Ancien Testament, au lieu
que Grnlius ne l'y voyait nu le part.
Selon son opinion, avant la fin du monde
il doit y avoir sur la terre un rè;;ne île Jé-
sus-Christ qui détruira celui de l'Aniechrisl,
et sous lequel les Juifs et toutes les nations
se converlironl. Il rapportait toutes les Kcri-
lures à ces deu\ règnes prétendus , et en
faisait un laldean d'imagination. H eut plu-
sieurs sectateurs, et l'on prétend (jiril y en
a encore un bon nonibre en Hollande. Voët
et Ucsrnaresl écrivirent contre lui avec beau-
coup de chaleur ; mais nous ne vo ons pas en
quoi il péchait contre les piincipes de la ré-
forme. Dès que tout particulier est en droit
de croire et de professer tout re qu'il voit ou
croit voir dans l'Erriture, le plus grand vi-
sionnaire n'a pas plus de tort que le théolo-
gien le plus sage ; personne n'a le droit de
censurer sa doctrine. V^oy. Commentaibe.
COÉGALITÉ, égalité parfaite entre des
personnes de même naiure. L'Eglise a décidé
contre les ariens que, dans la samle Trinité,
le Fils et le Saint-Esprit sont deux person-
nes coégiites au l'ère. S'il y avait entre
elles de l'inégalité, on ne pourrait plus at-
tribuer la divinité à celle qui serait inférieure
à l'autre.
COELICOLES, adorateurs du ciel ou des
astres, hérétiques qui, vers l'an i08, lurent
condaninés par des rescrits particuliers de
l'empereur Honurius , et mis au nombre
des païens. Comme dans le code théodosien ils
sont placés sous le même liireque les Juifs,
on croit que par calicoles on a voulu dési-
gner des apostats qui avaient renoncé au
christianisme pour retourner au judaïsme,
uiais qui ne voulaient pas être regardés
comme Juifs, parce que ce nom leur parais-
sait odieuK. Ils n'étaient pas soumis au pon-
tife des Juifs ni au sanhédrin ; mais ils
avaient des supérieurs qu'ils nommaient ma-
jeurs ou anciens ; et l'on ne sait pas préci-
sément quelles é. aient leurs erreurs.
Il est constant que les païens (mt aussi
nommé les Juifs cœlicoles ; Juvénal a dit
d'eus :
Nil prœter nubes et cœti nomen adorant.
Celsc, dans Origèue, liv. i, n° 2l>, leur re-
proche d'adorer les anges : il le répôle , I. v,
n° 6. L'auleur de la prédication di^ saint
Pierre, cité par Origène, tom. XIII, !n7oa».,
n° 17, et par saint Clément d'Alex.mdrie ,
Slrom. , liv. VI, ch. 5, forme, contre les
Juifs, la même accusation , et par les ang s,
ces auteurs ont entendu les génies ou intel-
ligences dont on croyait les astres animés.
On a prouvé ce fait par un passage de Mai-
monides. Toi/, la Noie de Spencer sur Orig.,
contre Celse, liv. i, n° 26. — Il «si vrai que
plus d'une fuis les Juils oui rendu au\ astres
ou à Vannée des ciiux un culte >Ui erslilic^ux ;
les (irophéies le leur ont reproché {IV licg.
xvii, IG; XXI, 3, 5, elc.j. C était l'i.iolâirie la
plus couimune parmi les Orieulaux. — Saint
DiGT. DE ThÉOL. DOGIIATIQUB. I.
Jérôme, consulté par Algasie sur le passage
de saint Pau! aux Colossiens , ch. ii , y. 18
gun personne ne vous déduise en nffectant de
paraître humble pur un culte s >pei stitieux
des anijes, répond que l'Apotre veut parler de
rancienne erreur des Juil'^. que les prophè-
tes avaient coud imnce. Ce Pèrea dimepousé
r|ue par les anges saint Piul enten laii l>s es-
prits moleur> du (ici et de< astres, aiiX(iiiels
les Juifs, comme les païens, avaient rendu
leur Liille (^/^is/. 15l,n. 10. Cod. Tlteod.,
lib. x-i , lit. G, de Judœis et ccclicolii)
COÉl'EHNirÉ, terme usité parmi les
Ihéoliigic'u^ pour exprimer (lue les lroi< per-
sonnes divines sont également éternelles.
Les sociniens, non plus que les aiiens, ne
veulent pas reconnaître que le Fi!s de DieK
soit coéternel au Père ; mais l'Eglise l'a
décidé eu disant qu'il lui est cunsu'istnn-
tiel ; el c'est ainsi qu'elle enlend les paroles
de saint Jein : Au commencement le Verbe
était en Dieu et il était Dieu.
Pour en détourner le sens, les sociniens
supposent que l'âme de Jésus-Christ a été
créée av ml tous les autres êtres, elque Dieu
lui a donné le pouvoir de les lirer du néant.
Dans celle hypoihèse , comment Dieu a-t-il
pu dire : C'est moi seul qui ai étendu les deux
et a/fermi la terre, persciup n'était avec moi 1
{Isai. xLiv,2'i-; Joh, IX, 8). Selon les sociniens,
l'âme de Jésus-Christ, qui est une person-
ne, était avec Dieu.
COÉVÊQUE, évéqne employé par un
autre à satislaire ponr lui aux fonctions
épiscopales : on le nomme aussi suflriiganl
Il y a de ces évoques en France et en Alle-
magne, surtout chez les éleeleurs ecclésias-
tiques. Ils sont dlITérents des coadjuteurs,
en ce que ceux-ci sont désignés pour suc-
céder à l'évoque titulaire. Il ne faut pas les
confondre non plus avec les cliorévéques;
la plupart de ces derniers n'avaient pas reçu
l'ordination épiscopale, ils étaient simples
prêtres. Voy. Cbokévèques.
COEUU, se prend, dans l'Ecriture sainte,
1° pour l'intérieur ou le lieu le plus profond ;
ainsi il est dit (Ps. xlvi, o) que les monta-
gnes seront transportées d^ms le coeur de la
mer ; cl dans saint Mallhieu, chap. xii, v.
40, que le Fils de rhoimne demeurera trois
jours et irois nuils dans le cœur de la terre.
— 2' Pour les pensées intérieures, les désirs
et les alTrciions de l'hoinme. Dans ce sens,
Dieu sonde les cœurs et les reins {Ps. vu, 10) ;
coiinait les pensées et les alTeclions les plus
secrète-. Où est votre trésor, !à est votre cœur
{Matih. VI, 1) : là sont loutes vos alTeclions.
C'est dans le même sens que l'Ecritu.'e attri-
bue à Dieu un cœur el des entrailles. Gen.
VI, G, il est dit que Dieu fut allligé dans sou
cœur, pour exprimer une grande indigna-
tion. Jérém., c. x;X, v. 5 : Cela n'est point
entré dans mon cœur, c'est-à-lire je ne l'ai
point voulu ni ordonné II est dit de David,
(/ lii-g. XIII, 1+j : Le Seigneur .s'e<< choisi un
homme selon son cœur; plusieurs critiques
ont deman é comment un roi coupabl;' d'a-
dullèie l't d'homicile pouvait ôlre selon le
cœur de Dieu ; mais alors David n'avait eu-
30
939
cœ
cœ
9i0
core commis aucun crime; les parolos citées
signifient scoletnent : le Seisinour s'est choisi
nn liomme tel qu'il lui pl.iît, et pour lequel
il a (le l'alTeclion.— 3' Le cosur dési-jine quel-
quefois les rédesions ou la sagesse : dans
les Proverbes, c. xxviii, v. 28, nn homme
sans c«i«r est un insensé ; se Qt à son cœur,
c'est se fler à sa propre sagesse. — ï" Il si-
gnifie aussi, comme en français, le courage
et la valeur i Deut. xxvi , 8, etc.). — 5° Dans
le sens le plus ordinaire, il exprime la vo-
lonté, los désirs, les résolutions ; ainsi Dieu
change nos cœurs par sa grâce, lorsqu'il
nous fait vouloir ce que nous ne voulions
p<is, quelquefois même le contraire de ce
que nous avions résolu.
* CCEUli (DÉvoTKiN AD SACRÉ). < Ccltc dévotlon
synil)»lii(iie, iliseiii les aiiUMirs des noies île réilliinii
d<; l.eliirl, i|iii s'esl d'aiilaril plus |>rnp:fgé(', depuis un
certain nombre iraiinées p;irini les kma-i pieuse-, que
l'-tiiioiir du Fils de Dieu s^eff:iç»it d.ivanlagR pariui les
hiimiues, ne consiste p^s ù aimer seulemeui el à iio-
nnrer d'un culte siiit;uiier ce cœur de cliaii', sembla-:
ble au noire, qui foriue une partie tlu corps ador.ible
du Sauveur. Sou objet ei s n uiotil priniipal est l'a-
uioiir imiiiLi. >j du Fils de Dieu, amour qui l':i porté à
se livrer pour nous à la luorl, à se donner loul i\ nous
d.iiis l'augiisie sacremeiu de l'aniel, sans que toutes
les ingraliiudes, lous les niéc<iniples, loiile- les inju-
res, lotis les outrasies qu'il devait recevoir «n cet dat
de vieliuie iiuuiolt*e jusqu'à la fin des siècles, et i|ui
lui élaieul p;trfalleMieni coimus, aient pu l'aiiipéilier
de s'exposer encore cliaque jour aux insultes et aux
upprobies des iioinnies, pour nous icinoi^ner plus
ellicaceinenl l'excès de sa lendresse. La lin qu'on se
propose est : 1° de reconnaiire et d'honorer autant
qu'il est en nous, par nos (réi|tienles adorations, par
nos reuiercîmeiits et par toutes sortes d'lioniina;(es,
les admirables disfiosiiions de ce Cieiir sacré, les
sentiiueiiis d'aiumir que Jésus-Clirist a actuellement
piiur nou^ dans rKiicliarisiie ; 'i" de réparer, par
toutes les voies pussililes, les iuiligiiiiés et lesoulia-
ges auxquels cet amour l'enipo-e lou-, les jours dans
le sailli sacrement. El parce que nous avons besoin,
dans l'exercice des dcvulions, inêine les plus spiri-
tuelles, d'objets naturels et sen-ililes (|iii, nous frap-
pant davaiiiage, nous en renoiivelieiit lu souvenir et
nous en facilitent la |>ratique, nn a clioisi le sacré
Coeur de Jésus coiinnc l'objet sensible le plus digne
de nos respi cts et de nus ad rations. C'est là, dit
saint Tlioiiias, la source cl le siOi;e de cet amour
immense dont b' Sauveur a loujoiirs brûlé puur tous
les hommes, amour (lue nous preiendops être l'objet
particulier de cette dévotion. .Mnsi la tendresse sans
bornes que Jésus a pour nous et lionl il nous donne
des preuves si vi>jbles dans l'Eucharistie, e.-t le prin-
cipal moUf de la dévotion ; la iép>raiion du mépris
qu'un lait de celte tendresse est la lin principale
qu'cm s'y pr pose ; le sacré (^UJur du Jésus, liait
embrasé d'aitiour, en est l'idijet spusible ; un dévuue-
uienl aussi aHeçtueux (piardenl pour la personne dt}
Sauveur eu iloit être le Irml.
« Une louli! lie saillis avaient autorise la dévotion
au sai rc (-œur de Jésus et inuiiiré cumbien clli; est
utile an saint des lioiiin.es, avant qu'une vénérable
lillc de, la Visiiaiion, éiliirée des plus vi>es lumiè-
res de l'cspiit du Dieu, (i^l clioisie pour la piopagcr.
% Celle de\otiuii, m-pirt'e à la véiieiaUle Margiie-
rile-M.trle Alacoque ; établie par le I', de la Ccuoui-
biére, serviteur de Di. ii, cucure plus illuslie p.ir sa
gliuipu>e qualité de « onlcsscur de Josuj-t^brisl en
Aiigielerre, quepar sesexcellems ouvr.igeset par son
titre de prédicaleurdc la diiebosse d'York, (pu di'vinl
reine de la (Jrande-IJietaijne ; sanctionnée par l'es-
time de loutes les personnes chez ([ui la vertu éga-
lait le mérite ; conlirmée d'une manière si étlalante
par les prodiges qui eu manifestaient l'effic; cité, et
au nombre desipuds ou dnil placer la cessation subi-
te de la pesie de Marseille ; celle dévotion, disons-
noijs, se propagea avec un succès merveilleux diins
toute la France, s'éieudi jus(pi'en l'oiogne, fnn>chit
les mers, (leurit à .Malle et à Québec, s'avança dans
les Indes et même en Chine, autorisée qn'eile était
par plusieurs brefs, entre autres par nu bief de Be-
mdi XIV du 28 mai 17.57. Le 28 janvier 17G5, un
décret de la coniirégalion des Uiies avant approuvé
le tulle du Cœur de Jésus, Clément XIII sanctionna
ce décret le G lévrier suivant. C'est peu après que les
évè.pies de l'assemblée du clergé de France arrèlè-
renl, dans une délibération à ce sujet, tic faire célé-
brei Celle fête dans leurs diocèses, et d'engager leurs
collègues à suivre cet exemple : ce tpii fiù exéctilé.
« Plusieurs prélats donnèreui même des inaiidé-
menis pour indiquer à leurs fi.lèles ce qu'ils devaient
penser sur celle dévotion, et pour répondre aux'^db-
jei lions de ceux qui la crili'juaienl ; car elle n'avait
pas l'approbaliou de tout le monde. Les uns, aux
yeux de ipii toute pratique religieuse est super-titioo,
se luoquaienl de celle-là comme du reste. Les au-
tres, qui s'unissaient encore sur ce point aux philo-
sophes, pariaient de la dévotion au Sacré-Cœur cotn-
me d'une espèce d'nhdàirie, et la tournaient en ridi-
cule en tiiule occasion. Ils écrivirent même contre ;
et il esl reinarqiiabie qu'ils se servirent souvent des
objections avec lestpielles les protestants cotnbaltenl
l'fc.ucbartslie. Mais les vrais lldèles savent assez que
le tulle du sacré l'>œiir n'est (pi'une manière d'exci-
ter eu nous rauioiir du Fils de Dieu, et l'approbation
de riîglise sufhl J» ceux qui ne eliercheraienl qu'à
s'éclairer. Cela n'a pas emjiêclié quelques esprits ar-
dents d'en fatie une hérésie sous le nom de Cordi-
coles. >
Pour répondre à ces adversaires de la plus belle
et de la plus douce des dévotions, nous aurions pu
nous ciiiiienter d'en appe er au lémoignage de l'Esli-
se univer.-eile : mais nous voulons encore la jiistilier
par des faits adoptés depuis des siècles sans aucune
conliadieliiin. Jésus-Clirist n'est point divisé dans l'Eu-
cliarislic ; nous adorons en lui nue personne en deux
natures. En vertu de son union byposiatique, son
humanité participe aux hoon 'iirs dus à sa divinité.
L'Eglise adure dans ri.nclianstie non-seulement sa
nature divine, mais son corps et son sang. Une fèlo
particulière est consaciée à ses plaies adorables,
r^uus aduions les épines dont son front lut couronné,
les cU)us qut peitèreut ses inains et ses pieds, la
croix où il exi>ira. iNoiis adorons le nom inéiiie de
Jésus, devant lequel tout genou doit llécliir dans le
ciel, sur la lerre et dans les enfers. Pourquoi re-
Aiserioiis-nons iius hoinmages à ce Cœur sacré, la
plus noble et la plus touciiante purlion de son hu-
manité; l:'. Siège de son amour pour les Ininimes Y
Itieu (Unie de plus raisonnable qiiç Iq (lévo|iou au
sacié Cœur.
* ('UIOUR ( Institut du Sache-). Il sa forma dans
le Liban, en 1747, un insiitut de religieuses sou^ le
nom auguste du Sacré-Cœur. Sueur Marie-Agi'iiie
Eiidie en bit la fi>iida|iice. Uieiiiûi rinsiitul voulut
marcher par une voie ex:raordinaire. Agéiiie avait,
assurait elle, des coinmunicalions intimes avec le
cœur du Sauveur ; elle y puisait des Innuèies spécia-
les. Elle devint proplielessc, annonça les plus grandes
c-ilauiilés. Une sœur Catlierine partagea ses illusions,
amioiiça l'avenir comme elle. Les fennnes à vision
tachent lunjotnsde snrpiendre les autorités e*j(lésias-
tiqnt;s, aliii de lepaiidre plus facilement leins pré-
teiidnes ie\élaLi lis. L'éveque Germiiii Dii|l>) a 1q
palriaiche 1 leire Slépliani se laissèrent surprendre.
Tout I.' Liban fut bieiilùl dans la coiil'nsiun la plus
coinpicie. Il lallul reoiuiirau siégi; npustolnpic, ijui,
api es avoir etaiiiiné la cause, ordimna de biùlcr les
écrits des deux religieuses et condamna leurs vi-
sinus comme des illusions du démon. Le pniriarcini
refusa lie se soMiiietire ; il fut h.twé il'intt'nlit pat
le souverain pontife. Pie VII le rétablit dans l'cxer-
oice de ses fondions lorsqu'il se fut soumis aux dcci-
siiit s ilcî la chaire de Pierre.
* (lOECH (CoNGnÉGATiD.N DU Sacré-) C'est un ins-
titut rcct'iil de rclisiiMises i||ii se coiisacre.il à l'édu-
c:it;iin despersOiin s du sexe. I.a sa;;e>.se de l'édiua-
ti'iu que ces reliijieuses doimcni a l'ail ini4lllidier
leurs cMblissemrnls en France, eu Italie et eu .\iné-
riijui'. Elles pioiluiseut [lartout le |dus grand bien.
COLAIUîASIKNS, sefialetirs deColarbase,
hérétique du ii' siècle de l'Kylise, et qui était
disciple de Valeiitiiiien. Aux dogmes et aux
rêveries de son maître, il avait ajoulé que
la génération et la vie des lioMimes dépen-
daienl des sept |ilai)ètes ; que toute la pcrtVc-
tion cl la pléiiiiude de la vériié étaient dans
l'alphabet grec, puisque Jésus-Christ était
noiniré oZ/j/kj et oiuéya. l'hilastrc etBaroiiius
ont confondu Colarbase avec un autre héré-
tique nommé BaNSU.s ; mais saint Augustin,
Théodore! et d'.iulres les distinguent. Saint
Iréuéc et ïci tullien ont aussi parlé de Co-
larb.ise et de ses disciples, comme d'une
branche des valentinicns. Voy. ÎMaucosiiîns.
COLfîHE, passion que Jésus-Christ s'est
parliculièreinent appliqué à réprimer : tou-
tes ses maxitnes respirent la douceur, la
charité, !a patience. Jleureiioc, dit- il, les pa-
cifiijues, ils seront (ippelrs le^cnfunls de Dieu.
Eeureux /es liommes doux et débonnaires, ils
$trunt les maîtres sur la (erre. Soyez miséri-
cordieux comme votre Pîre céleste. Apprenez
de moi que je suis doux et humble de cœur, et
vous trouverez le repos detos âmes, etc.
La plupart des anciens philosophes ont
autorisé la colère et la venge. inci' , ont re-
gardé la liouceur comme unr faiblesse. (Jui l-
qucs-uns , plus sensée, ont compris que la
colère est toujours injuste, i)ue riiou;mc ir-
rité veut le mal d'aiitrui et non son propre
bien ; que la verlu, <|ui est la force de l'àme,
consiste principalcheal à nous vaincre
nous-tnêmes, et à réprimer les nio'.ivements
impélueux qui troublent notre âme. Plu-
sieurs stoïciens ont dcbité sur ce sujet <le
très-belles iiiasimes. Il est ccriaiu que de
tontes les passions , la colère est la plus ca-
pable de déranger l'éc nomie animale ; sou-
vent on a vu des personnes d'un carat 1ère
violent ex[>ircr par un transport de colère.
— La raison devrait donc sullire pour nous
eii préserver; mais comme le remarque Irès-
bien un philosophe moilerne, pour vaincre
une passion, pour le vouloir même, il faut
qne l'âme raisonne, qu'elle examine, qu'eile
pèse les raisons d'agir et de se retenir : or,
le arguments de la raison se succèdent avec
lenteur, les impulsions du sentiment, au c^mi-
traire sont rapides, et elles ont déjà emporté
l'homme avant qu'il ait délibéré surca qu'il
aurait dû faire. Dans les passions tumul-
luenses, la raison se lait ; elle laisse riio.nme
sqns défense au milieu du d.mger, et ne lui
fournit des armes que lors(iu'il n'en a plus
besoin; elle ne revient à nous que pour U'Us
accabler de honle et de remords après notre
défaite. La religion seule peut don<; nous
suiilonir pendant le combat, ou nous consu-
COl
012
1er de nolro faiblesse par l'espérance du par-
don. Voy. Passion.
CoLÈuE Dtî PiEu. K La colère de. Dieu , di|
saint Augustin, n'es! rien autre chose que la
justice par laquelle il punit le crime : ce
n'esl poini en Dieu une passion ou n i (rou-
ble de l âme eomuie la colère de l'botume,
mais une petfedion que l'Iierilure expriue
en disant : Pour vous. Seigneur tout-i}uis-
sanUvousjuyezjvecunelrani/uillilé parf,iite,i>
lili. xiii(/e t'iinii., c. Iij. « Toute punition,
dit-il encore, est nommée colère de Dieu:
mais ordinairement Dieu punit pour cor-
riger, quelquefois pour damner. Selon l'E-
criture, il châtie tout enfant qu'il aime; mais
il punira pour damner lorsqu'il aura mis les
impies à sa Kiiuche, et qu'il leur dira : Allez,
mmidils, au feu étcrwl. » {Serm. 2 in Ps.
Lviii, n° fi . « Tout ce (|ue nous souffrons en
ce monde est un châlinsent de Dieu qui veut
nous corriger, p"ur ne pas nous damner à
la fin. « {Sern\. 22, c. 3, n" 3; Senn. 471, de
Vcrbis Apo'ildli, n" 5; Enar. in Ps. cii, n. 17
et 20, elc.) Ce que nous appelons colère d«
Dieu dans cette vie est donc sou\ent un ef-
fet de miséricorde. Laclance , (lui a fait un
traité de la Colère de Diiu, se home à prou-
ver, contre lipicure, que Dieu récotnpense
la vertu et punit |e crime. Ko^. Justice de
DiED.
COLÉTANS, franciscains, ainsi appelés de
la li. t^oletie Boilet, de Corhie, dont ils em-
brassèrent la réforme au comnaeucement du
XV « siècle. Ils conservèrent ce nom jusqu'à
la réunion qui se fit de toutes les reformes
de l'ordre île Saint-François, en vertu dune
bulle de Léon X,en lal7. Par la même rai-
son, les religieuses colétines reprirent le
nom général A'observantines ou de Cla-
ris es.
COLLATINES. Voy. Qblates.
COLLECTE, dans la messe de l'Eglise ro-
maine, et dans la liturgie anglicane, signifie
une prière ou oraison convenable à l'oflice
du jour, et que le prêtre récite avant l'Epî-
Ire. En général, toutes les oraisons de cha-
que office peuvent être appelées collectes,
parce que le prêtre j parle tonj lurs au nom
de toule l'assemblée, dont il résume les sen-
timents elles désirs pir le mot oremus ,
prions ; c'est la remar(|ue du pape Inno-
cent 111, cl parce que, dans plusieurs auteurs
anciens, l'.issemblée même des fidèles est ap-
pelée collectes.
Quelqoes-uns altribuenl l'origine de ces
oraisons aux papes liélase et saint Grégoire
letirand; mais il est très-probable (|ue ces
deux papes, dans leurs Sncrnmentiiires^ n'ont
fait que rassembler cl mettre en ordre les
prières qui étaient déjà en usage avant eux,
et en ont ajouté pour les nouveaux offices.
Cla -de Despense, doileur de la Faculté de
Paris, a fait un traité particulier tiei col-
lectes, où il parle de leur origine, de leur
anli,;uilé, de leurs auteurs, etc. — Le P. Le-
brun (îîxplic. des cérém., tom. I, p. 192), a
fait voir que ces collectes ou prières com-
munes, qui se font par le prêtre au nom de
toute Rassemblée, sont de la plus haute anli-
HZ
COL
COL
d44
quilé, et dotent da temps des apôtres. L'es-
prit du christianisme veut que les désirs, les
prières, le-, lionnes œuvres soient communes
entre les G.lèle-^. et c'est en cela que con-
siste la communion des s linis. Ces prières
n'ont pas éie mi>es d'abord par écrit, les
prêtresse les iransDirllaient par traililion ;
mais elles ont t')njoiirs exprimé la foi, les
espérances, les sentiments communs des fi-
dèles : c'e^t la voix de l'l'"glise entière qui
s'exprime par la bouche de ses ministres.
On pt'iit donc y puiser avec une entière cer-
tiiude sa cruyance et sa docirine.
CoLLicrE signifie au-si les quêtes que l'on
faisait dans la primiiive E;;lise, pour sou-
lager les pauvres d'une anire ville ou d'une
autre province; il en ( st fait mention dans
les Ai'les ei dans les Epîiri's des apôtres.
COI.LÉfiE. On a quelquefois donné ce
nom à ra>semblé" des apôtres, et l'on a dit
le collège apnulollfiue; par analogie , i>n a
noiiimé nacré culléi/e le cor()s des cardinaux
de l'Eglise romaine , formé de soixante-
douze membris, par allus on aux soixante-
douze ilisnples du Sativenr.
COLLEGE DES CAIIDINAUX (1). Le col-
lège des Carilinaux, qu'on appelle aussi le
sacré-(olléije , est le corps des cardinaux,
divisés en Imis ordres dilTéreuts , six evê-
qiies, cin(|uante piètres et quatorze d'acres.
Chacun de ces ordres a son doyen ou chef,
le cardinal-évèque d'Ostie est le doyen de
l'ordre des évêques et de loul le sarre'-cotlf'ge.
— Suivant la disciidine actuelle de I Eglise,
le colléf/e des cardinaux esl , dans l'ordre
hiérarchique, la seconde dignilé ecclésias-
tique; car un cardinal a le pas et 1 i pré-
séance sur tous les primats, archevêques et
évêques. (Extrait du Diclivnn. de Juris-
prudence.)
COLLÉCjIALE, église desservie par des
chanoines séculiers ou réguliers. Dans les
■villes où il n'y avait point d'évêque, le désir
de voT célébrer l'office divin avec la même
pompe que dans les cathédrales, fil établir
des é;ilises colUgiules , des chapitres de cha-
noines qui vécurent en coiiiniuu et sous une
règle comme ceux des églises cathédrales.
Un monument de celte ancienne disi ipline
sonl les cldilrcx qui accompagnent ordinai-
rement ces églises. Lorsque le relàclieuienl
de la vie eanoniale se fut introduit dans
quelques cathédrales, les évè(iues clioisirent
ceux d'entre les chanoines qui él.iieiit les
plus réguliers , en formèrent des délache-
iiicitts , établirent ainsi t\ei collégiales dans
leur vilh' épisc 'pale. Insensiblement la vie
comni'ine a ce>sc dans les églises cidéginles
aussi bien (|iie dans les cu'beilrales ; c'e^t
ce qui a fait naitre les cougregalions des
chanoines réguliers qui oui continué à vivre
en commun.
tvOi^l.Ètlll'lNS, nom d'une secte formée des
arminiens et des anabaptistes eu Hollande.
Ils s'assemblent en |iariiculier tous les pre-
miers dimanches de chaque mois, et chacun
(1) Cet article est reproduit d'après l'cJitiun de
Lxé^e..
a dans ces as"îemblées la liberté de parler,
d'expliquer l'Ecriture sainte, de prier et de
chanter.
Touscc« eo?//'(7i'enssonl sociniens ou ariens;
ils ne coin nunienl point dans leur collège,
mais ils s'assemblent deux fus l'an , de
toute la Hollande, à Hiusbourg, village situé
à deux lieues de Leyde , où ils fout la com-
munion. Ils n'ont point de ministre particu-
lier pour la donner; mais celui qui se met
le premier à la table la donne , et l'on j re-
çoit iniliiïéreinmenl tout le monde , sans
examiner de (juelle religion il est. Ils don-
nent le bapiême en plongeant tout le corps
dans l'eau. — A proprement parler, ces col-
légiens sont les seuls qui suivent dans la
pratique les principes de la réforme, selon
lesquels chaque [larticulier est seul arbitre
de sa croyance, du culte (|u'il veut rendre à
Dieu, et de la discipline qu'il veut suivre.
A la vérité leur commiiniun ne met entre eux
qu'une union très-légère et purement exté-
rieure.Ce n'est plus là riinaniinité de croyan-
ce et de sentiment que saint Paul recomman-
dait aux fidèles [PliiUpp. I, 27; n,2,etc.).
Les Juifs et les pa'iens, sans blesser leur
conscience, pourraient fraterniser avec eux,
COLLUrHil'NS, hérétiques du iv siècle,
sectateurs de Colluthus. prcire d'Alexandrie.
Ce prêtre, scandalisé de la condescendance
que saint Alexandre, patriarche de celte
viile , eut dans les commencements pour
Arius , dans l'espérance de le ramener par
la douceur, fit schisme, tint des assemblées
sép irées, osa même ordonner des prêtres,
sous prétexte que ce pouvoir lui était né-
cessaire pour s'opposer avec succès aux
progrès de l'a ianisme. Bientôt il ajouta
l'erreur au schisme : il enseigna que Dieu
n'a point créé les méchants , et n'est pas
l'auteur des maux qui nous affligent. Osius
le fil condamner dans un concile qu'il con-
voiiua à Alexandrie en 319.
COLLVlllDIE.Ns, anciins iiérétiques , qui
rcn iaieiii à la sainte Vierge un culte outré
et su|ierstilieux. Saint Epiphane , qui en
fait mention, dit que les femmes d'.Vra-
hie , entêtées du collyridiani.sme, s'assem-
blaient un jour de l'année pour rendre à
la \ ierge un culte insensé, qui consistait
principalement dans l'offrande d'un gâteau ,
qu'elles mangeaient ensuite à son honneur.
Leur nom \ient du mot grec collyie, polit
paiii ou gâie;iu. — Suivant le récit de ce
l'ère, Hieres. Id , ces femmes adoraient la
sainte Vierge comme une divinité, et lui
rendaient le même culte qu'à Dieu, puisi|u'il
conclut ses ri llexions par dire , iju'il faut
adorer \c l'ère, le l'ils et le Saint Esprit,
mais qu'il ne faut pas adorer Marie, qu'il
faut seulement l'honorer.
Hasnage ( Histoire de l'Eglise, 1. xx, c. 2,
§ 4 cl siiii.) a (lisseité beaucoup sur celte
iiérésie; de la manière dont saint lîpiiihane
l'a réfutée, il conclut que, suivant le senti-
ment de ce l'ère, on ne doit rendre a Marie
aucun culte religieux ; il argume.ile, a son
ordinaire, sur l'équivoque du terme ador<r
et O(io/aaon. Nous avons remarqué, et il
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COL
COL
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en convient lui-même, que, dans l'origine,
adorer a simpleinenl signifié saluer, IViire la
révérence on se pruslerner, lé:ii()ii,'iier du
res[)ecl par un si!»ne extérieur; conséqnem-
meiit les auleurs sacrés l'ont employé à
l'ég-aril de Dirn, des angi's et des personnes
vivantes. A l'éuard de l)ieu , il si^inific le
culte suprême et incoinniuniiiible ; à l'égard
des anpes, un culte reli;:ienx , inl'érieiir cl
suliordonné; à l'égard îles humilies, un culte
purement civil. Il en est di- même du mol
culte, qui, dans le sens primitif, ne signifie
rien autre chose que respect, hunneur. révé-
rence, véneralion. Le ctide est ou religieux ,
ou purement civil , selon l'objet auquel il
s'adresse, < t selon le motif par lequel il est
rendu. Vot/. Ci lte.
Lorsque les Pèies de l'église et les écri-
vains ecclésiastiques ont entendu par cirlo-
ration le culte suprême, ils ont dit, comme
saint npiphane, qu'il laiil adonr Dieu seul,
et qu'il faut seulement liononr les saints ;
nous le disons de même et dans le même
sens. Mais nous souti nnns que ['honneur
que nous rendons ;iux anges, aux saints,
aux images, aux reliques , est un culte,
puisque /lonneur et cu//e sont synonymes;
nous ajoutons que c'est un culle religieux,
parce que nous le leur rendons par un motif
de religion, par le motif du respect que
nous avons pour Dieu lui-même. Nous res-
jiectons et nous honorons dans les saints
l'amour que Dieu a en pour eux, les grâces
dont il les a comldés , le bonheur éternel
auquel il les a élevés, le pouvoir d'inlerces-
sion qu'il a daigne leur accorder; c'est par
ce iiioiif que nous honorons leurs images et
leurs reliques. Oiiaiid on dit que nous les
adorons , si par là l'on entend que nous nous
inclinons, que nous nous mettons à genoux,
que niuis nous prosternons pour l; moigner
notre respect , nous ne disputerons pas sur
le terme , puisque nous faisons la même
chose à l'égard des personnes viv^mles, mais
par un niolif diflcrent. Si l'on en conclut,
comme B.isnage et les autres prolestanls ,
que nous leur téinoignoiis le même respect
qu'à Dieu, et que nous leur rendons le culte
suprême qui n'est dû qu'à lui seul, nous
répondrons que celle imputalion est un trait
de mauvaise loi et de m.ilignité
Parce que des femmes et des ignorants
slupides ont souvent pi ché par excès dans
cette dévotion, parce que des écrivains mal
instruits, et qui ne pesaient pas la valeur
des termes , se sont mal expli(|ués sur ce
sujet, il ne s'ensuit rien contre la croyance
et contre la doctrine de li'glise caiholi-^ue ,
ni contre les pratiques qu'elle ap()rouve ;
elld n'est pas obligée d'enirelcnir des pro-
fesseurs de grammaire pour démêler les
équivoques, les sophiuiies et les calomnies
toujours renaissantes des protestants. Cent
fois on les a réfutes , et cent fois ils les le-
conimeacent , parce que c'est un prétexte
pour eu imposer aux simples et nourrir leur
outélemenl. Voy. Culte, Marie, Saints,
Images , etc.
Si les femmes de l'Arabie n'avaient offert
des g.lteanx à la sainte Vierge que pour la
supplier de remercier Dieu de la nourr.luro
qu'il d.ii;;ne accorder aux hommes, celte
praiique aurait été Irès-innoeente; par là
ces Icmmes n'auraient reconnu dans Marie
qu'un pouvoir d'intereessiou Si elles les lui
ollraieiit dans la persuasion que c'était la
mère de Dieu elle-même qui leur accordait
Celte noiiriitiire [lar sou propre pouvoir, et
dans l'iuieiition de lui en demander la eonti-
uiiatiou, c'était alors un eultc superstitieux ,
et qui tenait de lidolâirie; il venait du
même molif p.ir lequel les païens faisaient
des oITrandes à leurs dieux. Voy. Idola-
TlilK.
COLOMH (saint). Il y a eu autrefois daus
les îles Britanniques une congrég.ilioii de
chaniiincs réguliers de ce nom, qui était fort
étendue, et <iui était composée de rent mo-
nastères, lille avait été élablie par saint Co-
lomb, Cohn, ou Colinkil e, Irlandais de na-
li m, qui vivait dans le vi" siècle , et qu'on
app' Ile aussi saint Coloinlian ; mais il ne
laui pas le confondre avec un autre saiut
Cdiomban, son compatriote et son contem-
porain, fond iteur et premier abbé du mo-
nastère de Luxeuil en Franche-Comté. On
voit encore une règle en vers, qu'on croit
avoir été dictée par saint Colomb à ses cha-
noines ou moines ;elleest eu ancienne langue
irlandaise, et elle a été tirée des règles des
anciens moines de l'Orient. Voyez Vie des
Pères et des Martyrs, t. V, p. 208.
COLOIUTIÎS, coiigrég ition d'Angustins ,
ainsi appelée de Cotonlo , petite monlagiie
voisine du village de Morano, dans le dio-
cèse de Cassano, et dans laCalabrc eitérieure.
Ce fut dans une cabane proche d'une église
dédiée à la sainie Vierge sur cette monta-
gne, que se retira, en 1530. Bernard de Ilo-
gliano, et qu'il cominenea l'iuslitutiou de la
cungrégalion des Colorites.
COLOSSIENS. La lettre de saint Paul aux
Colossiens leur fut écriie de Home l'an 62,
lorsque l'ApTiire y él.iit rtans les chaînes.
Pour préserver ces nouveaux fidèles de
toute tcnlalion de letonrner au judaïsme
ou au p.iganisme, saint Paul leur donne la
plus haute iilee de Jesus-Clirist, du bienfait
de la rédemption, de la grâce que Dieu leur
a f..ile en les ; ppelani à la loi. ei les leçons
de coiiduile les |dus sages. — On rem irque
beiiicnupde ressemblance entre cette l'ijiître
et celle que s linl Paul écrivit en même temps
aux Ephcsiens ; l'Apôire, dans plusieurs [las-
sages de l'une et de l'autre, emploie les
nièines expressions.
Les protestants ont beaucoup insisté sur
le verset 18 du chapitre ii. où saint Paul dit:
Que personne ne vous séduise par une a/fec-
ta'ion d'humilité , et parle culte des a ges ,
nitticlianl dant uiie voie qu'il ne cannait pas,
et enflé d'un orgueil vain et charml. Us en
ont 0 indu que saint Paul réprouve toute
espèce de culte rendu aux anges. De même,
v. 20 et 2i , il blâme les abslinenci-s que
certains docteurs voulaient prescrire aux
Colossiens; mais si on veut lire attentiie-
inent tout ce qui précède et ce qui suit , ou
917 COL
verra que l'unique dessein de sainl Paul est
dé détourner les Colossiens des i)ratiques du
judaïsme, .-lUxquolles de faux apôtres avaient
voulu lesassujc'llir. Or, ;ia mot Coelicolks,
nous ;ivons vU que les Juifs ont été accusés
d'adi)t-er les angis, c'esl-à-dire, les inlelli-
geiices ou p:éliies dont on croyait les astres
animés ; culte noii-seiilement suppr?li!iem ,
tuais idolâirique, formellement défendu par
la loi de iMoïse, et encore plus contraire à la
doctrine de Jésus-Clirist; c'est pour cela que
l'Apôire ajoute que ces gens-là ne demcu-
taient point att;icliés à ce divin Sauveur ,
qui est le chef de l'Eglise et la source de
toutes les grâces. Mais ne peut-on pas ho-
norer et invoquer les anges dont il est fait
mention dans l'Eciiturc sainte, parce qu'ils
soni les niitiistrés et les amb issadenrs dimt
Dieu s'est siei vi pour aniionctr a!ix hommes
les mystcres de Jésus-Christ? Ce divin Sau-
veur lui-même, après son ascension dans le
ciel , a envoyé bes espriis hienhuiireux pour
délivreÉ-sainl Pierre de ses liens, pour révéler
à saint Jean les destinées de l'Eglise . etc. ;
Ips honbier, ce n'est donc pas se déiaclier
dfe Jésus-Christ, puisf|u'on ne leur aitribue
d'autre pouvoir que d'exécuter ses volontés
sur la terre. Voy- Ange.
Ce n'eï't pas non plus ressusciter le ju-
daïsme qui; de prali(iuer des ahsiinences,
nbn par le même motif que les Juifs, m lis
pbur accomplir le précepte que s.iint Paul
impiise aux Colossiens , dans celte même
lettre, c. m, v. 5, de mortifier les désirs de-
réglés de la thair, au nomhrc desiiueis ou
doit certainement mettre la goiirmaudisc.
V'oi/. Abstinence.
COLYBES, nom que les Grecs, dans leur
liturgie, oni donné aune olVrandcdo froment
et de légumes cuits, qu'ils font à l'honneur
des saints, et en mémoire des morts; Balsa-
mon, le P. Coir et Léon Allatius ont écrit
•sut- cette malif'ri'.
Les Grecs fi:nt bouillir une certaine quan-
tité de l'rbmertt cl la mellenl on petits mon-
ceaux sur une assiette, ils y ajoutent des
pois piles, des noix, hach 'Cs cl des pépins
de raisin ; il divisent le toul en plusieurs
compartiments sépares par des feuilles de
persil, et c'est <"\ cette composition qu'ils
donnent ie nom de xo).OÇa. — Ils ont, pour la
bénédiction des culijbes, une formule particu-
lière, dans liKiuelle Ils l'ont des vœux pour
que Dieii bénisse Ces fruits et ceux qui in
inangerotll , parfce qu'ils sont olVerts k sa
gloire en mémoire île tel saint el de quel-
ques (idèles décédés. Halsamon aUribui< à
saint .Mhai.ase l'institution de celte céré-
monie; mais \ii Syitiiicairc, l^ui est une Vie
de» saints en alii-égc, en fixe l'ori^rine au
temps de Julien l'A postât ; il dit que ce prince
ayi''nt fait proaner le p.iin et les antres deli-
réesqtii se v(-nilaieiit au marché de Constan-
tinople au ctimmenceneni ducaicnic, par
le s.ing deâ viandes immolées, le patriarche
Eudoxe ordonna aux chreliens de ne manger
que des colylies, ou du Iromenl cuit: et que
c'est ( n hiémoire de cet événement qu'on
a coutume de bénir el de distribuer les
COM
948
colybcs àiix Qdèles, le premier samedi de
caiéme.
On peut consulter un petit Traité dts co-
lijbes, écrit p.ir Gabriel de Phil.ideliihie,
pour répon Ire aux imputations île quelijues
écrivains de l'Eglise l;iline, qui dés.ipprou-
vaient cet usage : traité que M. Simon a fait
iio] rimer à Paris, eu grec et eu latin, avec
des remarques.
COM.MANDEMENTS DE DIEU. On donne
[irincip.ilemeut ce nom aux dix préceptes
qu; Dieu lit graver par Mo'ise sur des tables
de pierre , comme le fond et le sommaire
de la morale. Voi/. Décalogue. Jésns Christ
a observé dans l'Evangile tju'ils se réduisent
à deux , à aimer Dieu sur t'Utes choses , et
le prochain comme nous-mêmes. C'est le
s<mimaire de la mor.ile chrétienne , aussi
bien que celle des Juifs; il n'a pas é!é in-
connu aiix patriarches, puisque c'est la loi
naturelle : on le Irouve. tout entier dans le
livre de Job, et il vienl de la révélation pri-
mitive que Dieu avait donnée à nos pre-
miers parenis.
Quoi(iue celle loi n'ordonne rien qui ne soit
prescrit par la loi naturelle el conforme à la
droite raison, aucun peuple n'a parfaitement
connu celte morale que , par la révélaliou.
Les philosophes mêmes, avec loule leur sa-
gacité , ont elé dans l'erreur sur plusieurs
articles essentiels ; la plupart ont approuvé
la vengi'ance, le mi nsonge, le meurtre dis
enfants, la prostilutiim ; ils ont méconnu le
tiroil des gens, etc. Voy. Muhale. — Dieu,
sans déroger à sa sagesse, à sa bonté, à sa
justice, a pu faire aux hommes d'autres com-
mandeiiietils, leur donner des lois positives,
auxqnelles ils sont obligés de se conformer
lorsqu'ils les connaissent. Voy. Lois uivi?(£S
posrriviis.
Commandements de l'Eglise, lois que les
pasteurs de l'Eglise oni faites en difl'crenls
temps, pour éliiblir l'ordre et runilormile ,
soil d.iiis le culte divin, soil dans les n.œurs.
Saiulilicr les fêtes, assister ù la messe, ob-
server l'abstinence el le jeûne à certains
jours, respecter les censures ecclésiastiques,
etc., sont des devoirs que l'Eglise a elé en
droit d'imposer aux fidèles, et auxquels ils
sont obligés en conscience de satisfaire. —
Au mol Lois ECCLÉsiASTiQLEs , nous prouve-
rons que rEi;lise a re^'u de Jésus-Christ le
pouvoir de faire des lois, que cette aulorilé
lui était nécessaire, qu'elle en a fait usage
depuis les apolrcs jusqu'à nous , qu'il n'en
résulte aucun inconvénient à l'autorité des
souverains, ni au gouvernement civil des
Etals ; les clameurs de ses ennemis contre
les lois de discipline établies ^ar 1 Eglise ,
sont frivoles et injustes.
COM.MÈMOilA'l'ION. COMMÉMOUAISON,
souvenir que l'on a de quelqu'un, prière ou
cérémonie destinée à en rappeler la mé-
moire. Parmi les catholiques romains, ceux
qui meurent font souvent des legs à lEglise,
à ch.irgc que l'on dira pour eux tant de
messes , el que l'on fera cotninéiiiorutioii
d'eux dans les prières. — Comméiuuialion
se dil eucore, daus la rocilaliuu du bré-
949
COM
COM
950
viaire , de la mémoire que l'on fait d'un
saint, on de la férié, ]iar une antienne, ua
yerset el une oraison , à laudes et aux vê-
pres, et par une collecte, une secrète el une
post-cnmmuiiion à la messe.
La commémoration des morts est une fête
qui se célèbre le srcund jour de novenil)re,
en mémoire de tous les fidèl''s trépassés ;
elle fut instiluéo dan< le xi' siècle par saint
Odilon, abbé de Cluni. A l'iirtiile Morts,
nous prouverons l'antiquité de l'u<age éla-
bli dans l'Fglise clirélienne de prier pour les
morts, les conséquences i|ni en résullent à
l'avantage de la société, l'injustice des plain-
tes que les jirolestanis ont laites contre cet
acte de charilé. — Dès les |>rrmiers siècles
de l'Eglise, l'usage s'établit de faire, dans les
assemblées chrétiennes, la commémoraiion
des martyrs, le jour anniversaire de leur»
mort ; la qaestion est de savoir quelle élait
l'intention des fidèles dans lelie prati-
que ; nous disons que c'est un témoignage du
culte rendu aux nmiljTS ; les protestants
8ouliertnent qu'il n';. a d;ins cette cou-
tume aucune marque ni aucune preuve de
culle. Basn;ige, qui a traité exprès celte
question (llist. de l'Eglise, liv. xviii, c. 7, S3
etsuiv.), prétend que l'on agissait ain>-i, 1°
afin d'honorer la mémoire de ceuj- qui araient
comliai tu \)oar Jésiis-Clirist ; ainsi s'expri-
mait l'iîglise de Sniyrne en parlant du mar-
tyre de saint Poljcarpe. 2° Aliii que les lidè-
les lussent encouragés par cet exemiile à
soulTiir pour leur foi. 3° Dans les Consiitu-
tions apusloliqius, 1. viii, c. 13 , il est dit :
Faisons viéiiioire des marlijrs, afin q:ic nous
soyons trouvas dignes de participer à leurs
combi)ls,k° ^aint Gyprien, epist. 12 et 3;),dit:
■Nous o/frous des sicrifices pour les martyrs
toutes les fots que nous cri'brons la commé-
moration anniversaire de leur passion. Ces
saciifices, selon Hasnage, étaient (es obla-
tions que l'on présentait ù l'autel, el on les
faisait pour attester que l'on conservait avec
les niarlyi s l'union, qui es^l appelée dans le
symbole la communion des saints. Ces obla-
lions n'étaient point laites aux martyrs, mais
à Dieu pour les martyrs.
Dans tous les éloges qu'en ont faits les au-
teurs des trois premiers siècles, nous ne
trouvons aucune prière ni aucun vestige
d'invocation aJieNsce.aux marijrs. L'Kglisc
de ^myrue dit : Nous aimons les martyrs,
mais nous n'adorons quf Jésus-Christ (li.isè-
be,liv. IV, c. 15). Er.lin, aucun des auteurs
païens qui ont écrit contre le christiiinisme,
n'a reproche aux chrétiens d'adorer, d'invo-
quer, ni de prier les martyrs. De toutes Ces
preuves, les protestants concluent que le
culte des martjrs n'a commencé qu'au iv"
siècle. — Quand cela serait vrai , nous
présumerions encore qu'au iv^ siècle l'on
savait, pour le moins aussi bien qu'au xvr,
ce qui était conlbrme ou opposé à l'esprit
du chrisliaiii>me, ce que Jésus -Christ el
les apôtres avaient commandé , conseillé ,
permis ou défendu; qu'à celte époque Jé-
sus-Christ n'a pas permis sans doute que son
Eglise, qui jusqu'alors avait Icmoigaé la
plus grande horreur de l'idolâtrie, s'en ren-
dît tout à coup universellement coupable.
Mais iious avons de plus fortes preuvcsqu'uiie
simple présomption.
1" Nous demandons quelle différeoee il
faut im tlie entre honneur et culte , entre
cuite religieux et honneur rendu pur motif
de religion; lorsque les protestants auront
satisfait à cette (jucstion, nous parvien-
drons peut-être à nous accorder ou du
moins à nous entendre sur le reste. L'hon-
neur rendu aux martyrs n'était certai-
nement inspiré par aucun motif humain,
par aucun intérêt temporel, par aucune con-
sidération puisée dans la nattire ; il était donc
suggéré par la loi et par la religion. — 2°
Nous voudrions savoir en quoi consiste la
communion des saints, que l'on voul.iit en-
tretenir avec les maityrs; selon l'idée que
nous en donnent les apôtres, c'est la parti-
cipation ou la communication mutuelle de
prières, do bonnes œuvres, de secours, d'as-
sistance, de bienfaits spirituels et temporels
{Rom. \i], 13 -.Galat. vi, 0; liebr. xiii, 16;
i l'etri, IV, 8). A quoi se réduirait cette
conitnunication ave.c les martyrs après leur
mort, s'ils ne pouvaient ni prier, ni intercé-
der pt ur nous, ni nous secourir en aucune
nianiire; el do quoi nous servirait-elle?
lîasnagn ne s'expli()ue pas là-dessus, t- 3*
Nous ilisons, aussi bisn que l'Eglise de
î?myrne, que noo>odorons Jésus-Clirist seul,
dès que l'on entend par adoration le culle
divin et suprêuu', et que nous aimons les
Wf/cfyrs; pourquoi les aimerions-nous, s'ils
ne nous aimaient pas eux-mêmes ? Selon
saint Paul, la chai ilé doil être mutuelle, et
celle charité ne meurt jatnais ; elle subsiste
doue dans les martyrs r s'ils nous aiment, ils
s'intéressent à notre salut, ilsledcsirent, ils le
deiiiandeni à Dieu, et sans cela nous n'aurions
aucun motif de les aimer. — h' Saint Cy prien
ne parle pas seulement d'oblations ou d'of-
fiandes, mais de sacrifices pour la commé-
moration des martyrs, obliitiones el sacri/icia.
(Ep. 37, i>lim 12). Dans les Ct.nst. apost., 1.
viK, c. 12, on lit :« Nous vous oflrons en-
core, Sei'.'neur, pour tous les saints,... ai)Ô-
tres, martyrs, confesseurs, etc. «Est-il ques-
tion là del'cuchari^tieapiès la consécration?
Basiiage n'aviiil garde de le remarquer. Ces
obl.itions, dil-il, se faisaient à Dieu pour les
martyrs, ou afin qu'ils obtinssent quelque
nouveau degré de gloire, ou pour marquer
que l'Eglise enlreieuait communion avec
eux. Nous soutenons que c'était pour l'un et
l'autre. On demandait donc ainsi un nou-
veau degré de gloire pjur les martyrs : or,
c'en est un de pouvoir contribuer par leurs
prières au salut de leurs frères ; on deman-
dait à Dieu !a communion avec eux; et,
eiicore une fois, celle communion aurait
été nulle, si les martyrs ne pouvaient pas
intercéder pour nous. C'est ce que fait en-
core l'Eglise, lorsqu'elle offre le saint sacri-
fice à Vhonneur des martyrs et des autres
saillis; celte expression, sur laquelle les
protestants ont tant glosé, ae signiiie rien do
plus que ce qu'a vu Basnage lai'Uiéme dans
O'oi COM
la prntique de l'Eglise prirailive. — 5° Est-il
vrni qu'il n'y ;i, diins les monnnienls des
trois (irctniers siècles, aurun \ estime .l'iiivo-
calion c'esm.irlyr^? Si l'on croyail à leur in-
tercession, comme nous venons de I • prou-
ver, l'invocation s'ensuit évidemment. Saint
Cyprien conjure des martyrs de se souvenir
de lui. Iiirsque le Seiiineur aura conimcncé
à honorer leur mnriyre (£,. de lande Mariy-
d'i; à la fin, il fiil la même prière à des
vierges (L. de llahitu virgin.). C'était les
iiiviiquer du niuins d'avance ; nousappnrie-
rons il' nires preuves ailleurs. Voi/. Saints.
COMMENCEMENT. Au commencement.
Dieu créa le ciel et lu terre [Gen. 1,1). Au
commencement ét<iit le Verbe, il élail en D:eu,
et il était Dieu [Joim. i, 1). La comparaison
de ces deux lassages a donné lieu aux in-
terprètes de faire plu'^ieu'r* remaniues im-
portantes, et aux liéréliques d'imaginer
plusieurs manières d'en pervertir le sens.
Dans le premier. Moïse enseigne que le
monde a (oinmenré, qu'il n'est pas éternel,
que c'est Dieu qui l'a créé ou l'a tiré du
néant, qu'avant ce moment rien n'existait
que Dieu cl l'elerniié. Ensuite il nous ap-
prend que Dieu a donné lé re à toutes cho-
ses |).ir une simple parole, par un acte de sa
volonté, ((u'il n'y avait par conséquent point
de matière préexistante, de laquelle Dieu ait
eu besoin pour en former le momie. Il dit :
Que la lumine soit, et la lumière fut, ainsidu
resle. Deux grandes veriiés que les ph loso-
phes onl ignorées, qu'ils ont même eombat-
tiics, puisque les uns ont admis l'éternité de
la malière, les autres rélernlté du monde :
erreurs qui en onl fait naître une infinilé
d'autres. Les sociniens onl fait de vains ef-
forts pour soutenir que les paroles de Mo'i'se
ne prouvaient pas le do^-me de la créa-
tion d'une manière incontestable. Voy.
CllÉATION.
Dans le second passage, saint Jean dé-
clare que quand Dieu a créé le monde, le
Verbe divin était ilcjà, (pi'il était en Dieu, et
qu'il était Dieu ; que c'était par conséquent
une personne subsistanlo et distingné(ï de
Dieu le Père ; ce Verbe n'a donc [);iint eu de
commencrnient, il est co-élerncl à Dieu, l'ar
là l'évangélislc réfutait Cérinihc et d'autres
hérétiques qui niaietit l'éternité et la divinité
du Verbe. Voy. Veube.
Les siiciiiiens se sont enrorc tournés de
toutes manières pour altérer le sens de ces
paroles; ils ont dit que saint Jean voulait
seulement donner à entendre que Dieu a
créé le Verbe avant les autres créatures. En
cela ils ont contredit Moïse, qui eniieigiie que
les |)remièresrlioses aux(|uelies Dieu a donné
l'être sont le ciel et la terre ; cela ne serait
pas vrai, si Dieu avait crc'é le Verbe aupara-
vant. Ils ont eontredit saint Jean lui-même,
qui ajoute ([ue par le Verbe toutes rlioses
onl été faites, et ijuc rien de ce qui a été f.iit
ne l'a élé sans lui ; eerlainemeut le \ crbe ne
s'est I as fait lui-même. D'autres ont pré-
tendu (|ue saint Jean ne parlait point du
commencement de toutes choses, mais du
commencement de la loi de grâce, qui a été
COM
958
comme une nouvelle création ; .Tésus-Christ,
en effet, l'appelle la régénération, ct\i\Q re-
nouvellement de toutes choses (Muttli. xix,
28). Mai'i p'iur quelles raisons les sociniens
veub'nl-ils donner au mot foi mincement.iinoa
saint Jean, un autre sens que celui ()ii'il a
dans le premier verset de la Genèse? L'évan-
géliste fait assez comiirendre qu'il parle,
aussi bien que Moïse, du commencement de
l'univers, puisqu'il ajuute que toutes choses
onl été faites par le Verbe, etc. Il a donc
voulu nous apprendre que ce Verbe a créé
le monde. Le Psaliniste a dit de même, que
Dieu a fait les deux par sa paroi" on par son
Verbe, et leur armée par le souffle de sa bou-
che, oa par son espi il ; telle es! l'énergie du
texte hébreu (Ps. xxxii; fiebr. xx\i:i, 6).
Aussi filiisieurs interpièles ont vu dans ce
passage les trois Personnes de la sainte Tri-
nité, Dieu, son Verbe et son Esprit. Ceux
donc qui, dans leurs versions, font dire à
saint Jean : De toute éternité était le Verbe,
il élail en Dieu, et il était Dieu , n'en al-
tèrent pas le sens, puisciu'avaut la nais-
sance du monde rien n'existait que Dieu et
l'élernité.
Une autre imagination fausse des soci-
niens, est de soutenir que ces paroles, tou-
tes choses ont élé faites par lui, signifient
seulement que Jésus-Chri-t a renouvelé
toutes choses. Peuvent-ils citer, dans toute
l'Ecriture sainte , un seul passage dans
lequel faire signifie renouveler ? Sa\nl Jean
dit, v.ltel 10 : Le Verbe était la lumière
il était dans le monde, le monde a élé fait par
lui, et le monde ne l'a pas connu. Certaine-
ment le Verbe n'a pas renouvelé le monde,
lorsque le luonde ne le connaissait pas.
On ne peut pas approuver non plus l'inter-
prétation du P. Hardouin qui, en réfutant
très-bien les sociniens, les favorise cepen-
dant, en disant que par le monde on doit en-
tendre le peuple juif. Peut-on soutenir
qu'avant la naissance de Jésus Christ, le
Verbe n'existait, n'opérai! et n'éclairait per-
sonne (|ue chez le peuple juif? Ce n'i'st (las
ainsi (jiie l'ont enleuiiu les Pères de l'Eglise,
(lui ont soutenu que, depuis la création
jusqu'à nous, tout ce (|iie les hommes en gé-
néral ont reçu d(! grâces et de lumières, leur
a été donné par le Verbe divin. — La seule
manière de prendre le \ rai sens de l'Ecri-
ture sainte, e>l de nous en tenir à la tradi-
tion, à l'explication et au sentiment des Pè-
res de l'Eglise, surtout des plus .'inciens.
Saint Ignace, disciple de saint Jean l'évan-
géliste, était sans doiiie bien instruit de la
doctiine (le son maîire : or, il enseigne, de
la nwinière la plus po>itive, que le Verbe di-
vin n'a piiinl eu de commen< enient, (ju'il est
par ciinséqtient coéteriiel à D'wu (Kpist. ad
Magnes., n" 8j. Il dii i|tie Jésus-Christ est le
Fils de Dieu et son Verbe éternel, qui n'est
point né du silence : Veilnim ipsius ater-
numnon a sllrnlin progredieris. Voy. Vkroe.
t;OM.ME\TAIUES , COMMENTATEUHS;
interprétation des livres saints, auteurs qui
les ont expliqués. Des livres i|ui existent, les
uns depuis dix-huit siècles, les autres depuis
955
COM
COM
954
quatre mille ans, qui sont écrits dans des
langues iiiorli s, qui ppi^nciil des mœurs et
des usages tiès-diiléreiils des nôlns, qui
coiilieiineiil une doclrine que vingi sorles
d'Iiéréliqucs onl lâcliéde corrompre, no peu-
vent éire aussi aisés à entendre que des li-
vres modernes. Il lautdoiic, pour les expli-
quer, des hommes qui aient étude les lan-
gues, l'histoire, les nururs antiques, la gco-
grapliie, l'histoire naturelle, etc., qui aient
rapproché et comparé les passages, qui aient
consulté la Iradilion; et toulis ces connais-
sances ne son( pas aisées à rassembler. Les
commenldteurs les plus estimés sont ceux qui
les ont possédées au plus haut degré, qui se
sont le plus allachés à développer le sens
liliéral et naturel des auteurs sacrés. La
multitude de hurs commentaires est immen-
se ; on peut s'en convaincie par l'ouirage
du P. Le Long, inlitulé Bibliotliecn sacra.
Les uns ont travaillé sur loulc IKcriUire
sainte, les autres sur certains livres eu par-
ticulier; quelques-uns se sont bornés à dis-
cuter un seul fait de l'Errilure sainte, ou uu
passage qui paraissait plus obscur que les
autres. Plusieurs l'ont lait pour établir ctap-
piiver les dogmes de la loi calholique , les
hétérodoxes pour étayer leurs opinions par-
ticulières et leurs erreurs.
A la vue de cette multitude de volumes,
les incrédules ont dit que l'Iùriture sainte
est donc un livre indichilïrable, puisqu'il a
fallu tant de trivaux pour en monher le
sens. Ils n'ont pas fait allcntiou qne les
commentiitettrs onléciil les uns en Italie, les
autres eu Kspai;ne, ceux-ci en France,
ceux-là eu Allemagne ou en Angle-
terre , dans diftérents siècles , et dans
les diverses communions chrétiennes, chez
les .luil's mêmes; fort souvent tous disent la
même chose, ils ne sont divisés que sur le
sens d'un petit nombre de passages ; leur
concert, sur tout le teste, démoniro la vérité
du sens que tous onl également aperçu. —
Quelle multitude de commenlaires n'a-t-on
pas faits sur les poêles grecsel laiins 1 Cela ne
prouve pas, s.ins doute, que ces auteurs
soient inintelligibles ; ce(iend.inl 11 n'jf a pas
long enijis que l'on a commencé ce genre de
travail, au lieu que l'un s'est exercé
sur ri'^ciiluie sainte dans tous les siè-
cles. — Les ordonnances de nos rois ne
iout pas sans doute un chaos d'obscurité ;
cependant a quelle multitude de commentai-
res u'out-elles pas donne lieu!
Mais la nécessité de ces commentaires ne
prouve (|ue trop le besoin dans lequel sont
les siiii| les fi.icles, d'une autre règle de foi
que riù;iiture sainte pour fonder et diriger
leur croyance. On ne conçoit pas comment
les rétbi m .leurs qui onl po^é pour [irincipe
que l'I-criluie sainte i st la seule règle de
loi, ont osé eutieiirendre de l'exiiliquer eux-
mêmes. Si elle est claire, qu'a-t-elle besoin
d'explication? Si les fidèles soi-.t en droit de
n'avoir aucun égard à celle explication
même, à quoi peut-elle servir? Et il faut re-
marquer (]ue les passages sur lesquels les
protestants ont fondé leur nouvelle croyance
et leur séparation d'avec l'Eglise romaine,
sont justemont ceux qui leur ont paru avoir
le plus de besoin d'explication. D'où il ré-
sulte que leur foi est fondée non sur le texte,
mais sur l'explication qu'ils en donnent, ou
sur le sens qu'ils lui attribuent. A moins que
leur explication ne soit infaillible, il est fort
dangereux que leur foi ne soit une erreur,
de même que leur méthode est une contra-
dii tion.
Les protestants ont le plus grand intérêt à
décrier les explications de l'I-'criiure sainte
données par les Pères de l'Eglise et par les
interprèles de tous les siècles, afin de per-
suader que ces livres divins n'ont élé bien
eniendus que depuis que les réformateurs et
leurs disciples nous en onl donné l'intelli-
gence ; aussi n'y outils pas mmquè:
il n'est pas possible de parler des com-
mentaleuis, en général, avec plus de mé-
pris (jiie l'a l'ail Mosheim dans sou His-
toire ecclésiostifiHP, et dans ses Instructions
sur l'histoire dire tienne du i'^' siècle. — Dès
celle époque, à commencer par saint Bar-
nabe, il leur reproche d'avoir suivi la mau-
vaise méthode des Juifs , d'avoir négligé
le sens littéral des livres saints, de l'avoir
déliguré par des explications mystiques et
allégoriques. A ce défaut essentiel, ceux du
II*" siècle ont ajouté uu respect superstitieux
pour la version des Septante. Au iir, Ori-
gene, malgré ses travaux immenses sur le
texte de l'Ecriture sainte, a communiqué
aux écrivains de son temps, et à ceux qui
ont SUIVI, le giiûl frivole puur les allégories.
Au iv% saint Jérôme, maigre les soins (ju'il
s'était donnés pour apprendre l'hébreu, n'a
pas clé ex.empt de ce vice, non plus que
saint .\ugiislin. Selon lui, ce Père a très-mal
réussi lors'ju'il a voulu dop.ner des règles
pour rinlelligencc du texte sacré. Au V, il
ne fait grâce qu'aux conmenlaires de Théo-
doret sur le Nouveau Testament, à ceux de
saint Isidore de Damictle , qui a un peu
moins donné que les autres dans le mau-
vais goût régnant, et à ceux de Théodore de
Mopsuesle, conservés par les nestoriens.
Depuis le vr siècle, les inter|irètes se sont
presque bornés à noas donner des chaînes
des Pères, 6'((ic/i(B Palrum, et ont ainsi per-
pétue le vice né dès le i" siècle, jusqu'à la
naiss.ince de la reforme.
\'oilà donc, depuis la mort des apôtres, et
pendant un espace île quinze cents ans, l'E-
glise chrétienne privée de la véritable intel-
ligence de l'Ecriture, qui cependant, selon le
senliuient des pi oleslanls, devait être l'uni-
que règle de sa croyance. Eu lui donnant
des pasieurs et des docteurs, les apôtres ont
oublié de leur prescrire la manière dont il
fallait expliquer < e livre divin ; le Saint-Es-
prit, qui avait d'aboril prodigué le don des
langues aux premiers fidèles, n'a pas trouvé
bon de l'accorder à ceux qui en avaient
le plus besoin, à ceux qui devaieut prêcher
au peu[de 1 1 pure parole de Dieu ; les apô-
tres, qui en aviienl reçu la plénitude, ne se
soûl pas donné l,i peine de faire une ver^^ion
plus exacte et .plus correcte que celle des
cost
Septante. — Ils ont fait bien pis : ils ont mis
eux-mêmes crtlc version fiulive à la main
des fi lèles, qui étaient incapables d'en con-
naître les défauts, cl ce sont ou\ qui ont
donné aux Pères de l'Kglise l'exemple des
explications allégnri.jucs de l'Ecriure sain-
te; la preuve en subsiste dans rF.vangiie et
dans les lettres de saint Paul. Aussi, les in-
crédules ont eu grand soin d'appliquer aux
apôtres et aux évaiigélistes le reproche que
les protestants font aux anciens commenta-
teurs. Mosheiai et ses pareils ont ils |iii l'i-
gnorer?— Cfs di'Ux foiisidérations suffisent,
déjà pour justifier les anciens Pères; mais
si nous examinons leur conduite en elle-
même, les trouverons-nous aussi coupables
qu'on le prcteml? Est-il vrai que les commen-
tateurs modernes , protestants ou autres,
aient enfanté de si grandes merveilles en
prenant une roule tout opposée? Ceci mérite
un moment de réflexion.
Les Pères ont cherché dans l'Ecriture sainfe
des leçons propres à sanctifier les mœurs, et
non des connaissances capables de flatter
l'orgueil et la curiosité ; ils ont pensé que ce
livre divin nous a été donné pour nous ins-
jiirer des vertus, plutôt que pour nous enri-
chir d'une vaste érudition. Leurs commentai-
res sont sans doute moins savants que ceux
des modernes, mais ils sont plus édifiants
et plus chrétiens ; s'ils ne rendent pas la
leitri" beaucoup plus claire, ils tendent plus
directement à nous en faire prendre l'esprit,
qui vaut beaucoup mieux. Ils ont fait grand
us.ige des explications allégoriques , parce
que c'était le goût de leur siècle ; ils élaient
forcés de s'y conformer Voy. Ali.égorïe.
Qu'ont fait les interprètes protestants et so-
ciniens? ils ont traité les éciils des auteurs
sacrés comme on a traité ceu\ d'Homère,
d'Aristote, de Pline et dos auteurs profanes,
il n'y a pas plus de piété dans leurs notes
sur les uns (jne sur les autres. — Mosheim lui-
même a lait une longue dissertation contre les
interprètes qui oni rempli les commentaires
d'explications, d'allusions, de comparaisons
et d'observations tirées des auteurs profanes
{Syntag.. Vis^crt. ad sanctiorcs disciplin.
})erlin., pag. IGC).
On nous en impose, d'ailleurs, quand on
veut nous persuader que les Pères se sont
bornés à des explications allégini(]ues. Les
livres de saint Jérôme, des Noms hébreux, des
Lieux kéljreux,\cs Questions hc'brauiues sur la
Genèse, ses Commentaires sut les prophètes,
un très-grand nombre de ses lettres; le
Traité de saint Ëpiphane, des poids et dès
mesures des llélircun les Réponses de saint Au-
ijusliu aux objections des tnanichéens. etc.,
sont des ouvrages d'érudition, qui pourraient
faire honneur à des savants de notre siècle, et
ceux-ci devraient être plus reconnaissants
des secours qu'ils en ont tirés. Lu grand
nombre d'autres ouvrages des premiers siè-
cles, non moins estimables, ont péri p.ir le
malheur des temps. Les Hexaples d'Origène
auraient pins contribué à rii.lrliigence de
rK.erilure sainte, que le plus savant commen-
taire. — Il y a dti ridicule à reprocher aox
COM
956
ancTens Pères leur respect pour la version
des Septante, puisqu'alors il n'y en avait
point d'antre qui fût connue ; à la réserve
de s.iint Matthieu, les évangélistes et les
apôlres s'en étaient servis. Dès le m' siècle,
Origène sentit qu'il ne f;\ll;iit pas s'y bor-
ner, puisque, dans ses Hexaples et dans ses
Oelaples, il la mit en comparaison avec le
texte hébreu et avec toutes les autres ver-
sions grecques qu'il put trouvir. Il esl
encore plus absurde de leur savoir mauvais
gré de n'avoir pas appris l'hébreu dans Uii
lempsoù l'on manqu;iitabsolumentdesecoiirs
pour l'étudier, et lorsque les Juifs faisaient
tous leurs eff tIs pour en dérober la connais-
saiiee aux chrétiens : on sait combien il en
coûta de soins el de peines à saint Jérômej
pour en recevoir des leçons.
Pour entendre l'Ecriture sainte, les Pères
des premiers siècle-! avaient un guide plus
inf.iillible que les règles de grauTrnaire hé-
braïque, savoir, la tradition ries Eglises
apostoliques, conservée par les disciples im-
niédials des apôtres, et transmise sans inler-
ru[)tioii à leurs successeurs. V'oilà ce quia
donné lieu de composer le> Chaînes des Pères^
de rassembler et de comparer les explica-
tions que ces auteurs respectables avaient
données des passages dont le sens était ton-
testé par les hérétiques. Kt en quel temps?
Sur la fin du v siècle ou pendant le vr,
immédiatement après les premières irrup-
tions des barbares. Les plus connus de
ces ouvrages sont celui d'Olymplodore ,
moine grec du v* ou du vi« siècle, sur le livre
de Job ; on le trouve dans la Bibliothèque
des Pères; celui de Victor, évoque de Ca-
poue, de l'an 545, sur les quatre Evangiles;
celui de Primasius, évéque d'Adrumèie en
Afrique, en 553, sur les Epitres de saint
Paul ; celui de Piocope de Gaze, rhéteur et
sopliiste grec, qui a écrit vers l'an 5G0 sur
Isaïe et sur d'autres livres de l'Ecriture
sainte. — On craignait alors avec raison (lue
la plupart des monuments ecclésiastiques ne
fussent bientôt détruits par lu fuieurdes bar-
bares : on s'effarçait d'en sauver les déhris,
et l'événement a prouvé que celle crainte n'é-
tait que trop bien fondée. La multitude des
hérésies qui avaient paru dans les siècles
précédents, faisait sentir la nécessité de s'at-
tacher à la tradition, et d'en avoir toujours
la preuve sous les yeux. L'impei fection de
ces ouvrages ne vient donc pas du mauvais
goût des auteurs, mais de la nécessité des
circonstances. Quoi qu'en disent les proles-
tant^. CCS compilations ne sont pas inutiles,
puisque ce sont des chaînes de tradition;
d'ailleurs nods) trouvons quelques fragments
de livres anciens qui ne subsistent plus.
Nous devons faire aussi |>eu de cas de l'o-
pinion qu'en ont nos adversaires, qu'ils en
font eux-mêmes des monuments de l'anti-
quii'-; ils ne chercheraient pas à nous ôier
nos guides, s'ils n'avaient pas envie de nous
égarer.
Mosheim prétend que dans les bas siècles,
jusqu'à la naissance de la iiiorme, les papes
s'étaient opposés de toutes leurs forces a co
357 COM
que les Inïqàes pussent lire et entendre l'K-
crilure sainle. Comme nous ne pouvons pas
allribuer celle calomnie à ripiiorauce de ce
criliiiue, nous sommes forces de nous en
prendre à sa mali;;iiilc. Il est <le loiite nolo-
riclé que jusqu'au x° siècle la laiifjne l.ili;)e
fut dans loules les Gaules le l;iiipage non-
seulemenl de la religion, mais encore de lous
les acles publics el de lous les livres ; que
le peuple l'enlendail pour le moins aussi bien
que les habitants des diverses provinces de
France, qui ont des jargons particuliers, en-
tendent aujourd'hui le Irancais. Il est donc
inconteslable que, du moins jusqu'alors, la
Vulgale latine pouvait être lue el entendue
par tous ceux qui savaient lire. l'eul-oii citer
Un seul décret des papes qui leur ait interdit
celle lecture ? — Il n'<'st pas moins certain
qu'à cette éi)0(|ue, et dans les trois ou quatre
siècles suivants, les clercs seuls savaient
lire et écrire ; que l'usage des lettres était
regardé par les nobles eonime une marque
de rolure : allrihucrons-nous cette rouille
barbare au\ papes, qui n'ont pas cessé do
faire des elTorts pour la dissiper? lis y avaient
le plus grand intérêt, puisque c'est l'igiio-
rauce grossière des siècles dont nous par-
lons qui lit éiloie la multitude de sectes
fcli)aliq(ics (lui troublèrent en même temps
l'Eglise el la société, aussi bien en Italie
qu'ailleurs. Sans une aveugle prévention,
l'on ne peut pas nier que le clergé n'.iil fait
tout ce qui était en son pouvoir pour con-
sek-ver el pour renouveler l'usage des lettres.
Yof/. Lettiîes, Arts, Sciknce, etc.
Pour taire illusion aux ignorants , Mos-
heim souliiiit que, de concert avec les papes,
le concile de Trenie a mis un obstacle invin-
cible, parmi les cailioliqucs, à la véritable
intelligence de l'Ecriture sainle, en décla-
rant la Vulgale authentique, c'esl-;\-dire, se-
lon lui, fidèle, exacte, pu faite, à couvert de
tout reproche ; en imposant aux commenta-
teurs la dure loi de n'entendre jamais l'Ecri-
ture sainte, en matière de foi et de mœurs,
que conformément au senlimeul commun de
l'Eglise el des Pères ; en dérlaranl enfin (jue
l'Eglise seule, c'est-à-dire, le pape, qui est son
chef, a le droit de déterminer le \ rai sens
et la vraie signification de l'Ecriture ( IJist.
ecclés., xvi" siècle, sect. 3, i" partie, c. 1, §
25. — En premier lieu, il est faux que le dé-
cret du conc;le de Trente, toucbanl l'autlien-
li(itéde la \ uli;aie, ail le sens que Jioshciu»
lui donne malicieusement; nous prouverons
le contraire au mot Vulgate. Sou traducteur
a eu la bonne foi d'en couvenir dans une
note, tom. IV, pag. 216. — En second lieu la
loi dure imposée aux conunentatcurs par ce
concile avait au moins déjà huit ceiils ans
d'anliquilé; le concile in Trullo, tenu l'an
692, el dont les décreis forment encore au-
jourd'hui la discipline de l'Eglise orientale,
or>lonna, eau. '20, que s'il survenait des d.s-
putes entre les p;;steurs sur le sens de l'Ecri-
ture, elles fussei't résolues suivant le srnli-
nient et les lumières des anciens docteurs de
l'Eg ise. Nous verrons im mot Tuauit i>n
qu'ils liiît suivi eux-mêmes celte rè^lc eu cx-
COM
958
cliquant l'Ecriture sainte En troisième
lieu, il esl faux que, dans son décret, le con-
cile «le Trente ait entendu , par la sainte
KfjUse notre mère, le pape qui esl son chef.
Indépendai hicnt de renseignement du sou-
verain pontife, il y a l'énseignemenl public et
unifome des diflérenles Eglises qui compo-
sent la société générale, que nous appe-
lons l'Eglise catholique ; enseignement de
l'uniformité duquel nous sommes assurés
par la communion de foi el de croyance iiui
règne entre elles. Mais les protcsiants ne
se corrigeront jamais de la mauvaise habi-
tude de dénu:urer notre doctrine.
Voyons enfin les merveilles qu'oui opérées
les rcf.'rm.itenrs et leuis disciples, par leurs
commentaires el loirs savantes explications
de ri^crilure sainte. Mosheim lui-même ne
nous en donne pas une idée (ort avanta-
geuse ; il convient que les luthériens, dans
les commencements, donnèreni plus d'appli-
cilion à la cortlroverse qu'à l'explication des
livres saints, qu'ils s'atiai hèrent trop à y
rechei cher ries sens mystérieux, qu'ils appli-
quèrent à Jésus-Christ el aux révolulions de
l'Egîi-e plusieurs des anciennes prophéties
qui n'y avaient aucun rapport. Nous voyons,
en elTet, que, dans leurs commentaires, ils
se sont bien moins attachés à rechercher le
vrai sens des passages, qu'à en torJre le sens
polir l'ajusier à leurs prétentions; el touies
les fois qu'ils ont changé d'avis, ils n'ont pas
manqué de voir dans l'Ecriture sainle le
sens le plus conforme à leurs nouvelles opi-
nions ; ainsi, ce n'est pas le sens aperçu d'a-
bord dans les livres saints qui a réglé leur
croyance; c'est celle-ci, au contraire, qui a
déiiiie du sens des auteurs s.icrés. Elait-ce là
le moyen de trouver inlàilliblenienl la vérité'?
—Il reproche à Calvin el à ses adhérents
d'avoir appliqué aux Juifs la plupart des pro-
phéties qui regardent J.sns-Christ, et d'a-
voir ainsi enlevé au christianisme une par-
tie essentielle de sCs preuves. Peut-on impu-
ter de parels attentats aux commentateurê
catholiiiues'?
Cette liissension sur le vrai sens dès Ecri-
lurcs, qui s'est élevée d'abord cnlre les luthé-
riens et les calvinistes, dure encore parmi
ces derniers. Grotius , qui a trouvé jin
bon nombre de partisans, surtout chez les
socnicns, a soutenu que la plu|)arldes pro-
pbeiics, aj)pliquécs à Jésus-Christ par les au-
teurs du Nouveau Testament , désignent
d'autres personnages dans le sens direct et
littéral ; mais que, dans un sens mystérieux
et caché, elles représentent le Filsdc i)ieu,
ses fonctions, ses souffrances, elc. Coccéius,
au contraire, qui a formé aussi des disciples,
envisage toute l'histoire de l'Ancien Testa-
ment comme un type el une ligure de cellie
de Jésus-Christ el de l'E'glisc chrétienne; il
prétend que toutes les prophéties regardent
dinciemcnl et littéralement Jésus-ChrisI, et
prédisent toutes les révolutions qui doivent
arriver dans son Eglise jusqu'à la fin des
siècles. Au lieu que celui-ci a vu Jésus-
Clirist partout, Grolius ne l'a vu nulle part,
du uiuius duus le sens direct, littéral et ua-
959
COM
COM
9G0
larrl des termes.— De leur côté, un grand
nomlirc de Ihéologiens ;)n<;!icans n'ont fait
aucun cas de ces cotiiinentnleiirs modoriii's;
ils ont soulenu que l'on ne doit interpréter
les livres sniiils , en matière de foi et de
moeurs, que dans le sens que leur ont donné
les anciens docli'iirs de l'Kj^lise naissante. A
la vérité, ils ont été viffoureusemenl atta-
qués par d'autres; on leur a reproché qu'ils
abandonnaieiu le priiieipe fondanienlai de
la réfiirme, qui est qu'en matière de foi et
d'interpréialion de l'tciiture, chacun est en
droit (le s'en rapporter à son propre jn^çe-
nienl. sans éire sulijugué par aucune aiiio-
rité humaine. — Aussi, depuis que ce mer-
voilleui principe a été suivi, l'on a vu vingt
sedes dilTéienies s'élever dans le sein du
proleelanli-me, faire bande à part, soute-
nir, la lUhIe à la main, que leur doctrine
él'ail la seule vraie. Aucune de ces sectes n'a
fait un plus grand nombre de commenlaircs
sur les livres saints que les socinicns, au-
cune n'a poussé plus loin les sublililés de
grammaire et de criti(|ue, aucune n'a mieus
réussi à pervertir le sens de l'Ecriture ; les
autres prolestants en conviennent. Ainsi ce
livre divin <'t les commentaires , loin de réu-
nir les esprits dans une mé:iie croyance,
sont devenus une source coniinuelle de l'ivi-
sions, et continueront de l'élre, jusqu'à ce
qu'il plaise à tous les esprits rebelles de re-
conn'iîlre la sagesse et la nécessité de la loi
que l'iglise catholique a imposée à tous les
commenlatenrs, el qu'elle a suivie dans tous
les siècles. Yoij. Ecrîtobe saintk.
N'est-il pas singulier que les protestants,
qui ne sont pas d'accord enire eux sur la
meilleure manière d'interpréter l'Ecriture
sainte, qui disputent sur une inlinilé de
passages très-iinporlants pour la foi, pour les
mœurs, pour le culie, qui donnent souvent
cln(| ou six explications liilTéronles d'une ex-
pression ou (l'une phrase dans U^ir Synopse
descritiques s'l>b^llnent cependantà soutenir
que l'Ecnture sainti; est claire, intelligriile à
tous les hommes, môme aux plus ignorants:
que chacun rsl eu élal d'en prendre le vrai
sens pour former sa foi et diriger sa con-
duite? Nous avons beau leur dire que, seon
saint l'ierre. toute propliéiie de l' Ecriture ne
se fait point par uneiiiterprétdtiun prirticiiliirc
(Il Petr. i,;iO) ; ((u'elle doit donc éire enten-
due par le même esprit qui la dictée; ils
oui trouvé quatre ou cinq manières de tor-
■ dre le sens de ces paroles, et ils nous tour-
nent en ridicule, parce que, pour éviier cet
abus, nous nous en tenons aux leçons de
c<Mix que Dieu a établis pour nous ensei-
gner.
COMMEKCE.On accuse plusieurs Pères de
l'Eglise d'avoir condamné h; cofHmfcre comme
criminel en lui-même , el comme opposé à
res()ril du chrislianisme. |{arbe3'rac fait ce
reproche a Tertullieu el à Laclance ; d'autres
l'on! lait à saint .lean (llirysostojue; il sullit
de rapporter leurs paroles pour les discul-
per. « Aui'Uti art, dit 'rerlullieu , aucune
profession, aucun cominerte(\yn sert en quel-
que chose à dresser ou ù former des idoles ,
ne peut être exempt du crime d'idolâtrie ;....
c'est une mauvaise excuse de dire je rCni pas
autrement de quoi vive, etc. » (De Jdololat.,
c. 11 et 12). Noms soutenons que celle déci-
sion de TerluUien est exacteiiienl vraie. Il
ne seri à rien d'objecter qu'un chrciien ne
peut rien vendre qui , quoique bon et utile
en soi , ne puisse être un instrument de
débauche ou de crime ; (elle consémionce
est fausse parce qu'elle est trop générale.
Saint Paul a dit : Si ma nourriture scondali-
sait mon frère, je ne mangerais de viande de
ma rie I Cor. viii, 13 ; Boin. xiv, 21). Sou-
tiendra-t-on que manger de la viande n'est
pas une chose lionue el utile en soi? —
« l'our(iuoi , dit Laitance, un homme juste
irait il sur mer, ou qii'irait-il chercher dans
un pays étranger, lui (lui est content du
siin? Pourquoi preiulrait-il part aux fureurs
de la guerre, lui qui vit en paix avec tous
les hommes? Prendra-l-il plaisir à posséder
des marchandises élrangèrcs ou à verser le
sang hiim lin , lui qui se contente du néces-
saire , el qui regarderait comme un crime
d'assister seulement à un homi< ide commis
par autrui? » [fHvin. Inst., 1. v, c. 18). Sénè-
que {Natnral. Quœst., 1. v, c. 18) a blâmé,
avec encore pins de fircc que Laclance, la
fureur de braver les d nigers de la mer, soit
pour faire la guerre , soit pour commercer.
On ne lit rien du prenier, parce que c'est
un philosophe ; ou censure le second , parce
que c'est un Père de l'Eglise. L'un et l'autre
ont jugé que le commerce maritime vient or-
dinairement d'une ambition déréglée de s'en-
richir ; ([ne, tout considéré, il a fait aus
nations jiius de mal que de bien : quand on
l'envisage avec des yeux chrétiens ou philo-
sophes, il est dilficile d'en penser autrement.
— On sait d'ailleurs de quelle manière se
faisait le com<nerce dans ces temps autiens;
il n'y avait ni lois pour le réu'ler, ni police
pour en prévenir Ls ahus ; el la concurrence
des négociants n'était pas assez grande pour
réprimer leur aviilité. ^i l'on eu jugeait par
les prières qu'Ovide leur mel à la bouche
dans ses Fastes, il laudrait en conclure que
tous élaienl de irès-ma'liounêtes gens , et
que leur profssion était infâme, truand les
Pères lie l'Egiise eu auraient eu la même
opiuou que ce poêle, faudrait-il s'en éton-
ner? Dans les siècles grossiers , dit un écri-
vain moilerne, le commerçant est trompeur,
mercenaire, borné dans ses vues ; mais , à
m(!sure ijue son an fait des progrès, il di'vient
exact, honucle, inti''gie, entreprenant (î'er-
gussou, lissai sur l IJist. de la société civile,
t. Il , c. 'i-). — Il en était de même du mélier
des armes pendant les troubles, les scdiliuns,
les guerres îles divers preleudanls il l'empire.
Out^e l'idolâtrie dont les soldats étaient obli-
gés lie faire (irof(>ssion , leur brigandage les
rendait odieux ; les Pères n'avaient donc pas
tort d'inspirer aux chrétiens de l'oloi^nement
pour cet liai. Mais nos ceuseuis modernes
trouvent qu'il est plus aisé de blâmer les
Pères que d'examiner les rai-ons qui les oui
fait jiarler. Pour pouvoir accuser saint Jean
Chrysostouie, on a cité l'Ouvrage Imparfail
9(H
COM
COM
sur snint Matthien, qui n'est pa<; de lui.
COMMUNAUTÉ liCCLÉSIASTIQlJE , corps
cotiiposé de persutiiicâ er('lé.si;is(i(|ues ()iii
vivent en cominui) cl uni les inèuics inléréls.
Ces commiinnitté!: son! ou séculiiires on régu-
lières. Celles-ci sont les clinpiires de chanoi-
nes réguliers , les nioiiasières de religieux ,
les rouvenis de religieuses. Ceux qui les
composent vivent ensemble, oliservrnt une
même it'gle, ne pos>èdent rien en propre.
Les communauté:! séculières sont les con-
grégations de préires, les collèges, les sémi-
naires et autres maisons composées d'ecilé-
siasliqnes qui ne l'ont point de vceiix et ne
sont point astreints à une règle particulière.
On altrihue leur origine à sa ni Augustin; il
forma une communaiiie de clercs de sa ville
épiscopale , où ils logeaient et m nigeaienl
avec leur évèque , èiaieid Ions nouiris et
velus aux dépen^ de la commumiiilé, usaient
(le meubles et d'habils coiuniuiis, sans se
faire remarquer par aucune singul.irilé. Ils
reniinçaienl à tout ce qu'ils avaient en pro-
pre ; mais ils ne faisaient vœu de continence
que quand ils recevaient les ordres aux()uels
ce vœu est attaché. — Ces comumnaulés
ecclésiastiques , (jui se mu tiplièrent dans
l'Occident, ont servi de modèles au\ chanoi-
nes réguliers, qui se fonl lous honneur de
porter le nom de saint Augustin. En Espagne,
il y avait plusieurs de ces commamnités, dans
lesquelles on formiit de jeunes clercs aux
lettres el à la piété, connue il païaît par le
second concile de Tolède ; elles oit clé rem-
placécs par les séminaires. — L'Histoire
ecclési'istii/iie fait aussi mention de cummu-
nnuiés qui étaient ecclésiastiques el monas-
tiques tout ensemble : leis étaient les nionas-
tèies de saint l'ulgence, évé<iue de Ituspe ,
en Afrique, et celui de saint (Irégoire le
Grand.
On appelle aujourd'hui communautés ecclé-
siastiques toutes celles (lui ne tiennent à
aucun ordre ou congrégatii>n établie par let-
tres patentes, il y en a de filles ou de veuves
qui ne fonl point de vœux , du nio ns de
vœux solennels, et qui mènenl une vie très-
régulière.
L'utilité de ces différentes espèces de com-
munauléf. est de lairu subsister un grand
nombre de personnes à peu de frais, de les
soutenir dans la piété p.ir le secours de
l'exemple , de bannir le luxe qui absorue
tontdans la société civile; ce soni ordinaire-
nienl des modèles du bon ordre et d une sage
économie. Qnand ou dit (jue Cesprit de corps
qui y règne est conlraire à l'intérêt public et
au caractère de bon citoyen, c'est comme si
l'on soulenail nunn père ne peut cire alla-
cliéau bien particulier de sa famille sans se
détacher du bien public; que le patriotisme
ou l'esprit national est conlraire à l'huma-
nité ou a ratleclion générale ((ue nous devons
avoir pour tous les hommes. — En détrui-
sant l'esprit de corps , on lui subsiiiue
régo'isme , caractère le plus pernicieux el le
plus opposé à rinléréi gêné, al , aussi bien
qu'à l'esprit du christianisme , qui est un
esprit de charité et de fraturuilé. — L'iiuma-
9U2
nité prétendue de nos philosophes cosmopo-
lites n'est qu'on masque d'hypocrisie, sous
lequel ils cachent leur égoisme. Quiconque
ne sait pas lémoigner de l'amitié aux per-
sonnes avec lesquelles il vil ions les jours
par sa complaisance, sa douceur, ses servi-
ces, n'aime dans le fond quo lui môme. Avec
de belles maximes d'alfection générale pour
le genre humain, il ne voudrait se gêner en
rien pour (.oiisoler un afiligé, pour secourir
un mal.ide, pour soulager un pauvre, pour
supporter un caractère fâcheux. Celui au
contraire qui, din^ une société particulière,
telle qu'une co/HHiumiuic' ecclésiastique ou
religieuse , sesl accuuluoié de bonne hetire
à ménager, à sup;iorler, à servir ses frères,
en «si d'autant mienx disposé à traiter de
même lous les hommes ; ainsi , ce (|ue l'ou
nomme esprit de corps n'est dans le fond (ine
l'ainonrdu bien général fortifié par l'habi-
tude d'y contribuer.
Un protestant , plus judicieux que nos
censeurs politiques , a reconnu l'uiilité des
communautés en général ; nous ne pouvons
nous défendre de copier ses réflexions : « Le8
travaux, dil-il , qui demandent du temps et
de la peine , sonl toujours mieux exécutés
par des hommes qui agissent en commun ,
que lorsqu'ils travaillent sép.iréinenl. Il y a
plus de dessein , plus de constance à suivre
un môme plan , plus de force pour vaincre
les obstacles el plus d économie. Il est des
entreprises qui ne peuvent être exécutées
que par un coips ou par une société vivant
sous la même règle... Ainsi , j'ai peine à
croir<' qu'aucune colonie puisse atteindre au
même degré de prospérité qu'on couvent.
a L'expérience prouve que les sociétés
puremenl civiles se négligent, el les négli-
gences aperçues ne produisent que des in-
quiétudes , des agitations , des changemcnls
perpétuels de plans... Mais il y a une aulre
espèce de sociétés où tout est réduit à un
intérêt commun, el où les règles sont mieux
observées : ce sont h s sociétés religieuses :
de là il est résulté qu'elles ont mieux pros-
péré (jue les autres dans les elublissements
qu'elles ont entre[)ris Sans l'exactitude à
suivre une règle, les plus grandes ressources
Sont inelfic.ic. s, leurs etîels s'éparpillent,
pour ainsi dire , et ne tendent plus au bieu
commun.
« La nature même de ces sociélés empéclie
qu'elles ne puissent être liès-nombreuses ,
leur excès leur nuit et les réduit. Mais on
peut en tirer de grandes leçons pour le suc-
cès el le bien de la société générale , el je ne
puis m'empccher de les regarder elles-mêmes
comme un bien. Si nous remontions à l'ori-
gine de la plupart des monastères rustiques,
nous trouverions prolialilement que leurs
premiers habitants ont été défricheurs , que
c'est a eux el à la bonne conduite de Ifurs
successeurs que les couvents sonl re leva-
bles des biens dont ils jouissent. Pourquoi
n'en jouiraient-ils pas ? Imilonsles sans en
être jaloux. Si leurs possessions apparto-
naient à un seigneur, cela n'excilerait aucun
murmure el ne donuerait lieu à aucune sa-
9G3
COM
COM
934
lire. Pourquoi n'en e%{-.\\ pas de mcnie à
t'éganl (l'un couvent? Quant à moi , je vois
ees ciablissements avec d'aul.int plus de
pl.ii«ir, que ce n'est pas la jouissance d'ua
Seul liomme, mois de plusieurs, et, snus ce
point de vue, je ne s.iurais leur souhaiter
trop Al' bonheur. Di s r- ligieux sont des hom-
mes , et l'on doit souhaiter que tout houime
soit heureuv dans son étal , dès qu'il ne
détruit pas le bonheur des autres.... Or, je
ne vols pas en quoi les re'igieux empiètent
sur le bonheur des autres hommes ; mais je
vois que dans leur état ils ont beaucoup de
ce bonheur tranquille qui est prisé par un
grand nombre d'hommes. La subsistance
simple , mais abondante , y est assurée pour
les pères , les frères , les douiesliques et les
laboureurs. La règle s'étend sur tout, pour-
voit à tout, [)révient les écarts et les désor-
dres. Ils [leuvent se maintenir dans un état
d'honnête abiuulance , parce qu'ils font plus
rendre il la terre, et que rien ne se dissipe.
Le pouvoir des chefs y ni' inljent la règle, et
il serait à sonliailer pour le bonheur des
hommes qu'il eu lût de même partout.
« Sans le lien salutaire de la religion, l'on
tenterait vainement de former de pareilles
sociétés ; celles qui ne seraient formées que
par des conventions ne tiendraient pas long-
temps. L'homme est. trop ineonst.int pour
s'asservir à la règle, lorsqu'il peut l'enfrein-
dre impunément : or, il faut qur dans l'eu-
ceiiile où doit s'observer la rè^le , tout y soit
soumis. La religion seule, soit par sa force
nalui elle, soil par le poiiis de l'opinion publi-
que , peut produire cet heureux effet. Dans
le cloître , qui pourrait violer la règle est
contenu par la société entière, qui a besoin
de la considération publique pour relever la
niéiliocrité de son ét.it.
n Je suis doue cbarnic qqe les prolestanls
aient conservé les cloîtres eu Alleni.igne, et
je voudrais voir ces claldisseinents partout,
parce que je vois partout une classe de gens
qui a besnii) d'un petit sort assuré que l'opi-
nion publique relève , mais qui , par son
inactivité ou son manque de ressources , est
extrêmement à charge à elle-même et à la
société. Il fiul, en \tn mot , d'honnéles hôpi-
taux , et les couvents ne sont pas autre
chose.
« Il serait aisé de corriger les défauts et de
réformer les abus de ceux (]ui méritent des
reproches; on les attaque, uon-sculcmenl
par les abus, mais eii cii\-n)èmes, et par des
principes qui ne peu>cnt faire (]ue du mal,
et on égare les hommes en croyant parler le
langage de l'humanité. * .Lettres sur l'his-
toire de la terre et de l'homme, par M. Detitc,
t. IV, p. 72 et suiv.j
Les réflexions de ce sage observateur sur
l'u'ilité teqiporelle et politique des ommu-
nautc's, ne sont pas moins vraies à l'égard de
leur utilité morale ; la règle est encore plus
nécessaire pour dir ger la coniluilc de
rhu[ii;)ie dans l'ouvrage du salut, (|ue dans
le$ travaux de la société, lui général , les
mueurs ont toujours été plus pures , et la
piélc mieux soutenue dans les monastères
que partout ailleurs. Lorsqu'il y arrive des
désordres, c'est une preuve que les mœurs
publi(iues sont alors au plus haul degré de
la corruption , et que la vertu n'est plus
honorée dans le mondo. Si elle est plus r.ire
aujourd'hui dans les cloîtres qu'anirefois ,
c'est un des funestes effets qu'a produits la
philosophie de notre siècle ; elle pénètre par-
tout, infecte tous les états, et fait sentir son
iniluence dans les lieux mômes qui étaient
faits pour en préserver. — Ajoutons qu'il y
a des travaux littéraires qui n'ont pu être
bien exécutés que par des cummunaulés ; il
fallait une riche bibl othèque . des corres-
piindauces avec d'autres savants et plusieurs
coiiperaleurs qui travaillassent do concert.
Telles sont les collections d'anciens monu-
ments , les belles éditions des Pères, les
grands corps d'histoire, etc., mis au jour
par les bénédictins. Dans le cloître, un écri-
vain , libre de tous les soins domestiques et
de toutes les distractions de la société , ac-
coutumé à une vie uniforme et dont tous les
moments sont coaiplés, a beaucoup plus de
temps à donner à l'étude que ceux (]ui vivent
dans le monde ; et c'est encore ici que les
motifs de religion sont très-nécessaires pour
encourager au travail. — Eutin , il y a des
services esscnticds qui ne peuvent être con-
statnment rendus au public que par des cum-
7nunaulcs : tels sont le soin des hôpitaux et
des établissements de charité, l'éducation de
la jeunesse, les n)issions , etc. Ou a besoin
de sujets formés d'avance, et qui soient tou-
jours prêts à re iiplacer ceux qui viennent à
manquer. Voy. .Moines, Monasièkes.
("osiML'?iAi;Ti3 DE BIENS. Il est dit dans les
Actes des ajiôtres, c. it, v. kk , que les pre-
miers chrétiens de Jérusalem mettaient leurs
biens en commun , et que les pauvres y
vivaient aux dépens des riches; mais cette
discipline ne dura pas longtemps , et rien no
prouve <iu'elle ait été imitée dans les autres
Kglises. Les incrédules ont donc soutenu
très-mal à propos (|ue celte covimunutilé de
biens avait contiibué beaucoup à la propa-
gation du christianisme. Quand c'aurait été
un appât pour les pauvres, ç'aur.iil été aussi
un olisiacle pour les riches; et s'il n'y avait
pas eu à Jérusalem un gnnd nombre de
riches qui avaient embrassé la foi, ils n'au-
raient pas été en étal de nourrir les pauvres.
— D'.iilleiirs .Mo*heim, dans ses Dissertations
sur riJi!<loire eeclés astique, t. Il, p. 14-, en a
fait une dans la(|iiclle il nous parait avoir
prpinc assez solidement que cette roDona-
nanié de biens entre les jircniiers fidèles de
Jérusalem no doit pas être entendue à la
rigueur, mais dans le même sens que l'on
dit d'un homme libéral , qu'il n'a rien à lui,
et qu'entre les amis tous biens sont com-
muns. Ainsi ces paroles de saint Luc {Ad. ii,
kk, et IV, 32) : Lu tuuiiiude des fidilei n'avait
qu'un cii'ur et qu'une âme, aicun d'eux ne
reguidn't ce qu'il possédait comme élaut à
lui, mais luul était commun entre eux, signi-
fient seuiemeiit que chaque fidèle était tou-
jours prêt à se dépouiller de ce qu'il possé-
dait pour assister les pauvres ; plusieurs, eu
9CS
COM
COM
900
effet , vendaient une partie de leurs biens
pour fa<irc l'iiuinôiie.
Il est ceriain li'aboril que les apôtres n'o-
bligcaioiit persDuno à faire ce sacrilico. LorS'»
que Ananie cl Sapliire eurent vendu un
ch.imp, et appoiloreiil une partie ilu priK
aux pieds des a|>ôlres pour la disiritiiKT en
auinâni's, saint l'icrre leur dit : \'éliez-vons
pas les viaiires de yurder votre champ, ou d'en
retenir le prix après l'avoir vendu ? c. v, v. k.
Cette manière d'exercer la diarité était donc
absolument libre. — \'ers la fln du i"' siècle,
saint Barnabe; au ir, saint Justin et Lucien;
au iir, saint Clomcni il'Aloxaudrie , Tcrlul-
lien, Origèiie, saint Cyprien ; au iv*^, Arnobe
et Laciance disent encore qu'entre les cbré-
tiens tous les biens sont communs; il n'était
certainement plus question pour lors d'une
communauté (le biens prise en rigueur. —
Par là se trouvent réfutées les vaines con-
jectures de quelques déistes, qui ont dit <|ue
les fidèles de Jérusalem n'avaient fait autre
chose qu'imiter les pythagoriciens et les
esséiiiens, qui menaient leurs biiMis en com-
mun ; que Jésus-t^Jirist lui-même avait puisé
chez les esséniens sa doctrine, sa morale, et
avait établi parmi ses disciples la méine dis-
cipline qu'il avait vue en usage parmi cette
secte juive, etc.
il n'est pas douteux que la charité héroï-
que, si commune parmi les premiers chré-
tiens, n'ait contribué beaucoup à la propa-
gation du christianisme : leurs ennemis
uiémcs en rendent témoignage, aus^i bien
que les Pères de l'Kglise. Mai> les incrédules
veulent f.iire illusion, lorsqu'ils représentent
cette vertu comme une cause lonte naturelle
de l'établissement de notre religion; est-il
naturel que le détachement et le mépris des
biens de ce monde, si rares parmi les païens
et parmi les Juifs, soient devenus tout à coup
une qualité commune et populaire parmi les
chrétiens? Voy. CHAUixii.
COMMUNICANTS , secte d'anabaptistes.
Ils furent ainsi nummésà cause de la conmiu-
nauté de femmes et d'enfants qu'ils avaient
établie entre eux, à l'exemple des nicolaïtes
(Sanderus. Ilœr. 198. Gauliiier, dans sa Chro-
nologie rfii XVI" siècle). \ oy. Anabaptistes.
COMMUNICATION D 'ÏUIOMliS , terme
consacré paripi les théologiens, en traitant
du mystère de l'incarnation, pour exprimer
l'applicalion des attributs des deux natures
unies en Jésus-Christ à sa divine personne.
En vertu de l'union hyposlalique des deux
natures dans une seule personne divine, on
attribue avec raison à cette personne tous
les idiomes ou toutes les propriétés de la na-
ture humaine, qui ne sont point incompati-
bles avec la divinité. Ainsi l'on dit que JJieu
a souffert, que Dieu est mort, etc., choses
qui, a la rigueur, ne conviennent qu'à la na-
ture humaine ; cela signifie que Dieu a souf-
fert, quant à son hummité, qu'il est mort
en tant qu'homme, parce que, selon l'axiome
reçu en théologie, les dénominations qui si-
gnifient les natures ou les propriétés de na-
ture, tombent sur le suppôt ou sur la per-
sonne. Or, comme il n'j a en Jésus-Christ
qu'une seule personne, qui est la personne
du Verbe, c'est à elle qu'il faut attribuer les
dénominalions des deux natures et de leurs
propi iét;:s. Mais, par la communication d'ir
chômes, on ne peut pas attribuer à Jésus-
Christ ce ((ui est incompatibb; avec la divi-
nité, ce qui ferait supposer (ju'il n'est pas
Dieu; ce serait détruire l'union h}poslati(iue
qui est le fondement de la communication d'i-
diomrs. Ainsi l'on ne peut pas dire que Jé-
sus-Christ est un pur homme, qu'il est fail-
lible, capable de pécher, etc. Par la même
raison, l'on dit de Jésus-Christ qu'il est la
sagesse éternelle, qu ilesl tout-puissant, etc.,
attributs propres de la Divinité, parce que
la personne do Jésus-Chrjst est le Verbe
di\iu(l).
Les nesloriens rejetaient cette communicu'
tion d'idiomes ; ils ne pouvaient soulTrir que
l'on dît, en parlant de Jésus-Christ, que Dieu
a oulTert, qu'il est mori, que .Marie est mère
de Dieu ; d'où l'on conc ul qu'ils admet-
taient deux personnes en Jésus-Clirist quoi-
qu'ils ne l'alGfmassent pas formellement.
Les luthériens sont tombés dans l'excès op-
posé, en poussant trop loin la communica-
tion d'idiomes, en prétendant que J sus-
Christ, non-seulement en tant que Dieu, mais
en tant qu'homme, est immortel, immense,
présent partout : propriétés qui ne peuvent,
en aucun sens, convenir à l'iiumanité. Voy.
ISCAHNATION.
COMMUNION DE FOI, croyance uniforme
de plusieurs personnes, qui les unit sous uu
seul chef, dans une même Eglise ; sans ce
caractère, l'Eglise ne peut avoir une vérita-
ble unité. Telle a été la per^uasion de ses
membres, dès les premiers siècles ; on le voit
[lar le', canons du concile d'Iilvire, tenu vers
l'an ^00, et c'est ainsi que l'on a toujours
eniendu le symbole de Nicée , qui appelle
l'Eglise une , sainte, catholique et apostoli-
que. Par conséquent toutes les sectes qui ont
cessé d'être en communion de foi avec elle ,
ont cessé d'être membres de l'Eglise de Jesus-
Chr.st. l.e souverain pontife est le chef de la
communion catholique ; l'iîglise île Home, oa
le saini-siége, en est le centre ; on ne peut
s'en séparer sans èlre schismatique.
Jésus-Christ, parlant de ses ouailles, a dit
qu'il en ferait un même troupeau sous un
seul pasieur (Joan. x, lli). Saint Paul répète
continuellement aux fidèles qu'ils sont un
seul COI ps ijlotn. xii, 5; 1 Cor. xii , 25, etc.).
Cela ne peut pas être, à moins que tous
(I) Il est facile de résumer en deux mois ces prin-
ci('es : I ' on peut aiiribuer à la personne tomes les
parties (|iii la coiiiposeiit et tous les actes ipii eu
priiceileiit : v. g., on dit ; Pierre a une àme, un cor(is,
une main, elc. ; il a Irappé, marclic, etc. l)'a(irès ce
principe, en peut dire : Le Fils de Dieu esl né ; le
Verbe s'est fait cliair; Dieu e,l homme, parée que
les sn.ets de «es propusitions déslgiieni |a personne;
i2" On ne peut ailiibner à une pnriie ce ijpi convient
à une aiilie, aiisi on n« peut dire ipie l'àine a iiiarr
elle, (|ae le c rps a pensé. Coiisécpieiiinuiil, on n^
peiil aiiribuerii la namre Inimaine ce qui apparlient
à la iiaiure divine, ni' à la nature divine ce (|ui ap-
parlieni à la naiure humaine.
SOT
COM
COSI
9G8
n'aient une même foi, les mêmes sacrements,
la même morale, un même culte ; autrement
l'unité ne serait qu'extérieure et appnreiUe.
Pour qu'elle soit réelle et roiislante, un cen-
tre de subordination est aussi nécessaire
qu'un drapeau ou une enseigne pour rallier
les soldats. — L'évidence de ce principe est
confirmée par une expérience de dix-sept
siècles. Tous ceux qui n'ont pas voulu se
souinclire à celte constilulion de l'Eglise, se
sont sép nés pour aller taire baude à paît;
et bieniôt celle première secte s'est sous-di-
visée en plusieurs autres , qui n'ont pas eu
entre elles plus de liaison qu'avec le Ironc
duquel elles s'étaient séparées. Elles se sont
délestées et condamnées niutuelloment ,
comme elles él. lient rejetées elles-méuies
par l'Eglise catholique. L'inconslance natu-
relle de l'esprit humain, l'orgueil qui se dalle
de mieux penser que les aulres, l'ambillou
d'élre chef île parti, sonl des maladies qui
dureront aulanl que l'hunianiiè ; il n'y a
point d'autre reinèile contre leurs ravages
qu'un liein qui les retienne, et qui les force
de plier sdus le joug de l'easciguemenl com-
mun. Voy. Eglise, § 2.
CoMMUMON DES SAINTS. C'est l'union entre
l'Eglise iriomphanle , l'Egli-c milllante et
l'Eglise souffrante; c'est-à-dire, entre les
saillis qui sonl dans le ciel, les âmes qui
souffrent en purgatoire, cl les fidèles qui vi-
vent sur la terre. Ces trois parties d'une
seule et rnêuie Eglise, fonnenl un corps dont
Jésus-Christ est le chef invisible ; le pape,
vicaire de Jésus-Christ, en est le chef visi-
ble, el les nieiiibres sonl unis entre eux par
les liens de la ciiarilé, par une communica-
tion miituelli! d inlercession el de prières. De
là l'invocation des saints, la prière pour les
morts, la confiance au pouvoir des bienheu-
reux auprès du trône de Dieu.
La comiiiuniun des saints est un dogme de
foi, un des ailicles du symbole des apôlres,
coiislamineiil reconnu par la Iradilion, et
fondé sur l'Ecriture sainte. Nous sommes
tous, dit saint l'aul , un setd corps, et mem-
bres l'un de l'autre [Rom. xii, 5). Qu'il n'y ait
donc point île division dans ce corps, mais
que les membres nient soin l'un de l'autre (I
Cor. xii, 25). Croissons tous dans la léntéet
dans la charité, en Jé.-ius-Citrist qui est notre
chef(Ëpties. IV, la, ctc ). — De là nous con-
cluons que tout est commun dans l'Eglise,
prières, bonnes œuvres, grâces, mérites, etc.;
qu'un des jilus grands niallieurs pour un
chrétien est d'être privé de la communion des
taints par rexcoinmunicatiun, par le schis-
me; que c'esl y renoncer en quehiut; ma-
nière que de méprisiT le culte puhllc, el de
lui prclérer p.ir mollesse un culte domesti-
que el parliculier.
Tout fidèle qui se connaît lui-même et
se rend justice, a peu sujet de compter sur
ses vertus cl ses bonnes œuvres; mais il
se repose sur l'intercession . les prières ,
les mérites de l'Eglise, (|ui sont ceux de
Jésus-Christ, el qui liienl de lui loule leur
valeur. C Col ce qui soutient l'espérance chré-
tienne, et nous excite à faire le bien (I).
Ce même dogme de la communion des
saints devrait encore contribuer à rappro-
cher les cœurs, à étouffer les haines généra-
les el particulières, à inspirer à tous le^ chré-
tiens des sentiments de fraiernilé. lin Jésus-
Christ, dit saint Paul, il n'y a plus ni Juif, ni
gentil, ni Grec, ni bu bore, ni maitre, ni es-
clave; vou^ ries en lui un même corps et une
seule famille (Gidat. m, 2S). Telle a été l'iu-
teniion de noire divin Maître; si nous y ré-
pondons souvent Irès-mal, ce n'est pas la
faule de notre religion.
Dans les premiers siècles, les différenles
Eglises étaient dans l'usage de s'écrire mu-
tuellement des lettres de fraternité et d'ami-
tié, que l'on nommait lettres de communion.
Elles atleslaient , parce moyen, qu'elles
étaient unies entre elles, non-seulement par
les liens d'une môme foi cl d'un même culte,
mais encore par une charité mutuelle;
qu'elles s'iuléressaient à la pros;)érilé les
unes des aulres, et prenaient part au bien ou
au mal qui pouvait leur arriver. — Saint
Paul appelle aussi communion les secours
mutuels d'aumônes el de services que les fi-
dèles se rendaient les uns aux autres : ISenefi-
centiœ et communionis nolile oblitisci (Hebr.,
XIII, 10). Dans quelques Chartres du xii.' siè-
cle, on a donné le nom de communion aux of-
frandes que les tidèles fais.iienl en commun.
Communion el'charistiqi e ou sacramen-
telle. C est l'action de recevoir, dans le sa-
crement de l'eucharistie, le corps el le sang
de Jésus-Christ, action qui est évideminenl la
plus augusie el la plus sainte de notre reli-
gion. Lu coupe (/ue nous bénissons, dit saint
Paul , n'est-elle pas la communion du sang de
Jésus-Clirist, el le pain que nous rompons,
n'esl-il pas la participation au coips de Jé-
sus-Clirist ? Nous sommes tous un seul pain et
un seul corps, nous qui participons au même
pain et à la même coupe (1 Cor. x). Ainsi l'A-
pôtre nous fait sentir toute l'cncrgie du
terme de communion.
Dans toutes les religions, l'usage a été
conslanl de manger en commun les chairs de
la victime que l'on avait offerte en sacrifice ;
dès les premiers temps, le père de famille
présidait à la cérémonie , rassemblait ses
enfants, ses domesli(|ues, souvent les étran-
gers, pour prendre parla ce repas fraternel.
Les païens se llailaienl , dans celle circons-
tance , de manyer avec les dieux; les adora-
teurs du vrai Dieu, plus sensés, se regar-
daient comme assis â la table du l'ère com-
mun de loulis les ciéatures. — Jésus-Cdrisl,
qui connaissait si bien les ressorts qui font
(I) Dieu s'est réservé à lui-même le secrei de )a
dislrihulhiii des liions spiriiinU de I'1';j^Iivc. Mais
quiiiiiu'iin ne puisse dclrniiiiicr la pari que eliaipie
liiiéle reçoit, on peiit assiirei que ceux i|Ui ont plus
de l'cii, cil-, ('lianié el de saiiilelc, pariicipeiil plus
alKiiid.uiiiiienl ipie les aiiires ù la couiiiiiiiiinn des
saints. Celle véiilé est une cuise de progiés car
loule pers 'iine niinant à anias-cr de grandes iiclies-
ses, v.'iii puiser avec plus d'iilKUi laïue dans le tré-
sor, el lûL'Iie d'avancer en venu, aliii de recueillir
davaiilaije.
960
cm
COM
570
oioiivoir le cœur humain, et l'influence nue
les cérémonies ont sur les mreurs, ne pou-
vait manquer d'en corspi ver une aussi lou-
chante que celle-ci ; niais il en a relinnché
ce que les anciens sacrifices avaient de trop
grossier. Elle e>t bien fioide, quand on ne
l'cnvisaste que comme un simple symbole
destiné à nous r;ip[)elir le souvenir de la
dernière cène de Jésus-Clirisl ; un rcfias or-
dinaire ferail sur nmis plus «l'impression.
Mais que la communion est (oncbaiiie, quand
on croit que ce divin Sauveur e.-l tout à la
fois le prélre, la victime, la nourriture de ses
adorateurs]
La communion de foi el la communion des
saints soni uni' conséquence de la cnmniunion
sacramtnlelle, qui en est le siiine. Nous som-
mes un seul corps, dit saint Paul, nms tous
qui participons à un nuUtie puin (1 Cor. \,
17). Âlais il expli(|uc la nature de ce pain, en
disant que c'est la parlicipaiion au corps ilu
Seij;nfur. Il confirme ci'lie idée en cumpa-
ranl les chrétiens aux Israélites, qui parti-
cipaient au sacrifi(e, en mangeant la chair
de la victime. Si l'eucliarisiic n'est pas un
vrai sacrifiie, la comparaison est fausse, la
participation est imaginaire ; la chair des
victimes était une image beaucoup plus sen-
sible du corps de Jésus-Christ mort sur "la
croix, que le pain el le \in.
Il n'est donc pas étonnant que les protes-
tants, en faisant di' l'eiicliarisiie un signe
sans réalité, aient renonré en même temps
à l'efficarite de la communion sacmmentelle,
à la communion de foi rt à la communion des
saints. Chaque parti. nlier, dans sa l'amlllc,
pent consacrer l'eucbarisiie et faire la com-
munion dans le sens qu'ils donnent à ce
terme; il ne faut ni prêtre, ni aulel, ni cé-
rémonies ; avec une foi calviiiienne el un
peu d'enlhousiasnie, toute la famille com-
munie à chacun de ses repas. C'est mal à
propos qne saint Paul a tiré de la cène eu-
charistique une insiruclioii qu'il pouvait
faire également sur chaque repas (iris en fa-
mille , ou du moins sur celui dans le<|uel
plusieurs familles se trouvent rassemblées.
Dès le I'' siècle del'ligbse, saint C éineni;
au 11% saint Ignace et saint Justin; au iir,
Teilullien et d'autres, nous m()nlr■nla^ec
quelle pureté, ((uel respect, quelle ferveur,
les premiers fiitèks faisaient celle sainte
action, et ce qu'ils en pensaient. Dans tou-
tes les liturgies, les prii res qui précèdent la
communion, la formule dont elle est acci'm-
pa^nee, radoralion de l'eucharistie, la ma-
nière dont on la rece>ail, l'action de gràies
qui suit , démontrent i|ui' de tout temps les
fidèles ont cru y recevoir non un simple sx m-
bole du lorps el du sang de Jésus-Christ,
mais la réalité et la sulislance de ces d<ms
divins. Nos conlroverMSIes ont mis ce point
de fail el de doctrine dans un degré d'éw-
dence aunuel il n'est pis possiiile de se re-
fuser. Voy. Perpétuité de la Foi. loni. IV,
liv. ii:, c. 1 el sui»aiits |edil. Niigne].()ii ui-
conçoit pas conini> iit Ringliani, maigre ses
préjugés angl cans, ne l'a pas senli en rap-
purlant les muuuments de l'antiquité sur ce
I>ICT. DB TuioL. DOGMATIQUE. I,
point lOrig. eccl., I. xv, c. .3). — Basnage
n'a pas été plus judicieux. Delà manière dont
on communiait dans les premiers siècles, il
prétend tirer des inductions pour prouver
que l'on ne crovail pas alors la présence
réelle de Jesus Christ dans l'i'i.charistie, ni
la II aiissnlisl iiitialiiin I! o! serve qu'n i ne
la rere\aii pas toujours à jeim, qu'o i la don-
nait aux eiil.MUs injinédiatement après le
baptême, et ou croy.iil que es deux sacre-
rncnls leur élaii'ut ega emeiit tiéress lires.
Les adultes la recevaient dans leuis mains,
ou leur pei niellait de rem|)orier chez eux ;
quelquefois ou la mettait dans la bourbe des
nuirts el on l'enteriait avec eu\. Onelqiies
évc.iues la [loriaienl cl.iiis des panieis d'osier
et dans des coupes de bus ou i!e \erre. Les
diacres, nou-seulem> n' la disd ibuaieni, mais
pouvaient la consacrer ; on n'en ré^ervait
rieu pour les malades ni pour les mourants.
La plu| art de ces usages, dilil, seraient au-
jourd'hui regar<lés comme des crimes; sans
doule on en aurait jugé de même dans les
premiers siècles, si l'on avait en pour lors la
même idée de l'eucharistie, que l'Eglise ro-
maine s'en est l'ormée dans la suite des siè-
cles (llisl. de l'Eijlise, liv. xiv, c. 9). Daillé
avait déjà fait à peu près les mêmes observa-
tions.
Il nous paraît que les unes ne prouvent
rien, et que bs autres donnent lieu à des
consé.|uences directement contraires à celles
que ireul les prolcstanîs. l'Il n'est pas éton-
nant que, pendaul les [i' rsécntions , l'on ait
élé ••ouveni obligé de célébrer les saints uiys-
tères l'endaul la nuit, et que les fidèles aient
été dans l'impossibilité de < ommunier à jeun ;
la disposition (|ue l'on a toujours jugée la
plus nécessaire pour cette action sainte, est
la pureté de l'âme; le cas de nécessilc abso-
lue peut dispenser des autres. On a loué saint
Exupère, évêque de Toulouse, de ce qu'a-
près avoir donné tout aux pauvres, il était
réduit à porter l'eucharislie dans un panier
d'osier el dans une coupe de verre ; s'ensuit-
il di- là que l'on fais.iit partout de même?
Celait pendant l'irruptiiii des Goihs et des
autres Itarbares; les peuples étaient alors
réduits à une misère extrême; ou louerait
encore un évêque qui imiterait saint Exu-
père en pireil c.is. Dans les pays où la pro-
fession du calholi isme n'est pas soufferte,
les prêtres sont obligée de porter aux mala-
des la communion dans leur poche, el sans
aucun appareil extérieur; un ne croit pas
pour cela manquer de respect au sacre-
ment. — 2° Les premiers chrétiens, exposés
tons les jours au mart\re, emportaient chez
eux l'eucharistie , afin de puiser dans la
sainte communion le courage dont ils avaient
besoin (our eudurir les tourments; preuve
qu'ils ne pensaient pas, comme les protes-
tants, que celle action n'est que la figure do
dernier souper de Jésus-Chrisl . et (jue la
communion fiile en particulier n'est d'aucun ,,«<jjk
ineriie; les préienilus martyrs des pr >tes- .-.-î^'*^
lanls n'ont pas f.iil de même, parce qu'ils
n'avaient pas sur leuchari lie la luéme/^^ 0^
croyance que les premiers ûdèles. — 3" ^f yÇ ^
81 / / A
971
COM
COM
97-2
l'on avait cru pour lors, comme les protes-
tants, que l'on ne participe au corps de Jé-
sus-Christ que par la foi, se serait- on avisé
de donner l'eucharistie aux enfants incapa-
bles d'avoir cette foi ? Nous n'entrerons pas
dans la question de savoir s'il est vrai que
saint Augu^Iin et d'autres Pères ont pensé
que l'eucliarislie était aussi nécessaire aux:
enfants que le baplême, et si la coutume de
la leur donne réiail aussi générale que Bas-
nage le prétend; quand <'ela serait incontes-
table, il s'rnsuivr.iit toiijours que la croy.in-
ce de l'Eglise de ces temps-là était fort diffé-
rente de relie des calvinistes, et que l'on ne
pensait pas, comme eux, que la foi seule fait
toute l'efficacité des sacrements. — L'abus
défendu par quchiues conciles, de mettre
rçucharislie dans la bouche des morts, au-
rait encore muins pu s'introduire , si l'on
avait été dans le même sentiment que les
proti slants ; usais cette défense ne prouve
pas que cet usage abusif ait été aussi fré-
quent que Basnas;e veut le persuader. —
4°Coinment peui-il si>uteiiir que l'on ne ré-
servait pa; l'eucharistio pour les malades et
pour les mourants, pendant qu'il avoue que
l'on permettait aux pénitents de la recevoir
à l'heure de la mort? N'élait-elle donc ré-
servée que pour eux seuls? Voilà ce qu'il
aurait fallu prouver.
Au mot DiACBE, nous ferons voir qu'il
est faux que les diacres aient eu le droit ou
le pouvoir de consacrer l'eucharistie.
Parmi l<'s incié Iules, les uns ont accusé
les cilhnliques d(! ne pas croire à leur reli-
gion, puisque la commiininn [)roduil surenx
si, peu d'cfl'ets ; les autres ont *oini contre le
dogme de l'eucharistie des sarcasmes gros-
siers que riionnètelé seule anrait dû leur
inieriliie.T lie est l'injusiice de nos censeurs;
ils blâment également les saints qu'une foi
vive semble dépouiller de toutes les affrciions
terre>lres, et les chrétiens imparf.iils qui
n'ont pas le courage de vivre d'une m.inière
conforme à leur troy ince. Que faudrait-il
pour les satisfaire? S il est si ilttficile d'éire
vertueux, même quand on a la foi, le se-
rons-nous plus aisément lorsque nous ne
croirons rien ? Leur exemple n'est pas pro-
pre à nous le persuader.
Communion sp nnuELLK. On appelle ainsi,
dans ritglise catholique, le désir de recevoir
la sainte eucharistie, et les sentiments de
ferveur pir le-quels un fulèle s excite lui-
même à s'en rendre digne. C'est une excel-
lente pratique de piéié que de faire la cnm-
muni'iii ni/iricuclle toutes les fois que l'on
assiste à la saiule mc^se.
Communion sous les deux bspi^cks ; c'csl-
à-dire, siius l'espice du pain et sons celli^du
vin Ç'aétéunsujet de dispute rnlreles théolo-
giens cathi)li(|ucsel les protestants, desavoir
si, pour ressentir les effets de l'eucharistie, il
est absolument néressaire de recevoir les
deux espèces, et si l'on viole le commandc-
lucut de Jésus-Christ en communiant seule-
ment sous l'espèce du pain, comuic les pro-
testants le prétendent. — La solution de
cette question dépend beaucoup de l'opiniou
que l'on a de l'eucharisîie. L'Eglise catholi-
que, qui soutient que Jésus-Christ est réelle-
ment présent sous chacune des espèces eu-
charistiques, et que, dans l'étal d immor-
talit • dont il jouit, son corps et son sang ne
peuvent plus être réellement sép irés, con-
clut coaséquemment que l'on reçoit Jésus-
Christ tout entier en communiant sous une
seule espèce, et aussi parfaiiement que si on
recevait toutes les deux. Les calvinistes au
contraire , qui pensent que l'eucharistie est
seulement un symbole, une Ggure, un ga-
ge du corps et du sang de Jésus-Christ,
que l'on reçoit spirituellement par la foi,
soutiennent que c'est un crime de diviser ce
symbole, et que c'est en aliérer la signiBca-
tion, par conséquent lui ôter tout son effet.
Si le principe sur lofjoel ils raisonnent était
vrai, la conséquence sérail assez bien dé-
duite; ruais ce principe est une erreur.
H faut convenir que la discipline de
l'Eglise a varié sur ce point ; qu autrefois
les fidèles ont ordinaiiement communié sous
les deux espèces, et que cet usage ..i subsisté
très-longten>ps. M jis il n'est pas moins ceriain
que, dans plusieurs cas, l'un n'a communié
que sous une espèce ; que 1' Eglise n'a jamais
cru que celte co)?imi«/uo» fût criminelle ou
abusive, conlr.Mre à l'intention de Jésus-
Christ, ou moins elficace que l'autre. Saint
Justin nous apprend que déjà dans le u*
siècle, l'usage était de porter la communion
aux absents ; il n'y a aucune preuve qu'on
la li'ur ail toujours portée sous les deux es-
pèces ; cela etil é'é Irès-dil'ticile dans les
temps d;! persécution. Bientôt l'usage s'in-
troduisit de donner l'eucharistie aux enfants
immédiatemenl après le bapléme; ils ne
pouvaient la recevoir que sous l'espèce du
\in [S. Cypr., l. de Lnpsis). Terlullien et
saint Cyptien altestenl qu'au iii' siècle
on portait la coinnninion aux malades en
danger de mort, <.t aux confesseurs détenus
dans les prisons ; que les D ièl. s recevaient
l'eucharistie dans leurs mains, remportaient
chez eux, la conservaient pour se commu-
nier eux-mêmes, s ils se trouvaient exposés
au mari re ou à quelqu'autre danger ; ils ne
Il pren.iieiit que sous l'espèce du pain (Ter~
tull.,\ II ad lijrur., c. oj. Dans aucun temps,
la comntanion n'a été refusée aux abstèmes,
c'esl-à-dire-, a ceux qui avaient uncrépugnaii
ce naturelle pour le vin. Hiiigbani, (|uoique
persiiailé de la nécessité de la cummunion
sous les deux espèces, est convenu de tons
ces f.iits (Orly, ecdés., I. \v, c. k). Cummeiit
a-t-il pu l'aire un crime à l'Eglise romaine de
l'usage d.ins leciuel elle est, depuis plus de
cin(( siècles, de ne donner aux fidèles la coin-
nmnlon que sous l'espèce du pain ?
Hasnage, plus entête, n'a pas été d'aussi
bonne foi ; il a supprimé les faits dont nous
venons lie parler, Ilist. de l'Eglise, 1. xxvii,
c. H. Il dit ([ue l'Eglise a communie sous les
deux espèces jusqu'au ix' siècle, que toute
la terie a toujours ainsi communie. C'est
une imposture. (Jutre lesexemplesconlraircs
que nous venons de citer, Origène, au m*
siècle, parle de la communion sous l'espèce du
f78
COM
pain, sans fnire mention de celle du vin {Con-
tra Cth., I. vm, n*33). Eusèbe (llht.cccles.,
l.ti,n°U) rapporte l'hisloire d'un vieillard
mourant, comtminié avec du p.iin consacré
eldétrerapéd'eau. Au v, les manirhéens, par
superstition, s'ah.Uinaient de recevoir la com-
munion sousl'espècedu vin (Saint Léon, serm.
IV, de Qutidrag., c. 5). C'est ce qui en-agea le
pape (ielase à faire un décnl qui ordonnait
à tous les fidèles de conniiuiiier sous les
deux espèces. Comme le manichéisme a sub-
sisté en Occident jusque vers le xiii" siècle,
il n'est pas surprcnautque jusque-là l'on ait
ordinairement reçu l'eucharistie do celle ma-
nière; voilà ce que Hasnase n'a eu «ardc
d'observer. Mais avant le décret de Ciélase
il était libre aux fidèles de ne communier
que sous une seule espèce. Au vi" siècle,
l'an 5(51), le deuxième concile de Tours, can.
3, ordonna que le corps de Notre-Sei(;neur
fiil |>ai(lé, non pirmi les imai^es. mais sous
la croix de l'arilel ; pourquoi le garder, sinon
pour le donner eu viati(iue aux malades? On
n'}' gardait pas de même le vin consacré. Au
vir, le onzième concilo de Tolède, tenu l'an
675, can. 11, parle des malades qui ne jiou-
vaient, à cause de la sécheresse de leur go-
sier, avaler l'eucharistie sans boire le calice
du Seigneur; donc, hors de celle circonstan-
ce, on ne leur donnait que l'espèce du pain.
Au vin% dans la règle de saint Chrode^'aud,
il n'est fait mention de la messe que pour
les dimanches et les fêtes; est-il probable
que l'on n'ait pas réservé du pain consacré
pour communier les fidèles, et surtout les
malades ?
^ Il n'est donc pas vrai qu'eu aucun temps
l'Eglise ait reganlé comme un couimande-
meiil de Jesus-Christ ces paroles qu'il dit à
SCS apôtres, après la consécration An calice,
buvez-en tous, ni la communion sous les deux
espèces, comme une obligation imposée aux
fidèles par Jésus-Christ. Si sa crojance avait
été la même querelle des protestants, jamais
elle n'aurait osé dispenser personne de com-
munier sous les deux espèces. Elle a tou-
jours cru, au contraire, que le corps de Jésus-
Christ, aprèssa résurrection, ne pouvant élro
réellement séparé de son sang, Jésus-Christ
est renfermé tout entier sous l'une cl sous
l'autre espèce; qu'ainsi eu recevant l'une/
ou l'auire, on reçoit tout à la fois le corps
et le sang du Sauveur.
Il n'est pas plus vrai qu'en 1413, le concilo
de Conslaiice, en ordonnant que désormais
la communion fût donnée aux fidèles sous la
seule espèce du pain, a changé l'ancienne
doctrine de l'Eglise, qu'il a retranché du
plus auguste de nos sacrements une partie
de ce qui en fait la matière et l'essence, qu'il
a comtamné l'inslilulion de Jésus-Christ it
la pratique des apôtres, qu'il a privé les fi-
dèles de la parlicipilion au sang de Jesus-
Christ, etc., comme Basnage s'ohsline à le
soutenir. Lorsqu'une secte d'hérétiques s'est
abstenue de communier sons l'espèce du vin
par superstition, en consé(iucnce d'un dogme
faux et absurde qu'elle soutenait, l'Eglise a
ordonné aux fldèles la covmunion, sous les
COM
971
deux espèces, afin qu'ils témoignassent ainsi
qu'ils ne donnaient point dans cette erreur-
lorsqu'une autre secle a prétendu que celte
communion sous les deux espèces élait né-
cessaire au salut, que l'I'glise ne pouvait
sans prévarication, retrancher la coupe aux
laïques, l'Eglise a décidé le (onlraire, et la
leur a retranchée en effet, afin de réprimer la
lémériié des sectaires. Ce changement dans
la discipline, loin de prouver une variation
dans la croyance, en atteste au contraire
l'uniforniilé.
lîeausohre (Hist. du Munich., f. Il, 1, n,
c. 7, § 4) a voulu tirer avantage de ce que
saint I éou et tiélase ont dit des manichéens.
Il s'ensuit, dit-il, 1" qu'au v siècle, il n était
permis ni au prêtre de communier les fidèles
sous une seule espèce, ni à ceux-ci de n'ea
recevoir qu'une seule; car, si l'usage d'une
seule espèce avait été permis, le refus que
faisaient les manichéens de recevoir le via
consacre, n'aurait pas pu servir à les faire
reconnaître, comme le veut saint Léon.
2° Gélase dit que, puisque quelques-uns
s'abstiennent du calice par je ne sais quelle
superstition, les fidèles doivent ou recevoir
le sacrement tout entier, ou en être privés
entièrement, parce que la division d'un seul
et même mystère ne se peut faire sans un ijrand
sacrilège. Ce n'est plus là ce que pense l'E-
glise romaine. 3» Il faut que la doctrine de
Gélase ait encore été crue au xii*' siècle,
lorsque Gratien fit la collection du décret,
autrement ce moine n'aurait pas osé y insé-
rer le canon de Gélase. k" Suivant son avis,
les manichéens qui, au lieu de vin, consa-
craient l'eucharislie avec de l'eau, faisaient
moins mal que ceux qui ont retranché tout
à fait le calice, et ne permellent pas au peu-
ple d'y participer. — Si l'on veut y faire
attention, il s'ensuit seulement, de ce que
dit saint Léon, 1° qu'avant l'arrivée des ma-
nichéens à Rome, il y avait peu de fidèles
qui ne communiassent sous les deux es|)è-
ces ; mais lorsqu'un grand nomijre de ces
hérétiques, persécutés en Alrique par les
Vandales, se lurent réfugiés à Kome, et re-
çurent la communion avec les catholiques,
on s'aperçut que la multitude de ceux qui
relusaieui la coupe était beaucoup augnien-
lée, et c'est ce qui fit reconnaître les mani-
chéens; car, enfin, si aucun des fidèles n'a-
vait été dans l'usage de communier sous une
seule espèce, pouniuoi tiélase aurait-il dit
qu'il lallait ou que les fidèles reçussent le
sacrement tout entier, ou qu'ils en fussent
abM)luinent privés ? Aurait-il pu soupçonner
les fidèles d'imiter les manichéens ? — 2' Ce
pape avait raison do dire que la division,
d'un seul et même mystère ne peut se faire
(par superstition, comme faisaient les m ini-
chéens) sans un grand sacriliige. C'en élait
un.eneff. l.de croire, comme ces hérétiques,
qu'il y avait du mal ou du danger à recevoir
l'espèce du vin, de laquelle Jésus-Christ s'est
servi en instituant l'euchari^ie. Mais où est
le crime de ne pas la recevoir, ou par une
répi!;;nanre naturelle pour le \iii, on par le
dégoût de boire dans la même coupe dans
«75 COM COM 'Jl'^
ijiqiielle ont bu cent personnes, ou pour la fête de Pâques. Le qualricme concile de
quelque autre raison?— 3 Le tnoine Gmlioii Lalr.m, qui ost le douzième ?;énéral, leau
ne co'irail aucun «langer, .ni xir siècle, en l'an T^lo, a porté le ilécrei suivani, ib ip. Il :
i;l.iç.inl dans sa C'>llcclion le décret detlolase « ijue tout fidèle de l'un et «Je i'aulrc sexe,
ainsi entendu ; cl personne, à l'esceitiion lorsqu'il sera p.irvena à Và^" de tliNcrction,
dis proteslanls. n'a clé lenlé de l'entendre fasse en parliculicr et avec sinccri'.é la con-
autrcnienl. 4° Les ma licliéens, en cons.i- fcssion de ses péchés à s in propre prcire,
crani d" l'eau et non du vin, ch.jnijeaient au moins une fois l'an; et qu'il reçoive
l'insiituiion di' .lésus-Chrisl ; Beausobre en avec rcspecl, au moins à l*à(|ues, le sacre-
Co;ivi^nt : l'Ejj.ise calbtdiqne n'y change nn'iit de l'eucharislic ; à moins que, du cou-
rien, puisqu'elle consacre de l'eau et du vin seil de son [Topre prèirc, il ne croie devoir
comnie a faii Jésus-Cliri«t. La que-tion est s'en abstenir pour un teiniis, pour q lelque
de prouver qu'en insliluaiil ce saciemenl, causo raisoiinaldi»; aulrement «lu'il soit privé
le Sauveur a eu l'inlenl ou d'obliger tous de l'entrée de l'église pendant sa vie, et de
les fidèles à recevoir les deux espèces. Si on la sépuliurc cliréiieiine après sa mort.» —
le pré end. parce qu'il a dit à ses disciples : Par l'usage de la p!upa I des diocèses, il est
Buvez en tous, il fuit soutenir aussi (lu'il a établi (jue la rommuni <n pascale peut se faire
imposé à tous les fidèles l'obligalioii de con- pendant la quinzaine de l'àques, à cininen-
sacrer leucliarisiie, puisciu'ii a dit en même cer depuis le limaiiche des itann'aux jusqu'à
temps : i'nites ceci en mémoire de moi (Luc. celui de Quiisiniudo iiiclusiveinent ; il y en a
xx'r, 19). tnènie que ques-uns dans lesquels les évê-
Une pieuve positive que l'Eglise romaine, ques étendent cet intervalle jus(|u'à trois
depuis |)lus de douze ccnis ans, n'a ])oint semaines, et permcttenl de commenC'r les
changé de croyance, c'e^l que les Grecs et commiiniuns pascales le dimanche de la Pas-
les antres sectes ori<nlales, séparées d'elle sion. il est encore établi par l'usage que la
depuis celle époque, ne lui ont j.imais lait communion pascale doit se faiie ou d;ins l'é-
un crime de Li c.»i»iwnio« sous nue seule glise catliédrale ou dans l'cglise paroissiaîe,
espèce, quoiqu'elles aient conservé l'usage afin que les pasteurs puissent voir si leurs
de communier sous inules les deux ; plus ouailles soni fidèles à remplir ce devoir. Par
éciuiuibles que les prolestants, elles ont coin- le plus ou le moins d'ex.;Ciitude des peuples
piis la sagesse des raisons qui oui dirigé sa à y satisfaire, on peut juger sûreiueul de la
conduite (/'fr/)f7. de /a /oj", I.V.l.viii. p. l.^'i). pureté «u de la corruption des mœurs d'une
— Il n'y a donc eu aucune nécessité de ceilcr contrée. Dans 1"S grandes villes, où se rén-
aux instances qu'ont f.iites les hussilcs, les nissent loiiles les passions et les vices de
caiixiins, les disciples de C.ulostad, pour l'Iiumanite, un n<> se lait plus de scrupule de
que Ton rétiblît l i communion sous les deux violer la loi de l'Eglise, et à cause de la mul-
espèces; ro|»iniâl'e é y avait plus de part tilude d''s coup ibles, on ne peut plus les pu-
que la dévotion. Le reiranchemeiit de la nir par les peines ijue le concile de Lalran a
coupe était une divcipline établie di'pnis décernées contre eux.
longtemps pour remédier à plusieurs abus, Co.mudmon krkquiînte. Jésus - Christ a
el pour prévenir le danger de profaner le commandé ,;ux ad;illes la communion par
sang (le Jésus-Chrisl. La compl.iisance qu'eut ces paroles: Si vous ne mangez la cliuir du
l'Eglise de s'en rclàch'r par le compnitum Fil.i de l homme, et si vous ne burez smi sang,
du concile de Constance, en favt'ur des lius- vous n'aurez point la ne en vous (Joan. vi,
sites, ne produisit aucun bon effet; ces hère- 45). Ma s il n'a fi\é ni le temps ni le> circon-
tiques persévérèrent dans leur révolte contre slanccs dans lesquelles ce précepte oblige;
rE;;lise, et continuèrent à inonder de sang c'est à l'Eglise de les déterminer. Dans les
leur pairie. premiers siècles, la piété, la ferveur, l'at-
La nnême question fut ensuite agitée au lente des persécutions cngagcaleni les fidè-
concile de Trente. L'empereur Ferdinand et les ,à communier fréquemment. Nous voyons
le roi de France Cliarlcs IX demandaient dans les Actes des a/iôlris ()iie les fidèies de
que l'on ri'iiilît au peuple l'us gc de la coupe. .lériisalem persévéraient dans la prière el la
Le sentiment contraire prévalu! d'abai-,l ; finclion du pain : paroles qui s'eniendent
mais à la (in de la vingt-. euxième session, de l'eucliarislie. Pendant la persécution, les
les Pères laissèrent à la prudence du pa|ie clir liens se munissaient tous les jours de
d'acc'.rder celle grâce ou de la refuser. En ce pain des torts, pour ré isliT à la fureur
conséquence, 't''n\ 1 V, a la pi ièr<' de l'cm- des tyrans (S.iinl ('.yprien, e/;/.-/. 56j.— Lors-
pcreur , l'accorda à quel ;ues peuples de que la pa x eut èle rendui' à l'Iîglise, celle
l'Allemague , (jiii n'usé eut pas m'cnx de ferveur se ralenM; l'Eglise fut obligée de
celle condescendance ijue les lîuliémiens. taire des lois pour li\cr le temps de la com-
Une foule de monunients ecclésiastiques mvnion. Le dix-huiliéine canon du concile
prouvent que cette manière de commun er d'Agde, lenu l'an 50(), enjoinl aux clercs île
n'est nécessaire ni de piéceple divin, ni de communier toutes les lois (|u'ils servircml
précepte icelésias ique; qu'il n'y a par con- au sacrifice de la messe, lom. IV Concil.,
séquent aucune nccessilé de changer la dis- p. la G; mais il ne p.irail pas qu'il y ei'il en-
cipline actuelle, qui a été élabiie pour de corc une loi (incise pour o.di;;er les laïques
bonnes raisons, cl (|ue U's proie.slants n'ont à li conim ini<in fié(/ue<te. S iini .\ ml roise,
altnqnée que par de uiauvais arguments. en exhortant bs fidèles à s'apiirocher . suu-
GoMMi NioN PASCALK est celle qui .se fait à vent ne la sainte table, remarque qu'eu
977
COM
Oriciil il y on avait beaucoup qui ne com-
muniaieui qu'uno fo s l'iiiiuéi', iiv. v, de
Sarram., c. k. Saint Jeati Clirv sosloiiie rap-
porte (]U(> lie SOI) temps les uns ii>' i;oiiimu-
iiiaieiil (lu'uiic fo^s r;iiinéc, les autres (|i'u\
fois, d'autres riifiii plus souvenl. « Lesquels
approuverons-nous? dil-il : ni les uns ni les
aulre>, mais seuleuienl ceux qui coinniu-
nieiil avec un cœu!' pur et iiik- rousrieiice
nette, avec un»' «ie irrép éliensible. » {lloin.
17 in Kpist. ad Ilebr.) Les Pères, en e\li(ir-
tant les filiales à I.é comminiion fréquente, ne
inaiiquaieni jaoïais de li ur remeilie sous les
yeux les paroles de saint Pai.I : Crlui (/ui
manf/era le pain oti boira la coupe du Siif/neiir
indii/nement. sera coupable du corps et du
saiH/ de Jé:<ni-('liri.>il.
\eis le V ir sièrlc, l'Eiilise voyant les
communions devenues très-rares, obi gea les
clirélii ns à CDrnniuiiier trois lois l'année, à
Pâques, à la Pentecôte et à Noël. Nous le
voNoiis par le chap. 1^1 si non fret/u nlins,
(le Conserr. disl. 2, et par une (lécrétale que
liratieu ailribne au pape saint Fabien, mais
qui est du viii' siède. \'eis le xiii% l.i lie-
(leur des fidèles étant encore devenue pins
grande, le quairiènie cou' ile de Lair.in leur
ordnnna de recevoir au moins à Pài)ues le
sacremenl de l'euchirislie, sons peine d'èlre
priNCS di' l'enlrée de l'église pendant la vie,
et d'î la scpultur<i ecclésiastique après la
niorl. Nous avons cité son décret da:is l'ar-
ticle précédent. P.ir ces p.iroles «it moins, le
concile niontie qu'il souhaite (|ne les (ideles
no se bornent point à la coni nnnion pascale,
mais qu'ils leçoivcnl l'eucliarislie plus sou-
vent, il laisse à la prndi nce du confesseur à
décider si. dans cctlaines occasions, il n'est
pas expédient de dilïérer la communion ,
même pascale, eu éfçaid aux dispositions du
pénitent; ce (jui prouve que le concile n'a
pas eu moins d'aitenlinn (|ue les Pères à la
nécessité de ces dispositions. — Le concile
de Treille, sess. 13, c. 19, a renouvelé le
canon du concile de Lalran; c. 8, il exhorte
les fidèles à cninrnunii r fré.n'emtnent. Sess.
22, c. li, il défilerait q -.'à chaque ni.sse les
assistants communiassent. Il deciilc iiue,
pour ne pas coinuiuirer indignement, il fiul
être exem|it de péché morlel ; t|Ur pour com-
inniiiiT aire fruit, Il faut des dispositions
plus parfaites; (|ue pour communier fré-
qiicnimeul, il tant une loi ferme, nue liévo-
tion et une |iiété sincères, une grande sain-
teté, sess. 13, c. 8.
S r la nécessité ou la suffisance des dispo-
sitions requises pour la coninutninn fréf/iien-
te, les théologiens inoleines soin toinlies
dans des excès et des erreurs Irès-opposees à
la doctrine dis Pères et à l'cspril de l'LgIise.
Les uns, uiiii|nemeiit occupés de la gran-
deur et de la diiinité du sacrement, de la
dislance infinie qu'il y a entre Li maieslé de
Dieu et la bassesse de l'Iioiume, oui exigé
des (lisposiiions si sublimes, ((ue nou-scuie-
ment les justes, mais les plus grands saints,
ne pourraient couiinunier même à Pâ;iues.
Tel parait être le résulial du livre de la fré-
quente communion, fait par le docteur Ar-
COM 978
naud. — Les autres, oubliant le respect dû
à Jésus-Ciirist présent dans l'eucharistie,
et nniqiiemeni atlenlil's aux avantages que
l'on peut retirer de la communion fréquente
et jonriiHlière, n'ont cherche qu'à eu facili-
ter la pratique en négligeant d'insister et
d'appny(>r sur les dispositions que demande
un sacrernenl si aiigus c. Ils ont e iseigné
que la ^eule exemption du péché mortel suf-
fit pour communier souveni, très-souvent,
et même tous i s jours; que les dispositions
actuelles de respeci , il'aitenlioii , de désir,
el la pureté d'i' leniion, ne sont que de con-
seii, etc. C'est l'excès dans lequel est tombé
le P. Pichoii, jésuite, d ns un ouvrage inti-
tule : /'yis/jr^M/- 7f>-/(.s-r/(r(.v< et (le r Eglise
sur il fréquente ciMnnnmion. — Cvs deux
écrite si <l Iferents ont trouvé dans leur temps
des approl)ateurs et des censeurs respecta-
bles, lis ont fait nai're de \ives contesta-
tions; heureusemcni elles sont a-s<iu[>ies; il
n'est pas nécessaire de renouveler le sou-
venir de ce qui a été dit de part et d'autre.
Vnij. y.inri'n Sacramenl., par Granculas,
i" part., p. 2!)i.
t^.osiMUN.ON LAÏoiit;. C'était autrefois an
châtiment pour les clercs qui av lient com-
mis quelque faute grave, d'éli e réduits à la
corr*miinion lai'/iie, c'esi-à-dire à l'état d'un
simple (idèle, et d'être traités de même que si
jamais is n'eussent élééleves à la cléricalure.
{Voi/, Dingbani, Ori;/. ecclrs., Iiv. xvit, c. 2.)
Celle punition mémo prouve que l'on a tou-
jours mis une distinction entre l'étal des
clercs cl celui des laï jues.
CoMMDMON iiXRANGKRE OU PÉRÉGRINE, au-
tre châtiment de même nature, sous un nom
dilTérent, aui^nel les canons condamnaient
sou* eut les évêquoi et les clercs. Ce n'élait
ni nue excommunication, ni une déposition,
mais une espèce de suspense des fondions
do l'ordre, et la perte du rang ijue tenait ua
clerc; on ne lui accordail la communion que
ecunine on la donnait aux cleics étrangers.
Si c'était un prêtre, il avait le dernier rang
parmi les prêtres et avant les di.icres, conune
l'aur.iil eu un prêtre étranuer, el ainsi des
diacres el de^ sous-diacres. Le second con-
cile ii'Aade oriloniie qu'un clerc qui refuse
de fréquent r l'église, soit réduit à la cum-
m rnion étrung 'rc ou prréijrine.
CoMJiuMO, dans l.i lilurg'o, est la partie
de la messe où le prêtre [irend el consume,
sous les espèces d i piiiii el du vin, le corps
el le sang de Jésus-t^iii ist. Ce terme se prend
aussi pour le moment nuquel on administre
aux fidèles le sacrement de l'encli irislie ;
dans ce sens, on dit que la messe est à la
communion.
CoMMijN'iON se dit encore do l'antienne que
récite le prêtre après avoir pris les alilu-
lioi.s, et avant les nernières or.iisuns que l'on
nomme posi-commiinion
» COMMUNISME. Une inquiélnde universelle Ira-
v.Tille ;ni|oiiririiiii le corps social. Il y n daii~ le moii.
de une lièvie géiiérjle dé ahié. Tous as(iireni à
iimiiler ; |ier»oiiiie ne veut (lescendrc ; et s d esl
queliiue cUuse que l'iiomine sujiporle avec peina,
c'est une supérioriié quelconque, tl ne fsul pas en
979
COM
COM
980
êlrc surpris, l'Iiomuie avait éié créé pour êire grand,
et le pntivre, ijufi le ricI)L' foule :iii\ pi(Mls, malsré
les linillons ([iii le iduvrent, e-i Cfimiiie lui 'a cré:i-
lii;« Jt^ Dell; son Ame vaiil la siiîiiiie ; elle a été
i-iclieice (lii iiièiiiK prix. — Jlalijic cetie c"!iimiiii «lé
dVigiii't ;i;i lie t'.rsiinée, il y a il.iiis la si>Gié(é entre le
riclie et le paiivrH uneiii-iaiice ciioriiie. Ni'ire .-iécle
sinnlilfi s'éiie iloiino l:i mission île la laire ilisparaitre.
Les nns, mus p^ir île géiié fUses pensée^, veulent
raiiproi lier l'S ilifTèrei.les classes sociales. D'autres,
lieancoiip plus hardis, veulent passer le nivi'aii sur
tiiiili'S l''S lêies. (.'.'Si dans C'? des-eiii que le cammu-
iiiiith' a été iiivriité. Ce sysiéme social n'aurait au-
cun rapport a-ec h iliéologi»', s'il n'éialilissait l'un
(le ses p inls dapimi sur nos croyances Ciiliiiliqiies,
t'aliet, l'on ilcs princi aux fauteurs du coniiiiunisine,
elle riivaogili' à cliujue page. L'iiiitde ses disciples
ensei<^ni' que la i eue ne lut qu'un repas d'amour,
110 baiii|iiel commiiiiisle sans iloiiie, ofi l'égdité éiail
cirtnvlèie : Cliacun avait une lio-tie ou un peut pain
el iine C'inpe de vin : synihole tomha t de i'éi^alilé
et de la Irugalité des lesliiis de la véritable coniniii-
iiaiiip, cliréiieiiiie !
Voici le Cretto coniniiinisle de M. Cabet et con-
sens. — 1" il existe un Dieu; mais ce l'icu renfer-
me tous les élres dans son sein. Ce premier ariicle
ii'e-l que le pintliéisine le plus grossier. Voy. Pan-
théisme. — i." Tous les iioniiiies sont ég mx. La
source de Ions lesmauxquiallligent l'iinmaniiése irou-
ve dans l'illégalité sociale. Le remède à ce mal con-
siste dans une égalité alisi.Ine et générale qui rem.l-
Irail riiiimaiiiie dans son élal imrnial. Cil ariile
n'a qu'un tout petit déf.iut, c'est de liéinenlir Imite la
nature qui a créé parlom des iii6s(»lilés. bans duiitf,
M. Caliet enseignera l'art d'altaisser ei de iertiiiscr
le liantes et arides innntagnes, aliii de réaliser son
égali.é absolue! — 3° La nature n'a pas renleiuié
des richesses immenses dans le sein de la lene pour
lis di Huer fi quelipiis-tins ; elli^ n'a iait auctiii par-
tage ; elle a donc proclamé celle grande in'.i\inic :
Tout e-t i-olr tous ■ il celle autie : Tous doivent
iire pvur le lont. Ci>iiséi|nemmenl, il ne doit pins y
avoir des ni;i|.res et des esclaves, des riches, ei des
pauvres, d. s oisifs et des travailleurs : tliacuti doit
tr.ivailler et avoir sa part aux biens de la natuie. —
Si personne ne doit servir, ceux qui sont niaiailes,
qui ne peuvent piiiirvoir aux besoins de la natiiic,
devront donc mourir ? Car nolte é at nalun 1 est tel-
lement constitué que les hmnines ilé|ienilenl les uns
des autns; les pauvres ont besoin dti rie lie el le ri-
clie du pauvre. L'inégalité des comlilions est donc
un des principes loiidamenlaux de notre iialtire dé-
cliue. Nous avons développé cette grtiude maxime
au mot AuMÔMc dans notre Vici otmaiie de 'fliéoto-
(jie mortilf. 1'-' Il sut de ces grandes niaximes
que la piopriéle est l'une des plus grandes plaies de
la société, la cau-e de rtnégaliié , la sonice if; tous
les maux. Il faut donc lélahiir la cotiiniiinaulé abso-
lue. — Mais la Ciimmunaiité absolue einponc iiéces-
saircineiit la deslruetion de toiitie qni est mien;
conséqueinmeiit la itesirnciion de la piopiiéié, du
inari'ge et de la f.uiiille ; c'est-à-dire la des rncinin
des trois éléments consuiutil's de tout oidre léelle-
inent progressif. — Les coninniiiisics reponssenl nue
partie de celle cinisé pieme, elii^ ressort né(:e^saire-
uietil du principe, ou doit l'admeltre tout entière
coMifne apparti nant an système. Nous avons consa-
cré «n ailiclc il cliienn de ces piincipes conslitutifs
de l\)idre socIaI : c'est là que nous relnions tout ce
qu'il y a de spéi ieiix dan le sysièiiic coniuiniiisle.
Vuy. liiENs {Commuiiaiilé i.'«>s), Î'emmes (Comiininuulé
des), l'AMtlLE.
Le commimisnic n'est p.is une doctrine nouvelle.
Ce n'est ni M. rroinllion, m M. Cabet, ni môme
Gracclius Daliœtif, ipii est le pi're du coinniunisine.
Le coinniunisme, c'est-à-dire la doctrine qui lait de
l'Lial le propriétaire uniiiue et sii(irêine, le seul
nialire légitime du sol, est aussi vieux que le monde.
11 reiiioiiie à Peiifitice des sociétés, et il est conlem-
pora n des réiiiines politiques les plus décries dans
l'Iiiloire : l'aristocratie, le despolisine. Alots II n'y a
pas trace de ce qu'on appelle aujotnd'liui les droits
lie l'Iioinine, ni de ce qu'on appelle justice el liberté.
L'hoiiune ii'esl rien, c'est le cituyeii quiestlout,
il y a des devoirs, il n'y a point de driiitsitidividuels;
il n'y a que les droits de l'Klat, de la ciié, des cas-
tes privilégiées. L'imlividu nV»t pas libre, cnuiinent
serait-i! piopriéiaireï 11 ne dispose pas mène de sa
personne, cmnment ponrrail-il di-poser d'une par-
celle de lerre? Il n'est pas piopné aire du eh imp
qu'il cultive , il en est usufruitier. Le communisme
csi dans la société ce que le ilesp lisnie est dans
l'Ktai. Le pri>giés ponr la société consiste à hiiser
les liens du co>:'miiiilsnie, coinuie il consiste dans
l'ICtat à bri^er les liens du despirU,-,uie.
A ini'Sure que la civilisaiion avance, un double
iiionveiiienl s'accomplii : le princ pe de la pmpiiéié
personnelle, de la pv^priéié telle que nou', la conce-
vons anjoitrd'hui, telle qu'elle est c nsiimée dans le
Coile c vil , tend à leniplacer le principe de la pro-
priété coliecttve, t'e>t- à-dire le commun suie, en
ntêiiie leiii|»s que l'esprit de justice et de liberté
tend à remplacer les idées de despotisme ei de pri-
vilège. Ain>t la civilisation va, dans l'otdre social,
du couiiniinisine a la propriété, comme elle va, dans
l'ordre piditiipie, du despotlme à la liberté.
Aussi hatil (pie l'on puisse reiiiuiiler dans les siè-
cles passés, 1)11 viiii le conimunisnie établi, pratiqué
par les bgislati nrs ou rêvé par les pliilosopbes,
Tae.lot, Cniniiie dans l'Inde, la propriété territoriale
e^t collective elC"nceiitr<ie entre les mains des castes
leli^iieiises ; taiilol, couiiiie chez les Juil>, la lerre
esl patlagée par égile» poi lions entre toutes le^ l'a-
milles ; nia;s les paiiiiiioines, une lois assignés, sont
inaliénables ; tantôt, comme il ^parle, oîi le- p.itri-
nioines sont éiialcmciu distincts et it^aliénabtes, l'o-
bllgatiuii imposée aux ciioyeus de consonnuci lous
leurs produits en cuuiiniin aboutit .111. coinniutiisnie
universel. Vêtetnenls, nouriilure, plai>irs, occupa-
tions, (OUI est soumis à ce léginio. Les eiiLmls sont
élevés en coniuiun et apparlteiiueiit à i'Liat. A la
cuuiuiiinauté des cillants il faut joindre celle des
femmes, ijue le législalcui Lycur^ue autorisait et
inéiiie encour.igeait forinclkinent.
L'idéal de l'Ialon, c'est piéci-éÉiienl la communau-
té des bii'iis, la cominuoaiité des lemnics, la diuinc-
lioii des casies et de l'esclavage qui en est la cuiisé-
(pience. Car ici comme partout, dans la théorie com-
me dans la pratique, le ciininiiini.>iiiC est appuyé sur
la conquête, la duiniualion el l'esclavage, l'eselavage
cuiisideié non pas comme un l'ait acculenlel el pas-
sager, niat^ cuniine la ((indiiloii lotidamcnlale el
immnable de l'ordre social, l'arloiit, il côié de la race
conqiiénnte el privilégiée, on voit des rates as- cr-
vles, opprimées, maudites ei vouées il un opprobre
éternel.
Ainsi, rien qui ressemble moins qtie le cnmniunis-
1111; il l'espiii de liberté. Lsi-il vrai que le coiiiniunls-
me .soit le liuii du ciirisdanisuie, la dern ère el la
plus pure expression du sentiment evaiigeliqiie '/ Ce
serait bicii mal co opiendre les mois de chanté, de
fralern.lé, que de leur donner un pareil sens. L'es-
prit de chanté, c'est-à-dire re>piit de saerilice cl
d'alinégalloii personnelle, ne peiil servir de hase h
l'ordre social ; il suppose les idées de jiislice et de
droit absolu, loin de les contredire et de .es ex.'^liire.
Si je donne mon bien aux pa>ivres, il esl incunleslit-
ble que j'aurais eu li^ drou de ne pas le f.iire, cl c'est
précisément ponr cela que j'ai du mérite à le farie.
Si je n'éiais pas libre de rehiser ou de ibinner, où
serait le mérite? où seiail le sacrilicv '.' où serail la
cil irilé ! 11 y a donc oppusiiion complète entre le
cotumitnisnic et l'esprit de charité chrélicnne, el c'est
(lar un abominable sacrilège que le nom de Jésuo-
t)8t
COM
COM
9S9
Christ etl invo<|iié dans les bnnqiiels Hémocraliques
ei socifliiK. Ct' nVst pas séiieiiseiiveiu non pins (|He
l'on piélenil rallaclier !•* comninMisme :inx âss.ioia-
tiiiiis religieiisfs qni stî sont iléveli)iipi'i"S t1:ins le
sein (In dirls(l:HiisniL'. Le loninuiniMtie esl lonl le
Ci>iili'e-|>ieil «les coininniianlés r> ) pieuses. La vie
monastique est foiHée sur l'ulinégalion personnelle
et sur le renunccnicnl a»% liieus de ci; monde ; )e
conuuunisine est lo di; sur la convi)iii-e et la |Méi>c-
cnpalion pxchisive du liieii-elre inaiériel. l'ans un
cas. On s'associi! pour le sncvilitc, d.ms TanlrC pour
Ja jonissance.
De tontes les iiistitutiims rnndées sur le principe
<le la ciHiiiiinnaiilé, celle ipii a prodnil les ré-
guUats les plus sail'-f,ti$anis est l'associai iuiis des
frères Morave». Celle instilniion est à !< loi-- reli-
gieuse, civile et iudnsirirlle; elle ailini't d.iiis sou
sein le uiaria''e, et p.ir conséipieni les femmes el les
enfanls, les aevoirs el les occnpalions que la laiiiille
impose. On évalue à plus de 18,(i(i0 le nonitirc de
ses memlires ; elle a dfs ranu(ieaiions mnilipllées
eii Alleniai,'ne, en Hollantie, en Angleterre, en Kcos-
se, dans l'emiiire russe, dniis lus Etals-Uins d'Aniéri-
qne ; elle a des inissionn^ires el des coIimis sur les
p^lint^ les pins 61oj!,'Més du globe, tjependani cette
société, moitié religieuse, moitié civile eliiidu-tiiel-
ie, ne prouve pas pins en laveur du conininnisine
quelesordies (lurement religieux. P.is plus (|ui' les
ordres inonastnines, elle ne peut se sul'lire à elle-
même,; elle ne peut se passer de la soc été civile,
qui la proli'ge et la dét'eiid, tpii ouvre des Mia;cliés
à. son commerce, el contriltoe pour une part esseii-
l Cile à sa priispérilé. Ce que iinus disons des Irères
Moraves esl encoie plus vrai des quakers, des mem-
iiunisies, des bapiisles et de tomes les sectes moitié
politiques et moitié relijjieuses qui pullulent au sein
du prolesiantis'me.
Il esl piiurt.iiil vrai q e le clirislianisiiie a donné
naissance à mm foule d'autres sectes qui oui pris la
perletHiiin évangéliq^e à coiUre-sens, el qni, an lieu
de la placer où elle esl réellement, dans l"aliiiés;aiio!i
d« i>ui-iHÙmc, d'ins la moi l des passions, d.ms le
uis-piis des ricliesses , ont précité le panaiie des
]mcij.s et r(-4iiancipatioii des sens. < Tels liirenl ,
dit M. Fiiiiirk , du il<^ an iii« siècle de notre
ème, lés disciplrs de Carpoitrate et quelques autres
tié'iéliqirfts aliacliés aux primip'S du ^nuslicisme ,
qui, legardanl la vie comme une oeuvre du mimvais
géuie, les actions comme iiililTéieti es, les pl.iis rs
4ln corps eoniuie une délie ipi'il Tiut payer au mal,
déclarèrent toutes les pussions légitimes, el donnè-
reiil l'exemple des plus lionieux excès. Tels lurent,
du XIII" au xvi<^ siècle, les frcri s du Libn-Ësprit,
qui , avec quelques dilTéiences ilans les dogmes,
arrivèrent en murale aux nriémes con-équence-. ;
les dniciiiiens in apostoliques, qui lieniniduent à la
fois la comniiiiianto des biens et îles l'eniores ; les
fralriceijes ou Irérois. b's bégiiaixls, les lolhirds, les
tnriupins, et eulin la plus liardie, it plus conséqiien-
le, la plus célèbre de loiiies ces secies, auceties
méconnus du socialisme, les lerribles anabaplisies.
Muncer, leur cliel, esl un \rai comniuiiiste de nos
jours. < Mous soiiimes ions frères, répétait il sou-
vent à la !■ nie qui renloniait, et nous n'avons qu'un
cuniiiiuii père dans .\(lam ; d'où vient ilmic celle
dilléreiice de rangs el île biens que la lyniimie a in-
troduite entre nous et les grands du monde '!
« N'avons-nous pas droit ^l'égalité des biens qui, de
leur nature, sont faits pour être partagés, sans disiinc-
lioii entre tous les liuiunies ? Kende/.-nons, ricbes du
siècle, avares usurpateurs , rendez nous les biens
que vous refcncz dans l'injusiice; ce n'est pas seu-
lemeiit ciuiime lioinmes que nous avons droit à une
égale distiïbut, on dt-s avaritages delà fortune, c'est
aussi ciiiume cliréiiens. » On sait que Muncer ne se
borna pas à la prédication; el que, sous le litre bi-
blique de juge du peuple, il mit ces idées en pratique
dans la ville de Mulhausen ; qu'à la têle de 30,000
iiiiiumes il tenta de les imposer à tonte l'Allemagne.
Sa délaiieel sa fin tragique ne reni|iêcbèreiit pas de
trouver des snccesscirs . piriiii lesquels on cite
•lean de Leyde. Vu autre f uiatique de cette époque,
baviil (ieorgr-s, après avoir été reconnu évéque ana-
baptiste de Munster, se mil à propliéiiser pniir son
propre coinpe, el di'vint le clief d'une Eglise séparées^,
cil la coiiimunauté des femmes était imposée aussi
rigoureusement que celle des biens. Toutes ces doc-
trines, quoi liie produit, s au nom de l'Evangile,
sont une première leiitative pont réiiabiliter la cliair,
une véritable réaction du inaiérialisine contre le spi-
ritualisme chi'éiieii.
rOMPAfîNIE DE JÉSUS. Yoy. Jésuites.
CO.MPASSIO.N. Yoy. Miséricorde.
C'iMl'ASSliiN DE I.A SAINTE VlEBGE. DanS
plusieurs diocèses, ou l'ail, le veiulredi de la
sciii.'iiiie de la Passion, roffice de la Compas-
sion de 1(1 suinte y ieryo , pour honorer les
douleurs que dut ressentir celle sainte .Mère
de Dieu à la vue des igno.i inies, des souf-
frances el de la luurl de s n Fils, l'iusieurs
Pères de l'iîglise ont l'ail ri'man|uer aux
fidèles le cnura^c avec lequel Marie assista
sur le Calvaire à la mort du Sauveur, el les
dernières paroles qu'il lui adressa. Certains
( riliques, peu instruits du génie de la langue
Iicbratque et des mœurs juives, onl cru aper-
cevoir tic la duieiédans ces paroles: Femme,
voilà votre Fils {Joati. xix, 26). Ils se sont
trompés. Vny. Femme.
CO.MPLIES. C'est dans l'Eglise romaine la
dernière parlie de l'office du jour. lîUe est
composée de trois psaumes sous une seule
antirniie, d'une hymne, d'un capitule el d'un
répons bref, du cantique deSiuiéon, Nimc
dimiilis, d'une oraison, elc. Elle est destinée
à honorer la sépullure du S.iuveur, selon la
glose, c. 10, de Cile'i. Missar. Mu,is on ignore
le temps de son institution.
Le Cardinal Bona {De Psahnod., c. 10)
firouve contre Beilarrniii, qu'elle n'avait pas
ieu dans l'Eglise primitive. On lie trouve
dans les anciens nulle trace des cotnplies.
Ils lerminaienl leur office à none ; selon saint
Basile (Major, rcgular., q. 37), ils y cliantaieiit
1j psaume xc, que l'on récite aujourd'hui à
compiles. L'auteur des Const. aposlol. p.irle
de l'hymne du soir, el Cassien, de l'office du
soir eu usage chez les moines d'Eg'ple:
m lis il paraît qu'on duil entendre par là hs
lèpres. [Vni). Bingham, Anliquit. ecvlés.,
loin. V, 1. XIII, c. 9, § 8.)
COMl'ONCI'lON , regret d'avoir offensé
Dieu, qui est aussi iioniiiié contrition. La
Confession n'est bonne que quand elle est
accompagnée d'un r.penlir sincère, el de la
componction du cœur. — Dans la vie spiri-
tuelle, componction signifie aussi un senii-
nienl pieux de douleur, qui a pour moiif les
liiisères de la vie, les dangers du nioiule, la
niiillitudc de ceux qui se perdent, elc.
Jèsus-l^.lirist a dit : liienheureiix ceux qui
pleurent, parce qu'ils seront consulés.. Ces
paroles ont fait trouver des douceurs aux
saints dans les larmes mêmes de la pénitence.
La cliarilé, dit saint (irégoire, notre éloigne-
nienl de Dieu, nos fautes passées, celles que
nous commettons chaque jour, le poids de
385
CON
CON
981
nos misères et de celles du prochain, nous
excitent à pleuriTConlinuellemeiil, au moins
dans le désir du cœnr, si nous ne pouvo.is
le faire aulremenl. Tout ce qui nous envi-
ronne nous fournil un sujet de Linnes, et
nous devons les mêler même aux prières et
aux cantiques iiue l'amour de Dieu nous
inspire. A la vue de l'ingialitale dont nous
avons payé les liienfails du S. ignour, pou-
vons-nous produire un acle de charité sans
être pénétrés d'une douleur amère ? Ne laut-
il pas, avant de clianlerses louanges, laver
nos âmes par les larmes de la componction,
el les purifier par le sang de l'Agneau sans
tache, mort pour le salui drs hommes ? Les
plus graniis saints pleurent continuellement
par des molifs d'amour; comment les pé-
cheurs ne |leuieraient-ils pas ? Si les â ;ies
fidèles et innocentes aiment à faire relenlir
les déserts de leurs gémissemenls, quelle con-
duiie doiveni tenir celles dont to i< les ins-
tants on été marqués par de nouvelles infi-
délité'4? [Mor., I. x\iii, c. 21.
De celte morale même, enseignée el pra-
tiquée par tous les s.iims, les incrédules
concluenl que la religion, loin de consoler
l'homme et d'adourir ses peines, ne sert
qu'à le rendre plus malheureux; qu'elle le
rend Iriste et misanthrope, que la religion
n'est autre chose qu'une fièvre mélancoli-
que. Mais viiyon-;-iious les i:icrédules plus
gais, plus contents, plus heureux que les dé-
vots? Dans leurs discours et tians leurs écrits,
nous ne trouvons (juc dis pl;nnles, des mur-
mures, des déclamations, souvent dis fu-
reur^. L'un se plaint des caprices de la for-
lune , (le l'inlidclilé de ses amis , de la j i-
louNÎe et de la imlignité de ses concurrents,
(le l'indilTerenec de ses protecteurs ; l'aiUrc,
de ses infirmités pe sounellcs, de ses cha-
grins domisliques, des malheurs arrivés à
ses proclus, des tracasseiies de la socié:é.
Celui ci gémit des lleaux de la nature, des
\itesde riiuniaiiiié, de la coci tipliou de tous
les états, des injures lailes à la \ertu ; celui-
là des fautes du gouverne. lient , des erreurs
de la politique, i!e la négligence de- souve-
rains, de rasservissemeiit lies nations, etc.
Tel est le sujet ordinal le de la plupart des
conversations. Si l'homme est cond.imné à
sonlTrirrl à pleurer, les lar.nes de la coin-
ponction soni encore p cférahles à celles de
l'iiicr du'itc ; les pie . ières nous donnent au
moins des e>.|)ér.inces pour l'avenir, les se-
ron les ne iioii'i eu lai^seot aucune.
COMl'Ur.liKNSlON. Ce terme signifie, en
llieoU gif, Tel il des bienheureux qui jouis-
sent lie la vue intuitive de Dieu ; on les ap-
pelle c'iniiirrliruse rs, par opposi ion aux
ju-tes qui viicnt sur li terre, et que l'un
nomme roi/a(jeurs : ce terme est tiré de saint
Paul (/ Cor , i\, -l'i).
CONCKI'TION IMMACULÊI-: Dli LA
SAINIK VIKKIil'^ l><' seniimenl commun
'les ihéologiens catholiques est que la sainte
Vierge .Marie, Mère de Dieu, a été préser-
vée du péché originel, lorsqu'elle a été con-
çue dans le sein de sa mère. Celle croyanci;
P8t foudée, 1° sur le sentiment des Pères Jo
l'Eglise les plus respectables. Nous les rap-
porlerons ci-aprè<. — 2' Sur la précaution
qu'a prise le concile de Trente, sess. 5, oii,
en décidant (|ue tous les enfants d'Adam
naissent souillés du péché originel, il déclare
que son intention n'est point d'y coiuiiren-
dre la saillie Vierge. Eu li39, le concile de
Bâie avait autorisé l.i même croyance : son
décret fut reçu par l'université de Paris, et
par un concile d'Avignon, en ihol . — 3*
Sur les décrets de plusieur-i papes, qui ont
approuvé la fêle de la Cmception de lu sainte
Vierge, et l'office compose à ce sujet, et qui
ont défendu de prêcher el d'enseigner la
doctrine contraire. Ainsi eu ont agi Sixte IV,
Pie V, Paul V, Crégoire XV, Alexan-
dre Vil (1). Il paraît que celte fête était déjà
célébrée dans l'Occident au neuvième siècle,
el qu'elle est encore plus ancienne en
Orient. Voy. Assemani. Cal. univ., tom. V,
pag. i33 cl suiv.
Conséquemraentla faculté de théologie de
Paris, en 1^97, statua par un décret que
personne ne sérail reçu au degré de doc-
teur, (lu'il ne s'engageât par serni'nl à sou-
tenir Vlnuniiciilée Conception ; la plupart des
autres universités ont lait de même.— Quoi-
que ce sentiment n'ait pas été décidé formel-
lement comme article de foi, il est si ana-
logue à la doctrine chrétienne, au respect
dû a Jé>us-t-hiist, à la jiersuasion de tous
les lidi les, que l'on peut le regarder comme
une croy.ince calholiiiue, ou presque uni-
verselle.
Les protestants se sont récriés contre cette
croyance, née dans les derniers siècles ; elle
esi, disent-ils, lormellemenl contraire ail
seniimenl des anciens Pères, qui ont décidé
que le péché originel a passé à tous les en-
fants d'Adam, à rtxceplion de Jésus-Christ
seul. Erasme avait ciié un assez grand nom-
bre de ieurs jiassages ; Basnage, dans son
//t.>.7. de l'Eglise, 1. xviii, c. Il, et 1. xx, c.
2, a l'ait tous ses efforts pour prouver qu'en
cela l'Eglise romaine a changé lancieane
doctrine, el s'e4 évidemment écartée de la
traililion qu'elle regarde comme règle de foi.
— Mais il a bien senti lui-même que tous
ses arguments, ijui sont les mêmes que ceux
de Dailié, ne soul qu • négatifs, et ne for-
ment pas une forte preuve. Les Pères, disent
ces coiitroversisles , n'ont point excepté la
saillie Vierge, lorsqu'ils ont p irlé de l'uni-
ver-a'iié du péché originel : donc c'est la
même chose que s'ils avaient foi uiellemenl
enseigné que !a sainte Vierf;e en a é'e at-
teinte comme les auUes enl'ants d'Ailaui :
celte conséquence n'e>l pas vraie. Les Pères
n'ont poini Irailv- expresse ncnl la qiieslion
de savoir si la sainte \'iergc a été ou n'a pas
été exemple nu péché originel ; s'ils avaient
enseigne formellement qu'elle en a été souil-
(I) Voici iiiift proposition de B:rius cond.iinnée sur
re|ioiiili iVemu jwivicr Cliisium es.' «tsi/iic i>ecc<ilo
oriyiiinli : hinc heiitn Viiyo mm ma eti proiilfr peccn-
lum ex Adim conlractu^ii, omnesiitu' ejas aflliclionei
in liac iiiKi, nicitt el alwruni ju/,l<irnm, (uerunt ultitt-
net pfccali aclualii viil originalis.
98S
CON
CON
936
lée, jamais les théologiens callioliques nau-
raieiil ose embrasser ropiniou contraire.
S'ils l'avaiciii rormi'lU'iDeiil excepléc, alors
sa Conception nnmacolée ne serait plus une
simple opiiiiiiii lhéiilo^ii|ue, mais un dogme
de foi ; et l'Kglise l'aurait ainsi décidé au
concilf de Trente. Or, n()us convenons que
ce n'est pas un dogme de foi ; les papes
niémes,Pie V, tirégo re XV et Alexandre \ II
l'ont ainsi déclare, et ont (lelenilii de trai-
ter d'hérétiques ceux qui ont soutenu le
contraire.
Itsl-il vrai que la croyance actuelle soit
établie sans auinne preuve tirée de l'Ecri-
ture sainte ni de lu tradition? Uans la sa-
lutation ange iqne, adressée à Marie (Lxic.
I, 28), le mot grec ze/àxT-j -.ivu ne sign.lie
pas Seulement remplie de(/rdce, mais formée
en yrdce; Origène l'a compris (//oi». vi in
Lac.) : « Je ne un; souviens pa , dit-il, d'a-
voir trouvé ce terme ai leurs dans liicriiure
sainie; celte salutation n'a été alressée à
aucun lioiiime ; elic est réservée à Marie
seule. « Cependant il avait été dit de saint
Jean-lîapiisie, v. 15. qu'il serait rempli du
Saint-l!!spnt dis le soin de sa mèie; le privi-
lège de Mirie s'est donc étendu pins liin. Les
prolestants en lenden:-ils m ieu\ legrectiu'Ori-
gène? — • Au i\' siècle saint Amphiioque ,
évéque d'Icone iOrut. k, in S. Deip. el Si-
meon.), dit que Dieu a iormé la sainte \ ierge
sans lâche et sans péché. Dans la liturgie de
saiul Jean Chrysostome, (|ui est plus an-
cienne que lui, Marie e-t appelée sans tache
à tous éi^ards, ix nmui parte nu-ulputu (L''-
brun, lom. IV, pag. 40^!). Saint Ambioise,
sur le psaume cwiii, dit ((u'elle a éle exempte
de toule tache du péché. — An v, saint l'ro-
clus, disciple de saint Jean (llhrjsoslome el
son successeur ( Orut. G, Laudalio S. Ge-
nilr.), dit que la sainte \ ierge a été formée
d'un limon pur. On lui attril)uu avec raison
les trois sermons sur la sainte Vierge, qui
passaient autrefois pour êlie de saint Gré-
goire Tiiaumatuige, el dans lesquels cette
même doctrine est enseignée ; Uasuage n'eu
disionvienl pas. Saint Jérôme, sur le psai:-
nie Lxxiii, dit que Marie n'a jamais été dans
les lencbres, mais toujours d.jiis la lumière.
On sait que saint Augustin même, en écri-
vant contre les pélagiens (L. deNat. elGrut.,
c. 36), a formellement excepte la sainte
Vierge du nombre des cicalures coupa-
bles du péché. — Au VI', saint l'ulgencc
(Serm. de Laudih. Muriw) observe que
l'ange, en appelant Ma^ie pleine de (jrdce,
a fail voir que l'ancienne sentence de co-
lère éiait absolument révoquée. — Au vui',
saint Jean Oamascéne appelle celte sainte
Mère de Dieu, un paradis dans lequel l'uii-
cieii S' rpent n'a pas pu pénétrer (llom. in
Nat. B. M. y.). Ueja au vu', sous le ièi;ne
d'iléraclius, tîeorgesde Nicomédie rc,;arda!t
la Conce/^lion immaculée de la sainle Vierge
comme une léle d'ancienne dale ; cl au moins
depuis celte epO(iue les Grecs ont constam-
ment appelé Marie panacUranle, loule pure,
sans tache, sans péché ; ils n'ont pas cm-
|)ruuté celte croyance da l'Eglise roiuaiue ,
puisqu'ils la conservent encore. Pourquoi
donc les protestants n'évaporcnt-ils leur
bile que contre nous, et ménagent-ils le.S
l^iiccs? l^n rapportant avec tant de soin ce
qui parait opposé à noire croj.mce, il ne
fallait pas passer sous silenie ce qui la
prouve. — l>'on sait qu'en l.i87 la question
de la Conception immaculée fil grand bruit à
Paris, et que rUniversilc exclut de son corps
les dominiciins, pour avoir soutenu l'opi-
nion c'nliaire [Uisl. de l'EijIise gallicane ,
tom. XIV, liv. xLi, an 1.387). Aujourd'hui
ces religii'ux tiennent la croyance commune.
— Les deux co;ivenls île religieuses qui
poricnl à P., ris le nom de la Conception sont
des franciscaines, ou des filles du liers ordre
de Saint-François (1).
(I) Le iroj) fumeux donteur Hermès .i cherclié à
.liïailjlir la croyaiice en la coiicepliiin immueulée de
M.u'ie. Le célébic cardinal Lainhiiiscliini a ié,i(iii(iu
par une d<S'<erialioii où il démontre que le pape
polit déliiiir CDiiime ini (loj;iiie celle croyame. La
queslioii iiiius par.iil lelleiiieiil imporiaiee, que nous
crdvmis devoir rappoi 1er une analyse de I ouvrage
fane p.; r le l'. réroinie el traduite par M. Th. 15.,
curé de Doin.iz.iu ( liard ). | Vny. Démonslrations
évunçi., t. XIV, éilii. Migiie.]
< L'opiinon cailiniique de tous les temps, de tous
les lieux, esl eu laveur de Mirie. Les l'éres de l'E-
glise, les docteurs les plus illustres, les iliéo'ogieiis
1rs plus pieuv et les plus savants, dans lous les siè-
cli'S, ont coii^acic leur pliiiue el leur Kéiiie à l'iioiio-
rer. loiil ce (pii concerne les mérites, le^ jîloires,
l'amour de la V erge, révei le dans le cœur des véri-
laliles liaèks le> émulions les pUis douces <^l les
plus, ten'Ires ; il existe eu eu\ un véritable irausporl
d'.imour ; do sorlii qu'on p ut dire, sans surlir des
bornes de la vérité, ipruiie ardeiiie sullieilude el un
.illeelueux empres eiiieiii a accroître tes glnins de
M.irie foruiem, pour ainsi parler, la iiiari|ue disliuc-
live du véritable esprit calliolii|ue, comme aussi la
froideur, l'ind ireieiice pour elle, ou plutôt le désir
cdup.ilile de déprécier el d'obscurcir ses prérogati-
ves, lui liiiijnurs r.i compagne in ép.nable de l'erreur
et des liéié^ies aneieniie!) et modernes.
< Faiu-,1 s'éuiuiier ipie, de nos jours, un célèbre
caidiiial, iioii luoius illustre par les liaules dignités
où il est élc^é que par ses connaissances spéciaes en
lliéniogii; el par ceu ; piété aiiuable et snlide d"iit il
a donne des preuves d.ins les œuvres ascétiques qu'il
a [iiildiées, nial..;ié le-, soins impcrtaiils el coiitiiiiiels
qu'il e^t obligé île diiiiner aux allures du sainl-siége,
au voulu ciiiii|ioser un petit ouvrage sur riinmacii-
léecniiceplion de Marie '.' Utile el aaiiit travail s'il en
lui jam.iis ! Car, d'un côlé, s'il coiiinbie à affriiiir
el reiidie plus éclalani ce siugiilier privilège de
la Vierge, de l'autre, il sera regardé coiiiine uu
niouuuieiii iin.iénssable de celle dévuti m ardente
dmil bràle pour la Mère de Dieu son Illustre auteur.
Aussi nous déel.ne-i-il lui-iueine dan^ les premières
pages de sou livre, qu'il ne s'est livré à une si pé-
nible occupaliou que dan-, le seul bul de réveiller
el (le nuurrir celle devuiioii salul.dre d.uis lous les
cœurs.
< t>tie disserta lion, en forine(lec(iniroverse,dutiès-
éudnciit cardinal Lauibruscliiiii pouvail-elle pirailre
dans un leinps plus opportun '? En ce uioiiienl, dans
le centre de r.Vlleinagiie, nue écule pliiiosoeliicu-
lliénl.igiipie, qui se dii catliulique, s'applique à obs-
curcir l'éclat de l'iininacuiée concepliou de la Vier-
ge. Ll quoiqu'il ne se soil pnint expressémenl pro-
posé de la euniliailre, néamiioins il prévieiil el ré-
sout avec tant de sagacué toutes les dilliciillés dont
le in.deticonlreux fundaleur de ctlle école dniLlieà
s'éiayer pour aiiénuer la vérité de noire pieux sen-
D87
CON
CONCILE, assemblée des pasteurs de l'E-
glise pour dérider les quesiions qui appar-
liennenl à la fui, <iu\ niœuis ois à la disci-
pline. On appelle concile général ou cecumé-
liiiienl. qu'on Hirail iin'il n'iiil point eud'anlre viift et
qu'il sVsi pidposé de fiiiie une léfulniiou coniplèie
de iDUf ses vain* raisnnnemi'nls.
i Sans s'éliii'jner jumais de la doclrine enseisnéfi
par la lliéniogie, il a su réunir dans celle disseï la-
lion, avec n!ie tjiande i larlô d'idée, une snlidiié re-
ivianpialde de, raisoiinemciil et un ordie adniii-alde,
loulfe qu'il y a île plus important, de |dll^ foil, de
plus prc^ssanl en! ^e trouve répindii daii> k's écrits
volnmineuv di's plus céléhres lliéologiens qu , :\ di-
verses cpnqni'S, onl traité ce sujet loit au Ion:; et
revendiqué pour la Vietge un piivilése ipii ne loitnie
pas moins à son honneur qn'à celui de su divin
Fils. Pour donner pins dft valeur et de pris à sou
œuvre, l'ilhistre auteur y ajoute desobservaiimis plei-
nes de justesse el de sagacité, (jui iraliissent autant
la pénélraiion d'esprit de l'érrivain qiie l'intérêt et
l'amour qni onl conduit sa plume. Dans la chaleur
même de la poléiinque, il sait répandre l'onctinn dé
celle piété suave qni respire ^dans tous les écrits
dont cet illusiri^ cardinal a euiichi le monde ascéti-
que, de SOI ie ((n'en même temps que le Iccicur re-
çoit une instruction salutaire, il sent pénétrer dans
sonâfne les sentiments de la plus afTeclueuse dévoiion.
( Mais afili que l'on puisse mieux apprécier l'es-
prit, la tournure et les daers mérites de cepelii ou-
vrage, il m'est doux el Iiniinralde d'en faire, de mon
mieux, une exacte analyse. El d'abord, pour éloi-
gner louie équivoiue et (ai i iter rinlelligeuce des
fères et des docteurs, prenant pour guide l'immor-
tel Benoît XIV et la foule des théologiens, lémincnt
prélai distingue avec soin le double sens du mot
conception. Car ou pr.nd le mot conception, soit
dans le sens actif, pour signifier l'aclc même de la
générali<ui eldela conceptiijumatéiielle.snit, dans le
sens passil, pour exprimer l'animalioM du fœtus.
Or, il fait observer que, qu lud on p.irle de la con-
ception immaculée de la Vierge, on ne prend pas ce
mol dans le premier sens, dans leipiel la coueepiion
n'a pas lieu, mais dans le seiond, car son ânn: sanc-
tiliaule se réunit au corps, mais exemple, depuis
l'instant de sa déaiion, de la iiKu'ndre tache originelle.
I L'élat de la que^iion éiant ainsi posé et par cela
même éclairri, il démoiitie par loules seules d'argu-
ments, lires de la raison el de l'anloriié de l'Ecriture
et des Pè es, la vérité de sa proposition, savoir :
que l'on doit regarder comme immaculée la concep-
tion ;)ns.sii'C <le la Vierge.
€ L'ari;uiiienl de raison est tiré de tous les divers
molifs pour lesquels il était si cinvcnalde (pic Dieu
ne refusai pas à la sainte Vierge un privilège qu'il
était si facile de lui accorder, et (pie sembla t ne pas
moins revendiipier en quehpic sorte la dignité de
Mèie de Dieu, (pie le triomphe complet sur le dra-
gon de l'enfer, et l'honneur niêinc de celui qui dai-
gna dans son sein se revêtir de la forme mnrlelle.
Celle preuve, lirée de la raismi, quoiqu'elle ne soit
pas démonstralive, a toujours éié très-propre l\ per-
suader la pieuse opinion que nous défendnns; mais
(pielle ne sera pas sa valeur, si nous la juigmuis à
l'aulorilé de l'Kcrilure et des Pères, qui la protègent
de toutes parts ?
I L'auteur descend dans celle noble arène , et
pour ee qui concerne l'Eciiiure, il montre qu'elle
insinue de deux inanièies la vérité de notre pieux
sentimcn'i, dans son s^ns liitiiral el dans l'applici-
tion que lEglise fait à la samte Vierge de plusieurs
passage', qui, dans le sens mystique et spirituel, ( (in-
firment d'une manière convaiiicaiiie celle iiièMic veil-
lé. I.t d'ahord c'est avec raison ipi'il cite el développe
ce lexie lé duc de la Genèse, appelé jiro'.cvatigUe
(pr-.iuiei Lv.ui^ile), par lequel Dieu annonce au ser-
CON 98f?
nique, celui qui esl censé composé des évè-
ques de louto l'Eglise; concile national, ce-
lui qui est formé par les évêques d'une
seule nation ;conc(/e provincial, celui qui se
peut, ou, pour mieux dire, au démon, la victoire
qu'une femme devait remporter sur lui, par ces paro-
les : Iminicilias ponam inler le el mulierem, el semi'n iMiim
el sewen illius ; ip^a coiiteiel caput luiim. el tu in^idiabe-
ris catcmeo ejus {Geii. m. 5."j). Cet oracle n'aurait pn
se vérifier pie neinenl si la sainte Vierge n'eût été
exempte de la tache oriuinelle. Car d ois l'Inpoiliè-e
contraire, il ne lui aurait pas seulement ti-ndu des
pièges, mais il aurait réiné sur elle de la même
manière qu'il règne sur les autres enfanis d'Ailara,
tant qu'ils ne sont pas purifiés el délivrés des liens
du péché. A l'autre genre de preuves liiée- de l'E-
criture, qui coiilirmeiit sa proposition, appartiennent
les textes sacrés que rEgli^e, toujours guidée par
l'esprit (le Dieu dans la cèlébra'ion des fêtes de la
sain:e Vierge, appliipie à Marie, quoiqu'ils doivent
s'eiilendre lilléialeiiienl de la sagesse incarnée
< Kl ici, le savant auteur va adroilement au-de-
vant des ilifficullés que l'on pourrait tirer des propo-
sitions générales de l'Ecriiure, (pii semblent regar-
der l"us les hommes, descendants naturels d'Adam,
comme l'îii iiuo oinnes piccuv:ruitt. et autres du mê-
me genre. Il prouve que des propositions semblables
soutirent des exceiilions ; qu'autrement il s'ensui-
vrait, si on raisonnait de la sorte, qu'on devr:Mt re-
fuser à la sainte Vierge des privilèges ipii irès-eer-
tainemenl lui onl éié acennlés. Car on lit aussi dans
nos livres sacrés que Dieu dit à la femme Indolore
pu'ies : faudra-1-il conclure que Marie a été Soumise
à lin seinlilahle ariêi? Il faut dire la même chose
d'un grand nombre de luis générales qui, d'après les
senliinenls reçus parmi les catholiques, ne regar-
dent point Marie.
< Ceci ^e trouve plus parliculièremenl confirmé
par la déelaratimi evpresse du comile de Trente.
Le plus grind nombre des Pères de celle véné-
rable assemblée élaienl portés, comme nous l'atteste
Pallavicin, à prendre une décision relative à l'opi-
nion que nous défendons ; ils furi'iit néanmoins arrê-
tés par des eoii-.idèraii(ms justes el prudentes, mais
qui ne regaidai-'iit que celle époque, el ils se con-
lenlèieiil de faire connaître indirectement leur pieuse
manière de pensrr à ce sujel dans la célèbre clause
qui est tonte à l'appui de notre assedion; car le
concile, dans la cinquième session, après avo r re idii
un décret sur le dogme de la transmission du péché
originel dans tous les onlaiils d'Adam, ajoute : Dé-
clarât lanwn lime ipsa sanria aifriodus non esse suœ in-
lenlionis comprehen 1ère in hoc décréta, ubi de pecca-
ta oriijinith aiiiltir, benlnm et iininacuta'am Firt/iiieni
Mariuin, Dit (jeuiiricein, sed ubsemandas eue consli-
tulioiies felicis reciirdutiun s Si.iti papii' IV . snb pœnit
in ejus constitiitiinibus conlt-iitis qiias innovai. Cer-
tainement le concile île Trente connaissait les ex-
pressions générales de l'Ecriiure : en ne voulant pas
qtie la sainte Vierge ((\l comprise dans son dérrel,
par cela même II a prouvé qu'elle n'était pas non
plus <'omprisc dans les prupusiliuiis générales de
l'Ecriiure.
< Outre cela, le même concile dans celle clause
ayant appelé la Vierge inwiacutée, et l'ayant ainsi
(|u dilièe à cause de sa dignité de Jl/(°'rt; de Dieu, il a
clairemenl fait connaître qu'il penchait vers noire
sentiment, donnant à enlendre que par raison de
convenance Dieu devait conférer ce privilège à la
saillie Vierjc.
f Ouoiqiie le conçue renouvelle et coiilirme les
cnnstiiulions de Sixle IV (une de <i-s coiisliiuuiuis
délend de taxer le sentimenl coiilraire de faux el
d'erroné), cela no unit en rien a notre cause. Car,
comme l'observe irès-spiriiuellenienl noire illustre
auteur, (le celle confirnwiion, on ne peut raisoiitia-
989
CON
CON
990
liont pnr nn métropolitain avec les évêqnes
de sa province.
bleincnl inférer fin'imo cliose, savoir : que le concile
n'a pas voulu (lélinilivenienl traiiclier la qncsiioii :
ce que tout le monde avoue, (^elte ilécision ne sevt
même qu'à mieux faiie coiiniitlre la pr '|u>iisioii «les
Pères «lu concile de Treille à ri garder .Marie coinuie
exemple (le la nioiiiilre latlie urijjiiielle dnris sa <on-
ceptioii. En effel personne n'ignore que les consli-
lulioiis de Sixle sontpluloi favorables (pie niiLsiitles
à noire pieuse opinion ; personne ii'isiioie aussi i|ue
ce inénie pontife a rcpamlii parmi les fidèles le culie
de la saillie Vierge soiis le liire d';»imaii(/e'e, en
permeltanl la messe cl l'olflce propre, où se trouve
ime oraison i^ui lail une meiilimi cxpie-e d'un lilre
si gl'Tieux et de l'exeniplion nb omni tabe , en ou-
vrant ce trésor des indulRenoes à loiisfeiix ipii ho-
noreraient snus ce lilre la Mère d(! Dien ; in frap-
pant des censures «Ides peines les plus graves qui-
conque enseignerait on pièchcrait qiiplipie « Imsc de
contraire à ce privilège.
< Les succeseurs de Sixte IV, saint Pie V, Paul V,
Giégoire XV, Alexandre VII, ne s'arrclércnt pis
là, el, ni.irciianl sur les traces de Sixle el des Pères
de Treille, ils conC(uirurem Ions, (|ui d'une manière,
qui d'une auire, à «onsolider, à raviver cl à répan-
dre le colle de la Vierge lionurèe d'un lilre si glo-
rieux, et à délèndre que, même dans les enlieliens
parliciiliers, il fùl permis de rév.i;|uer en dimle ce
privilège de Marie. L'accord de tant de!,'r:inds papt'S
fournil à noire cèlèlire cardinal un nouvel aigun enl
eu laveur de sa proposiiicn.
I Ainsi, fort, d'iiiicôié, de l'auiori^éde ITcriiure,
qui sert defonileiiieni à noire opinion, afirès avoir
mis en poudre la seule oljeclion que l'on ()(iunail
tirer des propositions f;éncrales qu'elle eoniieni, de
l'aiilre, fort de l'aiitoriié non moins inlp«^anle des
Pères el des docteurs de l'Eglise, notre illnslre au-
teur rejrrend sa marchcd'nii pas assuré.
« Et c'est ici que, déployant une vaste ériidilian,
il passe en revue tous les siècles du clirtsiianismi',
et foime un corps admicible de léinnignages pris,
non-seulement cliei les Pères grecs et latins, mais
encore dans les liiuigies les plus :mciennes, où se
trouve cl.'iiiemenl exprimés l'opinion cinimnne de
l'Kglise sur cerare privi ége dont Dieu a voiHu Im-
norer sa Mère. Dans «etie courte analyse, je ne puis
citer celle longue série de PiJri^» «n de dociems, qtii
se lie éiroitemcnl cl s'étend ji^qu'au xin^ siècle,
comme il csi facile de s'en lonvamcro en lisant
la disserlalioii dti savant prèlai. lit, qiirii(|iie quel-
ques-uns des nomlirriu ^a-sages allégués puissent
peiilêlre fournir matière à la critique, qui ponrrait,
en les considérant dans leur ensemble, rcunis coiiiiiie
une phalange en oidre de bataille, qui pourrait, dis-
je, se sotibiraiie an poids si grave de leur imposaiite.
atrtontè?
• Arrivé au srétie où vivait le saiiii abbé de Clair-
vaux, que siiil de près le gr.iiid ^ll|'ma^ d'iViiiin, il
s'ari-èle pour ex uniner avec la plus grande atienlioii
cl ta critique la plus impartiale quel lui le sentiment
de ces deux saints, que les partisiiiis de l'opinion op-
posée f»é endinil avoir été «ontraires à cetli; qu'on
s ulieiil ici. Eid'abird, pour ce (|ui concerne saint
Bernard, il fait observer que, dans sa leiire « élébie
adressée aux chiiTioines de Lyon, il ne s'oppose pas
lani a l'introduciion de la nouvelle fètc. coiiiiiie il l'ap-
pelle, qu'à la manière dont on l'a introduite, t'esl-à due
sans consullei l'Kglise romaine. En outre, il e.^l tros-
vraiseuiblable que le saint docteur, p:irle mot de cim-
ception, ii'eniendaitpas la corn eiilion passive, mais bien
Vuctive. Aires celle idiservaiion, l'illiislre c.irdinal a
raison deconcliiie (jii'on iiedoii pas mettre ce saint au
nombre des adversaires de sa docliine; ipiedu temps
de saint Bernard le mot de co(ifï(;(i(jH fut employé dans
leseiis actif; Mabillon lui-mèniecn convient, eiil cite
Sur cet important objet, nous avons à
examiner, 1° en quoi consiste l'aulorité des
même pour le prouver divers téiii(iii;nagps des au-
Icurs coiitemi'Oralns (Voy. ISolœ (vainren in opéra
SRncti Bernirdi, nii t. I, in episl \'ïi aU cnnoit. Lug-
(/wn.,n. Hl). D'ai'Ieurs, Hiiiis avons d>s lémoi-
giages diipcis ilii !,aiiil lui uiéiiie, qui rendent évi-
dciile sa manière de le.ser sur le sujet qui nus
«icoiipe. ei «|iii condrinci i notre pré<édenie inier-
prèialion. Kiiliii, puisque le s:iiiii «lucteiir, en recom-
maiidaiil l'oliservaiinn de la le e lélébrce dans toute
rivalise, de la naissance de Marie, en tirait celle
conclusion, «[u'iine telle naiss:inoe doit être pure et
sainte, lions sommes en droil de «'«niclnre, p r un
raisoniienii'iil analogue, que, s'il eût vécu de nos
jours, il se sérail regardé c'ei tainemcnt comme iiès-
liemeux «le poiivor chanter, de C"iiccrt avec l'Eglise
entière : Tuta ptticlira es, Marin, et macula iiaii al in
te. Et cela avec d'anlant plus de raison «pi'il ici mine
sa letlre eu sounieliant tout ce qu'il écrit sur ce su-
jet à l'irrélr.igiilile auiorilé de l'Eglise romaine, la
méie cl la inaiiivsse de loiiies les Eglises.
« Il laiil faire la uiêiiie oliservatiou h l'égard de
saint Thomas, dont le Savant prélat examine ensuite
Ic^enlimeul. Mais, de plus, il est ceilain, d'un côlé,
que le Docteur aiigéliipie, dans ses anlrcs écrils, en-
seigne ouverleineni que la sainie Vierge a été
exemple de louie souillure, soii i erS'Huelle, soit
originelle, el il ['enseigne un particulier dans le pre-
mier livre des Sentences, disl. Il, (|. I, ar(. 3, et
ailliiirs ; d'un aune côté, il est aussi leriain que
plusieurs savants de l'ordre célèbre de Salnl-Domi-
iiique se plaignent tlauliliienl de ce que, dans les
édiliins subséiiuenies des œuvres tlii saint docienr,
on a tronqué et altéré plusieurs passages, d'après
li,'squels il semble profe-ser une doctrine coniraire.
Diins cet étal des choses, il faut néi essairemeni, ou
que ce saint se soit grossièrenieni contredit, ou qu'il
ail cliangé de senlimeni, ce «pi'il n'esl pas ficile de
supiiosvr dans iiii homme si grave. Donc nous som-
mes forcés de C(mcl(ire, avec noire illustre auteur,
que ses œuvres ont été altérées; mais, quoi qu'il en
suit de celle aliéraliou, il est hors de doute i|iie dans
la Somme ii ême, où il semtde le plus s'éloigner de
noire pieuse Croyance, le Docteur angèlique y pose
despiincipes tels, qu'il est permis d'eu tirer évi-
demuicnl ce;te coiiséqneucc, ipie, s'il eût écrit de
nos jours, il eût souienii nn tcniiniciil enlièieineut
op osé; car viici se> paroles: Oubliai i non passe
beatis^imam Vinjinem sine peccuto urujinaH uatam
esse qitifi Eccl,sia ejus nativitatem célébrât. Aiijour-
d'iiiii ri'glise, obéissant aux décrets des souverains
pontifes, 1 élèbre la lée de la Concepiion de la iiiôme
manière que celle de la iNalivilé, el elle se contente
de substituer le lUdt nalirilé à celui de conception,
pour se ciuiloriner au statnt de Pie V. Donc, si saint
Tlionias eût vécu de nos jours, en vertu de ses prin-
cipes, il aurait soutenu noire pieux seulimeiit. C'est
ainsi (iiiiMMisouiiaii, d'une manière très-logiipn-, un
llauibeaii de récde ihouiislc, Jean de Saini-Thninas,
et voici S(S iiroiires paroles citées par notre célèbre
( ardinal : PosUjiiam Ecct. roma a célébrai fesluin
C<jitceplioms,loqiKnclo in vi docirimv I). Tlwmw opor-
lel tice ufrsn de his senienliis censere, et sic diras Tho-
mas censerel.
« Apiès celle explicalinn, qui n'est pas sans impor-
tance, parce ijne l'éloquent abbé de Clairvaux el le
sailli religeux d'Aquin sont, aux yeux de nos adver-
siires, les plus fermes soutiens de leur opinion,
liilii ne disseriaieiT, à propos de saint Tli mas,
expose la doctrine de l'ordre vénérable des pères
prêcheurs sur le sujet qui nous ocrui'e. El. com-
nuni;.inl parle samt londalcur Ini-inèuie, il iléinon-
re. par des documenis iiieonleslabl. s ()n'il a délèiulu
lu pieuse opinion de l'imimiculée concepiion de .Marie.
I U énuinère ensuite les principaux membres de
'Jlj[
CON
CON
!t9;î
conciles ;;énéraux en matière de dogme. 2*
Si celte autorité est la même en tait de dis-
rel insliliit célèl)re qui ont lirillé el pnr leurs venus
elpar leurs lalfiils; il ilrcssfi une longue lisie de tous
reux (|ni se SOI t accordés |.«"r ii.aiiilfnir inlacl ce
Rliirii'iis privi!éj;e de la Ver^.'; il la c'ôliire par
Noil Alexanilre cl Vii.ceiil Jnsiiiiien, rapporlaiit au
long Icnrs raisnnnenienls praves cl solides, qui pruu-
vcnl inv ncblenipiii sa prn|i(p>iii(ui.
1 II joint à ces imnis illi:slrcs les noms des saints
les pins reinarquahlcs i!e ions le-, ordres (pii onl
fleuri depuis celle époque jus.i|n'à nus jours, el il
cite en parliinlier saint Ueriiinliii, sainl 1, iircnl
.Itisiinien, saint Tlioinas de V; lenenve, s linl Al-
plioiise de Li^iiori, tpii, eiidjtasés d'tiii zéie ardent
pour honorer la Meie «le Dieu, ne cessaient de prê-
clier cprellea toujours été pure, toujours iiniiiaciiée.
( Le parallè e qu'il lail i iisuiie des tliénlo^iens
qui uni coinliatlii pour l'un ou pour l'antre de ces
diiix seniiinenls opposés esl tout à nuire avantage ;
car il eu résulte claiieiiienl que ceux (]ul délendciil
le piivilâge de Marie, laiil par leur auloiiié inrpn-
sanle, que par leur grand ii.unlire, reniporleiit de
lieaiicoiiii sur (eux i|ui le nient. Fn eijel, parmi
ceux-ii on eu compte à peine cinq qui aient i|iiclipie
répiilaiioii, tandis ipie ceux-là sont si iioniliieux el
non moins célèbres que, voiiluir les noniiner tons,
serait coumieiiier une œuvre dont on ne vei rail ja-
mais la lin.
« Mais ce n'est pas seulcineiil uu\ individus ipie
se leslreint le norrdire île (eux ipii ont leveiidiqué
pour l.i \ierije la prérogative dont iimis parlons, il
i'éiend encore aux i rdres luiil enliers; le savant
auteur fait une mention (arlicullcic de i'ur.lri^ des
cliartrcux, des Iranci-caius, el de la coinpagirie de
Jésus, d'iiit lis ineinlires, couitiie nous rallesle le
père Georges, ont dé'endii ce rare privilège oc Marie,
sciitperei uliiijve. Par mi ce-i dcriiir-i-, il eu clioisil
trois, doiii il cite les paroles, et ipil soni éuineiii-
irieiii di:tiiiguéi par leurs laleiils; Siia:ez, A-Lapide,
l'élaii ; il leur joint iiarradas el ISellaimin, tpii ne
sonl pas uioirrs célèlires. El, (pioique ce dernier ne
l'ait pas evpri-Sï'éuienl eiiseigné dans ses éciiis, il
déclara néaiiniDins (pi'il delendait le privilège de la
Vierge, iion-seiilenienl dans ses coeiniversi s, niaij
eucoie, d'après le lénioiguage du cardinal blVondati,
dans l'asseinldée de liente-six cardinaux qui se linl
à ce sujet eu présence du souverain pont. le l'aul V.
Il détail nalurellcnient parler desi élébresthcoltrgieus
liarnaliiles, (|ui ont lait cause coininrme a^ec tui.s It s
déleiisiuis de l'iinm.iCulée conception. De ce irnni-
l»ie sr iKiuve le pirrs sav;iul (renlio eux, le cardnr d
(icidil, ipil, par le grand iioiiiliic de ses éiits, n'.l-
luslra pas uioirrs suit ordre ipie le sarié collège, le
siège :ipnstolique el riii^lisi; eirlière. Genlil, dans
les obieivatiuiis ci Un noies ipi'il a ajuiilées il l'ouviage
de I iiluire cȏi|ue d'Aie/zo, A!gr d'Alliergolli, ou-
vrage iiiiilidé Lu Mute di' la Suimelé, lait connaître
sa m 11, ère de penser et déploie le zèle ardeiil ipii
raiiiiii..U pour propiger la pieuse ci nya.rce rpri: nous
déiendoiis; il insiste rncnie pour que l'on iii èie dans
les II çuiis (le sailli Maxime le passage où ce niëiiie
Pute crrseigira.t ,a purclé oi ig'ire le de M;irii!; voici
ce passage : Eiimi\iie idoiieiiiii plune (.tirisio liiibtlucii-
luin, tion pro tiubilu ctnyuru,, scU pro (jiutiu unijiiiati
prwdiiiivil.
I ^olle savant dis-crialcur pmirsuit sa niarclie ;
un va.^le cliaiiip s'ouvre detaiii lui : ii s'agrl d'euu-
nierei les uirivi rsitès les plus ( elélrres dt; Tf-urope,
iirèiiie du iiioUiiu c llioli aie, ,;ui ont voirlii s'aslrciii-
dre par des coiisliluirorrs cl ruèiiie par seiincnls à
deleihlre uolieiause sacrée ; d(! citer les évé, pics,
les eaidinaux. les souverains [i();i iles e'iXinè ,ics la-
voiables à rnniuacuice coneepiion; de pailer des
monarques, eulia de tous les peuples cailioiii^ucs
cipline. 3° Ce qu'il f.int pour qu'un concile
soit censé général, et combien il y a eu de
conciles
répandus sur la surface du ginhc qui, par les irans-
porK de la dévoiion la plus alTeciueuse et la plus
tendre, par des abstinences rigoureuses el voliii-
taires, .se iirépareni à célébrer digneiiienl la fêle de
la Vierge iuinraciilée.
< Il i, le savani auteur rapporte tout au long un
docniiicnt précieux sur le lénioignaue du père Geor-
ges d' ni nous avons parlé plus liant, boiuuie d'une
vaste èriidilii n. Ce docuuieul prouve i|in;, S"Us le
puntilical de Glément XII, tandis que le caiholiçisnie
était dans un état florissant, le ( orps épiscopal pres-
ipie loiil entier lit les plus grandes instances pour
que le nièu.e pontife dèfinii solennelleiiienl la vérité
ce noire p eirse crovance, de sorle que persoirne ne
pùl la m 'lire en discussion ni avoir un sentiment
ciiiilraire. Les origirraux pleins d'iirtéièt qui renler-
iiient le vœu de ces prélats, des académies el des
su eis de ce royaume, origin,iux retrouvés en 1801,
lurent présentés à riininorlel Pie VII, rpii les leçui
avec la plus grande joie, coniine le prouve d.iire-
uieiil la lelire adressée par le niémecar.liual au père
(jCorges, du consenteiiieiit de ce pontile.
( Ici I (lire auguste dissertali'ur, p un donner plus
de poids à eele masse de lèiuoigrrage< hislori(pies,
lc> aec(rmp.igrie des léflexions les plus judicieuses :
il pieud pour guide saint Augu^liu, i|ui, dans sa cent
(pijiante-lr i-iéiiie lettre, adressée au comte Mar-
(ellirr, cl dans sa cent soixanie-i|uaIrièuie, adressée
à résèque Elvodius, établit claircnieol ipie Tou doit
regarder coiiiuie vraicei|iii a l'assenliuieul cniuinun
des fidèles, quand uK'iue l'Ecriture garderait sur ce
point un prolond silence.
« Le V. l'élan développe longuement el démonire
Il justesse de celle pioposiiion par quelques exem-
ples que lui louruii le s.iiiit évéque d'Iiipiione ,
exemples dont il se serl pour piouver(|ue Uieii se
plaît, par des rèvèlalioiissecréles, ou, si l'on veut,
p:ir des iiispiratiuns, à lépandre une cuiiiialssaiice
plus distincte de ipiciques vérités qui lestaient en-
veloppées nui aravanl d'une certaine obscuriié. Les
Giccs (uil couiuiiie d'appeler celte connaissance plus
«laiie Tz'Xtp'jrf'ipiuv, elles Lalitis, firme persuasion, "it
coiuiclou, rpii coirsisie à i roue lermemeiil ciiiiiine
VI ai ((iielipie chose (|ui n'est pas encore devenu un
dogme (atliolrpie {l>e Incnninl., lili. xiv. c. 7,, § 10
el 11). Or ce cinseiileuieiil si unanime, si iinposanl
des lidèles, loiieliam le privilège de la \icige, (pi'ils
regardent exeniplo de la moindre souillme, où peut-
il ,;voir sa Miiiice, si ce ll■c^l dans l'e-piit de Dieu,
tpii cela re el dirige ri';glisecailioliipie ' Aussi noire
i liisirc caïuinal a\onc, avec auiaol de candeur ipie
de pislesse, ,|ue, pour ce qui 1(^ regarde, il a èié
porté à adop;er celle pieuse croyance, principale-
inenl à I anse de ce conseiiieinent iinaniiiie des lidé-
It s, conobirré par rassentimenl des papcs ei du con-
cile de I renie.
< Krr irllei, celui qui aura présente à son esprit la
série des picuves ipie nous ne laiMUis (pretlleiiier, et
qui soin SI l.iigeiiieiil exposées dans l'ouvrage que
1 nus iiiialysoiis , concuira sairs perne ipie la pieuse
opinion du riininaculèe conception de .M.irie esl, | our
me SI rvii (l'une ligiiic connue, coiii:oe uu iejei(M>
faillie dans son oilgiiie 1 1 se- coiiiuieii eincuis, mais
(pii, se développaiil siroc'-si emeiii , sors la sa,u-
laire iiilliieoce lie la trailiiiorr el des l'è es, pousse,
grandit, devient un ait>re majestueux ipd chiiv e
tout runivcrs c,.tliiiliipie de son verdoy.mi leudl.ige,
de S' rie (pr.' , d'un bout du iule a rautre, des
booches hueles leiCicul le lilre glorieux île Nierge
toute pure, lonli; s.iinte ei ii mai ulee. M d'un , une
lOlè, ne sciiibic-l il pas ipie D.cu lui-rnème se pl.iise
à ciiiiliruier de plus eu plus ceUp couMClion géné-
rale î ^'esl-ce pas là ce que prouvent les nombreux
99-
CON
CON
994
prodistes, cfs prodises insignos, opérée p;ir l'iiilei-
cessiuii de la Vieige invo(iiice sons ce liin^' N'en
Iroiivons-nous pas lies [ireiivi's écbianies d:iiis celle
vision élonnaiile d;iiis lai|iielle la More di- (lieu dai-
gna a[i|iaraîlre. il y a ipic (|(ii''i annoos, à une linnilde
iillc de Fiance ? Dans la niédaille inir.icuii'nse • ù >e
tronves'''^éi! l'elii^ie de h Vic'i;e inimacidce; dans
son éloniiaile el rapide iiiupai^aliiMi ; dans es iiuni-
bieuses ei éclaianies conviTsinns (pielle i)]iè!i' dans
tous li'S rangs de la siicété V Oans celle, e ilre antres,
dont iiDiis lûmes naguère iiinis-iiièincs les léinoins à
Rome, i|ui k en avec raison tant de leientissemenl,
clqn: a exclié une admiraiinii géiérale ; dans la
convcrs on du jeune israél le de Sliaslmurg ? Ci'.
jeune lionnne, c'est Alplionsi; KalislKuine, ijùi, do
cruel cunenii du nnin cliréiien ijuil était, est devenu
un l'iTveiu caihiiliipie, parci; qin-, ce lanl aux ins-
tances d'un ami, il a consenti à |ioi 1er >ur lui celle
médaille, cl a invuipie la saint'' Viei^e, i|ii<iiqiie ce
fût à oiniire-cœiir. Kl le vicaire de Jésiis-Clirlsl, l'im-
inorlel (îrégoire XVI, ii'..ji)nta-l-il pas un nuuveau
prix à Imites CCS laveurs iln ciel, si piopres à coii-
liriner la cerlilnde Cl l'ulililé du >idle de la Vierge,
conçue sans soiidluie, eu ;iccoidaiit, on vertu d'un
indull, pir l'organe île la congre;;aiicii îles ItiCes. à
loules les Kglises de Fiance, ii'Ainci lc|ne, d'Angle-
terre, d'Allemagne et d'I.alie, rpii la deiiianiléieiii,
la iierniission d'ajouter da .s la préface du 8 déc ni-
bre, comme le l'ait l'onlre de Sainl-François, ces pa-
roles : Et le m imniauiitiiUi coiiceptionc.
€ Tous ces lai'-, cmivenalile ntéilaiiés par l'il-
luslie caniinal, IdhI naiire dau.> l'esprii du Iccleur la
convicliiin la plussoiiite et la ilév lion la (dus tendre;
en sorie qu'aucun cœur vi ainieiil i ailio Injiie ne peui,
à mon avis, s'cmiécliei de paiiagerle^ voeux ndeils
doni il couronne son (l'iivie. Iriui dHiiu picié éclai-
lée ei d'uce science prulonde. Mais ciioiis ses pio-
pres paioles, car nous ne poiivoi.s leur eu substilm'r
de plus cnlrainanies, ni de jilus énergi ;ues : i iNous
n'avons pis lie>oin, liit-il, d'exprimer quels S'Uit les
vœux ardeuis qui s'éclia|i|iem de noire cœui . Oui,
si le ^aint-siegc, toujours gniiié par les lumières du
Saiiil-bspiit, jugeait à inopns (le iléliiiir le p mit bi
iinpiirtani de l'iininaculée Liincepl>on de M.iiie, al> rs
nous lenneiions plus vniimiiers uns )in\ à la lii-
niiére, nous sorlinons e.i p.nx de ce nOiule; el nous
avons la Jcrine conliance (|ue cet acte serut le signe
avani-courenr des glaces saii< iinmlire, des miséri-
cordes inliiiies, des douces béiiédiciions, qu , à la
prière de Marie, plenv raient al)'>udaniii>eni s r Kome,
sur i'Eglise entière, qui la regarde coiniiie sim avo-
cate ei ia proieclrice -péciaie. t
I Je n'ai lail (in'élianclier le inagnillque lahleaii
tracé de inaiii de maiire par mure illustre anioiir ;
mais niainleiiant revenaiii >>iir mes pas, sans m'écir-
ler néaiio.oin> de se~ iraces, il me resie à prouver
ce que j'ai avancé eu coniinençani celle analyse, .sa-
voir : que dans sa ilissertaiion piiléiulqne. il a pré-
venu et lésolu les olijeciiirns i{ue lail valoir le Ion.
daieur d'une nouvelle école alleniaiide pour alléniier
el oliscurcir la veillé lie noire pieuse croymce. Le
lecteur réiléclii, déjà un peu provenu, devine ma
pensée; il coinpieodra que je venxpariei- d'ilerincs
el lie sou école. Ui , quoique lleriiiè-> ii'aii pas la
li.iidiesse d'atlai|uei ouverirmeni le sentimeiil com-
mun, Cir il aurait trop lieurie de iront le cuiic le de
Treille et les consiilii'iiins pounlic lies, il ne lai-,se
pas loulelbis, quoique sourdeuieut, de niauilester sa
tnanière de penser sur le sujet qui nous occupe, tt
couiinc en général, dans son enseigiiemeiil ilié >l >-
giqiie, il ne s'appuie que sur la laisini imliviilnede,
et qu'il iiie|.rise r.iuiioité des ilieologions, Il ni.ini-
feste clairement sur ce point son indiculuulisiiie ru-
lionȣ/, que je ne puis aulreinenl quaiilier. .Vlais il
laut aupaiavaiit I ilre c nu dire ce qu'on lit eu par-
ticulier >ur ce sUjCl duns s.i llugmallqne : i La
èaiiile Eglise enseigne donc, d'après lui , 1° que tous
les liommesont éié, indépendamment de toute ac-
tion qui leur soit propre, infectes du péclié ilaiiS
Adam, el cela, parce que celui-ci transgressa le com-
in.iiiileuieiit qui lui- fut donné de Dieu, et qo'ainsi il
pocha ; -r i|ue ceux ci, à cause de leur origine de ce
pieinier lioiiime, Adam, parce péidié. deviennent
cijnime lui coupahl s. Ob),eri!(itioii. Il y a donc un
pé' hé originel dans le sens propre de ce mol. ou, si
l'on vent, une qualité' ou disiiosilion cmipable dans
tous les descend.int- naturels d'Adam ? Duns Seul,
le premier, et après lui quelques théologiens ont
eh relié à démoiiiior que 1 1 seule Vierge M irie ,
comme Mère du ^anveur, a é é conçue et née sans
ce pé hé. doiiiKint ce te raison : parce que cela él.iil
tri's-coiit'eiKib'e. Or nous ne Savons pas pré isément
ce '|iii est couvenahlo aii.x yeux de Dieu ; mais i uis-
qiie le coacile de Tro te, dans le cinquième chapitre
(le la cinquième s.'ss on de Peccnto oriij., veut ex-
pre-sémeiil que l'on g.irde là-dessus le silence, et
qu'il renvoie cil. icnu à 1 1 constitution de Sixle IV
qui est rel;iiive à (;etic iinestion, aiienri parue dier ne
doit prendre sur ce -ujel une décision quelconque
(a). Il m: lau: pas reg.irder ((mime une décision de
rKg'iSi? l'iiilroJuclion de la fête de l'iininaculée Coii-
ceptioii (Ur Marie, l'aile par le souverain p uitil'e, sans
ojiposilion aucune de l.i part des autres évèqiles ; car
dans le sens (^jf/io/ii/Hr (1 iiiué au mol véuératiiui des
saint-, ce West pus le litre, (piel ipi'il soit, de la l'été,
mais les vertus ijn saiiil (pu soûl l'ohjel (le la véné-
ration : c'est pourquiM le titre d'une telle fèie, dans
son liilroduciion, est quelque chose d'accidentel, qui
ne se prend incnie pas du tout en considération.
D'ailleiiis, (Omiiientla conception sans pecoé, ainsi
que la naissance de Marie, ieriiieul-elUs l'objet de
notre vénérât un? y'iaiid l'Iiglise de Lym loininença
la première en France, .le sa propre aiitniité, à célé-
brer la léie de rimmacniée Conceplioii de Marie,
parce lue, comme elle le piétendaii, la Vierge avjit
déclaré dans une lettre tombée du ciel, que cette
(èle lui serait agréable, sainl Bernard cciivil à ce
siijei a l'EglLse île Lyon, c'est-à-dire anx eliauoines
de Lyon ad cnnnnicus luqdune,:ses, pour s'opposer à
leur conduite el la ilesa|iprouveréneigii|uenient. Celle
leilrc lépand tant de lumière sur celle qie>t ou el
même sur la première oiiguede cette (pieslioii agi-
tée puis ta d, qu'elle mente d'eire lue en eiilier
tiès-aiieui.ivemenl. » Ici liiiii la cilalion d'Hermès.
t D'abord, le» écl.iireissenirnts que donne l'illus-
Ire cardinal, sa manière d'expo>er scrupuleuse. iieiit
les chose», prouvent qo'il y a plusieurs eireiirs liis-
lonques et de assertion» tiés-bardies dans i es ipieJ-
que» lignes d Hernies. (1 lui ci assine que Diin» Scot
est le premier qui ail pai le de rimmacn ée cu..ce;dlon
de la Vi'Tge, comme si ce ta e i iivilege de Marie
n'avilit pis Ole pins ou mous explicileiueot insinué,
signalé ou défendu par les l'èies ei les doelenrs de
rUglise. Il cite ensuit'- (/'«H'res iliéo ogcns q u iiiar-
cliei eut sur les traces de Scot, comme s'iis élaeat
en petit noiiilue et de peu de coiisidéiaiiou, tandis
qu'il devait dire ; L i loiil ■ des thé Ingieii» les plus
distingués elles plus cé.ebres. 11 dit ^iie le concile de
Trente u voulu que Ion yunlàt le silence sur la ques-
tion qui nous occupe , tandis q-ie le concile de
Tieiile, au coiiira.re, iléciaie qu'il n'a pas 1 inlen-
li' Il de coinpreiidie dans .son décret sur le péché
originel la bienlieureuse el immacilée Vierge Marie,
cl iurd ordonne d'obs -rver ngoureusemeut , non pas
seu cment la conNtiiution, mais bien les conslitulions
de S Mo IV, sous peine d'. ncourlr les censures
qu'elles coniieunent et qu'il renouvelle. Vo ci les
i-xpie nions (le l .lugiisle as.soiiiuiée : Déclarât lamen
luvc ij) a s(iiii ta sym-dus non esse suœ intenliunis com-
preliende-e m liuc décréta ubi -de peccnto oiiginali
(ii/i(ur Ceatam el immaculatuni Virginem ilariam, Uei
(a) Il ne peut ^tre ici queslioa de iNolre-Seigncnr
.lésus t;ui-ist, pui.siiu'il (sst déiiionlré qu'il n'est p:is descen-
dant uauirel u'Ailaui. {So'e du traducleitr .)
99o
CON
CON
9D6
Cenitrkein; serf observnndas cnnsliliiliones fclicis re-
coTdaiionis Sixti papœ IV. siib pœiiis i'i^eis coiislilu-
tionibiis conlenlis qitns innovut. Or , Sixte prmiiiil-
giia deux cmiNliliiilnis, lu premier.' en 117 1) , par
i"a(|iiellHi il accorde à ceux qui niiroiii as-is e a la
messe et célébré l'olli'f !■• j'""- '*« I-' 1^""lx'1'1'0"; ''■?
mêmes indiilgeiices qnUrhnii IV avait ai-rorilcis a
ceux qui a^isieraie.il à l.i lêle du corps et du sang
de Jésus-Clirisi. SiMo fit paraître l'autre ciiiisiiiu-
linii en 1485; il y 'léfeutl.sous peine dVxcouimiiiii-
catidu il'atia luer connue erroné on liérétique l'un
des deux seniinienis coiilrair.'S. Que iliie ensuile
de la leiire qu'on prélendait tombée du ciel? Dans
rKpîire de saini liernard on lit seiileiiieiit ces pa-
roles : sed profertur scriiHuni siipernœ (ni a uni] rêve-
laliotiis. Or il peut se faire que le Saint fil allu-inn
non pas à wif tetlre lombée du ciel, inais à un écrit
coiilfuant quelque révélaiion, (omiiie l'uliserve Ma-
billoii, qui préiend qu'il a existé un écrit de ce
ginre, aiuibné à un ;'bl é anglais appelé Elsin. Lu
effet parmi les œuvres douieiises ou apoi ryplies qui
se trouvent dans rappendice des ceuvres de saint
Ans.-lme (éiliiioiub; baint-Manr), ily a deux opjis-
cnles de toucepiione II. Muriœ où rmi lanmle qu'un
piMxinnage maje-lueux ap^iarut à l'ablié tlsm et lui
enjoignit de célébrer la lele de la Conception s'il
■voulait écbappei à un danger imiuineul de faire
naufrage. Il n'isl donc pas question de lettre tombée
du ciel. Mais ceci soU dit >eulenienl e i passant pour
rectifier b s laits et laire disparaîue le ridicule
qu'Hernies voulait jeter sur notre op nioii.
t Arrivons au loml de la qm-siioii. Hermès af-
firme que Scot et iTaiities Ibéologiens ont chercUé à
démontrer qu'elle (Marie), comme Mèie du Sauveur, a
été conçue ei qu'elle est née sans ce péché p ir cette rai-
son : parce que cela aurait été convenable. Or nous
coinraencerons pat l'aire observer qu'il ne parle pas
seulement de l'exempiion delà lucbc originelle d.ms la
conceplioii de la Vierj;e, mais e core de rexcmpiioii
de ce même pécbé dans sa naissance, ce (|m' |)rou-
vent évideramenl Us paroles par lescim-llfs il jo lit
ensemble la fêle de la Concept imi el celle de la iNa-
ti\ilé de Marie que i'Kglise célétire soleiniellinicnt.
Et, dans celte manière de procéder, Hermès ne se-
rait point blâmable à nos yeux, puisque, pnur qui
veut siiMiiser, la raison ellc-mêiiie de cunvenaiice
qu'on lait valoir pour riiimiunué, est celle cpii milite
en faveur de l'exemption du pécbé d'origine apréi la
CDiiccpiioii et avant la naissance. L'LgIisc ii'u rien
décidé sur ce piiiit; l'Ecriture n'en p.iile pas, el
même, si nous voulions prendre dans l'accepiioii ri-
goureuse des mots les textes sacrés où il est question
de la transmission du pécbé oiigimd, imus seriops
forcés de convenir qu'ils legardeiii la conception et
la naissance de tous les eulanis ou descendants na-
turels d'Adam. Il est reconnu que les l'éres parlent
iiidislincteinent de la conception et de la naissance
de Marie; la célébration de la léiejle sa naissance
ne subit pas, d'après Hermès, pour pi^ouver la sancti-
ficailon de la Vierge, de sorte qu'on puisse dire
qu'elle est née sainte. Dmic ce n'esi pas sans raison
qu'il parle de la iiiêiiie manière de 1 1 conccpiioa et
de la nativité de la .Mèie du Sauveur. El certes il
n'est aurnii catiioli(|ue ipii ait le moindre doute sur
la saiiilelé de la Vierge au moment de sa naissance ,
c'est ce que l'Ivglise regarde comme une ciiose cer-
taine. Le seniiinenl des li<léles et des pasteurs csl
unanime sur ce point, en sorte que si queli|n'(in était
assez hardi pour rcluser ce privilège à M irie, il ne
serait pas seulement téménlrc, mais il serait irès-
cuiiilainnable. Donc, si la convenance, et la conve-
nance seule, fonde eiitii'rcment, pour nie servir d'une
expression familière à Hermès, une preuve solide de
la saïKiificaiioii de Marif dans le scinde sa inèru ,
pourquoi ne pourrait elle pas la ronder pour ce qui
regarde rexemption du pédié? La raibon est identi-
que : la Vierge a été Banctiliée avant sa ual»saiice ,
parce que cela était irès-cnnvenabte à cause de sa di-
gnité de Mère du Sauveur; l'un n'est pas plus oil'li-
cile à l»ieu que l'.iuire. Q^e si an Contran e ceile
convenance ne funde pas une raison sidide j oiir
exem|.ler Alaiie du peci.é "ri in I, luécséiiient p.ice
que nous ne savnns pas an jn>te ce q i est i muein-
ble aux yeux de Dieu, l'Ile ne la (undera pas non
plus piMir la sanciilier ilans le sein ma e> nel. Et
voilà le Veiiin racté dans la do l me lii'riiié~ie ne
toiicliant Marie, venin qui l'inlec e pa> iiioin.s .-a
C'il ;;cp;ioii que. sa naissance; ce tpii s'appelle, dans
le seiiN catholique, sortir des lll'rlle^.
I .Mais II e t cer.ain que la convena' Ce n'est pas
la seule, ni la principale r>ii~oii, coinine e voiidr.iil
Hermès, qui sert de finlenieut à iMire pien.-e
croyance. Avec notre illu>lie piél.it, nous l.i vo\ons
reposer sur le^ ba>es l^-s plu.-> solides : sur rEcriiure
inieriuéiée dans ce sens Intéral el da :S le sens spi-
riiiiei cniiloriiK; à l'ai pllcaiiuii <|u'ei( f,iit l'Eglire
dans les fêtes qii'el.e ce èbre pour tioiiorer les gloi-
res de la Vierge. -Nous la voyons reposer sur la doc-
trine ccimmnne des l'ére^elde» doeieurs, el ^ullollt
sur le londeinenl inébranlable de l'asseniimeiil des
fidèles, justifié el approuvé par l'Kglse, par la léle-
Lrailoii solennelle de la lêie de la Conccpiioii oe la
liieiilieurense Vierge; car si on enlève à Maiie
riiisij.ne privilège dont nous parlons, celte lele,
comme je le déiuonlreiai plus lungueiiieiit, scr.il
sans objet,
« Je passe à l'auire proposition d'Hermès
t Ce n'est pis une déi ision de l'Eglise, dit-il, qac
rinlrednctlon de la léte de l'iiniiiaculée Concepliua
de .Marie, laite par le souverain poiiiile, sans avoir
reçu .lucune opposition de la prt des évèqnes. Car,
dans le sens catboli pie dnniié au mot vciiéiaiiun des
saints, ce n'est pis le tittc, quel qu'il soil, île la
fête, mais les vertus du saint i|ui smit l'objet
de la vénération. C'est piiuii|uoi le liire d'une telle
Icte, dans riiiliodiictiun de la lète, c«( ./ii«/i;ut: c/iose
d'accidenlel, qui ne se prend n.ème pas en considé-
ration, b'ailleius Cdinment la conception sans péché,
ainsi que la naissance de iîarie ieiaieiil-eiles l'ofjet de
nuire vénéraliun? i
« Lt voici encore de nouveaux ^rave^tissellleuls
des laits bisloriqnes. .Mais parle-ton avec exiictiiude
en disant qu'un souverain pontife a introduit propre-
ment la léte de Vimmuculée Conception ? [Sous de-
vrions, par amour pnur la vérité, répondre queiinii,
et dire seulcmenl ipie Clément \H a ordonne de lé-
lébierdaiis toute l'Eglise, comnie de précepu, l.i
fête de la Conception de la Vierge immaculée. On
a tiré ensuite cette conclusion Ibculogique , non
pas du simple titre , comme le suppose l'écri-
vain bardt que nous conibatt ms , mais de la
célébration de celte lêle, que la conception nième
de Marie avait été inuuaciilée. A enlciidie Hernies, il
semble en outre que les é\êqnes n'uni lait autre
clio^e que de ne pas s'opposer au snuverain puntiie
(|ui inuoduisait la susdite fête. Mais pourquoi ne pas
dire ipic les évcqiies de presque tous les poiiils du
iiiuiide clirétien , cumnic le prouve clairement nolte
illustre auteur, se iiinnirèrcnl pleins de solliciiiide
pour délendre le privilège de Marie, cl qu'ils liieni
à Ce snjei les plus vives instances auprès du siégo
apiistoii |ue, laisani coiinaitre par là ipiels étaient les
seniiiiieiih et le^ vumix de leurs troupeaux 1
( Mais allons au fond de l.i proposition d'Ilor-
iiiès. l'eiii-oii regarder cooiiiic vrai ce qu'il iit cesse
de répéter avec empbase, savoir que le titre d'une
fête dans l'inlroductton de la léie est quelque chose
d'accidentel qu'on ne prend même jamuis eu constilé-
ration? Donc, d'aprcs le loiuialeur de celte iion\clli!
école llié doi^ique, Inrs pie l'Eglise iiilioduil el cèle-
b|e II l'cie des piinci|iaux mystères du Kédemctcur,
elle n'a pa? eu, cl elle n'a pas égard, en assignant
ou en conservanl le litre de la léte , à tel ou tel
mystère eu pm'l><^ttlier qu'elle a voulu et qu'elle
997
CON
Teiit expressemenl rappeler et célébrer sons tel on
tel litre? Ce sera donc l:i inêiiie eliose de ((■Iclirerla
léle de Noël ou célébrer relie de la Trausliguralidii,
de la Kesiiireition, de l'Asceiisioii, ainsi de suiti^ ?
Donc le litre par ticnlier de la tête iiéces^aireiiicnl ne
dira rien aux fidèles de l'esprit et de l'inieniidii de
l'Eglise d:ins la célébration de toutes li>$ solennités
particulières? Qui ne voit la fausselé de cis asser-
tions étranges, qui siinl les consé piences rignurcuses
d'une telle proposition? Donc l'objet proprt' du culte
que l'on rend aux saints, ce sont les vertus du
saint, ou, ponr mieux dire, le saint lui-même illustré
par ces venus, c'est- à- dire non pas ['nb&lrait ,
cutnine senibleraii l'insinuer Hermès, in:iis le con-
cret. L'objet de ce même culte est encore Di.'u lui-
même attinirable dans ses saints, sur lesquels il a
daigne verser l'abondance de ses dons les plus pré-
cieux. Mais néanmoins le titre qui divise le cube en
diver-es fêtes ne devra-t-il piis faire partie de ce
même culte en ce sens que lel titre représenic telles
vertus, telles actions des saints, par lesquelles Dieu
a nianil'csié sa gloire, ou tel événement ou pieux
souvenir que l'tiilise propose à lu vénération des
lidèb's? 11. faut dire la mèitie cliiise, des solennités
que rEgli>e a introduites en l'bonneur de la Vieige.
Certainement quand elle célèbre la conception cm la
liaii\ilé, elle n'a pas l'inienti'in de célébier sim An-
iionciaiKin on son Assojiiption, un ne peut pas dire
que ces divers titres soil purement accidentels ,
puisqu'ils sont donnés pour rendie piésenl à l*esrrit
et au cœur des (idèles, l'objet de la lêle et de la
dévotion particulière que l'on doit avoir pour Marie,
selon l'esprit de l'Eglise, dans sa couce|>tiun, dans
la nalivilé, et :iinsi ilu reste.
« Mais ici Hermès ncnis adresse celle grave ques-
tion . Coiiimeni la conception sans péché ou lu nais-
sance de Marie, etc., seraient-elles l'objet de noire vé-
nération? Ceilainement si on prend ces mois dans le
sens abstrait, comme il le voudrait, la conception,
non plus que la naissance de la Vierge, ne saurait
être l'cljet de notre vénération, comme ne poni-
raienl l'éire également la nai-sance ou la résurrec-
tion du Sauveur, ou la descenic du Saint-Esprit sur
les apôtro, ou tout antre mystère. MaiS est-ce ainsi
qu'il faut eiiieiulie iigoureu>em»'nt ces expressions
seliin l'esprit (le la sainte Eglise? Non; iionnons-
lenr leur vériialde sens, celui que l'Eglise a l'inlen-
lion qu'on leur donne, c'est-à-dire le skim concret :
niors l'une comme l'autre pourront être l'objet de
iiotie vénér.ilion, comme le sont la naissance et la
ré>urreciion du Sauveur. C'est pouniuoi la bienlieu-
reiise Vieige est lonjuurs lobjel de noire cnlie, soit
paicc que la concC|iiion, comme le pense Uellar-
niin, réveille le souvenir de la joie inellable que la
conception de la .Mèiede Dieu a causée nu innude
(Conirov.t. il, lib.ui, c. \(i), soil parce que, comme
le remarque avec (dus de vérité Snaieî, pour des
raisons que le savant pape Uenoit XIV n garde
comme très-graves, parce que l'Eglise a l'inteniiou
de célébrer le piivilégc siiécial d.- rexempiinn de la
laclie originelle dont Dieu a voulu lavori-er Marie (/«
unrMii S. Tliontœ, t. Il, quwst. "il, art. il). On peut dire
la même cliose de sa naissance dont l'Eglise célèbre la
fête. El en vérité, que le tiire, ainsi quelacélèbraiioii
de la lé'.e de la Conception, linirnissent un pnlssanl
motif pour en déduire l'exemption de la tache i>rigi.
nelle dans Marie,c'est là laconséiinence nalnielledes
paroles de saint Bernard bii-même, dont Hermès li-
nit par nous engager à lire la lettre, comme rép.m-
danl sur la question même, dès sou origine, la plus
grau. le lumière. Docde à son conseil, je l'ai lue avec
atleiuiiui et me suis arrêté, en la lisani, à deux |ias-
sngcs qui in'onl p.rii convenir merveillcusemen.. à
noire cause, l.e premier est an n" ô; vcici les ex-
pressions du saint : Sed et orlum Virginis didici ni-
hilominusin Ecclcsiaet ab Ecclesiainduliitunler liabere
[estivum atqve sanctum, fimmsime cum Ecclesia sen-
CON 998
«((!;i.<i, ni utero eamaccepisaeul saneta prodirel. Là nous
voyons (pie, par sa manièie de raisonner, le saint
abiii' de Clairvaiiï croyait ipie la céléiralioii de la
fé c de 1» Nativité, sous ce litre, snlIKaii pour en
conclure (|ue la Vierge avaii êié sainte dans sa nais-
sance, el ensiiiie qn il pensait (pie le titre d'une lèie
n'est pas aussi ipiebpie cliose d'(((;iidi>iii<'/ et i/n'on ne
doit pas prendre en considération, ce qui, cniiime ( lia-
ciin viiil, est en opposition ouverte ave< les princi-
pes qui s<-rvenl de loiideincnt à la doctiine d'Her-
mès. En outre nous sommes en droit de conchue,
d'après les expressions elle^-inèmes du saiiil, i|ue,
s'il vivait de nos jours, où l'Eglise universille célè-
bre la lêle de la Conception, certainement il n'aurait
aucune ré ugnanee, eoinine en a Hermès, à croire à
l'inimadilée conception de Marie, mais i|u'i| la dé-
fendrait par la même raison i|u'il délind la sainteté
de sa iDiissance. Mous dirons la même chose d<' saint
I lioinas el de tons les autres qu'on a coutume de
nous opposer comme contranes à l'insigne préroga-
tive de la Vierge, le-qnels tout, fois concliienl i|u"elle
a éié sainte dans le sein de sa mère, parce qu'on cé-
lèbre la tête de sa naissance.
c L'aiitie passage liés-reuiarquable de la lettre de
saint Bernard, eu celui qui se trouve au n° 9, par
lequel II termine i e qu'il avait dit à ce suiet : Quoi
auleni dixi, ubsiiue pnijudiào siine dicta si:il suuius
sapienlis. lioinanœ prœsertini Ecclesia: auctorilaii ni-
que e.runiini toluni knc, sicui et cœtera quai ejusniodi
siinl universa re^^rl)o : ipsius, si quid aliter sapio, pa-
ratus judicio emendare. Il résulte évideinmenl de ces
pandrs (ju ■ rinieniiou du saint éiait ipie, s'il eut vu
celte (êie aib plée par l'Eglise romaine, et surtout
s'il eût vu ipi'elle ordimiiàt à toute li ( bréiienté de
la célébrer comme lêle d'obligation, ainsi que nous
voyons qu'elle la célèbre aujourd'liui, il n'aurait pas
hésité un seul insianl à recunnaitie dans la Vierge
le privilège de son immaculée cmiception, el à la cé-
lébrer avec l'Eglise elle niê ne.
( Nous conclurons donc i|u'llerinès s'éloigne tout
à lait du seiitinent du saint docteur, précisément
lorsqu'il croit s'appuyer de son autorité pour inlir-
iiier nuire pieii-e croyam e. Je ne m'arrête pas là;
et ayant égard aux vueiix pieux et ardents que maiii-
fesie noire illustre écrivain de voir terminer ce
point de controverse, je clio sis ce (|ue uoiis oppose
Hermès, pour en inléier (pie, sans la moindre difli-
eullé, en loute sûietéet même en s'appiiyaiit sur les
raisons les plus solides, le siéne aposlolniue pour-
rait prononcer le décret dêlinilil s'il jugeait le mo-
ment favorable et opporlun. El voici comment je
raisonne : Aux yeux d'Hermès ou doit mettre sur la
méiiie liuiie l'immaculée conception el la sauciilica-
tioii de Marie dans sa naissance. Ur tous les cailioli-
qiies, c'esl-à dire iiièine ceux qui sont le moins por-
tés à croire au piivilége de l'exemption de Marie,
regardent c 'inme ccilun que si naissance u été
saillie, el que l'Eglise pourrait décider ce point,
quand nièiiie il serait nie ou révoqué en doute par
quelques-uns. Mous pi>urrions dire la même cliuse
pour le qui reganle l'exemption dans la Vierge de
la moindre faute actuelle. Ur l'un el l'^mire de ces
piiviléges n'ont pas on lundenient plus solide que
celui ipi'a le (irivilégede l'exi mpiion de la ticlie ori-
ginelle, c'est-à dire la convenance corroborée par
rassentlmeiit de l'Eglise et ce^iii du coininuii des li-
deles. L'autorité de saint Dernard donne un nou-
veau poids à ces assertions; voici ce qu'il ecril au
n" o, dans la lettre '|u'on nous 0|ipose, concernant
les deux privilèges dont nous avons p;irlé plus haut :
fjuod itaque vcl paucis mortalium cos-ital fuisse colla-
ttim (as arte non est suspicari laiitœ «lu/ m esse ne-
gititm per quam omnis merlaiitas emersit ad vitani
(voila la Ciiiiveiiance). Euil p.ocut dubio et iljler
bomini ante saneta quant nata : nec fuHitur om-
nino saneta Ecclesia sanctum lepulans ipsiim naii-
I itatis ejus diem el omni anno cum exsullalioue uui-
9»0
CON
CON
lOôO
rer«<t leirm votiva celebrilate siitcipifti-i (voilà le sen-
timent di" l'Kglise). Et pour ce i|ui rnijarde le pre-
mier piivilt^Hi; loiii|i:iiit l;i siiirlilicaiiim de Mnrie ,
pour Cl! qni p-garde le second, loucliant l'e\eni|itioii
de louie laute actuelle, le -ainl dncieur poursuit
ainsi : Decuil nimiruni reqiuam lirg iiiim sinquturis
pririiegio iuitclitalis iibsque omni pccciitû liiicere vi-
lain : ijuœ dum ppcrwi iiiorii.sq>.e pnreiel peremploreiii,
munus vuœ ei jiistilir omnibus obutiuerit. Voici l'inore
la di'ceiii'e ou la convenance. Pour ce ipii i oiic rue
le !.eiiluneiil de l'iO(;liSi>, il ne peut exist< r le ni nidre
douie Je pourrai (aire le nièuie rai-oiineinenl sur
saint Tiiouia-, surtout piiisi|ue celui-ci allinne ipi'il
n'v a rieu eu dans la sainte Vierge de tout ce <|>ii
po'uvait réveiller la toiicupi^cence, et ainsi du reste,
Jlais que ce court evpnsii nmis sidliNC.
( Je reprends néanmoins ei je dis : Puisque le
souverain pontife peut en inule assurancf, sans
qu'aucun cailioli |ue le ccuitesie, dclimr que la liieii-
lieureuse Vierge Marie est née sainte, ipivlle n"a j.i-
mais élésouilléiMi'aucuue faille actuelle, i|ii'elle a clé
exemple de mut ce qui iiouvail iioui rir U ciincupis-
Cencc, et qu'on n'a néanniuins piinr lui assuier de
tels piiviléges, d'auire raison que celle qui milite en
faveur de riininaniléi; coiicepliuii : d<mc un esi l'ori é
de conclure p:ir là méuie (pi il pmu rail aussi, eu toute
assurance, reiiilre un deciel délinitil qui priulaine
que Marie dans sa co ceptiiui a été exempte de tout
péclié (l'origine. Celte conclu-îion, si |e ne m'aliuse,
me parait inaii.:qiialile.
1 Un pouiraii dire seiilemrnt ([u'il existe une
raison particulière qui lait naiue (piriqiie tlisparué
entre la conceplion immaculée et la sauciilicatioii tie
Marie, et voici queilc est cetieiaisou : la smclidca-
tioii de Marie peut lueii su concilier avec la nécessité
de la rédemplion opérée par le Sauveur, l.iqueile
suppose le péclie ou originel ou actuil ipi'elle !ail uis-
paraiire; nui- on ne peiii en dueaulant Oe la mn-
ception. Tout le inonde conii:iit la réponse victo-
rieuse faite par les théologiens à cette object.on, sa-
voir : q l'un tel privilé;?!! ne sert qn'à lendie plus
grande, plus -iildime l'œuvre de la rédemption, et lui
donne un nouveau prix. C.ir elle se ser.iii accomplie
d'une nianiore lieaucmip plu. noiil , puisqu'illi; aurait
pour vertu mm pas >eulemeiil ne délivrer, mais de
piéserver même du péché. Lii»iiite ciile dilliculié
luinlia U'elle-n.éme, de sorte ipie les ad.'ecsa.re.i du
privilège dniil nous parlons, n'euieiit (lus le cou-
rage lie la reproduire.
( Ltiuic le raisoniienieiit que nous avons fait plus
liant resie dans toul>' sa lurcc, et coiiliinie aumna-
blenient, si je ne me tiompe, la remarjUc du célcn>e
Suaicz sur le passage nié p.ir noue savant laidi-
ilal : \ erilatein liniic sciliccl \ir(jiniin esse conc p iiiii
siite piccaio oriyi uU, ponse (lejiniii ub Eccle^ut ^nuii^to
id expeUire juUicuverit (liipail. m il. l'Iioin., ijiuvsi,
XMi, ml. 2, sccl. ti;.
I C'esl ai si que, inarcliant sur les traces lirillaii-
tes lie notre illnstie .lUleur, nous avon^ dissipé les
nuages peilide^ il les insinuations liincsics qn'llcr-
lucs avait répandus ciitie ce nloneiix pnvilé;;!; di- l.i
Vierge : cei llei niés qui ne liouvait nulle part, même
dans la llicologie son grand crilcriiim de la raison
tliéuré ique nu ne la raison prulnjue ; qui ne coinpl.nl
pour ili'ii celte aatoiité iiopnsame des lliéologiens
anciens ci inoilernes, pour rieu l'.issciitiment géncrd
des liilèl''s lonliru'é pur l'espril cl l'inicntion de ['H-
glise. Kl nous pourrions ici démoiilrer comiiiciu il a
clierclié à obscuicir, (ensuivant sa tiimi|ieise nié-
llioilc, le> ({loues les plus ecmt es de .Marie. D'où
nous pouvoii- rigoureuseiiieni cime. nie que sa doc-
trine sur la lliéoiugie exercera néccssaiienienl l'iii-
llueiice la plus daiigercu e et la pliH niii.-<ilile pour
ta véritable piété ci m |>.iriiiulii-r piuir la di'volion a
la mainte Vierge, coniie le senti. ueul ■ aliioli,|iie et
l'espril de rfcgii e, sur lous ce ix i). i ir..nl s'abreu-
ver à ces Sources corrompues et empoi-oiiuées,
^ous ne descendrons pas à des preuves de fait : car
conciles fjénéraux. 4° Qui a droit de les con-
voquer, d'y assister avec voix délibéralive ,
d'y présider el de les confirmer. 5" Nous ré-
pondrons aux objpclions des hcréliques con-
tre l'autoiité des conciles il).
I. De Inutoriié des conciles généraux en
vuilihe de fui. Il esi cerlain qu'un concile
auquel oui é(é invites lous l.s p.islcurs de
l'Eglise universelle, qui es! préside [lar le
souverain pontife ou par ses lé.ials, confir-
ine piir .son autorilé, csl I i voix de l'iiglise
catholliiuc, à l.iqiielle lous les fidèles, sans
evceplion, sont oblio;és de se souniellre. L'K-
glise ne peut professer sa cioyauce d'une
manière plus .luliicniique et plus éc'.alanic
que par la voix de ses pasteurs assemniés
el réunis à leur chef. Ouicoiique refuse
de se conformer à cet enseigiiemeiil est
héreli |ue, cesse d'êlre innnilire de i'iiglise
de Jésiis-<Jhrisl. — l£n elïel, Jesus-Clirist a
dit à ses apôlros : Je prierai mon Père, el il
vous donnera un autre i'ariiclet (avocal, con-
iious voulons respecter les personnes; mais nous dé-
plorons du IoikI du cœur ces l'niiestes conséquences,
et nous prions insiammeiil le ïseiguetir que si dansia
callndiipje .MIeiiiagiie la docliiiin d'Ilerniès coiiipie
queli|iies parlisans opiniâtres , ceux-ci daignent en-
trer dans nos seotiiiieiils, niclés par le véiitalile > s-
prit de chai lié p.iur nos Irèr.s et par l'amour dont
nous biijluiis pour l'épouse sans lache de Jésns-
Chrisl.
< En icrininanl cet abrégé, quel que soit son mé-
rite, j'éprouve une joie, hieii douce, el je dois parii-
culiéreineiil en s.ivoir gré à noue savaiii prélai, qui,
pars.i belle elpiense ilisseï lalimi, lu'.i fuurni rocc.isiuu
favoi aille deiii inilesler ici riiilinie coiiviclioit de mon
esprit et tous les seniimenls de mu i copiir sur un
siiji'l qui m'est d'aiilaiil plus cher el précieux qu'il
don coniri'iiiei ii la glo.re de la V cr;j;e el à celle de
son divin fils. J'aur.iis arilemmenl désiré en parler
dans mes l'rolégoiiienes iheulogii|ues ; iii.ns mou iu-
tcniioii bien lorinée de m'en Icuir au dogme et de
laisser de côie, le plus qu'il m'clait possible, les
qucsiioiis controversées eiilie les c.iiliollques, ne
me pei mit pas de descendre dans celte arciie. J'avais
néiiinioins dans mou enrii l'oriué le piojel d'écrire
sni celle m. il ère, ne diissé-je nietre au jour que
quel(|ue petit Irailé tliéologi.|iie ; mais qiiaiil je con-
iiiis qu'un Ir vail polémique av.iii éé ciiliepi.s sur
le iiieine sujet |iar un prélat si iilust.e, d'un si grand
credii, en qui se Irouvcnl si iiiervei leiiseineni léu-
nie> ei la science et la pielé, el sur oui qii nd j'eus
pircoiirii son ouvrage, je lioiivai mes désirs iileiiie-
nieiii sali-l.nls, el j'abanili iinai mon dessein.
I iMaiclianl loijjours sur les iraccs d.' imlre p eux
auieiir, qui linil son Iravail en I oH'r.iiii à Marie avec
une le.idie ell'usi ii d'iinoiir, il ne me resie qu'a ol-
lui a iniin tour Ci Ile légère el grossiéie ébaiiclie de
son lalileaii si parlait a t^elle que je ictoiiiriis, après
bien, eue la source de loute giàce el de tou.e fa-
\eiir célestes, l.i saluant avec le grand pnée cbiélieii
par CCS paroles si su.ives, si douces :
l'euiiiii', la gloire est grande, et ^raiid csl inn pouvoir.
(Jiii l'oublie. Cl du Ciel venl des grù es nouvelles,
Voiilaiil ipi'il \olc et jnoiile, de au jlesir ses ailes.
Tu seeoiicles uns \(EUX, mais lu suis !■ s prévoir;
El lin fuble siMueiil devanraiil la i rière,
'la Mii\ Ion, haine arrive el geinil la première.
Ln Un soiil réunis, o Vierge 1 imire espoir,
l'.l la inuiiiiu eiice el U n isi rieoide,
El unis les doiis pieuv qu'un U.eu lion nous accorde,
(i». ni(/., c. 33.) •
(I) Cruéium du concile général. — l.e concile gé-
iii'i.d représenie l'I^glise cnse.gnanle. Il laiii donc,
1° que lous les premiers pasteurs y so.eiit convoqués;
i,* qu'ils v soient en assez grand iiombrc pour repré-
lÛOi
CON
CON
1002
solateur et défenseur) , afin (/u'il demeure
avec vous pour toujours [Joan. xiv, 16).
semer l'Eglise ; 3° que le concile soit présidé par le
pape ou par ses l 'gais : sans son chef l'Eglise uni-
verselle ne peut êtie dans son inlégriié ; on excepte
cependant le cas de scliisine ou d'un pape douteux :
la communion mutuelle entre le concile et le chef de
l'Eglise ne peut évideninient èire exigée en pareille
circonstance ; 4° que les pointsà décider soient exami-
nés avec soin et le jugement porté avec liberté : dans
toute délibération importante il faut un examen sérieux
de la cause ; 5° on exige que dans le cas où il y a union
entre lechef et les membres, ou autrement, que quand
le pape n'esi point hérétique, les décisions du concile
général soient conlirmées parle souverain pontife.
Il est souvent dinicile de décider si un concile a
(ouïes les conditions que nous venons d'énumérer.
Les théologiens indiquent un moyen qui peut être
regardé comme le, critérium de l'œcuménicité d'un
concile : c'est l'unanime acceptation de l'Eglise. Plu-
sieurs fois .des doutes s'élevèrent sur l'œcuménicité
de certains conciles généraux : l'accepiaiion qu'en
fit l'F.glise les a dissipés. Le premier et surtout le
deuxième concile de Cimstuntinople sont de ce nom-
bre. Longtemps les évêiiies des Gaules, d'Es()agneet
d'Afrique, refusèrent de les accepter : ils regardaient
leur doctrine comme opposée à celle de Chalcédoine.
Leurs décisions .lyant éié pesées avec plus de rnatu-
riié , les doutes se dissiiièrent, et toute l'Eglise les
mit au nombre des ciiiciles généraux. Loin de nous
la pensée de regarder l'inlaillibiliié des conciles géné-
raux comme hypothétique et dépendante de l'accep-
tation de l'Eglise. Un concile peut élie infaillible en lui-
même, sans l'être par rapport à nous : c'est lorsque nous
ne voyons pas clairement qu'il soitgénéral. L'.iccepta-
lion par l'Eglise universelle dissipe tous les doutes.
L'appréciation du concile œcuménique à laquelle
uous venons de nous livrer est loin d'èire complète.
Pour la compléter, il faut encore le considérer par rap-
port à ses actes. Tous ne sont pas des décisions de foi.
Nous allons donner quelques règles à l'aide desquelles
on pourra discerner ce qui, dans les actes d'un con-
cile doit être regardé comme dénnition dogmatique.
i"> Règle. — Pour que les jugements d'un
concile général soient infaillibles, il faut qu'ils
soient appuyés sur la révélation , parce qu'elle seule
est le fondement de la foi. Observons que quand un
concile n'apporte aucun motif en faveur de sa déci-
sion, on doit croire qu'elle a son fondement soit
dans la tradition, soit dans l'Ecriture.
Il" Règle. — Une conséquence de ce premier
principe, c'est qu'un canon uniquement appuyé sur
une raison purement philosophique n'est pas l'objet
de la foi. Telle est là décision d'un concile de Latran,
sous Léon X, qui |élablit que : Toute question con-
traire .i une vérité révélée est fausse, \)urce que la
vérité ne peut être opposée à la vérité.
m» Règle. — Personne ne nie que pour une défi-
nition dogmatique les Pères d'un concile doivent
consulter avec soin l'Ecriture et la tradition, t Alors
seulement, dit Muraiori, ;les premiers pasteurs peu-
vent espérer d'être infaillibles, quand ils ont em-
ployé la diligence nécessaire pour puiser les vérités
3 u'ils définissent dans l'Ecriture , dans les Pères,
ans les conciles et dans les autres monuments de
la tradition ecclésiastique. » Celle règle est lirée
d'une bulle de Martin V, dans laquelle il s'exprime
ainsi ; Se confirmnre tantum ca décréta de fide, qiiœ
[actaerantin concitio Conslantiensi conciluriter, seu
more aliorum conciliorum, re diligenter exami.nata.
De là suit une
iv« Règle. — Tout ce qui se trouve accidenielle-
ment dans les décrets d'un concile, tout ce que les
Pères n'ont touché qu'en passant, tout ce qui n'.i pas
Hé soulnis directement à leur examen, ne peut être
l'objet de la foi catholique.
UiGT. DE TllÉOL. DOCJMàTIQLK. I.
Cet Espril-Sainl, Paraclel, que tnon Père en-
verra en mon nom, vous enseignera tout ce
que je vous ai dit (v. 2G). Lorsque cet Esprit
de vérité sera venu, il vous enseignera toute
vérité (xvi, 13). Saint Paul nous avertit que
Dieu a donné à son Eglise des pasteurs et
des docteurs, afin que nous ne soyons pas
comme des enfants, lloltants et erriportés'à
tout vent de doctrine par la malice des hom-
mes et par les ruses de l'erreur qui nous en-
vironne [b'phes. IV, 11). Celui qui connaît
/>icw, dit saint Jean, nous écoute ; celui qui
n'est pus de Dieu, ne nous écoute point ; c'est
pur là que nous connaissons l'esprit de vérité
et l'esprit d'erreur (Joan. iv, G). — S'il y
avait du doute touchant le véritable sens do
ces passages, il serait levé par la conduite
des apôtres. Lorsqu'il fallut décider si les
Gentils, convertis au christianisme, étaient
ou n'étaient pas obligés à observer les céré-
monies de la loi mosaïque, les apôtres et
les prêtres, qui se trouvaient à Jérusalem,
s'assemblèrent ; après que chacun d'eux
eut donné son avis, ils décidèrent la ques-
tion, et dirent : // a semblé bon au Saint-
Esprit et à nous de ne point vous imposer
d'autre chose que ce qui est nécessaire, savoir:
de vous abstenir des viandes immolées aux
idoles, du sang, des chairs suffoquées et de la
fornication ; vous ferez bien de vous en gar-
der {Act. XV, 29). Ils ont voulu que les fidè-
les regardassent ce décret comme un oracle
du Saint-Esprit.
Pour esquiver les conséquences, les hété-
rodoxes ont objecté, 1° que cette assemblée
de quelques apôtres n'était point un concile
y« Règle. — Le P. Véron dit qu'il n'y a de foi
dans les chapitres des conciles que ce qui est siricte-
mentdéfini. Les explications, les preuves, les témoi-
gnages apportés en conlirmaiion de la vérité définie,
nesontpoint defoi. — Comme l'application de ce prin-
cipe pourrait être difficile, nous proposerons une
vi» Règle. — On reconnaît qu'une vériié a été
définie par un concile, lorsqu'd déclare qu'il faut la
recevoir comme un dogme catholique, qu'il frappe
d'anaihème, qu'il regarde comme hérétiques ceux
qui penseraient autrement, etc.
vil' Règle. — On doit entendre les canons comme
l'Egliseles aentendiis. Ainsi, d:ins sa se>s. 2.5, le con-
cile de Trente déclare qu'il faut honorer et vénérer les
saintes images. L'Eglise emend par là que ce culte est
permis, mais elle ne veut pas en faire un précepte.
Telles sont les règles qui concernent les conciles
oecuméniques. A leur aide, il sera facile de recon-
naître un concile général, et dans ses actes ce qui
doit servir de règle à notre foi.
Jl. Ciiterium du concile particulier. — Personne
n'accorde aux conciles pariiculiers le don de l'in-
faillibilité.;Au besoin, les faits viendraient déposer que
plusieurs fois ils sont tombés dans l'erreur. Quelle
que soit d'ailleurs l'utilité des conciles particuliers
pour la conservation de la foi et pour la réformalion
des mœurs, jamais leurs décisions ne seront un
dogme de foi. Cependant ils sont les inonuiiients
de la tradition, et font autorité comme les saints
Pères. — Nous devons excepter le cas où l'Eglise uni-
verselle les accepterait ,comme articles de loi. Elle a
approuvé les définitions du deuxième concile d'O-
range et du iiualrièine de Cartilage: elles deviennent
règle de foi, non pas sur l'auiorité des conciles parti-
ciiliers, mais sur celle de l'Eglise universelle, qui les
a marquées duisceau de sa puissance.
32 '
«005
CON
CON
lOOi
général, mais le synode d'une Eglise particu-
lière ; 2° qu'en effet le Saint-Esprit, en des-
cendant sur Corneille et sur toute sa mai-
son, avait décidé d'avance que les gentils
étaient jusliliés par la foi, sans être assujet-
tis aux cérémonies mosaïques ; saint Pierre
en avait été témoin ; c'est évideinmejit ce
qu'il entenilaii, lorsqu'il dit : H a semblé
bon au Saint-Éfprit et à ?ioî<s.— Fausses ré-
flexions. L'assemblée n'élail pas souiement
composée des pasteurs de l'Eglise de Jéru-
salem, puisque non-seulement saint Piirre
et saint Jacques le Mineur, mais saint Paul
et saint Barn;ibc s'y trouvaient et y donnè-
rent leur suffrage, et il est très-prohable
que le Judas dont il est parlé est l'apotre
saint Jude. 11 s'agissait d'une question qui
était fout à la fois de dogme et de pratique,
et de faire une loi générale pour toute l'E-
glise : ce n'était donc pas l'ariaire d'un sy-
node particulier. En second lieu, le Saint-
Esprit, en desoi'sulanl sur Corneille, n'avait
pas décidé que les gentils seraient obligés de
s'abstenir (les viandes immolées, du sang et des
chairs sulToquées; c'est cependant ce que le
co«ci7eordonno. Eiitroisièmelieu.il auraitélé
fort indécent i!e joindre le jugement de l'as-
semblée à celui du Saint-Esprit, si elle n'avait
pas été persuadée que le Saint-Esprit lui-mê-
me y pi ésidail.iMais comme les proleslants sou-
tiennent que chaque fiililetloit régler lui-mê-
me sa foi sur l'Ecriture sainte, ils ne p'uvent
digérer la décision du concile de Jérusalem.
Est-il vrai que les conciles généraux ont
créé de nouveaux dogmes ou de nouveaux,
arliclcs de foi, comme h' prétendent les en-
nemis (le l'Eglise"/ Ce reproche n'aurait jjas
lieu, si l'on concevait en quoi consiste le ju-
gement que portent les évêques assemblés
en co»cile. Ce Sont autaul de témoins qui ont
caracière et mission pour attester quelle est
la croyance do l'Eglise particulière à laquelle
chacun d'eux préside. Lorsque trois cent
dis-huit évcques, assemblés à Nicée, l'an
325, décidèrent que le Verbe divin est con-
subslanliel à son Père, qu'ainsi Jésus-Christ
est un seul Dieu avec le Père, que firent-ils '?
ils attesièreut que telle était et avait toujours
été la croyance de leurs Eglises. Ces témoi-
gnages réunis et comparés dén)onlrérent que
telle était la foi de l'Eglise universelle (Hol-
den, de IlcsohU. fidei, \ih. i, c. 9;. Pour dé-
finir ce (pi'il fallait croire, les Pères se bor-
nèrent à dire : nous croyons. — Il h'esl doriC
pas vrai (lu'ils aient créé un nouveau dogme;
ils attestèrent au contraire et jugèrent que
la doctrine d'Arius était nouvelle et inouïe,
qu'Arius était un novateur et un hérétique,
qu'il pervei tissait le sens des paroles de l'E-
criture, par lesquelles il voulait clayer sou
opinion. - Il en fut de même en .381, lorsque
le concile général de Conslanlinoplc décida
la divinité du Saint-Esprit, qui n'avait pas
été mise Cn question à Nicée ; en '»31, lorsque
le concile d'Ephèse proiioiu^'a contre Nesio-
rius que Marie est veniahlemenl Mère de
Dieu : ce dogme n'est <|u'uiu' conséquenci*
immédiate de la divinité de Jesus-Ctirist re-
connue el professée par le concile de Nicée.
On doit raisonner de même de fous les autres
conciles qui ont successivement décidé des
dogmes contestés par des novateurs. « Qu'a
fait l'Eglise par ses conciUs, dit ù ce sujet
'\Mncent de Lériiis, Comwnnit., c. 23? Elle a
voulu que ce qui était déjà cru simplement
fût professé plus exactement ; que ce qui était
prêché sans beaucoup d'altenti'm, fût en-
seigné avec plus de soin ; que l'on expliquât
plus distinctement ce que l'on traitait aupa-
ravant avec une entière sécurité. Tel a tou-
jours été son dessein. Elle n'a donc fait autre
chose, par les décrets des conciles, que de
mettre par écrit ce qu'elle avait déjà reçu
des anciens par tradition Le propre des
catholiques est de garder le dépôt des saints
Pères, et de rejeter les nouveautés profanes,
comme le veut saint Paul. Quid unquam alind
conciliorum deci élis enisa est (iLCclesia), nisi
ut quod anten simpliciter credebnlur , hoc
idem pustea diliycntius crederetur ; quod antea
lentius prcedicubalur, hoc idem poslea inslan-
lius prœdicaretur; quod antea securius cole-
batur, hoc idempostea sollicitius excoleretar?
hoc, inquam, semper, neque qiudi/nam prœter-
en, hœrelicorumnoiilalibus excitala, conci-
liorum décret is caiholicn perfecit Ecrlesia,nisi
ut quod prius a mnjoribus sola trmlitione sus-
ceperal, hoc deinde posteris etiam pir scrip-
turœ chijrographum consignnret 0 Timo-
thee! inquit apostolus, deposilum custodi , de-
vitans profanas vocum noviiates. »
A la vérité, avant qu'un dogme ait été so-
lennellement décidé par un concile, un théo-
logien a pu être pardonnable de le mécon-
naître; il a pu ignoier quelle éiait sur ce point
la croyance de lEglise catholique, de laquelle
il n'y avait point encore d'allestation solen-
nelle; il a pu se tromper innocemment sur le
sens qu'il (lonn;iit aux passages de l'Ecriture,
qui lui paraissaient favoriser son opinion.
Mais lorsque l'Eglise a parlé par la bouche
de ses (lastcurs, un homme n'est plus par-
donnable de préférer son propre jugement
à celui de l'Eglise; il est hérétique s'il per-
sévère dans son erreur. — De là même il
s'enstjit que la décision d'un concile général
n'est pas absolument nécessaire pour qu'un
dogme soit censé appartenir à la foi catho-
lique. Il suffit qu'il \ ait une certitude suffi-
sante que telle est "la croyance de l'Eglise
universelle. Lorsqu'un dogme a été deciilé
par un rescrit du souveiain pontife adressé
à toute l'Egl se, et qu'il a été reçu sans ré-
clamation par le très-grand nombre des évê-
ques, on ne peut plus douter ((ue ce ne soit
la croyance de l'Eglise catholique. Si le ju-
gement d(! ri'lglise dispersée a umins de pu-
blicité que celui de l'Eglise assemblée, il n'a
])as |iour cela moins de poi'ls ni d'autorité ;
tout fidèle n'est pas moins obligé de s'y con-
former. Voij. Capholicitic. Plus l'Eglise est
étendue, |dus il est diificile d'assembler des
conciles généraux.
IL Esi-on anssi obligé de se soumettre aux
règlemenis d'un ctitîcf/e géaeral cn matière
de discipline, qu'à se> décisions en matière
de loi? Il y u une ilistinelion à faire. Lors-
qu'un point de discipline peut intéresser
1005 CON
l'onlrc civil, donner atteinte aux lois parti-
culières d'un ou de plusieurs royaumes, l'K-;
glise, toujours allentive à rcspe( 1er les droits
des souverains, n'a jamais dessein d'opposer
son auloritô à la leur; elle prononce avec
circonspcclion, elle attend que le temps et
les circonsiances pernieltent l'exécution de
ses ré{;lemenls. l'ar ces ménagements sages,
une honne p irtie des lois de discipline, por-
tées au concfVcde Trente, auxquelles on s'é-
tait opposé d'abord, sont insensiblement de-
venues partie de notre droit public, en vertu
des ordonnances de nos rois. — Lorsqu'une
discipline, indifférente à l'ordre civil, peut
inléresser la foi ou les mceurs, l'Eglise use
de son autorité et tient ferme. Ainsi, elle
condamna autrefois comme schismatiques
les quartodécimans, (jui s'obstinèrent à cé-
lébrer la [laque avec les Juifs, le quatorzième
jour do la lune de mars; elle ordonna de la
célébrer le dimanclie suivant : il lui parut
csseniiel d'établir l'unilormité dans un rito
qui atteste la résurrection de Jésus-Christ.
Ouoique la communion sous les deux espèces
fût un point de discipline, le concile de Trente
n'a point voulu l'accorder à ceux qui la de-
mandaient, parce que les hérétiques en sou-
tenaient fjussemenl la nécessité pour l'inté-
grilé du sacrement. C'est uno observation à
laquelle les cauonistes n'ont pas toujours fait
assez d'attention. — Ceux qui ont osé soutenir
que les décisions des cunci/es, en matièredefoi,
n'avaient force de loi qu'en vertu de l'accepta-
tion des souverains, se sont tromjiés encore
plus lourdement. Ces décisions obligent tous
les lidèles, en vertu de l'ordre de Jésus-Christ
mémo: AI lez enseigner toutes lesnations... Celai
qui ne croira pus sel a condamné [Matih. xxvit:,
19; Mnrc, XVI, lt>). Cette loi regarde autant
les souverains que les peuples.
111. Que laut-il pour qu'un concile soit
censé général, et combien y en a-t-il eu de-
puis la naissance de l'Eglise? On convient
unanimement, [larmi les ibéologiens catho-
liques, qu'un concile n'est point censé œcu-
roéuinue ou général, à moins que tous les
évèques de la chrétienté n'y aient été invités
autant qu'il est possible, et que l'éloigne-
meiit des lieux peut le permettre. H y a ce-
pendant plusieurs exemples de conciles aux-
quels il n'y avait eu qu'un certain nombre
d'évéques appelés, mais qoi, dans la suite,
ont été lépuies généraux, parce que les dé-
cisions en ont été reçues de toute l'Eglise,
et ont acquis ainsi la même autorité que
celle des conciles généraux. De même il y en
a plusieurs auxquels il ne s'est trouvé qu'un
assez petit nombre d'évéques, et ()ui n'en
OUI pas eu pour cela moins d'autorilé. Voici
la liste sommaire des conciles réputés géné-
raux ; nous parlerons plus amplement de
chacun dans un article particulier. — Le
]Ui'niiir est celui do Nicée, l'.in 32j, par le-
quel la consubstanlialilé du Verbe et la di-
vinité de Jésus-Lilirist furent décidéi^s contre
les aiiens. Le second est celui de Conslinli-
nople, en .'{81, ((ui confirma la fui de Nicé •,
prufessa la divinité du Saint-Esprt contre los
macédoniens, et condamna les apollinaris-
CON 1006
tes. Le troisième, celui d'Ephèsc, en hM ; il
décida contre Nestorius, que Mario est mère
de Dieu, et confirma la condamnation des
pélagiens, faile par le pape Zozime. Le qua-
trième fut tenu à Chalcédoine, en 4-51 ; il
confirma l'anathème lancé à Ephèse contre
Nestorius, et condamna Eutychès, qui sou-
tenait qu'il n'y a (lu'une seule nature en Jé-
sus-Christ. Le cinquième, tenu à Constanti-
nople en 533, condamna les irais chapitres
ou trois écrits qui favorisaient la doctrine de
Nestorius. Le sixième fut encore assemblé à
Constantinople l'an C80; il proscrivit l'er-
reur des monotbélites , qui n'admettaient
qu'une seule volonté dans Jésus-Christ : c'é-
tait un reste d'eutychianisme. — En 787, le
septième se tint à Nicée, contre les icono-
clastes ou briseurs d'images. Le huitième, à
Constantinople, l'an 869; Photius y fut con-
damné et déposé : c'a été l'origine du schisme
des Cfrecs. Depuis ce temps-là les conciles
généraux ont été tenus en Occident. — On
compte pour le neuvième, celui de Latran,
l'an 1123 : il ne fit que des canons de disci-
pline. Le dixième, tenu au même lieu, l'an
1139, avait pour objet la réunion des Grecs
à l'Eglise romaine. Arnaud de Bresse, dis-
ciple d'Abailard, y fut condamné aussi bien
que les manichéens, nommés dans la suite
albigeois. Le onzième , assemblé encore à
Latran l'an 1179, réforma les abus introduits
dans la discipline. Le douzième, l'an 1215,
au même lieu, lit une exposition de la doc-
trine catholique contre les albigeois et les
vaudois. — Dans le treizième, tenu à Lyon
l'an 12i5, le pipe prononça une sentence
d'excommunication contre l'empereur Fré-
déric, en présence de Baudouin, empereur de
Constantinople. Le quatorzième, assemblé
aussi à Lyon en 1274, travailla de nouveau
A la réunion des Grecs, et dressa une pro-
fession de foi qu'ils si^jnèrent. Le quinzième
fut tenu en 1311, à Menue en Daupliiné,
pour l'extinction de l'ordre des templiers : il
condamna les erreurs des béguards ou bé-
guins. — Nous comptons en France, pour
seizième cono/e général, celui de Constance,
tenu en Hli, pour éteindre le grand schisme
d'Occident, causé par la prétention de plu-
sieurs personnes à la papauté : concile dans
lequel Jean Hus et Jérôme de Prague furent
condamné- et livrés ausupplice. (N" IV, 551.)
Pour dix-septième, celui de Bâle, en ik'Sl,
diint le principal objet était la réunion des
tirées; mais le pape l'ayant transféré à Fer-
rare, en li38, et ensuite à Florence, en 14.39,
plusieurs regardent ce concile de Florence
comme œcuménique : les Grecs y signèrent
une profession de loi avec les Laiins. Le dix-
huitième et dernier concile général est celui
de Trente, commencé l'an 1545, et fini l'an
1563, contre les hérésies de Luther et de
Calvin. — Depuis que la foi chrétienne s'est
établie au loin, qu'il y a des évéques en Amé-
rique, à la (]hine et dans les Indes, il est
devenu plus difficile que jamais d'assembler
des conciles généraux.
IV. A qui appartient-il de convoquer des
conales généraux, d'y présider, d'y assistep,.
lOOT
CON
CON
1008
avec voix délibérative?C'esl encore un point
non contosté dans l'Eglise catholique, que le
droit de convoquer les conciles généraux ap-
partient au souverain pantife, comme pas-
teur de l'Eglise universelle. De savoir si ce
privilège lui appiirlient de droit divin, ou
seulement de droit ecclésiastique et en vertu
d'une possession bien établie, c'est une ques-
tion qui n'est peul-èire pas aussi importante
qu'elle le paraît d'abord. Toute prétention
mise à part, il est clair que, de droit divin, le
souverain ponlife doit pourvoir aux besoins
de l'Eglise universelle autant qu'il le peut,
suivant les circonstances; Jésus-Christ en a
imposé l'obligation à saint Pierre et à ses
successeurs, lorsqu'il leur a dit : Paissez mes
agneaux et mes brebis. Si c'est pour eux une
obligation divine, c'est donc aussi un droit
divin : il serait absurde qu'ils n'eussent pas
le droit de faire ce que Jésus-Christ leur a
commandé : s'ils n'avaient pas le droit de
convoquer les conciles généraux, qui l'aurait
par préférence? — H ne sert à rien aux pro-
testants et aux autres ennemis du suint-siége
d'objecter que, pendant les cinq ou six pre-
miers siècles, ce ne sont point les papes,
mais les empereurs qui ont convoqué les
conciles; que plus d'une fois même les pipes
se sont adressés aux empereurs, pour leur
demander cette convocation. Les circons-
tances l'exigeaient ainsi, et il ;ie s'ensuit rien
contre l'ordre établi par Jesus-Chrisl. Dans
ces temps-là, l'Eglise chrétienne ne s'éten-
dait guère au delà des limites de l'empire
romain; il était donc naturel que les empe-
reurs, devenus chrétiens, prissent le soin de
convoquer les conciles , puisqu'oux seuls
pouvaient en faire les frais. Presque tous les
évoques étaient leurs sujets, et ces évéques,
presque tous pauvres, n'étaient pus en étal
de voyager à leurs dipens, iriinc extrémité
de l'empire à l'auire. Ils avaient besoin du
secours des voilures publiques, et cela dé-
pendait du gouvernement. Mais avant la con-
version de Constantin, il \ avait eu près de
quarante conciles particuliers, dont pluiieurs
avaient été nombreux ; sans doute ils n'a-
vaient pas été convoqués par les empereurs
païens, et lun n'avait pas cru avoir besoin
de leur autorité pour donner force de loi aux
dérisions qui y avaient été (ailes. Depuis que
la foi chrétienne est répandue dans plusieurs
j'oyaumes dilTérenls, et qu'il y a des évoques
dans les quatre parties du monde, aucun
souverain n'a droit de convoquer dux qui
ne sont pas ses sujets. H a donc été néces-
saire que le souverain pontife, en qualité de
chef (lo l'Knlise universelle, convoquât les
conciles généraux, qu'il eût le droit <l'y pré-
sider ( l il'en adresser les décisions à toute
l'Eglise. (](î n'a (ioiic pas été un elTel de la
condcsccndani c des souverains, in une ces-
sion libre de la part des évéques, mais une
suite nécessaire de l'étendue actuelle de l'E-
glise; et c'est ce qui démontre la sagesse de
Jésus-Christ, lorsqu'il a donné à saint Pierre
et à SCS successeurs un pouvoir de juridic-
tion sur l'Eglise entière. — Par la même rai-
son, toutes les fois que le souverain pontife
a assisté à un concile, personne ne lui a
contesté le droit d'y présider; mais comme '
les premiers conciles généraux ont été tenus
en Orient, et fort loin de Rome, ça été ordi-
nairement l'un des patriarches de l'Orient,
qui a tenu la première place; cl il ne s'en-
suit rien contre les droits du saint-siége. —
Quant au droit de confirmer les décrets des
conciles généraux, c'est une question dé-
battue entre les théologiens de France et
ceux d'Italie. Suivant nos maximes, les dé-
crets d'un concile général ont force de loi,
indépendamment de l'acceptation et de la
confirmation du souverain pontife; la bulle
qu'il donne à ce sujet n'est censée qu'un té-
moignage de son adhésion à ces décrets, par
lequel il certifie à tous les fidèles que ce sont
véritablement des décisions censées faites par
l'Eglise universelle, auxquelles par consé-
quent ils doivent obéissance et soumission.
— L'on convient unanimement que les seuls
juges nécessaires dans un concile général
sont les évéques ; c'est à eux, comme pas-
leurs de l'Eglise, d'instruire les fidèles et
d'enseigner quelle est la vraie doctrine de Jé-
sus-Christ. Ordinairement néanmoins ils ont
admis dans ces assemblées les abbés, les dé-
putés des chapitres et les théologiens ; el
ceux-ci ont eu pour le moins voix consulta-
tive; mais suivant l'usage actuel, ils ne peu-
vent prétendre à la voix délibérative qu'au-
tant que les évéques la leur accordent.
V. Objections des protestants. On conçoit
que les prolestants, condamnés par le concile
de Trente, ne pouvaient pas raani]uer de s'é-
lever contre l'autorité de tous les conciles, et
de s'attacher à la déprimer; ils n'ont rien
négligé pour y réussir. Mais comme ils ont
tenu eux-mêmes des synodes, à la décision
de-quels ils ont donné force de loi, il n'est
presijue pas un seul de leurs reproches qui
ne puisse être rétorqué contre eux, el qui ne
l'ait été en effet par les arminiens contre le
synode de Dordrecht. Voy. Arminiens.
ils disent, 1' Jesus-Clirisl ni les apotras
n'onl point ordonné de tenir des conciles. S\ ces
assemblées étaient nécessaires, l'on n'aurait
pas attendu jusqu'à l'an 323 avant d'en Icnir
une. Pendant le ir et le iiP siècle, il s'était
élevé plusieurs hérésies qui attaquaient les
dogmes les plus essentiels du christianisme :
les ébioniles, les cérinthiens, les gnostiques,
les marcionites, les manichéens, etc., avaient
paru; l'on ne crut pas qu'il fût besoin d'un
concile œcuméniiiue pour étouffer leurs er-
reurs, ou plutôt l'on com|)rit (jue ce moyen
ne suffirait pas et ne produirait aucun ell'et,
qu'il fallait terminer les conleslalions en n)a-
lière de lui, uniquement par l'Ecriture sainte.
Le concile de Mcée fui un elTel de la poli-
tique de Constantin, el tout s'y passa par son
autorité; les décisions n'eurent d'autre force
que celle qu'il leur donna.
Keponsc. Il est évident que , sous le règne
des empereurs païens, il n'était pas possible
de tenir un concile général : c'aurait élc un
motif d'exciter une persécution contre les
évêiiues, (|ui étaient déjà le principal objet
de la haine dos païens. Licinius avait défendu
100»
CON
CON
lolo
forniellemont aux év^iqHes de s'assembler.
(Eusùbe, Vie de Constant., 1. i , c. 5n. Il
n'est pas moins évident que l'on n'aurait pas
pu en tenir un sens le règne de Constantin,
si ce prince n'y avait conirihué de tout son
pouvoir; mais il y avait eu des conciles par-
ticuliers. Non-seulement nous avons prouvé
que l'assemblée tenue à Jérusalem, vers l'an
51, était un vrai conctV*^ , dans lequel fui
condamnée l'erreur soutenue ensuite par les
ébio'.iiles ; mais on en connaît plusieurs qui
furent, tenus tant en Orient qu'en Occident,
pour condamner différentes hérésies. Ce que
l'on appelle les Canons des Apôtres ne sont
autre chose que les décrcls des conciles du
II* et du III' siècle, et ces canons condam-
nent, du moins imlireclemenl, les marcio-
nites et les manichéens, et prononcent des
peines contre les hérétiques. — Nous ne
concevons pas comment les contestations
touchant la foi peuvent être terminées par
l'Kcrilure seule, pendant qu'elles ont préci-
sément pour objet de savoir quel est le vrai
sens de l'Iîcrilure. Il n'est pas une seule secte
d'hérétiques (jui n'ait allégué en sa faveur
quelques (lassages de l'Ecrilure, et il n'en est
aucune à laquelle l'Eglise n'ait opposé d'au-
tres passages. S'il n'est aucun tribunal qui
ait l'autorité de décider, par quel moyen la
dispute pourra-t-elle finir? — Nous conve-
nons qu'un concile général n'est pas absolu-
ment nécessaire pour proscrire et pour
étouffer une hérésie, puisque l'autorité de
l'Eglise dispersée n'est pas moindre que celle
de l'Eglise assemblée; mais il est utile, en
ce qu'il montre plus promptement, et d'une
manière plus sensible, quelle est la croyance
universelle de l'Eglise. Les ])rotestanls eux-
mêmes ont tenu non-seulement des synodes
particuliers, mais des synodes nationaux. Ils
se proposaient de tenir à Dordrecht un sy-
node général de toutes les Eglises réfor-
mées ; elles y étaient toutes invitées. Ils ont
fait, dans ces assemblées, des décisions de
foi, prononcé des excommunicatixjiis , et ils
en ont fait appuyer les décrets par le bras
séculier. Ces docteurs sans mission et sans
caractère, ont-ils eu une autorité plus légi-
time et plus respectable que les successeurs
des apôtres? — Il est f lux que le concile de
Nicée, dans ses décrets touchant ia foi et la
discipline , ait procédé par l'autorité de
Constantin : ce prince déclara lui-même, en
pleine assemblée, qu'il laissait aux évêques
le soin de ces deux objets (Socrate, Ilist. ec-
clesiast., liv. i, c. 8). Mais il punit avec jus-
lice, par l'exil, ceux qui refusèrent de se
soumettre à la décision du concile.
ii" Ces asseinbléi s, suivant les proteslanis,
ont changé la forme primitive du gouverne-
menl de l'F.glise, et ont piivé le peuple du
droit (le sulliage qu'il devait avoir dans les
délibérations. Les évéqucs, qui jusqu'alors
s'étaient reganlés comme de simples dépulcs
ou inand.ilaires de leurs Eglises, prélenili-
renl qu'ils avaient reçu de .lésus-Christ le
droit et le pouvoir de faire des lois toucli.int
la foi et les mœurs, et de les imposer aux
fidèles sans les consulter. De là sont venus
dans la suite les honneurs, les prérogatives,
la juridiction, que les évoques des villes prin-
cipales se sont allribués sur leurs collègues.
lirponse. La fausseté de toutes ces asser-
tions est prouvée par des monuments incon-
leslaliles. Au concile de Jérusalem, les apô-
tres ne consultèrent point le peuple; il y est
dit, au contraire, que la mullilude garda le
silence : tacuil omnis mullitudo. Le décret
fut formé au nom des apôtres et des prêtres,
sans faire mention du pi>uple, aposloli et se-
niiirrs fratres. Le peuple d'une ville dans la-
quelle un concile était assemblé avait-il le
droit de subjuguer par son suffrage les évê-
ques des autres Eglises, ou d'imposer des
lois aux fidèles des autres villes? Les protes-
tants eux-mêmes, dans leurs synodes, n'ont
jamais consulté le peuple ; ils ont toujours
prétendu que le peuple était obligé de se
soumettre à leurs décisions, sous prétexte
qu'elles étaient fondées sur l'Ecriture sainte :
ils se sont ainsi attribué l'autorité qu'ils
contestaient aux pasteurs de rEL,f|ise catho-
lique. Le prétendu droit de suffrage, qu'ils
attribuaient au peuple dans leurs écrits ,
n'est qu'un leurre dont ils se sont servis
pour lui en imposer. Nous ferons voir, en
son lieu, que les évêques n'ont jamais été de
simples mandataires de leurs Eglises ; que le
gouvernement ecclésiastique n'a jamai s été dé-
mocratique; qu'il y a toujours eu parmi les évê-
ques divers degrés de juridiction. ro//.EvÈQnE,
Gouvernement, Hiéharcuie , Pasteur, etc.
3° Il n'y a, disent nos adversaires, aucune
marque certaine pour distinguer si un con-
cile a été ou n'a pas été général, par consé-
quent infaillible. Sur ce point, le doute n'est
pas encore dissipé à l'égard des conciles de
Bâle et de Florence, et celui de Trente n'a
pas été plus universel que les autres. Quel-
quefois un concile, qui avait commencé par
être légitime et œcuménique, a cessé de l'être
dans le cours de ses séances. Comment dis-
tinguer quels sont les décrets qui ont ou qui
n'ont pas force de loi? Avant de s'y soumet-
tre, il faut savoir si un concile a été légitime-
ment et universellement convoqué, s'il y a
eu liberté de suffrages, s'ils ont été unani-
mes, s'ils n'ont pas été dictés par quelque
passion , par ignorance ou par préven-
tion, etc. <^ui nous rendra, sur tous ces faits,
un témoignage auquel on soit obligé de se fier?
Réponse. Si les protestants avaient fait
toutes ces objections contre leurs synodes
avant de vouloir en adopter les décisions,
nous voudrions savoir ce que leurs dorteurs
auraient répondu ; mais nous savons de
quelle niànière ont été traités les orminiens,
qui les 'ont faites en effet contre le synod(! de
Dordrecht : Basnaï;e l'avait oublié , sans
doute , lorsqu'il s'est avisé d'argumenter
contre les conciles de l'Eglise romaine [Ilist.
de l'Eglise, liv. x, chap. 1 et suiv. ; liv. xxvii,
chap. 'i-). — Il faut que les caractères d'un
concile œcuménique ne soient pas aussi dif-
ficiles à constater qu'il le prétend , puisque,
entre les dix-huit conciles généraux, il n'y
en a que deux sur lesquels on conteste parmi
les théologiens catholiques. Tous convien-
lOi»
CON
CON
1012
nent que quand un concile a élé convoqué
par le souverain pontife ou di» son consen-
lement, lorsque celle convocation ;i clé géné-
rale, qu'il a été confirmé par son ncquicpce-
menl et par l'acceptaiion de toute l'Eplise, il
n'y a plus aucun doute à former sur l'uuto-
rilé de ses décrets. I-es contestations que
peuvent élever à ce sujet les hérétiques qui
ont été condamnes ne méritent aucune con-
sidération ; l'Eglise catholique n'y a jamais
eu aucun égard. Où a-t-on vu des plaideurs
opiniâtres convenir de la justice d'un arrêt
prononcé contre eux?
4° Basnage prétend que les conciles même
ne se sont pas crus infaillibles. Les évéques
assemblés à Nicée n'eurent point une si
haute opinion de leurs décrets; lorsque les
ariens refusèrent de s'y soumettre, on ne
leur opposa point l'autorité du Saint-Esprit,
qui y avait présidé : au contraire, on crut
que la décision de Nicée avait besoin d'être
confirmée. Elle le fut en effet au concile do
Sardique, l'an 347; mais les évéques, assem-
blés de nouveau à Rimini et à Séleucie, en
359, la révoquèrent et la changèrent : consé-
quemment, il a fallu la renouveler dans le
deuxième concile général, tenu à Constanti-
nople en 381. 11 n'en est pas un seul dont les
décrets n'aient été sujets à révision. Saint
Augustin en jugeait ainsi, puisqu'il dit que
1rs premiers peuvent être corrigés par les
conciles postérieurs. C'est seulement dans les
derniers siècles que l'on s'est avisé de les re-
garder comme infaillibles.
Réponse. Les conciles généraux se sont
tellement crus infaillibles et revêtus de l'au-
torité de Jésus-Christ même, qu'ils ont dé-
claré hérétiques, excommuniés et indignes
(lu nom de chrétiens, tous ceux qui se sont
révoltés contre leurs décrets. Lorsque des
conciles particuliers onl fait la même chose,
ils onl présumé que leurs dérisions seraient
adoptées par toute l'Eglise, et acquerraient
ainsi la même autorité que celles des conciles
généraux. Le concile d'Ephèse, arl. 3 et 6 ;
celui de Clialcédoine, art. 5, déclarent que
leur jugement est sans appel et irréformatilo.
Que pouvaient-ils dire de plus fori? Lorsque
l'Eglise a souffert qu'un jugement semblable
fût examiné de nouveau, elle a voulu dé-
montrer qu'elle poussait la condescendance
eî !a charité jusqu'à l'excès envers ses en-
fants retelles; qu'elle ne refusait pas d'é-
couler leurs raisons ; qu'elle ne voulait leur
laisser aucun sujet ni aucun prétexte de se
plaindre, et il ne s'ensuit rien. Mais Ici est
le génie malicieux des bénliques : quand on
exige qu'ils se soumettent sans discussion à
l'arrêt une fois prononcé, ils se iilaignent de
ce que l'on ne daigne pas seulement les en-
lendre ; lorsque l'on consent à entrer avec
eux dans un nouvel examen, ils en con-
cluent que l'on a bien senli l'insuffisance du
premier. Si, avant de les y admeilre, on exi-
geait d'eux une promesse solennelle d'ac-
quiescer à la seconde décision, ou ils refus(ï-
raieul de la faire, ou ils la violeraient. (Jue
firent les ariens après le concile de Nicee?
Ils n'osèrent pas souleuir que la doctrine de ï
cette assemblée était fausse ou contraire à
celle des apôtres , ni en enseigner une tout
opposée dans leurs professii'ns de foi : ils se
bornèrent à prétendre que le terme de con-
sitbf^lantiel, in-cré dans le symbole de Nicée,
était susceptible il'un mauvais sens, et pou-
vait donner lieu à des conséquences erro-
nées ; ils dressèrent des formules dans les-
quelles, en supprimant ce terme, ils préten-
daient établir, dans le fond, la même doc-
trine; et pour les faire ado|)ter, ils deman-
daient sans cesse de nouveaux conciles.
Lorsqu'ils furent parvenus à se rendre les
maîtres dans quelques-uns, coinme à lUmini
et à Séleucie, à intimider et à subjuguer les
évéques catholiques, ils levèrent le masque
et professèrent le pur arianisme. Voy. Aria-
MSME. — 11 suffit de lire en entier le passage
de saint Augustin pour voir ce qu'il a voulu
dire. Il dit que les conciles pléniers ou géné-
raux sont souvent corrigés par des conciles
poMérieurs, lorsciu'on découvre, par quelque
expérience, ce qui était caché auparavant, et
que l'on aperçoit ce qui était inconnu (liv. ii,
(le Bapt. conlra Donat., c. 3). Est-ce en ma-
tière de loi que l'on peut découvrir par ex-
périence ce qui était inconnu auparavant?
L'Eglise n'a jamais eu besoin de concile
pour savoir ce que les apôtres lui avaient
enseigné. C'est donc en matière de fails per-
sonnels ou autres que cela peut arriver : or,
on convient que , sur de tels faits , les déci-
sions d'un concile ne sont point infaillibles.
D'ailleurs saint Augustin écrivait pour lors
contre les donalistes, et toute la contestation
qui régnait entre eux et l'Eglise n'avait
qu'un fait pour objet. Yoy. Donatistes. —
Les protestants onl encore mieux fait que les
ariens : dans le temps même qu'ils soute-
naient de toutes leurs forces qu'aucune dé-
cision humaine n'est infaillible, ils exi-
geaient, pour les décrets de leurs synodes, la
même soumission que si c'avait été les ora-
cles de Uieu même.
5° Ils disent ((ue plusieurs conciles géné-
raux onl été opposés les uns aux autres. La
doctrine de Nestorius, condamnée à Ephèse,
fut remise en honneur à Clialcédoine; ainsi
en jugea le deuxième concile tenu à Ephèse,
en 449, et il n'y a aucune raison de juger ce-
lui-ci moins oecuménique ou moins légitime
que le premier. Le cinquième concile, assem-
blé à Constantinople , condamna les trois
chapitres que celui de Clialcédoine avait ap-
prouvés. En 879, un autre concile de Cons-
taniinople cassa les actes de celui qui avait
condamné Pholius dix ans au[)aravant. Le
concile de Trente a déclaré canoniques des
livres que les anciens roHci/es avaient rejetés
comme apocr\ [ihes.
Jiéponse. Ce sont là autant de faussetés.
Il esi absurde de nous donner pour concile
œcuménique l'assemblée que Dioscore, à la
lê!e des eiitu'hiens, tint en 449, cl qui a été
nommée à juste titre le liri(janda;je d'Ephèse.
Il ne l'est pas moins d'alléguer en preuve les
calomnies (lue ce . hérétiques publièrent con-
tre les décisions du concile de Clialcédoine,
pour étaler leurs erreurs. 11 est faux que co
1013
CON
CON
1014
concile ait favorisé en aucune manière la
dodrine de Neslorius, et qu'il ait approuvé
les trois chapilris; il l'est nuo celui de Cons-
t.iiitinople ail cassé les actes du piécéileiit.
Tous ces faits seront éclaircis chacun en son
lieu. i'oy. Jîphèse, Chai.cédoiniî, Iîutychia-
ivisMi;, Nkstobumsme, Grecs, etc. F.e concile
de Trente a déclaré canoniques «l^s livres que
les anciens f 011 '//es- n'a valent pasfilacésdansle
canon, tn.iis qu'ils n'avaient rejelés ni comme
faux, ni (omme apocryphes. Voi/. C\non.
G" Il n'est, disent encore les protestants et
leurs copistes, aucun des conciles, soit an-
ciens, !-oit î>ioilernes,qui ail produit les eiïels
que l'on en alleudait. O^s assemblées, loin
de terminer les disputes, les ont rendues plus
violentes ; elles ont aigri le mal au lieu d'y
remédier. Le concile <le Nicé(! u'abnulil qu'à
susciter de nouveaux partisans à l'arianis-
me, et à remplir rE»lise de troubles pendant
plus d'un siècle. Celui de Constantinoplc
n'oiouffa pas les erreurs de Macédonius; ce-
lui d'Eplièse lit naître le schisme des ncslo-
riens, cl celui de Chaiccdoine, le schisme des
eulychiens. Le septième, touchant le culte
des images, fut rejeté en France et en Alle-
magne penilantplus d'un siècle, et le huilicme
a été l'origine du schisme des Grecs, lùifin,
celui de Trente n'a pu ramener à l'Eglise
aucune des sectes qui s'en étaient séparées.
Ri'ponse. A qui doil-on s'en prendre? il est
singulier que les hérétiques se prévalent de
leur oi)iniâtrelé , pour prouver l'inulililé des
conciles. Tous ont commencé par eu deman-
der un dans lequel leur doctrine fût exami-
minée; lorsqu'ils ont été condamnés, ils ont
déclamé contre la décision. Cela dénjontie
que tons ont été de mauvaise fui; qu'ils ont
été bien résolus de n'acquiescer à aucun ju-
gement, à moins qu'ils ne l'eussent cu\-mô-
nies dicté. Mais le synode de Dordrecht , as-
semblé par les calvinistes avec tant d'appa-
reil, a-t-il converti les arminiens? Leur secte
subsiste et a fait de nouveaux partisans, en
dépit de la condamnation; celle des gomaris-
les n'a prévalu que par l'appui du bras sécu-
lier. Avant de censurer avec tant d'amertume
les conciles de l'Eglise catholique, les protes-
tants auraient dii ouvrir les yeux sur ce qui
s'est passé parmi eux. — Quelle conséquence
peuvent en tirer les incréJules d'aujour-
d'hui? Que les hérétiques sont inconverti-
bles ; que l'Eglise lait en vain ses efforts
pour les ramener à résipiscen<e; qu'ils la
forcent enfin à les rejeter entièrement de son
sein, comme des membics pourris el (a|ia-
bles d'infecter les autres. L'aiiailième qu'elle
prononce contre eux n'est donc pas inutile,
puisqu'il sert à distinguer ses eni'.inls d'avec
les rebelles, el sa doctrine d'avec les cireurs.
Les schismes, les di\ isions, les haines, qui ne
ma nquentjamaisd'éclore dans les sectes même
dont elle s'est séparée, ne prouvent ((Ue trop
qu'elle a eu raison de s'en iSébarrasser.
7° 11 est impossible, continuent les décla-
mateurs, que le Sainl-Esî»ril ait présidé aux
conciles ; c'étaient des assemblées tumul-
tueuses, oiî la passion animait égalemeitt les
deux partis, où les evèques, la plupart très-
vicieux, ne pensaient qu'à faire jirévaloir
leurs opinions et à satisfaire leurs haines
particulières. Ri>n n'est plus scandaleux que
les scènes qui se sont passées à Eplièse, à
Conslanlinople, à Ni( ée et ailleurs, pendant
la tenue des conciles. Sain! Grégoire de Na-
zianze en était si révolté, qu'il avait résolu
de ne plus assister à aucun : il n'en parle
qu'avec le plus grand mépris; saint Am-
broise en pensait de même. Les dis|)utes ne
furent ni plus décentes ni plus modérées au
concile de Trente que dans tous les autres.
Réponse. Nous convenons que, dans plu-
sieurs des anciens conciles, les hérétiques
ont excité du (uiuulle ; que "souvent, à
l'exemple des ariens . de Ne^ilorius et de.
Dioscore, ils se sont fait appuyer par des
soldais, et ont ein[»loyé la violence pour fiiiro
prévaloir leurs erreurs. Mais il ne faut pas
rejeter sur les évéques catholiques les excès
des sectaires. Lorsijue sainl Grégoire de Na-
zianze a lait un tableau désavanlagcux dos
conciles, il parlait de ceux dans lesquels les
ariens avaient été les maîtres, et s'étaient
prévalus de l'appui des empereurs qui les
favorisaient ; il écrivait l'an 377, el alors il
y avait eu au moins douze assemblées d ins
lesquelles ces hérétiques avaient fait éclalcr
leur génie violent et séditieux ; lui-même
avait été en butte à leurs cal>ales, lorsqu'il
gouvernait l'Eglise de Gonstautinnpie. Saint
Ambroise parlait de ces mêmes tumultes, et
dans le même temps. Mais il n'y a pas eu des
ariens dans tous les conciles. Plusieurs ont
été tenus sous les yeux, dans le palais des
.empereurs; et ces princes, lorsqu'ils étaient
catholiques, n'ont excilivni souffert aucune
dispute indécente. — 11 peut y en avoir eu
parmi les Ihi'ologieiis de différentes écoles,
qui furent envoyés au concile de Trente;
mais ces disputes n'ont rien eu de commua
avec les sessions du concile, tenues par les
évéques, dans lesquelles se rédigeaient les
décisions. H y avait à Trente des ambassa-
^leurs de tous les souverains catholiques.
Les disputes des théologiens n'avaient lieu
que dans des assemblées particulières; au-
cun désordre, aucun tumulte n'est arrivé
dans les sessions publiques. Voy. Trentiî.
8'M\Iosbeim prétend que Icscouiroversistes
el les conciles suivirent la méthode des juris-
consultes et des tribunaux romains, qui exa-
minaient plutôt ce qui avait été pensé par les
anciens, que ce (jui éiail confirme à la raison
et au bon sens. C'est.dii-il, ce qui donna lieu à
des im, ost.Htrs de publier de faux ouvrages,
sous les uoios des auteurs les plus respi'cta-
blos, même de Jesus-Christ cl des apôtres
(llist. eccL, v siècle, ir part.,c. 3, § 8 et 9).
Réponse. Ici, comme dans beaucoup d'au-
tres endroits, ce critique a été aveuglé par
la bail) '. Il a dû savoir que, dans le clirislia-
nisuie, pour savoir ce qui est vrai ou laux, il
ne s'agit pas de lonsulter la raison très-fau-
tive et le prétendu bon sens des philosophes,
mais la révélation, et de savoir ce qui a é:é
ou n'a pas été révélé. Or c'est un fait qui ne
peut être constaté que par des téiiioignage.*
ou pur le rapport de anciens. 11 n'y a donc
JOIS
CON
CON
10IG
aucune comparaison à faire enlre les théolo-
giens et les jurisconsultes. — Que répondrait
Moslieim à un incrédule qui lui dirait que
c'est l'habilude de consulter des livres pré-
tendus inspirés, plutôt que la raison et le bon
sens, qui a donné lieu aux faussaires de for-
ger des livres sous le nom de Jésus-Christ et
des .ipôlres ? Voilà comme les protestants
s'enlacent toujours dans leurs propres filets.
9' Quelques incrédules ont prétendu qu'il
y a un moyen par lequel la cour 'de Rome
peut corrompre les actes des conciles ; ils ont
«lié un protestant qui dit qu'à la bibliothèque
du ^'atiGan il y a des écrivains entretenus
pour transcrire les aciesét les ouvrages des
Pères, en imitant le caractère des anci'ens li-
vrés, afin de pouvoir donner ces copies mo-
dernes pour des titres originaux. Ces im-
postures des protestants étaient fort bonnes
pour séduire les peuples dans les deux
siècles passés; mais il y a bien de l'ineplie
à les répéter aujourd'hui. La cour de Rome
allérera-t-elle les éditions des conciles et des
Pères, imprimées et répandues dans une
grande partie de l'univers ? Les actes origi-
naux du concile de Bàle n'ont pas été trans-
portés à Rome; ils sont dans la bibliothèque
de Râle, et il y on a une copie authentique
dans la bibliothèque du roi.
Les actes des conciles ont été recueillis par
Labigne, et imprimés au Louvre l'an 1644, en
37 vol. in-folio : ensuite par les Pères Labbe et
Cossart, jésuites, et imprimés à Parisenl672,
en 17 volumes ; enfin par le Père Hardouin,
et imprimés au Louvreeni715, en 12 vol. La
collection de Labbewt été réimprimée à Venise
en 1732, en 21 vol., et à Lucques en 17i8,en
26 vok Les actes des conciles tenus en France
ont été donnés par le Père Sirmond et par son
neveu, en k vol. ; ceux des conciles d'Espagne
par d'Aguirre, en 4 vol. ; ceux des conciles
d'Angleterre et d'Irlande, par Wilkins, et
imprimés à Londres en 1737, en 4 vol. in-fol.
Discours du Père Richard, à la tète de {'Ana-
lyse des conciles généraux et particuliers.
[TABLEAU DES CONCILES GÉNÉRAUX (1)
TENUS DEPUIS LE COMMENCEMKNT DE L'ÉGLISE JUSQU'A
^0S JOUBS.
!*■• Concile général,
(325) Le i'^' concile général de Nicée , ville de Di-
thynie dans l'Asie Mineure : il dura deux mois et
douze jours. Il y avall 318 évéques. Osius, évêqiie
de Cordoue, y assista comme légal du pape Syl-
vestre. L'empereur Consianliii s'y trouva aussi :
on dressa diiis ce concile le symbole de Nicée, qui
fut rviouclié et augmenté dans le concile suivant.
Il' Concile' cjénérul.
(381) i^' Concile général de Conslanliiiople , com-
posé de iriO évéques contre Macédonius, qui com-
battait la (tiviniié du Saint-Kspril, et contre Apol-
linaire. On retoiiclia le symbole de Nicéo et on y
ajouta, enlre autres choses, ce (|u'ou y lit à pré-
sent sur la divinité du Saint-Esprit, et ce qui suit
jusqu'à la fin.
m" Concile qcnéral.
(431) Concile général d'I'^plièsc. Il s'y trouva plus de
200 évéqnes. Saint Cyrille d'Alexandrie y présida
pour le pape Célestin V'. La sainte ViiTge y fut
déclarée niére de Dieu, don nindamna Nc^lorius,
(V) Il y a (luelques conciles dont l'œcuinénicité est
celui de concile d^ns le tableau qu'on va lire.
évêquedeConstaniinopIe. On y renouvela la con-
damnation de Pelage.
iv« Concile (jénéral.
(451) Concile général de Ciialcédiiine dans l'Asie
Mineure. On y condamna Euiychés et Dioscore,
évoque d'Alexandrie , qui soutenait qu'il n'y avait
en Jésus-Christ qu'une seule nature. On excom-
munia Eutychès, et Dioscore fut chassé de son
siège d'Alexandrie.
v« Concile général.
(553) 11= Concile général dé Consianlinople de 151
évoques. Il fut convoqué , 1° peur condantner les
erreurs d'Origène et quelques écrits de Tliéodorct,
de Thé idore, évêque de Mopsiiesle et d'Ibas, évo-
que d'Edesse; 2° pour confirmer tes quaire pre-
miers conciles généraux, et p3r;iculièremeni celui
de Chalcédoine que les acéphales contestaient.
VI"' Concile général.
(680 et 681) ni= Concile général de Consianlinople,
où se trouvèrent pins 100 de évéques, sur la fin ;
deux patriarches, l'un de Constaniinnple et Tauire
d'Antioche ; et l'empereur, afin que sa préseiif c re-
tint les esprits mutins. Ce concile fut asscmtdé pou.-
détruire enllérciuent le inonoiliélisme , et pour
reconnaître en J.-C. deux voloniés , l'une divine
et l'autre humaine, et autant d'actions qu'il y a
de natures. On excommunia Sergius Pyrrhus, l-aiil,
Macarius et tons leurs sectateurs.
vii= Concile gniéral.
(787) lor Concile général de Nicée de 377 évéques ,
convoqué par remperenr Constantin et sa mère
Irène. Les légats du pape Adrien présidèrent , et
Taraise, patriarche do Coiislanlinople, y assista.
On y régla la vénération due aux saintes images,
viii"' Concile général.
(869) iV Concile général de Coiisiantinople, oùsc trou-
vèrent 20-2 évéqnes, 3 légats du pape, et i patriar-
ches.Ony brûla lesactesd'imconciliabuleque Pho-
tius avait assemblé contre le pape Nicolas et contre
Ignace, légitime paliiarche de Constaniinople. On
y condamna Photius ijui s'était emparé de cette di'
gniié, et Ignace fut rétabli avec honneur; le culte
des images de la sainte Vierge et des saints y fut
encore maintenu.
ix' Concile général
(1123) i"^' Concile général de Latran, sons Calixtell.
11 y avait plus de 500 évoques et plus de GOOabhés.
Il fut tenu pour la paix de l'Eglise troublée depuis
plus de 45 ans à l'occasion du droit de la colla-
tion des bénélicesque l'empereur prétendait avoir.
On travailla à rétablir la discipline ecclésiastique
beaucoup affaiblie par la longueur et la multitude
des schismes. Ou y cliercha aussi les moyens de
retirer la terre sainte de la puissance des infidèles.
X'' Concile gcnéral.
(1139) 11= Concile général de Latran , de prés de
1000 évéïjnes, ."^ous Innocent 11, pape, et en pré-
sence de Conrad, empereur. Il fut assemblé pour con-
damner les chisinatiques, pour rétablir la discipline
de l'Eglise , et pour aiiathématiser les erreurs
d'Arnaud de ISrescia, ancien disciple d'Abailard.
xi' Concile général.
(H79) iii« Concile général de Latran. Il y avait 302
évéques. Il fut assemblé pour annuler les ordina-
tions faites par les antipapes, condamner les er-
reurs des vaudois, et pour travailler à la réf.irine
des mœurs.
xii* Concile général.
(1215) iv= Concile général de Latran ; le pape Inno-
cent III y présida. Il y avait deux patriarches ,
celui de Constaniinople et celui de Jérusalein ; 71
archevêques , Mi évéques, 800 abb;'s; le piiniai
des inaronites et saint Duminiquc , iiisiiinieur
de' l'orilie des Kréres Prêcheurs. Le concile lut
assemblé pour condamner les erreurs des albiT
ci'iiiestée : nous ne mettons pas le mot général après
«017
CON
CON
10\8
j;eois et des autres héréliques, et pour la conquête
(le la terre sainte.
XIII' Concile général.
(124')) 1" Concile général de Lyun , oii présida le
pape Innocent IV et où assisléreni les patriarches
(le Constanliiiople, d'Ânlioche et d'Aqnilée on de
Venise; lit) évéqnes, Baudoin II, empereur d'O-
rient, et saint Lonis, roi de France. On y excom-
ninnia Frédéric 11. On y donna le chapeau ronge
aux cardinaux, et enfin on décida qu'on enverrait
une niiuvelle armée de croisés dans la Palestine ,
soHs la conduite d(- saint Lonis.
XIV» Concile général.
(127i) IV" Concile général de Lyon, où présidait
Grégoire X, et où assistèrent les patriarches d'An-
lioche et de Consiantinople, 5 cardinaux , 500
évèques, 70 abbés, 1000 docteurs. On y travulla
à r'éunir les Grecs et les Latins sur la procession
du Saint-Esprit. On ajouta au symiiole de la foi
qui avait iié dressé an cnnrile de Constantimiplc,
le mot Filiûque. On chercha les moyens de recou-
vrer la terre sainte.
xv"^ Concile général.
(13ll)Concile général de Vienne en France, assemblé
par ordre deClémeni V. Il y avait les doux patriar-
ches d'Antinche et d'Alexandrie, ôdU évoques, 3
rois, Philippe IV, roi de France; Edouard 11, roi
d'Angleterre; Jacques H, roi d'Aragon. On y parla
particulièrement des erreurs et des crimes des tem-
pliers, des béguards et des béguines , d'une ex-
pédiliorv dans la terre sainte , de la réforniation
des mœurs du clergé, et de la nécessité d'établir
dans tontes les universités des professeurs pour
enseigner les langues orientales.
xvi<^ Concile.
(1409) Concile de Pise,en llO'J,i|ue plusieurs regar-
dent comme général. L'objet principal de ce.concile
futl'exiinciion du schisme après la mort du pipe
Grégoire XI, en 1372. Il s'y trouva 22cardinaui,l
patriarche, 92; évèques , des députés de presque
toutes les universités, de même (pie des ambasta-
deursde la plnp:irl de; cours. Ou y élut Alexandre V,
pape; mais le schisme ne luipas éteint pour cela,
xvir Concile général.
(lil4)Concilegéiiéralde Constance, en Allemagne. Il
fut assemble par les soins de l'cuipereur Sigismond,
pour anathématiser les hérésies deWiclefet de Jean
Hus, et pour éteindre les schismes qui déchiraient
l'Eglise depuis 57 ans. On y comptait 4 patriarches,
47 archevêques, ItiO évéqnes, 5Gi abbés et doc-
teurs. Jean Gerson, chancelier de l'université de
Paris, y assista. Jean Hus et Jérôme de Prague
y furent brûlés après avoir été convaincus de leurs
erreurs et avoir refusé de les alijurer avec une opi-
niâtreté dont l'hérésie seule est capable. Martin V
approuva les décrets qu'on y fil en matièredefoi.
xviu« Concile.
(1451) Concile de Bàle, ville de Suisse, sur le Rhin ,
sous Euçèiie IV, Sigismnnd étant empereur. Il fut
assemble à l'occasion des troubles de Bohême au
sujet de la communion sous les diux espèces. Le
concile accorda aux Bohémiens l'u-^age du calice,
pourvu qu'ils n'improuvissent pas l'ai tion de ceux
(|ui ne communiaient que sous une espèce. On y
travailla aussi à la réformation du clergé. Ce con-
cile n'est pas regardé comme œcuménique dans
toutes ses sessions : à la lin , ce no fut qu'une as-
semblée tumultueuse.
XIX* Concile général.
(I43S) Concile général de Florence. Il fut commencé
dès l'an 1438, à Ferrare ; mais la peste qui se fit
sentir dans cene ville obligea de irnnslérer ce
concile:» Florence. Eugène IV y présida. H y avait
150 l'TÔqnes. Joseph , patriarche de Constantiiio-
ple, avec Jean Paléologue, empereur d'Orient, s'y
trouvèrent. Il fut assemblé particuljèremeiit pour
réunir les Grecs et les Latins.
SX"* Concile.
(1512) v« Concile général de Lairan , où présida Jules
II, puis Léon X;Maximilieii T'était alors empereur
d'Allemagne. Ceconcileduraciiiq ans;ily avait 15
cardinaux et près de 80 arcln-vèques et évèques.
Il lut assemblé, 1" aliu d'empêcher une espèce de
schisme naissant ; 2° pour terminer plusieurs dif-
férends qui existaient entre le pape Jules 11. et
Louis XII, roi de France; 3» pour réformer le
clergé. On arrêta dans ( e concile qu'(ni ferait la
guerre :i Séliin, empereur des Turcs. On nomma
pour chef de celle expédition l'empereur Maxi-
milieu 1''"', et François l"', roi de France. La mort
de Maximilieii et l'hérésie de Luther, qui causa de
grand troubles en Allemagne , renversèrent ce
grand dessein.
xxi" Concile général.
(1545) Concile général de Trente , ville épiscopale,
dont l'évoque était souverain et prince de l'Empire,
sous la protection de la maison d'Autriche. Ce
concile dura près de 18 ans. depuis 1545 jusqu'en
1503, sous 5 papes, Paul III, Jules III , .Marcel II,
Paul IV,PielV,et sons les règnes de Charles-Quint
et de Ferdinand, empereurs d'Allemagne. Ce concile
avait réuni 5 cardin:oix , légats du saint-siége, 5
patriarches, 3')2rchevêi|ues, 233 évèques, 7 abbés,
7 généraux d'ordres inonasiiques , ItiO docteurs
en théologie. Il fut convoqué pour condamner les
erreurs des luthériens , et pour la rélormatioti
des mœurs des ecclésiastiques et des lidéles.J
CONCILESNATIONAUX (1). Ils se forment
par l'assemblée des évèques de toutes ou de
presque toutes les provinces d'un royaume
ou d'un État. L'antiquité nous en offre beau-
coup d'exemples dans les célèbres concilet
d'Afrique, des (jaules et d'Espagne, lis ont
été assez fréquents en France sous la pre-
mière et seconde race de nos rois. Il y en a
eu encore quelques-uns depuis, mais moins
fréquemment ; et depuis longtemps il ne s'en
est point tenu auquel on puisse donner ce
nom. Quoique bien inférieurs pour l'auto-
rité aus conciles généraux, ces conciles ont
toujours inspiré une grande vénération, et
leur suffrage a toujours paru très-consi(lé-
rable. On en peut jufjer par le respect qu'on
a, dans tous les temps, témoigné pour les dé-
cisions et règlemenls portés dans ces concilet,
et que les conciles généraux ont eux-mêmes
souvent adoptés.
La convocation de ces conciles n'a jamais été
regardée comme une chose réservée aux pa-
pes. On ne voit rien dans les actes de ces
conciles qui annonce qu'on ait cru avoir be-
soin de l'agrément des souverains pontifes
pour les assembler. C'étaient les patriarches,
les primats, qui en faisaient la convocation,
du consentement exprès ou présumé des prin-
ces chrétiens (2). Car ce consentement a tou-
jours élé nécessaire pour autoriser les évè-
ques à se réunir eu corps En France, ce sont
presque toujours nos souverains eux-mêmes
qui ont convoqué les conciles nationaux du
royaume ; ils en ont incontestablement le
droit, comme prolecteurs et gardiens des
droits, franchises et libertés de l'Eglise et du
(1) Cet article et le suivant sont reproduits d'après
rédition de Liège.
(2) C'est un abus d'autorité de la part des princes
lernpiirels : leur seul droit est de veiller à ce que
r.irdrc public ne soit point troublé à l'occasion de
ces réunions.
1019
CON
CON
1020
royaume de France, l'resqiie tous les conci-
les, (Joui les ncles oui élé conservés, offrent la
preuve lie l'exercice que nos rois ont fait de
leur pouvoir à cet éiiaril ; pri'S(|ue tous por-
tent qu'ils se sont asscmb'és par les ordrrs
des princes qui gouvernaient alors l'Klal ; et
à (iuel anire mieux qu'au souverain pou-
vait apparlenir II' droit (le convoquer et d'as-
setiibler les éiêques qui vivaient sous sa
domiuc'itiun ?
Ainsi, lorsque eusuiie ces conciles en-
voyaient aux papes leurs actes pour en de-
mander la coulTinalinn, il faut bien prendre
garde, comme on l'a déjà observé, que cette
confirniaiion n'était pas demandée pour au-
toriser la tenui' de ces assemblées, ^al;lllles
certainement, et léfiilimes par elles-mêmes :
on ne voulait que donner une force nou\elle
aux décisions portées parces conciles, en ajou-
tani au poids de leur jugeaient l'autorité du
jugement du sainl-siége; ce qui présente une
sorte d'approbation, d'adhésion aux défini-
tions faites, plul()t qu'une conOrmation pro-
prement dite.
A l'égard de la présidence dans les conciles
nati(maiix, elle était déférée ou selon ladi'^nilé
des sièges, lorsque, dans l'étendue des pro-
vinces dont les évêques se rassemblaient, il
y avait quelque siège à qui la prééminence
était attachée; ainsi les patriarches dans leur
palriarcat ; les exarques, titre qu'on donnait
aux évêquis de Césarée en Cappadoce, d'K-
phése et d'Héraclée, dans leurs exarcbais; les
primais dans leurs primalies, avaient de droit
la présidence, ou bien c^le éiail déférée à l'an-
cienneté de l'ordination. Quelquefois on l'.ic-
corilait à la (|ualiic de légats du sain!-si ge.
Les archevêques d'Arles l'eurent longtemps
à ce titre, qui reprit une nouvelle faveur, et
fut fort en usage dans les xi*^, xir et xiir siè-
cles, ,iprès quoi on revint encore à l'ancienne
coutume de le nir le^ conciles nationaux sans
le concours des ligats du pape.
Ftn France, la présidence était ancienne-
ment dél'érée an plus .incien des méiropoli-
taiiis.et cet ordre subsista jus(|u'au temps où
les papes donnèrent la qualité de légats du
saint -siège aux archevêques d'Arles. Ceux-
ci, en cette (]ualilé, présiilèrent souvent aux
conciles nationaux. Cependant, durant le
temps même de celte légation, on voit d'au-
tres évêques présider à dis conciles. La lé-
gation l'ut accordée par le pape Symmaqni- à
saint Césairo, archevêque d'Arles en 514,
ponr terminer les fréquentes nnitestations
qui s'clevaieiil au siijel de la présiileme en-
trelesarehevêques de Vienne et de Narboniie.
Celte même léi;alion fut, à la prière de nos
rois, confirmée par les papes à lous les sue-
censeurs de sain! Cèsaire, comme il paraît
par les lettres des papes à saint Cèsaire lui-
II ême, à Arradiiis, ;i Aurélien, à Sapaiidus,
et a Virgilius, qui tous se succédèrent les uns
aux autres dans Ip siégi- d' \rles, et ce fut en
conséqucDce de la cuniinualioii ou (onfirma-
tion de ce privilège que Sipandiis présida au
second co«ci7? d'Arli-s m 5)4-, ;i c.iiij ,|e P.iris
en 5S5, et a celui de Valence en o8i, — Mais
pendant le mémo temps on voit Probus, ar-
chevêque de Bourges, présider, eu 557, au
troisième concile de Paris : Philippe, évéque
de Vienne, au second de Lyon, en Sti" ; Ku-
phnnius do Tours au second concile de cette
ville, en la même annè«, et Anchorius à ce-
lui d'Aiixcrre, en 578.
L'arciievéqne do Lyon jonil (1 1 en France
dii droit de priinalie,el prétend, coniioe un
privilège de son siège, au droit de présider
au concile de la nation. Les exemples que l'on
vient il"' citer prouvent qui- ce privilège n'a
pu s'établir que vers la lin du vi' siècle. On
trouve, et c'est peut-être ici l'origine de la
prètenlion des archevêques de Lyon, qu'en
585, Priscus, évéque de Lyon, présid ) au se-
cond conci/ede Mâcon, où se ti'ouvèrent après
lui, iiutre les évêques, cinq autres métropo-
litains, ceux de Vienne, de Sens, de Kouen,
de Bordeaux et de Bourges. Ce co>ic(/e,qui
était comme national, ordonna que tous les
cinq ans ou en tiendrait un seinblaMe, et que
l'évéque méiropolilain de Lyon l'indiquerait,
après être convenu avec le roi du lieu de l'as-
semblée. (~andéricus, évéque de Lyon, pré-
sida, en (j50, au concile de Cbâlons ; c'est
apparemment ce qui établit insensiblement le
droit des évêques de Lv)n, qui, depuis ce
temps-là, présidèrent souvent aux conciles
nationaux. Leur possession a pourtant élé
souvent interrompue, et n'a jamais été re-
connue par les assemblées du clergé de
France, où, par celte raison les archevêques
de L^on ont souvent fait difficulté d'assister,
ou n'ont assisté qu'en protestant pour la
conservalion de leur droii.
Si l'occasion se prèseulait de tenir un coh-
c^'/e national dans le royaume, ce neserait pas
une petite difficulté que d'en régler la prési-
dence ; l'embarras serait augmenté par les
prétentions qui paraissent assez légitimes de
la part de tous les métropolitains, d'avoir la
préséance et la présidence aux assemblées
ecclésiastiques qui se tiennent dans leurs
provinces. Peut-être serait-on obligé, pour
pouvoir passer outre, de s'en tenir à ((uel-
que disposition provisoire, sans préjudice
des droits des parties au fond.
Les conciles nationaux se forment, comme
les conciles généraux, par les dèputalions
que font les dilTèrentes provinces ecclésiasti-
ques, et les pouvoirs qu'elles donnent à leurs
députés. i]e que l'on a dit des prêtres au su-
j. t (les concihs g néraus doit également
s'appliquer ici.
Il est hors de doute que les conciles natio-
naux peuvent faire des décrets sur la loi et
des règlemenls sur la discipline : il ne faut,
pour s'en convaincre, (|ue lire les actes qui
nous restent des anciens conciles, tenus dès
les premiers siècles de l'Iîjjlise. — Mais les
décrets portés dan; ces conciles sur la foi no
deviennent la règle invariable et infaillible de
notre cioy anre qu'anlunl qu'ils sont acceptés
par le consentement au moins tacite de-toute
i'iiglise, à la.'iuelle seule il app.irlieni de dé-
clarer et de proposer les articles de foi ; et
c'est pourtant par cette voie (jue la plupart
(1) .\iicim iiiolriipoliliiiii n'a iiii|iiiird'liui d'aiiloiilc
l'un sur l'autre.
1021
CON
des hérésies ont été élonlTées et proscrites.
Saint Augiisliii ne b:il;uiça pas même à pro-
noncer contre les péi.ngieiis nue la cause était
finie (li'pnis que liome avait soleniiclleiiient
approuvé et confirmé les condaiiinatioas |)ro-
nom ées CDUlrc eux dans les conciles d'Afri-
que, et que mal à propos, ils demandaient
encore A élreenlendus dans un cancile géné-
ral ; qu'il ne fallait pas, par l'opiniâtreté d'un
petit nombre d'Iionunes convaincus inani-
feslemenl d'erreur, troubler le repos de tontes
les Eglises, (^'i st qu'en elTet toute l'Eglise
applaudissait à la condaïunalion de Pél.ige
et de Célestius. Au coniraire, quoique Arius
eût été condamné dans le concile national
de l'Egypte, présidé par le patriarche d'A-
lexandiie, et que le sainl-siége eût approuvé
cette condaïunalion (l),les progrès qu'avait
faits l'impiété arienne, le nombre de partisans
qu'elle s'était aliirés, et le troul)le qui en ré-
sultait dans toute rE;;lise, firent alors re-
garder comme indispensable la tenue d'un
concile général ; et ce fut à celte occasion
que fut convo luée la première et la plus cé-
lèbre de ces assemblées.
Quant au\ règlements de discipline faits
dans les conciles nationaux, ils ont toujours
paru mériter un grand respect, et souvent
l'Eglise universelle s'est empressée de les
adopter et de les faire passer dans le corps
de s s i^!M>ns. Ces règlements n'ont cepen-
dant pîii lux-mênies de force que dans la
nation ou l'Eiai dont les prélats se sont as-
semblés ; cl celle force encore, ils ne l'ont
pleinement qu'après qu'ils ont clé approuvés
par les souverains, et revêtus du sceau de
l'autorité publique (2). Les cyiici/ps nationaux
tenus en France ont bien senti l'importance
et la nécessité de cette autorisation ; on peut
en juger par le soin qu'ils ont toujours eu
de la solliciter. Nos rois ont aussi toujours
montré le jilus grand empressement |)our
soutenir par leur autorité ce que les comilcs
avaient réglé pour le bien commun (Extrait
du Dictionnaire de Jurispi-udence).
CoNcu-ES PROVINCIAUX. Aprés les coiiciles
nationaux viennent les conciles provinciaux,
c'esl-àidire ceux qui se forment par l'assem-
blée Jes évoques d'une province ecclésiasti-
que, sous le métropolitain leur chef, et en
cas de vacance du siège de la métropole, ou
d'empêchement du côlé du métropolitain,
sons le plus ancien des évêqui s de la pro-
vince à qui la présidence est alors dévolue, à
moins que, par un usage ou stalut particu-
lier, elle ne suit ilcfèrée à quelque autre.
11 faut .appliquer avec proiorlion aux con-
ciles pro>incianx ce que l'on vient dédire des
nationaux, quant aux décrets sur la loi et
aux règlements sur la discipline. Les conci-
les provinciaux peuvent incontestablement
en faire aussi bien que les conciles natio-
naux ; car comment dispulerait-on à ces con-
ciles un droit qu'on ne ])<'nt refuser à chaque
évêque pour s m dioièse? M lis on sent bien
(1) Ce n'est pas qu'iaie feis la condan ii.Tiion fiito
par le sainl-sié^e le jugeineHl ail é é lélorinable.
[i) Le suuverani n'j aucun pouvoir pour donner
furce aux décrets d'un concile.
CON 1022
que les décrets sur la foi, porlés dans ces con-
ciles ont encore moins le caractère de juge-
ment définitif et irréformalile que ceux des
conciles nationaux. Ces décrets forment des
préjugés, des autorités bien respectal)les ;
mais ils ne peuvent être regardés comme une
décision précise et formelle. La force des rè-
glenienls que les mêmes conciles font sur la
discipline ne s'étend pas au delà des limites
de leur province, et il est d'ailleurs néces-
saire qu'ils soient revêtus du sceau de l'auto-
rité souveraine. C'est un soin que n'ont pas
négligé les Pères des derniers conciles pro-
vinciaux tenus en France.
Reste à voir en c|uel temps ils devraient
s'assembler, et à qui il appartient de les con-
voquer. — La dilGeulté de réunir tous les
évoques du monde chrétien, ou même ceux
d'une seule nation, n'a guère permis de fixer
un terme certain pour la tenue des conciles
généraux, ou seulement nationaux; et si
quelquefois, comme dans les conciles de Pise,
(le Constance et de Bâle, on a cru devoir in-
diquer le temps de la tenue du prochain con-
cile, prescpic jamais ces circonstances ne se
sont conciliées avec l'indication faite. La pro-
ximité des évoques d'une même province
laissait bien plus de facilité et de liberté de
les assembler. Aussi voit-on que les conciles
provinciaux se tenaient très-fréquemment ;
il était même passé en usage et en règle (]u'ils
se tinssent au moins une fois l'année. — C'est
la disposition du deuxième canon du concile
tenu en 533 à Orléans : Ut milfopolitani sin-
gulis annis comprovincidies suos ad concllium
evocent ; elle est renouvelée au canon 3 da
troisième concile tenu l'année suivante en la
même ville. On la retrouve dans les capitu-
lairesde Charlemagne, qui ordonna l'exécu-
tion des anciens canons à ce sujet ; on voit
même que le concile tenu à Savonières en
8i9, arrête que les souverains seront conju-
rés d'employer leur autoriié pour fiire main-
tenir celle ancienne et précieuse discipline.
— Dans la suite il fut résolu qu'on ne tien-
drait plus les conciles provinciaux que tous
les trois ans. C'est la disposilion du concile
de Trente. — L'édit de .Melun, art. 1, en or-
donnant la tenue des conciles provinciaux
tous les trois ans,conforméraentà ladiscipli-
ncqui s'était depuis établie,confirme aussi les
métropolitains dans le droit de lesconvoquer.
A'oici ce qu'il porte : Admonestons /e< arche-
vc'i/ues et métropolitains de noire royaume, et
ncanmoins leur enj lignons de tenir les conci-
les provinciaux dans les six mois prochaine-
ment venants, it dorénncant de iroin ans en
trois ans, en tel lien de leurs provinces e/u'ils
jugeront être plus propre ci plus coiivenible
pour cet effet, pour pourvoir à la discipline et
covreclion des mœurs, et direction de la po-
lice ecclésiastique et institution des écoles,
selon la forme des statuts et décrets. Défen-
dons à tous nos juyes d'empêcher directement
ou indirectement la célébration desdils con-
ciles, et leur enjoignons de tenir la main A
Vexécution des ordonnances et décrets d i-
i eux, sans que les appellations comme d abus
de ce qui sera ordonné auxUits conciles, pour
10Î3
CON
CON
lùii
la correction et discipline ecclésiasliques, ait
aucun effet suspensif. — Les assemblées da
clergé (le France tenues depuis celle de Me-
lun ont toutes renouvelé leurs vœux pour
l'exécution pleine et entière de cet article.
Celle de 1625, à laquelle présidait le car-
dinal de Sourdis, dans la séance du mardi
3 juin, après avoir observé qu'il n'y avait
point de plus puissants moyens pour la con-
servation de la discipline ecclésiasliiiuc, et
pour la maintenir dans sa perfection, que
j'indiclion des conciles provinciaux, résolut,
pour plus utilement travaillera ces conciles,
de recourir au roi et de le supplier Irès-
humblement d'accorder des lettres palenles,
par lesquelles il ordonnerait que ses officiers
tinssent la main à l'exécution des décrets.
— On retrouve les mêmes sentiments dans
l'assemblée tenue à Pontoise en 1G70. D.ins
les remontrances qu'elle fit au roi, le jeudi,
2 octobre, M. le 'rellier,coadjuleiir de Keims,
qui portait la parole au nom du clergé, re-
présenta la céléhration des conciles provin-
ciaux comme l'abrégé des moyens dont on
pouvait se servir pour faire revivre la pureté
et la discipline. Après avoir dit que par ces
saintes assemblées la foi a fleuri dans l'Eglise,
que la régularité et la discipline avaient
triomphé de la licence et de la corruption, et
que la censure avait corrigé les mauvaises
mœurs dans le clergé et dans le peuple, il de-
manda, au nom du clergé, d'exécuter ce que
tes ordonnances lui commandent à ce sujet.
Le procès-verbal de l'assemblée de 1700 pré-
sente un discours à peu près semblable, et
dans le même sens, prononcé par .M. Henri
de Nesmond, évêque de Montauban.
Nos rois se sont toujours empressés de fa-
voriser en ce point l'observation et l'exécu-
tion de la discj()line ancienne, et les vœux
de leur clergé. On a déjà vu la disposition
de l'article 1" de l'ordonnance de Melun ;
voici ce que porte l'article 6 de celle de
1610. « Pour la réformalion des mœurs et
direction de la justice etdiscipline ecclésias-
tique, le clergé a reconnu et jugé très-néces-
saire de faire très étroitement el religieuse-
ment observer les sainles et salutaires ré-
formations et constitutions des conciles pro-
vinciaux des derniers temps en diverses pro-
vinces du royaume , el même de renouveler
et continuer lesdils conciles en chaque pro-
vince d'an en an pour l'avenir, au moins
pour quelques années , et jusqu'à un meil-
leur ordre établi.... Kl suivant et conforraé-
nionl aux ordonnances de Hlois et de Melun,
admoneste les archcvê(|uos el cvéques de
tenir les conciles provinciaux <le trois ans en
Irojs ans, ayant néanmoins bien agréable
(|u'jls les assemblcn! cl tiennent aussi sou-
vent, cl autant de fois qu'ils jugeront en
être besoin, pour remettre l'ancienne disci-
I)line de l'Kglisc , et corriger les mœurs ec-
clésiastiques soumises à leur juridiction, en
y procédant avec les formes ordinaires el
accoutumées ; et pour l'exécution d'une si
bonne œuvre, enjoint aux officiers du roi
d'y tenir la main, et de les assister quand ils
eu seront requis. » — Celte ordonnance fui
enregistrée au parlement de Paris , avec
celle modification seulement, que les ar-
chevêques el évêques ne pourraient faire
leurs assemblées el conciles provinciaux que
de trois ans en trois ans. — Par une autre
déclaraliou du 16 avril 1610. le roi « admo-
neste el exhorte les archevêques et métro-
politains de tenir les conciles provinciaux
au moins de trois ans en trois ans , en tel
lieu de leur province qu'ils connaîtront
être plus propre pour cet effet, afin de pour-
voir à la discipline et correction des mœurs,
el direction de la police ecclésiastique , ins-
titution des séminaires et écoles , selon la
forme des saints décrets, avec défenses à
tous juges d'empêcher directement ou indi-
rectement cette célébration , el injonction
de tenir la main à l'exécution des décrets et
ordonnances d'iceux , sans que les appels
comme d'abus de ce qui y sera ordonné ,
aient aucun efl'el suspensif. » Celle déclara-
tion fut , le 26 du même mois , enregistrée
au parlement de P;iris , pour être exécutée
conformément aux ordonnances.— Cinq ans
après cette déclaration, le roi écrivit à Si. de
Harlay, archevêque de Rouen , pour lui té-
moigner sa satisfaction de la convocation
que ce prélat avail faite du concile de sa
province , et lui dire que non-seulement il
l'avait pour agréable, mais qu'il l'exhortait
à conduire à sa perfection un ouvrage si né-
cessaire au bien de l'Eglise, en l'assurant
qu'il lui donnerait toute l'assistance dont il
aurait besoin pour la tenue de son con-
cile.
Il résulte de ces disposilions, que les con-
ciles provinciaux ont tonjours paru de la
plus grande utilité pour le bien de l'Eglise ,
le maintien de la discipline el la réformation
des mœurs , que le terme pour les tenir est
fixé à I intervalle de trois ans; et enfin que
les archevêques sont autorisés et excités par
les lois de l'Kglise, comme par celles de l'E-
tal, à convoquer au temps fixé par les unes
et pur les autres ces assemblées. Il peut
seuletnent , d'après cela , paraître étonnant
qu'elles soient .lussi rares. [Cet article est de
M. l\ibbé liemij.) [Extrait du Dictionnaire de
Jurisprudence.]
CONCILIABULE, assemblée tenue par des
hérétiques ou par des schismaliques, contre
les règles de la disciiiline de l'Eglise; les
ariens , les novatiens , les donaiisles , les
nesloriens , les eutychiens cl les autres sec-
taires en ont formé plusieurs dans lesquels
ils ont établi leurs erreurs et fait éclaler
leur haine contre l'I^glise catholique. Le
plus célèbre de ces faux concdcs est celui
(lue l'on a nommé le briijandiuje d'Eplièse ,
tenu dans cette ville par Uioscorc, patriar-
che d'Alexandrie , à la tête des partisans
d'Eutycliès; il condamna le conci/c de Cli.il-
céiloine, quoique très-légitime; il prouoiuja
l'anathètno contre le pape saint Léon.; il lit
maltraiter ses légats el tous les évêques (jui
ne voulurent pas se ranger de son parti.
y 01/. E( TVCllIAMSME
♦ CONCLUSIONS THI^OLOGKJUES. On donne ce
nom aux prupusitioiis déduites d'un arguineut dunl
1025
CON
CON
10-2«
les ileiiX' prémisses (ou a» moins l'une des deux)
ont été révélées. I,a conclusion déduiie d'une seule
(iropusiiion révélée et d'inie proposition purement
pliilosopliique ceriainement vraie, est une vérité, mais
n'appariient p;is au doniainedelaloi. Plusieurs tliéo-
loj^icns croient ([ue les conclusions Iheoloiiiques dé-
duites de deuK propositions révélées sont l'objet de
la (oi. Cette opinion est coinbatlue par d'autres iloc-
teurs.' Ceseniiiiient nous païaît le plus probable. Si
cependant la conclusion théologique n'était que l'ex-
position d'une vérité révélée, elle serait elle-nièine
l'objelde la loi, non pascomme amciusion titéologique,
mais comme vérité révélée, ^ous développons ces
principes au mot Foi.
CONCILIATEURS (théologiens), roy. Syn-
CBÉTISTES.
CONCOMITANT , se dit du secours de la
grâce que Dieu nous accorde dans le cours
d'une action, pour nous aider à la continuer
et à la finir. 11 a élé décidé , contre les péla-
gicns, que pour toute bonne œuvre surnatu-
relle et méritoire, nous avons besoin non-seu-
lement d'une grâce concomitante, mais d'une
grâce prévenante, qui excite noire volonté ,
nous inspire de salutaires pensées et de bons
désirs. Cetle grâce n'est donc pas la récom-
pense des saints désirs que nous avons for-
més de nous-mêmes et par nos propres for-
ces, elle en est au contraire le principe et la
cause ; conséquemment elle est purement
gratuite; elle vient uniquement de la bonté
de Dieu et des mérites de Jésus-Christ. Saint
Prosper dit très-bien, après saint Augustin,
que désirer la grâce est déjà un commence-
ment de grâce. — Cela n'empêche pas que
Dieu ne récompense souvent notre Qdélitc à
une première grâce, par une seconde plus
abondante ; alors celle-ci n'est pas moins gra-
tuite que la première, puisqu'elle n'a été
méritée et obtenue que par le secours de
la première. C'est encore le sentiment de
saint Augustin ( Lib. iv contra duas Episl.
Pel(ig.,c. 6, n°13). « Lorsque les pélagiens ,
dit-il, soutiennent que Dieu aide le bon pro-
pos de chacun , l'on recevrait volontiers
cette proposition comme catholique, s'ils
avouaient que ce bon propos, qui est aidé par
une seconde grâce, n'a pu être dans l'homme
suis une première grâce qui l'a précédé.»—
Il y a des catéchismes dans lesquels il est
dit que le corps et le sang de Jésus-Christ se
trouvent sous chacune des espèces consa-
crées, par concomitance ou par accompagne-
ment; on a voulu dire par là que le corps
de Jésus-Christ, dans l'eucharistie, étant un
corps animé, il ne peut pas plus y être sans
avoir son sang que sans avoir son âme ;
qu'ainsi le sang de ce divin Sauveur ne
peut pas y être non plus séparé du corps.
D'où il s'ensuit que le corps , le sang et l'â-
nie de Jésus-Christ sont également sous l'es-
pèce du vin et sous l'espèce du pain. Voy.
Elcharistie.
CONCORDANCE, est un dictionnaire de la
Bible oîi l'on a mis, par ordre alphabéliqui-,
tous les mo's de l'Ecriture sainte, afin de
pouvoir les comparer ensemble, et voir s'ils
ont le même sens partout où ils sont em-
ployés. Les concordiinces ont encore un au-
tre usage , qui est d'indiquer précisément
les passages dont on a besoin, lorsqu'on vi ul
<les citer exactement. — Ces dictionnaires
ou tables de mots servent à éclaircir beau-
coup de difficultés , à faire disparaître les
prétendues contradictions que les incrédules
croient trouver dans les livres saints, à ci-
ter exactement le livre, le chapitre , le ver-
set dans lequel se trouve tel passage, etc.
Aussi a-t-oii fait des concordances en latin ,
en grec et en hébreu. — La concordance la-
tine, faite sur la Vulgate, est la plus ancien-
ne ; l'on s'accorde assez à l'attribuer à Hu-
gues de Saint-Cher, qui, de simple domini-
cain, devint cardinal, et qu'on appelle com-
munément le curilinal llwjues ; il mourut en
1162. Ce religieux avait beaucoup étudié l'E-
criture sainte , il avait même fait un com-
mentaire sur toute la Dible; cet ouvrage l'a-
vait engagea en faire une concordance sur
la Vulgate; il comprit qu'une table complète
des mots et des phrases de l'Ecriture sainte
serait d'une très-grande utilité, soit pour ai-
der à la faire mieux entendre, en compa-
rant les phrases parallèles, soit pour citer
exactement les passages. Ayant formé son
plan, il employa un nombre de religieux de
son ordre à ramasser les mots et à les ran-
ger par ordre alphabétique; avec le secours
de tant de personnes, son ouvrage fut bien-
tôt achevé. Il a été perfectionné depuis par
plusieurs mains, surtout par Arlot i'iiuscus
et par Conrad lialberstade. Le premier était
un franciscain , le second un dominicain, qui
vivaient tous deux vers la fin du même siècle.
Comme le principal but de la concordance
était de faire trouver aisément le mot ou le
passage dont on a besoin , le cardinal Hu-
gues vit qu'il fallait d'abord partager cha-
que livre de l'Ecriture en sections, et ensuite
ces sections eu subdivisions plus courtes,
afin de faire dans sa concordance des ren-
vois qui indiquassent précisément l'endroit,
sans qu'il fût besoin de parcourir une page
entière. Les sections qu'il fit sont nos chapi-
tres ; on les a trouvés si commodes , qu'on
les a conservés depuis. Dès que sa concor-
dance parut , on en vit si bien l'utilité , que
tout le inonde voulut en avoir; et pour en
faire usage , il fallut mettre ses divisions à
la Bible dont on faisait usage, autrement ses
renvois n'auraient servi à rien; mais les sub-
divisions de Hugues n'étaient pas des ver-
sets. Il partageait chaque section ou chaque
chapitre en huit parties égales , quand il
était long, et en moins de parties quand il
était court; chacune était marquée à la
marge par les premières lettres capitales de
ralphabel. A, B , C, D, E , F , G , à distance
égale l'une de l'auire. Les versets, tels que
nous les avons aujourd'hui , sont de l'inven-
tion d'un Juif.
Vers l'an 1^30, un fameux rabbin, nommé
rabbi Mardocitce Nathan , qui avait souvent
disputé avec les chrétiens sur la religion,
s'aperçut du grand service'qu'ils liraient
de la concordance l.'itino du cardinal Hugues,
et avec quelle l'aciliié elle leur fai.-ait trou-^
ver les passages dont ils avaient besoin ; il
goûia cette invention, cl se mil aussitôt à
1027 CON
faire une concordance hébraïque pour l'u-
sage des Juils. Il caraiiiPiiça cet ouvrage l'an
14.38, el l'acheva l'an iV*a. il s'en est fait
plusieurs éiliiions : celle qu'en a donnée
Buxlurf le û4s, à lîâle, en 1032, est la meil-
leure. — l'.al)l)i Nalhiin, en coiii[josanl ce li-
vre, trouva iju'il éiail nécessaire <le suivre
la division des ch.ipilres que le cardinal Hu-
gues avaii introduite ; mais il imagina des
subdivisions plus commodes , savoir : celle
des versets , et il eut soin de les coter par
nombres mis à la marge. Pour ne pas trop
charger les marges , il se conlenla de mar-
quer les versets de cinq en cinq ; et c'est
ainsi que cela s'est pratiqué depuis dans les
bibles hébraïques , jusqu'à l'édition d'A-
thias, juif d'Amsterdam, qui , dans les deux
belles et correctes éditions qu'il a données
de la bible hébraïque , en iGGl et 1G67, a
coté chaque verset. Valable ajanl fait im-
primer une bible latine, avec les chapitres
ainsi divisés en versets, distingués par des
nombres, son exemple a été suivi dans tou-
tes les éditions postérieures; tous ceux qui
ont fait des concordances, et en général tous
les auteurs qui citent lEcrilure , l'ont citée
depuis ce temps-là par chapitres el par \er-
sels. Mais la division des pages d'un livre,
par les lettres majuscules ue l'alphiibet ,
imaginée par le cardinal Hugues, a élé mise
en usage pour la plupart des autres livres ,
soi! des écrivains ecclésia>tiques , soit des
auteurs profanes; el c'est parce moyen que
l'on est parvenu à en faire des tables très-
commodes , qui sont aussi des espèces de
concordances. — La concordance hébraïque
du rabbin Nathan a été beaucoup perlec-
tioniiée par Marius de Calasio , religieux
franciscain , dont l'ouvrage lut imprimé à
Home en 1021 , et ensuite à Londres, l'an
17'i7, en k vol. in-folio. C'est un livre très-
utile à ceux qui veulent bien entendre l'An-
cien Tcslainenl d;ins l'original ; outre (|ue
c'est la concordance la plus exacte , c'est
aussi le meilleur diitlonnaire (|uo l'un ait
pour cette langue. (Jn peut voir, dans la pré-
face de cet ouvrage, en quoi consistent les
additions et les coi rections (jue Calasio a
faites au travail du rabbin ISath.in.
Au mot IJibLE, à la lin , nous avons re-
marqué que la division du texte grec du
Nouveau Testament en chapitres el en ver-
sels , est beaueoup plus ancienne , puis-
qu'elle date du v siècle , mais elle n'avait
pas élé suivie dans la plupart dos minus-
cril». Les premières éditions grecques du
Nouveau Testament, données par Uobert
Estienne, n'étaient pas distinguées par ver-
sets; mais coinnie il voulut donner une con-
curdancc grecque de ce texte, qui lut en ef-
fet impriuicc par Henri son (ils, il fut obligé
lie le coter par versets, lîrasme Schmid ,
professeur de langue grecque a Wurtemberg,
donna, en lii'M, une cohcordume grecque du
Nouveau Testament, plus exacte que celle
d'Henri hlstiennc. (l'rideaux, l'Iist. des Juifs,
loai. 1 , liv. v„ pag. 208. J
la première concord mi r grecque de la
version des Septante lut faite par Conrad
CON
1028
Kircher, théologien luthérien d'Augsbourg,
imprimée à Francfort en lGG7,en 2 vol. in-li";
mais elle a été effacée p.ir celle qu'a don-
née Abraham Troiiimius, professeur à Gro-
ningue, en 2 vol. in-folio , el qui a été im-
primée à Amsterdam en 1718.
CONCOiiUE ou HAllMONIIÎ DES EVAN-
GILES, ouvra:;e destiné à montrer la con-
formité de la doctrine enseignée , des faits
et des circonstances rapportes par les qua-
tre évangélistes. On voit que ce n'est pas la
même chose qu'une concordance ; celle-ci
est une table alphabétique de tous les passa-
ges de l'Eciiluie sainte, d.nis lesquels tel
mot se trouve : une concorde est la compa-
raison des dogmes , des préceptes , des faits
écrits par diiVérents auteurs , pour < a faire
une histoire suivie, selon l'ordre des événe-
ments.
Comme la narration des actions et des le-
çons de Jésus-Christ a élé écrile p-ir quatre
auteurs dilTérents , il a fallu les rapproclier
et les comparer, afin de montrer que l'un
ne contredit pas l'autre ; (|ue ces quatre his-
toires forment une chainc qui se soutient
très-bien, et réfuter ainsi les incrédules, qui
prétendent y trouver des contradictions. De
même, l'histoire des rois du peuple juif est
contenue non-seulement dans les quatre li-
vres des Uois, mais encore dans les deux li-
vres des Paralipomèncs , et il y a des varié-
tés dans ces deux narrations qui n'ont pas
été écrites par le même auteur; il a donc
fallu les confronter el les concilier.
La première concorde ou harmonie des
Evangiles est attribuée à Tatien , disciple de
saint Justin , qui vivait au ir siècle ; il l'in-
titula JDialessaron, c'cst-à-dire par les qua-
tre, el c'est ce que l'on a nommé dans la
suite ÏEvanyile de Talieii et des encralites.
Cet auteur n'a point été accusé d'avoir al-
téré le texte des Evangiles ; mais son ou-
vrage n'a pas laissé d'être mis au nombre
des évangiles apocryphes, parce que Tatien
pouvait s'être trompe dans la comparaison
des faits et des dogmes. SainlThéuphile d'An-
tioche, qui vivait à peu près dans le inctiie
temps, avait l'ail aussi une concorde des
Ev.ingilcs, au rapport de saint Jérôme, i|ui,
cependant, l'ail plus de cas de celle d'Auimo-
nius d'Alexandrie. Un en attribue encore
une à Eusèbe de Césarée ; mais il ne nous
reste rien de ces anciens ouvrages : nous
avons seulement les trois livres de saint Au-
gustin, de Consensu Evanijelistarum. Dans le
siècle passé el dans le nôtre, plusieurs écri-^
vains ont fait des concordes ou harmonies :
Toinard, Whiston , le docteur .\rnaud , etc.
Celle qui nous a paru la plus commode pour
l'usage est celle de M. Leroux , curé d'An-
deville , au diocèse de Chartres, imprimée
in-S' à l'aris en IGil'J. On trouvera dans la
liiOle d'Àiiynon , loni. \, pag. 22 et 149 , la
concorde de l'histoire des rois , toui. Xlll ,
p. 27 el oGl, celle de- Evangiles.
Les pro estants ont aussi nommé concorde,
on formulaire, d' union, <\c\x\ écrits dilïerenls,
célèbres parmi eux. Le piemier fut l'ouvrage
d'un théologien luthérien, intitulé, l'ormuta
1029
CON
CON
1030
consensun, composé l'an 1576, par ordre
d'Anpusie, élecieur de Saxe ; ci- priiu-c el li'S
ducs (le Wiriciiitierj!; cl de lîiuiiswick vou-
laient \:t f.iiic aiioplcr p If les IhéDlogiens de
leurs Eials, dont phisieurs pcncliaieiit vers
les opinions lie C.ilv in (oiich.int l'eueliarislic.
Mais celle (enl.ilivc, (nioir|U(' appuyée par la
force du bras serulicr, loin tie caltnei- les dis-
putes, les anima davanl;ige ; la prétendue
concorde fut allaquée, non-seulement par
les calvinistes, mais par plusieurs docteurs
lulliériens ; il y eut des eciils violents de
part el d'autre. Le second, qui parut chez 1rs
calvinistes en 1675, sous le même litre, fui
composé par M. Hinri Heidegger, profes-
seur de théologie à Zoricli, dans le dessein
de conserver, parmi les lliéologiens de la
Sui-se, Il doctrine du sjnole de DordrechI,
et il'en bannir les opinions d'Amiraut et de
quel(|ucs auires ministres français. Ce for-
mulaire d'union ne produisit pas de meilleurs
effets que celui qui avait révolté les lullié-
riens ; il fut supprimé, en l()f<0, dans le can-
ton de Bille et da.is la lépuhliqnc de Genève,
sur les instances de Freiléric-tîuillaume ,
élecieur de lirandebourg. Kn 1718, les iiia-
gisirats de Cerne voulurent le l'aire siguer
par tous les ministres, surtout par ceux de
Lausanne ; ils n'y réussirent noinl: le roi
d'Angleterre et les Etats de Hollande em-
ployèrent leur médiation pour le faire sup-
primer.
Enfin, l'on appelle concorde le livre que
Moliiia, jésuite, av.iil intiiuié Concordia li-
beri arbiirii, cinn auxiliis divinœ tjratiœ, ou-
vrage qui a exciié de vives contcslatious
parmi les théologiens. Yoy. Moi.inisme.
CONCOUUS (le Dieu auv actions des créa-
tures. (;'est une vérité de foi (|ui' la grâce,
qui est l'action immédiate de Dieu lui-même,
nous est nécessaire pour toute action suriia-
lurelle et utile au s.ilut, que celte grâce est
non- seulement concomitante ou coopérante,
mais prévenante. Ce dogme a donné lieu de
demander si nous avons besoin d'un [lareil
concours immédiat de Dieu pour les actions
naturelles. Comme cette question est pure-
ment philosophique, nous ne devons pas y
toucher. Nous remurciuerons seulement que
nous ne connaissons aucun passage formel
de l'Ecriture, ni aucune raison theologique
qui puisse nous engager à prendre parti dans
Cette dispute. 11 n'y a aucune comparaison à
faire entre les actions naturelles el les actes
surnaturels.
CONCUBINAGE, commerce habituel entre
un homme el une fôuime, qui demeurent li-
bres de se quitter quand il leur plaît. 11 est
évident que ce désordre est criminel en lui-
uiè.me, el contraire au bien de la soi iélé, par
conséquent défendu, non-seulement par la
loi positive du christianisme, m lis par la loi
naturelle. Ceux qui en sont coupables ne
souhaitent point d'avoir des enfants, ils le
craignent plulôl; ce serait une charge pour
eux quand ils viendraient à se séparer. On
ne préfère cet état à un mariage ligitimc
que pour se dispenser de remplir les devoirs
de père et de mère; et lorsqu'il en provient
des enfants, ils sont ordinairement aban-
donnés.
Dans les écrits des censeurs de l'hisloire
sainte, il e-l souvent p.irlé du cuncuhinnge
des [latriarrhes ; ce terme esl déplace, il ne
faut pas conl'ondre le désordre qu'il exprime
ave(- la polygamie. Nous n'en voyons point
d'exemple chez les patriarches, mais seule-
ment la polygamie: à cet article, nous prou-
verons (jualors elle n'était pas contraire au
droit n^iturel.
Les deux femmes de Lamech sont nom-
mecs »e.« riiouscs {(,'en. iv, 19 el 23). Il est dit
que les enfants de Dieu prirent des e'pouses
parmi les filles des homines, qu'ils avaient
c/(()i.s/c,v; ce dernier terme ne signifie point
qu'ils les avaient prises d'abord pour conru-
bines, comme on affecte de le supposer. Sara,
stérile, donne à son époux Agar, sa servante
ou son esclave, afin qu'il en ait des enfants,
résolue elle-même de les a'Iopler : c'était
une espèce de mariage. En effet, Ism.iël fut
regarde comme enlaul légitime. Il n'est éloi-
gné de la maison palennlle, av(-c sa mère,
que par un ordie exprès de Dieu, et pour
des raisons particulières; ilse réunilà Isaac,
pour donner la sépulture à leur père com-
mun [Gen. XXV, 9). Les enfants que Jacob
eut de ses servantes furent réputés aussi lé-
gitimes que ceux de ses épouses, etc.
Dans l'etal de société purement dimiesti-
que, où les servantes étiiienl esclaves, mais
pouvaient hériter, où la polygamie était à
peu piès inévitable el permise, il ne faut pas
donner aux termes le mène sens que l'on y
attache dans l'état de société civile, où le
droit naturel n'est plus le même. Voy. Droit
NATl'REI,.
CONCUPISCENCE, dans le langage théo-
logique, signifie la convoitise ou le désir im-
modéré des choses sensuelles, effet du péché
originel.
Le P. Malebranche attribue l'origine do la
concupiscence aux impressions faites par les
objets sensibles sur le cerveau de nos pre-
miers parents au moment de leur chtile,
impressions qui se sont transmises et conti-
nuent (le se communiquer à leurs descen-
dants. De même, dit-il, que les animaux pro-
duisent leurs semblables et avec les mêmes
traces dans le cerveau, les mêmes sympa-
thies ou antipathies, ce qui produit la même
conduite dans les mêmes circonstances,
ainsi nos premiers parents, qui n curent par
leur chute une impression profonde des ob-
jets sensibles, la communiquèrent à leurs
enfants. 11 ne serait pas dilficile de montrer
le peu de justesse de celle comparaison; l'on
doit se borner à croire le péché originel et
ses elTets, sans vouloir les expliquer.
Les scolastiques nomment appétit concu-
piscible le désir naturel de posséder un bien,
et irascible le désir d'écarter el de fuir le
mal.
Saint Augustin (L. iv contra Julian., c. 14,
n tiS) dislingue quatre choses dans la con-
cupiscence, la nécessité, l'utilité, la vivacité
el le désordre du sentiment, il soutient avec
raison que ce désordre est un vice, au lieu
lOâi
CON
CON
1032
que les pélagiens en blâmaient seulement
l'excès; mais indépendamment de l'excès, ce
penchant est un mal, puisqu'il faut y résis-
ter et le réprimer. Il reste dans les baptisés
et dans les justes comme une suite et une
peine du péché originel, pour servir d'exer-
cice à la vertu ; c'est ce qui nous rend
l-a grâce nécessaire pour faire le lùen. —
Saint Paul donne souvent à la concupiscence
le nom de péché, parce que c'est un effet du
pcclié originel, et qu'elle nous porte au pé-
ché; ainsi l'explique saint Augustin (L. i
contra duas Epist. Pelag., c. 13, n" 27; Op.
impcrf., 1. II, u°71, etc). Conséquemment,
lorsque le saint docteur soutient que la con-
cupiscence est un péché, l'on doit entendre
un vice, un défaut, une tache, et non une
fa^te imputable et punissable. — En effet,
ce saint docteur a retenu constamment la dé-
finition qu'il avait donnée du péché propre-
ment dit, en réfutant les manichéens. « C'est,
dit-il, la volonté de faire ce que la loi défend,
et ce dont il nous est libre de nous abste-
nir. » Mais il observe que cela ne nous est
pas aussi libre qu'il était à Adam (Retract.,
I. 1, c. 9, 15 et 25). Il ne s'ensuit pas de là
que la tache originelle ne soit un péché pro-
prement dit; mais cette tache ne consiste pas
dans la concupiscence seule. Voy, Originel.
Si Beausobre y avait fait plus d'attention, il
n'aurait pas accusé saint Augustin d'avoir
raisonné sur la concupiscence comme les
manichéens, et d';ivoir soutenu qu'elle est vi-
cieuse et criminelle en elle-même.
♦ CONDAMNATION DES ÉCRITS. L'Eglise a reçu
le pouvoir de coiidamiier les erreurs opposées au saint
Evangile. Elle le fait en formulant des propositions
auxquelles elle attache une qualitication. Toutefois
elle ne s'est pas contentée d'un seul mode de con-
damnation. M y en a trois qui méritent d'être con-
nus.
Dans certaines circonstances elle attache à chaque
propusitidii la note qui lui convient. Airjsi furent
condaninées les cinq fameuses propositions de Jansé-
iiius. — Quelquefois elle condamne l'écrit tout entier
sans foruuiler aucune proposition, parce qu'elle le
regarde tout entier comme ilangereux. Ainsi le con-
cile de Nicée condamna le livre d'Arius intitulé
Thalie. — Souvent elle prend nn moyen terme en-
tre les deux modes de condamnations que nous ve-
nons d'indiquer : elle extrait d'un livre un certain
nombre de propositions. Elle n'applique pas à cha-
cune la note qui lui convient ; mais, réunissant en
un seul endroit toutes les qualifications i|ui leur
conviennent , elle dcc lare par là que chacune des
propositions condamnées mérite au moins l'une des
qualilications indiquées, cl qu'il n'y a aucune quali-
(jc-ition qui ne ronvieiinc au moins à l'une des pro-
positions. Ce mode de cnndjiniiation est très-lacile:
il a été tréqupinmeiil employé dans toute l'Eglise.
Ce fut ainsi que le v= concile général condamna les
écrits d'Origéne, de Nest'irius et d'Euiychés. I^e sy-
nodede Soissnns contre Abjilard, celui de Ueims
contre (jilljert. le concile de Constance cniilrc Jean
llus, n'employèrent pas d'autre mode. Ce lut celui
dnnt se serviront les souverains pontifes contre Lu-
ther, IJaîus, Molinos, Quesuel, Fénelon, etc. C'est
ce qu'on appelle condamner les propositions in
g'obo.
Tout homme (pii comprend de quel poids est la
pratique de l'Eglise universelle sur l'esprit d'un bon
catholique, avouera facilement qu'il n'est pas de mode
de condamnation plus légitime Le condamner, iiese-
rait-ce pas restreindre les paroles de Jésus-Christ,
qui ordonne à l'Eglise de frapper l'erreur? — Si l'on
nous dit que cette condamnation n'instruit pas assez
le fidèle, nous répondrons avec le clergé de France,
dans une de ses adresses à Louis XV : i La censure gé-
nérale (i« ijlobo) n'est ni vague, ni ambiguë, ni équi-
voque... Ce jugement esi clair jusqu'à un certain point ;
il apprend clairement, il assure les fidèles que les pro-
posliions condamnais sont dangereuses dans la foi,
qu'elles renferment quelque venin, qu'elles s'écartent
en quelque chose de la vérité catholique... Ceite lu-
mièreest suffisante pour le chrétien qui est docile. »
Celte question se trouve iraiiée plus longuement aux
mots Censuke des livres et Qualifications.
CONDIGNITÉ. Les théologiens scolasli-
ques appellent mérite de condignité, merilum
de condigno, celui auquel Dieu, en vertu de
sa promesse, doit une récompense à titre de
justice; et mérite de congruité, meritum de
congrue, celui auquel Dieu n'a rien promis,
mais auquel il accorde toujours quelque
chose par miséricorde.
Le premier exige des conditions de la part
de Dieu, de la part de l'homme et de la part
de l'acte méritoire. De la part de Dieu, il faut
une promesse formelle, parce que Dieu ne
peut nous rien devoir par justice, sinon eu
vertu d'une promesse. De la part de l'homme ,
il faut, 1° qu'il soit en état de justice ou de
grâce sanctiûante ; 2° qu'il soit encore vivant
et sur la terre. L'acte méritoire doit être li-
bre, moralement bon, surnaturel dans son
principe, c'est-à-dire fait par le mouvement
de la grâce, et rapporté à Dieu. — De ce?
principes, les théologiens concluent qu'un
juste peut mériter, de condigno, l'augmenta-
tion de la grâce et la vie éternelle; mais que
l'homme ne peut mériter de même la pre-
mière grâce sanctifiante, ni le don de la per-
sévérance finale: il peut cependant obtenir
l'une et l'autre par miséricorde, et il doit l'es-
pérer. Voy. MÉRITE.
CONDITIONNEL. Les théologiens, aussi
bien que les philosophes, se sont trouvés
dans la nécessité de distinguer les futurs
conditionnels d'avec les futurs absolus. Da-
vid demande au Seigneur (7 Reg. xxiii, 11) :
Si je demeure dans la ville de Ceîla, Saiil
viendra-t-il pour me prendre, et les habitants
tne livreront-ils entre ses mains? Le Seigneur
répond: Saiil viendra, et les habitants vous
livreront. David se retira, Saiil ne vint point,
et David ne fut point livré. Jésus-Christ dit
aux Juifs dans l'Evangile, (Matth. xi, 21):
Si j'avais fuit à Tyr et à Sidon les miracles
que j'ai faits parmi vous, ces villes auraient
fait pénitence sous la cendre et le cilice. Ces
miracles ne furent point faits à Tyr, et les
Tyricns ne firent point pénitence. A l'égard
de ces sortes de futurs conditionnels, qui
n'arriveront jamais, les théologiens deman-
dent si Dieu les connaît par la science de
simple intelligence, comme il connaît les
choses simplement possibles, ou s'il lesconr
nait par la science de vision, comme les fu-
turs absolus.
Les uns tiennent pour la science de simple
intelligence, les autres prctciidoiil iju'il faut
admettre, pour ces sortes de futurs, une
science moyenne entre la science de simple
10S5
CON
CON
1034
intelligence e( la science de vision. Cette dis-
pute a fait beaucoup île bruil, parce qu'elle
tient à la malière de !a grâce; ce n'est point
à nous de la terminer. Yoy. Science de
Dieu.
Conditionnels (décrets). Les calvinistes
rigiiJi's ou gomnristes prétendent que tous
les décrois de Dieu, relatifs au salui ou à la
daninalion (l<>s hnmmrs, sont absolus; les
arminiens souiicniienl (|ue ces décrets sont
seuleiiienl condiiiouncls ; (lue quand Dieu
vpul réprouver tel honnne, c'est qu'il prévoit
que cet homme résistera au\ moyens de sa-
lut qui lui seront accordés. Parmi les théolo-
giens caihullqurs, plusieurs admcllcnt un
décret absolu de prédeslinatinn ; mais ils
n'admettent aucun décret absolu de répro-
bation.— Les pélagiens et les semi-péla^iens
' prétendaient que le décret ou la volonté de
Dieu d'accorder la giàceauv hommes, est
toujours sous condition que l'homme se dis-
posera de lui-même, et par ses forces n;itu-
relles, à mériter la grâce. Celte erreur a été
justement condamnée; elle suppose que la
grâce n'est pas gralnile, qu'elle peut étie la
récompense d'un mérite purement n.ilurel :
supposition contraire à la doctrine l'ormelle
de l'Ecriture sainte, qui nous enseigne que
de nous-mêmes nous ne sommes pas seule-
ment capables de former une bonne pensée,
mais ()ue toute noire sulfisance ou noire ca-
pacité lient (le Dieu (// Cor. m, o). — Mais
il y a des décrets condiiionnds d'une amre
espèce et fon différenls. Uuand on dit : Dieu
veut sauver les hommes s'ils le veulent, cette
proposition peut avoir un sens catholique et
un sens héréti(|ue. Dieu veut les sauver s'i7«
le leulenl, c'est-à-dire si, par leurs désirs et
par leurs elîorls naturels, ils préviennent la
grâce et la méritent : voilà le sens pélagien
et héiélique. Dieu veut les sauver s'ils le
veulent, c'est-à-dire s'ils correspondent à la
grâce qui les prévient, qui excite leurs dé-
sirs et leurs elTorts, mais qui leur laisse la
liberté de résister: voila le sens catholique.
Souvent on les a confondus malicieusement,
pour avoir lieu d"aicu-er de pélagianlsme
des théologiens orthodoxes. Vuy. \'olonté
DE D KU.
CONDOUMANTS, nom de secte ; il y en a
eu deux ainsi nommées. Les premiers infec-
tèrent l'Alleiiiiigne au x i.' siècle; ils eurent
pour chef un homme de Tolède. Ils s'assem-
blaient dans un lieu près de Cologne ; là ils
adoraient, dil-on, une image de Liieifer, et
■y receviiient ses oracles; mais ce f.iil n'est
pas sulfisamment prouvé. La legcnilc ajoute
qu'un ecclésiastique y ayant porté l'eucha-
ristie, l'idoe se lirisa en nulle pières; cela
ressemble beaucoup à une fable populaire.
Us couchaient dans une même chambre,
sans distinction de sexe, sous préiexle de
charité. — Les aulres, qui parurent ,ni xvr
siècle, étaient une branche des anabaptistes ;
ils tombaient dans la même indécence que
les précéJenls, et sous le même prétexte. Ce
n'est pas la première fois que cette turpitude
a paru dans le monde. Voy. .\i)amites.
CONFESSEUR, chrétien qui a professé [)u-
DicT. DE Theol. dogmatique, L
bliquement la foi de Jésus-Christ ; qui a souf-
fert pour elle, et qui éUiit disposé à mourir
pour cette cause; il est distin;,Mié d'un mar-
tyr, en ce que celui-ci a souffert la mort
pour rendre témoignage de sa foi. Dans VHia-
toire ecclésiastique, ces deu\ noms sont sou-
vent confondus; mais plus ordinairement
l'on nomme confesseurs ceux qui, après avoir
été tourmenlés par les tjrans, ont survécu
et sont morts en paix, et ceux qui, sans
avoir soulTerl des tourments, ont vécu sain-
tement et sont morts en odeur de sainteté.
On n'appelait point confesseur , dit saint
Cyprieii, celui i|ui se présentait lui-même au
ni.irlyre sans êirecilé, on le nommait pro-
fesseur; mais ce zèle n'était pas approuvé
par l'Eglise. « Nous n'approuvons pas, di-
saient au II' siècle les fidèles de Smyrne,
ceux qui s'offrent d'eux-mêmes au martyre,
parce que TEvaii'jile ne l'enseigne point
ainsi. :> (Episl. Ecclesiœ Smyrnen., w" 4). En
effet, Jésus-Christ dit à ses apôtres: Lorsque
vous serez persécutés dans une cille, fuyez ilans
une autre (Matth. x, "l'-ij. — Saint Clément
d'Alexandrie dit que celui qui va de lui-
même se piésenieraux juges, imite la témé-
rité de ceux qui provoquent un animal fé-
roce, et se rend aussi con|iable du criire de
celui qui le condamne à !a mort {Slroin.,
I. IV, c. 10, p. 597 et 598). Un concile de To-
lède défendild'.cccorder les honneurs du mar-
tyre à reux qui s'y étaient allés présenter
eux-mêmes. 11 n'est donc pas vrai que les
l'èies aient soulflé aux chrétiens le lana-
tisiiie du martyre, cooime les incrédules ont
osé le leur reprocher. — Si queli|u'uii, par
la crainte de maiiquer de courage et de re-
noncer à la foi, abandonnait son bien, son
pays, eic, et s'exilait lui même volontaire-
nienl, on l'appelait exlorris, exilé.
CoNFESSELii est aussi un prêtre séculier ou
régulier, qui a le pouvoir irentendre la con-
fession (les pécheurs et de les absoudre dans
le sacrement de pénitence. Ou l'appelle en
latin confessarius. pour le distinguer de con-
fessor, nom consacré ans saints.
On comprend assez combien la fonction de
confesseur est délic-ile, péiilleuse, redouta-
ble, à l'égard de tous les fidèles sans excep-
tion; combien elle evige de lumières cl de
\erlus: on doit reconnaîire la sagesse des
précautions que prennent les évêques, pour
n'y admettre persoiiiiequ'après un rigoureux
cxamoi .
CONCESSION AURICULAIRE et SACRA-
ME.M'ELLE : c'est une declaraiion qu'un
pécheur fait de ses fautes à uu piètre, pour
eu recevoir l'absolution (1).
(I) Voici les cillons du concile de Tronie sur cette
ini|iurluii e inalière : ( Si ipieliiu'iin nie <|iie In ciin-
iéssioii sa' rmnentel e, ou ail éié iiisiiuice, nu suit
ii(}cessairc uu snliil, de druil dit'iii, uu dil (pie la
niiuiiéie lie se coiilésser secréleiiicul au |irèiie seul,
(| e rii^llse calli.iliipie nbseï ve cl a Imijoiirs oliser-
vée dès le coiiiiiieiiceiiieiil, n'est pns coiiloniK; à l'ins-
liunloii el au précepte de Jésus-Clirisl, mjis que
c'c-'l une iiivenlioii Inuiiaiiie; qu'il sdil analliéiue. »
(.(!/(. 6. — f Si quelqu'un dit que dans le sacreaieul
de péiii;ciic.-, il n'est pas uêC'.siiaiio, de droil divin,
âs
1055
CON
CON
103C
Les proteslanls ont fait les plus grands ef-
forts pour prouver que cMle pratique n'est
fondée ni sur l'Ecriture sainte, ni sur la tra-
dition des premiers siècles. Daillé a fnil un
gr-os livre sur ce sujet; il a été réfuté par
plusieurs de noscondoversistPS, en parlicu-
llpr par D. Denis de Sainte-Marthe, dans un
Traité de la confesnon, contre les erreurs des
cùlvinistes, imprimé à Paris en 1083, m-12.
Cet auteur a rapporté les passages de l'Ecri-
ture sainte et ceux des Pères de tous les siè-
cles, à commencer depuis les apôtres jus-
qu'à nous: il a fait voir qu'il n'y a aucun
point de foi ou de discipline sur lequel la tra-
dition soit plus const.inie et mieux établie.
Dans l'Evangile [Mallh. xvni, 18), Jésus-
Clirist a dit à ses apôiies : Tout ce que vous
lierez ou délierez sur la terre sera lié ou dé-
lié dans le ciel (Jonn. xx, ii ). Recevez le
Saint- Efpril; hs péchés seront remis à ceux
auxquels vous les remeltrez, et ils seront re-
tenus à ceux auxquels vous les rttiendrcz. Les
apôtres ne pouvaient faire un usage légi-
time etsage de ce pouvoir, à moins qu'ils ne
connussent quels étaient les péchés qu'ils
devaient remettre ou retenir, et le moyen le
plus naturel de les connaître était la confes-
sion. — En effet, nous lisons dans les Actes
des ap. (xix, 18j , qu'une mnliitude de fidè-
les venaii-nl trouver saint Paul , et confes-
saient et accusaient leurs péchés. Si nous
confrssons nos péchés, dit saint Jean, Dieu
pisle et fidèle dans ses promesses nous les re-
mettra (I Joan, I, {)). Lorsque saint Jac(]ues
dit aux fidèles (v, llî) : Confessez vos péchés
les uns aux nutres. nous ne pensons pas (ju'il
les ail exhortés à s'ficcuser publiqm-ment et
à toutes sortes de personnes imlifférentes.
Nous verrons ci-après de quelle minière les
protestants entendent ces passages. — Au
I" siècle, saint ISarnabé dil, dans sa icllre ,
n° 19 : Fous confesserez vos péchés. Et saint
Clément [Epist. 2, n°8) : « Convertissons-
nous... Car, lorsque nous serons sortis de ce
monde, nous ne pourrons |)lus nous confes-
ser ni faire pcuitence. » — Au w siècle, saint
pour la rémission de ses péchés, de confesser tons et
un cliaciin des pécliés inoriels dont un peni se si>u-
Vfiiir après y avoir bien et soignensenient pcn-é,
niênie les pécliés secrets qui sont contre le^ deux
derniers précepies du ilécalosiie et les circnnst.mces
qui cliangeni IVsiiècedii péclié, ni.iis <^n'<ine tulle
confession est senleuienl ulilc ponr l'inslinclion et
pniir la ciinsol;iliiMi du pénitenl , et qn'aulrclitis elle
n'clail en iisaj^c i|n(! pour inipo-er une i>aiisraciii)n
canonique: on si ipicliin'nn avame (pie ceux qui s';il-
(;Hiiiiil à confesser tons leurs péchés senililenl ne
vonloif rien laisser à li miséricorde de l)ieii à par-
donner ; ou ciiliii (|.i'il n'est pas permis de cnnles-
ser les pecliés véniels ; ipi'il soit anallième. i Cim,
7. — « Si (|mli|n'nn dit que la confession de tons
ses pécliés, telle que l'oliserve l'Enlisé, est i.npossi-
ble ei n'est qu'une Iradiiion liuinaine que les gens
Ue liien doivent tùclier d'aliolir, ou bien <|ne Iouô et
cliacnn des liilèieg cliréliens de l'nii et de l'autre
sese n'y sont pas oliligés une fois l'an, coiifor uic-
ment à la constitution du grand concile de Latr.m ,
ut que pour cela il faut dissuader les fidèles de se
co Cesser diiis le temps du carèuic i qu'il suit una-
lliéini'. > Caii. a.
Irénée {Adv. Hœr., 1. i. c. 9), parlant des
femmes qui avaient été séduites par l'héré-
tique Marc, dit qu'étant converties et reve-
nues à l'Eglise , elles confessèrent qu'elles
s'étaient laissé corrompre pir cet impos-
teur. Li v. m , c. k, il dit que Cerdon , reve-
nant souvent à l'Eglise et faisatit sa confes-
sion, continua de Vivre dans une alternative
de confessions et de rechutes dans ses er-
reurs. — TertuUien ( L. de Pœnit.^ c. 8 et
suiv. ) parle de la confession comme d'une
partie essentielle de la pénitence ; il blàrne
ceux qui , par honte , cnchent leurs péchés
aux hommes , comme s'ils pouvaient aussi
les cacher à Dieu. — Origène (Homil. 2, in
Levit., n" kj dit qu'un moyen pour le pé-
cheur qui veut rentrer en grâce avec Dieu ,
est de déclarer son péché au prêtre du Sei-
gneur, et d'en chercher le remède. Il répète
la même chose, //om. 2, in Ps. xxxvii, 19. —
Au ni' siècle, l'Iiglise condamna les monla-
nistes, et ensuite les novatiens, qui lui refu-
saient le pouvoir d'absoudre des grands cri-
mes ; comment pouvait-on les distinguer
d'avec les fautes légères, sinon par la confes-
sion? Su'inl Cyprien (De Lapsis , p. liiO et
191) fait mention de ceux qui cunfessaient
aux prêtres la simple ])ensce qu'ils avaient
eue de retomber dans l'idolâtrie; il exhorte
les fidèles à faire de même, pendant que la
rémission accordée par les prêtres est agieée
de Dieu. — Lactance {Divin. Jnstil., 1. iv,
c. 17), dit que la confession des péchés, sui-
vie de la satisfaction, est la circoncision du
cœur que Dieu nous a commandée par les
prophètes. Chap. 30, il dil (|ue la véritable
Eglise est celle qui guérit les maladies de
l'âme par la confession et la pénitence.
Nous nous abstenons de ciler les Pères du
iv siècle et des suivants ; on peut voir leurs
passages, non seulement dans D. de Sainte-
Marthe, mais dans le P. Drouin (De lie
sacramentaria, tom.Vll), L'essentiel est de
prouver la fausseié de ce qui a été soutenu
par les piolestants, savoir , qu'il n'y a au-
cun vestige de con/'es.«ion sacramentelle dans
les trois premiers siècles do l'E^jlise (1).
Ils prétendent que, dans les textes de l'E-
crilure et des Pères que nous alléguons, il
n'est point question de confes^iion auriculaire
ni d'absolution, mais d'un aveu (|iie les !i-
dèles se faisaient l'un à l'autre par humilité,
pour obtenir le secours de leurs prières mu-
tuelles ; que, quand les anciens seser\ei>t du
terme èïauoUyoïTi;, confession, ils entendent
la confession publique, qui faisait iiartie de
la pénitence canonique. — 1" Cela est faux:
dès le II" siècle^ Ongène parle d'une con-
fession faite au prêtre, et non au cmn-
innn des fidèles. Au iii', saint (Cyprien s'ex-
plique de même des pèches secrets con-
fiés aux I relies, et de la rémission accordée
parles [irêtres : donc il l'enlcnil de la con-
fession sacramentelle cl de l'absoliilion. — i"
Supposons, pour un moment, qu'il est (|ues-
tiou d'une confession publique; les Pères la
(I) Nous allons citer quelques-uns des texies des
l'éies de <.c siècle.
Saint Atbaitase ( .Sur le Livilique ) : < Ëxauiinoiif
1037
CON
CON
1038
|upent nécessaire; pouvait-elle l'être, si Jé-
suï.-Clirist et les apôires ne l'avaient pas
coiiiiiiaiiilée? lespasleurs de l'Etçlisc auraient-
ils prescrit, de leur propre autorité, une pra-
dans notre conscience si nos liens sonl dissous ; que
s'il ne rétaienl |i:is encore, livrcz-vons aux disciples de
Jé^us qui sunt à vos côlés ot prèls à vous iléliei' en
vertu <le l:i puissance qu'ris ont reçue du Sauvi'ur :
Tout ce que vous iléliiTcz sur l;i terre sera délié dans
le ciel, etc. » — Saint Basile ( Qnœst. 2'2il ) : « On
doit garder pour la confession des péeliés la même
me'iiire que l'on suit pour les maladies du corps.
Ainsi, comme nous ne découvrons pas les maladies
de noire corps à loulle monde, ni aux premiers ve-
nus, mais um(|uemi'nt à ceux qui savent les guérir, de
même la conlcssion des pccliés ne peut se l.iire i|u'ù
ceux qui peuvent Ws guérir... Il faut nécessairement
{ liègt. 288) découvrir ses péchés à ceux qui ont reçu
la (lispensailnn des mystères de Dieu, i — Saint
Pacien ( Exhortnlion à ta Pénilencs ) : i Que faites-
v<ms, vous qui trompez le" préire, vous qui l'égarez
par l'ignorance dans laquelle vous le laissej, ou le
jetez dans l'embarras de juger, en ne lui dunnant pas
une pleine connaissance de vous-mèmi'S ?.... Je V(ms
conjure donc, mes fjères, par ce Dieu à (|ui rien
n'édiappe, cess- z de me cicher voire conscience ul-
cérée, je vous le (lemande à cause du danger où vous
m'exposez. Les malades (\m ont de la prudence ne
roMgissenI pas de se monuer au mé.l(!ein, lors même
qu'il doit porter le (er ou le feu aux pailies les
plus cachées.! — Saint Gréjjoire de Nyssc ( Lettre à
Cévique de Mitijtène) : < Ainsi ipic dans lel:ailemeut
des maladies cnrpinelles, la médecine n'a qu'un but,
la giiérison de celui qui soiilTie ; mais une grande
vaiiéié dans l'upplicaiiou des remèdes (car, suivant
la variété des maladies, les remèdes et le ré;;ime
doivent être propres et cnnvenaliles à cliacuii) ; de
même, dans les maladies de l'âme, les affections
étant irès-variées, la jnérison doit l'êire aussi, puis-
qu'il faut appliquer les remèdes suivant les alfee-
lions. > Va bhcours sur la j'cinm • pécheresse : i Pre-
nez un préire eumuie un péie ; laites eu le cinlident
de vos peines, l'associé de voire allletion. Jlootrez-
lui liardiment ce qui esl re< élé dans vinre àme. Dé-
couvrez-lui les secrels de vutre conscience, comme
les blessures cacliées se découvrent au mé Iccin. Lui,
à son tour, prendra le soin de votre honneur ei de
voire santé. » — Saint Amhrnise (Sur la l'éintence,
I. Il, c. 8), exhorlani les pécheurs à ne pas dillérer
leur conversion ius>|ii'à la mort : c INous devons nous
abstenir dès à pié^enl de tous les vices, parce que
nous ignurons si nous pourrons alors nous confesser
à Dieu et au prèire. » Uéfuianl, c. 2, les prétextes
de ceux qui refusent de s'a|iprociicr du sacré iribunal
de la péniieiice : « îSuls ne font nue plus grande inju-
re au ciel (lue ceux qui \euleni abroger ses oïdim-
■■anees, et annuier la commission qu'il u donnée. Car
Nolre-Seij^neur ayant dii : A quiconque nous remettrez
les péchés, ils leur seront remis; àijuicoHque vous tes
retiendrez, ils leur seront retenus : lequel des deux
l'honoie davaniage, celui qui obéit à son ordre ou
celui qui lui résiste? Mais l'Eglise se inonlre obeis-
saiile, soit qu'elle lie, soit iju'elle relâche les pé-
chés. > — Saint Jean Chrysiistome {Homélie 2 ^ur la
Genèse): « Si le pécheur veiii se liiier de laiie la
coiilessiim de ses crimes, s'il vont découvrir l'ul ère
à uo médecin qui le traite sans se permettre de re-
proches, s'il veut en accepier les remèdes, ne par-
ler qu'à lui seul, à l'insu de tout au<re, mas Ini
avouer exactement tous ses péchés, il parviendra la-
eilemeiil à les guérir, car la confession des péi lies
Commis en est l'abuliiion. » — Saint Jérôme (Sur le
chapitre dixième de l'Ecclésiiisl.) : « Si le serpent in-
fei'iial avait purlé à quelqu'un une morsure cacliée ;
si, à l'écart et sans témoin, il lui avait insinue le venin
tiqueaussi huinilianle, et les lidèles auraient-
ils voulu s'y soumelire? Donc touie l'aoli-
quité a cru qu'en verlu des paroles de Jé-
sus-Christ et des apiUrcs il fallail, pour la
pénitence , une cinfession faile ans prê-
tres , soit en public , soit en p iriiculier
De quel droit les proieslants n'en veulent-
ils admettre aucune? Que l'Eglise, après
avilir reconnu les inconvénients de la co«-
fession publique , n'ait plus exige qu'une
confession secrète et auriculaire, c'a été un
trait de sagesse ; la comiuile des prolestunts
qui rejettent toute confession, et tordent à
leur gré le sens de l'iicriture sainte, est une
folle témérité.
Les apôtres et leurs disciples ont dit : Con-
fessez vos péchés ; (]iiinze cents ans après, les
réformalcurs leur ont dit : N'en fuites rien,
du péché, et que le malheureux infeclé .s'(d)stinât À
n'en piiini parler, à ne point faire pénitence, à ne
pas découvrir s.i blessure à son frère et à son maî-
Ire ; le niaîire, qui possède les paroles de 1» guéri-
son, ne lui sera pas plus de ressomce que le méde-
cin au maladie qui rougit des'-jiivrir àlui.t/irce
qu'elle ignore, hi nié leciiie ne le guérit iia?.. Quoi
eiiim iqnoral, meli.ina nm curât, i — Saint Angiis-
lin ( llumélie sur le Ps. OU ) : « Soyez dniic triste
avant la conlession, mais réjonisse/.-vons après ; car
vous serez guéri. Le venin s'était amassé dans votre
coiiscienci: ; l'aposluine s'éiaii gonllé, vnus mettait à
la to-lure, et ne vous laissait aiieun repus. Le méde-
cin vient y apposer le baume des p;>roles, nu qiicl-
quelois y porter nu feu salutaire ; il oiivie, il ani-
puie ; reconnaissez sa maiu bienlaisanie. Lcnf. s-ei-
voiis, et que par votre confession sorte et découle
tout ce qui s'y était accumulé de pourriture. Alors
soyez ioyciix et content; le reste sera d'une gnéri-
s m facile. » Parlant du péheur en général : < Qu'il
aille se présenter au pontife, car à lut est coiilié l'ad-
ministiadoii des clefs ; qu'il eu reçoive le imide
convenable de salisluclion , qu'il lasse ce qu'il faut
pour recouvrer le salut et servir d'exemple aux .i i-
tres ;. (|ue si son péché lui a causé un i;ra:id doiiinia-
ge et beaucoup de scandale aïK aiilres, si le p n ife
estime expé lient pour l'édilication de l'Iiglise ipie ce
péi lié devienne coiiiiii, mm-seiilenieiit de plusieurs,
mais encore de tout le peuple, qu'il ne s'y refuse
point, qu'il ne lésisle pas, et que par honte il n'aille
point ajouter une tumeur luneïle à une plaie déjà
nioiielle. i Sermon ô'J2: i Faites pénitence comme
elle se fait dans l'Kgiise, aliii que t Eglise pi le pour
vous, ^ue personne ne se dise : Je la fuis iiiténcu-
rcnienl et devant Dieu ; i|u'il me pardo iiie, il sait
que je la lais dans mon cueui... Lb quoi ! C'est donc
en vain que les clefs en ont éié données à l'K^lise!...
Ce serait frustrer rKvanjiile ; ce serait frustrer les
paroles de Jésus-Clirisi. » Saint Lé m {Lettre 15G, c.
2) : < Tandis qu'il sulïii d'inilii|uer aux seuis prélies,
et par une confession secié e, tes délits des cons-
ciences. Car, quelque louable que paraisse celle
plénitude de lui qui, eu vue de Dieu, ne craint pas
de rougir devant les h 'inmes, cependant cumnie
tous les péchés ne Sont poiiil de nature à ce que les
péiiiteiils ne puissent avoir aucune frayeur de les
manife^ier, (|u'ou renonce à celle hlàm >bîe praiiqu",
de crainte que plusieurs ne s'éloignent des remèdes de
la péniienci', détournés soit par la lionie, stdi par la
peur de publier de.aiit leurs time.i.is des actions qui
pourraient eue Irappées par les lois civiles. Il suUit
«riiiie co.ifessi •!! faile d'aboid à Dieu, en-i.ile au
prêtre qui intercède pour les péchés -iu pénitent,
l'ar là plusieurs seront aitirés à la péiiiience, lors-
que les conscience > ne seront plus ouvertes devant
le public, t
1059
CON
COIN
1040
la confession est une invenlion que les papes
ont inise en usage pour asservir les pctèles au
clergé ; cl l'on a rcoulé les réforinaleurs plii-
lôl que les apôlres.
Bingham.quiat.inlétufliéranliquilé.après
avoir rapporté les Irenle argumeiils que
Diiilléa faits conUe lu confession auriculaire,
est forcé (le convenir que les anciens tels
quOrigène, sainl Cyprien, saiiil Grégoire de
Nysse , s;iiiil Basile, sainl Anihruise, saint
Paulin, s.iinl Léon , etc., parlent souvent
d'une con/'eision faileaux prêtres seuls ; mais
il en imag'ne différentes raisons, et ne veut
pas convenir que c'a été afin de recevoir des
prêtres l'absolution sacramentelle (Origin.
ecclés., I. xviii, c. 3, §7 et suiv.). Dans ce
cas. nous demandons de quelle manière les
prêtres ont donc exercé le pouvoir que Jé-
sus-Christ leur a donné de remellre les pé-
chés. Si les liilèlcs navaienlpas eu confiance
à ce pouvoir, pourquoi se seraient-ils con-
fessés aux prêtres plutôt qu'aux laïques?
Dans le fond , les trente arguments de
Daillè se réduisent à un seul, qui corisisle à
faire voir que, dans les premiers siècles, l'on
n'a pas parlé di- la confession aussi souvent
et aussi expressément qu'on l'a fait dans les
derniers, ^iais qu'imporie, pourvu que l'on
en ail dit assez pour nous convaincre que
l'on reCDunaissail alors la nécessité d'une
confession quelconque? 11 en résulte toujours
que les prolestanls ont tort de n'en admettre
et de n'en pratiquer aucune. — Si Daillé
avait eu la bonne lui de citer les passages des
Pères que nous venons d'alléguer , il aurait
vu que c'est la réfutation complète de ses
trente arguments.
Ce théologien en impose encore quand il
avance que les Grecs, les jacohiles, les nes-
(oriens, les arminiens, ne croient point la
confession nécessaire; leconlraiie est prouvé
d'une manière incontestable par les livres et
pai la pratique de ces différentes sectes. Vog.
Perpéluilé de la Foi, liun. IV, |)ag 47 et 85;
tom. V, 1. III, c. 5 ; Assèmini, B(bl. orient.,
tom. Il, pré!'., § 5. Ces sectes , séparées do
riîglise romaine depuis douze cents ans,
n'ont certainement pas emprunté d'elle l'u-
sage de la confession. Il faut donc que cet
usage ail été cel i de toute l'IUgiise dans le
temps de leur séparalioa, et non une nou-
velle discipline introduite dans l'Iiglise ro-
maine au XIII» siècle, comme le prétendent
les protestants.
IJingham convient que les iiovaliens furent
traités comme schisuialiques, parce (|u'ils
conles'aieiil à ri'>.;lise le pomoir de remet-
tre les péchés {Ibid., c. 4-, § oj ; m lis il ne
nous apprend pas tic (luelle manière et par
qui l'Eglise exerçait te pouvoir qu'elle s'est
cunstammeni attribué eu vertu des paroles
de .le>us-Chri^t , si elle doimail ou refu^ait
l'absolution des pédiés qu'elle ne connais-
sait pas, et qui n'elaienl pas confessés. Or ,
nous soutenons que, dans tous les temps ,
un des prélimin.iires in lispcusaliles de l'ab-
tolution a toujours été ii\ confession : qne
l'on s'eit confessé aux évequos cl awi pré-
ires, et non à d'antres. — Cela est prouvé
par un fait du iii" siècle, dont les protestants
ont voulu tirer avantage. Socrate (//isf. ec-
clés., I. V, c. 19) rapporte qu'après la persé-
cution de Dèce , par conséquent vers l'an
230, les évêques établirent un prêtre péni-
tencier pour entendre les confessions de ceux
qui étaient tombés après leur bapiéme. 11
dit que cel usage avait subsisté jusqu'à son
temps, excepte chez les novaliens, qui ne
voulaient pas que l'on admît ces tomb s à la
communion ; mais qu'à Constantinople, le
patriarche Nectaire, placé sur ce siège l'an
381, supprima la pénitence, parce que l'on
sut, par la confession d'une femme, qu'elle
avait [)écbéavec un diacre ; qu'ainsi. Nectaire
laissa chaque fidèle dans la liberté de se
présenter à la communion selon sa cons-
cience, et qu'il fut imité par les autres évê-
ques homousiens : c'est le nom que les arieiis
donnaient aux catholiques. Sozomène [llist.
ecclés., liv. vti, c. 16) raconte la mêoie chose,
avec de h-gères variétés dans les circons-
lunees.
De là nous concluons , 1° qu'avant l'an
250, ce n'étaient p.is ordinaireiiient les prê-
tres, mais les évêques, qui enlendaienl les
confessions des fiilèles. L'un 3.i0 , le concile
de Carthage , can. 3 et 4, n'accorda encore
aux prêtres le pouvoir de réconcilier les pé-
nitents que dans l'absence de l'cvèque. 2'Que
l'on jugeait la confession nécessaire avant de
recevoir la communion. 3° Qucl'on n'exigeait
pas une confession publique, autrement l'é-
lablissenaent d'un pénitencier aurait été inu-
tile, k" Que Nectaire ne fit autre chose, en
supprimant le pénitencier , que rétablir la
discipline telle qu'elle élail avant l'au
250.
Les protestants au contraire, soutiennent
que Nectaire abolit toute espèce de confes-
sion, chose qu'il n'aurait pas osé faire , et
(|ui n'aurait pas été usitée par les autres
évêiiU'S, si l'on n'avait cru que la confes-
sion était commandée par Jésus-Christ ou
par les apôlres. Celle prétention esi certai-
nement fausse. En premier lieu, Socrale et
Sozomène ne disent piiinl que Nectaire abo-
lit toute confession ; et quand ils l'auraient
dit, nous ne serions pis obligés de les croire,
dès qu'il y a des preuves positives du con-
traire. Us disent, à la vérité , (jue Nectaire
laissa chaque fidèle dans la liberté de -^e pré-
senter à la communion selon ,sa conscience ;
cela signifie que l'on n'exigea plus, comme
aulrefiiis , de chaque fidèle, une confssidn
quelconque, mais qu'on lui laissa la liberté
de juger s'il en avait besoin ou non. Ils di-
sent que le (haiigeuient de discipline causa
du relâcheuient d.iiis les mœurs , et l'un ne
peut pas douler que la confession publique
n'ait été un frein puissant pour les iiueurs ,
lorsqu'elle était en u>age. En secoiiil lieu ,
lions voyous, par les canons ilu cncile de
Carthage, et par li- lèmoignage des Pères du
\" siècle , que l'on continua d'exiger au
moins la confession secrète ou auriculaire ,
cl qu'elle n'a jamais cessé d'être pratiquée.
Encore une fois, personne n'aurait voulu l'y
1041
C0C1
CON
lOM
ioumettre, si l'on n'avait pas élé persuadé
iliio .lésus-Clirist l'avait coniinaiidée.
Lorsque les nestoiiens se sont séparés de
l'E;;lisfl calholique au v siècle, et les euly-
chiens au vi', ils ont emporté avec eux l'u-
sage de la confession auricuhiire ; il y siib-
sisie encore, quoi(iu'il y ail clé qucliiiicTois
interrompu. Vainement nos advcr-aires ont
voulu contester ce lail, il C'-t prouNé par des
téinoign.iges et par des inonuin(>nts iriécti-
sat)les. De quel Iront peuvent-ils soutenir
((ue c'e^l une invention noiivel!e de la puli-
tiqiie (les papes el de l'aniliilion du cleigé?
Plus d'une fois les prolcslanls se sont re-
pentis d'avoir altoli l'usage île la confession.
Ceux lie Nuremberg envoycrenl une ambas-
sade à CliarU's-(}uint , pour le prier <le. l<i
rétablir riiez eux par un edil (Solo, in-\, disl.
18, (]. 1 , art. 1). Ceux de Slrasbourg auraient
aus^i vomu la renielire en usage (Lettre du
P. Scliffiiiacher, !t' lettre, § 3). Elle a elé con-
servée en Suède, parce que c'est un des ar-
licles dont ou c lail convenu dans la Confes-
sion d'Augshourg (B^ssuei, Hisl. des Varia-
livus, liv. iH, n" W). iMoslieini nous apprend
quelle est encore pr.iliquée dans la Prusse,
el il blâme un ininivlre de Berlin , qui, eu
16it7, s'avisa de prccber contre cet usage
IHist. ecctéf. du %.\n' siècle, secl.2, n' part.,
c. 1, §5j). Quelques incrédules d'Angleterre
ont accusé le clergé ai glican d'en fooliaiter
le rétabli^semenl et d y travailler {Euil pré-
sent de t' Jicjlise romaine, épilre au pape, pag.
30 el 31). Vaines t. niatives : dès que l'on est
paneiiu à persuader aux proteslanis que la
confession sacramenlelle n'est pas une iiisti-
luiion de Jésus - Christ, jamais ils ne con-
sentiront à en reprendre le Joug, et jamais
les premiers fidèles ne s'y seraient assu-
jettis, s'ils avaient élé dans la même opinion.
Par ces mêmes laits, il est prouvé que les
protestants modérés rougissent aujourd'hui
des invectives ijue leurs réformateurs ont
vomies contre la cotifession auriculaire; ce
fui cependant un des priiu'ipauv sujets de
leur schisme, et un des attr;iits par lesquels
ils siduisirent les peuples. Mais les incredu-
dulcs, |icu dclicals sur le choix de leurs ar-
guments, n'ont pas dédaigné de répéter les
plus faux et les plus aisés à réfuter. — Ils
disent, avec Bayle, que la confession est dan-
gereuse pour le coiifi'sseiir el pour la plu-
part des péiiilenls ; que c'est une tentation
lerri!)le pour L- premier d'entendre le récit
de certains desordres, et qu'il y a, surtout
pour les jeunes personnes, beaucoup de dan-
ger à eiiircrdans ce détail. Nous soutenons,
au contraire, que, pour loul homme sensé,
le meilleur préservatif contre les désordres
est de voir à quels excès ils conduisent. Dans
un siècle où la corruption des mœurs osl à
son comble, y a-l-il rien de plus moitiOant
et de plus douloureux pour un homme tiui
croit en Dieu, que de voir jusqu'à quel point
l'oubli de la morale chrétienne, le mépris de
toutes les lois , la dépravation de lous les
principes régnent dans le monde? Si c'était
un attrait pour des cœurs gàlès , les i ccié-
siastiques les olus vicieux seraient aussi les
• pins empressés a exercer la fonction de eon-
fesseur : en esl-il ainsi? A moins qu'une
personne n'ait perdu toute honte et toute
crainte de Dieu, il est impossible que le ré-
cil de ses désordres ne serve à l'humilier et
à lui cau-er du repentir ; celles qui veulent
y persévér. r ne se confessent plus. — Pour
rendre la doctrine catholi(iiie odieuse, ils af-
lectenl de supposer que nous attribuons à la
confession tooie nue le pouvoir di- rcmellro
les péchés : c'est une fausse imputation. Sui-
vant la croyance callioli()ue, la cotifession n'a
de vertu que comme partie du sacrement de
pénitence, cl qu'autant qu'elle est jointe û
la conirition ou au repentir d'avoir peclié ,
à la résolution do n'y pins retomber et de
satisfaire à Dieu et au prochain. — D'un
côté, les proteslanls exagèrent la difficulté
de la confession, elle leur parait une prati-
que capable de bourreler la conscience; de
l'aulre, les incrédules tournent en ridicule la
facilité avec laquelle les plusgramis pécheurs
sont absous dès qu'ils se conlesseiit : conira-
diction palpable. — Puisque la confession
est humiliante et diffieile , un pécheur ne
peut guère s'y résoudre à moins qu il ne soit
déjà repentant et résolu de se léconcilier
avec Dieu; mais cette difficulté est bien
adoucie par l'espérance d'être absous et pu-
rifié; donc c'est un abus d'envisager la con-
fes-ionsvu\e comme séparée des dispositions
essentielli s dont elle doit être accompagnée,
et de l'absolution dont elle est suivie.
Nos adver>aiies soutiennent que ceux qui
se confessent n'ont pas les mœurs plus pu-
res (|ue les autres ; qu'il y a moins de vices
chez les protestants depuis qu'ils ont aboli
la confes-'ion. Double fausseté. Tous ceux
qui se livienl au désordre commenceni par
abandonner la confession, et ils y reviennent
lorsqu'ils veul ni se convertir. Le motit qui
a engagé plus d'une fois les proteslanls à dé-
sirerlcrétablis-emenl de la confession parmi
eux, est le dérèglement des mœurs dont l'a-
boliiion de celle prali(ine a élé suivie. Plu-
sieurs de leurs écrivains sont cuiivinus de
ce fait essentiel, el ont avoué que leur pré-
tendue réforme aurait grand besoin d èlre
reformée. — On objecte que plusieurs scé-
lérats se sont confessés avant de commettre
desforlaits, que d'autres se confessent afin
de pallier leursdésordres sous uneapparencc
de piclé et de conserver leur réputation.
Outre l'iiicerliiud' de lous ces faits , qui ne
sont r.en moins que prouvés, nous répon-
dons qu'il en résulte seulement que les scé-
lérats peuvent abuser de tout, et que, dans
aucun genre, l'exemple des monstres ne peut
servir de règle. A-l-oii com|)aréle nombre de
ceux qui ont abusé de la confession, avec l.i
muUilude de ceux qui y ont renoncé afin de
pécher plus liliremenl? Ceux qui se sont
confessés avant de commettre une mauvaise
action nela regardaient pas comme un crime,
donc ils n'en uni pas fait confidence à leur
confesseur.
Le quatrième concile de Latran, tenu l'an
1215, sous Innocent III, eau. 21, ordonne à
tous les fidèles de 1 un el de l'autre sexe, par
1043
CON
CON
1044
venus à l'âge de discrétion, de confesser tous
lenrs péchas, au moins une fois l'an, à leur
propre prêtre.... Que si quelqu'un, pour une
juste cnusp, veut confesser ses péchés à un
pr(^tr.e étranger, il en demindera et en ob-
tiendra la permission de son propre prêtre,
parre qu'autremcn' cet étranger ne pourrait
le lier ni le délier. C'est de ce canon que les
protesliinls ont pris occasion de soutenir que
la confpssion sacramentelle est une invention
do pape Innocent III, et qu'elle ne remonte
pas plus h lut que le xui' siècle ; le contraire
est s;ilfi>nmmenl prouvé. — Mais on a disputé,
même parmi les catholiques, pour savoir ce
que le concile de Lalran a entendu par pro-
pre prêtre et préire étranger. Plus d'une fois
les reliirieîix ont voulu soutenir que le pro-
pre prêtre est non-seulement le curé, mais
(ont confesseur approuvé ; ils ont obtenu
plusieurs bulles dos [lapes qui le déclaraient
ainsi. En 1321, Jean XXII condamna Jean
de Poilly, docteur de Paris, qui avait soutenu
le contr, lire, à se rétracter piib!iquen)ent
(Flenry. Hist ecclês., liv. xcii, § 54). — Ce-
pendant, l'an 1280, un synode de Cologne,
et l'an 1281, un concile de Paris, com[iosé
de vingt-quatre évéques et d'un 2:rand nom-
bre de docteurs, av. lient déjà décidé la con-
tessition en fiiveur des curés. Aussi, en 14-31
et 145t). la faculté de théologie de Paris, en
H78. le pape Sixte IV, coiilirmcrcnt celte
décision , et elle a tnujonrs été suivie dans
le clergé de France. C'est évidemment le
sens (lu concile de. Latran, puisqu'il exige
que celui qui voudra se confesser à un prê-
tre étranger, en obtienne la permission de
son propre prêtre. Certainement, tout jjrêlre
approuvé ne peut pa-s donner cette permis-
sion, et soQs le nom de prêtre étranger, le
concile n'a pas entendu un prêlr(! non ap-
prouvé ; aui-une permission ne pourrait sup-
pléer an défaut d'approbation. Mais cela
n'ôte point aux évéques le droit d'accorder
à (oui prê(re approuvé pour leur diocèse,
le pcuvoir d'enlendre les confessions pas-
cales, sans qu'il soil besoin d'une permission
expresse des curés.
Ce même concile de Latran a déclaré que
le secret de la runfession est inviolable dans
tous les cas, et sans aucune exception. Il
l'est en effet de droit naturel, puisque le bien
de i;i société chrétienne l'exige ainsi ; sans
celle sûreté, quel est le pécheur coupaiile de
grands criov s, qui voudrait les accuser u
un confesseur ? Ouoique l'on ne connaisse
aucune loi divine po-Hive qui ordonne ce
secret inviolable, oti ne peut pas croire que
Jésus-(;hrir.t ait impose aux peiheurs le
joug de la confession, avec le danger de se
diffamer eux-mêmes ; il n'a pas même exigé
l'aveu formel de ceux auxquels il ;iccordail
le pardon, p.irc* qu'il connuissail leur iiilé-
'rieiir. Qu;iiil à la loi ecclésiastique, qui
prescrit aux confesseurs un silence absolu,
elle est très-ancienne, puisiju'au iV siè-
cle ou supprima les i>énit<'ncicrs , parce
qu'un crimi ;iccusé à celui de Conslantino-
ple était devcuu oublie, et avait causé du
«caudale.
11 est donc étonnant que, dans le Diction-
naire de Jurisprudence, on ait décidé qu'il
faut excepter du secret de la confession le
crime de lèse-majesté au premier chef, c'est-
à-dire les conspirations tramées contre le
roi ou contre l'Klat, et que le confesseur se
rendrait coupable en ne les révélant pas.
Nous soutenons avec tous les théologiens,
qu'au contraire il se rendrait très-coupable
en les révélant. Où est le criminel qui vou-
drait accuser, dans le tribunal de la péni-
tence, un pareil crime, s'il savait que le con-
fesseur doit le révéler au magistrat? C'est le
sceau inviolable de la confession qui seul
peut l'engagera s'accuser, qui met le confes-
seur à portée de le déîourner de ce forfait,
de l'obliger même, par le refus de l'absolu-
tion, à en prévenir l'exécution par des avis
indirects ou autrement. L'opinion du juris-
consulte que nous réfutons, loin de pourvoir
à 1.1 sûreté des ro.s et de l'Etal, les met en
plus grand danger. Henri IV le comprit très-
bien, lorsque le pèreCotion, son confesseur,
lui allégua cette raison. — L'auteur du Dic-
tionnaire s'en est laissé imposer par un de
nos philosophes, qui a écrit qu'en IGIO, trois
mois après le meurtre de Henri IV, le parle-
ment de Paris décida, par un arrêt, qu'un
prêtre qui !>ail, par la ciinfession, une cons-
piiation contre le roi et l'Etat, doit la révé-
ler auv magistrats. Si cet arrêt était réel,
il faudrait l'attribuer à un délaut de réflexion
et à la consternation dans la(]uelle tout le
royaume fut |)longé par la mort funeste de
ce bon roi. — Mais comment ajouter foi à un
écrivain aussi célèbre par ses mensonges, et
qui ajoute en même temiis une autre impos-
ture? Il dit que Paul IV, Pie IV, Clément
VIII, et, en 1G22, (Grégoire XV, ont obligé
les confesseurs à dénoncer aux inquisiteurs
ceux que leurs pénitentes accusaient en con-
fessinn de les avoir séduites et solicitées au
crime dans le tribunal de la pénitence. t7est
une fausseté calomnieuse; voici ce que ces
papes ont ordonné. Lorsqu'une pénitente
déclare à son confesseur qu'elle a été solli-
citée au crime dans la confession, luême par
un autre', ils exigent que ce confesseur oblige
sa pénitente à révéler aux supérieurs ec< le-
siastiques le crime du confesseur coupable,
mais ils ne prescrivent pas au confesseur de
faire cette revéialiun lui-mêaie ; il ne peut
et ne doit la laire dans aucun cas. La lui
(ju'ils imposent est donc étal)lie contre la
sûreté des confesseurs, et non contre celle
des pénitents; mais le philosophe a confondu
m.ilicieuseiiienl la révélalion faite par une
pénitente avec la révélation faite par un con-
fesseur, aliu d'avoir occasion de dire qu'iJ y
a une contradiction ubsurde et horrible entre
cette di'cision des papes et celle du coucile
de Latran. et une opposition formelle enlic
nos lois ecclésiastiques et nos lois liviies.
Il n'y a rien ici d'absurde ui d'horrible que
la mauvaise foi du philosophe, de laquelle
un jurisconsulte a clé la dupe.
On sait qu'en 13.S.J saint Jean-Népomu-
cène aima mieux endurer des louruteiils
cruels et la mort, que de révéler à Tempe-
ms
CON
CON
io.;f
reur Venccsias la confession de l'impéra-
trice son épouse. Dès le vr siècle, s.iint Jean
Cliniaque a dit : « Il est inouï que les péchés,
dont on a Tiiit l'aveu dans le tribunal de la
pénitence, aient élé divul};u;''S. Dieu le ^er-
n)el ainsi, alin que les pécheurs ne soient
pus délournés de la confession, el qu'ils ne
soient |)as privés de l'unique espér;ince de
salut qui leur reste. » [lipi^t. ad l'astun,, c.
J3.) VolJ. l'iifflTENCE.
Confession de foi, déclaration publique
et par écrit de ce que l'on croit. Les conciles
ont dressé des confessions ou professions de
loi, ()ue l'on a aussi nouiniécs symboles, pour
dislinguer la doctrine caiholique d'avec les
erreurs; les hércti<nies en ont faillie leur
coté, pour exposer leur croyance. Au con-
cile de Uinilni, les aiiens presenîèrenl an^
évèques catholiques une l'orinule ou confes-
sion de fui, ()ui portait en tête, le 22 mai
.■Jii'J, sous le consulat de et ils voulaient
que l'on s'en conientàl, sans avoir égard aux
décrets des conciles, ni aux formules précé-
dentes. Par l'inscriplion ou la date, les 6vé-
(|ues calholiques reconnurent que c'était la
dernière formule de Siruiich, qui était mau-
vaise; ils la rejelèrenl et se moquèrent de
l'inscription (Socrate , Ilist. ecclésiasiique,
liv. Il, chap. 37).
La plupart des hérétiques ont varié,
connne les ariens, dans leurs confessions de
/o/; jamais ils n'ont pu contenter tous leurs
sectateurs, ni se satisfaire eux-mêmes ; on
a souvent l'ait ce reproche aux prolestanls
en particulier. — Ils ont lait un recueil de
leurs confessions de foi, divisé en deux par-
lies : la première partie en contient sept,
savoir, 1° la confession helvétique, dressée
par les églises protestantes de la Suisse. 11
y en avait déjà une faite à Uâle en 133G ;
mais comme elle, ne parut pas assez am|)le,
on en dressa une secomie en 1306, à laquelle
ils prétendent que toutes les églises calvi-
nistes, non-seulement de la Suisse et des
(irisons, mais encore de l'Angleterre, de
l'Ecosse, de la France el de la Flandre, sous-
crivirent ou acquiescèrent. — 2° Celle que les
cilviiiistcs de l'rance présentèrent à Charles
l.\ au collo(;ue de Poissy, l'an l.iGl, qui
avait été dressée par Théodore de Bèze ; elle
fut souscrite par la reine de Navarre, par
Henri IV son tils, ]iar le prince de Condé,
par le comte de Nassau, etc. — 3* La confes-
sion anglicani", rédigée dans un synode de
Londres, l'an 15()2, el puliliée sous la reine
Klis.ibelh, l'an 1371. — 4° Celle des Ecoss lis,
faite en 1308, dans une assemblée du parle-
ment de ce royaume. — 5° La confession hel-
giqne, dressée en IStîl, pour les églises de
Flandre, approuvée dans un do leurs syiiO-
des, en 1370, et confirmée au synode de Dor-
dieclil,en 1(519, — G" Celte des calvinistes po-
lonais, composée dans un synode de Gzen-
ger, l'an 1570. — 7° Celle que l'on nomma
des (jHulre villes impériales, savoir : Stras-
bourg, Constance, Mennningue et Lindau,
présentée à Charles-()iiint, l'an 1330, en
même temps que celle d'.Vugsbourg.
La seconde partie du recueil renferme les
confessions de foi des églises luthériennes,
et celles qui y ont le plus de rapiiorl. En
premier lieu, la confession d'Augsbourg,
dressée par Mêlai elhon, en lliSD, el présen-
tée à Charles-(^)uint par plusieurs |)rinces de
l'empire, dans la diète tenue dans celle ville.
— 2 La confession >axonne, faite à N\ irtein-
berg en 1331, pour être présentée au concile
de Trente. — 3' Une autre, dressée dans la
même ville, en 1552, et qui fut en effet pré-
seiiiée au coik ile de Trenle parles ambas-
sadeurs du duc de Wirtemberg.— 4." Celle de
Frédéric, éledeur palatin, mort l'an 1560,
publiée en 1377, comme il l'avait ordonné
par son leslamenl.— 3 La confession des bo-
hémiens ou des vaudois, approuvée par Lu-
ther, par Mélaiu hion et ^).ir l'académie de
Wirtemberg, en 1.332, |)uldiéft par les sei-
gneurs, el présentée à Ferdinand, roi de
Hongrie el de noîiémc, en 1533. — G° La dé-
claralion intitulée <'onsensus in Vide, etc.,
dressée par les ministres des églises de Polo-
gne, dans un synode de Sendomir, en 1370.
(Jn a mis à la suite les décrets du synode
do Dordrechl, tenu en 1618 el 1619. Enfin,
la confession de foi (\u(i les protestants reçu-
rent (le Cyrille- Lucar, patriarche grec de
Constantinople, en !(i31. Celle multitude de
confessions de foi, données par les proles-
tanls dans un espace de quarante ans, four-
nit matière à plusieurs réllexions. — En pre-
mier lieu, nous ne voyons pas de quoi elles
peuvent servir à des sectes qui soutiennent
toutes que l'Ecriture sainte est la seule règle
de foi ; que les hommes n'ont droit d'. rien
ajouter ; qu'aucune décision de concile ni de
synode n"a par elle-même aucirie autorité;
que l'on n'est obligé d'y déférer qu'autant
qu'elle paraît conforme à l'Ecriture sainte ;
qu'après l'avoir signée, l'on est encore en
droit (le la contredire, dès ((ue l'on s'aperce-
vra ([ue cette doctrine ne s'accorde pas avec
la parole de Di(^u. Kn obligeant les particu-
liers à y souscrire, el les ministres à s'y con-
former, les protestants ont évidemment ren-
versé le principe fondamental de la réforme.
Vainement nous voudrions argumenter con-
tre eux sur leur prétendue prol'.ssion de foi,
ils seraient toujours en droit de nous répon-
dre : Ainsi pensaient nos pères, mais nous
ne croyons plus de même aujourd'hui. — En
second lieu, si l'Ecriture sainte est claire,
formelle, suffisante sur tous les points de foi,
comme le prétendent les prolestants, c'a été
de leur part un attentat d'oser y ajouter
quelque chose, ou de vouloir en réformer
les expressions ; se sont-ils flallés de mieux
parler que le !-aiiit-Espril 7 une explication
quelconijuc n'est plus la parole de Dieu, mais
celle des liommes. Il est étonnant qu'aucune
de ces sectes n'ait voulu se borner à mettre
bout à bout les passages de l'Ecriture sainte,
pour rendre témoignage de sa loi. ^i les
premiers qui ont dnssé leur confession, en
15.30, ont bien pris le sens de l'Ecriture
sainte , pourquoi aucune secte n'a-t-elle
voulu s'y tenir, el pourquoi a-l-il fallu sans
cesse y revenir sur nouveaux frais ? — Eu
troisième lieu, quiconque prendra la peint
1047
COIN
CON
4048
de comparer ces confessions, verra que, loin
d'avoir établi l'uniformité de croyance entre
les dilîérentes sectes proteslanlcs, elles ne
servent qu'à démontrer l'opposiiion de leurs
sentimeiils. Aussi, d.puis celle époque, les
luthériens n'ont pas été miens d'accord avec
les calvinistes; les uns ni les autres ne ^e
sont [)as rapprochés davantage des angli-
cans ; les sociniciis et d'autres sectes n'en
ont pas moins fait bande à |iarl. Si touies
pensaient de même, une seule profession de
foi suffirail pour toutes, de inêtne que les
décisions du concile de Trente ont suffi el
suffisent encore pour réunir tous les callio-
liques dans la même croyance. Inutilement
l'on nous répondra que tous les protestants
sont unanimes dans la croyance des arti-
cles fondamcnlaul ; si cela suffit, l'on a eu
tort de mettre d'autres articles dans les con-
fessions (le fui ; il fallait se borner à dire :
chacun croira ce qui lui par;iîtra clairement
révélé dans l'Ecriture sainte. Bossuet, dans
son Histoire des VariaCions, a fait voir l'in-
consiance, les équivoques, les contradictions
de toutes ces confes.Hons île foi. — Kn qua-
Iriènie lieu, puisqu'il a été permis à chacune
des sectes de faire sa déclaration de foi par-
ticulière, nous ne vo.ons pas pourquoi le
concile de Trente n'a pas eu aussi le droit de
dresser une ample profession de la croyance
catholique. Si les protestants se sont vantés
de fonder leur doctrine sur l'Ecriture sainte,
ce concile y a de même fondé la sienne, il en
a cité les passages aussi bien que les proles-
tants ; il reste à savoir si ces derniers ont
été mieux éclairés que lui par le Saint-Esprit,
pour en pieniire le vrai sens. A la vue de
treize ou quatorze confessions de foi, il nous
parait qu'un simple parli(ulier protestant
ne doit pas éire peu embarrassé à juger
quelle ( si la meilleure. — Ils ont fait, contre
celle du concile de Trente, des reproches
contradictoires. Ils disent d'un côlé, que l'on
y a décidé, comme ariicle de foi, plusieurs
opinions sur des points obscurs et dilficiles,
sur lesquels il était permis à chacun de
croire ce que bon lui semblait. D'autre part,
ils se plaignent de ce qu'on y a exprimé plu-
sieurs choses d'une manière ambiguë, à
cause (les débats i\u'\ régnent parmi les ihéo-
liigiens. Ainsi, les prolestants sont mécon-
teins de ce que le concile a décide trop d'ar-
ticles, el de ce qu'il en a décidé Irop peu ; ils
trouvent encore mauvais que les papes aient
expliqué p.ir des bulles ce qui n'était pas
exprimé assez clairement dans les déciets
du concile. ( Mosheim , Histoire ccclésiasi.,
XVI' si(rle, secl. '.i, prem. part., c. 1, § 23
el 2'*-) Comment contenter de pareils cen-
seurs?
Quant à la confession de foi de Cyrille-Lu-
car, que les protestants ont pompeusement
intitulée confr^sion de foi orieniule, on sait
que celte alTaire ne leur a pas fait beaucoup
d'honneur. Ce patriarche, qui avait étudié
en Italie et voyagé en Alleiu.igne, avait pris
du goût pour les opinions des pioieslanis, et
voulut les introduire dans son Kgli-e, lors-
qu'il lut placé sur le sié^e de Coiislantinople.
Son clergé même et les autres évéques grecs
s'y opposèrent. Après avoir été chassé et
rétabli cinq ou sis fois, il fut mis en prison
et étranglé par ordre du Grand-Seigneur,
on 1()38. Ses erreurs furent désavouées el
contfamnées par Cyrille de Béréc, son suc-
crsseur, dans un concile de Constanliiiople,
tenu celle même année, auquel assistèrent
Méirophane, patriarche grec d'Alexandrie,
el Théophane , patriarche de Jérusalem.
Elles le furent dans un synode de Jassy en
Moldavie ; dans un autre concile de Constan-
tinople, en 16'i-'2 ; dans un synode de Leuco-
sie, ville de l'ile de Chypre, en 1668; dans
un synode de Jérusalem, sous les pairiarches
Nectaire el Dosi:liée, en 1672; et plusieurs
théologiens grecs les ont réfutées dans des
ouvrages composés exprès. — A peine la con-
fession de Cyrille-Lucar fut-elle imprimée à
Genève, en 1633, cjue Grulius et plusieurs
théologiens luthériens s'en moquèrent, parce
que l'on vil qu'élite avait été copiée sur les
Institutions de Calvin. Plus de cinquante
ans auparavant, Jérémie, préilécesseur de
Cyrille-Lucar, avait réfuté la confession
d'Augsliourg, qui lui avait été envoyée par
les théologiens de Wii tenilierg. On peut voir,
par lis divers monuments rassemiilés dans
la Peipétuilé de la foi, que \nma\s les Grecs
n'ont été dans les mêmes sentimenis ()ue les
protestants, sur aucun des articles pour les-
quels ceux-ci se so it séparés de l'Eglise ro-
maine. Voy. Gnecs.
Confession, en termes de liturgie et d'his-
toire ecclésiastique, était un lieu, dans les
églises, ordinairement {)lacé sous le grand
autel, où reposaient les corps des martyrs ou
des confesseurs. La confession de saint fierre,
placée dans l'Rglise qui porte son nom à
home, est cé'èbre.
CONFESSIONNISTES. Les catholiques al-
lemands numincrent ainsi , dans les actes de
la paix de Wesiphalie, les luthériens qui
suivaient la confessitm d'Augsbourg.
CONFIANCE KN UlliU. A proprement par-
ler , c'est la même chose que l'espérance
chrétienne; ainsi, l'on ne peut pas mettre
en question si c'est pour nous un devoir de
nous confier en la miséricorde infinie de
Dieu, et de bannir toute inquiétude par rap-
port à notre salut. En nous imprimant l'au-
guste caractère d'enfants de Dieu, notre re-
ligion ne tend à autre chose qu'à nous inspi-
rer, envers ce souverain bienfaiteur, la même
confiunce que des enfants bien nés ont pour
leur père, dont ils n'ont jamais cessé d'é-
prouver la tendresse.
Pour remplir ses apôtres de courage , Jé-
sus-Christ leur dit : Ajez confiance , j'ai
vaincu le monde [Jonn. xvi, 33). Saint P.iul
exhorte les fidèles à ne jamais perdre leur
confiance, à laquelle une grande récompense
est attachée (llebr. x, 35). Il représente la
crainte comme le caractère dislinctif du ju-
daïsme (Uom. VIII , 15). Saint Jean dit que
celui qui a l'espérance en Dieu se sanctifie,
comme Dieu est saint lui-même [IJoan. m,
3). Cyest donc se lrom|)er élrangenieiU que
de prétendre saiictilier les aiues en leurins.
1049
CON
eON
lOSU
pirant une frnyeur excessive des jugements
(le Dieu, plutôt qu'une ferme conliance en sa
boulé. — Josus-Chiist, Ifs apôliH'* , les an-
ciens Pères, les Immines aposiolKiues île lous
les siècles, n'ont pas clierthé à «'pouvanter
les péciieurs, mais a Ifs gagner par la on-
fiatire; ils ont fait biaucoup de promesses et
pou lie nienaci's ; ils oui paidoiiné à lous et
n'ont rel)Uié persnine ; ils oui parlé avec
force et Irès-souvcnl de la boulé de Dieu, de
sa patience envers les pécheurs, de la charité
de Jé-us-Clirisl, de l'elficacilé de la rédemp-
tion; du pardon promis au genre liuniain, de
la récompense éternelle, rarement de la dam-
nation. Ceuv qui sont chargés d'insliuire
peuvent-ils suivre de meilleurs modèles?
On dira sans doute que, dans un siècle per-
vers à l'excès, ce n'est pas le temps d'in>pi-
rer la confiance, mais la crainte. Sans com-
parer le lahleau de notre siècle avec celui
que les Pères de l'Eglise ont tracé du leur,
nous demandons si la crainte convcriil les
pécheurs plus efficaiement que la confiance;
si , parmi ceux qui peisévèreut dans le cri-
me, le plus grand nombre y est retenu par
la présomption el non p.ir le désespoir; si
les prédicateurs les plus rigides sont ceux
qui gagnent le plus grand nombre d'àmes à
Dieu. — Nous connaissons un Judas perdu
par le désespoir, l'iii riiure ne nous montre
aucun pécheur endurci par un ex«èsdeco)i-
fiunceen Dieu. S^iiwl Pierre lomha, parce qu'il
s'éiaii lie à ses piopres forces, et non à la
bonié de sou mailre. Jé^us-Christ le lii ren-
trer en lui-même par un regard de tendresse,
el nuii par un coup d'ceil d'indignation. Saint
Augustin demeura dans le désordre, tant
qu'il se défia de la grâce; il en sortit , dès
qu'il fui animé par la confiance. Saint Paul
nous apprend que les païens se sont livrés à
l'impudicité par désespoir {Euh. iv, 19).
Sur ce point de morale très-important , il
faut consulter les hommes blanchis dans les
travaux du saint luiiiislère, el non les doc-
teurs qui ne connaissenl que leurs livres et
leur c.binel. Lorsque l'un d'entre eux aura
conveili autant de pécheurs par ses écrits ,
(|ue saini François de Sales par la douceur
de .-es maximes et p.ir l'aurait invincible do
sa chiiilé. il n)éritera d'être pris pour maî-
tre. Mais Jésus-t.hrist nous ordonne de nous
délier des pharisiens , qui mettent sur les
ép^iules des autres un fardeau insupporlahle,
el ne veulent pas seulement le remuer du
doigl (Matl.h. \\i I, k).
L0NFiU.VlAT10N,sacrementde la loi nou-
velle, qui donne a un liilèle baptisé, non-seu-
lement la grâce saïutifianle el les dons du
Saiul-lispril, mais des grâces spéciales pour
confesser couiageusemenl la foi de Jesus-
Clirlsl. Il est administré par l'impo^ilion des
mains et par l'oncllon du saint chrême sur
le front du baptise (1).
(1) Critérium de la fui sur la confirmation. Il est de
foi que l;i C'>iiliriii:ill<iii n'est pas une vnuie ccréinu-
liie, et qu'elle n'a pas été d.uis les premiers siècles
de i'Ei;hse, un simple catéchisme p<'ur rinstriiciioii
des lidèles ; mais qu'elle est un véritable sacreuieni
De là, les théologiens disputent pour sa-
voir laquelle de ces deux actions est la ma-
tière essentielle el principale de ce sacre-
ment : les uns ont pensé que c'était la pre-
mière , d'autres que c'était la seconde ; le
sentiment liî plus suivi est que l'un" el l'au-
tre sont nécessair'S pour l'iniégrilé du sa-
creuieni, couséquemmenl que la prière qui
accompagne l'imposition des mains , el les
paroles jointes à rouclioii, font également
partie de la forme. La confiiniation est un
des trois sacrements qui impriment un ca-
ractère.
Dans l'Eglise grecque et dans les autres
sectes orientales, on donne ce sacrement
immédiatement après le baptême, el on l'ad-
ministre, comme dans 1 Eglise romaine, par
l'oni-tinn du saint chrême, au lieu que chez
nous, l'évéque dit au confirmé: Je vous mar-
que du signe de la croix, et je v iu< confirme
pur le chrême cla salut, au nom du Père, etc.;
les (îreis disent : C'est ici le signe, ou le sceau
du don du Saint-Esprit.
Les proleslams, qui rejettent ce sacrement
couirae une insiilution nouvelle , prétendent
qu'il n'en est pas question dans l'Ecriture
sainte ; ils se Iromoenl. Jésus-Christ (Joan.
XIV, IG) dit à ses apôtres : Je piierui mon
Père, et il vous donnera un autre consoaleur,
afin qu'il demeure arec vous pour toujours ;
c'est l'Esprit de vérité, etc. Il dit à son Père,
en parl.int des apôlres : Je ne prie pas seu-
lement pour eux, mais encore pour lous ceux
qui croiront en moi pur leur parole [Joan.
XV. I, 20). Dans les .ides, c. ii , v. 38, sainl
Pierre dit à ceux qui l'écoulaient : Que cha-
cun de vous reçoive le baptême, et vous rece-
vrez le don du Sainl-Esprit ; car la pro-
messe vous regarde, vous et vos enfants, el
lous ceux qui sont encore éloiiinés, mais que
le Seigneur noire Dieu appellera. En effet,
ch.ip. viii, V. 17, el chap. xix, v. 6, les apô-
tres impo aient les mains sur les baplisés, et
leur donnaient le Sainl-Espril. \'oilà donc la
promesse du Sainl-Espril faite ]iar Jésus-
Christ à tous les fidèles, suivie de l'exécu-
tion, et un rite mis en usage par les apôtres
pour en produire l'elTei. — 11 n'est pas vrai
que le Sainl-Espril, donné par l'iinposilion
des mains des apôtres , ait été seulemeni le
don des langues, de prophétie el di'S mira-
cles. Jésus-Christ avait promis ïEspnt de
vc'rilê. Sainl Pierre promettait à lous les fi-
dèles le Saint-Esprit, el tous ne recevaient
pas les dons miraculeux. L'onction de la-
quelle parle sainl Jean est la connaissance
de toutes choses, et non le pouvoir de faire
des miracles. S Ion sainl Paul, les fruits ou
les elTets du Sainl-Espril sonl toutes les ver-
tus chrétiennes {(lalal. v, 22).
(Concil. Trid., can. 1). Celui qui regarde comme iii-
jurieusc à la Divin lé la croyance qui atlribus au
suint clirenie li veilii de proiliiire la grâce, mérite
d'èire liaiipé d'an;illiéme ( Concil. Trid., can. i ).
L'éié.pie ^eiil est le ministre ordinaire de la conilr-
iiiaiiipii (Concil. Trid., can. 3). — Il n'y a rien de dé-
fini sur la naiiiie de la luaiière et'de la l'uniie de I»
cunliruiatioii.
1051
COK
CON
1052
Les protestants en ont encore imposé, lors-
qu'ils ont assuré qu'il n'y a aucun vestige
du s;icrerit(Mil de confirmation dans !a tradi-
tion des premiers siècles. Mosheim , mieux
instruit que le commun de leurs écrivains,
convient que , dès les premiers siècles , les
évéques, en perinellaiil aux anciens ou prê-
tres de baptiser les nouveaux convertis, se
rési'rvèrent le droit de confirmer le baptême
(Hi$t. eciiés. du i" siècle, ir pari., ci, §8).
il falliiil dire, de confirmer dans In foi les
fidèles baptisés. Saint Jérôme (IHnl. contra
Lucifer.] lémoiiçne que tel élail l'usage de
son temps ; et le concile d'Elvire , tenu à la
(in du III' ou au eoinmeaccment du iv« siè-
cle, l'ordonna ainsi. — Au ii", saint Théo-
piiile d'Antioclie (£,. i ad Autol.. n, 12) dit
que nous sommes nommés chrétiens, parce
que nous recevons l'oiidion d'une liuile di-
vine. Saint Irénéi' {Adi'. Incr., liv. i, c. 21 ,
n. 5) dit des valonliniens qu'après avoir bap-
tisé à leur manière leurs nénpliytes, ils leur
faisait'nt une onction de baume ; c'était une
imitation de ce qui se faisait dans l'Eglise
catholique. — Au iir, Tertullien (L. de Bupl.,
c. vil) dit : « Au sortir des fonts baptismaux,
nous recevons l'onction d'une huile bénite,
suivant l'ancien usage de consacrer les prê-
tres par une onction; celle onction ne tou-
che que la chair, mais elle opère un effet
spirituel. Ensuite on nous impose les mains,
en invoquant, par une bénédiction, le Saint-
Esprit {L. de Jiesurr. carnis, c. b). La chair
est baptisée, afin que l'âme soit purifiée ;
la chair reçoit une onction , un signe ,
une imposition des mains, afin que lame
soil consacrée, fortifiée, éclairée par le Saint-
Esprit. » Dans le livre des Prescriptions, ch.
iO, il dit (]ue le démon, singe de la Divinité,
fait imiter par les Ididâlres les divins sacre-
ments, (ju'il les fait baptiser, signer au front,
et célébrer l'olTrande du pain. Il joint encore
l'onction des fidèles au baptême et à l'eu-
cllari^tie, et les nomme sacrements {Contra
Mnrcion., lib. i). — Saint Cyprien (Epst. 73,
ad Jubtiianum , pag. 131 et 132) dit que « si
quelqu'un, dans l'Iiéiésie et hors de l'Eglise,
a pu recevoir la rémission de ses péchés par
le baptême, il a pu recevoir aussi le Saint-
Esprit, et qu'il n'est |j1us besoin , lorsqu'il
revient, de lui imposer les mains et de le si-
gner, afin qu'il reçoive le Saint -Esprit. Or,
notre usa^e, dii-il, est que ceux qui ont été
baptisés datis l'I'^glise soient présentes aux
évô(|ues . afin (|uc, par notre prièri- et par
l'imposition des mains, ilsreroivent le Saint-
Esprii, cl soient manpiés du signe du Sei-
gneur. " Il le répète, rpist. Tt-, od Pompcium,
pag. 139. - Le pape (Corneille , dans une de
ses lettres, dit de Novalien, qu'après son
baptême il ne fut point signé par l'.vêque ;
que, par le défaut de ce sij;iie, il n'a j)as pu
recevoir le Saint-I'^sprit. (Dans Ëusèbc, 1. vi,
c W, p. 313).
Nous pourrions citer, au iv siècle , les
concih's d'ElvIre, de Nicée et de Laoïiicée ,
Optai de Milèvi-, saint l'arii ii de Barcehme ,
samt (Cyrille di; Jérusalem, siiul Amltroise
et saint Jean Clirysusiome ; au v", «uiat Jé-
rôme, le pape Innocent !«% saint Augustin ,
saint Cyrille d'Alexandrie , Théodoret , etc.
Le 1*. Drouin ( De Re sacram., tom. 11!) a
rapporié leurs passages et ceux des siècles
suivants.
Les protestants prétendent que ces Pères
parlent d'une onction qui faisait partie des
cérémonies du baptême, et non d'un sacre-
nienl dilTérenl ; mais outre que le contraire
est évident par la seule f>>rce îles termes,
quand cela serait vrai, les protestants se-
raient encore conilaumables d'avoir retran-
ché du ba[]lême une cérémonie à la(]uelle on
attribuait la vertu de donner le Saint-Esprit.
N'esl-il pas absur<le de supposer (jue le bap-
tême pouvait être administré par un prêtre,
par un diacre, par un la'i<|ue ; et «lu'une
simple céréoiouii! ne pouvait êire faite que
par l'évêque, quoique ce ne fût pas un sa-
crement dilïérent '? — De là même il est évi-
dent que le concile de Trente a suivi la tra-
dition primitive, lorsqu'il a décidé , sess. 7,
ran. 3, que le ministre ordinaire de la con-
firmation est l'évêque seul, et non le simple
prêtre. Cette tradition n'est pas moins cons-
tante que relie qui établit la matière, la for-
me, les effets du sacrement, le caractère qu'il
imprime au chrétien, etc. — Quand on a exa-
miné cette question, que peut-on penser des
asserlions fausses , des impostures et des
puérilités que IJasnage a rassemblées sur ce
sujet {Hist. de rEijliae , 1. xsvn, c. 9)? Ce
n'était pas la |ieine, après deux cents ans, de
renouveler les preuves de l'iguorance affec-
tée et de la mauvaise foi de (Jalvin.
Dans l'Eglise grecque, le même prêtre qui
donne le baptême donne aussi la confirma-
tion, et, selon Luc Holslenius, cet usage de
l'Eglise orientale est de la plus haute anti-
quité. Selon les théologiens catholiques, les
prêtres ont pu donner la confirmation com-
me délégués des évêqnes ; mais ceux-ci en
sont les minisires ordinaires. Le concile de
Kouen prescrit que celui qui donne la confir-
mation, et celui qui la reçoit, soient à jeun.
Les cérémonies et les prières qui accompa-
gnent l'administration sont édifiantes ; on
peut le voir dans le pontifical et dans les ri-
tuels. Voy. l'Ancien Sacram., par Grandco-
las, u» part., p. 11'* et 193.
(^e sacrement était surtout nécessaire dans
le temps des persecution.s, lorsque tous les
chrétiens devaient être prêts à répandre leur
sang pour al tester leur foi ; il n'a pas cessé
de l'être depuis que le christianisme est éta-
bli. La foi a toujours été combattue par les
hérétiques, par les incrédules, par les chré-
tiens scandaleux : elle l'est encore. Mais la
grâce que Dieu nous accorde pour re.sis.ior
ne nous est pas donnée pour attaquer; le
vrai zèle de religion n'est ni iiKjuiet, ni om-
brageux, ni mailaisanl. J)ieu, dit saint Paul,
ne nous a point dunnê un er^pril de crainte ,
tnais de force, de charité et de modération [Il
Tint., 1,7;. C'est donc très-injustement que
plusieurs incrédules ont dit que le sacrement
de confirmation était institué pour inspirer
aux chrétiens u.i zèle fanatique, intolérant
el persécuteur.
4C33
G»N
CON
1054
CONFRERE, nom que l'ou donne aux per-
sonnes nvec lesquelles on furtiie une société
particulière par inulif de religion. Dans l'o-
ri(;ine du clirislianisinc , les fulèlos f-c noiri-
uiaient les frères; une association , formée
pour |)rati(iuer les mêmes bonnes œuvres do
piéu; ou de cliarilé , établit entre eux une
nouvelle l'ralrTnité.
CON'FRtlUE, sociéli'da plusieurs person-
nes pieuses, établie dans quelques églises
pour boMorer pailieulièrement un m\ stère
pu un saint, et pour prali(|iier les mêmes
exereiees de piété et de cliarilé. Il y a des
coiifiéries du" Saiiil-Sacremenl, de la sainte
Vierge, de la Croix ou de la Passion , des
Agonisanls, etc. l'iusicurs sont établies par
des bulles de papes, qui leur accord nt des
indulgences ; toutes ont pour but d'exciter
les fiiièles aux bonnes œuvres, de cimenter
entre eux la paix el la Iraternilé.
(Pommelés binneso-uvres b>iit la gloire du
cbrislianisiiie, et en sont la meilleure apolo-
gie, les inciédules de notre siècle n'ont rien
omis pour reinlre suspectes et odieuses tou-
tes les confréries ou associations qui tendent
à les luuttipliei'.
CoNmiinjE (1). C'est une espèce de société
formée entre plusieurs personnes, pour quel-
que dévotion particulière.
Les confréries, inconnues d.iits les beaux
siècles de la religion, intéressent tout à la
fois l'Etat et l'Eglise. Comme assemblées de
citoyens , qui lurment ou tendent à l'ormer
des corps, et qui ont des revenus temporels,
elles doivent être soumises à l'autorili' ci-
vile ; comme assemblées de cbrclieiis, qui ont
pour but des exercices religieux et spirituels,
elles doivent être sous la juridiction ecclé-
siasiique. — 11 n'y a point de difliiullc en
France sur ces principes géiiéiau\ ; jamais
aucune des deux puissances n'a prétendu
avoir le liroit exclusif d'élahlir des confré-
ries. Il est convenu que leur concoui ■• est né-
cessaire pour donner une existeiire légale à
ces associations particulières ; il faut tout à
la fuis et la permission par écrit de l'évêcjue
diocésain cl les lettres patentes du prince.
L'approbation ou perisiissioii des évèques
est de toute nécessite : c'est la disposition
précise de l'article 10 du règlement des Régu-
liers, dresse par le clergé de France ; il n'a
poiiii introduit en cela un droit nouveau. Les
conciles provinciaux, tant anciens que nou-
veaux, de France et d'iiaiie , l'avaient ainsi
ordonné : on peut à ce sujet consulter les dé-
crets des conciles de Reims, en lo64. , île
Roi;en, en 1571, de Tours, en 1573, d'Aix,
en l.)7o, de Narbonne, en IGOO. Nos rois ont
maintenu les évèques dans ce droit, qui est
une suiie de leur caractère de premiers p ,s-
teurs. Le cbapitre de l'égli-e collégiale de
Vézelay ayant voulu établir ou Iriinsférer
dans son église de Sainte-Marie-Madel; iiie
une confrérie du Saint-Sacreaient, qui étiiit
établie dans la paroisse de Sainl-Pierre , le
curé de celle paroisse en appela comme da-
(1) Cet article est re[>roduil d'après l'édition d<'
Liéfc'e.
bus. I/é\iêque d'Aulnn déclara cet établisse-
ment nul, et fut, par arrêt du conseil d'Etat du
m janvier 1673, maintenu dans le droit de
l'enipêclwr.
Si l'élablissement des confréries dépend du
consentement et de ra|)probaiion des évo-
ques , elles doi\ent être soumises à leur ju-
ridiction en tout ce qui concerne le spirituel,
la célébration el Tordre du service divin.
Tontes les fois que les juges séculiers ont
voulu en connaitie, leur entreprise a été ré-
primée par des arrêts du conseil d'Etat. Un
de ces arrêts, du 30 septembre IG'i'J, défen-
dit au juge-mage de la sénéibaussée de Tar-
bes de prendre aucune connaissanre du ser-
vice divin et ordre d'icelui, des processions,
rangs des confréries, porteurs de cierges et
autres assistauis auxdites processions. Le
même arrêt porte que les ordonnances de
l'évéquc- diocésain sur ce rendues, seront
exécutées. Un autre arrêt du 9 août llid'i fait
les mêmes défenses au lieutenant général
d'Alençon et A tous les autres juges sécu-
liers. — Il s'était élevé de grandes contesta-
tions, dans le diocèse de T;irbes, sur la pré-
tention des prieurs de ditt'ercnles confréries,
qui, dans les processions, voul.iieiit mar-
cher entre le clergé séculier el le régulier :
elles furent r"glees par l'évêque. Quelques
particuliers se pourvurent par appei comuie
d'abus au parlement de Toulouse, où ils ob-
linrenl un arrêt de défenses. L'assemblée du
clergé de 1080 présenta re(]uéle au conseil,
qui, sans s'arrêter à l'arrêi, orilumia l'exécu-
tion des règlements faits par l'évi'que.
En accorilant aux évêques sur les confré-
ries l'autorité qui est une suite de leur ca-
ractère et lie leurs fonctions, nos lois n'ont
pas iMoins veillé sur leur élatilissement mémo
et sur l'administration de leurs revenus. On
a conservé dans le cbapilre "25 des preuves
des libi rlés de l'Eglise gallicane , des lettres
que le roi Philippe le Long accorda en 1319
pour la confrérie lii' Notre-Dame de Roulo-
gne. L'article 1'^ de l'édit de J7W met les
confréries au nombre des établissemenls qui
ne [lourront être formés sans lellres paten-
tes , enr. gisirécs d.ius les parlements ou
conseils supérieurs. Les confréries se trou-
vent également comprises daus l'article 13
du même èdit, qui déclare nuls tous les éta-
blissements laits depuis les lettres patentes
de 1066, ou dans le> trente années précé-
dentes, sans avoir été autorisés par des let-
tres palrntes dûment enregistrées. « Nous
réservant néanmoins, continue le législa-
teur, à l'égard de ceux desdits établisse-
menls (lui subsistent paisibbmenl, et sans
au une demande en nulliié formée avant la
puMication du |)rèsenl édit, de nous faiie
rendre comi)te lani de leur objet que de la
nature et quantité de biens dont ils sont en
posession, poui' y pourvoir ainsi qu'il ap-
partiendra, soit en leur accordant nos lettres
patentes, s'il y écbet, soit en réunissant les-
diis biens à des hôpitaux ou autres éiablis-
semenls dé;à autiuisés , soit en ordonnant
(ju'ils seront vendus, et que le pri\ en sera
appliqué ainsi qu'il est porté par l'article
loss
CON
CON
lOSC
précédent. )> — Le parlement de Paris avait,
avant cette ordonnance, supprimé plusieurs
confréries établies sans lettres patentes, quoi-
qu'elles fussent fort anciennes. La suppres-
sion de celles fie la S;iinle-Vierge, de Saint-Sé-
baslien et de Saint-Rocli, qui subsistaient
aux Quinze-Vin^ls, à l'aris, depuis plus <le
300 ans, fut ordonnée par arrêt rendu en la
graiid'-chamlire. sur les conclusions de M. l'a-
voc.it général Joly de Fleury, le 5 janvier
1732, avec défenses aux parties de s'assem-
bler comme confrères et de faire des quêtes.
Un second arrêt rendu le 6 février 1637, sur
les conclusions du même magistrat, supprima
la confrérie de Notre-Dame de Bonri' -Déli-
vrance, éliblie dans l'église de Saint-lîlienne-
des-Grès à Paris.
Les confréries qui depuis 17i9 n'ont point
obtenu de lettres patentes confirmatives de
leur établissement, sont dans le cas d'être
supprimées. Biles sont au moins suspendues
dans le ressort du parlement de Paris, si elles
ne se sont pas conformées aux dispositions
de l'arrêt rendu, toutes les chambres assem-
blées, le vendredi 9 mai 1760. Il nous rap-
pelle une époque fameuse par la destruction
des jésu tes. Les nombreuses confréries ou
congrégations dirigées par ces religieux, dont
ou a dit tant de bien et tant de mal, altirèn'nt
toute l'attent on de la cour. Elle crut devoir
prendre des précautions , pour arrêter les
abus qui pouvaieni exister, ou prévenir ceux
qui pourraient naître. Elle (il « défenses et
inhibitions à toutes personnes de former au-
cunes assemblées , ni confréries, conirré ;a-
tioiis ou associations eu cette ville de Paris ,
ou partout ailleurs, sans l'expresse penuis-
sion du roi et lelties patentes vérifiées en la
cour.» — Elle ordonna que « dans six mois ,
les chefs et administrateurs et régisseurs de
toutes confréries, associations et congréga-
tions, qui se trouvent dans le ressort de la
cour, seraient tenus de remeltr*; au procu-
reur (iéncral (lu roi, ou à ses substituts sur
les lieux, des copies en bonne forme et si-
gnées d'eux, des lettres patentes de leuréla-
blissemeut, ou autres titres qu'ils peuvent
avoir, leurs règles, statuts et foi mules de
promesses ou engagements verbaux : ensem-
ble un mémoire contenant le temps et la
forme de leur existence, comme aussi un
exemplaire des livres composés pour l'usage
desdites confréries, associations et congréga-
tions. » — Elle enjoignit aux substituts du
procureur général du roi d'envoyer au pro-
cureur général les lettres patentes, étais,
mémoires , formules de pronies<ies et enga-
gements verbaux, et autres pièces qui leur
seraient remises, pour, sur le compte (jui en
sera par lui rendu, être statué par la cour,
toutes les chambres as-emhlées, ainsi qu'il
appartiendra.!) — l);ins le cas où les chefs, ail-
ministiateurs et régisseurs des confréries ne
se conformeraient pas à ces dispositions de
l'arrêt, il leur est l'ail défenses « de souffrir
aucune assemblée, ni cuuiinuer aucun exer-
cice desliles confréries, assoi ialiuns ou con-
gre alions, et à toutes personnes, de quel-
que qualité et condiliou qu'elles soient, de
s'y trouver, sous les peines portées par les
ordonnances. Cependant, fait dès à présent,
sous les mêmes peines, défense à toutes per-
sonnes de s'assembler à l'avenir, sous pré-,
texte de confrérie, congrégation ou associa-
tion, dans aucune chapelle intérieure, ou
aucun oratoire particulier de maison reli-
gieuse ou autres, mêine dans les églises qui
ne seraient ouvertes à toutes sortes de per-
sonnes (|uise présenteraient pour y entrer. >>
L'ordre des jésuites ayant été aboli en
France et dans tous les lîtats catholiques, les
confréries ou congrégations iiui y étaient at-
tachées ont sulii le même sort. Quant à celles
qui dépendaient des autres communautés re-
ligieuses, ou des paroisses, nous ne voyons
pas que l'arrêt ait eu pour elles aucunes
suites. Peut-être la cour, sur les comptes qui
lui en ont été rendos, n'a-t-elle rieii vu ([ui
méritât leur suppression ou leur réforme
L'emploi des biens des cunfrt'ries a toujours
été soumis à la jund.ction séculière. L'ar-
ticle 10 de l'oidonnancc d'Orléans ordonne
que leurs deniers et revenus, la charge du
service divin déduit et satisfait, soient appli-
qués à l'entretien des écoles et aumônes ès
plus prochaines villes ou bourgades et vil-
lages oîi lesdiles c-jnfrnies auront été insti-
tuées, sans que lesdits deniers puissent être
employés à d'autres iis.iges, ()Our quelque
cause que ce soit. L'article 37 de l'ordon-
nance de Blois est conçu en ces termes :
« Suivant les anciennes ordonnances nous
avons défendu toutes confréries de gens de
métier et artisans, assemblées et banquets,
et sera le revenu desdiles confréries em-
ployé tant à l;i célébration du service divin
qu'à la nourriture des pauvres du métier, et
autres œuvres pitoyables, etc. — Boularic
observe que cet article est dilficile à com-
prendre; car, dii-il , il semble d'un Cfilé qu'il
veuille abolir entièrement toutes confréries
d'artisans et de gens de métier, et se confor-
mer eu cela à l'ordonnance de 1339, art. 185
et suivants, et de l'autre, ((n'il veuille seiile-
menl réformer les abus introduits dans les
covfréries, ;isemblées et Inuquels, et en cela
se conformera rcirilnnnance d Orléans, an. 1.
Mais, quoi qu'il en soit, et (juelque interpré-
tation qu'on lui donne, les confréries subsis-
tent, et les abus sont tonjoins les mômes. —
Les observations de Huutaiic sont justes, et
l'on ne voit pas que les ordonnances et les
arrêts de règlements sur l'administration des
revenus des confréries snient exécutés.
Toute confrérie (;ui n'est point revêtue de
lettres patentes ne forme puint dans l'Etat un
corps civil et légal. Ivlic est p.ir conséquent
incapable de dimation, d'institution ou de
legs. Kicard {Tniiié des Donations, tom. I,
pag. 13j) rapporte divers arrêts qui ont cassé
des institutions ou des legs f.iiis a des confré-
ries, par cette seule raison (lu'elles n'et-.iienl
point autorisées par des lettres patente^. De-
puis l'édii de 1749, elles simt dans le cas de
toutes les communautés religieuses ou mixtes.
Un édit du mois de février 17l)i, suivi d'un
arrêt du conseil, du i'* m. us suivant, qui co
ordonne l'exécution, a créé et érigé , en titre
Î057 CON
J'office formé et héréHitaire, un trésorier re-
ceveur c\ payeur dos revenus dis fahruiucs et
(les confréries, en ch.icune paroisse de la ville
do Parisel des autres petites villes du royanuie,
lesipiels seront iiiargnillicrs perpétuels, et
auront raiii; irnniédiatcuient après les niar-
guiiliers lionorau-('S, d.ius 1rs paroisses où il
y en a, et le premier rang dans celles où il
n'y eu a point. Un autre eilil du mois de sep-
tembre de la même année a éteint et sup-
prime ces oflices, ponr la ville et les fau-
bourgs de Paris, et remis les rlioses dans l'an-
cien elal. Enfin, un arrêt du cons(^il du 24
janvier 1703 ordonne que les oflices de tié-
soriers receveurs et payeurs des revenus des
fabriques et des confréries , créés par ledit
de février 1704-, seront et demeureront unis
auxdiies fibriiiues ci confréries, à la charge
par elles de payer les sommes qui seront ré-
glées, ponr chaque dioièie, par les rôles (|ui
seront arrêtés au conseil, suivant la répar-
tiun qui eu sera faite par les sieurs inten-
dants et conmiis«aires départis, conjoinle-
nuMil avec les évè({ues. Il est facile d'aperce-
voir que ces e^lils sont purement bursau\ ,
et sont une suite des malheurs occasionnés
pur la guerre de la succession iVEspagne.
Il ne nous reste plus qu'à remettre sous les
yeu\ de nos lecteurs (luelquos règlements, soit
ecclosiaslii.iues, soii civils, concernant les con-
fréries. — Le concile de Sens, en 1328, détend
d'exiger et de prêter aucuns >ennenls à l'en-
li éi' fie» confréries. — Celui de Bourges, en I58'i-,
ne permet pas aux confréries de se tenir ou
de célebrei leurs olfices in clioro, id nutjus ai-
tare eccirsiarum calliedi aliiim, aut colleijiaia-
rwn, sedin sacellis tontam, cl extra liornin, qua
diviiiumofficium perayitur. — Celui de Nar bon-
ne, en ItJOy, défend de tenir le saint sacrement
dans les chapelles des confréries , nisi hoc
expresse npprobanle episcopo. — L'article 7 de
rorilonnancc de Konssillon défend tous ban-
quets et repas pour confrérie. C'est aussi la
disposition de l'ai ticleTi de celle de Moulins,
qui ajoute : « Sans permclire par nos juges
la ciimmuialion des banquets eu argent, ou
autre chu-e équivalente, qui pourrait cire
donnée pour parvenir auxdites réceptions. «
— Par arrêt rendu, en forme de règlement,
au parlement de Paris, le 7 septembre 1G80,
au sujet de la confrérie de Saint-Louis, éta-
blie à Orléans dans ré;;lise de Saint-Donatien,
il fut, entie autres choses, ordonné que les
confières ne pourront être otiligés de payer
aucun droit de confrérie, et que l'acceptation
el démission des otûces ou charges seiont
absolument libres. Ce dernier point a encore
été jugé, le 1 1 janvier luOli, par un arrêt de la
niéinei'our, lequel a infirme une sentence qui
condamnait Denis Richard à taire les loue-
lions de la place de marguillier de la confré-
rie des garçons merciers à Paris, à laquelle
Ses contrèies l'avaient nonimé.
Il y a. dans nos provinces méridiunales,
des confréries célèbres , connues sous le
nom de />e'niien/A'. Elles y forment des corps
considérables. M. Durand de MailLine, avo-
cat au parlement d'Aix , assure que leur
usa|;e «st de porter leurs causes, sur les ré-
CON
1058
ceplions et élections des confrères , par-de-
vanl les juges séculiers; et il ajoute que,
malgré l'ordonnance de Moulins, la jurispru-
dance des parlements dans les ressorts des-
quels sont les péuilenls, est de les contrain-
dre à accepter à leur tour, les charges el of-
fices de la confrérie, ainsi que de payer un
droit annuel lurs(|u'il est modique, et donné
seulement à litre d'aumône et pour fournir à
l'entreti n de la chapelle et au service divin
qui s'y fait.
Les confréries dûment autorisées sont
communément regardées en France comme
des corps religieux et ecclésiastiques. Klles
Sont eu conséquence soumises aux décimes
et autres impositions que p^iye le clergé. Klles
ne peuvent vendre ou aliéner valablement
leurs meubles, sans observer lis formalités
prescrites pour l'aliénation des biens de l'é-
glise.( .irtictede M. l'abbé Berlolio.) [Extrait
du Dictionnaire de Jurisprudence.]
* CONt'UTZÉi'^NS. C'est une seile religieuse de h
Chine cl îles iles voisines, ipii adopte la docirine de
(ioiifiiciiis. Klle est (leii nombreuse ; cir le hialia-
niisiiio coinpie un yr:nul nombre de pariisans. Les
empeiiiirs de la (.liiiie sniii .le la relliîion du Ddai-
Lama. Voij. Bouddhisme, Ciiinb, Dalai-Lama.
CONGKÉGATION. L'on appelle ainsi à
Kome une assemblée formée par des théolo-
giens nommés consnlieurs , et présidée p.ar
un (lu plusieurs cardinaux, pour s'occuper
de divers objets relalil's au gouvernement de
l'Eglise. Quelques-unes sont établies pour
toujours, d autres seulement pour un temps.
Il y a eu une congrégation du concile do
Trente, destinée à résoudre les doutes qui
pouvaient survenir sur le sens ou sur la ma-
nière d'exécuter les décrets de ce concile;
elle siibsisie encore; une congrégation de
auxiliis, chargée d'examiner si le système
di; Molina sur la grâce était orthodoxe ou
liéiétique. Yoy. iVIolinisme.
il y a une congrégation de lUtes, pour ju-
ger si telle pratique introduite dans le culte
est louable ou superstitieuse, pour permet-
tre ou rejeter les olfices ou les cérémonies
que l'on veut mettre en usage , pour procé-
der à la béatification et à la canonisation
des saints. Lu cungiégation de Propaganda
Fide, s'occupe des missions et des mission-
naires <|ui travaillent à la conversion des in-
fidèles, etc. Voy. pRaPAGAMDE.
CoNGUÉGATiuN , société de prêtres sécu-
liers, (lui, sans faire de vœux , se sont reu-
nis pour s'employer à des services d'utilité
publique, tels que le soin des collèges et des
séui:naiies , les missions de la ville ou de la
campagne, etc. Les eudistes, les joséphistes,
les lazaiisles, les oratoriens, ceux de Saint-
Sulpice, etc., sont de ce nombre. L'utilité de
ces congrégations est de rendre les etablis-
semenis solides et les services plus cons-
tants, parce qu'elles ont toujours des sujets
prépares pour remplir les places vacantes.
Plusieurs ont été établies pend.Éiit le dernier
siècle; mais comme le goût du nôtre est de
détruire, si l'on écoulait nos philosophes
politiques, on n'en laisserait peut-être sub-
sister aucune.
1059
CON
CON
1060
CoNGRKG*TiON DE BELiGiEus. Lorsque le
relàchcmenl s'est t^lissé dans les ordres mo-
tiasli(]ues, un cerlfiin iioMibre de religieux ,
qui voulaient einbravser la réforme et reve-
nir à la ferveur ilu premier institut, se sont
séparés des aut^e^,onl formé entre eux une
nouvelle association sous des supérieurs
particuliers. Ainsi les bénédictins , les au-
guslins, les chanoines réguliers, etc., se sont
divisés en difforeutes cingréyalions.
Ci)NGuiiG*TioN DE PIETÉ. Dans plusicurs
paroisses, suit de la ville , soit de la campa-
gne, l'on a formé des associations de diffé-
rents àfjes et des deux sexes, des hommes ,
tli-s femmes, des gan.ons , des ûlles,pour
leur (àiro praticiuer ensemble des exercices
de pieté, pour leur donner en particulier les
avis et les iiisiruclions qui leur convienm'nl,
pour les engager à se surveiller les uns les
auires. Celarrangemenl donne aux pasteurs
des f.Rililés pour remplir leurs devoirs plus
commodémenl, entretient dans ces dift'eren-
les sociétés une émulation louable, et con-
tribue beaucoup au bon ordre des paroisses.
Ordinairement ces conrjiégations sont éta-
blies à l'honneur de la sainte Vierge. — Par
la même raison, l'on a forme dans les collè-
ges une cungiégaliun des écoliers , el dans
les couvents une lun'irégalioii des pension-
naices , pour les exciter à la piété. Comme
un aiticle essentiel de la foi chrétienne est
la communion des saints, il est bon d'accoe
Inmer de bonne heure les jeunes gens de
l'un et l'autre sexe à en prendre l'esprit ,
afin de les prémunir contre le culte isolé et,
pour ainsi dire, clandestin , que la plupart
des chieiiens , surtout les grands , affectent
pour leur commodité.
CoNtiiuGAilON ui: Notre-Dame, ordre de
religieuses inslilué par le 15. Pierre Fourier,
chanoine régulier de Saint- Aii;;iislin , curé
de .Mataiucourt en Lorraine ; c'est lui qui
en a dressé les constitutions. Cl ordio. a
beaucoup de rapport à celui des Ursulines ;
il a été elabli dans le même temps, pour l'é-
ducation des jeunes filles et pour l'instruc-
tion gratuite des enlantsdes pauvres, lui 1315
et lolli, Paul V pi mit à la mère Alix et à
ses compagnes de prendre l'habil religieux ,
d'ériger leurs maisons en monastères, et d'y
vivre en clôture sous la règle de saint Au-
guslin. Ces religieuses fuient agrégées à
l'ordre des chanoines réguliers de la coii'jré-
gnlion de noire S.iuvi-ur, par une bulle d'L'r-
b. lin Vlll . l'an 1U28. lilUs ont un grand
nombre de munustères en Lorraine, dans
quelques autres provinces de France, et eu
Allemagne. La feue reine .Marie , princesse
de Pologne, leur a fait bâtir à Versailles un
superbe monastère , dans lequel la commu-
nauté de t^oinpiègne a clé transférée et con-
firtuéc par lellris patentes du roi en 1772.
Ces religieuses y remplissent leur destina-
tion, sou.s la proleciion de Mesdames, héri-
tières de la piété de la reine, leur mère.
CoNGiiKGAT.ON (Ij. Ce mol est pris dans
<1) Cet arliclc eal reiiroduil d'^iincs l'odiliuii do
Liège.
l'usage, en divers sens ; en général , il sert
à désigner une assemblée do plusieurs per-
sonnes qui forment un corps, el plus parti-
culièrement d'ecclésiastiques. On appelle
encore congrégations, des espèces de coui-
missions ordinairement composées de car-
dinaux, établies à Rome par les pat)es, pour
veiller sur certaines parties de l'adminisira-
tion, suit spirituelle , soit temporelle. Nous
parlerons d'abord de cette esjjèce de congrd-
gulion, et nous traiterons ensuite des con-
gre galions ecclésiastiques.
Congrégations des cardinaux. Oq appelle
ainsi, comme nous venons ds: le dire , les
différents bureaux des cardinaux , commis
par le pape, et distribués eu plusieurs ctiam-
bres, pour la dii ection de plusieurs affaires.
— La première et la plus ancienne de ces
congrégations, est celle du consistoire. Il ne
faut pas la confondre avec le consistoire
même; elle est composée d'un certain nom-
bre de cardinaux el de prélats et d'un secré-
taire : ele prononce sur les oppositions aus
bulles qui doivent être expédiées dans le
consistoire. Il y a des avocats qui ont le
droit exclusif d'y plaider; on les appelle pour
celle raison uiocats cousistorinux, — La se-
conde est celte de l'Inquisition. L'abbé
Fleury, dans souJnslitalion uiidroil ecclésias-
tique, tom. XI, p. Oli, de l'édition donnée pur
M. Boucher d'Argis, dit que le pape Sixte V,
érigeant les diverses congrégations de cardi-
naux qui subsistent à Kome , donna le pre-
mier rang à celle-ci. Il ajoute qu'elle est
composée de sept cardinaux et de quelques
autres oificiers ; que le pape y préside tou-
jours; que ton autorite s'clend par toute l'I-
talie, et, suivant leurs prétenli^ms, | ar tout
le monde. D'auires auteurs la composent de
douze c.irdinaux ; mais il par.>il i|ue leur
nombre dépend de la volonté du pape. Plu-
sieurs prélats et des théologiens de différents
ordres religieux sont uilmis dans eetle con-
grégatiou; les théologiens ont le titre de
consulteurs de l'Inquisition. — C'est dans
celte congrégationyiiil Si. Uuucher d'Argis ,
dans une note, à la page 97 du tome 11 , de
VJnstilulion mi droit cc(7e«ia-//'/ue, que se
l'ail l Index expurgutjrius, auquel ou ins-
crit à mesure tous les livres qui sont cen-
surés par le SaiiU-Ofiice. On doit à Paul IV
l'établissement de i'Index. Les pcines.qu'il
im|iosa à ceux qui violer. lient la défense de
lire les livres qui y sont mis, sont extrême-
ment sévères ; elles consistent dans l'exeum-
munication , la privation et l'incapacité de
toutes eh.irges et héiieûces, l'infamie perpé-
tuelle, etc. Le concile de Trente lit tra\ailler
à l'Index; il a depuis ele considerablenu'ut
augmenté. Mais ou ne reconnail point en
France l'autorité de la congrégatiun du
Sainl-Oriiee , comme il paraît par un arrêt
du parlement de Paris, ijui fut rendu en
lù'i-7, sur les conclusions de Al. l'avocat gé-
néral 1 alun.— La troisième congrégation des
cardinaux est celle que l'on apni Ile des évé-
gues el des réguliers. ( Congregatc.i aegotus
episcoporum et reguiariwn prceposila). Elle a
jundiclion sur les evéques el les réguliers ,
1061
CON
CON
lObt
elle connaît des diiTérends qui naissent en-
tre les évoques et leurs diocés;iiiis , et entre
les supérieurs réguliers et leurs religieux.
Les évoques s'y adressent , et la consultent
dans li'S affaires délicates. Comme les fonc-
tions de celte congrégation demandent une
connaissance profonde de la discipline et
des lois de l'Ejçlise , le pape la compose des
cardinaux les plus instruits dans les matiè-
res canoniques. 11 n'est pas néce-isaire de
dire ici (ju'on ne reconnaît point en France
sa juridiction. — La contjiaiation île l'im-
munité ecclésiasliciue est la quatrième. Klle
est établie pour dcciifer si les coupables qui
se sont réfugiés dans les églises doivent
jouir de l'immunilé qui y est attachée. LMe
est composée de plusieurs cardinaux qui y
président , d'un clerc de cliarnhre , d'un au-
diteur de rote et d'un rélérendaire. — La
cinquième congrégation est celle du Concile.
Elle a été établie polir éclaircir les dillicul-
lés qui naissent si<r les décrets du concile de
Trente, dernier concile général. Elle n'avait
d'abord été érigée que pour les faire exé-
cuter; Sixte V lui attribua le droit de les
interpréter. Nous ne considérons en France
ses décisions que comme des avis sages
et des préjugés de raison ; nous ne crojons
pas qu'elles obligent ni dans l'un ni dans
l'autre for. — La sixième est celle des Rites,
établie par Sixte V : elle est chargée de ré-
gler ce qui concerne les cérémonies de l'E-
glise, le bréviaire, le missel, d'examiner les
pièces qui sont produites pour la canonisa-
tion des saints, et de décaler les loiilesta-
tions qui peuvent naître sur les droits hono-
riliquts dans les églises. — La se[itième est
celle de la fabrique de Saint-Pleire. Elle
connaît les legs destinés par œu\respies,
dont une partie appartient à l'église de Saint-
Pierre. — La huitième, qui ne s'occupe que
d'objets purement civils , a l'inspection sur
les eaux, le cours des rivières , les ponts et
chaussées. — 11 en est de même de la neu-
vième. Le cardinal Camerlingue en est le
chef. Llle veille sur les rues et les fontaines.
— La dixième s'appelle la Consulte. C'est le
conseil du pape ; elle est chargée de toutes
les alTaires qui concernent le domaine de
l'Eglise. — La police générale occupe la
onzième, qui s'appelle de Bono Regimiiic. —
La douzième est celle de la Monnaie. Outre
la fabrication des espèces qui ont cours dans
l'Etal ecclésiastique, elle est chargée de fixer
le prix et la valeur des nionnaies des prin-
ces étrangers. — L'examen des sujets «lui
sont nommés aux évécbés d'Italie, occupe la
treizième, qui a le titre de congrégation des
Ev('ques. — Le cardinal-doyen est le prési-
dent de la quatorzième , qui est celle des
M'ilii'res consigloriales. — Celle de Propa-
ganda Fide est la quinzième ; elle règle tout
ce qui concerne les missions. — linfin , la
seizième est la congrégation des Aumônes :
elle a le détail de la subsistance de Kome et
«le l'Etat de l'Eglise.
Ou voit par cette énumération qu'il y a
plusieurs congrégations de cardinaux , qui
ne sont, à proprement parler, que des tribu-
naux OH des bureaux civils et politiques ,
ch.irgés de l'administraiion lemporclle des
villes e! des provinces dont le pape est sou-
verain. Quant à celles qui s'occupent de
choses relatives au spirituel el à la religion,
elles ont autorité et juridiction dans les pays
d'obéilienco ; mais elles n'en ont point en
France, comme nous l'avons déjà remarqué.
Le clergé lui-même ne les reconnaît poini.
Dans son assemblée générale de lO'iS, Il dé-
libéra sur les movens d'arrêter les entrejiri-
ses de la congrégation Avs cardinaux , qui
donnait des rescrits au métropolitain ou à
l'évéque vt)isin, pour ordonner les clercs re-
fusés par leur propre évéque.
Les cours séculières ne sont pas moins at-
tentives à rejeter les dérisions , déerets ou
rescrits des coiuji égalions des cardinaux.
Elles n'ont égard qu'à ceux qui sont émanés
du pape lui-mètne. Toutes les fois qu'on
leur en a présenté , comme de nullité de
vœux , de translation de religieux , elles les
ont déclaré abusifs, sauf, à ceux qui les
avaient obtenus, à se pourvoir en la chancel-
lerie, où les actes sont expédiés sous le
nom du pape ; des arrêts du parlement de
Paris el du grand conseil , que l'on trouve
dans les Mémoires du Clergé, sont autant de
monuments aullienliques de celle sage juris-
prudence.
En 1703 , le procureur général au parle-
ment (le Dijon porta la parole contre cer-
tains rescrits émanés de la congrégation des
lléguliers. Ces rescrits renvoient aux ordi-
naires les suppliques présentées au pape par
les religieux qui demandaient à cire resti-
tués au siècle , el contenaient une commis-
sion d'informer secrètement, sur l'exposé des
suppliques, d'entendre même les supérieurs
des monastères, pour envoyer ensuite ces
procédures à Ilome , el d y joindre leur
avis , afin de juger p!us sainement si le bref
de dispense ou de restitution doit être ac-
cordé ou refusé. Par ariêt rendu en l'orme
de règlement , le i août i~i03 , il fol lait dé-
fense aux évêqoes du re>sort el à leurs olQ-
ciaux d'exécuter ces sortes de rescrits.
Nous ne pouvons mieux mettre sous les
yeux de nos lecteurs l'ensemble des princi-
pes reçus en France, sur rautoiité de^ con-
grégaiions des cardinaux , qu'en rapi orlant
ce que disait le célèbre M. Talon , dans une
cause où il s'agissait d'un rescrit émané de la
congrégation «le rin(]uisilioii. « Nous recon-
naissons en France l'autorité du sainl-sléie,
la puisNaiice du pape , chef de l'Eglise . Père
commun de tous les chrétiens : nous lui de-
vons toute sorte de respect et d'obéissance :
c'esl la croyance du loi, fils aîné de l'Eglise,
el la croyance de tous les ealholi.jues , qui
sont dans la véritable comiuonioo ; mais
nous ne reconnaissons pas en Franco l'au-
torité, la puissance, ni lajnridiclion des con-
grégations, qui se tiennent à Kome, que le
pape peut établir comme bon lui semble ;
mais les arrêts, les décrets de ces congréga-
tions n'onl point d'autorité ni d'exécution
dans le royaume, et lorsque dans les occa-
sious d'une affaire coutenlieuse , tels décrets
«063 CON
se sont rencontrés, comme es matières de
dispense, de nullité de vœux, de translation
de religieux, la cour a déclaré les brefs éma-
nés de ces cunyrégalians nuls et aliusifs,
sauf aux parties à se pourvoir par les voies
ordinaires , c'est à-dlre par la cliancellerie
où les actes sont expédies , on port.iiit le
nom el litre du pape, en la personne duquel
réside l'aulotiié létjitime; el pour ce qui re-
garde les ni;ilièr(s de la doctrine el de la foi,
elles ne peuvent être terminées dans ces
congrt'yalioiis , sinon par fora)e d'avis el de
conseil, mais non d'autoriié et de pui^^sauce
ordinaire : il est vrai que dans «es congré-
gations se censurent les livres défendus , et
dans icelles se fait VJndex purgalori is , le-
quel s'augmeule tous les ans , el c'est là où
autrefois ont été censurés les anêts renilus
conire Jean Chistel, les o-uvres <le M. le pré-
sident de Thou , les libertés de l'Eglise gal-
licane, et les auires livres qui concernent la
conservation de la personne de nos rois et
l'exercice de la justice royale ; dt> sorte que
si les décrets de cette qu.ililé étaient facile-
uicnl publies et autorisés dans le royaume ,
ce serait introduire l'autorité de l'inquisi-
lion, parce que celle coiiçjrégatiun pi end le
litre de générale et universelle sur le monde
chrétien, dans laquelle ils piélendraieiil ,
par ce ino^en, faire le procès aux sujils du
roi, colline ils pensent le pouvoir faire aux
liires qui leur déplaisent et ((ui sont impu-
nies dans le royaume : ainsi, nous qui par-
Ions , a\ant examiné le titre de ce décret
émané de l'Inquiàiiion , auquel néanmoins
on a donné le nom et l'aulorité d'une bulle
apostolique, nous avons pense être obligé
de le reniai quer à la cour, el de nous en
plaindre. »
Congrégations ecclésiastiques. Elles sont ou
régulières ou séculières. Les congrégations
régulières sont celles qui se forment dans un
ordre religieux , par la division d'une por-
tion de ses membres, ((ui, sans cesser de vi-
vre sous la niêiue règle , ont cependant des
COI slittilions el des supérieurs pailiculiers.
C'est pourquoi il ne faut pas confondre les
ordres avec les congrégations. L'ordre de
Saint-Benoît, par exemple, e>t partagé en
difléienles congrégations , telles (jne Cluny,
Sainl-Manr, Saint-\ aunes, etc. Ces congré-
gations doivent leur origine aux icfonnes
qui ont éié laites par des religieux animes
d'iiii s.iiiit zèle pour le rét;il>lissement de la
diseiplinc mon.i'-tique ; ellesne peuvent s'é-
taldir sans îles lettres p.itentes , enregistiées
dans les Parlemenis. Nous en donnerons pour
preuve ce (|ui s'est passé dans le dernier siè-
cle, au sujet de la congi cgation de Saint-
Maur. — (juelques religieux fiançais de l'or-
dre de ;-aint lii iioîi, ay.int désiré embrasser
la réforme, sons une congrégation particu-
lière, comme celle du Mont-Cassin el de Lor-
raine, s'adressèrent aux papes Grégoire XV
cl Urbain Vlll, qui, à la prière du roi, accor-
dèrent des bulles pour l'creclion de cette
nouvelle congrégation, Sub litulo et invo-
caiione seu dcnominatione saucli Mauri^ad
instar congregalionis Cassinensis scu sancloc
CON
10G4
JustincB de Padun, avec pouvoir d'y agréger
les monastères qui s'y voudraient soumettre,
et délire, au moins de trois ans en trois ans,
un vicaire génér;il français naturel, ad illam
congregalioncm regendani et gubermmdam. —
Sur ces bulles il y eut des lettres patentes
ex|iédiées le 15 juin 1631, adressées aux
cours souveraines, baillifs, sénéchaux et au-
tres officiers des justices royales ; elles fu-
rent enregistrées, sans aucune modifieation,
au parlement de Bordeaux, le 3 mai 1632; de
Paris, le 21 mars 1G73; de Dijon, le 13 juillet
ir37; de Bennes, le 17 avril 1()38; d'Aix, le
16 décembre de la même année; de Rouen,
le 26 janvier 16iO. Vog. Bénédictins. — Ces
réi'oimesou congrégation* nouvelles néces-
sitèrent de nouvelles lois pour la disposition
et l'administration des bénélices qui dépen-
daient des maisons qui les avaient adoptées,
et par conséquent la juri>prudence a dû
éprouver des cliangeii enls : suivant l'ancien
usage il fallait, pour posséder un bénéfice
dépendaiil dune maison, être profès de cette
maison, ou y avoir été transféré. Aujour-
d'hui il suffit d'être proies de l'ordre, donl il
est une dépendance. Les relgieux de ces
réformes ne font pas vœu de stabilité dans un
monastère. Ils sont plutôt des religieux d'une
congiégation que d'un monaslèie, la volonté
de leurs supérieurs les rend ambulants el les
transporte dans les communautés qu'ils ju-
gent à propos. Ainsi un leligieux de Sainl-
Alaur peut posséd r un liéneiice dépendant
des autres congrégations de l'ordre de Sainl-
Benoit. .M. Plaies assure que c'est aujour-
d'hui une jurisprudence constante, que lors-
qu'un religieux est pourvu, en cour de Koine,
d'un bénéliee dépendant d'une congrégation
différente de celle où il a fait profcs^ion, ii
n'a pas besoin d'autre bref de translation que
des |irovisiuns même du bénéfice, dans les-
quelles les oKiciers de la cour de Home ne
niani|uent pas d'inséier une clause ponant
Ircinslaiion de nionasterio ad inonastcrium.
Cette clause est regardée comme inutile, elle
est au nombre de celles dont on û'dvitianlitr,
non vitiirnt.
Il paraît assez naturel que les religieux
d'une iiiêmc Congrégation puissent, sans brels
de translation, posséder les lienéCces dépen-
dants de la congrégation. Il n'est pas aussi
facile de vor poun|uoi on n'oblige pas les
reli;iieux à se fiiie transférer, lorsque le bé-
néfice dépend d'une a.Mre congrégation. Du-
moulin nous donne la solution de ceite diffi-
culté : il établit qu'ataiit Bonifa< e VIII, de
droit coiniiiun, tout religieux iirofès était ca-
pable de posséder lout lien. Gce de son ordre ;
Bonilace Vlll introduisit un nouveau droit
par le § prolubenius du eb.i|)itie Ctitn sinyula.
On a suivi pindani quelque temps celte, dis-
position en Ir.iiice, quoique le texte n'y ail
point été reçu ; mais insensiblenienl on a
rappelé le dioit commun. On y a été d'autant
])lus loudè, qu il est important que les colla-
teuis aient loulc la libei té possible dans le
choix des sujets auxquels ils confèrent les
bénélices.
L'ordre do Saint-Âugustini couituu celui d«
lOGS
CON
CON
lOGC
Sainl-Benott, se divise en plusieurs contjré-
jffi^/cms, (li)nl quelqiies-tiiies porleiil le nom
d'ordre. Les pluf convi(léial)lcs suni relies de
PrénioiUré, île Sainle-(i(Mieviôvc ou loni/ie-
galionde France, de la Cliancelali'.dc Hoiir-;-
Acliiird, de la Tri ni lé ou ili's M a; lui ri us ; relies
de (iraiiduionl, de S ;iiit-An|i)iiic el ili- -aiul-
hiif oui I lésupfirinuN's de niiir<' Iciups.nuoi-
iiue iesdilîorenlfs coniiréiinliom de l'or'lre de
Saiiii-Aiigusiiii aieiil moins de rapporl eiilre
elles, et soient dans le Ciit plus séparées (]ue
ne le soit les roiuirà/nlions ilc l'ordre de
Sainl-Benoît, ccpendanl on voy.iil tous les
jours des relii;irux de la rnnijrciiati n de
France reipiérir des cures depeiiiLiiiles île
l'ordre ou co)t rc'i/'i/io» de Prériion' ré et vi-
ce tersn des religieux de Préii'.oniré reqiié'ir
de la coïKjréijdlton de France, sans que l'on
exigeât ni des uns ni des aulres un rescril
delranslalioii.il enéiait de rriêino des autres
CoïKirégatioiis. — Mais depuis la d.claralion
de 1770, les choses sont changées à cet ejfard.
Les cures dépendanles des difTérenies coïKjré-
galions do l'ordie de Saint Au^uslin ne peu-
vent plus être possédées que par des reli-
gieux de ces mêmes com/régalious. L'arliele
l''' de la déclaration y esiromiel ; nous avons
vu rendre à ce sujel un arrêt dont les cir-
constances sont assez singulières. La cure
de Clievanue, diocèse d'Anxerre, dépemlante
d'un prieuré de l'ordre de Siinl Augusiin, de
la congréi/alion de liourg- Acliard, étant
devenue vacante par mort , le prieur y
nomma frère N'errier, prémonlré, annuel M.
l'évéque d'Auxerre lel'usa des provisions. Il
motiva son reins sur ce que hère Veirier,
prémoniré, était, aux termes do lu déclara-
tion (le 1770, ineapalde de posséder une cure
de la congrcijiiCion de l!ourj;-Aeliard. Frère
Verrier sepouivut devant -M. l'arcli vèipie
de Sens, qui répondit comme J\l. réiêi|ue
d'.Auxei re, et conlirnia son relus. Ce|ieiidiint
M. l'cvêque d'Auxerre coulera la cure de
Chevaniie à frère Bezeron, religieux de la
conçircgation de Bourg- Acliard, le patron
ayant consdiunic smi druit par la présenta-
tion nulle de frère \errier. Celi.i-ci interjeta
cTppel comme d'abus, des relus qu'il avait
essuyés, el demanda a être autor.se à se re-
tirer par-(le\anl .\l. rarclievè()ue de L}on à
l'ellet d'en ob enir des provisions. Frère Be-
zeron fut intimé sur l'app"!.
Al, l'avocat général Seguier, ijui porta la
parole dans celte cause, établit ((ue les refus
de .M. revécue d'Auxerre et de ,M. r.ircbe-
vêque de Sens étaient abusifs, en ce que ces
prélats avaient prononcé sur la nature cl la
qualité du bénétice de Chevanne, eu inge.int
qu'il ( lait une dépendance de la cun/jre'(/a-
tion de Bourg-Acliard ; ce qui excédait leurs
pouvoirs, el elait une entreprise sur la juri-
diction séculière. Mais il ajouta que, de ce
qu'il y avait ai)us dans ces refus, il ne s'en-
suivait pas que frère \eirier dut être ;iulo-
risc à se retirer | ar-devanl .M. l'ardu vèque
de Lyon, el à prendre possession ci\i!ede la
cure de Clievanne ; parce c|ne la collation
faite eu laveurde fréie Bezeron elail valide,
le patron ecclésiastique avant consomme son
DiCT. DE ÏHÉOL. DOGMATIQUE. 1.
droit, par la présentation nnlle qu'il avait
faite de frère Verrier, incap.iblede pnssédei-
celte cure, comme élanl preinnnlré : en con-
séquence, il conclut à ce que les refus de
provisions l.iiis par M. l'evêque d'Auxerre
a .M. l'areliiM ênue de Sens f, s.seiil iiccl.irés
alm.lfs, el il requit, e.u no n du ministère
pnldic, que l.i cotl iiioii fiili' p ir l'evè [ue
d'Anxerre en faveur de frère B zeroii lui l'é-
claree bonne et valalle, et frère Bezeron
maintenu dans la possession de la cure de
Clievanne. L'arrêt d i mardi 20 juin 177,') fut
conlorme en tout aux conciiision-^ de .M. l'a-
Mieai général. Il (il dit \ avoir abus dans le
refos de l'orlinairi" et ilii met lOpoliLiia, et
la coilatinii de .M. l'ôvc (|ne d'Auxerre fut dé-
clarée lionne el v lalile. 1| est assez ingu-
lier que frère Verri r ail entrepris ce procès;
quel que pût être l'evéneuK ut de s-n appel
cimme d'abus, i! était évident, d'.ipiès la dé
claratioii de 1770, qu'il était incip.ible de
posséder l.i cnre de l-lievann ■. Il ((;ii( donc
sans intérêt. Voy.,à l'article Curk, les .iérla-
raiions et letiies patentes concernant les
cures de l'ordre de Saint-Augustin.
Le concile de Trenli', sess. 23, de Jiefurm.,
ch. 8, a ordonné que les mon.isières sDimiis
imméiH.itemenI au saint-siege, qui ne sont
sous aucn cliapi re gênerai, el qui n'ont
aucun visiteur leg lier, seraient obi g s de
se réunir dans uo an, en iwmjréijntions par
provinces ; el faute par eux de le faire, l'é-
véque diocésain evereera sur eux l.i ju i lic-
tioii, coinnie délégué du sainl-siége. Quod
Kt piiidicln p.is:qiu non curai rn'nt , cjiiscopis
in (/uoi uni diœcesihii^ lorn pnrilirt i siln siint,
tdiiijiKiin s dis apustuli. œ deleynlis siOdant iv.
Ce règlement teiidiiit à lemejier .iiix abus
et ao\ inconvénients des exemptions. Il ;i
été adoiilé par l'in ijcle 27 de l'ordoun.ince
de lilois : n l'ous monastères ()ul ne sont
sous cliapilres généraux, el qui se préten-
de l siijeis immédi;itemeni au sainl-siége,
seioni t'Uiis d.ius un an, se réduire à quel-
que co)ii/i(///(/f ion de leur ordre en ce royaume,
en laquelle s. ront dressés statuts el commis
visitaieu.s et en cas de rel'.is ou délai,
y sera pourvu par l'evêqne. » Il ne peut
donc plus y avoir parmi nous de mon islère
qui ne reconiuiisse quelque supérieur en
F'ranee. La d.ffeience de cet article av. c le
règlement du concile de 'l'renle, c'est que,
selon ce dernier, les évéqurs ne doivent
exercer sur les moii,isères dont il s'..git la
juridiction que comme délégués du sainl-
siége, au lieu que, selon l'c spril de l'oidon-
nance, ils doivent l'av.îir comme évéque,
jure .sdo, iirDjirio et ordinario.
Les cotu/i égalions séculières sont celles
qui s.int composées d'ecclésiastiques sécu-
liers. Nous en avons plusieurs en Prince,
telles que l'Oratoire. I.i Doctrine chrétienne,
Saint-Lazare, les Lndistes, les Siilpiciens,
etc. Nou-. n'entrerons poinl ici d mis le détail
de leurs consliluiiuns et de leur régime,
nous renvoyons à chacun des articles (jui
leur sont propres, cunune p )iir les cuuyrc-
giilions régulières.
Ou duuue aussi quelquefois le nom de con-
3ï
îoa?
CON
CON
1068
gréijation aux confréries ; relies des Jésuites
êlaiiMil coiuuies sous colle déiiominiilioii.
Vny. CoNFKÉRiES. {Arlirle (le M. l'ahlié Ber-
tolio.j [Kxlrail du Diction, de Jurisprudence.]
* CONf.RÉr.ATIONALISTES ORTHODOXES.
C'est l'une de- seclt-s religieuses le^ plus iionilireii-
ses des Klals-Unis. Klle ne caiiiple p:is nidins de
d,50l>.0(K) àiiins. Ce .«.ont des sccliiiiH^ qui conser-
vent dans t'Uif sa piirelé la doctrine qui fui inipor-
tée dans le nouveau unuiile |iar les pui itains anglais,
qui, cliassés di^ le.nr pairie, viiirenl (onder des éta-
blisM'inenis ilans la Nouvelle-Angleterre. Le principe
de telle sncte e^t l'in épendanre absolue de chaque
Eglise particulière. Il n'y a qu'un lien qui doive les
unr, celui île l'.iniciur delà cliarilé.
CONGRinS.ME, syslème sur l'efficacilé de
la grâce, imaginé par Suarez, A'as((uez, et
quelques autres, pour reclifler celui de Mo-
liiia.
Voici la manière dont ces théologiens con-
çoivent la suite des décrds de Dieu. 1° De
tous les ordres possiljles des choses, Dieu a
choisi librement celui qui rxisle et dans le-
quel nous nous trou. on^. 2" Dans cet ordre,
Dieu veu;, i'une volonté anlécéden'o, mais
sincère, le ,'alut de toutes ses ciéatures li-
bres , sous condition qu'( lies le voudront
elIcs-mèiiK's, c'est-à-dire , qu'elles corres-
pondront aux hecaurs qu'il leur donnera.
3° Il donne en effet à touies, sans e\ce|)lion,
des secours sulfisants pour acquérir le bon-
heur élcrnel. V" Avant même de donner ces
grâces, il connaît par la science moyenne ce
que chacune de ces créatUiCs sera, (juclle
que soit la ^râce qu'il lui donnera ; il '.oit
quelle grâce sera con;jrue ou incongrue, aura
ou n'aura pas un rapport de convenance
avec les dispo>ilions de la volonté de ( lia-
cuiie des créilures en particulier; par con-
8é(|uent, quelle ^râce sera elficace ou ineffi-
cace. 5° Par une voloiilé purement ;;ratuile,
par un décret absolu et elficace,- il choisit
un nombre de ses créatuns, et leur donne
par préiérence des grâces cnujrues, ou dont
il a prévu l'efiicacité. G* l'ai' la science de
vision, il prévoit quelles seront les créatures
qui niérilcroul d'être sauvées, et (|uelles
sont celles (|ni mériierout d'être réprouvées.
7° t!n conséquence de leurs mérites ou de
leurs démérites prévus, il décerne au\ unes
la récompense éternelle, aiiv autres les sup-
plices de l'enfer. — Selon les partisans de ce
système, l'honime aidé par une grâce con-
grue, ou qui a un rapport de convenance
avec les dispositions de sa volonté, choisira
inraillibiemenl, quoi(|ue librement cl sans
nécessite, le meilleur; l'clîet de la grâce et
le consenieinenl de rhominc sont donc in-
failiihles, puis(|iic la scirnce mui/cnnc, par
laquelle Dieu les a prévus, et înlaillil)le. —
Lorsqu'on demande iiu\. confjruisles en quoi
consi.ste Vf.fjicacilé de la grâce, ils répondent:
Si par efficacité l'on entend la force que la
grâce a de m^uioir et de déterminir la vo-
loiile, rdle vient de la grâce même. Si l'on
e.ilend l'elTet qui s'ensuivra, il partira de la
volonté aidée par la grâce. Si l'on entend la
connexion qu'il y a entre la grâce et le con-
sentement de la volonté, elle vient de l'une
et de l'autre. Si enfin l'on entend l'iafailli-
bililé de celle connexion, elle vient de la
science moyenne, qui ne peut pas se tromper.
On demandera sans doute quille différence
il y a entre ce système et celui de Molina.
Elle consiste, 1° en ce que Molina disait que
l'efficacilé di^ la grâce venait uniiiucment du
consenieinenl libre de la volonté, au lieu
que, selon les congrulsies, cette efficacilé
vient de la congruité de la grâce, par consé-
quent de la force et de la nature de celle
grâce même. 2" Molina préiendail que le bon
u>age de la g'âce, considéré comme l'effet
de la volonté ou du libre arbitre de l'hoinme,
n'était pas un effet du décret ou de la pré-
destination de Dieu ; les congruisles pensent
que cette absiraction est fort inuiile : Puis-
que la grâce, disent-ils, est donnée en vertu
du décret de Dieu, et que le consentement
de l'homme est principalement l'effet de la
grâce, aussi bien que de la volonté ou du
libre arbitre, il est clair que ce consente-
ment vient au moins médialemenl du décret
de Dieu. 3° .Molina soutenait que l'homme,
sans la grâce, peut faire une action morale-
ment bonne, et un ade de foi naturel ; que,
quoique ces actes ne soient point tels qu'il
les iaut pour la justification, et ne la méri-
tent point. Dieu cependant y a égard, en con-
sidération des mérites de Jésus-Christ. Or,
les conijriiisles pensent que celte doctrine se
rapproche trop de celle de Pelage ; que puis-
que Dieu donne des grâces à tous, plus ou
moins, il y a de la témérité à vouloir devi-
ner ce que l'Iiomme peut ou ne peut pas
sans le s cours de la grâce. Voy. .Molinisme.
Selon l'opinion que nous soutenons, disent
encore les coiigruistei, tout ce que saint Paul
et saint Augustin enseignent, touchant la
grâce et son pouvoir sur l'homme, est exac-
tement vrai. C'est Dieu fjui opère en nous te
vouloir et l'action; puisque sa grâce nous
prévient, c'est elle qui nous encite au bien,
qui donne à notre volonté une force qu'elle
n'aurait pas sans ce secours, et qui coopère
avec elle ; la grâce est donc cause efficieulc
du bien, non cause physique, mais cause
niorale. Quand l'homme faii le bien, ce n'est
jias lui ((ni se discerne d'avec celui qui ne h»
l'ail pas ; c'est Dieu qui, par pure bonté, dis-
cerne ce\ui auquel il donne une grâce eon-
'jrne, et par là même eflicace, d'avec celui
auquel il ne donne qu'un secours inelficacc ;
avec ce dernier secours, l'homme aurait pu
faire le bien, mais il ne l'aurait pas fait. U
ne peut donc se glorifier de l'avoir fait, toute
la gloire en est due à Dieu. La bonne œuvre
n'est pas venue de co c|ue l'homme n voulu
et a couru, viiiis de la miséricorde de Dieu ; il
a été prévenu, excité, soutenu par la grâce,
sans l'avoir méritée, sans s'v être dispose
par ses propres forces. Dieu a prévu d'avanc^
que riiomme consentirait à celle grâce, et
en suivrait le mouvement; mais ce n'est pas
cette prévision qui a déterminé Dieu à don-
ner la iiràce, ni à donner telle grâce plutôt
que telle aure; il l'a donnée par pure misé-
ricorde, parce qu'il lui a plu, et en considé-
ration des mérites de Jésus-Christ. Cela
10C9
CON
CON
1670
IIP se peut pas. répondent les îidversaires des
totKjiuisles : nous ne coiiccvnns pas qu'une
cnnse morale puisse avoir riiifluince que
vo'.is préleiidez. Tant pis pour vous, rôpli-
qucnl les Cdnqruistes ; nous ne concevons
pa* mieux foiiinicnt une cause physique n'a
pas une connexion nécessaire avec son ellel,
el ne détruit pas la lii)erlé. N'otlà où la ques-
tion est réduite depuis deux cents ans, après
des volumes entiers éciils de pari et d'autre,
et il y a hien de i"apparenie qu'elle > est
pour longtemps. On pourrait pciil-étre la
terminer, si l'on commençait par convenir
de part et d'autre ilu sens qu'il faut donner
au mot grâce congrue. Quelques théologiens
distinguent deux sortes de congruités ; l'une
intrinsèque, c'est la force uiéme de la grâce,
et son aptitude à incliner le consentement de
la volonté; celle congru, lé, disent-ils, est
l'eflicacilé de la grâce par elle-même ; l'autre
extrinsèque, c'est la convenance qu'il y a
entre les dis|)0silions actuelles de la volonté
et la nature (le la grâce. C-etc dernière esijèce
de congruilé, ajoulcnl-ils, est la seule qu'ad-
met Vasquez, et qui est la base de son sys-
tème. — Si cela est vrai, Aasquez a mal rai-
sonné, et celte disliitclion n'esl pas juste. Hn
efl'pl, puis(iue la comjruitc est un rapport de
convenunce , elle renferme née ssairement
di ux termes, savoir, telle nature et telle force
dans la grâce, et telles dis| ositions dans la
volimlé ; l'analogie ou la convenance doit
être mutelle, autrement elle ne subsiste plus.
Cl la n'est | as diflicile à démontrer. Avant de
donner une grâce, Dieu voit qu'un sentiment
ou un motif d'amour, de reconnaissance, de
désir des biens éternels, de confiance, est
plus propre à loiulier la volonté de tel
homme, qu'un sentiment de crainte, de dé-
goût du crime, de houle, etc. ; il voit que ce
senlimenl ne sera eKicace qu'autant (jn'il
aura lel degréde fiirce ou dintf usité. Si Dieu
le donne tel qu'il le faut pour le moRienl,
peul-oii dire que la congruilé de celle giâce
el sou efficacité viennent uniquement des
dispusiliuns dans lesquelles la volonté de cet
homme se trouve? La grâce ne serait pas
conç/ruf, si elle inspirait un motif de crainte
où il faut de la cnnlîance, el si ic sentiment
qu'elle donne était Ir rp faible. Or, une grâce
de coniiance u'est-elle ]ias essentiellement
el par sa nalure, différente d'une grâce do
crainle? Due grâce f)rte n'esl-elle pas aussi
diri'érente p:ir elle-même d'une grâce faiide?
11 n'esl donc pas vrai que la congruilé de la
grâce vient unique uenl ah exirinseca, des
circonstances ou des dispositions dans les-
quelles se trouve la volonté de l'homnic à
qui elle esl donnée. Il n'esl guère probable
que Vasquez ail commis celle faute de logique.
La congruilé liien entendue renfei nie iloiic
essenliellemeRt trois clioses : !■ telle nature
dans la grâce, i^ telles disposiiions dans la
volonté, 3' la connaissance inl.illible ijue
Dieu a de l'elïel qui s ensuivra. Si on laisse
de colé l'une de ces pièces on pèche par le
principe. — T.ela su|>posé, dira-l-o'n, qui
empêche les congruisles de dire, comme
leurs adver-aires, (jue la grâce est efficace
pr,r cIle-Tnême et par sa propre nature,
puis(]ue sa congruilé est une conséquence
de sa nature? C'est que, pnur a ineilrc la
grâce efficace par elle-même, i.l l';nil l'envia
sager comme cause phgnquc de l'action (|ui
s'ensuit; et conséquemmenl , selon les con~
gruisles, il faut admettre entre la grâce et
l'acliiin une connexion nécessaire ; au lieu
qu'ils ne reconnaissent dans la grâc 'qu'une
causalité morale, el n'admetlent entre la
grâce et l'action qu'une connexion contin-
genle. Voy. (^iBace. S '••.
Le terme de grâce congrue est emprunté
de sainl Augnsiin, 1.1, ad S'.mpHciun. q. 2,
n°13, où le saintdocleiir dit: Hli rircii gui
coNGnUKNTEK vocali, eu jus 7niserelur (Deiis)
sic eum vocal, quomoào scit ei congri ère, uC
vocantem non respuul.
Quelques littérateurs, qui ont voulu parler
de Ibéologie sans y rien entendre, ont dit
qu'il est difficile d'assigner la dilTérence
entre le système des congruisles et celui des
semi-pélagiens. Celte différence n'esl cepen-
dant pas fort difficile à saisir. Selon les
semi-| élagiens, le consenlemenl futur de la
volonté à la grâce, consentement que Dieu
prévoit, est le motif qui le dêlerniine à don-
ner la grâce ; il'où il s'ensuit que la grâce
n'est pas gratuite. Selon U's congruisles, iwx
conlraiie, ce 1 retendu mulif est non-seuie-
menl faux, mais absurde. \ln effet, en même
temps que Dieu préviil que l'homme ci>n-
senlira à telle grâce, s'il la lui donne, il pré-
voit aussi qne l'homme résistera à telle
autre grâce qui lui serait donnée. Si le con-
sentement, pievu pour la première, était un
motif de la donner, la résistance, prévue
pour la seconde, serait aussi on moiif de ne
donner ni l'un ni l'antre; ce qui est absurde.
Donc le choix (lue Dieu fait de ilonner une
grâce congrue, filulôt qu'une grâce incon-
grue, est absolument libre el graïuil de la
part de Dieu, c'est un elTet de bonté pure, et
Àlolina lui-même le suulenail .linsi.
Si les adversaires des congruisles ont sou-
vent mal conçu ou m;il ex|)o~é leur système,
ce n'est pas aux derniers qu'il faut s'en pren-
dre, mais pcut-élre eux-mêmes ne se sont-
ils pas toujours exprimés avec toute la pré-
cision nécessaire.
CONI'.KUITÉ. Les théologiens admettent
une espèce de mérile de conqrniti, de con-
gruo, par opposition au mérite de condignité,
de cnnd qn). Voq. Condicnité.
CONJÙI'.ATION, exorcisme, paroles et cé-
rémonies par lesquelles on chasse les dé-
mons. Dans l'Eglise romaine , pour faire
sortir le démon du corps des po-sédés, l'on
emploie certaines foiniules ou exorcismes,
des aspersions d'eau bénite , des prières
el d( s cérémonies inslituées à ce dessein.
Vog. Exorcisme.
Entre co»yi()a/ion et sord'/c'j/'', ou magie,
il y a celte différence, que dans la con-
juraliiin l'on agit au nom de Dieu, par
des I rières, par l'invocition des sainls,
pour forcer le démon à ob ir ; le ministre
de l'Kglise commande au démon au nom
de Dieu; daus le sortilège, au contraire,
1Û71 C0N
et 'ans la mn^ie , on prie le démon lui-
njôii)(>;on suppose qu'il .igira en vcrlu d'un
pictp tail avec lui, qu'il s'cutemlra avec le
sorcier pour faire ce que celui-ri désire. —
L'un cl l'auSie sont encore (lilTéri'iils des
oiK linnlemenls cl des ma éfices ; d;ins ces
derniers, sans s'ailresscr direclinenl an
démon, l'o 1 s ipposc qu'il a^ira en veiln de
leli'S pariiles, de lels (-.iracières, de telles
pratiiines qni ont la foret- de le faire a^iir.
Va/. M -.GE , l'jtCHANTF.MKNT, etc. [cl C Dic-
tioiDiiiire (les Se inces occtille.i, édii. Mi^iirJ.
CONONI l'KS, liércli(ines du vi' siccle qui
siTh aient les opinions d'un certain Conon,
évoque de Tarse ; ses erreurs sur la siinie
Trinité élai- m h's mêmes que celles des tri-
lliéistcs ou irithéiles. Il disput lit conir<' Jcaji
Pliik.pnnus, autre sectaire, pour savoir si,
à la lesUirection des corps, Dk'u en rclabli-
rail tout à la fois la mat. ère et la forme, ou
seulement l'une dis deux; Conon soulen lil
que le cori s ne pc niait jamais sa forme, (jue
la matière seule aurait besoin d'être réta-
blie : ou cet heiéiquc s'expliquait mal, ou
il enseignait une absurdité.
CONsANGUi >i IL ou l'ARKNTÉ. Voy. Ma-
HiAGi;.
CONSCIENCE, jugemeni que nous portons
uous-mêniessur nos obli(;alions morales, sur
la bonié on la méclianccté de nos aciinns,
soit avant de les faire, soit après les avoir
faites Ihtns touti's eus œin tes, dit l'Eccle^ias-
ti(iue, écotdrz roliedin ri .so/ye; lut fiilèie ;
c'est ainu que l'on ub-ene lit lointii nde-
menl' <ie Dieu [Eci It. \\\n, '21). C est par
ce sentim- m i iterieur que Unu nuis inli.iic
sa loi, nous fai' connaître nos devoirs, nous
reproche nos fautes.
I.oisque nous ne sommes aveuglés par
aucun intérêt, par ai:ciini> passion, ordi-
naireniLMil notre iurtscimce est droiti^;
mais un vif intérêt , une passion vio-
lente, des préjuges ou des h iciludes con-
liacléci de, uis longleiiips, rendent sou-
vent la covsciettce enoiie et l.iusse. —
Saint Paul [linttt. xiv, 2.3j dit : 'foui ce lyti
n'e.l jins selon la fit .sf utij/éché. Il est cla:r
que par la fui, saint Paui en. end le juge-
meni de la ((/H.scence; qu'ainsi iioussoinines
obligés de suivi e, nans nos , clions. ie dicla-
men de not. e cott-cience , de faire ce qu'elle
nous prescri , d'èv ter ce qu'elle nous de-
fcnl, mais il y a sur ce snjel plusieurs ob-
servations à fairi'.
Ba)led,iiis son Cotntnen taire pUUosophi-
(jUK, II" p/iil., cil. 8, y et 10, a rassenil) e un
Imn no éilire de sopliisines, poui' prouver (|uc
la tonsiienie erronée cl fansse nmis impose
la nu'iiic oliligalion qui» la fonsde/ifc droite ;
()ue no is devons egaL-menl suivre le juge-
ment de l'une et (le l'antre. Ce princ pe est
faux, (larce qu'il est trop général; Bajle
lui inèiiie a été force d'y nietre plus.eurs
restriciions. - Après avoir décide <|ue l'o-
Idigation est la inè , so t i\\.w. la cutisfieiicr
nous troinpi! en matière de Uroil mi en ma-
tière de lail, il ajonti', pourvu (jue l'erreur
soit aiisolumenl innocente ei ne vienne
d'aucune pas'ion ci imincile. (Jiiand on lui
CON Î072
objectequ'il s'ensuivrait, deson principe; que
les magisirals ne peuvent 1 giliniemenl punir
un inairiitenr qui a jigé qu'il lui était per-
mis de voler ou d(î commettre nnmenrire
d ins telle on le le oceas on, ni un alliée qui
dogni ilisc, ni un insensé ()ni i n>eignerail
que la pro-lilntion, l'adultère, ne sont pas
des C! inies, dès qu'il si' l'est persuadé ; B ijle
lépond (jue ces conséquences soiii fausses, 1°
jiarce qu'il ne peut point y avoir d'erreur
innocenle sur des points de morale aussi
clairs que ceux-là ; 2° parce que, si un nial-
faiieur a négligé de s'instruire tie ce que
l'on doit faire ou éviter, il sera punissable
pour avoir suivi une fausse conscience ; 3*
parce que les magistrats sont obligés de pu-
nir oui mall'aiteur (jui trouble la soc clé,
sans s'embarr.isser de savoir si sa con-
science a été vraie ou fausse, ilroiie ou erro-
née. — De même, après avoir dit que, quand
Dieu nous ordonne lie suivre la vérile, cela
doit s'entendrede ce qui nous parait vrai, de
la vérileappar' nie et putaMve, aussi bien que
de la vérité absolue, il ajoute, pourvu toutefois
que i<in ait apporte toute li diligence néces-
saire pour ne s'y tromper pas, et sauf à voir
quelle est la cause qui lait que le mensonge
parait quelquefois la vérité. — Enfin , a[irés
s'éire objecté que si son pi incipe général est
vrai, il excuse les peiséculeurs qui suivent
les mouvements de leur co/iscie/ice; il con-
vienl d'abord de celte conséquence, ensuite
il la reiracie, en disant qu'il ne s'ensuit pas
que l'on fasse sans crime ce que l'on fait
selon sa c«/i.science ; qu'un droit peut être
mal acquis, et que l'on peut en abuser en le
poussant a l'excès. Il n'est pas pnssiblrde se
contredire d'une manière plus frappante.
Bariievr.ic, qui a ié|ielé la plupart des so—
pbisinesde Bayle [Morale îles Pères, ch. 12,
S 55} , a pousse i'entetemenl encore plus
loin : « (Jiie l'erreur d'un liomine, dit-il, soit
vincible ou invincible, il aurait toujours
peclie en ne la suivant pas, lant qu'il en sé-
rail prévenu. » SnivanI celle décision, voilà
tous les malfaiteurs dont iious venons de
parler plcinemenl justifies, etc'eslaiiisi que
liarbeyrac corrige les erreurs de la morale
des Pères de l'Iij^lise. — Il est évident, par
les aveux d(' Biyle lui-même, que pour
qu'une f lusse co/isciencc nous excusedevant
IJieu, il faul, 1' que noiis n'avons rien né-
gligé pour nous instruire, et que l'erreur
ilaiis laquelle nous sommes soit invincible;
2' que celle erreur ne vienne d'aucun motif
blûmable, d'aucune p.iss.on criminelle, d'au-
cun préjugé opiniâtre ; 3' que. quant à ce qui
reg.iide le» huinines, loui crime qui troutile
la sociele est digne de cbàiiinent et doit éire
puni, quelle qu'ail ée la conscience de celui
(|ui l'a commis de propos délibéré.
Ce qu il y a de remar.|uable, cest que ces
deux aateurs ont voulu laire usage de
leur princ.i|ie pour piouvcrque les beréti-
(|ues ont didit de suivr.; el île professer
leurs eiieui.s, dès iju'elles leur |i.irais-enl
élre la vérité ; que l'on peclie contre la justice
i|u/ind un eiiipl >ie la lorce pour les répri-
mer; que vouloir les faire cliaugcr do rcli-
1073
COiN
CON
107i
g'on, c'est les forcer d'.igir contre leur con-
scirnce, leur ôlfr loiii r spi'ct pour la vériio
el la vertu, les prt cipiter dans li- pyri Imiiisuie
en liiit (le murale, (l;iu> l'alliéisuie c' dans le
lilieriluaue, eic. — Mas, selon les réfli'xions
évidentes (|ue nous \cnons d.' faire, avant de
décider que les héréliqncs peuvent et doi-
vent , en ion/>cience , prole^ser leurs opi-
nions, el «lue l'on a lort de les réner, il faut
couiinenccr par prouver que leur erreur est
iuvolonlaire et invlneilile, qu'ils n'ont rien
négligé pour s'instruire, rpi'ils ont clierriié
la vente de b mne foi, ((u'ils nom été pous-
sés par aucune passion, ni [)<'ir aucun moiif
suspect. Il faut démontrer (pie, dans leur
doeliine, il n'y a rien (|ui puisse iuijuié'er le
gouvernement, et dans leur conduite, rien de
contraire au repus el au hou ordre de la so-
ciété. Il faut être assuré qu'ils ne porleroul
pas trop loin leurs prétentions, qu'ils n'abu-
seront point de la tolérance qu'on leur ac-
cordera, qu'ils l'observeront eux-mêmes à
l'égard des aulres. Si (|uelqu'nue de ces
conditions manque, toutes les belles disser-
laliuns faites en faveur des bér. liiiues por-
tent à faux, el ne sont que du verbiage. —
Il n'est pas vrai qu'eu les forçant à se lais-
ser instruire, on les oblige d'agir eontre leur
cnnscience; ou les contraint seulement à l'é-
clairer el à la réformer ; le refus qu'ils en
font n'est pas délicaiese de conscience, mais
opiniâtreté pure : ce qui le démontre, c'est
qu is ne so:il pas scrupuleux suries moyens
d'ecarlrr l'iustrurtion el de se débarrasser
des niissuinuaires. On ne les obiigi! donc
point à fouler au\ pieils la vérité et la v^rtu,
niaisàcbercber la vérité elà res|iecter la ver-
tu. Il esl singulier. jiie les liéietii|ues el leurs
apol' g!St(S ne coniia sseiit p int de plus
grand(( vertu que I ob-tio.ition malicieuse.
Comme, dans luute cette d scussinn, il esl
priiicipaleoient question des calvinistes,
nous Verrons en sou I eu de que le maniera
ils oui formé leur consfimce. \ ar quels mti-
lifs ils oui e i brassé ce qu'ils nuiinnent la
ré. iir, de quels moyens ils si' soni servis pour
la pro|iager, le cas qu'ils ont tait des in-
sliuclioiis et des voies de douceur, comment
ils ont oli-erve la tolérance qu'ils exigeaient
pour c .X. etc.
lieux de n;is incrédules nn)'iernes, qui ont
Voulu fuger une murale indépendante de
toute iiolion de Dieu, ont aussi raisonné sur
la con-'cience il leur m.inièie. « La conscience,
dil l'un demie eux, esl d.ms l'Iiomme la
coni aissance des elïels (|iie S'S actions pio-
duiroiil sur les aiities. l'ourle ^Uiiersli.ie'ix
(e'esl-à-dire pour ( eliii qui cr.)il un Dieu),
c'est II connaiss.ince qu'il crct avoir des
elïels que se^ actions produiront sur la Divi-
nité : oi.ii> comme il n'aq.ie Ue» idei-s r.iiis-
se«, sa niriscimcc erronci' lui permet sou-
veni (le l.i re le mal, d'être intolérant, jier-
sécuteur, cruel, turtiulent, insoeialiie. La
conscience ne nous leproclie, pour l'ordi-
naire, jne les choses que nous voyons dcs-
iipjjrouvees par nos sembl.ihles; nous n'e-
piuuvons de la honte et. des rewiorJs que
pour les aclioas que nous croyons devoir
paraître ridicules, méprisables ou punissa-
bles aux yeux des hommes Quand l'opi-
nion puliliqiip osi viciée, nous finissoiis par
tirrr iiloire du vice el de i'inl'amie ; les hom-
mes craignent pins les yeux de liurs >eiu-
hlaliles que les ngards de la l)ivini:é. »
(Si/sièin'' suria', T' part., cliap. 13.)
De cette belle théorie, il s'ensuit, 1' que la
fOji,sc/e(ife il'un alliée n'a point d'autre ré;;le
que le jugement des autres hommes; (|uè
quand nu vice quelconque cesse d'être hlàmé
el puni, i| le commet >ans boute et s :ns re-
mords. Où sont ilonc b s prétendues notions
de bien el de mal moral, de »ice et d<' verlu,
que qneUlues spéculateurs on! soutenu être
immiiahles, inde|)pnilaiiies de toute loi dinne
el humaine? -l" One quand nu athée ose
prolésser sa doctrine, il est as>uiê <|u'elle
ne paraîtra ni blâmable, ni punissable aux
yeux des bonimes; aulrenienl c'est nu for^
cené qui agit contre sa conscience. 3' Qiie,
dans le secret, et loin des mmix des liouimrs,
un a. bée peut en conscience coiiimellre tel
crime qu'il lui plaiia. V° L'auteur c^nlredit
sa propredoctrii.e, par i'exen)plede tous ceux
qu'il nomme supeisiilieus. puisqu'ils crai-
gnent plu> les yi'iix de la Diviniié que ceux
des iiommes, Comlden d'hommes ne peut-on
pas citer d'ailleurs qui oui mieux aimé souf-
frir le mépris, l'ignominie, bs lourments et
la mort, (|ue de faire une aeli n contraire i
la ioi de Dieu el à leur c mscience? Ils ne
faisaient donc aucun c.is du jugement des
hommes, ils le brav iieiii |)our suivre le j ige-
meni de leur conscience, a't^ombien de tois les
mallaiieurs eux niémi's ne sont-ils p cs con-
venus qu'ils résisiaient à la voix de leur con-
science, en i-ommeil.int des crimes pour les-
quels ils savaient bien qu'ils n'a vaieul ri"i!à
redouter de la paît de> ho mies? G" Au milieu
iiiêii e des mœuis les plus conompu s, (|ue
l'on dem.inde a un homme si telle acii m, qu'il
s'est peut-être permise plus d'une fois, est
bonne ou mauvaise, il (iecnlera sans hésiter
que c'esl un crloie;il eondamuora ainsi tout
à la f.is et le jugement d-^ ses sembl ibles, el
sa propre conduite. Il \ .idone une ..utre régie
de conscii-nc que le jiigeinenl des hommes,
et nous soûl' nous que c'esl la loi de Dieu
qu'il a lui- même gr.ivée dans tous les cœurs,
m, lis qui est souvent c)bseureie par la stupi-
dité, pas les passions, |iar une mauvaise
éiluealioii, par la corrujit.on des mœurs pu-
bliques.
Les remorits de la conscience sont une
grâce que Di' u fait au pécheur pour l'exciter
a la peniieace. Le premier hoiume en lit
l'expérience iiumédialemenl aprèsson péché:
il s'aperçut de sa nudité, se caeiia, n'osa ji us
paraître aux yenx de son cré.ileur. Dieu dil
à t'.aïii, lorsqu'il medilaii un crime : Si lu
fais bien, n'en recei rus-lu jias le S'.lmre? Si lu
fais mal y Ion / éc é s'élèvera conlie toi {Gen.
IV, 7), David dit en gémissant : L(i vu- de
mes })écltès ne me Imsse point de rejios [Ps.
xsxv:i, i).Uii malS'.iileur, (]ui scr.n l parvenu
à ne plus sentir de remoids, serait uu moas-
tre leuoutaiiie.
Co>sciE>cE (Liberté de). On a élrangeaieot
1075
CON
CON
1076
abusé de ce terme dans le siècle passé et dan's
celui-ci. Si ceux qui la rcclam.nitMit n'avaient
demandé que la liberté do.roire ou de ne pas
croire ce qu'ils jugiaicnl à propos, celle de-
ruaniie aurail cléaburde; per-onne, dans
ce sens, ne peni forcer la cin> science d"un
autre. Mais^ sous le nom de liheric de von-
scietue, les proii slanis voulaienl la liberléde
professer publiquinient , el ù'cxcrcer avçc
tout l'écl.it possib'e une religion dilïéreiiie
de la religion dominante, de s'en:parer des
églises, d'en bnnuir les calholi()ncs, de cbas-
serel d'exterminer les prêtres; c'est ce qu'ils
ont fait dans tous les lieux où ils ont été les
niaîlres. Aujourd'hui les incrédules, en prê-
chant la lolérance, en soutenant que l'on !ie
doit forcer la conscience de personne, pré-
tendent ()ii'il leur est permis de réclamer et
d'écrire c<mlre la religion, d'insulter impu-
nément ceux qui sont charj^és de l'ensei-
gner; c'est ce qu'ils ont l'ail dans tous leurs
livres.
Pour fortifier leurs prclentiors, ils ont fait
cause commune avec les proleslants, ils oui
renouvelé leurs plaintes et leurs anciennes
calomnies. Pourquoi ne pas appeler encore
à leur secours les juifs, les tores et les p'a'r'ens?
Ceux-ci, sans diute, ont aussi une conscience,
par conséquent le droit incontestable de
venir prêcher et professer leur religion parmi
nous. — Lorsque les, premiers chrétiens de-
niandaienl aux empereurs pa'i'ens la liberté
rfe conscie/îc., ils étaient plus modestes ; ils
demandai 'ni de ne pas être traînes aux pieds
des autels pour offrir de l'encens aux idoles,
de ne pas être envoyés au supplice pour le
nom seuldec/<''p'f!«'»'S.Onpeut s'en convaincre
par les /l/;o/"fyîfs de saint Justin etdeTerlul-
lien. Ce dernier dit que c'est une impiété de
cnnlraindre la religion et de lorcer un homme
d'adorer un dieu qu'il ne veut pas {Apolo(/.,
c. 24). Nous ne voyons pas quel avantage l'on
peut tirer de là en faveur de la préleulioa
des pri)leslanls et des incrédules. — Les pre-
miers chrétiens, livrés aux supplicesdès leur
naissance, n'ont point pris les armes pour
obtenir par force la liberté de consciii.ce; ils
ne soal entrés dans aucune des coujur. liions
formées contre la vie ou contre l'auiorilé des
empereurs; ils n'ont poini tinté de se saisir
de leur pcr>onne, afin de leur donner des
chrétiens pour ruinistres et pour conseillers.
Ils n'ont point mis à leur tête des grands de
l'empire, ambitieux cl mécontents; ils n'ont
poii\i cherctié à se procurer de l'influence
dans les affaires de politique el de gouverne-
nient; ils n'ont poinl public d'écrits sédi-
tieux contre le prince ni contre les magis-
trats; ils auraient pu cependant alléguer
d'aussi fortes raisons, pour le moins, que les
calvinistes.
Lorsque Constantin el Licinius, tous deux
païens, eurent donné un édil de lolérance,
les chrétiens ne s'avisèrent poinl de deman-
der des villes de sùretr, ni de s'en emparer
poui- y mettre garnison dr soldats chreti( us,
ni des cli..iiibrcs mipaities dans les liiliii-
naux ; jamais >is n'ont eu Tins dencede traiter
avccl,eur souverain curui^c d'égal à égal;
jamais ils u'ont adressé aux empereurs ni
aux magistrats des méinoires menaçants, des
plain'es contre les atius du gouvernement,
des insultes conlre l'ancieiine religion, afiu
d'en faire défendre l'exercire. — Devenus
les maîtres parla conversion des em|iereurs,
ils n'ont pas pillé, démoli, brûlé les temples
des pa'iens, de leur propre autorité; .i peine
peut-on en citer un ou deux exemples ; ils
n'ont poinl massacre les prétrps des idoles,
forcé les pa'iens à fréquenter les assemblées
chrétiennes el à se faire baptiser. Ils ne les
ont poinl chassés des villes, ni dépouillés de
leurs biens; ils ne se sont pas emparés par
violence des fonds ni des édilices qui avaient
appartenu aux idolâtres. — Julien, après
avoir renoncé au christianisme, rendit de
nouveau le paganisme dominant; cependant
les chrélieus ne lui présentèrent pas des
mémoires dans le style de ceux que les
calvinistes adrcsscrenï à Henri IV, après sa
conversion ; ils ne cherchèrent point à l'in-
timidei- par des menaces; ils ne tentèrent
poinl de s'allier avec des princes étrangers ;
ils n'introduisirent point detroupes ennemies
dans l'empire: ils ne s'emparèrent point des
revenus du fisc pour les soudoyer. Ils ne
livrèrent aux Perses aucune des places fron-
tières, ils ne formèrent point le projet d'éta-
blir une république dans le sein de la mo-
narchie; les soldats chrétiens continuèrent à
servir dans les armées romaines avec autant
de fidélité qu'auparavant. Aucun décret des
conciles n'a jamais enjoint ni permis aux
chrétiens d'avoir recours à la force et aux
voies de fait, sous prétexte de se faire rendre
justice; aussi, n'unl-ils jamais eu besoin
d'édits d'aboli ion, d'amnistie, ni de pardon
de leurs révolies passées. — Il en fut de
même, lorsque (jueiques empereurs se dé-
clarèrent prolec'eurs de l'arianisme. Plu-
sieursévéques catholiques furent dépossédés,
exilés, emiirisonnés, lournienlés, mais aucun
ne prêcha la révolte à ses ouailles; plusieurs
refusèrent de livrer de gré à gré des églises
aux ariens, mais ils ne formèrent aucun
attentat contre l'aiilorité civile. Les penples
ne furent pas moins soumis aux nouveaux
conquérants barbares, qu'il ne l'avaient été
à leurs anciens maîtres. Dans les siècles sui-
vants, les missionnaires, qui sont allés prê-
cher le christianisme chez les infidèles, l'ont
établi [lar l'instruction, (lar la persuasion,
par l'ascendant de leurs vertus, el non par
la violence; les proleslants ont fait de vains
efforts pour noircii' le zèle et les travaux de
ces hommes apostoliques.
Les excès contraires des calvinistes sout
consignés nou-seuleiiieut dans notre histoire,
mais dans les fastes des nations qui nous en-
vironnent ; ils ont été les mêmes en France,
111 Suisse, en llollamle, en Angleterre et en
r.cosse. Nulli! part ils ne se sont établis sans
répandre du sang; c'était l'esprit du fonda-
teur de leur sede ; tous les crimes qu'ils se
sont permis ont été justifiés et consacrés par
les décrets de leurs synodes el par les écrits
de leuis tlieoloiiiens
GON^iiCKATlON , action par laquelle ou
1077 CON
destine au culte de Dieu une chose commune
ou profane, par des prières , des cérémonie»,
des bénédictions. C'est lo conlr.iirc du sacri-
léfje et de la profanation, i]iii consiste à em-
ployer à des usaui'S profanes une chose qui
était consacrée au cul'e de Dieu.
La coutume de consacrer à Dieu les liom-
nies destinés à son service , les lieux , les
vases, les instruments qui doivent servir à
son culte, est de la plus haute antiquité.
Dieu l'avait ordonné daiis l'ancienne loi , et
en avait prescrit les. cépémonies. — Dans la
loi nouvelle, lorsque ces consécrdlions reg.ir-
denl les hommes et se foui par un sacre-
ment, on les appelle ordinal ions : mais on
nomme sacre, lorilin.ilion des évèques et
l'onction des rois. Quand elles se fonl 'cnle-
ment par une cérémonie insitnée p.irl'Esjlise,
ce sont des bénédictions; la conaccraiion des
temples et des aolels est appelée dédicace ;
celle-ci est la plus soIcTinclle et la plus lon-
gue des cérémonies ecclésiastiques : nous en
parlerons au n ot lir.LisE
Un incrédule anglais , qui a f.iit un livre
d'invectives contie le clergé , a tourné en
ridicule les consécratinns: qui se font dans
l'Ejjlise romaine; il les regarde coiiime des
superstitions , des impostures, des fraudes
pieuses du clergé catholique. Il demande qui
a chargé les prêtres de laiie toutes ces belles
choses; s'il y a dans le nouveau Test.iment
un seul pas^ai;e qui nous apprenne qu'un
cire inanimé ou un lieu est plus saint qu'un
autre, qu'un hom(ne peut le rendre sacré ou
lui communiquer un« sainteté qu'il n'a pas
lui-même. — Nous n'auions pas beaucoup
de (leine à le satisfaire. Indepeudumment des
passages de l'ancien Testiiment , dins les-
quels Dieu avait ordonné de eonsacierpar
des cérémonies le tabernacle, les autels, les
vases destinés à son culte, les prêtres même,
leurs mains et leurs habits , et de ceux où
toutes ces choses sont appelées saintes, sa-
crées, sanctuaire, elc, le nouveau 'l'eslamcnt
nous en fournit assez d'autre*. Dans saint
Matthieu, chap. vu, v. (î, Jésus-Christ dit: lYe
donnez point les choses saintes aux chiens, il
est question là de choses inanimées. Chap.
XXIII, V. 17, il demande aux pharisiens lcqu<'l
est le plus grand , l'or oITert dans le tenipl -,
ou le temple qui siindiji". l'or; le don placé
sur l'autel , au l'autel qui sanctifie le don.
Les pharisiens auraient donc pu demander à
leur lonr, comme l'auteur anglais, de quelle
sainteté étaient susceptibles l'or et les offian-
des présentés dans le temple. Dans ce même
Evangile, chap. xsvii, v. 53, dans l'Apoca-
lypse aussi bien t|ue dans les livres de l'an-
cien Testament , Jérusalem est appelée la
cité sainte. Saint Pierre (// Epist., i, 1.3) ,
parlant de la montagne sur laquelle arriva
la Iransfiguratiovi du Sauveur, la nomme la
montagne sainte. — Saint Paul {1 Tim. iv, V)
dit que les aliments des fidèles sont sanctifiés
par la parole de Dieu et par la prière. H
appelle les chrétiens en général les saints,
non-Seulement il cause (ie leurs verdis, loais
à cause de leur cnnsécration faite à Dieu par
le baptême ; il les avertit que leurs corps
CON
1078
même et leurs membres sont les temples du
Saint-Kspril (/ Cor. vi, 19).
Nous n'avons pas besoin des leçons 'du
criti(ine anglais pour savoir que saint, sacré,
sanctifié, etc., sont des termes équlvonues.
Dieu est saint, p.irce qu'il défend et punit
toute espèce de mauvaise action, qu'il com-
mnile et récompense tout acte de vertu,
qu'il exige un culte pur, sincère , exempt
d'indécence , de siipersli ion et d'hypocrise.
In homme est saint, vion-senlemeni lorsqu'il
aime Dieu et pratique la vertu conslam-
uient, mais encore lorsqu'il est dévoué, con-
sacré, destiné parliculièremeut an culte de
Dieu. C'est dans ce sens <iu'il est dit : Toitt
en'ant mâle premier-né sera consacré au
Seigneur. l'A celte expression est .ippliquée à
Jésus-Christ lui-iuênic (Luc. ii, 23i. Lors-
qu'il dit à son Père, en p^irlant de ses disci-
ples {Jonn. xv-i , 10) : Je me sanctifie pour
eux , afin qu'ih soient aussi sanctifiés en
vériié. cela signifii' éviilemment : Je me dé-
voue pour eux à votre cu'te et à votre ser-
vice, afin qu'eux mêmes s'y dévouent et s'y
desliueiit aussi sincèrement; il est clair que
Je us-Christ , saint f)ar essence , ne pouvait
acquérir une nouvelle sainteté intérieure.
Uans le même sens , une chose inanimée
est sainte et sacrée, c'est-à-dire , destinée au
culte de Dieu ; dès ce moment elle est res-
pectable, et ne doit plus être employée à des
usages profanes. L'action par laquelle elle
est ainsi deslinée, dévouée et, pour ainsi dire,
mise à part, est nommée consécration, béné-
diction, S'inclificalion, selon ie style même
de l'Kcriturc s^iinte : où est l'inconvénient?
Dans l'ori-ine, et selon l'étymologie du ter-
me, consécration ne signiQe rien autre chose
que choix, destination, séparation d'avec les
choses communes ; au contraire , dans les
Actes, chap. X, V. H, commun est la n)ême
chose qu'(/?ipiir; et dans saint Marc , chap.
VII, V. l.'i, eo»imi«nîC(ire, rendre commun,
signifie souiller. Il est triste que nous soyons
réduits à faire aux prolestants et aux incré-
dules des leçons de grammaire. Voy. Saint.
Il n'est donc pas vrai que, par des consé~
crations, les prêtres prétendent changer l'es-
sence des choses , leur communi(]uer une
vertu divine , y fiiirc descendre qui'lqu'une
des qualités du Très-Haut, comme lo censeur
anglais les en accuse ; cette absurdité n'a pu
entrer que d;ins la tête de nos incrédules.
!\lais les prêtres soutiennent que, dès qu'une
chose quelconque est consacrée au culte de
Dieu, on doit la respecter, ne plus la regar-
der comme une chose profane, ne plus l'em-
ployer à des usages vils et communs , parce
que celte marque de mépris si'rail censée
retomber sur Dieu lui-même. 11 n'est pas
vrai non plus que ce soit là un u^age futile
et superstitieux , puisque Dieu l'a ainsi or-
donné dès le commencement du monde. Une
cérémonie sensible , une consécration publi-
que est nécessaire, afin d'inspirer aux hom-
mes du respect pour ce qui fCi l au cu'.te de
D eu, et afin île frapper leur esprit du souve-
nir de la présence de Dieu. — Il est encore
faux que uotre culte soit aussi agréable à
1079 CON CON 1080
Dieu dans un lieu que dans un autre. Uien une prière , par laquelle il le supplie de
avail ciiaininn lé à Moïse de lui ronslruire clianger le pain ri le vin au crps et au sang
un tabi'tnacle ou une îeiili", cl à Sril 'mou, de de Je u<-Chiist. D.ins la iilcirj;ii- «rccquc et
lui bilfir un teMi|ile; l<>nf.'(iMnps auparavant , dau< les .mires liturgies ori. iitales , outre
Jac 'b avait cunsa ré la pierre sur la(iuelle il ceUe première prière , il y en a une seconde
avail eu une vision ni\siérieuse , el l'avait qui se fail eu mêmes termes , apiès que le
appelée la maison de Dieu ; c'est là qu'il éleva prélre a prnnoncé les paroles de Jésus-Cliiist.
un aulel par oriire de Dieu même, et qu'il C'esl celle dernière (jue les Cirecs nonuiient
oiïril un sai rifice {(irn. xxviii, 16; xxxv, 1). \'iiivocniioii du Saint-lîsprit ; (juelques- uns
Déjà ce lieu aviitéié consacié par Abrahau), la cio eni cssent elle à la coiiséctalion. D'où
chap. XH , V. 7; il fel consiammeiit nommé plusieurs Ihèologieiis ont conclu que, selon
Bélhel. mais n de Pieu, et fut respe té dans les 'jrecs , la coiisccialion ne se f.iit pas par
loule la suite des siècles, jusfju'à ce qu'il fut les paroles de Jésus-r.brist ; senliinent qu'ils
profané par Jéroboim (/// /?p(/. xi; , 29). ont taxé d'erreur — Pour jusiiSer les Grecs,
Lors(iue le tem|iie fut l'âli , <léilié ou consa- le P. Lebrun , après l'abbé Kenaudot , avail
cré. Dieu dit à S.ilouion ; J'ai e.rimcn votre fait un ouvraçje ()our prouver que la cunsé-
priere, j'ai smctifé celle waisun, ms yeux cra'.ion se fail nou-sculiment par les paroles
el mon cœur ij seront pour toujours (111 Reg. de Jé«^us-('.brist, mais more par Vinvocution
IX, 3). {Expliention de la messe, loni. V, p. 212 et
Diea , sans douie, est présent parloui , en suiv.). Bini<lKim, lhéo!ogien an'^lican, avait
tout lieu il entend nos prières el a^rée noire clé de même avis [Orig. ecclés., I. xv, c. 3 ,
culte. Inrsque nous l'adorons en esprit et en § 12). Le P. Bougeant, jésuile, soulienl, con-
vérité {Jodii. IV. 23). Mais de tout temps il a tre le P. Lebrun, qu'elle se fait par les seules
voulu (ju'il y eût des lieux consacré:! spéeia- paroles de Jésus-Cbrisi. Un troisième lliéo-
lemeul à sou culte , dans lesqoels ses adora- iop;ien a fait, dins une disseriation iutpiimée
tcurs se rassemblassent , pour lui rendre à Troyes en 1733, le résumé de la dispute, et
leurs boHimages cl lui adresser leurs prières a conclu par ado[)(er l'opinion du P. Bou-
en commun , comme des enfants se rassem- géant. Il observe qu'avant le xiv siècle , ou
blent autour de leur père; el ce culte est avant le concile de ["'btrence, les Grecs cl les
plus agré.ible qu'un culte isolé cl particulier. Latins n'avaient entre eux aucune dispute
.Icsus-Chri-l arontinné cel'e croyance par sur le* paroles essentielles à la consecî"a(iy>i,
ses leçons el par son exemple; il piiail par- (|uni()ue 1rs ibéo'ogiens latins fussent très-
tout .'mais ii allait aussi prier dans le lem- bien instruits des termes dont se servent les
pie; il a répété ce que Dieu aviiit d I par un Grecs dans leur seconde iniocation. Par
proi.liète : Mo maison sera un lieu de pr ère conséiiuenl les scolasliques , qui ont attaqué
(Mallli. XM , 13). 1' a puni les profanateurs, les Grecs sur ce point, sont allés plus loin
el il a dit : Lorsque deux ou Irois personnes que leurs prédécesseurs.
sont assemblées en mon nom, je suis au mdieu 11 ne fut point question de celle dispute
d'elles (xviii, 2)). au second concile de Lyon, l'an 127'* , ni
Delioiis-uous d'uce pliiloso|)hie perfi'e et dans les temps poslcrieurs , si ce n'est cuire
h) pocriie , qiii veut nous détourner du culte quelques iliéologiens. Mais au concile de
extérieur el public, sous prétexte d'.idorer llorciice, eu l'i3'J, la contesla'ion fut vive
Dieu en esprit cl en vér té ; ceux qui la prè- sur ce t)oiiii entre les Grecs et les Latins. On
cheni n'adorent pins Dieu ni en esprit, ni en voi', par les actes du concile, que les Grecs,
corps, ni en vérité, ni en apparence. Voy. à la réserve de Marc d'Eplièse , convinrent
CuLTK, Rr.i.isK, etc. que la consécration se l'ail par les paroles de
CoNSÉcuATioN ; ce terme, pi is dans un sens Jcsus-Glirisi ; mais ils ne voulurent pas <|ue
plus étroii que le précèdent . sii.Mii(ie l'action cette décision lût mise dans le décret d'u-
par laquelle un prêtre ijui célèbre le saint nion, de peur qu'elle ne parût être une con-
saeritiiede la messe, clianue le paiu el le damnation de leur liturgie. — Dans le dérret
vin au cor[)S et au sang île Jésu--Cbi ist. On du p.ipe lugène , pour les arminiens , il est
roîi'preul (l'abord que les liéléroibixes , qui dit que l'i ucbarislie se lait par les paroles
ne cmiciil |)0'nl la présence réelle de Jésus- de Je^us- (2lirisl ; de là plusieurs lliéologiens
Chtisi dans l'eiicbai i4ie , ont dû b.inuir de oui conclu (|ue le cnned • de KIoreuce avait
leur liiuigie le terme dr consccraiion. déi idé la (|uestiou. Mais alors les Grecs n'é-
Le seiilimenl comiiiiiu des tlicolngiens laient plus au coneiie, ils éiaicnt partis. Co
€alliolii|iies , après s rni 'riiouias , est que la décret a décidé d'autres arlii les, sur lesquels
con.'e'i rfi/io»i du pain et tlu vin se f lit par ces les lliéoloi.Meus oui cependant conserve la
paroles de .lésus-t'Jirist : Ceci est mon corps, librrte îles opinions , i oiiime la matière de
ceci est mon snng, ete. On ne |)eul pas prou- l'oialre , le ininistri! de la coiifirmaiinn , etc.
ver qu'avaui saml 'l'Iiomas il y ait eu là-des- — iJepiiis cette époque même , les Grecs ne
sus une opinion difl'iTinle dans l'ICglise sont pas d'accord entre eux sur la forme
latine, — Mais on a disputé pour savoir quel esseiiiiclle de la consécration ; les uns tien-
est aiijourd'bui et quel a éle d(' tout temps le lient pour les paroles de Jesiis-Clirisl , les
sentimeni de l'I'-glise grecque sur les paroles autres pour l'iiivocalion , plusieurs pour
de la conseV/a/ion. P lur l'OMiprendrtî létal l'une cl l'autre. Mais aucun d'entre eux n'a
de la (lueslion , il faut savoir (|ue dans la nié la nécessité des paioles de Jcsus-Clirist
liturgie romaine, avant de prononcer les pour consacrer; la dispute, sur <;e point,
paroles de Jébus-Clirisl , le prélre lait à Dieu n'e&l doue ui iacoaciliable ^ ni aussi esseu-<
1081 CON CON 1082
tiolle que le prélendeiit quelques lliéolo- de. la consécration. La qaestion entre les
irii.|is. (>rolest;inis el nous esl de savoir .si les Orieo-
Les Lnliiis fux-mêmps ont dispiilé pour liiux ont toujours cru, comme nous.iiue,
savoir si Jésus (^hrisl , ;iprès la cène, a con- par ces paroles , le pain el le vin sont rcel-
sai ré par sa 6e'n'^(/'C<ioii, ou par ces paroles : lempiit chan;^és au corps et au sang de
Ceri est mon cmps ; Saloiercn est témoin ((ue Jésus -Cllri^t : or, leurs lilurjiies témoignent
celé ((ueslion l'ut anilé • au concile (le Trente, qu'ils l'ont toujours cru ainsi et qu'Us le
mais ce concile ne voulut rien décider là- croient encore. Peu importe de savoir si ce
dessus. Le P. Lebrun pense que le Sauveur cliangoment s'opère par ces mots seuls : Ceci
consacra |)ar sa bi'nédiction avant de dire : est mon corps, ceci est mon sani;, ou par l'in-
Cccj est mon lorps. — Les l'èrcs les plus vocation qui suit, ou par l'un et l'uuire
anciens se servent les uns du lerme d'invo- indislinclemeni. Nous pensons unanimement
caiion, les aulres des lermi s tie bénédiction, qu'il f.iul une invocalion avant ou a()rès,
d'eucliarisiie ou d'aclion de grâecs , ou de pourdéterniiner le sens des paroles de Jésus-
prières ; mais presiiwc lous a-Siirenl ()ue la Christ, pour m-irquer que le prèlre ne les
C('n.<«'crn/ùm se fait par les paroles de Jésus- prononce p.'is comme une histoire, mais
Christ. On s.iit d'ai Uuis qu'ils ont sou\ent comme une forme sacramentelle eflicace , et
nomme pri re et iiivoctiun les l'ormes même qui opère ce qu'elle signilie. Nous convenons
des sacr<'ments , qui sont purement imlicati- encore de part et d'autre (lue, par une inv.o-
ves . comme l'a fail voi.le V. Merlin (Traité cation réunie aux paroi s de Jesns-C,hrist ,
(/e< formes des Sacremenis, c, k, 9 et 14-). la consécration est parfaite el l'etïei opéré ;
Il est incontestable qu'un prêtre qui, hors d'où il résulte que, sur ce mystère, la
de la liturgie, proféierait les paroles de croyance des Orientaux, la même que la
Jéstis-Chrisi sur du pain et du vin , ne con- nôtre, est très-opposée à celle des proles-
sacrerait pas, p.irce (|ue le sens de ces paro- tanls.
les ne serait pas déterminé par la suilg d'ac- lien résulte encore que les anglicans, ni
tions qui doivent les accompagner; l'invoca- les autres protestants, ne consacrent point,
tion ou la prière qui les précède est donc Dans la liturgie anglicane, imprimée à Lon-
nécessaire. Ainsi le supposent les rubriques, dres en 1G06, pag. 208, l'invocation qui |iré'
qui exigent que , dans le cas d'cfrùsion du cède les paroles de Jesus-Chri>t, se borne à
calice , etc. , on recommence les paroles qui demander à Dieu, qu'en recevant le pain et le
précèdent la consécration. — D.ius les htur- vin nous puii^sions être faits ]iarticipants de
gies oiientales , aussi bien que dans ceiic de son corps et de son sany précieux. Mais les
1 l''glise l.iiine, il y a une invocation qui pré- anglicans sont persuades que ce pain et ce
cè'le la conaéciation ; relle-ci est donc par- vin ne sont réellement ni le corps ni le sang
(aile avant la seconde invocation, aniremcnl de Jésus-Christ, que l'on peut srulemcnl par-
les Latins ne consacreraient pas. I,es Crées ticiper au corps el au sang de Jesus-Clii ist,
ont do: c lorl di; supposer l;i nécessité de leur par la foi , en rec.-vant les symboles. Ainsi,
Seconde in\ocatioii; mais il ne s'en^u t pas les paroles de Jésiis-Clirist (|u'ils prononcent
qu'elle Suit erronée et abusive. — lille ne n'ont qu'un sens bistorliiue et ne pioduisent
.suppose pas que la consécration el la ir.ins- rien. — Ce n'est pas la ce que pensent les
sulislanlialion ne soient pas laiies, puisqu'il Orientaux, puisque rinvucalion (juils ajnu-
y a lies termes semblaliles dans les liliir^ies teni exprime le contraire; pouiquoi les an-
giilirane et tnozar.ib ([ue ; jamais cependant glicans l'unl-ils changée, s'ils ont la même
les théologiens gall.cans ni les espagnols croyance ijue ces ihrciiens séparés de l'E-
ii'ont pensé que la consécration ne lut pas glise romaine? Ce n'est pas là non plus le
fiiile par les paro'cs de Jésus-CbrisI, qui ont sei:timeni des l'ères qui diseni que les pa-
precédé. Oii doit donc entei.dre cette seconde roies d>! Jesus-!>hrist soni ellieices, o,ierali-
invocation d.iis le mé'tie >ens que les prières ves, ib.uet's du pouvoir creaieur : Sermo
par le.>()uelles l'evè'iue demande 1 1 grtîce du Christi vivtis cl ejftcax, cpifex, operatorias,
saireineni de con!irm ilion pour ceux qu il efjiciemii plenus , omnipulenliu verOi , eic.
vient de loulirmer, cl comme l'on e.teud les Bingliain lui-iuèuie en a ci<é plusieurs pas-
e\orcismes «lu bapléme à !'< gard d'un enlant sa^es qui auraient dû lui dessiller les yeux,
qui vicMl d'éire oiido\é ou baptisé sans reré- Il .i \u cjuc saini Justin {Apol. 1, n. liti) com-
nionie. — L'invocalion i|ui suii la contécrit' pare l<s pirides eucharistiques ,'i celles par
li;n n'npère pas plus d'elTets que celle i{iii lesquelles le Verbe de Kieii s'est fail chair. Il
la piécède; m lis el e sert à deleiuiiiier le a lu dans saint Jean Cnrysostome [llom. 1
sens des ii;irules de Jésus-Chrisi , eile fut in prinlit. Juilœ, a. l), Op., lom. Il, |;.384-/:
Comprendre que ces paro. es ne sont pas pu- « i'.n n'e.sl pas l'homme r,ui l'ail que les dons
icment hisioriques , m.iis sai ranie.itelle> et oll'eris deviennent le curjn el le sang de Jé-
opeia ives. (Ju.iut à l'aduraiioii de l'eucha- sus-Chiist, mais c'( si Jesus-Christ lui tnème
nsiie , qu'e||(! se fisse plus toi ou plus lard, crucitie pour nous. Le prêtre laii raci'ion ex-
C(d I esi é;;al ; elle prouve seulcmenl que téi'ieure ( ixr.fji'y. ,, et prononce les paroles,
Jésu-i:hiist esl pié'iMil , el que telle esl la mais la puissance el la giâce de Dieu y est.
croyance ne ceux qui l'adorent. Ceci at mon corps, dit-il ; celte parole Iraiis-
Oii ne voit pas quel avantage Kingham ou forme les dons offerts, de même (|ue ces
d'autres proleslants jeuvenl lirer de la dis- mots : croissez , multipliez, peuplez la terre,
pute nui a eu lieu enlre ()uelques théologiens une fois prononcés, donnent dans Iouj les
calholiques et les Grecs toucimul les paroles temps, à notre aalure , le pouvoir de se re-
1083
eoN
CON
1081
prodaire; ainsi les paroles de Jésus-Christ,
une fois dites , opèrent depuis ce moment
jusqu'à son avéttemeut , à chaque table de
nos églises, un sacrifice parfait. » Cela si-
{jnifie seulement , dit Binaiham , que Jésus-
Christ, en prononçant «ne fois ces paroles, a
donné aux hommes le pouvoir de faire son
corps symbolique, c'est-à -dire', la figure de
son corp<. IMais pour faire une figure, une
ima^e, une représentation, Crl-il hesoin du
pouvoir de Jésus-Christ, de la puissance et
de la grâce de Dieu? Silon saint Ciirysos-
tome, c'est Jésus-Christ lui-même qui, à la
parole prononcée par le prêtre, transforme
les dons offerts, produit son corps et sou
sang. Dans une simple figure, où est la
transi'orm.itron? Le pain et le vin, par cux-
luêmes, sont une nourriture corporelle ; ils
sont donc par eux-mêmes la figure d'une
nourriture spirituelle , par conséquent du
corps et du sang de Jésus-Christ : un pouvoir
divin n'est pas nécessaire pour leur donner
cette signification.
Aussi, les nouveaux écrivains protestants,
devenus plus sincères, ne fout grand cas ni
des passages des Pères, ni des liturgies orien-
tales; ils ont vu que la forme de la consi'-
cration y est trop claire, et que le sens eu est
encore fixé par les marques d'adoration ren-
due à l'eucharistie. Voy. la Perpétuité de la
foi, tom. IV, I. I, c. 9; loui. V, l'réfacc. Au-
tant les ancii'iis t-ontroversistes proiestanis
ont témoigné d'empressement pour ol)lenir
le suffrage des Orientaux, autant ceux d'au-
jourd'hui le dédaiiinent.
Dans la messe romaine, après la consécra-
tion, le prêtre dit à Dieu : Nous offrons à
votre mnjeslé suprême l'hostie pure, sainte,
sans tache, le pain sacré de la vie f ternetle et
le calice du salut pnpétael ; sur lesquels dai-
gnes jeter i*»i reyard /iropice et favorable, et
les agréer comme il rous u plu d'aroir ayréa-
bles les présents du juste A bel, le sacrifice d'A-
braham el celui de Melchisédecli, saint sacri-
fier, hostie sans tache. Nous vousen supplions,
ô Dieu tout-puissant, commandez qu'ils soient
portés sur votre autel céleste, en présence de
votre divine majesté, par les mains de votre
saint anye, afin que nous tous qui, en parti-
cipant à cet autel, aurons reçu le saint et sa-
cré corps el le sang de votre fils, soyons rem-
plis de toute bénédiction céleste et de toute
grdie, parle même Jésus-Christ Nolre-Sci-
gneur. — Kingham argumente encore sur
cette [)rière : Si les dons consacrés, dit-il,
sont véritablement le corps et le sang de
Jésus-Christ, il est ridicule de prier Dieu de
les agréer, de les comparer aux sacriliocs
des patriarches, qui n'étaient (]ue des figu-
res; sûrement celte prière a été composée
avanirinveniiun du dogme de la transsubs-
tantiation (Oriy. ecclé'., I. xv, c. 3, § :J1).
Nous soutenons au contraire que cette prière
suppose la transsubstantiation, pnisqu'elle
nomme les dons eucharistiques le saint et
acre corps et le sany du Fils de Dieu, ((u'elle
les ap()('lle uno ho lie pue el sans tuc\e, un.
saint sacrifice; expressions condauinées el
rejctèes par les proluslanls. Le prêtre ne
demande pas simplement a Dieu d'agréer ces
don;, mais de les accepter, afin que ou de
manière que ceux qui y participeront reçoi-
vent les mêmes bénédictions célestes que'ics
patriarches : on ne compare donc point ce
sacrifice aux leurs, quant à la val^'ur, mais
relaiivemenl aux grâces accordées à ceux
qui les ont offerts.
.M lis telle a toujours été la méthode des
protestants ; lorsque dans l'Ecriture, ou dans
les anciens monumenls, il y a des expres-
sions qui les incommodent, ils les tordent,
ils leur donnent un sens vague, ils les re-
gardent comme des façons de parler aliusi-
ves ; s'il s'y trouve seulement un mol qui
semble les favoriser , ils le pressent, ils le
prennent à la lettre et dans la dernière ri-
gueur.
CONSEILS ÉVANGÉLIQUES, ou MAXI-
Mi^S DE PfilU'ECriON. Jésus-Christ les
dislingue éviilemnient d'avec les préceptes.
Un jeune homme lui demandait ce qu'il faut
f. ire pour obtenir la vie éternelle; Jésus lui
répondit : Gardez les commandements. Je les
ai observés dès ma jeunesse, répondit ce pro-
sélyte ; que me manque-t-il encore ? Si vous
roulez être parfait, répliqua te Sauveur, allez
vendre ce que vous possédez, donnez-le aux
pauvres , vous aurez un trésor dans le ciel;
alors venez et suite:,-moi (Matth. xix, 16;
Marc. X, 17; Luc. xviii, 18). Selon ces pa-
roles, ce que Jésus-Clirist lui proposait n'é-
tait pas nécessaire pour obtenir la vie éter-
nelli', mais pour pratiquer la perfection et
pour être admis au ministère aposiolique.
Plusieurs censeurs de l'Evangile ont dit
que la distinction entre les préceptes et les
conseils est une subtilité inventée par les
théologiens pour p.illier l'absurdité de la
morale chrétienne. Il es! clair que ce repro-
che est très-mal fondé. La loi ou le précepte
se borne à défendre ce qui est crime, a com-
mander ce qui est devoir; les conseils ou
maximes doivent aller plus loin, pour la sij-
reié même de la loi; quiconi|uc veut s'en
tenir à ce qui est étroitement commandé, ne
lardera pas de violer la loi. — D'antres ont
été scandalisés du terme de conseils; il n«
convient pas à Dieu, disent-ils, de conseiller,
mais d'ordonner. Celle observation n'est pas
plus juste que la précédente. Dieu, législa-
teur sage et bon, ne mesure point l'étendue
de SCS lois sur celle de son souverain do-
maine, mais sur la faiblesse de l'homme;
après avoir commandé en rigueur, sous l'al-
ternalive d'une récompense ou d'une peine
éternelle, ce qui est ,ib>olument né<'essaire
au bon ordre de l'univers et au maintien do
la société, il peut montrer à l'homme un jjIus
haut degré de vertu, lui promettre des grâ-
ces pour y atteindre, lui proposer une plus
grande récompense. C'est ce qu'a fait Jésus-
Christ.
En général, on ne peut donner à l'homrae
une trop haute idée de la perfection à la-
quelle il peut .s'élever avec le secours de la
grâce divine. Dès qu'il esl pénétré de la no-
blesse de son origine, de la grandeur de sa
destinée, des pertes qu'il a faites, des moyens
1085
CON
CON
10S6
quil a do les réparer, du prix que Dieu ré-
serve à la vertu, il n'est rien dont il ne soit
c.ipable; l'exemple des saints en est la
preuve. — Au reste, l.i prcveulion des incré-
dules contre les conseils ^vanr/éliqttes leur
vient des proleslanls, ceux-ci n'en ont pas
parlé d'une manière plus siiisée. Ils ont dit
que Jésus-Christ avait prescrit à tous ses
disciples une seule et même rèfjla de vie et
de mœurs; mais que plusii urs chrétiens,
soit par le goût d'une vie ausicre, soit pour
imiter certains philosophes, irélendirent que
le Sauveur avait établi une double règle de
sainteté et de vertu, l'une ordinaire et com-
nuine, l'antre extraordinaire et plus sublime:
la première, pour les [)ersonnes engagées
dans le monde; la seconde, pour ceux qui,
vivant dans la retraite, n'aspiraient qu'au
bonheur du ciel; qu'ils distinguèrent consé-
quenimi'nt, dans la morale chrétienne, les
préceptes obligatoires pour tous les hommes,
et les conseils qui regardaient l(!s chrétiens
plus parfaits. Celte erreur, dit iMosheitu, vint
plutôt d'imprudence que île mauvaise vo-
lonté ; mais elle ne laissa pas d'en produire
d'uutres dans tous les siècles de l'Eglise, et
de multiplier les maux sous lesquels l'Evan-
gile a souvent gémi. De là, selon lui, sont
nées les austérités et la vie singulière des
ascètes, des solitaires, des moines, etc. Illist.
ecclésiastique, du ir siècle, ii' part., ch. 3,
§12).
Mais nous demandons aux protestants si
Jésus-Christ imposait un précepte à tous les
chrétiens, lorsqu'il disait : Qiticom/ue d'en-
tre vousne retionce pus à tout ce qu'il possède,
ne pdit pas être mon disciple [Luc. xiv, 3Jj.
Heureux les pauvres, ceux qui ont faim, ceux
gui pleurent : donnez à quiconque vous de-
mande, et s'il vons enlève ce qui vous appar-
tient, ne le répétez pas (vi, 211 et 30). Si quel-
qu'un veut venir après moi, qu'il renonce â
lui-même, qu'il por'e sa croix tous les jours,
et qu'il me suive (ix, 23i. Il y a des eunuques
qui ont renoncé au mariage pour le roi/aume
des deux; que celui qui peut le comprendre,
le comprenne (Malth. xix, 12). Les commen-
tateurs, même protestants, ont été forcés de
reconnaître dans ce passage un cons'il et
non un précepte. T'o//. la Synopsk sur cet
endroit. — Saini Paul a dit (/ Cor. m, 40j :
Une veuve sera plus heureuse si elle demeure
dans cet étal, selon mon conseil : or, je pense
que j'ai aussi l'Esprit de Dieu. En exhortant
les Corinthiens à des aumônes , il leur dit :
Je ne vous fa's pas un commandement, ... mais
je vous donne un coNstiL, parce que cela vous
est utile {U Cor. vui,8 el 10). Et aux tialates,
c. v, vers. 24 : Ceux qui sont à Jésus-Christ
ont crucifié leur chair avec ses vices et ses
corruptions. Si les chrétiens du ir siècle se
sont trompés en distinguant les conseils û'a-
vec les préceptes, c'est Jésus-Christ et saint
Paul qui les ont induits en erreur. Pour es-
liuier et pour pratiquer des austérités, des
niorlilicalions, des ahsiinenees, et le renon-
cement aux couimodiiés de la vie , ils n'o;if
pas eu besoin de consulter l'exemple des
philosophes, le goût des Orientaux, ni les
mœurs des Esséniens ou des Tiiérapeutes; il
leur a suffi de lire l'Evangile.
Ouant aux maux prétendus qui en oni
résulté, sont-ils si terribles? Nos anciens
apologistes nous attestent que la inoriifica-
tion, la chasteté, le désintéresscmenl des
premiers chrétiens, aussi bien que leur dou-
ceur, leur cbarilé, leur patience, ont causé
de l'admiration aux païens, et ont produit
une infinité de conversions. Dans les siècles
suivants , les mêmes vertus, pratiquées par
les solitaires, ont fort adouci la férocité des
barbares ; si les missionnaires qui ont con-
verii les peuples du Nord n'avaient jias pra-
tiqué les consdls évangéliques, ils n'auraient
pas attiré, peut-être, un seul prosélyte.
Voilà les malheurs qui, au jugement des
protestants, ont fait gémir lEgise dans tous
les siècles, et que les incrédules déplorent
avec eux. Heureusement, les réformateurs
sont venus au wi' siècle réparer tous ces
iuaux ; ils ont formé des sectateurs, non
par des exemples de veilus, mais par des
déclamations et par des arguments, ils ont
fondé une nouvelle religion, non sur la per-
fection des mœurs, mais sur l'indépendance
et sur le mépris des usages religieux ; aussi
n'ont-ils converti ni des païens, ni des bar-
bares; ils ont perverti des chrétiens.
CONSÎ'KVATEUK, CONSERVATION. La
révélation se réunit à la lumière naturelle,
pour nous apprendre que Dieu conserve les
créatures auxquelles il a donné l'être, et
niaintieiil l'ordri' ph.sique du monde; l'au-
teur du livre de la Sagesse lui dit : Comment
quelque chose pourrait-il subsister, si vous
ne le vouliez pus, ou se conserver sans votre
ordre [Sap. xi, 2G)? Il conserve l'ordre mo-
ral entre les créatures intelligentes , par
l'instinct moral qu'il leur a donné, par la
conscience qui leur intime sa loi el leur fait
craindre le châtiment du crime. C'est dans
cette do~uble allenlion que consiste la provi-
dence.
Mais rien ne nous montre mieux l'actiou
continuelle de Dieu dans la marche de la na-
ture, que le pouvoir par lequel il en sus-
pend les lois quand il lui plaît. Le nionJe
noyé dans les eaux du déluge, le feu du ciel
lancé sur Sodome, les mers divisées pour
donner passage aux HTébreux et submerger
les Euyplieus, etc. : voilà les événements
par lesquels Dieu a convaincu les hommes
qu'il est le seul maître, le seul conservateur
de l'univers. Il fallait alors des miracles,
parce que le commun des hommes n'était pas
eu étal de raisonner sur l'ordre physique du
monde, d'j reraarciuer une main attentive et
bienfaisante. — Ainsi, Dieu a prévenu d'a-
vance les hommes, encore ignorants et gros-
siers, contre les faux systèmes des phibiso-
pbes ((ui ont enseigné, les uns, que Dieu est
l'âme rtu umnde, el que le monde est éter-
nel ; les autres, que Dieu, après l'avoir con-
struit, en a laissé le soin à des intelligences
subalternes. Le dogme d'un seul Dieu, créa-
teur et conservateur, est \:i crii\anee primi-
tive ; si les p'.uples avaient été Gdè es à le
garder, ils n'auraient été égares ui par le
1087
CON
CON
1088
polythéisme, ni par l'iiiolâtrie, ni par les
proslip;es lie la |ihili)S")phie. — Mais , dès
qu'une fois celle ^paiicJe vorilé ;i élé j^énéra-
letiieiil tn coiiiiiie, il a élf besoin d'uiie nou-
velle révélulion pour en réMlilirla (ro\ance,
et tel était le priuiip.il ohjel des leçons que
Dieu donna aux Hébreux [jar Moïse. Vutj.
HÉVÉI AlION.
CONSOLATION, cérémonie des niaui-
chéens albigeois, par laquelle ils prétendaient
que loules leurs fautes élaienl elTi<éos; ils
la conféraient à l'article de la niorl ; ils l'a-
vaient substi!uée .1 la pénitence et au viali-
qu". Elle consistait à imposer les mains, à
les lever sur la tète du pénitent, à y tenir le
livre des Evangiles, et à réciter sept paCer
avec le coniinenceinent de l'Evangile selon
sainl Jean. C'était un préire qui en était le
niinislre; et il fallait, p.our son efllcacité,
qu'il fût sans péché mortel. On dit (|ue, lors-
qu'ils étaient consolés, ils seraient morts au
milieu des tlammes sans se |)laindre , et
qu'ils auraient donné lout ce qu'ils possé-
daient pour l'éhe. Exemple frappant de ce
que peuvent l'enlhousiasrae et la supersti-
tion, lorsqu'ils se sont empares forlemeiit des
esprits.
C0i\80UT, société ou confrérie du tiers
ordre de Saint-François, établie à Milan, et
composée d'hommes et de femmes, pour le
soulagement «les pauvres. On lui avail con-
fié la dislributioii des aumônes ; elle s'en ac-
quilta avec l.ml de fidélité, ((ue l'on recon-
nut bieniôtla faute que l'on avait f liie en la
privant de celte fou'iioii délicate. Il f.illnl la
rmdialion du pa()e .-ixte IN' pour l'engagera
la reprendre : preu\e (in'elle n'y avail trouvé
que des peines méritoires pour l'aurevie;
avantage que la piéie soiide peut aisément
se procurer. Le debal le plus scandaleux qui
pourrai! survenir entre des chrétiens, serait
celui qui aurait pour objet l'eionomal du
bien des pauvres ; mais ceux qui ont le cou-
rage do s'en charger, sont souvent accusés
très-mal à propos.
(.t)NSTANCE. Le concile général tenu dans
cette \ ille lut assemblesur la lin d'oi tobre. l'an
lil4,etdurajusi)u'au niois d'avril I'i-I8. L lides
prini ipaux obje's de celte assemblée était de
mettre fin au »( hisme, qui durait depuis l'an
13T7, entre idu-ienrs préleudauls a la pa-
pan é, et jui tous avaient des partisans. Il y
en , vail i ncore trois pour lors, savoir, Jean
W.il. qui avail cnvoqué le concile, (Iré-
^•oue Xll, cl Hcnoîl Mil ; ces den\ dermeis
avaient déjà élé déposés au concile de Pise,
cinq ans auparavant ; ils le furent de nou-
ve.iu à CoiH'lai.rr : le toncile depu-a ans^-i
Jean Xlll.el (lut à sa place M.rlin \\ iiui
lui uniV( rsellenienl ri connu. L s au. rcs ob-
jets étaient d condimner les erreurs d ■ Jean
Hus et de Jérôme di; l'raiiue, qui élaienl les
mêmes que celles de WicUît', et de reformer
l'Eglise, tant dans ton chef que dans ses
membres.
Le décret de ce concile, publiédans l;i qua-
Irié.i.e session, esl remarqu.ible : il porte
que le concile de Constance, légitimement
asseuiblé uu uoiu du Saiul-Esprit, luisant un
concile général qui représente l'Eglise catho-
lique militante, a reçu imméilialement de
Jésus-Christ une puissance à la<]uplle toute
personne, de quelque élat el dignité qu'elle
soit, même papale, esl obligée d'obéir dans
cequi regarde la foi, l'exiirpalion du schisme
et la réformation de l'Eglise dans son chef
et dans ses membres. Il ne n)anque rien à
celte décision pour avoir une pleine autorité,
|)Uisque Marlin V, élu pape .lu mois de no-
vembre l'+17, donna, immédiatement après
son élection, une bulle par laquelle il veut
que celui qui sera suspect dans sa foi, jure
qu'il reçoit tons les co iciles généraux, et en
particulier celui de Constance représentant
i'iigiise univer^el!e, et que lout ce qui a été
approuvé el condamné par ce concile, soit
approuvé el condamné par tous les fidèles.
Par conséquent, ce pontife approuve et con-
firme lui-même ce qui avail été décidé dans
1,1 quatrième session : il fil la même chose
dans deux bulles contre les hussiles, le 22
février l'i-lS, el dans la dernière session du
concile, il confirma encore expressément
tout ce qui avail été fait eu pleine assemblée,
roncilitiriter. — Ce même décret lut approuvé
el confirmé de nouveau |iar le concile de Hâle,
en 14-31. C'est aussi la doctrine à laquelle le
clergé de France a toujours fait profession
d'être attaché, notauiment dans son assem-
blée di' iG82(l).
Dans la quinzième session, le concile con-
damna les erreurs de Wiclef et de Jean Hiis,
qu'il avait déjà proscrites dans la huitième.
Coame Je, in Hus tie voulut point se s<m-
mullre à cette cuudaninalion, ni se rétracter,
(I) Telle ."> é'é In pensée de Pceole gallieane, (joi
viinhnl s'apiniyer de l'aiilmilé de ce eoneile pmir
restieinilre le (jonvoir des p.ipes. M.iisil esl exliême-
nieai p <ili;dde (pour ne p;is dire ecrliiiii) (pie le
concile de ta)iisl:ni('e ii'élail p:ts œciiini>iii(pic diuiS
les ipi 1 rieine el cimiiiiénie sessions, piitcn 'pie les
U;>U (ilii'dhiiees de Cu-^'aire Ml, de Jen. XIII el de
lien il Mil li'ol lient pas réunies en une ii> eniidée.
L'Iv-li^e nnive >elle nél.iil d'ine, pas repiésemce. Kl
d'à lleins M 11 lui V, due; son déerel de c ■iiliriiiaiiini,
s'esl servi du mol cuiicitiarUer, \iieiive évid(!iile ipi'à
ses yciiv il y avail dans les déerels de t'.o sla lee
qui lipies ariick'sipril ne voidail pas eouliiiniT, parce
(preii ceiiaines ciicnii-laii.es les r(!'j;les n'avaicint
pl^ ci('! oli^ervées. tjii';l(pii's-inis de ceux (pii niil
admis ta valeiu' de i es déereis les reslreignilH au
temps du Mliisiiie. Le.-, leraies des canons le disent
tl.iireinenl : i Toiile p'rsoiine.de ipielipie clai (pi'elle
soit, el (pielipie dit;n lé .pi'elle po-sèJe, l'itl-ee iiKime
celle de |ia/(!, e>l nliligée d'oliéir .'iii présen; coneile,
dois le.^ cliosis (pu a|ip:olieii à la Un, à l'extir-
paliiMi du lu seliisiiie el à l.i leloi mal ou de I I glise
dans sou cliel el dan- ses iinMiilnes. > Sess. 4. —
«(Juieonip'e, de ipie ipieeond mai, élal el di^in éi| l'il
pu. èlie, (pi.ind nié. ne il s.iail pi|.e, lefiis.-rail a^ec
o|i.nialr. le dNilién aux iCilenieuts d(! ce s.dul symule
el diaoïiliiiiireconeilegé.ieia leg luneuieni ..s-en.l) é,
sur les iiiaiièies .-nsilius, xnl déeidees. smi a iténdiT,
qui y auta.enl lapp "ri, s'd ne venait à résqu cein e,
seial puni comme il devrait l'elre. i Sl■^s. fi. Il i-sl
donc (videiil ipie les déeieis d-; c:o.l.^tau(■e, doiil le,
gallicans lui; laii lanl de lirun , ne niil iien o.oius
ipie des déiiMons d.iijmaii pies. Les mal ères ipi'ilS
leiiiermcnl soiil de> opinuul^ livrées à la libie dis-
C1135I011 des écoles. Yoij. I'ape.
iO 9
CON
CON
<090
il fut détinré hérétique, dégradé et livré au
bras séculier qui lui fil subir lo supplici' liu
fpu Ji-rAinf» de Pra'iiio, son disciple, après
s'élre rélraclé dans la dix-iicuvii'tne sessidu,
désavoua ccHo rolr. claliou dans la viiinl-
unléinc, siiuijnl opiuiàlréini'iU ses erreurs,
r.I eut le iiiéuie sort qu(> son maître. — l,e
coiicde, diiiis la Iruiiiiènii', prononça j'ana-
liièine conirc ceu\ (lui soulenaiinl (|ue la
eoiiiiiiunion '■nus une seule espèci' était il-
lé^itiiiie et abusive ; c'était une des erreurs
de Jf.iu Hns. Dans la (juinzièuie, il déclare
liéreiique, scandaleuse et sédilieusi" la propo-
sition de Jean Pelil, docleiir d(! Par s, qii,
PU I'i08 , avait soutenu publiqueuicnt (ju'il
est pcrmi< d'user de surprise, de Iraliison et
de toute soric de moyens p mrse défaire d'un
lyran, et qu'on n'est pas obligé de lui gar-
der la foi qu'on lui a promise. Dans les ses-
sions ko, ki et k-'i, on fil quelques decrels
pour reformer les abus iuiroduils dans la
discipline.
Plusieurs protestants et plusieurs incré-
dules ont accusé le concile de Cunstunre. d'a-
Voir violé le droit naturel et les lois de la
justice et de l'Iiunianilé, en livrant Jean Hus
au bras séculier, pour élre puni du dernier
sup[)lice , malgré !e sauf-conduit qui lui
avait été donné par l'empereur ; c'est une
calomnie que nous rcfuteruns au mot Hus-
SITES.
(CONSTANTIN. Nous ne devrions avoir
rien à dire sur cet empereur ; mais les criti-
ques modernes se sont appliqués à le noir-
cir, afin de rendre suspecte sa conversion au
christianisme, et de déciéditer les écrivains
ccclé-iastiqucs qui ont tait l'éloge de ses ver-
tus, îîasn.ige leur a fourni les maiéi i^uix,
Bist.de l'Iùjl., lom 11, pag. 1077. Mo-heim
n'a été guère plus équitable, /list. Chiist.,
sœc. iv, pag. 952. Un théologien doit savoir
à qu')i s'en tenir sur le caraclére de ce
prince.
1. On lui reproche les meurtres de Licinius,
son beau-frèie, assassiné mali^ré la foi iies
Irailés ; de l.icinien son neveu, massacré à
l'âge de douze ans; de Maximien son beau-
père, égorgé par son ordre a Marseille; de
son propre tilsCrispus, prince de grande es-
pérance, injusiement mis à morl, après lui
avoir vu gagner des bilailles; de l'impéra-
trice Fausti son épouse, etoulTée dans un
bain. Ou insiste sur la cruaulé ;ivic laquelle
il (il dévorer par des bêles féroces, d.ins les
jeux du tirnue, idus les (hets des Fr;incs
avec les prisonniers qu'il avait laits d^ins une
expédition sui' le lUiin ; ou ajoute ijue tous
ces crimes exéirahles llélriront à j.imais sa
mémoire. — ï>'iU étaient lous vrais, il serait
élonnant que Julien , qui ne ménage p is
Constanlin dans la .^alire clesCésars, n'en eùl
rien dit, pendant qu'il Iraitait de morn^lres
les deux cou:pélileurs de C(*Hs((m;in ; que
Znzime, bis'.oiieu païen, irès-Indisposé con-
Ire lui, ne lui eùl pas reproihé ces crimes ;
que Lihanius et Praxiigors, aulies p.iïeus
zélés, ( ussent osé faire un éloge complel (le<
venus de Constantin , husiiu'il n'e\is ait
plus, et que l'uu pouvait tlelrir impuucuient
sa mémoire. Mais les païens contemporains
ont été moins iujusles que b s pliil(iso[ihes du
xvi r siècle; les premiers l'ont .idoré comme
un dieu api es sa mort; les seconds veulent
le faire délester comme un scélérat.
Pour juger Constantin sans parilaliié, il
faut consulliT Tillemoiit ; il n'a supprimé
aucun des reproches i|ui onl été fai s à ce
prince : il y oppose non le lénioignage des
auleurs chrétiens, mais celui des historiens
païens, d'Anréliiis Victor, d'Iiulrop'-, d'Am-
mien Marcellin, de Lihaniu'-, de Julien : la
plupirt onl écrii après la mort de Constan-
tin, et après l'cxiieciion de sa famille; ils
n'.ivaieol aucun luiériH do déguiser la vérité.
— Il est f;iux que Constantin ail fait assassi-
ner Licinius maigre la foi des irailés. Trois
fois Licinius avait aruuS contre lui, avait été
vaincu en bataille rangée, et avait été par-
donné. Après avoir solennellemenl renoncé
à l'empiie, devenu simple particulier, il ea-
balait encore; il violait donc les traiiés, il ne
fut donc pas mis à mort contre la foi des
Irailés : la mort d'un sujet rebelle, ordonnce
par un empereur despote, afirès trois par-
dons accordés, ne fut jamais un asuis^inal.
— Consldulin n'est point l'auteur du meurtre
du jeune Liciuien ; aucun éeriv lin n'a osé
l'en accuser, et il n'y en a aucune preuve.
— .Maximieii, son beau-père, avait attenté à
sa vie, c'était d'ailleurs un monsire couvert
de crimes ; après avoir renoncé à l'empire, il
voulait s'en emparer de nouveau et l'arra-
cher à sou gendre ; il fut réduit à s'égorger
lui-même. Se détairi' d'un coii:petitenr in-
juste ou plulôl d'un assassin, pour prévenir
de nouvelles yuerres civiles, es'-ce un crime ?
— -Nous avouons le meurtre injuste de Ois-
pus. Sa belle-mère Fausta l'aicu-ait d'avoir
alleiilé à sa pudeur ; Constanlin, trop cré-
dule, eut tort de ne pas mieux vérifier ce
crime |iréteudu ; mais lorsque, persuadé de
l'im ocence de sou (Ils, Constantin punit la
cahunnie de Faus a, nous soutenons qu'il (il
un acte de justice. Aucun écriv.un cliiél en
n'a clierché à jusiilier ni à p.ilher le meur-
tre de Ciispus. — Ouant à la cruaulé exercéi)
coulie les chefs des Francs et contie les pri-
sonniers, il faul se souvenir ijue depuis long-
temps la couiiime des Uomains était de faire
contre les (iarbares la guerre sans qu irlier :
qu'.ipiés laviiloire remportée sur Maxence,
Constantin avait racheié à prix d'argeni la
vie des prisonniers ; qu'il avail placé dans
rilly I i,' et dans la Thrae(; ii ois cent mille Sar-
males, chassés de leur pays par d'autres
Barbares; ce n'était donc pas un monstre
altère de sang linmain. Ses prédécesseurs
avaient, peu laiit trois cents ans, l'ail dévo-
rer par les bêles, dans le cirque, les chré-
tiens (pii n'ét;iient ni des Francs, ni des Sar-
mates, mais des Kom.iins ; ei les censeurs di
Constantin l'ont trouvé bon.
II. Ses accusateurs ont,clierché à rendre
SMspecl'i les motifs et les causes de sa cou-
version au christianisme ; les uns onl dit,
sur la foi de Zozime, historien païen Irès-
piéveiiu contre ce prince, qu'il se fil chré-
tien, parce que les pontifes du pagauisme
1091 CON
1 assurèrent que leur religion n'avait point
d'cxpialions assez puissantes pour expier les
crimes qu'il avait commis. Celle absurdité
esl assez réfutée par 1 s éloges que lui ont
prodigués d'autres auteurs païens, cl par le
culte idolâtre qui lui a été rendu par les
païens après sa mort. Etitrope, 1. x. D'au-
tres empereurs, plus coupables i|ue lui, n'a-
vaient pas cru avoir besoin d'expiation, et
l'on sait d'ailleurs s-i les pontifes du paga-
nisrce étaiiMil des censeurs fort rigides à l'é-
gard des empereurs. Les autres disent que
Constantin se ût chrétien par politique, parce
qu'il vit que les chrétiens étaient déjà nom-
breux et puissants, qu'il pouvait compter
sur leur fidélité, (jue leur religion était plus
capable que le paganisme de contenir les
peuples dans l'obéissance. Soil pour un mo-
ment. 11 en résulte déjà q!!e Conslutlin fut
plus sage et meilleur politique que ses jjré-
décesseurs, qu'il rendit au chrislianisme plus
de justice que no lui en rendent les incrédules,
et que par l'événement il ne fut pas trom-
pé, puisque son règne fut paisibleet iK^ureux.
Mais les motifs de politique ne dérogent
en rien aux preuves que ce prince put ac-
quérir d'ailleurs de la divinité du ciiristia-
nisine. — Constantin a raconté lui-mèiiic,
qu'avant de livrer bataille à son compétiteur
Maxence, il avait vu, après midi, dans le
ciel et au-dessus du soleil, une croix lumi-
neuse avec ces mots . Sois vainqueur par ce
signe ; i\ue les soldais qui l'accompagnaient
en avaient été témoins. 11 ajoutait que la
nuit suivante Jésus-lMirist lui était apparu,
et lui avait ordonné de faire faire une ensei-
gne militaire, ornée du signe qu'il avait vu.
Constantin la lit exécuter en eQ'el ; c'est ce
qui fut nommé le labarum. Après sa victoire,
ce prince fit placer à Rome sa statue, tenant
à la main une laiiee en lorme décrois, avec
cette inscription : Par la terlu de c signe,
i'ai délivré votre ville du joug de Li Igran-
nie, etc. Eusèbe, dans la Vie de Constantin,
iiv. I, c. 28 et suiv., assure qu'il tenait ce
fait de la propre bouche de l'empereur, qui le
lui aval lattes té avec serment, et dit qu'il avait
vu plus d'une fois le labarum. 11 en parie en-
core dans le panégyrique de ce prince, j)ro-
noncé en sa présence, la trentième année de
s;;n règne, ou l'an 335. Orat. de lnud.Const.,
c. G et 9. Constantin lui-même semble y
faire allusion dans son discouisà l'assemblée
des saints. Orat. ad Sancl.c<Ptum,i-. 2G, lors-
qu'il dit que SIS exploits militaires onl com-
mencé par une inspiration de Dieu. — Lac-
tance, auteur conlcmijorain [Lib. de Mort,
persec, e. ii), dii seiileuienl (jue Constnniin
fut avertit en songe de faire graver sur les
boucliers de ses soldils le signe céleste de
Dieu, avant de commenrcr lecomliat, cl(|u'il
Gt eti elTet marquer sur les boucliers le si-
gne le Jésus-i;;iiri>t. Socrale, Sozomène, Phi-
loslorge, Théodorel , Ujl.ilianus, Purpbjre,
dans un potime à kl louange de Constantin,
deux orateurs païens dans les panégyriques
de ce prince, le poi'lc l'rudenco et d'autres,
cunlirment la narration d'I.UM'be.
Jusqu au xvr siècle aucun écrivain uc l'a-
CON
lOâiJ
vait attaquée; mais, comme les protestants
onl vu qu'elle pouvait servir à autorisrf le
culte de la croix, plusieurs d'e«tre eux ont
entrepris de lui ôter toute croyance. Ils ont
dit que tous les témoignages «lue l'on pro-
duit en fiveur de ee miracle, se réduisent,
dans le fond, à celui de Conifun^f'n ; (|ne ce
fut, de sa part, une ruse militaire pour ani-
mer ses soldats au combat. Chaussepié, dans
le Supplément au Dictionnairede Bnyle, a ras-
semblé toutes les objections el les conjec-
tures de ces critiquer. Musheim a fail de
même (Ilist. Christ., sœc. iv, p. 978). Les in-
crédules modernes en onl triomphé, et l'on
n'a pas manqué de mettre un long extrait de
cette liisseriation dans l'ancienne Encijclo-
pédie, au mol Vision de Constantin. — En
1774, iM. l'abbé Duvi)isin leur a opposé une
disserialion plus exacte el plus solide ; il a
rapporté les preuves et l.^s témoignages cjue
nous venons d'indi(|uer, >1 en a fait sentir la
force, el a répondu à toutes les objeclions ;
l'on peut consulter cet ouvrage. On y verra,
dans tout son jour, la léiiiériié avec Ia(|uelle
les pruleslants ont travaillé à jeter du doute
sur les faits de VHisloire ecclésiastique, qui
paraissent les mieux constatés, el les armes
qu'ils ont fournies aux incrédules pour atta-
quer tous les faits favorables au clirislia-
nisme.
Nous nous bornons à remarquer que l'on
suspecte, sjus aucune raison, la probité de
Constantin, l-A-l-on prouvé que Dieu n'a
pas pu ou n'a pas dû faire un miracle pour
convertir cetempereur,cl pour préparerainsi
le triomphe du clirislianisme ? 2" 11 faut
supposer que tous les soldats de son armée
étaient chrétiens, ce qui ne peut pas èire ,
puisqualors ce prince n'avait pas encore
professé la religion cbrelieiine ; des soldais
païens ne pouvaient avoir aucun respect ni
aucune confiance au nom ni au signe de Jé-
su>-Christ; il était à craindre au contraire
que ce signe, détesté par les païens, ne les
fil (iéserler el passer du côté de Maxence.
à' .\près la victoire une fois rempoilée sur
-Maxence, quel intérêt pouvait avoir Con-
stantin à faire altesicr |)ar ses enseignes, par
sa statue, et par d'autres monumenis, l'iuj-
posture qu'il avait forgée pour inspirer du
courage à ses soldats'? 4° Il en avail encore
moins à réfiéier cette fable à Eusèbe douze
ou quinze ans après, à l'aliesler par ser-
ment, à dire que le prodige avail clé vu par
les soldats qui l'aceompagnaient pour lors.
Si cela n'était pas vrai, les païens, surtout
les soldats, onl dû se moiiuer delà fourberie
de l'empereur et, de ses prétendus monu-
menis, et s'obsliner davantage dans la pro-
fession du paganisme. D'un côté l'onaltribue
à ce prince une |iolilii|ue Irès-rusee, de l'au-
tre une imprudence inconcevable. 5 La vi-
sion de Constantin n'est pas, dans le fond,
une preuve fort nécessaire au christianisme;
il peut aisément s'en passer; nous ne voyons
pas que ceux qui la rapportent en tirent au-
cune conse(iueiice ni aucun avantage. Ils ont
donc eu moins d'iiilerêl à l'accréditer, que
les protestants cl les incrédules n'en onl à la
â003
CON
CON
1094
suspecter. Voy. encore Vies des Pères et des
JiJarli/rs, I. VIII, p. 48S e( suiv.
111. Les aci'iisateiirs modernes deConstan-
tin lui ri'fusent la (lualilé de s.ifçe législa-
leur, parce (lu'il accorda des iniinunilés aux
clercs, et donna lieu d'en auf;niuiiier le nom-
bre; parce qu'il donna aux évéques de
grands priviléf^es, en particulier celui d'al-
(ranrliir les cscl.ives ; parce qu'il favorisa le
celihal en aboliss.nil la loi Pupia Poppœn,
qui [irivait les célibalaires des successions
ccdlalérales. — Quand Constantin aurait eu
t'irt en tout cela, ce qui n'est pas, aurait-il
détruit par l.'i le bien qu'ont dû produire
plus (le quarante lois fort sa^es, qu'il a faites
sur divers objets de police ? Elle sont dans le
Coile Théodiisien ; Tilleniont les a rappor-
Cées ; mais, |.ar un Irait d'équité exemplaire,
nos critiques les p.issi'nt sous silence : il se-
rait trop loni; d'en faire le détail et d'en mon-
trer les beureux cITols. Voy. le Traité de la
vraie relii/ion, I. XI, c. 10, art. 1, § !). — Mais
Conslanlin élait meilleur politique que ceux
qtii osent le blâmer. Il accorda aux méde-
cins el aux professeurs de belles-lelires les
mêmes immunilés qu'aux clercs; nous es()é-
lons qu'on ne lui en saura pas mauvais gr^ ;
mais, loin d'augmenter le nombre des clercs,
il ordonna que l'on ne l'erail point de clercs
qu'à la place de ceux ((ui seraient morts., et
qiie l'on prelérerait ceux qui n'étaient pas
rirhes. Sous la réiiubliiiue romiiine, les pon-
tifes avaient eu de plus gi aiids privilèges (|tie
n'en eurent jamais les évéques; on ne con-
çoit pas comment des |)liilosoplii'S osenl faire
un crime à cet empereur d'avoir facilité l'af-
francliissemenl des escla»es, lorsiiue l'em-
pire était dépeuplé par les guerrrs civiles et
étrangères (jui avaient précédé. iVest pour le
repeupler qu'il accorla des terres à trois
cent mille Sarmales chassés de leur [lays par
d'autres Barbares. La loi l'apia Poppœaéiall
injuste cl absurde, parce (ju'elli' punissait
les innocents aussi bien que les coupables ;
elle n'avait produit d'ailleurs aucun efl'el ; il
est faux, (ju'après son abohlion , le célibat
soit devenu plus commun qu'il ne l'était au-
paravant.
Knfin, l'on a écrit et répété que Constantin
employa la violence et les supplices pour
cxti Tininor le paganisra ', et mettre la reli-
gion chrétienne à sa place; c'est une calom-
nie que nous nfulerons au mot liMPEiiEun.
CONSTAiNTINOPLK. Outre les conciles
particuliers qui ont été tenus dans cette
ville, il y en a quatre qui sont regardés
comme généraux ou œcuméniques. Le pre-
mier fut convoqué, l'an 381, par ordre d'
l'empereur Théodose, et composé d'environ
cent cinquante é\6iues Orientaux, dont un
graii'l nombre élait reconimandable par leur
capacité et par leurs vertus. Après avoir
placé un évéque légitime sur le siège de celle
ville, qui était occupé par un intrus, le con-
cile Condamna de nouveau les ariens et les
euiiouiiens ; il prosiriut les erreurs de .Ma-
cédonius, ((ui niait la divinité du S>iinl lîs-
pril, el celles d'Apollinaire, qui atiaqnaient
la •vérité de l incarnalioQ. Conséquemminit il
décilla que le Saint-Esprit est consubslanliel
au Père et au Fils, que ces trois Personnes
ont une seule et même divinité: il connriua
le symbole de Nicee, et il y fit quelques atl-
diliitns rel.itives aux nouvelles erreurs; en-
fin, il dressa quelques cano is de discii line.
L'année suivante, le pape Damase, et dans
la su. le les evéques d'Occident, acceptèrent
les décisions de ce concile; c'est ce qui lui
a donné laulorité d'un ( oncile général.
Le deuxième, qui est aussi nommé le cin-
(|uiéine général, fut convoqué par l'empe-
reur Jusiinicn, l'an 533, sous les yeux du
pape Vigile, qui ne voulut cependant pas y
assister; il s'y trouva au moins cent cin-
quante évéques presque tous Orientaux. Lo
motif de la convocation élait de condamner
les trois chapitres. L'on entendail sous C8
nom, 1" les écrits de Théodore de Mopsueste;
2" ceux que Tliéodorel, évéque de Cyr, avait
composés pour réfuter les anaihémalismes
dresses par saint Cyrille d'Alexandrie contre
Ne>torius; 3" une Mire qu'lbas, évéque d'E-
desse, avait écrite à un Persan nommé Ma-
Ms. Plusieurs évéques, aussi bien que l'em-
pereur, jugeaient qu'il était nécessaire de
coiiddmn<!r ces ouvrages, parce que les nes-
loriens s'en servaient pour autoriser leurs
erreurs, et prétendaient que ces mêmes écrits
avaient éle approuvés par le concile de Chal-
cedoine, ce qui élait faux. Les eutychiens,
de leur côté, demandaienl la condamnalion
de ces écrits, pour fermer la bouche aux nes-
toriens; Théodore de Césarée, qui était du
parti des eutychiens acéphales, avait assuré
l'empereur que, sous celle condition, ses ad-
hérenls se reconcilieraient volontiers à l'E-
glise. — D'autre part, parmi les catholiques
même, surtout parmi les Occidentaux, plu-
sieurs désapprouvaient la condamnation que
Justiiiien, de .■^a propre autorité, avait faite
des trois chapitres; les uns, parce qu'ils
étaient persuadés que ces écrits étaient or-
thodoxes, el que les nesloriens avaient tort
de s'en prévaloir; les autres, parce qu'ils
croyaient que ces ouvrages avaient été ap-
prouvés en effet par le concile de Ghalcé-
iloine, et que la demande des eutychiens n'é-
tait qu'un piège imagin ■ pour affaiblir lau-
lorilé de ce concile; d'autres enfin parce
qu'il leur paraissait indécent de faire le pro-
cès aux morts, el de flétrir la mémoire de
trois évéques décédés dans la communion de
l'iiglise.
Tel était le sentiment du pape Vigile. .\p
pelé à Conslaïuinople, l'an 5ilj, par Justi-
iiien, el tourmenté par cet empereur, il con-
senti! enfin , après deux ans de résistance,
et après avoir consulté un synode de soixante-
dix evéques, à condamner les trois chapitres;
il le fil par un écrit public, qui fut nommé
JudicatUiU ou Constilutum, mais qui portait
la Clause, «.ns pnjjudici; du conrde de Cltal-
cédoini'. Cette complaisance ne laisf -i pas de
brouiller le pape avec les évéques d'Afrique
cl d'Italie. Vainement Jiistinien employa la
violenre pour obtenir ue lui une condamna-
lion |iure et simple. Vigile demanda la con-
vocaliun d'uu concile gênerai, el l'obtint. Eu
AS;
/#^
Fi %
îdDS CON
nltemlant, il retira son Judicatnm et la si-
gnalure des évéquos qui y avnient souscrit,
et défendil, sous peine (l'excomiiiunirntion,
de lien écrire pour on niiitre les trois cha-
pitres avant la dérision du cuncile. — Lors-
qu'il fut assemblé, Vlifilc refusa d'y assister,
parce qu'il n'y .ivait (]u'un 1res petit nombre
d'éiéqui's "cciiientaux, et parce ((u'il |irc>it
que les siilTra'^es n'y seraient pis libres. Le
concile /lyanl condamné absoluinenl les trois
cliapilrcs, et prononcé l'anathème coulre les
auteurs, il n'est pas certain que \'ii;ile y ait
souscrit; plusieurs prélcndenl qu'il ne l'a
jamais fait, d'autres ont produit un Constitu-
tum de ce pape, de l'an 55i , dans leiiuel il
déclare, (ju'après avoir mieux examiné les
écrits dont il est question, il les a jugés con-
damnables. Celle pièce est rapportée dans
les nouvelles collections do Baluze. — Cette
condamniilion causa un schisme parmi les
évoques occidentaux, toujours persuadés que
les trois chapitres av.iient été approuves par
le concile de Chalcédoiiie. La division parmi
eux ne finit que plus d'un siècle après; elle
dura aussi loiiutemps parmi les Orientaux,
dont les uns tenaient pour le nestorianisme,
les autres pour les erreurs d'Eutydès, les
autres enfin pour la doctrine catholique, éta-
blie par le concile de Ch^ilccdoine.
l'iiute la quesiion se réduit donc à savoir
si les trois chapitres avaient élé approuvée
par le concile de Chalci doine : or , il n'en
est rien. 1° L'on ne voit rien dans les actes
de ce concile, ni dans les écrivains contem-
porains, d'où l'on puisse conclure qu'il y lut
quesiion des ouvrages de Tliéodore de Âlop-
sue-le. (Jel évoque était mort en 42'i-, avant
que Neslorius, son disciple, eût fiublié ses
erreurs. Lu renouvelant la condamnation de
Neslorius, le concile de (:halcédi)ine était
censé avoir proscrit, plutôt qu'approiné,
les écrits dans Ic-ciuels cet h. résiarquo avait
puisé sa diicliine. 2" Tliéodorel et Ibas assis-
taient à ce concile : on ne pouvait pas dou-
ter de leur croyance personnelle, puisque
l'un et l'autre souscrivirent, sans hésiler, à
la condamnai ion de Neslorius. S'il y avait
des chiises refiréhensibles dans leu:s écrits,
le concile était convaincu qu'ils avaient
chani:é île sentiment. Il n'eut donc pas tort
de les reconnaîlre pour orthodoxes, et do les
réiablir dans leurs sièges, d'où ils avaient
été chassés, deux ans auparavant, par Dios-
roreel par le f.iux concile d'I'.plièse, auquel il
présidait. On .savait d'ailleurs que 'l'heodorel
avait abandonné absolument le parti de Nes-
lorius, et s était reconcilie sincèrement avec
saint tiyrille ; il ataii donc sullisaminenl dès-
avoué ce qu'il avait écrit auparavant con-
tre ce saint docleur. Quelle nécessité pou-
vait-Il y avilir d'examiner ses écrits? Ibas
éiait présent pour lendie raison de ce qu'il
a\ail dit dans sa Icilif à Maris; elle ne fai-
sait pas encore do luuit pour lors. Le con-
cile joyea df l'orthodoxie persoiiiieile de ci s
deux evéqiies, sans lien statuer sur leurs
écri s. 3- L'imposture des nevioi iens, (|ui pu-
bliaient i|ue ces ecri s a\ aient elo apj.rou-
vcs par to concile, ne prouvait doue rien ; la
CON
lODG
prévention de ceux qui les en croyaient* sur
leur i)arnle, était mal fondée, et làrtificc des
eutycbiens, qui se flattaient di» détruire l'au-
tiiriié du concile de (-.balcédoine. en les fa -
saut condamner, n'était ()u'utie laiiie inn-
giialion. Ils réussirent à aiis»iiieiiter la ili\i-
sion et à trouh er \'\l<i] se, et il r'e s'onsuivt
rien. k° Pour que le concile de Const.intino-
p!e ait eu le droit de condamner les trois
chapitres, il suffisait que les e\|(ressiiins,
renfermées dans ces écrits, ne fissent pas
assez claires ni assez exactes, et qu'elles
donnassent lieu aux nesloriens d'autoriser
leurs erreurs. Les ailleurs avaient pu les em-
ployer i uiocemmeiil a^anl les conlaniia-
lious réiicrées de Nesioriu^ ; mais on devait
les priisciire depuis que l'E lise avait for-
meLement expliqué sa rroyiince. Si ce con-
cile alla trop loin, en fletrissiinl la mémoire
des auteurs, cet excès do sévérité ne fait lien
à la foi.
Basnage, qui a fait une longue histoire du
cinquième concile générai, et i)ui l'a remplie
d'invectives, aurait dû faire ces réflexions
{Hist. de r Eglise, I. x, c. G). Il s'obstine à
supposer que le concile de Chaliédoine avait
approuvé les trois chapitres; que les con-
damner à Conslantinople, c'était reformer le
jugement et les décrets de Chalcédoine, et
donner alteinte à l'autorité la plus vénérable
qui lût connue ; que ce concile avait décidé
que la lettre d'ibas élail orih xloxe, § 'i- et 22:
c'est une faussi'té. Il reconnaît lui-même que
l'on n'avait parlé de Théoilore de iMopsnesle
à Chalcéiloine, (];i'eii trailant de l'affaire
d'ibas, d'où 11 (Oncliit que sa personn ■ ni ses
écris ne pouvaieni pas \ avo.r été condam-
nés ; mars, par la même raison, ils ne pou-
vaient pas ncn plus y avoir élé approuves.
L'affaire d'ibas n'était pas l'examen de sa
lellred Maris, mais de ses senliments actuels
ou personnels. — Après a>oir peint, de la
manière la plus odieuse, la faiblesse, les in-
certitudes, les cbanuemenls de condute du
pape Vigile, il est forcé do convenir que le
jugement de ce ponlile, après la décisiwn du
concile de Vonslnnlinople , était sage, qu'il
dislinL'uail jiidi. leuseiiieni le droit d'avec le
fait. D'un co.é , il censurait les erreurs de
Théodore de Alopsuesle sur les extraits de
ses livres qu'on lui avait fournis ; de l'autre,
il ne voiilaii pas ()ue l'on condamnai sa per-
sonne ; parce (|u'il était mort dans la pais de
rhgliseaussi bien qu'ilias et I héodoret, ij 17.
Les l'ères de Coiiflundiuiple auraient sans
doute l'ait de même, s'ils n'avaieni pas élé
poussés par les clameurs des eutychicns et
par rciiiélement de Juslinien. C'est leur ri-
gueur, dans la condainnalii/n des pcrsonns,
qui révolta principalement les Occidentaux ;
mais, encore une lois, ce prucédo ne lient en
rien à la question du droit, {\ut élail de sa-
voir si les écrits en ou\-mèmes étaient cen-
surablcs: or, nous soutenons qu'ils l'étaient,
que la rondamnaiion de ces écrits u'esl pas
injuste, quoi qu'en dise Itasnage, §8. — Do
là iiiéiiio il rcsnlle (|ue l'on ne dull pas don-
ner une entière ( rojance a loul ce (|ui a clé
écrit de part et d'autre, surtout par les Alri-
.«^
• 1
1097
CON
caii)s; ils jugeaient de In conduite du pape
Vigile el du concile de Constantinople selon
leur prcveniion ; ils n'élaienl pas fort en état
de peser la valeur des expressions grecques
renfermées dans les trois chapitres. Ce con-
cile n'a été général ou œcurnéiii(|ue, ni dans
sa convocalioii, ni dans su tenue, ni dans sa
conclusion; les suffrages n'y étaient pas li-
bres, il n'est censé général que par l'accep-
tation universelle que l'Eglise en a faite dans
la suite. Uasnage en conclut très-mal à pro-
pos que ceux qui le rejetaient ne croyaient
pas à l'infaillibilité des conciles œcuméni-
ques, §22; les Occidentaux ne le regardaient
pas comme tel.
Le troisième des conciles de Constanlino-
ple, pi icés parmi les conciles généraux, fut
tenu l'an 680, sous le règne de l'empereur
Constantin Pogonat, et sous le pontilicat du
pape Agaihon : c'est h' sixième œcuménique.
Il fut compu»é il'environ cent snixanle évê-
ques, et assemblé pour condamner l'erreur
des moncithélites, qui éiaieni un rejeton de
reuiychianisnic. lîuljchès avait prétendu
que, dans Jésns-Clirist, la divinité el l'huma-
nité étaient tellement unies et confondues,
qu'elles ne faisaient plus qu'une seule na-
ture. Les monothéliti'S souli'uaient qu'il n'y
avait en Jésus-Christ qu'une seule volonté et
une seule opération. Le concile au contraire,
après avoir déclaré qu'il adhérait aux dé-
crets des cinq conciles généraux précédents,
décida qu'il y avait en Jesus-Christ deux na-
tures distinctes et complètes, revêtues cha-
cune de leurs facul es et de leurs opérations
propres, par conséquent, deux volunlés el
deux opérations, l'une divine et l'autre hu-
maine. Parmi les fauteurs du tnoiiolliélismc
qu'il condamna, il nominale pape Honorius,
parce que, dans une lettre écrite à Sergius,
patriarche de Cunstanlinople, auteur et dé-
fenseur du monotliéli.sme, ce pape semble
avoir enseigné la même erreur. Voy. Mono-
THFLISME.
On regarde ordinairement comme une
suite de ce cuncile celui qui lut tenu au même
lieu douze ans après, en G92, et qui fut
nommé le concile in Trullo, parce qu'il fut
assemblé, comme le précédent, dans une
salle du palais impérial, couverled'un dôme;
on l'a encore appelé Quinisexte, parce qu'il
avait pour objet de régler la discipline, sur
laquelle le cinquième et le sixième concile
n'avaient rien statué, et qu'il renouvela les
décrets de ces deux assemblées. Justinien H
était pour lors empereur, et Sergius I" rem-
plissait le siéîîe de Rome. Deux cent onze
évêques y assistèrent et y firent cent deux ca-
nons de discipline, qui ont été constamment
suivis depuis ce temps-là dans l'Iiglise grec-
que; mais tous ces décrets ne furent pas
adoptes .par les papes ni par l'Eglise latine,
parce qu'il \ en avait plusieurs qui n'étaient
pas conformes à la discipline établie en Oc-
cident.
Le huitième concile général , assemblé
aussi à Constaniinople, Van 869, sous le ])aDe
Adrien II ei l'empereur Basile, Tut composé
de cent deux évêques. Ou s'ét iil propose d'y
D.CT. DE ThÉOL. DOttMATIQDE. I.
CON ,098
réparer les maux qu'avait causés l'intrusioa
de Photius dans le siège de Constaniinople,
et les suites du schisme qu'il avait établi en-
Ire l'Eglise grecque et l'Eglise romaine. Ou
y dressa vingt-sept canons de discifjline, et
on y renouvela la condamnation des erreurs
qui avaient été proscrites par les conciles
précéiients. — Dix ans après, Photius étant
parvenu à se faire rétablir sur le siège de
Constaniinople, après la mort du patriarche
Ignace, trouva le moyen de rassembler près
de quatre cents évêques, et de faire annuler
tout ce qui avait été fait contre lui ; il donna
à ce faux synoJe le nom de huitième concile
général, et il a été regardé comme tel parles
Grecs , depuis qu'ils ont consommé leur
schi-me avec l'Eglise latine. Yoy. Grecs
CONSTITUTION, décret du souverain pon-
tife en maiière de doctrine. Ce nom a été
principalement lionne en France à la fameuse
bulle du pape Clément XI, du mois de sep-
tembre niS, qui commence par ces mots :
Uniijeiiiius Oei Filins, et qui condamne cent
dix pi oposilions, tirées du livre duP.Quesnel,
intitulé : Le Nouveau Teslament , avec des
réjlexions morales, etc. Foy. Unigenitus (I).
(1) Nous avons besoin d'établir quelle est l'au-
tonlé des coiislilnlions émanées ilu saiiil-siége.
Les constitiilions ipie promulguenl les papes ont
difléreiils objets : les unes concernent le dogme
les auires la morale, les autres la disciplim-. La
question peut donc eue envisagée sons ces dilléreiits
poinis de vue. Il e-i inconteslable d'ab>>rd que louta
espèce de consliiuiion donnée p.ir le souverain pon-
lilé doit éire reçue avec un profond res|iect : cesi ce
que tous les catholiques piolessent. Nous allons citer
à l'appui de celle véiilé uii passage de Fénelon, el
un aiilre du clergé de France de lli-25 ;
« On ne peut déroger à la parole de Noire-Seigneur
Jésus-t;iirisl, ipii a dit : ï'ii es Pierre, et sur celle
l'ierre je bàlirai mon église. La vérité de celte parole
est prouvée par le l'an même ; car la religion a tou-
jours été conservée pure et sam tache dans le siégt
apostûliifuc. C'est pouripioi, suivant eu tout l'ouvrage
du siège apostolique et souscrivant à tous ses décrets,
j'espère inériier toujours de demeurer dans une inéuie
CD iiiuuiiion avec vous, qui est celle du siège aposio-
liipie, dans lequel réside l'entière et vraie solidité de la
retigiun chrétienne, promettant de ne point nommer
dans les sacrés mystères ceux (jui sont séparés de la
coinmunio i de rKglise catholique el du siège apos-
tolique. Ainsi, ajoute Fénelon, qiiiconipie contredit
la loi rumaiiie, ([ui est le centre de la tradition coin-
niuiie.coulredilctîlle de l'Eglise entière. Au contraire,
quiconque de i cure uni à la dociriue de celle Eglise,
toujoiir> vierge, ne liasarde rieu pour sa foi. Celte
promesse quoique néiiérale , quoiiue alisolue, dans
une proléssioii de foi, n'a rien de téméraire ni d'ex?
cessif pour les évêques mêmes qu'on oblige de la
signer. Caidez-vous donc bien d'écouter ceux qui
oseraient vous dire que le formulaire du pape llor-
misdas, fait, il y a douze cents ans, pour remédier
au scbisme d'Acace, n'était qu'une entreiu ise passa-
gère du siège de Itume. Cetie ilécisioii de foi, si dé-
cisive pour l'unité, fui renouvelée par Adrien II plus
de trois cents ans après, pour liiiir le scliisoie de
Photius; el elle l'ut univeiselleiuent approuvée dans
le liuitiéine concile œcuménique. Cliaipie évéque y
promet de ne pas se séparer ni de la foi ni de la doc-
trine du >iégti apostoligue, mais de suiire eu tout tes
dédiions de ce siège, i ( Fénelon, 'iisl. pasl. sur la
bulle Uniiienitus.)
< Les évêques seront exhortes à honorer le siège
35
1099 CON
CoNSTiTCTioNS APOSTOLIQUES ; c'est nn re-
cueil de rèslemenls attribués aux apôlres,
que l'on suppose avoir été fait par saint Clé-
ment, et qui portent son nom. Elles sont di-
visées en huit livres, qui contiennent un
apostolique et l'Eglise romaine, fonde'e sur la pro-
messe infaillible de Dieu, sur le sang des apôtre^ et
des mariyrs, la mère des Eglises et laiiuelle, pour
parler avec saini Allianase, est cnmnie la lêie sacrée
par laquelle les autres Eglises, qui ne sont que ses
membres, se relèvent, se mainiienneiii ?i se conser-
vent, ils respecteront aussi notre saint-père le pape,
chef visible de l'Eglise universelle, vicaire de Dieu
en terre, évèque des évê(|iies et patriarches, auquel
l'apostolal et l'cpiscopnl ont eu commencemenl , et
mr lequel Jésus-Christ ii fondé son Eglise, en lui
baillant (donnant) les clefs du ciel avec C infaillibilité
de la foi , que l'on a vue miraculeusement demeurer
immuable dans ses successeurs jusqu'aujourd'hui,
et ayant obligé tous les lidcles ortliodoxes à leur
rendre toutes sortes d'obéissance, et à vivre en défé-
rence à leurs saints décrets et ordonnances. Les évê-
ques seront exhorté^ à faire la même chose et à
réprimer, autant qu'il leur sera possible, les esprits
libertins qui veulent révoquer en doute ei mettre en
compromis celte sainte et saciée autorité, conlirmée
par tant de luis divines et positives; et, pour mon-
trer le chemin aux antres, ils y déféreront les pre-
miers. > (Assend)lée du clergé de \iii5.)
Malgré la gr-tudo anloriié que possèdent les consti-
tutions ponlilicalcs dogmatiques, nous sommes obli-
Î'és de convenir qu'elles ne sont pas un objet de la
oi, à moins qu'elles n'aient été acceptées par l'h-gise;
car il n'est pas de foi que les jugements du pape
soient irréformables. 11 est indubitable que lors-
qu'elles sont acceptées par rEgli>e universelle, qui
ne peut ni se tromper ni nous tromper, elles sont
objet de la foi catholique. En effet, Jésus-i;hrist
disait aux évêques, dans la personne de ses apôlres :
Allez, enseignez, baptisez, administrez les sacre-
ments dont je suis l'instiiuieur. Je béniiai votre mi-
nistère, il subsistera toujours. Toujours je serai avec
vous. Ces paroles ii'oiit pas d'exception ni de restric-
tion : l'u ne peut en apporter que d'aibiliaires. Ce
n'est point la parole de Jésus-Cliiist qui veut lindler
rinfaillibilité an seul concile œcuinénii)ue : c'est celle
du novateur Sans cesse combattue, sans cesse
l'Eglise a besoin de son autorité imposante et in-
fa illible pour arrêter et dévoiler le mensonge. Si
les conciles œcuméniques étaient seuls inlaillibles,
l'hérésie pourrait aisément propager ses pernicieuses
doctrines. Elle saurait innlliplier les obstacleS, déjà
si grands, pour einpêeliei la convicaiion et la tenue
des conciles généraux. Mais l'Eglise n'a p-is attendu
qu'elle fût léiinie en concile ueeuniéniqne pour
loudroycr l'erreur. Combien de foi-. l'Eglise disper-
sée ne lui a-i-elle pas porté le coup moi tel ?
L'orgueil emprimle nn jour la voix de l'élage. (^e
novateur ose somler les prolomlenrs des de-seins
du Dieu de la grâce : (inélqiies évêques se réunis-
sent dans deux af>semblécs particulières. Uume saisit
la nouvelle duulnne. l)e tons les sièges parlent des
voix qui s'unissent à la voix du successeur de l'ierre,
et lancent cet anatbènie qui pèse de tout le loiils
d'une autorité infaillible. < De ce ii)omeiii, dit saiiit
Augustin, la cause fut finie, i Quatorze siècles oii
passé sur celte hérésie, sans que le décret rendu
ait "été ébranlé.
Concluons donc que les évèqucs dispersés sont les
vrais docteurs de l'E.ilise, et que peu importe d'oii
partent leurs voix. Uéniiies à celle du pontife ro-
main, elles forment par leur accord nu jiigeuieul
iriéformable : le devoir du clircli, n est alors de
regarder la cause coiiime finie, tonte tlésobéikSiinco
serait une rév(die et nn crime .Mais
CON
iiOO
grand nombre de préceptes touchant les de-
voirs des chrétiens, particulièrement tou-
chant les cérémonies et la discipline de
l'Eglise.
Presque tous les savants conviennent
qu'elles sont supposées, et prouvent qu'elles
sont bien postérieures au temps des apôtres;
elles n'ont commencé à paraître qu'au iV ou
au v siècle, par conséquent saint Clément
n'en est pas l'auteur. — Whiston n'a pas
Mais quel accord est requis? Tel est le nœud de la
seriinde ddlicnlté.
Sùrsde rendre nulle l'autorité de l'Eglise dispersée,
les novateurs ont exigé nue unanimité complète dans
le corps épiscopal. Si de telles préienlions avaient
quelque fondement, elle serait donc fausse la règle
employée par toutes les nations. Elles pensent trou-
ver le sentiment d'un corps dans celui de la grande
majorité de ses membres. Que les évoques se divi-
sent sur nn point de doctrine : si l'on voit d'un
côté une multitude de premiers pasteurs, et de
l'autre quelques membres de l'épiscopal , sera-t-on
embarrassé pour prononcer de ^quel lôtc se trouve
le corps des vrais pasteurs? iNon sans doute : c'est
sons la grande majonié des évèques que serait
l'Eglise enseignante. S'il lallait une unaniiniié
complète , y aurait-il une hérésie condamnée ?
Toutes ont eu des évêques pour défenseurs. Com-
bien d'anatlièmes lancés par l'Kglise devraient être
révoqués ! Il faut le reconnaître : exiger une com-
plète unanimité, ce serait anéantir la foi !
Concluons qu'une décision de foi proposée par
lé souverain pontife, acceptée par la grande majorité
des évêques, est inlaillible.
lue que-tion se présente ici naturellement à nos
recherches : laiii-il, île la part des évêques, une
adhésion expresse, ou leur silence doit-i! être re-
gardé ciiinme un consenteineul siilTisaut?
Sans doute les évêques ne sont pas tenus d'élever
la voix toiiies les lois qu'il par;:it une erreur. Dans
le siècle où nous vivons, ils seraient obligés de crier
sans ces-e. .M.iis il est îles inonients où le danger de
la foi est si grand, que le corps des évoques ne peut
se taire sans manquer esseniielK nient au devoir qui
lui est imposé de garder lidélement le dépôt des
véritables doctrines. Donc, loi'sque le souverain poii-
tilé proniulgne une délinilion de foi, (|u'il l'adresse
à t(uil l'univers avec obligation d'y confoinier sa
croyance, le silence des évèques doit être regaidé
comme un assentiment.
Pour rendre celte conséquence plus sensible, fai-
sons une sii|ipositiuii (qui, nous le croyons, ne
sera jamais une réalilé). Supposons que le pape
propose une doctiine erronée , dans une bulle pu-
bliée avec touies les solennités ordinaires, quel
scandale pour l'Eglise si !• us les évêques venaient à
garder le silence ! Serait-elle encore vra e celle
inaxiiiie de saint Ângusiiii : Kcclesia l>ei, qum suut
contra fidem , vel bonam vitam, nec apprvbal , nec
Tjvciir, nec facit.
N'est-ce pas un principe admis dans mule espèce
de droit, que celui qui garde le siionce lorsqu'il
devrait parler est nn prévaricateur? CJui oserait dire
que la nu'.jorilé des évêques oui été prévaiicaleuis
en matière de loi? Le laineux CJiiisnel lui-niêinc
trouvait la docirine <|ue nous défendons tellement
fondée en raison qu'il disait , en p irlani de Pelage :
I Le reste des Eglises du monde s'élaiit conienté de
voir entrer on lice les Africains, ut les Gaulois , cl
d'aitcndiece ipie U: saini-siége jugerait de leur diffé-
rend, leur si/eru. , quand 11 n'y aurait ricii de plus,
doit tenir lieu d'un consentement général , lequel,
joint au jiigcmeiii du saint-siége, forme une décision
qu'il n'est pas permis de ne pas suivre, »
HOl
CON
CON
If 02
craint de se déclarer contre ce sentiment
universel ; il a employé beaucou]) de raison-
npitients el d'érudiiion pour prouver que les
Conslilulions Apostoliques sont un ouvra2;e
sacré, dicté par les apôtres dains leurs as-
si-niblées, mises par écrit par saint Clément.
Il veut les faire regarder comme un supplé-
mrnt du Nouveau Testament, comme l'exposé
Gilèlc de la foi chrétienne el du g;ouvernc-
mentdel'I'glise. Yoy. son lissai siii-lesConsd-
tutiomt Aposlolù/ties, et sa Préface historique.
Comme cet auteur tenait pour l'arianisme ou
le socinianisme, il n'est pas étonnant qu'il
se s&it prévenu en faveur d'un ouvr:ige d.ins
lequel il trouvait plusieurs passages qui lui
paj'aissaicnt conformes à son opinion. —
Mais c'est justement ce qui rend ce monu-
ment très-suspect, lin effet, ces constilulions
prétendues apostoliques sentent, dans |ilu-
siourS endroits, l'arianisme, renferment des
anàchronismes et des opinions singulières
sur f)liisieurs points de la relii^ion. — L'on
ne prul cependant ()as nier que ce recueil ne
conlionne plusieurs morceaux, soit des an>
ciennes liturgies, soildes règles de discipline
observées dans les temps apostoliques. Ainsi
en ont jugé non-seulement les critiques ca-
tholiques, mais Grabe, Hirks, Bévéridge et
quelques autres protestants modérés. L'on
convient assez généralement que les cin-
quante canons des Apôtres, qui font partie de
O'S Constilulions, sont au moins «lu iir siècle,
et antérieurs au concilo de Mcée. l'oi/. les
Pères aposl., t. 1, p. l'J ' et suiv.
Mosheim, dans ses Disserl. sur l'Histoire
ecclés., tom. I, p. 4-11, juue que les Constitu-
tions Apostoliques ont clé écrites au ni" siè-
cle ; tom. 11, p. 1G3, il dit qu'elles l'étaient
déjà au ir.
Le P. Le Brun, Explic. des Cérémonies de
la Messe, t. 111, p. l'J et suiv., pense qu'elles
ne l'ont pas été avant la fin du iv. 11 y a un
moyen de concilier ces deux opinions; c'est
que les premiersiivres de ce recueil peuvent
avoir été faits longtemps avant les derniers,
surtout avant le huitième, qui renferme la
liturgie. Le concile in Trullo, tenu au vu' siè-
cle, dit4)osilivcment, can. 2, que cet ouvrage
a été altéré par les hérétiques ; de là les ves-
tiges d'arianisme qui s'y trouvent.
• CONSTITUTION CIVILE DU CLERGÉ. L'As-
semblée constiitiiinie de 1789 rejeta ceue maxime:
ToKlc puissance lieiu de l)ieu,ei lui sul)siiiua celle-ci :
7'o!i(i'p"is.sariit'i)ii'»/ (le l'homme. Appuyée sur ce prin-
cipe, elle voulut n-laiie la société louie entière : elle
l'ap|ilii|ua non-seulement aux inslitulioiis liiim.iines ,
mais encore aux iosiltuiinns religieuses el ecclésias-
liques. Dès le liO août 178'), l'Assemblée forma un
comité à\l ecclésiastique. Il devait reviser toutes les
iiisiilulions de l'Kglise gallicane , et présenter des
décrets <|ui fussent en rapp irt avec le nouvel état
social. (Je comiié était priu( ipaloinent composé de
laïques, [raimi lesquels se ilisliiij» aient les avocuts
jiiisénisiesil^anjuinais, Manineau, Treilhard et Dii-
r. iid_(le iMailhiiie. Malgré la composition anlicatlioli-
que du comité, il se trouva bientôt <livisé. Pour ren-
forcer le prétendu parti naiional du comité , on lui
adjoignit quinze députés choisis parmi les plus dé-
voués au nouvel ordre de choses. Lu majorité des
nieiiiljri;s du comité rédigea une nouvelle Consiilu-
lion civile du clergé de France, qui fut discutée du 29
mai 17h0 au 13 juUlet munie année.
Tout en prétendant ne régler que les aÛaires ci-
viles du clergé , la Coiisiiiutiou attaquait les princi-
pes de la iiii.
< 1° Elle cré.iit , pour toute la France , dit Mgr
Domy , une circonscripiion enlièroment nouvelle
d'aiclicvécliés el d'évèchés, de manière à ce qu'il y
en tiUun par déparlement, ni plus ni moins : c'est-
à-dire qu'elle en déiruisaii plusieurs d'anciens ,
qu'elle en insliluail de nouveaux, qui n'avaient ja-
mais existé, et qu'elle cliaiigeait retendue juridic-
tionnelle des autres, l'agramlissanl ou la diuiinuant
selon l'ciendiie et la circonscripiion du département
dans lequel ils se trouvaient.
i i " Elle confiait la nomination des évèques , des
curés, des vicaires et de tous les ministres du culte
en général aux élections populaires , au mépris de
l'auuuité de l'Eglise et des lois (|ui depuis des siè-
cles réglaient celte matière et particulièrement la
nomination des premiers pasteurs.
« 5° Elle imposait ans évêi|ues un conseil , celui
des viiaires épiscopanx, el les obligeait à se régler
sur l'avis de la majorité de ce conseil , dans l'admi-
nistration de leurs diocèses. De plus, l'évêqne mou-
rant, ce n'étaient plus les chapitres qui pourvoyaient
par leurs délégnés au gouvernement du diocèse ,
mais des hommes désignés pir les décrets , les vi-
caires de l'évèque défunt.
< 4° Les curés et les vicaires , nommés par des
électeurs laïques , pouvaient administrer leurs pa-
roisses et exercer toutes les fondions du ministère
ecclésiastique en vertu du seul lait de cette élec-
tion, sans qu'ils fussent obligés de la faire confir-
mei- par l'autorité de l'évêqne diocésain.
f 5" Les évèques élus devaient demander leur
conrirmatioo au méiiopoli!ain, ou , à son défaut , à
un évê iue désigné à cet elfet par les direetoires de
département. Ils n avaient nul besoin de s'adresser
au souverain poniile pour en obtenir l'institution
canonique. Seulement ils devaient lui écrire, en en-
trait en fonctions, pour lui déclarer qu'ils étaient
dans sa communion et dans celle de l'Eglise catho-
lique, t
Les principes de la nouvelle Constitution étaient
évidcinment hérétiques el schisiniiliqnes. Quoiqu'il
fût instruit de ces vices, Louis \VI eut la laiblesse
de donner hircedeloi aux décrets qui l'établissaient.
Mais la religion éleva la voix. Trente évèques, dépu-
tés à l'Assemblée naiionale, firent paraître une Ex-
position de principes sur la Constitution civile du cler-
gé. Ils en signalaient clairement tous les vices et
(téclaraieni que pour légiiimer el rendre accepiables
à la conscience d'un callKdiqiie sincère les change-
ments opérés dans la Consiiiution civile, il fallait
en référer à l'autorité supérieure ecclésiastique, qui
pourrait modifier canoniquement la discipline reli-
gieuse de la trance. Cemdix évèques s'adjoignirent
aux trente signataires de l'écrit. La Sorboinie s'ap-
puya de l'aolorué nnaninie de ses docteurs. L'atta-
que était vive : les Conslilulionnels y répondirent.
Les écrits se niultiplièreni pour atta |Uer la Consti-
tulioii; un des plus remarquables fut une Instruction
pastorale de ftgr de la Luierne , sur le schisme de
France. Nous allons citer un passage qui servira de
réiutalion à la Cousiilulion civile.
« Tout ce qui est nécessaire à l'Eglise lui appar-
tient, puisqu'elle l'a reçu de Jésus-Christ. Tout ce
qu'elle a réglé pendant les trois premiers siècles,
est aussi de son domaine , puisqu'elle n'avait alors
que ce que Jésus-Christ lui avait donné, l'euton
douier que la division des juridictions entre les pis-
teiirs ne soit une chose nécessaire ? C'est donc à l'E-
glise à la régler. Peut-on contesicr aussi que , dans
les premiers siècles, elle seule n'ait décidé cepoinlî
C'est donc encore à ce titre (|u'il appartient à el'e
seule de le décider, hira-t-oii qo'd est iiécessairs
1103
CON
CON
1104
qu'il y ail unedivision entre les juridictions des pas-
teurs, mais qu'il n'est pas nécessaire que la division
soit telle ou telle? Ce qui est néce-saire, c'est qu'il
y ait uiifi puissance chargée de régler celte division ;
et dès lors ce ne peul pas être la puissance tempo-
relle qui la régie : car il répugnerait à la raison que
Jésus-Christ eût chargé de décider, comment les
pouvoirs spirituels seront disirihués entre ses mi-
nistres, une puissince qui souvent ne reconnaît pas
ces pouvoirs , qui même quelquelois s'elForce de les
détruire. 11 ne rép"gner;iit pas moins qu'il eût cimlié
ce pouvoir à des puissances diirérenies, qui divise-
raient l'Eglise, tantôt d'une Tuànière, lauiôi d'une
autre , et qui lui ôteraienl l'iuiiformité de son ré-
gime.
« Le gouvernement de l'Eglise fait partie de sa
discipline intérieure et nécessaire : et cunséquem-
ment c'est à elle seule qu'il appartient de le régler:
or, dans tome société, la disirihuiinn des juridic-
tions entre les magistrais, la mesure, l'éii^ndue, les
limites du poiivnir allrihué à chacun d'eux, ;'ppar-
lienui'nl au gijuvernemenl ; les pasleiirs du l'Kglise
sont ses niagistralb : c'est donc la puissance spiri-
tuelle qui gouverne l'Eiilise , qui seule a droit de
leur départir et de distrihuer entre eux les juridic-
tions, et d'assigner à chacun d'eux les limites dans
lesquelles ils doivent exercer les fuuctiuiis qu'elle
leur confie.
« C'est l'Eglise qui confère à ses ministres la mis-
sion et la jnriiliclion ; il serait absurde (|u'elle eût
seule le droit de leur donner ses pouvoirs spiritutls,
et que ce fùl la puissance leinporelle qui réglât la
mesure de pouvnirs (ju'elle donnera. t .i chai un d'en-
tre eus. C'est évidemment celle qui est chargée de
les donner, qni est aussi chargée de les disirihuer.
I Du principe qne c'est l'fc-^lise qni conlère la
mission cl la inridiclion, ré-ulle encore une autre
conséquence. C'est (pi'en assiiinant des sujets h clini-
que pasteur , elle lui confère ces pouvoirs, comme
nous l'aviins montré d'api es le concile de Trente:
c'i si donc elle qui assigne les sujets, c'est donc elle
qui déteriiiine les territoires.
I Pouréclaircir encore plus la question, analysons-
la. Elle peut se diviser en deux : la mission et la juri-
diction pastorde doivent-elles être universelles d.ms
tous les ministres , ou pariagées entre eux ? Dans le
cas où elles seront partagées, comment doivent-elles
l'clre ? Qu'on nous dise à laqnehe des deux puissan-
ces il appartient de slatuersnr cei^ deux points, qu'on
marque où commence dans cette matière le pouvoir
civil ; on ne dira cerlaineiiienl pas qne c'est à lui à
décider la première question, à pronuncer si la mis-
sion et la jnridielion spirituelles seront, dans chaque
ministre, générales ou limities. Celte (|uest'ou ne
peul pas èirede l'ordie temporel, elle n'intéresse en
rien la société poliiiiine; elle est au contraire es-
seniiellemenl de l'ordre spirituel , puisqu'elle con-
siste à savoir l'éiendui- de p mvoir spirituel qu'au-
ront les ministres. Diia-i-on ipi'au ins le mode de
la divi.-ion doit dépendre des souverains? Mais en-
core (|u'y a-t-il de temporel dans la manière de dis-
tribuer les pouvoirs spirituels ? Quel litre, quelle
r.\ison peut altrthuer au magisirat polilii|ue le droit
d'assigner aux évéques et anx prêtres les âmes qu'ils
doivent instruire, les consciences qu'ils doivent di-
riger? El ne résiilieraii-il pas, de ce que cette divi-
sinn serait abandonnée au pouvoir civil, l'inconvé-
nient que nous avons déjà relevé? Il n'y aurait p(Miil
dans l'Eglise de division uniforme; ch.ique gonver-
neinent donnani la sienne, ici l'Eglise serait formée
sur un modèle , là constituée sur un aulre ; et elle
sft'^ait privée de celle unité de régime si précieuse,
d nécessaire à son adniinistration.
« t:oiicluons que c'est à l'Ej^lise seule qu'il appar-
tient de départir à ch.icun de ses pasteurs la mesure
de mission et de juiidicllon qu'elle juge convenable,
d'étendre ou de limiter plus ou moins ces pouvoTS,
de les circonscrire dans les bornes raisonnables , eu
un mot, de fixer les territoires où ils les excrreronl...
€ On objecte (|u'nn Etat peul admeilie ou ne pas
admettre une religi .n : il peut donc radmettie avec
des conditions. Lorsque la religion callioli(|iie fut re-
çue dans les Gaules, la puissance livile pouvait lui
dire : Voilà des villes pour établir vos évéques,
voilà les territoires où chacun d'eux exercera sou
ministère. Ce que la nation iiouvait alors, elle le peut
dans tous les temps; elle le peul surtout dans un
moinenl où elle se régénère cl où elle réforme tous
les abus sous lesquels elle a gémi : elle a donc le
droit de désigner les villes épiseopales, el de distri-
buer de nouveau les diocèses.
« Avant de rép"ndre directement à la difficulté ,
ile-t nécessaire d'éclaircir le iirncipe sur lequel on
la fonde. Quand on avance celle maxime, qu'un n'a
pas rougi de débiter dmis l'Assemblée nationale, que
l'Etat peut ne p^is recevoir la religion catholique,
enieiid-nn que le souverain peut pr scrire cène re-
ligion el en interdire l'exercice? cniend-on q.nil
peul ne pas lui accorder de protection particulière,
et ne pas en laire la religion de ses Elals? Dans le
premier sens , la proposition est aussi fausse dans
l'ordre politii|ue, ipi'impie aux yeux de la religion.
Le snuverain n'a pas droit d'interdire à ses peuples
00 qu'une autorité d'un ordre siipéiienr leur enjoinl:
son aiiloiité ce-se «ù l'obligatiDO de lui obéir ex-
pire. Le pnuvoir d'ordonner et le devoir d'ubieiiipé-
rer sont deux choses esseniiclleineni corrélatives el
inséparables; et il serait coniradicluiie qu'un prince
eût le droit de cominanJer ce que ses sujets doivent
ne pas faire.
< Si l'on entend le principe dans le second sens,
c'est-à-dire si l'on énonce que le souverain peut ne
pas f.iire de la vraie Religion une. religion privilé-
giée, il ne prouve plus rien. Sans doute, l'Etat peut
apposer à ces avantages (|u'il accorde des conditions
qui ne nuisent pas a la religion, qui n'y apfioitent
aucun cil Migenieiit ; il protège l'Eglise catholique
telle qu'elle est, lelle que Jesiis-Clirisl l'a fondée ,
avec tous les caractères , el tonte l'autorité que te
div.n Fondateur loi a donné». S'il altère en quelque
chose, par les conditions i|u'il appo>e, celte anlorité,
ce n'csl pas l'Eglie de Jésns-Chnsl qu'il protège,
c'est une autre religon qu'il cmpiise à snn gté.
L'Eial ne peut donc pas adnieitrc l'Eglise à condition
qu'il sera chaigè liiiuième d'invesin- les pasteurs de
la mission el de la juridict.uii sp. rituelle, ut de leur
donner des sujet- sur lesquels ils exercent ces pou-
voirs. Dans rhyiiolhése ipie nous ex.iniinoiis , l'Etat
dit à l'Eglise naissante qu'il reçoit d.ins smi sem el
à qui il accorde des faviiirs : Voilà des villes pour
les sièges épiseopaux, des territoires pour l'exercice
du ministère paslor.il : mais l'Eglise accepte la |iro-
pnsilion que lui fait l'Etal; par celte acceptation
elle fonde les sièges épiseopaux, dans les villes que
l'Etat lui a indiqi.ées; elle donne ta juridiction et la
mission sur les lernloiies ainsi circonscrits aux évé-
ques qu'elle inslilne. La puissance spiriluellu raiilie
el consacre par son adhésion ce que la puissance ci-
vile a proposé; il n'est donc pas vrai que, dans celle Mip-
positiuii, ce soit la puissance lempoiellc seule ijui
établisse les siégcs et qui divise les diocèses.
i Suivons riiypolhèse dans sa seconde braiiehe.
Ce que la nation pouvait alors, elle le peul dans Inus
les temps ; mais elle ne le peut que de la même ma-
nière qu'elle le puuv.iit, c'est à-dire avec te cunsen-
teineni de l'Eglise. Toujours pleine d'égards et de
déleience pour les souverains de la terre , l'Eglise
s'est constaiiiment prêtée à tout ce qu'ils ont désiié
sur cet objet ; et il y eu a un grand nuinbie d'exem-
ples ré dits parmi nous. Tomes les nouvelles érec-
tions d'évèeliés, tomes les distractions de leriiioiies
Ont été faites par l'Eglise sur le vœu de nos ruis.
Mais ce sont cerlaineineul deux clioses eniiêremeiil
diiïércutes, que i.i puissaiici tuuipuretle déclaie a U
1103
CON
CON
IIOG
puissancft spiriliftlle les clmngsmerKs qu'elle désire
dans la (lislrihiilion des jiiridirlioiis eciltisiasllques,
el qu'elles se eoncerleni pour les npéier ; ou que la
puissance leninni elle seule, sans appeler, sans iiiéine
coiisulitT l'Eglise, bouleverse de lond en comble luut
l'ordre de ses juridictions, élibllsse des siéi;es nou-
veaux et y allacliela juridielioii S|iirrliu'llc; supprime
ceux qui exisienl.iepuis un ur:ind nianbre de siècles,
el anéanlisse la jurididiou que rEgli»*" y avait alta-
cliée; enlève des diocésains i un évêpie pour les
confier à un autre. En un nuit, la puissance civile
peut aiijourd'lMii ce qu'elle a pu birsque l'I'plise lui
reçue dans sim sein ; mais alors elle ne pouvait pas
instituer des évècliés, leur sniuueitre des âmes, sans
le concours de l'Eglise : elle est donc absi.innient
incouipcteiite pour la déuiiircation des diocèses et
des paroisses.
« Àlais, dit-on, l'Eiai qui stipendie les miinsires,
est iiuére-sé, de son côié. à ce que le nombre doses
salariés ne soit pas excessif : il a donc le droii de les
régler; el si ces dispositions ne cadrent pas avec
celles de Tii; ise, pouira-t-il être forcé à solder des
pasteurs qu"d ne juge pas nécessaires? Est-ce là en-
core un droii de la puissance spirituelle?
I Non, sans doute, la puissam e spirituelle n'a pas
le droit (l'exiger que la puissance leinporclle stipen-
die ses pasteurs ; elle ne peut pas la contraindre à
en payer plus qu'elle ne veut. La rétribution des pa-
steurs, dans quelque forme qu'elle soit, est un jiige-
iiieiil purement temporel, loirs de la compétence de
l'Eglise. Mais l'Eglise n'en a pas moins le pouvoir de
juger le nondire des pasteurs nécessaires aux besoins
des peuples ; c'est à elle à les envoyer, et à envoyer
ce qu'il faiit poiu' que toutes les ronclions soient
exercées pailonl, et (pi'auciin lidéle ne manque des
secours de. la religion. Si l'Elat cl l'Eglise ne.s'aecor-
denl pas sur ce point, nous avons déjà expliqué ce
qui ai rivera : cliacune des deux puissances restera
dans -es droits et les exercera ; l'Etat ne stipendiera
(|ue le muiibre de pasteurs qu'il trouvera convenable,
l'Eglise, de sou côté, instituera leux qu'elle jugera
nécessaires ; et ceux d'entre eux qui ne seront pas ré-
tribués aux frais du public, seront dans le < as où
étaient les apôtres et le-^ pasteurs de la primitive
Eglise ; les cbarilés des lidèles el leur travail les sou-
lieiidroiit. Ainsi seront conservés tous les inlérêis ;
ainsi serniii niainlenus tous les droits, et la diversité
de décision des deux puissances ne causera point
entre elles de division.
i Les scbisniatiipies, pour établir leur système ,
coinbatlaient le principe luêiiie de .la d. vision des
diocèses et des paroisses. Sans doute, disaient-ils, il
est de l'essence île la religion qu'elle ait pour minis-
tres des prêtres et des évèqiies éialilis les uns au
prend r, les autres au second rang ; mais il n'est pas
égalemeni essentiel que les diocèses el les paroisses
soieiii divisés. Quand Jésos-Clirist dooiia la mission
à ses apôtres, il la leur dimna iiniveiselle et sans li-
luiies : Allez dans lotil le monde, prêchez l'Evangile à
toute créature. Voilà les termes dont il se servit; il
n'y a pas dans cette mission de division de terri-
toire : c'est dans le monde entier, c'est à toute ciéa-
li re que rbaqiie apôtre doit annoiicer la vérité, .lé-
Stis-Cliiisl ne leur a pas dil : Vous serez les ntaitres
de circonscrire les lieux oii vous eustignerez.
I Ce raisonnement, ou prouve trop, ou ne prouve
rien. Si Jésus-Cbiist, eiivnyanl ses apôtres prêcher
par toute la lene, a lejeié t>iutc division dejuiidic-
licm, la distiibuliiMi des leiritoires est contraire au
précepte divin; et d.Mis ce cas, de quel droit l'As-
seiiibléen;itoiiale s'est ellepermisd'en tracer une? Si,
au Contraire, les paroles du Sauveur n'excluent point
les divi-ioii- de juiiilictioii , que peut-on en conclure
contre le droit t'.e rEj;!ise, de fnrinei ces divisions?
< Examiiiofis eu Uii-ii éme ce texte iloiit on a tant'
abusé pour combattre looies distributions de ter-
tilotres, en méiiie tutiips qu'un en loniiuii une.
C'est au corps des apôtres el de leurs successeur»
que Jésus-Christ adresse ces paroles : Prichez l'E'
vimgile à toute créature : la mission universelle
qu'elles renferment est donc donnée à tout le corps.
Les apôtres avaient tleiix manières de la remplir : ou
en prenanl chacun le monde entier pour objet de
leur ministère, qui eut alors été universel, ou en se
distribuant les dilféientes parties du monde, et allant
annoncer l'Evangile chacun dans la partie conliée à
son 7.cle. Le pré. epte du Sauveur est donc suscepti-
ble de deux >ens : la mi-sion universelle qu'il con-
fère au collège aposloli(|iie pour être diuinée ou à
chaque apôtre en particulier, nu au corps entier,
pniir être exercée dislribulivement par tous les mem-
bres. Ou ne peut connaitie plus siiremeiil lequel des
deux sens est le véritable, que par la manière dont
les apôtre- el l'Eglise l'ont entendu. D'abord per-
sonne ti'a dû mieux comprendre les paioles d'» Sau-
veur que ceux à qui elles étaient adressées pour les
exécuter; ensuite nous tenons, el ce principe est la
base de la foi cailiolque, que c'est à l'Eglise à iixer
le vrai sens des divines Ecritures. Or nous voyons
les atiôires, après la descente du Saint-Esprit, se par-
tager entie eux le monde ; leur chef se lixe à Rome,
capitale de l'univers; saint Jacques reste à Jérusa-
lem, saint André porte la foi dans l'Acbaie, saint Si-
mnii dans l'tgypte, saint Jude dans l'Ethiopie, saint
Thomas dans l'Inde; el de même tous les autres-
vont répandre en divers lieux la lumière de la foi.
C'est ainsi qu'ils reuiplissent la mission universelle
qu'ils ont reçue : tous aiinnnceiil la vérité à toute la
terre, chacun d'eux l'anniinçant à une partie de l'u-
nivers.
I Les évêques qu'établissent après eux les apôtres
sont attachés par eux à des lieux particuliers : saint
Pierre lixe saint Maïc à Alexandrie, saint Paul laisse
limolbée à Eplièse, et Tite en Crète. Nous voyons
dans l'Apocalypse sepi évéqiies placés dans sept villes
de l'Asie mineure. Depuis ce premier moment de l'E-
glise , la d ivisiiin des diocèses a été conslaminent sa lui :
la tradilion, sur ce point, n'éprouve ni variation, ni
interruption. Tous les siècles de l'Eglise déposent
contre ce principe fondamental de nos adversaires,
que la mission des évêques est une mission univer-
selle; tous attestent que jamais les évêques n'ont eu
une telle mission , el qu'elle a, dans tous les temps,
dans tous les lieux, l'té attachée el restreinte aux ter-
ritoires qui lui étaient assignés.
I Les canons apostoliques, qui sont de l'antiquité
la |ilus reculée, qui ne sont autre chose, seloQ
M. Fleury, que les règles de discipline données par
les aeôlres, conservées louglemps par la simple tra-
dition, el ensuite écrites; qui jouissaient à ce litre
de la plus haute coiisidéraiioii dès le iv« siècle, dé-
fendeni aux évêques de faire des ordinations hors
de leurs limites dans les villes et les campagnes qui
ne leur sont pas soumises, sans le coiiseuteuient de
ceux dont elles dépendent; et dans le cas d'infrac-
tion, condamnent à la déposition l'évèque qui a fait
l'ordination et ceux qui rniit reçue ( Can. 56 ),
Saint Cyprien dil expressémenl qu'à chaque pasteur
a été assignée une portion du troupeau à régir {Ep.
.^.5 ad Cornet.). Le premier concile général défend
à totil évéque de faire des ordinations dans le dio-
cèse d'un autre, et de rien disposer dnis un diocèse
étranger sans la permission du propre évèque (Coiic.
A'if. i, cap. 58, inler Arab.). Le concile d'Antio-
che interdit de même aux évêques d'aller dans les
villes qui ne leur sont point soumises, taire des ordi-
n.ilioiis el établir jdes piètres el des diacres . sinon
avec le conseil et la volonté de l'évèque du lieu. Si
quel(|u'un ose y contredire , son ordination sera
nulle, el il sera puni par le synode (Cunc. Anlioch.
1, an. 5H, can. 2-2). Le concde de Sardique renfer-
me une semblable disposition ( C"«;ic. Sard. , an.
■iôl, can. l'.i). Un concile de Caithage, tenu dans
le iiiéuie siècle, défend d'usurper le icrntoife voisin,
HOT
CON
CON
1108
et d'enlrer dans le diocèse de son collègue sans sa
demande (Can. 10). Le pape saint Célesiin I" re-
commande entre autres clmses aux évêques de la
Gaule qu'aucun ne fasse d'usurpation au préjudice
d'autrni, et que-chacun soit cornent des limites qui
lui ont été assignées (Ëp. 2 fld epise. Galliœ). Le
premier concile de Consianiinople, qui est le second
des conciles généraux, vent que les évêques n'aillent
pas dans les églises qui sont hors de leurs limites, et
qu'ils ne confondent et ne mêlent pas les églises
{Conc. Consl., an. 381, can. 2). Le pape Boniface
défend aux mélropolilains d'exercer leurs fonctinns
sur les it-rrltoires qui ne leur ont point été concédés,
et d'étendre leur digniié au delà des limites qui leur
sont fixées (Ep. ad. Hilar.,episc. Narbon., an. 422).
Le troisième concile de Cartilage défend aux évê-
ques d'usurper le troupeau d'auirui et d'envahir les
diocèses de leurs collègues {Conc. Canh. m, an. 435,
can. 21) ). Le pape llilaire ne veut pas qu'on
confonde les droits des églises, et ne permet pas à
un niétropolilain d'exercer ses pouvoirs dans la pro-
vince d'un autre (Ëp. ad Léon. Veran. el Vilur.,
circa an. 405). Jamais , dit saint Augustin, nous
n'exercerons de fonctions dans un diocèse étranger,
qu'elles ne nous soient demandées ou permises par
l'évêque de ce diocèse où nous nous trouvons (Ep.
34, ad Euseb.). Le second concile d'Orléans sou-
met, ciintorniément aux anciens canons, toutes les
églises qu'on construit à la juridiction de l'évêque
dans le territoire duquel elles sont situées (Conc. Àu-
rel. Il, an. 511, can. 17). Le troisième concile,
tenv dans la même ville en 538, défend aux évèques
de se jeter sur les diocèses éirangeis, pour oidon-
ner des clercs et consacrer des autels. Le coupable
sera suspendu de la céléhraiioii des saints mystères
pendant un an (Can. 15). Le second concile d'O-
range déclare que, si un évêc|ue bâtit une église sur
un diocèse étranger, elle sera S"umise à la juridic-
tion de celui sur le territoire duquel die est située
(C'oJi. 10). Le cinquième concile d'Arles proimnce
qu'un évèciue ne pourra pas élever à un autre gr.ide
le clerc d'un autre évcc|ue, sans >a permission par
écrit (Can.l). Le concile de Châlons-sni'-Saône
portela mèn»e défense (Conc. Cubil.,itu. 630, can. 15).
Les capitulaires renl'ernieiit une multitude de dis-
positions semblables. ÎSuus nous contenterons d'en
citer une. Qu'un évèciue léméraire, iiihaeieiir des
canons, enflammé d'une odieuse cupidité, n'envahisse
pas les paroisses de l'évêque d'une Muire ville, et que
content de ce qui lui appartient, il ne ravisse pas ce
qui est à autrui (Capilul. 7, c. 410).
< Nous ne suivrons pas plus loin la cha'îne de la
tradition : nous passerons de suite au concile de
Trente, qui a conlirmé cette loi de tous les siècles
de l'Kglise, en interdisant à tout évèque l'exercice
des funciions éplscopales dans le diocèse d'un autre,
sinon avec la permission de l'évêque du lieu, et sur
les sujets soumis à cet ordinaire. Si on y contre-
vient, l'évêque sera suspendu de plein droit de ses
fonctions iiouiificalos, et ceux c|u'il aura ainsi or-
donnés, de colle de leur ordre (Sess. 0, de refonn,,
cap. 5).
« [Sous pouvons conclure de cette multitude d'au-
lorité^, i|n'il n'y a en aucun temps dans l'Eglise où
l'on ail regardé ccuume universelle! la mission don-
née aux évèques; qu'on a au contraire reconnu con-
staninieni et [lartocit, depuis le temps des apôtres
jusqu'à noire siècle, eo le inie loi positive, que la
mission el la juridiction de cliaqiie évètpie sont cir-
conscrites dans les limites du diocèse pour le.|iicl il
est consacré. Or, si cette lot a été perpéiucllenient
en vigueur dans tnute riO;;lise depuis les aïolres, il
est iiiconlolable qu'elle émane d'eux et 'lu'ellc fait
pallie des traditions apostoliques, le^cpiclies ne sont
elles-inèmes cpie l'ecipressIcMi des preeepies rec ueil-
lis piir les apôtres de la bouche de liMir divin Maître.
Les apôtres n'avaient pas encore conlirmé leur glo-
rieuse carrière, et déjà le priiicipr; de la division des
juridictions et de la séparation des lerritoires entre
les évêques qu'ils avaient institués, était reconnu :
il avait donc été établi par eux. Tel est d'ailleurs le
principe enseigné de tout temps dans l'Kglise catho-
iiciue, c|ui fait partie de sa doctrine sur l'autorité de
la tradition, par lecpiel elle a souvent confiindii les
erreurs c|ui s'éleviieni dans sou sein. Tout ce c|iii est
tenu Hiiiversellement et dont l'origine ancienne est
ignorée, doit ètie attribué à la tradition apostolique.
Voy. Apostolique.
» CONSTlTlJTIONNELLr:(Er,i.isF,). L'Eglise cons-
titutionnelle date de l.i pionmlgaiion de la Constitu-
tion civile du clergé. 11 fut aussitôt procédé à la
nomination des évêques et des curés, coiiforméineut
aux nouvelles institutions. L'Erpnsilion de principes
des évêc|ues catholiques, l'autorité de la Sorhcnne qui
la conlirinaii, ouvrirent les yeux à un grand nombre
de pasteurs du second ordre. Pour soiimeitie tout le
clergé à la Cunstitution, les Con-iitutionnels récla-
mèrent un décret qui assujélit « les évêques, les ci-
devant arebevêques, et les curés con«ei vés en fonc-
tion, à jurer solennelleineni qu'ils veilleraient avec
soin sur les fidèles deleurs diocèses ou de leurs cures;
c|u*ils seraient lidêles à la naiion, à la loi et au roi ;
qu'ils maiutiendraieiil de loin leur pouvoir la Consti-
tution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée
par le roi ; que tout prêtre qui coniiniierait l'exer-
cice de ses fonctions sans avoir prêté serment serait
puni couiine perturbateur du repos public, poursuivi
juridiquement et privé du litre et des droits de ci-
toyen. » Louis XVI eut encore la faiblesse de sanc-
tionner ce luallieureux décret le 26 décembre 1790.
Ce décret rencontra une résistance à laquelle ou ne
s'attendait pas. De cent trente-cinq évèques français,
quatre seulement prêtèrent le serinent exigé ; sa-
voir : le cartiinal de Brienue , arciievéque de
Sens; de Talleyraud, évèciue d'Autim ; de Jarente,
évèque d'Orléans, et de Savines, èvéque de Viviers.
Aux prélats lidêles s'unirent soixante-deux mille
prêtres du second ordre, tant réguliers que séculiers,
qui aimèrent mieux s'exposer à l'indigence el à cou-
rir les chances d'une persécution facile à prévoir,
que de céder aux promesses luagiiiriques du peuple
souverain.
Cetiu condamnation de la nouvelle Eglise lui pré-
sageait des jours orageux. Ses évèques se hâtèrent
de se faire sflcrer. L'évêque d'Aiitcin, assisté des
évèques de Lydda et de liabylone, donna, le 25 jan-
vier 171)1, le caractère épiscopal aux curés Expilly et
Marottes, comme évô(|ues du Finistère et de l'Aisne.
La plupart des autres évêiiues constitutionnels reçu-
rent aussi la consécration épiscopalc ; mais Ils
étaient dépourvus de toute juridiction, et tous leurs
actes juridictionnels étaient entièreuient nuls. Le
schisme était déliiiilivement cunslitiié.
Cependant le pape avait réuni une congréga-
tion de cardinaux pour examiner la Constitution
civile du clergé et en juger les principes. Après
avoir enleiidii le rapport de la tlocie as>einlilée,
l'ie Vil déclara, dans un bief doctrinal adressé aux
évêques de l'Assemblée iritionalc, .'-ons la date du
10 mars 1791 : « Que le décret sur la Constitution
civile du clergé renversait les dogmes les plus sa-
crés, et la discipline de l'Eglise; la plus certaine ;
qu'il abolissait les droits du piemier siège, ceux des
évéi|ues, des prêtres, des réguliers des deux sexes ;
qu'il supjirimait de saints rites, eiili^vait à l'Eglise
ses revenus cl ses fonds, et iin'cnlin, il produisait
des calamités si déplorables, (pi'iui ne pouirail les
croire si ou ne les avait pas sous les yeux, i Ce ju-
gement était appuyé de l'examen c riliquc de cliacuil
des articles de la Cuiisiituiion civile.
Le 13 avril suivant, l'ie VII dcnina un nouveau
bref qui c oulirniait le |irciii er. 11 ^.ldre^^a au pcuplo
français. Il y déclarait : « Que peiscuiiie, ne pouvait
ignorer que, d'après son jugement cl celui du sainl-
1109
CON
CON
!H«
siéne, la nouvelle Consiitution du clergé ne fût com-
posée de piiiicipes puisé* dans l'Iiéiésie; qu'en con-
séi|uunce, elle ne lût licrciiqiie en pliiïiieiirs de ses
points, et opposée an d"gme u^illioliipie; ijuVn d'ou-
trés, elle ne lût sarriléxe, sc'liisinaiii|ue, éversive
des druils de la prinninté du $iiint-sié};e et de ceux
del'Ëiilise; cuntiain'à la iliscipline, lant :iiiciunne
qne inoderni', et qu'elle ii'cùl été inventée et publiée
que dans le dessein de détruire ejilièrciuint i;i reli-
gini) catlndique. > Il taxe le serment roniniandé
d'être « une source ein|iois«iinée et l'origine de
toutes sories d'erreurs, ainsi iiuela cause principale
des maux qui anii^eaierit l'F.gli^e de France, t II
cuniHiandait à tons ceux qui av.iient Tilt ce inallien-
reux serment i de le rétracter dans l'espace de
quarante jours, sous iieiiie d'encourir, par là même,
la suspense de tims leurs ordres et de tondtei' dans
l'iné^ularité, s'ils avaient la témérité d'en laire
ensuite <|uelqne l'onclion. > Il déclare < nuls tous les
actes de juridiction des ec<lé-iasin|ne^ dits conslilu-
tii'unels, et exhorte les Udéles à ne point commu-
niquer avec les intrus , surtout daus les choses
sainir-s. t
L'Kjjlise constitutionnelle ess.iya de se défendie;
elle fit paraître divers écrits en laveur de sa cause,
et, pour atiéiiuer l'efTel des brels du souverain pon-
lile, elle les déclara supposés. M:iis le pape répon-
dit par un nouveau bref du II) mars I7tlâ. Il établit
Taiitori é de ses constitutions apostoliques et menaça
les Cnnp.diles de la semence d'exconimunicalion.
Cepenilant cetie klglise s<'hismaiii|ne coniinnail son
usurpation. Un clergé nouveau s'empara, souvent à
main armée, des sièges, des cures et des autres postes
ecclésiastiques, auxquels le clergé liilcle l'ut réputé
avoir renoncé. Embarrassés pour trouver des mi-
nistres pour remplir tant do places qne les décrets
déclaraient vacantes , les nouveaux evéques ne se
nionlrèrciit pas lort dil'liciles dans le choix des su-
jets à élever au sacerdoce. Aussi vit-on bieniôl ce
clergé, l'ormé ou pluKit créé à la hâte et jeté hors
du sein de Tuniié, s'avilir par des orgies scanda-
leuses, des apostasies criantes, des mariages con-
tractés contre toutes les luis de l'Eglise, cl par mille
antres excès qui servirent du moins à ouvrir les
yeux à un grand nombre de st^s partisans, et les
engagèrent à rentrer dans le saint bercail.
Pour juger de l'espiit de douceur du nouveau
clergé, nous observerons (|ue , sur dix-sept évê-
ques constitutionnels qui siégeaient au procès de
Louis XVI, deux seulement reinsèrent de le décla-
rer coupable ; lient lurent pour la déieniion, et le
resie pour la mort. Dix-buit prêtres constuiitionnels
sur vingt cinq volèrent la mort du meilleur des
mis.
Nous ne rappellerons pas le scamlale de l'Eglise
consiitiiiionnelle pendant la Terreur. Mais lorsque
la France vit (inir le règne sanguinaire de Kobes-
pierie, elle essaya de se reconstituer : les évéques
constituiiomiels , tlrégoire , Saurine , Itesbois et
U ycr se formèrent en comité pour relever leur
Eglise de ses ruines, ils reprudnisirenl les écrits
fa<orable^ à leur cause, et publièrent une feuit e
lii'bdoioiidaire siiiis le titre iVAimales de la Religion.
Leur publication produisit trop peu d'ell'et : ils réso-
liiri m de recourir à un concile. Trente trois évê-
(|ni's consiitmioniiels et quinze prêtres fondés de
pouvoir SI", réunirent le 15 août 1797 à Paris, dans
l'église Notre-Dame, et prirent le titre de concile
NATIONAL. Le ci'iicile accorda aux prêtres délégués
qnoique un peu à regrel, le droit de voter avec les
cvêipies. Il et blil dans son sein onze congrégaiions.
La pieniièic avait pour but de s'occuper des mesures
de pacifier l'iùj'ise.
Après s'èire dédarce co«ci/e nationa/, avoir re^;
iKMivclé la consécration de la Fiance à la très-sainte
Vierge, l'assemblée ré^olut d'écrire au pape. La
lettre écrite au souverain pontife est curieuse. Les
Constitutionnels se vantent d'être sortis récemment
la plupart, < des cachots et des fers ; qu'ils sont tous
disposés à braver les mêmes dangers si l'intérêt d'
la religion catholique qu'ils professent le demande.»
Ils jiistilient leur conduite dans l'affaire de la Consti-
tution et du serment; ils attribuent les brefs répan-
dus dans le public à des imposteurs, ou s'ils sont du
saint-père, ils ont été arracliés par la ruse et U:
mensonge. Ils le conjurent de les consoler par une
seule parole, et Unissent par manifesier le jibis vif
désir de le voir au milieu d'eux. Le concile se ter-
mina le 12 novembre. Il écrivit encore au pape pour lui
apprendre que le concile avait lerniiné sa session, et
lui demander la convocation d'un concile général.
Le pape ne répondit à aucune de ces deux mis-
sives.
Nous ne ferons pas l'exposition des actes de ce
conciliabule, mis à la hauteur du concile de Nicée
par quelques-uns des fauteurs de la nouvelle Eglise;
regardé comme faible et sans énergie par les autres,
parce qu'il n'avait pas hardiment proclamé le ma-
riage des prêtres et la célébration de l'oflice divin
en langue vulgaire. Cepend.int la nouvelle Eglise
sembla reprendre de la vigueur. Les sièges vacants
se remplirent; elle envoya des évoques dans les
colonies.
Un nouveau concile fut convoqué pour l'annéa
ISOO. Il ne put se réunir qu'en 1801, après la lenue
des pré{eiidus conciles mélronolitains. Bonaparte
conférait alors avec le souverain pontife pour réta-
blir l'Eglise catholique en France. On croit (|u'il
permit aux Constilullonneisdese réunir, alin d'avoir
des conditions plus conformes à ses pensées. Le
prétendu concile était encore réuni lorsque le Con-
cordat l'ut signé.
Dans le dessein de ramener les intrus dans le
sein de l'Eglise, le pape chargea l'archevêque de
Corinthc, par un bref en date du 15 août liSOl, de
travailler à obtenir la soumission des évoques cons-
titutionnels, et de demandera tous les ecclésiastiques
assermentés une rétracialioii de leur serment. Un
grand nombre se soumirent ; mais il s'en trouva plu-
sieurs, iiiêine parmi ceux qui lurent nommés pour
les nouveaux sièges, qui refusèrent de signer la
rétractation dans la forme qui leur fut d'abord pré-
sentée. Le cardinal Caprara la moililia. Plusieurs
évéques constitutiimnels se vanièrent hautement dâ
n'avoir nullement rétracté leurs premières opinions.
Lorsque Pie Vil vint sacrer l'empereur, il exigea
une rétractation dont voici la teneur : i Très-saint
Père, je n'hésite point à déclarer à V. S. que , de-
puis l'inslitutiou canonique donnée par le cardinal
légal, j'ai constamment été atlâché de cieur et d'es-
prit au grand princi|ie de l'unité catholique, et que
tout ce que l'on m'aurait supposé ou qui aurait pu
m'èlre éciiappé de contraire à ce principe, n'a jamais
été dans mes internions ; ayant toujours eu pour
maxime de vivre et de mourir catholique, et par là
de professer les principes de cette sainte religion.
J'atteste que je donnerais ma vie pour l'enseigner et
l'inspirer à tous les catholiques. Ainsi, je déclare
devant Dieu que je professe adhésion et soumission
aux jugements du saintsiége sur les affaires ecclé-
siastiques de France. «
Les rél'ractaires se soumirent. Les ecclésiastiques
constituiionmls non employés dans le saint minis-
tère les imitèrent en grand nombre. L'Eglise consii-
tutionnelle fut donc détruite alors, quoiqu'il subsis-
tât encore dans plusieurs esprits le désir de la voir
renaitre.
Grégoire , évêqne de Loir-et-Cher, demeura coii-
siamiiieni attaché à ses idées. Il resta en repos sous
l'Enipire et la Uestauration. Lorsque la révolution
de Juillet éclata, il crut rocea>ion favorable poup
relever sa cliere Eglise, et se mit en rapport avec
Louis-Philippe, qui 'repoussa ses ouvertures, (ire-
goirc mourut en lisôl, sans av. ir voulu laire aucune
1111
CON
CON
MIS
réiraciniion. M. deQnelen, arcneveqiie de Paris,
ordonna de lui refuser la sépnlmre ccclésinsiniiie.
L'Eg isc ronsliliuioiinelle esl ilrscivuliie aiec lui
dans la tombe. L'éiahlisseniPnt de In Képnliliniie n'a
pas vu lin seul de ses sectateurs travailler à la
reconstituer.
♦ CONSTITUTIONS MONASTIQUES. Parmi les af-
faires qne les diocèses du momie iMtli"liqiie son -
mènent à la itct'ision «nprême du saini-siéRe, il en
est peu qui soient lrailée< avec autant de maturité,
de ciiciiiisperlion, que l'approbation des in^iituls
religieux. Approuver la récrie d'une société reli-
gieuse, c'est la canoniser en quelque sorte ; c'est
dct'laier devant toute l'Eglise que celle rèsle est
sainte dans son but, sainte et elficace dans les
moyens qu'elle propose ; c'est donner aux fnlèles du
monde (allioliJiiiH une liante garantie de la conlnr-
mité de cette rèjjle avec les principes constiiiitifs de
l'étal de portection. Ans^i n'y a-t-il rien d'excessif
dans la pensée des théologiens qui ont reconnu une
analogie réelle entre l'approbation des ré^tles reli-
gieuses et la canonisation des saints. C'est là, après
les déclarations dogmatiques, une des matières les
plus graves sur lesiinelles puisse s'exercer l'aulorité
suprême du saint-siége.
On sait que la congrégation préposée aux affaires
des évéques et des réguliers est chargée de l'ap-
probaïuin des instituts religieux. C'est à cette con-
grégition que les demandes sont adressées ; là sont
recueillis les dociinients de la cause ; le veto des con-
sulienrs est requis ; un cardinal lé^ume, établit la
position, foriiiide les doutes qui sont examinés et
décidés en iileine congrégation. Les décrets rt-ndus
sont toujours soumis à la ralilicalion du souverain
pontife.
Nous avons sous les yeux les documents imprimés
relatifs aux instituts religieux sur l'approhatinn des-
quels on a eu à statuer dans ces derniers lemps.
On nous croira sans peine, si nous disons qu'indé-
pendamment des apprcciaiions relatives aux instilnls
religi('ux qui ont été sujets à examen, ces docii-
menis offrent la source la plus riche d'instrudion
pnur tous ceux (|ui, par position ou par devoir, sont
obligés d'approfondir Ces maiièes. La doctrine lliéo-
logjque sur la vie religieuse s'y trouve exp(l^éé dans
son développiment le plus certain, le plus profond,
le plus savant. Les institutions de la iliscipline, du
droit commun, sont rappelées et expliquées lors-
qu'il arrive de reconnaître dans les régliMiu'nis sou-
mis à l'approbation, une déviation à celte di>cipline
commune. iSous avons rencontré à cet égaid des
explications puisées aux sources les plus élevées de
la science.
L'enseignement esl encore pins profitable, plus
complut, lorsque, sur une question d'une gravilé
plus noialde, les consnlteiirs sont amenés à adOjiler
des opinions di.amélralement opposées entre le-quel-
les la congrégation doit ensnile statuer, ^olls n'avons
pas bi^soiii de dire avec quelle sûreté de principes
CCS questions sont traitées; avec quelle rectitude
d'appréciation les enseignements de la tradition sont
reiherchés, la jiinspruitence est assise, les ilécisions
antérieures se trouvent expliquées. Ces travaux of-
frent un autre avantage inappréi iable ; c'est d'ame-
ner la science canonique à son état actuel, c'est de
compléter, de rectilier quelquefois renseignement
des docteurs qui n'ont pu traiter les inaliéres de la
discipline que d'après les données acquises, les ex-
plicatiuns admises à l'époque où ces docteurs écri-
vaient. S'il est vrai que sur une question donné ', le
livre le plus récent est ordinairement le plus utile,
pane qu'il doit être le plus complet, nous n'avons
pas be>oin d'assigner ce que valent les explicaiions
des points divers île la science canonitpic, enrdiies
des données. les plus récentes, préseniees, ratiliées
en quelque sorte et sanctionnées par une congréga-
tion suprême qui panieipe à l'autorité du saint-siége.
Il e-t une question que nous voyons ueciiper aussi
une part notable dans les dociimenis que nous avons
sous les yeux. Les lois civiles de quelques pays f'uit
à l'Eglise et aux soriéiés religieuse^ une position
spéciale, rlout il faut nécessaiiement tenir coinp e.
Il y a coiidit. qiieliiiieiois réel, quelquelois apparent
entre les lois civiles et le droit cnminuu de l'Eg ise.
Il s'agit alors d'examiner jusqu'à quel po:nl il devient
nécessaire d'anioriser une dérogaiion au drnil com-
mun, (.'est prini'ipalement dans l'article de la pan-
vrelé rel gieuse qne les lois civiles suscitent des dif-
licidiés sans cesse renaissantes. Nous remar(|unns
une certaine diversité dans la snltilion proposé^' par
les dillérents instituts qui soumeilent leur règle, à
l'approbalion du saint--iége. La nature, retendue du
vœu de (lauvrcié, la propriété livile, le droit sur les
Liens qui surviennent après la prcfession religieuse,
le m"de le I lus eonveiialile dn possession pour les
comiiiiiiianlés doni l'exis'ence civile n'est pas reconnue
par les lois, tomes qie^tioi s qui présentent le plus
haut intérêt d'actualité et que nous voyons éclaircies
par de savantes discussions, pesées par une circon-
spection prudente.
Les relations des sociétés religieuses avec l'auto-
rité ordinaire de l'épiscopat exercent constannieat
la préoccupation du saint-siége, toujours jaloux de
réserver soigneusement celte surveillance épiscupale
qui e>t nue si haute garantie de la bonne direction
des insiluls. Après ce grand nombre de décisions
qui ont, dans les temps antérieurs, réglé le degré
de dépendance des ordres leligie'ix à l'égard de l'au-
tori é èpiscopale, il reste peu à déciiler, à éclaircir
en cette matière. Les bases des rapports sont con-
nues et respectées. Mais l'éreclion des congrégations
de religieuses aveo une supériorité générale a ouvert
une nouvelle séiie de questions, de dilliculiés. l'er-
sonne n'ignore que celle matière n'a pas été encore
réduite à des principes qui puissent être appbqués à
tous les cas. C'est une des plus graves dillicnltés de
ces insliluts que de déterminer la part d'inllneiice
qu'on doit léserverà l'anKuitè èpiscopale sur la mai-
son principale, sur les afT.iires généiales d'une con-
grégaiiiui (|ui a des ramiticatiuns dans d'antres dio-
cèses. Cette ipieslion se retrouve dans la plupart
des affaires qui ont été dans ces derniers temps sou-
mises au jugeiiieiit de la sacrée congiégation.
Vient eiiAuile la (|uesliiui d'opportiinilé. Il ne suf-
fit pas que les constitutions d'une société religieuse
soient bonnes, iriéprochahles en elles mêmes pour
qu'elle soient revêtues de l'approbalion du saint-
siége. Une maxime à laquelle on ne déroge que ra-
rement, pour ne pniiil dire jamais, est de ne piocé-
der à l'approbaiiuii expiesse des constitutions d'un
ordre que lorsquelles ont été sanctionnées par l'ex-
peiience, lorsqu'un inslitul esl suflisammeui répan-
du, eu égard au temps, aux lieux et aux personuei.
Si l'insiiiut i.iiii sollicile l'apprubation n'a pas acquis
le dèveloppemment iiécessaire, la sacrée congiéga-
tion a (oiitnme de l'eiicuiirager eu louant le zé e du
fondateur, ou le but de riiisliiut, ou rinstilul lui-
même, quelquelois aussi en approuvant simplement
l'iiisiilut sous réserve de rapprubation des cunslilu-
tiuns, laquelle est renvoyée à temps plus opportun.
CONSUBSTANTIALITÉ. Vov. Consub-
STANTIEL.
CONSUBSTANTIATEURS. Pélisson pré-
tend qu'après le concile de Nicée les ariens
duiiiièrciil aux catholiques , qui soutcuaienl
la consubslanlialité du Verbe, le noui (Je
cunsubslaiiliatcurs; mais celle dérivation ou
traduction du mot homoousiens n'vsl pas
nalurelie.
('le sont les tli(''o!ogienscalliolique$ qui ont
appelé consitbstaniiateurs les lulliéricus, qui
H13
CON
COU
11U
admettent dans l'eucharistie la consubstan-
tiatinn,
CONSUBSTANTIATION, terme par lequel
les Iiilliorieiis expriineiU lour croyjince sur
la picscnce réelle de Jésus-Chrisl d;ms l'cu-
chiirislie. I s préleiideiil qu'après la consé-
cr;illoii, le curps et le s.ing de Jésus-Clirlst
sont réellemeiU présents avec la substance
du pain, et sans que celle-ci soit détruite.
C'est ce que l'on noinn)e encore impanation.
Luther disait : « Je crois, avec Wiclef, (|ue
le pain demeure ; et je crois, avec les sophis-
tes, (lue le corps de Jésus-Christ y est. » ( L.
de Captiv. Bu-byl., t. D.) Tantôt 11 prélendail
que le corps lie Jesus-Chrisi csi avec le pain
ciinnne le l'eu est arec le ter hrûlaiit; tantôt
qu'il e^t<laiis le pain cl sous le pain, comme
le vin est duns cl sous le tonneau; in, sub,
cwn. M.'iis comme il seiilii que ces paioles,
ceci est mon corps, si^nilient quelque chose
de plus, il les expliqua ainsi : ce pain est
subslanliellement mon corps; explication
inouïe et plus iibsurde que la première. —
Zwingle et les défenseurs du sens tiguré dé-
montrèrent clairement à Luther qu'il faisait
violence aux paroles de Jésu^-Christ. En elTel,
ce divin Sauveur n'a pas dit : Mon corps est
ici. ou tnon corps est sous ceci el nrec ceci, ou
ceci contient mon corps; mais cect est mon
corps. Ce qu'il veut donner aux tidéles n'est
donc pas une suh^tancc qui contienne son
corps, on qui l'accompagne, mais son corps
sans aucune suhstauce etiangère. 11 n'a pas
dii non plus : ce pan (S/ mon corps, mais ceci
est mon corps, par un terme indélini, pour
montrer que ce qu'il donne n'est plus du
pain, mais son corps. — Ou peut bien dire,
avec l'iighse catholique, que le pain devient
le corps de Jésus-Christ, dans le même sens
que l'eau fut /aile vin aux noces de Cana,
par le changement de l'un en l'autre. On peut
dire que ce qui est pain en apparence, est
réellement le corps de Noire-Seigneur; mais
que du pain, demeurant tel, tût eu niéme
temps le corps de Jésus-Christ, comme le
voulait Luther, c'est un discours qui n'a
point de sens. D'oii l'un concluait contre lui,
ou qu'il faut admettre, comme les catholi-
ques, un changement de substance, ou qu'il
faut s'en tenir au sens figuré, et ne suppo-
ser qu'un changement moral. Voy. l'His-
toire dis variations, tom. 1 , l. ii. — Aujour-
d hui, il parait que les luthériens ne sou-
tiennent plus la consiibstantialion; la plupart
croient que Jésus-Christ est présent dans
l'eucharistie, seulement dans l'usage, ou
dans l'action de le recevoir. Voy. Lcthèr exs.
CONSUllSlANllEL , qui est de même
substance ei de même essence ; c'est la tra-
duction du grec ifiooùawr, dont s'est servi le
concile de Nicée pour décider la divinité du
Verbe.
La divinité de Jésus-Christ avait été atta-
quée, dans le 1"'' siècle, par les ébionites et
par les cérinihiens ; dans le ii^, par les théo-
doliens ; dans le m', par les artémonieiis,
et ensuite par les sa(nosatiens ou samosate-
niens, sectateurs de Paul de Samosate. L'an
209, l'ou assembla un cuucile à Auliuche,
pour décider ce dogme; Paul et l'évê'que
d'Anlioche, qui pensai! comme lui, furent dé-
posés. Mais, dans son décret, ce concile
n'employa point le mot consnbslantiet ; les
Pères craignirent (]ue l'on n'en abusât pour
confondre les Personnes, ou pour supposer
que le Père et le Fils étaient formés d'une
même matière préexistante. C'est la raison
qu en donne saini Atlianase. — L'an 325,
lorsi|ue les ariens nièrent de nouveau la di-
vinité de Jésus-Christ, le concile général de
Nicée jugea que l'abus de ce terme n'était
plus à craindre, (|u'il n'y en avait point de
plus propre à prévenir les équivoques elles
sublerl'uges des ariens; conséquemmeni il
décida que le Fils de Dieu est consubslantiel
à son Père, et il l'exprima ainsi dans le syrn-
bole que l'on récite encore aujourd'hui à la
messe. • — Les ariens firent grand bruit de ce
que l'on consacrait à Nicee un mol (|iii avait
été rejeiè par les Pères du concile d'Anlio-
che ; ils l'iiiterprëtèrent malicieusement dans
le sens que ces Pères avaient voulu eviier.
Ils dressèrent successivement vingt formules
de loi, dans lesquelles il> déclaraient (|ue le
Fils de Dieu est semblable au Père en toutes
choses , qu'il lui est semblable selon les
Ecritures, qu'il est Dieu, et ■. Us protestaient
que si l'on voulait supprimer le terme de
consubslantiel, il n'y aurait plus ni disputes,
ni divisions. L'empereur Constance, leur
protecteur, employa toutes sories de violen-
ces pour forcer les evèi|ues à le suppr.iner.
Mais les orthodoxes tinrent ferme ; lis com-
prirent que les ariens étaient de mauvaise
foi, qu'ils rejetaient le terme pour anéantir
le dogme : ils regardèri ni comme caiitieuses
toutes les formules dans les(|uelles le terme
de consubslantiel était supprimé.
Aujourd'hui les sociniens renouvellent les
clameurs desariens ; ils disent que le concile
de Nicée a innové dans la docirine , qu'il a
établi un dogme inouï jusqu'alors, puisqu'il
a employé un terme que le concile d'Aulio-
chi; avait rejeté cinquante-trois ans aupaïa-
vaiit. On leur a prouvé, par les témoignages
formels des Pères des tiois premiers siècles,
que l'on avait décidé à Antioche le même
dogme qu'à Nicée ; que les ariens ne faisaient
que répéter l'erreur condamnée dans Paul
de Samosate et dans ses pariisaus. — De leur
côlé, les incrédules disent que l'on a troublé
l'univers pour un mot, pour une question
grammaticale; mais ce mot emportait un
dogme fondamental du christianisme. Si ce
dogme était faux, il faudrait conclure que la
vraie docirine de Jésus-Christ a éié mécon-
nue liés l'an 269, et que depuis celle époque
le ( hrislianisme est une religion fausse.
Si la consulislanlialilé du Verbe était une
nouvelle docirine, pourquoi les ariens ne
purent-ils jamais s'accorder ? Les purs ariens
ou pliotiniens enseignaient sans détour,
comme Arius, que le Fils de Dieu était dis-
semblable à son Père, que c'était une pure
créalure tirée du néant. Les semi-ariens di-
saient qu'il était semblable au Père en na-
ture el en loules choses ; quelques-uns
avouaient qu'il était Dieu. Pourquoi ces dis-
1H&
CON
CON
«16
putes, ces condamnations mutuelles, cette
opposition entre les différentes sectes des
ariens ? Il eût élé plus court pour eux de
s'accorder, de pirler Ions comme Arius et
comme font aujourd'hui les sociniens. Mais
on senlait que, pour en venir là , il fallait
contredire l'Ecriture el II tradition des trois
premiers siècles ; on cherchait à p illier l'er-
reur pour la (aire adopter aux filèlos avec
moins de répngn.ince. — Le patriarche d'A-
lexandrie le fait déjà observer dans la lettre
qu'il écrivit aux évêques avant le cuncilede
Nicée, pour leur donner avis de la condam-
natit-ju qu'il avait faite d'Arius et de ses par-
tisans. Foj/. Socrale I Uist. eccL, 1. i, c. I>).
Parmi les protestants, plusieurs de ceux
qui penchaient au socinianisme ont soutenu
que les Pères de Nicee, en décidant que le
Fils de Dieu est co/(su6s<o«/!e/ au Père, en-
tendaient seulement que la nature divine est
parfaitement semblable et èijaie dans ces
deux Personnes, mais non quelle y est nu-
mériquement une et singulière. Cudworlh
{Syst. intell., tom. 1, c. k, § 2G) prétend que
ce dernier sens ne se trouve point dans les
auteurs chrétiens avant le quatrième concile
de Lalran, tenu l'an 1215, qui le décida ainsi
contre l'abbé Joachim. Les Pères, dit-il, ont
souvent répété que la nature divine est une
dans les trois Personnes de la sainte Tri-
nité, comme l'hunianité est une dans trois
hommes ; ils parlai( nt donc d'une unité
d'espèce et non d'une unité de nombre, il
s'attache à le prouver p;ir plusieurs pîts-
sages des Pères : le Clerc était dans la
même opinion, el Mosheim , dans ses Noies
surCuflworlh, n'a pas pris la peine de la ré-
futer. D'où nous devons conclure que , sui-
vant ces critiques, les Pères, qui ont soutenu
avec tant de zèle la consubstnnliaiilé du
Verbe, n'étaient, dans le fond, pas plus or-
thodoxes sur ce mystère que les ariens.
Mais, 1" ces Pères, qui montrent d'ailleurs
tant de pénéiraliou et de safïacilé, ont-ils pu
être assez stupides pour comparer en rigueur
la nature divine avec la nature humaine, l'u-
nité réelle de la première avec l'unité impro-
prement dite de la seconde , qui n'est qu'une
abstraciion? Ils auraient été forcés d'avouer
que, comme trois personnes humaines sont
trois hommes, les trois Personnes divines
sont trois dieux. C'est l'argument que leur
faisaient les sabelliens, el contre leiinel les
l'ères se sont défendus. 2° 11 y a plus : les
Pères ont dit (]ue la génération du Fils de
Dieu esl hors de tout exemple et de louie
compar;iison ; donc ils n'ont pas regardé les
compar;iisons. qu'ils en (uil laites comme
exactes el rigoureuses (liusèb., adv. Mar-
cell. Ancyr., I. i, p. l'.l. etc.). 3" Ils ont en-
seigné que l'unile de la nature divine en trois
Personne» est un mystère : or, l'unité speci-
fique de la nature humaine dans les divers
indiviilus n'est cerlainemcnl pas un mystère;
donc les Pères n'ont pas cru que ces deux
unités sont la mémo chose, 'r Ils ont aftinné
cunslammenl que la nature divine est inili-
tise dans les trois Peisonncs.; conseciuem-
uipnt, que ces trois sont un seul Dieu; mais
aucun ne s'est avisé de dire que la nature
humaine est indivise dans trois hommes, et
que ces trois sont un seul homme, o" Cud-
worlh insiste sur ce qu'en disant que la na-
ture divine est luie , les Pères n'ont pas
ajouté qu'elle esl singulière; mais nous le
défions de trouver dans la langue grecque
un terme qui réponde exactement au mot
singnlaris des L;itins. Quand ils onl dit
quelle est «ne e/ mdùî'.çe. ils n'onl pas ciu
que cela piil s'entendre seulement d'une
unité spécifique, puisi|ue celle-ci emporte
division, tj' Lorsque les ariens ont mis dans
leurs professions de foi que le Fils de Dieu
esl parfaitement semblable à son Père, en
nature, en substance, en toutes choses, les
Pères ont rejeté ces expressions comme in-
sulfisanles ; elles em|)ortaifnt cependant l'u-
nité spécifique de nature ; donc, par le mot
consubslantel, ils entendaient quelque chose
de plus, c'est-à-dire l'unité numérique et
siniiulière. 7° Les ariens ne voulaient point
admettre de généialion en Dieu : Toute gé-
nération, disaient-ils, se fait ou par l'écoule-
meut de quelque partie qui se sépare du
tout, ou par 1 extension, par la dilalalion
de la sutislance qui l'engendre: or, la
subslance divine ne peut ni s'étendre,
ni se resserrer, ni se diviser. Les Pères ré-
pondfiienl que Dieu engendre de sa propre
substance sou Fils unique, mais sans par-
tage, sans altération, sans changement, sans
écoulement, sans éprouver rien de ce qui
arrive dans les générations animales. (Saint
Hil., l. Il de Jrinit., n"8; l.de Synoiiis,
iV 17 el 44., etc.) Donc ils onl admis entre le
Père elle Fils une unité nunu'rique de na-
ture, et non siu)plemenl une unité spécifi-
que, telle qu'elle se Irouve entre un liomuie
el son fils.
On demande : Mais pourquoi vouloir ex-
pliquer ce qui est inexplical)le ? pourquoi ne
pas se borner à dire, comme les auteurs sa-
crés , que Jesus-Chrisl esl \e Fils de Dieu,
sans entreprendre dedécidercomment il l'est ?
Nous répondons (|u'il n'était pas |iossililede
s'en tenir là, et que les Pères onl été forcés
de donner une explication. 1" Il faut avoir
quelque idée d'un dogme que l'on croit et
que l'on professa ; parce que la foi n'a pas
pour objet des paroles, mais les choses si-
gniliées par ces paroles. 2" Cette proposition :
Jéttis-Chnsl est le Fils de Diru, pouvait avoir
ditlérenls sens ; el les hérétiques lui don-
naient plusieurs sens faux; il làllait donc
fixer le vrai el exclure le faux. T Dire ;iux
païens que .lésusChrisl esl Fils de Dieu,
c'était leur donner lieu de demander pour-
quoi donc les clireticns rejetaient les geuéi^
logies des dieux, pendant ()u'ils enseignaient
eux-mêmes que Dieu a un Fils. On éialt <lonc
ol)li);é de montrer aux païens la difl'éreiice
qu'il y avait entre la iheologie chrétienne et
les fal)le^ de la mythologie. Il en est de même
de tous les antres mystères. iBeausolne,
Histoire du manichéisme, tom. I, 1. m, c. 0.)
CONSUL! LUKS. A Home, Ion donne ce
nom a des théologiens chargés par le sou-
verain puutifo d examiner les livres et le*
1H7
CON
CON
1118
jjroposilions drférées a son tribunal ; ils en
rendent compte dans les congréRalions où
ils n'ont point voix délibérative. Dans quel-
ques ordres monasli(iues, on nooiine de
même des religieux chargés de transmettre
des avis au général , et qui sont comme son
conseil.
CONTEMPLATION, selon tes mystiques ,
c'est un regard simple et alTeciueux sur
Dieu, comme présent à notre àine. La con-
tcmpliition, di-enl-iis, consiste dans des actes
si simples, si directs, -si uniformes, si pai-
sibli's, qu'ils n'ont rien par où l'on puisse les
saisir po^ir les distinguer.
Dans l'état contemplitif, l'âme doit être
enliêrement passive par r;ip|iortà Dieu ; elle
doit èln- dans un repos continuel, exempte
du trouble des âmes iiKiuièles qui s'agitent
pour sentir leurs opérations ; c'est une
prière de silence et de repos. Ce n'est point,
ajoutent-ils, un ravissement, une suspension
exlaiiiiue de toutes les facultés de l'a ne ,
mais c'est un étal passif, une paix profonde,
qui laisse l'âme parf.iilement disposée à être
mue par les impressions de la grâce, et
dans l'état le plus propre à eu suivre les
mouvements.
Lespersonnes chargées de diriger les con-
templatifs ne sauraient avoir trop de pru-
dence pour connaître l'esprit de Dieu , et
le distinguer des illusions de l'amour-
propre.
CONTEXTE, mot usité parmi les théolo-
giens, et qui a plusieurs sens. Souvent il si-
gnilie simplemt^nl le texte de l'Ecriture
sainie, ou d'un auteur quelconque. Ordinai-
rement il signiQe ce qui précède ou ce qui
suit un passage, ou il désigne un autre en-
droit qui y a du rapport : dans ce sens, oa
dit que, pour bien entendre le texte, il faut
consulter le contexte.
CONTINENCE, état de ceux qui ont re-
noncé âi'i mariage. Jisus-Cbrist en a témoi-
gné de l'estime , lorsqu'il a dit qu'il y a des
eunu(|ues qui ont renoncé au miiriage pour
le royaume des cieux, (jue tous ne le com-
prennent point, mais seulen)ent ceux qui
en ont reçu le don {Mittlh., xix, 11 et 12).
A l'article Célibat, nous avons cilé les pa-
roles de sainl Paul. Il n'est point de subter-
fuges que l'on n'ait employés pour tordre le
sens de ces pa^sagi's.
Nos philosophes, réunis ;ius protestants,
soutiennent qtir la continence u'esi point es-
timable par elle uiéme, tju'elle ne le di'vient
qu'autant qu'elle iuipnrte arcidentell ment
à la pratique de quelque vertu, ou à l'exé-
cution de quelque dessein r/énc'reux ; que,
hors (le ces cas, elle mérite plus de blâme que
d'éloges. — il nous paraît que le nom de
vertu signifie la force de l'âme , qu'il est be-
soin de force pour résister à ua penchant
impérieux , tt l que le désir des plaisirs sen-
suels ; que ce courage est toujours estimable
par lui-même, à moins ciu'il ne soit empoi-
sonné par un mauvais motif. — U y a sans
doute des homme- qui renoncent au mariage
par des motifs blâmables, et qui viveut dans
lecélibal sans observer la continence; assez
souvent ce sont eux qui veulent décrier cette
vertu.
Quiconque, dit-on, est conformé de ma-
nière à ])ouvoir procréer son semblable, a
droit de le f.iire, c'est le droit ou la voix de
la nature. Soit. L'homme peut renoncer à
son droit sans violer aucune loi; lorsqu'il le
fait par un molif louable , c'est un acte du
vertu. Celui (|ui, sans nuire à sa santé ni à
ses devoirs, peut boire et manger plus qu'un
autre, en a aussi le droit : sera-t-il blâmable
s'il s'en abstient par tempérance, ou afin d'a-
voir du superllu à donner aux pauvres? —
On ajouiequ'il n'y a pointde raison qui oblige
à une continence perpétuelle, qu'il en est
tout au plus qui la rendent nécess;iire pour
un temps. Mais le dessein généreux i\c se con-
sacrer au culte de Dieu et au salut des hom-
mes, n'est-il pas une bonne raison d'i'm-
brasser la continence perpétuelle"? Il faut
employer les premières années de la vie à
s'en rendre capable, et consumer le reste
dans les travaux attachés à cette fonction
charitable.
Nous ne voyons point les hommes mariés
et chargés do famille, quitter leur foyer pour
porter la lumière de l'Evangile aux extrémi-
tés du monde, pour aller racheter les cap-
tifs et soulager les esclaves chez les infidè-
les, pour remplir les fonctions des ignoran-
tins et des frères de la charité. Sans l'estime
que la religion catholique inspire pour l'é-
tat de continence et de virginité, trouverait-
on des filles pour soigner les hôpitaux, pour
soulager les malades, pour élever les en-
fants trouvés et les orphelins, pour instruire
ceux des pauvres , pour tenir des maisons
d'éducation, pour recueillir les péniienles
et les tirer du désordre? etc. Celles qui as-
])irent au mariage ne se consacrent point à
ces fonctions péi.ibles ; aussi ces bonnes œu-
vres sont-elles fort négligées dans les com-
munions protestantes : la charité héroïque
n'y a pas survécu à la continence. On aura
beau salarier des personnes des ileux sexes,
l'argent ne fera jamais ce que f.iit la reliiîion.
Et l'on nous dit froidement que la continence
ne sert à rien, que c'est une vertu de la-
quelle il ne résulte rien ! — Il ne convient
pas d'appeler institutions Inimaines ce qui a
été institué, loué, consacré, pratiqué par
Jésus-Christ. Lorsque nos |ihilosopbes dis-
sertent sur les vertus et sur les vices, ils de-
vraient se sou\enir que les notions puisées
dans l'Evaniiile valent bien celles qu'ils em-
pruntent de la philosophie païenne.
On dit que les Pères ont fait des éloges ou-
trés de la continence, qu'ils l'ont estimée et
louée à l'evcès. Ne sont-ce pas plutôt leurs
censeurs qui poussent à l'excès l'indilTé-
rence et le mépris pour celte vertu? (Juand
on sait à quel pninl a été portée l'impudicilé
chez les païens, on comprend que ce désor-
dre ne pouvait êire réforme que par une
morale 1res- sévère , et en portant fort loin
les éloges de la vertu opposée ; on n'est [«as
étonné du langage des Pères, qui est celui
de l'Ecriture sainte. Us trouvaient beau Uq
1H9
CON
COM
1120
pouvoir (lire du christianisme ce que Tite-
Livc mot a la bouche d'un ancien Romain :
Et facere et pnti fortin chrintianum est. Voy.
CÉLIBAT, ChaSTRTÉ, VlnC.lNITÉ.
CONTOBAHDITKS. Voy. Eutychiens.
CONTRADICiiON. Los incréilules, dans
le dessein de prouver que nos Livres saints
ne sont rien moins que des ouvrages divins,
se sont appliqués à y chercher des contra-
dictions, el ils se sont flatiés d'y en avoir
trouvé un gr md nombre. Mais, en se servant
de leur mélhode, il n'est aucune histoire ni
aucun livre dans lequel il ne soit aisé d'en
montrer encore davantage.
Si l'un des qunire évangélistes rapporte
un lait ou une circonstance de laquelle les
autres n'aient pas parlé, nos subiils critiques
disent qu'il est en contradiction avec eux,
comme si le silence d'un historien était la
même chose qu'une réclamalion el une op-
position formelle; aucun des évangélistes
ne s'est proposé d'écrire ex;iclemcnl lout ce
que Jésus-Christ a «lit et a fait, ni de garder
scnipuleusement l'ordre des événements ,
mais seulement d'en donner une connais-
sance suffisante aux fidèles pour fonder leur
foi. Les Evangiles, dit un célèbre incrédule,
nous ont été donnés pour nous enseigner à
vivre saintement et non pas à critiquer sa-
vamment. Il est fâcheux qu'il ait souvent
oublié lui-même celte sage réilevion.
Lorsque deux ou plusieurs auteurs con-
tempor;iins oui fait une même histoire, ont
parlé d'un événement chargé de circonstan-
ces, leur esl-il jamais arrivé de le riiconler
précisément de même, sans aucune variété ?
Dans ce cas, on penserait que l'un a copié
l'autre, ou qu'ils ont usé de collusion. Ceux
qui (mt voulu composer un corps complet
de l'histoire romaine, ont été obligés de rap-
procher et de comparer ensemble tous les
anciens historiens, de suppléer au silence de
l'un par la narration de l'autre; el, quand
ils ont cru y apercevoir de l'opposition, ils
ont cherché le moyen île les concilier : nous
ne \ oyons pas que les incrédules aienl blâmé
celle conduite. Voilà aussi ce que l'on a fait
en dressant la concorde ou l'h.irmonie des
quatre évangiles; on en a ainsi rendu la
narration plus suivie el plus aisée à en-
tendre, et l'on voit qu'il n'y a point de con-
tradiction. Il a fallu de même comparer les
livres des Rois avec ceux des Paralipomè-
nes, qui rapportent les mômes faits, mais
avec quelques variétés; il a f.illu enfin rap-
procher l'un de l'autre les deux livres des
Machabées, dont les auteurs n'ont pas suivi
t xaelement l'ordre chronologiiiue. Mais dés
qu'il est question des écrivains sacres , les
incrédules ne veulent plus de conciliation, ils
ne cherchent pas à savoir la vérité, mais à
l'obscurcir tant qu'ils peuvent.
Une seule circonsiance oinisi', et qui pa-
r:!Ît niinuiieiise à celui qui écrit, suffira dans
la suite des temps pour jeter de l'obscurité
et de l'embarras dans son rérii ; il paraîtra
contradicloire à ceux qui li' liront sans être
surfisaiiimenl insliuils de ce (|ui se passait
pour lors. Dans le teiiips que lescvatij^élistcs
ont pris la plume, cet inconvénient n'avait
pas lieu, parce qu'ils écrivaient des faits pu-
blics dont la mémoire était encore toute ré-
cente 11 n'en est plus de même aprè< un
grand nombre de siècles; nous ne connais-
sons pt;is assez les mœurs, les usages, les
habitudes, le langage des habitants de la Ju-
dée, leur ét.'jl civil el politique, la tournure
de leur esprit, hi situation des lieux, etc. Ce
qui était fort clair pour eux, est devenu obs-
cur pour nous.
Les commentateurs de l'Ecrilure sainte
n'ont passé sous silence aucune des contra-
dictions prétendues dont les incrédules font
trophée; c'est dans les écrits des premiers
que nos savants critiques sont souvent allés
les prendre, en laissant de côté les éclaircis-
sements et les réponses. Ils se sont ensuite
copiés les uns les autres, et se sont transmis
leurs arguments par tradition. Nous les exa-
minerons en particulier dans les articles qui
y ont rapport, el nous ferons voir que la
narration des auteurs sacrés ne se contredit
point. — Souvent aussi on a reproché aux
théologiens l'esprit de contradiction, l'amour
de la dispute, la promptitude avec laquelle
ils prennent feu sur tout ce qui choque leurs
opinions. Nous convenons que ce défaut, si
c'en est un, est l'apanage universel de l'hu-
manité; il ne règne pas moins parmi ceux
qui cultivent les autres sciences, et ceux qui
s'en plaignent eu sont quelquefois attaqués
sans s'en apercevoir. Mais en cela les théo-
logiens sont peut-être les moins blâmables.
La nécessité de veiller de près sur tout ce
qui peut donner atteinte aux vérités révé-
lées, la niuliitude d'erreurs qui ont troublé
l'Eglise, la facilité avec laquelle on saisit
l'occasion d'attaquer la religion , doivent
rendre attentifs ceux qui sont chargés de la
déléndre. 11 ne faut donc pas condamner leur
exactitude à relever les plus légères fautes ;
ils ont appris, par une longue expérience,
que la moindre étincelle prul causer un eui-
brasenient.
CONTRAINTE. Voy. Pi^nsf-cuTiON.
CONTRAT SOCIAL. Foy. Société.
CONTRE-RE MONTRANTS ou GOMARIS-
TES. Voy. Arminiens.
CONTRITION , regret d'avoir péché. Ce
terme, dérivé de con'lerere, broyer, briser,
exprime l'état d'une âme déchirée el péné-
trée de douleur d'avoir olïensé Uieu, qui
désire ardemment de se réconcilier avec lui
et de recouvrer la grâce. Il est tiré de l'E-
criture sainte. Joël, c. xi, v. 13, disait aux
Juifs : Déchirez vos cwurs et non vos vête-
ments; et David, Ps. l: Vous ne rejetterez
))iis. Seigneur, un cvnr brise de douleur el
Itumilié.
Le concile de Trente, sess. 14, c. k, définit
la contrition, une douleur de l'àme el une
détestaiion du péché commis, avec un propos
de ne pUis pécher à l'avenir; il déclare que
celte contrition a été nécessaire dans tous
les lemiis pour obtenir la rémission des pé-
chés. Cela est prouvé par les exemples do
David pénitent, des Niiiiviles, d'Achab, do
Mauasbès, de la pécheresse de Naïui, etc. —
«21 CON COR 112*
Sous la loi pvangéliqiio, la contriiion exise Trente, sos". 14, ran. 1..— La seconde, selon
de plus le désir <le remplir (oui ro i\uu Jésus- le inêiiie (-oncile, esl l;i dou'nir ou la déles-
Clirisl a onloiiiié pour la rémission des pé- lalioii du pét-hé, conçue par l'i coiisidéralion
elles, par censé. lueiil la voloiilé de les con- de la lurpil ide du péché, el par la rr;iiiiie
fes-er el de satisfaire à la justice divine : des peines de l'enfer. H décl.ne nue, si elle
aussi les lliéoloirieiis, après saint Thomas, e\clut la volonlé <le pécher, el rèiifemie
définissent la fon/ri7iOH, une douleur du pé- l'espérance du pardon, non seulcnieiii elle
elle, accom|iat;née du propos de le confesser ne ren I point l'homine hypocrite et ping
et de satisfaire. praml pécheur, in.iis ()u"elli' le dispose à oh-
Luther s'est beaucoup écarté de ces no- tenir la grâci; de Uieu dans le sacrenienl de
lions, lorsqu'il a réduit toute la pénitence pénitence. Il décide que cille adrilion est
au chanpenienl de vie, sans exiger aucun un don de Dieu et un mouvement du Saint-
rejjret pour le passé, aucune confession du Esprit, qui n'habite pas encore dans l'àme
péché. Outre les exemples du contraire que du pénitent, mais qui l'excite à se conver-
nous voyons dans l'Rcriture, on pouvait lui tir; (ju'eile ne le justifie point par clle-mèmo
opposer la croyance et la prati(iue conslante sans le sacrement, mais qu'elle y sert de
de l'Eglise altestées par les Pères, el fon- disposiiion.
dées sur ces exemples menus. Le concile de Sur celte décision du concile, les tliéolo-
Trenle a donc jusiement condamné celle er- giens disputent pour savoir en quoi consiste
reur de Luther, sess. 14, can. 5.— Comment précisément la différence entre la contrition
ee sectaire a-l-il pu soutenir que la crainte parfaite el Valtrition. Les uns veulent que
des peines éternelles et la contriiion ne ser- le motif de l'une et de l'autre soit ahsolu-
vaienl qu'à rendre l'homme hypocrite et ment le mémo, savoir, l'amour de Dieu • que
plus grand pérheur? Isaïe, c. ivii, v.23, dit toute la dilTérence soit en ce que cl amour
que Dieu demeure avec ceux qui ont l'esprit est pins vif dans la contrition paifiile, et
humbU et contrit, et (|u'(7 leur rend la rie plus faible dans l'allrilion. Les autres s'ou-
Sur qui jetterai- je les yeux, dit le Seigneur, tiennent que le motif de l'attrition est dilTé-
sinon sur le pauvre qui a l'es/jrit contrit, et rent; que c'est, selon le concile, la turpitude
qui tremble à ma paro'.e{L\\\, 2)? Jésus- du péché, la crainte de l'enfer,' l'espérance
Christ s'applique ces paroles : Le Seii/neur du pardon ; que loule douleur du péché,
m'a envoi/é pour (/uérir 1rs cœurs contrits, el conçue par le motif de l'amour de Dieu'
mettre les captifs en liberté {Luc. iv, 18). quelque faihie qu'il soit, esl la contrition
Après la première prédication de saiEil l>it.'rrc, parfaite. — Conséquemment , les premiirs
les Juifs furent touchés de repentir : cow- prétendent que l'attrition seule ne suffit oas
puncti sunt corde, et demandèrent : Que fe- dans le sacrement de [lénilence ; ils se fon-
rons-nous? Faites pénitence, répondit l'a- dent sur ce que le concile île Trente, ea
pôlrc, et recevez le bapiéme (/lc<. II, 37). Ce parlant de la juslillcation , exige, comme
n'était là ni de l'hypocrisie, ni une augmen- une disposition essentielle, que le pécheur
talion de péché. commence à aimer Dieu comme source de toute
Pour être efficace, la contrition doit être justice. Sess. 6, can. 6. Ce coinmeiieement
sincère, libre, surnaturelle, vive el véhé- d'amour, disent-ils, ne tieul être autre chose
mpnte..'>/nc're, puisque Dieu exige la douleur qu'uni; charité encore faihie, mais pure, par
du cœur. Libre, et non forcée ou extorquée laquelle on aime Dieu pour lui-même. Les
par la crainte et Ls remords. Surnaturelle, seconds répondent que ce commencement
non-seulement dans son principe, qui est la d'amour est un amour d'cspér.Jiice ou de
grâce, sans laquelle nous ne pouvons nous concupiscence, par lequel nous nous portons
repentir sincèrement, mais dans son motif, à Dieu comme à l'objet de notre bonheur
et avoir Dieu pour objet. Conséquemment, éternel ; qu'en comparant les deux décisions
l'assemblée du clergé de France, en 1700, du concile, on voit que tel en est le sens,
condamna comme hérétique la proposition de Ils s'appuient de l'autorité de saint Thomas,
quelques casuistes, qui disaient que l'attri- 2-2, q. 17, ()ui décide que l'espérance et tout
lion, conçue par un motif naturel , pourvu mouvement de désir vient d'un sentiment
qu'il soit honnête, suffit dans le sacrement d'amour, et qui distingue ainsi la charité
de pénitence. — Enfin, la contrition doit être parfaite d'avec l'amour imparf lit. Il est im-
vive, véhémente, ou souveraine; un cœur possible, disent-ils, qu'un chrétien, qui
vraiment pénitent doit être dans la disposi- croit l'efficacité du sacrement, qui espère
tion de préférer Dieu à tout, de mourir, s'il d'en obtenir l'effet par la miséricorde de
le faut, plutôt que de l'off.nser; se porter à Dieu, ne soit pas louché d'un sentiment de
Dieu aussi vivement qu'il déteste le péché, reconnaissance de ce que Dieu veut bien
haïr tous ses péchés sans exception. pardonner au repentir. Si la reconnaissance
Les théologiens distinguent deux sortes de n'est pas un amour du bienfaiteur, qu'est-ce
contrition : l'une parfaite, l'autre imparfaite, donc ?
qu'ils uomuvnl attrilion. La |iremière est En 1700, le clergé de France a condamné
celle qui a pour motif l'.imour de Dieu, ou la proposition qui disait, que l'allrilion qui
la charité proprement dite ; elle reconcilie naîl de la crainte de l'enfer suffit sans aucun
déjà le pécheur avec Dieu, avant la récep- amour de Dieu. Le clergé exige donc, comme
tion du sacrement de pénitence : mais elle le concile de Trente , un commencement
doit toujours renfermer le désir el la volonté d'amour de Dieu ; mais de quel amour '? Est-
<le le recevoir. Ainsi s'exprime le concile do ce do la charité pure par laquelle ou aiuie
Î12S
CON
CON
au
Dieu ponr lui-même, ou de .'amour d'espé-
rance par lequel on aime Dieu comme bien-
faiteur? Le concile ni le clerjié ne le décident
point : il y a donc de la tt mérilé à vouloir le
décider. — 11 y en a encore davaniage à
soutenir que la charité pure, lorsqu'elle est
faillie, ne sulfit pas pour justifier le pécheur
et le réconcilier avec Dieu, avant le sacre-
ment. Le parti le plus sûr est donc de s'en
tenir à la décision du clergé, conçue en ces
termes : « \'oici, selon le concile de Trente,
les lieux avis ou points de doctrine que nous
avons jugés nécessaires. Le premier, que
pour les sacrements de bapténKî et de péni-
tence, il n'est pas absolument besoin d'avoir
la contrition, conçue par le motif de la cha-
rité parfaite, et qui, avec le vœu du sacre-
ment, réconcilie l'homme avec Dieu avant la
réception aclnelle du sacrement. Le second,
que pour l'un et l'antre de ces mêmes sacre-
ments, un homme ne doit pas se croire en
sûreté, si, outre les actes de foi et d'espé-
rance, il ne commence pas à aimer Dieu
comme source de tonte justice. » Il est diffi-
cile de ne pas entendre ces dernières paroles
de l'amour de reconnaissance.
Les partisans de la proposition condam-
née, que l'on a nommés les allritionnnires,
n'étaient fondés que sur un raisonnement
absurde. Si, pour obtenir le pardon de nos
fautes, disfiient-ils,i| faut absolument aimer
Dieu, quel avantage avons-nous sur les Juifs?
A quoi sert le sacrement de pénitence, s'il ne
supnlée pas au défaut de l'amour, et ne nous
décharge pas de l'obligation pénible d'aimer
Dieu actuellement? — A Dieu ne plaise que
l'obligation de l'aimer puisse paraître pénible
à un chrétien, ou qiu> le privilège de la loi
nouvelle au-dessus de l'ancienne soit la dis-
pense d'aimer Dieu. La diff. rence entre ces
deux lois, selon saint Paul, est que l'ancienne
était une loi de crainte, et que la nouvelle
est une loi d'amour. Un chrétien qui reçoit
des grâces plus abondantes qu'un juif, est
sans doute plus obligé à être reconnaissant
et à aimer son bienlaiteur. Y a-t-il uu bien-
fait plus précieux que le pardon du péché
accordé au repentir par les mérites de Jesus-
Christ?
Mais en voulant pousser trop loin la per-
fection et la sublimité des sentiments, il est
dangereux de tendre un piège aux âmes ti-
morées, et d'étouffer en elles l'amour de Dieu
par la crainte, en voulant faire le coniraire.
Voij. VAncien Sacramentnire, par Grancolas,
11' part., p. 'i-,'j8, 'i65.
CUNTKOVEllSE, dispute de vive voix ou
par écrit sur les matières de religion. Ces
sortes de disputes sont inévitables, parce que
le christianisme a toujours eu des ennemis,
et qu'il en aura toujours, liil's sont néces-
saires, parce (ju'on ne doit rien néijliger ponr
ramener dans la bonne voie ci-ux qui se sont
égarés. Si elles troublent la paix. Il faut
s'en prendre à ceux qui en sont b's prciniers
auteurs, et qui lèvent l'etendai d contre l'en-
seignement de l'Eglise. Pour qu'elles pro-
duisent de bons effets, il faut que de part et
«l'autre elles soicut non-?<euleuiuul libres,
mais tonjonrs retenues dans les bornes de la
politesse et de la modération.
11 nous paraît qu'en général les contra-
versistes catholiques, surtout ceux du der-
nier siècle, ont mieux observé cette règle
que leurs adversaires. Bossuei, Nicole, Pé-
lisson, Papin, etc., sont des modiMis en ce
genre: nous ne pouvons mieux faire que de
les imiter dans nos disputas actuelles avec
les incrédules. — Loisqu'une conirorerse
commence, il est rare qu'elle prenne d'abord
la tournure qu'il faudrait lui donner pour la
terminer promptement. Comme les nova-
teurs sont tous des sophistes, ils ne man-
quent jamais de dénaturer la question; les
théologiens catholijues qui veulent les sui-
vre pour les réfuter, s'exposent à faire beau-
coup de < hemin hors de la vraie roate, et
sans avancer d'un pas vers le terme. —
Ainsi, lorsque les prétendus réformateurs
parurent, si on avait commencé par leur
demander des preuves de leur mission, ils
auraient été fort embarrassés. Ils n'élaienl
envoyés par aucun pasteur légitime ni par
aucune société chrétienne; il fallait donc
qu'ils prouvassent par des miracles une mis-
sion surnaturelle, extraordinaire, comme
Mo'i'se ; Jésus-Christ et les apôtres avaient
prouvé la leur : ils n'élaienl rien moins que
des ihaumaturges. — Selon eux, l'Ecriture
sainte doit être la seule règle de foi ; la pre-
mière question à décider était donc de savoir
quels sont les livres que l'on doit regarder
comme Ecriture saime. Ils rejetaient une
partie des livres reçus par rE,lisc catholi-
que; est-ce encore par l'Ecriture cju'il fallait
terminer cette contestation? Si chaque fidèle
doit en juger selon ses lumières et son iroût
particulier, pot!ir(]uoi le goût d'un catholique
élail-il moins sûr que le goût d'un prédicant ?
Toiit homme sensé pouvait lui dire : Puisque
l'Eiriturc est ma seule régie de foi, j(î n'ai
besoin ni de vos leçons ni de vos explications;
je sais lire aussi bien que vous: c'est à moi
de voir dans l'Ecriluie ce que Dieu a révélé,
et non à vous de me le montrer. La IMble est
mon seul docteur ; la l'onction d'enseigner
que vous usurpez, est déjà une contradiction
avt c votre propre principe. — A la vérité,
nos controversistes leur ont fait cet argu-
ment, mais ce n'a été qu'après de longues
disputes; il aurait été mieux de commencer
par là, et de ne pas donner le temps à ces
hommes sans aveu de séduire les ignorants
par l'étalage de leur doctrine. — La même
faute avait été commise dans les contisli-
lions que l'on avait eues dans les sièiles
précédents avec les hussites, les wiclélites,
les vaudois, les manichéens nommés albi-
geois. Dans les ouvrages qui ont été écrits
contre eux, nous ni' voyons pas que l'on ait
insisté sur le défaut de loi-sion de ce. nova-
leurs, ni sur la c >ntradictiou de leurs prin-
cipes.— Dès le coniinenccment du m siècle,
Tertullien avait trace dans son Trtiiié des
Prefcrij)tions contre les hérétiques, la ma-
nière de les réfuter tous; il leur demande
des preuves de leur mission, refuse de les
aduKdie à disputer sur l'Ecriture, leur op-
1125
CON
CON
1126
pose la tradition des Eglises apostoliques,
les confond par leurs jiroprcs dissensions,
et p;ir l'opposilion constante de leurs divers
sysicmes. Un théologien citliolique ne peut
mieux faire que de suivre toujours celle mé-
thode ; elle est non-senlenicnt iminciblc,
mais rcspeclalde par sou antiquité.
Après avoir décidé que l'Kcrituic sainte
est la seule rèj^le de loi, les protestants ont
encore prétendu qu'elle est le seul jui;c des
contiûvcrscs. iMais c'est d'abord abu-er du
terme que d'appeler /u,e la loi selon laquelle
le juge doit prononcer; et de laquelle il doit
déterminer le \ rai sens. Dans toutes les con-
Ironises, la question est de savoir si tel
dogme est révélé dans l'Eci ilure sainte, ou
s'il ne l'est pas; quel est le vrai sens des
passages que cha(|ue parti allègue pour ap-
puyer son opinion; comment cette même
Ecriture peut-elle faire la fonction de juge,
et terminer la conleslatiou ? il est évident
que le simple parliculier qui récuse toute
espèce de irihunal, se rend lui-mémc juge de
ce qu'il doit croire. — Pour terminer, par
exemple, la controverse louchant l'eucharis-
tie, il s'agit de savoir <iuel sens il faut donner
à ces paroles de Jésus-Christ , ceci est mon
corps. Selon la croyance de l'Eglise catholi-
que, elles signi(ii'nt que le corps de Jésus-
Christ est véritablement présent sous les ap-
parences du paiu ; que ce n'est plus du pain,
mais le corps de Jésus-Christ. Suivant l'opi-
nion de Luther, ce corps y est à la vérité,
mais avec le pain, dans le pain, ou sous le
paiu ; il ne s'y fait aucun eiiangcmcnl. Si
nous écoutons Calvin, ces paridcs signilicnt
seulement, ce pain est la ligure de mon
corps; mais le fi lèle, en mangeant ce pain,
recevra par la foi et spirituellement le corps
de Jésus-C^hrist. Chacun de ces trois dispu-
tants allègue d'autres passages de l'Ecriture
pour conlirmer sou explication. C'est donc
au simi^ile fidèle de jug<'r lequel des trois a
raison, et «le s'en tenir à son propre juge-
ment.— Le fidèle catholique ne fait point ainsi
la fonction de juge. Lorsque l'Eglise a dé-
cidé, par la bouche de ses pasteurs, soit dis-
persés, soit rassemblés, que tel est le sens
de tel passage de l'Ecriture, il soumet son
propre jugement à celui de l'Eg.ise, et croit
iiumblement ce qu'elle a prononcé. Dans le
fond, un protestant fait de même, sans vou-
loii' eu convenir, ou sans s'en apercevoir ;
avant de lire l'Ecriture sainte, il était déjà
déterminé, par le catéchisme qu'on lui a
enseigné dans son eul'auce , à donner aux
passages sur lesquels on dispute le sens
adopté par la société dans laquelle il est
né.
11 est bon de savoir quel jugement les
protestants ont porte de nos conlroversisies
et de leurs dillérenles méthodes ; ce qu'en a
dit Mosheim nous paraît mériter quelques
léilexions. En parlant de la naissance du
luliiéranisme, et des disputes touchant la
toul'ession d'.Vugsbuurg {Hisl. ecclés., xvi"
Siècle, sect. 3, c. à, § i), il dit qu'il n'y avait
que trois moyens de les terminer : -le .pre-
4»icr, et le plus raisonnable à son gré, était
d'accorder anx prolestants la liberté de sui-
"vre leurs sentiments |>arliculiers, et de les
laisser servir Dieu selon les lumières de leur
conscience, pourvu qti'ils ne troublassent
point la tranquillité puhliqin'. Mais le pro-
testantisme pouvait- il s'établir sans truubler
la tranquillité publique? Il s'agissait uon-
setîlement d'embrasser de nouvelles opinions
spéculatives, mais d'abolir les pratiques, le
culte extérieur et toute la discipline de l'E-
glise, de déposséder les évèques et les prê-
tres, de chasser les moines et les religieusirs,
etc. Aucun prédieant, lorsqu'il s'est trouvé le
maitre, n'a laissé aux catholiques la liberié
de servir Dieu selon les lumières de leur
conscience; Luther à Wirlemheig, Zwingle
à Zurich, Calvin à Genève, ont-ils toléré
l'exercice du catholicisme? En 1530, lors-
que l'électeur de Saxe et les autres princes
prolcslanls présentèrent leur confession de
foi à la diète d'Augsbourg, cnumiencèicnt-ils
par jurer et promettre qu'ils accorderaient
aux catholiques la même liberté qu'ils de-
mandaient pour eux? Déjà la religion catho-
lique n'existait plus dans leurs Etals. — Le
second moyen était de forcer les protestants,
l'épée à la main, de rentrer dans le sein de
l'Eglise. Celte méthode, dit IMosheim, était
la p!us conforme à l'esprit du siècle, surtout
au génie despotique et à l'esprit sanguinaire
de la couiile Rome. Mais il réfute lui-même
cette calomni<>. En proposant un troisième
expédient, qui élait d'engager les deux par-
ties contendantes à modérer leur zèle, à ra-
hattie (juelque chose de leurs prétentions
respectives, il dit que ce moyen l'ut généra-
lement approuvé ; i\ue le pape lui-même ne
parut ni le rejeter, ni le mépriser; aucun
des lliéologieus qui entrèrent en conlérence
avec les novateurs ne l'ut blâmé : où sont
donc les preuves de l'esprit oppresseur du
siècle, du génie despotique et sanguinaire
de la cour de Rome? Mosheim convient, § 5,
que les moyens de conciliation n'ayant pro-
duit aucun effet, l'on eut recours à la force
du bras séculier et à l'autorilé impérieuse
des édiis. Donc on n'en vint là qu'à la der-
nière extrémité ; l'on y fut forcé, non-seu-
lement par l'opiniâtreté avec laquelle les
protestants se refusèrent à toute instruction,
mais par les voies de fait et les violences
qu'ils eiiiployèreut pour exterminer la reli-
gion catholique.
En exposant les différentes méthodes dont
les controvcrsisles de l'Eglise romaine se
sont servis pour ramener les protestants,
Mosheim n'a eu garde de dire qu ils com-
mencèrent loujouis par prouver nos dogmes
par l'Ecriture sainte. Pourquoi ce silence afr-
fecté? C'est que ce procédé de nos conlro-
versisies satisfait pleinement aux plaintes ,
aux reproches, aux clameurs des protes-
tants. Ils ne réclamaient que l'Ecriture sain-
te, et, quand on la leur opposait, ils ne j'é-
coutaient pas.— 11 parle avec modération du
jésuite Beliarmin et de ses controverses, sec-
lioi; 3, première partie, c. I, § 29; il rend jus-
tice, non-seulement aux latents de cet écri-
vain, mais à la candeur et à la sincérité avec
1127
CON
CON
1128
laquelle il propose les r<iisons et les objec-
tions de ses adversaires ilaus loiiie leur for-
ce; ensuite, par un Irail de malignité pure,
il ajoute que ce lliéoloRien aurait eu plus de
réputation piirini ceux de sa communion ,
s'il av iit eu moins d'exaclituile et de bonne
foi. Où est la preuve ? Parmi les rivaux même
des jésuites, y <'n a-l-ii un seul qui ait blâmé
Bellarmin de son exaclitule et de sa bonne
foi ? On lui a reproché peut-être de n'avoir
pas su profiler assez de ses avantages, de n'a-
voir pas donné à ses réponses autant de
force que l'ont l'ait les controversisl's posté-
rieurs; cela esl fort dilTérent. Quelques li-
gnes plus haut, Mosheim avait dit que les
conlroversistes jésuites surpassèrent tous
les autres en subtilité, en effronterie et en
invectives; l'exemple de Bellarmin n'est cer-
tainement pas propre à justfi 'r ce repro-
che. — H n'a pas été plus équitable en-
vers les conlroversistes du siècle dernier,
XVII' siècle, sect. 2, \' partie, c. 1, § 13. Sans
oser déprimer leurs talents, il les accuse d'a-
voir eu recours aux fr.iudos pieuses, parce
qu'ils s'attachèrent à faire voir que les pro-
testants déguisaient les dogmes cathi)lii)ues
pour les rendre odieux ; qu'en les exposant
tels qu'ils sont, ils ne se trouvent plus aussi
opposés aux sentiments des protestants, que
ceux-ci le préteiidi'nl. C'est ce qu'a fait en
particulier M. Bossuet, dans son Erpusilion
de la Foi catliutique, qui parut en 1671. Mos-
heim observe d'abord que ces théologiens
conciliateurs agissaient en leur propre et
privé nom, sans y être autorisés par les chefs
de 1 Eglise : remarque très-ridicule. Faut-il
donc, pour traiter la controverse, être muni
d'une procuration de l'Eglise universelle ?
Dans une note du traducteur, il est dit que le
pape n'approuva cette Jîx/^osi^iou rfe lu Foi
qu'au bout de neuf ans ; que Clément Xi re-
fusa de l'approuver; qu'en 1685 l'université
de Louvain la condamna comme un livre
scandaleux et pernicieux.
Voilà les fables par lesquelles on abuse de
la crédulité des protestants. Le bref d'ap-
prob ition de ce livre, donné par Innocent
XI, esl du k janvier 1679, et il le donna pour
fermer la bouche aux protestants, qui pu-
bliaient que M. Bossuet n'exposait pas (idèle-
ment la foi de l'Eglise romaine. Déjà, en
1672, il avait été approuve par onze évé-
ques de France, par les cardinaux Bona et
Cbigi, par le maître du sai-ré palais; il le fut
ensuite par l'évèque de J'aderborn, et par
deux ou trois consnlleurs du siiinl oflice. Il
a é é traduit en plusieurs langues, et l'on
ose écrire qu'en 1685 l'université de l.ouvain
l'a condamné; que Clément XI, placé sur
le saint-siége en 1700, a refusé de l'approu-
ver. Après un siècle entier d'éloges prodi-
gués à cet ouvrage, on ne rougit pas de dire
que c'est une fraude pieuse imaginée pour
eu imposer aux prolestants. On leur a dit
cent fois : A'oulez-vous signer une profes-
sion de foi conforme à celle-là ? l'Eglise ca-
tlioliiue vous recevra dans s >n sein et vous
abiouilru do toute hérésie. Aucun d'eux ne
voudrait le faire, et ils persistent à dire que
ce n'est point là ce que croient les catholi-
ques.
Ajoulons que celte exposition de notre
doctrine est précisé'nenl la même que celle
qu'avait déjà faite François Véron, curé de
Charenton, m^irt en 16i^',ei qui esl intitulée,
Régula Fidei calhoticœ. Aussi Mosheim range
ce contniversiste, avec les frères de Wallein-
bourg et d'autres, parmi ceux qui ne dispu-
taient pas de bonne foi. Nous voudrions
savoir en quoi ils ont été convaincus do
mauvaise foi ? — Mais il ne donne pas une
meilleure idée des conciliali'urs, même pro-
lestants, tels que Le Blanc, d'Uuisseaux,
la Millolière , Forbes , Grotius , George
Calixte. II n'ose dérider s'ils agirent par
amour de la paix, ou par des vues d'inié-
rêt et d'ambition. C'étaient, dit-il, des média-
teurs imprudents , qui ne s'accordaient pas
entre eux, qui n'avaient pas assez de génie
ni de dextéi iié pour éluder les sophismes «les
catholiques. Aussi ne retirèrent - ils point
d'autre fruit de leurs travaux que de n)écoii>
tenter les deux partis, et de s'altirer le re-
proche de leurs Eglises (Ibid., § li). Ceux
qui ont voulu rapprocher les luthériens des
calvinistes, ou concilier les anglicans avec
les deux autres sectes, n'ont pas eu un meil-
leur succès. Voy. Syncrétistes.
Il est donc démontré que les protestants
n'ont jamais voulu la paix, mais la guerre.
Toulmoyen d'instruction, toute voie de con-
ciliation, toute méthode de découvrir la vé-
rité leur a toujours déplu. Toujours ils se
sont plaints du Ion de hauteur et du despo-
tisme de la cour de Kome, et toujours ils
se sont défiés des démarches qu'el.e a faites
pour les regagner; parce qu'ils ont reconnu,
disent-ils, que son bul était bien moins de se
réconcilier avec eux, que de procurer à ses
évéques l'empire despotique qu'ils exerçaient
jadis sur le monde chrétien. Ainsi, au défaut
de griefs extérieurs, ils noircissent les motifs
et les intentions, vrai langage d'enfants in-
grats et révoltés contre leur mère. — Cepen-
dant, les conlroversistes catholiques n'ont
pas laissé de faire, de temps en temps, des
conversions ; mais Mosheim, Qdèle au génie
de sa secte, les attribue à des motifs vicieux.
Voy. Conversion
Nos littérateurs modernes disent que qui-
conque se consacre au genre polémique et à
la guerre de plume, sacrifie l'avenir au pré-
sent; qu'en voulant amuser ou occuper ses
contemporains, il consent à être indilTcrent
à ceux qui viendront après lui. Suit. Il s'en-
suit déjà que les conlroversistes préfèrent
les intérèls de la vérité et de la religion à la
gloriole que clierclient uniquement la plu-
part des autres écrivains. Ce n'est pas là un
sujel de blâme. Mais la réllcxion de leurs
censeurs est fausse en elle-même. Les ou-
vrages de contKoverse de Bossuet et de quel-
ques autres n'ont pas aujourd hui moins de
réputalion que dans le siècle passé, ni que
les écrits des auteurs qui ont traité d'autres
matières. La plupart de ceux des Pères oui
tm
CON
CON
11S0
été fait» poar réfuter les païens, les juifs ou
les liéréliques; ils srrunt lus et estimés tant
qu'il y dura des cliréiiens zélés pour Inir reli-
gion ; ie inépri-i qu'en (ont ies prottsianis ne
leur est pas fort honorable.
♦ Controverses (Jiigo des). L'auinriié de l'Fglise
est la plus grandi' (|iii soil sm la lerie. Sa piil-sance
nVst pas liornée par les Imiiics d'une pi-nviiicc Klle
coniiii:iiide d'un pôle à l'aniie. Elle n'a pas sciile-
meiil à régler les actes exiérienrs, «lie dmiiine sur
la pensée. Devant ses décisions <logi)iaiii|iies noire
espi'ii n'a pas nièiiie le diuit de donter. de rnsoii-
ner, de (aire des diKlcnllés. Les plus piiissams gé-
nies doivent oublier leur laison pnur se siniuieitie.
Mais uins une :'Uli)rilé est gran.lc, plus elle est ini*
posante, et plus elle doit être éialdie snr d s ba-es
solides. Si le >»Me moiivanl supporinil les ba>«s de
l'Eglise, elle serait bieniôt renversée. Nous trouvons a'i
fond de l'esprit de riioinine un germe d'indépen-
dance ciiminelle prête i\ se révolter contre l'aulurité
légit'iine. l'our le retenir dans les voies de ^obéi^-
saiice , il n'y a guère que la convielion piofnnue et
réflécliie (]iie rantorité liitélaire plaiée au-ilessns
de sa tête, y a éié niise par iiin- pinssain e qui lui a
accordé le don de rinlalllibilité. L'éiuile du juge îles
controverses ne peuldunc nous être que irès-salulaire.
y alil dam l'Eglise une autorité infaillible chargée
de juger en dernier ressort les coinrovcrsesdc la foi?
Egaré par les i|iu>iiiiis de son esprit, l'Iioiiinie
avait perdu le déi6i des saines doctrines. Jésus-
Cliri>t vint sur la terre puur le rétablir dans lon:e
son inicgrié, ci lui ajouter les déveiopiienieui- (|iiM
jugea convenables. C'est à la croy^mee des vérités
qu'il nous a enseignées qu'e-l attaché le saint étemel.
Sans la foi jamais un ne sera l'aii'.i île Dieu. Il f^iut
donc que le chrétien aille puiser à des souri es pures.
S'il buvait des eaux enipoisunnées , il périt ait In-
faillibleinenl. M dsdans (|uell>- souicedoii-ii aller pui-
ser les cnnnaissances néeessaiies pour l'uriner sa lui ?
1" Nécessité d'un juge des coniioferies. — Jésus-
Christ, en appelant riioinine à l.i T i, luial'Uini
puur l'acquciir un moyen pi upoi tienne à sa nalurf.-
Parcunruiis donc tous les u-oyens possibles d'ai qué-
rir la connaissance des vérités éternelles. L'un d'i ux
doit être proportionné aux dngmes que nous som-
mes obligés de croiie. Les moyens imagnialiles de
Goiinaitre les vérités de la fui soit : i* la misou ;
2* les révélations particulières laites à tous les chré-
liens; 5* le ministère des pioplièies qui se succé-
deraient sans imerrupiiiin pour insiruire les peuples ;
4° l'iLcriiure sainte ; S" ri!.ciilure unie à la traili-
tion; (j* enfin un iribunal perpétuel qui s<>il éiabii
le gardien de la révélation inscrite d.iiiS nus livres
saints et dans la tradiii.in, qui suit cliaigé de traits-
mettre i\ jamais les véritables docirines a la société
chrétienne. — L'un de ces muyens doit nous faire
connaitie la vérité sans aucun i> élange d'erteurs.
Est-ce la raison ? Mais la raison de riionnne, aban-
donnée à elle-même , ne peut que s'égirer ; Jésus-
Chrisi est venu sur la terre poui' répaier ses écarts.
Et Ciiuimeiil piiurrait-elle pénétrer les hauts inysiè-
res de notre foi? — Pouvons-nuus cnmpier avec plus
d'assurance sur les révélations partiiu lères'/ Puu-
Vo"ns-nous espérer avec conlnmcc que Dieu parlera
à chacun de nou> ; révélera tnuie vérité '? Ce n'élal
pas ainsi que l'apôtie saint l'aul conipriiial la loi,
lorsi|Uil d s.iit qu'elle nous arrive par l'ouïe, que le
Seigneur a él.ibli drs pasteurs et des docteurs , aliii
que nous ne lournioits pas à loulveut dedocliiiie.
Si nous avions besuin d'autres preuves, nous en
appelleiioits à nuire expéiience quotidienne. Quelles
cuniiaissaiices aiirintis-noiis si, délaissant tout ino\en
extérieur d'instruct.on, iiuus nous abandunniuiis u la
seule inspiration ?
Je sais qu'il s'est trouvé des sectes qui prélea-
r DiCT. i>K Xhéol. dogmatique. 1.
daient puiser .'i la source immédiate de la diviniié.
Mais tontis cllt^s ont ili é dans ib'S écarts époiivan-
lahles. Nuns craindrions de souiller les cœurs cb:is-
tes et d'altrisler les iimes sitisililcs si nous levions
le voile quicailie Irurs iinpildieilés, si imus dévc-
loppiiins les scènes de carn igi' n lif révolu'- dont
aies n'ont qm' trop alll ge l'Iiumanné. Iiisnns le
hautement : Non , il n'est point éiabli île L>ii-ii nii
moyen ipti, par sa naiiirc, roiiilnit à de si laiale- mn-
sé(|uinees. — Li s proplicies ne lieiimiit pasaujmir-
d'Iiiii. coniiiio dans l'Ain >éu 'resiameiit ma iileiiir la
vr.iie fui fil prouv.mt leur iiilAsinii pai des pnnliges.
Jé-iis-Chiisl s'esi CMitenté ili- i s biisscr le iode
de sa diieiiine. Il est iiiilernié non-seuleu.eni dais
l'Ecritme, 11 ais encure dans la liatlilinii ;rar I Ecri-
ture ne cdiilieiit pas t us le> domine-, de l'aveu iiciue
de nos ailvtrsains (Yuy. 'l'a vUitiiin'i. — L'I-.irilure
et la irailiii. n mihI dune la régie île nuire rrovance
et lie nos aciioijs. Mais la icligion serait rn gr^md
perd si elle était appuyée sur ces seules régli's ina-
n niées. — Aussi Jé^iis-CInisi, son divin auieiir, lui
a-t-il donné pour appui le dirnier iimyen que imus
avons indiqué : savoir l'aiiloriié inlaillibie de l'I'JglJse.
'i," Eji.sleiKedtijufjedeiControverses. — Jésiis-tJhrisI,
avant de qniiier l.i terre, voulut pourvoir à l'entière
conserv.ili n de sa doctrine, c'est pour cela qu'il
choisit ses npoires (Luc. vi, 15). C'est dans ce sens
qu'il leur donne ses dernières insiruciioits : Uocele
oniiies génies servare omuia quwcunque mandavi lo-
bis (M.lth. \\\ii\). C'est dans ce dessein qu'il les
étabi l les léinoius de sa doctrine [Art. i). C'fst à
ci'lie (in qu'il leur commnitique sa puissance , qu'il
conlie .à Pierre les clefs du l'Kglise , qu'il le charge
decuiiiluire le<> agne.iux et les biebisdans île lions
pâturages; qu'il donne i mus ses apôre- le pouvoir
il ■ lier et de délier (ilntili. xvi et xvm ; Ji an. kxi).
C'isi \iour cela qu'il snndle sur eux ci leur onne le
Saint Esprit (Jiun. \\). Il f.iiit le reco inaitre : ex-
cepié l'œiivrede la réiletiiptiun, la tnission des apôtres
avait II inéme liii cl en quelque sorte la méine pléni-
tude que celle de .lésu^-Cliiist.
C'était dansceseuMiue le- apôtres enlenda'ent les
pariilesdiiS:iitveiir. Ils ne cr.iiguent pis d'à! lit mer que
c'est à eux qu'a été cunliél'Kvai.gile de Jésus-Clirisl:
Secwutuni Kiaiigeliiini, qu^ d credilum est niilii (l Thés-
siil. 1, n ; / Lonnili. IV ; // Curinih. v ; Aci. x\ j. — Ils
exigent qu'un ;ijiiuti; une l. I pleine et entière à leurs
paroles, et iU ordontiPiit de punir ceux qui seront
rebelles (// Tliei,s. m ; // Cunwli. x; / Coiinlh. \iv;
Hebr.%\n): s'ils parlent si inipérieusineiil , c'est
paice qu'ils uni pour eux I.i rovélaiiun de Jésiis-
Cltrisl et rassslancc du Sainl-Espril(/ Coriitth. vu;
Gai. i; .4(1. w.
Il l:iut le confesser , les apôtres jouissaient de
grands piiviléges. l'ersunne sans duiile n'usera cuti-
lesler qu'us aient eu le pouvoir de juger les cottlr.i-
verses de 1 1 loi. — Eli bien ! cette aittoriié accordée
aux apôtres pei sévère dans l'Eglise. Celait à ses apO-
tres (atsuiil un tutti nioial avec leurs siiciesseurs dans
l'épiscopat , que Jé-us-Christ disait : Ecce eyo vobis-
cuni sum usjue ad consuntinaiion,im sœciili (Uattlt.
xxviu). Ego roqabo Parent, ei uiium l'urucletum da-
bit voois , ut inaneat l'obi^cuin i;i œiernunt Sfiiiiium
veritulis {.luun. xiv, 10, \l,'i,), aliii qu'on ne sépare
p.is les apôtres de leuis successeurs. S Jésus-Chrsl
leur dit : Qui vos audit, me audit, qui vos speniil, me
spernil, il ajoute ailleurs : Qui Ecclcsiam non auilie-
rit, sil tihi sicut etlinicus et puhlicnniis. Si Jésiis-Clirist
diiune de glorieux privilèges à -aint Pierre, il l'avrr-
lil qu'ils siint pour l'Ejili-e. Super liane peiram œdi-
ficabo Eciitsiam m,am, et portœ inferi non prœoulebunt
udvcrsus eam. Si le poiivuir d'ensiiguir la vérité,
d'expliquer ce qui est nliscnr, de décider ce qui est
c< itiesié, de lier et de délier , si ce pouvoir eût été
enlevé à l'Eglise depuis la mon iie- apôtres, cnnser-
ver.iit-e!le sa prenrère institution? .Si elle luuibail
seulement ttne fuis dans l'erreur, les portes du
se
1131
CON
CON
a^a
l'eufer nauraipnt-elles pas prévam contre elle?
Les apôiresinlftri>rél;iieiil-ilsaulieinenlles faveurs
qu'ils avaleul reçues ? Evideiiimeiil non , puisqu'ils
appcllonl l'Rglise la (olonne ei le ferme afipui de la
■véiiié (/ Tiia. m) ; qn'i's .issnrenl qu'elle a é é éia-
ble pnnr réunir Ions le^ li'léles dans la profession
(l'une ii^nieCoi(A'p/ies.iv); puis|u'iis nous montrent
les apôires, les év;ni^élisies, les pa^teufs et les doc-
teurs d-sliués à être la consoinmaiion des saints,
l'ancre tpii five les fidèles à la vraie loi {f'idlip. m ,
10). Les a|é:res ponvaienl-ils déclarer plus claire-
nuui (pie rautorilé qu'ils avaient reçue de décider
en niatiér.' de dnctrine a' p irtient à l'ERlise jusqu'à
la lin des siècles? — F.coutOKs encnre les Pères de l'E-
glise, dont l'aulorilé est respectée par nos adversaires.
Les l'èresnous représentenlles apô res couslituant
un ministère chargé de gniivciiier l'tiglise , S'tns le-
que'l elle ne peut snlisister (S. Clénieut, Epist. ad
Cor. ; S. Ignace, martyr). Ils nous disent tjue c'est
dajis l'Eglise i|ii'il faut aller clieiclier la vérilé (S.
Irénée) , parce (prelle d(mne de» règles inlaillibles
(Clémenl d'Al xaiidrie) , el que c'est pour (elle lia
qu'elle a été éiablie (Terlul.) ; qu'elle esl la source ,
la colonne et le foiidemeut de la véiiié (Laciance ,
S. Ang.); que rien ne peut la -vaincre ni li dé-
Iraire (Clirysost.) ; que tons les hommes sont soumis
i sa d(uiiiii:iiion, et les rois et les sujets (.\mbros.).
Peiil-on expli(iuerpliis clairement le pouvoir accordé
à l'Eglise de (lécider les vérités de foi?
Oui, 011 le peut, et c'est parmi témiiignage qui ren-
ferme à lui seul les icmiignasesdeions les Pères, de
tous les docteurs, de toute l'Kglise. Jusqn'anjourd'liui,
toutes les fois qu'il s'est élevé une liérésie, elle a trouvé
sa condainiiation dnns un jugement de l'tglise. i\'esl-
ce pas l'Eglise i|ui a exconinini!ié el cbussé comme des
rebelles les simonieus , les giiosliques , les valenli-
nicns, les mouianisles, les ariens, les macédoniens,
les eutvcliiens , les monotliéliies, etc. ? N'éiail-ce pas
pnnr soutenir les décisions de l'iîglise que, sous l'em-
pereur Coiisinnce , tant de généreu.ii confesseurs
supportèrent l'exil ?
lleconnais-oii^-le , on ne peut nier l'autorité de
l'Kglise sans rejeter tonte la tradition, sans abandon-
ner la doctrine des ap(3tres , sans condamner les di-
vins enseignements de Jésus-Chrisl.
Nos adversaires nous propo>eiit quelques diflicii!-
lés, mais notre ilièsc devant recevoir son complé-
ment ailleurs, nous pensons qu'elles y seront mieux
placées. {Voy. Infaillibilité, Eclise, Pape.)
5° Carncicrts du JHije des controverses. — La voie
d'anlorilé étant le moyen d'inslriiciiou le plus géné-
ral, le plus .sûr, le seul applicihle aux masses , doit
être le mode diiisiruction employé en matière do
religion. Dieu , en l'employant pour rinsiruetiori des
fidèles , a donc satisfait h l'un des besoins de notre
nature. — Mais quels sont les caraclères parlicnliers
de cette autorité?
Le juge des controverses doit avoir trois qualités
principales : 1* Il doit être facileniiiit connu de tous
les (idcles. Puiscpi'il doit régler leur foi , il est né-
cessaire qu'ils sachent où il est, alin de recourir à
lui dans le besoin. 2° Ses décision^ doivent être ( lai-
res el ne donner lieu à aucun donle. Et, en elTel, loii-
le cs|icce de jugement, s'il veut atleindie sa lin,
doit ère rédige de manière à lever lesdilficullés (|ui
( nt cir proïKisces. Cette nécessité est bien plus grande
encore en inatère de religion cl de foi. l/objet de
la croyance doit être bien déterminé, alln qu'on
puisse y donner smi assentiment. 3" Il doit exercer
Sur tomes les inlelligenccs une autorité absolue, (pii
assure à $11% jugements une sniimissioii enlière et
consciencieuse; ou, en d'autres termes , le juge des
conirnvcrses dailêire iiif.iillilde. — Le prniesiani ne
rcconnaiipasia iiéccssiléde l'iulaiililiilltédu jtigcdes
controverses pour la conservation de la vérilalde doc-
trine cl pour la formationde hi foi. Il nous dit: Les
arrdts des lribunau.\, sans élrc inlaillibles, suflisent
pour faire observer suffisamment les lois. Pourquoi
vouloir accorder à l'Eglise de plus grands privilèges?
— Pourquoi' parrequel.i foi esl un assentiment ferme,
inébranlable, excluant inme espèce de doute, donné
à nue vérité rêvé ée. Serait-il possible de donner un
tel assentiment à un )tiiint de doctrine qui ne nous
lai>seraii pas sans erainle (ondée sur la vérité ?
Il y a une différence entre les iirincipes de la foi
et leiix de la moi aie. En morale, les princiiies ré-
flexes jouent un grand rô'e ; il n'en est pas ainsi en
matière de foi. — L'autorité des tribunaux est siif-
(isaiite pour maintenir le bon ordre dans la société,
mais il n'est pas un boinoie de sens (|ui voulût faire
un acte de foi sur l'.i|iplicaiion ceiliiine de la loi f.iiie
par les tribunaux les plus élevés dans ropinion.
On nous obj' cle que la Synagogue, sans être in-
faillible, clail juge (les controverses. Il nous semble
que, pour répondre à celte objection , il f.iul appré-
cier la différence des moyens employés par le Sei-
gneur pour conserver rinU'grité de la doctrine dans
les deux Testaments. Dans l'aiicieiine loi. Dieu aban-
donne les lois ordinaires de sa providence. Les pro-
phètes se succèdent pour ainsi dire sans interrup-
tion. Et de même que Jésus Christ, durant sa vie,
était la plus grande auiorii'é vivante, dont les dis-
cours étaient toujours vrais, de même les prophètes,
par un secours spécial de Dieu, étaient infaillibles.
En suivant leur enseignement divin, le peuple n6
courait aucun danger de s'égarer. Si , après la cap-
tivité, on ne vil plus de prophètes, c'est que depuis
cette époque jusqu'à Jésus-Cluisl, la vraie doctrine
se conserva pure. Jésus-Chrisl, le roi des prophètes,
parut lorsqu'elle commençait à s'allérer. — Dans la
nouvelle loi, rien de senililablc ne se montre : Jésus-
Chrisl constitue son Eglise , mais il la constitue
assez forte, afin qu'elle irouve en elle-même la
puissance nécessaire pour résister à toutes les at-
taques qui lui seront livrées. Pour cela, il la rend
iiilaillilile. Les portes de l'enfer ne prévaudront
jamais contre ele ; elli; est le fondeiiieni et le plus
lerine api ui de la vérilé. Le Saint-Esprit demeure
avec elle |ieiidant toute Téeruité. Ces textes , qui
ont été développés dansplusieurs articles ite ce Dic-
lionnair(', nioulrent év ilemment que l'Eglise ne peut
se tromper ni nous tromper. Voy. Lnfaillibilité,
Eglise, Pâte.
CONVRNTDKL. Voy. Franciscain.
CONVOI FUNÈBRE. Voy. Funérailles.
CON\ FUSION, changement. 11 se d'il non-
sculcmenl du pécheur qui se repeni de ses
fiiules, et se détermine sinccreuienl à les ex-
pier el à s'en corriger, mais encore d'un
homme qui abandonne l'erreur pour faire
profession de la vérité. Quciquefoi» l'Ecri-
ture sainte semble nous enseijjnor que notre
conterai on esl notre propre ouvrage ; sou-
vent aussi elle nous fait comprendre que ce
doit être l'ouvrage de la grâce. Un prophète
dit aux Juifs de la part de Dieu : Convertis-
sez-vousùinoi,et ierelourncraiàvous(Hlalacli.
111,7). Co7ivrrlifisez-ni}HS Seigneur, tl nous re'
tournerons d loits. (Tliren. v, 11); parce que la
convcmion est tout à la foi» l'olTet de la grâce
qui nous prévient, et delà volonté qui corres-
ponl libromentà lagrâcp. Mais l'invitation que
Dicufaitaux pécheurs de se coiivcrtirserail il-
lusoire s'il refusait deles prévenir par la grAee.
Il y a des Ihéologiens qui regardent la con-
version d'un pécheur comme un miracle aussi
grand et presque aussi rare que la résurrec-
tion d'un mort ; conséquemmenl ils sont très-
réservés à accorder aux pécheurs l'absolu-
tion el la communion, persuadés que l'une
1153
CON
CON
1134
n l'iinlre sont seulement pour Irs justes on
pour les pôchciirs convcrlis(le|niisloi;!ileii)ps.
il est .'usé dans celle maiière de | éclior par
l'un des deux excès, soit en se fiant tro|) ai-
sément au.x moindri s signes de cunrersion,
soit en ponssiinl trop loin la défiance, soit
en se pcrsiiad ml que les sacrcineiils sont
destinés à nous f.iirc persévérer dans h; liien,
et non pour nous fortifier conlr(? le niai. —
Il faut toujours se souvenir que la pénitence
est le tribunal de la miséricorde de Dieu, cl
non celui de sa justice ; que l'homme, tou-
jours l'aihleel inronstaul, ne lient pas mieux
les résolutions qu'il a faites dans un- mala-
die de conserver sa sanlé, (ju'il n'exécute
celles qu'il a laites dans la péniience de ne
plus pécher ; qu'ainsi les reehulcs ne sont
pas toujours une preuve du peu de sincérité
des résolutions. Le meilleur inodMe à suivre
d.ins la manière de traiter les pécheurs est la
condiiile do Jésiis-Clirisl notre divin .Maîirc.
Il n'est pas élonnant que les incrédules
tournent en ridicule lonle espèce de cont-er-
sion. Lorsque, dans une maladie, un mérréant
renonce à son impiété, ils lâchent de per-
suader qu'il a eu l'esprit afl-iibli [)ar la
crainte de la mort ; cooime si l'obsiinalion
dans l'erreur et dans l'iriéligion, pour n'a-
voir pas la honte do se dédire, élait la mar-
que d'un grand courage, llieu n'est plus dé-
testable que la perversité de ceux qui ont
obsédé leurs confrères d ms les derniers mo-
ments, qui ont écarlc d'eux non-seuieuient
les prêtres, mais tous ceux qui auraient pu
les engager à rentrer ci! eux-uiênies. Ils
triomphent quand ils ont réussi à faire mou-
rir un préteiiilu philosophe avec Tinsonsibi-
lilé d'un animal. Lorsque, sur le retour de
l'âge, les femmes comuientent à mener une
vie plus régulière et plus chréticMue que
dans leur jeunesse, ils publient qu'elles se
convertissent, non parce qu'elles sont dégoû-
tées du monJe, mais parce que le mon. le
est dégoûté d'elles. Quand cela serait vrai,
elles montreraient encore plus de sagesse
que celles qui s'obstinent à s'y altacher, mal-
gré rindifî<'reiice et le mépris que l'on y a
pour elles. Mais, en général, c'est une injus-
tice absurde de vouloir pénétrer les molils
intérieurs et les intentions secrètes de no»
semblables, et de juger qu'elles sont vicieu-
ses , lorsqu'elles peuvent être bonnes et
louables.
Ou a droit de reprocher celte iniquilé aux
proleslants. 1° lis ont suspecté les motils
par lesquels les peuples barbares, les Goths,
les Francs, les liourguignons, les \'andales,
les Lombards, ont emltrassé le christianisme,
OU se sont réunis à l'Eglise après avoir pro-
fessé l'arianisme. Leurs conjeclures viennent
de pure malignité et de l'intérêt de leur sys-
tème, puisqu'elles n'ont aucun fondement rai-
sonnable. Par là, ils ont autorisé les incré-
dules à jeter les mêmes soupçons sur les
motifs de la conviision des Juif» et des païens
dans les preaiicrs temps du chrisliauisme;
et c'est à quoi les incrédules n'ont pas man-
qué. Voy. M.ssioN. — "i" Us ont Irailé de
Uiôme le changement de ceus: qui oui re~
nonce au protestantisme pour rentrer dans
le sein de l'Rgliso romaine, soit en France,
soit ailleurs ; ils n'ont épargné ni les princes,'
ni les savants qui ont eu ce courage. Mosheim
dit ijue si l'on retranche ceux que l'adver-
sité, l'avarice, l'auibiuon, la lé;{èreté, les at-
laehen)ents personnels, l'empire de la supers-
tiliou sur les esprits faillies, ont eng.igés à
cette démarche, le nombre de ces prosélytes
sera trop [lelit pour exciter l'envie des li:;li-
ses pr<ilestaules. Jurieu, Spanlieiiueld'autres
enoni parléavecencore moins doinoderaltou.
Pourquoi donc non; accusent-ils de ca-
lomnier. lors(|uenous attribuons à cos mômes
motifs l'apostasie de ceux qui ont embrassé
la prétendue réforme à sa naissance? Des
princes qui pillaient les biens ecclésiastiques
et se rendaient plus indépendants, des moines
et dos religi 'Uses qui désertaient les couvents
pour se marier, des prédicanis qui se met-
laient à la place des évoques et des pasteurs,
des aventuriers qui arqueraient le droit
d'exercer le brigandage, des ignorants ex-
cités par les déclamations fougueuses des
nouveaux docteurs, avaient-ils des motifs
plus pursel plus res[)eclables (]ue les princes
et les savants dont nos adversaires dépri-
ment la conversion? Il y a du moins en fa-
veur de ceux-ci un préjugé bien fort; les
sectaires secouaient le joug des lois de l'E-
glise dont ils n'ont pas cessé d'exagérer la
pesanleur; ceux qui sont venus le reprendre
renonçaient à une liberté qui leur paraissait
très-douce et très-commode. Depuis (jue la
première fougue du fanatisme a été calmée,
on n'a pas vu des catholiques abandonner
une fortune consideiable, un état honnête,
une f.imille bien unie, pt;ur se faire proies-
tanis; au lieu que l'on peut ciier un bon
nombre do protestants qui ont fait tous ces
sacrifices pour revenir à l'ancienne religion.
On no coniiait aucun apostat du catholicisme
qui soit devenu plus homme de bien pour
l'avoir quitté; un a vu, au contraire, un bon
nouibre de protestants convertis, mener jus-
qu'à la mort une vie très-édifiante. Or, l'E-
vangile nous autorise à juger des hommes
par les actions, et de l'arbre par ses fruits :
A fiuclibus eoruin coguoscetis eos ( Mallh.
vil, 1(J].
CONVULSIONNAIKES, secte de fanatiques
qui a paru dans notre siècle, et qui a com-
mencé au lo ubeau de l'abbé Paris. Les ap-
pelants de la bulle Unigenitus voulaient
avoir des miracles pour apjiuyer leur parti;
bientôt ils prétendirent que Dieu en opérait
en leur faveur au loaibeau du diacre Paris,,
fameux appelant; une foule de témoins pré-
venus, trompés ou apostés les attestèrent..
Plusieurs prétendirent éprouver des convul-
sions sur co même tombeau ou ailleurs; on
voulut encore les faire passer pour des mira-
cles : celle nouvelle espèce décrédila la pre-
mière cl couvrit leurs partisans de ridicule.
Jamais les appelants n'ont pu repondre à cet
argument si simple : où sont nées les convul-
sions, là sont nés vos miracles; les uns et
les autres viennent donc de la même source.
Or, de l'aveu des plus sages d'entre vous,
ÏI35
eof
COP
J13o
l'œnvre des convulsions esl une imposture,
ou l'ouvrage du diiible : donc il en esl de
même des miricl'^s (1). — En «ffl, les plus
seniés d'cnire les appel.i"ts onl érril avrc
foup ronire le fiinnisine; ce qui a ciiusé
pa m' cn\ unr divisi ii anli ■^l^^ iilsioii-
nisles cl en (■(jnvul-iocmisies. Ceux-ri se snnl
redi>isés eu ;uieu-li isips. vaill.iiili<l s, sr-
coiiri^les, dsccriianis, finui isics, iiiél.iiiuis-
Ics, elc, noms d gnos d'èlro plico» à côlé
de ceux dos ombilicaux, des iscariolisds, di'S
sipnorani>.ti's, des indoi Tiens, de- nrébiles,
des éoniens, et autres secles aU'si illuslrcs.
— Arnau I, Pascal. Nico'e, appelaiiis si-nsés
et instruits, n'avaient poini île conuKions,
et se gard lient bien de proplic iser. Un ar-
cht'véqiie de Lyon dirait, d ns le ix' siècle,
au sujet de quelques prétendus prod ges
de ce genre : « Al-ou jamais ouï parler
de ces suites de mir.ulcs qui ne guéii-senl
point les ma'adies, nais font perdre à ceux
qui se portent bien li santé ei la raison? Je
n'en parle<ais pas ainsi, si je n'eu Jivais élé
témoin inoi-mêrae; car. en leur doiin.inl bien
des coups, ils avouait-ni leur imposture. »
Voyez Abrégé de l'IIisloire etclés., eo deux
volumes in-i2, P.nis, 1752, sous l'année 8ii.
C'est eu elTel un él.ange thaumalurije que
celui qui estropie au lieu de guérir. — Il esl
petit-élre encore plus étrange que les jjarii-
sans d'un fanatisme si scandaleux et si ab-
surde se siiient parés d'un préiendu zélé de
religion, aient voulu faire croiie q l'ils en
étaient les seuls déîenseurs; rien n'a con-
tribué davantage à l'aire édore rincrédnlilc.
Heureusemenl cet accès de démence paraît
Gni.
Il y a eu en Angleterre des réfugiés con-
vuhiunnaires; c'et, ienl Ls mêmes que les
prophètes des Cévennes (Ssb.iflsl ury, Let
tieg sur l'Enihi iisi(tf<iiie, seei. 3, p. 23 . 0:i
sait que le doeieur Hec luil, dans un nuvragJ
intitu'é /(' Nalurnlistne des convulsions, a ilé-
montré l'illusion de (e prétendu pioiliire.
COl'HTKSou COPTKS, cbré iens d'iîgypte,
de la sede des jacobi es ou nmimpliysites,
qui n'admelieni qu'une seule nature i-n .lé-
sus-Cbrisl. Ils sont soumis ;iu patriarche
d'Alexandrie. On dérive onlinairemeni leur
nom, de Copie ou Cojitoi, ville d'Iigypie;
mais ce n'est p lUt-êire qu'une alléralion du
mol Aîyvn:»ç, nom grec de lligypte. Comme
cette Eglise 8chi^Ulatique est séparée de l'IC-
glise romaine depuis plus de <lou7.e cents
ans, il esl à propos d'en connaître l'origine,
la croyance et la discipline.
Après la condamnation d'Kulychès, au
coiiiile de Chalcédome en iol. D oscore, pa-
triarihe d'Alexandi ie, bumnie accrédité et
très-respe<t<' des lîgj pliens, demeura opiniâ-
trement allacbé au parti et à la iloctiinc
d'Eiitychès; il ( ut le talent de persuadera
sou cl rgé et à son peuple que le concile de
Chalcédoiiie, en comlamnaiil Euiychès, avail
adopté cl consacré l'Iiéresie de Nestorius,
(I) Le» convnisions pouvaient cire l'cITi!! il'iin s:ii-
sis-enieiil nerveux et iivoir ipii-lipie- nippons avec
les eU'eis du uiiignéii^uie. Voy. Mao.nétimib.
quoique ce concile eût un anathèrae à l'un et
à l'anlre. Les vexaiions et la violence qu'erii-
ployèrent les empereurs de C'n-laiilinople,
pour faiie recevoir en Egypte les ilérrels du
concile de Clialcéloine, .ilienèreut les es-
prits; on \ euvo-a de Consia.'iiiiKiple des pâ-
li larches, des évéq es, des gonvermurs, des
maiislra's: les Egyptiens, . xclus de li.uies
les dignités civiles, militaires el ecclésiasti-
ques, conçurent une haine violente contre
les (îrecs el contre le calholieisme ; un grand
nomlire se retirèrent dans 1 1 haute Egyplo
avec leur p.ilriarche schismaiique.
y ers l'a 1 6G0, lorsque les Sarrasins ou
mahoinéians Arabes vinrent atlaquer l'E-
gypte, les ciiphles ou Ejypliens scliisinali-
qiies lenr livrèrenl les pl.ices qu'ils auraient
dû dél'euilre, et obtinrent, par des Irailés,
l'exerc ce pu' lie de leur religion ; ainsi, sous
la protection des u:aliomelans, les copliles se
virent eu état d'opprimer à leur lour les
Grecs catlioli(]ues (|ui se trouvaient en
Egypte, el de les rendre suspects à leurs
nouveaux maîtres. Dè^ ce moment , les
cophtes ont prévalu; ils préiendenl avoir con-
servé jiiS'iu'à présent la succession de leurs
patriarc'ies depuis Diosrore, el il en résulte
que leurs ordinations sont valides. — .Mais,
lorsque les mabomèians se virent paisibles
possesseurs de lligypte, el n'eurent plus rien
à craindre de la part des empereurs grecs,
ils violèrent les promesses qu'i s avaient
faiies aux cophles : ils dérendirenl l'exercice
public du christianisme; ce n'esl qu'à force
d'argent que les cuj)lite< sont parvenus à se
faire tolérer el à conserver leur religion. Ces
chréliens sonl la partie la plus p luvre des
Eiîypiiens; c'est à eux que les mnlioiiiéians
onl conlij la recelte des deiiieis publics île
l'Egyjile. On preleiid que, dans le temps de
la conquêie, ils éiaienl au nombre de six
cent mille, el qu'à présent ils saut léduils à
quinze mille tout au plus.
Depuis que l'arabe est devenu la langue
vulg.iire de l'Egypte, les na'uiels du jiays
n'enleiiilent plus la langue coplile. qui esl un
mélange de grec et d'ancien égyptien; ils
onl cependant continué de <élél>rer l'olfice
divin dans celle langue, el ils ont traduit eu
ar.ibe leur liturgie, afin que les prêtres aient
connaissance de ci> qu'ils disent en coplile.
l'our les leçons de l'oflice, les épilres el les
évangiles, après les avoir lu en cophte, ils
les lisent ilaiw une hible arabe, pour eiilendio
ce (lui a (té lu. V<iy. Uiule coenrE. Leur
bréviaire esl fort long.
En général, le clergé cophte est pauvre cl
ignorant. Il esl com;)osé d'un patriarche, et
des é\êi|Ues .lu nombre de dix à douze. Le
patriarihe est élu par les évéqiics, par le
clergé el par les principaux laï|iies; on le
pren I toajoiirs parmi les moines du umnas-
lère de Sainl-Macaire, au dé-erl de Scélé. Il
nomme seul les evé()ues, et les clnusil eiilre
les séculiers qui soiii veufs; 1 1 dinn' es' loul
leur revenu, el ils la recueillent dans leur
diocèse pour eux et pour le palriarclie. I es
prêtres sonl ordinaiiemenl de simples aid-
saus; quuiqu'iU aiuul la liberté de se manur,
1157 COP
pliis'ipurs s'en ahstienncnl, observent (.1 con-
tinence, sont lrô>^- r('S[iPtiés du peuple, et ils
ont sous piK des diacres: painii U^s coplites,
il \ H (les rolinicusi's aussi liieii ipie des nioi-
ne« : ie« uns et les auir. s fonl des vœux.
Ils ont Irois lilur;;ii s. Tune de saint Ra-
sile, l'atilr/ de sainl (iié^'oi e de Nazianze,
la troisi("'ini» de sainl Cyrille d'Alexandrie;
elles onl é:é Iraduiies en co/ilile sur l'orininal
prec. La di'rnit''ie ( si la plus scnlilahle à
elle de sainl iMirr, que l'on rri'il èlre l'an-
cienne liUirjî e diiiil se servait l'I^glise d'A-
lexandrie avant le schisme île Pioscorp, ou
avant le V siècle; les calliol ques d Esjyple
conlinuèrcnl <i s'en servir pendant qu'ils
siibsislèreil ; niais les scliisinati(|ues préfé-
rèrent celle dont nous venons de parler, et
ils j- ont inséré leur erreur touchant l'unité
dp nature en Jrsus-Clirisl. Voy. LiTi bgie,
§ 2. — Ces! la seule erreur qne l'on poisse
leur reprocher sur li' do;rnie; dans tous les
antres articles de la doctrine flirélienne, ils
ont la tnênic croyance (|up ri'"^lis(' romaine.
On voit par leurs litur^icN, par leurs autres
livres et par leurs confessions de loi, qu'ils
adineilenl sept jacremi-nls ; mais ils diffèienl
le baptême des erf.inls maies à qu iranle
jours, cl celui des filli'S à qnatre-vin|;ts. Ils
ne l'alminisirent jamais qu'à l'égl se, et en
cas de danjier, ils croient y snppléer par des
onctions. Ils le donnent par trois immer-
sions, l'une au nom du Père, la seconde au
nom du Fils, la troisième au nom du Saint-
Esprit, en adaptant à chacune les paroles de
la formule ordinaire : Je le bnpiise, elc. Ils
doniiput la corilirmalion à I enf.int, il la com-
munion sous l'espèce du vin seulement, aus-
sitôt api es le baptême. — S ir l'eucbarislie,
ils croient, comme bs calholi(|ucs, la pré-
sence réelle de Jésus-Christ, la transsubstan-
tiation, le sacrifice ; c'est un fait pioiné dé-
inonstrativemen'. [)ar leur liluriçic. Ils com-
munient les hommes sons les dcnx espèces,
et portent aux femmes l'espèce seule du pain,
hunipctéo de qnclqnes gouiles de vin con-
sacré; jamais iU ne portent le calice con-
sacré hors du sancinairc, dans le(|uel il n'est
pas permis aux femmes d'entrer. Quand il
fMil administrer on malade, la messe se dit,
à qneli|ne heure que ce soit; ils ne donnent
le vi.itiqne que sous l'espè e du pain. — La
confession est assez rare parmi eux, puis-
qu'ils se confessent tonl m plus une ou deux
fois par an ; m;iis ils iillribuenl à la péuilence
et à l'absolution le piiu>oir de reuieilre les
péchés, et ils y joignent ordinûircoienl des
onctions. — lUcn ne parait .'uairincr à la
manière dont ils fout rorilinalioii pour êlre
un vrai sacrcnipnl; celle ilu patriarche se
fait très-sole inellcment et avec beancouo de
prières. Ils regardent aussi le miri;igo
comme lin sacrement; mais ils u-enl du di-
vorce assez fréquemment. Ils administrent
l'exiréme-onctioii dans les indisposilioiis les
pluslégè «"s; ils oignenl d'huile béiile, non-
spulemcnl le malade, mais Ions les assistants.
Comme ils ont une hnile bénite différente de
celle dont ils se servent pour les sacrements,
ils en font des ouclious aux morts. — On
COP
1133
trouve dans leurs liturgies l'inroration des
saillis, la prière pour les morts, et ou ne les
accuse point de bl-âmer le culte des images
et des reliques. On ne peut pas leur repro-
cher d'avoir changé ou altéré ces liturgies,
excepté sur r.irlicle d'une seule nature pu
Jésos-Clirisl ; puisqup sur tout le reste elles
se trouvent conformes aux liturgies des
Grecs, des Syriens, des Arménien» et des
nestoriens. avec b squels les cophtrs n'ont
pas eu plus de liaison qu'avec l'Eglise ro-
maine. — Leurs jeijnes sont longs, fréquents
el rigoureux. Ils observent qiia're carêmes :
le premier, avant la pâ'tue. coroinence neuf
jours plus tôt qne celui ries Latins ; le seconff,
après la semaine de la Penlecôlc, et avant la
fête de saint Pierre et de sainl Paul, est da
treize jours; le troisième, avant l'Assomp-
tion, de quinze jours; le qualrième, avant
No'cl, est de quarante-trois jours pour le
clergé, et de vingt-trois jours pour le peuple.
Il est donc évident qu'à la réserve d'un seul
article de doctrine, l'I'^iilise rnplite a exacte-
ment conservé la même croyance que l'E-
glise romaine; qu'ainsi, avant le concile de
Chalcédoine l't le schisme de Diosrore, celte
croyance était celle de l'Ëglrse universelle.
C'i'Sl injustement que b-s protestants onl
souienii que ci'tie doctrine est nouvel'e, a
été inventée dans les siècles postérieurs.
Nous la retrouvons chez les Grecs sch.sma-
tiqups, chez les Syriens jacobiles, ch z les
nestoriens, dans la Perse cl dans les Indes,
au>si bien que chez b's Egy|;tieiis et les Ethio-
piens. Ces difl'éren r-s Eglises ne se sont pas
concertées entre elles, nj avec l'Eglise ro-
maine, pour changer leur loi, leur liturgie,
leur discipline. Dieu semlile les avoir con-
servées pour altesier l'amiquiié des dogmes
dont les protestants ont pris prétexte pour
f.iiie un schis Ile. l^es derniers sont les seuls
dans l'univers qui professent la doct'ine
qu'ils souiiennent dre la rro\ance ancienne
cl piiinil.ve. — Ajoutons que les coplilex ne
rejelienl du cinoii des Livres sai ils aucun
de ceux rjne l'h^iilise romaine reçoit coiniiio
ca'.ioniqnes. Voij. Il l'crpéiuité de la foi,
lom. IV, I. I. cli.'ip. 9 el 10; la Collection >les
liliirfjics orirnlnlea, par i'alibe Iteiiaudol; le
P. Lebrun, loni. IV, pig. WJ el suiv.
On a tenlé plusieurs fois, mais inutilement,
de réunir les coplitei à l'Egisc romaine. —
Les prolesian's font remarqoer avec alTecla-
lioii la résistance de ces héiéiiques aux itis-
triictions des missionnaires catliolii|iies ; m lis
ils ne disent licn touchant la conformité de
la croyaine de l'Eg ise coplUe avec celle de
l'Eglise romnine. 11 y a, dans les Mémoires
de l'Acrid. des Inscript., loin. LVll, m-i'2,
p. '4X5, un savant mémoire sur lu langue
coplile ou égiptienne.
COi'lATli. On .ippelait ainsi, dins l'Eglise
grecque, ceux qui faisaient les fosses pour
enterrer les morts, nom tiré du grec jciirof
travail, c'étaient ordinairement des clercs.
En 357, l'empereur Constance etempla par
une b)i les copiâtes Ae. la contribu ion lustrale
que payaient tous les niarciiands. Selon l.'iii-
gbaoi, ils étaieui furl nombreux, surtout
1139
COR
COR
mo
dans les grandes Eglises ; on en comptait
jusqu'à «nze cents dans colle de Conslanli-
nople. et il n'y en eut jain.iis moins de neuf
cent ciiiquanl'e. On les appelait aussi leeta-
rii, decani, collegiali. 11 ne paraît pis qu'ils
tirassent aucune rélrihution des enterre-
ments, surtout de ceux des pauvres ; l'Kglise
les enlrcleiiaii sur ses revenus, ou ils fai-
saient queli|ue conmierce pour subsister; et
en considération des services qu'ils ren-
daient dans les funérailles, Constance les
exempta du tribut imposé sur les autres
commerçants. Voij. lîin^liam, Orig. ecclés.,
tom. 1, liv. iii.cliiip. 8; Tillein mt, Hist. des
emp., loin. IV, p. 235.
CORBAN. Dans {Ecriture sainte, ce mot
sisnifie un don, une oblation, c* qu'on a
voué au Seigneur. Jcsus-Cliiisl réfute dans
TEvangile la fausse morale des pharisiens
qui dispensaient les enfants d'assister leurs
p-ères et mères dans le besoin, sous prétexte
de faire descorb(ins ou desoblalions au Sei-
gneur (Mac. VII, lll.
CORBULO, montagne de Toscane, à douze
milles de Sienne, qui a donné le nom aux
chanoines réguliers de Monle Corbulo.
COUUE, CORDEAU. De tout temps l'on
s'est servi d'une corde, pour mesurer un ter-
rain; de là, dans l'Ecriture, cordeau signilie
souvent une portion de terre, une contrée.
TJans le Deuléronome, cbap. in, v. k. (selon
rhébreu), le cordeau d'Arç/ob est le pays
d'Argob. Conséquemmeni il désigne aussi la
poriioii de tcrr.iiii qui «st échue en héritage
à quelqu'un. Au même livre, cbap. xxxu, v.
9, il est dit que la ptislérilé de Jacob est le
cordeau ou la portion d'héritage du Sei-
gneur. Le psalmislu dit (Ps. xv, C), mon
cordeau, ma portion est tombée sur un excel-
lent terrain, etc.
Cordeau signifie encore les handclelles
dont on liait li-s membres des morts pour les
embaumer. 11 Ileg. xxii, ti : J'ai été envi-
rimné des cordes du tombeau. Eiifiii, il ex-
prime un lacet, un piège. Fs. cxviii, 71 :
Les cordes des pécheurs m'ont environné.
COKDELIER , religieux franciscain ou
de l'ordre de Siiinl-François d'Assise, ins-
titué au commencement du xii* siècle.
Dans leur origine, ils étaient habillés
d'un gros dra|) gris , avec un petit ca-
puce ou chaperon, un minlcau de ménie
étoffe, et une ceinture de corde nouée de
trois nœuds, d'où leur vient le nom de eor-
ildiers. Ils B'apprAn'irnt pauvres miiiews , et
ensuite frères tnineurx; ils sont les premiers
qui aient renoncé à toute propriété.
Ces religieux |)euveut être membres de la
faculté de Paris, plusieurs ont été papes,
cardinaux, évéquos; ils .ont eu parmi eux
de grands hommes en plusieurs genres, en
particulier lo frère Bacou, célèbre par les
«léeouvertc» qu'il fit dans un siècle de ténè-
bres. Ckst ordre n'a cessé dans aucun temps
de servir utilement l'Eglise et la société; il
se distingue encore aujourd'hui par le savoir
et par les mœurs. Li^scorf/r/ir/s sont di>isés
en cot>ventnc(s <rl on obtertautirts.
L.ii V. Luc de Wading, cordelier irlandais,
mort à Rome en 1653, a donne en uu vol.
in-fol. la bibliothèque des écrivains de son
ordre, qui a été continuée et corrigée par le
P. François Harol.
CORDELIÈRES. Ce sont les franciscaines
ou religieuses de Sainle-Claire, nommées
iirbanistex. Comme la règle que saint Fran-
çois d'Assise avait dimuée parut trop aus-
tère pour des (illes, le pape Urbain 1\', en
1253, adoucit cette règle, et permit aux reli-
gieuses clarisses de posséder des biens-
fonds. Il y eut cependant plusieurs maisons
qui persévérèrent dans la rigu'ur du pre-
mier institut, et parmi tes urbiinisles môme,
plusieurs y sont revenues, soii par la ré-
forme de sainte ('ollelle, nomtnée dans le
monde Nicole Bncllet, ou par d'autres réfor-
mes. (]es clarisses nt>n mitigées ou non ré-
formées sont connues sous les noms de reli-
gieuses de VAve Maria, de capucines, de rc-
collelles , de filles de la conception, de péni-
tentes du tiers ordre ou tierceliues, nom-
mées à Piris filles de Saiute-Eli';.ibelh.
CORDON DE SAINT-FRANCOIS, espèce
de corde garnie de nœuds, que portent pour
ceinture dilîérents ordres religieux (lui re-
connaissent saint François pour leur insti-
tuteur. Les eordeliers, les capucins, les ré-
collets le portent blanc, celui des pénitents
ou Picpus est noir.
Il y a aussi une confrérie du Cordon de
Saini-François , qui comprend non-seule-
ment les religieux, mais encore des person-
nes de l'un et de l'autre sexe. Pour obtenir
les indulgences accordées à leur société , ces
confrères sont obigés à dire tous les jours
cinq /'(Ue;, cinq At'c, Maria, elcimi Gloria Pa-
Iri, à porter le cordon que tous les religieux
peuvent donner, mais ijui ne peut être béni
que par b's supérieurs de l'ordre.
CORÈ. Voij. Aarox.
CORINTHIENS. Des deux lettres que saint
PanI adresse aux Corinthiens, la première pa-
raît leur avoir été écrite l'an 5(5, quatre ans
après leur converMon ; l'apôtre était alors à
Jîphèse. Le dessein do cette lettre est de fnire
cesser les divisions et les désordres qui s'c-
taii-nt glissés parmi eux. Il leur écrivit |;i se-
conde l'année suivante, pour les consoliT,
parce qu'il apprit (]iie la première les avait af-
fligés et mortifies. Quand on se rappelle l'ex-
cès de corruption qui avait régnédaiis la xille
de Corinthe, sous le paganisme, excès attestj
par les auteurs prolancs et dont saint Paul
les fait souvenir (/ Cor. vi, 9), on est fort
étonné que dans l'espace de quatre ans, l'E-
vangile ait opéré parmi les fldèles de cette
Eglise un changement si prodigieux dans
les mœurs, et (|u'ils soient devenus capables
de recevoir des leçons d'une morale aussi
pure que celle de l'Apôtre. — Environ qua-
rante ans ai'iès, lorsque saint Clément de
Rome leur écrivit pour les exhorter de nou-
veau à la concorde et à la paix, il leur rap-
pela les avis que saint Paul leur avait dou-
nés d.ins ses deux lettres.
COltNAUlSl'ES , disciples de Théodore
Cornhert, secrétaire des étals de Hollande,
hérétique enthousiaste. 11 n'approuvait au-
1141
COR
COS
1142
cune «ecte, et les attaqanit loules. 11 écri-
vait et disputait en même temps contre les
calholiqiies, conirc les liiihéricns et contre
les calvinistes, et soutiMWiil que toutes les
communions avaient besoin de reforme ;
mais il .ijouiail que, snns une mission sou-
tenue par des miracles, personne n'avait
droit de la faire, parce que les miracles sont
le seul signe à portée de loul le monde, pour
prouver qu'un homme annonc:' la vérilé. Il
est vrai qu'il n'en fil pas Ini-méme pour dé-
montrer la vérilé de sa préteniion. S )n avis
était donc qu'en attendant l'homme auv mi-
racles, on se réunît p'ir inlerint, qu'on se
contentai de lire aux peuples la parole de
Dieu sans commentaire, el que chacun l'en-
tendît comme il lui plairait. H cioyail que
l'on pouvait être lion chrétien sans être mem-
bre d'aucune hglise visible. Il n'était donc
pas besoin de si' réunir, même par inlérim.
Les cahinistes sont ceux auxquels il en vou-
lait le plus. Sans la pioleclion du prince
d'Oranjje, qui le metlail à couvert d^ pour-
suites, il est probable que ses adveis;iires
De se seraient pas bornés à lui dire des in-
jures. Cependant il ne raisonnait pas trop
mal, selon les principes généraux de la ré-
forme, et ce n'est pas là le seul système ab-
surde auquel elle a donné lieu.
CORPORAL, linge sacré que l'on étend
sous le calice pendant la messe, pour y po-
ser décemment le corps de Jésns-Chrisl ; il
sert aussi à recueillir les particules de l'hos-
tie qui peuvent s'être drtaehées, soit lors-
que le prêtre la rompt, soit lorsqu'il com-
munie. Quelques-uns attribuent le premier
usage du corpornl au pape Eusèbe, d'autres
à s;iinlS) Ivcstre. Quant au présent fait parle
pape à Louis XL d'un corjjorul sur lequel
saint Pierre avait dit la messe, on n'est pas
obligé d'en croin? Philippe de Commines.
Autrefois on avait conlume île porter les
COI poranx aux incendies, el de les présenter
aux fl;immes pour les éteindre ; celte prati-
que a été défendue dans la plupart des dio-
cèses avec raison. Voyez l'Ancien Sncramen-
taire, par Grancolas, première partie, pages
150 et 7:0; Lebrun, tome 11, p. 2i)7.
♦ COUPS DK JKSUS-CHRIST. Il est de foi que le
le Vei'lie élirnei a pris, dans le sein d'^ la bienlieti-
reiise vierge M.irie, un corps senitil.ible au nntre par
ropératiuti du Saint -E9|>fii. Les preuves de cette
vérité seul d('V('l()|ipces aux iiKils Nestoriens, Eu-
lYCHUNS, Humanité be it-.iis-CHRtsT,
COUPS DE JÉSUS-CHRIST. Vers le cora-
nicnccmcnt du xiv* siècle, ou vit naître ua
ordre nommé religieux du corp.' de Je'sits~
Christ, ou religieux blanc* du Sainl-Sncie-
menl, ou frèiea de l'office du Sainl-Sacrement,
qui suivaient la règle de saint Reiioit. Leur
instituteur u'cst pas connu. On présume
qu'après l'iGstiluliou de la fête du saint Sa-
crement par Urbain IV, en 121)4-, quelques
personnes dévotes s'associèrent pour adorer
parliculièrement Jésus-Christ présent au
saint Sairemenl, et en réciter l'ofiice com-
posé pars lint Thomas d'Aquin ; que ce fut
l'origine des religieux dont nous parlons.
En j;3i)3, Bonilace IX les unit à l'ord
Cîleaux ; ils s'en séparèrent ensaite ; enfin
Gré'^oire XIII unit cette congrégation à celle
du mont Oliyet.
CORRUI'TICOLES, secte d'eutychiens qui
parut en l'gypte vers l'an S'il, et qui eut
pour chef Sévère, faux palriar. lie d'Alexan-
drie. Il soutenait que le corps de Jésus-
Christ était corruptible ; que nier celte
vérité, c'était attaquer la réalité des souf-
frances du Sauveur. D'autre cAté, Julien
d'H.ilicarnasse, autre cutychien réfugié eu
E;;yple, préicndait que le corps de Jésus-
Clirist a toujours été incorruplible ; que
soutenir le contraire c'éiait admeltrc une
distinction enlre Jésus-Christ et le Verbe,
par conséquent supposer deux natures en
Jésus-(;hrist, dogme qu'Kutychès avait at-
taqué de toutes ses forces. — Les pai lis.ins
de Sévère furent nommés corruplieolrs, ou
adorateurs du corruptible ; ceux de Julien
furent appelés incorruptibles ou phnnlusins-
tcs. Dans cette dispute, qui partageait la
ville d'Alexandrie, le clergé el les puissan-
ces séculières favorisAienl le premier parti,
les moines et le peuple tenaient pour le
second.
COSME (saint). Les chanoines réguliers de
Sainl-Cositie-lès-ToiTrs qoiitèrent, à ce qu'on
dit, la règle trop austère de saint Denuit ,
pour embrasser celle de saint Au^justin ; on
ue sait pas en quel temps.
COSJIOGONIE. Voij. Monde.
* COSMOGONIE , forinaiiii)r>J, arrangement du
gInliB. — La CDsmosonie niosni'iue qui nnus expose
In ciéatioii du ni()n<ie en six jowrs, a été l'objet de
violenli-s alliques. Ou l'a préieudue al)>olmiienl in-
c iiicilialile avec le-, donnée» aitnellss de la science
gcol i|,'i(|iie. Mgr Wisemau démontre qu'il y a accord
piulaii cnire les découvertes géologiques et la nar-
ration lie .Moïse.
« Le dorlenr Saiwner, dilil, érnunère ainsi en peu
de mois les questions sur lesiiHclles peuvent être
(liseuiés les rapports entre l'une el l'auire : Le récit
de la Genèse peut être brihemenl résumé dim.i cet
trois nrlictes : premièrement, que Dieu créa originai-
rement ivules choses ; secotulement, qu'a l'époque de
tu formation du fjluùe qne nous Initiions, rensenihle de
ces miilériiuix élmt dans vn é'.al de chaos el de confu-
sion ; el trois èmemenl, qu'à une p^rio<ic qui ne remonte
pas (lit delà de .S, (Mit) ans (."i,4lMt), soit que l'on adopte
la cliionolof/ie de l'Iiébrea ea des Seplimle, ce qui im-
porte peu, lintic la terre subit nne çfraiide catiistrophe,
dans laqui'lle elle fut complètement inondée par l'ac-
tion ttnmédiate de In Diviiulé (a).
t yiielipies éerivains oni leiiié de lire les Jours de
la créaliiui dans les ap|iareuces actuelles rte Tiini-
vers, ei rte tracer nne tifslofre de chaque proiluc-
lion sufcessive, depuis celle de la lumière jusqu'à
cite de l'iioiuiiie, d'après les monuments que nous
odVe la face du globe. Tout cela, bien que louable
dans son (>l»jel, n'est cerlacuemenl pas satisfaisant
dins ses résultais. La première partie do ma lâche
sera donc plutôt négative que positive. J'essaierai de
vous faire voir que les éloimantes décoiiveiles de la
science moderne ne contredisent en rien le récit
de M>y!se, et ne sont aucimcmenl en désaccord avec
lui.
< Kn premier lieu , le géologue moderna doit
reconuaiire et reconnaît volontiers l'exactitude de
celle assertion : qu'après que tuules choses eurent
Clé lail'os, la terre doit avoir ëlé dans un état da
rc de (fl) g<;coidsû/"cn'a/io», vol. Il, p. 34t,
ua
cos
cos
nu
rfinTiision et de cha05 ; en rt'flnlres termes, que les
élémenls, iloiil la coinliiiiaison devait mIus lard for-
mer riirriiiRenii'iil :ictiiel du glc.li^. doivent avoir été
totale niMil hoiilfveisés et iirohilileinciii d.iiis un
éiii lie liJlle fi de condii. Quelle a é'é la durée de
celle aiiarihie? ipiels traits pTiicali'rs olTrait elle?
Kiail-oe iin désordre coniiiiu et sans :no liliralioiis,
ou liieii ce désordre éiail il inierronipu par dfs iii-
l»;rva'les île paix et di^ repos, d'i'xisii-iice vc;éti:le et
animale? L'E rilore Ta oaclié à nute coimai-isanee ;
mais eu iiièini! leinps elle n'a rieii dit p uir découra-
ger l'iiivi-siigaiioii q li pourrait nous conduire à ipiel-
qi\e liypoiliése spéciah^ sur ces ipiestiouR. Ei iiiè ne
il senililer.ijt que celle période indéliiiie a été inen-
tinniiéi! à dessein, p nir laisser larrière à 1 1 médita-
tion et à t'iiiiagiiiatio i di- riioinme. Les paroles du
texte n'e\|iriiiii'nt pas sinipU-niiMit ime pause iiio-
«nemanée entre le pp-niier (iat de la créilion et la
firodui lion de li Inniière; c.ir la forme graniniali-
cale du verlie, le participe, par lequel l'esprit de
D eu, l'énergie créiirice, e^l repié*eii'é convuil l'a-
J)iin>", et lui coiiimiiiiic|uant la vertu piolucli ire, ex-
prime n ilurelleiiii'iii une action cnniiiiue. luilleiiieut
une aiiion p issagère. L'ordie iiiêine oliservé dan-i la
création des six jours, qui se rapj.one à la ilisposi-
tlon prcsenle des choses, seinhie indiqiier que la
pitissance divine aiinail à se inamle^ler par des dé-
velopiieiiieiits graduels, s'clevaiil, pour aitisi dire,
par une éclielle mesurée de l'inanimé à l'oriianisj,
de l'inseiisiltle à rinsiiiictif , et de rirrationnel à
rhoiniiie. Et quelle répugnance y a-t-il à siipooser
que, depuis la pieinicre créalion de l'einbiyon gros-
sier de ce monde si Iteaii, jusqu'au monieiii uù il fut
revéui de tons ses ornements et piopoitionné aux
hcs lins el aux haliiludes de l'homme, la Providence
ail aussi voulu conserver nue marche el une gradation
semblables, de mancr- h ce que la vie avançât |iro-
gre^Sl\emellt vers la perleciion, el dans sa puis-
sance iiiléricnre, el d ms S'^s inslruineiils exiéi leurs?
Si les apparences déiMuveries parla gédogie ve-
naient à inanilesler I exisience de que que plan sem-
blable, qui os. Tait diie qu'il ne s'accorde pas, par la
pius étioite au.iloi»ie, avec les vijies de Dieu dans
l'ordre physique et moral de ce inonde? Ou qui
osera afliriuer que ce |ilan conlredil la parole sa-
crée , lorsqu'elle noiiN laisse dans une cnmpléle
«hscnriid sur cette période indéllnie dans I iquelle
l'œuvre ilii dévcloppemeiA graduel est plaiée ? J'ai dit
que l'Ecriture nous laiase sur ce poinl ilans t'obscii-
ifilé, à moins louiefois que mins ne supposions, avec
un persnuna<.'e ipii occupe mainteiiani nue liaiile po-
sition dans l'fcgli-,8, qu'il est lait allusion à <es révo-
liitioiis piimitues, à ces deslruclioiis el à ces repro-
ductions ilatisie premier chapilie de rEcclésiaste(o),
OU qu'avec d'aiiires, lions ne pr.nioiis dans leur sens
le plus liiicral les pasNsgLS uù il est dit que des
moiittet ont été créés (*).
< Il est vraiment singulier que inities les anciennes
cosmogoiiies conspirenl h nous suggérer la même
idée, et con~crveiii la irailillon d'une .--éiiu priuiiiive
(le révélations successives |iar l.'sipielles 1 • monde
fut détruit ei renouvelé. Les insliiutes de Metioii,
l'ouvragi: indien qui s'accorde le plus étroiten eut
a\ee le récit de l'Ecriiirc touclianl la créilion, nous
di-ent : Il y a des ciéaiions ci des deslniciioiu de
mondis initumbriibles : l'Elre tiiprcine (ml tout cela
mec autant de (nciliié que «i c'était un jeu ; il crée, et
il crée encore iiKléjinhneiil pour téiiandre le bon-
heur {c). Les Un- naiis ont îles Irad lions sem-
ldal)les;el l'on peut voT.daiis l'inlcressaiil ouvmge
du S.ingernianu, traduit par mon ami le docteur
(a) Wi-errhe sulla qeologla. novcrcio, 18St, p. 63.
{!•) Iléhr. I, 2. — lie iiieine, un Hei titres de Dieu dios
le Knraii est : le Sei ineiir des monilrs, Mira I .
(c) Instuwes of liindu law. LouJ. 182o, ch. 1 , n. 80,
p. 15, coiiip. II. si, 74, etc.
Tandy, une esquisse de leurs diverses destruciions
du monde par le feu et l'eau (a). Les Egyptiens aussi
aviieiii ron-acré nue ivareille opinion parleur grand
cycle ou période Soihiqne
t Mais il est beaucoup plus important, je pense ,
et plus intéressant d'observer que les premiers Pères
de l'Eglise chréiienne paraissent avoir eu des vues
exaciemeni seinbUhles ; car saint Grégoire de Na-
zianze, aorès samt Justin, martyr, siip(iose une pé-
riode indélinie entre la créaii .n ei le premier arran-
gement régulier de toutes cli 'Ses (!»). Saint Bisile,
saint Césaire et Origène sont encore plus explicites;
car ils expliquent la création de la lumière anté-
rieure à celle du soleil, en siipiiosant que ce liiini-
iiaire avait déjà exi?té anpar avant , mais que ses
rayons ne poii', aient pénétrer jusipi'i la lerre , à
c luse de la densi é d«' raimosphère peu laiit le chaos,
et que celle atmosphère fit as-ez raréliée h iireiiiier
jour pour laisser passer des rayons du soleil S!.ns
qu'on pût néannioins distinguer eiicoie son disque,
qui ne lut coniiilélemenl dév ùlé ipie le troisième
jour (c). Itoiibée adopte celle hy()olhèse comme par-
lai eiiienl cnnfornie à la Uié Tie du feu central , et
par cniiséquenl a la dissolution dans l'atuiosiihère de
su;)Slanres qui se soni précipitées gr;idiielleineut, à
mesure qu^ le milieu d ssolvant se relioidissait (d).
Certes si le docteur Croly s'indigne si fort contre
quel. pies géolo^'nes parce qu'ils considèrent les jours
de la créiticui couiine îles périodes indélinies, bien
que le mot employé signilie, selon sou étymologie ,
le temps qui s'écoule entre deux couchers de soleil,
que dirait-il donc d'Origéiie qui, dans le passage dont
j'ai pirlé, s'écrie : Quel homme de sens peut penser
qu'il II eût un premier, un second et un troisième jour
sans soleil, ni lune, ni étoiles? Assurément le temps
entre deux cniichers de soleil serait une grande
anomalie s'il n'y ^aii pas de soleil.
( Eu faisant ces letnarques, je ne suis poinl guidé
par une picililectmn personnelle pour aucun systè-
me. Je ne prélenils inillemenl au lilre de géologue :
j'ai étudié cet:e science plutôt dans son histoire que
dans ses principes pratiques , plnloi pour surve, lier
sa iioriée sur des techerchcs toutes religieuses que
dans aucun espoir de l'ap.diquer persotinellemenl. Je
vais maintenant vous exposer une autre méthode par
laquclled'liahile-gi'ologiii-s peo eut qu'ils prouvent l'é-
cbitanle haiiiKHiiede celle science avec l'Ecrilure.Je
ne prétends tias, ce serait présomption à moi de le
prétendre, juger entre les deux, ou prononcer sur
les ralMins que cliaciiii pe il produire. Mais je lieus à
faire voir que sans louclieri la fni, l'espace ne man-
que pas pour tout ce que la géologie moderne pense
avoir le 'iroil-de demander. Juliens à montrer (et
les granile- lUtoriiés que je viens de citer nie ras-
siirenl pail'a temctii sur ce point) que mut ce qui a
été réclamé, de naitdé par celte science, a éié ac-
cordé aunefois par ces homnies ipii Imenl l'oriie-
ineiil et II lumière du christianisme primiiir, et qui,
a surémeiil, n'auraient pas sacnlic une lettre de l'E-
cr.tiiie.
€ M lis vous me demanderez : Qu'est-ce qui rend
nécesNaire ou iiil c Oe su|>pll^er aiiijt quid pie péiiode
iniermcdtaire entre l'acte de la création et i'arian-
gemcnt des choses crééiîs telles qu'elles existent
niainlenanl ? D'après mon plan, je dois vous expli-
quer ce poinl, ei je vais essayer de le faire .ivi'O
toute la bncvcic it la stnip.iciié possibles. Depuis
(a) À description of llie Burmese empire, imprimé pour
h tbiidaiiua àvi Iraductious urieuules , U i\umu , 1633,
p. 2J.
(d) Ora'. 2, t. I, p. El, edit. Bened.
(e) S. llasil. Ilexuiner H m. 8. Taris, 161S,p. 85;
S. r.œsariii., Diiil. I, Bililirnli. l'air. Galbiidi. Ven. 1770,
t. V'I, ['. 57; Origen. l^eiùirch. hh. iv, c. 16; t. I, p. 17*,
edil. Bened
(U) Géologie élémentaire à la portée de tout le monde;
Paris, 1853, p. 37
il4S
COS
COS
lus
peu ù années un élément nouveau et fort important
a été intriMliiil dans l'observalidn Réol'igiinie , je
vc'ii\ liJrK la ilé('oiivi;rle et la coiiii aniismi <les dé-
tins ti>s>i'e$. Tuiis iiii's aii(liiei4.$ savent iléjà sans
(Idiii'' i|ue il'iiis p n^iellrs pirlies ilii niniiile i>ii a
trouvé lies o$~eiiicnls énuniies (|iie l'iin avait coutume
d'aliiiliiier à lVlé|ili;int, ou iikiuiiiiiiiiIIi, cnuiuie ou
(lisait d'après un mot siiiénen i|u désigne un animal
siintiTr.iiii r.il'iileuv. (!uli« ces restea ei d'autres sem-
blables, di; vasies acciiniiilaliiini de C0'|iiill:iges et des
empreintes de poissons dans la pierre, cmiiue à
Abni'é liidc.a, (uil olé décoiiveries dans tous les lenips
et dans lous les pii^s. (tn éiiit d.ins ru^aj;o de rai>-
porier tout < ela nu ilélnge et d'y voir une preuve que
les eaux avaniit couvert le globe entier et détruit
toute vie terrestre, en inéuie temps (|u'elles av lient
déposé les pnidueliuns marines sur les cnjuiuents.
Mais pentclie me croirei-vims à peine, si je vous
dis que pendant plusieurs années la plus vive con-
troverse fui agi ée d;'us ce pays-ci (en Italie) sur la
question de savoir si ces coquillages étaient des co-
quilliiges réels et avaient autreb)is renleriné un nui-
mal, on bien si ce n'étaient (|ue des pr^duciions na-
turelles, formées par ce qu'un appelait une puissance
plasiique de la nainrc, nuilaiit les finines réelles.
Agricola, suivi par le judicieux Auilréa Maliieli, af-
lirnia qu'ime ceiliiiie niaticie giasse, mise en fer-
nienlaliou pir la clialenr, prndnisaii ces binnes fos-
siles (a). Mercaii, en là7t, souiint obstinément que
lescMininages fossiles lecneil i-. nu Vatican par Sixle-
Qiiinl, élaieni tout siinpb'iueni ib's pierres ipii avaient
reçu leur couliguiation il<; l'inlluence des corps cé-
lestes (6); elle célôlire nié lecin Fallope assurait
que ces coiiiiillagei éuiieiit formée partout uU on tei
trouvait, par le ineuveinent lumutlueux des exltutaisons
terrestres. Kl même ce savaiii auteur était si op, osé
à touie idée de dépôts, qu'il soutenait liardiuieiil
que les fragments de poterie qui forment le singu-
lier nioniiciile connu de vous mus sous le nom de
monte TesUicco, éiaicni des prndiii tioiis iialiirelles,
jeux de la iialure conirefa saiil lei ouvrages de
l'Iiiiinme (<•). Tels étaient les embarras auxquels ces
hiiiniues zélés et lialiilen be trouvaient rendis pnur
exiiliqiier les plié lomènes qu'ils avaient observés.
€ A mesure que l'^iii observa avec plus de soin et
iralleiition l'or<lre et les eouilies dans lesquelles tui
trouvait ces restes d'animaux, ou s'aperçut qu'il
existait lia ceria ii rap.urt entre ces deux clii/ses.
On reiiiari|iia encore que plusieuis de ces restes
étaient ensevelis dans des situitiiins ou l'action du
déluge, SI violeiile et si étendue qu'un la suppose, ne
saillait avoir pénétré. Ct nous devons suiipnser que
Celle action s'est exercée à la surface de la terre
CI a laissé sur son passage des signes de periiirba-
lioii et de desirucii 111, land s qne ces restes d'aiii-
III 'UX ont été trouvés au- 'essniis des slratilica-
lions qui fornieni l'écorce exléiienie de la leire ; et
CCS conciles lepnseni sur eii\ a\ec inu, les symptô-
mes (l'un dépui giaduel et iranqnille. hn^iiile', si
îioiis rapproelious ces d. iix obM-rvalions ruiie de
l'aune, en supposant que le loiit ait é é ilé.iose par
le ilélu:e, nous devrons iinus ailenilre a trnuver ces
déiii'is fuAsilc^ dans une confusion complète, tan-
dis q l'aii contraire nous décuavniiis que la cjuclie
(n) « Agrleola sognava m Gennann cbe aica ronmzione
di ivie^ti OUI pi lusse cmcois^i iiua so qiul niiiena pin^ne,
Iiiessi lu leriiienlo liai euliire. Aiiiliea Mali.t a uJnllii iii
llaii.i i ineiliM.ni |ire^iiidi/|. » Uiioccm , Cunclim.ojia fos-
sUe siib.ipeiiiii'iu t. 1, Miun. isu, p. v.
{b\ « l'-î^i iiii?},aelie lecdiieliiglie lapiJe lalip sieno vere
conulii^'lie, e Jopu un lun^liissiiiio iliscnrao sullj lin eria
e siilla lonna Siisi.iiiziale cuucliiU'Ie cbe shud pieire in
coial yuisa cnniigurale dall' luDueuïa dei toipi celesli. »
{Ibiri., p. vin )
(c) « Coucepisce più facilnannle cbe le chiocciole iinpie-
trile siaiio siale geuei aie siil luogo dalla fermeulaïione,
0 pure the abbiauo aequistata (piella lurnia mediaute il
moviuieuio veriicoso délie esalaziom terre^lri. « >•. vi.
.a plus basse, par exemple, présente une classe par-
ticulière de fossiles; puis les eouebes qui sont su-
perposées contiennent égalenient des classes tout à
lait iiiiirormes de fossiles, <|U(>ii|iie dans plusieurs
cas ces fossiles diflereni de ceux des dépôis infé-
rieiiis, et ainsi jusqu'à sa surface. Celte symétrie dé
déposition pour cbaqiie coucbe, tandis qu'elle dilTére
des précédentes , suppose une succession d'ac-
lioiis exeriée sur des matériaux divers, et point du
tout une catastrophe convulsive et violente. Mais
ce^te conclusion parait mise li'irs de dou>e par une
découverte eue >re plus inattendue, tandis que dans
les terrains meubles et partout où le déluge est sup-
posé avoir laissé des traces, nous irouvons les osse-
iiienis d'aiiiniaux apparienaiil à des genres qui
existent actuelleiiient ; parmi les fossiles ensevelis à
de pins grandes proloiideurs rien de semblable ne
se découvre. Au contraire, leurs s jueleites nous re-
présentent des iiioiistres qui, considérés dans leurs
dimensious et dans leurs formes, n'ont pas même
d'analogue parmi les espèces actuellement existantes,
et paraissent avoir été incompatibles avec la coexis-
tence de la raee bumaine.
« Celte dernière coiisidéralion inéiitc quelques ex-
plicitions, parce qu'elle préparera ceux qui n'ont
pis étudié cette scienc' à ciiiipreinlre ces découver-
tes récentes. Des personnes s'étonneront peut-être
"lu'à rinspeciioii de quel. pies os brisés, ou puisse
former un jugement sur les animaux auxquels ils ap-
parteiiaieni. 11 y a quelques années ce probléiue
ii'aurait-il pas paru absurde? reconstruire un animal
d'après nu de ses os ! tA cependant, nous poiivnns
le dire avec vérité, il a été résolu de la manière la
plus complète. H n'est peut-être pas nécessaire d'ob-
s' Tver que 1 individualité de cliaque espèce d'animaux
est si parlaiie, que chaque os. presque cliaipie dent,
est sulfisamment caracienslique pour déterminer ses
f'riues. L'étude approfondie de ces variétés et les
résultais analogues auxquels elle coudiiii loujours,
furent la base sur laquelle Cuvier posa le nierveil-
leuv édiliee de celle nouvelle science. Les babimdes
ou les caractères des animaux, co.nine j'ai déjà eu
occasion de le remarquer, impriment leurs paiiicula-
rilés sur chaque poriiuu de leurs formes. L'animal
Carnivore ii'esi pas tel seulement dans ses grilles ou
dans ses serres ; chaque muscle don être propor-
tionné à la force et à l'agilité qu'exige sa manière
de vivre, et chaque muscle creuse une cavité cur-
respondaiite dans l'os qu'il embrasse ou sons lequel
il passe. Kien n'est plus curieix que les analogies
coiivaiiieantes quoique inailendiies, par lesquelles
Cuvier conliriiie sa théorie ; car il inuiiire un rap-
port coiisianl et toujours jirop irtioniié entre des par-
ties qui ir: semblent avoir aucune cuniiexite, telles
que les pieds et les dents.
f Ce|:cud.iiit, lorsqu'il commença à appliquer ses
principes d'aiiaiomie cmiiparée aux déuris d'usse-
iiienis extiails d's carrières du M nitin n tre, il dé-
couvrit bieniôl qu'un ne piiuvail les rappiiterà au-
cune espèce aciuelleineiil CMSiaiite sur le glube.
Mais les principes scienilliq ps qui le guidaient
éiaieiu SI cei lains, qu'il reparut lacilemeiil ces os-
semeiiis eiiire dillérenis animaux suivani leurs di-
iiiensiims et leurs structures diverses ; et il prononça
q l'ils leprésentaieut des aiiiinaiix delacl'Sse des
pucliijilennes, ou à peiu épaisse, et Irès-étroiienieiit
al lés au tapir. Il distii.gua deux genres, découvrit
iiiéiiie plusieurs siibiliviaious, et leur donna des iionis
appropriés. Il doiiii 1 aux deux genres les umis de
p.itœotli'rium ou ancien animal, ei unoploilieriuin ou
désarmé, parce que l'uu était disliiigiié de l'aiiire
par le manque de défenses. Ces ré-uliiis ne doivent
pas néanuioiiis èlre considérés coiiiiue de pures con-
jectures; car, loisqu'oii a eu le bonheur, après qu'il
eutcoiislruit, à l'aide desemblables amlugies, le sque-
lette d'un animal, de découvrir un squelette entier
ou une partie que l'on ne possédait pas eucore, ou a
tU7
cos
cos
1148
trouvé qu'il avait e>. consiammenl ia|soM anns ses
suui>o«ilioiis, ei ii; ne pense \i'^ qi'c «'^"s "" sem
cas OM au eu besoin de n.odilier sa reconslrue.im.
"^^D'r!^,ÏÏ«es occasions, .es naU.nli.^so,aéré
â -, ^...- i(P(^niivr r a deuoii e (te ces
Son .res dans un é.a. assez.con.ple. i;- J «penser
du laborieux procédé que je viens de vous exp-
q, er. L'Kspagne, par exemple, a ete de bonne , en e
en possess^^^on dnn s,|ueieUe p-esqne complet
meqatherhim, conm.e on l'appclle main enanl , il lut
envoyé de Buénos-Ayres, en 178 ), par e jnarqu.s de
Lorelo, el dép..sé dans le cabinet de Madnd ; Juan
Daulisia lîru publia des planclies 401 le leprusen-
laienl. D'autres iragments, et même une portion
considérable des ossnneiits du même animal, ont
été apportés en Angleierre par M. l'ansli, el pie-
senlés par lui au cMlége royal de chirurgie; par
Lonbeur ils se. vent en grande partie a remplir les
vides du spécimen de Madrid (b). N.ms avmis ainsi
un animal avec la tète et les ep mie, du paresseux,
et cepend.int avee des membres et des pieds qui
tiennent le milieu entre eux de 1 ainia.lille et du
fourmilier. Mais en même temps il doit ^voir égale
les élépb:ints de la plus liante taille, car il avait
13 pied~ de long el 9 de baul. ,. • „
« Plus étranges encore sont les classes d animaux
alliées aux sauriens ou lézards; les énormes dimen-
sions et les formes presque cliimeriques de quel-
ques-uns d'entre eux seraient à peine conçues pir
l'imagination. Le ineg-i/osniinis, comme 1 a ju>teiiKml
nommé le docteur Uuckland, avait au moins o\l
pieds de long, et même à en juger d après le spé-
cimen trouvé dans la torèt de Tilgaie, dans e bus-
sex, il païaîl, tome réduction l'aile avoir atteint la
longueur cinayanto d. 00 ou 70 pieds (c). L tchlliyo-
smliis on lézard-poisson, quand il lui découvert en
parlie, pié->eniaii de si élranges anomalies, que l on
piinvail à peine supposer ip.e ses membres appar-
lius-entan méuie auim.il. Ce ne lut nu après des
déc<mverles léi.élées qie llonybeare cl île la Ueclie
piodui>iient un animal avec la lêie d un lézard, e
corps d'un poissmi et quatre migeoiies au lieu île
pattes. La l.ille de quelques uns de ces nionsties
doit avoir été énoi me, comme les specimei.s du
niuscum britannique peuvent le prouver aux oliser-
valeurs. t'Ius fintasinpie encore e^l la lorine itii
nicsioviM.-w», ou, comme unie nummc mamienanl
avec (dus d'exactitude, enuliosciurus, ou lézard ma-
rin, qui, aux caiacleic., lemarqnés d.ms les aulres ,
ioinluncoii plus long que celui d aucun cygne a
l'exiréuiiié duquel est une très-petite tête (d). tnlin,
pour ne pas vous arrêter plus longtemps a ces expli-
cations, on a découvert un autre animal bien plus
extraordinaire, eij.; pourrais presque due fahuleux.
Cuvier lui a donné le nom de ph<roil:ictijle. test Un
qui le piemier détermina les caracterei, de cet ani-
mal d'i.piès un dcseiu de Collini ; il eut la satis-
faction de voir eiisuile sa décision cmiurniee par
pluMems spécimens. Il déclare cet animal le plus
Cirange de l'ancien monde; car il avail le corps
d'un ^epiile ou lézard, avec des pattes exce-siye-
ment longues, manifesiemeni formées comme celles
(ai Fuuet ses principes dans VExlrail d'un ouvrage sur
Us espccés <lc (inudrupédcs doni on « (roiu'i; les os eiuenls
((uns l'iiilcric r de la terre, p. 4; dans son discours pieli-
iiii(,;iiie i\rs llcclierchcs sur les ossements (ossdes, yo . 1,
Il :i8 |i«l)iié .iiis>i si^parénienr. foi/, encore le vol. 111 .
p. DflMiiv., poor les procé.lés suivis dms la créatioo ,
coittine il du, de» nouvciux geuns.
(*) f «i/cj une pbiiche induiuiinl les parités suppléées
par chaci.» d« cm spécimens, il..ns les Wolofjica/ rr"|is-
«cluiJK, iiouvettes série» , vol. 111, 18J3, planche \L1V,
»\ec Mlle acsctlitUou'4àUillée iur M. Clid, p. *3Î.
{e) liiiii.,vol. 1, l»-B, p. î'JI.
(d) Voir Gcological Tramactiom, vol. ï, pp. 13, 103.
de la cbauve-souris, pour «léployer une membrane
au moyen de laquelle il pouvait voler; puis un long
bec armé de dents aiguës; et il doit avoir eié cou-
vert non de poils ni de plunns, ni:i s d écailles (a).
«Ces exemples, entre bien d'autres, peuvent
suflire pour vous faire voir que les .spèces d'ani-
maux nue l'on a trouvées ensevelies d.ln^ la luene
calcaire ou dans d'autres roches, n'ont pas de types
correspondants dans le monde actuel; et si nous les
opi-.osons aux genres ixistanls, trouves dans les
couches plus snperlicielles, il nous landra conclure
nue les premiers n'oiil pis éié détruits par la nien.e
revoUuion qui enleva les derniers de la surface de
la terre, à l'excepliou des couples conserves par
l'ordre de Dieu.
, Oneliines naturalistes, maigre les avantages que
nos céolognes oui tirés des fossiles, même dans la
coniniraison des couches ininéralogiqnes, ont per-
siste à les exclure de la géologie coinnie étrangers a
la science tb). Mais il est impossible de leriner les
v^iix .à la nouvelle lumière que ces découvertes ont
icDaiidue sur sou étude, et, par conseqnei.l, de ne-
cli-er la considéraiioii des rapports que la se ence
ainsi élargie sontieiit avec les récits de 1 Ecriture ;
et puis, nuoi.iue notre conclusion puisse paruitre
né'.tivè, elle est, ce me semble, d'une haute ini-
port.nce : car le premier pas dans la connexion
d'une science avec la révélation, a|ires quelle a
cassé la période lumnllueuse des ihéories inlornies
^rco, iradicloircs, est qne ses lé-nUais ne soient
noint opposes à la révélation ; et ccst la dans le fait
une conlirm -lion positive. Car, aiuM que e le dé-
.iioiilreiai d'une minière plus approfondie dans mon
dern er discours, la manière éclalaMlc avec laqmdle
l'histoire sacrée, soumise ii lexameii des '"vesiiga-
lions les plus .liverses, délie tous leurs elîorls de
découvrir en elle aucune erreur, lorme , par I accu-
mulation d'exemples variés , uhc preuve ^...s.tve
extrêmeineiii forte de leur inatta,pi;.ble véracilé
lins' dans le, cas présent, si l'tcrilure .l'aval
admis aucun intervalle entre la création et loig.m-
aiion du monde, mais qu'elle eût déclaré que ce-
laient des actes siinulianés ou immédialemenl coii-
séculils, nous eussions peui-êire eié embarrassés
pour co icilier ses assertion» avec es decouvcries
modernes. Mais, au lien de cela, elle lals^e nu 11-
rvdlé indélerininé enire les de.x, cl même el e
nous apprend quil y eut un étal de conluMon et de
Intie. de dévasialion et de ténèbres; elle lions
moiiire la mer dépourvue d'un bassin conven.ablee
convranl ainsi tantôt mie partie de a terre, tantôt
nue antre ; dès lors nous pouvons dire avec voriié
nue le géologue lit dan, te peu de ligqes 1 histoire
de la terre, telle que ses uionumenls lonl établie :
une '■éiie de déchirements, d'élévaiions et de dislo-
cations ■ des irrupiions soudaines d un élément que
rien n'eiichainail, en^evelissaiil des générations suc.
cessives d'animaux ainpliibies; un abaissement subil
des e aux calme, mais inattendu, cmbaumunl dans
leurs divers lits des myriades d'hahilauls aqu:,li-
,ues (c); des alternatives de le.re el de mer, ei de
•ics d'e'iu douce; une atmosphère obscurcie par
d'énaisses vapeurs carboniques q«t, absorbées gra-
dnellen.eiil par les eaux, s'écLiircirenl et produi-
sirent les ma^sessi éiendues des loi mations cal-
caires, jusqu'à ce qu'enlin ai rival la dernière .évo-
lution préparaioire pour notre création. Quand la
ln\ Ossements fossUei, vol. IV, p. 56; vol. V, pa"- •«.
^"^^9; d" 1" Bôctie, dansle» Tramicims géologiques,
vorill!p-2l'?- .. ,
(l,\ Par exemple. le docteur Mac CullucU. dans son
ISO I, vol. 1, p. 45U.
(r) Voir De La libelle , qui a Irès-bUn lr»ité re pojnl
dans ses Rescmchn mto llieoretxcaX Geotogij. Londou, 18,>4,
chap. XII, p. ■Hii.
1149
COS
COS
1150
lerre fui siiffisaminenl brisée pour celte magnifique
ilivtTsiié (|ne Dieu voiilnil lui donner , el pour
produire ces poinis d'iirrol, ces liarnèrcs que lf"S
desseins prnviileiiliels avaient (lcsi;,'nées, l'œuvre de
ruiiio fut suspeiuliip, du nutins jusqu'au jour d'uu
plus grand désiisiri; ; et la terre demeura d;ins cet
élat d'inertie léi(i;irf;iMue dnnl elle fui délivrée par
la reproduelinn de la lumière ei l'œuvre subséciuente
des six jours de la créitioii.
t Mais nous pouvons bien dire, je pense, que
même sur ce preojier point de noire invesiigaii'Ui
géi>lo5;iqiie, la scienre a élé plus loin que je n'ai
indiipié.Car nous slunule^ en lionne voie, ce sciiîble,
pour découvrir une magnifique siuipliriié d'aclioii
d:ins les causes qui ont produit la fnrnie présente de
la (erre, el, en même lonips, nue an:iIogie évidente
avec la méiliode progressive inanifestéi; d:\ns l'ordre
connu des oeuvres de Dieu ; d'où il résulte une
conlirma'.ion, si je puis employer ce mot, de tout ce
que le Seigneur a nianircîié dans sa parole sa-
crée.
« Car lorsque j'ai parlé de révolutions successives,
de destiuciions et de rei'roduclions, je n'.u pas
entendu simplement une séné de cliaugrinenls suus
connt'xion , in;iis l'action conslante d'une cau-e
linii|lie, produisant les clfels les plus variés suivant
des lois établies; el, je puis le dire, c'est ce que ta
géologie mudeine leiid évidcmmenl à énblir. J'iii
préiédeminenl toiicbé eu passant le sujet de la
chaleur centrale, ou l'exis eiice d'un principe de cet
ordre (j lUS l'iiitcrieui d: l.i Itrie, soit qu'il provienne
de l'étal primitit' du globe ou de quelque autre
source, peu nous impoile. Cette cbaleur cenirale
n'a plus assez de force pour elVet tuer des révolutions
dans notre globe ; sou action actuelle peut encore
être grande par rapport ù di^s contrées particu-
lières, mais elle est tiès-faibie si ou la compare ù ses
elToits piimilif . La pUipait d'entre vous oui pu
observer des effets de celle puissance d:in> quelques
seènei volcanl(|iies. Dans ce pays-ci, desiles ont été
foiini'cs et englouties ensuite, des collines oui été
soulevées, les concs d<'s montagnes ont été brisés
et abaltus , la mer a rompu ses limites, cl des
cbiimps lerlilcs ont été i liangés en des lieux de
stérilité el de dc-olalioii. Supposez cette loice
agissant sur une éelielle gig mtesipie, non plus sur
nii district, mais sui' le inunde entier, (ai>ani érup-
tion laiitdl d'uu coié el laiiôt d'un autre ; d'ef-
frayanles couvuUioMS doivent en avoir lésullé, les
décbiicmeiits ont dû être bien autrement épouvau-
lables, et des montagnes ont pu étie soulevées au
lieu des collines, semblables au inonle Uosso (pie
riitna lit surgir eu lUGJ, ei la mer peut avoir envahi
de larges tcriiiuircs au lieu de quelques portions do
coies.
c Les observations des géologues sont sojfisaiilês
pour déiiU'utrer l'acion de quelque foice semblable
à celle que M viens île décrire, LvopoUI de Uiicli a
lirouvé le preuder (iiie les innniagties, au lieu d'être
les parties les ^liis iiuniuables et les plus fermes de
la strucliire du gi'«'e, loin d'avoir existé antérieure-
ment aux niaterkinx plus légers qui reposent sur
leurs flancs, les oiH. an contraire, periés en se sou-
levant par raciion d'une force souterraine. M. Elle
de Iteauinom a tellement généralisé celle observa-
tion, qu'on peut le cofisidércr comme le fondateur
de la théorie. Vous en eoioprendrez facilement une
simple déinnnsiratioii. Si les différentes coiiclics
étendues sur le flanc d'une montagne, el qui sont
nécessairement le résnllat de prpcipilalions d'une
solution aqueuse, au lieu de icpnser lioriznnlale-
ment comme de pareilles préc piiations d.iivent se
faire, el, par conséipieni, coupant les côtés de la
montagne par des angles, comme dans la (ignre
suivante (A étant la section de la iiionlague, et ii
représeniani les couches euviroiinaiiies), étaient, au
contraire, redressées parallèlement à ces mômes
côtés, de celle manière :
il (St manilesle que la nioutagnc doit avoir été
poussée de bas en haut à travers les couches déjà
déposées. M. de lîeaitmoul, eu comparant les di-
verses couches ainsi perforées par ehacpie chaîne de
moulague^ avec celles qui reposent dans une siliia-
lion horizoïilale, comme si elles avaient éié dépo-
sées après l'élévatiiMi de lu monlagne, essaie da
déterminer, dans la série des révolutions primitives.
Il |iériode où chacune de ces montagnes l'ut soule-
vée ; et chacun de ces sysfèiiics de monlagncs, coinniâ
il les apiM'lle, produisit ou accompagna i|uelque
grande catastrophe qui délruisil dans Tine certaine
étendue l'ordre de cliosûs existant (a). Ce système
des géologues français a élé confirmé et adopté par
les homnies .le la science dans noire pays. Le pro-
fe.'Seur Sedgwiik et M. Muicliison, en parlant des
phénomènes qu'on peut observer dans l'île d'Araii,
remarquent qu'ils semblent prouver que les giandes
dislocaiions des couches secondaires ont été pro-
dtiiles par le soulèvemenl du iiranil ; cl (pie, (Jans
ceiie hypo'dièse, les [orccs sou evanles doivent ai'oir
agi quelque temps après lu dépoiilioH el lu cunn liaa-
lion du nouveau grès rouge (b). Mais de la Be/,'oe est
cl iiremenl de rupiiiion que ces sonlèveiufiils suc-
cessifs, indices des convulsions (pii oui troublé l'ac-
tion ïraïKjiiille des dépôts de sédnuenl, peuvent ètra
encore sitnpliliés eu les rappoii.uu à une seule
cause i|iH (^sl la force d'une gr.uii.l(i chaleur centrale,
brisant ii diverses époques el de diverses manières
la croûte de la terre, sdl par le progrès du relroidis-
semeol, comme il le suppose (c), suit par raelion vol-
canique, cuiunie l'imagine fauteur de celte théorie.
« Or, il me semble que celle théorie, par sa belle
unité de cause el d'aciiod, s'accorde parfaitement
avec tout te que nous co-inaissons des méthodes
cuiployé'.;» par h divine Providence, ipii éliblii nue
loi, puis lï laisse agir. .\in:i le soulèvement d'une
clciîue de monlagnes serait, a de- époques marquées,
l'elfet de causes consiaiiies iSans leur lui, (pinique
irrcgulières dans leur action , de même que le re-
nouvellement de )a g'M'niiioitioii à cliaijue prinleinps
est la conséipience annuelle de S'a même action de
la chaleur sur la plante. Mais Celle supposition
parait, en cuire, dans la pins frappante harmonie
avec les déclarations expresses, ou U;s explications
des phénomènes de la création contenues dans les
livres saints. Us nous appicunenl, en tJTcl, que
(a) Revue Française, mai 1830. Voyez aussi ses eîMHmu
nications a M. delà Bèclie, dans sou 31amict,\). itil et
suiv. — Cjirlo Gemmellaro nous »|i|ircnl ipie dans uue
assemblée scienlitique de Sluttga;iJ, co lt.31, il lut un
mémoire pro[i()san; une modili/aliou de la théorie , et
resirei,i,'naiit l'élévulion ries cliaines de tiioiiiajjues à des
esjaces peu éieii'Jus. Keluziune siU di lui viaggio a Stutt-
gart. Cjiaiiia, p. li, 18.55.
ib) Oeolog. Truns., vol. 111, p. 5i.
(c) Researcltes, p. 59.
1151
COS
COS
1132
potir renfermer l'océan dans son lii, les montagnes
s'élèvent et les vallées s'nhais enl dans le lieu que la
Providence leur a destiné : bien les <i placées comme
une barrière que les eaux ne friincli,ronl pas ; l'océan
ne retiendra pas couvrir la terre (n). Ailleurs il est
|i:irlé lie la lonii.ilHui de-; inniilagiii's coiihiip dis-
liiiolH de Ct»lle ili; la lerre : .4ivi;i( que les montaqnes
fassent prnriuile<, on que la terre fût née (b). Un aulre
pa-sage reinar(|U il'le .-einlilf .lé lire i^raph (|iienient
les ed'els du len C'iilr.il : Li' ('U sera allumé dans ma
colère, et il brûlera jnsqa'au fand de l'ai t. ne (de ("en-
fer); il dévorera la terre et tous sea produits, et con-
ttimera les fondements des monlaqnes (c). Oins celle
description, coMune d.uis la plninirl de celles qui
exallenl la gloiie nu |;i pnissani.'e, la inunilireiice ou
la sévérité de l'Klre sni)rèine. les (ii;urcs sont Irés-
pnibalileineiit tirées de ses œuvres actuelles, coiniiie
l'évèiine Ldwili l'a ainpleineiit déinonlré.
t Mais les déciinver es des péniognes modernes
ont aussi, comme je l'ai di'jà iinli iné. étalili une
série progressive dans la prndiiclinn îles dill'érentes
races d'animaux; el ce résidiat de leur science est
évideinnient d'accord avec le plan in;inilesié dans la
création des siii jours. Et niêine ce r:ipprochen\ent
eiilre la géologie et l'Rcriiure a sendjié (cllen)ent
frappant à pliiM'euis, qu'ils (uit aliaiulonné la mé-
thode de conciliation eiilre les livrer saints et la
science moderne que je viens de vous cxiios^r, el
ils ont soutenu c|ue riiarinooie entre les laiis et
l'histoire inspirée est encore liien plus i arfaite que
je ne l'ai allimié jusqu'ici. Si vous ii'adnieitez pas
leur hypothèse, vous :uirez du moins oicasion de
voir que la géologie étrangère ne clieiclie nulle-
ment à détruire ou h contester la narration de
Moïse.
t Le docteur Bukiand observe avec vérité que de
savants hommes, par des arguments toit a lait
distincts de la géologe, oui s uienu que les j s
de la ciéatioo signilient de longues pcriodis indéli-
nies (rf). Que celte supposiiioo soit plaiisilde, c'est
cequr ji! ne saurais cmile.ster pliil(di);;iiiuenieiil ou
critiqiiemenl parlant; je ne vois aucune ohiection
contre elle ; mais elle tie me paraît pas alisoliiment
nécessaire. Toiit.-lois, en admeHani l'hypothèse ex-
posée li-dessns, que toutes les exigences de la
Sfieiice moderne seul satisfaites dans l'espace inier-
médiaire enln- la création et rorgaui,:iiiiin de la
tcrie sous sa furiiie actuelle, il se pouiraii que des
périodes plus longues qu'an ji.nr fiissmii encoie
nécessaires, si nous suiuiosons que les lois de la
nature oui é é ahainlonnées .à leur coins oïdinaire;
car alors il aurait l;i.lii nu plus long interv.ille pour
que lesplanies secouvr sseiii de (leurs et de finits,et
atteignissent leur coin pleldéveloppemenl, coin me nous
deviuis supposer que cela eut lieu avant que I honiuie
(ût placé an inllieii d'elles. Mais il peut se laiie aussi
qu'il :'il pht à Dieu de les piodiiue dans toute leur
grandeur et tonte leur beauté dès le premier instanl
de leurexisieuce.
1 Cuviér a remarqué le premier que, dans les
aninniux fossiles du monde priniitil, il y a nu déve-
loppcnieni gr.dnel d"oig:iiii,..tioii ; ainsi les couches
les plus mleiieures contie ment lés animaux les plus
inipaiC.iHs, mollusques et tes acés ; ensuite vunnenl
les crocfiddes, les sauriens et les pinsMins ; et en
deiu.er lieu les quadrupèdes, en comniençaiit par
les la, es éteintes dont j'^.i parlé (e). M. Lyell me
peni-eiieavec lai l'exatlitude .le la conséquence
soin eut ti.ée de ce lésulial, qu'il y a un déveaippe-
ment progressif delà vie organiine, depuis les formes
les plus simples jusau'uux plus compliquées (/) , d'au-
(a) Ps. civ, 8, 9.
(ci l's. xc, 2.
(c) Deiii. XX M, 22.
td) Vindiciœ qeulonicK. Oxford, 1820, p 3î
(c) Discours prélimin., p. 08.
(/) l'riiiciples of Geoloyy, vol. I, p. U5.
tant plus que la découverte d'un poisson o.i des
ossements d'un saiiii-n parmi les co luilles. suffit
pour déranger l'échelle. Mais eetie ohservaiioji ne
blesse eu rien le sysième que je vais vous exposer,
pui'Mne chaque examen suhséqiieiil est venu, autant
que je puis le savoir, coidirmer celte succession
d'animaux. Par exemple, dans les laldeiox de la
cla.ssilieation exlréniement détaillée des fossiles du
Siis-ex (pie M. Maniell a publiés, nous trouvons
dans lesdèiôls d'alliiviim le cerf cl autres animaux
semblables ; dans le dépôt diluvien, le cheval, le
liOenl et réléphanl; puis ensuite, en creiisanl tou-
jours jdiis bas, nous trouvons des poissons, des co-
quilles, et, dans quelques foriuaiioos des tonnes et
les diflérents sauriens ipie j'ai déjà décriis. Ou dé-
coiivril des osseuients qu'il supposa d'abord appar-
tenir à un oiseau; mais le prolessenr Itnckiatid
neuve beaucoup plus probable ipi'.ls ont a[ipailenu
à un plérodactxie ou lézard volant (a).
I l'ariant de ces prémisses, les auteurs auxquels
j'ai fut allusion sup; osent que les jours de la créa-
tion sigiiili'iit des i-ériodes plus longues el d'une
diiiée indéfinie pendant lesqueHes existait un cerain
ordre d'êtres animés ; et ils observent que la disposi-
tion des fossiles dans les couches correspoml exac-
lenienl à l'ordre dans lequel leurs classes respec-
tives om été produises selon riviiinre. L'n é rivain
anonyme a publié rannée dernière nue t.ible compara-
live de celte conl'oruiité en suivant, d'un côié, l'ex-
cell. ni ouvrage de lliimboldl sur la superpnsiiion
des roches, et de l'autre la succession reconnue des
(bssiles organiques. Dans (es roches (es plus basses
primitives, ou. comme on les a appetées avec pdis
de raison, roches non stratifiées, aussi bien que dans
la classe inférieure des roches stiaiifiées, nous n'a-
vons aucune trace de vie végétale oiianiinaie; en-
suite, nouï trouvons des plantes mêlées avec des
poissons, mais plus s|iéi ialeinenl avuc des coqiiil-
l.'ges et des inollnsqucs, comme dans le groupe de
la Gr.iiiwacke ; ce qui indique que 1 1 mer lut la
pie oiére à produire la vie et à eiilaiiler des habi-
tants ; tandis que II plus grande l'bondance des ani-
maux de la classe inlêrieuie, tels que les Coquilles,
les niollnsqnes, etc., semble inili mer la priorité de
leur exisience sur celle îles animaux pins |iai faits
qui vive il dans (e niènie é(érneiii. Vje .iienl ensuite
les repiiles et ces monslruenx animaux rampants
déjà décrus, qui se raltaclient aux bab.laii s de l'air
par (e lézard vo aiil, et qui sont avec lasou classés
par l'hisioiicu iusinic entre les pioductions ma-
rines, l'nls la lerre engendre la vie à son lom, el,
en conséquence, nous trouvons cnsu.te les wjsles
de qiiadiupédes, mais deS; eues toutefois qui, pour
Il ptupari, n'exisleiil plus. O.i les trouve seulemenl
dans les deniièies couches siiiérieurcs à .elles où
r. posent les | lus grands lepides marins, telle que la
lormation ilean douce dans le ba>si.n de l'aiis. Puis
eiiliii nennéiil les leiraiiis meubles, dans les.piels,
comme je vous le momrerai plus loiigin-ment à .mire
prochaine réunion, existent les sqiieleit.:s d<!s races
qui lialnleiit maintenaiil l.i terre. Daii, chaque classe
de ces f.issiles on trouve d.s iiiar.|ii.s snlfisanies
qu'ell.'S oui été piivées d'existence par <|ueli|ue
gra .de calaslrophe (a).
• Cette iiyiM.ihcse, cette leniaive pour niellre
d'accord l'hlsloiieii juif avec la |di,|.)sOpnie moderne
peut paiailrc à plusi. urs ii iuer de la p écisnui
nécessaire pour él.blir un parallélisme aussi cir-
Coust.iiicic. yiioi .{h'iI .'o soil, elle servira .lu moins
à venger ceux .|tii cnliivent cette science, du re-
proche d'être i dillé fiits sur les lappor.s ipii' ces
résultais peuvent avoir avec des aiit..rilés plus sar
Ciées. J'ajouterai i|ue plusieurs gé.d..giies du cnti-
ncm, bien loin de dédaigner nus tciiiures, cxpri-
(a) Geoloq. Transacl., vol. III, pp. 200-216, coiDp. D»
Dudil.iid, |i. 2Ju.
(b) Annales de pliilosopliiecliréticme.À.og.l6il, p lit.
llïS
cos
cou
1154
ment, au coiâlraire, une prof'inde vénéiaiion pour
elles Cl une vive ailmiiation pour la sagesse qui les
a ilie ées, f n voyant foninieul lenis iiive>,ligalioiis
sci<'mili.|iit's paraissent les conliriiier de la manière
<>ue je vien-i de vous dire.
< Nous ne pouvons trop remarquer, dil DciniTOu,
cet ordre admiralile si jinriaitemeiit d'accord avec IfS
plus saines notions qui forment la basf de lu gé'iloyie
positive. Quel hommage ue deons-nous pas rendre à
["historien inspiré ! (a) — Ici, s'cciie liouliée, «<• pré-
tenie une considi ration dont il serait difftiile de ne
pas élre (rappé. Pnisqii''un livre écrit à une époque oit
les siiencei nntweltes é aient si pi'U avancées, renferme
cependant en queliiues tiiines le sommaire des consé-
qnenres les plus remar,iuables, auxquelles il n'était
possible d'arriver quapri'S les immenses progji'-s ame-
nés dans la scieme par le xviii' et le Mx" siècle, puis-
que ces conclusions se trouvent en rufiport avec des
faits qui néloient ni connus ni même timpçonn s à
cette époque, qui ne l'avaient jamais été jusqu'il nos
jours, et que les philosophes de tous Ls temps ont
toujours considérés coutradictoirement et sous des
poilus de vue erronés ; puisqii'en/in ce livre, si supé-
rieur à son siècle suus le rapport de la se ence, lui est
igalenunt supérieur sous le rapport de la morale et de
la philosophie naturelle, nous sommes obliijés d'ad-
mettre qu'il y u dans ce livre quelque chose île supé-
rieur à l'homme, quelque chose qu'il ne voit pas, qu'il
ne co-i prend ;ias, mais qui le presse irrésistible-
ment (b).
t Les deux ouvrages que je viens ce citer sont
d'un caratiére popuhnre et élémeulaire, écrits avec
rinlenlinn d'iuslruiie la jeuuesse et les perxuines
sans éilnialion par une e>qiiisse de la science; et
c'est pour cela qne je les nie plus volnnticr», parce
qu'ils servent à faire vo r que la teud.:nce de celle
étude sur le couiinent, loin d'eue vers l'ini.rédul.té,
est pluiôt dirigée vers la cdiilirointioii et inéiiie la
«léinonsiratioii du clirl>liaiiisnie ; et que le-^ géologues
étrangers, au lieu d'apprendre à leurs éléve^ à nié-
trisir les livres sacrés ciunn.e irréconciliables avec
leurs nouvelles reclierclie-, s'efforcent, au contraire,
de tirer de nouveaux niotirs de respect et d'adinira-
lioii pour eux des résultais de leurs reclierehes. Aux
noms déjà cités, j'en puis ajuuier beii d'aulres,
couiine Ùaiibiiissiui, Cliaiibard, Uerirand, dont l'ou-
vnge, réciiiinieni iraduit en anglais, a eu six ou
sept éiiiiioiis en I* riiiee, et Jlargirin, (|Ui, dans l'es-
qu sse de son cours insciée au pccgrainuie de \'Uni-
ver^ilé catholique, s'est monlié éu.iueminent ciirc-
tien (l'aris, 1SJ5. p. 57).
< tes ol»erv:iiioiis doivent êlrednublemeiit satis-
faisantes,^! nous coiisidérnns le pays d'iù elle» sont
parties, ce pays qui, pendant longues années, n'a
ces-é lie jeter a rburope des iiiaicnaux inroimes et
mal digéiés que les espilis irréllécliis prenaient pour
de piiissaiiies objections coniie la religion. Mais un
espiii uieillenr lennenle u^ainienant oans lu smg
géié<eux d'une piilie de sa jeunesse, qui, éjnise
d'une ardeur vraiineni |ialiioii.|ue, eiinainnié - du
saint désir d'effacer ceite tache lletrissame de I é-
CUSson de sou jiays, s'ellorce de l'élever aussi l<aiil,
par la nouvelle giime qu'il ré|iaiidia sur la cause il>:
la lel gimi, qu'il s'éia t abaissé par sa haine contre
elle, lliie saule alliance s'e^l rurmée lacileinenl
entre plusieurs pnnr dévnuei' leurs cuiiniiis-uin es
variées et leurs talents supérieurs à la délen-e, à
l'illnsiration et au iriomiiiie de la religion, smis la
diiectiou inlaillible de l'iJglise à I quelle lis oOéi-,-
seni. I'4iur ceux qui ont vu loiites ces cliu-es, les
autoiilcs i|ue j'ai citées ne sont que de légères iiiiiii-
fesiatiuns d'un senliiuenl tics-repandu, des leuilles
(a) ut géoloqie enteignée en 24 leçons, ou Histoire naiit-
relledn globe icrreslie'. l'ans, I8.5si \<. 4US, coiiip. p 461.
{b) Géologie élémentaire à la portée de tout le monde.
Pans, iVoô, V bB.
Isolées flouant ii la surface des eaux, pour montrer
la rii lie et luxunanle vci^étalion cailiée dans leurs
priifiin leurs, i (Mgr Wiseinau, discours m, Sur le»
sciences naturelles.) Voy. Jotiis de la cnÉATics el
.Monde.
* CUTR-D'OR. Cette partie de la Guinée pré-
si'iile un s|ieila( le religieux bien triste. Les prêtrts
des idoles y exercem tiauiemeiil la m.igie , enlre-
lieiineiil la snperstitiiui (larini le peuple, soulicn-
lienl le iéticliisnie dans li fanii le. Nous dr.vuns
désirer bien vivenient que la loi fasse des progiès
d.ins ces inallieureuses contrées.
COTEKEAUX, hérétiques, ou plutôt assas-
sins el inu 1 fil i leurs, qui veiidaiciil leurs bras
cl leur vie pour servir les passions sangui-
naires des pélrobrusiens el des albigeois; on
les nommait encore catltares , courriers et
routiers, lis exercèrent leurs violences en
Languedoc el en Gascogne, sous le règno
de Louis VII , vers la fin du xit' siècle.
Alexandre III les excommunia, accorda des
indulgences à cens qui les ultaqueraient,
défendit, sous peine de censure, de les favo-
riser ou de les épargner. On dil qu'il j en eut
plus de sept mille qui furent exterminés dans
le Berri.
Quelques censeurs ont blâmé celle con-
duite <lu pape comme contraire à l'esprit du
christianisme ; saint Augustin , disent-ils,
consulté par les juges civils sur ce qu'il fal-
lait l'aire des circoncellions , qui avaient
égorgé plusieurs catholiques , répondit :
« Nous avons interrogé là-dessus les saints
martyrs, nous avons entendu une voix s'é-
lever de leur tombeau, qui nous avertissait
de prier pour la conversion de nos ennemis,
et d'abaiiilouncr à Dieu le soin de la ven-
geance. » D'aulres rrilKjues ont accusé saint
Augustin d'avoir pensé, à l'égard des dona-
lisles cl de leurs i iiconceliions à |)eu jirès
de niéiiie qu'Alexandre IH à l'égard des co-
lereiiux. — Tous ces reproches sont ég .le-
ment injustes. Noire religion nous onlunnc
de pardonner à nos ennemis pariiculiers et
peisonnets, mais non d'c|)argner des enne-
mis publics armés contre la sûreté el le re-
pos de la société ; elle ne d.'fend ni de leur
l'.iire la guerre, ni de les exterminer, lors-
qu'on ne |KUl pas aiilremenl les uietlre /ior«
u'clat lie nuire. C'était les cas des colcreaux.
Par la même raison, saint Augustin fut d'a-
vis d'implorer le secours du bras séciilior,
pour arrêter le couis du brigandage des cir-
concellions ; mats lorsque plusieurs, d'entre
eux furent tumbés entre les mains des juges,
il ne voulut demander ni leur s.ing, ni au-
cune vengeance, parce ((u'ils étaient hors
d'éCdl de nuire. La conduite des mari rs à
l'ogard des persécuteurs n'est point applica-
ble au cas présenl. Les persécuteurs elaient
des souverains, ou des magistrals revêtus
de la puissance publique, de laquelle ils
abtisaieni, les circoncellions el les coiereaux
et. lient des particuliers armés contre les
lois.
CODLR. Voy. Habit religieux.
COULEUlt. Dans les Eglises grecque et
latine, l'usage esl de distinguer les offices
des divers mystères et des dilTérentes fêtes,
par des oruemeals de dillérâales couleurs.
ltS9
COU
cou
HS6
Dans l'Eglise latine, on n'use ordinairenienl
que de cinq couleurs, qui sont le blanc, le
rouge, le vert, le violet el le noir; l'Eglise
de Paris y ajoute le jaune et la couleur de
cenrlre. Dans quelques diocèses, on se sert
de bien aux fêles de la s .iule Vierge. L'on
peut voir, dans les rubriques du missi-l el
dans les directoires ou ord>, à quels oflices
chacune de ces couleurs est affectée.
Les Grecs modernes ne font plus guère
d'attention à colle distinction de couleurs ;
le rouge servait, parmi eus, à Noël et aux
enterrements. Les anglicans ont seulement
reienu le noir pour les obsèqu s des morts.
GÔULPE, mol tiré du latin culpa, faute,
péché. Les théologiens distinguent, dans le
péché, la cou//)e d'avec la peine. La croyance
catholique est que le sacrement de péni-
tence remet au pécheur la coulpe el la peine
éternelle, mais non la peine temporelle ; que
la charité parfaite et ardente remet lune el
l'autre. Comme le péché mortel nous rend
dignes de la damnation. Dieu peut, sans
doute, nous remettre colle peine élernelle,
sans nous dispenser de subir une peine tem-
porelle el passagère ; nous en voyons l'exem-
ple «lans David el dans la plupart de ceux
auxquels Dieu a fait porter en ce monde la
peine de leur péché.
Coulpe se dit encore, dans les monastères,
pour signifler l'aveu que l'on fait de ses fau-
tes dans le chapitre assemblé.
COLIPR, vaseà boire dont on se servait
dans les festins et dans les sacrifices. Dans
le style de l'Ecrilure sainte, la coit/,e de bé-
nédiction est colle que l'on bénissait dans les
repas de cérémonie, el dans laquelle on bu-
vait à la rondo. Ain-i, dans la dernière cène,
Jésus-Christ bénil la CDtipe de sou saiig, et
en lit boire à tous ses apôtres. Boire dans la
niéiue coupe était un signe de fraternité. —
La coupe de salut est une coupe d'actions de
grâies, que l'on buvait en béoissaut le Sei-
gneur de ses bienfaits. 11 est dit dans lu Irol-
sième livre drs Machobées que les Juifs d E-
gypte, après leur délivrance, firent des fes-
tins el oITnronl des coupes de snlnl.
Col PE, signifie aussi la portion ou le par-
tage. Voij. Calice.
Lorsqu'on eut trouvé dans le sac de Ben-
jamin la coupe de Joseph, un de ses ofliciors
dit: La coupe que vous <ivcz volée est celle
dans lufjHcdc mon mnitre boit et dont il se
sert pour prédire l'avenir (Gen. XLiv, 5). Jo-
seph se servait-il réellemonl d'une coupe
pour piédire l'avenir? Non, sûrement : la
connaissance qu'il avait de l'avenir n'elait
point un otïot de l'art, mais un talent sur-
n.iturei que Dieu lui avait donné. Le texte
hébreu peut sigiiilior : « N'est-ce pas la coupe
dans laquelle mon mailrc boit, et par la-
quelle il vous a mis à l'épreuve? »
Dans les disputes des catholiques avec les
protestants, la coupe signifie la conmiunion
suus l'esiièco (lu vin. l'oy. Comsilmon sous
LES DEUX liSPtîCES.
COuUON.vE. On a blâmé, avec beaucoup
d'amerlutue, les Pères de ri'^giisc, qui ont
soutenu qu'il ne convenait pas à un chré-
tien de se couronner de fleurs, comme fai-
saient les p liens dans leurs feslins et dans
quelques-unes de leurs cérémonies; coite
censure tombe sur Minulius Félix, sur saint
Clémonl d'Alexandrie, et princip ilomont sur
Tertullien. Ce Père a fait un livre de Corona,
dans lequel il s'attache à prouver qu'un
chrétien doit absolument s'abstenir de por-
ter des couronner.
Barbeyrac {Traité de la Momie des Pères,
c. 6, § ik) s'est élevé contre celle décision; il
dit que, suivant le sentiment de TeriuUien,
se couronner de fleurs est une chose mau-
vaise en elle-même et contraire à la loi na-
lurelle, mais (jn'il le prouve [lar de pauvres
raisons; les principales sont que l'Ecriture
sainte ne permet nulle part cet usage, el que
la nature a fait les fleurs pour réjouir l'oilo-
ral ot non pour orner la tète. La première,
dit Barbeyrac, est un faux principe; la se-
conde esl l'écart d'une imagination déréglée.
Cotte critique est fausse à tous égards. —
1" L'écart prétendu de Tertulliei» prouve
déjà que les couronnes sont une superfluilé;
que l'on en use, non par besoin, mais ])Oiir
quelque autre raison ; (|u'il faut donc exa-
miner par quels motifs on les porte : c'est ce
que fait Tertullien dans toute la suite de ce
traité. Après avoir recherché dans les au-
teurs prolaues l'origine ot les molifs de tou-
tes les espèces de couronnes , il fait voir
qu'aucun de ces molifs n'est louable. Celles
que portaient les ministres d'un sacrillce et
les assistants étaient une profission d'idolâ-
trie ; celles des convives d'un festin annon-
çaient l'inlempérance el la débauche; celles
dos triomphateurs victorieux sentaient, pour
ainsi dire, le carnage ot le sang répandu;
celles des époux étaient les livrées des dieux
de l'hym.née, etc. Il observe qu'il n'y avait
aucune lleur, aucun feuillage, aucune plante
qui ne fût consacrée à quelque divinité, et
qui ne fût le symbole do son culte {De Coro-
na, c. 8). Toutes choses, dil-il, sont pures,
comme créatures de Dieu, et sont destinées à
notre usage ; mais c'est la nature de l'usage
qui décèle s'il esl bon ou mauvais (c. 10). Il
n'est donc pas vrai que Tertullien condamne
les couronnes absoluni(>nt ot en elles-mêmes
comme contraires à la loi naturelle , mais
comme des martiues d'idolâtrie. V'oilà pour-
quoi les chrétiens s'en abstenaient; c'est le
reproche que leur fait un païen dans Minu-
lius Félix {Octav., c. 12). — « Nous avons
détaillé, continue Tertullien, C. 13, toutes les
causes pour lesquelles on porte des couron-
ne a ; toutes so;it étrangères à un chrétien,
prolanes, criminelles , contraires aux s r-
mcnls du baptême : ce sont les pompes du
démon et de sos anges ; toutes sont infectées
d'idolâtrie, in omnibus islis idololatrin. V»
chrétien ne voudra pas même orner de lau-
rier la porte île sa maison, lorsqu'il saura
combien île divinités le démon du paganisme
a proposées i\ la garde des portos : Janus,
Limeiitinus, Foroulus, Canl.i, etc. » Nous
présumons que i'ertulllen connaissait mieux
qu'un crilique du xviii' siècle les idées, les
mœurs, les folles allusions, les absurdités du
H§7
CRA
CRA
ltS8
paçjan.sme, les cons(''f|nencPs que les païens
tiraient de leurs usages. Quand il aurait
poussé trop loin le scrupule et les soupçons
d'iiloMlrie, il ne s'ensuivrait pas encore qu'il
raisonne mal; dans le fond, il suit la ri'i^le
tracée par saint Paul [Rnui. xiv.'iO) : Toutes
choses snnt pures; mais un homme fuit rtnil
d'en user, lorsqu'il scandalise lis autres. Kl !
Cùr, Vin, 13 : Si ma nourrilurt scandalisnit
rnon frère, je ne mmujerais point de viande de
ma. vie. — 2' Biirfteyrac na [las vu (ju'en
condamnant l'argument néf^atir que Terlul-
lien tirait du silence de l'Kcriture s.iinle, il
fait le procès au protestantisme. Ce Père di-
sait : L'usage des couronnes n'est pas for-
mellement approuvé ni permis par l'Ecri-
ture, donc il est di^fendu. Les pratestanls
nous répètent continuellement : Tel do;;tiie
n'est pas fornielleinent enseigné par l'Iicri-
tnre, donc il n'est pas révélé; telle pratique
n'y est pas expressément autorisée, donc elle
est ahusive. Quelle différence y a-l-il entre
cet argument et celui de Terlullien? Nuus no
l'approuvons pas absolument; mius ce n'est
pas à eux de le blâmer. Tertullien y en
ajoutait un aulre : c'est que l'usage des cou-
ronnes n'était point non plus autorisé par la
tradition; au contraire, il était proscrit par
l'usage des lions chrétiens : d'où il concluait
que l'on devait s'en abstenir, et il avait rai-
son. Mais cette autorité que Tertullien attri-
bue à la tradition donne de l'humeur aux
protestants; ils ne la lui pardonneront ja-
mais.
CODRS, cursus. L'on nommait ainsi, dans
les bas siècles, l'office divin ou l'ordre des
heures canoniales. Cet office, rangé selon le
rite gallican , était appelé cursus gnllicanus ,
et cursariits était le livre qui le renfer-
mait. Ducange, au mot Cursus. Voy. Office
DIVIN.
Cours de Théologie. Voy. TnéoLOGiE.
COUTUME KliLIGIEUSE ou EGGLÉSIAS-
TlQUIi. Voy. Observance.
COUVENT. Voy. Monastère.
COZKI, quelques Juifs prononcent C«:ar!,
livre des Juifs , coniposé il y a plus de cinq
cents ans par le rabbin Juda le Lévite. C'est
une dispule en forme de dialogue sur la reli-
gion, où l'auteur défend le juda'isme contre
tes philosophes païens, et s'appuie principa-
lement sur l'autorité de la tradition ; selon
lui, il n'est pas possible d'établir aucune re-
ligion sur les seuls principes de la raisDU. H
attaque en même temps la secte des Juifs ca-
raïtes, qui ne se soumettent qu'à l'Ecriture
sainte. On trouve dans ce même ouvrage un
abrégé assez exact de la croyance des Joifs.
11 a été d'abord traduit en arabe, ensuite en
hébreu de rabbin, par U. Juda bcn Thibboii.
H y en a deux éditions de A'enise, l'une qui
ne contient que le texte, l'autre qui y joint le
Commentaire de R. Juda Muscalo. Buxtorf l'a
fait imprimer à Bâie en 1660, avec une ver-
sion latine et des notes. On en a aus-^i une
traduction espagnole, faite par le Juif Aben-
Dana, avec des remarques dans la même
langue.
CltAlNTE. Le psalttliste dit {Ps. xviii, 10),
que la crainte de Dieu est sainte; dans le
psaume ex, 10, que c'est le commencement
ou le principe de la sagesse. Dans le psaume
cwiii, l'iO, il dit au Seigneur : Pénétrez-moi
de la crainte de vos jugements. Le Sage ré-
pète la même chose (Prov. i, 7; ix, lo"e(e.).
il est bon d'oiiserver que, dans l'Ancien Tes-
tament, la crainte de Dieu signifie une sou-
mission rcspec ui'use i nvors Dieu; les Hé-
breux n'avaient point de terme propre pour
exprimer le sentiment que nous appr-lons le
respect. Saint Paul exhorte les fidèles h sa
sanclificr dans la rrainfe du Sei;,Mieur {II
Cor. VII, 1). — Mais le même apôire nous
enseigne que l'esprit du clirislianisme n'est
point, comme sons l'ancienne loi, la crainte,
qui est le caractère des esclaves, mais l'a-
mour, qui est le (iropre des enfants de Dieu
{Itom. VIII, 15). ^aint Jean dit que la charité
parfaite exclut la crainte; que celle-ci est un
sentiment pénible (/ Joan.iv, 18j. Il y a donc
une crainte utile et louable, et il y en a une
qui est vicieuse et répréhensiljle. — Consé-
qiiemment, les théologiens distinguent la
crainte servilement servile , par laquelle
l'homme évite evtérieurenicnt le péché, à
cause du châtiment (lui y est attaché, mais
conserve dans son cœur' l'indinalion à le
commettre, s'il pouvait éviter la punition; la
crainte simplement servile, qui bannit le pé-
ché et touli! afiection .lu péché, afin d'éviter
la peine; la crainte filiale, qui fait renoncer
au péché par amour pour Dieu. Celle qu'ils
nomment crainte révérentielle n'est aulre
chose que le respect pour la majesté divine.
De l'aveu de tout le monde, la première de
ces craintes est vicieuse, puisqu'elle laisse
dans le cœur l'alTection au péché. C'est de
celle-là que parle saint Paul, lorsqu'il dit que
c'est le caraeière des esclaves; elle dominait
chez les Juifs, dont la plupart ne s'absle-
naient du crime qu'à cause des châtiments
temporels attachés aux infractions de la loi.
La seconde est utile et louable ; le concile de
Trenie décide que la crainte qui exclut la
voloiilé de pécher et renféiiiie l'espérance du
pardon , non-seulement ne rend pas le pé-
cheur hypocrite et plus criminel, comme le
soutenait Luther, mais que c'est uu don de
Dieu, un mouvement du Saint-Esprit, qui
dispose le pécheur à la justification [Sess.iï,
c. 4, et can. 5). Voy. Atthitiox. La troisième
est iu-éparable de l'amour de Dieu. Ceux
qui ont confondu ces dilîér.'ntes espèces de
craintes ont raisonné fort mal.
On a <lonc condamné avec raison les théo-
logiens (jui ont enseigné, sans restriction et
sans distinction, que la crainte n'arréle que
la main, laisse dans le cœur l'attachement
au péché, n'est bonne qu'à produire le déses-
poir, etc. Cette docirine est évidemment con-
traire à celle du concile de Trente. 11 est
assez singulier que ceux qui ont le plu»
déclanié contre la crainte, en géiieial, aient
travaillé de toutes leurs forces à nous l'ins-
pirer, en représentant toujours Dieu comme
un maître beaucoup plus terrible qu'aima-
ble. — La crainte est utile, sans doute, pour
( 'iichcr des pécheurs ingrats et eudurcis
lisd
ËtVB
CRB
IIGO
puisque Dicn emploie souvent les menaces
pour les effrayer; mais, en général, les mo-
tifs de reconnaissance el de conGance sont
plus propres à faire impression sur le très-
grand nombre des hommes, qui pèciient plu-
tôt par faiblesse que par malice. Pour un
passage de l'Eciilure sainte capable de nous
donner de la crainte, il en est dix qui sont
destinés à nous inspirer la confiance en la
bonté de Dieu, l'espérance en sa miséricorde,
l'amour envers un père qui nous menace,
parce qu'il ne désire pas de nous punir. —
Une inOnilé d'âmes vertueuses, mais timides,
ont été jetées dans le trouble, dans le décou-
ragement, dans le désespoir, par la lecture
des livres dont les auteurs mélancoliques ne
montraient dans la religion que des sujets
de crainte; souvent l'on est obligé de défen-
dre ces sortes de lectures aux personnes
d'une imagination vive. Mais pourrait-on
citer des âmes qui aient renoncé à la vertu
par un excès de conGance en la miséricorde
et en la bonté de Dieu? Voy. Confiance en
DlED.
Les athées et les matérialistes prétendent
que la notion de Dieu et la religion, en
général, sont nées de la crainte; nous prou-
verons le contraire au mot Religion.
CRÉATEDR, CRÉ.\TION (1). Créer, c'est
produire des êtres par le seul vouloir. On ne
peut attribuer ce pouvoir à Dieu d'une ma-
nière plus énergique el plus .sublime que l'a
fait Moïse {Gmes. i, 3i : Dieu dit : (Juf lu lu-
mière soit, et la lumière fut. C'est ainsi qu'il
représente successivement toutes les pruiluc-
tiuns de Dieu; elles ne lui cuùlinl qu'une
parole, un seul acte de volonté. Selon le
psalmisle. Dieu a dit, el tout a été fait, il a
coinmandé, et tout a été créé {Ps. cxlviii,5).
Dieu lui-même dit. par la bouche d'isaïe :
J'ai appe!é le ciel el li terre, il ils sr si,nt pré-
sentés (c. XLV, V. 2't ; c. XLviii, V. 12). Judith
parle de même : Vous avez dit. Seigneur, et
tout II été [ail; vous niez snuf/lé, et tout a été
créé {Judith, xvi, 17). L i mère des Macha-
bécs représente à son fils que Dii'u a fait de
rien le ciel , 1.1 terre, tout te qu'ils reiifei-
meiii, el la race humaine (// Macliab. vu,
28). Le dogme de la création a donc été cons-
tamment professé chez les Juifs, .\-l-ll pu
venir d'une autre source que de la révélation
primitive? — En elTi-l , Moïse imus apprend
que Dieu bénit el sanctifia le septième jour.
Pourquoi, sinon afin (lu'il sirvîl de monu-
ment perpé'ut'l de la création? La semaine
ou l'usage de compter les jours par sejil a
été observé par les paliiarc les, avant que
l'on pût le rapportiT à des calculs astrono-
miques. Noé demeura sept jours avant de
sortir de l'arche {Gen. viii, 10 el li). Les
noces de Jacob durèrent sepl jours (xxix,
27); ses funérailles de môme (l, 10). La loi
(1) Critérium de la [oi catholique sur la création. —
11 esl lie foi que tmit ci: (|tii culsle . ou existera liors
de t>ieu, suit e-pnl, suit visinu;. s»it invisible, a été
créé «l.iiis le le iips ei n exisie i us de lonie elernilé
(ConcH. Later. iv). La foi se tJil sur l'épuque et le
mode (le U créaiiun.
de sanctifier le sabbat, ou le septième jour,
en mémoire de la création, fut renouvelée
dans le désert {Exod. xvi, 23; xx, 11). De là
le respect des Juifs pour le nombre septé-
naire.
Si la sanclifiralion <lu sabbat fut ordonnée
sous peine de mort, c'est à cause de rmipor-
lance du dogme île la création. Il csl évid v.t
que l'intention de Moïse, en écrivant la Ge-
nèse, n été de prémunir les Hétirrux conlie
l'erreur des autres peuples, qui admettaient
plusieurs dieux, qui adoraient les autres et
les éléments, el contre tous les faux systèmes
philosophiques qui devaient éclore dans la
suite des siècles : conséquemmenl, il leur
enseigne qu'un seul Dieu a tout créé. Dieu
n'a donc pas eu besoin de coopéraieur, puis-
qu'il opère par le seul vouloir; les astres et
les éléments ne sont pas des dieux, puisque
ce sont des créatures que Dieu a faites pour
l'utilité de l'homme; lui seul gouverne toul
par sa providence, puisque c'est lui qui a
établi, dès le commencement, l'ordre qui rè-
gne dans la nature : il est donc le seul distri-
buteur lies biens cl des maux, et re serait
une absurdité de les attribuer à d'autres qu'à
lui seul. Ainsi, d'un seul trait. Moïse a sapé
par la racine les fondements du polythéisme
el de l'idolâtrie, le faux système des émana-
tions, qui a été la source de tant d'erreurs,
l'hypothèse non moins ahsurde du destin ou
de la f.italité, et toutes les autres rêveries
philosophiques, longtemps avant leur nais-
sauce.
En second lieu, de la notion de Créateur
s'ensuivent tous les attriliuts de Dieu; ce
dogme seul nous en donne la vraie notion.
Dieu esl l'Etre nécessaire ou existant de lui-
même, pui>qu'il esl la première cau'-e sans
laquelle rien n'aurait pu sortir du néant; il
esl éternel ; rien n'était avant lui, el il est
avant lous les temps; il esl louti-puissant :
rien peut-il résister à celui qui opère par le
seul «ouloir? il est infini, aucune cause n'a
pu le borner : par quel esp ice [louvailil être
limité avant la créutian? Il est pur esprit,
puisqu'il a tiré du néant l.i mat ère, et qu'il
agit avec intelligence. Pour connaître tout
ce (iui est, tout ce i|ui sera, loul ce qui peut
être, il n'a liesuin que de voir l'élendue de
son pouvoir; il ne doit pas lui en coiiter da-
vantage pour gouverner le monde qu'il ne
lui en a coûté pour le former. — Faute d'a-
voir connu ce dogme essentiel, les philoso-
phes ont été incapables de dcinonlrer l'unité,
la simplicité, 1 1 parfaite spiritualité de Dieu :
ou ils l'ont I onçu comme t'âme du monde,
ou ils ont pensé que Dieu avait laissé à des
espiils inférieurs le soin de le fabriquer et
de le gouverner. La théologie de Moïse, qui
est celle de notre premier pèie, était donc le
meilleur préservaiil' contre les divers égare-
ments du genre humain. — Cependant des
écrivains téméraires oui avancé que la créa-
tion e>t un dogme nouveau, une idée philo-
sophique; «lu'il n'est pas en-eigné claire-
ment par Moïse; que plusieurs Pères de
rE;;lise l'ont ignoré; qu'il n'est pas fort es-
sentiel à la théologie, elc. Toutes ces asser-
tici
CItE
CIlK
llfi.>
tioiis, hasardées et répétées aveuglément par
nos incrédules, lombenl d'elles-mêmes à la
vue de la clarté el de l'énergie du texte sacré.
C'est une grande (|ueslion , entre les plus
hahiles critiques, de savoir s'il n'est aucun
des anciens philosophes qui ait almis le
d-gme de la ciéalion, si tous l'onl rejelé for-
mellen)rnf, si tous tint snulenu ou l'éternité
du monde, ou l'etermlé di- la matière, (ud-
worth, dans son Système intellectuel, avait
avancé que les philosophes plus anciens
qu'Aiislole n'avaient point reg;irdé le prin-
cipe, rien ve se fait île rien, comme incontes-
table; il avait cilé quelques passages qui
semblaient prouver que Pjthagoro, Platon
el quelques-uns de leurs disciples, ont sup-
posé une espèce de création. Mais Beauso-
bre, Le Clerc, Mosheim, Hrucker et d'auti es,
sont d'avis que ces passages ne sont pas dé-
cisifs, qu'ils sont contredits par d'autres plus
clairs : d'où ils concluent qu'aucun philoso-
phe n'a enseigné la création prise en ri-
gueur. M. Anquelil s'est ailaihé à faire voir
que Zoroasire el ses disciples ont lormelle-
menl professé celle vérité {Mcinairei de l'Aca-
démir des Inscriptions , tom. L\lX,i«-12,
p. 123). \yoy. D eu] — Il faut avouer cepen-
dant qu'il est difficile de voir quel a été le
vrai sentiment des philosophes , touchant
une question qui passait leur intelligence, à
cause des contradiciions fréquentes d.ins les-
quelles ils sont tombés. S'ils avaient admis
un Dieu créateur, il est à présumer qu'iîs
auraient tiré de celle nolii)n les conséijuen-
ces qui en ilécoulent évidi mnient ; qu'ils en
auraient conclu l'unité, la simplici é, la spi-
ritualité, la |irovid(Micc de Dieu; (jue jamais
ils ne l'auraient pris pour lame du monde.
Mosheim va jusqu'à prctendre que les pla-
toniciens, même du iir el du iv siècle, qui
connaissaient les dogmes du chrisliani>me,
n'ont admis qu'en api>arence celui de la
création; qu'ils l'eniendaient non dans un
Sens réel, mais dans un sens métaphysique,
auquel on ne conçoit rien (Cudworlh, Syst.
intd., tom. Il, p. 237). Quoi qu'il en soil, il
demeure incunteslahle que le dogme de la
création est venu, non des raisonnements
philosophiques, mais de la révélation primi-
tive, el de la tradition conservée par les pa-
triarches et par leurs descendants (1).
(I) Ce n'esi pas que le dngme de la oré.iiinn
ne aort fundé sur une (léinoiisiraiinn lo^i |iie e(
rnii.iiiiielle. Nus plus illiislies aiiolugisie-, Hei'fjler,
Biillei , la L'ziMiie oui inviiicilileiueni iléniniilré la
iiéeessi é absolue de l^i cié:>lioii. M;>i' (jiiUÀ-.el a
ilcim.é dans l'edilioii du Dictionnaire de Théototiie,
de ISesauçoii, un rcsuiné clair, net et iiariaileiiient
déniiiiisiraiif de leurs preuves. Nnus mnis conli'iite-
roii.s lie 11! ciier.
1 Ce n'est i|iie lorsqu'on est instruit par la révéla-
liu'i, dii-il, rin'on peut sentir et ilemonirer l'exis-
tence (l'un Dieu cré;ileiir ; or, voici einniniMil les
philosophes elirctiens ont coulu re de prncéiler pour
la déiiionslraiiun du do,^lue de la créilioii.
« 1. Jl existe quelque cliose. L'on ne iloil el l'im ne
peut exiger aucune preuve de celte prupusltion : les
athées en conviennent avec nous.
« Un eue ne peut exisier à moins qu'il n'ait uiia
DicT. DE Théul. dosmatiqle. I.
C'a donc été une témérité inexcusable de
la pari de Beausolire, de soutenir, après Bur-
net, qu'il est incertain si ce dogiuc a fiit
partie de l'ancienne théologie juive; qu'il n'y
r;iison suffisante do son existence. Ce principe est
d'une éviilence telle qu'il serait ridicule d'enlreprcn-
tlre de le i rouver. Ce serait il'aitleiirs une peine
inulile, car il n'est coiileslé par personne.
< La raison sui'isanie de l'existence peut être de
doux genres, ou la piopre nature de l'éire, ou une
cause extérieure. Tout être existe, ou par soi-même,
ou par autrui. Ce principe est encore reconnu vrai
par nos adversaires.
« L'Eue qui existe par soi-même, en vertu de sa
pr'i|ire natuie, existe nécessaiiemeiil ; il ne peut pas
ne point exister. Celte vérité est eicore évidente et
reconnue. Puisque l'existence lait partie de l'essence
de cet être, il ne peut pas ne pas l'avoir. Un l'appelle
en conséquence l'iitre nécessaire.
« Au conlraire, l'èlre (|ui doit son e\i^lence à une
ca ise étrangère n'existe <|iie dépendainnient de
cette cause, et amant qu' 1 a cié pniiluit par elle.
Son existence n'est pas une cliose eu soi nécessaire,
I nisqu'il a éié un tcin|>s où il ne l'avait pas. Un
le conçoit non existant : d pourraii d^mc l'être.
Mous le nommons en conséquence l'être cuntin—
gent.
I 11 est important de reconnuître deux sortes
de néceS'ité, l'une aniécédeiile et absolue, l'autre
cun-équeuie el liypolliéuijiie. La prenne e tient à
la iLituie même et à l'isseuce de la clinse. Ce (pu est
nécessaire de cette manière est aussi essentiel. 11
iiiipln|ue conlrailiciioii que cela ne soil pas; parce
qu'il répiiiine qu'un être soit sans son essence. Un
appelle cetie necessi.é antécéilenie , non qu'elle
piecède léellemeiil la chose, mais parce que
nous la concevons C'innie le priiici|>e de la
cliiise. Un l'appelle absolue, parce que dans aucun
cas, ilnns aiieune suppo^itlon, elle ne peut pas ne
las élre. L'iiypoiliese que l'on voudrait nnaginer
de sa niMi-exisience reMlernierait une coiilradictioii,
présenterait l'éire et le nou-étre. C'est ainsi, par
exeiniiie, que sont nccessaires li'S ax omes de la
géométrie. Il est nécessaire, d'une nécessité absolue,
que l.ius les points de la en conférence d'un cercle
soient à une égale dislance du centre : on ne peut
pis concevoir un cercle en excluant celle piopuéié
e-sentielle. La nécessité tonséquenie ou liypoilieti-
que est, comme le mol rannouee, celle qui résulte
d'une supposition quelconi|ue. L'Iiypetliése posée,
II ci>nsé<|uence s'ensuit nécessairement ; mais sans
celte liypotiiése la chose amait pu n'être pas. Il est
nécessaire qu'elle soil d'après la supii'isiiiou, il n'é-
laii pas nécessaire ipi'elle lù> avantia supp.Miti n. Par
exemple, tons les événements passés ne peu veut pas
ne pas avoir existé : puisqu'on les suppose passés, il
est nécessaire ipi'ils aient eu lien ; m.ds il u'eiaii pas
nécessaire qu'ils existassent. 11 est mainienani néces-
saire i|ue Louis XtV ait vécu; ce n'et.iii pas en soi
une ch'ise nécessaiie qu'il vécût. De même, dans
l'iiidie |iliysi.|U'-, le mnuveuienl d nn corps est l'clli t
nécessaire de l'nupulsioii qu'il a reçue. Il est iinpus-
siliie que lelle impulsion dnoiiee à tel corps dans
telle direction, ne prodirse pas un lel mouvemeut;
mais on seul que ce n'est la (|u'nne nécessite htpo-
tlié.h|ue, ipTiine né. (■ sité résultante de ta supposiiion
que l'iuqeds on a été d nnée. Tout etfel suppose une
cause: il peut y avoir eiiire l'ellet et la i anse une
relaiiou nécessaire; mais' une necessiie de snnple
relation n'est pas alisolne. La i.éeeskilé d'un effet
ne peut être que le résultat de l'ex.stence et de
l'oiicialion de sa cause. Si j'onvie la niain , le
corps que j.e liens lombe necessiiireinent à lene ;
nuis sa chute n'est nécessaire que d'après l'iiypo-
'lièse de l'ouverture de ma main, Un effet ne
37 Ar,
^.
1163
CRE
CRE
1IG4
.1, dans les livres saints, aucun passage par aucun passage assez clair, ni aucun argu-
lequd on puisse le prouver démonstrative- ment assez démonstratif pour conviiincre
ment à un esprit prévenu (//is^ rfi* Madîcft., un esprit prévenu; mais la prélenlioii
tome il, 1. v,C. 4). Nous convenons qu'il n'est d'un raisonneur ooiniâtre change-t-elle la
saire d'une nécessite absolue est une contradiction
dans les termes. On s'exprimerait même plus esacte-
meut en disant que l'ellel est nécessité, qu'en le
disani nécessaire. Il résulte de là (|iie les choses
nécessaires d'une nécessité seiilemetit liypoiliéiique,
sont en soi absolument cimtinsentes; on les con^îoit
iiès-liicn non existantes : il n'y a point de contradic-
tion à ce qu'elles n'eussent pas élé.
1 11. H existe itn Etre nécessaire. 11 implique contra-
diction que la totalité des êtres existants soit con-
tingente ; dans ce cas elle existerait et ne pourrait
pas exister. Elle existerait, c'est rbypoilièse : elle
ne pourrait pas exister ; car n'ayant pas l'existence
par sa nature, elle n'aurait pu la recevoir d'autrui,
puisque hors de la collection des êtres, il n'y a au-
cun être, b^lle n'aurait donc ni un principe inierne,
ni une cause externe de son existence. Elle n'aurait
aucune raison suilisante pour exister. Il faut ou nier
qu'il existe aucun être, ou avouer qu'd y a quelque
être existant par su propre natnie.
I L'être contingent est par sa nature indilTérent à
rexislenie et h la non-esistenee. H n'existera jamais,
s'd n'y est déieiininé par une cause liors tie lui.
Dans riiypoilièse de tous les êires contingents, il ne
s'en trouvera aucun qui les détermine à exister ; si
donc il n'y a pas un Etre nécessaire, rien n'existera.
« Ainsi tel est notre premier concept, telle est la
notion primitive que la laison nous présente de Dieu,
et de laquelle elle l'ait découler toutes les auires
idées qu'elle nous en doi>ni\ C'est aussi celle que
Dieu donnait à Mutse do lui-même. Je suis Celui qui
4MIS. Tu diras aux eiifwHs d'hraél : Celui qui est m'a
envoyé vers vous. Dieu est celui qui est, et qui ne
peut pas ne pas être; à qui l'être appariieni en propre,
et non pas en concession ; qui jouit de l'exisience
par la vertu de sa nature, et qui ne l'a reçue d'au-
cune cause ; qui la possède esseiitielleuienl, et qu'on
ne peut pas cuncevoir non existant.
< Cette vérité, cju'd existe un Kire nécessaire, est
généraleraeni reconnue par les athées ; car ils pré-
tendent que la matière existe nécessairement.
I Cependant quelques-uns ont imaginé un expé-
dient : c'est de supposer une succession iulinie d'êlres
indifférents à exister, d'êtres contingents, qui se
sont produits les uns les autres, sans qu'on puisse
jamais arriver au premier de ces àires produits.
I Mais cette supposition e>t évidemment absurde.
Aucun de ces êtres produits n'existe par nature ;
donc aucun n'a, dans sa nature, un principe d'ôxis-
lence : chacun d'eux a donc en soi-même le néant
de ce principe. Qu'on multiplie jusipi'à l'inlini les
néants de principe d'existence, on ne ionnera jamais
nn ilegré de ce principe ; car tous les néanis imagi-
nables des néanis iniinis d'un principe réel n'en
peuvent pas produire un seul degré; donc celte col-
lection inlinie d'êtres produits ne peut pas se don-
ner l'existence.
I Achevons de mettre ce raisonnement dans le
plus grand jour, par quelques coiiiiiaraisiiiM.
< Iju'on muliipiiu à rnilini les /.éros, ils ne don-
neront jamais la plus petite valeur : des zérus iniinis
ne valent pas plu? qu'un téro.
< Qu'on miiliiplie à l'inlini les arengles, ils ne
formeront pas le moindre d^'gré de |)uissance de
voir ; une multitude inlinie d'aveugles ne peut p.is
plus voir qu'un seul ; parité ipie l'aveugiemenl étant
le néant de la puissance de voir, une inliiiité d'aveu-
glements ne seront que des néants iniinis de puis-
sance de voir, qui ne donneroni jamais aucun degré
de celte puissance.
I D'une multitude infinie de luorls un ne verra
point sortir la vie. Des flambeaux éteints, en quelque
nombre qu'on les suppose, ne donneront point de
lumière. En nwilipliant les pauvres, on n'oie pas la
pauvreté, mais on l'augmente.
f D'ailleurs, on nous donne comme infinie celle
chaine de générations, de productions ; cependant
elle ne l'est point. Si elle se termine ou finit au mo-
ment présent, elle n'est donc pas infinie ; si elle aiig-
nienle, elle l'est encore moins ; il est absurde ijne
l'infini actuel puisse aii.!raeiiter. On peut coinnieneer
actuellement une cliaine successive, infinie en puis-
sance, qui ne sera jamais terminée, qui n'exisiera
jamais tout entière ; mais une chaîne successive,
actuellement infinie et actuellement terminée, est une
contradiction.
< Ou mille ans avant n ms elle était déjà iulinie,
ou elle ne l'était pas. Si elle l'élait, mille ans de plus
ne l'ont pas rendue plus longue ; il est absurde que
l'inlini actuel puisse devenir plus grand. Si elle ne
l'était pas, mille ans simt une durée : il est aiisurde
que deux quantiiés bornées, ajoutées l'une à l'auire,
produisent une (|nantilé infinie.
( Tous les êires étant produits, il n'en est aucun
duquel on ne puisse demander : Quelle est sa cause?
En remoiit int à l'inlini, loin de résoudre la qiicslion,
l'on donne lieu de la renouveler à rinfiiii. En des-
cendant la chaîne, tous les êtres sont cause de ceux
qui suivent ; mais en remnniani, ce ne soia plusi|Ue
les elfets de ceux qui précédeni : s'il n'y a point de
première cause, ce sera une chaîne inlinie d'effets
sans cause.
< Concluons donc qu'il est un Etre absolument né-
cessaire, lin Etre qui existe par soi-même, eu vertu
du sa propie nature.
< III. L'Etre nécessaire est néceuairement tout ce
qu'il est, et tuul ce qu'il penl être.
i Un ne parle point des opérations libres de l'Elie
nécessaire, des actes de sa volonté ; il s'agit uiii((ue-
inenl de ses attributs : or ils sniil tous en lui d'une
nécessité absolue, de même que son existence. Dans
les êtres contingents, il est tout simple qu'il y ait des
propriétés accidentelles ; ccux-mêine de leurs attri-
biils qui leur sont esseniiels, ne sont nécessaires (|u ;
d'une nécessilé liypiituéti'iuc, c'est-à-dire d'une né-
cessité qui suppose l'existence contingente d'un su-
jet ; in;iis l'Etre nécessaire d'une nécessié absolue a
son essence d'une nécessilé absolue. Elle ne dépend
pas d'une byptiihèse, puisque l'existence de cet Etre
est nécessaire absolument, et n'est la suite d'aucune
hypoilièse. Il n'a pas pu i,xisier sans sOn essence, et
puisqu'il ne peut pas ne pas exister, il ne , oui pas
ne pas avoir ceite essence.
I Or, toutes les propriétés de l'Etre nécessaire lui
sont essentielles ; il ne peut pas en avoir qui soient
accidentelles : car de qui ticuidrail-il des modiliea-
lions purement accidenlelies '( Serait-ce de sa natu-
re'? Alors elles ne seraient pas aceidemelies : CJ
qu'un être pn.ssède en vertu de sa nature lui est es-
seniiel. Serait-ce d'une cause extérieure ? Mais quelle
serait cette cause C"niin;;enle, qui luiait le pouvoir
d'ajoulcr .les modes accidenlels a l'Etre néeessaiie?
Non, ce n'est que de sa nature que l'Etre nécessaire
peut avoir ses inodilicalions. Les modilicaiiuns a\ni
être ne siuit pas des êtres à part, ayant une exis-
tence personnelle, elles ne sont autre chose que l être
lui-même niodilié de telle façon. Celles de l'Eue né-
cessaire sont donc l'Etre nécessaire lui-même; elles
sont donc nécessaires. En un mol, il répugne qu'un
être soit nécessaire dans sa propriété d'exister, et
: contingent dan» son mode d'exister; qu'il existe ne-
il 63
CRE
CRE
1100
sisnificalion naUirelie des termes? Nous
avouons cneoie que l'hébreu bnra, le grec
KTi:;£tv, le l.iliu rrenre, le rr.iiirais crier, n'ex-
priiueiil pas toujours la création proprement
CRSSiiiremenl, et cepeiidiiil d'une nianièie cniitin-
geiiie.
< IV. L'Etre nécessaire eut éternel. L'élcrnile csl la
consé(|iieiice imniéiliale ife la ncoossilé il'exisliT ;
iiséilé el élernité sont piesqu^^ deux ^e^lnt^s iik^iili-
qui's. Aussi lous coux qui onl ri'co inii ^e^i^^ell«e de
lu DiviiiilC, iiiéuie \y.\\u>\ les p:rii,iis, uni un même
leuips prid'essé son. éiernilé. Ki les alliées qui veu-
lent i|iie la intnièie exisie i:éci'-sairenient, préien-
dent aussi i|u'e!lfi cxisIe clernoll niint.
« En ellél, si l'ôir.^ iiéce~s:iire a en un pomnlence-
ineni, d'où l'a lit eu.? Uo lui-mènic? Mais aucune
clio.si; ne peut .se donner à elle-inènie l'exisience. Il
faudrait ipi'clle existât avant d'exislor. Deipielipie
aut'ru ? Mais aUirs il serait coniing ut ; il ne sérail
plus ri'Ure.nécess.iire.
€ S'il pouvait y avoir un temps, soit dans le pas-
sé, S'il dans le luiur, oii l'Eue nécessaire n'existât
pas, il serait iiéccssaii-e et il ne léserait pas. Il le
Serait, c'esi l'hypoilièse : il ne le serait pas , puisqu'il
pourrait ne pas exister
< V. L'Ulre nécessaire est immuable. LNnMnulabilité
de rtOtre nécessaii'c, c'e-t-à-dire sa prO|iriété de ne
jamais cli.inger, de rester toujours le inènH-, est la
conséi|ueiiee immédiate do ce (pit: nous avons étal>li
jusqu'ici. Nous avons montré qu'il est néecssaireiiieiil
ce qu'il est : il ne ptul dune pas deve ilr a itre (in'il est.
Nous avons établi que tontes ses pnqjriélés lui suiit
es>entielles : or, aucnn être ne peut changer d'es-
sence ; ce qui lui eslessentii'l lui est trllemeni iiilié-
reni, iiu'il ne peut pas ne pas l'avoir. L't^lre contin-
gem qui peut être détruit ne peut pas:, tandis ipiM
snlisiste, perdre sim essence. L'issence de l'Iiire
nécessaire est iiidestiuelilile, comme smi existence.
« 'l'ont thangemenl piovient d'une lause externe
on interne. 11 serait dériiso iialile <le prétendre que
des êtres coniiiigenîs eu^^enl sur l't'^lre iiéce^sa re li
puiss une de clianger de nature. Il répugne égale-
nieiii que la iiéce.ssiié d'exister suit un principe de
variation.
f VI. L'Etre nécessaire est infiniment parfait. Quand
nous disons que l'Eire nécessaire est inliuiment par-
fait, nous n'eiitâiidoiis pas qu'il pos^ède ali.-oluinent
toutes les perlei lions imaginables ; il v en a qui, par
leur nature, sunl. mêlées d'imperreilions : ou sent
bien que te n'est pas de celles-là (pi'il peut être ici
qtiesMoii. Il y aurait coutradiclioti dans l 'S termes à
dire qu'un être parlait jusqu'à l'inlini reiiferme des
imperléelions. Il y a aussi des peiléelions qui Sunt
opposées à d'autres et qui les excluent ; ce n'est pas
encore de i elles-là que je parle : il ne peut y avoir
dans un même être des qualités contradictoires. J'ai
dittpio rfc-tre nécessaire réunit Imites les perleciioiis
possibles, c'est-à-dire tontes celles qui »oiit compa-
tibles, suit cntie elles, soit avec le degié iiilini où
elles doivent c re portées.
• l'our prouver l'iiilinle perfection de l'Etre néces-
saire, je pose d'abord en |)rinci|ie qu'elle esi p issi-
ble dans lui. Je dis dans lui, et dans lui seul. L'd re
coiitiiigenl est es^emiellelnent fini dans ses peiiec-
tiuns ; Il ne les a que conllngeninienl. qu'accideniel-
lemenl ; ainsi, ù'.ibord il peut les [leidre, ce (pii est
une iuiperfeclion ; ensuite, des qualités acci lenlel-
les s<int sujettes àvaiiiliou, peuvent recevoir de
rau.:menuiiion, de la oluiiinulion : autre ((iiiiradic-
lion loimelle avec l'uili.ii q li n'est susceplilile ni de
Fuu ni de l'aulic. Mai> si l'jniinie perl'eclio.i csl in-
conipaliblo avec •l'existence niniingenie, elle se eun-
cilie irés-bien avec l'existence nécessaire ; les nié-
mes raisons ne l'excluenl pas de l'Etre immuaole,
incapable de tien perdre et de rien acquérir. Le pos-
dite; aucune langue ne peut avoir un lorine
sacramentel pour la désijîner, puisiue ee
n'est pas une iJée qui soit naturellement
venue à l'esprit des inventeurs du langage ;
sililc est, ce qui ne répugne pas, ce qui n'implique
pas cnniradicti'iii, ce qui n'empivrle pas l'être et le
nun-étie : or, qu'y a-i-il de contradictoire à ce qii'ini
être qui exisie par sa nature, ail par sa nature l'iii-
liiiie perfection'? Esi-ee l'agrégation de toutes les
perléciions compaiibles entre elles? Ou ne peut pas
le piélendre, puisque leur coinpaiiliililé fait partie
de la supposition. Est-ce le sonver.iiu degré, l'exal-
laiiou lie U'utes ces peifeclions jusqu'à linli il, qu'on
voudrait inellre en contralicliim avec l'existence
né*. cssaire'? Il n'y a entre ces deux idées aucune op-
position : l'aséiiéne mot pas, comme la coniingence,
une borne aux pcleclions. Non- concevons, dans
l'Etre nécessaire, la perfeelion illimitée : elle esl
donc possible en lui.
f M.iis j'ajoute que, s'il peut fa posséder, il la pos-
sède. L'Eire qui est néceNsaireiiieiit liiiii ce qu'il est,
est' aussi nécessairement tout ce ipi'il peni être. Si,
pouvant itre inlinlment parlait, il ne t'était pas, il y
aurait une contradiction maniléste. Il pourrait l'être:
cela e^i avoué pir la supposition niéuie qui est fane.
H ne poiiriail pas l'être, puisque ne l'étaui pas, il
serait dans l'iinpossiliilité (Je le devenir ; son immu-
tabilité s'y opposerait. Acquérir quelque perfection
ou quelqae degié de perleclion, serait subir un cliaii-
(Semenf,, serait devenir autre que ce qu'il e>t.
• 11 n'y a dans l'Etre nécessaire rien qui ne lui
soit essentiel; et ses perlecliun^, et le degié de ses
pcrieciions soi.t dune en lui esseniiellemenl ; elles
sont donc au point qui n'esi pas susceptible d'aug-
ineiitaliiiii : elles smil donc inlinies.
I Si l'Etre nécessaire n'est pas inflni en uerfec-
lioiis il est donc borné. Mais d'oi'i viendrait ceite
limitation? Serait-ce d'autrui? (Quelle ser.iil cette
cause supérieure à lui qui aurait le pouvoir de lui
prescrire des bornes '' Puisqu'il a essentiellemeiil
tous ses aliributs, on ne peut ni l'en priver ni les
moililier. On ne peut ôier l'essence d'un é re, à
niuiiis de l'anéantir. Ser.iit-ce de l'Etre nécess.iire
lui-inême que viendrait la limitation de ses peifec-
lions / Diiis ce second cas. ce serait, ou sa volonté,
ou sa ii.iiiiro qui poserait la borne. FJire qne c'est
volontairement qu'il se met des bornes, est avancer
nue absuidité palpable ; et quand il le voudrait, il
ne serait pas plus en son pouvoir qu'au pmivoir
d'autrui de changer, de niudilier son essence. Pré-
tendre que c'est par sa propre nature i]ue l'fcire né-
cessaire est restreint dans ses perléciions, d'abord c.!
serait nier ce que nous venons de déiiionlrer vrai,
savoir, que rinlinic perfection est possible ; ensuite
ce serait avancer que le principe d'existence le plus
parlait est un principe d'iinp.rreclion, car le défaut
d'une I erl'eitioii, ou sa limitation, sont des imperfec-
lions réélus. La nécessité d'exister ne répugne qu'à
deuv choses, au néant et à la contingence. Elle est
compatible avec tonte perfection, avec tout degré de
perfection ;elle ne peut donc pa.. être le principe de
la liiiiilalion des perfections. l'uisi(ue l'Etre nécessai-
re ne peut être limité dans ses perfections ni par Ini-
mé lie, ni par autrui, il ne peut donc pas l'être ; il
est dmic illimité ; il esi donc inlinimenl parfait.
1 VU. La matière n'est pas l'Etre nécessaire. Ne
perduns pas de vue qu'il s'agit ici non d'une néces-
sité liypntlictiqoe, mais d'une nécessité il'exisier ab-
solue, essentielle, el telle i| l'il y ail répugnance et
contradiction da:is l'idée de la iiiiii-exi-.teiice. Ainsi
pour soutenir l'aséiié de la maii-re, il tant préten-
dre qu'il est impossible de la concevnir no i exis-
tante ; impossible même de conceioir un seul atome
non evisianl. Or, je demande quelle contradiction II
y aurait à ce que la matière n'existât pas, ou à ce
1107
CRK
CKE
11G8
unis ny a - 1 - il pas d'autre moyen de
l'exprimer? Si nous en croyons Be.iuso-
bre , les auleurs sacrés , qui disent que
Dieu a tout fait de rien , qu'il a tiré
qu'elle fùl moins éiemlne qu'elle n'est, ou enliri à ce
qu'il y eûl dans le monde quelipies particules de
mailère di' innin-i. Je coiçnis la non-exi-tonce soit
de la tnlalité, soir de quelques partie* de la matiè-
re ; sa nnn-e\islence seiail donc possible : son exis-
tence n'e^i donc pas nécessaire.
I Reprenons les propriélés que nous avons vu dé-
couler esseulielleinent de la nécessiié d'exister, et
nous nnus couvainiToiis aisément qu'elles ne peu-
vent être appliquées à la matiéie.
I Nous avons vu que l'Elre nécessaire esl néces-
gairenienl ce qu'il est; qu'd y aurait conlradiciion
entie son exisienoe nccessiire et sa manière d'èire
conlingeiile ; qu'en ci>nséqu luce tontes ses proprié-
tés lui sont e-sentiellis. Prenez toutes les propriétés
de la matière, vous n'en trouverez aucune qui ne
Suit oomingi'iite. L'éiendue de i liaipie coips pour-
rait être plus ou moins graule, sa forme pourrait
être changée, sa situilion déplacée, sa pesanteur al-
légée ou agsravée. De toutes les manières d'être de
la matière, il n'y en a aucune (|ui ne suit susceplible
de cliaiigeinent, aucune qui ne soit nécessaire. Ainsi
la matière e\is:e d'une manière conlii:geute : elle
n'existe donc pas nécessairement.
< l.a iiiaiière a ses p opriéiés, d'où elle a son
existence, ou par soi-inêine ou par autrui. Klle ne
peut pis tenir son existence de sa nature, et rece-
voir ses propriélés d'une volonié éirangèie. Comme
un éire ne peut pas ixisler sans propriétés, le prin-
cipe soit inleriie, suit externe de siui existence, l'est
aussi de ses propriété'. Si donc la matière ne possè-
de pas nécessairement ses propriétés, elle ne pos-
sè'le pas non plus nécessaireuient son existence ;
mais l'une et les antres lui viennent d'une cuise
étrangère. Si vous vipulez que la mahére ait né-
cessairement ses propriétés, vous devez prétendre
que chaque corps a nécessairement lelli'S proprié-
tés, telle grandeur, telle lijjure, telle situ liiun: ce qui
est à chaque instant démenli par l'expérience. Nous
voyons l us les corps sujets à des vaiiaiiuns, à des
vieis::itinles ((iiiliiiueiles. i-e n'est done point de leur
nature que les corps tirent leurs propréiés. Ce n'est
doue point non plus de leur nature qu'ils tieniieiil
leur existence. C'est d'une \olonlé é.rani;ère qu'ils
ont reçu tout ce qu'ils ont.
< l) .e autre propriété de l'Etre nécessaire, c'est
son inlliiie pcrieeti in. Elle est telle (|u'elle ne peut
ni augmenier ni diininui'r. Il ne peut rien acquérir
ni rien perdre. .M.iis peut-on dire que la mal ère
soit iiifiuiiiieul parlaile ? Toute m.itiere n'esl-elle
pas liiiiiiée, ce qui est ceitameuient une iiupcrlec-
liiiii ' Ku-te-t-elle loMiours au iiiéuie de^ié de per-
feitiun? Ne voynnsuous pas, au cmurane, tous les
corps et e dans une successiou conliuiielle d'.iccruis-
Siniiuil et de décioisseuienl, se lorm u', s'améliurer,
S'- déiériorer, se dissoudre ? Dira t-mi (|ue, dans ces
vicissuules, ils n'aequiéreul ni ne perdent des
perleclinns V .le siippuse avec n is adversairiS, sans
le leur aeciuder, que riioiniiie ne suii qu'un amas
de miiière. D.ms cette hypotiièse, ipii est la li!ur,
piéiendroiit-ils que Newton n'élail pas un élic plus
parlait, lorsipi'il rêvé. ail à l'iiniveis les lois physi-
ques qni le légissenl, ijue lursi|u'il éiaii d.ins le seiii
de sa niéri! un fœtus eiicure inlnrine, ou dans le
loiulieau un cadavre ron^é des vers? Un suiierlie
é'Iilice ii'i^sl-il pas plus parlait que ii^ las de pieircs
dont il lut ciiiistriiil, et (pie le mnnceau de ruines
dans lequel il se confondra ? Le tahleaii de Itapliaël
n'a-t-il pas plus de [icrieclioii que n'eu avaient les
couleurs mises péle-méle sur sa palette, ou que n'en
aura la puussiére ilan> laquelle il Unira par se ré-
ïoudru'C Les perfections dont la malien; est suscep-
toutes choses du néant, qu'il a f^iil ce tjui est
de (6 qui n'élail point, n'om pas enseigné la
créiition assez clniremenl; parce que les
anciens ont appelé rien, néant, ce qui n'était
pus, la malii^re et les êlres qui n'avaient pas
encore reçu leur forme. N'esl-ce pas là se
jouer des Icrmcs ? Beausobre devait du moins
nous direde (juelles expressions les écrivains
sacrés devaient se servir pour enseigner la
création assez clairement. En raisonnant
comme lui, on prouverait que lui-même
n'admet pas assez clairement ce dogme ,
maigre la profession qu'il en fait. Dieu a dit,
et tout n été (ail; il dit que la lumière soil, et
la lumière fut ; ainsi parlent les auleurs
sacrés : ce langage se Irotive-t- il chez les
priifanes? — Par la même prévention, Bcau-
solire doulo si saint Justin a vu la création
de la matière dans les paroles de Moïse;
parce que, dans sa première ApoL, n" 59, il
pense q. e Plalon a emprunté de Moïse ce
qu'il a dit de la formation du monde : or,
Plalonsupposeque Dieu l'a forméd'une nalure
préexisl.Mile. Mais pour savoir ce qu'a pensé
saint Justin, il ne fallait pas se contenter
d'un seul passage. Dans son Exhortation
aux Grecs, n" 22, il dit que « la nilTérence
qu'il y a entre le Créateur el l'ouvrier con-
siste en ce que le premier n'a besoin que de
sa propre puissance pour produire deséires,
au lieu que le second a besoin de inalière
pour faire son ouvrage; » n° 23, il prouve
que si la maîière était incréée, Dieu n'aurait
point de pouvoir sur elle, et qu'il ne pourrait
tible peuvent s'acquérir ou se perdre, augmenter ou
diminuer : ainsi, encore à ce titre, la matière n'est
pas l'Kire nécessaire.
I VIII. Le monde n'est pas CEtre nécessaire. Le
nioiiile est la iiiéMie chose ipie loules ses parties ;
diiiie si le moiiile existe néeesairement el par lui-
même, toutes ses parties existent nécé-saireiii ■ni el
par elles mêmes. Si les parties du inoiule exislent
née. 'ssair. ment et par elles-mêmes, elles soûl ce
(prellis sont nécessairemonl cl par elles-méiues ;
elles ne peuvent duin' changer, parce que les natures
des choses ne changent puiiil.
« Loin d'apercevoir dans tontes les par.lie* du
monde celte iiiallérahililé , qui est l'.ipaiiage de
l'Eue qii existe nécessairement et par lui-nieiiie,
nous ne voyous dans plusieui.> qu'une coiriunelle
vicissitude. Cuuili.en de rhaugemc ils n'a pas éprou-
vés la lerr.e par l.i suite des années ! Les Inuunirs,
les aniiii iix, les plantes naissent, cm ssenl et iiieii-
reiil, d autres leur sueeèdeiit qui auront le niénie
sort, (^liange.iteuts, vieiss iiides, aliéiaiious ipii
iiiuis dénioniient que ces parties ne smit pis iiéees.
saireueiii ; piitsipi'i'lles ii'u d pas ceii.' luinnilniité
d'éiat qui caraciérise l'Ere néees.saiie ; iliange-
nicuts, viiissiliides, alliirat oiis, qui, eu détruis ml
la iiéC''Ssité d'exisier dans (pielqm s un .s de.s par-
ti s du monde, la détruisent éga.eineut dans le
tout.
« IX. La matière el le monde ont éié créé*. La ma-
tière el le imuide exisleiii : »r. II» n'existent pas
par eux-mêmes, ainsi qu'on vient de le prouver ;
doue ils ont reç i l'existi me d'un autre ; dune ils
sont ciéés, dune il y a un Lire créateur distingué
du monde et de la matière : c'est ainsi que la raison
même, iuslrinio par la révélation, déiuuiitre la créa-
tion qui est au-dessus de la raiitun qu'elle ne peut
vuniprcndre. >
116e
CHK
CRE
IITU
pas en disposer. Cela est-il assez clair?
Aussi Beausobrc avoue, que si co l't-re a été
conslant d.iQs ses principes, il faut qu'il ait
cru la création de la matière {Hist. dti Ma-
nicli., I. V, c. 5, § 3). Or, s;iiiil Jus'iii n'a pas
puisé ce seniimcnl dans Plalon, puisqu'il le
réCiite; ni dans les antres philosoplies, puis-
qu'aucun d'eux n'a enseigné la ci éation. Ce
Père déi'Iare qu'il a renoncé à leur dortiine
pour éiuitier les prophètes {DiaLciim Trijph.,
n* 7 et S); donc c'esi dans 1rs piopliè es, ou
dans les écrits de Moïse, qu'il a trouvé le dogme
de la créal'ion. — Au reste, iieausohre n'a
point dissimulé son intention ; il voulait jus-
tifier les soeiniens arcusès de nier la création
de la matière; pour les faire paraître moins
coupalrles, il a liouvè bon de soutenir que ce
dogme n'est pas assez clairement enseigné
dans nos livres saints ; qu'après tout, il n'est
pas fort essentiri à la religion, puisqu'il ne
conduit pas à l'athéisme; ci quel<|ues déistes
r«n ainsi affirmé sur sa parole. Suivant ce
beau raisonnement, il faut excuser toutes
les erreurs, dès qu'elles ne détruisent pas
alisolutncnl toute religion. Mais ce critique,
si charitable à l'égard de tous les hérétiques,
si ingénieux à faire leur apologie, au ail dû
être plus indulgent pour lG^ Pères de l'Eglise
et pour les théoloi^iens catholiques ; quand
il s'agit (le justilier les premiers, la moindre
expression siisci'plibled'un bon sens lui suifil
pour ne pas leur i(nputer une erreur; dès
qu'd est question des seconds, jamais ils ne
se sont exprimés assez clairement à soa
gré; jamais ils n'ont raisonné assez exacte-
meni ; il ne faut leur faire gcâce sur rien.
Biucker, moins entêté, avoue que la pré-
vention des aniiens philosophes contre le
dogme de lu création, leur a fait embrasser
le sjsième «bsurde lias é.'iianatioiis, qui a
été la source de toutes les rêvenes des gnos-
tiques ; et <iue saint Iréiiée l'a très-bien cocn-
pris en écrivant contre ces hérétiques. Uist.
Philos., VI. p. 539, note (o). Ce dogme n'est
donc rien moins qu'indiffèrent, cl jamais il
n'a paru tel aux Pères de l'Eglise.
Le P. Ballus, dans sa Déjense des saints
PiTes, accusés de plaliinisme, livre m, page
310 et suivantes, a fait voir que tous ont
profi ssé cette importante vérilé, et ont léfuté
Platon, ijui supposait la matière élernelle.
F0(/. lillàNATlON.
CUÈCHK. Il est dit, dans saint Lue, que la
sainie Vierge et saiui Joseph, n'ajant pas
truuvéplacedansune hôtellerie deBethléheui,
furent obligés de se retirer dans une èlahle ;
que la sainie ^ ierge y mil au monde Je us-
Christ, l'enveloppa de langes, et le coucha
dans une crèche. Les anciens Pères, qui par-
lent du lieu de la naissance du Sauveur,
disent toujours qu'il naquit dans une ca> erne
creusée duiis le me. Saint Justin, qui était
de ce pays-là, Eusèbe (|ui y avait sa de-
meure, disent que ce lieu n'était pas dans la
ville, mais dans la campaune |)rès de la ville :
saint Jeiôme, (|ui vivait à lielhlehem, place
celle caverne à l'extrémité de la ville, du
côté du midi. — La crèche était donc placée
daas le rucher; celle que l'oa conserve à
Rome est de bois. Un auteur latin, cité par
Haroiiius, sous le nom de saint Chrysostome,
dit (lue la crèche où Jésus-Chrisl fut mis
était de terre, et qu'on l'avait remplacée par
une crèciie (l'argent. — Les peintres ont cou-
tume de représenter auprès de la crèrhe du
Sauveur, un bd'ul et un âne; cel usage est
fondé sur ce que dit Isaïe : Le bitufn recoivni
.sonmiiilre, ei l'âne la crèchi' de son ScKpirur;
et Haliaei.'c : Vous srrez c< nmi au miliru de
deux (innnniix. Plusieurs anciens autiurs en
ont l'ait l'appliealiiMi à Jésus naissant; mais
ce n'est point le sens litéral de ces deux pas-
sades.
CUÉDIBILITÉ. On appelle motifs de cré-
dibiLtii! les preuves (|ui nous convainquent
qu'une religion a été révélée de Dieu, con-
séquement qu'elle est vraie, puisque Di u,
qui est la vériti même, ne peut rien révéler
de faux. Dans l'arlicle Ciihistumsmu, nous
avons ciié sommairement les moiifs de cré-
dibilité (|ui prouvent que c'est une religion
divine ou révélée de Dieu.
C'est une grande quesiion entre les théo-
logiens et les incrédules, de savoir comment
l'on doit s'y prendre pour prouver la vérilé
d'une religion. Ces derniers prélendenl qu'il
faut examiner les dogmes qu'elle enseigne,
voir s'ils sont vrais ou taux in eux-mêmes,
atin de juger s'ils sont révélés ou non. Les
premiers soutiennent qui l'on doit com-
mencer par examiner si le fait de la révéla-
tion est prouvé ou s il ne l'est pas; que s'il
l'est, on doit conclure que les dogmes sont
vrais, sans se croire en état de les juçer en
eux-mêmes. Il s'agit de savoir lequel de ces
deux procédés est le plus raisonnable, et
conduit plus sûrement à la vérité; il nous
paraît que c'est celui des théologiens.
1° La religion est faite pour les ignorants
aiisi bien que pour les savants; elle doit
donc avoir des preuves qui soient à portée
des premiers aussi bien que; des seconds ;
cette conséi|uence est avouée et ^ouienue
par les incrédules même. Or, un ignorant
n'est pas en état de juger si les dogmes du
christianisme, par exemple, sont vrais ou
faux; SI la morale qu'il enseigne est bonne
ou mauvaise ; si leculte qu'il prescrit est rai-
sonnable ou supersiitieux ; si la discipline
qu'il a rétablie est utile ou abusive. — Celte
discussion est évidemment au-dessus de se»
forces : donc ce serait de sa part une impru-
dence devouloiry entrer. Autre conséquence
de laquelle les incrédules conviennent. -
Mais un ignorant peut être convaincu, par
des faits inconleslables, que Dieu a révélé
la rcli^gion chrétienne. Il peut avoir une cer-
liiude morale des miracles de Jésus-t^hrist et
disapôlrcj, du témoignage des martyrs, de
l'établissement miraculeux du chri^liani^me,
des elTets qu il a produits et qu'il opère en-
core chez les peuples qui le professent, de
ceux qu'il res-entirail lui-même s'il en pra-
tiquait constamment les devoirs, etc. Donc
c'est |iar ces preuves exiérieiires, ou par ces
motifs de crédibilité, qu'il doit juger de la
vérité du christiaiii>iiii'. Vainemenl les in-
crédules s'imaginent que Dieu a établi, pour
4I7J
CRE
gre:
1179
les Siivaiits €l les philosophes, une îiiitre
ninnièrc rie juger que pour les ip;nora:ils.
Les premiers peuvent avoir un plus grand
nomlire do preuves que les seroiiils ; nu'iis
ÎC3 preuves qui son( vr.iies et solides pour
ceux-ci, lie peuvent pan être fjussis el Irora-
peuses pour ceux-là.
2° De ce qu'un dogme quelconjus nous
pamll vrai, il n'e s'ensuit pas pour cela que
Pieu l'ait révélé : donc de ce qu'il nous paraît
faux, il no s'eusuil pas non plus que Dieu ne
l'ait pas révél'é. Il est beaucoup plus aisé de
no'is tromper rfaus l'exauien d'une docirine
obscure et abstraite, quedans l'examen d'un
faii sensiliie d pu-'pable. Par des raisonne-
inenis captieux, on peut facilement t'ioiirdir
cl égarer un homme qui n'est pas aguerri à
la di'.piile ; mais à quoLaboulissent les rai-
sonnements , les conjectures , les soupçons
contre dos faits invincihlemenl prouvés? Il
n'est pas une seule vériié spécula-live cotilre
laquelle on ne ps isso faire des objections qui
paraissent insolubles ; mais toutes les ol je,>
lions piissibles ne nous dissuaderont jamais
d'un fait dont la cerlilude morale est pous-
sée au plus haut degré de notoriété. Les so-
phismcs des scTj)tiques , des pyrrhonieiis,
des acalaleptiqueS; ont ju laire (laraitre du
leiix tous les dogmes phisosopbiiiues ; mais
ont-ils jamais eu péclié personne de se lier
au témoignage des sens et à celui des autres
hommes? Les philosophes, même les plus
incrédules, sont f)reés d'y déférer dans le
co'iimerce ordinaire de la vie.
3° Dieu est certainement en droit de nous
révé'er des mystères ou des vérités incom-
préhensibles, puisque nous en apprenons de
semlilables par le sentiment intérieur, p,'.:r
nos raisonnement-: , par le lémoignagc de
nos sens, par l.i dépositi' n des autres hom-
mes ; nous le ferons voir au mol jMv.-tère.
Il est même impossible de forger une reli-
gion exemple de inysièrcs, aucun syslème
de philo»0|iliie ou d'incrédiililéqui n'en ren-
ferme un grand non)brc. Or. quel examen
p! U'. ons-nous faire d'un dogme incompré-
hensible? C'est lie voirsi celui (]ui nous l'an-
nonce est croyable ou s'il ne l'e^t pas, si son
témoignage doit être admis ou rejeté, s'il a
OU s'il n'a (las droit de nous subjuguer. Que.
dirait-on d'un aveugle-né, (|ui. avant d'ajou-
ter foi à ceux qui lui parlent des couleurs,
d'un miroir, d'une perspective, voudrait con-
cevoir par lui-nicuiece qu'on lui en dit? Tel
esl précisément le cas dans lequel nous
nous trouvons lorsque Dieu daigne nous
parler.
4' C'est une absurdité île vouloir élre con-
vaincus de nos d'voirs religieux auiremenl
que uiius ne le sommes do nos devoirs nalu-
rels et civils. Nous sommes insiruils de ces
derniers, non par un examen sjiéi ulalif de
ce qui esl bon, louable, utile, boiinéle. rai-
sonnable en lui-même, mais par des preuves
mor.iles, desquelles il résulte que telle loi a
été portr , (|iie telle police d tels usages sont
établis el oiiserves dans la soi iélé. Sur c«
point, les objections el les raisonnemenis
des philosophes ne servept à rien, ou n'y fait
aucune attention , eux-mêmes n'oseraient
s'y conformer dans la pratique. De quel droit
pretendent-ils décider, par leurs spécula-
lions, de ce que Dieu peut ou ne peut pas
nous enseigner, nous prescrire ou nous per-
mettre?
5° Ce n'est point à nous de prouver au-
jourd'hui le christianisme d'une autre ma-
nière qu'il nel'aélépar ceux-mème qui l'ont
fondé, qui ont converti les Juifs et les païens.
Or, les apôtres ne sont point enirés en dis-
cussion de chaiine' dogme qu'ils annon-
çaient ; ils ont prouvé par des faits la mis-
sion divine de Jésus-Christ et la leur. Saint
Paul dit aux Corinthiens : Je n'tii point ap-
puijé mes discours ni ma prédication sur les
raisvnnemeiUs dont la sai/esfe humaine se si'rt
pour persuailer, );iaix sur les dcmonstraiions
d'un pouvoir divin et de l'esprit de Dieu {'■ur
des mirarles), afin que votre foi fût fondée,
non sur la sagesse dfs hommes , mais sur /a
puissance de Dieu [l Cor. ii, 4). — En effet,
la persuasion que nous avons d'une vérité,
par le raisonnement, n'est pas la fui, ja-
mais on ne s'est avisé d'appeler /biTacquies-
cemenl à une vérité démontrée. Quel mérite
peut-il y avoir à la croire? Mais Dieu veut
q:;c nous ajoutions foi à sa parole, c'est un
hommage que nous devon? à sa vért-cité
souveraine. Le mérite de cette foi fonsisle a
résister aux doutes que peuvent nous sug-
gérer nos raisonnemenis et ceux des incré-
dules. Ceux qui voulurent raisonner contre
lis apôtres, furent les auteurs des premières
hérésies, et l'on sait jusqu'à quels excès ils
poussèrent l'aWsurdité de leurs opinions.
I.e même malheur doit arriver, jusqu'à la
fin di s siècles, à tons ceux qui s'obstineront
à suivre cette méthode perfide.
6° Les conséquences énormes qui décou-
lent de la méthode des déistes, sont palpa-
bles. A fiirce de soutenir que Dieu ne peut
ncus révéler des vériiés incompréhensibles,
qu'il nous est impossible de croire ce que
nous ne concevons pas, ils en sont venus au
point de prétendre que Dieu ne peut rien
révéler du tout; que quand il le ferait, nous
ne pourrions jamais élre certains du fait de
la lévélation. Par consé(]ueul un Sauvage,
un ignorant, incapable de découvrir aucune
vérité par ses raisonnemenis , est encore
disii' usé d'écouter un prcilicaleur qui vien-
drait pour l'inslruiie de la part de Dieu ; il
doit même s'en défier el lui résister, v ivre et
mourir <lans l'abriiti-'Sement dans lequel il
est né. Ln veiiude l'exiimenspéculalif pres-
crit à tous les hommes parles déistes, il doit
y avoir autant de religions dans le monde,
qu'il y a de têtes bien ou mal faite*.
Ils ol)j< dent qu'on siii\anl notre méthode,
un mahoniéOin, un p.iïon, un iiktlàlre , doi-
vent croire, avec aulaiit de certitude qu'un
chrétien, que leur religion est vraie; puis-
que tous doivent juger qu'elle leur a été an-
noncée par des hommes inspirés de Dieu.
Mais où est la preuve de riiispinilion de
Mahomet et de ceux qui ont enseigné le pa?
ganisme? Les miracles atlnbués au premier
sont absurdes ; et lui-même a déclaré, dan»
»7Î
CRI
CRI
H7V
l'Alcoran, qu il ri'élait pas venu pour faire
des niiiacles ; les apologisles du paganisme,
Celsf, Julien, Porphyre, clc, n'ont cilé que
des prodiges desquels personne n"a été té-
moin. Ce n'est pas ici le lieu de pousser plus
loiu lé parallèle, entre les auteurs des faus-
ses religions el les fondateurs de la nôtre. —
N'est-ce pas plutôt la méthode des déistes
qui doit coiifirmcr tous les infidèles d.ins
leurs erreurs? Un inusulinan qui no sait pas
lire, n'est certainement p.is en état de se dc-
montccr la fausseté des dogmes enseignés
par Mahomel, ni l'absurdité des lois qu'il a
établies. Un païen réussira-l-il à découvrir
l'absurdité du polythéisme, pendant que Pla-
ton et Cicérou l'ont étayé sur des raisonne-
inents philosophiques ? Jamais les raison-
neurs n'ont établi une seule vérité, ni détruit
une seule erreur en matière de religion.
il n'est pas hors de propos d'observer,
que la méthode selon laquelle les déistes
veulent juger de la révélation, est précisé-
ment la inénic que celle des protestants, et
que celle-ci a fra\é le chemin à la première.
Un proteslaiit veut voir dans l'Eerilure
(luelie est la doctrine que Jésus-Christ elles
apôtres ont enseignée, et jugev par lui-même
du sens dans Ictiucl il faut l'entenire ; tout
comme un déiste veut juger par ses propres
lumières de la vérité ou de la fausscié de
celte doctrine, pour savoir ensuite si elle est
révélée ou non. Un catholique, toujours
constant dans ses principes, soutient qu'il
faut examiner la mission de ceux qui se
donnent pour envoyés de Dieu; que, s'ils la
prouvent, c'est à eux de nous enseigner ce
que Dieu nous a r» vêlé, soit de vive voix,
soil par écrit , et de nous donner le vrai sens
de celte révél.ition. Vuij. GàTuoLiciTÉ.
CHEDO. C'est ainsi que l'on nomme le
symbole des apôtres, qui est l'abrégé des vé-
rités de la foi chrétienne, et qui commence
par le mot credn, je crois. Tout chrétien qui
le récite fait un acte do foi ; cependant l'on
entend quelquefois des moralistes se plain-
dre de ce que les fidèles font lro|) rarement
des actes de foi : ils supposent donc que les
fidèles ne vont pas à la messe, ou ne disent
point le symbole des apôtres dans leur
prière.
GiiEDo, désigne encore le symbole plus
ample que celui des apôlres , el qui a été
dressé par les conciles de Nicée en 323, el de
Constanlinople eu 3S1, symbole que l'on
chaule ou que l'on récite à la messe, au
moins depuis le commencement du vi"'
siècle. On le dit immédiatement après l'E-
vangile, pour alleslcr que l'on croit et que
l'on reçoit comme parole de Dieu, ce qui
vient d'èlre lu. Ou peut voir dans le père
Lebrun une explication très-ample de; ce
synibole, et la variété des rites observés à ce
sujet dans les dilTérentes Ej^lises. Explica-
tion des cérémonies de la messe, loin, l'', p.
2'VO. yOy. SvMBoLK.
CREIENISTES, Voij. Soeurs de S\i>t-
JoSEPll.
CKIME. L'on a souvent écrit dans noire
siècle que les crimes qui allaquetit directe-
ment la religion, tels que l'impiété, le blas-
phème, le sacrilège, doivent être punis par la
privation des avantages que procure la reli-
gion, par l'exfuilsiou hors des temples de la
société des fidèles, pour un temps on pour
toujours ; par les admonitions , les excuui-
munications, etc.; mais qu'il est contraire
à la nature des choses de punir ces crimes
par des peines afiliclives. D'autres disserta-
ieiirs ont soutenu ()ue les pasteurs de l'E-'
glise n'ont point le droit de retrancher de la
société des fidèles un citoyen, ni de le priver
des sacrements, parce que cette peine em-
porte l'infamie et la perte de certains avan-
tages civils. D'où il résulte, en dernière ana-
lyse, (]ue les crimes qui attaquent directe-
ment la religion ne doivent être punis par
aucune peine.
Cette rare jurisprudence mériterait plus
d'altention si elle était proposée par d'au-
tres que par des coupables iniércssés à l'é-
tablir. Quelques réllesions suffiront pour en
démontrer l'absurdité. — 1° La religion est
le premier soutien des luis, sans elle les lois
sont très-impuissantes ; quiconque attaque
la religion , sape le fondement de la législa-
tion même; il mérite donc d'être puni par
toutes les espèces de peines que les lois peu-
vent infliger, suivant la diversité des cas. La
religion est d'ailleurs autorisée par les lois,
elle en fait partie ; les coups frappés sur l'une
retombent nécessairement sur les autres. — •
2° Les crimes qui attaquent directement la
religion, troublent la tranquillité publique.
Il est naturel à tout homme, qui croit à la re-
ligion, de l'aimer, d'y prendre intérêt, de se
croire blessé lui-même lorsqu'elle est atta-
quée ; les insultes qu'on lui fait retombent
sur ceux qui l'enseignent et la professent,
tout comme les invectives contre les lois re-
loiiibcnt sur les magistrats . Si les lois n'a-
vaient pas pourvu au cliâliment, tout parti-
culier se croirait en droit de venger l'hon-
neur de la religion; ce ne serait ()as l'avan-
tage des coupables. — 3° Lorsqu'un impie se
sera fait un plan de braver les exécrations,
les analhèmes, les excoiiinuinicalions lan-
cées contre lui par les fidèles, où sera la pu-
nition? ce sera l'excès du crime qui en pro-
curera l'impunité. — 4° Chez toutes les na-
tions policées, les crimes qui attaquent la re-
ligion ont été jugés punissables par les lois
et parles peines aflîictives; les législateurs
modernes n'ont pas été plus sévères à ce su-
jet que les anciens ; nos lois, sur ce point,
sont plus douces et plus modérées que celles
des (irecs el des Romains.
Quant au pouvoir des pasteurs de l'E-
glise, il est fondé sur l'Ecriture sainte et sur
l'usage constamment observé depuis les apô-
lres. Voy. EXCOUMUNICATIOV.
* CRITir.lSME. Lorsquii la base e>l solidement éta-
blie, il esi r.cile d'élever un éiiitice diinible; mais
loisi|iie,faiis avoir cherché un terrain sollile, on pose
1:1 pierre angulaire sur la faiigi;, on ciMiri iir.wid ris-
qu« (l'être écrasé -ous les ruines. La pliilosopliie al-
leinaudea voulu reennsiruire l'éilitloe île uns connais-
sances, elle a pris le criiicisme p • principe, grand
ii!(ii (|ui ('.lit a;.sii nent illusinu aux solj. Aussi, nous
dri ll^sii.i i, « ceie jiliilesooliie nous a (ileiiués d.uis
ilTK
CRI
CRI
H7Û
l'idéalisme la plus universel, dans rillusioii subjective
la plus profdniie. Elle nous emprisonne dans une
sphère de songes telle qu'il ne nnus esl plus permis
de la franchir | oiir arriver à aucHiie réali'é. C'est au
point qu'elle ne fait pas seiileiuenl l'homme luoeriain
dece(;u'il sait: elle le déclare alisolumeiii iiicap:ilile
de rien savo r. C'est alers le sce(ilicisuie perleclioiiné,
consommé, le sceplicisme qui, s^'us ce nouveau nom
de criiicisme , anéaniil l'humanité même , laquelle
n'existe (pie parce q 'elle coniiiît. » Ce jui;eiiieiii pa-
rait sévère, il esl ménlé, nous ne poiirrion-; en faire
sentir inuie li vérité sms evposrr Is syièincs iie
Kani , de Sihellin^, de Fichie. Mais coinme nous
consacrons un article spéi ial à rexauien de la pliiln-
sopliie de ces princes des pen-^ems alleiii3n(l< , imus
nous contenlims d"y renvoyi-r pour avoir une idée
claire et cuiuplète du criiici>me allemand.
CRITIQUE, art de découvrir et de prou-
ver l'aullieniiciié ou la supposition , l'inic-
grilé ou l'ailéraiion, le sm^ vrai ou faux des
livres et dis moiiuincnls anciens, et de fixer
le degré d'iiutorilé que Ton doit leur ailri-
biier. Critique est dérivé du grec xfivw, je
juge.
Cet art est nécessaire sans doute : avant
d'ajouler foi à un titre quelconque, il faut
savoir d'où il vient, s'il esl parli de la main
à l 'quelle on l'aiiribue , s'il est entier, s'il
n'a clé ni mulilé ni inierpolé ; quel peut cire
le sens des express^l'ins dont l'auleur s'est
servi, si c'est un original nu seul menl une
version. On est obligé d'user de celle pré-
caution à l'égard des livres saints, des ou-
vrages des Pères, et des monumeiils de l'his-
toire ecclésiasiiqiie. Faute de l'avoir obser-
vée dans les siè. les passés, on a souvent ciié
avec ciiiifi.'uce des livres dunl la supposilioit
a élé reconnue dans la suite, ou des auteurs
qui ne iiiérilaient aucune crojance.
Dans le siècle deinier et dans celui-ri ,
l'art de la critique a lait de grands progrès,
el a rendu à la religion des services inipor-
tanls ; on a examiné, c mpjiré, discuté tous
les anciens monuments avec toute l'exacti-
lude et la sagacité possibles. La question est
de savoir si, pour éviler un excès, l'on n'est
pas tombé dans un antre, et si, en voulant
l'aire du bien, l'un n'a p.is fait aussi un très-
grand irai. — Quelques écrivains, après
avoir examiné 1rs règles de cri^t'^ue éiablies
parles savants qui ont aci|uis le plus de ré-
pulalion par ce genre d.' travail, ont cru y
apeicevoir des délauls, et ont entrepris de
montrer que ceux-niême qui y ont eu le plus
de confiance, n'ont pas toujours été fidèles à
les suivre diins la pratique. — C'est ce (]ii';i
f<iit le P. Honoré de Sainte-Marie , cariri!>
déchaussé, dans un ouvrage intitulé: lié-
fluxions sur les règles et l'usage de la critique,
en trois vol. jn-'i". Après avoir observe la
marclie tie nos criiiques les plus estimés, il
leur reproclie : 1' de taire l'éloge d'un ao-
teur, de vanter son mérite et ses talents,
li'rs(|ii'ils oui besoin de son ténioignaue ; de
le déprimer ensuite et d'en faire peu de cas,
lorsqu'il n'est pas de leur avis. 2' De pr; fe-
rer ordinairement le seiiliiuent d'iiii liérèti-
que. qui n'a d'autre ir.énle ()iie lieaucoup de
lémérilé, à celui des écrivains calbi>lii|ues
les dIos respcilables. 3' De recevoir connue
authentique un ancien ouvrage lorsqu'il leur
es! favorable , de le rejeter comme supposé
lorsqu'il les incommode. k° De fiire usage de
l'argiimenl négatif toutes les fois qu'il leur
esl utile, de le regarder comme nul quand
on le leur oppose. 5° Pour savoir si un ou-
vrage est ou n'est pas de tel anleur, ils font
beaucou;) de fond sur la ressemblance ou la
différence du slvle i)ui se trouve enire cet
écrit el les autres du même auteur; mais,
outre qu'un auteur n'a pas toujours le même
style, a d s ouvrages plus travaillés les uns
que les autres, il fjut beaucoup de discerne-
ment, de goûl, d'expérience, pour éire en
élat d'en juger ; el les méprises en ce genre
sont tiès-communes. tj' (Quelques-uns se
sont trop livrés à des conjectures, ont chi-
cané sur toutes les cinonstances d'un fait,
n'ont travaillé qu'à faire naître des doutes,
ont mieux réussi à embrouiller qu'à éclair-
cir les événements importants de l'histoire
ecclésiasiique.
Il fait voir, qu'en observant à la lettre
tontes les règles établies par nos cillques, on
peut prouver la vérité de plusieurs faits
qu'ils ont cependant regardés coinme faux
ou douteux, et l'authenticité de plusieurs ou-
vrages qu'ils ont réprouvés comme suppo-
sés et apocryphes , ou au contraire. Eux-
mêmes ne se sont point accordés dans le ju-
gement qu'ils ont porté d'un fait ou d'un
écrit; les uns l'ont admis, les autres l'ont
rejeté ; tous cependant ont fait profession de
suivre les mêmes règles. Ils ne sont seule-
ment pas convenus enire eus de ce tiu'ils
eniendaienl par attlfienlique, apocryphe, ca-
nonique, supposé, etc. : tous n'ont pas atta-
ché à ces termes la même idée.
C'est par ces règles prétendues que les
protestants ont attaqué les livres de l'Eiri-
ture sainte el les monuments ecclésiastiques
qui ne leur étaient pas favorables. Les in-
crédules ont encore enchéri sur celte audace,
et ont voulu renverser tous les titres de la
révélation. 11 serait fâcheux que l'on pût
reprocier à des écrivains catholi(|ues de leur
avoir fourni des aimes. Déjà le P. Laubrus-
sel, jésuite, avait moniré les funestes consé-
quences de celte conduite dans un Traité des
ubus de Id critique en maticie de relii/lon, en
2 vol. î/(-12, iiij|irimé a Pans en 1711. —
L'abbé Kenaudot a aussi fait voir que l'on a
eu lorl de vouloir juger de l'autorité des
anciennes lilurgies comme l'on juge de l'au-
Ihenlicilé des écrits d'un auieur (|iielconque ;
que l'autirité de ces lilurgies ne vient poiul
du personnage dont ou leur a l'ait porter le
iioin , mais des Eglises qui s'en sont servies
de tout temps {Liturg. orient. coUecl., t. 1,
pag. 2, etc.).
De toutes ces observations, il s'ensuit que
l'on ne doit pas déférer aveuglément au juge-
ment de nos meilleurs critiques , puisque
leurs décisions ne soni rien moins qu'infail-
libles, el qu'il fiut comparer el peser leurs
raisons. Un des grands reproches que les
piote-lants fout conlinuelleineiil aux Pyr. s
de l'Eglise , est de dire que ces auteurs
respectables ont manqué de critique; qu(i.i
1177
CRI
leur répondrons au mot Pères du l'Eulisk.
Critique sacrée , connaissance des refiles
sur Irsuuelles on doit juger do l'authonticiié,
de l'intégrilé, de l'aul Tité de< livres s.iinls,
et du sens dans lenuel il faut les eiileii Ire.
Nous ne pouvons donner de celle science une
idée pins exacte, (ju'en copi.int le plan qu'a-
vait tracé M. Mail -t, d'un traité complet sur
celte nialiè;e, et (|u'il avait plaré ilans l'/sn-
cyclopélie, au mot I?ible. — Il faudrait, dit-
il , diviser cet ouvrage en d.u\ par ies.
Dans la première , on traiterait des livres et
des auteurs de l'Eiriture sainte; dans la
seconde, on rassemblerait les connaissances
générales qui sint nécessaires pour l'ialelli-
gence de ce qui est contenu dans ces livres.
— On partagerait la première partie en trois
sections. On parlerait 1° des que-tions géné-
rales qui concernent tout le coips de la Bible,
2° de chaque livre en pirticulier cl de son
auteur; 3° des livres cites, perdus, apocry-
phes, et des monuments qui ont rapport à
i'Eerilure. — Six questions rempliraient la
première section. La premiè e, des dilïérents
noms donnés à la Bible, du nombre des livres
qui la cotnposenl , dis dilTér. ntes classes
qu'on eu a faites. La seconde , de la divinité
des Ecritures : ou la prouverait contre les
païens et contre les incrédules; de l'inspira-
tion et des prophéties : on y examinerait en
quel sens les auteurs sacrés ont été inspirés ,
si les termes sont inspirés aussi bien que les
choses , si tout ce que ces livres eoiitiennenl
est de foi , même les faits historiques et les
propositions de physique. La troisième , de
l'aulhentieité des livres sacrés; du moyen de
dis inguer les livres canoni.iues d'.ivec ceux,
qui ne le sont pas : on traiterait la question
si sou\ent agitée entre les catholiques et les
prolestants, savoirsi l'Ëijl se juge l'Ecriture;
on expliquerait la différence entre les livres
protocaiioniquei et les livres deulérocanoni-
ifites. La quatrième, des dilîérentes versions
de la Bible et des divei'ses éditions de chaque
version , de raniinuilc des langues et des
caractères , et de leur oriKine : ou examine-
rait si l'hébieu est la première langue, jus-
qu'à quel point l'on peut compter sur la lidé-
lilé des copies, des manuscriis, des versions,
des éditions, et sur leur iutéurité ; si la Vul-
gate est la seule version authentique, et en
quel sens ; si la lecture des versions en lan-
gue vulgaire doit être permise ou défendue.
La cinquième, du style de l'Ecriture, des
sources de son obscurité, des divers sens
qu'elle peut avoir, et dans lesquels elle a elé
ciiée ; de l'usage que l'on peut faire de ces
divers sens, soit dans la controverse, soit
dans la chaire, soit dans la tliéologie mysti-
que : on examinerait s'il est permis d'en
f<iire l'application à des objets profanes. La
sixième question traiterait de la division des
livres en chapitres et en versets, des concor-
dances et des haiinonies des commentaires,
de l'usage que l'on doit faire des rabbins, du
Talmwd, de la Gémare, de la cabale : on ver-
rait de quelle autorité doivent être les com-
mentaires et les homélies des l'ères sur
l'Ecriture, de quel poids sont les explicatioas
CRI H78
des commentateurs modernes, quels sont les
plus utiles pour l'iiilelligence de l'Errilure
sainte. — La seconde section serait divi-ée
en autant de petits traités qu'il y a de livres
dans riicritnre : on en ferait l'analyse , on
en éclaircirait l'histoire ; on rechercherait
qui est l'auteur de chacun de ces livres , en
quel temps, de quelle manière il a écri'. —
La troisième contiendrait trois questions. La
première , des livres cités dans l'Ecriture
sainte , et qui n'exisleet plus : on examine-
rait quels étaient ces livres, ci- qu'ils pou-
vaient contenir, qui en étaient les auteurs,
autant qu'on peut le conjecturer. La seconde,
des livres apocryphes que l'im a voulu faire
passer pour canuiiiiiues , soit (in'ils subsis-
tent encore , ou qu'ils aient été perdus. La
troisième, des ouvrages qui peuvent avoir
rapport à I'Eerilure, comme ceux de Philon,
de Josèptie , de Mercure Trisméi;iste , des
sybilles , des canons des apôtres , etc. — La
secon le partie coraprendi-ait huit traités ,
1° la géographie sacrée ; 2" l'origine et la
division d-'s p uples, ou un commentaire sur
le dixième cliapiire de la (lenèse; 3" la chro-
nologie de l'Ecriture , à laquelle il faudrait
comparer celle des Egyptiens, des .Vssyricns,
des Babyloniens ; 4" l'origine et la propaga-
tion de l'id ilâtrie ; 5' l'histoire naturelle
relative à l'Ecriture : on y parlerait des ani-
maux, i"es plantes, des pierres précieuses,
etc., dont il y est fait mention; 6° des |)oids,
•Jes mesures , des monnaies i|ni ont été en
usage chez les Hébreux ; 7" des idiotismes,
ou propiiélés d.'S langues dans lesquelles les
livres saints ont été écrits , des phrases poé-
tiques et proverbiales, des figures , des allu-
sions, des paraboles. Le huitième siTait ua
abré^ié histori lue des divers états du peuple
hébreu jusqu'au temps des apôtres , des
changements survenus dans son gouverne-
ment , dans ses mœurs , dans ses usage» ,
dans ses opinions. — Tout ce que l'on dirait
sur ces divers objets ne ser.iit pas nouveau
pour le fond , mais pourrait l'être ((uaiit à la
manière de le présenter; ce serait un travail
utile, surtout pour les jeunes Ihéologiens,
que de rassembler dans un seul ouvrai,'e , et
avic méthoJe, des miiériaux éparsdans les
écrits d'un grand nombre de savants. La
bib iolhèqne sacrée du P.Lelong indiquerait,
à celui qui voudrait l'enlrcprendre, les prin»
cipiles sources dans lesquelles il devrait
puiser.
Ajoutons qu'il est de l'équité naturelle de
traiter la critique sacrée avec autant d'im-
partialité que 1.1 critique profane; que, de la
pari des incré Iules , c'est une injustice de
juger ies livres des .luils et des chrétiens
autrement que l'un ne prononce sur ceux
des Chinois , de . Indiens , des Perses , des
muho.iiétans, et d'établir, pour les premiers,
des règles de crilifue dont on n'oserait l'aire
usage pour attaquer les sei'onds. Si , lorsque
ceux-ci ont paru pour la première fois ea
Europe, un censeur quelconque avait fait
contre leur authenticité les mêmes objec-
tions que l'on repète depuis un siècle contre
nos livres saints, il aurait excité le mépris
iUd CRO
et l'indigualion des savants. — Mais il faut
toujours se souvenir que l'autorité de ces
saints livres n'est pas uniquement fondée
sur la certitude des règles île crillque, coriune
les inerédules le supposent en copiant les
proleslanls, mais sur l'autorité de l'Eglise,
qui les a reçus de Ji/susChrist et des apôlre'i,
et qui nous' li's donne tels qu'ils lui ont été
coiitiés : auloi'iic établie sur les mènes preu-
ves que la divlniié de la religion thrélienne.
Les discussions de critique sur ce p^dnt ne
sont donc jias nécessaires pour nous, mais
pour Vii'incre l'opiniâlrelé des liéréliques et
(les incrédules ; la loi du simple filèle est
appuyée sur de meilleurs fondements. Voy.
i'OI.
CIÎOISADES , guerres entreprises pour
conciUerir la terre sainte. Dans plusieurs
écrits |iartis de la main de nos philosophes,
ils ont censuré \f'S croisades avec beaucoup
d'aigreur ; ils ont cherché à rendre la reli-
gion responsable ôes maux réels ou supposés
dont elles furent la cause, tlles guerres ,
disent-ils, inspirées par un zèle de religion
mal entendu, ont coulé à l'Europe deu\ mil-
lions d hommes ; elles n'ont abouti qu'à
transporter eu Asie des sommes immenses,
à enrichir le clergé et les moines, à ruiner
la noblesse, ù augmenter la puissance des
papes. Tout cela est il vrai ?
11 y périt, si l'on veut, deux millions
d'Iinmiiies libres, mais qui opprimaient vingt
millions d'esclaves : des sommes inimenses
fnrcnl Iransporlées en Asie, mais on y apprit
le secret d'en faire entrer en Europe de plus
consider.ibles par le com!i;er(e ; le clergé ot
les moines s'cnri( hirent en rachelaul les
fonds qui leur avai< ii( élé enlevés ei qui se-
raient demeurés en friche ; la noblesse se
ruina, mais elle perdit i'habitude du brigan-
dage et de l'indépendance. Si la puinsauce
des papes augmenta pour quelque temps ,
celle des niahomclans, plus redoutable, fut
réprimée et misi' hois d'elal d'abrulir l'Eu-
rope entière. Quand on aura pesé ces dilîé-
renles con>iideraiions , l'on verra de (juel
(ôlé la balance penchera. — Déjà plusieurs
écrivains, qui [l'avaient aucun dessein de
favoriser la religion, sont convenus des faits
que nous venons d'exposer. De leur aven,
l(-s croisades furent moins l'effet du zèle de
religion que d'une |)assioii désordonnée pour
les .irmcs , et de la nécessité d'une diversion
|)our suspendre les troubles intestins (jui
duraient depuis lungltMnps , (t pour faire
cesser les guerres jiarticulières qui recom-
mençaient tous les jours. — Ces motifs sont
clairement indiqués dans le discours (]uc le
pape Urbain II adressa auv seigneurs fran-
çais au concile de t^lermont, l'an lODii. « (^est
un crime, leur dil-il, de piller les chrétiens
connne vous faites, mais c'est un iiiérite di!
tirer l'épée contre l s Sarrasins. «Aussi, le
concile défendit rigoureusement les guerres
|)arliculières que les seigneurs se faisaient
les uns aux autres., et nul sou> la proiertion
de ri'"gllse la lersonne et les biens des croi-
sés (//i»^ de /'/i(//(*e j/a/iicafie, t.Vin,!. XX11,
an. 10'J5).
CRO
1180
Ces expédilioHs épnisèrent, en Asie, toutes
les fureurs de zèle et d'amliiiion , de jalousie
et de fanatisme qui circulaient dans les vei-
nes des Européens; mais elles rapportèrent
parmi eux le goûl du luxe asiatique ; elles
rachetèrent, par un germe de commerce et
d'industrie, le sang et la population qu'elbs
avaenl coûté; elles préparèrent la décou-
verte de l'Amérique et la navigation des
Indes, — Les grands vaspaus de la couronne,
ruinés par ces voya es, devinrent moins tur-
bulents et moins [irompls à se révolter; il fut
plus aisé de retirer de leurs mains les do-
maines aliénés; avec la puissance de nos rois,
la police se rétablit. Les premiers affran-
chissements des serfs lurent faits par les
seigneurs qui avaient besoin d'argent pour
passer la mer : l'Europe doii ainsi aux croi-
sades les couimenc.ements de sa liberté. ^
Dès ce moment, l'on pensa à établir des ma-
nu lactures, on peupla les villes, on augmenta
leur enceinte, on y flt couler des fontaines
publiiiues. D'après ce que l'on avait vu en
Orient, nos maçons , devenus architectes ,
exécutèrent ces monuments dont nous admi-
rons encore la hardiesse et la légèreté :
l'Europe se remplit d'hôpitaux et d'hospita-
liers. — Une partie du patrimoine des nobles
passa entre les mains des ecclésiastiques ;
mais ceux-ci faisaient moins d'ombrage à
l'autorité souveraine qui; des vassaux tou-
jours prêts à prendre les armes. Souvent nos
rois , inquiéiés par des seigneurs rebelles ,
demandèrent du secours aux évêques; ceux-
ci leur procurèrent l'assistance des commu-
nes. Les rois , de leur côté , protégèrent les
communes contre les violences des seigneurs,
et augmentèrent le pouvoir du clergé qui
leur devenait si utile.
Il n'est donc pas vrai <]uc les croisades
aient été totalement funestes à la religion et
à l.i société. De tous les fléaux , l'ignoriince
est ie plus redoutable, il traîne tous les
autres à sa suite; or, les croisrir/e^- ont con-
tribué beaucoup à le dissiper. Si elles ont
causé un mal passager, elles ont produit des
biens durables. Pendant les quatre cents ans
qui se sont écoulés depuis les dernières croi-
sades , les sciences, les arts , le commerce ,
l'industrie, la civilisation , ont fait plus de
progrès paimi nous (jue pendant les huit
siècles qui les avaient précédées.
Nous ne faisons ici que copier sommnirc-
menl les réllexions de divers écrivains ; nous
laissons aux historiens le soin de les déve-
lopper et d(' les rendre plus sensibles. —
C'est ceiju'a ilejà fait un savant académicien,
dans une dissertation sur ce snj<"t {Mém. de
l'Acad. drs Jnscripl., loin. LW III , tri-12,
p. kH)j. Il prouve que l'intérêt du cominerco
des Européen< dans le Lèvent fut iin des
principanv motifs des croisades, et qu'il y
eut beaucoup plus de part que la religion ;
qu'en etlet , ces entreprises ont inflmmenl
contribué , non-seulement au progrès dh
C(numerce naritime et aux expéditions qui
eu ont été la suite, l'.iais emore au léiabli:;-
semeiit des rcimees en Occident , parllculiè-
reuteut eu France. Dés l'an 1283, le pape
jl81
CRO
mo
(IS-2
JUonoriue IV, dans le dessein de convertir au
cliristiaiiisnip los Sarrasins et les scliismati-
quos de TOrieut , voulait que l'on établit à
■Paris des maîtres pour enseigner l'arabe et
les autres langue'' orientales) euiiforinemeiil,
dit-il , aux inleutioiis de ses prédécesseurs.
Dans le cunVile général de Vienne, tenu en
J3iJ et 131-2 , Clément V ordimna que l'on
établirait à lî'ume, à Paris, à Oxfurd , à liuu-
Jttgac et à Salannanque des niaiires pour en-
seigner riiôiircu , l'arabe et le chabléen ,
deux paur ehaeunc de ces langues ; qu'iU
seraient ('■nlreleiius à Uoine par le pape , à
Pliris par le roi , et dans Us autres villes par
les prélalà , les luonaslères et les chapitres
ilu pays ; qu'ils traduiraient en latin les b lis
ouvrages «lui élaiciit dans ces langues. C'est
ce qui a diiiné lieu à la fondalion du collège
mjmI , et à l'usage d'envoyer dans l'Orient
des iiiissi'>nnairus , dont les relalions nous
ont été souvent Irés-uliles. — En nous exer-
çant à la H.arine, continue l'auteur, les croi-
sades nous ont accoutuint s à teuter par mer
de grandes entreprises, et ont occasionné la
découverte de la boussole; elles nous ont l'ait
connaître les pays lointains sur lesquels nos
ancêtres ne dcbiiaient que des XuUh s ; elles
ont diminué en France la puissance exces-
sive des grands qui vexaient les peuples.
BJous leur sommes rodevabies du goût pour
hs sciences et de quantité d'arts , ou au
moins d'un certain degré de perfection, que
nous avons ac(juis par le commerce avec le
Levant et avec les Arabes d'Kspagne.
Les prolestants , qui ont représenté ces
expéditions comme des entreprises absurdes,
injustes , malheureuses, suggérées par l'am-
bition des papes ou par un lanalisme insen-
sé; qui ont dit (]u'elles avaient été «on inoiiis
funestes à la relij{ion qu'aux iiUérèls (ivils
et |)olitiques de l'Hurope , ne mériiaieul pas
d'avoir des iinitaleurs ; mais les inrréilules ,
charmés de trouver une occasion de déplo-
rer les maux que la religion a fails au moniie,
ont copié servilement les déclamations des
protestants. Pendant assez longtemps, c'a
été une espèce de combat parmi nos écri-
vains, pour saioir qui dirait le plus de niai
des croisades. Il faut espérer que, quand ces
grands polilitiue^ auront pris la peine de se
nsiriix instruire, ils seront plus modèles.
Il est évident que des inoiifs divers ont fait
entreprendre les croisades. \'Lo récit iju'avait
fait Pierre l'erniile et d'autres pèlerins , des
man\ que souffraient, de la pirl des Turcs
ou Sarrasins, les chrétiens de la Palestine,
surlout ceux que celle nation barbare lédiii-
sa t à l'esclavage p;:r violence. 2' La néces-
sité d'arrêter le cours de ses conquêtes, et
d'atïaiblir une douiinatinn qui menaçait l'iùi-
rope entière; il n'y avait point de moyen
plus elGcace que d'aller l'attaquer chez elle.
3" Le désir «i'éiendre le commerce, de le faire
imaicdiatemeni , et non par l'entremise des
étrangers, i|iii y faisais ni des proûls immen-
ses. 4°La misère dei> peuples qui gémissaient
sous le gou> cniciiient leodal, ei (|ui se llal-
laieiit de trouver un sort moins malheureux
hofn de leur pairie, o' La curiosité de voir
des pays dont los pèlerins raronfnient d«s
merveilles, et la légèreté naturelle (jui a tou-
jours porté les Français à voyager. C« L'es-
pérance de faciliter le rèlerlna^e de la terre
sainte. C' sont, sans doute, ces trois derniers
motifs i|ui entiaînèrent aux voyages d'outre-
'iiier ces troupeaux de gens de la lie du
peuple et des deux sexes qui allèrent y périr;
mais les rois , les princes , les militaires ,
Xuienl certainement détermines par les trois
firciniers.
On s'exprime donc fort mal quand on dit
que ces expédilions furent enircprises par
supersiition et par un zèle fanaliiiue de reli-
gion: si ce motif inilua sur le pcupe, il y en
eut d'autres plus puissants qui firent agir les
grands. On ne raisonne pas mieux quand
on décide ((u'il était injuste d'aller attaquer
une iiaiion parce qu'elle éiait inlidèle ; il n'é-
tait point question de punir son infidélité,
mais d'arrêter son ainliiiion, sa rapacité,
son brigandage ; de lui ôler l'envie de tenter
des conquêtes eu Italie et en France, et de
l'empêclier de s'y établir, comme elle avait
fait en Corse, en Sardaigiie et en Espagne.
Serait-il donc injuste aujourd'hui d'aller at-
taquer les corsaires de Barbarie , pour les
forcer de renoncer à leurs pirateries? Mais
les protestants ni les incrédules n'écouteront
jamais la raison ; éternellement ils répéie-
ronl les mêmes absurdités. Moslieim a dis-
serté ridiculement sur ce sujet. [Hisl, eccl.
dit, XI" siècle, première part., ch. i, § S, etc.)
H trouvera toujours des copiâtes et des ad-
mirateurs.
CROISIEU. Il y a (rois ordres ou congré-
gations de chanoines réguliers anxiiuels on
a donné ce nom : l'une en Italie, l'autre dans
les Pays-lias, la troisième ea fioliécne.
Les premiers prétendaient venir de saint
Clet, et dater de l'invention de la sainte croix
sous Constantin ; c'est une tradition fabu-
leuse. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'ils ont
commence avant le milieu du xir siècle ,
puisqu'Alexaiidrc III, persécuté par l'empe-
reur Fiéderic Harberousse, se réfugia dans
un monastère de croisiers^ les prit sous sa
protection, en 11G9, et leur donna la règle
de saint Au;justin. Pie V approuva de nou-
veau cet institut , mais ladis<ipliiie régulière
s'y étant affaiblie , Alexandre \ II les sup-
prima en iC'JG. On prétend qu'il y en avait
deux ou trois monastères en Angleterre, et
(juatorze en Irlande, et qu'ils étaient venus
de ceux d'Italie, lis portaient un bâton sur-
monté d'une croix.
Les croisiers de France et des Payss-Has
furent fonilés en 1211, par Théodore de Cel-
les, chanoine de Liège, qui avait servi en Pa-
lestine l'an 1188, et y avait vu des croisiers.
\ son retour, il s'engagea dans l'éjat ecclé-
siastique, alla, en qualité de missionnaire, à
la croisade contre les albigeois, cl, l'an 1211,
revenu dans son pays, il obiint de l'évêque
de Liège, l'église de 'Saint-'riiibatil, près de
1,1 ville d'Hui, oii. avec quatre compagnons,
il jeta les fondements de son ordre, jiinoceut
IV et Honore ill le confirmèrent , Théodore^
envoya de ses religieux à Toulouse , qui
v-^j
4<83
CRO
CRO
1184
joignirent avec saint Dominique pour prê-
cher contre les albigeois ; celle congrégation
s'établit et se multiplia en France. Ceux de
Siiinté-Croix de la Brelonnière à Paris furent
réf irmés parle cardinal (te la Rochefoucauld;
mais ils ont été supprimés depuis peu.
L''S croisiers ou porte-croix avec y étoile de
Bohème, disent qu'ils sont venus de Pales-
tine en Kuiope; cela n'est pas certain. C'est
Agnès , tille de Primisla*;, roi de Bohén)e ,
qui institua cet ordre à Prague, en 1234. Ils
ont acluellemont deux généraux, et sont en
grand nombre.
CHOIX. Le supplice de la croix élait en
usage chez les Juifs, puisqu'il en est parlé
(Deul. xsi, 22) ; mais on nesail pas s'ils al-
kichaienl le palienl à la croix a\ ec des clous.
Quoi qu'il eu soit, le supplice ordinaire des
blasphémateurs élait l;i lapiiialioii; la loi
l'ordonnait ainsi : aussi les .luifs lapidèrent
saini Etienne, comme coupable de basphème
selon leurs préjugés.
Jésus-Ciirisl, condamné à mort par le con-
seil (les Juifs pour avoir blasphémé, en di-
sant tiu'il élait le Fils de Dieu (Maiih. xxvi,
65cl6i)), fut livré aux Homains pour cire
exécuté à morl. 11 avait disiinctemenl prédit
que les Juifs le livreraient aux gentils pour
être llagellé et crucilié (Maltli. xx, 10). Celle
circonstiiDce ne pouv.iil être prévue nalu-
relletnenl ; les Juifs auraient pu le lapider,
comme ils avaient voulu le faire plus d'une
fuis, Cl comme ils firent pour saint Etienne;
ils auraient pu demander à Pilate ce supplice
plutôt que celui de la croix.
Dans le Deutéronome, il est dit qu'un cru-
ciGé est maudit de Dieu ; de là saint Paul
conclut que Jésu^-Chiist nous a rachetés de
la malédiction de la lui, en devenant lui-
même un objet de malédiction (tialat. c. m ,
13). L'on conçoit quelle horreur les Juifs ont
dû avoir d'un crucifié, quels miracles il a
fallu pour engager un grand nombre de Juifs
à reconnaîire Jesus-Chrisl pour Messie et
Fils de Dieu. Saint Paul n'a pas tort de dire
que Dieu a voulu démontrer à l'univers sa
sagesse et sa puissance, en convertissant les
hommes par le mystère de la croix (/ Cor.
I, 2i). Ce qu'il y a de singulier, c'est que ,
selon l'.incienue tradition des docteurs juifs,
fondée sur les prophéties, le Messie devait
être crucifie. Voy. Galalin, 1. viii, c. 17.
Les protestants blâment comme une su-
per^llllou le culte religieux que nous ren-
dons à la croix ; ils ii;sent que ce culle ri'a
aucun fondement dans Tlicrilure sainte , et
qu'il n'y en a aucun vestige dans les trois
premiers siècles de l'Kglise (Daillé, adv. cul-
tuin Heliy. Lutiiinr. lib. v. etc.). C'Slà nous
de prouver It! contraire. — Suivant la rellexion
de saint Paul (Phhpp. ii, 8) , parce que Je-
sus-Chrisl s e>l rendu obéissant jusqu'à la
iijorl sur une croix. Dieu veut que tout ge-
nou llé> hisse au nom de Je»us-(>lirisl. Nous
deu)anduns quelle dilTerence il y a entre flé-
chir le genou à Ce nom sacré, ou à le fléchir
à la vue du signe de la morl du Sauveur. Si
l'un est un acte de religion, pour(iuoi l'autre
esl-il uu acte du supurstiltuu ? Les protes-
tants ne nous l'ont pas encore appris. Ils di*
rontque le premier de ces signes de respect
se rapporte à Jésus-Christ lui-même ; n'est-
ce pas aussi à lui que se rapporte le second?
— Dans Minutius Félix, qui a écrit sur la fin
du 11° siè le. ou au commencement du iir, le
pa'i'en Cécilius dit, en parlant des chrétiens,
ch. IX : « Ceux (|iii prétendent que leur culle
consiste dans l'adoration d'un homme puni
du dernier supplice oour ses crimes , et du
funeste bois de sa coix, atirihuenl à ce
scélérat des autels dignes d'eus ; ils hono-
rent ce qu'ils méritent ((-h. 12,) : Toul ce qui
vous reste, c'est des menaces, des supplices,
des croix ou des giiiels, non pour les adorer,
mais pour y être attaches, » Oclavius lui
répond (ch. 29) : « Vous êtes loin de la vé-
rité, quand vous nous attribuez pour objet
de culle un criminel et sa croix, quand vous
pensez que nous avons pu prendre pour
Dieu un coupable, ou un mortel Nous
n'honorons ni ne désirons les g bels ; c'est
vous plutôt qui consacrez des dieux de bois,
et adoi ez peut-être des croix de bois comme
une portion de vos dieux. » — Tertullien ré-
pond au même reproche ( Apolug., c. Iti) :
« Celui qui pense que nous adorons la croia?
a dans le fond la même religion que nous.
Quand ou consacre du bois, (jue f.iil la forme,
lorsque la matière C't la même ; qu'importe
la ligure, lorsque c'est le ( orps (l'un dieu ?
La Minerve athénienne, la Cérès de Pharos,
ne sont (ju'uu tronc de bois informe... Vous
adorez les victoires avec leurs trophées char-
ges de croix, les armées adoient leurs ensei-
gnes, sur lesquelles brillent les croix au mi-
lieu des idoles, eic. » {Idem, ad Nuliones, 1.
I, c. 12).
Voilà, disent les protestants, deux auteurs
du iii« siècle, qui soutiennent que les chré-
tiens ne rendent point de culte à la croix.
Point du toul. Minutius Félix nie que les
chrétiens honorent les cro T ou les gibets
aux |uels on les attache pour les faire mou-
rir; mais il ne se défend pas plus d'honorer
la rrof'j- de Jésus-Christ que (l'adorer Jesus-
Christ lui-même, puisqu'il joint l'un à l'au-
tre. Tertullien ne nie pas le fait non plus ,
il se borne à démontrer que les païens l'ont
de même.
Au IV" siècle , Julien renouvela encore ce
reproche : « Vous adorez , dit-il , le bois de
la croix, vous formez ce signe sur voire fioul,
vous le gravez sur la porte de vos maisons.»
Saint Cyrille repond qu- Jésus -Christ en
mourani sur la croix, a racheté, converti, et
sanctifie le inoiule : « La croix, dii-il , nous
en fait souvenir ; nous l'honorons donc parce
qu'elle nous avertit que nous devoiis vivre
pour celui qui est mort pour nous. » [Contra
Julian., Iib. vi, pag. 19i-.) — Les protestants
n'oseraent nier que les chrétiens du iv siè-
cle aient rendu un culte religieux à la croix;
mais ils disent que c'était une superstition
nouvelle. Cependant el.e leur a été repro-
chée au nr' siècle aussi bien ()u'au iv* ; si
ceux du 111 l'avaient njetee cl s en étaient
défendus, ceux du siècle suivant auraient-ils
osé l'adopter"? Nous verrons dans l'article
1I8.S
CRO
CRO
il86
suivant que ce cuile est encore suppose par
l'Iinbilude (les elirélieiis di: Faire le bigiie de
la croix.
Ces mêmes critiques soutiennent que les
Pères ont mal dissipé ri}j;nominie qui- Toa
jelail sur les clirélieiis, à c.iu^e du supplice
de Jésus-Clirlsl. Au ir' siècle, saint .lusiin
(Apol. 1, n° 5j) repiésenio que la croix du
Sauveur est le signe le plus éclatant de son
pouvoir, et de l'empirt' qu'il exerce sur le
monde entier; il rappelle les p.iroles d'isaïe
qu'il avilit citées , n" 3o , où le prophète ,
parlant du Messie, dit qu'il parlera la mar-
que de son empire sur son épiiule : c'est la
croix, dit s.iini Justin , que .lésus-Christ a
portée avant d'v être attaché. Il ob>erve,
au'-si hii'ii que i\iinutius Félix et 'l'eitullien,
que cet objet prétendu de malédictiou se
voit néanmoins partout sur les mâts des vais-
seaux , sur les instruments du labourage ,
sur les enseignes militaires , auxquelles les
solilals rendent un culte religieuv. — Pour
trouver matière à une censure . Le Clerc et
Barbeyr.ic suppriment la première réflexioii
de saint Justin ; ils disent (jue la seconde
n'est qu'une déclaration puéiil.'. Où est dune
le riilicule de dire aux p.iïens : Si la croix
éliiil par elle-même un objet d'horreur, vous
ne déviiez li soulTrir nulle part, surtout avec
les imiiges des d eux auxquels vous rendez
un culte? L'horreur et le scandale des païens,
répond Barbeyrac, ne venait pas de la figure
de la croix, mais de ce qu'elle était l'instru-
ment du supplice des criminels, et en parti-
culier de celui de Jésus-Christ. Nous le sa-
vons. Cependant cet inslrument de supplice
piiraissail sur les enseif^nes niiliiaires avec
les figures des dieux. Par la croix , Jésus-
Christ a racheté le genre humain ; par la
prédication de ce mystère , le monde a été
converti et sanctifié, elles prophètes l'avaient
prédit. Saint Justin n'insiste pas sur cette
raison en parlant aux païens, parce qu'il
aurait fall'i leur développer le mystère de la
rédemption ; mais il presse cei .-irgument
lorsqu'il dispute contre le juif Tryphon, qui
était mieux instruit, n' 94- et suiv. 'l'ertullien
le fait aussi valoir {Adv. Jiidœos, cap. 10 et
suiv.) Origène l'a répété dix fois au philo-
sophe Ceiso, qui se vantait de ci>nnaîlre par-
faitement le ciiristianisine. Les Pcres n'igno-
raient donc pas les raisons qui funl disparaî-
tre le scandale de la crois, mais iL ne vou-
laient pas les placer hors de propos.
I ) Quand la croix, disent les protestants, se
rail respectable à cause de ce (ju't-lle repré-
sente el à causedes idées qu'elle nous donne,
il serait encore ridicule de lui adiciSer la
parole, de lui supposer du seniiment , de
l'action, de la vertu, de la puissance; dédire
qu'elle a entendu les dernièies paroles de
Jésus-Christ mour.int, qu'elle opère îles mi-
racles , qu'elle met en fuite les démons ,
qu'elle est la source- du salut et notre unique
espérance, etc. Ce langage des calhoiiques
est celui de l'idolâtrie la plus grossière.
Quand il serait sup|iortable, en parlant de la
croix à laquelle Jesus-Christ a été attache,
il serait encore absurde à l'égard de toute
autre ligure de la croix.
Réponse. Si, en niaiière de religion, le
lang ige (igiiré et métaphorique est un crime,
il faut commencer p;ir condanmer Jésus-
Christ, qui veut (|u'un chrétien porte sa croix'
il faut refermer saint Paul, qui ne veut pas
que l'on rende ride la croix de Jésus-Clirist
qui appelle sa |;rédicat,on la parole de la
croix, qui se glorifie dans la croix , etc.
(hiand on a objecte aux piote.tanis un pas-
sage d'Origène (Comment, iii t'pisl.atl Itom.,
lib. VI, n' 1), où il relève le pouvoir de la
croix de Jesus-Christ , ils ont répondu que
ce l'ère parle, non de la e;'i//j; matérielle ,
mais de la pensée, du souvenir, de la inédi-
laiion de la mort de Jesus-Christ. Ainsi ils
ex()liquent le langage des Pères dans un sens
figuré, lorsqu'ils y trouvent leur avantage,
et ils prennent tout à la lettre, lorsque cela
peut leur fournir un sujet de reprocl;e. Ils
nous demandent quelle vertu peut avoir une
croix de bois ou de métal ; nous leur deman-
dons à notre tour, quelle vertu peut avoir le
signe de la cioix formé sur nous : si les cal-
vinistes en ont perdu la pr.tiiiue, les luthé-
riens du moins et les anglicans l'ont conser-
vée , et nous all:)ns voir qu'elle date des
temps apostoliques.
Us ont encore beaucoup argumenté sur le
terme d'adoration dont nous nous servons
communément à l'égard de la croix; nous
avons fait voir ailleuis que l'éiiuivoquc de
ce mol, et l'abus que l'on eu peut faire, ne
prouvent rien. Voy. Aooration.
Beaiisobre prétend que l'honneur rendu à
la croix ne fut d'abord qu'un respect exté-
rieur, tel (lu'ou le rend eu général aux cho-
ses saintes, et l'on n'honora d'abord que la
croix à laquelle Jésus-Christ avait été atta-
ché ; ensuite cet honneur fut adressé à tou-
tes les images de cette croix. Les mêmes mo-
numents qui nous parlent de l'adoration de
la croi'x, font aussi mention de Vadoialion
des saints lieux (Uisl. du Manir.h., liv. li, ch.
6, § 1, n' G). — Nous soutenons que si le
respect rendu aux choses saintes n'était
qu extérieur, ce serait une momerie et une
hypocrisie indigne d'un homme grave et sen-
sé. En second lieu , nous deoianduns si le
respect ad. essé aux choses saintes est un res-
pect purement civil, et qui n'ait de relauon
qu'à l'ordre civil de la société. 11 est évident
qu'il a rapport à l'ordre religieux ; que c'est
uii acte de religion qui a Dieu pour objet ;
qu'en dépit des proiestauts, c'est un culte re-
ligieux, puisqu'encore une fuis, culte et res-
pect sont S) lionymes.
L'usage de planter des croix sur les grands
chemins est venu de ce (jue le droit d'asile
y était attaché aussi bien ((u'aux églises et
aux autels. Ainsi l'ordonii!^ le concile de
Cleruiont, tenu l'an 1095, canon 29.
Cnoix (Signe de la). C'est l'action de for-
mer une croix sur soi-même, en porl.iii'. la
main du Iront à la poitrine , et de l'épaule
gauche à l'épaule droite, en prononçant ces
mots : Au nom du Père , et du Fils , et du
Saint-Esprit. Ces paroles sont de Jésu8:Ciiri8t
1107
CRO
CRO
H88
môme, lorsqu'il institua le baptême {Matlh.,
XXV u, l')- — C'est uue prolcssiou abrégée
(lu cUrislianispie, de laquelle les premiers
Cdèk's contractèrent d'abord l'habitude. « A
toutes nos actions , dit TertuUien, lorsque
nous entrons ou surtons, lorsque nous pre-
nons nos babils, que nous allons au bain, à
table, au lit , que nous prenons une chaise
ou une lumière, nous formons la croix sur
notre front. Ces sortes de pratiques ne sont
point commandées par une loi formelle de
l'Ecriture; mais la tradition les enseigne, la
coulunie les confirme, ei la foi les observe.»
(De Cornna, c. 4). Les chrétiens opposaient
ce si^çne vénérable à toutes les supeislitions
des païens. — Origène (Select, in Ezech., c.
ix) dit la même chose ; saint Cyrille de Jéru-
salem recommande cette pratique aux fidè-
les {Calecli. h-); saint Basile (L. de Spirit.
Sanclo, c. 27, n"C6) dit que c'est une tra-
dition apostolique. Les Fères nous appren-
nent que l'onciion du baplêine et celle (Se la
confirmation se faisaient en forme de croix
sur le front du baptisé ; ils attestent qu'il sa
faisait des miraclrs par le signe de la croix ;
que ce signe puissant sulfis.iit pour mettre
en fuite les démons , et pour déconcerter
tous leurs prestiges dans les cérémonies ma-
giques des païens (Lactance , l. iv Divin.
Iiislit., c. 27 ; de Morte persec, c. 10, etc.)
Puisque la tradition a sulfi pour introduire
ce signe parmi les premiers fidèles, nous de-
mandons aux protestants pourquoi elle n'a
pas suffi pour autoriser aussi le culte rendu
a la croix; quelle différence il y a entre for-
mer sur nous une croix par motif de reli-
gion , et rendre un respect religieux à ce
même signe placé sous nos yeux ? Voilà ce
que nous no concevons pas.
Dans le saint sacrifice de la messe, dans
l'administration d^s sacrements, dans les
bt'iieilictioiis, dans tout le culte extérieur,
l'Eglise lepèli' sans cesse le iiync de la croix;
c'est pour nous apprendre et nous convain-
cre qu'aucune pratique , aucune ci'iéuionie
ne peut pr(;dnire aucun effet qu'en vertu des
mérites et de la mort de Jésus-Cllri^t ; que
toutes les grâces de Dieu nous viennent en
considération des souffrances de ce divin
Sauveur , et du sang qu'il a versé pour nous
sur la croix.
Une coutume assez commune chez lescoph-
tes et chez les a :lres chrétiens orientaux,
est d'imprimer avec un fer chaud le siijite do
la croix sur le Iront des enfants , ou sur une
autre partie du visage. QueUiues auteurs mil
instruits ont eru ()ue ces chrétiens faisaient
cette céréniunuî par religion, et qu'ils se per-
suadaient qu'elle peut tenir lieu du baptême;
ils se sont trompés : l'abbé Keiiaudol, mieux
informé, soutient ([u'il n'y a dans cetic cou-
tume rien de sii|aM>iiiii'ux. Elle est venue de
ce (|uc lu'S mahoinetans enlèvent souvent les
enfants dc« chrétiens pour en faire des escla-
ves, cl pour les élever dans le inahomélisine
malgré leurs parents ; mais coiiimc iis sont
ennemis delà croix , qui est le signe du
clirislianisme, ils ne veulent pas d'un enfant
bi d'un usclave qui a celte marque imprimée
au Iront ou au visage. [Perpé tuile de la foi ,
tom. V, 1. 11, c. 4, pag. Î06.)
Croix iFète de la). L'Eglise romaine cé-
lèbre deux fêtes à l'honneur de la sainte
croix ; la première le 3 mai , sous le nom
de ïlnveniion oude la découverte de iasainte
croix; elle a été instituée eu mi-moire de ce
que sainte Hélène, mère de l'empereur Cons-
tantin, l'an 32G, fil chercher et 'trouva, sous
les ruines du Calvaire, la croix à laquelle
Jésus-Chrisl avait été attaché. Cet événement
est rapporté par saint Cyrille de Jérusalem ,
qui fut placé surle siège de cette église vingt-
cinq ans après ; il en parle à ses auditeurs
comme témoins oculaires et sur le lien même
(Cntech. 10; saint l'aulin, episl. 31 ; saint Jé-
rôme, Sulpice-Sévère, sailli Ambroise, de
UbituTheod.). Saint Jean Cliiysostome, Uuf-
Gu et Théodorel en ont aussi l'ail mention.
— En comparant leurs réi'ils , 1 on voit que
les païens s'étaient appliqués à dérober aux
chrétiens la connaissance du lieu de la sé-
pulture de Jésus-Christ. Non-seulement, ils
y avaient amassé une grande quantité de
pierres et de décombres, mais ils y avaient
élevé un temple de \"énus, et avaient érigé
une statue de Jupiler sur le lieu où s'olait
accom|ili le mystère de la résurrection. Sainte
Hélène, après avoir fait démolir le temple ,
lit creuser à côté du Calvaire , et l'on y dé-
couvrit eulin le tombeau du Sauveur, avec
les instrunu nts de sa passion. Comme on
trouva trois croix , celle de Jésus-Christ fut
reconnue par un miracle qu'elle opéra. L'im-
pératrice en envoya une partie à Constan-
tin, une autre partie à Rome, pour être pla-
cée dans une église qu'elle y fonda sous le
titre de la Sainte-Croix de Jérusalem. Elle
laissa la plus grande portion dans l'cgliso
()u'clle fil bâlir sur le saint sépulcre, el qui
l'ut appelée liasilique de la Suiiitc-Croix, l'é-
ylis(.' du Sépiacre ou de la iUsurrecliuii.
Les protestants, prévenus eonlre le culte
de la cro'X, ont objecté qu'Eusèbe n'a pas
parle de celle découverte; mais que prouve
ce silcnei: contre le récit des témoins ocu-
laires, des contemporains, ou des auteurs
voisins de révenement? Le P. de Montfau-
con nous apprend qu'Eusèbe fait mention de
la découverte de la cruix dans son Commen-
taire du Pî. 87, p. o'i-'D. — « Les miracles île
Jesus-Chrisl, dit saint C^yrillc de Jérusalem,
rendent témoignage à sa puissance et à sa
grandeur, auasi bien que le liois de la croix
trouvé ces jours-ii parmi nous, et duquel
ceux qui en prennent avec foi ont presque
rempli tout le monde... 11 en est de même du
sépulcre où il a été enseveli, et do la pierre
(jui est encore aujourd'hui dessus. » CaCecli.
10. Dans la qualriéine et la treizième calé-
(hèse, il dit que les parcelles de la croix
sont répandues par tout le monde. Les fidè-
les qui visitaient les lieux saints désiraient
tous d'en avoir. Ouand nous n'aurions point
d'autre lenuiin que celui-là , il ne serait pas
lécusable; il etail né et il parlait sur le lieu
même, il pouvait avoir vu de ses yeux le fait
(ju'il atleslail, et plusieurs de ses auditeurs
eu avaient été témoins comme lui. — Bas-
1189
CRO
CRO
Î130
na^R a nt'sinmoins osé écrire, dans son Bi»t.
des Juifs, liv. vi, ch. 14, sect. 10, que Gré-
goire (io Tours, raorl l'an 590, est le preuiier
qui en ail parié. C'est ainsi que sont ins-
truits les auteurs que les protestants rcjfJir-
deni comme lies oracles (Tiilemoiil, tom. VU,
p. b). Dans les Vies de» Pires et des Miir-
lyrs, lom IV, p. 91, l'on trouvera un dét.iil
curieux touchant les divers instruments de
la passion du Sauveur.
La seconde fèlc.de la sainte croix est celle
de son Exaltation, le li septembre : l'insli-
luliun en est (dus ancienne que celle de la
fêle précédente; elle remonte au rèi;ne de
I Conslanliii. On est persuade qu'elle tut éla-
b'iie l'an 33a, soit en niémnire de la croix |ui
avait apparu miraculeusomenl à cet enipe-
rcreur, soit pour céléiner la découverte que
sainte Uéiènc sa mère avait faiie île la croix
de Jésus-Christ. Du moins les Grecs et les
Latins, lasolennisaient au votau vi'^siècles,
et ils l'avaient tlKée au jum* do la dédicace de
l'église que sainte Hélène avait l'ail liûlir
sur le Calvaire. Toules les années, à ce jour,
l'évéqutî de Jérusalem montait sur une tri-
bune élevée, et il y exposait /« sainte croix à
la vénération du peuple : do là le nom d'Exal-
tation donné à la fc'.e. Les Grecs nommaient
celle cérémonie , lis Mystères sacrés de Dieu,
ou la Sainteté de Dieu, au rapport de Nicé-
pliore.
Vers l'an 614 , Chosroès , roi de Perse ,
après avoir vaincu les Romains, s'empara de
Jérusalem ; il emporta dans la Perse la sainte
croix, qui était renfermée dans une châsse
d'argent. Mais l'an 028, Chosroès tut vaincu
à son tour parreai()eri'urHèraclius, et obligé
(le recevoir les conditions de la pais. L'un
des premiers acticles du Irailé conclu avec
Siroès son fils , fut la restitution do celle
{irecieuse relique. Elle fut rapportée par
Zacharie , patriarche de Jérusaieni , qui
avait elé fait prisonnier, et lui replacée par
Héraclius lui-méinedans l'églisedu Calvaire.
Cet événement rendit plus célèbre la fête de
VExalt'ition de la suinte (Jroix. Dans le vur
siècle, les Latins établirent une fêle particu-
lière le 3 de mai, en mémoire de l'invention
ou de la decou\erte de celle relique. Voij.
Acta Sancl., 3 mat'/; Thumassiu, Traité des
Fêtes, p. 47",); \ ies des Ptres et des Martyrs,
lom. vin, 14 septembre, etc.
Quant à l'appiMilion miraculeuse d'une
croix que l'empereur Constantin vil dans le
ciel, voy. CoNSTANrm.
Croix pectorale ; c'est une croix d'or,
d'aigenl, ou de pierres précieuses, que les
évéques, les archevêques, les abbos réguliers
et les abbesses portent pendue à leur cou, et
qui esl une des marques de leur dignité. ^
Cet usage paraît ancien. Jean le Diacre re-
présente saint (irégoire dans son mausolée
avec un reli,|uaire pendu à sou cou, et nom-
me col orneiiient filnleria ; peut-être est-ce
une corruption du mol/j/()//ficrer.i(j. 1'o(/.Pht-
LACTivRES. Saint Grégoire lui-même, expli-
quant ce terme, dit que c'est une croix enri-
chie do reliques. Innocent 111 dil quo par
celle croia; les papes ont voulu imiter la lame
d'or que le grand prêtre des Juifs portait sur
son Iront. Cet usago des papes a passé aux
évêqups. Quant à la croix que l'on porte de-
vant les archevêques, voy. PouTF.-cROix , el
r.lacien Sacramenlaire, première partie, page
103.
CROIX (Filles de la) [1). Elles forment une
congrégation dont l'inslilut a pour objet l'ins-
truction des jeunes personnos de leur sexe.
— Leur premier établissement eut lieu en
1025, a Royc en Picardie. Appelées à Paris
par la dame de \'il!eiieuve, veuve d'un maî-
tre des lequêles, leur société fut confirmée
par l'archevêque de cette ville, el autorisée
par des lettres patentes vérifiées au parle-
ment en 1042.
Cette congrégation est divisée en deux so-
ciétés particulier, s : les unes sont liées par
les va'ux simples de chasteté, de pauvreté,
d'obéissance el de sLihilitè; les autres, sans
faire aucun vœu , sont unies dans les mai-
sons qu'elles habitent sous la direction d'un
supérieur. Les unes el les autres, outre l'insi-
truction tics jeunes personues de leur sexe ,
rtçoivenl encore chez elles les pauvres qui
veulent s'inslruire de leur religion, el ;e dis-
poser à un chai.igeinenl do vi<'. elles porlenl
le même habil, avec celle différence néan-
moins que celles qui lonl des vœux porlenl
une-pelile troj'j; (l'ar-jent , et les autres uue
petite de bois. (Extrait du Ùict. de Jurispru-
dence.)
CROSSE, bâton pastoral que partent les
archevéi|ues, les évêi|ues <'i les aiibés régu-
liers, el que l'on porte devant eux quand ils
olUcienl.
Il parait que dans l'origine c'était un bâ-
ton pour s'appujer; mais, d(! tout temps,
cclappui,néccs>aire aux vieillards, a été une
marque de distinction {\um. xvii, 2, el x\i,
18). Nous voyons les cIk fs des liibus d'Is-
raël dislingues par le bâton, et c'est l'origine
du sceptre ou bâton de coinmandcment. On
lit pour la première fois dans le conciie de
Trojosde l'an 807, que les évéques de la pro-
vince do iieims , qui avaient oie sacrés pen-
dant l'absence de l'archevêque Etibon , re-
culent de lui, après qu'il eut été rétabli ,
l'anneau et le l;âlon pastoral, suivant l'usage
de l'Eglise de Franco. En 88o, dans le con-
cile de Mines , on rompit la crusse d'un ar-
chevêque de Narbonnc, intrus, nommé Salva.
Balsauion dil qu'il n'y avait que les patriar-
ches en Orient (jui la portassent.
On doîiiia celle crusse à 1 evêque dans l'or-
dination, pour marquer, dit saint Isidore de
Soville, qu'il a droit de coniger, el qu'il doit
soutenir les faibles. L'auteur de la vie de
saint Césaire d'Arles parle du clerc qui por-
tail sa crusse, cl saint liurchard, évêque de
Wurlsbourg, esl loué dans sa Vie d'avoir eu
une crosse du liois. Voy. l'Ancien S icramen-
taire, première partie, p. loi), 154.
CKOVAN ,E. <;roire , en gênerai , est la
même chose qu'être persuade el ctmvaincu;
aussi croyance signifie persuasion , mais
(I) Cel article , esl re|Modiiil d'uprcs l'édiiioii de
Liège.
an CRO
toute persuasion ne peut pas être appelée
croyance.
Nous sommrs porsuadés que deux et deux
font quatre, que les Irois angles d'un tri.ui-
glr sont ég.Tix à deux droits; ces deux pro-
positions soui évidentes par elles - mêmes.
Quoique nous ne concevions pas comment
la liberté peui se concilier avec l'immulahi-
lilé, nous sommes convaincus cependynl (|ue
Dieu I st libre et immuable, parce que c'est
une véiilé qui se déduit évidemment de la
noiion d'Etre nécessnire , conséquemment
une \érité démontiée. — Nous sommes cer-
tains qu'un corps est mû par un autre corps ;
nous le voyons de nos yeux, nous le sentons
par le tact , quoique nous ne comprenions
pas pourquoi le mouvement se communique
d'un corps à un autre corps. Nous sentons
que notre âme meut notre propre corps, c'est
une vérité de curisc/ence, quoiqu'il ne soit pas
possible de concevoir comu.enl un esprit
peut agir sur un corps. — Dans tous ces cas,
notre persuasion n'est pas proprement une
c7"0(/a"fe; nous ne croyons pas , mais nous
vo} onselnou> sentons. Quoique nous n'ayons
pas vu la ville de Roine, nous croyons sou
existence sur le téoioignaffe de ceux qui
l'ont vue, de ceux qui l'babitent, sur les re-
lations que nous avons avec eux, etc. Les
peuples de (luiiiée , qui n'ont jamais vu de
glace, ne conçoivent pas comment l'eau peut
devenir un corps solide, c oient cependant
l'existence de la glace, sur le témoignage de
mille voyageurs; s'ils ne la croyaient pas, ils
seraient insensés. Les aveugles-nés ne con-
çoivent point les piiéiiomènes des couleurs.
Un miroir, une lerspeclive, un tableau; ils
en croient cependant l'exisieuce , et cette
persuasion leur est dictée par le bon sens.
Dans les divers c iS, la croyance est une foi
humaine fondée sur le témoignage des hom-
mes.
Nous croyons que Dieu est un en Irois
personnes, que le Verbe incarné est Dieu et
liomme , que Jésus-Christ est léellement
dans l'Euch.irisiie, etc.; quoique nous necon-
cevions pas ces mystères , nous les croyons
sur le témoignage de Dieu , ou parce que
Dieu les a révélés : i etle croyance est une loi
divine. Nous sommes convaincus de la révé-
lation par les motifs de crédibilité dont elle
est nvêlup.
L'irsqu'on demande: Pouvons-nous croire
ce que nous ne concevons pas ? c'est de-
mander .si les aveugles-nés peuvent croire
l'existence des couleurs . si les peuples de
GuMiee peuvent t roire 1 existence île la glace,
si nous-mêmes pouvons croire la communi-
cation du mouvement d'un corps à un autre.
Cependant l'on a fait des libelles pour prou-
ver qu'il est impossible de croiie séiieuse-
nienl ce que l'on ne conçoit pas, que c'esl un
enthousiasme et une folie , que nos profes-
sions de foi ne sont qu'un j.irgon de mois
sans idées , que proposer à un honiuie un
mystère, c'est comme si on lui parlait une
langue inconnue, etc. ; et toutes ces maximes
sont autant d'axiomes de la philosophie des
incrédules.
CRO
1192
Pour croire un dogme de foi divine , est-il
nécessaire que ce dogme soit obsiur et in-
concevable? Non. La spiritualiié et l'immor-
talilé de l'àme nous paraissent des vérités
démontrées ; mais nous pouvons faire abs-
traction des preuves naturelles iiue nous en
avons , et croire ces mêmes vérités , parce
que Dieu les a révélées; un ignorant, qui n'a
jamais rélléchi sur 1 s preuves, croit ces deux
dogmes, parce que la religion les lui ensei-
gne. — Oux qui virent Jcsus-Christ opérer
un miracle , pour prouver qu'il avait le pou-
voir de remettre les péc es {Mallh. i\, 6),
furent témoins oculaires de la révélation, ob
du signe par lequel Dieu attestait le pouvoir
de Jésus-Christ; ils en eurent une ceriilude
physique. Sans avoir vu les miracles du Sau-
veur, nous en avons une ceriilude morale
portée au plus haut d'gré : non-siulement
i.s nous sont atie-lés par les écrits des té-
moins oculaires et par une tradition vivante
qui n'a jamais été inierrompue, mais par
l'edet qu'ils ont produit , ijui est rétablisse-
ment du christianisme. Jamais les apôtres
n'auraient converti personne, si les f.iils qu'ils
annonçaient n'avaient pus été indubitables.
Voy. CEhTITDDE.
Quand on reproche aux athées et aux au-
tres incrédules les conséquences de leur doc-
trine, et les funestes elîets qu'elle doit pro-
duire sur les uioeui s, ils disent que la croyance
influe très-peu sur la condu le des huuimes ,
que le tempérament setil décide de leurs vi-
ces ou de leurs vertus; de la ils concluent
que la religion est la chose du monde la plus
indilTércnie et la plus inutile. D'autie part,
ils soutiennent que les vires elles malheurs
des hommes viennent de leurs erreurs, qu'il
faut leur enseigner la vérité pour les ren-
d:e heureux, qu'il est bon, p<ir conséquent,
de prêcher l'alheisme, paice que c'est la vé-
rité; ils ajoutent que les erreurs en fait do
religion sont la cause de la plupart des cri-
mes commis dans le monde. La contradic-
tion de ces piineipes est palpable. De quoi
servira aux liommes la verile , si celle con-
na>s-ance ne peut iniluer en rien sur leur
conduit ? Comment la reLgion, qui com-
mande toutes les vertus et défend ions les
vices, peut-elle produire par elle-même l'effet
directement opposé au but de son instilu-
lion ?
Il ne sert de rien de citer l'exemple des
rhiéliens vicieux, pour prouver que leur re-
ligion n'influe en rien sui- leurs mœurs. Lors-
que la croyance gêne les passions, il n'est
pas élonnaiil que celles-ci soient souvent les
plus fortes, cl eniraineni l'homme au crime
malgré les remords que la religion lui cause.
Au contraire, si la doctrine favorise les
passions, en brisant le lien qui lend a les ré-
primer , ( lie doit certainement rendre l'hom-
me plus vicieux , puisqu'elle étouffe en lui
la VOIX de la conscience ei les remords. Tel
est donc l'eflet (lue produiraient l'athéisme
et l'irréligion sur tous ceux qui sont nés
avec des passions violentes.
Où les laits décident, les conjectures ri les
raisonnements sont superflus. 11 est iucur-
4103
cao
CRU
1194
testahle que le christianisme, dès qu'il fut
établi, causa une révolution sensible dans
les mœurs des Juifs et des laïens. et les
rendit beaucoup meilleures qu'elles n'étaient ;
c'est un fait avoué par les ennemis même de
la religion. Donc il n'est pas vrai , en géné-
ral, que la croyance des hommes n'inllue en
rien sur leur coniluilc.
* Croyances catiioliqces (t'ingrès des). — Jamais
on n'a plus parle tle progrès que dans noire siècle;
les sciences, les ans, les législations, les peuples
eux-iiicnies, (lil-on, sont en progrès. Nous n'avons à
mesurer ni l'étendue, ni h nature de ces progrès,
mais il eu est un ([ui doit nous intéresser, c'est celui
des croyances religieuses; or une lellgion est en pro-
grès lorsque le nombre de ses sectateurs augmente;
lorS([ue ses croyances et ses praii(|ues sont sincère-
nu'iit admises p;ir ses partisans, enlin lors(iue sa iloc-
triuc soil dogmatique , soii morale, prend du dève-
joppeuienl et de nouveaux perlectionueuienis. Consi-
ilérée sous le prciuier rapport, la question du progrès
du catholicisme apparlieiii à l'article Piiopagatihn
UK LA FOI et Catiiolici/£ ; tonsiilérée sous le second,
c'est une question de fait qui dépend des lieux et îles
circonstances : car il est bien évident que la ferveur
religieuse n'est la même ni dans tous les lieux, ni
dans tous les temps. Envisagée sous le dernier rap-
port, la (luestion est vraiment philosupluque et digue
du [lenseur. Nous avons conslalé le progrès de la
mofale dans notre Introduction au Dictionnaire de
Jliéoluyie viorale. Ici nous voulons envisager laques-
lion uiii(iuement par rapport aux croyances.
Nous rencontrons deux sortes d'adversaires, ap-
parlenant tous deux il la même école. Les uns accu-
sent le catholicisme d'être essentiellement slation-
nalre, parce qu'il professe l'immiitabiliié de ses doc-
Irines ; d'autres raiionalisies préieiidenl que nous
sommes de leur famille, nous catlioli(|ncs, et que no-
ire dogme s'est formé lentement et pièce à pièce,
connue le rationalisme tache de former le sien. Pour
répondre :i ces deux sortes d'adversaires, il suflit
d'exposer la nature du progrés dont la doctrine ca-
tholique est susceptible. Nous avons vu dans notre
Diitionnaire de Théologie morale, que la foi chré-
tienne est toujours la même, que les développements
(lu'elle peut recevoir ne sont que l'explication de la
croyance générale. Nous nous contentons de ren-
voyer à l'article Foi de ce Dictionnaire, où la théorie
de la foi a été cotnpiétement développée.
* Cruvaxces génébales. Les croyances générales
de l'Eglise ont toujours eu une très-grande autorité
pour régler la foi et les mœurs des liuéles. C'est l'une
des sources les plus riches de la TRAorrioN (Yoy. ce
mot), suivant ces belles paroles de Vincent de Lé-
rins, de Tertullien et de saint Augustin : i Dans l'E-
glise Catholique, dit Vincent de Lérins, on doit s'en
tenir avec le plus grand soin à ce qui a été cru en
tous lieux , en tout temps, et par tous les lidèles. »
lu ipsa cathûlica Ecclesia, maijnopere curandum est ut
id tuteamus quod ubiqite, quvd semper, quod al> omni-
bus cjcàiium est. t C'est avec une grande raison, dit
saint Augustin, que l'on croit que ce qui s'observe
dans l'Eglise universelle et qui s'est toujours observé
sans avoir été établi par aucun concile, ne peut venir
que de la tradition apostolique. > Quod universa tenet
Lcclesia, tiec conciliis inslitutum , icd semper relenluni
est, non nisi auctorilate aposlolica Iraditum rectissime
creditur. t Est-il vraisemblable, s'écrie Tertullien ,
que tant et de si grandes Eglises se soient accordées
pour la même erreur? Où doit se rencontrer une di-
versité prodigieuse, une parfaite uniformité ne sau-
rait régner ; l'erreur aurait nécessairement varié. Non,
ce qui se trouve le mèuie parmi le très-grand nombre
n'est point une erreur, mais la tradition. > QuoU
apud muUos unum inienilur, nan est erratum, sed tra-
dilum,
DlCT. DE TbÉOL. D0GMAT1«,>UE. I.
CRUCIFIEMENT. Quelle qu'ait été la mé-
thode des Romains et des Juifs d'attacher à
la croix ceux qui étaient condamnés à mou-
rir par ce supplice, nous ne pouvons douter
do la manière dont Jésus-Christ y lut attaché.
La narration des évaugélistes ne laisse ati
cunc incertitude sur ce point; il « si dit que
JésMsChrisl, après sa résurreclion, fit voir
et loucher à saint Thomas le» plaies formées
dans ses mains et dans ses pieds par les clous
[Joun. XX, 23 et 27). Sur la vraie croix, con-
servée à Rome, on remarque encore les ves-
tiges des clous, et lorsqu'elle fut retrouvée
parsainle Hélène, on retrouva aussi les clous
par lesquels Jésus-Christ y avait été atta-
ché,
Ce supplice était cruel ; il n'est pas éton-
nant que Jésus-Christ, épuisé par une nuit
entière de souffrances, par la llagellation,
par la fatigue de porter sa croix, par les
plaies de ses membres, n'ait conservé sa vie
sur la croix que pendant trois heures, et soit
mort plus tôt que les deux voleurs cruciGés
avec lui. Aucun des ennemis du christia-
nisme n'a osé disconvenir autrefois que
Jésus-Ciirist n'ait expiré sur la croix; mais
de nos jours, il s'en est trouvé qui ont af-
fecté de douter s'il ('lait véritablement mort
lorsqu'il en fut détaché. Ils n'ont pas vu
qu'ils faisaient disparaître une de leurs
plus pompeuses objections contre la résur-
reclion; ils disent que si Jésus-Christ était
véritablement ressuscité, il aurait sans doute
reparu en public, cl se sérail montré à ses
ennemis pour les confondre. Mais, par la
même raison, s'il n'étail pas mort, il n'a tenu
qu'à lui de reparaître et de se montrer aux
Juifs, s'il l'avait voulu.
Conslanliu, converti au christianisme, abo-
lit avec raison le supplice de la croix. Dès ce
moment, elle a passé non-seulement, comme
ledit saint Augustin, du lieu des supplices
sur le front des empereurs, mais du lieu des
supplices sur les autels.
Plusieurs incrédules ont prétendu qu'il y
a contradiclion entre les évangclistos au su-
jet de l'heure à laquelle Jésus-Clirisl fut at-
tache à la croix. Saint Matthieu, saint Marc
et saint Luc, après avoir raconté le crucifie-
ment, disent que depuis la sixième heure
jusqu'à la neuvième, c'est-à-dire depuis midi
jusqu'à trois heures, la Judée fut couverte
de ténèbres ; d'oii il résulte que le Sauveur
fut attaché à la croix vers midi. Mais saint
Marc, c. xv, v. 23, dit, en parlant des Juifs,
il était la troisii'mc heure, ou neuf heures du
matin, et ils le crucifièrent. Au contraire,
nous lisons dans saint Jean, c. xix, v. i^,
qu'il était environ la sixième heure, ou
midi, lorsque Pilate présenta Jésus aux
Juifs, qui demandèrent sa mort ; il ne put.
donc être crucifié que quelques heures après
midi. Comment concilier tout cela ? — Fort
aisément, avec un peu d'ailcnlion. Saint
Jean ne dit pas qu'il était la sixième heure
précise, mais environ la sixiànc heure; il
n'était donc pas encore midi lorsque les
Juifs demandèrent la mort de Jésus, et que
Pilate le leur livra : or, l'évangéliste ajoute,
38
il95
CUL
CUL
'119a
versetl6, que tontde suite ils le conduisirent
au Calvaire, chargé de sa crois ; Jésus-
Christ put donc y être attaché à midi, comme
les trois autres évaiigélistis le supposent.
Lorsque saint M:irc dit qu'i/ était la troisiè-
me heure, et qu'ils le crucifièrent, on doit en-
tendre que dès les neuf heures du matin les
Juifs se disposèrent à le crucifier, après que
Pilale le leur aurait liv:é ; autrement il y
aurait coniradiction entre le verset 2a et le
verset 33 du même chapitre de saint Marc.
Il est évident que, dans les versets 23, 24,
25 et 26, cet historien n"a ni suivi l'orJi e des
faits, ni prétendu mi'rquer l'heure précise.
Celle circonstance n était pas assez irapor-
faule pour mériter beaucoup d'attention ; et
quand un copiste, par inadvertance, aurait
mis la troisième heure pour la sixième heure,
ce ne serait pas un grand malheur.
CIICCIFIX, image de Jésus-Christ attaché
à la crois. Les catholiques honorent le eru-
cifix en mémoire du mystère de la rédemp-
tion, et pour exciter eu eux la reconnais-
sance de ce bienfait ; les protestants ont ôlé
les erucijij; des églises. Ce ne fut qu'avec
beaucoup de peine q.ie du temps de la pré-
tendue réloiiuation d'Angleterre, la reine
Elisabeth put en conserver un dans sa cha-
pelle. Nous ne savons pas pourquoi les ré-
formateurs ont témoigné tant d'horreur poar
ce signe si capable d'exciter la piété. L'on
en voit cependant encore dans plusieurs tem-
ples des luthériens.
Autrefois un cathotique se serait fait scru-
pule de ne pas avoir un crucifix dans sa
chambre ; aujourd'hui on laisse au peuple ce
pieux usage -, il est dangereux qu'eu perdant
de vue l'image, on n'oublie bientôt ce qu'elle
représente. Le culte de la croix et lusage
des crucifix devinrent plus communs dans
l'Eglise immédiatement après l'invention
de la sainte croix. Voy. VAncieii Sacra-
mentaire, par Grancolas, première partie,
page 66.
CDLTE, honneur que l'on rend à Dieu, ou
à d'autres êtres, par rapport à lui et par
respect pour lui (1). 11 est impossible d'ad-
(I) Expoikiondu dogme catholique. — « Pour coni-
moncer par l'ador.ilion qui esl due à Dieu , dii Bos-
siiel , riiglise cailiulique enseigne qu'elle consiste
printip.ilenienl à croire (ju'll esl le créiUcin' el le
Seigneur île luules tlioses, el ii nons lUlacher à lui
de toutes tes puissances de noire àmc par la fui, par
l'espér ince et par la c.liarité, comme â celui qui seul
peut lïiire iinire télicilé, par la communicaiion du
bien inliui, qui esl lui indine.
f Celle adoration intérieure que nous rendons à
Dieu, en cspril el en vérilé, a ses marques exlérieu-
res, dont la piincipalc e4 le sacrilice , qui ne peut
être ofTerl qu'a Dieu seul, parue que le sacrilice est
éiatili pour taire un aveu public el une prutesiaiion
s<ilennctle de la ïuuverainelé de Dieu , el de nuire
dépendance absolue.
< La môme Eglise nnseigno que tout culte religieux
se diiii terminer h Dieu cojnnic à sa fin nécessaire;
et si l'hoinieur qu'elle rend à la sainte Vierge el aux
Saints peut êlre appelé ieli;j;ieux, c'csi à cause qu'il
se rappoile nécessairenieul à Dieu.
< Mais avant que d'expliquer davantage eu quoi
consiste cel huuacur, il n'est pas inutile de remarquer
mettre en Dieu une providence, sans en cud-
ciure qu'il est juste et nécessaire de lui ren-
dre un culte, non parce qu'il en a besoin,
mais pane que nous avons besoin nous-
mêmes d'être reconnaissants, respectueux,
soumis à notre Créatc^ur : quiconque ne l'est
pas envers Dieu, l'est encore moins cm ers les
hommes.
llespecter sa majesté suprême, sentir en
tout lieu sa présence, reconnaître ses
bienfaits, croire à sa parole, se soumettre à
ses ordres el à sa volonté, se confier en ses
promesses cl en sa bonté, l'aimer sur toutes
choses : voilà les sentiments dans lesquels
consiste le culte e» esprit et en vérité ; lous
réunis forment ce que nous appelons ['ado-
ration ou le culte suprême qui n'est dû
et ne peut être rendu qu'à Dieu seul. [Voy.
llELlGION.]
Avant d'entrer dans aucune question sur
ce sujet, il faut commencer par expliquer
les termes. Dans toutes les langues, culte,
honneur, respect, vénération, révérence, ser-
vice, sont synonymes, surtout dans le langa-
ge commun et populaire. Dans l'Ecriture
sainte même, le terme hébreu ()ui désigne le
culte suprême rendu à Dieu, exprime aussi
l'honneur que les patriarches ont rendit
plus d'une fois aux anges, et celui qu'ils ont
que Messieurs de la religion prétendue réformée,
pressés par la force de la vérilé, commencent à nous
avouer que la cuuiuine de prier les saints , cl d'ho-
norer leurs reliques, était établie dès le iv" siè-
cle de l'Eglise. M. Daillé, en faisant cet aveu dans
le livre qu'il a fait coiiiie la tradition des Lutins,
touchant l'ubjet du culte religieux, aicuse saint Ba-
sile, sailli Amhroise, saint Jérôme, saint Jean Chry<
sosioine, saini Augusiin, el plusieurs autres grandes
lumières de l'aiitiquité, qui ont paru dans ce siècle,
el sui tiiui sailli Grégoire de Nazianze, qui est appelé
le thé ilogien par excillence, d'avoir changé en ce
point la doctrine des trois siècles piéeédunis. Mais il
parait peu vraisemblable que M. Daillé ail mieux en-
tendu les seiitimciits des Pères des trois premiers
siècles, r|He ceux qui ont recuilli, pour ainsi dire,
la succession de leur doctrine immédiatement après
leur mort ; el on le croira d'autant moins, que bien
loin que les Pères du iv^ siècle, se soient aper-
çus qu'il s'introduisit aucune nouveauiè dans leur
ciille, ce minibire, au conirairc, nous a rapporté
des textes e\|irès, par lesquels ils font voir clairement
(|u'ils préleudaienl, en priant les saints, suivre les
exemples de ceux qui les avaenl précédés. .Mais sans
examiner davantage le sentimenl des Pères des trois
premiers siècles, je me contente de l'aveu de M. Daillé,
i|ui nous abandonne tant de gr.nids pei'soimagcs
qui ont enseigné ri:)glise dans le iv°. Car cmore
qu'il se -oii avisé, dunze ccnis ans après leur mort,
de leur tloimer par mépris une iii.unère de nom de
sectes, en les appelant ïlsliquuirei, t'est-à-diie, gens
qui honorent le^ reliques, j'esperc ipie ceux de sa
conununiun seront plus leqiecincux envers ces grands
hommes. Ils n'oseront du moins leur olijectcr qu'en
priant les saints, et <'n Inmorant leurs reliques, ils
siiienl tombés dans l'idolâtrie, ou qu'ils aient rcn"
versé la conliance que les cliiéticus doivent avoir en
Jé-us-Clirisi ; et il faut espérer que dorénavant ils
ne nous feront plus ces reproches, quand ils consi-
déreroii! (|u'ils ne pcuvenl nous les taire, sans les
faire en même temps à tant d'excellents hommes
dont ils font proles-iun, aussi bien que nous, de lé-
\éicr la sainietè el la doctrine. >
U97
COL
CUL
H98
témoigné anx hommes ; dans ces divers
passages, les versions emploient indlITérera-
ment le mot adorer ou se prosterner. Cepen-
dant le mot et l'action ne peuvent pas dési-
gner le même sentiment ni le même degré
de respect à l'égard d'objols si dilTérenls; il
faut donc que la signification des mois clian-
gi' suivant les circonstances et suivant l'in-
fenlion des écrivains. — Conséquemment
l'on est obligé de distinguer dilïérenles es-
pèces de cuite, et il convient d'en prendre
l'idée dans l'Ecriture sainte. Faute d'avoir
eu des notions justes et nettes sur ce point,
les théologiens hétérodoxes ont fait une iu-
finiti' de raisonnements cl de réflexions
fausses; il n'est aucnn article do la doctrine
catholique qu'ils aient mieux réussi à défi-
gurer. — Nous appelons culte intérieur les
senliiitenls d'estime, d'admiration, de recon-
naissance, de confiance, de soumission à
l'égard d'un être qae nous en jugeons digne;
cl culte extérieur, les signes sensililes par
lesquels nous témoignons ces sentiments ;
comme les génutlexions, les proslerneinenls,
les prières, les vœux, les offrandes, etc.
Lorsque ces témoignages ne sont pas accom-
pagnés dos sentiments du cœur, ce n'est plus
un culte vrai et sincère, c'est une [lureliypo-
crisie , vice que .lé^us-Chrisl et les prophè-
tes ont souvent reproché aux Juifs.
Comme le culte change de nature, suivant
la différence des motifs qui l'inspircnl, il faut
distinguer le culte civil d'avec le culte reli-
gieux. Lorsque nous honorons dans un per-
sonnage des qualités, un pouvoir, une auto-
lilé, qui n'ont rapport qu'à l'ordre civif et
temporel de la sociéié, c'est un culte pure-
ment civil ; si nous voulons honorer en lui
une dignité, un pouvoir, un mérite surna-
turel, avantages qui n'ont r.ipport qu'à
l'ordre delà grâce et au salut éternel, c'est
un culte reliijieux, puisque la religion seule
nous peut faire connaître et nous faire estimer
les dons de la grâce. Mais nous ne pouvons
pas exprimer le culte religieux par d'autres
signes que le culte civil, c'est la diversiié du
motif qui en fiiil toute la différence. —
Par consé(|uent, le culte ne peut pas non
plus être le inêine, lorsque nous avons une
idée toute différente des personnes ou des
objets auxquels nous l'adressons. Comme
nous reconnaissons en Dieu seul toute per-
fection, les attributs de créateur et de seul
souverain maître, nous lui devons des senti-
ments d'admiration, de respect, do recon-
naissance, de confiance, d'amour, de sou-
mission, que nous ne pouvons avoir pour
aucune créalurc ; ainsi, nous lui rendons
non-seulement un culte religieux, mais un
culte suprême, que nous appelons propre-
ment adoration; il y aurait de la folie et de
l'impiété à vouloir rendre ce culte à un autre
qu'à lui.
Lorsque nous respectons et honorons,
dans les anges et dans les saints, les grâces
surnaturelles que Dieu leur a faites, la di-
gnité à laquelle il les a élevés, le pouvoir
qu'il leur accorde , ce n'est certainement
plus UD culte divin, ni un culte suprême,
mais \xn culte inférieur et subordonné ; c'est
néanmoins toujours un culte religieux, puis-
qu'il a pour motif la religion , ou le respect
que nous avons pour Diou lui-même. Lors-
que Di.'u dit aux Israélites (Exnd. xxiii,
'21) : Respectez mon ange, purée que mon
nom est en lui. Il ne leur prescrivait pas un
culte civil. Lorsqu'une femme de Samarie se
prosterna devant Elisée, parce quo ce pro-
phète venait de ressusciter son enfant, elle
ne prétendit point honorer en lui une dignité
ni un pouvoir civil, mais la qualité de saint
prophète, à'homme de Dieu, et le pouvoir
d'oporer dos miracles (IV Reg. tv, 9 et 37).
Dans l'ordre civil, on pout appeler cu//e su-
prême celui que l'on rend au roi, et culte in-
férieur celai que l'on témoigne à ses minis-
tres. Pourquoi cette dénomination n'aurait-
elle pas lieu en fait de culte religieux ?
Pour mettre plus de clarté dans leur lan-
gage, les théologiens appellent latrie le culte
rendu à Dieu, et dulie celui que l'on rend
aux saints; mais dans l'origine, ces deux
termes tins du grec signifiaient également
service, sans distinction. — II faul encore se
souvenir que nous employons souvent les
mêmes ilénionstralions extérieures, pour té-
moigner un culte inférieur et pour rendre
un culte suprémi^; et c'est alors l'iulentiou
seule qui délerminela signification dessignes.
On s'incline, on se découvre, on se met à
genoux, on se prosterne devant les grands
aussi bien que devant les rois, sans avoir
pour cela l'intention de leur rendre un hon-
neur égal; il en est encore de même dans le
culte religieux à l'égard de Dieu, et à l'éi^ard
des anges et des saints. Presque toute la dlcfé-
reiice se trouve dans la forme des prières;
nous demandons à Dieu de nous accorderses
grâces par lui-même, et nous supplions les
saints de les obtenir pour nous par leur in-
tercession : cela est très-différent.
Le culte, soit civil, soit religieux, est tan-
tôt absolu et tantôt relatif; les honnenrs quo
l'on rend au roi sont un culte civil absolu, le
respect que l'on a pour son image on [Jour
son ambassadeur est relatif : on ne les hono-
re pas pour eux-mêmes, mais en considéra-
tion du roi. Il est dit dans le psaume xcviii,
Hebr. xcix, y. 5 et 9 : Adorez l'escabeau des
pieds du Seigneur, parce qu'il est saint
Adorez sa sainte montagne. Lorsque les Juifs
se prosternaient devant l'arche d'alliance,
devant le temple, devant la montagne de
Sion ; lorsqu'ils se tournaient de ce côté-là
pour prier, ils ne prétendaient pas rendre
leur culte à la montagne, au temple, ni à
l'arche, mais à Dieu, qui était censé y être
présent : donc lorsque nous faisons de même
devant une image du Sauveur, ou devant
sa croix, ce n'est point à ces symboles que
se termine notre culte, mais à Jésus-Christ
lui-même. H dit à ses disciplrs : Ce/uj qui
voits reçoit, me reçoit;.... celui qui vous
écoule, m'écoute, et celui qui vous méprise,
me méprise [Matth. \,kO;Luc. x, KiJ. Il
n'est donc pas vrai qu'en fait de culte reli-
gieux, la distinction que nous motions entre
le culte absolu et le culte relatif soit une in-
im
CUL
vcution moderne des théologiens, qui n'est
point fondée sur l'Ecrituresainte, comme les
protestants le prétendent.
Avec le secours de ces notions, qui nous
paraissent cliiires, nous parviendrons aisé-
ment à' résoudre les questions que l'on a
coutume de proposer touchant le culte en gé-
néral, l" Est-il permis de rendre un culte re-
ligieux à. d'auires êhcs qu'à Dieu? 2° La re-
ligion ne ( onsislc-t-elle que dans le culte in-
térieur? Ne faul-il pas absolument témoigner
ce culte à l'extérieur ? 3° La pompi-, dans le
cu/ie f/(r!rt, est-elle un abus? 4-" Que doit-on
entendre par culte superstitieux, indu et su-
per 11 u ?
I. Les protestants soutiennent que tout
culte religieux, rendu à d'autres êtres qu'à
Dieu, est une impiété et une idolâtrie; c'est
un des principaux molifs qu'ils ont allégués
pour justiQer leur séparation d'avec l'Eglise
romaine. Dieu, disenl-ils s'en est, clairement
expliqué {Deut. vi, 13) : Vous craindrez le
Seigneur votre Dieu, et vous le servirez seul.
Jésus-Ciirist a répété ces paroles dans lE-
vangile [Matth. iv, 10). La loi est claire et
sans réplique. — Nous répondons que cette
loi défend de rendre à d'autres êtres qu'à
Dieu seul le culte suprême, le culte qui at-
teste sa qualité de seul souverain Seigneur,
mais qu'elle ne défend point de rendre à
d'autres le culte inférieur et subordonné, qui
suppose que ce sonl des créatures dépendan-
tes de Dieu, parce que ce culte, loin d'ôter à
Dieu son litre de seul souverain Seigneur, le
lui confirme au contraire. Nous prouvons
que tel est le sens de la loi. 1° parce que
Dieu lui-même dit aux Juifs (Exod, xxiii,
21) : J'enverrai mon ange qui vous précé-
dera ;... respectez-le {observa eum), ne le mé-
prisez pas piirce que mon nom est en lui. 11
est donc faux que Dieu ait défendu ailleurs
tout culte quelconque adressé à d'autres
êtres qu'à lui. 2' Parce que nous voyons les
patriarches, les juges , les prophètes , se
prosterner devant des anges, et leur rendre
le plus profond respect. Abraham se pros-
terna devant trois anges qu'il reçut chez lui,
Balaam fit de même devant celui qui lui ap-
parut, Josué devant un autre, Daniel devant
celui qui vint lui révéler l'avenir. L'ange qui
se nomme le prince de l'armée du Seigneur,
dit à .losué : Déchdussez-vuus : le lieu où vous
êtes est saint {.I os. v, 14 et suiv.). Josué, pé-
iiélié de respect, se proslerm; et lui dit : Que
mon Seigneur ordonne-t-it à son serviteur ?
Josué a-t-il en cela viole la loi? Vainement
les protestants diront que ci^ n'était là (ju'un
culte civil; nous avons démontré le contraire
d'avance par la sinijde notion des termes. —
Ils prétendent que, dans cis différentes cir-
constances, c'était le Fils de Dieu qui appa-
raissait aux anciens justes , cela peut être ;
mais ces justes le savaient-ils? Dieu ne les
en avait pas prévenus, et ces anges ne le di-
sent point; au contraire. Dieu, qui avait
averti les Israélites que sou ange les précé-
derait {Exod. XXIII, 21), plumet dans la
suite à Moïse qu'il les précédera lui-même,
Ci xi^xiii, y. 17. 11 y avait donc une dilléren-
CUL 1-200
ce entre Dieu et son ange. Celui qui se
nomme prince de l'armée du Seigneur, ue
s'attribue pas la divinité. — 3^ Nous ajoutons
qu'il est impossible de respecter siiicèrement
Dieu, sans honorer des êtres, qu'il a nommés
ses amis, ses saints, ses élus. — Nous sou-
tenons même que la loi du Deutéronoiue ne
défend point de témoigner du respect pour
des choses inanimées, lorsque ce sonl des
symboles de la présence de Dieu , comme
étaient la nuée lumineuse dans laquelle Diuu
parlait à Moïse, l'arche d'alliance, le taber-
nacle et le temple; Dieu, au contraire, dit
aux Israélites (Levit. xxvi, 2) -.Soyez saisis
de frayeur devant mon sanctuaire, et il leur
ordonne de respecter comme saint tout ce
qui sert à son culte. David dit, {Ps. xcviiî,
5) : Louez le Seigneur notre Dieu, adorez
l'escabeau de ses pieds, parée que c'est une
chose sainte. 11 est absurde de nous opposer
toujours une ou deux lois, et de ne tenir au-
cun compte de toutes les autres.
Ainsi, rien n'est plus faux que la notion
que Beausobre a voulu donner du culte reli-
gieux, lorS')u'il a dit que c'est celui qui fait
partie de l'honneur que l'on rend à Dieu
[Hist. du minich., 1. ix, c. o, § i- et suiv.).
Afin de persuader qu'il n'y a point de culte
religieux que celui qui est dû à Dieu, et
lorsqu'il a décidé que les mêmes cérémonies
qui se pratiquent innocemment dans le culie
civil, à l'égard d'une créature, ne sont plus
permises pour lui rendre un culte religieux,
il a formellement contredit l'Ecriture sainte.
— C'était, dit-il, un acte d'idolâtrie de baiser
sa main en regardant le soleil et en s'incli-
nant devant lui (Job , xxxi, 26) ; cependant
les païens ne le regardaient que comme un
être dépendant et un instrument du Dieu
suprême. Celte observation est encore faus-
se. Jam.iis les fiaïens n'ont connu un Dieu
créateur, suprême et maître du soleil ; ils
croyaient cet astre animé, intelligent, puis-
sant par lui-même, par conséquent un Dieu
très-indépendant d'un Dieu suprême; nous
le verrons ci-après.
U ciinvieiit que les manichéens rendaient
un honneur direct au soleil et à la lune,
parce qu'ils les envisageaient comme des
temples dans lesquels Jésus-Christ résidait
par ses deux attributs de vertu et de sagesse;
mais il les absout d'idolâtrie, parce qu'ils
ne rendaient p.is à ces deux, astres l'adora-
tion su|)rêin.> qui n'appartient qu'à Dieu seul.
Il allègue une citation de Eauste le mani-
chéen, qui dit : i\ous avons pour ces choses
ta même véniSraiion que vous avez pour te
pain et pour le calice. Or, les catholiques, dit
ISeausobre, n'avaient |)Our le pain et pour
le calice qu'un respect religieux, parce (jne
(;'élaient les figures du corps et du sang de
Jésus-Christ. — Admettons pour un moment
cette raison fausse. 11 s'ensuit 1" qu'il n'est
pas vrai que tout culte ou tout respect reli-
gieux adressé à un autre être qu'à Dieu soit
une idolâtrie comme le soutiennent les pro-
testants. 2" (Juc si les Pères sont coupables
d'une inconséquence, en blâmant le culte
des municheeus, pendant qu'ils approuvent
1201
CDL
CUL
1202
celui (les catholiques, Beausobrc y tombe
lui-même, en condamnant ridolâtric, lo culte
des caliioliques, pendant qu'il justilie celui
des manichéons. 3" Sa décision à l'égard de
ceux-ci est formelloment contraire au pas-
sage de .îob qu'il a cité.
Il n'est lias étonnant qu'avec ces notions
fausses du culle religieux, nos adversaires
n'aient jamais su s'accorder entre eux.
Daillé, calviniste, soutient que tout culte re-
ligieux qui ne s'adresse pas dirrctcmcnt et
xùiiquement à Dieu est une idolâtrie, ou du
moins une superstition. Les socihiens, au
contraire, prétendent que, quoique .lésus-
Clirist ne soit pas Dieu, on peut ceperidant
l'adorer comme Dieu, parce qu'il a dit que
l'on doit honorer le Fils comme on honore
le l'ère. IJeausobre juge que l'on a pu, sans
idolâtrie, donner le nom de Dieu ù des créa-
tures ; mais que l'on ne peut pas, sans tom-
ber dans ce crime, leur rendre Ihonncur qui
est dû à Dieu seul ; comme si ou pouvait
leur faire plus d'honneur que de les appeler
des dieux. Heyde, anglican, blâme les chré-
tiens de la l'erse , parce qu'ils aimaient
mieux être mis à mort que d'adorer le soleil
et le feu (De lldiq. let. Pers., c. 1). Beau-
sohre les approuve ; mais il préleuil que ce
culle était innocent de la paît des Perses, des
manichéens et des sabiens [flisl. du miinicli.,
lona. Il, 1. IX, c. 1, n.9). Sans doute, suivant
son avis, ces mécréants entendaient tous
mieux la question que les chrétiens. Kngel,
autre calviniste, ne veut pas que l'on taxe
d'idolâtrie le culte que les Chinois rendent
aux esprits ou génies, aux âmes de leurs
ancêtres et à Confucius. Selon la foule des
déistes, relui que les païens rendaient à leurs
dieux n'était pas une idolâtrie, parce qu'il
se rapportait indirectement au vrai Dieu ; et
les honneurs rendus aux mânes des héros
étaient un hommage adressé à la vertu. Ce-
pendant, quoique nous honorions dans les
saints des vertus beaucoup plus pures que
celles des prétendus héros, on nous en fait
un crime. Voy. Pacanismk, § 4- et o.
Basnage, aussi peu équitable que les au-
tres, nous rciiroclic (Vadorer les anges et
les saints ; il dit que l'on condamne à Ilonie
ceux qui enseignent que Vadoialion est due
à Dieu seul [Histoire de l'Eglise, (om. Il, liv.
XVIII, c. 1, n. -2). Il savait l>icn que ce n'est là
qu'une é({uivoque frauiluleuse, que nous ne
nous servons jamais du terme d'adorulion
en parlant du culte des anges et des saints,
parce que, dans l'usagc-ordinaire, ce mot si-
gnifie le culle sufiréma ; il n'ignorait fpas
que l'Eglise romaine fait profession de ren-
ilre es culle à Dieu seul. N'importe, il lui a
paru plus utile d'en imjioser aux ignorants,
que de dire la vérité. Mais afin de se contre-
dire aussi bien que les autres, il avoue, n.
7, qu'il est permis de vénérer les martyrs.
Qu'il nous fasse dcmc voir que, dans l'Ecri-
ture sainte, adorer et vénérer ne signitient
jamais la même cliose. Ensuite il nous op-
pose Lactance, qui a dit qu'il ne faut avoir
de vénération que pour Dieu seul. Nous ver-
rons ci-après de quelle vénération ce Père a
voulu parler.
Ce critique accumule contre nous des
preuves négatives ; et pour les rendre plus
fortes, il y ajoute, du sien. « Les anciens
n'exhortaient les fidèles qu'à honorer et à
prier Dieu. » Mais ont-ils défendu expressé-
ment d'honorer et do prier les anges et. les
saints ? Bîienlôt nous ferons voir le contraire.
Les premiers chrétiens, selon lui, n'adres-
saient leurs prières ()u'à Dieu, puisqu'il ne
nous reste des premiers siècles aucune prière,
ni aucune hymne, qui soient adressées aux
saints. Malheureusement il ne nous en reste
pas davantage de celles que l'on adressait à
Dieu ; les liturgies n'oiiLété mises par écrit
que sur la (in du iv siècle, et il y est fait
mention do l'intercession et de l'invocation
dos saints. — Il cite Pline le Jeune et Eusèbe,
qui disent que les chrétiens n'adressaient
qu'à Jésus-Christ leurs hymnes et leurs can-
tiques ; et c'était une preuve de sa divinité.
Fausse citation. Pline rap|iort(> que les chré-
tiens s'assemb'aient le dimanche pour chan-
ter des hymnes à Jésus-Christ comme à un
Dieu. Eusèbe dit que, dans les cantiques des
fidèles, la divinité lui était attribuée, bonne
preuve de la croyance de l'Eglise contre les
ariens, mais preuve nulle contre nous ; nous
convenons que des hymnes, des cantiques,
des louanges de In Divinité, ne peuvent être
adressés qu'à Jésus-Christ. Selon TertuUien,
continue Basnage, on no doit demander des
bienfaits qu'à celui-là seul qui peut les don-
ner (Apolofj., c. 30J ; d'accord. Dieu seul
peut les donner par lui-même ; mais les an-
ges, les saints, nos frères vivants, iicuvent
les obtenir pour nous. (]'esl pour cela que
saint Jacques nous ordonne de prier les uns
pour les autres, c. v, vers. 15. TertuUien n'a
pas condamné cette pratique. Vous vous
êtes approciiés, dit saint Paul, de la Jérusa-
lem céleste, delà multitude des anges, de l'as-
semblée et de l'Eglise des premiers-ncs qui sont
écrits dans le ciel, de Dieu gui est le juge de
tous, des esprits des justes qui sont dans la
gloire, de Jésus médiateur de la nouvelle al-
liance, etc. [Hebr. xii, 22). De quoi nous
sert cette société avec les anges et les saints,
s'ils ne peuvent rien nous donner et si nous
n'avons rien à leur demander?
Avant de citer Origène, il aurait An le lire.
Ce Père, selon lui, soutient contre Ceise,
que quand les génies auraient le pouvoir de
guérir les miladies et de nous faire du bien,
il ne faudrait encore s'adresser qu'à Dieu.
C'est une fausseté ; Origène enseigne le con-
traire; voici ses paroles, 1. viii, n. 13 : n Si
Celse parlait des vrais ministres de Dieu, qui
sont les anges, et s'il disait qu'il faut leur
rendre un culte, peut-être qu'après avoir
é:.»urc les sens du mot culte, et les devoirs
dans lesquels il consiste, je lui dirais à ce
sujet ce qui convient ; mais comme il appelle
ministres de Dieu les démons adorés pai- les
gentils, refusons de les honorer et de les ser-
vir, parce que ee ne sont point de vrais mi-
nistres lie Dieu; n. 3i et 36. Les anges regar-
dent comme leurs associés et leurs amis les
mz
CBt
CUL
m4
vrais adoratears de Dieu : ils s'intéressent
à leur salut, ils les aident ot leur font du
bien ;... l'ange gardien présente à Dieu les
prières de celui dont le soin lui est confié, et
il prie avec lui; n. 60. Au lieu de compter
sur le secours des démons ou génies, il vaut
bien raieux nous confier en Dieu par Jésus-
(]hrist, lui demander toute espèce de secours
et l'assistmce des saints antjes et des justes,
afin qu'ils nous délivrent des mauvais dé-
mons. » Est-ce là désapprouver le culte des
anges et toute confiance en eux ? Il serait
absurde de prétendre que nous ne devons
aucune rcconn^iissance, aucune confiance,
aucun respect, aui un hommage aux esprits
bienheureux, qui nous considèrent et nous
assistent comme leurs iissociés et leurs amis ;
ces sentiments n'ont-ils pas toujours pour
objet princi|ial Dieu, qui a daigné nous ae-
coriler ce puissant secours ?
Mais un protestant ne démord pas ; les
Pères, dit Basnage, donnaient le ctilte d'un
seul Dieu pour la marque distinclive du
christianisme; c'est pour cola que les chré-
tiens farenl accusés d'athéisme. On soute-
nait contre les ariens, que ti Jésus-Christ
n'était pas Dieu, il ne serait pas permis do
l'adorer ni de se confier en lui. lout cela est
\rai, et il ne s'ensuit rien contre nous : c'est
à un seul Dieu que nous rendons notre culte,
et non à plusieurs dieux ; des honneurs et
des respects, très-inférieurs et très-différents
du culte suprême, adressés aux anges et aux
saints, loin de déroger au culte divin, en
sont au contraire un effet et une conséquence
inséparable. Si Jésus-Christ n'était pas Dieu,
ce serait une impiété de l'adorer comme
Dieu, et de nous confier en lui comme étant
Dieu ; cet argument était très-solide contre
les ariens ; il ne l'est pas moins contre les
sociciens : mais il ne prouve rien contre
nous, puisque jamais ii ne nous est venu
dans l'esprit d'honorer d'un culte divin les
anges et les saints, ni de nous confier en eux
comme étant des dieux.— Non-seulement les
païens accusèrent les chrétiens d'athéisme ;
mais, par une contradiction grossière, ils
leur reprochèrent d'honorer ks marlyrs
comme des dieux ; les Actes du martyre de
saint Polycurpe, Julien, Libanius, dans l'o-
raison funèbre de cet empereur, Porphyre
et d'autres, ont forgé cette calomnie ; les
prolestants la répèlent, et cela ne leur fait
pas beaucoup d'honneur.
Ils nous objeclent que cette distinction
que nous faisons entre deux espèces de culte
religieux ne se trouve point dans les anciens
Pères : voyons pourquoi, et tâchons de pren-
dre le vrai sens de ce qu'ils onl dit. Il est
prouvé, par tous les monuments de l'anti-
quité, que chez les païens tout culle religieux
éiait censé culte divin, culte suprcme, et
qu'ils n'en connaissaient point d'autre. Ja-
mais les païens n'ont altnhué à leurs dieux
du second ordre, ni aux mânes cic leurs hé-
ros, un sim|ile pouvoir d'intercession, un
pouvoir subordonné aux volontés d'un Dieu
souverain ; chaque Dieu était indépendant et
niaitre absolu dans son département ; sou-
vent dans les poètes nous voyons les grands
dieux et Jupiter lui-même, demander le se-
cours dos dieux du bas étage. Nous ferons
voir ailleurs que l'on abuse du terme, quand
on prêle aux païens en général, et même
aux philosophes antérieurs au christianisme,
la notion d'un Dieu souverain, dont les au-
tres n'étaient que les serviteurs et les mi-
nistres ; le prétendu Dieu suprême des an-
ciens philosophes était l'âme du monde, et
cette âme ne se mêlait point de gouverner
les choses d'ici-bas ; on ne peut lui attri-
buer une providence que dans un sens faux
et iibusif. — Ai)rès la naissance même du
christianisme, quelques philosophes chan-
Eîèrent do lang;ige ; mais sans toucher au
fond de leur système. Celse, qui fait sem-
blant d'admettre une providence divine, la
nie cependant, puisqu'il décide que Dieu ne
se fâche pas plus contre les hommes que
contre les singes et contre les mouches ; et
qu'il ne leur fait point de menaces (Origène
contre Celse, 1. iv, n. 99). Jamais il n'a dit
qu'il faut rendre un culte au Dieu souverain ;
Porphyre décide formellement qu'il ne faut
lui en rendre aucun {Oe l'Abstin., 1. n, n.
34). Tout le culte était réservé pour les dieux
gouverneurs du monde : à plus forte raison
le commun des païens pensaient-ils de même.
Voy. Paganisme.
Il est donc évident que tout culte était di-
rect et absolu, se bornait au personnage
auquel il était adressé, et n'avait aucune
relation à un Dieu souverain ; il était même
pour tous les dieux, et il consistait dans les
mêmes pratiques. Basoage observe que les
anciens ne connaissaient pas la distinction
de latrie et de dulie. Cela n'est pas fort éton-
nant ; les païens contre lesquels ils écri-
vaient ne pouvai.nt en avoir aucune notion,
puisque chez eux lout était latrie, ou culle
divin, adoration prise en rigueur. — Consé-
qucmmenl les Pères ont dû être Irès-reser-
vés sur l'emploi du mot culle religieux, à
cause du sens que les païens y attachaient.
Quand ils auraient dit tous, comme Lac-
tance, qu'il ne faut avoir de la vénération
que pour Dieu seul, il ne s'ensuivrait encore
rien, puisque entre eux et les païens, ti^ncra-
tion, respect, honneur, etc., signifient tou-
jours le culte divin, le culte suprême. Voilà
pourquoi Origène a dit que .s'il s'agissait
entre Celse et lui du culte des anges, il fau-
drait commencer par épurer le sens du mot
culte, et voir en quoi il doit consister.
Lorsque les protestants veulent tourner à
leur avantage l'explication d'un terme, ils
ont grand soin de faire attention aux cir-
constances, aux personnes, à la question
dont il s'agit : lorsqu'il est de leur intérêt de
le rendre équivoque, ils ne veulent plus d'ex-
plication. Cependant l'Ecriture sainte nous
force de distinguer deux sortes de cuite reli-
gieux, l'un pour Dieu seul, l'autre pour les
personnes et pour les choses qui oui un rap-
port spécial avec Dieu ; n'importe, ils n'eu
veulent point. Depuis deux cents ans, ils ré-
pètent les mêmes sophismcs, et ils les renou-
velleront jusqu'à la fin des siècles, bien sûrs
1205
CtJL
CUL
1S0G
qu'ils en imposeront toujours aux ignorants.
M.iis enfin nos preuves tirées de l'Kcriturc
sainte demeurent en leur entier. Voy. Angks,
Sain rs,MAHTYus, etc.
II. Le cnlte extérieur est-il nécessaire pour
former une relif/ion ? Il l'est absolument, et
la preuve de celte vérité est sensible. Les
seniin)cnts de respect, de reconnaissance, de
confiance, de soumission à l'égard de Dieu,
naîlr.iicnt difficilement dans le coeur de la
plupart des hommes ; ils n'y dureraient pas
longtemps, si l'on n'employait pas des signes
extérieurs pour les exciter, les entretenir et
se les communiquer les uns aux autres ; ce
ifui ne fr.ipiie point nos sens ne fait jamais
sur nous une impression vive et durable. Il
faut donc à l'homme un culte extérieur, des
signes expressifs de ce qu'il sent, des sym-
boles, des cérémonies. Nous ne pouvons té-
moigner à Dieu nos affections que par les
mômes signes qui servent à les faire con-
naître à nos semblables. — Nous convenons
qu'il n'est p:is besoin d'une révélation pour
comprendre que des prières et des vœux,
l'action de se prosterner, des présents et des
offrandes, des attentions de propreté et du
décence, des signes de joie à l'aspect d'une
personne, des regrets de lui avoir déplu,
sont capables d'exciter sa bienveillance; il
est naturel d'en conclure que ce qui plaît
aux hommes est aussi agré.ii)le à Dieu ; ainsi
ont raisonne tous les peuples. Mais Dieu n'a
p;is attendu que l'homme fît toutes ces rélle-
xions ; les livres saints nous apprennent
qu'il a daigné instruire le premier homme,
puisque les enfants d'Adam, qui n'avaient
point eu d'autre instituteur que leur père,
ont offert des sacrifices au Seigneur [Gcn.
iv), et que les patriarches ont usé, par reli-
gion, de toutes les pratiques dont nous ve-
nons de parler.
H est dit dans l'histoire de la création, que
Dieu bénit le septième jour, et le sanctifia
(Gen. II, 3) ; il le consacra donc à son culte:
ce n'est pas l'homme qui est auteur de cette
distinction. Le repos du se|>tième jour était
une profession formelle du dogme de la créa-
tion, par conséquent de l'unité de Dieu; un
préservatif contre le polythéisme et l'idolâ-
trie ; les hommes n'y sont tombés que pour
avoir méconnu Dieu créateur. Gain et Al>el
olïienl à Dieu en sacrifice leur nourriture,
c'était pour eux le plus précieux des biens
{Gen. IV, 3 et 4). Ils reconnaissent donc que
tout vient de Dieu, que c'est à lui de nous
prescrire l'usagc {jue nous devons faire de
SCS dons. — Il est dit d'Enos, v. 2G,(|u'il com-
mença à invoquer le nom du Seigneur; mais
d'habiles interprètes jugent (in'il y a d.ins le
texte hébreu : Alors on commit des profana-
tions en invoquant le nom du Seii/ueur. Le
culte extérieur de religion éiait déjà éiabli.
En accordant pour noiirriiure à nos pre-
miers parents les fruits de la terre, Dieu
leur avait interdit un fruit particulier {Gn,
1, 29; II, IT). Dans la suite, il accorde à Noé
et à ses enfants la chair des animaux, mais
il leur en interdit le sanq:, c. ix, v. 3 et 4- ; Noé
distingue dss animaux purs et impurs, c.
VII, V. 2; c. VIII, 20. Nouvelle, preuve de res-
pect et de dépendance que Dieu exigeait de
l'homme. Il se laisse apaiser par les sacri-
fices de Noé, c. viu, V.21, Hénoc se reud
rceommandable par sa piété, et Dieu le dé-
livre des misères de cette vie, c. v, v. 2'i.,
Des leçons aussi énergiques ne pouvaient
m;inquer de produire leur effet. Dans le li-
vre de Job, qui est de la plus haute antiiuité,
il est parlé d'holocaustes et de sacriûces
pour le péché, de prêtres et de victimes choi-
sies, de vœux et de prières, de pratiques de
pénitence, d'expiatinns et d'ablutions. Dans
l'histoire des patriarches, nous voyons des
serments faits au nom de Dieu, des libations
ou des clTusions d'huile odoriférante, def
promesses faites à Dieu, des honneurs ren-
dus aux morts, qui attestent la croyance de
l'immortalité, etc.
On a souvent écrit, surtout de nos jours,
que le culte des premiers hommes était très-
simple et dégagé des sens; que le cérémo-
nial fut de l'invention des prètresel fit bien-
tôt dégénérer la religion. Autant de faits
avancés au hasard, et contredits par nos li-
vres saints. Le cérémonial des patriarches
u'cst ni très-simple, ni dégage des sens,
puisque nous y trouvons des prières et des
prosternations, des autels et des olTrandes,
des sacrifices et un choix des victimes, des
ablutions et des expiations, des abstinences,
des vœux, des consécrations, des senneiits,
les louanges de Dieu, et les signes do joie reli-
gieuse, les assemblées et les rejias communs,
les fêtes, l'usage de changer d'habits avant
d'offrir un sacrifice, le soin de renoncer à tous
les signes d'idolâtrie, les honneurs fuiièbreset
le respect pour les tombeaux. Tout cela était
connu avant qu'il y eût des prêtres, et s'il n'y
avait point eu de cérémonial, il n'y aurait ja-
mais eu de sacerdoce. — Un homme qui désire
ardemment de gagner les bonnes grâces d'an
bienfaiteur ou d'apaiser un maître irrité,
n'a pas besoin de leçons des prêtres pour
imaginer comment il doit s'y prendre; les
désirs ardents donnent de l'esprit et de
l'adresse aux plus slupidcs, et un instinct
naturel nous porte à faire pour Dieu ce que
nous faisons pour nos semblables. D'ailleurs
Dieu lui-même y avait pourvu.
Il n'est donc pas vrai que ce soit le céré-
monial qui a fait dégénérer la religion, puis-
qu'il est aussi ancien que la religion même.
Au contraire, celle-ci n'a dégénéré que
quand les hommes se sont écartés du céré-
monial primitif pour suivre l'instinct des
passions aveugles et capricieuses. Pendant
qu'ils s'égaraient, la religion des patriarches
est demeurée pure et constamment la même
durant deux mille cinq cents ans.
Les philosophes qui ont si mal conçu
l'origine du culte extérieur, n'en ont pas
mieux aperçu l'importance; elle est cepen-
dant palpable. i°De tout temps ce culte a été
une profession solennelle des dogmes les
plus essentiels, de la création, de l'unité d«
Dieu , de sa providence , de la chute de
l'homme, delà venue d'un Rédempteur, de la
vie future. Les peuples qui n'ont pas été fi-
5207
CUL
CUL
1208
dèles à pratiquer le cérémonial tel que Dieu
l'avait prescrit , n'ont pas tardé de mécon-
naître ces mêmes vérités. Le culte extérieur
du christianisme est une profession très-
claire des dogmes de notre croyance; de
tout temps on s'en est servi pour montrer
aux hérétiques la vraie doctrine de Jésus-
Christ et des apôtres, et pour éclairrir au
Lesoin le sens des passages de rEcriiure
sainte sur lesquels on contestait. Ainsi, l'on
a opposé aux ariens les cantiques des Gdèles
qui attribuaient à Jésus-Christ la diviiiilé;
aux péiagiens , les prières par lesquelles
l'Eglise implore continuellement le secours
de la grâce divine ; et le pape Céleslin I"
renvoyait à ces mêmes prières pour discerner
la croyance ancienne de l'Eglise. On a fait
de même pour montrer aux protestants
qu'ils se sont écartes de la foi primitive et
universelle, et on a lire des anciennes li-
turgies un argument contre eux, auquel
ils ne peuvent rien répliquer de solide. Nous
ne devons pas être étonnés de ce qu'ils
ont supprimé chez eux tout cet appareil
extérieur de aille qui les condamnait. — 2°
C'est une locon de morale qui rappelle
continuellement aux hommes leurs devoirs
envers Dieu, envers leurs semblables, en-
vers eux-mêmes : devoirs qui s'ensuivent
naturellement des dogmes dont nous venons
de parler. En effet, si Dieu est le seul dislri-
buteur des biens de ce monde, il faut nous
conlenter de ce qu'il nous donne, ne pas cn-
Tahir ce qu'il a daigné accorder aux autres :
lorsqu'il nous les prodigue au delà de nos
besoins, il est juste d'en faire parla ceux
qui en sont privés. Puisqu'il est le seul
arbitre delà vie et delà mort, il n'est pas
permis d'attenter à la vie de personne. H a
béni et sanclilié le mariage; la fécondité
est un don de sa puissance (Gen. i, 28 ; iv, 1
et 23) : c'est donc un crime de souiller le
lit d'autrui, etc. La conduite des anciens
justes démontre qu'ils ont tiré toutes ces
conséquences, ou plutôt que Dieu les leur
a fait apercevoir. Il ne serait pas difCcile de
faire voir que les cérémonies du christia-
nisme sont une leçon de morale encore [ilus
énergique et plus éloquente que toutes les
cérémonies anciennes. Voy. Christianisme.
— 3° Le culte extérieur est un lien de société
qui réunit les hommes au pied des autels,
leur insjiire les sentiments de fraternité,
maintient parmi eux l'ordre et la paix,
contribue à la civilisation ; et le culte primi-
tif a formé la société domestique; le culte
mosaïque la société nationale, le culte chré-
tien la socit'tê universelle de tous les peu-
ples. — 'V" C'est un monument des faits qui,
dans la suite des siècles, ont prouvé la
révélation; ainsi la p;"i(;uo et l'offrande des
premiers-nés rappelaient aux Juifs leur
sortie miraculeuse de l'Egypte; la Pente-
côte la publication de la lui sur le mont
Sinaï, elc. Le dimanche nous atteste la
résurrection de Jésus-ChrisI ; nos fêles célè-
brent les principaux événements de sa
vie, etc.
Plusieurs philosophes dé nos jours ont
décidé que le culte intérieur est le seul qui
honore Dieu : maxime commode pour se dis-
penser de toute pratique de religion, mais
maxime très-fausse. Dieu n'aurait pas ins-
titué le culte extérieur, s'il ne s'en tenait
pas honoré, et s'il n'était pas nécessaire pour
entretenir le cu?/e intérieur. Nous voudrions
savoir si ceux qui renoncent à toute prati-
que sensible sont les adorateurs de Dieu les
plus fervents. — Lorsque Jésus-Christ a dit
que les vrais adorateurs rendront à Dieu
un Ciilteeu esprit et en vérité {Joan. iv, 23,)
il n'a pas prétendu exclure le culte extérieur,
puisqu'il l'a observé iui-méme. 11 a institué
par lui-même le baptême etl'eucharistie, par
ses apôtres les autres sacrements et la forme
de la liturgie. Il condamnait, comme les pro-
phètes, le culte permanent extérieur, auquel
le co'ur n'a point de part (Matth. xv, 8);
mais il a loué les signes de componction
du publicain, l'offrande de la veuve, et a
commandé la prière ; en parlant des purifi-
cations etdes CEUvres de charité, il a dit qu'il
fallait pratiquer les unes et ne pas omettre
les autres {Luc xi, 42) (1).
Les déclamations contre les abus du culte
extérieur ne sont souvent qu'un trait d'hy-
pocrisie. Jusqu'à la fin des siècles, les hom-
mes abuseront des choses les plus saintes;
les passions savent tourner à leur avanta-
ge le frein même destiné à les réprimer.
Mais le plus odieux de tous les abus est
de vouloir supprimer toutes les institutions
desquelles on peut abuser. Faut-il bannir de
la société civile les démonstrations de bien-
veillance et d'amitié parce que ces signes
sont souvent faux et perfides ?
Quand il s'est agi de déterminer ce qu'il
fallait approuver ou blâmer, conserver ou
abolir dans le culte extérieur de l'Eglise ro-
maine, les protestants ne se sont pas mieux
accordés que sur les principes desquels il
(1) Tous les êtres sont obligés de rendre à leur
manière leurs hommages au Créateur : le corps, qui
est sous la puissance de l'âme, ne le peut que par les
actes d'adoration que celui-ci lui conunande. < Dieu,
disaient les auteurs de VEiicijctopédiL', arl. Religion,
en unissant la matière à l'esprit, l'a associée à la re
ligion , et d'une manière si admirable que, lorsque
l'àine n'a pas la liberté de satisfaire son zèle en se
servant de la parole, des mains, des proslerncmeiits,
elle se sent comme privée d'une partie du culte
qu'elle voudrait rendre, et de celle même qui lui
donnerait le plus de consolation ; mais si elle est li
Itrc, el que ce qu'elle éprouve au dedans la touche
visihiernent et la pénètre, alors ses regards vers le
ciel, ses mains étendues, ses cantiques, ses prosier-
nements, ses adorations diversiliécs en cent manières,
ses larmes que l'amunr cl la péniii'iice font également
couler, soulagent son cœur eii suppléant à son impuis-
sance, el il semble que c'est moins l'àme qui associe
le corps à sa pieié et a sa religion, que ce n'est le
corps même (|ui se liâte de venir à son secours ei de
suppléer à ce que l'esprit ne saurait taire; en sorte
que dans la fonciion non-seulement la plus spiri-
tuelle, mais aussi la plus divine, c'est le corps qui
tient lien de ministre public et de prêtre, c()MMne
dans le inariyrc, c'est le corps qui est le léiniiin vi
sible el le délènseur de la vérité contre loui ce qu"
l'attaque. »
1209
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1210
fallait partir. Les calvinistes ont réduit le
Icnr à la prédication, à la prière publique,
au chant (les iisaunics, à la cérémonie du
baptême et à celle de la cène, faite sans aucun
appareil: ils ont jugé tout le reste abusif.
Les luthériens en ont retenu un peu davan-
tage, mais leur cérémonial n'est pas uni-
forme dans les différents pays. Les anglicans
en ont conservé plus que les aulres sectes,
c'est un des reproches que cellcs-ri leur
foni; elles disent (jne les anglicans sont en-
core cà moitié papisles ; qu'il fallait ou abo-
lir toutes les supersiilions de Itoine, ou les
conserver dans leur entier. Aussi un écri-
vain de celle nation avoue qu'il n'est pas
aisé de déterminer jusqu'à quel point il con-
vient de se prêtera l'infirmilé humaine en fait
de cérémonies, ni de fixer un milieu dans
lequel on puisse flaller les sens et l'imagi-
nation, sans blesser la raisouj et sans Icrnir
la pureté de la vérilable religion. Il est sin-
gulier que, sans savoir jusqu'où il fallait
aller, ni où l'on devait s'arrêter, on ail com-
mencé par condamner l'Eglise romaine, et
qu'on l'accuse d'avoir passé toutes les bor-
nes, quand on ne peut pas dire où il fallait
planter les bornes.
On lui reproche d'avoir établi une multi-
tude de cérémonies ridicules qui détruisent
la véritable religion, qui ne tendent qu'à en-
ricliir le clergé, qui cnlrelienncnt les peuples
dans l'ignorance et dans la superstition.
51iiis n'est-ce pas cette accusalion même qui
suppose beaucoup d'ignorance ? 1° Aux yeux,
des déistes, les cérémonies des protestants ne
paraissent pas moins ridicules que les nô-
tres ; ils n'en veulent point du tout : ce que
les prolestants diront pour juslificr les leurs
nous servira pour faire l'apologie des nô-
tres. 2° Le clergé n'a pu avoir aucun motif
d'intérêl pour multiplier les cérémonies,
puisque les rélribuiioiis manuelles ou les
droits casuels n'ont été établis qu'après le
\}n' siècle, lorsque les biens de l'Eglise
ont été pillés par les seigneurs. Peui-on
prouver que la muUitude des cérémonies
n'a pris naissance que depuis ce temps-là?
Dans un moment nous prouverons le con-
traire. On a été aussi forcé d'établir en .An-
gleterre un casuel, après le pillage des biens
ecclésiastiques fait par les proleslanis, et ces
droits sont beaucoup plus fortsqu'en France.
Le clergé anglican a donc eu plus d'intérêt
à inventer de nouvelles cérémonies que les
prêtres talholiques. 3' Les sectes de chré-
tiens orientaux sont séparées de l'Eglise
romaine depuis le \' siècle ; cependant
leur cérémonial est pour le moins aussi
chargé que le nôtre, et leur clergé n'en est
pas plus riche pour cela. Nous cherchons
vainement dans toute l'antiquité ecclésiasti-
que des preuves de l'inlérêl préleiulu <les
prêtres à multiplier les cérémonies. Elles
sont évidemment plus anciennes que les
schismes des Orieiiiaus. h-" De nouvelles cé-
rémonies n'ont pu cire établies que par les
évcques : or, ceux-ci li'ont jamais pu,y avoir
aucun inlérct , puisque leurs richesses ont
toujours été des fonds, et noa des droits ca-
suels. Voilà comme on raisonne au hasard,
quand on ne prend pas la peine de consulter
rhist(!ire. Nous connaissons plusieurs con-
ciles ou assemblées du clergé qui ont pros-
crit des cérémonies nouvelles et supersti-
tieuses ; on ue peut pas en citer un qui en
ait introduit.
Jamais nous ne concevrons comment les
cérémonies peuvent entrelenirle peuple dans
l'igiioranco : nous avons fait voir, au con-
traire, ([ue c'.est un mojen que Dieu a pris
pour inslruire les hommes. Une partie de
l'instruelion chrétienne consiste à faire con-
cevoir au peuple le sens elles raisons des cé-
rémonies religieuses.
Cet appareil extérieur, disent encore les
protestants et les incrédules , sera toujours
un piège i>our le peuple ; il fait plus de cas
des cérémonies que des vertus, et comme les
.luifs, il croit avoir rempli toute justice lors-
qu'il a satisfait au culte extérieur. — Ici nos
adversaires ne voient pas qu'ils se confon-
dent encore : puisque le peuple aime les cé-
rémonies, qu'il y attache beaucoup d'impor-
tance, qu'il les regarde comme une partie
essentielle de la religion, c'est donc lui qui
en a voulu, et ce ne sont pas les prêtres qui
en seul les auteurs. Quand ceux-ci ne s'en
seraient pas mêlés, le peuple en aurait fait
malgré eux ; et , eu dépit des philosophes, il
y a des cérémonies et un culte extérieur
quelconque dans toutes les contrées de l'u-
nivers, même chez les sauvages.
IMais il y a plus : Dieu savait sans doute
mieux que nos censeurs les inconvénients,
les abus, les erreurs auxquels les cérémo-
nies ne manqueraient pas de donner lieu ; il
en a cependant ordonné depuis le commen-
cement du monde : il en augmenta beaucoup
le nombre en donnant sa loi aux Juifs, et
Jésus-Clirist lui-même a daigné les observer.
Il prévoyait tout le mal que le culte extérieur
pourrait produire dans son Eglise ; il a ce-
pendant donné à ses apôtres le pouvoir de
l'établir, puisqu'ils l'ont fait. Si ce mal était
aussi réel et aussi grand que le prétendent
nos adversaires , il serait étonnant que Jé-
sus-Christ n'eût pris aucune précaution pour
le prévenir, et qu'il n'eût pas donné à ce
sujet les avis les plus clairs et les leçons les
plus expresses. Où sont-elles dans l'Evan-
gile ? — L'abus, s'il y en a, date de fort loin.
Les prétendus réformateurs imaginaient que
la muUitude des cérémonies avait été intro-
duite dans les bas siècles, au milieu des té-
nèiires de l'ignorance. Quand on les a re-
trouvées chez les sectes oricnlales, il a fallu
convenir que le cérémonial était plus an-
cien ([ue leur schisme; on en a placé l'ori-
gine au IV' siècle. Mais les critiques les
plus récents, par une sagacité supérieure,
ont découvert que le très-grand nombre des
cérémonies sont venues du |)latonisme des
anciens Pères. Or, ils voient ce platonisme,
non-seulement dans les écrits des auteurs
du 11 siècle ; mais les sociniens et les
déistes l'aperçoivent dans l'Evangile de saint
Jean; et son Apocalypse nous présente le
plan d'une liturgie pompeuse. On ne peut pas
ISM
CUL
CUL
121?
remonter plus haut. Voy. Liturgie. Ainsi
s'accordent encore nos adversaires sur l'ori-
ginc du cérémonial.
in. La pompe et la magnificence dans le
culte extérieur de religion sont-elles un abus ?
C'est l'avis des incrédules et de la plupart de
nos dissertateurs modernes. Dans un siècle
où le luxe est porté à son comble et ruine
tous les Etals, on a jugé que l'économie ne
serait nulle part plus nécessaire que dans le
culte divin; on en a calculé exactement la
dépense : on sait ce qu'il en coûte pour le
luminaire, pour le pain bénit, pour les funé-
railles, pour l'entretien de la fabrique. Voilà
sûreiiieiit ce qui ruine le peuple, il faut ab-
solument retrancher le superflu. Il nous sem-
ble voir les Athéniens qui avaient condamné
à mort tout citoyen qui voudrait faire em-
ployer à d'autres usages l'argent destiné
pour les spectacles. — Nos sages économis-
tes, animés du même esprit, trouvent très-
bon que les richesses soient prodiguées pour
lés fêtes publiques , pour les théâtres qui
corrompent les mœurs, pour les amuse-
ments de toute espèce; ils déplorent la dé-
pense qui se fait pour les spectacles de reli-
gion, parce qu'ils instruisent les hommes,
les excitent à la vertu , les consolent par
l'espérance d'un bonheur à \ enir. Ils affec-
ten-t de la compassion pour la misère du
peuple ; non-seulement ils ne voudraient
rien retrancher sur leurs plaisirs pourla sou-
lager, mais ils veulent ôter au peuple le
seul moyen (jui lui reste de se consoler et de
s'encourager dans les temples du Seigneur,
par des motifs de religion. Sans, doute il
vaut mieux, suivant leur opinion, qu'il aille
s'en distraire dans les lieux de débauche et
dans les écoles du vice ; aussi les a-t-on
multipliés pour sa commodité. Mais où iront
ceux qui craignent l'infection de ces lieux
empestés, et qui ne veulent pas se pervertir?
Laissons déraisonner les insensés; consul-
tons la simple lumière naturelle et l'expé-
rience de toutes Ks nations.
ri est nécessaire de donner aux hommes
une haute idée de la m;ijeslé divine, et de
rendre son culte respectable ; on n'y par-
viendra pas sans le secours d'une pom[ie
extérieure. L'homme ne peut être pris que
par les sens ; voilà le principe duquel il faut
partir ; on ne réussira point à captiver son
imagination, si l'on ne met sous ses yeux
les objets auxquels il attache un grand prix.
A moins que le peuple ne trouve dans la
religion la même magnificence qu'il aperçoit
dans les cérémonies civiles, à moins qu'il ne
voie rendre à Dieu des hommages aussi
pompeux que ceux que l'on rend aux puis-
sances de la terre, quelle idée se formcra-
t-il lie la grandeur du Maître qu'il adore?
C'est la réflexion de saint Thomas. Les pro-
testants sentent aujourd'hui les suites funcs-
les de la nudité à laquelle ils ont réduit le
culte divin : un incrédule même est convenu
que le retranclienacnl du culte en Angleterre
eii a banni la piété, y a fait éilore l'athéisme
«l l'irréligion ; le mépris de ce culte a pro-
duit le même effet parmi nous.
Quand on nous demande, avec Javénal :
A quoi sert l'or dans les temples ?
Dicite, ponti lices, in tetnplo gwid fncit aurum?
nous répondons qu'il sert à témoigner le
respect que l'on a pour Dieu, à reconnaître
que tous les biens viennent de lui, et que
(ont doit être consacré à son service. Ceux
qui refusont de contribuer à la pompe du
culte divin, n'en sont pas pour cela mieux
disposés à secourir les pauvres. Le peuple
veut de la magnificence, parce qu'il aime la
religion, elle est sa seule ressource ; les in-
crédules réprouvent cet éclat imposant ,
parce qu'ils détestent la religion. — Il est
convenable que, pour assister aux assem-
blées religieuses les jours de fête, le peuple
se mette le plus proprement qu'il lui est pos-
sible, afin que cet appareil extérieur le fasse
souvenir de la pureté de l'ânie qu'il doit y
apporter; afin que les grands, qui dédaignent
ces assemblées, aient moins de répugnance
à se mêler avec le peuple ; afin que l'énorme
disproportion que meitent les richesses en-
tré les uns et les autres, disparaisse un peu
devant le souverain Maître, aux yeux duquel
tous les hommes sont égaux. Jacob, prêt à
offrir un sacrifice à la tête de sa maison, or-
donna à ses gens de se laver et de changer
d'habits [Gen. xxsv, 2). Dieu commanda la
même chose aux Hébreux, quand il voulut
leur donner sa loi sur le mont de Sinaï
{Exod. XIX, 10). Ce signe extérieur de res-
pect se retrouve chez toutes les nations ;
toutes , sans exception , mettent dans les
hommages qu'elles rendent à la Divinité le
plus de pompe qu'il leur est possible.
Cependant nos philosophes prétendent
justifier leur avis. «L'excès de la magnifi-
cence du culte public, disent-ils, excite celle
des particuliers ; on veut toujours imiter ce
qu'on admire le plus. Il n'est pas vrai que
celte magnificence soit nécessaire; les pre-
miers chrétiens pensaient- différemment. Ori-
gène témoigne qu'ils faisaient peu de cas des
temples et des autels. C'est en effet au milieu
de l'univers qu'il faut adorer celui qu'on en
croit l'autnur. Un autel de pierres, élevé sur
une hauteur, au milieu d'un vaste horizon,
serait plus auguste et plus digne de la ma-
jesté suprême, que ces édifices dans lesquels
sa puissance et sa grandeur paraissent res-
serrées entre quatre colonnes. Le peuple se
familiarise avec la pompe et les cérémonies,
d'autant plus aisément, qu'étant pratiquées
par ses semblables, elles sont plus proches
de lui, et moins propres à lui impo-er; bien-
tôt l'hiibilude les lui rend indilTérentes. Si la
synaxe ne se célébrait qu'une fois l'année, et
qu'on se rassemblât de divers endroits pour
y assister, comme on faisait aux jeux olym-
pi(]iies elle paraîtrait d'une tout autre im-
portance. C'est le sort do toutes choses, de
devenir moins vénérables en devenant plus
communes. » — Cette sublime doctrine élMil
déjà consignée dans deux rncuclopédics ;
on la retrouvera encore d;ins le Dictionnaire
des Finances ; ce serait dommage qu'elle se
1213
CUL
CUL
1-214
perdît. Malheureusement elle est fausse dans
luus les points.
Il nous paraît d'nhon! qu'elle renferme
une contradiction. D'un (("jlé, l'on craint que
la niagniflcence du cnlle u'oxcile colle des
particuliers; de l'autre, on voudrait y voir au-
tant de pompe el d'appareil que dans les
jeux olympiques, afin qu'il parût plus vé-
nérable, plus imposant, et plus capaliled'ex-
ciler l'admiration. Cela ne s'accorde pas.
Mais 1° il est taux que la magnificence' du
cuite inspire du pnùl pour le hixe. Un par-
tirulier sent très-bien qu'il serait absurde et
impie do faire pour lui-même ce qu'il fait
pour Dieu, et de prendre la majesté des tem-
ples pour modèles de .sa demeure. Dans le
temps que les rois Francs , Bnurijuignons,
Gutliset Vandales, encore très-barbares, ne
connaissaient ])oint la magnificence pour
eux-mêmes, ils la trouvaient très-bien pla-
cée dans les temples du Seigneur, et ils y
contribuaient; c'e t ce qui servit un peu à
les civiliser. Il serait bon de nous souvenir
toujours que cette pompe du ctdte a con-
servé en Europe un reste de connaissance
des arts. Voy. Auts. Dès qu'il y a du luxe et
de la pompe civile chez une nation, il est im-
possible de la retrancher dans le culte, sans
l'avilir aux yeux de la multitude. Ce n'est
pas la pompe religieuse qui fait naître le
goût pour le luxe; mais le luxe, une fois éta-
bli, nous force de mettre plus d'appareil dans
les cérémonies de religion. — 2° Il est faux
que la vue du ciel et d'un vaste horizon fasse
plus d'impression sur le commun des hom-
mes qu'un temple décemment orné. Le peu-
ple est plus accoutumé à voir le ciel et la
campagne qu'à voir des cérémonies pom-
peuses; il ne médite ni sur la marche des
astres , ni sur la magnificence de la nature.
Le sacrifice offert au ciel une fois l'année sur
une montagne par l'empereur de la Chine, à
la tète des grands de l'empire, est sans doute
imposant; cependant il n'a pas empêché le
peuple, les grands, et l'empereur lui-même,
de tomber dans le polythéisme , et d'adorer
des idoles dans les pagodes. C'est un fait de-
venu incontestable. Les Perses et les Chana-
néens offraient aussi des sacrifices sur les
montagnes ; ils n'en adoraiint pas moins des
marmousets sous des lentes, .\ussi Dieu dé-
fendit ces sacrifices aux Israélites; il voulut
qu'on lui dressât un tabernacle, et ensuite
un temple. Montesquieu observe très-bien
que tous les peuples qui n'ont pas do tem-
ples sont sauvages et barbares. A quoi sert
de raisonner contre des faits? — 3° Il est
faux que les premiers chrétiens aient pensé
comme nos philosophes. Ils ne pouvaient
avoir de temples lorsqu'ils étaient forcés
dose cacher pour célébrer les saints mys-
tères ; mais ils bâtirent des églises dès que
cela leur fut permis, et elles furent démolies
pendant la persécution de Diociétien. Il y en
I avait certainement du temps d'Origène. Ja-
mais les chrétiens n'ont tenu leurs assem-
blées en pleine campagne. — 'v° Enfin il est
fau\ que le ctiUe extérieur s-iil devenu in-
différent au peuple; le contraire est prouvé
par la foule rassemblée dans nos églises les
jours de fête, au grand regret des incrédules.
Dans les campagnes, où le peuple a encore
plus do piété que dans les villes, aucun par-
ticulier ne uianquc d'assister aux offices di-
vins, lorsqu'il le peut; souvent même il as-
siste à la messe les jours ouvriers. 11 ne
pourrait pas avoir cette consolation, si elle
se célélirait aussi rarement que les jeux
olympi(|ues.
IV. Que doit-on nommer culte mpersti-
tieiix, faux, indu ou superflu? Rien de plus
commun dans les écrits des hérétiques et des
incrédules que le nom An superstition; mais
nous ne savons pas encore précisément ce
qu'ils ei tendent par là. — Les théologiens
appellent superstitieux tout culte que Dieu a
défendu, ou qu'il n'a ni ordonnéni approuvé;
il doit être censé tel, lorsque l'Eglise ne l'a
ni approuvé, ni commandé, à plus forte rai-
son lors.ju'elle l'a défendu ; parce que Dieu
a donné à son Eglise l'autorité d'enseigner
aux fidèles la vraie doctrine, tant sur le
culte, ((ue sur le dogme et sur la morale :
nous avons fait voir la liaison nécessaire de
ces trois parties de la religion. Jésus-f^hrisl,
qui a promis d'être avec son Eglise jusqu'à
la fin des siècles, de lui donner pour tou-
jours le Saint-Esprit , pour lui enseigner
toute vérité, ne peut pas permettre qu'elle
ordonne ou approuve un culte faux, absurde
ou pernicieux. Les protestants, qui soutien-
nent qu'elle l'a fait, el qu'elle le fait encore
depuis quinze cents ans, accusent indirecte-
ment Jésus-Christ d'avoir manqué à ses pro-
messes.
Vainement on nous dit que , pour distin-
guer ce qui est ou n'est pas superstition, il
faut consulter la raison. Si nous interrogions
la raison des incrédules, la plupart décide-
raient que tout cu/fe quelconque est supers-
titieux, qu'il n'y a point de Dieu, que s'il y
en a un, il n'exige de nous aucun culte. Leg
fondateurs des dilTérenles sectes prolestantes
ont suivi, sans doute, les lumières de leur
raison, et il n'y eu a pas deux auxquels elle
ait dicté le même culte. Si on rassemblait les
sectateurs des différentes religions du monde,
chacun d'eux jugerait que h; culte auquel il
est accoutumé est le plus raisonnable de
tous, de même que chaque peuple prétend
que ses mœurs, ses lois, ses usages sont les
meilleurs, truand un philosophe nous or-
donne de consulter la raison, il entend sa
raison propre et personnelle, et il suppose
toujours modestement qu'il est le plus rai-
sonnable de tous k's hommes.
Finu-il s'en tenir à l'Ecriture sainte, à ce
que Josus-Chi isl a fait ou ordonné , à ce nue
les apôlics ont prescrit ou pratiqué ? Ia's ré-
formateurs ont luit profession de suivre celle
règle, elle résullat n'a jamais été le même.
D'ailleurs, il est faux qu'ils l'aient suivie, et
que leurs sectateurs s'en tiennent là. Jésus-
t2liri?t a lavé les pieds à ses apôtres, avant
de leur donner l'eucharistie, et il leur a or-
donné expressément de faire de même IJoatl.
xiii, l't). Il a soufUé sur ses disciples pour
leur donner le Saint-Esprit (xx, 2-2). Cepeu-
121S
CUR
dant les protestants ne font ni l'un ni l'autre.
Les apôtres imposaient les mains sur, les fi-
dèles pour leur donner le Saint-Esprit; saint
Jacques veut que les prèlres fassent une
onction aux malades pour leur remettre les
péchés, pourquoi ces rites ne sont-ils pas
pratiqués par les protestants? Si l'on nous
demande pourquoi nous faisons les uns, et
que nous omeltons les autres, notre raison
est simple, c'est que l'Eglise nous le prescrit
et nous l'enseigne ainsi. Du moins notre con-
duite est conforme à nos principes; celle
des prote'sl'ants ne s'accorde pas avec les
leurs.
Un culte est superstitieux, lorsqu'il est
faux ou fondé sur une fausseté ; tel était ce-
lui des païens, qui prenaient pour des dieux
de prétendus génies, esprits ou démons, qui
n'existaient que dans leur imaj^inallon ; il
était indu, puisqu'ils rendaient aux âmes des
morts un culle divin qui ne leur est pas dû,
et qui était fondé sur des raisons fausses. Il
était superllu, parce qu'il consistait dans des
pratiques inventées par pur caprice , par des
terreurs paniques, ou par d'autres raisons
encore plus odieuses. 11 était pernicieux,
parce que plusieurs de ces pratiques étaient
des critnes. Ceiui des Juifs, légitime dans son
origine, est devenu superstitieux, parce qu'il
était relatif à un temps, à des lieux, à des
raisons qui n'existent plus, à dis promesses
qui sont accomplies. Celui des mahométans
est faux et superstitieux, parce qu'il est l'ou-
vrage d'un imposteur qui n'avait aucune
mission ni aucun caractère pour l'iiistiluer,
et que la plupart dos rites dans lesquels il
consiste sont fondés sur des fables. Celui des
jjrolestants est superstitieux, puisqu'il est
illégitime, fixé et réglé par des hommes qui
n'en avaient ni le pouvoir ni le caractère ;
par des laïques, qui n'ont suivi que leur ca-
price dans ce qu'ils ont conservé ou retran-
ché.
Pour pallier la lémérilé de cet alleiUat, il
a fallu enseigner que le culte extérieur est
indifférent ; que chaque société chrétienne
doit avoir la lilierté de le régler comme elle
le juge à propos ; comme s'il pouvait y avoir
quelque chose d'indifférentdans le culte qu'il
faut rendre à Dieu ; comme si le culte n'avait
aucun rapport au dogme ni à la morale.
Dieu n'a laissé cette liberté ni aux patriar-
ches, ni aux Hébreux ; c'est aux ap()trcs et
à leurs successeurs, et non aux siniples fi-
dèles, que Jésus-Christ a donné commission
de l'établir et de le régler; et lorsqu'il l'f'st
nue fois, aucune puissance civile n'a droit
d'y ajouter ni d'y retrancher. Il est fort sin-
gulier que toute société protestante ait eu
droit d'arranger son culte comme il lui
a iilu , et que l'Eglise nimaine, n'ait |)as
eu le droit d'établir et de conserver le sien.
Vol/. Ckrkmonik, Superstition, Lois ckuk-
UONIIiLLES, etc.
* Cui.TE 11F, LÀ Sainte ViEnr.r. loi/. Mahii;.
* Culte des Saikïs. Yoy. Smnts.
* C.Ur.TE HE jÉSUS-ClIKIST. VoiJ. lIlMANITÉ DE JÉ-
SUS-blIRIST.
CUR 1210
CURE.CUEIÉ (1). On appelle cure un bé-
néfice ecclésiastique qui demande résidence,
et dont le titulaire a soin, quant au spirituel,
d'un certain nombre de personnes renfermées
dans une étendue de pays qu'on appelle pa-
roisse, et l'on nomme curé le prêtre qui est
pourvu d'une cure.
Il n'est pas étonnant que les ministres de
la religion influent souvent sur l'état des ci-
toyens, et qu'ils soient à la fois les interprè-
tes de la loi divine, et les hommes de la loi
civile. Ce double caractère se rencontre sur-
tout dans la personne des curés. Le législa-
teur ayant attaché à l'administration de plu-
sieurs sacrements des elfels civils de la der-
nière importance, les curés, qui sont minis-
tres nés de ces sacrements, se trouvent char-
gés de l'exécution d'une partie des lois ; et
si la religion s'en sert pour conduire les
fidèles à la vie éternelle, par l'accomplisse-
ment des préceptes révélés, l'Etat, à son tour,
s'en sert pour assurer et fixer l'existenee
légale des citoyens. Aux yeux du politique,
coumie du chrétien, le rang et l'état de curé
ne peuvent donc manquer d'être infiniment
respectables.
Le nom de curé vient-il du mot cura ou
curio? Peu importe. On trouve l'un et l'autre
égalemeiil employés dans les comiles des xi"
et xii" siècles, où tantôt on appelle les cwr^s
curati, et tantôt curiones. l'arochus, pleba-
nws, »ec/or ont encore servi à les désigner;
il y a des pays où ils ont conservé quelques-
unes de ces dénominations; en firetagne, on
les noiiime recteurs.
Une autre question qui mérite plus d'at-
tention, et ([ui a souvent agité les esprits,
est de savoir quelle est leur origine, s'ils ont
été institués par Jésus-Chriit lui-même, ou
s'ils ont été établis par l'Eglise. Sont-ils de
droit divin ? Sont-ils de droit positif ecclé-
siastique? Ont-ils reçu leur caractère et leur
juridiciion du Fils de Dieu, ou sont-ils de
simples délégués des évoques? Les i)arlisans
dos droits do l'épiscopat ont cru en relever
l'éclat et la splendeur, en réduisant l'état des
cuiés à celui de simples mandataires révo-
cables ad nutum. Ils n'ont vu dans ces hom-
mes respectables et laborieux, qui .sui)por-
tent le poids ot la chaleur du jour, et qu'on
peut à juste titre appeler les colonnes de
rjùjlise, que des ouvriers pour ainsi dire
étrangers à la vigne du Seigneur, des mer-
cenaires qui n'exerçaient les pouvoirs du
saint ministère que par procuration , et qui,
ne remplissant leurs fonctions ni en vertu
de leur ordre, ni en vertu de leur caïa'Uère,
ne pouvaient tenir aucun rang dans la hié-
rarchie ecclésiastique. Au contraire, les dé-
fenseurs des droits des cnrés ont sonlenii
leur indépendance dos évoques, et quant a
la puissance d'ordre, et (juant à celle doju-
riilietion, et faisant remonter leur origine
jusqu'à Jésus-Christ, ils les ont regardés
comme les successeurs des soixante-douze
disciples. Les passions (jui se glissent jusque
dans le sanctuaire et sur l'autel mémo , ont
(i) Cci article est reproduit d'aorès l'édiiioii do
Liège.
Ï217
CUR
CUR
12J8
animé les deux partis, et les ont fait sortir
des bornes que la religion et la raison leur
prescrivaient. —Les évèques ont ciieiclié à
0|)primer les curés, en leur icfusanl une iii-
slilution divine ; et niaiiieureuseaienl les cu-
rés, en réclamant une origine ([u'on ne peut
leur contester, ont voulu se délivrer d'une
subordination (jue 1(! divin auteur de notre
religion a luiniéme établie, et qui l'ait la l)ase
de tout le gouveriicnicnl ecclésiastique. —
Jésus-Giirist, pendant s,i vicmorlclie, a éta-
bli deux ordres de ministres. On ne peut se
refuser à cette vérité, lorsqu'on voit dans les
Jivres saints la vocation des apôtres et la
mission des disciples. 11 est certain que les
uns et les autres ont été institués pour le
même but et le même objet, la |>rédication
de l'Evangile. Il est encore certain que les
apôtres étaient d'un rang supérieur aux dis-
ciples. Leur institution était la même : ils
liraient leur pouvoir de la même source ;
mais ces pouvoirs étaient subordonnés entre
eux, et les disciples ne les exerçaient (juesous
l'inspection et la surveillance des apôtres.
Si les cures sont les successeurs des disci-
ples, comme les évèques sont ceux des apô-
tres, tout est décidé : ils sont do droit divin.
Or, cela paraît incontestable. Eu vain dit-on
que l'on ne trouve point de paroisses établies
dans les premiers siècles de l'Eglise ; ce n'est
pas saisir l'etal de la question : il ne pou-
vait point y a>oir de p.iroisses, lorsqu'il n"«y
avait point lie ciirétiens. L;i religion a com-
mence à s'élablir dans ks villes; les fidèles,
tl'aboid en petit nombre, n'avaient qu'un
lemplc, et n'étaient gouvernés que par l'é-
vè(iue; mais cet évê(iue avait avec lui un
certain nombre de prêtres, et lorsciue le cliri-
slianisme, en multipliant les prosélytes, eut
converti les habitants di-s villes et se fut ré-
pandu dans les campagnes, les prêtres qui
assistaient les évèques, et (lui demeuraient
avec eux, les quittèrent et s'établirent dans
les difl'érenls quartiers des grandes villes cl
dans les campagnes peuplées de chrétiens.
Voilà l'origine des iiaroisses et des curés. —
Les curés ne sont donc que ces prêtres qui,
dans les premiers commencements du cliri-
slianisme, ne quittaient point les évèques et
étaient les compagnons de leurs travaux
apostoliques. Comment nier que ces prêtres
ne •'ussenl les successeurs lies disciples'? Où
trouve-l-(in leur origine dans l'iiistoirc de
l'Eglise? Les Actes des apôtres auraient-ils
manqué de nous rapporter leur insiitiitiou,
comme ils nous ont transmis celle des dia-
cres'? .\u contraire, ces mêmes actes suppo-
sent partout les prêtres aussi anciens que la
religion. Sainl Paul assemble à Milel les
prêires de l'Eçlise d'Ephcse : Majores nalu
£'cilesiœ. Le discours qu'il leur adresse
prouve qu'il les regardait comme d'institution
di\'\nti : Atlendiie lo'lns cl universo gregi, in
quo vus Spiritus snnctus posuit episcopus rc-
yere Lcclesiam Dei,(juam ucquisivil saugainc
sito. Il n'est pas possible de traduire ici le
mol episcupos par cvéïjucs, dans le sens que
uous lui donnons aujourd'hui. 11 n'y avait
cerlainemeut qu'un évèque à Ephèse; il n'y
en a jamais eu plusieurs dans une mêi;!c
ville : c'est donc de tous les prêtres de celle
Eglise qu'il faut enlendre ce que dit l'Apô-
tre. Cela soulTre d'autant moins de difOculté,
que le texte grec, au lieu de majores nalu,
porte 1rs prêtres de cette Eglise. Or , ne dit-
il pas en termes formels qu'ils doivenl leur
instilulion à Dieu mème?yn 9110 vos Spiri-
tus sanclus posuit episcopos. Ce ne sont point
les hommes, c'est l'Esprit-Sainlqui les a éta-
blis, pour être les inspecteurs el les surveil-
lants de l'Eglise de Dieu, acquise par son
sang. On ne peut doni.-, sans contredire saint
Paul, donner aux prêtres une institution po-
sitive ecclésiastique.
Mais si cette opinion a toujours été admise
dans l'Eglise, si les Pères, les conciles el les
docteurs ont toujours regardé les prêtres
curés comme les véritables successeurs des
disciples, alors il n'y aura plus de dilficullc.
La tradition, règle sûre el infaillible , dissi-
pera les obscurités que pouvait présenter le
lexte sacré. — Or, on trouve dans tous les
auteurs qui ont traité celte matière, des pas-
sages précis de sainl Ignace, de sainl Iréiiée,
de saint Chrysostome, etc., qui ne laissent
aucune dilQculté sur l'institution divine des
prêtres et des curés. Le clergé de France a
toujours tenu la même doctrine; ses plus
célèbres évèques , dès le vui' siècle, ont dé-
claré positivement qu'ils recoanaissaieiit les
curés comme leurs associés dans Ici) travaux
apostoliques, et les successeurs des soixante-
dix disciples. C'est également la doctrine de
(îeison et de saint Thomas. La faculté de
théologie do Paris a toujours eu le soin le
plus allentif à condamner toutes les propo-
sitions qui pouvaient y donner quelque at-
teinte. Nous laissons aux théologiens à rap-
porter el à discuter les preuves de tous ces
faits : ce sont des objels absolument étran-
gers au jurisconsulte.
A ce précis des preuves de l'origine des
curés, nous nous contenterons d'ajouter
qu'ils exerçaient autrefois, et de droit com-
mun, une juridiction be.iucoup plus étendue
qu'ils ne l'exercent aujourd'hui. Le P. Tho-
massin, dans sa Discipline ecclésiastique,
prouve, d'après les anciens monuments,
qu'ils confèraienl à leurs paroissiens les or-
dres que nous appelons mineurs; on voit
dans la \ie de saint Seine qu'il reçut, vers
l'an 54-0, la tonsure par les mains du curé
de Maymond, nommé Eustade. Ils avaient
aussi le droit de porter des censures tant
contre le clergé que contre le [leuple de leurs
paroisses. Ils pouvaient enlin donner des
pouvoirs aux simples prêtres pour entendre
les confessions de leurs paroissiens : preuves
inconlesiables que la juridiction qu'ils excr-
çaienl n'étaienl point une juridiction délé-
guée, mais une juridiction qu'ils ne tenaient
que de leur ordination, el par conséquent
(]ue de Jésus-Chiisl lui-même, premier au-
teur du sacrement de l'ordre.
Si les curés ne jouissent plus de tous ces
droits, on n'en peut rien conclure contre
eux, parce qu'on reconnaît, cl on a toujours
reconnu que l'Eslise a le droit de limiter et
Iâl9
CUR
CUR
1220
de restreindre l'exercice des pouvoirs de ses
uinfstres, selon les circonslanccs et ses be-
soins. Si les curés ne confèrent plus les or-
dres minews, s'ils ne portent plus de censu-
res, s'ils ne délèguent plus pour enlendie les
confessions, on ne peut pas dire pour cela
que ces pouvoirs ne sont point attachés à
leur ordre et à leur caractère; on en doit
seulement conclure que l'exercice en est li-
mité on suspendu par les ordres supérieurs
de l'Eglise. Les évêques qui ont abandonné
au pape beaucoup de droits épiscopaas,.n'en
tiennent pas moins ces droits de Jésus-tihrist
lui-même, quoiqu'ils ne les exercent plus; et
comme un chan^^ement dans la discipline
pourraitleur rendre ce que leur faiblesse ou
leur complaisance leur ont fait perdre, de
même les curés pourraient rentrer dans leuis
anciennes prérogatives, si l'on abrogeait les
lois récentes qui les ont réduits à l'état où
nous les voyons aujourd'hui. — Mais de ce
que les curés sont d'institution divine, il ne
s'ensuit pas qu'ils ne doivent point èUo sou-
mis et subordonnés aux évêques, et qu'ils
leur soient égaux en pouvoirs et en juridic-
tion. Nous ne \ojons jamais dans l'Ecriture,
les disciples marcher de pair avec les apô-
tres ; ceux-ci, au contraire, sont les chefs de
toutes les assemblées ; partout ils pirient la
parole. Les 17% 18« et 19' versets de l'Epî-
tre de saint Paul à Timjthée prouvent la su-
périorité des évêques sur les prêtres, et ja-
mais la discipline de l'Eglise n'a varié sur ce
point. Au reste, leur institution divine et les
pouvoirs qu'ils tiennent immédiuteiaeut de
Jésus-Christ n'ont rien d'inconi])alible avec
la subordination aux évêques, et s'il est per-
mis de comparer les choses sacrées aux pro-
fanes, ils sont comme nos tribunaux infé-
rieurs qui tiennent leur juridiction du sou-
verain, et ne l'exercent cependant que sous
l'inspection et la dépendance des conrs supé-
rieures. Nous nous ferons donc un devoir de
dire ici avec le concile de Trente : Si quis
dixeril episcopos non esse presbyteris supc-
riores, anailtcma sic.
A peine le christianisme se fut-il répandu
dans les villes et dans les campagnes, que
l'on voit des curés dans l'exercice de leurs
fonctions. Saint Paul, dans son lipîtrc aux
Koniains, chap. xvi, vers. 1, indique qu'il y
avait une Eglise à Générée ; celte liglisc avait
seulement un minisire. Théodoret assure
qu'il n'y a janiais eu d'èvéïiue : ce ne p<iur-
rait donc être qu'un curé. Eusébe, liv. ii,
chap. 10, rapporte que les différentes parois-
ses qui étaient à Alexaniiric avaient été él.i-
blies par saint Marc même; Sozomène en
parle comme d'un élablissemenl lort ancien.
.Saint Denis, qui en fui évêque l'an 2i8, ras-
sembla les prêtres qui étaient dans les vil-
lages de la province d'Arsinoé pour c m-
baitre l'erreur des millénaires. — Les curés
ont la même anciennelé dans l'Eglise d'Occi-
dent que dans celle d'Orient. Si l'on en croit
Hermas, auteur contemporain des apôtres,
il y avait à Rome, dans le tem|is de saint
Clément, qui a succédé pres(|uc immédiatc-
uwnt a saint Pierre, des prêtres qui gouver-
naient sous lui les églises de celte capitale du
monde. On lit dans le PontiQcal attribué au [j
pape Damase, que le p;ipe Evarisle, qui mou-
rul l'an 108 de Jésus-Christ, la partagea eu
diiïérenlsquarliers.el qu'il en distribua les
titres à ces prêtres qu'on noiumaii alors
cardinaux , et qui n'étaient que de simples
curés. EnQn, ce qui ne laisse aucun doute
sur leur ancienneté, c'est le trente-sixième
canon des apôtres, qui liéfend aux évè(iues
d'ordonner des prêtres dans les villes et vil-
lages qui ne sont pas de leurs diocèses. L'au-
teur do la fausse décrétale attribuée au pape
saint Denis s'est donc évidemment tran,>pé,
lorsqu'il a placé sous le pontificat de ce
saint la formation et léiablissement des pa-
roisses : il est beaucoup plus ancien. En
effet, il a dû y avoir des curés en titre dès le
moment où le nombre des cliréliens et la di-
stance de leurs habitations de la ville épisco-
pale ont exigé que les prêtres qui vivaient
avec l'évêque s'en éloignassent et fixassent
ailleurs leurs demeures, pour distribuer le
pain de la parole et administrer les sacre-
ments. Nous ne nous arrêterons point à citer
une foule de conciles qui prouvent l'ancien-
neté des curés en titre, c'est un point de fait
qu'on ne peut plus contester.
Un curé doit être prêtre, âgé de vingt-cinq
ans accomplis, et être gradué, si sa cure est
dans une ville murée (1).
Selon l'ancien droit, on pouvait être nom-
mé à une cure, lorsqu'on pouvait être or-
donné prêtre dans l'an de la paisible posses-
sion; il sufOsait donc d'avoir vingt-trois ans
accomplis, puisque à lingt-quatre ans égale-
ment accomplis, on est capable de recevoir
la prêtrise. H en était de même pour les di-
gnités qui emporlenl le soin des âmes.
Nos rois, protecteurs-nés des canons et de
la discipline ecclésiastique , et comme tels
ayant droit de faire des lois sur tout ce qui
ne louihc ni à lu doctrine ni aux matières
puiement spirituelles, ont cru devoir abro-
t;er un usage qui pouvait entraîner avec lui
de grands inconvénienis, et dont le moindre
éiait de confier les paroisses aux soins peu vi-
gilants des prêtres mercenaires qui les des-
servaient, jusqu'à ce que les vrais titulaires
fussent parvenus à l'âge de vingi-quatre ans :
ils ont lionc voulu que nul ne put être nom-
mé curé qu'il ne lût actuellement prêtre. Us
ont porté plus loin leur attention pour lo
bien de l'Eglise : ils ont cru ijunn prêtre
nouvellement ordonné n'avait encore ni un
âge assez mûr, ni une expérience assez C()n-
som:;iée pour exercer dignement et en chef
les fonctions pastorales , et il , oui voulu
qu'un ciirc' eût au moins vingt-cinq ans ac-
complis ; ils ont sup|iusé qu'une année
d'exercice dans le ministère était au moins
nécessaire pour être curé. Cette loi est ren-
fermée dans la déclaration du 13 janvier
1742, enregistrée au parlement de Paris, lo
2G du même mois et de la même année. —
C'est donc actuellement une jurisprudence
(!) On coin|ireiid facilement que ce que dil ici
l'auieur concerne l'ancien droit.
122!
CUR
CUR
1224
COI taille, qu'il faut être prêtre et âgé de vingt-
cinq ans arcouiplis, pour être curé; sans ces
deux qualités, toute espèce do collation et de
provision serait radicalement nulle, la cure
serait impénétrable, et la possession même
triennale ne pourrait couvrir ce défaut.
F;n esl-il de iiiêine du detiré, pour éti'c curé
dans les villes murées? Le Concordat en
porte une disposition formelle. Nous ordon-
nons, y est-il dit, quf> les églises paroissiales
qui se trouvent dans les cités ou dans les
L villes murées, ne soient conférées qu'à des
I ecclésiastiques qualifiés comme ci-dessus, ou
I du moins qui aient étudié pend.int trois ans
en théoldgie ou en droit, ou qui soient maî-
tres es iiris Voilà la loi, elle est positive.
Pour être curé in civitalihus , c'est-à-dire
dans les villes épiscopales, et in riliin mura-
lis, c'est-à-dire dans les villes ou bourgs (jui
sont eiil.ourés de murailles, il laul être doc-
leur licencié ou baclielier dans quelqu'une
des trois facultés supérieures ; c'est ce iiu'il
faut entendre par ces mots, qualifiés comme
ci-drssus ( Prwmisso modo qualificalif}. Le
Concordat n'exige pour ceux qui n'ont point
acquis ces degrés que trois ans d'étude , soit
en théologie, soit en dro.it, ou bien la maî-
trise es arts. — Cette disposition du ('.oncor-
dat est abs<dument semblable à celle de la
Pragmatique-Sanction sur le même sujit, et
à l'ordonnance de Louis XII, de l'an IV99.
A ne consulter que la lettre de ces diffé-
rentes lois, il parait bien eliir que trois ans
d'étude en théologie ou en droit suffisent
î pour pouvoir posséder une cure dans une
I ville murée. Cependant beaucoup d'auleurs
' prétendent que ce temps d'étude est insulfi-
saul, si l'on n'y ajoute le degré, qui , ne se
donnant que sur des examens , peut seul
fournir une preuve de capacité. Ils s'appuient
sur l'ordonnance de Henri U , de 1551. Mais
en faisant attention à cette ( rdonnanee, on
ne voit pas ()ue le législateur déroge à celle
de Louis XII ni à la PragmatiqueSanclion,
ni au Concordat. 11 ordonue que « les (irocès
mus sur les cures des villes murées seront
jugés suivant la teneur des statuts, décrets
et concordats, et sans avoir égard aux impé-
Irations qui pourraient être faites, cl subrep-
ticement obtenues par personnes non gra-
duées, et do la qualité contenue auxdils con-
cordais. » Henri II se réfère aux concordats
précédents, qu'il veut être exécutés, et aux-
quels par conséquent il ne déroge point; il
veut qu'on n'ail aucun égard aux iupétra-
tioMS faites par ceux qui ne seront point gra-
dués et (jui n'auront point les (/uiilités conte-
nues csdits concordats. Or, une de ces quali-
téi est d'avoir étudié trois ans, soit eu théo-
logie, soit en droit. H n'y .i donc dans cet
arlicle de l'ordonnance de Henri 11 rien do
to itraire au Concordat et aux autres lois
qui l'ont précédé, qui nedeniaiidenl que trois
ans d'vtude dans le» facultés de droit ou de
théologie, pour .pouvoir posséder une cure
dans une ville murée. — Cependant Dumou-
lin est d'une c.pinion co;itr;iire, et il rapporte
uu arrêt de lo'Jti, renuu toutes les cham lires
assemblées, qui a jugé que trois ans d'étude.
soit en théologie, soit en droit, sont insuftl-
sants sans le degré. Heaucoup d'auteurs res-
pectables ont embrassé l'opinion de Dumou-
lin. Les Mémoires du clergé disent que, sur
cette question, il n'y a aucun préjugé dans
les arrêts, qu'elle ne s'est pas encore pré-
senté', et que la raison en est que ceux qui
ont trois ans d'étude en théologie ou eu
droit peuvent facilemenl acquérir un degré,
ce qu'ils aiment mieux faire que de risquer
un procès douteux. — Mais si trois ans d'é-
tude eu théologie ou en droit paraissent, se-
lon la loi, suffire sans lo grade pour posséder
une ciir»; dans une ville murée, il n'en est
p;is de même du grade sans le temps d'étude :
il est certain qu'il ne mettrait point le curé
à l'iiliri d'une impéiration, et qu'il serait dans
le cas de se voir enlever sa cure, quelque
longue que fût sa possession. Cela ne souiîre
plus de difficulté depuis la déclaration de
l";îti, enregistrée à Paris et à l'oiilouse. Elle
veul que « tous ceux qui obtiendront à l'a-
venir des degrés dans les universilés du
ro\aume soient tenus de se conformer exac-
tement, soit en ce qui concerne le temps d'é-
tude et en ce qui regarde les examens etictes
probatoires nécessaires pour obtenir le titre
de maîires es arts, ou les degrés de bachelier,
ou de licencié, ou du doctorat, aux règles
élablies par le Concordat, par les ordonnan-
ces du royaume, statuts et règlements par-
ticuliers de chaque université, le tout à peine
de nulliié des litres on degrés qui leur se-
tont accordés contre lesdiles règles, et en
outre, de déchéance des- digniles, cures et
autres bénéfices qu'ils obtiendraient en vertu,
ou sur le fondement desdites letlres ou de-
grés. »
Une question non moins importante, et sur
laquelle il y a une grande diversité d'opi-
nions, est de savoir dans quel temps il faut
avoir le degré requis par le Concordai pour
être curé dans une ville murée. Faut-il être
griidué avant les provisions? Sulfitilde l'éirc
avant la prise de possession? Pour traiter
ces questions avec clarté, il faut établir dif-
férentes hypothèses qui pourront fournir
diiïérentes solutions.
La collaliin d'une citre dans une ville mu-
rée, laite par l'ordinnire à un non gradué,
n'est pas radicalement nulle, .-uivanl le sen-
timent le plus commun des auteurs; ce dé-
faut se trouve couvert si le pourvu acquiert
le degré avant sa prise de possession : c'est
ce qui a été jugé par des arrêts du parle-
ment de Paris, des 9 février 1G99, i2juillet
1700 cl 11) mars 1701 , qu'on trouve rappor-
tés dans les Mémoires du clergé. Il faut ce--
pendanl remarquer que si un tiers, dans
l'inlervalle de l;i collation à l'adeption du de-
gré, avait acquis un droit au bénéfice, alors
le premii r pourvu ne serait |dus admis à
purger la demeure, et un de. o'utaire qui
aurait intenté .a complainte avant que son
ad\ersaire eût obtenu te degré, devrait être
maintenu. Quand on accorde au pourvu
d'une cure dans une ulle murée, un délai
pour se faire graduer, on douni> au degré
obtenu posterieureutent aux provisions, uu
1223
Cl)R
CUR
1224
effet rétroactif qui les complète et los per-
fectionne. C'est une pure faveur que les
cours ont cru pouvoir accorder, parce qu'elles
ont pensé qu'il était indilïéreni que la capa-
cité du pourvu fût prouvée avant ou après
ses provisions. Mais il serait détente injus-
tice qu'une pareille faveur, qui n'est point
l'onvrage de la loi, |iorlât préjudice à un
tiers qui aurait un droit acquis. Nous remar-
querons en passant qu'un dévolutaire n'a
de droit au bénéCce dévoluté que du jour
qu'il a inlenté sa complainte et mis sa par-
tie en cause.
Les provisions pour une cnrc d'une ville
murée, obtenues en cour de Rome par la
voie de la prévention, deviennent nulles si
l'ordinaire a conféré à un gradué avant que
le pourvu par le pape se soit mis en règle.
Ces provisions deviennent nulles, parce que,
comme dit Dumoulin, Concordatis papa ipse
liyalus rsl et non videtur jure prœvtnlionis
conferre passe hujusmodi parocliiales eccle-
sias, nisi qualificulis. 11 faut donc dire avec
Boularic qu'il ne paraît pas qu'on puisse
donner au grade un effet rétroactif au temps
de la provision, au préjudice du droit acquis
au gradué pourvu par l'ordinaire, et que
tout ce qu'on peut admettre de plus favora-
ble est de faire subsister la provision du
pape, si lors de l'obtention du grade les
chosts sont dans leur entier du côté de l'or-
dinaire. Si l'on passe quelque chose au pré-
vcntionnaire, il ne doit pas en être de liième
du dévolutaire. Son rôle, aussi défavorable
qu'il puisse être, ne permet pas qu'on tem-
père en rien ]jour lui la rigueur des lois.
D'ailleurs, comment demander au pape un
Lénéflce fondé sur une incapacité dont on ne
se voit pas soi-même exempt! Comment un
non gradué demanderait-il une cwre , en ap-
jjorlant pour raison que le titulaire actuel
n'est pas gradué? Cela impliquerait contra-
diction, ce serait dire au pape : Dépuuillez
tel lituluiie qui ne s'est pas confurmé à la
loi, pour revêtir un autre qui n'y a pas plus
salisfiiil que lui. C'est bien le cas de dire une
seconde fuis, avec Dumoulin , Concordatis
papa ipsc ligatus est. Nous avouons que ces
principes sur les dévoluiaires ne sont ap-
puyés sur aucun ;irrét, l'espèce ne s est pas
présentée; mais nous pensons qu'ils seraient
non recevables, i-i avant d'impetrer des cures
de villes murées sur des non graduas, ils ne
s'étaient mis en règle du côté des degrés.
Il est bien rare qu'un résignataire donne
lieu à la (luestion que nous agitons : comme
avant sa prise de possession le bénélice est
encore censé résider sur la tête du résignant,
il parait, d'après l'esprit de la jurisprudence
actuelle, qu'il lui sullit de prendre le grade
avec son visa ou sa prise de possession. -
Mais après la prise de possession, peut-on
ac(juérir le grade et se garantir par là des
impétrations ? Un arrêt du parlement de
Paris, du 8 janvier 17;iK, semble avoir jugé
l'affirmative : le sieur Cadot, curé de la Ville-
l'iivêque, qui n'avait obtenu son degré que
postérieurement à sa prise de possession,
(ut maintenu contre le sieur do Lacoste, dé-
volutaire, qui ne l'avait assigné et mis eu
cause qu'après lui avoir donné le loisir de se
faire graduer. Mais, comme l'observe l'anno-
tateur de d'Héricourt, cet arrêt rendu sur des
circonstances particulières, ne peut pas ser-
vir de préjugé décisif. En effet, ne serait-ce
pas trop étendre l'interprétation que l'on
donne au Concordat? Ne serait-ce pas intro -
duire une jurisprudence qui tendrait insen-
siblement à la destruction de la loi même?
Un curé de ville murée pourrait donc rester
dis à vingt ans, sans prendre des degrés, et
lorsqu'il craindrait d'être inquiété, il se les
procurerait et se mettrait par là sous la pro-
tection des lois, après les avoir éludées si
longtemps. L'intention des deux puissances,
de qui le Concordat est émané, a été d'assu-
rer aux paroisses dont les peuples sont plus
nombreux et instruits, des pasteurs qui
eussent fait preuve d'une capacité plus qu'or-
dinaire. Elles ont voulu pour curé, dans les
villes murées, des ministres sur les lumières
et les talents desquels il n'\ a, ni ne peut y
avoir de doute, et qui eussent par conséquent
subi les épreuves auxquelles est attucliée non
la certitude, mais au moins la juste présomp-
tion d'un mérite suffisant. C'est donc aller
contre l'esprit et l'intention des législateurs,
que d'admettre en tout temps les curés des
villes murées à prendre les degrés exigés par
le Concordat.
Ces principes ne peuvent-ils pas conduire
à la solution de la question de savoir si la
possession triennale peut couvrir , dans un
curé de ville murée, le défaut de grade? Il
faut d'abord distinguer celui qui aurait trois
ans d'étude en théologie ou en droit, sans
degré, de celui qui n'aurait ni le temps d'é-
tude ni le degré. Pour le premier, la ques-
tion retombe dans celle que nous avons di'jà
examinée, si les trois années d'étude en théo-
logie ou en droit sont suffisantes sans le de-
gré. Quant au second, la possession trien-
nale lui serait absolument inutile ; il ne
pourrait in\oquer le décret de Pacilicis pos-
sessoribits. 11 serait évidemment intrus, on ne
pourrait le considérer autrement sans ren-
verser le Concordai, dont l'esprit et la lettre
concourent également à exiger, pour les
villes murées, des curés qualifiés; cela se
prouve en outre par la déclaration de 173G.
Quoique cette décision ne s'y lise pas for-
mellement, on la lire cependant par une
induction nécessaire. Le roi maintient pour
le passé ceux ijui ont acquis la possession
triennale, et auscjuels on ne peut opposer
d'autres défauts ou incapacités (juc ceux qui
résultent de la nullité ou de l'irrégularité de
leurs litres ou degrés obtenus avant cette
déclaration. Donc la possession triennale ne
pourrait plus être une rai.son de maintenir
ceux (|ui n'en auraient jioint du tout, autre-
ment il faudiait dire(|ue les provisions d'une
cure dans une ville murée, jointes à des de-
grés nuls ou irréguliers , ne formeraient
point un titre coloré, tandis que ces mêmes
provisions sans degré, en formeraient un ;
ce qui est absurde, parce qu'une incapacité
qui résulte d'une irrégularité dans le degré,
i225
CCR
résulte à bien plus forte raison du défaut ab-
solu (le ce même degré. — Au reste, toutes
les difl'éiences que nous. venons de traiter
diiiparaitraient bientôt si l'on voulait s'atta-
cher uniquement aux lois qui régissent celte
matière : elles sont claires, elles sont pré-
cises. Qu'on examine altentivcment la Prag-
malique-Sanclion, l'ordonnance de 1499 , le
Concordat, la déclaration de liiol, et l'on
sera facilement convaincu qu'il laul être gra-
dué ou avoir au moins Irois ans d'étude en
théologie ou en droit, au moment même des
provisions, et que par conséquent tout titre
d'une cure dans une ville murée, fait à un
prèlre qui n'aurait pas ces qualités, est ra-
dicalement nul, et ne peut être couvert par
la possession triennale. — La Pragmatique-
Sanction, § 13 du chap. ii, ordonne de pla-
cer dans les cures des villes marées, des per-
sonnes qui soient qualifiées. L'expression
instituantur, que l'on inslitue, ne laisse au-
cune équivoque ; elle est aussi impérative
qu'elle puisse être, elle est sûrement relative
au moment de l'institution, et ne suppose
point qu'on puisse valablement conférer les
cttres des villes murées à des non gradues. Il
n'est pius permis de douter de l'intention de
la loi, lorsqu'on voit qu'au § 19 elle pro-
nonce le décret irritant contre toutes les col-
lations faites au mépris des décrets qu'elle
vient de porter, parmi lesquels se trouve celui
des cures des villes murées. — L'ordonuaiice
de Louis XII, de 1499, s'expli(]ue aussi clai-
rement : « Seront tenus les gradués voulant
avoir les églises paroissiales étant dedans des
villes murées, avoir étudié par le temps ci-
dessus, et faire ce que dessus est dit. » Ces
expressions, les gradues voulant avoir les
églises paroissiales, ne peuvent s'entendre
que du temps qui précède les provisions. Il
ne s'agit que des personnes qui veulent avoir
les cures des villes murées : c'est à elles
seules que la loi impose des conditions. Si
elles n'y ont pas satisfait, elles sont incapa-
bles, p^irce que c'est un préliminaire néces-
saire à remplir. « A tout le moins seront te-
nus avoir étudié en théologie, en droit civil
ou canon par trois ans, ou seront tenus
d'être maîtres es arts en université fameuse.»
L'ordonnance ne dit pas que les pourvus
des cures dans les villes murées seront tenus
d'étudier ou de devenir maîtres es arts, mais
d'avoir éiitdié et d'être maîtres es arts. Ce qui
suppise nécessairement le temps d'étude et
le grade antérieur aux provisions. IMen de
plus absolu que ces expressions .-seront te-
nus d'avoir étudié ou d'élre maîtres es arts.
Comment les concilier avec la prétendue ju-
risprudence moderne , qui non-seulement
admettrait les curés des villes murées à pren-
dre leurs grades après leurs provisions et
leur prise de possession, mais encore qui
ferait couvrir le défaut de grade par la pos-
session triennale? — Cette prétendue juris-
prudence ne serait pas moins opposée au
Concordat, qui défend positivement de con-
férer les cures des villes murées à d'autres
qu'à des personnes qualifiées. Non nisi per-
sonis prœmisso modo quali/icatis... conferuii-
DlCT. OE TaÉOL. DOGMATIQUE- !•
CUR 1226
tur :« On ne conférera les cures des villes
murées qu'à des personnes dûment quali-
fiées. » Ces termes sont prohibitifs et équi-
valent à un décret irritant ; donc toute col-
lation d'une cure dans une ville murée faite à
d'autres qu'à des gradués est, selon l'inten-
tion du Concordat, radicalement nulle. D'ail-
leurs, c'est un principe universellement
adopté en Franco, que toutes les disjjusitiuns
de la Pragmatique-Sanction qui n'ont point
été spécialement abrogées par le Concordat,
doivent être maintenues dans toute leur vi-
gueur. C'est une suite de notre inviolable
attachement à ce précieux monument de nos
libertés. Or, la Pragmatique-Sanction porte
le décret irritant contre les provisions des
cures des villes murées, faites à des non gra-
dués; le Concordat ne l'a point abrogé; donc
il doit être exécuté.
La déclaration de Henri II, de l'an 1551,
est tout aussi formelle que les lois précé-
dentes. « L'Université de Paris nous a fait
dire et remontrer (expose le roi dans le
préambule) que par les décrets et concor-
dats faits entre le saint-siégeapostolique et
de l'eu bonne mémoire le roi François
èsquels soit par exprès contenu que les bé-
néliees, cures et églises paroissiales desdites
villes closes et murées de notre royaume, ne
seront conférés, sinon à des personnes gra-
duées et qualifiées de la qualité contenue
èsdits saints décrets et concorilats. » L'Uni-
versité demande que les cures des villes mu-
rées ne soient conférées qu'à des gradués. Elle
invoque les saints décrets et les concordats,
elle rapporte même les raisons qui les ont
déterminés à porter cette loi. C'est qu'aux
villes cluses et fermées y a grande af/Iuence de
peuple, pour la conduite et instruction du-
quel, et pour le conserver et entretenir à la
reliqion, est besoin qu'en (celles villes soient
préposées personnes graduées, etc. : ces re-
montrances ne supposent point que l'on
puisse être pourvu de ces sortes de cures
sans être gradué ou qualifié, et que l'on
puisse s'exempter du grade en appelant à
son secours la possession triennale, il y a
plus :elles tendent à empêcher le pape de dis-
penser des degrés, et le législateur les décide
absolument nécessaires, en ordonnant qu'on
n'ait aucun égard aux impélrations qui pour.-
raient être faites par personnes graduées et de
la qualité contenue èsdits concordats. Des
provisions d'une cure dans une ville murée,
données par le pape aux non gradués , sont
donc radicalement nulles; pourquoi celles
données par l'ordinaire ne le seraient-elles
pas aussi? Les concordats l'obligcnl-ils moins
que le pape? Ce n'est point ici une de ces
circonstances où le droit des ordinaires soiL
plus favorable que celui du souverain pon-
tife; ce n'est point le maintien de la juridic-
tion épiscopale qui a déterminé la loi , mais
le bien des peuples. Cette raison est toujours
la même, soit que les provisions émaneut du
pape, soit qu'elles émanent de l'ordinaire.
Si elle rend nulles les provisions du pape, iJ
doit en être de même de celles de l'oidiuaire.
Le grade est donc une capacité essentielle à
39
183?
ClîR
CUR
1328
un fiir^ d'une ville marée. Or, il est de prin-
cipe qne lo (léfaul d'nne capacité essentielle
rend le litre radicalement nul, rt qu'un titre
radicalement nul ne peut être viilidé p.ir la
possession triennale; d"où nous tirerons deux
conscquonces. La preuiic'rc, que le décret de
pacificis ne peut être d'aucune ulilUé à un
curé d'une ville murée qui ne serait pas
gradue ; la seconde, qu'il ne peut être admis
postérieurement à son litre à prendre le de-
gré, parce qne ce litre étant radicalement
nul, ne peut devenir un titre légitime, sui-
vant cet axiome, qtiod ab inilio nnllum est ex
poft facto conviiiescere ner/iiit. il est donc
bien vrai que si l'on s'en tient à la loi sans
s'ij permettre des interprétations qui sont
presque toujours arbitraires, un curé d'une
ville murée doit avoir le grade au moment
de ses provisions; qu'il ne peut être admis à
i'aciiuérir, soit avant, soit après la prise de
possession, et que ce défaut ne peut élre cou-
vert par la possession triennale. Ces princi-
pes suivis dans la pratique feraient évanuuir
une foule de diificuliés qui sont la source
d'nne iii('. ' îde procès.
Si l'on y oppose l'.iulorité de la cliose ju-
gée, qu'il ninis soit permis de dire avec
d'Héricourt : « Cette jurisprudence ne serait-
elle pas du nombre de celles qu'on voit .s'in-
troduire quehiuefois au pala:s sur des ma-
tières délicates, et iiu'on abandonne après
pour revenir aux anciennes règles? » A d'Hé-
ricourt noi:s joindrons V'ailLint, qui soutient
que le grade pris après les provi ions ne
peut couvrir l'iucapacilc du pourvu, parce
que si provisus eral inhabilis icmpore proii-
«ionis, et postca fiât habilis, proiiaio non
ronvnlescit et necesse est oblinere novam pro-
visionem; RebulTe , sur le § Slntuimus du
Concordat, remarque que nun nisi personis
prœdivlo modo qualificulis cowferanlur, sup-
posent visiblemt nt le degré obtenu avant les
provisions, de même CjUc ceux dont se sert
la Pragmatique, insliuian'iir personw <jxti
gradum magêtcrii udepli futrinl, Louet et
Dumoulin sont ou même avis. Ne pourrait-
on pas dire que la jurisprudence moderne,
que l'on suppose opposée à ces principes,
n'est pas aussi certaine que le | réieudenl
quelques auteurs; des arrêts contraires aux
véritables maximes ne sont ordinairement
que des arrêts de circonstances ; on est tou-
jours lorcé de revenir à la loi, qu.ind même
on s'en serait écarté quelquelois.
Le parlement de Toulouse u une jurispru-
dence qui parait détruire les i)iii!ci|)es (jue
nous venons d'établir ; mais dans le fond, si.'s
arrêts favorisent notre opinion : il ne re-
garde les provisions de cour de llome que
comme de simples mandats de proiidendo.
Selon lui, le visu forme les véritables provi-
sions ; ainsi en admettant le pourvu en cour
de Home à prendre ses degrés avant sou
visa, il nejuge pas que ces degrés puissent
être obtenus après 1rs provisions.
Après avoir examine l'origine, l'anciennc-
tê et les qualités nécessaires aux cures,
nous nous occuperons de leurs devoirs et de
laurs droits.
Nous ne parlerons point ici des lî voirs
qui regardent le for interne. Nous I issons
celte matière aux théologiens et aux mora-
listes. Nous ne parierons quft do ceux qui,
étant prescrits i)ar les lois civiles et canoni-
ques, peuvent être du re-sort du juriscon-
sulte. — Parmi les principaux devoirs d'un
curé, la résidence est sans doute un des plus
essentiels. Le relâchement et les changements
introduits dans la discipline ont cuniraint
l'Eglise à porter des loii pour obliger, tant
les premiers qne les seconds p.isleurs, à ré-
sider dans leurs bénéfices. Il est inutile de
rapporter les canons que les conciles ont
faits à ce sujet. Nous nous contenterons de
citer le concile de Trente. Dans la session
xxin de Beformalione, chap. 1, il soumet les
curés non résidaais aux mêmes peines que
les évêques, c'est-à-dire à la perle des fiuils,
à proportion du temps qu'ils n'auront pas
résidé. 11 ne leur permet de s'absenter q le
pendant deux mois, encore avec la permis-
sion de l'évêque, qui ne peut accorder un
temps plus long, à moins qu'il n'y ail des
rais.ms graves : Nisi ex gravi causa. Si un
curé transgresse ces lois, le concile veut qu'a-
près l'avoir fait citer et avoir établi la con-
tumace, l'ordinaire puisse procéder contre
lui par le séquestre et soustraction de fiuits,
et par toute autre voie de droit, oiéme par
la privation du bénéfice. — Nos rois ont
adopté ces sages dispositions. L'ordonnance
de lîlois, art. 14, porte : « A semblable, rési-
dence et sous pareille peine, seront tenus les
cures et tous autres ayant charge d âmes,
sans se pouvoir absenter que pour causes
légitimes, ei dont la connaissance en «ppar-
liendra à l'évêque diocésain, duquel ils ob-
tiendront par écrit, licence ou congé, qui
leur sera gratuitement accordé et expédié,
et ne pourra ladite licence, sans grande oc-
casion, excéder l'espace de deux mois. » ^
L'article "2 de l'ordunnance de ltJ2i> renou-
velle celle de Blois en ces termes : « Les cu-
rés seront tenus île résider eu personne sur
les lieux, nouolistaut la proximité des villes;
et à fauie de ce faire, ordonne sa majesté,
en conséquence de l'art, l'i- de l'ordonnanco
(le Blois, et de l'art. 7 de l'édit de Meluii, les
fruits desdits citr^' être saisis au profit des
hôpitaux du iieu prochain, pour autant de
temps qu'ils auront manqué à la résidence.
ils seront sommés, à la requête des procu-
reurs généraux ou de leurs substituts, par
expbiiis faits aux domiciles cl lieux desdits
béiiéflces, de salislaire à ladite résidence; et
à faute de ce faire acluelleinenl, dans un
mots, ou plus ou moins, selon ba distance
des lieux, sera procède auxdites saisies. »
Le clergé, qui trouvait (|ue ces lois le met-
taient sous rinllueucc trop immédiate des
tribunaux séculiers, se plaignit et en deman-
da la re\ucalion. Mais elles furent seulement
moiifii'cs pir l'art. 2.) de l'édit de 1G95; et
ces modifications font que. rarement un curé
peut voir son revenu saisi à la requête du
procureur général pour cause d'..bsence.
Pour ne pas anlici|)er sur les matières et in-
tervertir l'ordre que nous nous sommes
1229
CUR
cm
1230
proscrit, nous ne nous clcntlrons pas dnvan-
tjigft sur CCS ordonniinccs. Nous nous réser-
vons de le f.iire Iinsquc nous tijiilerons de
la résidence en gi iiériil : noire but, d.ins ce
uioinent, est de oc |i irlcr que de ce qui re-
garde les cures en parliculier.
S; Ion le concile de Trenle et l'ordonurincc
(le niois, l'cvèque est jn-^e de la légiliuiilé
des causes nui yieuvenl peruiellre à un curé
de s'abscnlcr. Un arrêt du conseil d'Elaldu
i^ décembre l{î;W, rendu sur la requête de
rarchevé(ine de lîordeaux, ordonne que les
C'iirds (\c ce diocèse ne. pourront, pour quel-
que cause el occasion (lue ce soit, se dispen-
ser de la résidence acUielle, sans le congé
exprès ou par écrit de l'archevêque ou >;e
ses grands vicaires. Quoique l'évêque soit
juge de la légititnilé des causes d absence de
ses curés, il ne peut ccpinilaot pas refuser ar-
bilraircment la permission qu'ils soulobli;;és
de lui demander, parce que la même loi qui
impose aux ciurs l'obligaiion de prendre le
congé de l'évcquc , ordonne certainement à
celui-ci de l'accorder lorsqu'il n'aura pas de
motifs pour le refuser; cl s'il se conduisait
aulrement, il s'exposerait à uu appel bien
fondé, soit simple, soit comme d abus. —
Mais dans le cas d'une absence considérable
et sans permission, un évêque peqt-il faire
faire le procès à un curé par son oflicial? Si
l'on suit le concile de Irente, cela ne pourra
soulTrir aucune difficulté : mais comme sa
discipline n'est point reçue en France, ou
pourrait dire que l'esprit de nos ordonn.mces
est qu'en ce ras le procès soîl fait par les
juges royaux. Celle de 1G29 veut (jue les
poursuites contre les curés non résidanls
soient faites à la requêti; des procureurs gé-
néraux ou de leurs substituts. Jls seront som-
més à (a requête de nos procureurs généraux
ou (le leurs subsliluls. L'url. 2'3 de l'édit de
1695 n'est pas si impératif; il semble n'accor-
der aux ju^es royaux qu'une simple faculté
qui ne leur attribue pas une juridiction ex-
clusive. « Nos cours de parlement, nos baillis
et sénéchaux.... pourront les avertir nos-
diles cours, nos baillis et sénéchaux, piiur-
ront, à la reqnéîe des procureurs généraux.»
Cette expression pourront, employée deux
fois dans cet article , ne prouve-t-ellc pas
que l'intention du légi-laleur n'est pas de
dépouiller les évcqucs d'une juridiction qui
dérive naturelleuunt de leur droit de sur-
veillance el d'inspection, mais seulement de
les rendre plus soigneux et plus attentifs, eu
leur joignant les procureurs généraux et
leurs substituts .pour veiller à l'exécution
des lois [lortées sur la résidence, de soi te
que, dans ce cas, les juges royaux exercent
sur les ecclésiastiques une juridiciiou cumu-
lative avec les évéques et leurs ofûciaux?
D'ailleurs, les peines portées contre la rési-
dence ne sont point d'une nature à n'être
point prononcées par le juge d'Eglise. La
privation des revenus et la déchéance des
bénéfices sont des peines canoniques que
rt'IGcial peut imposer, lorsqu'il a rempli
toutes les formalités prescrites par les lois
■i» royaume,
Si les curés doivent résidei*, c'est principa-
lement pour administrer les saerenuMiis à
leors paroissiens, l'arnii ces sacrements il
en est surtout deux qui intéressent particu-
hèreuient le jurisconsulte , par l'inllueiiee
qu'ih ont sur létal civil des citoyens. Si bî
baptême est l'entrée dans le cln istianisuie,
l'acte qui le constate est aussi le premier
litre par lequel nous tenons à la société. Un
curé ne peut donc apporter trop de soin pour
que cet acte soit en règle, et ne contienne
aucun vice qui puisse taire un jour contes-
ter à l'enfant qu'il baptise un ciat que la
nalure lui a donné, mais que la loi ne lui
assure qu • lorsqu'il est altesté par le minis-
tre des autels qui, dans celle occasion, est
encore le ministre de la société. Un curé se
garantira de commettre à ce sujet des fautes
doiil les suites sont si imporlanles, en se con-
forn)ant exactement aux lois qui ont été pres-
crites sur cette matière, el que nous lappor-
tcrons au mol Registre. — Le sacrement de
mari;ige, quant uses effets civils, est d'une,
aussi grande conséquence que le baptême.
Une connaissance parfaite des lois de l'E-
glise et de l'Etal est le seul nu)ycn (|ue puisse
çniployer un curé pour se comporter de ma-
nière à ne pas s'ûtlirer I. s punitions portées
contre leurs infracleurs. 11 doit surtout faire
attention à l'âge et au doinic le des parties.
11 serait coupable s'il mariait des mineurs
sans le consentement de leurs pères , mères,
tuteurs, ou curateurs. Il ne commettrait pas
une moindre laute s'il unissait des person-
nes qui ne sont pas domiciliées depuis sis
mois dans sa paroisse, si elles sont de sou
diocèse; ou depuis un an si elles sont d'un
diocèse étranger : mais rien ne pourrait
l'excuser si, se prêtant au rapt el à la séduc-
tion, il employait son ministère sacré pour
favoriser des enlèvements que la loi veut
qu'on punisse de mort. L'art. 39 de l'ordon-
nance de 11)29 « fait défenses à tous les curés
et autres prêtres séculiers ou réguliers, sous
peine d'amende arbitraire , de célébrer au-
cun mariai!;e de personnes qui ne soient du
leurs paroisses, sans la permission de leurs
c«7 C'A- ou de leurs évéques; el seront tenus
les juges d'Eglise juger les causes desdits
mariages, conlormémenl à cet article. » — -
L'éilildu mois (le mars 1097 ajoute à cette
disposition : « Voulons que si aucuns desdils
curés oa prêtres, tant séculiers que réguliers,
célèbrent ci-apiès sciemment tl avec con-
naissance des mari :ges entre des personnes
qui ne sont pas ellectivemenl de leur pa-
roisse, sans en avoir la permission par écrit
des cures de ceux qui les conlracloiil, ou de
l'archevêque ou evêque diocésain, il soit
procédé contre eux cxtraordin .iremcnt, et
qu'outre les peines canoni'iues que les juges
d'Eglise pourront prononcer contre eux,
lesdits curés et autres prêtres, tant séculiers
que réguliers, qui auront des bénéfices,
suienl prives, pour la première fois, de la
jouissance de tous les revenus de leurs cures
el bcnélices pendant trois ans, à la reserve
de ce qui est absolument nécessaire pour
eur subsistance, ce qui ne pourra excéder
1231 CUR
la ?()maie de 600 livres dans les plus grandes
-villes, et celle Je ;J00 livres partout ailleurs,
et que le surplus desdits revenus soit saisi,
à la diligence de nos procureurs généraux,
et dislrihué en œuvres pies par l'ordre de
l'archevêque ou évoque diocésain ; qu'en
e;is d'une secondtî contravention, ils soient
bannis pendant le temps de neuf ans des
lieux que nos jjgcs estimeront à propos
et que lesdits cures et prêtres puissent, en cas
de rapt fait avec violence, être condamnés à
plus grandes peines , lorsqu'ils prêteront
leur ministère pour célébrer des mariages
en cet état. — Nous ne nous étendrons pas
davantage sur ce sujet ; on trouvera au mot
Mariage tout ce qui pourrait manquer ici.
Les curés, comme nous l'avons déjà dit,
avaient autrefois le pouvoir de déléguer des
prêtres pour entendre les confessions de
leurs paroissiens, c'est-à-dire qu'ils su choi-
sissaient eux-mêmes des vic.iires qui n'a-
vaient pas besoin d'autres pouvoirs que ceux
qu'ils leur confiraient. Le concile de Trente,
session 2,3, de Reforma lione, a introduit à cet
égard un droit nouveau ; il a voulu qu'il n'y
eût que les curés ou les prêlros a|)prouvés
par lévéque, qui pussent entendre les con-
fessions, et cela nonobstant tout privilège et
toute coutume contraire , même iniiiiémo-
i-iale. — L'édit de 1695 a adopte celle dispo-
sition. Il a ordonné, par les articles 10 et 11,
que nul ne pourrait prêcher cl confesser
sans l'approbation do l'évèque ; il n'a excep-
té de cette prohibition que les curés et au-
tres bénéficiers à ciiarge d'âmes. C'est donc
une loi générale et établie par le concours
des deux puissances, que les curés ne peu-
vent plus donner de pouvoir pour prêcher
et confesser dans leurs églises. Ils délèguent
encore pour l'adminislraiion des sacrements
de baptême et de mariage. — Us ont en ou-
tre conservé le droit de (aire faire par qui
ils le jugent à propos, les instructions fami-
lières qu'ils doivent à leurs paroissiens. L'é-
dit de lG9o ne parlant que de la prédication
et de la confession, il s'ensuit, par un raison
toute naturelle, qu'il a laissé aux curés tous
les pouvoirs dont ils jouissaient autrefois.
L'évèque d'Auxerre ayant donné deux or-
donnances qui exigeaient sou approbation
par écrit pour les caléchismes, les prières
du soir et les inslrudions familières , les
curés delà ville d'Auxerre furent reçus ap-
pelants comme d abus de ces ordonnances,
par arrêt du 9 mars 1750, qui lit défenses
provisoires de les exécuter. Le moyen em-
ployé par les curés était que les caléchismes,
les prières du soir, les prônes et les autres
instructions familières ne sont point com-
pris dans les articles 10 et 11 de l'édit de
1695.
Mais si les curés ne peuvent plus déléguer
• des prêtres pour les aider dans l'administra-
tion du sacrement de pénitence, l'évèque
peut-il les forcer à prendre des vicaires qui
1' ur soient désagréables? Peut-il nommer
invito paroc/io? C'est encore ici une de ces
questions qui n'auraient jamais pu s'élever,
si les pasteurs du premier et du second or-
CUR
12Ô2
dre ne cherchaient, comme ils le doiveiil,
que le bien de l'Eglise. Il est certain que ce
bien ne peut s'opérer qu'autant que les mi-
nistres des autels y concourent par la bonne
harmonie, et animés par le même esprit.
Celte raison, puisée dans le bien général,
doit seule décider la question. Jamais une
paroisse ne sera bien gouvernée que quand
\e curé et le vicaire, unis par le lien de la
confiance, de l'eslime et de l'amitié, travail-
leront de concert, auront les mêmes vues et
se réconcilieront pour les moyens qu'ils doi-
vent employer. Donc on ne doit point donner
à un curé un vicaire qu'il ne regardera que
comme son ennemi, ou du moins comme
son délateur et son espion, dès qu'il sera
contre son choix ou sa volonté. — Ainsi , de
droit commun, un citr^ est le maître du choix
do ses vicaires. Le fils d'un prêtre avait été
ordonné sous-diacre. Son évêque refusa la
prêtrise, et ne voulut point lui confier l'ad-
ministration d'une cure, à laquelle un patron
laïque l'avait présenté. Alexandre 111, à qui
le sous-diacre porta ses plaintes , ordonna
que l'évèque placerait pour desservir la cure,
du consentement du sous-diacre, un prêtre
avec lequel il partagerait les revenus. La
conséquence toute naturelle de ce décret du
pape est que si, pour faire desservir une
cure, il fallait le consentement d'un titulaire
non prêtre, à plus forle raison faudra-l-il
celui du véritable curé pour lui associer un
coopérateur.
Les conciles laissent toujours aux curés la
liberté de se choisir un vicaire, soit pendant
leur absence, soit qu'ils en aient besoin pour
les seconder. C'est ce que supposi'nt évidem-
ment celui de ^ icheler, de l'an 12i0, canon
26; celui de (jOgnac, de l'an 122(), canon 10;
celui de Chichester, de l'an 1289, canon 8;
celui de Saizijourg, de 1120, canon 5: ceux
de (Pologne, de 1536, de Mayence, de IS'i'.t,
de Canilirai, de laG.'i, ne sont pas moins for-
mels. Celui de Trente lui-mêaïc, qui a dé-
pouillé les curés du droit de déléguer pour
les confessions, leur a certainement laissé
celui de choisir leurs vicaires. Il leur enjoint,
session 2.J, cbap. 1 , de mettre à leur place
des vicaires capables et approuvés par l'é-
vèque, lorsqu'ils s'absentent pour cause lé-
gitime. Dans la session 21, chap. k-, il or-
donne aux évêques de contraindre les curés
de s'associer autant de prêtres qu'il sera né-
cessaire pour l'administration des sacre-
ments et la célébration du culte divin. Si le
concile eiit pensé que les évêques avaient
le droit de placer les vicaires malgré les cu-
rés, il eût tenu un langage bien dilïérent. —
Ce sont ces autorités (;ui ont déterminé les
canonistes ultramonlains, tels que l'irring,
liv. I, til. 28, (le Officio vicarii, et t'agnan,
sur le chap. ConsultalioniOus, lit. de Clericu
(i-f/rot., à décider que les curés avaient la
liberté de choisir ieurs vicaires. On peut
joindre A'an-lispeu, |)remiùre partie, lit. 3,
chap. 2, 11. 2. Parmi nous , llouchcl , un de
nos plus anciens auteurs, a embrasse celle
opinion; et KebulTe, dans sa Pratique, au li-
tre de ^i»7;e«s. de «on residen., allcsie que
{•r.3
CUR
CUR
de son temps c'était l'usage général dn
royaume. — Nos ordonnaiicrs n'ont fait, à
ce sujet, que répéter, pour ainsi dire, les dé-
cisions des conciles. Partout elles ordonnent
aux curés absents de commellrc des vicaires
capables et approuvés par l'ordinaire. C'est
la disposition précise de l'art. 5 de cplle
d'Orléans, et de la déclaration de 13(J-2, ren-
due à la sollicitation du clergé. La chambre
ecclésiastique dos Elats du royaume assem-
blés en lt)l'i., demanda que les curés qui,
pour quelques justes causes, se trouveraient
absents et légitimement dispensés de rési-
der, fussent tenus de mdtre à leur place un
vicaire suffisant, au gré néanmoins do l'or-
dinaire et avec son expresse approbation.
Enfin l'article 90 de la Coutume de Paris
prouve que les curés ont toujours eu le choix
de leurs vicaires, et que même autrefois ils
leur donnaient des lettres de vicariat. Il n'ac-
corde aux vicaires la faculté de recevoir des
testaments que lorsqu'ils ont des lettres de
vicariat do leurs curés, ci qu'ils les ont fait
enregistrer au greffe de la juridiction de leur
domicile.
Les cours souveraines ont adopté l'opinion
favorable aux curés, et l'ont confirmée par
leurs arrêts. Chenu, dans son Recueil des rè-
ghmentf, lit. 1, chap. 12, en rapporte un du
parlement de Paris, de i5G7, où il est enjoint
au curé de Lonjumeau de mettre en son ab-
sence an vil-aire qui soit de bonne vie. doc-
trine et exemple. On en lit un dans Chopin,
(lesiicro PoUlia, de 1585, qui confirme une
sentence de l'ofUcial de Paris, par laquelle il
avait Aie ordonné au curé de Saint-Benoît de
comn-ellrc un prêtre approuvé par l'ordi-
ndire pour desservir l'Eglise deSainl-Jacques-
du-Ff.ut-Pas, alors succursale ou annexe de
sa paroisse. On en trouve encore plusieurs
aut.'-cj rendus dans le même esprit. Les par-
lements de Rennes, de Toulouse et d'Aix
suivent la même jurisprudence : cependant
il faut convenir qu'aucun de ces arrêts n'a
été rendu entre un évèquc et un curé ;Ci' n'est
que pirf une induction, très-forte à la vérité,
qu'on les regarde comme décisifs en faveur
des curés. La question s'est présentée in ter-
minis en 1731 nu ))arlemcnt de Paris. Le curé
de la paroisse de Galnis s'était rendu appe-
lant comme d'abus de la nomination d'un vi-
caire que M. l'éyêquede Chartres avait laite
malgré lui. M. Gilbert de ^"oisins, avocat gé-
néral, ne balança pas à se déclarer contre
l'évêque, et à conclure à ce que sa nomina-
tion fût déclarée abusive ; mais des considé-
rations particulières délerininèrent la cour
à appointer la cause, et elle n'a point été ju-
gée. — Les circonstances doivent avoir beau-
coup d'infiuence sur le jugement d'une pa-
reille contestation. Le droit des curés de se
choisir leurs vicaires est sans doute incontes-
table, et d'autant plus incontestable, qu'il ne
nuit en rien à la subordination duc aux
évêques. S'ils ne peuvent pas forcer les curés
à accepter, malgré eux, des vicaires, de leur
côté, les curés ne peuvent pas en choisir
Hialuré les évoques, puisqu'ils sont les maî-
tres de ne pas accorder les pouvoirs néces-
I-254
saires pour être vicaire. La nomination d'un
vicaire, faite spreto parocho, lorsque le ciiré
propose à l'évêque des sujets capables et
sulfisants, serait abusive; ce serait un vé-
ritable excès de pouvoir qui tendrait à dé-
pouiller sans raison un curé d'un droit que
lui donne son étal de curé: mais aussi, si un
curé refusait opiniâtrement de recevo'ir des
mains de l'évêque nn vicaire, si, s'obslinant
à demander pour son cnopérateur un sujet
auquel on aurait des reproches bien fondés
à opposer, et mettait ses paroissiens dans le
cas de manquer des secours spirituels qu'il
lenr doit par lui-même ou par autrui, alors
l'évêque pourrait nommer un vicaire , et
cette nomination, nécessaire dans les circon-
stances, devrait être maintenue malgré les
réclamations du curé. Il se trouverait dans
la position d'un coll.iteur ordinaire, qui,
ayant négligé de nommer à un bénéfice, oiî
y ayant nonmié un incapable, aurait, pour
celti: fois, consommé son droit, et le verrait
passer, /urp devotutionis, dans les mains de
son supérieur : ce serait une juste punition
de son humeur ou de son caprice, il ne faut
jamais perdre de vue que, si d'un côté les
supérieurs ne doivent point excéder les bor-
nes de leurs pouvoirs, d'un autre côté, les
inlerieurs ne peuvent user de leurs droits
que conlormément à la raison et aux lois.
Il est certain, qu'excepté l'évêque diocé-
sain, qui, dans toute l'étendue de son dio-
cèse, est toujours le premier pasteur, per-
sonne ne peut, sans la permission du curé,
célébrer la messe dans son église, y prêcher
ou exercer les autres fonctions du saint mi-
nistère. 11 ne faut pas conriure de là que,
par c.iprice et sans raison, il puisse empê-
cher un prêtre approuvé par l'évêque de dire
la messe. Nous pensons que si ce prêtre est
lié sur la paroisse, il ne peut, sans des mo-
tifs dont il est responsable, l'éloigner des
saints autels: ce serait prononcer contre lui
une espèce d'interdit déshonorant et dilTa-
mant: ce serait le cas de se [lourvoir contre
le i-uré par les voies de droit. Concluons
donc qu'un curé n'est pas plus un despote
dans sa paroisse qu'un évêque dans son dio-
cèse. L'un et l'autre ne doivent agir que pour
le bien des fidèles confiés à leur solliciSude;
et s'ils doivent veiller à la conservation de
leurs droits, ils ne sont pas moins obligés de
s'abstenir de tout ce qui pourrait nuire et
préjudicier à leurs inférieurs, quand ils n'ont
rien à leur reprocher. C'est sans doute dans
cet esprit qu'a été rendu, au parlement do
Paris, l'arrêt du li juillet 1700, par lequel
deux prêtres habitués à Saint-Roch, et ap-
prouves par l'archevêque pour confesser, cé-
lébrer la messe, assister au chœur et pren-
dre place dans les stalles, etinm invilo paro-
cho, furent maintenus dans l'exorcice de ces
pouvoirs malgré le curé. Goard, tome I de
son Traité des Bénéfices, page 755, assure
que cet arrêt fut rendu par défaut et en l'ab-
sence du CMr^, qui était exilé par ordre du
roi.
Un cur.é, en vertu i!e son titre, peut-il co:i-
fesser dans tout le diocèse ; et l'évêque peut ii
1235
COR
le restreindre à sa paroisse et à ses parois-
siens? Les principes sont contraires aut pré-
tentions des curés. En effet, quoiqu'ils aient
reçu, ainsi que tout préire, par !nur ordi-
nation, le pouvoir de lier et de délier, il faut
cependant coiivenii- que, selon les lois ca-
i)onii|ues, ce pouvoir, qunnt à l'exorcicp, est
suspendu; il a !)esoin, pour qu'il soil niià en
activité, hors le cas de nécessité, que l'Eglise
.issigne des sujets à celui qui en est ri'vèlu.
C'est ce qu'elle fait par le ministère de l'é-
vèrjue, lorsqu'il donne à un prêtre des jjro-
visions d'une cure, ou qu'il lui en accorde
l'institution autorisablc.
Le pouvoir de lier et de délier, suspendu
relativement à tous les fidèles, cesse de l'être
par rapport à ceux qui lui sont confus ; cer-
tainement par le visa, l'évéque n'assigne au
prêtre auquel il le do'uie que les sujets qui
se trouvent dans l'étendue de sa paroisse.
Lacombe, dans son Uecueil de jurisprudence
canonique, verbo Confesseur, a donc tort d'a-
vancer que de mémo qu'un prêtre qui ii une
approbation générale et sans limitation ,
peut confesser dans tout le diocèse, de même
le -curé, par son seul visa, peut confesser
partout. Le visa n'est qu'un titre particulier
borné et limité de sa nature; autrement il
faudrait dire qu'un curé serait non-seule-
ment curé de sa paroisse, mais encore de
celles de tout le diocèse, puisqu'en vertu de
son tilre il pourrait exercer partout une des
principales tondions curiales ; c'est encore
une errenr de prétcuilre, connue le fait le
même auteur, que l'évéque, e!i ap[)rouvant
le curé par le visa, lève l'obstacle et le met
dans ses anciens droits (^ui sont imiéfinis
dans son diocèse. Les sujets assignés au curé
par sou visa ne sont (pie ceux de la paroisse
dont il est fait curé ; c'est donc sur eux seuls
qu'il acquiert des droits. Dans les diocèses
où les curés sont dans l'usage do confesser
partout indifl'cremuieut, les évêques, par le
consenlemonl tacite qu'ils donnent à cet
Tjsage, l'approuvent, cl c'est de cette appro-
bation (jue les absolulions tirent leur force
et leur validité.
L'évéque peut donc empêcher un curé de
confesser hors de sa paroisse , et le limiter à
ses seules provisions. Saint Cliarles IJon o-
niée , dans son onzième synode, déf<'nJ aux
curés des villes d'iippeler ceux de la caui-
paiine pour les aider dans le tribunal de l,i
pénilence, A moius qu'ils n'aient un pouvoir
par écril de confesser liois de leurs parois-
ses. La cungrénation des Cardinaux a décidé
qu'un curé n'était approuvé que pour le lieu
où sa paroisse est située, et qu'il ne l'est pa i
pour tiiut le diocèse indifléremuienl. — L'ar-
ticle 12 de l'édit de 1(5!).) porte : « N'enten-
dons comprendre dans les articles précédents
les curéa, tant séculiers que réguliers, (jui
peuvent prêcher et admiiislrrr le sacrement
de pénitetice dans leurs puroisses, » Ces der-
nières cx()ressions , (/a«s leurs paroisses ,
décident la question, et selon (iibcri, d.ins sa
conférence sur cet édit, il n'y a plu:. de doute
qu'un tare ne peut .confesser hors <le sa pa-
roisse , sans l'approbation ou la permission
CUR 125C
de l'évéque. Ce canoniste détruit le fonde-
ment de l'opinion contraire , qui est qu'un
ho urne une fois reconnu capable de confes-
ser, est reconnu capable de confesser p ir-
toul, en remarqu.iiit avec raison que tel curé
dont les lumières et les talents sufiisent pour
conduire el diriger des paysans, sérail très-
déplacé à confesser dans une ville. Mais il
nous paraît se tromper et n'être pas consé-
quent avec lui-même , lorsqu'il prétend que
l'article de l'édit de 1095, qui défend ,iux
curés de confesser hors de leurs paroisses
sans le consentement de l'évéque, leur per-
met de confesser dans leurs églises les autres
paroissiens qui s'adressent à eux avec l'a-
grément seul de leur curé. Circonscrire un
territoire à un tribunal quelconque, c'es'i
évidemment borner sa juridiction aux habi-
tants (le ce t(^rritoire ; c'est ce que fait l'édit
de 1695, en disant que les curés pourront ,
sans l'approbation de l'évéque , confesser
dans leurs paroisses. Leur territoire est
limité ; et comme la fiinction ne peut s'esei-
cer que sur les personnes, il eût clé inutile
de borner leurs pouvoirs à leurs paroisses ,
si par paroisse ou eût entendu leurs parois-
siens. L'argument qu'emploie Giberl ne nous
paraît pas victorieux. Un curé peut, dit-il ,
confesser les paroissiens des autres qui le lui
permettent, de même qu'il peut marier les
paroissiens des autres qui le lui permettent.
La comparaison n'est rien moins qu'exacte ;
les car^s sont eu possession de déléguer pour
l'administration du sacrement de mariage et
non pour celui de ia pénitence ; et s'ils ne
peuvent déléguer pour la confession sur
leurs propres paroisses, comment le peuvonl-
ils sur celles des autres? D'ailleurs , la rai-
son (le ce que les lumières et les talents des
curés doivent être proportionnés à l'état de
ceux(iu'ils confessent, revient ici dans toute
sa force ; s'ils n'est pas raisonnable qu'un
curé de la campagne , par exemple , puisse ,
sans l'appiobaliou de son évêipie, a(Jmiuis-
i.rer la pénitence dans une ville , parce que
la capacité requise pour une ville doit être
différente de celle (\ii\ est requise pour un
village , cette même raison doit empêcher
que le curé i\e la campagne ne puisse, sans
approbation , coulesser les habitants de la
ville lorsqu'ils vieuiironl le chercher dans sa
paroisse, parce qu'il n'y a aucune différence
entre les confesser à la ville ou les confesser
à la campagne, l'ulin , un curé confessera
les habilauts d'une autie paroisse eu vertu
de son tilre ou eu vertu du conscntomenl de
leur propre curé. Ce n'est p;is en \crlu de
son tilre, puisqu'il ne lui donne d" pouvoirs
que sur ses pjiroissiens; ce n'est p.is en vertu
(lu coiiseniement de leur propre curé, puis-
qu'il ne peut deliguer à cet effet. Donc un
cure ne peut sans l'approbutiou , soil tacite,
soit e:. presse, de l'évéque, confesser les
lialiitauts d'une autre paroisse.
Nous ne dissimulerous pas que beaucoup
d'auteurs sont contraires à l'opinion que
nous veu')ns d'embrasser (J). Elle nous a
(i) L''. pi nier sculimeiil u'csl pas uuc epinioii,
mais uue vcoté.
n'zi
CUR
CUR
1238
paru plus conforme aux principes , et nous
avons peso li^s raisons plutôt que les aulori-
lés. Nous avons cru aporcevoir qu'elle s'op-
procliail le plus de l'esprit de noire jiiris-
pruilriice ; el réténrnienl de la confesljition
iliii s'est élevée imi 1737 entre M. rie Saléon ,
ovèque de Itliodcs . et le sii'ur de Brillan ,
curé <le la calhV'drale de relie ville, nous a
confirmé d.ins noire sentiment. M. l'évéïjiie
de Kliodcs hii avait d.'l'endii , i ar nue ordon-
nance , d'e ilendre en confession d'autres
personnes que ses p.iroissiens , à peine de
nullité. Le curé interjeta appil comme d'abus
de celte ordonnance; il obtint inèine dii par-
lement de 'i'oulouse permission d'intimer
révéque et de le prendre à partie , qiini(|ue
l'article 43 de l'édil dé ll!!)3 le défende ex-
pressément poiir tout ce qui dépend de la
juridiction volontaire. Le prélat se pourvut
au conseil du loi , el y obtint , le l'i- mars
1740. un arrêt (]ui conlirma son ordonnanci',
et déclara l'appel du curé abusif, (^l't arrêt
se trouve dans le rapport que firent les
agents généraux du clergé à l'assemblée de
«Jette année il est vrai (ju'il no fut pas con-
tradicloiie avec le Mcur «h- Rrillan , décédé
pendant le cours de l'instance : tnais seule-
ment par déf lut contre un autre ciué, son
voisin , qui se trouvait dans le même cas.
Quoiqu'il n'ait pas les caractCres nécessaires
pour faire regarder la chose comme jugée ,
c'est cependant un préjugé favorable à l'opi-
nion (|ue nous venons de défendre , parce
que le roi promit alors aux évècjues les
mêmes mari|ues de sa protection , lorsque
la conduite de leurs curés les mettrait dans
la nécessité de la réclamer. Au reste, dans
les diocèses où l'usage est que les ctirés con-
fessent indiff: remmi'ul leur-; paroissiens et
ceux de leurs confrères /ivec leur consente-
ment, les absolutions sont bonnes et vali'Ies,
parce que l'usa ^e autorisé par le silence des
évoques vaut U'c approbation spéciale; el
s'ils peuvent déroger A cel usage, c'est un
droit qu'ils n'exi'rcent pas souvent et dont
ils ne doivent user (ju'.ivec beaucoup de mo-
dération et pour des raisons Irès-graves.
L'auteur du Dictionnaire de droit canon
rapporte , au mol Mission, plusieurs arrêts
du conseil d'Etal qui maiiiiiennent les évo-
ques dans le droit de faire faire djs missions
dans les paroisses de leurs diocèses , malgré
les curés. Nous observeions qu'une mission
à laquelle un curé ne coopérerait pas et
mémo s'opposer.-'it , pourrait difficilement
produire les fruits que; l'Kglisr! désire. Un
évéque doit donc rarement employer des
missionnaires contre le gré des pasteurs oi-
dinaircs ; c'est encore un de ces droits qu'il
est souvent prudent et sage de ne pas exer-
cer. Si la question se présentait devant les
parlenienis , il pourrait arriver qu'ils se
détermineraient par les circonstances. Le
silence do l'édil de l(J!)o sur celte matière
semblerait "les y autoriser. C'est ce nue Giberl
insinue dans sa conférence sur l'art. 10 de
cet edil. — !)oil-on csceplerdc la règle rréac-
rale à laquelle tous les fidèles sont soemis ,
relaiivemeul aux curés, les monastères d'houi-
mes et de femmes ? Les religieux sont dans
l'usago de s'adminislrer les sacrements entre
eux >ians l'approbation des évêques et sans
recourir aux cun's. Cet usage serait difficile
àcmnhîltrc; il paraît que l'Kglise adonné
aux supérieurs de chaque maison un pou-
voir général pour confesser et administrer
leurs religieox : mais il n'en est pas de nn-me
de leurs domesliques et des antres séruliers
qui pourraient habiter parmi eux ; rien ne
les dispense des devoirs paroihiaus , et il est
sûr (|ue le curé a seul le dri;il de les confes-
ser, de b'ur administrer le viatique el d'en
faire l'inbumation (I). Ou trouve dans La-
combe un arrél du parlement de Brelagnode
11)72, qui l'a ainsi décidé en laveur du rur^
de Saint-Paterne à Vannes, contre les Jacobins
de cette ville.
La dilfic'illé est plus grande pour les mo-
nastères de filles. En général, tout ce qui est
extérieur à la clôture , tout ce qui n'habite
pas l'intérieur de la maison ne peut être
soustrait à la juridielion du pasteur ordi-
naire. Quant à l'iiitoricur des monastères,
on dislingue ceux qui sont esempls de ceux
qui ne le sont pas. Les maisons exemptes
reçoivent les sacrements des mains de leurs
chapelains t]ui l'ont aussi les inluimalions.
Elles ont même le droit d'enterrer chez elles
les pensionnaires qui y décèdent: mais cela
n'a pas lieu pour celles qui sont soumises à
l'orilinaire. Le curé peut y exercer les droits
curiaux el y faire les inhumations ; les pen-
sionnaires doivent être enterrées à la pa-
roisse. Dire que les curés violeraient la clô-
ture en venant administrer les malades, c'est
faire une bien faible objection, puisque les
'hapelains la violeraient tout de mémo. D'aiî-
leiirs, est-ce enfreindre la clôture (|ue d'eil-
Ircr dans un monastère lorsqu'on y est appelé
par une nécessité aussi urgente que l'adiui-
nistralion des sacrements ? Il serait sage à
un cnré de déléguer pour ces fonctions le
chapelain de la communauté. Ce serait lout
à la fois veiller à la conservation de ses
droits el à la Iranquillilcdu monastère. Nous
observerons que pour administrer le sacre-
menl de péuileuce à des religieuses, il faut
même à un ruré des pouvoirs particuliers do
l'évèque, tant il est vrai qu'un simple visa
n'est pas un lilre général qui lève, par rap-
port à loute sorte de sujets , l'empêchement
que l'Eglise a mis à l'exercice des pouvoirs
qu'un prêtre reçoit par son ordination.
11 y a quelques niaisons religieuses qtii
ont droit d'exercer les fonctions curiales et
d'administrer les sacrements à leurs fer-
miers , domestiques et à tous ceux qui habi-
lent les enceintes el les basses-cours de leurs
monastères. C'est un privilège accordé à l'or-
dre de Cîteaux, dans lequel il a éié maintenu
par plusieurs arrêts ; privilège, au reste, qui
confirme les principes que nous venons d'éta-
blir.
On a tellement considéré en France les
curés comme des ministres aussi attachés à
l'Etal qu'à la rel:j,Mou , qu'ils avaient uulre-
(l) Foi/. notre Dictionnaire de Théologie morale-
1239
CUR
CUR
fois le pouvoir de recevoir des teslamenls ,
concurrenimentavec les notaires et les autres
officiers publics. L'article 2S0 de la Coutume
de Paris les y autorise : « Pour réputer un
testament solennel, est requis qu'il soit écrit
et signé de la main du testateur, ou qu'il
soit passé devant deux notaires , ou par-de-
vant le curé de la paroisse du testateur, ou
son vicaire général et un notaire , ou dudit
curé ou vicaire, et de trois témoins. » L'ar-
ticle 291 ajoute : « Seront aussi tenus lesdiis
curés et vicaires généraux, de porter et faire
mettre de trois mois en trois mois es greffes,
comme dessus, les registres de baptêmes,
mariages, les testaments et sépultures, sous
peine de dommages et intérêts, et pour ce
ne doivent rien payer au greffe. » — L'or-
donnance des teslamenls du 31 août 1735
s'exprime ainsi , art. 25 : « Les curi's sécu-
liers ou réguliers pourront recevoir des tes-
taments ou autres dispositions à cause de
mort dans l'étendue de leurs paroisses, et ce
seulement dans les lieux où les coutumes et
statuts les y autorisent expressément , et en
y appelant avec eux deux témoins ; ce qui
sera pareillement permis aux prêtres sécu-
liers, préposés par l'évéque à la desserte des
cures pendant qu'ils les desserviront, sans
que les vicaires et autres personnes ecclé-
siastiques puissent recevoir des testaments et
aulres dernières dispositions. N'enlendons
rien innover aux règlements et usages ob-
servés dans quelques hôpitaux par rapport
à ceux qui peuvent recevoir des tesiaments. »
— L'article 26 continue : « Le curé ou des-
servant seront tenus, immédiatement après
la mort du testateur, s'ils ne l'ont fait aupa-
ravant , de déposer le testament ou autre
dernière disposition qu'ils auront reçus chez
le notaire ou tabellion du lieu, et s'il n'y en
a point, chez le plus prochain notaire royal
dans l'étendue du bailliage ou sénéchaussée
dans laquelle la paroisse est située, sans que
lesdits curés ou desservants puissent en déli-
vrer aucune expédition , à peine de nullité
desdites expéditions etdes donmiages-intérêts
des notaires ou tabellions , et des parties qui
pourraient en dépendre. «
Ces deux arlicles ont dérogé à l'ancien
droit en trois choses : 1° Ils ont ôté aux vi-
caires le droit de recevoir des testaments ;
2° ce droit pour les curés eux-mêmes est res-
treint et limité aux lieux où les coutumes et
les statuts les y autorisent expressément ;
3° ils .sont obligés de déposer les testaments
qu'ils ont reçus chez le tabellion du lieu ou
chez le plus prochain notaire royal , et ils ne
peuvent en délivrer aucune expédiliDii. L'ar-
ticle 33 de la même ordonnance excepte le
temps des postes , pendant lequel tout curé,
vicaire, desservant, soit régulier, soit sécu-
lier, peut recevoir des testaments. Les ctirés
sont tenus , ainsi que les aulres officiers pu-
blics, d'observer toutes (ormalités prescrites
par l'ordonnance et les statuts locaux.
Coin-ne premiers p.isleurs et chefs de leurs
diocèses , les évêques ont un droii d'inspec-
tion et de surveillance qui entraîne néces-
taireuunt après lui le pouvoir de punir cl de
m9
corriger, ponvoir sans lequel ils ne pour-
raient maintenir le bon ordre et la discipline
qu'ils sont chargés de conserver. Un des
moyens les plus efficaces pour y réussir est
sans doute la tenue des synodes : c'est dans
ces assemblées où l'on peut remédier aux
abus généraux qui s'introduisent dans uu
diocèse. C'est là que les curés les moins
zélés et les moins fervents viennent puiser,
dans les exemples et les discours de leurs
supérieurs et de leurs confrères , l'esprit et
les vertus ecclésiastiques. Aussi voit-on que,
dans tous les siècles, les conciles ont sévi
contre les curés qui cherchaient à se sous-
traire à ce juug salutaire. Le concile de Metz
de l'an 756 condamne ceux qui sans raison
refusent de s'y rendre, à 60 livres d'aumônes,
et celui de Saintes, de l'an 1280, prononce
contre eux la peine d'interdil. Le concile de
Trente en a aussi une disposition formelle.
Cette loi de discipline a été adoptée dans nos
tribunaux. Ils ont donné plusieurs arrêts
pour contraindre les curés à se rendre aux
synodes. Les curés réguliers qui se préten-
dent exempts de la juridiction ordinaire,
sont soumis à cette loi générale. On voit
dans Bardct un arrêt du 23 février 1637, qui
confirma une condamnation à 8 livres d'au-
mônes portée par l'évéque de Beauvais con-
tre un curé de l'ordre de Malte. M. Bignon ,
qui porta la parole dans cette cause, avança
que l'obligation d'assister au synode ne pou-
vait être anéantie ni par l'exemption, ni par
la prescription. Un arrêt du grand conseil ,
rapporté par l'auteur des il/emotres du clergé,
tom. III, pag. 723, enjoint au curé de la
paroisse de Mont-Saint-Michel, diocèse d'A-
vranches, d'assister au synode diocésain tou-
tes les fois que les évêques le convoqueront,
et ce nonobstant sa prétendue exemption de
la juridiction épiscopale.
Parmi les peines dont un évêque peut punir
un curé, il en est qu'il prononce lui-même
sans aucune espèce de formes juridiques. Il
en est d'autres qu'il ne peut infliger qu'après
une information en règle et une procédure
légale. L'évéque ne peut pas lui-même pro-
noncer ces dernières. Elles sont uniquement
réservées à son officiai (1) ; nous n'en parle-
rons point ici. Parmi les premières , la plus
commune est l'envoi au séminaire pour
quelque temps. Nos rois ont cru digne de
leur attention de donner des bornes à ce
pouvoirdes évêques, et d'empêcher que, sous
le spécieux prétexte de conserver la disci-
pline, les curés ne lussent exposés à des
vexations et à des actes de depotismc. Une
déclaration du 15 décembre 1698, enregistrée
dans toutes les cours, porte que « les ordon-
nances par lesquelles les évêques auront
estimé nécessaire d'enjoindre à des cures ou
aulres ecclésiastiques ayant charge d'âmes,
dans les cours de leurs visites, et sur procès-
verbaux qu'ils auront dressés , do se retirer
( I) Les oflicialiiés ne sont pas rétablies en France.
Obscivoiis que dans tout éiai de cause l'évêinic a
reçu le piiiivoir de prononcer ex informala conscieiitin.
\oy. le Dtci. de Théol, mor., an. Censube.
laa
CCR
CUR
dans des sî'ininaircs pour le temps de trois
mois et pour causes graves , mais qui ne
mériteront pas une instruction dans les for-
mes de la piocédure criminelle , seront exé-
cutées nonobstant toute appellation. » —
D'après celle déclaration, il est ccrt.iin ,
1° (ju'un évéque, sans employer la procédure
criminelle, ne peut coinlamner un curcf au
séminaire que pour trois mois; 2' qu'il ne le
peut que dans le cours de sa visite ; 3° qu'il
doit dresser un procès-verbal qui est le fon-
dement de son ordonnance; fi° qu'il faut que
la cause soit grave ; 5" enfin que l'ordon-
nance étant exécutoire nonobstant appel , y
est cependant sujette. Il faut encore conclure
de celle déclaration que si l'évèque ordon-
nait trois mois de séminaire hors du cours
de sa visite ou sans avoir dressé de procès-
verbal , son ordonnance pourrait être atta-
quée par la voie de l'appel comme d'abus :
il y a apparence que dans ce cas un curé
(tbtiendrait facileuient un arrêt de défense. II
y a donc deux muyens d'appel comme d'abus
d'une ordonnance d'un évéque qui enjoin-
drait à un cure d'ailer au séminaire pendant
un certain temps : le premier, tiré du défaut
des formalités prescrites par la déclaration
de 1608 ; le second , pris dans le fond même
de l'ordonnance. Le premier moyen peut être
suspensif, c'est-à-dire, que les cours peuvent
accorder un arrêt de défenses. Mais si l'abus
n'est fondé que sur l'injustice même de l'or-
donnance, il n'est que dévolutif, et l'ordon-
nance doit être exécntce nonobstant l'appel.
Pour mettre le curé dans le cas de se juslitier
s'il est innocent , ou de se corriger s'il est
coupable, on doit lui donner copie du procès-
verbal dressé contre lui. S'il parvenait à
démontrer que l'évèque n'a sévi contre lui
que par passion , il serait dans le cas do
demander des dommages et intérêts. On en a
vu plusieurs en obtenir et dislribuer, aux
pauvres de leurs paroisses les sommes qui
leur avaient été adjugées.
Un arrêt du parlement d'Aix, du 28 mars
17'i.0, nous apprend qu'un curé peut être
renvoyé au séminaire pour un terme moins
long que Irois mois, quoique l'évèque ne
soit pas dans le cours de sa \isite. Alors on
ne considère |)oint le séminaire comme une
l)eine, mais simplement comme une correc-
lioii paternelle et un remède salutaire pour
rappeler à un ecclésiastique le souvenir de
ses devoirs. On conteste aux grands vicaires
le droit de condamner, dans le cours de leurs
visites, un curé au séminaire. Les auteurs
qui leur sont favorables, conviennent qu'il
faut que ce pouvoir soit exprimé dans leurs
lettres de vicariat. Le clergé, pour prévenir
toute contestation sur ce point, crui devoir,
en !72G, demander à ce sujiet une déclaration
qui n'a pas encore paru-
Nous connaissons en France plusieurs es-
pèces de curés; il y a des curés primitifs et
des cures-vicaires perpétuels dont les charges
et les droits sont tolalemeiit différents. Il y a
en outre des curés séculiers et des curés ré-
guliers. Les obligations des uns et des autres,
par rapport aux licièles, sont absolument les
1312
mêmes. Mais les devoirs qo'imposeut la vie
monastique et l'obéissance due à la règle
dans laquelle ils se sont engagés, ont fait
soumettre les curés réguliers à des lois qui
leur sont particulières et qui ne regardent
en rien les séculiers. Nous en rendrons compte
lorsque nous aurons parlé des curés primitifs
et des cxrc's-vicaires perpétuels(t).
Ues curés primitifs et des curés-vicaires per-
pétuels. Il n'y avait autrefois dans l'Eglise
qu'une espèce de curé; ce n'est que vers le
vil* siècle que l'on commença à distinguer
les curés primitifs et les eurés subalternes.
Il parait qu'il faut attribuer à dillérentcs
causes l'origine de cette distinction. La pre-
mière et sans doute la plus favoralile, est la
distinction que les évoques Grentde plusieurs
curés de la campagne qu'ils appelèrent auprès
d'eux, pour les seconder dans l'administra-
tion du diocèse, et composer une partie da
clergé de la cathédrale. Ces prêtres conser-
vèrent les revenus de leurs cures, en se char-
geant de les faire desservir par d'autres
prêtres, qui étaient, pour ainsi dire, à leurs
gages, et sur lesquels ils s'attribuèrent une
supériorité. Noilà pourquoi tant de chapitres
sont encore curés primitifs. — Vers le ix'
siècle, lignorance et la barbarie féodale
ayant régné jusque sur le clergé séculier, qui
aurait pu difficilement se préserver de la cor-
ruption au milieu d'un peuple corrompu,
on lut obligé de recourir aux moines. Les
mœurs et les sciences réfugiées dans les
cloîtres furent alors d'un grand secours à
l'Eglise : mais bientôt le clergé séculier sortit
de son état d'avilissement, et l'on s'aperçut
que les fonctions du ministère étaient incom-
patibles avec la vie monastique. Alors l'E-
glise, qui ne s'était servie de moines, que
comme on se sert de troupes auxiliaires que
de fâcheuses circonstances forcent d'em-
ployer, les rendit à leur premier état et les
ût rentrer dans leurs cloîtres. A cette époque,
ils étaient maîlres de presque toutes les
cures. Les évoques leur en avaient confié une
partie, et les seigneurs laïques, qui, pendant
deux siècles , s'étaient emparés des biens
ecclésiastiques, et surtout des paroisses, cru-
rent satisfaire à leur conscience, et faire une
restitution suffisante, en les remettant à des
monastères à (jui ils n'avaient jamais appar-
tenu. Les moines, en se retirant dans leurs
cloîtres, n'abandonnèrent pas les revenus
des églises paroissiales ; on toléra même
qu'ils en jouissent, à la charge toutefois de
faire desservir les cures par des prêtres sé-
culiers qui élaient amovibles. 11 y eut
beaucoup d'évêques qui, pour permettre ce
partage inouï, par lequel les charges cl les
travaux se trouvaient d'un côté, les richesses
et l'oisiveté de l'autre, se faisaient payer, à
chaque mutation de desservant, ce droit si
connu sous le nom de rachat des autels {alla-
riuin redemplio). Telle est l'origine do la
supériorité que beaucoup de mon;iSlères pré-
tendent sur plusieurs cures. — Il faut cepeu-
(I) Nous ne connaissons plus aujoiird'hai ces dif-
férentes espèces Je curés.
1245
CUR
CUR
12U
dant convenir qu'il y en a quelquos-uns qui
ont servi à la fondation et à la dotation de
certains monastères, et que quelques aulrcs
ne sont que les chapelios que les moines
avaient élevées dans leurs granges et dans
leurs fermes, et qui dans la suife sont deve-
nues des paroissrs. Ces dernières sont en
petit nombre. C'est pourquoi nos lois, en
distinguant les chapitres et les monastères
des curés primitifs, ont traité bien plus favo-
rablenienl les chapitres que les monastères,
au moins quant aux droits lionoriliques.
C'était sans doute un grand désordre que
de voir les peuples confiés aux. soins de pas-
teurs amovibles, et à qui les curés primitifs
refusaient presque le nécessaire. L'iiglise
tonna contre cet abus intolérable; mais ses
règlements el ses menaces furent inutiles, el
la cupidité trouva pendant longtemps les
moyens de les éluder. Nos princes, [irolec-
l«urs de la religion, lui ont prêté, à celle
occasion, un bras secourable, et leurs lois
ont enfin mis les canonsen vigueur. L'article
12 de l'ordonnance de 16:i9 est conçu en ces
termes : « Les cures qui sont unies aux
abbayes , prieurés , églises cathédrales ou
collégiales , seront dorénavant tenues à part
et à titre de vicaire perpétuel, sans qu'à
l'avenir Icsdiles églises puissent prendre sur
icelles C((res autres droits qu'honoraires, tout
le revenu demeurant au titulaire, si mieux
lesdites églises ou autres bénéfices dont dé-
pendent lesdiles cwrcj, n'aiment fournir aux-
dits vicaires la somme de 300 livres par an,
dont sera fait instance au|)rès de notre saint-
père le pape. » 11 paraît que cet article ne fut
point exécuté, ou du moins souffrit beaucoup
de difficulté. On en peut juger |iar le grand
nombre de déclarations que Louis XIV et
Louis XV ont données à ce sujet. — Le
préambule du 29 janvier 1080 nous apprend
que, dans quelques provinces du royaume,
plusieurs curés priniilifs cl autres, à qui la
collation des ciofs el des vicaires perpétuels
appartenait, coiiimellaieiit des prêtres pour
les desservir, ; èiulant le temps qu'ils ju-
geaient à propos de le; y employer, avec
une rétribution très-médiocre. Le roi, pour
remédier à un àlius tant de fois condamne
parles canons, ordonne que « les cures qui
sont unies à des chapitres ou autres commu-
nautés ecclésiastiques, et celles où il y a des
curés primitifs , soient desservies par des
curés ou des vicaires perpétuels qui seront
pourvus en tiire, sans q(i'on y puisse mettre
à l'avenir des prêtres amovibles, sous quelque
prélexle que ce puisse être ».
Il n'esi guère [tossible à un législateur do
tout prévoir, et il est peu de lois nouvelles
qui ne donnent lieu à de nouvelles conlesta-
lions. Il s'rn éleva beaucoup entre les citrc's
primitifs et les vieaires perpétuels : il f lUt
convenir que justju'alors leurs droits res-
peclils n'avaieiil pas encore été réglés. !'n
payant la portion congrue aux vicaires per-
j)éluils, les cttrés priniilifs les troublaient
dans la perceplion des oblations , oITrandrs
et autres droits CasUcIs. La déclaralion
Uu au Juin lO'JO eut pôdr but de terminer
tontes ces contestations scandaleuses. « Vou-
lons, y est-il dit, que les vicaires et curés
perpétuels jouissent à l'avenir de toutes les
oblations et olïraudos, tant en cire qu'en
argent, et autres rétributions qui composent
le casoel de l'Eglise , ensemble des fonds
chargés d'obits et fondations pour le service
divin, sans aucune diminution de leur por-
tion congrue, et ce, nonobstant toute trans-
action, abonnement, possession, sentences
et arrêts, auxquels nous défendons à nos
cours et jugés d'avoir aucun égard. Pourront
néanmoins lesilils curés primitifs, s'ils ont
titre ou possession valable, continuer de faire
le service divin aux quatre fêles solennelles;
et le jour du patron, auquel jour ils pourront
percevoir la moitié des oblations et offrandes;
tant en cire qu'en argent, et l'aulre moitié
demeurera au citre'-vicaire perpétuel, et sera
au surplus notre déclaralion du mois de
janvier 10813 exécutée , selon sa forme el
teneur, en ce qui n'y est pas dérogé par ces
présentes. » L'éiiit de 16i)o, art. 2k, ordonne
aux évêques d'établir, suivant les déclara-
tions de 1080 et 1090, des vicaires perpétuels
où il n'y a que des prélres amovibles.
Walgr,' ces lois réilérées, il s'élevait jour-
nellement une infinité de procès entre les
curés primitifs et les ci(rt;'A--vicalres perpé-
tuel';. Deux déclarations du o octobre 1720 et
du 15 janvier iTiil ont enfin posé dos limites
qu'il n'est plus permis de franchir. Tout y
est prévu, tout y est déterminé. Les préten-
tions exeessives des abbés, prieurs et com-
munautés y sont réprimées, les droits des
chapitres conservés et l'état des care's-vicai-
res perpétuels fixé d'une manière convenable
à l'importance et à la dignité de leurs fonc-
tions. La déclaration de 1720 ne contient
que 7 articles : celle de 1731 est beaucoup
plus étendue. Comme c'est elle qui forme la
jurisprudence actuelle, n'jus allons en rendre
compte, en la conférant avec celle de 1720.
Par ce moyen on connaîtra toutes les lois
qui tégissentia matière que nous traitons.
— L'article t' assure aux vicaires perpétuels
le titre de curés-vicaires perpétuels, qu'ils
pourront prendre en toute occasion, même
en contractant avec le curé primitif ; c'est
ce que signifient évidemment ces expressions
en tous acles cl en toutes occasions. L'arti-
cle 1 1 de la déclaralion de 17"20 porte une dis-
position semblable. — Plusieurs communau-
tés et des bénéficiers particuliers prenabnt
sans londemeni le titre de CMre* primitifs;
l'article 11 de notre déclaralion déîcrmine
ceux qui pourront le prendre à l'avenir.
« Ne pourront prendre le litre de curés pri-
mitifs, (lue ceux dont les dr(>its seront éta-
blis, soit par des titres canoniques, acles ou
transactions valablement autorisés, arrêts
contradictoires, soit sur des actes de posses-
sion centenaire. N'entendons exclure les
moyens et les voies de droit qui pourraient
avoir lieu contre lesdils acles et arrêts, les-
quels srronl cependant exécutés iustju'à ce
qu'il en ait été autrement ordonné, soit dé-
liiiitivement, ou par provision, par les juges
qui eu (ioiveul couuaitre. suivant ce qu'il
ms
CUR
sera dit ci-nprès. » L'article h delà déclara-
tion de 1726 s'expliquait en ces termes :
u Le litre et les droits de curc's priiiiilit'i ne
pouvant étreâcqiiis légitituemenl qu'en vertu
d'un titre spécial, ceux qui prétendent y
élre fondés seront tenus, en tout état de
cause, d'en représenter le litre, faute de
quoi ils ne pourront élre reçus à le prendre
au préjudice des vicaires perpétuels, à qui
la provision demeurera pendant le cours de
la contestation ; et ne seront réputés vala-
bles, à cet elTet, autres titres que les bulles
dn pape, décrets des archevêques ou évèques,
ou actes d'une possession avant 100 ans, et
non interrompue; et sans avoir é;;ard aux
transactions, ou autres actes, ou aux sen-
tences et arrêts qui pourraient avoir éié
rendus, en faveur des curés irimilii's, si ce
n'est que, par leur aullicniicilé et l'exéculiou
qui s'en. serait suivie, ils eussent ai;quis le
degré d'aulorilé nécessaire pour les metlrc
hors d'atteinte. « — La différence entre ces
deux articles consiste eu ce que, selon celui
de 1726, pendant le cours de la conleslation,
la provision doit demeurer anxcu/c's-vicaires
perpétuels , et que ])ar celui de 1731, les
titres des inrés primitifs doivent élre exécutés
provisoirement, quoique les city tv-vicaires
perpétuels se pourvoient contre ces litres
par les moyens de droit. — Une autre; diiVé-
rence, c'est que toutes transaclions ou anèls
non exécutés ne peuvent faire titre anxcuics
primitils, suivant la déciaration de 1726, au
lieu que, selon celle de 1731, tout arrêt con-
tradictoire ou transaction valablement auto-
risée fait lilre, ii'.dépenilainnient de l'exécu-
tion. La déclaration de 17-2 i était en ce point
plus favorable aux cuics-vicaires [lerpétuels.
Elle nous parait aussi se ra|>;iroclier davan-
tage des principes, en rendant plus dilliciles
les preuves sur lesquelles on doit établir la
qualité de aué primilif. Uevrait-ou, en celle
matière, permeilre de suppléer le lilre cons-
titutif par des actes possessoires ou auiies
actes équivalents ? Les cinô- primitifs sont
aussi contraires à la discipline de l'tglise et
au droit commun que les exempiions. On
n'admet point puur celles-ci de tilres «ini
puissent suppléer le titre constitutif. La pu.i-
session même, quelque lonijue ((u'elle soit,
est inutile sans ce titre ; pourquoi n'en esl-il
pas de niémc pour les cures primitifs? Leur
possession avec un titre est noii-jeulement
une dérogation au droit commun cl à la saini;
discipline de Tligiise, mais emore une viola-
tion de la loi évangélique, qui ne veut pas
que celui qui ne sert point à l'autel vive de
l'autel, et de la loi naturelle qui défend de
se nourrir et de s'engraisser des sueurs et des
travaux de ses frères : d.''S lors, celle posses-
sion sans titre n'est-elle pas le [)lus intoléra-
ble des abus ? On dira peul-ôtre que ce serait
anéantir tous les cures primitifs, que de les
obliger à rc()résenter leurs tilres constitutifs.
Peut-un regarder comme un inconvénient,
une loi qui tendrait à rétablir l'ancienne
disciplir.e et à guérir en partie une plait- dont
l'iîglise gémit encore? D'ailleurs, cela ue le-
rait qae les rendre moins commuas saus les
CUR Vlit
détruire entièrement. Il en sérail comme des
exempts, qui se sont conservés malgré la ri-
gueur des lois portées coniie eux.
L'article 3 détermine à qui appartiendra le
titre et les fonctions de cures primitifs, rela*
tivemenl aux communautés religieuses. Les
moines les disputaient à leurs al)l)és, prieurs
réguliers on commendataires, et à leurs su-
périeurs claustraux. Ils prélendaient être en
droit de venir, quand bon leur semblait, of(i-
cier dans les églises, dont leur communauté
éiail cure piimitif, et cela malgré le cioc'-vi-
caire ptip 'tucl. Noire article remédie au'i.
inconvénients qui pouvaient nailie de pa-
reilles préientions. U porte : « Les abbés ,
prieurs et autres pourvus, soit eu titre, soit
en commende, du bénéfice au({uel la qualité
de CKCtf /jrim(/(7seraa!tacbée, pourront ^euls,
cl à l'exclusion des coiumunyulés établies
dans leurs abbayes, prieurés ou autres béné-
tices, prendre ledit tiire de cure primitif, et
en exercer les (onctions, lesquelles ils ne
pourront remplir qu'en jersonne, sans qu'en
leur absence, ou peiulant la vacance, le^dites
communautés puissent faire lesdiles fonc-
lions, qui ne pourront é.re exercées dans
lesdils casque parles C2*rc's- vicaires perpé-
tuels ; et à l'ei^ard des communautés, qui
n'ayant point d'abbés, ni de prieurs en litre
ou en commende, auront les droits de curés
priiiiitits, soit par union de bénélices, ou au-
iremeiil, les sujiérieurs dcsdiles communau-
tés pourront seuls en faire les fonctions, le
tout nonobstant tous actes, jiigcmeuis et (los-
sessions à ce contraires, et pareillement s^ans
qu'aucune prescription puisse être alléguée
cunlre les abbés, prieurs, ou autres bénéfi-
ciers, ou contre les supérieurs des commu-
nautés qui auront négligé ou (jui négligeront
de faire lesdites fouclious de cures primitifs,
par quelque laps de temps que ce soit. » Ces
dispositions sont enlièremeul conformes à
l'article o de la déclaralion de 1726. — L'ar-
ticle 4 règle quelles seront les fondions que
pourront exercer les cnri/s primilil's. « Les
c.;/ci primitifs, s'ils ont titre ou possession
valable, pourront continuer de l'aire le ser-
vice divin les quatre têtes solennelles et le
jour du patron, à l'eflet de quoi, ili seront
tenus de faire avertir les curés, vicaires [ler-
pétucis, la surveille de la fêle, et de se con-
former au rite cl au tbanl du diocèse, sans
qu'ils puissent môme auxdits jours adminis-
trer les sacremeuls ou préclier sans auiuuo
mission spéciale de l'évcque; et sera le con-
tenu au présent article exécuté, nonobstant
tous titres, jugements, ou usages à ce con-
traires, w Cet article est encore absolument
conforme à la déclaralion de 1726. Il faut
en conclure que pour exercer le; fonctions
qui sont désignées, le cur^ primitif iloit avoir
ou litre ou possession. L'un sans l'autre est
sulfisant, parce que l'inteniiou du législateur ^
cA que la possession supplée le titre, et qu'il
a ordonne par l'article précédent que la
prescription ne pourrait anéantir le litre.
Ou doit encore en conclure (jue le litre de
cuni prim'lifei les ciiarge^ qui y sont atta-
cbées uc uonneui pas le droit d'exercer les
1247
CUR
cuu
1243
fonctions qne cet article accorde en général
aux curés primilifs. H faut en effet, outre le
titre de curé primitif, en avoir un particulier
fini emporte le droit de célébrer le service
divin ou du moins prouver la possession.
C'est ce que suppose évidemment notre dé-
claration, puisque d.'ins l'article 2 elle parle
du titre nécess.iirc pour prendre la qualité
de curé primitir ; et que dans celui que nous
examinons, elle ne s'occupe que du titre et
de la possession requise pour pouvoir offi-
cier les quatre fêles solennelles et le jour du
patron. Cctie distinction est fondée sur ce que
la qualité générale de curé pr('»ii7î7 n'em-
porte pas essentirllemenl les droits honori-
fiques, parce que rien n'empêche qu'ils ne
soient sépiirés des droits utiles. Celle doctrine
est appuyée sur deux arrêts remarquables:
l'un du grand conseil, rendu le 20 septem-
bre 1676, a maintenu l'abbé Despréaux dans
le titre de curé prmilif de la paroisse de
Canibon, diocèse de Paris, et cependant lui
fait défense d"y officier nucun jour lie l'an-
née; l'autre, du 26 mars 1691, est du parle-
ment de Paris • il déboute les religieux de
Montdidier , diocèse d'Amiens, de leurs pré-
tentions, quant à la célébration du service
divin dans une paroisse dont ils étaient re-
connus pour cuj'^.f primilifs. Ce dernier arrêt
est d'autant plus important, qu'il est posté-
rieur à la déclaration de 1(-90, qui maintient
en général les curés primilifs dans le droit
d'officier certains jours de l'année.
L'article 5 fixe les droits utiles des curés
primitifs, lorsiju'ils officieront: « Les droits
utiles desdits curés primitifs demeureront
fixés, suivant la déclaration du 30 juin 1690,
à la moitié des oblations et offrandes, tant
en cire qu'en ari^cnl, l'autre moitié demeu-
rant au CAiré , vicaire perpétuel , lesquels
droits ils ne pourront percevoir que lors-
qu'ils feront le service divin en jierscnne,
aux jours ci-dessus marqués , le tout à
moins que lesdils droits n'aient été autretnent
réglés en faveur des curés primitifs ou des
vicaires perpétuels, par dos titres canoni-
ques, actes ou transactions , valablement
autorisés, arrêts contradictoires ou actes de
possession renlcnairc. » t]et article diTOt^e à
la clause portée dans l'article 3 do la décla-
ration de 172G. Le législateur y ordonnait que
la moitié dos oITrandcs présentées les jours
«lue les ctirés primitifs officieraient, appar-
tiendrait aux curés , vicaires perpétuels ,
« nonobstant tous usages , abonnements ,
transactions, jugements et autres titres à ce
contraires ». Il serait à désirer (juc cet obs-
tacle n'eût pas été réfiirmé, non-seulement
parce qu'il est favorable aux curés, vicaires
perpétuels, mais encore parce qu'il obviait
à beaucoup de procès (|ue font naîlie les
prétendus titres ou actes possossoires allé-
gués par les rurés primitif'^, et (ju'on leur
conteste ordinairement. — Los articles (i et
7 conservent les usages particuliers et locaux
des paroisses qui ont coutume de s'assembler
certains jours de l'année dans les églises des
monastères ou prieurés, soit pour la célibra-
lion de l'office divin , soit pour des Te Deum
ou processions générales, etc. Ces deux arti-
cles ne se trouvent point dans la déclaration
de 1726.
11 y a dos paroisses qui sont desservies
dans dos églises de religieux ou de chanoi-
nes qui en sont curés primitifs. On voyait
tous les jours des difficultés s'élever entre
les religieux ou chanoines et leurs vicaires
perpétuels. Ce qui y donnait le plus souvent
lieu, ètail l'usage du chœur et des bancs, les
sépultures dans l'église et les heures des of-
fices. Les articles 8 et 9 de la déclaration
fixent sur ces objets les droits des uns et des
autres, en distinguant avec soin ce qui est
de pure police extérieure, et ce qui tient au
spirituel qu'elle laisse à l'entière disposition
des évêques. Ces deux articles sont encore
ajoutés à la déclaration de 1726. Les voici :
Article 8. « Voulons que dans les lieux où
la paroisse est desservie à un autel particu-
lier de l'église dont elle dépond, les religieux
ou chanoines réguliers de l'abbaye, prieurs
ou autres bonôficieis, puissent continuer de
chanter seuls l'office canonial dans le chœur,
et de disposer des bancs ou sépultures dans
leursditos églises , s'ils sont en possession
paisibloet iumiémorialode ces prérogatives.»
— Article 9. « Les difficultés nées et à naî-
tre sur les heures auxquelles la messe pa-
roissiale ou d'autres parties de l'office divin
doivent élre célébrées à l'autel et lieux des-
tinés à l'usage delà paroisse, seront réglés
par l'évêque diocésain , auquel seul ap-
partiendra aussi de prescrire les jours et
heures auxquels le saint sacrement sera ou
pourra être exposé audit autel, même à ce-
lui des religieux ou réguliers de la même
église, et les onionnances par lui rendues
sur le contenu du présent article, seront exé-
cutées par provision pendant l'appel simple
ou comme d'abus, sans y préjndicier, ot ce
nonobstant tous privilèges ol exemptions,
mén)e sous prétexte de juridiction <|uasi-épis-
copale , prétendue par losdiles abbayes ,
prieurés ou autre bénéfices, Icsdites exem-
ptions ou juridictions ne devant avoir lieu
en-pareillc matière. »
Après avoir déterminé par l'article 4 quels
étaient les droits honorifiiiuos que |)our-
raient exercer les curés primilifs, conformé-
ment à leur titre et à leur possession, le
législateur, craignant de nes'êlre pas expli-
qué assez clairement, et voulant qu'ils ne
puissent prétendre aucune espèce de supé-
rioriié ni sur le spirituel ni sur le tempo-
rel des églises paroissiales , leur défend ,
par l'article 10, de présider, sous quel-
que prétexte que ce soit, aux asseml)lées
que pourront tenir les cttrés, vicaires per-
pétuels avec leur clergé, par rapport aux
fonctions ou devoirs ai4xquels ils sont obli-
gés, ou autre matière semblable, en leur dé-
foiidanl pareillemenl de se trouver aux as-
semblées dos curés, vicaires perpétuels et
marguillieis qui regardent la fabriciue, ou
le droit d'en conserver les clol's entre leurs
mains, et ce nonobstant tous actes, arrêts et
usages à ce contraires.
L'arlicle 11 est extrêmement important. Il
1211)
CUR
CUR
lâso
fixe le seul cas dans lequel les curés priuii-
lifs peuvent être déchargés du paiemenl de
la portion congrue. « Les abbayes, prieurés,
ou communautés ayant droit de curés primi-
tifs, ne pourront être décliargés du paiemenl
des portions congrues des curts, vicaires
perpétuels, ou de leurs vicaires, sous pré-
texte (le r.ibandon qu'ils pourraient faire des
dimes à eux appartenantes, à moins qu'ils
n'abandonnent aussi tous les biens ou reve-
nus qu'ils possèdent dans lesdites paroisses,
et q|ui sont de l'ancien patrimoine des curés,
ensemble le droit et titre de curés primitifs ;
le tout sans préjudice du recours que les ab-
bés, prieurs ou religieux pourront exercer
réciproquement les uns contre les autres,
selon que les biens abandonnés se trouve-
ront être dans la tnense de l'abbé ou prieur,
ou dans celle des religieux. » Cette disposi-
tion se trouve dans l'iirlicle 7 do la déclara-
tion de 17"2(i, et a élé renouvelée par l'arti-
cle 8 de l'cdit de 17G8, coiu;n en ces termes :
« \'oulons en outre, conformément à nos
déclarations des 5 octobre 172(1, et 13 jan-
vier 1731, que les curés primitifs ne puissent
être déchargés de la contribution à ladite
portion congrue, sous prétexte de l'abandon
qu'il aurait ci-devant lait ou qu'il pourrait
faire auxdits curés, ou vicaires perpétuels,
des dimes par lui possédées, mais qu'il soit
tenu d'en fournir le supplément, à moins
qu'il n'abandonne tous les biens sans excep-
tion qui composaient l'ancien domaine de la
cure, ensejnble le litre et les droits de curé
primitif. »
L'article 12 décide quels sont les juges qui
doivent prononcer sur les contestations con-
cernant la qualité de curé primitif, les droits
qui en dépendent, et en général, toutes les
demandes formées entre les curés primitifs,
les curés , vicaires perpétuels et les gros dé-
ciniateurs. Ce sont en première instance les
baillis et les au très juges royaux ressorlissaitts
nuemenl aux cours de parlement, et ce no-
nobstant toutes évocations, lettres palenlcs
et déclarations à ce contraires. — L'article
13 porte que les sentences et jugements qui
seront renilus sur les contestations men-
tionnées dans l'article précédent, soit en fa-
veur des iurés primilifs, suil au profit des
vicaires perpétuels, seront exécutés par pro-
vision, nonobstantappelet sans y prejudicier.
— L'article l'i, après avoir soumis à l'exécu--
tion de la déclaration dont il s'agit, tous les
ordres, ( ongrégations, corps ou communau-
tés séculières, ou régulières, même l'ordre de
Malte et celui de Fonlevraull, lait une excep-
tion en faveur des ch;ipitres. Voici lomme
il s'exprime : « Sans néanmoins que les chapi-
tres des églises collégiales ou cathédrales soie ni
censés compris dansla précédeuledisposition,
en ce qui concerne les prééminences, honneurs
et distinctions dont ils sont en posses:iion, mc-
mede prêcheravec la permission de l'évéque
certains jours de l'année , desquelles préro-
gatives ils pourront continuer de jouir ainsi
qu'ils ont bien et diiment fait par le passé. »
Le législateur traite bien plus favorablement
les chapiires qui sont curés primilifs, que les
monastères, abbés, prieurs et autres bénéfi-
ciers. il leur conserve des honneurs et des
prérogatives, qu'il refuse à ceux-ci. Ou peut
apporter pour raison de cette différence, que
les unions des curés aux chapitres ont quel-
que chose de moins odieux et de moins
contraire à l'esprit de l'Iiglisc que celles qui
ont été faites aux monastères. L'avantage du
diocèse et le bien des fidèles a été le motif
des premières, et les autres n'ont, pour l'or-
dinaire, d'autre origine que la cupidité des
moines, qui, en restituant la desserte des pa-
roisses au clergé séculier, ont trouvé le se-
cret de n'abandonnerquc le travail et les char-
ges, el de conserver l'utile et l'honorifique.
Nous disons pour l'ordinaire, parce qu'il faut
convenir, comme on l'a déjà dit, ([u'il y a
quelques cares qui, dans l'origine, onl'été
légitimement unies a des monastères, soit
par donation ou fondation, soit qu'elles doi-
vent leur naissance aux anciennes fermes et
granges qui dépendaient des abbayes. —
L'article 13 el dernier veut que la déclara-
lion du 29 janvier 168G, celle du 30 juin 1G90,
et l'article 1" de la déclaration du 30 juillet
1710, soient exécutés selon leur l'orme et te-
neur, en ce qui n'est point contraire à celle
dont ne us parlons. Nous avons rapporté les
deux déclarations de 168G et de 1090; et pou me
rien laisser à désirer sur ce qui concer-
ne cette matière , nous allons rapporter
l'article l"de la déclaration de 1710 : « Vou-
lons que les mandements des archevêques
ou évêques, ou de leurs vicaires généraux
qui seront purement de police exléricure
ecclésiastique, comme pour les sonneries gé-
nérales, stations du jubilé, processions et
prières pour les nécessités publiques, actions
de grâces el autres semblables sujets, tant
pour les jours et heures, que pour la maniè-
re de les faire, soient exécutés par toutes
les églises el communaulés ecclésiastiques
séculières et régulières , exemptes el non
exemptes, sans préjudice à l'exemption de
celles qui se prétendent exemples en au-
tre chose. »
()uel(iues auteurs ont pensé que la décla-
ration de 1731 avait dérogé à celle de 1726.
ils se fondent sur ce que le roi, dans l'arti-
cle 15, ne rappelle que celles de lG8(i, 1G!)0 el
1710, qu'il veut être exécutées. Le silence
qu'il a gardé sur celle de 172G est, disent-ils,
une preuve qu'elle doit être regardée com-
me non avenue. Mais en consultant le préam-
bule de la déclaration de 1731 , on voit
qu'elle ne doit faire qu'une même loi avec
celle de 172G et celles qui l'ont précédée.
« C'est pour faire cesser ces inconvénients
(|ue nous avons jugé à propos de réunir dans
une si'ule loi les dispositions de la déclara-
lion du 3 octobre 172G el celles des lois pré-
cédentes, en y ajoutant tout ce qui pouvait
manquer à la perfection de ces lois. » Le lé-
gislateur s'explique bien clairement. Son
inlcntion n'csl point d'abroger la déclara-
lion de 172G, mais seulement d'y ajoutiT el
de la perfeclionuer : on ne peut donc pas la
regarder comme non avenue ; elle est dan ■
loutesa force, etou n'en peut douter lorsqu'un
\m\
CDR
CUR
1252
la voit rappelée dans l'article 8 de l'édit de
1768 avec cpUc de 1731. « Voulons v-n outre,
coiifonncinent à nos dcclaralioiis des 8 oc-
tobre n-ZG et 15 janvier 173!. » Ces deux dé-
clarations ont donc une égale autorité.
Ces lois semblent ne rien laisser à désirer
sur les droits et les préroRatives des curés
primitifs. Nous passerons à ce qui regarde
les curés réguliers. — De droit commun, les
religieux sont incapables de posséder dos
cures ; la vie commune et robéissanic à dos
sufiérieurs particuliers ont paru trop oppo-
sées aux fonctions pastorales, pour qu'on
les leur confiât. Cependant, plusieurs con-
gr'égations, connues sous le nom de chanoines
réguliers de l'ordre de Saint-Augustin ,
se sont maintenues dans la possession
des cures qu'elles desservaient dans ces
siècles où l'ignorance du clergé séculier
avait forcé l'Eglise de recourir aux moines.
Lorsqu'ils rentrèrent dans leurs cloîtres et
quittèrent les cures, les chanoines réguliers,
soumis à une règle moins austère, parvin-
rent à faire faire une exception en leur fa-
veur. Nous voyons Innocent IIF, au chapitre
Cum I)ei timorem, de Statu monnch., déci-
der que , quoiqu'ils soient véritablement
compris dans le nombre des moines, a sanc-
lornm monachnrum consurlio non putantur
sujuncti, cependant leur règle, moins aus-
tère que celle des autres religieux: [regulœ
laxiores), ne pouvait être un obstacle à ce
qu'ils desservissent des cures, pourvu qu'ils
eussent toujours avec eux un de leurs con-
frères, pour conserver, autant qu'il est pos-
sible, l'esprit de la rè;{le Ad cautelam, dit ce
pape. Le P. Thomassih rapporte des statuts
faits par un légal du pape, de conrert avec le
comte de Toulouse, en 1232, qui ordonnent
qu'il y ait au moins trois chanoines réguliers
dans chacune des églises paroissiales qu'ils
desservent. L'étaidissement de la règle Sœ-
culariu sœculnribua, rer/ulnria rer/ularibii:; a
contirmé la capacité des chanoines réguliers
à posséder les cures dépendantes dos ab-
bayes de leurs ordres, et on ne la leur dis-
pute plus aujourd'hui.
Les curés réguliers, quoique jouissant de
tous les droits et prérogatives attachés à la
qualité de curé, soit pour le spirituel, soit
ipotir le tenaporel, diffèrent cependant en un
point bien essentiel des autres cur,"*. ils ne
sont point inamovibles ; leurs supérieurs
réguliers peuvent les rappeler dans leur
cloître, sans forme de procès ; il n'est pas
méiiie nécessaire qu'une conduite répréhen-
gible soit le motif de ce rappel, le bien de
l'ordre sullit ; et dès lors ou voit qu'il dépend
absolument de la volonté du supérieur, mais
cependant avec la lestriclion dont on par-
iera tout à l'heure. Cette amovibilité ne prou-
vcrail-clle pas que les bénéfices cures ne font
point impre.>>sion sur la tète des ré . niiors, et
qu'ils ne sont point 1rs vrais titulaires, les
vrais époux de leurs églises ? Des provisions
qui n'atlaclient point inséparablement un
curé i) un bénélice, ne peuvent guère être
considérées que co.nme de simples commis-
sions, et non pas comme de véritables titres.
Le droit des supérieurs réguliers de rap-
peler, quand bon leur semblait, les religieux
curés dans le cloître, pouvait avoir' bien
des inconvénients. Rien de plus conlrairr;
au bon gouvernement des paroisses que les
changements multipliés des pasteurs ; com-
me il est important qu'un sujet peu propre
à la conduite des âmes ne reste p;is long-
temps dans une cure, de même, il est très-
avantageux qu'un bon curé ne soit point
enlevé a ses paroissiens ; pour concilier le
bien des paroisses avec les droits des supé-
rieurs réguliers, pour ne pas rompre Ions
les liens qui attachent un religieux à son
ordre, et pour prévenir en même temps des
changements dangereux, nos lois ont voulu
que les curés réguliers, en demeurant tou-
jours dans la dépendance de leurs supé-
rieurs, ne pussent cependant cire révoiiués
et retirés de leurs bénéûcesque du consente-
ment do l'évêque diocésain. Un évéque inté-
ressé à conserver un bon curé ne consen-
tira à son rappel que lorsque les motifs dis
supérieurs lui paraîtront justes ; et il y don-
nera volontiers les mains lorsque la con-
duite de ce régulier demandera son rappel
ou sa retraite. Ces lois semblent avoir paré
à tous les inconvénients. Elles mettent les
curés réguliers à l'abri des caprices de leurs
supérieurs, et leur présentent une promise
punition s'ils oublient leurs devoirs. Tel est
l'objet des lettres patentes du mois d'octo-
lire 1G79, enregistrées le C décembre sui-
vant au grand conseil, et données pour la
congrégation de Sainte-Geneviève ; de celles
du 9 août 1700 pour les religieux de l'étroite
et de la commune observance de Prémontré ;
du 27 février pour l'ordre de la Trinité et
Rédemption des captifs ; et du 22 octobre
1710 pour les religieux de la Chancelade,
Un arrêt du grand conseil du C octobie 1697
a jugé que les curés de l'ordre de Fonle-
vrault ne pouvaient être révoqués sans le
consentement de l'évêijue.
Les réguliers ne peuvent accepter de cwre
sans la peimission de leur supérieur. C'es^
ce que portent expressénienl les déclarations
cl lettres patentes dont nous venons ilc par-
ler. Ce consentement est si essentiel que, se-
lon les lois (jui ont été données pour les gc-
novélains, ce déiïiut serait une nullité radicale
qui rendrait le bénélice vacant et impétrabL'.
— Au reste, quelque exempts de la juridic-
tion (|ue soient les réguliers, ils sonl soumis,
en qualité de curés, à lous les règlements
du diocèsi". L'évêque a sur eux la même ju-
ridiction que .sur les cuirs séculiers ; il pt ut
visiter leurs églises, leur imposer les peines
canoniques lorsqu'ils commettent ([Ueiques
fautes j et sices fautesexigeaient uncinsiruc-
lion criminelle, il n'est pas douteux qi'ils
ne fussent justiciables de l'ofiicial diocésain.
Pour traiter tout ce qui a rajiport à cet
article, il nous reste à parler des cures. Une
cure ou paroisse est, comme on l'a dit en
commençant cet article, un certain territoi-
re circonsci'it et limité, dont les habit. mts
sont coniiés, pour le spirituel, aux soin^ d un
nrêlre allachc à une église bûiie sur ce ter-
♦255 CUR
riloire, el dans laquelle ces habitants sont
olilipés de venir ri'inplir les «loviilrs et assis-
lei- aux cérémonies du christianisme. Les li-
mites de ce territoires sont iniprcscriiitibies,
c'est-.i-dire, que toutes les fois (lui' le titre
d'érection ou de bornage est roprésenié, il
fait évanouir tontes les prélcnlioiis qui ne
seraient appuyées que sur la possession,
ftl.iis, in l'abscMce et au défaut du litre, une
possession imuiénioi ialc sufill à un curé ,
pour r.clanuTnn canton ou une portion du
territoire comme una dépendance de sa cure.
il y a inêiMC licauconp d'auteurs qui ne de-
niandonl qu'une possession quaranlenairc,
el leur seulimenl parail usez fondé. — Lors-
que les maisons sont situées sur les confins
de deux paroisses, ce n'e^t que la situation
de la porte d'entrée ((ui déciile de quelle pa-
roisse elles sont. Il suit de là qu'on peut
changer de paroisse en changeaul l'entrée
de sa maison. Cela a été ainsi ju|;é par un
arrêt du parlement de Paris du G mars 1630,
rapporte par Dufrcsne, liv. vi, chap. 1. Les
curés el les mai'guilliers delà paroisse qu'on
quille, n'ont aucune indemnité à deman-
der. C'esl co qui a encore été décidé |)ar
un arrêt du mémo parlement du 3 mai
Mi70. Si par ce changement un curé perd
quelque partie de son revenu, il est en
uiénic temps déchargé d'une partie de son
fardeau; ainsi loui se Irouve coiiniensé.
C'est aussi sur l'ouverture principale des
portes qu'on a icgié les limiies des parois-
ses de Sainl-Siilpice el de Saint-Côme. Ce
règlement a clé homologué au parlement
par arrêt du 18 janvier 1677. On peut con-
clure de cesariéts que, quoique l'ércciioa
d'une paroisse el les bornes de son lerriloirc
dépendenl de la puissance épiscopale, les
contestations qui s'élèvent à celte occasion
entre les [)aroisscs établies sont de la com-
pélence des juges royaux.
Il ti'y a que les evèques qui aient droit
d'érigerdes CJiCts ; «Lus archevêques ou évé-
ques, porte l'article l'i- de l'édil de 1095,
pourront, avec les solennités el les procé-
dures accouiumées, ériger des cures dans
les lieuj. où ils l'enlendronl nécessaire. »
Dans l'élat aci.uel des choses, lou:e érec-
tion de cure csl nécossuiremenl un déniem-
brenienl d'une autre jaroisse. Cet élablissc-
menl csl donc en même temps une section
de bénéfice; opération que l'Lglise n'a jamais
permist- que pour de grandes raisons el des
n)olifs d'une nécessité reconnue. — D'après
lo chapitre Ad audienliuin, tU. de Ecclcs.
œdif., el le décret du concile de Trente, sess.
21, chap. îi-,uiic des princiiialcs raisons pour
ériger une cure, c'est lortque la distance des
lieux el la dillicullé des cliciuiiis empêchent
une parlic des paroissiens de se rendre à
l'église paroissiale, el mettent obstacle à
l'administralion des sacremenls. — Le grand
nombre de paroissiens n'est pas une raison
pour ériger une nouvelle cure, selon heau-r
coup d'autres auleurs, parce que, disenl-ils,
dans ce cas, un care peut s'associer des coo-
jieratc.urs el des vicaires. Il faut convenir
que celle raison n'est pas solide : un curé ne
CUR
IKi
peut pas se multipliera l'infini, et quelque
vertueuxelhabiles(iU(îsoient ses vicaires, ils
n'ont jamais sur l'esprit des peuples le
même degré d'autorité que le curé. C'est
poiir(iuoi, lorsque les évêques ont érigé ea
cure quelques .succursales, auxquelles, ahso-
luinenl parlant, un vicaire pouvait suffire,
leurs décrets onlélé confirmés parlesparle-
menls. (Test ce qui ol arrivé en 1G72, par
rapporta Sainl-lloch, qui jusque-là avait clé
succursale de Sainl-Cermaiii-l'Auxerrois. 11
fut dit n'y avoir abus dans celte érection,
quoiqu'on prouvai qu'un simple vicaire
pouvait suffire pour la desserte. — Les évê-
ques sont juges de la nécessité ou de ia
grande utilité de l'érection des cures. H ne
faut cependanl pas croire que leurs décisions
sur ce poiii.l puissent être arbitraires. L'edit
de 1G95 les astreint à observer les solenni-
tés el les procédures accoutumées. La prin-
cipale el la plus iinpoi tante de ces procédu-
res est l'enquête de cummodo cl incommoda.
C'est par elle seule (]u'onpeul s'assurer do
la légitimité des motifs qui ont déterminé à
ériger la nouvelle cure. 11 faut enlondie les
parties intéressées. Le curé el les marguil-
liers de la iiaroisse u'out on fait le démem-
brement, sont de ce nombre. Il en est de
même des patrons : si celle paroisse est en
patronage, leur consentement n'est pas né-
cessaire, il suffit qu'ils aient été appelés et
entendus. On a assez fait jiour la conserva-
tion de leurs droits. 11 parait qu'autrefois on
ne recourait point au prince pour 1 érection
des nouvelles cures; cependant l'usage a
prévalu, et l'on olilienl ordinairement des
lettres patentes : c'esl le plus siir ; el beau -
coup d'auteurs prétendent que sans cela le
nouveau titulaire ne pourrait poursuivre et
défendre en justice les droits de son liénelî-
ce. Llles sont iudispensablenient nécessai-
res, lorsque les habitants se chargent de
fournir sur leurs propres biens la portion
congrue du nouveau curé. — L'évêque doit
pourvoira la dotation de la nouvelle cure.
11 le peut, dit l'article li de l'edit de 1G95,
par uniou de dîmes cl autres revenus ecclé-
siastiques. Si le curé de l'ancienne paroisse
csl gros décimaleur, il doit conliibuer à la
portion congrue du nouveau curé, au proi ala
de ce qu'il levé dans les dimes. Celte nouvelle
création de cure, ne changeant rien aux
droits des dccimateurs, il s'ensuit que le
curé n'a aucun droit sur les dîmes, à moins
qu'un un lui eu abandonne une partie pour
le remplir de sa portion congrue. Si les dimiîs
ne sultisenl pas pour cela, l'évêque doit y
pourvoir par l'union de (|uelques bénéfices
simples. M l'érectiou s'est faite à la sollici-
tation du seigneur el des habitants, c'est à
eux a assurer la subsistauce de leur nouveau
curé. Dans les villes où les droits casuels
sont considéiables, et appartiennent aux fa-
briques, elles doivent payer la pu: lion con-
grue; c'est ce que nous voyons dans I e.ec-
lioii do la cure Sainte-Marguerite, faubcurg
Saiul-Aiiloine; ia r.^b.iq^ie est chargée de
payer iJOO livres par au au nouveau curé (i).
(1) Tout cela concerne l'ai^cieii droit. /^^^_2£^3>N
i2f)5
CUR
CUR
1256
— Cette érection, faite en 1712, par le cardi-
nal de Noailles, nous apprend encore que
Ton conserve à l'église matrice des droits
utiles et honoriûques. Les marguilliers de la
nouvelle paroisse de Sainte-Marguerite doi-
vent rendre tous les ans le pain bénit dans
l'église de Saint-Paul, le dimanche dans
l'octave de la fête de cet apôtre, aux dépens
de la fàbri(iue de leur église, et p.iyer ce
jour-là dix livres à la fabrique de Saint-Paul
et 10 livres au curé, lequel peut en outre,
si bon lui semble, venir tous les ans le jour
de Sainte-Marguerite avec son clergé y cé-
lébrer l'office divin et faire, mais seulement
en personne, les fonctions curiales, auquel
cas il a le droit de partager avec l'autre
toutes les offrandes et honoraires. M. de
Harlay avait suivi à peu près les mêmes
règles, en érigeant en 1073 la cure du Bonne-
Nouvelle, qui était succursale de Saint-Lau-
rent. Cette nouvelle cure fut chargée d'une
redevance annuelle de 1200 livres en faveur
du curé de Saint-Laurent, à qui il fut accordé
en outre la moitié des otl'iandes que ie
nouveau titulaire recevrait aux fêtes de
Pâques et de Noël.
•Lorsque l'église matrice est à la pleine
collation de l'évêque, il devient coUateur de
la nouvelle cure: cela s'est observé pour
la cure de Sainte-Marguerite. M. de Noailles
s'en réserva la collation en qualité de colla-
leur de Saint-Paul. Lorsque la nouvelle cure
est dotée aux dépens des fonds de l'ancienne,
l'ancien curé devient curé primitif et patron.
Il est encore dans l'usage (jue les cître'*- pri-
mitifs deviennent patrons des Eglises parois-
siales qui s'érigent dans leur territoire. C'est
pourquoi le prieur de Saint-Marlin-des-
Champs a acquis le patronage de la cure de
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, érigée dans
le faubourg Saint-Laurent. C'est aussi pour-
quoi M. de Harluy a abandonné aux reli-
gieux de Saiut-liermaiti le patronage de
toutes les cures qu'on pourrait établir dans
le faubourg Saint-Germuin. 11 en est de
même lorsqu'unechapelle est érigée en cure;
le patron de la chapelle devient patron de la
cure. C'est en conséquence de cette pratique
que les abbés do l'abbaye du Bec, en Nor-
mandie, sont patrons des églises paroissia-
les de saint-Jean en Grève et de Saint-Ger-
vais de Paris. On a cependant trouvé un
mo\ en pour ne pas accorder aux patrons des
chapelles érigées en cure le patronage de la
cure : c'est de laisser le titre de la chapelle
attaché à l'autel où il était, et d'annexer
celui de la cure à un autre ; par ce moyen,
l'évoque s'eu réserve la collation, et les droits
du patron sont entièrement conservés. Cet
expédient, qui nous est venu de Borne, a ete
mis en usage., lorsqu'on a érigé en cure la
chapelle de Sainte - Marguerite. M. de la
Fayette en était patron laïque ; il prétendit, en
cette qualité, devoir l'être de la nouvelle pa-
roisse érigée dans sa chapelle. L'allairc fui
évoquée au conseil. Elle est resiée indécise
jusqu'en 1740, que madame l'abbesse de
Saint-Antoine, à <iui M. de la Fayette avait
remis tous ses droits, la perdit au pariemcut
de Paris. M. de Vintimille fut maintenu
dans la pleine collation de la nouvelle cure.
S'il est des circonstances où il est permis de
diviser une cure, ce n'est jamais pour en
former un bénéfice simple et une vicairie
perpétuelle. Cette division, absolument con-
traire a l'esprit de l'église et à nos lois, ne
pourrait manquer d'être déclarée abusive.
Il en serait de même des unions des cures à
des bénéfices simples. En général, l'union
d'une cure est plus défavorable que son dé-
membrement. Il est cependant arrivé qu'on en
a uni à des séminaires ou à des chapitres (1).
Nos ordonnances et le concile de Trente ren-
dent les unions très-difficiles. Les articles
22 et 23 de l'ordonnance de Blois prouvent
clairement que l'union des cures à tout
autre bénéfice qu'à des cures est contraire à
l'inteution du législateur. Ces sortes de bé-
néfices, pour nous servir des expressions de
M. Talon, sont d'une fonction trop éminente
et trop nécessaire pour les unir à d'autres
bénéfices qui sont d'une dignité inférieure et
moins utile dans la hiérarchie; ce serait
élever les membres avec le chef, et mettre
la fille au même rang (jue la mère.
On a vu des paroisses entièrement dépeu-
plées par les guerres, la peste ou la famine.
Le peu de paroissiens qui pouvaient rester
ne suffisant point pour i'entreiien d'un curé,
ces bénéfices ont été réunis aux cures les plus
voisines. Mais cette union qui ne se fait point
par l'extinction d'un dus deux litres, doit
cesser lorsque la cause qui l'avait occasion-
née ne subsiste plus ; et ces paroisses venant
à se rétablir et à se repeupler, les choses
doivent retourner à leur premier état. C'est
moins alors lu division d'une cure que le ré-
tablissement d'une ancienne. Bien n'est plus,
favorable dans le droit canon que cette divi-
sion; et si les évêques ne s'y prêtaient pas,
soit pour favoriser les gros decimaleurs,
soit pour ne pas payer eux-mêmes une
portion congrue, nous pensons que le titre
de la cure n'étant point éteint, et revivant
par le rétablissement de la paroisse, serait
dans le cas d'être impétré en cour de
Borne, ou d'être confère par le supérieur,
jure decolulionis, par droit de dévolution.
On a beaucoup disputé pour savoir à quelle
marque on pouvait reconnaître une église
paioissiale. On lit dans le Journal des au-
diences un arrêt rendu le 12 février 1G82,
qui a admis des habitants à prouver que
leur église avait autrefois été paroisse, par
les anciens vestiges, tant du cimetière que
des fonis baptismaux. Corradus, Lacombe et
plusieurs autres auteurs remarquent avec
raison que ces preuves ne sont pas décisi-
ves, parce qu'il y a beaucoup de simples
succursales qui ont des cimetières et des
fonts baptismaux. Ce sont cependant des
présomptions qui peuvent se convertir eu
preuves, s il est certain d'ailleurs que le
lieu dont il c-t question a été autrefois con-
(1) Il y a encore aujourd'Imi plusieurs cures aiu-
cliéus à dus cliapiires.
1257
C\P
CYP
sidériilile, et qu'il a soufferl Jcs désastres et
des calarnitns.
(Jiianl au raiif? qui; les paroisses doivent
tenir dans les rt'rémonies [lubliqucs, voici
les règles qui s'observent. Toule paroisse
doit céder le p.is à la cathédrale, elle le doit
aussi dans le concours avec une collégiale.
Quand il n'y a (juc des paroisses, la plus an-
cienne doit l'emporter sur les autres. Si les
curés marclionl sans leur paroisse, celui de
la plus ancienne doit avoir le premier rang,
quoiqu'il soit le plus jeune ou le [iliis nou-
\cau des curés. Il n'en est pas de niénio
dans 1rs synodes ou assenililées du clergé.
Le temps de l'orilinalion five l'urilre des
rangs, c'est la règle générale. 11 y a cepen-
dant des diocèses où des usages particuliers
ont prévalu, on est obligé de s'y conlornier.
Les contestations qui peuvent naître ,'i ce su-
jet doivent être portées devant les juges
royaux, lilles ne se traitent que possessoi-
rcuienl, ce qui est de leur coinpcteuce. Deux
arrêts des parlements de Paris et de Kennrs
du 15 juillet 1G02, cl du mois de mai lOtKJ,
ont déclaré abusives des procédures d'iifli-
ciaux qui avaient voulu en cunnaitre. {.irii-
clede M. l'abbé Ilemi.)[E\Ua\l du Diction, de
Jurlspnidtncc]
CYPUlliN (saint), évéque de Ciriliige,
martyr et docteur de l'iîglise, a vécu au
i;i« siècle : il soulTrit la mort pour Jé^us-
Clirist l'an 258. La meilleure édiliuu de ses
ouvrages est celle qui avait été comiuenrce
par Baluze, et qui fut achevée pardoui Ma-
rand, bénédictin, en 1726, in-folio.
Plusieurs crili(iues protestants copiés sans
discernement par nos littérateurs modernes,
ont reproché à ce saint docteur des erreurs
en fait de morale; il n condimné, disent-ils,
la défense de soi-même contre les attaques
d'un injuste agresseur; il a outré les louan-
ges du célibat, de la continence, de l'au-
mône et du martyre. Ces accusations soiil-
elles solidement prouvées ? — Dans son (raiié
de Bono patienliœ, saint Cypricn n'a fait que
répéter les maximes de l'Evangile sur la né-
cessité de soulTrir patiemment la persécution
des ennemis du christianisme. Convenait-il à
des chrétiens attaqués, puursi<ius, uialtrai-
lés pour leur religion, de se défendre contre
des agresseurs armés de l'autorité publique,
et appuyés sur les lois sanguinaires des em-
pereurs? S'ils l'avaient fait, on les accuse-
rail de s'être révoltés contre l'autorité légi -
lime ; on ose même aujourd'hui les en accu-
ser, maigre la fausseté du fait. Mais telle e-l
l'équité de nos adversaires : d'un côté, ils
reprochent aux chrétiens d'avoir manque de
patience; et de l'autre, aux Pères de l'iiglise
d'avoir trop prêché la piilience. C'est une ab-
surdité d'appliquer à tous les cas ce (|uc l'iï-
vangile et les Pères ont prescrit dans les
temps de persécution. — De même, dans sou
Exhortation aux Hlarti/rs, saint Cypricn n'a
fait que rassembler les passages de l'Lcrilure
sainte sur l'obligation de confesser Jesus-
Christ, les exemples de ceux qui ont souf-
fert pour ce sujet, les promesses que Dieu
leur a faites. Cela était nécessaire, puisqu'il
DlCT. DE TlîÉOt. UOGSUTlylE. I.
1258
y avait une secte d'hérétiques qui enseignait
qu'il était permis do dissimuler sa foi et d'a-
poslasier, pnur éviter la mort; nous le
voyons par le traité de Terlullien, intitulé
Scorpiiivc.
Pour faire paraître .saint Cypricn coupable,
lîarbeyrac, dans son Traité de la Morale des
l'éres, c. 8, a dit que, selon ce saint docteur,
il est louable de délirer le martyre m lui-
même cl pour lui-même; cette addition est de
l'invention du censeur des Pères; saint Cy-
prien n'a point ainsi parlé. Il a entendu évi-
demment que c'est un désir louable de sou-
haiter le martyre, pour témoigner à Dieu
notre amour et notre allachenient, et pour
confirmer par cet exemple nos frères dans la
foi. Nous soutenons que l'un et l'autre de ces
motifs est louable. Il ne s'ensuit pas qu'il
soit aussi louable d'ail r s'offrir soi-même
au martyre, comme ItarbCNrac h; conclut. Un
chrétien peut désirer que Dieu lui donne le
courage du martyre, sans qu'il ait peur cela
droit d'espérer que Dieu le lui donnera en
effil. — Quand ou considère la licence des
mœurs du paganisme, et le mérite de la
chasteté sous un climat aussi brûlant que
celui de l'Afi ique, on est fort étonné d'y voir
la continence pratiquée avec la sévérité que
prescrit saint Cyprien dans son traité de bis-
ciplina et habitu Virginiim ; mais cette sévé-
rité était nécessaire eu Afrique. Le saint doc-
teur exalte avec raison la virginité, mais il
ne dégrade point le mariage; il m' fait que
répéier les leçons de saint Paul. On n'a qu'à
comparer les mœurs des Carthaginois païens
et des lîarbaresques d'aujourd'hui, avec cel-
les des chrétiens instruiis par sa.nt Cyprien
et par saint Augustin, on verra si la mor.ile
de ces Pères était fausse. — Une preuve que
le saint martyr n'a rien outré en parlant des
bonnes œuvres et de l'aumône, c'est que cette
morale fut exaclcuienl pratiquée par les fi-
dèles de son Eglise. 11 nous apprend, dans
son traité de Morlalilute, que, pendant une
peste cruelle qui ravagea l'Afri(iue, les chré-
tiens bravèrent la moil pour soulagerions
les malades, sans distinction de religion, pen-
dant (|ue les païens abandonnaient leurs
propres parents.
La seule chose que l'on puisse r.'procher
à saint Cyprien, est de s'être trompé en sou-
tenant la nullité du baptême donné par les
hérétiques; mais il n'a pas censuré ceux qui
tenaient l'opinion contraire, et la suivaient
dans la pratique.
Hien ne d.'montre mieux l'entètemenl des
protestants que le jugement qu'ils ont porté
louchant la conduite de ce Père; ils l'ont
louée ou blàmee, selon qu'elle s'est trouvée
conforme ou contraire à leurs opinions, de
manière que leur censure détruit absolumenl
tout le niériie de leurs éloges. Comme saint
Cyprien résista aux décisions des papes Cor-
neille et Etienne touchant l'usage de réité-
rer le baptême donné par les hérétiques, ils
ont vanté sa fermeté et son courage, et ils
ont conclu qu'au iir siècle les papes n'a-
vaient aucune juridiction sur toute l'Eglise.
D'autre part, comme le même sainl ne sou-
^1)
2;.'0 CVIl Ctfk l-2(;o
îiciil I .is avec iiiiùiis de force .',111(01 !(<'• des haine pour K's nicrédulcs ; plusii urs li'eiilrc
svt'qiu-- il.ii'.s le îjiiuvpri.cinenl do rK;;li>e , ouk duI dt-piiuuî sadocliitie, ses verlus, ses
;;uli;rili' ijui dcpl.iîl uux prolcslanls, ils oi'l laliiits. ils oui l'.ii que le ncslariani-inoj con-
r('|.roiiié à et' l'èie do ii'av;,ir su ni nuidérer in? lequel te Pèiea laitlanl de lnuil, n'élait
la l'oiiiiiie (le son len^pci aineiit, nidislinguer 1 ne lieréMe quede nom, et un pur niaîenten-
la \criiê d'avee le iuei;soi;ge ; d'avoir inlio- "lu; qu'en cciivanl conire Nesloiii.., qui
i!uil da .^ le gouveinerr.ent cccié.Mas!i(|ue un disdnjjiiait deux personnes eu Jésns-Clirisl,
elian).': nu ni qui eut les suites les plus lâchei:- suiiU Cyrille a donné dans l'erreur opposée,
SCS. (-\ioslieîni,///sr.ff(:/ei>-.,iii'«i(V/c, secon.Ie acoiif ndu les deux nalnres en Jésus-Christ
p,;riie. <■• -et o; llinl. Chriit., set t. 3, § l't-, coninic Apollinaire, et a lait éelore l'iiérésie
pug. ol I, o;2. ) Ainsi, ces judicieux criiiques d'iùiijclips; (|u'au conciie d'iipiièse, cl dans
ont loué suint Cyjiricn dans la circonsiance loule C( Ite affaire, il se condiiisil par [)as-
ui'i il avait turi, puisque l'Eglise n'a pas suivi siun, par jalons e d'aulorlté conUe Meslurius
son avis, et ils i'out lilànié dans celle où il el contre Jean dAnlioelie. Telle est l'idée
avait raison. 11 est faux qu'avant ce temps- q^i'onl \ oulu nous en donner La Croze, dans
l'a le gouverneniee.l de l'Eglise ait été tel ses llintoires du clnisiianisine des Indes et
(]u'\\ est n présenlé par !e> prolestants, que de celai d'Elldopii', Le Clerc, Basnage, le
inini Cypriin y a l rien ciiangé, que ce chan- l .idncieur de .Moshciin, bien nioinsmudérc
uenicn' prcirndu ail produit de mauvais cf- que iMiisiiciii lui-incnie, Tolami, de.
tels. Voy. Evi\)i r:, HiÉnAiicuiE. Mais ces eruiiines passionner-, dissiniulenl
CViULLi; (saiii), palriarchc de Jérusa- des f,ii;s essenlicis \)iif \i sqin'h saint Cyiiltc
leni, après aviiir é;é dépossédé trois l'ois de est p'eineuK'iil juslifié. 1' 1! ne fut en;;agc
son Sicge par la faction des ariens, el réla- dans l'alpine de .Nisloi itis que par le bruit
taliii, niowiut l'an 'S6'6. Il reste de lui vingt- ijuc l'aisaienl les écrits de ce novateur parmi
Itois taù'cAc'scs, i<u instructions aux caléchu- 'es moines d'Egj pie. 2" A»ani de procéder
ijiér.is el aux nouveaux lapli-es, qui renfcr- contre lui, saint Cyrille lui é rivil (ilusieuis
nient l'abiégé de la dtulrine chrétienne, lellres, pour l'engager à se rétracter ou à
(^oaime les censeurs dos Pères n'y Irouvaienl s'explu|uer el à ne pas Irouhlcr l'Eglise;
rien à ri prendre, ils ont dit qu'elles a»aienl iNestorics n'y répouJil que par des récrimi-
clé laiies àa ! aie cl snns iiréparation. C'esi n;, lions el par des invectives. 3' L'un cl
une pi cuve que saint Cyrille n'avait pas be- l'autre écrivirent à Home au pape saint Cé-
soin de se piéparcr pour exposer la croyance 'eslin, pour le cunsulier el savoir i)uel élail
lie I E;;!ibe aw c loule ia clarlé.la ju'-lesse le sentiment des Occidentaux. Le pape as-
el la pitci.siuii lu ctssaircs. Nous avons en- sembla, au mois d'août 430, un concile qui
i:otii iïc iui uuc llunn'lie sur If paralytique d^ condamna ia doctrine de IVestorius, et ap-
l'Evarigile, cl UMC Lettre à l'empereur Con- proiiva celle de sr/(n< C//»"///e; celui-ci ne ceu-
s/«j!^f, [)ar laquelle il lui mande, comm.' sura Neslorius, dans le concile d'Alexandrie,
témoin oiulaire, l'apparition miraculeuse que trois umis après. 4" Acace de Hérée el
d'une cioix dans le ciel, qui avait été vue Jean d'Anlioclie, quoique prévenus eu faveur
pendant plu.sii ui s heures par toute la ville de Neslorius, le jugèrent condamnable ; ils
lie Jérui.aleni, cl qui causa la ccnvcrsiou de lurent seulement d'avis qu'il ne fallait pas
|)iusieuis pa'iens. Les triliques les plu^ relever avec laul de chaleur des espresbions
intrépides n'onl pas o-é contester ce miracle, peu exactes, cl qu'il lallaii lâcher d'apaiser
attesté de uièmc par plusieurs autres au- celte (juerclle par le silence. Ils ignoraient
leurs. sans doulc que ce n'était pas là riiitenliun
Comme saiitl Cyrille prêchait dans l'église de iNestorius; il voulait absolument être ab-
du Calvaire, sur les veslifçes de la croix de sous, et que suint Cyrille fût condamné ;
JésnsChiisi.ilparledu myslèrede laréileinp- c'est dans ce dessein qu'il avait demandé à
liiinavectoute rénergicd'unhoninie pénélié. Tempereurla lenue d'un coacile général.
Doin roullée,béiiédielin, a d niiédcs ouvra- &" Le patriarche d'Alexandrie ne présida au
(;es de ce l'ère une édiiioii {^reeque et latine, conciled'Ephé:,e que parce qu'il en avait reçu
!ii-/'o/io, publiée en i'fA} par dom Maraud, la commission du pape saint Céleslin, ci
Les Catécliisvs av.ienl été traduites en Iran- nous ne voyons pas que les Orientaux aieiii
^,■li^ p.ir Cr.iiicol.is, en 17U'), ('»-4'. Voy. V ief désapprouvé celle présidence. C 'rrois an>
c/csy^tn.'! e/ (/fs A/u>7)//-.«. luni. III, pag. 41. après le concile d'Ephèse, Jean d'Anliocli>'
Cviiii.LE, ( saint ), paliiarelieil'Alexandri!-, reconnut ([u'il avait eu tort de prendre I'
<'mj)!o.\a presque tout le lenips de son épis- parti de Neslorius, il se réconcilia siiicère-
lopal'à coniliallre I heré>io de Neslorius. nient avec saint Cyrille; co fut lui-même
ol mourut l'an V'i'i. Comme Neslorius vu '{oi piia l'empereur île tirer Neslorius du
un grand nomlire de partisans dont plu inonaslère dans lequel i: eiail, près d'Antio
sieurs étaient lesjii clahles, cl que le /èie <he, parce qu'il caiialait toujours, el qui
de saint Cyrille leur parut trop vif, les dem.iiida (lu'i! fût rjicgué aill. uis. (Evagre,
«nneniis de l'Eglise, aériens el moderne.'-, /lisl. ecd., liv. ■, e. 2 el suiv. ) I ous ccb
ont cherché à rendrecc sailli docleurodieux. 'ails seul p cuvés, non-seulement par les
H présida au concile général d'Iiphè.sC, cl éerils de ,sai;i.' T/yriV/c, mais encore par les
lit conlirmcr à la sainte \iirge le litre d' actes du concile d'Eplièse, cl parlelcmoi-
Jilèie de Dieu; par là il a déplu aux proies- S'iagc des écrivains contemporains.
laiils;il réfuta l'ouvrage de l'empereur Julien Ouanl à la dottriiie de ce l'ère, elle n'cvt
contre le tliri tiaiiisuie, c'est un sujet de pas moi is irréurci.-'isiblc que sa conduite-
Le l'iiiciie ci-nénil île 'Itialcédoiiio. Imi l.igé en (rois religions , éiail le plus turlm-
\iiigl ;m.s iiprès celui d'Isplièse, e.i toinlam- li'iU et lo |.lus séditieux (iii'i! y eut jumais ;
iiaii' Eui\cl)i''S, ne crui ilonner aucune alieiii- les clirélieiis, les juifs, les pjVeus, eluieui
le à la dùiliin- de sniiil Ci/I'ilte. A ce concile toujours prèls à en venir aux mains et à se
néanmoins assistait 'l'Iiéiidoret, qui avait é;Tii porter aux derniers excès. C'esi ce qui avait
il'alDrd contre sainl CijriUe. mais qui s'clail iiigag;é les en)peri'ur>i à donm^r hcaucnup
ensuite réconcilié avec lui, et avait alian- d'autorité aux palriarthcs : le pmvoirde
iloiiné le parli do Neslorius. Nous pcrsiindr- ceux-ci ii'étail doiii; pas U'iirpi; mal à pro-
ra-l-on que riiéoJorel, dont on ne pent contes- pos, 1 s f;ouverniMirs rn avaient de la jalou-
ler ni la scienre, ni la vertu, n'était pas assez sie. Les prcmieis, obligés de proté);er les
habile pour voir la diHérenci' qu'il y avait en- chrétii'ns contre les atlaqu s d s païens et
tre la iloctriiiod'ApoUin.iire ou d'Kulychès, el des juifs, n'eurc-nl pas totijours as^ez de force
cellerte«fii"(C,(/ri7/c,ou(iu'apièsavoii d'ahord pour arrêter la fougue des uns et d.-s autres;
soutenu la vérité avec loule la fermeté |)os- il ne faut pas les rendre resjionsables des
sible, il l'a trahie lâchement dans la suite? désordres qu'ils ne purent cniiiéclier. — l)a-
Cetle question fut examinéede nouveau, dans mascius, copié par Suidas , n'affirme puinl
le siècle suivant, au concile général rie que sii'n/ ryi///' ail eu aucune |)ai tau mcur-
Const.intinople, tenu au sujet des trois rlia Ire d'Hj pacie, maiv iiu'il en fut accu è, parce
pitres; après un mûr evamen do toutes les que ce crime fut ro omis par des clirct eus.
pièces, if concile condamna ce <iue Ihéodu- liruck'.'r {Histoire philos., lou'). \l, pag. 28D
ret avait écrit contre .«a/n^ 6'(/'"///e et contre el suiv.) citi' avec éloge une di.sscr a'ion
le concile d'I'^phèse; iUléclara cal iinniateuis écrite en HiT, dans laquelle smnt Cijri le
ceux (lui accusaient ce patriarche li'Alexaii- e>i plcineinenl justifié de le meurtre contre
<lrie d'avoir été dans les sentiments d'Apol- les calomnies de Toland. Il punit avec, rai-
linaire, seisianS. Après douze ceiiis ans. .'<on les juifs qui avaient m.ls^ac^é un grand
les critiques p.iolcslants sont-ils plus en état nombre de chiétiens, cl l'emiietcur ne le
de juger la question ijuc deux conciles genô- l ouva point mauva s. Quant au crime el au
ranx? supplice du moine Ammoaias, i faut conve-
Dè- qu'il esl prouvé que .««l'a/ r)/»///e avait nirqiie saint Cyrille cui [tI ilo vouloir le
la vérité et la justice de son côlé, il est ab- faire honorer comme martyr : il le com|irit
snrde (!e Koulcair qu'il s'est conduit par liu- lui-même, el tài lia de faire oublier elle
jneur, par amtiilion, p.u j liousic. plutôt <)ue p.iallieureu-e aiïairo. Mais il faut savoir que
par un vrai zèle pour la pureté de la foi ; de ces troubles ariivcrenl au comincucenienl
lui prétordes motifs vicieux, | enilant qu'il a da i'épiscopa; de saint C!jiillc,e[ que la suite
pu en avoir de louabU'S, elqiie sa conduite a lui beaucoup plus traq(|i;.ill('. Vni/. So. raie,
été approuvée par ri''glise. Dans les articles ,'li^t. ecc!.. I. vu, c. 7, l'i et suiv., avec les
Eliychia.msmi; el Nessorian s.me, nous fe- iiot<>s de \"al us et des aulics ceiii(|ue».
rons voir que ces opiui lis comlanniées i:c Afin de n'omellre aucun genre; de rcpro-
soat pas seulen:ei>t des crre.iis de nom, ni de eues, La Croze prelend (jui; i'i;rudi!ion do
pures étiiiivoques, mais des liérési»-; for- i^iiinl Cyrille c!a l fort legèie el s m élu-
mellcs cl très-d gnes (:e censuic; l'une i-t quence médiocre; que .son ouv rage contre
l'autre subsistent encore, cl sont soutenues Ju.ien est f ibie, et ne confient pres.que ricu
(lar leurs pirtian«. telle- qu'elles oit été (;ui ne soit copié des éc ils dE.isèife de C6 •
ciinlaumées par les conciles d'KpIièse cl de saree et de (luchiiies autres anciens ; (ju'il
Ctialccdoinc. Les prutesianls ne peuvent m ■rilcrail à peine d'éire lu, s'il ne nous avait
donc avoir d'autre fondemenl de leurs ca- cou ervé queliiues li.igoienls d'aileurs que
lomnies q'ic les claaK uis absurdes des eu- nous n'avons plus. ( iJist. du Christ, dus
lycbiei'.s ou jacolii.es, qui n'ont p is ces é lîe /»i(/f«, loin. 1, p. -l'i.] — Quicoiique s'est
lèpélcr que le concile de Chalcédoine, eu lioniié la peine de lire cet ouvrage, et de com-
proscrivanl la doctrine d'iMitj cliès , avait p..i:er les objections de Julien avec la ré-
condamné celle de saint Ci/rille, el canonisé j o.ise de saint Cijiile, d.'mcure convaincu
celle de NesLirius. — Harbeyrac, qui a cher- l'e la fr.i-seté de ccUc ci ilique. Non-scule-
che avec tant de soin des erreurs de morale menl les preuves el les raisonnements de ce
dans les ccri's des ('ères de l'Ki^lise, n'en a Père sont solides, mais il y a plusieurs mor-
reniarque aucune dans les ouvrages de celui ce/tux très-éloquents ; el partout on y voit
dont nous [>arlons. comliea un auteur judicieux a d'avantage
Mais on loi fait des re['r<clies |. lus graves: sur un bel esprit. Il n'est pas vrai c|u'il se
on l'accuse d'avoir usurpé l'autorile eivie soit borné à copier Lusèbe ni les autres an-
dans sa ville épiscopale ; de s'être brouillé, ciens ; il iitiand il l'aurait fait, il ne serait
par son ambition, avec Orcste, gouverneur p,as Ij^àinable; il suit son adversaire pied à
d'Alexand ie; d'avoir cha^sé les Ju fs ùc pied, ne laisse ajtuae objeciion sans re-
cette ville ; d'avoir causé plusieurs séditions ponse, el m (l'.lre Le.iucoap d'érudition sa-
et le meurtre d'îlypacie, fil.e qui professait .lè;! el prol.ine.Le seul reprorheiiu'on (lour-
la philosiipbie, et que le gouverneur proté- rail peut-être lai faire est ù'etre on peu dif-
geail; d'avoir vouiu rneilie au nombre des lus; mais Julien Iji-mê lu; l'e^t beaueuup, il
martyrs le moine A nmonius, puni de mort ne suit aucu.i ordre, ci ii s'écarte coiilmuel-
pour avoir attaqué el blessé ce gouverneur, leuienl dj son oljcl; il était dilficil.^ de ne
— On sait q-e le peuple d'A cxandrie, par- pas lon»ber dans îe tiàîtic défaut or? k r'fi!-
1205 CYli *'^'^ lîC»
tant. Avant lie porter un jiigpinent sur des ont éié publié'; en {;n'c d en latin par Jean
ouvrages consacrés par le rfs|)cri de <louzc Auberi, rhanoine de Laon, on 6 vol. in-folio,
siècles, les critiques modernes dovraienl y l'an 1638. Spanlieini a donné séparémenl
regarder de plus près. l'ouvrage contre Julien, à la suite de ceui de
Les ouvrages de saint Cijrille d'Alexandrie cet empereur, en lt3'J6, in folio.
FIN DU rr>EMii:R voluiik.
TABLE DES MATIERES.
Nota. Les ariicles précédé, de ce signe * sont iionvpaux ; ceux où il y a des inlerc;ilaiioiis ou des noies
sniii préiéilés (le cliilTres qui indinneul le nombre des inicicalations ou des noies. Ceux qui sont précédés de
(n) sont extraits de l'édiiion do Liégo.
• .Volice historique sur Ber-
(jier, 9
A ertissement de l'auleur.
tii
■ Averlis enientsurcctlenon-
velle édilion, 17
(1) Itnrodiutivnau Diclion-
naire de Théologie dog-
m-it que. — Dessein de la
Providence dans l'élalilis-
senieiu do la religion,
origine et [irogrés de l'in-
crédulité, 2b
A
Aaron, S3
Alj, Abtia. Koy.rère.
Abartdon, S8
Alnilard, S8
ADaisseinent, tiO
Abandon, (30
• Alidas, tiS
Al>den3t;o. Foi;. Enfants
(Uns la fouruaise.
AbdLas, 65
Alidias de Bahylone, 65
AI)dissi,Abdjesu. VoiJ. Chai-
oéens.
Aiiécéila res, 66
Abpl, 66
Abéliens, Abéloïles, 67
Ab-ar, 67
Abialliar, 68
Abisme, 68
Abissins. Voy. Ethiopiens.
(I) Abjuration, 69
Ablution, 70
Abnégalion, 71
Abominable, Abomination,
71
Abra, 71
1 2) Abraham, 71
Abrahaniiens. Voy. Samosa-
liens.
Aliraharnites, 76
■ Abr:di3inites, 77
Absolu, Absolument, 77
■ Absolu (des nouveaux plii-
losophcs), 78
(l) Absoluiion, 79
Absoute, 79
Abslèine, 80
(I) Abstinence, «0
Ab^tmenls, 83
Abus en fait de reli^jion, 85
Abyssins. Koy. Ethiopiens.
AcaciiMis, ■ H8
Aiception de personne, 88
(l)Ai;cidenlseucharistiquei,
89
Accomplissement dos pro-
pliélics. Toi/, l'rophélies.
Accord de la raison et de la
foi. Voy. Koi, Kaison.
Acéphales, 89
• Achanimh (Sophie), 90
Achias. Voy. Anias.
Acliiméiecli. Ko^. Abiatliar.
Ac(finète.<, 00
(l)Acoljte, 92
(I) Actf, Action, 9-5
Actes des apôtres, 96
Actes des concdes. Voy.
Conciles.
Arles des martyrs. Voy.
Maityre et M:iriyrolo.ue.
Actes de Pdate. Voy. l'ilate.
Actuel, ' 98
(3) Adam, 98
Adaniiiesou Adamiens, 107
Adessenaires, 109
Adiaplioristes, 110
Adjuration, 110
Adouaï. 110
Adoptiens, 110
Adoption, 111
Adoration, Adorer, 1 1 1
Adramelcc. Voy. Samari-
tains.
Adrianisles, 113
(1) Adultère, 113
Adversité. Voy. Affliction.
Ai'liens. Foy. Anoméeus.
Allinité, 117
Allinitè spirituelle, 117
Allliction, 117
AlIVanchi, 119
Africains, Afrique, 1 19
Agag, 121
As;:)pes, 121
Agapètes, 123
Aggée, 12u
Agiographes. Voy. Higio-
graphes.
Agiiean pascal, 126
Agnoètes, Agnoïtes, 126
Âqnns Dei, 127
Agobard, 128
Agonie, Agnnisnnl, 128
Agoni'; de Jésus-Clirisl, 129
Agciuisliques, l,"0
Agiinyclites, l.îO
• Agreda (^laricd"), 1.30
Agvniiiens lôO
Allias, 1.30
• Aigle, 152
Aîné, Aînesse, 132
' Ainos, 131
Albanais, loi
Albigeois, 13i
" Alexandre le Grand, lil
Alexandrie, lil
Allégorie, li.'i
Allelim, IfiO
AlliMiiagne, IMl
Alliance, lyt
AIngfs, Alogien<!, 137
Aiolin et Oineyti, Mil
Alphabet, 157
Anialéciles. Voii Agag.
Auiaiiri, l'Js
Anibroise (saint), i;i8
Am' ruisien (Rite ou o(lice),
100
Amliroisiens ou Pneuniaii-
ques, 161
(0) Ame, 161
■ Américains, 197
Amérique, 200
Amitié, 20t
Aminon, Ammonites, 20.3
Amorrhéens, 21)0
Amos, 200
(1) Amour de Dli u, 2 16
Amour du prochain, 207
* Ampoule (sainte), 208
Amsdoillens, 209
Amulette, 209
Anabapiistes, 211
Anachorètes, 218
Anagogie. Voy. Ecriture
Fanite, §3.
Analyse de la foi. Voy. Foi.
Anaméiech. Voy. Sjiiiari-
tan.
Anaiiie et Siiphire, 223
Anallième, 22i
Ancien, 2i.)
(3) Ange, 22ii
■ Ange gardien, 233
Angélites, 231
Aityelus, 23i<
.4iigleteire, 237
(2)'Anglic.in, 21t
fl) Anim.iux, 230
Animaux pu'S ou impurs,
2fi3
Anneau, 2(i(i
' Anneau du pécheur, 206
■ Année, 266
* Année asironomique, 266
' Aimée civile, 266
Aiimvprs:.ire, 2il8
Aiinoncia(l('s, 20S
Annonciation, 269
Anuotine, 270
Annuelles (OOrandes), 270
Aiiomécns, 271
Anomiens. l'oy. Aiitino-
mieiis.
Anselme (saint), 271
Antécédent, 271
Aulechnst, 272
Antédiluvien, 27.3
Autbologe, 27G
Anthropologie, 276
Anlhropoinorpliisnie, 2'7
Aiilhro|.opatbie, 278
Anthrnpnpiriges, 279
Anliadiaphoristes, 279
Aniidicomarianites, 279
* Anticoncordalaires, 279
Antiernv, 2SI
■ Aiililogie, 281
Antiliilhérieiis, 281
Anlimcnse, •2'^\
(1) Anlinomions, J8J
Anliiii'he, 283
' Anlioi bus, 286
Antipapes, 288
An'ipodes, 288
Anliiacies, 2U0
Anlitriniiaires, 290
Aiitilvpe, 2!I0
Antiiine (siiinll, 291
Aniouin (saiuti, 291
Aod, 292
Apathie, 292
Apelliie^, Apelliens, 295
Aphihartodocèles. Voy. In-
corruptibles.
Apocalypse, 291
Apocryphe, 298
Apodipne, 303
Apollinaire, Apollinarisles,
303
Apollonius de Ty.mes, 501
Apologétique, 503
Apologie, Apologistes, 500
ApolyiK|ne, 310
Apostasie, Aposl.il, 511
• Apostohcité, 312
Apostdlins, 320
Apostolique, 320
Apostoliques (Pères). Voy.
Pères de rÈglise.
Apostoliques, 321
Apoartiies, 523
Apothéose, 323
Apélres, 521
■ Apôlros (Faux), 331
Apparition, 331
.Apparitions de Jésus-Clirist,
533
Appel au futur concile. 358
' Appel corn ne d'abus, 338
A'ipelaiu, 338
A|iplicatiou, 559
(1) Approbation , Approu-
ver, 339
Apsis, absis, 339
A(|uarieiis. Voy. Encratlles.
Aquila, 310
Arabe (Version). Foy. Bible.
Aratiift, 3i0
Arabi(|ues, 512
Arbre de la science, 313
Aibre de vie, 5i3
Arc-e.n-ciel, 513
Archange, 315
Arche d'albance, 3i.ï
Arche de Noé, 54(1
■ Archéologie, 353
(a) Archevêché, 5.3i
(fl) Archevêque, S.*»'»
■ Arcliiconfréric du saint
Ciriir de Marie, 358
(h) Archidiacre, 358
(») Archimandrite, 3'.>l
(n) Archiprêtre, 361
Arctionliquc, 363
1-2b»
Aiéi)|iaj;iiP. Toi/. S. DeiivB.
Aiiaiiisnii', 36^
ArisloléliL'ii'i, 37J
Aiini^pdn cifl. roy. Asires.
Arinéiiiciis, S75
Ar.ups, ^'-i
Aiiniiiia.iisMie, ^7(;
Arj.alilis es, 381
Arrhal'oniiairos, "iM3
An, ôS-,
Arl notoire, 5X1
An (11- sailli Anselme, 7iHi
Arldesiini l'aiil, 3S(
■ Arlénioniles, 3K.">
Ar iciesile foi . Koi/. Dou'tiies.
■ Articles fiuid:mieiiLm\ ,
' Arlicles orgini |iies, ôS.j
Anotyriles. Vvtj. Moiita-
iiistes.
Aruspice. Fo;/. Diviii.nion.
Ascension, ôf-i
Asci>tfs, ô8t)
AS'.i'es, Ascnilrufiiles, A>ro-
(Inipires, AsioiIrnU's. Veij.
Muiraiiisics.
As'iié, .W1
Asi:iliques, Asie, 390
A-ile. rot;. Asjie.
Asima. l'oi/. Sa narilain.
Asiniid;iî, Asmo.loe, 091
Aspersion, 391
Asphalli'. r. 1/. Mer Horie.
■ Assemblées re iyieiises ,
ôtl
Assi(li''pns, ■" 2
Assistance, .'02
Assomption, 3'.I2
Asiarolii, Asi.irlé, ôllr;
Aslarolhiles, 391
Aqatiens, ."Dt
Aslère (saint), 59t
Aslre», S'Ii
Astrolog ejudieiaire, 3l'6
Asironomie, 338
Asjle, 399
Aliianase (saint), 400
(I) Athée. Aihéismc, 411 1
A liénaf-'ore, 4119
Ailnbtits, 4M
Allrilion, 41'
Alli'ilioonaire':, 415
Auhe. Voy. ll.iliils s^ccr-
ilotaux.
Aiidiens, Vadions, 41."
Augsbourg, 414
A'igiires, Auspices. Ko;/.
Divination.
Angustin (s:<int). 418
An(;usliniaiiisuie , Aiigiisii-
niens, 42j
(n) Angusliiis (lieligieuv) ,
42 (
(u) Angiislins rérormés, 431
(a) Angustius (Clianoinesl ,
453
Aiilique, 434
AiiMirme. 431
• Aoinôniers, 430
.\i.inusse, 431!
Auricnlaire, 4"t)
Ansbourp. Voij. Angsbonrg.
Anspice. K«|/. Divin. lion.
Austérités, '['o;/. Mortilica-
tion.
Antel, 4.36
Ailleurs eoclésiasti(|;es, 459
(I) Authenti(|iie, 442
Antocéphale, 443
Autn-da-fé. roi/. riii]iiisi-
tion.
Aiilographo, 443
Anlordé, 4i3
Autorité conjugale, patei-
• nellc et doniesli lue, 414
Autorité religieuse, 4?)3
Avare, Avarice, 4GI1
Ave itmitt, 4i;il
/lie Mm Ja(lteliEieiiscdo 1').
TAIILK DtS M.VTIEHtS.
Y,ty. Saillie-Claire et Cor-
didièren.
Avùneiu 'iil, 401)
Avent. 401
Aveuglement spirituel, 401
Avocat. \'0',\. Piiraclet.
A7.:i7el. Voil. liouc émis-
saire.
Aziile. Voy. Septiiaiîésitnn.
A7ime, 400
H
lianl 01 l!el, 407
lîaaliles 40')
Itiamile', 4711
(:') llaliel, 470
Bachelier. Yuy. l'acuité de
tliéol 'gie.
Itagnolais, 473
Jlahem. 470
Ita'anisme, 476
Itamiiéie, 4S3
(.") Uapléine, 483
B:iplistère, 499
Barallols, .'>0t
Barbares, SOI
Barbeliots, MIT
l'aii|esa:iisies, .'i'i7
Barnabe (saint), îilO
(n) Bannbites, .'112
Itar.saiiieiis, .'il 3
Barthélémy, ,'il3
Barthélémy (Massacre de la
S.iiiit-), 511
Barthélemiles, .'ilO
Bariicb, .SI7
Rarules, 518
Basile (saint), 518
Basile (l)rJie de Saint-) ,
1520
Basilidlens, S22
B.isiliipie, S2.')
■ Baskirs, 526
• Bat.iks, b27
• Béate de f.uenzi, 527
Béalilication, 527
B'atitude, 527
Béatitudes év3ii;éli pies ,
.')27
Béd^, ;>2-i
Bée'phégor, .'j28
Béelzébiit, 529
Beggards, 529
Béguins, lléguines, 531
HégiiiiKige, 532
(I) It bémolh, 5.32
Bélisl, 532
Bénédictins, S33
Bénédictins de Solcsnie ,
533
Béiiéiliiiion, 53.S
Béné lii lion de l'Iîglise, 536
(I) liénélice, .5.37
Itérengariens, 542
(a) Bernardins, 519
(«) Bernardins, .'i.'il
(«) Bernardines, 551
Bessarlon, Si2
Bethléem, 5:i2
Réildéémiies, 5.>3
(I) Bible, .•1.33
Bibles litines, 500
(1) Bibles orientales, 361
lîibles 1 haldéeniies, 56i
(1) Bibli'S syrianues, 502
(2) Hibles .iVabes, ;)64
(1) Bibles ciiplilcs, 50.3
Bibles éthiopienne», 503
Bibles arméniennes, 560
Bible persane, .360
Bible nioscoviie, 560
Bibles en langue vulgaire,
Bibliipie, ;j67
' Bibli pies (.Sociétés), 568
Biblistes, 57o
(I) Bien, Mal, 570
Bien et Mal moral, 575
Biens. l"oi/ Kichesses.
Bie s ccclé ijstiqnes. Voy.
Bénélices.
Bienfaits de Dieu, 575
Hipnlienr>ux, 576
Jiiens (Communanlé des)
.577
(iigame, Bii,'ainie, 579
Bigiit, " ;)8n
Bissacrameniau" , 5iO
• Hlaiifhanl, 5K0
Blasphèiiip. .581
Blasp'iéin.ileur, 5SI
Il as|iliéniatoire, .'i8l
Boguiniies, Bi),'armiles, .583
Bohémiens (h'rères). Koi;.
Hernules.
■ Boliémiens, .583
Bohniisfs, 'Mi
(1) Bollandisles, 681
(I) Bon, Bon: é, ,58:1
Bonaven nie, 587
Bonheur. Voy. Bien.
■ Honlicur, ' 588
(1) Bonheur éiirnel, 591
• Boiii'ace VIII, 5'io
Bonnsi.iqiies ou Bonosien»,
5')6
Bons-Hnmnips, ' 896
Bonté. Voy. Bon.
Biirborilp.tj ^li;
Biriélisies, 5 !6
Buic émis>.iir ■, ,')')7
"Uundlln. B uiddlisnic, .')98
Boungnoiiiste, 59!)
Brachitps, ,»;i)9
• Brahm.i, Brahmisme, Sii'J
Brame. Foi/. Indiens.
Braudeuin. Voy. Kelique.
Bref apostolique, 599
Brévi.iirc. Voy. OIBce di-
vin.
Broiirolaras, 599
Biownistes, 600
Brutes. Voy. Animaux.
Bulgares, ' 601
Bulle, 602
Bulle Unigenilus. Voy. Uni-
genitus.
G
Cabale, 603
Cadavre, 607
Caïuistes. Foi/. Monopby-
sites.
Cain, 007
Caïiiites, 608
Calcédoine. Voy. Chalcé-
doine.
' Calendrier républicain ,
609
Calice, 609
Calixlins, 611
l'aloinnle, 613
Caloyer, 614
Calvaire, 613
(«) Calvaire (Congrégation
du), 613
(2) Calvin. 617
(1) Calvinistes, 629
Camaliliiles, 658
Caméro liens, 639
r.ana, 659
Cananéens. Voy. Chana-
néens.
(2) Canon, 6!0
('anons des ap'ilres, 6i9
Canons d'un cuucile, 630
Canons arabiques. Voy, Ni-
cée.
Canon de la messe, CSG
Canons pénilentiaiix, 632
Canons des saints, 6.)3
Canoni(|ue, 6S3
(I) Canonisation, 655
Cantique. Voy. Chant ec-
clésiastique.
Cantique des cantiques, 660
Capliariiaum, 0(il
Capisail, 002
I2C6
Capital, 66a
Capitule. 60S
Ca(itivité de B. In Inné, 002
<"apueiall, " 004
(a) Cafiucins, 0(i:>
(J) i:ar;K'lére, 6! 7
Caracu'rcs hébraïques. Voy.
Hébreux.
Caractères migiiiies. Voy.
Magie.
Caraïies, 067
• Carbonarl, 070
Carlin.Tles (Vertus), 071
Carlosiailiens. Voy. l.utbé-
r eus
("armel, 674
(h) Carmélites, 674
('i) Carmes, «7i>
(n) Carmes-Décliau ses. 078
Caro'ins (Livres . Foi;. Ima-
ges.
Carpocratiens, 680
('as de co.:^rienre, 082
Cas de conscience. Voy.
Jansénisme.
(2i t:asiéservés, 683
Cassien. C83
Casuel, 68S
Casui^le, e89
Calabapiisles, 690
Calacouibe, filil
t'ataphryges, 693
Cataracte. Voij. Déluge.
Catéchèse, 693
Catéchiste, 095
Catécliuménat, 093
Cathares, 6')7
Catluristrs. 698
■ Cfilhcitr/i (Ex\ 098
Caih ihale, 698
Cilholiipie, »99
(2) Catholicité, 701
(l)Call.olicisme, 710
(n) Catholiques (Nouvelles),
712
(laucaubardiles, 712
Onise, 712
■ Causes maj.'ures 720
Céléranl, 720
(«) Cèles- ins 721
(l)Célibai. Coiilinencc.725
Célicdles. Vo'i. Cœlicolcs.
Cellites. ■ 711
Cellule, 741
Celse, 742
Cénacle, 743
Cendre, 74.3
Cène, 746
Cénobite, 747
■ Centre d'iinilé, 752
Centuries de Magdebourg,
7*12
Cerdonirns. 7.35
Cérémonie. 7.57
Cérémonies judaïques. Voy.
Lois cérrmnnielles.
Cénuthiens, 7 17
(l)Cerliiude, 770
(;és3ire (saint), 781
Chaîne {Caiciia ralrum).
Voy. Commentaire.
Chair', 781
Chiiirs ou Viandes impures.
Voy. Animaux purs ou im-
purs.
Chairs. Fo 7. Viandes imnio-
Chiire'ife Moi>p, 785
Chaire de théologie, 783
l'haire épis^npale, 785
(I) Chaire de saint Pierre ,
784
Chalcédoine, 785
('hallaîcpie, 795
(I) Chaldéens, 7!);;
• Chaleur du globe, 798
Cliani, 79H
Ihananéeiis, 799
• ihinanéeiine, 802
13.7
LhaocelaUe, 802
OUanoelier, 8fli
r.handpleur, 802
i:iiaiidL'lier (lu Temple, 8(15
Clpanoiiie, Clianainrssp, KOi
(t)Cliaiiloccli''sia5Uiiiie, 8:iï
•Chaos, 811
ChaiH'. Voii. îla'.iils siciT-
(Jotaiis. '
Chapelain, riiapcllc, 8.11
<'hapelci, Nli
('.lia|iilrp u'un livre, 812
" Chapitre , asif^nibioe de
f hàiioiiipson derelisieiit.
fou. le. Dicl. de Tlnïolo-
pie iiiftrale.
Chapllres (Tit)is), 813
Cliarilé, 815
Charilé (Religieux de l.i),
Cliarlié (S i-urs de li). S20
C'iiaril^ (Dames de li), 820
Charmes, 821
('harlrei)T, 821
Cliaureiises. 820
Chasse. Vol). Reliques.
I liaslelé, 837
* lM.-ul)!e. Foi;. H.diits s:ici es
on saccrdola-ix .
CliSiim.iiis do Dieu. l'o;;.
Jiisiire de Dieu.
((/) Cher.-ior, 8^9
Cher.leri'nlise l'i.i/ r.ii»-.
Ciierchrur-, 850
I iiéndiin, Nô'l
(;ii^nil)i|ue, 851
I liilia^les. roi;. M 11 "inir-s.
(2) Chine, 8 11
( liirolonie. Vofi. Impnsi lin
des inaiii<.
Cha-ur, «iO
Cliitnr des A ges. l'oi;.
Aii"e':.
Choix' ' 817
* CliOléra-Morl IIS, SU
l'.lio'cvïipie, 8H
Chrrîino, 8.-;o
("lirémeau, M.'.l
Chréiien, S il
Chr<5lieiis de S.iiii! -.le,iii.
l'oy. Mandaîies.
Cliréliens de Sainl-Thoiias.
l'oi;. Nfsloi-ie :•;, § i.
Chrélienté, 8;il
Ch'ist, 8(12
(3) Chrisli.in'sme, 8f;3
' Clirisljaiiisme ralioiinel ,
8,S'i
Chrislolvlps, 8,iK
* Clmslb-Snctum. 890
Chroni.pies. l'oi;. l'aralipo-
mciios.
(I) Chrniiiilnpie sai'.ru.-, 802
(;iiryso5limv (S. .leaii), 891
Oliuif (I Adam. Foi;. .-Ulain.
Cil) ire, ■ 807
Cel, 807
l'.ierjçes, 8,:8
Cilicp. Vnj. Sae.
Ciiiii'iiiTe. Foi/. l''iinérjill.'S.
<'.ir. oilr-el|lo:is', 91' 1
Ci^(Mll^i^i..I1, 902
' CiieuMM i'ipiinii di ir.ésa ne
«l parois.fi^ili', ! 0 i
Circiim incessio i. Voii. Tri-
nité.
Cislerri ns. F. HiTmrd iis.
Cilalio ii|.> l'KiTiluri-S.Tiiili'.
I 01/. l'^criinre saliile.
(») Claire (li.'lio" "Sfs d"
(S.liiile-). 0 7
(i) Claiifii.s. 007
Clsiiiii aiie.s. l'o/. .\ii:il):ip-
li>lis.
T.Viil.E DES M.VflEnES.
CLiiHle de Turin, 908
Cl.iiidiaiiislPS on
i.lér, 911
Clémenie de Dieu. loi/.
.Misérienrde.
Clineiit (saihl), 911
11) Cléiiieiil d'Alexandrie,
9U
■ ri.'-meiilins, 918
Cléuliieiis, 918
(I) Clerc, ClTgé, 919
Clercs réjulipi-x, 050
Cliinil, " 051
(Jini'pies, 932
Cldolies, 9.53
Cl"! re. 933
(.1) Cl.dlre, 931
Clô:ure de religieuses. Foi/.
Hrliiii uses.
Cluni, " 951
Coiciif, 956
Coaciion, 93G
Cuecéieiis, y.îB
Cicgalilé, 0,57
Cuilicoles, 937
C'>éternilé, 95B
Coévèqne, 958
■ Cœur (UûvoUsin au sacré),
959
■ Cœur (liislitu' du sac.é),
910
"Ciinr ( C<iiii;pêgalion du
Sacré), 9+1
Cdlarbabieii-, 911
Colère, 9il
( iil(''lans, 9i2
Collaiinrs. Voy. Oblals.
Coliecl', 9»2
Co 1 pe. 9tj
(ri) Collège de rardinau.x ,
915
Collégiale, 913
Collé^'ieiis, 913
ColliUliiens, 9U
Collvildinis, 9U
Cii'oinl)(sainl), 9i(i
Cnlorites, 9iG
Closbiens, 916
Col>li,s, 917
Comiiiandi'menls de Dieu,
918
Coinniandem nlsderEi;lise.
9iS
CoinméiTioralion , Commé-
iiioraison, 0,8
Comuien-piiient, 951
Coiiiiueiilaires , Commeula-
leiirs, 9.52
C(jiiimerce, 9.59
Comniunaulé ecclésiastique,
9BI
Co \ m'maulé des bi-'iis, 96i
Comiiniiiii'anls, !)6b
(1) Coinaïuiiiiation d'i. Mo-
ines, 96.=)
Comiiiiiiiinii de fo', 966
(\) Com liunii.n des saiiils,
Con.mniiinii i-u.'liarstiqiu' ,
908
C.ominniiinn spitiui. Ile, 971
Coiiiiniinlon s us les deux
es|ièes, 971
CMuniMMiioii frr(|ueiile , 97fi
Comniuinon Ijî pie, 978
(!o iimunioi étrangère, 978
Coiiiniuii on (l.iiiir(;ie), 08
('.■iiiimuiiion (Anllemie), 07H
■ Communisme, 97S
Cnmpajîiiie de .lésus. Vo',.
.lèsniles.
Coiipassajii. Yot]. Miséii-
(01 lie.
Compassion ib la sainle
Vierge, iW»
Coii.plie:, 982
Comp iiiciion, !82
Compréhension, 985
(Il Conceplion imuiaculéc ,
985
(2) Concile, 986
(a) Conciles nationaux, 1018
Coiiciliahule, , 1U24
■ Coiftlusioa Ihéologiqiie ,
1021
Concilialeurs. Fo;;. Syncré-
lisles.
Coiicoiiiiiant, IO!2.5
Coiiconlan e, 1023
toncordd des livangiles,
102S
Concours de Dieu, 10:i9
Coiicnliiiiage, 10.9
Concupisce.ice, 1050
' Coulaiiiuaiion des éiiits,
1051
0 lidi-nilé, lil52
Cnu'liiioiiuel, 1052
Conditionnels ( Dicrel» ) ,
10-,)
Con lormauls, 1 i."3
Confesseur, 19 5
(â) Conlessioii sa ramon-
lelle, 1051
ConlVssionnisI' s, lOlS
Couliaiice en Dieu, 10 18
(1) Conlirmalioii, lOiO
Confrère, lo;5
Cnnfiérie, 10>5
(n) Omlréiie, |ii:>5
• Cnnful/.i'eiis, 10,8
Congrégation , tOoS
Coni;régation de religieux,
10.59
Congrégalion de piété, 1059
Con;{régatiou de Noro-
Dame, I0t9
[«) Coii^-ré^aliuiis, 1059
Con;;ri'giilioiKilisles oillio-
do.xes, I0!i7
Cuiigrni~m?, llKi"
Congriiité, Ili70
Conjurslion, 1070
Comn.tes, lii71
CoMsangumilé. yoij. l'a-
reniè.
O.ns.iine, 1071
Conscience (l.ilierié île),
1074
Consécration, 1070
Conseils évan^'éliqu 'S, lOSi
Conservateur, C',iiber\ a' ion,
1085
Consiilaliun, 10s7
Consort, 10.^7
(1) Cuiiblanci', 11187
Cnnslanliu, 1089
Conslanlinoplc, 1005
(I) Conslltiiliun, 10, 8
Conslitulioiis api.sloliqiies ,
1009
" Consliluliou civile du
clergé, 1101
' Coiislilulionnelle (IC^Iisc),
IIO:i
* Conslllnliùus nioiiasli lies,
Mil
Consubslanlialiié. Fi i; Coii-
.Miljstaiiliil.
Consuhsianlia eu: s, 1112
Consiibslaoliilio 1, 1115
Coii.siilis'ant'i I, 1115
(!onsiiUeiirs, 1 1 1 l
roiremplaiii n, 1 1 17
Conlexli', 1117
rrii:iiieiice. HIT
Conioliarili s l'cy l.ii v-
lIllCIlS.
1-2G8
C nlradiaions, 1119
C iilrainle. Foi;. Persécii-
lioii.
Contrat social. Foy. Société.
Coiiiie-remontrants ou do-
iiiaiisies. Foi/. Arminiens.
Contrition, 1120
('.■iiilroverse, 1123
■ Controverses (Juge des),
1129
Couve luei. Foi/. Franc is-
Clllll.
Convoi l'uiiébre. Foi/.Ku.ié-
raiH.'S.
Conveisioii, 1152
(1) Convulsioiinaires, Ilôt
Cophtes, Coptes, 1153
C.opiale, 1158
Corlian, 1 1 59
Co.buh,, iro
Corde, lorucau, 1 159
C.Tdelier, 113.1
tor.lelièiTS, Il 10
Cordon de S.-I"' ançois, ! 1 40
Ciré. Voii. Aaroii.
C"rinlliieiis 1110
Cornar.ste:,, lUH
Corporal, Il il
•CorpsdeJésuj-Ch i^!',IHI
C- rps de .lésiis ChrisI, Il il
Coriiipticol s. 1112
Ciiine (saint), 1112
Cusuiogonie. Voij Moud •.
■ Cosiiiognniii, 1 1 12
• Côle-d'Or, 1111
Cotereauv, 1154
Cou'e Voi\. lia!. ils rili-
gieux.
Couleur, 115 4
Coulpe, 1115
Coupe, 1155
Couioune, 1 155
Cours, 1 1 57
Cours de théologie, 1157
Coutumes rili-ieus s Fc-y.
Observances.
Cornent. Fol/. Monastère.
Co -rv, ■ 1 1 >7
Crain e, 1157
(2) Créa eur, Créalio i, Il 10
Crèche, Il 09
f.rédibilité, 1170
Cre.io, Il 73
Créléiiisics. F. 1/. Çu'iirs de
Saint-Joseph.
Crime, 1175
■ Cl il eis'iie, 1174
Critupie, Il -.5
Critique sacrée, 1 177
Croisa les, 119,
Croisier, 1 182
Croix, 1183
Cioix |Si.;ne de l.i), 1181
Croix (TèlH lie la), 1188
((()C.iox(rdlesdel.,)„ll*>
Croyance, 1190
• Crovan es ( Progrès des).
^ 1103
Ciiiciliciiipnl, 1194
Crnci s, 1105
(2)iulto. 119:1
• Ciille de la, saillie Vierge.
Foi/. Maiie.
■ Culte des ••aiiils. Yoy.
Saints.
' Cnllede Jésus-Christ. Totj.
Iliimaiiiie de Jésus Christ.
(0 Cure, Curé. lîUi
livprien (s.-,iiu), 1237
Cvrille (saint) île Jérusalem,
1250
C\r H (sai I) .j'AIesa idr e.
L'.'l'.i
|:N t L \.\ TAlil.t.
im^ .
J- V.'îr. \» /. ••
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