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Full text of "Dictionnaire de théologie dogmatique, liturgique, canonique et disciplinaire"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  witin  funding  from 

University  of  Ottawa 


littp://www.arcliive.org/details/dictionnairedetli33berg 


ENCYCLOPÉDIE 

THÉOLOGIQllE, 

SÉRIE  DE  DICTIONNAIUES  SUH  TOUTES  LES  PAKTIES  DE  LA  SCIENCE  KELICIEUSE  , 


OFFRANT  .EN    FRANÇAIS 

l,A  PLUS  CLAIKL,  LA  PLUS  FACILE,  LA  PLUS  COMMODE,  LA  PLIS  VAHIÉK 
ET  LA  PLUS  COMPLÈTE  DES  THÉOLOGIES. 

CES    UlCÏIO.NNAltlES   80:NT   ; 

i>'ecritui\h:  sainte,  de  philologie  ."sacrée,  de  litdrgie,  de  droit  canon,  d'hèrésius  ki 

DB    .SCHISMES,    des    LIVRES    JANSÉNISTES,    MIS    A    L'iNDEX    ET    CONDAMNÉS,    DES    PRlipuSn  IONS 

CONDAMNÉES,    DE    CONCILES,    DE    CÉRÉMONIES    ET     DE    RITES,     DE    CAS    DE    CONSCIENCE, 

d'ordres  RELIGIEUX  (HOMMES  ET  FEMMES),  DES  DIVERSES  RELIGIONS,  DR  GÉOGRAPniK 

SACRÉE     ET     ECCLÉSIASTIQUE,     DE     THÉOLOGIE     DOGMATIQUE     ET    MORALE,    lE 

JLRISFIIU1)E>CE    RELICIELSB,    DES   PASSIONS,     DES    VERTUS    ET     DES    VICES, 

d'hACIOGRAPHIE  ,        d'iconographie         RELIGIEUSE  ,       DE        MUSIQUE 

CHRÉTIENNE,    DE    BIOGRAPHE     CIIRÉTIKNNE,    DES    PÈLERINAGES 

CHRÉTIENS,    DE    DIPLOMATIQUE,     DE    SCIENCES     OCCULTES, 

DE     GÉOLOGIE      ET      DE     CHRONOLOGIE     RELIGIEUSES. 

l't'BLlÉli 

PAR   M.  L'ABBÉ  MIGNE  , 

ÉDITEUR    DE     LA    BIBLIOTHÈQOE    ONIVERSELLE    DO    CLERGÉ, 

on 
DES   COURS    COUPLETS    SUR    CHAQUE    BRANCHE:    DE    LA    SCIENCE    ECCI.ÉSIASTIljt'E. 

50  ÏOICMES  lN-4", 

PRIX  ;  0  FR.    LE  VOL.   POIR   LE  SOUSCRIPTEUR  A   LA    COLLECTION    ENTIÈRE,   1  FR.,  8    FU.,   ET    HÈMl.   10    FK.    POUB   LK 
SOUSCRIPTEUR  A   TEL  OU  TEL  DICTIONNAIRE  PARTICULIER. 


TOME   TRENTE-TROISIEME. 

DICTIONNAIRE  DE  THÉOLOGIE  DOGMATIQUE. 

TOME    IREMIE!!. 
k    VOL.    PRIX   :  26    FRANCS. 


CHEZ  L'ÉDITEDR, 

AUX  ATELIERS  CATHOLIQUES  DU  PETIT-MONTUODGK^ 

BARRIÈRE    d'ENFEU    DE    PARIS. 
1850 


DICTIONNAIRE 


Dli 


THÉOLOGIE 

DOGMAÏIOUE, 

LITURGIQUE,     CANONIQUE    ET     DISCIPLINAIRE, 
NOUVELLE  ÉDITION 

MISE    EN    KAPPOKT    AVEC    LES   PROGRÈS    DES    SCIENCES    ACTUELLES; 

(lE.NFERMANT    TODT   CE   QUI    SE    TROUVE   DANS    LES    ÉDITIONS    PUÉCÉDENTES, 

TANT    ANCIENNES   QUE    MODERNES,    NOTAMMENT    CELLES    BE    D'aLEHBERT    ET    DE    LIÈGE     SANS    CONTREDIT 

LES    PLUS   COMPLÈTES, 

HAIS    DE    PLUS    ENRICHIE    d'aNNOTATKINS    CONSIDÉRABLES    ET    D'uN    GRAND    NOMBRE    D'aRTICLES   NOUVEAUX    SIR    Lr-S 

DOCTRINES    OU    LES    ERREURS    QUI    SE    SONT    PRODUITES    DEPUIS    QUATRE-VINGTS    ANS; 

ANNOTATIONS   ht   ARTICLES 

QUI    RENDENT    LA    PRÉSENTE    ÉDITION  d'UN    TIERS    PLUS    ÉTENDUE  QUE    TOUTES    CELLES    DU    CÉLÈBRE 
APOLOGISTE,    CONNUES  JUSQU'A    CE    JOUR,    SANS    AUCUNE   EXCEPTION; 

PAR  M.  PIERROT , 

AKCIEN    l'BOI'gSSEOR   DE   PHILOSOPHIE    ET    DP.   THÉOLOGIE    AU    GBAfiD   SÉmIKAIRB    DE    VEHDC.V, 

AUTEaH  on  Dictionnaire  de  Théologie  morale  i. 
PUBLIÉ 

PAR   M.   L'ABBÉ    MIGNE, 

AOITBITR  DE   LA  BIBLIOTHÈ  QUB    UNIVERSELLE   DD   CLBROË, 

OU 
BUS    COURS  COmPX.ETS   SUR    CHAQUE    BRANCHE    DE  LA    SCIENCE   ECCLÉSIASTIQUE. 

4    VOLUMES.    PRIX    S   26   FRANCS. 


TOME  PREMIER. 


CHEZ  L'ÉDITEUR, 

AUX  ATELIERS  CATHOLIQUES  DU  PETIT-MONTROUGE, 

BARRIÈRK    d'enfer    DE    PARIS. 

1850 


Iinprimurie  de  JUG'NK,  au  l'elil-Mîiiilruuge. 


NOTICE    HISTORIQUE    SUR    RERGIER 


Au  moment  nù  la  philosopliic  se  préparait 
à  livrer  au  calliiilicisiiie  les  altaqnrs  les  plus 
perfides,  la  Prmiileiico  préparail  à  l.i  relijjiini 
d'habiles  défenseurs  :  de  ce  nombre  lui  l'illus- 
Ire  auleur  du  Dictionnaire  de  théologie  que 
nous  actualisons. 

Bergikr  (Nicolas-Sjlveslre)  naquit  à  Dar- 
ney  (1)  le  31  décembre  i7IS,  d'une  famille 
liunnéie  el  religieuse.  Ayant  manifesté  dés 
sa  jeunesse  des  sentiments  de  la  plus  tendre 
pieté,  il  fut  destiné  à  l'état  ecclésiaslii|ne.  Il 
entra  au  sémin^iire  de  Besançon,  qui  était 
dirigé  alors  par  des  maîtres  habiles,  au  nom- 
bre desquels  se  distinguai!  M.  Biillel,  connu 
par  plusieurs  ouvrages  très-érudits  en  fi- 
veur  de  la  religion.  Le  jeune  disciple  fil  de 
rapides  progrès  sous  un  si  savant  maître. 
Doué  d"un  aussi  bon  cœur  ijuc  d'un  excel- 
lent esprit,  il  C'inserva  toujours  pour. M.  Bul- 
lel  une  prol'onde  reconnaissance  el  une  ex- 
trême vénération.  Le  mérite  de  Bergier  le 
fit  demander  p;ir  M.  Cliiiflel  de  Denne,  con- 
seiller an  parlement  de  Franchi-- Comté  , 
pour  faire  l'éducation  de  ses  enfants.  M.  de 
Denne  se  félicita  d'un  paieil  choix,  car  le 
jeune  maître  eut  les  plus  brillants  succès,  11 
fallait  à  B  Tgier  une  carrière  plus  vaste  que 
celle  d'une  éducation  particulière.  A  peine 
élevé  au  sacerdoce,  il  se  présenta  pour  ob- 
tenir une  chaire  de  philosophie  à  l'université 
de  Besançon.  Malgré  les  éloges  mériiés  qu'il 
obtint,  cumprenanl  qu'il  avait  liesoiti  de  se 
f.'iriifier  dans  les  sciences  Ihéologiques  et 
philosophiques,  il  se  rendit,  l'aniiée  suivante 
(1745),  à  Paris,  pour  y  suivre  les  grands  maî- 
tres et  s'aider  des  riches  bibliothèques  de  la 
capitale.  A[)rès  trois  ans  de  séjour  dans  le 
Ceniredelou  es  les  scirnces,il  fut  rappelé  par 
son  archevêque,  qui  le  plaça  à  Fhinge- 
Bouche,  paroisse  de  campagne  située  ilans 
la  Franche-Comté.  Il  s'y  occupa  avec  beau- 
coup de  zèle  des  fonctions  du  saint  mi- 
nistère. C  était  un  bonheur  pour  lui  lors- 
qu'il pouvait  trouver  un  moment  pour  se 
livrer  à  l'étude.  Aucune  production  nouvelle 
un  peu  importante  ne  lui  éiait  étrangère.  Ce 
qui  détermina  peut-être  ses  destinées  futu- 
res, ce  furent  deux  sujets  proposés  par  l'aca- 
démie de  Besançon.  Il  concourut  si  lieurcu- 
seincnlqu'il  remporta  deux  mélailles  d'or  (en 
i~oi),  l'une  pour  un  discours  d'éloquence,  et 
l'autre  pour  une  dissertation  historique. 
L'année  suivante,  il  se  présenta  encore  au 
concours,  et  remporta  de  nouveau  le  prix 
d'éloquence  sur  cette  (lueslimi  :  L'afsniitité 
au  travail  peut-elle  procurer  à  la  société  au- 
tant d'avantages  que  tu  supéi  iorilé  des  talents  ? 

il)  Petite  ville  du   diocèse  de Saint-Dié.  Elle,  ap- 
parlenail  aiilrefois  an  diocèse  dj  Besaiiçoii. 

I  DiCT.  DE  TuÉOL.  DOr.MATiQCF:.  I. 


Il  se  peignit  si  bien  dans  ce  chef-d'œuvre 
d'éloquence  ,  qu'on  dit  publiiiuemenl  :  «  1! 
s'est  peint  lui-même  sans  le  vouloir.  «  H  ne 
fut  pas  aussi  heureux  sur  le  sujet  histori- 
que: il  traita  d'une  manière  plus  ingénieuse 
que  solide  cette  belle  question  :  L'origine  du 
nom  d'is  Sé(/uiniais,  leurs  mœurs,  leur  relir/ion, 
la  forme  de  leur  f/onverneinent  et  les  limites 
du  pays  qu'ils  habitaient  avant  que  Jule^-Cé- 
sar  eût  conquis  lei  Gaules  et  dans  le  temps  de 
cette  conquête.  Depuis  cette  époque,  il  se  pré- 
senta tous  les  ans  au  concours,  el  il  se  [lassa 
peu  d'années  sans  qu'il  remportât  quelque 
prix  ou  accessit. 

Bergier  s'appliquait  en  môme  temps  à  des 
ouvrages  plus  sérieux.  Il  publia  les  lUémenls 
primitifs  des  langues  découverts  par  ta  cam- 
pai aison  des  racines  de  l'hébreu  avec  celles 
du  grec,  du  lilin  et  du  français.  Il  fil  paraî- 
tre en  même  temps  ['Origine  des  dieux  du 
paqanisine,  ouvrage  suivi  d  une  IradiicMon 
d'Hesi  de.  Cet  ouvrage  manquait  de  profon- 
deur. Nous  ne  parlerons  pas,  dil  Feller,  do 
sou  Traité  sur  l'Origine  des  dieux  du  paga- 
nisme, ouvra:',e  où  l'on  ne  trouve  ni  sa  logi- 
que, iri  la  marche  judicieuse  de  sa  vaste  éru- 
dition ;  il  le  répudia  en  quelque  sorte  lui- 
même  par  l'éloge  qu'il  f;iil  plusieurs  fois  de 
l'Iiisloire  des  temps  fabuleux,  dont  le  résul- 
tat lui  él.iil  loul  à  fa  l  cuntraire.  Il  était,  dit 
l'abbè  Birriiel,  du  petit  nombre  de  ceux  qui 
pouvaient  le  juger;  mais  je  puis  assurer  (|ue 
je  n'ai  point  vu  d'admirateur  plus  sincère  et 
plus  éclairé  de  celti' estim  ible  production  de 
M.  du  Hocher,  que  l'abbé  Bergier  lui-même  : 
il  la  louait,  la  préconisait  partout,  et  disait 
hautement  que  le  système  de  la  fahle  expli- 
quée par  l'histoire  était  mieux  prouvé  que  le 
sien,  et  méritait  la  préférence  à  tout  égard. 

En  17G4,  époque  marquée  par  la  déplora- 
ble expulsion  des  Jésuites  des  collèges  de 
France,  Bergier  fut  appelé  à  diriger  celui  de 
Besançon.  Il  quitta  avec  regret  sa  lionne  pa- 
roisse de  Flanf;e-Bouche.  Mais  la  dureté  du 
climat,  une  annexediflicile  à  desservir,  l'en- 
gagèrent à  accepter  le  poste  élevé  qu'on  lui 
ufl'rait.  L'année  suivante  l'académie  de  Be- 
sançon l'admit  au  nombre  de  ses  membres. 
Il  Venait  de  publier  son  Déisme  réfuté  par  lui- 
tnéme.  Il  y  combat  particulièrement  J.-J. 
Rousseau  :  il  ratta(]ue  avec  ses  propres  ar- 
mes, et  ne  lui  oppose  pour  l'ordinaire  que 
ses  propres  sentiments  établis  dans  quelques 
autres  endroits  de  ses  ouvrages.  C'est  là 
(ju'il  manie  heureusement  la  comparaison  de 
l'aveugle-ne  pour  expliquer  le  rapport  de 
noire  r.iisou  avec  la  nature  el  les  ouvrages 
de  Dieu  ;  qu'il  prouve  la  nécessité  et  l'exi- 
stence de  la  révélation,  la  voie  dont  Dieu  veul 
se  servir  pour   nous   la    faire  connaître,   et 


]{  NOTICE  HlSTOFtlQUE  SUR  BERGIER 

u'il  justifie  pleinement  la  re!i2;ion  dos  maux 
u'on  lui  attribue:  qu'il  démontre  rinuliliic 


q 

qu'on  lut  attribue  ;  q 

et  les  faux  principes  du  nouveau  plan  d'édu- 
cation traré  dans  VEutile.  Il  allie  le  (  hris- 
lianisnoe  avec  la  poliiique;  enfin  i!  réfute 
d'une  nf.anièrc  victorie')se  \'Apolo(jie  de 
Rousseau  contre  le  .M.indemenl  de  .Mgr  l'ar- 
cîievêquc  de  Paris,  elc.  Cet  ouvrage  fut 
bienlôt  suivi  d'un  autre.  La  Cerlitude  des 
preuves  du  christianisme  paru^  en  17G7.  L'au- 
teur l'opposa  à  \'f:xnmen  critique  des  apolo- 
gistes delà  relif/ion  chrétienne,  oa\ii\s;e  in- 
sidieux, longtemps  connu  en  manuscrit,  et 
qui  avait  fourni  des  matériaux  à  un  grand 
nombre  de  livres  impies.  L'abbé  Brrgier  dé- 
voile la  passion  et  la  mauvaise  foi  de  l'au- 
teur de  ce  livre,  et.  sans  s'étonner  de  cette 
fouie  de  raisonnemmls  sprcicux,  il  les  atta- 
que en  détail,  fait  voir  l'illusion  de  chacun 
en  particulier,  et  renvirte  ainsi  l'éiifice  en- 
tier. Ces  ouvrages  avaient  fait  une  profonde 
sensalion.  Plusieurs  églises  cherchèrent  à 
s'attacher  un  homme  aussi  distingué  que 
Bergier.  L'évéqne  d'Arras  lui  (il  expédier 
les  provisions  d'un  canonicat.  Presque  en 
même  temps  M.  de  Beaumont  lui  en  fit  par- 
venir d'autres  pour  Paris.  Bergier  accepta 
de  prélérence  le  c monicat  de  Paris,  non  pas 
à  cause  de  la  splendeur  de  l'Kgliseà  laquelle 
il  serait  attach  •,  mais  parce  qu'il  pensa  pou- 
voir y  être  plus  utile. 

Kn  arrivant  dans  la  capitale,  il  mit  au 
jour  son  Apolofiie  de  la  religion  chrétienne, 
ouvrage  plein  de  précision,  de  clarté  et  de 
moiiération.  il  profila  des  grands  moyens 
scientifii|ues  misa  sa  disposition  pour  com- 
pléter cet  écrit.  La  suite  de  cette  Apologie, 
ou  Réfutation  des  principaux  arlieles  du 
Dictionnaire  philosophique ,  présente  une 
précision,  une  énergie,  un  laconisme  admi- 
rable. L'abbé  Bergier,  en  revenant  plusieurs 
fois  sur  les  mcmes  objets  auxquels  ses  ad- 
versaires, qui  se  répètent  sans  cesse,  le  rap- 
pellent, parait  toujours  arme  de  nouvelles 
raisons  cl  de  nouvelles  autorités,  et,  quoi- 
qu'il satisfasse  toujours,  il  ne  s'épuisi;  ja- 
mais et  ofipose  à  la  monotonie  des  philoso- 
phes une  fécondité  et  une  variété  qui  forment 
lin  contraste  peu  avantageux  à  leur  cause. 
Le  Système  de  In  nature  taisait  beaucoup  de 
ravag^'S  :  Bergier  lui  opposa,  en  177,,  son 
■Examen  du  mat-rialisme.  C'est  dans  cet  ou- 
vrage que  le  célèbre  apologiste  de  la  nîligion 
fait  l'annloniie  de  la  inonsiruense  produc- 
tion qu'il  réfute  avec  une  e^aclilud(^  qui 
lient  du  scrupule,  et  le  met  à  l'abri  du  re- 
proilic  qu''  quelques  philosophes  avaient 
osé  faire  à  d'autres,  d'avoir  passé  sous  si- 
lence des  objections  essentirllcs.  Dans  le  pre- 
mier volume,  il  détruit  le  malérialiMiie,  et 
dans  le  seroiu),  il  justifie  la  rcli;;ion  1 1  traite 
de  la  Divinité,  îles  preuves  de  si-n  exi>tence, 
de  ses  attributs,  de  la  m'inièrc  dont  elle  in- 
flue sur  le  l'onhrur  des  hommes.  V.n  ouvrici' 
infalignhle,  Bergier  travaillait  alors  à  un 
écrit  beaucoup  plus  considérable  <)ue  ceux 
ru'il  avait  publiés.  Il  voulait  réfuter  tou- 
tes les  objections  faites  ccnlic  la  religion.  Il 
mit  au  jour  son   fameux  Traité  de  In  lleli- 


12 


gion,  ouvrage  qu'il  éeriv.it  de  sa  main  jus- 
qu'à trois  f)is,  (inoiiu  il  fût  de  diuze  volu- 
mi's.  11  y  traite  de  lo  t  ce  qui  a  rapport  à  la 
religion  :  histoire,  physique,  géographie,  po- 
litique, morale,  phiiosopliie,  érudition  sa- 
crée, tout  se  réunit  sous  sa  plume  pour  jus- 
tifier la  religion  indignement  attaquée. 

«  Quelques  personnes,  dit  M.  de  Sainte- 
Croix,  crièrenl  contre  un  si  grand  nom- 
bre de  volumes;  mais  quiconque  fera  les  ré- 
(lexious  suivantes  n'en  sera  point  étonné. 
1°  L'auteur  a  rassemblé  les  principes  épars 
des  impies  de  tons  les  siècles,  pour  former 
de  leur  doctrine  une  espèce  de  corps;  il  a 
discuté  les  reproches  qu'ils  faisaient  à  la  re.- 
ligion,  ce  qui  exige  lil  les  plus  grandes  re- 
cherches. 1°  Il  a  montré  1 1  filiation  des  di- 
verses erreurs  des  ennemis  ilu  chi  istianisme; 
il  a  prouvé  que  les  incré  Iules  modernes  n'é- 
taient que  les  copiste^  d<'  leurs  devanciers  ; 
que  les  incrédules  d'Anglrtecre  avaient 
donné  naissance  à  ceux  de  France;  (jue  les 
uns  et  les  ulres  n'ava  eut  fait  que  ressasser 
les  objections  surannées  de  Celse,  de  Por- 
ph>  re,  de  Jul  en  l'Apostat,  quoique  mille  fois 
ri'fulées  d'une  manière  victorieuse  ;  qu'ils 
avaient  puisé  chez  les  anciens  hérétiques 
leurs  difficultés  conlie  quelques  dogmes  du 
christianisme.  L'ouvrage  de  l'abbé  Bergier 
contient  donc  la  réfutation  de  toul-s  les  ob- 
jections formées  contre  la  religion  chrétienne 
dans  tous  les  siècles.  Que  l'on  juge  d'après 
cela  si  l'auteur  a  outicpassé  les  bornes  dans 
le  nomlne  des  volumes. 

«  Quand  l'ouvrage  dont  nous  parlons  fut 
devenu  public,  queliines  personnes  pirurent 
disputer  à  l'abbe  B.  rgier  le  mérite  de  l'in- 
vention de  son  plan.  Voici  à  quelle  occasion. 
M.  de  Beaumont,  aichevèqne  de  P;ris,  avait 
engagé  quelqu'un  à  composer  un  ouvrage 
que  ce  prélat  auiail  adopté,  et  qui  aurait 
été  distribué  par  parties,  et  en  forme  d'in- 
struction pastorale,  pour  prémunir  les  fidèles 
contre  les  dangers  de  l'im-rédulité.  Le  tra- 
vail fini,  l'auteur  le  remit  à  M.  de  Beaunmnt, 
sans  lui  avoir  donné  cependant  la  forme 
d'instruction  pastorale.  Le  prélat  pria  l'abbé 
Bergier  de  le  lire,  cl  de  lui  dire  ce  qu'il  en 
pensait.  L'abbé  Bergier  le  lut,  en  rendit  le 
témoignage  le  plus  avantageux,  et  le  remit 
à  M.  I'arclievé()ue.  M.  de  Beaumont  fut  in- 
struit du  reproche  de  plagiai  qu'on  faisait  à 
l'abbé  Bergier;  il  voulut  savoir  à  quoi  il  devait 
s'en  tenir.  Il  pria  l'abbé  Chevreuil,  chanoine 
et  eji.iu  elier  de  l'église  de  Paris,  vicaire  !ié- 
néral  du  diocèse,  ancien  professeur  de  Snr- 
bonne,  homme  bien  connu  par  ses  vertus 
cl  ses  talents,  de  lire  les  deux  plans  avec  at- 
tention, et  de  lui  dire  jusqu'à  quel  point  le  re- 
proche en  ((ucstion  pouvait  élrc  fonde.  La 
réponse  de  l'abbé  Chevreuil  fui  qu'on  avait 
iiuulfié  à  tort  l'abbé  Bergier;  que  les  deux 
plans  étaient  différents  ;  (lUc  l'un  n'était  point 
caliinô  sur  l'autre;  que  les  deux  auteurs 
avant  eu  les  mêmes  matières,! traiter,  ils  de- 
vaient se  ressembler  sous  ce  rapport;  mais 
que  chacun  les  avait  traitées  à  sa  manière; 
que  d'ailleurs  l'abbé  Bergier  avait  fait  ses 
preuves,  et  qu'il  n'était   point  fail  pour  éiro 


13 

pl.iginire.  Ce  riét.iil  vieni  dp  qucliio'un  birn 
iiisliuit  du  fond  de  cctle  affaire,  et  il  l'au- 
rail  supprimé,  s'il  ne  rnnnaissait  des  person- 
nes encore  inihiies  de  la  prévention  dont  il 
s'agit  coiilre  l'abbé  lîergier.  » 

La  cour  désira  s'allaclier  no(re  illustre 
apologiste  :  elle  le  choisit  pour  c  nfesscur 
(!e  Monsieur  et  de  Medames  tantes  du  roi. 
Ses  nouvelles  fon<lions  l'oblipieaicMl  à  rester 
;'i  Vers.iilles  ;  il  y  purta  l'esprit  de  uioilestie 
cl  de  désintéressement  qui  avaient  toujours 
marqué  son  caractère.  Il  voulut  se  démettre 
de  son  canonicat  :  il  ne  le  conserva  que  siir 
la  vive  instance  du  cbapitre.  Il  refusa  un  bé- 
néfice qui  lui  avait  été  offerl.  S'il  accepîa 
une  pension  du  clergé  de  Fraiiee,  elle  lui  fut 
accordée  sans  qu'il  l'eût  sollicitée. 

Il  allait  fréquemment  à  Paris  pour  assi- 
ster au  cbœvr,  afin  de  remplir,  autant  qu'il 
était  en  lui,  ses  fonctions  de  chanoine.  Il  re- 
fusa lonjo'irs  les  disiribulions  manuelles 
lorsqu'il  n'ét.iit  point  présent.  Sa  plice  lui 
donnait  cependant  le  droit  de  les  recevoir. 
C'était  une  privation,  non  pour  lui-même, 
mais  parce  qu'il  ne  pouvait  faire  assez  de 
bien  ;  car  il  employait  ses  revenus  en  au- 
môni  s.  «  Quoique  j(^  sois  à  la  veille  de  fiiire 
une  perte  considérable,  écrivait-il  le  9  no- 
vembre 1789,  tant  sur  mes  revenus  que  sur 
ce  qui  m'est  dû,  je  n'ai  de  regret  qu'autant 
que  je  ne  pourr.ii  plus  assister  les  malheu- 
reux. »  De  semblables  paroles  peii;nent  toute 
la  richesse  du  cœur  de  l'homme. 

On  se  proposait  de  revoir  l'Encyclopédie 
et  de  la  publier  sous  une  nouvelle  forme. 
On  s'adressa  à  Beru;ier  pour  réviser  et  com- 
pléter le  dogme.  On  sait,  par  l'avertissement 
qu'il  mil  à  la  tète  de  son  ouvrage  et  que 
nous  rapportons  nous-méme,  le  travail  im- 
mense que  lui  causa  le  Dictionnaire  que 
nous  actualisons. 

On  y  trouve  en  général  la  vaste  érudi- 
tion, la  logique  rigoureuse,  le  style  coulant, 
rapide,  ai-é  de  ses  autres  pi  oduclions  ;  mais 
çà  et  là,  ainsi  que  dans  l'ouvrage  préc;> 
dcnl,  un  peu  trop  d'indulgence  ou  de  com- 
plaisance envers  les  gens  d'une  secte  qui  ne 
dédaignait  point  ses  talents  ;  une  espé  e  d'é- 
gard pour  des  erreurs  accrédil-ecs,  et  de  com- 
position avec  quelques  préjugés  dominants. 
«  .le  crois  quebiuefois,  a  dit  un  critique,  en- 
tendre la  religion  qu'il  a  si  savamment  dé- 
fendue, lui  dire  a\ec  un  ton  de  tendresse  et 
de  plainte  :  Ta  quoque.  Brute!  Des  liommcs 
respectables  ont  témoigné  leurs  regret-s  sur 
son  association  à  une  tourbe  d'écrivains  que 
le  chef  lui-même  apiielail  une  race  détestable 
de  travailleurs,  qui,  ne  sachant  rien,  et  qui, 
se  jiiquant  de  savoir  tout,  cherchèreol  à  se 
flistinguer  par  une  urjiversalilé  désespérante, 
se  jetèrent  sur  tout,  gâtèrent  tout,  mettant 
leur  énorme  faucille  dans  la  moisson  des  au- 
tres. Il  est  certain  que  cette  association  a  in- 
Cnimenl  contribué  à  répandre  un  ouvrage 
pernicieux,  vaste  magasin  d'erreurs  de  tous 
les  genres,  dont  les  lecteurs  chrétiens  avaient 
la  |dus  grande  .version,  cl  qui,  depuis  qu'il 
fut  décoré  du  nom  d'un  auteur  si  sage  et  si 
religieux,  trouva   place  dans  les  bibliothc- 


NOTICE  HISTORIQUE  SUR  liERtilER.  14 

qnes  les  plus  srrupuleusement  composées.  » 
Ce  reproche  et  f-rmulé  un  peu  sévèrement. 
Est-ce  un  si  grand  crime  dé  mettre  lo  contre- 
poison à  cftfé  du  poison?  Nous  né  voyons 
j)as  que  Bergier  ait  pactisé  avec  l'erreur 
dans  son  savant  écrit.  Il  fait,  il  est  vrai,  con- 
cessions de  certaines  opinions  qui  n'ap- 
partiennent pas  au  dogme  catholique;  mais 
il  est  sage  de  ne  pas  confondre  les  vérités  de 
foi  avec  les  o;dnions  qu'on  peut  rejeter  sans 
blesser  la  conscience. 

Bergier  termina  sa  sainte  et  laborieuse 
carrière  le  9  avril  1790. 

Ce  "oi  distincue  particulièrement  l'abbé 
Bergier,  ce  qui  fait  le  caractère  exclusif  de 
ses  ouvrages  parmi  les  apologies  de  la  reli- 
gion ,  c'est,  dit  Feller,  à  qui  nous  avons 
beaucoup  emprunté  pour  celte  notice,  une 
logique  d'une  précision  et  d'une  vigueur 
étonnantes,  qui  se  montre,  dans  une  seule  et 
même  matièr-,  sous  des  formes  absolument 
différentes  ;  attaque  le  sophisme  en  tant  de 
manières  à  la  fois,  le  frappe  si  rudement, 
dans  les  endroits  où  sa  résistance  parais- 
sait le  mieux  assurée,  que  la  victoire  se  dé- 
cide toujours  par  cette  lumière  pleine  et 
brillante  qui  ne  laisse  subsister  aucun  nuage 
de  l'erreur.  Je  ne  sais  s'il  est  possible  d'a- 
voir plus  de  connaissances  en  tant  de  genres 
divers,  mais  particulièrementdans  l'histoire, 
la  th  ologie,  la  criti()ue,  et  surtout  dans  cette 
immensité  de  bror hureset  de  compilations  de 
tontes  les  csp:''ces  que  les  Eucclades  de  ce 
siècle  ont  entassées  comme  des  monts  pour 
abattre,  si  ce  triste  exploit  pouvait  être  î'ou- 
Trage  des  mortels,  le  trône  de  rKlernel.  Per- 
sonne ne  connaît  et  ne  confond  mieux  les 
ruses  et  les  détours  de  ces  esprils  faux  et 
tortueux,  ces  petits  artifices  que  le  mensonge 
emploie  avec  un  art  qui  lui  est  honteusement 
propre,  ces  fruits  odieux  de  la  mauvaise  foi, 
ces  tours  de  malice  noire,  celte  impiété  ma- 
ligne, comme  parle  l'I-lcriture,  qui  dirige  les 
attaques  de  l'ennemi  contre  le  lieu  saint. 
Quitnta  malif/niitus  est  inimicus  in  snncto  ! 
"Tout  cela  s'évanouit  comme  une  fumée  de- 
vant les  regards  de  l'éternelle  et  invincible 
vérité  présentée  avec  ses  traits  naturels  par 
cet  homme  de  génie.  Ad  nikilum  ficductus 
est  in  conspecta  ejus  malignus.  C'est  surtout 
dans  le  genre  d'argument  (ju'on  appelle  ré- 
torsion que  M.  Bergier  excelle;  c'est  par  lui 
ordinairement  qu'il  consomme  son  triomphe. 
A  peine  a-l-il  repoussé  les  attaques  des  ad- 
versaires du  christ  anisme,  qu'il  les  attaque 
lui-même  avec  leurs  propres  armes,  tour- 
nées contre  eux  avec  une  célérité  et  une 
adresse  qui  étonnent  le  lecteur,  ei  qui,  met- 
tant pour  ainsi  dire  la  religion  hors  ilc  l'a- 
rène, y  placent  le  philosophisme  et  l'accablent 
de  mille  traits.  » 

Voici  la  liste  dos  ouvrages  de  l'abbé  Bi  r- 
gier  :  1"  Discours  couronné,  en  17G3,  à  l'a- 
cadémie :ie  Besançon,  sur  celte  question  : 
Combien  les  mœurs  donnent  de  lustre  aux 
talents,  in-12.  — 2'  Il  avait,  dix  ans  aupara- 
vant, remporté  le  prix  de  Dissertation  à  la 
même  académie.  —  3°  Les  Eléments  primi- 
tifs des  langues.   1764,  in-12.  —  4°  La  terli- 


AVERTISSEMENT  DE  L'AUTEUK. 


IS 

tude  des  preuves  du  christianisme,  ou  Réfu- 
tation, elc.  L'Examen  crilique  dos  npolonis- 
les  de   la  religinn  chrélienne,  1"(J7,   in-12. 
Plusieurs  fois  réiraoripiié.  —  3°  /î«/)onse  ;iux 
Conseils   raisonn.ibles,  relalivemeiii  ;'i  l'ou- 
vrage   precédenl,  in-12.   On    l'a  joinle  aux 
nouvelles  éditions  de  li  Certitude.  —  G"  Ré- 
ponse à   la   Lellre  insérée  dans    le    Rrcueil 
philosoplii'iue,    au  sujet  du   livre  inlliulè  : 
La  Certitude   des  preuves   du    christianisme, 
in-li.  —  1'  Le  Déisme  réfuté  par  lui-même, 
ou   Examen  des  principes   d'incrédulité  ré- 
pandus dans  les   ouvrages  de  J.-J. -Rousseau, 
1766,  ln-12.  Il  y  avait  eu  cinq  éditions  avant 
1772.  — 8°  L'Origine  des  dieux  du  paganisme 
et  te  sens  des  fables,  par  une  explication  sui- 
vie des  poésies  d'Hésiode,  1767,2  vol.  in   12. 
Il  y  a  eu  une  seconde  édition  en   1774-.  —  9° 
Apologie  de  la  religion  chrélienne  contre  l'au- 
teur   du    Christianisme    dévoilé    et    contre 
quelques  autres  critiques,  1769,  2  vol.  in-12. 
Il  y  a  eu  une  seconde  édition  en  1770.  —  10° 
Examen  du  matérialisme,  ou    Réfutation  du 
Siistrme  de  la  nature,  1771,  2  vol.   iii-12.  — 
11°  Traité  historique  et  dogmatique  dfi  la  vraie 
religion,  avrc  la  Réfutation  des  erreurs  qui 
lui  ont  été  opposées  dans  lesdifférenls  si  des, 
1780,    12   vol.    iQ-12.    —    12°    Uictinunaire 
théologique,  faisant  partie  de  l' Encyclojiédi-, 
1788  et  suiv.,  3  vol.  in-i°.— l'^"  De  la  Source 
de  l'autorité,  imprimée  sans   nom  d'auteur  , 


en  1789,  inl2.— H'  Un  Discours  sur  le  ma- 
riage des  proleslanls,  1737,  in-8°.  —  15» 
Observations  sur  le  divorce.  C<'l  écrit  fut  im- 
pricné  à  Besançon,  1790.  Il  servait  de  réponse 
à  un  mémoire  en  f.i^veur  du  divorce,  répandu 
dans  le  sein  de  l'As>einblce  consiiiuanle.  — 
16°  Tableau  de  la  miséricorde  divine.  Il  est 
presque  enliériraent  composé  de  pas- 
sag's  de  l'Ecrilure.  Moins  il  y  aura  du 
nôtre,  dil-il  lui  même  au  premier  chaiiiire, 
plus  l'instruction  sera  soliie.  Dans  tout  ce  qui 
vient  de  la  main  des  hommes  ,  l'erreur  peut 
s'y  être  glissée;  et  si  nous  donnions  nos  idées 
particulières,  il  g  aurait  lieu  de  s'en  défier  ; 
mais  lorsque  nous  nous  bornons  à  exposer  la 
conduite  de  Dieu  envers  tous  les  hommes  et 
di.ns  tous  les  temps...  Cette  doctrine  ne  pput 
être  suspecte.  —  17°  Examen  du  système  de 
Bayie  sur  l'origine  du  mal.  Remai-ques  sur 
cette  question  :  Si  li  foi  est  contraire  à  la 
rai.'On.  Dissertation  sur  le  saint  Suaire  de 
Besançon.  Plan  de  tliéologie.  Ces  divers  ou- 
vrages ont  été  imprimés  à  Resançon,  1831. 
iM.  Asseline,  évêiue  de  Boulogne,  a  été 
propriétaire  d  un  ouvrage  de  Bergier  .sur  la 
rédemption  :  nous  ne  savons  ce  qu'il  est  de- 
venu. 

Les  principes  de  métaphysique  qui  se  trou- 
vent dans  le  Cours  d  études  à  l'us  ige  de 
l'Ecole  militaire  sont  attribués  à  Bergier  par 
M.  Barbier. 


AVERTISSE3IENT  DE  L'AUTEUR» 

QCI     SE    TBOLVE      DA^S     l'ÉDITION      DE      PARIS     DE     1788. 


Si  la  partie  ihcnlogiqiie  de  V Encyclopédie  a  i.-inlé  à  paraître,  nous  espérons  que  le  public  nous  pardon- 
nera re  rciarJ,  lorsipi'il  sera  insiiuii  des  iliriiculiés  que  nous  avons  eues  h  vaincre,  el  de  l'imiiiensilé  du 
travail  dont  nous  nous  sommes  trouvé  cliarsé. 

D'environ  deux  mille  cioij  rems  anifles  dont  cet  ouvrage  est  composé,  il  y  en  a  au  moins  un  quart  qui 
inan<pi:>ient  dans  raiiclenue  Encyclopédie,  ou  qui  n'avaient  été  traités  que  comme  des  ailicles  de  ji^ramniaire; 
il  a  lallu  les  faire.  Un  nimibre  pri-sqne  égal  ronienaient  une  doctrine  fausse  ou  su-pecle;  ils  avaient  ëlé 
copiés  dans  des  écrivains  liéiérodoxes,  ou  faits  par  des  litiërateurs  qui,  par  leurs  principes,  favorisaient 
l'incréilulilé;  il  a  fallu  les  corrij^er.  IMusieuis  renferuiaieul  des  discussions  inutdes;  nous  les  avons  alné- 
tfés.  D'autres  étaient  incomplets,  nous  y  avons  ajouté  ce  qui  nous  a  paru  iiécessiire.  Qoelipies-niis  oiit.élé 
retranches  cuiniue  superOus.  Nous  n'avons  pas  vu,  |iar  exemple,  où  était  la  nécessilé  de  faire  vingt  ailicles 
de  l'ariaiiisme,  parce  (pie  les  partisan^  de  cette  hérésie  oui  porié  autant  de  noms  difféienis;  de  distinguer 
homiiousios  et  contubsttinliel,  dont  l'un  est  la  Irnduition  de  l'autre;  de  parler  do  diinanrhe  îles  Palmes  et  de 
celui  des  /lamcuii.r ;  de  changer  une  lettre  pour  plicer  corban  et  knrb.in  ;  chirolonie  ei  keirotonie,  au  heu  do 
l'imposiiion  des  mains;  piiriin  et  phiirim,  qui  signilieut  les  sorls  ;  de  meure  des  mots  grec»  ou  hébreux  au 
lieu  lies  mots  français  qui  y  . répondent.  Ainsi,  a  presque  tous  les  égards,  notre  travail  doit  par.iitrc  abso 
lunienl  neuf. 

Des  trois  pariies  qu'il  embrasse,  savoir,  la  iliéologie  dogmaiiqne ,  la  criiiqiie  sacrée  et  l'histoire  ecolé- 
Masli  |iie,  la  première  est  celle  qui  demande  le  |ilu>  d'alteiitioo,  et  ipii  reufernie  le  plus  de  dilïicultés. 
Comme  toute  aiitie  science,  idie  a  sou  langige  paniculier,  cenaiiies  expressions  consacrées  à  exprimer  les 
mystères,  di-s'pirlle»  ou  ne  P'ut  se  ilépirlir  sans  s'expnser  à  lomlier  dans  l'erieur.  On  ne  doit  pis  exiger 
d'un  théologien  ipi'il  emploie  d'autres  Iitiiic^  plus  clairs  lires  du  langage  ordinaire,  ni  qu'il  fas.e  comprendre 
évideuinieol  des  vérités  ipiu  Dieu  a  révélées  pour  être  crues  sur  sa  parole,  quoique  nous  ne  puissions  pas 
les  coin  evoir. 

Depuis  prés  de  dix-huit  cents  ans  que  la  théologie  chrétienne  est  formée,  il  ne  s'est  pas  écoulé  un  seul 
siècle  dans  lequel  elle,  i.'ait  é  é  coinh.nlue  par  i|ueh|ue  secte  de  mécréants  ;  celle  science  e-t  donc  devenue 
ircS'iontrnlieuse.  t.oinme  elle  cuiisisie  à  savmr  non-seiileine  4  ce  que  D>eu  a  révélé,  mais  coniineiil  celle 
doctrine  a  éé  atlaipiee.  et  comineiit  e  le  a  éié  dérendue,  il  n'est  presque  pa>  un  seul  anicle  qui -ne  soit  un 
sujet  dedispiiie:  i.n  lliéologien  écr  l  donc  toujours  au  milieu  d'une  foule  il'enneniis,  et  jamais  ils  ne  furent 
eu  (iliis  grand  nuinlire  que  dans  notre  siècle.  Un  ne  doit  duiii'.  pas  é  re  élnimé  de  nous  voir  conliiiuelle- 
ment  aux  prises  avec  les  sncmicns,  avec  les  prote-laiits,  qui  ont  lenouvelé  presque  toutes  les  anciennes  er- 
reurs ;  avec  les  déistes  et  les  autres  incrédules  qui  les  ont  copiés  tous.  Nos  niaitres  en  théologie  sont  le» 
Pères  de  l'Eglise;  nous  nous  croyons  obligé  de  suivre  leur  exemple.  Or,  ces  auteur^  respectables  ont  écrit, 


n  AVERTISSEMENT  SU«  CETTE  NOIVELLE  ÉDITION.  Ig 

chacun  dans  son  temps,  conire  les  erreurs  qui   élisaient  du  hiuit  pour  lors,  et  non  contre  celles  dont  le 
souvenir  éUiilà  peu  près  elTieé;  il  est  de  noire  dovoir  de  les  imiter. 

Nous  ne  sommes  f>n<  assez  injusie  pour  accuser  les  protesiaiils  d'avoir  voulu,  de  propos  délibéré,  favoriser 
les  ennemis  du  clirisiianisme  ;  mais  il  uVsl  pas  moins  vrai  ipie,  sans  le  vouloir,  ils  leur  ont  lourni  presque 
ron'es  leurs  armes;  c'eH  un  évéïieinenl  que  nims  n'avons  pas  pu  nous  di-penser  de  Taire  remarquer  une  in- 
(inlé  de  lo  s,  parce  que  la  chose  est  évidenle.  Si  les  proies  ams  se  làc  lient  de  se  trouver  conimuelleinenl 
da  s  III. Ire  ouvrage  associés  aux  incréilules,  ce  n'est  pas  à  nous  qu'ils  doivent  s'en  prendre,  mais  à  leurs 
docleiirs.  Ow.i.  les  liiihérieiis,  Moslieiin  et  Biu  kcr;  clieî  \e-  calvinistes,  Beaiisolire,  Ifasiia^'e,  Le  Clerc, 
narheyiac;  chez  les  anglicans,  Cliilinigwiirili  et  l!iii|;liani,  sont  ceux  dont  nous  avons  priiicipalenient  con- 
siilié  les  livres,  parce  que  ce  sont  les  ilernieis  ipii  ont  écrit,  et  qui  paraissent  avoir  le  plus  de  ré  iiiaiion.  . 
Ils  ont  cli'iché  à  d'  niier  une  nouvelle  muiniire  aux  anciciies  objeclii'ns;  ils  ont  eu  l'art  de  dé(ij;urer  la 
plu  art  des  laits  de  l'Iii-toire  ecclésiastii|ue;  il  ri'e^t  presque  pas  un  seul  des  Pèies  de  l'Eglise  ,  contre  le- 
(inel  ils  ii'..ieiii  foi  nié  d^s  accusalinns;  ils  uni  donc  imposé  une  nuiivel  e  làclie  aux  ihéologieus  citholiques, 
.i  laquelle  nos  niei'le  rs  cunlioversisies  n'oiil  pas  pu  salisl'iiiie  :  imus  avons  donc  été  oliligé  de  nous  en 
cliiirger;  ei  si  n<>iis  n'avons  pas  répondu  à  teut,  nous  croyons  du  moins  avoir  l'ail  le  plus  essentiel.  El) 
doiioanl  une  courle  no  ice  îles  oiivra};es  des  Pères,  nous  avons  i.iclié  de  f:iire  leur  apologie. 

Il  en  est  île  inénie  des  pirsoiiiiàî;eN  de  rAmieii  Tesianenl  ilont  l'Iiirtoire  sainle  a  loué  les  vertus,  et  qtie 
les  incréilules,  en  iiiarihuil  sur  les  liaces  .les  luau  cliéeus,  se  S'  nt  ii|ipiiqnés  à  noircir.  Mais  loin  de  cher- 
cher à  mulliplier  les  ai  licles  de  criliqiie  -acrée,  nous  en  avons  supprimé  un  grand  noinlire.  Il  nous  a  semhié 
inutile  de  disserier  sur  des  evpre^sions  que  loin  I  ■  inoiiile  enienii,  lU  sur  des  ternies  i|ni  n'ont  rien  d'ex- 
traordinaire, et  de  co;iier  le  Diciiuiinnirt  de  ta  Bible.  Il  est  plus  nécessaire  sans  doule  d'éclaircir  les  pas- 
sages diiiit  les  héréiiques  ou  les  iiicrédiiles  ont  abusé,  ou  qui  font  un  olijei  de  dispute  entre  les  théo- 
liigiens. 

On  dot  comprendre  qu'un  fli>/io»nnirc  //i^o/ogiqM*  ,  quelque  exact  qu'il  puisse  êlre.iie  pourra  jamais 
tenir  lieu  d'un  cours  <le  ti'éologie  complel,  il.ins  lequel  on  rassemble  sur  chaque  question  toutes  les  preuves 
et  les  lépoi  se»  aux  ob  eclions;  où  l'on  laii  voir  la  liaison  que  nos  dngmes  ont  ciiire  eux,  de  manière  que 
l'un  éclaiicii  el  conlirme  laiilre  (i).  (;e  serait  une  erreur  de  croire  qu'avec  le  secours  d'un  Diclioimaire 
aussi  abrégé,  l'on  peiil  devenir  giand  Ihé  dogien.  Si  celui-ci  avait  été  dcsiiné  à  paraître  seul,  il  aurnit  néces- 
sairement (allii  le  rendre  plus  éleiidii,y  laire  entrer  plusieurs  articles  de  iiiéiapliy>ique,  de  morale,  d'his- 
toire, de  discipline,  de  jiiiisprudeiice  canoiiiqiiu ,  que  nous  avons  dû  laisser  à  ceux  auxquels  ils  appar- 
liennent. 

Il  n'iiurait  pas  élé  difficile  non  plus  de  le  charger  de  cilalinps  ;  mais  il  suffit  d'avenir,  en  général,  que 
pour  |:i  Critique  iiicrée,  les  Prolégoniènes  de  lu  Po'yglolte  d'Anijlelerrc,  la  Pliilosopliie  sacrée  de  Glassius,  les 
DisserSalions  el  les  Préjaiei,  de  la  Bible  d'Avignon  ,  vu  M  vnlumes  in-i",  sont  les  principales  sources  où 
I  on  a  puisé.  Pour  l'Uisioire  eccléêiastque,  Kleiiry,  Cave,  du  l'in,  Tillemonl,  dom  Cellier,  sont  les  auteurs 
qu'il  aurait  fallu  liier  continuellenienl.  Nous  n'avons  pas  hésiié  de  copier  plusieurs  observations  dans  les 
proirslanls  ilesqiiels  nous  venons  de  parler,  surtout  de  Mosheiiii,  lorsqu'elles  nous  ont  paru  vraies  et  dignes 
de  l'attention  du  lecieur.  Pour  1 1  iliénlogie  doguiatique,  quand  nous  aurions  mis  à  chaqie  article  les  noms 
de  Petaii,  de  Tournéiy,  de  VVillasse,  de  Llierniinier,  de  Juéuiii,  ou  de  quelques  ailleurs  plus  modernes,  le 
leciein  n'en  aurait  pas  élé  plus  insirnit;  ces  ouvrages  sont  connus  de  tous  les  théologiens,  et  les  autres 
personnes  ne  sont  nas  leiilées  de  les   ire. 

Ninis  u'aviiis  pas  la  vanité  de  croiie  que  ce  Diclionimire  est  tel  qu'il  devrait  èlre;  un  seul  homme,  quel- 
que laborieux  qu'il  sml,  ne  peui  siillire  à  cetie  entreprise.  Ceux  qui  viiMidront  après  nous  pourront  faire 
mieux;  il  est  plus  aisé  de  voir  les  défauts  d'un  ouvrage  déjà  fait,  que  de  les  éviter  en  le  composant. 

(I)  Un  Uictionoaire  ihéologiquea  d'aulres  avanlaiies  que  n'offre  peint  un  traité  complet  .  il  esl  d'un  usage  plus 
géie  rii;  on  le  coiiMilie  plus  loiiiinodéinenl,  plus  agréablenieat  ;  il  renferme  d'ailleurs  un  grand  nombre  d'arli£les 
dunt  o'esi  puiiil  ;>U3Cepiit>le  un  cours  de  théulo^ie. 


A17ERTISSEMENT 

SUR  CETTE  NOUVELLE   ÉDITION. 


l.  Nécessite'  de  compléter  le  dogme.  — Le  glise  ;  nous  nous  croons  obligé  do  suivre 

Dictionnaire  de  Théologie  de  Bergier  a  .'ic-  leur  exemple.  Or,  ces  auteurs  rcspeclahles 

qiiis   une    juste  célébrité.    Les    matières   y  onl  écrii,  chacun  dans  son  temps,  contre  les 

sont  exposées  avec  darlé  ;  la  controverse  y  erreurs  qui   faisaient  du  bruil  pour  lors  ,  et 

esl  souienue  avec  vigueur;  les  diflicullés  y  non  conire  celles  dont  le  souvenir  élail  à  peu 

sonl  abordées   franchement  et  résolues  avec  près  elTacé;  il  esl  de  notre  devoir  de  les  iini- 

aulaiil  de  sagacité  que  d'crudiliiin.  L'auteur  ter.  »  Aussi   s'est-il    presque  exclusivement 

a  fait  comme  la  plupart  des  apologistes  de  la  allaclié  à  réfuter  les  lausselés  el  les  c.ilom- 

religion  chrélienne  :  il  a  travaillé  pour  son  nies  ré|iaudues  tant  d  ins  les  ouvrages  plii- 

époque,  el  il  a  purfiiilcment  réussi,  «  On  ne  losophiques  des   incrédules  de  son    temps  , 

doilpasêtroétoiiné,dil-il(.4t)''r<iss«'H€H<sur/'(^-  que  dans  ceux  des  proleslnnts  qui  lui  parais- 

dit  on  de  1788),  de  nous  voir  continuellement  saient  avoir  le  plus  de  réputntion  ,  tels  que  , 

aii\  prises  :ivei' les  sociniens,  avec  les  proies-  JMosheiin,    Hrucker,   Beausobre  ,    Basiiage  , 

tanls,  qui  ont  renouvelé  presque  loules  les  D.iillé,  Le  Clerc,  Barbeyrac,  Spanlieim,Chil- 

anciennes  erreurs  ;  avec  les  deisles  el  les  au-  lingworlh,  Binghara  et  plusieurs  autres.  Ou 

très  incrédules  ,  qui  les  ont  copiés  tous.  Nos  conçoit   facilement ,  d'après  ce  but  franclie- 

maîlres  en 'liiéologie  sonl  les  Pères  de  l'K-  lueiit  avoué,  que  les  raisonnemenls  de  noire 


AVERTISSEMENT  SDR  CETTE  NOUVELLE  EDITION. 


%9 

auteur  doivent  èlrt- bien  plus  sonveiildes  ar- 
guments ad  liominem  que  des  preuves  direc- 
tes. C'est  d'ailleurs  ce  dont  on  est  parfaite- 
ment assuré,  après  la  lecture  de  quelques 
pases  du  Diclionnaire.  L'habile  conlrover- 
siste  pari  assez  souvent  de  principes  avoués 
par  les  adversaires  qu  il  a  en  vue  ;  il  en  lire 
des  conséquences  ri;.'oi.reiises  et  poursuit 
vigoureusement  son  ennemi  jusque  dans  sou 
clrrnier  r>  Iranclieuienl.  L'avocat  a  toujours 
gagné  sou  procès;  mais  quelquefois  le 
ihéologicn  n'a  rien  déoionlré.  Ou  il  paraisse 
dansl'.irèneun  champion  à  qui  l'on  ne  puisse 
opposer  les  mêmes  armes  ,  il  demeurera 
bientôt  mailre  du  terrain.  Quelquefois  mê- 
me ,  les  traits  lancés  ne  peuvent  atteindre 
l'adversaire  que  l'on  croit  combattre  :  notre 
auteur,  en  elTet ,  dans  la  persuasion  intime 
où  il  est  que  les  protestants  de  toutes  les 
sectes,  que  les  incrédules  de  tous  les  partis, 
s'accordent  toujours  pour  batailler  contre 
l'Kglise  romaine  ,  suppose  trop  facilement 
([u'ils  doivent  admettre  les  principes  les  uns 
des  autres,  et  que  tous  approuvent  les  con- 
cessions faites  par  quelques-uns  d'entre 
eux.  Aussi,  oppose-t-il  souvent  aux  uns  les 
principes  et  les  aveux  des  autres  :  c'est  là 
combattre  dans  le  cabinet  des  ennemis  ima- 
ginaires, mais  ce  n'est  p>»iiu  vaincre  tel  ou 
tel  adversaire  sur  le  champ  de  bataille.  Le 
travail  de  Bergier,  cependant,  il  faut  en  con- 
venir, a  exercé  une  inlluence  salutaire  sur 
les  idées  et  les  préoccupations  de  son  siè- 
cle; il  a  dissipé  bien  des  préjugés  et  a  fourni 
au\  chrétiens  zélés  des  armes  Irès-puissan- 
les  tant  contre  le  vieux  protestantisme  que 
contre  l'incrédulité  du  xviir  siècle.  Mais  de 
quelle  utilité  peut-il  être,  s'il  est  offeri  tel 
qu'il  esta  notre  société  moderne?  Où  sont 
les  protestants  qui  ont  aujourd'hui  un  sys- 
tème de  doctrine  détrminé?  L'indifférence 
n'a-'l-elle  même  pas  ,  du  moins  à  Paris,  pris 
la  place  de  l'esprit  de  parti  ?  Uù  sont  les  phi- 
losophes incrédules  qui  raisonnent  encore  à  la 
mode  du  xvin  siècle?  Le  voltairianisme  n'est- 
il  p;is  descendu  des  soraniilés  intclleduelles 
dans  la  fange  populaire?  Là  on  ne  raisonne 
pas,  on  blasidième  par  corruption  et  par  igno- 
rance. 

On  ne  peut  donc  aujourd'hui  opposer  avec 
succès  à  aucun  ennemi  de  l'Eglise  la  plupart 
des  arguments  dont  notre  auteur  s'est  servi , 
à  son  époque,  avec  lanl  d'avantage.  Devons- 
uous  ,  à  son  exemple  ,  diriger  nos  ballcrles 
contre  le  protcslanlisme  et  l'incrédulité  mo- 
dernes ?  Nous  ne  le  pensons  pas.  1"  Le  pro- 
testantisme actuel  est  insaisissable,  surtout 
en  France,  où  l'on  jouit  de  la  libei  lé  des  cul- 
tes :  nous  connaissons  à  Paris  quatre  sectes 
principales  de  cahiniste^  qui  s'accordent  sur 
fort  peu  de  points;  en  sorte  ijue  si  l'on  s'at- 
tache à  en  poursuivre  une,  on  ne  gagnera 
^pas  un  pouce  de  terrain  sur  les  trois  autres. 
'l)e  plus,  dans  la  même  secte,  un  membre  ,  et 
iiièiiie  un  ministre  conteste  ce  qu'un  autre 
accorde  ou  admet  ;  c'est  la  suite  nécessaire 
du  défaut  de  règle  extérieure  de  foi.  Nous 
pouvons  en  dire  autant  de  nos  incrédules  et 
de  lou)  les  |;liilosophcs  ({ui  nionl  l'existence 


20 

dunerévélation  surnaturelle, en  faveard'une 
prétendue  révélation  naturelle  fai'e  par  Dieu 
à  la  raison  de  chaque  individu.  Dans  la  môme 
école  ,  les  premiers  principes  et  à  plus  forte 
raison  les  conséquences  varient  avec  les  in- 
ditidus.  Au  reste,  aucun  incrédule ,  aucun 
philosophe  ennemi  de  l'Eglise  n'a  de  système 
arrêté  dont  on  puisse  faire  l'objet  d'une  ré- 
futation solide  et  utile.  L'éclectique  surtout 
trouve  dans  l'inconséquence  de  son  système 
«les  moyens  fort  expédilifs  de  se  débarrasser 
des  argumentations  les  plus  irrésistibles  :  il 
rejette  sans  balancer  lés  conséquences  dont 
il  aurait  à  rougir,  bien  qu'elles  découlent  ri- 
goureusement de  ses  principes.  On  conçoit 
qu'il  n'est  plus  guère  possible  de  continuer, 
niéine  en  l'actualisant,  le  même  genre  de 
coniroverse.  2°  Quand  ,  par  impossible,  on 
parviendrait  à  réfuter  victorieusement  tous 
les  ennemis  actuels  de  l'Eglise,  en  les  pre- 
nant en  détail  et  en  les  attaquant  les  uns 
après  les  autres,  quel  avantage  en  résulte- 
rait-il, soit  pour  nos  incrédules  contempo- 
rains qui  ne  partagent  pas  les  mêmes  er- 
reurs ,  soit  pour  ceux  qui  viendront  après 
nous,  lesquels  pourraient  éluder  tous  nos 
arguments,  en  niant,  comme  ont  fait  les  mo- 
dernes, tous  les  principes  de  leurs  devan- 
ciers, ou  en  imaginant  de  nouvelles  absur- 
dités ;  soit  surtout  pour  les  fidèles  de  bonne 
foi  qui  tiennent  à  se  rendre  compte  de  leur 
croyance,  indépendamment  de  tout  système 
de  protestanlisDie,  d'incrédulité  ou  de  philo- 
sophie, suivant  la  recommandation  du  prin- 
ce des  apôtres  (  J  Petr.  m  ,  15)  ? 

Sur  ces  considérations,  nous  nous  som- 
mes décidé  à  donner  dans  ce  Dictionnaire 
une  démonstration  complète  et  directe  de  la 
religion  catholique  ,  que  l'on  puisse  opposer 
facilement  à  toutes  les  erreurs  passées,  pré- 
sentes ou  futures  ;  qui  soit  indépendante  de 
tous  préjugé'^  de  secte  ,  d'école  ou  d'éduca- 
tion reçue  dans  une  religion  quelconque  ; 
enfin,  qui  satisfasse  tous  les  esprits  raison- 
nables, et  qui  serve  de  flamlieau  à  tous  ieu% 
qui  cherchent  l<i  vérité  de  bonne  foi.  Quand 
donc  nous  ne  pourrons,  à  l'aide  de  quelques 
notes,  rendre  les  articles  iuiporlanls  de  ÎJer- 
gier  dénionstralifs  par  eux-mêmes,  et  indé- 
pendamment de  tous  antres  principes  que 
ceux  (|ui  seront  établis  dans  l'ouvrage  mê- 
me, nous  >n  ferons  d'entièrement  neufs,  en 
évitunl  loutelôis  les  redites  autant  que  pos- 
sible. Si  parfois  nous  comb. liions  des  erreurs 
modernes,  ce  ni-  sera  (juaccidentellement  et 
sous  lornK!  (le  conséquence  ,  ou  pour  mon- 
trer (|ue  tous  les  systèmes  diiicréilulité  man- 
quent de  principes  c mstitutifs  rationnels  , 
et  ne  reposent  que  sur  des  poslulata  de  tout 
point  contestables. 

On  comprend  facilement  que  la  partie 
dogmatique  du  Dictionnaire  devra  être  com- 
plétée en  un  grand  nombre  de  points,  et  en- 
richie de  l)eaucuup  d'articles  entièrement 
neufs  (1).   L'auteur  nous  prévient  lui-même 

(1)  Les  .idiliiions  (lue  nous  lerons  an  Diclionnaire 
do  lleruier  serocil  mises  en  noies  an  bas  des  pages, 
tjuuliiuclui»  elles  seront  iiilcrcalues  d  ins  le  icxie,  c^ 


AVEBTlsSEMENT  SUR  CETTli  INOUVKLLE  ËDlllON. 


qu'i!  n'a  pas  prétendu  faire  un  cours  ooni- 
plcl  (le  Ihéolojîie.K  Ou  dol  comprendre,  dil- 
il  {loc.  cil.)y  (lu'uu  Dictiunnaire  iluologique  , 
quelque  exact  qu'il  puisse  etrt^ ,  ne  pourra 
jainiiis    tenir   lieu   d'un  cours  de   liiéoiogie 

complet où  l'on  fait  voir  la    li.iison  que 

nos  dogmes  oui  entre  eux,  de  ni.iuière  que 
l'un  écl.iircit  et  contirnie  l'autre.  »  Pour 
nous,  nous  ne  voyons  pas  pourquoi  un  Dic- 
tionnaire ne  pourrait  tenir  lieu  d'un  cours 
de  tlu'olcyie  com))Ut ,  si  toutes  les  questions 
importantes  s'y  trouvaient  traitées  avec 
clarté  et  solidité,  quoique  avec  peu  d'éten- 
due. Quant  à  ht  liaison  des  dogmes,  loin  d'ê- 
tre inconipalihlc  avec  la  torme  d'un  Diction- 
naire, elle  s'impose  d'elle-même  à  la  léte  de 
tous  les  articles,  qui ,  selon  leurs  divers  de- 
«ré»  de  généralité,  doivent  être  rattachés  ou 
a  des  rameaux,  ou  à  des  brandies  ,  ou  au 
tronc  même  de  l'arbre  lhéologi(|ue.  L'en- 
chaînement de.  v  rites  e>t  tellement  néces- 
Siiire  dans  un  Dictioniutire  dr  tliculoijie,  que 
chaque  article  y  forme  un  petit  tout,  une 
petite  synthèse  plus  ou  moins  générale,  ou 
développée  dans  toutes  ses  parties  et  mise 
sous  la  dépendan(e  d'un  chef  plus  éteudu  , 
ou  fractionnée  en  un  certain  uombre  de  sub- 
divisions. 

II.  Travaujc  à  faire  iur  la  partie  scienlip.- 
V«e.  —  Notre  auteur  paraît  avoir  possédé 
toutes  les  ciinnuissauces  de  son  temps,  soit 
en  hisloiit"  et  en  géographie,  soit  eu  physi- 
que et  en  histoire  naturelle;  il  parle  même 
de  chimie  et  degéologie,  sciences  qui  étaient 
encore  au  berceau.  11  sut  et  combat  avec 
succès  ses  adversoiris  sur  ces  divers  ter- 
rains scientifiques.  Alais  il  suffit  d'avoir  une 
idée  des  prodigieux  pro^'iès  c;u'ont  faits, 
depuis  le  couimenccmenl  de  ce  siècle,  toutes 
les  sciences  d'observation,  puurêtie  con- 
vaincu que  tous  Us  raisonnements  auxquels 
elles  ont  servi  d'appui  dans  le  dernier  siè- 
cle ne  peuvent  pas  a\oir  aujourd  hui  une 
bien  haute  portée.  11  y  a  donc  beaucoup  à 
actualiser  sous  ces  rapports  dans  le  Diclion- 
nuire  de  ihcologie.  Nous  ne  rectifierons  pas 
les  inexacliluiles  scientifiques  au  fur  et  à 
mesure  que  nous  les  rencontrerons,  nous 
nous  contenterons  le  plus  souvent  de  les  si- 
gnaler, avec  ou  sans  ex|iosilion  de  motifs  :  le 
lecteur  profile  peu  de  notions  scientifiques 
isolées,  épaises  ça  et  là  ,  et  comme  penlues 
dans  un  vaste  ouvrage;  aus>i  ,  réuniroiis- 
nous,  autant  que  possible  ,  dans  de  grands 
articles,  les  documents  que  nous  aurons  à 
donner  sur  telle  ou  telle  science,  pour  éclair- 
cir  tel  ou  tel  point  de  controverse  religieuse. 
Au  besoin  nous  renverrons  à  ces  articles 
sultstantieis  ,  dont  la  lecture  laissera  dans 
l'esprit  des  notions  d'autant  plus  durables 
qu'elles  seront  précises  et  solides.  On  a  voulu 
tourner  contre  la  religion,  au  commence- 
ment de  ce  siècle,  plusieurs  sciences  de  nou- 
velle création  :  nous  démêlerons  ce  qu'elles 

alors  mms  aurons  soin  de  les  indiquer  p.ir  ce  signe  : 
(  |.  Les  arlicles  nouveaux  seroiil  marqués  d'un 
asleriMiui;  *  et  inipi imés  en  caraclères  plus lelils  que 
ceux  du  iti.\ie. 


ont  .l'incontestable  d'avec  ce  qui  est  encore 
à  l'état  d'hypothèse  ,  et  nous  montrerons 
qu'elles  confirment  nos  dogmes  au  lieu  de 
les  infirmer. 

Jll.  Obserralions  sur  les  principales  édi- 
du  Dictionnaire  théolofjiqite  de  Ùirgier,  — 
Le  Dictionnaire  de  lîergier  a  eu  un  grand 
nombre  d'éditions.  La  première  r:t  celle  de 
1788,  qui  parut  dans  l'Encyclopédie  métho- 
di(|ue.  Elic  contient  le  texte  de  l'auteur  sans 
aucune  addition,  tin  y  reniar()Ufi  beaucoup 
de  fautes  lypogr-ipliiques.  -  La  seconde  édi- 
tion est  celle  de  Liège.  Dès  178  >  la  société  ty- 
pogrjphi(iue  de  Liège  réimprimait  le  Diclion- 
naire  de  Bergier  ;  elle  en  conserva  scrupu- 
leusement le  texte  :  elle  ajouta  seulement 
certains  articles  tirés  du  Dictionnaire  de  ju- 
risprudence de  l'Encyclopédie  méthodique. 
Ces  arlicles  sont  désignés  sous  le  signe  C<^^" 
Quelques  auteurs  ont  cru  que  ces  articles 
sont  de  Bergier,  parce  que  notre  auteur  y 
renvoie  quelquefois.  Ils  ne  sont  pas  de  la 
plume  de  notre  habile  conlroversiste.  1"  Us 
sont  signés  des  lettres  initiales  de  plusieurs 
auteurs,  qui  iic  sont  pas  celles  de  Bergier. 
2°  «  lis  sont  souvent  écrits  dans  un  mauvais 
esprit,  ainsi  que  l'a  reniar(vué,  avant  nous, 
l'auteur  du  Cours  alphabétique  et  méthodi- 
que du  droit  canon  (T.  IL  col.  1-209  et  1231), 
et  dans  des  principes  tout  opposés  à  ceux  de 
Bergier.  *  3°  Notre  savanl  critique  blâme 
plus  d'une  fois  les  arlicles  religieux  de  ce 
Dictionnaire  de  jurisprudence,  p;ir  exemple, 
dans  ses  articles    B.gajue  el  Célibat. 

jMgr  Gousset,  aujourd'hui  archevê(iue  de 
Reims,  a  préparé  une  édition  du  Dictionnaire 
de  Bergier,  qui  parut  à  Besançon  en  182G  ; 
elle  est  enrichie  d'extraits  des  meilleurs  au- 
teurs. Nous  lui  croyons  un  très-grand  dé- 
faut; c'est  d'avoir  pour  but  principal  de  pro* 
pager  la  doctrine  du  sens  commun  et  le  fu- 
nesie  S3slème  de  iM.de  Lamennais.  11  y  a  un 
grand  nombre  de  notes  de  celte  édition  qui 
demaniienl  à  être  lues  avec  précaution. 
Mgr  Gousset  a  donné  dans  sa  Théologie  dog- 
oiatique  une  sorte  do  rélraclatioii  de  ce  qu'il 
avait  écrit  en  faveur  des  doctrines  lameiié- 
siennes.  Voici  comment  il  s'exprime  :  «L'au- 
«  leur  lie  V Essai  sur  l'indifférence  enmaiicre 
«  de  religion,  après  avoir  admirablement 
«  él.ilili  la  nécessité  de  la  foi  dans  le  pre- 
«  mier  volume,  entreprît ,  dans  le  second, 
«  de  fixer  le  critérium  de  la  certitude  eu 
«  toutes  choses  sur  le  sens  commun,  dont 
«  il  poussait  trop  loin  l'application  ;  el  il 
«  plaça  dans  le  genre  humain,  en  dehors  de 
«  l'Eglise  etdes  traditions  apostoliques,  l'au- 
«  toritc  qui  doit  servir  de  règle  auxcroyan- 
«  (es  du  chrétien.  Ce  système  a  été  con- 
«  damné  |iar  l'encyclique  Singulaii,  de  Gré- 
«  goireXVI,  du  25  juin  1831.  «  Il  esl  dcpio- 
«  rable,  dit  ce  pape,  de  voir  jusqu'à  quelex- 
«  ces  se  iirécipiteut  les  délires  de  la  raison 
«  humaine,  quand  quebiu'uu  se  Jette  dans 
«  les  nomeaulés;  quand  il  veut,  coniru 
«  l'avis  de  l'Apôtre,  être  plus  sage  qu'il  ne 
«  faut  l'être,  el  prétend,  par  une  exlrêrae 
«  présomi'tiou  ,  chereher  1,!  \ériléhors  de 
«  l'Eglise  culholique,  dans  laquelle  elle  se 


AVERTISSEMENT  SUR  CETTE  NOUVELLE  EDITION. 


23 

«  trouve  sans  le  p!as  léger  mélangi»  d'erreur, 
«  et  qui  pour  celîi  est  api  elé  en  <ffel  I  i  co- 
«  lonne  et  le  fondemeni  de  la  vériié.  Vous 
«  comprenez  bien  ,  vénérables  frères,  qu'ici 
«  nous  parlons  de  ce  sjslèmo  Inmipeur  de 
«  pliilosophie  introduit  récemment  «-l  tout 
«  à  f.iit  blâmable,  dans  lequel,  piir  un  désir 
«  effréné  de  nouveautés  ,  on  ne  ilurcbe  pas 
«  la  vériié  là  où  elle  se  irouve  certainement, 
«  et,  négligeant  les  iraililions  sainies  et  apos- 
«  loliqnes,  on  admet  d'autres  doctrines  vai- 
«  nés.  lulilos,  incertaines,  et  non  approuvées 
a  par  lEglise  ,  dodrines  que  les  liomiiies 
«  légers  croient  faussement  propres  à  soute- 
«  nir  et  A  apjiujer  la  \érité.  »  Les  évé.|ues 
«  de  France  ont  souscrite  rene>clique  de 
«  Grégoire  XVI  ;  nous  avons  été  nnus-mêine 
«  heureux  de  la  publier,  comme  vicaiie  ca- 
«  pilulairede  Hesancon,  conjoiiitemeul  avec 
«  les  autres  administraleuFS  du  dincèse.  Par 
«  cet  acte,  nous  rétractions  lnui  ce  que  nous 
«  aurions  pu  dire  ou  éi  rire  dans  le  sens  du 
«  système  philosophique  de  VEssai.  Ce  sjs- 
«  kème  navait  point  été  compris  de  ceux  qui 
«  l'avaient  embrassé;  ils  ne  se  le  présen- 
«  laient  pas  tel  qu'il  est  :  ce  qui  explique  la 
«  f;icililé  avec  laquelle  ils  l'ont  abandonné.» 

Mgr  Doney,  évéqne  de  Monlauban,  a  re- 
produit l'édiiion  di-  Mgr  Gousset.  Il  y  a  ajouté 
un  bon  nombre  d'excellents  articles.  Il  a  re- 
tranché un  certain  nombre  d'articles  qui  con- 
tenaient trop  évidemment  les  doctrines  de 
M.  de  Lamennais  sur  la  cerliiude.  Celle  édi- 
tion est  loin  d'avoir  rejeté  toutes  les  notes 
condamnables.  Nous  croyons  donc  que  celle 
édition,  pas  pins  que  celle  de  Mgr  Gousset, 
ne  peut  sans  danger  être  mise  entre  les  mains 
de  jeunes  gens  qui  pourraient  fadlemenl  se 
laisser  entraîner  à  l'esprit  de  système.  Nous 
ne  laisserons  passer  aucune  noie,  soit  de 
l'édition  de  .Mgr  Gousset,  soit  de  celle  de 
Mgr  Doney,  sans  signaler  le  danger  qu'elle 
pourrait  renfermer. 

M.  Leforl,  imprimeur  à  Lille,  a  rendu  d'é- 
niinenls  services  à  la  cause  catholique  par 
ses  nombreuses  publications.  11  a  aussi  donné 
une  édition  du  Dictionnaire  de  Hergier.  Il  a 
purgé  les  éditions  de  Besançon  des  dange- 
reuses doctrines  de  M.  de  Lamennais.  Ce  qui 
fait  le  principal  mérite  de  l'édition  do  Lel'ort, 
ce  sont  des  notes  nombreuses  et  très-savan- 
les,  et  des  articles  entièrement  neufs  ;  quel- 
ques-uns peut-être  ont-ils  trop  peu  d'utilité. 
Dans  notre  temps  de  n)ercantillsme,  il  faut 
attirer  les  lecteurs  et  les  acheteurs  par  quel- 
que chose  de  nouveau.  Oui'ique  birn  plus 
complète  (jue  celle  de  Besançon,  et  surtout 
qu'on  puisse  la  lire  sans  danger,  cette  édition 
est  loin  de  satisfaire  entièrement  le  lecteur.  Il 
v  manque  beaucoup  d'articles  nouveaux.  Il  y 
a  bon  nombre  d'articles  de  liergler  (|ui  ont 
besoin  d'additions,  d'explication  el  mémo  de 
correctif.  Nous  ne  voyons  pas  n)èmc  un  mot 
ilans  celte  édition  .pour  les  indiquer. 


•24 


Nous  avons  fait  connaître  dans  les  pre- 
miers paragraphes  de  cet  Avertissement  ce 
que  nous  nous  proposons  de  faire  pour  ren- 
dre cette  édition  cou  p'èle.  Nous  devons  ob- 
server ici  qu'il  n'y  a  pas  une  seule  noie  des 
éditions  précéilenies  ciui  n'ait  trouvé  sa  place 
dans  notre  Dictionnaire,  ou  que  nous  n'ayons 
ap|)réciée,  soit  pour  l'adopter,  soit  pour  la 
condamner.  Nous  avons  fait  précéder  les  ar- 
ticles principaux  de  l'exposition  du  dogme 
catlioii(|ue.  .\  la  fin  de  chaque  volume  nous 
plaçons  une  table  où  se  trouve  l'indication 
des  principales  questions  irailées  daiislos  ar- 
ticles. Celte  table  facilitera  inGiiiment  les 
reeherches. 

IV.  Observations  critiques.  —  Quelques 
auteurs  ont  reproché  à  Bergier  une  tendance 
à  allegoriser  cerlains  faits  rapfiorles  dans 
l'Ecriture  sainte  :  nous  nous  sommes  aperçu 
de  celle  imperfection,  el  nous  en  avons  pré- 
venu le  lecteur  dès  l'ariicle  Adam,  au  sujet 
de  l'arbre  de  la  science  du  bien  el  du  mal, 
et  de  la  lenlation  d'Eve.  Mais  nous  devons 
ajouter  que  souvent,  comme  il  le  fait  déjà 
dans  le  second  de  ces  cas,  aprèsavoir  penché 
pour  l'allégorie,  il  démontre  que  le  sens  lit- 
téral n'entraîne  aucune  absurdité.  2*  M.  Bon- 
netty,  directeur  des  Annales  de  pLilosopliie 
chrétienne  et  de  VUniversité  catholique,  fait 
peser  surnotre  savant  conlroversiste,  comme 
sur  bien  d'autres,  l'inculpation  de  cartésia- 
nisme :  «  Malheureusement,  dit-il  (Annal., 
août  18i5,  p.  158),  le  déisme  rationnel  ei  car- 
tésien est  le  point  commun  d'où  ils  parlent 
pour  arriver  les  uns  à  l'Evangile,  el  les  au- 
tres pour  le  comballre.  »  Il  y  a  ici  du  vrai  et 
de  l'exagéré  :  Bergier  est  cartésien,  il  fait 
quelquefois  (Fo(/.  art.  Adam,  fin)  abstrac- 
tion des  traditions  primitives;  mais  aussi, 
souvent  il  y  renvoie,  et  M.  Bonnelly  lui- 
même  reronnait  en  lui  <  un  de  ceux  qui  ont 
commencé  à  faire  senlif  l'importance  qu'il  y 
avait  à  faire  remonter  la  Révélation  jusqu'à 
Adam,  et  le  christianisme  jusqu'à  l'oriiiine 
de  l'homme  »  [loc.  cit.).  Enfin,  nous  obser- 
verons que  les  adversaires  des  cartésiens  ne 
.lont  point  encore  plus  avancés  qu'eux  en 
l'ail  de  motifs  de  crédibilité. 

L'œuvie  de  B.igier,  malgré  ses  imperfec- 
tions, n'est  pas  moins  un  monument  remar- 
quable, élevé  en  faveur  de  la  religion.  Avec 
quehiues  améliorations,  il  peut  devenir  le 
manuel  du  coiitroversiste,  et  l'un  des  plus 
solides  appuis  de  la  religion  dans  notre  siècle 
d'incrédulité. 

Nous  n'a  vous  pas  besoin  de  rappeler  ici  qu'un 
grand  nombre  d'articles  du  Dictionnaire  de 
Bergier  ont  déjà  été  traités  plus  ou  moin.s 
longuement  dans  les  divers  Dictionnaires  qui 
composent  l'Encyclopédie  Ihéologique.  A  cet 
égard,  nous  croyons  utile  de  renvoyer  nos 
lecieurs  à  l'.4ris'  que  nous  avons  mis  en  tête 
du  tome  II  des  Religions  (vol.  XXV  de  l'En- 
cy  clofi.). 


INTRODUCTION 
AU  DICTIONNAIRE  DE  THÉOLOGIE 


DOGMATIQUE. 


DESSEIN  DE  LiV  PROVIDENCE   DANS  L  ETABLISSEMENT    DE    LA  RELIGION,  ORIGINE   ET  PROGRÈS 
DE  LINCRÉDULITÉ. 


§  I.  —  Dieu,  disent  les  Pitres  de  l'Esilise, 
donne  au  jioiirp  hiim.iin  des  lȍons  convena- 
bles à  ses  diiTérenls  âne'*  {I  )  ;  comme  un  père 
lendre,  il  <i  égard  a'i  degré  de  <  ap.icilé  de  son 
élève  ;  il  fait  marcher  l'ouviage  de  !a_(;râce 
du  môme  pas  (|ue  relui  de  la  naiiire,  pourdé- 
moiilrer  qu'il  est  l'auteur  de  l'un  et  de  l'autre. 
Tel  est  le  principe  duquel  il  faut  partir,  pour 
concevoir  le  plan  que  la  s;igesse  elernclie  a 
suivi,  en  prescrivant  aux  hommes  la  reli- 
gion. 

Ce  plan  renferme  trois  grandes  époques 
relatives  aux  divers  états  de  l'h  imaiiilé.  Dans 
les  siècles  voisins  de  la  création,  le  genre  hu- 
main, dans  une  espèce  d'enfance,  n'av.iil  en- 
core d'autre  société  que  celle  des  f,niiilles, 
d'autres  lois  que  celles  de  la  nature.  d';iulrc 
gonveriiementque  celui  des  pères  et  des  vieil- 
iards.  Dieu  révéla  aux  patriarches  une  reli- 
gion domestique,  peu  de  dogmes,  un  culte 
simple,  une  morale  dont  il  avait  gravé  les 
principes  au  fond  des  cœurs.  Le  cliei'de  f.imil- 
ie  était  le  ponlife-né  île  celle  religion  primi- 
tive. Emanée  de  la  bouche  du  Ciéaleur,  elle 
devait  passer  des  pères  aux  enfants  par  les 
leçons  de  l'éducation.  La  Iradiiion  domesti- 
que, les  pratiques  du  culte  journalier,  la 
marche  régulière  de  l'univers  et  la  voix  de  la 
conscience  se  réunissaient  pour  apprendre 
aux  hommes  à  n'adorer  qu'un  seul  Dieu.  Ce 
premier  lien  de  société,  ajouté  à  ceux  du 
sang,  était  assez  puissant  pour  unir  les  di- 
verses branches  d'une  même  famille,  et  pour 
former  insen>iblement  des  associations  plus 
étendues. 

Celte  idée  de  la  religion  primitive  n'est 
pas  de  nous,  elle  est  tirée  des  livres  saints. 
L'Ecclésiastique,  a  près  a  voir  parlé  de  la  créa- 
liiin  de  nos  premiers  parenis,  ajoute  :  iJieules 
a  remplis  de  la  lumière  de  rinlelliyence,  leur 
a  donné  la  science  de  l'es/iril,  n  doué  leur  cœur 
de  sentimen/s,  leur  a  montré  le  bien  el  le  m  il  : 
il  n  fait  luire  son  œil  sur  leurs  cœurs,  ofiii 
gu'ils  vissent  lamiiynipcence  de  ses  onvrai/es; 
qu'ils  bénissent  son  stiinl  nom,  qu'ils  le  g  ori- 
fiassent  de  ses  merveilles  el  de  lu  f/rniideur  de 
ses  œuvres  II  leur  a  prescrit  des  i  èijles  de  con- 
duite, et  les  1  rendus  dépositaires  de  lu  loi  de 
vie.  Il  a  [ail  avec  <UT  uni  alliance  et  ruelle,  leur 
a  cns'ii/ié  les  préceptes  de  sa  jiisiice.  Ih  ont 
vu  l'éclat  de  sa  yloire,  ont  été  honorés  des 
leçons  de  sa  voix  ;  il  leur  a  dit  :  Fuyez  toute 

(1)  Terliill.,  de  Virgin,  relandis,  c.  I  ;  S.  Au?.,  ilc 
veroHeliq.,  c.'ù.iivlil.  eic;  Tlifcodoret,  lliiret.  Fiib., 
U  V,  c.  !7  ;  lie  l'rovid  ,  oriil.  Il)  ,  etc. 


iniquité  ;  il  a  ordonné  <)  chacun  d'eux  rie  veil- 
ler sur  son  /irorhiiin  {Frcli.  xvi,  5  seqq.). 

.Mais  la  religion  révélé. ■  f|e  Dieu  esl  un  joug 
que  riiomme  con-enl  diftliilcmenl  à  porler  ; 
s'il  n'ose  le  secouer  ahsoliituenl,  il  rlierc'ie  à 
\f  rendre  moins  incommode.  La  né;;ligpnce 
dis  p'  res,  rinilocililé  des  enfants,  la  jalousie, 
riiilércl,  la  crainte,  p  isoons  iniuiètes  et 
ombra','euses,  firent  interrompre  peu  à  peu 
les  praliiiues  du  culte  .ommun,  el  oublier 
1.1  tradition  domesli(|ue.  L'homme  se  fil  au- 
tant de  divinités  r)u'il  y  a  d'élres  dans  la  na- 
ture ;  il  t\e  suivit  que  son  caprice  dans  le 
culte  (lu'il  leur  rendit.  Rientôi  il  y  eut  autant 
de  rc  ligions  que  de  peuplades  ;  chai-une  vou- 
lut avoir  SCS  dieux  tuiélaires.  Cette  division 
filiale  est  une  des  causes  qui  oui  le  plu»  re- 
tardé les  progrès  de  la  civilisation. 

§  11.  —  Après  plusieurs  siècles,  un  grand 
nombre  d'hommes  se  réunirent,  coinmencè- 
renlà  suivre  des  lois  et  des  usages  communs, 
à  formerun  peuple,  une  république, un  roy.Tu- 
me.  Mais  ces  nations  n.iis^antcs ,  toujours 
eu  déliince  les  unes  à  l'égard  des  autres, 
demeurèrent  dans  un  état  de  «uerre  ;  elles  ne 
s'approchalenl(|ue  pour  se  liépouiller  ei  s'en- 
Ire-déiruire  ;  tout  étranger  était  censé  un 
ennemi.  Déjà  plongées  dans  l'erreur,  com- 
ment pouvaient-elles  être  corrigées?  com- 
ment faire  revivre  l/i  révélation  donnée  :i  nos 
premiers  pères?  Dieu  donna  aux  Hébreux  Mrte 
rilirj  on  nationale,  incorporée  aux  lois  et  à 
la  consiilution  de  leur  république,  ou  plutôt 
destinée  à  la  fonder.  Relative  au  climat,  au 
génie  de  cette  nation,  aux  dangers  dont  elle 
était  environnée,  elle  était  f.iile  non  pour  un 
peuple  déjà  policé,  mais  qui  allait  le  devenir. 
C  esl  donc  relativement  à  l'intérêt  politique, 
à  l'utilité  nationale  qu'il  faul  l'envisager, 
pour  en  voir  la  sagesse,  el  pour  estimer  le 
temps  de  sa  durée. 

Telle  est  encore  l'idée  que  nous  en  donne 
le  même  auteur  sacré:  Dieu,  dit-il,  a  prépo- 
sé un  chef  à  cluvjue  nation  ;  mais  il  ii  réservé 
pour  sa  pari  les  l.&aéliti'S.  Il  a  éclairé  toutes 
leurs  dénuirches,  comme  le  soleil  répand  sa 
lumière  sur  toute  lu  nature;  ses  yeux  n'ont 
cessé  de  veiller  sur  leurs  ad  ions  ;  leurs  ini- 
quités n'ont  point  e/facé  iulàance  qu'il  avait 
juiie  avec  eux  (Ibid.). 

L  homme  s'était  égaré  en  prenant  pour 
des  dieux  les  dilTérentes  parties  de  l.i  nature; 
Dieu  frapp.i  de  grands  coups  sur  la  nature, 
pour  faire  sentir  aux  hommes  qu'il  en  était 
le  maître.  Il  effray.i  les  E,.;yptiens,  les  Cha- 
n.inéi  ns,  les  .\ss)  riens,  les  Hébreux,  par  des 


«7 

prodiges  de  terreur.  J'pxercerai,  dil-il,  »««< 
jugemenis  sur  l's  dieuxde  l'F.gtjple  :  il  déclare 
qu'il  fait  dis  mr  iclis,  non  pour  ]•  s  Hébreux 
seuls,  mais  poir  apprendre  à  tous  les  peuples 
qtiil  estte  Seigneur.  Il  le-  lit  en  effet  sous  les 
yeux  des  nations  qui  jouainlleplus  frrand  rôle 
dans  le  monde  connu.  Dieu  ne  révéla  point 
de  nouveaux  dogmes,  mais  il  annonça  de 
nome.iux  desseins.  La  croyance  di-  Moïse  et 
des  Hébreux  était  la  même  que  celle  d'Adam 
et  de  Noé  ;  le  déealogue  est  le  code  de  morale 
de  la  nature  :  le  culte  ancien  fui  conservé  ; 
mais  Dieu  le  rendit  plus  étendu  et  plus  pom- 
peux :  dans  une  société  policée,  il  fallnit  un 
sacerdoce  ;  la  tribu  de  Lévi  en  lut  chargée  à 
l'exclusion  des  autres.  La  l7-adilion  nationale 
était  l'oracle  que  les  Hébreux  devaient  con- 
sulier;  toutes  les  fois  qu'ils  s'en  écartèrent,  ifs 
tombèrent  dans  l'idolâtrie  ;  dès  qu'ils  voulu- 
rent fraterniser  avec  leurs  voisins,  ils  en 
contractèrent  les  vices  et  les  erreurs. 

Mais  D:eu  ne  laissa  point  ignorer  ce  qu'il 
avait  résolu  défaire  dans  les  siècles  suivants. 
Par  la  bouche  de  ses  prophètes,  il  annonça 
la  vocation  future  de  toutes  les  nations  à  sa 
connaissance  et  à  son  culte.  La  religion  juive 
n'était  qu'un  préparalif  à  la  révélaiiou  plus 
ample  et  plus  générale,  que  Dieu  voulait 
donner,  lorsque  le  genre  humain  serait  de- 
venu capable  de  la  recevoir. 

§  111.  Ce  temps  était  arrive,  quand  le  Fils 
de  Dieu  vint  annoncer,  sous  le  nom  d'Evini- 
gilemt  de  bonne  nouvelle,  une  religion  tini- 
verselle.  La  révélation  précédente  avait  eu 
pour  but  de  former  un  royaume  ou  une  ré- 
publiijue  sur  la  terre  ;  Jes<is-Chris!  prêcha 
le  roijnmne  des  deux.  Une  grande  monarchie 
avait  englnuti  toutes  les  autre*  ;  tous  les 
peuples  policés  étaient  devenus  sujels  du 
même  souverain.  Les  arts,  les  sciences,  le 
commerce,  les  conquêtes,  les  communications 
établies,  avaient  enfin  disposé  les  peuples  à 
fraterniser  et  à  se  réunir  dans  u:ie  seule 
Eglise.  Le  Fils  de  Dieu  envoie  ses  apôtres 
prêcher  lEvaw^Wc.  à  toutes  lis  mitions,  y  en 
ferai,  dil-il,  un  seul  troupi  au  sous  un  nicme 
pasteur  (Ij.  Si  ce  dessein  n'avait  pas  elc  con- 
çu dans  le  ciel,  il  serait  le  plus  beau  i;ui  eût 
pu  se  former  surla  leire;  et  si  .iésus-Chnst 
n'était  pas  Dieu,  il  serait  encore  le  meilleur 
et  le  plus  grand  des  hommes. 

Ceux-ci  étaient  moins  grossiers  et  moins 
Stupides  que  dans  les  siècles  précédents; 
aussi  les  signes  de  la  mission  du  Sauveur 
n'ont  jioinl  ete  des  prodiges  de  terreur,  mais 
des  traits  de  boulé.  Les  nneuis  étaient  plus 
douces,  mais'  plus  voluftlueuses  ;  il  fallait 
une  morale  ausière  pour  les  corriger.  Une 
philosophie  curieuse  et  tcmér.ii;e  n'avait 
laissé  subsister  aucune  vérité  ;  il  fallait  des 
mystères  pour  la  (onfondre  et  p'iur  re|)rimer 
SOS  atl(!ntals.  Les  usages  de  la  >ie  civile 
avaient  acquis  plus  de  décence  et  de  dignité  ; 
il  fallait  un  culle  iiol)le  et  majestueux.  Les 
connais-.ancis  circulaient  iruin- naiion  à  une 
aiilie  ;  la  Irndilinii  unim  selle  ou  la  calholi- 
lilé  était  donc  la  base  sur  laq.icll  ;  Icnsei- 

(I)  Fici  uiiu  II  ovilecl  unus  pislor.  Joaii.  x,  10. 


INTRODUCTION.  28 

gnement  devait  être  fondé.  Telle  est  en  effet 
la  constitution  du  christianisme. 

Ce  n'est  pas  ie  connaiire  (|ue  de  l'envi- 
sager comme  utie  religion  nouvelle,  iso- 
lée, qui  ne  tient  à  rien,  ()ui  n'a  ni  litres,  ni 
ancêtres.  Ce  caraelère  est  l'ignominie  de  ses 
rivales;  ainsi  elles  portent  sur  leur  front 
le  signe  de  leur  réprob.ition.  Le  christia- 
nisme est  le  dernier  irait  d'un  dessein  foi  mé 
de  toute  éterniié  par  la  Providence,  le  cou- 
ronnemenl  d'un  édifice  commencé  à  la  créa- 
tion ;  il  s'est  avancé  avec  les  siècles,  il  n'a 
paru  ce  qu'il  est  qu'au  mo:nenl  oîi  l'ou- 
vrier y  a  mis  la  dernère  main.  Aussi  les 
apôtres  nous  font  remarquer  que  le  Verbe 
éiernel,  qui  est  venu  instruire  et  sanctifier 
les  hommes,  est  celui-là  même  qui  les  a 
créés .(  yofoi.  I,  Jlchr.  i  ).  Saint  Augustin, 
dans  ses  livres  de  la  Cité  de  Dieu,  eiiTisage 
la  vraie  religion  comme  une  ville  sainte, 
dont  la  construction  a  commencé  à  la  créa- 
tion, et  ne  doit  êlre  finie  que  quand  ses  ha- 
bitants seront  lous  réunis  dans  le  ciel. 

Ce  plan  sublime  n'a  pu  éclore  dans  l'esprit 
d'un  homme;  il  embrasse  toute  la  durée  des 
siècles;  ceux  mêmes  qui,  dans  les  premiers 
âges,  ont  concouru  à  son  ex;  cution,  ne  le 
connaissaient  pas.  C'est  Jésus- Christ  qui 
nous  l'a  révélé.  Saint  ,lean,  ;iu  commence- 
ment de  son  Evangile;  saint  Paul,  dans  sa 
lettre  aux  Galales,  et  dans  le  premier  chapi- 
tre de  l'Epître  aux  Hébreux,  l'ont  clairement 
dévelojjpe.  Le  christianisme  est  la  religion 
du  sage,  (le  l'homme  parvenu  à  l'âge  viril 
et  à  la  maturité  parfaite  (Ephes.  iv,  13j. 

L'auteur  de  l'iïcclési.istique,  qui  a  si  bien 
présenté  les  deux  premières  époques  de  la 
révélation,  ne  pouvait  peindre  la  troisième  ; 
il  l'a  ])récédee  de  plus  de  deux  jenis  ans  ; 
mais  il  prie  Die.i  d'accomplir  ses  promesses 
et  les  prédiciions  des  anciens  pioidiètos  , 
(ifin,  i!il-il,  gne  l'on  reconnaisse  la  fidélité  de 
ceux  gui  ont  parlé  en  votre  nom,  et  pour  ap- 
prendre à  toutes  Its  niitimis  g  c  lous  hs  siè- 
clessont présrntsàvosyeux  (t'ccli.  xxxvi,  IG). 

i;  IV.  —  Un  sigoe  non  équivoque  de  l'o- 
pération divine  est  la  constance  et  l'uni- 
i'oriniie;ce  caractère  brille  dans  la  nature, 
il  n'eclatc  pas  moins  dans  la  religion.  Dieu 
n'a  point  enseigné  aux  hommes  dans  un 
temps  le  contraire  de  ce  qu'il  leur  avait  dit 
dans  un  autre  ;  mais  à  certaines  époijucs  il 
leur  a  révélé  des  véiiiés  dont  il  ne  les  avait 
pas  encore  instruits  aup rira\ant.  La  cro  ance 
des  patriarches  n'a  point  été  cliangéi;  par 
les  leçons  de  Moïse;  le  symbole  des  chré- 
tiens, quoique  plus  étendu,  n'est  |(oi.il  op- 
))Ose  à  celui  des  Hébreux.  Li;  code  de  morale 
donné  à  Adam  se  reirome  dans  le  décalo- 
gue  ;  celui-ci  a  été  renouvelé,  expliqué  cl 
confirmé  par  Jésus  -  Christ  ;  mais  la  reli- 
gion parfaite  et  immuable  dès  si  naissance, 
parce  qu'elle  est  rou(rage  de  la  sagesse  di- 
vine, a  souvent  clé  déligurée  par  l'.jveiigle- 
nienl  et  par  les  passions  de  riiumme.  DieU 
ne  change  point;  l'homme  varie  continuel- 
lement. Plus  il  oublie  et  m  connait  les  le- 
çons de  son  Créateur,  plus  il  est  nécessaire 
nue   ce    père   sage. cl  bon  les  renouvelle» 


INTRODDCTION. 


30 


les  rondo  plus  élonduos  et  plus  fraptiantiç. 
Dans  le*  égaiemenis  do  l'honiine,  rien  J'u- 
nilormo;  la  vérité  osl  uni-,  les  erreurs  chan- 
(;onl  a  I  infini  (I)  ;  un  peuple  nie  ce  ((ue  l'au- 
Iro  afiirtne,  les  opinions  d'un  siècle  sont 
elTiicées  par  colles  dn  siècle  suivani.  l'aiilôl 
les  philoso|ilies  ont  enseigné  (ju'il  y  a  autant 
d  •  dieux  que  d'éiros  dans  la  naiuie;  tantôt, 
([u'il  n'y  en  a  point  du  ti>nl.  Dans  un  li-mps, 
ils  ont  conlondu  la  Divinité  avec  l'àine  du 
inonde;  dans  nn  antre,  ils  ont  cru  (jue  Dieu 
c  ait  l'arlisan  du  monde,  mais  qu'il  no  se 
mêlait  point  de  le  pouvernor.  Les  uns  nous 
ont  accorvié  une  âme,  les  autres  nous  l'ont 
ro(  séc;  ceux-là  combattaient  pour  la  11- 
horlé  humaine,  ceux-ci  pour  la  t'aialité  ; 
telle  secte  croyait  à  la  vie  future,  telle  autre 
n'y  ajoutait  point  de  foi.  Les  plus  anciens 
enseiiçnèrenl  une  morale  assez  pure;  lenrs 
successeurs  la  corrompirent  ou  la  sapèrent 
par  les  fondoments.  Dans  Ions  les  lieux  du 
monde  on  raisonnait  sur  la  reli{^ion  ;  dans 
aucun  l'on  n'osait  y  toucher,  de  peur  de  la 
renilrc  pire.  Le  peuple  suivait  à  l'aveugle 
les  leçons  de  ses  conducteurs  et  la  tradition 
de  ses' ancêtres  :  fables,  contradictions,  dé- 
règlements partout. 

Au  milieu  (le  celte  nuit  profonde,  un  rayon 
de  vérité  brille  dans  un  coin  de  l'univers, 
une  religion  pure  y  subsiste;  elle  descend 
en  droite  ligne  du  premier  homme,  par  con- 
séquent du  Créateur;  elle  s'est  perpétuée 
dans  une  seule  branche  de  faniillcs  succes- 
sives. Lorsqu'elle  est  prête  à  s'éteindre.  Dieu 
parait  de  nouveau  et  se  fait  entendre  :  il 
parle  en  maître  souverain  de  la  nature;  les 
Hébreux  étonnés  tremblont,  écoutent  dans 
le  silence.  11  faut  les  séparer  de  toutes  les 
nations  livrées  à  l'erreur,  les  assujettie  par 
une  loi  sévère.  Vingt  fois  ils  veulent  en  se- 
couer le  joug,  autant  de  fois  ils  sont  forcés 
de  le  reprendre.  Lors  même  qu'ils  y  parais- 
sent le  plus  soumis',  ils  on  prennent  les 
dogmes  de  travers,  en  corrompent  l;i  mo- 
rale, altèrent  le  sens  des  promesses  divines. 
Dieu  cependant  est  fidèle  à  les  accomplir  ; 
au  momont  qu'il  a  maf'iué  d'avance,  son 
Verbe  incarné  paraît  parmi  les  bomnies,  re- 
vêtu do  tous  les  caractères  de  la  Divinité. 
Annoncé  par  les  prophètes,  attendu  par  les 
justes,  précédé  par  des  prodiges,  né  dn  sang 
lo  plus  ni'bie  «ju'il  y  eût  dans  l'univers,  il 
reçoit  le  nom  de  Snmeur ;  admirable  par  fa 
doctrine,  étonnant  par  ses  miracles,  respec- 
table par  ses  vertus,  aimable  par  ses  bien- 
faits, il  prêche  le  royaume  des  cieux.  Mais 
cette  lumière  luit  dans  les  lénèi)res  :  il  est 
niéconiui,  rejeté,  condaumé  par  la  nation 
même  qu'il  venait  instruire  et  sauver.  Il 
meurt,  ressuscite,  monte  au  ci'-j,  ordonne  et 
pré  lit  la  conversion  du  monde  :  elle  s'ac- 
complit ;  le  christianisme  est  établi  ;  il  sub- 
siste depuis  dix-huit  cents  ans,  maigre  les 
elTorts  renaissants  des  incrédules  do  lous  les 
sijcies.  Voilà  le  t.ibleau  de  la  religion.  On 
ne  p.'Ut  y  m  cunnaîire  la  miin  de  l'inlel- 
ligeiice  loule-puissantc  et  éternelle,  qui  d'un 

(1)  TheoJ.,  (lePiov.,  onil.  I,  pig.  5-21. 


coup  d'œil  embr.isse  tous  les  siècles  (1), 
voit  toutes  les  révolutions  que  doivent  su- 
bir ses  créatures,  trace  dès  le  premier  ins- 
tant le  plan  qu'elle  suivra  dans  toute  l,i  durée 
des  temps. 

§  V.  —  Pour  en  saisir  l'ensemble,  nous 
avons  trois  signes  qu'il  ne  f.iut  p;is  s-parer. 
Dans  l'histoire  de  la  religion  que  nous  pré- 
sentent les  écrivains  sacrés,  nous  voyons  : 

1°  Une  chaîne  de  faits  qui  se  succèdent, 
qui  ne  laissent  aucun  vide,  oii  l'on  no  peut 
rien  déplacer.  L'ordre  des  générations  el 
des  événements  nous  conduit  d'Adam  à  Noé, 
de  Noé  à  Abraham,  do  celui-ci  à  Moïse,  de 
Moi'se  à  Jésus-Christ.  La  création  el  la  chute 
de  l'homme,  te  déluge  universel  et  la  disper- 
sion des  peuples,  la  vocation  d'Abraham  et 
les  prédictions  qui  regardent  sa  postériié, 
sont  trois  grandes  époques  auxquelles  se 
rapportent  les  faits  intermédiaires,  et  qui 
préparent  de  loin  la  révélation  donnée  par 
MiJiso.  Celle-ci  nous  fait  envisager  la  venue 
du  Messie  et  la  conversion  dos  peuples, 
comme  le  terme  auquel  tous  ces  préparatifs 
doivent  aboutir.  Voilà  un  plan  général,  un 
dessein  suivi,  qui  démontre  que  rien  n'est 
arrivé  par  hasarii,  et  que  rien  n'a  été  écrit 
sans  raison;  le  n'est  point  ainsi  que  sont 
tissues  les  annales  mensongères  des  autres 
peuples,  auxiiuelles  les  philosophes  trou- 
vent bon  de  donner  la  préiérence. 

2°  Une  chaîne  de  vérités  prouvées  par  ces 
faits  mêmes,  toujours  relatives  aux  besoins 
actuels  et  à  la  situation  dans  laquelle  se 
trouve  le  genre  humain.  Sous  la  première 
épo(!ue,  tout  concourt  à  inculquer  ce  dogme 
capital,  (]u'il  y  a  un  seul  Dieu  créateur, 
dont  la  providence  dirige  tous  les  événe- 
ments, et  qu'il  gouverne  en  maître  absolu  le 
iiioiiile  qu'il  a  tiré  du  néant.  Sous  la  seconde, 
tout  se  rapporte  à  démontrer  que  ce  même 
Dieu  est  le  fondateur  do  la  société  civile, 
l'arbitre  souverain  de  la  destinée  des  pou- 
pies,  qu'il  les  place  et  les  déplace,  les  élève 
ou  les  humilie,  les  éclaire  ou  les  laisse  dans 
l'avi  uglemont,  comme  il  lui  plaît.  Sons  la 
troisième,  le  but  principal  do  la  révélation 
est  de  nous  convaincre  que  Dieu  esi  encore 
l'auteur  de  la  sanctification  de  l'homme,  que 
le  salut  n'est  point  l'ouvrage  do  la  volonté 
seule,  mais  de  la  grâce  divine  et  des  mérites 
du  Médiateur.  —  Ainsi,  depuis  la  notion  dn 
Créaieur,  el  la  première  promesse  laite  à 
l'iiomme  pécheur,  l'élendue  et  la  clariéde  la 
révélation  va  toujours  en  augmenlant,  à  me- 
sure (iu('  rhomine  devient  capable  de  le- 
çons plus  amples  et  plus  parfaites  ,  jus- 
qu'à la  nnnifestalion  pleine  et  entière  do  la 
grâce  et  de  la  vérilé  par  Jésus-tlluist.  l'ar 
la  révélation  primitive  ,  la  loi  naturelle  ne 
paraît  connue  qu'autant  qu'il  était  néces- 
saire pour  la  prospérité  des  familles,  el  pour 
engager  les  hommes  à  se  ra;procher.  Dieu 
tolère,  dans  les  patriarches,  des  abus  i|ui 
(levaient  être  retranches  dans  la  suiie  des 
temps,   mais  qu'il  eût  été  difâcile  d'arrêter 


(I)  Tu   es    Deus    conspeclor   siculorum. 
xxxvj,  19. 


EicU 


Si 


INTRODUCTION. 


52 


pour  lors,  et  qai  ne  pouvaient  encoro  pro- 
duire d'aussi  ni;Mivais  effets  quo  chez  les  peu- 
ples mieux  civilisés.  La  loi  de  Moïse  siip- 
prinn'  ou  diminue  une  partie  de  ces  abus  ; 
mais  le  dmil  des  qens,  ou  le  droit  d'une  na- 
tion à  l'évard  d'u'.e  autre,  es!  encore  très- 
peu  connu.  Il  était  nciessaire  que  l.-s  Hi-- 
breux  demeur.issenl  isolés  et  dans  l'élit  de 
sépa-alion  d;ins  lequel  tous  les  peuples  vi- 
v.iienl  pour  lors.  C'est  seulement  par  l'Kv.in- 
gile  que  les  grands  principes  de  morale 
sociale,  de  charilé  universelle,  tVhumnvilé, 
ont  éiéenfin  dév.loppés;  les  anciens  philo- 
sophes n'en  élaieiii  pas  mieux  instruits  que 
les  autres  hommes.  Ici  on  reconnaît  encnre 
la  sajjeS'C  de  la  Piovid  nce,  qui  ne  donne  à 
ses  eîàfants  que  le^  leçons  dont  ils  sont  sus- 
ceplililes,  et  n'exig''  d'eux  des  vcrius  que 
selou  le  degré  de  leurs  connaissances. 

3'  Une  chaîne  d'err-  urs  el  d'égarements 
chez  les  hommes  indocils  ;  erreurs  qui 
Tiennent  toujours  de  la  même  S'iurce  ,  de 
leur  révolte  (Onire  l'autorité  divine.  Sous  la 
loi  de  nature,  ceux  qui  se  sont  écartés  de  la 
tradition  domestique,  sont  tombés  dans  le  po- 
lythéisme et  y  ont  persévéré  ;  il-^  ont  adoré 
les  ouvrages  du  Oéateur  sans  l'adorer  lui- 
même;  leur  culte  n'a  été  qu'un  chaos  de  pro- 
fanations. Tel  est  encore  l'étal  des  peuples 
chez  les(iuels  le  flambeau  de  la  révélation  ne 
s'est  point  rallumé;  aucun  progrès  de  la 
raison  humaine,  pendant  soixante  siècles, 
n'a  été  capable  de  les  en  tirer.  Sous  la  loi 
mosaïque  ,  lorsque  les  Juifs  ont  méconnu 
leur  tradition  nationale,  ils  se  sont  plongés 
dans  l'idolâtrie,  comme  toutes  les  nations 
voisines;  ils  ont  adoré  l'ouvrage  de  leurs 
mains,  sont  devenus  aussi  aveugles  que  si 
Dieu  n'avait  jamais  dai;;né  les  instruire. 
Dans  le  sein  du  christianisme,  quiconque 
abandonne  la  tradition  universelle  ou  la  ca- 
//io/,ci7(',  to'iibedans  l'hérésie  qui  n'est  qu'une 
philosophie  erronée  ;  mais  s'il  raisonne  de 
suite,  il  n'y  demeure  pas  longtemps,  il  passe 
rapi<leineut  au  déisme,  au  matérialisme,  au 
pyrriionisrae  absolu  :  ou  il  adore  le  Dieu  de 
Spinosa,  ou  il  n'adore  rien  du  tout.  Nous 
verrons  dans  un  moment  le  tissu  des  consé- 
quences qui  conduisent  à  cet  abîme;  l'en- 
ch;ilnenienl  n'en  fut  jamais  aperçu  par  ceux 
mêmes  qui  s'y  trouvent  enlacés. 

§  VI.  —  Parmi  tous  ces  grands  génies  qui 
attaquent  aujourd'hui  la  religion,  en  esl-ii 
quelqu'un  qui  ail  entrepris  de  renverser  le 
plan  général  de  la  révélation,  ou  qui  ail  fait 
à(\  fortes  objections  p"ur  le  détruire?  Pas  un 
seul  ne  s'en  est  seulement  douté.  A  les  eu- 
Irndre,  il  semble  que  la  religion  soit  un  hors. 
d'uMivre  dans  la  société,  el  que  l'on  ne  sai  he 
pas  d'où  elle  est  venue;  que  Jesu^-Chrisl 
soit  arrive  sur  la  terre  sans  être  prévu  ni  al- 
leinlu  ;  ((lie  le  <  hristianisme  soit  le  résultat 
des  idées  d'un  homme  singulier,  qui  a  rêvé 
qu'il  était  destiné  cà  changer  la  face  de  l'uni- 
vers. —  Ce  n'est  point  ainsi  ()ii*il  est  lepré- 
senlé  dans  nos  livres  samls.  Jésus-Clinst, 
disent  ses  aiiAtriîs,  n'est  pas  sntluncnl  il'iiu- 
iourd'kui,  il  itiut  d'hier,  et  le  mfme  jinur  tous 
les  sii'cles  [IleUr.  xiii,  b).    //  étui!  dans  les 


décrets  éternels  avant  la  naissance  du  monde 
(Peir.  l,  20).  C'est  l'agneau  immolé  dè:>  la 
création  {  Apoc.  xiii,  8).  L'ouvrarje  qu'il  a 
consommé  déeloppe  enfin  tin  mi/stère  caché 
dans  le  sein  île  Dieu,  dès  le  commencement  des 
sii'cles,  et  fait  comp^  entre  la  sa'iese  de  sa 
conduite  et  île  es  desseins  éternels  (Ei)lies.  MI, 
9,  10).  Jésus  Christ  a  fait  de  l'Ancien  ei  du 
Aouveini  testament  tine  seule  et  même  allian- 
ce (I).  Conséquemment'Sa  nt  Augustin  sou- 
tient que  lechiis  ianisme  a  existé  dipuis  la 
crêaîon  (Rfi'rac/.  I,  13,  n.  3)  ;  el  M  I  o  siiet, 
que  la  religion  est  la  même  di'puls  l'origine 
du  monde  (Disc,  sur  l'Inst.  univ.,  part,  xi, 
art.  1). 

Kiitreprendre  de  prouver  la  vérité  et  la 
divinité  du  christianisme,  sans  avoir  égard 
aux  deux  époques  de  la  révélation  qui  ont 
précédé,  ce  serait  lui  dérober  la  plus  frap- 
pante de  ses  preuves,  juger  du  coin  d'un  la- 
iileau  sans  envis  iger  l'ensemble,  n)etlre  no- 
tre re'igion  de  niveau  avec  celle  des  Indiens 
el  lies  Chinois.  Non,  elle  lient  à  l'origine  du 
monde,  cl  doit  durer  autant  que  lui.  Les  au- 
tres ne  sont  que  des  exeresicnies  ou  des  la- 
(  lies  (jui  obsciin  issenl  ou  défigurent  le  plan 
général,  ou  tout  au  plus  des  ombres  qui  ne 
servent  qu'à  mieux  faire  sortir  les  traits  de 
lumière. 

De  mi'me  que  la  religion  domestiiiue  des 
partriarches  n'a  dii  persévérer  que  jusqu'au 
moment  où  les  peuplades  dispersées  se  ras- 
sembleraient pour  former  des  corps  de  na- 
tion, ainsi  la  religion  nationale  des  Hébreux 
n'a  dû  se  maintenir  que  jusqu'à  l'époque  à 
laquelle  les  peuples  mieux  civilisés  seraient 
capables  de  composer  une  société  religieuse 
uni'  erselle.  Kn  suivant  le  fil  de  l'histoire,  on 
voit  que  celte  constitution  même  du  christia- 
nisme a  empêché  les  peuples  de  l'Europe  de 
retomber  dans  la  barbarie.  Une  quatrième 
révélation  générale  est  donc  impossible;  elle 
ne  serait  plus  analogue  à  aucun  éial  de  la 
nature  humaine.  Tant  que  l'univers  sera  po- 
licé ,  il  doit  être  chiéiien;  il  ne  peut  être 
bien  civilisé  que  par  l'Evangile.  Jésus-Christ 
a  embrassé  dans  son  plan  toute  la  durée  du 
monde,  lorsqu'il  a  promis  à  sou  Eglise  d'élre 
avec  elle  jusqu'à  la  consommation  des  siè- 
cles. Longtemps  avant  la  mission  de  Moïse, 
le  Messie  avait  été  annoncé  comme  un  léijis- 
liiteur  qui  devait  ra'isimbler  les  peuples;  au- 
cune prophétie  ne  nous  parle  d'un  nouvel 
envoyé  :  lorsque  Dieu  lui-même  a  daigné 
nous  instruire  en  personne,  quel  pourrait 
être  le  maître  capable  de  nous  donner  de 
meilleures  leçons  '/ 

Jésus-Clirist  a  reçu  de  son  Père  le  souve- 
rain domaine  sur  toutes  choses  {Mattli.  xi, 
27),  tout  a  été  créé  par  lui  et  pour  lui,  rien 
ne  subsiste  qu'en  lui  (/  Ciil  >ss.  \,  Iti,  17}  ; 
sou  règne  dans  le  ciel  est  éternel  (//  l'etr.  i, 
llj,  el  il  ne  ccsseia  sur  la  tero  que  quand 
lou^  ses  ennemis  seront  abattus  à  ses  pieds 
(/  Cor.  XV.  2}). 

§  VII.  Oriqtiie  et  pi oi/rès  de  l'incrédulité. 
—    D'où   peut  donc  venir  l'irréligion  qui  de 

(I)  Fccit  utraque  umim.  Epli.  n,  14, 


53 

nos  jours  s'est  répandue  dans  l'Europe  en- 
tliTi'?  La  ppsip  noire,  qui  au  xiv  siècle  ra- 
vjpge  I  une  parlio  de  noire  liéinisphère,  ne  fit 
pas  des  progrès  plus  ra[)idt>s.  Les  auteurs  sa- 
crés «m  coiistaniiiieiit  allribué  à  l'esprit  de 
lénèlires  les  erreurs  îles  hérétiques  ,  les  su- 
perstitions des  idolâtres,  les  arlilices  mali- 
cieux dfs  incrédules  (Ephef.  v,  12),  el  ils 
nous  ont  appris  à  connaître  les  moyens  dont 
il  seserl.  Disons-le  liardimcnl,  nous  n'a\ons 
que  Iri'p  (le  preuves  €i  produire;  l'iinrédulilé 
est  nile  de  l'igiiorance  :  d.ms  un  sièeli^  qui  se 
croit  lrès-in^trllil,  la  religion  n'est  p.is  con- 
nue. Mais  celte  ignorance  même  tient  à  d'au- 
tres causes  ;  il  en  esi  de  générales  et  de  par- 
ticulières ;  l'histoire  en  est  tracée  dans  telle 
des  peuple»  qui  nous  ont  précédés. 

Ce  n'csi  pas  la  première  fois  que  celle  ma- 
ladie épidcmiciue  a  paru  dans  le  monde.  Les 
Grecs,  parveniis  au  cnmble  do  la  pr  spérité 
par  leurs  victoires  sur  Ics  Per-es,  se  pré'  i- 
pilèrcnl  dans  l'épicuréisme;  Home,  maîtresse 
du  momie,  cliargre  des  dépouilles  de  l'.Vsie, 
fit  enirer  dans  ses  mur-  avic  le  luxe  celte 
odieuse  pliilosophie  ;  les  Juifs,  déln  rés  de  la 
persécuiiitn  des  rois  de  Syrie,  ei  enrichis  par 
le  commerce  d'-Alexaiidrie,  virent  éelore  le 
saducéisnie,  qui  n'était  qu'un  épicuréisme 
grossier.  Selon  les  observations  de  plusieurs 
politiques  modernes,  les  mômes  vaisseaux 
qui  ont  voilure  d.ms  nos  ports  les  trésors  du 
Nouveau-Monde,  ont  dû  \  apiiorter  le  germe 
de  l'irréligion,  avec  la  maladie  honteuse  qui 
empoisonne  les  sources  de  la  vie. 

A  la  suiledu  luxe  marche  la  philosophie, 
qui  n'est  elle-même  qu'un  luxe  de  connais- 
sances. Une  nation  qui  s'applaudit  d'avoir 
quitté  tes  mœurs  agrestes  de  ses  aïeux,  se 
fait  presque  un  point  d'honneur  de  renoncer 
à  leur  croyance.  Ne  serail-il  pas  aussi  indé- 
cent de  conserver  l'antique  religion  de  nos 
pères,  que  de  porler  les  mêmes  habits  ?  L'es- 
prit, devenu  calculateur,  suppute  les  avan- 
tages d'une  nouvelle  façon  de  penser,  comme 
il  estime  le  produit  d'un  nouveau  commerce 
ou  d'une  branche  d'industrie  ;  nos  philoso- 
phes ont  porte  l'exact  lude  jusqu'à  évaluer 
la  dépense  du  pain  bénit  cl  îles  cierges  (1]  : 
bientôt  l'on  marchande  combien  ciûtc  la 
vertu  ,  et  l'on  juge  ordinairement  qu'elle 
est  trop  chère. 

Chez  un  peuple  corrompu  par  l'amour  ef- 
fréné lies  plaisirs,  plus  la  religion  est  sainte, 
plus  elle  doit  devenir  odieuse;  sa  morale  se 
trouve  si  éloignée  du  ton  général  des  mœurs, 
qu'elle  ne  peut  manquer  de  paraître  impra- 
ticable :  l'esprit,  énervé  par  les  faiblesses  du 
eu  ur,  n'envisage  plus  celte  morale  qu'avec 
cITroi.  On  et  descendu  de  sa  hauteur  par 
une  pente  imperceptible;  on  ne  se  sent  plus 
a^sez  de  force  pour  regagner  le  sommil.  On 
argumente  pour  prouver  qu'il  est  inaccessi- 
ble, que  la  léle  y  tourne,  que  l'on  ne  peul  y 
respirer  :  les  philosophes,  qui  promettent  de 
le  démontrer,  sont  sûrs  de  trouver  des  audi- 
teurs dociles.  Les  uns  et  les  autres  s'appl.iu- 
dissenl  de  leur  sagacité,  vantent  les  i)rogrès 

(I)  Encyclopédie,  Pain  bénil. 


INTRODUCTION.  54 

des  lumières  du  siècle,  donnent  l'irréligion 
comme  le  résultat  des  connaissances  qu'ils 
ont  acquises  :  ce  n'e>t  que  l'elTel  de,s^iees 
qu'ils  ont  coniraclé-.  Si  nous  pouvions  nous 
flatter  d  avoir  plus  de  vertus  que  nos  pères, 
il  nous  ser.iit  permis  i!e  penser  que  nous 
sommes  ausi  beiucoup  plus  éclairés. 

Les  panégyristes  même  du  siècle  prisent 
nous-fonl  remarquer  que  l'âg'  de  la  philoso- 
phie (innoiice  la  vieillesse  des  empii  es,  qu'elle 
s'e'Jnrce  en  vain  de  soutenir.  C'est  elle  qui 
forma  le  dernier  siècle  des  belles  répuhlir/iies 
de  la  Grèce  et  de  linme.  Athènes  n'eut  de  phi- 
losophes que  la  veille  de  sa  ruine,  (/n'ils  sem- 
blèrent prédire.  Cicéron  el  Lucrèce  n'écrivi- 
rent stir  la  nature  des  dieux  et  du  monde  qu'au 
bruit  (les  guerres  civiles  qui  creusirent  le 
tombeau  de  la  liberté  (1).  Triste  réilexion  I  Si 
les  llambe.-iux  de  la  philosophie  n'étaient 
que  des  torches  funèbres  destinées  à  éclairer 
les  funérailles  du  palriolisme  et  de  la  vertu, 
il  devrait  élre  défendu,  sous  peine  de  la  vie, 
de  les  allumer  jamais. 

Un  autre  spéculateur  observe  que  le  la- 
boureur est  nécessairement  superstitieux,  le 
M)alelot  impie,  le  guerrier  f.italisle,  l'habi- 
lant  des  viJes  iiidillérent  (2).  Quelle  philoso- 
phie que  celle  qui  dépend  de  la  profession  (]ue 
Ton  exerce,  ou  du  séjour  que  l'on  habite  1 

Mais  il  est  bon  de  voir  par  quels  progrès 
insensibles,  par  quel  enchainemeni  de  cou- 
séquences  elle  est  parvenue  à  ce  point  li'in- 
diff'ènnre,  que  l'on  veul  nous  faire  envisager 
comme  le  comble  de  la  sagesse. 

§  VIII.  —  Il  y  a  un  fait  constant,  et  dont 
plusieurs  philosophes  sont  convenus,  c'est 
que  les  nations  féroces,  qui  ravagèrent  l'Eu- 
rope au  v^  siècle  et  dans  les  âges  suivants, 
auraieni  éloulTé  jusqu'au  dernier  germe  des 
coiinaissaiici's  humaines,  si  la  re  igion  n'a- 
vait opposé  des  barrières  à  leur  fureur.  Les 
ecclésiastiques,  obligés  à  l'élude  par  leur 
élit,  conservèrent  une  faible  teinture  des 
sciences  qui  avaient  été  cullivées  sous  la  do- 
mination des  Romains.  Il  y  eut  toujours  des 
écoles  éiahlies  dans  l'enceinte  des  chapitres 
et  des  monastères,  pour  l'instruction  de  la 
jeunesse  ;  le  nom  de  clerc  devint  synonyme 
aiec  celui  de  lettré.  La  langue  latine  consa- 
crée aux  offices  de  l'Eglise,  quoique  fort  dé- 
chue do  son  ancienne  purelé,  fut  dans  la 
suite  un  secours  pour  reprendre  la  leclure 
des  anciens  auteurs.  Dans  le  loisir  du  doilre, 
les  moines  s'occU[)èrent  à  rassembler  et  à 
copier  les  écrits  que  le  génie  destructeur  des 
Barbares  avait  épargnes  :  à  la  renaissance 
des  lettres,  les  archives  des  églises  el  des 
monastères  ont  été  les  uniques  dépôts  où 
l'on  a  retrouvé  les  monuments  des  siècles 
précédents. 

La  pompe  extérieure  du  culte  divin  contri- 
buait à  entretenir  un  resie  de  goût  pour  les 
arts  ;  les  rapports  nécessaires  avec  le  siège 
de  Rome,  et  les  pèlerinages  de  dévotion,  fu- 
rent pendant  longtemps  le  seul  lien  de  com- 

(  1)  Uni.  lies  Htab.  des  Europ.  dans  les  Indes,  lom, 
VII,  cap.  13. 
(2(  Aux  ilàneide  Louis  .YV,,tom.  I,  p.  297. 


S5 

nunicalion  entre  les  différentes  nations  <le 
l'Europe;  1.1  aèi'e  de  Dieu,  établie  par  un 
mol. file  religion,  suspendit  par  intervalles 
les  rav.iges  de  la  gueire.  Un  des  objets  de 
l'institution  du  plusieurs  l'êtes  fui  d'inler- 
roiiipre  les  travaux  des  serts,  accablés  sous 
il  '.yrannie  féodale.  Avanl  l'élaljlisseuient 
dis  foires  el  des  n)arcliés  publics,  les  a/iporls 
ou  le  concours  des  peuples  .ux  fêtes  et  aux 
lomlicaiix  (les  saints,  furent  le  rendez-vous 
cnliuaire  des  né^ociinls  (1). 

Si  donc  il  s'est  trouvé  quelques  vestiges 
d'bunianilé,  do  mœurs,  de  police,  <le  lumiè- 
res, parmi  les  hommes  au  xv "  siècle,  c'est 
iticonlestabieioeiil  au  christianisme  que  l'on 
en  est  redevable  (-2).  Sins  la  résistance  nue 
le  zèle  de  la  relijjioii  opposa  ;iux  tentatives 
réiiérées  des  mahoniéians,  iis  auraient  en- 
vahi l'Halle  et  les  llaules  ;   tout    était  perdu. 

Lor-(iue  les  premiers  littérateurs  couimen- 
cèreiit  à  reprendre  le  fil  des  connaissances 
humaines,  on  n'avail  pas  lieu  de  prévoir  que 
leurs  successeurs  se  serviraient  bientôt,  pour 
altaquer  la  relit^ion  ,  des  secours  mêuies 
(|u'elle  leur  avait  conservés,  et  tourneraient 
contre  elle  les  armes  qu'ils  avaient  leçues 
de  sa  main  :  la  révolution  lut  aussi  prompte 
qu'elle  avait  été  itnprévue. 

il  était  iuipussible  qu'au  milieu  des  ténè- 
bres qui  avaient  couvert  la  face  de  l'Europe 
pendant  plusieurs  siècles,  il  ne  se  fût  j;li-sé 
des  abus  dans  la  relij;ion,  que  les  mœurs  du 
cleri;é  ne  se  sentissent  de  la  licence  (|ui 
avait  régné  dans  tous  les  étais;  c'est  de  là 
que  l'on  est  parti  pour  lancer  les  premiers 
traits  contre  la  constitution  mémo  du  cliri- 
stianime. 

Ceux  qui  s'annoncèrent  au  xvr  siècle,  sous 
le  tilre  de  réformaieurs,  sentirent  ces  abus; 
ils  crurent  y  remédier  eu  détruisant  le  prin- 
cipe auquel  ils  les  allribuaienl,  savoir,  l'au- 
lorilé  de  l'Eglise.  Ils  ue  virent  pas  qu'ils  ftii- 
saienl  une  brèche  par  laqui  lie  toutes  les 
erreurs  allaient  bientôt  pénétrer;  que,  pour 
renverser  successivement  tous  les  dogmes  el 
les  fondements  méuies  de  la  loi  chrétienne,  il 
n'y  avait  qu'à  suivre  la  route  qu'ils  venaient 
de  tracer.  liin  effet,  bientôt   en    imitant   leur 


méthode,  les  socînicns  rejetèrent  tous  les 
dogmes  qui  leur  parurent  incompréhensibles, 
citèrent  au  tribunal  de  la  raison  les  oracles 
de  la  parole  divine.  Instruits  par  cet  exem- 
ple, les  déistes  ne  voulurent  plus  admettre 
aucune  révélation  ,  révonuérent  en  doute 
plusieurs  veriiés  de  la  religion  n.iturelle. 
Enfin  le  maiérialisme,  armé  do  leurs  argu- 
inenls.osa  lever  sa  tète  allière  et  nier  l'exi- 
stence de  Uiiu.  Les  sceptiques,  frappés  du 
clioc  de  ces  divers  systèmes  lonelurenl  qu'il 
v'\  a  rien  de  (crlain;  qu'iu  fait  de  religion 
et  de  morale,  un  philosophe  doit  s'en  tenir 
au  doule  absolu.  Ue  la  est  née  Vindijféience 
pour    toutes    les   opinions ,    à    laquelle    ou 


INTRODUCTION.  :^6 

donne  le  nom  de  tolérance.  Dans  l'excès  da 
délire,  l'esprit  humain  ne  peut  aller  plus 
loin. 

§  IX.  —  Cette  progression  surprenante  est 
clairement  marquée  par  les  époques  des  per- 
sonnages qui  ont  été  à  la  tête  de  ces  diffé- 
rents |)artis,  cl  par  la  date  de  leurs  ouvra- 
ges. Luther  commença  de  dogmatiser  en 
1517;  Calvin,  en  1332;  Lélio,  Socin  et  Genti- 
lis,  vers  1530.  Viret,  l'un  des  réformateurs,  a 
parié  des  premiers  déistes  dans  son  instruc- 
tion chrétienne,  en  15G3.  Vaiiini,  athée  dé- 
cidé, fut  exécuté  en  1G19.  Spinos.i  n'a  paru 
que  quarante  ans  après;  La  Motte-Ie-Vayer 
et  B  ,yle,  deux  sceptiques,  ont  écrit  sur  la  fin 
de  ce  même  siècle;  Montaigne  les  avait  pré- 
cédés. 

En  Angleterre,  les  progrès  de  l'incrédulité 
onl  été  les  mêmes.  Après  les  divers  comlials 
des  différeiiles  sectes  protestantes  et  soei- 
niennes,  le  déisme  y  eut  des  prosélytes.  Le 
lord  Herbert  de  Cherbury,  premier  auteur 
anglais  qui  l'ait  réduit  en  système,  publia 
son  livre  de  Yerilale  en  1624.  Hobbes,  Tol- 
land,  Blounl,  Schaftsbury,  Tindal,  jMorgan, 
Chubb,  Collins,  Woolston.Bolingbroi  ke.sonl 
venus  à  la  suite.  Ce  dernier,  de  même  que 
Ho';bes  et  Tolland,  a  semé  des  principes 
d'athéisme  dans  ses  ouvrages;  David  Hume, 
plus  récent,  a  professé  le  scepticisme  dans 
les  sii'us. 

Nos  incrédules  Français,  qui  parlent  au- 
jourd'hui si  haut,  n'ont*  étc  que  les  copistes 
des  .Anglais;  c'est  un  fait  aisé  à  ^érlGer.  Ils 
onl  commeneé  par  enseigner  le  déisme,  iii- 
sinsibleinenl  ils  en  soûl  venus  au  matéria- 
lisme pur;  pour  achever  la  dégradation  ,  le 
pyirhonisme  absolu  se  montre  à  découvert 
dans  la  plupart  de  leurs  livres.  Nous  citerons 
ci-.iprès  queliiucs-unes  de  leurs  maximes  (1). 

Ce  phénomèni! ,  constamment  renouvelé, 
ne  peut  être  un  elTcl  du  hasard  ;  déjà  on  l'a- 
vait remarqué  chez  les  aïK  ieiis  philosophes. 
1  rois  cents  ans  avant  notre  ère,  les  dogmes 
de  la  religion  naturelle  et  de  la  morale  avaient 
élè  trop  laiblemeul  élùblis  par  Pylbagore, 
par  Socrale,  P,aton  et  Aristole,  qui  avaient 
piécéilé  cetie  époque:  ils  a\ aient  mêlé  des 
erreurs  à  ces  vérités  essiMilielles.  Les  épicu- 
riens et  les  cyniijiies  qui  parurent  alor-, 
a. laquèrent,  les  uns  l'existence  delà  Divinité 
ou  du  moins  sa  providence;  les  autres,  les 
lois  de  II  morale.  Leurs  égarements  furent 
remplacés  par  les  hy|)0tl.èses  de  P\rrlion  et 
de  SCS  dtsceiKlanls,(|ui  ne  *oul. lient  admetlrc 
aucune  vtrile. 

Il  n'en  faut  pas  davantage  pour  convaincre 
uncspiit  droit,  non-seuleiiienl  de  la  néces- 
sité de  la  révélation,  mais  du  besoin  ()uc 
nous  avons  irtine  a- lorilé  visible  pour  nous 
guider  en  matière  de  religion  :  l'une  de  ces 
vérités  découle  évidennnent  de  l'autre.  L'au- 


(I)  Lfl  première  foire  franche  en  France  .i  coin- 
niencé  à  Siiiu-Drnis.  Ilisl.  des  Etubtixii.  Eurnp.  ihiiis 
les  Inilet,  let».  Il,  p.  a. 

("i)  Vues  philos,  de  l'réinoiilv.il,  i.  I,  p.  VU  ,  Hume 
Ihst.  de  la  maiêon  de  Tudor,  loin.  Il,  pag.  !).  ' 


(I)  Les  seclaiciirs  des  divers  systèmes  d'incrédu- 
lité ne  sonl  :q)[iii)cs  sur  annule  pruiive  positive,  ni.ds 
sur  les  ililticullés  qu'ils  xoienl  dans  les  (ipiiiiuis  de 
leurs  adversaires.  Des  diltioiiilés  ci  di's  Dlijeclions 
peuvent  inspirer  des  duiilus;  mais  elles  n'uiièreiit 
poinl  la  Cdiiviclion.  En  général,  les  iiicrcduies  suai 
lloilaiiis,  iiiccrluins  ei  Huu  per:>uiidés. 


INTRODUCTION. 


38 


leur  tio  r.irticlo  Unitaires,  dans  rEnr\c'o|>é- 
die,  a  liôs-bicii  nioiitré  la  prosi'cssioii  qua 
doit  faim  un  raisonneur,  dès  qu'il  a  franchi 
la  barriùre  (l(>  l'autciriié  (1).  Sur  ce  point  ini- 
porlanl,  les  principes  sont  exaclenicnl  d'ac- 
cord avec  les  l'ails,  ils  servent  d'appui  les  uns 
aux  autres. 

§  X.  —  Le  preniier  essai  des  novateurs  fut 
d'attaquer  l'anlorilé  de  la  tradition  :  ils  ne 
virent  |ias  qu'eu  renversant  la  tradition  des 
dognies,  ils  sapaient  du  tnème  coup  la  tradi- 
tion des  faits.  Car  enfin  on  ne  conçoit  pas 
pourquoi  il  est  plus  dilHcile  aux  hommes  de 
rendre  témoignage  de  ce  (ju'ils  ont  entendu, 
que  d'attester  ce  (|u'ils  ont  vu  :  s'ils  sont  in- 
dii:nes  de  croyance  sur  le  preniier  chef,  nous 
ne  voyons  pa;.  quelle  confMnce  on  peuth-ur 
arcordcr  sur  le  second.  Dès  que  la  tradition 
des  faits  est  aussi  caduque  et  aussi  inc naine 
que  la  tradition  desdoi;mes,  le  christianisme 
ne  peut  se  soutenir,  il  est  appuyé  sur  des 
faits.  Tous  les  arguments  que  l'on  a  rassem- 
blés contre  l'infiilliliilité  le  la  tradition  dog- 
matique, ont  donc  servi  à  cliranler  en  géné- 
ral toute  certituiie  morale  ou  historique  (2). 
Celle-ci  étant  intinieinent  liée  à  la  certitude 
physique,  comme  nous  le  ferons  voir,  les 
coups  portés  à  l'une  ne  pouvaient  manquer 
de  retomber  sur  l'autre.  Quand  on  est  par- 
venu à  douter  des  vérités  physiques,  il  ne 
reste  qu'un  pas  à  faire  pour  coniester  les 
principes  métaphysiques  sur  lesquels  portent 
nos  raisonneinenis.  A  propremrnl  parler, 
ces  trois  espèces  de  certitude  sont  appuyées 
sur  le  même  fondement,  sur  le  sens  com- 
mun (3);  l'on  ne  peut  donner  alleinlu  à  l'une, 
sans  diminuer  la  fonc  des  autres. 


(1)    Voy.  encore  Bayle,  Dici.  dit.,  an.  Acosta. 
Apiil.  piiiii'  les  ualliol.  ,  i.  Il,  c.  4. 

(i)  Votj.  Dailio,  de  Um  l'utium, 

(5)  Yuy.  Bealies  ,  An  essai  on  ike  Nalura  ad  im- 
niulaiiilily  uf  Truili.  —  [i.es  ailleurs  des  ilifféreiilus 
éililn'iisde  uesaiiçoii  oui  placé  ici  une  noie  pour  éta- 
blir que  Hergiei  a  clé  l'un  des  inécurseuis  de  récole 
(le  Jl.  deLameiniais  sur  les  pruicipes  de  certiUide. 
lici'gier  adnicllait  «ans  doute  r,iiilorite  coiiinic  l'ini 
dust>iinct|jaiixniuulb  de  ccrllludi:  ;Miais;léiail  loin  du 
Ui  rei^arder  coiihiiu  l'uiMi|ue  loiidouieiil  do  la  vérité. 
\4Me1  lus  pniiuieauv  pass.J(;e3  ciLiraiis  de  se^éciiU, 
(pii  4iionlrtiit  ciiuibien  il  avail  en  estime  le  giaud  fi'i»- 
ciiie  d'auloi'iié  pour  s>  rvir  de  base  aux  jugeuieiils  : 
«  A  |iiopieineiu  parler,  dit  llorgier,  ces  Injis  e^|lèces 
de  ceriilude,  c'esi-adiie  lateililude  niéla|diysu|Uo, 
la  ciiriilude  pliysiquiî  et  la  ceriilude  iiioiale  ,  sumi 
apj'Hjées  biir  le  iiiéiue  loiideiinîiil ,  sur  le  s«h»  corn- 
tmtn.  >  Il  s'cxpriniu  ainsi  dans  bon  Tiatié  de  tu  vraie 
religion  :  <  Eu  d<:ruicre  analyse,  la  certitude  luéta 
Itliy.-iqitti  se  léduii,  aussi  bien  ipie  les  aunes,  au  dic- 
ittmt'ii  (tu  sens  commun.  1  Nous  lisons  dans  le  luénie 
ouvrage  tjue  1  par  la  conduite  de  l>ieu  envers  le 
{■enie  Imniain,  dés  l'origine  du  monde,  par  les  é,;a- 
rcinenls  des  peuples  qui  ont  oublié  la  lévélalion 
pnini  ive,  par  les  erreurs  des  plnlosopliei  anc.onr,  et 
iiiodcines,  il  csi  p duvc  pisipi'à  l'éude  ce  .,ue  la 
raisc.n  seule  es;  irès-l'ailile.,  ipi'oHe  n'a  jamais  su  d  c- 
ler  à  l'bomme  ce  qu'il  devait  croire  el  pratiquer.  1 
—  (  A  parler  cxacliiiioni ,  l'iiuuime  n'a  cpie  «les  lu- 
niiéres  d'empriiiil  ;  Oieu  l'a  créé  pour  être  laçuiiné 
par  l'éducalion  et  la  société  ;  abaiiJoiiné  à  lui-même, 
il  serait  presijue  lédu.i  à  l'aniiiialiié  pure  :  il  est  de 
la  nature  de  l'iiomme  que  la  religion  lui  toil  traiis- 


Dans  la  vue  de  détruire  l'autorité  dp  la  tra- 
dition dogmatique,  les  novateurs  soutinrent 
que  les  pasteurs  de  riî}j;lise  avaient  changé 
la  doctrine  des  apôtres,  ((ue  la  plupart  de  nos 
dogmes  sont  de  nouvelles  inventions  de  la 
théologie.  Aujourd'hui  les  incrédules  nous 
apprennent  que  les  apôires  mêmes  ont 
changé  la  doctrine  de  .lésus-Christ  ;  que  le 
chrisiiaiiisiiie,  tel  que  nous  le  professons,  a 
clé  fabriqué  jiar  saint  l'anl  el  par  ses  serta- 
leurs.  Julien  avait  fait  celle  rare  déc'iuverle, 
il  l'a  transmise  aux  docteurs  modernes  (1). 

Pour  décré  Hier  les  témoins  de  la  tradition, 
les  critiques  prolestants  se  sont  déchaînés 
contre  les  l'ères  de  l'Ejîlise-,  ils  ont  suspecté 
leur  doetriiie,  leur  morale,  leur  capacile, 
leur  conduite,  leur  bonne  foi  (-2).  Des  an- 
ciens l'er  s  aux  apôtres  la  distance  n'e»l 
pas  longue,  les  déistes  l'ont  franchie;  Ils  ont 
appliqué  aux   apôtres  les   mêmes  reproches 

mise  par  l'éilucalioii.  t  —  i  \  proprement  parler , 
la  raison  n'est  rien  autre  chose  que  la  facullé  d'eue 
instruit  cl  de  sentir  la  vérité,  lorsqu'elle  nous  est 
proposée.  »  [Dict.  tliéot.,;iH.  liaison.)  t)e  pc?ur  qu'on 
ti'aliu-eilii  mol  religion  naturelle,  il  a  soin  d'obseiver 
que  la  religion  prescrite  aux  |ireuiiers  hommes  était 
naturelle,  dans  ce  sens  qu'elle  était  confirme  aux 
besoins  lie  l'IiunianiLé  ,  à  la  nature  de  Dieu  el  à  la 
nature  de  l'Iioiniiie  ;  que  lorsqui;  lions  en  sonimus 
instruits,  nous  (louvous  ,  par  les  lumières  de  la  rai- 
son, en  sentir  el  eu  dénioiilrci'  la  vérité  ;  mais  (pi'elle 
n'est  point  iialiirelle  dans  ce  sens  qu'aïKiin  liomine 
soil  parvenu  ,  par  ses  propies  reclieicbes,  à  en  dé- 
couvrir lous  les  dogmes  et  tons  les  précetites  ,  et  à 
lis  prolesser  dans  leur  pureté,  f'eisonne  ne  l'a  cou- 
nue  que  ceux  ipii  l'oiil  reçue  par  tradilion.  »  {Traité 
de  la  vraie  lieliyion.) 

i  Vainemeiu  les  déistes  disent  que  les  devoirs  de 
la  religion  nalnrelli:  sont  londés  Mir  des  relations 
essjMitR'lles  cuire  Dieu  et  nous,  entre  nous  et  nos 
semblables  ,  et  qu'ils  smil  gravés  dans  le  cœur  de 
tons  les  liomme'-.  Si  l'éducaiion,  les  leçons  de  nos 
maîtres  ,  l'exemple  de  nos  concitoyens  ,  ne  nous  ac- 
coiiluincnl  pointa  en  lire  les  caractères,  c'est  un 
livre  fermé  pour  nous.  Une  expéiionee  générale,  el 
qui  date  depuis  six  milie  ans  ,  doit  iiiihs  convaincre 
que  la  raison  iiuinainu  ,  privée  du  secours  de  la  ré- 
vélation, n'est  qu'un  aveugle  qui  marclie  à  tâtons 
d;uis  le  plus  grand  jour.  »  (Ittid.) — ■«  Aulie  chose  est 
de  découvrir  u  le  vérité  par  la  seule  réllcNinn,  autre 
esl  de  ia  dé'iioitrro  lorsqu'elle  est  connue.  »  (tbid.). 
—  l^nlin,  «  l'on  n'élalilit  point  le  pyrrlionisine  en 
se  lixaiit  à  la  tradilion  conslinle,  unilornie,  uni- 
verselli- ,  de  lotis  les  |ienples  dans  leur  origine,  qui 
ailesle  one  lévelaiion.  C'est  au  eonlraire,  en  sui- 
vaiil  une  route  difl'érenie,  en  donuant  tout  an  rai- 
soiiiieiiieiil  el  rien  à  la  tradition,  quêtes  pliiloso 
plies  ont  fait  ii.iitre  le  pyirlionisme.  Tous  ceux  qui 
veulent  releii  r  la  même  métbode  aboutirunt  au 
même  terme  ;  Dieu  a  voulu  nous  inslruire  par  la  tra- 
dilion el  par  la  voie  d'autorité,  el  non  par  le  raison- 
nement. ■>  [Ibitl.)  Voy.  Certitudi!,  Lot  MATuaiLi.E. 
Il  ïCiail  très-téniéraire  de  conclure  de  ces  passages 
qu'aux  yeux  de  Herbier  le  sens  commun  était  le  seul 
motil  de  eeriiiude.  Un  ne  peut  lire  deux  pages  de 
SOS  écrits  sans  reconnaitre  le  contraire.) 

(I)  Hisl.  crit.  dcJ.-C,  Table  des  saints.  Examen 
crii.  de  sninl  Paiii,  etc. 

(-2)  Daillé,  de  Vsu  Palrnm.  Si  les  apôtres  cux- 
niéines  n'ont  paséié  excnipis  d'ineurs  el  de  faibles- 
ses, laiil-il  s'étonner  que  leurs  disciples  les  jiliis  zé- 
lés en  aient  été  susceptibles?  Ilarbeyrac  ,  Tnitlé  d: 
la  morale  des  l'ères,  c.  8,  §  5!>,  etc. 


39 


INTRODUCTION. 


iO 


que  l'on  avait  f^iits  à  leurs  successeurs  (1). 
Il  n'esl  pas  une  seule  de  leurs  objeciions 
contre  les  écrits  des  Pères,  qui  n'.iil  été  rétor- 
quée contre  ceux  dps  apôtres.  Les  niènies  ar- 
gumenls  que  les  criliques  avaient  faits  contre 
l'aulhenlicilé  de  certains  livres  de  l'Ecrilure. 
ont  été  tournés  par  les  incréilules  contre 
tous  les  autres  livres  ;  les  objections  que  l'on 
oppose  actuellement  aux  miracles  du  chris- 
tianisme ont  été  lorpées  par  les  proîeslanis 
contre  les  miracles  opérés  dans  I  Eglise  ro- 
maine. 

Lorsqu'il  fut  question  d'examiner  la  mis- 
sion des  prétendus  rélormateurs.  les  catholi- 
ques ol>jecièrent  quedes  honuiies,  qui  a  valent 
été  snjets  à  toutes  les  passi(nis  humaines  et 
à  des  erreurs  dont  leurs  disciples  étaient 
forcés  de  rougir,  ne  pouvaient  avoir  été  susci- 
tés de  Dieu  pour  rélornier  l'Iigli-e.  Pour-  se 
tirer  de  ce  mauvais  pas,  les  novateurs  répon- 
dirent que  les  apôtres  mêmes  avaient  été 
sujets  aux  erreur»  et  aux  passions  humaines, 
et  s'eflorcèrenl  de  le  prouver.  De  ces  ac- 
cusations, quoique  fausses,  les  déistes  con- 
cluent que  les  afiôtres  n'ont  point  été  en- 
voyés de  Dieu  pour  éclairer  et  corriger  les 
hoMiines  :  hieiitôl  cette  critique  impie  s'est 
jetée  sur  Jésus-Christ  même,  a  noirci  sa 
doctrine,  ses  mœurs,  ses  intentions,  ses  ver- 
tus, et  a  tiré  conli  e  lui  la  même  conséquence. 
Les  sdciniens,  devenus  déistes,  affectèrent  de 
faire  de  pompeux  éloges  d((  Jésus-Chrisi  ; 
mais  ils  vomirent  des  torrents  de  bile  lontre 
Moïse  {'2)  :  leurs  successeurs,  moins  hypo- 
ciites,  ont  éga  enieiit  blasphémé  contre  l'un 
et  l'autre.  Les  manichéens  et  les  marcioniles, 
qui  soutenaient  que  la  religion  juive  éiait 
trop  giossière  pour  avoir  été  révélée  par  un 
Dieu  inriniiiieiit  sage,  prélenilaieiit  aussi  que 
ce  monde  est  trop  imparfait  pour  être  l'ou- 
vrage d'un  Dieu  infiniment  bon  :  ainsi  s'en* 
chaiiient  les  erreurs. 

Si  nous  disons  aux  protestants  qu'un  fi- 
dèle doit  user  de  sa  raison  pour  coiinaiire 
quelle  est  la  vériialde  Kglisc,  1 1  pour  peser 
les  pieuvesde  son  infaillibilité;  mais  qu'a- 
près l'avoir  connue,  il  doit  se  laisser  guider 
par  celte  autorité  :  absuiditr  I  s'éi  rient-ils  ; 
il  s'eiisuiv  rait  que  l'Eglise  pourrait  enseigner 
toute»  sorti's  d'erreurs, sans  <|ueses  mecubres 
aient  droit  de  consul  ter  leur  raison,  pou  i  savoir 
s'ils  doivent  les  admettre  ou  les  rejeter.  Est-il 
plus  ilillicib;  a  la  raison  de  juger  quelle  est 
la  vraie  doctrine  <iue  de  savoir  ((uelle  est  la 
véritable  Egli-e  ?  Très-bien,  ont  réplique  les 
déistes;  selon  vous,  on  ne  peut  juijer  de  la 
mission  de  Jesiis-l^hrist  et  des  apôires,  ni  de 
rinspir.iliun  des  livres  saints,  (|ue  par  la  rai- 
son ;  donc  c'i-st  cnciTc  à  elle  de  voir  si  leur 
doctrine  est  vraie  ou  fausse  :  autrement  .lé- 
sus-Christ,  les  apôtres,  l'Ecriture,  pourraient 
enseigner  toutes  sortes  d'erreurs,  sans  que 
nous  eussions  droit  de  consulter  la  raison, 
pour  savoir  si  nous  devons  les  admettre  ou  les 
rejeter. 

(t)  Pumihe  lelirt'  écriic  ilr  la  Monlnqne  ,  p.  iZ  et 
29  ;  TToisil>mcteilre,  p.  97,  OS,  1 18. 

(2)   V'oj;.  Moig.-ni,  Moral  philotofiher,  Ole. 


En  vertu  de  cette  rétorsion,  il  a  fallu  con- 
venir que  c'est  à  la  raison  en  dernier  ressort 
de  ju^er  quelle  est,  dans  l'Ecriture  même, 
la  doctrine  digne  ou  indigne  de  Dieu,  par 
conséquent  révélée  ou  non  révélée.  Alors 
l'Ecriture  ne  nous  impose  pas  plus  d'ob  iga- 
tion  de  croire,  que  tout  autre  livre.  C'est  le 
déisme  pur.  Dans  les  ouvrages  faits  par  les 
protestants  contre  les  déistes,  nous  n'avons 
vu  aucune  réponse  à  cet  argument. 

Les  difTérentes  sectes,  pour  s'établir,  de- 
mandèrent la  tolérance,  bien  résolues  de  ne 
pas  l'obsiTver  lorsqu'ellesauraientacquis  des 
forces.  Selon  les  principes  qu'elles  posèrent, 
la  tolérance  doit  éire  illimitée;  les  juifs,  les 
mahométanls,  les  païens,  les  déistes,  les 
athées,  ont  autant  de  droit  d'y  prétendre 
qu'un  liérélique  ((uelconque.  Ce  point  a  été 
dèiiiontié  de  concert  par  les  catholiques,  par 
les  protestants,  parles  incrédules  (1).  En  effet 
toutes  les  raisons  sur  lesquelles  les  calvi- 
nistes avaient  exigé  la  tolérance  ont  été  ré- 
torquées contre  eu\-inêmes  par  les  soci- 
niens  ,-2).  Les  déistes,  à  leur  tour,  s'en  sont 
servis  pour  prouver  qu'il  leur  était  permis  de 
dogmaliser  ;3j.  Enfin,  les  aillées  les  font  va- 
loir aujourd'hui  en  leur  faveur,  et  s'en 
autorisent  pour  enseigner  impunément  le 
niaiérialisine  (4).  H  est  ainsi  démontré  par 
le  lait,  aussi  bien  i|ue  par  le  raisonnement, 
que  la  tolérance  universellement  réclamée 
est  l'aliuieiit  de  toutes  les  erreurs  et  la  des- 
truction de  toute  religion. 

§  XI.  —  Si  nous  suivons  la  progression 
des  controverses  qui  se  sont  élevées  succes- 
sivement, nous  ne  verrons  pas  moins  l'elTel 
que  devait  produire  le  principe  d'où  l'on  est 
parti,  et  la  chaîne  ileconscquencesqu'il  a  fallu 
parcourir.  Dès  que  les  réformateurs  se  lurent 
élevés  contre  l'autorité  de  l'Eglise,  et  qu'ils 
s'arrogèrent  le  droit  de  juger  du  sens  de  l'Ecri- 
ture, ce  livre  divin,  loin  de  concilii  r  les  opi- 
nions et  de  réunir  les  esprits,  ne  servit  qu'à  les 
diviser.  Les  mêmes  arguments,  par  lesquels 
les  calvinistes  avaient  atiaqiié  le  mysière 
de  l'Eucharistie  servirent  aux  sociniens  pour 
combattre  tous  les  autres  mystères.  La  plus 
forte  objeciion  (jue  les  premiers  aient  cru 
faire  contre  la  transsubstantiation  a  été  tour- 
née par  David  Hume  contre  tous  les  mira- 
cles (5).  D'autres  sont  ailés  plus  loin.  Si  Dieu 
ne  nous  a  point  enseigné  d'autres  véi  ités  que 
celles  i|ui  paraissent  d'accord  avec  1 1  lumière 
naturelle  ,on  ne  voit  pas  pourquoi  la  révéla- 
tion était  nécessaire.  Dès  que  le  christia- 
nisme nous  enseigne  des  mystères,  il  y  a 
lieu  lie  penser  qu'il  n'est  pas  une  religion 
révélée,  et  qu'il  n'est  pas    appuyé   sur  des 

(I)  l'api  II,  sur  la  tolérance  des  jtrotcslnnis  ;  ll.iyle, 
Coiii.  rtiil.  ,  p.iri.  Il  ,  c.  7.  Traiié  .ski  la  luli'raiice  , 
C.  ii;  llirine,  ilisl.  nul.  de  la  R. liiion.  p.  dH. 

(i)  lliis^uet,  li''  Averl.  aux  proieslaut  ,  p;irl.  nr. 

i.h)  Knule,  loin.  III,  piig.  17-2.  Lettre  à  M.  de  Ueau- 
muul,  p.  71. 

(-i)  Syat.  de  ta  iinlure,  l.  11.  c.  Il,  12,  iô. 

('))  L'inileirr  il'/,'im(e  h  irés-bieii  pimrvc  aux  pro- 
tcsiaiils,  i|ii'uM  éniblissniil  le  dcisine,  il  ii'av.iil  fait 
(pie  suivie  les  piiiicipi's  roiKhiineniuiiK  de  la  rérurine, 
beuiième  lettre  de  ta  Montagne,  p.  17,  60, 


41 


INTRODUCTION. 


preuves  sûres.  Les  ennemis  de  la  révélation 
commencent  p.ar  les  préjuger  finisses  :  il 
n'est  p.ns  liesoi  >,  selon  em,  «le  priuve*  siir- 
Diitiiflles  pour  éljihlir  drs  vérilés  conformes 
aux  lumières  de  la  nature;  preuve,  selon 
eux,  qui  IIP  peut  nous  <ib!ig'  r  à  croire  ries 
«togines  ciintr.iircs  à  nos  iiléi's  surnalurelles. 
On  a  (loni-  contesté  les  prophéties  cl  les  mi- 
racles :  nii  a  soiiieiiu  qu'ils  sont  iinn-seu- 
leinenl  faux,  tuais  impossibles  :  pour  le  prou- 
ver, on  :i  eu  rcccinrs  au  sjslènie  de  la  nrces- 
ni'e'oii  ilela/(;<a//'^,<iui  tient  au  malérialisnie. 
Mais  si  'es  preuves  du  chrisiimisine  sont 
autant  de  fable-,  si  ce  te  relig  on  ()ui  paraît 
si  sainte  n'est  qu'une  imposture,  y  a-l-il  une 
Prmidence  <iui  veille  sur  la  religion,  un 
Dieu  qi'i  exigi-  de  l'homme  un  culte,  et  qui 
lui  impose  des  lois?  Lorsqu'un  pareil  doute 
vient  à  iclore,  on  n'esl  pas  loin  de  l'aihéisme. 

Les  déistes  cml  encore  atta(|ué  la  révéla- 
tion, parce  qu'elle  n'a  pas  é  é  donnée  «t  tous 
les  liotiinii's;  on  leur  a  montré  que  leur  pré- 
tendue religion  naturelle  es!  dans  le  même 
cas.  qu'elle  a  été  mcconnue  par  les  païens, 
qù'ille  t  st  ijinorée  des  peuples  harbares  : 
nouvelle  (ilijcciion  conire  la  Provldenci- ;  les 
aillées  riinl  fait  valoir.  On  a  démonlré  aux 
déisle>  que  quiconque  adiii' t  un  Dieu,  ad- 
met des  mysicres;  que  plusieurs  altiibuts 
de  Dieu  sont  incompréhensibles,  et  semblent 
inconciliables.  Pour  ne  pu*  reculer,  nos 
déisies  révoquent  en  doute  tous  les  alirihuts 
de  la  Divini  é  que  l'on  ne  conçoit  pas.  Il  n'esl 
pas  dlKicile  aux  athées  de  tourner  en  ridi- 
cule un  Dieu  dont  les  déistes  n'osent  rien 
affii  mer. 

Ceux-ci  fondent  leur  incréduliié  sur  l'in- 
snfnsance  des  témoignages  de  la  lévélalion  ; 
les  premiers  établissent  la  leur  sur  l'insuKi- 
sance  des  preuves  que  fournil  la  raison.  Se- 
lon les  déistes,  la  Providence  n'a  pas  assez 
fait  de  bien  aux  hommes  dans  l'ordre  de  la 
gri'ice;  seb>n  les  aihées,  elli'  n'en  a  pas  assez 
fait  dans  rurilrc  de  la  n:>lurc  ,  puisqu'il  y  a 
du  mol  dans  le  monde,  ^iais  prendrons-nous 
pour  mesure  de  la  bonté  divine  rentêtement 
des  esprii's  opiniâtres  et  l'ingratiiude  des 
mauvais  cœurs?  Rn  comparant  la  Justice  di- 
vine à  la  jusiice  humaine,  les  déisies  et  les 
sociniens  ont  soutenu  que  Jésus-Christ  n'a 
pas  pu  satisfaire  pour  nous;  en  comparant 
l.i  bonté  ilivineà  la  bonté  humaine,  les  athées 
conclui'iit  que  l'exislence  du  mal  anéantit  le 
dogine  de  la  Providence. 

§  XII.  —  L'axiome  sacré  des  uns  et  des 
autres  est  que  l'homme  ne  doit  écouler  que 
sa  raison,  ne  se  rendre  qu'à  l'évidenci-,  reje- 
ter liiul  ce  qui  lui  parait  faux  et  absurde. 
Vovoiis  les  diviTs  usages  que  l'on  a  faits  de 
cette  maxime  séduisante. 

Ji'  vois  clairement  que  telle  loi,  telle  disci- 
pline, Ici  Usage  religieux  est  un  al  us  ;  que 
la  raison,  le  bon  ordre,  le  bien  public  ■  n 
exigent  la  reforme  :  dune  je  dois  travaill.r  à 
iiiiriiduiie  une  disiipline  contraire,  malgré 
tous  les  obstacles;  rompre,  s'il  le  f.iui,  toute 
socit  lé  avec  ceux  qui  s'obstineront  à  maiule- 
nir  l'usage  actuel.  Voilà  le  fondement  de  la 
conduite  de  tous  les  scbismaliques. 

DiCT.  DE  Théol.  dogmatkjce,  I, 


Je  conçois  avec  une  évidence  Invincible, 
qu'il  n'v  a  qu'un  seul  Dieu;  In  divinité  de 
Jésus-Christ  est  donc  une  erreur  :  qu'un  corps 
ne  peut  pas  être  en  différcnis  lieux  au  même 
nio  lient  ;  la  présence  réelle  de  Jésus  Christ, 
dans  toutes  leshosiies  consacrées,  est  donc 
un  dogme  absurde  :  que  Dieu  ne  peui  pas 
être  un  el  trois  ;  le  mystère  de  la  Trinité  est 
donc  une  contridiciion.  Les  p/issages  de  l'IÎ- 
crilure  qui  s'-mbli'ul  prouver  la  div  nilé  du 
Verbe,  la  présence  réelle,  ou  la  Trinilé,  doi- 
vent être  expliqués  par  d'autres  qui  me  pa- 
raissent dire  le  contraire.  Ainsi  ont  raisunné 
les  ariens  .  les  soriiiions,  les  protestants,  et 
tous  les  sectaires  qui  ont  paru  depuis  la  nais- 
sance de  riîi-lise. 

Je  suis  intimement  convaincu  que  Dieu  ne 
peut  pas  révéli'r  des  <l'iç;mes  absurde-,  inin- 
telligibles, coutradicioiies.  ndignes  de  sa 
sagesse  et  de  sa  véracité  supi  ême  ;  je  vols  de 
pareils  ilogines  dans  louirs  les  religions  <|ui 
se  (lisent  révélées;  donc  tou'es  ces  préten- 
dues révélati'His  sont  des  (himéri's;  donc 
tontes  les  preuves  sur  le-quelles  on  peul  'es 
appuyer,  sont  fausses;  iloiic  il  faut  s'en  tenir 
à  la  rrligiou  naturelle.  Tel  est  le  sysléme  des 
déis'es. 

Il  n'est  pas  possible  de  douter  qu'un  Dieu, 
qui  prenilrail  intérêt  au  colle  des  homme-, 
ne  leur  en  révélât  dirert"ment,  act  ellemeiit 
el  sans  interruption,  la  forme;  il  ne  soulTri- 
rail  pas  qu'ils  le  lui  refusassent  par  une 
ignorance  invincible.  S'il  y  avail  un  Dieu, 
s'écriait  Toland,  el  un  Dieu  qui  s'iniérrssât 
au  bonheur  des  humains,  sans  doule  il  pren- 
drait pitié  de  l'éial  d'inccrlilude  el  d'igno- 
rance où  je  suis  (l).C'esl  le  langage  de  ceux 
qui  souiiennent  l'indilTérciice  des  religions, 
cl  qui  n'en  veulent  aucune. 

Il  est  évident  qu'un  être  doué  de  qualités 
incompatibles,  dont  les  attributs  sont  incon- 
ciliables el  contradictoires  ,  n'existe  pas  :  or, 
quelle  que  soit  l'idée  (jue  l'on  veut  me  don- 
ner de  Dieu,  non-seulement  je  n'y  conçois 
rien,  mais  j'y  vois  des  contr/idictions  for- 
melles :  donc  Dieu  n'evlsle  pas  et  ne  saurait 
exister.  Les  athées  ne  crssent  de  répéter 
celte  prétendue  démonstration  (2). 

Un  philosophe  ne  doit  admettre  que  ce  qu'il 
conçoit,  et  dont  l'existence  lui  est  démontrée. 
Or,  ce  qu'on  dii  des  espri  s  o  i  des  substan- 
ces distinguées  de  la  matière,  est  inconceva- 
blf  ;  leurs  qualités  ,  leurs  opérations,  leur 
manière  d'être  sont  autant  de  mystères  in- 
intellig'bles,  dont  on  ne  peut  avoir  aucune 
idée  claire.  Je  ne  conçois  que  des  (-orps,  mes 
sens  ne  peuvent  m'allesler  l'existence  d'un 
être  distingué  de  la  malière  :  donc  tout  est 
matiè  e,  les  esprits  sont  des  chimères.  Voilà 
le  grand  argument  des  matérialistes. 

Puisqu'un  philosophe  ne  doit  admettre  que 
ce  qu'il  conco  t,  je  ne  puis  affirmer  l'exis- 
tence d'aucun  être  quelconque.  L'essenciMle 
la  malière  el  la  plupart  de  ses  propriétés 
sont  inconcevab.es.  Ce  que  l'on  dit  du  temps 


(t)  D'ial.  sur  l'âme,  pag.  6i. 
(i)  Syst.  de  la  nal  ,  loin.   Il,  ch. 
reurs  populaires,  pag.  114,  elc. 


Traita  det  er- 
S 


■i3 


INTRODUCTION. 


a 


ou  de  la  durée,  soit  finio,  soit  infinie,  de  l'es- 
pncc  créé  O'i  incréé,  du  mouvptnenl,  de  la 
divisibilité  dp  In  matière,  du  principe  inté- 
rieur des  opérations  de  rtiomme,  des  causes 
physiques,  etc.,  est  inintilligitile;  il  n'est  pas 
on  seul  de  ces  objets  sur  lenuel  on  ne  puisse 
faire  des  questions  insolubles;  d'ailleurs  les 
sens  nous  trompent,  ils  ne  nous  attestent 
que  des  apparences  ;  leur  téinoin;nnj;e  ne 
doit  jamais  prévaloir  à  celui  de  la  raison  ; 
donc  il  n'y  a  rien  de  certain  ;  l'on  doit 
tout  au  plus  admettre  des  prob;ibililés  et  des 
vraisemblances.  Ainsi  ont  parlé  les  acata- 
leptiques,  les  aca'lémiciens  ,  les  scepliiiues, 
les  pyrrhoniens  souvent  copiés  par  les  phi- 
losopli(>'^  modernes  (1). 

t;  XIII.  —  Si  la  maxime  sur  laquelle  se  fon- 
dent les  incrédules  est  vrai(%  le  pyrihonisme 
c.ît  donc  le  seul  système  raisonnable.  Après 
.•ivoir  supposé  i\ue  l'évidence  de  nos  idées 
doit  être  la  seule  rè^'e  de  n(is  jii;;emenls.  on 
prouve  doctement  que  celle  évidence  est  ré- 
duite à  rien.  Un  pliilo'iophe  ne  la  voit  que 
dans  ses  propres  opinions,  quelque  absurdes 
qu'elles  soient  d'ailleurs  ^2). 

Pour  résumer  en  deux  mots,  les  prolestants 
ont  dit  :  nous  ne  devons  croire  que  ce  qui  est 
expressément  révélé  dans  l'Ecriture,  et  c'est 
la  raison  qui  en  détermine  le  viai  sens.  Les 
sociniens  ont  répliqué  :  donc  nous  ne  devons 
croire  révélé  que  ce  qui  est  conforme  à  la 
raison.  Les  déistes  ont  conclu  :  donc  la  raison 
suffit  pour  connaître  la  vérité  sans  révéla- 
tion ;  toute  révélation  est  in-atile,  par  consé- 
quent fausse.  Lesaihéeson  repris  :  orceque 
l'on  dit  de  Dieu  et  des  esprits  e.st  contraire  à 
la  raison  :  donc  il  ne  inut  admettre  que  la 
matière.  Les  pyrrhoniens  viennent  fermer 
la  marche,  en  disant  :  le  m  ilérialisme  ren- 
ferme plus  d'absurdités  cl  de  contradictions 
que  tous  les  autres  systèmes  :  donc  il  ne  faut 
en  admettre  aucun  (."}). 

Selon  un  déisU;  anglais  :  de  même  que  le 
calvinisme  a  produit  des  cnlhoiisiasles  dans 
son  origine,  il  a  fait  éclore  enfin  des  alliées. 
Un  athée  n'est  qu'une  espèce  d'enthousiaste, 
idolâtre  de  sa  raison,  (|ui  déclame  contre 
Dieu  rt  sa  providence  (i). 

Ainsi  le  premier  pas  dans  la  carrière  de 
l'erreur  a  conduit  nos  raisonneurs  témérai- 
res au  dernier  excès  d'aveuglement  ;  ainsi 
la  raison  livrée  à  elle-inémo  ne  trouve  plus 


(1)  Quiconque  ne  se  rendrait  rcellcment  qu'à  l'o- 
vidcnce ,  ne  serait  nuére  .assuré  (jue  de  sa  prcipre 
existence.  De  l'Kspril  ,  t.  I,  n<iie,  p.  '■l'i. 

(2)  Je  n'use  élre  il°:iiicini  .ivis  ;  ji:  m;  vois  qn'iii- 
«•imipréliensiliilitr;  il.iiis  l'iiii  et  iLius  l'^mlre  sys'.èiric. 
Qiietl.  tur  /'Kncyc/»;).  ,  Idée,  scc'.  I.  Adorez  Dieu 
scyez  lii'iinèip  II  loiine  ,  cl  croyez  i|iie  deux  ei  deux 
loin  (pi.Tlre.  Dict.  pivhs.,  Necc-siiiie. 

(3)  En  ir  içHiii  cciii;  geiiëal  i|{ie  inipiirc,  nous  n'a- 
vons aucune  naiMilioii  de  iliagrincr  les  proleslaiits  ; 
sMs  inéconnaisscMi  U>»rs  desceadant-:,  ceux-ci,  plus 
lioniiéie<  ,  ne  reiiiciil  point  leurs  ancèires  ;  ce  sont 
les  proiestants  ,  disent-. I<,  i|iii  oiii  coiinneneé  la  ré- 
volution ;  mais  ils  ne  soui  p:is  allé.,  nssez.  loin,  lùilin 
l'on  est  allé  si  loin,  qu'il  luudrj  iiévessaireiiient  re- 
caler. 

{^)  Morgan.  Moral  pliilotopher,  (cm.  ! ,  p.  219. 


de  borne  où  elle  puisse  s'arrêter  ;  elle  est 
entraînée  par  le  fil  des  conséquences  bean- 
conp  plus  loin  qu'elle  n'avait  prévu.  Tout 
homme,  qui  a  suivi  la  naissance  et  le  pro- 
grès de  différentes  opinions,  est  convaincu 
qu'entre  la  vérité  établie  par  la  main  de 
Dieu  et  le  pyrrhonisme  absolu,  il  n'y  a  point 
de  milieu  oti  l'esprit  humain  puisse  demeu- 
rer ferme. 

Quiconque  se  pique  de  raisonner  ,  doit 
être  chrétien  catholique,  ou  enlièrement  in- 
crédule, et  pyrrhonien  dans  toute  la  rigueur 
du  terme. 

Nos  adversaires  mêmes  ont  confirmé  par 
leur  aveu  la  vérité  de  cette  théorie  :  ils  disent 
que  le  christianisme  une  fois  détruit ,  l'exis- 
tenec  de  Dieu  et  l'immortalité  de  l'âme  ne 
tiennent  presque  plus  à  rien  ;  mais  que  si 
l'on  admet  un  Dion,  l'on  est  forcé  de  d  virer 
toule  la  suiîe  des  conséquenees  qu'en  tirent 
les  superstitieux,  c'est-à-dire  les  chrétiens; 
que  ceux-ci  raisonnent  plus  conséquem- 
ment,  et  sont  plus  d'accord  avec  eus-niéaies 
que  les  déistes  ;  que  le  déisme  est  un  sys- 
tème oii  l'esprit  humain  ne  peut  pas  long- 
temps s'airêlcr  (1).  C'est  donc  uniquement 
la  crainte  des  conséquences  qni  conduit  les 
incrédules  à  l'athéisme  ;  de  peur  d'être  forcés 
à  croire  trop,  ils  prennent  le  parti  de  ne  rieo 
croire  du  tout.  Leur  manière  de  philosopher, 
dit  un  encyclopédisie ,  n'est  au  fond  que 
l'art  de  décroire  (2).  De  même  que  les  soci- 
niens ont  démontré  aux  protestants  qu'tls 
n'avaient  pas  suivi  leur  principe  jusqu'où 
il  peut  aller,  et  s'étaient  arrêtés  sans  savoir 
pourquoi,  un  deisie  prouve  aux  sociniens 
qu'ils  sont  coupables  de  la  même  inconsé- 
quence. Mais  uu  athée  retombe  sur  les  déis- 
tes, et  leur  montre  qu'ils  sont  eux-mêmes 
des  raisonneurs  pusillanimes,  et  qu'ils  se  con- 
tredisent ;  enfin  un  pyrrhonien,  à  son  tour, 
fait  voir  aux  athées  qu'ils  déraisonnent , 
qu'un  dogmatique  quelconque  prête  le  Hanc 
à  ses  adversaires,  et  se  trouve  bieniôt  percé 
de  ses  propres  traits.  Nous  demandons  si,  la 
dispute  étani  réduite  à  ce  point,  le  triomphe 
de  la  religion  peut  encore  paraître  douteux? 
pour  se  débarrasser  de  ses  ennemis,  elle  n'a 
qu'à  leur  laisser  le  soin  de  s'entre-détruire. 

§  XIV.  —  Quand  ou  connaît  les  vrais  mo- 
tifs qui  déterminent  la  plupart  des  déser- 
teurs de  la  religion,  l'on  n'est  plus  tenté  de 
leur  prêter  l'oreille  ;  ils  ont  eu  la  complai- 
sance de  les  dévoiler  eux  mômes. 

Si  nous  reiiionlons,  dit  l'un  d'entre  eux, 
à  la  source  de  la  prétendue  philosophie  de  ces 
manvnis  raisonneurs,  nous  ne  les  trouverons 
point  animés  d'un  nmuur  sincère  pour  la  vi- 
rite  :  ce  n'isl  point  îles  mnux  sans  nombre 
que  la  supersiiii  ni  a  faits  à  l'espèce  humaine, 
dont  nous  hs  verrons  touchés;  nous  verrons 
ju'ils  se  trouvent  gênés  des  entraves  impor- 
tunes que  la    reiijion,   quelquefois   d'accord 

(1)  Si/sf.  de  la  lia!.  .  toni.  Il,  c.  7,  p.  221  et  suiv. 
Clnp.  l2,  |ia'„'.  ô'.n.  Vremère  Icuic  à  Sophie,  pag.  o; 
Deuxième  leure,  pa;;.  +1,  Dial.  iur  l'âme ,  pajj.  l4î>  , 
14(i;  Le  lion  Sens,  §  117,  118. 

(2)  Encuclop.,  Unitaires,  p.  599.  .\ 


INTnODUCTION. 


ir. 


ave  la  raison,  mettait  à  leurs  dérèglements. 
Ainri  c'est  leur  perversité  naturelle  gui  les 
rend  ennemis  de  la  religion  ;  ils  n'y  renoncent 
que  lorsqu'elle  ist  raisonnable  ;  c'est  la  vertu 
qu'ils  liaissent  encore  plus  que  l'erreur  et  l'ab- 
surdité. La  supirstition  leur  déplaît,  non  par 
sa  fausseté,  non  par  ses  conséquences  fâcheu- 
ses, mais  par  les  obstacles  qu'elle  oppose  à 
liurs  passions,  parles  menaces  dont  elle  sf 
sert  pour  les  effrayer,  par  tes  fan'ômes  qu'elle 
emploie  pour  les  forcer  d'être  vertueux...  — 
Des  martels  emportés  par  le  torrmt  de  leurs 
passions,  de  leuis  habitudes  criminelles,  de  la 
dissipation,  des  plaisirs,  sont-ils  bien  en  é  ut 
de  chercher  Ici  vérité,  de  méditer  la  nature  hu- 
maine, de  découvrir  le  systi}me  des  mœurs,  de 
creuser  les  fondements  de  la  vie  soci  le?  La 
philosophie  pourrait-elh'  se  glorifier  d'avoir 
pour  adliéreiits,  dans  une  nation  dissuLie, 
une  fonle  de  liherliits  dissipés  et  sans  uiœ  rs, 
(/!«'  méprisent  sur  p.irolc  une  religion  comme 
lugubre  et  fausse,  sans  connail>e  les  divoirs 
gu  on  doit  lui  >ubstiiuer?  Sera-t-elle  donc  bien 
flattée  des  hommages  intéressés,  nu  îles  (ipplan- 
disicm  n(s  stupides  d'une  troupe  (le  déb.iuchés, 
de  voleurs  publics,  d'intempérants,  de  volup- 
tueux, gui,  de  l  oubli  de  leur  Dieu  et  du  mé- 
]iri.i  qu'ils  ont  p'ur  son  culte  ,  concluent 
qu'ils  ne  se  doivent  rien  à  e'ix-ménies  ni  à  la 
société,  et  se  crnieni  des  sages,  parc  que  sou- 
vent, en  Ireinlilatii  ei  avec  rfiniinls,  (/.•'■  /'oh- 
lent  a  IX  pieds  des  chimi'res  gui  les  forçaient  à 
respecter  lu  décence   et  les  mœurs  (  I  )  ? 

Nuijs  n'iiuriDiis  pas  o^é  ilirc  d  aussi  Icrr'i- 
bli's  vérjlés,  mais  il  nous  est  permis  de  l'S 
tvpier;  les  Incrédules  wc  peuvenl  êlr(!  inie us 
di'iiiiis  que  par  les  niaîires  ijui  les  ont  for- 
mes. 

L'auleurdu  Système  de  la  nature  ne  s'est 
pas  exprimé  a\ce  moins  d'éiieij^ii',  en  re- 
fherciianl  les  causes  qui  peuvent  porter  à 
ralliéisme  cl  à  l'irréliginn.  La  première  est, 
selon  lui  ,  l'indignation  qu'inspire  ù  tout 
homme  (jui  pense  la  vue  des  maux  qu'ont 
proiluils  dans  le  monde  l'idée  de  Dieu  et  la 
religipii.  La  seconde  est  la  crainle  impor- 
tune que  doit  faire  naître  dans  l'esprit  de 
tout  raisonneur  conséquent  Lidéo  d'un  Dieu 
tel  que  ses  alTreux  ministres  le  peignent, 
c'est-à-dire  d'un  Dieu  vengeur  du  crime,  et 
rémnnéraleur  de  la  vertu.  La  troisième  sont 
les  pas-ions  et  les  intérêts  des  lii.inmes  qui 
les  poussent  à  i'airc  des  reelierclies. 

La  quesiion  est  de  savoir  si  un  esprit 
préoccupé  par  la  crainte,  par  les  passions, 
est  fort  en  étal  de  faire  des  recherches  avec 
succès,  et  (le  découvrir  la  vérité.  Nous  con- 
viendrons, dit-il,  que  souvent  la  corruption 
des  mœurs,  la  débauche,  la  licence,  et  même 
1(1  légi:reté  d'esprit,  peuvent  conduire  àl' irré- 
ligion o«i  il  l'incrédulité  ;  mais  on  peut  dre 
libertin,  irréligieux,  et  faire  parade  d'incré- 
dulité, sans  être  athée  pour  cela...  Bien  des 
gens  renoncent  aux  préjugés  reçus,  par  vanité 
et  sur  parole  ;  ces  prétendus  esprits  forts 
n'ont  rien  examiné  par  eux-mêuies,  ils  s'en 
rapportent  à  d'autres  qu'ils  supposent  avoir 

(I)  Essai  sur  les  préjiKjés,  c.  8,  p.  1§|  et  ^iiiy. 


pesé  les  choses  plus  nwrement Vnvolup~ 

tueur,  tm  débauché  enseveli  dans  la  crapule, 
un  ambitieux,  un  intiigant,  un  homme  fri- 
vole et  dissipé,  une  femme  déréglée,  un  bel  es- 
prit à  la  mode ,  sont-ils  donc  des  personn((grs 
bien  capables  de  juger  d'une  religion  gu'ils 
n'ont  point  approfondie,  de  sentir  la  force 
d'un   argument,   d'eiubrasser   l'ensemble  (l'un 

système? Les   hommes  corompus  x^'l't- 

tiu/uent  les  dieux,  que  lorsqu'ils  les  cr  ienl 
ennemis  de  leurs  passions.  —  Ceieiidan!,  s>'- 
lon  le  mémo  auteur,  «  il  fuit  être  desinté- 
«  ressé,  pour  juger  sainenicnl  des  cliosos  ; 
«  il  faut  des  lumières  et  iie  la  suite  dans  i'es- 
«  prit  pour  s.iisir  un  grand  système.  Il  n'ap- 
«  jiarlient  (|u'a  l'Iiomnie  de  b  en  examiniT 
«   les   preuves  de   l'^vistence  do  Dieu  et  les 

«  principes  de  toute  religion L  homme 

«  honnête  et  vcr;iicu\  est  ve;il  juge  coiui^é- 
n   lent  dans  une  si  gr.iud<^  affuir.'  (1).  » 

Si,  avant  de  lire  un  livre  écrii  çonire  1^ 
religion,  l'on  cimmuMiçaii  par  demand  r: 
L'auteur  est- il  un  homnic  de  bien,  verlvieux, 
honnê'e,  sage,  ilésinléressé?  il  est  fnri  dou- 
teux qu'aucuu  de  ces  ouvrages  lïil  dans  le 
cas  de  faire  torlune. 

Un  troisième  dit  avec  franchise-  :  J'a'ine 
mieux  être  anéanti  une  bonne  fois  ,  que  dt} 
b'ûler  toujours;  le  suri  des  bêles  me  paraît 
plus  désirable  que  le  sort  des  damnés.  L'opi- 
nion gui  me  deba  russe  de  ciainies  arcablan,- 
tes  dans  ce  monde  me  paraît  p  us  riu  ite  que 
l'incertitude  où  ne  laisse  l'opinion  d'un  Dieu 
sur  mon  sort  éternel...  On  ne  vil  po  ni  heu- 
reux, guand  on  Iren.b.'e  louj(jurs.  Un  Dieu 
gui  damne  élirnellemenl  est  ev  demnient  le 
plus  odieux  des  (1res  que  l'esprit  humain 
puisse  invenier  (2). 

Voilà  donc  la  source  dans  laquelle  nos 
(iliilosoplies  ont  puis  '  tant  de  Liii.ièies,  la 
crainle  de  brûler  toujours;  mais  cette  crain- 
te n'entre  point  dans  une  âme  pure,  hon- 
nête, vertueuse:  l'enfer  n'est  destiné  qu'aux 
méchants.  Avouer  que  l'on  est  lonrmeulé 
par  cette  idée,  c'est  recon;  aître  que  l'on  n'a 
pas  la  conscience  nette.  Nos  adversaires  pré- 
fèrent, non  l'opinion  la  plus  vraia  et  là. 
mieux  prouvée,  mais  la  plus  riante  et  lq| 
plus  commode  ;  c'est  le  gpût  et  UQii  le  rai- 
sonnement qui  les  détermine. 

L'un  des  derniers  qui  aient  écrit,  convient 
de  même  qu'entre  la  religion  et  l'alhéisaie,  c'est 
le  cœur,  le  tempérament,  et  non  la  raison 
qui  décide  du  choix  (3). 

L'auteur  du  Lvre  de  l'Esjirit  n'avait  pas 
trop  bonne  opinion  de  ses  confrères.  Peut- 
être  ,  dit-il,  nos  auteurs  sont-ils  quel- 
guefois  plus  soigneux  de  la  corredion  de 
leurs  ouvrages  que  de  celle  de  leurs  mœurs ,  et 
prennent-ils  exctnpie  sur  Averroès,  ce  philo- 
sophe gui  se  permettait,  dit-on,  des  friponne- 
ries, qu'il  regardait  non-€eulemenl  comme 
peu  nuisibles,  mais  même  comme  utiles  à  sa  ré- 
putation {!*■). 

(1)  Syst.  de  la  nul.,  t.  M,  c.  10,  p.  260  et  Siiiv. 

(2)  Le  iSon  Sens,  §  108  ,  182,  18S. 
(5)  Aux  mnnes  de  Louis  XY,  p:ig.  291. 
(l)  Oe  CEtprit,  t'  Disc,  c.  6,  p.  1*2. 


41 


fNTRODUCTION. 


Un  aulre  avoue  qu'an  lerme  de   la   cadu-  leurs  de  la  vérité  n'aient  encore  aujourd'hui 

ciié,  les  [irimipcs  de  la  religion   reprennent  le  même  sort. 

l'asci'nd  iBt ,    paire    qu'alors    nous    n'avons  lis  demandenl  çmp/   mal  on  peut  faire  aux 

plus  besoin  des  raisons  qui  nous   îrauquilli-  hommes  en  leur  proposant  ses  idées?    Le  pis 

saient   au    sein   des  pl.iisirs   (1).    Il  est  donc  aller  est  de  les  laisser  dans  le  dou  e  et  dans  la 


bien  décidé  que  l'on  n'est  incrédule  qu'au- 
tant que  l'on  a  besoin  de  raisons  pour  se 
tranquilliser  au  sein  des  plaisirs. 

§  \V.  —  Peut-être  en  est-il  plusieurs  qui 
ne  ?néritpnt  point  ce  reproche,  et  ()ui  ont  au 
moins  des  mœurs  décentes.  Mais  ce  n'est 
point  à  nous  de  faire  des  recherches  sur  leur 
conduite  ;  nous  ne  pouvons  en  juger  mieux 


dispute;  n'y  sont-ils  pas  déjà  (1)?  Mais  ils 
observent  que ,  pour  bien  des  gen-^,  leur 
ôter  les  idées  de  Dieu,  ce  serait  leur  arra- 
cher une  portion  d'eux-mêmes  (2);  que  le 
doule  sur  ci;  sujet  n'est  rien  moins  qu'un 
oreiller  commode  (3)  ;  que  le  doute,  en  lait 
de  religion,  est  un  état  plus  cruel  que  d'ex- 
pirer sur  la   roue  (4-).    Rendons  grâce  à  ces 


que  sur  leur  propre  témoignage.  Or,  il  est      maîtres   charitables  qui  veulent   nous  arra 

difficile   d'avoir    bonne  opinion   de    maîtres     cher  une  portion  de   nous-mêmes,  et  nous 

qui,  de  leur  aveu,  ont  formé  tant  de  disciples      mettre  dans   un  état  pire  que  d'expirer  sur 

corrompus,  et  de  nous  fler   à  des  principes     ' '^'    — 5.  j._  j^-i — : =_    • 

toujours   adoptés  par  les  cœurs   vicieux  et 
par  les  esprits  pervers. 

Selon  eux,  nous  altribnons  mal  à  propos 
à  l'incrédulité  les  vices  qui  viennent  plutôt 
du  luxe  et  des  passions  (2)  :  soit  ;  donc  ils 
ont  encore  plus  de  tort  de  les  attribuer  à  la 
religion.  Mais  dans  quel  cas  les  passions  cau- 
semnl-elles  plus  de  ravage  ?  Sous  le  joug  de 
la  religion  qui  les  condamne,  ou  sous  le  rè- 
gne de  l'incrédulité  qui  leur  lâche  la  bride? 
Jamais  le  luxe  ne  fut  porté  à  l'excès  chez 
une  natiiin,  sans  traîner  à  sa  suite  le  liber- 
tinage d'esprit  et  de  cœur.  Que  la  philosophie 
incrédule  soit  iille  du  luxe,  comme  tous  les 
autres  vices,  c'est  ce  que  nous  n'ignorons 
pas;  un  tel  père  ne  fera  jamais  honneur 
a  ses  enfants. 

L'athéisme,  disent-ils,  n'est  point  fuit  pour 
le  vuliaire,  ni  même  pour  le  plus  yrand  nom- 
bre des  hommes Des  êtres  ignorants,  mal- 
heureux et  tremblants  se  feroni  tjii  ours  des 
diciix...   Les  principes   de  l'athéisme  ne  sont 


la  roue.  Si,  après  des  décliraiions  aussi  pré- 
cises, ils  viennent  à  bout  de  séduire  quel- 
qu'un, il  a  grande  envie  d'être  séduit.  Montai- 
gne, parlant  d'eux,  les  appelait  hommes  bien 
misérables  et  écervelés,  qui  tâchent  d'être 
pires  qu'ils  ne  peuvent  (0). 

§  XVI.  —  Ou  croit  peut-être  que  les  in- 
crédules modernes  ont  fait  des  découvertes 
dont  les  anciens  n'avalent  aucune  connais- 
sance, qu'ils  ont  créé  de  nouveaux  systèmes  ; 
erreur.  Ils  ont  puisé  leurs  matériaux  dans 
des  sonrees  abondantes,  cl  (|ui  ne  sont  point 
inconnues.  Pour  allaquer  les  vérilés  de  la 
religion  naturelle,  ils  ont  ramené  sur  la 
scène  les  objections  des  épicuriens,  des  pjr- 
rhonieiis,  des  cyniques,  des  académiciens 
rigides  et  des  cyrénaïqucs  ;  c'est  une  doc- 
trine renouvelée  des  Grecs.  Mais  ils  ont 
passé  sous  silence  les  r.iisons  par  lesquelles 
Platon,  SociMle,  Cicéron,  Plutar()ue,  et  d'au- 
tres, onl  réfuté  toutes  ces  visions.  Contre 
l'ancien  T(si;iment  et  la  religion  juive,  ils 
onl  rajeuni  les  difficultés  et   les  calomnies 


point  fiils  puitr  le  peuple,  ni  pour  les  esprits  des  m.inichéens,  des  marcioniles,   de  Celse, 

frivoles,  ni  pour  les  hommes  amliiiii-ar  et  re-  de  Julien,  de  Porphyre,  et  des  autres   phiio- 

muants,  ni  pour  an  grandnombre  de  personnes  sojihes  ;  le  plus   céièUre  de  nos   adversaires 

instruites  d'ailleurs,  mais  qui  nom  point  as-  en  est  convenu  (6).  On  en  retrouve  la  plup  irt 

sex  de  courage  (3).   Cependant    l'on    répète  dans  Origène,  dans  Tertullien  ,  dans  saint 

sans   cesse    la    maxime    que    la    vérité    est  Cyrille,  dans  saint  Augustin,  et  dans  les  au- 


faite  pour  tout  le  monde;  d'où  il  s'ensuit 
clairement  que  l'athéisme  n'e^it  pas  la  vé- 
rité. 

Leucippe,  Démocrite,  Epicwe,  Strnion,  et 
gueL/ues  autres  Grecs,  osèrent  déchirer  le 
vo'le  épais  du  préjuijé,  et  prêcher  l'alhi^isme  ; 
ils  ne  furent  pas  icouiés.  Chez  les  modernes, 
Jlohbis,  Spinisa,  Uaijle,  etc.,  ont  ma'ché  sur 
les  traces  d'Epicare:  mais  leur  doctrine  ne 
trouva  tjue  pm  de  sectateurs,  dans  un  momie 
trop  enivré  de  fables  pour  ccoulcr  la  rai>on.... 
Ceux  qui  on',  eu  le  couraije  d'annoncer  la  vé- 
rité, onl  été  communément  punis  de  leur  témc- 
rilé  (k).  Il  est  fort  dangereux  que  nos  doc- 


(i)  Dialoq.  sur  l'àine  ,  p.  105  cl  suiv.  Tenez,  voire 
âme  en  éuil  de  ilosner  imijoins  (pi  11  y  ail  nu  Dieu  , 
el  voiiN  n'en  ilniiieri'z  jaiii.iis.  J.-J.  Kuu>seaii.  Esprit 
et  flnsimex,  eic,  p.  -l. 

(i)  Hiiloire  des  Etahliss.  des  Eurep.  dam  les  Indes 
limi.  V,  liv.  xiM,  p.  17(i. 

(5)  Sysl.  de  la  nal.,  loin.  II.  c.  10,  12,  13,  p.  517, 
Zii,  Zi\.  Lt  lion  Sens,  iiU. 

(4)  tt  y«n  Sent,  §  26t. 


très  Pères  île  ces  lemps-là  ;  mai',  les  incré- 
dules ont  supprimé  les  réponses  de  ces  au- 
teurs. 

Lorsqu'il  a  fallu  combattre  le  christia- 
nisme, nos  adversaires  onl  éié  encore  mieux 
servis  ;  ils  onl  copié  les  livres  des  juifs  et 
ceux  des  mahométans  (7j.  Les  écrits  d'Isaac 
Orobii»,  le  MuninKn  fidei ,  lous  les  aulres 
ouvrages  eompiles  par  Wagenseil  (8j,  sonl 
haches  et  cousus  par  lambe.iux  dans  les  li- 
vres des  déiste-  :  on  doit  en  remlre  la  gloire 
aux  ratibius.  Contre  le  catholicisme,  ils  onl 
extrait  les  reproches  de  tous  les  hérétiques, 
surtout    des  cuntroversistes    prolcstanls   et 

(I)  Syst.  de  la  nat.,  tom.  Il  ,  c.  11  el  15,  p.  531, 
38». 

{■i)  II).,  c.  13,  p.  388. 

(."))  Le  lion  Sens,  §  li3. 

(ij  Ihnl.  .sur  l'àme,  p.  139. 

(5)  Ehsiii  sur  le  mérite  et  la  vertu,  liv.  1,  png.  0. 

(( .)  Questions  sur  l'Encyclopédie  ,  Coiuradidi'ion  , 
pa(f.  1-21. 

(7)  V .  Maracci,  Prodrom,  ad  réfutai  Alcoran'ni. 

(X)  Telu  ignea  Satanœ. 


49 

ijes  sociniens.  Enfin,  pour  suspecter  les  titres 
de  noire  croy.ince,  ils  ont  f;iil  sérieusement 
usage  d'une  mélhoile  que  le  père  Hardouin 
n'jivail  hasardée  que  comme  un  jeu  d'esprit 
sur  un  suiet  irès-indifférent.  On  verra  dans 
cel  ouvrage  la  «  haine  tie  Iradillons  par  la- 
quelle ees  sulilimes  découvertes  sont  venues 
jusqu'à  nous,  et  nous  aurons  soin  de  resti- 
tuer à  chaeun  ce  qui  lui  appartient. 

Le-  premiers  incrédules  franç.iis  auraient 
peut-être  tougi  de  puiser  leurs  réllesions 
dans  des  sources  aussi  inipiires;  ils  copiaient 
les  Anglais,  sans  savoir  d'où  ceux-ci  avaient 
eiii|iiunté  liinl  de  richesses  littéraires.  Le 
piison  était  «tu  moins  présenté  alors  sous  un 
masque  de  décence.  Ceux  d'aujourd'hui  ont 
eu  muins  de  délicate-se  ;  ils  oui  f.iit  couler 
de  leur  plume  tout  le  fiel  que  les  r/ibb  us  ont 
vomi  cDUire  Jésus-Christ  et  contre  l'Evan- 
gile, sans  en  adoucir  l'aïuertuine,  et  toute 
la  bile  des  coniroversisles  protestants  contre 
l'Kglisc  romaine  ;  ils  se  sont  même  efforcés 
d'euchérir  sur  les  uns  et  les  autres.  Grâce  à 
leur  intrépidité,  il  n'est  plus  de  blasphèmes, 
desar<a>mes,  d'invectives  ,  de  grossièretés  , 
auxquels  nous  n'ayons  été  forcé  de  nous  en- 
durcir. 

§  XVIL  —  Cependant  ils  nous  accusent 
d'ignorance,  de  crédulité,  d'.iveuglemenl,  de 
prévention.  Selon  eux,  nous  ne  tenons  à  la 
reliiii<m  que  par  préjugé  de  naissance,  par 
respect  pour  l'auloriié  (le  nos  maîtres  et  de 
nos  aïeux,  par  négligence  de  réfléchir  et  de 
consulter  la  raison;  nous  commençons  par 
croire  avant  d'examiner.  Soit,  pour  un  mo- 
ment. Nous  soutenons  qu'il  n'y  a  point  d'é- 
crivains plus  crédules,  ni  d'espèce  plus  mou- 
tonnière (lue  les  prétendus  philosophes.  Déjà 
ils  conviennent  que  la  plupart  renonçant  à  la 
religion  par  vaiiile',  et  sur  parole  s'en  rappor- 
tunl  à  d  autres,  sont  très-peu  en  éial  d'ap- 
profondir uuequesiion,  et  de  sentir  ta  force 
ou  la  faiblesse  d'un  argument.  Ce  n'est  donc 
pas  la  raison,  mais  l'iiuiorilé  qui  les  déter- 
mine. Qu'un  incrédule  quelconque  ail  avancé 
il  y  a  ciniuiinle  ans  un  fait  bien  taux  ,  bien 
alisurde,  cent  (ois  réfuté  ,  il  n'en  est  pas 
moins  répété  par  vingt  au  eurs  qui  se  sui- 
vent à  1,1  file,  sans  (|u'un  seul  ail  daigné  vé- 
rifier la  c  hose.  Copier  aveuglément  Celse  et 
Julien,  les  juifs,  les  socini<'ns,  les  déistes  an- 
gl.iis,  les  coniro\ersisles  de  toutes  les  sectes, 
sans  choix,  sans  criti(|ue,  sans  {n'écaullon  ; 
compiler,  répeter,  extraire,  alfiruier  ou  nier 
au  hasard,  parce  i|ue  d'autres  ont  fait  de 
même,  ce  n'est  pas  et  e  crédule?  Lorsque  le 
déisme  était  à  la  mode,  tout  pliilosnphe  était 
déiste;  le  pins  haidi  a  osé  dire  :  Tout  est  mâ- 
tine, et  a  fait  seinlilanl  ne  le  prou»  er  ;  à  l'iiis- 
tiiiil  ta  troupe  docile  .1  lépélé  eu  grand  chœur, 
tout  est  imaière,  et  a  f;iii  un  acte  de  loi  sur  la 
parole  de  l'oracle.  Voilà  où  ils  en  sont.  Les 
plus  incrédules,  en  fait  de  preuves,  sont  lou- 
jouis  les  pins  crédules  en    fait  d'objections. 

ANanl  de  voir  ce  que  l'on  peut  objicier 
coniie  la  religion,  nuelle  élude  la  plup.irl  des 
lecteurs  ont-ils  (aite  de  ses  pieuves?  Au(  une. 
Esi-il  étonnant  que  dans  la  force  des  passions, 
sans  aucun  préservatif  contre  l'erreur,  un 


INTRODUCTION.  |0 

jeune  homme  soit  aisément  léduit  par  les 
fausses  lueurs  des  raisonnements  philosophi- 
ques,  par  les  faits  qu'on  lui  déguise,  par  le 
ri.licule  que  l'on  jelle  sur  la  religion  7  Tout 
lui  pareil  cl.'iir,  évident,  démontré,  dans  les 
écrits  des  incrédules  ;  il  ne  sou|)çonne  pas 
seulemeul  qu'il  y  ait  une  réponse  k  leur  faire. 
Les  impressions  qu'il  reçoii  S(!  gravent  pro- 
fondéuieiit  ;  elles  plaisent  à  son  espril  et  à 
son  cœur;  à  moins  d'un  miracle,  il  en  tient 
pour  la  vie.  Des  qu'il  a  parcouru  quelques 
brochures,  il  se  croit  un  docteur  ,  ce  n'est 
qu'un    ignorant. 

Après  avoir  lu  pendant  vingt  ans  tous  les 
ouvrages  écrits  contre  la  religion  ;  après  s'ê- 
tre rempli  l'esprit  d'objections,  de  sopbisnies, 
de  pr  ventions,  de  fausses  anecdoies,  un 
homme,  (|ui  se  pique  d'impartinliié  ,  se  ré- 
sout enfin  à  lire  un  ou  deux  de  nos  apolo- 
gistes. S'il  ne  irouve  pas  d'abord  de  quoi  sa- 
lislaire  à  toutes  ses  difficultés,  et  calmer  tous 
ses  doutes,  il  en  conclut  que  la  religion  n'est 
pas  prouvée,  que  les  arguments  de  ses  en- 
nemis sont  insolubles.  Il  semble  voir  un  ma- 
lade qui  a  travaillé  pendant  vingt  ans  à  se 
ruiner  le  tempérament  et  qui  veut  que  son 
médecin  le  guéiisse  ou  le  soulage  en  huit 
jours.  L'habitude  de  raisonner  de  iravers  se 
contracte  aussi  aisément  que  le  dérangement 
d'estomac  ;  quand  il  faut  en  revenir,  c'est 
autre  chose.  Dés  que  l'on  envisage  la  reli- 
gion comme  un  procès,  comme  une  ((uesiion 
de  controverse,  et  que  l'on  veut  taire  la  fonc- 
tion déjuge,  il  est  fort  dangereux  que  la  ba- 
lance ne  penche  du  côté  qui  p  irait  le  plus 
Commode.  Je  me  Irouve,  dil-on  alors,  dans  un 
scepticisme  nécessiié.  Je  le  crois  ;  après  avoir 
pris  d'aussi  bonnes  mesures  pour  y  r<'us$ir, 
il  serait  fort  étonnant  que  vous  n'en  fussiez 
venu  à  bout. 

Parmi  nous,  tout  est  mode  et  goût  passa- 
ger. Sous  François  V'^  et  ses  successeurs,  il 
é;ait  du  bel  air  de  se  faire  huguenot  el  anti- 
papisle  ;  sous  la  minorité  de  Louis  XIV,  il 
fallait  être  frondeur  el  auli-mazarin  ;  pen- 
dant la  régence,  il  était  beau  de  déclamer 
contre  Ro>iie  et  contre  ta  bulle;  aojourd'liui, 
c'esi  un  mérite  de  se  donner  pour  philoso- 
phe incrédule.  Quel  travers  nouveau  le  siè- 
cle prochain  veira-t-il  écioie? 

§  XVill.  — Celui  dont  nous  nous  plaignons 
serait  moins  odieux,  s  il  n'inspirait  pas  Imil 
de  caloumies.  Les  prêtres,  diseiii  nos  adver- 
saires, ne  sont  chrétiens  que  [lar  déceni  e  el 
par  intérêt  ;  leur  conduite  itemeni  évi  lem- 
■neni  leur  croyance  ;  lorsqu'on  a  des  li. lisons 
familières  avec  eux,  ou  s'.ipeiçoit  bientôt 
q.i'ils  ne  sont  pas  fort  cliarge>  il'ariicle-.  de 
loi  (IJ. 

Avant  de  répondre  à  ce  reproche,  voyons 
si  les  philosophes  sont  eux-mêmes  exempts 
de  toutes  vues  d'ambiiioii  eld'iiUeréi. 

Plusii'urs  poussent  très-loin  ies  prétentions. 
Selon  lUX,  tout  ccrivain  de  génie  est  mayis- 
tral-né  de  sa  patrie;  il  doit  l'éclairer,  s'il  le 


(1)  Gatelte  litiérairg  de  peux-Ponts  , 
ar»,  i.  «» 


17] 


V1^ 


>1 


peut  :  son  droit ,  c'est  son  talent  (1 
leur  mission  (ondée  sur  un  litre  authentique, 
«ar  la  bonne  opiaion  qu'ils  ont  d'cus-mémes. 
Les  gens  de  lettres,  disent-ils,  sont  les  arbi- 
tres et  les  distributeurs  de  la  gloire  (2)  :  il 
esi  donc  juste  «lu'ils  s'en  réservent  la  meil- 
leure part.  L'un  nous  fait  observer  qu'à  la 
Chine  le  mérite  littéraire  élève  aux  premiè- 
res places  ;  et,  à  son  grand  regret,  il  n'en  est 
pas  de  même  en  France  (3).  L'autre  dit  que 
les  philosophes  voudraient  apiirocher  des 
Souverains;  mais  que ,  par  l'ambition  et  les 
iiitri-iTiies  des  prétrts,  ils  sont  bannis  dos 
cours  {'*).  Celui-ci  souhaite  que  les  savants 
trouvent  dans  les  cours  d'honorables  asiles  , 
qu'ils  y  obti  r.neul  la  seule  récompense  digne 
d'eux  celle  de  contribuer  par  leur  crédit  au 
bonheur  dos  peuples  auxquels  ils  .luronl  cn- 
sepiié  la  sagosse.  Mais  si  l'on  veut ,  lUt-il . 
que  neii  ne  soit  au-dessus  de  leur  génie,  il 
faut  que  rien  ne  soit  au  dessus  de  leurs  es- 
pérances (o).  Rare  modestie  1  Celui-là  vante 
les  proïrè>  qu'auraient  hiil  les  sciences,  si 
l'on  avaii  accoidé  au  génie  les  récompenses 
prodiguée*  an\  prêtres  (fi),  'i'aniôt  ce»  lio.'n- 
DKîs  dè.'<intèressés  ?e  phiigneni  de  ce  nue  les 
prêtres  sont  d  venus  les  maiiris  de  1  éduca- 
tion cl  des  richesses,  pendant  iiue  les  travaux 
et  les  leçons  iU>  philusophes  ne  servent  r|u'à 
leur  altiier  l'indien;!!  on  (iilvliiiue  (7).  Tan- 
tôt ils  opinent  qu  il  faut  d  pouiller  les  prê- 
tres pour  enrichir  les  philosophes  |8J.  liilin, 
conriui  nt-il-,  si  nn  i\e  p'.'ul  pa.î  guérir  les 
hommes  de  leurs  préjugés  de  religion,  (]u'ils 
en  pensent  ce  (ju'ils  voud  ont;  mais  que  les 
prnces  et  les  sujets  apprennent  au  tiioins  à 
lesister  quelqneluis  aux  pa^siijis  desoitieus 
uiinislres  de  la  religiou  (0). 

Consolons-nous  :  ce  n'est  |,lus  à  la  rel'gioa 
qu'en  veule  i  les  philosi  pliej  ;  c'est  aux  pii- 
viléges,  au  crédit,  aux  biens  du  ili'rgé;  s'ils 
peuvent  réussir  a  s'en  emparer,  ils  croiront 
en   l>i>'U,  tous  les  argum^  r.ls  seront  résolus. 

§  Xl\.  —  Comment  prouve-l-on  que  les 
prêtres  ne  !,ont  chrétiens  que  pariiilcrél? 
Par  les  f.iules  vraies  ou  pré  endues  qu'ils 
ont  commises  depuis  la  naiss.ince  de  l'Kglise. 
Oh  en  re,iroche  aux  papes,  aux  evéques,  aux 
niinislics  intérieurs  ;  les  pruteslanls  surtout 
ont  fourni  là-dessus  de  boiis  mcnmircs.  — 
C'c-t  s'arrêter  en  beau  «hemin  ;  il  fall.iit 
pousser  l'induction  ju  (ju'où  elle  peut  aller, 

On  connaît  d'habiles  juriscunsulles,  dont  lu 
conduite  n'est  pas  un  modèle  d'equite  ;  des 
médecins  qui,  après  avoir  disserte  sa\am- 
nient  sur  la  nécessite  du  régime,  ne  l'obser- 
vent pas  mii!u\  (|ne  leurs  malades  ;  des  phi- 
losophes dont  les  actions  et  la  murale  ne  sont 
pas  toujours  d'accord.  Toutes  tes  fuis,  dit  un 

(1)  Hht.  dei  Etttblits.  de$  Europ.  dont  let  Indes, 
lom.  VII,  c.  2.  p.  S'». 

(2)  Lncyctoi).,  (lloire. 

(•ô)  IW  Uiul.  sur  l'ùinc,  p.  GCi. 

(i)  Kssai  sur  les  pii'ju  es,  c.  1 1,  p.  578. 

(■'>)  Œuv.  (/.■  J.-J.  hoiisseaii,  tom.  I,  p.ig.  43. 

((j)  Sifsi.  de  ta  liât.,  loin.  Il,  ( .  8. 

H)  ibid.,  loin.  11.  c.  11. 

{&)  CliHsiianisme  dévoilé  ,  préf.  p.  25. 

(tf)  Hjisi.dt  la  nai.,  luiu.  Il,  c.  10,  pag.  319. 


INTRODUCTIO.N 
Voilà 


m 


écrivain  très-connu,  que  je  songe  à  ni  on  an- 
cienne simplicité',  je  ne  puis  m'empéchtr  cVen 
rire.  Je  ne  lisais  pas  un  titre  de  morale  ou  de 
philosophie  que  je  ne  crusse  y  voir  lïhne  ou 
tes  principes  de  l'auteur  ;  je  regardais  fi)us  ces 
graves  écrivains  comme  des  hommes  moilesies, 
sages,  vertueux,  irre'procliabl  s....  Je  me  ftir- 
mais  de  leur  commerce  des  idées  angéliqueS  , 
et  je  n'aurais  approché  de  la  maison  de  l'urt 
d'eux,  que  comme  d'un  sanctuaire.  Je  ne  com- 
prenais pus  que  l'on  pût  s'égarer  (n  démon- 
trant toujours,  ni  mal  faire  en  parlant  tou- 
jours de  fugrsse.  Enfin,  je  les  ai  vus  :  ce  pré- 
jugé puéril  s'est  dissipé,  et  c'est  la  seule  er- 
reur dont  ils  m'aient  guéri  (1).  Ponc  les  phi- 
losophes ne  croient  pas  plus  à  la  murale  que 
les  prêtres  à  la  religion. 

Voilà  l'argument  dans  tonte  sa  force.  Que 
répond,  ni  les  philnso[)hes  ?  Que  ,  quand  un 
homme,  intrniné  par  ses  pussions  puru'il  ou- 
blier sps  principes,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  n'eti 
a  point,  qu'il  n'y  croit  pas  ,  ou  que  ces  prin- 
cipes sont  faux  ;  que  te  tempéinment  est  plus 
fort  que  les  sysièmes.  et  (lue  les  passions  rem- 
portent snr  la  croyance  (1).  Ainsi  les  prêtres 
sont  jusiillés,  nu  du  moins  e.viusés  par  leurs 
propres  dénonciateurs. 

Su|'(ios'ins  que  ceux-ci  soient  venus  à  bout 
d'en  séduire  (|uelqnes-uus  qui  ont  en  dus  liai- 
sons trop  familières  avec  eux  ou  avec  leurs 
ecrils,  il  s''  nsuitquc  ces  faillies  liiéoioglens 
n'en  savaient  p.is  assez  pour  sentir  la  faus- 
seté des  raisonnements  des  incrédules.  Cette 
victoire  'est  pas  assez  lirillanle  pour  en  faire 
tr(iphée  contre  la  religi  n.  Semlilalile  aux 
|)aïens  i|ui  insullaieni  aux  chrétien^  apostats, 
nos  sag  s  philosophes  ne  pardonnent  ni  à 
crux  (|ui  leur  ré'istenl ,  ni  à  ceux  qui  ont 
succombé  sous  leurs  so|iliismes.  Leile  lécoin- 
pens     de  la  docilité  que  l'on  a  |  onr  eux  1 

§  XX.  — i'ersimno  ne  (iisconvienl  aujour- 
d'hui du  lessort  secret  (|ui  a  fait  agir  les  hc- 
réiinues,  lorsqu'ils  oui  Iroublé  le  repos  de 
l'Lglise  et  île  la  société;  ils  étaient  conduits 
par  i  enlbousiasnie ,  par  le  fanatisme.  Les 
phi'osophes  ont  èloqiiemmenl  déploré  les  ra- 
vages de  ce  vice  dangereux  ;  ils  en  ont  donné 
le  nom  à  tonte  espèce  (rattachement  à  une 
religion  viaie  ou  fausse  ;  les  alliées  regardent 
comi.ie  des  l'iinatiques  tous  ceux  qui  croient 
un  Uieu  (3).  Si  l'on  doit  appeler  fintuisme  le 
faux  zèle  allumé  au  foyer  des  passions,  pou- 
vons-nous en  méconnaitre  les  symptômes 
dans  ceux-mëuu's  qui  dédamenl  contre  lui? 
Un  homme  (]ui  ^c  croit  ne  pour  instruire  les 
nations,  résolu  de  braver  les  luis  et  l'auto- 
rité des  souverains  pour  ctalilir  sa  doctrine, 
Irès-peu  délii  at  sur  le  choix  desn)ojenset 
des  prosélytes,  ennemi  déclare  de  tous  ceux 
qui  s'opposent  à  ses  desseins,  applique  ù  les 
rendre  odieux  et  méprisables  ,  tou,uurs  prêt 
à  se  porter  ;.ux  derniers  excès  contre  eux  , 
ù  bouleverser  la  société,  s'il  le  laul,  pour 
allcrmir  le  règne  de  ses  opinions ,  si  ce  n'est 

(t)  Préface  de  Narcisse. 
{■1)  Siisl.  (le  la  mit.,  iniii.  Il,  r.  12,  p.  512. 
(3)  Lettre  de  Trasib.  ii  Lenciiipe,  |iag.  25;  Sijsl.  dt 
ta  nul,,  loin.  Il,  c,  7,  pug,  2Sii. 


V 


IM  IIUUIJCTION. 


B< 


pas  un  fanatique,  nous  lic  savons  plus  quelle 
idén  l'on  iloii  allarlicr  à  ce  nom. 

Ils  (lisrn!  qne  la  liberlé  naturelle  à  l'rsprit 
lioni.'iiii,  riit(iopiiidaiiri',  moins  amoureuse  de 
In  vérité  que  d-  la  vont  eauté,  fait  soiucnl  re- 
■jclrr  le  iliris  ianisino  dans  sa  >icillesse, 
cotniiic  elle  le  lit  adupicr  à  sa  naissaiico  (1). 
Scro-s-nous  encore  dupes  de  l'amour  de  la 
vérité ,  dont  nos  adversaires  sont  embrasés? 
—  Ouelquis-uiis  ont  poussé  la  démence  jus- 
qu'à se  l'aire  un  niériie  de  leur  liaine  contre 
les  (lérenseur«  de  la  religion.  J'ai  été,  dit  l'un 
d'(  nire  eux,  s'ailressant  à  Dieu  même,  j'ai  été 
l'eruirmi  de  cetw  qui  opprimaient  la  société. 
11  prétend  que,  s'il  y  a  un  Dieu,  il  iloit  tenir 
C('Mii)te  à  un  alliée  des  invectives  qu'il  a  vo- 
mies contre  les  souverains  et  conire  les  prê- 
tres (2).  y  enl-il  jamais  de  fanatisme  mieux 
caradcrisé  ?~-  Le  fanatisme,  dit  l'oracle  des 
inciédnles,  est  uno  folie  rrligieuse  sombre 
et  (ruelle  ;  c'est  une  maindic  de  l'esprit  qui 
se  gajj;ne  comme  l,i  petite  véiolo  ;  les  livres 
la  conimiiniqnent  beaucoup  moins  que  les 
assemblées  et  les  discours  ;3J.  Mettons  folie 
cniireli(jieii$e,  la  définition  ne  Sera  pas  nioins 
juste. 

Y  a-t-il  moins  de  danger  pour  un  génie 
ardent,  de  concevoir  une  baiiie  aveugle  con- 
tre la  leli'jion,  (|ne  de  se  livrer  à  un  zèle  in- 
considéré pour  elle'?  Le  premier  de  ces  deux 
excès  trouve  plus  d'alinients  que  le  second 
dans  les  pencbauts  du  ca-ur.  Si  l'un  mérite 
le  nom  de  fanatisme,  quel  titre  donnerons- 
nous  à  l'autre"?  —  Un  liomme  sensé  qui 
pi'urra  soutenir  la  lecture  de  la  liuranguc 
adressée  à  Dieu  dans  le  Système  de  la  na- 
ttirr  (i),  y  recon:iaîtra  le  vrai  langage  d'un 
énergun:èiie  ,  ou  d'un  réprouvé  condamné 
aux  (l.inimes  élernelli'S. 

S  XXI.  —  Quoi,  dira-l-on,  vous  osez  taxer 
de  fanatisme  des  pliilosopbes  qui  ne  précliiMit 
que  la  toiérance,  qui  ne  cessent  de  déclamer 
contre  la  fureur  avec  laque  11(>  1;  s  boulines 
se  sont  égorgés  pour  des  opinions  1 

Ne  soyons  pas  dupes  d'un  mot.  Tolérance, 
dans  le  style  lie  nos  ailversaires,  signifie  la 
Il  éme  chose  que  liberté  dans  la  bouche  des 
séditieux.  Nom  spécieux ,t'i\i  très-bien  un 
ancien;  quiconque  a  voulu  se  rendre  le  maî- 
tre et  assnvir  ses  scmlilnh'es,  n'a  jamais  man- 
qué de  s'en  déi  vrer  (a).  —  On  sait  ce  que  les 
ambitieux  enlendeiii  par  là  ;  ils  veulent  la  li- 
berté pour  eux  et  l'esclavage  pour  les  autres; 
c'est  préii^émenl  leque  nous  voyons.  Lors- 
(]ue  les  philosophes  él  lient  déistes,  ils  ju- 
geaient l'alhéisuie  intolérable  ;  ils  décdaient 
qu'on  doit  le  bannir  de  la  socu^lé  :  depuis 
qu'ils  S(uil  devenus  athées,  ils  disent  que  l'on 
ne  iloii  pas  soufl'rir  le  déisme,  parce  qu'il  est 
intolérant,  aussi  bien  (|ue  les  religions  révé- 
lée-. Ces  (iocleuis  pacifiques  sont  donc  bien 
résolus  de  n'établir  la  tolérance  que  pour 
leurs   propres  opinions,  et   de   déclarer   la 

(1)  llisi.  des  Eiabliss.  des  Europ.  dans  les  Indes, 
toiii.  VII,  c.  •>.  ' 

(2)  Sijsi.  de  ta  nul.,  loin.  H,  c.  10,  pag.  503. 
(0)  Queii.  sur  l'Encyct.,  F.oiaiisine. 

(4)  Sysl.  de  lu  nal.  ,  iliid. 

(5)  Tacite,  Hh(.,  \\y.  iv,  n.  75. 


guerre  à  toutes  les  aiiires.  S'ils  ont  droit 
d'attaquer  la  religion,  parce  qu'elle  est  inio- 
léranle,  nous  ne  sommes  pas  moins  fondé* 
à  détesler  l'incrédulité,  puIscjU'elle  est  en- 
core moins  tolérante  que  la  religion.  —  // 
est  peu  d'hommes,  dit  le  livre  de  V Esprit,  s'U$ 
en  avaient  le  pouvoir,  qui  n'rynplot/asueiit  les 
tourments  pour  faire  généralement  adopter 
leurs  opinions...  Si  l'on  ne  se  porte  ordinal- 
rement  à  certains  excès  que  dans  les  disputes 
de  religion,  c'est  que  les  autres  disputes  ne 
fournissent  pas  les  mêmes  prétextes,  ni  les 
mêmes  moyens  d  être  cruel.  Ce  n'est  qu'à  l'im' 
puissance  qu'on  est  en  général  redevable  de  sa 
modération.  L'auteur  du  Système  de  la  natitre 
avoue  de  même  qu'il  est  ditficile  de  ne  pas  se 
fâcher  en  laveur  d'un  objet  que  l'on  croit 
très-important  (1).  Or,  tout  philosophe  re- 
garde son  système  comme  très-important,  et 
nous  ne  savons  pis  encore  à  quelles  extré- 
mités il  est  capable  d'eu  venir,  lorsqu'il  est 
facile.  Mais  quand  nous  lisons  que  celui  qui 
parviendrait  à  détruire  la  notion  fatale  d'un 
Dieu,  oti  f/ît  moins  à  diminuer  ses  terribles 
influences,  serait  à  coup  sûr  l'ami  du  genre 
humain  (2),  nous  croyons  avoir  lieu  de  nous 
défier  d'une  pareille  amitié.— N'espérez  plus 
de  paix,  nous  crie  un  de  ces  bénins  philoso- 
phes, après  avoir  vomi  sis  j)ages  d'injures 
et  de  calomnies  conire  les  prêtres;  n'espérez 
plus  de  paix  13).  Si  malheureusement  il  faut 
nous  résoudre  à  la  guerre,  nous  nous  sen- 
tons assez  de  forces  pour  la  soutenir  encore 
longtemps. 

Dans  les  commencements,  les  sectaires  du 
xvr  siècle  élaiont  des  agneaux  ;  ils  de- 
mandaieiit  humblement  la  tolérance  :  deve- 
nus assez  forts,  ils  se  conduisirent  en  lions 
furieux;  ils  voulurent  tout  détruire.  Les  in- 
crédules, héritiers  de  leurs  principes  et  de 
leur  haine,  seraient-ils  plus  doux  en  pareil 
cas?  Ce  que  nos  pères  ont  essuyé  pendant 
près  de  deux  siècles  ne  nous  a  que  trop  ins- 
truits des  excès  auxquels  le  fanatisme  anti- 
religieux est  capable  de  se  porter.  L'incré- 
dulilé,  plus  ou  moins  étendue,  plus  ou  moins 
ambilieuse  dans  ses  prétentions,  se  ressem- 
bl('  partout  ;  son  génie  est  toujours  le  mê- 
me (4). 

S  XXII.  —  Rassurons-nous  :  la  discorde 
suffit  pour  faire  avorter  les  desseins  de  nos 
adversaires.  Tant  qu'ils  se  sont  bornés  à 
prêcher  le  déisme  .  ils  pouvaient  paraître 
redoutables  ;  ils  mettaient  les  théologiens  sur 
la  défensive  ;  ils  proposaient  des  objections 
souvent  embarrassantes;  ils  semblaient  ne 
donner  aucune  aileiiile  à  la  morale  :  on 
vo  ail  toujours  un  Dieu  ,  une  religion  ,  une 
base  aux  devoirs  de  la  soci  lé.  Par  cet  arti- 
fice, ils  oui  séduit  d'abord  un  gran.l  nom- 
bre de  lecteurs  trop  peu  instroils  pour  aper- 
cevoir les  conséquences  funestes  de  leurs 
principes;  ils  uni  eu  la  maladresse  de  les 

(\)  De  t'Esprli,  2«  dise.  ,  c.  3,  noie,  pag.  105. 
(i)  Sysl.  de  la  nal.,  Knu.  II,  cli.  7,  pag.  ~ii. 
(5)  Ibid.,  toi».  Il,  c.  5,  pag.  88;  c.  10,  p^g.  517. 
{i)LeUreà  l'auteur  du  Dici.  des  trois  Siècles,  p. 86. 
(5)  Annales  pol. ,  etc. ,  loin,  III,  n.  18,  p.  81, 


K  AAR 

dévoiler.  En  renversant  le  déisme  pour  lui 
subsliiuer  le  maiérialismp,  ils  ont  écrasé  la 
Tipère  sur  sa  morsure  ;  ils  ont  mis  au  grand 
jour  la  disrord.inre  des  sj-slè  Fies  d'incrédu- 
lité, les  excès  où  ils  conduisent,  la  fr.igilité 
de  l'édifice  qu'ils  avaient  construii  à  si  grands 
frais;  ils  ont  donné  lieu  aux  théologien»  de 
démontrer  que  ceUe  nouvelle  hypoilièse  dé- 
truit jusqu'à  la  ratine  les  fondements  de  la 
morale,  de  l;i  verlu,  des  devoirs  de  l'homme, 
et  Ions  les  liens  de  soriété  ;  qu'en  suivant  le 
Ci  (les  conséquences  ,  il  faui  se  retrancher 
dans  le  douie  absolu,  res>usciler  la  doctrine 
ahsurde  des  cyrénaïqui's  ,  les  infamies  Mes 
cyniques,  reniétcment  révoltant  des  pyrrho- 
niens.  —  Il  n'y  en  a  pas  deux  qui  pensent 
de  même.  L'un  tâche  de  soutenir  les  ilébris 
chance  ant'i  du  déisme  ;  l'antre  professe  le 
matérialisme  sans  déguisement  ;  quelques- 
uns  biaisent  entre  ces  deut  opinions,  défen- 
dent, laniôl  l'une  t.mlôt  l'autre,  ne  savent  de 
quel  principe  partir  ni  où  ils  doivent  s'ar- 
rélcr  Ce  que  l'un  élablil,  l'auiri-  le  détruit; 
il  n'est  pas  une  seuL'  question  de  faii  ou  de 
raisonnement  sur  laquelle  ils  soient  d'ac- 
cord (IJ.  Esi-il  diffici.e  de  prévoir  la  chute 

(I)  L'ainpiir  iVlimile  les  a  peints  d'après  n;iture, 
lOMi.  m,  |.ag.  t'i  ,  37. 


d'une  république  aussi  mal  réglée,  où  régnent 
une  anarchie  et  une  confusion  générale?  Si 
les  déistes  se  réunissent  à  nous  pour  com- 
battre les  athées,  cens-ci  empruntent  nos 
armes  pour  attaquer  les  déistes  ;  nous  pour- 
rions nous  borner  à  être  spectateurs  du  com- 
bat. 

Ainsi  Dieu  veille  sur  la  religion  qu'il  a  lui- 
même  établie,  il  livre  ses  enneniis  à  l'esprit 
de  vertige.  Le  psalmisie  a  tracé  leur  desti- 
née, en  parlant  d'un  autre  objet  :  Une  na- 
tion bruyante  de  philosophes  s'e^t  rassemblée; 
un  peuple  de  rais  'tineurs  a  conjuré  contre  le 
S  ign^ur  et  contre  son  Christ.  Brisons  ,  di- 
sent-ils, les  liens  qui  tiennent  notre  raison 
captive;  secouons  le  joug  de  la  religion  qui 
nou't  importune.  Celui  qui  réside  dans  le  ciel, 
se  joue  de  leurs  vains  projets,  il  les  couvrira 
de  confusion,  et  leur  partira  en  maître  irrité; 
te  souffle  de  sa  colère  troublera  leurs  sens  et 
leurs  idées  (Psal.  ii.  1). 

S  il  a  permis  que  les  docteurs  du  mensonge 
jouissent  pi-mlant  quelque  temps  'l'une  répu- 
tation brillante,  le  j  ig'ment  qu'il  a  exercé 
sur  eux  doit  faire  trembler  leurs  imitateurs. 
]1  menace  de  punir  avec  la  même  sévérité 
ceux  qui  se  laissent  vo'ontairemeni  sé<luire 
par  leurs  prestiges  (//  Thess.  ii,  10  et  il). 


DICTIONNAIRE 

DE 


TntOLOflli  DOGIATIQIJL 


AAROV,  frère  de  Moïse  ,  premier  pontife 
de  la  religion  juive.  On  peut  voir  son  histoire 
dans  l'K^ode  et  dans  les  livres  suivants;  ce 
n'osi  point  à  nous  (l'en  rassembler  les  traits; 
niiis  nous  snnimes  obligés  di- justifier  lesilenx 
frères  de  linéiques  reproches  que  leur  ont 
faits  les  censrurs  anciens  et  modernes  de 
l'histoire  sainte. 

Ils  ont  (lit  que  Moise  avait  donné  à  sa  tribu 
et  à  sa  famille  le  saceriloce  par  un  motif 
d'arMbition.  S'il  avait  aci  par  ce  motil,  il  au- 
rait s  ns  d'iuti-  assuré  à  ses  propres  enfants 
le  pon'ificai  iiIntAl  (|u'à  (Ciix  de  S(m  frère  : 
il  ne  l'a  pas  faii  ;  les  enfants  de  Moïse  de- 
nienriVeiil  confonilus  dans  j.i  foule  des  lévi- 
te^. D.ins  le  testament  de  Jacob,  l.é\i  et  Si- 
inéon  sont  assez  mal  traités;  la  disfiersion 
des  lévitfs  parmi  les  autres  tribus  est  prédite 


comme  une  punition  du  crime  de  leur  père. 
Gn.  xLix,  5  et  suiv.  Qui  a  forcé  Moïse  de 
conserver  le  souvenir  de  cette  tache  inpri- 
mée  à  sa  tribu  ?  Nous  ne  voyons  pas  en  (]uoi 
le  sacerdoce  j'idaïque  pouvait  exciter  l'atn- 
bilion.  Les  lévites  n'eurent  point  de  part  à 
la  distiibution  des  terres  :  ils  étaient  disper- 
S(''s  parmi  les  autres  tribus,  obllirés  de  quit- 
ter leur  famille,  pour  venir  remplir  leurs 
fonctions  dans  le  temple  de  Jérusalem  :  leur 
subsistance  était  précaire  ;  ils  étaient  expo- 
sés A  la  perdre  lorsque  le  peuple  se  livrait 
à  l'idolâtrie.  Une  preuve  ((iic  le  sacerdoce 
n'était  pas  par  lui  •môme  une  soumc  de  pros- 
p(''rilé,  c'est  que  la  tribu  de  Lévi  fut  lonjoiirs 
la  moins  nombreuse  ;  on  le  voit  par  les  dc- 
numbremunts  qui  furent  faits  en  difréreuts 
temps 


,•(7                                        ÀAR  ABA                                          :iS 

A  la  vérité   l'.iofeur  tie   l'Ecclésiabliquo  ,  do  faire  tomber  le  fou  Ju  ciel  ;  el  ce  prodige 

XIV,  7.   f;iit  un  éloge  ningnifiiiue  de   l.i  di-  se  fit   à  la  vue  de  tout   le  peuple  assoniblé. 

giiiiè  d'/lnron  cl  dos  piivilégos    nui  élaii'iit  Diou  nurait-il  approuvé  par  un  miracle  l'am- 

jillarlios  à  son  sacenloco  ;   mais  il    'es  iiivi-  biiioii  ou  la  cruauté  des  doux  frères? 

sage  sous  un  aspocl  religieux,  lioaiiciiiip  plus  Vaiiirmonl   certains   critiques  ont    voulu 

que  du  fôié  di's  avaiilagos  li'ni[)(iri  Is  ;  11,' pri-  trouver  de  la  rosscmhiance   entre   Thisioire 

vilége  do  subsister  par  los  olîraiulos  d«s  pré-  d'.-liironel  la  fabli'  de. Mercure  ;  tous  les  traits 

miros   et  par  une  porlion   dos    vioiiines    ne  du  |  arallè'e  qu'ils  eu  ont  fait   sont    forces, 

pouvait    pas   coin[ionscr    les    incouvonienis  H  uncrn  et   Hésiode  ont   connu   la   fable   de 

ainKiuols  les  prèiros  ou  géiiéial   éiaionl  ex-  Mercure  longiempsavant  que  les  Grecs  aient 

posés   aussi    bien    que   leur  cliof.    Nous   ne  pu  avoir  aucune  connaissance  de   l'histoire 

Voyous    pas    dans  l'Iiistoiro   sainto   que    les  dos  Juils  ;  ilérodolo,  qui  a  vécu  quatre  cents 

pontifes  dos  Hébi  ou\  aient  jauiais  joui  d'une  ans  après  cis  ilou  v  poêles  ,  connaissait  très- 

Irès-vraiidc  autorité  ni  d'une  l'oriuno  coiisi-  pou  los  Juifs.  D'autres  ont  cru  que  le  person- 

déralile  ,  et   nous   ne  coiupronons    jias  (|uel  u;igo  de   Mercure   avait   été  copié   sur  celui 

motif  aurait  pu   exciter  l'ainbiiion   de  gou-  d'iiiiézer,  économe  d'Abraham  ;  ils  n'ont  pas 

vernor  un   ()oiiple  aussi    inir.iilable  et  aussi  ruieus  rencontré.  Il  est  fort  ,iisé  d'abuser  de 

mutin  que  l'étaient  les  Hébreux.  ces  sortes  de  parallèles  entre  l'histoire  sainte 

Les  luéiiies  censeurs  ont    ajouté  qu'après  et    la   f.ible,  et   nous    ne  voyons   pas   quelle 

l'adorition  du  veau  d'or  le  poup  e  fut  puni,  ulilito  il  eu  peut  résulter.  Cous  qui  voudront 

et  qn'.-laron,  le  plus  coupablt;  do  tous,  ne  le  consulter  les  allégories  orientales  do   M.  de 

fui  point  :  que  le  gros  de  l,i    nation  porta  la  Gehelin,  pag.  100  et  suiv.,  verront  qu'il  n'a 

peiuo  du  crime  do  son  pontife.  C'est  une  ca-  pas  été  nécessaire  de  copier  l'histoire  sainte, 

lomnio.  .loron  ne  fut  ni  laulour  de  la   pré-  pour  forger  la  fable  de  Mercure, 

varioaiiou  du    peuple,   ni   le  plus  coupable  ,  AB,  AI5BA.  Vuy.  I'èue. 

il  céda  par  faiblesse  aux  crisimportuns  d'une  ABADDO.n,  est  h^  nom  de  l'ange  extenni- 

niuliiiude  séditieuse.  Mo^e.  à  la  voriio,  de-  nateiir  dans    l'Apoc.ilypse  ;   il  viout  de  l'hé- 

nianda  au  Seigneur  grâce  pour  son  fière,  el  breu  Ahad.  perdre,  déiriiire. 

l'obtint.  S'il  a>aii  agi  autroiiieul,  ou  l'aurait  AIÎAlLAUDou  AIJELAKD  (Pierre), docteur 

aecusé  d'inhunianiie  ,  ou  d'avoir  prolilé  de  célèbre  di  xii'   siècle,  uioit  l'an   11V2.  Nous 

l'occasion    pour    supplanter    sou    froro.    La  n'aurions  rien  à  en  dire,  si  l'on   n'avait  pas 

faute  d'.4ai  o'i  no  demeura  oependaiil  pas  iin-  travaillé  de  nos  jours   à   réhabiliter  sa   nié- 

punio.  Il  fut  exempt  de  la  contagion  qui  lit  moire,  à  faire  l'apologie  de  sa  doctrine,  ot  à 

périr  les    prév;iricaleiirs  ;    mais  il  eut  bien-  donner  au  dérèglement  de  sa  jeunesse  toute 

tôt  à  plei)r<'r  la  mort  do  ses  deux  lils  aînés  ;  la  céUbriié  possible  ;  ce  que  l'on  en  a  dit  est 

il  fut  exclu,  aussi  bien  que  Moïse,  de  l'on-  tire  du   Dictionnaire  de  IJavIe,  articles  Abé- 

Irée  dans  la  terre  promise,  ot  subit  une  mort  lard,  Bérenijer ,  Héloise.  Saint  Bernard  y  est 

prématurée  pour  une  l'auto  assez  légère.  accusé  d'iivoir  persécuté  Abailard  par  jalou- 

Si  l'on  veut  faire  altontiou  à  la  mullilude  sic  de  réputation.  Moshoim,  Brucker  et  d'au- 

et  à  la  rigueur  dos  lois  auxquelles  le  grand  1res  protesianls,  n'ont  pas  manqué  d'adopter 

prétro  était  assujetti,  à  la  peine  tIe  mon  qu'il  ce. le  ea  omnie. 

pouvait  encourir  s'il  péchait  dans  ses  fonc-  Malgré  les  efforts  de  Bayle  el  de  ses  copis- 

tions,  à  l'espèce  d'esclavage  dans  lequel  il  les,  il  resuite  do  leurs  aveux,  1°  que  le  déré- 

élait  retenu,  ou  verra  que  celte  iiigniie  u'é-  glemeiit  des   mœurs  d' Abailard  n'est    point 

tait  pas  fort  propre  à  exciter  l'aiiibiiiou.  Voy.  venu  de  faiblesse,  mais  d'un  tonds  de  perver- 

Lévite,  Pontife,  Phètue,  Sackiidoce.  site  naturelle;   il  avait  formé  le  dessein  de 

La  révolte  de  Coré  et  de  ses  partisans,  et  séduire  Hélo'ise  avant  qu'elle  fût  son  éco- 
leur  punition  éclatante,  ont  fourni  aux  in-  lière.  C'est  dans  cotte  intention  qu'il  se  mil 
crédules  de  nouveaux  traits  de  malignité,  en  pension  chez  le  chanoine  Fulbert  el  lui 
Coré,  chef  d'une  famille  de  lévites,  jaloux  du  oll'rit  de  donner  des  leçons  à  sa  nièce  ;  el  il 
choix  que  Dieu  avait  fait  d'.-lfiro»i  pour  le  en  convient  lui-même  dans  la  relation  qu'il 
pontificat,  se  joignit  à  Dathan,  à  Abiron  et  à  fait  de  ses  malheurs.  —  2'  Li  vanité,  la  pro- 
deux coni  cinqu.iute  autres  chefs  de  famille,  sompiiou,  la  jalousie,  le  caractère  hargneux 
el  ils  reprochèrent  à  Mo'i'so  el  à  son  Irère  d' Abailard,  sont  prouvés  par  ses  écrits  ot  par 
l'autoriié  qu'ils  exeiçaieiit  sur  le  peuiile  du  sa  conduite.  Son  ambition  était  de  vaincre 
Seigneur.  Moi'se  leur  répondit  avec  modéra-  ses  maiires  dans  la  dispute,  d'établir  sa  ré- 
liou  que  c'était  à  Dieu  seul  de  doignor  ceux  putatiou  sur  les  ruines  do  la  leur,  de  leur  en- 
qu'il  daignait  revêtir  du  sacerdoce  ,  et  il  le  lover  leurs  écoliers ,  d'être  suivi  d'une  foula 
pria  deconlirmor,  par  la  punition  exemplai-  de  disciples.  Ou  voit,  par  ses  ouvrages,  qu'il 
re  des  rebelles,  le  choix  qu'il  avait  fait  d'.-la-  entraînait  ses  auditeurs  beaucoup  plus  par 
run  et  de  ses  enlanis.  En  elTet,  la  terro  s'ou-  ses  tiilonls  extérieurs  que  par  la  so  idilô  de 
vnt  et  engloutit  Coré  avec  ses  complices  el  sa  doctrine;  il  était  séduisant,  mais  ilinslrui- 
touie  leur  famille,  el  un  feu  du  ciel  consuma  sait  très- mal  :  il  se  lit  des  ennemis  de  propos 
les  deux  cent  cinquante  autres  coupables,  délibéré,  pour  le  soûl  plaisir  de  les  braver. 
Num.  XVI.  Jaloux  de  la  réputation  de  saint  Norbert  el 

Reprocher  ce  châtiment  à    Moi'so  comme  de  i  elle  de  saint  Bernard,  il  osa  les  calomnier 

un  trait  de  cruauté,  c'est  s'en  prendre  à  Dieu  l'un  ot  r.iulre.  —  3'  Il  se  mit  à  professer  la 

même.  Moïse  ni  son  frère  u'avaionl  pas  sans  lh>ologie  sans  l'avoir  étudiée  sullijamment  ; 

doQle  le  pouvoir  de  faire  ouvrir  la  terre  ,  ui  il  y  porta  les  subtilités  frivoles  de  sa  dialecti- 


SO                                         ABA  Afi.V                                         CO 

que  el  un  esprit  faux  :  cela  est  évi  lent  par  exprimé  trop  durement  au  sujet  û'Abailard , 
le  premier  ouvragi!  qu'il  publia.  !\ien  irétail  daui  les  lettres  i\{i'\\  écrivit  a  Rome  el  aux 
plus  absunli'  que  de  lioniier  uii  iraili;  de  la  évoques  de  Fraiico  à  <e  sujet;  mai.  ce  ne  fut 
f<ii  à  la  sainte  Tviiùlé,  pour  se  cir  d'inlro-  q  /après  le  refus  que  fil  ,4.'mi7((cd  de  s'<;xpli- 
duclion  à  la  ^/(^o/ojie  ;  de  vouloir  expliquer  qui-r  cl  de  se  rélr;cler.  Colle  conduite  dut 
ce  myslère  par  des  comparaisons  sensibles  :  persuailcr  au  saint  abt'é  que  ce  novateur 
s'il  pouvait  être  comparé  à  quelque  cho,,e,ce  était  uu  héréliqiiii  obstiné.  Mosheim  et  Bruc- 
nc  serait  plus  un  mystère  ou  uu  dogme  in-  ker  disenl  que  saint  Bernard  u'enleudail  rien 
comfiréhensible.  —  4"  Ses  anologistcs  sont  aux  subtiliies  île  la  di  ilcctii;iie  de  son  adver- 
forcés  de  convenir  qu'il  y  a  des  erreurs  dans  sairc;  mais  celui-ci  s'entcndait-il  lui  Dièun"  ? 
cei  ouvrage  et  d ms  le-  autres  :  ce  n'est  donc  On  voit,  par  les  ouvr:ges  du  pr^'uiier,  qu'il 
pas  inj!)stement  qu'il  fut  condamné  dans  un  était  meilleur  lliéolog  en  que  son  antag  >- 
concile  de  Soissons,  l'an  11-21,  cl  que  l'auteur  uiste  ,  et  qu'^6n(7an/  aurait  pu  le  tiremlre 
fut  obligé  de  se  rétracter.  Cet  événement  pour  mailre  ou  pour  juije,  sans  se  dégrader, 
rendit  avec  raison  les  évéques  et  les  autres  Toujours  est-il  vrai  que  les  prolestants  qui 
lliéologieus  plus  atleiilifs  sur  sa  doctrine,  reprocheiil  à  l'abbé  de  Clairvaux  la  liaiue,  la 
Vinït  ans  après,  Guillaume,  abbé  de  Saint-  jalousie,  la  violence,  l'injnslice  contre  l'in- 
Tliicrry,  crut  trouver  de  nouvelles  erreurs  nocence  persécutée,  se  rendent  eux-mêmes 
dans  les  éciits  û'Abailnrd;  il  en  en\0)a  le  coupal)'es  de  lous  ces  vices.  —  5' Ils  aftcclent 
précis  cl  la  lélutatiou  à  fleoffroi ,  évêqiie  de  d'insinuer  i]u'il  fut  condamné  et  persécuté, 
Chartres,  et  à  saint  Bernard,  abbé  de  Clair-  non  pour  ses  erreurs,  mais  pour  avoir  son- 
vaux.  A  t-on  quelque  motif  de  prêter  de  la  tenu  aux  moines  de  Saint-Denis  que  leur 
jalousie,  de  la  haine,  de  la  prévention  à  saint  n'éiait  p.:s  le  même  (]uo  saini  Denis 
i'ablié  de  Saint-Thierry?  Saint  Bernard,  loin  lAréopagilc;  c'est  une  imposture.  Ce  point 
de  lémoigner  ces  mêmes  passions  contre  ne  fut  mis  en  (|uisliou  ni  à  Soissons,  ni  à 
.46ai7arf/,  lui  érri\it  pour  l'engager  à  se  ré-  Sens,  ni  à  Boiue;  AbniUird  fut  condamné 
IractiT  el  à  corrijicr  ses  livres.  Cet  entêté  pour  des  erreurs  (ju'i!  avait  enseignées  sur 
n'en  voulut  rien  l'aire  :  il  voulut  attendre  la  la  Trinité,  sur  l'iiicarnaliou,  sur  la  grâce  et 
décision  du  concile  de  Sens,  qui  élait  près  de  sur  plusieurs  antres  chefs.  —  G"  Lorsque 
s'assembler,  el  d'inanda  que  saint  Bernard  y  Pierre  le  Vendable,  abbé  de  Cluny  ,  eut 
fût  présent.  L'abbé  de  Clairvaux  s'y  trouva  donné  à  Abailnrd  une  retraite  et  l'eut  con- 
en  efl'el;  il  pioduisit  les  propositions  exirai-  ver;i,  saint  Bernard  se  réconcilia  de  bniiuo 
les  des  omr.iges  d'/lini/iird,  et  le  somma  do  foi  avec  lui  et  ne  clierclia  point  à  troubler 
les  justifier  ou  de  les  rétracter.  —  Parmi  ces  son  repos  :  il  n'avait  donc  point  de  huinc 
propositions,  que  l'on  peut  >oir  dans  le  Die-  contre  lui.  Mais  aux  yeux  des  inci'édules,  les 
li  innaire  des  hérésies,  article  Abailnrd,  il  y  héréticiues  ont  lou  ours  i  aisou  ;  les  Pères  de 
en  a  quatre  (lui  sont  pélagiennes  ,  trois  sur  l'E;;lisc  ont  loujmirs  eu  tort.  Ils  blâment 
la  Trinité,  dont  If  sens  littéral  est  liéréti(iue  ;  dans  les  ouvrages  de  saint  Beru/ud  les  de- 
dans une  autre,  l'aulenr  enseigne  l'opti-  fauts  de  sou  siècle,  et  ils  l"s  excusent  dans 
ttiisnie;  dans  la  quatnr/ième,  il  soutient  (jue  ceux  d'Abailard ,  oii  ils  sont  beaucoup  plus 
Jésus-Chrisi  n'est  pas  descendu  aux  enfers.  sensibles.  Voij-z  Saint  Beknaud,  Hist.  de 
Oui  l'empèrhail  de  réti acier  les  une.  el  d'ex-  t'/'-jl-  Gallic,  tom.  VIll,  unn.  1117  el  suiv.; 
pliquer  les  aulrcs,  comme  il  fut  nbligé  de  le  lom.  IX,  ann.  ll.'iJ-lI'i.2,  etc. 
faire  dans  la  suile?  Sans  vouloir  le  faire  ABAlSSLMliN  T.  Les  livres  du  Nouveau 
dans  le  concile  de  Sens,  il  eu  appela  à  la  dé-  Testament  nous  i  arlenl  souvent  des  (ihaisne- 
tision  du  pape,  cl  se  relira.  Par  respect  pour  iiieiits  ou  des  liumili.itions  du  Verbe  incarné, 
sou  appel,  11- concilia  se  coulenta  de  coniiam-  Jl  s'csl  anédiili,  Ml  saini  Paul,  e/  u  pris  ta 
ner  les  propositions,  el  ne  nota  point  su  per-  forme  d'un  esclav;  il  s'isl  ha^nilié  cl  s'est 
sonn;'.  —  Ou  dit,  pcuir  l'excuser,  qu'il  vit  bien  rndii  ol/cissuiit  /((s(/i»'(i  mourir,  el  mourir  sur 
que  s.iint  Bcrnird  el  les  évêiiues  du  concile  une  croix  :  c'  st  pour  cela  i/ue  D'eu  in  excdié 
de  Sens  é'.aienl  prévenus  contre  lui,  et  (|uc  el  lui  a  donne  un  nom  suiiérieurù  tout  autre 
sa  justilicalion  n'eûl  servi  à  rien.  M.iuvais  nom,  afin  qu'au  nom  d.-  Jésus  tout  genou  flé- 
pr<'ti'Xle,  dont  un  opiniâtre  peut  toujours  se  cliissc  dans  L-  ci  l,  sur  la  terre  el  dons  les  cn- 
servir  qu.'iid  il  le  veut.  S'en  ra()porler  d'à-  fers,  et  ipie  louie  Uinijue  publie  (/ne  Notrc- 
hord  au  jugement  du  concile,  eu  appeler  en-  Scitjnenr  Jésus-Christ  jouit  de  lu  </loire  de 
suite  avant  même  qu  il  soil  priinonté,  est  uu  son  Pcie  [l'Iidipp.  ii,7,  8).  il  ne  s'ensuit  donc 
Irait  de  révolte  et  de  mauvaise  foi  :  les  évê-  pas(iue  le  Fils  i,e  Ditu.en  se  f  lisant  homme, 
quis  él.iienl  ses  juges  légitimes:  eu  n  fusaul  ait  nen  perdu  de  s.i  gr.iudeur.  Bien,  ili.enl 
de  se  juililier,  il  méritait  rondamnation.  —  les  Pères  de  l'Kglise ,  n'e-t  plus  di^nc  de  la 
Eneffel,il  fulcondaninéàBnmeaussibie  i(]u'à  nrijc^té  divine  que  d'opérer  le  salul  de  ses 
Sens.  Kst-ce  encore  par  haine  ou  par  jalousie  créatures.  Il  fall.iil  (et  excès  d'abaissement 
que  le  pape  et  les  cardinaux  prononcèrent  de  la  pari  du  \erbe  incainé,  [lour  guérir 
l'analhèuie  conlre  lui?  Ce  n'est  qu'après  l'homme  de  l'ogueil  excessif  qu'une  fausse 
cotte  condamu.it  on  qu'il  fit  enfin  son  apolo-  philosophie  lui  avait  inspiré  :  il  le  lallail, 
gie  et  sa  profession  de  foi,  dans  la(|ui;ll>-  il  jionr  consoler  la  plus  gi  audc  p.irtie  du  genre 
relr.icta  h)rmr||eme;il  l.i  |  lup.irt  des  propo-  liuiuaiu  de  l'humiliation  à  laquelle  elle  esl 
8ili(Mis  qu'on  Uii  jivait  iciroch'es ,  et  làili.»  redui;e. 

d'expliquer  les  autres.       Le  grand  reproche  ABANDON.  Il  y  a  dans  l'I'crilurc  sainte 

que  l'on  fiit  à  salnl  lîehiard  esl  de  s'être  des  passages  qui  semblent  prouver  «juc  Dieu 


81 


ABA 


abnndiinnn  les  pécheurs,  et  m^tnc  des  tin- 
tions rnlières  ;  mais  il  on  est  d'amies  qui 
nous  as'iiirciit  que  Dion  osl  bon  à  l'ôgMrd  de 
lous,  qu'il  .1  [)ilié  de  loUs,  qu'il  n'a  de  l'aver- 
sion pour  aucune  de  ses  créatures,  que  ses 
Cniséricordes  S(;  répatident  sur  Ions  ses  ou- 
vrages, etc.  Les  premiers  ne  signifient  donc 
pas  que  Dieu  prive  absolument  de  louleà 
grâces  les  pécheurs  ou  les  nations  infidèles, 
mais  qu'il  ne  leur  en  accorde  pas  autant  qu'à 
d'autres  peuples,  oii  qu'il  ne  leur  fait  pas 
autant  de  bien  qu'il  leur  en  a  fait  autrefois. 
C'est  un  tisa^^e  commun  dans  loules  les  lan- 
gues, d'exprimer  en  termes  absolus  ce  qui 
n'est  vrai  que  par  comparaison.  Ainsi,  lors- 
qu'un père  ne  veille  plus  avec  autant  de  soin 
qu'il  le  faisait  autrefois  sur  la  conduite  de 
son  li!s,  on  dit  (|u'il  l'abandonn!';  s'il  témoi- 
gne au  cadet  plus  d'alïectioii  qu'à  l'ainé,  ort 
dit  que  celui-ci  est  délaissé,  négligé,  pris  en 
aversion,  etc.  (^es  façons  de  parler  ne  sont 
jamais  absolutnenl  vraies;  personne  u'y  est 
lionipé;  elles  ne  doivent  pas  nous  surpren- 
dre davantage  dans  l'Ecriture  sainte  que 
dans  le  langage  ordinaire. 

Kn  effet,  mal'.;ré  les  promesses  formelles 
que  Dieu  avait  faites  aux  Juifs  de  ne  jiimais 
les  abandonner,  ils  ne  mamiuaient  pis  de 
dire  dans  toutes  leurs  calamités  :  Le  Sei- 
gneur vous  a  déluhsés,  nntis  a  ouhlii's.  Voici 
ce  que  leur  répond  le  prophète  Isiiïe,  do  la 
part  de  Dieu,  c.  xi.iv,  v.  li  :  Une  mère  peut- 
elle  oublier  son  enfant  et  mnn//uer  de  tendresse 
pour  le  fruit  de  ses  eniritilles?  Quand  elle 
pourrait  le  ftire,  je  ne  vous  oublierais  point, 
l'abandon  prétendu  dont  se  plaignaient  les 
Juifs  consist.nt  seulement  en  ce  (juc  Dieu  ne 
les  protégeait  plus  d'une  manière  aussi  écla- 
tante, et  ne  leur  accordait  plus  autant  de 
bienfaits  qu'autrefois. 

Nou-;  devons  raisonner  île  môme,  et  en- 
tendre de  même  l'Ecriture  sainte,  à  l'égard 
des  grâces  de  salut  et  des  secours  surnatu- 
rels. Dans  l'article  GiiAci;,  §  3,  nous  i  rouve- 
rons ,  par  rKcriturc  sainte,  par  les  l'ères  de 
l'Eglise ,  par  l'efficacité  de  la  rédemption , 
qu'il  n'est  sous  le  ciel  aucune  créature  que 
Dieu  laisse  manquer  de  grâces  absolument 
et  entièrement  ;  mais  il  n'en  fait  pas  égale- 
ment et  en  même  mesure  à  tous  les  hommes  : 
aux  uns,  il  en  accorde  de  plus  abondantes  et 
de  plus  efficaces  qu'aux  autres,  et  c'est  dans 
ce  sons  seulement  que  ceux-ci  sont  abandon- 
nés,en  comparaison  des  premiers. 

(Quelques  accusateurs  de  la  Providence  ont 
alîecté  d'alléguer  un  passage  du  livre  des 
Proverbes,  c.  i,  v.  24,  où  li  Sagesse  dit  aux 
pécheurs  :  Je  vous  ai  appelés,  et  vous  m'avez 
rebuti'e;  je  vous  ai  tendu  les  bras,  et  aucun 

rf'  vous  ne  m'a  regardée De  mon  côté,  je 

Tirai  el  j'insulterai  à  votre  ruine,  lorsque  les 

maux  que  vous  craignez  vous  seront  arrivés 

Alors  un  in'im  oquera,  et  je  n'écoulerai  point  ; 

en  me  cherchera,  et  on  ne  me  trouvera  pas 

Mais  celui  qni  m'écoutera  reposera  sans 
crainte;  il  sera  dans  l'abondance  et  n'aura 
plus  de  maux  à  redouter.  Nous  ne  voi  ons  pas 
comment  l'on  peut  conclure  de  là  qu'il  y  a 
un  mouienl  fatal  auquel  Dieu  n'écoute  plus 


Abk  61 

les  iiéchèiirs,  les  abandonne  entièrement  ■ 
leur  refuse  toute  grâce  el  les  laisse  périr. 
i"  11  est  évident  que  le  Sage  parle  de  maus 
temporels,  et  non  de  la  réprobation  des  pé- 
cheurs. 2°  Ce  serait  eu  vain  qu'il  ajoute  :  Ce- 
lui qu'  inécoiitera,clc.  Les  pécheurs  peuvent- 
ils  encore  écOuler  Dieu,  lorsqu'il  ne  leur 
parle  plus  par  la  grâce?  3"  Celle  opinion  est 
formellement  contraire  à  la  promesse  que 
Dieu  a  l'aile  par  Ezéchiel,  c.  xxx;ii,  v.  14.  : 
Lorsque  j  aurai  dit  à  l'impie,  lu  mourras,  s'il 
fait  pénitence  et  pratique  la  justice,. ...il  vivra 
et  ne  mourra  point.  Or,  l'impie  ne  peut  faire 
pénitence,  à  moins  que  Dieu  ne  lui  donne  la 
gr.'ice. 

Les  Pères  de  l'Eglise  ont  tous  insisté  sur 
ce  passage  et  sur  ce  qui  précède,  v.  11  :  Par 
mn  vie,  dit  le  Seigneur,  ]e  ne  veux  point  la 
mort  de  l'impie,  mais  qu'il  se  convertisse  et 
qu'il  vive.  Ils  en  ont  conclu  que  la  miséri- 
corde de  Dieu  n'abandonne  jam.iis  entière- 
ment les  pécheurs.  Dieu  dit  dans  l'Apoca- 
lypse, c.  III,  V.  19  :  Faites  pénitence,  je  suis  à 
la  porte  el  je  frappe;  si  quelqu'un  m'ouvre, 
j'entrerai  chez  lui.  Il  ne  met  point  d'excep- 
tions. Jésus-Christ  nous  est  représenté,  non 
comme  un  juge  empressé  de  faire  justice, 
mais  comme  un  Sauveur  miséricordieux,  qui 
ciaint  de  perdre  une  âme  et  le  prix  du  sang 
qn'il  a  répandu  pour  elle. 

Cependant  quel<]ues  théologiens  soutien- 
nent que  ce  n'est  point  là  le  sentiment  de 
saint  .'Vngustin.  Ce  Père,  disent-ils,  a  répété 
vingt  fois  que  Dieu  n'abandonne  point  le 
juste,  à  moins  qu'il  n'en  soit  abandonné:  il 
applique  ce  principe  même  à  notre  preiiiier 
père,  Serm.  1  in  Ps.  lviii,  n.  2;  il  dit  que 
Dieu  a  délaissé  Adam,  parée  qu'Adam  lui- 
même  a  délaissé  Dieu  :  donc  il  suppose  que 
quand  un  juste  abandonne  Dieu  ,  il  en  est 
abandonné  à  son  tour.  L.  \\^,de  Pecc.  nieritis 
et  remiss.,  c.  13,  n.  '22,  le  saint  docteur  pré- 
tend que,  dans  quelques  occasions,  Dieu 
n'.iide  point  les  justes  à  faire  le  bien,  parce 
qu'ils  peuvent  s'enorgueillir;  il  pense  que 
Dieu  leur  refuse  la  grâce  et  les  laisse  tom- 
ber, afin  de  les  humilier  par  leur  chute. 
Or,  s'il  refuse  quelquefois  la  grâce  aux  jus- 
tes, à  plus  forte  raison  aux  grands  pécheurs. 
Lorsque  ceux-ci  veulent  s'excuser  en  disant  : 
£n  quoi  sommes-nous  coupables  de  vivre  nud, 
dès  que  nous  n'avons  pas  reçu  la  grâce  de  bien 
vivre?  Saint  Augustin  répond,  epist.  lOi  ad 
Sixlum,  c.  0,  n.  22  :  S'ils  sont  au  nombre  des 
rases  de  colère  destinés  à  la  perdition,  qu'ils 
s'en  prennent  à  eux-mêmes ,  parce  qu'ils  ont 
été  faits  de  cette  masse  que  Dieu  a  justement 
condamnée  pour  le  péché  d'un  seul,  dans  le- 
quel tous  ont  péché.  Ainsi,  ce  Père  suppose 
que  la  grâce  leur  est  refusée  à  cause  du  pé- 
ché originel.  Enfin,  Tract.  38  in  Joan.,  n.  6, 
il  dit  que  Dieu  aveugle  et  endurcit  les  pé- 
cheurs, non  en  les  forçant  au  mal,  mais  en 
ne  les  secourant  point,  par  conséquent  en  les 
abandonnant. 

11  est  étonnant  que  ceux  qui  prêtent  à 
saint  Augustin  cette  doctrine  absurde  n'aient 
pas  vu  qu'ils  le  font  tomber  dans  des  contra- 
dictions grossières.  1'  Puisque  le  juste  a  be«. 


tl5  ABA 

soin  de  la  grâce  prévenante,  non-senlemcnt 
pour  faire  11-  bien,  m.iis  encore  pour  y  per- 
se'éri-r,  s'il  lui  .irrive  (l'abandonner  Dini  <iu 
de  pécher  parce  qu'il  a  iii/inniiè  lii-  la  ^r.ice, 
ce  n'e-t  [las  liîi  qui  a  délaissé  Dieu,  mais 
c'eil  Di(  u  qui  la  délaissé  le  premier  :  dans 
ce  cas.  que  devient  le  principe  lanl  répété 
par  saint  Aiigusiin,  ()ue  Dieu  n'abanilonne 
jamais  le  juste,  à  iioins  qu'il  n'en  soit  aban- 
donné? Lorsqu'Atlam  a  péché  pour  l,'i  pre- 
mière fois,  avail-il  déjà  délaissé  Dieu?  on  la 
grâce  lui  a-l-elle  éié  refusée  parce  (lu'il  était 
né  de  la  masse  de  perdition?  2°  Lorsque  les 
pécheurs  vculeiil  reji'ier  sui'  Dieu  la  cause 
de  leurs  crimes,  saint  Augusiiii  leur  op- 
pose ce  piissape  de  l'Ecclésiastique,  c.  xv, 
V.  11  :  u  Ne  dites  point.  Dint  me  manque; 
c'est  lui  qtti  m'a  igmé;  Dieu  n';i  pas  besoin 
des  impies,  eli-.  >>  L.  de  Grnt.  et  Lih.  arli.,  c.2, 
n.  3.  Que  l'on  dise  :  Dieu  me  matitfue, on  Dieu 
me  Inisfe  manquer  de  grâce,  c'est  la  même 
chose  :  or,  se'on  l'auleur  sacré  et  selon  saint 
An;;usiin,  c'est  un  blasphème.  3*  Ce  saint 
docleur  a  répété  vingt  lois  qu'il  ne  faut  dés- 
espérer d'aucun  homme  vivant,  linarr.  ^  in 
Ps.  \xxvi,  n.  11,  etc.,  pas  même  des  impies, 
in  Ps.  L,  n.  18;  que  le  démon  est  la  seule 
créature  de  la  i  onversion  de  la()uel!e  il  f.iut 
désespérer,  in  Ps.  liv,  n.  k.  Il  dit,  Confess. 
lih.  VIII,  c.  11,  n.  27  :  Jelle-toi  entre  les  liras 
(le  ton  Dieu:  ne  crains  rien  ;  il  tte  se  retirera 
pas  afin  que  lu  tombes,  etc.  Que  signifie  tout 
cela  si  Dieu  peut  abandonner  absoliimenl, 
nen-si'Ulcment  les  gi'auils  pécheurs  ,  mais 
encore  les  justes,  afin  de  les  humilier? 

Cherchons  donc  un  moyen  de  décharjer 
saint  Augustin  de  toutes  les  absurdités  qu'on 
lui  impule  :  cida  n'e>t  pas  fort  difficile. 

Serm.  1  ni  Ps.  lviii,  n.  2,  il  dit  qu'Adam  , 
après  son  péché,  fut  privé  de  la  joie  el  de  la 
consolation  qu'il  goûtait  aiiparav.iiil  à  voir 
Dieu  et  à  converser  avec  lui,  puisqu'il  se  ca- 
cha ;  c'est  ainsi  que  Dieu  se  relira  de  lui  et  le 
délaissa.  L'Ecriture  nous  l'apprend,  et  il  ne 
s'ensuit  rien. 

L.  m  de  Pecc.  meriii^  et  remiss.,  c.  13,  n.  22, 
saint  Augustin  ne  ilil  point  que  Dieu  refuse 
quelquefois  aux  justes  la  grâce  pour  faire  le 
bien,  m.iis  pour  le  faire  parfailement.  ad  per- 
ficiendum  justitinm;  el  cela  est  vrai.  Dieu  ne 
donne  pas  toujours  aux  âmes  les  plus  saintes 
la  force  de  i)raliqui  r  le  bien  avec  autant  de 
perrdion  qu'elles  le  voudraient  :  c'est  ce 
qui  les  afflige,  les  humilie,  les  toui  mente 
même  par  des  scru|iules.  S'ensuil-il  de  là 
que  Dieu  leur  refuse  les  giâres   nécessaires 

fiour  éviter  le  péché  cl  pour  persévérer  dans 
e  bien? 

lipisl.  loi.  ad  Stxlum,  chap.  6,  n.  21  el  22, 
saint  Augu-lin  parle  non  de  la  giàce  acliellc, 
mais  (le  la  grâce  finale,  du  don  de  la  |)ersc- 
Vérance.de  la  prédestination  à  la  gloire  éter- 
nelle. Nous  convenons,  d'après  saiul  Augus- 
tin, que  ce  don  n'est  dû  à  personne,  que 
Dieu  peut  le  refuser  à  qui  il  lui  plaii,  el  (|ue 
feux  aux(|uels  il  ne  l'aeioide  point  n'ont 
|)as  droit  de  se  plaindre;  (|ue  cela  ne  peut 
pas  excuser  les  pécheurs,  comme  le  prélen- 
dail  l'élagç.  Nous  Irailerons  celle  qucslioa 


ABB 


64 


aux  mots  Persévérance  et  Prédestination. 
Voyez  Grâce.  §  3. 

ÀliBAYK,  ABlîÉ,  ARBESSE.  Un  corps, une 
coiiiinunauié  quelc'  nque  ne  peut  subsister 
sans  subordination  :  il  faut  un  supérieur  qui 
commande  el  des  inférieurs  qui  obéissent. 
Parmi  des  membres  tous  égaux,  et  qui  font 
profession  de  tendre  à  la  perfection,  l'auto- 
rité doii  être  douce  et  charitatde;  on  ne  pou- 
vait donner  aux  supérieurs  monastiques  un 
nom  plus  (  onvenabie  que  relui  t\e  père  :  c'est 
ce  que  signifie  abba.  Par  la  même  raison,  l'on 
a  no.i  mé  abhessps  les  supérieures  des  reli- 
gieuses, el  abbayes  les  monastères.  La  juri- 
diction, les  droits,  les  privilèges  des  ahbés  et 
des  ubhesses  ont  été  fixés  par  les  lois  eeclé- 
siasliques  :  c'est  un  de-  articles  de  la  juris- 
prudence canonique.  [Voy.  le  Die',  de  Droit 
canon.]  U  nous  suffit  d'observer  que  la  mul- 
titude des  abbayes  de  l'un  et  de  l'autre  sexe 
n'a  r  en  d'éionnant  pour  ceux  qui  savent 
quel  était  le  malheureux  élat  de  la  société 
en  Europe  pendant  le  \'  siècle  el  les  sui- 
vants. Les  monastères  étaient  non-seulement 
les  seuls  asiles  oii  la  piéié  pût  se  réfugier, 
mais  encore  la  seule  ressource  des  peuples 
opprimés  ,  déponillés  ,  réduits  à  l'esclavage 
par  li's  seigneurs  toujours  armés  et  achar- 
nés à  se  faire  une  guerre  continuelle.  Ce  fait 
esi  ait'  s(é  par  la  mullilude  des  bourgs  et  des 
villes  bâtis  autour  de  l'enceinte  des  abbayes. 
Les  peuples  y  oui  trouvé  les  secours  spiri- 
tuels el  lem|)nrels,  le  repos  et  la  sécurité 
dont  ils  ne  pouvaient  jouir  ailleurs.  . 

On  n'a  jamais  autant  déclamé  que  de  nos 
jours  conire  les  richesses,  la  sompluosilé, 
la  magnificence  des  abbayes  :  iian)s  nos  dic- 
tionnaiies  géographiques,  on  ne  manque 
jamais,  en  parlant  des  villes  ou  des  bourgs 
dans  lesquels  il  se  trouve  une  abbaye,  de 
faire  contraster  l'opulence  qui  y  règne  avec 
la  pauvreté  et  la  misère  des  peuples  du  can- 
ton, et  d'insinuer  que  c'est  ce  \oisinage  fai'al 
qui  ruine  les  colons. 

L'on  ferait  une  observation  à  peu  prè.s 
aussi  sensée,  si  l'on  mettait  en  opposition 
la  magniticence  du  châieaii  de  Versailles  cl 
le  luxe  de  la  cour,  a\ec  la  multitude  des 
pauvres  rassemblés  dans  celle  ville  ;  ou  la 
misère  répandue  sur  le  pavé  de  Paris,  avec 
la  suiiipluosiié  des  hôtels  des  grands  sei- 
gneurs et  des  financiers.  Les  pauvres  se  ras- 
semblent dans  «es  deux  villes,  parce  qu'ils 
espèrent  de  trouver  du  secours  dans  la  cha- 
rité des  princes  et  des  grands  :  ainsi,  les 
abeilles  se  répandent  sur  les  prairies  dans 
lesquelles  il  y  a  des  fleurs  à  sucer,  et  non 
dans  les  campagnes  labourées,  où  il  n'y  en  a 
point  Nous  [lensons  ((u'il  en  est  de  même 
des  abbuyes  el  des  riches  monastères,  el  que 
si  les  mis.  rahles  n'y  trouvaient  rien  à  ga- 
gner, ils  ir.iient  chercher  leur  subsistance 
ailleurs.  Les  réflexions  de  nos  censeui«  poli- 
ti(|ues  prouvent  |)récisémiînt 'le  Contraire  de 
ce  qu'ils  prétenilent. 

Il  vient  de  parai  re  un  ouvrage  intitulé  : 
Obscrcaliuns  dun  solitaire  c  loyeii,  dans  le- 
quel l'auleur  a  prouvé,  par  des  r  lisons  très- 
solides,  iju'à  n'envisager  les  abbayes   el  les 


monastères   que   sous  un  .Tsperl   politique, 
ces  élabli'-seriients   sont  très-;tvanl.i(îeux,  et 
qu'en  les  déiruisaiit  ou  en   chaiii^o.iiit    leur 
i      dcsiinatioti,  l'on  produirait  iieaucoup  plus  île 
Il      mai  que  (le  bii  n  ;  il  a  répondu  d'une  manière 
'       Irès-satisfaisanle  à  IduIcs  les  ohjrclions  que 
les  censeurs  de  l'état    monastique  ont  com- 
pilées dans  leurs  dissertations. 

Sans  entrer  ici  dans  un  jjrand  détail,  il  est 
évident,  l°(|ue,  dans  toutes  \es  abOnijes  et 
les  monastères  en  rè^Ie,  le  revenu  est  con- 
sumé sur  le  lieu  même  etdans  le  voisinage; 
au  lien  que  s'il  était  donné  à  des  séculiers, 
il  serait  dépensé  à  la  cour,  dans  la  capilale, 
ou  dans  quelqu'autre  demeure  éloignée  du 
sol  et  du  séjour  des  colons.  2°  Que,  par  le 
moyen  des  coinniendes,  il  n'est  aucune  es- 
pèce de  revenu  qui  soit  plus  immédiatement 
sous  la  main  du  gouvernement;  puisque  le 
roi  en  dispose  à  chaque  mutation,  et  (]ue 
l'on  peut  les  employer  à  l'utilité  publiiiuo 
par  des  réunions  ,  par  les  économats,  par 
des  pensions,  etc.  3°  Que,  dans  tuules  les 
calamiiés  quiallligent  les  campagnes,  il  n'est 
point  de  ress()ur<e  plus  prompte  et  plus 
certaine  que  celle  que  l'on  peut  trouver  dans 
les  abbai/es.  Si  l'on  fiiisail  une  liste  des 
bonnes  œuvres  (|ui  se  lont  joui  nellemcnt 
dans  ce  genre,  les  ennemis  des  im  ines  se- 
raient forcés  de  rougir  de  leurs  déclama- 
tions, i"  Que  ces  vastes  hàtiments  (|ni  in- 
sulient,  dil-on,à  la  misère  publique,  ont  été 
élevés  par  les  bras  des  ouvi  iers  du  cininn  , 
qui  y  ont  ainsi  gagné  leur  vie;  (lu'eii  cela 
l'on  s'est  conformé  au  senliment  de  nos  piii- 
losophes  politiques,  qui  soutiennent  que  la 
meilleure  espèce  (raumône  esi  de  faire  tra- 
vailler le  peup'e.  Il  y  .lurail  bien  d'autres  ob- 
servations à  l'aire.  Voi/ez  .Mo  ne,  Monastèriî. 
ABDAS.  [C'était  un  éveque  d'un  zèle  in- 
considéré, qui  mit  le  feu  à  un  temple  d'idoles.] 
Yoy.  Zfti.K. 

ABDËNAGO.  Vot/.  ENFANTS  dans  la  four- 
naise. 

ABDIAS,  lequatîième  desdouze  peiits  pro- 
phètes, vivait  sous  le  règne  d'Ezéchias,  vers 
l'an  726  avant  Jésus-Chrisi  ;  il  prédit  la 
ruine  des  Iduméens  et  le  retour  de  la  capti- 
vité de  Juda,  la  venue  du  Me-'Sie  et  la  voca- 
tion des  gentils;  mais  ces  dernières  prédic- 
tions ne  paraissent  pas  aussi  claires  que  les 
premières.  Il  ne  faut  pas  le  confondre  a\ec 
plusieurs  autres  AbdiiT^,  dont  il  est  p^rlé 
dans  l'Ecriture,  savoir  :  l'un  ceitain  Ab- 
dius,  intendant  de  la  mai-on  d'.\c  lab,  qui 
cacha,  dans  la  cavi me  d'une  moiitagne  à 
laquelle  il  diMina  son  nom,  cent  pio|ihèies, 
pour  les  sousiraiie  à  la  funur  de  Jé/abel  ; 
'i"  Un  intendant  des  linanccs  de  David  ;  3°  un 
des  généraux  d'aruK'e  du  même  roi;  k" 
un  léviie  qui  rétablit  le  temple  .sous  le  règne 
de  Josias. 

AuDus  de  Babylone,  auteur  supposé  d'une 
bistoiie  du  combat  des  apôtres.  Il  nous  dit 
dans  sa  préface  qu'il  avait  vu  Jésus-Clirisi  ; 
qu'il  etaii  du  nomlire  des  soixanie  et  douze 
discifiles;  qu'ilsuivit  en  l'erse  saint  Simon  et 
saint  Jude,  qui  l'ordonnèrent  premier  évo- 
que de  Babylone.   .Mais  en  même  ler,ii>s  il 


ABE 


(16 


cite  Hégésipi)e,  qui  n'a  vécu  que  cent  trente 
ans  après  l'ascension  de  Jésus-Christ,  et 
Veut  nous  faire  accroire  qu'ayant  écrit  lui- 
même  en  hébreu,  son  ouvrage  a  été  traduit 
en  grec  par  un  nommé  Kutrope,  son  disciple, 
et  du  grec  en  latin,  par  Jules  Africain,  qui 
vivait  en  2-21.  Ces  contradictions  démonirent 
que  le  prétendu  Abdias  est  un  imposteur. 
Wolfang  Lazius,  qui  déierra  le  manuscrit  de 
cet  ou\rage  dans  le  monastère  d'()^sali  en 
Carinihie,  le  fil  imprimera  Baie  en  1551, 
comme  un  monument  précieux.  11  y  eu  a  eu 
plusieurs  autres  é  litions.  sans  que  cette  his- 
toire en  ait  acquis  plus  d'autoriié. 

ABUlSSi,  ABUJESU  ou  EBEUJESU.  Voyez 
Chaloeens. 

ABECEDAIRES,  branche  d'anabaptistes, 
qui  prétendaient  quepourétre  sauvé  il  fallait 
ne  savoir  ni  lire,  ni   écrire.  Voyez  Anabap- 

TiSFES. 

ABEL,  second  fils  d'Adam.  Selon  l'histoire 
sainte,  Caïn  son  fils  aîné,  cultivait  la  terre; 
Abel  élevait  des  troupeaux  ;  le  premii  r 
olTrail  à  Dieu  les  fruits  de  1  agriculture  ;  le 
second  lui  présentait  la  graisse  ou  le  lait  des 
animaux  :  il  était  naiur.  1  que,  par  recon- 
naissance, les  hommes  fissent  à  Dieu  l'of- 
frande des  aliments  qu'ils  tenaient  de  sa 
bonté.  Dieu  ..gréa  les  dons  d'Ahel,  et  n'eut 
point  é^ard  àcenx  de  Gain.  Cel  li-ci,  jaloux 
de  la  prospérité  de  son  frère,  conçut  contre 
lui  une  li.iine  violente  et  le  tua. 

Les  rêveries  que  les  rabbins  ont  écrites 
sur  la  conduite  d'Abel  ne  méritent  aucune 
attention;  le  récit  simple  et  naïf  de  l'Ecriture 
donne  lieu  à  plusieurs  rélle\ions.  1°  Le  sort 
des  deux  II  ères  dut  faire  sentir  à  nos  pre- 
miers  parents  les  suites  terrib'es  de  leur 
pèche,  1  excès  des  misères  auxquelles  était 
couJamiiée  leur  postérité.  2°  La  destinée 
d'^l/>e/ .léuiontre  que  les  récompenses  de  la 
veilu  ne  sont  pas  de  ce  monde.  Dieu  avait 
dit  à  Caïn,  pendantiiu'il  méditait  son  crime: 
Si  tu  fuis  bien,  n'en  i-ecevras-tu  pas  la  récom- 
peitse?  Si  lu  fuis  mal,  (on  péché  s'élèvera 
contre  lui.  Cependant  yl';ei  reçoit  pour  tonte 
récompense  de  sa  piété  une  mort  violenie  et 
prématurée.  Dieu  a  donc  accompli  sa  pro- 
messe dans  une  autre  vie.  Selon  saint  Paul, 
Abel,  par  aa  foi,  a  offert  à  Dieu  de  mei  leurs 
sacnlices  que  Caïn  ;  par  là  il  a  mérité  le  nom 
de  ju.^te  ;  Dieu  lui-même  a  rendu  témoigna- 
ge à  ses  olVrandes,  et  parcetti;  foi  il  parle 
encoie  après  sa  mort.  Hebr.  xi,  4. 

(Quelle  a  pu  être  la  foi  A' Abel,  sinon  une 
ferme  crojance  à  la  vie  future?  Le  témoi- 
gnage que  Di,  u  lui  a  rendu  serait  illusoi- 
re ,  si  la  piete  d'Abel  etaii  frustrée  de  toute 
rccompeiise,  L'in  lulgence  avec  laquelle  Dieu 
traite  Caïn  après  son  crime  serait  un  nou- 
veau sujet  de  scandale.  Voi/.  Caïn. 

Comme  saint  Cyprien,  /.  de  Bono  patien- 
tiw,  a  I  ué  Abel  de  ne  s'être  pas  défendu 
contre  son  frère,  et  d'avoir  ainsi  donné  un 
prélude  de  la  constance  des  martyrs  et  de  la 
patience  des  ju  tes,  Barbeyrac  accuse  ce 
Père  n'avoir  détruit  par  la  le  droit  naturel 
d'une  juste  défense  de  soi-même.  Traité  de  la 
ntorale  des  Pères,  c.  8,  §  41. 


67  ABC 

Mais  \cdrnii  de  se.  défenûre  ci  V obligation 
de  le  faire,  est-ce  la  môme  chose  ?  lîarbeyrac 
convient  que  non  ;  qu  il  y  a  des  cas  dans 
lesquels  un  juste  peut  êUe  lou.ible  de  se 
laiss  r  nieîlrc  à  mort,  plutôt  iiue  de  tuer 
l'iiiiusle  agresseur;  il  donne  pour  exemple 
Jésiis-Cliiist  t't  les  niarlyrs.  La  queslion  est 
iKinc  de  savoir  si  i4/^e/ n'a  pu  avoir  aucun 
(iioiir  louable  de  se  laisserôler  la  vie  :  or, 
n<iu  soulei'ons  que  le  dessein  de  laisser  à 
son  frère  le  temps  de  faire  péuilence,  de 
diinr.er  à  ses  propres  enfants  un  exeniplo  de 
patience,  lie  retneltre  à  Dieu  seul  le  soin  de 
la  ïcniji'anee,  est  un  motif  très-louable,  et 
que  sùiit  Cyprien  n'a  pas  eu  tort  de  le  louer. 

Von.  DkFKNSi;  de    SOi-MÉMR. 

AHliLIENS,  AliELOniiS.  secle  d'béréli- 
ques  assez  obscurs  et  en  petit  nombre,  qui 
onl  subsisté  penilant  quelqu;'s  ann,  es  auprès 
d'Hippone  en  Africjue.  Quoique  maries,  ils 
s'abstenaient  de  tout  commerce  conjugal  avec 
leurs  femmes,  le  molif  de  cette  conduite  bi- 
zarre éiail  probablement  d'imilrr  la  cbaslelé 
d'Al  el,  que  l'un  suppose  n'avoir  jamais  eu 
d'enfants.  .Mais, outre  l'incer  iliide  de  ce  fait, 
il  aurait  été  plus  simple  de  s'abstenir  du  ma- 
riage. Celte  continence  mal  ontenilue  ne 
pouvait  manquer  de  produire  bientôt  du  dé- 
sordre dans  un  climat  tel  que  l'Afrique. 
Quels  qu'aient  pu  cire  leurs  nmlil's,  ils  ne 
valaient  pas  la  peine  que  plusieurs  éirivains 
se  sont  donnée  pour  les  deviner.  S.  Aug., 
de  Hier.,  n.  87. 

Mosheim ,  Hist.  ccclénnst.,  w  siècle, 
part.  II,  c.  5,  n.  18,  a  pris  les  Aûélien^  pour 
une  secte  de  gnostiques.  Il  nous  paraît  (ju'il 
s'est  liooipé.  Saint  Augustin  parle  de  ceux 
d'Afrique  comme  d'une  secte  (jui  venait  de 
s'éieiudre  ,  et  qui  n'avait  pas  duré  long- 
temps. 

AlitJAUE,  roi  d'Edcsse,  ville  de  la  Mcsopo- 
laniie,  est  connu  dans  l'histoire  ccclésiasli- 
que  p,ir  ce  (|ue  liusèbe  eu  rapporte,  liv.  !, 
c.  13;  il  <lit  que  ce  roi  écrivit  à  Jcsus-Clirist 
pour  le  ]:ricr  de  venir  le  giiérir  d'une  mala- 
die :  que  le  Sauveur  lui  fit  réponse  et  promit 
de  lui  envoyer  un  de  ses  disciples;  qu'après 
l'ascension,  saint  'l'hoiuas  envoya  en  clîet 
saint  Tliadée,  qui  guérit  Abgare  el  convertit 
la  Ville  (l'iulessc.  Kusôbe  rapporte  la  lettre 
et  la  I épouse,  et  prétend  les  avoir  tirées  des 
arrbives  de  la  ville  d'Edesse. 

Ue  savants  critiques  ont  regardé  ces  deux 
pièces  cnni  ne  supposées  ;  Tillcmonl,  Cave 
et  d'aulres  ,  les  rcg;)iveul  comme  aullien- 
liques  et  répondent  aux  dillicultés  ([u'on 
leur  oppose.  Mosheim  n'oserait  garantir 
l'auliienlieité  de  ces  deux  leltres  ;  mais  il 
ne  voit  auiuno  raison  de  rejeii^r  l'Iiisloiro 
qui  y  a  donné  lieu.  D'autres  prolestants  plus 
hardis  s'inscrivent  égaieinent  en  faux  coiitro 
l'histoire  el  cnnlre  les  lettres;  mais  ils  n'al- 
lèguent (jUi;  des  prcMives  négaiives. 

Jl  n'csl  I  as  fort  nécessaire  à  un  tir  olo- 
gien  de  prendre  parli  dans  celte  dispute,  qui 
csl  dans  le  foml  très-imlilléreiile  a  la  reli- 
gion clirélienne.  On  ne  fonde  sur  ce  mo- 
nument aucun  fait,  aucun  dogini',  aucun 
point  de  morale,  €l  c'est  pour  cela  même 


ABI 


6â 


qu'il  ne  parait  pas  probable  que  l'on  ait 
fait  une  supercherie  sans  motif.  La  lettre 
d'Abgare  i  ourrait  fournir  une  preuve  de 
plus  de  la  réalité  de  l'éclat  des  miracles  de 
JésiiS-Clirist  ;  mais  nous  en  avims  assez 
d'aulres  pour  pouvoir  aisément  nous  pa>ser 
de  celle-là.  Voyez  les  notes  Variorum  sur 
VHist.  Ecclés.  d'Eusèbe,  etTillemont,  loin.  I, 
pag.  3G0  et  sniv. 

ABIATHAR,  fils  d'AchimeUrh,  fut  le  .li- 
xième  graml-prélre  des  Juifs,  depuis  Aaron. 
Il  est  dit ,  /  Reg-,  c.  22,  v.  18  et  suiv.,  (juc 
Saiil  ayant  appris  (|u'Acbimelecb  avait  four- 
ni à  David  des  vivres  et  une  cpée,  fil  massa- 
crer ce  sacrificateur  el  tous  ceux  de  la  ville 
deNobé,  au  nombre  de  quaire-vingl-cinq 
hommes,  et  fil  passer  Ions  les  habitants  de 
cette  ville  au  fil  de  l'épée;  qu'un  fils  d'Aclii- 
nielech,  nommé  Ahiathar,  se  sauva  auprès 
de  David,  qui  le  prit  sons  sa  protection.  De 
là  on  a  conilu  qu'il  y  eut  alors  deux  grands- 
prètres  ;  savoir  :  Sadoc  dans  le  parti  de 
Saùl,  et  Abiathar  dans  celui  de  David.  Sous 
le  règne  de  Salooion  ,  Abiaihar  s'élant  al- 
laché  au  parli  d'Adonias,  fut  piivé  du  sacer- 
doce et  relégué  à  Analboth. 

Mais  il  est  dit  dans  saint  Marc,  c.  ii,  v. 
26,  que  le  fail  de  D  ivid  arriva  so'is  le  grand-  1 
prêtre  Abiathar.  Comment  cela  s'acC'  rde-l-il 
avec  le  jireinicr  livre  dus  Uois  qui  nous  ap- 
prend que  ce  fui  sous  Achimelecb?  —  On 
répond  ordinairemeni,  1°  (]ue.  sous  le  règne 
deSiiil,  .46i(i(/iar  exerçait  déjà  le  souverain 
sacerdoce  conjoinlemenl  avec  son  père,  et 
que  cela  s'est  vu  plus  d'une  fois  ;  qu'ainsi 
l'évangéliste  a  pu  nommer  l'un  ou  l'autre 
indilTéremment.  "2"  Que  comme  Abiaihar  a 
été  revêtu  de  cette  dignilj  pendant  tout  le 
règne  de  David,  et  même  pendant  la  pre- 
mière année  de  Salomoii  ,  il  élail  plus  con- 
venable de  le  nommer  que  son  père. 

Mais  un  auteur  anglais,  nommé  Wislon, 
a  résolu  anlremenl  ci;tte  dilfieullé;  il  sou- 
tient qu'Acliimeleeh,  el  son  lils  Abiaihar,  dont 
il  est  parlé  dans  le  livre  des  Hois,  ne  sont 
point  deux  grands-piélres,  mais  de  simples 
sacrificateurs,  aussi  bien  que  les  autres 
prêtres  de  la  ville  de  Nobe,  que  Saiil  fil  mou- 
rir. En  effet,  ni  l'un  ni  l'antre  ne  sont  ap|)e- 
lés  grands-iirclres  ,  mais  seulement  sacrifi- 
cateurs, el  il  n'est  pas  probable  i|ueSaùl  eût 
osé  faire  massaerei"  ileiix  giauds-prétres. 
Wislon  prétend  encore  qu'il  y  a  eu  deux 
grancis-prélres  noninits  Abiaihar ,  l'un  sous 
Saul,  el  qui  était  frère  d'Acliimelecli  ;  l'aulre 
s  lUS  David  et  sous  Salomun,  et  qui  était  fils 
d'Acbim.  Ici  h;  mais  qu'ils  ne  sont  point  les 
mômes  personnages  que  les  sacriiicateurs 
de  iNobé  donl  il  est  question  dans  le  xxi" 
cbap.  du  i"  livie  des  Hois.  Voyez  la  Bible 
de  IJi  lis  sur  cet  endroit. 

AilS.ME,  ou  plutôt  AnvsME  ,  formé  d'« 
[irivatil  «it  de  Sùairi,-,  fond  ;  il  signifie  sans 
fijuil.  Ce  mol  se  prend  lians  l'Ecriture,  i' 
p  lur  l'imineusilc  des  eaux  ijui  environnaient 
le  g. obi'  de  la  terre  au  moment  de  la  créa- 
tion, el  avant  i]ue  Dieu  les  eût  renfermées 
dans  un  même  lit.  Gènes.,  c.  i,  v.  2  e,  9.  2° 
Pour  la   mer  ;   en   parlant  du  déluge,  il  est 


6!) 


ÂBJ 


ABL 


70 


«lit  qnç  les  spurros  da  grand  abiine  furent 
loiiipups,  c'esl-à-ilire,  que  la  mer  snrlil  de 
;.  \)  h\.  (lenen.,  r.  vu  ,  v.  11.  An  sujnt  des 
r;ry|i|iciis  siihine  gi's  dans  la  mer  Uougi', 
Miiï^ie  dit  qu'ils  ont  élé  eoiiverls  par  les 
nbiiiirs.  Eriiil.  xv,  5,  etc.  3°  Pour  les  lieux 
les  plus  proioiids  de  la  mer.  Eccli.  i,  2.  4.° 
Pour  l'eiifer.  Il  est  représenté  comme  un 
f;)u!T.e  pl.^cé  sous  les  eau"c  et  vers  le  centre 
de  la  liTre,  dans  leipiel  sont  renleniiés  les 
ioipies,  les  géanls  ()iii  ont  fait  Irembler  les 
peu|)les,  lis  rois  de  Tyr,  de  liabylone,  d'K- 
^'\|)le,  touj  Mirs  vivants,  et  portant  la  p(!ine 
de  li'ur  orgueil  et  de  leur  cruauté.  Isaïe, 
parlant  de  la  mort  du  roi  de  Babyloue,  lui 
adffiss'  ainsi  la  parole  :  Ton  arrivée  a  trou- 
blé les  enfers,  a  ériillé  les  géanis  :  les  rois  des 
initions  se  sont  levés  de  leurs  siéi/es  :  ils  te  (li- 
ront :  Te  voilà  donc  bissé  aussi  bien  que 
nous,  et  devenu  scmbloble  à  nons;ton  orgueil 
a  été  pré('ip\:é  aux  enfers.  Ion  cadavre  est 
tombé;  il  sera  la  proie  de  la  pnurriure  et  des 
vers.  etc.  {Isaie,  xiv,  9  et  suiv.)  Ezéchiel 
dit  la  même  chose  <lu  roi  ilc  Tyr,  cliap. 
sxviii,  V.  8;  du  roi  d'Kgypl'"  el  de  ses  sujets, 
c.  XXXII,  V.  18gI  suiv.  L'abîme  est  au^si  pris 
pour  l'enfer  dans  l'Apocalypse,  c.  ix,  xr, 
XX,  etc. 

Les  conjectures  des  savants,  sur  la  ma- 
nière dont  les  Hébreux  eoneev.iient  le  centre 
de  la  terre  ou  !'•  fond  de  l'obhne,  la  source 
des  fontaines  el  des  ri^ières,  etc.,  nous  im- 
portent lortpeu;  il  nous  surfil  de  présenter 
le  sens  lilléral  el  naturel  des  livres  saints  :  il 
en  résulte  que  ceux  qui  ont  assuré  que  les 
anciens  Hé'renx  [l'av.ienl  aucune  idée  de 
l'enfer  se  sont  (rompes.  Voi/.  li.Nriiu. 
ABISSINS.  Voy.  Ivihiop.i;\s. 
AliJUUATlON,  est  le  serment  par  lequel 
un  liérélique  converti  renonce  à  ses  erreurs 
e!  fail  profession  de  la  foi  catlioli(;ue  ;  celle 
cérémonie  est  nécessaire  p;>ur  qu'il  puisse 
être  absous  des  censures  qu'il  a  encourues, 
el  cire  rccuncilié  à  l'Iiglise, 

Les  protestants  ont  souvent  tourné  en  ri- 
dicule les  Ciinver-ions  et  les  abjurations  de 
ceux  d'entre  euK  qui  rentrent  dans  le  sein 
de  l'Iiglise  calbolique;  pour  prévenir  cette 
espèce  de  désertion,  ils  ont  po-é  pour  maxime 
qu'un  bonnêle  ho.iune  ne  change  janiiis  de 
religion.  Ils  ne  voii  ni  pas  qu'ils  couvrent 
d'ignominie,  non-seulement  leurs  pères,  mais 
les  apôtres  de  la  prétendue  réforme,  qui  ont 
certainement  cliangc  de  religion,  et  qui  ont 
engagé  les  autres  à  en  chinger;  ils  rendent 
snspccles  lesconvi"rsioi\s  des  juifs,  des  m;:ho- 
méliins,  des  païens,  qui  se  font  prolcslanls  ;  et 
leur  censue  relombe  même  sur  tous  ceux 
qui  se  sont  convertis  à  la  prédication  des 
apôtres.  Leur  maxime  ne  peut  être  Ion  Ice 
que  sur  une  indifférence  absolue  pour  toutes 
les  religions,  pnr  consc(|uent  sur  une  incré- 
dulité décidée,  roj/fs  GoNVEnsroN  (1). 

(1)  L\  seule  religion,  dit  M.  Laval,  qni  ait  droit  de 
dire:  iNe  changea  p;is,  est  celle  c|ui  n':i  jamais 
cliangé.  Mais  que  fut  le  proteslanlisnie  à  son  ori- 
gine, siimii  un  grand  cliaii?iineiit  dans  la  rel  gion? 
Uii'est-it  dans  mnie  son  liisioire,  qu'une  sniie  de 
chancemeut  où  l'on  voit  les  dogmes,  les  confessions 


ARLUTION.  C'est  l'action  de  se  laver  le 
corps,  ious  les  peuples,  dans  tous  les  temps, 
ont  compris  (|ue  l;i  propréjé  du  corps  ctail 
le  sy  iibole  de  la  propreté  de  l'àmc;  que  le 
péché  pouv.iil  élie  envisagé  comme  une  ta- 
che de  la  conscience  ;  (ju'en  se  lavunt  le 
corps,  un  liouime  témoigne  le  désir  qu'il  a  de 
se  purifier  l'âme.  Ainsi  les  ablutions,  très- 
nécessaires  à  la  sauiédans  lesclimatschands, 
où  l'on  ne  coimaissait  pas  l'usage  du  linge  , 
sont  devenues  un  acte  ic  igieux  universel- 
lement pratiqué.  A-l-un  cru  pour  cela  que 
celte  cérémonie  avait  la  vertu  d'effacer  le  pé- 
ché aux  \eux  delà  Divinité?  Si  les  ignorants 
l'onl  pensj',  les  sages  du  moins  ont  sentj 
qu'un  rite  extérieur  ne  peut  être  efficace 
qu'autant  qu'il  est  accompagné  d'un  senti- 
ment intérieur  de  |  éniience. 

Il  parait  (jue  les  ablutions  ont  été  en  usage 
chez  les  patriarches,  puisqu'il  enestpailé 
dans  le  livre  de  Job,  ch.  ix,  v.  30.  Moïse  en 
pre>crivil  aux  Juifs  un  grand  eombre;  Jc- 
sus-Clirist  les  a  consacrées  en  donnant  au 
baptême,  conféré  en  son  nom,  la  force  d'ef- 
facer le  pérhé.  Voyez  Baptême.  L'Eglise, 
aniuiée  par  le  même  esprit,  a  conservé  l'u- 
sage de  l'eau  bénite.  On  sait  que  les  païens 
piati(|uaicnl  aussi  différentes  espèces  d  ablu- 
tions; que  les  mahomélans  se  lavent  plu- 
sieurs fois  le  jour,  surtout  avant  la  prière; 
que  les  peuples  les  plus  grossiers  pensent 
sur  ce  sujet  comme  les  nations  les  plus 
éclairées. 

•  list-ce  une  superstition  générale  qui  a 
saisi  tous  les  esprits?  Quiconque  se  per- 
suade que,  pour  effacer  le  crime,  il  sulGl  de 
se  laver  le  corps,  sans  avoir  aucun  senti- 
in<'nt  de  com(ionction  et  de  regret,  sans  au- 
cun d.sir  de  se  corriger,  est  superstitieux 
sans  doute;  il  abuse  d'un  signe  destiné  à  lui 
rappeler  ce  qu'il  doit  faire  intérieurement: 
mais  l'abus  dans  aucun  genre  ne  prouve  rien 
contre  un  usage  utile  en  lui-même,  il  n'est 
aucune  institution  de  laquelle  on  ne  puisse 
abuser;  l'ignorance,  la  slupidi lé,  l'iiypocri-ie, 
ne  prescriront  jamais  contie  les  signes  na- 
turels de  la  pié.é  cl  de  la  religion.  Vuyez 
Expiât. OJis. 

En  terme  de  liturgie,  l'on  nomme  ablution 
l'eau  et  le  vin  que  le  prêtre  met  dans  le  ca- 

defoi,  les  sectes,  perpétnellement  varier?  Pourquoi 
le  prolest  iiuisiiie,  (pu  eliange  sans  cesse,  voudrail-il 
nous  défendre  de  lelnurner  5  l'I-iglise  gni  n'a  jamais 
cliaiigé.  t>()nrqiioi  denieurerions-ieius  obslMiéaient 
aUacliés  à  loiiles  ces  (  irconslauces?  et  reiurer  dans 
l'Iiglise,  qn'esi-ce  autre  chose  qne  mettre  (in  pour 
soi  à  tons  res  cliangeinents  pour  se  lepirser  enlin 
dans  l'antique  foi  ?  C'e^l  lui  (|ui  a  voulu  en  changer; 
nous  ne  faisons  ipi'y  revenir.  Sans  duiiie  si  on  «p.dl- 
(ait  une  secte  p'iureiiirer<laiis  iineanne,  ce  serait  une 
cliose  biin  vainc  :  car  toutes  les  sectfs  prolebUinles 
étant  également  dépourvues  d'autorité,  on  lelrouve- 
rait  dans  mutes  les  autres  incertitude  :  mais  sortir 
du  (iroieslantisiiie  pour  rentrer  dans  l'Eglise  cailio- 
lique,  c'est  passer  des  vaiiaiions  .à  la  croyance  inva- 
riable, des  divisi  MIS  à  l'unité,  de  l'erreur  qni  est 
d'Iiier,  à  (a  vérilé  qui  est  dr;  (ous  les  temps;  c'est 
pa^ser  du  doute  .i  la  oi,  c'est  soriir  de  la  mort  pour 
recouvrer  la  vie.  (  Leiire  de  M,  Laval,  ci-devant  mi- 
nistre à  Condé-sur-JS'oireau.)^ 


•Jl 


ABR 


Jice  nprès  la  communion,  afin  qu'il  n'y  reste 
rien  «lu  vin  consacré.  11  cnnvienl  de  lenir 
dans  la  plus  grande  propreié  les  vase*  des- 
liné<  à  coiiti'iiir  l'Eucharisiie. 

ABNÉGATION.  lU'noncernent  à  sni-mêmo. 
Jésiis-Clirisl  dii  dans  l'Evangile:  Si  quel- 
qu'un veut  venir  après  moi,  qu'il  renonce  à 
lui-même,  qu'il  porte  sa  croix  et  me  siiire. 
Par  là  le  Sauveur  nous  ordoiine-t-il  d'clouf- 
fer  l'amour  de  nous-tnérai'S  et  de  notre  bon- 
heur, de  renoncer  à  notre  intérêt  bien  en- 
tendu ?  Niin,  sans  doute,  puisqu'il  nous 
invile  à  la  venu  par  l'attrait  de  la  récom- 
pense et  du  bonheur  qu'il  nous  promit,  con- 
séqiieminent  par  un  motif  d'intérêt  très  so- 
lide. Il  veut  donc  que  nous  renoncions  à 
l'amour  de  nous-mêmes,  aveugle,  et  mal 
réglé,  à  nus  passions,  à  no-,  inclinalions 
vicieuses,  que  nous  confondons  mal  à  pro- 
pos avec  noire  intérêt.  Un  june  s'aime  plus 
véri.ablemeni,  et  entend  mieus  ses  iiitérêls 
qu'un  pécheur;  le  premier  cherche  le  viai 
bonheur  et  II- trouve  ;  le  second  le  rherche 
où  il  n'est  pas,  et  ne  le  trouve  ni  en  ce  monde 
ni  en  l'anlre.  Voyez  Rf.noncemknt. 

ABOMINABLE,  ABOMINATION.  Il  est  dit 
dans  l'hisioire  sainte  que  les  pasteurs  de 
brebis  étaient  en  abomination  aux  l'-gyp- 
tiens.  Moïse  répond  à  Ptiaraon,  leur  roi,  que 
les  Hébreux  doivent  immoler  au  Se  gneur 
les  abominations  des  Egyptiens,  c'est-adirc, 
leurs  animaux  sacrés,  les  bœufs,  les  bouC', 
les  agneaux,  les  iiéliers,  dont  le  sacrifice 
devait  paraître  abominable  aux  Egyptiens. 
L'Ecriiure  donne  ordinairemenl  le  nom  d'a- 
bominalion  à  l'iilolâtrie  et  aux  idoles,  tant 
à  cause  que  le  culie  des  idoles  est  en  lui- 
même  une  chose  abominable,  que  parce  qu'il 
élait  pre-que  toujours  accomijagne  de  dis- 
solutions et  d'actions  infâmes.  Moïse  donne 
aussi  le  nom  à'abominubles  aux  animaux 
dont  il  interdit  l'usage  aux  Helireux. 

L'abomination  de  la  désolation,  ou  plutôt 
Yabominalion  ilésolante  prédite  par  Daniel, 
ch.  IX,  v.  27,  marque,  selon  plusieurs  inter- 
prèles, l'idole  de  Jupiter  Olympien  qu'Antio- 
chus-Epiphane  fit  placer  dans  le  temple  de 
Jérusalem.  La  même  abomination  dont  il  est 
parlé  dans  saint  Matthieu  ,  ch.  xxiv,  v.  15, 
dans  saint  Marc,  ch.  vi,  v.  7,  et  que  l'on  vit 
à  Jerusiilem  |>endanl  le  dernier  si,  g<^  d.'  cctie 
ville  par  les  Komains,  sont  les  enseignes  de 
l'armée  romaine,  chargées  des  ligures  de 
leurs  dieux  et  de  leurs  cmpereuis,  nui  fu- 
rent placées  dans  la  ville  et  dans  le  temple, 
lorsque  1  ite  s'en  fut  rendu  maître. 

AiSBA,  dans  lEciiture,  signilii-  une  tille 
d'honneur,  une  suivante,  la  servante  d'une 
femme  de  condition.  Ce  nom  est  donné  aux 
filles  de  la  suite  de  Uébecea,  à  cel.es  de  la 
fille  de  Pharaon,  à  relies  de  la  reim^  Esiher, 
à  la  servante  de  Ju'lilh.  <^e  n'est  di  une  sim- 
ple esclave,  ni  une  tille  de  peine,  mais  pluiôt 
une  femme  de  chambre  ou  une  lille  d'atour. 

ABBAHAM.  Les  divers  événements  de  la 
vie  de  ce  patriarche,  les  discussions  chro- 
nologiques sur  son  âge  appartiennent  à 
fhistuirc  ;  nous  ne  devons  parler  (jue  des 
circouttaocet    qui   psuveul  donner   lieu   à 


ABR  7i 

des  objectio'is  théolo:;iques;  le?  autres  ont 
éié  écliircies  Je  nos  jours  par  plusieurs  sa- 
vants (i). 

Pouniuoi  Dieu  a-t-il  choisi  un  Chaldéea 
pour  se  f.iire  connaître  à  lui  el  à  sa  posté- 
rité, pour  se  faire  la  tige  de  son  peuple  chéri, 
plutôt  qu'un  Grec,  un  Bomain,  un  Chinois? 
Patce  que  Dieu  élait  le  maître  de  son  choix; 
quel  que  fût  le  personnage  qu'il  eût  préiéré, 
la  même  objeriion  reviendrait.  Ceux  qui  di- 
seui  que  c'est  un  trait  de  pariialilé,  une  in- 
juste prédiiectioii  de  la  part  de  Dieu,  n'en- 
tendant pas  les  termes.  Dieu  ne  doit  à  per- 
sonne telle  ou  telle  mesure  de  bienf.iits 
naturels  nu  surnaturels,  de  faveurs  spiri- 
tuelles ou  temporelles;  ce  qu'il  accorde  à 
l'un  ne  diminue  pas  la  portion  qu'il  veut 
donner  à  un  autre,  et  ne  lui  pore  aucun 
préjudice;  la  distribution  inégale  de  bien- 
faits purement  giatuits  n'est  donc  ni  une 
injusiiee,    ni   une  partialilé.  Voyez    Accep- 

T  ON  UE  PliRSONNES,  JUSTICE  DE  DiEU,  PàR- 
TIALITIÎ. 

Quelques  auteurs  ont  avancé  qu'Abraham, 
avant  '-a  vocation,  était  idolâtre;  ils  ont  cité 
eu  preuve  ce  passage  de  Josué.  ch.  \xiv,  v. 
2:  Vos  pères  ont  lia'iilé  un  delà  du  fleuve, 
l'Iinré,  pire  d'Abrah  iin,  et  Naclior  ;  el  ils  ont 
servi  dis  dieux  éli anijers.  Mais  celle  accusa- 
tion ne  peut  tomber  que  sur  Tharc  et  sur  Na- 
chor.  Abraluim  est  disculpé  dans  le  livre  de 
Judiih,  cil.  V,  v.  G  ;  il  y  est  dit  :  Les  Hébreux 
sont  un  peuple  uriijinuire  de  la  Chaldée:  ils 
ont  demeuré  d'abord  dans  la  Mésopotamie, 
parce  qu  ils  n'ont  pas  voulu  suit  re  les  dieux 
de  liurs  pères,  qui  étaient  dans  le  pays  des 
Clii'l:icens.  Ainsi,  en  renonçant  à  la  reïiijion 
de  leurs  pères,  qui  ndmellat'enl  plusieurs 
dieux,  ils  ont  adoré  le  Dieu  du  ciel,  qui  leur 
a  commande  de  sortir  de  là  etd'allir  demeu- 
rer à  Cliaran.  Cela  ne  peut  s'entendre  que 
iVAbtiiliam,  puisque  c'est  à  lui  (|ue  Dieu  or- 
donna de  (luiiler  son  pays  et  sa  famille;  et 
il  est  probable  que  dès  ce  moment  son  père 
Thare,  qui  le  suivit,  cessa  d'être  idolâtre. 
La  fidéliié  d' Abrnliain  à  n'adorer  que  le  seul 
Dieu  du  ciel  peui  être  une  îles  raisons  pour 
lesquelles  Dieu  l'a  choisi  pour  être  la  lige 
de  son  peuple. 

Dans  plusieurs  endroits  de  l'Ecriture, 
Dieu  (Si  nommé  le  Dieu  d'Abraham;  les  au- 
teurs sacres  ont-ils  voulu  insinuer  par  là 
(|uc  Dieu  aliandoniiait  les  autres  hommes 
pour  ne  protéger  que  le  seul  Abrahnm;  que 
c'est  un  Dieu  local  dont  la  providence  ne  s'é- 
lemlait  que  sur  une  seule  famille  ?  Non  sans 
doute.  Cila  si.nilie  seulenirnt  que  le  vrai 
Dieu  était  seul  adoré  par  ce  pairiari  lie,  jien- 
daiil  que  la  plupart  des  peuplade»  déjà  for- 
mées ulTraienl  leur  encens  à  des  dieux  iuia- 

(I)  En  fou  Ihini  dans  les  religions  .incienneà  de 
l'Asie,  lin  II  lioiiv'é,  :i  une  époipie  iiiiiérieiire  à  l'ère 
tliiéiieiine,  ils  rcsseiiililiiiiees  [lus  ou  iiiiiins  gr:iii- 
de>,  dis  iniuliigies  |iliis  nii  iiiniiis  parlailes  uvec  nos 
cri)yaiice>  cl  mis  pr.iliipies,  ;ivee  les  poisoiwiiiges  les 
plus  fumeux  de  l'aiicicii  Tesuimunt.  Les  ciiiieinis  de 
nuire  lui  nul  cru  y  iroiivcr  une  preuve  que  la  reli- 
gion juive  cl  la  reln;i()ii  cliréiieniie  ,  sont  des  doc- 
trines d'urigine  indienne,  plu;>  parfaites,  plus  épurées, 


73 


ABU 


ABR 


71 


{jiiinircs.  Lorsqu'un  chréden  dit  au  heiçneur: 
roHS  Hes  mon  Dieu,  il  snit  bien  que  Dieu  est 
aussi  le  créiUeur,  le  père  cl  le  bii'nfaileur 
des  autres  hommes. 

Il  semble  d'abord  qu'Abraham  se  rendit 
coupable  de  mensonge,  en  disant  au  roi  d'E- 
gypic  et  au  roi  de  (iérare,  que  Sara  était 
sa  sœur,  pendant  qu'elle  était  son  épouse. 
Ce  soupçon  n'a  plus  lieu  lorsqu'on  (ait  at- 
tention qu'en  hébreu  le  même  tenue  désiffiie 
une  sœur  et  une  prorhe  parente,  une  nièce 
ou  une  cousine;  les  Hébreux  n'avaient  pas, 
comme  nous,  des  termes  propres  pour  dési- 
gner 1rs  divers  degrés  de  parenté.  Voy. 
Frère,  Soelr. 

Plusieurs  interprètes  ont  pensé  que  Sara, 
épouse  WAhraham,  était  véritablement  sa 
sœur,  issue  d'un  même  père,  mais  non  d'une 
même  mère;  ce  sentiment  n'est  pas  proba- 
ble. Dans  le  temps  où  vivait.  Abraham,  de 
pareils  mariages  étaient  déjà  censés  inces- 
tueux; ils  ne  pouvaient  plus  être  excusés 
par  la  nécessité,  parce  que  le  genre  humain 

plus  coniplèics  que  les  religions  orientales;  mais 
piircineiil  liiiinaim-s,  vaiiables  avec  le  leinps,  el  per- 
ieclililes  (le  siècle  en  s;éolfi.  Les  amis  do  notre  foi 
y  onl  VII  pour  l'Kglise  la  snnri  e  d'un  iionvc.iu  irinm- 
plie.  MM.  Kiamlioiirg,  Sionnel,  Paravpy,  limineliy, 
n'ont  poiiU  nié  les  analogies.  Ils  se  sont  etTorcés  de 
prouver  que  la  Bible  n'a  pas  été  puiser  dans  les  Ir- 
vrcs  persans  el  indiens  ;  mais  que  eenx-ci  ont  puisé, 
suit  dans  la  tradition,  soit  dans  les  livres  de  l'Ancien 
Tesiameiit.         , 

Nous  avons  à  examiner  un  point  de  celte  grande 
question.  Abraham  esl-ii  le  même  personnage  que  le 
Brama  des  Indiens  ei  ribrahiin  des  Pers;ins?  —  Ce 
qui  pourrait  nous  porter  à  les  conlondre,  c'est  d'a- 
bord la  ressemblance  des  noms.  C'est  ensuite  la  vie 
de  ces  personnages.  Ils  l'orulenl  Ions  les  trois  i\n 
nouveau  peuple,  une  nouvelle  religion,  une  nouvelle 
législature  (car  li's  traditions  rabbiniques,  une  ins- 
cription chinoise  qui  remonlc  à  près  de  5U0  ans 
avant  Jésiis-i;hrisi,  renréscnionl  Alirnliam  comme 
un  législateur dnnlMoîseécriviilaloi.)Ces  lois,  dans 
beaui  oup  de  points,  ont  une  analogie  frappante.  Nous 
avouerons  ingénument  que  nous  n'avons  pas  assez 
de  science  pour  discuter  ces  faits,  el  conséquemment 
pour  porter  un  jugement.   Nous  dirons  seulement  : 

1°  Les  dispersions  du  peuple  juif  remontent  à  une 
Irès-haule  anllquilé;  elles  préièdeul  prohablenicnt 
l'époque  où  fureiil  écrits  les  livres  sacrés  des  Perses, 
des  Indiens  cl  des  Chinois.  Car  il  est  coiislanl  que 
les  Juifs  étaient  en  Clilne  700  ans  avant  Jésus-Christ. 

—  :2'' Les  prophètes  ei  les  snges  Juifs  avaient  une 
connaissance  exirêmeinenl  développée  des  mystères 
el  de  la  doeirine  que  Jésus-Clirisl  devait  nous  révé- 
ler complètement.  Ils  ne  se  conieniaieni  pas  de  ré- 
server pour  eux-mêmes  ces  grandes  vérités  :  il  les 
communiquaient  aussi  aux  sages  du  pa;!anisnie, 
comme  une  lotile  de  monuments  en  rournissenl  la 
preuve.  (Voy.  les  Annales  de  philosophie  chrétienne.) 

—  5"  L'assertion  des  auteurs  qui  prétendent  cduIoii- 
dre  Abraham  avec  le  Brama  des  Indiens ,  ii'élant 
appuyé  sur  aucun  fondement  siilide  et  positif,  ne 
peut  détruire  la  croyance  ancienne  el  universelle 
d'un  lait  environné  de  lonles  les  preuves  que  peut 
exiger  la  plus  sévère  criiii|ue,  de  l'existence  d'A- 
braham comme  pèiedu  peuple  de  Dieu. 

Ces  trois  onservalions  nous  paraissent  rendre  suf- 
fisamment raison  ,  f  des  nippons  de  ressemblance 
qui  existent  entre  Abraham,  le  Brama  des  Imlieiis 
ei  ribrabiiu  des  Perses  ;  2°  de  l'existence  certaine 
Cl  piisilive  du  père  des  croyants. 

DiCT.  DE  Théol.  dogmatiode.  I. 


était  déjà  suffisamment  multiplié.  D'ailleurs, 
la  conduite  d'/16rfi/(am,  qui,  pour  cacher  sou 
mariage  avec  S.ira,  l'apiielle  sa  sœur,  sem- 
ble prouver  que  les  peuples  au  milieu  des- 
quels il  vivait  ne  croyaient  pas  qu'un  frère 
ptit  épouser  sa  sœur.  Ainsi  nous  pensons 
que  Sara  n'él&it  que  la  nièce  d'Abraham  ;  il 
a  pu  dire  néanuioins  qu'elle  était  fille  de  xun 
père,  puisqu'elle  en  était  la  petite-fille.  11  y 
a  sur  celle  question  une  dissertation  dans 
les  Mémoires  de  Trévoux,  an  1710,  juin, 
pas.  I0o3. 

Uarbeyrac  soutient  que  le  discours  A'A- 
ftrn/iom  était  du  moins  une  équivoque  équi- 
valente à  un  mensonge,  puisr|ue  ce  patriar- 
clie  en  faisait  usage  afin  de  tromper  les 
Egyptiens  et  de  leur  cacher  que  Sara  était 
son  épouse.  A  cela  nous  répondons  que  taire 
la  vérité  à  des  gens  qui  n'ont  aucun  droit 
de  la  demander,  n'est  point  un  mensonge, 
lorsqu'on  ne  leur  dit  rien  de  faux;  autre- 
ment il  ne  serait  janiais  permis  de  se  débar- 
rasser des  questions  (l'une  insdisrrète  cu- 
riosité. 11  est  fort  étonnant  que  Barbcyrac, 
qui  d'ailleurs  est  d'une  morale  si  relâchée 
touchant  le  mensonge  officieux,  soit  si  sé- 
vère censeur  de  la  conduite  A' Abraham  et 
de  celle  des  Pères  qui  ont  voulu  disculper  ce 
patriarche. 

Mais  n'était-ce  pas  exposer  la  pudicité  de 
Sara  que  de  dire,  en  pays  étranger,  qu'elle 
était  sa  nièce  ou  sa  parente,  au  lieu  d'a- 
vouer que  s'était  son  épouse?  j46ra/irtm  du 
moins  ne  le  pensait  pas  ainsi;  il  craignait 
que,  s'il  déclarait  sou  mariage,  les  Egyp- 
tiens ne  fussent  tentés  de  se  défaire  de  Itii 
pour  enlever  Sara  ;  au  lieu  qu'on  disant 
qu'elle  était  sa  parente,  il  espérait  de  trou- 
ver un  moyen  d'écarter  leur  recherche.  S'il 
se  trompait,  son  erreur  n'était  pas  un  crime. 
Dieu  eut  égard  à  l'iiiteution  des  denx  épou.t; 
il  ne  permit  point  que  le  roi  d'Egypie  ni 
celui  de  Gérare  attentassent  à  la  pudicité  de 
Sara.  Les  critiques  téméraires  t|ui  onl  osé 
affirmer  qxx'Abraham  avait  prostitué  son 
épouse,  afin  d'être  mieux  traité,  l'ont  calom- 
nié p;ir  pure  malignité. 

Saint  Jean  Chrysosfome  semble  louer 
Sara  d'avoir  exposé  volonlairoiuent  sa  cha- 
steté, afin  de  conserver  la  vie  à  sou  mari ,  et 
trouver  bon  que  celui-ci  y  ait  consenti.  Il' 
suppose  que  tous  deux  ont  agi  avec  l'iuleh-,' 
lion  la  plus  pure,  et  dans  la  conOince  que 
le  Seigneur,  dont  ils  avaient  éprouvé  si  sou- 
vent la  proieclion,  les  secourrait  dans  une 
circonstance  aussi  périlleuse  ;  il  n'y  a  donc 
pas  lieu  à  la  censure  amère  que  Barbey rac 
a  lancée  contre  ce  Père. 

Sara,  stérile  et  avancée  en  âge,  engage 
son  époux  à  prendre  Agar,  sa  servante,  afin 
d'en  avoir  des  enfants:  alors  ce  ne  fut  pas 
un  crime.  Dans  l'état  des  familles  encore 
isolées  et  nomades,  la  polygamie  n'était  pas, 
défendue  par  le  droit  naturel.  Les  Pères  de 
l'Eglise  ne  se  sont  point  trompés  lorsiju'ils! 
ont  soutenu  qa' Abraham  n'avait  point  péché 
en  cela  contre  la  loi  naturelle;  à  plus  forte 
rais(m  contre  la  loi  positive,  qui  n'existait 
uas  encore.  Nous  ne  voyons  pas  sur  quoi  se 

3 


7S 


ABB 


ABR 


76 


sont  fondés  plasieurs  critiques  modernes 
pour  décider  qu'Agar  n'était  point  femme  lé- 
gitime û' Abraham;  nous  prouverons  le  con- 
traire au  mol  Polygamie. 

Vainement  Earbeyrac  fait  remarquer  qu'^- 
braham,  par  cette  conduite,  semblait  se  dé- 
fier des  promesses  que  Dieu  lui  avait  failes 
d'une  postérité  nombreuse.  Ce  reproche  est 
injuste.  Dieu,  en  faisant  ces  promesses,  Gen. 
XII  et  XV,  n'avait  pas  dit  que  celte  postérilé 
naîtrait  de  Sara,  et  non  d'une  autre  femme  ; 
Dieu  ne  s'expliqua  sur  ce  point  que  treize 
ans  après  lanaissance  d'Ismaël.  Gène*,  xvii, 
16  et  25. 

Cet  enfant  était  né  d'Agar  lorsque  Sara 
devint  féconde  el  mil  .tu  monde  Isaac;  bien- 
tôt la  désobéissance  d'Agar  et  li^  caractère 
féroce  d'Ismaël  firent  craindre  à  Sara  pour 
les  jours  de  son  fils  Is.iac.  Elle  exigea  que 
la  mère  et  l'enfant  fussent  éloignés  de  la 
tente  paternelle,  et  Abraham  y  consentit.  Ce 
procédé  a  paru  dur  et  injuste  à  ceux  qui 
n'ont  pas  examiné  les  circonstances  el  pesé 
la  valeur  des  termes.  Il  est  dit  (\u\ibrahain 
donna  du  pain  et  de  l'eau  à  ces  deux  ban- 
nis. Gen.  XXI,  \k.  Or,  dans  le  style  de  l'E- 
criluro,  le  pain  signifie  la  nourriture,  la  sub- 
sistance, les  choses  nécessaires  à  la  vie. 
Dans  notre  langue  même,  lorsqu'un  homme 
sans  fortune  dit  à  son  protecteur  :  Donnez- 
moi  du  pain,  il  entend,  procurez-moi  une 
subsisiance  honnête.  D'ailleurs,  dans  celte 
circonstance,  Abraham  obéissait  à  l'ordre  de 
Dieu,  beaucoup  plus  qu'au  désir  de  Sara, 
et  Dieu  lui  avait  promis  de  protéger  Agar 
et  son  fils.  Gen.  xxi,  12  et  13.  Aussi  ne 
voyons-nous  aucune  inimitié  entre  Ismuël  et 
Isaac,  soit  pondant li  vie,  soit  après  la  mort 
à' Abraham,  ni  aucune  division  entre  leurs 
descendants. 

Pour  juger  sensément  de  la  conduite  des 
patriarches,  il  faut  se  placer  dans  les  mêmes 
circonstances ,  se  mettre  au  ton  des  mœurs 
et  des  usages  qui  régnaient  dans  les  premiers 
âges  du  monde. 

Isaac  était  âgé  de  près  de  vingt-cinq  ans, 
lorsque  Dieu,  pour  éprouver  Abraham,  lui 
ordonna  de  l'immoler  en  sacrifice.  Il  scmbliî 
d'abord  que  cet  ordre  soit  indigne  de  Dieu  : 
mais  le  souverain  maître  de  la  vie  et  de  la 
mort  peut  abréger  ou  prolonger  nos  jours 
comme  il  lui  plaît  ;  si,  par  un  accident  ou  par 
une  maladie,  il  avait  tranché  ceux  ë'isaac, 
'Abraham  aurait-il  été  en  droit  de  murmurer  ? 
A  la  vérité,  un  sacrifice  du  sang  humain  au- 
rait  été  un  très-mauvais  exemple;  aussi 
Dieu  ne  permit  point  qu'il  fût  accompli  ;  il 
se  contenla  de  la  disposition  dans  laquelle 
était  Abraham  d'obéir,  et  redoubla  ses  bien- 
faits envers  ce  patriarche. 

On  (lin  que  Dieu,  qui  connaît  le  fond  des 
cœurs,  qui  prévoit  nos  sentiments  futurs 
avec  autant  de  certitude  qu'il  voit  nos  dis- 
positions présentes,  n'avait  pas  besoin  de 
mettre  .4&ra//am  à  l'épreuve.  Cela  est  vrai; 
mais  Abraham  avait  besoin  d'être  éprouvé, 
et  le  genre  humain  avait  besoin  de  cet  exem- 
ple pour  concevoir  que  Dieu  cat  en  droit 
(J'csiBerdç  nous,  quand  il  lui  plaît,  des  sa- 


crifices héroïques,  parce  qn'il  est  assez  puis* 
sant  pour  les  récompenser  (1). 

C'est  doiic  avec  raison  que  les  écrivains 
sacrés  ont  fait  l'éloge  de  la  foi  el  du  courage 
à'Abrnham,  ei  le  proposent  pour  modèle;  il 
crut,  dit  saint  Paul,  que  Dieu,  qui  a  le  pou- 
voir de  ressusciter  les  morts,  ferait  plutôt 
un  miracle  que  de  manquer  à  ses  promesses. 
Heb.  XI,  19. 

Lorsque  Dieu  dit  à  Abraham:  Tontes  les 
nations  de  la  terre  seront  bénies  dans  votre 
race,  Gen.  xxii,  xxvi,  xxviii,  nous  soute- 
nons, après  saint  Paul,  Galat.,  m,  16,  avec 
les  Pères  de  l'Eglise,  que  race  désigne  un 
seul  descendant  d'Abraham,  qui  est  Jésus- 
Christ,  comme  dans  la  prédiciion  faile  au 
serpent,  Gen.  m,  15  :  La  race  de  la  femme 
t'écrasera  la  tête. 

Mais  en  quoi  consiste  cette  bénédiction? 
S'il  n'était  question  que  de  bienfaits  tempo- 
rels et  d'une  protection  particulière  de  Dieu 
à  l'égard  des  descendants  d'Abraham,  en 
quel  sens  celte  bénédiction  pourrait-elle  s'é- 
tendre à  toutes  les  nations  de  la  terre?  La 
prospérité  des  Juifs  ne  pouvait  induer  en 
rien  sur  celle  des  autres  peuples,  il  est 
donc  évident  que  Dieu  promet,  dans  cet  en- 
droit et  ailleurs,  par  les  mêmes  paroles,  les 
grâces  de  salut  ou  les  bénédictions  spiri- 
tuelles qu'il  voulait  répandre  par  le  Messie 
sur  tous  les  hommes  qui  croiraient  en  lui, 
et  qui  deviendraient  ainsi  les  enfants  d'jl- 
braham,  en  imitant  sa  foi.  Saint  Paul,  qui 
les  explique  ainsi,  Galat.  m  el  iv,  n'en  a 
pas  seulement  donné  le  sens  mystique  et 
allégorique,  comnie  certains  critiques  le 
prétendent,  mais  le  sens  littéral  et  naturel. 
Ainsi  les  Juifs,  qui  prennent  ces  promesses 
dans  un  sens  grossier  et  qui  les  restrei- 
gnent à  leur  nation  seule,  sont  dans  l'er- 
reur. 

ABRAHAMIENS.  Voyez  Saiîosatiens. 

ABRAHAMITES,  moines  catholiques,  qui 
souffrirent  le  martyre  pour  le  culte  des  iina- 

(1)  Les  iiicréiliiles  tournem  en  dérision  h  promesse 
que  Dieu  fit  à  Abraliam.  Voici  conimeiu  Bullet  leur 
répoïKi  :  «  Dieu  dit  à  Aliraliani,  Gen.  xiii,  15:  Je 
donnerai  à  vous  et  à  votre  poalériié  tout  ce  paijs  que 
i:i/iis  voyez.  —  La  prouie>.se  que  Dieu  fait  ici  à 
Aljraliniii  de  lui  donner  persoiinelleiiieiit  l.i  terre  de 
(;b:iuaan  a  éié  sans  ellet,  disent  les  incréilules,  puis- 
que ce  palriarclii;  u'y  posséda  jamais  en  propre 
qu'iMi  cliainp  el  une  caverne  qu'il  avait  aclieiés  qua- 
tre i;eiit!>  sicles.  —  Les  inier|irè(es  répondent  que  la 
pariicuic  et  sigailie  eu  cet  endroii  c'est-à-dire;  de 
sorte  (juc  le  sens  de  ce  verset  est  que  Dieu  pronie» 
la  turre  <le  Clianaaii  il  Abraliant  ;  c'eu-à  dire  a  »a 
postérité.  L'cxpliciUion  est  bonne,  mais  on  est  fàclië 
de.  voir  que  les  conunenlateurs  lie  l'appuient  d'au- 
cune preuve  ;  imus  ;illous  suppléer  à  celte  omission. 

€  P.irn)i  plusieurs  sigiiilicaiions  que  renferme  la 
particule  vau,  i|iii  est  rendue,  dans  le  p:issage  que 
nous  e.\aininons,  par  et,  colle  Je  c'esi-à-dire  en 
français,  id  est  en  latin,  en  est  une  :  c'est  ce  que 
nnus  allons  dcinonlrer  par  divers  exemples.  Gen.  u, 
3.  Dii'ii  liénit  le  sepiiémc  jour,  vau,  c'ett-à-dire,  le 
sanciifi;!.  —  Exod.  iv,  H.  Jo  serai  dans  voire  bou- 
tlie,  VAU.  c'esl-o-dire ,  je  vous  apprendrai  ce  que 
vous  aiirci  à  dire.  /<»/(/.  vii,U.  Pharaon  til  venir 
les  saiies,  vau,  cesiàdire,  les  magiciens.  î^omb.  xxxi, 
6.  Moise  les  envoya  à  la  guerre,  leur  conlianl  les 


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ges  sous  Théophile,  au  neuvième  siècle. 
Voy.  Iconoclastes. 

•  AnnAiiAMiTES.  L.1  seclc  des  Iliissiles  conserva 
pendant  longtemps  des  sectalciirs  dans  la  Rnhêine. 
Elle  linit  enlln  par  se  fondre  en  une  secte  nouvelle 
qui  réiniit  des  juifs,  des  protestants,  et  sans  dont'} 
plusieurs  cailioliques  qui  se  laissèrent  entraîner  daus 
rerrenr.  Elle  établit  son  siège  à  Par-du-Bitz,  en 
Bolièmc.  Josepli  U,  par  son  édit  de  toléranfe ,  la 
contraignit  h  s'incorporer  dans  le  sein  do  l'nnedes 
religions  reconnues  par  l'Etat.  La  plupart  des  secta- 
teurs (le  la  nouvelle  n^ligion  refusèrent  de  souscrire 
à  l'ordre  de  rempereur  et  furent  exilés.  Un  bon 
nonihre  demandèrent  ^ràce  et  renircrent  dans  le  sein 
de  la  religion  de  l'einpire.  Ils  y  conservèrent  sans 
doule  leur  loi  et  leur  morale  qu'ils  prétendaient  être 
celles  d'Adam  et  d'Ahraliam.  C'est  pour  cela  qu'ils 
étaient  nommés  Abialiamiles  el  Adumites. 

Leur  croyance  se  réduisait  à  un  petit  nombre  de 
dogmes.  L'existence  de  Dieu,  l'imniorialiié  de  l'àme, 
les  peines  et  les  récompenses  de  la  vie  future  cons- 
liluaient  à  peu  prés  tout  leur  symbide.  Ils  n'admet- 
taient de  toute  l'Ecriture  que  l'Oraiion  Dominicale 
et  le  Décaidgue,  parce  qu'ils  les  regardaient  comme 
fondés  sur  la  raison.  Jésus-Clirist  n'était  à  leurs  yeux 
qu'un  pliilosoplie  un  peu  plus  sngc  que  les  autres. 
Abraliam  lut  un  grand  dncleur;  il  eut  cependant  une 
faiblesse,  ce  fut  celle  île  se  laisser  circoncire.  Ils  le 
prirent  pour  m.iiire,  mais  dans  la  partie  de  la  vie 
qui  précéda  celle  Ininnliante  cérémonie. 

La  morale  des  Abraliamites  était  abominable.  Ils 
regardaient  comme  une  borrible  tyrannie  les  lois  de 
décence,  de  retenue  el  de  chasteté  reconnues  par 
tous  les  peuples.  Aussi  vivaienl-il:>  dans  une  espèce 
de  promiscuité  où  les  femmes  étaient  communes.  La 
famille  étant  détruite  ,  les  enlants  étaient  élevés 
comme  des  cties  ipii  apparten^iient  à  la  communauté, 
mais  qui  ne  devaient  reconnaître  ni  père  ni  mère. 

ABSOLU,  adject.  ABSOLUMENT,  adv. 
Absolu  se  dit,  1°  par  opposition  à  ce  qui  est 
relalif.  Nous  soutenons  qu'il  n'y  a  dans  le 
monde  aucun  mal  absolu,  mais  seulement 
des  maux  relalil's;  la  conùilion  des  créatu- 
res n'est  bonne  ou  m.iuvaisc,  un  bien  on  un 
mal,  que  par  comparaison.  Le  bien  absolu, 
c'est  i'inriui  ;  le  mal  «6so/i«,  est  le  né.int: 
entre  ces  deux  extrêmes,  il  y  a  une  inlinilé 
de  degrés  ou  de  manières  d'être  qui  sont 
censés  un  mal  en  comparaison  d'un  plus 
grand  bien,  et  un  bien  si  on  les  compare  à 
nn  élal  plus  mauvais.  L'oubli  de  ces  notions 
a  rendu  plus  obscure  la  question  de  l'ori- 
gine du  mal.  V.  Lien  et  Mal. 

Dans  le  même  sens,  certaines  proposi- 
tions, énoncées  en  ternies  absohts,  ne  sont 
vraies  que  par  comparaison  ou  dans  un  sens 
relalif.  Quand  on  dit  que  Dieu  abandonne  les 
pécheurs,  cela  n'est  pas  o6.«o/it/nfn(  vrai, 
puisqu'il  n'en  est  aucun  ù  qui  Dieu  ne  donne 
des  grâces;  mais  il  ne  leur  en  accorde  pas 
anlaiit  qu'aux  justes.  Voyez  Guace  ,  §  3. 
Saint  Paul  répète  ce  que  Dieu  a  dit  par  un 
prophète  :  J'ot  aimé  Jacob,  et  j'ai  haï  Esuii. 
Clcpendant  Dieu  n'a  pas  cessé  absolument  de 

instruments  sacrés,  vin,  t  esl-à-dire,  les  trompettes 
d'un  son  éclatant.  —  Juges,  vni,  -27.  Cet  épliud  de- 
vint un  piège  qui  causa. la  ruine  de  GéJéon,  vau, 
c'est-à-dire,  de  sa  maison.  —  //  Rois,  xi,  il.  Je  jure 
par  votre  vie,  vau,  c'esi-à-dire,  par  votre  conserva- 
tion. »  BuUet,  Rép.  dit.,  (aiu.  i,  pag.  15i,  édit.  de 
tcsançon,  IS'iC. 


répandre  des  bienfaits  'sur  Esaù  et  sa  posté- 
^rité;  mais  il  ne  les  a  pas  traités  aussi  favo- 
rablement que  .lacob  et  ses  descendants. 
L'auteur  du  livre  de  la  Sagesse  dit  à  Dieu  ; 
Vous  ne  haissez.  Seigneur,  rien  de  ce  que 
vous  avez  /"ait.  Celte  proposition  e.%{.absolu- 
ment  vraie;  la  précédente  n'est  vraie  que  par 
comparaison. 

Il  faut  distinguer  encore  les  arguments  «6- 
soltis  d'avec  les  arguments  relatifs  person- 
nels, que  l'on  nomme  arguments  ad  hominem  : 
ceux-ci  ne  sont  solides  que  relativement  aux 
opinions  et  aux  principes  de  l'adversaire 
contre  lequel  on  dispute;  ils  ne  prouvent  rien 
contre  ceux  quioutdes  principes  ou  des  opi- 
nions contraires. 

2»  Absolu  se  dit  par  opposition  à  ce  qui  est 
conditionnel;  ainsi  l'on  dislingue  en  Dieu  la 
volonté  absolue,  par  laquelle  il  opère  immé- 
diatement par  lui-même  tout  ce  qu'il  lui 
plaît,  et  la  volonté  conditionnelle,  par  la- 
quelle il  nous  laisse  la  liberté  de  résister. 
Dieu  veut  notre  salut,  non  absolument,  mais 
sous  condition  que  nous  le  voudrons  nous- 
mêmes,  et  que  nous  obéirons  à  ses  grâics. 

3°  L'on  distingue  l'impossibililé  absolue 
ou  métaphysique,  d'avec  i  impossibilité  mo- 
rale, qui  signifie  seulement  une  très-grande 
difficulté. 

h°  Absolu,  se  prend  dans  un  sens  opposé  à 
déclaratif.  Dans  ce  sens  les  catholiques  sou- 
tiennent que  le  prêtre  a  le  pouvoir  de  re- 
mettre les  \)èc\\(is  absolument  ;  les  protestants, 
au  contraire,  prétendent  qu'il  peut  seule- 
ment déclarer  que  Dieu  a  remis  les  péchés. 

5°  On  nomme  le  jeudi  de  la  semaine  sainte 
le  jeudi  absolu,  parce  que  dans  plusieurs 
églises  on  fait  l'absoute  avant  la  cérémonie 
de  la  cène;  c'est  un  reste  de  l'ancienne  disci- 
pline ou  de  l'usage  de  réconcilier  ce  jour-là 
les  pénitents  publics,  avant  de  les  admettre  à 
la  communion. 

*  Absolu  (  terme  de  philosophie  religieuse  mo- 
derne). Le  talent  de  la  philosophie  moderne  a  été  de 
cacher  la  nnlliiédc  ses  idées  sous  l'un  de  ces  grands 
mois  ininielligibles  à  la  pensée  de  la  multiinde,  mais 
qui  pour  cela  n'en  sont  que  plus  dangereux.  On  pro- 
nonce le  mot  sans  savoir  ce  que  c'esi,  et  ensuite  on 
se  croit  en  droit  de  rejeter  les  idées  communément 
reçues.  Du  nombre  de  ces  mots  malheureux,  enfan- 
tés par  une  philosophie  incrédule ,  est  le  terme 
absolu. 

Les  pantliéisies  et  les  autres  rationalistes  modernes 
désignent  par  le  nom  vague  à'uhsolu  un  êlre  :  1°  exis- 
tant indépendamuienl  de  tonte  hypothèse;  2°  avant 
seul  l'existence  par  lui-même  et  sans  cause  ;  .5°  pos- 
sédant une  indépendance  absolue  de  tout  ce  qui 
existe;  -4°  enlin  renfermant  en  lui  toutes  les  réalilcs 
et  les  perfections.  Un  voit  que  la  philosophie  alle- 
mande a  voulu  voiler  le  nom  de  Dieu  sous  le  ternie 
vague  A'absolu.  On  choquait  beaucoup  moins  les 
oreilles  en  introduisant  sous  ce  nom  des  doctrines 
subversives  de  toute  religion.  Schelling  déduit  ainsi 
les  conséquences  de  ce  système  de  philosophie  : 
i  Depuis  Descaries,  la  raison  pure,  avec  ses  i>rin- 
cipes  a  priori,  a  éie  l'uni(iue  agent  de  la  science  phi- 
1  sophiqne.  Or,  la  raison  pure  ne  nous  révèle  que 
l'être  en  général ,  l'eue  indéterminé,  et  parlant  im- 
personnel  Donc  avec  la  raison  pure  toute  seule, 

et  abstraction  faite  de  nos  autres  moyens  de  con- 
naître, on  ne  trcmvera,  si  l'on  est  consé  jnenl,  qu'un 
Dieu  impersonnel,  un  monde  éternel  et  nécessaire 


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le  pnnthéisme,  en  un  mol;  mais  la  personnalilé  et 
la  liberté  ne  se  iroiiverônt  jamais.  L'histoire  de  la 
piiilosophie  moderne  le  prouve.  L'emploi  de  la  nié- 
iliode  exclusive  a  priori,  l'a  ronduile,  de  système  en 
sysième,  au  panlliéisme  de  Hegel,  i|ni  fait  de  la  rai- 
.son  la  substance  et  la  cause  de  l'univers.  Dieu  lui- 
même.  Pans  cetie  tbéoiie,  le  concret,  le  détermine, 
l'indiviilu  n'est  qu'un  phénomène  épliémère;  s'il  se 
inonire,  c'est  pour  s'évanouir  aussitôt  sans  retour.  > 
Voilà  li'S  conséquences  infaillibles  de  la  doctrine  de 
l'absolu,  la  négation  de  Dieu.  La  réfutation  de  celte 
dociriiie  est  intimement  liéR  à  1 1  preuve  de  l'exis- 
tence de  Dieu...  [Sous  y  renvoyons  pour  la  présenter. 
Il  est  bon  cependant  d'enlendre  comment  nos  pUilo- 
phes  sont  arrivés  à  leur  prétendu  absolu. 

KanI,  et  à  sa  suite  une  multiiude  île  pbilosoplies 
allcmanils  et  français  ont  dit  qu'ds  trouvaient  l'idée 
de  l'afjso/udans  le  lenips  et  l'espace.  Méditez,  disent- 
ils,  sur  le  temps  et  l'espace,  vous  arrivez  nécessaire- 
ment à  un  temps  et  à  un  espace  absolus.  ISous  nions 
celte  assertion  :  nous  ne  percevons  j;imais,  soit  un 
temps,  soit  un  espace  auxquels  la  pensée  ne  puisse 
rien  ajouter.  Nous  sommes  même  convaincus  qu'on 
ne  peut  arriver  .a  l'idée  d'un  espace  ou  d'un  temps 
simplement  indélini,  avant  qu'on  se  la  snit  furinée 
par  une  suite  d'abstractions ,  fondées  sur  des  con- 
ceptions dont  la  sphère  s'agrandit  de  plus  en  plus. 
(Voy.  Infini.  )  Si  l'on  prétend,  avec  Ficlile,  qui',  la 
conscience  de  sa  propre  individualité  est  ideiitiliee 
aven  celle  de  Vabsolu,  ou  avec  Sclielling,  que  nous 
percevons  notre  individualité  comme  con>uljstantielle 
â  Vabsolu,  et  qu'ainsi  nous  ne  pouvons  avoir  la 
conscience  de  nous-mêmes  sans  concevoir  l'absolu, 
nous  répondrons  (|u'il  y  a  ciMilradicliou  dans  les 
termes  :  car  ce  raisonnement  supiiose  l'existence 
individuelle  de  cbaque  boinme.  C'est  le  principe 
sur  lequel  il  repose,  et  c'est  ponr  arriver  à  la  consé- 
quence iiu'il  n'y  a  pas  d'individu;  puisque  noire  iii- 
dii'idualiié  e>l,  selon  Ficble,  idenliliée  avec  celle  de 
Yabsolu,  et  qu'elle  est  consubsiantielle  à  {'absolu, 
selon  Scliellini,'.  Ce  sysléine  tant  vaiiié  conduit  donc 
au  panlliéisiiie  le  plus  complet,  docinne  contraire  à 
la  raison  et  à  la  saine  morale.  Voy.  Panthéisme. 

ABSOLUTION  ,  rémission  des  péchés  faile 
parle  prêtre  ;iu  nom  de  Jésiis-CInisl  dans 
le  sacrement  de  iiénilence.    To//.  Pénitence. 

\CriUrium  de  la  foi  cnllioUqae.  —  i  Quoique  l'.ib- 
soliition  du  prèire,  dil  le  concile  de  Trente,  soii  une 
dispensaiioii  du  bienfait  d'aiiirui,  louleluis  ce  n'est 
pas  seulement  un  simple  ministère,  ou  une  simple 
commission  d'aiinoncer  l'Lvangile  ou  de  déclarer 
que  les  pecliés  seront  remis,  mais  un  acte  judiciaire, 
par  leipiel  le  prêtre,  comme  juge,  prononce  la  sen- 
teiii  e.  .Vnalliéine  donc  à  celui  qui  dit  que  l'absolu- 
lioii  savramenlelle  du  piôlre  n'est  pas  un  acte  judi- 
ciaire, mais  un  simple  minisiére,  consistant  il  pro- 
noncer et  à  déclarer  (|ue  les  péchés  seront  remis  à 
celui  (lui  se  confesse.  {Concil.  Trid.,  sess.  14.  can. 
6,  et  can.  y.)|  "^ 

Absolution  se  prend  encore  pour  la  levée 
des  censures  et  l'aciion  de  réioiuilicr  un 
excommunié  à  l'Kglisc  :  d;ins  ce  sens  elle 
licnl  an  droit  canonique  plus  qu'à  la  théolo- 
gie. 

lùifin  l'on  nomme  absolulion  une  prière 
qui  se  dit  a  la  lin  de  chaque  noclurne  dé  l'ol- 
(icc  divin,  à  la  lin  d.'s  heures  canoniales,  et 
«ne  prièiequi  se  lait  pour  les  morts. 

ABSOUri:.  Cérémonie  qui  se  pratique 
dans  l'Eglise  romaine  le  jeudi  dt-  la  semaine 
sainle,  pour  représenler  l'absolution  qu'on 
doniiail  vers  le  même  Icinps  aux  pénilcnlsde 
la  |iiiiiiiijve  Kglisc. 

K'usagc  de  l'Eglise  do  Rome  et  de  la  plu- 


part des  Eglises  d'Occident,  était  de  donner 
l'absolution  aux  pénilenls  le  jour  du  jeudi 
saint,  nommé  pour  celte  raison  la  jeudi  ab- 
solu. 

Dans  l'Eglise  d'Espagne  et  dans  celle  de 
Milan,  celle  absolution  publique  se  donniil 
le  jour  du  vendredi  saint  ;  el  dans  l'Orient 
c'éi.iil  le  même  jour  ou  le  samedi  suivant, 
veille  de  Pâiues.  Dans  les  premiers  temps, 
l'évêque  faisait  l'absoute,  et  alors  elle  élcM 
une  partie  essentielle  du  sacrement  de  pé- 
nitence; parce  qu'elle  suivait  la  confession 
des  fautes,  la  réparation  des  désordres  pas- 
sés cl  l'examen  de  la  vie  présente.  «  Le  jeudi 
saint,  il't  M.  l'abbé  Fieury,  les  pénitents  se 
présentaient  à  la  porte  de  l'église;  l'évêque, 
après  avoir  fait  pour  eux  plusieurs  prières, 
les  faisait  entrer,  à  la  sollicilation  de  l'archi- 
diacre qui  lui  représentait  que  c'était  un 
temps  propre  à  la  clémence....  Il  leur  faisait 
une  exhortation  sur  la  miséricorde  de  Dieu, 
et  le  changement  qu'ils  devaient  faire  pa- 
raître dans  leur  vie,  les  obligeant  à  lever  la 
main  pour  signe  de  celle  promesse;  enfin  se 
laissant  lléchir  aux  prières  de  1  Eglise,  et 
persuadé  de  leur  conversion  il  leur  donnait 
l'absolution  solennelle.  »  Mœurs  des  chré- 
tiens, til.  XXV. 

A  présent  ce  n'est  plus  qu'une  cérémonie 
qui  s'exerce  par  un  simple  prêtre  et  qui  con- 
siste à  réciter  les  sept  psaumes  de  la  péni- 
tence, quelques  oraisons  relativesau  repentir 
que  les  lidèles  doivent  avoir  de  leurs  péchés. 
Après  quoi  le  [irêtie  prononce  les  l'cjrmules 
Misereatur  el  Jndulgenliam  ;  mais  tous  les 
théologiens  conviennent  iiu'elles  n'opèrent 
pas  la  rémission  des  péthés;  et  c'est  la  diiïé- 
rence  do  ce  qu'on  appelle  absoute,  d'avec 
l'absolulion  propremenl  dite. 

ABSTÈME,  du  lutin  abstemius.  On  nomme 
ainsi  les  personnes  qui  ont  une  répugnance 
naturelle  pour  le  vin  et  ne  peuvent  en  boire. 
Pendaiil  que  les  calvinistes  soutenaient  de 
toutes  leurs  forces  que  la  communion  sous 
les  deux  espèces  est  de  iréceple  divin,  ils 
décidèrent  au  synode  de  ChaienUin  que  les 
cbslèims  pouvaient  élre  admis  à  la  cène 
pourvu  qu'ils  loucliassenl  seulement  la  coupe 
du  bout  des  lèvres,  sans  avaler  une  seule 
goulte  de  vin.  Les  luthériens  leur  repro- 
chèrent celle  tolérance  comme  unepreiari- 
calion  sacriidge. 

De  celle  contestation  même  on  a  conclu 
contre  eux  qu'il  n'est  pas  vrai  que  la  com- 
munion sous  les  deux  espèces  soit  de  pré- 
cepte divin,  puisqu'il  y  a  des  cas  où  l'on  peut 
s'en  dispenser,  t'oij.  Communion  .tous  les  deux 
e.tpvces.  Coupe. 

ABSTINiùNCE.  Le  motif  général  AeVabsti- 
nence  est  de  morlilier  les  sens  cl  de  dompter 
les  passions  :  l'on  connaît  assez  les  suites 
iiaiurelles  de  la  gourmandise.  Selon  M.  de 
Bullon,  laniorliticiiion  lapins  clfii  ace  contre 
la  luxure  est  l'aôstinentc  el  le  jeûne.  Hist. 
Nat..  loin.  III,  in-12,  c.  4,  pag.  105.  Dieu, 
après  avoir  créé  nos  premiers  parents,  leur 
accorda  pour  nourriture  les  plantes  el  le* 
fruils  de  la  terre;  il  ne  leur  parla  jioinl  do 
la  chair  des  animaux.  Gm.  1,  i9.  Mais  vu  les 


«1 


ABS> 


ABS 


iA 


excès  auxquels  se  livrèrent  les  '  hommes  an- 
léricurs  au  déluge,  il  n'est  guère  probable 
qu'ils  se  soient  abstenus  d'aucun  des  ali- 
uienls  qui  pouvaient  tlatter  leur  i^oût.  . 

Après  le  déluge.  Dieu  pcnnil  à  Noé  et  à 
ses  enfants  de  manger  la  iliairdes  animaux; 
mais  il  Irur  défendit  d'en  rnans^cr  le  s.ing. 
GfW.ix,3  (,'<  suit'.  Par  les  termes  dans  lesquels 
celle  défense  est  conçue,  il  l'arait  que  le  mo- 
tif "tait  d'inspirer  au\  iioniines  l'horreur  du 
meurtre.  L'habitude  d'égorger  les  animaux 
et  d'en  boire  le  sang  porte  infailliblement 
l'homme  à  la  cruauté. 

Moïse  par  ses  lois  défendit  anv  Juifs  la 
chair  de  plusieurs  animaux  qu'il  nomme 
impurs;  il  exclut  nommément  tous  ceux 
dont  la  chair  pouvait  être  malsaine,  relati- 
vement au  climat,  et  causer  des  maladies. 
Quelques  philosophes  ont  rapporté  au  même 
moiil  l'usage  des  Egyptiens,  de  s'abstenir  de 
la  chair  de  plusieurs  animaux. 

L'usage  du  vin  était  interdit  aux  prêtres 
pendant  tout  le  temps  qu'ils  étaient  occupés 
au  service  du  temple,  et  aux  nazaréens  pour 
tout  le  temps  de   leur  purincation. 

A  la  naissance  du  christianisme,  les  Juifs 
voulaient  que  l'on  assujeitîl  les  païens  con- 
vertis à  toutes  les  observances  de  la  loi  ju- 
daïque, à  toutes  les  abstinences  qu'ils  prati- 
quaient. Les  apôtres  assen^blés  à  Jérusalem 
décidèrent  qu'il  suffisait  aux  fidèles  convertis 
du  paganisme  de  s'abstenir  du  sang,  des 
viandes  sulîoquées,  de  la  fornication  et  de 
l'idolâtrie.  Act.  xv.  Saint  Paul  dans  se$  lettres 
a  donné  sur  ce  point  des  règles  très-sages. 
Hieniôt  même  cette  abstinence  se  trouva  su- 
jette à  des  inconvénients;  Terlullien  nous 
apprend  que  les  païens,  pour  mettre  les 
cliréiiens  à  l'épreuve,  leur  présentaieut  à 
mangiT  du  sang  et  du  boudin.  ApoL,  c.  9. 
Mais  les  abstinences  prescrites  à  Noé,  aux 
Juifs,  aux  premiers  fidèles,  démontrent  l'abus 
que  les  protesianis  ont  lait  de  la  maxime  de 
l  livangile,  quece  n'est  point  ce  qui  entre  dans 
lu  bouche  qui  souille  l'Iiomme.  Matlh.  iv.  11. 

Les  manichéens  faisaient  déjà  celte  objec- 
tion pour  prouver  que  les  abstinences  pres- 
crites par  Moïse  étaient  absurdes,  et  saint 
Augustin  a  réfuté  plus  d'une  lois  ce  sophisme. 
L.  contra  Adim.,  c.  15,  n.  1;  I.  xvi,  contra 
l'aast.^  c.  G  et  31.  Est-il  donc  permis  de 
uianger  de  la  chair  humaine,  sous  prétexte 
qu'aucune  nourriture  ne  souille  l'homme  ? 
La  pomme  mangée  par  Adam  le  souilla  sans 
doute,  puisqu'il  en  fut  puni,  lui  et  toute  sa 
postérité,  lïès  que  les  apôtres  ont  eu  le  droit 
de  défendre  aux  chrétiens  l'us.ige  du  sang  et 
des  Mandes  suffoquées,  pourquoi  les  succes- 
seurs n'onl-ils  pas  eu  celui  d'interdire  l'u- 
sage de  toute  viande  dans  certains  jours  et 
dans  un  certain  temps. 

Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que  les  ma- 
nichéens, qui  luuruaient  en  ridicule  les  (76s- 
linmces  prescrites  par  Moïse,  ordonnaient 
eux-mêmes  à  leurs  élus  de  s'abstenir  du  vin 
et  de  la  chair  des  animaux.  Pour  justifier 
cette  dlsciplme,  ils  disent  que  ceux  d'entre 
les  catholiques  qui  faisaient  la  même  chose, 
passaient  pour  être  les  plus  parfaits.  Saiul 


Augustin  leur  répond  que  ceux-ci  pratiqueut 
Vabstinence  pour  mortifier  les  passions,  au 
lieu  que  les  manichéens  croyaient  que  la 
chair  en  soi  était  impure,  parce  que  c'était 
l'ouvrage  du  mauvais  principe.  Beausobre, 
qui  veut  à  toute  force  disculper  les  mani- 
chéens, passe  sous  silence  leur  contradiction 
touchant  les  abstinences  judaïcjues,  et  sou- 
tient (ju'ils  raisonnent  plus  cuiiscquemment 
que  les  catholiques.  11  abuse  d'une  équivoque 
en  appelant  nourriture  saine,  celle  qui  n'est 
ni  infecte  ni  corrompue,  et  celle  qui  ne  nuit 
point  d'ailleurs  à  la  santé.  Est-ce  donc  la 
même  chose?  Avec  de  pareils  sophismes  on 
peut  prouvrr  tout  ce  que  l'on  veut.  Uisl.  des 
manicli.,  I.  ix,  c.  11. 

Lors(]ue  l'Eglise  nous  a  commandé  l'absti- 
nence et  le  jeîïne,  elle  n'a  envisagé  que  le 
motif  général  de  la  mortification  ;  elle  ne 
s'est  fondée  ni  sur  les  défenses  faites  aux 
Juifs,  ni  sur  les  rêveries  de  quelques  héréti- 
ques; elle  se  relâche  même  de  la  sévérité  de 
ses  lois,  toutes  les  fois  qu'il  se  présente  des 
raisons  d'user  d'indulgence.  Quelques  philo- 
sophes sont  convenus  qu'en  bonne  politique 
il  est  très-utile  de  suspendre  le  carnage  des 
animaux  pendant  quelques  jours  et  quelques 
semaines  de  l'année. 

Quant  aux  aôs/inences  pratiquées  par  quel- 
ques sectes  de  philosophes,  par  les  pytha- 
goriciens, par  les  orphiques,  etc.,  elles  ne 
nous  regardent  point;  les  motifs  pour  les- 
quels Vabstinence  est  observée  par  les  chré- 
tiens n'ont  rien  de  commun  avec  ceux  qui 
dirigeaient  la  conduite  de  ces  philosophes. 

Quelques  protestants  ont  soutenu  que,  dans 
les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  l'abstinenct 
de  la  viande  ne  faisait  pis  partie  essentielle 
du  jeûne  du  carême,  qu'il  était  défendu  seu- 
lement d'user  d'une  nourriiure  délicate  et 
recherchée,  soit  qu'elle  fût  grasse  ou  maigre; 
qu'il  n'y  avait  rien  de  prescrit  sur  le  genre 
des  aliments,  pourvu  que  l'on  y  observât  la 
sobriété  et  la  morlificalioii.  Le  père  Tho- 
massin  a  fait  voir  le  contraire  par  des 
preuves  solides.  Traité  des  Jeûnes,  i"  partie, 
c.  10  et  11  ;  II'  partie,  c.  3,  etc.  (^omme  il  n'y 
avait  point  de  loi  positive  et  formelle  tou- 
chant le  jeûne,  il  n'y  en  avait  point  non  plus 
eoiicernanl  Vabstinence  ;  c'est  donc  à  l'usage 
établi  qu'il  a  faliu  s'en  tenir  dans  tous  les 
temps.  Or,  dès  le  troisième  siècle,  Origène 
nous  apprend  que  plusieurs  chrétiens  for- 
vents  s'abstenaient  pour  toujours  de  la  viande 
et  du  vii-i,  non  par  les  mèines  raisons  que  les 
pythagoriciens,  mais  pour  réduire  leur  corps 
en  servitude  et  réprimer  les  passions.  Liv.  v, 
contra  Cels.,  n.  ï9,  ethomil.  19  in  Jerem., 
n.  7.  Nous  voyons  la  même  chose  parle  îil' 
canon  des  apôtres.  A  plus  forte  raison,  le 
commun  des  chrétiens  devait-il  le  faire  les 
jours  de  jeûne. 

Quand  même  cet  usage  n'aurait  pas  été 
établi  dès  l'origine  parmi  les  Orientaux,  il 
aurait  encore  été  nécessaire  de  l'introduire 
à  mesure  que  le  christianisme  a  pénètre  dans 
nos  climats  septentrionaux.  D,ins  ces  cou- 
trées  les  viandes  ont  toujours  etc  les  alimenls 
les  plus  délicats  et  les  plus  succulents,  pour 


85  ABS 

lesquels  tout  le  monde  se  sent  le  plus  d'attrait 
et  dont  l'apprêt  peut  être  le  plus  varié;  ce 
sont  donc  ceux  dont  la  privalion  a  dû  paraî- 
tre la  plus  dure  les  jours  de  jeûne.  Si  les  peu- 
ples du  Nord  avaient  et;'  moins  carnassiers  , 
ils  auraient  été  moins  empressés  d'adopter  la 
morale  des  prétendus  réformateurs  touchant 
l'abstinence  et  lejeùne. 

Barbeyrac,  protestant  très-peu  modéré , 
reproche  à  saint  Jérôme  d'avoir  condamné 
absolument  l'usage  de  la  viande,  d'avoir  jugé 
qu'il  est  aussi  mauvais  en  lui-même  que  l'u- 
sage du  divorce.  «  Jésus-Christ,  dit  ce  Père, 
a  remis  la  fln  des  temps  sur  le  même  pied 
que  le  commencement  ;  de  sorte  qu'aujour- 
d'hui il  ne  nous  est  permis  ni  de  répudier 
une  femme,  ni  de  nous  faire  circoncire,  ni 
de  manger  de  la  chair,  selon  ce  que  dit  l'A- 
pôtre :  //  est  bon  de  ne  point  boire  de  vin  et 
de  ne  point  manger  de  la  chair;  car  l'usage 
du  vin  a  conmiencé  avec  celui  de  la  chair, 
après  le  déluge.  »  Adv.  Jovin. ,  1.  rs  page 
30.  Saint  Jérôme,  selon  Barbeyrac,  abuse  ici 
du  passage  de  saint  Paul;  el  dans  tout  ce 
qu'il  dit  do  Vabstinence  et  du  jeûne,  il  copie 
Tertullien  devenu  montaniste.  Traité  de  la 
morale  des  Pères,  c.  15,  §  12  et  saiv.  Tout  cela 
csl-il  vrai?. 

En  premier  lieu,  le  texte  de  saint  Jérôme 
n'est  pas  fidèlement  rendu;  il  porte  :  Depuis 
que  Jésus-Christ  a  remis  ta  fin  des  temps  sur 
le  mt'mr  pied  que  le  commencement,  il  ne  nous 
est  pas  permis  de  répudier  une  femme;  nous 
ne  recevons  plus  la  circoncision  et  nous  ne 
mangeons  point  de  chair.  Saint  Jérôme  ne 
dit  point  que  ce  dernier  usag^î  ne  noiis  est 
pas  permis  :  remarque  essentielle.  Son  inten- 
tion est  évidemment  de  dire  :  Nous  ne  man- 
geons pas  tous  de  la  chair,  et  dans  tous  les 
temps. 

En  second  lieu,  ce  Père  écrivait  contre 
Jovinien  qui  soutenait,  comme  les  protes- 
tants, qu'il  n'y  a  aucun  mérite  à  s'abstenir 
de  la  viande,  parce  que  c'est  un  usage  in- 
différent ;  puisque  Dieu,  qui  l'avait  défendu 
avant  le  déluge,  le  permit  ensuite.  Or,  ce 
raisonnement  est  évidcmmcul  faux.  L'Ecri- 
ture approuve  les  nazaréens,  qui  faisaient 
vœu  lie  s'abstenir  du  vin  el  de  ne  point  se 
raser  la  tête  pendant  un  certain  temps. 
Num.  VI,  3.  Les  réchabites  sont  loués  d'avoir 
observé  la  défense  que  leur  père  leur  avait 
faite  de  boire  du  viu  et  d'habiter  dans  des 
maisons,  ^erem.  xxxv,  IC.  Jésus-Christ  a  loué 
saint  Jean  Baplislc  qui  vivait  de  sauterelles 
et  de  miel  sauvage.  Les  apôtres  défcudireut 
aux  premiers  fidèles  l'usage  du  sang  cl  des 
<  hairs  suffoquées,  quoique  cet  usa^e  fût  en 
lui-même  indifférent.  Il  y  a  donc  du  mérite  à 
s'abstenir  de  choses  indifférentes,  lorsque  le 
motif  (le  celle  abstinence  est  luuable. 

En  troisième  lieu,  saint  Jérôme  ne  com- 
pare point  l'usage  de  la  viande  à  celui  du 
divorce,  quant  à  leur  nature  el  à  leurs  effels, 
mais  rclalivenieut  à  la  défense  cl  à  la  per- 
mission de  Dieu ,  sur  lesquelles  JoviniciS 
urgumenlail.  Celui-ci  disait  :  Dieu  a  pcrmi.v 
après  le  déluge  la  chair  qu'il  avait  défendue 
ituparavunl;  donc  cet  usage  csl  iudilïéreat 


ABS 


84 


en  lui-même,  donc  il  n'y  a  aucun  mente  A 
s'en  abstenir.  Saint  Jérôme  attaque  ces  deax 
conséquences  l'une  après  l'autre,  et  voici  le 
sens  de  sa  réponse.  Votre  raisonnement 
pêche  par  trois  endroits.  1°  Dieu  a  permis 
par  Moïse  le  divorce  qu'il  avait  défondu  au- 
paravant; il  ne  s'ensuil  pas  néanmoins  que 
le  divorce  soit  indilTé:enl  en  lui-même.  2° 
Quand  l'usage  de  la  chair  serait  indifférent 
en  soi-même,  il  suffirait  que  Jésus-Christ, 
qui  a  voulu  rétablir  la  perleclion  primitive, 
nous  eût  déconseillé  cet  usage  ,  comme  il  a 
défendu  le  divorce,  pour  nous  faire  abstenir 
de  l'un  et  de  l'autre.  3°  Qu'il  y  ait  ou  qu'il 
n'y  ait"  pas  une  défense  positive,  saint  Paul 
dit,  Rom.  XIV,  21  :  //  vaut  mieux  ne  point 
manger  de  viande,  ne  point  boire  de  vin  et 
s'abstenir  de  tout  ce  qui  peut  faire  tomber 
le  prochain,  le  scandaliser  ou  affaiblir  sa 
foi.  Donc  il  peut  y  avoir  de  bonnes  raisons 
de  s'abstenir  de  ce  qui  est  indifférent  en  soi- 
même,  el  alors  c'est  un  mérite;  donc  votre 
argument  ne  vaut  rien.  Barbevrac,  qui  sen- 
tait le  poids  de  ces  trois  réflexions,  les  a 
confondues  el  a  tout  brouillé  pour  déraisoa- 
uer  à  son  aise. 

Que  l'on  dise  .  si  l'on  veut,  que  la  réponse       ^ 
de  saint  Jérôme  n'est  pas  assez  développée, 
soit;  il  ne  s'ensuit  pas   qu'elle  est  mauvaise 
el  que  sa  morale  es!  fausse. 

Il  n'est  pas  vrai  non  plus  qu'il  ait  mal  en- 
tendu îe  passage  de  saint  Paul  :  il  a  rendu 
mot  à  mol  les  premières  paroles  ;  et  en  lui 
donnant  le  même  sens  que  Barbeyrac,  le 
raisonnement  de  saint  Jérôme  conserve 
toute  sa  force. 

En  quatrième  lieu,  qu'importe  que  ce 
Père  ait  copié  Tertullien  devenu  montaniste, 
pourvu  qu'il  ne  soit  pas  tombé  dans  le  même 
excès  ?  Les  raisonnements  que  ce  dernier  a 
faits  depuis  sa  chute  ne  sont  pas  tous  des 
hérésies,  el  un  raisonnement  mal  appli(]ué 
n'est  pas  toujours  une  erreur.  Il  y  a  sur  l'ab- 
stinence deux  excès  à  éviter,  et  un  milieu  à 
suivre.  Le  premier  excès  est  celui  des 
hérétiques  eucraliles,  montanisles ,  mani- 
chéens, etc.,  qui  soutenaient  que  l'usnge  de 
la  viande  est  impur,  défendu,  mauvais  en  lui- 
même;  saint  Paul  les  a  combattus,  1  Tim. 
IV,  3.  Le  second  est  celui  de  Jovinien  et  des 
protestanls  qui  prétendent  que  l'abstinence  de 
la  viande  estsansaucun  mérite,  superstitieu- 
se, judaïque,  absurde,  etc.  Le  milieu  est  suivi 
par  l'Eglise  catholi(|uc  qui  décide  que  celle 
abstinence  peut  être  louable,  mcriloire,  com- 
mandée même  pour  de  bons  motifs  et  en  cer- 
tains cas.  Tel  est  l'esprit  du  h\i^  ou  ol''  ca- 
non des  apôtres  :  Si  xtn  clerc  s'abstient  du 
7nariage,  de  la  viande  et  du  vin.  non  par  mor- 
tification, mais  par  liorreur  el  en  blasphé-^ 
mant  contre  la  création,  qu'il  se  corrige  ou 
qu'il  soit  déposé. 

Il  est  doncahsurde  d'alléguer  aujourd'hui, 
conirc  Vabsti)icnce  pralhniée  par  mortifica~ 
lioti,  ce  que  les  apôlres  el  les  anciens  Pères 
ont  dit  contre  celle  des  héréli(jue^. 

Si  un  nous  demande  pouri|uoi  il  est  luua- 
ble do  se  uiortilier  par  Valistinenc  \  nous  ré' 
pondrons   avec  suiut  Paul,  Galal.    v,  2k'  : 


85 


ABS 


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80 


Ceux  qui  sont  à  Jésus-Christ  ont  crucifié 
leur  chair  avec  ses  vices  et  ses  convoitises.  1 
Corinlh.  ix,  27:  Je  châtie  mon  corps,  et  je  le 
réduis  en  servitude,  de  peur  d'être  reprouvé 
après  avoir  prêché  aux  antres. 

Comme  on  a  eu  de  nos  jours  l'ambition  de 
réformer  toutes  les  lois,  on  a  proposé  fort 
scrieuscincnt  de  retrancher  un  bim  nombre 
des  jours  A'abslinencc  et  do  jeûne,  parce  que 
la  loi  qui  les  ordonne  n'est  plus  respectée 
et  dev  ient  une  occasion  continuelle  de  trans- 
gression ;  l'on  a  cité  à  ce  sujet  le  passage 
de  saint  Paul,  Rom.  vu,  10:  Le  commande- 
ment qui  devait  me  donner  la  vie  a  servi  à 
me  donner  la  mort. 

î^i  celle  raison  ét.iit  solide,  il  ne  faudrait 
pas  sculcnicnt  conclure  à  retrancher  quel- 
ques jours  iVabstirunce,  mais  à  supprimer 
toute  loi  d'abstinence  quelconque.  On  n'a 
pas  vu  que  saint  Paul  parlait  du  précepte 
de  la  loi  naturelle  :  Jw  ne  convoiteras 
point,  etc.  F;iut-il  aussi  abolir  la  loi  natu- 
relle, parce  qu'elle  est  souvent  violée?  Lors- 
que les  mœurs  publiques  sont. licencieuses, 
on  ne  respecte  plus  aucune  loi  ;  ce  n'est 
point  alors  le  cas  d'abolir  les  lois ,  mais  de 
les  renfiTcer  si  on  le  peut.  Voy.  Carême  , 
Jfujiiî.  [Tojj.  aussi  ces  mots  dans  le  Dict.  de 
Théol.  mor.] 

ABSTINENTS,  secte  d'hérétiques  qui  pa- 
rurent dans  les  Gaules  et  en  Kspagne  sur  la 
fin  du  troisième  siècle.  On  croit  qu'ils  avaient 
emprunté  une  partie  de  leurs  opinions  des 
gnosliques  et  des  manichéens,  parce  qu'ils 
décriaient  le  mariage,  condamnaient  l'usage 
des  viandes  et  mettaient  le  Saint-Esprit  au 
rang  des  créatures.  Baronius  semble  les 
confondre  avec  les  hiéraciies  ;  mais  ce  qu'il 
en  dit,  d'après  saint  Philastre ,  convient 
mieux  aux  encraliles  dont  le  nom  se  rend 
exactement  par  ceux  d'abstinents  et  de  con- 
tinents. Voy.  Encratites  et  Hiéracites. 

ABUS  en  fait  de  Religion.  Vu  la  manière 
dont  l'homme  est  constitué,  il  abuse  souvent 
de  la  religion,  comme  il  abuse  des  lois,  des 
coolnnies,  du  langage,  de  l'amitié,  des  signes 
d'affection,  des  talents,  des  arts,  etc.  Il  n'a- 
buserait de  rien,  s'il  était  sans  passions  et  si 
ïa  droite  raison  était  toujours  la  règle  de  sa 
conduite;  mais  celte  perfection  est  au-dessus 
de  ses  forces. 

Les  pratiques  du  culte  primitif  étaient 
simples  et  pures;  l'homme,  devenu  polythéis- 
te, s'en  servit  pour  honorer  les  divinités 
imaginaires  qu'il  s'était  forgées  :  ce  fut  un 
abus  et  une  profanation.  Ces  pratiques 
étaient  destinées  à  exciter  en  lui  des  senti- 
ments intérieurs  de  respect,  de  soumission, 
de  reconnaissance,  de  pénitence,  de  con- 
fiance à  l'égard  de  Dieu  ;  il  se  persuada  que 
les  signes  seuls  suffisaient,  pouvaient  tenir 
lieu  de  piété,  plaire  à  Dieu  et  mériter  ses 
grâces,  sans  être  accompagnés  des  senti- 
inents  du  cœur.  Dieu  n'avait  pas  défendu 
d'employer  à  son  culte  les  signes  de  la  joie, 
le  chant,  la  danse,  les  repas  de  fraternité  ; 
l'homme  voluptueux  en  abusa,  pour  satis- 
faire sa  sensualité.  Les  signes  du  repentir 
sont  utiles  pour  nous  humilier  cl  nous  cor- 


riger ;  des  esprits  ardents  peuvent  les  pous- 
ser à  l'excès  et  les  rendre  nuisibles.  La  reli- 
ijion  est  destinée  à  réprimer  l'orgueil,  l'in- 
térêt, l'ambition,  la  jalousie,  la  liaine  ;  sou- 
vent des  hommes,  dominés  par  ces  passions 
impérieuses,  se  sont  persuades  qu'ils  agis- 
saient par  motif  de  religion,  etc.  Voilà  d'é- 
normes abus. 

Si  nous  remontons  à  la  source  première 
de  tous  les  abus,  nous  la  trouverons  toujours 
dans  les  passions  humaines  ;  sans  elle  l'igno- 
rance .'-tupide  n'aurait  pas  pu  agir  :  mais  les 
passions  inquiètes  suggérèrent  de  faux  rii- 
sonnements  et  une  fausse  science,  bien  plus 
redoutables  que  l'ignorance.  Ainsi  l'avidité 
pour  les  biens  de  ce  monde  et  la  crainte  de 
les  perdre,  firent  inventer  la  multitude  des 
dieux  ou  génies  chargés  de  les  distribuer, 
et  le  culte  insensé  qu'on  leur  rendit  ;  la  va- 
nité des  imposteurs  leur  suggéra  des  fables 
et  des  pratiques  prétendues  merveilleuses 
pour  trotnper  les  hommes  :  l'amour  impudi- 
que, la  haine,  la  jalousie  ,  la  vengeance , 
invoquèrent  les  puissances  infernales  ;  la 
curiosité  effrénée  voulut  pénétrer  dans  l'a- 
venir et  forger  l'art  delà  divination;  la  mol- 
lesse trouva  son  compte  dans  le  culte  pure- 
ment extérieur,  etc.  Quel  remèJe  y  apporta 
la  philosophie  ?  Aucun.  Loin  d'attaquer  de 
front  tous  ces  abus,  elle  les  confirma  par  son 
suffrage  ;  elle  les  étaya  par  des  sophisme? 
et  les  rendit  ainsi  plus  incurables. 

La  lumière  du  christianisme  en  fit  dispa- 
raître lu  plus  grand  nombre  ;  mais  elle  n'é- 
touffa pas  toutes  les  passions  prêtes  à  les 
reproduire.  Plusieurs  sectes  d'hérétiques 
s'obslinèrent  à  en  conserver  une  partie,  et 
les  éclectiques  du  quatrième  siècle  6rent 
tous  leurs  efforts  pour  remettre  en  crédit 
toutes  les  superstitions  du  paganisme.  Au 
cinquième,  les  barbares  du  Nord  nous  ap- 
portèrent celles  qui  étaient  nées  dans  leurs 
forêts,  et  ils  en  consacrèrent  plusieurs  par 
leurs  lois.  L'Eglise  ne  cessa  de  faire  des  dé- 
crets et  de  prononcer  des  anathèm-es  pour 
les  extirper  ;  mais  que  peuvent  les  leçons, 
les  lois,  les  menaces,  les  censures  contre 
des  Barbares  ?  Aujourd'iiui  de  faux  raison- 
neurs accusent  l'Eglise  même  d'avoir  fo- 
menté les  superstitions,  en  y  attachant  trop 
d'importance  :  C'est  par  la  physique,  disent- 
ils,  et  par  l'histoire  naturelle  qu'il  faut  in- 
struire les  peuples  ;  et  cette  grande  révolu- 
tion était  réservée"  à  notre  siècle  qui  est 
celui  de  la  philosophie. 

ÏNous  voudrions  savoir  d'abord  quels  pro- 
grès la  physique  a  fait  dans  les  vallées  des 
Pyrénées,  dos  Cévennes,  des  Alpes,  des  Vos- 
ges et  du  Mont-Jura  ;  dans  les  campagnes 
du  Berri,  de  la  Bretagne,  de  la  Champagne 
et  de  la  Picardie.  Ce  ne  sont  pas  des  livres 
d'hi^loire  naturelle  que  nos  philosophes 
s'attachent  à  répandre  parmi  le  peuple  , 
mais  des  livres  d'athéisme  et  d'incrédulité. 
Or,  nous  savons  par  une  longue  expérience 
que  l'incrédulité  ne  guérit  ni  les  passions, 
ni  la  superstition  qui  en  est  l'cffei,  et  que 
l'on  peut  très- bien  croire  à  la  magie  sans 
croiie  ca  Dieu.  Si  le  peuple,  affranchi  du 


S7  ABS 

joug  de  la  religion,  pouvait  donner  un  libre 
cours  à  ses  vices,  serait-ce  la  philosophie 
qui  le  retiendrait  ? 

Nous  avouons  sans  difficulté  qu'aujour- 
d'hui comme  outn  fois  toute  passion  quel- 
conque peut  abuser  de  la  relir^Mon  :  ainsi, 
l'on  en  abuse  par  or<;ueil,  lorsqu'on  se  glo- 
rifie des  grâces  de  Dieu,  que  l'on  montre  de 
la  haine  ou  du  mépris  pour  ceux  à  qui  Dieu 
n'a  pas  fait  les  mêmes  faveurs  ;  c'était  le  dé- 
faut des  Juifs  :  on  en  abuse  par  ambiiiou, 
lorsque  sous  prétexie  de  zèle,  on  se  croit  fait 
pour  rem(ilir  toutes  les  places,  pour  obtenir 
toutes  les  dignités  de  l'iiglise  ;  par  avarice, 
lorsque,  l'on  trafique  des  choses  saintes,  que 
l'on  emploie  des  impostures  et  des  fraudes 
pieuses -pour  exlorciuer  les  aumônes  des 
Odèles  ;  par  envie  ou  par  jalousie,  lorsque 
l'on  ne  rend  pas  justice  aux  talents,  aux  ver- 
tus, aux  travaux,  aux  succès  d'un  ouvrier 
évangélique  ;  [j.ir  violence  de  caractère  , 
quand  on  voudrait  faire  tomber  le  feu  du 
ciel  sur  les  Samarit;iins,  ou  exterminer  tous 
ies  mécréants  ;  p.ir  paresse,  lorsque,  par 
une  fausse  humilité,  l'on  retuse  de  travail- 
ler au  salut  des  âmes,  etc. 

Jlais  ne  sont-ce  pas  ces  mêmes  passions 
qui  font  naître  l'incrédulité?  On  l'embrasse 
par  orgueil,  parce  qu'elle  donne  un  relief 
d'espi  it  fort  aux  yeux  des  ignorants,  et  que 
l'on  se  pique  de  mieux  penser  que  les  au- 
tres hommes  ;  par  ambition  et  par  cupidilé, 
lorsqu'on  l'envisage  comme  un  moyen  de 
plaire  aux  grands,  de  se  donner  du  crédit, 
de  |iarveiiir aux  honneurs  iiiteriires  et  aux 
récompenses  des  talents;  par  lubriciié,  p.irce 
que  c'est  un  moyen  do  séduire  les  femmes  et 
de  les  débarrasser  du  joug  de  la  religion  ; 
par  jalousie  contre  le  clergé,  paric  qu(?  l'on 
est  fàrhé  du  crédit  et  de  la  considération 
dont  il  jouit  ;  jiar  emportement  d'humeur, 
lorsque  l'on  déilame  et  que  l'on  invective 
contre  lui,  sans  garder  aucune  bienséance  ; 
j,ar  mollesse,  parce  que  les  pratiques  de  reli- 
gion sont  incommodes,  etc.  De  quoi  servent 
donc  aux  incrédules  leurs  dissertations  con- 
tinuelles touchant  les  abus  en  fait  de  Kili- 
yion?  Il  y  aura  des  vices  tant  qu'il  y  aura 
des  hommes,  vilin  erunt  donec  hotnines  ;  ce 
n'est  pas  l'incrédulité  qui  guérira  les  imper- 
fections de  l'humanité. 

<Jue  faire  pour  prévenir  tous  les  abus  ? 
Lej  lois,  les  défenses,  les  menaces,  les  pi'i- 
nes,  sont  souvent  inutiles  ;  l'homme  pas- 
sionné les  esquive  ou  les  brave.  L'Eglise, 
qui  ne  peut  iniliger  que  des  peines  spirituel- 
les, qui  craint  d'aigrir  le  mal  par  des  remè- 
des violents,  gcmit,  exhorte,  instruit,  se 
borne  à  dis  réprimandes  et  à  des  menaces  ; 
elle  tolère  des  ubus  qu'elle  ne  peut  ni  cm- 
pôclier  i,\  réformer.  L'expérience  des  maux 
causés  par  les  réformes  imprudentes,  la  ré- 
sistance qu'elle  a  souvent  éprouvée  de  la 
part  de  ceux  (jui  étaient  intéresses  à  perpé- 
tuer les  abus,  la  jalousie  et  les  alarmes  que 
I'i<i;init  proS(|ue  toujours  l'us.ige  de  son  au- 
loiilé,  la  retiennent  et  l'empèchenl  de  sévir, 
tlenx  (|iii  la  blâment  seraient  |ie(it-élre  les 
premiers  à  uiaiulcnir  les  aOut  qu'elle  vou- 


ACC 


SS 


drait  corriger,  et  ils  abusent  eux-mêmes  de 
la  simplicité  des  hommes,  souvent  dupes  de 
ce  zèle  hypocrite. 

ABYSSINS.  Voij.  Ethiopiens. 

A'^.ACIENS.  Acace,  surnommé  le  tiorqne  , 
fut  disciple  et  successeur  d'Eusèbe  dans  le 
siège  de  Césarée,  et  eut  comme  lui  une 
grande  part  aux  troubles  de  l'arianisme.  Il 
avait  de  l'érudition  et  de  l'éloquence,  mais 
beaucoup  d'ambition;  et  ce  vice  lui  fil  faire 
un  très-mauvais  usage  de  ses  talents.  Celait 
un  de  ces  hommes  inquiets,  intriganis  et 
ardents,  qui  se  mêlent  de  toutes  les  affaires, 
veulent  avoir  du  crédit  à  quelque  prix  que 
ce  soit,  et  qui  n'ont  de  religion  qu'autant 
qu'elle  peut  servir  à  leur  intérêt.  Acace  fut 
arien  déterminé  sous  l'empereur  Constance; 
i!  redevint  catholique  sous  Jovien,et  rentra 
dans  le  parti  des  ariens  sous  Valens.  On  ne 
peut  pas  savoir  quelle  était  la  croyance 
de  ceux  qui  se  laissaient  conduire  par  lui 
et  qui  furent  nommés-.4caciens.  Il  fit  dépo- 
ser saint  Cyrille  de  Jérusalem,  qu'il  avait 
ordonné  lui-même  ;  il  eut  part  au  bannisse- 
ment du  pape  Libère  et  à  l'intrusion  de 
l'antipape  Félix  ;  il  fut  déposé  à  son  tour 
par  le  concile  de  Séleucie  en  359,  et  par  ce- 
lui de  Lampsaque  en  3C5;  et  il  mourut  pro- 
bablement sans  savoir  ce  qu'il  croyait  ou 
ne  croyait  pas.  Voy.  Tillemonl,  Mém.,  1.  VI, 
p.  30i  et  suiv. 

H  y  a  eu  plusieurs  autres  évéques  du  mê- 
me nom,  qu'il  ne  faut  pas  conlondre  avec 
lui.  Acace  de  Bérée,  en  Palestine,  fut  ami  de 
saint  Epiphane  et  se  fit  longtemps  respec- 
ter par  ses  vertus  ;  mais  il  déshonora  sa 
vieillesse  en  se  meiianl  à  la  tête  des  persé- 
cuteurs de  saint  Jean  Chrysoslome.  Acace, 
évê'jue  d'Amide,  se  rendit  célèbre  par  sa 
charité  envers  les  pauvres.  Acace  de  Con- 
stanlinoplc  fut  un  des  partisans  d'Eu- 
lychès,  etc. 

ACCEPTION  DE  PERSONNES.  L'Ecriture 
nomme  ainsi  la  faute  d'un  juge  qui  favorise 
un  parti  au  préjudice  de  l'autre,  qui  a  plus 
d'égard  pour  un  homme  puissant  que  pour 
un  pauvre  :  Dieu  le  défend, /Jcufrron.  i,  17, 
et  ailleurs  ;  c'est  un  crime  contraire  à  la  loi 
naturelle  :  Job  en  témoigne  de  l'horreur,  c. 
24  et  31.  Il  est  dit  dans  l'ancien  et  le  nou- 
veau Testament  que  Dieu  ne  fait  point  ac- 
ception de  personnes  ;  que  quand  il  est  ques- 
tion de  justice,  de  bonnes  œuvres,  derécom- 
penses,  il  traite  de  n)éme  les  Juifs  et  les 
païens.  Il  ne  s'ensuit  pas  de  là  que  Dieu  ne 
puisse,  sans  blesser  sa  justice,  accorder  plus 
de  bienfaits  naturels  ou  surnaturels  à  une 
personne,  à  une  famille,  à  une  nation  qu'à 
nue  autre.  Quand  il  s'agit  de  grâces  ou  d;; 
dons  purement  gratuits,  ce  n'est  plus  une 
affaire  de  justice  ;  ce  que  Dieu  donne  à  uu 
homme  ne  porte  aucun  préjudice  à  un  au- 
tre, il  peut  donc  accorder  à  l'un  la  grâce  de 
la  loi,  le  baptême,  tel  ou  tel  moyen  de  salut, 
et  ne  pas  l'.iccirder  à  l'autre.  Il  peut  punir 
un  pécheur  en  ce  monde,  dilTrer  lecliàli- 
nient  d'un  autre  jusqu'après  la  mort  :  <lès 
tju  il  ne  rend  au  coupable  que  cciju'ila  mé- 
rité, la  justice  est  observée;  persouue  u'4 


89 


ACE 


âcûe: 


90 


druit  de  se  plaindre  ;  Dieu  ne  demande 
compte  à  personne  quo  de  ce  qu'il  lui  a 
donné.  Voy.  .Tustice   de  Dieu,    Partialité. 

ACCIDENTS  EUCHAUISTIQUKS.  Selon  la 
croyance  catholique,  après  les  paroles  de  la 
consccralion,  la  subst^in.e  du  pain  et  du 
vin  est  déirulle  ;  elle  est  changée  au  corps 
et  au  S'ing  de  Jésus-(]hri<t  ;  mais  les  qualités 
sensibles  du  pain  et  du  vin,  la  granileur,  la 
couleur,  le  goût,  etc.,  demeurent  :  ces  (jna- 
lilés  sensibles  sont  nommées  par  les  théolo- 
giens, accidents,  espèces,  apparences.  Comme 
la  substance  des  corps  absiraile  ou  si'parée 
par  noire  esprit  d'avec  les  qualités  sensibles 
n'est  point  une  idée  claire,  les  accidents  sé- 
parés de  la  substance  ne  nous  présentent 
pas  non  plus  une  idée  fort  nette;  il  est  donc 
inutile  d'argumenter  contre  ce  dogme  de 
foi  sur  des  notions  philosophiques.  Si  le 
mystère  de  l'Eucharistie  pouvait  être  claire- 
ment conçu,  ce  ne  serait  plus  un  mys- 
tère (1). 

ACCO.MPLISSEMENT  DES  PROPHÉTIES. 

Voxj.    PnOPUÉTIES. 

ACCORD  DE  LA  RAISON  ET  DE  LA  FOL 
yoij.  Foi,  Raison. 

ACÉPHALES,  sans  chef.  L'histoire  ecclé- 
siastique fait  mention  de  plusieurs  sectes 
nommées  acéphales.  De  ce  nombre  sont  1° 
ceux  qui  ne  voulurent  adhérer  ni  à  Jean  , 
p.'itriarciie  d'Anliochc,  ni  à  saint  Cyrille 
d'Alexanilrie,  au  sujet  de  la  condamnation 
de  Neslorius  au  concile  d'Ephèse.  2°  Certains 
hérétiques  du  cinquième  siècle,  qui  suivi- 
rent d'abord  les  erreurs  de  Pierre  Moiigus, 
évéi|ue  d'.\lexandrie  ,  et  l'abandoniiérent 
ensuite,  parce  qu'il  avait  feint  de  souscrire 
à  la  décision  du  concil<>  de  ChaUédoine  ;  c'é- 
taient des  sectateurs  d'Euiychès.  Voi/.  Ecty- 
CHiENS.  3°  Les  partisans  de  Sévère,  évoque 
d'Antioche,  et  tous  ceux  qui  refusaient  d'ad- 

(1)  «  La  difficiiUé,  disant  les  Conférences  d'Angers, 
est  lie  savoir  ce  que  c'est  ipie  les  ;ippareiices  du  puin 
ei  du  vin,  que  le  concile  de  Trente,  dans  le  même 
caniiii,  reconiiail  deinciirer  après  la  Iranssnbsiaii- 
liation,  maiientibus  ditntaxal  speciebiis  panit  et  viiii.t 
Les  tliéologiens  de  l'école  de  saint  Tlioinas  et  de 
celle  de  Sent  disent  que  «  ce  sont  les  aeciilei.ts  du 
pam  et  (In  vin  qni  subsistent  niiracnleuseiiienl  sé|ia- 
rés  de  leur  substance.  »  Ce  seiUiinent  étail  générale- 
ment reçu  dans  lnntos  les  iniiversiiés  calli<)lii|nes, 
avant  (lu'iiii  eût  ouï  parler  de  la  philosophie  de  Des- 
cartes; mais  les  carlé-iens  se  sont  imaginé  <  qu'il 
n'est  pas  possible  qne  des  accidents  réels  puissent 
subsister  sans  leur  siibslance  ;  (juainsi,  si  les  acci- 
dents du  pain  et  du  vin  deniourent  après  la  consé- 
cration, il  faut  dire  que  la  snbslaiice  du  pain  el  du 
vin  demeure  aussi  dans  l'eucharistie.  »  (M.  Cousin 
a  renouvelé  de  nos  jours  celle  doclrine)  qui  est 
directement  contre  le  dngnie  de  la  Iranssubslan- 
tiation  établi  par  le  concile  de  Trente.  Les  carté- 
siens catholiques  disent  i(ue  i  les  espèces  euclia- 
risliques  sont  seulement  des  apparences  du  piin  el 
du  vin  ;  »  el  quand  on  les  presse  d'expliquer  qu'est- 
ce  que  sont  ces  appurences,  les  uns  disent  que  c  ce 
sont  des  impressions  fanes  surnos  sens  par  le  pain  el 
le  vin,  lcsi|uelles  ilemeurent  après  la  coiisécraiion  :  > 
d'aulres  disent  que  ce  son!  les  actions  de  ims  sens, 
savoir,  visionein,  lacliuiiem,  (jitstaùoiieni,  que  Dieu 
conserve  en  nous  ou  produit  de  nouveau  en  l'absence 
de  la  substance  du  pain  et  du  viu  :  <  d'aulres  disent 


mettre  le  concile  de  Chalcédoine,  c'étaient 

encore  des  eutychiens. 

On  a  aussi  nommé  acéphales  les  prêtres 
qui  se  soustraient  à  la  juridiction  de  leur 
évéque,  les  évoques  qui  refusent  de  se  sou— 
meure  à  celle  de  leur  métropolitain,  les  cha- 
pitres el  les  monastères  qui  se  prétendent 
indépendants  de  la  juridiction  des  ordinai- 
res. Ce  point  de  discipline  regarde  les  ca- 
nonisles  (2j. 

♦  ACIIAMOÏI!  (Snpliie).  Les  Valeminiens  opbiies 
avaienl,  dans  leurs  rèveiies  sur  les  Eoiis,  imaginé 
une  Sopliia  Achaniolh,  qui  avait  pris  lanl  d'empire 
SIM'  le  Christ,  qu'e  le  eondiiisil  toute  la  grande  af- 
fain-  de  la  Kédemption.  Mais  ce  ne  fui  que  dans 
le  ciel  qne  se  cnnsonima  l'union  complèle  du  Christ 
avec  Sopitia.  Il  fa  un  célesle  mariage,  et  s'unit  à  elle 
pour  tnule  l'élernité.  Ce  sont  là  des  rêveries  dont  la 
seule  exposition  est  une  rérnlation  snlli>anie.  Voy.  le 
Uiciioniiaire  des  Hérésies,  art.  Vali.ntin  (édit.  Miguej. 

ACHIAS.  Voy.  Amas. 

ACHIMELECH.  Voy.  AniAXHAR. 

ACOEMÈTES,  ijui  ne  dorment  point.  Nom 
de  certains  religieux  fort  célèbres  dans  les 
premiers  siècles  de  l'.iglise,  et  surtout  dans 
l'Orient,  appelés  ainsi,  non  qu'ils  eussent  les 
yeux  toujours  ouverts  sans  dormir  un  seul 

que  ce  sont  de  pures  apparences   des  clioses  absen- 
tes, c'est-à-dire  des  spectres,  des  fantômes.  » 

I  L'on  ne  peut  s'abstenir  dédire  qu'il  est  très-dif- 
ficile d'accoidei-,  avec  Il  croyance  de  l'Eslise  ro  nai- 
ne ,  le  sentiiiient  des  cartésiens  :  de  linéique  manière 
qu'ils  l'expliquent,  il  nous  paraît  contraire  i  la  d.ic- 
Irine  du  ooneile  de  Trente,  ipii,  dans  la  session  13, 
chapitre  o,  dil  qne  t  l'eucliarislie  est  un  signe  d'une 
chose  sacrée  el  une  forme  visible  de  la  grâce  invi- 
sible, que  Jésus-Ciirist  est  tout  entier  sous  chaque 
partie  d'une  espèce  ;  >  dans  le  canon  4,  <  que  le 
corps  de  Jésns-Cbrisl  esl  d'une  manièie  permanente 
dans  des  hosties  consacrées  qu'on  réserve  après  la 
communion  :  >  dans  le  cliapilie  6,  que  i  la  coulnme 
de  conserver  reiichanslie  dans  le  lalieniacle  était 
établie  dés  le  siècle  du  premier  concile  de  Nicée, 
que  depuis  très-longlenips  on  a  pnrlé  reucbarislie 
aux  malades,  i  Je  demamle  aux  cartésiens  si  tout 
cela  se  peut  dire  raisonnablement  des  impressions 
faiies  sur  nos  sens,  des  actions  de  nos  sens,  ou  de 
pures  apparences.  Ils  voient  bien  que  non.  El  il  faut 
de  nécessité  qu'ils  convieiinenl  ipie  ce  que  le  con- 
cile dit  ne  peul  s'appUipier  qu'à  quelque  chose  de 
réel,  qui  éiait  dans  le  pain  et  le  vin  qui  esi  resté 
après  la  consécration  :  or  il  ne  demeuie  rien  de  la 
substance  du  pain  el  ilu  vin;  elle  est  toute  changée 
au  corps  elau  sang  de  Jésus-Christ  ;  c'est  pnurqiioi 
nous  disons  que  les  es|iéce>  du  pain  et  du  vin  qui 
restent  après  la  consécraiion,  sous  lesquelles  le 
corps  et  le  sang  de  Jésiis-Clirist  sont  renlermes,  et 
qui  fout  partie  du  sacrement  de  l'eucbansiie,  sont 
de  véritables  et  réels  accidenls  du  pain  et  du  vin, 
qui  conservent  cette  iiiéine  existence  après  la  iraiis- 
siibsiantialion  du  pain  el  du  vin  an  corps  et  au  sang 
de  Jésus-Christ,  comme  saint  Thomas  l'enseigne 
(Pan.  in,q.  77),  qui  retiennent  leur  qnaliié  d'acci- 
dents, eiqui  sont  les  mêmes  qu'ils  étaient  aupa- 
ravant, mais  qui  ne  sont  plus  inhérents  à  la  subs- 
tance du  pain  el  du  vin  qui  étaient  leur  sujel;  les- 
quels Dieu  conserve  hors  de  leur  sujet,  de  sorte 
qu'ils  snb^islent  miraculensenienl  par  eux-mêmes.  On 
appelle  ces  accidenls  /es  espèces  du  pain  et  du  vu», 
parce  qu'ils  nous  meiienl  devant  les  yeux  la  ressein- 
lilance  du  pain  ei  du  viii,  ce  qui  est  le  même  que  de 
dire  «  qu'ils  nous  représentenl  le  p:iin  el  le  vin  après 
la  coiisécratiou,  quoique  le  pain  el  le  via  ue  swcul 


31  ACOE 

moment,  comme  qudques  auteurs  l'ont  écrit, 
mais  parce  qu'ils  observaicnl  dans  leurs 
églises  une  psalmodie  perpétuelle,  sans  l'in- 

plus  sous  c«s  espèces,  mais  \e  corps  et  le  sang  de  Jé- 
sus-Clirist.  > 

<  Si  les  cartésiens  ne  verilent  pas  que  les  accidents 
du  pain  et  da  vin  snl)sisleiit  miiaculi-usemeiit  liors 
de  leur  sujet  sulist nitiel,  ne  laut-il  pas  qu'ils  aient 
eujt-niênies  recours  .tu  miracle,  pour  que  les  im- 
pressions faites  sur  nos  sens  par  le  pain  et  le  vin  , 
©H  les  actions  de  nos  sens  soient  pernianenles? 

I  Si  on  nous  opposait  que  les  anciens  Pères, 
quand  iU  ont  parlé  de  Peucliaristie,  n'ont  point  fuit 
menliiin  d'accidents  qui  soient  sans  sujet,  et  qui  sub- 
sistent par  eux-mêmes,  nous  demeurerions  d'accord 
que  les  premiers  F'éres  se  sont  conlenlés  de  dire 
t  que  le  sacrement  de  l'eucharistie  élait  compose  de 
deux  clioses,  >  dunt  l'une  esl  fe/esfe  et  l'autre  (err^s- 
tre,  l'one  visible  et  l'autre  invisible.  Mais,  (piand  la 
foi  de  ce  mystère  a  élé  attaquée  par  les  hérétiques, 
et  qu'il  a  fallu  en  expliquer  la  vériié,  pour  nielire 
les  lidèles  en  élat  de  ne  pas  se  laisser  surprendre 
par  les  suhlililés  artificieuses  des  hérétiques,  on  a 
dit  que  f  la  subsianre  du  pain  et  du  vin  était 
changée  par  la  conséciaiion,  mais  que  les  accidents 
étaient  conservés  et  restaient  après  la  consécration, 
«le  crainte  que  nous  n'eussions  horreur  de  manger  la 
chair  de  Jés(i--Chrisi  et  de  boire  son  sanp;.  >  Gnit- 
mond,  archevêque  d'Averso,  qui  écrivait  contre  lié- 
renger,  ilans  le  onzième  siècle,  parlait  ainsi  dans  son 
lu'  livre  :  Cur  non  siiflicil  Ecclesiœ  ratio..,,  generali- 
ter  respondentis,  rerum  quicle.m  suiislaniias  mulari,  sed 
propler  lioiroreni,  priorein  saporein,  colori'mqug  et  cœ- 
tcra  quœdam  anidentin  ad  sensum  duiuuxat  pertinen- 
tia,  relineri  ?  On  peut  même  dire  que  c'est  là  le  lan- 
gage de  ITglise,  puisque,  dans  l'office  du  jour  de 
la  Fêle-Dieu,  on  lit  à  matines  une  leçon  tirée  de  l'o- 
pusaile  57  de  saint  Thomas,  où  il  dit  :  Accidentia 
eiiim  sine  subjeclo  in  eodem  (sacranienio)  exislunl  ut 
fides  locum  liabeat,  ilum  invisibile  vidbiliter  smnitiir 
$ub  aliéna  specie.  Le  concile  de  Cologne  de  l'an  1S56 
a  aussi  canonisé  coite  manière  de  parler,  en  disant, 
dans  le  chapitre  15  du  titre  de  l'administraliou  des 
sacrements,  que  <  les  espèces  du  pain  et  du  vin  ne 
sont  autre  chos'',  après  la  consécration,  que  des  ap- 
parences sacramenielles  et  des  accidents  sans  su- 
jet (n).  I  Celui  donc  qui  nierait  qu'il  y  eût  dans  l'eu- 
charisiie  des  accidenis  qui  subsistassent  sans  su- 
jet,  ne  serait  pas   exempt  de  blànie. 

4  En  effet,  un  bénédii  tin  de  la  congrégation  de 
Saint-Maur,  .lyant  avancé  en  des  iliéses  souienues 
dans  l'abliaye  de  .Saint- Llienne  de  Caen,  au  diocèse 
de  Dayeiix  ,  une  prcqiosition  qui  laissait  incertain 
s'il  y  a  des  acciU.  iiis  sans  sujet  dans  l'eucliarisl.e, 
ÎL  rèvèquc  (le  Bayeux  la  condamna  par  un  mand'- 
nient  i;u  5  niai  1707,  comme  léméiaire  et  comme 
ayant  été  condamnée  par  plusieurs  unive  sites  (i), 
et  favorisant  la  seconde  proposition  de  Wiclef,  coii- 
d.amnée  par  le  C(mcile  de  Ciuisuince,  dans  la  iiui- 
liéme  session,  tenu  Ici  mai  lil5.  Accidentia  pttnis 
non  manent  iine  subjeclo  in  evdem  sucramenlo.  Les 
accidenis  du  pain  ne  deuiruieiil  point  sans  sujet  dans 
le  sacrement  de  l'eucharistie.  Ifleri  plus,  le  coneile 
de  lloiiiges,  de  l'an  1681,  litre  ii  de  l'eucharistie, 
cano«i  3,  veui  <  qu'où  excommunie  et  qu'on  regarde 
comme  liéréliques  ceux  qui  nient  que  les  accidents 
du  pain  et  du  vin  demeurent  dans  le  sacrement  de 
reyckirislie,  sans  la  substance  du  pain  et  du  vin  (c).  i 
Voy.  LitUiiBisTiK. 

(a)  (juid  enim  panis  et  vint  species  aliud  sunt  post  con- 
secidtioneni,  tpmni  spccics  s icramenules  et  accidentia  sine 
subjeclo. 

(b)  I. 'université  d'An«ers  est  de  ce  nombre. 

(e)  Neiiuntei  accidentia  panis  cl  vini  in  sncramcnlo  en- 
c/wriMia-. 


Aco  n 

terrompre  ni  jour  ni  nuit.  Ce  mot  est  grec, 
composé  d'à  privatif  et  de  v.oiaà'j ,  dormir. 
Les  acœmètes  étaieiil  partaftés  en  trois  ban- 
des, dont  chacune  psalmodiait  à  son  tour  et 
relevait  les  autres;  de  sorte  que  cet  exercice 
durait  sans  interruption  pendant  toutes  les 
heures  du  jour  et  de  la  nuit.  Suivant  ce  par- 
tage chaque  acœméle  consacrait  religieuse- 
ment tous  les  jours  huit  heures  entières  au 
chant  des  psaumes,  à  quoi  ils  joignaient  la 
vie  la  plus  exemplaire  et  la  plus  édifiante  : 
aussi  onl-ils  illustré  l'Eglise  orientale  par  un 
grand  nombre  de  saints,  d'évéquescl  de  pa- 
triarches. 

Nicéphore  donne  pour  fondateur  aux  acœ- 
mèles  un  nommé  Marcellus,  que  quelques 
écrivains  modernes  appellent  Jlarccllus  d'A- 
pamée;  maisBoilandus  nous  apprend  que  ce 
fut  Alexandre,  moine  de  Syrie,  antérieur  de 
plusieurs  années  à  Marcellus.  Suivant  Bol- 
iandus,  celui-là  mourut  vers  l'an  330.  II  fut 
remplacé  dans  le  gouvernement  des  acœmètes 
par  Jean  Galybe,  et  celui-ci  par  Marcellus. 

On  lit  dans  saint  Grégoire  de  Tours  et  plu- 
sieurs autres  écrivains,  que  Sigismoud,  roi 
de  Bourg:ogne,  inconsolable  d'avoir,  à  l'ins- 
tigaliuii  d'une  méchante  princesse  qu'il  avait 
épousée  en  secondes  noces,  et  qui  élait  Glle 
de  Théodoric,  roi  d'Italie,  fait  périr  Géséric 
son  fils,  prince  qu'il  avait  eu  de  sa  première 
femme,  se  relira  dans  le  monastère  de  Saint- 
Maurice,  connu  autrefois  sous  le  nom  d'A- 
gaune,  et  y  établit  les  acœmèles,  pour  laisser 
dans  l'Eglise  un  monument  durable  de  sa 
douleur  et  de  sa  pénitence.  l 

Il  n'en  fallut  pas  davantage  poar  que  le  I 
nom  d'acœmète  et  la  psalmodie  perpétuelle 
fussent  mis  en  usage  dans  l'Occident,  et  sur- 
tout en  France.  Plusieurs  monastères,  entre 
autres  celui  de  Saint-Denis,  suivirent  l'oxem- 
de  Sainl-Maurice.  Quelques  monastères  de 
niles  se  conformèrent  a  la  même  règle.  Il 
paraît  par  l'abrégé  des  actes  de  sainte  Sale- 
berge,  recueillis  d  ins  un  manuscrit  de  Com- 
piègne  cité  par  le  Père  Ménard,  que  celte 
sainie,  après  avoir  fait  bâtir  un  v.:ste  mo- 
nastère cl  y  .ivoit  rassemblé  trois  cents  reli- 
gieuses, les  partagea  e;>  plusieurs  chœurs 
différents,  de  manière  qu'elles  pussent  faire 
relcnlir  nuit  et  jour  leur  église  du  chant  des 
psaumes 

On  pimrrait  encore  donner  aujourd'hui  le 
nom  d'acœnièlea  à  quelques  maisons  reli- 
gieuses, où  l'adoration  perpéluelle  du  saint 
sarremcnt  l'.til  partie  de  la  règle;  en  sorte 
qu'i:  )  a  jour  et  nuit  (juelques  personnes  de 
la  commun  lUlé  occupées  de  ce  pieuY  exer- 
cice.  Voi/.    PSAI.MODII':. 

On  a  quelquelois  appelé  les  slyliles,  «c»- 
mète.'>.  et  les  acainèlfa,  sludMes.  Voy.  Stylitb 
et  SruDiTK. 

ACOLYTE,  c'est-A-dire,  suivant,  celui  qui 
accompaijne.  Dans  les  auletirs  ecclésiasti- 
ques, ce  nom  est  spécialement  donné  aux 
jeunes  clercs  qui  aspiraient  au  saint  minis- 
tère, et  tenaient  dans  le  clergé  le  premier 
rang  après  les  sous-diacres.  L'iv^lise  grectiuo 
n'avait  point  d'aioli/ten  ,  au  moins  les  plus 
a»cien$  monuments  n'eu  font  aucune  tiiin— 


93 


ACT 


ACT 


94 


(ion  ;  mais  l'Eglise  latine  en  a  eu  dès  le  troi- 
sième siècle;  saint  Cyprien  et  le  pape  Cor- 
iu>ille  en  parlent  dans  leurs  épilres,  et  le 
quatrième  concile  de  Carthage  prescrit  la 
uiaiiière  de  les  ordonner. 

Les  acoli/les  étaient  de  jeunes  hommes  en- 
tre 20  (^  30  ans,  destinés  à  suivre  toujours 
l'évêquc  et  à  être  sous  sa  main.  Leurs  prin- 
cipales fonctions,  dans  les  premiers  siècles 
de  l'Kglise,  étaient  de  porter  aux  cvêques  les 
lettres  <|ue  les  Eglises  étaient  en  usage  de 
s'écrire  mnlucllement  ,  lorsqu'elles  avaient 
quelque  affaire  importante  à  consulter;  ce 
qui  dans  les  temps  de  pcrséculiou,  où  les 
Gentils  épiaient  toutes  les  occasions  de  pro- 
faner nos  mystères,  exigeait  un  secret  invio- 
lable et  une  fidélité  à  toute  épreuve. Ces  qua- 
lités leur  firent  donner  le  nom  d'acolytes , 
aussi  bien  que  leur  assiduilé  auprès  de  l'évé- 
que,  qu'ils  élaient  obligés  d'accompagner  et 
de  servir.  Ils  faisaient  ses  messages,  por- 
taient les  eulogies ,  c'est-à-dire  les  pains 
bénits  (|ue  l'on  envoyait  en  signe  de  commu- 
nion :  ils  porlaienl  même  l'eucharistie  dans 
les  premiers  temps  ;  ils  servaient  à  l'aulel 
sous  les  diacres;  et  avant  qu'il  y  eût  des 
sous-diacres,  ils  en  tenaient  la  place.  Le 
martyrologe  marque  qu'ils  tenaient  autre- 
fois à  la  messe  la  patène  enveloppée,  ce  (jue 
font  à  présent  les  sous-diacres  ;  ei  il  est  dit 
dans  d'autres  endroits  qu'ils  tenaient  aussi  le 
chalumeau  qui  servait  à  la  communion  du  ca- 
lice. Enfin,  ils  servaient  encore  les  évêques 
et  les  officiants  en  leur  présentant  les  orne- 
ments sacerdotaux.  Leurs  fonctions  oui 
changé;  le  pontifical  ne  leur  en  assigne  point 
(l'autre  que  de  porter  les  chandeliers,  allu- 
mer les  cierges,  et  préparer  le  vin  ei  l'eau 
pour  le  sacrifice  :  ils  servent  aussi  l'encens, 
et  c'est  l'ordre  que  les  jeunes  clercs  exercent 
le  plus  souvent. Tomass.  Discipl.  de  l'Eglise. 
Fleury,  Instit.  au  Droit  ecclés.,  tom.  I,  part. 
1,  cliap.  6;  Grandcolas,  Ancien  S acram.,  1"= 
part.,  p.  12i. 

Dans  l'Eglise  romaine,  il  y  avait  trois  sor- 
tes A'acolytes:  ceux  qui  servaient  le  pape 
dans  son  palais  et  qu'on  nommait  palatins  ; 
lesstalionnaires  qui  servaient  dans  les  égli- 
ses, et  les  régionnaires,  qui  aidaient  les  dia- 
cres dans  les  fonctions  qu'ils  exerçaient  dans 
les  divers  quartiers  de  la  ville.  Voy.  Or- 
dres (1). 

ACTE,  ACTION.  Les  théologiens  emploient 
ces  deux  termes  à  l'égard  de  Dieu  et  à  l'égard 
de  l'homme,  mais  dans  un  sens  différent.  Ils 
disent  que  Dieu  est  un  acte  pur ,  c'est-à-dire 
que  l'on  ne  peut  pas  supposer  en  Dieu  une 
puissance  d'agir  qui  ail  réellement  existé 
avant  Vaction;  il  est  éternel  et  parfait;  il  ne 
peut  lui  survenir,  comme  à  l'Iiomme,  Uiie 
nouvelle  modification,  un  nouvel  attribut, 
ou  une  nouvelle  action,  quicliange  sou  élal, 
qui  le  rende  autre  qu'il  n'était. 

Cependant,  comme  nous  ne  pouvons  con- 
cevoir ni  exprimer  lesalliibuls  et  les  actions 

(1)  Vdioi  la  inaiière  et  In  l'ormft  Je  l'acolytiU.  L'é- 
vèiii.ie  ilil,  BH  faisiiiil  loiicl  t  r  le  cierge  el  le  cliaiide- 
lier  :  Aceipe  ceroferarium  cum  ceno,  el  scias  le  ad 


de  Dieu  que  par  analogie  aux  nôtres,  nous 
sommes  forcés  de  distinguer  en  Dieu  comme 
en  nous,  1°  deux  facultés  ou  deux  puissan- 
ces actives,  savoir  l'entendement  et  la  vo- 
lonté, et  les  actes  qui  sont  propres  à  l'un  et 
à  l'autre. 

2'  Des  actes  intérieurs  ou  ad  intra,  et  des 
actes  extérieurs  ou  ad  extra,  comme  s'expri- 
ment les  sciilastiques.  Dieu  se  connaît  et 
s'aime  :  ce  simt  là  des  acies  purement  inté- 
rieurs qui  ne  proiluisent  rien  au  dehors. 
Dieu  a  voulu  créer  le  monde  :  ccl  acte  de  vo- 
lonté n'était  qu'inléricur,  avant  que  le  monde 
existât;  depuis  (|ue  les  créatures  existent  cet 
(ictc  est  censé  extérieur  ;  il  a  produit  un 
efi'et  réellement  distingué  de  Dieu  ;  l'acfe  ou 
le  décret  est  éternel,  mais  son  effet  n'a  com- 
mencé qu'avec  le  temps.  De  même,  dans 
l'homme,  une  pensée,  un  désir,  sont  des  actes 
intérieurs;  une  parole,  un  mouvement,  une 
prière  ,  ULie  aumrtne,  sont  des  actes  exté- 
rieurs et  sensibles  :  les  premiers  sont  nom- 
més par  les  scolastiques,  aclus  immanehs  ou 
elicitus  ;  les  seconds  ,  actus  transiens  ou  im- 
peratus. 

3°  L'on  distingue  les  actes  nécessaires 
d'avec  les  actes  libres  :  Dieu  se  connaît  et 
s'aime  nécessairement,  mais  il  a  voulu  libre- 
ment créer  le  monde  ,  il  aurait  pu  ne  pas 
vouloir  et  ne  pas  créer.  Le  sentiment  inté- 
rieur nous  convainc  que  nous  sommes  capa- 
bles nous-mêmes  de  ces  deux  espèces  d'uc/eA-, 
el  qu'il  y  a  une  différence  essentielle  entre 
les  uns  et  les  autres.  Voy.  Liberté. 

k'  La  nécessité  d'exposer  le  mystère  de  la 
sainte  Trinité  a  obligé  les  théologiens  d'ap- 
peler en  Dieu  actes  essentiels  les  opérations 
communesaux  trois  Personnes  divines,  telles 
que  la  création,  et  actes  nationaux  ou  na- 
ttons, les  actions  qui  servent  à  caractériser 
ces  Personnes  et  à  les  distinguer;  ainsi,  la 
génération  active  est  l'acle  national  du  Père, 
la  spiration  aciive  est  propre  au  Père  el  au 
Fils,  la  procession,  au  seul  Saint-Esprit,  etc. 
Voy.  CCS  mots. 

On  demandera  sans  doute  à  quoi  servent 
toutes  ces  distinctions  subtiles  :  à  donner  au 
langage  théologi(jue  la  précision  nécessaire 
pour  éviter  les  erreurs  el  pour  prévenir  les 
équivoques  frauduleuses  des  hérétiques. 

3»  Nous  distinguons  en  nous  les  actes  spon- 
tanés, c'est-à-dire,  indéliberés  el  non  réllé- 
chis  (1),  comme  Vaclion  d'étendre  le  bras 
pour  nous  empêcher  de  tomber  ;  les  actes  vo- 
lontaires el  non  libres,  comme  le  désir  de 
manger,  lorsque  nous  .sommes  pressés  par  la 
faim,  l'amour  du    bien  en  général,  etc.;  les 

accendenda  ecclesiœ  tuminaria  maticipari  in  nomine 
Doniini.  Il  lui  fait  en^llite  tOHclier  les  biirelles  vides, 
en  disant  :  Aceipe  urceolum  ad  suygreiidum  vinum  et 
aqttain  in  eitcliarislinm  sançininis  Cliristi ,  in  nomine 
Uornini.  Celle  matière  et  cette  forme  étaient  déjà 
einfliiyées  dés  le  qiiaiiiènie  siècle,  comme  iioiis 
rapprend  le  coin  ile  de  Cariliage  de  l'an  5i)8.  Celte 
aiiliqiiiié  les  rend  infiniment  respectables. 

(1)  Le  sens  du  mot  s;)on(aiics  n'est  pas  celui  qoe 
lui  donne  Bergier  :  il  si|?ni(le  actes  libres  el  volon- 
taires. L'auteui'  le  cnnlond  avec  ce  que  les  scolasti- 
ques nouiueiil  actes  de  l'Iiomme, 


»5 


ACT 


ACT 


W 


actes  libres  que  nous  faisons  avec  rédexioa 
et  de  propos  délibéré  ;  ces  derniers  soiil  les 
seuls  ini|iulables,  les  seuls  moralement  bons 
ou  mauvais,  dignes  de  rèconi|)i'nse  ou  de 
cliûlimenl.  lis  sont  nommés  par  les  moralis- 
tes actes  liutnnins,  parce  qu'ils  sont  propres 
à  riiomme  seul;  les  iicles  sponianés  sont  ap- 
pelés actes  de  l'Iiomme.  parce  que  c'est  lui  qui 
les  produit,  qu(iit|ue  les  animaux  en  parais- 
senl  capables.  Quant  aux  actes  puremenl  vo- 
lunliiires,  nous  les  appelons  mouvements  , 
sentiments,  plulôt  qu'actions. 

ii"  Les  actes  humains  ou  libres  sont  prin- 
cipalement considérés  par  les  théologiens 
relativement  à  la  loi  de  Dieu,  qui  les  coni- 
manile  ou  les  défend,  qui  li'S  approuve  ou 
les  condamne;  et  c'est  sous  cet  aspect  ((u'ils 
sont  censés  bons  ou  mauvais,  péchés  ou 
bonnes  oeuvres. 

M.iis  on  demande  s'il  peut  y  avoir  des 
actions  indifférentes,  qui  ne  soient  morale- 
meiil  ni  bonnes  ni  mauvaises,  il  nous  pa- 
raît dilficilc  d'en  admettre  de  telles  à  l'égard 
d'un  chrélien,  pane  qu'il  n'est  jamais  indif- 
férent au  salut  de  perdre  le  mérite  d'une  ac- 
tion quelconque  :  or,  il  n'en  est  aucune  qui 
ne  puisse  élre  méritoire  par  le  motif  et  par 
le  secours  de  la  grâce.  En  second  lieu,  la  loi 
de  Dieu  ne  nous  laisse  la  liberté  de  perdre  le 
fruit  d'aucune  action,  puisqu'elle  nous  com- 
mande de  tout  f.iire  pour  la  gloire  de  Dieu, 
1  Cor.  X,  31.  En  troisième  lieu,  la  grâce  est, 
pour  ainsi  dire,  prodiguée  au  chrétien,  et 
donnée  avec  tant  d'abondance,  qu'il  n'esl 
jamais  innocent  lorsqu'il  n'agit  pas  par  son 
secours.  H  ne  peut  donc  y  avoir  pour  lui 
d'actions  indifférentes  ,  sinon  par  le  défaut 
d'attention  et  de  réflexion. 

7°  Parmi  les  actions  bonnes  et  louables, 
les  unes  sont  naturelles,  les  autres  surnatu- 
relles. Un  païen  qui  fait  l'aumône  à  un  pau- 
vre, par  compassion,  fait  une  bonne  œuvre 
nalurcllement  ;  il  n'est  pas  besoin  de  la  révé- 
lation ,  ni  d'une  Inmière  surnaturelle  de  la 
grâce,  pour  sentir  qu'il  est  bon  et  lou.ible  de 
secourir  nos  sembl.iblrs  iiuand  ils  souffrent  ; 
la  nature  seule  nous  inspire  de  la  pilié  pnur 
eux.  Un  chrétien,  qui  fait  l'aumône  parce 
que  le  pauvre  lient  à  son  égard  la  place  de 
Jésus-Christ,  parce  que  Dieu  a  promis  à  celte 
bonne  oeuvre  la  rémission  des  péchés  et  une 
récompense  éiernelle,  agitsnrnalurellemcnl; 
la  raison  seule  n'a  pas  pu  lui  suggérer  ces 
naolifs,  et  il  ne  peut  agir  ainsi  que  par  le 
secours  d'une  grâce  inli  rieure  et  préve- 
nante. Ces  sortes  de  bonnes  (puvres  sont  les 
seules  méritoires  et  les  seules  utiles  au  sa- 
lut éternel.  Quant  à  Celles  que  font  natutcl- 
Icmeiil  les  païens,  nous  prouverons,  an  mot 
InI'Idèi.e,  que  ce  ne  sont  pas  des  péchés  et 
que  Dieu  les  a  souvent  récompensées.  [Foy. 
OEl  VUES  (lionnes  .\ 

Mais  nn  chrélien  pèchc-t-il  lorsqu'il  fait 
une  bonne  œuvre  par  un  motif  purement 
naturel?  Nous  ne  le  pensons  pas  el  nous  ne 
voyons  pas  |jar  i|uelle  raison  l'on  pourrait 
le  prouver;  il  nous  paraît  même  a  |)eu  près 
iuipossihli;  qu'un  chrétien  lasse  une  bonne 
oeuvre,  sans  que  les  motifs  qui  lui  sont  sug- 


gérés par  la  foi  y  entrent  pour  quelque 
chose. 

8°  Entre  les  actions  surnaturelles  on  dis- 
lingue les  actes  des  différentes  vertus.  Un 
acte  de  foi  est  une  protestation  que  nous 
faisons  à  Dieu  de  croire  à  sa  parole  ;  par  un 
acte  d'espérance,  nous  lui  témoignons  la  coii- 
Gance  que  nous  avons  à  ses  iiromesses  ;  uii 
acte  de  charité  Cil  un  témoignage  de  notre 
amour  pour  lui. 

Nous  sommes  obligés  sans  doute  de  pro- 
duire de  temps  en  temps  ces  sortes  d'nc^es; 
mais,  pour  prévenir  les  scrupules  et  les  in- 
quiétudes des  âmes  simples,  il  est  bon  de  les 
avertir  que  la  récitation  du  symbole  est  un 
acte  de  foi  ;  que  ijuand  elles  disent,  Je  crois 
la  vie  éiernelle.  c'est  un  témoignage  d'espé- 
rance; qu'en  disant  à  Dieu,  dans  l'oraison 
dominicale.  Que  votre  nom  soit  sanctifié,  que 
votre  volonté  soit  faite,  etc.,  elles-  font  un 
acte  d'amour  de  Dieu.  La  prière,  en  général, 
est  un  acte  de  religion,  de  confiance  en  Dieu, 
de  snuMiission  à  sa  providence,  etc. 

ACTES  DES  APOTKES.  Livre  sacré  du 
Nouveau  Te.4anieiil,  qui  contient  l'histoire 
de  l'Eglise  naissante  uendant  l'espace  de 
vingt-neuf  ou  trente  ans,  depuis  l'ascension 
de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  jusqu'à  l'an- 
née 63  de  l'ère  chrétienne.  Saint  Luc  est  l'au- 
teur de  cet  ouvrage,  au  commencement  du- 
quel il  se  désigne  ,  et  il  l'adresse  à  Théo- 
phile, auquel  il  avait  déjà  adressé  son  Evan- 
gile. 11  y  rapporte  les  actions  des  apôtres,  et 
presque  toujours  comme  témoin  oculaire  : 
de  là  vient  que,  dans  le  texte  grec,  ce  livre 
est  intitulé  Actes.  On  y  voit  l'accomplisse- 
ment de  plusieurs  promesses  de  Jésus-Christ, 
son  ascension,  la  descente  du  Saint-Esprit, 
les  premières  prédications  des  apôtres  el  les 
prodiges  par  lesquels  elles  furent  confir- 
mées ;  un  tableau  admirable  des  mœurs  des 
premiers  chréiiens;  enfin  tout  ce  qui  se  passa 
dans  l'Eglise  jusqu'à  la  dispersion  des  apô' 
1res,  qui  se  partagèrent  pour  porter  l'Evan- 
gile dans  tout  le  monde.  Depuis  le  point  de 
cette  séparation,  saint  Luc  abandonna  l'his- 
toire des  autres  apôtres  dont  il  éiail  trop  éloi- 
gné, pour  s'attacher  parliealièremenl  à  celle 
de  saint  Paul,  qui  l'avait  choisi  pour  son  dis- 
ciple et  pour  compagnon  de  ses  travaux.  11 
suit  cet  apôlre  dans  toutes  ses  missions,  et 
jusqu'à  liomo  mén)e,  où  il  parait  que  les 
Actes  ont  été  publiés  la  seconde  année  du 
séjour  qu'y  fit  saint  Paul,  c'est-à-dire,  la 
soixante-lroisièiie  année  de  l'ère  chrétien- 
ne, et  les  neuviènie  el  dixième  de  l'empire  de 
Néron.  Au  resle  le  style  de  cet  ouvrage,  qui 
a  été  composé  ei\  grec,  est  plus  pur  que  ce- 
lui des  autres  écrivains  canonii|ues  ;  et  l'on 
remarque  (jue  saint  Luc,  qui  possédait  beau- 
coup mieux  la  langue  grecque  que  l'hébraï- 
que, s'y  sert  toujours  de  la  version  des  Sep- 
tante dans  les  citations  de  l'Ecriture.  Ce  li- 
vre est  cité  dans  l'épîtrede  saint  Polycarpe 
aux  Philippiens,  n.  1.  iùisèbc  le  met  au  r.ing 
des  écrits  du  nouveau  Test.inient  de  l'au- 
thenticité desijuels  on  n'a  jamais  doulé;  il  est 
place  comme  tel  dans  le  canon  dressé  par  le 
concile  de  Laodicée,  et  il  n'y  a  juiuais  eu  là- 


I 


97  ACT 

dessus  de  conleslation.  Saint  Epiphane,  Hœr. 
30,  c.  3  et  6,  dit  que  ces  Actes  ont  été  tra- 
duits en  hébreu  ou  dans  la  langui'  syro-hé- 
braïque  des  Eglises  de  la  Palcsiine;  ils  ont 
donc  été  très-connus  dès  le  monienl  de  leur 
publicalion. 

On  ne  peut  pas  non  plus  révoquer  en 
doute  la  vérité  de  riiistoire  qu'ils  renfer- 
ment. 1°  L'ascension  de  Jésus-Christ,  la  des- 
cente du  Siiinl-Esprit,  la  préilicalion  de  saint 
Pierre ,  ses  miracles  ,  la  formation  d'une 
Eglise  à  Jérusalem,  la  persécution  des  pre- 
miers Gdèles ,  la  conversion  de  saint  Paul, 
ses  voyages,  ses  travaux,  etc.,  sont  des  faits 
qui  se  tiennent;  l'un  ne  peut  pas  être  faux 
sans  que  tout  le  reste  ne  soit  renversé.  C>'S 
faits  sont  trop  publics  et  en  trop  grand  nom- 
bre, la  scène  est  en  trop  de  lieux  différents, 
pour  que  toute  celte  narration  soit  fabu- 
leuse. Les  fidèles  ilc  la  Judée,  ceux  d'Antio- 
che  et  d'Alexandrie,  n'ont  pas  pu  ignorer  ce 
qui  s'était  passé  à  Jérusalem  depuis  la  mort 
de  Jésusl^hrist  ;  leur  conversion  même 
prouve  la  vérité  de  ce  qui  est  rapporté  par 
saint  Luc;  s'il  l'avait  altérée  en  quelque 
chose,  les  fidèles  de  Jérusalem  se  seraient 
inscrits  en  faux  contre  son  histoire  ;  ceux 
d'Anlioche,  d'Ephèse,  de  Corinlhe,  etc.,  au- 
raient fait  de  même,  si  ce  qui  s'était  passé 
chez  eux  n'avait  pas  été  fidèlement  rapporté. 
2"  Les  lettres  de  saint  Pau!  confirment  la  plu- 
part de  ces  faits,  et  les  supposent.  3°  Le 
schisme  arrivé  à  Jérusalem  entre  les  disci- 
ples des  apôtres  et  les  ébioniles  ou  judaï- 
sants,  démontre  qu'il  n'a  piis  été  possible 
d'en  imposer  à  personne  sur  des  laits  qui 
intéressaient  les  deux  partis.  Dans  la  suite, 
les  éliioniles  cherchèrenl  à  décrier  la  doc- 
trine et  la  conduite  de  saint  Paul  ;  ils  forgè- 
rent de  faux  actes  pour  le  rendre  odieux; 
mais  il  n'onl  pas  osé  s'inscrire  en  faux  con- 
tre les  actes  écrits  par  saint  Luc  :  d'ailleurs 
leur  témoignage  est  venu  trop  lard  pour  af- 
faiblir celui  d'un  témoin  oculaire.  k°  Le  Juif 
que  Celse  tait  parier  avoue  ou  suppose  la 
naissance  d'une  Eglise  à  Jérusalem,  telle  que 
saint  Lue  la  raconte.  L'apôtre  saint  Jean  a 
vécu  jusqu'au  comnienccmenl  du  second 
siècle  :  tant  qu'il  a  subsisté,  a-t-il  été  pos- 
sible de  forger  une  fausse  histoire  des  tra- 
vaux des  apûtres  et  de  l'élablissenionl  de 
l'Eglise?  o"  Ce  que  l'on  a  nommé  faux  Ac- 
tes des  apôtres  composés  par  les  héiétiques, 
ne  sonl  pas  des  histoires  qui  coniredisenl 
celle  de  sainl  Luc,  mais  de  prctrndues  rela- 
tions de  ce  qu'ont  fait  les  apôires,  desquels 
saint  Luc  n'a  pas  parlé  :  tels  sonl  les  Actes 
de  saint  Thomas,  de  sainl  Philippe,  de  saint 
André,  etc.;  pièces  apocryphes,  inconnues 
au\  anciens  Pères,  qui  n'onl  paru  que  fort 
lard,  dont  on  ne  peut  fixer  la  date  ni  nom- 
mer les  auteurs. 

Le  premier  livre  de  celte  nature  qu'on  fit 
paraître,  et  qui  fut  intitulé  ,lc/es  de  Paul  et 
de  Tliècle,  avait  pour  auteur  un  prêtre,  dis- 
ciple de  saint  Paul.  Son  imposture  lut  décou- 
verte par  saint  Jean,  et  quoique  ce  préUe  ne 
se  fût  porté  à  composer  <;et  ouvrage  que  par 
un  faux  zèle  pour  son  maftre,  il  ne  laissa  pas 


ADA  9J 

d'être  dégradé  du  s'icerdoce.  Ces  Actes  ont 
été  rejflés  comme  apocryphes  par  le  pape 
Gélase.  Depuis,  les  manichéens  supposèrent 
des  Acte-  de  saint  Pierre  et  saint  Paul,  où  ils 
semèrent  leurs  erreurs.  On  vil  ensuite  les 
Acte^  de  sainl  André,  de  saint  Jean  et  des 
apôtres  en  général,  supposés  par  les  mêmes 
hérétiques,  selon  saint  Epiphane,  saint  Au- 
gustin etPhilistre;  les  Actes  des  apôtres  faits 
par  les  ébioniles  ;  le  Voyage  d'  saint  Pierre, 
faussement  allribué  à  saint  Clémenl  -l'Enlè- 
vement et  le  ravissement  de  saint  Paul,  dont 
les  gnosliques  se  servaient  ;  les  Actes  de  saint 
Philippe  et  de  saint  Thomas,  lorgés  par  les 
encratites  et  les  apostoliques;  la  Mémoire 
des  apôires,  composée  paf  les  priscillianis- 
tes  ;  l'Itinéraire  des  apôtres,  qui  fut  rejeté 
dans  le  concile  de  Nicée  ;  et  divers  autres 
dont  nous  ferons  mention  sous  le  nom  des 
sectes  qui  les  ont  fabriqués.  Voyez  Hiero- 
nym..  De  Viris  illust.,  c.  7  ;  Ghrys.,  Jn  AcI.; 
Dupin,  Dissert,  prélim.  sur  le  Nouveau  Tes- 
/am.;  Tertull.,  De  liaplism.;  Epiphan.,  Hœres. 
8,  n"  kl  et  61  ;  S.  Aug.,  De  h'ide  contra  Mu- 
nich., et  Tract.  inJoan.;  Philast.,/7a'rM.  48; 
Dupin,  Bibtiôlh.  des  Auteurs  ecclésiastiques 
des  trois  premiers  siècles. 

ACTES  DES  CONCILES.  Voy.  Conçues. 

ACTES  DES  MAKTYUS.  Fo(/.Martyhe  et 
MaRTi  rologe. 

ACTES  DE  PILATE.  Voy.  Pilate. 

ACTUEL.  Les  théologiens  distinguent  la 
grâce  actuelle  et  la  grâce  habituelle,  le  péché 
actuel  et  le  peclié  originel. 

La  grâce  actuelle  est  celle  qui  nous  est 
accordée  par  manière  d'arme  on  de  motion 
passagère.  On  pourrait  la  définir  plus  claire- 
ment, celle  qui-  Dieu  nous  donne  pour  nous 
meltre  en  état  de  pouvoir  agir  ou  de  faire 
quelque  aciinn.  C'est  de  cette  grâce  que  parle 
saint  Paul  quand  ildit  aux  Philippiens,ch.  i  : 
Il  mus  a  été  donné  non-seulement  de  croire 
en  J ésus-C.lirist,  mais  encore  de  souffrir  pour 
lui.  Saint  Augustin  a  démontré,  contre  les 
pélagiens,  que  la  grâce  actuelle  est  absolu- 
ment nécessaire  (lour  toute  action  méritoire 
dans  l'ordre  du  salut. 

La  grâce /(((6ùue('/e  est  celle  qui  nous  est 
donnée  jiar  manière  d'habilude,  de  qualité 
fixe  et  permanente,  inhérente  à  l'âme,  qui 
nous  rend  agréables  à  Dieu  et  dignes  des  ré- 
compenses éternelles.  Telle  est  la  grâce  du 
baptême  dans  les  enfants.  Voy,  Grâce. 

Le  péché  actuel  est  celui  que  commet,  par 
sa  projire  volonté  cl  avec  pleine  connais- 
sance, une  personne  qui  est  parvenue  à  l'âge 
de  discrétion.  Le  péché  originel  est  celui  que 
nous  conlraclons  en  venant  au  monde,  parce 
que  nous  sommes  enfants  d'Adam.  Voy.  Pé- 
ché:. Le  pèche  actuel  se  subiJivise  en  péciié 
mortel  et  pé'ché  véniel.  Voy.  Mortel  et  Viî- 

NIEL. 

ADAM,  nom  du  premier  homme  que  Dieu 
a  l'reè  pour  être  la  lige  dn  genre  humain. 
Adam  est  aussi  en  hébreu  le  nom  appeilaiif 
de  l'homnie  en  général;  il  paraît  formé  d'à 
augmentatif  et  de  la  racine  dam,  dom,  élevé, 
supérieur;  Il  désigne  le  principal  el  le  plus 
fort  individu  de  l'espèce. 


89  ADA 

On  peut  voir  dans  les  premiers  cnapitres 
de  la  Genèse  toute  l'histoire  d'Adam,  la  loi 
que  Dieu  lui  imposa,  sa  désobéissance,  l3 
peine  à  laquelle  il  fut  condamné  avec  sa  po-' 
stérile  (1).  Cette  narration,  qui  est  fort  courte, 
a  fourni  une  ample  matière  aux  conjectures 
des  commentateurs,  ans.  disputes  des  théo- 
logiens, aux  erreurs  des  hérétiques,  et  aux 
objections  des  innédules. 

llestd'abord  évident  quele  premier  homme 
n'a  pu  exister  que  par  création.  Les  anciens 
athées,  qui  disaient  que  les  hommes  étaient 
lorluitemeut  sortis  du  sein  de  la  terre,  comme 
les  champignons  ;  les  maiérialisles  moder- 
nes,qui  pensentque  la  naissance  de  l'homme 
a  été  un  effet  nécessaire  du  dél)rouillement 
du  chaos  ;  les  savants  physiciens,  qui  ont  cal- 
culé et  fixé  les  époques  de  la  nature,  sans 
nous  apprendre  comment  les  hommes,  les 
animaux  et  les  plantes,  ont  pu  éciore  d'un 
globe  de  verre  euilammé  dans  son   origine, 

(t)  I  Jusqu'ici  Dieu,  dil  Bossiiet ,  avait  tout  fait 
en  cuminandanl;  mais  quand  il  s'agit  de  produire 
l'homme.  Moïse  Ini  fait  tenir  un  noiive:iii  lanf;age  : 
faisons  riioinme,  dilil,  à  notre  image  et  ressemblance. 
Ce  ii'esl  plus  celle  parole  inipériiiusB  et  dominante  ; 
c'est  une  parole  plus  doute,  quoii|ue  non  moms 
eflicace.  Diey  lient  conseil  en  lui-niéine  ;  Dieu  s'ex- 
cile  lui-nièuie,  coinine  pour  nous  faire  voir  que  l'ou- 
vrage qu'il  va  enii'eprciidre  surpasse  tous  les  ouvra- 
ges (|u'il  avait  faits  jusqu'alors.  Fuisoii.i  l'homme... 
La  p;irole  de  conseil,  dont  Dieu  se  sert,  niarque  que 
la  créature  <pii  va  èire  laiie  esl  la  seule  i|ui  peut 
a!;ir  par  conseil  et  par  inlelligence.  Tout  le  reste 
n'est  pas  moins  «xtraordinaire.  Jusque  là  nous  n'a- 
vions point  vu,  d  ins  riiistoirc  de  la  Genèse,  ie  doigt 
de  Dieu  appliqite  sur  une  nwiière  corruptible,  l'our 
former  le  corps  de  l'Iioinme,  lui-mônie  prend  de  la 
terre  ;  et  celle  ti-rre,  arrangée  sons  une  lelle  main, 
reçoit  II  plus  belle  ligure  qui  ait  encore  paru  daus 
le  inonde. 

f  Celle  attention  particidière,  qui  parait  en  Dieu 
quand  il  fait  l'Iiuiume,  nous  niunire  ipi'll  a  pour  lui 
un  cg^rd  pariicnlier,  quoique,  d'ailleurs,  tout  soit 
conduit  immédialemcni  par  sa  sagesse. 

<  Mais  la  manière  dont  il  proiluii  l'àine  esl  beau- 
coup plus  morveilleuso,  il  ne  la  liie  point  de  malicre, 
il  l'inspire  d'en  haut  ;  c'est  un  souille  île  vie  qui 
vient  «le  lui-même.  Quand  il  créa  les  liéies,  il  diu 
Que  l'eau  produise  des  poissons.,  et  il  créa  de  cette  sorlt 
les  munsires  marins,  et  toute  àme  vivante  et  mouiunle 
qui  devait  remplir  les  euujc.  Il  dit  encore  :  Que  la  ler- 
re  produise  loate  àme  vivante,  les  bêtes  à  quatre  picUs 
et  les  reptiles.  C'est  ainsi  que  devaient  naiire  ces  âmes 
vivantes  d'une  tic  brute  cl  bestiale,  à  qui  Dieu  ne 
donne  pour  toute  aciion  qire  des  mouvenienls  dépen- 
dants du  cor|i3.  Di  u  les  tire  du  seiu  des  eaux  et  Je 
la  terre.  Mais  cette  àme,  dont  l.i  vie  devait  être  une 
imiiatiun  de  la  sienne;  cpii  devait  vivje,  comme  lui, 
de  laison  et  d'inlelligeine;  qui  lui  devait  élre  unie 
en  le  contemplant  cl  en  raimant,  et  (|ul,  potii'  celle 
raison,  éiait  laite  à  son  image,  ne  pouvait  élre  tirée 
de  la  matière.  Dieu,  en  façonnant  la  matière,  peut 
bien  lormer  nu  beau  coips  ;  mais,  en  (pielque  soile 
qu'il  la  tourne  et  la  Liçonne,  jamais  il  n'y  trouvera 
sou  image  et  sa  lessumblànce.  i/ànie,  laite  à  sou 
image,  et  qui  peut  èue  lieureu»e  en  le  pussédanl, 
diHl  être  produite  par  une  nouvelle  création  :  elle 
doit  venir  d'en  haut;  et  c'e^t  ce  que  sigiiilie  ce  souf- 
dc  de  vie  que  Dieu  tire  de  sa  bouciie. 

<  Souvenons-nous  que  Moïse  propose  aux  lium- 
mes  charnels,  par  des  images  sensibles,  des  vérités 
pures  et  inlellcciuollcs.  Ne  croyons   iias  cpie  Dieu 


AD\  100 

sont  aussi  peusages  les  nnsqae  les  antres  (1). 
Leurs  rêves  sublimes  disparaissent  devant  le 
récit  simple  et  naturel  de  l'auteur  sacré  :  Au 
commencement  Dieu  créa  le  ciel  et  la  (erre  ... 
Il  dit  :  Que  la  lumière  soit,  et  la  lumière 

fut //  dil  :  Faisons    l'homme   a   notre 

IMAGE  ET  A  notre  RESSEMBLANCE,  et  Vhomme 
fut  fait  à  l'image  de  Dieu.  Gen.  i.  Par  ce  peu 
de  paroles  l'homme  apprend  ce  qu'il  est,  ce 
qu'il  doit  à  Dieu  et  à  soi-même,  ce  qu'il  a 
lieu  d'attendre  de  la  bonté  de  son  Créateur. 
[  Voij.  RÉVÉLATION  primitive  ] 

Dieu  est-il  donc  corporel  aussi  bien  que 
l'homme?  On  a  répondu  auxmarcioniles,  aux 
manichéens,  «lUX  philosophes  du  quatrième 
siècle,  aux  incrédules  du  dix-huitième,  qui 
ont  fait  celle  question,  que  la  partie  princi- 
pale de  l'homme  n'est  pas  le  corps,  mais 
l'âme.  Or,  cette  âme  est  douée  d'intelligence, 
de  réflexion,  de  volonté,  de  liberté,  d'action; 
elle  a  le  pouvoir  de  réprimer  les  appétiis  dé- 
réglés du  corps,  de  penser  au  présent,  au 
passé  et  à  l'avenir,  de  communiquer  aux  au- 
tres par  la  parole  ce  qu'elle-  pense,  de  com- 
mander aux  animaux,  de  faire  servir  à  son 
usage  la  plupart  des  ouvrages  du  Créateur, 
de  le  connaître,  de  l'adorer  et  de  l'aimer; 
c'est  par  là  que  l'homme  ressemble  à  Dieu. 
Préférerons-nous,  comme  certains  philoso- 
phes, de  ressemblerauxaaimaux  platôtqa'à 
Dieu  qui  nous  a  faits? 

souifle  à  la  manière  des  animaux  ;  ne  croyons  pas 
que  notre  àme  soit  un  air  subtil,  ni  une  vapeur  dé- 
liée :  le  souflle  que  Dieu  inspire,  et  (jui  porte  eu  lui- 
même  l'image  de  Dieu,  n'est  ni  air  ni  vapeur.  Ne 
croyons  pas  que  notre  àme  soit  une  portion  de  la 
iiatuie  divine,  comme  l'ont  rêvé  quelpies  pliiloso- 
plie*.  Dieu  n'est  pas  un  tout  qui  se  partage.  Quand 
Dieu  aurait  des  parties,  elles  ne  seraient  pas  laites  : 
car  le  Créateur,  l'Etre  incréé  ne  serait  pas  composé 
de  créatures.  L'àme  esl  faite  et  tellement  faite  qu'el- 
le n'est  lien  de  la  nature  divine,  mais  seulement  une 
chose  faite  a  l'image  et  ressemblance  de  la  nature 
divine,  une  chose  ipii  doit  toujours  demeurer  unie  à 
celui  qui  l'a  formée  ;  c'esi  ce  que  veut  dire  ce  souffle 
divin,  c'est  ce  que  nous  représente  cet  esprit  de  vie. 

«  Voilà  donc  l'homme  formé.  Dieu  forme  encore 
de  lui  la  compagne  qu'il  lui  veut  donner.  Tous  les 
hommes  naissent  d'un  seul  maiiage,  aQn  d'éire  à 
jainai»,  quelque  di^pcrsés  et  multipliés  qu'ils  soient, 
une  seule  et  même  lajinlle.  > 

(Il  <  La  nature,  dil  llolland,  dénuée  de  sentiment 
et  d'iMtelligence,  a  donc  produit  cet  être  merveilieux 
dont  la  constitution  étonne  également  l'analouiisle 
et  le  p'iilosophe  !  la  terre  a  donc  fait  l'homme  com- 
me le  b'oufgeois  gentilhomme  fait  de  la  prose,  c'est- 
à-dice,  sflits  le  savoir  !  ces  millions  de  parties  qui 
forment  le  <  oi  ps  buinaiii  ont  donc  été  dispersées  ja- 
dis sur  le  globe,  se  sont  rencontrées,  on  ne  sait  rjuand 
ni  comment,  se  sontentre- heurtées,  attirées,  repous- 
sées  ;  puis,  après  bien  des  essais,  se  sont  rangées 
tout  juste  dans  le  bel  ordre  où  nous  les  voyons  ;  or- 
dre qui  surpasse  tout  ce  que  l'art  a  pu  produire  et 
toui  ce  i|ue  l'esprit  peut  concevoir  !  Mais  ce  n'est  pH 
la  le  |dus  étonnant.  Ces  meniez  atomes,  de  bruts  e* 
de  morts  qu'ils  étaient,  ont  produit  ,  par  leurs  corn- 
binaisuns  fortuites,  la  vie,  le  sentiment  et  la  lacultc 
de  raisonner.  Pour  ^'épargner  la  peine  de  l'uriner  à 
si  grands  frais  chaque  indiviilu ,  ils  se  «ont  arran- 
gés en  inàle  et  lemelle,  dis  maii/ere  a  pouvoir  désor- 
inuis  étendic  leur  espèce  par  la  \(tie  de  la  généra- 
tion. C'est  ciiliu  à  leurs  imputions  rticipioqucs,  à 


ÎOl 


ADA 


ADA 


f(tt 


La  manière  dont  la  formation  delà  femme 
est  racontée  dans  l'hisloire  sainte  a  donné 
lieu  à  quelques  railleries  froides  el  à  des 
imaginations  bizarres  qui  ne  valent  pas  la 
peine  d'être  réfutées  ;  ni;iis  c'est  une  grande 
leçon  donnée  au  genre  humain.  Dieu  a  voulu 
par  là  faire  connaître  à  la  feuiine  la  supério- 
rité de  l'homme  de  qui  elle  a  clé  formée  ;  à 
l'homme,  combien  sa  compagne  doit  lui  être 
chère,  puisqu'elle  est  une  partie  de  sa  pro- 
presubstance;à  tous  les  deux,  qu'ils  doivent 
conserver  entre  eux  l'union  la  plus  étroite, 
de  laquelle  dépend  leur  bonheur  et  celui  de 
leurs  enfants. 

Mais  cil  quel  état  se  trouvaient  ces  deux 
créatures  au  momenldeleur  naissance,  quelle 
était  leur  félicité  dans  l'élat  d'innocence, 
quelle  aurait  été  leur  destinée  et  celle  de 
leurs  enfants,  si  les  uns  ni  les  autres    n'a- 

leur  gravitation  mutuelle,  que  l'on  doit  rinveiiiion 
de  la  paiole,  îles  sciences  tt  des  arts.  Si  ce  système 
p:iiaîi  inoiislrueux  à  la  raison,  Il  ladt  avoiRT  qu'il 
plaii.  nuiins  à  ritiiagiiiaiioii  que  les  biillanies  illusions 
de  la  iiiyili"l<pgie — 

t  Si  la  iiauiie  ou  ta  matière  a  produit  tuus  ces 
corps  urgaiiises,  (liantes,  animaux  cl  liuiumes ,  d'uù 
vieul  que,  ilupuis  qu'on  l'obseive,  cil;  ne  pioduil 
plus  lien  de  pareil?  la  nature  a-l-elle  donc  cliangé? 
pourquoi  celle  liiènie  rencontre  d'atomes,  qui  lii  ja- 
dis taul  de  merveilles,  n'a-l-elle  plus  lieu,  el  pour- 
quoi s'obstine  i  elle  <•  laisser  aux  êtres  organisés  le 
soin  de  se  reproduire  eux-inémcs? 

I  Les  anciens,  qui  ctaieni  aussi  ignoraiiis  eii  his- 
toire naturelle  (pi'uii  physique  ,  pouvaient  croire 
qu'un  animal  se  luriiiail  comme  le  sel,  p;ir  la  juxla- 
pusiuon  de  dlllérentes  molécules  réunies  en  vertu 
de  certaines  (unes  de  rapport.  Il  leur  éUiil  permis  de 
conjecinrer  (pi'une  masse  de  boue,  imprégnée  et 
écliauHée  par  les  rayons  du  soleil,  peut  s'animaliscr, 
loul  comme  ils  se  persuadaient  ijue  les  insectes,  les 
grenouilles,  les  crapauds  et  les  lézards  qu'ils  irou- 
vaienl  dans  la  fange  du  Nil,  étaient  de  la  boue  ani- 
jiiée  par  la  chaleur.  Mais  il  esl  iiicoucevable  que, 
dans  le  dix-huitiènie  siècle,  après  toutes  les  découver- 
tes des  modernes,  on  n'ait  pas  lioniede  parler  encore 
comme  les  anciens ,  el  délayer  un  système  de  plii- 
losopbie  sur  des  erreurs  dont  le  ptuple  même  com- 
mence à  se  moquer.  Un  animal  ne  naît  que  de  son 
seuililable,  c'est  la  loi  unilorine  et  invariable  de  la 
nature.  Rien  de  ce  qui  est  organisé  ne  se  forme  par 
opposilion,  pas  niènie  le  cliaiupignon  ni  la  mousse. 
La  raison  s'unil  à  l'expérience  pour  rejeier  les  géné- 
rations équivoques.  Elle  nous  àil  qu'un  corps  orga- 
nisé esl  un  tout  qui  n'a  pu  se  iurmei'  successivement, 
puisque  cbaque  partie  suppose  l'existence  des  au- 
tres. C'est  un  syslèiue  d'un  iiomlire  inlini  de  mai  bi- 
nes qui  correspondent  diieciemeiii,  ipii  ont  entre 
elles  des  rapports  intimes,  qui  sont  laites  les  unes 
pour  les  antres,  et  dont  les  forces  concoureiil  à  un 
but  général.  Ce  tout  se  développe  et  augmenle  de 
volume;  iHais,  en  tant  que  uiacbine,  il  est  toujours 
en  peut  ce  qu'il  seia  en  grand,  de  sorte  que  toutes 
les  oiaiières  alimentaires  ne  sauraient  y  ajouter  une 
libre. 

€  Imaginons  pour  un  moment  que  l'aveugle  con- 
cours des  molécules  de  la  maiière  inanimée  ail 
réussi  à  produire  un  homme,  à  l'aide  des  lois  de 
l'impulsion  et  de  l'attraction.  Supposons,  contre 
toute  vraisemblance,  que  dis-je?  contre  toute  certi- 
tude, que  la  nature  ne  sait  plus  faire  aujourd'hui  ce 
qu'elle  a  su  faire  en  des  temps  plus  reculés.  Dévo- 
rons enlin  toutes  les  absurdités  ipii  entoureul  et  ac- 
cablent le  système  de  l'athce;  soumettons  le  bon 
sens  aq  préjugé  et  l'évideDce  ii  l'erreur;  qui  est-ce 


vaientpas  péché  ?  Questions  intéressantes, 
mais  sur  lesquelles  l'Ecriture  sainte  ne  s'est 
expliciuée  qu'avec  beaucouj)  de  réserve. 

Elle  nous  apprend  que  Dieu  a  créé  l'homme 
droit,  EccVi.  vu,  30,  et  dans  In  justice,  Ephes. 
IV,  2'i  ,  par  consé(]uent  non  -  seulement 
exempt  de  vice,  mais  encore  doué  de  la  grâce 
sanctiliaiite  qui  le  rendait  agréable  à  Dieu. 
Elle  nous  dit  qu'il  a  été  créé  iinmortel.  dans 
ce  sens  qu'il  pouvait  s'exempter  de  la  mort 
en  ne  péchant  (las  ;  la  mort  n'étant  entrée 
dans  le  monde  que  par  la  jalousie  du  démon, 
Sap.  II,  2.1,01  par  le  péché,  Rom.  v,  12.  Nous 
\ oyons  aussi,  Eccli.  xvii,  6,  que  Dieu  s'é- 
tait plu  à  donner  à  nos  premiers  parenls  tou- 
tes sortes  de  conn.iissances,  en  créant  dans 
eux  la  science  de  l'esprit,  en  remplissant  leur 
cœur  de  sentiment,  et  leur  faisant  voir  les 
biens  et  les  maux.  D'où  il  suit  que  l'état  du 
premier  homme  avant  son  péché  (tait  un 
ét.it  très-heureux,  quoique  son  bonheur  ne 
fût  pas  complel, puisqu'il  pouvait  perdre  par 
sa  désobéissance  la  justice  dans  laquelle  il 
avait  été  créé,  et  tous  les  dons  qui  >  étaient 
attachés.  Un  bonheur  plus  parfait  devait 
être  le  fruit  de  sa  persévérance  libre  dans  le 
bien.  Nous  ne  savons  pas  combien  il  aurait 
fallu  qu'elle  durât  pour  qaWdam  fût  confir- 
mé dans  la  justice  et  ne  pût  désormais  la 
perdre. 

S'il  eût  persévéré,  ses  enfants  auraient  eu 
en  naissant  la  justice  origincUedans  laquelle 
il  avait  été  créé  ;  mais  chacun  de  ses  descen- 
dants aurait  été  peut-être  assujetti  à  des 
lois,  exposé  au  danger  de  les  violer,  et  de 
perdre,  comme  Adam,  tous  les  privilèges  de 
l'innocence  :  c'est  le  scnlimenl  d'Estius  d'a- 
près saint  Augustin,  I.  ii  Sentent.,  dist.  20, 
§5.  On  pourrait  encore  agiter  bien  d'autres 
questions  ;  mais,  puisque  l'Ecriture  se  tait, 
n'imitons  pas  la  curiosité  téméraire  de  notre 
premier  père  :  n'approchons  pas  de  l'arbre 
de  la  science  pour  y  chercher  un  fruit  qui 
nous  est  défendu. 

Pourquoi,  demandent  les  incrédules  après 
les  manichéens,  pourquoi  imposera  l'homme 
une    loi,  et  lui    faire    une  défense,    lorsque 

qui  animera  cet  .iiidroide,  cette  matière  organique- 
ment disposée  par  les  mains  du  hasard?  qui  est-ce 
qui  lui  donnera  la  f.icultédc  sentir,  dépenser,  déjuger 
et  de  faire  des  abstractions?  comment  est-ce  que  la 
nature  donnera  rintelligence  et  le  seniimeiii,  n'ayant 
ni  sentiment  ni  intelbgence?  Hélas  !  elle  n'est  qu'im- 
pulsion et  graviiaiion  ;  et  il  lui  est  aussi  impossible 
de  produire  par  là  une  seule  pensée,  qu'il  l'est  au 
néant  de  créer  un  seul  atome. 

I  Les  matérialistes  croienl,  en  toute  simplicité  de 
cœur,  que  le  sol  de  la  Lapouie  a  produit  le  renne  , 
parce  que  cet  animal  est  indigène  à  ce  pays,  et  qu'il 
ne  peut  vivre  dans  un  climat  plus  doux.  Que  dites- 
vous  de  l'argument?  Voyez-vous  ces  vers  qui  four- 
millent dans  les  cavités  d'un  vieux  fromage?  Ils  y 
trouvent  une  nourriture  et  une  chaleur  (|ui  leur  con- 
vient; donc  c'est  ce  fromage  qui  les  a  produits.  Une 
telle  conclusion  est  fort  bonne  pour  l'enlaut  qui  a 
mangé  le  fromage  sans  se  soucier  du  ver  ;  mais  elle 
étonne  dans  un  philosophe  (|ui  se  donne  pour  capa- 
ble de  creuser  les  idées,  et  irinlcrpréter  la  nature.  » 
(llolland,  lii'llex.  pliUus.  sur  le  sysl.  de  la  nal. ,  c  G). 
—  Une  simple  léllexion  a  suili  pour  faire  justice  U(j 
ces  misérables  sopliismes. 


103  AD.\ 

Dieu  savait  bien  qu'elle  serait  violée  ?  Parce 
que  rhi>mme  créé  libre  éUiil  capable  d'obéis- 
sance, et  qu  il  la  devaiUi  son  Créateur.  C'est 
par  son  libre  arbitre,  autant  que  par  son  in- 
telligence, que  Ihomme  est  distingué  des 
animaux;  il  était  juste  que  Dieu  exigeât  de 
lui  un  léuioignage  de  soumission,  en  recon- 
naissance de  la  vie  et  des  autres  bienfaits 
qu'il  lui  avait  accordés.  Dans  tous  les  éiats 
possibles,  il  est  de  l'ordre  que  le  bonheur 
parfait  ne  soit  pas  un  don  de  Dieu  purement 
sraïuit,  mais  une  récompense  réservée  à 
l'obéissance  de  l'homme  et  à  la  vertu  :  au- 
cun ari,'ument  des  incrédules  ne  peut  prou- 
ver le  contraire  ;  la  prévoyance  que  Dieu 
avait  de  la  désobéissance  future  û'Adam  ne 
devait  déroger  en  rien  à  cet  ordre  éternel , 
infiniment  juste  et  sage. 

En  effet,  dit  saint  Augustin,  pourquoi  Dieu 
ne  devait-il  pas  permettre  qu'^f/nm  fût  tenté 
et  succombât"?  Il  savait  que  la  chute  de 
l'homme  et  sa  punition  seraient  pour  ses 
descendants  un  exemple  qui  servirait  à  les 
rendre  plus  obéissants  ;  que  de  cette  race 
même  pécheresse  naîtrait  un  peuple  desaints 
qui,  avec  la  grâce  divine,  remporteraient  â 
leur  tour  sur  le  démon  une  victoire  plus  glo- 
rieuse. Si  donc  cet  esprit  malicieux  a  semblé 
prévaloir  pour  un  temps  par  la  chute  de 
l'homme,  il  a  été  vaincu  pour  l'éternité  par 
la  réparation  de  l'homme.  L.  i  contra  ndvers. 
leg.  et  propli.,  n,  21  et  23.  De  Civ.  Uei,  I. 
XI v,  c.  27.   DeCalecli.  rudib.    c.  18. 

Lorsque  les  incrédules  demandent  encore 
pourquoi  Dieu  a  interdit  à  noire  premier 
pore  le  fruit  qui  donnait  la  connaissance  du 
bien  et  du  mal,  ils  alTeclent  de  ne  pas  enten- 
dre de  quelle  connaissance  il  est  question. 
Adam  connaissait  déjà  le  bien  et  le  mal  mo- 
ral ;  l'Kcriiure  nous  apprend  que  Dieu  la  lui 
avait  donnée.  E'cc/i.  XVII,  6;  autrement  il 
aurai!  été  aussi  incapable  de  pécher  que  les 
enfants  qui  n'ont  pas  encore  atteint  l'âge  de 
discrétion  :  mais  il  n'avait  point  encore  la 
connaissance  du  mal  physique,  puisqu'il  n'en 
avait  éprouvé  aucun  ;  il  n'avait  aucune  idée 
de  la  honte  et  du  remords  que  cause  la  con- 
science d'un  crime.  11  les  sentit  après  son  pé- 
ché; il  fut  en  état  de  comparer  le  bien-être 
et  la  douleur  :  telle  est  la  connaissance  ex- 
périmentale de  laquelle  Dieu  voulait  le  pré- 
server. 11  ne  s'ensuit  donc  pas  qu'il  y  ait  eu 
un  arbre  dont  le  fruit  avait  la  vertu  de  faire 
connaître  le  bien  et  le  mal  (IJ. 

C'est  une  nouvelle  lemèriié,  de  la  part  des 
incrédules,  de  soutenir  qu'il  y  a  eu  de  l'in- 
justice à  rendre /l(/om  maître  du  sort  de  sa 
postérité.  C'est  la  condition  naturelle  delhu- 
uianite  ;  et  tel  est  l'ordre  établi  dans  toutes 
les  sociétés  |ioliti(iues.  Un  père,  par  sa  mau- 
vaise conduite,  peut  réduire  à  la  misère  ses 
enfants  nés  et  à  naître  ;  il  peut  les  déshono- 
rer d'avance  par  un  crime  ;  il  peut,  dans  les 
pays  où  l'esclavage  est   établi,  les  réduire  à 

(1)  BerRier  répond  à  ses  adversaires  par  le  nioyeii 
de  l'allégorie.  N"iis  cri)yiiiis  que  c'est  im  délaiil  : 
car  une  fois  placé  sur  la  penle  ilc  ralli;i;oric,  on 
arrive  facilemeni  à  fausser  loiiics  les  croyances. 
Vov.  Hf.rm^sumsme,  Allécorie. 


ADÂ 


104 


celte  conaition  en  vendant  sa  liberté.  Il  est 
du  bien  de  la  société  que  cela  siiii  ainsi,  aOn 
d'inspirer  aux  pères  plus  d'Iiorreur  des  cri- 
mes qui  peuvent  avoir  jiour  leurs  enfants 
des  suites  si  terribles,  et  plus  de  reconnais- 
sance aux  enfants  envers  un  père  qui,  par 
la  sagesse  de  ses  mœurs,  les  a  mis  à  couvert 
de  ce  malheur. 

Dieu,  continuent  nos  adversaires,  pouvait 
prévenir  le  péché  de  l'homme  par  une  grâce 
efficace,  sans  nuire  à  son  libre  arbitre;  s'il 
ne  devait  pas  cette  grâce  à  l'homme,  du  moins 
il  la  devait  à  lui-même  et  à  sa  bonté  infinie. 
Ne  donner  à  l'homme  dans  cette  circonstance 
qu'un  secours  inefficace  dont  Dieu  prévoyait 
l'inutilité,  c'était  plutôt  lui  faire  du  mal  que 
du  bien. 

Ce  raisonnement,  s'il  était  solide,  prouve- 
rait que  Dieu,  en  vertu  de  sa  bonté  infinie, 
ne  peut  donner  à  aucun  homme  une  grâce 
dont  il  prévoit  l'inefficacité,  et  ne  peut  per- 
mettre aucun  péché  ;  mais  ilporlesurlroisou 
quatre  suppositions  fausses.  La  première, 
qu'un  moindre  bienfait,  comparé  à  un  plus 
grand,  n'est  plus  un  bien,  mais  un  mal.  La 
deuxième,  que  de  deux  bienfaits  inégaux, 
Dieu  se  doit  à  lui-même  d'accorder  toujours 
le  plus  grand,  ce  qui  va  droit  à  l'infini.  La 
troisième,  que  plus  Dieu  prévoit  de  résis- 
tance delà  part  de  l'horume,  plus  il  est  obligé 
d'augmenter  la  grâce  ;  comme  si  la  malice  de 
l'homme  était  un  litre  qui  lui  donnedroilaux 
grâces  de  Dieu.  La  quatrième,  qu'il  faut  rai- 
sonner de  la  bonté  de  Dieu  jointe  à  une  puis- 
sance infinie,  comme  de  la  bonlé  de  l'homme 
qui  n'a  qu'un  ponvoir  très-borné.  Toutes 
ces  absurdités  n'ont  pas  besoin  d'une  plus 
longue  réfutation. 

Une  grâce  inellicace,  ou  de  laquelle  Dieu 
prévoit  l'inefficacité,  est  sans  doute  un  moin- 
dre bienfait  qu'une  grâce  dont  il  prévoit 
l'efficacité;  mais  il  est  faux  que  la  première 
soit  un  mal ,  un  don  inutile  ou  perni- 
cieux, un  piège  tendu  à  l'homme,  etc.  Un 
secours,  qui  donne  à  l'homme  toute  la  force 
nécessaire  pour  le  rendre  maître  de  son  choix 
et  de  son  action,  ne  peut  sous  aucune  face 
être  envisage  comme  un  mal. 

Ce  que  l'historien  sacré  dit  de  la  tentation 
d'Eve  et  de  ses  suites  a  fourni  aux  incrédu- 
les de  quoi  exercer  leur  malignité.  Cette  nar- 
ration leur  paraît  renfermer  plusieurs  ab- 
surdités :  que  le  serpent  soit  le  plus  rusé  de 
tous  les  animaux  ;  qu'il  ait  eu  une  conversa- 
tion suivie  avec  la  femme,  et  qu'elle  se  soit 
laissé  tromper;  qu'il  soit  plus  maudit  que 
les  autres  animaux,  pendant  qu'il  ^  a  des 
peuples  qui  lui  rendent  un  <  ulte  ;  qu  il  n'ait 
rampe  sur  son  ventre  que  depuis  ce  temps- 
là  ;  (lu'il  mange  de  la  terre,  etc. 

Par  ces  réflexions  mêmes,  les  censeurs  de 
l'histoire  saiule  prouvent,  ou  que  Moïse 
était  un  insensé,  ou  qu'il  y  a  un  sens  caché 
sous  l'éforce  de  cotte  histoire.  C'est  ce  que 
nous  soutenons  ,  et  un  célèbre  incrédule 
l'a  reconnu.  De  la  manihe,  tlit-il,  dont  I  his- 
tnritn  rarnnie  cp  funeste  (<r('nement,  i7  parnit 
bien  qnr  stin  iitlrnlion  n'a  pas  été  que  nous 
eussions   comment  la  chose  s'était  passée,  et 


lOS 


ADA 


ADA 


106 


eeln  seul  doit  persuader  à  toute  personne  rai- 
sonnable que  la  plume  de  Moise  a  été  sous  lu 
direction  particulière  du  Saint-Esprit.  En 
e/fel,  si  Moïse  eût  été  le  maître  de  ses  expres- 
sions et  de  ses  pensées,  il  71' aurait  jamais  en- 
veloppe d'une  façon  si  étonnante  le  récit 
d'une  telle  action;  il  en  aurait  parlé  d'un 
style  un  peu  plus  humain  et  plus  propre  à 
instruire  la  postérité  :  mais  une  force  majeure, 
une  sagesse  infinie  le  dirigeait  de  telle  sorte 
gu'il  n'écrivait  pas  selon  ses  vues,  mais  selon 
tes  desseins  cachés  de  la  Providence.  Bayle, 
Nouv.,  juin  l()8(i,  art.  2,  p.  592. 

Est-il  vr.ii  d'ailleurs  que  son  récit  ren- 
ferme des  absurdités?  l°!N(Uis  ne  connaissons 
pas  assez  les  dilTérentcs  espèces  de  scrpeiiis, 
pour  savoir  jusiiuli  quel  point  ces  animaux 
son!  ruses  et  industrieux  ;  ceux  ((ui  enlen- 
denl  parler  dcscaslurspour  la  première  fois, 
sont  tentés  de  prendre  pour  des  failles  ce  (lue 
l'on  en  r.iconle.  2"  11  est  constant  que  ce  fui 
le  démon  qui  emprunta  rorg.ine  du  serpent 
pour  converser  avec  Eie,  et  celte  ftninie 
n'avait  pas  encore  assez  d'expérience  pour 
savoir  si  un  animal  elait  capable  ou  incapa- 
ble de  parler.  3°  Il  n'est  pas  moins  vrai  qu'en 
général  nous  avons  horreur  des  serpents,  et 
qu'il  n'y  a  qu'une  longue  habitude  qui  puisse 
accoutumer  des  peuples  à  demi  sauvages  à 
se  familiirisiT  avec  quelques  es[ièces  de  ces 
animaux.  4-"  Si  l'on  en  ci  oit  les  voyageurs  et 
les  naturalistes,  il  y  a  des  ser|ients  ailèi  qui 
s'élèvent  dans  les  airs  ;  il  n'est  donc  pas  cer- 
tain que  toutes  les  espèces  aient  toujours 
rampé  sur  leur  ventre.  On  dit  encoie  qu'il 
y  en  a  qui  sont  d'une  beauté  singulière,  et 
l'on  en  a  vu  de  très-apprivoisés.  Enfin,  si 
les  serpents  ne  inangeni  pas  la  terre,  ils 
semblent  du  moins  avaler  la  poussière  et  les 
ordures  eii  cherchant  les  insectes  dont  ils  se 
nourrissent.  Il  n'y  a  donc  rien  d'absurde  v.i 
de  ridicule  dans  la  narration  de   Moïse. 

Une  question  plus  importante  est  de  sa- 
voir si  Dieu  a  puni  trop  rigoureusement  le 
péché  A'Adam,  comme  le  supposent  les  in- 
crédules. La  fauie,  disent-ils,  fut  légère,  et 
le  cliâlimcnt  est  terrible  :  être  coiulainiié, 
pour  toute  cette  vie,  au  travail  et  aux  souf- 
frances ;  éprouver  sans  cesse  la  révolte  de  la 
chair  contre  l'esprit,  et  des  passions  contre 
la  raison  ;  avoir  continuellement  sous  les 
yeux  la  mort  cju'il  f.iut  subir,  et  un  supplice 
éternel  dont  nous  sommes  menacés,  et  cela 
pour  un  prétendu  crime  qui  n'est,  dans  le 
fond,  qu'une  légère  dcsohéissance  ;  y  a-t-il 
de  la  proponioii  entre  le  péché  et  la  p  ine  ? 

Nous  répondons,  en  premier  lieu,  qu'il  est 
absurde  de  vouloir  juger  de  la  grièvelede  la 
faute  d'Adam  auirement  ()ue  par  le  châti- 
ment que  Dieu  en  a  tiré  ;  avons-nous  assisté 
au  conseil  de  Dieu,  ou  avons-nous  vu  ce  qui 
s'est  passé  dans  l'âme  d'Adam,  pour  savoir 
jusqu'à  quel  point  il  a  éié  criminel  ou  excu- 
sable? La  facilité  de  l'obéissance,  dit  saint 
Augustin,  est  précisément  ce  qui,  dans  les 
circonstances,  aggrave  la  faute  d'Adam.  En 
scconil  lieu,  les  misères  de  cette  vie,  la  con- 
cupiscence même,  sont  une  suite  de  notre 
nature  :  l'exemption  de  la  mort,  la  souuiis- 
DiCT.  DE  Theol.  dogmatique.  1. 


sion  entière  de  la  chair  à  l'esprit,  était  une 
grâce  que  Dieu  ne  devait  pointa  nos  pre- 
miers parenis,  ainsi  que  nous  le  prouverons 
à  l'article  Natuke  pijre;  il  a  donc  pu,  sans 
injustice,  en  priver  l'homme  coupable  et 
ses  descendants.  En  troisième  lieu,  l'on  n'est 
pas  obligé  de  croire,  puisque  l'Eglise  ne  l'a 
pas  décide,  que  les  enfants  souillés  du  péché 
originel  sont  tourmentés  par  des  supplices. 
Ils  n'entreront  pas  dans  le  royaume  du  ciel  ; 
mais  il  n'est  pas  dit  que  le  lieu  où  ils  seront 
sera  pour  eux  un  lieu  de  tourments.  Nous 
discuterons  cette  question  au  mot  Baptême. 

Les  péchés  actuels,  qui  lonl  perdre  la 
grâce,  seront  punis,  il  est  vrai,  par  des  sup- 
plices éternels  ;  mais  ces  péchés  ne  sont  pas 
des  châtiments  de  la  faute  d'Adam,  ce  sont 
des  maux  (lue  nous  nous  faisons  volontaire- 
ment à  nous-mêmes  par  des  vices  et  des  ha- 
bitudes que  nous  avons  contractées  très- 
librement,  et  dont  il  ne  tiendrait  qu'à  nous 
de  nous  préserver.  Enfin,  quand  on  [larle  de 
la  faute  d'Adam  et  de  la  punition,  il  faudrait 
ne  pas  oublier  la  manière  dont  Jésus-Christ 
l'a  ré|iarée  par  la  grâce  de  la  rédemption. 

C'esi  en  démontrant,  par  l'Ecriture  sainte, 
l'excellence,  la  plénitude,  l'universalité  de 
cette  grâce,  que  les  Pères  de  l'Eglise  ont  ré- 
pondu aux  objections  des  marcionitcs  et  des 
manichéens,  qu'ils  ont  prouvé  aux  ariens  la 
divinité  de  Jé>us-Cbrist,  qu'ils  ont  réfuté  les 
pélagiens,  qui,  dans  leur  système,  rédui- 
saient à  rien  la  rédemption,  comme  font  en- 
core aujourd'hui  les  sociniens. 

Ils  nous  font  remarquer  d'abord  que  la 
promesse  de  la  rédemption  est  aussi  ancienne 
que  le  péché.  Avant  de  condamner  Adam 
aux  souffrances  et  à  la  mort,  Dieu  avait  déjà 
lancé  la  malédiction  contre  le  serpent,  et 
lui  avait  dit  :  La  race  de  la  femme  t'écrasera 
la  tète.  C'est,  disent  les  Pères,  en  vertu  de 
cette  promesse  et  des  mérites  du  Rédempteur, 
que  Dieu  n'a  ccnil.imné  Adam  et  sa  postérité 
quà  une  peine  temporelle;  ainsi  la  rédemp- 
tion future  a  commencé  d'ofiérer  son  effet 
au  moment  même  qu'elle  a  été  promise.  Vuy. 
Frot-évangile,  Kédemption. 

•i°  Us  nous  représeuti'iil  que  les  souffran- 
ces et  la  mort  sont  l'expiation  du  péché  et  un 
sujet  lie  mérite  en  veriu  de  la  passion  du 
Sauveur;  d'où  ils  concluent  que  la  condam- 
naiion  de  l'homme  a  été  sous  ce  rapport  un 
acte  de  miséricorde  de  la  part  de  Dieu,  .lésus- 
Chrisl,  dit  saint  Paul,  a  ôlé  les  amertumes 
de  la  mort,  en  nous  assurant  une  résurrec- 
tion semblable  à  la  sienne.  J  Cor.  xv  ,  55. 
Yoy.  Mort,  Sodfkrance. 

3'  Ils  obseiveni  que  la  grâce,  répandue 
avec  abondance  par  Jésus-Christ,  nous  rend 
victorieux  de  la  concupiscence  ;  que  parce 
combat  la  vertu  devient  jilus  méritoire,  et 
digne  d'une  récompense  aussi  grande  (|ue 
Celle  qui  était  destinée  à  notre  premier  père. 
Par  ces  dilTérenies  considérations,  no^-*aiiils 
docieurs  font  comprendre  la  dig*ïfté  à  la- 
quelle notre  nalurt^  a  été  élevée  ijar  soa 
union  avec  le  \'erbe  divin  ; 
la  grandeur  du  mal  par  la- 
remède. 


w 


ADÀ 


ADA 


108 


Selon  l'histoire  sainte,  la  pénilcnce  A'Adam 
a  ôté  fort  longue  :  il  a  véc  i  neuf  conl  trente 
ans.  Gen.  v,  5.  Dieu  lui  accorda  celte  longue 
vie,  aCn  de  perpétuer  parmi  ses  descendants 
la  certitude  des  grandes  vérités  dont  il  avait 
été  témoin,  ou  qu'il  avait  reçues  de  la  pro- 
pre bouche  de  Dieu  même  :  les  hommes 
pouvaient-ils  avoir  un  maître  plus  respec- 
table et  plus  digne  de  foi?  Mais,  sans  la  pro- 
messe qui  lui  avait  été  faite  d'un  réparateur, 
il  aurait  été  souvent  tenté  de  se  livrer  au  dé- 
sespoir, en  voyant  le  délui^e  de  rnaux  de 
toute  espèce  que  sa  faute  avait  fait  tomber 
sur  la  terre. 

Aucun  des  pères  de  l'Eglise  n'a  douté  du 
salut  d'Adam;  tous  ont  été  periuadés  qu'il 
a  été  sauvé  par  Jésus-Christ.  S.iint  Augustin 
dit  que  c'est  la  croyance  de  l'Egliso,  et  l'on 
a  taxé  d'erreur  Tatien  et  les  encraiiles,  qui 
ne  voulaient  p.is  adnicltre  celte  vérité. 

On  a  même  cru,  dans  les  premiers  siècles, 
qxx'Àdam  avait  été  enterre  sur  le  Calvaire,  et 
que  Jésus-Christ  avait  été  crucifié  si;r  sa  sé- 
pulture, afin  que  le  sang  versé  pour  le  salut 
du  monde  purifiât  les  restes  du  premier  pé- 
cheur. Quoique  cette  tradition  ne  paraisse 
fondée  que  sur  nn  passage  de  l'Ecriture  mal 
entendu,  elle  atteste  toujours  la  h;iute  idée 
qu'avaient  nos  anciens  maîtres  de  l'étendue 
et  de  l'efficacité  de  la  rédemption. 

11  paraît  que  certains  liiéologiens  l'avaient 
prol'ondément  oubliéi",  lorsqu  ils  ont  dit  que 
le  péché  originel  ou  la  chute  i\'A(lam  est  la 
clef  de  tout  le  système  du  christianisme,  le 
premier  anneau  auquel  tient  toute  l;i  chaîne 
de  la  révélation:  ilaur.iit  fallu  dire  au  moins: 
Le  péché  originel  effacé  et  pleinement  réparé 
par  Jcsus-Christ.S.iUS  le  dogme  fondamental 
de  la  rédemption,  celui  du  péché  originel 
pourrait  nous  inspirer  de  la  crainte  ,  des 
regrets,  de  la  douleur  ,  peut-élrc  le  déses- 
poir; il  n'exciterait  en  nous  ni  reconnais- 
sance, ni  C'Uifiince,  ni  amour  de  Dieu,  sen- 
timents dans  lesnuels  consiste  la  religion. 
Au  mot  Pi'.c.iiÉ  ORIGINEL,  nous  ferons  voir 
que  la  croyance  de  l'un  de  ces  dogmes  ne 
peut  pas  subsister  sans  celle  de  l'autre. 

Quelques  auteurs  ont  pensé  que  Maton 
avait  eu  connaissance  de  la  chute  d'.lr/am,  et 
qu'il  l'avait  apprise  p.ir  la  lecture  des  livres 
de  Moïse.  Eusèbe,  dans  sa  Préparation  évnn- 
géliuue,  liv.  xii,  c.  Il,  cite  une  fable  tirée 
des  Symposiacjues  do  Platon,  dans  laquelle 
cotle  histoire  semble  être  rapportée  d'une 
manière  allégorique;  mais  ceiti'  allusion 
n'est  ni  fort  sensilile,  ni  absolument  cer- 
taine. Au  temps  (le  Platon,  les  livres  de  Moïse 
n'élaient  pas  encore  traduits  en  grec,  et  ce 
philosophe  n'avait  point  de  connaiss  mce  de 
riiéhreu.  On  sait  d'ailleurs  que  les  Juifs  ne 
montraient  pas  aisément  leurs  livres  aux 
païens.  Il  faut  juger  do  même  de  la  fable  do 
Pandore,  que  quelques-uns  ont  prise  pour 
une  altération  de  l'hrstoire  de  la  chute 
A' Adam. 

ADAMlTKSou  ADAMIKNS,  secïed'anciens 
hércliq.ucs.  qu'on  croit  avoir  été  un  rejeton 
des'basiliaiMis  et  des  carpocratiens,  sur  la 
fin  dn'ir  ffiècle.. 


Selon  saint  Epipîiane,  ils  pjrirent  le  nom 
à'adninite.s,  parce  qu'ils  prétendaient  avoir 
été  rétablis  dans  l'état  de  nature  innocente, 
être  tels  qu'Adam  au  moment  de  sa  création, 
et  par  conséquent  devoir  imiier  sa  nudité.  1 

Ils   délestaient   le  mariage  ,  soutenant  que  .1 

l'union  conjugale  n'aurait  jamais  eu  lieu  sur  ' 

la  terre  sans  le  péché,  et  regardaient  la 
jouissance  des  femmes  en  commun  comme 
un  privilège  de  leur  prétendu  rétablissement 
dans  la  justice  originelle.  Quelque  incom- 
patibles que  fussent  ces  dogmes  iiifâ:nes  avec 
une  vie  cha'^te,  quelques-uns  d'eux  ne  lais- 
saient pas  de  se  vanter  d'être  continents,  et 
assuraient  que  si  quelqu'un  des  leurs  tom- 
bait dans  le  péché  de  la  chair,  ils  le  chas- 
saient de  leur  assemblée,  comme  Adam  et 
Eve  avaient  élé  chassés  du  paradis  terrestre 
pour  avoir  mangé  du  fruit  défendu  ;  qu'ils  se 
regardaient  comme  Adam  et  Eve,  et  leur 
temple  comme  le  paradis.  Ce  temple,  après 
tout,  n'était  qu'un  souterrain,  une  caverne 
ob-cur-,  ou  un  poêle  dans  lequel  ils  en- 
traient tout  nus,  hommes  et  femmes,  et  là, 
tout  leur  était  permis,  jusqu'à  l'adulière  et 
à  l'ineeste,  dès  que  l'ancien  ou  le  chef  de 
leur  société  avait  prouoneé  ces  paroles  de  la 
Genèse,  ci,  y.^il,  Crescite  et  mulliplicnmini, 
Tliéodoret  ajoute  que,  pour  commettre  de 
pareilles  actions,  ils  n'avaient  pas  même  d'é- 
gard à  l'honnêteté  publique,  et  imitaient 
l'impudence  des  cyniques  du  paganisme.  'l"er- 
tullica  assure  qu'ils  niaient,  avec  Valentin, 
l'unité  de  Dieu,  la  nécessité  de  la  prière,  et 
traitaient  le  martyre  de  folie  et  d'extrava- 
gance. Saint  Clément  d'Alexandrie  dit  qu'ils 
se  vantaient  d'avoir  des  livres  secreis  de 
Zoroasire;  ce  qui  a  fait  conjecturer  à  M.  de 
Tillemont  qu'ils  étaient  livrés  à  la  magie. 
Tom.  H,  pag.  280. 

Celle  secte  infâme  fut  renouvelée  dans  le 
xii"  siècle  par  un  certain  Tendème,  connu 
encore  sous  le  nom  de  't'anchelin,  qui  sema 
s<.s  erreurs  à  Anvers,  sous  le  règne  de  l'em- 
pereur Henri  X.  Les  principales  étaient, 
qu'il  n'y  avait  puiat  de  distinctions  entre  les 
prêtres  et  les  laïcjues,  el  que  la  fornication 
et  l'adultère  étaient  (les  actions  saintes  et 
méritoires.  Accompagné  de  trois  mille  scélé-. 
rats  armés,  il  accrétiila  celte  doctrine  par 
son  éloquence  et  par  ses  exemples;  sa  secte 
lui  survécut  peu,  et  fut  éteinte  par  le  zèle  de 
saint  Norbert. 

D'nutres  ndamiles  reparurent  encore  d.ins 
le  x!v'  siècle,  sous  le  nom  do  turltipins  et  de 
pmtvres  frères,  dans  le  Dauphiué  et  la  Savoie. 
Us  soutenaient  que  l'homme,  arrivé  à  un 
certain  étal  de  perfection,  était  alTranchi  de 
la  loi  des  passions,  et  que,  bien  loin  (lue  la 
liberté  de  l'homme  sage  consistât  à  n'être 
pas  .«oumis  à  leur  empire,  elle  (onsistail  au 
contraire  à  secouer  le  joug  des  lois  divines. 
Ils  allaient  tout  nus,  et  commettaient  en 
plein  jour  les  actions  les  plus  lirulalcs.  Le 
roi  Charles  V  en  fit  périr  plusieurs  par  les 
flammes  :  on  brûla  aussi  quelques-uns  de 
leurs  livres  à  Paris,  dans  la  place  du  mar- 
ché aux  Pourceaux,  hors  de  la  rue  Saint- 
Honoré. 


109 


ÂDE 


ADO 


MO 


Dn  fanntiqne,  nomme  Picard,  natif  de 
Fl.iiulri',  ayant  péiiélré  en  Allemagne  et  en 
Boliême  au  commencement  du  xv  siècle,  re- 
nouvel.i  ces  erreurs,  et  les  répandit  surtout 
dans  l'armée  du  laineux  Zisea.  Malgré  la 
sévérité  (le  ce  général,  Picard  trompait  les 
peuples  par  ses  prestiges,  et  se  qualiliait  fils 
de  Dieu.  Il  prétendait  que,  comme  un  nouvel 
Adam,  il  avait  été  envoyé  dans  le  monde 
pour  y  rétablir  la  loi  de  nature,  qu'il  taisait 
surtout  consister  dans  la  nudité  de  toutes 
les  p.'iriics  du  corps  et  dans  la  communauté 
des  femmes.  Il  ordonnait  à  ses  disciples  d'aï- 
l«r  nus  par  les  rues  cl  les  places  publiques; 
moins  réser\é  à  cet  égard  que  les  anciens 
adnmiles  qm  ne  se  permeilaient  cette  licence 
que  d.ins  leurs  asseinblées.  Quelques  ana- 
baptistes tentèrent  en  Hollande  d'augmenter 
le  nombre  des  sectateurs  de  Picard;  mais 
la  sévérité  du  gouvernement  les  eut  bientôt 
dissipés.  Celte  secte  a  aussi  trouvé  des  par- 
tisans en  Pologne  et  en  Angleterre;  ils  s'as- 
semblaient 1)  nuit,  et  l'on  prétend  qu'une 
des  maximes  fondamentales  de  leur  société 
était  contenue  dans  ce  vers  : 

Jura,  pcrjura,  secretnm  prodere  noii. 

Mosheim,  qni  a  examiné  de  près  l'histoire 
de  ces  fanatiques,  pense  que  le  nom  de  Pi- 
carils  ne  leur  venait  pas  d'un  cbef  ainsi  ap- 
pelé, mais  (jue  c'était  une  corruption  du  nom 
de  btqijliards  ou  biyç/liards.  Yoi/ez  ce  mol. 
Leur  maxime  capitale  était  que  ,  quicon<|uo 
nse  d'babils  pour  couvrir  sa  nudité,  et  n'est 
pas  capable  de  voir  sans  émotion  le  corps  im 
d'une  personne  d  un  sexe  différent  dn  sien, 
n'est  pas  encore  libre,  c'est-à-dire  suffisam- 
noenl  dégagé  des  afl'ections  cor|)or<'lles.  il 
él.iil  impossible  qu'avec  un  pareil  principe, 
suivi  dans  la  pratique,  il  ne  se  p/issât  lien 
de  criminel  diins  leurs  assemblées.  Aussi 
l^lo^lleim  n'est  point  de  l'avis  de  UasnMge, 
qui  a  voulu  juslilier  les  picards  ou  udamtles 
de  lîohème,  et  qui  les  a  confondus  avec  les 
vaudois.  Trtid.  de  l'Ilinluire  ecclésiast.  de 
Mofliei»,  t.  m,  page  .V72. 

Quelques  savants  sont  dans  l'opinion  que 
l'origine  des  ndamites  remonte  beaucoup  plus 
haut  que  l'établissement  du  christianisme  : 
ils  se  fondent  sur  ce  que  iMaaclia,  mère 
d'Asa,  roi  de  Jud.i,  était  grande  prélresse  de 
Priape,  et  ijue,  d.ins  les  sacrifices  nocturnes 
que  les  feimnes  faisaient  à  cette  idole  obs- 
cène, elles  paraissjiient  toutes  nues.  Le  motif 
des  adamilfs  n'était  pas  le  même  que  celui 
des  adorateurs  de  Priape;  et  l'on  a  vu, 
par  leur  lliéologie,  qu'ils  n'avaient  pris  du 
paganisme  que  l'esprit  de  débauche,  et 
non  le  culte  de  Priape. 

ADESSfîNAlRtS,  nom  formé  par  Pratéo- 
lus  du  verbe  latin  udesse,  être  présent,  et 
employé  pour  désigner  les  hérétiques  du  xvr 
siècle,  qui  reconnaissaient  la  présence  réelle 
de  Jésus-C.hrist  dans  l'eucharistie,  mais  dans 
un  sens  ililïéreni  de  celui  des  catholiques. 

Ces  hérétiques  sont  plus  connus  sous  le 
nom  iVlinpnnaleurs;  leur  secte  était  divisée 
en  quatre  brandies  :  les  uns  soutenaient  que 
le  corps    de  Jésus-Christ  est  dans  le  pain 


d'antres  qu'il  est  alentour  du  pain,  d'antres 
qu'il  est  sur  le  pain,  et  les  derniers  qu'il  est 
sons  le  pain.  Voi/.  Impanation. 

ADIAPHORIStES,  nom  formé  du  grec 
«oiiy-po,-,  indifférent. 

On  donna  ce  titre,  dans  le  xvi'  siècle,  aux 
luthériens  mitigés,  qui  adhéraient  aux  senti- 
ments de  Mélanchthon,  dont  le  caractère  pa- 
cifique ne  s'accommodait  point  de  l'extrême 
vivacité  de  I-ulher.  Gonsèquemment  ,  l'an 
lois,  l'on  appela  ainsi  cfux  qui  souscrivi- 
rent à  Vinlàim  que  l'empereur  Charles- 
Quint  avait  (ail  publiera  ladiète  d'Ausbourg. 
Voi/.  Ldthkhiexs. 

(k'tle  diversité  de  sentiments  parmi  les  lu- 
thériens causa  entre  leurs  docteurs  une 
contestation  violente  :  il  était  question  de 
savoir  l-  s'il  est  permis  de  céder  quelque 
chose  aux  ennemis  de  la  vérité  dans  les 
choses  purement  indifférentes,  et  qui  n'inté- 
ressent point  essentiellement  la  religion  ; 
2'  si  les  choses  quii  Mélanchthon  et  ses  parti- 
sans jugeaient  indifférentes  l'étaient  vérita- 
blement. Ces  dispuleurs,  qui  appelaient  en- 
nemis de  la  vérilé  [ous  ceux  qui  ne  pensaient 
p;is  comme  eux,  n'avaient  garde  d'avouer 
que  les  opinions  ou  les  rites  auxquels  ils 
étaient  attachés,  étaient  indifférents  au  fond 
de  la  religion.  Voy.  MÉLANcnTuoMENs. 

ADJUlxATION.  Coiniiiandemenl  que  l'on 
fait  au  démon,  delà  part  de  Dieu,  de  sortir 
du  corps  d'un  possède,  ou  de  déclarer  quel- 
que chose. 

Ce  mot  est  dérive  du  latin  adjurare  ,  con- 
jurer, soliciter  avec  instance;  et  l'on  a 
ainsi  nommé  li's  formules  d'exorcisme,  parce 
qu'elles  sont  presque  touti-s  conçues  en  ces 
termes  :  Adjura  te  ,  spiritus  iminunde  ,  per 
Dnim  vivum,  ut,  etc. 

Dans  le  Dictionnaire  de  Jurisprudence, 
l'on  a  blâmé  les  curés  qui  font  des  adjura- 
tions ou  des  exorcismes  contre  les  orages  et 
contre  les  animaux  nuisibles;  nous  en  par- 
lerons au  mol  Exorcisme. 

ADONAI,  est  parmi  les  Hébreux  un  des 
noms  de  Dieu;  il  signifie  mon  Seigneur.  Les 
massorètes  ont  mis  sous  le  nom  que  l'on  lit 
aujourd'hui,  Jehovali,  les  points  qui  con- 
viennent aux  consonnes  du  mot  Adondi , 
parce  qu'il  était  défendu,  chez  les  Juifs,  de 
prononrer  le  nom  propre  de  Dieu,  et  qu'il 
n'y  avait  que  le  grand  prêtre  qui  eût  ce  pri- 
vilège, lorsqu'il  entrait  dans  lé  sancluaire. 
Les  Crées  ont  aussi  mis  le  nom  Adoniï  à 
tous  les  eiidroiis  où  se  Irouve  le  nom  de  Dieu. 
Le  mot  Adonai  est  tiré  do  la  racine  don,  qui, 
dans  toutes  les  langues',  signifie  élévation, 
grandeur,  au  propre  et  au  figuré.  Les  Grecs 
l'ont  traduit  par  K-ipto;,  et  les  Latins  par  Do- 
minus,  il  s'est  dit  aussi  quelquefois  des  hom- 
mes, comme  dans  ce  verset  du  ps.  lOi,  Con- 
stitua euni  dominum  domus  suœ,  en  parhint 
des  honneurs  auxquels  Pharaon  éleva  Jo- 
seph. Voy.  Génébrard,  Le  Clerc,  Cappel,  De 
nomine  Dei  telraqramm. 

ADOPTIENS,  hérétiques  du  viii'  siècle,  qui 
prétendaient  que  Jésus- Christ  ,  en  tant 
qu'homme,  n'était  pas  fui  prf.i;  re  ou  fils  na- 
turel de  Dieu,  mais  seulement  son  fils  adop- 


HI 


ADO 


ADO 


112 


lif.  C'était  renouveler  l'erreur  de  Nestorius. 
Celte  secte  s'éleva  sous  l'empire  de  Ch.ir- 
lemagne.  vers  l'an  778,  à  cette  occasion.  Eli- 
pand,  archevêque  de  Tolède,  ayant  consulté 
Félix,  évéque  d'Urgel,  sur  la  filiation  de 
Jésus-Christ,  cet  évêque  répondit  que  Jésus- 
Christ,  en  tant  que  Dieu,  est  vériiablcment 
et  proprement  Ois  de  Dieu,  engendré  nulu- 
relU-nient  par  le  Père;  ni^is  que  Jésus-Chnsl, 
en  tant  qu'homme  ou  fils  de  Marie,  n'.  si  que 
fils  adoplif  de  Dieu  ;  décision  à  laquelle  Eli- 
pand  souscrivit.  Le  pape  Adrien,  averti  de 
cette  erreur,  la  condamna  dans  une  lellre 
dogmatique  adressée  aux  évêquis  d'Es|)a;,Mie. 

On  tint,  en  791,  un  concile  à  Narbonne,  où 
la  cause  des  deux  évéques  espagnols  fut  dis- 
culée, mais  non  décidée.  Félix  se  rétracta, 
puis  revint  à  ses  erreurs  ;  et  Elipand,  de  sou 
côté,  ayant  envoyé  à  Chailem.igiie  une  pro- 
fession de  foi  qui  n'ulait  pas  orlliodose  ,  ce 
prince  fil  assembler  un  coniili'  nombreux  à 
Francfort,  en  794,  où  la  doctrine  de  Félix  et 
d'Elipand  fut  condamnée,  de  même  que  dans 
celui  de  Forli,de  Tan  795,  et  peu  de  temps 
après  daus  le  coucile  tenu  à  Kome  sous  le 
pape  Léon  IIL 

Félix  d'Urgel  pa>sa  sa  vie  dans  une  alter- 
native continuelle  d'abjuralious  et  de  re- 
chutes, et  la  termina  daus  l'hérésie;  il  en  fut 
de  même  d'Elipand. 

Geoffroi  de  Clairvaux  impute  la  même 
erreur  à  Gilbert  de  la  l'oirée;  Scot  el  Durand 
semblent  ne  s'êlre  pas  assez  éloignés  de  cette 
opinion,  qui  parait  retomber  dans  celle  de 
Nestorius. 

L'erreur  dont  nous  parlons  fut  réfutée  avec 
succès  par  saint  Paulin  ,  palriarclie  d'Aqui- 
lée,  et  par  Alcuiu.  Dans  la  vie  que  Madrissi 
adonnée  du  premier,  il  a  diseulé  plu-ieurs 
faits  concernant  Elipaud  el  Feliv  d'Urgel, 
qui  n'avaient  pas  encore  été  suffisamment 
éclaircis.  Histoire  de  l'Eglise  gallic.  t.  Y, 
an.  797,  799. 

ADOPTION,  dans  le  sens  théulogique,  est 
la  grâce  que  Dii'u  nous  a  laite  par  le  bap- 
tême ;  ce  sacrement  nous  im|irime  le  carac- 
tère d'enfants  adoptifs  de  Dieu,  de  frères  de 
Jésiis-Cbrist,  d'héritiers  du  bonheur  éternel  : 
droit  précieux  duquel  sont  prives  ceux  qui 
ne  sont  pas  baptisés.  Voi/ez,  dit  aux  fidèles 
l'apôtre  saint  Jean,  (jiielle  bonté  Dieu  le  Père 
n  eue  pour  vous  ,  de  nous  accorda'  le  nnni  et 
les  droits  d'enfants  de  Dieu  {1  Joun.  m,  1). 
Or,  coulinue  saint  Paul,  si  nous  sommes  en- 
fants,nous  soiiimesaussiliériliersde  Dieu, collé' 
riliers  de  Jésus-Christ  (Rom.  vin,  17)  Dieu  est 
le  père  de  tous  les  boui.nes,  puisqu'il  est  le 
créateur  el  le  bienfaiteur  de  lous,  non-seu- 
lement dans  l'ordre  do  la  nature,  m.iis  dans 
celui  de  la  grâce  ;  il  ne  retuse  à  aucun  les 
secours  nécessaires  et  suffisants  dont  il  a 
besoin  pour  parvenir  au  salut.  Dieueil  nean- 
nioms  plusparliculièremenl  le  Père  des  chré- 
tiens, ()uisqu*il  leur  donne,  par  le  baptême  , 
une  nouvelle  naissance,  et  qu'il  leur  accorde 
«les  grâces  de  salut  plus  puissantes  et  plus 
abondantes  qu'au  reste  des  tiomuies.  Voy.  En- 
ï  \?n'  DE  Dieu. 

VDOHATION,    ADOKEU.  Ce  terme  ,  pris 


dans  sa  signification  littérale,  signifie  porter 
la  main  à  la  bouche,  baiser  sa  main  par  un 
sentiment  de  vénération.  Dans  tout  l'Orient 
ce  geste  est  une  des  plus  grandes  man|ues 
de  respect  el  de  soumission  :  il  a  été  en  usage 
à  l'égard  de  Dieu  el  à  l'égard  des  hommes.  11 
est  dit  dans  le  livre  de  Job,  c.  xxxi,  v.  17  :  Si 
j'ai  regardé  le.  soleil  dans  son  éclat,  et  la  lune 
dans  sa  clarté;  si  j'ai  baisé  ma  main  avec  une 
joie  secrète,  ce  qui  est  un  très-grand  péché  et 
une  manière  de  renier  le  Dieu  irès-haul.  Dans 
le  troisième  livre  des  Kois,  c.  xix,  v.  18  :  Je 
me  réserverai  sept  mille  hommes  qui  n'ont  pas 
fléchi  le  genou  devant  Boni,  et  toutes  /e<  bou- 
ches qui  n'ont  pas  hiii<é  leurs  mains  pour  I'a- 
uoREii.  Minulius  Félix  dit  iiue  Cecilius,  pas- 
sant devant  la  statue  de  Sérapis  ,  baisa  sa 
main,  comme  c'est  la  coutume  du  peuple  su- 
perstitieux. Ceux  qui  adorent,  dit  saint  Jé- 
rôme, ont  coutume  de  baiser  la  main  el  de 
baiser  la  terre;  les  Hébreux,  selon  le  génie 
de  leur  langue,  mettent  le  baiser  pour  l'ddo- 
ratim  :  il  est  dit,  Ps.  ii,  v.  12,  Baisez  le  fils, 
de  peur  qu'il  ne  s'irrite,  c'est-à-dire,  aouuez- 
le,  el  soumettez-vous  à  sou  empire. 

Pharaon,  parlant  à  Joseph  ,  lui  dit  :  Toitt 
mon  peuple  baisera  la  main  à  votre  conimaii- 
deinent.  Il  recevra  vos  ordres  comme  ceux  du 
roi.  Abraham  adore  le  peuple  d'Héoron  , 
Gen.  xxiii,  7  el  12.  La  S  mami  e  adore  Elisée, 
quiavaitressuseiiéson  fils  IVReg.  iv,37,elc. 
Dans  ces  divers  pas^ages,  le  terme  adorer 
ne  signifie  certainemenl  pas  la  même  chose 
ni  la  même  espèce  de  culte. 

Lorsqu'il  est  employé  à  l'égard  de  Dieu  , 
il  signifie  le  culle  suprême  qui  n'est  dû  qu'à 
Dieu  seul;  lorsqu'il  est  mis  en  usage  à  l'é- 
gard des  idoles  ,  c'est  un  acte  d'idolâtrie  ;  si 
l'on  s'en  sert  à  l'égard  des  hommes,  ce  mot 
n'exprime  qu'un  culte  purement  civil.  La 
même  équivoque  a  lieu  daus  l'hébreu  comme 
dans  les  autres  langues. 

Baiser  la  main,  lléchirles  genoux,  se  pros- 
terner, sont  des  signes  extérieurs  dont  le  sens 
varie  selou  riulentiun  de  ceux  qui  les  em- 
ploient. 

C'est  donc  mal  à  propos  que  les  protes- 
tants se  sont  élevés  contre  noire  croyance, 
parce  «lue  nous  disons  adorer  la  croix  ,  el 
que  nous  donnons  des  marques  de  respecta 
la  vue  de  ce  signe  de  notre  rédemption,  il 
est  évident  que  nous  ne  prenons  pas  alors  le 
terme  d'adoration  dans  le  même  sens  que 
par  rapport  à  Dieu,  que  ce  culle  se  rapporte 
ù  Jésus-Christ  Homme-Dieu;  qu'il  ne  se 
borne  ni  à  la  matière,  ni  a  la  figure  de  la 
croix.  ïoy.  Vtxposition  de  la  foi  catholi- 
que, par  Hossuel. 

N'ainement  ils  disent  que  Dieu  seul  doit 
être  adoié;  s:  |iar  là  ils  enlendenl  honoré 
comme  II  tre  suprême,  cela  est  vrai  ;  s'ils  en- 
leiiileiit  honoré  comme  être  respectable,  c'est 
une  laiisselé.  Le  culte,  l'honneur,  le  res- 
pect, doivent  eue  proportionnés  à  la  dignité 
(les  personnages  auxquels  ils  sont  adressés, 
el  il  serait  absurde  de  souienir  que  le  res- 
pect n'est  dû  qu'à  Dieu.  Voy.  Culte. 

Us  (lisent  et  répèieni  sans  cesse  que  nous 
udorons  les  suints,  leurs  images ,  leurs  rcli^ 


lis 


ADU 


ADU 


114 


qiies  :  c'est  toujours  la  môme  équivoque. 
Nous  honorons  les  saints,  et  nous  leur  té- 
moignons du  respect ,  mais  non  le  même 
respect  qu'à  Dieu  ;  nous  respectons  leurs 
ima;;es  à  cause  de  ce  qu'elles  représentent , 
et  leurs  rt'liques  parce  qu'elles  leur  oui  ap- 
parlenti  ;  mais  nous  ne  les  adoTons  pas  ,  si 
par  adorer  l'on  eiitrnd  le  culte  suprême. 
Quand  quelques  auteurs  calhollques  ,  ])cu 
exacts  dans  leurs  expressions,  auraient  mal 
appliqué  le  tenue  iVadoration,  cela  ne  prou- 
Teralt  encore  rien,  puisque  noire  croyance 
est  clairement  exposée  dans  tous  nos  caté- 
chismes. Yoij.  Paganismk,  §  11. 

Une  autre  grande  ()uesiiou  entre  les  pro- 
testants et  nous  ,  est  de  savoir  si  l'on  doit 
adnrer  l'Eucharistie;  cela  dépend  de  savoir 
si  Jésus-Christ  y  est  véiiiablement  ,  ou  s'il 
n'y  est  pas.  Voi/ez  Eucharistie,  §  h. 

Ou  nomme  incore  adoraiion  l'hommage 
que  les  cardiniiux  rendent  au  p;ipe  après 
son  élection,  et  une  manière  exlraordiuaire 
d'élection,  qui  se  fait  lorsque  la  foule  des 
cardinaux  va  subitement  se  prosterner  de- 
vant l'un  d'entre  eux  et  le  proclame  pape. 
Ces  ternies  équivoques  nepeuvenî  induire  en 
erreur  que  ceux  qui  ne  fout  pas  attention 
aux  bizaireries  du  langage,  ou  qui  veulent 
se  tromper  eux-mêmes  par  l'abus  des  ter- 
mes. 

Au  mot  Paganisme,  §  11,  nous  réfuterons 
la  notion  que  quelques  protesiauts  ont  voulu 
donner  de  Vadoration,  afin  de  persuader  que 
les  catholiques  a(/tiren/  les  saints  et  les  ima- 
ges. 

ADRAMELEC.   Foi/.  Samaritains. 

ADKIANISTES.  Tliéodoret  mettes  adria- 
nisles  au  nombre  des  hérétiques  qui  sorti- 
rent de  la  secte  de  Simon  le  Masicien;  mais 
aucun  autre  auteur  n'en  parle.  Théodoret  , 
livre  I  des  Fables  hérétiques,  c.  1. 

Les  sectateurs  d'Adrien  Hamstédius,  l'un 
des  novateurs  du  xvi"  siècle,  furent  ap- 
pelés de  ce  nom.  11  enseigna  premièrement 
dans  la  Zélande  ,  et  ensuite  en  Angleterre  , 
que  l'on  était  libre  de  garder  les  enfants  du- 
rant quelques  années  sans  leur  conférer  le 
baptême;  que  Jésus-Christ  avait  été  formé 
de  la  semence  de  la  femme,  et  qu'il  n'avait 
fondé  la  religion  chrétienne  que  pour  cer- 
taines circonstances.  Outre  ces  erreurs  et 
quelques  autres  pleines  de  blasphèmes  ,  il 
souscrivait  à  toutes  celles  des  anabaptistes. 
Praleol.  Sponde,  Lindun. 

ADVEllSITÊ.  Voyez  Affliction. 

ADULTÈKE,  crime  de  ceux  qui  violent  la 
foi  conjugale.  Les  jurisconsultes  ne  donnent 
ordinairement  ce  nom  qu'à  l'inlidélilé  d'une 
personne  mariée;  mais  les  théologiens  ap- 
pellent aussi  adullèrc  le  crime  d'une  per- 
sonne libre  qui  pèche  avec  une  personne 
mariée;  parce  que  l'une  et  l'autre  coopèrent 
à  la  violation  de  la  foi  jurée  ;  si  tous  deux 
sont  mariés,  c'est  alors  un  double  adultère. 
Aussi  la  loi  de  Mdïse  ,  qui  condamne  à  la 
mort  les  adultères  de  l'un  et  de  l'autre  sexe, 
Levit.    XX,   10;  Veut,  xxii,   22,    n'exempte 

Îjoiiitde  la  peine  le  coupable  non  marie  :  la 
ui  du  décalugue  qui  défend  à  tout  homme 


de  convoiter  la  femme  de  son  prochain  , 
n'excepte  personne  ,  non  plus  que  la  déci- 
sion portée  par  Jésus-Christ,  Matth.  v,  28, 
que  celui  qui  regarde  une  fe.mme  pour  s'ex- 
citer à  de  mauvais  désirs,  a  déjà  commis  l'a- 
diiltère  dans  son  cœur.  Saint  Pau!  s'exprime 
d'une  manière  aussi  générale,  en  disant  que 
si  une  femme,  pendant  la  vie  de  son  mari , 
habile  avec  un  autre  homme,  elle  sera  cou- 
pable d'udultère.  Rom.  vu,  3. 

La  sévérité  de  ces  lois  et  de  celle  morale 
est  évidemment  fouilée  siirriniérét  de  la  so- 
ciété. S'il  y  a  un  crime  capable  de  troubler 
l'ordre  pulilicelile  fiire  commettre  d'autres 
forlails,  c'isl  celui  dont  nous  parlons.  Plus 
les  devoirs  qu'imi.ose  l'étal  du  mariage  sont 
grands,  plus  il  importe  que  cet  engagement 
soit  sacre  et  inviolable.  Les  droits  des  deux 
conjoints  sont  ég.iux  ;  quel  que  soit  celui  des 
deux  qui  les  foule  aux  pieds,  it  est,  aux  yeux 
de  Dieu  et  de  la  religion,  coup  ible  du  même 
crime.  A  la  vérité  ,  l'infidélité  de  la  femme 
eniraîne  des  conséquences  plus  fâcheuses, 
pui^qu'elte  l'expose  à  placer  dans  sa  famille 
un  enfantadullériii,qui  enlèvera  injustement 
aux  enfants  Kgitimes  une  partie  de  leur  hé- 
ritage, et  qui  sera  pour  le  mari  une  charge 
de  plus.  Mais  ,  d'antre  part ,  un  mari  infi- 
dèle, quelle  que  soit  la  piTsonne  à  laquelle 
it  s'attache,  lait  à  son  épouse  l'injure  la  plus 
sensible,  et  à  ses  enfauis  un  tort  irréparable  , 
il  n'est  pas  rare  de  voir  des  pères  perfides  lé- 
moigner  pour  les  fruits  de  leur  débauche 
plus  d'attachement  que  pour  ceux  de  l'uniou 
conjug.'ile. 

Ce  crime  une  fois  commis,  il  ne  reste  plus 
d'estime,  plus  de  confiance,  plus  de  tendresse 
mutuelle  entre  les  époux;  le  lien  qui  devait 
faire  leur  bonheur  leur  devient  insupporta- 
ble. De  là  naissent  les  divisions  éclatantes  , 
les  séparations  scandaleuses,  les  diffamations 
réciproques,  les  haines  déclarées  entre  les 
familles.  A  quels  excès  ne  sont  pas  capables 
de  porter  la  jalousie,  la  vengeance,  la  fu- 
reur? (Juels  exemples  pour  des  enfants  qui 
auraient  dû  Irouver  des  modèles  de  vertu 
dans  ceux  de  qui  ils  ont  reçu  le  jour  1  Quelle 
reconnaissance  ,  quel  respect  peuvent-ils 
avoir  pour  eux? 

Lorsque  les  mœurs  d'une  nation  sont  dé- 
pravées ,  que  l'irréligion  ,  le  luxe,  l'épicu- 
réisme,  ont  étouffé  tous  les  sentiments  et 
perverti  tous  les  principes,  ce  désordre  ne 
peut  pas  manquer  de  devenir  commun;  l'on 
n'en  rougit  plus,  et  l'on  ferme  les  yeux  sur 
toutes  les  conséquences.  L'on  disserte  alors 
et  l'on  déclame  contre  l'indissolubilité  du 
mariage  ;  on  soutient  la  justice  et  la  néces- 
sité du  divorce.  Uu  crime  peul-il  donc  ren- 
dic  nécessaire  un  autre  crime?  C'est  aug- 
menter le  mal  au  lieu  d'y  remédier.  Voy.  Di- 
vorce. 

Jésus-Christ,  plus  sage  que  tous  les  dis- 
sertaleurs,  a  pris  le  seul  moyen  efficace  de 
le  prévenir  ,  en  fermant  toutes  les  avenues 
qui  peuvent  y  conduire,  en  condamnant  le 
simple  désir  de  l'impudlcilé.  Pour  conserver 
les  corps  chastes,  dii  saint  Jean  Chrysoslome, 
il  s'est  attaché  à   purifier  les  âmes  ,  t.  vu, 


H5 


ÂER 


AER 


116 


Eom.  17  in  Matth.  En  rétablissant  le  mariage 
dans  sa  sainteté  primitive,  il  a  voulu  bannir 
les  désordres  qui  le  rendent  malheureux. 

Le  sentiment  commun  des  Ihcologicns 
protestants  est  que  ce  divin  Maître  a  per- 
mis le  divorce  ou  la  rupture  du  mariage  en 
cas  d'adultère;  nous  prouverons  le  contraire 
au  mot  Divorce  (1). 

Certains  iriliques  ont  été  scandalisés  de 
ce  que  JésusClirist  ne  vo;ilut  pas  coiuiain- 
ner  la  femme  adultère.  Joann.,  vui,  3.  S'il 
l'avait  condamnée,  ces  censeurs  téméi'Jiires 
déclameraient  encore  plus  fort.  1°  Le  Sau- 
veur n'était  ni  juge  ni  nuigistrai;  il  ne  vou- 
lut pas  seulement  en  faiieles  fonctions  pour 
accorder  deux  frères  qui  contestaient  sur 
leur  héritjige.  Luc.  xii,  li.  2'  Les  scribes  et 
les  pharisiens,  qui  accusaient  cette  femme, 
ne  l'étaient  pas  non  plus:  ce  n'était  point  le 
zèle  pour  l'observation  de  la  loi  qui  les  fai- 
sait agir;  mais  le  désir  de  tendre  un  piège 
au  Sauveur.  Dès  qu'ils  virent  que  leur  hy- 
pocrisie était  démasquée ,  ils  so  retirèrent 
tout  confus.  3°  En  usant  d'indulgence  envers 
l'accusée,  il  n'ôtait  pas  aux  magistrats  le 
pouvoir  de  la  punir  si  elle  était  véritable- 
ment coupable,  et  ce  n'était  point  à  lui  de 
poursuivre  sa  condamnation  :  il  était  venu 
non  pour  perdre  les  pécheurs  ,  mais  pour 
les  sauver.  k°  En  disant  aux  accusateurs  : 
Que  celui  d'entre  vous  qui  est  sans  péché  jette 
la  première  pierre ,  il  ne  décidait  pas  qu'il 
faut  être  sans  péché  pour  juger  un  criminel, 
puisque,  encore  une  fois,  il  n'y  avait  point 
là  de  juges,  et  que  cette  femme  n'avait  été 
ni  convaincue  ni  condamnée.  Si  tel  avait  été 
le  sens  de  sa  réponse  ,  les  scribes  et  les  pha- 
risiens ne  se  seraient  pas  lus  ;  mais  elle  leur 
fit  sentir  que  Jésus-Christ  connaissait  leurs 
motifs  et  leur  dessein;  c'est  ce  qui  les  cou- 
vrit de  confusion,  et  les  ût  retirer  l'un  après 
l'autre. 

Cette  histoire  manquait  autrefois  dans 
plusieurs  exemplaires  de  l'évangile  de  saint 
Jean  ;  saint  Augustin  et  d'autres  auteurs  ont 
pensé  qu'elle  avait  été  omise  exprès  par  des 
copistes,  qui  craignaient  que  l'on  n'en  tirât 
des  conséquences  fâcheuses,  comme  font  au- 
jourd'hui les  incrédules.  Fausse  prudence, 
mais  qui,  heureusement,  n'a  pas  eu  de  suc- 
cès. Cette  narration  nous  fait  admirer  la  sa- 
gesse et  la  charité  du  S.iuveur;  elle  ne  peut 
inspirer  une  fausse  confiance  aux  pécheurs, 
mais  seulement  leur  apprendre  que  s'ils  se 
repentent,  Jésus-Christ  et  tonjours  prêt  à 
leur  pardonner.  C'est  encore  une  bonne  le- 
çon pour  les  zélateurs  hypocrites  qui  décla- 
ment contre  la  négligence  et  la  douceur  des 
magistrats,  pendant  qu'ils  seraient  eux-nic- 
mes  en  danger  d'être  punis,  si  les  lois  étaient 
observées  à  la  rigueur. 

AÏilRlENS.  Sectaires  du  quatrième  siècle, 
qui  furent  ainsi  appelés  d'Aérius,  prêtre 
d'Arménie,  leur  chef.  Les  aériens  avaient  à 
peu  près  les  mêmes  sentiments  sur  la  Trinité 

(t)  Voir  Ift  Dicliomiaiic  de  Tln'olnfiic.  morale,  pour 
avdir  mic  idée  con)|'lèle  des  lois  divines,  ecclésiaslt- 
qiius  Li  civiles  cnncernant  l'adullcre. 


que  les  ariens  ;  mais  ils  avaient  de  plus 
quelques  dogmes  qui  leur  étaient  propres  et 
parliculrers  ;  par  exemple,  que  l'épiscopat 
n'est  point  un  ordre  différent  du  sacerdoce  , 
et  qu'il  ne  donne  aux  évêques  le  pouvoir 
d'exercer  aucune  fonction  qui  ne  puisse  ère 
fuite  p:ir  les  prêtres.  Ils  fondaient  ce  senti- 
ment sur  plusieurs  passages  de  saint  P.nil  . 
et  singuTèrement  sur  celui  de  la  première 
épître  à  Timothée  ,  c.  iv,  v.  14,  où  l'apôlie 
l'exhorte  ci  ne  pas  négliger  le  don  qu'il  a 
reçu  par  l'imposition  des  mains  des  prêtre*. 
Sur  quoi  Aérius  observe  qu'il  n'est  pas  là 
question  d'évéques,  et  qu'il  est  clair  par  ce 
passage  que  Timothée  reçut  l'ordination  par 
la  main  des  prêtres. 

Saint  Epiphane  ,  //(Très.  75  ,  s'élève  avec 
force  contre  les  aériens,  en  faveur  de  la  su- 
périorité des  évéi|ues  II  observe  judicieuse- 
ment que  le  mot  presbylcrii,  dans  saint  Paul, 
renferme  les  deux  ordres  d'évéques  et  de 
prêtres,  tout  le  sénat,  toute  l'assemblée  des 
ecclésiastiques  d'un  même  endroit ,  et  que 
c'était  dans  une  pareille  assemblée  que  'Ti- 
mothée avait  été   ordonné.    Voyez  Fresbï- 

TÈUE,   EVÈQUE. 

Les  disciples  d'Aérius  soutenaient  encore, 
après  leur  maître,  que  les  prières  pour  les 
morts  étaient  inutiles  ;  que  les  jeiiiies  établis 
par  l'Eglise  ,  et  surtout  ceux  du  mercredi , 
du  vendredi  et  du  carême,  étaient  supersti- 
tieux ;  qu'il  fallait  plutôt  jeûner  le  dimanche 
que  les  autres  jours,  et  qu'on  ne  devaii  plus 
célébrer  la  j.âque.  Ils  appelaient  par  mépris 
antiquaires  les  fidèles  attachés  aux  cérémo- 
nies prescrites  par  l'Eglise,  et  aux  traditions 
ecclésiastiques.  Les  aériens  se  réunirent  aux 
catholiques  pour  combattre  les  rêveries  de 
celte  secte,  qui  ne  subsista  pas  longtemps. 
Tillemont,  Hist.  ecclés.,  t.  ix,  p.  87. 

Comme  la  plupart  des  erreurs  soutenues 
par  Aérius  ont  été  renouvelées  par  les  pro- 
testants, il  est  de  leur  intérêt  de  justifier  cet 
béréti()ue.  Ils  disent  que  son  principal  but 
était  de  réduire  le  christianisnte  ;t  sa  simpli- 
cité primitive.  Ce  (/e.ssein,  dit  Alosheini ,  es/ 
sans  doute  louable  ;  mais  1rs  primipes  qui  y 
portent  et  les  ntoi/ens  que  l'on  emploie  sont 
souvent  répréliensibles  à  plusieurs  égards,  et 
tel  peut  avoir  été  le  cas  de  ce  réform  leur 
(  Ilist.  ecclésiast.,  iv  siècle,  ;r  part.,  c.  3, 
§  21).  Ainsi,  selon  Mosbeim,  Aérius  pouvait 
avoir  tort  pour  la  tonne,  mais  il  avait  rai- 
son pour  le  fond.  Son  opinion,  dit-il  encore, 
plut  beaucoup  à  plusieurs  bons  chrélienf  qui 
étaient  las  de  la  tyrannie  et  de  l'arrogance  de 
leurs  évêqnes. 

Mais  nous  soutenons  que  ce  réformateur, 
très-semblable  à  ceux  du  seizième  siècle  , 
était  répréiiensible  et  condamnable  à  tous 
égards.  1°  Etait-ce  à  un  simple  prêtre,  sans 
autorité  et  sins  mission,  de  vouloir  réformer 
la  croyance  et  la  pratique  de  l'Eglise  univer- 
selle? S'il  croyait  y  apercevoir  des  innova- 
lions  et  des  abus,  il  pouvait  faire  des  repré- 
sentalioiis  modistes  et  respi  ciueuses  aux 
pasteurs  auxquels  il  appartenait  d'y  pour- 
voir ;  mais  se  révolter  contre  son  evé(]ue, 
lui  débaucher  ses  diocésains,  se  séparer  d« 


117 


AFF 


AFF 


l 


l'Eglise  pour  devenir  chef  de  secte  et  de  parti, 
c'osl  une  conduile  condamnée  par  les  apôtres, 
et  ((lie  rien  ne  peut  evcuscr.  2»  Le  motif  qui 
faisait  as;ir  Aérius  élail  connu  :  c'clail  la  ja- 
lousie contre  son  évênue,  et  lo  dépit  de  ne 
lui  avoir  pascté  préféré  pour  remplir  le  siège 
de  Sébast^;  on  en  élail  convaincu  par  ses 
discours  et  par  toute  sa  conduite.  .']"  Cet  lié- 
rétiqne  n'aliaquaii  point  des  abus  nouvel- 
lement iiitrodui  s,  mais  des  usa^:es  aussi  an- 
ciens quo  io  chrisiianisnie.  Saint  Flpiphane, 
en  le  rérutani,  lui  upp<'Se  la  tradition  primi- 
tive, constante  et  universelle  de  toute  l'E- 
glise chrclieiine,  llœres.  75.  Vouloir  suppri- 
mer ou  changer  ces  notions  el  ces  usages, 
ce  n'était  pas  réduire  le  christianisme  à  sa 
simplicité  primitive,  mais  créer  un  nouveau 
christianisme.  Ait  quatrième  siè  le  il  était 
aisé  de  savoir  quel  avait  été  le  christianisme 
depuis  les  apô!res.  4"  Une  preuve  que  ceux 
qui  s'atlaclicrent  à  Aérius  n'étaient  pas  de 
bons  clnéiiens  ,  c'est  que  cet  hérétique  n'ad- 
mcllail  pas  la  divinité  de  Jésus-Christ;  aussi 
ses  si'ct.Ueurs  et  lui  furent-ils  chassés  de 
toutes  les  églises,  réduits  à  s'assembler  dans 
les  camp.'i^nes  et  dans  les  forêts,  o"  Aucune 
secte  hérétique  n'a  jamais  manqué  de  regar- 
der les  pasteurs  légitimas  com  j  e  des  tyrans 
et  des  arrogants;  mais  aucun  chef  de  secte 
n'a  jamais  manqué  non  jdus  de  s'arroger 
une  autoiilé  plus  absolue  et  plus  tyrannique 
~ui'  celle  (les  évéquos  :  témoin  Luther  et 
lalvin.  Il  est  fâcheux  qu'Aérius.  un  de  leurs 
précurseurs,  ait  été  universellement  coi.t- 
damné  comme  novateur;  cet  exemple  aurait 
dû  les  rendre  plus  sages.  Foj/e^  Novateurs. 

AETll  NS.  To//e:  Anomékns. 

AFFIMIÈ,  parenté  par  alliance.  On  Irou- 
Tera  dans  le  Dictionnaire  de  jurisprudence  la 
distinction  des  différentes  espèces  tVdfftnite', 
el  des  divers  degrés  dans  lesquels  c'est  un 
empêchement  dirimanl  du  mariage. 

Affimtiî  spiitiTUELi.K,  espèce  d'alliance  que 
conlraclenl  avec  leur  filleul  ceux  qui  lui  ser- 
vent de  parrain  et  de  marraine  au  baptême  ; 
ils  la  contractent  encore  avec  le  père  et  la 
mère  du  baptisé  ;  de  même  celui  qui  bnpiise 
est  censé  contracter  une  alliance  ou  af/inilé 
spirituelle  avec  le  baptisé  el  avec  ses  père  et 
mère.  C'est  un  empêchement  de  mariage  sur 
lequel  il  f.iat  consulter  les  canonistes.  Koyes 
aussi  r.iwc(e)(  Sncramentuire  par  Grandïo- 
las,  2'  part.,  p.  2;î.  La  même  afftniti!  se  con- 
tracterait par  le  sacrement  de  conGrinaiion, 
si  c'était  encore  l'usage  d'y  prendre  des  par- 
rains et  des  marraines. 

AFFLiCriON.  Nous  laissons  aux  philoso- 
phes les  réflexions  que  la  raison  peut  nous 
suggérer  sur  l'utilité  des  a///jeUo»s,  et  dont 
nois  nous  servons  pour  répondre  ans  blas- 
phèmes des  athées  contre  la  Providence  et 
contre  la  bonté  divine.  Notre  travail  doit  se 
borner  à  démontrerce  que  la  révélation  nous 
enseigne  sur  ce  point. 

I>éjà,  du  temps  de  Job,  les  afflictions  des 
justes  étaient  un  sujet  de  scandale  pour  ceux 
qtii  se  piquaient  de  raisonner.  S''s  amis  lui 
soutenaient  que  Dieu  ne  l'aurait  poini  afflige', 
s'il  n'avait  pas  été  pécheur  ;  le  saint  homme 


ils 


leur  répond  et  justifie  la  providence  :  c'est 
le  plus  ancien  exemple  de  dispute  philosophi- 
que dont  l'histoire  nous  donne  connaissance. 
1"  Job  fait  parler  le  Seigneur  pour  appren- 
dre aux  hommes  que  sa  conduite  et  ses  des- 
seins sont  impénétrables,  et  qu'il  n'en  doit 
compte  à  personne,  c.  ix,  v.  ■'W.  Nous  ne  con- 
naissons ni  l'intérieur  des  hommes,  ni  ce  que 
Dieu  fera  pour  eux  ilatis  la  suite  ;  il  y  a  donc 
bien  de  la  témérité  à  juger  de  sa  providence 
par  le  moment  présent. 

2"  Il  pose  pour  principe  que  l'homme  n'est 
jamais  exempt  de  tout  iiéché  aux  yeux  de 
Dieu,  ibid.,  v.  2.  Les  a////cOons  qu'il  éprouve 
peuvent  donc  toujours  être  le  châtiment  de 
ses  fautes.  3°  Job  soutient  que  Dieu  dédom- 
mage ordinairement  en  ce  monde  le  juste 
af/lir/i',  cap.  21,  2i,  27  ;  et  il  en  est  lui-même 
un  illustre  exemple.  4"  Il  compte  sur  une 
vie  à  venir.  Qunnd  Dieu  m'ôterait  la  vie,  dit- 
il  ,  j'espérerais  encore  en  lui...  Les  leviers  de 
rnabière  porteront  mon  espérance,  elle  reposera 
avec  moi  dans  la  poussière  dutombeau.  C.xiii, 
V.  15;  c.  XVII,  v.  16,  Hcbr.  Après  avoir  dé- 
plore la  brièveté  de  la  vie  de  l'homme,  il 
dit  au  Seigneur  :  Accordez-lui  donc  quelques 
momints  de  repos,  jusqti'à  celui  auquel  il 
attend,  comme  le  mercenaire,  le  salaire  de  son 
truviiil.  G.  XIV,  V.  6. 

Mais  ces  vérités  capitales,  qui  faisaient 
déjà  la  consolation  des  patriarches,  ont  été 
mises  dans  un  plus  grand  jour  par  Jésus- 
Christ  ;  c'est  lui  qui,  par  ses  leçons  et  par 
son  exemple,  a  fait  comprendre  aux  hommes 
qu'il  faut  acheter  le  bonheur  éternel  par  les 
souffrances,  el  qui  a  su  apprendre  aux  justes 
à  remercier  Dieu  des  afflictions. 

D'ailleurs,  l'iîcriture  sainte  nous  fait  sentir 
que  cette  vie  ne  peut  pas  être  le  temps  de 
récompenser  la  vertu  et  de  punir  tous  les 
crimes.  1°  Cette  conduite  ôterait  aux  justes  le 
mérite  de  la  persévérance  et  de  la  confiance 
en  Dieu,  bannirait  du  monde  les  vertus  héroï- 
ques, rendrait  l'homme  esclave  el  mercenaire. 
Elle  ôterait  aux  pécheurs  le  temps  cl  les 
moyens  de  faire  pénitence  et  de  se  corriger. 
Un  être  aussi  faible,  aussi  inconstant  que 
l'homme,  doil-il  être  ainsi  traité  ?  2  Souvent 
une  action  qui  paraît  louable,  a  été  faite  par 
un  motif  criminel,  elle  est  plus  digne  de  pu- 
nition que  de  récompense  ;  souvent  un  délit, 
qui  parait  mériter  des  supplices,  est  pardon- 
nable, parce  qu'il  a  été  commis  par  surprise, 
par  faiblesse,  par  erreur.  Est-il  utile  à  la 
société  que  tous  les  crimes  secrels  soient  dé- 
voilés par  un  châtiment  éclatant  ?  Qui  ose- 
rait souhaiter  pour  lui-même  cette  Providence 
rigoureuse?  3°  Il  faudrait  que  notre  vie  fût 
éternelle  sur  la  terre  ;  quand  les  peines  de 
ce  monde  pourraient  suffire  pour  [lunir  tous 
les  crimes,  la  félicité  de  celle  vie  est  trop  im- 
parfaite pour  être  le  salaire  dw  la  vertu,  'i-" 
Il  faudrait  des  miracles  continncls  pour  met- 
tre les  justes  à  couvert  des  fléaux  qui  sont 
universels,  et  pour  empêcher  les  pécheurs  de 
prospérer  par  leur  industrie  el  parleurs  ta- 
lents naturels.  Ceux  qui  accusent  la  Provi- 
dence sont  donc  des  insensés. 

Dès  qu'il  e^l  étab'i  par  la  rcvclation  que. 


iig 


AFR 


AFR 


}20 


quand Dieunous  nffligp.cVst  parmiséricorde  ; 
qu'il  vcul  p.ir  là  nous  purifier  eu  ce  monde, 
.ifin  de  nous  pnrdotimr  et  de  nous  récompen- 
ser dans  l'autre  ;  nous  soinmcs  encore  plus 
ob'ifïés  de  le  bénir  dans  les  afflictions  que 
dans  la  prospénlé. 

AFFRANCHI,  en  lalin  Ubtrtirms.  Ce  lermc 
signifie  proprement  un  esclave  mis  en  liberté. 
Dans  les  Actes  des  apôtres  il  est  parlé  de  la 
synagogue  des  affranchis,  qui  s'élevèrent  con- 
tre saint  Etienne,  «lui  disputèrent  contre  lui , 
el  qui  montrèrent  beaucoup  de  chaleur  à  le 
faire  mourir.  Les  interprètes  sont  parlajîés 
sur  ces  libn-lins  ou  c//^rnnc/i(s  ;  les  uns  croient 
que  le  texte  grec,  qui  [lorte  lib"rtini,esl  fauiif, 
et  qu'il  faut  lire  libi/stini,  les  Juils  de  la  Libye 
voisine  de  l'Egypte.  Le  nom  liheriini  u'esl  pas 
grec  ;  et  les  noms  auxquels  il  est  joint  dans 
les  Actes,  font  juger  que  saint  Luc  a  voulu 
désigner  les  peuples  voisins  des  Cyrénéens 
el  des  Alexandrins  ;  mais  ce'.te  conjecture 
n'est  appuyée  sur  aucun  manuscrit  ni  sur 
aucune  version  que  l'on  sache.  Joan.  Drus., 
Cornet,  à  Lapid.,  Mill. 

D'auires  croient  que  les  affranchis  dont 
parlent  les  Acies  étaient  des  Juifs  que  Pom- 
pée et  Sosius  avaient  emmenés  captifs  de  la 
Palestine  en  Italie,  lesquels  ayant  obienu  la 
liberté,  s'établirent  à  Rome,  et  y  demeurè- 
rent jusqu'au  temps  de  Tibère,  qui  les  en 
chassa  sous  prétexte  de  superstitions  étran- 
gères qu'il  voulait  bannir  de  Rome  et  d'Italie. 
Ces  affranchis  purent  se  retirer  en  assez 
grand  nombre  dans  la  Judée,  et  avoir  une 
synagogue  à  Jérusalem,  où  ils  étaient  lors- 
que saint  l'tienne  fut  lapidé.  Les  rabbins 
eiisei;;nent  qu'il  y  avail  dans  Jérusalem,  jus- 
qu'à quatre  cents  synagogues,  sans  compter 
le  temple.  Oh'cumc'nius  ,  Lijran,  etc.  Mais  il 
pou\ait  y  avoir  en  Afrique  une  colonie  nom- 
mée libertiiia,  puisqu'à  la  conférence  de  Car- 
thage,  c.  ll(),deux  évéques,  l'un  catholique, 
l'autre  donaliste,  prirent  tous  deux  le  litre 
iVEpiscopus  EccUsiœ  libernnensis. 

AFRICAINS,  AFRIQUE.  On  ne  sait  pas 
certainement  qui  est  celui  des  apôlrcs,  ou  de 
leurs  disciples,  qui  a  prêché  le  premier  la 
religion  chrétienne  sur  les  côles  de  VAf'ique. 
Quelques  auteurs  ont  écrit  que  c'était  l'apô- 
tre saint  Simon  ;  d'autres  soutiennent  que  le 
chrislianisuK^  ne  s'est  établi  dans  cette  partie 
du  monde  que  vers  l'an  120  de  notre  ère.  Il  y 
avail  lait  en  peu  de  temps  de  très-grands 
progrès,  puisqu'au  v'^  siècle  on  y  comptait 
plus  do  quatre  cents  évéques.  Les  Van- 
dali'S,  ()ui  pour  lors  se  rendirent  maîtres 
de  l'Afrique,  y  établirent  l'ariauisme  ;  mais 
ils  en  furent  chassés  sons  Justiuien,  l'an  533. 
Dans  le  siècle  suivant,  les  Sarrasins  ou  .\ra- 
bes  mabomélaiis  l'ont  subjuguée,  et  en  ont 
banii  le  christianisme,  l'o//.  Fabricius,  Salut, 
lux  k'vanfj.,  c.  !ik,  p.  702. 

Pour  ((imprendrc  jusqu'à  quoi  point  le 
rhrisiianisuie  avait  changé  le  génie  el  le  ca- 
ractère des  Africains,  il  n'y  a  qu'a  comparer 
les  mœurs  des  anciens  C;m  Ihagiuois  et  celles 
des  Harbaresques  d'aujourd'hui  avec  celles 
qui  régnaient  dans  ce  même  climat  du  lemps 
do  Torlullien,  de  saint  Cyprien,  de  saint  Au- 


gustin. Le  même  phénomène  se  voyait  en 
EgyP'**.  Pf  subsiste  encore  aujourd'hui  chez 
les  Abyssins;  c'est  bien  une  preuve  nu'il  n'y 
a  dan-,  l'univers  aucune  contrée  où  le  cliris- 
tiani-me  ne  puisse  s'établir  et  se  conserver, 
et  que  la  sa  in  tel  é  de  cette  Religion  peut  triom- 
pher dans  tous  les  climats. 

A  la  vérité,  lorsque  l'on  fait  attention  à 
l'excès  du  rigorisme  de  rerlullien,à  l'obs- 
titiation  avec  laquelle  les  évéques  d'Afrique 
refusèrent  pendant  longtemps  de  reconnaître 
comme  valide  le  baptême  donné  par  les  hé- 
rétiques, aux  fureurs  atroces  des  don  ilistes 
cl  de  leurs  circoncellions,  aux  mœurs  de  la 
plupart  de  leurs  évéques,  à  la  dureté  avec 
laquelle  s'expriment  plusieurs  conciles  de 
ce  pays-là,  on  voit  qu'eu  général  le  cai^arlère 
africain  ne  gardait  point  de  mesure,  el  don- 
nait presque  toujours  dans  l'excès.  Salvien, 
de  Provid.,  1.  vin,  n.  2  et  suiv.,  fait  des 
mœurs  de  celle  partie  du  monde  un  affreux 
tableau;  il  soutient  que  l'irruption  des  Van- 
dales est  une  juste  punition  des  crimes  des 
Africains.  On  est  tenté  de  croire  que,  pour 
conserver  longtemps  le  christianisme  dans 
ce  pays-là,  il  f.illait  un  miracle  aussi  grand 
que  celui  (jue  Dieu  avait  fait  pour  l'y  établir. 
Cependanl  il  y  a  subsisté  pendant  près  de 
six  cents  ans,  en  y  comprenant  le  siècle  en- 
tier pendant  lequel  l'ariatiisme, des  Vandales 
y  a  dominé;  notre  religion  n'y  a  été  entiè- 
rement détruite  qu'en  Tan  709,  lorsque  les 
mahoméians,  pour  achever  la  conquête  de 
V Afrique,  passèrent  tous  les  chrétiens  au  fil 
de  l'epee.  Ilisl.  de  l'Acad.des  Inscript.,  t.  X, 
in-12,  p.  20li. 

Aujourd'hui  même  une  très-grande  partie 
de  l'/l/'rîçuc  serait  chrétienne,  s'il  était  pos- 
sible de  vaincre  plusieurs  obstacles  qui  s'op- 
posent au  succès  des  missions.  l°Daiis  plu- 
sieurs contrées  de  ce  vaste  continent  le 
climat  est  meurtrier  pour  les  Européens  ; 
plusieurs  des  tentatives  que  l'on  a  faites 
pour  y  élablir  des  missions,  n'ont  abouti  qu'à 
faire  périr  les  missionnaires;  comme  à  Ma- 
dagascar, au  Congo,  à  Loango,  dans  la  Gui- 
née, etc.  H  faudrait'des  naturels  du  pays 
pour  y  établir  solidement  la  Religion  chré- 
tienne. 2°  Les  relations  que  les  missionnai- 
res européens  sont  forces  d'eulrelenir  avec 
la  nation  qui  les  protège,  les  rendent  sus- 
pects aux  Africains,  qui  reiloulent  beaucoup 
le  génie  conquérant,  l'ambition,  la  rapacité 
et  le  ton  im|iérieux  des  nations  de  l'Europe. 
3°  La  politique  détestable  de  celles-ci  les  a 
souvent  portées  à  croiser  le  succèsdes  mis- 
sions ;  parce  que  si  les  Africains  embras- 
saient le  christianisme,  ils  ne  vendraient 
plus  leurs  compalrioles,  el  l'on  n'aurait 
plus  de  nègres  pour  cultiver  les  colonies  de 
l'Amérique.  1'  Lecaradèro  de  la  plu(>arl  do 
ces  peuples  méridionaux  est  extrêmement 
léger,  el  à  peu  près  semblable  à  celui  des 
enfants  ;  ils  sont  irès-.°ensibles  au  moindre 
intérêt  temporel;  ils  renoncent  à  la  religion 
aussi  aisément  qu'ils  l'embrassent,  dès  qu'ils 
y  trouvent  le  moindre  avanl:tç!,c.  Etat  pré- 
sent (le  la  lleligiiin,  etc.,  pig.  222  et  suiv. 

Mosheini,  qui  n'a  négligé  aucune  occasion 


121 


AGA 


AGA 


442 


de  déprimer  les  iMvaiix  et  les  succès  des 
inissionnaires  cHliolitiucs,  a  cepeiulanl  élé 
forcé  de  rendre  jiislice  au  /èli-  hér<ii(ine  avec 
lequel  les  capucins  se  sont  livrés  aux  mis- 
sions de  VAfri(itte.  Hist.  eccL,  xvii'  siècle, 
secl.  1",  §  18. 

AGAG,  roi  des  Amalécites.  Saiil,  vain- 
queur de  ce  roi,  l'avail  épargné  contre  l'or- 
dre exprès  du  Seigneur,  Samuel  imliçiié  le 
mil  à  mort  devant  le  labcmat  le.  /  Reg.  xv, 
33.  On  reproche  à  Samuel  ce  meurtre, 
non-seulement  comme  un  acte  de  crnaulé, 
mais  cnmuie  un  sacrifice  de  sang  humain 
offert  à  Dieu. 

Il  n'était  point  là  question  de  sacrifice, 
mais  d'exécuier  l'ordre  de  Oien,  rt  de  IrailiT 
un  ennemi  dans  loule  la  rigueur  du  droit  de 
la  guerre,  tel  qu'il  était  ccnuiu  et  suivi  pour 
lors.  Liiin  d'ayir  par  un  motif  de  crnaulé, 
Samuel  veut  punir  Agar;  de  ses  cruautés. 
De  même,  lui  dilil,  gue  ton  c'pr'e  a  privé  hs 
tnires  (le  Inirs  enfnnls,  ainsi  la  mhe  sera  pri- 
vée de  loi.  S.iiil  lui-même  reronnut  qu'il 
avait  eu  lorl  d'épargner  Agag.  Ibid.,  v.  30. 

Mais  les  incrédules  formeiil  cimlre  Samuel 
une  accusaiion  plus  grave,  c'csl  d'avoir  été 
la  cause  de  cette  guerre  :  rien  ne  leur  paraît 
plus  injuste  que  d'avoir  engagé  Saùl  ,à  ex- 
terminer entièrement  les  Amalé<iles,  sous 
prélexle  que,  quatre  cenis  ans  auparavant, 
leurs  ancêtres  avaient  refusé  aux  Israélites, 
sortant  de  l'Egypte,  le  passage  sur  leurs 
lenes. 

Est-ce  1,\  véritablement  tout  le   crime  des 
Amaléciles  '?  Non-seulement  ils  avaient  re- 
fusé le   passage,  mais  ils  étaient  tombés  sur 
ceux  des  Isr.iéliles  qui  étaient  restés  en  arriè- 
re,épuisés  de  faim  et  de  filigues,  el  les  avaient 
massacrés   sans    raison    et   sans    crainte  de 
Dieu.  Voilà  pourquoi  Dieu  donna  aux  Israé- 
lites  l'ordie    suivant   :    Lorsgue  le  Seigneur 
vous  aura  donné  le   repos  dans  la   terre  gu'il 
vous  a  promise,  vous  exterminerez  de  dessous 
le  ciel   le   nom   d'Amalcc  [Deuter.  xxv,  17). 
Ce  même  ordre  avait  déjà   élé  donné  au  mo- 
ment que  les  Amaléciles  vinrent  attaquer  les 
Israélites.  Esod.  xvii,  8  el  V*.  Sous  les  ju- 
ges, ils  se  joignirent  deux  fois  aux  Moabiles 
el  aux  Madianiles,  pour  n\ettre   les  posses- 
sions des  Israélites  à  feu  et  à  sang.  Jud.  iv, 
13;  VI,  3.  Ils    avaient   donc  mérité  la   ven- 
geance qui   fut  exercée   contre  eux,  et   Sa- 
muel était  bien  fondé  à  demander  que  l'or- 
dre du  Seigneur   fiit  exéeulé  à   la   rigueur. 
Mais    pourquoi,  disent   nos  censeurs,  ex- 
terminer  non-seulement  les   hommes,    mais 
les   animaux?  Parce  que  Dieu    l'avait  ainsi 
ordonné;  parce   que  les  Amaléciles  avaient 
agi  de  même  envers  les   Israélites,  Jud.  vi, 
k  \  parce  qu'en  épargnant   le  bétail,  les    Is- 
raélites auraient  paru   agir   par   cupidité,  et 
uoii  par  (ibéissance  à  l'ordre  de  Dieu. 

AGAPES,  du  grec  àià-^'n ,  amour  :  repas  de 
charité  que  faisaient  enire  eux  les  premiers 
chrétiens  dans  b  urs  assemblées,  pour  cimen- 
ter la  concorde  et  l'iininn  entre  les  -membres 
du  même  corps,  et  pour  rétablir  du  moins  au 
pied  des  autels  la  fraternité  délruile  dans  la 


société  civile  par  la  troD   grande  inégalité 
des  conditions. 

Dans  les  commencements,  ces  agapes  se 
passaii'ut  sans  désordre  el  sans  scandale;  il 
le  parait  par  ce  que  saint  Paul  en  écrivit 
aux  Ciirinthiens,  Eiiist.  I,  c.  xi.Les  païens, 
qui  n'en  connaissaient  ni  la  police  ni  la  fin, 
en  prirent  occasion  de  faire  aux  premiers  fidè- 
les les  reproches  les  plus  odieux.  On  les  ac- 
cusa d'égorger  des  eiifanis,  d'en  manger  la  - 
chair,  lie  se  livrer  dans  les  ténèbres  à  l'im- 
|)U(licité;  le  peuple  crédule  ajouta  ft>i  à  ces 
calomnies.  Mais  Pline,  après  des  informa- 
tions exactes,  en  rendit  compte  à  Trajan.  et 
assura  que,  dans  les  m/opes,  tout  respirait 
l'iniiocence  et  la  frugalité. 

L'empereur  Julien  ,  quoique  ennemi  dé- 
claré des  chrétiens,  convenait  que  leur  cha- 
rité envers  les  panvies,  leurs  agapes  le  soin 
que  leurs  prêtres  prenaient  des  misérables, 
ctaienl  un  des  principaux  attraits  par  les- 
quels ils  eng  geaient  les  païens  à  embras- 
ser leur  religion.  OEuv.  de  Julien,  édit.  de 
Spanheim,  p.  305. 

Les  pasteurs,  pour  bannir  toute  ombre  de 
licence,  défenilirent  que  le  baiser  de  paix  par 
lequel  s'unissait  l'assenililé  ■,  se  donnai  en- 
tre les  personnes  de  sexe  différent,  et  qu'eu 
dressât  des  lits  dans  les  églises  pour  y  man- 
ger [dus  ciimmodémcnt  ;  mais  divers  autres 
abus  engagèrent  insensiblement  à  suppri- 
mer les  agope<.  Saint  Ambroise  y  travailla 
si  efficacement,  que  dans  l'église  de  Milan 
l'usage  en  cessa  entièrement.  Dans  celle  d'A- 
frique, il  ne  subsista  plus  qu'en  faveur  des 
clercs,  et  pour  exercer  l'hospitalilé  envers 
les  étrangers  ;  mais  ce  ne  fut  pas  sans  peine 
que  saint  Augustin  vint  à  bout  de  faire  sup- 
primer à  Hip|ione  celte  coutume  de  manger 
dans  régli>e,  abus  qui  avait  été  défendu  par 
le  (  oncile  de  Laodicee,  can.  18  ;  il  fut  obligé 
de  prendre  louies  les  précautions  el  d'user 
de  tous  les  ménagements  possibles.  Mém.  de 
Tillem.,  tom.  Xlll,  pag.  "206. 

Il  y  a  eu  entre  les  savants  plusieurs  con- 
testations pour  savoir  si  la  communion  de 
l'eucharistie  se  faisait  avant  ou  après  le  re- 
pas des  agapes;  il  paraît  que  dans  l'origine 
elle  se  faisa.t  après,  afin  d'imiter  plus  exac- 
tement l'action  de  Jésns-Chrisl,  qui  n'insti- 
tua l'eui  haristie  et  ne  communia  ses  apôtres 
qu'après  la  cène  qu'il  venait  de  faire  avec 
eux.  Cependant  l'on  comprit  bientôt  qu  il 
était  mieux  de  recevoir  l'eucharistie  à  jeun, 
et  il  parait  que  cet  usage  s'établit  dès  le  se- 
cond siècle  ;  mais  le  Irnisième  concile  de  Car- 
thage,  en  l'ordonnant  ainsi,  excepta  le  jour 
du  jeudi  saint  ,  auquel  oh  continua  de  laire 
les  agapes  avant  la  communion.  L'on  en  con- 
clut que  la  discipline,  sur  ce  point,  ne  lut  pas 
d'abord  uniforme  parloul.  Bingham  ,  Ong. 
Eccles.,  I.  XV,  c.  7,  §7- 

Quelques  écrivains  prétendent  que  ces 
agapes  étaient  une  eoiilume  emprimt;'e  du 
paganisme;  c'était  un  des  reproches  de  Fauste 
le  inani»  héeii.  . 

Ils  ne  font  pas  alleniion  que  les  Juils 
étaient  dans  l'usage  de  manger  des  victime» 
qu'ils  immolaient  au  vrai  Dieu,  et  qu  en  ces 


125 


AGA 


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occasions  ils  rassemblaient  leurs  parents  et 
leurs  amis.  Le  chrisiianisme,  qui  avait  pris 
naissance  parmi  eux,  en  prit  celle  coutume, 
indifféreiile  en  elle-même,  mais  bonne  et 
louable  par  le  motif  qui  la  dirigeait.  Les 
premiers  fidèles,  d'abord  en  pelit  nombre,  se 
considéraient  comme  une  famille  de  frères  , 
et  vivaient  en  commun  :  l'esprit  de  charilé 
instiiua  ces  repas  ofi  régnait  la  tempérance; 
mullipliés  par  la  suite,  ils  voulurent  conser- 
ver cet  usage  des  premiers  temps;  les  abus 
s'y  glissèrent,  et  l'Eglise  fut  obligée  de  l'in- 
terdire. 

Saint  Grégoire  le  Grand  permit  aux  An- 
glais nouvellement  convertis  de  faire  des 
festins  sous  des  lentes  ou  des  feuillages  ,  au 
jour  de  la  dédic-)ce  de  leurs  églises  ou  des 
fêles  des  martyrs,  auprès  des  églises  ,  mais 
non  pas  dans  leur  enceinte.  On  renconire 
aussi  quelques  traces  des  ar/apes  dans  l'usage 
où  sont  plusieurs  églises  catliédrales  ou  col- 
légiales de  faire,  le  jeudi  saint,  après  le  la- 
vement des  pieds  et  celui  des  autels,  une  col- 
lation dans  le  cliapiire,  le  vestiaire,  ei  même 
dans  l'église.  Saint  Grég.,  Ep.  71,  1.  ix  ;  B.i- 
ronius,  ad  ann.  57,  .377,  38i  ;  Fleury,  llist. 
écoles.,  t.  I,  p.  Cl-,  1.  i. 

AGAPÈTES.  C'étaient  ,  dans  la  primilivc 
Eglise,  des  vierges  qui  vivaient  en  commu- 
Bauté,  et  qui  servaient  les  ceci,  siasiiques 
par  pur  motif  di-  piélé  el  de  tharilé. 

(;e  mot  signifie  blen-aiinre,  et ,  comme  le 
précédent,  il  est  dérivé  du  grec. 

Dans  la  première  ferveur  de  l'Eglise  nais- 
sante, ces  pieuses  sociétés,  loin  d'avoir  rien 
de  criminel,  étaient  nécessaires  à  bien  des 
égards.  Le  petit  nombre  de  vierges  qui  fai- 
saient, avec  la  iMère  du  Sauveur,  jiarlic  de 
l'Eglise,  el  dont  la  plujyart  étaient  parentes 
de  Jésus-Christou  de  ses  apôtres,  ont  vécu  en 
commun  avec  eux  comme  avec  tous  les  au- 
tres fidèles.  11  en  fut  de  même  de  celles  que 
quelques  apôln  s  prirent  avec  eux  en  allant 
prêcber  l'EvangHe  aux  nalioiis  ;  oulre  qu'el- 
les étaient  prubablcment  leurs  prociic,  pa- 
renlrs,  et  d'ailleurs  d'un  âge  et  d'une  vertu 
hors  de  tout  soupçon,  ils  ne  les  retinrent  au- 
près de  leurs  personnes  que  pour  le  seul  in- 
térêt de  l'Evangile,  afin  de  pouvoir  par  leur 
moyen,  comme  dit  saint  (élément  d'Alexan- 
drie, iiilroiluire  la  foi  dans  certaines  mai- 
sons, dont  l'accès  n'était  permis  qu'aux  fem- 
mes. On  sait  que  cluz  les  Grecs  leur  appar- 
tement était  séparé,  et  qu'eles  avaient  rare- 
ment communication  avec  les  hommes  du 
dehors.  On  peut  dire  la  même  chose  des 
vierges  dont  le  père  était  promu  aux  ordres 
sacrés,  rotnme  des  quatre  filles  de  saint  Piii- 
lippe,  diacre,  el  de  plusieurs  autn  s.  Mais  , 
hors  de  ces  cas  privilégiés  et  de  nécessité,  il 
ne  paraît  pus  que  l'Eglise  ait  jamais  souffert 
que  des  vierges,  sous  quel()ue  préiexte  que 
ce  fût,  vécussent  avec  des  ecclésiastiques  au- 
tres que  leurs  plus  proches  parents.  On  voit 
par  ses  plus  anciens  monuments  qu'elle  a 
toujours  interdit  ces  sortes  de  sociét.'S.  'l'er- 
lullien,  dans  son  livre  sur  le  VnHe  des  licr- 
ffc-f,  peint  leur  état  comme  un  cngagemcnl 
indispensable  à  vivre  éloignées  des  regards 


des  hommes  ;  à  plus  forte  raison,  à  fuir  toute 
cohabitation  avec  eux.  Saint  Cyprien  ,  dans 
une  de  ses  Epitres,  assure  aux  vierges  de 
sou  temps,  que  l'Kglise  ne  pouvait  souffrir 
non-seulemenl  qu'on  les  vîl  loger  sous  le 
même  toil  avec  des  hommes  .  mais  encore 
manger  à  la  même  table  :  le  même  saint  évé- 
que,  instruit  qu'un  de  ses  collègues  venait 
d'excommunier  un  diacre  pour  avoir  logé 
plusieurs  lois  avec  une  vierge,  félicite  ce  pré- 
lat de  CPtte  action  comme  d'un  trait  digne  de 
la  prudence  et  de  la  fermeté  cpiscop.ile  ;  en- 
fin les  Pères  du  concile  de  Nicéc  (léfendent 
expressément  à  tous  les  ecclésiastiques  d'a- 
voir chez  eux  de  ces  femmes  qu'on  appelait 
subintro(luclœ,s\  ce  n'étaient  leur  mère,  leur 
sœur,  ou  leur  tante  paternelle,  à  l'égard  des- 
quelles, disent-ils,  ce  serai!  une  horreur  de 
penser  rue  des  ministres  du  Seigneur  fassent 
capables  de  violer  les  droits  de  la  nature. 

Par  cette  docirine  des  Pères  ,  et  par  les 
précautions  prises  par  le  concile  de  Nicée,  il 
est  probable  que  la  fréquentation  des  ngapè- 
tfs  el  des  ecclésiastiques  avait  occasionné 
des  désordres  et  des  scandales.  C'est  ce 
que  semble  insinuer  saint  Jérôme,  quand  il 
demande  avec  une  sorte  d'indignation  :  Unde 
aij:ipelaruiH  pe.itis  in  Ecchsiitin  introivit? 
C'est  à  cette  même  fin  que  saint  Jean  Chry- 
sostome,  après  sa  promotion  au  siège  de 
Constantinople ,  écrivit  deux  petits  traités 
sur  le  danger  de  ces  sociétés  ;  et  enfin  le  con- 
cile général  de  Latran,  sous  Innocent  lli,  en 
1139,  les  abolit  entièrement. 

Les  prolestants  et  tous  ceux  qui  ont  écrit 
contre  le  célibat  des  clercs,  ont  lait  grand 
bruit  des  scandales  qui  naquirent  de  la  fré- 
queutalion  des  a japêles  avec  les  ecclésiasti- 
ques ;  il  semble,  à  les  entendre,  que  cet  abus 
était  très-commun,  que  les  lois  de  l'Eglise 
ne  furent  pas  suffisantes  pour  le  déraciner, 
et  qu'il  fallut  pour  cela  recourir  à  l'autorité 
des  empereurs  ;  ils  ont  répété  vingt  fois  le  mot 
de  saini  Jérôme  que  nous  venons  de  citer. 

C'est  ainsi  que,  par  des  exagérations  ridi- 
cules, on  trompe  les  lecteurs.  1°  Ces  décla- 
muleurs  ne  font  pas  attention  que  la  fréquen- 
tation dont  nous  parlons  avait  lieu  avant  qu'il 
y  eût  Une  loi  générale  du  célibat  pour  les  ec- 
clésiastiques; celle  loi  ne  fut  pas  même  por- 
tée dans  le  concile  de  Nicée,  qui  défendit  aux 
clercs  promus  aux  ordres  sacrés  de  retenir 
chez  eux  des  personnes  qui  ne  fussent  pas 
leurs  proches  parentes:  ce  n'est  donc  pas  la 
loi  du  célibat  qui  donna  lieu  à  leur  société 
a>  ec  les  agnpèies,  ou  femmes  sous-iiUroduites. 
2°  Tous  les  exemples  que  l'on  a  pu  ciler  de 
ce  scandale  se  réduisent  à  deux  ou  trois  ,  à 
celui  de  Paul  de  Samosale  qui  retenait  chez 
lui  deux  jeunes  pcisonnes,  el  ce  fut  une  des 
causes  de  su  déposiliou  ;  et  à  deux  diacres 
dont  parle  saint  Cyprien  dans  ses  lettres,  et 
qui  furent  excommuniés  par  leur  évoque.  O'S 
châtiments  exemplaires  n'étaient  pas  fort 
propres  à  persuader  aux  dercs  qu'ils  pou- 
vaient être  scandaleux  impunément.  Les  au- 
tres scandales  que  saint  Cypri(Mi  re|)ruchait 
à  des  vierges  ne  regardaient  pas  le^  ecclé- 
siastiques; du  moins  il  n'y  a  riou  dans  ses 


I2S 


AG6 


AGN 


i2( 


expressions  qni  le  témoigne.  3"  Quand  il  ne 
scr.iil  arrivé  dans  toute  l'E|;iise  à  ce  sujet 
qu'unseul  scainlale  dans  eiiKiu.mle  ans,  c'en 
a  élé  assez  pour  donner  liiîu  aux  lois  qui 
ont  clé  faites  pour  le  prévenir,  soit  par  les 
conciles,  soit  par  les  empereurs;  et  il  ne 
s'ensuit  point  [)our  cela  que  le  désonire  ait 
élé  commun.  Ne  sail-on  pas  qu.'  le  moindre 
soupçon  foraié  contre  la  comluile  d'un  ccclé- 
siasli:]uc  connu,  suffit  pour  cxcilcr  une  gran- 
di' rumeur  et  faire  parler  tout  le  monde? 
4"  LoiS(iue  saint  Jérôme  s'est  élevé  contre 
les  hérétiques  et  leur  a  reproché  leurs  dés- 
ordres, nos  adversaires  le  regardent  comme 
Un  déclamaleur,  et  lui  refusent  toul<'  croyan- 
ce: ici,  parce  qu'il  tonne  contre  les  ecclé- 
siastiques de  son  temps,  ils  ari;uraentcnt  sur 
ses  expressions  comme  sur  des  paroles  sa- 
crameulelles.  lîl  voilà  comme  les  protestants 
et  les  incrédules,  leurs  élèves,  ont  traité 
l'histoire  ecclésiastique  ;  un  seul  fait  dcsa- 
vaiita;;euv  au  clergé,  qu'ils  peuvent  citer, 
est  pour  eux  un  triomphe;  vingt  exemples 
de  vertu  ne  leur  paraissent  mériter  aucune 
altenlion. 

Le  nom  d'ar/apèlcs  fut  encore  donné,  vers 
l'an  39j,  à  une  secle  de  gnostiques  qui  était 
principalement  composée  de  fomuies.  Celles- 
ci  s'allachaient  les  jeunes  gens,  en  leur  en- 
srignanl  qu'il  n'y  av;iit  rien  d'impur  pour 
les  consciences  pures.  Une  de  leurs  maximes 
était  de  j'titr  et  de  se  parjurer  sans  scrupule, 
plut  H  ijue  de  receler  les  secrets  de  la  secte. 
On  a  vu  régner  le  même  esprit  parmi  tous  les 
hérétiques  débauchés.  Saint  Aug.,  Ilœr.  70. 

Il  ne  faut  pas  confondre  les  agapèlcs  avec 
les  diaconesses.  Voy.  Diacomcsse. 

AGUEE,  le  dixième  des  douze  petits  pro- 
phètes, naquit  pondant  la  ca|itivilé  des  Juifs 
à  B.ibylone  ;  et  après  lour  relour,  il  exhorta 
vivement  Zorohabel,  prince  de  Juda,  le  grand 
prêire  Jésus,  fils  de  Josédec,  et  tout  le  peu- 
ple au  rétablissement  du  temple  ;  il  leur  re- 
pro(  he  leur  négligence  à  cet  égard,  leur 
promet  que  Dieu  rendra  ce  second  temple 
plus  illusirecl  plusglorieux  que  le  premier, 
non  par  l'abondauie  de  l'or  et  de  l'argent  , 
mais  par  la  présence  du  Messie.  C.  ii,  v.  7 
et  suiv. 

Cette  prophétie  est  formelle  ;  les  termes 
ne  peuvent  pas  être  plus  daiis.  Encore  un 
peu  de  temps,  ef  j'ébranlerai  le  ciel,  la  terre  , 
ta  mer  et  tout  l'univers,  je  mettrai  en  inouvo' 
ment  tous  les  peuples,  et  le  désiré  de  toutes  les 
nations  viendra.  Je  remplirai  ainsi  de  gloire 
cette  maison,  dit  le  Sdgneur  des  armées  :  l'or 
et  l'argent  sont  à  moi  ;  »i«/*'  la  gloire  de  cette 
maison  sera  plus  grande  que  celle  de  la  pre- 
mière, et  je  donnerai  la  paix  en  ce  lieu. 

Le  DÉSIBÉ    DE   TOUTES   LES   NATIONS  ne  pBUt 

pas  être  un  autre  que  le  Alessie. 

Selon  la  prophétie  de  Jacob,  il  doit  rassem- 
bler les  nations  ;  selon  les  promesses  faites  à 
Abraham,  toutes  les  nations  de  la  terre  doi- 
vent être  bénies  en  lui  ;  si  Ion  les  prédictions 
d'Isaïe,  les  nations  espéreront  en  lui  ,  et  les 
lies  aitendronl  sa  loi  ,  etc. 'facile  ,  Suctoiie 
et  Joséphenons  appLennent  qu'à  l'avcnemcit 
de  Jésus-Christ,  tout  1  Orient  était  persuadé 


qu'un  personnage  sorti  de  la  Judée  serait  le 
maître  du  monde.  A  la  venue  du  Sauveur,  le 
ciel, la  lerre,  la  mer,  ont  élé  ébranlés  par  les 
prodiges  qui  ont  paru  ;  le  concert  dos  anges 
qui  ont  annoncé  sa  naissance,  l'étoile  (jui  l'a 
indiquée  aux  mages,  le  ciel  ouvert  à  son 
baplcnie,  les  ténèbres  qui  ont  couvert  la  Ju- 
dée à  sa  niorl,  son  ascension,  la  doscenle  du 
Saint-Esprit,  ont  élé  autant  de  pro  liges  opé- 
rés dans  le  i  iel  ;  il  a  calmé  les  lempcles  ,  et 
a  rempli  toute  la  Judée  de  ses  miracles.  Avant 
sa  naissance,  les  guerres  des  Juifs  contre 
les  rois  de  Syrie  ;  après  sa  mort,  la  (■on(iuéle 
de  la  Judée  par  les  Humains  ,  ont  mis  tous 
les  peuples  en  mouvomenl.  Le  second  tem- 
ple était  beaucoup  moins  riche  que  le  pre- 
mier, mai-,  il  a  élé  sanciilié  et  honoré  par  la 
présence  du  Messie,  qui  y  a  opéré  plusieurs 
miracles,  cl  qui  y  a  prêché  l'Évangile  de  la 
paix. 

Aussi  les  auteurs  du  Talmud  ont  ontendu 
comme  nous  celle  prophétie  de  l'avénenienl 
du  Messie.  Gulatin,  1.  viii,  c.  9. 

AIjIOGUAI'HE.  Voy.  Hagioguaphe. 

AGNEAU  PASCAL.  C'est  la  victime  qu'il 
est  ordonné  aux  Juifs  d'immoler  en  mémoire 
de  leui  sortie  miraculeuse  de  l'Egvpte.  Voy, 
Paque.  S.iinl  Paul  dit  aux  cbrélions  que 
Jésus-Chiist  a  été  immolé  pour  être  noire 
agneau  pascnl,  ou  notre  Pàque.  /.  Cor.  v,  7. 
L'Eglise  répète  dans  ses  jinères  ce  que  saint 
Jean-Baplisle  a  dit  de  Jésus-Christ,  qu'il  est 
V  Agneau  de  Dieu,  qui  Ole  les  péchés  du  mon- 
de. Joan.  ï,  26. 

AtiNOÈTES,  AGNOITES,  sorte  d'héréli- 
ques  qui  suivaient  l'erreur  de  Théophrone 
di'  Cappadoco,  lequel  attaiiuail  la  science  de 
Dieu  sur  les  choses  futures,  présentes  et  pas- 
sées. Les  cunomiens,  ne  pouvant  soulTrir 
celte  erreur,  le  chassèrent  de  leur  commu- 
nion, et  il  se  fil  chef  d'une  secle  à  laquelle 
on  donna  le  nom  d' eunonii spli ro niens .  Socra- 
te,  Sozonièue  et  Nicéphore,  qui  parlent  de 
ces  hérétiques  ajoutent  qu'ils  changèrent 
aussi  la  forme  du  baptême  usitée  dans  l'E- 
glise, ne  baptisant  plus  au  nom  de  la  Trini- 
lé,  mais  au  nom  de  la  mort  de  Jésus-Cbrisl. 
Celle  secle  commença  sous  l'empire  de  Va- 
lens,  vers  l'an  du  salut  370. 

Agnoïtes  ou  Agnoètes,  secle  d'eulychiens 
dont  Tliémislius  fui  l'auteur  dans  le  vi*  siè- 
cle. Ils  soulonaiont  que  Jesus-ChrisI,  en  tant 
qu'homme,  ignorait  certaines  choses,  et  par- 
ticulièrement le  jour  du  jugement  dernier. 

Ce  mot  vient  du  grec  àymnzo; ,  ignorant , 
dérivé  d'àyvo-iv,  ignorer. 

Eulogius,  palriache  d'Alexandrie,  qui  écri- 
vit contre  les  agnoites  sur  la  fin  du  vi" 
siècle,  attribue  celte  erreur  à  quelques  soli- 
taires qui  habilaieut  dans  le  voisin  igc  de  Jé- 
rusalem, et  qui,  pour  la  défendre,  alléguaient 
différents  textes  du  Nouveau  Testament,  en- 
tre autres  celui  de  saint  Marc,  c.  xiii,  v.  32, 
que  nul  houmie  sur  la  terr>î  ne  sait  ni  le  jour 
ni  l'heure  du  jugement,  ni  les  angos  qui  sont 
dans  le  ciel,  ni  même  le  Fils,  mais  le  Père 
seul.  Les  SBciniens  se  servent  aussi  de  ce 
passige  pour  attaquer  la  divinité  de  Jésus- 
Christ. 


157 


AGN 


Les  théologiens  calholiqnes  répondent,  1° 
que,  (tans  saint  Marc,  il  n'est  pas  question 
du  jour  (lu  jujreinent  dernier,  mais  du  jour 
auquel  Jésus-Christ  devait  venir  punir  la 
nation  juive  par  i'épée  di-s  Romains  -,  2°  que 
Jésus-Christ,  même  comme  homme,  n'igno- 
rait pas  le  jour  du  jugement,  puisqu'il  en 
avail  prédit  l'heure,  Luc.  xvii,  31  ;  le  lieu  , 
Mntrli.  XXIV,  28;li's  sif^nes  et  les  causes,  Luc. 
XXI.  2o.  Mais  que  par  ces  paroles  le  Sauveur 
voulaii  réprimer  la  curiosité  ind  scréle  de 
ses  disciples,  en  leur  Taisant  entendre  ((u'il 
n'élail  pas  à  propos  qu'il  leur  révélât  ce  se- 
cret. Sa  réponse  a  le  même  sens  que  celle 
d'un  i)ère  qui  dit  à  un  enfant  trop  curieux  : 
Je  n'en  sais  rim. 

Ainsi  l'ont  entendu  saint  Basile,  saint  Au- 
gustin et  d'autres  Pères  de  l'Eglise. 

En  effel,  Jésus-Christ  dit  <le  lui-même  , 
Joan.  \ii,  49  :  Je  ne  parle  pas  de  moi-mhne, 
je  ne  dis  que  ce  qui  m'a  été  ordonné  par  won 
Père  qui  m'a  envoyé.  Et  Art.  i,  7,  il  réfioiid  à 
une  antre  question  que  lui  faisaient  ses  apô- 
tres :  Ce  n'est  point  à  vous  de  ronnaitre  les 
temps  lit  les  moments  que  le  Père  tient  en  sa 
puissance.  Saint  Paul  dit  d'ailleurs  qu'en 
Jésus-Christ  sunt  cachés  tons  les  trésors  de 
la  sagesse  et  de  la  science.  Coloss.  ii,  3. 

Les  ((fynof'fes  ohject-iient  encore,  aussi  bien 
que  les  ariens,  le  passage  de  l'évangile  selon 
saint  Luc,  c.  ii,  v.  52,  où  il  est  dit  que  Jésus 
croissait  en  sagesse,  en  âge  et  en  grâce,  de- 
vant Dieu  et  devant  les  hommes.  Les  Pères 
réponilaii'nt  que  cela  doit  s'entendre  tout  au 
plusdesapparences  extérieures,  puisquesaint 
Jean  dit  dans  son  Evangile,  c.  i,  v.  li  :  iS'ous 
avons  DU  .fa  gloire,  telle  qu'elle  convient  au 
Fils  unique  du  Père,  rempli  de  grâce  et  de 
vérité,  par  conseillent  de  science  et  de  sages- 
né.  Petau,  de  Incarn.,  I.  ii,  c.  2. 

Par  cette  contestation  et  par  la  plupart  des 
antres  disputes,  il  est  évident  que  l'on  ne 
pourrait  jamais  terminer  aucune  question 
avec  les  hérétiques,  si  l'on  s'en  tenait  à  l'E- 
criture toute  seule,  et  qu'il  faut  nécessaire- 
ment recourir  à  la  tradition,  pour  en  pren- 
dre le  vrai  sens,  .\ussi  plusieurs  prolesiants 
sont  tomhés  dans  la  même  erreur  que  les 
sociniens  touchant  la  science  de  Jésns-Christ. 
jVote  de  Feuardent  sur  snint  Irénée,  I.  ii,  c. 
49. 

AGW.S  DEI ,  est  un  nom  que  l'on  donne 
aux  pains  de  rire  empreints  de  la  iigure  d'un 
agneau  portant  l'étendard  de  la  croix,  et  ((ue 
le  pape  hénil  solennellement  le  dimanche  in 
Alhis  ,  après  sa  consécration  ,  et  ensuite  de 
sept  ans  en  sept  ans,  pour  élrc  distribués  au 
peuple. 

L'origine  de  cette  cér.'monie  vient  d'une 
coutume  ancienne  dans  ri'"glise  de  liome. 
On  pri'iiait  autrefois,  le  diin  imhe  in  Alhis  , 
le  reste  du  ciergi'  pascal  béni  le  jour  du  sa- 
medi saint,  et  ou  le  distribuait  au  peuple  par 
morceaux.  t^Jia'  un  les  brûlait  dans  sa  mai- 
son, dans  les  ('ham|is,  les  vignes,  etc.,  com- 
me un  préservatif  contre  les  prestiges  du 
démon,  et  contre  les  limpéles  et  les  orages. 
Cela  se  pratiquait  ainsi  hors  de  Home;  mais 
dans  la  ville,  l'archidiacre,  au  lieu  du  cierge 


AGO  1Î8 

pascal,  prenait  d'autre  ciré,  sur  laquelle  il 
ver-aitde  l'huile,  en  faisait  divers  morceaux 
de  figure  d'agneaux,  les  bénissait  et  les  dis- 
tribuait an  peuple.  Telle  est  l'origine  des 
Agnus  Dei.  que  les  papes  ont  depuis  bénis 
an'c  [dus  (le  cé'émonies.  Le  sacristain  les 
prépare  longtemps  avant  la  bénédiclion.  Le 
pape,  revêtu  de  ses  habits  pontificaux  ,  les 
trempe  dans  l'eau  béniti',  et  les  bénit  après 
qu'on  les  en  a  retirés.  On  les  met  dans  une 
boîte  qu'un  soos-diarre  apporte  au  pape  à 
la  messe,  après  Vagnus  Dei ,  et  les  lui  pré- 
sente en  répétant  tios  fois  ces  paroles  :  Ce 
sont  ici  de  jeunes  agneaux  qui  vous  ont  an- 
noncé /'alléluia  ;  voilà  qu'ils  viennent  à  la 
fontaine,  pi  ins  de  charité,  alléluia.  Ensuite 
le  pape  les  distribue  aux  cardinaux,  évêques, 
prélats,  etc. 

On  croit  qu'il  n'y  a  que  ceux  qui  sont 
dans  les  ordres  sacrés  qui  puissent  les  tou- 
cher; c'est  pourquoi  on  les  couvre  de  mor- 
ceaux d'étoffe  proprement  travaillés,  pour  les 
donner  aux  laïques.  Quelques  écrivains  en 
rendent  plusieurs  raisons  mystiques,  et  leur 
attribuent  plusieurs  effets.  Voyez  l'Ordre  ro- 
main, Amalarius,  Valafrid  Strabon,  Sirmond 
dans  ses  Notes  sur  Ennodius,  Théophile 
Raynaud,  etc. 

Agnus  Dei,  partie  delà  liturgie  de  l'Eglise 
romaine,  ou  prière  de  la  messe  entre  le  Pater 
et  la  communion.  C'est  l'endroit  de  la  messe 
oià  le  prêtre,  se  frappant  trois  fois  la  poitrine, 
répète  autant  de  fois  à  voix  intelligible  : 
Agneau  de  Dieu,  qui  ôtez  les  péch's  du  monde, 
pardonnez-nous,  tresl  une  profession  de  foi 
de  l'universalité  de  la  rédemption,  qui  est  ti- 
rée de  l'Evansile.  Joan.  i,  29. 

Isaïe  avait  déjà  dit  dans  le  même  sens,  lui, 
6  :  Nous  nous  sommes  tous  égarés  comme  drs 

brebis ,  et  Dieu  a  mis  sur  lui  l'iniquité  de 

nous  tous.  Lebrun,  Explic.  des  Cérém.,  tom. 
11,  pig.  .577. 

AGOBARD,  archevêque  de  Lyon  dans  le 
ix*^  siècle,  est  au  nombre  des  écrivains  ecclé- 
siastiques. Il  prouva,  contre  Félix  d'Urgel, 
que  Jésus-Christ  n'est  pas  seulement  fils  de 
Dieu  par  adoption,  mais  par  nature;  il  écri- 
vit contre  les  duels,  les  épreuves  supersti- 
tieuses du  feu  et  de  l'eau,  l'abus  des  biens 
ecclésiastiques,  et  contre  plusieurs  erreurs 
populaires.  Il  mourut  en  8'jO.  La  meilleure 
édition  de  ses  ouvrages  est  celle  de  Baluze, 
faite  en  lliGG,  en  2  vol.  m-4°. 

Les  protestants  onl  voulu  mettre  cet  ar- 
chevêque au  nombre  de  ceux  qu'ils  nomment 
les  témoins  de  la  vérité,  parce  qu'il  attaqua  les 
superstitions  de  son  siècle  :  preuve  frivole  et 
([ui  ne  mérite  aucune  attention.  Basnage  a 
voulu  aussi  faire  douter  de  la  foi  i\'Agobard 
touchant  l'Eucharistie;  mais  il  est  constant  que 
cet  érrivain  a  profes-é  f  irmelleinent  la 
croyance  de  ri"'glise  sur  ce  point  dans  plu- 
sieurs endroits  de  ses  ouvrages. 

AC.ONIE,  At^.ONISANT.  Ce  terme  vient  du 
grec  iyov,  combat.  Les  censeurs  de  la  religion 
chrétieniie  onl  poussé  la  prévention  jusqu'à 
faire  un  i  rime  à  l'I'^glise  catholique  de  la  cha- 
rité qu'elle  témoigne  aux  fidèles  prêts  à  sor- 
tir de  ce  monde,  et  des  secours   spirituels 


129 


AGO 


AHl 


qu'elle  s'efforce  de  leur  procurer  :  ils  ont 
dit  que  c'est  une  rruauié  de  faire  envisager 
à  un  mourant  sa  On  prochaine,  et  de  uiellro 
déjà  sous  ses  yeux  une  partie  de  l'appareil 
de  sa  pompe  funèbre.  Celle  rédexion  de  leur 
part  démontre  sans  doute  que  ce  dernier  mo- 
ment est  terrible  pour  eus.  ;  mais  il  ne  l'est 
point  pour  un  chrétien  qui  croit  en  Dieu, 
qui  espère  en  Jésus-Christ,  qui  atteml  avec 
conGince  une  vie  éternelle.  Les  confréries 
des  agonisants,  les  prières  que  l'on  y  récite, 
celles  que  l'on  dit  auprès  d'un  malade,  les 
derniers  sacrements,  sont  une  consolation 
pour  lui  ;  il  les  demande,  il  se  tranquillise 
surl'iniercession  de  l'ii'jllse  et  sur  les  vœux, 
de  ses  friMes  ;  il  les  regarde  comme  la  der- 
nière marque  d'amiiié  que  l'on  peut  lui  don- 
ner. Un  père  qui  bénit  ses  enfauls  rassem- 
blés, prosternés  et  fondant  en  larmes,  est 
Certiiinement  un  grand  spectacle.  Souvent 
il  a  fait  rentrer  en  eux-mêmes  des  pécheurs 
qui  n'y  étaient  guère  disposés  ;  et,  si  le  plii- 
losoplie  le  plus  intrépide  avait  de  temps  en 
temps  cet  objet  sous  les  yeux,  ce  serait  peut- 
être  la  meilleure  réponse  à  toutes  ses  ob- 
jections. 

Agomis  de  Jésus-Christ.  Quelques  mo- 
ments avant  d'être  saisi  par  les  Juifs,  Jésus- 
Christ,  priant  au  j;irdin  des  Olives, e>t  tombé 
en  faiblesse  et  à  Vaijuuie;  Il  a  conjure  son 
Père  d'écarter  de  lui  le  calice  des  souffrances  ; 
il  a  sué  sang  et  eau.  CcKe  dans  Origéne,  liv. 
II,  n.  23  ;  les  Juifs,  dans  le  Muniinen  fiilei,  sec. 
partie,  e,  24';  les  incrédules  modernes,  ont 
insisté  à  l'envi  sur  celle  circonstance.  L'Uoin- 
me-Dieu,  disent-ils,  aux  approches  de  tamorl, 
montieime  faibles-e  dont  un humine  courageux 
rougirait  en  panil  cas. 

Nous  les  prions  de  considérer,  1°  que  Jé- 
sus-Christ avait  prédit  plus  d'une  fois  à  ses 
disciples  sa  passion  et  sa  mort  ;  il  venait 
encore  de  leur  en  parler  après  la  dernière 
cène.  Il  nonmiail  ses  souffrances  le  momei\t 
de  sa  gloire;  il  avait  constamment  annoncé 
sa  résurrection.  2""  Il  ne  tenait  qu'à  lui  de 
tromper  le  dessein  de  Judas  et  des  Juifs  ;  s'il 
était  allé  passer  la  nuit  ailleurs  ;  s'il  s'était 
éloigné  de  Jérusalem,  ses  ennemis  auraient 
manqué  leur  |)roiL'.  3"  Au  nioiiienl  qu'il  sait 
leur  approche,  il  se  lève,  éveille  ses  disciples, 
va  audev.int  des  soldats,  se  présente  à  eux 
d'un  air  intrépide,  les  renverse  par  lerre  d'un 
seul  mol,  leur  f.iil  sentir  qu'il  est  le  maîtie 
de  les  exleruiiner  ou  de  se  livrer  entre  leurs 
mains. 

Par  son  agonie,  Jésus-Christ  voulait  nous 
apprendre  que  la  répugnance  naturelle  de 
soullrir  et  de  mourir  n'est  jias  un  crime, 
lorsqu'elle  est  jointe  à  une  parfaite  soumis- 
sion à  Dieu.  Il  voulait  instruire  les  martyrs, 
leur  apprendre  qu'il  faut  attendre  la  mort  et 
non  la  provoquer.  Il  finit  sa  prière  par  ces 
paroles  :  Mon  Père,  que  votre  volonté  se  fasse 
et  non  la  mienne. 

Un  philosophe  moderne  est  convenu  qu'il 
y  a  un  extrême  courage  à  marcher  à  la  morl 
en  la  redoutant.  Voyez  Dissertation  sur  la 
sueur  de  sang,  etc.  Bible  d'Avignon,  t.  XllI, 
p.  i68. 


130 


AGONISTIQURS,  nom  par  lequel  Donat  et 
les  donatisles  désignaient  les  prédiealenrs 
qu'ils  envoyaient  dans  les  villes  el  dans  les 
campagnes  pour  répandre  leur  doctrine,  et 
qu'ils  regardaient  cominrî  autant  de  combat- 
l;inls  propres  à  leur  conquérir  des  disciples. 
On  les  appelait  ailleurs  circuiteurs,  circel- 
lions,  circoncellions,  catropiles,  coropile':,  et 
à  Rome  munlenses.  L'histoire  ecclésiastique 
est  pie  ne  des  violences  qu'ils  exerçaient 
contre  les  catholiques.  Voij.  Cikco.nckllions, 

DOMATISTES,  efC. 

AGONYCLITIÎS,  hérétiques  du  viir  siècle 
qui  avaient  pour  maxime  de  ne  prier  jamais 
à  genoux,  mais  debout. 

Ce  mot  est  eoinposé  d'«  privatif,  de  yôw  ge- 
nou, et  du  verbe  zÀiv,.  incliner,  plier,  courber. 

*AGItKl)A  {Miiried'l.  Moie,  noiim  ée  d'Asfé.la,  de 
la  ville  (lù  elle  liil  supéneine  dii  couvent  de  rimiiia- 
ciilée-Coiiceplioii,  iia(pill  le  2  avril  l(iu2,  depirenls 
nobles,  riclies  el  craignant  Dieu.  Elle  prii  llialiil  de 
ndiiiieiise  avec  sa  mère  el  sa  subui',  le  15  janvier 
11)19.  l'allé  se  lit  reinaripier  pendant  son  niiviiiat  par 
de  graiidi-s  austérités  et  pur  son  snAt  parilcii  ier 
pour  l'oraison,  (jnelle  avait  praliqiiée  dés  si  plus 
Sjraiide  jeiines-e.  Elle  parvint  bientôt  à  un  degré  de 

perlectioii    inconnu    au    c iiiiin    des     religieuses. 

0  eu  permit  ipi'el  e  fût  allliijée  par  de  grandi-s  mala- 
dies. Les  esprits  malins  lui  causaient  des  ciainies 
lioriililes  ;  on  assure  iiièiii'  qiiMs  lui  apparur  ni  sous 
des  ligu>es  capables  d*eûV:.yer  les  plus  coura<îi'ux,  el 
(lu'ils  lui  flri'iil  subir  des  loriures  qui  sembi  oeiil  lui 
disloquer  tous  les  iiieniiires.  Maisà  peine  élail-ille  déli- 
vrée de  ces  rudes  éiireive-,  qu'elle  tomba  i  dans  des 
exla>es,  des  ravissements,  des  visionsetiraiitiesmer- 
vedlissemldaliles.Ellepréiendil  avoir  reçu  l'ordre  de 
Du  u  d'écrire  la  vie  de  la  sain  e  Vierge.  Soii(unfes>eur 
exiraordinaire  lui  ordunui  de  jeter  cet  éciitau  l'eu, 
elle  obéit  aussitôt  ;  mais  son  confesseur  onliiiaiie  lui 
prescrivit  d'écrire  de  nouveau  cet  ouvra'^e.  Il  parut 
Sous  le  litre  de  :  La  mystique  Ciiâ  de  Dieu,  miracle 
de  su  loiile-imissnnce ,  abùite  de  la  (pàce  de  Dieu, 
Ilisioirc  divine,  el  la  Vie  de  lu  tiès-siiinle  Vierije  Ma- 
rie, Mère  de  Dieu ,  manijestée  dans  ces  derniers  siècles 
pur  la  saillie  Vierg.',  à  lu  sœur  Marie  de  Jésus,  abbesse 
du  couvenl  de  l'iiiimuculée-toncpiiunde  ta  ville  d'A~ 
gréda. 

Cet  ouvrage  fut  mis  à  l'index  .i  Uonie  en  1710. 
Eiisebe  Ainort,  célèbre  théologien,  déclare  que, 
sons  le  I  imlilieal  de  Benoii  XIII,  ce  décret  lui  rap- 
porté. Le  proies  de  la  caii"iiisalio.i  île  Mine  d'Agréda 
fut  poursuivi  en  cour  de  Konie.  Les  anle  irs  de  la 
Bibliullièque  sacrée  assurent  que  Bem  il  XIV  déclara 
que  les  écrits  de  Marie  d'Agréda  ne  conlieniienl  neii 
de  ciiiilraire  à  la  fi.  Le  jugenieiil  sur  sa  canonisa- 
lion  a  élé  suspendu.  La  Sm  bonne  cniidamii  i  ,  en 
IGDO,  plusieui s  propositions  extraites  de  lu  mysli<iue 
Cilé.  [Nous  Cl  oyons  que  la  Norbniine  s'est  mouirée 
trop  se  V  ère.  Nous  ne  voulons  pas  être  plus  rigides 
que  l'Ëglise  elleinéuie;  quoiqu'il  y  ait  dans  cet  écril 
des  cliu>es  qui  paraissent  extravagantes,  cun-'idérant 
que  les  plus  baules  voies  de  Dieu  iiesonl  pas  toujours 
Luiiiprélieiisibl'S  aux  esprits  ordinaires,  nous  nous 
absienuns  du  juger. 

AGYNNIENS  ,  hérétiques  nommés  aussi 
agioniles,  ou  agionois,  qui  parurent  environ 
l'an  de  Jésus-Chrisl  094..  Ils  ne  prenaient 
point  de  femmes,  et  prétendaient  que  Dieu 
n'était  pas  auteur  du  mariage  ;  leur  nom 
vient  d'à  privatif  et  deyuvÀ,  femme.  Cetiesecte 
paraît  avoir  été  un  rejeton  des  manichéens. 

AUIAS,  prophète  du  Seigneur,  dont  il  est 
parle,  111  Keg.  xi,  29.  C'est  lui  qui,  sous  le 


13! 


AHI 


AIN 


132 


règne  de  Salomon  ,  annonça  à  Jéroboam 
qu'iiprès  la  morl  de  ce  roi,  il  rôcnerail  lui- 
même  sur  dix  des  tribus  d'Israël  ;  sa  pio- 
phélie  saccomplil  en  effet  sous  Hohoam,  (ils 
de  Salomon,  parce  que  ce  jeune  roi  traiia 
avecdurelé  le  peuple  qui  lui  demandaH  d'ê- 
tre déchargé  d'une  partie  des  inipôls. 

De  là  les  incré'iules  modernes  ont  pris  oc- 
casion d'assurer  que  ce  propbète  fut  la  cause 
du  schisme  de  ces  dix  tribus,  de  toutes  les 
guerres  et  de  tous  les  maux  qui  s'ensuivi- 
rent; <iue  ce  fut  lui  qui  inspira  à  Jéroboam 
l'ambition  et  le  projet  de  parvenir  à  la  myau- 
lé.  Ils  en  ont  conclu  qu'en  jiénéral  les  pro- 
phètes éUiieni  des  rebelles  fanatiques,  qui 
soulevaient  les  sujets  contre  leur  roi,  qui 
sonfUaient  la  discorde,  el  qui,  par  leurs  pré- 
tendues prop'iéiios,  toujours  crues  par  le 
peuple,  furent  enfin  la  cause  de  la  ruine  de 
leur  nation. 

Ce  reproche  est  grave  ;  mais  a-t-il  quelque 
fondement  dans  l'histoire? 

1°  Nos  censeurs  supposent  que  la  prédic- 
lion  A'Ahias  l'ut  laite  à  Jéroboam  après  la 
mort  de  Salomon  ;  c'est  une  fausseté,  Salo- 
mon vivait  encore  :  si  ce  prophète  n'était 
qu'un  fanatique,  comment  put-il  prévoir  que 
Roboam,  monté  sur  le  trône,  rebuterait  le 
peuple  ;  que  le  peuple  se  mutinerait  ;  que  dix 
tribus,  ni  plus  ni  moins,  sccoucr.iient  le  joug, 
et  se  donneraient  un  autre  roi?  Jéroboam 
conçut  alors  si  peu  le  dessein  de  parvenir  à 
la  royauté,  qu'il  se  sauva  en  Egypte,  et  qu'il 
n'en  revint  qu'après  la  moil  de  Salomon. 

2'  Nous  ne  voyons  point  qu'Aliins  ait  eu 
aucune  part  au  soulèvement  du  peuple,  ni 
qu'il  y  ail  contribué  en  rien.  La  seule  cause 
de  celte  révolte  fut  la  réponse  dure  et  mena- 
çante que  fit  Uoboam  aux  plaintes  de  celte 
muUiludc  assemblée.  Dieu  lui-même  avait 
révélé  à  Salomon  ce  qui  arriverait  après  sa 
mort  ;  Ahias  ne  fit  que  coiifiruier  la  |)rédjc- 
tion.  Si  Salon)on  n'en  profita  pas  pour  don- 
ner de  SMlutïiri's  leçons  à  son  fils,  il  lut  cou- 
paiile  ;  ce  n'est  point  au  prophète  <iu'il  faut 
en  attribuer  la  faute.  7/7  Ileg.  xi,  11. 

3°  Jéroboam  lui-même  ne  paraît  être  entré 
pour  rien  dans  la  sédition.  Il  est  dit  que  les 
tribus  méconlenics  s'en  retournèrent  chacune 
chez  elle  ;  que  Hoboani  ayant  envoyé  un  de 
ses  officiers  pour  les  ramener  à  l'obéissance, 
elles  le  lapiilèrcnt  ;  que  le  roi  lui-môme  s'en- 
fuit de  Sichem  à  Jérusalem  ;  qu'ensuite  les 
tribus  ayant  appris  que  Jéroboam  était  de 
retour  d"lv;ypte,  elles  lui  envoyèr<uit  d<-s  dé- 
putés, le  firent  venir  dans  leur  assemblée  et 
l'établirent  roi  d'Israël.  Ce  fut  donc  de  leur 
propre  mouvement  qu'elles  le  choisirent,  et 
non  point  pari  instigation  du  prophète,  lîiid., 
%n,  1G.  Si  elles  avaient  eu  (connaissance  de 
sa  prédiction,  sans  doute  elles  auraient  com- 
mence par  mettre  Jérolniam  à  leur  tetc, 
avant  de  mettre  à  mort  l'ulficier  de  lloboani. 
k'  Les  prophètes,  loin  de  souiller  le  l'eu 
de  la  discorde  à  cett(^  occasion,  empêchèieiit 
la  guerre  el  l'effusion  du  sang.  Lorsque  lio- 
boam  eut  fait  prendre  les  armes  aux  tribus 
de  Juda  et  do  lienjamin  pour  forcer  les  dix 
tribus  rebelles  à  rentrer  sous  le  joug,  le  pro- 


phète Séméïas  leur  défendit  dfî  la  part  de 
Dieu  d;'  comlMltre  contre  leurs  frères;  ils 
n'allèrent  pas  plus  loin,  et  la  coerre  n'eut 
pas  lieu.  77/  Rpg.  xii,  22.  Quelques  incrédu- 
les ont  encore  trouvé  b  >n  de  reprocher  à 
ce  prophète  qii'il  avait  confirmé  les  rebelles 
dans  leur  schis;iie.  Mais  nous  les  défions  de 
citer  un  seul  prophète  du  Seigneur  qui  ait 
c\cité  le  peuple  à  se  soulever  contre  son 
souverain,  soii  dans  le  royaume  d'Israël,  soit 
dans  celui  de  Juda. 

5°  Nous  ne  voyons  pas  que  Jéroboam  ait 
reconnu  par  au::un  bienfait  le  service  que 
lui  avait  rendu  le  prophète  Ahias;  loin  de 
suivre  ses  leçons,  il  engagea  les  Israélites 
d.ins  l'idolâtrie.  Aussi,  lors'io'il  envoya  son 
épouse  dégnisée  pour  consulter  Ahins  sur  la 
maladie  de  son  fils,  ce  prophète,  quoiiiue  de- 
venu aveugle  de  \ ieillesse,  la  reconnut,  .ivant 
même  qu'elle  eût  parlé  ;  il  lui  annonça  sans 
ménagement  la  mort  prochaine  lie  cet  enfant, 
et  les  châtiments  'erribips  que  Dieu  exerce- 
rait sur  la  race  de  Jéroboam  en  punition  de 
son  idolâtrie.  Itiid.  xiv. 

Des  I  rophîles  imposteurs  et  fanatiques 
auraient  cherché  sans  doute  à  faire  leur  cour 
et  à  ménager  le*  rois  ;  nous  voyous  au  con- 
traire les  prophètes  juifs  toujours  prêts  à 
reprocher  aux  rois  tous  lenr>  crimes,  à  leur 
prédire  des  châtiments  et  à  braver  la  mort, 
pour  s'acquitter  des  ordres  qu'ils  avaient  re- 
çus de  Dieu.  Leur  attribuer  les  maux  qui 
sont  arrivés,  c'est  vouloir  qu'ils  aient  é!é  la 
cause  de  la  perversité  des  princes  (jui  n'ont 
jamais  voulu  profiter  de  leurs  leçons.  Peut- 
on  citer  un  seul  roi  qui  se  soit  mal  trouvé  de 
les  avoir  suivies  ? 

*  AIGLF,.  L'Ecriture  p.irle  soiiveul  de  cette  espèce 
d'oiseau.  La  loi  aiicieiiiie  inetlail  l'niç;le  au  nombre 
des  animaux  impurs.  Levil.  xi,  13  ;  Deulév.  xiv  ,  2. 
D  'US  le  psaume  102.  v.  5,  il  est  dii  que  le  Sei^nenr 
renouvelle  la  jeunesse  du  juste  comme  celle,  rie  l'ai- 
gle :  Itenovabiiiir  ut  aqiiilœ  javentns  tua.  Ce  rajeunis- 
.'■enieiil  de  l'aiiîle  a  tînt  naîire  l>ien  des  opinions  ;  il 
esl  constaté  ipie  l'aigle  ne  se  rajeuuil  pas  auirenienl 
que  les  autres  oiseaux,  qui  qiiiuentloiisles  ans  leurs 
plumes  pendant  la  mue  ,  et  qui  e^i  re|irennent  d'au- 
tres. Nous  croyons  que  ce  passage  sigiiiliu  :  Vous 
vous  renouvellerez  et  vous  prcinlre/.  des  forces  c»in- 
ine  l'ai|;ledaus  sa  jeunesse.  Vid.  Uucli.,  de  Animal. 
««(•).,  (  i  Meiiocli. 

AINf],  AINESSE.  Il  est  naturel  qu'un  père 
conçoive  une  tendre  alïection  pour  le  pre- 
mier fruit  de  son  mariage,  pour  l'enfant  qui 
lui  a  fait  éprouver  les  |,remiers  mouvements 
de  l'amour  paternel.  Ce  sentiment  était  plus 
vif  dans  les  premiers  âges  du  monde,  lorsque 
chaque  famille  était  une  petite  république 
isolée.  Le  cœur  était  moins  partagé  par  la 
multitude  des  afi'ectiuns  sociales;  les  enfants 
étaient  la  force  et  la  richesse  de  leur  (lère. 
L'diiié  était  destiné  par  la  nature  à  être  le 
chol'dela  famille,  si  le  père  venait  à  man- 
quer. C'est  ce  qui  rendait  le  droit  iVaiiiegfe  si 
sacré  et  si  précieux  chez  les  patrianhcs. 
Moïse  l'avait  conservé  en  entier  par  ses  lois 
Mais  à  mesure  que  les  peuplad  s  se  sont 
augmentées  el  civilisées,  le  pouvoir  pater- 
nel a  diminué,  el  le  droit  d'oùicssc  a  perdu 
son  prix  ;  nous  en  sommes  venus  au  point 


133 


AIN 


ALB 


134 


de  rop:arder  aujourd'hui  ce  droit  comme  in- 
jusln. 

Il  faut  donc  se  rapprocher  des  mœurs  an- 
tiques pour  sentir  Ténerpiie  de  plusieurs  ex- 
pressions do  rEciiliirc  sainte.  Dieu  promet 
à  David  qu'il  le  rendra  Vnhié  ilc  tous  les  rois. 
Saint  Paul  iiommo  Jésus-Christ  aîné  de  tou- 
tes les  créatures,  parce  qu'il  a  été  encrendré 
du  Père  avant  la  créai  ion;  dans  l'Apocalypse, 
il  est  appelé  le  premier-né  d'entre  les  morts, 
parce  qu'il  est  li^  [)remier  qui  soit  ressuscité 
par  sa  propre  vertu.  Isaïe  nomn\e  premiers- 
nés  des  ptimres,  ceux  qui  soulTrent  le  plus; 
dans  le  livre  de  .loi) /;rimo(7e(u7f/  mors  signi- 
fie la  plus  cruelle  de  loules  les  morts. 

11  paraît  par  ri)i<loire  sainte  que  le  droit 
à'aînesse  a  été  établi  dès  la  création ,  uiais 
il  n"était  pas  inaliénable;  Dieu,  pour  de  bon- 
nes raisons,  l'a  souvent  Iransporlé  aux  puî- 
nés. Ainsi  Ciiïn,  fils  aîné  i' Adam,  fut  priié 
de  ses  droits  en  punition  de  son  crime,  Selh 
lui  fut  substitué.  J;ipbel,  fils  aîné  de  Noé,  fut 
moins  privilégié  queSem;  Isaac  l'ut  préféré 
à  Ismaël  son  aîné,  mais  qui  était  né  d'une 
élranuère;  Jacob  acheta  le  droit  d'aînesse  de 
son  frère  Ksaii,  il  l'ôta  à  son  propre  fils  Rii- 
ben,  pour  le  donnera  Joseph;  et  en  bénis- 
sant Its  deux  fils  de  Joseph ,  il  accorda  la 
préférence  à  lîpbraïm  surManass\ 

Nous  voyons  p.ir  le  cbap.  xxi,  12,  du  Deu- 
téron()me,  que  l'oîiic' avait  une  double  por- 
tion dans  l'héritjige  paternel  ;  et  après  l,i  mort 
du  père,  il  de^en.■lil  le  chef,  par  conséquent 
le  prêtre  de  sa  famille. 

Les  incrédules  ont  censuré  avec  beaucoup 
d'aijjrcur  la  conduite  de  Jacob,  qui  profila 
delà  lassitude  de  sou  frère  pour  aclieler  de 
lui  le  droit  (\'aînesse  à  très-vil  prix,  et  qui 
trompa  son  père  Isaac  pour  e\lori|uer  de  lui 
la  bénédiction  devinée  à  Vaîné.  Nous  exa- 
minerons ce  trait  d'bistoiie  au  tuot  Jacob. 

Depuis  que  Dieu  eut  fait  mourir  tous  les 
premiers-nés  des  Egypti  ns  par  l'épèe  de 
l'ange  exterminateur,  et  qu'il  eut  préservé 
ceux  des  Israélites,  il  ordonna  que  ceux-ci 
lui  fussent  offerts  et  consacrés  ;  cette  loi  ne 
regardait  que  les  fiiâles,  soit  dos  hommes, 
soit  des  animaux.  Exod.  xiii.  Si  le  premier 
enfant  d'une  femme  était  fille,  le  père  n'é- 
tait obligé  à  rien,  ni  pour  cet  enfant,  ni  pour 
les  suivants  ;  si  un  homme  avait  deux  fem- 
mes, il  était  obligé  d'olïrir  au  Seij;neur  les 
premiers-nés  de  chacune.  lin  les  offrant  dans 
le  temple,  les  par  nls  les  rachetaient  p  lur  la 
somme  lie  cinq'sicles.  Jésus-Ciirist  lut  offert 
et  r,;cheté  par  ses  parents  coiriuie  les  autres 
premiers-nés  ;  miis  il  était  destiné  à  clr<'  lui- 
mcnie  le  prix  de  la  rédemption  du  monde. 

Les  [tremiers-nés  des  animaux  purs,  tels 
que  le  veau,  l'agneau,  le  chevreau,  devaient 
être  olTcrls  dans  le  temple,  immolés  en  sacri- 
fice, et  non  rachetés  ;  quant  à  ceux  des  ani- 
maux impurs  qui  ne  pouvoient  pas  servir  de 
victimes,  ils  étaient  rachetés  ou  tués. 

Cette  loi  était  un  monument  irrécusable 
du  miracle  opéré  en  Egypte  en  faveur  des 
Israélites  ;  elle  fut  observée  d'abord  par  ceux 
même  qui  avaient  été  témoins  oculaires  du 
prodige.  Auraient-ils  voulu  se   soumettre  à 


celte  loi  onéreuse,  s'ils  n'avaient  pas  été  con- 
vainc is  par  leurs  propres  yeux  de  la  vérité 
du  fait"?  Il  leur  fut  ordonné  d'insduire  soi- 
gneusement leurs  enfants  du  sens  et  du  motif 
de  la  cérémonie.  Exod.  xv,  li.  Ce  témoignage, 
ainsi  tr.insmis  de  généialion  en  génération 
avec  l'observance  de  la  loi,  était  une  preuve 
à  laquelle  l'incrédulité  la  plus  hardie  ne 
pouvait  rien  opi)oser.  Un  incrédule  quel- 
conque vouiraii-il  ainsi  atlestir  par  ses  pa- 
roles et  par  son  oliéissance,  un  f;.it  pub:ic 
et  très-éclatant  de  la  fausseté  duquel 'il  se- 
rait intimement  convaincu?  La  conduite  des 
Juifs  dans  tous  les  temps  démontre  qu'ils 
n'étaient  pas  plus  disposés  que  les  mécréants 
d'aujourd'hui  à  croire  des  choses  dont  ils 
n'auraient  pas  eu  la  preuve. 

*  AINOS.  Il  se  trouve  duis  les  îles  siiuées  au  nord 
du  Jaiiun  des  peuples  connus  sous  ce  nom.  Lesoleil, 
la  lune,  l;i  mer,  seul  l'olijei  île  leur  culte.  Ils  recoii- 
naissenl  aussi  un  Dieu  du  ciel  et  un  niaiire  des  eu- 
fers.  Les  Japonais  «m  fait  souvent  de  giands  elforts 
pour  introduire  chez  ces  peiiides  la  religion  des 
bouddhistes.  Leurs  tentatives  ont  été  inutiles. 

ALBANOiS  ,  hérétiques  qui  troublèrent 
dans  le  vn=  siècle  la  paix  de  l'Eglise,  et  qui 
parurent  principalement  dans  1  Albanie,  ou 
dans  la  partie  orientale  de  la  Géorgie.  Us 
renouvelèrent  la  plupart  des  erreurs  des  ma- 
nichéens etdesautres  hérétiques  qui  avaient 
vécu  depuis  plus  de  trois  cents  ans.  Leur 
première  rêverie  consistait  à  établir  deux 
principes  :  i'un  bon  ,  père  de  Jésus-Christ, 
auteur  du  bien  et  du  Nouveau  Testament;  et 
l'autre  mauvais,  auteur  de  l'Ancien  Testa- 
ment,  qu'ils  rejetaient  en  s'inscrivant  en 
faux  contre  tout  ce  qu'Abraham  et  Moïse 
ont  pu  dire.  Ils  ajoutaient  que  le  monde  est 
de  toute  éternité;  que  le  Fils  de  Dieu  avait 
apporté  un  corps  du  ciel  ;  que  les  sacre- 
ments, à  la  réserve  du  baptême,  sont  des  su- 
perstitions inutiles  ;  (|ue  l'Egiise  n'a  point  le 
pouvoir  d'excommunier,  et  que  l'enfer  est 
un  conte  fait  à  plaisir.  Praléole  Gautier,  dans 
sa  Citron. 

ALBIGEOIS,  nom  général  donné  aux  hé- 
rétiques qui  parurent  en  France  dans  les 
xii^  et  xiif  siècles  ,  et  qui  furent  ainsi  nom- 
més, parce  qu'ils  se  iiiuitiplièrent  non-seu- 
lement dans  la  ville  d'Albi,  mais  encore  dans 
le  Bas-Languedoc,  dont  les  habitants  sont 
nommés  par  les  auteurs  de  ce  lemps-ià  Albt^ 
genses. 

Le  fond  de  leur  doctrine  était  le  mani- 
chéisme ,  mais  dilTéremment  modifié  par  les 
visions  des  différents  chefs  qui  l'avaient  prê- 
ché en  France,  tels  que  Pierre  de  Bruis, 
Henri  son  disciple  ,  Arnaud  de  Bresse,  etc.  : 
c'est  ce  qui  fit  nommer  ces  sectaires  pétro- 
brtifiens,  lienriciens,  arnaldistes  ou  arnau- 
distes  ;  uinis  il»  portèrent  encore  plusieurs 
autres  noms  tirés  de  leurs  mœurs,  dont  nous 
parlerons  ci-après.  Nous  ne  devons  donc  pas 
être  étonnés  de  ce  que  les  auteurs  qui  ont 
exposé  leurs  erreurs  ne  les  ont  pas  rappor- 
tées uniformément;  jamais  aucune  seeto 
d'hérétiques  ne  fut  couplante  dans  ses  opi- 
nions :  chiique  docteur  se  croit  le  maître  de 
les  entendre  et  de  les  arranger  comme  il  lui 


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ALB 


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136 


plaît.  Les  albigeois  étaient  un  amas  confus 
de  sectaires,  la  plupart  irès-ignorants  et 
très-peu  en  étal  de  rendre  comjjie  de  leur 
croyance;  mais  tous  st^  réunissaient  à  con- 
damner l'usage  des  sacrements  et  le  culte 
extérieur  de  l'Eglise  catholique,  à  vouloir 
détruire  la  hiérarchie  et  changer  la  disci- 
pline élablii'.  C'est  à  ce  titre  que  les  protes- 
tants leur  ont  f.iit  l'honneur  de  les  regarder 
commi'  leurs  ancêtres. 

Al  iuus,  moine  ileCileaux,  et  Pierre, moine 
de  'Vaux-Cernay,  qui  ont  écrit  contre  eux, 
leur  reprochent,  1°  d'admellro  deux  princi- 
pes ou  dcuv  créateurs,  l'un  bon  et  l'autre 
méchant  ;  le  premier,  créateur  des  choses  in- 
visibles et  spirituelles  ;  le  second  ,  créateur 
des  corps,  auteur  de  l'Ancien  Testament  et 
de  la  loi  judaïque,  pour  lesquils  ci-s  héré- 
tiques n'avaient  aucuiî  respeci  :  voilà  le  fond 
de  l'ancien  manichéisme.  2'  Ue  supposer  deux. 
Christs,  l'un  méchani,  qui  avait  paru  sur  la 
terre  avec  un  corps  fanlasli(|ue  ,  qui  n'était 
mort  cl  ressuscité  qu'en  apparence;  l'autre 
bon,  mais  qui  n'avait  pas  été  vu  en  ce  mon- 
de :  c'él.iil  l'erreur  de  la  plupart  des  gnosti- 
ques.  3'  De  nier  la  résurrection  fulure  di;  la 
chair,  d'enseigner  que  nos  âmes  sont  des 
dénions,  (]ui  ont  été  logés  dans  nos  corps  en 
punition  des  crimes  qu'ils  avaient  coinmis  ; 
conséquemment  ils  niaient  le  pi  rgatoire  et 
l'uliiile  (le  la  prière  pour  les  morts;  ils  trai- 
taient néme  de  folie  la  croyance  des  catho- 
liques louchant  les  peines  de  l'enfer.  Ces 
rêveries  sont  empiunlées  de  d.fférenies  sec- 
tes d'hiTéliques.  i'  De  cond;imner  tons  les 
sacrements  de  l'Kgli^e,  de  rejeier  le  baptême 
couiine  inutile,  d'avoir  en  horreur  l'eucha- 
ristie, de  ne  pratiquer  ni  la  confession,  ni  la 
pénitence,  de  croire  le  mariige  défendu  ,  ou 
du  moins  de  regarder  la  procréation  des  en- 
fants coMime  un  crime.  Celait  encore  l'opi- 
nion des  manichéens.  Enfin  ces  auteurs  rap- 
portent que  le-  albigeois  délestaient  les  mi- 
nislres  de  l'Eglise,  ne  cessaient  de  les  dé- 
crier et  (le  déclamer  contre  eux  ;  qu'ils  n'a- 
vaient aucun  respeci  pour  la  croix  ,  pour  les 
images,  pour  les  reli(iucs  ;  qu'ils  les  délrui- 
sa'ienl  ei  les  brûlaient  partout  où  ils  étaient 
les  mailres. 

Ils  (  talent  divisés  en  deux  ordres  ;  savoir, 
les  parihils  et  b^s  croyants.  Les  premiers 
Cienaivnl  une  vie  aosiére  en  apparence, 
Vivaient  dans  la  continence,  f.iisaienl  pro- 
fession d'.'ivoir  en  boireur  le  jurement  et  le 
mensonge.  Les  seconds  vivaient  comme  le 
reste  d•^s  honiines,  et  (ilusieurs  avaient  des 
miturs  trùs-dérégices;  il  croyaient  èlre  sau- 
vés par  la  foi  et  par  l'imposilioi,  des  mains 
des  parfaits.  C'était  l'ancienne  discipline  des 
manichéens. 

Le  concile  d'Albi,  que  quelques-uns 
nomment  conci/e  rfcLom/;fs,  tenu  l'an  llTli, 
dans  lequel  les  albit/cois  furent  condamnés 
sous  lenoinde^o((s-/t(jm(/ie.<  ,  etdoulles  actes 
.sont  cités  parFleury,  llisi.  ecclc's.,  I.  i.xxii, 
n.  til,  leur  allribuu  les  mêmes  erreurs  d'a- 
pn^s  lijur  propre  confession.  Rainerius,  dans 
l'histoire  «ju'ila  donné;-  de  ces  mêmes  héré- 
tiques sous  le  nom  de  cathares,  expose  leur 


croyance  à  peu  près  de  même.  M.  Bossuet, 
Hist,  des  variât.,  I.  ix ,  a  cité  encore  d'autres 
auteurs  qui  confirment  toutes  ces  accu- 
sations. 

A  la  vérité,  la  plupart  des  protestants  qui 
auraient  voulu  persuader  que  les  albigeois 
soutenaient  la  même  doctrine  qu'eux,  ont 
accusé  les  écrivains  catholiques  d'avoir  at- 
tribué à  ces  sectaires  des  erreurs  qu'ils  n'a- 
vaient pas,  afin  de  les  rendre  odieux,  et  de 
justifier  la  rigueur  avec  laquelle  on  les  a 
traités.  Mosheim,  mieux  instruit,  n'a  pas 
osé  faire  de  même,  il  n'a  rien  dit  de  leur 
dogme  ni  de  leur  conduite,  parce  qu'il  a  bien 
senti  qu'il  n'était  pas  possible  de  justifier  ni 
l'un  ni  l'autre.  Hist.  ecclés. ,  xin"  siècle, 
deuxième  partie,  c.  5,  §  2  et  suiv. 

Li!  nom  de  bonshommes  leur  fut  donné 
d'abord  parée  qu'ils  afl'eclaient  un  extérieur 
simple,  régulier  et  paisible,  et  ils  se  don- 
naient eux-mêmes  le  nom  de  cathares  ,  qui 
signifie  purs;  mais  leur  conduite  leur  en  fit 
bienUit  (tonner  d'autres  :  on  les  appela  pifres 
et  patarins,  c'est-à-dire  rustres  et  grossiers; 
pubicdins  ou  poplicuins,  parce  qu'on  sup- 
posa que  les  femmes  étaient  cornmunes  en- 
tre eux  ;  joassuj/er*',  parce  ((u'ils  envoyaient 
des  émissaires  et  des  prédicants  de  toutes 
parts  pour  répandre  leur  doctrine  cl  faire  des 
prosélytes. 

Leur  condamnation,  prononcéeau  concile 
d'Albi,  l'.in  1176,  l'ut  confirmée  dans  celui  de 
Lairan,  l'an  117i),  et  dans  d'autres  conciles 
provinciaux  ;  mais  la  protection  que  leur 
accorda  Uaimond  V^I,  comte  de  Toulouse  , 
leur  fil  mépriser  les  censures  de  l'Eglise,  les 
rendit  plus  entreprenants,  et  empêcha  le 
fruil  des  pré>licalions  de  saint  Dominique  et 
des  autres  missionnaires  que  l'on  envoya 
pour  les  instruire  et  les  convertir.  Les  vio- 
lences qu'ils  exercèrent  engagèrent  les  papes 
'à  publier  une  croisade  contre  eux  l'an  liilO. 
Ce  ne  fut  qu'après  dix-huit  ans  de  guerres 
et  de  massJicres  ,  qu'abandonnés  par  les 
comies  de  Toulouse  leurs  protecteurs,  af- 
faiblis par  les  victoires  de  Simon  de  Mont- 
forl,  poursuivis  dans  les  tribunaux  ecelesias- 
tii|ues  et  livrés  au  bras  séculier,  les  albigeois 
furent  enlièremenl  détruits.  (}nel(|ues-uiis 
s'ech.ippèreni  et  se  joignirent  aux  vauduis 
dans  les  vallées  du  Piémoni,  de  la  Provence, 
du  D.iu|ihine  et  de  la  Savoie  ;  c'est  pour  cela 
()ue  quelques  auleurs  ont  quel(|uel'ois  con- 
foniiu  ces  deux  secies,  mais  elles  étaient 
trés-dilTérentes  dans  l'origine  ;  les  vaudois 
n'ont  jamais  été  m.inichéens.  Voy.  Vaudois. 

A  II  naissance  de  la  prélendue  reforme, 
les  uns  cl  les  autres  chrrclièrent  à  se  joiu- 
dr('  iiux  zuingiien>,el  il>  s'uniienl  entiit  aux 
calvinisie»,  sous  le  règne  de  I'rani;ois  I". 
Fiers  de  ce  nouvel  appui  ,  ils  se  permirent 
des  violences  (jui  aliirérent  sur  eux  l'exécu- 
tion sanglante  de  t'.abrière  cl  de  Mérindol  ; 
depuis  ce  niomenl  ils  ont  disparu,  et  il  n'en 
reste  plus  que  le  nom. 

La  croisade  entreprise  contre  les  albigeois, 
les  supplices  auxciuels  on  les  condamna,  l'in- 
quisition <|ue  l'on  établit  contre  eux,  ont 
iuuriii    une  ample  matière  de  déclamaliOD» 


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I3« 


aux  protestants  et  aux  incrédules,  leurs  co- 
pistes. Les  uns  et  les  autres  ont  répété  cent 
fois  que  cette  guerre  fut  une  scène  conti- 
nuelle de  barbarie  ;  qu'il  y  avait  de  la  dé- 
mence à  vouloir  convertir  des  héréli(]ues  par 
le  fer  et  par  le  feu  ;  que  le  vrai  molil'  de  celte 
guerre  fut  l'ambition  ducomlc  de  Moutforl, 
qui  voulait  s'emparer  des  Etals  du  comte  de 
Toulouse  ,  et  la  fausse  politique  de  nos 
rois,  qui  ont  été  bien  aises  d'en  partager  les 
dépouilles. 

Nous  n'avons  aucun  dessein  de  jiistiOer  les 
excès  qui  ont  pu  être  commis  de  part  ou 
d'autre  par  des  gens  armés,  pendant  une 
guerre  de  dix-huit  ans  ;  nous  savons  assez 
que  dès  que  l'on  a  tiré  l'cpée,  l'on  se  croit 
tout  permis;  qu'un  trait  de  cruauté  commis 
par  l'un  des  doux  partis  devient  un  motif  ou 
un  prétexte  de  représailles  sanglantes  :  c'est 
ce  que  l'on  a  vu  dans  nos  guerres  civiles 
du  xvr  siècle  ;  l'on  n'était  sûrement  pas  plus 
modéré  au  xiir.  Nous  ne  prétendons  pas 
soutenir  non  plus  qu'il  est  louable  ou  |jcr- 
mis  de  poursuivre  à  feu  cl  à  sang  des  héré- 
tiques dont  la  doctrine  n'intéresse  en  rien 
l'ordre  et  la  Iranquiililé  publique,  et  dont  la 
conduite  est  paisible  d'ailleurs  ;  toute  la 
question  est  de  savoir  si  les  albigeois  étaient 
dans  ce  cas.  C'est  une  discussion  dans  la- 
quelle nos  adversaires  n'ont  jamais  voulu 
entrer. 

1°  Enseigner  que  le  mariage  ou  la  pro- 
création des  enfants  est  un  crime  ;  que  tout 
le  culte  extérieur  de  l'Eglise  catholique  est 
un  abus  ,  et  qu'il  faut  le  détruire  ;  que  tous 
les  pasteurs  sont  des  loups  ravissants,  et 
qu'il  faut  les  exterminer  :  esl-ce  une  doc- 
trine qui  puisse  être  suivie  et  léduitc  en 
pratique  sans  que  l'ordre  et  le  repos  public 
en  soulTrenl?  Les  pasteurs  de  l'Eglise  peu- 
vent-ils ^e  croire  obligés  en  conscience  de 
la  tolérer?  Le  comte  do  Toulouse,  quels  que 
fussent  ses  motifs,  était-il  sage  et  avait-il 
raison  (iela  proléger?  Nous  savons  bionqu'à 
la  réserve  du  premier  article,  les  prolestanls 
ont  été  de  cet  avis  ;  mais  nous  en  appellerons 
toujours  au  tribunal  du  bon  sens,  de  leur 
décision.  11  est  fort  singulier  que  les  caliio- 
liques  aient  dû  tolérer  des  opinions  qui  ne 
tendaient  à  rien  moins  qu'à  les  faire  aposta- 
sier  et  à  les  faire  blasphémer  contre  Jésus- 
Christ,  et  que  les  albigeois  aient  été  dispen- 
sés de  tolérer  la  doctrine  catholique,  parce 
qu'elle  ne  s'accordait  pas  avec  la  leur. 

S-Quoi  qu'en  puissent  dire  les  protestants, 
les  albigeois  avaient  commencé  par  des  in- 
sultes ,  des  voies  de  fait  et  des  violences 
contre  les  catholiques  et  contre  le  clergé, 
dés  qu'ils  s'étaient  sentis  assez  forts.  L'an 
lli7,  plus  de  soixante  ans  avant  la  croi- 
sade, Pierre  le  Vénérable,  abbé  de  Cluny, 
écrivait  aux  évêques  d'Embrun,  de  Die  et  de 
Gap  :  On  a  v»,  par  un  crime  inuui  citez  les 
chrétiens,  rebaptiser  les  peuples,  profaner  les 
églises,  renverser  les  autels,  brûler  les  croix, 
fouetter  les  prêtres  ,  emprisonner  les  moines, 
les  contraindre  à  prendre  des  femmes  par  les 
menaces  et  les  tourments.  Parlant  ensuite  à 
tes  hérétiques,  il  leur  dit  :  Après  avoir  fait 
DiCT.  DE  Thûol.  uogmaxiqce.  I. 


lin  grand  bûcher  de  croix  entassées  ,  vous  y 
avez  mis  le  feu  ;  vous  y  avez  fait  cuire  de  la 
viande  et  en  avez  mangé  le  vendredi  saint, 
après  avoir  invité  ptibliquement  le  peuple  à 
en  manger.  F\eur^,  Ilist.  ecclés.,  I.  lxix, 
n.  2h.  C'est  pour  ces  belles  ex])édilions  que 
Pierre  de  Bruis  fut  brûlé  à  Saint-Gilles  quel- 
que temps  après.  Nous  aurions  peine  à  les 
croire  si  les  protestants  n'avaieul  pas  re- 
nouvelé ces  excès  au  xvi'  siècle. 

3'  L'on  ne  peut  pas  douter  que  tous  les  li- 
bertins et  les  malfaileurs  de  ces  temps-là, 
connus  sous  le  nom  de  routiers  ,  cotereaux 
et  mainadis,  ne  se  soient  joints  aux  albi- 
geois dès  qu'ils  virent  que  ,  sous  prétexte  de 
religion,  l'on  pouvait  piller,  violer,  brûler 
et  saccager  impunément.  C'est  ainsi  qu'à  la 
naissance  delà  réforme  l'on  vit  tous  les  ec- 
clésiastiques libertins,  tous  les  moines  dys- 
coles  et  déréglés,  tous  les  mauvais  sujets  de 
l'Europe  ,  embrasser  le  calvinisme,  afin  de 
satisfaire  en  liberté  leurs  passions  crimi- 
nelles. Un  huguenot  qui  avait  un  ennemi 
catholique  s'en  vengeait  à  son  aise  et 
avec  honneur;  les  enfants  révoltés  contre 
leurs  parents  les  menaçaient  d'apostasier  ; 
un  paysan  qui  en  voulait  à  son  seigneur  ou 
à  son  curé  pouvait  exercer  contre  eux  toute 
sa  iiaine  :  les  prédicanls  sancliflaient  tous  les 
crimes  commis  par  zèle  contre  le  papisme, 
leurs  successeurs  les  excusent  encore  au- 
jourd'hui. 

4°  Avant  de  sévir  contre  les  albigeois,  l'on 
avait  cmplo\é  pendant  plus  de  quarante 
ans  les  missions,  les  instructions  et  toutes 
les  voies  que  la  charité  chrétienne  pouvait 
suggérer.  L'on  n'en  vint  aux  armes  et  aux 
supplices  quo  quand  ces  hérétiques  in- 
traitables et  furieux  ne  laissèrent  plus  au- 
cune espérance  de  conversion.  Lorsque  saint 
Bernard  alla  en  Languedoc  pour  les  com- 
batlre,  l'an  llkl ,  il  n'était  armé  quo  de  la 
parole  de  Dieu  et  de  ses  vertus.  L'an  1179, 
le  concile  général  de  Latran  dit  aualhôme 
contre  eux,  et  il  ajouta  :  Quant  aux  Bra- 
bançons ,  Aragonais  ,  Navarrais ,  Basques, 
cotereaux  et  triaverdins ,  qui  ne  respectent 
ni  les  églises  ni  les  monastères,  et  n'épargnent 
?ii  orphelins,  ni  âge,  ni  sexe,  mais  pillent  et 
désolent  tout  comme  des  païens  ,  nous  ordon- 
nons  à  luus  les  fidèles,  pour  la  rémission 

de  leurs  péchés,  de  s'opposer  courageusement 
à  ces  ravages,  et  de  défendre  les  chiétiens 
contre  ces  malheureux  [Can.  27).  Voilà  le  mo- 
tif de  la  guerre  contre  \es  albigeois  claire- 
ment exprimé,  et  c'est  pour  cela  que  le  lé- 
gal Hinri  marcha  contre  eux  avec  une  ar- 
mée, l'an  1181.  Ce  n'était  donc  pas  pour  les 
convertir  que  l'on  employait  contre  eux  la 
violence,  mais  pour  réprimer  leurs  ravages. 

Los  excès  auxquels  ils  s'étaient  livrés , 
sont  prouvés  1°  par  la  confession  même  que 
le  comte  de  Toulouse  lit  publiquement  au 
légat,  l'an  1209,  pour  obtenir  sou  absolu- 
lion  ;  2°  par  le  vingtième  canon  du  concile 
d'Avignon,  tenu  la  môme  année  ;  3°  par  le 
témoignage  des  historiens  du  temps,  témoins 
oculaires.  ()ue  penser  des  albigeois,  lorsque' 
l'on  voit  le  comte  de  Toulouse,  leur  prolec- 


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ALB 


leur,  poasscrla  barbarie  jusqu'à  faire  étran- 
gler son  propre  frère,  parce  qu'il  s'élail  ré- 
concilié à  l'Eglise  calholique?  Le  comte  de 
Fois  élait  un  monslre  encore  plus  cruel. 
Ilist.  de  VE(]l.  galL,  t.  X,  1.  xxix  et  xxx. 

Mosheim  a  déguisé  les  faits  avec  sa  pru- 
dence ordinaire;  il  dil  que  loules  les  sectes 
hérétiques  du  xiii"  siècle  convenaient  una- 
iiimenienl  que  la  religion  dominante  n'était 
qu'un  composé  bizarre  d'erreurs  et  de  su- 
perstitions ,  l'empire  des  papes  une  usurpa- 
tion, et  leur  autorité  une  tyrannie.  Ces  sec- 
taires, selon  lui,  ne  se  bornènni  pas  à  ré- 
pandre ces  opinions  :  ils  réfutèrent  encore 
les  superstitions  et  les  impostures  du  temps 
par  des  arguments  tirésde l'Ecriture  sainte; 
ils  déclamèrent  contre  la  puissante,  les  ri- 
chesses et  les  vices  du  clergé  ,  avec  un  zèle 
d'autant  plus  agréable  aux  princes  et  aux 
magistrats  civils,  que  ceux-ci  étaient  las  des 
usurpations  et  de  la  tyrannie  des  gens  d'é- 
glise. Treisième  siècle,  w  part. ,  ch.  5,  §  2. 

En  ellet,  les  tisserands,  les  manouvriers, 
les  laboureurs  de  la  Provence  et  du  Langue- 
doc étaieii.  des  docteurs  fort  habiles  dans 
l'Ecriture  sainte;  au  concile  d'Albl,  l'an 
1176,  l'évêque  de  Lodève  leur  opposa  l'E- 
criture sainte,  et  ils  furent  confondus  ;  les 
actes  en  font  foi.  Leurs  seuls  arguments 
étaient  les  déclamations,  les  railleries,  les 
insultes,  les  calomnies,  les  voies  de  fuit, 
comme  ceux  des  huguenots.  L'on  sait  d'ail- 
leurs quel  usage  les  manichéens  savaient 
faire  de  l'Ecriture  sainte;  nous  levojons 
dans  les  dis[)ute$  que  saint  Augustin  soutint 
contre  eux. 

Quand  il  serait  vrii  que  la  religion  domi- 
nante au  xm"  siècle  était  un  amas  d'erreurs 
et  de  superstitions,  celle  des  albujeois  valait 
encore  moins,  puisque  c'était  un  chaos  de 
rêveries  de  deux  ou  trois  sectes  différentes. 
Quand  celle-ci  aurait  été  plus  pure,  il  n'ap- 
partenait pas  à  de  simples  particuliers,  sans 
mission, del'établir, encore  moins  d'employer 
la  violence,  le  meurtre,  le  brigandage,  pour 
en  venir  à  bout.  Parce  que  les  protestants 
ont  fait  de  même,  ce  n'est  pas  une  raison 
d  approuver  cette  étrange  manière  de  réfor- 
mer l'Eglise. 

Si  les  princes  étaient  las  de  la  tyrannie 
des  gens  d'église,  comment  ont-ils  pu  .soute- 
nir a  main  armée  les  efforts  que  faisaient  le 
pape  et  les  évèques  pour  réprimer  les  a/</j- 
geois  ? 

Nous  ne  prendrons  pas  la  peine  de  réfuter 
les  motifs  odieux  pour  lesquels  on  prétend 
que  nus  rois,  et  surtout  saintLouis,  sonten- 
Irésdans  la  guerre  contre  le  comte  (h;  Tou- 
louse et  contre  les  albigeois.  A  la  vérité,  le 
traité  par  le({uel  ce  seigneur  fit  sa  paix  avec 
saint  Louis,  en  1228,  lut  très-avantageux  à 
ia  couronne,  puisi|u'il  y  fut  stipulé  i|ue  l'hé- 
ritière du  comte  de  Toulouse  épouserait  un 
des  frères  du  roi, et,  (]u°au  défaut  d'enfants 
mâles,  ce  comté  reviendrait  au  roi.  Mais 
lorsque  la  croisade  contre  les  ulbi(jcois  fut 
résolue,  dix-huit  ans  auparavant,  on  ne 
pouvait  pas  pi  évoir  celte  clause,  et  il  uous 
parait  que  le  cumle  de  Toulouse  dut  se  teuir 


ALB  140 

fort  honoré  de  celle  alliance.  Il  se  révolta 
quatorze  ans  après  ,  trait  qui  ne  lui  fuit  pas 
honneur  ;  mais  la  victoire  de  saint  Louis  à 
Taillebourg  fore  i  ce  vassal  rebelle  de  se  sou- 
mettre ;  dès  lors  les  a/ôtjeot's,  privés  de  toute 
protection,  furent  aisément  détruits. 

Basnage,  dans  son  Histoire  de  l'E(iUse, 
I.  XXIV,  a  fait  tous  ses  efforts  pour  réfuter 
l'histoire  des  albigeois  tracée  par  Bossuet; 
voici  ce  qui  résulte  de  loules  ses  recherches  : 

l-  Avant  que  les  •manichéens  répandus 
dans  la  Lombardie  au  xir  siècle  eussent  pé- 
nétré en  France,  il  y  avait  déjà,  dans  nos 
provinces  méridionales,  des  sectateurs  de 
Pierre  et  de  Henri  de  Bruis,  qui  y  dogmati- 
saient et  y  tenaient  des  assemblées.  Quoi- 
qu'ils n'eussent  point  les  mêmes  opinions 
que  les  manichéens,  ils  ne  laissèrent  pas, 
lorsque  ceux-ci  arrivèrent,  de  se  joindre  à 
eux  et  de  faire  cause  commune  avec  eux,  de 
même  qu'au  xiir  siècle  ils  s'associèrent  en- 
core aux  vaudois.  Telle  a  toujours  été  la 
politique  des  sectaires,  afin  de  faire  nombre 
et  de  tenir  tête  aux  catholiques.  Par  la  même 
raison  les  vaudois  se  sont  ensuite  joints  aux 
calvinistes,  quoiqu'ils  n'eussent  pas  l.i  même 
croyance. 

2  De  là  même  il  résulte  qu'au  xiii'  siècle 
les  albigeois  étaient  un  ramas  de  manichéens, 
d'ariens,  de  pétrobrusiens,  de  henricieiis  et 
de  vaudois,  très-peu  d'accord  sur  le  dogme, 
mais  réunis  par  intérêt  et  par  la  haine  contre 
ri'.glise  romaine  et  son  clergé;  que  la  plu- 
part très-ignorants  ne  savaient  pas  trop  co 
qu'ils  croyaient  ou  ne  croyaient  pas.  Do  là 
vient  la  variété  des  récits  que  les  historiens 
du  temps  ont  faits  de  la  doctrine  de  ces  sec- 
taires. 

3  Dans  les  interrogatoires  que  l'on  fit 
subir  à  leurs  chefs,  et  dans  les  conciles  où 
ils  furent  condamnés,  il  ne  fut  pas  aisé  de 
découvrir  et  de  distinguer  leurs  différentes 
opinions,  soit  parce  que  ces  prédicants  n'a- 
vaient aucune  doctrine  fixe,  soit  parce  qu'ils 
cachaient  avec  soin  celles  de  leurs  erreurs 
qui  pouvaient  inspirer  le  plus  d'horreur  aux 
catholiques. 

4°  Par  là  même  on  voit  le  ridicule  de  Bas- 
nage  et  des  protestants,  qui  veulent  faire 
passer  les  albigeois  pour  leurs  ancêtres  ;  au- 
cun de  ces  hérétiques  n'aurait  voulu  signer 
une  profession  de  foi  luthérienne  ou  calvi- 
niste, et  aucun  protestant  sincère  ne  vou- 
drait adojjter  toutes  les  rêveries  des  diffé- 
rentes seeles  d'(dbiyeois. 

5°  Basnage  a  eu  grand  soin  de  dissimuler 
les  véritables  raisons  pour  lesquelles  ou  fut 
obligé  (II!  sévir  contre  ces  mécréants,  savoir: 
leurs  violences,  leurs  voies  de  fait,  leur  fu- 
reur contre  le  culte  extérieur  de  l'Eglise  ca- 
tholique et  contre  le  clergé.  11  veut  persuader 
qu'on  les  punissait  uniquement  pour  leurs 
erreurs,  ce  qui  est  faux.  Si  quelquefois  on  a 
condamué  au  sujjplice  des  novateurs,  avant 
qu'ils  eussent  eu  le  temps  de  se  former  uu 
parti  redoutable,  c'est  que  leur  doctrine  et 
leurs  prim  ipes  tendaient  directement  à  la  sé- 
dition et  à  troubler  lu  trunquillilc  publique. 
Voyez  llÉRÉriQUE. 


Ui 


ALE 


ALE 


142 


ALCORAN.  Voij.  Mahométisme. 

A LCDIN,  diacre  de  l'Eglise  d'York,  fut 
api)(lé  en  France  par  CharU-magno,  el  eut 
l'avantage  de  donner  des  leçons  à  cet  empe- 
reur, et  de  contribuer  au  rétalilissenienî  des 
lettri's  ;  il  mourut  dans  son  abbaye  de  Saint- 
Miiriin  de.  Tours,  en  80i.  Il  a  fait  plusieurs 
ouviages  tln'ologiques  qui  se  sentent  de  la 
rudesse  du  viiT  sièrle  :  mais  la  doctrine  eu 
est  pure.  L'auieur  doit  être  rangé  parmi  les 
écrivains  ecclésiastifiues  el  les  témoins  de  la 
tradition.  L'on  attend  la  nouvelle  édition  de 
ses  oeuvres,  promise  par  un  savant  béné- 
dictin (le  la  eongrégation  de  Saint-Vannes; 
elle  sera  plus  exacte  el  plus  complète  que 
celle  d'André  Ducliesne,  en  3  volumes  iu-fol. 

Rasnage  a  voulu  persuader  i\n'xilcuin  n'é- 
tait pas  du  sentiment  catbolique  touchant 
l'Rucharislie.;  le  conîrairo  est  prouvé  dans 
la  Perpétuité  de  la  fui,  loin.  I,  1.  vni,  c.  i. 

*  ALEXANDRE  LE  GRAND.  Le  premier  livre  des 
Machabées,  c.  vi,  v.  2,  dmiiie  à  Ale.\;indie  le  nom 
(le  premier  roi  des  Grecs.  Les  ijicréiliiles  mil  vii  dans 
ce  passage  une  erreur;  mais  II  est  cuMsi.uil  tpic  c'est 
léelleiiieiit  Alexandre,  qui  le  prcinior,  a  pris  le  ijtie 
do  roi.  Dos  médailles  ^oiit  venues  coidirmer  celle 
vérité,  cl  duiuirr  ninsi  raison  à  la  llible  cnnire  les 
arguiies  des  Incrédule^  el  des  protestants.  Nous  dé- 
veloppons cette  réponse  au  mut  Médailles. 

ALKXANDIUK.  Nous  n'avons  à  parler  que 
de  l'Eglise  fondée  dans  cette  ville  célèbre. 
Selon  tous  les  monuments  anciens  de  l'his- 
toire ecclésiastique,  c'est  saint  Marc,  disciple 
de  saint  Pierre,  qui  a  prêché  l'Evangile  dans 
Alexandrin,  et  y  a  fondé  une  Eglise.  M.  de 
Valois  pense  que  ce  fut  la  neuvième  année 
de  l'empereur  Claude,  environ  dix-sept  ans 
après  la  mort  de  .(ésus-Christ  :  d'autres  pla- 
cent cet  événement  div  ans  plus  tard. 

(^uoi  (ju'il  en  soit  ,  l'on  ne  pouvait 
ignorer  dans  Alexandrie,  ville  remplie  de 
Juifs,  ce  qui  s'était  passé  en  Judée  dix- 
sept  uns  auparavant  :  il  y  avait  un  com- 
merce habituel  entre  Alexandrie  et  Jérusa- 
lem, et  une  synagogue  dans  cette  dernière 
pour  les  .Mcxandrins.  Acl.  VJ,  9.  Si  saint 
Marc  avait  raconté  des  faits  imaginaires  dans 
l'Evangile  qu'il  écrivit  pour  l'instructioii  des 
nouveaux,  fidèles,  il  leur  aurait  été  très-aisé 
d'en  constater  la  fausseté.  A'pollo,  disciple 
de  saint  Paul,  était  C:' Alexandrie.  Act.  xvi.;, 
2!i.  Les  troubles  qui  causèrent  la  i  uine  de 
Jérusalem  ne  seOrent  point  sentir  en  Egypte; 
l'Eglise  naissante  put  y  jouir  d'une  longue 
tran(|uillité.  Saint  Marc  eut  une  suite  non 
interrompue  de  successeurs  dont  Eusèhe  a 
donné  la  liste;  la  tradition  apostolique  a  dû 
se  conserver  longtemps  sans  altération  dans 
cette  église  patriarcale.  On  sait  i\u  Alexan- 
drie était  une  des  villes  où  les  sciences 
étaient  le  plus  cultivées;  il  y  avail  une  école 
de  philosophie.  Panlhsenus,  Clément  iVAU- 
xandrie,  Origène  y  furent  instruits  el  y  don- 
nèrent cusuitc  des  leçons.  Ce  n'est  donc  pas 
dans  les  ténèbres,  ni  sous  le  voile  de  l'igiu»- 
rance  que  le  christianisme  s'est  établi  dans 
Alexandrie.  Ceux  qui  ont  cru  en  Jésus-Clirist, 
ne  l'uni  pas  fait  sans  s'être  informés  de  la 
yéiitë  des  l'ails  publiés  par  les  apôtres.  11 


u'esl  pas  douteux  que  cette  Eglise  n'ait  eu 
une  liturgie  qui  lui  était  propre,  et  il  est  très- 
probable  que  c'est  celle  (|ui  a  paru  dans  la 
suite  sous  le  nom  de  saint  Marc.  Nous  eu 
parlerons  au  mot  Litukgik. 

Il  n'est  aucune  des  anciennes  Eglises  qui 
ait  été  aussi  agitée  que  celle  d'Alexandrie; 
cette  ville,  grande,  riche  et  très-peuplée, 
était  partagée  eu  trois  religions,  le  paga- 
nisme, le  judaïsme  et  le  christianisme,  et 
ses  habitants  étaient  naturellement  séditieuic 
et  violents.  Pour  cette  raison,  les  empereurs 
furent  obligés  d'accorder  beaucoup  d'auto- 
rité à  l'évêiiue  ;  sa  juridiction  s'étendit  bientôt 
sur  toute  l'Egypte  La  célébrité  de  l'école 
d'Alexandrie  contribua  encore  à  lui  donner 
beaucoup  de  considération  parmi  les  autres 
évéques  ;  mais  plus  celte  place  était  impor- 
tante, plus  elle  était  exposée  à  de  fréquents 
orages.  Dès  le  commencetnent  du  iir  siècle, 
l'ordination  d'Origène,  qui  parut  irrégulière 
à  deux  évéques  d'Alexandrie,  leur  fournit 
un  sujet  de  troubler  le  repos  de  ce  grand 
homme  ;  d'autres  le  protégèreni,  en  particu- 
lier Denis  ,  qui  occupa  ce  siège  vers  l'an  250  : 
mais  celui-ci  à  son  tour  fut  accusé  d'avoir 
préparé  les  voies  à  l'erreur  d'Arius.  L'an  306, 
le  schisme  de  Mélèce  divisa  cette  Eglise,  et 
l'ail  320  Arius  commença  d'y  publier  son  hé- 
résie. On  sait  combien  elle  causa  de  désor- 
dres dans  toute  l'Eglise,  el  à  quelles  persé- 
cutions saint  Athanase  fut  exposé,  parce 
qu'il  soutenait  avec  zèle  la  divinité  de  Jésus- 
Christ.  Théophile,  un  de  ses  successeurs  eu 
385,  fut  ennemi  de  saint  Jean  Chrysostome, 
et  augmenta  les  brouilleries  qui  régnaient 
déjà  entre  les  évéques  d'Alexandrie  el  ceux 
de  Cons-tantinoiile.  L'épiscopat  de  saint  Cy- 
rille, neveu  el  successeur  de  Théophile,  fut 
Il  ès-orageux  ;  Nestorius  ,  qu'il  condamna 
dans  le  concile  d'Ephèse  en  431,  et  contre 
'lequel  il  écrivit,  eut  beaucoup  de  partisans 
qui  accusèrent  saint  Cyrille  d'eutychianisme. 
Dioscore,  qui  lui  succéda,  embrassa  ouver- 
tement le  parti  d'Eulychès;  il  résista  aux 
décisions  du  concile  de  Chalcédoine,  tenu 
l'an  451,  et  entraîna  toute  l'Egyple  dans  sou 
schisme.  Lorsqu'on  voulut  mettre  sur  ce 
siège  des  évéques  calholiciues,  les  Alexan- 
drins en  massacrèrent  un  el  en  chassèrent 
un  autre.  Pendant  près  d'un  siècle,  les  em- 
pereurs employèrent  vainement  loute  leur 
autorité  pour  rétablir  la  paix;  leuiselTorls 
ii'alioti tirent  qu'à  aigrir  les  Egyptiens  contre 
le  gouvernement.  L'an  630,  le  patriarche 
Cyrus  fui  le  premier  auteur  du  monothé- 
lisme,  et  quatre  ans  après,  les  mahométans 
conquirent  et  ravagèrent  ri'lgyple. 

Ba;.nage,  dans  sou  Histoire  de  l'iiglise, 
liv.  Il,  s'est  beaucoup  étendu  sur  ce  tableau  ; 
son  des.sein  était  de  prouver  que  les  évéques 
d' Alexandrie  n'ont  jamais  r.cconiiu  la  juri- 
diction du  ponlil'e  romain,  et  ne  lui  ont  ja- 
mais été  soumis.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de 
discuter  tous  les  faits  dont  il  veul  tirer  avan- 
tage; mas  quand  l'indépendance  de  ces  évé- 
ques serait  encore  mieux  prouvée,  qu'en  ré- 
sulterait-il? Les  tristes  effets  qu'elle  a  pro- 
duits sufliraieut  pour  dirmuutrer  contre  les 


345 


ALL 


ALL 


HK 


protestants  la  nécessité  d'un  centre  d'unité 
dans  la  foi,  et  d'un  chef  dans  l'cpiscopat; 
puisque,  faute  d'en  reconnaître  un,  les  pa- 
triarches d'Alexandrie  ont  vu  leur  Eglise 
sans  cesse  agitée  par  des  schismes  et  par  des 
hérésies,  jusqu'i  ce  qu'enfin  le  chrislianisiiie 
y  ait  été  presque  entièrement  aboli;  il  n'y 
en  a  plus  qu'un  faible  reste  parmi  les  Co- 
phtes,  et  encore  y  est-il  très-déQguré  par  l'i- 
gnorance et  par  l'erreur.  Voyez  Cophtes, 
Egypte. 

L'abbé  Renaudot  a  donné  une  histoire  des 
patriarches  d'Alexandrie,  depuis  la  fonda- 
tion de  cette  Eglise  jusqu'au  xiii'  siècle. 

ALLEGORIE,  discours  dont  le  sens  est 
détourné,  ou  qui,  sous  le  sens  littéral,  cache 
un  autre  sens  moins  facile  à  saisir.  Ce  mot 
vient  du  grec  «Uv;  àyopt-jm,  je  parle  autrement; 
c'est  par  conséquent  une  métaphore  conli- 
iiuée.  La  différence  entre  une  allégorie  el 
une  parabole  est  que  la  première  renferme 
un  sens  historique  ou  lilléral  vrai,  au  lieu 
que  la  seconde  est  une  espèce  de  fable,  dont 
les  personnages  ou  les  faits  n'ont  jamais 
existé.  Ainsi  saint  l'aul,  Galat.  iv,  22,  nous 
apprend  que  ce  qui  est  dit  des  deux  fils  d'A- 
braham, dont  l'un  élait  né  d'une  esclave, 
l'autre  d'une  épouse,  est  une  allégorie  qui 
signifie  les  deux  alliances  que  Dieu  a  faites 
avec  les  hommes,  dont  l'une  produisait  des 
esclaves,  l'autre  fait  naître  des  enfanis  li- 
bres; que  la  loi  qui  défendait  aux  J;iifs  de 
lier  le  mufle  du  bœuf  qui  foulait  le  grain, 
signifiait  que  les  fidèles  devaient  fournir  la 
subsistance  aux  ouvriers  évangcliques,  elc. 
Cela  n'empêche  pas  que  l'histoire  des  deux 
enfants  d'Abraham  ne  soit  vraie,  et  que  la 
loi  imposée  aux  Juifs  n'ait  dû  être  exécutée 
à  la  lettre.  Au  contraire,  les  paraboles  dont 
se  servait  Jésus-Christ  pour  instruire  !e  peu- 
ple, comme  celle  de  l'enfanl  prodigue,  de  la 
brebis  perdue,  etc.,  ne  sont  point  des  narra- 
tions historiques,  mais  des  fictions,  dont  le 
but  est  de  peindre  la  bonté  et  la  miséricorde 
de  Dieu  envers  les  pécheurs.  Voyez  I'ara- 

BOLE. 

Outre  le  sens  allégorique  de  l'Ecriluro 
sainte,  les  inlerprèles  y  distinguent  encore 
un  sens  Iropologifjue, qui  regarde  les  mœurs, 
et  un  sens  anagugique,  qui  concerne  les  ré- 
compenses que  i)icu  nous  promet  dans  l'autre 
vie.  Vogez  lù-.Rrrui.îî  sainte,  §  3 

De  là  quelques  incréilules  ont  pris  o  ca- 
sion  de  conclure  que  les  auteurs  sacrés  ont 
écrit  (.'xprés  dans  un  style  (■'nigmali(]uc,  afin 
de  tromper  les  auditeurs  cl  les  lecteurs  : 
conséquence  très-peu  relléchie.  Quand  nous 
disons  que  rEcrilure  sainte  a  souvent  un 
sens  allégorique  ou  fi;;uratif,  nous  ne  pré- 
tendons pas  iiuo  les  écrivains  sacrés  ont  eu 
toujours  en  vue  un  double  sens.  Il  n'est  pas 
certain  ((ue  Moïse,  en  parlant  des  deux  en- 
fants d'Abraham,  a  compris  que  l'un  élait 
une  figurr  du  peuple  juif,  l'autre  du  peuple 
chrétien  ;  ni  qu'en  portant  la  loi  dont  nous 
avons  parlé,  il  pensait  a  pourvoir  à  la  sub- 
sistance des  prédicateurs  de  llivangile.  11 
peut  avoir  ignoré  le  dessein  (juc  Dieu  avait 
eu  lui  faisant  écrire  celle  his luire  ol  porter 


cette  loi;  et  Dieu  s'est  réservé  de  le  révéler 
aux  écrivains  du  Nouveau  Testament.  Moïse 
n'a  donc  péché  ni  contre  la  sincérité  d'un 
historien,  ni  contre  la  sagesse  d'un  législa- 
teur. 11  en  est  de  même  des  prophètes  et  des 
autres  historiens  sacrés  ;  tous  peut-êlre  n'ont 
eu  en  vue  que  le  sens  lilléral;  mais  cela 
n'empêche  pas  que  Dieu  n'ait  pu  nous  dé- 
couvrir, sous  l'écorce  de  la  lettre,  un  autre 
sens,  ou  par  Jésus-Christ,  ou  par  les  apô- 
tres, ou  par  les  docteurs  de  l'Eglise.  Il  ne 
s'ensuit  pas  de  là  que  Dieu  a  trompé  les 
écrivains  sacrés,  ni  qu'il  a  voulu  induire  en 
erreur  les  Juifs,  dépo>ilaires  des  Ecritures  ; 
il  s'ensuit  seulement  qu'il  n'a  pas  révélé  à 
ces  anciens  tout  ce  qu'il  se  proposait  de  faire 
dans  la  suite  des  siècles. 

Nous  lisons  dans  l'Evangile,  Jocin.  xi.  W, 
que  Caïphe  dit  aux  prélres  et  aux  pharisiens 
rassemblés,  en  parlant  de  Jésus-Christ  :  Vous 
n'y  entendez  rien;  vous  ne  voyez  pas  qu'il  est 
expédient  pour  vous  que  cet  homme  meiire 
pour  le  peuple  el  pour  qw.  toute  la  nation 
ne  périsse  point.  L'Evaii-ile  ajoute  :  Caïphe 
ne  dit  point  cela  de  lui-même;  mais,  comme 
il  était  pontiff,  il  prophétisa  que  Jésus  mour- 
rait non-seulement  pour  le  peuple,  inais  pour 
rassembler  tous  les  enfanis  de  Dieu.  Caïphe 
fil  donc  une  prédiction  sans  le  savoir;  son 
discours  fui  une  allégorie  dont  il  ne  compre- 
nait pas  tout  le  sens.  Mais  soit  que  les  écri- 
vains de  l'Ancien  Testament  aient  compris 
tous  lu  sens  de  ce  qu'ils  disaient,  ou  qu'ils 
n'en  aient  vu  qu'une  partie,  ils  n'ont  été  ni 
trompeurs  ni  trompés. 

C'iisl  une  question  de  savoir  si,  dans  le 
dessein  de  Dieu,  toute  la  loi  de  Moïse  était 
figurative;  si  l'on  peut  et  si  l'on  doit  donner 
à  tous  les  événements  de  l'Ancien  Testament 
un  sens  allégorique,  et  les  envisager  connue 
autant  de  types  et  de  figures  de  ce  qui  arrive 
dans  le  Nouveau.  Nous  examinerons  celte 
question  au  mot  Figure  et  Figurisme. 

Non-seulement  plusieurs  incrédules,  mais 
quelques  auteurs  chrétiens,  ont  pensé  que 
les  anciennes  prophéties  ne  pouvaient  être 
appliquées  à  Jésus-Chrisl  iiuedans  un  sens 
allégorique  ;  que  dans  le  sens  lilléral  elles  re- 
gardaient d'autres  personnages  et  d'autres 
evénemenls.  Nous  prouverons  le  contraire 
au  mot  Prophétie. 

De  même  que  les  anciens,  surtout  les 
Orientaux,  aimaient  à  parler  en  paraboles,  ils 
avaient  aussi  du  goût  pour  les  allégories;  ils 
se  i)laisaient  à  trouver  dans  un  événement 
quelconque  la  figure  d'un  autre  événement. 
Un  de  nos  philosophes,  1res  -  appliqué  à 
tourner  en  ridicule  les  livres  saints,  est  con- 
venu qu'une  ancienne  coutume  d(!  l'Orient 
élait  non-seulement  de  parler  en  allégories, 
mais  d'exprimer,  par  des  actions  singulières, 
les  choses  qu'on  voulait  signifier,  et  de 
peindre  aux  yeux  des  auditeurs  les  objets 
dont  on  voulait  leur  frapper  l'imagination. 
Rien  n'etail,  dit  il  ,  plus  naturel;  car  les 
hommes  n'ayant  écrit  longtemps  leurs  pen- 
sées ((u'en  hiéroglyphes,  ils  devaient  prendre 
l'habitude  de  parler  comme  ils  écrivaient. 
Nous  ne  devons  doue  pas  être  étouués  de  ce 


us 


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146 


(lue  Dieu  a  souvent  ordonné  aux  prophètes 
des  aciions  qui  semblaient  ridicules,  mais 
(]ui  étaient  très-capables  d'exciter  l'attention 
des  spectateurs,  et  qui  renfermaient  beau- 
coup de  sens. 

Ainsi,  le  prophète  Isaïe  marche  au  milieu  de 
Jérusalem  avec  la  nudité  des  esclaves,  pour 
annoncer  aux  Juifs  leur  sort  futur,  Isaïe, 
c.  20;  Jérémie  met  un  joug  sur  ses  épaules, 
pour  leur  montrer  d'avance  celui  qui  leur 
sera  imposé  par  Nabuchodonosor;  il  envoie 
des  chaînes  aux  rois  de  l'idumée,  de  Moab  et 
de  Tjr,  symbole  de  celles  dont  ils  étaient 
menacés.  Dieu  ordonne  à  Osée  d'épouser  une 
prostituée,  de  l'abandonner  pendant  quelque 
temps,  et  de  la  reprendre  ensuite,  pour  pein- 
dre la  conduite  de  Dieu  à  l'égard  de  la  na- 
tion juive,  etc.  Celaient  des  allégories  très- 
frappantes,  et  l'on  en  trouve  quelques  exem- 
ples dans  l'histoire  profane. 

Puisque  telle  était  la  tournure  des  mœurs 
antiques,  il  n'est  pas  surprenniit  i|ue  les  Juifs 
aient  souvent  donné  un  sens  allégorique  aux 
faits  de  l'histoire  sainte.  Saint  Paul  l'a  fait 
plus  d'une  fois;  les  Pères  de  l'Eglise  les  plus 
anciens  l'ont  imité,  parce  que  celte  manière 
d'instruire  était  du  goût  de  leurs  auditeurs. 
Mais  les  protestants  leur  en  font  un  crime; 
ils  disent  (\ue  cette  méthode,  ridicule  en  elle- 
même,  n'est  bonne  qu'à  pallier  l'ignorance 
du  prédicateur,  à  faire  passer  des  visions 
pour  des  vérités  importantes,  à  donner  aux 
auditeurs  un  goût  faux,  à  les  détourner  de 
la  recherche  du  sens  lilléral  et  naturel  de 
l'Ecriture  sainte.  Tel  est  le  jugement  qu'en 
a  [lorté  Barbejrac,  Traité  de  la  morale  des 
Pères,  chap.  7,  §  ti  et  suiv.  Il  soutient  que 
l'exemple  des  apôtres  ne  peut  pas  servir  à 
justifier  les  Pères, 

1"  Les  apôtres,  dil-il ,  ont  fait  r.irenient 
\}s;\^e  i.\cs  allégories ,  ci  les  Pèies  s'en  ser- 
vent continneiicment  ;  les  premiers  y  ont  re- 
cours, plutôt  pour  montrer,  dius  l'Ancien 
Testament  ,  les  mystères  de  Jésus-Christ  , 
que  pour  en  tirer  des  leçons  de  morale  ;  à 
peine  en  trouvc-l-on  deux  ou  trois  exemples 
dans  saint  Pau!,  au  lieu  que  les  Pères  n'en 
donnent  presque  point  d'autres. 

Cependant  saint  Matthieu  a  pris  dans  un 
sens  allégorique  au  moins  vingt  prophéties 
de  l'ancien  Testament  :  c'est  un  reproche  que 
lui  font  les  incrédules;  et  Barbejrac  ,  sans  le 
savoir,  a  pris  la  peine  de  le  confirmer.  Saint 
Paul  a  tourné  en  leçon  de  morale,  non-seu- 
leuicnt  la  loi  du  Deutéronome  ,  dont  nous 
avons  parlé,  et  celle  qui  défendait  de  se  ser- 
vir du  pain  levé  dans  la  célébration  de  la  pà- 
que,  mais  encore  la  loi  de  la  circoncision  , 
celle  du  sabbat  ,  celle  des  ablutions  ,  celle 
des  abstinences,  les  promesses  faites  à  Abra- 
ham, les  reproches  et  les  menaces  adressés 
aux  Juifs  par  Isaïe  ,  etc.  Les  Juifs  moilernes 
en  l'ont  un  crime  à  saint  Paul  ;  ils  disent  que 
c'est  un  expéiJient  imaginé  par  cet  apôtre  , 
pour  exempter  ses  prosélytes  de  l'observa- 
tioD  de  la  loi  cérémonielle.  Il  est  fâcheux 
que  Barbes rac  n'ait  pas  vu  qu'il  autorisait 
renlèteuienl  des  Juifs. 

Saint  Pierre,  Epist.  I,  cap.  ii,  v.6,  tourne 


en  leçon  de  morale  la  prophétie  d'isaïe , 
c.  VIII,  V.  14,  concernant  la  pierre  angulaire 
qui  écrase  les  incrédules  ;  celle  d'Osée,  c:  ii, 
V.  2'i,  qui  regarde  les  Juifs  rentrés  en  grâce 
avec  Dieu  ;  l'exemple  des  pécheurs  exter- 
minés par  le  déluge,  et  il  comp.ire  le  bap- 
tême à  l'arche  de  Noé,  c.  iir ,  v.  20,  etc.  Ces 
sortes  de  leçons  ne  sont  donc  pas  aussi  rares 
dans  les  écrits  des  apôtres  que  Barbeyrac  le 
prétend. 

2°  11  dit  que ,  comme  les  écrivains  sa- 
crés étaient  inspirés,  nous  devons  les  croire, 
lorsqu'ils  nous  découvrent  un  sens  allé- 
goriiiue,  dans  un  fait  ou  dans  une  loi  ,  où 
nous  ne  l'aurions  pas  aperçu;  mais  qu'ils 
n'ont  comiiiaudé  à  personne  de  l'aire  de  mê- 
me, et  qu'ils  n'ont  donné  aucune  règle  pour 
découvrir  ces  sortes  de  sens  ;  qu'ainsi  ce 
sont  des  explications  arbitraires  et  de  vaines 
imaginations. 

Nouvelle  imprudence  :  comment  n'a-t-il 
pas  vu  que  les  incrédules  se  prévaudraient 
encore  <le  celle  remarque  et  la  tourneraient 
contre  les  apôtres  mêmes?  En  effet,  les  in- 
crédules disent  que  l'inspiration  prétendue 
ne  peut  pas  rendie  réel  ce  qui  est  imaginai- 
re, ni  respectable  ce  qui  est  ridicule,  ni  jus- 
tilier  un  sens  auquel  il  est  évident  que  le  lé- 
gislateur des  Juifs  et  leurs  prophètes  n'ont 
jamais  pinsé  :  c'est  à  Barbeyrac  de  prouver 
le  contraire.  Il  s'ensuit  seulement  de  son  ob- 
servation que  les  explications  allégori<iiies 
données  par  les  Pères  ne  sont  pas  des  arti- 
cles de  foi  ;  et  qui  l'a  jamais  prétendu  ?  Les 
apôtres  n'ont  pas  commandé  ces  explications, 
mais  ils  ne  les  ont  pas  défendues  non  plus  , 
puisque  saint  Barnabe  et  saint  Clément  en 
ont  fait  un  grand  usage;  nous  devons  présu- 
mer (|ue  ces  deux  disciples  imméilials  des 
apôtres  connaissaient  pour  le  moins  aussi 
bien  les  intentions  de  leurs  maîtres,  que  les 
critiques  protestants  du  xvii'  ou  du  xviii* 
siècle. 

S'  Les  apôtres,  continue  le  censeur  des  Pè- 
res, ont  donné  des  sens  allégoriques  à  l'E- 
criture sainte,  i)ar  condescendance  pour  les 
Juifs  qui  avaicnldu  goût  pour  ce  genre  d'ins- 
truction ;  mais  ce  n'est. pas  un  exemple  à 
suivre  :  ce  goût  est  pernicieux  en  lui-même, 
parce  qu'il  nous  détourne  de  la  recherche  du 
sens  littéral  et  vrai  de  la  parole  de  Dieu. 

Nous  n'avouerons  jamais  qu'un  genre 
d'instruction  duquel  les  apôtres  se  sont  ser- 
vis, soit  pernicieux  en  lui-même;  mais  nous 
soutenons  que  les  Pères  l'ont  mis  en  usage 
par  le  mêaie  motif,  par  condescendance  pour 
leurs  auditeurs.  Eu  effet ,  après  saint  Bar- 
nabe et  saint  (élément  de  Rome  ,  les  deux 
Pères  de  l'Kglise  qui  y  ont  été  le  plus  atta- 
chés sont  saint  Clément  d'Alexandrie  et 
Origène  ;  l'un  et  l'autre  instruisaient  et  écri- 
vaient en  Egypte  :  or,  les  Juils  d'Alexandrie 
étaient  très -accoutumés  aux  explications 
allégoriques  de  l'Ecriture  sainte  ,  témoin  lea 
ouvrages  de  Philon.  Les  Egyptiens  eu  géné- 
ral n'y  étaient  pas  moins  habitués  par  l'usage 
de  leurs  hiéroglyphes. 

Uncautre  preuve  du  motifqui  a  coudait  les 
Pères ,  c'est  qu'ils  no  se  bornent  puiul  au 


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gens  mystique  ou  allégorique  de  l'Ecriture 
sainte.  Origène,  avant  d'y  avoir  recours , 
donne  assez  souvent  l'explication  littérale 
du  texte  ,  et  l'on  connaît  les  travaux  entre- 
pris par  ce  savant  homme  pour  confronti^r 
le  texte  hébreu  avec  les  versions.  Saint  Gré- 
goire de  Nysse  ,  après  avoir  tiré  de  la  loi  de 
Moïse  un  grand  nomlne  d'al'égories,  conclut 
ainsi  :  Ce  que  nous  venons  de  proposer  se  ré- 
duit à  'des  conjectures  ;  nous  les  abandon- 
nons au  juçjzment  des  lecteurs  :  s'ils  les  rejet- 
tent, nous  ne  les  réclamerons  point;  s'ils  tes 
approuvent ,  nous  n'en  serons  pas  pour  ala 
plus  contents  de  nous-mêmes  [L.  de  Vita  Mo- 
sis,  p.  223  ).  Saint  Augustin  ,  peu  de  temps 
après  sa  conversion  ,  avait  écrit  deux  li\res 
sur  la  Genèse  contre  les  manichéens  ,  où  il 
avait  donné  des  raisons  allégoriques  de  la 
plupart  des  faiis,  parer  que  je  ne  voyais  pas, 
dit-il,  comment  on  pouvait  les  entendre  dans 
le  sens  propre.  Mieux  instruit  dans  la  suite  , 
il  fit  un  autre  ouvrage  sur  la  Genèse,  prise 
dans  le  sens  liti;  rai ,  de  Genesi  ad  litteram. 
La  bonne  foi  aurait  exigé  (jue  Beausnhre  fît 
cette  remarque,  a\anldi'  censurer  saint  Au- 
gustin, Hist.  du  Maniclu,  tom.  1 ,  I.  i,  c.  't , 
pag.  283. 

C'est  donc  très-mal  à  propos  que  l'on  blâ- 
me les  Pères  de  l'Iiglise  ;  voudrait-on  qu'ils 
eussent  pris  une  autre  méthode  d'instruire  , 
qui  aurait  déplu  à  leurs  auditeurs ,  et  qui 
n'aurait  pas  été  écoutée?  Juger  du  goût  des 
II"  et  iiif  siècles  de  l'Eglise  par  celui  du  xvnr , 
c'est  une  absurdité.  En  second  lieu,  les  Pères 
ne  pensaient  point  à  former  dts  savants  , 
mais  des  chrétiens  vertueux;  ils  voulaient 
les  accoutumer  à  chercher  dans  les  livres 
saints,  non  de  l'érudilîon  ou  des  contiais-.an- 
ces  profanes  ,  mais  des  leçons  de  murale  et 
des  sujets  d'édification  ;  nous  soutenons 
qu'ils  n'avaient  pas  toit.  Grâces  à  l'cntéte- 
luent  des  h.  rétiques  et  des  incrédules,  te 
n'est  plus  là  ce  qu'on  veut  aujourd'hui  ,  il 
faut  des  remarques  grammaticales,  criliques, 
historiques,  philosophiques ,  de  l.i  chronolo- 
gie, de  la  géographie,  de  la  physique  et  de 
l'histoire  miturelle,  pour  expliquer  les  livres 
saints.  Nous  sommes  sans  doute  ,  dans  tous 
les  genres,  plus  habiles  (jiie  nos  pères, 
en  sommes-nous  meilleurs  chrétiens?  Ces 
savantes  discussions  sont-elles  à  portée  du 
peuple? 

Or,  c'est  principalement  le  peuple  que  les 
Pères  devaient  1 1  voulaient  instruire.  L'é- 
vénement suffit  ))iiur  nous  convaincre  qu'ils 
ont  mieux  réussi  que  leurs  accusateurs.  Les 
savants  conmii'nlaires  des  protestants  n'ont 
abouti  qu'à  multiplier  parmi  eux  les  dispu- 
tes, les  sectes,  les  erreurs  ;  ceux  des  Pères 
«le  l'Eglise  formaient  des  hommes  vertueux 
et  des  saints. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  singulier,  c'est  que  les 
protestants  ,  (]ui  censuriMit  avec  tant  d'ai- 
greur le  goût  des  anti 'US  Pères  pour  les  nl- 
fcqories,  sont  cepmdant  Irès-altcnlifs  à  pro- 
filer des  explications  (r^/C(/()r(V/)<(?s  que  saint 
Clément  d'Alevandrie,  Origène  et  Tertullien 
ont  données  quel(|UClois  aux  paroles  de  Jé- 
sus-Christ touchant  l'Eucharistie. 


Mais  il  est  bon  de  voir  combien  leur  pré- 
vention contre  les  Pères  a  donné  d'avantage 
aux  incrédules.  C'est  mal  à  propos  ,  dit  l'un 
d'entre  eux,  que  les  apologistes  du  christia- 
nisme ont  voulu  prouver  aux  païens  l'ab- 
surdité de  leur  religion  par  la  nécessité  de 
recourir  à  des  allégories  pour  dissiper  Ée 
scandale  de  leurs  fables  ;  ne  sommes-nous 
pas  dans  le  même  cas  à  l'égard  de  la  plupart 
des  faits  de  l'Ancien  Testament?  Les  Pères 
de  l'Eglise  l'ont  senti,  puisque  tous  ont  al- 
légorisé  et  sont  convenus  que  sans  celte 
n>éthode  il  était  impossible  d'entendre  l'E- 
criture sainte.  Il  cite  en  preuve  saint  Clé- 
ment d'jMexandrie,  Origène  ,  Tertullien  et 
saint  Augustin.  La  fureur  pour  les  allégories 
a  fait  diviniser  le  cantique  de  Salomou  ;  les 
mahométans  font  de  même  pour  pallier  les 
absurdités  de  l'Alcoran. 

Vainement  nous  demanderions  aux  cen- 
seurs des  Pères  une  réponse  solide  à  cette 
objection  ;  ce  n'est  pas  chez  eux  que  nous 
irons  la  chercher.  Les  actions  infâmes  et 
scandaleuses  racontées  dans  les  fables  étaient 
attribuées  aux  dieux  ;  pouvait-on  les  con- 
damner ou  les  blâmer?  S'il  y  en  a  dans  l'his- 
toire sainte,  elles  sont  attriituécs  à  des  hom- 
mes, elles  ne  sont  point  approuvées  ,  sou- 
vent même  elles  sont  punies  ;  cela  est  fort 
différent.  Les  hommes  ne  sont  pas  impecca- 
bles, mais  les  dieux  devaient  l'être;  tou- 
tes les  actions  des  premiers  ne  sont  pas 
des  exemples  à  suivre  ;  mais  pouvait-on 
être  coupable  en  imitant  les  dieux?  Nous  n'a- 
vons donc  pas  besoin  d'allégories  pour  ex- 
pliquer l'ivresse  de  Noé,rincesle  de  Loth 
avec  ses  filles,  le  mensonge  que  Jacoh  dit  à 
son  père  pour  avoir  sa  bénédiction,  l'adul- 
tère et  l'homicide  de  David,  etc.,  puisque 
nous  ne  sommes  pas  obligés  de  les  justi- 
fier. 

Nous  avons  vérifié  les  citations  des  Pères 
que  l'on  nous  oppose  ;  la  plupart  sont  faus- 
ses :  voici  tout  ce  qu'il  y  a  de  vrai. 

Saint  Clément  d'Alexandrie,  Slrom.,  1.  n  , 
c.  1!),  pag.  'iSl,  dit  que  la  manière  dont  Dieu 
en  a  agi  a  l'égard  d'Adam  ,  de  Noé  ,  d'Abra- 
ham, de  Jacob  et  d'Esaii ,  était  prophétique 
et  typique;  c'est  aussi  le  sentiment  de  saint 
Paul  à  l'égard  des  deux  derniers.  Saint  Clé- 
ment conclut  par  les  paroles  de  Jacob  : 
Parce  que  Dieu  a  eu  pitié  de  vioi,  il  m'a  don- 
né tout  ce  que  je  possède, \.  vi,c.  15,  pag.8t)3. 
Il  observe  que,  selon  l'Evangile  ,  Jésus- 
Christ  ne  parlait  qu'en  paraboles;  i!  conclut 
que,  puisque  Jésus-Christ  est  aussi  l'auteur 
de  la  loi  et  des  prophètes  ,  il  y  a  parlé  de  mê- 
me en  paraboles.  Saint  Clément  en  donne 
pour  raison,  l"  que  par  là  Dieu  a  voulu  ex- 
citer notre  vigilance  et  notre  curiosité  ; 
2°  parce  que  plusieurs  auraient  abusé  d'un 
style  plus  clair;  3'  parce  que  c'était  la  ma- 
nière d'enseigner  la  plus  ancienne  et  la  plus 
générale  ;  k"  parce  que  le  style  des  Hébreux 
est  ordinairement  figuré.  Mais  il  ajoute  que 
les  homm's  vraiment  intelligents  sont  ceux 
qui  eiileiulenl  l'Ecriture  sainte  selon  In  règle 
ecclésiastique.  Il  n'admettait  donc  pas  les  ex- 
plications arbitraires,  et  il  ne  s'ensuit  pas  de 


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ALI 


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là  que  tout  est  parabole  ou  allégorie  dans 
l'Ecriture  sainte. 

Origine,  parlant  do  la  distinction  des  ani- 
maux purs  et  impurs  ,  llomil.  7  in  Levit.  , 
n°  5,  dit  que  si  ou  l'entend  comme  les  Juifs 
et  comme  le  peuple,  les  lois  que  Dieu  a  por- 
tées sur  ce  sujet  paraîtront  moins  raisonna- 
liles  et  moins  respectables  que  celles  des 
Athéniens  ,  des  Sparli.ites  ou  dos  lloniains  ; 
mais  que-  si  ou  les  entend  selon  te  sois  qu'en- 
seigne VEglise  ,  elles  paraîtront  vraiment  di- 
vines et  supérieures  à  toutes  les  lois  humai- 
nes. L.  Il  in  l'.pist.  ad  l'om.,  n.  9.  II  ile- 
ninnde  (jue  peuvent  avoir  de  commun  avec 
la  loi  naturelle  celles  i]ui  ordonnent  la  cir- 
concision ,  qui  défendent  de  faire  uti  tissu  de 
lin  et  de  laine,  ou  de  manger  du  pain  levé  à 
la  fêle  de  Pâques.  11  dit  qu'ayant  demandé  à 
des  Juifs  la  raison  cl  l'ulilité  de  ces  lois ,  ils 
ne  lui  en  ont  point  donné  d'autre  que  le  bon 
plaisir  du  législateur.  Il  ne  s'ensuit  pas  de 
là  ([u'Origèue  voulait  que  l'on  prît  aussi 
dans  un  sens  allégorique  les  autres  lois  dont 
la  raison  était  cia.ro  et  sensible  ,  et  les  lois 
morales  contenues  dans  le  Déi'alogue.  Cl 
nous  paraît  que  l'on  a  jugé  ce  Père  un  peu 
trop  sévèrement ,  quand  on  a  conclu  de  là 
qu'il  détruisait  souvent  le  sens  littéral  de 
l'Ecriture  sainte;  ce  n'était  pas  le  détruire 
que  d'avouer  qu'il  ne  le  voyait  pas. 

TertuUien,  liv.  v  contre  Marcion  ,  c.  5,  dit 
que  rien  ne  paraît  plus  ridicule  ni  plus  mé- 
prisalile  que  les  sjicrifices  sanglants,  les  pu- 
rifications, la  loi  du  talion  ,  la  circoncision  , 
les  abstinences  ;  qu'aussi  tout  hérétique 
tourne  en  dérisi  n  l'aticien  Testament  dans 
son  entier;  irais  que  Dieu  a  \oilé  sous  ces 
énigmes  et  sous  ces  figures  une  sagesse  qui 
devait  être  révélée  par  Jésus-Christ.  Cepen- 
dant TertuUien  ,  dans  ce  même  ouvrage  , 
donne  de  Irès-honnes  raisons  des  abstinences 
prescrites  au\  Juifs  ,  de  la  distinction  des 
animaux  purs  cl  impurs,  de  la  multitude  des 
sacrifices  et  des  offrandes.  Lors  donc  qu'il  a 
dit  que  tout  cela  pris  à  la  lettre  était  ridi- 
cule et  méprisable,  il  a  entendu  que  cela  pa- 
raissait tel  aux  hérétiques,  et  non  aux  fidè- 
les instruits  par  Jésus-Christ.  Quand  même 
il  aurait  voulu  dire  de  toute  la  loi  cérémo- 
nielle  ce  que  les  incrédules  lui  attribuent,  il 
ne  s'ensuivrait  pas  encore  (ju'il  a  pensé  de 
même  de  tout  l'Ancien  Trstament. 

Saint  Augustin,  L.  contra  M endacinm  ,  ud 
Consent.,  c.  10,  n.2-'J  etS'i-,  soulienl qu'Abra- 
ham et  Isaac  n'ont  pas  menti,  en  disant  que 
leurs  épouses  étaient  leurs  sœurs ,  non  plus 
que  Jacob,  en  disant  à  Isaac  qu'il  était  Ksaù, 
son  aine  ,  parce  que  c'étaient  des  ligures  , 
des  types  ou  des  métaphores.  Nous  ne  pen- 
sons pas  que  cette  excuse  soit  solide  ;  parce 
qu'une  équivoque  ,  employée  pour  tromper 
quelqu'un  est  un  vrai  mensonge  :  mais  on 
n'en  peut  pas  conclure  que,  selon  saint  Au- 
gustin, toute  l'histoire  sainte  est  figurative 
ou  (dlégorique,  et  que  sans  le  secours  des 
allégories,  il  serait  impossible  de  l'entendre. 
Il  n'a  pas  été  difficile  de  réfuter  ^Voolstou, 
qui  prétendait  que  les  miracles  de  Jésus- 
Gbrist  devaient  être  pris  dans  uu  sens  pure- 


rement  allégorique,  et  qu'ils  avaient  été  ainsi 
envisagés  par  les  Pères.  Foy.  le  sens  litté- 
ral de  l'Ecriture  sainte  défendu  par  Stakliou- 
se,  etc. 

Ce  n'est  point  le  goût  pour  les  allégoties 
qui  a  fait  diviniser  le  cantique  de  Salomon  ; 
c'est  au  contraire  l'habitude  du  style  allégo- 
rique ,  usité  de  tout  temps  chez  les  Orien- 
taux ,  qui  a  fait  écrire  ainsi  cet  ancien  ou- 
vrage, monument  original  des  mœurs  sim- 
ples et  innocentes  qui  régnaient  pour  lors. 
L'Kglise  chrétienne  l'a  reçu  comme  un  livre 
divin,  sur  la  foi  de  la  tradition  constante  des 
Juifs,  transmise  par  les  apôtres,  et  leur  té- 
moignage n'a  pas  besoin  d'un  autre  garant, 
il  n'est  pas  vrai  que  les  mahométans  re- 
coururent aux  allégories  pour  pillier  les  ab- 
surdités et  les  turpitudes  renfermées  dans 
l'alcoran  ;  ils  font  profession  de  les  croire  ù 
la  lettre  ,  telles  que  leur  prétendu  prophète 
les  a  écrites  ;  et  quand  ils  voudraient  user  de 
ce  palliatif,  ils  ne  viendraient  jamais  à  bout 
de  leur  donner  la  moindre  apparence  de  bon 
sens.  Voy,  Marracci  ,  Prodromus  ad  refut. 
Alcoi'cinni,  et  Mahométisjie. 

ALLI:LU-1A  ou  ALLELU-lAH,  deux  mots 
hébreux  qui  signifient,  louez  le  Seigneur. 

Saint  Jérôme  est  le  premier  qui  ait  inlro- 
ihnl  le  mol  alléluia  dans  le  service  de  l'E- 
glise ;  pendant  longtemps  ou  ne  l'employait 
qu'une  seule  fois  l'année  dans  l'Eglise  la- 
tine ,  savoir  le  jour  de  Pâques  ;  mais  il  était 
plus  en  usage  dans  l'Eglise  grecque  ,  où  on 
le  chantait  dans  la  pompe  funèbre  des  saints, 
comme  saint  Jérôme  le  témoigne  expressé- 
ment en  parlant  de  celle  de  sainte  Fabiole  : 
celte  coutume  s'est  conservée  d.ins  celte  Egli- 
se ,  où  l'on  chante  même  i'alleluia  quelque- 
fois pendant  le  carême. 

Saint  Grégoire  le  (îrand  ordonna  qu'on  le 
chanterait  de  même  toute  l'année  dans  l'E- 
glise laline  :  ce  qui  donna  lieu  à  quelques 
personnes  do  lui  reprocher  qu'il  était  irop 
attaché  aux  rites  des  Grecs,  et  qu'il  intro- 
duisait d;ins  l'Eglise  de  Rome  les  cérémonies 
de  celle  de  Conslantinople  ;  mais  il  répondit 
que  lel  avait  été  autrefois  l'usage  à  lîome  , 
même  lorsque  le  pape  Damase,  qui  mourut 
en  384 ,  introduisit  la  coutume  de  chanter 
Valleluia  dans  tous  les  offices  de  l'année.  Ce 
décret  de  saint  Grégoire  fut  tellement  reçu 
dans  toute  l'Eglise  d'Occident,  qu'on  y  chan- 
tait Valleluia,  même  dans  l'olûce  des  morts  , 
comme  l'a  remarqué  Baronius  dans  la  des- 
cription qu'il  fait  de  l'enterrement  de  sainte 
Uadegonde.  On  voit  encore  dans  la  messe 
mozarabi  nue  ,  attribuée  à  sainl  Isidore  de 
Séville  ,  et  introït  de  la  messe  des  défunts  : 
Jm  es  portio  mea,  Domine  ,  alléluia  ,  in  terri 
viventium,  alléluia. 

Dans  la  suite,  l'Eglise  romaine  supprima 
le  chant  de  Valleluia  dans  l'office  et  dans  la 
messe  des  morts  ,  aussi  bien  que  depuis  la 
sepluagésime  jusqu'au  graduel' de  la  messe 
du  samedi  saint,  et  elle  y  substitua  ces  jia- 
roles  ,  Laus  tibi ,  Domine ,  Rex  œlernœ  glo- 
riœ ,  comme  on  le  pratique  encore  aujour- 
d'hui. Le  quatrième  concile  de  Tolède,  dans 
le  onzième  de  ses  canons  ,  en  fit  une  loi  ex- 


151 


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15) 


presse,  qui  a  été  adoptée  par  les  autres  Egli- 
ses d'Occident. 

Saint  Augustin  ,  dans  son  épftre  119  ad 
Januar.,  remarque  qu'on  ne  chantait  allé- 
luia que  le  jour  de  Pâques.  Il  n'a  f.iit  que 
rapporter  l'usage  de  son  siècle.  Dans  la 
messe  niozarabique,  on  le  cliantail  après 
l'Evangile,  mais  non  pas  en  tout  temps; 
au  lieu  que  dans  les  autres  Eglises  on  le 
chantait  cinume  on  le  fait  encore,  entre 
l'Epître  et  l'Evangile,  c'est-à-dire  ,  au  Gra- 
duel. Sidoine  Apollinaire  remarquait  que 
les  forçats  ou  rameurs  chantaient  à  haute 
voix  Vnlleluiu,  comme  un  signal  pour  s'exci- 
ter et  s'encourager  à  leurs  manœuvres."     • 

C'était  en  effet  la  coutume  dos  premiers 
chrétiens  de  sanctifier  leur  travail  par 
le  chant  des  hymnes  et  des  psaumes. 
Biugham,  Orig.  Eccl.,  tom.  VI,  lib.  xiv,  cap." 
11,  Si. 

ALLEMAGNE.  C<lle  partie  de  l'Europe, 
à  la  prendre  dans  lonle  l'étendue  qu'on 
lui  donne  aujourd'hui,  n'a  pas  été  con- 
vertie à  la  foi  chrélienne  en  même  temps. 
Saint  Boniface,  archevêque  de  Mayeme, 
né  en  Angleterre,  et  religieux  bénédictin, 
est  regardé  comme  l'apôtre  de  VAllemagne; 
c'est  par  ses  travaux,  continués  depuis  l'an 
715,  jusqu'à  sa  mort,  arrivée  l'an  755,  que 
les  Germains,  voisins  du  Rhin,  c'est-à-dire, 
les  habitants  de  la  Thuringe,  de  la  Hesse, 
de  la  Frise  et  même  de  la  Bavière  ,  fu- 
rent solidement  convertis  au  christianisme, 
et  que  les  premiers  évêcliés  de  cette  partie 
occidentale  de  l'Allemagne  furent  fondés  : 
son  apostolat  lut  couronné  par  le  martyre  : 
il  fut  massacré  par  les  barbares  avec  cin- 
q-uante-deux.  de  ses  compagnons,  soit  mis- 
sionnaires soit  chrétiens  ;  leur  sang  fut 
une  semence  qui  produisit  d'autres  apôtres. 

Les  protestants  mêmes  n'ont  pas  osé  con- 
tester son  zèle,  ses  travaux,  son  courage, 
ses  succès;  mais,  comme  ce  saint  mission- 
naire a  prêché  le  christianisme  catholique, 
et  non  le  protestantisme,  il  a  bien  fallu 
en  déprimer  l'éclat  et  en  empoisonner  au 
moins  le  motif.  Boniface,  dit  Mosheim,  ob- 
tint, par  SCS  travaux  et  par  ses  pieux  ex- 
ploits ,  le  titre  honorable  d'apôtre  de  la 
Germanie  ;  et  il  le  mérita  certainement  par 
les  services  signalés  qu'il  rendit  au  chris- 
tianisme ;  mais  cet  émimnt  prélat  fut  un 
apôtre  à  la  façon  moderne;  il  s'écarta  à 
plusieurs  égards  de  l'excellent  modèle  qu'il 
avait  dans  la  conduite  et  le  ministère  des 
premiers  et  vrais  apôtres.  Indépendamment 
de  son  zèlr  pour  la  gloire  et  l'autorité  du 
pontife  rimain,  qui  égalait,  s'il  ne  surpassait 
point,  c  lui  qu'il  avait  pour  le  service  du 
Christ  et  pour  la  propagation  de  sa  reli- 
gion, on  lui  reproche  plusieurs  autres  cho- 
ses indignes  d'un  vrai  ministre  chrétien.  En 
combattant  les  superstitions  païennes  ,  il 
n'employa  pas  toujours  les  armes  dont  les 
anciens  hérauts  de  l'Evangile  se  servirent 
pour  faire  triompher  la  vérité,  mais  souvent 
la  viobnce  et  la  terreur,  quelquefois  même 
l'artifice  et  la  fraude ,  potir  multiplier  le 
nombre  des    chrétiens.   J'ajouterai  que   ses 


lettres  annoncent  un  caractère  impérieux  et 
arrogant,  un  esprit  fourbe  et  trompeur,  un 
zèle  excessif  pour  accroître  les  honneurs  et 
les  prétentions  de  l'ordre  sacerdotal,  et  une 
profonde  ignorance  de  plusieurs  choses  dont 
la  connaissance  est  absolument  indispensable 
à  un  apôtre  ,  et  surtout  de  celles  qui  ont 
pour  objet  la  vraie  nature  et  le  véritable 
génie  de  la  religion  chrétienne  {Hist.  ecclés., 
viir  siècle,  i"  part.,  c.  1  ,  §  k).  Instruits  par 
ce  tableau  ,  nos  incrédules  français  n'ont 
pas  hésité  de  dire  que  les  missionnnires 
de  VAllemagne  prêchèrent  le  papisme  et  non 
le  christianisme  ;  qu'ils  furent  les  émissai- 
res, les  satellites,  les  esclaves  des  papes, 
plutôt  que  les  envoyés  de  Jésus-Christ  ; 
d'où  nous  devons  conclure  que  les  barba- 
res ne  Orent  pas  si  mal  de  les  massacrer  : 
mais  il  ne  nous  parait  pas  fort  difficile  de  les 
justifier. 

1"  Il  est  absurde  de  vouloir  que  saint 
Boniface  ait  prêché  dans  l'Allemagne  un 
autre  christianisme,  une  autre  religion  que 
celle  dans  laquelle  il  avait  été  élevé  et 
instruit,  et  de  la  vérité  de  laquelle  il  était 
très-persuadé;  qu'il  ait  établi'le  prétendu 
christianisme  île  Luther  et  de  Calvin,  huit 
cents  ans  avant  que  celui-ci  eût  été  forgé.  Il 
y  a  donc  aussi  du  ridicule  à  trouver  mauvais 
qu'il  ait  cru  fermement  à  l'autorité  du  pape, 
et  qu'il  l'ait  établie  dans  les  églises  d'Al- 
lemagne, dès  que  c'était  pour  lors  la  foi  et 
la  croyance  universelle  de  tout  l'Occident. 
S'il  avait  fait  autrement,  c'est  alors  qu'il 
faudrait  l'accuser  d'infidélité  à  son  minis- 
tère et  de  mauvaise  foi.  La  seule  preuve 
que  l'on  allègue  de  l'excès  de  son  zèle  sur 
ce  point,  c'est  que,  selon  les  auteurs  de 
l'Histoire  iiltér.  de  la  France,  «  saint  Boni- 
face,  dans  ses  lettres,  exprime  son  dévoue- 
ment pour  le  saint -siège  en  des  termes 
qui  ne  sont  pas  assez  proportionnés  à  la 
dignité  du  caractère  épiscupal.  »  Mais  ces 
termes  n'étonnaient  personne  dans  ce  temps- 
là,  parce  que  l'autorité  des  papes  était  plus 
grande  au  viir  siècle  qu'elle  n'est  aujour- 
d'hui; et  nous  verrons  au  mot  Pafe,  que 
cela  était  ainsi  par  nécessité  et  par  le  besoin 
des   circonstances. 

2°  C'est  encore  une  absurdité  de  con- 
clure de  là  que  le  zèle  de  saint  Boniface  était 
plus  grand  pour  l'autoriti'  du  pontife  romaiu 
que  pour  la  gloire  de  Jésus-Christ  et  pour 
la  propagation  de  sa  religion.  Puisque  ce 
saint  missionnaire  croyait  fermement  que 
l'autoriié  du  pape  avait  été  établie  par  Jésus- 
Chrisl  lui-même,  qu'elle  était  nécessaire 
pour  la  propagation  de  la  foi  et  pour  main- 
tenir l'unité  de  l'iiglise,  que  l'on  ne  pou- 
vait pas  être  sincèrement  soumis  à  Jesus- 
Clirist  sans  obéir  à  son  vicaire  sur  terre; 
son  zélé  pour  cette  autorité  était  un  vrai 
zèle  pour  la  gloire  et  pour  le  service  de 
Jcsus-Chrisl.  Quand  saint  Boniface  aurait 
été  dans  l'erreur,  ce  qui  n'est  pas,  elle  lui 
aurait  été  commune  avec  tout  son  siècle, 
et  sa  conduite  était  parfaitement  d'accord 
avec  sa  croyance. 

'•i°  Quelle   preuve  peut-on  donner,  pool 


153 


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IS4 


faire  voir  qu'il  a  employé  la  violence  et 
la  terreur  pour  subjuguer  les  païens  et 
faire  triompher  la  vérité?  Aucune;  on  nous 
fait  seulement  remarquer  qu'il  fut  secondé 
par  la  puissante  protection  et  encouragé 
par  les  libéralités  de  Charles  Martel,  de 
Carloman  etde  Pépin,  sesenfants.  Il  en  avait 
besoin,  sans  doute,  pour  fonder  des  évècliés, 
des  monastères  et  des  écoles  ;  mais  ces  prin- 
ces le  firent-ils  escorter  par  des  soldats,  pour 
imprimer  la  Itrreur  aux  barbares,  et  pour 
les  forcera  se  faire  chrétiens?  Il  ne  voulut 
pas  seulement  que  srs  compagnons  fissent 
aucune  résistance,  lorsque  les  Frisons  vin- 
rent le  massacrer;  sa  douceur,  sa  patience, 
sa  résignation  à  la  mort,  sont  attestées  par 
ses  lettres.  Vies  des  Pères  et  des  Martyrs, 
lom.  V,  p.  133. 

4°  On  ne  donne  point  de  preuves  non  plus 
de  son  caractère  fourbe  et  trompeur,  des  ar- 
tifices et  de  la  fraude  qu'il  employa  pour 
multiplier  le  nombre  des  chrétiens.  Si  par 
fraudeshs  piolestiints  entendent  les  reliques, 
les  indulgences,  le  purgatoire,  la  confes- 
sion, même  les  miracles,  nous  avouerons  que 
saint  Boniface  les  mit  en  usage  ;  mais  il  faut 
commencer  par  prouver  que  tout  cela  sont 
des  fraudes,  et  que  saint  Boniface  lui-même 
n'y  avait  aucune  foi.  Ces  prétendues  fraudes 
sont  un  peu  différentes  des  mensonges,  des 
impostures,  des  calomnies,  dont  les  prédi- 
cants  du  protestantisme  se  sont  servis  pour 
l'établir. 

5°  Nous  avons  beau  chercher  dans  les 
lettres  de  ce  saint  évêque,  ou  ailleurs,  des 
vestiges  du  caractère  impérieux  et  arrogant 
qu'on  lui  attribue,  nous  n'y  trouvons  que 
des  témoignages  du  contraire.  Mais  il  était 
zélé  pour  l'honneur  et  les  prétentions  de 
l'ordre  sncerdotal  ;  assurément ,  et  ce  crime 
lui  est  commun  avec  saint  Paul,  qui  disait  : 
Tant  r/ue  je  serai  l'apôlrc  des  nations,  j'hono- 
rerai mon  ministère.  {Rom.  xi,  13),  et  à  Tite, 
II,  15  :  Que  personne  ne  vous  méprise.  Saint 
Boniface  ne  s'est  pas  attribué  autant  d'auto- 
rité sur  les  églises  qu'il  avait  fondées  que 
Luther  et  Calvin  sur  celles  qu'ils  avaient 
perverties.  Avant  sa  mort  il  se  donna  un 
successeur  sur  le  siège  de  Mayence,  et  lui 
laissa  le  soin  de  gouverner  cette  église,  pour 
aller  conliniior  ses  missions  chez  les  idolâ- 
tres ;  il  n'attribua  aux  évéques  point  d'autre 
autorité  que  celle  dont  ils  jouissaient  dans 
tout  l'Occident. 

6°  Enfin,  quand  les  missionnaires  de  l'Al- 
lemagne auraient  donné  quelque  sujet  aux 
préventions  des  protestants,  ce  qui  n'est 
point,  ces  derniers  seraient  encore  injus- 
tes, et  pour  ainsi  dire  barbares,  de  cher- 
cher à  ternir  la  gloire  des  ouvriers  évan- 
géliques  qui  ont  instruit  et  civilisé  leurs 
ancêtres  :  sans  leurs  travaux,  Luther  aurait- 
il  établi  dans  ces  contrées  sa  prétendue  ré- 
formation?  Aucun  des  prédicants  n'est  allé 
prêcher  l'iîvangiie  chez  les  barbares  ;  et 
nous  connaissons  le  succès  qu'ont  eu  leurs 
successeurs,  quand  ils  ont  voulu  faire  le  per- 
sonnage d'apôtres.  Us  ne  savent  que  noir- 


cir et  calomnier  comme  leurs  prédéces- 
seurs. 

Nous  ne  nous  arrêtons  point  à  relever  le 
ridicule  de  Brucktr,  qui  reproche  à  saiut 
Boniface  de  n'avoir  pas  assez  rendu  de  ser- 
vices aux  lettres  et  à  la  philosophie,  en  por- 
tant le  christianisme  en  Allemagne:  il  se 
fâche  contre  les  bénédictins,  parce  qu'ils 
lui  ont  attribué  de  l'érudition  et  de  la  capa- 
cité, et  qu'ils  l'ont  loué  d'avoir  établi  des 
écoles  dans  les  monastères  de  Fulde  et  de 
Fritzlar.  11  en  prend  occasion  de  confirmer 
ce  que  les  auteurs  protestants  ont  dit  de 
l'ignorance  de  ce  missionnaire,  et  il  en  ap- 
porte pour  preuve,  non-seulement  ses  let- 
tres, mais  ce  que  rapporte  Avenlin,  que  co 
fut  saint  Boniface  qui  dénonça  au  pap(>  Za- 
charie  Virgile  de  Salzbourg  comme  héré- 
'  tique,  pouf  avoir  avancé  qu'il  y  a  des  anti- 
podes. Nous  ne  pensons  point  que  l'intention 
des  bénédictins  ait  été  de  persuader  que 
saint  Boniface  était  un  grand  philosophe, 
et  qu'il  établit  en  Allemagne  des  écoles  de 
philosophie  pour  des  Germains  qui  ne  sa- 
vaient pas  lire.  Ce  zélé  missionnaire  était 
instruit  autant  que  l'on  pouvait  l'être  au 
viii'' siècle;  il  avait  fait  les  études  que  l'on 
faisait  pour  lors,  et  il  s'était  attaché  aux 
sciences  ecclésiastiques,  les  seules  dont  il 
eût  besoin  pour  prêcher  l'Evangile.  Il  éta- 
blit des  écoles  pour  ces  mêmes  sciences,  et 
contribua,  autant  qu'il  le  put,  à  tirer  les 
peuples  de  l'Allemagne  de  l'ignorance  gros- 
sière dans  laquelle  ils  étaient  plongés.  Que 
devait-il  faire  de  plus  ?  et  n'est-ce  pas  là  un 
service  réel  rendu  aux  lettres? 

Ne  savons-nous  pas  ce  que  veut  dire 
Mosheim,  lorsqu'il  refuse  à  saint  Boniface 
la  connaissance  des  choses  qui  ont  pour  ob- 
jet la  vr(ne  nature  et  le  véritable  génie  de 
la  religion  chrétienne  ?  S'il  entend  par  là 
que  ce  missionnaire  ne  connaissait  pas  le 
christianisme  tel  qu'il  a  plu  aux  proles- 
tants de  le  forger,  nous  en  sommes  déjà 
convenu  ;  il  suffit,  selon  leur  opinion,  de 
lire  et  d'étudier  l'Ecriture  sainte  :  or,  saint 
Boniface  l'avait  étudiée  et  la  lisait  cons- 
tamment, il  l'avait  même  enseignée  aux  au- 
tres dans  son  monastère;  mais  il  eut  le 
malheur  de  n'y  pas  voir,  non  plus  que  nous, 
ce  que  les  prolestants  ont  [irétendu  y  voir 
huit  cents  ans  après. 

Quant  à  la  prétendue  hérésie  touchant 
les  Antipodes,  voyez  ce  mot.  Mosheim  et 
les  autres  prolestants  n'ont  pas  parlé  d'une 
manière  plus  équitable  des  missions 
faites  au  ix*  siècle  chez  les  Saxons  ,  par 
ordre  de  Charlemagne.  Voy.  Missions. 

ALLIANCE.  Dans  les  saintes  Ecritures, 
on  emploie  souvent  le  mot  teslamentum,  et 
en  grec  SiaQnx"-  pour  exprimer  la  valeur 
du  mot  hébreu  berith,  qui  signifie  alliance  : 
d'où  viennent  les  noms  d'ancien  et  de  Nou- 
veau Testament,  pour  marquer  l'ancienne 
et  la  nouvelle  alliance.  La  première  alliance 
de  Dieu  avec  les  hommes  est  celle  (|u'il  fit 
avec  Adam  au  moment  de  sa  création,  lors- 
qu'il lui  défendit  l'usage  du  fruit  de  la  science 
du  bien  et  du  mal.  Gen.  ii,  l(j.  Cette  défense 


!55 


ÀLL 


est  une  espèce  de  contrat  entre  Dieu  et 
l'.homme;  cesl  ainsi  qu'elle  est  appelée. 
Êccli.  XIV,  12. 

La  seconde  alliance  est  cfillo  que  Dieu 
a  laite  avec  l'homme  après  son  péché,  en 
lui  promettant  un  rédempteur.  En  considé- 
ration de  cette  promesse,  Dieu  n'a  point 
condamné  Adam  à  la  peine  éternelle  qu'il 
méritait,  mais  seolcment  à  une  peine  tem- 
porelle, au  travail,  aux  souffrances,  à  la 
mort.  Si  notre  vie,  dit  saint  Augusiin,  est 
souffrante  et  sujette  à  la  mort,  c'est  un  effet 
de  la  colère  de  Dieu,  et  une  punition  du  pre- 
mier péché....  Mais  Dieu  ne  nous  a  pas  traités 
comme  nos  péchés  le  méritaient  ;  il  a  eu  pitié 
de  nous  comme  nn  père  a  compassion  de  ses 
enfants  ;  ce  ijue  ?iO!(s  souffrons  est  un  remède 
et  non  une  vengeance,  c'est  une  correction  ti 
non  une  damnation,  etc.  Il  a  envoyé  son 
Fils,  parce  qu'il  a  eu  pitié  de  nous  (  Enarr. 
inPs.  cil,  n.  17  et  suiv.;  Enchir.  ad  Laur., 
c.  27,  n.  8).  Voyez  Adam. 

Saint  Paul  a  souvent  relevé  les  avantages 
de  celte  a//tojioe  p.ir  laquelle  le  second  AiJjim, 
qui  est  Jésus-Christ,  a  pleinement  réparé  le 
préjudice  «lue  le  premier  homme  avait  porté 
à  sa  postérité.  De  même  que  tous  meurent  en 
Adam,  ainsi  tous  seront  vivifiés  par  Jésus- 
Cltrist  [J  Cor.  xv,22).  De  même  que  par  ta 
désobéissance  d'un  seul,  la  multitude  des  hom- 
tnes  sont  devenus  pécheurs,  ainsi  par  l'obéis- 
sance d'un  seul,  la  multitude  des  hommes  de- 
viendront justes  [Rom.  v,  12,  19j.  Par  sa. 
mort,  Jésus-Christ  a  détruit  celui  qui  avait 
l'empire  de  la  mort,  c'est-à-dire  le  démon 
{ilebr.  11,  14-).  Voy.  Rédemption. 

Une  troisième  alliance  {tsl  celle  que  le  Sei- 
gneur fil  avec  Noé  ,  lorsqu'il  lui  dit  de  bâtir 
une  arche  ou  un  grand  vaisseau  pour  y  sau- 
ver les  animajux  de  la  terre,  et  pour  \  retirer 
avec  lui  un  certain  nombre  d'hommes,  alin 
que  par  leur  moyen  il  pût  repeupler  la  terre 
après  le  déluge.  Gènes.  \i,  18. 

Celte  alliance  fut  renouvelée  cent  vingt-un 
ans  après,  l()rs()ue  Us  eaux  du  déluge  s'étant 
retirées,  et  Noé  étant  sorti  de  l'arche  avec  sa 
femme  et  ses  enfanis,  Dieu  lui  dit  :  Je  vais 
faire  ALU\^cE  avec  vous  et  avec  vos  enfants 
après  vous,  et  avec  tous  les  animaux  qui  sont 
sortis  de  l'arche;  en  sorte  que  je  ne  ferai  plus 
l)érir  toute  chair  par  lei  eaux  du  déluge; 
et  l'arc-en-ciel  qui' je  mettrai  dans  les  nues 
sera  le  gage  de  rALLiANCE  que  je  ferai  aujour- 
d'hui avec  vous  [Gen.  ix,  8,  !),  10  et  11). 

Toutes  ces  alliances  ont  été  générales  en- 
tre Adam  et  Noé  et  toute  leur  postérit  •  ;  mais 
celle  que  Dieu  fit  dans  la  suite  avec  Abra- 
ham lui  plus  limitée;  elle  ne  regardait  que 
ce  pairiarciic  et  la  race  qui  devait  naître  de 
lui  p.ir  Isaac.  Les  autres  descendants  d'A- 
I  ruban)  par  Ismaël  et  par  les  enl'anls  de  Cé- 
thura  n'y  devaient  point  avoir  de  pari.  La 
marque  ou  le  sceau  de  cette  alliance  fut  la 
circoncision,  que  tous  les  mâles  de  la  famille 
d'Abraliam  devaient  recevoir  le  huitième 
jour  après  leur  naissance.  F^es  effets  v.l  les 
suites  de  ce  pacte  sont  sensibles  dans  toute 
l'hisloirede  l'vVncien  Testament;  la  venue  du 
Messie  en  est   la  cousuuiinalion   et  la  fin. 


ALL  'J.l 

L'alliance  de  Dieu  avec  Adam  forme  ce  que 
nous  appelons  la  loi  de  nature  ;  l'alliance 
avec  Abraham,  expliquée  dans  la  loi  de 
Moïse,  forme  la  loi  de  rigueur;  Valliance  de 
Dieu  avec  tous  les  hommes,  par  la  médiation 
d»  Jésus-Christ,  failla  loi  de  grâce.  Gen.  su, 
1,  2;  et  xvii,  10,  11,  12. 

Dans  le  discours  ordinaire,  nous  ne  par- 
lons guère  que  de  l'ancien  et  du  nouveau 
Testament,  de  Valliance  du  Seigneur  avec 
la  race  d'Abraham,  et.  de  celle  qu'il  a  faite 
avec  tous  les  hommes  par  Jésus-Christ; 
parce  que  ces  deux  alliances  contiennent 
éminemment  toutes  les  autres  qui  en  sont 
des  suites,  des  émanations  et  des  explica- 
tions ;  par  exemple,  lorsque  Dieu  renouvelle 
ses  promesses  à  Isaac  et  à  Jacob,  et  qu'il 
fait  a/;/ance  àSinaï  avec  les  Israélites  ■îlîeur 
donne  sa  loi;  lorsque  Moïse,  peu  de  temps 
avant  sa  mort ,  renouville  l'a/Ziance  que  lo 
Seigneur  a  faite  avec  son  peuple,  et  qu'il 
rappelle  devant  leurs  yeux  tous  les  prodiges 
qu'il  a  faits  en  leur  faveur,  lorsque  Josué,  se 
.sentant  près  de  sa  fin,  jure  avec  les  anciens 
du  peuple  une  fidélité  inviolable  au  Uiea  de 
leurs  pères  :  tout  cela  n'est  qu'une  suite  de 
là  première  alliance  faite  avec  Abraham. 
Josias,  Esiiras ,  Néhéniie  ,  renouvelèrent  de 
même  en  différents  temps  leurs  engagements 
et  leur  alliance  avec  l(!  Seigneur  ;  mais  ce 
n'est  qu'un  renouvellement  de  ferveur  et  une 
promesse  d'une  ûdélilé  nouvelle  à  observer 
des  lois  données  à  leurs  pères.  Exod.xi, 
24;  VI,  47;  XIX,  5.  Deut.  xxix.  Jos.  xxiii  , 
23.  y  r  Reg.  u,  18.  Paralip.  ii,  22. 

La  plus  grande,  la  plus  solennelle,  la  plus 
excellente  et  la  plus  parfaite  de  toutes  les 
alliances  de  Dieu  avec  les  hommes  est  celle 
qu'il  a  faite  avec  nous  par  la  médiation  de 
Jésus-Christ  :  alliance  éternelle  ([ui  doit  sub- 
sister jusqu'à  la  fin  des  siècles,  dont  le  Fils 
de  Dieu  est  le  garant,  qui  est  cimentée  et  af- 
fermie par  son  s.ing  ,  qui  a  pour  fin  et  pour 
objet  la  vie  éternelle,  dont  le  sacerdoce,  le 
sacrifice  et  les  lois  sont  infiniment  plus  par- 
faites que  celles  de  l'Ancien  Testament.  Voy. 
saint  l'aul,  dans  ses  EpUres  aux  Galates  et 
aux  Hébreux. 

Vainement  les  Juifs  soutiennent  que  Dieu 
n'a  pas  pu  établir  une  nouvelle  alliance, 
après  leur  avoir  ordonné  d'observer  celle  de 
iMoïse  à  perpétuité.  On  leur  prouve  le  con- 
traire. 1°  parce  que  Dieu  l'a  ainsi  déclaré, 
Jerem  xxxi,  31  et  suiv.;  et  c'est  l'argument 
que  leur  fait  saint  Paul,  llebr.  viu,  8.  2"  Ils 
conviennent  eux-mêmes  que,  selon  les  pro- 
phètes, le  Messie  doit  être  législateur  aussi 
bien  que  Moïse,  Deut.  xvni,  la  ;  Isa.  XLii,  4; 
Muniinen  fiilei ,  i"  part.,  c.  20.  Cette  fonc- 
tion serait  superflue,  s'il  ne  devait  point  éta- 
blir de  nouvelles  lois.  .>  Dieu  a  rejeté  les  an- 
ciens sacrifices  et  promis  un  nouveau  sacer- 
doce. Ps.  xLix,  7.  Isa.  !,  113  et  suiv.;  lxvi,2. 
Jerem.  vu,  21.  Ezech.  xx,  5  et  suiv.  Mich.  \  i, 
().  Malacli,  I,  10.  (j'est  encore  un  argunieiu 
de  sain!  l'aul,  llebr.  vu,  12;  vin,  8.  4"  L'an- 
cienne alliance  mettait  un  mur  de  séparation 
entre  les  Juifs  et  les  autres  nations;  la  loi 
de  .Moïse  n'était  praticable  (ino  dans  la  Ju- 


.57 


AI.P 


AMR 


158 


dée  ;  sous  le  Messie,  au  contraire,  toutes  les 
li.ilions  iloivent  se  réunir  et  devenir  le  peu- 
ple du  Seigneur;  les  Juifs  en  conviennent  : 
donc  il  faut  une  loi  nouvelle  qui  soit  pratica- 
ble dans  toutes  les  parties  du  momie.  5'  Dieu 
a  rendu  la  loi  de  Moïse  impraticable  aux 
Juifs  mêmes  par  leur  dispersion,  par  la  des- 
truction du  temple,  par  la  confusion  des  gé- 
néalogies, par  l'incompatibilité  de  leurs  lois 
avec  le  droit  public  de  toutes  les  nations  : 
donc  Dieu  en  a  clabli  une  nouvelle  par  le 
Messie  :  ello  subsiste  depuis  près  de  dix-huit 
cenis  ans.  Voyez  Pliilippi  à  Liinborch,  Arnica 
colliit.  cum  erudiio  Jiidœo,  etc. 

ALOtilîS  ou  ALOGiENS,  sec(e  d'anciens 
liérctiques,  dont  le  nom  est  formé  d'à  privai  it,  et 
dc>i,of,  /)(iro/e  ou  «;pr6e,  comme  qui  dirait  saws 
verbe;  parce  qu'ils  i\iaientqneJésus-(^firistfût 
le  Verbe  éternel.  Us  rejetaient  l'Evangile  de 
saint  Jean  comme  un  ouvrage  apocryphe, 
écrit  par  Gérinthe;  quoitiuo  cet  apôlre  ne 
l'eût  écrit  que  pour  confondre  cet  hérétique, 
qui  niait  aussi  la  divinité  de  Jésus-Christ. 

Quelques  auteurs  rapportent  l'origine  de 
cette  secte  à  Théodote  de  Byzance,  torroyeur 
de  son  métier,  et  cependant  homme  éclairé, 
qui,  ayant  apostasie  pendant  la  persécution 
de  Sévère,  répondit  à  ceux  qui  lui  repro- 
chaient ce  crime,  que  ce  n'était  qu'un 
homme  qn'il  avait  renié,  et  non  un  Dieu  : 
et  que  de  là  ses  disciples,  qui  niaient  l'exis- 
tence du  N'erbe,  prirent  le  nom  d'aXoyot  :  Ils 
disent,  ajoute  M.  Fleury,  que  tnns  les  anciens, 
et  même  les  apôtres,  avaient  reçu  et  enseigné 
cette  doctrine,  et  quelle  s'était  conservée  jus- 
qu'au temps  de  Victor,  qui  était  le.  treizième 
évêijue  de  Home  depuis  saint  Pierre;  mais 
que  Zéphirin,  son  successeur,  avait  corrompu 
la  vérité.  Mais  on  leur  opposait  les  écrits  de 
saint  Justin,  de  Miltiade,  de  ialien,  do  (Cé- 
ment, d'Irénée,  de  Méliton  et  d'autres  an- 
ciens ,  qui  disaient  que  Jésus-Christ  était 
Dieu  et  liommc;  Victor  avait  excommunié 
Tliéodole  ;  comment  l'eût-t-il  excommunié 
s'ils  eussent  été  du  même  sentiment?  Ilist. 
eccl.,  t.  I,  liv.  IV,  n°  33. 

D'autres  avancent  qui"  ce  fut  saint  Epi- 
pliaiiequi,  dans  sa  liste  des  hérésies,  leur 
donna  ce  noai  ;  mais  d';iulres  Pères  et  |grand 
nombre  d'autres  ecclésiastiques  parlent  des 
aloqiens,  comme  sectateurs  de  'l'héodote  de 
Byzance.  Voyez  Tertul.,  livre  des  i'rescr., 
chap.  dernier  ;  saint  August.,  de  Ihvr.,  cap. 
33  ;  Eusèbe,  liv.  v,  chap.  19;  lîaronius,  «rf 
ann.  196  ;  Tillemont,  du  Pin,  Bibliotli.  des  au- 
tettrs  ecclés.,  premier  siècle. 

ALPHA  et  OMÉtiA  ,  A  et  n,  première  et 
dernière  lettres  de  l'alphabet  grec.  Jésus-Christ 
dit  dans  l'Apocalypse  :  Je  suis  I'alpha  et 
l'oMÉGA,  le  commencement  et  la  fin.  C.  i,  v.  8  ; 
c.  xsi,  V.  6;  e.  xxii,  v.  13.  Il  est  en  elïct  lo 
Vei  be  divin  qui  a  créé  toutes  choses  ;  il  en 
est  la  dernière  fln,  puisque  c'est  en  lui  seul 
et  par  lui  que  nous  pouvons  trouver  le  sou- 
verain lionlienr.  \oy.    Coloss.   i,  loetsuiv. 

ALPHABET  grec  et  latin,  caractères  ou 
lettres  à  l'usage  des  Grecs  et  des  Latins,  que, 
dans  la  consécration  d'une  église,  le  prélat 
consécraleur  trace  avec  son  doigt  sur  la  cen- 


dre dont  on  a  couvert  le  pavé  de  la  nouvelle 
église. 

Celle  cérémonie  nous  donne  à  entendre 
que  l'Eglise  est  la  vraie  mère  des  Odèles; 
qu'elle  leur  donne  les  éléments  de  la  vraie 
science,  de  la  science  du  salut,  et  qu'elle  réu- 
nit tous  les  peuples. 

AMALf;ClTES.  Voy.  Agag. 

AMAURl,  théologien  de  Paris,  parut  au 
commencement  du  xiii"  siècle.  11  enseigna 
que  Dieu  était  la  matière  première  ;  que  la 
loi  de  Jésus-Christ  devait  finir  l'an  1200,  et 
faire  place  ;i  la  loi  du  Saint-Esprit,  qui  sanc- 
tifierait les  hommes  sans  sacrements  et  sans 
aucun  acte  extérieur;  que  les  péchés  commis 
par  charité  étaient  innocents.  11  niait  la  ré- 
surrection des  morts  et  l'enfer,  rejetait  le 
culte  des  saints,  déclamait  contre  le  pape, 
etc.  !1  eut  des  sectateurs  opiniâtres.  On  par- 
donna aux  femmes  ;  mais  dix  de  leurs  sé- 
ducteurs subirent  le  dernier  supplice  l'an 
1210.  Le  concile  de  Latran,  tenu  en  1215, 
confirma  la  condamnation  de  leur  doctrine. 
Amauri  eut  pour  successeur  David  de  Dinant, 
qui  prêcha  la  même  doctrine,  flist.  de  l'EgL 
gallic,  liv.  xxx  ,  an.  1210-1212. 

AMBITION,  désir  excessif  des  honneurs. 
Plusieurs  philosophes  de  notre  siècle  ont  fait 
l'apologie  de  l'ambition,  parce  que  l'Evangile 
la  réprouve  et  commande  l'humilité.  Ils  di- 
sent qu'un  homme  est  louable  lorsqu'il  re- 
cherche les  dignités  et  les  places  importan- 
tes, dans  le  dessein  de  se  rendre  utile  à  ses 
semblables.  Cela  serait  fort  bien,  si  c'était  là 
le  motif  des  ambitieux;  mais  on  sait  trop 
par  expérience  que  leur  intention  est  de  jouir 
des  privilèges  attachés  aux  grandes  places, 
sans  se  mettre  beaucoup  en  peine  d'eu  rem- 
(ilir  les  devoirs,  et  que  les  sujets  les  plus 
ine()tes  sont  ordinairement  les  plus  avides  et 
les  plus  empressés  de  parvenir.  N'imitez 
point,  dit  Jésus-Christ,  ceux  qui  recherchent 
les  premières  places,  les  respects  et  les  hom- 
mages des  hommes.  Il  reproche  ce  vice  aux 
pharisiens,  et  tâche  d'en  préserver  ses  disci- 
ples. Matth.  xxiii,  6.  Cette  morale  sera  tou- 
jours plus  sage  que  celle  des  philosophes. 
Avec  des  palliatifs,  il  n'est  point  de  passion 
que  l'on  ne  vienne  à  bout  de  justifier. 

A.MBROISE  (S.),  docteur  de  l'Eglise  et  ar- 
chevêque de  Milan,  mort  l'an  397.  La  meil- 
leure édition  de  ses  ouvrages  est  celle  des 
bénédictins,  en  deux  volumes  in-folio.  Le  fait 
le  plus  honorable  à  sam«  .4Hi?/roise  est  d'avoir 
eu  saint  Augustin  pour  disciple.  On  peut  voir 
SOS  autres  actions  dans  le  Dictionnaire  his- 
torique ;  nous  nous  boruons  à  examiner  les 
accusations  formées  contre  sa  doctrine.  On 
lui  reproche  d'avoir  poussé  trop  loin  l'éten- 
due de  la  patience  chrétienne,  le  mérite  de  la 
virginité  et  du  célibat;  d'avoir  dit  qu'avant 
Moïse  il  n'y  avait  point  de  loi  qui  défendît 
l'adultère;  d'avoir  voulu  justifier,  dans  les 
saints  personnages  dont  parle  l'Ecriture, 
des  actions  qui  ne  doivent  être  ni  louées,  ni 
excusées. 

Ces  reproches  empruntés  de  Daillé  et  do 
Barbeyrac,  deux  protestants,  ne  valaient  pas 
la  peine  d'être   répétés  par  les  incrédules. 


159 


ÀM6 


AMB 


160 


Les  premiers  chrétiens  ont  poussé  la  patience 
jusqu'à  rhéroïsnie:  il  le  fallait,  afin  de  con- 
vaincre les  persécuteurs  de  l'inutilité  des  sup- 
plices pour  exterminer  le  christianisme,  et 
de  montrer  auv  pjiïens  la  supériorité  des 
maximes  de  l'Evangile  sur  la  morale  de  leurs 
philosophes.  Aujourd'hui  des  censeurs  témé- 
raires osent  soutenir  que  cette  patience  n'a 
pas  été  poussée  assez   loin. 

Dans  les  articles  Célibat  et  Virginité, 
nous  ferons  voir  que  les  Pères  n'ont  rien  dit 
de  plus  que  saint  Paul;  que  cette  doctrine 
est  sage  et  irrépréhensible;  qu'il  n'est  pas 
vrai  qu'elle  déroge  à  la  sainteté  du  mariage, 
ni  qu'elle  soit  nuisible  au  bien  de  la  so- 
ciété. 

Saint  Amhroise  a  eu  raison  d'avancer  qu'a- 
vant Moïse  il  n'y  avait  point  de  loi  pos(/ù'e 
qui  défendit  l'.idiiltère;  mais  il  n'a  pas  pré- 
tendu qu'il  fût  permis  paP  la  loi   naturelle. 

Le  commerce  d'.Vbraham  avec  Âgar  n'était 
ni  un  adultère  ni  un  concubinage,  mais  une 
polygamie;  et  alors  elle  n'était  point  réprou- 
vée par  le  droit  naturel,  Voy.  Polygamie. 

C'est  donc  très-improprement  que  saint 
Ambroise  nomme  adultère  ce  second  mariage 
d'Abraham  ;  mais  il  n'a  pas  tort  de  prétendre 
qu'en  cela  ce  patriarche  n'a  point  péché.  11 
est  évident,  par  ce  qu'il  dit  de  Pharaon,  A'A- 
braftam,  liv.  ii,  c.  2,  qu'il  n'a  j.imais  pensé 
que  l'adultère  proprement  dit  pût  être  per- 
mis; et,  quoi  qu'en  dise  Barbeyrac,  ce  n'est 
point  là  une  contradiction.  Traité  de  la  Mo- 
rale des  Pères,  c.  13,  §  12. 

Quant  aux  autres  actions  des  patriarches 
que  les  Pères  de  l'Eglise  ont  excusées,  voy. 
Patriarche,  Abraham,  etc. 

D'autres  critiques  ont  accusé  saint  Am- 
broise d'avoir  enseigné  que  l'âme  humaine 
est  moti'rielle,  parce  qu'il  dit  qu'il  n'y  a 
rien  d'exempt  de  composition  matérielle  que 
là  substance  de  la  Trinité,  qui  r^t  d'une  na- 
ture simple  et  sans  mélange.  De  Abraham, 
liv.  II,  c.  8,  n.  58.  Mais ,  dans  cet  endroit 
même,  il  dit  que  l'âme  humaine  est  indivisi- 
ble et  unie  à  la  sainte  Trinité,  qui  est  simple. 
D'ailleurs  il  professe  formellement  l'imma- 
térialité et  l'immortalité  de  l'âme  dans  plu- 
sieurs autres  ouvrages.  In  psalm.  cxviii, 
serm.  10,  n.  15, 16,  18;  Hexam.,  liv.  vi,  c.  7, 
n.  10,  etc. 

Le  Clerc,  dans  ses  notes  sur  les  Confes- 
sions de  saint  Augustin,  prétend  que  l'inven- 
tion des  reliques  do  saint  Gcrvais  et  de  saint 
Protais  fut  une  fraude  pieuse  de  suint  Am- 
broise, qui  se  servit  de  cet  ex[)édient  pour 
augmenter  son  autorité,  pour  réprimer  les 
ariens,  pour  en  imposer  à  l'impératrice  .lus- 
tine  qui  les  favorisait.  Il  prouve  ce  soupçon, 
1°  parce  que  saint  Augustin  riipporle  iiue 
saint  Ambroise  fut  instruit  par  une  vision  ou 
une  révélation  du  lieu  où  étaient  ces  reli- 
ques, au  lieu  que  saint  Ambroise  ne  parle 
point  de  celle  vision  en  racontant  cet  évé- 
nement. Episl.  22,  lib.  i.  2  Saint  Ambroise 
dit  :  Nous  trouvâmes  deux  corps  d'une  gran- 
deur étonnante,  tels  qu'ils  étaient  dans  les 
anciens  temps.  '\^-ut-il  parler  dos  temps  hé- 
roïques, ou  veut-il  faire  entendre  que   les 


martyrs  devenaient  plus  grands  que  les  au- 
tres hommes?  3°  Il  rapporte  que  les  possé- 
dés, ou  plutôt  les  démons  tourmentés  par  ces 
reliques,  ronfondirent  les  ariens.  k°  En  ef- 
fet, cet  événement  servit  à  humilier  et  à  con- 
tenir ces  hérétiques.  Ce  fut  donc  un  strata- 
gème imaginé  à  propos.  Le  Clerc  pense  qu'il 
en  est  de  même  de  toutes  les  autres  inven- 
tions de  même  espèce. 

Sont-ce  donc  là  des  preuves  assez  fortes 
pour  accuser  de  fourberie  un  personnage 
aussi  respectable  que  saint  Ambroise?  S'il 
avait  parlé  de  la  révélation  qu'il  avait  eue, 
Le  Clerc  lui  aurait  reproché  de  l'avoir  forgée 
par  orgueil.  Ce  n'est  pas  un  prodige  que  deux 
martyrs  aient  été  de  haute  stature,  tels  que 
les  poètes  nous  peignent  les  hommes  des 
temps  héroïques  ;  il  n'y  a  rien  de  ridicule 
dans  celle  remarque  de  saint  Ambroise.  11  se 
fit  d'autres  miracles  à  cette  occasion  que  des 
guérisons  de  possédés.  Saint  Augustin  ra- 
conte qu'un  aveugle  recouvra  la  vue,  et  il 
paraît  l'attester  comme  témoin  oculaire. 
Pour  commettre  une  fraude,  il  aurait  fallu 
avoir  un  trop  grand  nombre  de  complices, 
les  fossoyeurs  et  les  témoins,  les  miraculés, 
tout  le  clergé  de  Milan,  et  même  tous  les  ca- 
tholiques environnes  des  ariens  ;  croirons- 
nous  qu'aucun  de  ces  derniers  ne  fut  témoin 
des  faits?  Saint  Ambroise  se  serait  exposé  à 
la  dérision  des  hérétiques,  au  discrédit  de  la 
foi  catholique,  au  ressentiment  de  l'impéra- 
trice Justine  ;  il  n'était  pas  assez  imprudent 
pour  courir  un  aussi  grand  danger.  Etait-il 
indigne  de  Dieu  de  confirmer  par  des  mira- 
cles la  foi  à  la  divinité  du  Verbe,  et  le  culte 
des  reliques  contre  lequel  Vigilance  s'éleva 
pendant  ce  temps-là?  Mais  Le  Clerc,  qui  ne 
croyait  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  dogmes,  aime 
mieux  accuser  toute  l'Eglise  catholique  de 
fourberie,  que  de  démordre  de  ses  opinions. 
Par  un  effet  du  même  entêtement,  il  a  repro- 
ché à  saint  Augustin  d'avoir  feint  les  pré- 
tendus miracles  opérés  par  les  reliques  de 
saint  Etienne,  et  d'avoir  aposté  les  mira- 
culés. 

AMBROSIEN  (rite  ou  office).  Manière  par- 
ticulière de  faire  l'office  dans  l'Eglise  de  Mi- 
lan, qu'on  appelle  aussi  quelquefois  l'Eglise 
Ambrosienne.  Ce  nom  vient  de  saint  Am- 
broise, docteur  de  l'Eglise  et  évé<iue  de  Mi- 
lan, dans  le  iv  siècle.  Walafrid  Strabon  a 
prétendu  que  saint  Ambroise  était  véritable- 
ment l'auteur  de  l'office  que  l'on  nomme  en- 
core aujourd'hui  ambrosicn,  et  qu'il  le  dis- 
posa d'une  manière  particulière,  tant  pour 
son  église  cathédrale  (lue  pour  toutes  les  au- 
tres (le  son  diocèse.  Cependant  quelques-uns 
pensent  que  l'Eglise  de  Milan  avait  uii  nffice 
diflércnt  de  celui  de  Kome,  qnel({ue  temps 
avant  ce  saint  prélat.  En  effet,  jusqu'au 
temps  de  Charlemagne,  les  églises  avaient 
chacune  leur  office  propre;  dans  Rome 
même  il  y  avait  une  grande  diversité  d'offi- 
ces ;  et  si  l'on  en  croit  Abailard,  la  seule 
église  de  Latran  conservait  en  son  entier 
l'ancien  office  romain  :  et  lorsque,  dans  la 
suite,  les  papes  voulurent  faire  adopter 
celui  -  ci   à   toutes   les    Eglises   d'Occident^ 


4C1  AMB 

afin  d'y  établir  une  uniformité  de  rite,  l'E- 
glise de  Milan  se  servit  du  nom  du  grand 
Ambroise  et  de  l'opinion  où  l'on  était  qu'il 
avait  composé  ou  iravaillé  cet  office,  pour 
être  dispensée  de  l'al)andonner  ;  ce  qui  l'a  fait 
notiiniei'  rite  ambrusien,  par  opposition  au 
rite  romain.  La  liturgie  ainbrosienne  a  été 
publiéi"  par  Pamelius,  en  15G0  :  Le  Père  Le 
Brun  l'a  tirée  de  divers  missels  anciens,  im- 
primés on  manuscrits  ;  il  note  exactement  en 
quoi  elle  était  difi'érente  de  celle  de  Home,  ce 
que  saint  Ambroise  y  avait  ajouté,  et  ce  qui 
existait  avant  lui.  Il  rapporte  les  tentatives 
qui  ont  été  faites,  soit  par  le  pape  Adrien  1" 
sous  Charlemagne,  soit  par  les  successeurs 
de  ce  pontife  dans  les  siècles  suivants,  pour 
introduire  dans  l'Eglise  de  Milan  la  liturgie 
romaine  et  le  rite  grégorien,  et  la  résistance 
constante  du  clergé  de  Milan.  Saint  Charles 
lui-même  fut  très-zélé  pour  la  conservation 
du  rite  umhrosien  ;  el  ce  rite  subsiste  encore 
dans  la  cathédrale  et  dans  la  plupart  des 
églises  du  diocèse  de  Milan.  Explication 
des  Cérémonies  de  la  messe,  lom.  111,  pag. 
175. 

Ambrosien  (chant).  Il  est  parlé  dans  les 
rubricaires  du  chant  ambrosien,  aussi  usité 
dans  l'Eulise  de  Milan  et  dans  quelques  au- 
tres, et  qu'on  distinguait  du  chant  romain  en 
ce  qu'il  était  plus  fort  el  plus  élevé  ;  au  lieu 
que  le  romain  était  plus  doux  et  plus  harmo- 
nieux. Voy-  CuANT  et  Grégorien.  Saint  Au- 
gustin altirihue  à  saint  Ambroise  d'avoir  in- 
troduit en  Occident  le  chant  des  psaumes,  à 
l'imitation  des  Eglises  orientales  ;  el  il  est  très- 
probable  qu'il  en  composa  ou  en  revit  la 
psalmodie.  August.,  Confcss.,  I.  i\,  cap.  7. 

AMBUOSIENS  ou  PNEUMATIQUES,  nom 
ijue  quelques-uns  ont  donné  à  des  anabap- 
tistes disciples  d'un  certain  Ambroise,  qui 
Tànlait  ses  prétendues  révélations  divines  , 
en  comparaison  desquelles  il  méprisait  les 
livres  sacrés  de  l'Ecriture.  Gauthier,  Z>e7/œr., 
au  xvi'  siècle. 

AME,  substance  spirituelle,  qui  pense  el 
qui  est  le  principe  delà  vie  dans  l'homme  (1). 
[Il  est  de  foi  que  l'âme  de  l'homme  est  un  pur 
esprit  (Ln/er.iv)  ;  immortelle  {Later.  \);uni' 
que  {Constant,  iv);  libre  [Trident.,  sess.  G, 
can.  il);  qu'elle  n'exiite  pas  avant  le  corps 
qu'elle  doil  habiter  [Constant,  ii)].  C'est  aux 
pliilosopiies  d'exposer  les  preuves  de  la  spi- 
ritualité et  de  l'immortalité  de  l'dme  hu- 
maine, que  la  lumière  naturelle  peut  four- 
nir ;  le  devoir  des  théologiens  est  de  faire 
voir  que  ces  deux  dogmes  essentiels  ont  été 
révélés  aux  hommes  dès  le  commencement 
du  monde;  que  Dieu  n'a  pas  attendu  les  spé- 
culations de  la  philosophie,  pour  leur  en- 
seigner ces  deux  importantes  vérités  ;  que 
les  philosophes  mêmes  n'ont  jamais  pu  les 
démonlrer  invinciblement,  faute  d'avoir  été 
éclairés    par    la  révélation.  Nous    ajoule- 

l'I)  M.  l'abbé  Cliarvoz  el  les  partisans  de  l'Œuvre 
de  la  Miséricorde  prëiendent  qu'il  y  a  en  nous  deux 
subsiaiices  spirituelles ,  l'une  que  nnus  noninions 
&nie,  duni  nuus  parlons  ici,  et  l'auire  qui  esl  un  ange 
décliu.  Nous  réfuions  cette  dernière  opinion  au  mol 
A^GE. 


AMB 


m 


rons  quelques  réflexions  touchant  l'origiiio 

de  l'âme. 

i.  Delà  spiritualité  de  l'âme  (1).  La  première 
vérité  que  nous  enseigne  l'histoire  sainte,  est 

(I)  Avant  de  suivre  Bergier  dans  l'exposition  des 
preuves  tirées  de  l'Ecriture  sainte  en  faveur  de  la 
spiritualité  de  l'âme,  nous  devons  donner  celles  qui 
sont  puisées  dans  la  raison. 

Il  faut  d'abord  couimenccr  par  apprécier  l'argu- 
nienl  apporté  communément  par  les  lliéulogiens  cl 
les  pbilosophes  en  laveur  de  la  spirimalilc  de  l'àme. 
Voici  la  substance  de  l'argument  qui  a  été  développé 
longuement  par  le  cardinal  de  la  Luzerne,  Disseria- 
lion  sur  la  spirilualiié  de  l'âme,  el  qui  a  élé  reproduit 
depuis  dans  presque  tous  les  traités  classiques  de 
pliilosopliie  ,  cl  notamment  dans  les  Instiluliunés 
philosopliicv  de  Mgr  Bouvier,  évoque  du  M:ins,  les- 
quelles soûl  euseii;nées  dans  beaucoup  de  séminai- 
res.* L'àme  humaine  esl  simple,  dit-on  (Instil.  pliilos., 
l.  Il,  p.  «il,  édit.  1837) ,  si  la  pensée  ne  peut  avoir 
pour  siège  tin  sujel  composé  :  or,  la  pensée  ne  i>cul 
résider  dans  nu  sujet  coniposé;  car  alors  ou  toute  la 
pensée  serait  en  niêine  temps  dans  chaque  partie  du 
sujet;  ou  luie  partie  de  la  pensée  serait  dans  une 
fraction  du  sujet,  et  une  aune  partie  dans  une  autre 
frai  lion  ;  ou  enfin  louie  la  pensée  serait  concentrée 
dans  une  seule  partie  :  or,  on  ne  peut  soutenir  au- 
cune de  ces  trois  hypothèses.  Dans  la  première,  la 
pensée  ne  serait  plus  une  ,  mais  multiple;  dans  la 
seconde  ,  il  faudr.iil  soutenir  que  l.i  pensée  a  plu- 
sieurs parties  el  qu'aucune  d'elles  n'a  la  conscience 
de  toute  la  pensée;  dans  la  troisième  liypolhése,  si 
l'on  suppose  ,  pour  ne  pas  retomber  dans  les  deux 
autres,  que  la  paiiie  matérielle  dont  on  fait  le  sujel 
de  la  pensée,  soit  simple  ou  indivisible,  la  contro- 
verse, dit-uii,  ne  roule  plus  que  stir  des  mots  :  C«ii- 
sani  obtineiuus,  dit  Mgr  Bouvier  (op.  cit.,  p.  323); 
car  alors  les  maiénalisics  regardent  comme  nialière 
ce  qui  est  réputé  esprit.  Donc,  conclut-on  avec  une 
absolue  conliance,  l'âme  humaine  esl  simple.» 

En  résumé,  d.ins  rargumentatioii  qui  préièile,  et 
que  nous  avons  traduite  avec  (idélilé  ,  on  n'exige 
dans  le  sujet  de  la  pensée  (|ue  la  qualité  de  simple  ou 
d'indivisible  ;  parce  que  l'un  suppose  fort  graïuile- 
nieni  que  tout  ce  qui  est  matière  est  iiidéliidment 
divisible.  Ainsi,  en  dernière  analyse,  la  déinonstra- 
tiou  que  l'on  prétend  ibiiiner  de  la  spiritualité  de 
l'âme ,  au  moyen  de  l'argumeni  ci-dessus  rap- 
porté ,  ne  repose  que  sur  le  système  de  la  di- 
visibilité de  la  matière  à  l'infini,  réprouvé  par  la 
scienee  moderne.  M.  Pouillel  (député),  professeur 
de  physique  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Paris,  el 
membre  de  l'Académie  des  Sciences,  dit,  dans  l'in- 
irodueiiun  qui  précède  ses  savants  Eléments  de  phy- 
sique expérimetilate  (t.  I,  p.  ;>,  édit.  I8li)  ,  que  la 
théorie  des  éléments  simples  de  la  matière  esl  au- 
jourd'hui exclusivement  adoptée.  M.  Dumas  en  dit 
aulaiit  dans  son  Traité  de  chimie,  et  lait  voir  que 
les  combinaisons  chimiques  qui  n'ont  jamais  lieui|ue 
selon  des  proportions  Iden  définies  ,  insinuent  sulïi- 
samment  que  tous  les  corps  sonl  composés  d'élé- 
ments simples  ou  d'atomes  indivisibles. 

Ce  n'est  pas  il'hier  (pie  la  théorie  des  éléments 
simples  est  iionginée.  Zenon  trouva  ses  points  maté- 
riels indivisibles  dans  le  v^  siècle  avant  notre  ère. 
Ocellus  Lucanus  et  Démocrite  soutinrent  à  peu  près 
la  même  ducirine,  qui  a  élé  renouvelée  par  Gas- 
sendi. Leibniiz,  pour'rendre  raison  de  la  comiiosi- 
tion  des  corps  ,  a  supposé  qu'ils  étaient  formés  de 
monades  ,  ou  éléments  niaiériels  simples  et  ^acis 
étendue.  On  a  olijecté  avec  raison  contre  ces  systè- 
mes que  des  élémenis  inélendus,  ou,  comme  on  l'a 
dit ,  des  zéros  d'étendue ,  ne  sauraient  constituer 
des  corps  étendus.  Le  maihéuialicien  Buscowikh  , 
pour  éluder  celte  diliiculié  ,  tout  en  supposant  i:iù- 
teiidus  les  éléments  de  la  matière,  a  préieudu  qu'ils 


163 


AME 


que  Dieu  est  Ciéaieur,  qu'il  .1  loni  fait  par 
sa  parole  ou  par  un  simple  acie  de  sa  volon- 
té ,  doue  il  est  pur  esprii.  Au  mol  Création, 
uous  ferons  voir  que  cette  conséquence  est 

pouvaient  néanmoins  fornter  des  corps  étendus.  Il 
s'est  fondé  sur  ce  que  les  atomes,  en  vertu  de  leurs 
atiraclionset  de  leurs  répulsions,  s"éiablissaient  dans 
un  état  d'é(]uilil]re  sans  arriver  jamais  au  coiiiact , 
et  occupaieui  ainsi  une  ciendue  déterminée  dans  l'es- 
pace. Lavoisier  démontrait ,  à  peu  près  à  la  même 
époipie,  qu'il  n'y  a  dans  In  nature  aucun  contact  par- 
lait, par  la  considération  qu'il  n'y  a  pas  de  froid 
absolu,  et  que  p:ir  conséquent  la  chaleur,  qui  est  une 
lorce  centrifuge ,  lient  les  molécules  matérielles  à 
une  distance  quelconque  les  unes  des  autres.  Mais  il 
restait  toujours  une  dilliculté  dans  le  système  de 
lioscowikh,  celle  de  s-avoir  comment  les  éléments 
inéiendus  peuvent  tojnher  sous  les  sens.  Déjà,  ce- 
[lendant,  dans  ce  système  il  était  facile  de  résoudre 
ks  objections  que  des  esprits  subtils  (Voy.  Logique 
de  Porl-lioijal,  Follet,  Séguy,  Gérard,  etc.)  avaient 
prétendu  lirer  de  la  géométrie  contre  la  théorie  des 
éléments  simples.  11  sullit,  en  elTet,  pour  y  répondre, 
de  suppo-er  (pie  les  parues  maiériclbis  ne  sont  point 
coniigués,  ce  qui  est  conlorme  à  la  vérité.  D'ailleurs, 
nous  aurons  occasion  par  la  suite  de  démontrer  que 
les  maihémaiiciens,  avec  tous  leurs  inlinis,  ne  font 
que  jouer  sur  les  mots.  J'ai  été  surpris,  en  1854  , 
de  retrouver  de  telles  snbtililés  dans  les  Annales  de 
philosophie  chrétienne  {i.y\l\,  p.  172)  ;  mais  heureu- 
sement, l'auteur  de  l'article  où  elles  sont  rejjroduites, 
commence  p;ir  avertir  qu'il  supposera  les  inolécuies 
immédiatement  voisines  les  unes  dcsautres  (p.  iS4). 
Quant  aux  lignesque  l'on  suppose  pouvoir  se  rappro- 
cher sans  jamais  se  rencontrer,  elles  piouveraieni 
tout  au  plus,  comme  les  antres  fiiis  du  même  génie, 
que  l'étendue  et  non  la  matière  est  iudéQnie  et  di- 
visible. Encore  faudrait-il ,  pour  être  en  droit  de 
l'allirmer,  que  l'étendue  pùi  être  mesurée,  ou  seu- 
lement fût  appréciable  sur  les  corps,  ce  ()ui  n'c^t  as- 
surément pas.  Celle  infinie  divisibilité  ,  avec  toutes 
ses  piétendiies  démonstrations  maihéniatiques,  n'a, 
comme  l'a  judicieusement  fait  remarquer  Kani,  d'uu- 
Ire  fondement  (pie  l'imagination,  et  encore  l'imagi- 
nation se  représentant  un  espace  limité  par  des  corps. 
Mais  (pioicpi'un  puisse  sans  grand  effort  résoudre 
toutes  tes  objections  tirées  des  inaihémaiiipies  dans 
le  sysiéme  de  Boscowikh  sur  les  éléments  de  la  ma- 
tière, nous  avons  vu  qu'il  leslait  encore  une  grave 
difiicullé,  celle  de  savoir  conimenl  les  éléments  iii- 
étendus  peuvent  tomber  sous  les  sens.  i^lM.  LSiut  et 
Ampère  ,  membres  de  l'académie  des  Sciences  ,  iiui 
ont  été  des  premiers  dans  notre  siècle  à  revenir  à 
la  théorie  des  éléments  indivisibles  de  la  matière, 
ont\aiiicH  la  dilliculté  eu  rcconn.iiss.inl  de  l'étendue 
sur  (les  points  ëlémcniaircs  ou  atomes.  Selon  M.  Biol 
{Traita  de  pliyaique,  t.  IV)  ,  une  foule  d'expéric^nces 
lions  ont  muiitré  ([u'aucnn  corps  n'est  un  assemblage 
continu  de  matière,  nuis  (pi'ils  sont  tous  composés 
de  particules  malérielles  placées  à  distance  ei  main- 
lennes  dans  cet  état  par  les  forces  opposées  de  l'al- 
Iractiou  et  de  la  chaleur.  11  suppose  ensuite  que  , 
tJans  les  corps  les  plus  denses,  la  capacité  des  inter- 
stices pourrait  bien  surpasser  plusieurs  milliers  de 
fois  le  volume  des  particules  niaicriclles  ;  que  les 
dernières  particules  élémentaires  et  impénétrables 
qui  ciinstituenl  les  principes  des  corps  soient  réu- 
nies eu  groupes  ,  deux  à  deux,  trois  à  trois,  etc. 
Ainsi,  il  est  clair  que  te  célèbre  physicien  astronome 
admet  que  les  corps  ont  pour  principes  constitutifs 
des  éléments  impénétrables,  c'est-à-dire  indivisibles 
et  étendus  tout  à  la  fois.  Feu  M.  Anipèiu  {AïiiiaU's 
Ue  chimie  ,  avril  1K14)  enseigne  la  même  doctrine, 
et  la  (Iniinc  comme  étant  celle  des  physiciens  mo- 
derics.  C'est  ainsi  (|ue  nous  concevuns  nous-mèiuus, 


ÂME  164 

incontestable.  Or,  cette  même  histoire  nous 
apprend  que  Dieu  a  fait  l'Iiomme  d  son  iniag-c 
et  à  sa  ressemblance.  Gen.  1,  -IG  et  27;  ix,  0. 
Donc  l'homme  n'est  pas  seulement  un  corps  j 

depuis  dix-huit  ans,  la  théorie  des  éléments  indivi- 
sibles de  la  matière.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à 
montrer  les  difficultés  que  renfermait  le  système  d6 
la  divisibilité  de  la  matière  à  l'infini,  lequel  n'avait 
de  fondement  que  dans  l'imagination.  La  matière 
étani  une  substance  essentiellement  passive,  est  di- 
visible par  Une  puissance  active  à  un  degré  inassi- 
gnable ;  mais  comme  elle  ne  pouvait  offrir  aucune 
résistance  sans  cesser  d'être  positive,  et  que  l'ima- 
gination concevait  toujours  dans  le  plus  petit  atome 
un  dessus  et  un  dessous  ,  on  a  conclu  qu'elle  était 
divisible  indéfiniment.  «On  a  ainsi  ,  dit  M.  Bûchez 
{Essni  d'un  traité  complet  de  philosophie  ,  t.  III ,  p. 
145),  transporté  à  la  matière,  comme  propriété,  ce 
qui  était  possible  de  la  part  d'une  activité  spirituelle, 
llne  matière  inliniinent  divisible  ,  dil-il  quebpics 
pages  plus  loin  (page  154),  ei  une  matière  dont  les 
parties  ont  les  propriétés  particulières,  paraissent... 
deux  afiirmations  conira<licioires,  où  la  seconde  nie 
la  première.  Nous  en  convenons ,  la  coniradiction 
existe  11  est  impossible,  ajoute  le  même  auteur  (p. 
213) ,  de  faire  concorder  avec  la  divisibilité  à  l'inlini 
l'existence  de  propriétés  positives  ei  diverses,  telles 
que  celles  remarquées  par  les  corps  simples  occu- 
pant d'une  manière  fixe  des  points  diliéienis  de  la 
matière.  Ainsi,  contiiine-iil  (p.  il5),  le  corps  simple 
ou  élémentaire  ilcs  chimistes  n'est  autre  clioe,  selun 
nous,  (pi'un  atome  éienilu  et  indivisible,  dont  le 
volmiie,  la  forme  et  les  propriétés  sont  fixes.  11  en 
donne  pour  preuve  l'élude  expérimentale  de  ce  ()ui 
se  passe  dans  les  combinaisons  et  décompositions 
chimiques;  il  cite,  par  exemple,  la  formule  de  l'eau, 
dont  la  conclusion  logique....  est  que  la  réduction 
délinitive  ne  peut  aller  au  delà  de  deux  11  (deu.x 
aïoiiies  ou  é(iuiv:ilenls  d'hydrogène  )  et  un  0  (  un 
atome  d'oxygène)  dans  la  formation  du  composé  E 
(eau),  c'est-à-dire  au  delà  de  trois  atomes  ou  molé- 
cules constituantes,  dont  deux  sont  représentatives 
des  propriétés  11  et  une  des  propriétés  O.  De  ce  rai- 
sonnement, poursuit-il ,  qui  est  a|»plicablc  à  tous  les 
corps  chimiques  ,  il  résulte  qu'il  y  a  des  atomes  ou 
molécules  élémentaires....  Les  atomes-(p.  217)  sont 
indivisibles  ,  indcsiruciibles  les  uns  pour  les  autres. 
Qui  croirait ,  après  avoir  lu  les  passages  qui  précè- 
dent, (|ue  ce  savant  auteur  se  déclare  formellemeni,  ' 
dans  le  même  volume,  partisan  de  la  divisibilité  de  la 
matière  à  l  inliniV  Mais  il  aiiribue  les  propriétés  lixes 
des  élénienis  matériels  ù  une  force  spéciale  qu'il 
nomme  sérielle,  laquelle  force  sérielle  (p. 2 17)  engen- 
dre et  cmiscrvc  diverses  espècesdc  germes  minéraux, 
c'eji-àdire  diverses  espèces  d'atomes  élémentaires 
ou  de  moiécules  constituâmes,  comme  elle  cngendic 
et  ciinserve  diver.^es  espèces  de  végétaux  et  d'ani- 
maux.>Uii  Voit,  d'après  cette  explication,  que  le  sen- 
timent de  M.  liuchez  ne  diilcrc  (lu  ii()tre  que  dans  les 
mois.  En  cfl'el,  une  des  raisons  qui  nous  pnrteni  à 
admettre  l'indivisibillic  de:>  éléments  cnnslitulifs  de 
la  matière  ,  c'est  que  si  la  division  les  alleignail , 
elle  (létrnirait  en  eux  les  centres  d'action  ,  elle  anéan- 
tirait toutes  les  I  ropriélés  physiques  et  chimi(|ucs, 
enhii  elle  ferait  (|ue  tous  les  corps  ne  seraient  plus 
eux-mêmes.  Mais  nous  voyons  que  la  matière  orga- 
nique se  résout  constamment  en  les  mêmes  corps 
simples  ayant  invariablement  les  mêmes  propriété^; 
que  le-,  cnrps  cristallisahles,  à  quelque  état  de  divi- 
sion qu'on  les  ait  soumis,  all'ectent,  en  se  solidiflani, 
des  furiiies  toujours  régulières  et  toujours  identiipies 
pour  les  mêmes  corps  ;  (pie  les  phénomènes  de  la 
vie  organique,  qui  accusent  des  corps  (pii  ont  subi 
le  maximum  de  la  divisibilité,  se  reprodiiisenl  sans 
cesse  d'une  manière  aussi  symétrique;  uiilin  i|ue  les 


16S 


AME 


AME 


i6G 


il  est  intelliirent,  actif,  libre  dans  ses  volon- 
tés comme  Dieu. 

11  est  dit  qu'après  avoir  formé  un  corps 
de  terre,  Dieu  souffla  sur  le  visage  de  l'hom- 

gernies  soil  végétaux  ,  soit  animaux  ,  se  préseiiteiit 
toujours  les  niênie»  el  sans  aliér:iiion  pour  les  inonies 
espèces.  Or,  tous  ces  iiliénoin«nes  ne  seiiilciil  pas 
produits  avec  une  constance  aussi  universelle,  si  les 
éléments  constitutifs  de  la  matiore  étaient  altérables 
par  une  cause  pliysif|ue  quelcoiupie  ;  car ,  à  com- 
bien d'accidents,  à  combien  de  causes  de  la  divisibi- 
lité ne  sont-ils  pas  soumis  ? 

M.  Huclu'z  fait  intervenir  l'action  immédiate  d'une 
force  sérielle  pour  la  prochulion  il'edéts  qui  ne  sont 
qu'une  conséquenoe  de  l'inaltérabilité,  et  conséqueiii- 
nienl  de  l'indivlsibilîié  des  atomes  matériels  ;  mais 
au  fond,  l'idée  est  la  même  de  part  et  d'autre. 

Nous  nous  sommes  étendu  sur  cette  matière,  pour 
lairc  voir  sur  quel  fon<lemiMU  ruineux  on  fait  ordi- 
nairement reposer  une  ibèse  aussi  importante  que 
l'est  celle  de  la  spiritualité  de  l'àme.  On  y  donne 
gain  de  cause  aux  matérialistes,  dans  l'Iiypoibése 
que  les  cléments  de  la  matière  seraient  indivisibles, 
et  cependant,  comme  nous  l'avons  montré,  tout  porte 
à  croire  qu'ils  le  sont. 

On  n'a  pas  son.:é  que  c'est  par  cette  activité  que 
l'àme  liumaine  dilTère  essentiellement  de  la  matière. 
11  laudrait  donc,  pour  établir  sur  cette  considération 
de  la  pensée  une  preuve  spéciale  de  la  spiritualité  de 
l'àme,  démontrer,  i"  qu'il  faut  de  l'activité  dans  la 
cause  productive  de  la  pensée  ;  ^2»  que  celte  activité 
est  toute  autre  cliose  que  du  mouvement  ;  5°  que  la 
matière  n'est  susceptible  que  de  mouvement,  et  que 
même  celui-ci  doit  lui  être  imprimé  par  une  force 
iiiimatérielle. 

Examinons  maintenant,  au  point  de  vue  de  la 
science  moderne,  la  question  de  l'existence  et  des 
propriétés  de  l'àme  bnmaine. 

Voyons  d'abord  en  peu  de  mots,  si  l'on  est  en  droit 
de  contester  l'existence  dans  l'bomme  d'un  principe 
immatériel,  ou,  pour  parler  le  langage  connnun, 
d'une  substance  spirituelle,  par  la  raison  que  celle 
substance  ne  tombe  pas  directement  sous  les  sens. 
Tout  phénomène,  tant  dans  l'ordre  physique  (|ue 
dans  l'ordic  psychologique,  implique  l'existence 
d'une  substance  ou,  comme  on  aime  à  le  répéter 
aiijouririiui  après  les  scholastiqucs,  d'un  substratum. 

On  ne  peut  concevoir  aucune  propriété  sans  sujet, 
aucune  action  sans  agent,  aucune  force  sans  moteur, 
en  un  mot  aucun  effet  sans  cause.  D'un  autre  côté, 
comme  il  y  a  un  rapport  nécessaire  entre  la  cause  cl 
l'effet,  on  ne  peut  attribuer  à  une  même  cause  des 
l>hénomènes  dillérents. 

On  n'acquiert  donc  la  connaissance  de  la  subvtan- 
ce  que  par  l'examen  des  phénomènes,  soit  (pi'il  s'a- 
gisse d'êtres  matériels  ou  d'êtres  immalérnils  La 
substance  matérielle  en  effet  écli  ippe  à  tous  les  sens, 
Comme  la  substance  iininalérielle  ;  les  phénomènes 
observés  en  constatent  seuls  l'exislein  e,  el  lont  dis- 
tinguer l'une  de  l'autre,  en  nous  découvrant  dans 
l'une  l'inertie  et  dans  l'autre  l'activité,  deux  proprié- 
tés qui  s'excluent  néce>sairemeni.  Il  est  clair,  d'a- 
piès  ce  simple  exposé  de  l'état  de  la  question,  qu'on 
ne  peut  révoquer  eu  doute  l'existence  dans  "homme 
d'une  substance  tip;riluelle,  parce  qu'elle  ne  tombe 
pas  directement  sons  les  sens.  Ce  n'est  jamais  que 
par  une  opération  de  l'esprii  que  nous  avous  l'idée 
de  substance  :  nous  arrivons  à  la  connaissance  de  la 
suttstance  matérielle  par  voie  d'abstraction  ,  et  à 
celle  de  la  substance  dite  spirituelle  par  voie  de 
conséquence. 

Les  pbétiomènes  de  l'ordre  psychologique  propre- 
ment dit  sont  de  trois  sortes  :  les  sensations,  les 
mouvements  spontanés  et  les  pensées  ;  or,  ces  trois 
classes  de    phénomènes    révèlent  trois    propriétés 


ino  ;  que  dès  ce  momciil,  ce  corps  fut  vivant, 
animé  ,  doué  du  iiiouvemeiil  et  de  la  parole. 
En  elîel,  c'est  sur  le  visage  ou  la  physiono- 
mie de  rfaommc  que  brillent  la  vie,  l'infelli- 

d'une  substance  quelconque,  qui  e»t  en  l'homme  :  ce 
sont  la  seiisibililé,  la  molilité  et  Vintetleclion.  Chacu- 
ne de  ces  trois  propriétés  a  pour  siège  ou  subsiruUini 
une  substance  active,  comme  nous  le  démontreron» 
rigoureusement ,  et  par  conséquent  une  substance 
essentiellement  immatériel!e,  puisque  l'activité  et 
l'inertie  s'excluent  iiécessaireiueiit  dans  un  mente 
sujet.  Voilà  notre  argumeniatiun  générale. 

Il  nous  reste  à  prouver  que  la  sensibilité,  .a  mutl- 
lilé  et  l'intellection  supposent  nécessairement  de 
l'aetivité. 

Mais  l'activité  ne  peut  être  exercée  sans  un  centre 
d'action  :  nous  allons  d'abord  examiner  si  cette  ceu- 
tralisalioii  pourrait  avoir  pour  siège  le  système  ner- 
veux, ainsi  que  l'ont  prétendu  des  psychcdogisles 
matéiialisles. 

11  n'existe  soit  dans  le  cerveau  humain,  soit  dans 
celui  des  animaux,  aucun  point  central  du  système 
nerveux  ;  et  par  cunsèquent  il  n'y  a  pas,  comme  on 
l'a  cru  autrefois,  de  si'nsorimii  commune.  Les  maté- 
rialistes eux-mêmes,  comme  Gall  et  liroussais,  l'ont 
reconnu,  et  c'est  pour  cela  (ju'dsont  admis  un  point 
central  variable  (|ui  s'établissait  dans  la  partie  du 
cerveau  actuellement  en  action  .  Au  contraire,  dans 
le  système  nerveux  de  relation  ,  appelé  aussi  système 
nerveux  de  la  vie  animale,  il  y  a  beaucoup  de  cen- 
I ralliés  particulières  qui  se  CLUiespondenl  deux  à 
deux  dans  deux  hémisphères  du  cerveau,  el  qyi  se 
ramifient  chacune  en  deux  appareils  pairs  et  symé- 
triques, l'une  dans  la  partie  droite,  l'autre  dans  la 
partie  gauche  du  corps.  Seulement,  ces  doubles 
points  de  centre  communiquent  deux  à  deux  au  moyen 
de  commissures  ou  trajets  nerveux,  qui  ne  centrali- 
sent aucune  impressioji. 

Mais  demandera -t-on,  si  le  cerveau  ne  contient 
pas  un  point  central  universel,  pourquoi  la  .soustrac- 
tion de  ce  viscère  déttrniine-t-elle  imniédiatenient 
la  morl  chez  l'homme  et  chez  les  niammitèies  ?  i\>iis 
répondrons  que  la  véiitable  cause  de  la  mort  n'est 
pas  l'ablation  de  l'encéphale  lui-même,  mais  celle, 
soit  de  l'origine,  suit  des  troncs  de  certains  nerfs  do 
la  moelle  èpinièrc,  qui  président  aux  fonctions  du  la 
respiration  et  de  la  circulation. 
«Ainsi,  dit  le  docteur  tinchez  {op.  cil.  t.  III  p. 
295),  ou  a  vu  des  aneneépbales  vivre  quelipies  heu- 
res et  même  qneliiues  jours  sans  cerveau  ;  m.iis  les 
nerfs  dont  il  s'agit  existaient  chez  eux.  La  mort 
donc  résulte  non  pas  de  l'ablation  de  la  centralilé 
encéphalique,  mais  do  la  destruction  des  neifs 
(|ui  servent  à  la  respiration  el  à  la  circulaiioii. 
Si  chez  nous  et  les  mammirères,  la  disposition 
anatomiqiie  était  autie,  c'esi-à-dire  telle  ipron  piU 
enlever  le  cerveau  sans  toucher  les  nerfs  dont  il 
sagil,  il  arriverait  ce  que  l'on  remarque  chei  les 
animaux  où  cette  disposition  n'existe  point.  La 
déca|iitation  ne  produirait  point  immédiatement 
la  moit.  Ou  a  vu  des  tortues  vivre  sans  tète  assez. 
longtemps  pour  que  la  plaie  du  col  se  ^oit  Cicatri- 
sée, etc.  ( 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  les  cumiuissures  el 
le  corps  calleux  lormanldes  Irajels  nerveux  ne  cen- 
tralisent aucune  iinpiessiun  :  c'est  un  fait  que  l'aiia- 
lomie  el  la  physiologie  moderne  démunirent  claire- 
ment. Uu'il  nous  sullise  de  faire  obi. rver  qu'ordi- 
nairement un  seul  hémisphère  du  cerveau  est  mis 
directement  en  exercice  soit  par  les  sens,  soit  par 
l'usage  des  membres.  Les  cenlralités  correspondan- 
tes de  l'autre  hémisphère  ne  sont  excitées  qu'à  l'aide 
de  tiajets  nerveux  qui  y  transmettent  les  impressions 
au  lieu  d'en  recevoir  eux-mêmes  pour  les  centraliser. 
Au  reste  le  corps  calleux  luauque  dans  des  classes 


m 


AHE 


AME 


168 


eence,  l'activité,  les  désirs,  les  sentiments  de 
soQ  (Une.  Rien  de  semblable  dans  les  ani- 
maux, L'âme,  l'esprit,  ne  sont  point  sensibles 
par  eux-mêmes,  mais  par  leurs  effets  ;  ils  ne 

«filières  d'animaux,  el  on  ne  le  rencontre  que  dans 
ceux  les  plus  rapprochés  de  l'hoinnie. 

Il  est  déraoniré,  par  ce  qui  précède,  que  le'sys- 
tème  nerveux  ne  centralise  rien,  contrairemenl  aux 
assertions  de  quelques  physiologistes  nialenahsies  de 
ces  derniers  temps.  Or,  c'est  là  loul  ce  que  nous  nous 
proposons  d'établir  comme  principe  londamenlal. 

INous  avons  signaié  trois  séries  de  phénomènes  ou 
de  faits  psychologiques,  qui  sont  les  sensations,  les 
mouvenienis  spontanés  et  les  pensées.  Ces  phéno- 
nièiies  nous  manifestent  trois  propriéiés  d'une  subs- 
tance quelconque  qui  p;irait  faire  punie  de  l'homme. 
Nous  avons  appelé  ces  phénomènes  psychologiques, 
parce  qu'il  semble,  au  premier  aperçu,  que  ces  pro- 
priétés soient  des  modes  d'action  d'nn  principe  dnué 
de  spontanéité,  et  par  cniiséi|ueni  esseiiiiellemeni 
âClif.  On  sait  que  les  faits  de  l'ordre  physique  sont 
au  contraire  les  elTels  immédials  de  causes  dont  l'ac- 
tion est  constante  et  ordinairement  invariable.  Il  s'a- 
git maiiileiiaiit  de  prouver  que  Ks  propriéiés  obser- 
vées supposent  un  sujet  acuf,  c'està-dire  esseniiel- 
lement  immaiériel.  Ces  propriétés  relatives  aux  trois 
classes  de  phénomènes  qni  les  révèlent  sont,  comme 
nous  l'avons  dit,  la  sensdjihié,  la  inutilité  et  l'iiiiel- 
leciion. 

Il  y  a  quelque  chose  di;  matériel  dans  toutes  les 
opérations  de  l'hoinnu',  mais  aussi  il  y  a  quelque 
chose  d'immatériel  ;  il  faut  donc,  pour  en  faire  une 
analyse  exacte,  bien  préciser  ce  qu'il  est  impossible 
d'attribuer  à  la  matière.  La  substance  qui  con^litue 
le  corps  humain  est  organisée,  c'est  à-dne  qu'elle  est 
maintenue  dans  l'état  de  vie  et  préservée  de  l'in- 
fluence destructive  des  causes  physiques  et  chimi- 
ques, par  une  force  indépendante  de  la  volonté  hu- 
maine et  dont  nous  nous  abstenons,  pour  le  présent, 
de  rechercher  la  cause.  Cette  lorce  imprime  à  la  iiia- 
lière  organisée  une  séiie  de  mouvements  non  inter- 
rompus en  vertu  desquels  une  communication  est 
établie  entre  toutes  les  parties,  en  même  temps  qu'il 
s'opère  un  transport  et  un  déplacement  incessant  de 
uiolécules.  On  voit  qu'il  n'y  a  dans  l'organisme  que 
du  inouvenieni  ;  encore  faut-il  admettre  que  ce  mou- 
vement est,  tomme  tout  autre,  produit  par  une  force, 
el  conséquenimeni  doit  être  rapporté  à  une  cause 
active,  immatéiielle.  Cependant,  comme  cette  force 
est  dirigée  selon  des  lois  constantes  indépendantes 
de  riiumme,  et  analogue  anx  autres  lois  qui'  règlent 
les  corps,  nous  la  regarderons,  avec^idus  les  spiniua- 
lisies,  comme  une  forte  matérielle,  et  par  conséquent 
d'nii  ordre  inférieur  aux  acies  qni  sont  des  effets  de 
la  spuiiianéiic  liumaine.  Ainsi,  en  faisant  abstraction 
d'une  cause  première  pour  ne  considérer  que  les 
causes  secondes,  on  peut  dire  que  l'organisme  est 
matériel . 

Examinons  luaintenanL  si  l'organisme,  ainsi  que  le 
préseiilenl  des  matéiialistes  pliy^lologlsies,  peut  être 
considéré  comme  le  siège  de  la  sensibilité,  c'est-à-dire 
si  la  sensation  s'accomplit  et  demeure  dans  l  orga- 
nisme. On  croyait  autrefois  que  le  système  nerveux 
ne  ciiiisliluail  ou  ne  dominait  que  les  organes  de  la 
vie  de  relation  ;  mais  il  est  inaintcnaiil  reconnu, 
surtout  d'après  les  admirables  découvertes  de  Bicliat, 
qu'il  préside  aussi  à  toutes  les  fonctions  de  la  vie  or- 
ganique, c'est-à-dire  ii  la  nntrition,  à  la  respiration, 
aux  sécrétions,  etc.  D'où  l'on  doit  conclure  qu'il  y  u 
un  Iles  grand  nombre  u'uctions  nerveuses  dont  nous 
n'avons  pas  même  la  conscience,  el  qui  par  consé- 
quent ne  donnent  occasion  à  aucune  sensation.  Il 
n'y  a  que  le  sysiènic  nerveux  de  la  vi'é  animale  qui 
donne- naissance  aux  impressions  qui  sont  l'origine 
des  sensations.  Cependant  les  iuiprus&iuiis  soûl,  lians 


peuvent  donc  être  désignés  que  pas  là  :  le 
plus  sensible  de  ces  effets  est  le  souffle  ou  la 
respiration;  tout  ce  qui  respire  est  censé  vi- 
vant. Il  est  donc  naturel  d'exprimer  par  le 

l'un  et  l'autre  système,  le  résultat  du  mouvement  di: 
fluide  nerveux  dans  les  névrilemmes.  De  même  beau- 
coup d'impressions  ont  lieu  dans  le  système  nerveux 
de  la  vie  de  relation ,  surtout  dans  les  nerfs,  que 
déterminenl  les  contractions  musculaires,  sans  qu'il 
s'ensuive  aucune  sensation.  Ce  n'est  donc  pas  dans 
l'organisme  que  s'accomplit  la  sensation.  Il  faut  un 
acte  de  l'attention  pour  que  les  impressions  soient 
senties,  pour  qu'il  y  ait  sensation  ;  il  hiut  quelque 
chone  qui  soit  distinct  des  impressions  elles-mêmes. 
De  plus  ce  quelque  chose  reçoit,  sans  les  confondre, 
des  impressions  de  diverses  natures,  occasionnées 
par  chacun  des  cinq  sens,  dans  une  même  matière 
cérébrale,  et  par  de  simples  mouvements  d'un  lluide 
nerveux  parlont  identique.  Lorsque  tout  inuuveinenl 
a  cessé  et  que  même  le  lluide  nerveux  a  disparu,  ce 
quelque  chose  qui  a  senii  les  impressinns,  les  ceiiiia- 
lisc,  souvent  les  identilie  en  les  lapportanl  à  un  mê- 
me objet,  les  dislingue,  les  coordonne,  en  un  mot  les 
domine  toutes  et  réagit  selon  son  bon  plaisir  sur  le 
monde  extérieur,  au  moyen  du  second  appareil  ner- 
veux qui  traverse  l'antre  dans  tous  les  sens,  et  opère 
les  contractions  musculaires'  nécessaires  au  mouve- 
ment. Voila  des  actes  spontanés  qui  n'ont  aucun  rap- 
port avec  ce  qui  se  passe  dans  l'organisme  à  l'occasion 
de  la  sensation  quand  celle-ci  a  lieu,  el  qui,  par  con- 
séquent, doivent  être  attribués  à  un  principe  actil. 
D'ailleurs,  ce  principe  centralise  tout  sans  rien  con- 
fondre, ce  qui  serait  impossible  s'il  n'était  qu'un  point 
de  réunion  où  divers  mouvements,  ou  plutôt  diverses 
ondulations  nerveuses  viendraienl  se  terminer,  se 
centraliser,  ou  au  inoins  se  confondre  les  uns  dans 
les  autres.  Au  surpins,  nous  avons  dciiiontré  aiiato- 
iniquemenl  ailleurs  que  le  système  nerveux,  même 
celui  de  la  vie  de  rel.aiun,  ne  cenlialise  rien. 

J'ajoute,  par  sut  abondance  de  droit,  (pie  la  sen- 
sation ne  demeure  pas  dans  l'organisme  :  je  dis  par 
surabondance  de  droit ,  parce  que  s'il  est  certain, 
connue  nous  l'avons  prouvé,  que  la  sensation  ne 
s'accomplit  pas  dans  l'organisme  ,  il  est  évident 
qu'elle  n'y  demeure  pas.  INons  concevons  le  souve- 
nir de  nos  sensations,  et  nous  les  comparons  entre 
elles  ;  mais  le  résultat  des  impressions  qui  en  nul 
Clé  l'occasion  est  l'épuisement  du  lluide  nerveux. 
Aucune  nouvelle  impression,  en  eO'el,  ne  peut  avoir 
lieu  dans  les  nerfs  qui  ont  été  mis  en  action  avant 
que  le  phénomène  de  la  nutrition  ail  remplacé  le 
lluide  absorbé  par  nue  substance  identique  que  sé- 
crètent les  parois  des  névrilemmes.  Il  ne  iesie  donc  rien 
dans  le  système  nerveux  de  ce  qui  a  occasionné  les 
sensations,  d'où  il  suit  que  ce  qu'il  y  a  de  stable 
dans  celles-ci  ne  peut  avoir  pour  sujet  ou  subsiraium 
lien  de  ce  qui  a  servi  à  iransniellro  les  impressions, 
rien  qui  tienne  à  l'organisme,  en  un  mot  rien  de 
inaiéi  lel  dans  le  sens  ci-dessus  déteriniué. 

il  est  donc  phy^iologiqueillcnl  démontré  que  la 
sensation  ne  s'accomplit  ni  ne  demeure  dans  le 
système  nerveux,  et  que  par  conséquent  l'organisme 
ne  penl  eue  regardé cuiniue  le  siège  de  la  sensibilité. 
Au  contraire,  il  résulte  de  notre  ai  guinen talion  qui; 
lu  sensibilité  réside  dans  un  siijel  actif  ou  imma- 
tériel. 

Celle  propriété  nous  est  révélée  par  les  inouve- 
iiicnts  spontanés  de  l'homme.  Il  est  donc  clair  que 
nous  n'eniendons  pas  parler  ici  de  mouvemeuls 
qu'une  lorce,  dont  nous  n'avons  point  à  rechercher 
uiaintenaiit  la  cause,  produit  dans  l'organisme  :  celle 
force,  avonsnuus  déjà  dit,  csi  dirigée  selon  des  lois 
constantes,  indépendantes  de  l'hoinnie,  et  n'offre  à 
nos  investigations  rien  de  spontané.  L'ob-ervateur 
le  uiuins  attenlif  remarque  en    l'iiomme,  ouiic  les 


169  AME 

souffle  le  principe  même  de  la  vie.  Mais  il 
est  écrit  que  le  souffle  du  Toul-Puissanl 
donne  rinlelligence.  Job,  xxxii,  8.  Jamais 
nos  auteurs  sacrés   n'ont  allribué  l'intelli- 

moiivemenls  qui  sont  une  condition  indispensable 
de  l'organisation  de  son  corps,  des  mouvenieiils  de 
spnnlaiiéilé.  Il  ouvre  et  ferme  les  yeux  ei  la  bouche; 
il  dirige  ses  membres  comme  il  lui  pliîl  ;  il  trans- 
porie  son  corps  où  il  veut,  prenant  en  liiimême  des 
points  d'appui  ;  enfin,  il  se  meut  à  son  gré  pour  sa- 
tisfaire ou  si-s  besoins  ou  ses  désirs.  Quand  ses  sens 
lui  ont  transmis  des  impressions  occasionnées  par  les 
divers  corps  de  la  nature,  il  réagit  sur  le  monde 
extérieur,  comme  nous  l'avons  déjà  exposé,  au  moyen 
d'un  appareil  nerveux  spécial  auquel  un  mouve- 
ment est  iustanianément  imprimé  dans  la  direciioa 
du  dedans  au  dehors,  pour  être  communiqué  à  l'ap- 
pareil musculaire  qui  exécute  les  ordres  de  la  vo- 
lonté. On  conçoit  que  tous  ces  mouvements  ont  leur 
origine  dans  l'intérieur  du  corps  humain,  et  qu'ils 
peuvent  être  modiliés  snit  en  force,  soit  en  vites-e, 
au  gré  d'une  puissance  centrale  liarmoiiisatrice  douée 
de  spontanéité.  Comme  la  matière  est  essentielle- 
ment inerte,  il  y  a  incompaiibiliié,  sous  le  rapport 
de  la  causalité,  entre  l'idée  de  corps  et  celle  de 
mouvement,  sp'mtané  surioui.  La  même  incompa- 
tibilité existe  si  l'on  considère  l'organisme  lui-tnême, 
puisque,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  observer,  il 
est  soumis  à  des  luis  invariables  qui  excluent  toute 
idée  de  spontanéité. 

Cependant  des  physiologistes  matérialistes  ne 
voient  dans  l'iiomme  d'auire  force  que  celle  qui  pré- 
side à  l'organisme.  Ils  ne  reconnaissent  point  en  lui 
l'existence  de  mouvements  spontanés  proprement 
dits,  et  .'■ouiiennent  que  tous  les  actes  sont  les  pro- 
duits d'insiincts  et  d'aptitudes,  comme  chez  les  ani- 
maux. Mais  la  fausseté  de  cette  prétention  ne  peut 
échapper  à  qiiicon<|ue  réfléi  bit  un  instant  sur  les 
actes  de  la  spontanéité  humaine.  Ne  voyons-nous 
pas,  en  elîet,  combien  nous  \arions  nos  actions, 
comhieu  surtout  l'exerciie  ei  l'application  perfec- 
tionnent les  divers  munvemenls  de  noire  corps.  Nous 
sommes  témoins  tous  les  jours  que  différenls  hommes 
agissent  de  diverses  manières  dans  les  niènies  cir- 
constances, quoique  mus  par  les  mêmes  instincts,  et 
que  le  même  bomnie,  dans  les  cas  identiques,  se 
déiennine  à  des  actes  tout  opposé^!.  Mais  dételles 
anomalies  n'auraient  assurément  pas  plus  lieu  chez 
rhoinme  qu'elles  n'ont  lieu  chez,  les  animaux,  si, 
comme  ceux-ci,  il  n'éiait  mû  que  par  ses  instincts 
naturels;  si,  en  un  mol,  il  ne  possédait  pas  un  prin- 
cipe lie  moiiliié  ou  d'activité  qui  domine  l'orga- 
nisme lui-même ,  en  agissant  direciemenl  sur  le 
système  nerveux  de  relation.  D'ailleurs,  s'il  n'y 
avait  en  l'homme  d'auire  force  que  des  appétits,  des 
instincts,  connue  ceux-ci  ne  se  manifestent  pas  suc- 
cessivement, il  n'y  aurait  pas  niàine  lieu  de  choisir 
entre  îles  acies  slmplemeni  coniradictoires,  à  plus 
forte  raison  n'aiirait-on  jamais  à  se  déiernilner  pour 
le  plaisir  ou  pour  la  peine,  ce  qui  est  évidemment 
contraire  à  l'expérience  quotidienne.  Enlin  l'homme 
n'obéirait  qu'à  des  lorces  instinctives;  ses  actes,  ses 
habitudes  domestiques  surtout  seraient  invariable- 
ment Irs  mimes  dans  tous  les  temps  et  dans  tous 
les  lieux;  il  n'inventerait  ni  ne  perfectionnerait  rien, 
à  l'instar  des  animaux  ;  par  conséquent,  il  n'aurait 
pu  s'éever  jusqu'à  la  hauteur  de  la  civilisation  ac- 
tuelle. Qui  ne  voit,  au  contraire,  qu'il  y  a  en  l'homiiie 
un  principe  de  spontanéité  qui  le  fait  agir  non-seu- 
lement en  dehors  de  ses  insiincts,  mais  aussi  trés- 
souvent  contre  ses  instincts  mêmes  ? 

C'est  iii  que  se  rattache  naturellement  la  question 
de  Kl  dépendance  réciproque  du   principe   actif  hu- 
main,  et  de  l'organisme,  ou,  comme  on  dit  vulgaire- 
ment, de  l'àme  et  du   corps,    l'our  exercer  la  puis- 
DiCT,  DE  Théol.  dogmatique.  1. 


AMË 


170 


gence  à  la  matière.  Les  philosophes  qui  ont 
dit  que  le  sou/'/Ie  désigne  ici  quelque  chose 
de  matériel,  ont  bien  peu  réfléchi  sur  l'éner- 
gie du  langage. 

sance  de  motililé,  le  principe  actif  agit  directement 
sur  le  système  nerveux,  et  par  son  entremise  sur 
les  organes  du  mouvemeni.  D'un  autre  cô  é,  sa 
puissance  de  seiisibiliié  ne  peut  entrer  en  action 
qu'après  certaines  modilicatioiis  du  cerveau,  dont 
les  prolongements  communiquent  avec  les  faisceaux 
nerveux  les  plus  extérieurs,  qui  constituent  les  or- 
ganes (les  sens.  Enfin,  sa  puissance  d'intelleclion 
elle-même  ne  peut  en|,'endier  aucune  idée,  aucune 
réflexion,  former  aucun  jugement,  prendre  aucune 
détermination,  sans  l'action  du  système  nerveux.  Il 
y  a  donc  dans  tout  phénomène  intellectuel,  comme 
dans  tout  phénomène  de  motiliiéel  de  sensibilité, 
deux  choses  nécessairement  unies,  un  acie  de  spon- 
tanéité et  une  impression  nerveuse  également  néces- 
saires pour  l'accomplissement  du  phénomène.  Mais 
ces  relations  intimes  du  principe  actif  n'ont  lieu 
qu'avec  le  sysiéme  nerveux  de  la  vie  animale,  et  non 
avec  celui  de  la  vie  org mique.  Les  nerfs  de  ce  sys- 
tème, qui  ont  pour  point  d'unité  tantôt  un  ganglion, 
tantôt  un  plexus  ou  lacis  du  filet  nerveux,  sont  le 
siège  d'une  multitude  de  pliénouiènes  sur  lesquels  la 
volonté  n'exerce  aucune  infiucnce  directe,  et  même 
dont  nous  n'avons  la  conscience  que  quand  les  im- 
pressions sont  douloureuses. 

On  ne  conçoit  pas,  dira-t-on,  comment  l'àme 
exerce  une  action  immédiate  sur  le  système  nerveux 
de  la  vie  de  relation.  Nous  nous  abstenons  de  rap- 
porter les  divers  systèmes  de  l'influx  physique,  du 
médiaieur  plastique,  de  l'harmonie  préélaulie,  etc., 
au  moyen  desquels  les  métaphysiciens  cm  cherché  à 
expliquer  l'union  de  l'àme  avec  le  Corps;  parce 
qu'ils  ne  sont  fondés  sur  aucun  l'ait  que  l'on  piii-se 
soumettre  à  l'observation.  Il  est  prouvé  que  les  actes 
du  principe  aciif  sont  toujnui  s  précédés  ou  suivis  de 
certaines  modifications  du  sysiéme  nerveux  de  rela- 
tion. Cependant  l'iiilluence  de  la  matière  sera  tou- 
jours un  mystère  pour  nous,  vu  l'incompatibililé  de 
ces  deux  substances  sur  l'esprit.  Mais  comprenons- 
nous  mieux,  en  mécanique,  la  communication  du 
mouveiueut  et  sa  transiuission  d'un  corps  à  un 
autre  1  Savons-nous  même  bien  ce  que  c'est  que  le 
mouvement,  ce  que  c'est  que  la  vitesse?  Voilà  ce- 
pendant des  phénomènes  qui  sont  sous  la  douiina- 
tion  direcie  des  sens.  Et  nous  voudrions  connaître 
le  pourquoi  et  le  comment  des  relations  de  l'esprit 
avec  la  matière  '.  Nous  ne  comprendrons  jamais,  dit 
le  prolond  Steinmetz  [Cours  de  psychologie),  pour- 
quoi certains  changements  dans  les  corpuscules  de 
la  matière  cérébrale  sont  loujums  suivis  de  certaines 
modifications  de  l'àme;  mais  aussi  comprenons-nous 
pourquoi,  dans  certaines  conditions,  un  sel  en  solu- 
tion se  sépare  de  son  milieu  et  se  cristallise,  et 
pourquoi  il  revêt  une  forme  toujours  identique  ?  En  y 
regardant  de  près,  nous  serons  peut-être  obligés 
d'avouer  que  nous  ne  possédons  le  pouiquoi  de  rien. 

Les  phéuomènes  qui  manifestent  cette  propriété 
du  principe  actif  humain  sur  les  faits  psycliolo^iques 
proprement  dits  caractérisent  l'Iiomine  bleu  mieux 
que  les  sensations,  que  les  mouvements  spontanés, 
et  peuvent  tous  être  rapportés  à  l'idée  générale  de 
pensée.  M.  liucliez  regretieque,  depuis  Descarle>,  on 
se  soit  servi  du  mot  de  pensée  puiir  désigner  la 
propriété  essentielle  de  l'esprit  ou  de  l'àme  humaine, 
soit  parce  que  la  pensée  n'est  point,  dans  l'Iiomiiie 
pourvu  d'un  organisme,  un  fait  purement  spirituel; 
soit  parce  qu'elle  est  un  lait  de  pure  conscience,  et 
par  conséquent  indéiiiuntrable  ;  soit  enfin  parce  que 
le  mot  pensée  ne  donne  qu'une  idée  confuse  des 
pensées  intellectuelles  de  l'homme.  «Que  fait-on  quand 
011  pense?  se  demaude-l-il  {Essai,  etc.,    i.   III,  p. 

<i 


\1l  AME 

Dieu  dit  :  Faisonn  l'homme  à  noire  image 
et  ressemblance,  pour  qu'il  préside  aux  ani- 
maux, à  tout  ce  qui  vit  sur  la  terre,  à  toute 
là  terre  elle-même  [Gen,  i,  26).  Et  Dieu  lui 
donne  en  eflot  cet  empire,  v.  28;  l'homme 
est  donc  d'une  nature  bien  supérieure  à  celle 

556).  (Xa,  foirtnule  des  propositions,  c'esl-à-(^ire  l'on 
juge,  l'on  imagine,  l'on  se  souv.ent,  l'on  sem,  l'on 
raisonne,  en  un  mol  on  agii.  Une  lelle  analyse  ne 
laisse  point  lie  place  au  vague,  ^e  demanderai  d'a- 
bord au  profond  pliilosophe,  dont  je  sais  d'ailleurs 
apprécier  le  rare  talent,  comment  les  espèces,  néces- 
sairement moins  alistraites  que  le  genre,  seraient 
d'une  nature  plus  spirituelle,  ou  moins  mixte.  On  a 
TU,  du  reste,  que  toutes  les  opérations  de  l'àme  sont 
jointes  à  des  effets  matériels.  Ensuite,  quand  on 
juge,  qu'on  se  souvient,  etc.,  on  produit  des  actes  de 
pure  conscience,  qui  ne  sont  coiumunii  ables,  comme 
toute  pensée,  que  par  des  skue^  sensibles  exprimés 
d'une  manière  quelconque.  Enfin,  le  mot  pensée  est 
trop  propre  à  résumer  les  résultats  du  mude  d'acti- 
vité de  l'àme,  distinct  soit  de  la  sensibilité,  soit  de  la 
motilité.  > 

Certains  matérialistes  idéologues  des  temps  mo- 
dernes ont  soutenu  que  penser  était  sentir  et  que 
la  sensation  avait  autant  de  (ormes  que  la  pensée. 
Or,  ils  faisaient  riisider  dans  la  niatièie  la  faculté  de 
sentir.  Il  snlût,  pour  réloler  cette  erreur,  de  renvoyer 
à  ce  que  nous  avons  dit  sur  la  sensibilité  ei  de  ré- 
péter, après  Laiomiguière  (Leçons  de  philosophii', 
passim),  que  l'on  ne  sent  qu'au  moyen  de  l'aitemiuii, 
laquelle  procède  évidemment  d'un  principe  actif  ou 
immatériel. 

A  plus  forte  raison,  la  pensée  proprement  dite 
a-l-elle  aussi  un  principe  actif,  puisque,  couiraire- 
nient  à  la  sensation,  elle  précède  toute  niodiiication 
du  système  nerveux.  Penser,  c'est  réunir  plusieurs 
sujets  souvent  très-distincts  les  uns  des  autres,  et 
dont  on  a  acquis  la  connaissance  en  difféenlspuinls; 
c'est  transporter  les  qualités  d'un  sujeldans  un  autre; 
c'est  aller  souvent  l'un  de  l'autre  pour  établir  des 
ressemblances  ou  des  différences  ;  c'esj  abstraire 
les  diverses  propriétés  d'une  substance;  cesl  recom- 
npser  la  môme  sulistance  après  l'avoir  analysée; 
t'est  rapporter  les  effets  à  leurs  causes,  et  déduire 
les  conséquences  de  leur  principe,  etc. ,  etc.  Or, 
n'y  a-t  il  point  évidemment  de  l'activité  dans  la  pru- 
duciion  de  lou>  ce>  actes  ?  D'un  autre  côlé,  il  ne 
s'opèie  aui  un  dépla'cmeut  des  objets  réunis  ou  di- 
visés, aucun  mouvement  n'a  lien  liori  de  nous  à  l'occa- 
sion de  nos  leiisées.  A  la  vérité,  il  sVUéc  ne  dans 
le  système  nerveux  une  translation  de  molécules  ; 
mais  c'est  postérieurmeut  à  l'acte  qui  pioduit,  la 
pçnsée.  Au  reste,  pour  que  l'on  put,  avec  quelque 
apparence  de  raison,  attribuer  au  mouvement,  du 
fluide  nerveux  les  elTe  s  que  nous  avons  men- 
tionnés, il  faudrait  (in'il  y  eiiit  comacl  entre  les  nçrl's 
et  les  objets  ext,érii.urs,  et  que  ce  contact  sulfii.  pour 
réunir  les  pbjels.  Mais  on  convml  que,  dans  cette 
liypotlièse,  les  premières  pensées  liumaiues  sur  les 
étoiles,  le  soleil,  la  Vine,  la  terre,  etc.,  auraient  bou- 
leversé la  nature.  L'activité  do^it  résulte  la  peu.-ée 
est  donc  mut  autre  cliosc  que  du  mouveiueui.  Mais 
la  matière  n'est  susceptible  que  de  mouvement  :  cij- 
co;;e  faut  il  que  çelui-ci  lui  soit  imprimé  par  une 
force,  comme  nous  l'avous  fait  voir  en  traitant  de  la 
sensibilité.  Donc  le  principe  de  la  pensée  est  doué 
d'une  acliviié,  d'une  spontanéité,  dont  l'organisme 
buaiaiii  même  ii'e>t  pas  susceptible.  Uoiic  l'intellec- 
lion  est  une  propriété  d'un  sujet  actil ,  innnatéricl. 

Lgcke  semble  avoir  cru  que  Dieu  pouvait  douer  la 
matière  de  la  faculté  de  ^lenser  ;  ru^i^  rien  ii'e^t  plus 
absurde  que  cette  supposition,  attendu  qu'aucune 
puissance  no  peut  avuir  le  même  sujet  d',iii,iibirts  qui 
s'excluent  essentiellement.  Or,  la  matière  est  iacrte 


AME 


172 


des  aiiimaux,  puisqu'il  est  créé  pour  être 
leur  maître.  [Voy. ,arl.  Adam,  le  beau  pas- 
sage de  Bossuet  sur  ce  verset  de  la  Genèse.] 

En  effet,  Dieu  ne  parle  point  aux  êlres 
matériels,  il  n'adresse  point  la  parole  aux 
animaux  ;  mais  il  parle  à  l'homme,  il  con- 
verse avec  lui,  il  lui  accorde  des  droits,  lui 
impose  des  devoirs  ;  il  agit  avec  lui  coniuie 
avec  un  être  intelligent,  libre,  maître  de  ses 
actions,  digne  de  récompense  ou  de  châti- 
ment :  est-ce  ainsi  que  l'on  traite  un  auto- 
mate ou  un  animal  ?  Des  spéculations  méta- 
physiques sur  la  nature  de  l'esprit  et  de  la 
matière,  des  dissertations  grammaticales  sur 
la  signification  des  termes,  sont  bien  froides 
en  comparaison  des  leçons  que  nous  donne 
l'histoire  sainte. 

11  n'est  donc  pas  étonnant  qu'il  ne  se  soit 
encore  trouvé  sur  la  terre  aucun  peuple  as- 
sez stupide  pour  confondre  l'esprit  avec  la; 
matière,  et  l'homme  avec  les  atiimaa^  ;  li 

et  partîtnl  essentiellement  inactive  ;  tandis  que  la 
pensée  suppose  nécessairement  un  sujet  actif.  \i 
est  donc  encore  moins  vrai  que  la  matière  puisse 
penser,  qti'il  ne  l'ist  qu'elle  puisse  digérer,  sécréter, 
eu  exercer  une  fonction  quelconque.  Le  matliémati- 
cien  Euler,  qui  a  fait  une  dissertation  latine,  aussi 
claire  que  solide,  pour  démontrer  l'opposition  qu'il 
y  a  entre  la  matière  et  la  pensée  (Opuscula),  résume 
toutes  ses    idées  en  cet  argument. 

Nullum  torpus  tiiiii  habere  polest  ineriice  cùtiUa- 
riam  ; 

Alqiii  (acullas  cogitandi  est  vis  mertim  contraria; 

Ergo  iiuUum  corpus  facuUateni  cogitandi  habere 
poleit. 

On  a  soutenu,  à  la  fin  du  dernier  siècle  et  au  corn-: 
mencemenl  de  celui-ci,  que  la  pensée  est  le  produit 
de  l'organisme.  Mais  d'abord  il  n'y  a  dans  l'organi^w^e 
(]ue  des  molécules  maléiielles  et  par  conséqttettt 
inertes;  elles  fout  partie  de  l'organisme  pour  uq 
temps  plus  ou  moins  long,  puis  elles  rentrent  tlaus 
leur  état  d'inertie  en  relournani  à  la  classe  des  corps 
bruts.  A  la  vérité  l'organisme  est  constitué  el  con- 
servé par  la  force  vitale  qui  le  soustrait  aux  actions 
physiques  el  cbimiques  que  subissent  les  corps  inor- 
ganiques.  Mais  outre  que  ci'tte  force  n'a  pour  résul- 
tat c|u'unceri  le  de  mouvemenis,  elle  n'a  ricu  despi.>n- 
tané,  elle  est  absolue  et  tout  à  fait  irrdéjiendaute  de 
la  volonté,  tandis  que  l.i  pensée  est  produite  el  mo- 
difiée au  gré  de  cette  puissance. 

Le  langage  mémo,  est  pro|ire  à  montrer  qu'il  y  a  en 
nous  un  principe  actif  d'iiitellection  d'uii  ordre  supé- 
rieur à  l'organisme.  En  effet,  il  y  a  dans  le  langaj^o 
deux  cboses  bien  distinctes,  le  son  et  le  sens  :  celui- 
ci  n'est  pas  le  mèiue  pour  tout  le  monde  ;  le  son,  au 
contraire  est  toujours  le  même.  .Mais  s'il  n'y  avait  en 
nous  que  de  l'orgiiuisme,  comme  le  même  son  pro- 
duit cli'Z  tout  le  monde  I4  u.içme  impression  ner- 
veuse, il  réveillerait  aussi  constaminent  la  niéme 
idée;  <;l  réciproquemeut,  la  même  idée  serait  inva- 
riaVlemeut  aitac  née  à  des  sons  ideutiques,  ce  qui  esi 
contraire  à  tous  les.  laits  du  langage.  Il  n'csi  pas 
nécessaire,  pour  sentir  cette  vérité,  de  posséder 
plusieurs  langues;  U  suful  de  cunn.iiire  dans  iriie 
même  langue  deux  iroprcssious  ou  luê  ne  deux  mots 
qui  soient  à  peu  prés  synonymes  ou  seuleiuenl  deux 
liginouymes. 

Il  est  doiicscierililiquement  démontré,  contre  toutes 
sortes  de  uiatcrialistcs,  qu'il  y  a  cii  l'iioinnie  uu  prin- 
cipe actif  de  sciuibiliU  el  d'inieUeeiion  :  or  c'est  c« 
principe  que  l'on  est  conveuu  d'appeler  ime  hu- 
maine. 


173 


AME 


plupart  ont  mieux  aimé  donner  une  âme  in- 
telligente'et  spirituelle  aux  animaux  que  de 
la  refuser  à  l'homme. 

Faudra-t-il  parcourir  toute  la  suite  de 
riiisiuire  et  des  livres  saints,  pour  montrer 
la  môme  croyance  toujours  subsistante  chez 
les  Hébreux  ?  Vainement  on  y  chercherait 
des  vestif;es  de  matérialisme,  ou  des  expres- 
sions capables  de  prouver  que  les  Juifs  ont 
mis  l'homme  au  rang  des  animaux.  Le  re- 
proche le  plus  sanglant  que  les  auteurs  sa- 
crés font  aux  honmies  corrompus  et  livrés 
à  des  passions  brutales,  est  de  leur  dire 
qu'ils  ont  oublié  leur  propre  nature,  qu'ils 
se  sont  dégradés  jusqu'au  rang  des  animaux, 
et  se  sont  rendus  semblables  aux  brutes.  Ps. 
xi.vni,  XV  et  xxi  ;  Isai.  i,  3,  etc. 

On  a  voulu  tourner  Moïse  en  ridicule  , 
parce  qu'en  défendant  aux  Israélites  de  man- 
ger le  sang  des  animaux,  il  a  dit  que  Vâine 
de  toute  chair  est  dans  le  sang,  et  que  le 
san;;  est  Vdme  des  animaux.  Levit.  xv.i,  Il 
et  lii'  ;  Veut,  xii,  23.  Et  l'on  a  conclu  que 
les  auleur.s  sacrés,  en  parlant  de  Vdme  en 
général,  n'ont  entendu  rien  autre  chose  que 
le  souflle  ou  la  respiration. 

Quand  Moïse  aurait  voulu  donner  à  enten- 
dre que  le  principe  de  la  vie  des  animaux 
est  diins  leur  sang,  nous  ne  voyons  pas  par 
quelle  raison  démonstrative  nos  plus  habiles 
physiciens  pourraient  prouver  It^  contraire, 
et  il  ne  s'ensuivrait  pas  que  Moïse  a  pensé 
de  même  à  l'égard  de  l'âme  de  l'homme.  Mais 
ce  législateur  ne  faisait  pas  une  dissertation 
philosophique  sur  Vdme  des  bêles  ;  il  don- 
nait aux  Hébreux  une  raison  sensible  de  la 
loi  qu'il  leur  imposait.  11  leur  défend  de 
otan^T  le  sang  des  animaux,  parce  que  ce 
sang,  sans  lequel  les  animaux  ne  peuvent 
vivre,  a  été  donné  de  Dieu  aux  Israélites 
pour  expier  leurs  âmes,  lorsqu'il  est  offert 
sur  l'autel.  C'est  donc  dans  ce  sens  qu'il  dit, 
Levit.  XV u,  il  :  Le  sang  est  pour  l'expiation 
de  I'ave,  et  Deut.  \\i,  23  :  Leur  sang  est  pou?- 
/'ame.  Mais  cela  ne  signifie  point  que  le  sang 
tient  lieu  d'dme  aux  animaux. 

Comme  ïdme  signifie  en  général  le  prin- 
cipe de  la  vie,  les  Hébreux  ont  pu  dire,  com- 
me nous,  Vdme  des  brûles,  puisqu'elles  ont 
en  effet  un  principe  de  vie.  Quel  est-il  ?  Nous 
ne  le  savons  pas  mieux  i.u'eux.  Mais  ils 
n'ont  jamais  pensé,  non  plus  que  nous,  que 
ce  principe  fût  le  même  en  nous  et  dans  les 
brutes.  Ils  se  servent  du  mot  âme  pour  dési- 
gner l'homme,  et  non  les  animaux  quaml  ils 
disent  :  totcte  âme  qui  ne  recevra  point  la 
circoncisiun,  tnule  âme  qui  péchera  mourra, 
toute  doxc  qui  ne  s'affligera  point,  etc.  Ils  at- 
tribuent à  Vdme  et  non  au  corps  les  fonctions 
spirituelles.  Lorsque  David  dit  :  3Ion  âme 
se  réjouit  dans  le  Seigneur  ;  mon  âme  est  af- 
fligée ;  mon  âme,  bénissez  le  Seigneur  ,  etc. 
cela  ne  peut  s'entendre  du  souffle,  de  la  res- 
piration, du  principe  de  vie  matérielle. 

Nous  prouverons  dans  un  moment  quo 
les  Israélites  ont  cru  constamment  l'immor- 
talité de  l'dme  humaine;  il  en  résultera  qu'ils 
Qe  l'ont  point  confondue  avec  le  sauffle  ou 
la  respiration. 


AME  174 

Personne  ne  nous  obligera,  sans  doute, 
à  montrer  que  Jésus-Christ  a  confirmé  par 
ses  leçons  divines  la  croyance  primitive  de 
la  spiritualité  de  Vdme,  et  qu'il  a  plt  iuemenl 
dissipé  les  doutes  qu'une  philosophie  con- 
tentieuse  avait  répandus  sur  cette  impor- 
tante question  :  Dieu  esl  esprit,  dit-il,  et  ceux 
qui  lui  rendent  un  culte  doivent  l'adorer  en 
esprit  et  en  vérité  {Joan..  iv,  2'»).  Mais  c'est 
surtout  en  établissant  d'une  manière  invin- 
cible l'immortalité  de  Vâme,  que  notre  divin 
Maître  en  a  démontré  la  spiritualité  ;  nous 
le  verrons  ci-après. 

Les  incrédules,  qui  ne  savent  argumenter 
que  sur  des  mois,  ont  cependant  objecte  que 
souvent,  dans  l'Evangile,  Vdme  ne  signifie 
rien  autre  chose  que  la  vie.  Cela  n'est  pas 
étonnant,  puisque  c'est  Vâme  qui  est  le  prin- 
cipe de  la  vie  ;  mais  lorsque  Jésus-Clirist  a 
di[  :  Celui  qui  perdra  son  ame  pour  moi,  la 
retrouvera:  celui  qui  hait  son  \me  en  ce  mon- 
de la  garde  pour  une  vie  éternelle  [Matth.  x, 
39  ;  Joan.,  xii,  25)  ;  n'est-il  question  là  que 
de  la  vie  du  corps  ? 

Dans  l'impossibilité  de  faire  de  Jésus-Christ 
un  matérialiste,  nos  savants  dissertateurs 
ont  du  moins  voulu  imprimer  cette  tache 
aux  Pères  de  l'Eglise.  Ils  ont  soutenu  que, 
comme  aucun  des  anciens  philosophes  n'a 
eu  l'idée  de  la  parfaite  spiritualité,  les  Pères 
de  l'Eglise  ne  l'ont  pas  mieux  conçue  ;  qu'ils 
ont  seulement  entendu  par  Vesprit  une  ma- 
tière subtile  ;  que,  selon  leur  opinion.  Dieu, 
les  anges,  les  âmes  humaines,  sont  foncière- 
ment des  corps,  mais  légers,  ignés  ou  aé- 
riens. 

Nous  n'avons  certainement  aucun  intérêt 
à  justifier  les  anciens  philosophes  ;  maia 
nous  ne  pouvons  nous  résoudre  à  croire  qua 
des  hommes,  qui  ont  combattu  de  toalea 
leurs  forces  contre  le  matérialisme  des  épi- 
curiens ,  sont  tombés  cependant  dans  la 
même  erreur.  Cicéron,  dans  ses  Tusculanes, 
a  prouvé  la  spiritualité  de  Vâme  aussi  solide- 
ment que  Descaries,  et  il  fait  iirolession  de 
répéter  les  leçons  do  Platon,  de  Socrale  et 
d'Aristole.  Nos  littérateurs  modernes  se  sont 
moqués  de  celui-ci,  parce  qu'il  a  dit  que 
Vdme  est  une  enléléchie  ;  ils  n'ont  pas  vu  que 
hreli/jia  chez  les  Grecs  signifie  la  même 
chose  que  inlelligentia  chez  les  Latins.  Voilà 
des  dissertateurs  fort  on  état  de  juger  de  la 
doctrine  des  anciens  philosophes. 

Nous  croirons  encore  moins  que  les  Pères 
de  l'Eglise  ont  préféré  les  leçons  du  portique 
ou  de  l'académie  à  celles  de  l'Ecriture  sainte, 
et  qu'en  admettant  un  Dieu  créateur,  ils  ont 
supposé  un  Dieu  corporel  :  ces  deux  dogmes 
sont  incompatibles.  La  plupart  ont  itisi^té 
sur  ce  qu'il  est  dit  dans  la  Genèse,  que  Dieu 
a  fait  l'homme  à  son  imasejet  ils  n'ont  ja- 
mais pensé  qu'un  corps,  tant  subtil  qu'il  pût 
être,  pouvait  ressembler  à  un  pur  esprit. 
Enfin,  tous  ont  attribué  à  Vdme  humaine  l'in- 
telligence, la  liberté  et  l'immorlaliié  :  pro- 
priétés qni  ne  peuvent  appartenir  à  un 
corps. 

A  la  vérité  les  Pères,  obligés  de  s'assujet- 
tir au  langage  ordinaire,   ont  été  da.ns  le 


17S 


AME 


AME 


176 


même  embarras  que  les  philosophes  ;  ils  ont 
été  forcés  d'exprimer  la  nature,  les  proprié- 
lés,  les  opérations  de  Vâme  par  des  termes 
empruntés  des  choses  corporelles  ;  parce 
qu'aucune  langue  de  l'univers  ne  peut  en 
fournir  d'autres.  Ainsi,  les  uns  ont  pris  le 
mot  de  corps  dans  un  sens  synonynoe  à  ce- 
lui de  substance,  parce  que  celui-ci  n'était 
pas  employé  chez  les  Lalins  dans  la  même 
signiûcaiion  que  chez  nous  ;  les  autres  ont 
appelé  la  manière  d'être  des  esprits  une  for- 
me et  leur  action  un  mouvement  ;  d'autres 
ont  désigné  la  présence  de  Vâme  dans  toutes 
les  pariies  du  corps  par  le  terme  de  dilfu- 
sion,  à'égalité  ou  de  quantité  ;  autant  de  mé- 
taphores sur  lesquelles  il  est  ridicule  d'ap- 
puyer des  arguments.  Au  m°  siècle  de  l'É- 
glise, Plotin,  disciple  de  Platon,  dans  sa  qua- 
trième Ennéade  ;  saint  Augustin,  dans  son 
livre  De  quanlilate  animœ ;  au  v%  Ciaudien 
Mamerl,  dans  son  traité  De  statu  animœ,  ont 
démontré  l'immatérialité  de  Vâme  par  les 
mêmes  preuves  que  Descartes.  II  est  donc 
ridicule  de  leur  attribuer  le  matérialisme 
par  voie  de  conséquence,  ou  sur  quelques 
expressions  qui  ne  sont  pas  parfaitement 
exactes,  pendant  qu'ils  font  une  profession 
formelle  de  la  doctrine  contraire. 

Le  comble  de  la  témérité  a  été  d'afflrmer, 
comme  on  l'a  fait  de  nos  jours,  que  saint 
Augustin  est  le  premier  qui,  après  bien  des 
efforts,  est  venu  à  bout  de  concevoir  la  spi- 
ritualité et  l'essence  de  Vâme;  que  cepen- 
dant il  a  toujours  raisonné  en  parfait  maté- 
rialiste sur  les  substances  spirituelles.  Non- 
seulement  dans  l'ouvrage  que  nous  venons 
de  citer,  mais  dans  le  livre  x  de  Trinitate,  c. 
X,  ce  Père  donne  de  la  spiritualité  de  Vâme 
une  démonstration  à  laquelle  aucun  maté- 
rialiste n'a  jamais  répondu. 

On  attribuait  autrefois  à  saint  Grégoire 
Thaumaturge  une  dispute  dans  laquelle 
l'auteur  prouve  contre  Talien  que  Vâme  hu- 
maine est  une  substance  immatérielle,  sim- 
ple et  non  composée,  par  conséquent  im- 
mortelle. Cet  ouvrage  est  sans  doute  d'un 
écrivain  plus  récent,  mais  qui  raisonne  très- 
solidement.  Gérard  Vossius  observe  que  la 
même  doctrine  est  formellement  professée 
par  saint  Maxime  dans  une  di>sertalion  sur 
ï'dme,  par  saint  Alhanase,  par  saint  Jean 
Chrysostome  et  par  saint  Grégoire  de  Na- 
zianzc.  Nous  aurons  soin  de  justifier  les  au- 
tres dans  leur  article  particulier. 

Parmi  les  passa^jes  allégués  par  les  incré- 
dules pour  calomnier  les  Pères,  il  y  en  a 
plusieurs  qui  sont  forgés,  d'autres  que  l'on 
a  tirés  d'ouvrages  qui  ne  sont  point  des  au- 
teurs aux(iuels  on  les  attribue,  d  autres  dans 
lesquels  on  force  le  sens  des  expressions  ; 
mais  nos  adversaires  ne  sont  pas  scrupuleux 
sur  le  choix  «les  armes  dont  ils  se  servent. 
Ils  disent  que  les  anciens  étaient  fort  em- 
barrassés à  expliquer  l'origine  de  Vâme,  sur- 
tout Tertullien,  I.  ite  Anima,  c.  19,  et  saint 
Augustin,  I.  c/e  (>r/(/(ne  onii»iœ.  Mais  avons- 
nous  besoin  de  l'expliquer  mieux  que  ne 
fait  l'Ecriture  sainte?  Saint  Augustin  n'a 
traité  celle  question  que  parce  qu'il  aurait 


voulu  concevoir  comment  le  péché  d'Adam 
est  transmis  à  ses  descendants.  Cela  n'est 
pas  fort  nécessaire  ;  il  suffit  de  croire  le 
dogme  du  péché  originel  tel  qu'il  est  révélé. 
Tertullien,  dans  ce  livre  même,  soutient  de 
toutes  ses  forces  la  simplicité,  l'indivisibilité 
et  l'indissolubilité  de  Vâme,  c.  14.  Cepen- 
dant l'on  s'obstine  à  dire  qu'il  a  cru  Vâme 
corporelle. 

11.  De  Vimmortalité  de  Vâme  (1).  On  de- 
mande si  ce  dogme  est  clairement  révélé,  s'il 
a  été  cru  par  les  patriarches  et  par  les  Juifs  : 
il  n'en  est  rien,  selon  nos  philosophes  maté- 
rialistes ;  ils  disent  qu'avant  la  captivité  de 
Babylone  les  Juifs  n'en  ont  eu  aucune  no- 
tion ,  qu'ils  l'ont  emprunté  des  Chaldéens 
ou  des  Perses  ;  mais  on  ne  nous  dit  point  à 
quelle  école  ces  derniers  en  avaient  été 
instruits. 

(1)  f  L'iminortalllé  de  rame,  dit  Pnscal,  est  une 
cliDse  qui  nous  iniéresse  si  prolondémeiii,  qu'il  Taut 
avoir  perdu  tout  seiiiiment  pour  éire  dans  l'indillé- 
reuce  de  savoir  ce  qui  en  est.  Toutes  nos  actions  et 
toutes  nos  pensées  doivent  prendre  des  routes  si  dif- 
férentes, selon  (ju'il  y  aura  des  h  eus  éiernels  à  es- 
pérer ou  non,  qu'il  esi  impossible  de  l'aire  une 
(lém:irclie  avec  sens  et  jugemenl  ((n'en  la  réglant  par 
la  vue  de  ce  point,  qui  doit  éire  notre  dernier  ol)jei.  i 
L'iuiporiance  de  ce  dogme  l'a  fait  étudier  par  tous 
les  sages.  Nous  allons  exposer  les  inolifs  sur  lesi|uels 
il  repose.  Nous  avons  vuque  l'âme  est  indé|iendaiilede 
l'organisme,  elle  le  domine  même  eu  ce  qu'elle  agit 
à  son  gré,  eu  venu  de  son  aciivilé  propre,  sur  le 
système  de  relation  ;  d'où  11  suit  qu'elle  n'est  pas 
destructible,  comme  le  corps,  par  les  actions  physi- 
ques et  cbimiques.  Touicfols,  nous  devons  avancer 
que  l'immortalité  du  principe  imniatériel  qui  est  en 
nous  ne  peut  se  déduire  ni  de  l'exiiérience  ni  de  la 
science.  C'est  donc  dans  une  autre  source  que  nous 
devons  puiser  nos  preuves.  Nous  consulterons  d'abord 
la  croyance  des  peuples  sur  ce  sujet,  et  nous  eu  dé- 
duirons les  conséquences  qui  en  découlent.  Nous 
verrons  ensuite  ce  que  la  raison  nous  enseigne  par 
rapport  à  rimniorlLilitë  de  l'âme.  Une  troisième 
preuve  se  tirerait  de  l'Kcriiure  ;  mais  Bergier  la  four- 
nit abondammenl.  Toutefois,  pour  ne  pas  scinder 
l'addition  que  nous  ajoutons  Ici,  nous  parlerons  en 
Cure  de  l'inUuenee  i|ue  riuimorlallië  de  l'ànie  peut 
avoir  sur  la  s'iciété. 

1.  Toutes  les  nations,  nouvelles  et  anciennes,  po- 
licées et  sauvages,  ont  professé  la  doctrine  de  l'iin- 
monaliié  de  râmo.  Dans  quelque  temps,  dans  quel- 
que pays  i|ue  l'on  voie  des  peuples,  ou  trouve  cetie 
foi  établie.  Tous  ils  ont  en  leur  empire  des  morts. 
Les  Lalins  avaient  leur  enfer,  les  tirées  leur  hadès, 
les  Egyptiens  leur  ameniliès,  etc.  ;  en  un  mot,  Cli:il- 
déens.'l'liéniciens,  Egyptiens,  Perses,  Indiens,  Cel- 
tes, Cerniains,  sauvages  des  forèls  américaines, 
peuplades  de  la  mer  du  Sud,  tout  ce  qui  a  jamais 
existé  de  nations  a  été  réuni  dans  la  même  lui.  Les 
poètes  les  plus  anciens  la  célèbrent.  Timée  le  l'yta- 
gorieien  loue  beauc 'up  Honièie  d'avoir  conservé 
dans  ses  poème»  l'aneienne  tradition  des  cliàtimenis 
de  l'autre  vie.  Les  plnlosopbes  les  plus  liclairés  l'ont 
enseignée.  Dans  les  Dialogues  de  Platon,  Socrate 
s'attacbe  à  prouver  rmuniirialilé  de  l'âme.  Il  on  parle 
comme  d'une  tradition  de  la  pins  haute  aniiqnilé. 
<  On  doit  croire,  dit  expressément  Platon,  aux 
opinions  anciennes,  (|ui  enseignent  que  l'àme  sera 
jugée  après  la  iiiorl  et  punie  sévèrement  si  elle  n'a 
pas  vécu  eu  èire  raisonnable,  i  Aristote,  cité  par 
Plutarqiie,  parle  du  bonheur  des  hommes  après  cette 
vie  comme  d'une  opinion  de  la  plus  ancienne  date, 
dont  personne  ne  peut  assigner  ni  l'origine  ni  l'au- 


iV 


AME 


Nons  répondons  d'abord  que  le  soaffle  de 
la  bouche  du  Seigneur  ne  nieurl  point  ;  mais 
nous  ne  sou'.mes  pas  r^-duils  à  celte  seule 
preuve.  Après  le  péché  d'Adam,  avant  de  le 


AMK  178 

condamner  à  la  mort,  Dieu  lui  promet  un 
rédempteur.  En»  quoi  celte  promesse  pou- 
vait-elle l'intéresser,  si  elle  ne  devait  pas 
être  accomplie  pendant  sa  vie,  et  s'il  devait 


leur,  et  qui  se  perd  dans  l'obscnrité  des  siècles  les 
|)|iis  reculés.  Cicéroii  dit  que  riinmorlalilé  de  l'.itne 
a  été  souteuue  par  des  savimis  de  la  plus  grande 
aulorilé;  (|ue  c'est  une  opinion  cnmiuune  à  tous 
ceux  qui  approclieiil  le  plus  des  dieux;  que  l'ami - 
quilé  de  cetle  croyance  est  une  preuve  de  sa  vérité. 
Nous  serions  inlinls  si  nous  voulions  citer  tous  les 
poêles,  tous  les  liisioriens,  tous  les  philosophes,  lous 
les  orateurs,  etc.,  qui  tiennent  le  même  langage. 
Mais,  comme  toute  vérité  qui  gêne  les  passions  mau- 
vaises, l'iinmortalilé  de  l'àme  a  été  rejelée  par  les 
liommes  qui  placent  le  souverain  lionlieur  dans  les 
plaisirs  sensuels.  Nous  aurions  lieu  d'être  surpris  que 
les  picuriens  de  nom  et  d'efl'et  aient  admis  une 
vérité  qui  comballail  si  fort  leurs  penchants  déréglés. 
On  ne  voit,  dirons-nous  avec  Leiand,  point  de 
conclusion  plus  légitime  à  tirer  de  la  grande  antiquité 
(le  Cflte  dociriiie,  (jiie  celle-ci,  savuir  :  qu'elle  taisait 
partie  de  la  religion  primitive  communi(|uée  par  une 
révélation  expresse  de  Dieu  aux  premiers  pères  du 
genre  humain,  alin  qu'ils  la  iran^missenl  à  leur  pos- 
térité. C'est  la  pensée  de  (jrolius,  qui  dit  que  la  tra- 
dition de  l'immortalité  de  l'àroe  passa  de  nos  piemiers 
pères  aux  nations  les  plus  civilisé'  s  :  Quœ  uiiliquis- 
siiiia  tradiliu  a  jirimis  (unde  enim  ulioqui  ?)  paieiilibui 
ad  populos  tnoratioies  pêne  omnes  manavit,  c.  i\ .  11  est 
en  ellei  dillii  ile  de  concevoir  (|ue,  dans  ces  premiers 
âges  où  les  hommes  gros^iers  et  igiioranis  étaient 
nicapables  de  faire  des  raisonnements  alistraiis  et 
subi  Is,  ds  lussent  parvenus  eux-niènies  à  se  lorn)ep 
des  nulioiib  de  la  nature  d'un  être  immatériel  qui 
devait  survivie  à  la  mort  du  corps,  et  continuer  de 
penser  apies  la  desiruition  des  organes  corporels. 
(yOiiMiieiii  purent- ils  alors  s'élever  aux  spéeulaiions 
sublimes  et  pénibles  de  la  nature  et  des  qualités  de 
l'àme,  qui  ont  embarrassé  depuis  les  philosophes,  les 
plus  grands  genres,  dans  le  bel  âge  de  la  science  ? 
Toutes  les  cunnaiss:inces  des  lioinrnes  se  bonraierrl 
à  ce  qu'ils  pouvaient  apprendre  par  l'obsi  rvatiiur  et 
l'expéiieiice,  ou  par  la  voie  de  l'insiruciion.  Ils 
vuy.deiit  leurs  semblables  mouiir  après  avoir  vécu 
urr  certain  nombre  d'années.  Voilà  à  quoi  se  rédui- 
sait l'expérience  sur  la  lirr  de  l'homme;  elle  n'élait 
guère  propre  à  leur  donner  l'idée  d'une  vie  lulure,  où 
chacun  serait  puni  ou  lécompeiisé  selon  qu'il  auiait 
bien  ou  mal  vécu  dans  celle-ci.  Ce  ne  fut  dorre  ni  par 
un  raisonnement  sclentiUque,  dont  ils  n'étaient  pas 
capables,  ni  par  l'expérience  et  l'observation,  que 
les  honiiras  parvirrrent  à  la  connaissance  de  l'irn- 
iiK  rlalilé  de  l'àme  ei  d'un  état  luiur.  Il  ne  reste  plus 
qu'un  moyeir,  celui  de  rinstiuction  divine  ou  Ue  la 
lévélalioii.  C'est  à  la  révélation  qir'il  laui  rapporler 
l'oiigine  de  celle  iradiiion  uiiivei selle.  Plusieurs  au- 
teurs païens  déjà  cités  lui  durrirent  uire  origine  divine, 
Cl  l'hcriiure  sainte  ne  nous  permet  pas  d'en  dou- 
ter.  ) 

Cliâieaubriant,  parlairi  du  respect  de  tous  les  peu- 
ples pour  les  louibeaux,  a  loi  rnuié  la  même  croy.ince 
dans  son  magnilique  larrgage.  i  C'C'l  ici,  dil-il,  que 
la  naiure  hurrrairre  se  rrrontre  supérieure  au  reste  de 
la  créaiion,  et  déclare  ses  liauies  destirrées.  La  bête 
coirnail  elle  le  cercueil,  et  s'irrquiètet-elle  de  ses 
cendres'/  Que  lui  font  les  ossements  de  sorr  père,  ou 
plutôt  s  lit-elle  qui  est  son  père  après  que  les  tiesoirrs 
de  l'enfance  sont  passés'?  Parmi  tous  les  êtres  créés, 
l'homme  seul  recueille  la  cendre  de  son  semblable, 
et  lur  porte  un  respect  religieux  :  à  nos  yeux,  le  do- 
maine de  la  mort  a  quelque  chose  de  sucré.  U'où  nous 
vient  donc  la  puissarrie  idée  que  nous  avons  du  tré- 
pas ?  Quelques  grains  de  pou.-siére  ménieraient-ils 
nos  liommages  ?  Mon,  sans  doute  ;  uous  respectons 


la  cendre  de  nos  ancêtres,  parce  qu'une  voix  secrète 
nous  dit  que  tout  n'est  pas  éteint  en  eux.  et  c'est  cetle 
voix  nui  consacre  le  culte  limèhre  chez  tons  bs  peu- 
ples de  la  tena.  Tous  sont  également  persuadés  que 
le  sommeil  n'est  pas  durable,  même  au  lombeau,  et 
que  la  mort  n'est  (]ii'une  iransliguralioir  gloiieu'-e.  » 

II.  Lorsque  la  raison  humaine  corisiilêie  l'éiitdes 
choses  dans  ce  monde,  et  qir'elle  le  compare  avec  la 
justice  divine,  elle  ne  peut  manquer  de  dire  que  l'oià 
doit,  à  sa  sagesse,  à  sa  boulé  et  à  sa  justice,  de  ren- 
dre l'àme  imiiiorielle.  t  Les  biens  de  cette  vie,  dit 
M.  de  la  Luzerne,  sont  commnns  aux  bons  et  aux 
méchanls,  indifféremrnimt  distribués  aux  uns  et  aux 
autres.  On  peut  même  dire  qu'a  cet  éi^ard  les  scélé- 
rats sont  mieux  traités  que  les  honnéles  gens.  La 
raison  en  est  que,  n'ayant  en  vui-  que  ces  sortes  de 
biens,  ils  emploient,  pour  se  les  procurer,  touies  sor- 
tes de  moyens  honnêtes  ou  nralhonuéles  que  les 
hommes  vertueux  ne  se  permetienl  pas.  Je  n'ai  pas 
besoin  de  prouver'  cette  vérilé,  que  lait  voir  évidein- 
nieiitet  corrlinuellement  l'expérience.  ÎNos  adversai- 
res ne  la  contesieni  pas.  Au  coiiiralre.  Ils  se  l'ont  de 
la  prospérilé  des  méchants  un  de  leurs  principaux 
argiimeuls  contre  la  providence,  ar^umeirt  qui  véri- 
latileruerit  aurait  de  la  force,  si  le  dogme  de  la  vie 
future  n'en  donnait  pas  la  solution.  —  D'après  celte 
répartition  des  biens  et  des  maux  de  la  vie,  égale 
entre  les  jusies  et  les  irrallàiteurs,  si  même  elle  n'est 
pas  plus  favorable  à  ceux-ci,  nous  faisons  le  raison- 
neiiierrl  conlraire  à  celui  des  rncrédules,  et  bien 
mieux  fondé  que  le  leur.  Nous  disons  que  Dieu  ne 
récompensant  pas  dans  celle  vie  les  venus,  et  n'y 
punissant  pas  les  vices,  c'est  une  cunsequerrce  néces- 
saire qu'il  y  ait,  api  es  la  mort,  un  autre  état  où  la 
récompense  sera  accordée  et  le  chàiiment  iniligé  ; 
qu'il  se  doit  à  lui-même  celte  sanction  ;  et  qu'il 
manquerait  à  sa  sagesse,  à  sa  bonté  et  à  sa  justice, 
s'il  luarrquait  à  l'exercer. 

<  1°  H  esiconiraire  à  la  sagesse  devouloirune  lin, 
sans  en  vouloir  les  moyens.  Dieu  veut  que  l'homme 
fasse  le  bien  et  évite  le  mal,  et  il  lui  en  donne  le 
précepte.  Il  est  donc  de  sa  sagesse  de  pourvoir  à 
l'observation  de  ce  précepte,  en  duiiiiaiil  à  l'hoinme 
un  motif  pui-sanl,  urriversel  et  toujours  subsistant, 
de  suivre  la  vertu  et  de  s'éloigrrer  du  vice.  Les  mo- 
tifs qui  déterminent  l'horirme  sont  le  désir  du  bon- 
heur et  la  crainie  du  malheur  :  la  sagesse  divine 
exige  dorre  qir'il  sort  pourvu  à  l'observation  du  pré- 
cepie,  eu  attachant  le  bonheur  a  la  venu,  et  le  mal- 
heur au  vice.  .Mais  dans  la  vie  présenie  celle  sanction 
n'est  pas  ellectuée  ;  il  doit  donc  y  avoir,  après  cette 
vie,  un  antre  état  où  elle  se  réalise.  —  Dans  l'Iiypo- 
ihèse  des  incrédules,  quel  molif  assez  l'on  pourra 
déterminer  l'homme  aux  sacrifices  que  snuvent  exige 
la  pratique  de  la  vertu  '!  S'il  n'a  d'autres  biens  à  es- 
pérer que  ceux  de  la  vie  actuelle,  son  uirique  intérêt 
sera  de  se  les  procurer  par  toutes  sortes  de  voies  ; 
et  comme  le  vice  apporte  souvent  plus  d'avantages 
présents  que  la  venu,  il  aura,  dans  une  mutlitude 
d'occasions,  plus  d'iniéièt  à  commettre  le  mal  qu'à 
opérer  le  bien.  Ainsi,  la  sagesse  inlinie  se  contredi- 
rait elle-rnêiue  ;  elle  donneraii  à  la  fois  le  précepte 
de  l'observation  et  le  motif  de  l'inlraciion;  elle  met- 
trait le  moyen  en  opposition  avec  la  lin. 

c  2.  S'il  n'y  a  de  bonheur  que  dans  celte  vie,  la 
bonié  divine  est  éviderrrment  err  défaut;  l'existence 
qu'elle  a  donnée  à  l'homme  n'est  qu'un  don  funesie; 
ks  suuffrarrces  ii'onl  plus  de  dédommagement;  les 
combats  contre  les  passions,  plus  de  palmes  :  'les 
travaux,  plus  de  salaires;  les  douleurs,  plus  de  con- 
solations. Les  incrédules  qui  relèveut,  qui  exaUi 


179 


AME 


monrir  tout  entier  ?  Dieu  dit  à  Caïn  :  Si  tu 
fhis  bien,  n'en  recevras- lu  pas  la  récompense  f 
Mais  fi  tu  fais  mal,  ton  péché  s'élèvera  contre 
toi  {Gen.  iv,  7).  Cependant  Âbel,  loin  de  re- 


AME 


180 


cevoir  la  récompense  de  ses  vertus  en  ce 
monde,  a  péri  par  une  mort  violente  et  pré- 
maturée. Dieu,  qui  faisait  alors  la  fonction 
de  législatear  et  de  juge,  a-t-il  pu  le  permet- 


qui  quelquefois  même  exagèrent  les  maux  que  souf- 
frenl  les  justes  sur  l;i  lerre,  font  sentir  bien  claire- 
ment la  nécessiié  d'une  vie  ililTérente  sous  l'empire 
d'un  Dieu  bienfaisant.  Un  maiire  bon  doit  faire  le 
bonlieur  de  ceux  qui  suivent  ses  ordres.  Otez  la  vie 
future,  quel  est  le  bimlieur  que  Dieu  procure  aux 
observateurs  de  ses  ci)niniande:iients?  —  Est-il  con- 
forme à  la  bojilé  du  Créateur,  que  sa  créaiure,  par 
Tacie  le  plus  parlait  d'obéissance  et.  de  veitu  qu'elle 
puisse  faire,  détruise  son  bonheur.  Le  comble  de  la 
perftciion  e-,t  de  mourir  pour  la  vertu.  Si  cet  acte 
hérnîque  ne  mène  pas  au  bonheur,  il  anéantit  tout 
ceiui  i|ue  l'homme  p''nt  espérer. 

€  3.  Est-il  juste  à  un  supéiieur  qui  a  donné  des 
ordres,  de  traiter  égalemeit  et  indifféremment  ceux 
qui  les  enfreigtient  et  ceux  qui  les  remplissent? 
C'est  cependant  ce  (lu'impnient  à  Dieu  ceux  qui  pré- 
tendent qu'il  a  bon  é  l'existence  de  l'homme  à  cetie 
vie.  Il  faut  même  qu'ils  aillent  plus  loin  :  comme  le 
vice  jiiuit  plus  -ouvent  des  agréments  et  des  avan- 
tages de  te  monde  que  la  vertu,  ils  doivent,  consé- 
qnemmi'nt  à  leur  sys'.ème,  souienir  que  la  justice 
divine  a  voulu  et  a  élnbli  nn  ordre  de  choses  dans 
lequel  c'est  à  l'infradion  de  ses  commamlemenls 
qu'elle  a  attaché  le  bonheur,  et  c'est  à  cause  de 
l'observaii(ui  (lu'ellerend  misérable.  Voici  le  raison- 
neii  eut  qu'ils  altiibuentau  duminateur  essentielle- 
ment et  iiifiipimenl  juste  :  En  créant  un  êtie  libre, 
je  lui  ai  donné  de>  ptvcepies  ;  y  lui  ai  ordonné  de  les 
oliserver,  en  n'épargnant  ni  efforts  ni  travaux  ;  je  lui 
ai  déléiulu  de  les  vndcr,  quelque  satislaction  ,  quel- 
que avantage  qu'il  put  y  trouver  ;  et  celui  qui  m'aura 
obéi  aura,  pour  tout  prix  de  ses  sacrifices,  les  peines 
qu'elles  lui  auront  causées;  celui  au  contraiie  qui 
m'aura  désobéi  aura,  pour  unique  punition,  la  jouis- 
sance des  plaisirs  qu'il  se  sera  procuiés.  Malheur 
aux  observateurs  du  couimandeinent,  bonheur  aux 
iiilraciaires  ;  sage  (eliii  qui  se  rend  lieureux  aux  dé- 
pens de  ses  semblables,  insensé  celui  qui  fait  le 
bonheur  public  par  ses  privations.  Voilà  le  système 
de  justice  divine  de  nus  adversaires. 

€  Concluons  en  trois  mots.  Ou  le  précepte  divin 
de  faire  le  bien  et  d'éviter  le  mal  n'est  muni  d'aucune 
sanction,  ou  il  a  sa  sanction  dans  la  vie  présetiie, 
ou,  comme  nous  le  soutenons,  sa  sanction  est  léser- 
vée  à  une  vie  future.  De  ces  trois  <  hoses  la  première 
réputjne  manifestement  aux  attributs  divins;  la  se- 
conde est  formellement  démentie  par  nue  expérience 
constante  et  évidente;  reste  donc  la  troisième. 

I  J'oserai  donc  le  dire  à  la  suite  des  docteurs  de 
l'Eglise  :  S'il  n'y  a  pas  de  sanction  dans  une  autre 
vie,  il  n'y  a  pas  de  vertu  sur  la  terre,  il  n'y  a  |)as  de 
bic-u  dans  le  ciel.  C'est  bannir  la  vertu  que  de  lui 
ôiiT  ses  motils  ;  c'est  anéantir  Dieu  que  de  le  priver 
de  ses  aiiribuis.  »  (M.  de  la  Luzerne,  Uisseriuiion 
nur  ta  loi  nalHrelle,  chapitre  7,.) 

Voici  conmieiit  Jeun-Jacques  Kousscau  exprime  la 
mèipie  pensée  :  <  Plus  je  rentre  en  mol,  plus  Je  nie 
consulte,  et  plus  je  lis  ces  mots  gravés  dans  mon 
àine  :  Sois  juste,  et  tu  seras lieureux.  Il  n'en  esi  rien 
piiui  tant  à  coiisidéier  l'étal  présent  des  choses.  Le  mé- 
clianl  pioapèteei  le  juste  reste  op|irinié.  Voyez  aussi 
quelle  Indignation  s'allume  en  nous  (juaiid  cette  at- 
tente est  fnisii  ce  !  La  conscience  s'élève  et  rmirmiire 
contre  son  auteur  ;  elle  lui  crie  en  gémissant  :  Tu 
m'as  trompé.  Je  t'ai  trompé,  téméraire,  et  (|ui  te  l'a 
dit?  Ton  àmecsi-clle  anéantie?  As-tu  cessé tl'exlslci? 
U  lirulus  I  ô  mon  IIU,  ne  soniite  point  ta  noble  vie 
en  la  Unissant  ;  ne  laisse  point  ton  espoir  et  ta  gloire 
aux  champs  de  Pliilipiies.  Pourquoi  dis-tu  :  la  veitu 
n'est  nen,  quand  tu  vrs  jouir  du  prix  de  la  tienne'? 


Tu  vas  mourir,  penses-tu.  Non,  tu  vas  vivre  ;  et 
c'est  alors  que  je  tiendrai  tout  ce  que  je  t'ai  promis. 

«  Si  l'àme  est  immatérielle,  elle  peut  survivre  au 
corps;  et  si  elle  lui  survit,  la  Providence  est  justi- 
fiée. Quand  je  n'aurais  d'autres  preuves  de  l'ininior- 
lalité  de  l'àme  que  le  triomphe  du  méchant  et  l'op- 
pre-sion  du  juste  en  ce  monde,  cela  seul  m'empê- 
cherait d'en  douter  !  Une  si  clioqiianie  dissonance 
dans  riiarmonie  universelle  me  ferait  chercher  à  la 
résoudre.  Je  medir.iis  :  tout  ne  finit  pas  pour  nous 
avec  1.1  vie  ;  tout  rentre  dans  l'ordre  à  la  mort. 

«  Quand  l'union  du  corps  et  de  l'àme  est  rompue, 
je  conçois  que  l'un  peut  se  dissoudre  et  l'autre  se 
conserver.  Pourquoi  la  destruction  de  l'un  eniraine- 
rait-elle  la  destruction  de  l'autre?  Au  contraire, 
étant  de  nature  si  différente,  ils  étaient,  par  leur 
union,  dans  un  état  violent;  et  quand  celle  union 
cesse,  ils  rentrent  tous  deux  dans  leur  état  naturel. 
La  substance  active  regagne  toute  la  force  qu'elle 
employait  à  mouvoir  la  substance  passive  et  moite. 
Hélas  !  je  le  sens  trop  par  mes  vices  :  riiomme  ne 
vil  qu'à  moitié  durant  sa  vie;  et  la  vie  de  l'àme  ne 
se  commence  qu'à  la  mort  du  corps.  »  (Emile.) 

III.  De  toutes  les  vériiés'il  n'en  est  point  de  plus 
propre  à  élever  l'àme  de  l'homme,  à  le  consoler 
dans  ses  madieurs  et  à  l'affermir  dans  le  bien. 

I  1.  L'espérance  d'une  seconde  vie,  dit  la  Lu- 
zerne, est  bien  plus  flatteuse  pour  lui  que  celle  du 
néant;  sa  destination  est  bien  plus  noble,  si,  à  la 
suite  de  cette  courte  vie,  la  partie  principale  de  lul- 
mêinc  existe  encore  pour  recevoir  le  prix  de  ses  bonnes 
actiiuis,  que  s'ilest  détruit  tout  entier  comnieies  béies. 
Dans  les  malheurs  qu'il  éprouve  en  ce  monde,  la 
plus  douce  consolation  est  de  se  représenlei'  le  bon- 
heur qui  l'attend  dans  un  monde  nouveau.  11  ne  sera 
jamais  ébranlé  par  les  maux  actuels,  celui  qui  s'iip- 
puie  loriement  sur  l'espérance  des  biens  luturs.  11 
re^^ardail  comme  légères  et  passagères  ses  dures  tri- 
bulations ,  celui  qui  élevait  ses  regards  vers  le  poids 
immense  de  gloire  réservé  pour  lui  dans  l'éternité.  Si 
je  me  trompe,  fait  dire  Cicéron  au  vieux  Caïuu, 
dans  ma  croyance  de  l'iinmortalilé  des  âmes,  j'ai  du 
plaisir  à  me  tromper  ainsi.  Je  ne  veux  pas  qu'un 
m'arrache  une  erreur  qui  lait  mes  délices.  Si,  comuie 
le  pensent  quelques  minces  philosupbes  ,  je  ne  dois 
rien  si^ntir  après  mon  trépas,  je  n'ai  pas  à  craindre 
que  les  philosophes  mûris  me  i aillent  de  mon  er- 
reur. 

«  2.  Utile  pour  élever  l'àme  de  l'hoinme,  et  pour 
le  consoler  dans  ses  malheurs,  la  pensée  de  la  vie 
future  l'est  encore  pour  lui  taiie  embrasser  la  .vertu, 
pour  l'y  maintenir  quand  il  s'y  est  attaché,  pour  l'y 
raiiieiier  quand  il  a  eu  le  inallieur  de  s'en  écarter. 
Quel  encouragement  aux  actions  généreuses  peut 
égaler  la  contemplation  d'un  Dieu  qui  en  est  le  lé- 
nioiii,  le  juge  et  le  réiminérateur?  Ulez  la  croyance 
de  l'unlre  vie,  quel  iiiiéièt  peut  avoir  l'Iioiume  place, 
dans  des  circonstances  liès-fréqueiiles,  cnlre  la  vertu 
qui  exige  des  sacrifices,  et  le  vice  qui  promet  des 
avantages,  sinon  de  préférer  le  vice  à  la  vertu?  «émet- 
tez celle  salutaire  persuasion,  vous  rendez  à  l'homme 
un  intérèi  de  suivre  la  vertu  supérieur  à  tous  ceux 
que  le  vice  peut  présenter.  Cet  intéiét  de  la  vie  fu- 
ture donne  un  molil  universel  pour  toutes  les  per- 
sonnes, pour  toutes  les  actions,  pour  toutes  les  cir- 
cunstaiiccs;  un  m<itil  facilement  aperçu,  un  motif 
coniiniieilcmeni  aciil',  un  motif  dont  lu  poids  ne 
peut  raisonnablement  èlre  balancé  par  aucun  autre  ; 
et  pnur  imus  en  convaincre,  nous  n'avons  besoin 
que  de  l'aveu  môme  des  adversaires  de  notre  dogme. 
En  contestant  sa  vérité,  ils  rccunuaisseut  luriiielle- 


m 


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162 


tre,  s'il  n'y  a  b\  récdmpenses  à  espéref,  ni 
cliâtiinenls  à  craindre  après  la  morl.— Abra- 
ham entend  de  la  bouche  de  Dieu  ces  paro- 
les consolantes  :  Je  serai  moi-même  ta  grande 
récompense.  {Gen.  xv,  1).  Elle  était  liien  fai- 
ble, si  elle  devait  se  borner  à  la  vie  présente. 
Que  Taisaient  à  ce  patriarche  les  bénédic- 

ment  son  utiliié.  Bergier  a  rf^iini  un  grand  nombre 
d*  ciinressioiis  pnsiiives  des  inciédiiles  :  je  ne  puis 
mieux  faire  que  de  copier  ses  espiesslons. 

f  3.  Lesdeslrucleiiis  de  l'ànie  sonl  forcés  d'avouer 
I  la  iiécessiic  du  dogme  (|ue  mous  éiablissons.  Kpi- 
(  cure  n'a  janiais  osé  prétendre  ((ne  sa  dmirine  pi'it 
I  èlre  iililc  à  la  société,  si  elle  devenait  coniinune  : 
I  il  la  donniil  coniine  un  mystère  (le<lliié  seulement 
«  à  laire  la  félicité  d'un  philosoplie,  comme  si  on 
I  pliilnsoplii'  n'était  plus  un  homme!  Spinosa  couve- 

<  naii  qu'il  vaut  ndcux  i|uc  le  peuple  lasse  son  de- 
«  voir  par  religion  quo  pur  ciainte  :  or,  la  religion 
I  serait  nulle,   sans    la  croyance  de   la  vie  future. 

<  l'omponacc  dit  i|u'il  a  fallu,  pour  le  bien  eiimuinn, 
(  proposer  au   très-grand  nombre  des   liommes  les 

<  peines  et   les  lécompcnses  de  l'auire  vie,  parce 

<  qu'ils  sonl  nés  avec  de  mauvaises  inclinaiions. 
I  Bayle  soutient,  contre  Cardan,  qu'il  n'e^l  pas  vrai 
(  que  ce  dogme  ait  produit  plus  de  mal  que  de  bien  , 
(  iiiênie  à  ne  cdiisuléier  les  choses  que  par  des  vues 

<  de  poliiique  ;  que  la  dociiitie  contraire  dcsesi  ère 

<  les  gens  de  bien.  Tullatid,  dans  ses  Leiires  pliilo- 
t  sojihiqnes  ,  avoue  que  ,  p(mr  réprimer  les  nié- 
t  cliauls,  il  a  été  nécessaire  d'établir  l'opinion  des 
I  peines  et  des  récnmpenses  après  la  mon.  Selnn 
(  Schafbliiiry,   croire    ijuc   les    mauvaises    actions 

<  sonl  punies  par  la  justice  divine,  est  le  meilleur 
I  remède  contre  le  vice,  el  le  plus  grand  encoufage- 
I  ment  à  la  vei  tu.  lioiinghroke  ohserve  que  la  doc- 
I  trine  des  peines  el  des  récompenses  fniure^  est 
i  propre  à  donner  de  la  force  aux  lois  civiles,  el  à 

<  réprimer  les  vices  des  hommes.  David  Hume  ne 
I  Veut  point  reconn. litre  pour  bons  citoyens  m  bons 
«  politiques,  ceux  qui  s'ellorcenl  de  désabuser  le 
«  genre  bnmain  des  préjnt;és  de  religiim. 

«  Même  coiicerl  parmi  les  incrédules  français  : 
«  l'auieur  de  la  Lettre  de  T:  ra^ybule  à  Leucippe  con- 
I  vient  que  la  croyance  d'une  autre  vie  est  le  plus 
I  fer  nie  fondeuienl  dis  sociétés,  porie  les  lioiiilnes 
t  à  la  venu,  el   les   détnliriie  du  crime.  Dans  les 

<  Senlimmis  des  pliitosoplies  sur  la  nature  de  t'mne , 
•  l'auteur  confesse  que  !a  morale  des  athées  esl 
«  dangerense  en   général,  et  n'est   boime  .i  piècher 

<  qu'aux  honnêtes  gens.  Dans  les  Dmlmjues  sur  t'âme, 
«  il  est  dit  que,  pour  des  hommes  f.iibles  et  corroin- 

<  pus  ,  une  religion  dnginalique  el  la  supposition 
t  d'une  première  cause  deviennent  nécessaires  ; 
I  qu'une  origine  divine  et  l'attente  d'un  bnidieur 
I  éternel  llaiieni    l'amour-propre,  et  peuvent  pro- 

<  duire  de  grandes  choses.  I.'anteur  du  Système  de 
i  la  Nature  prouve  qu'aucun  luolif  mtuiel  n'est  as- 
I  sez  fort  pour  détourner  du  vice  un  homme  né  avec 
«  des  passmns  vives,  et  (|u'il  n'est  pas  le  n  ;iître  d'y 
«  résister  :  il  esl  donc  liès-à-propus  de  recourir  à 
«  un  motif  surnalurel.  Dans  les  Lettres  à  Sophie,  il 
«est  dii  que  l'hvpiilhèse  de  rimmorialiié  de  l'âme 
«  esl,  de  tenues  les  fictions,  l.i  plus  piopre  au  bun- 
«  heur  du  genre  humain  eu  général,  el  à  la  lolii  lié 
«  des  paniculiers  qui  le  tolnpo^eul.  L'auteur  du  li- 
«  vre  de  l'Esprit  esl  d'avis  qu'il  faut  conserver  , 
I  même  aux  fausses  ielii;inns,  ce  qu'elles  ont  d'utile; 
«  qu'il  ne  laul  point  détruire  le  tarlure  ni  l'elysée. 

«  On  demandera  peut-être  comment,  avec  de  pa- 
«  reils  aveux,  de  pi  étendus  zélaieurs  des  inlérêts  de 
»  riiumanilé  osent  écrire  coiitie  la  croyance  d'une 
il  autre  vie?  Oe  n'est  point  à  nous  de  répomlre. 
t  C'esi  au  lecteur  judicieux  à  leur  rendre  la  justice 
«ijui  leur  esl  due.» 


tiens  qae  Diea  lui  promeltait  de  répandre 
sur  sa  postérité?  AbrahaW  achète  uiie  ca- 
verne pour  servir  de  toitibeau  à  Sara  son  é- 
pouse  ;  il  la  laisse  pour  héritage  à  ses  en- 
fants. Jacob  veut  y  être  enterré  et  dormir 
arec  ses  pères  {Gen.  xlvii,  30).  La  mort  ne 
peut  être  ceilsée  un  sommeil,  qu'autant  qu'il 
y  a  un  réveil  à  espérer.  Ce  patriarche,  près 
de  mourir,  assemble  ses  enfants  :  Je  meurs, 
dit-il;  enterrez-moi  dans  le  tombeau  d'Abra- 
ham et  d'Isaac  ;  el  s'adressant  à  Dieu,  il  a- 
joute  :  J'attends  de  vous,  Seigneur,  ma  dé- 
livrance et  mon  salut  {Gen.  XLVm,  21  ;  xi.ix, 
18  el  29).  11  n'élait  point  question  là  de  la 
guérison;  Jacob  savait  bien  qu'il  ne  relève- 
rait pas  de  sa  maladie.  —  Joseph  son  ûls, 
dans  la  môme  circonstance,  dit  à  ses  frsres  : 
Après  ma  mort,  Dieu  vous  lisitera  et  vorts 
conduira  dans  ta  terre  qu'il  n  promise  à  nos 

pères  Abraham,  Isaac  el  Jacob Tran<por- 

tes  mes  os  avec  vous  (l,  23).  Cet  ordre  fui 
exécuté  {Exod.  xiii,  19).  Si  on  nous  demande 
où  est  gravé  le  dogme  de  rinimurlililé,  nous 
répondrons  hardiment  :  Sur  le  tombeau  des 
patriarches.—  Job,  réduit  au  comble  du  mal- 
heur, ne  perd  point  courage  ;  il  dit  :  Quand 
Dieu  m'ôterait  la  ve,  j'espérerais  encore  en 
lui  (  xm,  15).  Les  leviers  de  ma  bière  porte- 
vont  mon  espérance  ;  elle  reposera  avec  moi 
dans  lapoussière  du  tombeau  (xvi,  17  ;  tlebr.). 
Sur  ce  sujet,  Salomon  dit  dans  les  Proverbes 
(XIV,  32j,  que  le  juste  espère  même  dans  sa 
mort.  Que  peul-il  espérer,  s'il  meurt  pour 
toujours  ? 

Il  est  inconlestable  que  les  Egyptiens 
croyaient  non-seulement  l'immortalité  de 
Yâme,  mais  encore  la  résurrection  future; 
c'est  pour  cela  qu'ils  enibanmaienl  les  corps. 
Les  Israélites  ont  demeure  plus  de  deux 
cents  ans  parmi  les  Egyptiens,  el  ils  onl 
imité  leur  coutume  d'embaumer;  serait-il 
possible  qu'ils  n'eussent  pas  adopté  la  mê- 
me croyance,  si  déjà  ils  ne  l'avaient  pas 
eue  pir  la  tradition  de  leurs  pères?  Mais 
nous  en  avons  des  preuves  trop  positives 
pour  pouvoir  en  douter. 

1°  Moïse  leur  défend  d'interroger  les 
morts,  pour  apprendre  d'eux  les  choses  ca- 
chées ,  comme  faisaient  les  Chananéens 
{Deut.  xviii ,  11).  Malgré  la  défense,  celle 
superstition  fut  pratiquée.  Saùl  fil  évoquer 
par  une  pylhonisse  l'rfme  de  Samuel,  qui  lui 
dit  :  Demain  vous  et  vos  jUs  sereu  avec  moi 
(/.  Rrg.  xxriri,  11).  Isaïe  parle  encore  de 
cet  abus  (viii,  19;  lxv,  k).  11  n'aurait  pas 
eu  lieu  chez  une  nation  persuadée  que  les 
morts  ne  subsistent  plus.  C'est  pour  cela 
même  que  tout  homme  qui  avait  toui  hé  un 
mort  était  censé  impur.  —  2°  En  offrant  à 
Dieu  les  prémices  des  fruits  de  la  terre,  un 
Israélite  était  oblige  de  protester  qu'il  n'en 
avait  rien  employé  à  un  usage  impur,  et  qu'il 
n'en  avait  rien  donné  au  mort  [Deut.  xxvi, 
13).  L'usage  de  faire  des  offrandes  aux  mâ- 
nes ou  aux  dmes  des  morts,  de  se  couper 
Us  cheveux  et  la  barbe,  et  de  les  mettre 
dans  leur  cercueil ,  de  répandre  du  sang  à 
leur  honneur,  suppose  évidemment  la 
croyance  de  l'immortalité  de  \'âme  ;  toutes 


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ces  saperstitioDS  sont  défendues  aax  Joifs, 
parce  qu'ils  étaient  enclins  à  y  tomber  {Le- 
vit.  XIX,  27  ;  Dent,  xiv,  t).  Cela  n'aurait  pas 
été  nécessaire  s'ils  n'avaient  eu  aucune  no- 
tion d'une  autre  vie.  3°  Le  prophète  Balaain 
dit  {Num.  xxiii,  10)  :  Que  mon  ame  meure  de 
la  mort  des  justes,  et  que  mes  derniers  mo- 
ments soient  semblables  aux  leurs.  Quelle 
différence  peut-il  y  avoir  entre  la  mort  des 
justes  et  celle  des  pécheurs,  s'il  n'y  a  rien  à 
espérer  ni  à  craindre  après  la  mort.  Les  pre- 
miers, sans  doute,  sont  tranquilles  et  n'ont 
point  de  remords  ;  et  pourquoi  les  seconds 
en  auraient-ils,  si  tout  finit  avec  celte  vie? 
—  4°  Pour  avertir  Moïse  de  sa  mort  pro- 
chaine, Dieu  lui  dit  :  Tm  dormiras  avec  les 
pères  {Deul.  xxxi,  16).  Monte  sur  la  monta- 
gne de  Nébo  ;  tu  y  seras  réuni  à  les  proches, 
comme  ton  frère  Aaron  est  mort  sur  la  mon- 
tagne de  Hor,  et  a  été  réuni  à  son  peuple 
{Dent,  xxxii,  49).  Mais  les  parents  de  Moïse 
et  d'Aaron  avaient  été  enterrés  en  Egypte  ; 
ces  deux  frères,  morts  dans  le  désert,  ne 
pouvaient  donc  pas  être  réunis,  par  la  sé- 
pulture, à  leur  f;imille.  Ces  expressions 
nous  indiquent  évidemment  un  séjour  des 
morts  (lifftrenl  du  tombeau.  —  5°  David,  é- 
tonné  de  la  prospérité  des  pécheurs,  de  leur 
insolence  et  de  leur  impiété,  avait  été  tenté 
de  désespérer  des  récompenses  de  la  vertu, 
et  de  regarder  les  justes  comme  des  insensés. 
J'ai  voulu,  dit-il,  comprendre  ce  mystère;  j'y 
ai  eu  de  la  peine,  jusqu'à  ce  que  je  suis  encré 
dans  le  secret  de  Dieu,  et  que  j'ai  considéré 
leur  dernière  fin.  {Ps.  lxxii,  16).  Ce  scandale 
ne  serait  pas  dissipé,  si  les  uns  et  les  autres 
avaient  la  mort  pour  dernière  fin.  —  6°  Salo- 
mon  son  fils  fait  la  même  chose  dans  l'Ecclé- 
siaste  ;  il  lient  d'abord  le  langage  d'un  épi- 
curien, qui  juge  que  tout  se  termine  au  tom- 
beau, que  les  bons  et  les  méchants  ont  la 
même  destinée.  Qui  sait,  dit-ii,  si  l'esprit 
des  enfants  d'Adatn  monte  en  haut,  et  si  celui 
des  animaux  descend  dans  la  terre?....  Tous 
meurent  de  même  ;  les  morts  ne  sentent  ni  ne 
connaissent  plus  rien  ;  il  n'y  a  plus  de  récom- 
pense pour  eux,  et  leur  mémoire  tombe  égale- 
ment dans  l'oubli  :  bornons-nous  donc  à  jouir 
du  présent,  etc.  Mais  bienlôt  il  réfute  ce  lan- 
gat;e  impie.  Ne  dites  point  :  Il  n'y  a  point  de 
Pkovidence,  de  peur  que  Dieu,   irrité  de  ce 

discours,   ne  confonde   tous  vos  projets 

Craignez  Dieu  (y,  5).  Il  vaut  mieux  aller 
dans  une  maison  où  règne  le  deuil,  que  dans 
celle  oi'i  l'on  prépare  un  festin  :  dans  la  pre- 
mière, l'homme  est  averti  de  sa  fin  dernière, 
cl  quoique  plein  de  vie,  il  pense  à  ce  qui  doit 
lui  arriver  (vu,  .'{).  Parce  que  les  méchants  ne 
sont  pas  punis  d'abord,  ies  enfants  des  hom- 
mes font  le  mal  sans  crainte  ;  cependant,  puis- 
que l'impie  a  péché  cent  fois  impunément,  je 
suis  certain  que  ceix  qui  craignent  Dieu  pros- 
péreront  à  leur  tour  (viii,  11).  Itéjouisscz- 
vous  pendant  votre  jeunesse,  à  la  bonne  heure  : 
mais  sachez  que  Dieu  sera  votre  juge  sur  tout 
cela  (xi,  iJ).  Soiivenez-vons  de  votre  Créateur 
dans  ce  temps-lèi  mètne^  avant  que  n'arrive  le 
moment  auquel  lu  poussière  retombera  dans 
la  terre  d'oè(  elle  a  été  tirée,  et  auquel  l'esprit 


retournera  à  Dieu  qui  l'a  donné  (xii,  l  et  1-). 
Craignez  Dieu  et  observez  ses  commande- 
ments :  c'est  l'essentiel  pour  l'homme  ;  Dieu 
entrera  en  jugement  avec  lui  pour  tout  le  bien 
et  le  mal  qu'il  aura  fait  (xiii).  Comment  les 
épicuriens  de  nos  jours  ont-ils  osé  affirmer 
que  Saloinon  pensait  comme  eux?  —  7  Elle 
voulant  ressusciter  un  enfant  dit  à  Dieu  : 
«  Seigneur,  faites  que  l'rfmede  cet  enfant  re- 
vienne dans  son  corps.  »  L'historien  ajoute 
que  l'âme  de  cet  enfant  revint  en  lui  et  qu'il 
ressuscita  (///  Reg.  xvii,  20).  Ce  n'est  pas 
le  seul  prodige  de  cette  espèce  rapporté  dans 
les  livres  saints.  Les  matérialistes  ont-ils 
jamais  cru  aux  résurrections? — 8°  Isaïe 
nous  assure  que  les  justes  morts  se  reposent 
dans  le  lieu  de  leur  sommeil,  parce  qu'ils 
ont  marché  droit  (lvii,  1  et  2).  11  suppose 
(xiv,  9)  que  les  morts  parlent  au  roi  de  Ba- 
bylone  lorsqu'il  va  les  rejoindre,  et  lui  re- 
prochent son  orgueil. 

Tous  ces  écrivains  sacrés  que  nous  citons 
ont  vécu  avant  la  captivité  de  Bahylone  ;  ils 
tiennent  cependant  le  même  langage  que 
ceux  qui  sont  venus  après,  comme  Daniel, 
Esilras,  les  auteurs  des  livres  de  la  Sagesse, 
de  l'Ecclésiastique  et  des  Machabées.  Cette 
uniformité  d'expressions,  de  conduite,  de 
lois,  d'usages,  nous  parait  plus  capable  de 
constater  le  fait  de  la  croyam  e  constante  des 
patriarches  et  des  Juifs,  qu'une  dissertation 
philosophique  sur  la  nature  et  la  destinée  de 
Vâme  humaine,  quand  même  elle  aurait  été 
faite  par  l'un  des  enfants  d'adam. 

Les  Egyptiens,  les  Chan  inéeiis,  les  Chal- 
déens,  U-s  Perses,  les  Indiens,  les  Chinois, 
les  Scythes,  les  Celtes,  les  anciens  Bri'lons, 
les  Gaulois,  les  Grecs  et  les  Humains,  les 
Sauvages  même,  ont  cru  de  tout  temps  l'im- 
mortalité de  l'âme.  C'est  sur  celte  Iradiliou 
universelle  que  Platon,  Cicéron  et  les  autres 
philosophes  fondaient  l'opinion  qu'ils  en 
avaient,  beaucoup  plus  que  sur  leurs  dé- 
monstrations. Et  (les  disserta'eurs  modernes 
avaient  entrepris  de  nous  persuader  que, 
par  une  exception  unique  sous  le  ciel ,  les 
Juifs  ignoraient  profondément  cette  vérité, 
et  qu'il  n'eu  est  pas  fait  mention  dans  leurs 
livres  ! 

Nous  convenons  que  chez  les  païens  la 
croyance  de  l'iniraortalilé  de  Vdme  n'a  ja- 
mais fait  partie  de  la  religion  publique  ; 
aucune  loi  ne  rendait  sacré  ce  dogme  impor- 
tant; on  pouvait  l'admettre  ou  le  nier  sans 
conséquence  et  sans  courir  aucun  danger. 
C'est  ce  (|ui  dénioiilre  combien  la  religion 
païenne  était  incapable  de  contribuer  à  la 
pureté  des  mœurs,  et  combien  les  peuples 
avaient  besoin  d'une  religion  plus  sage  et 
plus  sainte. 

Lorsque  .lésus-Chrisl  parut  sur  la  terre, 
la  philosophie  épicurienne,  les  fables  des 
poètes  sur  les  enfers,  et  la  corruption  des 
mœurs,  avaient  presque  entièrement  détruit 
chez  les  païens  la  croyance  de  l'immortalité 
<le  Vâme.  Malgré  les  arguments  de  Platon 
etdeljceron,  Juvénal  nous  apprend  que, 
chez  les  Romains,  personne,  excepté  les  en- 
fants, ne  croyait  plus  à  la  fable  des  enfers. 


185 


AMR 


AME 


186 


Par  une  vieille  habitude,  on  honorait  encore 
les  mânes  ou  les  âmes  des  morts,  et  l'on  fai- 
snil  des  apothéoses;  mais  personne  ne  savait 
ce  qu'il  fallait  penser  de  TiHat  de  ces  rimes. 
La  foi  à  la  vie  à  venir  n'entrail  pour  rien 
dans  la  morale;  il  ne  restait  à  la  vertu,  pour 
se  soutenir,  que  l'instinct  de  la  nature  et  un 
faible  presscnliment  des  peines  et  des  récom- 
penses futures.  Cette  même  foi  élail  ébranlée 
chez  les  Juifs  par  les  sophismes  dos  sadu- 
céens;  l'on  seulait  le  besoin  d'un  maître  plus 
imposant  que  les  docteurs  de  la  loi  et  que  les 
philosophes. 

Le  Fils  do  Dieu  annonça  la  vie  éternelle 
pour  les  justes ,  et  le  feu  éternel  pour  les 
méchants;  il  fonda  ce  dogme,  non  sur  des 
arguments  philosophiques,  mais  sur  sa  pa- 
role, qui  était  celle  de  Dieu  son  Père;  il  le 
prouva  non-seulement  par  les  résurrections 
qu'il  opéra,  mais  par  sa  propre  résurrection  ; 
il  assura,  non-seulement  la  vie  éternelle  de 
Vâme,  mais  la  résurrection  future  des  corps. 
Il  fit  de  ce  doj;me  capital  la  base  de  toute  sa 
morale  ;  par  là  il  consola  et  encouragea  la 
vertu,  il  fil  trembler  le  crime,  il  l'ornia  des 
disciples  capables  de  mourir  comme  lui  en 
bénissant  Dieu,  et  i!  imposa  plus  d'une  fois 
silence  aux  frivoles  olijeclions  des  saducéens. 
Lorsqu'ils  voulurent  argumenter  contre  le 
dogme  de  la  résurrrction  future,  il  leur  dit: 
N'dvez-vons  pas  lu  ce  que  Dieu  vous  a  dit: 
Je  suis  le  Dieu  D'.\BiiàHAM,  d'Isaac  et  de 
Jacob?  //  n'esi  /ms  le  Dieu  des  morts,  mais 
des  vivants.  (Malth.  xxii,  31).  Kn  effet,  ces 
patriarches  n'ont  pas  été  récompensés  dans 
cette  vie  de  leurs  vertus  et  du  culte  qu'ils 
ont  rendu  constamment  à  Dieu;  il  faut  donc 
que  Dieu  les  récompense  dans  une  autre  vie; 
et  s'ils  vivent,  pourquoi  ne  ressusciteraient- 
ils  pas?  —  Jésus-Christ,  dil  saint  Paul,  a 
mis  en  lumière  la  vie  et  l'immortalité  par 
l'Evangile  ^11  Tim.  i,  10).  S'il  n'a  pas  dit  de 
la  vie  future  tout  ce  que  voudraient  les  phi- 
losophes pour  satisfaire  leur  curiosité,  il 
nous  en  a  sulfisamment  appris  pour  con- 
firmer la  foi  des  justes  et  pour  effrayer  les 
pécheurs. 

Celse  et  les  autres  philosophes  ennemis 
du  christianisme  ont  tourné  en  ridicule  le 
dogme  de  la  résurrection  des  corps;  mais 
ils  n'ont  osé  rien  affirmer  sur  l'état  des  âmes 
après  la  mort  :  ils  ont  mieux  aimé  demeurer 
dans  une  ignorance  qui  favorisait  leurs  vi- 
ces, que  d'embrasser  une  doctrine  qui  les 
aurait  excités  à  la  vertu.  11  est  trop  tanl, 
après  dix -sept  cents  ans  de  lumière,  de 
vouloir  ramener  les  anciennes  ténèbres  tou- 
chant la  nature  el  la  destinée  de  l'dme  hu- 
maine. 

111.  De  l'origme  de  l'âme.  La  croyance  gé- 
nérale de  l'Eglise  chrétienne  est  que  les 
âmes  humaines  sont  l'ouvrage  immédiat  de 
la  puissance  divine,  et  que  Dieu  leur  donne 
l'être  par  création.  Ce  sentiment  est  fondé 
tout  à  la  fois  sur  l'Ecriture  sainte,  qui  dit 
que  Dieu  a  créé  toutes  choses  sans  exception, 
el  sur  la  notion  claire  que  nous  avons  de  la 
nature  des  esprits.  Puisque  ce  sont  des  êtres 
simples,  sans  étendue  et  sans  parties ,  uo 


esprit  ne  peut  être  détaché  de  la  substancs 
d'un  autre  esprit;  il  ne  peut  donc  en  sortir 
par  émanation,  comme  un  corps  sort  d'un 
autre  corps  dans  lequel  il  était  renlcrnié. 
Ou  il  faut  que  les  âmes  soient  éternelles 
el  sans  commencement  comme  Dieu  ,  ou 
il  faut  qu'elles  aient  commencé  d'être  par 
création. 

Cependant  de  savants  critiques  protestants 
prétendent  que  ce  n'a  point  éié  là  le  senti- 
ment des  anciens  Pères  de  l'Eglise;  que  la 
plupart  ont  cru,  comme  le  grand  nombre  des 
philosophes,  que  les  âmes  sont  une  partie  de 
la  substance  divine,  el  qu'elles  en  sont  sor- 
ties par  émanation.  Beausobre,  en  pirtlcu- 
lier,  dans  son  Histoire  du  Manichéisme , 
1.  VI,  c.  5,  §  9,  s'esl  attaché  à  prouver  ce 
fait,  el  il  s'en  est  servi  pour  réfuter  ou  pour 
éluder  les  arguments  par  lesquels  les  Pères 
ont  attaqué  les  manichéens.  Gomme  cette 
erreur  serait  grossière  et  donnerait  lieu  à 
des  conséquences  très-fausses,  il  est  bon  de 
savoir  si  les  Pères  y  sont  réellement  tombés. 

1°  11  est  difficile  de  croire  que  les  Pères, 
qui  ont  formellement  enseigné  que  Dieu  a 
créé  les  corps  ou  la  matière,  aient  douté  s'il 
a  créé  aussi  les  esprits;  l'un  lui  a-t-il  été 
plus  difficile  que  l'autre  ?  Les  anciens  philo- 
sophes n'ont  admis  les  émanations  que  parce 
qu'ils  retenaient  le  dogme  de  la  création  ; 
dès  que  les  l'ères  ont  professé  ce  dogme, 
quelle  raison  auraient-ils. pu  avoir  de  croire 
l'émanation  des  esprits.  2°  Beausobre,  après 
avoir  cité  un  passage  de  Manès,  qui  porte 
que  la  première  dme  émana  du  Dieu  de  la 
lumière,  dil  qu'il  ne  faut  pas  presser  ces 
mois,  qu'ils  peuvent  signifier  seulement  que 
Vâme  fut  envoyée  de  la  part  de  Dieu;  mais 
dans  les  passages  des  Pères  qu'il  cite,  il 
presse  tous  les  mots,  ou  les  prend  dans  le 
sens  K'  plus  rigoureux.  3°  11  ne  veut  pas  que 
l'on  impute  aux  manichéens  les  conséquen- 
ces qui  suivaient  de  leur  doctrine,  parce  que 
ces  hérétiques  les  niaient;  mais  il  a  grand 
soin  de  relever  toutes  les  conséquences  des 
opinions  fausses  qu'il  attribue  aux  Pères, 
quoique  ceux-ci  ne  les  aient  jamais  admi- 
ses, l'elle  est  sa  méthode  dans  tout  sou  livre. 
Mais  voyons  les  passages  qui  lui  servent  de 
preuves. 

Dans  le  dialogue  de  saint  Justin  avec  Try- 
phon,  n.  4,  ce  Juif  lui  demande  si  l'dme  de 
l'homme  est  divine  et  immortelle;  si  c'est 
une  partie  de  l'Esprit  souverain,  regiœ  men- 
tis pariicula  ;  si,  de  même  que  cel  Esprit 
voit  Dieu,  nous  pouvons  espérer  de  voir  en 
esprit  la  Divinité,  et  d'être  ainsi  heureux. 
Assurément,  repond  saint  Justin.  Mais  ce 
qui  précèile  prouve  clairement,  1°  que  par 
VEsprit  souverain  qui  voit  Dieu,  saint  Justin 
entend  le  Saint-Esprit;  2°  que  la  seule  ques- 
tion était  de  savoir  si  l'dme  peut  voir  Dieu. 
Ainsi,  la  réponse  affirmative  de  saint  Justin 
tombe  direclemcnl  sur  celte  partie  de  la 
question,  et  non  sur  ce  qui  précède.  Beau- 
sobre  a  tronqué  le  passage,  pour  persuader 
le  contraire.  3°  Saint  Justin  déclare,  ihid., 
n.  k,  qu'il  ne  croit  point,  comme  Platon,  que 
idme  est  iucréée,  àyènrixot,  et  indestructible 


187 


AME 


AïlË 


m 


par  sa  nature,  non  plus  que  le  monde.  Je 
ne  pense  p'is  néanmoins,  dit-il,  qu'aucune  ame 
périsse.  S'il  avait  pensé  que  Vâme  est  une 
portion  de  Dieu,  aurail-il  cru  quVlIe  peut 
être  anéantie?—  Dans  le  fragment  d'un  ou^ 
vrage  sur  la  résurrection  future,  n.  8,  saint 
Justin  reprend  ceux  qui  disaient  que  Vâme 
est  incorruptible,  parce  que  c'est  une  partie 
et  un  souffle  de  Dieu  ;  mais  qu'il  n'en  est  pas 
de  môme  di'  la  chair.  «  Serait-ce  donc,  dit  ce 
Père,  une  preuve  de  puissance  ou  de  bonté 
de  la  part  de  Dieu,  de  sauver  ce  qui  doit  être 
sauvé  par  sa  propre  naiure,  qui  est  une  por- 
tion de  lui-même  et  son  sonfilf?  Ce  serait  se 
rons<  rver  soi-même.  "  Je  cri>irais,  dit  Beau- 
sobre,  que  ce  raisonnement  de  Justin  est  un 
.■)igument  ad  liominfm,  s'il  ne  s'était  pas  ex- 
pliqué clairement  dans  sa  dispute  avec  ïry- 
phon.  Or,  nous  venons  de  voir  que  cette 
explication  est  absolument  contraire  au  sen- 
timent de  Bcaiisobre  ;  donc  le  seul  but  de 
saint  Justin,  dans  le  passage  que  nous  exa- 
minons, est  df  prouver  que  ceux  qui  nient 
!a  résurrection  de  la  chair  raisonnent  ni.il.  — 
Tatien,  son  disciple,  contra  Grœcos,  ii.  7,  dit  : 
«  Le  Verbe  divin  a  fait  l'homme  image  de 
l'immortalité;  de  manière  que,  comme  Dieu 
est  immortel,  ainsi  l'homme,  fait  participant 
d'une  portion  de  Dieu,  n  aussi  l'immortalité; 
mais  avant  de  créer  l'homme,  le  Verbe  a 
créé  les  anges.  »  11  est  constant  que,  par 
cette  poi  lion  de  Dieu,  Tatien,  comme  saint 
Justin  son  maître,  entend  le  Saint-E'^prit ; 
si  cette  portion  était  Vdme  de  rhomme,  il 
serait  absurde  de  dire  que  l'homme  en  a 
été  fait  participant.  N.  1-2:  «  Nous  connais- 
sons, dil  Tatien,  deux  espèces  d'esprit  :  l'une 
est  appelée  Vdme;  l'autre,  plus  excellente, 
est  l'image  et  la  ressemblance  de  Dieu.  Les 
premiers  hommes  avaient  l'une  et  l'autre,  de 
manière  qu'ils  étaient  en  partie  matière,  et 
en  partie  supérieurs  à  la  matière.  »  Beau- 
sobre,  liv.  V'i,  c.  1.  n.  1,  conclut  de  ce  passage 
que  les  Pères, aussi  bien  que  les  manichéens, 
admettaient  deux  âmes  dans  l'homme.  Nou- 
velle fausseté  :  jamais  les  Pères  n'ont  pnrsé 
que  le  Saint-Esprit  fût  une  partie  de  Vdme 
humaine.  -  Saint  C  émenl  d'Alexandrie  , 
Strom.,  liv.  VI,  p.  C63,  et  saint  Irénée,  liv.  v, 
c.  i-2,  n.  2,  se  sont  exprimés  de  même;  tous 
ont  pensé  que  Vdme  est  rendue  immortelle 
par  la  vertu  du  Saint-Esprit,  et  non  par  sa 
nature,  parce  qu'elle  a  été  créée  :  or,  si 
c'était  une  portion  de  la  substance  divine, 
elle  serait  immortelle  par  sa  nature  même, 
et  serait  incréér.  —  Saint  Méthode,  Sympos. 
Virg.,  p.  74,  dit  que  la  semence  humaine 
contient,  pour  ainsi  dire,  une  partie  divine 
de  la  puissance  créatrice.  Beausobre  a  sup- 
primé ces  mots  pour  ainsi  dire,  qui  font  voir 
qu'il  ne  faut  pas  prendre  à  la  lettre  ce  pas- 
sage; il  .signifie  seulement  que  l'homme  a 
reçu  de  Dieu  le  pouvoir  de  procréer  des  en- 
f.ints.  —  L'auleur  des  l'ansses  Clémentines , 
homil.  l.'j,  n.  Ki,  dit  que  Vâme  procédant  de 
Dieu  est  de  même  substance  que  lui,  quoi- 
que les  âmes  ne  soient  pas  des  dieux  :  c'est- 
à-dire,  que  Vâme  est  esprit  comme  Dieu; 
nuiis  l'auteur  ne  dit  pas  qu'elle  c»t  une  partie 


de  sa  substance.  —  Suivant  Lactance,  liv.  ii, 
c.  13  :  ((  Dieu,  ayant  formé  le  corps  de  l'hom- 
me, lui  souffla  une  âme  de  la  source  vivitîanle 
de  son  esprit,  qui  est  immortel...  LVime  par 
laquelle  nous  vivons  vient  du  ciel  et  de  Dieu, 
au  lieu  que  le  corps  vient  de  la  terre.  »  Si 
cela  prouve  que  Vâme  e-t  une  émanation  de 
la  nature  divine,  il  faut  attribuer  cette  er- 
reur à  Moïse  :  Laciance  ne  fait  que  répéter 
son  expression.  —  Tertullien  est  plus  obs- 
cur :  selon  sa  coutume,  en  parlant  de  Vâme 
il  prodigue  les  métaphores;  si  l'on  veut  tout 
prendre  à  la  lettre,  il  n'y  a  pas  d'erreur  que 
l'on  ne  puisse  lui  imputer.  Lib.  de  Anima, 
c.  Il,  il  dit  que  Vdme  n'estpas  proprement 
l'esprit  de  Dieu,  mais  le  souffle  de  cet  esprit. 
Il  distingue  l'esprit  ou  l'entendement  d'avec 
Vâme;  il  l'appelle  le  siège  naturel  de  Vâme, 
ce  qu'il  y  a  en  elle  de  principal  et  de  divin, 
c.  12.  «  Cet  entendement,  dit-il,  peut  être 
obscurci,  parce  qu'il  n'est  pas  Dieu;  mais  il 
ne  peut  être  éteint,  parce  qu'il  vient  de 
Dieu...  Dieu  l'a  fait  sortir  de  lui  par  son 
propre  souffle.  »  Adv.  Praxeam,  c.  5.  il  dit 
que  l'animal  raisonnable  n'a  pas  seulement 
été  fait  par  un  ouvrier  intelligent,  mais  qu'il 
a  été  animé  de  sa  propre  substance.  Rien 
n'est  plus  formel.  Mais  il  est  de  l'équité  na- 
turelle de  juger  des  sentiments  d'un  auteur 
par  ses  raisonnements  plutôt  que  par  ses 
expressions.  Or  Teriullien,  dans  son  livre 
contre  Hermogène,  qui  soutenait  la  matière 
éternelle  et  incréée,  prouve  que  Dieu  est 
créateur,  seul  éternel,  que  tout  ce  qui  existe 
a  été  créé  de  rien;  c'est  la  conclusion  de  son 
ouvrage.  Ainsi,  par  le  souffle  de  l'esprit  de 
Dieu,  il  entend  l'effet  d'un  souffle  créateur; 
autrement  cette  expression  serait  inintelli- 
gible. Dans  son  livre  de  Anima,  c.  1,  il  dil 
qu'il  a  traité  contre  Hermogène  de  l'origine 
de  Vâme,  de  Censu  animœ;  qii'il  à  prouvé 
qu'elle  n'e^t  point  tirée  du  sein  de  la  matière, 
mais  du  souflle  de  Dieu  :  puisque  ce  souffle 
est  créateur.  Il  faut  que  Vâme  ait  commencé 
d'être  par  création.  C'est  aussi  ce  que  prouve 
Tertullien,  c.  4.  «  Puisque  nous  soutenons, 
dil-il,  que  Vâmr  vient  du  souifle  de  Dieu, 
nous  devons  par  conséquent  lui  attribuer 
un  comini  ncement;  aussi  enseignons- mius 
contre  Plalon  qu'elle  est  née  et  a  été  faite, 
parce  qu'elle  a  commencé...  Il  est  permis 
(l'exprimer  par  le  même  terme,  être  fait,  être 
enyendré,  recevoir  l'être,  puisque  tout  ce  qui 
a  commencé  d'être  reçoit  la  naissance;  et 
l'on  peut  appeler  un  ouvrier  le  pêie  de  ce 
qu'il  a  fait.  Ainsi,  selon  notre  foi,  qui  en- 
seigne que  Vâme  est  née  ou  a  été  faite,  l'Ecri- 
ture prophétique  a  réfuté  le  sentiment  de 
Platon.  >i  Or,  Platon  admettait  les  émanations 
des  esprits,  parce  (ju'il  lejiiatt  In  ciéaiion.— 
Ibid.,  c.  10  et  suiv.  Luin  de  distinguer  deux 
substances,  ou  deux  parties  dans  Vâme,  il 
réfuie  celle  opinion  comme  une  erreur  des 
philosophes.  «  \.'dme,  dil-il,  c.  H,  est  une  et 
simple,  tiiut  entière  en  soi,  de  suo  tuta  est; 
elle  ne  peut  p.is  plus  être  composée  que  di- 
visible et  destructible,  etc.  »  .Après  une  pro- 
fession d(!  foi  aussi  claire,  nous  ne  concevons 
pas  cuiuuieul  un  peut  accuser  Tertullien 


18» 


AME 


AME 


190 


d'avoir  cru  Vâme  corporelle,  et  cependant 
émanée  de  la  subslaiice  de  Dieu,  et  d'avoir 
distingué  Idme  de  l'esprit  ou  de  l'entendc- 
ment.  il  a  seulement  distingué  dans  l'âme  les 
facultés  et  les  opérations,  comme  la  vie  ou 
la  respir.'ilion,  la  puissance  de  mouvoir  ou 
de  senlir,  l'intelligence  ou  l'enlendcment,  et 
la  volonté  :  nous  faisons  encore  de  môme.  — 
Que  prouve  donc  ce  qu'il  a  dit  en  passant 
dans  le  livre  contre  Praxéas,  où  il  s'a(;issait 
de  tout  antre  chose  que  de  la  nalure  de  Vâme? 
Rien  du  toul.  On  peut  dire  sans  erreur  que 
l'homme  a  été  animé  par  le  souille  de  Uieu, 
souflle  créaleur,  émané  tie  la  propre  sub- 
slaiice de  Dieu  ;  mais  ce  souflle  a  été  la  cause 
efflcienie  de  l'âme,  et  non  l'dine  elle-même. 
Cent  fois  l'on  a  dit  que  l'âme  est  un  souflle 
divin,  parce  qu'elle  en  est  l'effet,  et  non 
parce  que  c'est  une  émanation  de  la  sub- 
stance de  Dieu.  Nous  lisons  dans  Job,  c. 
xxxiii,  \.  k  :  Le  Sdiilflr  du  Tout-Puissant 
m'a  donné  la  vie.  Les  Pères  n'ont  rien  dit  de 
plus. 

Enfin  Beausobre  a  cité  Synésius,  qui  ap- 
pelle Vâme  de  l'homme,  la  semence  de  Dieu  ; 
une  étincelle  de  son  esprit,  la  fille  de  Dieu, 
une  partie  de  Dieu  :  mais  c'est  dans  les  poé- 
sies que  Synésius  s'exprime  ainsi,  et  les  mé- 
taphores chez  les  poètes  ne  sont  pas  des  ar- 
guments de  métaphysique.  11  est  absurde  de 
les  prendre  à  la  rigueur,  pendant  que  Beau- 
sobre  ne  veut  pas  que  l'on  en  agisse  ainsi  à 
l'égard  des  hérétiques. 

Nous  convenons  que  la  question  de  l'ori- 
gine de  Vâme  est  très-obscure,  surtout  lors- 
qu'on s'en  tient aus  notions  philosophiques: 
il  y  a  eu  sur  ce  point  trois  ou  quatre  opi- 
nions différentes  chez  les  anciens.  Les  uns 
ont  cru  la  préexistence  des  âmes  ,  comme 
Origène,  mais  il  supposait  que  Dieu  les  a 
tirées  du  néant  toutes  ensemble  ;  les  antres 
ont  pensé  que  Dieu  les  a  créées  en  détail,  à 
mesure  que  les  corps  humains  sont  engen- 
drés :  plusieurs  ont  imaginé  que  Vâme  d'A- 
dam fut  tirée  du  néant,  et  que  toutes  les  au- 
lnes naissent  de  celle-là  par  voie  de  propa- 
gation ,  ex  traduce.  Quant  au  système  de 
l'émiination  des  âmes  hors  de  la  substance 
de  Dieu,  c'a  été  celui  des  philosophes,  et  non 
des  docteurs  de  l'Eglise,  qui  tous  ont  admis 
la  création.  Aussi  saint  Augustin  qui,  dans 
sa  lettre  143  à  Marccllin,  et  dans  sa  lettre  à 
Optât,  compte  quatre  opinions  touchant  l'o- 
rigine de  Vâme,  ne  fait  aucune  mention  des 
émanations.  Au  reste,  il  est  faux  que  l'une  de 
ces  opinions  soit  plus  commode  que  les  au- 
tres pour  résoudre  les  difficultés  que  l'on  lait 
sur  l'origine  du  mal  moral.  Les  critiques 
prolestants  ne  se  sont  obstinés  à  prêler  aux 
Pères  de  l'Eglise  le  système  des  émanations, 
qui  a  été  celui  des  philosophes  et  des  anciens 
hérétiques,  que  pour  avoir  la  satisfacliou  de 
les  déprimer,  et  on  dirait  qu'ils  ont  cherché 
à  faire  leur  Cour  aux  sociniens.  Voy.  Emana- 

TlOf)  (i). 

(1)  Propriétés  de  Càtne  Immaine;  —  Les  propriétés 
humaines  rcssorUnl  printipaleinent  de  noire  âme  : 
nous  allons  les  exposer.  Ces  propriétés  sont  l'unité, 
l'idenUlé,  la  liberté  el  la  pursunnalité. 


Ame  du  monde.  Le  système  de  Pylhagore, 

des  stoïciens  el  d'autres  philosophes  ,  était 
que  le  monde  est  un  grand  tout  dont  DieB 
est  Vâme,  et  diKiuel  les  différents  corps,  com- 
me les  asircs,  la  (crro,  la  mer,  etc.,  sont  les 
membres  ;  que  Dieu  est  répandu  dans  toutes 
ces  parties  et  les  anini!',  comme  notre  âme 
vivifie  et  lait  mouvoir  toutes  les  piirties  de 
notre  corpv.  Celte  opinion  supposait  que  la 
malière  est  élernclle  ;  que  Dieu  ne  l'a    point 

1"  Vniié  humaine.  Les  trois  modes  d'action  ([no 
nous  avnnii  reconnus  dans  le  principe  actif  humain, 
sont  très-souvent  simultanément  en  exercice.  Com- 
bien de  t'is  n'ariive-lil  \y.\s  (|ue  nous  sentons,  qui; 
nous  nous  MKinvons  el  que  nous  pensons  toul  à  la 
fois?  Et  même,  nous  ne  distinguons  ces  opérations 
les  unes  des  antres,  nous  ne  les  isolons  que  par  ab- 
stractiim.  D'ailleurs,  elles  sont  tontes  réunies  sous 
l'empire  d'une  même  volonté.  Nous  avons  vu  ci-des- 
sus {col.  ttii,  noi.  1),  coinment  les  diverses  sensa- 
tions sontcentralisées  sans  être  confondues,  comment 
elles  sont  comparées  par  la  pensée,  comment  à  leur 
occasion  il  y  a  réaction  du  principe  actif  sur  le 
monde  exiérieur.  11  est  donc  évident  que  la  sensibi- 
lilé,  la  molUilé  el  Viitlelleclion  sont  trois  propriétés, 
ou  mieux  Imis  modes  d'action  du  mônie  principe 
actif.  Ainsi,  il  v  a  dans  1  homme  une  unité  réelle  el 
stable  dont  I  aciivité  eenlr:ilise  loni. 

Uueli|ues  matérialistes  ont  prétendu  que  l'unité 
humaine,  donl  ils  ne  peuvent  inéconnailre  rexistence, 
avait  son  siège  dans  les  organes.  Nous  avons  dé- 
montré, à  l'endroit  cité  ci-dessns,  qu'il  n'y  a  point 
dans  l'organisme  d'uniie  prupreinenl  dite,  mais  que 
le  sysiènie  nerveux  de  relation,  le  seul  des  opé- 
rations dui|uel  nous  ayons  la  conscience,  a  une  multi- 
tude de  centralilés  ijui  se  correspoiident  deux  à  deux 
dans  les  deux  lobes  du  cerveau,  el  doni  aucune  n'est 
plus  importante  que  les  :iulres.  Il  y  a  donc  nécessai- 
rement pluralité  dans  l'orgaiii^nie  ;  d'uù  il  suit  que 
l'unité  Ininiaiiie  a  un  luul  autre  piiueipe.  On  ne  peut 
même  supposer  que  celle  uniié  réside  dans  un  atonie 
indivisible  de  matière,  qiioi^)ue  dans  celle  liyp  iliese, 
de  la  Luzerne,  el  après  lui  les  traiiés  classiques  de 
philosiipliie,  disent  que  la  question  ne  sérail  plus  i|ue 
dans  les  mots.  Cet  ;ilouie,  éprouvant  simiillauémenl 
plusieurs  inipiessions  dilTét  entes,  ne  pourrait  ni  les 
distinguer,  ni  les  comparei'  :  cependant  l'uniié  hu- 
maine compaie  el  juge.  De  plus,  la  pliysiol"gie  mo- 
derne recoim;.it  que  les  molécules  qui  coiisUlvienl 
l'organisme  sont  sans  cesse  renouvelées  et  rem- 
placées par  d'autres  :  or,  ce  phénomène  ne  pour- 
rail  concorder  avec  la  stabilité  de  l'unité  hu- 
maine .  si  une  molécule  matérielle  quelconque  , 
soii  divisible  ,  soit  indivisible,  en  était  le  siège. 
Ce  raisonnement  est  d'autant  plus  fort  que  les 
matérialistes  modernes  placent  Itur  molécule  pri- 
vilégiée dans  le  système  nerveux,  el  que  cepen- 
dant le  llulde  nerveux,  seul  propre  aux  impressions, 
est  renouvelé  parlitllement  aux  dépens  du  sang  après 
chaque  liausiinssion  de  mouvement,  elintégraleinenl 
par  le  sommeil,  au  moins  une  fois  toutes  les  yinijl- 
quatre  heures.  Il  esl  donc  bien  certain,  d'après  ces 
faits,  que  l'unité  lunnaine  ne  peut  avoir  qu'un  sujet 
actil  ou  immatériel. 

i*  Ideiiiiié  liuma'iie.  L'id.niiié  humaine  n'est  rien 
aulre  chose  que  luiiiié  considérée  comme  persévé- 
rant pendant  toute  l.i  durée  de  la  vie  :  c'est  l'unite 
humaine  elle-ujèine  en  lant  que  stable.  Aussi,  les 
considérations  physiologiques  qui  ont  été  expo-ees 
concernant  la  naluie  du  suhslralum  de  I  nmle,  s  ap- 
pliquent-elles d'elles-mêmes  à  l'ideniiié.  Mais  voyons 
enctire  comment  la  conscience  permanenle  de  noire 
idenlilé  prouve  riinmaiérialilé  du  principe  qui  agU 
ennous.  La  physiologie  reeonnail  depuis  loiigiemps 
que  louie  la  substance  du  corps  se  renouvelle  lUie- 


19i 


AME 


AME 


498 


créée,  mais  seulement  arrangée,  et  qu'il  a 
ainsi  formé  son  propre  corps ,  qui  est  le 
monde.  Quelques  sloïciens  poussaient  l'ab- 
surdité jusqu'à  dire  que  le  monde  a  une 
âme,  qui  s'est  faite  elle-même  et  a  fait  le 
monde  :  Babere  mentein  qitœ  et  se  et  ipsum  fa- 
bricata  sit.  Cic,  Aciid.  Quœst.,  1.  2,  c.  37. 
On  prétend  que  c'était  aussi  le  sentiment 
des  Egyptiens.  Dans  cette  hypothèse,  toutes  les 
partiesdela  nature  sont;inimées  aussi  bienque 
l'hommeetqueies brutes  ;  toutes lesdmes parti- 
culières sont  des  portions  détachées  de  la 
grande  âme  qui  meut  le  tout  ;  elles  vont  s'y 
réunir,  lorsque  le  corps  particulier  qu'elles 
animent  vient  à  se  dissoudre.  Combien  d'er- 
reurs les  anciens  philosophes  ont  soutenues, 
faute  d'admettre  le  dogme  de  la  création  ! 

Les  athées  modernes  et  les  matérialistes, 
aQn  de  tourner  notre  croyance  en  ridicule, 

gralement  plusieurs  fois  pendant  I;»  vie,  par  l'action 
ineessanie  de  la  nutrition,  i  Ce  qu'il  y  a,  dit  nufl<in, 
de  plus  constant,  de  plus  invariable  dans  la  nature, 
c'est  l'eiiipreinie  ou  le  moule  de  chaque  espèce;  ce 
qu'il  y  a  de  plus  variable  et  de  plus  corruptil)le,  c'est 
la  substance.  >  Le  grand  Cuvier  a  aussi  décrit  le  mê- 
me phénomène.  «  Dans  les  corps  vivants,  dit-il,  au- 
cune molécule  ne  reste  en  place;  toutes  entrent  et 
sortent  successivement  :  la  vie  est  un  tourbillon  con- 
tinuel, dont  la  (liri'Clion,  toute  cotnpli(|uée  qu'elle  est, 
demeure  constante,  ainsi  que  l'espèce  des  molécules 
qui  y  s(uii  entraînées,  mais  non  les  molécules  indivi- 
duelles elles-mêmes;  au  contraire,  la  matière  actuelle 
du  coriis  vivant  n'y  sera  bientôt  plus,  et  cependant 
elle  est  dépositaire  de  la  force  qui  coniraindra  la  ma- 
tière fnture  à  marcher  dans  le  même  sens  qu'elle.  > 
M.  Flourens,  membre  cte  l'Académie  des  sciences,  a 
coiiliiméen  1841  (Comple-rendu  de  l'Acad.  des  se, 
janvier}  par  des  expériences  directes,  le  fait  physio- 
logique du  renouvellement  de  l'oiganisme,  même 
dans  les  parties  les  (dus  solides.  Il  a  soumis  un  jeune 
porc  pendant  un  mois  au  léï^ime  de  la  garance,  et  l'a 
remis  pendant  six  antres  mois  au  rés;ime  ordinaire. 
H  en  a  lait  ensuite  examiner  les  os  par  r.\cadémie 
des  science»  :  on  y  a  remarqué  une  couche  rouge  , 
qui  était  sans  (Ontredil  la  plus  nouvelle  quand  l'ani- 
inal  éiait  nourri  à  la  gar.mce,  mais  qui  était  devenue 
la  plus  ancienne,  et  par  la  résorption  des  ciiuclies 
blanches  les  plus  intérieures,  qui  préexistaient  à  la 
couche  rouge,  et  par  la  l'ormaiion  de  couches  blan- 
ches nouvelles  ,  après  (|ue  le  porc  eut  repris  de  la 
nourriliue  sans  garance.  Des  expériences  du  même 
genre  oui  été  faites  aussi  dans  ces  derniers  temps  sur 
des  oiseaux  avec  beaueou|)  de  variété  :  elles  ont  eu 
tontes  des  lésiilials  analogues.  Klles  prouvent  incon- 
lesiablecneni  que  le  subslralttm  de  l'identiié  ne  peut 
être  de  la  matière,  et  part  .nt,  qu'il  est  immatériel. 

")"  Liberté  humaine,  f^ous  avons  constaté,  en  trai- 
tant soil  de  la  seii-ibililé,  soit  de  la  moiililé,  suit  de 
rinleilection  du  principe  actif  hnniain,  que  ce  prin- 
cipe esi  doué  de  spontanéité  (a).  Or,  pouvoir  agir  de 
sol-même  sans  être  nui  par  aucune  force,  c'est  être 
libre  :  la  liberté  déconle  donc  tonl  natiirellemenl  de 
la  spontai.éilé.  Klle  est  fondée,  en  outre,  sur  le  sen- 
timent intime  de  cliaqne  homme,  et  sur  le  léinoi- 
giiagne  de  tous  les  inunines  qui  ont  été  ou  qui  sont 
réunis  en  ci.rps  de  naiion.  Tous  ont  accepte  et  smi- 
vent  même  iin(iosé  à  leurs  semblables  une  responsa- 
bilité morale,  qui  ne  peut  avoir  d'antre  fondement 
que  la  croyance  univer.>elle  en  lalilierié  humaine. 

Des  pliysiologisles  de  ces  derniers  temps  ont  pré- 
tendu, pour  anéantir  la  liberté  tiumaine,  et  excuser 
toutes  les  passions,  qu'il  existait  dans  chaque  indi- 
vidu quelques  aptitudes  à  des  actiuns  spéciales,  dé- 
tenuinées  par  lui  plus  grand  développement  de  cer- 
(u)  Voir  ci-dcssus,  col.  lOÏ,  not.  1, 


ont  dit  que,  sous  le  nom  de  Dieu,  nous  n'en- 
tendons rien  autre  chose  que  X'âme  du  mon- 
de, ou  l'univers  animé  ;  qu'ainsi  nous  re- 
tombons dans  l'erreur  des  stoïciens  ;  que, 
comme  eux,  nous  adorons  la  nature  et  rien 
déplus;  c'est  ce  qu'ils  appellent  le  panthé- 
isme. —  S'ils  voulaient  être  de  bonne  foi,  ils 
conviendraient  au  contraire  que  la  révéla- 
tion sape  cette  erreur  par  le  fondement,  en 
nous  enseignant  que  Pieu  a  créé  le  monde  : 
le  panthéisme  est  absolument  incompatible 
avec  le  dogme  de  la  création. 

1°  Les  pythagoriciens  et  les  stoïciens  sup- 
posent ,  les  uns,  l'éternité  du  monde  :  les 
autres,  l'éternité  de  la  matière  :  dans  l'by- 
polbèse  de  la  création,  rien  n'est  éternel  que 
Dieu;  tous  les  autres  êtres  ont  commencé, 
et  Dieu  les  a  tiré»  du  néant  par  son  seul  vou- 
loir. Il  a  dit,  et  tout  a  été  fait.  —  2°  Selon  la 

taines  parties  de  l'encéphale.  Ces  renlleinents,  selon 
les  mêmes  ailleurs,  seraient  traduits  par  des  protu- 
bérances crâniennes  plus  ou  moins  saillantes,  ma- 
nifestant des  penchants  plus  ou  moins  violents,  des 
aptitudes  plus  ou  moins  détei minantes.  Sur  ces  faits 
anatomiques  vériiiés  a  posteriori,  ainsi  qu'ils  l'ont 
soutenu,  iU  ont  essayé  d'organiser  une  science  qu'ils 
ont  appelé  phrénvlotiie  on  craniuscopie.  Call  est  l'iii- 
venteiir  de  ce  nouveau  système  de  fatalisme  et  de 
malérialiMue,  que  Bronssais  mit  tous  ses  snliis  à  po- 
pulariser en  France.  J'ai  fréquenté  plusieurs  lois  des 
Cours  de  plirciiotoiiie  pratique,  dans  l'intenilon  d'exa- 
miner les  choses  de  près,  et  je  n'y  ai  trouvé  qu'erreur 
et  charlatanisme.  Lorsque  les  analystes  ou  les  pro- 
fesseurs eux-mêmes  se  trompaient  dans  l'appréciation 
des  aptitudes  des  sujets  soumis  à  leurs  investigations, 
et  ils  se  trompaient  presque  loiijniirs  quand  les  per- 
sonnes leur  étaient  tnut  à  lait  incimiin 's,  ils  avouaient 
que  de  l'aptitude  on  ne  devait  pas  conclure  la  lié- 
quenee  des  actes,  ce  qui,  dans  le  tond  ,  e;a  t  recon- 
naître la  puissance  de  la    volonté,  ou  la  liberté. 

Mais  citons  l'autorité  des  hommes  de  la  sdence, 
pour  démontrer  que  la  pliréiiolc);;ie  n'a  dans  l'anato- 
niie  aucun  fondement  véritable  M.  le  docteur  Foville, 
dans  ses  rei  lierches  sur  l'encéphale,  est  parvenu  à 
démontier,  contre  le  système  de  tiall,  que  la  forme 
exiérieure  du  crâne  est  dépendante  non  des  saillies 
ou  développeinenis  des  circonvolutions  cérébrales, 
mais  des  sacs  séreux  qui  se  dilatent  dans  les  ventri- 
cnb's.  M.  de  Blain\ille,  dans  sou  rapport  sur  le  mé- 
moire de  cet  habile  e\périmeiilateui ,  appuie  la  mê- 
me doctrine  de  nouvelles  considérations,  et  prouve 
que  lus  circonvolniKnis  ccrébi aies,  quand  elles  ap- 
portent qneli|nes  modiricatioiis  à  la  loi  nie  du  crâne, 
ne  joneiil  iiu'un  rôle  irés-secoiulaire,  mais  que  la 
forme  générale  est  certainenienl  due  à  celle  des 
ventricules.  (Voir  ('..  R.  de  l'Acad.  des  se,  séance 
du  il  mai  18-lU).  f  Les  piiré  lologistes,  du  M.  le 
doclenr  Biichez ,  piélendent  posséder  une  scieiii  e 
faite,  ayant  nue  icrtiliide  et  une  méilinde,  et  don- 
nant une  prévoyance  :  or  leur  science  n'existe  pas; 
elle  est  en  contradiction  avec  ranatoinie.  Us  sou- 
tiennent que  les  sens  intra-crâniens  sont  des  renfle- 
ments nerveux  on  de  petites  masses  nerveuses  :  or 
dans  le  cerveau  il  n'y  a  presipie  partout  que  des 
lileis  nerveux.  Leur  certitude,  disent- ils,  est  fondée 
sur  l'observation;  mais  toujours  ,  dans  leurs  obser- 
vations, en  les  supposant  niême  aussi  parfaites 
qu'ils  rassnrenl,  il  leur  en  manque  nécessalremenl 
la  moitié.  Ils  piuvcni,  eu  elTet,  obseiver  les  aetes 
extérieurs  des  aninianx,  c'est  là  le  cùlé  où  ils  peu- 
vent avoir  nue  ceitaine  certitude.  Mais  de  là  ils 
concilient  à  nue  aptitude,  et  à  une  certaine  locallsa- 
lion  de  cette  aptitude  dans  un  point  de  l'encéphale  ; 
voilà  un  (ôlé  où  la  certitude  leur  inauquc  l'oujours , 


195 


AME 


doctrine  des  stoïciens,  Dieu,  identifié  avec 
le  monde,  u'étuit  pas  libre  d'en  diriger.les 
muuveuients  à  son  gré  :  il  était  soumis  aux 
lois  éternelles   et  immuables  du  destin  :   la 


AMË 


19* 


providence  n'était  autre  chose  que  la  chaîne 
successive  et  nécessaire  de  ces  iiiêmes  lois. 
C'est  par  là  que  ces  philosophes  se  flattaient 
d'absoudre   la  providence  des  maux  de  ce 


car  d'abonl  ils  ne  peuvent  savoir  si  le  système  d'acies 
exiéiieurs qu'ils  onl  reconim,  esl  l'effet  d'une  ou  de 
vingt  apliluiles  ;  ensuite,  quant  à  la  loealisalion, 
ils  manquent  cninpléiement  des  moyens  de  hi  recon- 
nailie  d'une  manière  assurée  ;  leurs  échecs ,  sous  ce 
rapport,  sont  innombrables;  il  n'est  pas  une  seule 
de  leurs  lucalisaiinns  qu'une  oliservuliun  atleiilive  et 
répétée  des  lésions  cérébrales  n'ait  démontrée 
fausse.  Leur  métliode  pour  proiéder  à  la  localisation 
est  grossière,  mauvaise  et  tout  à  l'ait  impropre.  Que 
faut-il,  en  effet,  pour  démontrer  que  tel  sens  réside 
en  tel  lieu  de  i'encépbale  ?  Ils  notent  d'abord  que 
tel  animal  a  tel  insiinct  ou  telle  aptitude;  puis  ils 
examinent  son  crâne  comparativement  avec  celui 
d'un  autre  animal  qui  ne  niainlesle  ni  cet  instinct  ni 
celte  :<piitudc;  ils  notent  la  saillie  la  plus  considé- 
rable qui  se  trouve  sur  le  crâne  du  premier,  et  ne  se 
trouve  point  sur  le  crâne  du  second;  et  ils  alliruienl 
que  le  reidiement  cérebial'  dont  dépend  l'aptitude 
quM  s'agit  de  localiser,  correspond  à  la  saillie.  C'est 
sur  la  connaissance  des  rapports  des  saillies  cr.i- 
nieinies  avec  de  prétendus  renllemenis  cérébraux 
doiil  la  spécilicité  a  été  établie  de  la  manière  qui 
vient  d'être  décrite,  qu'ils  fondent  leur  prévoyance. 
Or,  l'analoinie  prouve  que  dans  l'Iioinnie  il  n'y  a 
point  de  rapport  nécessaire  entre  les  protubérances 
du  crâne  et  le  développement  des  surlaces  encépha- 
liques correspondantes,  et  que  dans  la  plupart  des 
animaux  il  n'y  eu  a  presque  jamais.  En  outre,  l'a- 
natomie  nous  Uiipreiid  que  le  cerveau  doit  être  con- 
sidéré coiiinie  une  tiaine  d'une  très  grande  étendue, 
une  sorte  de  toile  nerveuse  plus  longue  que  large, 
qui  esl  ployée  ou  pli^sée  sur  elle-même  de  manière 
à  être  contenue  dans  le  ciàne  :  or,  en  supposant 
qu'il  y  ail  un  renflement  sur  un  point  de  celle  trame 
nerveuse,  quel  que  soit  le  point  rende,  évideininenl 
toute  Cflie  toile,  plissée  surelle-uiénie,  en  éprouvera 
un  soulèvement  général.  Pour  reconnaître  le  lieu  du 
soulèvement,  il  taudrait  déplisser  la  traîne  :  autre- 
ment, nièine  lorsqu'on  constaterailune  augmentation 
de  Volume  dans  la  masse,  on  ne  pourrait  jamais  sa- 
voir d'où  dépend  ce  développement.  (Je  dernier  ar- 
gument anaionii(|ue  leiid  impossible  niêuie  à  attein- 
dre ce  que  la  pliréiiologie  soutient  cependant  pos- 
séder, butin,  quand  même  l'arguuieut  n'existerait 
pas,  il -y  a  un  nombre  considérable  d'observations  et 
d'expéiiences  qui  concluent  direcieinent  contre  les 
diverses  allinnations  dont  se  targue  cette  prétendue 
science,  pour  démontrer  qu'elle  existe.  > 

Disons  un  mol  du  pliicno-magnéiisme.  Ce  genre  de 
I)lirénologie,  cultivé  surtout  en  Allemagne  et  en  An- 
gleterie,  consiste  à  tirer  d'une  tôle  humaine  la  nia- 
niléstatiuii  d'une  faculté  quelconque,  eu  exciiant 
l'organe  spécial  dans  lequel  elle  est  supposé;  résider. 
Mais  celte  théorie  n'a  aucun  tondemeiil  dans  l'expé- 
rience :  car,  suivant  les  partisan-,  praticiens  du  ma- 
gnétisme humain,  les  phénomènes  obtenus  ne 
tiennent  aucunement  à  la  magnétisation  partielle  et 
locale  du  cerveau  ;  tuais  ils  dépendent  uniquement 
de  la  réaction  symphalique  de  la  pensée  du  luagiié- 
liseur  sur  le  magnétisé  (ti).!  ijelun  eux,  on  obiieui  les 
mêmes  résultats  aussi  complètement  eu  agissant  ina- 
gnétiquemeiil  sur  tout  autre  point  de  l'organisme  du 
somnambule,  tandis  qu'aucun  elli.l  n'est  produit  par 
un  magnétiseur  qui  actionne  au  hasard  un  organe 
dont  il  ignore  eiitièreiiient  les  lonctions. 

(o)  Nous  nous  exprimons  dans  le  sens  des  partisans  du 
inugnélisme  humaio,  sans  nous  prononcer,  pour  le  pré- 
sent, sur  la  valeur  scientifique  du  œaguétisme  lui-même. 
Voy.  art.  MAli^ÉTlSME. 


Ce  serait  ici  le  lieu  de  considérer  le  inagnéiisme 
animal  ou  humain  dans  ses  rapports  avec  la  liberté  : 
mais  nous  espérons  pouvoir  parler  plus  pfrlinem- 
menl  des  |diéiiomènes  magnétiques  ,  quand  nous 
traiterons  de  l'existence  des  miracles. 

4°  Persoimaliié  humaine.  Nous  allons  dire  quel- 
ques mots  di;  la  personnalité  du  principe  actif  hu- 
main, contre  les  panthéistes  spirituallsles.  Cette 
propriété  résulte  évideininent  de  la  spontanéité,  de 
l'unité,  de  l'identité;  elle  constitue  l'individualité 
que  nos  philosophes  modernes,  d'après  les  rationa- 
listes allemands  ,  appellent  si  inipropreinent  le  moi, 
soit  qu'il  s'agisse  d'eux-mêmes,  soit  qu'ils  parlent  de 
tout  autre.  Pour  nous,  qui  prenons  à  lâche  avant 
tout  de  nous  rendre  compte  (le  nos  idées,  et  d'être 
clair  pour  des  e-prits  atlentils,  nous  proposons  de 
remplacer  selon  les  cas  le  moi,  qui  est  si  vague,  et 
auquel  on  donne  tant  de  sens  dill'éieiits,  par  les 
expressions  :  l'iinilé,  i'iileiuiié,  la  spoiilmieiié,  la  pti  - 
sonnalité,  le  senlimtnt  de  t'indiviilualiié  ou  la  cuit- 
science  de  ses  propres  opérations,  lesquelles  olfrent  à 
l'esprit  des  idées  bien  distinctes,  que  l'on  ronlond 
toutes  dans  l'irrationnel  mui.  Si  l'on  vent  abréger, 
ne  dirait-on  pas  avec  plus  de  raison  le  toi,  quand 
on  veut  exprimer  le  ientimeiil  de  l'individualité  chez- 
autrui  '? 

Chacun  a  le  sentiment  de  son  individualité,  et  par 
conséquent  celui  de  sa  sponianéilé  :  ce  senlimeiit 
universel  a  servi  de  base  à  toutes  les  législations,  à 
toutes  les  institutions  soeiales.  Hi,  comme  le  préien- 
deiit  quelques  panthéistes  modernes,  tous  les  hoiiinies 
avaient  une  àine  qui  fût  commune  à  tons  les  êtres  ac- 
tifs, ils  ne  pourraient  dans  le  même  instant,  ainsi  que 
cela  a  lieu,  en  \ertu  de  la  motilité,  produire  les  mou- 
veineiits  les  plus  variés,  se  livrer  aux  occupations  les 
plus  diverses,  inênie  les  plus  opposées,  et  personne 
n'aurait  la  responsabilité  de  ses  actes,  qu'un  senli- 
nient  universel  attribue  à  chaque  indixiiiu  ;  il  n'y  au- 
rait donc  pas  d'ordre  social  possible. 

De  plus,  on  démontre,  à  I  aide  des  S' ieiices  d'ob- 
servation, i|iie  le  siège  de  la  sensibilité  n'est  pas  dans 
l'organisme,  et  que  par  i  onséquent  il  est  dans  un 
principe  immatériel,  ou  dans  ràiiic.  Mais,  si  la  mê- 
me àme  était  commune  à  tous  les  corps  liuniaiiis,  ou 
seulement  à  deux,  elle  devrait  souvent  sentir  en  mê- 
me temps  les  impressions  les  pins  oppo>ees;  et,  dans 
l'opinion  de  nos  panthéistes,  elle  devrait  éprouver 
tout  à  fait  d'incessantes  douleurs  et  d'incessantes  vo- 
luptés, puisque  tous  les  maux  et  tous  les  plaisirs  im- 
pressionnent l'iiumanilé  siinullanément  et  sans  relâ- 
che. Or,  quoi  de  plus  co.itraire  a  l'expérience  de 
chaque  individu  et  de  chaque  instant  qu'une  si  étran- 
ge assertion? 

EnUn,  pour  réfuier  le  système  panthéistique  au 
point  de  vue  de  l'intellection,  qu'il  suffi-e  oe  dire 
que,  si  la  même  àme  animait  tout  C  irps  humain  aus- 
sitôt qu'il  est  convenablement  organisé,  depuis  long- 
temps aucun  homme  n'aurait  eu  besoin  d'éducation; 
toutes  les  connaissances  acquises  au  genre  humain 
seraient  communes  à  tous  les  individus,  parmi  les- 
quels il  n'y  aurait  ni  supériorité  ni  infériorité  de  fu- 
niiéres  ;  les  idées  neuves,  les  inventions  ne  seraient 
ignorées  de  personne,  et  jamais  il  n'y  aiiiail  eu  ni 
ne  pourrait  y  avoir  sur  la  terre  divergence  de  doc- 
trines, d'opinions,  d'idées.  Qui  ne  sent  l'absurdité 
d'un  pareil  système?  Sa  conception  seule,  conuaire 
au  sens  commun  le  plus  universel,  est  plus  que  suffi- 
sante pour  eu  prouver  la  fausseté,  et  pour  démontrer 
d'une  manière  péremptoire  l'existence  de  la  person- 
nalité humaine,  laquelle  est  essentiellement  incom- 
municable. 


195 


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AME 


196 


monde.  Vainement  des  critiques  anciens  ou 
modernes  ont  cru  adoucir  la  roideur  du  des- 
tin, en  disant  que  Dieu  a  commandé  une 
fois,  qu'ensuite  il  obéit  toujours  :  seinper  pa- 
ret,  semel  jussit.  S'il  a  commandé  librement 
une  fois,  il  est  responsable  des  conséquen- 
ces de  sa  propre  loi  ;  s'il  l'a  fait  nécessaire- 
meal,  c'est  plutôt  une  obéissance  qu'un  com- 
mandement. Suivant  la  doctrine  de  nos  livres 
saints,  Dieu  gouverne  le  monde  aussi  libre- 
ment qu"il  Ta  créé  ;  il  suspend  ,  quand  il 
veut,  l'effet  des  lois  qu'il  a  lui-môme  éta- 
blies ;  il  pourrait  anéantir  le  monde,  sans 
rien  perdre  de  son  être  ;  et  avec  un  peu  de 
^•éflexlon,  il  est  aisé  de  justifier  sa  providen- 
ce. —3"  Dans  l'hv  polUèse  de  Vâme  du  monde, 
Dieu  n'est  point  un  être  simple  ;  non-seule- 
ment il  est  composé  d'un  corps  et  d'une  ûme, 
mais  toutes  les  âmes  des  hommes,  des  ani- 
maux, des  éléments,  ne  sont  que  des  parties 
de  la  grande  àme  qui  donne  la  vie  aii  tout. 
De  là  il  résulte  que  tous  les  êtres  en  mouve- 
ment sont  autant  de  dieux  particuliers,  aussi 
dignes  d'être  adorés  les  uns  que  les  antres. 
C'est  le  fondement  philosophique  de  l'idolâ- 
trie. Aussi  dans  le  Traité  de  Cicéron,  de  Nat. 
Deor.,  \.  Il,  le  stoïcien  Balbus  s'efforce  de 
prouver  que  chaque  partie  du  monde  est 
Dieu  ;  qu'elle  est  animée,  douée  d'intelli- 
gence et  de  sagesse,  adorable  par  consé- 
quent. —  V  De  là  il  s'ensuit  que  Dieu  est 
corporel,  qu'il  est  le  sujet  de  tous  les  chan- 
gements qui  surviennent  dans  la  naiure  , 
que  l'un  des  membres  de  Dieu  périt  lors- 
qu'un corps  se  dis  oui,  etc.  C'est  l'objection 
que  l'épicurien  Velléius  fait  aux  stoïciens, 
ibid.,  1.  1  et  qu'Origène  répète  contre  Celse, 
1.  I,  n.  20.  Vainement  Beausobre  observe 
que  Pythagore  niait  celte  conséquence  ; 
qu'il  soutenait  que  la  nature  divine  est  une 
et  indivisible:  l'opiniâtreté  d  un  philosophe 
à  soutenir  des  contradictions  ne  l'excuse 
point.  Aucun  de  ses  inconvénients  n'a  lieu 
dans  rhvpiithèse  de  la  création.  —  5°  Dans 
celle  de  Phythagore  et  des  stoïciens,  on  ne 
conçoit  pas  mieux  la  spiritualité  des  âmes 
que  celle  de  Dieu;  toutes  sont  des  parties  de 
la  grande  due,  de  laquelle  elles  ont  été  dé- 
tachées, dont  elles  sont  sorties  par  émanation, 
et  à  laquelle  elles  doivent  se  réunir  et  s'y 
confondre,  comme  une  goutte  d'eau  qui  re- 
torùbe  dans  l'Océan.  Les  esprits  ont-ils  donc 
des  parliis,  etc.?  Beausobre  emploie  inutile- 
ment toute  son  industrie  pour  sauver  encore 
cette  absurdité.  H  peut  avoir  raison  de  sou- 
tenir que  ce  n'est  point  là  le  spinosisnie  ; 
mais  c'est  du  moins  une  erreur  qui  en  ap- 
proche beaucoup.  —  G  Les  dmes  réunies, 
après  la  utortdu  corps,  à  la  graude  dme  de 
l'univers,  n'ont  plus  d'existence  individuelle 
et  personnelle;  elles  sont  incapables  do  plai- 
sir el  de  douleur,  do  récompense  et  de  pu- 
nition ;  supposé  le  destin,  elles  sont  dans 
tous  les  temps  privées  de  la  liberté  ;  ce  sys- 
tème détruit  donc  toute  morale  raisonnée. 

Le  dogme  de  la  création  fait  disparaître 
toutes  ces  absurdités.  Dieu,  pur  esprit,  est 
UD  être  simple;  il  a  créé  les  âmes  aussi  bien 
que  les  corps,  il  les  a  danées  «le  liberté,  el 


leur  a  donné  des  lois;  il  les  punit  ou  les  ré- 
compense éternellement,  selon  leurs  mérites. 
Vâme  du  tnonde  est  donc  une  rêverie  philo- 
sophique qui  n'a  rien  de  commun  avec  la 
doctrine  révélée  ;  c'est  une  erreur  inévita- 
ble, dès  que  Ion  n'admet  point  la  création. 
Mais  le  peuple  n'a  jamais  eu  connaissance 
de  cette  absurdité  ;  aucun  peuple  u'a  élevé 
des  autels  à  l'âme  du  monde.  Les  païens  sup- 
posaient autant  d'âmes  particulières  dans 
l'univers  qu'il  y  a  d'êtres  qui  paraissent  ani- 
més ;  ils  adoraient  ces  intelligences  particu- 
lières, parce  qu'ils  les  croyaient  douées  de 
forces  supérieures  à  celles  de  l'hou\me,  et 
ils  nommaient  ces  esprits  les  immortels.  Les 
patriarches  et  les  Juifs  ont  adoré  le  Créateur 
du  monde,  el  l'ont  adoré  seul  ;  ils  lui  ont  at- 
tribué une  providence  générale  sur  tous  les 
èlres,  el  une  providence  particulière  à  l'é- 
gard de  l'homme  ;  nous  l'adorons  comme  eux, 
nous  avons  la  même  foi  que  Dieu  a  daigné 
enseigner  à  notre  premier  père. 

Quelques  déistes  ont  voulu  justifler  ^'op^- 
niou  des  stoïciens  :  dans  ce  système  disent- 
ils,  il  n'y  a  qu'un  seul  Dieu  auquel  se  rap- 
portait tout  le  culte  que  les  païens  rendaient 
aux  différentes  parties  de  la  nature  ;  on  a 
donc  tort  de  les  accuser  de  polythéisme. 
Fausse  réflexion.  —  En  premier  lieu,  il  était 
absurde  d'adresser  un  culte  à  un  être  assu- 
jetti aux  lois  suprêmes  du  destin  :  lois  im- 
muables, auxquelles  les  bonnes  i;i  les  mau- 
vaises aclions  des  hommes  ne  peuvent  rien 
changer.  Les  stoïciens  disaient  que  les  dieux 
d'Ëpicure  étaient  absolument  nuls  ;  qu'il 
était  ridicule  de  les  honorer,  puisqu'ils  ne  se 
mêlaient  point  des  choses  d'ici-bas  ;  mais 
les  épicuriens  pouvaient  leur  rendre  le  chan- 
ge, en  soutenant  qu'il  était  ridicule  d'adorer 
des  dieu\  soumis  à  la  fatalité,  puisqu'ils  ne 
pouvaient  faire  de  bien  ni  du  mal  aux  hom- 
mes que  ce  qui  était  déterminé  par  un  im- 
muable destin.  Si  Dieu  n'est  pas  libre  dans 
les  décrois  de  sa  providence,  toute  religion 
est  superflue.  —  En  second  lieu,  il  n'est  pas 
vrai  que  le  culte  rendu  aux  dilïerentes  par- 
ties de  la  nature  fût  adressé  à  la  grande  dme 
de  l'univers.  Uu  païen  qui  adorait  le  soleil  et 
qui  le  croyait  animé,  était  persuade  que  l'<î- 
me  de  cet  astre  voyait  el  connaissait  le  culte 
qu'il  lui  rendait,  lui  en  savait  gré,  et  pou- 
vait lui  faire  du  bien  ou  du  mal.  tin  général 
les  dieux  n'ont  été  adorés  que  parce  qu'on 
les  supposait  intelligents  cl  [luissanls,  sus- 
ceptibles d'amitié  ou  de  colère.  C'est  donc  à 
Vâmc  ou  à  l'esprit  logé  dans  le  soleil  que  le 
culte  se  terminait,  sans  remonter  plus  baud 
ni  sans  aller  plus  loin.  On  n'a  jamais  cru 
que  le  soleil  ou  tel  autre  dieu  attendait  les 
ordres  de  la  grande  dme  de  l'univers,  pour 
faire  du  bien  uu  du  mal  aux  hommes.  Il  y 
avait  donc  réoilemenl  autant  de  dieux  indé- 
pendants les  uns  des  autres,  qu'il  y  avait  d'ê- 
tres animes  dans  la  nature.  SI  ce  n'est  pas  là 
le  polythéisme,  comment  doil-ou  nommer 
celle  croyance  '/  —  En  troisième  lieu,  Vâme 
d'un  homme  n'était  pas  moins  une  portion 
de  la  grande  âme  de  l'univers,  que  l'dmt  du, 
soleil,  de  la  lune,  d'un,  fleuve  ou  d'une  fou- 


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laine  ;  on  devait  donc  lui  rendre  un  culte 
aussi  bien  qu'à  tous  les  autres  êtres  :  nous 
ne  voyons  pas  pourquoi  un  héros,  un  hom- 
me puissant  et  bienfaisant  ne  mcrilait  [las 
uu  culte  religieux  pendant  sa  vie,  aussi  bien 
qu'après  sa  mort.  Ce  même  sjslème  ne  ten- 
dait p;is  à  moii\s  qu'à  justifier  les  honneurs 
divins  que  les  Eg^'piiens  rendaient  aux  ani- 
maux. Il  serait  inutile  de  pousser  plus  loin 
le  détail  dos  absurdités  qui  en  résultaient. 
Ce  n'est  pas  sans  raison  qne  l'Ecriiure  sainte 
condamne  avec  tant  de  rigueur  le  polythé- 
isme et  ridoldlric  ;  de  quelque  côté  qu'on  les 
envisage,  ils  sont  inexcusables.  Voyez  ces 
deux  mots.  Nouv.  Démonst.  évang.  dej.  Le- 
land,  tom.  11,  pag.  2.'j0. 

AMEN,  mot  hébreu,  usité  dans  l'Eglise  à 
la  (in  de  toutes  les  prières  solennelles,  dont 
il  est  la  conclusion  ;  il  signifie  fiât,  ainsi  siit- 
il.  Les  rêveries  des  cabalistes  sur  ce  terme 
ne  méritent  pas  de  nous  ocruper.  Le  mol 
amen  se  trouvait  dans  la  langue  hébraïque, 
ayant  qu'il  y  eût  au  monde  ni  cabale  ni  ca- 
balistes. Deuteronom.,  c.  xxvii,  v.  15.  —  La 
racine  du  mol  amen  est  le  verbe  aman,  le- 
quel au  passif  signifie  être  vrai,  fidèle,  cons- 
tant, etc.  On  on  a  l'ait  une  espèce  d'adverbe 
attirmalif,  qui,  placé  à  la  fin  d'une  phrase  ou 
d'une,  proposition,  signifie  qu'on  y  acquiesce, 
qu'elle  est  vraie,  iju'on  en  souhaite  l'accoiii- 
plissemenl,  elc.  Ainsi  dans  le  passage  que 
nous  venons  de  citer  du  Deuléronomo,  Moïse 
ordonnait  aux  lévites  de  crier  à  haute  voix 
au  peuple  :  Maudit  celui  qui  taille  ou  jette  en 
fonte  aucune  image,  etc.,  et  le  peuple  devait 
répondre  amen;  c' esl-à-diie  ,  oui  ,  qu'il  le 
son,  je  le  souhaite,  j'y  consens.  Mais  au  com- 
mencement d'une  phrase,  comme  il  se  trouve 
dans  plusieurs  passages  du  nouveau  Testa- 
ment ,  il  signifie  vraiment  ,  véritablement; 
quand  il  est  répété  deux  fois,  comme  il  l'est 
toujours  dans  saint  Jean,  il  a  l'effet  d'un  su- 
peilalif,  conformément  au  génie  de  la  lan- 
gui' hébraïque  et  des  deux  langues  dont  elle 
est  la  mère,  la  chaldaïque  et  la  syiiaque. 
C'est  en  ce  sens  qu'on  doit  entendre  ces  pa- 
roles: amen,  amen,  dico  vobis.  Les  évangé- 
listes  ont  conservé  le  mol  hébreu  amen  , 
dans  leur  grec,  excepté  saint  Luc,  qui  l'ex- 
prime quelquefois  par  «^uôw;,  véritablement, 
ou  vat,  certainement. 

*  AMERICAINS.  Au  milieu  d'une  vaste  mer  où  ou 
ne  croyait  pas  qu'i  fût  île  la  prudence  de  s'exposer, 
on  découvrit  il  y  a  trois  siècles,  un  grand  coniinenl 
couveil  d'iiouiines  et  d'animaux.  D'où  venait  cette 
population  nouvelle?  Comment  les  llls  de  Noë  out- 
ils pu  parvenir  jusi|ue  dans  ces  régions  lointaines  ? 
L'incrédulité  a  legardécouinie  inipossilile  la  solution 
de  ces  problèiiius;  et  elle  en  a  conclu  (jue  les  Amé- 
ricains ne  desceiiiieiii  pas  du  premier  liomiiie.  Nous 
proposant  de  traiter  de  l'unité  de  l'espèce  humaine 
au  mot  lloMsiE,  nous  pensons  que  la  réponse  aux 
difficultés  des  incrédules  sera  mieux  placée  à  cet 
article.  Nous  y  démonirerons  que  les  descendants  de 
Noë  ont  pu  aiséiiieni  aller  de  l'ancien  contuient  dans 
le  nouveau,  et  que  l'étude  de  la  race  américaine  ac- 
cuse une  p.irenié  avec  plusieurs  peuples  de  l'.mcien 
monde.  Nous  nous  coiiientODS  de  rapporter  ici  un 
extrait  de  13ullet  qui  résout  très-bien  la  difliculié. 

«  L'Amérique  n'a  pu  être  peuplée  par  les  descen- 
dants de  Noë.  M.  de  Guignes,  Mitmoires  de  l'Académie 


des  Inscriplion$,  etc.,  a  solidement  répondu  à  cette 
objection,  dans  une  dissertation  qui  a  pour  titre': 
liecliercliifs  ««r  les  navigations  des  tliinois  du  lôté  de 
rAmériiiue.  Cet  illustre  savant  qui,  par  son  éi  udiiioa 
dans  les  langues  orientales,  a  si  Inrt  éiendu  nos  con- 
naissances liisloriques,  a  iiidii|ué  dans  cet  ouvrage 
plusieurs  manières  dont  l'Amèruiue  a  pu  être  peu- 
plée par  les  nations  de  notre  coniineut  ;  et  il  en  a  si 
bien  proiué  la  pussiUililé,  et  même  pour  (juelijues- 
uiies  la  facilité,  iiu'd  ne  doit  rester  aucune  diliicuUé 
sur  ce  sujet  pour  ceux  qui  cliei  client  la  vérité  de 
bonne  foi.  Nous  ajuuieroiis  à  ces  preuves,  déjà  si 
solides,  une  observ aiion  qui  leur  donne  une  nouvelle 
force,  et  qui  n'a  pu  èire  connue  de  cet  habile  aca- 
démicien, parce  qu'elle  n'.ivaii  pas  encore  éié  fiile 
lorsqu'il  éirivait.  kraiheninnikow  a  démuniré  que  le 
coulmenl  de  l'AmérKjue  lenuit  aulrej'uis  à  l'Asie  par  le 
kamtscliaika.  Voici  la  note  que  l'éditeur  fait  sur  ces 
paroles  de  son  discours  préliminaire. 

«  Suivant  le  récit  de  ce  savant  étranger,  le  coiiiti- 

<  uent  de  l'Amérique  s'étend  du  sud-ouest  au  nunï- 

<  est,  presque  partout  à  une  égale  distance  des  côics 

<  du  Kamtschalka,  et  les  deux  côles  semblent  pa- 
t  rallèles,  surtout  depuis  la  poiule  des  Kowriles,  ju  - 
I  qu'au  cap  de  Tchouk'it^a.  Il  n'y  a  que  deux  degrés 
I  et  demi  entre  ce  dernier  cap  et  le  rivage  d>:  l'Amé- 

<  riijue  correbpundaiit.  Un  voit,  par  l'aspect  des 
I  cotes,  qu'elles  ont  été  séparées  avec  violence,  el 
«  ks  lies  qui  sont  entre  deux  lorineiit  une  espèce 

<  de  cliaine  comme  les  Maldives.  Les  habitants  de 
(  l'Amérique  COI respomlant  à  l'extrémité  oiieniale 

<  de  l'Asie  sont  de  petite  taille,  basanes  et  peu  bar- 
(  bus,  comme  les  Kaintschadales,  etc.  Voyez  les 
I  preuves  de  cette  opinion  dans  l'ouvrage  même  de 
«  Kracheninnikow,  traduit  au  second  volume  in-4° 
«  du  voyage  en  Sibérie  de  l'abbé  Chappe.  Ces  preu- 

<  ves  sont  trop  fortes  pour  ne  servir  qu'à  l'appui 
I   d'un  système. 

I  Les  lions,  les  tigres,  et  les  autres  bêles  sauvages 
que  les  tspa^noU  ont  trouvées  dans  le  cuiiliiient  de 
l'Amérique,  sont  encore  une  priuve  qu'il  était  an- 
ciennement coiiiigu  au  nôtre;  car  ils  n'oni  trouvé 
aucun  de  ces  animaux  dans  aucune  Ile  éloignée  de  la 
terre  lerme. 

«  Un  savant  russe,  professeur  de  l'académie  de 
Pétersbourg,  nommé  M.  Kracheninnikow,  prulitanl 
des  connaissances  qu'il  a  acquises  par  un  long  séjour 
dans  le  Ivamischalka,  Histoire  du  liamtscliatka,  t.  I, 
pag.  598,  et  des  obseï  valions  de  M.  Sielbr  qui  y  est 
aussi  demeuré  plusieurs  années,  estime  que  cette 
presqu'île  de  l'Asie  était  autrefois  contigué  à  l'Aïué- 
rii)ui-,  d'où  elle  a  été  séparée  par  quelque  t;raiid  irem- 
blemeiit  de  terre.  Voici  Ifs  preuves  qu'il  en  apporte  : 

<  t°  Le  continent  de  l'Amériiiiie  s'étend  du  sud- 
est  au  nord-est  presque  partout  à  une  égale  distance 
des  côtes  du  Kamtscliaika,  et  les  deux  côles  sem- 
blent parallèles,  surtnut  d^'puis  la  pointe  des  Kowriles 
jiisiiu'aii  cap  de  fclioukotsa.  —  i"  Ou  voit  par  l'as- 
pect des  coies  qu'elles  ont  été  séparée-,  avec  violence, 
et  les  lies  qui  sont  entre  deuv  foruieiu  une  espèce 
de  cliaine  cniume  les  Maldives.  Les  trenibleinenls  de 
terre   sont   Irés-lréquenls  dans   le  Kamtschalka.  — 

5"  Quantité  de  caps  s'avancent  dans  la  mer  jusqu'à 
l'espace  de  quinze  lieues.  —  4°  Les  habitants  de 
l'Atiiérique  correspondant  à  l'extrémité  orientale  de 
l'Asie,  qui  est  vis-à-vis  le  Kamtschalka,  ressemblent 
aux  Kamtschadales.  Ils  sont  épais,  trapus  cl  robus- 
tes; ils  ont  les  épaules  larges;  leur  taille  est 
nioyeniie  ;  leurs  cheveux  soni  noirs  el  pendants,  ils 
les  portent  épars  ;  leur  visage  est  plat  et  basané; 
leurs  nez  sont  écrasés  sans  être  fort  larges;  ils  ont 
les  yeux  noirs  connue  du  charbon,  les  lèvres  épais- 
ses, pet:  de  barbe  et  le  cou  court.  Us  se  nourrissent 
de  poissons,  de  bêtes  marines  et  d'herbe  douce, 
qu'ils  apprêtent  comme  les  Kamlscliadalcs...  Us  re- 
gardent comme  un  ornement  particulier  de  se  faire 
des  irous  dans  les  joues  et  d'y  uieiire  des  pierres  de 


199  ÂMb; 

diiïérenies  couleurs  ou  des  morceaux  d'ivoire.  Qiieî- 
qnes-uiis  se  metient  diius  les  uariues  des  crayons 
d'ardoise  de  la  lousueMr  d'environ  dinix  veiclioks  ; 
quelques  :iulres  pnneiil  des  os  d'une  éiîale  grandeur 
sous  la  lèvre  inférieure;  il  y  eu  a  qm  en  pcirtenl  de 
semblables  sur  leur  front;  les  naturels  des  îles  qui 
sont  aux  environs  du  cap  Tclionkolsa  ,  et  qui  ont 
communicaiion  avec  les  fchoukiclii,  sont  vraisein- 
blablenienl  de  la  nième  origine  que  ce-;  peuples  de 
l'Amérique,  puisqu'ilsregiirdenlaussi comme  unorne- 
inent  de  se  mettre  des  os  au  visage.  —  5°  Les  Amé- 
ricains et  les  Kamiscliadales  ont  les  mêmes  traits  de 
visagi'. — 6°  lis  gardent  et  préparent  l'herbe  douce  de 
la  mémemanière,  ce  que  l'on  n'a  jamais  remarqnéail- 
letirs.— 7°  llsi.e  serventles  uns  et  les  autres  du  niéiue 
instrument  de  bois  pour  allumer  du  feu.  — 8°  Leurs 
haches  sont  de  cailloux  ou  d'os;  ce  qui  fait  croire  avec 
ju.ste  raison  à  M.Steller  que  les  Américains  ont  eu  au- 
trefois communicaiion  avec  les  Kaintscliadales.  — 0" 
Leurs  habits  el  leurs  chapeaux  sont  fait^  connue  ceux 
des  Kiuniscliadales.— 10°  Ils  teignent,  de  même  que 
les  Kaniischadales,  leur  peau  avec  de  l'écorce  d'aune. 
(  Toutes  ces  preuves  réur)ies  semblent  ne  pas 
l:iisser  lieu  de  douter  que  le  Kamtscliaïka  n'ait  éié 
anciennement  coniigu  à  rAinérique,  et  que  les  Amé- 
ricains qui  sont  vis  à-vis  le  Kamtschalka  ne  soient 
une  colonie  de  Kainischadales,  en  supposant  même 
que  le  continent  de  l'Ainérique  n'ait  jamais  été  joint 
à  celui  de  r\sie.  Ces  deux  parties  du  monde  s.intsi 
voisines,  que  personne  ne  disconviendra  qu'il  ne  soit 
très-possible  que  les  habitants  de  l'Asie  soient  pas- 
sés en  Amérique  pinir  s'y  établir,  ce  qui  est  d'aiiiaiit 
plus  vraisemblable  que,  ilans  l'espace  peu  étendu 
qui  sépare  ces  deux  continents  ,  il  se  trouve  une  as- 
sez grande  (|uantiié  d'iles  qui  ont  pu  favoriser  cette 
transmigration. 

I  Plu^ieurs  parties  de  l'Europe  ont  éprouvé  des 
révoluiions  semblables  à  celle  du  Kamtschalka.  La 
Sicile  a  été  séparée  de  l'Italie,  l'Iispague  de  l'Afri- 
que, la  Grande-Bretagne  de  la  France,  l'île  de  Fin- 
lande du  Groenland. 

«  On  a  mis  avec  raison  les  tempêtes  au  nombre 
des  moyens  par  lesquels  le  Nouveau  Monde  a  pu  se 
peupler.  Il  faut  ajouter  que  ce  ne  sont  pas  seulement 
les  vaisseaux  qui  peuvent  être  jetés  par  les  vents, 
des  côtes  d'Afrique  jusqu'en  Auiér. que,  comme  l'é- 
prouva la  flotte  de  Cabrai,  mais  encore  de  simples 
barques,  ainsi  qu'il  arriva  à  celle  dont  le  1'.  GuuiiUa 
raciiiiie  l'lii>ioire. 

«  M'élant  trouvé  en  1131  {llisloire  de  rOiénoque, 
I   t.  III,  c.  51),  au  mois  de  décembre,  dans  la  ville 

<  de  Saint-Joseph  de  Oiuna,  capitale  du  gouverne- 
«  ment  de  la  Trinité  de  Burlovenlo  ,  située  à  douze 

<  lieues  de  l'embouchure  de  l'Oréncque,  j'appris  des 
«   habitants  qu'il  était  arrivé  dans  leur  port  un  ba- 

<  teau  de  Ténénffe  chargé  de  vin,  lequel  était  con- 

<  duit  par  cinq  ou  six  hommes  maigres  el  décliarnés, 
I  lesquels  ayant  fait  provision  de  pain  et  de  viande 
I  pour  quatie  jours,  passaient  du  TénérilTe  dans 
«   une  autre  île  des  Canaries.   La  tempête  les  ayant 

<  surpris,  ils  furent  obligés  de  s'abandonner  à  la  fu- 

<  reur  dos  vents  et  des  flots  pendant  plusieurs  jours  ; 

<  de  sorte  qu'ayant  cousonimé  le  peu  de  vivres 
«  qu'ils  avaient  pris,  ils  se  virent  réduits  à  boire  du 

<  vin  pour  toute  ressource.  Ils  attendaient  la  mort  à 

<  tout  moment,  lorsque,  par  une  grâce   spéciale  du 

<  Ciel,  ils  découvrireni  I  Ile  de  la  Triidté,  qui  est 
I  vis  avis  de  i'Oiéiwque  :  ils  rendirent  grâces  à  Dieu 
€  de  le  siicct'^s  inespéré.  Ils  arrivèrent  et  prirent 
I   fond  dans  le  port  d'Espagne,  au  grand  étonnemcnl 

<  de  la  garnision  et  des  habitants,  qui  accoururent 
«  tous  pnur  être  lémoins  de  ce  prodige. 

I  Que  ce  passage  ail  été  occasionne  par  le  hasard 
I  pluiùl  que  par  la  volonté  île  ces  pauvres  insulai- 
«  res,  je  n'en  veux  d'autres  preuves  que  leur  décla- 

<  ration,  l'étal  misérable  où  ils  étaient  léduits,  elle 

<  passe-port  de  la  douane  de  Ténèrill'e,  qui  inar- 


AME 


200 


<  quait  leur  destination  pour  l'île  de  Palme  ou  celle 
I  de  Gomère  qui  appariieiit  aux  Canaries.  Ce  fait 
c  ainsi  attesté,  qui  [lourra  nier  que  ce  qui  s'est  passé 

<  de  nos  jours  ne  puisse  être  arrivé  dans  les  siècles 
f  passés,  vu  que  ces  faits  sont  attestés  par  des  au- 
I  teurs  classiques?  >  Bullet,  Hépomes  critiques,  t.  I, 
pag.  19.5,  édit.  de  Besançon,  18.6. 

AMÉRIQUE.  Quelques  incrédules  avaient 
soutenu  qu'il  élail  impossible  de  concevoir 
cotninent  l'Amérique  s'esl  peuplée  après  le 
déluge  ;  d'oii  ils  coiicluaienl  que  ce  fléau  n'a 
pas  été  universel,  et  qu'il  n'a  pas  submergé 
cette  partie  du  monde.  Mais,  depuis  les  nou- 
velles découvertes  qui  ont  été  fuites  par  les 
navigateurs,  il  est  démontré  que  depuis  le 
nord-est  de  la  Tartaric  le  passage  en  Améri- 
que n'est  ni  long  ni  dilOcile.  La  ressemblance 
que  l'on  a  remur()uëe  entre  les  habitants  de 
ces  deux  contineiiis  achève  de  nous  con- 
vaincre qu'ils  oui  une  origine  commune , 
que  les  Américains  septentrionaux  sont  ve- 
nus des  exlréiiiilés  orientales  de  l'Asie. 
M.  de  Guignes,  dans  son  Hisloire  des  Huns, 
a  prouvé  qu'au  v"^  siècle  les  Chinois  ont 
commercé  avec  l'Amérique  ,  el  l'on  a 
trouvé  des  débris  de  vaisseaux  chinois  et  ja- 
ponais sur  les  côtes  de  la  Californie  el  de  la 
mer  du  Sud.  Au  x=  siècle  ,  les  Norwé- 
giens  découvrirent  l'Amérique  septentrio- 
nale, et  y  envoyèrent  une  colonie  qui  fui  ou- 
bliée dans  les  siècl. s  suivants:  ce  qui  arriva 
pour  lors  a  pu  se  faire  de  même  dans  les 
siècles    précédents. 

L'auteur  des  Etudes  de  la  Nature,  tome  II, 
p.  Ciil,  a  rassemblé  plusieurs  observations 
qui  concourent  à  prouver  que  la  pnpulation 
de  l'Amérique  méridionale  s'est  faite  par  les 
îles  de  la  mer  du  Sud  ;  que  les  habitants  des 
extrémités  méridionales  de  l'Asie  ont  pu, 
d  iie  en  île,  pénélrer  aisément  en  Amérique. 
Les  Noirs  que  l'on  y  a  trouvés  en  petit  nom- 
bre ne  sont  dune  pas  indigènes  ;  ils  y  ont  été 
transportés  par  hasard  ou  autrement  des 
côtes  méridionales  de  l'Afrique. 

La  question  de  la  population  de  l'Améri- 
que n'esl  plus  une  difficulté  parmi  les  sa- 
vanls  ;  lorsque  les  incrédules  allectent  de  la 
renouveler,  ils  ne  fonl  pas  honneur  à  leur 
érudition.  Ils  n'ont  pas  parlé  avec  plus  de 
prudence  des  missions  qui  oui  été  faites  dans 
celle  partie  du  monde,  el  des  elïels  qui  en  ont 
résulté.  De  nos  jours  on  a  peint  ces  missions 
sous  les  couleurs  les  plus  noires  ;  on  a  sou- 
tenu el  on  a  essayé  de  prouver  que  le  fana- 
tisme ou  le  zèle  aveugle  de  la  religion  a  été 
la  vraie  cause  des  cruautés  que  les  Espa- 
gnols ont  exercées  sur  les  Indiens  ;  que 
douze  ou  quinze  millions  d'Américains  ont 
été  égorgés,  le  crucifix  à  la  main,  pour  éta- 
blir le  clirislianisme  en  Aincri(]ue. 

Pour  réfuter  complétemeiU  celte  calomnie, 
il  suffit  d'établir  un  certain  nombre  de  faits 
inciintcstables,  el  lous  avoues  par  les  écri- 
vains luémes  qui  l'ouï  avancée.  1"  Il  est 
conslanl  (|ue  les  pn;miers  Espagnols  qui  ont 
découvert  ['Amérique,  et  ont  commencé  à  y 
pénélrer,  étaient  la  lie  de  leur  nation,  des 
aventuriers,  des  criminels  échappés  des  pri- 
sons ,  des  scélérats  qui  avaient   morilc  le 


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supplice;  ils  étaient  conduits  au  delà  des 
mers  par  la  soif  de  l'or,  par  l'atlrnit  du  bri- 
gani1a<;e,  par  l'espoir  de  l'iiiipunKc.  Il  ost 
absurde  d'atlribucr  à  de  pareils  hommes  un 
zèle  bien  ou  mal  ré;i;lé;  la  plupart  n'avaient 
pas  p'us  lie  religion  que  de  mœurs.  Quel- 
ques moines,  qui  les  suivirent  eu  qualité 
d'aumôniers  de  vaisseaux,  n'ét  lient  ni  as- 
sez puissants,  ni  assez  habile'^  pour  réprimer 
la  cru.iulé  de  ces  malfaiteurs.  '1'  Après  avoir 
exercé  leur  caractère  féroce  sur  les  Améri- 
cains, les  Kspnjjnols  ont  fini  par  se  faire  la 
guerre,  par  se  déchirer  et  se  devoier  les  uns 
les  autres;  ils  ont  traité  les  liummes  de  leur 
propre  nation  avec  la  même  barbarie  dont 
ils  avaient  usé  à  l'égard  des  indiens.  Ce  n'est 
donc  pas  un  zèle  fanatique  de  religion  qui  a 
été  le  principe  de  leurs  crimes.  3"  Loin  d'a- 
voir envie  de  contribuera  la  conversion  de 
ces  malheureux  peu])les,  les  conquérants  ont 
traversé  tant  qu'ils  ont  pu  les  travaux  dos 
missionnaires.  Ceux-ci  n'avaient  pas  plutôt 
rassemblé  un  certain  nombre  d  Indiens,  que 
les  Espagnols  venaient  les  enlever  pour  les 
faire  travailler  aux  mines.  Ils  ont  donc  tour- 
menté les  Américains,  non  pour  les  obligiT 
à  se  convertir,  mais  pour  lis  forcer  à  fouil- 
ler les  métaux,  à  découvrir  leurs  trésors,  à 
fournir  de  l'or,  ^t-'  Le  gouiernement  d'Espa- 
gne a  ignoré  d'abord  ces  cruautés;  loin  de 
les  autoriser  par  aucun  onlre,  il  avait  re- 
commandé de  traiter  les  Indiens  avec  dou- 
ceur; il  fut  enfin  éveillé  par  les  plaintes  que 
Barlhélenii  de  Las  Casas,  évéque  de  Chiapa, 
vint  porter  au  nom  des  Américains  ;  l'on  en- 
voya des  officiers  et  des  magistrats  en  Amé- 
rique pour  réprimer  le  brigandage  des  Es- 
pagnols ;  mais  le  mal  était  fait,  il  n'était  plus 
possible' de  le  réparer.  5"  Aucun  tribunal  ec- 
clésiastique n'a  justifié,  approuvé,  ni  excusé 
la  conduite  des  Espagnols.  Lorsque  le  ver- 
tueux L.is  Casas  la  rendit  publique  et  en  in- 
forma sa  nation,  un  seul  docteur,  nommé 
Sépulveda,  pa  é  par  les  grands  qui  avaient 
des  possessions  en  Amérique  ,  osa  soulcnir 
que  la  violence  était  permise  contre  les  In- 
diens. Son  ouvrage  fut  censuré  par  les  uni- 
versités de  Salamanque  et  d'Alcala  ;  le  con- 
seil des  Indes  s'était  opposé  à  l'impression, 
et  le  roi  d'Espagne  en  fit  saisir  tous  les 
exemplaires.  11  est  donc  démontré  (|ue  la 
soif  insatiable  de  l'or,  l'orgueil  qui  veut  lout 
obtenir  par  la  force,  le  ressentiment  contre 
les  Indiens  dont  on  avait  provoqué  la  cruau- 
té, l'habitude  de  répandre  le  sang,  ont  été 
les  seules  causes  des  crimes  commis  en 
Amérique  par  les  Espagnols,  et  que  le  zèle 
fanatique  de  religion  n'y  est  entré  pour  rien. 
Voyez  Histoire  d'Amérique  ,  par  M.  llo- 
berison. 

Des  voyageurs  désintéressés,  des  militai- 
res, des  navigateurs,  ont  rendu  justice;  dans 
plusieurs  ouvrages  aux  travaux,  à  la  sa- 
gesse, au  zèle  pur  et  véritable  de  ceux  qui 
ont  établi  les  missions  de  la  Californie,  du 
Paraguay,  des  Moxes,  des  Cliiquiles,  du  Bré- 
sil, du  Poroii  :  les  calomnies  des  pre:estanis 
et  des  incrédules,  qui  les  ont  copiées,  ne  fe- 
ront pas  oublier  l'éloge  qu'eu  a  fait  1  auteur 
DicT.  DE  Théol.  dogmatique.  1. 


de  VEsprit  des  Lois,  1.  iv,c.6.  Il  est  fâcheux 
que  la  révolution  arrivée  en  Europe,  qui  a 
rappelé  les  missionnaires,  ait  entraîné  la 
chute  de  la  plupart  de  ces  établissements 
aussi  honorables  à  l'humanité  qu'à  la  reli- 
gion. ^  Mosheini,  quoique  luthérien,  avait 
parle  des  missions  faites  par  les  jésuites  dans 
l'intérieur  de  V Amérique,  avec  une  cerlaine 
modération  ;  il  avait  même  applaudi  au 
moyen  que  ces  missionnaires  employaient 
pour  convertir  les  Sauvages.  Rien,  selon  lui, 
n'était  plus  sage  que  de  commencer  par  les 
civili,  er  avant  de  les  instruire,  et  que  d'en 
faire  des  hommes  avant  de  vouloir  en  faire 
des  chrétiens.  11  avait  cependant  cherché  à 
empoisonner  le  motif  des  missionnaires,  en 
disant  que  ces  prétendus  apôlres  avaient 
moins  pour  but  la  propagation  du  chrisiia- 
nisme,  que  le  désir  de  satisfaire  leur  avarice 
insatiable  et  leur  ambilion  démesurée  :  et 
il  cilait  pour  preuve  les  sommes  prodigieu- 
ses d'or  qu'ils  liraient  des  différentes  pro- 
vinces de  l'Amérique.  Hist.  ecchs.  du  xvir 
siècle,  sect.  1,  §  19.  Mais  son  traducteur, 
mécontent  de  cette  modération,  soutient  que 
Mosheim  n'était  pas  assez  instruit;  que  de- 
puis ce  temps-là  il  a  été  prouvé  que  les  jé- 
suites n'avaient  point  d'autre  dessein  que 
de  se  former  au  P.iraguay  une  souveraineté 
indépendante  des  cours  d'Espagne  et  de  Por- 
tugal, de  dominer  despotiqiieiiient  sur  les 
Indiens  sous  prétexte  de  religion  ;  que  ce 
sont  eux  qui  ont  armé  les  Indiens,  et  qui  les 
ont  engagés  à  se  révolter  contre  rechange 
que  ces  deux  cours  avaient  fait  entre  elles 
d'une  partie  de  ces  colonies;  que  telle  a  été 
l'origine  de  la  disgrâce  (lue  les  jésuiles  ont 
éprouvée  en  Es|iagne  et  en  Poilugal.  Il  cite 
en  preuve  une  relation  publiée  par  la  cour 
de  Lisbonne  en  1758.  Selon  lui,  Montesquieu, 
le  savant  Muratoii  et  d'autres,  qui  ont  fait 
l'apologie  de  ces  missionnaires,  ont  trahi  la 
vérité,  ou  ils  étaient  mal  informés. 

Pour  rendre  croyables  les  relations  pu- 
bliées contre  la  conduite  des  missionnaires, 
il  aurait  fallu  éclaircir  plusieurs  doutes 
qu'elles  ont  naturellement  fait  naître;  nous 
les  proposons  avec  d'autant  plus  de  con- 
fiance, que  nous  en  avons  puisé  la  plupart 
dans  l'ouvrage  d'un  militaire  que  l'on  ne 
peut  pas  accuser  de  prévention,  soit  en  fa- 
veur de  la  religion  cathuliijue,  soit  à  rét;ard 
des  missionnaires  et  des  missions.  De  l'Amé- 
rique et  des  Améiicrdns ,  pur  \u  philosophe 
Ladouceur,  Berlin,  1771.  —  1"  Il  est  difficile 
de  comprendre  comment  des  jésuites  alle- 
mands avaient  le  courage  de  se  dévouer  aux 
missions  de  ['Amérique,  par  l'attrait  d'y  éta- 
blir une  souveraineté  temporelle  de  laquelle 
ils  ne  jouissaient  pas,  et  dont  lout  l'avan- 
tage revenait  à  leur  ordre  ou  à  leur  société 
en  Europe.  Car  enfin  on  ne  les  accuse  pas 
d'avoir  eu  au  Paraguay,  ou  ailleurs  ,  un 
train  de  souverains,  d'y  avoir  étalé  le  faste, 
la  magnificence,  les  commodités  de  la  vie  et 
les  plaisirs  d'une  cour  européenne  ou  asia- 
tique. Ils  y  étaient  pasteurs,  catéchises,  pè- 
res spirituels  et  temporels  des  Indiens;  ils 
supportaieut  tous  les  travaux  du  ministère 
7 


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ecclésiastiqne  ;   sourent  ils  s'exposaient  à 
être  massacres  par  les  nouveaux  Sauvages 
qu'ils  voulaient  apprivoiser.  On  n'en  a  vu 
aucun   revenir  en  Europe,  pour  y  J!)uir  de 
la  récompense  que  la  sociéié  devuil  accor- 
der par  reconnaissance  à  ceux  de  ses  mem- 
bres qui  la  rendaient  souveraine  en  Améri- 
que. Les  olficicFS  de  la  compagnie  ansilaise 
des  Indes,  après  avoir  exercé  en  son  nom  la 
souverainelé  sur  les   bords  du  Gange,    se 
sonl  empressés    de   venir  dépenser  en  An- 
gleterre  le   fruit  de   leurs  concussions  ;  pas 
un  seul  jésuite  n'a  rapporté  eu  Allemagne, 
ou  ailleurs,  la  moindre  partie  des  monceaux 
dor  qu'il  avait  amassés  en  Amérique  pour 
le  compte  de  la  société.  Ou  ces  missionnai- 
res étaient  conduits  par  des  molifs  de  reli- 
gion ,  ou  c'étaiiMii  les  plus  vrais  insensés 
qu'il  y  eût  au  monde.   2°  Si  leur  gouverne- 
ment était  absolu,  dur  cl  lyrannique,  com- 
ment les  Sauvages,  originairement  accoutu- 
més à  l'indépendance,  consentaienl-ils  à  le 
supporter?  Commeiii  ne  désert  .ienl-ils  pas, 
comme    font    les    Nègres     marrons    rebutés 
de  l'estl       ge,  pour  retourner  dans  les  fo- 
rêts? Les  missionnaires  n'avaient  pas  à  leurs 
ordres  une  armée  d'Européens,  pour  retenir 
les  Indiens  sous  le  joug  malgré  eux.  Si  au 
conlr.iire  le  gouvernement  était  doux  el  pa- 
ternul,  nous  ne  voyons  plus  quel  crime  com- 
mellaienl  1  "S  missionnaires,  en  tiranl  les  in- 
diens de  l'état  sauvage  pour  leur  fjiire  goû- 
ter les  avantages  de  la  société   civile,  et  en 
les  nnienani  par  ce  bienfait  au  chrisiianisine. 
Il  n'esi  défendu  nulle  part  aux  prédicateurs 
de  l'Kvannile   de  réunir,   quand  ils  le  peu- 
veiil,  le  bien  temporel  d'un  peuple  à  son  sa- 
lui   éternel.  3°  t)n  ne  prouve   point  le   droit 
qu'avaient  les  rois  d'Kspagno  et  de  Portugal 
d'assujettir  à  leurs  lois  dos  peuplades  d'In- 
diens  oiiginaiiemeiit  indépendants,   de   les 
échanger  et  d'en  disposer  comme  d'un  trou- 
peau de  bétail;  on  ne  dit  point  pourquoi  des 
jésuite;  allemands  étaient   obligés  en   con- 
science de  soumettre  à  l'un  ou  à  l'autre  de 
ces  rois  les  Sauvages  qu'ils  avaient  civili- 
ses, el  qui  n'avaient   reçu  de  Madrid   ni  de 
Lisbonne  aucun  secours,  aucun  bienfait,  au- 
cune marque  de  protection.  La  manière  dont 
ces  souverains  ont  Iraiié  leurs   sujets,  dans 
cette  partie  <Ui   monde,  etail-elle   propre  à 
exciter   l'ambition  de   leur   appartenir?  lui 
supposant  même  que  ce  sont  les  jésuites  qui 
ont  aimé  les  Indieiis,  el  les  ont  excités  à  dé- 
fendre leur  liberté,  nous  ne  vojons  pas  en- 
core en  (|Moi  ils  se  sont  rendus  c6u|iables  de 
sédition,  de  réiolte,   de  Irjiliison.  Ou  il  faut 
accuser  de  ce  crime   les  peuples  des   litals- 
Unis  de  l'Amérique,  ou  il  faut  en   absoudre 
les  Indiens  du  P.iraguay;  la  cause  de  ceux- 
ci  est  même  plus  favorable,  puisque  jamais 
ils  n'ont  éié  sujets  de  liispigne  ni  du  Portu- 
gal. ^°  Puisi.ine  les  jésuite.»,  selon   l'opinion 
ile  leurs  aci  usateurs,  ont  toujours  été  aveu- 
glément soumis  el  devimés  à  la  cour  de  Ho- 
me, nous  ignorons  pourcjuoi  celles  de  Lii- 
boiine  et  de  Madrid,  nn'conteiiles  df  ces  niis- 
sionn.iires,   n'ont  pas   porté   d'aboid   leurs 
plaintes  au  pape,  et  n'en  ont  pas  obtenu  uu 


ordre  positif  qui  enjoignit  à  ces  derniers  de 
soumettre  leurs  nouvelles  peuplades  à  la  do- 
mination de  l'un  ou  de  l'aulre  de  ces   rois. 
Ce  parti  n'eûl-il  pas  été  plus  sage  que  de 
mettre  des  armées  en  campagne,  et  de  dissi- 
per le  troupeau  en  lui  ôlanl   ses    pasteurs? 
On  sait  que  le  mémoire  publié  en  1758   par 
la  cour  de  Lisbonne  fui  l'ouvrage  du  mar- 
quis de  Pombal,  despote  le  plus  absolu  qui 
fui  jamais,  el  dont  la  mémoire  est  aujour- 
d'hui en  exécration.  Cette  i)ièce  n'est  pas  as- 
sez respectable  pour  opérer  la  condamnation 
des  accusés,  sans  autre  preuve.  5°  Une  nou- 
velle énigme  à  expliquer  est  la  conduite  des 
missionnaires.  Us  ont  armé  les  Indiens  pour 
la  défense  de  leur  liberté  naturelle;  mais  ils 
n'ont   pas  eu  recours  aux   armes   pour  se 
maintenir  e;i  possession    de  leur   prélendue 
souveraineté;  ils  ont  obéi  sans'résistance  au 
premier   ordre  qui  leur  a  été  donné  de  quit- 
ter leurs   missions;  ils  sont   revenus  en  Eu- 
rope, où  ils  étaient  bien  sûrs  d'être  maltrai- 
tés, comme  ils  l'ont  été  en  effet.  Puisqu'on 
leur  suppose  des  trésors,  s'ils  avaient  gagné 
les  colonies  anglaises,  qu'aurait-on  pu  leur 
faite?   G   Nous  ne   demandons  pas  où  sont 
aujourd'hui  ces  monceaux  d'or  que  les  jésui- 
tes tiraient  de   VAmériqur,  ce  qu'ils  sont  de- 
venus, comment  ils  ont  disparu;  mais  s'il  est 
vrai,  comme  on    l'assure,   que   les  Indiens, 
désolés  d'être  privés    de   leurs   pasteurs,  se 
sont  séparés  el  sont  retournés  dans  leurs  fo- 
rêts, nous  demandons  ce  qu'ont  gagné    les 
deux  [luissaiices  i\n\  ont  fait  celte  destruc- 
tion, et  quel  avantage  elles   peuieiit   tirer 
d'un   pays   désert ,   dont   les  habitants   ont 
mieux  aimé  redevenir  sauvages  que  de  subir 
leur  joug?  —  Que  des  ))rolestaiils  et  des  in- 
crédules applaudissent  à  cette  brillanfe  ex- 
pédition,  nous    n'en   sommes   pas   étonnés  : 
c'est  un  (fiel  de  leur  fureur  anticlir.  tienne; 
mais  lorsque  des    hommes  qui   affectent  du 
zèle  pour  la  religion,  semblent  se  réjouir  de 
la   desli'uction    de   plusieurs   missions   très- 
nombreuses,  on  est  tenté  de  leur  demander 
s'ils  croient  en  Dieu. 

Disons-le  hardiment  :  il  n'est  que  trop 
prouvé  par  l'événement  que  les  accusations 
formées  contre  les  fondateurs  de  ces  mis- 
sions sont  de  pures  visions  el  des  calom- 
nies; l'on  sent  à  présent  la  faui(!  énorme  (jue 
l'on  a  laite  en  y  piéianl  l'oreille  :  mais  le 
m.il  est  fait,  et  il  ne  sera  pas  réparé.  Voij.  Jé- 
siiTEs,  Missions. 

AMIilÉ.  Plusieurs  de  nos  moralistes  in- 
crédules ont  enseigné  (ju'il  n'y  a  point  d'a- 
milié  liésintéressée  ;  que  ïnmitié  ne  fait  que 
dt  s  échanges;  qu'il  est  impossible  d'aimer 
quelqu'un,  à  moins  que  l'on  n'en  espèio 
(|uelque  avantage.  Ils  ont  consulté  saos  d(iu- 
te  leur  propre  co-ur;  et  comme  ils  se  fuit 
sentis  incapables  d'un  sentiment  Aiuniiié 
pure,  iU  ont  conclu  qu'il  en  est  de  nicme  de 
tous  les  hommes.  lésus-ClirisI,  qui  onn.iis- 
sait  mieux  qu'eux  l'humanité, nous  a  prêché 
une  morale  très-opposée  à  la  leur  :  Si  vous 
n'aimez,  i\\{-\\,  que  ceux  qui  >  ous  nimriit,  quelle 
rer.omfiense  aurcz-vousï  les  publieanis  lU  font 
auCnut  [Mullh.  v,  kii).  il  se  donne   lui-même 


20S  AMM 

f 

»)  pour  exemple  d'une  amitié  parfaite  :  Per- 
sonne, (lil-il,  ne  peut  témoigner  un  plus  grand 
amour  que  celui  qui  donne  sa  vie  pour  ses 
amis  (Joan.  xv,  13^.  Dans  ce  cas,  il  ne  peut 
y  avoir  aucun  lieu  à  l'intérél. 

Quelques  censeurs  se  sont  plaints  de  ce 
que  l'Evangile  ne  recomuiaiide  p:is  VamUié. 
Ils  devaient  l'aire  atlcnliou  que  c'est  un  sen- 
linient  naturel  qui  ne  se  cotnmaniie  poinl; 
les  lois  prescriraient  vainement  à  un  homme 
d'avoir  des  amis,  s'il  n'a  pas  reçu  de  la  na- 
ture les  qualités  propres  à  lui  ffajjner  l'af- 
feclion  de  ses  semblables.  Mais  l'Evangile 
nous  commande  certainement  toutes  les  ver- 
tus capables  de  nous  eon<ilier  Vamilié  de 
ceux  avec  lesquels  nous  vivons  :  la  charilé, 
la  douceur,  l'indulgence  pour  les  défauts 
d'auti'ui,  la  commisération  pour  ceux  qui 
souffrent,  l'empressemenl  à  faire  du  bien  à 
tous,  l'oubli  des  itijures,  l'amour  niéaic  des 
ennemis.  Un  chrétien,  doué  de  toutes  ces 
qualités,  pourrait-il  ne  pas  avoir  des  amis? 
Jésus-Chrisl  en  a  eu  plusieurs;  Lazare  et  ses 
sœurs  étaient  de  ce  nombre;  il  a  eu  une  af- 
fection particulière  pour  saint  Jean  ;  cet  apô- 
tre se  noMuiie  lui-même  le  disciple  que  Jésus 
aimait;  souvent  le  Sauvenr  appelle  ses  dis- 
ciples ses  amis  [Luc,  xii,  4).  li  dit  à  ses  au- 
diteurs :  Fni(es-i  ouK  des  amis  avec  les  riches- 
ses périssables  de  ce  monde  (xvi.O).  Il  ne  s'est 
donc  pas  borné  à  nous  montrer,  par  ses  pa- 
roles et  par  ses  exemples,  que  Vanniié  est 
un  sentiment  louable;  mais  il  nous  a  appris 
à  la  sanctiGer,  à  lu  fonder  sur  sa  vraie  base, 
sur  la  verlu. 

A.MMUN,  AMMONITES.  Amman,  né  de 
l'inceste  de  Lot  avec  sa  fille  puînée,  a  été  la 
tige  des  Ammoniles,  peuple  plaeé  à  l'orient 
de  la  Palestine.  Certains  critiques  ont  écrit 
que  Moïse  avait  invenié  cotte  origine  obs- 
cure des  Ammonites,  alin  de  persuader  à  son 
peuple  qu'il  pouvait  sans  scrupule  s'empa- 
rer de  leur  pays.  Voy.  Lot.  —  Au  contraire. 
Moïse  déclare  aux  Israélites  que  Dieu  ne 
leur  donnera  pas  un  seul  pouce  du  terrain 
possédé  par  les  Ammonites,  par  les  Moabites, 
ni  par  les  desccuilants  d'ilsaù  ;  il  leur  défend 
d'y  toucher,  parce  (jue  c'est  Dieu  qui  a  placé 
ces  peuples  sui-  le  sol  qu'ils  occupent,  com- 
me il  veut  établir  le  sien  dans  le  pays  des 
Chananéeiis  [Deut.  i,  5  et  Siu'r.i.  Trois  cents 
ans  après,  Jephté,  bien  instiuit  des  inten- 
tions de  Moïse,  soutient  aux  Ammonites  que 
les  Hébreux  ne  leur  ont  pas  enlevé  un  seul 
coin  de  terre  ,  non  plus  qu'aux  Moabiles 
[Jud.  SI,  15).  Lorsque  Moïse  décide  que  ces 
deux  peuples  n'entreront  jamais  dans  l'E- 
glise du  Seigneur,  il  n'allègue  point  leur  ori- 
gine, mais  le  refus  qu'ils  ont  fait  de  laisser 
passer  les  Isr.iélites  sur  leurs  froiiiières  en 
sortant  de  l'Egypte  {Ueut.  xxm,  3).  Il  ne 
parle  de  celte  origine  ((ue  pour  rendre  rai- 
son à  son  peuple  de  la  défense  qu'il  lui  fait 
de  la  part  de  Dieu;  il  n'a>ail  pas  tort  de  re- 
garder les  Ammonites  comme  des  ennemis 
irréconciliables,  ils  le  lurent  en  effet.  Lors- 
que David  les  vainquit  et  les  subjugua,  ils 
avaient  provoqué  la  guerre  par  une  insulte 
fui'e  à  ses  ambassadeurs  [Il  iieg.  \  et  suiv.). 


AMO 


206 


Kt  c'est  mal  à  propos  que  l'on  accuse  ce  roi 
d'avoir  traité  ce  peuple  avec  cruauté.  Voy. 
David. 

AMOUl'.HÉKNS  ,  peuple.  Lorsque  Dieu 
promet  à  Abraham  de  dunncr  à  sa  postéi  iic 
le  pays  des  Cbanané'iis,  il  lui  dit  que  celtr. 
promesse  ne  s'accomplira  que  dans  quatre 
cents  ans,  parée  que  les  iniciuilés  des  Anior- 
rhéens  ne  sont  paseneori;  parvenues  au  com- 
ble {Gen.  XV,  IG).  Dieu  accordait  donc  quatre 
siècles  de  délai  à  ce  peuple  pervers  pour  ren- 
trer eu  lui-même  eldésarmerla  justice  divine. 
Bel  exemple  de  l.i  patience  de  Dieu  à  l'égard 
des  pécheurs  1  Ou  peut  voir  les  observations 
deM  deGébelin  sur  les  Ammonites,  les  Moa- 
biles et  les  Amorrhéens,  Monde  primit.,  t.  VI, 
p.  21. 

AMDS,  l'un  des  douzi-  petits  prophètes, 
était  un  pasteur  de  la  ville  de  Thécué  :  il  pro- 
phétisait à  Bélhel  ,  où  Jéroboam  adorait  des 
veaux  d'or;  il  piéditque  la  maison  de  ce  prince 
serait  menée  en  c/iptivilé,  s'il  persistait  dans 
son  idolâlrie.  Amasias,  préire  des  veaux  d'or, 
choqué  de  la  liberté  li'Amos,  l'accusa  devant 
Jé'otioam  ,  le  traitant  de  visionnaire  et 
d'homme  dangereux  ,  propre  à  soulever  le 
peuple  contre  son  roi  ;  ce  qui  obligea  le  pro- 
phète à  sortir  de  Bélhei,  après  avoir  prédit  à 
Amasias  que  sa  lemaie  serait  prostituée  au 
milieu  de  Samarie.  et  que  ses  fils  et  ses  filles 
périraient  par  l'épée.  Du  reste,  on  ignore  lo 
temps  et  le  genre  de  sa  mort.  —  Le  principal 
objet  de  ce  prophète  <'sl  de  reprocher  aux 
Juifs  des  deux  royaumes  d'Israël  et  de  Juda 
leurs  infidélités  et  leur  idolâtrie  ,  de  leur 
annoncer  les  châtiments  qui  tomberont  sur 
eux  et  sur  les  peu[)les  voisins;  mais  il  finit 
par  prédire  que  les  Juifs  seront  rétablis  dans 
leur  terre  natale,  et  (jue  le  trône  de  David 
sera  relevé  (ix,  11).  Les  Juifs  modernes  abu- 
sent de  celte  [)rophélie,  eu  se  fiaitant  qu'un 
jour  Dieu  les  rétablira  dans  la  Palestine,  et 
y  renouvellera  le  règne  de  David.  11  suffit  do 
lire  attentivement  le  texte  ,  pour  voir  que  le 
prophète  a  seulement  prédit  le  rétablissement 
des  Juifs  après  li  captivité  de  Babyloue,  et 
que  ce  qu'il  a  dit  s'est  accompli  pour  lors. 

La  Bible  fait  mention  d'un  autre  Amos , 
père  du  pro[d)ète  ls;iïe  :  on  en  trouve  un 
troisième  dans  la  généalogie  de  notre  Sau- 
veur, rapportée  dans  l'Evangile  selon  saint 
Luc. 

AMOUR  DE  DIEU.  Moïse  dit  aux  Juifs  : 
Vous  aimerez  le  Seigneur  v  /  ire  Dieu  de  toute 
votre  (Ime  et  de  toutes  vos  forces  (Peut  vi, 
4).  Dieu  fait  miséricorde  à  ceux  qui  l'aiment 
et  qui  gardent  ses  lois;  il  punil  ceux  qui  te 
haïssent  ou  qui  violent  ses  commandements 
[Exod.  XX,  5).  Cependant  il  y  a  des  philoso- 
phes assez  mal  instruits  pour  affirmer  qu'il 
n'y  .ivail,  dans  les  tables  de  l'ancienne  lui, 
aucun  commandement  d'aiiner  Dieu.  Nous 
convenons  qu'en  général  les  Juifs  accomplis- 
saient assez  mal  ce  précepte,  que  le  moiifde 
leur  obéissance  à  la  loi  était  plutôt  l'espé- 
rance d's  biens  temporels  qu'un  attachemini 
sincère  à  Diiu.  Ce  défaut  fut  encore  plus  sen- 
sible ,  lorsque  le  saducéisme  cul  infecté  une 
grande  partie  de  la  nation.  —  Jesus-Chiist  a 


207  'AMO 

renfermé  toute  sa  morale  dans  le  comman- 
dement d'aimer  Dieu  sur  toutes  choses  .  oi  le 
procb.tiii  comme  soi-même  :  Puns  ces  deux 
coinmandemenis ,  dil-il,  sont  rtinl(nif<  toute 
la  loi  el  les  pr<,i,hèles  [Malth.  xxii,  .il  ;  i\hirc. 
XII  ;  Luc.  \).  Il  ne  nous  l.iissp  pas  ignorer  en 
quoi  consiste  Vnmoitr  de  Dieu  :  Celui  qui 
retient  mfs  comuiaudetneiits  el  les  observe, 
m'aime  vérilnblnnent  ;...  alui  i/iiî.  ne  m'nime 
point,  ne  les  (.bserre  point  {loau.  xiv,  21,  2'i.). 
Il  n'(  si  donc  point  iri  qui'stion  de  senliinenls 
affeilueux,  souvent  sujets  à  l'illusion,  m;iis 
doboissance  el  de  ûdélilé  à  remplir  tous  nos 
devoirs. 

Les  motifs  qui  nous  portent  à  aimer  Dieu 
sont  sa  lionté  infinie,  les  bienfaits  dont  il  nous 
a  comblés  dans  l'ordre  de  la  nature  et  dans 
l'ordre  de  la  grâce,  les  promesses  qu'il  nous 
fait,  le  bonheur  éternel  qu  il  nous  prépare, 
l'amour  qu'il  a  pour  nons.  Voy.  Keconnais- 
SA'NCi .  Il  n'est  pas  vrai  que  Jésus-Clirisl  nous 
ail  défondu  de  rien  aimer  que  Dieu  ;  cela  sé- 
rail conirailictoire  au  précepte  d'aimer  le 
prochain  comme  nous-mêmes  ;  mais  il  nous 
défend  de  rien  aimer  plus  que  lui  (Malth.  x, 
37).  11  vent  que  nous  soyons  prêts  à  loul 
quitter,  lorsque'  cela  est  nécessaire  pour  le 
service  de  Dieu  et  pour  le  salut  du  prochain; 
c'est  le  sens  de  ces  paroles  :  Si  quelqu'un 
vient  à  moi,  et  ne  liait  pas  so)i  jière,  sa  mère, 
son  épouse,  ses  enfants,  ses  fn'res  et  sœurs,  et 
même  su  propre  vie  ,  il  ne  peut  ^tre  mon  dis- 
ciple (Luc.  \i\,  20).  Ce  courage  était  néces- 
saire aux  apôtres  ,  il  l'est  encore  aux  iiom- 
Dies  apostoliques;  onlils  cessé  pour  cela 
d'aimer  leur  famille  ?  En  se  conliant  à  Jésus- 
Christ,  ils  assuraient  à  leurs  proches  la  pro- 
tection du  meilleur  el  du  plus  puissant  de 
tous  les  maîtres.  Aucune  morale  ne  tend  plus 
directement  à  resserrer  les  liens  de  la  nature 
el  de  la  société  que  la  morale  de  l'Evangile. 

Nous  ne  nous  arrêterons  point  ici  à  dis- 
cuter s'il  peut  y  avoir  un  amour  de  Deu  pur 
et  désintéressé,  sans  aucun  rapport  à  nous- 
mêmes  ;  il  nous  sulfit  de  savoir  que  notre 
plus  grand  intirét  pour  ce  nionde  et  pour 
l'autre  est  d'aimer  D  eu,  et  qu'un  cœur  assez 
ingr.il  pour  ne  pas  aimer  Dieu  n'est  pa-.  fort 
disposé  à  aimer  les  hommes.  Voy.  I^har.ti;. 

A.MOUK  DU  l'UOCHAIN.  Lorsque  iésus- 
Clirisl  nons  commande  d.ins  l'Kvangile  d'ai- 
mer notre  proch.iin  comme  iious-inêmcs  ,  il 
explique  très-ilairemenl  en  quoi  doit  consis- 
ter cet  amour,  tuiles  aux  autres,  dit-il,  ce 
que  vous  roulez  qu'ils  vous  fassent  {Malth.  vu, 
12;  Luc.  VI,  3ij.  11  ne  nons  ordonne  point 
d'avoir  pour  tous  les  hommes  les  senlimcnts 
tendres  el  afleclueux  que  nous  avons  pour 
nos  aoiis,  mais  <le  leur  témoigner  de  la  bien- 
veillance par  des  efl'ets.  La  douceur,  la  coiu- 
]jlaisance,  l'indulgence,  la  commisération,  les 
secours,  les  eon  cils ,  les  ser»ices:  voilà  ce 
que  nous  exigeons  de  nos  semblables,  et  ce 
<iue  nous  leur  devons.  -Comino  les  Juifs  en- 
tendaient assez  mal  ce  commandeoient  de  la 
loi,  cl  ne  comprenaient,  sous  le  nom  de  pro- 
chain, que  les  homim  s  de  leur  naiion,  Jesus- 
Christ  les  détrompe  par  la  parabole  du  Sa- 
maritain   qui    soulage   un   Juif  blessé,  de- 


AMP 


208 


pouillé,  abandonné;  il  leur  apprenait  par 
cet  exemple  qu'ils  devaient  regarder  comme  r 

prochain  les  hommes  même  qu'ils  délestaient 
davantage,  les  Samaritains  (Luc.  x,  30). — 
Le  commandement  qu'ajoute  Jésus-Clirist 
d'aimer  nos  ennemis,  dans  ce  sens,  n'a  donc 
rien  d'injuste  ni  d'iiiifiossible.  Ce  sont  des 
hommes  ,  ils  ont  droit  à  tous  les  devoirs 
d'humaiillé.  Les  anciens  philosiiphes  regar- 
daient la  vengeance  comme  un  dmit  naturel  ; 
notre  divin  Maître  la  repiime,  en  nous  assu- 
rant que  Dieu  ne  nous  pardonnera  point  nos 
fautes,  si  nous  ne  les  pardonnons  nous-mêmes 
à  ceux  (lui  nous  off^'usent  (Malth.  vi,  14  et  15). 
Si  celte  leçon  n'était  pas  assez  claire,  que  pou- 
vons-nous opposer  à  l'exemple  de  Jésus- 
Christ  mourant,  qui  demande  pardon  à  son 
Père  pour  ceux  qui  l'ont  crucifié? 

AMOUK-PUOPKE,  amour  de  nous-mêmes. 
Un  peu  de  réflexion  suffit  pour  nous  faire 
comprendre  le  vrai  sens  des  maximes  de 
rEvan2;ile,  qui  condamnent  i'amour-propre, 
qui  nous  ordonnent  de  renoncer  à  nous-mê- 
mes et  de  nous  haïr  nous-mêmes.  t)uoi  qu'en 
disent  les  inciédules,  ces  maximes  ne  sont 
ni  absurdes,  ni  impossibles  à  suivre.  L'a- 
mour-propre ,  pour  peu  qu'on  le  llatle  .  est 
nécessairement  aveu;;le  et  injuste,  el  il  trouve 
tôt  ou  tard  sa  punition  en  lui-même.  Un 
homme  (jui  saiine  à  l'excès,  qui  rapporte 
tout  à  son  propre  intérêt,  qui  veut  une  pré- 
férence exclusive,  qui  ne  sait  rendre  justice 
à  personne,  devient  l'ennemi  de  tous;  plus 
il  est  sensible  et  chatouilleux,  |)lus  il  est  aisé 
de  le  mortifier  et  de  le  chagriner.  Combien 
d'hommes  célèbres  se  sont  rendus  malheu- 
reux par  là  I  ils  avaient  beau  s'enivrer  d'en- 
cens el  d'éloges ,  la  moindre  censure,  le  plus 
léger  traii  de  satire  sulfisail  pour  les  mettre 
en  fureur,  pour  troubler  leur  repos  ,  pour 
empoisonner  leur  vie.  S'ils  avaient  su  répri- 
mer et  modérer  l'amour-propre,  ils  auraient 
été  heureux. 

Il  n'y  a  rien  d'outré  dans  le  tableau  que 
saint  Paul  a  trace  de  cet  odieux  caractère: 
//  viendra,  dil-il,  des  hommes  amoureux  d'eux- 
mêmes,  ambitieux,  hautains,  superbis.  »io- 
lents,  ennemis  de  leur  propre  famille,  ingrats 
et  méchanis,  sans  ulfeclion,  incapables  ddmi- 
tié ,  calomniateurs,  débauchés,  querelleurs  , 
durs  envers  tout  le  monde,  perfides,  insolents, 
orgueilleux,  ennemis  de  Dieu  et  de  leurs  sem- 
blables (H  Tim.  III.  2).  L'dii  pnurrail  peut- 
être  en  citer  un  plus  grand  nombre  d  exemples 
dans  notre  siècle  que  dans  aucun  autre.!  oy. 
AuMiCATioN,  Haine,  et  le  IHct.  de  Théol.  tiior. 

*  AMPUlîIJi  (Sainte).  Iliiiciii.ir,  ardievèqiie  de 
Reims,  racdiile,  d:iiis  l:i  Vie  de  saim  fleini,  <iut!  lois- 
()Ui!  CCI  illuslre  piélal  vdiiIdI  hapiiser  Clnvjs.mie 
blanclie  cnluinbe  nppoii,')  du  tkl  ntic  peuie  fiiilc 
coMieiiaiil  du  l'Iiiiile  sainte  i|iii  paifuiiia  iniile  l'église. 
Elle  servit  au  baptême  du  pi  entier  ro;  elirélieii.  l!:ile 
cl.l:l  g.'rdée  dans  l'aldiayc  de  Salul-Ui'ini  peur  le 
sacie  des  mis.  Lr.s  incrédules  ont  icnuiiéeii  ridicule 
la  pi 'lise  (T'i\ance  de  (pielqnes  liisloiieiis,  el  ont 
clierclié  à  en  faire  iiii  crime  à  la  loligmii,  (|Ui  jamais 
n'a  lecoiinu  le  prétendu  niiracle.  ^l)ll,^  ne  CKiyens 
point  à  l'origine  doniu'e  par  llincniar  à  la  sajnle 
auqioiile.  t^regone  de  Tours,  vdisni  des  temps  de  la 
conversion  de  Gluvis,  n'en  parle  poinl.  Si  le  miracle 


809 


AMU 


AMU 


210 


avait  PU  lie»,  ce  grand  narrateur  de  prodiges  nVût 
pns  manqué  de  racnler  celui-ci.  La  saiiili;  ampoule 
ii'éiait  donc  qu'une  hiiili!  siinte  ordinaire,  qui  peut- 
cire  :ivait  servi  an  liaplôine  de  Clovis,  et  qu'on  ré- 
servait pour  le  sacre  des  rois. 

AMSDORL-'IKNS.  Socle  de  proleslanls  du 
XVI'  siècle,  ainsi  noniiiics  de  leur  chef  Nicolas 
Amsdurf,  dlsci()le  de  Luther,  qui  le  fil  d'il  bord 
ministre  de  Miigilehiiurg,  cl,  de  sa  propre  au- 
torilé,  évéque  de  Nuremberg.  Ses  seclaleurs 
étaient  des  confessioiiuistes  rigides,  <|ui  sou- 
tenaient (|ue  non-seulement  les  bonnes  œu- 
vres étaient  inutiles,  mais  même  pernicieu- 
ses au  sailli  :  dociiine  aussi  coniraire  au  bon 
sens  qu'à  l'Ecriture,  et  qui  fut  improuvéc 
par  lis  autres  sectateurs  de  Luther.  Vny.  Lu- 
thériens. 

AMULETTE  ,  préservatif.  On  appelle  ainsi 
certains  renièies  superstitieux  que  l'ou  porto 
sur  .soi;  ou  que  l'on  s'attache  au  cou,  [our 
se  préserver  de  quelque  maladie  ou  «le  ([Uel- 
que  danger. —  Pour  remonter  à  l'origine  de 
cet  usage,  il  faut  se  souvenir  que,  si  Ion  la 
croyance  des  païens,  les  enchanteurs,  les 
magiciens,  les  sorciers,  par  de  certains 
charmes,  par  des  paroles  ou  par  des  carac- 
tères ,  pouvaient  envoyer  des  maladies  ou 
d'autres  malheu^rs  aux  personnes  auxquelles 
ils  voulaient  nuire;  que,  par  d'autres  paro- 
les ou  par  d'autres  figures  ,  on  pouvait  ar- 
rêter leur  pouvoir  it  rendre  leur  malice  inu- 
tile ;  qu'ainsi  des  médailles,  des  morceaux 
d"  vélin  ou  de  parchemin,  empreints  de  cer- 
tains caractères  ,  étaient  un  remède  ou  un 
préservatif  assuré  contre  toute  espèce  de 
maladie  et  d'aicidenls.  Lucien  ,  dans  son 
Philopseudcs,  a  fait  de  sanglantes  railleries 
de  celle  absurdité.  Vuy.  Charmi:.  Les  Grecs 
les  nommaient  pliijlacli'res,  préservatifs  ;  les 
Latins,  amolimenium  on  nmuleliim,  du  verbe 
amuliri  ,  détourner  :  d'où  nous  avons  fait 
amuletle,  qui  a  le  même  sens.  Les  Orientaux 
les  appellent  talisman  ,  et  selon  l'opinion 
commune  des  Arabes,  un  magicien,  par  sou 
talisman,  peut  o|iértr  des  prodiges.  —  C'esl 
quelquefois  une  pierre  précieuse,  une  pierre 
tirée  du  corps  de  quelque  animal ,  ses  os  ré- 
duits en  poudre,  le  signe  d'une  planète  ou 
d'une  constellation  ,  une  langue  de  parche- 
min, de  plomb  ou  d'clain  sur  laquelle  sont 
écrites  certaines  paroles  ,  une  figure  obscè- 
ne, etc.  Sur  ce  point,  les  hommes,  dans  tous 
les  temps  et  dans  tous  les  lieux,  ont  poussé 
la  faiblesse  et  la  crédulité  à  un  excès  in- 
croyable. Les  anciens  avaient  surtout  grand 
soin  de  pendre  une  amulette  au  cou  des  en- 
fants, pour  leur  servir  de  préservatif  contre 
les  regards  des  envieux;  l'on  supposait 
qu'à  Cil  âge  ils  étaient  plus  sujets  aux  malé- 
fices et  aux  eni'iianli'n)ents  que  les  adultes; 
que  le  simple  regard  d'un  ennemi  jaloux,  ou 
d'une  vieille,  pouvait  les  fasciner. 

Comme  ceitt-  erreur  vient  d'un  atlache- 
inent  excessif  à  la  vie  et  d'une  crainte  pué- 
rile de  tout  ce  qui  peut  nous  nuire,  le  chris- 
tianisme n'est  pas  venu  à  bout  de  la  détruire 
unit ersellenienl.  Dès  les  premiers  siècles, 
les  conciles  et  les  Pères  de  l'Eglise  défendi- 
rent aux  fidèles  ces  pratiques  du  paganisme, 


sous  peine  d'anathème.  Ils  représentèrent 
<iue  l'usage  des  nmulettet  était  un  reste  d'i- 
dolàtrie  ,  ou  de  la  eonfiince  que  l'on  avait 
aux  prétendus  génies  tiouverneurs  du  mon- 
de ,  une  cs|ièce  d'aposla-ie  de  la  foi  chré- 
tienne, un  défaut  de  confiance  en  Dieu,  un 
préjugé  aussi  ridicule  que  celui  des  païens  , 
qui  attendaient  du  s 'cours  d'une  statue 
muette  et  insensible.  Thiers,  dans  son  Ti  nité 
des  Superstitions  ,  1'"  part.  ,  liv.  v ,  c.  1  ,  a 
r.ippoilé  un  grand  nomlne  de  passages  des 
Pères  à  ce  siijet,  et  les  canons  de  plusieurs 
conciles.  —  C'c-t  aux  médecins  de  décider  si 
des  poudres,  des  p'anles  ,  des  préparations 
chiuiiques  ,  renfermées  dans  des  sachets  et 
porlees  sur  la  chair,  peuvent  ou  ne  peuvent 
pas  être  des  préservatifs  contre  certaines 
maladies.  Une  vaine  confiance  à  ces  sortes 
de  remèdes  ne  tire  à  aucune  conséquence 
contre  la  religion  ;  il  n'y  a  point  de  su- 
perstition, lorsqu'on  ne  leur  altriiiue  qu'une 
vertu  naturelle,  vraie  ou  laus^e.  Il  n'en 
est  pas  de  même  lorsqu'on  porte  sur  soi 
des  choses  qui  par  leur  nature  ne  peuvent 
avoir  aucune  xertu,  et  que  l'on  se  persuade 
cependant  qu'elles  procurent  <Iu  bonheur  ou 
détournent  quelque  danger;  c'esl  le  cas  de 
ceux  qui  espèrent  de  gagner  au  jeu  ,  lors- 
qu'ils ont  sur  eus  d;;  la  corde  d'un  pen- 
du, eic.  Celle  confiance  est  non-seulement 
une  ubs.irdiié,  mais  une  impiété,  puisqu'elle 
suppose  qu'il  y  a  sur  la  terre  un  aul:e  pou- 
voir surnaturel  que  celui  de  Dieu  ,  qui  peut 
nous  l'aire  du  bien  ou  du  mal.  On  poui  rait 
excuser  celle  erreur  par  la  faiblesse  d'esprit 
de  ceux  qui  y  tombent  ,  si  elle  n'était  pas 
ordinairement  accompagnée  d'opiniâlreté. 

Une  autre  question  est  de  savoir  si  c'est 
une  superstition  de  porter  sur  soi  des  reliques 
des  saints,  une  croix,  une  im  ige,  une  chose 
bénite  par  les  prières  de  l'Eglise,  comme  l'^l- 
(j)uts  Dei,  etc.,  et  si  l'on  doit  mettre  ces  cho- 
ses au  rang  des  amulettes,  comme  le  jirélen- 
deiit  les  protestants.  Nous  convenons  que  si 
l'on  attribue  à  ces  choses  une  vertu  Kurna- 
lurelle  de  nous  préserver  d'accident,  de  mort 
subite,  de  morl  dins  l'état  du  péché,  etc.  , 
c'est  une  superstition.  Elle  n'est  pas  du  mê- 
me genre  que  celle  des  innuletles  ,  dont  le 
prétendu  pouvoir  ne  peut  pas  se  rapporter 
à  Dieu;  m  lis  c'est  ce  que  les  théo'ogiens  ap- 
pellent vaine  observance  ,  parce  que  l'on  at- 
tribue à  des  choses  saintes  et  lespectables 
un  pouvoir  que  Dieu  n'y  a  point  attaché.  — 
Un  chrétien  bien  instruit  ne  les  envisage 
point  ainsi  ;  il  sait  que  les  saints  ne  peuvent 
nous  secourir  que  par  leurs  prières  et  par 
leur  intercession  auprès  de  Dieu  ;  c'esl  pour 
cela  que  l'Eglisi',  a  décidé  «(u'il  est  utile  et 
louable  de  les  honorer  et  de  les  invoquer. 
Or,  c'est  un  signe  d'invocation  et  de  respect 
à  leur  égard,  de  porter  sur  soi  leur  image  ou 
de  leurs  reliques  ;  rie  même  que  c'est  une 
marque  d'affection  et  de  respect  pour  une 
personne  que  de  garder  son  portrait  ou  (jnel- 
que  chose  qui  liai  ait  ap,arieau.  Ce  n  est 
donc  ni  une  vaine  observance,  ni  rue  lolle 
.  confiance  d'espérer  qu'en  cousidération  du 
i  respect  et  de  l'affection  que  nous  témoignons 


211 


ANA 


à  UD  sailli ,  il  intercédera  et  priera  pour 
nous.  —  De  même  une  croix  n'a  par  elle- 
même  aucune  vertu  ,  m.iis  c'est  le  signe  du 
chrislianisuie  et  de  noire  rédemplioii  par  Jé- 
sus-Christ; porter  ce  signe  nous  est  un  té- 
moignage de  noire  foi  cl  de  noire  confiance 
aux  (iiériles  du  Sauveur;  ne  sommes-nous 
pas  fondés  à  espérer  qu'en  récompense  de 
ces  sentiments  il  nous  accordera  des  grâces? 
C'est  une  prière  muelte  dont  l'Kglise  nous 
donne  l'exeurple;  par  ce  siiine  ,  les  premiers 
chrétiens  se  dislinguaient  des  païens  ;  au- 
jourd'hui il  nous  dislingue  des  hérétiques  et 
des  incîédules.  —  Eu  purLiut  sur  nous  un 
Agnus  Dei ,  ou  une  autre  chose  bénite  par 
les  prières  de  l'Eglise  ,  nous  attestons  noire 
confiance  à  tes  iiicincs  prières  ;  qu'y  a-t-il  là 
de  superslilieux  ?  h' Agnus  Dei  esl  le  symbole 
de  Jésus-Christ  rédempteur  du  monde  ;  il  ist 
donc  louable  de  le  respecter  et  île  l'aimer. 
Par  vanilc  l'on  étale  des  bijoux  et  des  pier- 
res précieuses;  il  nous  paraît  mieux  de  mon- 
trer des  .signes  de  religion  et  de  piélé  :  plus 
l'incréduiiié  affeclo  de  mépris  pour  ces  si- 
gnes extérieurs,  plus  nous  devons  braver  ses 
folles  erreurs  et  ses  railleries  absuides. 

On  nous  objectera  qu'il  est  bien  difficile 
de  faire  compren  Ire  au  peuple  le  véritable 
esprit  de  ces  u-ages,  le  degré  de  vertu  qu'il 
<loii  leur  attribuer,  et  de  confiance  qu'il  doit 
y  donner,  qu'il  s'y  Iroinpe  aisément,  qu'il  ne 
cnaiique  presque  jamais  de  lomberdaiis  I  ex- 
cès cl  dans  quelcjU'  s  abus.  Soit.  Nous  répli- 
querons toujours  que  ,  s'il  fillail  retrancher 
tout  ce  donl  ou  peut  abuser,  il  faudrait  re- 
noncer à  loule  religion  et  à  toute  pratique 
de  [liéié.  Quand  même  les  erreurs  du  peuple 
scraieiiiinévilatiles,  il  vaudrait  encore  mieux 
qu'il  excellât  dans  des  choses  respectnbles 
que  dans  des  choses  absurdes  et  délcstablrs  ; 
il  vaul  mieux  qu'il  donne  sa  confiance  à  la 
croix  qu'à  une  figure  obscène  ,  à  l'image 
d'un  saint  qu'au  signe  d'une  conslellalion  , 
à  une  relique  qu'au  membre  d'un  animal  , 
au  pouvoir  di.s  saints  i|u'à  la  puissance  des 
démons.  Ceux  qui  déclament  le  |ilus  haut 
< outre  les  .«luperslitions,  en  sont-ils  exempts? 
Tel  ((ui  se  jouc  du  pouvoir  des  saints  ad- 
met les  iuflueuce  de  la  fortune;  tel  qui  dé- 
diigiierait  d'avoir  sur  soi  une  relique,  porte 
de  la  corde  de  pendu  ;  de  graves  philoso- 
])lies  qui  ne  croy.iicnt  pas  en  Dieu  ,  ont  cru 
à  la  magie.  Voij.  Mauik. 

ANAlJAlTISri.S.  Secte  d'hérétiques  qui 
soutiennent  qu'il  ne  faut  pas  baptiser  les  en- 
fants avant  I  âge  de  discrétion,  ou  qu'à  cet 
âge  on  doit  leur  réitérer  le  baptême  ,  p.irce 
que,  Selon  eux  ,  ces  enfants  doivent  élrc  en 
élalde  rendre  raison  de  leur  loi  pour  rece- 
voir validemenl  ce  sacrenit-nl. 

Ce  mut  est  compose  d'«v«  derechef ,  et  de 
,*'/.-•:»;•..,  ou  jSan-T  ,  biijiliscr,  laver,  parce  (jue 
i  iisajje  de»  unnlmiilistcs  est  de  rebaptiser 
ceux  qui  oitl  élé  baptisés  dans  leur  enf.mce. 
Dans  les  cuuimencemenis  ,  ils  reb.i(ilis.iient 
aussi  tous  ceux  qui  einlirassaiciil  leur  secte, 
et  qui  avaient  reçu  le  baptême  ailleurs.  — 
Les  iiovaiiens  ,  les  cataphrigcs  et  les  tluna- 
lisles ,  dans  les  premiers  siècles,  ont  été  les 


ANA  21-2 

prédécesseurs  des  nouveaux  anabaptistes  , 
avec  lesquels  cependant  il  ne  faut  pas  con- 
fondre les  évéques  catholiques  d'Asie  cl  d'A- 
frique, qui,  dans  leur  siècle,  soutinrent 
que  le  baptême  des  hérétiques  n'était  pas  va- 
lide ,  cl  qu'il  fallait  rebaptiser  ceux  des  hé- 
rétiques qui  rentraient  dans  le  sein  de  l'E- 
glise. Voy.  Rebaptisants.  —  Les  vaudois  , 
les  albigeois,  les  pétrohrusiens,  et  lu  plupart 
des  sectes  qui  s'élevèrent  au  xiii'  siècle,  pas- 
sent pour  avoir  adopté  la  même  erreur;  mais 
on  ne  leur  a  pas  donné  le  nom  d'anabaptistes, 
et  il  paraît  d'ailleurs  qu'ils  ne  croyaient  pas 
le  baptême  for!  nécessaire. 

Les  anubaplislcs,  proprement  dits ,  sont 
une  secte  de  protestants  (jui  parut  d'abord, 
vers  l'an  fSS.'i  en  quelques  contrées  d'Alle- 
magne, et  paiiiculièrenienl  en  Westplialie, 
où  Ils  commircnl  d'horribles  excès,  surtout 
dans  la  viliede  Munsler,  d'où  ils  furent  nom- 
més Moiiastéiiens  et  Munstériens.  ils  ensei- 
gnaient que  le  laptême  donné  aux  enfants 
était  nul  et  invalide  ;  que  c'était  un  crimeque 
de  prêter  serment  ei  de  porter  les  armes  ; 
qu'un  véritable  chrétien  ne  saurait  être  ma- 
gistrat :  ils  inspiraient  de  la  haine  pour  les 
puissances  cl  pour  la  noblesse  ;  voulaient  <|ue 
tous  les  hommes  fussent  lilires  et  indépen- 
dants, et  promellaienl  un  sort  heureux  à  ceux 
qui  s'altachei  aient  à  eux  pour  exterminer  les 
impies,  c'esl-à-dire,  ceux  qui  s'opposaient  à 
leurs  sentiments. 

On  ne  sait  pas  au  juste  quel  fut  le  premier 
auteur  de  celle  secte  :  les  uns  en  attribuent 
l'origine  à  Carlostad,  d'autres  à  Zuingle,  etc.; 
mais  l'opinion  la  plus  commune  est  qu'elle 
doit  son  origine  à  Thomas  Muncer,  de  Zwi- 
ckau,  ville  de  Misnie,  et  à  Nicolas  Slorchon 
Pélargue,  de  Stalberg,  en  Saxe,  qui  avaient 
été  tous  deux  disciples  de  Luther  donl  ils  se 
séparèrent  ensuite,  sous  prétexte  quesadoc- 
ti  ine  n'clail  pas  assez  parfaite  ;  qu'il  n'avait 
que  prépare  les  voies  à  la  réformation,  et 
que,  i>our  parvenir  à  établir  la  véritalile  re- 
ligion de  Jésus-Christ,  il  fallait  que  la  révé- 
laiion  vînt  à  l'appui  de  la  lettre  morte  de 
l'Ecrilure  :  conséiiucmmcnt  ces  enlhou'  ias- 
tes  se  prétendirent  inspirés, el  communiquè- 
rent le  même  fanatisme  a  leurs  prosélytes. 
—  SIeidan  observe  que  Luther  avail  prêché 
avec  tant  de  force  pour  ce  qu'il  appelait  la 
liberté  évnmjélique ,  que  les  paysans  de 
Suuahe  se  liguèrent  ensemble,  sous  prétexte 
de  défendre  la  doctrine  évangelique  cl  de  se- 
couer le  joug  de  la  servitude.  Us  commirent 
de  grands  desordres  :  la  noblesse,  qu'ils  se 
proposaient  d'exterminer,  prit  lesarmes  con- 
tre eux,  et  celle  guerre  fut  sanglante.Lutbcr 
leur  écrivit  plusieurs  fois  pour  les  engager  à 
quitter  les  armes,  mais  inutilement  :  ils  ré- 
toiquèrenl  contre  lui  sa  propre  doclrine, 
soutenani  que,  puisqu'ils  avaient  été  rendus 
libres  par  le  sang  de  Jésus-Christ,  c'était  déjà 
trop  d'outrages  au  nom  chréiien,  qu'ils  eus- 
sent élé  réputés  esclaves  par  la  noblesse,  et 
que,  s'ils  |  renaicnl  lesarmes,  c'était  par  or- 
dre de  Dieu.  Telles  étaient  les  suites  du  f  ina- 
lisine  où  Luther  lui-même  avail  plonge  l'AI- 
icmagno.  Il  d'Ut  y  remédier  en  publiant  uu 


213 


ANA 


ANA 


'Ui 


livre  dans  lequel  il  invitait  les  princes  à  pren- 
dre les  armes  contre  ces  séditieux.  Le  comte 
de  M'insfeld,  soutenu  par  les  princes  et  la 
noblesse  d'Allemagne,  défit  et  prit  Muncer 
et  PniTer,  qui  furent  exécutés  à  Mulhau^eii 
l'an  1525;  mais  la  seclc  ne  fut  que  dissipée 
et  non  détruite.  Luther,  suivant  son  caractère 
inconstant,  désavoua  en  quelque  sorte  son 
prenaler  livr(;  par  un  second,  à  la  sollicitation 
des  gens  de  son  parti,  qui  trouvaient  sa  pre- 
mière démarche  dure  et  même  un  peu  cruelle. 

Cependant  les  anabaplistes  se  multipliè- 
rent et  se  trouvèrent  assez  puissants  pour 
s'emparer  de  Munster,  on  153.'i-,et  y  soutenir 
un  siège  sous  la  conduite  de  Jean  de  Leyde, 
tailleur  d'habils,  el  qui  se  fit  déclarer  leur 
roi.  La  ville  fut  reprise  sur  eux  par  l'évéque 
do  Munster,  Iclk  juin  lo'JS.  Le  prétendu  roi 
ri  son  confident  Knisperdollin  y  périrent  par 
les  su|iplices  ;  etdcpuis  cet  échec  la  secte  des 
anabaplistes  n'a  plus  osé  se  montrer  ouverte- 
ment en  Allem.igne. —  Vers  le  même  temps, 
Calvin  écrivitconire  eux  unirailé.  Comme  ils 
fondaient  surtout  leur  doririue  sur  celle  pa- 
role (le  Jésus-Christ  (  Marc,  xvi,  16  )  :  Qui- 
conr/ue  croira  et  sera  baptisé,  sera  sauoé ,  et 
qu'il  n'y  a  que  les  adultes  qui  soient  capa- 
bles d'avoir  la  foi  actuelle,  ils  en  inféraient 
qu'il  n'y  a  qu'eux  non  plus  qui  doivent  rece- 
voir le  baptême  ;  qu'il  n'y  a  aucun  passage 
dans  le  nouveau  ïeslament  où  le  baptême 
des  enfants  soit  expressément  ordonné;  d'où 
ils  liraient  celle  conséquence  qu'on  devait 
le  réitérer  à  ceux  qui  l'avaient  reçu  avant 
l'âge  de  raison.  Calvin  et  d'autres  auteurs, 
fort  embarrassés  de  ce  sophisme,  curent  re- 
cours à  la  tradition  et  à  la  pratique  de  la 
primitive  Eglise.  Ils  opposèrent  aux  ana- 
baptistes Oiigène,  qui  fait  mi'ntion  du  bap- 
tême des  enfants  ;  l'auteur  des  questions  al- 
triliuées  à  saint  Justin  ;  un  concile  tenu  en 
Afrique,  qui,  au  rapport  de  saint  Cyprien, 
ordonnait  qu'on  baptisât  les  enfants  aussitôt 
quili  seraient  nés  ;  la  praliquedu  mémesainl 
docteur  à  ce  sujet;  les  conciles  d'Aulun,  de 
Slâcoi),  de  Gironne,  de  Londres,  de  Vienne, 
etc.;  une  foule  de  léiiioignjges  de.s  Pères,  tels 
que  saint  Iréoée,  saint  Jérôme,  saint  Ani- 
broise,  saint  Augustin,  etc.  —  Ainsi  Calvin 
et  SCS  sectateurs,  après  avoir  décrie  la  tra- 
dition, furent  forcés  d'y  revenir  ;  mais  ils 
avaient  appris  à  leurs  adversaires  à  la  mé- 
priser. D'ailleurs  Calvin,  en  soutenant  la  va- 
lidité el  l'utilité  du  baptême  des  enfants, con- 
tredisait son  propre  système,  puisque,  selon 
lui,  toute  la  vertu  des  sacrements  consiste  à 
exciter  la  fui. 

On  oppose  aux  anabaptistes  que  les  enTinls 
sont  jugés  capables  d'entrer  dans  le  royaume 
des  cieux  {Marc,  ix,  li;  Luc.  xviii,  16).  Le 
Sauveur  lui-même  en  fil  aiiprocher  quel- 
ques-uns de  lui  el  les  bénit.  Or,  ailleurs,  c. 
m,  V.  5,  saint  Jean  assure  que  quiconque 
n'est  pas  baptisé  ne  peut  entrer  dans  le 
royaume  de  Dieu  ;  d'où  il  s'ensuit  qu'on  doit 
donner  le  baptême  aux  enfants.  —  Ce  que 
répondent  les  anabaptistes,  que  les  enfants 
dont  parle  Jésus-Christ  étaient  déjà  grands, 
est  faux;  dans  saint  Matthieu  et  dans  saint 


A'iarc  ils  sont  appelés  de  jeunes  enfants  waiSfa; 
dans  sainl  Luc,  j3os'c)).  de  petits  enfants;  le 
même  évangélisle  dit  expressément  i|u'ils 
furent  amenés  à  Jésus-Chrisi  ;  ils  n'étaient 
donc  pas  en  étal  d'y  aller  tout  seuls.  —  Une 
autre  preuve  se  tire  de  ces  paroles  de  saint 
Paul  aux  Romains,  c.  v,  v.  17  :  Si,  à  cause 
(lu  pe'clié  d'un  seul,  la  mort  a  rt'fjné  par  ce 
seul  homme,  à  plus  forte  raisaii  ceux  qui  re- 
çoivent l'abomlanre  de  la  nrâce  et  du  don  de 
la  justice  régneront-ils  da  is  ta  vie  par  un 
seul  homme  (jui  est  Jésus-Christ.  Or,  si  tous 
sont  devenus  criminels  p.irunseul,  les  cht 
fanls  sont  donc  criminels  ;  et  de  mémo  si 
tous  sont  justifiés  parnn  seul,  les  enfants  sont 
donc  aussi  justifiés  par  lui  :  on  ne  saurait 
êlre  justifié  sans  la  foi;  les  enfants  ont  donc 
la  foi  nécessaire  pour  recevoir  le  baiilênie, 
non  pas  une  foi  actuelle,  telle  qu'on  l'exige 
dans  les  adultes,  mais  une  foi  suppléée  par 
celle  de  l'Eglise,  de  leurs  pères  el  mères,  de 
leurs  parrains  el  marraines. C'est  la  doctrine 
de  saint  Augustin,  serin.  ilG, de  verb.  Apost., 
lib.  iii;  deLib.  Arb.,  c.  23,  n°  07. 

A  cette  erreur  capitale  les  anabaptistes  en 
ont  ajouté  plusieurs  autres  des  gnosli(iues  et 
des  anciens  hérétiques  ;  quelques-uns  ont  nié 
la  divinité  de  Jésus-Christ  et  sa  descente  aux 
enfers  ;  d'autres  ont  soutenu  que  les  âmes  des 
morts  donnaient  jusqu'iui  jour  <lu  jugument, 
el  que  les  peines  de  l'enfer  n'étaient  pas  éler- 
nelles.  Leurs  enthiusiasies  prophétisaient 
que  le  jugement  dernier  approchail,  et  eu 
fixaient  nn'me  le  terme. 

Le  sommaire  de  leur  doctrine  était  «  que  le 
baptême  des  enfants  est  une  invention  du  dé- 
mon ;  que  l'Eglise  de  Jésus-Christ  doit  être 
exempte  de  tout  péché;  que  toutes  choses 
doivent  êlre  communes  entre  tous  les  fidèles; 
qu'il  faut  abolir  entièrement  l'usure,  la  dîme 
cl  toute  espèce  de  tribut;  que  tout  chrétien 
est  en  droit  de  prêcher  l'Evangile;  que  par 
conséquent  l'Eglise  n'a  pas  besoin  de  pas- 
leurs;  que  les  magistrats  civils  sonl  absolu- 
ment inutiles  dans  le  royaume  de  Jésus- 
Christ  ;  que  Dieu  continue  de  révéler  sa  vo- 
lonté à  des  personnes  choisies,  p'ar  des  son- 
ges, des  visioiis,  des  inspirations,  etc.»  Mais 
il  ne  |)0uvail  y  avoir  une  crDyatice  uniforme 
parmi  une  troupe  de  fanatiques  ignorants, 
dont  chaque  men)bre  était  en  droit  de  se  pré- 
tendre inspiré.  Aussi,  à  mesuie  que  le  nom- 
bre des  anabaptistes  augmenta,  les  sectes  se 
mulliplièrent  parmi  eux,  et  ou  leur  donna 
différents  noms,  lires  ou  de  leurs  chef-*,  ou 
de  leurs  demeures,  ou  de  leurs  opinions  par- 
ticulières, ou  de  leur  conduite.  Outre  les 
noms  de  monastériens,  munstériens  et  niun- 
cériens,  ils  ont  été  appelés  enthousiastes, 
catharisles,  silencieux,  adamistes,  géorgiens 
ou  davidi  (ues,  hulites,  indépendants,  mel- 
chiorislcs,  nudipédaliens,  mennonites,  bo- 
ckholdiens,  augiistiniens,  libertins,  dèrélic- 
tiens,  polygamiles  ,  serapérorants,  ambro- 
siens,  clanculaires,  manilestaires,  pacifica- 
teurs, pastoricides,  sanguinaires,  waterlan- 
diens,  etc.  Les  partisans  de  l'une  de  ces  sec- 
tes prétendirent  que,  pour  être  sauvé,  il  ne 
faut  savoir  ni  lire  ai  écrire,  pas  même  coa- 


2IS 


ANA 


ANA 


216 


naître  les  premières  lettres  de  l'alphabet,  ce 
qui  les  fit  nommer  abécédaires  on  abccéda- 
riens.  On  prétend  que  Carlo-lad  finit  par  em- 
brasser ce  parti,  qu'il  renonça  à  sa  qualité 
de  docteur,  se  fil  portefaix,  cl  se  nomma  frère 
André.  Mais  la  distinctiim  la  plus  commune 
est  ci'lle  des  annbnpiistes  rigides  el  des  ana- 
baptistes mitigés.  Ces  di'rniers  ont  été  connus 
sous  les  noms  d'-  gabriélites,  tic  liuttérites  ou 
frères  de  i)loravie,  ewtxn  sous  celui  de  men- 
nonites.  Voici  l'origine  de  ces  noms. 

Lorsque  les  anabaptistes  eureui  élé  défaits 
et  proscrits  en  Allom.igne,  à  cause  de  leur 
conduite  sanguinaire,  Galiriil  et  Huticr,  deux 
de  leurs  pri  icipaux  chefs,  se  relirèrcnt  en 
Moravie  :  ils  rasseinhlèrent  le  plus  grand 
nombreiiu'ils  purent  de  leurs  partisans.  But- 
ter donna  un  symbole  el  des  lois  ;  il  leur  en- 
seigna, l''  qu'ils  étaient  la  nation  sainle  que 
Dieu  avait  clioisie  pour  la  rendic  dépositaire 
du  vrai  culte;  i"  que  toutes  les  sociétés  qui 
ne  niellent  pas  leurs  biens  en  commun  sont 
impies,  qu'un  chrétien  ne  doit  rien  posséder 
en  particulier  ;  3°  que  les  c  h  réliens  ne  doivent 
point  reconnaître  d'autres  magistrats  que 
l'es  paslenrs  ecclésiastiques;  k"  que  Jésus- 
Christ  n'est  pas  Dieu,  mais  prophète  ;  3"  que 
presque  toutes  les  marques  extérieures  de 
religion  sont  contraires  à  la  pureté  du  chri- 
stianisme, qui  doit  être  dans  le  cœur;  6°  que 
tous  ceux  qui  ne  sont  pas  rc'aplisés  sont  des 
infidèles,  et  que  le  nouveau  bapiême  annule 
les  mariagos  coniractés  auparavant  ;  7  que 
le  baptême  n'est  point  adininistré  pour  effa- 
cer le  péché  originel  ni  pourdonnerla  grâce, 
mais  que  c'est  un  signe  par  lequel  un  fidèle 
s'unit  à  l'Eglise;  8"  que  Jésus  Christ  n'est 
point  réellement  présent  dans  l'Eurharislie; 
que  le  sacrifice  de  la  messe,  le  culte  des  saints 
el  des  ir)iagcs,  le  purgatoire,  etc.,  sont  des 
superstitions  et  des  abus.  Ainsi  les  opinions 
des  prolesiants  étaient  toujours  la  base  de 
celles  des  anabaptistes. 

Hutler  ne  conserva  parmi  ses  sectateurs 
point  d'autre  pratique  de  religion  quelebap- 
téme  des  adultes  ;  il  ne  leur  fil  célébrer  la 
cène  que  deux  fois  l'année  ;  il  leur  persuada 
de  mettre  en  commun  tous  leurs  biens,  même 
les  enfants,  afin  que  tous  fussent  élevés  de 
même.  Celle  ré|>ubli<|ue  sin;;ulière  foi  ma  d'a- 
bord une  société  d'excellents  cultivateurs, 
laborieux,  sobres,  paisibles,  très-réglés  dans 
leurs  inœnrs  ;  mais  la  discorde,  la  corruption 
et  l'irréligion  ne  tardèrent  pas  de  s'y  intro- 
duire. Ilutter  el  Gabriel  ne  purent  p.is  s'ac- 
corder longtemps  ;  le  premier  ne  cessait  d'in- 
vectiver contre  les  magistrats  et  contre  tnute 
es.pèced'dulorité;  le  second,  plus  nioiléré,  vou- 
lait <|ue  l'on  se  eonforiiiât  aux  lois  du  pays  où 
l'on  était.  Il  se  forma  ainsi  deux  partis,  l'un 
de  Gabriélites,  et  l'autre  de  Uullcrites,  qui 
s'excommunièrent  muluelleineiil.  A|)rès  la 
mort  de  Huiler,  i)ui  fut  puni  du  dernier  sup- 
plice, comme  hérétique  séditieux,  les  deux 
sectes  se  réunirenl  sous  le  (louvernement  de 
Gabriel  ;  mais  il  ne  put  y  rétablir  l'ordre  ni 
la  régularité  des  mœurs  :  il  devint  o<lieux  k 
toute  la  secte,  qui  le  fit  chasser  de  la  Mora- 
vie, lletiré  en  Pologne,  il  finit  sa  vie  dans  la 


misère.  Après  la  mort  de  ces  deux  hommes, 
les  frères  de  Moravie  se  dispersèrent,  et  la 
plupart  se  réunirent  aux  sociniens,  qui  ont 
à  peu  près  la  même  croyance.  Catrou,  Hist. 
des  anabaptistes. 

Vers  l'an  1536,  Menno  Simon,  ou  Simon 
Menno,  prêtre  aposlal,  né  ilans  la  Frise,  en- 
treprit de  faire  en  Hollande  ce  que  Gabriel  et 
Huiler  avaient  fait  en  .Moravie.  11  enirepril 
de  réunir  les  dirférentessectesd'nnni'i/jfistes. 
Par  ses  prédications,  par  ses  écrits,  par  ses 
voyages  continuels,  il  on  vint  à  bout,  du 
moins  jusqu'à  un  certain  poinl,  et  il  leur 
inspira  des  sentiments  plus  modérés  que  ceux 
de  leurs  chefs  précédents.  Il  leur  lit  compren- 
dre la  nécessité  de  retrancher  de  leur  doctrine 
non-seulement  toutes  les  maximes  licencieu- 
sesqueplusieurs  avaienlenseignées  touchant 
le  divorce  et  la  polygamie;,  mais  encore  tou- 
tes celles  qui  tendaient  à  détruire  le  gouver- 
nement civil  et  à  troubler  l'ordre  public,  et 
tes  prétendues  inspirations  qui  rendaient 
leur  secte  ridicule.  S'il  en  retint  le  fond,  il 
trouva  du  moins  le  secret  de  proposer  ses 
opinions  sous  des  expressions  moins  révol- 
lanti  s.  —  ConséquemmenI,  l'on  prétend  ((ue 
la  croyance  ai  luclie  dis  mcnnoniles  se  réduit 
aux  points  suivants  :  ils  n'administrent  point 
le  baptême  aux  enfants,  mais  seulement  aux 
adultes  capables  de  rendre  compte  de  leur 
foi;   sur  l'Eucharistie,    ils   oui   embrassé   le  ■ 

sentiment    des  calvinistes.  A    l'égard    de  la  ■ 

grâce  el  de  la  prédeslinalion,  ils   ne  suivent  i 

point  les  opinions  rigides  de  Calvin,  mais 
plutôt  celles  de  Mélaiicbihon  et  d'Arminios, 
qui  se  rapproclu'iU  du  pélagiauisme.  H  s'abs- 
tiennent du  serment  ;  leur  simple  parole 
leur  en  lient  lieu  devant  les  magistrats.  Ils 
regardent  la  guerre  et  la  profession  des  ar- 
mes comme  illiclles;  mais  ils  contribuent  de 
leurs  biens  à  la  défense  de  leur  patrie,  ils  ne 
condiimnenl  plus  absolument  les  charges  de 
la  magistrature  ;  ils  s'absliennent  seulement 
d'en  exercer  aucune.  Grands  partisans  de  la 
tolérance,  par  besoin  plutôlquc  par  convic- 
tion, ils  souffrent  parmi  eux  toutes  les  opi- 
nions qui  ne  leur  paraissent  pas  attaquer 
l'essentiel  liu  chrislianisme,  el  l'on  conçoit 
que,  selon  leurs  principes,  cet  essentiel  se 
réduit  à  fort  peu  de  chose.  —  On  dit  qu'en 
général  leurs  mœurs  sont  douces  et  pures  ; 
comme  plusieurs  néanmoins  se  sont  enrichis 
par  la  culture  el  par  le  commerce,  ils  se  sont 
i)eaucoup  relâches  de  la  morale  sévère  de 
leurs  ancêtres,  el  ils  ne  se  f(ml  plus  de  scru- 
pule de  jouir  des  comuiodilés  de  la  vie.  H  y 
en  a  dans  plusieurs  parties  ib'  l'Alleutagne, 
un  très-gr.ind  nombre  en  H'ollandc,  et  plu- 
sieurs eu  Angleterre,  où  ils  sont  appelés  bap- 
tistes.  Quoi(|uc  leur dortrineressemble  beau- 
coup à  celle  des  (juakers,  ils  ne  fraternisent 
cependant  pas  ensemble. 

.Mosheim,  <)ui  a  donné  l'histoiro  des  ana- 
bapliflrs  el  des  inennonites,  a  fait  son  possi- 
ble pour  répandre  de  l'obscurité  sur  l'origine 
de  celle  sede;  il  ne  veut  pas  avouer  (|uc  ces 
deux  premiers  fondateurs  étaient  deux  dis- 
ciples de-Luther;  il  a  rougi  sans  doute  de 
cette  postérité   du   luthéranisme.   Hist.  ec- 


217  ANA 

clésiatt.  du  xvi*  siècle,  secl.  3,  W  part.,  c.  3. 

Maiscomtnent  méconiiaîlre  Ufiejjéncalogie 
aussi  claire?  C'est  Lulherqui  :i  ouvtI  la  Toie 
à  MuncereiàStorck,  parsoii  livre  de  la  liberté 
chrétienne,  par  ses  déclamalioiis  fougueuses 
contre  les  pasieurs  de  l'Eglise,  conlreles  puis- 
sances séculières  qui  les  soutenaient,  contre 
l'autorité  et  les  revenus  du  clergé;  par  le 
principe  qu'il  a  établi, que  la  seule  rt-gle  de  no- 
Ire  foiest  le  texte  de  l'Ecriture  sainte, entendu 
selon  le  sens  de  chaque  particulier, et  que  Dieu 
donne  à  tous  la  grâce  ou  linspiratiou  néces- 
saire pour  le  bien  enlendre.  Avec  de  pareilles 
armes,  le  fanatisme  peut-il  être  arrêté  par  quel- 
qu'une des  barrières  que  l'on  voudrait  lui  op- 
poser ? 

Mosheim  ne  dissimule  aucun  des  excès  ni 
des  crimes  que  se  permirent  les  chefs  des 
anabaptistes  de  Weslphalie  ;  il  avoue  que 
l'on  ne  pouvait  pas  se  dispenser  d'employer 
contre  eux  lesarines  et  les  supplices  :1a  bonne 
foi  semblait  exiger  qu'il  recoiiimi  de  même 
la  première  cause;  de  tout  le  sang  qui  a  été 
répandu.  11  était  fort  inulile  de  reinonler  aux 
vaudois,  aux  pélrol»rusiens,  aux  wiclefites, 
aux  hussites,  pour  en  l'aire  descendre  les  una- 
baptisies;  leur  vrai  père  est  Luther:  il  n'a 
pas  pu  méconnaitre  en  eux  son  ouvrage  ;  il  a 
tâché  vainement  d'élein<ire  un  feu  qu'il  avait 
allumé.  —  Mosheim  ne  parât  pas  avoir  trop 
hoiine  opinion  des  meiinonites,  même  tels 
qu'ils  sont  aujouril'hui  ;  il  prétend  qui^dans 
leurs  différentes  confessions  de  loi,  les  arti- 
cles qui  regardent  l'autorité  des  magistrats 
et  l'ordre  de  la  société  civile  sont  proposés 
avec  beaucoup  plus  d'adresse  que  de  sincé- 
rilé,  sous  des  termes  captieux  qui  IdiiI  dis- 
paraître ce  que  ces  articles  peuvent  avoir  de 
choquant;  ces  confessions,  selon  lui,  sont 
pluiôl  des  apologies  que  des  deciaratioiis 
naïves  de  ce  ([ue  chacun  doit  croire.  Ibid., 
§  12  et  13.  Cependant  il  observe  que  les  iiien- 
nonites  exposent  la  plupart  des  articles  de 
leur  croyance  dans  les  propres  ternies  de  l'E- 
criture sainte.  Comment  celle  Ecriture,  qui 
est  si  claire,  au  jugement  des  i  rolestanis, 
peut-elle  fournir  à  tous  les  hérétiques  des 
termes  captieux  pour  envelopper  et  dissimu- 
ler leur  vraie  fui  ?  Voilà  ce  que  nous  ne  con- 
cevons pas. 

11  y  aurait  bien  d'autres  observations  à 
faire  sur  l'emb.irras  dans  lequel  se  trouvent 
les  prolestaiils,  lorsqu'ils  ont  à  traiter  avec 
les  dilTereiites  se(  t  s  quisunt  sorties  de  leur 
sein. — Les  incrédules  qui  ont  vanté  la  dou- 
ceur, la  rcgulariié,  la  simplicité  des  mœurs 
actuelles  des  mennonites  ,  afin  de  rendre 
odieuses  les  rigueurs  que  l'on  a  exercées 
contre  leurs  pères  en  Westplialie,  et  les  édils 
siinglants  que  Charles-Ouint  lit  publier  con- 
tre eux,  ont  montré  bien  peu  de  bonne  fui 
dans  leurs  déclamations.  Qu'avaient  de  com- 
mun les  moeurs  et  la  conduite  des  anabap- 
tistes sédiiieux  et  sanguinaires  ,  avec  celles 
des  mennonites,  tels  qu'on  nous  les  peint 
aujourd'hui  ?  Les  édits  lurent  publiés  et  les 
exécutions  furent  faites  imméJialement  après 
les  ravages  que  les  premiers  avaient  commis 
à  main  armée  à  Munster  et  dans  la  Wesl- 


ANA 


218 


phalïe.  Si  leurs  descendants  les  imitaient , 
ils  mériteraient  d'être  traités  de  même.  H  a 
fallu  toutes  ces  rigueurs  pour  faire  cesser  le 
fanatisme  destructeur  dont  la  secte  était  ani- 
mée pour  lors.  S'il  y  a  quelque  chose  d'o- 
dieux dans  ce  procédé,  il  doit  retomber  tout 
entier  sur  les  premiers  iiuteurs  du  njal.  Les 
anabaptistes  avaient  exercé  leur  fureur  non- 
seulement  en  Allemagne,  mais  en  Suisse,  en 
Flandre  et  dans  la  Uollandc  :  les  prolestants 
sévirent  s  outre  eux  avec  autant  de  violence 
pour  le  moins  que  les  catholiques;  ils  n'ont 
été  tolérés  que  depuis  qu'ils  sont  devenus 
piiisibles.  —  Si  nous  en  croyons  Mosheim, 
il  s'en  faut  beaucoup  que  la  tolérance  soit 
l'esprit  général  des  mennonites,  ou  des  ana- 
baptistes modernes.  En  Angleterre,  sous  le 
règne  de  Cromwell,  ils  eurent  des  chefs  qui 
n'étaient  rien  moins  que  modérés;  aujour- 
d'hui même  ils  sont  divisés  en  deux  sectes 
principales,  savoir  :  celle  des  anabaptistes 
grossiers  on  modérés,  qui,  à  proprement  par- 
ler, n'ont  aucune  croyance  fixe  et  qui  ne  se 
font  aucun  scrupule  lie  fraterniser  avec  les 
sociniens  ,  et  celle  des  anabaptistes  rigides  , 
ou  mennonites  proprement  dits  ,  qui  font 
profession  de  retenir  la  doclriiie  de  Menno, 
et  de  ne  s'en  écarter  eu  rien.  Ceux-ci  exer- 
cent l'i  xcoinmunicalion  la  plus  rigoureuse 
non-seulement  contre  Ions  les  pécheurs  pu- 
blics, mais  encore  contre  tous  ceux  qui  s'é- 
k'ignent  de  la  simplicité  des  manières  de 
leurs  iiiicclres;  ils  loiii  profession  de  mépri- 
ser les  sciences  humaines,  etc.  Un  ne  peut 
pas  pousser  l'inlolerance  plus  loin,  puisque 
parmi  eux  un  excomuiunié  ne  peut  plus  es- 
|)érer  aucune  marque  d'aiïectiou  ni  aucun  se- 
cour,  de  sou  épouse,  de  ses  enfants,  ni  de  ses 
parenis  les  plus  proches. 

Il  est  bon  de  savoir  que  les  sociniens  , 
chassés  de  Pologne,  profilèrent  de  la  toléran- 
ce accordée  aux  mennonites  eu  Hollande  , 
()Our  s'y  introduire  et  s'y  établir  sous  ce 
nom.  Ainsi,  la  plupart  des  hommes  lettrés 
qui  prenaient  en  Hollanae  et  ailleurs  le  nom 
de  mennonites,  sont  de  vrais  sociniens  ;  c'est 
ce  qui  a  rendu  celte  secte  si  nombreuse  ,  et 
qui  lui  a  valu  la  protection  de  nos  incrédu- 
les modernes.  Mosheim,  Hisl.  Ecclés.  du 
xvii'  sie't'/e,  sect.  -2,  iv  part.,  chap.  5;  llist. 
duSocin.  i''  p.,  c.  18  et  suiv. 

ANACUOUÊ'IE,  ermite  ou  solitaire,  hom- 
me retiré  du  monde  par  motif  de  religion  , 
qui  vit  seul,  afin  de  ne  s'occuper  que  de  Dieu 
et  de  son  salut.  Ce  mot  vient  du  grec  àvx-^apiiv, 
se  retirer,  de  même  que  ermite  est  dérivé 
i\'i'pr,iioç,  solitude,  lieu  désert.  Dans  l'origine, 
on  a  encore  donné  aux  solitaires  le  nom  de 
moines,  lire  de  iJ-cim;,  seul,  isole. 

Ce  genre  de  vie  a  toujours  été  connu  dans 
l'Orient.  Saint  Paul  [llebr.  xi,  38)  dit  que  les 
pr«)pbétes  ont  erré  dans  les  déserts  et  sur  les 
montagnes  ;  qu'ils  ont  demeuré  dans  les  au- 
tres et  les  cavernes  de  la  terre.  Saint  Jean- 
Baptiste,  dès  son  enfance,  se  retira  dans  le 
désert  et  y  vécut  jusqu'à  1  âge  de  trente  ans  ; 
J'esus-Chrisi  lui-même  lit  l'éloge  de  sa  vie 
austère  et  de  ses  vertus  (Malth.  ii,  7).  Ma^ 
saint  Paul  de  Thèbus  en  JEgyple  est  reg 


V 


219 


ANÂ 


comme  le  premier  ermite  ou  anachorète  du 
christianisme.  11  se  retira  dans  le  désert  de 
la  Théljaïdi!  l'an  230,  pendant  la  persécution 
de  DèiC  et  de  Valérien  ;  bii-môt  il  y  fut  suivi 
par  saint  Antoine  et  par  d'auli  es  qui  voulu- 
rent mener  le  même  genre  de  vie.  Plusieurs 
se  réunirent  ensuite  pour  vivre  en  commun, 
et  furent  nommés  cénobilrs.  Cet  exemple  fut 
même  suivi  par  les  femmes  :  quelques-unes 
s'enfoncèrent  dans  les  déserts  pour  fairo  pé- 
nitence et  pour  éviter  les  dangers  du  sièrle, 
d'autres  se  renfermèrent  dans  des  cloitres 
])"ur  y  vivre  ensemble  sous  une  même  règle. 
Telle  a  été  l'oiigine  de  l'état  monasliqui". 
Voy.  Moine,  Cénobite,  Uel  gieuse,  etc.  Sur 
In  fin  du  iv"  siècle,  la  vie  érémilicjue  passa 
de  l'Egypte  en  Italie,  et  bientôt  après  dans 
les  Gaules;  on"  vit  des  anachorèles  et  des 
cénobites.  L'irruption  des  barbares,  arrivée 
au  commencement  du  v'' siècle,  contribua 
à  les  multiplier  ;  pour  se  soustraire  .lU  1  ri- 
gandagc,  un  grand  nombre  d'bommes  se  re- 
tirèrent dans'  des  lieux  déserts  ;  plusieurs 
guerriers,  tourmentés  par  des  remords  et 
par  la  crainte  de  retomber  dans  de  nou- 
veaux désordres,  allèrent  expier  leurs  cri- 
mes dans  la  solitude  :  on  admira  leur  cou- 
rage et  leur  vertu.  Les  mênaes  raisons  qui 
faisaient  augmenter  le  nombre  des  monastè- 
res servirent  aussi  à  mullipiier  les  ermites 
ou  anachorètes,  et  le  goût  pour  ce  genre  de 
vie  s'est  cmservé  jusqu'à  nous;  de  là  le 
grand  nombre  d'ermitages  que  l'on  voit  d'un 
bout  du  royaume  à  l'autre.  Mais  les  supé- 
rieurs ecclésiastiques  ont  reconnu  depuis 
longtemps  qu'il  ét.iit  mieux  de  ré'inir  plu- 
sieurs ermites  dans  une  même  hai)ilation, 
que  de  les  laisser  vivre  absolument  seuls. 

Cette  manière  de  vivre  singulière  ne  pou- 
vait [iianquer  d'exciter  la  bile  des  ennemis 
de  la  religion  ;  aussi  a-t-elle  été  blâmée  avec 
autant  d'aigreur  par  les  protestants  que  par 
les  incrédules.  Ils  en  ont  censuré  l'origine  , 
les  motifs,  les  pratiques  :  ils  en  ont  relevé 
les  inconvénients  et  les  pernicieuses  consé- 
quences. Le  Clerc,  Mosheim.  Brucker  et  la 
foule  des  protestants  ont  déclamé  à  l'envi 
sur  ce  sujet;  et  nos  philosophes  moutonniers 
ont  enchéri  encore  sur  leurs  invectives.  — 
Les  uns  ont  dit  que  le  goût  pour  la  vie  so- 
litaire était ,  dans  l'Orient  ,  et  surtout  en 
Egypte,  un  vice  du  climat  ,  un  efl'et  de  la 
mélancolie  et  de  la  paresse  que  la  chaleur 
inspire  ;  d'aatros  ont  jugé  qu'il  a  été  aug- 
menté chez  les  chrétiens  jiar  les  notions 
do  la  philosophie  de  Pythagore  et  de  Platon, 
selon  lesquelles  on  croyait  que  plus  l'ânie  se 
de't.ichall  du  corps  et  de»  sens,  plus  elle  s'ap- 
prochait do  Dieu.  Onelques-uns  ont  deviné 
que,  dans  les  premiers  siècles  du  christia- 
nisme, on  renonçait  au  monde  p;irce  iiue 
l'on  croyait  qu'il  allait  finir.  Presque  tous 
ont  décidé  (luc  l'estime  [)our  la  vie  austère 
est  née  d'une  notion  fausse  et  absurde  de  la 
Divinité.  Les  chrétiens,  disent-ils,  se  sont 
persuadé  que  Dieu,  non  content  d'exiger  le 
sang  de  fon  Fils  pour  apaiser  sa  justice,  se 
plaisait  encore  aux.  tourments  de  ses  crca- 
lureg. 


ANA  220 

A  toutes  ces  réflexions  il  ne  manque  que 
du  bon  sens.  Si  tous  ces  savants  disserla- 
leurs  avaient  passé  la  plus  grande  partie  de 
leur  vie  à  la  campagne  et  loin  du  tumulte 
des  \illes,  ils  auraient  éprouvé  par  eux-mê- 
mes que  l'on  contracte  très-aisément  le  goiît 
de  la  solitude  absolue,  sans  pensera  la  fin 
du  monde,  sans  connaitrela  philosophie  de 
Pylhagore,  et  sans  avoir  des  notions  ab- 
surdes de  la  Divinité.  Une  preuve  qu'il  ne 
vient  point  du  climat,  c'est  qu'il  a  été  pour 
le  moins  aussi  commun  et  aussi  vil  dans  les 
contrées  du  Nord  que  dans  les  régions  du 
Midi.  Mais  bornons-nous  à  des  considéra- 
tions religieuses. 

Il  est  fâcheux  d'abord  que  les  prolestants 
aient  condamné  avec  tant  de  hauteur  un 
genre  de  vie  que  Jésus-Christ  a  daigné  louer 
dans  son  saint  précurseur,  et  que  saint  Paul 
a  proposé  pour  modèle  dans  les  prophètes. 
Dirons-nous  des  uns  et  des  autres  ce  (|ue 
Mosheim  a  osé  dire  de  saint  Paul,  premier 
ermite,  que  retiré  dans  le  désert ,  il  mena 
une  vie  plus  digne  d'une  brute  que  d'un 
homme;  Hist.  ecclés  du  iii'^  siècle,  ii'  pari., 
c.  3,  §3?  Ou  penserons-nous  qu'Klie,  les 
autres  prophètes  et  saint  Jean  -  Baptiste 
avaient  puise  le  goût  de  la  solitude  dans  les 
écrits  de  Pylhagore  ou  de  Platon,  dans  la 
crainte  de  la  fin  du  monde,  etc.?  Voilà  com- 
me les  protestants  respectent  l'Ecriture 
sainte.  —  En  second  lieu,  nous  les  défions 
de  faire  contre  les  solitaires  aucun  reproche 
qui  n'ait  été  fait  aux  premiers  chrétiens  par 
les  païens.  Nous  voyons  par  VApoloifé tique 
de  Tertullien,  que  ceux-ci  appelaient  les 
chrétiens  insensés,  hommes  inutiles  au  mon- 
de, misanthropes  ou  ennemis  du  genre  hu- 
main ;  on  tournait  en  ridicule  leur  air  aus- 
tère et  pénitent,  leur  goût  pour  la  solitude  , 
la  société  particulière  qu'ils  formaient  en- 
tre eux,  etc.  Les  prolestants  semblent  n'a- 
voir fait  que  copier  tous  ces  sarcasn)es  en 
faisant  la  satire  des  moines  et  des  iinaclto- 
rètcs.  Aussi  les  incrédules  n'ont  pas  manqué 
de  tourner  contre  le  christianisme  mènie  la 
censure  que  les  protestants  ont  faite  de  la 
vie  monasiique  ou  érémitique.  Ils  disent  que 
les  maximes  de  l'Evangile  tendent  à  séparer 
l'homme  d'avec  ses  seiiiiilables,  et  à  le  dé- 
tacher absolument  du  monde  ;  que  c'était  dé- 
jà la  morale  des  esséniens  et  des  thérapeu- 
tes, et  que  Jésus-Chrisl  avait  puisé  sa  doc- 
trine parmi  eux.  Ils  soutiennent  que  les  pre- 
miers chrétiens  furent  de  vrais  nioiiies  , 
puisque  saint  Antoine  ne  prétendit  faire  au- 
tre chose  que  suivre  l'Evangile  à  la  lettre  ; 
d'où  ils  (oncluent  que  lu  morale  évangé- 
lique  n'est  faite  que  pour  des  nmines.  En 
ell'et,  «  saint  Antoine,  dit  M.  Fleury,  saint 
Hilarion,  saint  Pacônie  et  les  autres  (|ui  les 
imitèrent,  ne  prétendirent  pas  introduire  une 
nouveauté  ou  renchérir  sur  la  vertu  de  leurs 
pères;  ils  voulurent  seulement  conserver  la 
tradition  de  la  pratique  exacte  de  l'Evan- 
gile qu'ils  voyaient  se  relâcher  de  jour  en 
jour.  Us  se  proposaient  toujours  pour  mo- 
dèle les  ascètes  ou  chrétiens  fervents  <|ui  les 
avaients  précédés.  »  Mwurs  dcsCliret.,  j  32, 


221 


AN  A 


AN  A 


111 


Bingliani  lui  -  même  ,  quoique  protestant, 
avoue  qu'à  l'exceplion  de  la  solilude  ab- 
solue, la  vie  lies  ascètes  était  I;i  même  que 
celle  (les  anachorètes  et  des  moines.  Orig. 
eccb.'siast.,  1.   \i\,  c.    1.  Voy.  Ascètes. 

Nous  prions  les  protestants  de  vouloir  bien 
juslifier,  contre  la  censure  des  incrédules, 
les  premiers  chrétiens  formés  par  les  leçons 
de  Jesus-Chrisl  et  des  apôtres;  ce  qu'ils  di- 
ront nous  servira  de  même  à  faire  l'apolo- 
gie des  solitaires  qui  ont  renoncé  au  mon- 
de. Mais  ils  n'en  feront  rien  ;  peu  leur  im- 
porte de  livrer  le  christianisme  au  mépris 
des  incrédules,  pourvu  qu'ils  satisfassent 
leur  propre  haine  contre  l'Kglise  romaine. 
—  On  ne  sait  que  penser,  quand  on  lit  leurs 
lamentations  sur  la  muhilude  des  erreurs 
qu'a  fnil  naître  dans  l'Enlisé  la  philosophie  de 
P^thagore  et  de  l'Iaton  :  De  là  esl  née,  disent- 
ils,  celte  folle  idée  que  l'on  pouvait  mener 
une  vie  plus  sainte  que  celle  de  Jésus-Christ 
et  des  apôtres,  et  pratiquer  des  vertus  plus 
parfaites  ijue  celles  qui  sont  commandées 
dans  l'Kvangile  ;  de  là  l'eslime  insensée 
pour  les  austérités  corporelle»,  pour  l'abs- 
tinenc(^  et  le  jeûne,  p.our  le  célibat  et  la 
virginité  ;  de  là  la  condamnation  des  secon- 
des noces,  le  mépris  pour  l'ét.it  du  niariai;e, 
etc.  Brucker,  Hist.  l'Iiili's.,  toni.  III,  3(53. 
On  croit  entendre  raisonner  des  déistes  ou 
des  épiruiiens.  En  parlant  de  ces  diffé- 
rents articles  de  la  discipline  chrétienne, 
nous  leur  ferons  voir  que  tous  sont  fondés 
sur  l'Ivcriture  sainte,  sur  les  leçons  fortnillcs 
de  Jésus-Clirist  et  des  iipôlres,  et  nous  les 
mettrons  à  couvert  de  leur  folle  censure.  Il 
s'ensuit  déjà  que  les  platoniciens  et  les  py- 
Ihagoriciens,  ((ui  ont  fait  cas  «le  toutes  ces 
pratiques,  étaient  plus  raisonnables  que  les 
protestants  cl  les  incrédules  modernes.  — 
Ajoutons  que  la  vie  des  solitaires  de  la  Tlié- 
baïde,  «(ui  nous  paraît  si  leirible,  était  à 
peu  près  la  même  que  celle  des  pauvres  et 
du  peuple  en  Egypte.  Selon  le  récit  des  voya- 
geurs, le  seul  habit  des  deux  sexes  est  une 
chemise  ou  un  morceau  de  (oile,  et  les  jeu- 
nes gens,  jus(iu'à  l'à'^c  de  quinze  ou  seize 
ans,  sont  absolunieni  nus.  Tous  cotichent 
sur  la  dure,  dans  la  rue,  ou  sur  les  toits  des 
maisons,  et  avec  deux  poignées  de  riz  un 
homme  peut  vivre  pendant  vingt  -  (luatre 
heure  ,  sans  avoir  besoin  d'autre  nourritu- 
re. Il  en  est  de  même  dans  les  Indes;  et  telle 
y  fut  toujours  la  vie  des  brachinanes  ou  dos 
philosophes  de  ce  pays-là.  Mais  des  épicu- 
riens septentrionaux  sont  effrayés  de  ce 
genre  de  vie  :  gâtés  par  un  luxe  désordonné, 
ils  regardent  les  austérités  comme  un  suici- 
de lent  et  comme  une  folie  ,  ils  s'emportent 
contre  les  anachorètes,  parce  que  ceux-ci 
étaient  plus  robustes  et  plus  so.hres   qu'eux. 

Ecoutons  néanmoins  leurs  déclamations. 
Si  saint  Paul,  disent-ils,  et  saint  P.icôine  ont 
bien  fait  de  renoncer  au  monde,  et  de  se  re- 
tirer dans  les  déserts,  tout  homme  qui  fera 
comme  eux  sera  aussi  louable  qu'eux  ;  il 
faudra  donc  rompre  tonte  société  avec  nos 
Semblables  ,  et  vivre  comme  les  animaux 
isauvages,  pour  être  chrétiens  parfaits.  Dès 


que  Dieu  a  créé  l'homme  pour  la  société,  il 
est  absurde  d'imaginer  un  état  plus  saint  et 
plus  respectable  que  l'état  social ,  ou  des  de- 
voirs plus  sacrés  que  ceux  du  sang  et  de  la 
nature.  Se  détacher  du  monde  et  s'en  sépa- 
rer, c'est  dans  le  fond  renoncera  l'humanité 
et  se  soustraire  à  l'ordre  général  de  la  Provi- 
dence, se  rendre  inutile  aux  autres  ;  c'est  un 
travers,  un  attentat  punissable;  il  ne  peut 
venir  (jue  d'un  fonds  de  misanthropie,  de  pa- 
resse ou  de  vanité  :  le  canoniser  et  l'ériger 
en  vertu,  c'est  un  trait  de  démence. —  ISé- 
punse.  Si  les  anachorètes,  en  cherchant  la 
solilude,  avaient  manqué  aux  devoirs  du  sang 
et  de  la  nature,  violé  les  engagements  d'hom- 
me et  de  citoyen  ,  résisté  à  l'ordre  de  la 
Providence  ,  nous  avouons  qu'ils  n'auraient 
été  ni  saints  ni  louables.  Mais  c'est  à  leurs 
détracteurs  de  prouver,  1'  (ju'ils  ont  aban- 
donné leurs  parents  et  leur  famille  dans  des 
circonstances  où  elle  pouvait  avoir  besoin 
de  leurs  secours  ;  2' qu'ils  n'avaient  pas  reçu 
de  la  nature  un  goût  décidé  pour  la  retraite, 
pour  la  prière,  pour  un  travail  auquel  ils 
pouvaient  vaquer  seuls;  3' qu'il  n'y  avait 
aucun  danger  pour  eu-i  à  demeurer  dans  le 
monde  ;  i°  qu'ils  n'ont  été  d'aucune  utilité 
pourtours  srmblables.  Autrement  nous  sou- 
tenons ((u'ils  n'ont  manqué  ni  à  la  nature 
<;ui  les  portait  au  genre  de  vie  qu'ils  ont 
embrassé,  ni  à  leurs  parents  qui  pouvaient 
Se  passer  d'eux,  ni  à  leurs  concitoyens  aux- 
quels leur  retraite  ne  portait  aucun  préjudi- 
ce, ni  aux  emplois  publics  pour  lesquels  ils 
ne  se  sentaient  pas  laits,  ni  à  la  voix  de  Dieu, 
puisqu'au  contraire  ils  croyaient  lui  obéir. 
Avant  de  conclure  que  tout  homme  Tera  bien 
de  les  imiter,  il  faut  savoir  si  tout  homme  esl 
dans  les  mêmes  circonstances  qu'eux. 

Mais  si  tout  homme  prenait  ce  parti,  que 
deviendrait  la  sociélé  ?  —  Folle  supposi- 
tion. Dieu  y  a  pourvu  ;  il  a  tellement  varié 
les  goûts,  les  caractères,  les  talents,  les  be- 
soins des  hommes,  qu'il  est  impossible  que 
tous  embrassent  le  même  étal  de  vie,  dés 
qu'ils  seront  les  maîtres  de  choisir.  C'est 
pour  ci>la  (|ue  toutes  les  conditions  se  trou- 
vent toujours  à  peu  près  également  rem- 
plies, el  (ju'aucuue  ne  demeure  vacante  :  le 
choix  que  font  les  solitaires,  loin  de  gêner 
celui  lies  autres,  leur  laisse  une  place  do 
plus.  Il  n'est  donc  pas  vrai  qu'ils  aillent  con- 
tre l'ordre  de  la  Providence,  puisque  la  Pro- 
vidence veut  que  chacun  choisisse  l'état  qui 
lui  convient  le  mieux;  ni  contre  le  bien  de 
la  sociélé,  puisqu'elle  esl  intéressée  à  ce  que 
personne  ne  soit  gêne  dans  son  choix  ;  ni 
contre  le  droit  de  leurs  semblables,  puisque 
ceux-ci  n'en  reçoivent  aucun  préjudice  :  les 
solitaires  nuisent  moins  au  public  que  les 
honnêtes  fainéants  qui  surchargent  la  so- 
ciélé du  poids  et  de  l'ennui  de  leur  oisiveté. 
—11  n'esl  pas  vrai  non  plus  qu'ils  soient  inu- 
tiles au  monde.  Dans  les  temps  de  calamité  , 
de  dévastation  ou  de  contagion,  lorsque  la 
religion  s'est  trouvée  en  danger,  lorsque  les 
peuples  ont  man(]uc  de  secours  spirituels  , 
lorsque  le  cierge  séculier  a  élé  à  pou  près 
anéanti,  on  u  vu   les  solitaires   quitter  leur 


323 


ANA 


ANA 


224 


retraite,  accourir  au  secours  de  leurs  frères, 
exercer  la  charilé  d'une  manière  héroïque  ; 
souvent  les  rois  sont  allés  les  chercher  au 
désert  pour  leur  contier  lis  affaires  les  plus 
importantes.  Ceux  de  la  Thébaïde  travail- 
laient, non-seulemeiii  pour  se  procurer  la 
subsistance  ,  mais  encore  pour  aider  les 
pauvres  du  prix  de  leur  travail.  D'ailleurs, 
plus  les  hommes  sonl  vicieuv  ,  plus  les 
nuEurs  pul)liques  sont  corrompues,  plus  il 
est  utile  it  nécessaire  de  leur  donner  des 
excu.ples  de  frugalité,  de  désintéressement  , 
de  mortilicalion,  de  patience,  de  piété  ,  de 
soumission  à  Dieu,  de  mépris  des  choses,  de 
ce  monde.  Quoi  que  l'on  puisse  en  dire, 
les  solitaires  l'ont  fait  dans  tous  les  temps  , 
et  les  peuples  ne  les  ont  respectés  qu'autant 
qu'ils  le  méi liaient  parleurs  vertus. 

Un  homme,  i'aiigué  du  tumulte  de  la  so- 
ciété, rebuté  par  les  vices  de  ses  semblables, 
dégoûté  des  objets  qui  cxciient  les  passions, 
»'a-t-il  pas  droit  d'aller  chercher  dans  la 
solitude  la  paix,  le  repos,  l'innocence,  la  li- 
berié,  le  c^ilme  de  la  conscience?  t'.elui  qui 
fuit  le  danger  de  la  corruption,  qui  s'occupe 
à  prier,  à  méditer,  à  travailler;  qui  s'accou- 
tume à  retrancher  à  la  nature  tout  (  e  dont 
elle  peut  se  passer,  n'est-il  pas  louable?  11 
donne  aux  autres  une  grande  leçon,  savoir, 
que  l'on  peut  trouver  avec  Dieu  uu  repos, 
des  consolations,  un  bonheur,  que  le  monde 
ne  peut  pa<  donner. 

ANAGOGIE,  ANAGOGIQDlî.  Voy.  Ecri- 
ture SAINTE,  §  3. 

ANALYSli  DE  LA  FOI.  Voy.  Foi. 

ANAMÉLECH.  Voy.  Samaiutain. 

ANANIE  et  SAPHIUE.  Ces  deux  époux  fu- 
rent frappés  de  mort  à  la  parole  de  saint 
Pierre,  pour  avoir  menti  au  S.iiiit-Esprit 
iAct.  V,  3).  Les  censeurs  de  la  révélation 
n'ont  pas  manqué  d'ob-ervcr  qu'un  simple 
mensonge  n'clait  pas  un  crime  assez  grave 
pour  mériter  la  peine  de  mort  ;  que  saint 
Pierre  agit  dans  cette  circonstance  avec  une 
cruauté  peu  digne  d'un  apôtre.  —  Si  cette 
observation  était  juste,  ce  serait  à  Dieu 
même  <iu'il  faudrait  s'en  prendre  :  la  parole 
de  saint  Pierre  n'a  certainement  pas  eu  par 
elle-même  la  fnrce  d(;  faire  mourir  subite- 
ment deux  personnes  ;  il  faut  donc  ((ue  Dieu 
les  ait  punies  lut-même.  Mais  il  est  faux  tjue 
le  crime  il'Ananie  et  de  SupUire  ait  été  un 
sin.pic  mensonge.  Comme  les  fidèles  de  .léru- 
salem  avaient  mis  leurs  biens  en  commun, 
personne  n'avait  droit  de  subsister  aux  dé- 
pens de  cette  communauté  ,  que  ccu\  qui 
s'étaient  réellement  dépouillés  de  leurs  pos- 
sessions. Annnie  et  Sapltire,  après  avoir 
vendu  un  champ,  donnèrent  une  partie  du 
[irix  et  gardèrent  le  reste  ;  c'était  une  fraude  : 
il  fallait  un  exemple  de  sévérité  pour  préve- 
nir cet  abus  [Act.  iv,3iet3o).  —D'ailleurs, 
selon  le  sentiment  de  plusieurs  Pères  de  I  l-]- 
glise,  Dieu  punit  ces  deux  époux  en  ce 
monde  pour  leur  faire  miséricorde  en  l'autre; 
ainsi  en  ont  jugé  Origène,  tom.  \  in  Muttli., 
n.  15;  saint  Augustin,  liv.  m  cdiiiiu  f'pist. 
ad  l'ttrmtn.,  c.  i,  n.3;  Serm.  \kH,  n.  1;  saint 
Jérôme  ,  Epis.t.  8,  ad  Démet.,  el  d  autres.  Ils 


se  sont  fondés  sur  les  paroles  de  saint  Paul 

(/  Cor.  Il,  30)  :  Lorsque  Dieu  nous  juge,  il 
nous  corrige,  afin  que  nous  ne  soyons  pas 
damnés  avec  ce  monde.  A  la  vérité,  il  y  en  a 
aussi  quelques-uns  qui  craignent  que  ces 
deux  coupables  n'aient  été  damnés  ;  mais  ils 
supposent  dans  le  mensonge  dont  il  e-^t  ici 
question,  des  circonstani  es  »•  des  motifs  qui 
ne  sont  ni  certains  ni  approuvés  par  l'Ecri- 
ture sainte. 

ANATHÈME.  Ce  mot,  tiré  du  grec  àviôeua, 
signifie,  à  la  lettre,  placé  en  haut  ;  l'on  nom- 
mait ainsi  les  offrandes  faites  à  la  Divinité, 
et  que  l'on  suspendait  à  la  voiile  ou  aux 
murs  de<  temples  pour  les  exposer  à  la  vue  ; 
de  ta  anuliièine  a  signifié  citose  consacrée. 
Comme  l'on  exposaitaussi  des  objets  ofiieox, 
la  tète  d'un  coupable  ou  d'un  ennemi,  ses 
armes,  ses  dépouilles,  anaf/ième  a  exprimé 
chose  exécrée  ou  exécrable,  dévouée  à  la 
haine  publique  ou  à  la  destruction;  el  ce 
dernier  sens  est  devenu  plus  commun. 

Ainsi  l'Eglise  dit  anathème  aux  hérétiques, 
à  ceux  qui  corrompent  la  pureté  de  la  foi  ; 
plusieurs  décrets  ou  canons  des  conciles  sont 
conçus  en  ces  termes  :  Si  quelqu'un  dit  ou 
soutient  telle  erreur,  qu  il  soit  anathème, 
c'est-à-dire,  qu'il  soit  relranché  de  la  com- 
munion lies  (idoles,  qu'il  soit  regardé  comme 
un  iioinme  hors  de  la  voie  du  salut  et  en 
état  de  damnation:  qu'aucun  fidèle  n'ait  de 
commeree  avec  lui.  tî'est  ce  que  l'on  nomme 
anathème  judiciaire  ;  il  ne  peut  être  jirononcé 
que  par  un  supérieur  qui  ait  autorité  el  juri- 
diction, par  uu  concile,  par  le  pape,  par  un 
évéque.  —  Lorsqu'un  hérétiiiue  veut  se  con- 
vertir el  se  réconcilier  à  l'Eglise,  on  l'oblige 
de  dire  auatltème  à  ses  erreurs,  c'est-à-dire, 
de  les  abjurer  et  d'y  lenonrer.  —  Saint  Paul 
dit  [Rom.  IX,  3)  :  Je  ilésiruis  moi-même  d  être 
AN  V 1  HÈMn  de  la  pari  de  Jésus-Christ  pour  mes 
frères,  qui  sont  nos  parents  selon  la  chair. 
Parmi  les  interprètes,  les  uns  pensent  que 
dans  ce  passage  artrif/ièmc  signifie  être  mau- 
dit ou  ré|)rouvé  par  Jesus-Christ  ;  les  autres 
soutiennent  (]u'ii  faut  entendre  :  Je  souhai- 
tais d'être  mis  à  pari  el  dévoué  par  Jésus- 
Christ  au  salut  de  mes  frères. 

Nous  troinons,  dans  l'ancien  Testament, 
des  exemples  de  cette  double  signification  : 
il  est  dit  que  Judith  offrit  au  Seigneur  les 
armes  d'Holo[ilierne  fiour  anathème  d'oubli, 
ou  pour  monument  contre  l'oubli  [Judith 
XVI,  'l'i).  —  Moï>e  veut  que  l'on  dévoue  à 
Vanalhèm'-  ou  à  la  destruction  les  villes  des 
Chunanéens  qui  ne  se  rendront  pas  aux  Is- 
raélites, et  ceux  qui  adoreront  les  faux 
dieux  (Deut.  ix,  2<i  ;  Kxod.,  xxii,  19).  Le 
peuple  assemblé  à  Masplia  dévoua  à  Vana- 
thème  quiconque  ne  prendrait  pas  les  aimes 
contre  les  Henjamiles,  pour  venger  l'outrage 
fait  à  la  femme  d'un  lévile  [Jud.  \ix  et  xxi). 
Saùl  prononça  Vanalhcme  cimtre  quiconque 
mangerait  quelque  chose  avant  le  coucher 
du  soleil,  dans  la  poursuite  des  Philistins  {/ 
Reg.  XIV,  2V).  Alors  Vanathèmi'  est  expiinu; 
par  le;  mot  rticrem,  dévastation,  destruction. 
Quicon{|ue  s'y  trouvait  enveJoppé  devait  être 
mis  à  mort.  —  Do  là  quelques  censeurs  de 


52u 


ANC 


ANC 


«26 


l'Ecriture  ont  concla  que  les  Hébreux  of- 
Traient  à  Dieu  des  sacriticcs  de  sang  humain. 
Selon  leur  opinion,  il  est  dit  [Lcvtl,  xxvii, 
28  et  2))  :  Tout  ce  qu'un  possesseur  a  voué  à 
/'anaihèmë,  soit  homme,  soit  animal ,  soit 
pièce  de  terre,  sera  consacré  au  Seii/nfur,  ne 
pourra  être  racheté,  mais  sera  mis  à  mort. 
Nous  soutenons  que  celle  version  est  fau- 
tive. 1"  11  est  absurde  d'ordonner  qu'une 
pièce  de  terre,  ou  ce  qui  en  provient,  soit 
mis  à  mort.  2°  il  y  aurait  conlrailiction  entre 
cette  loi  et  celle  du  verset  2  de  ce  même  cha- 
pitre, où  il  est  dit  que  toute  personne  vouée 
au  Seigneur  sera  rachetée,  '.i"  Dans  le  Deu- 
léronome,  c.  su,  v.  30,  il  est  sévèrement  dé- 
fendu d'offrir  aucun  sacrifice  de  sang  hu- 
main, el  il  n'y  en  a  aucun  exemple  certiiin 
dans  l'Ecrilure.  i"  Cherem  signifie  conslain- 
ment  Vanathème  prononcé  et  exécuté  contre 
les  ennemis  de  l'Etat  -,  il  y  aurait  eu  de  la  lo- 
lie  à  un  Israélite  de  le  prononcer  contre  ce 
qu'il  possélail,  pendant  qu'il  pouvait  en  taire 
un  don  ou  une  oblation  au  Seigneur.  Il  faut 
donc  traduire  ainsi  à  la  lettre  :  Tout  ana- 
THÈME  jit'wrt  hnmm'  aura  juré  au  Sriijneur, 
hors  de  ce  qu'il  possède,  en  hommes,  en  ani- 
maux, en  terres  qui  lui  appai  tiennent,  ne  sera 
ni  vendu  nirach  lé  ;  parce  que  tout  anathème 
est  sacré  devant  le  Seigneur.  Tout  anathèmë 
ainsi  juré  ne  sera  poml  rncheté  ,  mais  mis  à 
mort.  Dieu  permettait  à  un  lioinmede  rache- 
ter ce  qu'il  avait  voué  et  qui  lui  apparlenail, 
mais  non  de  raclielcr  ce  qui  élail  aux  enne- 
mis et  ne  lui  appartenait  pis.  Il  est  certain 
que  la  préposition  mi  ou  min  du  texte  hé- 
breu, que  l'on  traduit  onlinairement  par  de 
ou  ex,  signifie  aussi  hormis,  excepté,  Voy, 
Gliissii  PUilolog.  Sacra,  col.  1158,  liai), 
IIGC. 

ANCIEN.  Le  gouvernement  le  plus  natu- 
rel et  le  plus  sage  est  celui  des  ancims.  Chez 
les  patriarches,  toute  l'autorité  était  entre 
les  mains  des  chois  de  faruille.  Moïse,  par  le 
conseil  de  Jéthro,  en  choisit  un  nombre  dans 
chaque  tribu  pour  rendre  la  justice  et  faire 
observer  la  police  parmi  le  peuple  [Exod. 
xviii,  18  et  suir.).  (^Iiez  les  Romains,  le  mé- 
fiât était  l'as-emhlée  des  vieillards,  senes. 
Les  apôtres  établirent  cette  forme  de  gou- 
Ternemenl  pour  maintenir  l'ordre  dans  l'E- 
glise de  Dieu.  Saint  Paul,  qui  ne  pouvait  |ias 
aller  à  Ephèse,  fait  venir  les  anciens  de  cette 
Eglise  et  leur  dit  :  Ai/ez  attention  sur  vous- 
ménxi^s  et  sur  tout  In  troupeau  dont  le  S  lint- 
Esprit  voxks  a  établis  surveillants,  piur  gou- 
verner l'Eglise  de  Die  i  qu'il  s'est  acquise  par 
son  sang  {Aci.  xx,  17,  28).  Los  apôtres  d  .li- 
Bèreiit  avec  les  anciens  au  comile  de  Jéru- 
salem, el  décident  ensemble  (xv.  G,  22,  '23, 
VI).  Saint  Jean,  qui  a  représenté  dans  l'A  ■ 
pocalypse  l'ordre  des  assemblées  chrédennes 
ou  de  l'ofiice  ilivin,  place  le  président  sur  un 
trône,  et  vingt-quatre  vieill.ird'i  sur  des  sii;- 
gos  autc^ur  de  lui.  [Apoc.  iv  et  v).  Ces  an- 
ciens ont  été  nimniL's  prêtres, T:pîa'jÙTir.oi, vieil- 
lards :  le  président,  évêque,  éni.cr/.'-nxo;,  sur- 
veillant. Ainsi  s'est  formée  la  hiérarchie.  — 
Il  ne  s'ensuit  pas  de  là  q^ie  le  gouvernement 
de  l'Eglise,  dans  sua  origine,  a  été  purement 


démocratique  ,  comme  le  soutiennent  l,;s 
calvinistes;  que  les  évoques  ne  devaient  el 
ne  pouvaient  rien  décider  sans  avoir  pris 
l'avis  des  anciens.  Nous  voyons,  par  les  let- 
tres de  saint  Paul  à  Timothée  et  à  Tite,  qu'il 
leur  attribue  l'autorité  et  le  pouvoir  de  gou- 
verner leur  troupeau  ,  sans  être  obligés  de 
consulter  l'assemblée,  si  ce  n'est  dans  les 
circoiisl.inees  où  il  ét.iit  besoin  de  témoigna- 
ges,   y'oq.  EVKQUE,   HliCBAUCHIE. 

ANDÙÉ  (saint),  apôtre  ,  frère  de  saint 
Pierre,  né  a  Belhsaïde,  fut  disciple  de  saint 
Jean-Baptiste,  el  ensuite  de  Jésus-Christ.  On 
croit  communé:iient  qu'iprès  la  descente  du 
Saint-Esprit  il  prêcha  l'Evangile  en  Achaïe, 
et  fut  martyrisé  à  Palras.  II  ne  reste  aucun 
écrit  de  ce  saint  apôire  ;  les  actes  de  son  mar- 
tyre, écrits  sous  le  nom  des  prêtres  d'Achaïe, 
sont  contestés  parles  savants.  TiUemont , 
dans  ses  Mémoires  sur  l'IIisl.  rccl.,  loin.  I, 
p.  320,  les  regarde  comme  apocryphes;  le 
P.  Alexandre,  llist.  erclés.,  lom.  1,  soutient 
qu'ils  sont  authentiques.  M.  Woog,  profes- 
seur d'hisloire  et  d'antiquités  à  Lei|)sick,  a 
suivi  le  même  sentiment  dans  de  savantes 
dissertations  qu'il  a  |)ubliées  en  17V8  et  1751. 
Ce  n'est  point  à  nuis  à  terminer  cette  con- 
testation. —  Les  Moscovites  sont  persuadés 
que  saint  André  a  porté  l'Evangile  dans  leur 
pays.  Comme  plusieurs  anciens  disent  que 
cet  apôtre  a  prêché  dans  la  Scythie  ,  si  on 
doit  l'entendre  de  la  Scythie  européenne  , 
celle  tradition  serait  favorable  à  l'opinion 
des  Moscovites;  mais  il  n'y  a  rien  de  cer- 
tain sur  tout  cela.  Fabricius  ,  Salut,  lux 
Eviing.,  etc.,  p.  98.  —Celle  incertitude,  dans 
laquelle  la  plupart  des  apôtres  nous  ont 
laissés  touchant  le  lieu,  la  durée  et  le  succès 
de  leurs  travaux, démontrequ'ils  n'agiss  lient 
ni  par  iniérêl  ni  par  vanité:  des  prédica- 
teurs jaloux  de  leur  gloire,  ou  conduits  par 
quelque  motif  humain  ,  auraient  pris  plus 
de  soin  de  laisser  des  monuments  de  leurs 
actions. 

ANGE,  substance  spirituelle,  intelligente, 
la  première  en  dignité  entre  les  créatu- 
res (1  . 

Ce  mot  est  formé  du  grec  â.yyz'Mç,  qui  si- 
gnifie messager  ou  envoyé:  et  c'est,  disent  les 
théologiens,  une  dénomination,  non  de  na- 
ture, maisd'oflice,  prisedii  miiiislère qu'exer- 
cent les  anges,  el  ([ui  consiste  a  porter  les 
ordres  de  Dieu,  ou  à  révéler  aux  hommes  ses 
volontés.  C'est  l'idée  qu'en  donne  saint  Paul 
(llebr.  I,  14)  :  Tous  les  angks  ne  sont-ils  pas 
des  esprits  chargés  d'une  administration,  et 
envoyés  pour  l'utilité  de  ceux  qui  ont  part  à 
l  héritage  du  salut?  C'est  parl:i  même  raison 
que  ce  nom  est  quelquefois  donné  aux  hom- 
mes dans  l'Ecriture  :  comme  aiix  prêtres  dans 
le  prophète  .M  ilachie,  c.  xt  ;  par  saint  Mal- 
tliiea  à  saint  Jean-Baptiste,  c.  xi,  v.  10;  et 
par  saint  Jean,  dans  l'Apocalypse,  aux  évo- 
ques de  plusieurs  Eglises.  —  selon  les   Sep- 

(1)  Il  esi  de  foi  qu'il  y  a  des  anges  ;  qu'ils  oui  été 
créés  dans  un  élal  irinnocence  ;  que  («liisieiirs  anges 
se  sont  révoltés  coiilre  ttieii  ;  que  les  dénions  s  ni 
les  eiiiiLinis  des  hoimues;  qu'ils  peuvent  les  lenier, 


237 


ANG 


ANG 


i>28 


innle,  le  Messie  est  appelé  dans  Isaïe  (ix,  6), 
l'ange  du  grand  conseil,  nom  qui  exprime 
son  ministère  et  non  sa  nature  ;  il  en  est  de 
même  de  l'hébreu  ,  melec,  ange  ou  envoyé. 
Cependant,  l'usage  a  prévalu  (rattacher  a 
ce  terme  l'idée  d'une  nalure  incorporelle  , 
intelligente,  supérieure  à  l'âme  de  l'homme, 
mais  créée  et  inférieure  à  Dieu. 

Quoique  l'existence  des  anges  ne  puisse  se 
prouver  par  la  raison,  toutes  les  religions 
l'ont  admise  en  vertu  de  la  révélation  (t).  A 
l'exception  des  saducéens ,  les  Juifs  la 
crovaieni,  même  les  samaritains  et  les  ca- 
raïi'es,  selon  le  témoignage  d'Abusaïd,  auteur 
d'une  version  arabe  du  Pentatcuque,  et  se- 
lon le  commentaire  d'Aaron,  juif  caraïte,  sur 
le  raême  livre;  ouvrages  qui  sont  en  manu- 
scrit dans  la  bibliothèque  du  roi —Les  chré- 
tiens ont  suivi  la  même  doctrine;  mais  les 
Pères  ont  été  partages  sur  la  nature  des  an- 
ges. Les  uns,  comme  Terlullien  ,  Origène, 
saint  Clément  d'Alexandrie,  etc.,  ont  cru 
qu'ils  étaient  toujours  revêtus  d'un  corps 
très-subtil.  Les  autres  ,  comme  saint  Basile, 
saint  Alhanase,  saint  Cjrille,  saint  Grégoire 
de  Nysse,  saint  J(  an  ohrjsoslome,  etc.,  les 
ont  regardes  comme  des  êtres  purement  spi- 
rituels. C'est  le  sentiment  de  lnute  l'Eglise; 
mais  l'Ecriture  sainte  atlesteque  souvent  les 
ariges  ont  paru  revêius  d'un  corps;  nous  ne 
voyons  pas  en  quoi  le  sentiment  de  Terlul- 
lien et  des  autres  pouvait  être  dangereux. 
—  A  la  vérité,  plusieurs  ont  cru  que  les  an- 
ges avaieni  eu  commerce  avec  les  fill'S  des 
hommes,  et  avaient  engendré  les  géants.  Ce- 
lait le  sentiment  commun  des  philosophes  , 
que  les  dr'mons,  c'est-à-dire  les  génies  ou 
inlelligences  supérieures  à  l'humanité,  n'é- 
taient |ias  des  esprits  purs,  njais  revêtus  d'un 

cl  posséder  leurs  corps,  mais  seulemciii  par  une 
peruiissiun  spéciale  île  la  Diviiiilc. 

Il  n'esl  pas  de  foi  qee  les  ;iiiges  soient  de  purs 
espViis,  parée  (pi'il  n'y  a  auciiii  c.mcile  général  qui 
l'ail  décidé  ex  j)ro(eiso.  Ce  serait  cepeiidanl  unii 
grande  téiiiérilé  du  le  nier.  —  Il  n'est  p:is  de  lei 
que  les  anges  aient  été  créés  dans  un  état  de  grâce, 
quoique  ce  soit  ropininn  l,i  plus  coniniune.  il  a  oe- 
penilant  e\islé  des  iliéoligiens  qui  ont  enseii^né  que 
les  anj^es  o  il  été  créés  dans  un  état  du  JU^lice  natu- 
relle; mais  que  ce  n'esl  que  dans  la  suite  qu'iU  ont 
été  élevés  à  l'étal  de  giàce 

Aucun  coiicde  n'a  déliui  l'existence  dos  anges  gar- 
diens. Llle  est  iojidée  sur  une  croyance  tellenienl 
universelle,  que  la  nier  serait  une  erreur,  sinon  une 
liéiésie. 

(I)  Un  savait  par  l'ancienne  tradition ,  disent  les 
Mémoiri's  de  l'Acudi'mie  des  luscriplions ,  l.  XLII, 
qu'il  exislail  des  esprits  supérieurs  à  l'Iionime,  mi- 
nistres du  grand  roi,  dans  le  gouveriicmenl  du 
momie.  Ce  lut  de  ces  esprits  qu'on  aniaia  runivers  : 
Otl  en  plaça  partout,  dans  le  ciel,  dans  les  astres, 
dans  l'air,  dans  les  moniagnes,  dans  les  eaux,  dans 
les  lorèts,  cl  même  duns  les  enlr;iiil('S  de  la  terre  ; 
et  l'un  linnora  ces  nouveaux  dieii\  selon  l'étendue 
cl  l'imp  Tlanr.e  du  domaine  (|u'i>n  leur  avait  attribué. 
Sul>ordoniié>  les  nn>  aux  aulres,  (m  leur  faisait  re- 
connaître pour  supérieur  un  génie  ilu  premier  ludre, 
que  des  naiions  plaçaient  dans  le  .soleil,  et  d'.niires 
aiHile^sus  de  cet  astre,  selon  que  le  caprie.e  le  leur 
dictait. 


corps  subtil  et  aérien;  conséqnemtnentils 
croyaient  qu'un  grand  nombre  de  ces  génies 
recherchaient  le  commerce  des  femmes  , 
aimaient  l'odeur  des  sacrifices,  et  se  plai- 
saient souvent  à  faire  du  mal  aux  hommes  : 
Lucien  ,  Plutarque  ,  P()rpliyre  et  d'auires 
étaient  dans  cette  opinion;  nous  ne  voyons 
pas  en  quoi  les  Pères  sont  si  réprélicnsibles 
de  l'avoir  suivie.  Elle  leur  paraissait  confir- 
mée par  la  version  des  Septante  {Gen.  vi,2), 
dont  plusieurs  exemplaires  portent  :  tes  an- 
ges de  Dieu ,  voyant  la  beauté  des  filles  des 
hommes,  e\c.,  au  lieu  qu'il  y  a  dans  l'hébreu, 
le  samaritain,  le  syriaque  et  la  Vulgate,  les 
enfants  de  Di'eu;  dans  le  chaldéen  et  dms 
l'arabe,  les  enfants  d-s  grands  ou  des  prin- 
ces. 11  n'a  donc  pas  été  nécessaire  que  les 
Pères  prissent  celte  opinion  dans  le  livre 
apocryjihe  d'Enoch.  —  Mais  quelle  perni- 
cieuse conséquence  peul-on  tirer  de  là  ?  11 
s'ensuit,  dit-on,  que  les  Pères  n'avaient 
point  de  notion  de  la  parfaite  spiritualité. 
Ils  l'admettaient  du  moins  en  Dieu,  puis- 
qu'ils le  sui'posaient  créateur.  Quand  ils  au- 
raient cru  qu'elle  ne  pouvait  avoir  lieu  dans 
aucune  créature,  ce  ne  serait  pas  un  jusle 
sujet  de  les  blâmer  avec  autant  d'aigreur 
que  le  font  les  prolcstants.  «  Voilà,  dit  Bar- 
beyrac,  les  Pères  des  premiers  siècles  par- 
faitement d'accord  entre  eux  sur  une  erreur 
grossière,  puisée  dans  une  mauvaise  (ihilo- 
sophie,  dans  un  livre  apocryphe,  ou  dans  la 
fausse  supposition  (juc  la  version  des  Sep- 
tante était  inspirée.  Que  l'on  vienne  encore 
nous  donner  le  consentement  des  Pères 
comme  une  marque  sûre  de  la  tradition.  » 
Traité  de  la  morale  des  Pères,  c.  2,  §  3.  Ce 
ton  triomphant  est  bien  mal  fondé. 

l°N(ius  voudrions  savoir  par  quelle  dé- 
monslration  ou  par  quel  lexle  formel  de 
l'Ecriture  sainte  on  peut  prouver  (jue  l'opi- 
ni  m  des  Pères  était  une  erreur  grossière  ; 
nous  délions  Barbeyrac  et  tous  ses  pareils  de 
prouver  la  parfaite  spiritualité  des  anges  au- 
trement que  |iar  la  tradition  el  [)ar  la 
croyaiit:e  universelle  de  l'Eglise.  2°  Il  esl 
faux  que  tous  les  anciens  Pères  aient  é!é 
d'un  sentiment  unanime  sur  la  nature  des 
anges  :  dès  le  comnienceniont  du  ()ualrièine 
siècle,  le  très-grand  nombre  en  ont  soutenu 
la  parfaite  spiiiiualilé.  Le  P.  Pétau,  Doijm. 
théoL,  tom.  111,  I.  I,  c.  'i,  a  cité  parmi  Us 
Grecs  Tite,  évêque  de  Boslres,  Diilyme,  saiiil 
Basile,  saint  Grégoire  de  Nyssc,  saint  Gré- 
goire de  Nazianze,  Eiisèbe  de  Cesarée,  saint 
Epiphane,  saint  Jean  t^lhrysostoine,  'l'Iiéoilo- 
ret  el  plusieurs  autres  plus  réccnis;  parmi 
les  Latins  ,  Maiiiis  X'ictorin,  Laclance,  s  liiit 
Léon,  Jiimilius  l'Africain,  saint  Léon,  saint 
Grégoire  le  Grand  el  ceux  qui  lonl  suivi. 
L'on  a  répelé  cent  fois  aux  proles'tanls  que 
la  tradition  n'est  censée  règle  de  foi,  que 
quand  elle  est  constante  et  à  peu  près  una- 
nime. 3°  11  n'y  a  aui  une  preuve  que  les  Pè- 
res aieni  élé  trompés  par  le  livre  apocr;.  phçs 
d'Enoch,  el  ((ue  la  plupart  i'aienl  consulte  ; 
il  parait  mi'iin-  que  les  plus  anciens  ne  l'ont 
pas  connu.  k~  (Juanil  les  anciens  l'ôres  n' au- 
raient pas  cru  la  version  des  septante  iiispi- 


229 


ANC 


ANC 


•m 


rco,  de  qnelle  autre  traduction  pouvaient-îls 
se  servir?  Il  est  fort  singulier  (|u'on  leur 
fn«se  un  rrime  de  n'avoir  pas  lu  le  texte  lié- 
breu  que  les  juifs  ca(  liaient  avec  soin,  et  de 
n'avoir  pas  su  l'hébreu  que  les  juil's  ne  vou- 
laient ensei^incr  à  personne.  A  entendre  rai- 
sonner les  proleslants,  il  senilile  que  l'on  ne 
puisse  pas  être  bon  chrétien  sans  avoir  ap- 
pris l'héhreu,  et  que  Dieu  ail  mal  pourvu  au 
salut  des  premiers  fidèles  en  ne  leur  don- 
nant qu'une,  version  grecque. 

Selon  leseiiiimenl  commun  des  Pères  et  des 
théologiens,  hstuiyrs  sont  distribués  eu  trois 
blérarchies,  et  chaque  hiérarchie  en  trois 
ordres  ou  chœurs.  La  première  est  celle  des 
séraphins,  des  cliérubins  et  des  tr^ne»;  ;  la 
scciinile  comprend  les  dmiiinalions,  les  ver- 
tus, les  I  uissanees  ;  la  troisième,  les  princi- 
pautés, les  archanges  et  les  amjes.  Ce  der- 
nier nom  est  devenu  commun  à  tous  en  gé- 
néral. 

L'églisechrétienne  croit  que  tous  les  anges 
ont  été  créés  en  état  de  grâce  et  destinés  à  la 
féliciié,  mais  que  plusieurs  sont  déchus 
de  cet  état  par  leur  orgueil;  ((u'ils  ont 
été  précipités  en  enfer  el  condamnés  à 
un  supplice  éternel  ,  pendant  que  les 
autres  ont  été  confirmés  en  grâce,  cl  sont 
heureux  pour  toujours.  (]eux-ci  sont 
hommes  les  bons  nnges,  ou  simplement  les 
anges;  les  antres  sont  appelés  les  mauvais 
uiujes,  lis  diahtes  ou  les  dc'mons.  —  Ce  dogme 
de  la  chule  des  aïKjes  est  fondé  sur  l.i  ir  Epî- 
trc  de  saint  Pierie,  c.  ii,  v.  k,  où  il  ist  dit 
que  Dieu  n'a  point  pardonné  aux  anges  qui 
ont  péché,  mais  qu'il  lésa  précipites  dans 
l'abîme,  où  ils  sont  retenuspar  des  liens,  tour- 
mentés et  réservés  jusqu'au  jugement  ,  ou 
pour  le  jugement  ;  et  sur  cclli:  de  s.iinl  .ludc, 
V.  G,  où  nous  lisons  que  Dieu  relient  liés  de 
chaînes  élernellis  dans  de  profondes  ténèbres, 
et  qu'il  réserve  pour  le  jugement  du  grand 
jour,  les  ANGES  qui  n'ont  pas  conservé  leur 
première  dignité,  mais  qui  ont  quitté  leur 
.propre  demeure. 

Un  autre  article  de  la  croyance  chré- 
tienne est  que  Dieu  a  donné  à  chacun  de 
nous  un  ange  gardien;  on  conclut  <clle  vé- 
rilé  de  plusieurs  passages  de  l'ivcriture 
sainte  (Gen.  xLviii,  16;  Matih.  smii,  10; 
Acl.  XII,  lo,  etc.).  C'est  une  tradition  con- 
slanie.  —  (Judques  l'ères  de  l'Eglise  ont 
même  pensé  que  chaque  liomme,  dès  sa 
naissance,  était  accompagné  de  doux  anges, 
l'un  bon  i]ui  le  porte  au  bien,  l'autre  mau- 
vais el  qui  le  porte  au  mal  ;  ils  se  fondent 
snr  un  nassage  du  Pasteur  d'Uermas,  qui 
l'enseigne  ainsi  :  mais  celte  opinion  n'a  pas 
eu  un  grand  nombre  de  partisans. 

11  y  aurait  de  la  témérité  à  former 
sur  le  nombre  des  anges,  sur  leur  état, 
sur  leur  pouvoir  ,  sur  leurs  fonctions, 
des  questions  qui  ne  peuvent  pas  être  réso- 
lues par  l'Ecriture  sainte  ni  i;ar  la  tradi- 
tion. —  Une  dispute  plus  importante  que 
nous  avons  avec  les  protestants  est  de  savoir 
s'il  est  permis  de  rendre  aux  anges  un  culte 
religieux,  de  les  invoquer,  de   compter  sur 


leur  secours  et  leur  intercession.  C'est  le 
sentiment  de  l'Eglise  catholique;  mais  ses 
ennemis  le  lui  reprochent  comme  une 
erreur,  ils  y  opposent  les  mêmes  objections 
qu'ils  font  contre  le  culte  des  saints.  —  lis 
disent  (|ue  saint  Paul  a  formellemeiil  dé- 
fendu ce  culte  aux  Colossiens  ;  chap.  ii,  v. 
18,  après  les  avoir  détournés  du  judaïsme  et 
des  cérémonies  légales,  il  leur  dit  :  Qw 
pcrsanne  ne  vous  séduise  par  wne  humilité 
apparente  et  un  culte  religieux  des  angiss, 
chosis  qu'il  ne  connaît  point,  et  sur  lesquel- 
les il  se  conduit  selon  les  vaines  imaginations 
d'un  esprit  charnel,  ne  demeurant  point 
attaché  au  chef,  duquel  tout  le  corps  reçoit 
V  union , la  solidité  et  lacroiisanceque  Dieu  lui 
donne.  Ils  ajoulenl  que,  quand  saint  Jean 
voulut  se  prosterner  devant  l'ange  du  Sei- 
gneur el  l'adorer,  cet  ange  lui  dit  :  iVe /e 
faites  pus,  adorez  Dieu  [Apoc.  xix,  10);  (|ue 
le  concile  de  Laodicée,  tenu  l'an 'lU'i-,  can.  3o, 
porte  :  >(  11  ne  faut  pas  que  les  chrétiens 
quittent  l'Eglise  de  Dieu,  pour  aller  invoiiuer 
des  anges,  et  faire  desassemblées  défendues. 
Si  donc  on  trouve  quelqu'un  attaché  à  celte 
idolàtiie  cachée,  qu'il  soit  anathèmo,  parce 
qu'il  a  laissé  Nolre-Seignenr.lésus- Christ  Ois 
de  Dieu,  pour  se  livrer  à  l'idolâtrie.  »  Enfin, 
disent  les  |iroteslanls,  une  preuve  que  les 
Juifs  ont  loujoirs  regardé  comme  supersli- 
tieux,  criminel  el  idolâlrique,  tout  culte  qui 
n'était  pas  adressé  à  Dieu  seul,  c'est  que 
jamais  ils  n'ont  rendu  aucun  cuite  aux  an- 
ges; la  secte  des  caraïles,  la  plus  scrupu- 
leusement attachée  au  texte  de  l'Ecriture, 
enseigne  fornicllemenl  qu'il  ne  faut  leur  en 
rendre  aucun. 

Nous  repondons  aux  proleslants,  que  s'ils 
voulaient  convenir  une  fois  avec  nous  du 
sens  qu'il  faut  attacher  au  mol  culte  on  culte 
religieux,  la  conlestalidii  serait  bientôt  ter- 
minée entre  eux  et  nous.  .Mais  tant  qu'ils 
s'olislineront  à  soutenir  que  tout  culte  reli- 
gieux est  un  culte  divin  el  suprême,  nous  ne 
serons  jamais  d'accord,  parce  que  celte  pré- 
tention est  evidemmeul  fausse;  et  nous 
prouverons  le  contraire  au  mot  Culte. 

Les  savants  ont  remarqué  que  déj-i  ,  du 
temps  de  sainl  l'aul,  la  docirine  de  Zoroastre 
awiil  pénétré  dans  l'Asie  et  dans  la  lirèce; 
or,  nous  Voyons  par  le  Zend-Avesta  que 
Zoroastre  admet  un  nombre  infini  A'anges  ou 
d'esprits  médiateurs  ,  auxquels  il  attribue 
non-seulement  un  pouvoir  d'intercession 
subordonne  à  la  providence  coniinuelle  de 
Dieu,  mais  un  pouvoir  aussi  absolu  que  ce- 
lui que  les  païens  ])rélaienl  à  leurs  di 'UX. 
D'où  il  suit  que  le  culle  rendu  à  cette  e-pèee 
de  dieux  secondaires  ne  pouvait,  en  aucune 
manière,  se  rapporter  ii  Dieu;  que  c'était 
par  conséquent  un  véritable  polythéisme  cl 
une  idolâtrie  pure,  'i  oy.  I'arsis.  C'est  dans 
cette  source  empoisonnée  que  Simon,  Mo- 
nandre,  Valentiu,  Cérintheel  les  ^no^(i(H:es 
avaient  puisé  la  notion  de  leurs  e '««  "U 
dieux  secondaires,  auxquels  ils  attribuaient, 
aussi  bien  que  IMaton,  la  lormati<in  cl  le 
gouvernement  dumonde;  selon  leur  opinion, 
ces  esprits  ou  génies  eiaienl  chargés  de  tous 


231 


ANG 


AN(Î 


252 


les  soins  de  la  Providence;  le  Dieu  suprême 
ne  se  mêlait  de  rien,  et  aucun  culte  ne  lui 
était  dû.  —  Dans  celle  hypolhèse,  saint 
Paul  avait  Irès-grande  raison  de  dire  que  les 
partisans  de  celte  eneur  n'y  connaissaient 
rien,  qu'ils  étaient  séduils  parleur  imagina- 
tion, qu'ils  ne  demeuraient  point  allacliésnu 
chef;  el  le  concile  de  L;iodicée  a  été  hien  foiidé 
à  décider  qu'ils  abandonnaient  Jésus-Christ 
pour  se  livrer  à  i'idolâlrie;  puisque  le  euUe 
qu'ils  rendaient  aux  anges  ou  aux  esprits  ne 
pouvait  pas  plus  se  rapporter  à  Dieu  que  ce- 
lui di>s  païens.  —  Mais  quand  on  commence 
par  croire  que  les  anyes  ne  sont  que  les  en- 
voyés de  Dieu  et  les  exécuteurs  de  ses  ordres, 
qu'ils  n'ont  aucun  pouvoir  que  celui  que 
Dieu  leur  donne,  qu'ils  ne  font  rien  que  ce 
que  Dieu  leur  commande,  l'honneur,  le  res- 
pect, le  culte  qu'on  leur  rend,  ne  s'adresse- 
t-il  pas  principalement  ù  Dieu?  Jésus-Christ 
a  dit  à  ses  envojés  :  Celui  qui  vous  écoule, 
m'écoute  ;  celui  qui  vous  méprise,  me  méprise  ; 
et  celui  qui  me  méprise,  méprise  celui  qui  m'a 
envoyé  [Luc.  x,lG).  Celuiqui  vous  reçoit,  me 
reçoit.  [Malth.  x,  40).  Ce  que  vous  avez  fait 
au  moindre  de  mes  frères  est  fait  à  moi-même 
(xxiv,4-0). 

Rien  n'est  donc  plus  frivole  qucle  sophisme 
des  protestants.  Selon  saint  Paul,  disent-ils, 
en  rendant  un  culte  aux  anges  on  se  sépare 
(lu  chef;  selon  le  concile  de  Laodicée  on 
abandonne  Jésus-Clirist  et  l'on  tombe  dans 
l'idolâtrie  :  donc  tout  culte  rendu  aux  anges 
est  une  idolâtrie.  Oui,  lorsquel'on  si-  fait  des 
anges  la  même  idée  qu'en  avaient  Zoro.istre, 
les  giiosliques  et  les  païens;  puisqu'alors  on 
en  fait  des  dieux,  c'est-à-dire,  des  êtres 
puissants  par  eux-mêmes  et  indépendants  : 
mais  lorsqu'on  les  envisage  comiiiedesimples 
ministres  ou  envoyés  de  Dieu,  il  est  absurde 
de  dire  qvi'en  les  honorant  l'on  n'honore  pas 
Dieu ,  puisque  Jésus-Christ  témoigne  le  con- 
traire. 

Aulre  chose  est,  répliquent  nos  adversai- 
res, de  rendre  honneur  aux  anges,  et  autre 
chose  de  leur  rendre  un  culte  religieux.  — 
Fausse  distinction.  Culte,  honneur,  respect, 
vénération,  sont  synonymes  ;  tout  culte,  tout 
honneur,  rendu  direclenient  à  Dieu,  est  un 
aclc  de  religion  :  or,  le  culte,  l'honneur 
rendu  à  un  envoyé  de  Dieu,  et  par  respect 
pour  Dieu,  se  rapporte  à  Dieu;  pourquoi  ne 
l'appellerail-on  pas  culte  religieux  f  —-  Qua 
r«n(/f  de  l'Apoc  ilypse  n'ait  pas  voulu  être 
adoré  comme  Dieu,  cela  n'est  pas  étonnant, 
et  il  ne  s'ensuit  rien. 

Est-il  vrai  qu'il  n'y  a  dans  l'Ecriture  sainti' 
aucun  vestige  de  culte  rendu  au\  auges? 
Gen.  XXII,  26,  Jacob  demanda  à  fange,  con- 
tre lequel  il  avait  lutté,  sa  bénédiction  ;  c. 
XLviii,  16,  le  même  patriarche  bénissant  les 
enfants  de  Joseph,  dit  :  Que  Dieu,  qui  me 
nourrit  depuis  ma  naissance,  que  I'avgic  qui 
m'a  délivré  de  tous  twiux,  bénisse  ce<  enfants. 
Quoi  qu'en  disent  les  protestants  ,  voilà 
une  invocation;  ils  l'ont  si  bien  sentie,  que 
plusieurs  de  leurs  commeiilateurs,  pour  es- 
quiver les  conséquences,  on  dit  que   par  cet 


ange  il  faut  entendre  le  Verbe  divin  ou  le 
Messie;  mais  il  n'y  a  rien  dans  le  texte  qui 
autorise  ce  commentaire.  Si  nous  parlions 
comme  Jacob,  ils  diraient  que  nous  man- 
quons de  respect  à  Dieu  ,  en  mettant  un 
ange  sur  la  nêine  ligne,  et  en  associant  ses 
bénédictions  àcclles  de  Dieu.  —  Exod.  xxiii, 
10,  Dieu  dit  aux  Israélites  :  J'envoie  mou 
ANGE  devant  vous,...  respectez-le,  écoutiz  sa 
VOIX,  ne  le  méprisez  point,  parce  qu'il  ne 
vous  épargnera  pas  lorsque  vous  pécherez,  et 
que  mon  nom  est  en  lui.    Les  commentateurs  , 

protestants  prennent  encore  cet  ange  pour  É 
le  Fils  (ie  Dieu  ;  mais  sont-ils  bien  assurés  T 
qu'il  faut  l'entendre  ainsi  ?  Au  lieu  de  tra- 
duire par  respectez-le,  ils  mettent  prenez 
garde  à  lui  :  aucun  passage  de  l'Ecriture 
sainte  ne  les  incommode.  Num.  xxii,  31, 
Balaain  se  prosterna  devant  l'ange  du  Sei- 
gneur qui  lui  apparaissait.  —  Josué,  \,  Ik, 
voit  un  personnage  armé,  qui  lui  dit  :  Je  suis 
le  prince  des  (irmces  du  Seigneur.  Josué  se 
prosterne,  pénétré  de  respect,  et  dit  :  Que 
mon  Seigneur  veut-il  de  son  serviteur?  L'an- 
ge répond  :  Déihaussez-vous ;  la  terre  où 
vous  êtes  est  sainte.  Josué  obéit.  C'e-l  la 
marque  de  respect  que  Dieu  avait  exigée  de 
Moïse  en  lui  apparaissant  dans  le  buisson 
ardent  [Exod,  m, 5).  Souliendra-t-on  encore 
que  ce  n'est  p  is  là  un  culie?  —  Dans  le  li- 
vre des  Juges,  xiii,  21,  Manué,  convaincu 
que  le  personnage  qui  lui  avait  parlé  était 
Vangcdu  Seigneur,  dit  à  son  épouse  ;  Nous 
mourrons  purcequenousavonsvuOieu.  llétait 
donc  persuadé  que  celante  tenait  la  place 
de  Dieu  ;  lui  aurait-il  refusé  des  respects? 
Daniel,  x,  9,  demeure  prosterné  devant 
l'ange  qui  lui  parlait  ;  au  verset  16  el  27,  il 
lui  dit  :  Mon  Seigneur,  comment  votre  servi- 
teur peut-il  parler  au  Seigneur  ?  il  ne  me 
reste  point  de  force.  Le  prophète  croyait 
parler  à  Dieu  en  parlant  à  son  ange;  la 
frayeur  dont  ilélail  saisi  était  certainement  un 
respect  religieux.  —  Zacliar.  i,  12,  un  ange 
prie  Dieu  pour  la  délivrance  des  Juifs  et 
pour  leur  rétablissement  dans  la  Judée.  — 
Un  an(/e  (lit  à  Tobie,  su,  12  :  Lorsque  vous 
faisiez  des  prières,  je  les  ai  présentées  au 
5fiynear.  Saint  Jean,  dans  l'Apocalypse,  vit 
en  esprit  un  ange  qui  oQrait  devant  le  trône 
de  Dieu  les  prières  des  saints;  chap.  8,  v.  3 
et  4. 

C'est  sur  ces  passages  que  les  Pères  de 
l'Eglise  se  s  ml  fondés  pour  soutenir  qu'il  est 
non-seulement  permis,  mais  juste  et  louable 
d'honorer,  de  prier,  d'invoquer  les  anges  el 
les  saints.  —  Celse  disait  :  «  Puisque  les 
chrétiens  rendent  un  culte,  non-seub'oient  à 
Dieu,  mais  encore  à  son  Fils,  ils  duivcntdonc 
aussi  le  rendre  à  ses  ministres,  par  consé- 
quent aux  génies  ou  aux  esjirits.  Origène, 
I.  VIII,  n.  13,  répond  :  «  Si  Celse  avait  com- 
pris qui  sont  après  le  Fils  unique  de  Dieu 
ses  vrais  ministres,  eomuie  Gabriel,  Michel, 
les  autres  anges  et  les  archanges,  et  qu'il 
soutint  qu'il  faut  leur  rendre  un  culte,  peut- 
être  qu'en  épurant  le  sens  du  mut  culte  et 
les  pratiques  de  celui  qui  le  rend,  je  dirais 
ce  qui  convient  à  ce  sujet  autant  que  je  puis 


9S5 


ANO 


ANC 


134 


le  comprendre.  Mais  comme  il  entend  par 
ministres  de  Dieu,  les  démons  que  les  païens 
adureiil,  nous  ne;  poinons  nous  résoudre  à 
hiinorer  ces  esprits  que  l'Ecrilure  nous  ap- 
prend èlrc  les  minisires  de  l'esprit  malin, 
qui  détourne  tant  qu'il  peut  Ips  liotnmcsdu 
culte  (le  Dieu  :  N.  60  :  «  Combien  ne  vaut- 
il  pas  mieux  nous  confier  ou  Dieu  souve- 
rain, par  Jésus-Christ  qui  nous  l'a  ainsi  en- 
seigné, lui  demander  non-spulemenl  loulè 
espècede  secours,  mais  encore  r.issist.incc 
des  sainis  anges  cl  des  justes,  afin  qu'ils  nous 
déliviciil  dfs  démons?  »  N.  Gk  :  «  Si  Ceisc 
soutient  qu'.'iprès  Dieu  il  nous  faut  enroïc 
d'autres  amis,  qu'il  sache  que  comme  l'om- 
bre suit  le  corp'i,  la  bonté  de  Dieu  jiour  nous 
nous  assure  aussi  la  bienveillance  des  anges 
ses  amis,  des  âmes  et  des  esprits  ;  car  ils  con- 
naissent qui  sont  ceux  qui  méritent  les  bien- 
faits de  Dieu,  et  non-seulement  ils  leur 
veulent  du  bien,  mais  ils  aident  à  ceux-  qui 
veulent  adorer  le  Dieu  souverain,  ils  le  leur 
rendent  propice,  prient  avec  eux,  et  forment 
les  mêmes  vœux.  »  —  Origène  lui-même  in- 
voquesoa  ange  girdi  en  {Humil.  1  in  Ezech., 
n.  7).  Sur  le  premier  de  ces  passages,  Gro- 
tius  et  Spencer  ont  eu  la  bonne  foi  d'avouer 
que  le  culte  rendu  aux  anges  n'est  point  con- 
traire au  premier  cjmniandement  du  Déca- 
logue,  et  ne  déroge  point  à  ce  qui  est  dit 
dans  l'Apocalypse  (xix,  10).  Quelques  théo- 
logiens anglicans  ont  été  de  même  avis. 
Des  martyrs  du  m'  siècle  écrivent  à  saint 
Cyprien,  Èpisl.  77:  «  Prions  afin  que  Dieu, 
Jesus-Christ  et  le»  anges  nous  soient  f.ivora- 
bles  dans  toutes  nos  ;iclions.  »  —  Saint  Jé- 
rôme, Comm.  in  Ps.  15;  saint  Augustin,  liv.  i 
Locut.  in  (jenrs.,  se  servent  des  paroles  de 
Jacob  {Gen.  xlvim,  IC),  pour  prouver  qu'il 
est  permis  d'invoquer  d'autres  êtres  que 
Dieu.  Le  P.  l'étau,  tom.  III,  de  Angelis,  I. 
Il,  c.  8  et  9,  a  cilé  un  grand  nombre  d'autres 
Pères  du  riiglise;  mais  les  protestants  nous 
abandonnent  sans  dilGciilté  tous  ceux  du 
IV  siècle  et  des  suivants  ;  ils  avouent  que 
des  lors  le  culte  des  anges  et  des  sainis 
a  été  établi  dans  l'iiglisc.  Quand  nous  ne 
pourrions  pas  prouver  qu'il  l'a  été  plus 
iôl,  il  nous  par.iîl  que  deux  cents  ans  après 
la  n)orl  des  apôtres  on  pouvait  savoir  mieux 
qu'au  XVI'  siècle  quelle  avait  été  leur  doc- 
trine. Diss.  sur  les  buns  et  les  mauvais  an- 
ges. Bible  d'Avig..  loin.  XIII,  p.  255.  Tho- 
massin,  Traité  des  Fé  es,  liv.  ii,  c.  22.  \'ies  des 
Pères  et  des  Martyrs,  lom.  IV,  p.  198;  tom. 
IX,  p.2U(i  (1). 

*  AxcEs  g\i'.d;ens.  Le  Seigneur  ,  dit  le  prophète  , 
a  ordonné  à  ses  anga  de  vous  ijariier  dans  louut  vos 
l'Oies  (Ps.  xc).  .lésus-Clirisi  as^ln•(;  que  les  :u)ges  des 
eiifaiils  voieiii  b  l'.ice  du  l'éie  céleste  (ilndli.  xvui). 
Ces  pissages  cl  plusieurs  aunes  semblables  répan- 
dus dans  les  livres  saims  ,  ne  laissent  aucun  lieu  de 
douter  ipie  les  bumiues  aient  des  auges  gardiens  , 
c'eslà-ilire  des  auges  préposés  de  Dieu  pour  les 
éclairer,  les  défendre  et  les  conduire  durant  tout  le 

(i)  Bergier  a  ejpnsé  les  prineipales  questions  qui 

conceriieui   les  .saiuis  aii;;es,    leur  exisience,  leur 

nalure,  l'él.it   dans  leipiel   ils  uni  éié  créés,  leurs 

fonctions,  la  cliule  de  ipielques-uns  d'entre  eux  et  le 

DiCT.  DE  Tdéol.  bogmatiode.  I. 


cours  de  lenr  vie.  Mais  ce  sentiment  est-il  nne  vériié 
de  foi?  Il  est  de  foi  (pi'il  y  a  des  auges  députés  à  la 
garde  des  liiunmes.  L'Ecrilure  et  la  Iradilmn  sont 
expresses  sur  ce  point.  Mais  cliaque  iioiuiue  en  pnrli- 
cuiier  a-t-il  son  auge  gardien?  Quelques  théologiens 
croieul  que  c'esl  une  vériié  de  loi  aussi  bien  que  la 
preiuiére,  taudis  que  d'autres  la  regardent  seulcnienl 
comme  une  vérité  si  coiislanle,  ipioique  non  expres- 
séiueut  dcliiiie,  qu'un  ne  pourraii  la  nier  sans  lénié- 
riié  el  presqiK-saus  erreur.  Assertio  caiholica  est,  dii 
Suarez  ;  qu(tmvi'<  enini  non  sit  expresta  in  Sciiptuiis  , 
vet  ab  Ecclesiii  di/iniia,  Innto  conseiisu  £•  clesiœ  tini- 
versnlis  rccepln  est ,  el  in  Scriitiuia  ,  prout  a  Patribns 
inlellec  a  esi,tnm  miiqnwn  liabel  fundamentiim,  ut  sine 
inijcnli  lenieritiile.ac  fere  errore  neqnrinon  possit. 

Les  piïeis  eux-iiièiues  oui  cru  à  rcsi^lence  des 
anges  gardiens.  «  Ils  inuis  conduisent,  dit  PI. non  ,  et 
nous  dérenilonl  quelquefois  en  écarianl  eux-niéuies 
les  accidents  et  les  <ilijels  nuisibles,  et  d'aunes  fuis 
en  nous  inspirant  la  pensée  de  les  évilrr.  >  {l'ialo, 
lib.  X  de  Ligib.)  Ce  sont  eux  qui  par  des  pressenti- 
nn.-nls  seciets  nous  inelteiil  à  coiiverldes  maux  [ircts 
à  nous  aitcalder.  Ce  sont  eux  (|iii  ,  cmume  les  mes- 
sagers et  les  iiiiiiisires  du  Tré-llaul,  lui  lirésentent 
nos  prières  et  nous  rapportent  les  secours  et  les  grâ- 
ces dont  nous  avons  besoin.  t)irecleurs  sages,  pru- 
dents, zélés,  inlatigables,  ils  nous  assisieui  particu- 
liéreinenl  dans  l'eulauce  ,  dans  ks  voyages  ,  à  la 
guerre  dans  les  dangers  et  surtout  à  la  mort. 

ANGÉLITES,  héréti(iues  sectateurs  de  Sa- 
bollius,  qui    s'assemblaient  à  Alexandrie  , 

culte  qni  est  dû  aux  bons  anges.  Il  nous  reste  à 
reclierclier  l'éiioque  de  la  création  des  anges  et 
lé  pouvoir  i|u'ils  ont  sur  le  monde  visible. 

I.  Il  est  certain  que  les  anses  sont  des  substances 
spirimelles  ipii  ont  été  créées  de  rien  au  commence- 
ment des  temps  :  celle  pioposilion  a  éié  énoncée  par 
le  iv«  coneile  de  Lairan,  lenii  eu  121.^,  sons  le  pape 
Innocent  III.  Quant  à  l'époque  h  laquelle  Ils  ont  été 
tirés  du  néant,  l'Ecrilure  girde  le  silence  le  plus 
absolu;  nous  ne  pouvons  donc  procéder  dans  cette 
reclierclie  qu'à  l'aide  de  la  tradition  et  de  l'iiiduc- 
tioii.  Quelques  Pères  ont  pensé  que  les  anges  ont  été 
créés  avant  le  inonde  visible,  ce  sont  ".  Oiigène, 
saint  Uasile,  saint  Giégpire  de  Nazianze,  saini  Ain- 
broise.  saint  Jérôme,  saint  llilaire.  Acacius  et  Gen- 
nadiiis  veulent  iiu'ils  aient  été  créés  après  les  êtres 
matériels.  Cornélius  a  Lapide  (  In  Gènes.  Comment.) 
afiirine  iiu'ils  ont  éié  créés  avec  le  monde  au  coin- 
nieiiceinenl  des  lemps,  el  qu'ils  cm  été  placés  dans 
leciel  einpyrée.  Il  cite  eu  faveur  de  son  opinion  saint 
Augustin,  saint  (négiiire  le  Grand,  Ituperl,  liéde,  le 
Majire  des  Sentences  et  d'auins  seolastii|ues.  Un 
grand  nombre  de  Pères  réunissent  élroiteinent  le 
ciel  des  auges  au  ciel  des  astres,  el  beaucoup  d'entre 
eux  peiisem  que  la  création  des  uns  el  des  autres  a 
été  sin  iiliiinée.  Ils  se  londeul  sur  ce  qu'en  plusieurs 
endroits  l'Ecriture  donne  le  nom  de  cieiix  aussi  tien 
aux  esprits  aiigéliques_(|u'aux  astres.  De  ce  nombre 
sont  les  passages  suivants  :  Les  cieux  racontent  la 
gloire  de  Dieu  [l'sal.  xviii,  7);  Les  cieux  ne'sont  pas 
purs  en  saprésence  {Job,  xv,  tS);  Louez  le  Siigneur, 
cieux  des  cieux  (Psnl,  csLviii.i)  ;  j'exaucerai  les  cieux 
(Osée,  II,  21);  Les  vertus  des  cieux  seront  ébranlées 
[Luc,  XM,2b),  etc.,  etc.  Pliilou,  qui  forme  comme  la 
iraiisiiiou  cnire  les  deux  grandes  iraditiousdu  genre 
liuuiain,  fait  du  ciel  la  demeure  des  espriis  sainis, 
tant  invisibles  que  visibles.  Sainl  Tbéopliilc  veut 
que  le  cid  donl  il  est  queslion  dans  le  premier 
verset  de  la  Genèse,  soit  invisible  et  didérent  du 
firmament.  Origène  entend  aussi  par  le  premier  ciet 
toule  snbslinee  spirituelle.  Saint  Augusiin  dit  de  ce 
premier  ciel  qu'il  est  intelligent  ei  spirituel,  composé 

des  esprits  bienlicureux qui  sont  les  ciVux  des 

cieux  qui  loueni  |.;  Seimieur.  N  mis  pourrions  eni'ore. 
citer  eu  faveur  de  cette  opinion  saint  B.isile,  S^ve- 

8 


835 


ANG 


dans  un  Uen  nommé  Agelius  oa  Angelius. 
Foj/.  Nicéphore,  I.  xviii,  c.  49;  Praléole.ao 
mot  Anoblîtes.  L'un  et  l'autre  auraient  be- 
soin de  garant.  Il  est  pins  probable  que  les 

rianus,  saint  Jean  Damascène,  saint  Jérôme,  saint 
Thomas,  saint  Boiiaventure,  et  autres  (  V.  C.  C.  T. 
t.XII,  c.  261  ).  Nous  serons  encore  amenés,  par 
suite  d'aulres  considérations,  à  regarder  ce  senti- 
ment comme  le  plus  probable.  iNoël  Alexandre 
(  Hislor.  ecclesiast. ,  Vet.  Test.,  dissert,  i,  art.  i, 
prop.  m  )  dit  qu'on  ne  s'écarie  pas  de  la  règle 
de  la  Toi  en  mpportant  à  la  création  des  an^es 
celle  de  la  lumière.  11  cite  à  l'appui  de  sa  proposition 
beaucoup  de  textes  de  saint  Augustin,  oi"i  ce  Père 
entend  la  création  du  ciel  ei  surtout  de  la  lumière,  de 
celle  des  anges,  et  la  sép.iration  des  ténèbres  et  de 
la  lumière,  de  celle  qui  fut  faite  des  mauvais  anges 
d'avec  les  bons.  Rupert  s'est  aussi  attacl  é  à  cette 
inleiprélation.  Mais  les  autres  Pères  prélerenl  avec 
raison  le  sens  littéral ,  et  ne  voient  dans  la  lumière 
que  le  fluide  vivilicaicor  de  la  nature,  qui  agit  prin- 
cipalement sur  l'organe  de  la  vue. 

Pour  nous,  s'il  nous  est  permis  d'émettre  noire 
sentiment  sur  cette  matière ,  nous  allons  établir 
les  assertions  suivantes  :  1*  il  est  certain  i|ue  les 
anges  étaient  créés  et  qu'une  partie  d'entre  eux 
étaient  déchus  avant  la  chute  de  l'homme.  En  efTet, 
si  nous  interprétons  le  troisième  chapitre  de  la 
Genèse  dans  le  sens  obvie  et  littéral,  comme  ont 
fait  la  plupart  îles  saints  Pères  et  des  couimentateurs, 
nous  reconnaîtrons  lacilement  qu'un  mauvais  ange, 
un  ange  déchu,  jaloux  du  bonheur  futur  de  l'homme, 
prit  la  forme  d'un  serpent  pour  tenter  la  première  fem- 
me. Les  anges  étaient  donc  créés  et  les  mauvais  déjà 
condamnésavant  que  la  fiiléliiéde  l'homme  fût  mise  à 
l'épreuve.  2"  Il  ne  parait  pas  moins  certain  que  la 
création  des  anges  a  précédé  ou  au  moins  accompagné 
celle  des  astres,  laquelle  a  eu  lieu  le  quatrième  jour. 
Il  serait  trop  long  d'en  déduire  ici  les  preuves. 

H.  L'ne  tradition  constante  et  imiverselle  atteste 
que  lesangi'S  sont  les  instruments  de  la  Providence 
dans  le  gouvernement  du  monde  visible  (Cicer.,  de 
Nai,  deor.,  liv.  i,  c.  2),  et  notamment  dans  la  direi  lion 
des  astres.  Huet  (Alnet.  Quœst.,  liv.  n,  c.  14j,  a 
montré  que  cette  tradition  se  trouve  chez  tous  les 
peuples  :  que  les  Grecs  l'avaient  reçue  des  Egyptiens 
et  des  Phéniciens,  lesquels  ont  reconnu,  amsi  que 
plusieurs  anciens  iihilosophes,  l'existence  d'esprits 
prépnsés  à  l'ordre  de  la  nature,  aux  astres,  aux 
Tégétaui,  à  la  génération  des  animaux,  aux  élé- 
ments, aux  hommes  eux-niéines.  On  voit  que  celte 
tradition,  qui  ne  peut  avoir  pour  fondement  qu'une 
révélation  primitive,  s*est  altérée,  cnmme  beaucoup 
d'autres,  en  plusieurs  points,  et  que  cette  altération 
a  donné  naissance  au  sabéisme  et  à  plusieurs  autres 
cultes  idolàiriqucs  ;  mais  toujours  est-il  qu'elle  a 
conservé  une  vériié  importante.  Le  P.  Lebrun  (Hist. 
eriliq.  des  praliq.  supersiit.,  liv.  i,  c.  1)  ne  craint  pas 
d'aflirmer,  d'après  la  l'ràparalion  évangélique  d'Éu- 
sèbe,  que  les  anciens  peuples,  t(mt  en  abusant  des 
plus  grandes  vérités,  en  ont  conservé  la  subsiance. 
•  Un  griind  nombre  d'anciens  nmuuments,  dit-il,  ne 
nous  permettent  pas  de  douter  (ju'ils  n'aient  retenu 
trois  articles  fondamenlaiix  de  la  doctrine  des  pa- 
Iriarclies  :  l'existence  de  la  Divinité,  de  la  Provi- 
dence ,  et  des  esprits  Inielligems  qui  sont  ses  minis- 
tres. I.c  mal  est  qu'ils  ont  placé  ces  intelligences 
presque  dans  tous  les  corps.  C'est  I.*!  l'origine  du  culie 
rendu  à  tant  de  créatures  matérielles  et  réellement 
Inanimées....  Ils  ont  supiwsc  d'eux-niêmcs  (snriout 
Zoroasire  et  les  phdosophes  cbaldéeus  )  i|uc  des 
intelligi-nces  animaient  les  astres,  les  éléments  et 
presque  tous  les  corps.  De  là  tous  ces  respects  ren- 
dus mm-seulcment  anx  astres,  mais  encore  aux 
animaux.  De  l.^  l'invocaiinn  des  anges,  l'application 


ANG  256 

angéliles  étaient  des  sectaires  qnl  rendaient 
aux  anges  un  culte  superstitieux,  comme  les 
gnostiques. 
ANGELUS,  prière  que  récitent  les  catho- 

à  découvrir  quels  étaient  les  génies,  bons  ou  mauvais, 
qui  présidaient  aux  événements,  etc.  > 

Les  saints  Pères  reproduisent  presque  unanime, 
ment,  après  l'avoir  purifiée,  ceite  tradition  antique 
du  gouvernement  du  nnmile  par  les  anges. 

Nous  ne  nous  ariêierons  pas  à  en  rapporter  les 
lémiiignages,  qui  se  trouvent  cités  longuement  dans 
le  traité  des  anges  du  Père  Pétau  et  dans  Huet, 
évêipie  d'Avrûmhes. 

Nous  voyous  de  nos  jours  étenilre  l'action  des 
anges  d'une  manière  bien  plus  considérable.  M.  l'abbé 
Cliarvoz  et  les  partisans  de  VOEiivre  de  la  Miiéri- 
corde  prétendent  que  la  substance  de  l'bojnme  est 
composée  non-seulement  d'un  corps  et  d'une  àuie, 
mais  encore  d'un  esprit  déclin.  Nous  ne  disciaerous 
pas  longuement  cette  singulière  opinion.  Elle  est 
condanmée  par  le  H=  canon  du  vin"^  concile  oecumé- 
nique, qui  a  délini  que  l'homme  n'a  qu'une  seule  àme. 
Voici  ses  e&pressiuns  :  <  Quoique  l'ancien  et  le  nou- 
veau Testament  enseignent  que  l'homme  n'a  qu'une 
âme  intelligente  et  raisonnable,  et  que  telle  soit  la 
doctrine  de  tous  les  saints  Pères  et  d<  cteurs  de 
l'Eglise,  i|uelques-uns  ont  poussé  l'impjété  jusqu'à 
oser  enseigner  que  l'homme  a  deux  àines.  Ce  saint 
concile  œcuménique,  se  hâiant  d'arracher  les  racines 
de  cette  malheureuse  opinion,  prononce  solennel- 
lement anatlième  contre  les  inventeurs  de  cetie 
impieié  et  contre  ceux  qui  ont  des  opinions  de 
celte   espèce.  » 

Nous  lenninerons  cette  note  par  un  passage  de 
Bossuet  qui  nous  donne  une  très-haute  idée  des 
saints  anges  :  i  On  les  voit  aller  sans  cesse  du  ciel 
à  la  terre,  ei  de  la  terre  au  ciel;  lU  portent, 
ils  interprètent,  ils  esé<;uteiit  les  ordres  de  Dteu,  et 
les  ordies  pour  le  salut ,  comme  les  ordres  pour  le 
ch.itimcnt,  puisqu'ils  impriment  la  marque  saluiaire 
sur  le  front  des  élus  de  Dieu  (  .-Ipoc.  vu,  3  ),  puis- 
qu'ils aiiàrcni  le  dragon  qui  vouiait  engloutir  l'Eglise 
(xii,  7),  puisqu'ils  oOTrent,  sur  l'autel  d'or,  qui 
est  Jésus-Christ,  les  parfums  qui  sont  les  piières 
des  saints  (  vni,  3  ).  Tout  cela  n'est  autre  chose 
que  l'exécution  de  ce  qui  est  dit,  que  les  amjet 
ionl  esprits  admiiiislraleurs  envoyés  pour  le  ministère 
de  notre  salut  {llebr.  i,  ti).  Tous  li'S  anciens  ont 
cm,  dès  les  premiers  siècles,  que  les  anges  s'enire- 
nietiaitnt  dans  toutes  les  actions  de  l'Eglise  (T'cHiii. 
de  Bapt,  v,  b)  :  ils  ont  reconnu  un  ange  qui  présidait 
au  bapième,  un  ange  qui  intervenait  dans  l'oblatiun 
et  la  portait  sur  l'autel  sublime,  qui  est  Jésus-Christ, 
un  ange  qu'on  appelait  l'ange  de  l'oraisun  (  Id.  de 
Orut.  ii  ),  qui  pré^entait  à  Dieu  les  vœux  des  liilè- 
les  ;  et  tout  cela  est  loiidé  principalement  sur  le 
chapitre  VIII  de  l'Apocalypse,  où  l'on  verra  claire- 
ment .la  nécessité  de  reconnaiire  ce  ministère 
angéliqiie. 

I  Les  anciens  éta'ient  si  touchés  de  ce  ministère 
des  anges,  qu'Orl^éue,  rangé  avec  raison  par  les 
ministres  au  nombre  îles  théologiens  les  plus  subli- 
mes (  Jur.  accomp.  des  propli. ,  p.  353),  invoque 
publiquement  et  direclenieut  l'uiigo  du  baptême, 
et  lui  lecummande  un  vieillard  qui  allait  devenir 
enfant  de  Jésus-Christ  par  ce  sacrement  (  Urig. 
Mom.  i,  m  Ezech.  )  :  témoignage  de  la  doctrine  du 
m*  siècle,  que  les  vaines  ci  niques  du  ministre  Uaillé 
ne  nous  pourront  jamais  ravir. 

I  II  ne  faut  point  hésiter  à  reconnattre  saint  Mi- 
chel pour  déiciiseur  de  l'Eglise,  comme  il  l'était 
de  l'ancien  peuple,  après  le  témoignage  de  saint 
Jean  (  Apoc.  xii,  7  ),  conforme  à  celui  de  Daniel  (x, 
13,  21,  XII,  I).  Les  protestants,  qui,  par  une  gros- 
sière imagination,  croient  toujours  ôier  à  Dieu  tout 


237 


ANG 


ANC 


238 


liquesromains,  surtout  on  France,  où  l'usage 
en  tut  établi  pcir  Louis  XI,  qui  ordonna  que 
trois  fuis  par  jour,  le  matin,  à  midi,  et  le 
soir,  en  sonnerait  une  cloche  pour  avertir 
les  fidèles  de  réciter  cette  prière  à  l'honneur 
de  la  saillie  Vierge,  et  pour  remercier  Dieu 
du  mystère  de  rincarnatlon.  —  Elle  est 
composée  de  trois  versets,  d'autant  d'Àve, 
Maria,  et  d'une"  oraison  par  laquelle  on  de- 
maîide  à  Dieu  sa  grâce  et  le  salut  éternel  par 
les  mérites  de  Jésus-Christ.  Le  nom  de  celte 
prière  vient  du  premier  verset.  Angélus  Do- 
ce  qu'ils  dnniieot  à  ses  saints  et  à  ses  anges  dans 
raccdiiiplissi'iiieni  de  ses  onvnises,  vciilctil  (|iie  saint 
Michel  soil  dans  TApiicalypse  Jésus-Christ  môme  )e 
Prince  des  anges,  et  aiiparemnient  dans  Daniel 
le  Vetlic  conçu  élernellfnieiit  dans  le  sein  de  Dieu 
{Du  Motil.,  Ace.  dis  Propli.,  sur  le  c/i.  \n,  v.  7, 
p.  173  ei  178).  Mais  ne  prendront-ils  jamais  le  droit 
esprit  de  l'Etiiiure?  Ne  voient-ils  pas  que  Daniel 
nous  parle  ilii  prince  des  tirées,  du  prince  des 
Perses  (x,  l.">,  'il),  c'est  ù-dire  sans  dirticulié,  des 
angfs  (jui  pré>i(leril  par  l'ordre  de  Dieu  à  ces 
naiiiui'^  ;  et  ipie  salut  Michel  est  appelé  dans 
le  iiiênie  sens  le  prince  de  la  Synagogue ,  ou  , 
comme  l'archange  Galnitl  rex|ili")ue  h  Daniel, 
Michel,  votre  prince?  il  ailleurs,  plus  expressément  : 
MUllrl,  un  grand  prince,  qui  est  établi  pour  tes  enfants 
de  votre  peuple?  El  ipie  nous  d>t  saint  Gabriel  de  ce 
gi.mii  piince?  Michel,  dit-il,  un  des  premiers  princes 
(■\,  21  ;  xn,  1).  Lsi-ce  le  Verbe  de  Dieu,  égal  à  son 
Père,  le  Créateur  de  lous  les  anges,  et  le  Souverain 
de  lous  ces  princes,  qui  est  seulement  un  des  pre- 
nd, rs  d'entre  eux?  Est-ce  là  un  caraeière  d  gnc 
du  Fils  de  Dieu  ?  Que  si  le  Michel  de  Daniel 
n'est  qu'un  ange,  celui  de  saint  Jean,  qui  vjsible- 
nieiil  est  le  même  dont  Haniel  a  parlé,  ne  peut  pas 
être  autre  chose.  Si  le  dragon  et.  ses  auges  combat- 
tent contre  l'Isglise,  Il  n'y  a  point  à  s'étonner  que 
sailli  Michel  ei  ses  anges  la  détendent  {Apoc.  xii.  7). 
Si  le  dragon  prévoit  l'uveuir,  et  redouble  ses  elTurts 
coiiire  l'iglise,  lorsipi'il  voit  (|u'i/  lui  reste  peu  de 
temps  pour  la  conib.itire  là  mcuie  (I-),  p<Hiri|uoi  les 
saints  anges  ne  seraient- ils  pas  éclairés  d'une 
Imiiière  divine  pour  prévoir  les  lénifiions  qui 
soi.t  prépiirées  aux  saints ,  et  les  prévenir  par 
leurs  secours? 

<  Quand  je  vois  dans  les  prophètes,  dans  l'Apoca- 
lypse et  dans  l'Evangile  même,  cel  ange  des  Perses, 
cet  ange  des  Grecs,  cel  ange  des  Juifs  (Dan.  x,  13, 
2(1, -il  ,  xn,  1  ) ,  l'ange  des  petits  enfanls,  qui  en 
prend  la  défense  devant  Dieu  conire  ceux  qui 
les  scand:disent  (  Mailli.  x\n  ,  lU),  l'ange  des 
e:uiv,  l'auiîe  du  feu  (Apoc.  siv,  18,  xvi,  5) ,  et 
ainsi  des  autres  ;  et  ipiaiid  je  vols  parmi  lous  ces 
auges  celui  qui  met  sur  l'auiel  le  céleste  encens  des 
prières  (  Hebr.  vin,  3),  je  reconnais  dans  ces  pa- 
roles une  espèce  de  médiaiion  des  saints  anges  ;  je 
vols  niéuie  le  luiidement  qui  peut  avoir  dnnné  uc- 
casiiin  aux  païens  de  distribuer  leurs  divinités  dans 
les  éléiiieuis  et  dans  les  royaumes  pour  y  présider; 
car  toute  erreur  est  fomléB  sur  quelque  \érité  dont 
on  abuse.  Mais  à  Dieu  ne  plaise  que  je  voie  rien 
dans  toutes  ces  expressions  de  l'Ecriture  qui  blesse 
la  niéillation  de  Jésus-Christ,  que  lous  les  esprits 
célestes  reconnaissent  comme  leur  Seigneur,  ou  ipii 
tienne  des  erreurs  païennes,  puisqu'il  y  a  une  dille- 
rcnce  iiilinie  euiru  reconnaître,  cumuie  les  païens, 
un  dieu  dout  l'action  ne  puisse  s'cleudre  à  tout,  uu 
qui  ait  lie>oin  d'être  soulagé  par  des  subalternes,  à 
la  in^iniéie  des  rois  de  la  terre,  dont  la  puissance  est 
bornée  ,  et  un  Dieu  qui ,  faisant  tout  et  pouvant 
tout,  honore  ses  créatures,  en  les  associant,  quand 
il  lui  plaît,  et  à  la  manière  qu'il  lui  plait,  à  son 
actioiài  > 


mini,  etc.  Elle  8e  nomme  atissi  le  Pardon, 
parcpque  plusieurs  souverains  pontifes  y  ont 
attaché  des  indulgences.  Ceux  qui  ro<p'ardent 
cette  pratique  et  plusieurs  autres  semblables 
comme  des  dévotions  populaires ,  sont  per- 
suadés sans  doute  que  le  peuple  seul  doit  se 
souvenir  qu'il  est  chrétien.  Remercier  Dieu 
du  mystère  de  l'Incarna  lion  et  lie  la  rédemption 
du  monde,  adorer  le  Verbe  divin  dans  le  sein 
de  Miirie,  implorer  le  secours  de  cette  sainte 
Mère  de  Dieu,  est  certainement  un©  dévotion 
très-solide,  de  laquelle  aucun  chrétien  ne  de- 
vrait rougir. 

ANGLKTERUE.  On  ne  doute  plus  que  les 
Brelons,  anciens  habitants  de  ï'Angletrrre, 
n'aient  été  converlis  au  christianisme  sous 
le  poniificat  du  pape  Eleuthére,  sur  la  fin  du 
II'  siècle,  ou  vers  l'an  182.  On  peut  en  voir 
les  preuves.  Vies  des  Pères  et  des  Martyrs, 
tom.  IV.  p.  595,  et  tom.  IX,  p.  607.  Ceux 
d'eiitie  les  protestants  qui  contestent  ce  fait 
n'agissent  que  par  prévonlion.  AJais  au  v, 
les  Saxons,  les  Angles,  les  Juttes,  peuples 
idolâtres  de  la  basse  Germanie,  ayant  fait 
une  irruption  en  .ingleterre,  s'en  rendirent 
les  maîtres,  et  l'an  ioi,  ils  forcèrent  les 
Bretons  chrétiens  à  se  retirer  dans  les  mon- 
tagnes du  pays  de  Galles.  —  On  ne  voit  pas 
que  ceux-ci  aient  fait  aucune  tentative  pour 
convertir  leurs  vainqueurs;  mais  sur  la  fin 
du  vr  sièclo,  vers  l'an  596,  saint  Grégoire  le 
Grand  envoya  en  Angleterre  le  moine  Au- 
gustin avec  plusieurs  autres  missionnaires, 
pour  amener  à  la  foi  chrétienne  les  peuples 
de  cette  île,  et  celte  mission  eut  le  plus  grand 
succès.  Hist.  de  l'Egl.  Gallic,  t.  III,  an.  595, 
590.  —  Il  ne  parait  pas  que  les  Bretons  fus- 
sent engagés  pour  lors  dans  aucune  erreur 
contraire  à  la  foi  catholique  prêchée  par  Au- 
gustin et  par  ses  collègues  ;  ceux-ci  ne  leur 
en  reprochèrent  aucune  dans  les  conférences 
qu'ils  eurent  avec  eux.  Augustinlesexhonait 
seulement  à  se  conformer  à  l'usage  de  l'Eglise 
catholique  dans  la  célébration  delà  Pàque,- 
dans  l'administration  du  baptême,  et  à  se 
joindre  à  lui  pour  prêcher  l'Evangile  aux 
Anglo-Saxons  encore  idolâtres.  Mais  la  haine 
qui  régnait  entre  les  deux  peuples  depuis 
cent  cinquante  ajis,  rendit  les  Bretons  in- 
flexibles ;  ils  refusèrent  de  se  lier  avec  les 
missionnaires.  Celte  opiniâtreté  n'empêcha 
pas  le  fruit  de  la  mission  ;  peu  à  peu  YAttgle- 
lerre  se  convertit  et  redevint  chrétienne;  elle 
a  persévéré  dans  la  foi  catholique  jusqu'au 
schisme  de  Henri  VllI,  en  1.533. 

Avant  celte  dernière  époque,  les  travaux, 
les  succès,  les  vertus,  les  miracles  de  l'apô- 
tre de  V Angleterre  y  avaient  rendu  sa  mé- 
moire vénérable  :  il  y  était  honoré  comme 
saint  à  très-juste  titre.  Depuis  que  les  An- 
glais ont  cessé  d'être  catholiques,  plusieurs 
de  leurs  écrivains  se  sont  appliqués  à  ca- 
lomnier la  mission  de  saint  Augustin  ;  et 
les  iuorédules  modernes  n'ont  pas  manqué 
d'enchérir  sur  leurs  accusations.  —  ils  di- 
sent :  1°  que  celle  mission  fui  un  effet  de 
l'ambition  de  saint  Grégoire,  plutôt  que  de 
son  zèle  pour  la  foi  chrétienne;  que  son 
principal  motif  était  d'étendre  sur  ÏAngle- 


25<> 


ÀISO 


ANG 


240 


terre  sa  jnridiclion  pontificale  et  sa  supré- 
matie, qui  jusqu'alors  n'y  avaient  pas  élé 
reconnues.  Mais  il  est  faux  que  les  Bretons 
chrétiens  eussent  jamais  méromiu  la  juri- 
diction des  papes.  Selon  Bède  et  d'autres 
auteurs,  Lucius,  premier  roi  clirélien  des 
Bretons,  s'adressa  au  pape  Eleuthère  pour 
obtenir  les  moyens  d'instruire  ses  sujols  et 
de  les  convertir  au  christianisme.  En  4^29, 
lorsque  saint  Germain  d'Auxerre  et  saint 
Loup  de  Troyes  passèrent  en  Angleterre  pour 
y  étouffer  le  pélagianisme,  le  preniier  élait 
légat  du  pape  saint  Céicstin.  Vot/.  la  Cliro- 
nii/ue  de  saint  Prosper.  Giidas  et  Bèiie  témoi- 
gnent que,  jusqu'à  l'arrivée  de  saint  Augus- 
tin et  de  ses  collègues,  les  Bretons  avaient 
persévéré  dans  la  communion  de  lliglise 
catholique  ;  or  cetic  couiinunion  ne  peul  sub- 
sister sans  reconnailrc  l'autorité  de  son  chef. 
Il  est  certain  d'ailleurs  que  saint  Grégoire 
avait  conçu  le  projet  de  convertir  k-s  Anglo- 
Saxons,  avant  d'être  pape,  llist.  de  VEgl. 
Giillic,  ibid.  —  2"  Ils  prétendent  que  les 
Bretons  ne  voulurent  pas  adopter  les  nou- 
veaux dogmes  introduits  dans  1  Eglise  ro- 
maine, et  enseignés  par  le  moine  Auïustin, 
le  culte  des  saints,  le  purgatoire,  la  confes- 
sion auriculaire,  etc.  La  fausseté  de  ce  f  lit 
est  prouvée  par  le  témoignage  de  Bède  et  de 
Giidas  ;  le  premier  atteste  formellement  que 
les  Bretons  reconnurent  l'orthodoxie  de  la 
doctrine  de  saint  Augustin  :  tons  deux  as- 
surent que,  depuis  la  conversion  des  Bretons, 
leur  foi  n'avait  reçu  aucune  atleinte,  sinon 
par  l'arianisnie  et  ie  pélagianisme;  mais  ces 
deux  hérésies  firent  peu  de  progrès  parmi 
eux  ,  et  furent  prompicmi'nt  éioulTé 's.  — 
3°  Quelques-uns  ont  dit  que  le  missionnaire 
Au','iislin  aurait  beaucoup  mieux  fait  d'ins- 
pirer aux  Anglo-Saxons  des  ren)ords  de 
leurs  usurpations,  et  de  les  eng.iger  à  rrsti- 
lucr  aux  Bretons  ce  qu'ils  leur  avaicMit  en- 
le\é.  A  cela  nous  répomlons  (juiine  con- 
quête, faite  depuis  cent  cinqn.inU^  ans,  ne 
pouvait  pas  donner  aux  Anglo-Saxons  des 
remords  fort  efficaces;  que  (luami  ils  vi\  au- 
raient eu,  ils  ne  pouvaient  pas  ressusciler 
les  Bretons  (|ue  lenrs  pèr(  s  avaient  massa- 
crés, ni  leur  lendre  ce  qui  leur  avail  été 
pris,  l'ar  la  même  raison,  ceux  qui  conver- 
tirent les  Francs  ne  les  en:;agèrent  poinl  à 
restituer  les  Gaules  aux  Romains,  et  ceux 
qui  avaient  converli  tes  bom.iins  ne  leur 
imposèrent  point  l'oliligation  de  faire  des 
resliiutions  à  tonte.',  hs  nations  de  l'univers. 
Mais  nos  moralistes  sévères  devraieni  prou- 
ver aux  Anglais  actuels  la  nécessite  de  dé- 
dommager les  Américains  des  loris  (|u'»ls 
leur  ont  faits,  et  surtout  de  réparer  les 
cruaules  lioriibles  (jue  l'avarice  leur  a  fait 
commettre  ilans  les  Indes.  —  U-'  Pour  allé- 
nuer  le  mérite  des  tra\aux  de  saint  Augus- 
tin, l'on  a  supposé  que  rien  n'élail  plus  aisé 
que  de  conx  iiir  au  christianisme  les  Anglo- 
Saxons,  puisque  la  reine  Berllie,  épouse 
d'Elhclherl,  roi  de  Keni,  était  chiéticnne  ; 
que  tous  les  succès  d'Augustin  se  bornèrent 
à  convertir  ce  petit  royaume.  iMalheureuse- 
njeul  ce  reproche  est  contredit  par  un  autre 


que  l'on  fait  encore  à  ce  saint  missionnaire  : 
on  dit  qu'il  se  laiss'i  intimider  d'abord  par  le 
récit  que  lui  firent  les  évêques  des  Gaules  de 
la  difficulté  deconvertirles  Anglo-Sasons,  de 
leur  férocité,  de  leur  perfiiie,  de  leurs 
mœurs.  Ces  évoques  devaient  en  savoir 
quelque  chose,  et  ces  obstacles  sont  prou- 
vés par  les  témoignages  de  Giidas  et  de  Bède. 
Il  est  cepcndiinl  certain  que  le  chrislianisnie 
transforma  les  Anglo-Saxons  ,  les  civilisa, 
leur  donna  d'aulres  mœurs,  leur  inspira  les 
plus  grandes  vertus  :  dans  la  suite,  V Angle- 
terre  fut  appelée  Vile  des  Sain(s.  Si  saint  Au- 
gustin ne  Convertit  que  le  royaume  de  Kent, 
ses  collègues  réussirent  de  même  dans  le 
reste  de  \'Angl(tcrre.  —  5°  L'on  a  écrit  qu'au 
lieu  de  donner  aux  Anglo-Saxons  de  viaies 
verius,  Augustin  et  ses  coopéraieuis  ne  leur 
avaient  inspiré  que  la  bigoterie,  les  dévotions 
mi[iutieuses,  le  goût  du  monacbisme,  etc.  ; 
que  jusqu'à  la  réformation  les  Anglais 
avaient  été  le  peuple  le  plus  superstitieux 
de  l'univers.  Mais  il  y  a  encore  lieu  de  dou- 
ter si.  depuis  la  Lienheiireuse  réfonnatxon,  les 
Anglais  sont  radicalement  guéris  de  toute 
superstition.  Ceux  (iui  les  ont  observés  do 
près  n'en  conviennent  point  ;  nous  n'a- 
vons pas  moins  sujet  de  douter  si  leurs 
mœurs  sont  plus  pures  et  leurs  vertus  plus 
héroïques  que  sous  le  catholicisme  ;  de  l'a- 
veu de  leurs  propres  écrivains,  ils  ont  égalé 
dans  le  Bengale  les  cruautés  dont  les  Espa- 
gnols s'étaient  rendus  coupables  en  Améri- 
que, et  il  ne  p.iraît  pas  qu'ils  soient  fort 
scrupuleux  observateurs  du  dtoit  des  gens. 
Voyez  VElat  civil,  poliliguc  et  cumnierçant 
du  /Jeiignfe,  par  M.  Holts;  le  Zenil-Avesla  , 
t.  I,  i"  partie,  p.  12  ;  les  Vot/ngcs  de  M.  Son- 
nerai, I.  I,  c.  1.  Nous  voudrions  pouvoir  ou- 
blier (ine,  parles  exploits  des  réformateurs, 
les  plus  riches  liibliollièques  de  l'Angleterre 
ont  élé  réduites  en  cendres,  afin  d'anéantir 
tous  les  monuments  du  papisme. 

!.<•  (loeletir  Lelaiid,  iiuoique  anglican  zélé, 
prétend  (|ue  Ions  les  vicL-sse  sont  introduits 
parmi  ses  compatriotes  avec  l'irréligion. 
L'auteur  de  l'Hi-^ioire  des  clablissenients  des 
Jiaropcens  dans  /e<  Indes  reconnait  que  tous 
les  princi;  es  de  probité,  d'iionneur,  d'amour 
du  h'.en  public,  sont  éto-jlîes  chez  les  An- 
glais par  l'avidiié  qirins])ire  r<'sprit  de  com- 
merce; Uieliard  Siècle,  dans  une  éjdtre  sa- 
tirique! au  pape  Clément  \!,  soutient  que 
leur  fanatisme  est  toujours  le  même.  «  11  est 
vrai,  (lit- il,  «lue  nous  n'avons  pas  aujour- 
d'hui le  pouvoir  de  brûler  les  hérétiques, 
comme  les  premiers  réformateurs  ;  mais  à 
cela  près  nous  employons  toujours  les  mêmes 
violiMices;  nous  persécutons,  nous  tourmen- 
tons, nous  emprisonnons  et  nous  ruinons 
tout  homme  (|ui  prétend  en  savoir  plus  que 
ses  supérieurs  :  et  plus  cet  homme  est  d'un 
caractère  irréprochable,  plus  nous  crojons 
qu'il  est  nécessaire  de  se  servir  de  ces  sortes 
de  rigueurs  contre  lui....  Sur  la  fin  de  jan- 
vier et  au  comniencement  do  février,  on 
nous  anime  exlraordinairement  les  uns  con- 
tre les  autres,  parce  qu'il  est  arrivé,  il  y  a 
plus   de   soixante   ans  ,    que  nos   ancêtres 


Ml 


ANG 


A  NU 


iiï 


élaient  de  grands  scélérats,  et  l'on  croit 
qtron  ne  siiurait  trop  insister  sur  un  sujet 
si  beau  de  génération  en  géuér.ilion,  et  que 
l'on  deviaii  même  en  parler  depuis  le  com- 
nienceinent  de  l'année  jusqu'à  la  lin.  Un  au- 
tre sujet  d'enllioiisi,isine  evt  le  danger  de  la 
pauvre  Eglise,  danger  ((ui  s'accroît  toujours 
à  tnesuie  (juc  le  crédit  et  1'  s  espérances  des 
callioli(iuis  aiigincnl.nl.  J'ai  vu  le  temps 
que  la  finure  d'une  église  f.iile  de  carton, 
planice  si  ai lillcicuseinciit  au  bout  d'un  bâ- 
ton (ju'elle  p.iraissait  chanceler,  représecilail 
le  danger  de  noire  pauvre  Eglise;  portée  d'un 
air  triste  et  lugubre  devant  un  vénérable  ec- 
clésiastique, aux  élections  des  membres  du 
parlement,  elle  p  issait  pour  un  remède  sou- 
verain Contre  ses  ennemis,  elle  avait  la  \  erlu 
de  les  eli.isser  du  champ  île  bataille  tout  con- 
lus.  J'ai  vu  même  que  le  nom  A' Eglise  ou  de 
Jhinle-Eglisr,  prononcé  avec  emphase,  et 
répété  un  certain  nombre  de  lois,  a  pu  chan- 
ger l'air  et  la  voix  d'une  multitude  innom- 
brable, lui  donner  un  aspect  hideux  et  fa- 
rouche, agiter  les  cœurs,  faire  enfler  les 
veines  comme  par  une  espèce  de  frénésie. 
J'ai  vu  en  même  temps  que  ce  nom  prononcé 
d'un  air  touchant  et  pathétique,  les  yeux  et 
les  niiiins  vers  le  ciel,  a  pu  clianger  les  men- 
songes en  vérités,  un  scélérat  en  un  saint, 
et  un  perturbateur  du  repos  public  en  une 
diviniiè  lutélaire.  Par  un  privilège  sini;u- 
lier,  les  hommes  attaqués  de  cette  maladie 
ont  acquis  le  droit  de  pénétrer  b-s  jugements 
de  Dieu,  et  de  les  appliquer  à  leur  prochain  ; 
s'il  .irrive  un  fléau  de  la  nature,  ou  un  autre 
mallieur  jiublic,  ils  savent  à  point  nommé 
pourquoi  Dieu  l'envoie,  quel  est  le  crime 
qu'il  a  dessein  de  punir;  et  ce  n'est  jamais 
contre  leurs  propres  crimes  qu'il  est  irrité, 
c'est  toujours  contre  ceux  des  autres,  etc.  » 

Si  quel(|u'un  s'est  laissé  séduire  par  les 
tableaux  ponipcu\  que  nos  écrivains  moiler- 
nis  nous  ont  fiils  des  heureux  elTels  que  la 
reliii-me  a  produits  en  Angleterre,  nous  l'in- 
vitons à  lire  un  ouvrage  intitulé  :  La  Cun- 
vrrsion  de  /'Aiigletene  nu  chrisiianisme  , 
comiarée  avec  sa  prélcndae  Réformution , 
in-S",  l'aiis,  1729. 

Les  historiens  prolestanls  ont  abusé  de  la 
créilulilede  leurs  leileuis,  lorsqu'ils  ont  voulu 
persujider  que  la  cause  du  schisn)e  de  VAn- 
ylelerre,  en  lo;i3,  fui  r.iuloritc  exces>ive,  ou 
plutôt  la  tyrannie  que  le  pape  exerçait  sur 
ce  royaume  ;  cette  prétendue  cause  n'avait 
pas  lieu  en  France  ni  dans  les  pays  du  Nord, 
et  l'hérésie  ue  laissa  pas  de  s'y  établir.  H  est 
de  toute  notoriété  que  la  cause  <le  la  rupture 
fut  le  refus  que  fit  Clément  Vlll  de  déclarer 
nul  le  mariage  d'Henri  Vlll  avec  Catherine 
d'Aragon,  et  d'accorder  à  ce  prince  la  liberté 
d'épouser  Anne  de  Boleyn,  de  laquelle  il 
était  épris  ;  puisqu'avant  d'avoir  conçu  cette 
passion,  Henri  Vlll  avait  écrit  lui-même 
contre  Luther  en  faveur  de  la  juridiction  et 
de  l'autorité  du  pape.  Les  moyens  dont  on 
se  servit  ensuite  pour  détiuire  la  religion 
en  Angleterre,  ne  fuieni  pas  plus  légiiimcs 
fii  plus  honnêtes  que  le  motif  :  on  y  em- 
ploya l'imposiure,  la  calomnie,  la  violence 


et  les  supplices.  M.  Bossuel,  dans  son  Hitt. 
des  Variai.,  I.  II,  I.  vu,  a  mis  ce  fait  dans  la 
dernière  évidence,  et  l'a  prouvé  par  le  |)ropre 
aveu  des  protestants;  aucun  d'eux  ne  sera 
jamais  en  état  de  le  convaincre  de  faux. 
L'auteur  de  '.a Convcr sion de t' Angleterre, elc, 
a  fait  do  même.  —  Moshcim,  dans  l'impuis- 
sance de  contester  cette  vérité,  est  convenu 
que  les  auteurs  de  cette  révolution  a^irenl 
souvent  d'une  manière  violente,  téméraire  et 
précipitée;  que  plusieurs  de  ceux  qui  y  eu- 
rent part  agirent  plus  par  passion  et  par  inté- 
rêt que  par  zèle  pour  la  véritable  religion. 
//isl.  ecclés.  du  xvi"  siècle,  sect.  1,  c.  k,  §  1'». 
David  Hume,  dans  son  JJist.  des  maisons  de 
Tudor  et  de  Sluarl,  a  posé  pour  principe  que, 
si  la  superstition  est  le  caractère  de  la  reli- 
gion romaine,  ie  fanatisme  a  été  lelui  de  la 
prétendue  reformntion.  Le  traducteur  de 
Mosbeim,  lâché  de  cet  aveu,  a  voulu  prouver 
le  contraire,  t.  1\',  p.  138  et  suiv.  Mais,  au 
lieu  de  détruire  ce  f;iit,  il  l'a  plutôt  confirraé, 
puisqu'il  a  été  iorcé  d'avouer  que  le  fana- 
tisme eut  beaucoup  de  part  à  la  conduite  de 
plusieurs  de  ceux  qui  embrassèrent  la  ré- 
formation, p.  144  ;  que  l'on  abusa  souvent 
de  la  liberté  qu'elle  inlroduisit;  que  l'ardeur 
des  [iremiers  léformateurs  fut  plus  ou  moins 
violente,  plus  ou  moins  mêlée  avec  la  cha- 
leur et  la  vivacité  des  passions  humaines, 
p.  146  ;  que  le  zèle  des  réform  iteurs  fut 
quelquefois  excessif,  p.  150;  que  peut-être 
les  emportements  de  Luther  furent  l'effet  de 
son  ressentiment  et  de  l'ardeur  de  son  ca- 
ractère, etc.,  p.  153.  Ce  n'était  donc  pas  la 
peine  de  disputer  contre  David  Hume,  puis- 
que l'on  se  trouve  réduit  à  lui  accorder  ce 
qu'il  a  dit. 

La  question  est  de  savoir  si  des  hommes 
conduits  par  le  fanatisme,  par  la  chaleur 
des  passions,  par  l'amour  de  la  nouveauté, 
et  non  de  la  vérité,  étaient  fort  propres  à 
réforn'ier  l'Eglise  de  Dieu,  et  s'il  est  proba- 
ble que  Dieu  ait  voulu  se  servir  de  pareils 
instrumenta.  Nous  verrons  dans  l'article 
suivant  que  la  religion  anglicane  porte  en- 
core l'empreinte  des  mains  (jui  l'ont  formée, 
des  motifs  dont  ses  foudaleurs  furent  animés, 
et  des  moyens  dont  ils  se  servirent.  Une 
preuve  que  les  Anglais  n'étaient  pas  fort 
zélés  pour  la  vérité,  c'est  qu'ils  changèrent 
trois  fois  de  religion  en  douze  ans.  A  la  mort 
d'Henri  Vlll,  ils  tenaient  encore  à  la  foi  ca- 
tholique; en  1547,  sous  Edouard  VI,  ils 
dressèrent  une  profession  de  foi  moitié  lu- 
thérienne, mollié  calviniste  ;  sous  le  règne 
de  Marie,  eu  1354,  ils  redevinrent  callioli- 
liqiies  ;  en  1559,  sous  le  rè'^ne  d'Klisabelh, 
le  protestantisme  fut  rétabli. 

Quoique  l'on  ait  répandu  des  torrents  de 
sang  pour  cimenter  cette  religion  nouvelle, 
il  s'en  faut  beaucoup  qu'elle  ait  été  généra- 
lement adoptée  en  Angleterre  ;  [xindanl  que 
le  gouvernement,  les  grands  du  royaume  et 
une  partie  de  la  nalion  embrassaient  ce  mé- 
lange de  lutliérianisme  et  de  calvinisme,  avec 
quelques  faibles  restes  de  catholicisme,  que 
l'on  nomme  la  religion  anglicane,  une  autre 
partie  s'attachait  aux  sentiments  de  Calvin, 


tii 


ANG 


ANC 


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rejetait  tout  le  reste,  et  formait  la  secte  de  ceux 
qael'oxïnomvaepresbytériens  etpuritains  .ces 
deux  factions  se  sont  fait  pendant  longtemps 
une  guerre  cruelle;  et  si  l'une  des  deux  s'é- 
tait trouvée  assez  forte,  elle  aurait  exterminé 
l'autre.  Après  bien  des  combats,  elles  se  sont 
reposées  par  lassitude,  et  elles  ont  été  for- 
cées de  se  tolérer  mutuellement.  —  Dans  le 
sein  de  ces  deux  sectes,  il  s'en  est  formé  une 
infiniié  d'autres  ,  comme  les  quakers  ou 
trembleurs,  les  hernbules  ou  frères  moraves, 
les  raélhodisles,  les  anabaptistes,  les  socl- 
niens,  les  hrownistes  ou  indépendants,  etc. 
Ainsi  le  christianisme  ,  en  Angleterre  ,  est 
divisé  en  deux  partis  principaux;  l'un  est 
celui  des  épiscopaux,  que  l'on  appelle  aussi 
YEglise  anglicane,  ou  la  Haute-Eglise  ;  l'au- 
tre ,  celui  des  non-conformisles ,  oa  sépa- 
ratistes, qui  comprend  les  presbytériens,  pu- 
ritains ou  calvinistes  rigides,  et  toutes  les 
autres  sectes  dout  nous  venons  de  parler, 
sans  en  exclure  même  les  catholiques,  qui 
sont  encore  en  assez  grand  nombre.  — 
En  1716,  plusieurs  Anglais  et  quelques  Ecos- 
sais avaient  formé  un  concordat  entre  eux 
pour  s'unir  à  l'Eglise  grecque  ;  mais  ce 
projet  n'eut  aucune  suite.  Les  Grecs  n'y  au- 
raient ccrlainemenl  pas  consenti,  à  moins 
que  les  anfiUcans  n'eussent  changé  leur 
croyance  sur  ua  très-grand  nombre  d'ar- 
ticles. 

Quoique  nos  écrivains  aient  beaucoup 
vanté  la  tolérance  établie  dans  ce  royaume, 
la  religion  catholique  y  a  toujours  été  gênée 
par  des  lois  très-sévères.  Jusqu'à  nos  jours 
un  catholique  ne  pouvait  posséder  aucune 
charge,  ni  entrer  au  parlement,  sans  avoir 
prêté  le  serment  du  test,  par  lequel  on  ab- 
jurait le  dogme  de  la  transsubstantiation  et 
de  la  juriiliction  spirituelle  du  pape.  Ce  ser- 
ment a  été  aboli  depuis  peu  par  un  décret 
du  parlement,  et  changé  en  un  simple  ser- 
ment de  Gdélité,  qui  n'a  aucun  rapport  à  la 
religion;  mais  celte  condescendance  du  gou- 
vernemcnt  anglais  u  échauffé  la  bile  des 
puritains,  surtout  en  Ecosse,  où  ils  sont  la 
secte  dominante. 

Moshoim,  dans  son  Hist.  eccl.  du  xviir 
siècle,  déplore  le  nombre  des  incrédules  qui 
ont  paru  en  Angleterre,  et  les  effets  perni- 
cieux de  leurs  ouvrages;  il  prédit  que  cette 
contagion  pénétrera  bientôt  dans  toutes  les 
contrées  de  l'Europe,  surtout  dans  celles  où 
la  réformation  a  introduit  un  esprit  de  li- 
berté :  il  était  aisé  en  effet  de  le  prévoir.  Ce 
sont  les  déistes  anglais  qui  ont  été  les  pré- 
cepteurs de  nos  philosophes  antichrétiens,  et 
c'est  un  mauvais  service  que  nous  ont  rendu 
DOS  voisins;  il  ne  fait  pas  plus  d'honneur  A 
YAngleterre  qu';\  la  prétendue  réformation. 
ANGLICAN.  On  appelle  religion  anglicane 
celle  qui  est  autorisée  en  Angleterre  par  les 
lois,  pour  la  distinguer  de  celles  qui  y  sont 
seulement  tolérées.  De  toutes  les  commu- 
nions chrétiennes  non  calh()li(|ues,  les  angli- 
can» sont  ceux  qni  s'écartent  le  moins  de  la 
croyance  de  l'Kglise  romaine;  ils  en  rejet- 
tent cependant  un  grand  nombre  d'articles 
essentiels.  Aussi  les  autres  protestants  leur 


reprochent  de  pencher  toujours  au  papisme, 
d'en  avoir  conservé  de  trop  grands  restes,  et 
de  n'avoir  fait  la  réforme  qu'à  moitié.  11 
n'est  pas  toujours  aisé  aux  théologiens  an- 
glicans de  se  défendre,  de  montnr  pourquoi 
ils  se  sont  arrêtés  en  chemin  ,  pourquoi  ils 
ont  retranché  tel  article  et  en  ont  retenu  tel 
autre. 

Dans  la  révolution  qu'a  subie  la  relicion 
en  Angloterre,  il  faut  distinguer  quatre  épo- 
ques principales.  La  première  sous  Henri 
Vlil,  lorsque  ce  prince,  pour  secouer  le  joug 
du  saint-siége  et  de  l'Eglise  romaine,  se  dé- 
clara chef  souverain  de  l'Eglise  anglicane,  et 
défendit  de  reconnaître  aucune  autorité  spi- 
rituelle ou  temporelle  que  la  sienne.  11  ne 
toucha  néanmoins  ni  aux  autres  points  de 
doctrine,  ni  au  culte  extérieur  établi  dans  l'E- 
glise catholique.  —  La  seconde  sous  Edouard 
VI,  son  fils  et  son  successeur.  Après  que  les 
partisans  de  Luther  et  de  Calvin  eurent  semé 
leurs  erreurs  parmi  les  Angl^iis,  il  fut  décidé 
par  acte  da  parlement,  en  15i7,  que  l'on  ré- 
formerait la  discipline  ecclésiastique  et  la 
forme  du  culte  :  c'est  ce  qui  fut  exécuté  en 
1518;  mais  on  ne  convint  pas  encore  d'un 
formulaire  de  doctrine  ou  d'une  profession 
de  foi.  —  La  troisième  sous  la  reine  Marie, 
sœur  d'Edouard,  et  qui  lui  succéda.  Celte 
princesse,  zélée  catholique,  fit  casser  en  1533 
l'acte  précédent,  et  fit  rétablir  le  catholicisme. 
—  Enfin  ,  sous  la  reine  Elisabeth  ,  autre  fille 
de  Henri  Vlli ,  qui  avait  été  élevée  dans  les 
opinions  des  protestants,  le  parlement,  l'an  A 

1559,  renouvela  tout  ce  qui  avait  été  fait  sous  ^ 
Edouard  VI ,  et  proscrivit  de  nouveau  le  ca- 
tholicisme. M;iis  la  confession  de  foi  angli- 
cane ne  fut  dressée  que  trois  ans  après,  dans 
un  synode  tenu  à  Londres  en  1562.  On  la 
trouve  d.ins  le  Recueil  des  confessions  de  foi 
des  Eglises  réforniées,  p.  99;  elle  contient 
trente-neuf  articles.  Dans  les  cinq  premiers, 
l'on  fait  profession  de  croire  la  Trinité,  l'In- 
carnation ,  la  descente  de  Jésus-Christ  aux 
enfers,  sa  résurrection,  la  divinité  du  Saint- 
Esprit.  Dans  les  trois  suivants,  on  reçoit 
comme  canoniques  tous  les  livres  du  Nou- 
veau Testament;  l'on  exclut  de  l'Ancien  les 
livres  de  Tobie,  de  Judith,  une  partie  de  celui  1 
d'Ksther,  la  Sagesse,  l'Ecclésiastique,  Baruch,  | 

quelques  chapitres  de  D.iniel  et  les  deux  li-  ' 

vres  des  Machabées;  l'on  déride  que  tout  ce 
qui  n'est  pas  contenu  dans  l'Ecriture  sainte 
n'est  point  nécessaire  au  salut.  Dans  le  8*  ar- 
ticle, on  reçoit  le  symbole  des  apôlres,  celui 
du  concile  de  Nicée  ot  celai  de  saint  Alha- 
nase. 

Déjà  l'on  peut  demander  aax  anglicans 
pourquoi  ils  rejettent  ces  livres  dans  l'An- 
cien Testament ,  pendant  qu'ils  admettent 
l'Epttre  de  saint  Jacques,  celle  de  saint  Jude 
et  l'Apocalypse,  que  les  calvinistes  regar- 
dent comme  aporryphes,  précisément  pour 
les  mêmes  raisons.  Les  sociniens  leur  sou- 
tiennent que  ce  qui  cA  contenu  dans  le  sym- 
bole de  saint  Athanase  ne  peut  pas  être 
prouvé  par  l'Ecriture  s.iinte.  Aussi,  dans  la 
Gazelle  de  France  du  vendredi  7  mars  1786, 
on  nous  annonce  qu'une  bonne  partie  des 


245 


ANG 


ANG 


2iG 


Américaios  anglicans  ont  retranché  de  leur 
office  le  symbole  de  saint  Atliaii;ise,  et  ont 
ôlé  de  celui  des  apôlrcs  :  Il  esl  descendu  aux 
enfers. 

Dans  le  9*  article  et  les  suivants,  il  est 
(léciilé  que  tous  les  hommes  naissent  souillés 
du  péché  originel;  qu'ils  ont  copi'uJant  ua 
libre  arbitre,  mais  qu'ils  ne  peuvent  faire 
aucune  bonne  œuvre  sans  le  secours  préve- 
nant de  la  gràc-;  que  l'homme  est  justifié 
par  la  foi  seule.  Ce  dernier  dogme  esl  néau- 
nioiiis  lormellement  contraire  à  ce  que  dit 
saint  Jacques,  c.  ii  ;  et  les  deux  articles  pré- 
cédents ne  sont  point  admis  pnr  les  soci- 
niens.  —  Nous  ne  savons  pas  par  quel  texte 
de  l'Ecrilure  sainle  on  peut  prouver  que 
toutes  les  œuvres  faites  sans  la  foi  en  Jésus- 
Christ  sont  des  péchés,  arlicle  13;  saint  Paul 
décide  le  contraire  {Rom.  ii,  ik-).  Ou  rejette, 
article  14.,  les  œuvres  de  surérogalion  comme 
une  impiété,  en  donnant  un  sens  faux  et  ab- 
surde à  ce  terme.  Koi/.  Surérogation. 

L'article  16  porte  que  l'on  peut  obtenir  la 
rémission  des  péchés  par  la  pénitence,  et  il 
condamne  lOpinion  de  l'inamissibili'é  de  la 
justice,  souienuc  par  les  cilvinistcs.  Le  17° 
admet  In  prédestination;  mais  il  avertit  qu'il 
n'y  faut  pas  penser,  de  peur  de  tomber  dans 
la  présomption  ou  dans  le  désespoir.  Le  18^ 
décide  que  l'on  ne  peut  pas  être  sauvé  sans 
connaître  Jésus-Christ.  Selon  le  19%  l'Eglise 
est  l'assemblée  des  fidèles  où  la  pure  parole 
de  Dieu  est  prêchée  et  où  les  sacrements 
sont  bien  administrés  :  d'où  l'on  conclut  que 
l'Eglise  romaine  est  dans  l'eireur,  quant  au 
dogn)e,  à  la  morale  cl  au  ctille  extérieur.  Cet 
article  est-il  fort  essentiel  au  salut?  esl-il 
clairement  révélé  dans  rEcrilure  sainte  ? 
Suivant  le  20*  et  le  21',  l'Eglise  ne  peut  rien 
décider  ni  rien  établir  que  ce  qui  est  porté 
dans  l'Ecriture  sainte;  les  conciles,  même 
généraux,  peuvent  se  tromper  et  se  sont 
souvent  trompés  en  effet.  Le  22°  rejette  la 
doctrine  de  l'Eglise  romaine  louchant  le 
purgatoire,  les  indulgences,  la  vénération  et 
l'ailoration  des  images,  des  reliques,  et  l'in- 
Tocallon  des  saints.  On  voit  bien  que  le  ter- 
me d'adoration  est  affi'clé  là  par  malignité, 
il  est  décidé,  dans  le  23°,  que  la  mission  est 
nécessaire  pour  prêcher  et  pour  administrer 
les  sacrements  ;  que  la  mission  est  légitime 
quand  elle  esl  donnée  par  ceux  qui  en  ont  le 
pouvoir;  mais  on  ne  dil  point  à  qui  ce  pou- 
voir appartient,  si  c'est  au  roi,  comme  chef 
de  l'Eglise  anglicane,  ou  si  c'est  au  clergé. 
Gel  article  était  délicat  :  il  esl  demeuré  indé- 
cis. Le  21i-°  veut  que  la  liturgie  soil  célébrée 
en  langue  vulgaire.  Les  sacrements,  selon  le 
25*.  sont  les  signes  efficaces  de  la  grâce,  par 
lesquels  Dieu  excite  el  confirme  noire  foi  en 
lui;  il  n'y  en  a  que  deux,  savoir  :  le  bapiême 
el  la  cène.  On  rejette  les  autres,  parce  que 
ce  ne  sont  pas ,  dil-on ,  des  signes  visibles 
institués  de  Dieu;  et  cependant  l'on  avoue 
que  quelques-uns  sont  une  imitation  de  ce 
qu'ont  l'ail  les  apôtres  :  il  faut  donc  que  les 
apôlres  aienl  fait  ce  que  Jésus-Christ  ne  leur 
avait  pas  commandé?  U  esl  évident  que  celle 
définition  des  sacrements  esl  louche  et  cap- 


tieuse, imaginée  dans  le  dessein  de  concilier, 
s'il  était  possible,  l'opinion  des  proleslanis 
avec  la  croyance  de  l'Eglise  romaine.  Consé- 
qiieiiiment  il  esl  dit,  ariiile  27,  que  le  bap- 
tême n'est  pas  seulement  un  signe  de  la  pro- 
fession du  christianisme,  mais  un  signe  de 
régénération,  le  sceau  de  noire  adoption,  par 
lequel  la  foi  esl  confirmée  el  la  grâce  aug- 
menii'e,  par  la  vertu  de  l'invocalion  divine. 
Mais  si  la  grâce  est  augmentée,  elle  était  donc 
déjà  dans  l'âme  du  fidèle  avant  le  ba])lèine? 
En  quel  sens  le  baptême  est-il  une  régénéra- 
tion? Ce  même  arlicle  veut  que  l'on  baptise 
les  enfants.  Le  28  est  encore  plus  inintelli- 
gible. U  porte  que  ,  pour  ceux  qui  reçoivent 
la  cène  avec  fol,  le  pain  que  notts  rompons  est 
la  communication  du  corps  de  Jésus-Christ; 
et  que  le  calice  bénit  est  la  communication  du 
sang  de  Jésus-Christ.  Ce  sonl  les  paroles  de 
saint  Paul;  mais  on  ajoute  que  le  corps  de 
Jésus-Christ  est  donné,  reçu  et  mangé  seule- 
ment d'une  manière  céleste  el  splriluelle; 
que  le  moyen  par  lequel  cela  se  fait  esl  un 
objet  de  foi;  que  ceux  qui  n'ont  pas  une  foi 
vive  ne  sont  pas  participants  de  Jésus-Christ 
en  aucune  manière,  article  29.  Voilà  ce  que 
saint  Paul  n'a  pas  dil.  Ce  même  article  ré- 
prouve la  transsubstantiation,  et  l'usage  de 
garder,  de  porter,  d'élever  el  d'adorer  le  sa- 
crement de  l'Eucharistie;  et  le  30°  décide 
qu'il  faut  communier  sous  les  deux  espèces. 
Les  rédacteurs  de  ces  articles  auraient 
voulu  trouver  un  milieu  entre  l'opinion  des 
luthériens  et  celle  des  calvinistes  :  on  voit 
comment  ils  y  ont  réussi  ;  à  la  vérité,  les  lu- 
thériens s'expriment  aujourd'hui  de  même. 
Voy.  EocHAnisTiE.  Dans  le  31°,  ils  rejettent 
la  doctrine  catholique  touchant  le  sacrifice 
de  la  messe,  co:nme  un  blasphème.  Dans  le 
32°,  il  esl  décidé  que  les  évéques,  les  prêtres 
el  les  diacres  peuvent  se  marier;  dans  le  33', 
que  les  excommunications  sont  valides;  dans 
le  34°,  que  pour  le  bon  ordre  il  faut  se  con- 
former aux  usages  et  aux  cérémonies  éta- 
blies par  autoriié  publique,  mais  que  chaque 
Eglise  peut  les  instituer,  les  changer  ou  les 
abolir  à  son  gré.  Le  35°  donne  la  sanction 
aux  homélies  publiées  sous  Edouard  VI,  et  le 
36' au  pontifical  pour  les  ordinations,  rédigé 
sous  le  même  règne.  Le  37°  déclare  que  le 
roi  d'Angleterre  jouit  de  l'autorité  suprême 
sur  tous  ses  sujets;  que  tous,  même  les  ec- 
clésiastiques, doivent  lai  être  soumis  dans 
toutes  les  causes,  et  qu'il  n'est  soumis  lui- 
même  à  aucune  juridiction  étrangère;  que  le 
pape  n'a  aucune  juridiction  en  Angleterre. 
On  ajoute  cependant  que  l'on  no  prétend  pas 
attribuer  aa  roi  l'administration  de  la  parole 
de  Dieu  ni  des  sacrements  ;  soit  :  on  lui  at- 
tribue du  moins  le  privilège  d'accorder,  de 
limiter,  ou  d'ôler  ce  pouvoir  à  qui  il  juge  à 
propos.  —  Les  articles  suivants  condamnent 
la  doctrine  des  anabaptistes  louchant  les 
peines  capitales,  la  guerre  et  la  profession 
des  armes ,  la  communauté  des  biens  et  les 
serments. 

Pour  peu  qu'un  théologien  soil  instruit  et 
sente  la  valeur  des  Icrraes,  il  voit  que  celle 
coufession  de  foi.daas  la  plupart  des  articles, 


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Km 


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est  captieuse,  équivoque,  diclée  par  l'intérêt 
politique  et  par  les  circonstances,  plus  pro- 
pre à  perpétuer  les  disputes  qu'à  les  éclair- 
cir.  Aussi  s'en  faul-il  beaucoup  que  la  doc- 
Irine,  les  usages,  la  discipline  dis  anglicnns, 
soient  d'accord  avec  leur  confession  de  loi; 
et  celle  coniraillclion  leur  est  continuelle- 
ment reprochée  par  ceux  qu'ils  ;ippellcnt 
non- conformistes.  Il  esl  aisé  d'ailleurs  de  la 
prouver  en  comparant  c<lle  confcS'^ion  do  fol 
avec  le  plan  de  la  reli;;ion  anylic'ine,\c\  qu'il 
est  tracé  dans  un  livre  intitule:  ISeqni  AïK/lioe 
sub  imperio  ret/iiiœ  Elisub?lhœ  rdifjio  el  <ju- 
bernaciu  ecclesiastica.  in-4°,  Lundini,  1719,  el 
dédié  à  Georges  11  ;  pièce  a.itlienlique, s'il  en 
fut  jamais.  —  En  effet,  suivant  les  20'  et  21" 
chapitres  de  la  confession  ,  l'Eiilise  ne  peut 
rien  décider  et  rien  établir  ((ue  ci!  qui  esl  en- 
seigné dans  ri'"crilure  sainte;  les  conciles, 
même  généraux,  peuvenl  se  troijipcr,  et  se 
sont  trompés  en  effet:  et  dans  le  ]jlan  de  reli- 
gion, 1"  partie,  chapitre  1,  on  fait  profession 
de  recevoir  comme  authentiques,  ou  comme 
faisant  autorité,  les  trois  symboles,  les  qua- 
tre premiers  conciles ,  les  sentiments  des 
Pères  des  cinq  premiers  siècles;  c.  i ,  on  dit 
que  les  décrets  de  ces  conciles  ont  été  accep- 
tés et  confirmés  par  les  états  du  royaume 
d'Angleterre.  Ces  états  ont  donc  accepté  et 
confirmé  des  décrets  de  conciles  qui  ont  pu 
se  tromper,  et  qui  se  sont  trompés  en  effet.  — 
Chapitre  5  de  ce  même  plan,  on  reconnaît 
que  ce  sont  les  Pères  des  cinq  premiers  siè- 
cles qui  nous  ont  désigné  les  livres  canoni- 
ques de  l'Ecriture,  qui  nous  ont  transmis 
l'histoire  ecclésiastique,  el  qui  ont  réfuté  les 
hérésies  de  leur  lenips.  Mais  si  ces  Pères  se 
sont  Irompés  ,  comment  sommes-nous  sûrs 
du  jugement  qu'ils  ont  porté  louchant  le 
nombre  des  livres  canoniques?  Les  calvinis- 
tes les  chargent  de  mille  erreurs,  et  les  an- 
glicans n'ont  |ias  pris  la  peine  de  les  justi- 
fier :  ils  ont  laissé  ce  soin  aux  catholiques. 
Chapitre  6,  on  déclare  que  les  hérétiques 
doivent  être  punis  par  les  censures  ecclé- 
siastiques et  par  les  supplices  que  leur  inlli- 
gent  les  lois  civiles.  Mais  qui  a  dntit  de  juger 
que  tel  homme  esl  hérétique?  On  ne  le  dit 
pas,  el  nous  demandons  vainement  comment 
cela  s'accorde  avec  la  prétendue  tolérance 
des  Anglais.  —  Dans  le  chapitre  7,  les  catho- 
liques sont  accu.iés  de  se  dévouer  à  Dieu  par 
une  foi  non  écrite;  ii'adorcr  ce  qu'ils  i^jno- 
rent  dans  les  reliques,  dans  les  huslies,  dans 
les  images;  de  prier  dans  une  langue  incon- 
nue; de  prier  les  saints  plus  souvent  qae 
Jésus-Christ;  de  se  prosterner  devant  les 
ima^'es  ;  (le  retrancher  la  moitié  de  l'Eucha- 
ristie; d'avoir  inventé  la  transsubstantiation, 
le  purgatoire  ,  le  mérite  des  bonnes  œuvres  ; 
de  renouveler  le  sacrifice  de  Jésus-Christ 
pour  les  vivants  et  pour  les  morls  ;  d('  pré- 
tendre qui-  riiglise  romaine  a  de  droit  divin 
la  juridiction  sur  toutes  les  autres.  Sans  re- 
lever la  manière  caplionse  doiil  plusieurs  de 
ces  articles  sont  n-pr  seules  ou  travestis,  il 
n'en  (.«1.  aucun  qui'  nous  i\-  [inmvions  par  le 
seiiliment  des  cuneiles  et  dt^s  p,  res  des  cinq 
premiers  siècles  :  les  luiliériuns  el  les  calvi- 


nistes n'en  disconviennent  pas  ,  mais  ils  di- 
sent que  cela  ne  sulfit  pas  sans  TEcrilure 
sainte.  Voil.i  un  point  de  dispute  sur  lequel 
nos  adversaires  ne  s'accorderont  jamriis.  — 
Cependant,  cliapilrc  8,  les  anglican<!  font 
profession  d'être  unis  à  toutes  les  Eglises 
protestantes  et  à  toutes  les  Eglises  chré- 
tiennes. Nous  voudrions  savoir  en  quoi  peut 
consister  celle  union,  quand  on  n'a  ni  la 
même  foi,  ni  le  même  culte,  ni  la  même  dis- 
cipline. 

Outre  1,1  liturgie  nn7//c7»?e,  que  l'on  peut 
voir  dans  le  P.  Lchiuii.  Explicat.  des  cérém. 
de  la  Messe,  toin.  \'ll,  p.  5  i,  les  anglicnns  ont 
conservé  l'office  ecclésiastique  dii  matin  et 
du  soir,  les  psaumes,  les  cantiques,  les  le- 
çi>ns.  la  conléssion  générale  des  péchés  el 
l'alisolulion ,  la  doxoiogie,  les  alléluia,  le  Te 
Deum,  le  symbole  des  apôlres  et  celui  de 
sailli  A'haiiase,  les  litanies,  desquelles  ils  ont 
retranché  les  noms  des-sainis,  c.  12  et  suiv. 
Us  administrent  le  baptême  comme  dans 
l'Eglise  romaine,  mais  sans  exorcismes  et 
sans  onctions.  Leurs  évéques  donnent  la 
confirmation  par  l'imposition  des  mains, 
avec  une  prière.  Dans  l'office  des  morls,  ils 
demandent  à  Dieu  de  ne  pas  nous  livrer  aux 
supplices  éternels,  et  d'accorder  à  tous  les 
fidèles  la  félicité  du  corps  cl  de  l'âme:  ils  di- 
sent la  prière  Kyrie,  eleison. 

Dans  la  seconde  partie  de  ce  plan,  le  gou- 
vernement ecclésiastique  d'Angleterre  esl  re- 
présenté en  seize  tables.  La  première  aliri- 
bue  au  roi  l'auiorilé  suprême  dans  toutes  les 
matières  ecclésiastiques ,  et  beaucoup  plus 
de  pouvoir  (|ue  nous  n'en  donnons  au  pape. 
La  seconde  et  les  suivantes  règlent  le  pou- 
voir, les  lonclioîis,  la  juiidiclion  des  arche- 
vêques et  des  évéques;  il  y  est  question  de 
bénéfices  en  litre  el  des  différentes  espèces 
de  biens  ecclésiastiques. 

La  troisième  partie  établit  la  discipline  qui 
regarde  les  simples  fidèles,  les  fé:es.  les  jeû- 
ner, l'abstinence.  Nous  y  voyons  Pâques,  la 
Pentecôte,  la  rriiiilé,  tous  les  diniauclies,  la 
Circoncision  de  Noire-Seigneur,  l'Epiphanie, 
l'Annoneialion,  l'Ascension,  Noël,  la  Tous- 
saint, les  fêtes  des  apôtres,  des  évangélisles, 
de  saint  Jean-Baptisle,  de  saint  Elienue,  des 
Innocents.  On  nous  aviTlil  que  tous  ces  jours 
sont  consacrés  à  Dieu  seul,  comme  si  quel- 
qu'un avail  jamais  enseigné  le  contraire.  On 
y  conserve  le  carême,  les  jeûnes  des  vigiles, 
l'abstinence  des  vendredis  et  samedis,  les 
Qiialre-Temps  ,  les  Itogalions  ;  mais  l'on 
couiprend  que  les  anglicans  ne  sont  pas  fort 
scrupuleux  sur  touies  ces  observances  : 
l'exemple  des  autres  sectes  qui  les  méprisent 
a  prévalu  sur  la  règle.  Dans  les  cathédrales, 
il  y  a  des  lecteurs,  des  chantres,  des  vicaires, 
des  chanoines,  un  sous-doyen,  un  trésorier, 
un  chance'ier,  un  préchantre,  un  doyen. 
Mais  les  synodes  provinciaux  ne  peuvenl 
rien  statuer  que  sous  l'autorité  du  roi. 

Ainsi,  en  conservant  un  certain  extérieur 
de  ri'ligion,  cl  en  défigurant  la  doctrine  ca- 
Iboliqne,  les  réformateurs  anglicnns  ont  fas- 
(iiie  les  veux  du  peuple  et  l'onl  eniraliié 
dans  le  schisme;  les  ennemis  du  clergé  d'An- 


Si9 


ANS 


ANG 


860 


gleterre  ne  cessent  de  loi  insulter  à  ce  snjet. 
Si  (l'un  côlé  les  anglicans  soulieitnoiit  que 
l'Ecriture  sainle  est  la  seule  rÔRle  de  foi,  «Je 
l'autre  ils  s'allrihuenl  le  droitde  riiilcrpréter 
et  d'eti  lixor  lo  vrai  sens.  «  Il  n'y  a,  dit 
Richard  Sloele  à  Clément  XI,  d'aiiln;  diffé- 
rence entre  vous  et  nous,  par  rapport  aux 
fondenienis  de  la  doctiine,  de  la  hiérarchie, 
du  culte  et  de  la  discipline,  que  cidle  ci  :  c'est 
(|tie  vous  ne  saut  icz  errer  dans  vos  décisions, 
et  que  nous  n'errons  jamais;  c'esl-à-dire, 
en  d'antres  termes,  (pie  vous  êtes  infaillible, 
et  que  nous  avons  toujours  raison....  Ainsi, 
le  synode  de  Dordierht  ,doiit  les  décisions 
.*iûres  et  certaines  sont  célébrées  Ions  les 
trois  ans  dans  ce  pays-là  par  un  jour  solen- 
nel d'ai  lions  de  |;râces)  ;  ainsi,  les  synodes 
naiionauv  des  ég  ises  réformées  en  France, 
l'assemblée  géiiérali^  de  rh'glise  presbyté- 
rienne en  Ecosse,  et,  si  j'ose  la  nommer,  la 
convocation  du  clergé  d'Angleterre,  ont  tous 
eu  également  cette  autorité  inconloslable 
que  votre  liglise  s'/iltribue,  et  les  peuples 
ont  clé  obligés  d'ol)éir  à  leurs  décrets  avec 
autant  de  soumission  que  l'on  en  a  p  irmi 
vous  pour  ce  qui  part  d'une  infaillibilité  ab- 
solue... En  même  lenips  que  nous  soutenons 
avec  chaleur,  contre  vos  conlroversistes, 
que  les  peuples  ont  droit  d'examiner  et  d'é- 
plucher cux-môtnes  les  Ecritures,  noiisavons 
soin  de  leur  inculquer,  dans  nos  instructions 
particulières,  qu'ils  ne  doivent  pas  abuser 
de  ce  droit,  qu'ils  ne  doivent  |ias  prétendre 
être  plus  sages  que  leurs  supérieurs,  cl  qu'il 
faut  (|u'ils  s'éludicnl  à  entendre  les  textes 
parlii'uliers  dans  le  même  sens  ()ue  l'Eglise 
les  entend,  et  que  leurs  guides,  qui  ont 
Vaulorilé  iniei prétalive,  les  explicjuenl.  Nous 
réu$si>$ons  aussi  bien  par  cette  méthode,  (|ue 
si  nous  défenlions  la  lecture  de  l'Ecriture 
sainte....  El  quoi(|ue,  par  nos  paroles,  nous 
conservions  à  l'Ecriture  sainle  toute  sa 
dignité,  nous  avons  cependant  l'adresse  d'y 
substituer  réellement  nos  propres  explica- 
tions et  des  dogmes  tiri's  de  nos  explications, 
etc.  »  Ainsi  en  agissent  louies  les  sectes  pro- 
lestantes. Thomas  lloidon  leur  fait  le  même 
reproche,  Esprit  du  Clerrjc,  p.  kî.  —  En 
second  lieu  ,  selon  le  même  principe  ,  les 
anijlicitns  n'admettent  point  l'autor.tô  de  la 
tradition  ;  mais,  dans  leurs  disputes  avec  les 
puritains  et  avec  les  sociniens,  ils  sont  forcés 
d'employer  le  témoignage  des  Pères  ou  la 
tradition,  pour  montrer  le  sens  des  passages 
que  ces  seiiaires  entendent  comme  il  leur 
plaît.  Un  théologien  aii'jlicnn  a  très-bien 
reluie  le  livre  de  D.iillé,  De  vero  tistt  Palrum. 
C'esi  princip  ilemeiit  par  la  tradition  qu'ils 
f>ou  icunenl  l'inslilution  divine  de  l'épisco- 
pal,  la  supériorité  des  évoques  sur  les  sim- 
ples prêtres,  l'usage  apostolique  du  carême, 
etc.  Ainsi,  ils  se  fonJenl  sur  la  tradition 
lorsqu'elle  leur  est  favorable;  ils  l'abin  ton- 
nent lorsque  nous  nous  en  servons  pour 
leur  prouver  les  dogmes  catholiques  aux- 
quels ils  onl  renoncé.  —  Ivu  troisième  lieu, 
il  en  est  de  même  de  la  iiiission  et  de  la  suc- 
ces>ion  des  pasteurs.  Vous  ne  pouvez,  leur 
dit-on,  tgnir  celle  succetsioa  et  celte  uiissioa 


que  des  pasteurs  de  l'Eglise  romaine;  s'ils 
ont  été  capables  de  vous  la  transmettre,  à 
plus  forte  raison  l'onl-ils  conservée  pour 
eux  :  les  fidèles  leur  doivent  donc  la  même 
docilité  que  vous  exigez  pour  vous-mêmes  ; 
ils  sont  donc  aussi  assurés  de  leur  salut  en 
écoulant  les  pasteurs  catholiques  ,  qu'en 
vous  écoutant  vous-mêmes.  Oii  étail  donc 
pour  eux  la  nécessité  de  faire  un  schisme 
pour  vous  suivre?  Vous  dites  que  la  doctrine 
des  pasteurs  catholiques  est  fausse;  mais  ils 
soutiennent  que  c'est  la  \ôlre  ;  le  .«impie 
fidèle  doit  pluiôl  les  croire  ((ue  vous;  il  doit 
présumer  que  la  mission  est  plutôt  chez  eux 
qui  sont  le  tronc  que  chez  vous  qui  n'êtes  que 
les  branches,  el  que  la  vérité  réside  dans  la 
source  plutôt  que  dans  le  ruisseau  qui  en 
vient.  C'est  encore  l'olijei  lion  que  leur  fait 
Gordon,  pag.  52.  Aujourd'hui  les  méeréanls 
anglais  fonl  à  leur  clergé  les  mêmes  repro- 
ches que  les  réformateurs  onl  faits  à  celui  de 
l'Eglise  romaine,  lorsqu'ils  lui  ont  conti'sté 
le  droit  d'enseigner,  et  qu'ils  s'en  sont  sépa- 
rés. —  En  qu.itrième  lieu,  (lordon  prouve, 
par  les  actes  les  plus  solennels  du  parlement 
d'Angleterre,  que  l'Eglise  ang/jca/ie,  sa  con- 
stitution, sou  clergé,  tous  les  pouvoirs  el  les 
privilèges  de  celui-ci  sonl  l'ouvrage  de  la 
puissance  civile  el  qu'il  lient  loul  d'elle  ; 
que  tous  ses  membres  l'on  ainsi  reconnu,  et 
se  sont  obligés  par  serment  à  le  soutenir 
ainsi;  que  ces  mêmes  actes  attribuent  au  roi 
tout  pouvoir  el  toute  autorité  tant  ecclésias- 
tique que  civile,  le  droit  de  réformer  et  de 
corriger  toutes  les  erreurs,  les  hérésies  et  les 
abus;  qu'en  coiisé(iuenie  c'est  In  puissance 
civil.'  qui  a  donné  la  sanction  au  livre  de  la 
liturgie,  au  rituel  el  à  la  formule  d'ordinaiion 
pour  les  ministres  de  l'Eglise.  Il  dit  (|ue,  dans 
le  temps  delà  réforme,  l'archevêque  Cranmer 
avouait  que  l'ordination  des  évêiiiies  n'était 
qu'une  institution  civile,  par  laquelle  on 
parvenait  à  un  office  ecclésiaslique;  aucun 
memlirc  du  clerjié  aiifjtican  n'aurait  alors 
osé  soutenir  le  contraire.  Tous  furent  forcés 
de  jurer  et  de  signer  celte  doctrine,  p.  52  et 
106  ;  aulremenl,  en  verlu  de  l'arrêt  du  par- 
leinenl  de  io't7,  ils  auraient  élé  punis  comme 
(Timincls  de  lèse-majeslé.  David  Hume  , 
IJisC.  de  la  maison  de  Tudor,  an  ISW;  Ueylin, 
Buriiel,  etc. 

C'esl  doiic  contre  toute  vérilé  qu'il  est  dit 
dans  la  confession  de  foi  anglicane  que  l'on 
n'attribue  point  au  roi  le  pouvoir  d'admi- 
nistrer la  parole  de  Dieu  et  les  sacre- 
ments. Si  le  roi  n'a  pas  ce  pouvoir,  comment 
peut-il  le  donner?  Corriger  les  erreurs  et  les 
iiérésies,  approuver  la  liturgie  cl  le  rituel, 
prescrire  les  f  irmules  de  prière-,  et  d'ordina- 
tions, n'esi-ce  donc  pas  administrer  la  parole 
de  Dieu?  C'est  encore  une  absurdité  de  nom- 
mer mission  une  institution  purement  civile, 
et  hierariltie  ou  pouvoir  sacré,  un  pouvoir 
émané  de  l'auliinte  civile.  Les  apôtres  ont 
prétendu  tenir  leur  mission  et  leurs  pouvoirs, 
non  des  puissances  de  la  terre ,  mais  de 
Jésus-Chrisl;  par  l'imposition  des  mains,  ils 
ont  voulu  donner  une  grâce  el  une  autorité 
spiriluelle  et  surnaturelle,  et  non  un   oitice 


231 


Km 


cÎTil.  Saint  Panl  dil  aux  éTêques  qu'ils  ont 
été  ét.iblls  ,  non  par  les  princes  et  les 
magistrats,  mais  par  le  Sainl-Esprit,  pour 
gouverner  l'Rîlise  de  Dieu.  Act.,c.\x,  y.  28. 
Le  pouvoir  de  remettre  les  péchés,  de  lier  et 
de  délier  dans  le  ciel  et  sur  la  terre,  que 
Jésus-Christ  a  donné  à  ses  apôtres,  n'est 
certainement  pas  un  pouvoir  civil.  Les  théo- 
logiens an^Z/cans  nomment  avec  emphase  les 
droits  divins  d.-  i'épiscopal,  et  ils  font  dériver 
ces  droits  et  cette  dignité  de  la  puissance 
royale  :  ces  droits  ne  sont  donc  pas  plus 
divins  que  ceux  d'un  juge,  d'un  officier 
militaire  ou  d'un  finaneier;  tous  ces  droits 
sont  de  même  nature,  puisqu'ils  sont  émanés 
de  la  même  source.  —  Aussi  le  concile  de 
Trente  a  décidé  que  ceux  qui  ont  été  appelés 
et  institués  au  ministère  ecclésiastique  par 
le  peufile,  par  la  puissance  séculière,  ou  qui 
s'y  sont  ingérés  il'euK-mêmes,  ne  sont  point 
devrais  ministres  de  l'F.glise,  mais  des  voleurs 
et  des  usurpateurs,  sess.  23.  c.  4. 

Si  le  P.  Le  Courrayer,  génovéfain,  réfugié 
en  Angleterre,  avait  été  mieux  instruit,  pro- 
bahlement  il  n'aurait  pas  entrepris,  en  1723 
et  1726,  de  soutenir  la  validité  des  ordina- 
tions an^/tcane*.  Cette  question  en  renferme 
deux,  l'une  de  fait,  l'autre  de  droit.  La  ques- 
tion de  fait  est  de  savoir  si  Matthieu  Parker, 
prétendu  archevêque  de  t^anlorbéry,  et  lige 
de  tout  l'épiscopat  d'Angleterre,  a  reçu  ou 
n'a  pas  reçu  l'ordination  épiscopale ,  par 
conséquent  s'il  a  pu  ou  n'a  pas  pu  ordonner 
validement  d'autres  évéques.  La  question  de 
droit  est  de  savoir  si  la  forme  d'ordination, 
prescrite  par  le  rituel  anglican  dressé  sous 
Edouard  VI,  et  encore  acluellement  suivie, 
est  valide  ou  non. 

Sur  la  première  question,  il  faut  savoir 
que,  depuis  l'an  1559,  époque  de  la  consom- 
mation du  schisme  de  l'Angleterre,  sous  la 
reine  Elisabeth,  non-seulement  les  Anglais 
catholiques,  mais  les  presbytériens  et  les 
autres  non-conformistes,  ont  constamment 
souti-nu  aux  anglicans,  que  l'épiscopat  ne 
subsistait  plus  parmi  eux  ;  que  Parker  n'a 
jamais  éié  validement  ordonné,  puisque  Bar- 
low,  évéque  de  Saint-David,  et  ensuite  de 
Chichester,  prétendu  consécrateur  de  Par- 
ker, ne  l'avait  pas  été  lui-même.  Plusieurs 
ont  posé  des  faits,  desquels  il  résulte  qu'il 
to'a  pu  l'être;  quelques-uns  ont  avancé 
qu'il  avait  ordonne  Parker  dans  une  auberge 
de  Londres.  On  sait  d'ailleurs  que,  selon  la 
doctrincétabliepour  lors,  le  brevetdc  la  reine 
donnait  le  pouvoir  épiscopal,  sans  qu'il  fût 
besoin  d'ordination. 

Pour  prouver  le  contraire  ,  Le  Courrayer 
a  soutenu  ,  1°  (jui-  Itarlow  avait  été  réelle- 
Went  sacré  évéque,  puisqu'il  avait  assisté  en 
cette  qualité  aux  assemblées  du  parlement 
sous  Henri  VIII  ;  mais  cela  prouve  seule- 
ment que  l'on  présumait  son  ordination. 
D'ailleurs  un  homme  simplement  nomme  à 
un  évéché  pouvait  assister  au  paileuicnt 
sans  avoir  encore  été  onlonné.  2"  Qu'il  n'est 
pas  vrai  que  Itarlow  ait  été  absent  et  eu 
Kcosse  dans  le  temps  auiiuel  on  sup|)ose  qu'il 
a  été  ordonné  ;  que  ,  quoique  l'on  n'ait  pas 


ANG  2îi2 

pu  retrouver  l'acte  de  son  ordination  ,  co 
n'est   qu'une   preuve  négative.    Mais    cette 
preuve  est  devenue  très-po~itive    par  l'affir- 
mation cunstanie  de   ceux  qui  ont  pu  savoir 
s'il  avait  été  s;icré  ou  non.  3'  Que  la  préten- 
due consécraliiin  de  P.irker  dans  une  auber- 
ge est   une  fable.   Cela  peut  êire;  mais    le 
fait    est  très-analogue  à  la  manière  de  pen- 
ser des  auteurs  qui  regardaient  le  sacre  des 
évêqiies  comme  une  niomerie.  1°  Que  Parker 
a  été  réellement   sacré  à  L.imbeth  le   17  dé- 
cembre  1539,  par  lîarlow,  assisté  de  Jean 
Scory,  élu  évéque  d'Héreford,  de  Miles  Co- 
verdale  ,  ancien   évéque  d'Excesler,    et    de 
Jeun  Hocgskins  ,  sulTragant  de  Bedfford.  On 
produit  l'acte  de  cette  consécration.  —  Mais 
en  1727  le  P.  Hardouin  ,  et  en  1730  le  P.  Le 
Quien  ,    dominicain  ,    ont  réfuté  Le    Cour- 
rayer; ils  ont  fait  voir  que  la  plupart  des  ac- 
tes et  des  titres  qu'il  a  cités,  en  particulier 
l'acte  de  la  prétendue  orJination  de  Parker 
à  Lambelh,  sont  faux,  supposés  ou  altérés  ; 
qu'ils  ont  été  forgés  postérieurement  à   l'an 
1559,  pour  satisfaire  aux  reproches  que  les 
catholiques  faisaient  aux  anglicans  touchant 
la  nullité  de   leur  épiscopal;  que  Le  Cour- 
rayer a  tronqué  de    mauvaise  foi  les   pas- 
sages de  plusieurs  auteurs,   ils  ont  prouvé 
par  de  nouveaux  témoignages, que  ni  Barlow 
ni  Parker  n'ont  jamais  été  ordonnés  évêques  ; 
que  l'un  et   l'autre  étaient  très -persuadés 
qu'ils  n'avaient  pas  besoin  d'ordinalion.  Le 
Courrayer  n'a  rien  eu  à  répliquer  de  solide. 
Sur  la  question  de  droit,  ou  sur  la  validité  de 
l'ordination  prescrite  par  le  rituel  d'Edouard 
VI ,  Le  Courrayer  a  soutenu  qu'elle  est  bon- 
ne et  suffisante,  1°  parce  qu'elle  consiste  dans 
l'imposition  des  mains  jointe  à   une  prière  ; 
2°  qu'il  y  est  fait  mention  du  sacerdoce  eldu 
sacrifice,  du  moins  indirectement;  3"  que  les 
erreursparticuhères,  soit  du  consécrateur  soit 
de  l'élu,  no  font  rien  à  la  \alidité  de  la  céré- 
monie ;  k"  que    ïordinal  ou   le  rituel  d'E- 
douard VI  a   été  dressé  par  des  évèques  et 
par  des  théologiens,  et  qu'il  a  été  seulement 
autorisé  par   le  roi.  —  Pour  savoir  à  quoi 
nous  en  tenir,  il  faut  examiner  la  ccrcmonio 
telle  qu'elleesl  prescrite  par  ce  rituel.  1  L'on 
commence  par   lire  le    brevet  du   roi ,  qui 
porte  :  Nous  nomtnons,  faisons,  ordonnons  , 
créons  et  établissons   un  tel     évéque  de   tel 
siège.  2°  L'on   fuit  prêter  à  l'élu  un  serment 
conçu  en  ces  termes  :  «  J'atteste  et  je  déclare 
sur  ma  conscience  que  le  roi  est  le  seul  gou- 
verneur suprême  de   ce  royaume,  tant  dans 
les  choses  spiridtetles  ou  ecclésiastiques  que 
dans  les  temporelles,  et  qu'aucun  autre  prin- 
ce ou  prélat   étranger  n'y  a  aucune  juridic- 
tion ,  pouvoir  ni  autorité  ecclésiastique   ou 
spirituelle.  3"  L'évêque  consécrateur  deman- 
de à  l'élu  s'il  a  été  appelé  à  r.idministration 
de  l'épiscopat  suivant  la  volonté  <le  Jésus- 
Christ  et  suivant  les  conslitulions  du  royau- 
me ,  el  s'il  est  dans  la  volonté  d'en   remplir 
les  devoirs,  k"  Après  les  réponses  de  l'élu, 
le  consécrateur  lui  met  la  main  sur  la  tête  , 
et  prononce  celle  prière  :  «  Que  Dieu  tout- 
1^  .''puissant  ,  qui  vous  a  donné  celte  volonté, 
VOUS  accorde  encore  les  forces  cl  la  facullé 


S55 


ANG 


ANG 


SS4 


de  faire  efficacement  toutes  ces  choses  ,  de 
manière  qu'il  achève  en  vous  son  ouvrage, 
qu'il  vous  trouve  innocent  et  sans  lâche,  au 
dernier  jour,  par  Jésus-Christ  Nolre-Seigiieur, 
Ainsi  soit-il,  » — Or,  on  a  soutenu  contre  Le 
Courrnjer,  et  nous   soutenons   enrore  que 
cette  formule  est  nulle  et  insulfisanli'.  l"  Loin 
de  laire  aucune  mention  directe  ou  imliiecte 
du  sacrifice  ni  du  sacerdoce,  elle  a  été  faite 
exprès    pour  en   exclure   formellement  ces 
noiions,  puisque  l'.irt.  'M  de  la  confession  de 
foi  anglicane   les  rcjelle  comme   un  blasjihè- 
me.  2"  Que  demande   le  consécralcur  pour 
l'élu  ?  Que  Dieu  lui  donne  la  \olonléde  rem- 
plir les  devoirs  de  l'épiscopal,  selon  les  cons- 
ti'utinns  du  royaume  ;  vainement  il  ajoute, 
selon  la  volonté  de  Jésus-Christ  ,  puisque   la 
conslilulion  du  royaume  touchant  l'épisco- 
pat   est  formellement  contraire  à  la  volonté 
de  Jésus-Christ  :  l'une  de  ces  choses  exclut 
l'autre.  3°  11  n'est  pas   une  fonction   civile 
pour  laquelle  on   ne  puisse    faire  la  même 
prière  en   laveur  de  celui  qui  y  est  installé  ; 
elle    n'a  donc    rien  de  sacré  ni   de  sacra- 
mentel, i"  Les  erreurs  particulières  du  con- 
Sécrateur  ou  de  l'élu  ne  feraient  rien  à  la  va- 
lidiicde  la  cérémonie,  si  d'ailleurs  elle  n'ex- 
primait pas  formellement  ces  erreurs  ;  mais 
ici  les  erreurs  anyiicanes  sont  fortuellement 
exprimées  par  le  brevet  du  roi  ,  par  le  ser- 
ment de  l'élu  ,  par  les  interrogations  du  con- 
sécrateur,  et  par  la  prière  qui  y  est  relative  : 
c'est  le  toial  de  la  cérémonie  qui  détermine  le 
sens  de  la  formule.  5°  Il  n'est  pas   question 
de  savoir  qui  a  dressé  le  rituel  d'Edouard  VI, 
mais  qui  lui  a  donné  la  sanction,  l'autorilé, 
la  force  de  loi  :  or,  selon  la  déclaration  for- 
melle de  tout  le  clergé  d'Angleterre  ,  c'est  le 
roi  et  le  parlertienl.  Les  évêi|ues  et  les  théo- 
logiens qui    y  ont   travaillé  étaient  de  sim- 
ples commissionnaires  ,  incipables  de  don- 
ner  à   leur   ouvrage  aucune   autoiilé  ;   ils 
étaient  d'ailleurs  hérétiques,  et  ils  y  ont  ex- 
pressément professé  leur  hérésie.  G"  Ceux  qui 
ont  rofulé  Le  Courrayer  ont  fiiit  voir  qu'en 
soutenant  la  validité  de  cette  formule,  il  est 
tombé  dans  plusieurs  erreurs  grossières  et 
dans  des  hérésies  proscrites  par  le  concile  de 
Trente  et  par  l'Eglise  catholique.  En  effet, 
trente-sept  de  ses  propositions  ont  été  con- 
damnées par  l'assemblée  du  clergé  de  Fran- 
ce, le  22  août  1727,  comme  fausses,  erronées 
et  hérétiques.  7°  Le  Courrayer  a  posé  en  fait 
que,  dans  l'Eglise  grecque  ,  l'ordination  des 
prêtres  se   fait  par  la  seule  imposition  des 
mains  ,  avec  la   prière  ;  il  cite  le  Traité  des 
ordinalions  du  père  Morin  ,  et  le  père  Har- 
doniu  l'avait  supposé  ainsi;  mais  il  est  cer- 
tain que  ,  chez  les  Grecs ,  l'évéque,  assis  de- 
vant l'autel,  met  la  main  sur  la  tète  de  l'or- 
diuand.et  lui  applique  le  front  contre  l'autel 
chargé  des  vases  pleins,  en  récitant  la  for- 
mule ;  ainsi  la  porrection  des  instruments  est 
réunie  à  l'impositiou  îles  mains,  et  détermi- 
ne la  formule  à  désigner  le  double  pouvoir 
du   s.icerdocc.  Traité  sur  lis  formes  des  sa- 
crements, par  II-  P.  Morin,  jésuite,  c.  23.  Au- 
jourU'hui    les    savants    conviennent  que  le 
père  MoriD  n'a  pas  rapporté  assez  exacto- 


menl  les  rites  des  Orientaux.  8*  Avant  d'être 
ordonnés  évéques  ,  Barlow  et  Parker  n'é- 
taient pns  prêtres  :or,  on  ne  peut  ciler,  dans 
toute  l'histoire  ecclésiastique  ,  aucun  exem- 
ple certain  d'une  pareille  ordination  recon- 
nue pour  valide. 

En  1730,  un  théologien  luthérien,  d  jns 
une  thèse  soutenue  sous  la  présidence  du 
docteur  Mosheim  ,  a  examiné  de  nouveau 
celte  quesiion  ,  tant  sur  le  lait  que  sur  le 
droit.  Dans  le  picmier  chapitre,  il  fait  l'his- 
toire de  la  dispute  et  des  ouvrages  qui  otit 
été  faiis  pour  on  contre  la  validité  des  ordi- 
nations anglicanes.  Dans  le  second,  il  com- 
pare les  arguments  qui  ont  été  allégués  de 
part  et  d'autre.  Dans  le  troisième  ,  il  porte 
son  jugement  sur  le  tond  et  sur  la  forme.  On 
conçoit  bien  qu'il  a  pris  parti  pour  Le  Cour- 
rayer; il  n'approuve  pas  néanmoins  tons  ses 
raisonnements  ,  mais  il  témoigne  beaucoup 
de  mépris  pour  tous  ses  adversaires.  H  serait 
inutile  de  nous  arrêter  à  l'histoire  des  faits;  il 
vaut  mieux  nous  attacher  au  fond. 

Chap.  2,  §  13,  l'auteur  convient  que  le  ca- 
pital de  la  dispute  est  de  savoir  si  la  forme 
de  l'ordination  des  évoques  anglicans  est  va- 
lide et  suffisante  ;  il  soutient  l'alfirmative 
par  les  mômes  arguments  que  Le  Courrayer; 
mais  il  ne  satisfait  point  à  ceux  que  nous  lui 
opposons.  Suivant  les  meilleurs  théologiens, 
dit-il ,  le  rit  esseuiiel  de  l'ordination  épisco- 
pale  consiste  dans  l'imposition  des  mains  et 
dans  une  prière;  l'Ecriture  sainte  n'exige 
rien  de  plus  :  or,  l'une  et  l'autre  se  trouvent 
dans  le  rituel  anglican.  —  Nous  soutenons 
que  toute  prière  ne  sulfit  pas;  que  si  le  sens 
n'en  est  point  relatif  aux  fins  du  sacrement , 
aux  devoirs  et  aux  fonctions  qui  y  ont  été 
attachés  par  Jésus-Christ  ,  à  plus  ïorte  rai- 
son si  les  circonstances  délenninent  les  pa- 
roles à  un  sens  contraire,  celle  forme  est  ab- 
solument nulle.  Or,  nous  avons  fait  voir  que 
telle  est  la  formule  anglicane. 

Les  Anglais  eux-mêmes  ont  si  bien  senti 
qu'elle  était  défectueuse,  que,  sous  Char- 
les 11,  ils  l'ont  changée.  Ils  y  ont  ajouté 
pour  les  évéques  :  Recevez  le  Saint-Esprit 
pour  exercer  les  devoirs  et  les  fonctinns  d'é- 
vêque  dans  l'Eglise  de  Diiu,  et  souvenez-vous 
de  réveiller  la  grâce  de  Dieu  qui  est  en  vous 
par  l'imposition  des  mains  ;  et  pour  les  prê- 
tres :  Itecevez  le  Saint-Esprit  pour  exercer 
lei  devoirs  et  les  fonctions  de  prêtre  dans 
l'Eglise  de  Dieu.  Recevez  le  pouvoir  de  prê- 
cher la  parole  de  Dieu  et  d'administrer  les  sa- 
crements. Les  péchés  seront  remis  à  celui  à  qui 
vous  tes  remettrez  ,  et  ils  seront  liés  à  celui 
auquel  vous  les  lierez.  Ibid. ,  n.  22,  23,  28 
Quand  cette  aildition  rendrait  la  forme  va- 
lide, elle  n'a  pas  eu  lieu  dans  l'ordination  de 
Barlow  et  de  Parker  :  ils  étaient  morls  80 
ans  auparavant;  des  évéques  ordonnés  sans 
celte  addition  n'ont  pas  pu  en  ordonner 
d'autres  validemenl.  L'apologiste  a  beau  dire 
que  ces  paroles  ajoutées  ne  font  point  partie 
de  la  forme,  qui  consiste  dans  la  prière,  les 
Anglais  ont  compris  qu'elles  étaient  néces- 
saires pour  déterminer  le  sens  de  la  prière  ; 
doue  avaDiraddilion  le  sens  n'était  pas  assez 


3SS 


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déterminé;  il  l'était  même,  pnr  les  circons- 
tances, à  signiûer  le  contraire,  comme  nous 
l'avons  observé.  Qu'ils  aient  cru  ou  n'aient 
pas  cru  que  la  forme  était  déjà  valide  sans 
celle  addilion,  cela  ne  nous  fait  rien. 

il  n'est  pas  ncccs'^aire  ,  dit  notre  autour, 
que  la  formule  csprinie  la  fin  prinrip.iie  et 
l'elTel  du  sacrement;  elle  n'.'sl  point  telle 
pour  le  bapiê.ie,  pour  la  confirtiiatiou,  puur 
l'oxlrême-onction,  ni  pour  le  m.iria^e  ;  cria 
est  f;iux.  Ces  p.iroles  :  Je  le  baptise,  nu  nom 
du  Père,  etc.,  signifient  ccrlaiucmenl,  non  la 
purifiL'aliiin  du  corps,  mais  celli-  de  l'âme, 
qui  esi  l'effet  principal  du  baplème.  Dans 
la  confirmation  ,  la  formule  :  Je  le  mart/ue 
du  siijne  de  la  croix,  et  je  te  confirme  par 
leclirc'medn  salut,  elc,  exprime  Irès-disliuc- 
temenl  l'cftet  du  sacrement.  11  en  est  de  mê- 
me (le  la  prière  de  l'extrème-onciion  :  Que 
par  cille  onction,  et  an  grande  miséricorde  , 
le  Seigneur  vous  pardonne  les  péchés,  etc. 
Pour  le  mariage,  la  bénédiction  du  prêtre  , 
qui  ilil  :  Je  cous  unis  en  mariage,  au  nom  du 
Pire,  etc.,  n'est  pas  moins  exprcssi\e  non 
plus  que  l'absolution  dans  la  pénitence  :  à 
plus  forte  raison,  dans  l'iiucharislie,  les  pa- 
roles de  Jésus-Cliri^t  :  Ceci  est  mon  corps, 
expriment  l'effet  de  la  consécration. 

Le  Courrayer  eu  avait  imposée  ses  lec- 
teurs, en  disant  que  les  anglicans  ne  rejet- 
tent pas  absolument  la  notion  du  sacrifice 
dans  rEu(  baris  ie ,  qu'ils  y  admettent  au 
moins  un  sacrifice  commémoratif  et  repré.ii-n~ 
talif,  qu'entre  eux  et  les  théologiens  calho- 
liijues  il  n'y  a  qu'une  dispute  de  mots;  que 
la  notion  de  saerifice  n'est  point  fimdée  sur 
le  dogme  de  la  présence  réelle.  Ibid. ,  §  27. 
Son  apologiste,  plus  sincère,  convient,  c.  3, 
§  19,  qu'un  sacrifice  commémoratif  et  repré- 
sentuiif,  ditns  le  sens  anglican,  n'est  qu'une 
ombre  ou  utse  figure  de  sacrifice;  que  ce 
n'est  [loinl  ainsi  (luc  l'a  entendu  le  concile 
de  Trente.  En  effet,  ce  concile  a  évidemment 
fondé  la  notion  du  sacrifice  sur  !e  dogme 
de  la  présence  réelle  ,  sess.  22,  c.  1  et  2;  et 
au  mol  Elchaiust  E ,  §  o  ,  nous  avons  fait 
voir  que  celte  notion  ne  peut  pas  être  fondée 
autrement.  C'est  une  des  principales  raisons 
qui  (ml  attiré  à  Le  Courrayer  sa  condimna- 
lion  prononcée  parle  clergé  de  France,  et 
api'roiivée  par  le  souverain  pontife. — Quand 
ce  critique  ;ijoute  qu'il  n'esl  pas  nécessaire 
qu'un  liomme  soit  prêtre  pour  pouvoir  être 
ordoimé  cvéque,  (ju'on  ne  le  pense  pas,  mê- 
me dans  l'Kglise  romaine  ,  il  se  trompe  en- 
core; le  Sentiment  rontraire  a  été  condamné, 
comme  nous  l'avons  oliservé  ailleurs.  Voij. 
KvÊguK.  —  il  avoue,  c.  3,  §  16,  ((ue  le  rituel 
d'Edouard  Vi  n  reçu  du  roi  toute  la  s.inction 
cl  toute  l'auiorité  i|u'il  a  pu  avoir;  que  les 
évêiueset  les  iliéologens,  cliargés  de  le  ré- 
diger, n'ont  été  que  les  mandataires  cl  les 
députés  du  roi  ;  que  l'on  ne  reconnaît  en  An- 
gleterre point  O'autre  source  de  l'autorité 
ecclésiasli(|ue. 

De  Inul  cela  il  résulte  que  l'Iîglise  ro- 
maine est  Irés-bieii  fondée  à  regarder  les  or- 
dinations anglicanes  comme  al>soluMient  nul- 
les, et  ù  réuidouucr  ceux  qui  ont  éié  ainsi 


promus  au  sacerdoce  ou  à  l'épiscopat,  lors- 
qu'ils rentrent  dans  le  sein  de  l'Eglise. 

Le  même  auteur  soutient,  contre  Le  Cour- 
rayer, que  si  les  évêquos  d'Anirlelerro  sont 
ordonnés  ralidement,  ils  le  sont  légiiimement, 
et  qu'ils  ont  droit  d'exercor  leurs  fonctions, 
malgré  les  an.ilbèmes  de  l'Kg'isc  romaine; 
nous  n'.ivons  aucun  intérêt  d'i^^Murner  le- 
quel des  deux  a  raison.  Nous  verrons  ail- 
leurs les  autres  reproches  que  ce  criiique 
fait  contre  la  doctrine  (■allioli(iue  :  suivant  la 
coutume  de  tous  les  (iroiesliinls.  il  l,i  iléfi|îure 
pour  avoir  droit  de  la  censnr'r;  il  prend 
pour  doctrine  de  l'Eglise  les  o|)inions  parli- 
cnl  ères  des  lliéolo^iens  les  plus  décriés.  — 
Nous  avons  déjà  dit  que  la  liiurgi?  angl  cane 
se  trouve  d.ins  le  P.  Lebrun  ;  mais  elle  a  été 
clianL'ée  au  moins  quatre  fois  avant  d'être 
mise  dans  l'état  où  elle  i  st  aujourd'hui.  Oooi- 
que  l'on  en  ait  reiramhé  tout  ce  qui  pou- 
vait donner  l'idée  de  la  présence  réelle  de 
Jésus  -  Christ  dans  l'Eiucharistie  et  do  sa- 
crifice ,  elle  déplaît  encore  beaucoup  au^i 
puritains  ou  calvinistes  rigides.  —  L'arche- 
vêque de  Canlorbéry,  primat  d'Angleterre  , 
jouit  encore  de  la  même  juridiction  et  des 
mêmes  privilèges  dont  jouissaient  les  évê- 
ques  dans  le  xiii'  siècle  ;  mais  le  clergé 
anglican  ne  peut  faire  sur  la  doctrine,  sur 
les  mœurs,  sur  la  diseipline,  aucun  décret  , 
sans  commission  spéciale  du  roi  ,  et  ses  dé- 
crets n'ont  de  force  qu'autant  qu'ils  sont  eon- 
firmés  par  l'anlorilé  royale.  Les  fonctions 
des  évêques  sont  de  prêcher,  de  donner  la 
confirmation  et  les  ordres  ;  celles  des  rec- 
teurs de  paroisse  ou  des  curés,  sont  de  prê- 
cher, de  baptiser,  de  marier,  d'enterrer  les 
morts.  Les  trois  dernières  fonctions  se  paient 
très-chèrement,  et  tous  les  Anglais,  sans  dis- 
tinction de  religion,  y  sont  assujettis;  mais 
en  général  le  clergé  est  très-peu  respecté  en 
Angleterre  (1). 

Vu  l'indifférence  que  les  anglicans  affec- 
tent pour  le  dogme,  on  ne  doil  pas  être  sur- 
pris du  peu  de  zèle  qu'ils  ont  pour  la  con- 
version des  infidèles  ;  ils  ont  même  souvent 
tourné  en  ridicule  celui  de  nos  missionnai- 
res. La  religion  ne  leur  paraît  pas  une  affaire 
de  très-grande  importance,  et  c'est  pour  cela 
qu'ils  ont  été  tant  loués  par  nos  philosophes  ; 
la  plupart  de  leurs  théologiens  ont  passé  de 
l'arianisme  aux  opinion  dés  sociniens  (2). 

ANIMAUX.  Dieu  dit  à  l'homme  en  le 
créant  :  Domines  sur  les  poissons  de  ta  mer, 

(1)  L'indilTcrcnce  dnni  se  pl.iint  Dergier  a  fait 
place  chez  les  anglicans  i\  un  ccrl.iin  zèle  ponr  la 
prnpnsalinn  du  rhrisiianisme  ei  pour  les  études  ihéo- 
lo^ii|iies.  IJe  zcio  s'est  nianifeslé  par  de.  nninbreii.es 
lissdcialmns  piiiir  la  prope.;alinn  de  raiigllcaïusnie, 
el  p»r  inie  fnnle  de  Iraitiiclioiis  de  la  Rihie,  dont  les 
(•\iiripl:iires  ont  é  é  répandus  par  n)illions  sur  loiile 
la  surfice  iln  gtnhe.  (Vmj.  Ribliquf.s,  Sociéié^.)  L'c- 
iHiic  lies  sriciires  ecrlési:i«li(|iies  a  en  en  An^lelerre 
nn  grand  effel  en  faveur  du  calholieisiiie.  ellea  ramené 
:iii  ((iroM  de  t"l':!:iise  nne  nniliiiuilc  d'esprits  émiiients 
df;  l'l^liver^ilé  proiesianle  d'OxIord.  Votj.  Pitséijanif. 

(-2)  Nous  crONOiis  devoir  iMininer  ce.l  arli.  te  de 
nergier  par  !'.i|iprécianoii  (|iie  lail  de  VaiiiiHcnnUmê 
l'un  dos  orgiiies  les  plui  dévoués  à  celte   religioa. 


257  A  NI 

sur  les  oiseaux  du  ciel ,  et  sur  tous  les  ani- 
mai x  (jui  se  meuvent  sur  la  terre  (>î en .  i ,  'iS). 
Il  le  rép(Hc  à  Noé  après  le  déluge  :  Que  tous 
les  ANIMAUX,  vous  craignent  et  vous  redoutent 

Ces  pajes  onl  éié  dcriies  à  l'occasiuii  de  la  mort  de 
Mgi-  Allre,  archevêque  de  l'ur». 

«  (lue  la  iniirt  esl  glorieu-e  qiiaïKl  elle  est  la  ré- 
compense lie  la  verlii!  I.'licroïsme  est  vénéralile, 
lors  iiiéiiie  (|ii  il  est  siipeiMilieiix  :  le  raiiaiisme  est 
respi'iUible,  iiinniil  il  prouve  sa  siiicérilé  par  le 
sacrifice  île  sa  vie.  lin  lioiiinie  ipii  ni;  eriiil  à  rien, 
(|irr  pciil-il  faire  piiur  le  inoiule?  Un  lioinine  ipii  croit 
trop,  peut  au  moins  iiiiiiirir  pimr  sa  croyance.  iNe 
laissons  pis  une  lelic  aciinn  s'elFaci  r  ilii  miroir  ilii 
présent,  sans  l'ini, 'rimer  d.ins  la  niémnire.  Elle 
place  son  anteiir  parmi  les  Immines  qui  uni  liicii  mé- 
rité de  la  société.  C'est  une  goutte  de  msée  versée 
sur  le  sens  mural  desséché  ;  c'est  une  résurrection 
(le  rài;e  héroïque  dans  uu  siècle  de  ler.  Cei  honinie 
du  ni'piiis  était  dans  sou  ilevoir.  Qu'un  iirèlre  le- 
çoive  son  sahiire  on  qu'il  le  prenne,  c'est  chose  lui  l 
onlinaire;  uriis  ce  qui  est  moins  commun,  c'est  un 
prétie  qui  le  mérite.  Voici  un  évêque  qui  ne  se  liorne 
pas  à  préclier  i'Kvangile  de  paix,  mais  qui  de  plus  le 
pratique;  qui,  le  visuge  serein,  au  milieu  de  misé- 
raliles  altérés  de  sang,  lis  pres>e  d'uhéir  au  cnni- 
niandcmenl  nouveau  de  s'aimer  les  uns  les  antres  ; 
et  ijui,  dans  l'accoinplissemeiit  de  sa  grande  mission, 
celle  d'humaniser  le  monde,  lomhe  avec  plus  de 
gloire  que  le  guerrier  enseveli  dans  un  triomphe  en- 
sanglanté. 

<  Son  maître,  le  pape,  est  devenu  le  libéraieiir  de 
riialie.  Les  Juil's  eux  mêmes  onl  été  émancipés  à 
Koine.  Le  Pontile-Prince,  au  milieu  des  splendeurs 
de  sa  sonveraineié.  In. gai  sans  avarice,  dé^inléressé 
et  sobre  sans  ascétisme  et  sans  monieries  pliarisai- 
qu  s,  soulage  à  ses  propics  trais  les  n.>allieurs  de 
son  peuple,  ei  clierclie  à  légner  iioii-seulenient  en 
lialic,  mais  aiis^i  dans  nu  rnyaiime  qui  n'e>t  pas  de 
ce  momie,  non-soulenient  sur  des  contrées,  ni-'is 
au>si  sur  îles  cœurs.  Kn  Aniéi  iqiii',  ce  n'est  que  dans 
les  I  liapelles  eallioliqnes  qn  on  voit  le  inaiire  et  l'es- 
clave ^igenouillés  (ôlt;  à  coe  devant  le  même  autel. 
Kn  Irlande,  pendant  le  pins  fort  du  cliiiléia,  et  |ien- 
dant  la  iiériode  la  ilus  f.itale  de  la  lièvre  en;;cndrée 
par  la  laiiiine,  le-  piènes  cailioliqucs  étaient  là,  la 
fui  dans  un  œil  et  la  moit  d.ms  l'aiiire,  siiccomliani 
parceniaines  sous  le  Iléaii,  mais  lidéles  ei  pleinsd'ai'- 
denr  dans  r:icroiii  lissement  de  leurs  devons  envers 
le  pciiple.  Nou^  ne  nous  arrèurons  pas  à  demander 
quelles  prières  iU  récilaienl  ;  nous  n'examinerons 
pas  avec  curiosité  la  forme  de  leur  croy.inee  ni  la 
coupe  de  leur  phyUutère.  t.'esl  par  leur»  fruits  .|ue 
nous  vonlins  les  recomi.dire.  Qu'on  les  appelle  des 
lléréliqiies  idolàlres  et  siiperstiueux,  de  pernicieux 
desiruciciirs  dûmes;  pour  nous,  nous  les  v  yons 
rcspeetani  l'esclave,  consolant  le  mend.ani,  relevant 
le  cœur  lirisé  du  paysan  mourant  de  laini,  et  ga- 
gninl  à  la  boiiclie  du  canon,  au  indien  des  passions 
déchaînées  des  coinhatianls  féroces,  la  liénédieimn 
promise  il  ceux  qui  procurent  la  p;iix.  (le  n'est  pas  à 
celte  classe  île  piètres  que  nous  iniligerons  un  bUiine 
injurieux  (Pneu  irait,  iiitiiiiue  iacerUvlute);  non,  la 
nise  n'allronle  pas  si  aisément  le  choléra;  le  charla- 
tanisme se  tient  à  un  ;  distance  plus  respectueuse  de 
la  fièvre,  et  l'hypocnsie  fastueuse  se  trouve  plutôt  à 
la  lin  d'un  Icsiiii,  qu'an  coininenceinent  d'une  tnélée 
comme  celle  du  faubourg  Saint-Aulome. 

«  Kt  que  faisaient  nos  évéqiies  pendant  tout  ce 
temps?  Le  doyen  de  lléiélord  lut' ait  avec  le  docteur 
Ilampdcn  dans  l'aiéiie  des  cours  ecclésiastiques,  se 
diâpulaiit  avec  lui  sur  le  cadavre  de  leur  religion. 
S^apy  Snin,  U'Uxluid  (Soapy  savonneux,  sohriipiet 
d'un  évéque  anglican),  se  venge. lit  de  la  perle  de 
Caniorbery  en  faisaiii  des  discours  politiques  coiilre 


ANI 


U8 


(ix,2).Le  psalmisie  bénissait  Dinu  de  cet 
empire  qu'il  a  donné  à  l'Iioimne  sur  tous  les 
uni  naux  (Ps.  v;ii,  8).  Les  pliilusophi's  qui 
ont  ubservè  lu  nature  avec  un  sens  droit 

la  concession  des  droits  réclamés  en  faveur  des 
Juifs.  L'évèqiie  de  Londres  marchamiait  ses  baux 
dans  l'iccaddiy,  et  plusieurs  de  ses  Irès-révéremls 
frères  dans  le  Seigneur  inimraienl  en  odeur  de  sain- 
teté sur  les  plumes  de  leurs  palais,  laiss.int  apiésenx 
des  Inens  qui  s'élevaii'iii  en  mryeune  à  70,  OUO  liv. 
st.  (I,7..0,0ll.l  Ir  ).  L'archevê|ue  de  Paris  ne  lece- 
vait  que  l.iOU  liv.  st.  (environ  i8,0UJ  Ir.),  et  il 
déiien.sait  tout  pour  sa  reli;;ioii  et  pour  ses  fiéics. 
L'évoque  de  Londn-s  reçoit  :i,'),OUiJ  liv.  st.  par  a» 
(t)-2o,  00  1  11'.),  et  il  dépense  loin  [loiir  lui  et  sa  fa- 
mille. Dans  ses  tournées  de  conlirination,  il  fail 
payer  à  ses  piroi^siens  l'avoine  de  ses  chevaux,  il 
laisse  lairc  de  sa  cathédrale  et  de  son  ahliaye  des 
spect.icles  à  'i  pmce  ('20  centimes)  et  il  répand  de^  lar- 
mes de  crocodile  sur  le  dénûmeot  spirituel  de  sou 
diocèse,  uniquement  pour  vider  les  bourses  des  fidè- 
les et  pour  s'emparer  du  patronage  des  nouvelles 
succnrsMles. 

<  Quel  est  le  chef  de  la  croisade  contre  l'ivrogne- 
rie? nu  jirèlre  catholiiiue,  le  P.  Matthew.  Qui  a  don- 
né l'idée  et  pris  la  direction  du  comilé  saiiiiaire? 
Soiiiliwood  Suiiih,  le  prediciteur  unitairien.  Qui  a 
fondé  des  éc. îles  pour  les  enlanis  en  haillons?  les 
dissiilenis.  b'.igit-il  d'alfromer  la  fièvre  au  ciievet  du 
pauvre,  de  dissiper  l'ignorance  de  la  religion  d.ins 
les  hideux  repaires  du  vice  :  qui  ose  braver  le  Iléaii, 
s'exposer  au  danger?  Quel  évêque,  quel  recienr,  quel 
doyen,  quel  curé  de  l'église  de  l'Ltat  Irouvera-t-on  dans 
de  senililables  occasions?  Forcés  parla  chariié  active 
des  dissidents  à  proiluire  quelques  œuvres  chrétien- 
nes, ils  lont  souscrire  le  slupide  public  de  l'Eglise 
anglicane  à  de  misérables  salaires  accordés  à  ce  qu'on 
appelle  les  missionnaire,  de  la  cité,  et  ils  envoient 
ces  prédiciteiirs  laiipies,  comme  David  envoya  IJrie 
sur  le  champ  d.i  perd,  au  milieu  des  repaires  du 
ciiioe,  laiidis  qu'eux  ils  loin  leur  ronde  parmi  leurs 
paroissiens  d'élite,  exerçant  le  Lbri^tianisme  par  pio- 
cuiMtion,  rempl  ssant  en  personne  l'ofliee  de  prêtre 
et  de  lévite,  et  laissant  les  fondions  du  Saniantiin 
qui  leur  soiu  Imposées  à  quelqui;  iNathaniel  ulTainé  : 
celui  Cl,  avec  un  leveiiu  aiinuel  de  deux  jumeaux 
devri  évangeiisor  les  Stceii  Diuls,  èlre  le  rédempteur 
de  FLIU  Lune,  braver  le  typhus,  allronter  chaque 
jour  la  lièvre  scarlatine,  le  tu.il  pour  40  liv.  st.  par 
un  (1,000  fi.),  et  un  habit  nor  à  Moél,  si  l'on  e4 
comenl  de  ses  services.  Nousn'avions  jamais  eiilendu 
pailer  de  taxe  pour  1  Eglise  et  de  taxe  des  pauvres 
avant  le  prolesiantisme.  Qu.ind  l'Eslisc  papale  ré- 
gnait en  Angleterre,  elle  nourii.sait  ses  p.iuvres  «[ 
eiitrelenait  la  splendeur  de  ses  temples  avec  ses 
propres  revenus.  Examinez  1  histoire  des  missions 
iiisiitiiées  pour  èvangéliser  les  païens  et  porier  aux 
sauvages  les  bienfaits  de  la  civilisation.  Qmlssont 
le-i  faits  ipii  se  représenlenl  invananleinent  ?  Des 
piètres  caiholiqiies,  et  généralement  des  Jésuites, 
fiiienii  s  premiers  missionnaiies.  Après  eux  vien- 
nent des  piedicaieurs  iinii  cunlormisles,  et  l'Eglise 
anglicane  (orme  ïcnleineni  la  tardive  cl  boiteuse 
ainère-garde.  Dans  les  chambres  des  lords,  ce  sont 
les  voles  piépondéraiits  de  notie  banc  des  évcques 
qui  ont  mainleiin  l.i  traite  des  noirs  jusqu'à  ce  que 
le  torrent  de  l'oplnioa  publique  l'ciil  enfin  ren- 
versé.:. 

<  Pour  peu  que  l'on  soit  impartial,  quelle  autre 
cause  pourra-i-on  assigner  à  la  niauv.iise  adminis- 
tration de  l'Irlande,  que  l'oignedleuse  et  iniolérable 
duiuinalinii  protestante  que  nous  avons  usurpée?  el 
qu'est-ce  que  cette  doimnation  prolesianlc,  sinon 
la  propriété  exclusive  des  pains  el  des  poissons  que 
s'adjuge  l'établissement    protestant?     L'AngIcieii* 


S50 


ANI 


ANI 


260 


Bons  font  remarquer  que  cet  ordre  du  créa- 
teur s'exécute  sur  toute  la  face  du  globe.  Le 
très-g;rand  nombre  des  animaux  sont  doci- 
les, s'accoutument  aisément  avec  l'homme  , 

est  le  seul  Etat  civilisé  de  la  lerre  qui  n'ait  point  de 
système  national  d'éducation,  et  son  peu-de  périt 
dans  l'isnorance,  uniquement  à  cause  de  la  violence 
nvec  laquelle  le  clergé  s'oppuse  à  tous  les  plans  d'a- 
mélioration dans  l'enseignement.  Bii>n  plus,  il  a  été 
constaté  devant  la  commission  charitable  ,  en  beau- 
coup d'occasions,  que  leur  odieuie  rapacité  n'a  pas 
même  respecté  le  pairioti-me  généreux  des  parlicu- 
liers.  Institués  administrateurs  des  dotatiims  et  fon- 
dations bienfai-antes  d'éducation,  ils  en  ont  détourné 
les  fimils  et  se  sont  appropiié  les  revenus  destinés 
par  les  foiidaleurs  à  soulager  la  population  dans  son 
indigence  physique  et  intellecluelle;  ils  ont  tranquil- 
leiiieni  laissé  leur  inmpeau  dans  l'ignorance  ei  dans 
la  misère,  tandis  qu'ils  empochaient  les  sommes  des- 
tinées à  guérir  celte  dcuible  plaie.  L'Eglise  Me  l'I^tat 
a  éié  mise  dans  la  balance,  et  l'opinion  publique  l'a 
depuis  longtemps  jugée  trop  légère.  Combien  de 
tehips  soulfrira-t  on  qu'elle  encombre  le  sol?  Elle 
reçoit  plus  que  tomes  les  hiérarchies  de  toutes  les 
croyiincts  de  l'Europe.  Qu'a-i-clle  fait  pour  son  ar- 
gent? Souinies-nons  plus  religieux  que  nos  voisins? 
N'esl-il  pas  notoire  que  la  majcirilé  de  la  population 
est  irréligieuse,  ce  qui  est  dû  en  grande  partie  i»  la 
vie  que  mène  le  clergé  de  l'iitat?  Sommes- nous  plus 
vertueux?  au  contraire.  Les  crimes  de  l'Angleterre 
surpassent  proportionnellement  au  moins  du  moiiié 
ceux  que  présenienl  les  divers  pays  catholiques  de 
l'Europe.  Sommes-nous  plus  intelligents?  11  n'est  que 
tropcertain  ipi'à  très-peu  d'exceptions  près,  noiie  po- 
pulation olfre  un  moindre  nombre  d'individus  sachant 
lire  et  éi  lire  que  toutes  les  autres  nations  civlli^écs. 
liitei  rogeons  le  10  avril,  les  maismis  de  pauvres  tou- 
tes remplies,  les  assemblées  de  Conjédernlion  et  de 
Conciliation  llall. 

«  A  quoi  donc  a  servi  l'Eglise  de  l'Etal?  Quels 
fruits  a-i-elle  portés?  Quel  bien  a-t-elle  lait?  Quel 
mal  a  l-elle  détourné?  Esi-ce  donc  un  simple  patri- 
moine qu'il  convient  de  déliiiir  non  par  ses  devoirs, 
ses  travaux,  ses  charges  puliliques,  mais  par  ses  re- 
venus, ses  bénélices,  ses  dîmes,  ses  iiffrandes,  ses 
prcseuls,  ses  lionoraiics,  ses  pourboires?  Comliien 
de  temps  cette  monstiueuse  imposture  mangera-t-elle 
le  pain  de  l.i  paresse  et  recevra-t-elle  le  salaire  de 
l'ini(|nité?  Quand  liiiira  celte  duperie  solennelle, 
cette  religieuse  inutilité,  cette  futilité  sociale,  cette 
orgucilleiisc,  celle  vaine  cl  bruyanie  parade,  affairée 
aux  éleriions,  sévère  au  II  ibnnal  pour  garder  le  gi- 
bier, mais  peu  soucieuse  de  sauver  les  âmes,  cou- 
rant à  la  pisie  des  riclies,  mais  né^ligcml  le  soin  des 
pauvres.  Jamais  on  n'a  vu  dans  l'iiisloire  des  gou- 
verncmenls  nu  renversement  aussi  complet  de  loul 
<  e  <|ii'iinc  institution  doit  être,  jamais  une  aussi 
éclataïUe  nécessité  de  soustraire  à  tous  les  regards 
le  plus  prompteineni  possible,  dans  l'intérêt  du  lion 
sens  et  pour  l'honneur  de  la  naiion,  une  semblable 
personnilicalion  d'hypocrisie   pharisaiipie. 

«  Ennemi  de  loul  progrès  et  de  toute  améliora- 
tion, ub^lada  au  développemeiil  de  l'éducaticm  et 
de  la  léloruie,  arc-bmitanl  du  tous  les  abus  privilé- 
giés, partisan  de  la  tyrannie,  ailversairc  décidé  do 
toute  extension  de  l'esprit  de  liberté,  de  tout  dévc- 
loppeniciil  Social  smis  quelque  forme  que  ce  soit,  el 
du  toute  cs|icce  de  dmils  liumains,  i|ue  pcul-on  luire 
d'un  lui  Iléau,  sinon  l'anéantir?  El  que  mérite  luic 
semblable  institution,  sinon  d'être  arrachée  comme 
une  herbe  pe^tilunlicllu  du  chani|i  de  l'bisloire  hu- 
maine? Considéréu  un  elle-même,  la  charge  pasto- 
rale, la  mission  cléiicale  csl  un  dus  plus  grands 
traits  sociaux  el  politiques  du  chrisliani^nic.  Kéunir 
dans  un  empire  une  société  d'hommes   bien  éh  vgs. 


semblent  souvent  rechercher  sa  compagnie 
et  implorer  sa  proleclion  ;  les  autres   fuient 
devant  lui  ,  ils  ne  l'attaquent  point,  à  moins 
que  des  besoins  extrêmes  ne  les  jettent,  pour 
ainsi  dire,  hors  de  leur  naturel.  L'éléphant, 
tout  monstrueux  qu'il  est,  se  laisse  conduire 
par  un  etifant;  le  lion  s'éloigne  de  tous  les 
lieux  habités  par  les  hommes  ,   et  l'immense 
baleine  ,  au  milieu  de  son  élément,  tremble 
et    fuit  devant   le  petit   canot  d'un   Lapoa 
Elud.  de  la  Nnt.,  t.  Il,  pag.  239,  clc. 
Boileau  a  pu  douter,  eu  plaisantant. 
Si,  vers  les  antres  sounls. 
L'ours  a  peur  lin  iiassanl,  on  le  passant  de  l'ours, 
El  §i,  sur   nii  édil  des  pùlres  (le  Nubie, 
Les  lions  de  lîarea  videraient  la  Liliye. 

L'ours  n'attaque  jamais  le  passant,  à  moins 
qu'il  ne  soit  provoqué,  ou  qu'il  ne  craigne 
pour  ses  petits;  el  si  les  déserts  de  Rarca 
pouvaient  être  habités  par  des  hommes,  les 
lions  n'y  demeureraient  pas  longtemps.  Mais 
nos  philosophes  incrédules  nous  objectent 
fort  sérieusement  que  cet  empire  prétendu 
de  l'homiDC  sur  les  animaux  est  chimérique  : 
le  requin,  disent-ils,  entïloulit  le  matelot 
qui  tremble  à  sa  vue;  le  crocodile  dévore  le 
vil  Egyptien  qui  l'adore;  toute  la  nature  in- 
sulte à  la  majesté  de  l'homme.  Les  manichéens 
faisaient  déjà  cette  objection.  Saint  Augus- 

verlueiix,  capables,  désintéressés,  pour  enseigner 
conlinuelleiiienl  an  peuple  ses  devoirs,  pour  lui  (aire 
connaître  la  morale,  pcnir  lui  apprendre  auiaiit  par 
des  exemples  que  par  des  leçons,  les  principes  de  la 
vertu  appliqués  à  la  vie  de  chaque  jour,  c'e^t  assu- 
réaient  poser  le  l'ondeme'it  le  plus  solide  il'nn  bon 
gouvorneinent  et  de  la  félicité  des  peuples.  Mais  sur 
les  16,000  sermons  prêches  chaque  semaine  du  haut 
des  chaires  piotcstaiiles  sur  les  sujets  les  plus  inié- 
ressanis  pour  le  cœur  humain,  les  plus  attrayants 
pour  l'esprit,  el  de  la  plus  haute  importance  pour  la 
vie  intime  de  l'homme,  combien  y  en  a  t-il  qui  ser- 
vent il  qnehpie  chose,  si  ce  n'est  à  faire  trop  l.lléra- 
lemeiit  du  dimanche  nu  jour  de  repos,  en  procu- 
rant un  profond  el  conlorlable  sommeil  à  des  parois- 
siens somnolents?  Combien  y  en  a-l-il  qui  soient 
écrits  en  rhélorique  passable  ?  (^oinbieu  y  a-t-il 
de  piirases  ipii  valent  la  peine  (pi'oii  se  les  rappelle 
une  heure  api  es  les   avoir  entendues? 

t  Si  la  religion  esi  une  chose  bonne,  sommes-nous 
religieux?  Si  le  christianisme  est  précieux,  sommes- 
nous  chrétiens?  Où  est  le  minisire  qu'ace  mpagnent 
au  tomîleau  les  larmes  des  pauvres?  Quel  est  l'évê- 
que  qui  menrleiiiouré  'les  regrets  el  de  la  véoéraliou 
(le  son  pays?  Les  augures,  ses  confrères,  cuiivoilent 
aviJeineiil  su  dépouille ,  et  avant  que  le  ilcrnier 
souille  n'ait  abandonné  son  corps,  ils  as-iègeiil  D.p\v- 
ning-slreei  pour  solliciter  sa  pl.ice.  Oxiord,  llcre- 
ford,  Exeier,  que  dir(m-.-uous  do  ceux-là,  si  nous  les 
rapprochons  du  semiou  sur  la  uMiiitague?  Le  pays 
demande  ù  l'Eglise  :  Cun,  où  est  ton  frère?  Et  ceile 
Eglise  visiblement  établie  dans  le  seul  but  d'elcvcr, 
d'instruire,  de  spiriiiialiscr  le  peuple,  cette  Egbse 
qui  reçoit  d'énormes  nveniis  pour  taire  du  peuple 
un  peuple  spécial  rempli  de  ièle  pour  les  bonnes  œu- 
vres (Epit.  à  Tue,  u  ,  14),  cciic  Eglise,  destinée  à 
former  le  cœur  aux  habitudes  de  la  veilu  et  à  év.au- 
géliser  lésâmes,  celie  Eglise  qui,  lorsqu'elle  ne  l'ait 
pas  ces  choses,  ne  fait  rien,  n'est  rien,  est  moins 
que  rien,  ou  n'esl  plus  qu'un  simple  syphou  à  boire 
cl  à  manger,  iinu  outre  remplie  de  venl  ;  celte  Eglise 
euhu  ne  peut  donner  que  celle  triste  réponse  :  Vrai- 
raeni,  je  n'en  sais  rien;  suis-je  le  gardien  do  mon 
Irîirc'  . 


961 


ANI 


tin,  1.  I  de  Gen.,  c.  18.  —  Cela  prouve  seule- 
ment que  le  roi  de  la  nature  trouve  quelque- 
fois des  rebelles  parmi  sessujels;  mais  il  ne 
s'ensuit  pas  de  là  que  sa  ilominalion  soit  in- 
juste ou  chimérique.  Pour  un  matelot  en- 
glouti par  les  requins,  il  y  a  mille  requins 
harponnés  par  les  hommes;  pour  un  égyp- 
tien dévoré  par  les  crocodiles,  il  y  a  milli;  cro- 
codiles éveiilrés  par  les  Egypiiens.  L'empire 
de  l'homme  sur  les  animaux  n'est  point  illi- 
mité ni  alTranchi  des  régies  de  la  prudence  ; 
lorsque  les  forces  lui  man(|uent,  l'industrie 
y  supi)lée  et  le  rend  enfin  le  maître.  La  féro- 
cité de  plusieurs  animaux  est  une  des  raisons 
qui  forcent  les  hommes  à  se  rassembler  et  à 
vivre  en  société. 

D'autres  ont  prétendu,  avec  aussi  peu  de 
raison,  que  l'Ecriture  sainte  semble  attri- 
buer aux  animaux  de  l'intelligence,  de  la 
réflexion,  et  les  mettre  an  niveau  de  l'homme. 
Gtn.,  i\,  5,  Dieu  dit  à  Noé  et  à  ses  enfants  : 
Je  vengerai  voire  sang  sur  tous  les  aniuaux 
et  sur  l'homtne  qui  l'aura  répandu;  vers.  9  .• 
Je  vais  faire  alliance  avec  vous  et  avec  les  ani- 
maux. Mais  le  verset  5  est  plus  clair  dans  le 
texte  samaritain;  ily  a:  Jeredemunderai votre 
sang  à  la  main  de  lout  vivant,  de  tout  homme, 
etc.  Il  n'est  pas  question  là  des  animaux.  On 
sait  que  dans  l'Eeriture  sainte  le  mut  alliance 
signifie  souvent  une  simple  promesse  :  Dieu 
promet,  v.  9  et  suiv.,  de  ne  plus  détruire 
les  hommes  ni  les  animaux  par  un  délu;:e 
universel.  C'est  à  quoi  se  borne  cette  al- 
liance. 

A  la  vérité,  la  plupart  des  peuples  ont  été 
dans  la  fausse  persuasion  que  les  animaux 
ont  une  âme  intelligente  et  raisonnable, 
qu'ils  ont  même  plus  de  prévoyance  et  de 
sagacité  que  l'homme,  et  qu'ils  connaissent 
l'avenir;  plusieurs  philosophes  en  ont  eu 
cette  opinion.  Ceisc  soutient  fort  sérieuse- 
ment que  les  animaiix  ont  plus  de  raison, 
plus  de  sagesse,  plus  de  vertu  que  l'homme, 
et  sont  dans  un  commerce  plus  intime  avec 
la  Divinité.  Dans  Origèiie,  I.  iv,  n.  88.  De  là 
«•st  venu  le  culte  que  les  Egyptiens  rendaient 
à  plusieurs  espèces  d'animaux.  —  Mais  les 
adorateurs  du  vrai  Dieu  n'ont  jamais  adopté 
cette  erreur,  et  l'Ecriture  sainte  n'y  donne 
aucun  lieu;  elle  mit  une  dilTerence  trop 
marquée  entre  l'homme  et  les  animaux,  pour 
que  l'on  ait  pu  s'y  tromper.  Voy.  Ame. 
Comme  nous  sommes  éclairés  par  la  révéla- 
tion, il  nous  semble  qu'il  n'y  avait  rien  de 
si  aisé  que  de  prévenir  toute  illusion  sur  ce 
point  essentiel;  mais  enfin  les  philosojjhes 
n'étaient  pas  slupides,  et  ce[)endaiil  ils  pen- 
saient comme  le  peuple,  et  comme  font  en- 
core aujourd'hui  les  Nègres  cl  les  Sauvages. 
Nous  ne  devons  donc  pas  attribuer  à  une 
supériorité  de  raison  naturelle  les  réflexions 
que  nous  faisons  sur  ce  sujet,  et  par  les- 
quelles nous  démontrons  la  diUérence  infinie 
qu'il  y  a  entre  l'homme  et  les  brutes. 

Les  Egyptiens  rendaient  un  culte  religieux 
à  plusieurs  espèces  d'animaux,  parce  qu'ils 
les  supposaient  animés  par  un  dieu,  par  un 
génie  bienfaisant,  ou  par  un  esprit  redou- 
table;  ils   les  consultaient  pour  connaître 


ANI  862 

l'avenir.  Les  Grecs  consacrèrent  anx  dieux 
certains  animaux,  par  des  raisons  bizarres. 
Les  Uomains  n'entreprenaiint  aucune  expé- 
dition sans  avoir  consulté  le  vol  des  "iseaux 
ou  l'appétit  des  poulets  sacrés.  Pendant 
qu'ils  donnaient  les  invalides  aux  animaux 
qui  leur  avaient  rendu  de  bons  services,  ils 
faisaient,  pour  leur  plaisir,  couib.iltre  des 
hommes  contre  des  animaux  féroces,  et  ils 
se  jouaient  de  la  vie  des  esclaves.  Telle  a 
été  la  démenée  des  peuples  qui  ont  été  re- 
gardés comme  les  plus  sages  (1). 

(I)  Lesniatérialisies  ontcherclié  de  nouveau  entre 
l'hiniinie  et  l;i  béte  des  termes  de  similitudes,  pour 
conclure  qu'ils  él.iient  de  même  iiauire.  Nous  allons 
montrer  l'ininiense  tlisproporlion  (|(ii  se  trouve  entre 
les  ;inim;iiix  et  l'Iinmme.  La  grande  dilléreii'je  se 
tire  de  l'intelligenceoude  la  sponlnnéué.  Or  l'Iiomme 
est  intelligent ,  à  l'exclusion  des  animaux  (|tii  pro- 
duisent lies  actes  qui  paraissent  spontanés  et  le  iriiit 
de  la  réllexioi),  [Lirie  que  de  tels  actes  qui  sont  in- 
variablement les  mêmes,  si  on  les  considère  sub- 
stantiellement ,  ne  sont  que  les  elléts  d'appéliis  ou 
d'instincts  relatifs  aux  diver-es  espèces.  Mous  disons 
que  pour  bien  apprécier  la  cause  purement  instin- 
ctive des  actes  ciiez  les  animaux  ,  il  laiit  considérer 
ces  actes  subslaiiltellemeiu  ,  c'est-à-dire  diins  leur 
principe  secondaire,  (pii  n'est  autre  cliose  que  le 
bien-èlre  physique.  Sous  la  direction  de  l'Iiomme  , 
les  animaux  paraissent  agir  contre  leursappétits  par 
suite  de  rappiivoiseineiit,  de  la  domesliciié,  et  dans 
ces  élais  d'une  éducation  spéciale;  mais  dans  tous  les 
cas  ils  ne  Sont  vérilablemeiit  mus  que  par  des  ap- 
pétits plus  impérieux  ,  ou  par  des  besoins  que  l'on 
lait  iiaiirc  en  eux  pour  les  satislaire ,  après  avoir 
exigé  d'eux  des  exercices  pénibles  et  peu  coiil'oriiies 
ou  coiilraires  à  leurs  lialiitudes.  iM.  Frédéric  Cuvier 
a  reciiniiu,  d'après  de  nombreuses  expéiiences  fai- 
tes principalement  à  la  Ménagerie  de  nnire  Jardin- 
des-Plaiiles,  que  les  moyens  les  plus  puissants  pour 
arriver  à  rapprivoisement  et  à  une  éducation  quel- 
conque des  animaux  smit  l;i  faim  et  la  veille  forcée. 
L'homme  excite  ainsi  les  besoius  les  plus  impérieux 
de  l'nnimal  pour  les  sulislaire  ensuite,  et  liioinphe 
par  là  même  de  la  violente  du  tigre  et  de  la  féio- 
cile  de  l'hyéiie.  Ces  nmyens,  applnpiés  à  un  animal 
Solitaiie,  n'en  font  eiicire  qu'nu  animal  appiivoisé; 
mais  applii|U(  s  à  un  animal  sociable,  ils  m  loiit  un 
animal  dcimesliipie,  dont  la  race  est  consliluue  par 
le  l:iit  de  la  tiaiis'missinn,  d'une  géijér;iiioii  à  une 
autre,  des  nuidilicaiions  acquises  sous  l'inlluence  Iju- 
niaine.  (J'est  en  faisant  naître  de  uuuveaux  appétits 
dans  les  animaux  domestiques  ,  pour  se  donner  à 
leurs  yeux  le  mérite  de  les  satisfaire  ,  qu'on  obtient 
d'eux  de  pénibles  etlints  qui  queiquelois  seinldent 
èlreks  fnillsil'uiie  noble  passion,  telle  que  la  gloire, 
la  générosité  ,  etc.  Voici  ce  que  dit  M.  tidouard  Al- 
letz  (Eisui  sur  l'homme,  ou  accoiU  de  lu  philosophie 
et  de  la  reHijion,  sect.  1,  livre  m,  ch.  5)  sur  les  che- 
vaux du  Corso,  à  Itome  :  t  leuis  cavaliers  ont  épe- 
roimé  leurs  lianes  pour  accélérer  leur  vitesse ,  et 
ont  eu  soin  de  ménager  une  sensalion  de  plaisir  à 
celui  qui  alleignait  le  premier  l'exirémilé  de  la  car- 
rière ,  soit  en  lui  passant  légèrement  sur  la  crinière 
une  main  caressanie  ,  soit  en  lui  faisant  offrir  un 
aliment  préféré.  Punissant ,  au  contraire ,  par  une 
impression  opposce  ,  le  cheval  le  plus  lardif,  ils  ont 
joint  ainsi  le  plaisir  à  la  rapidilé  et  la  souffrance  à 
la  lenteur.  Ces  impressiims  devaient  être  réveillées 
par  les  mêmes  circonstances  qui  les  ont  fait  nuîire; 
l'animal,  conduit  instinctivement  à  chercher  le  plai- 
sir et  à  éviter  la  douleur  dont  l'image  s'offre  à  lui  en 
réaliié  ou  par  le  souvenir  ,  s'élame  dans  l.i  carrière 
au  jour  Jixé  pour  la  course  publique  ;  el,  tandis  que 
tous  les  spectateurs  étonnés  admirent  ces  coursiers, 


Î65 


ANI 


AM 


toi 


celle  disliuclion?  Elle    esl  aussi   ancienne 


que  le  mon.le,  puisqu'elle  se  Iroove  déjà  ob- 
servée  par  Noé,  dans  le  choix  qu  il  fil  des 


,„-,  .e....le.uin,pa,,ents  de  gloire  et  -ides  des^^suf.^ 

frage.    e  b  foule      «^^f;-',,,^  ,onle  qui,   f.appée 
liisliMClil,  et  couri  coiiimc  ressort  ou    a  ele 

repou«c  en  elle  con  u  ^^_^^  .,^^  ^„„j,„i,  . 

libres  -,  ' ',.f„.,^3o,"réve>llée  e,.  eux-iuiles  puus- 

EH?    !^-"-"--'rTr 

suncis  ei  les  appéms  q;nl  i.e=t  pas  '"^'^  ^^J^^J  \ 

pas?  Le  p:.>.ir  ne  peui  èi-e  le  l""',':'l»^,j'=  '  •'.^  ;„,a, 
nar  son  Drimine  :>cli   d'ii;iellecuon  ,  q»i  le  rend  in 

quM   nous  est  i.nposs.ble  ;"'!'"«'-'„l';''  "  ^^PJvxa 
alvéoles  l.evaiiouales  cle^  abeilles,  H  imiiortc  U  exa 
n.më;  fci  M  c'est  eu  venu  de  leui-  ...lelhgence  ou  par 
riinmiljion  de  leurs  instiiicls.  ...        , 

'  "u    a  b^ucou?  discuté  sur  Tàme  des  beies  depuis 
Descuies   qui  les  refeardailcou.u.e  de  pur.  auloiua- 
fe?  B  !i  M.     sans  aller  aussi  lo  n  que  Descaries  ,  rc- 
*  ai  tussi   louie  .nlelbgencc  aux  a.mnaux  :  ce 
ue  ces  deux  grands  l.ounnes  i.-apercev..ienl  pa>    a 
le  qui    epâre  rinlelLgeuce  de  rnuum.e  de  celle 
de    an.  naux    Coudul.c  et  G.  Uroy,  au  contra  re, 
alÛibuaieul  aux  anuuaux  des  o,iéralu,ns   mlellce- 
tle;ii^.ès-élevees,p.urnepasay.urt^suug^^ 
iMuile  qui  s.  pare  l'instuicl  de  I  luiebige  ce.  Il  y  a  en 
Tt  Cl 'e.  le'auiuiaux  .   -•-''-,«='•-'    :;''','|';:,1,,';- 
lelhKence  et  instinct  tout  a  la  lois,  mais  ilMliaii, 
Sur  1  're  la  pari  de  luneel  de  l'au.re,  des  données 
'pœuucres  lomlees  ^ur  de  n„u,breuses  ol,ser^;,t,ou 
cl  sur  des  inductions  .nm.édiate.  et  r.guu.eus.s    11 
fallait,  après  avoir  élinlié  a..al.uiii.iuen.ent  et  zuolo- 
gi ÏÏcmeùt  les  diverses  parliez  des  au.inaux.  el  sur- 
l„ul   leur  syslèuie  nerveux   cimpaie,    «scn.iNcer 
liaus  le.  lio.=,  coiunic  dit  Leroy,  pour  sunre  les  al- 
lures de  ce.  êtres  .eulauts,  ju«e.  des  developpeu.euis 
et  des  ellels  de  leur  lieulie  de  seniir,  et  voir  >oin- 
n.eni,  par  Taciiou  repé.èede  la  sel.^atHln  et  de  I  exer- 
cice ùe  la  mémoire,  leur  in.tinct  s  cle»e  ju.-iu  a  1  m- 
tell.gence.  .  \  lallm,  eu  un  mot,  que  1  on  converi.l 
en  science  positive  reiude  de.  in.iiucts  e,  de  l  intel- 
l.gei.ce  des    aui.n.inv  ,    commencée  par    bullu  >  el 
héanmur.el  continuée  p..r  Leroy  et  par  les  dei^x 
ïuber.  Or,  cest  ce  qu'ont  lait  dans  ces  derme,  s  lenips 
MM    Ficdeuc  Cuvier  el  Fiourens,  niembies  de  I  a- 
cadémie    des    Sciences  [  V.,ir  le  ^-'o-M"*  rm'"  J«« 
teintes  de  l'académie  des  bciences,  avril  1841)  .  le 
nreimer  de  ces  savants  a  fourni  les  observalions,  le 
second  y  a  joint  les  iiiduclioiis  qui  en  Iixeiil  les  ca- 
la) Nous  ue  garantissons  en  aucune  façon  celle  oxpU 
eati'ju  du  mouvemeDl. 


raclères.  M.  Flonrens  («^s«m^  analytique  des  obter- 
vaiions  de  M.  Frédéric  Covier  sur  rm^ijnct  el  Cmlel- 
ligence  des  animaux),  après  avoir  rcliite  les  assenions 
de  Descaries,  de  Buffon,  de  Couddlae,  et  refuie  les 
erremsdeRé.umurel  de  Le.oy.  annonce  que  •M.»'. 
Cuvier  s'est  aitaclié  à  clierclier  des  faits  et  des  limi- 
tes. Le  premier  lé.ullal  de  ses  observations  marque 
les  limi'e^  de  finlelligence  dans  les  différents  ordres 
des  m;,mmi!ères  :  l'oiaui;-outang  esl  celui  qui  en  a 
le  plus,  mais  cet  animal  même  n'a  mme  celle  iniel- 
iseuee  une  d.ns  le  j.uue  âge,  el  elle  .leer..ii  a  me- 
sure que  le.  forces  sa.  croissent.  Oudoilcnncl  rede 
la  oue  l'animal,  consiilérécmme  eire  perfeciible,  a 
sa  borne  inarquée  ,  mm-sculemei.l  comme  espèce  , 
mais  aussi  comme  individu.  M,  envier  cl.erclie  en- 
suite  la  limite  qui  répare  l'instinct  de  I  inielligence, 
el  c'est  pariiculicrenient  sur   le  c.stor  que  p/u lent 
ses  observations.  Cet  anim.l  est  un  m.mm.fere  de 
Poidre  des  rongeurs,  c'esl-adoe  de  celui  ou  .1  y  a 
le  moins  d'intelligence;   mais  il  a   on  iiislincliner- 
veilleux  que  loui  le  mm.deconiiait,  punr  exercerune 
industrie  qui,  si  elle  dépendait  de  I  iniel.igeuce .  en 
supposerait  une  irés-élevée.  Le  point  essemiel  eia.t 
doue  de  prouver  qu'elle  n'en  dépend  pas,  el  c  esl  ce 
Qu'a  fait  M.  Cuvier.  Il  a  eideime  .laiis  une  cage  des 
castors  tièHeunes.  pour  qu'ils  n'eussent  pas  besoin 
de  bâur;  cependani  ils  ont  Lan,   pousses  par  un 
aveugle  in.linct.  Il  e.l   bien  reconnu  .d  ..près  des 
expcnences  décisives,  que  tout  ce  qui  dans  1  ..nima 
paraiss..iisupe.ienrà  l'intelligence  de  liommen  est 
qu'une  force   macbinale  anaU.gue  a  celle. le  I  orga- 
nisme elqueloutcequicliez  lui  esl  eleclif  eldcpeii- 
danld;  l'intelligeneee^l  l.è.-éb.iiii.é  de  l'inlelliBence 
de  l'nomme,  el  a  loujo.irs  avec  le  pur  msiinct  une 
connexinn  plus  ou  moins  éloignée. 

Lulin  M.  Cuvier  a  |io.e  la  limite  qui  sépare  1  mlel- 
lige.ite  de  l'iiommc  de  celle  des  ;.nimaux.  Ceux-ci 
reçoivent  par  leurs  sens  .les   iinpresions  dont  ils 
conservent   les  l. aces;   ces  imprcs-ions  combinées 
luimeni  des  as.ociali  i.s  variées  dunl  ils  tireiil  des 
rapiio.ts  imur  fonder  de,  jngcmcnis  louclianl  la  sa- 
lislaction  de  leurs  apiiciiis.  Mais  inuteleu.  .me  :genco 
se  reduii  la,  elle  ne  s'élève  pas  jiisqu  a  la  rellexion. 
C  lie  de  l'iiumme,  £U  contraire,  se  développe  imie- 
liniment  en  delmis  do  tout  appeiil,  eu  vertu  d  un 
ni  iiicipe  sponla.ié  prop.cnient  dil  ;  elle  considère  les 
autres  éires  sons  burs  divers  rapports  ,  surtout  e.le 
se  connaît  cl  se  ré.'.éebil  sur  ellemème.  C'e.l  dans 
celte  rélleMon  de  l'ame  humaine   sur  ses   p.opre» 
onéiali.ms  que  M.  Cuvier  voil  une  limite  .ufrancliis- 
sibiceuiie  l'inlelligeiicede  rbnmnie  et  celle  des  ani- 
niauv.  lleiveuus  avait  d.t  que  I  boimne  ue  devait  qu  il 
ses  niain^  sa  .upeiuT  le  sur  les  Ic'.cj  ;  iM.  Uuvier 
m.mtie     par  l'ex.ni|le  du  plio.iue  que   du  cerveau 
.eul  dépeiid  le  .léveLippeinenlcIelinielligence.  .M. de 
Dl  .i.ivido  a   réi.cié  bien  .les  fuis  dans  ses  rui-rs  que 
l'es  m.insde  l'Homme  sonl  non  la  tiaduclmn  ,    mais 
le.  Muiple.  in.irumeul.  de  sou  intelligence. 

Li  ■■la.lilion  ob-ervée  dans  l'intelligence  des  ani- 
,,.,ux''elCnnlMn.ee  par  I..  pbysndugie  cl  l'analom.e: 
elle  dé,.cnd  du  de.eloppen.cni  graduel  du  cerveau 
Il  e.t  lecounnque  l'o.ang-ouiang  ,  qui  ressemble  la 
nlus  à  l'nomme,  est  an..i  celui  .le  lous  es  animaux 
La  lo  "1"*  d'intelligence.  Mais  .pielle  dillere.ice 
daii^  le  dcveloppemeiil  même  du  cervcu  entre  I  uoin- 
.nc  et  cet  animal.  Feu  .M.  Geolfroy  bainl-llila.re  no 
ueul  paraître  suspecl  eu  cette  malicie  ;  i  avait  ap- 
pa  le  m  à  l'école  de  Lamarck,  qu.  la^ail  de  I  liomino 
'un  animal  perleclionnc  par  des  transformation,  suc- 
cessives ,  Cl  soutint  loujours  lui-men.ele  syMeme  de 
îa  varnibiliu!  de.  espèces,  même  depuis  la  decoii- 
vxrle  des  laits  si  déci.ils  de  l'embryogénie  conipa- 
■ée  Touleluis,  après  av.dr  ir.ice  le.  caiacie.cs  ana- 
loniiques  du  dèveloppemenl  de  la  tète  eu  sens  lUTcrse 


2(;e  ANi 

animniix  qui  devaient  entrer  dans  l'arche 
{Gni.,  VII,  i).  Dans  les  climats  pins  chauds 
(lue  II'  nôtre,  l'usage  trop  rici|uent  ou  ex- 
cessif de  la  chair  des  nn/miux cause  ii[f,iilli- 
blcment  des  maladies,  rt  il  vn  est  iiliisieurs 
dont  il  faut  s'alislenir  enlièreineiil.  Coinnie 
les  hommes  ont  offert  de  tout  lenips  à  Diou 
les  aliuKMits  dont  ils  se  nourrissaient,  ils  ont 
jugé  qu'il  ne  convenait  pas  d'olTrir  à  la 
Divinité  des  chairs  dont  ils  ne  iiouvaient 
pas  se  nourrir,  el  pour  lesquelles  ils  avaient 
de  l'aversion.  Les  (inimmix  exclus  des  of- 
frandes et  des  sacrifices  ont  donc  été  regar- 
dés ciimnie  impurs,  comme  indignes  d'cire 
offerts  à  F)ieu.  Cependant  Moïse  non-seule- 
mont  s'est  réglé  sur  celte  connaissance  pour 
désigner  les  victimes  dont  les  Juifs  pou- 
vaient faire  usage,  el  dont  ils  pouvaient 
manger  la  chair,  mais  il  a  été  inspiré  de 
Dieu  pour  leur  intimer  ce  précepte.  Il  n'y 
avait  en  cela  ni  supirslilion,  ni  allusion  à 
aucune  fable.  Si  d;ins  la  suite  h's  nations  ido- 
lâtres ont  imaginé  de  fausses  raisons  de  celle 
di^tinclion,  cela  ne  déroge  en  aucune  ma- 
nière à  la  s.igesse  du  législateur  des  Juifs. 
On  sait  avec  quelle  exactitude  les  prêtres 
égyptiens  avaient  réglé  le  régime  diététique 

chez  IhciMune  cl  l'orang-oiilung ,  voici  comme  il  se 
résume  :  <  Voyez  (onime  ces  deux  êires,  avec  leurs 
iiialéri;iii\  seiiililaliles,  lendeiitavec  raclion  de  leurs 
iiiodilicalions  piiiiirlles  à  s'écarter  :  leurs  rapports 
naturels  les  liennerilà  une  dislaiice  irés-gra iule.  Car, 
si  l'on  pouvait  se  periiieilre  d'admeUre  une  nouvi'lle 
acciinuilaiiou  de  masse  médullaire  chez  l'homnie,  il 
deviendrait  plus  homme,  si  Je  puis  m'expnmei'ainsi, 
je  veux  dire  plus  susceplilile  irinlelligeiKe ,  plus 
capable  encore  de  fundions  plus  élevées  ,  plus  dis- 
posé aussi  au  progrès  conimu,  qui  est  l'nhjel  el  le 
lerme  de  la  pliilnsopiiietraiisci^ndanle.  L'orang-outang 
niarcliaul  dans  ini  développemeiil  inveise,  giignerait 
à  l'épaid  de  l'homme  eu  lorce  corporelle  ce  (pi'il 
perdrai!,  ce  qu'il  e~l  appelé  à  perdre  du  côlé  «les 
i'ouciions  iiilellecluelles  {Compte-rendu  des  séances 
de  l'Académie  des  sciences  sé.ince  du  4juilleil8r)()).i 
Cet  ;icadémicieu  s'exprima  encore  dans  le  même  sens 
dans  la  séance  snivanie  (11  jiiillet  IciSy)  :  «  Le  sys- 
tème sensilif  (eiicéplialo-rachi(lieu)  ,  dit  il ,  domine 
sur  les  appareils  ilont  il  est  enveloppé  chez  l'Iioinme, 
tels  que  l'S,  muscles  ei  léiiumenl-,  lesquels  ne  s'.ic- 
croissent  poinl  pruporliunnelleineni  :  et  au  contraire, 
le>  mêmes  choses  se  passent  loul  difléreinmenlchez 
l'orang-ouianj;,  chez  qui  les  masses  méilullaires  du  cer- 
veau ut  de  ré|)ine  gaijneat  peu,  toul  le  tort  du  dive- 
loppemeut  prolilant  plus  et  mcnie  dspioportionnel- 
leiiient  aux  os  euvcli'ppants,  aux  muscles  et  à  l.i  peau. 
Il  y  a  Ih  comme  un  elTel  de  b:iscule  d'une  espèce  à 
l'auiie.  •  Du  voil  ,  d'api éi  de  tels  aveux  ,  arrai  liés 
par  l'évidence  îles  faiis  à  un  naturalisie  qui  a  passé 
sa  vie  sous  la  doiiiiiiatiun  des  préjuges  les  plu^  anti- 
religieux ,  combien  il  serait  ridicule  de  soutenir, 
connue  on  l'a  lail  dans  le  siècle  dernier  el  au  coiu- 
menicmcnt  de  celui-ci,  que  l'homme  a  passépar  les 
divers  dcgiés  delaséne  animale,  el  qu'il  n'est  ipi'iiii 
orang-ouiaiig  perléciioimé.  Il  esl  analomiquemenl 
démontré,  au  contraire,  que  plus  l'animal  qui-res- 
tt  iiible  le  plus  à  l'homme  acquerrait  de  développe- 
menl ,  plus  il  perdrait  du  coié  da  (onctions  inullec- 
tuelies  ,  et  par  coiis.ipient ,  plus  il  s'éluii;ner:iii  de 
l'espèce  liuniaine.  Nous  avons  déjà  dit,  d'ailleurs, 
qiied'apiès  les  obsi.rviinons  directes  de  MM.  K.  Cii- 
vier  et  Fluurens,  el  telles  l:iites  par  plusieurs  autres 
savants  illustres,  il  est  consulte  que  roraiig-uulang 
Jierd  Son  intelligence  en  devenant  adulte. 

DlCT.  Dt  TUEUL.  DOG.UATH.)UE.  1. 


ANN  2W. 

qui  devait  être  observe  par  le  peuple,  quels 
inconvénients  résultent  de  la  malpropreté, 
de  l.i  paresse,  de  la  voracité  des  Égyptiens 
maliumelans. 

La  plupart  des  animaux  nue  Moïse  avait 
ordonn/  d'immoler  en  sacrilice,  étaient  ho- 
norés d'un  culie  superstitieux  par  les  égyp- 
tiens (Spencer,  (le  Lefjih.  Ilebr.  rilual.,  I.  i:, 
c.  4-,  sect.  i"  }.  C'est  pour  cela  (jue  quand 
Pliar.ion  dit  à  .Moïse  :  Offrez,  si  vous  roulez, 
des  sacrifices  à  votre  Dieu  dans  ce  pnijs-  ci , 
Moïse  lui  répondit  :  Cela  «e  se  peut  pas;  nos 
sacrifices  seraient  une  abomination  aux  ijeux 
des  Eyi/pliens  ;  ils  hous  lapideraient,  s'ils 
nous  loyaiinl  immoler  les  animaux  qu'ils 
adorent  {Exod.  wti,  2a) 

Lorsque  l'Evangile  s'est  établi,  la  distinc- 
tion des  animaux  purs  et  impurs  est  devenue 
Irés-inutiie  ;  les  sacrifices  sanglants  ont  été 
abolis  par  Jésus-Christ,  el  les  nations  étalent 
assez  policées  pour  n'avoir  plus  besoin  (ju'on 
leur  délendît  par  religion  les  nourritures 
malsaines.  Comme  le  cbrislianisme  est  des- 
tiné à  tons  les  peuples  et  à  tous  les  climats, 
les  institutions  locales  ne  doiveni  point  y 
avoir  lieu.  Lorsque  l'Eglise  défend  de  man- 
ger de  la  viande,  ce  n'est  pas  par  régime 
de  santé,  mais  par  morlificaliou.  Voy.   aus- 

TINRNCE, 

ANNE.VU,  ornement  affecté  aux  évéquos 
pour  marquer  l'étroite  alliance  (]u'ils  ont 
contractée  avec  l'Eiilise  par  leur  oruinalion, 
l'altachemeat  el  l'allVclion  qu'ils  lui  doiv 'iit, 
etc.  Vofj.  ['Ancien  saeramentaire  par  Grand- 
col;, s,  première  partie,  page  \k9 

*  A^^•l:AU  nu  pècheiir.  L  e-t  le  sceau  avec  lequel 
sont  scel  es  les  lirels  apostoli(|Ues.  Ou  l'appelle  aJiiM 
pan  e  (pi'on  suppose  que  saint  J'ierre,  q  o  elaii  pô- 
clieur,  en  a  usé  le  premier,  et  qu'il  porte  l'empriiuie 
du  cher  du  collège  apostolique.  Il  n'y  a  que  cinq  cents 
ans  que  c  •  lerme  est  en  usage. 

*  A.NiNÉK.  l'our  bien  apprécier  certains  faits  de  la 
Bible,  pour  les  ramener  à  une  époque  déterminée, 
pour  lesoudre  cei  tailles  dlllicultcs  qui  prennent  leur 
origine  dans  l.i  clironologie,  il  laiii  avoir  une  idée 
distincte  de  Vaiiiiéc,  et  du  sens  que  les  diflëreuls 
peuples  oui  atl.iclié  à  cette  expression.  Un  disiliigiie 
deux  sortes  li'années,  l'une  astronomique  el  l'autre 
civile. 

Année  astronomiijuiî.  Définition,  c  L'année  asiro- 
nomiiiuc,  dit  l'ara  du  Plianjas,  est  celle  qui  ramène 
lessaisiMis,  celle  qui  règle  aujourd'nui  l'urdie  poli- 
tique et  civil  de  louies  les  iiaiioiis  policées  el  éclai- 
rées, elle  à  laquelle  ou  as«iijelt  t  les  calinls  asiro- 
nomi(|ues  et  chronologiques;  c'est  une  révolution  en- 
tièie,  réelle  ou  appareillé,  du  sideil  autour  de  l'c- 
cliptiqiie,  à  coinpier  d'un  poiiii  iiiieUonque  de  i'é- 
cliplii|ue,  par  exemple,  du  point  équinoxial  du 
priiil'  nips  ,  jusqu'au  retour  vrai  ou  app:irent  du 
soleil  au  inéiiie  point,  au  point  é(|uinoxial  du  priii- 
teiiips  suivant.  C<:lle  rëvoluuun  leulenne 

Selou  Tycliu-Brahé 

De  la  liire Joins.     Heures.     Min.    Se:. 

tl  Cassiui 5bj.  .  .  j.  .  .   .  49.  .  .  OU. 

Selon  Kepler 563.  .  ,  5.  .  .  .  48.  .  .  57. 

.Selou  de  la  Caille 56o.  .  .  5-  .  .  .  48.  .  .  43. 

Selou  Lalaiide ôG'i.  ..  S.  ...  48.  .  .  45. 

L'année  asironomique  a  été  (ixèe  el  déterminée 
par  les  asiroiiomes  de  ces  derniers  temps,  avec  la 
plusgiaiiile  précision  qu'on  puisse  avoir  el  désirer  : 
l'un  eiiiluili'  ne  va  pas,  dit  .M.  de  Lalande,  à  Iruis  ou 
quatre  secondes  de  temps.  > 

Annél  civile.  Définition.  «  L'amiéc  civile  esl  un 


2C7 


ÂNN 


ANN 


2(;6 


esiiace  périodique  (.e  temps,  déieriiiiné  par  I  usage 
on  par  les  lins  d'une  nation  :  la  plus  parlaile  est  celle 
qui  s'ac(<.rd.'  le  mieux  aver  rjiiiiée  asiroiioniiqiie 
tropii|iie.  Mais  les  premiers  li  .Piiaiils  île  la  terre,  et 
les  piemicrs  loiulaiciirs  des  republlipies  ou  des  mo- 
iiariliie^,  liin-ni  et  durent  être  nécossairement  de 
liès-n.auvais  asIroiiMuies,  et  leur  année  civile  fut 
souvent  fort  dillërenie  et  lorl  indépemlanle  de  l'an- 
née :is>iroii<miique  doiiinous  venons  de  pailer. 

<  I»  Chez  les  llomains,  l'année  civile  fnl  d'abord, 
sous  lUiinuius,  lie  dix  mois  lunaiies,  auxquels  on 
attribua  tiois  cent  quatre  joirfs  ;  elle  fut  ensuite, 
sons  .Niima,  de  drtiize  inOls  lunaires,  que  l'on  supposa 
répondre  à  trois  cent  soixanie-cim)  jours.  Comme 
celte  année  de  trois  cent  soivailte-tinq  jour:-  était 
trop  courte  de  près  iie  six  heures,  il  bllui  ajouter 
de  tetiii  s  en  temps  des  jours  intercalaires  à  l'année 
civile,  pnur  la  tanieuer  à  peu  près  à  l'année  astro- 
nomique :  ce  qui  lut  abindonué  au  caprice  dés  poii- 
liles.  Jules  (  ésar  fit  l'année  civile  de  trois  cent 
snjiîante-ciiiq  jour-  et  six  heures  ;  et  cette  année,  trop 
liMigne  de  onze  minutes  et  un  quai  t  de  minute,  a 
sutir.isté  jus(|u'iiu  temps  de  la  réloiine  du  caleniJiier, 
par  le  pape  (iréjioiie  XIII,  en  iSSi,  où  l'aui.ée  civile 
se  iroiiVii  d  vaucer  de  d,x  jours  r.miiée  astrimomi- 
que.  —  2"  Cliez  Us  Grecs,  l'anné  !  civile  éiait  de 
douze  lunaisons,  à  laquelle  on  ajoutait,  tous  les 
deux  ou  troi^  ans,  une  lunaison,  qu'ils  muimaieiit 
emb()léiiiii|ue  ou  iotei  cala  re.  —  5°  Liiez  tes  Hébreux, 
raiinée  civile  ét.ih  de  d((ii/.e  InnaiMiiis,  iiu'on  tâ- 
cliait  derafiprnclier  de  l'année  aslronouii.|ue,  soil  eii 
aj'iutant  cir  que  afinée  onze  ou  douze  jiuis  à  la  (in 
de  ces  douze  lunaisons,  soil  en  insérant  de  temps  en 
temps,  à  une  année  de  douze  lunalson^  unelreiziénie 
lunaison,  il  lette  ani  ée  de  ireiz.;  l'iii.iisons  était  ap- 
pelée aiiuée  emholémcjue.  Liiez  les  Juifs  mvderues, 
chez  Us  1  urcs.  chez  le^  Arubvs,  l'année  civile  est  à 
peu  pie-  la  n.cnie  clinse,  c'esi-à-diie  une  péiiode  de 
douze  lUn:usoi:s,  rapprochée  de  l'année  astronomique 
ou  par  des  jours  iuieicales  à  cliiique  année,  ou  par 
U!ie  lunaison  intercalée  à  une  année  api  es  un  ceitaiii 
espace  de  temp-;  l>ejà  au  temps  du  ilé.uge,  l'année 
civile,  cliez  les  patriarclies,  était  de  douze  lunaisons 
etqmlques,  jours,  p  isqu'ilest  liildans  la  tjenèse  que 
le  déluge  dura  douze  mois  et  dix  jours,  et  qu'il  est 
dit  eiiïuiie  ailleurs  que  le  déluge  Oui  a  environ  un  an. 
Les  années  des  patriarches  n'ont  lieu  de  commun 
avec  les  années  lunaire>  et  d'un  mms  dont  on  a  sou- 
vent parlé;  ceux  qui  ont  eu  ce  soupçon  n'ont  pas  lait 
aileiilion  que  dans  liur  absurde  cak  ul  le-  pairiarcbes 
auraient  été  pères  à  l'âge  de  deux  ans  et  demi.  — 
i"  Chez  tes  Eijijf)liei:s,  l'année  civile,  selon  l'Iine, 
l'lutari(ue,  llcioilole,  bioilore  de  Sicile  et  plusieurs 
autres  auieuis,  lut  d'abord  composée  d'une  seule 
Innaisonv  ensuite  iie  liois,  de  quatre,  de  six,  de 
douze  lunaison-.  Aseth,  tici  le-deiixiémcroi  d'Kjtypie, 
ajouta  Cinq  jairs  à  l'année  de  douze  lnllai^olls  ;.ux- 
(pielles  in  alti  ituiail  liois  cent  soixante  jours.  —  Un 
voit  par  là  q.ielle  liorrible  Ci  n'nsion  a  dtj  iiécessai- 
remi  lit  repainlrc,  dans  la  clironolojjie  des  différentes 
nati  ins,  i  ette  bizarre  diversité  d'années  civiles  dont 
Us  ciiinniencemenls  vai  tables  eiraient  suecessive- 
nit'iit  de  nniis  en  mois.  —  b"  Chez  les  Chalaéens,  l'an- 
née civi  e  lot  lie  trois  cent  soixaiite-ciiii|  jours,  selon 
bérose,  après  le  lègue  d'un  certain  Lvoetitis;  avant 
ce  lé^iie  ou  coinptait  la  durée  (luleiiips  par  saies, 
par  nères,  par  sus  es,  dont  on  ne  connaii  guère  la 
valeur.  —  t>"  Chez  tes  Chinuis,  raiinée  civile  a  été 
de  leiiiis  iinnieuiorliil  de  trois  cent  soixante-cinq 
jours  ei  Six  lieiiies  :  elle  comiiieii<;ait  it  linisMiit  au 
solstice  d'hiver.  Cette  manière  de  compter  cl  d'éva- 
luer les  années  rcmnnte,  selon  la  traiiition  nationale, 
jusques  vers  les  plein  ers  temps  de  leur  nionarcbie; 
et  il  paraii,  par  leurs  annales,  qn'.  Ile  avait  déjà  lietl 
environ  iUnO  ans  av;int  .lesU5-Clirist.  —  7"  Dans 
tous  let  Etals  chréiieiis,  à  l'iMeption  de  la  Kus^ie, 
l'vnnée  civile  est  niainlunaiit,  selon  la  réiuruic   dJ 


caiciidner  liii\e  par  les  ordres  et  par  les  S"ins  du 
pape  Grégoire  XIII,  de  trois  cent  soixante-cinq  jours 
pendant  trois  ans  consécutis,  et  de  trois  cent 
Soixaule  six  jours  l'année  suivante.  —  Si  l'anuée 
ajlio.imnique  était  exactement  de  trois  cent  soixant<e- 
cini|  jiiurs  et  six  heures,  le  bi!,sexle  ou  le  jour  inter- 
calé an  mois  de  février,  lequel  se  trouve  alors  de 
vingl-iienf  jours,  famènerait  précisément  tous  les 
quatre  ans  rannée  civile  à  Panée  asironoiniqiie. 
Mais  ce  hissexle  ajoute  à  l'année  astronomique,  en 
quatre  ans,  environ  45  minuies  de  trop,  ou  environ 
45  minutes  au  delà  du  temps  qu'eni|iloie  le  soleil,  eti 
quatre  ans,  pour  retournerai!  même  point  du  zodia- 
que :  ce  ipii  f,.il  environ  un  joui  en  lis  ans.  De  sorte 
qu'apiés  environ  li.S  ans  il  laul  omettre  le  bissexte 
occurrent,  pour  que  l'année  civile  cadre  à  peu  près 
avec  l'année  astronomique.  —  Les  astronomes  etn- 
ployés  a  1 1  rélornie  du  calendiier  grégnrien  propo- 
sèrent, et  d'après  leur  a\ls  il  fut  arrêté,  que  dans 
le  cours  de  quatre  cents  ans  on  omettrait  trois  his- 
sextes.  L'est  pour  celte  raison  que  l'année  HIO  ne 
fut  point  bissextile  :  l'année  li-OO  et  l'année  1900  ne 
le  seront  piint  encore;  mais  l'aunée  iUOO  le  sera. 

ANNIVERSAIRES  (les).  Jours  an»i/"t)ér.'iatVc4, 
cliez  nos  .'iiicêires,  étaient  les  jours  oii  \ei 
niarlyrés  des  saints  étaien!  aiinuelleineiit  cé- 
lébiés  (laiis  1  Eglise,  coinrne  aussi  les  jours 
où,  chaque  lin  d'aunce,  l'usage  était  dé  prier 
pour  les  ûiucs  des  parents  et  amis  liépas- 
sés.  —  Dans  ce  dernier  sens,  l'anniter^ 
saire  est  le  jour  oii ,  d'aniiie  eu  anitée,  on 
rappelle  la  mémoire  d'un  déunt,  en  priant 
pour  le  repos  de  son  âme.  Quelques  auteurs 
en  raiiporlenl  la  pi  entière  origine  au  pape 
Aiiaclel,  et  deptiis  à  l-élix  1'',  qui  instituè- 
rent di  s  anniversaires  pour  honorer  avec  so- 
leiinilé  la  uiémoire  des  martyrs.  Dans  la 
suile,  |)lusieurs  parliculirrs  ordoiinèrciit  par 
leur  lesiamiMit,  à  leurs  héritiers,  de  leur 
faite  des  anniiersaires,  el  laissèrent  des  fonds 
taiil  pour  l'enlrclien  des  i  glises  que  pour 
le  soulagement  des  pauvres  ,  à  qui  l'on  dis- 
tribuait tous  les  ans  ,  ce  jour-là,  de  l'argent 
eldes  vivres.  Le  pain  el  le  vin  iju'ou  porle 
encore  aujourd'hui  à  roflraiule  dans  ces  <m- 
niiersaires,  peuvent  être  des  Iraces  de  ces 
disliibutioiis.  Uii  nomme  encore  les  anni- 
versaires obils  <  l  services. 

ANNi  .NCIADE,  nom  comhiun  à  plusieurs 
ordres  militaires,  iiisliiués  pour  honorer  le 
mystère  de  l'Aunouciation  ou  de  l'Incarna- 
tion. 

Le  premier  ordre  religieux  de  celle  es- 
pèce lut  élaiili  en  1232,  par  sept  marchands 
ilorcniins  ;  c'est  1  ordre  des  servîtes  on  ser- 
viUurs  de  la  Vii^rgc.  l'oi/ei  Servîtes. — Le 
•setond  fut  fondé  à  Rourges  l'un  loOU,  par 
saiulc  Jeanne  de  Valois,  reine  de  France, 
fille  de  Louis  XI  et  femme  de  Louis  XII,  qui 
lit  casser  stm  inaiiage  par  le  pape  Alexan- 
dre ^'i,  du  consetiiement  de  celte  vertueuse 
reine.  Ces  religieuses  ont  un  hahil  brun,  iiit 
srapulaire  rouge,  un  manteau  blanc  el  uti 
voile  noir.  Leur  règle  est  él.ihlie  sur  douie 
articles,  qui  regardent  douze  vertus  de  la 
saillie  Vierge  ;  elle  fui  approuvée  par  Alex- 
andre VI,  Jules  il,  Léon  X,  Paul  V  el  Gré- 
goire W  .  Le  couvent  de  l'opincourl  à  l'aris 
est  de  cet  ordre.  —  Le  troisième,  qu'on 
appelle  des  annonciades  célestes  (<u  fille» 
bieues,  lut  fonde  l'an  ItJOi,  par  une  pieuse 


2C9 


ANN 


ANN 


270 


veuve  (le  Gênes,  nommée  Marie-Victoire 
Fornaro,  qni  mourut  eu  1017.  ("ol  onlre  a 
ét(''  approuvé  par  le  s<iin(-siép;e,  et  il  y  en  a 
iiueli|»es  maisons  en  France.  Leur  rèsle  est 
beaucoup  plus  auslôre  que  celle  des  niinon- 
ciaflis  fond^'-es  par  ia  i-eiiie  Jeanne  Kllcs  ont 
un  habit  blanc,  un  scapulaire  et  un  man- 
teau bleu;  elles  gardent  la  plus  sévère  clô- 
ture. 

Annoncude.  Société  fondée  à  Rome  dans 
l'E^'ise  de  Notre-Dame  de  la  Afinerve,  l'an 
14t)0,  par  le  cardinal  .lenb  de  Turrecremaia, 
pour  marier  de  pauvres  filles.  Elle  a  clé 
depuis  érigée  en  nrrhiconfraleriiîté,  et  est 
devenue  si  riche  pai-  les  grandes  aumônes 
et  legs  qu'oit  y  a  faits,  que  Ions  les  ans,  le 
23  de  mars,  fêle  de  l'Annoneiation  de  la 
sainte  Vierge,  elle  donne  des  d  ils  de  soixanle 
écus  romains  chacune  a  pins  de  quatre  cents 
filles,  une  robe  de  serge  blanche,  et  un  llo- 
rin  pour  des  pantoufles.  Les  pape<  ont  fait 
tant  d'eslime  de  relie  œuvre  de  piété,  (ju'ils 
vont  en  cavalcade,  accompagnés  des  cardi- 
naux et  de  la  noblesse  de  Rome,  distribuer 
les  cédulps  de  ces  dots  à  celles  qui  doivent 
l'es  recevoir.  Celles  qui  veulent  être  reli- 
gieuses ont  le  double  des-  autres,  et  sont  dis- 
tinguées par  une  ronronne  di^  lleurs  qu'elles 
portent  sur  la  léle.  Voi/.  l'abbé  Piazza,  Ri- 
tratto  di  Itoma  moderna. 

ANNONCIATION,  est  la  nouvelle  que 
l'ange  Gabriel  vint  donner  à  la  sainte 
Vierge,  qu'elle  concevrait  le  Fils  de  Dieu 
par  l'opération  du  Saint-Esprit.  Voij.  Incaii- 
NATioN.  Les  Grecs  l'apiiellent  sù«/,E).i(7po;, 
bonne   nouvelle,   et  /«(osTcrao,-,    salutation. 

AnnoncivtioM  ,  est  aussi  le  nom  d'une  fcle 
qu'un  célèbre  dans  l'eglisc  romaine,  com- 
niunémeiil  le  25  de  mars,  en  mémoire  de 
l'incarnation  du  Verbe  divin.  Le  peuple  ap- 
pelle celle  fêle  Notre-Dame  de  Mars,  à  eause 
du  mois  où  elle  tombe. 

Il  paraît  que  celte  fête  est  de  très-ancienne 
institution  dans  l'Eglise  latine  :  parmi  les 
sermons  de  saint  Augustin,  (|ui  mourut  en 
WO,  nous  en  avons  deux  sur  l'Annonciation, 
savoir,  le  dix-septième  et  le  dix-huiiièiue  de 
sanctis.  Le  Sacramenlairc  du  pape  Gélase  l'' 
montre  que  celte  fête  était  établie  a  Home 
avant  l'an  46'J;  mais  l'f^L'lise  grecques  tbs 
monuments  d'an  temps  encore  plus  reculé. 
Proculus,  qui  mourut  en  'i'i6,  et  saint  Jean 
Chrysostome  en  407,  ont  dans  leurs  ouvra- 
ges des  discours  sur.  le  n)ême  mystère,  ilivet, 
Peikins  et  quelques  autres  écrivains  protes- 
tants ont  à  la  vérité  révoqué  en  douli;  l'au- 
thenticité des  doux  homélies  de  ce  dernier 
Père  sur  ce  sujet  ;  mais  Vossius  les  admet, 
et  prouve  qu'elles  sont  véritablemeïit  de  ce 
saint  docteur. — Ainsi,  Bingham  s'est  trompé, 
en  reculant  l'origine  de  celle  fêle  jusqu'au 
septième  siècle.  Oriijin.  eccli's.,  lora  IX,  I. 
XX,  c.  8,  §  4.  Il  est  assez  probable  qu'elle 
fut  célébrée  d'abord  en  mémoire  de  l'incar- 
nation du  Verbe,  et  que  l'usage  d'y  joindre 
le  nom  de  la  sainte  Vierge  est  plus  récent. 
H  en  est  de  même  de  la  coutume  de  la  so- 
lenniser  le  25  de  mars.  Les  Grecs  la  font 
comme   nous   ce  jour-là  ;   niuis    plusieurs 


Eglises  d'Orient  l'ont  placé  au  mois  de  dé- 
cembre, avant  la  l'été  de  Noël.  Les  Syriens 
l'appellenl  Buscnrahe',  informaiiou,  et  leur 
caleiiilrier  l'a  fitée  au  1"  décembre.  Les  Ar- 
uiénieiis  la  font  le  5  janvier,  alin  qu'elle 
n'arrive  pas  en  carême.  Selon  l'ancienno 
discipline,  les  fêles  et  le  jeune  étaient  re- 
gardés comme  incompatibles. — Jîn  Occi- 
dent, même  variation.  L'on  prétend  que  l'K- 
clise  du  f'uy-en-Vélay  a  conservé  l'usage  de 
célébrer  cette  fêle  pend  intla  semaine  sainte, 
lorsqu'elle  y  tombe,  même  le  vendredi  saint: 
celle  de  Alil.in  et  les  i''glises  d'Espagne  la 
mettent  au  dimanche  avant  Noël;  mais  ces 
dernières  la  font  aussi  en  carême.  En  031], 
le  dixième  concile  de  Tolèd;'  ordonna  que  la 
fête  de  l'Annonciation  de  Notre-Dame  cl  de 
l'Incarnation  du  Verbe  divin  se  célébrerait 
huit  jours  avant  Noël,  parce  que  L'  Sa  de 
mars,  jour  auquel  ce  mystère  a  été  accom- 
pli, arrive  ordinairement  en  carême,  (luel- 
qut^Tois  dans  la  sitmaine  sainte  ou  pendant 
la  solennité  de  Pâijuea,  temps  aui|uel  l'E- 
glise est  occupée  d'autres  mystères  et  de 
céréminies  dilIerenles.Saintildefon.se  con- 
firma ce  décret,  et  nomma  celle  fête  l'attente 
des  couches  de  Notri-Vimie.  Elle  fut  encore 
appelée  la  fêtes  des  0,  ou  de  l'O ;  parce  <]ue, 
durant  celle  octave,  on  chante  chaque  jour 
pour  le  Magnificat,  une  aniiennc  solennelle 
qui  commeu'  e  par  O,  comme,  0  Rex  ijen- 
tium,  0  Emmanuel,  eic.  C'est  une  exclama- 
lion  de  joie  el  de  désir. —  Dans  l'Eglise  de 
Kome  et  dans  celles  de  France,  celte  der- 
nière fêle  ne  se  fait  point,  si  ce  n'est  dans 
quei(|ues  monastères  d'annonciades  ou  d'au- 
tfrcs  religieuses;  mais  depuis  le  15  déeem- 
br(;  jusqu'au  23,  l'on  cbiinte  tous  les  jours 
à  Vêpres,  au  son  des  cloches,  une  de  ces 
antiennes,  que  le  j)euple  nomme  les  0  de 
Noël,  et  que  les  rubricaires  appellent  les 
grandes  antiennes,  antipiionœ  majores  ;  elles 
expriment  les  diiïérenls  litres  sous  lesquels 
les  prophèies  ont  annoncé  le  Messie. 

Les  Juil's  donnent  aussi  le  nom  d'Annon- 
ciation à  une  partie  de  ia  cérémonie  de  Pâ- 
ques, celle  où  ils  exposent  l'origine  et  l'oc- 
casion de  celte  solennité,  exposition  qu'ils 
appellent  Zhaygada,  qui  signifie  .^njîonc/a- 
lion. 

ANNOTINE,  pâque  annotine.  C'est  ainsi 
qu'on  .ippelait  l'anniversaire  du  baplémei 
ou  la  fêle  qu'on  célébrait  tous  les  ans  en  mé- 
moire de  son  baptême,  ou,  selon  d'autres,  le 
bout  de  l'an  dans  lequel  on  avait  été  bap- 
tisé Tous  ceux  qui  avaient  reçu  le  baptême 
dans  f'i  mêine  année  s'assemb  aient ,  dii-on, 
au  bout  de  C'tle  année,  et  célébraient  l'an- 
niversaire de  leur  géneralion  s|  iriiuelle. 

ANNUELLES  (  olïrandes  ).  Ce  sont  celles 
que  faisaient  ancieniieiiient  les  parents  des 
personnes  décédées,  le  jour  anniversaire  do 
leur  mort. 

On  appelait  ce  jour  xtn  jour  d'an,  et  l'on 
y  célétirait  la  messe  avec  une  grande  solen- 
nité.—  On  iiimme  encore  à  Paris  annuel, 
une  fondation  de  messes  pour  tous  les  jouis 
de  l'année,  à  l'intention  d  un  délunt .  Fon- 
der  un    annuel.    Voy     l'.incien   Sacramen- 


471 


ANT 


A  NT 


272 


taire  par   Grandcoias,  i"   part.,   pag.  529. 

ANOMÉKNS,  ou  disxemblnltles.  On  donna 
ce  nom,  dans  le  qualrii'iiie  sièclo,  aux.  ours 
arions  parce  qu'ils  ensiignaieiil  ([uo  Dieu 
le  Fils  était  dissemblable  ,  «vofioirov,  à  son 
Père  en  essence  et  dans  tout  le  reste.  —  Us 
eurent  encore  dilTérenls  noms,  tomme 
aétiens,  eunomiens,  etc.,  qu'on  leur  donna  à 
cau^e  d'Aétius  el  iriiuiiomius,  leurs  chefs. 
Us  étaient  opposes  aux,  semi-ariins,  qui 
niaient,  à  la  vérité,  la  tonsubslanlialilé  du 
Verbe  avec  le  Père,  mais  qui  lui  allri- 
buaient  une  ressemblance  en  toutes  choses 
avec  le  Père.  Vi'y.  AKiiiNs.  Semi-Ariens.  - 
Ces  variations  firent  ([ue  ces  liereiii]ues  ne 
s'allaquèrcni  pas  moins  vivement  entre  i  ux, 
qu'ils  avaient  attaqué  les  callioli(|ues  ;  cir 
les  seini-ariens  coiulamnèreut  les  anoiDéens 
dans  le  concile  de  Séleucie,  et  les  unoméens 
à  leur  tour  condaïunèreiil  les  semi-ariens 
dans  les  conciles  de  Cousianliiiople  et  d'An- 
tioche;  ils  effacèrent  le  mot  i/',o'J<rn;  île  la 
formule  de  Ri  ■  iui  et  de  celle  d'Autinciie,  eu 
protestant  que  le  Verbe  avait  non-seule- 
ment une  dillèrcnte  substance,  mais  encore 
une  volonté  dilTérente  de  celle  du  Père.  So- 
craie,  liv.  u;  Sozoïuèue,  liv.  iv;  Théodorct, 
liv.  IV. 

ANOMIENS.  Voy.  Antinomiens. 

ANSElMK  (saint),  archeicque  de  Canlor- 
béry,  mort  l'an  1109,  est  compté  parmi  les 
dodeurs  de  l'E^'lise.  Il  a  laissé  plusieurs  ou- 
vrages de  théolo^;ie  et  de  piété,  dont  le  Père 
Gerberon,  bénédictin,  H  donné  une  bonne 
édition  in-folio.  Ce  saint  a  été  plus  instruit 
et  meilleur  écrivain  que  son  sièi  le  ne  sem- 
blait le  comportei'.  Moslieim  convient  qu'il 
excella  dans  la  dialerlique,  la  métaphysique 
et  la  théologie  naturelle  ;  qu'il  est  l'auteur  de 
l'argument  dont  on  a  faussement  attribué 
l'invenlioii  à  Descartes,  c'esl-à-ilire  de  la  de- 
ûionstralinn  de  l'existence  de  Dieu  ,  tirée  de 
l'idée  innée  qu'ont  tous  les  hommes  d'un  être 
infiniment  parfait.  Il  ajoute  que  ce  saint  ar- 
chevétiue  el  Lanfranc,  son  prédécesseur  et 
son  maître,  sont  les  vrais  fondateurs  de  la 
Ihéolugie  scolastiqiie,  mais  ((u'ils  la  traitè- 
rent avec  plus  de  sagesse,  de  discernement 
et  de  solidité  i\ue  leurs  successeurs.  Il  dit 
enlin  ((ue  sninC  Anselme  l'ut  le  meilleur  mo- 
raliste de  son  teinp-,  ;  qu'il  est  le  premier  qui 
ait  donné  un  système  général  ou  un  corps 
complet  de  théologie  ,  m,iis  (jue  cet  ouvia;,'e 
fut  surpassé  par  celui  que  compos  i  sur  la  t.n 
de  ce  même  siècle  Hildebert,  archevé()ue  de 
'l'ours.  Uisl.  e,  clés,  du  \i'  siècle,  n'  pcirt.  , 
c.  1,  §  7  ;  c.  3,  §  .)  el  G.  Cri  éloge  est  conlirmé 
par  le  suffiage  du  traducteur  .inglais  de  -.los- 
iieiiii,  et  par  Hrucker,  llist.  de  lu  Philos.  , 
tom.  111,  p.  ()G'i.  Il  n'est  pas  ordinaire  aux 
protestants  de  parler  si  av<iiitageuseuient  des 
Pères  de  l'I'igli  e.  Il  y  a  une  bonne  notice 
dei  ouvrages  de  sanU  Anselme  ilans  les  V les 
des  Pires  el  des  m  n  ti/is,  loin.  111,  p.  lu'.i. 

AN IIÎCKDIÎN  r.  Ce  terme  est  usité  en  tliéo- 
loi;ie,  où  l'on  dit,  en  j),irl,int  de  Dieu  ,  divrct 
antécédent  ,  volonté  antécéleHle.  —  Un  lie- 
cret  antécédent  est  celui  qui  précède,  ou  un 
autre  decrd»  ou  quelque  action  de   la  créa- 


ture,  on  la  prévision  même  de  cette  action-. 

Les  théologiens  sont  fort  part;igés  pour  sa- 
voir si  la  prédesiinalion  à  la  gloire  est  un 
décret  antécédent  ou  subséquent  à  la  prévi- 
sion de  la  foi  el  des  mérites  de  ceux  (jui  soûl 
appelés  ;  c'est  une  opinion  qu'on  agite  libre- 
ment pour  el  contre  dans  les  écoles  catholi- 
ques, et  toutes  deux  sont  fondées  sur  des 
autorites  et  des  raisons  très-fortes.  Voy.  Pré- 
destination. 

\'olonlé  antécédente,  dans  un  sens  général, 
est  celle  (jui  |  récède  quelque  autre  volonté, 
désir  ou  prévision.  On  dit  qu'il  y  a  en  Dieu 
une  volonté  antécédente  de  sauver  tous  les 
hommes  ;  mais,  conséquemment  à  la  prévi- 
sion des  crimes  de  plusieurs ,  il  ne  veut  plus 
les  s;iuver,  mais  les  damner.  —  On  dispute 
beaucoup  dans  les  écoles  sur  la  nature  de 
cette  vtdonté  :  les  uns  prétendent  que  ce 
n'est  iju'une  volonté  de  signe  ,  une  volonté 
métaphorique,  ineflicace,  un  simple  désir  qui 
n'a  jamais  d'efl'et  ;  les  antres,  mieux  fondés, 
soutiennent  que  c'est  une  volonté  de  bon 
plai  ir,  volonté  sincère  el  réelle,  qui  n'est 
privée  de  son  derriier  effet  que  par  la  faute 
des  hommes,  qui  n'usent  pas,  ou  qui  usent 
mal  des  moyens  que  Dieu  leur  accorde  pour 
opérer  leur  salut.  Cette  volonté  est  donc  prou- 
vée par  son  eflèi  immédiat,  qui  est  d'accor- 
der (les  grâees.  Voy.  tîRACE,  §  3  ;  Salut.  — 
U  est  lion  de  remarquer  (lue  ce  terme  antécé- 
dent n'est  appliqué  à  Dieu  que  relativement 
à  notre  manière  de  conce\oir.  En  effet,  Dieu 
voit  et  pr.voit  eu  même  temps  el  sans  diver- 
sité dans  la  manière,  tant  l'objet  de  sa  pré- 
vision, que  les  circonslaoces  inséparables  de 
cet  objcl  :  do  même  il  veut  en  même  temps 
tout  ce  qu'il  veut,  sans  succession  el  sans  in- 
tonsiaiice  :  ce  (lui  n'empcehe  pas  que  Dieu 
ne  puisse  vouloir  ceci  à  l'occasion  de  cela, 
ou  qu'il  ne  puisse  a\oir  un  désir  à  cause  de 
telle  prévision.  C'est  ce  que  les  tiiéologiens 
appellent  ordre  ou  priorité  de  nature,  piio- 
7-ilas  tiatura-,  par  opposition  à  l'ordre  ou  à  la 
priorité  du  temps,  prioritas  lem/joris. 

ANTECIIKIST.  Ce  terme  est  formé  de  la 
préposition  grecque  ù-jti,  conlra,  et  de  \pm!i(, 
Christiis.  U  signi:ie  en  général  un  ennemi  de 
Jésus-Clirist,  un  homme  ()ui  nie  que  Jésus- 
Christ  soit  venu,  et  qu'il  soit  le  .Messie  pro- 
mis. C'est  la  notion  qu'en  donne  l'apôlre 
siiiiit  Ji  an  diius  sa  preiniire  Epine,  c.  2.  En 
ce  sens,  on  peut  dire  des  Juifs  el  des  infidèles 
qu(!  ce  sont  des  untccinisis.  -  Par  Anle- 
cli7-ist,  on  entend  plus  ordinairement  uii  ty- 
ran impie  et  cruel  à  l'excès,  qui  doit  régner 
sur  11  terre  lorscjuc  le  monde  touchera  a  sa 
lin.  Les  persécutions  qu'il  exercera  contre 
les  élus,  seront  la  dernière  et  la  plus  teri  i- 
ble  épreuve  qu'ils  auront  à  subir.  Selon  l'o- 
pinion <lo  plusieurs  comment. ileurs  ,  Jésus- 
Christ  même  a  prédit  que  les  élus  y  auraient 
succombé,  si  le  tem|)S  n'en  eût  elé  abrège  en 
leur  faveur  :  c'e  t  par  ce  lleau  que  Dieu  an- 
noncera le  jugement  dernier  et  la  venge. luce 
qu'il  doit  (.rendre  des  iliéchants.  -  L'Ecri- 
ture et  les  Pires  parlent  de  Wintechnst 
cuinnie  d'un  seul  homme,  auquel ,  à  la  vé- 
rité, ils  duuueut  uu  grand  mu.,  n.e  (la  precur* 


273 


ANT 


ANT 


274 


seurs.  Suivant  snint  Irenéfi,  saint  Ambroise, 
saint  Aiigusiin  et  presque  tous  les  auircs  Pè- 
res, {'Antéchrist  doit  élre,  non  un  homme  en- 
genilré  par  un  demoii  ,  coniine  l'a  [irélendu 
sailli  Jérôme,  ni  un  démon  revélii  d'une  ihair 
aiiparenti'  cl  fanlasli<i:ie  ,  moins  encore  un 
ùénion  incarné,  comiiie  l'ont  imaj^iné  d'au - 
Ires  ;  mais  un  lioinme  de  la  même  nature  et 
conçu  par  la  même  voie  que  lous  les  autres, 
([ui  ne  différera  d'eux  que  par  une  malice  et 
une  impiété  plus  dignes  d'un  déiiioii(|ue  d'un 
homme,  tloiiimu  les  traits  du  lalileau  (|u'ils 
ont  tracé  ne  sont  que  des  conjectures  cl  n'ont 
aucun  fondement  solide,  il  est  assez  inutile 
de  nous  y  arrêter. 

On  sait  (pie  plusieurs  écrivains  protes- 
tants ont  trouvé  bon  d'appliquer  au  [jape  et 
à  l'Kglise  romaine  tout  ce  que  ri<>,riinre,  et 
surtout  l'Apocai^  pse,  dit  de  l'/iîi^ec/ir/sf. L'ab- 
surdité de  celte  idée  n'a  pas  empêché  que  les 
protestants  du  dernier  siècle  ne  l'aient  adop- 
tée comme  un  article  de  foi  d.ins  leur  dix.- 
.septiènie  SNiiode  national,  tenu  à  Ga|)  en 
I()03.  Ils  afi'eclèrent  même  de  publier  ([ue 
Clément  Vlll,qui  décéda  quelque  temps  a  près, 
elail  mort  de  cliagriii  de  celte  décision;  mais 
ce  pontife,  aussi  bien  que  le  roi  Henri  IV, 
(ju'ils  avaient  déclaré  en  plein  synode  race 
de  r Antéchrist ,  n'opposèrent  cà  leurs  oxcès 
que  la  moderalioii,  le  mépris  et  le  silence.  — 
Quoique  le  savîinl  Grotius  et  le  docteur  Ham- 
niond  se  fussent  aitachi's  a  détruire  ces  rê- 
veries, on  a  vu,  sur  la  fin  du  siècle  dernier, 
Joseph  iMède  en  Angleterre,  il  le  ministre 
Jurieu  en  Hollande  ,  les  présenter  sous  une 
nouvelle  lorine,  qui  ne  les  a  pas  accréiiilées 
davaniajie.  Les  calholi(jues  ont  démontré  le 
fanatisme  des  explications  de  l'Apocalypse, 
par  lesquelles  ces  écrivains  s'elïorçaient  de 
montrer  que  ['Antéchrist  devait  paraître  et 
sortir  de  l'ivglise  romaine  vers  l'an  17iO.  On 
peut  consulter  sur  cette  matière  l'Jlist.  des 
Vfiriations  ,  p;ir  IJossuet,  loin,  il,  liv.  xiii , 
depuis  l'art.  2  jusqu'à  la  lin  du  même  livre. — 
11  est  fâi  hou\  que  celle  idée  bizarre  des  pro- 
testants ait  élé  consacrée  a  Genève  par  une 
iuscriptionqui  faii  pitiéaus  voyageurs  sensés. 

Pour  en  pallier  l'absurdité,  queljues  pro- 
testants uetdil  que,  quand  ils  soutiennent 
que  le  pape  est  \' Antéchrist ,  ils  n'entendent 
point  parler  de  sa  personne,  n/iiis  de  son 
aulorilé;  que  cela  signilie  seulement  que  sa 
dominalioii  est  un  régne  antichrelien  ,  ou 
contraire  à  resjirit  du  cliristianisme.  Mais 
ont-ils  prévu  les  conséquences  de  celte  pré- 
tention Diêine  ?  Jésus-Christ  avait  promis  à 
son  Eglise  qu'il  s"rait  avec  elle  jusqu'à  la 
consuiiimalion  des  siècles,  et  que  les  portes 
de  l'enfer  ne  prévaudraienl  point  contre  eile; 
il  a  si  mal  tenu  sa  parole,  que  pendant  plus 
de  mille  ans,  selon  le  calcul  des  protestants 
mêmes,  celte  Eglise  a  reconnu  pour  son  pas- 
teur légitime  et  pour  vicaire  de  Jésus-Christ 
uu  personnage  anti-chrétien,  et  lui  a  con- 
stamment attribué  une  autorité  anti-chré- 
licnne  :  ainsi,  le  rovau'ue  de  Jésus-Christ  est 
devenu  un  royaume  anti-chrétien.  Autant 
vaudrait  dire  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  vrai  chris- 
tianisme   sur   la  terre  depuis    le   v*  siècle 


jnsqu  au  xvr  ,  et  que  l'antichristianisnie 
en  avait  pris  la  plaie.  Il  l'audrait  niênie  sup- 
poser (jue  cet  aiitirliristianisiiie  a  com- 
mencé iuimédialemenl  après  la  mort  des  apô- 
tres, si  le  portrait  (|ue  les  protestants  ont  fait 
des  pasteurs  de  l'Eglise  dans  Ions  les  siècles 
était  vrai;  il  nous  piraîl  i|ue  de  toutes  les 
opinions,  il  n'y  en  a  point  de  plus  anlichré- 
tienne  que  celle-l.ï. 

On  Ironie  parmi  les  écrits  de  Raban-^Iaur, 
d'abord  abbe  de  Fulde,  puis  archevêque  de 
l\Iayenci',  auteur  fort  célèbre  du  i\'  siècle, 
UM  traité  sur  ia  vie  et  les  mœur»  de  VAnte- 
christ.  Nous  n'en  citerons  qu'un  endroil  sin- 
gulier; c'est  celui  où  l'aiiteiir,  après  avoir 
prouvé  par  saint  l'aul  (juc  la  ruine  totale  de 
l'empire  romain,  qu'il  suppose  être  celui 
d'Allemagne,  précédera  la  venue  de  VAnte- 
christ,  conclut  de  la  socle  :  «  Ce  terme  fatal 
pour  l'eintire  romain  n'est  pas  encore  ar- 
rivé. 11  est  vrai  que  nous  le  voyons  aujour- 
d'hui extrêmement  diminué  ,  et  pour  ainsi 
dire  détruit  dans  sa  plus  grande  étendue; 
mais  il  est  certain  que  son  <'cl.il  ne  sera  ja- 
mais entièrement  éclipsé  ;  parce  que,  tandis 
que  les  rois  de  France,  qui  en  doivent  occu- 
per le  trône,  subsisteront,  ils  en  seront  tou- 
jours le  frnie  appui.  (Quelques-uns  de  nos 
docieurs  assurent  que  ce  sera  un  roi  de 
France  qui,  à  la  fin  du  monde,  dominera  sur 
tout  l'empire  romain  »  —  11  ne  paraît  pas 
que  nos  rois  aient  jamais  compté  beaucoup 
sur  celle   prédiction. 

Malveniia,  lh''ologien  espagnol,  a  donné 
un  long  et  sivanl  ouvrage  sur  VAnteclirist. 
Son  traité  est  diviséen  treize  livres.  Il  expose 
dans  le  premier  les  diff  renli  s  opinions  des 
Pères  louchant  l'Antéchrist.  Il  délerinine, 
dans  le  second,  le  temps  auiiucl  il  doit  paraî- 
tre, et  prouve  que  tous  ceux  qui  ont  assuré 
([ue  la  venue  de  ['Antéchrist  était  [iroclie  ont 
supposé  en  même  temps  que  la  lia  du  monde 
n'et.iit  pas  éloignée.  Le  troisième  esi  une  dis- 
sertation sur  l'origine  de  lAnlechrisl .  cl  sur 
la  nation  dont  il  doit  être.  L'auteur  prétend 
qu'il  sera  Juif  el  de  la  tribu  de  Uan  ,  et  il  se 
fonile  sur  l'autorité  des  Pèr'es  et  sur  le  ver- 
set 17  du  cbap.  XLix  de  la  Genèse,  où  Jacob 
mourant  dit  à  ses  fils  :  Dan  est  an  serpent 
dans  le  chemin,  et  un  céra^l"  dans  le  sentier; 
et  sur  le  cliap.  viii,  verset  IG  d:'  Jérémie,  où  il 
est  dit  que  les  a'inées  de  Dan  dévoreront  la 
terre  ;  et  encore  sur  le  chap.  vu  de  ['Apoca- 
lypse, où  saint  Jean  a  omis  la  tribu  de  Dan, 
dans  l'énumération  qu'il  fiit  des  autres  tri- 
bus. Il  traite,  dans  le  quatrième  el  le  cin- 
quième, des  caraclères  de  ['Antéchrist.  H 
parle  dans  le  sixième  de  son  règne  et  de  ses 
gue:  res  ;  dans  le  septième,  de  ses  vices  ;  dans 
le  huitième  ,  de  sa  doctrine  et  de  ses  mira- 
cles ;  dans  le  neuvième,  de  ses  persécutions  ; 
el  dans  le  reste  de  l'ouvrage,  de  la  venue 
d'Enoch  et  d'Elie,  de  la  conversion  des  Juifs, 
du  règne  de  Jesus-Chrisl  et  de  la  mort  de 
l'Antéchrist,  qui  arrivera  après  un  rè^ne  de 
trois  ans  et  demi.  Il  ne  manque  à  toutes  ces 
belles  choses  qu"  des  preuves  et  du  bon  sens. 
Ceux  qui  voudront  prendre  la  peine  de  lire 
la  longue  dissertation  sur  V Antéchrist^  que 


S?j 


ANT 


ANT 


27C 


l'on  a  placée  dans  1  >  Bible  d'A>'ig»o>i,  t.  XVI, 
oa^c-  SS.  "'pu  seront  pas  plus  insîniils. 

S>'U  nous  est  permis  d'en  dire  notre  ayi? , 
Dons  pensons  que  c'est  une  mauvaise  ma- 
nière d'expliquer  l'Ecriiiire  sainte,  que  de 
rapprocher  l'une  de  l'antre  des  prédictions 
qui  ont  un  objet  tout  différent,  de  prendre  à 
la  leilre  des  expressions  qui  sont  évidem- 
ment (iffurées  et  hyperboliques,  de  supposer 
au  contraire  des  figures  où  il  n'y  en  a  point, 
et  où  l'on  trouve  un  sen^  littéral  très-clair  et 
très-simple.  Il  n'est  pas  sûr  que  Malachie,  en 
annonçant  le  retour  d'Elie,  ail  voulu  parler 
de  cet  ancien  prophète,  puisque  Jésus-Christ 
a  fait  à  saint  Jean-Raplis'e  T.ipp  ication  de 
celte  prédietion.  Voy.  L'lïk.  Jl  n'v-t  pas  cer- 
tain que  Jé*us-Christ  Jui-même  ait  prédii  la 
(in  du  monde,  puisque  tout  ce  qu'il  dit  peut 
s'entendre  de  la  ruine  de  Jérusalem  et  de  la 
fin  de  1.1  république' juive  ;  plusieurs  interprè- 
tes catholiques  l'ont  ainsi  entendu.  Voy.  Fin 
DU  :,ioNDE.  Il  est  fort  doulcnx  si,  dans  la  se- 
conde Epîlre  aux  Tiiessaloniciens,  saint  P.'ul, 
par  l'homme  (h  pifilié,  a  voulu  dé-i;;ner  VAii- 
Icrlirist,  ou  un  des  p'Mséculeurs  qui  avaient 
entrepris  la  ruine  du  chrislianlsme.  Nous  n'ai- 
Aons  aucune  preuve  jcerlaine  que  saint  Jean, 
par  i'^lîitef/irisï,  ait  entendu  un  seul  homme, 
[Uiisqu'il  dit  qu'il  y  a  eu  plusieurs  an(e- 
clirhts,  etc.  Enfin,  l'on  ne  peut  pas  prouver 
qu'il  est  question  dé  ce  personnage  dans  l'A- 
poraiypse.  Que  peut-il  donc  résulter  de  Iq 
conipaKiison  de  quatre  ou  cinq  luophéiies 
doiit  le  sens  n'est  pas  clair,  sur  l'explication 
desquelles  les  inlérprcles  ne  spnt  point  d'ac- 
cora,  et  qui  peut-être  n'ont  avicuu  rapporf. 
entre  elles  ?  Noire  religion  ii'a  pus  besoin  d^ 
conjectures,  de  vains  systèmes,  de  Dgurisipe 
arbitraire,  pour  se  ^oulcuij'  ;  la  f^ippr  de  lui 
donner  de  pareils  appuis  ne  peut  que  lui 
nuire  et  dounej-  prise  ^  çe^  pnqeipis.  }  oy.  Fi: 

GURISMIÎ. 

ANTEDILUVIENS  .  tiqmiT^e?  (\\\i  Qut  vpcu 
avant  le  déluge.  L'Ecrilùrp  noiiis  le^  repré- 
seule  comme  une  race  (j'irapicj  et  d'hommes 
pervers  ;  elle  dit  (]ue  leur  maiicp  c'ait  ex- 
trême, et  toutes  leurs  pensées  tpdrnétss  M'* s 
l(!  mal,  que  toute  chair  avait  cfircpiupu  s.j 
voie.  Dieu  dit,  ajoute  la  Vulgale,  Mon  çsprii 
ne  deineurira  point  avec  l'hofnme  pour  tou- 
jours, parce  qu'il  cft  charnel  ;  jij  ne  If  laisserai 
plus  vivre  que  cent  v^nut  n^s  {(jm.  \i,  3). 
A  ce  sujet,  saint  Jérôme  fait  une  ob^ervaiion 
remarquablp  :  «  Il  y  a,  sel(|i|  i'hcbreu  ,  mon 
esprit  ne  ivgera  pas  ces  hommes  pour  l'éternité, 
parce  qu'ils  sont  de  chair;  c'est-à-dire,  je  ne 
les  réservprai  pas  à  'ies  chàtimenis  élei  itels, 
parce  que  la  uatufi;  di;  1  homme  est  fragile; 
mais  je  leur  repdiai  r(;  qu'ils  nu'riteut.  Ainsi 
ce  ver^plii'cxpfime  p()i!|l  U  sjivéfilé  de  Dieu, 
coniq^ç  (|ijn?  uoi  yersipus  ;  (uais  sa  clémence, 
lorsque  Ip  pécheur  est  puni  eu  ce  monde 
pour.  5t',s  trjun;^.  »  [In  (Jeu.  G.)  Eu  elTel,  le 
texte  Oç^i.ifpu  pi  le  fiaiu.||ilaiit  portent  lilléra- 
lenipnt  le  sen;;  qq'y  a  vu  6;\iut  Jérùuie.  De  là 
les  t'èrc<v  p,j>t  <o||p(n  que  p;\r  le  déluge  Dieu 
a  puni  Iç,;^  jj(jçhi.'urs  çn  ce  uiqikîc  ,  pour  leur 
faire  niisécipprde  qn  l'autre.  Oripèue,  Nom. 
in  Ezçch,,  \),  2.  Torlull.,  L.  de  Jiapl.,   c.  8. 


Saiut  Je^n  CJ)rysostonie,jH  Ps.  ex,  n.3.  Saint 
Jérôme,  Epist.  nd  Oceni.  ,  tom.  IV,  i:"  partie, 
pag.  C50.  Saint  Augustin,  in  l's.  LviM,sfrm.2, 
n.  6;  serm.  171,  de  Verbis  Apost.,  n.  5,  etc. 
Ils  ont  présumé  que,  comme  le  délu;;e  n'ar- 
riva pas  tout  à  coup  et  ilans  un  seul  instant, 
mais  peu  à  peu,  les  pér heurs  eurent  le  temps 
de  demander  pardon  à  Dieu,  et  que  le  Sei- 
gneur se  servit  de  la  crainte  de  la  mort  pour 
leur  inspirer  le  repentir. 

ANTHOLOtlE,  du  grec  ùvOo\o-/!.r>v,  que  nous 
rendrions  en  latin  par  fl  irtliyium,  recueil  de 
fleurs.  —  C'est  un  recueiidesprincipauxoffices 
qui  seul  en  usage  dans  l'Ejilise  grec(iue..  U  «-eu- 
ferme  les  olfices  propres  de»  fêtes  de  Jésus- 
Christ  ,  de  la  sainte  Vierge  et  de  quelques 
saints  ;  de  plus,  des  offices  pour  les  prophè- 
tes, les  apôtres,  l<s  martyrs,  les  coulesseurs, 
les  vierges,  etc.  Léon  Allatius,  dans  sa  pre- 
njière  Dissertation  sur  ies  livres  ecclrsiasliiiues 
des  Grecs,  et!  parle,  mais  avec  peu  d'éloge. 
Ce  u'iiail  d'abord  qu'un  livret,  que  l'avidité 
ou  la  fantaisie  de  ceux  qui  l'uni  augmenté, 
a  bcaMCOup  grossi  ;  mais  qui,  à  qnel.']ues 
nouveautés  près,  ne  contient  rien  qui  i^o  so 
trcuve  dans  les  menées  et  dans  les  autres  !i- 
vrrs  ecclésiastiques  des  Crées.  —  Outre  cet 
antlioloye,  qui  esta  l'usage  des  Eglises  grec- 
que ,  Antoine  Areudius  eu  a  publié  un  nou- 
veau sous  le  titre  de  nouvel  Antholoye  ou 
riorilçfie,  imprimé  à  Uo:ne  en  1598  :  c'est 
U!j  abrégé  du  i-remier,  une  espèce  de  bré- 
viaire raccourci  et  commode  dans  les  voya- 
ges pour  les  piètres  elles  moines  grecs ,  qui 
no  peuvenî  porter  le  j)remicr,  à  cause  de  son 
exircjue  gros  eur  ;  mais  il  est  encore  moins 
que  celui-ci  du  goût  d'Allalius,  (jui  aecuse 
i'abbrévialeur  île  plusieurs  altéralions  et  in- 
fidélités considérables.  Allât.,  de  lihr.  lîccl. 
Grœc.  R.;  Simon,  Suppi.  aux  ccrém.  des  Juifs, 

ANJHlVOPOLOtUE,  mot  formé  du  grec 
â.6/5W7roc,  homme,  "koyo;,  parole  ;  c'est  une  ma- 
nière de  s'exprimer  per  I  .quelle  les  écri- 
vains sacrés  aliribuent  à  Dieu  des  membres, 
de-t  actions  ou  des  alTcctiuus  qui  ne  ronven- 
nciit  qu'if  l'honime  :  et  cela  pour  s'accom- 
moder à  la  fajbU-sse  de  noire  intelligence. 
AinM  il  est  dit  dans  l.i  Genèse  que  Dieu 
march.iil  'tans  le  paradis  terrestre,  qu'il  ap- 
pela Adaiii ,  qu'il  se  repenlit  d'avoir  fait 
i'hoiiimc  ;  dans  les  psaumes,  que  les  cieux 
sont  rouvrau;e  des  mains  de  Dieu,  que  ses 
yeux  .sont  ouverts  et  veillent  sur  l'indi- 
gent, etc. 

^■aiuement  Ie<î  manichéens  se  sont  scanda- 
lisés autrefois  de  ces  expressions,  et  ont  ac- 
cusé d  erreur  les  écri\aiiis  de  l'ancien  Testa- 
nieiil  ;  plus  vainemeal  encore,  d'autres  liére- 
li(iucs  lo>  ont  pri.ses  à  la  lettre,  et  en  ont 
conclu  que  Dieu  a  une  forme  humaine.  L'E- 
criture nous  enseigne  assez  cliiremeut  que 
Dieu  est  un  é;re  purement  spirituel,  simple, 
sans  coniposilion  et  sans  parties.  Mais  iionr 
faire  coiniirendre  aux  hommes  les  opéra- 
tions de  Dieu,  il  a  fallu  se  servir  du  langage 
humain,  et  ce  lan;.;agenc  peut  fournir,  po>i;* 
exprimer  h'S  aclimis  do  l):eu,  tl'anires  1er- 
mes  que  ceux  qui  désignent  les  actions  des 
liuuimes.  Ces  tenues,  à  l'égard  de  Dieu,  sont 


Ainsi,  par  analogie,  ios  yeux  de  Dieu  sont  grossièrenienl  entendus.  Cependaiil  1rs  pro- 
testants Veulent  que  les  h:)iiimes  les  plus 
igDorants  lisent  l'Ecrllure  sainte. 


277                                       A  NT  A.NT                                       278 

des  métaphore?  qui  nous  apprennent  seule-  pas  Dieu  le  Père,  mais  son  Fils,  qui ,  en  prc- 

nienl  que  Dieu  a^^it,  produil,  par  un  siinplp  nanl   une  fi'^ure  huumiiie,    préludait,    pour 

acte  de  sa  volpnlé  ,  les  nicines  effets  que  s'il  .'linsi  dire,  à  rinoarnalioi).  Aih.   Marcion., 

avait  des  pieds  ,   des  raains  ,  des  yeux,  etc.  1-  n.  c.  27.  Il  était  donc  bien   persuadé  que 

Nous  touillons  dins  le  même  inconvénient  à  Dieu  n'a  point  de  corps, 

l'égard  des  opéralions  de  noire  àuie.  Comme  Moshcim    rapporte  qu'qu    x'  siècle   cette 

les  organes  du    corps  sont   les  insttunients  erreur  l'ut  reniiuvelée  en  Italie  par  des  gens 

par  lesquels  npus  exerçons  nos  facult  s  spi-  du  commun,  et  même  par  des  ecclésiastiques, 

rituelles,  il  esl  naturel   d'exprimer  celles-ci  et  qu'ils  j  furent  induits  par  l'iiabilude  de  voir 

par  les    fonctions   corporelles.   Nous  disons  des  images  dans  lis  églises.  Quand  cela  se- 

d'un  homme  de  génie  que  c'est   une  bonne  rait,  il  ne  s'ensuivrait  rien   contre   le  culte 

télé,  d'un    esprit   pénétrant    qu'il  a  de  bons  des  images  :  |es  anlhropomorplntes  iia   qua- 

yeux  ,  d'un  homme   puissant  qu'il  a  le  bras  trième   siècle  avaient   été  induits   en  erreur 

long,  etc.  Ce  langage  ne  (rompe  personne,  par  [jlusieui:}    passages?  de  rKcrilure   sainte 
Ainsi,  par  analogie,  les  yeux   de   Dieu  sont 
la  connaiss'ince  qu'il  a  de  toutes  chi>ses;  sa 
main,  son  br.is  est  sj\  puissance  ;  sa  bouche, 

sa  parole,  sont  les  signes  qu'il  donne  de  sa  Aujourd'hui, parmi  lesincredulfsmodernes, 

volonté,  etc.  Le  psalmisle  dit  que  les  cieux  les  uns  accusent  A'unUiropomorpliisme  tous 

sont  l'ouvrage  des  doigts  de   Dieu  ,    afin   de  ceux  qui  admettent  un  Dieu,  parce  (|ue  nous 

nous  faire  comprendre   (lue  Dieu  les  a  faits  ne  pouvons  pensera  Dieu  sans  nous  en   for- 

sans  y  employer  toutes  ses  forces  ,  mais  avec  mer  une  image.  Mais  cette  illusion  de  l'imi- 

autanl  de  facilité  que  ce  que  nous  faisons  du  ginalion  ne  jjrouve  rien,    dès  que  nous  fai- 

bout  des  doigts.  Koyej  les  deux  arlicles  sui-  sons    profession    de  croire  (][ie  Dieu   est  \in 

vants.  pur  esprit.  Toutes  les   fois  que  nous  enten- 

ANTHUOPOMORPHjS.ME  ,  ANÏHROPO-  dons  nommer  un  ol.jet  que  nous  n'avons  j^- 
MORPriri'liS,  ternie  formp(|'«vOy5W7roj //bm??ip,  mais  vu,  nous  nous  en  form'us  une  iinagc  , 
et  de  fio/s>ii  forme.  L'aiUliropoinorphisme  est  et  cette  imape  est  toujouis  très-différente  de 
l'erreur  de  ceux  qui  attribuent  à  Dieu  une  l'e  qu'est  l'objet  en  lui-même  :  il  iv  s'ensuit 
figure  humaine,  un  corps  humain.  D'anciens  rien.  —  D'autres  reprochent  aux  théologiiMis 
hérétiques  prirent  à  la  lettre  les  antliropo-  Vanlltropomorphisma  spirituel ,  c'v^l-à-iVire, 
logies  de  ri'lcriiure,  et  ce  qu'elle  nous  dit  que  d'atliibucr  à  Dieu  toutes  les  (jualilcs  humai- 
Dieu  a  fait  l'homme  à  son  image  et  à  sa  res-  nés,  l'enlenderpent,  |a  volonté  ,  la  science, 
scmblancc.  Ils  en  conclurent  que  Dieu  a  la  sagesse,  etc.  De  ce  langage,  disenl-ils,  il 
rcellemeni  des  pieds  ,  dis  mains,  dos  veux  s'ensuit  que  Dieu  est  de  même  nature  que 
et  un  corps  comme  le  nôtre;  quêtes  patriar-  nous,  un  homme  comme  nous,  quoique  plus 
(lies  avaient  vu  Dieu  ,  non  sous  une  figure  p.irl.iil  peul-éire  que  nous.  (Juand  cela  sc- 
empruntée,  mais  dans  sa  propre  substance  «ait  vrai ,  faudrait-il  embr;isser  l'athéisme  , 
divine.  Ils  nommaient  origénistcs  ceux  qui  parce  qi4e  nous  ne  pouvons  avoir  de  Dieu 
leur  soud'naicnt  que  Dieu  est  un  être  pure-  des  idées  dignes  de  sa  grandeur  et  ùi}  ses  per- 
menl  spirituel  :  ils  allégorisenl,  dis.iienlils,  feclions  inlinies?ou  faul-il  nous  abstenir  de 
commeOrigène,  les  paroles  de  rKcnlure  (|ui  penser  à  Dieu  et  d'en  parler  ,  parce  que  le 
prouvent  que  Dieu  a  un  corps  coinniè  nous,  langage  humain  n'est  pas  assez  parfait?  .Mais 

Saint  Epiphane  appelle  les  anlltropomor-  le  re|iro(he  des  athi'cs   est  mal  fotuie.  Nous 

philts,  aiulieiis,  d'un  c.rtain  Auditif,  que  l'on  croyons  et  nous  déclaroiis  qu'en  Dieu  Ipiile 

croit  avoir  clé  leur  chef,  et  qui  a  vécu  dans  pcriecliou  est  infinie ,  exem()te  de   tous  les 

la  Mésopotamie  ;  il  était  à  peu  près  coiilern-  défauts  de  l'homme  ,    mais   que  notre  esprit 

porain  d'A;ius;  saint  Augustin   les   nomme  borné  iii'  peut  rien  concevoir  d'inlini  :  il  n'y 

tudteiis,  vadiani.  a  donc  là  aucun  danger  d'erreur.  Vou.  Xr- 

iMosheim,  qui  croit,  sur  des  preuves  assez  tkiiuts,  et  l'arlicle  suivant, 

légères,  que   \'(mlliropumorphifme  était  une  .VNTllUOl'OPATHll!!,  figure,  expression, 

(erreur    1res -commune    dans   L's   premiers  discours  par  lesquels  on  attribue'à  Dieu  les 

siècles  de  l'Eglise,  non-seulement  parnii  les  pas>ionsbuniaines,  coinmel'amour,  la  liaine, 

fidèles,  mais  parmi  les  évéquis,  avoue  néan-  fa  Jalou.sie,  etc.  Ce  n'est  pas  la  même  chose 

moins  que  ceux  qui   le  soutenaient    n'aliri-  quanlhropulogie  :  celle-ci  a  lieu  lorsqu'on 

buaient  pas  à  Dieu  un  corps  grossier  et  chsr-  attribue  à  Dieu  quelque   chose  (jue   ce   soit 

nel,  mais  un  corps  sulitil  el  délié,  sembl::ble  qqi  convient  à   l'homme,  comme  des  mem- 

à  la  lumière,  organisi'  comme  le  corps  bu-  bres,  etc.  .4nf/(ro/)o/j«;/tie  nese  dit  que  quand 

main,  non  par  nécessité,  niais  pour   l'orne-  on  lui  prèle  des '.passions  ou   des  alTeciions 

nient  el   pour  se  rendfc   visible   an^   bien-  humaines.  —  Puisque  Dieu  est  immuable  et 

heureux.  souierainement  parlait  ,  il  esl  évident  qu'on 

Tertullicn  semble  être  tombé  dans  l'n/U/i/'o-  ne  peut  lui  atlribucr  dps  passions,  non  plus 

pomorphisme  ;   mais   on   peut    aisémenl  l'en  qup  des   membres  corporels,  sinon  dans  un 

disculper,  puisqu'il  a  dcnmniré,  contre  Her-  sens  métaphorique.  On  dit  que  Dieu   est   ir- 

mogène,  que  Dieu  est  créateur  de  la  maiière;  rite,  lorsi|u'il  punit  ;  qu'il  \\;\\[  les  iin|iies,  par 

il  aurait  donc  fallu  que  Dieu  créât  son  propre  la  même  raison  qu'il  est  jaloux  de  son  cuite, 

corps,  absurdiii' qui  n'e^i  j  .mais  venue  dans  parce  qu'il   défend   ue  le  rendre  à  d'autres 

respritdeTerluUien.Cerèrepensequcquand  i^u'à  l".i  ,  elc.  Yoy.Glassii  Philotog.  Sucra, 

Dieu  est  apparu  aux  patriarches,  ce  n'élaiit  col.  ia30  et  suiv.  —  Tertullien  disait  aux 


279 


ANT 


ANT 


2«0 


iiiarcionilps,  qui  se  scandalisaient  oe  ces  ex- 
pressions de  l'Ecrilure  sainte  :  «Je  vous  ré- 
pète que  lijeu  n'a  pu  converser  ;ivpc  les  hom- 
mes à  moins  qu'il  ne  d.iignât  parler  comme 
eux,  s'atlriliuer  leurs  sentiments  et  leurs  af- 
fections. Il  fillail  ce  langag;e  humain  pour 
mettre  à  portée  do  notre  faiblesse  les  gran- 
deurs de  la  niajeslé  suprême.  Si  cela  paraît 
indigne  de  Dieu,  cela  rst  nécessaire  à  l'hom- 
me :  or,  rien  n'est  plus  digne  de  Dieu  que 
l'instruction  et  le  .salut  de  ses  créatur^'s.  » 
Adv.  Marcion.,  1.  ii,  c.  27;  Origène,  contre 
Celse,  I.  IV,  n.  71  et  s.;  saint  Cyrille,  contre 
Julien,  I.  v,  p.  151-131,  répondent  do  même. 

ANTHROPOPHAGES,  peuples  qui  man- 
gent de  1.1  chair  humaine  ;  leur  nom  vient 
d'a-jBpano;  homme,  et  de  çayEfv  manger.  Avant 
que  les  hommes,  devenus  sauvages,  eussent 
été  aitouci^  par  la  culture  des  aris  el  civili- 
sés par  des  lois,  il  paraît  que  la  plupart  des 
peuples  mangeaient  de  la  ihair  humaine  : 
les  sauvages  en  mangent  encore  ;  les  (îrecs 
el  les  Homiii.s  allnbuaient  à  Orphée  la  ré- 
forme de  cet  horrible  usage.  Croirait-on  qu'il 
a  plu  à  un  philosophe  de  notre  siècle  d'ac- 
cuser les  Juifs  d'avoir  élé  anlliropophnf/cs  ? 
Nous  lisons  dans  Ezéchiel,  c.  xxxi  et  suiv.  : 
Dites  aux  oiseanx  du  ciel  el  aux  bdes  de  la 
Cdmpnijne  :  V cnez,  accourez  ù  la  victime  que 
je  vais  itnmoirr  sur  les  montagnes  d'Is)ab'l, 
pour  vous  en  faire  mnvger  la  chair  et  boire  le 
sang.  Vous  iiiaugerez  la  chair  des  gunricrs  , 
vous  boirez  le  sang  des  grands  de  la  terre,  des 
béliers  el  des  tnurcuux,  etc.  Selon  le  philo- 
sophe iio;;t  nous  [lai  Ions,  les  oiseaux  du  ciel 
et  les  bêles  de  la  campagne  sont  les  Juifs  — 
Nous  ne  relèverions  pas  cette  ineptie,  si  nous 
ne  savions  jusqu'à  <iiiel  point  les  disciples 
des  iihilc)so|ilies  (lortei'l  l'incicdulité. 

ANTIADIAPHOIIISTKS,  c'est  à-dire,  op- 
poses ;iux  adiaphoristes  ou  indifférenls.  Voy. 
AniAPnoiusTF>.  -  Dai.s  le  xvi'  siècle,  ce  nom 
fut  donne  à  une  secte  de  luthériens  rigides, 
qui  refusaient  de  reconnaîire  la  juridiction 
des  évêques,  et  improuvaienl  plusieurs  cé- 
rémonies de  l'Egli-e  observées  parles  luthé- 
riens mitigés,   y  01/.  Li  THÉHiKNs. 

AMIDICOMAIUAMTES,  anciens  héréti- 
ques qui  oui  prétendu  ()ue  1^  sainte  V^ierge 
n'avait  pas  continué  de  vivre  dans  l'état  de 
virginité;  mais  qu'elle  avait  eu  plusieurs  en- 
fants de  .(oseph  ,  son  époux,  après  la  nais- 
sance de  Jésus -Ch:isl.  Voy.  Viebge.  —  On 
les  appelle  aussi  untidicomarit/s,  el  quelque- 
fois aiilininrinnites  et  untimarien^.  Leuro[)i- 
nion  était  fondée  sur  des  passages  de  l'Ecri- 
ture, où  Jésus  fait  mention  di'  ses  frères  et 
de  ses  sœurs,  et  sur  un  passige  de  saint 
Malliiieu,  où  il  est  dit  (|ne  Ji)sepli  ne  coiniut 
point  M  irie  juscju'à  ce  qu'elle  eût  mis  au 
inonde  notre  Sauveur.  Mais  on  sait  que 
chez,  les  Hébreux  les  frères  et  les  sœurs  si- 
gnifient souvent  les  cousins  et  les  cousines. 
—  Les  aiitidiromarinnilrs  éiaient  des  secta- 
teurs i\' Hehidiiis  et  île  Joriitien,  (]ui  paru- 
rent à  Home  sur  la  lin  du  (luairième  siècle. 
Ils  furent  réfutés  par  saint  Jérôme. 

'  ANTICONCOIIDATAIUKS.—  L'I-glisede  Fr.ince 
avilit  eu  liurriblcnienl  ii  sonlTrir  du  lu  révolution  de 


89,  lorsque  le  pape  Pie  VII  roncliil  avec  le  jiremicr 
consul  le  Coneordal  tin  l.S. juillet  1801.  Les  évê(|ues 
de  France  éuiient  ninrts  on  dispiTsés;  les  églises 
privées  de  pnsleurs,  étaient  dans  une  espèce  de  veu- 
vage. Il  falliill,  pour  guérir  un  si  gnnid  irial,  empliiyer 
nn  remède  énergiiiiie.  Pie  VU  ré.-olut  de  délmire 
tous  les  sièges  et  d'en  ét:\lilir  de  nouveaux.  Un  pa- 
reil acte  de  suprême  autorité  ne  s'était  pas  encore 
vu  dans  l'Église,  Le  saint-|ère  voulut  d'abord  re- 
courir a  la  voie  de  la  coneiliaiion.  Il  demanda  à  tous 
les  évêipies  la  iléniission  de  leurs  sièges.  Qualre-vliigl- 
uii  évéïpies  existaient  encore  :  (|uar:iiite-cinq  aeeé.dè- 
rent  au  désir  du  pontife  ;  Irenie-six  s'y  refusèrent, 
alléguant  pour  niolif  qu'ils  n'avaient  pas  élé  consultés 
dans  les  nouveaux  arrangements  du  pape  avec  le 
premier  consul.  <  Mais,  eomuie  l'observe  M.  l'iiol, 
la  proposition  de  consuller  et  d'entendre  tous  les 
évêques  éiait-eile  d'une  exécution  facile  dans  un 
temps  de  révolutions  el  d'iiieertiludes,  qui  n'olfrait 
pas  assez  de  tranquillilé  pour  la  réunion  d'iiii  eonci- 
le  ?  tt  le  besoin  urgent  d'éleindre  un  long  schisme 
et  de  faire  cesser  une  per-éeulion  déclarée  ;  la  né- 
cessité de  rilever  la  religion  de  ses  ruines,  el  de  lu 
rappeler  dans  le  cœur  des  lideles,  qui  l'oubliaient  de 
plus  en  plus  au  milieu  des  orages  et  des  entraves  où 
elle  gémissait  depuis  plus  de  div  ans,  n'autorlsaleiil- 
ils  pas  le  pape  à  s'écarter  des  règles  oïdiuairi  s  et  à 
dépiciyer  un  pouvoir  proportionne  à  lu  grandeur  des 
niauv  de  l'tglise  ?  i 

Le  pape  ne  tint  compte  de  ce  refus,  et  le  20  no- 
vembre il  rendit  la  bulle  Qui  Chrisli  Domini,  qui  di- 
visait la  Fr.ince  (qui  compienait  alois  la  Belgique  et 
la  Savoie)  en  soixante  diocèses,  dont  dix  iiiéiro|ioles 
et  ciiKpianie  évècliés.  Par  la  bu  le  Quouiam  favente. 
Pie  VU  délégua  au  cardinal  Caprara  le  pouvoir  d'Iii- 
stiluer  de  nouveaux  évéques.Les  évèques  qui  avaient 
refusé  leur  démission  lédigérent  une  proleslaliun  con- 
tre te  qui  veiiaii  de  se  faire.  File  poriaii  sur  quatre 
)ioints  :  —  sur  le  Concurdai,  —  sur  la  reconMai>ance 
du  go  ivern  ■ment  républicain  par  le  pape,  au  détri- 
ment du  roi  légiliiiie  ,  —  sur  raliénation  des  biens 
du  cleigé  ,  —  et  sur  les  articles  organiques.  Celle 
prolestaiioii  lut  signée  noii-senlemeiil  par  les  treale- 
b\\  évèipies,  mais  encore  par  M.M.  j>e  la  Cliambre  el 
de  La  loiir,  (|ui  avaient  envoyé  leur  démission. 

Pie  VU  vint  sacrer  Mapoléon  ;  il  exigea  des  évèques 
un  acte  d'adhésion  à  loiilcs  les  in''suies  prises  par  lui 
relalivemeiil  aux  allaires  ecclésiasiiques  de  France. 
Tous  souscrivirent.  Ils  avaient  déj.i  délégué  leurs 
pouvoirs  aux  évè<pics  nommés  aliii  que  leurs  actes 
ne  lussent  pas  frappés  de  nulliié.  Après  la  ciniie  de 
Nap(jiéuii,  Louis  XVIIl  demanda  aux  opposants  qui 
avaient  jusqu'alors  persisté  dans  leur  relus,  de  don- 
ner ciilin  leur  démission.  Pour  ne  pas  conlrister  le 
cwiir  de  ce  bon  roi  qu'ils  aiinaent,  ils  remirent  leur 
déinissiua  entre  ses  mains.  Celte  délni^siull  était  con- 
çue en  termes  qui  étaient  loin  d'itre  flalleiirs  pour  le 
pape.  Une  lettre  écrite  à  Pie  VII  le  ii  août  ISIC  par 
M.  de  Pcrigord  et  six  autres  évèques,  lut  rejelée  par 
lu  cour  de  Home.  Enfin,  le  8  novembie,  ils  souscri- 
virent un  acie  d'obéissance  sans  aucune  réserve.  Un 
seul  évcrpie,  M.  de  riiémioes,  persista  dans  ion  refus. 
Il  «(Tivll  à  Louis  XVIIl,  qui  avait  parlé  de  mn  sacre 
dans  un  discnui S  d'ouverture  des Cb  imbrcs  :  i  Le  siè- 
ci'i  est  trop  usé  pour  ne  lui  donner  qu'une  cérémonie 
et  nn  spectacle  sans  préliminaire  cl  sans  suite.  Le 
Uieii  de  Cluvis,  de  Cliarlemagae  el  de  saint  Louis  e>\ 
li:  Dieu  de  saint  Iteioi,  de  uns  les  apôtres  des  (!au 
les  et  de  leurs  biiccesseurs  lé;;ilimes.  Aussi,  le  grand 
saint  dit  au  bapléui<'  de  Clovis  :  liiisscz  la  léti-,  liei 
tsicambre;  adorez  ce  que  vous  avez  brillé,  el  brûle/ 
ce  que  vous  avez  adoré.  Il  faut  ipie  sauii  Louis  puis- 
se dire  il  V.  M.  des  paroles  bien  plus  glorieuses  : 
Levez  la  léte,  fils  de  saiiii  Louis  ;  vous  avez  relevé 
ce  qui  était  aliatiu,  et  vous  avez  aba:lu  ce  ipii  s'était 
élevé.  Sans  cela,  sire,  le  Dieu  de  saint  Ueiiii,  des 
apôtres  des  Gaules  et  de  leurs  successeurs  légiiimes. 


2«1 


ANT 


ANT 


282 


le  Dieu  de  Clovis,  de  Cliarloinagiie  et  de  saini  Louis, 
ne  sera  poinl  à  votre  sacre.  »  M.  de  Tliémiues  fui 
alors  le  chel'  de  la  Peiite-Kglise,  et  ne  se  soumit 
r)iren  18-29. 

Environ  quatre  cents  prêtres  demeurèrent  alla- 
eliés  aux  opposant''.  INous  consacrons  à  leur  schisme 
un  article  |iarlicnlier  sous  le  noui  d'IicL.SE  (Petite-). 

ANTllilSNE,  en  latin  antiphona,  du  grec 
àvTt,  contre  ,  et  f-.iv/j  ,  voix,  chant.  —  Les  an- 
tiennes onl  été  ainsi  noiuDU'c  s  ,  parce  que 
dans  rori|;inc  on  les  clianlail  à  deux  chœurs, 
qui  se  repondaieiil  allcrnalivcinent  ;  et  l'on 
toinpienail  sous  ce  liire  les  hymnes  et  les 
psaumes  que  l'on  chantait  dans  l'Ei^lise. 
Saini  Ignace,  disciple  dos  aprtires,  a  éié,  se- 
lon Socrate  ,  l'auteur  de  celle  manière  de 
chanter  parmi  les  (îrecs,  et  s.iint  Anibroise 
l'a  ioiroduile  chez  les  Latins.  Théodore  en 
attribue  l'origine  à  Diodore  et  à  Flavien. 
(Juoi  qu'il  en  soit,  on  comprenait  sous  ce  ti- 
tre tout  ce  qui  se  chantait  par  deux  chœurs 
dans  l'Kglise  alternaliv. nient.  ,\ujourd'hui 
la  significalion  de  ce  terme  est  nslreinie  à 
certains  passages  courts  (ires  de  llîcrilure, 
((ui  cinvientieul  au  mjslère,à  la  vie  ou  à  la 
dignité  du  saint  dont  on  célèbre  la  fêle  ,  et 
qui,  soit  dans  léchant,  soit  dans  la  récita- 
lion  de  l'olfice,  précèdent  les  psaumes  et  les 
cantiques.  Le  nombre  des  antiennes  varie 
suivant  la  solennité  plus  ou  moins  grande 
des  offices.  L'intonation  de  Vanlienne  doit 
toujours  régler  celle  des  psaumes.  Les  pre- 
miers mots  de  Vanlienne  sont  adressés  par 
un  choriste  à  quelque  personne  du  clergé  , 
qui  la  repèle  ;  c'est  ce  qui  s'a[ipelle  in)poser 
et  entonner  une  antienne.  Dans  l'office*  ro- 
main, après  l'imposition  de  Vanlienne,  ie 
chœur  poursuit  et  la  chante  toute  entière 
avaiu  le  psaume,  cl  après  le  psaume  tout  le 
chœur  la  répèle. 

On  don  neaussi  le  nom  d'rin^'eji/if  à  quelques 
prières  pariiculières  que  l'Kglise  romaine 
chanteà  l'honneur  de  la  sainte  Vierge,  et  qui 
sont  suivi' s  d'un  verset  et  d'une  oraison, 
telles  que  le  Salve  lirgina,  Itcfjinri  cwli,  etc. 

*  AMl'ILOGIE,  contrailji  tioii,  oppusition.  — L'E- 
criture semble  reuternier  lie  lucoup  de  contradiclions  ; 
mais  elles  ne  sont  pas  réelte~  ;  car  il  est  impossible 
tpii;  l'Esprit-Saiiu  ipii  a  dicié  rtùntuie,  se  contredi- 
se ;  elles  ne  sont  (lu'appareutes  et  rel.iiives  à  la  lai- 
blesse  de  notre  esprit,  à  iiotn;  manière  imparfaite  de 
Concevoir,  à  rignoraiice  où  nous  sommes  de  la  lan- 
gue, de  riiisloire  et  des  usager  des  Juifs,  à  la  perte 
de  be.iucoup  d'anciens  inoiininenls  nécessaires  pour 
l'iiilelllgence  des  livres  saints.  Plusieurs  auleiir>  onl 
fait  des  traités  uu  des  indices  des  antilugies  apparen- 
tes de  l'Ecriture,  enire  anires  Pontas;  on  peut  les 
consuller  pour  avoir  réclaircissement  de  loutes  les 
contradictions  ap;  aïeules. 

ANTILUÏHEIUKNS  ou  SACllAMENT.VI- 
lŒS,  hérétiques  du  xvi'  sièch- ,  qui  .lyant 
rompu  de  communion  avec  l'Eglise,  à  l'iini- 
tatiou  de  Lullier,  n'oul  cependant  pas  suivi 
ses  Oj  inions,  et  onl  forme  d'autres  sectes  , 
telles  que  les  calvinistes,  les  zuinglieus,  etc. 

ANTlMEiNSK,  est  une  sorte  de  nappe  con- 
sacrée, dont  on  use  en  certaines  occasions 
dans  l'Eglise  grecque,  il.ins  les  lieux  oii  il 
ne  se  trouve  point  d'.iulel  convenable.  —  Le 
l'.  Goar  observe,  qu'eu  égard  au  peu  d'égli- 
ses consacrées  qu'avaient  les  Grecs,  et  à  la 


difficulté  du  transport  des  aute.s  consacrés, 
celte  Eglise  a  fait  durant  des  siècles  entiers 
usage  de  certaines  étoiles  consacrées,  ou  de 
linges  appelés  anlimensia,  pour  suppléera 
ces  défauts. 

ANTINOMIENS  ou  ANOMIENS,  ennemis 
de  la  loi.  Plusieurs  sccles  d'hérétiques  oui 
élé  ainsi  appelées  :  1"  les  anabaplislcs,  qui 
soulinrent  d'abord  que  la  liberté  i  vangéli- 
que  tes  dispensait  d'éire  soumis  aux  loi^  ci- 
viles, et  qui  prirent  les  armes  pour  secouer 
le  joug  des  princes  et  de  la  noblesse.  Eu  cela, 
ils  prétendirent  suivre  les  [irimipes  que  Lu- 
ther avait  élalilis  dans  son  livre  de  la  liberté 
cvanf/elique.  Vuy.  Anabaptistics.  —  2"  Les 
sectateurs  de  Joiiii  Agricola  ,  disciple  de  Lu- 
ther, né  comme  lui  à.  Islèbe  ,  ou  Aisleben, 
dans  la  basse  Saxe,  d'où  ces  sectaires  furent 
aussi  nommés  Jslébiens.  Comme  saint  Paul 
a  dit  que  l'homiuc  est  jiistilié  par  la  foi,  sans 
les  œuvres  de  la  loi  ;  que  la  loi  est  survenue 
(le  manière  que  le  péché  s'est  augmenié  ; 
que  si  l'un  peut  être  juste  par  la  loi,  Jésus- 
fihrisl  est  mort  en  vain,  etc.,  Luther  et  ses 
disciples  en  prirent  occasion  de  soutenir  que 
l'obéissaïue  à  la  loi  et  les  bonnes  œuvres  ne 
servaient  de  lien  à  la  jusiificalion  ni  au  sa- 
lut. Ils  ne  voulaient  pas  voir  que,  dans  tous 
ces  passages,  saint  Paul  parle  de  la  loi  céré- 
nioniclle,  et  non  de  la  loi  morale  contenue 
dans  le  Décalogue  ,  puisqu'en  parlant  de 
celle-ci,  il  dit  que  ceux  qui  accomplissent 
la  loi  seront  justifiés  [Rom.  ii,  13). 

Musheim  a  l'ait  ce  qu'il  a  pu  pour  pallier 
la  turpitude  de  la  doctrine  de  Luther,  et  les 
pernicieuses  consiMiuenccs  qui  s'ensuivaient, 
rendant  que  Luilicr  ,  dii-il,  inculquait  aux 
p  uples  la  doctrine  de  l'Evangili!  ,  qui  nous 
re|)réseiiteles  mériiesde  Jésus-Christ  comme 
la  soiircedu  salut  des  hommes;  [leudantqu'il 
réfutait  les  papistes,  qui  confondent  la  loi 
avec  l'iùangile,  et  qui  nous  représentent  le 
bonheur  éternel  coinme  la  récompense  de 
l'obéissance  légale ,  il  s'éleva  un  fanatique 
nommé  Agricola,  qui  abusa  de  sa  doctrine  , 
el  ouvrit  la  porte  aux  erreurs  les  plus  perni- 
cieuses. Il  se  mil  à  déclamer  contre  la  loi  , 
soutenant  qu'il  necon\enait  point  de  la  pro- 
poser au  peuple  comme  une  règle  de  mœurs, 
et  que  l'on  devait  se  borner  à  enseigner  el 
à  expliquer  l'Evangile;  ses  sectateurs  fu- 
rent nommés  antinomiens.  Oux  qui  les  ont 
combattus  prétendent  que  leur  morale  était 
Irès-dissolue;  que,  selon  leur  doctrine,  un 
homme  pouvait  se  livrer  à  ses  passions  el 
transgresser  sans  rcntords  la  loi  divine , 
pourvu  qu'il  fût  toujours  attaché  à  Jésus- 
Christ,  el  qu'il  embrassât  ses  mériies  par 
une  foi  vive.  —  Mais,  conliiiue  iMosheim,  il 
ne  faut  pas  croire  aveuglement  toutes  ces 
imputations  :  le  principal  crime  d'Agricola 
consistait  dans  quelijues  expressions  iiial- 
sonnanles,  inexacles  et  impropres,  qu'il  ne 
faut  pas  prendre  à  la  rigueur.  Sa  doctrine 
consislaii  à  soutenir  que  les  dix  comn)ande- 
meuts  donnés  à  Moïse  ne  regardaient  pro- 
prement que  les  Juifs  ;  que  les  cliréiiens  pou- 
vaient les  négliger  sans  pécher  ;  qu'il  suffi- 
sait d'expliquer  ciaireuient  et  d'inculquer  ce 


Ï83                                     ANT  ANT                                     <iU 

que  Jésus-Christ  et  ses  apôtres  avaient  en-  les  chrétiens   peuvent  les  négliger  snns  pé- 

seigné  dans   le  nouveau  Testanietil,  tant  nu  cher.  U   est  ntisurde  (l'opposer  l'Evangilt;  à 

suii'l  «le  la  Rrâce  et  du  salut,   que  par  r.ip-  la  loi   du  Dér.ilo^ue  ,  puisijue  l'Eviingilé  la 

port   aux  obligations  du   repentir   et   de  la  renouvelle  :  il  l'est  de  dire  qu'il   f.iut  incul- 

vcrlu.   La  plupart  des  docteurs  de  ce  siiicle  quer  ce  que  Jésus-Christ  et  les  apolrcs  ont 

ont  le  défaut  de  ne  point  expliquer  leurs  sen-  enseigné,  sans  faire  mention  du  Décalogue  ; 

timenis  d'une  manière  claire  et  suivie;  de  là  puisque  !e  Décalogue  fait  partie  esseniielle 

vient  qu'on  leur  impute  des  opinions  qu'ils  de  leur  doctrine.  Mais  Mosheim,  connue  tous 

n'ont  jamais  eues,  llist.  ccdés. ,  xyi"  siècle,  les  protestants,  ne  voit  des  erreurs  (|ue  dans 

sect.  3, 11°  pari.,  c.  1,  §S  21  et  2G.  l'Eglise  romaine;  les  plus  monstrueuses  et 

Cette  apoloi^ie  d'un  sectaire  fanatique  est  les  plus  révoltantes  ne   lui  paraissent  rien 

un  chef-d'œuvred'entélenu'nt  el  de  mauvaise  dans  sa  secte. 

foi.  En  prcnîier  Ijeu,  nous  défions  Mosheim  3"  Dans  le  xvii"  siècle,  il  y  a  eu  d'autres 
et  tous  les  protestants  de  citer  un  seul  tliuo-  antinomiens  parmi  les  puritains  d'Angleterre 
logien  catholique  qui  n'ait  pas  représenté  les  qui  tirèrent  de  l.i  dodrine  de  Calvin  les  mé- 
niérjles  de  Jésus-Christ  comnu'  la  source  mes  conséquences  qu'Agiicola  avait  tirées 
du  salut  des  hommes;  qui  ait  attribué  aux  de  celle  de  Luther.  Les  uns  argumentèrent 
bonnes  œuvres  un  mérite  indépcnd.ml  de  sur  la  prédestination.  Ils  enseigiièrent  qu'il 
ceux  de  Jésus-Christ  ;  qui  ail  représenté  le  <'st  inutile  d'exhorter  les  cliréiicns  à  la  vertu 
bonheur  éternel  comme  |a  réconipen-.e  d'une  et  à  l'obi-issame  à  la  loi  do  Dieu  ,  parce  que 
obéissance  à  la  loi  qui  ne  fût  pas  l'efiel  de  ceux  qu'il  a  élus  pour  être  sauvés,  par  un 
la  grâce  de  Jésus-Christ.  Nous  les  défions  décret  immuable  el  éternel,  sont  portés  à  la 
encore  d'en  filer  un  seul  qui  ail  cimfondu  la  praliiiue  de  la  piété  et  de  la  vertu  par  une 
loi  avec  rÉyangile,  (jui  ail  dit  que  le  bon-  impulsionde  la  grâce  divine,  à  laquelle  ils  ne 
heiif  cternri  est  1.)  récompense  de  ro/;^('ssance  sattruinit  rcuister  ;  au  liuu  que  ceux  qu'il  a 
/^^a/e,  si  par  là  l'on  entend  l'obéissance  à  la  destinés  à  être  diimnés  éterncllemenl,  ne 
Ipi  cérénionielle  dos  Juifs.  A  la  vérité.  Lu-  peuvent  devenir  vertueux  ,  quelques  exhor- 
ther  prêtait  toutes  ces  erreurs  aux  théolo-  t;ilions  et  quehiues  remonUances  qu'on 
gieiis  catholiques  ,  en  déguisant  malicieuse-  pui^si'  leur  faire,  ni  obéir  à  la  loi  divine, 
ment  leur  doctrine;  mais  apiès  les  décisions  puisijue  Dieu  leur  refuse  sa  grâce  et  les  se- 
si  fonrielles  du  conrile  de  Trente,  universel-  cours  dont  ils  ont  besoin.  Ils  conclurent  iju'il 
lemciit  suivies  p;ir  tous  les  théologiens  de  faut  se  bornera  prêcher  la  foi  en  Jésus-Christ 
l'Ei^lise  rom.iine,  il  y  a  bien  de  la  manvaive  et  les  avantages  de  la  noqvelle  allianre.  Mai» 
foi  a  confirmer  encore  la  calomnie  de  Luther,  quels  sont  ce?  avantages  pour  ceux  qui  sont 
et  à  leur  imputer  une  doctrine  (ju'ils  regar-  ilcsCines  à  être  damnés?  — 1  es  an  res  rai- 
dent  comme  hérétique.  Quand  il  serait  vrai  sonnèrent  sur  le  dogme  de  l'ionmissibililé 
que  les  théologiens  catholiques  du  seizième  de  la  justice.  Ils  diient  (jue  les  élus  ne  pou- 
sipcle  avqieut  le  même  défaut  que  les  autres  vaut  déchoir  de  la  grâce,  ni  perdre  la  faveur 
dcpleprs  (le  ces  temps-là  ,  et  qu'ils  n'expli-  divine,  il  s'ensuit  que  les  mauvaises  aclious 
quaient  pas  leurs  sentiments  d'une  manière  qu'ils  commettent  ne  sont  point  des  péchés 
assiz  claire,  il  y  aurait  de  l'injustice  à  prcn-  réels,  et  ne  peuvent  être  regardées  comme  uu 
dre  à  la  rigueur  les  expressions  inexactes  aban:iondt>  la  li>i  :  que  parconséquenlilsn'unt 
dont  ils  se  sopl  seryi.s,  pour  leur  impuler  des  besoin  ni  de  confesser  leurs  péi  liés  ni  de  s'en 
opiniifiis  iiu'ils  n'o.;l  pas  enes,  pendant  que  repentir;  (jne  l'adultère  ,  par  exemple,  d'un 
r,on  bla.ii|9  ce  prppédp  à  l'égard  des  docteur^  élu,  (luoiqu'il  paraisse  aux  yeux  des  homme» 
protestai/Il".  Mosheim  ,  en  blâmant  les  dé-  un  péché  énorme,  n'est  point  tel  aux  yeux 
tracteurs  d'Agrlcol.i  el  dçs  unlmviniciis,  fait  de  Dieu  ;  parceqn'un  des  caractères  csscndeU 
évidcmnicnl  le  procès  de  Luther,  et  se  cou-  cl  (iisliiiciifs  des  dus  est  do  ne  pouvoir  rieii 
damne  lui-même.  —  En  secoijd  lieu,  quand  faire  qui  déplaise  ^  Uieu  et  qui  soit  contraire 
la  doctrine  (|e  ces  sectaires  aurait  élp  telle  usa  loi.  Mosheim,  xvii'  siècle,  secl.  2,  iC 
qu'il  le  prétend,  elle  serait  encore  fausse  et  part. ,  c.  2,  §  23.  .Mosheim  déleste  avec  ral- 
fiirraellemenl  contraire  à  l'Evangile.  Jésus-  son  toutes  ces  conséquences;  mais  est-il  en 
Christ  (Mutlh.  v,  17)  commence  par  déclarer  état  de  démontrer  qu'elles  ne  se  tirent  |iag 
qu'il  n'est  point  venu  détruire  la  loi  |)|  les  directement  et  cvideu)menl  du  dogme  de  la 
prophète^,  mais  Icp  accomplir;  que  qqicon-  prédestination,  et  de  celui  de  l'inamissibililé 
que  détruira  1,(!  moindre  commandemenl  de  delà  justice,  tels  ((ue  Calvin  les  a  cnseigijésf 
la  loi,  et  enseignera  i\  le  faire,  sera  b-  der-  Le  docteur  Arnaud  a  prouvé  la  connexion 
nier  dans  le  royaui^je  do?  cieux;  ensuilc  il  d()  ces  cppsé(iuences  dans  l'ouvrage  intitulé  : 
explique  phisiinirs  de  ces  coipniande/nenls.  Le  renversement  de  la  xmrdlc  de  Jés^t^- 
ll  répond  à  pu  jeune  homme  qui  lui  dcjuan-  Christ,  par  les  erreurs  des  calvinistes  ton~ 
dail  ce  qu'il  faut  fair(;  jiour  avoir  la  vie  éler-  chant  la  j'i$tiliciitiun  ;  et  nous  soulen(|ns 
nclle  :  Si  vttus  vofflez  rnli  çr  dans  la  vie,  i,ctr-  qu'elles  nes'ensun  eut  pas  moins  de  l'opinion 
dez  Us  çommnndemciits  ,  qui  sont  de  ne  corn-  de  la  grdcc  irrésistible  ,  opinion  cummune 
mettre  i^i  homicide,  niddullère,  ni  vul,ni  fiiiix  atix  luthériens  et  aux  calvinistes.  Dans  cette 
tcmoiijiiiujc  ,  d'honorer  votre  père  cl  i.otre  hypothèse,  il  est  aussi  absurde  de  piêcbcr 
mère,  d'aim<r  le  pruchnin  comme  vuus  mé-  la  nécessité  de  croire  en  Jésus-I'.hri^t  et  les 
me.  C(iap.  xix,  y.  10.  C'est  le  Décalogue.  avantages  de  la  nouvelle  allianc',  que  d'cx- 
\\  est  donc  faux  que  ces  dix  commandp-  horter  les  honimes  à  la  véVtu  cl  à  l'obéia- 
lueuls    no  regardent  que  les  Juifs,   et  que  sance  à  loi  de   Dieu.  Ceux  à    qui  Dieu    uo 


28j 


ANT 


ANT 


28C 


donne  i).s  la  grâce  irrésistible  de  la  foi  en 
Jésus-Chri«l,  ne  peuvent  pqs  plus  avoir 
c<  lie  foi,  qu'ils  ne  peuvent  ohéir  à  la  loi, 
l()rs(|ue  Dieu  leur  reiuse  la  grdcc  irrésistible 
(l(!  l'ohéissonce.  Uans  celle  même  liypolhèse, 
il  est  tr<'s-vraiquo  i'Iiotnnie  privé  de  In  prâce 
ne  pèclie  point  en  désobéissant  à  loi;  parce 
qu'il  est  absiirie  que  riionimc  qui  pèihe 
soit  cqndamnable  et  punissable,  en  ne  fai- 
sant pas  ce  qu'il  |ui  est  impossible  de  faire. 
Or  il  est  ipipossilde  à  riiounuc  de  croire  c» 
Jésus-Cbrisl  et  d'obéir  à  la  loi  sans  la  g^iiice. 
—  Il  est  donc  évident  que  les  erreurs  de  ces 
diverses  sectes  d'anlinomiens  ne  pouvaient 
in.in((uer  d'éclore  de  la  doctrine  des  [irélen- 
dns  icformaicurs. 

•'i"  Quelques-uns  prétendent  que  l'on  a 
aussi  donné  le  nom  ti'anlinomivns  à  ceux 
qui  sonlienneiït  que  dans  la  pratique  des 
bonnes  œuvres,  il  ne  faut  avoir  aucun  égard 
ans  inotils  naturels,  parce  ((ue  les  œuvres 
inspirées  par  res  niolifs  ne  servent  de  rien 
au  salut.  Mais  ces  uiolif:i  ne  sont  point  in- 
conipatihles  avec  ceux  que  la  foi  nous  i)rQ- 
pose.  Lorsque  J>  sus-Ciirist  (iil  -.Donnez,  et 
l'on  vuyts  donnerai...  i:ous  .serc:  mesurés  com- 
me t'on*  unreM  mesuré  les  autres  (Luc.  G,  31)); 
AccurJez-vatts  promptemcnt  en  ckcmin  avec 
voire  udiersiire,  de  jjeur  (/u'il  ne  tous  livre 
an  juge,  et  que  vous  ne  iuijez  nàs  en  prison 
[Maiih.  v,25),  lorsque  saint  l'aul  dil  :  Gloire, 
lionnciir  et  paix  à  quiconque  fuit  le  bien,  e(c., 
ils  nous  piennent  paf  nqire  propre  intérêt , 
niotjf  irèj-nfilurel.  Aulre  chose  est  de  dire 
(|u'il  ne  faut  pas  a;;ir  par  les  motifs  naturels 
seuls,  et  aulre  chose  de  soutenir  qu'il  ne 
faut  jamais  agir  par  aucun  de  ces  motifs. 
(Juoi(|u'uiie  butine  œuvre  f.iile  par  ces  seuls 
motifs  ne  soit  pas  mériioire  pour  le  sajut, 
elle  est  cependant  louable;  l'iiabilude  d'en 
faire  ainsi  dispo-e,  du  moins  indirectement, 
à  en  faire  par  des  motifs  plus  parfaits.  Vu 
païen  vertueux  par  nature  est  sans  doute 
mieux  dispose  qu'un  païen  vicieux  à  deve- 
nir clirélien,  el  àpialiquer  la  vertu  lofsqu'il 
le  sera.  L'Eglise  a  condamné  avec  raisoii  Us 
Ibéolugiens  (jui  ont  enseigné  que  toutes  les 
bonnes  œuvres  des  infidè.es  sont  des  pcclié* 
et  que  toutes  les  vertus  des  philosophes  sont 
dei  vices.  Voy.  iNK.oicLEs,  OKdvues  (ij. 

ANlIOCHE.li  parait  que  l'Eglise  de  celle 
ville  capitale  de  Syrie,  est  |a  plus  ancienne 
apiès  celle  de  Jérusalem  ;  selon  la  tradition, 
c'est  là  que  saint  l'jerre  établit  son  premier 
siège,  el  que  les  disciples  de  Jé>us-Cliii.il 
prirent  le  nom  de  çltféliens  { Act.  xi ,  18 
et  'iG  ;  XIII,  1,  e|c.).  Sainl  Luc,  Tup  des 
évaiigelisies,  elait  d'Anlioclie.  Comme  c'é- 
tait la  denieurc  du  gouverneur  romain 
qui  commapdall  dans  I4  i'alestjue,  jl  y  avait 

(I.)  Il  s'e^l  fiirnié  au  xvni«  siècle  une  n'uivclle  sroie 
d';i!iliiiiiiiMeiis.  tille  recoiuiiil  pour  clieru(i  teriaiii 
Wliilhûeld,  qui  cunipUi  bienlôl  un  grand  noiulire  î\ti 
iecliilcurs  d'iiii  rang  distingué  dans  II'  cuniié  il'Kves- 
ler.  Si  docirine  esi  un  préde^liniauisnie  absolu  , 
jiarce  que  Dieu  a  voulu  le  s;ilui  des  uns  el  la  cbonna- 
lioii  (les  amres.  Lajeilu,  i-e\un  lui,  n'a  d'aiiirc  elTct 
"juu  (le  lions  doiuienin  certain  bien  êi^c  en  celle  vie. 
On  dbi  rcvolié  d'une  lelle  dottrine  ijui  détruit  les 
iioiious  élémentaires  de  la  justice  éleriielle, 


une  relation  nécessaire  et  continuelle  entre 
Jérusalem  et  Anlioche  ;  ceux  qui  crurent  en 
Jesus-Cbrisl  dans  cette  d(!riiière  ville,  ne 
purent  ignorer  les  faits  (|ui  s'éiaienl  pa'^sés 
dans  la  première.  Ce  fut  donc  avec  pleine 
connaissance  de  cause  que  plusiiurs  Juifs 
iVAntioche,  et  ensuite  plu-ieurs  païens  eiu- 
brassèient  le  cbristianisme.il  devait  y  avoir 
parmi  eux  plusieurs  témoins  oculaiies  des 
miracles  ([ue  Jesus-Glirist  avait  qpéjés  im- 
médiatement avant  1,1  paque  à  latmelle  il  fut 
nsis  àmurt,  et  delà  descente  du  Saint-Esprit 
sur  les  aptilres  à  la  fêle  de  la  S'eiitee.ôle. 
Celle  église  eul  sans  doute  une  lihirgie  pro- 
pre dès  son  origine;  mais  il  n'e;.t  pas  certain 
que  ce  soit  celle  qui  a  paru  dans  la  suite 
sous  1(!  nom  de  saint  Pierre.  Voij.  Liiirgie. 

Que  saint  Pierre  ail  fondé  le  siège  episcopal 
d'^)i/(oc/(e  avant  d'aller  à  Rome,  c'est  un 
fait  attesté  par  les  auteurs  les  plus  respec- 
tables; Origène,  Eusèbe,  saint  J  r6m(>,  saint 
Jean  Chrysostome,  etc.,  en  parlent  comme 
d'une  chose  de  Laquelle  personne  n'a  jamais 
domé;etla  (èle  i|e  la  chaire  desajut  Pierre  à 
Anlioc|ic  esttrès-anciennedans  l'Eglise.  Fie» 
des  Pères  el  des  Marli/rs,  tom.  li  pag.345. 

îiasuage,  Uist.  de  l  Eqlise,  I.  1  i,  c.  1,  a  fait 
tous  ses  elTorls  pour  prouver  le  contraire  par 
les  Actes  des  apôtres  ;  mais  il  n'en  a  lire  que 
des  preuves  négatives  et  des  dilficullés  de 
chronologie,  faibles  aroies  pour  renverser 
des  témoignages  posjtifs  iouchant  un  fait  qui 
a  dû  élre  très-public. 

Au  v  et  au  vi"  siècle,  le  patriarcat  de  celte 
ville  se  nommait  le  diocèse  d'Orient  :  il  s'é- 
tendait sur  la  Syrie,  la  Mésopotamie  el  la 
Cilicie  ;  ia  ville  lut  saccagée  par  Cbosrcès, 
loi  de  Perse,  l'an  5ï0,  et  prise  par  les  Sarra- 
sins niahonu'tans  l'an  C3'7.  Les  croisés  la 
reprirent  l'an  1098,  et  les  Turcg  ^'en  sont 
emparés  de  nouveau  eu  I2d8.  Aujoura'hui  il 
y  a  trois  évéques  qui  prennent  le  litre  de 
patriarche  lï'Anlioehe  :  l'un  est  celui  des 
melchiles,  ou  chrétiens  grecs  sthism:iliques  ; 
l'aulre,  celui  des  Syriens  moiiophysiies  ou 
jacobites  ;  le  troisième,  celui  des  Syriens 
maronites,  ou  chréiiens  catholiques  attachés 
à  l'Eglise  romaine,  bn  prétend  que  peiui  des 
jacobites  s'est  réuni  depuis  peu  à  celle  même 
communion,  avec  plusieurs  évéques  de  sa 
dépendance. 

*  ANTIOCIIUS.  «  Le  second  livre  des  Macliabées, 
nous  dit  Myr  Wisenian,  nous  olïre,  dans  le  premier 
cliapiirc,  une  leitre  des  Juifs  de  Palestine  à  leurs 
frères  dlifiyple,  datée  de  l'an  1«S  des  Sélentides, 
cl  ((inluiianl  un  lécit  détaillé  de  la  mort  d'Antioclius, 
roi  de  t'e.rse.  Quel  pouvait  être  Cil  Anlioelins ?  a-l-oii 
dcni.'flidé.  Iiidépe/idauifueni  des  d'hicultcs  clironologi- 
ipie?,  ee  ne  pouvait  cerlaiueinent  pas  èire  Auliedius 
Siiier,  ((iil  niourut  à  Autioebe,  ni  San  successeur  An- 
tioelius  Tbeus,  cpii  fut  empoisonné  par  Laodice,  ni 
Anlioclms  Magiius,  qui  fut  l'ami  des  Juilsr  II  est  parlé 
tout  anlreiiient  de  la  lin  d'Antioclins  lipipliane^  dans 
ce  mémo  livre  ix,  v.  5.  Ântioelins  Enp.itnr,  soji  sik;- 
eessenr,  api  es  deux  ans  de  règne,  fut  tué  par  Uéuié- 
irius  ;  ei  I  enlaiit  royal  du  même  nom,  qui  loi  pro- 
clamé roi  par  Trypiioii,  ne  tarda  pas  Ini-iiPÔnie  à  être 
empoisonné  par  lui.  Il  ne  rele  plus  d'aniro  mi  iverain 
deeeiiuni  qu'Aiitiocbus  Sidèles,  ap^iele  ansM  Evcr- 
gèles,  doulie  régne  seul  coïncide  avic  la  (/aie  de  ia 
letire.  Jlais  une  difiiculié  aussi  sérita.c  en  a,ipareiicu 
qu'aucune   des   piécédonles  sciiibleraii  l'exclure.  Ce 


287  AIST 

moïK.rqne,  en  effei,  commença  à  régner  l'an  174;  et 
Porphyre  el  K.u-èhc  s'acdinlenl  à  Ini  assigner  moins 
(le  neuf  ans  de  durée.  Il  doil,  suivant  oiix,  avoir  péri 
dans  une  gnerre  vers  l'an  is2.  Coniinent  donc  les 
Juifs  aiirairnl-ils  pu,  en  188,  faire  le  récildesa  mon 
comme  d'un  é\cnemenl  récent?  S"imaginerail-on, 
par  exemple,  que  li's  meinlires  d'inie  comnmnaulé 
religieuse  di'nosjours,v()idaHléi  rire  Cil  commun  me 
lellreà  leursfrère.s.liaLiilanlun  pays  Irès-voisin,  pour 
leur  apprendre  que  le  souverain  (|ui  les  opprimait  est 
mort,  alleiidisseni,  pour  le  faire.  Six  ans  entiers 
après  l'événemeni?  Le  témoignage  ainsi  oonforme  de 
deux  liisioriens  fui  regardé,  comme  décisif  conire 
riiisloricii  juif,  et  Pi  idéaux,  sansliésiler,  adopta  leur 
senlinipul  comme  cerlain  ((().  Ur,  Froililicli  a  prouvé, 
sans  laisser  le  moindre  doute,  qu'ils  sont  nécessaire- 
ment dans  l'erreur.  D';ibord  il  a  piésenlé  deux  mé- 
dailles portant  le  nom  d'Aulioclius,  et  datées  l'une  de 
185  el  l'antre  de  184,  deux  ans  par  conséquent  plus 
lard  que  l'époqvie  à  laquelle  ces  historiens  avaient 
fixé  le  moment  de  sa  mort.  Voici  ce  que  porli;  une 
de  ces  méilailles: 

»\îiAEflï  ANTii.(OT  TTP  :  lEP  :  Aïr  :  ahp. 

0(1  rui  Antiochiis;  de  Ti,r.  l'atiie  sairé.  181  [!>). 

Ces  médailles  oui  éié.de  notiel'mps,  un  objet  de 
discussion,  lirnest  Vferusdorlîrecounaîiraulheiiticilé 
de  celle  donl  nous  venons  de  larler,  et  avoue  qu'elle 
I)rouve  sullisamineiit  qu'Anlioclius  Sidétus  a  vécu 
au  delà  de  répo(|uequi  lui  est  assignée  par  l'Iiistoire 
prolane;  il  semble  même  ajouler  son  propre  témoi- 
gnage à  celui  de  Frœliliili.  Voici  en  cHél  coiiiment  i! 
s'exprime  :  Quanquam  igilur,  quod  ad  numhmaia  et 
muios  iisdeni  insci.ipios  uitinel,  jucile  asseiiiior  lidem; 
ciim  ipsi  niihi,  hencjicio  consultisiimi  viri,  cuiiiplures 
(ib  Anlioclio  proci^ws  iiummosmuln  iisurpare  ma,ibits- 
que  liactare  cviiligeiit  (c).  S<ui  fiéie  cependant,  qui 
lui  aussi  son  auMliaire,  se  montre  plus  dillicile  :  il 
clierclie  à  insinuer  que  la  Icgcinlc  n'a  uas  été  b  en  lue, 
et  que  prob.bleMienl  une  légère  alléialiim  dans  nue 
Icllre  auia  changé  le  noiiibre  181  en  I  elui  de  18!  (d). 
Mais  quand  même  nous  reconnaîtrions  pour  valalile 
tout  te  qui  a  élé  écrit  conire  ces  deux  médailles,  il  y 
en  a  d'aulrcs,  produiies  poslérienremenl  au\  objec- 
tions soulevées  par  les  deux  frères  \Veru>doilf,  (pii 
semblent  nu  tir.'  .le  point  e/i  que^llon  hors  de  doiiie. 
En  elfel,  Fiœiil.cli  a  publié  depuis  nue  né  aille  du 
même  roi,  ponant  la  date  ISfi  (e)  ;  et  l'ckbel  y  en  a 
ajouté  une  quahicnii-  frappéi'  eu  180  (f). 

(Je  point  lie  chronologie  saciée  a  élé  cxnininé  de 
nouveau,  il  y  a  (pielques  années,  par  M.  Tocboii  d'An- 
necy (g)  1(111  évidemment  n'étiit  guidé  par  aucun  dé- 
sir il'inlirmer  l'autoiilé  des  livres  des  Alacliabées.  Il 
prouve,  cl  loin  le  monde  en  cmiviendia,  qu'il  y  a 
dans  louie  liy|iolbése,  des  diflii  ullés  sérieuses,  et 
(pi'il  ne  faiil  |).is  rejeter  légèreiucnl  le  léniolguage 
(les  hisioriens  lorsqu'il  ne  s'ai  corde  pas  avec  celui 
di>  monuuiinls  ondes  iiiédiiiles.  Nous  devons  in- 
faillihleinenl  lenconirer  des  contradictions  appareil- 
les dans  toutes  les  parties  de  l'hisloirc:  la  diflicnllé 
est  de  savoir  où  placer  le  blâme.  Lis  médailles  frap- 
jiées  pour  le  couroiineineut  de  Louis  XIV  portent 
nue  daie  dillcienie  du  jour  auquel  tous  les  bisunieiis 
coulempoiains  s'accordeul  à  lix.r  cet  évilnemenl. 
tiilre  tous   ces  historiens    il  n'en    csl   qu'un    seul, 

(0)  L' Ancien  el  le  iV»  uv.  Teat.  réunis.  Tables  chroiiolo- 
giqui's  à  la  lin  du  viliiuie  l\ ,  édil.  ITiJ. 

(fc)  l'^ij^e  if.— Voyez  li.s  niéjai.les  sur  sa  oravure  m. 
nii27el29. 

(c)  De  (uiilibuiliist.  Stiriu;,  p.  xiii. 

(rf)  «  (,ouini  (le  Ic^i  possi  t  ADP,  181  ;  riim  elpnicntiimA 
et  Addeo  siudliljiis  liiieis  exariHiir,  ar  oumuiiisipsr  niiiiilus 
sil,  ut  ne  noiiieu  quidim  Auliochi  distincte  exhibial.  » 
Ubisiip.  sec.  xi.ii,  p.  "'.). 

{e)  Ad  numisinala  lequm  vetenim  anecdulael  rariorn 
acceisio  noiu,  p.  (il). 

{/■)  Sylliigi  nmnm.  vcteni:»,  p-S;  Docliinamimm.  reter., 
I.  III,  p.  2"it;. 

(3)  Uisscrlalion  sur  l'ipoque  de  ta  mon  d'Aiitioctim  VU 
Eveigéles,  Sidèlet.  Pans,  18iy. 


ANT  S88 

M.  Ruinart,  qui  ail  noté  une  circonstance  qui  expli- 
que cette  différence;  il  cs{  le  seul,  en  elfei,  qui  rap- 
porte que  le  couronneinenl  avait  été  fixé  pour  un 
jour  déterminé,  celui  que  portent  les  médailles,  qui 
en  conséquence  avaient  élé  préparées,  mais  qu'une 
circonstaiife  parliciilièrc  força  de  remettre  la  céré- 
monie au  jour  qui  lui  esi  assigné  par  les  historiens. 
liien  de  plus  simple  que  tout  cela  ;  sans  cette  ex'pli- 
calion  cependani,  les  aniiquaires,  dans  un  millier 
d'années,  pourraient  se  irmiver  fort  embarras- 
sés pour  trouver  le  moyen  de  concilier  ces  différen- 
ces. Dans  ce  cas  donc  les  médailles  avaient  tort;  el 
les  hisiorieos,  raison  ;  dans  celui  qui  nous  occupe, 
nous  nous  trouvons  également  forcés  de  condamner 
une  ciasse  d'aulorilés,  ei  la  critique,  je  pense,  n'Iié- 
silera  pas  dans  le  choix.  Car,  dans  l'exemple  que  je 
viens  de  citer,  les  médailles  sont  inexactes,  par  la 
raison  que  la  date  qui  bur  avait  éié  donnée  ne  fut 
pas  changée,  bien  que  révéuenienl  dont  elles  étaient 
destinée^  à  perpétuer  le  souvenir  eût  é;é  difléré; 
mais  ici  il  nous  'andrail  supposer  l'existence  d'une 
erieur  incroyable,  l'existence  d'une  suite  de  fausses 
dates,  en  conséMiience  de  nouvelles  médailles  frappées 
en  riionnenr  d'un  monariiue  mon  depuis  longleiups, 

M.  Toclion  rejcite  les  deux  premières  méd  lilles, 
piincipalcme  it  celle  de  ISi.  pour  des  raisons  diffe- 
reules  de  celles  di;  Wernsdorll,  niiiis  admises  par 
Eckhel.  savoir,  que  le  prétendu  a,  ou  4,  qui  n'est 
pas  bien  i!is|incl,  parait  êlre  un  b,  ou  2,  'd'une 
forme  particulière  (a).  Quart  aux  deux  dernièies, 
il  n'allègue  contre  elles  que  des  .probabilités,  les  dif- 
licultés  que  nous  renconiroiis  eu  vimlant  les  regar- 
der coiniHe  auibenrupies,  an  mépris  de  tant  d'aulo- 
rilés hisliTiipies  (h).  A  cerlaiiis  égards,  il  n'est  pas 
trop  juste  envers  Fiœhiicb  :  car  il  ne  cesse  de  soutenir 
que  le  savant  jé-uite  place  la  mortdu  loi  en  i8s  (c), 
el  demande,  par  conséquent,  comment  il  se  peut 
laireque  nou^ayonsdes  niéd:iilles  de  son  successeur, 
AniiocliusCrypus,  au  millésime  de  IS7  ((/).0r,  Hrœli- 
licli  place  la  "moit  d'Aniii  chus  Evergèies  en  If-O  {e). 
De  celle  manière,  l'iibsence  totale  de  médailles  d'An- 
tiocbus  Giypiis,  portant  une  date  plus  ancienne,  est 
nue  preuve  négative  en  faveur  de  son  (qiinion.  Voilà 
donc  comme  réunie  des  médailles  a  servi  à  dérendre 
la  chronologie  de  nos  livres  sacrés. 

ANTIP.AI'ES.  On  donne  ce  nom  à  ceux  qui 
on!  pr(''lendu  se  l'aire  recoiiiiiiîlrfî  pour  sou- 
verains poiilifos.au  préjudice  d'un  piipe  légi- 
liinenii'iil  élu  ;  ou  en  coinple  depuis  le  ni" 
slèele  jiisiiu'.iiiiouHrimi  vin gl- huit. 

ANTIPODES,  hommes  dont  les  pieds  sont 
tournes  vers  les  iiôlres  :  c'esl  ce  que  sii^iiine 
ce  nom.  Si  nous  en  croyons  Avcnlinus,  d.ins 
ses  Annales  de  llavicrc,  Bunilace,  arciievêque 
de  .Maycnce,  cl  légal  du  paie  Zachaii"  dans 
le  viH"  siècle,  déclara  liérélique  un  cvèi|ue 
de  ce  lcni|)s  nommé  \  igile  ou  VirgiU-,  pour 
avoir  osé  soutenir  qu'il  y  a  des  nnlipodcs. 

L'iiuleur  d'une  Disserlatioii  imprimée  d.-ins 
le.s  Mémoires  de  7'r^yo«a:,  janv ier  1708,  sou- 
lienl ,  1"  que  ce  l'ait  n'e^l  pas  constaté;  le 
seul  moniimoiU  qui  en  resie  e-l  une  li  lire  du 
pape  Zach.irie  à  lîonil'aiiî;  «  S'il  est  prouve, 
lui  (lit  le  souverain  poulilc,  ()ue  >'igil(!  sou- 
tient ([u'il  y  a  un  autre  monde  el  d'.inlres 
liomnies  sous  celle  Icrre,  un  autre  soleil  cl 
une  uulre  lune,  assemblez  un  concile,  con- 

(a)  Dwrl.,  p.  22. 

(b)  l'.i^eei. 
((•)raKe.  21-29,  etc. 

((/)  lioinmenl  alors  supposer  que  la  inoiL  d'Anliiu'hus 
Evcrjî'tes  puisse  être  arrivée  l'an  \HH't  lille  sérail  poslé- 
neiire  au  re;;iie  de  sou  lils,  pige  (il. 

(e)  Aniio  Imi.  Circa  Itoc  lempus  coÉtiqhse  existimo  cie- 
dcm  Auliochi  Vil  Eivigetis,  p.  8». 


S80 


ANT 


ANT 


■2i)0 


damnez-le,  chassez-le  de  l'Eglise  après  l'a- 
yoir  dépouillé  de  la  préirise,  elc.  »  Il  n'y  a, 
dil  cel  auleur,  aucune  preuve  ((uc  cet  ordre 
du  pape  ait  élé  exécute  :  soil  que  l'accusa- 
liou  iiileulée  conire  Vij;ile  se  soit  trouvée 
fausse,  soil  qu'il  se  soil  expliqua  ou  rélriiclé, 
il  est  cerUiiii  que  ilepuis  ce  temps-là  il  vécut 
en  bonne  intelligence  avec  le  pape,  qu'il  l'ut 
élevé  à  raicliivéclié  de  Salzbnurg;  qu'il  a 
même  élé  canonisé  après  sa  mort,  lionneur 
qui  ne  lui  aurait  pas  clé  rendu  s'il  avait  élé 
candamtié  comme  hérétique.  —  11  prétend, 
2"  que  le  pape  Zacharie  n'avait  pas  tort  ;  que 
si  Vigile  avait  soutenu  qu  il  y  avait  dans  un 
autre  monde  d'autres  h'immcs,  c'est-à-dire 
des  hommes  d'une  espèce  dilTéreiite  de  la 
nôtre,  et  qui  n'étaient  pas  comme  nous  en- 
lanls  d'Adam;  un  autre  soleil  et  une  aulre 
lune  dilïérenls  de  ceux  qui  nous  éclairent, 
cet  évèque  aurait  élé  véritablement  condim- 
nahle,  |iarce  que  ce  paradoxe  serait  con- 
traire à  riicrilure  sainte.  C'est  dans  ce  sns 
que  l'entenilail  le  pape  Zacharie;  et  c'est 
dans  ce  même  sens  que  saint  Augustin  a 
rejelé  les  a)i/(/)yt/es  dans  son  seizième  livre 
de  la  Cité  de  Dieu,  c.  9. 

Un  critique  moderne  n'a  pas  goûté  celle 
apologie.  ïielon  lui,  il  vaul  mieux  s'en  Icnir 
à  la  tradition,  qui  nous  apprend  que  Vigile 
fut  condamné.  A  la  vérité  ,  l'auteur  de  celle 
Iradilioii  est  Avcntin,  cabarelier  de  Bavière, 
qui  a  écrit  dans  les  fureurs  du  luth;  ranisme; 
mais  les  protestants  ont  recueilli  avec  soin 
toutes  ses. invectives  conire  les  ecclésias- 
tiques; ils  y  ajoulenl  foi,  donc  il  faut  l'aire 
comme  eux.  Selon  ce  critique,  il  valait  mieux 
passer  condamnation  sur  le  pape  Zacliai  ie, 
parce  qu'il  n'est  pas  nécessaire  que  riii;lise 
soit  inlaillible  en  matière  de  physique;  mais 
il  n'esl  pas  fort  nécessaire  non  plus  de  con- 
damner un  pape  sans  raison,  pour  plaire  à 
quelques  prolestants.  Il  est  vrai,  dit  le  sa- 
vant Leibnilz,  que  Honiface,  archevêque  de 
Mayence,  a  accusé  Vigile  de  Salzbourg  li'er- 
reur  sur  ce  point,  et  que  le  pape  repond  à  sa 
lettre  d'une  manière  qui  fait  parailrc  qu  il 
donnait  assez  dans  le  sens  de  Buniface;  mais 
on  ne  trouve  point  que  cette  accusaiiou  ait 
eu  de  suite.  Les  lienx  antagonistes  passent 
pour  sainis;  el  les  savants  de  Bavière,  qui 
regardent  Vigile  conime  un  apôlre  de  la  (la- 
rinlhie  et  des  pays  voisins,  en  ont  juslilié  la 
niémuiro.  Espiii  de  LeUmits,  I.  11,  p.  31).  — 
Le  critique  dont  nous  parlons  pense  que  Vi- 
gile pouvait  dire  innocemineni  qu  il  y  avait 
sous  terre  un  autre  soleil  et  une  aulre  .une, 
comme  nous  disons  que  le  soleil  d'Klhiopie 
n'est  pas  le  nôlre.  Cria  se  peut  dire  sans 
doute  en  français  ;  mais  cela  ne  s'esl  Jamais 
(lit  en  latin,  et  dans  c  lie  langue  la  phrase 
avait  un  sens  tout  différent.  —  Il  couvie.it 
que  les  anciens  philosophes  ont  nié  les  unCi- 
po(/es  aussi  bien  (jue  les  Pères  de  l'ilglise; 
ceux-ci  n'elaient  pas  obligés  d'êlre  plus  ha- 
biles en  cosmographie  que  les  philosophes 
de  leur  siècle.  Cependant  Philoponus,  qui  vi- 
vait sur  la  lin  du  VI'  siècle,  a  deinontré.  dans 
son  livre  de  inundi  Créât.,  1.  v,  c.  13,  que 
saiul  Basile,  saint  Grégoire  de  Nysse,  saint 


Grégoire  de  Nazianze,  sainte  Athanase  cl  la 
plus  grande  partie  des  Pères  de  l'Eglise  ont 
su  que  la  terre  est  ronde.  Il  est  même  parlé 
des  anliimdes  dans  saint  Hilaire,  In  Ps.  ii, 
n.  23;  dans  Origène,  1.  ii,  de  Piincip.,  c.  3; 
dans  saint  Oémvnl,  pnpo,  Ejiist.  1  ad  ('or., 
n.  20.  Voy.  les  noies.  Il  n'est  donc  pas  vrai 
qu'en  général  les  écrivains  ecclésiasliques 
aient  élé  dans  l'erreur  sur  les  antipodes  jus- 
qu'au xv  siècle,  comme  quelques  auteurs 
l'ont  prétendu. 

ANTlTACrES  ,  anciens  hérétiques  gnos- 
liques,  ainsi  nommé.4,  parce  qu'en  avouant 
que  Dieu,  créateur  de  l'univers,  était  bon  et 
juste,  ils  soulenaienl  qu'une  de  ses  créatures 
av.iit  semé  li  zizanie,  c'est-à-dire  créé  le 
n\al  moral,  cl  nous  avait  engages  à  le  sui- 
vre, pour  nous  nu-llre  en  opposition  avec 
Dieu;  de  là  est  dérivé  leur  nom,  d'àvririrTco, 
je  mo]ipuse,  je  coiibats.  Ils  ajoutaient  que 
les  commandements  de  la  loi  avaient  été  don- 
nés par  de  mauvais  principes;  et  loin  de 
se  l'aire  scrupule  de  les  transgresser ,  ils 
croyaient  venger  Dieu  et  se  rendre  agréables 
à  ses  yeux  en  les  violant.  Ils  ont  été  précur- 
seurs des  manichéens,  yoy.  saint  Clém. 
d'Alex.,  Strom.,  1.  v  ;  Uupin,  Bibl.  des  Au- 
teurs ercl.  des  trois  premiers  siècles;  Tille- 
nionl,  t.  Il,  p.  357. 

ANTirUlNlTAIllES.  Ce  nom  convient  à 
tous  les  hérétiques  (lui  ont  attaqué  le  mys- 
tère de  la  sainte  Trinité,  qui  n'ont  pas  voulu 
reconnaître  trois  personnes  en  Dieu.  Les 
samosaléniens ,  qui  n'admettaient  point  de 
disliiiition  entre  'les  pi'rsonnes  divines,  les 
ariens  qui  niaient  la  divinité  du  Verbe,  les 
macédoniens  qui  conlestaienl  celle  du  Saint- 
Esprit,  ont  éie  tous  anlitrinitaires.  Sous  ce 
nom,  l'on  entend  aujourd'hui  principalement 
les  sociniens,  que  l'un  appelle  aussi  unitai- 
res, yoy.  SociMENS. 

AMI  TYPE,  mot  grec,  formé  de  la  prépo- 
sition «^Ti,  pour,  au  lieu,  et  de  tùtto,-,  figure; 
daus  sa  signihcalion  grammaticale,  il  veut 
dire  ce  que  l'on  meta  la  place  d'un  lype, 
d'une  Qgiirc  ;  mais  dans  les  auteurs  il  signilie 
simplement  t^pe,  figure,  ressemblance. 

Il  y  a  dans  le  nouveau  Testament  deux 
passages  où  ce  mut  est  employé,  el  dont  le 
sens  a  donné  lieu  a  des  disputes,  l"  Dans  \'E- 
pilre  aux  Ihbreux,  c.  ix,  v.  2i,  il  est  dit  : 
Jésus-Christ  n'esl  point  entré  dans  un  sanc- 
tuaire fait  rf  ■  la  main  des  hommes  it  figure, 
àv:i-.oiia,  du  vTai  Sanctuaire ,  mais  dans  le  ciel 
même,  afin  de  se  présenter  à  Dieu  pour  nous. 
2"  Dans  l.i  première  Epiire  de  saint  Pierre, 
c.  IX,  V.  21,  le  baptême  est  comparé  à  l'ar- 
che de  Noé,  qui  préserva  du  déluge  universel 
ce  patriarche  et  sa  famille;  il  en  est  appelé 
àvriTUTTov,  ce  que  la  \'ulgate  rend  par  similis 
foimv,  ressemblant.  Nous  ne  voyons  pas 
que,  dans  l'un  ni  dans  l'autre  de  ces  passa- 
ges, ii  soil  nécessaire  d'abandonner  le  sens 
ordinaire  du  terme  pour  recourir  à  la  signi- 
fication grammaticale. 

Le  mot  antilype  se.  trouve  souvent  dans 
les  écrits  des  Pères  grecs  et  dans  la  liturgie 
de  leur  Ei;lise,  pour  designer  l'Eucharistie 
uiémc  après  la  consécration;  de  là  les  pro- 


291 


ANT 


APA 


292 


tesifints  ont  conclu  que,  selon  la  croyance 
de  ^li^lise  grecque,  cv  sacrement  »»'est  que 
la  ligure  du  corps  de  Jésus-C.hrisl.  —  Celle 
conseiiiieuce  nous  p.ir.iit  fausse.  Quoique 
les  espèces  eucliarisliiiues  reiiferiiieiil  le 
corps  lie  Jésus-Clirist,  elles  en  snnl  cepen- 
diinl  la  figure,  le  It/pe,  le  synibole,  ce  qui 
parait  aux  yeus;  puisque  ce  corps  n'y  pa- 
raît point  sons  ses  qu.ilités  sensililes,  mais 
sous  les  apparences  du  pain.  —  Il  est  vrai 
que  .Marc  d'Ephèse,  le  patriarche  Jérémic, 
et  d'auircs  Grecs,  disent  que  dans  la  liiurgie 
fie  saint  liasile  le  pain  et  le  vin  sont  appe- 
lés aiitilijpes  avant  la  consécration.  Gela 
n'euipèch  '  pas  qu'ils  ne  puissent  être  nom- 
més de  même  après,  puisque  par  la  consé- 
cration il  ne  se  fait  aucun  changement  dans 
les  qualités  sensibles  ou  dans  les  apparences 
du  pain  et  du  vin  ;  la  figure  demeure  donc  la 
môme,  quoique  la  substance  soit  cltangéc. 
—  Qu'importe  l'abus  que  l'on  peut  faire  d'un 
mol  lorsque  la  croyance  est  prouvée  d'ail- 
leurs? Au  concile  de  Florence,  les  Grecs  ont 
solennellement  déclaré  qu'ils  croyaient  Jésus- 
Christréellcineut  présent  dans  l'Euchiirislie, 
après  la  consécration;  toute  leur  dispule 
avec  les  Lalins  consistait  à  savoir  si,  après 
la  consécraliou,  les  symboles  devaientencorc 
être  appelés  antilypes,  contestation  qui  nous 
parait  assez  fiivole.  Après  la  coiiséeration, 
nous  disons  encore  sijmbohs  cîicliarislifjiies  ; 
pourquoi  les  Grecs  ne  pourraieut-ils  pas 
dire  anlitypes  dans  le  même  sens?  —  11  n'est 
donc  pas  nécessaire  de  changer  la  significa- 
tion usuelle  de  ce  lerme,  de  supposer  que  an- 
titype signifie  ce  qui  est  mis  à  la  place  de  la 
figure;  le  corps  de  Jé<us-Clirist  n'est  point 
mis  au  lieu  de  la  figure,  mais  au  lieu  de  la 
substance  du  pain  :  et  celle  substance  n'a 
jamais  pu  cire  appelée  figure  en  aucun  tens. 
Dans  le  septièuie  concile  général,  saint 
Jean  Damascène,  les  diacres  Jean  et  l'^pi- 
phaue,  voulant  expliquer  la  pensée  des  lllur- 
gistes  grecs  sur  ce  sujet,  disent  iju'en  nom- 
mant l'Eucharislie  nnlitype ,  ces  auteurs 
avaient  égard  au  temps  qui  avait  précédé  la 
consécration,  et  non  à  celui  qui  la  suit. 
Simon,  Hisl.  cril.  de  la  croyance  des  nntiont 
du  Levant.  Cette  explication  ne  parait  pas 
fort  nécessaire.  Ce  qui  était  figuré  avant  la 
consécraliou  l'est  encore  après,  puisque  par 
la  consécration  rien  ne  change  dans  la  C- 
gure,  ou  dans  ce  qui  paraît  à  nos  yeux. 

Nous  avons  à  présent  des  monuments  si 
aulheniiques  de  la  croyance  des  différentes 
secles  que  renferme  l'E^^lise  grecque,  des 
melchiles,  des  jacobites  syriens,  des  nesto- 
rieiis,  des  cophles  eulyehiens,  etc.,  que  les 
protestants  n'oseraient  plus  foniier  aucune 
conteslaiion  sur  ce  point.  Voy.  la  Perpétuité 
de  la  !•  01. 

ANTOINE  (saint).  Chanoines  réguliers  de 
Sninl-Anloine  de  ViCnrmis.  Voy.  le  Diction- 
naire de  Juriuprudeiice  [cl  celui  des  Ordres 
religieux,  édit.  Migiie]. 

AN  rOMN  (sainl],  archevêque  de  Florence, 
mort  l'an  1459,  assista,  en  qualité  de  Ihéolo- 
gien  ,  au  concile  général  ()ui  y  fut  tenu  en 
WJ'J,  lorsqu'il  n'elait  encore  que  religieux 


de  Saint-Dominiqne.  On  a  de  lui  uqe  Somme 
Ihéologiquc  dans  laquel'e  il  traite  des  verlUs 
el  des  vices,  plusieurs  sermons  et  d'autres 
livres  de  u. orale. 

AOD.  il  est  dit  dans  le  livre  des  Juges,  que 
les  Israélites,  eu  punition  de  leur  iàolàlrie, 
furent  subjugués  par  Eg  on,  roi  de  Moab,  et 
lui  furent  as^ujellis  pendant  dix-huit  ans  ; 
que  Dieu  leur  suscita  un  vengeur  dans  la 
personne  d'.lorf.  Cet  homme  tua  Eglon  en 
feignant  d'avoir  à  lui  [larler,  se  mit  à  la  télé 
des  Israélites,  gagna  une  batailli-  ,  et  les 
affranchit  du  joug  des  Moabites.  Les  cen- 
seurs de  l'histoire  sainte  disent  qu'^o(^  fut 
coupable  d'un  légiciile,  que  c'est  un  Irès- 
hiauvais  exemple  à  proposer  à  tout  peuple 
mécontent  de  son  souverain,  qu'il  a  été  la 
cause  de  plusieurs  crimes  de  même  espèce. 
—  Cette  décision  nous  surprendrait  moins, 
si  nous  ne  connaissions  pas»  bailleurs  la  mo- 
rale enseigiiée  par  ces  mêmes  censeurs.  Ils 
soutiennent  qu'un  conquérant  n'acquiert  au- 
cune souveraineté  sur  une  nation  vaincue 
que  par  le  coiisenlcment  de  celle-ci;  que 
jusqu'à  CI.'  qu'elle  l'ait  reconnu  librement 
pour  son  roi,  tout  acte  d'autorité  qu'il  exerce 
est  une  violence  et  une  usurpation;  qu'elle 
a  droit  de  s'en  rédimer  par  la  force  quand 
elle  le  pomra  Qu'ils  nous  montrent  le  traité 
par  lequel  les  Israélites  avaient  librement 
reconnu  Eglon  pour  leur  roi. 

On  nomme  régicide  un  sujet  qui  tae  son 
propre  roi,  et  non  celui  qui  tue  un  roi 
ennemi  j)Our  mettre  en  liberté  ses  compa- 
triotes. (]iiez  les  anciens  peuples  on  croyait 
généralement  que  la  fouiberie  était  permise 
contre  les  ennemis  de  l'État.  .Mutins  ScîEvola 
ne  lut  point  accusé  de  régicide,  pour  avoir 
voulu  tuer  par  surprise  Porsenn.i  qui  assié- 
geait Rome.  —  D'ailleurs,  lorsque  l'Ecriture 
dit  que  Dieu  suscita  un  libérateur  à  son  peu- 
ple, elle  n'enseigne  point  que  Dieu  lui  in- 
spira lu  mensonge,  ni  le  meurtre  qu'il  com-r 
mil  ;  une  action  citée  comme  un  trait  de  cou- 
rage n'est  pas  louée  pour  cela  comme  ua 
acte  de  justice. 

Souvenons-nous  toujours  que  c'est  l'E- 
vangile qui  a  donné  aux  nations  chrétiennes 
les  vraies  notions  du  droit  des  gens  et  du 
droit  politique,  s()il  en  paix,  soit  en  guerre  ; 
que  ces  notions  n'existent  poinl,  el  n'ont  ja- 
mais existé  ailleurs. 

APATHIE,  insensibililé  ;  c'est  l'élat  auquel 
as|iiraient  les  sloïcieiis.  Quoique  les  anciens 
écrivains  eiclésiasliques  se  soient  quelque- 
fois servis  de  ce  lerme  pour  exprimer  la  pa- 
tience et  le  détachement  des  choses  de  ce 
monde  que  l'Evangile  nous  prêche,  il  n'en 
faut  pas  conclure  que  Jésus-Christ  a  voulu 
faire  de  ses  disciples  autant  de  stoïciens,  et 
nous  ins|iirer  une  insensibililé  absolue.  1* 
Ces  philosophes  interdisaient  au  sage,  sous 
le  nom  de  pussions,  les  affections  naturelles 
les  plus  modérées  et  les  plus  légitimes,  la- 
milié  entre  les  parents,  la  pitié  pour  ceux  qui 
souflreni,  l'amour  du  bien  public,  etc.  L'E- 
vangile, loin  de  nous  défendre  ces  senti- 
ments, nous  les  cumman  !c  sous  le  nom  gé- 
néral de  charité;  il  ne  les  désapprouve  que 


205 


APE 


APO 


'i9i 


qtinnà  ils  snni  poHcs  à  l'excès,  et  pfliivent 
(levonif  pour  no(is  une  orra<ioii  do  péché;  et 
en  fiïel,  les  iilTeclinns  l'I  les  pcricll  iiil>i  natu- 
rels ne  duiveiil  cire  nommés  pnssionit,  tjne 
qujind  ils  soiU  poussés  à  l'e\cès.  Voy.  !***- 
sioNs.  —  2'  Le»;  sloïcibiis  li'asplrîiienl  ;i  Tin- 
seiisiliilité  qde  p;ir  un  principe  d'orijucil;  il9 
jugeaient  les  choses  de  ce  monde  iiidip;ne9 
d'affecler  l'Aine  du  s.ipe;  c'él.iil  une  inhiinia- 
nilé  réfléchie.  Icsus-ChrisI  veut  que  nous 
Conscrvio!!;!  la  IranqiiilIKé  d'âme  par  un 
motif  de  conflance  en  Dieu,  qne  nous  aimions 
nos  sehibl.tliles  en  Dieu  et  pour  Dieu.  —  3" 
Si  ses  leçons  pouv.ii(!ni  nous  laisser  des  dou- 
les,  il  les  a  cxpliijuérs  par  son  exemple  :  il  a 
aimé  leiidreriient  ses  proches  et  ses  amis:  il 
a  répandu  des  larmes  sac  le  tombeau  de  La- 
zare ;  il  a  pli'dré  sur  la  ruine  future  de  Jéru- 
salem et  des  Juifs;  il  n'a  rencontré  aucun 
malheureux  sans  le  soulager,  etc.  Ce  n'est 
pas  là  (lu  stoïcisme.  —  'i-"  Jésus-Christ  n'a  or- 
donné le  renoncemtM\t  absolu  qu'à  ceUX 
qu'il  dcslinilit  à  la  prédication  de  l'Fvanjîile; 
il  n'a  conseillé  à  aucun  autre  de  ses  audi- 
teurs de  quitter  son  état,  ou  de  négliger  lés 
devoirs  d(!  la  société;  iiu  cdniraire,  Siiitit 
Paul  enjoint  à  ceux  qui  se  sont  convertis,  de 
demeurer  chacun  dans  l'étal  où  il  a  reçu  sa 
vocation  à  la  foi  (  /  Tor.  vr,  2  )  ). 

Mais  on  accuse  (luelques  Pèri'S  de  l'Eglise 
d'amir  enseigné  la  même  moraie  que  I is 
stoïciens,  d'avoir  exigé  qu'on  chrétien  fût 
sans  passions;  c'est  nn  des  principaux  re- 
proches que  Barbeyrac  fil  à  saint  Clément 
d'Alexandrie.  Traité  de  i't  morale  des  lucres, 
chnp.  5,  §  '(-t).  —  Ex[)li(]uons  les  ter  iics,  le 
scandale  sera  réparé.  Nous  disons  qu'un 
homme  est  sans  passions,  lorsqu'il  l.'s  ré- 
prime si  parfaitement  qu'il  n'en  paraît  rien 
au  dehors,  et  qu'elles  ne  lui  font  commettre 
aucune  faute  :  nous  disons  qu'il  est  insensi- 
ble, loisqu'il  ne  donne  aucun  signe  extérieur 
de  sensibilité.  Voilà  ce  que  veut  saint  Clé- 
ment. Déjà  nous  avons  observé  que  nos  pen- 
chants naturels  ne  sont  censés  passions  (]uc 
quand  ils  sont  portés  à  l'excès.  Or,  cet  excès 
peul-il  être  permis?  L'Evangile  condamne 
formellement  toutes  les  passions,  l'orgueil, 
l'aii^bition,  la  vaine  gloire,  même  dans  les 
bonnes(Euvre3,  rattachement  aux  rii.'hesscs, 
le  désir  de  les  posséder,  l'inquiétude  pour 
l'avenir,  la  volupté  et  tout  ce  qui  p'Ut  y  [Jor- 
ter,  le  simple  désir  des  plaisirs  défendus  ,  la 
jalousie  cl  la  haine,  la  colère  et  l'impatience, 
le  ressentiment  et  les  projets  de  verigeancc, 
l'intempérance,  la  mollesse,  l'oisiveté,  etc. 
Jésus-t^hiist  nous  commande  (ouïes  les  ver- 
tus opposées;  il  serait  aisé  de  le  faire  voir 
en  détail.  Saint  Clément  n'exige  rien  de  plus, 
cl  l'on  ne  peut  lui  faire  aucun  reproche  (|ui 
n'ait  été  tourné  par  les  incrédules  contre 
Jésus-Christ  et  contre  les  apôtres.  Voy.  Mo- 
rale CUnÉlIEVNE. 

APELLITKS  ou  APELLÉIENS,  cornhiè  les 
nomme  saint  Epi|)hane  ;  hérétiques  du  ii" 
siècle,  sectateurs  d'Apelles,  disciple  de  Mar- 
Ciun.maisquiné  suivit  pa> en touleschoses  les 
fientiments  de  son  maître.  Il  n'admit  pas  com- 
me lui  deux  dieux,  ou  Ueus.  principes  actifs 


et  poéternels,  mais  nn  seul  Dieu  exisi.nKl  de 
soi-même  et  souverainement  bon;  prol)able- 
menl  néanmoins  il  supposait  l'éternité  de  Id 
matière.  Selon  lui,  le  monde  n'avait  pas  été 
fait  par  ce  Dieu  bon,  niais  par  un  cspiil  d'un 
rang  inférieur, dont  l'impuissance  (  l  la  mala- 
dresse étaient  cause  des  maux  que  nous  éfirou- 
vous.  Peiis.iil-il  que  Dieu  avait  créé  librement 
cet  ouvrier  malhabile,  ou  que  celui-ci  était 
sorti  nécessairement  de  Dieu  par  émanation  1 
Les  anciens  n'en  disent  rien.  Au  reste,  Apel- 
les  n'accusait  point  cet  esprit  de  méchanceté: 
il  snpiio-^ait  au  contraire  que  par  ses  prières 
il  avait  obteiili  que  Dieu  envoyât  son  Fils 
sur  la  terre,  afin  de  corriger  le  monde.  —  Il 
ne  soulen;iit  point  avec  l^larcion  que  le  Fils 
de  Dieu  n'avait  eu  qu'une  chair  apparente, 
et  avait  fait  illusion  à  toits  les  sens  ;  mais  il 
prétendait  qu'en  descendant  du  ciel  le  Fils 
de  Dieu  s'était  forhié  lui-même  un  corps  tiré 
des  quatre  éléments,  sans  s'incarner  dans  le 
sein  d'une  vierge  ;  qu'il  avait  réellement 
souffert  ;  qu'il  (tait  mort  et  ressuscité  ;  (ju'a- 
vant  son  ascension  il  avait  rendu  aux  élé- 
ments le  corps  qu'il  en  avait  tiré;  qUé  son 
iime  seule  était  retournée  au  ciel,  (^enséquem- 
meiit  il  niait,  aussi  bien  que  Marc  on,  la  ré- 
surrection future  de  la  chair.  H  ne  rejetait 
pas  absolument, comme  lui.  tout  l'ancien  Tes- 
tament. Mais  il  y  a,  disait-il,  du  bon  et  du 
mau\ais  ;  c'est  à  choisir,  et  c'est  ce  que  Jé- 
sus-Christ a  voulu  dire,  lorsqu'il  nous  a  or- 
donné d'être  de  bons  changeurs.  On  l'accuse 
de  ne  pas  avoir  imil,'  la  continence  de  son 
maître,  de  s'être  livré  à  des  femmes,  d'avoir 
nièiiie  été  séduit  par  une  certaine  Philumène, 
qu'il  regardait  comme  irispirée  et  une  pro- 
phélesse. 

La  multitude  des  sectes  qui  Ont  piiru  datis 
le  IV  siècle,  la  variété  dés  rêveries  forgées 
par  leurs  divers  docteurs,  nous  donneront 
souvent  occasion  de  faire  des  réllesions.  1° 
Tous  ces  raisonneurs  étaient  des  philosophes 
sortis  de  l'école  d'Alexandrie,  ou  d'ailleurs, 
qui  voulaient  accorder  les  dogmes  du  christia- 
nisme avec  la  doctrine  de  Pyihagore  et  de 
Platon,  et  en  savoir  plus  qu'il  n'a  plu  à 
Dieu  de  nous  en  révéler.  2°  Tous  voulaient 
expliquer  l'origine  du  mal, cl  aucune  de  leurs 
hypothèses  ne  résolvait  la  difficulté.  Si  c'est 
Di .11  (jui  a  créé  librement  le  formateur  du 
momie  en  prévoyant  le  mil  qui  arriverait,  il 
en  est  responsable  comme  s'il  l'avait  fait  lui- 
même.  Si  cet  ouvrier  a  existé  nécessairement, 
tout  est  fatalité  pure;  autant  vaut  dire  que 
Dieu  n'a  pas  pu  mieux  faire.  3°  Ouoiqu'in- 
téressés  à  révoiiuercn  doute  l'histoire  de  l'E- 
vangile, et  à  portée  d'en  vérifier  les  faits,  ils 
n'ont  pas  osé  récuser  le  témoignage  des  apô- 
tres, ils  l'ont  plutôt  ciinfirmé.  1°  Saint  Paul 
les  a  peints  d'après  nature  (7/  Tim.  iv,  4)  : 
Jts  ne  pourront,  dit-il,  souffrir  une  saine  doc- 
trine; ils  auront  la  déiiianyeaison  d' écouler  de 
nouveaux  maîtres  ;  ils  fermeront  leurs  oreilles 
à  lu  vérité,  et  courront  après  des  fables. 

APHTHARTODOCÈTES.    Voy.  Incorbup- 

TlIiLES. 

APOCALYPSE,  du  grec  «T^o^iAv-^ii ,  révéla' 
tion  ;  c'est  le  uuut  dit  deraier  livre  cauuui({UQ 


S95  APO 

de  l'Ecritnre.  —  Il  contient,  èii  vin^t-denx 
chapitres,  une  prophétie  touchant  1  elat  de 
l'Egliso  depuis  l'ascension  de  Jésus-Christ 
au  ciel  jusqu'au  dernier  jugement,  et  c'est 
comme  la  conclusion  do  toutes  les  saintes 
Ecritures,  afin  que  les  fidèles,  reconnaissant 
la  conformité  des  révélations  de  la  nouvelle 
alliance  avec  les  iirodiclions  de  l'ancienne, 
soient  confirmés  dans  l'attente  du  dernier 
avènement  de  Jésiis-Christ.  Ces  révélations 
furent  faites  à  l'apôtre  saint  Jean,  durant  son 
exil  dans  l'Ile  de  Patmos,  pendant  la  persé- 
cution de  Domilien. 

L'enchaînement  d'idées  sublimes  et  pro- 
phétiques qui  composent  l'Apocalypse  a  tou- 
jours été  un  labyrinthe  pour  les  plus  grands 
génies,  et  un  écueil  pour  la  plupart  des  «oin- 
mentateurs.  On  sait  par  quelles  rêveries  Dra- 
bicius,  Joseph  Mède.  le  ministre  Jurieu,  le 
grand  Newton  lui-même,  ont  piélendu  l'ex- 
pliquer,- (cs  vaines  tentatives  sont  bien  pro- 
pres à  humilier  l'esiiril  humain. 

On  a  longtemps  disputé  dans  les  premiers 
siècles  de  l'Eglise  sur  l'authenticité  et  la  ca- 
nonicité  de  ce  livre;  mais  ces  deux  points 
sont  aujourd'hui  pleinement  éclaircis.  Quant 
à  son  aulhenlicilé  ,  quelques  anciens  la 
niaient  :  Cérinthe,  disaient-ils,  avait  attribué 
l'Apocalypse  à  saint  Jean,  pour  donner  du 
poids  à  ses  rêveries,  et  pour  établir  le  règne 
de  Jèsus-ChrisI  pendant  mille  ans  sur  la  terre 
après  le  jugement.  Voy.  Millénaires.  Saint 
Denis  d'Alexandrie,  cité  par  lîusèbe,  l'attri- 
bue à  un  écrivain  nommé  Jean,  difl'ércnt  de 
l'évangélisle.  Il  est  vrai  que  les  anciennes 
copies  grecques,  tant  manuscrites  qu'inipri- 
inées,  de  \' Apocalypse,  portent  en  tête  le 
nom  de  Jean  le  divin.  Mais  on  sait  que  les 
Pères  grers  donnent  par  excellence  ce  sur- 
nom à  l'apotie  saint  Jean,  pour  le  distinguer 
des  autres  évangélistes,  et  parce  qu'il  a  traité 
spécialement  de  la  divinité  du  Verbe.  A  celle 
raison  l'on  ajoute,  1°  que  dans  l'Apoculypse 
saint  Jean  est  noniménient  désigné  par  ces 
termes  :  à  Jean  qui  a  publié  la  parole  de 
Dieu,  et  qui  a  rendu  témoignage  de  tout  ce 
qu'il  a  vu  de  Jé^us-Clirist  ;  caractères  qui  ne 
conviennent  qu'à  l'apôtre.  2°  Ce  livre  est 
adressé  aux  sept  Eglises  d'Asie,  dont  saint 
Jean  avait  le  gouvernement.  3*  Il  est  écrit 
de  l'ile  de  Patmos,  oîi  saint  Irénéc,  Eusche  et 
tous  les  anciens  conviennent  que  l'apôtre 
saint  Jian  fut  relégué  en  95,  et  d'oii  il  re- 
vint en  !)8,  épo(iue  (jui  fixe  encore  le  temps 
où  l'ouvrage  fut  composé.  '•••  lintin,  plusieurs 
auteurs  voisins  des  temps  aposloli()ues,  tels 
que  saint  Justin,  saint  Irénée,  Origène,  Vic- 
toiin,  et  après  eux  une  foule  de  Pères  et  d'au- 
teurs ecclésiasti(\ues  ,  l'attribuent  à  saint 
Jean  l'évangélisle.  Voy.  Authenticité  et  Au- 
THR>'T.Qi  E.  Ouaiit  à  sa  cannnicilé,  elle  n'a 
pas  été  moins  contestée.  Saint  Jérôme  rap- 
porte que  dans  l'I^glise  grecque,  même  de 
son  temps,  on  la  révo(iuait  en  doute.  Eusèhe 
et  saint  l'^piphanc  eu  conviennent.  Dans  les 
catiilogiies  des  livres  saints,  drossés  par  le 
concile  do  l.aodicée,  par  saint  (Irégoiie  do 
Nazi,m/e,  par  saint  Cyrille  de  Jérusalem,  et 
j)ar  queUiues  autres  auteurs   (îrecs,  il  n'eu 


APO 


S9C 


est  tait  aucune  mention.  Mais  on  l'a  toujours 
regardée  comme  canonique  dans  l'Eglise  la- 
tine. C'est  le  sentiment  de  saint  .\ugusliii,  de 
saint  Irénée,  de  Théophile  d'Antioche,  de  Mé- 
lilon,  d'Apollonius  et  de  Clément  Alexandrin. 
Le  troisième  concile  de  Carihage,  tenu  en  397, 
l'inséra  dans  le  canon  des  Ecritures,  et  de- 
puis ce  temps-là  l'Eglise  d'Orieut  l'a  admise 
comme  celle  d'Occident. 

Les  al<!giens,  hérétiques  du  w  siècle,  re- 
jetaient l'Apocalypse,  dont  ils  tournaient  les 
révélations  en  ridicule,  surtout  celles  des  sept 
trompettes,  des  quatre  anges  liés  sur  l'Eu- 
phrate,  etc.  Saint  Epiphane,  répondant  à 
leurs  invectives,  observe  que  l'Apocalypse, 
n'étant  pas  une  simple  histoire,  mais  une 
prophétie,  il  ne  doit  par  paraître  étrange  que 
ce  livre  soit  écrit  dans  un  style  figuré,  sem- 
blable à  celui  des  prophèies  de  l'Ancien 
Testament.  —  La  difficulté  la  plus  spécieuse 
qu'ils  opposassent  à  l'authenticité  de  l'Apo- 
calypse, était  fondée  sur  ce  qu'on  lit  au  ch. 
II,  18  :  Ecrivez  à  l'ange  de  l'Eglise  de  Thya- 
tire.  Or,  ajoutaient-il>,  du  temps  de  l'apôtre 
saint  Jean,  il  n'y  await  nulle  Eglise  chré- 
tienne à  Thyalire.  Saint  Epiphane  convient 
du  fait,  et  réponil  que  l'iipôlre  parlant  d'une 
chose  future,  c'esl-à-dire,  de  l'Eglise  i|ui  de- 
vait être  un  jour  établie  à  Thyalire,  en  parle 
comme  d'une  chose  présente  et  accomplie,  sui- 
vant l'usage  des  prophètes,  (irotius  remarque 
qu'encore  qu'il  n'y  eût  aucune  Eglise  de  païens 
con\ertis  à  Thyalire,  quand  saint  Jean  écri- 
vit son  Apocalypse,  il  y  en  avait  néanmoins 
une  de  .luil's,  semblable  à  celle  qui  s'était 
établie  à  Thessalonique  avant  que  saint  Paul 
y  prêchât. 

Il  y  a  eu  plusieurs  Apocalypses  supposées. 
Saint  Clément,  dans  ses  Hypotyposes,  parle 
d'une;  Apocalypse  de  saint  Pierre  -,  et  Sozo- 
iiiène  ajoute  qu'on  la  lisait  tous  les  ans  vers 
Pâques  dans  les  Eglises  île  Palestine.  Ce  der- 
nier parle  encore  d'une  yl/joca/(//)se  de  saint 
Paul,  que  les  moines  eslimaieut  autrefois,  et 
que  les  copthos  modernes  se  vantent  de  pos- 
séder. Eusèbe  fait  aussi  mention  de  V.Apoca- 
lypse  d'Adam;  s.iint  Epiphane,  de  celle  d'A- 
braham, supposée  par  les  hérétiques  séthiens, 
et  des  révélations  de  Seth  et  de  Narie,  fcmmo 
de  Noé,  par  les  guostiques.  Nicéphore  pirle 
d'une  /lpycfl/i/p.s'ed'Esdras,Gralienet  Cédrèno 
d'une  Apocalypse  de  Moïse,  d'une  attribuée  à 
saint  Thomas  ,  d'une  troisième  de  saint 
Etienne,  et  saint  Jérôme  d'une  quatrième, 
dont  ou  faisait  auteur  le  prophète  Elle.  Por- 
phyre, dans  la  i' ie  de  Plotiii,  cite  les  Ap  ica- 
lypses  de  Zoroastre,  de  Zostreiu,  de  Nicolhée, 
d'Attngénes,  etc.,  livres  lonl  on  ne  roniiait 
plus  que  les  titres,  et  (|ui  vraisemblablement 
n'étai  nt  que  des  recueils  de  fables.  Sixt. 
Scncns.,  lib.  ii  et  vi.  Dupin,  Dis$ert.  préliin. 
tom.  III;  Bibliolh.  des  Aiil.  ecclés. 

On  ne  doit  pas  être  étonné  de  ce  que  les 
calvinistes  ont  toujours  refusé  do  recoiiiiaî- 
tre  la  canonicilé  de  V Apocalypse.  Ce  livre 
renferme  un  tableau  de  la  liturgie  aposloli- 
(|iiequi  no  leur  est  pas  favorable.  Voy.  Li- 
TiJiuiiB.  De  nos  jours,  Abauzit,  professeur  à, 
Lausaunc,  a  fait  une  dissertation  contre  l'A- 


507 


APO 


APO 


2!l8 


pocahjpse;  le  plas  célèbre  des  incrédules  mo- 
dernes en  a  copié  les  objections  dans  deax 
ou  trois  de  ses  ouvrages.  Les  anglicans  au 
contraire  mellent  re  livre  au  nombre  des 
s.iinles  Ecritures;  depuis  peu,  le  savant  Lar- 
dner  a  rassemblé  les  léinoignages  des  anciens 
snr  ce  sujet.  Credibilitij  of  tlieduspel  Historij, 
(OUI.  XVII,  p.  3.o6.Ceux  qui  oui  traiié  ee  point 
de  (rilique  s.icrée  ne  paraissiMit  pas  avoir 
fait  attention  que  le  pape  saint  Clément,  l'un 
des  Pères  apostoliques,  t';iit  éviilemuienl  al- 
lusion à  deux  passages  de  ce  livre.  Dans  sa 
première  leitre  aux  Corinthiens,  n.  3V,  on 
lit  ;  Voici  le  Seigneur;  sa  récompense  est  arec 
lui,  pour  rendre  à  cliarnn  selon  ses  œiirres. 
Ces  mêmes  paroles  se  trouvent  (Apoc.  xxii, 
12).  La  lettre  finit  par  ces  mois  •■  A  Dieu,  pur 
Jésus-Christ,  gloire,  honneur,  puissance,  ma- 
jesté, trône  éiernel,  depuis  les  sirclrs  et  pour 
toujours.  Voy.  l'Apocalypse,  c.  v,  v  13,  —  .Mais 
coriime  ce  livre  semblait  favoriser  l'erreur 
des  millénaires,  ou  craignait  que  Cérinîhe 
ne  l'eût  supposé  pour  el.ii)lir  celle  fausse 
opinion  ;  c'est  ce  qui  empéclia  d'abord  plu- 
sieurs catholiques  de  le  reconnaître  pour  ca- 
nonique. Le  doute  a  cessé,  lorsqu'on  a  vu  que 
le  vrai  sens  ne  donnait  aucun  lieu  à  cette  erreur. 

Pour  affaiblir  les  témoignages  qui  dépo- 
sent en  faveur  de  l'aulhenticilé  de  V Apoca- 
lypse, les  prolestants  diseni  que  les  Pères  ne 
l'ont  admise,  que  parce  qu'ils  étaient  millé- 
naires. Tout  au  conliaire,  ceux  qui  ont  em- 
brassé l'opinion  des  millénaires  ne  l'onl  fait 
que  parce  (ju'ils  la  croyaient  enseignée  dans 
l'Apacali/pse  ;  et  (|ueli|ues-uns  d'entre  eux, 
qui  ont  rétulé  les  millénaires,  ont  cependant 
roçnV Apocalypse  comme  un  livre  canonique; 
c'est  cc'qu'a  lait  Origèue.  Avant  le  troisième 
siècle, on  nepeulciler  aucun  des  Pères  qui  ait 
formellement  rejeté  ce  livre. 

Une  autre  objection  des  calvinistes,  est 
que  ces  mêmes  Pères  ont  reçu  comme  au- 
llientiques  plusieurs  aulres  écrits,  dont  la 
supposition  et  la  laiisseié  ont  été  reconnues 
dans  la  suite  ;  qu'ils  ont  ajouté  foi  à  plusieurs 
liisioires  évidemment  f,.buleuses.  Soit.  Si 
pour  prouver  l'auihenliiilé  d'un  livre  quel- 
conque, il  faut  des  témoins  qui  aient  éié  in- 
faillibles et  à  couvert  de  toute  erreur,  nous 
demandons  aux  calvinistes  qui  sont  les  té- 
moins auxquels  ils  se  lient  pour  croire  i'au- 
theniicilé  et  la  canoiiicité  des  livr.es  qu'ils 
admettent?  Ils  n'ont  pas  vu  qu'en  alléguant 
ce  reproche,  ils  sapaient  p;ir  le  fondement 
tonte  espèce  de  certitude  moral",  touieespèce 
de  preuve  pour  constater  des  faits.  —  Puis- 
que des  livres  qui  avaient  d'abord  passé  pour 
iiuihentiques  ont  été  reconnus  dans  la  suite 
pour  supposés  et  apocryphes,  nous  deman- 
dons encore  pourquoi  d'autres  livres, dont  ou 
avait  d'abord  soupçonné  la  supposition,  n'ont 
pas  pu  dans  la  suite  être  reconnus  pour  au- 
llienliques.  Les  mêmes  règles  de  criti<iue,  qui 
nous  font  douter  d'un  fait  lorsqu'il  n'est  pis 
encore  suins.inimenl  prouvé,  doivent  sans 
doute  nous  le  faire  croire  lorsque  nous  avons 
déconveri  des  preuves.  —  C'est  ce  qui  est 
arrivé  à  l'égard  de  plusieurs  livres  de  1  Iscri- 
ture  sainte,  et  en  particulier  de  l'Apocalypse. 
DicT.  oF  Thfoi..  dogmatique.  1. 


En  397,  le  concile  de  Carthage  la  mit  au 
rang  des  livres  sacrés,  quoique  Icseonoiles  pré- 
cédents ne  l'eussent  pas  encore  reçue  conmie 
canonique.  On  sait  que  le  iv  siècle,  lors(|ue 
la  paix  eut  élé  rendue  à  l'Eglise,  fut  on  temps 
de  lumière,  de  recherches,  de  savanles  dis- 
cussions ;  les  monumenis  des  siècles  précc- 
denls  furent  rassemblés  et  comparés,  la  tra- 
dition fut  interrou:ée,  les  témoins  conf.onlès  : 
ce  qui  avait  élé  obscur  et  douleux  juscju'alors 
put  devenir  certain  et  incontestable.  T.int  que 
l'hérésie  des  millénaires  avait  subsisté,  l'E- 
glise avait  ciaint  de  l'autoriser  en  canonisant 
l'Apocalypse  ;  lorsque  cette  secte  fut  éteinte, 
il  n'y  eut  plus  de  danger. 

Beausôl)re,  Histoire  du  manichéisme,  2' 
parlie.l.i,  cbap.  5,  §  3,  soutient  que  les  Egli- 
ses orientales  du  rite  syiien  n'ont  point  re- 
connu l'Apocalypse  pour  canonique,  puis- 
qu'elle ne  se  trouve  pas  dans  l'ancienne 
version  syriaque  du  Nouveau  Testament, 
dont  ces  Eglises  se  sont  toujours  servies  • 
mais  il  se  trompe  :  nous  ferons  voir  le  con- 
traire au  mol  Bibles  Syhiaqies. 

APOCKÉ.XS.  C'est  la  semaine  qui  répond 
à  celle  que  nous  appelons  la  srptuagésinie. 
Les  Grecs  l'appellent  apocréas,  ou  privation 
de  chair,  parce  qu'après  le  diminche  qui  la 
suil,  on  cesse  de  manger  de  la  chair,  et  l'on 
use  de  laitage  jusqu'au  second  jour  après  la 
quinquagésime  ,  que  commence  le  grand 
jeune  de  carême.  Pendant  {'apocréas,  on  ne 
chante  ni   triode    ni  allelaia. 

APOCKISAIUE  ou  APOCKISIAIRE,  répon- 
dant, député,  envoyé,  terme  giec  dérivé  d'i- 
Tzay.fii.ou.cii,  je  réponds.  L'on  appelait  ainsi  dans 
l'Eglise  grecque  des  ecclésiastiques  envoyés 
dans  la  ville  impériale  par  les  Eglises,  par 
les  évéques  ou  par  les  monastères,  pour  y 
poursuivre  les  affaires  qu'ils  avaient  à  la 
cour.  Justinien,  par  une  loi,  défendit  aux. 
évéques  de  s'absenter  pour  longtemps  de 
leurs  diocèses,  sans  en  a\oir  ri  eu  un  ordre 
exprès  desa  pari,  et  il  leurordonna  d'envoyer 
Vapocrisiaire  ou  l'économe  de  le  r  Eglise  à 
la  cour,  lorsqu'ils  y  auraient  des  afl'aires  à 
traiter.  U.ins  la  suite  les  empereurs  nommè- 
rent aussi  apocrisiaires  leurs  ainiiass.ideurs 
et  leurs  envoyés  ;  mais  il  ne  faut  pas  les 
coniondre  avec  les  députés  ecclésiastiques. 
Bingham,  Or/(//rt.  ecclcs,,],  m,  c.  13,  §  6; 
Justin.,  S'oiell.  VI,  c.  2. 

.\POCKYPHE  du  grec  «roxjouyo?,  terme  qui, 
selon  son  eiymologie,  signilio  caché.  —  Eu  ce 
sens,  on  t\uuua.i\l  apoa'yplie  tout  écrit  gardé 
secrètement  et  déroué  à  l.i  connaissance  du 
public.  Ainsi  les  livres  de.  sibylles  à  Uoiue, 
confiés  à  la  garde  des  décemvirs  ;  les  annales 
d'Egypte  et  de  Tyr,  dont  les  prêtres  seuls 
de  ce,  royaumes  étaient  dépositaires,  et  dont 
la  lecture  n'était  pas  |)ermise  inililTeremuienC 
àtoiitle  m  )nile,  étaient  des  \\v\es  apocryphes. 
Parmi  li  s  divines  Ecritures  de  l'Ancien  Tes- 
tauienl.  lin  livre  pouvait  être  en  même  temps, 
dan  ce  s.  lis  géaéral,  un  livre  sacré  et  di- 
vin, et  un  livre  a|)0cryphe;  sacré  et  divin  , 
parce  qu'on  en  cunuaissait  l'origine,  qu'on 
s.ivait  (ju'il  avait  c  te  révèle;  apocryphe,  parce  >^y  Op 
qu'il  élait  déposé  dans  le  temple,  et  qu'il  n'yAr><~~^>"' 

10 


290 


APO 


APO 


500 


vait  point  été  communique  au  peuple.  Car, 
lorsque  les  Juifs  publiaieuMeurs  livres  sa- 
crés, ils  los  apppl.iionl  canoniques  el  divins, 
et  ie  nom  iVapocri/plics  restait  à  ceux  qu'ils 
gnnlaieiil  diins  leurs  arcliivcs,  ce  qUi  n'cni- 
î  >(h;iil  p.is  qu'ils  ne  pussent  être  sacrée  et 
divins,  quoiiin'ils  ne  fusseni  pas  connus  pour 
tels  «lu  putilic.  Ainsi,  ;iva:il  la  lr;idur,lion  des 
Sepl.inle,  les  livres  de  l'Ancien  Teslamenl 
pmivaieni  élre  appe'és  apocryphes  par  rap- 
poii  aux  (iiMitils  el  par  r.ippirl  aux  Juifs;  la 
nicme  quaiificilion  conven.iil  aux  livres  qui 
n'élaieiil  p  is  insérés  dans  lecmon  oulecala- 
louue  public  des  Ecrilures.  C'est  préciséinenl 
ainsi  qu'il  faut  enicndio  ce  que  dit  saint  Epi- 
pliane,  que  les  livres  apocryphes  ne  sont 
point  dépo-és  dans  l'arche  parmi  les  autres 
écrits  inspirés 

Dans  le  christianisme,  on  a  attaché  au  mot 
apocryphe  une  signification  dilïérentn,  et  on 
l'emploie  pour  exprimor  tout  livre  douteux, 
dont  l'auteur  est  incertain,  et  sur  la  foi  du- 
quel on  ne  peut  faire  fonds,  coramc  on  peut 
voir  dans  saint  Jérôme,  el  dans  quelques 
autres  Pè'"  i  grecs  et  laiins  plus  anciens  que 
lui  :  ainsi  1  on  dit  un  livre,  un  passage,  nne 
histoire  apocryphe,  elc,  lorsqu'il  y  a  de  for- 
tes raisons  de  suspecler  leur  huthenlicilé, 
et  de  penser  que  ces  écrits  sont  supposés. 
En  matière  de  doctrine,  on  nomme  apoery~ 
phes  les  livres  des  hérétiques,  et  même  des 
livres  qui  ne  contiennent  aucune  evreur, 
mais  qui  ne  sont  point  reconnus  pour  divins, 
c'est  à-dire,  qui  n'ont  été  mis  ni  par  la  sj- 
na;;ogue,  ni  par  riiglise,dans  le  canon,  pour 
être  lus  en  public  dans  les  assemblées  des 
juifs  ou  lies  chrétiens. 

Hans  le  doute,  si  un  livre  est  canonique  ou 
apocri/phe,  s'il  doit  fiire  autorité  ou  non  en 
nialière  de  religion,  on  sent  la  nécessité  d'un 
tribunal  supérieur  et  infaillible  pour  fixer 
l'incertitude  des  esprits;  el  ce  tribunal  est 
l'Eglise,  à  laquelle  seule  il  appartient  de  don- 
nera un  livre  le  titre  de  divin,  ou  de  le  rejetc>r 
comme  supposé. 

Les  catholiques  cl  les  protestants  ont  eu 
des  di-putes  très-vives  sur  l'autorité  de  quel- 
ques livres  que  ces  derniers  traiienl  (\'apo- 
cryphes,  comme  Judith,  Esdras,  les  Macha- 
boes  :  les  premiers  se  soûl  fiindés  sur  les 
anciens  canons  ou  catalogues,  et  sur  le  té- 
moignage unifoime  des  l^■re^;  les  autres  sur 
la  liaililion  de  quehiues  l'.glises.  La  «j  lestion 
est  de  savoir  si  l'upininn  d  un  petit  nombre 
d'Eglises  particulières  doit  leniporler  sur 
celle  du  plus  gr;iiil  nombre  Les  livres  re- 
connus pour  apocryphes  \<  \r  rii^lisc  catiioli- 
que,  (lui  sont  vérii.iblemenl  hors  du  canon 
de  l'Ancien  'l'estaui'iil,  et  que  nous  avons 
encore  aujourd'hui,  sont  VOr'iison  de  Ma- 
vasscs,  qui  est  à  la  fin  des  biltlcs  ordinaires; 
le  tii'  el  ie  iv'  livre  des  Machabécs.  A  la  lin 
de  Job,  l'U  trouve  une  .'iililitiou  dans  le  grec, 
qui  coiilienl  une  généalogie  de  Joli,  avec  un 
discours  de  la  fuinn'  de  Job;  on  voit  aussi, 
dans  l'édliion  grecque,  un  psaume  (jui  n'est 
p.is  du  nombre  des  cent  cinquante;  el  à  la 
fin  du  livre  de  la  Sagesse,  un  di>rours  de 
galumun,  tiré  du  viii'  chapitre  du  111'  livre 


des  TRois.  Nous  n'avons  plus  le  livre  d'iùioch, 
si  célèbre  dans  l'antiquité;  et,  selon  saint 
Augustin,  on  eu  su[)posa  un  autie  plein  de 
fictions,  ((lie  tous  les  Pérès,  excepté  Tertul- 
lieri,  ont  regardé  comiue  cpnerypUc.  Il  faut 
aussi  ranger  dans  la  classe  des  ouvrages 
apocrjjjihes,  le  livre  de  VAssomption  de  Moï- 
se, et  C'iui  de  \' Assomption  ou  Apocalyvse 
d'Klic.  Ouel(|ues  juifs  oui  supposé  des  livres 
sous  le  nom  d 'S  patriarches,  comme  celui 
des  Géncrolions  ^<pr/ir//e.<,qu'i's  atti  ibuaient 
à  .\dam.  Les  éhionilrs  avaient  pareillement 
supposé  un  livre  intitulé  V Echelle  de  Jacob, 
el  un  autre  qui  avait  pour  litre  ta  (lénéalngie 
des  pis  cl  des  filles  d'Adun,  ouvrages  imagi- 
nés ou  par  (les  Juifs,  amateurs  des  Gciions, 
ou  par  les  hérétiques,  qui,  par  cet  artifice, 
semaient  leurs  opinions  el  en  recherchaient 
l'origine  jus()ue  dans  une  antiquité  propre  à 
en  imposer  à  des  yeux  peu  clairvoyants. 

Lor-nue  l'Eglise  a  déclaré  un  livre  apo- 
cryphe, et  l'a  exclu  du  canon  des  Ecritures, 
elle  n'a  pas  prétendu  décider  par  là  que  c'est 
yn  livre  sans  autorité  et  supposé  sous  un 
faux  nom.  Ainsi  le  Pasteur  d'Hennas,  que 
plusieurs  anciens  Pères  ont  placé  dans  le 
même  rang  «lue  les  livres  sacrés,  n'a  plus 
aujourd'hui  la  même  autorité;  il  ne  s'ensuit 
pas  qu'il  suit  faussement  attribué  à  Hermas, 
et  absolument  indigne  de  croyance.  Plusieurs 
critiques,  instruits  d'ailleurs,  semblent  n'a- 
voir pas  assez  fait  celte  distinction  :  parce 
qu'un  ouvrage  est  regardé  comme  apocryphe, 
ils  ont  conclu  que  c'a  été  la  production  d'un 
imposteur. 

C'est  la  méprise  dans  laquelle  paraît  être 
tombé  l'auteur  d'un  mémoire  sur  les  otivrayes 
apocryphes  supposés  dans  les  premiers  siècles 
de  r kl/lise,  Mém.  de  l'Acad.  des  Inscript., 
t.  XXVll,  in-4",  p.  95,  qui  a  été  copié  par 
l'auteur  de  VEjramen  critique  des  apologistes 
de  la  Religion  chrétienne,  C.  ii.  Il  met  à  peu 
près  sur  la  même  ligne  les  livres  notoire- 
ment sr,"r>'^s^s  et  foriiés  par  !;;s  hérétiques, 
les  écrits  Ooni  les  ciuicuis  ne  sont  pas  cer- 
tainement connus,  mais  qui  ne  renferment 
aucune  erreur,  el  les  ouvrages  dont  les  au- 
teurs sont  connus,  mais  qui  ne  doivent  pas 
être  placés  dans  le  canon  des  livres  sacres, 
parce  que  le  pape  Gélase  les  a  tous  déclarés 
apocryphes.  Il  est  cepemianl  évident  qu'il  y  a 
une  graiule  difl'ércnce  à  mettre  entre  les  uns 
el  les  autres.  | 

Nous  convenons,  t°  que  les  faux  Evangi- 
les, publiés  sous  les  noms  de  saint  Picric, 
de  saint  J.icques,  de  i-ainl  Mathias,  elc,  les 
faux  Actes  des  .\p(Ures,  les  fauss 'S  Apoca- 
lypses, sont  ou  des  impostures  faites  mali- 
cieuseioeul  par  des  herélniues  dans  le  des- 
sein d'étal  lir  leurs  erreurs,  et  qui  ne  méri- 
tent aucune  allenlioii  ;  ou  des  histoires  f  lites 
innocemment  par  des  écrivains  mal  instruits 
et  trop  crédules,  mais  ({ui  n'avaient  aucune 
inleniion  de  tromper  :  une  partie  de  ces  dif- 
férentes [iroduclious  a  paru  dans  le  second 
sièile;  le  reste  ne  nous  est  connu  «|ue  par 
le  ilécrel  «le  (iél ase,  porté  sur  l,i  fin  du  cin- 
quième siècle.  Tout  cela  ne  doit  poinl  être 
coufoudu.  —  2°  Nous  convenons  que  l'au-» 


SOI 


APO 


thendcité  de  la  Lettre  d'Abgare  n'est  pas 
iiiconteslablc ,  qu'il  n'csl  pas  absoliinient 
ccri.'iiii  que  Ii's  ii|iôties  aicnl  ciix-iiiéaies 
coinpiisé  le  syinliole  qui  porte  leur  nom,  non 
plus  (|uo  lis  lilurgi.  s  (jni  leur  son!  utlriliuécs 
et  les  cjuums  appelés  rri«ons  (/es  Apôtrci; 
mais  ce?  cçriis  S'iii-ils  np  crif-phcs  dans  le 
même  sens  (jue  les  préiéit  'uls?  Le  s>n)l)olc 
e.'t  vérilableinenl  le  précis  lie  la  iloelrine  des 
apôlres,  leurs  lilurj^ies  sont  iK^-s-anciennes, 
et  (tnl  été  en  us's;e  dès  les  premiers  siècles 
dans  plusieurs  l'g^ses;  les  canons  aposioli- 
ques  sonl  l'oiivrase  dis  pretniers  eomiles, 
el  un  munnm  ni  de  la  discipline  scivie  pour 
lors  dans  i'ii^lise.  Ce  sont  doue,  des  pièce; 
respeclablcs,  ()ue  l'on  iw  peut  rejelir  abso- 
lument sans  léniérité.  —  3'  Nous  soutenons 
que  le  Parleur  d'JIeiinas,  la  Li'llre  de  saint 
Barnnhé ,  les  deux  Lettres,  de  mini  Ciémrnt, 
les  sept  Lfltri'S  de  suiitt  lijnace  .••ont  mtthen- 
tifjKes,  sonl  vérilahlenienl  des  auteurs  au\- 
quels  on  les  at>ril>ue;  mais  (|ue  l'on  ne  doit 
pas  lis  melire  au  rang  des  livres  sacrés  ou 
des  éerilures  canoniques  :  c'est  dans  ce  sens 
seulement  que  l'on  peut  les  nommer  o/jocn/- 
plies.  Niius  parlerons  de  ces  divers  écriis 
seus  leurs  noms  propres,  de  niénic  que  du 
célèbre  passage  de  Joijèplie,  des  livres  des 
sibylles,  etc. 

(ju  nul  on  a  fait  une  fois  tou  es  ces  dis- 
tinctions, l'on  n'est  plus  élonné  du  grand 
nombre  d'écrits  supposés  dans  les  premiers 
siècles  et  dans  les  suivants,  ]tarce  que  l'on 
voit  les  causes  des  dilTércnles  espèces  de 
supposili  ns  ;  il  est  aisé  de  nionlrer  que  la 
iruliiludc  des  livres  rejelés  comme  upocrij- 
plies  ne  peut  li  rmer  aucun  préjugé  contre 
Ymttlienlicilé  ou  contre  la  canonicité  des 
autres;  il  en  résulte  que  le  jugement  des 
critiques  anciens  ou  modernes  n'est  pus  une 
règle  iiifaillibie,  que  la  seule  décision  à  la- 
quelle on  puisse  se  fier  sans  aucun  danger 
d'erreur   est  celle  de  1  Eglise. 

Mo>lieiin  p:élend  (|iie  la  multitude  des  li- 
vres apocryphes,  supposés  dans  le  u*  et  le 
ni'  siècle  de  l'Eglise,  est  venue  de  la  méthode 
de  disputer  qui  s'inlioduisit  parmi  les  i'ères 
el  les  docteurs  de  ces  temps-là.  ïiuivanl  son 
opinion,  les  docteurs  chrétiens,  élevés  dans 
les  écoles  des  rhéteurs  el  des  sophistes,  ne 
se  firent  aucun  scrujiule  d'adopter  la  maxime 
des  |datonicicns,  qui  pensaient  qu'il  était 
permis  d'enifilo'yer  le  uien>onge  el  l'impos- 
ture jour  souiei.ir  la  virile.  Conséquern- 
menl,  les  écrivains  ecclésiaslii;ues,  en  dis- 
putant contre  les  païens  et  contre  les  hé- 
reiiiiues  ,  furent  plus  occupés  du  soin  ùs 
vaincre  leurs  adversaires  ou  de  les  reluire 
au  sdcnce,quc  de  leur  montrer  la  vérité;  et 
celte  manière  de  traiter  les  conlroveises  fut 
uuniméc  économique.  On  supposa  d 's  livres 
sous  des  noms  resjiectables;  on  employa  des 
fraudes  pieuses,  etc.  Ilisl.  eccle'siast.  du  W 
siècle,  i'«  part.,  c.  '3,  §  lii;  lu"^  siècle,  i\  part., 
c.  3,  §  10, 

Au  mol  Economie,  nous  réfuterons  celte 
calomnie  fcrgée  par  les  piotesl.inis,  par  né- 
cessné  de  système,  pour  déficimer  l'autorité 
des  Pères  deliiglise,  et  avidemeut  adoptée 


APO  302 

par  les  incrédules  modernes;  nous  ferons 
voir  que  ces  accusai' urs  téméraires  ont 
prêté  aux  docteurs  chrétiens  leur  propre 
génie  et  leur  méihodc  de  disputer.  En  par- 
l.inl  du  second  siède,  Moshoini  n'avait  pas 
osé  afiirmor  celle  imputation  :  «  O.i  aurait 
tort,  dii-il,  d'atlribner  loules  ces  fnudes 
pii'::ses  aux  vr;iis  chrétiens;  la  plupart  des 
ouvrages  apocri/iihcs  furent  la  production 
de  l'esprit  fcriile  des  gnostiques  ;  mais  je  ne 
saurais  assurer  que  les  vrais  cliretiens  eut 
été  enlièement  exempis  de  ce  l'eproche,  » 
Siius  le  iir  siècle,  il  a  éié  plus  hardi;  il  ac- 
cuse les  conlrov<'rsislcs  d'avoir  --upposé  Ips 
caMons  des  apolres,  les  c  mslilulious  apos- 
toliques, les  réci'Ruilions  de  saint  (llcmepl, 
et  li's  clémentines.  —  HeureiisemenI  la  ca- 
lomnie se  dément  ici  elle-mênje  ;  de  l'âveU 
de  .Mo  In  im,  les  canons  des  ap6;res  renfer- 
nienl  la  discipline  suivie  dans  l'Eglise  peri- 
daiit  le  11'^  el  le  iir  sècles  :  or,  à  celte  époque, 
on  a  fait  prof  ssion  de  suivre  ce  que  les 
aiiotres  avaii'nt  établi  dans  les  Eglises  qu'ils 
avaiertl  fondées  ;  où  est  la  fausseié,  où  est  la 
fraude,  d'avoir  nommé  canons  apostoliques 
les  règles  qui  transmettaient  par  écrit  la 
discipline  que  l'on  croyait  cl  que  l'on  savait 
avoir  été  eliblie  par  les  apôtres?  Il  est  plus 
que  proiiable  que  ces  caimns  n'onl  été  re- 
cueillis et  rassemblés  (]u'au  iv  siècle  ;  ce  ne 
peut  donc  ^pas  être  une  fraude  du  ir  =  .  —  Il 
en  est  de  même  des  conslilulions  apo^-lolir 
ques,  des  récognilions  el  des  clémeniinçs  ; 
on  n'en  voit  encore  aucun  vestige  dans  les, 
auteurs  du  ui^  siècle.  Il  y  a  eu  plusieurs 
écrivains  nommés  Cthnent;  si  l'on  a  attribué 
p.ir  erreur  à  saini  Clément  de  Home  les  ou- 
vrages d'un  aulre  Clément,  il  s'ensuit  que 
l'on  a  manqué  de  discernement  et  de  crili- 
que,elnon  (|ue  l'on  a  péché  contre  la  bonnp 
foi.  Dans  les  bas  siècles  el  presque  de  iinç 
jours,  on  a  mis  sous  le  nom  de  saint  Augus- 
tin des  sermons,  des  traiiés,  des  commen- 
taires qui  n'étaient  pas  de  lui.  La  critique, 
devenue  plus  éclairée  et  plus  circonspecte, 
découvre  tons  les  jours  de  ces  sortes  d'er- 
reurs ;  elles  ont  eu  lieu  à  régird  d  ^s  auteurs 
profanes,  comme  à  l'égard  des  écrivains  sa- 
crés et  des  Pères  de  l'iigli-ie.  Il  y  a  de" l'entê- 
tement et  di'  la  maligMiié-i'i  vouloir  que  loules 
ces  méprises  soient  des  imposlures  réfléchies, 
plutôt  que  des  fautes  d'ignorance  et  de  préoc- 
cupation. 

Aux  articles  Constitdtion's  apostoliques, 
Ev.4^Gll.E,  Hermas,  SiuYLi,ns,  etc.,  nous  fe- 
rons voir  que  la  plupart  des  suppositions 
des  livrei  apocryphes  ont  pu  se  faire  très- 
inunceinment,  que  toutes  celles  qui  ont  été 
réfléchies  cl  malicieuses  ont  clé  l'ouvrage 
des  hérétiques  et  des  philosophes,  et  non 
des  docteurs  de  l'Eglise  ;  qu'un  Irès-granJ 
nombre  se  sont  laites  postérieurement  au 
111=  et  niêine  au  iv  siècle.  Iieauso!)re,  quoi- 
que ennemi  déclaré  des  Pères  de  TEgiis,, 
convient  que  la  plupart  des  faux  livres  tj  i 
ont  paru  plus  tôt  ont  é:é  forgés  par  un  cer- 
tain Leucius  Carinus,  hérétique  de  la  secta 
des  docèles.  Uisl.  du  Munich.,  l.  I.  L  ii,  c.2, 
p.   348.    Les   soupçons   et   les  accusaliona 


505  APO 

dos  protestants  copiés  par  les  incrédales 
sont  donc  léniéraires  et  sans  aucun  fonde- 
ment. 

En  général,  tout  écrivain  adopte  aisément 
et  sans  lieauioup  d'examen  une  histoire,  un 
ino  uimeiil,  un  livre  qui  lui  parait  favorat)le 
à  son  opinion  ;  il  le  cile  avec  confiance  lors- 
qu'il ne  voil  aucune  raison  de  1  ;  suspecter, 
et  son  erreur  ronlrbue  à  en  tromper  daulres 
sans  qu'il  le  veuille.  Ce  faible  est  commun 
aux  catholiques  et  aux  hérétiques,  aux  ec- 
clésiastiques et  aux  profanes,  aux  incrédules 
et  aux  croyants  ;  il  est  dans  l'humanilé,  et 
il  durera  aut;mt  qu'elle;  ce  n'est  souvent  ni 
malice,  ni  mauvaise  foi,  c'est  preiiccnpation. 
Y  a-t-il  de  la  juslite  à  vouloir  ((ue  les  écri- 
yains  ecclésia  liques  en  aient  éié  exejiipls  ? 
Lorsque  nous  accusons  nos  adversaires  de 
mauvaise  foi,  ils  crient  à  la  calomnie,  et  eux- 
mêmes  ne  cessent  de  fornier  rette  accusalion 
contre  les  personnages  les  plus  respect.ihles, 
sans  aucune  preuve.  Voy.  Authenticité, 
Canon,  Canonique. 

APODIPNK.  C'est  ainsi  que  les  Grecs  nom- 
ment l'office  de  compiles.  Voy.  Heures  cano- 
niales. 

APOLMNAIUES  ou  APOLLINAUISTES  , 
atlcieHS  hérétiques  qui  ont  prétendu  que  Jé- 
sus-Christ n'avait  point  pris  un  corps  d  ■  chiiir 
tel  que  le  iiôire,  ni  une  âme  raisonnable 
sembl.ihle  à  la  nôtre. 

Apollinaire  de  Laodicée,  chef  de  cette  secte, 
donnait  à  Jésus-Christ  une  espèce  de  corps, 
dont  il  soutenait  que  le  Verbe  avait  été  re- 
vêtu de  toute  éternité  :  corps  impassible, 
qui  était  des'MMulu  du  ciel  dans  le  sein  de  la 
sainte  Yicrfie,  niriis  ((ui  n'était  pas  né  d'elle; 
qu'ainsi  Jésus-Christ  n'avait  souffert,  n'elail 
mort  el  ressuscilé  qu'en  apparence,  il  met- 
tait aussi  de  la  dilTérence  entre  l'âme  <le 
Jésus-CInisI  et  ce  que  les  tirées  appellent 
vaof,  esprit,  entendement  ;  en  conséquence, 
il  disait  que  le  Christ  avait  pris  une  âme, 
mais  sans  l'entendement;  défaut,  ajouiail-il, 
suppléé  par  la  présence  du  \'erb('.  Il  y  en 
avait  même,  entre  ses  sectateurs,  ((ui  avan- 
çaient positi\euient  i|ue  le  Christ  n'avait 
point  pris  d'^iiiie  liumaiiu'.  On  leur  donne  le 
nom  de  si/nonsiciiles,  de  même  qu'aux  culy- 
chiens  et  à  tous  ceux  qui  lonfoiul  'ient  les 
deux  n-ituies  de  Jésus-f-hrist  en  une  seule. 
Voy.  SvMoi  siASTKS. —  Apollinaire  faisait  en- 
core revivre  l'héréie  des  millénaires,  et 
enseignait  d'autres  erreurs  sur  la  Trinité. 
'rhéo<l()ret  l'accuse  d'avoir  confondu  les  l'er- 
sonnes  en  Di'  u,  et  d'être  tombé  d.ins  l'erreur 
des  sabelllens.  Saint  liasile  lui  reproche,  d'un 
aulre  coté,  d'abandonner  le  sens  littéral  <le 
l'Jîcrilure,  et  de  rendre  les  livres  saints  en- 
tiéremenl  alléporiques. 

L'hérésie  A  Apollinaire  consistait,  comme 
on  voil,  dans  des  distinctions  très-subtiles, 
aux(|uelles  il  n'etail  gu 're  pos  iblc  que  le 
commun  des  fidèles  entendit  (|uel(|ue  chose; 
cependant  l'histoire  ecileslastiqiie  nous  ap- 
prend (|u'elli'  fit  des  progrès  considérables 
en  Orient;  plusieurs  Eglises  de  cette  partie 
du  monde  en  l'urcnl  inlccl  es.  lîlle  fut  ana- 
tliémalisée  dans  uu  concile  d'Alexandrie, 


APO 


504 


sous  saint  Alhanase,  en  360  ;  dans  un  concile 
de  Rome,  sous  le  pape  Damase,  l'an  .'Hi,  et 
dans  le  concile  général  de  (Zonslanliimple, 
en  .381.  Les  npollinnrisles  furent  aussi  ap- 
pelés dimériles  ou  srpnralenrs,  parce  qu'ils 
séparaient  l'âme  de  Jésus-(]hiisl  d';.vee  l'en- 
tendement ;  erreur  née  piobablemeut  de  l'o- 
pinion de  Plaion,  ((ui  dislinguaii  fâme  sen- 
silive  d'av.ec  l'âme  raisonnable. 

]l  ne  faut  pas  confondre  l'hérétique  dont 
nous  p  irions  aveo  Apollinaire,  évêque  d'Hié- 
raples,  qui  vivait  au  ii*  siècl  ■ ,  et  qui  pré- 
senta, l'an  177,  à  l'empereur  Marc-Aurèle. 
une  apolo;;ie  du  chrislianisme.  Quelques  au- 
teurs prétendent  que  celui  de  Laodicée  avait 
écrit  contre  Julien  l'Apostat. 

APOLLONIUS  DETYANKS,  philosophe 
pythagericien,  qui  a  vécu  pendiinl  tout  le  i" 
siècle,  et  qui  est  devenu  célèbre  par  l'iiis|<;i:c 
romanesque  que  Philosirate,  aulre  espèce  île 
philosophe,  en  a  faite  cent  ans  après  la  mort 
de  ce  personnage. 

On  sait  que  li;  chrislianisme  n'a  point  eu 
d'ennemis  plus  déi-1  irés  que  les  philosophes; 
ils  n'ont  épargné  aucune  sorte  de  loin  berie 
pour  en  détourner  les  hommes,  et  pour  sou- 
tenir 1  idolâlrie  prèle  à  élre  déiruile.  Comuie 
ils  virenl  que  les  miracles  de  Jésus-Christ 
étaient  une  des  plus  fortes  preuves  dont  nos 
apologistes  se  servaient  pour  démontrer  la 
diviiiilé  de  notre  religion,  et  qui  faisait  le 
plus  d'inifiression  sur  les  païens,  ils  trouvè- 
rent bon  d'altriliuei  des  prodiges  semblables 
à  ((uelques  phi  osophes,  en  particulier  à  ce- 
lui dont  nous  parlons. 

Vers  l'an  211,  l'impéralrice  Julia  Domna, 
femmi;  de  Sepiime  Sévère,  princesse  Irès-dé- 
réglée,  et  curieuse  cie  merveilleux,  chargea 
Piiilostrate  d'éiTire  la  vie  d'Apollonius  de 
Tyaiics.  Ce  sophiste  la  servit  selon  son  goût. 
En  Comparant  les  prodiges  qu'il  raiiporte  de 
sou  héros  avec  ceux  que  les  évangéiistes  ont 
at'ribués  à  Jésus-t;hrisl,  on  voit  (|ue  Philos- 
trale  s'est  proposé  de  cojiier  ces  derniers,  et 
d  en  obscurcir  l'ecial  par  la  multitude  de 
ceux  qu'il  met  sur  le  compte  d'A|)ollouius  ; 
mais  il  aioule  tant  de  i  ireonstances  fabu- 
leuses, tant  d'absurdités  el  de  contradictions, 
(|u'il  n'a  pas  daigné  garder  l.i  moindre  vrai- 
semblance :  il  s'ensuivrait  tout  au  plus,  de 
ce  qu'il  raconte,  qu'Apollonius  était  un  ma- 
gicien qui  fascinai!  les  yeux,  et  profitait  de 
i'imiiécillilé  de  ses  admiial''urs  pour  se  faire 
une  réputation.  —  H  s'en  l'aiil  beaucoup  que 
son  historien  l'ait  représenté  comme  un 
homoie  très-vertueux  ;  outre  les  elïoiis  qu'il 
fit  pour  exciter  des  séditions  contre  Néron 
et  contre  l)omiicn,on  ne  voit  en  lui  qu'un 
sophiste  orgueilleux,  (|ui  ne  cherche  que  la 
célébrité,  el  qui  ne  s'occupe  en  aucune  ma- 
nière de  la  réforme  des  mœurs. 

.Sons  le  règne  de  Dioclélien,  Hiérocîès, 
président  de  Itilliyiiie,  et  ensuite  gouverneur 
d'Alexandrie,  grand  ennemi  des  chrétiens, 
fil  un  ouvrage  pour  prouver  qu'A[)ollonius 
était  un  plus  grand  personnage  que  Jésiis- 
Chrisl,  el  il  opposa  les  prétendus  miracles 
du  philosophe  à  ceux  de  notre  Sauveur. 
Kusèbc  de  Cesaréc  réfuta  ce  parallèle  ridi- 


505 


APO 


APO 


SOC 


cille;  il  fit  voir  que  toutes  ces  merveilles 
n'av.iient  été  rapportées  par  aui  un  témoin 
oculaire;  qu'il  n'en  avait  pas  été  (iiicstion 
pendant  loul  le  siècle  qui  s'éiail  écoulé,  de- 
puis la  mort  d'Apollonius  jusqu'à  la  nais- 
sance (lu  roman  de  Pliil  istrate  ;  (|ue  ces  mi- 
racles imaginaires  n'avaicnl  produit  aucune 
révolulion  ni  aucun  efl'el  qui  en  pût  consta- 
ter la  réalité;  que  la  plupart  étaient  ridicu- 
les, indignes  de  Dieu,  sans  aucune  uiili'é 
pour  les  lioiiiiiies,  et  ne  pouvaient  aboutir 
qu'à  f.iire  rrgarder  leur  auieur  comme  un 
magicien.  Lactaiicc  oppose  une  partie  de  ces 
mêmes  réflexions  à  Hiéroclès,  DiiHii.lnsliC, 
1.  V,  c.  H.  —  Au>si,  maigre  tous  les  elîorls 
des  philosophes,  le  nom  ii' Apollonius  et  ses 
prétendus  prodiges  sont  demeurés  plongés 
dans  l'oubli,  pendant  que  Jésns-C.hiist  a  été 
lefonnu  pour  Fils  de  Dieu  et  Sauveur  des 
hommes  clans  une  lrès-:;raude  partie  de  l'uni- 
vers. Tille  r.  ont,  )/e  (/es /i(/i/;er.,  I.ll.  pag.  120; 
Bruker ,  JJistor.  pliilo<opli. ,  (om.    Il  ,  p.  'J8. 

Moslieim,  dans  ses  Notes  stir  Cudworlli,  c. 
'i-,  §  1,'j,  n'approuve  point  le  sentiment  de 
ceux  qui  ont  cru  qu'Apollonius  avait  réelle- 
meil  opéré  des  prodiges  par  l'intervention 
du  démon;  il  ne  peut  se  persuader  que  Dieu 
ait  permis  à  l'ennemi  du  salut  d'exereer  sur 
la  terre  un  pouvoir  surnaturel  pour  lrom[)er 
les  liouimes,  dans  le  temps  même  que  Jésus- 
Chrisl  et  l's  apôtres  y  exeiçaient  un  pou- 
V(jir  divin  pour  détruire  l'emfire  du  démon. 
Il  pense  donc  que  les  prétendus  miracles 
li'Apotlonius  ne  sont  que  d 's  guérisons  natu- 
relles opérées  par  l'art  de  la  médecine  que 
ce  philosophe  avait  étudiée,  mais  qui  paru- 
rent mirai  uleuses  à  des  Orient  !ux,  toujours 
extasiés  du  mérite  îles  médecins,  et  aux- 
quelles ce  l'ourbe  habile  eut  soin  de  mêler 
des  tours  de  cli;;rlatans,  afin  de  rendre  ses 
ciires  plus  merveilleuses.  — Mosheim  ajoute 
que  ce  philosophe  ne  fut  que  le  singe  de  Py- 
thagore,  dont  il  ambitionnait  la  célébrité; 
que  si  l'on  veut  comparer  l'histoire  d'Apol- 
louius  par  Philostr.ite,  avec  celle  que  Lucien 
a  faite  du  faux  Alexandre,  on  trouvera  en- 
tre ces  deux  imposteurs  une  ressemblance 
parfaite.  Ces  réflexions  nous  paraissent  très- 
judicieuses. 

Al'OLOtlÉTKjUE.  Ecrit  ou  discours  fait 
pour  excuser  ou  justifier  une  personne  ou 
une  action.  Voy.  .Apologie. 

L'Apoloyc'iitiuf  é<  ril  par  Terlullien  pour  la 
défense  du  chii-tianisme  ,  est  nu  ouvrage 
plein  de  force  et  d'élévation  ,  digne  du  ca- 
ractère véhément  de  sou  auteur,  li  y  adrt  sse 
la  parole  aux  magistrats  de  Carthage.aux 
grands  lie  l'empire  ,  aux  gouverneurs  des 
provinces.  —  Tertullien  s'y  attache  à  mon- 
trer l'injustice  de  la  persécution  contre  une 
religion  que  l'on  condamnait  sans  la  con- 
naître et  sans  l'entendre  ,  à  réfuter  l'idolâ- 
trie et  les  reproclies  od  eux  que  les  idolâtres 
faisaient  aux  chrétiens  d'égorger  des  enfants 
dans  leurs  mystères,  d'y  manger  de  la  chair 
liuiiiaine,,  d'y  commettre  des  incestes ,  etc. 
Pour  répondre  au  crime  qu'on  leur  imputait 
de  niauquer  d'amour  et  de  iidélilé  pour  la  pa- 
trie, sous  prétexte  qu'ils  refusaient  de  faire 


les  serments  accoutumes  et  de  jurer  par  les 
dieux  tulélaires  de  l'empire,  il  prouve  la 
soumission  des  chrétiens  aux  empereurs.  Il 
en  expose  aussi  la  doctrine  autant  qu'il  était 
nécessaire  pour  la  disculper,  mais  sans  en 
dévoiler  (ri>p  clairement  les  mystères,  pour 
ne  pas  violer  la  religion  du  stcret,  si  ex- 
pressément recommandée  dans  ces  premiers 
temps.  t>t  écrit,  tout  solide  (ju'il  était,  n'eut 
point  d'elTet,  et  la  persécution  de  Sévère  n'en 
fut  pas  moii:s  violonle. 

I  a  meilleure  édition  de  cet  ouvrage  est 
celle  de  l.eyde  en  1718,  in  8°,  avec  des  notes 
de  Bavcrcamp,  et  la  meilleure  traduction  est 
celle  ()u'a  donnée  réce:i.ment  .M.  l'abbé  de 
Gourcy. 

Ai'OLOGIH  ,  APOLOGiSTlLS.  Nous  avons 
perdu  plusieurs  apoloijies  delà  religion  chré- 
tienne, faites  par  des  auteurs  ilu  ii*  siè- 
cle de  l'Eg'ise,  et  il  y  a  lieu  de  les  regretter  : 
celles  de  (^)uadr.itus,  évéque  d'.Vthènes,  de 
Aléliton,  évêque  de  Sardes,  d'Apollinaire, 
évoque  d'Hi.-raples.  (^n  ne  nous  saura  pas 
mauvais  gré  de  donner  ici  la  liste  des  ou- 
vraj^es  de  nos  anciens  apolfxjistes  ^a'\  subsis- 
tent encore. 

I^es  deux  Apolofjirs  de  saint  Justin,  et  son 
dialogue  avec  le  juif  Tryiihon.  I^e  discours 
aux  tjeiitils,  par  Talien.  La  satire  contre  les 
philosophes  païens,  par  Hermias.  L'ambas- 
sade d'Athénagore  i  oiir  les  chrétiens.  Les 
trois  livres  de  s  linl  Théophile,  évéque  d'An- 
tioclie,  à  Aulolycus.  La  lettre  à  Diogéiiète. 
Tous  ces  onvr.iges  se  trouvent  dan-  la  nou- 
velle édition  des  œuvres  de  saint  Justin,  ils 
sont  du  II'  siècle.  —  L'Exhortalioii  de  saint 
Clément  d'Alexandrie  aux  païens.  L'Apolo- 
gétique de  Terlullien,  S"S  livres  aux  nations 
et  à  Scapula,  gouveriKurde  Carthagc.  Son 
livre  conU'c  les  Juifs.  La  dispute  d'.\ruoiie 
contre  les  pa'ieus,  en  six  livres.  Le  Dialogue 
de  Minulius  Fé.ix  ,  inlilulé  Oclaïuus,  Ji!  ius 
Firmicus  Maternus,  sur  les  erreurs  des  reli- 
gions profanes.  —  Les  huit  livres  d'Oiigèns 
contre  Ccise.  Les  Institutions  divines  de  Lac- 
lance,  en  sept  livres.  La  Pi-epiiration  et  la 
D.'uionstration  évangclique  d'Eusèbe,  et  son 
livre  contre  Hiéroclès.  Le  discours  de  saint 
Athanase  eoutre  les  païens.  La  Thérapeuti- 
que de  Theodorel.  Les  dix  livres  de  saint 
(j\rille  d'Alexandrie  cou;re  Julien.  Les  dis- 
cours de  saint  tîiégoire  de  Nazianze  contre 
le  même  empereur.  —  Le  traité  de  saint  Cy- 
prii'U  sur  la  vanité  des  idoles,  et  sa  lettre  à 
Démétiien.  Les  discours  de  saint  Jean  Chry- 
so'slome  contre  les  tieniils  et  les  Juifs.  Les 
vingt-deux  livres  de  la  Cié  de  Dieu  de  saint 
Augustin  ;  son  traité  de  la  vraie  Keligion  et 
celui  des  Mœurs  de  l'Eglise  contre  les  mani- 
chéens. —  La  dispute  d'Evagre  enre  le  juif 
Simon  et  le  chrétien  Théophilo.  Le  livre  des 
Consultations  de  Zachee,  clirélien,  et  d'A- 
pollonius, philosophe.  Le  traité  de  saint  "Ful- 
geuce  sur  la  loi.  Les  traités  dogmatiques  de 
saint  Isidore  de  Séville  ;  celui  de  la  foi  or- 
thodoxe, par  saint  .lean  Damascène.  Les  Dia- 
logues enire  un  chrétien  et  un  juif,  un  ues- 
lorien  et  un  sarrasin,  jjar  Théodore  d'Abu- 
cara.  Le  .Monologue  et  le  Prologue  de  saint 


307 


APO 


A  PO 


308 


Anselme  sin  1  existence  de  Dieu.  Deux  ou- 
vragés contre  1rs  Juirs,  par  Picrn'  île  [Uois. 
—  Le  'Mre  de  lîaymnnii  Martin,  intitulé  Pu- 
(ji'i  fidei,  conire  1rs  Juifs,  a  été  public  par 
ifial.ilin,  dans  soa  ouvrage  de  Arcatiis  catlto- 
liciv  verilads. 

On  ne  peut  pas  àfcciiser  les  premiers  apo- 
logistes du  cliristiani<iiiè  d'avoir  déguisé  les 
faits  ;  Qiiadratus,  Mélilon,  saint  Justin,  jli- 
nutius  Félix,  étaient  environnes  d'ennpiiii.s 
qui  av.iieni  toutes  les  facitilés  possililes  l'e 
trouver  des  preuves  et  des  témoins  poiir 
coiifiHiiIre  î'inipostiire,  si  ces  écrivains  tou- 
lagfus  avaient  osé  hasarder  un  seul  men- 
songe. Ils  avaient  eux- mèinrs  examiné  les 
preuves  de  eel!e  religion,  puisque  c'étaient 
des  philosorhes  ou  des  hotiui;es  instruits  ; 
ils  élaiciil  à  la  source  des  événi-meiiLs,  puis- 
qu'ils avaient  été  crnivertis  ou  par  h's  apô- 
tres, ou  p  T  leurs  disciples  imméui  its.  Le 
christianisme  était  persécuté;  aucun  intérêt 
temporel  navall  donc  pu  les  engager  à  lem- 
bra-ser.  S  lint  Justin  confirma,  parson  mar~ 
tjre,  Il  sincérité  de  sa  cmyaiice.  — On  ne 
peiil  pas  dire  qu'ils  ont  passé  sous  silence  ou 
aflalbii  les  rais^^ns  et  les  objoclions  de  leurs 
ailversaires.  Origène  rapporte  les  propres 
lei-nies  do  C'-lse;  saint  Cyrille  copie  exacle- 
Dient  les  [^aroles  de  Julien.  Sans  celte  l.onne 
foi,  ii  ne  rcblerait  pas  aiijoijrd'liui  une  si  ule 
phr.'se  des  ouvr;igi'S  de  es  dclix  philoso- 
pliés.  Les  aveux  que  ceux-ci  s^int  forcés  de 
faire  sont  e  icore  le  b'.uclier  que  nous  op- 
posons aux  attaques  des  incrédules  niod('r- 
nes.  Ou  ils  convienm  iit  expres-éouni  des 
miracles  de  Ji'su>-Clirisl  (  t  des  apôtrC';  ,  ou 
la  mai  ière  dont  ils  les  cumbattent  éouivaut 
à  lin  aveu  lurind.  Il  n'a  pas  lenu  à  Origène 
de  verser  son  sang  poui"  sceller  la  vériie  de 
son  Apoh'jiè. 

OueNiues  Incrédules,  poiir  esquiver  l'S 
conséiiuences  de  crs  témoignages,  ont  pré- 
tendu que  ces  premiers  érrivains  étaient  des 
philosophes  pl.iiouiciens  ;  qu'ils  aviienl  em- 
brassé le  chrisliiinisn]e,  parce  qu'ils  avaient 
trouvéde  la  resscmblam-i'  entre  cesdeguirs  et 
ceux  de  Platon;  qu'un''  fois  persuadi  s  de  la 
doctrine,  iU  n'avaient  point  contesté  sur  les 
faits,  et  les  avaient  admis  sans  examen,  .\lal- 
heuteusenieiit  cittc  conjecture  est  contre- 
dite pir  d'autres  (:riti(j"es  ,  qui  soulienueul 
que  ce  sont  les  [i!us  am  iens  Pères  de  l'Kgli'C 
qui  ont  inlioiluit  dans  h-  olii  islianisme  les 
idées  de  Plaion  ;  elles  n'y  étaient  donc  pas 
encore  lorsiju'ils  se  sont  convertis.  Si  le  pla- 
tonisme chr.  tien  est  leur  ouvrage,  il  n'a  pas 
pu  éire  le  moiil  de  leur  conversion.  —  Est-ce 
de  Plaion  (|ue  le  ;  Pères  ont  emprunté  l'unilc 
d'un  Dieu  créiteur,  \t)  pécié  originel,  la  ré- 
dempiion  du  monde  oar  un  Dieu  fait  homme? 
Ces  dogmes  s'areonienl  si  peu  avec  ceux  de 
Platon,  ((ue  t'else  et  Jiilien  ne  cessent  il'op- 
poser  la  dotirinede  <:e  plii  osophe  à  celle  du 
chiistianisme.  i;'est  aux  hérétiques  de  son 
temps  i)ue  Tert  llien  reproche  1 1  fureur  dii 
vouloir  suliStilaer  les  rôwries  de  Plaion  et 
(les  auires  pliLo^ophes  au".  leçons  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôlres.  Y.oy-  Platomsmi):.  — 
Loin  de    passer  légèremcul  sur  les    faits, 


Origène  y  renvoie  continuellemetit  Son  ad- 
versaire :  personne  n'a  soutenti  la  vérité  des 
miracles  de  Jésus-Clirist  et  des  apoires  avec 
plus  <le  force  que  lui  ;  c'est  cependant  l'un 
des  Pères  auquel  on  a  supposé  le  plus  d'i- 
dées platoniciennes. 

D'autres  critiques  ont  conjecturé  que  les 
remontrances  de  nos  anciens  apologistes  n'a- 
vaient jamais  été  présentées  ni  aux  empe- 
reurs ,  ni  aux  gouverneuis  des  provinces; 
que  ci'S  écrits  étaient  restés  inconnus  dans  le 
portefeuille  de  leurs  auteurs,  comme  les  opo- 
loyies  ;ue  composèrent  plusieurs  protestants 
à  la  naissance  de  la  prétendue  reforme.  — 
Il  faui  du  moins  que  celles  de  saint  Justin 
aient  été  présentées  aux  empereurs,  puisque 
la  première  est  suivie  d'un  récit  d'Adri  n  à 
Minulius  l'undanus,  et  d'un  oidred'Anlonin 
aux  eommunes  de  l'Asie,  pour  défen'lre  de 
persécu'icr  les  chrétiens  pour  cause  de  reli- 
gion, à  moins  (]u'ils  ne  se  trouvent  coupa- 
bles de  quehiues  crimes.  Des  hommes  tou- 
jours prêisà  mourir  pour  leur  religion  n'ont 
pas  pu  craindre  de  produire  au  grand  jour 
i'apolugie  qu'ils  en  avaient  faite.  Mais  sur  ce 
fait,  comme  sur  tous  les  autres,  nos  adter- 
saires  su  ri  enci>r.'  en  contrailictiou  :  tantôt 
ils  aciuseiil  les  chrétiens  d'être  allés  provo- 
quer la  colère  des  juges  païens  sur  leurs 
tribunaux  ;  tantôt  ils  imaginent  i|ue  ces 
homiiies  avides  du  martyre  n'ont  pas  seu'e- 
ment  osé  présenter  des  reiiionlr.inces  sages 
et  respectueuses.  La  vérité  est  que  ces  deux 
nproclies  sont  aussi  mal  foniJés  l'un  que 
l'autre. 

Moçheini.  qui  ne  laisse  échapper  aucune 
orcasiou  de  déprimer  les  Pères  de  l'iiglise, 
dit,  eu  parlant  de  nos  apologistes  du  !i'  et  du 
m'  siècle,  (lu'ils  att.iquèreni  avec  beaucoup 
de  jugement,  di^  dexiénlé  et  «le  succès,  la 
siipersiition  p  lïenne,  mais  (pi'ils  ne  réussi- 
rent pis  si  bien  à  ilèvelopj)er  la  vraie  niture 
et  le  génie  du  (  hrislianisme  ;  que  leurs  Apo- 
logie^ sont  défectueuses  à  plu- leurs  égirds; 
qu'ils  ne  f.rrent  pas  toujours  iieureux  dans 
le  choix  de  leurs  iirgumenls  ;  que  la  plupirl 
paraissent  avoir  mauqrré  rie  pénétration  , 
d'érudiiion,  d'oirire,  rrexactiluile  et  de  force  ; 
qu'ils  cmploii'nt  souvent  des  arguments  futi- 
les, plus  propres  à  èMouir  l'imagination  qu'à 
convaincre  l'i^^prit.  L'un,  dit-il,  aban'lon- 
nant  les  livres  saints,  où  l'on  doit  preiulre 
des  armes  pour  défendre  la  religion,  s'en 
rapporlr-  aux  décisions  des  ôvéques  qui  gou- 
verTiair'ut  les  lîg  ises  aposioliqrres;  un  autre, 
s'iuiiigii'ant  r]ui!  l'ancienneté  d'une  doctrine 
est  une  preuM!  dr;  sa  vérité,  fait  valoir  la 
prcscripiiori  contre  ses  ariversairos,  comme 
s'il  défendait  sa  pnqiriéîé  devant  un  magis- 
tral civil;  un  troisième,  entêté  d'idées  caba- 
listirjuas,  allègue  la  puissance  imaginaire 
de  certains  norns  ou  termes  mysli'incs.  Do 
là  iiosîiein»  conclut  «jue  ce  fut  dès  W  w 
siècle  que  comtnença  «le  s'introduire  la  mé- 
thode vicieuse  rie  disputer,  t|uc  l'on  n«)inme 
économiijur,  par  laquellr-cm  rherdiait  pliilril 
à  dérouler  et  à  confondre  i.ii  adversaire, 
qu'à  lui  uioutrcr  la  vcnié.  Uist.  ccclés.  du 
ir  siècle,  i"  parL,  c.  3,  §  .7  et  8. 


I 


S09 


\vb 


APO 


:^fu 


Mais,  n'est-re  pas  Mosheim  lui-même  qui 
innnquc  ici  de  droilure  ou  do  jiigetiient  ? 
1°  La  coMirailictiiiii  csl  palpable  onlre  l'é- 
logu  qu'il  a  fail  d'abord  dp  nos  apolorjistei 
et  les  leiTodies  par  Icsijnels  il  l'empoisonne. 
Si  tous  cfs  r<'i  roches  sont  vrais,  leur  tra- 
vail est  délestable;  en  quel  sens  ont-ils  atta- 
qué la  superstition  païenne  avec  brouciup  de 
jugement  ,  de  dexlérilé  et  de  succès  ?  —  2"  De 
quel  poids  auraient  été,  pour  dofi'udre  la 
religion,  des  arguments  tirés  t!e  l'Eciituro 
sainte,  contre  des  païens  qui  ne  eroyaient 
point  à  cette  lîcrituro  ,  qui  la  regardaient 
comme  un  recueil  de  rêveries  et  do  fables? 
II  fallait  donc,  pour  les  convaincre  do  la  vé- 
rité et  de  la  divinité  do  ces  livres,  des  argu- 
uienls  tirés  d'ailleurs  ;  Moslieim  lui-mc.ne 
aurait  élc  forcé  de  prondrecctt;»  même  rou'c, 
s'il  avait  eu  A  prouver  le  diristianisnie  con- 
tre un  pliilosopho  païen.  Mais  voilà  l'cntêle- 
mont  des  pruteslaiils  :  parce  que,  selon  leur 
opinion,  rien  n'est  plus  vrai  que  ce  qui  rst 
écrit,  et  que  Ij'-eriturc  est  te  seul  ingane  de 
la  révélation,  ils  jcgcnt  (pie  les  rèrcs  du 
II'  siècle,  qui  ont  pensé  difl'éreiiiuiont  ,  ont 
été  dans  l'erreur,  qu'ils  n'ont  pas  connu  la 
nature  et  le vi ai (jénie  du  chrisliauisme.  Si  on 
veut  f>arlordu  ciirislianisuie  protestant,  cela 
est  très-vrai;  mais  ces  Pères,  Inslruits  par 
les  disciples  immédiats  des  apôtres,  ont  très- 
bien  connu  el  développé  la  vraie  nature  et 
le  génie  du  clirisiianisme  apostolique,  qui 
n'est  pas  celui  dos  protestants.  —  3'  Un  tics 
principaux  préjugés  des  paions  contre  notre 
religion  était  de  prétendre  que  cotte  religion 
était  nouvelle  inconnue  à  tous  los  Sages  de 
ranliquilo;  ils  se  persuadaient  que  toute  vé- 
rité devait  s<' trouver  cliez  los  Cirecs.  Pour 
détruire  cetto  prévenlion,  saint  Justin,  Ta- 
tien,  Alhénagore.  saint  Clément  d'Alexan- 
drie, se  sont  attachés  tous  à  pri  uver  que  la 
doctrine  do  Moïse  touchant  la  Divinité,  doc- 
trine qui  est  la  base  du  cbrisli.iuisme,  est 
beaucoup  plus  ancienne  que  celle  do  t'^us  les 
écrivains  grecs,  el  que  Moïse  l'a  enseignée 
plusieurs  siècles  avant  la  leur.  Ils  font  voir 
(|ue  1(  s  auteurs  grecs  les  plus  ancioiis  et  les 
plus  estimes  sont  d'accord  avec  Moï.^c  tou- 
chant l'unité  de  Dieu,  la  créaiion  du  tuoiido, 
la  formation  de  l'Iiomnie,  etc.  Ces  l'ères  pou- 
vaient-ils répondre  pli-.s  direclcnicnl  et  plus 
solidement  à  I  i  prétendue  prescription  sur 
laquelle  se  rendaient  les  païens?  —  4°  Un 
autre  préjugé,  répandu  mime  parmi  les  phi- 
losopher,  était  do  cniire  qu'il  y  a  des  mois 
efjîcuces,  maisqui  n'opèrent  rien  s'ils  ne  sont 
prononcés  dans  la  langue  originale.  Origène 
se  sort  de  cette  opitiiou  pour  réfuter  certai- 
nes objections  de  Celse  contre  les  exorcisnies 
et  contie  les  miracles  que  les  chrétiens  o[ié- 
raionl  par  des  pandes;  nous  ne  voyons  pas 
où  est  le  crime.  De  tout  temps  il  a  été  per- 
mis do  faire  à  un  adversaire  un  argument 
personnel,  que  l'on  nomnie  argument  nr/  lio- 
minem^  tiré  des  pi  incipos  et  des  opinions  de 
celui  contre  lequel  on  dispute.  Il  ne  s'ensuit 
pas  que  par  celte  m,  Ihode  on  a  plus  einie 
de  confondre  un  homme  que  de  lui  montrer 
la  vérité  :  la  manière  ia  plus  efficace  de  le 


convaincre  est  de  1(>  prendre  par  ses  propres 
principes.  —  5"  C'est  ïertullion  (|ui,  dans  ses 
Prescripiions  contre  les  lici  c'iiijues,  s'en  rap- 
porte aux  décisions  des  évéques  (jui  gouver- 
naient los  Kglises  apos'oli:iuos  ;  mais  il  ne 
disputait  pas  alors  contre  des  païens.  Il  était 
question  de  sa\oir  quels  élaieut  les  livres 
canoniques  ou  divins  ;  si  les  nôtres  étaient 
falsifiés,  ou  si  c'étaient  ceux  des  hérétiques; 
quoi  était  le  sens  qu'il  fallait  leur  donner. 
Or,  nous  soutenois,  avec  Tertulliou,  que  ces 
questions  ne  pouvaient  être  solidement  réso- 
lues (|ue  par  le  témoignage  des  évéques  qui 
gouvi'rnaient  les  Eglises  apostoliques, el  que 
ce  témoignage  était  irrécusable.  Au  mot 
l'REscKiPrioN,  nous  ferons  voir  que  cet  ar- 
gument, invincible  au  uv  siècle,  n'est  pas 
moins  solide  aujourd'hui,  et  qu'il  n'est  pas 
vrai,  comme  le  piélend  .Mosheim,  que  cette 
f;içon  de  disputer  puisse  nuire  à  la  cause  de 
la  vérité.  —  H"  Si  l'on  veut  se  donner  la 
peine  do  lire  l'analyse  des  apologies  i\e  saint 
Justin,  de  Talion,  li'Athénagorp,  etc.,  que  les 
savants  éditeurs  de  saint  Justin  eu  ont  faite, 
on  verra  qu'il  est  faux  que  ces  auteurs  man- 
<iuent  d'ordre,  do  méthode,  de  pénétration, 
d'érudition  et<!e  force.  Il  en  est  de  même  de 
V  Ex'' or  talion  aux  Gentils  de  saint  Clément 
d'Ali'xandrie ,  dont  on  trouvera  l'analyse 
dans  l'éditioii  de  Potter,  pag.  1,  dans  b-s 
notes.  Au  mot  Celse,  nous  donnerons 
celle  de  l'ouvrage  d'Origène  contre  ce  philo- 
sophe. 

r.ion  n'est  donc  plus  injuste  ni  plus  témé- 
raire que  la  censure  de  I\Ioslieim  ,  adopiée 
avouglément  par  les  ]  rotostanis  ,  pour  se 
mettre  à  cou\ert  d'une  objection  qui  les 
écrase.  Nous  persuaileront-ils  qu'au  ii''  siè- 
cle, immédialenient  après  la  morl  des  apô- 
tres, on  avait  déjà  oublié  la  vraie  nature  et  le 
ycnie  du  chri.<(ianisme  ? 

APOLYTIOUE.  C'est,  dms  l'Rglise  grec- 
que ,  une  sorte  do  refrain  qui  termine  les 
parties  considérables  de  l'o'fice  divin.  Ce  re- 
fr.iin  change  selon  les  temps.  Le  terme  apo- 
If/tique  est  composé  de  «ro  et  de  l\i;>,je  délie, 
je  finis,  etc. 

APOSTASIE,  APOSTAT,  En  laissant  aux 
canonistes  les  divers  sens  de  ce  terme  (jui 
peuvent  los  concerner,  nous  entendons  par 
apostasie,  le  crinie  de  celui  qui  abandonne 
la  vraie  religion  pour  en  embrasser  une 
fausse. 

Du  temps  des  apôtres  mémos,  il  y  eut  des 
apostats  du  clirisiianisme;  saint  Jean  nous 
en  p.irle  ,  el  les  nomme  des  antechrists  (/ 
Joan,  II,  8).  Le  iioinbro  en  augmenta  lors- 
que lo^  persécutions  devinrent  cruelles,  Piine 
en  uvat  inlerroué  plusieurs,  et  il  déclare, 
dans  sa  lettre  à  Tr.ijan,  qu'il  n'a  rien  décou- 
vert par  leur  aveu,  sinon  que  le  christia- 
nisme est  un  excès  do  superstition.  Eu  effet, 
aucun  dos  Iransfuges  n'a  j  imais  révélé  aux 
juifs  ni  aux  païens  un  seul  f  lii  désavantageux 
à  la  rel  gion  qu'il  avait  quittée  ;  ils  en  tirent 
plutôt  l'apoloiiie.  Lorsque  los  j  crséoutions 
cessèrent,  plusieurs  reviurentàla  pcnilence, 
et  obtinrent  le  p;trJon.  trcst  une  preuve  in- 
vincible de  la  vérité  cl  de  la  sainteté  du  cbris- 


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APO 


APO 


313 


tiariisme,  à  laquelle  ses  accusateurs  n'ont  ja- 
mais fait  alleiition. 

Hobi'ps,  qui  prétendait  mettre  l'autorité 
des  souveniins  au-dessus  de  relli'  de  Dieu, 
soutient  qu'un  chrétien  est  oblige  en  cons- 
cience d'obéir  aux  lois  d'un  roi  infidèle, 
même  en  matière  de  rclisiion,  parconséquent 
de  renier  Jésus-Christ  par  ses  paroles,  lors- 
que le  souverain  l'ordonne  ,  pourvu  qu'il 
conserve  dans  son  coeur  la  foi  en  Jésus- 
Christ.  Alors,  dit-il,  ce  n'est  pns  le  sujet  qui 
renie  Jésus-Christ  devant  les  hommes,  c'est 
îe  roi  el  le  gouvernement.  Consécpiemmenl  il 
n'approuve  pas  la  ronslnnce  des  martyrs. 
Pour  prouver  cette  (léte>-table  doctrine;  il  de- 
mande ce  (lue  devrait  faire  un  niahométan 
ôunuel  on  commandenit.  sous  peine  de  la 
vie,  d'.ibjurer  le  inaliomélisme  ot  de  profes- 
ser le  (  hristianisme  contre  sa  conscience.  Si 
l'on  soutient,  dit  il,  qu'il  doit  plutôt  souffrir 
\n  mort,  on  autorise  tout  sujet  à  résister  à 
son  sou  venin  pour  cause  de  religion,  soit 
vraie,  soit  fausse.  Levinih.  c.  xLu,  p.  334..  — 
Nous  ré[iondons  que  ce  mahométan  doit 
commencer  par  se  laisser  instruire,  afin  de 
déposer  sa  fausse  conscience  ;  que  s'il  lui 
éî  lit  impossible  de  dissiper  son  aveuglement, 
supposition  que  nous  n'admettons  point,  il 
Sfiait  obligé  de  souffrir  la  mort.  Dieu  avait 
ordonné  aux  Israélites  d'exterminer  les  au- 
tres, mais  il  n'avait  pas  commandé  de  les 
iraîaer  aux  pieds  de  ses  autels,  pour  leur 
faire  pratiquer  le  judaïsme  sous  peine  de  la 
vie.  Jesus-(;iirisi  n'a  jamais  ordonné  d'em- 
plover  la  violence  el  les  supplices,  pour  for- 
cer les  païens  à  profes-er  sa  doctrine  contre 
leur  conscience.  Au  reste,  c'est  un  sophisme 
de  comparer  la  conscience  éclairée  et  droite 
d'un  chtéii'ii,  avec  la  conscience  erronée  et 
fausse  d'un  [laïeii  ou  d'un  mahométan.  ("est 
une  absurdité  de  vouloir  que  l'aulorilé  du 
souverain  l'emporte  sur  li  loi  divine  foi-mel- 
iemenl  p<ir;ée  par  Jésus-Chrisl.  Si  (luelqn'un 
vie  renie  devant  les  lioinmes,  je  le  rcnieini  de- 
vant mon  l'ire  (Matth.  x,  33).  I.a  loi  du  scu- 
veiain  ne  peut  avoir  de  force  qu'autant  que 
Dieu  nous  ordonne  de  lui  être  soumis  :  or, 
Dieu  n'a  donné  à  au(  un  souverain  l'autorité 
de  faire  de^  lois  contraires  à  la  sienne.  Jésus- 
Chrisl  nous  dit  de  lendre  à  César  ce  qui  est 
à  César,  el  à  Dieu  ce  qui  est  à  Dieu.  c.  xxii, 
V.  21  :  or.  c'c  st  à  Dieu,  et  non  à  César,  de 
nous  prescrire  la  r<dii;ion.  Si  !e  souverain 
ordoniiail  de  coumelire  un  parjure,  un  vol, 
un  ailullère,  un  homicide,  ou  tout  au're 
crime  conli.iire  à  la  lui  naturelle,  sciiuus- 
nous  for<és  de  lui   obéir? 

Oueliiiies  aïK-  CMS  apostats  ,  pour  excuser 
leur  crime  ,  nièreni  la  divinité  de  Jésus- 
Christ  ;  ils  dirent  qu'iis  avaient  renié,  non 
un  Dieu,  mais  un  homme.  Voij.  Ivi.c.ksaïtics. 

Parmi  les  calholiques,  on  nonune  ciuors 
iipuslat  un  homme  ((ui,  sans  dis{ieusc  légi- 
time, renonce  à  riialiilel  à  l'ét.it  religieux 
dans  lequel  il  avait  fait  profession. 

♦  APOSTOI.IGITK  (te  l'Eglise.  Un  symbole  roeu 
presque  uiiiversellemeni  clic/,  les  tliréiiens  des  di- 
verses ciiininimioiis  .issi^iie  pour  notes  de  l:i  véri- 
table li)gljbc,  c'est-à-dire  de  celle  qui  a  cuiiservé 


toute  la   doctrine  et  tous  les  préceptes  de  Jcsiis- 

CliriSt,    l'oNITÉ,     la    SAINTETÉ,     I»    CATHOLICCrÉ,     ddlll 

nous  parlerons  en  leur  lieu,  et  I'apostolicité.  dont 
nous  avons  mantenanl  à  nous  occuper,  laul  sous  le 
rjpport  du  droit  que  suus  celui  du  fut. 

1.  La  véritable  F.glise  de  Jésus-Clirist  doil-elle 
être  apostnjiqne?  Ou  ^at  par  l'Evangile  que  le  fou- 
diileur  de  l'Eglise  se  servit  pour  l'élidilir  de  douze 
apôlres  ipi'il  iiislruisil,  el  qu'il  envoya  dms  les  di- 
verses pariies  du  imuide  pour  v  annoncer  la  lionne 
nouvelle.  Il  leur  dit  :  Toute  puissance  m'n  été  donnée 
dans  le  ciel  et  sur  ta  terre  ;  dlei  donc  el  ensei'jnex 
tontes  tes  nations,  les  baptisant  au  nom  du  Père,  et  du 
Fils,  et  du  Saint-Esprit,  et  leur  apprenant  à  observer 
lout,'s  les  choses  que  je  vous  ai  commandées.  Et  voilà 
que  je  suis  avec  vous  tous  les  jours  jusqu'à  la  consom- 
mation des  siècles.  Comme  mon  l'ère  m'a  envoyé  je  vous 
envoie.  En  parlant  à  pierre  :  Tu  es  Pierre,  el  sarcelle 
pierre  je  bâtirai  mnn  Eqlise  ;  et  les  portes  de  l'enfer  ne 
prévaudront  point  contre  elle ,  el  je  le  donnerai  tes 
clefs  du  rofinunte  des  deux;  et  tout  ce  que  tu  lieras  sur 
la  terre  sera  lié  dans  le  ciel,  et  tout  ce  que  tu  délieras 
sur  la  terre  sera  délié  dnns  le  ciel;  pais  mes  agneaux, 
pais  mes  brebis  (a).  Saint  Paul  rappelle  nue  Jésus- 
Chiist  a  établi  les  apôtres  afin  que  l'Eglise  demeure 
ferme  d:ins  la  foi  et  ne  se  laisse  pas  eniporier  à  tout 
veut  de  dectriiie  (b).  On  ne  penl  méeoiniaiire  dans 
CCS  paroles  l'ét iblisseinent  du  niinisière  pasloral. 
Aussi  les  apôlres  oui  organisé  des  éiilises  pariicu- 
lières  eu  parfaite  liarinmiie  les  unes  avec  les  autres, 
y  ont  institué  des  p:is  eurs  h  qui  ils  ont  enseigné,  avec 
injiiuclioii  de  les  iraiisiiieilre,  les  docirines  et  les  ob- 
servanee>  prescrites  par  Jésiis-i^lirist;  ils  nul  investi 
ces  pasteurs  de  toute  l'aulorilé  qu'ils  avaient  reçue 
eux-mêmes  pour  se  choisir  des  successeurs  légitimes 
qui  auraienl  aussi  le  druii  de  s'en  choisir,  et  ainsi 
indéliiiimenl,  c'esi-à-dire  jusqu'à  la  lin  du  monde,  et 
sans  qu'il  y  ait  inleriiiplH'U  dans  la  succession  des 
p:isleurs.  l)fc  ces  faits,  il  est  lacile  de  cent  lure  que  la 
véritable  Eglise  de  Jésus-Clirisl  doit  ê  re  celle  «pii 
s'est  perpélnée  par  les  moyens  i|u'a  prescrits  sini  fon- 
dateur, el  que,  par  conséquent,  elle  doit  tenir  des 
apôlres  son  origine,  sa  doctrine,  les  i  ralicpie''  e^>cn- 
ticlles  de  sou  culte,  et  ses  pasteurs  pai  une  succes- 
sion non  imerrom|iue,  et  en  vi nu  d'une  mission  lé- 
gilimemeiit  transmise  jusqu'à  ce  jour 

Aussi,  dés  les  temps  les  plus  reculés,  nous  voyons 
la  masse  des  cliiétieiis  applniuer  la  règle  lie  l'aposlo- 
licilé  pour  laire  le  di^cerneiuent  de  la  vérilalile 
Eglise  de  Jésus-tdirist  d'avec  les  diverses  socles  ou 
hactioiis  de  clirétieiis  ipii  cbercliaienl  à  ahérer  !:* 
doctrine  reçue  comninnéuieut  coiuine  venant  des 
apôtres.  C'esl  ce  que  lions  savons  priticipidemenl  pur 
les  écrits  de  ceux  ipii  sont  regardés  universelleiueiil 
comme  les  grands  docteurs  de  leur  temps,  ei  que 
l'on  iKuiime  pour  cette  raison  les  Pérès  de  l'Eglise. 
Voici  d'abord  eommeni,  'iaiis  le  premier  siè  le,  suint 
(ilémeiii,  qniiirieine  cliet  de  l'Eglise  (V.  UisirÉ), 
cariietérise  I'apostolicité  dans  sa  1"  épine  aux  Coriii- 
tliiens  (vcr^.  -ïH,  45  et  4iJ  i  Les  apôtres,  éetit-il,  nous 
ont  évanqélisé  de  la  part  de  ISoire-Seiijneur  Jésus- 
Clirisl,  ei  Jésui-Clirisl  l'a  fnil  de  la  pari  de  bien.  Le 
Christ  fui  donc  envoyé  par  .  i.  «,  et  la  upolris  le  furent 
par  le  Ctirisl,  lavilonlé  de  Dieu  l'iiyant  ainsi  ordonné. 
C'e\l  pouiquoi,  après  avoir  accepté  leur  iiiissieii,  les 
apôtres,  jorlenient  persuadés  par  la  résurrection  de 
Noire-Seiiineur  Jésus  Christ,  ei  loiilirntés  dans  lu  foi 
tant  pur  la  parJe  de  Dieu  ijuc  par  la  plénitude  de 
l' Esprit-Saint,  se  dispersèrent  pour  annoncer  t'urrivee 
du  royaume  de  llieu.  Prcchiint  donc  diins  les  pays  et 
les  vides,  ils  établirent  évèques  et  diacres  (c),  sur  ceux 


(0)  Miilth.  XVIII,  10,  UO;  xvi,  18,  id.—Joan.  xx,2l  ;  xm, 
lo,  lli,  IT. 

[b)  i:pii.  IV,  II. 

(c)  t,hieliiiies-niis  oui  voulu   infi^rcr  de  ce  passage  que 
saint  Clciucui  u'aUuieiiaii  que  deux  ordres  daus  le  clergé, 


313 


A  PO 


APO 


514 


qui  ilevnienl  croire,  les  prémices  de  leur  aposl'itnt,  après 
les  avoir  éprouvées.  Ce  (jiaiid  docteur,  .iprés  avoir 
monlié  que  les  envoyés  dii  Clirisl,  perpéliiaiil  le  sa- 
ceiilocc  ei>  vitUi  d'une  ini>si(>a  divine,  n'onl  f.iil  que 
ce  (|iio  (il  Mciise  pour  établir  celui  de  l'ancienne  loi 
en  le  nieilaiil  à  l'abri  de  lonle  cnnt'sialion,  conlinue 
en  ces  le'ines  :  c  iNosapôlrcs  oui  connu,  par  iSolre- 
Seigiieur  Jésus-Clnisl,  qu'il  y  aurait  aussi  des  con- 
losiaiions  relaliveuient  à  l'épiscopat.  C'e>t  pour  ce 
Inolir,  dont  ils  avaitnt  acquis  une  parl'aile  connais- 
sance aiilicipée,  qu'ils  oui  éialili  les  pasteurs  ci-des- 
sus mentionnes,  el  qu'ils  (uil  déleriiiiné,  pour  régler 
lu  $ucces>iou  dans  la  suite,  que  lors(|ue  ceux-ci 
seraient  morts  liur  minislére  el  leurs  (onctions  se- 
raient conféi  es  à  d'autres  hommes  éprouvés,  i  Enlin 
il  ajoute  que  cetivi  transmission  de  pouvoirs  ne  se  lait 
que  du  cunscnUMueui  de  l'I^^îlise  universelle. 

Les  canons  apostoliques,  (|ui,  si'Iou  de  graves  cri- 
[i(iucs,  furent  téiligés  par  le  nièuie  souverain  pontife, 
l't  (pii  ont  toujours  joui  dans  l'Eglisi'  de  la  plus 
grande  autorité  (V .  Canons  M'OSToliqiies),  tracent 
les  règles  à  suivre,  tant  pour  la  succession  légulière 
el  la  conservation  de  la  mission  léj;iiinie  <les  pas- 
teurs de  tou-  les  ordres  (a),  que  pour  le  maintien  de 
1,1  iNcliine  aposliiliquc  (b).  Les  coustiiuiioiis  aposto- 
liques, dont  ou  ne  i  eui  assigner  l'époque  précise, 
mais  (|ul  sont  assurément  antérieures  au  pieniier 
concile  lie  Nicée,  c'esi-à-dire  à  l'an  3"23  (V.  Consti- 
TUiiONs  APOSTOLiiiLES)  (c) ,  rappellent  {d)  les  précau- 
tions i»  preiiiire  dans  l'éleclion  des  éveques,  connue 
ayant  été  ob-ervées  des  les  lNi)4>s  apo^lollques. 

Cil'UiS  niainiciiant  les  témoignages  diis  docteurs 
cliréiiens  des  premiers  siècles,  ou  qui  ont  rappelé 
dans  leurs  écrits  l'aposlnlicité  louime  caractère  de  la 
véi'Pable  tgli>e,  ou  qui  l'ont  évidemment  supposée, 
sotcommt!  un  fait  ado  is  univeisellenieul,  soit  comme 
uu  principe  iiiconteslabl '.  Saint  Irénée,  disciple  de 
s.iinl  l'olycaipe,  qui  le  lut  Ini-inèine  de  l'ai  ôire saint 
Jean,  oppose  souvent  aux  liérétiques  de  son  temjis 
l'aiiosiolicité  de  la  doctrine  et  la  .>n(  cession  légliiine 
des  pasteurs.  <  'Ions  ceux  qui  veulent  connaiire  la 
vérité,  dil-il  (e),  n'oui  ((u'à  lover  les  yeux  pour  aper- 
CcvoH  diins  toute  l'Kglise  la  iradiliou  ilis  apôtres 
léfiaii  .ne  <laiis  ic  monde  entier  :  nous  pouvons  cmnii- 
ttr  ceux  qui  ont  éié  établis  cvéïpn'S  dans  les  Eglises 
par  le?  a|iôires  el  leurs  successeurs  jusqu'à  nous. 
Auiun  d'eux  n'a  eiisei;;iié  celle  doctime.  Mais 
comme  il  serait  Iriq)  long  de  tracer  eu  détail  la  suc- 
ces^ion  des  évèqui'S  dans  les  diverses  Eglises,  nous 
vous  lenvoyuns  à  la  ir.idilion  de  la  plus  i;rande,  de 
lapins  ancienne' cl  la  plus  univcrsellemenl  connue  de 
tintes,  l'Ejîlise  qui  fui  londee  à  Unme  par  saint 
l'ierre  et  saint  Paul  et  i|ni  s'y  est  perpétuée  par  la 
su.  ci.ssion  de  ses  évêques  juM|u'a  n  s  j"uis.  >  Il  cite 
iiisiule  les  noms  des  dilîeienls  papes  jusqu'à  Eleii- 
ti  èi>;,  qui  viv.iil  alors.  <  11  ncl'ani  pas  clierclier  cliez 
d'auifcs,  dii-il  plus  loin  {/")>'^  vériié;  il  est  facile  de 


mais  c'est  a  lort.  Si  l'on  se  repo'le  au  vorsrt  10,  on  vpira 
qu'il  y  menti. .une  les  attiibulions  paiiirulièies  du  souve- 
rain Ponlife,  celle  des  prunes,  dunl  il  csl  encore  quCîtion 
au  vers  l  44,  et  même  celles  des  lénUS-  H  ne  parle  ici 
que  des  éït"'ques  el  des  diacres,  parce  qu'il  cite  iuuiiédia- 
lenicui  aprè-,  un  texte  d'Isaieotl  il  n'est  question  i|ue  de 
ces  deux  ordres  de  la  h.érarcliii'.  Saint  Cléuieul  a  sans 
doute  elle  d'apiès  un  ancirn  mar.uscril  grec  perdu  depuis 
loiiytemps;  car  voici  ce  pa>sii,i;>'.  d'isaie  (lx,  1")  sans  va- 

lianlOS  EclOU  les  LXX  :  K«l  S<l'o«  toi;  ifl'l-.IHi  «ou  iv  tlp..vj,  xni 
toù;  i-tffKo-ouf  ao'j  i-t  Sixaioajv.[]. 

(n)  Voir  les  canons  I,  is,  i'J.67  el  75,  dans  la  grande 
COlleciion  des  conciles  de  Mausi,  t.  1,  col.  50  soi]. 

[bl  Canon  ijfl,  jbiU.  Voir  aussi  pour  cet  objet  sainl  C'é- 
ni. m,  Aposiotic.  const.,  liv.  i,  c.  7,  el  Bellariuin,  De  clc- 
ricit,  liv.  iiî,  c.  -10- 

(c)  ("ousulier  Mansi,  Suer,  coiicil.  ima  cl  amptissmia 
(olieilio,  l.  t,  c.  2.^8  seip 

(d)  Liv.  H,  c.  .1,  -2  et  3. 

(c)  AUversus  hwreses,  liv.  ni,  c.  3. 
(nibid.,c.4. 


la  tirer  de  l'Eglise  catholique,  puisque  les  apôtres  y 
ont  versé  à  pleines  mains,  coninie  dans  nu  riche 
dépôl,  tout  ce  qui  lient  à  la  vérité  :  en  sorte  que 
quiconque  le  veut    peut   y  puiser  le    breuvage    qrii 

lionne  la    vie S'il    s'élevait  une  discussion    sur 

quelque  légère  question,  ne  faudrait-il  pas  recourir 
aux  pins  anciennes  Eglises,  où  les  apôtres  ont  vécu, 
pour  y  apprendre  ce  qu'il  v  a  de  certain  et  de  clair 
sur  la  inaiière  en  litige?  Que  ferait-on  si  les  apô- 
tres ne  nous  eussent  point  laissé  d'Ecriture^.?  ne 
faudrait-il  pas  se  conbunier  il  la  tradition  qu'ils  ont 
coudée  à  ceux  qu'ils  ont  cbargés  du  soin  des  Egli- 
ses? > 

Tertullien,  dans  son  admirable  livre  des  Prescri- 
plioiis,  s'appuie  suilnul  sur  l;i  règle  de  l'aposlolicilé, 
imur  confondre  les  béréiiques  de  son  temps,  i  Lui- 
même  (.Jésus  Christ),  écrit-il  (a),  taudis  qu'il  était 
sur  la  terre,  soit  dans  ses  discmirs  au  peuple,  soit 
dans  ses  instruiaious  particulières  à  ses  disciples,  a 
enseigné  ce  qu'il  était,  ce  qu'il  avait  été,  les  volontés 
de  son  père  doul  il  était  cliargé,  et  ce  qu'il  exigeait 
des  liomiiies.  Parmi  ses  disciples,  il  en  cboisit  douze 
|Our  raccompagner  el  pour  devenir  dans  la  suite  les 
docteurs  des  nations.  L'un  d'entre  eux  ayant  élé  re- 
tranché de  ce  nombre,  il  coinnianda  aux  onze  autres, 
lorsqu'il  retmirna  à  son  Père,  après  sa  résurrection, 
d'aller  enseigner  tonies  les  muions,  el  de  les  baptiser 
au  nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  dn  Saint-Esprit. 
\ussiiot  après,  les  apôtres  (ou  envoyés)  ayant  choisi 
Milliias,  sur  ipii  loiiiba  le  sort,  pour  remplacer  le 
traître  Judas,  selon  la  prophélie  de  David,  et  ayant 
reçu  avec  le  Saint-Esprit  qui  leur  avait  élé  promis, 
le  lion  des  langues  et  des  miracles,  prêchèrent  la  foi 
eu  Jésus-Clirisl,  et  etnliliretit  des  Egli&i^s  d'abord  d.iiis 
la  .luilée:  ensuite,  s'élaiit  |)ariagé  l'univers,  ils  an- 
iioncèrent  la  même  (oi  et  la  même  doclriiie  aux 
n.itions,  et  fondèrent  des  Eglises  dans  les  vides.  C'est 
de  ces  Eglises  que  les  aiiln  s  ont  empruiilé  la  se- 
mence de  la  doctrine,  el  qu'elles  rempruntent  encore 
ton.,  les  jours  pour  devenir  des  Eglises.  P.ir  celle 
raison,  ou  les  coinple  aussi  parmi  les  Eglises  aposlo- 
liipies  dont  elles  sont  les  lilles.  1  oui  se  rai  porte 
nécessaircineiil  à  son  origine  :  c'est  ponrquni  un  si 
grand  nombre  d'Eglises  si  considérables  sont  censées 
la  même  Eglise, la  pieiniérede  loiiles,  l'ondée  parles 
apôiri's  el  la  mère  de  louies  les  autres.  Toutes  sont 
apostidiques,  loiiles  ensemble  ne  font  qu'une  seule 
Eglise  par  1 1  coninmiiicalion  de  la  paix,  la  déiiumi- 
iialiin  de  (rères  et  les  liens  de  l'iiospitaliié  qui  nnis- 

si m   tous    les   (iilèles V.i,;,   ci.ntinue  le  îiiènie 

l'ère  (c.  21),  comme  ii'iis  tirons  de  lii  notre  seconde 
prescription.  Si  Nntre-Se  gneur  Jésus-Christ  a  en- 
voyé ses  apôlres  pour  prêcher,  il  ne  faut  donc  pas 
recevoir  d'aunes  prédic.iteuis,  parce  que  personne 
ne  connaîi  le  l'ère  que  le  Fils  •;:  ceux  à  qui  le  Eils 
l'a  révélé,  et  que  le  Fils  n'a  lévéb^  qu'aux  apôires, 
envoyés  pour  |irêcher  ce  ipi'il  leur  a  révèle.  Mais 
qu'ont  prêché  les  apôtre?,  c'esl-à-diie  que  leur  a 
révélé  Jésus  Christ?  Je  piélends,  fonilé  sur  la  même 
prescription,  qu'i;ii  ne  peut  le  savoir  que  par  les 
Eglises  que  les  apôlres  ont  {ondées  et  qu'ils  ont 
inslruites  de  vive  \oix  et  ensuile  par  leurs  lettres.  Si 
cd  .  est,  il  est  ii  contestai  le  que  toute  doctrine  qui 
s'accorde  avec  la  doctrine  de  ces  Eglises  apostoli- 
ques cl  matrices,  au^si  anciennes  que  la  foi,  est  la 
vérilahle,  puisque  c'est  celle  que  les  Eglises  ont 
reçue  des  apôlres,  que  les  apôtres  ont  reçue  de  JéMis- 
Christ,  el  que  Jésus-Christ  a  reçue  de  Dieu,  il  ne 
nous  reste  qu'à  démoni-rer  que  notre  doctrine,  dont 
nous  avons  présenlé  plus  liant  l'abrégé,  vient  des 
apôlres,  el  que,  par  me  conséquence  nécessaire, 
toutes  les  autres  sont  fausses.  Nous  coinniuniquons 
avec  les  Eglises  apostoliques,  parce  que  notre  doc- 
trine ne  dillére  en  rien  de  la  leur  :  voilà  notre  dé- 
monstration. 1  On  ne  peut  établir  ni  plus  clairement 

(a)  PrœiCripL,  c.  M 


SIS 


APO 


APO 


5I« 


ni  plus  énerjîiqiiemeni  la  rèjle  invariahle  de  Papos- 
Ifiliclté,  soit  du  iiiiiiisièrc.soit  <li'  la  (Inciiiiie,  que  ne 
l'a  luit  ce  rère  à  la  (iii  dii  ii^  s  èdi'.  Voyons  mainte- 
nant cnniincnt  il  en  fait  l'jppliciilion  ciiiiUe  los  lié- 
réiiiines  de  son  temps.  Arrès  :tv  lir  parlé  de  Marcioii, 
di-  Valenlin  et  d'Apelle  (e.  50)  et  de  la  nouveanté 
de  lenrs  dncl'ilics,  il  tmilirme  ainsi  :  i  Qnaiit  à  im 
cerl;iln  Nigidliis.  à  Henniii;éne  et  à  tant  d'autres, 
dont  l'occupatioi)  imiqne  est  do  pervertir,  qu'ih  pro- 
duisent les  tlues  de  leur  mission  ...  Qu'ils  prouveut 
donc  qu'ils  sont  ili'  nouveaux  apôtres,  que  Jésus- 
Christ  est  descendu  une  sl^cnndi;  lois  sur  la  terre,  ' 
qu'il  a  de  nouveau  en-eigiié....  que,  de  plus  il  leur  a 
commnidqiié  le  pouvoir  d'ofiérer  les  mêmes  prodiges 
que  lui-niêiiie  :  c'est  à  ces  traiis  que  nous  recon- 
naissons les  vrais  apôtres  de  Jésus-Clirisi.  >  Puis  il 
conclut  (c  ô2)  :  «  AU  leste,  si  (iup|i(ues-unes  de  ces 
sectes  osent  se  dire  ciuiteiii|ioralnes  des  apôtres  pour 
par.iître  en  venir,  faites-nous  donc  voir,  leur  répon- 
d'ons-nous,  l'origuie  de  vos  éi^lisc»,  l'ordre  et  la 
succession  de  vos  évoques,  en  sorte  que  vous  le- 
niiJiiiiez  jusqu'aux  apôtres,  ou  jusqu'à  l'un  d.;  ces 
Iiommes  apostoliques  qui  ont  per.-évéré  jusqn'à  la  lin 
dans  la  conuiiuhioii  des  apôiri's;  car  c'est  ainsi  que 
les  églises  vi aiment  apostoliques  jnsiillem  qu'elles  le 
sont.  Ainsi,  l'Eglise  de  Smyine  montre  Polyoarpe 
que  Jean  lui  a  "donné  pour  évêfpie,  et  t'i'gli-e  de 
IVome,  CIcitiént,  ordonné  par  Pierre.  îoiiles  nous 
montrent  dfe  même  C'  iix  ([Ue  les  ai  ôlres  ont  étalilis 
leurs  évcques,  et  par  le  eau  d  de  qui  elles  ont  reçii 
la  seiiience  diî  la  doclline  apostolique.  Que  les  liéié- 
liqui  s  inveuteut  du  moins  qnclqne  i  luise  de  seinldi- 
ble.  Après  tant  de  l.laspliêiiU'S,  tonl  leur  est  permis  : 
m:iis  ils  auioiil  beau  inventer,  ils  ne  ijagiicriuit  rien; 
car  leur  doctrine,  rapprocliée  de  celle  des  apô'ies, 
prouve  assez  pir  sou  opposition  qu'elle  n'a  pouf  au- 
teur ni  un  .Ijiôtre,  ni  un  homme  apostolique.  I.es 
apôtres  n'oni  pu  ê  re  opposés  les  uns  aux  antres 
dans  leur  euseigucineni  ;  les  hoiurnes  apiistoliipies 
n'ont  pu  l'éire  iiux  aiôlies,  si  vmls  exceptez  ceii.v  (|Ui 
les  ont  abandonnés.  Oui,  ([ue  les  hérétiques  monlient 
la  conliuniilé  de  leur  doctrine  à  la  doitrine  aposto- 
lique ...  Toutes  les  hérésies  soûl  doue  soiiimées  par 
nos  E;;libes  de  jiistilier  par  leur  doctrine  ou  par  lent' 
origine  qn'elles  sont  apnsloliipies,   comme  elles  le 

prétendent.  La  dillérence  de  leur  doctrine  dé iitre 

au  coniniire  qu'el  es  ne  sont  ri<ui  inoin--  qu'aposto- 
liques :  c'est  pourquoi  aucune  Eglise  apostolique  ne 
les  reçoit  à  la  paix  et  à  la  ciimmuiiion.  )  Eiilin,  ler- 
lullieti  renvoie  (c.  Tj:,)  les  héictiqties  au\  ligl  ^cs 
fondées  par  les  apôtres  eux-mêmes.  «  VouIcï-vous, 
leur  dit-il,  saiif.iire  nlie  Idnatilc  curiosité,  qui  i 
pour  olijel  le  s;dut,  paieouiez  les  Eglises  apostoli- 
ques, où  président  eiicnre,  et  dans  le.s  niènies  pi  icss, 
les  chaires  'les  apôlres  ;  où  iois(iue  \dlis  eiiieudnz  |[( 
lecture  de  leurs  lettres  originales,  vous  eroiléi  les 
voir  eux-mêmes  et  entendre  le  sou  de  leui'  voix. 
Eles-vous  près  de  l'Achaie,  vous  avez  Cnrintlie;  de 
la  Macédoine,  vous  avez  l'Iiilippes  cl 'l'Iie^salon  que. 
Passez  vous  eu  Asie,  vous  avez  Ephèse;  ètes-vous 
sur  les  lloutièies  de  l'Italie,  viuiS  :\\ez  Uome,  à  r.:ii- 
torité  de  ijui  nous  somnies  aus-i  à  (lurlée  de  recou- 
rir. Heureuse  Eglse,  dans  le  sein  de  lit|iielli;  les 
apôtics  ont  répandu  et  leur  d'  ctiiiie  ei  leur  .sang; 
où  Pierre  est  criicilié  comme  snii  m.iîire  ;  nù  Paul 
est  (onronné  comme  Jeati-liaptlstc;  d  où  Juan  l'E- 
vangéliste,  sorti  de  t'Iimle  bnuillaiitc  >aiu  el  sauf,  est 
rclt'gué  dans  une  ilc!  Voyous  donc  ce  (pi'a  appii^  et 
ce  ipi'enseigiie  Kome.  et  en  (|Uoi  elle  communi  |iic 
pàrliculièrenient  avec  li  s  l'.glise-,  d'Ariii|Ue.  »  Puis  il 
expose  la  loi  de  l"Ei;lis"  ilo  lloine  pour  jiistiikr  de 
raposifdicilé  de  celli;s  d'Afrique,  qui  profe-sent  la 
même  doririne. 

Saiiif  Cypiien,  aii  milieu  du  ni'  siède,  étalilissail 
la  coiisiituiion  de  l'Eglise  mit  l'onire  de  siifccssioii 
dans  l'épiscopal,  observe  dans  les  temps  antérieurs 


et  remontant  jusqu'aut  apôtres  (n).  Enfin,  au  cnur 
meiicement  du  iv  siècle  (an  5;3),  le  premier  con- 
cile léiiéral  tenu  à  [Sicée  rédigea  un  .symbole  de  foi 
plus  explicité  que  celui  des  apôires,  d  ui^  lequel  J.i 
qualité  iVaposlvlique  fut  a  Iriliuée  solennellemi  ni  à 
la  vériiable  Eglise.  Or,  cette  profcssinii  de  loi  fnt 
répétée,  meutionnée  ou  supposée  dans  tontes  les 
grandes  assemblées  des  premiers  p.isieiirs  de  l'EglLse^ 
qui  se  liurcui  depuis,  comme  nous  le  voyous  pour 
les  concileside  Coustanlinople,  d'Eplièse  et  de  Clial- 
cédoine,  dans  les  actes  tant  du  ii'^  une  du  m''  concile 
iliî  Conslanlinople  (fc).  Il  en  tut  de  uièine  dans  les 
autres  conciles  tenus  depuis,  jus(|u  à  celui  de  Trente, 
terminé  en  lîiGj,  où  1  tHiêuie  symliide  fui  rapnelé  (c) 
«  t'expniplt;  des  Pères,  qui  dans  les  sair.is  conciles,  eut 
observé  la  rnutume  d'opposer  ce   bouclier  à  loulrs  les 

liérésie-i,  au  comuieiici'iiient  d,'  lenrs  opérations Ce 

syiniiole  se  trouve  au>si  reproduit  dans  l<ius  tes  livres 
de  liturgie.  Ou  voit  ipi'il  seraii  superllii  de  citer  les 
Pères  de  l'Eglise  qui  depuis  le  premier  concile  de 
ISicée  ont  parlé  de  l'aposlnheilc  comme  du  caratlère 
le  |>lus  (iistiiictif  de  la  véritable  société  chrétienne. 

l)'ailleurs,  nous  voyous  dans  tous  les  temps  les 
piemiers  pasteurs  assemblés  b.^ser  invariablement 
leurs  décisions  tant  doi:uiatiipics  que  disciplinaires, 
aiusi  rpie  les  jugements  qu'ils  av.nenl  à  prononcer 
relative. lient  à  la  réintégration  ou  à  la  dcposiii/iii  des 
évèi|ues,  sUr  la  triple  règle  de  l'apostolicité  de  la 
doctrine,  des  praiiijues  essentiKiles  et  du  ministère. 
ISniis  trouvons  une  applicaiioii  reuiaïquahie  de  cisite 
règle,  coueernant  la  doctrine,  dans  le  !ii'  con- 
cile tenu  il  Constaniino|)le  en  (iSO  (d),  el  une  autre 
eueoie  plus  solennelle,  touchant  la  succession  légi- 
time des  pasteurs,  dans  le  i|ualrièuic  concile  (hui- 
tième uecuméniquej  assemblé  d.ins  la  même  ville  en 
Sti'J,  à  l'eflel  de  déposer  l-liolius  aiusi  que  tons  les 
évoques  inlru--,  el  de  rétablir  dans  leurs  dignités 
saint  Ignace  et  ceux  qui  étaient  eu  coinniunion  avec 
ce  paiiiaiclie  légitime  (el. 

Ue  tous  I  es  fuis,  nous  somnies  en  droit  de  con- 
clure ligoureiisemeni  que  la  véritable  Eglise  de  Jésus- 
Clirist  doit  être  apostolii|ue.  C'està-diie  ,  que  la 
siicié:é  qu'il  a  établie  si  iiiiiaculcusement,  au  moyen 
des  lioimnes  les  pins  simples,  mais  invetis  d'une 
autorité  tniile  divine,  pour  procurer  aux  honinies 
lous  les  secours  dont  il.  luit  besoin  dans  l'oidredu 
salui,  doit  évidemment,  d'après  sa  natiirc,  tirer  son 
oiigiue  des  apôtres,  enseigner  une  doctrine  et  pres- 
crire des  pr.itiques  apo>toliqui'S,  ou  dniii  on  iia 
puisse  pas  iissiguer  l'origine,  eiillu  être  gouvernée 
p:ir  une  ^éri  r  de  pasteurs,  tous  e  >  comuiuniiui  les 
uns  ;ivec  les  anlres,  (|ui  se  soient  siiccé  ié  sans  inler- 
ruption  depuis  les  temps  apoMoliques,  cl  dans  la 
comumnioii  d'-s  apôtres,  b'.iillenr.,  nous  avull^  vu 
(|ue  ce  c:ir,ic  ère  essentiel  de  l'Eglise  a  éié  rei'iuinu 
dans  tou.s  les  siècles,  et  i|li'il  a  invariablemeiil  servi 
de  règle  pour  le  dlsceriieiiieiit  des  doctrines,  des 
pratiques  el  des  pasteurs  légitimes  de  la  véiilalile 
sociéé  chrétienne,  de  celle  (|ui  seule  possède  les 
inoycus  coiiiinuiis  el  extérieurs  de  salut. 

II.  Examinons  maiiileiiant  quelle  est  celle  des  so- 
ciéiés  cbiétii  unes  qui  peut  à  juste  litre  s'airoger  la 
ipialité  d'apostolique.  iNmis  avuiis  vu  ipiu  la  Véritable 
Igiise  de  Jésus-Clirist  doit  eue  apostoiiqiie,  soit  sous 
le  lapporl  de  sa  iloctiinc  el  de  ses  piaiii|ues  e^scu- 
iielles,  snii  suus  celui  Je  soi  origine  ei  de  la  suc- 
(CS-iou  légilinie  et  non  interrouipue  de  ses  p.isteiir-. 
CoiiilUérons  d  abord  l'aposiolicie  du  l'Eglise  suii.s  le 
pieiiiier  point  de  vue.  Il  n'est  poiiii  uécess.iire,  pour 
en  faire  nue  ju?l.' appieciation,  de  coiisidéicr  sépa- 
rément tontes  I  sdociiiiics  et  toutes  les  pratiques 
d'une  société  cliréiieune,   aliu  d'en  constater  diiec- 

(«)  Kpist  xxvii.  —  (b)  Voir  MaiiSi  ,1.  IK  ,  rnl.  "0,  et 
l.  \l,  col.  l'M.  —  (c)  a.ll.,  III.  ((/;  .Miinsi,  t.  .\l,  i.Oseq. 
—  («)  Cuncil.  Consl.,  IV,  ïul.  1,  dans  Maiisi,  l.Wl,  Cul.  27 
seq. 


517 


APO 


tenient  l'origine  apostolif|iie,  en  remontant  ou  en 
descell(lan^  île  siècle  en  siècle  :  ce  serait  un  travail 
ilont  peu  (le  personnes  sont  capahlcs;  tous  les  liom- 
ines  cependant,  à  (piel(|iie  cundilioii  qu'ils  Ufipar- 
licnncnl,  doivent  pouvoir  sans  grand  cU'irt  recon- 
niiilrc  la  véiitahle  porie  du  saint.  Il  sullil  pour  les 
ç;ens  simples  ipi'iis  exauiinent  ou  qu'ils  s'Infurniont 
SI  telle  ou  telle  société  cliréiienne  a  on  n'a  pas  été 
retrancliée  d'un«  antre  pins  ancienne  qui  jouissait  du 
droit  de  p'Ss'  ssinn,  si  l'on  pont  ou  non  assigner  l'é- 
p(i(pie  où  elle  a  roniincnrè  avee  nu  code  doctrinal  ou 
(lisciplinaiie  dilTiTcnl  en  un  on  plusieurs  points  d'un 
nuire  suivi  autéi  ieuri'im'iit.  Or  ccl  uxauicn,  qui  est  à 
la  poriée  du  plus  (■rnml  mnnljre,  sera  docisil'  :  car, 
ciunuie  le  lait  oliscrver  liossuet  (a),  <  le  nionienl  de 
l:i  séparation  sera  toujours  si  cnnslani,  ipie  les  héré- 
tiques enx-iiicuies  ne  le  pourront  désavnner,  et  qu'ils 
n'oseront  pas  senleineiit  teiler  île  se  f  ire  venir  de  la 
siinrce  par  nue  siiile  que  Ion  n'.iii  jamais  vue  s'iiiier- 
lompre  :  c'est  le  faillie  inévitable  de  tontes  les  seeles 
que  les  liomines  ont  élalilies;  nul  ne  peut  changer 
les  siècles  pils^és,  ni  se  dunuer  des  prédécesseurs,  ou 
faire  qu'il  les  ait  trouvés  en  possession.  Ln  seule 
Kj^lise  catholique  remplit  tmis  les  siècles  prceiiilenls 
par  une  suite  qui  ne  peut  lui  etie  contestée.  >  .Mais  il 
est  évident  pour  tout  le  tnoiiile  qu'une  sec  e  nonvcl- 
lemeiil  orRanibée,  et  avec  la  préienlioii  de  réloinicr 
r;uicienne  doctrine  ou  les  anciennes  pratiques,  ne 
pe  l  être  apostolique.  Il  lesnlle  de  ci'  Siin|ile  e.vani  ■« 
que  celte  ijualrc  ne  peil  ctie  aiDilmée  tpi'à  l'Hylise 
romaine,  ipii  seule  n'ollre  pnint  le  laractcre  de  la 
iiiinveauié,  qui  seule  n'a  jamais  varié  si'it  dans  ses 
croyances,  (■oltdins  ses  praiiq  es  essentielles. 

Saint  Annu-lin  (/))  ilniiiie  !a  rc;;le  siivanle,  pour 
faiie  juger  de  l'aposioli.  ité,  suit  d'un  ilo^nie  soit  d'une 
pratique  :  t  On  est  pai  lacement  r"nilé  a  croie,  ilil- 
il,  que  ce  (|u'oliserve  l'^yli  e  universelle  et  y  lut  lou- 
jonis  observé  sans  avoir  éie  prejcnl  par  les  c  un  Iles, 
ne  peut  venir  (|iie  de  l'auto. iié  ap  uto  i  |iie.  »  baiot 
\'incent  de  l.érins  d:ins  ses  Ciinmonilori  :,  dit  aiisi 
que  l'on  doit  lappoiter  à  une  liaililon  ajostnlique  ce 
qui  a  été  cru  ou  oli  ervé  par  ions  les  lidèles,  ilans 
tous  les  temps  et  lians  tous  les  l.eiiv.  .Mais  irii  con- 
çoil  que  la  réjîle  est  d'une  :'p;ilieaiiou  (l'..ntanl  plus 
diflicile,  qu'elle  CM^^e  l.i  connaissance  pail.ntt;  de  la 
Iradiiion  de  l'Iiiîlise  nnivcisel  e,  sur  unis  les  dni^nics 
el  toutes  les  pratiques.  iSeaninoiiis  nous  eii  fiions 
usage  poui-  dénmnlrer  la  légitimité  des  princip;iics 
croyances  et  des  pratiques  esseuiielKs  de  l'f^-lisé 
romaine  sous  les  litres  qui  leur  ennvieniient  (e). 

Mais  il  est  beanconp  pins  facile  d'appiéi  ier  d'un 
seul  coup  d'uMl  l'aposlolieiié  di'  la  vciil.ible  liglise 
par  1,1  Voie  de  la  |  rcM-r  p  ioii.  Il  est  ilupo^sible,  en 
elfel,  qu'il  S'il  snrveu.i  aucun  cliangeineiit  insensible, 
inaperçu  ,  dans  l"s  dii' irines  ou  iiaus  les  praiiqnes 
apostoliques  :  car  ce  cli.in^cmenl  se  ser;;it  inirodiiit 
OU  par  suite  de  l'i^ncnaine  où  r.m  aurait  été  des 
croyance!!  et  des  piaiiqiies  du  siè- le  pr.  cédenl ,  ou 
parce  que  (pielques-uiis  aura  eut  voulu  soit  abolir, 
Soit  établir  fiaiidiileusenient  un  dogme  on  nue  piali- 
qnu;  ou  piirce  que  tons  les  lidcles  uura  ent  conspiré 
unaiiiiiieinent  lour  altéier  en  i|Ue|ques  p-dnis  la  Ira- 
diiion apostolique.  Or,  cliaciine  de  ces  bypollièses  est 
insnuleiMb.e  :  la  première,  parce  que  timtes  les  gé- 
iiéialioiis  ne  linissenl  point  a.ec  un  siècle,  (|ne  les 
piéeédeiites  vivent  avee  les  ^ni^allte^,  et  que  de  tnnt 
leui|is  le»  lidèles  de  tons  les  âges  ont  l.iit  eu  ciimmnn 
profession  de  la  même  lui  et  exercé  publiqucinoot  le 

(«1  Discons  sur  l'Itisl.  tmiv  ,  p.  ii,  c.  30. 

(bj  Oe  bapl.  contra  Doiiadstus,  liv.  iv,  e.  2i. 

Icj  Oeil .  q.ii  ;iiment  les  urgiinifiiis  ad  h  miiu'in  ne  linml 
pi'si  sans  iiitérOl  le  cbqi.  xxxiv  U'uii  onvi-.ue  de  rimiiiiis 
MjoijBiiiliiulii:  roi/i/(;e  it'un  Irlonluis  à  la  reclie'clie  il'u  e 
rfliijhfi.  Cel  iiitén'.^s  ml  aiiU'ur  y  jtou  ,  e  l'i:ini<iuil^  i>;:o  to- 
Hil  e  de  la  dijctiini:  culhoinjue,  t  i.ni  p^r  I.  s  écrits  di>s  ré- 
foriuateurs  que  |iar  ceux  de  .pmtesl.uils  plus  modernes, 
voir  Vémunn.  évang.,  t.  XIV,  col.  loi)  seq. 


aW  318 

même  culte;  la  seconde,  parce  qu'on  se  serait  récrié 
Contre  l'Iiilerition  perverse  des  novateurs,  aussitôt 
qu'on  se  serait  aperçu  qu'ils  avaient  l.i  prétention  de 
déroger  aux  croyances  et  au\  pratiques  communes  : 
en  supposant  ((u'ils  ell^senl  réussi  ibms  une  localité  à 
0|iérer  (|uelque  changement,  on  aurait  réclamé  dans 
mille  autres,  eu  leur  contesiant  le  droit  ipi'ils  nsnr- 
paieni,  et  c'est  piéci-émenl  ce  que  l'on  a  lait  contre 
les  hérésiarques  de  tous  les  siècles;  la  Iroi-ième  hy- 
pothèse est  encore  pins  inadMii,ssible ,  parc  qu'il 
aurait  fallu  couvenir  sur  Ions  les  points  du  globe  où 
la  religion  chrétienne  éla  l  professée,  d'aiouier  on  de 
retrancher  tel  ou  tel  article,  à  partir  de  tel  jour,  taut 
en  le  laissant  i;;norer  aux  génératons  snivanles,  ce 
qui  eût  été  de  toute  impossibilité,  vu  l'opiiosilion  des 
inléiêls  et  des  passions,  vu  Sinlout  les  léclauiiitions 
que  n'aur  ient  pas  manqué  de  l'aire,  n'impnrlK  dans 
quel  siècli",  les  ennemis  acharnés  de  l'IOglise,  tou- 
jours disposés  à  la  trouver  eu  délaut. 

On  ne  peut  donc  aiicuiit!inent'Upposer(|n'd  soit  ja- 
nnds survenu  nncuiKhangenieiit  inaperçu,  Mdtilnns  les 
doctrines,  boit  dans  les  prati.|nesapost.  liipies  ;  d'où  l'on 
doit  eonclure  ipie  celte  Kglise  seule  est  apostolique, 
d.insliiquedeonnep  ntsigualerauiUiiehangenienl,soit 
dans  la  croyance,  soit  dans  les  pratiques  essentielles  : 
or  l'Kglis;  romaine  (v<t  visiblement  la  seule  qui  .noit 
danir  ce  cas.  Dès  lois  donc  qii  •  telle  croy.mce  on  telle 
pratique  était  reçue  dans  tel  siècle,  on  doit  en  cou- 
dure  (|n'ello  l'était  dans  le  précédent,  puis  dans  les 
leinps  antérieurs,  en  remontant  ainvi  jusqu'aux  apô- 
tres. Car,  ainsi  (|iie  intns  ra\ons  Cail  vtir,  aucun 
ch.ingemenl  insensible  n'est  possible,  et  s'il  se  lût 
intioduil  quelque  innovati  m,  ou  coiinaiirait,  selon  la 
remarque  de  l'ellarniin,  comme  on  le  fan  sur  toute 
hérésie,  les  six  ch.ises  suivantes  :  1*  l'objet  de  l'in- 
novation ,  a°  son  auteur,  3"  le  temps  où  elle  a  coin- 
«lencé ,  i'Je  lieu  de  sa  naissance,  à"  ceux  ipii  s'y  sont 
iqiposés,  ,"  la  petite  société  i|ui  en  a  d'abord  favorisé 
la  propagation.  Mais  aucun  de  ces  indices  de  Mou- 
veau  é  n'est  applicible  soii  aux  doctiiiies,  soit  aux 
pr.iliqui's  cs^eiiiielles  de  l'Kglise  lomaine,  et  lous,  .-.u 
conliaire,  le  sont  aux  cioyiincea  el  aii\  observances 
des  auires  sectes;  il  est  dnne  clair  que  l'I'.glis.;  ro- 
maine seule  pos.-ède  un  eneuihle  lie  doctiines  eule 
prali(|des  dont  aucune  n'a  élé  nliéié  ■  depuis  les  temps 
des  apôtres,  ei  (|ne,  par  conséqneni,  seule  elle  doit 
èire  reconnue  ai  osioliqiie  sons  ic  double  rapport. 

On  ponnaitoljj.:,  ter  ici  ijn'il  y  a  eu  innovation 
dans  l.i  doctrini;  ilo  rh.i;lise  rOinaiiie,  toutes  les  fois 
que  de  nonveanx  points  dogm.iliq.es  om  été  détinis  : 
nous  renvoyons  p  mr  la  répuii-o  à  l'article  Foi,  où 
nous  disiingnerou  .  ligoilrensement  la  foi  iiiii  bcilede 
la  loi  explicite.  Qnaml  a  la  délerminalioH  des  prati- 
ques essentiidles,  i  vtj.  Culti;,  Discii'Li.nh. 

I.'apostoliciié  du  unnlslcre  et  l'appui  et  le  garant 
de  l'aposiolicité  de  11  doctrine.  Si  le  c:inal  par  lequel 
la  doctrine  passe  ne  ch  inge  pas  et  n'éprouve  uiicnne 
inteinipiioii,  n'est-ce  pas  une  preuve  (|ue  l'eau  dé- 
coule do  la  vraie  .smiree?  Si  au  contraire  il  y  a  iiiler- 
rupiion.oii  peut uiariiinr  l'époque  oûellea  pu  cesser 
a'é  le  la  vénlable  doctrine. 

«  Ou  distingue  deux  ciioses  dans  le  minislère  ec- 
clésiastiqie,  dit  M.  de  La  Luzerne,  le  pouvoir  d'ordre 
et  le  pouvoir  d;  juridiciion.  Tous  les  deux  émanent 
des  apôires  qui  les  avaient  reçus  de  Jésus-Chiisl. 
C'est  dans  la  c  nilinuilé  de  ce»  deux  pouvoirs,  depuis 
les  ripôlies  qui  les  iiiemicrsout  exercé  ce-mini. lére 
sacré,  jusqu'aux  évèq  les  qui  l'exercent  aujour.riini, 
que  consiste  l'apostolicité  du  ministère.  Le  premier, 
c'esi-à-diie  le  pouvoir  d'ordre,  s'est  perpétué  sans 
interriipiion  par  l'ordinaiion  canonique.  Les  apôtres 
Ont  ordonné  les  premiers  évêques;  ceu-f-là  en  ont 
cons.icré  d'autres  :  et  ainsi  les  évêques  de  nos  jours 
ont  leçn  le  même  caractère  épiscop.d  qu'aval,  iil  les 
()remitr^  successeurs  des  apôtres,  .'•d,  li-in.,  le  cours 
des  siècles,  il  s'est  rencontré  qiudque  homme  assejs 
téméraire  pour  entreprendre  de  faire  une  urdinaiiuii 


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d'évêoaes,  sans  avoir  reçu  lui-même  des  successeurs 
des  apôires  le  car:>olère  épi^cop:)!,  celle  ordiii;ilion 
a  été  non-seulement  illégitime,  mais  pnci're  iMvalitle. 
Un  tel  épiscnpal,  n'étant  pas  le  même  qu'avaient  les 
apôlri's,  n'est  pas  aposlulique;  il  es!  nul.  Le  st>coud 
pouvoir,  qui  est  le  pouvoir  de  jiuidiclion,  ayant  été 
dés  l'origine  de  l'Kglise  Mxé  à  des  sièges  et  circoiiscrit 
dans  ilis  leriitoire-,  c'est  la  succession  coniinue  des 
évéques  -ur  ces  sièges  qui  forme  l'aposUdicité  <le  la 
ju'iiliciion.  Chaque  successeur  a  reçu  la  juridiction 
qu'Mvaii  sim  prédécesseur,  et  cette  tradition  non  in- 
leri- -iiipue  remmiie  jusqu'aux  apôtres.  Les  éreciions 
nouvelles  d'évccliés  ayant  été  laites  par  l'autoiité 
des  successeurs  des  apôres,  sont  de  même  d;ins  la 
succession  apostolique.  Les  uns  sont  élalilis  dans  les 
régions  réceniMicnt  acqui-^es  à  la  loi  ,  cl  sont  au-si 
apostoliques  que  ceux  ([n'établissaient  les  apôtres  à 
n)esiirè  ipi'ils  étendaient  leurs  prédications  :  ils  sont 
foulés,  comme  les  premiers,  par  la  puissance  ;ipos- 
tolique.  Les  autres  S(uit  des  (léniemlnements  d'éiê- 
cliés  ()ue  l'on  juge  trop  étendus.  Les  évéques  qu'on 
y  installe  succèileut  légitime  nent  en  celle  p;irlie  à 
ceux  dont  on  a  démembré  le  leniloire,  lesquels  les 
reconnaissent  comme  leurs  successeurs.  Ions  ces 
élahlissements  réceils  sont  de  oouveauv  rameaux, 
mais  qui  sortewl  de  la  lige  sacrée,  et  qui  tirent  leur 
substance  de  la  racine  aposlolii)ue.  Au  contraire, 
qu'un  évé(iue  prétende  se  l'dre  un  siège  à  lui- 
même,  ou,  ce  qui  revient  an  même,  qu'une  puissance 
qui  n'est  pas  celle  des  apôtres  entreprenne  d'en  éta- 
blir un,  ce  ne  sera  point  uti  siège  apostolique,  paice 
qu'd  ne  sera  pas  dans  l'ordre  de  la  succession.  Celui 
tpi'on  y  aura  élevé  pourra  avoir  l'ordination  aposto- 
lique, mais  il  n'aura  pus  la  juridiction  aiioslolique  ;  il 
n'exercera  donc  pas  un  ministère  apostolique.  > 

Il  nous  reste  maiiilenanl  à  reconnaîtie  quelle  est 
celle  des  Eglises  chrétiennes  qui  doit  être  répuiée 
apostolique  sous  le  point  île  vue  de  son  origine,  et  île 
la  succession  légitime  et  ii'in  iuieiTomp"^  de  ses  pas- 
teurs. Il  serait  pres(pie  aussi  difiicile  pour  un  chré- 
tien (|iie  pour  un  infidèle  de  rechercher  la  succession 
régulière  des  pasteurs  de  tomes  les  liglises  particu- 
lières; et  uiêiiK!  la  vie  de  plusieurs  hommes  ne  ^uHi- 
rait  pas  à  un  tel  travail  ,  yn»r  l'organisilion  duquel, 
au  reste,  les  matériaux  mampieraieiit  le  plus  souvent. 
D'ailleurs,  il  est  un  grami  nombre  d'Eglises  particu- 
lières dont  la  doclrine  n'a  sulii  aui'un  i  liangement 
assignable,  et  doit  être  par  conséiiuent  léputée  apos- 
tolique ,  qui  ne  peuvent  faire  remonter  la  série  de 
leurs  p.is'eurs  jusqu'au  temps  des  apôtres  qu'en  la 
rattachant  à  une  autre  série  entée  elle-même  sur  une 
soiitdie  a|ioslolique.  Il  eu  est  plusieurs  autres  ,  prin- 
cipalement eu  Asie  et  eu  Arri()ue,  (|ui,  bien  qu'ayant 
é'é  fondées  par  des  apôlrcs  ou  quelques-uns  de  leurs 
successeurs  légiiimes,  ne  i  cuvent cependani  produire 
une  suite  noi  iuterro:iipuc  de  pa^teurs  pourvus  d'une 
mission  légulicre  ,  qu'en  se  grellant  sur  la  souche 
romaine,  et  cela  pour  avoir  rompu  pcndani  un  temps 
plus  ou  m  lins  long  la  chaiie  apostolique.  D'après  ce 
qui  précède,  il  est  facile  de  comiure  ((u'il  est  rare 
(pie  l'on  puisse  juger  de  l'apostolicilé  d'oi  i^^iiie  ''t  de 
niinislére  d'une  Eglise  p  irlieulièie,  en  la  coosiilér.inl 
isolément  ,  cl  qu'il  iniporle  de  s'assurer  aviiiil  tout 
si  celte  Eglise  e-i  eu  couuniiiiion  avec  une  auire  ré- 
puiée plus  ani  ienne  ,  dont  il  soit  facile  ii'élahlir  la 
succe-sion  non  interrompue  de  pasteurs  légitime^.  Il 
est  clair  ,  en  clfet  ,  qu'une  Eglise  particulière  (piol- 
coiique  ,  qui  est  en  communion  de  doctrines  et  de 
pratiipies  avec  une  autre  vi>ihlemenl  aposloliipie, 
sous  tous  les  rapporis  ,  ne  peut  être  gouvernée  que 
par  des  pasteurs  apostoliques ,  conforiiiémcnl  à  ces 
doctrines  et  à  ces  pratiques  aposloli(|ues  clles-mô- 
.  mes. 

Aussi,  les  plus  anciens  défenseurs  de  la  véritable 
Eglise  se  contenlaieni-ils  de  prouver  contre  les  liéié- 
tii|ues  que  la  foi  profebséc  par  leurs  Eglises  émit  la 


foi  de  Rome  (n) ,  cette  grande  Eglise  dont  l'apostoli- 
cilé n'a  jamais  pu  êire  sérieusement  révoquée  en 
doute  :  en-^uile  ,  ils  nommaient  Ions  les  successeurs 
de  saint  Pierre  sur  le  siège  de  Rome  ,  jusqu'à  celui 
qui  vivait  de  leur  leinps.  Nous  nous  absienons  de 
ciler  une  seconde  fois  saint  Irénée  (h)  ,  dont  nous 
avons  rapporié  les  paroles  en  traitant  la  (piesilcm  dj 
droit.  Saint  Augustin,  dans  l'exposition  qu'il  fait  (c) 
des  motifs  qui  le  retiennent  dans  le  sein  de  l'Eglise 
catholique  romaine  .  mentionne  expressément  t  la 
succession  de  ses  prélats  sur  son  sié^'f>,  depuis  saint 
Pierre  ,  à  qui  le  Sehineitr  ,  nprè.s  sa  résitrreclion  ,  a 
cntifié  le  soin  de  paiire  ses  brebis,  jusqu'à  l'évêque  ac- 
tuel. •  D'  même  saint  Optai,  écrivant  contre  les  do- 
natislcs,  énuuière  tous  les  pipes  depuis  saint  Pierre 
jusqu'à  sairii  Siriee,  (pu  vivait  alors  ,  «  avec  lequel, 
dit- il ,  tout  le  monde  et  nous  sommes  unis  de  coni- 
muoioii.  Piiiir  Vous  (donalistes),  ajoute-l-il,  donnez- 
nous  riiisioire  de  votre  minislère  épiscopal  (d).  i 
l'eue  manière  de  proiéder  des  SS.  Pères,  en  fait 
d'apastolicilé,  avait  été  reiiiarquée  avant  nous  par  le 
savant  Toiirnély  :  «  Irénée,  dit-il  ,  n'éiiumère  pas 
les  évéques  if-  Lyon,  ni  Ensélie  ceux  de  Césarée,  ipii 
l'avaient  précédé,  non  plusqu'Epiphane  ceux  de  Sala- 
mine  ,  qu'Oplat  ceux  de  Milève,  ipi'Aiigustin  ceux 
d'Ilippone;  mais  tous  s'attatlient  à  tracer  la  série 
des  poniiles  romains.  • 

APOSrOLINS,  religieux  dont  l'ordre  com- 
mença au  xn'^  siècle,  à  Milan  en  Italie,  lis 
prirent  ce  nom,  parce  qu'ils  faisaient  pro- 
i'essioii  d'imiter  la  vie  des  apôlres  el  celle  des 
premers  fidèles. 

APOSiOLIQUK,  signifie,  en  général,  qai 
vient  des  apôlres.  On  croit  dans  l'Eglise  chré- 
tienne, ((ue  la  doclrine,  pour  être  vraie,  doit 
èire  apoiloliqiie,  qu'il  ne  faut  rien  enseigner 
que  ce  qui  nous  a  éié  transmis  par  les  apô- 
lres, ou  de  vive  voix,  ou  i)ar  écrit  :  ])uisque 
la  doctrine  chrétienne  est  une  doctrine  révé- 
l.e,  nous  ne  pouvons  la  recevoir  avec  certi- 
tude que  par  l'organe  de  ceux  que  Jésus- 
Clirist  a  e»tio//(''s  pour  l'enseigner.  Teilullieii 
a  établi  avec  beaucoup  de  force  ce  principe, 
dans  svs Prescriptions  contre  les  hérétiques. 
—  Par  la  mcm"  raison,  la  mission  des  pas- 
teurs ,  pour  être  légitime,  doit  venir  des 
apôtres  par  une  succession  non  interrompue; 
toute  mission  (|ui  ne  vient  pas  d'eux,  ne  ])cut 
venir  de  .iésus-Ciirist,  ne  peut  donner  aucune 
autorité  ni  aucun  pouvoir. 

Le  tiire  d'aposlolu/tie  est  donc  un  dos  ca- 
ractères distinct  ils  de  la  véritable  Eiçlise, 
parce  (|u"elle  fait  profession  d'être  attachée  à 
la  doctrine  des  apôtres  ;  que  ses  pasteurs, 
par  une  successiou  conslanle,  tiennent  leur 
mission  de  ces  premiers  ciivon es  de  Jésus- 
Clifisl.  Aucune  des  soeiélés  qui  se  ilisenl 
chrétiennes  ne  réunit  ces  deux  caractères. 
Ce  titre  ,  qu'on  donne  aujourd'hui  par  ex- 
cellence à  l'Kgli^(•  romaine  ,  ne  lui  a  [las 
toujours  élé  uiii<|iienieiil  alTeclé.  Dans  les 
premiers  siècles  du  christiaiiistne  ,  il  était 

(«)  Voyez  Tertullien,  PrœscHp.,  lib.  ,  c.  xxjivi;  Dé- 
tnonsl.  évaiig.,  t.  I,  c.  xcviii;  Cio's.  complel.,  l.  I,  col. 7113; 
l'alroloq.,  t.  I',  c.--l  »,  élit.  Migue. 

((')  Ail,',  luvies,  liv.  III,  c.  .ï. 

(  j  C'iirii  episl.  Mnmchivi,  qtinm  vorant  fiiiiflameiitl, 
c.  IV.  l'atroioii.,  I.  lAII,  col.  175,  é<)il.  Mi};ne.  Plus  eurs 
Kaliicacs ,  el  eiiire  aiiires  liégiiier,  oit  supprinn'  dans  lO 
texte  iiii|ii)rt;mt  ce  qui  a  trait  à  li  primauté  du  bainl-siége. 
Voyez  Cms.  rompt.,  t.  IV,  col  W)l. 

((/)  l^e  sctûsmalc  ihnatisl.,  liv.  Il,  n.  3.  Pulroloij.,  t.  XI, 
col.9i7,  édil.Miguc. 


581 


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3S2 


Ciunmnn  à  toutes  les  Eglises  qui  avaient  été 
fondt'-es.pnr  les  apAIres,  et  parlirulitVement 
aux  sièges  de  Rome,  de  Jérusalem  ,  d'Antio- 
clic,  et  d'Alexandrie,  comme  il  paraît  par  di- 
vers écrits  des  Pères  et  autres  monumeiils  de 
l'histoire  ecclésiastique.  Les  Egalises  mêmes 
qui  ne  pouvaient  pas  .■■e  dire  apostoliques,  eu 
égard  à  leur  fondation  faile  par  d'aulrcs  que 
par  des  apoties  ,  ne  laissaient  pas  do.  pren- 
dre ce  nom,  soit  à  cau^e  de  la  couformilé  de 
leur  doctrine  avec  celle  des  Eglises  apostoli- 
ques par  leur' fondation  ,  soit  i  neore  p.irce 
que  tnus  les  évèques  se  reg;irdaient  comme 
successeurs  des  apôlres,  et  qu'ils  agissaient 
dans  leurs  diocèses  aiec  l'aulorilé  des  apô- 
tres. Voy.  Evèques. 

Il  parait  encore  par  les  formules  de  Mar- 
culphe,  dressées  vers  l'an  CCO,  ([u'on  donnait 
aux  évcques  le  nom  A' apostoliques.  La  pre- 
mière trace  qu'on  trouvé  de  cet  usage, 
est  une  lettre  de  Clovis  aux  prélats  assemblés 
en  concile  à  Orléans  ;  elle  commence  par 
ces  mots  :  Le  roi  Clovis  aux  saints  évêques 
cl  très-dignes  du  siège  apostolique.  Le  roi 
Gonlian  nomme  les  évêques  assemblés  au 
concile  de  Boulogne  ,  les  pontifes  apostoli- 
ques. —  Dans  les  siècles  suivants,  les  trois 
patriarcats  d'Orient  étant  lombes  entre  les 
mains  des  Sarrasins,  le  tiire  iVapostoUque  fut 
réservé  au  seul  siège  de  Rome,  cunime  celui 
de  pape  au  souverain  pontife,  qui  en  esl  évê- 
que.  baint  (îrégoire  le  (irand,  qui  vivait  daits 
le  VI'  siècle,  dil,  livre  v,  epît.  37,  que, 
quoiqu'il  y  ait  eu  plusieurs  apôlres  ,  néan- 
moins le  siège  du  prince  des  apôtres  a  seul 
la  suprémi^  aulorilé,  et  par  conséquent  le 
nom  d'apostolique,  par  un  litre  particulier. 
1,'abbé  itupcrt  remarque,  lib.  i  de  Divin. 
Offic,  ca|>.  -27,  que  les  successeurs  des  afiô- 
Ires  ont  été  appelés  patriarches  ;  mais  que  le 
successeur  de  saint  Pierre  a  été  nommé  par 
excellence  n/jos/o/(V/«e,  à  cause  de  la  dign'lé 
du  prince  des  apôlrt'S.  Enfin  le  concile  de 
Reims,  tenu  en  10'i9,  déclara  que  le  souve- 
rain pontife  de  Kome  élail  Ir  seul  primat 
apostolique  de  l'Eglise  universelle.  Ue  ià  ces 
expressions  aujourd'hui  si  usitées,  siège 
apostolique,  nonce  apnstolique,  notaire  opns- 
tolique.  bic(  aposlulique,  chamhvc  aposioli- 
que,  vicaire  apostolique,  etc. 

Apostoliques  (Pères.)  Voy.  Pères  de  l'E- 
JBLisi:. 

Apostoliques,  nom  que  deux  sectes  diff;- 
renles  ont  pris,  sous  prétexte  qu'elles  imi- 
taient les  mœurs  el  la  pratique  des  api'jlres. 

Les  premiers  apos<o/(çite«, autrement  nom- 
més apw/ac(i.'e<,  s'élevèrent  d'entre  les  encra- 
ntes ou  les  cathares  dans  le  \n°  siècle  ;  ils 
professaient  l'abstinence  du  mariage,  du  vin, 
de  la  chair,  etc.  Voy.  Apotactites.  —  L'autre 
secte  des  npostoliijues  fit  grand  bruit  dans  le 
xni'  siècle  ;  son  fondateur  fut  Gérard  Saga- 
relli,  ou  Ségarel.  né  à  Parme.  Il  exi^ieail  que 
ses  disciples,  à  l'imitation  des  apôtres,  allas- 
sent de  ville  en  ville,  velus  de  blanc,  avec 
One  longe  barbe,  les  cheveux  épars  et  la  tèie 
nue,  accompagnés  de  certaines  femmes  <|u'ils 
nommaient  leurs  sœurs.  Il  les  obligeait  à  re- 
noncer à  toute  propriété,  elà  prêcher  la  pé- 


nitence ;  mais  dans  leurs  assemblées  parti- 
culières, ils  annonçaienl  la  destruction  pro- 
chaine de  l'Eglise  de  Home,  rétablissement 
d'un  (  ulle  plus  pur  et  d'une  Eglise  plus  glo- 
rieuse. Celle  Eglise,  selon  lui,  était  sa  secte, 
qu'il  nommait  la  conqrégation  spirituelle.  Il 
publia  que  toute  l'aulorilé  ((ue  Jésus-Christ 
avait  donnée  à  saint  Pierre  et  à  ses  successeurs 
avait  pris  fin,  et  qu'il  en  avait  hérité;  qu'ainsi 
le  souverain  pontife  n'avait  aucune  autorité 
sur  lui  :  il  ajoutait  que  les  femmes  pouvaient 
quitter  leurs  maris,  les  maris  leurs  femmes, 
pour  entrer  dans  sa  congrégation  ;  que  c'était 
le  seul  mo  V  en  d'élre  sauvé;  que  Dieu  étant  par- 
tout, il  n'y  avait  pas  besoin  d'Eglise  ni  de  ser- 
vice divin;  qu'il  no  fallait  |ioint  taire  de  vcpux, 
et  que  l'attai  hemenl  à  sa  doctrine  sanctifiait 
les  actions  les  plus  criminelles.  On  sent  quels 
désordres  pouvaient  résu  1er  de  cette  doctrine 
fanatique.  Ségarel  fut  brûlé  vif  à  Panne,  l'an 
1300.C'est  ac  usede  lui  que  ((oelques  auteurs 
ont  désigné  les  apostoliques  sous  le  nom  de 
sé(jare'lleiis.~  Après  sa  mort,  un  autre  fa- 
natique de  Novare,  nommé  Dulcin  ou  Doucin, 
prit  sa  place  ;  il  se  vanta  d'être  envoyé  du 
ciel  pour  annoncer  aux  hommes  le  règne  de 
la  charité  :  l'on  préleadqu'il  se  livrait  à  l'im- 
pudicilé,  et  qu'il  la  permettait  à  ses  secta- 
teurs :  la  moiale  préchee  par  Ségarel  devait 
nécessairement  produire  cet  elïel.  .Mors  les 
apostoliques  furent  appelés  liulcinistes,  du 
nom  de  leur  nouveau  chef,  qu'ils  regardaient 
comme  le  foiulaleur  du  troisième  régne.  Sé- 
duits par  les  prèle. idues  prophéties  de  l'abbé 
Joachim,  qui  avaient  cours  pour  lors,  ils  di- 
saient que  le  règne  du  Père  avait  duré  dejiuis 
le  commencement  du  monde  jusqu'à  Jésus- 
Christ,  que  celui  du  Fils  avail  fini  l'an  131)0  ; 
que  le  règn(;  du  Sainl-Espril  commençait 
sous  la  direclion  de  Doucin.  Celui-ci  publia 
que  le  pape  Boniface  VMI,  lés  prêtres  et  les 
moines,  périraient  par  l'épée  de  l'empereur 
Frédéric  ill,  fils  de  Pierre,  roi  d'Aragon,  et 
(ju'un  nouveau  pontife  pins  pieux  serait  pla- 
cé sur  le  siège  de  Rome.  Il  leva  même  une 
armée,  afin  de  commencer  à  vérifier  lui-même 
ses  prédictions.  Reynier,  évéque  de  Verceil  , 
s'ojiposa  vivement  à  ce  sectaire,  et  pendant 
une  guerre  de  plus  de  deux  ans,  il  y  eut 
beaucouf)  de  sang  répandu  départ  el  d'autre. 
Enfin,  Doucin,  vaincu  el  jiris  dans  une  ba- 
taille, fut  mis  à  mort  à  Verceil,  l'an  1307, 
avec  une  femue  nommée  Marijuerile,  qu'il 
avait  prise  pour  sa  sœur  spirituelle.—  Dés 
ce  moinenl  sa  secle  se  dissipa  en  Italie.  L'on 
pièsume  queles  restes  se  reunirent  aux  vau- 
dois  dans  les  vallées  du  Piémont  ;  mais  i!  s'en 
trouva  encore  eu  France  el  en  Allemagne. 
IMosheim  assure  que  1  an  1402,  l'un  de  ces 
rinaliques  lui  brûlé  vif  à  Lubei  k.  Hist.  eccl, 
(lu  xiii«  siècle,  ir  part.,  c.  5,  §  14,  note.  Lors- 
que les  protestants  déclament  contre  les  sup- 
plices que  l'on  a  fait  subir  à  ces  sectaires, 
ils  devraient  faire  allenlion  qu'on  ne  h  s  a 
pas  |.unis  pour  feurs  erreurs,  mais  parce 
(|u'ils  troublaient  la  tranquililé  publique  et 
l'ordre  de  la  sociélé.  Une  erreur  innocente, 
qui  ne  peut  porter  préjudice  à  personne,  est 
graciable  sans  doute:  ruais  une  doctrine  s«- 


525 


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dilieuse,  qui  cchaalTe  les  esprits,  corrompt 
les  mœurs,  alarme  les  gouvernements  et  qui 
est  suivie  d'émotion  parmi  le  peuple,  est  un 
crime  d'Etat  ;  on  a  droit  d'en  punir  les  au- 
teurs   et  les   sect.iteiirs  opinâlres. 

Il  n'est  pas  élonnanl  que  le>.  historiens 
n'aient  pas  rapporté  d'une  manière  uniforme 
les  erreurs  ol  la  conduite  des  apostoliques. 
Dans  une  secte  de  fanatiques  ignorants,  la 
croyance  ne  peut  être  la  même  ;  chacun  a 
droit  de  rêver  et  de  publier  ses  visions  : 
quelques-uns  peuvent  avoir  des  mœurs  pu- 
res, pendant  que  les  ;iutres  se  livrent  aux 
plus  grands  désordres.  Il  en  a  été  de  même 
dans  tous  les  temps  et  parmi  toutes  sortes  de 
sectaires.  —  Mosheim  nous  apprend  encore 
que  parmi  les  mennonites  ou  anabaptistes 
de  Hollande,  il  y  a  aussi  une  bianche  que 
l'on  nomme  npostoliiiucs,  du  nom  de  Samuel 
Aposlool,  l'un  de  kui  s  païlenr^.  Ce  sont  des 
mennonites  rigides,  qui  n'admettent  dans 
leur  conmiuniim  que  ceux  qui  font  profes- 
sion de  croire  tous  les  points  de  doctrine  con- 
tenus dans  leur  C()nfes^ion  de  foi  publique; 
au  lieu  qu'une  autre  branche,  appelée  des 
galmistes,  rrçoit  tous  ceux  qui  reco.inaissept 
l'origine  divine  de  l'Anciv'u  et  du  Nouveau 
Testament,  (juels  que  soient  d'ailburs  leurs 
sentiments  particuliers.  Hist.  ecdésiast.  du 
xvir  sircle  sert.  2%  II'  pari.,  c.  4-,  ^7. 

APOiACTlTES  ou  APOTACTlUUpS,  ep 
grec,  «Tt'.Ty/.TiTat  composé  d'«7vo  et  xc.tt',i,  je  re- 
nonce. C'est  le  nom  d'une  secle  d'anccns 
hérétiques  qui  renonçaient  à  Ions  leurs  biens 
et  voulaient  imposer  à  tous  les  chrétiens  l'o- 
biigalion  de  faire  de  même,  pour  suivre  les 
conseils  évangeliques,  et  pour  imiter  l'exem- 
ple des  apôlres  et  des  premiers  fidèles.— 11  ne 
parait  pas  qu'ils  aient  donnéd'abord  dans  au- 
cune autre  erreur.  Selon  qu(  Iques  auteurs 
ecclésiastiques,  ils  eurent  des  vierges  et  des 
niarlyrs  sous  la  persécution  de  D  oclélien  au 
quatiièine  siècle.  Ensuite  ils  tombèrent  dans 
l'Iiérésie  des  encratites  ;  de  là  vient  que  la 
sixième  h>\  du  Code  Ihéodosieu  joint  les  apo- 
iacti(jucs  aux  cunomiens  et  aux  ariens.  Selon 
saini  lîpiplianc,  ils  se  servaient,  comme  les 
encralisies,  de  certains  ;ictcs  apocryphes  de 
saint  Thomas  et  de  saint  André,  dans  les- 
quels :i  est  probable  qu'ils  ayajeni  puisé  leurs 
opinions. 

Al'OTHKOSE,  action  de  placer  un  homme 
au  rang  des  dieux.  Sur  cet  article,  qui  ap- 
partient à  l'histoire,  nous  ne  ferons  qu'une 
réllexiun.  Si  les  païens  n'avaient  iilacé  au 
rang  des  dieux  ou  des  oiijels  de  leur  culte 
que  des  lioii;mes  recomandables  par  leurs 
Vertus  et  p,«r  leurs  bicnfails,  c(!tle  cérémmiie 
qui  alleslait  la  croyance  de  l'immortalité  de 
râ:ne  ,  aurait  été  du  moins  une  leçon  pour 
les  nsœurs.  Maisaccorderles  honneurs  divins 
à  des  personnages  aussi  vicieux  et  aussi  mé- 
chanis  que  l'ont  clé  laplujiart  des  empercirs, 
c'était  un  outragea  sanglant  f  lit  à  la  majesté 
divine,  et  la  p<us  mauvaise  instruction  que 
l'on  (lût  donner  aux  peuples  ;  il  en  résuliait 
que  ce  n'est  p:is  la  v  ertn  ((ui  condu  t  riionime 
au  bon  heur  éternel.  Celai' us  démontre  jusqu'à 
quel  p  liul  l'idée  de  la  Divimlc  était  dcgrudée 


chez  les  païens.  —  C'est  une  injustice  absur- 
de d'avoir  voulu  comparer  Vapothéose  des 
empereursàla  canoni.-at.on  dessainlsconmie 
ont  fait  queli]ues  incrédu  es  ;  jamais  l'Cglist; 
n'a  prétendu  accorder  à  des  hommes  les 
mêmes  honneurs  qu'à  Dieu,  et  n'a  placé  au 
nombre  des  saints  des  pcrsoanages  odieux 
par  leurs  vices. 

APOTRES,  envoyé,  du  grec  i.nô  et  arûXu, 
j'envoie.  Ou  désigne  sous  ce  nom  les  douze 
disciples  que  Jésus-C  risi  a  choisis  et  en- 
voyés lui-même  pour  prêcher  son  Evangile 
et  le  répandre  chez  touies   les  nations. 

(Quelques  faux  pté  iiraleiirs  voulurent  ron- 
{ester  à  saint  Paul  la  qunliié  li'apô.'.re,  sous 
prétexte  (|  'il  n'avait  éié  ni  instruit,  ni  en- 
voyé par  Jésus-Christ.  Saint  Paul  releva  ce 
reproche  avec  force  au  commencement  de 
souEpiire  aux  Galat  s.  Ea  elTet,  son  élection 
et  sa  mission  sont  clairement  mar<]uées  dans 
ces  paroles  que  Dieu  dit  à  Anauic,  en  par- 
lant de  Siuil  converti  (Act.  ix  ,  t6)  :  Cet 
homme  esl  tin  insl>ument  (/uefui  choisi  pour 
porter  mon  nom  decani  les  rois  el  les  initions. 
Dieu  voulait  iiiontrer  parla  qu'il  est  le  maî- 
tre de  donner  une  mission  exir.iordinaire  à 
qui  il  lui  pl;iil  ;  que,  lorsque  les  apôtres  choi- 
sis par  Jésiis-Clirist  ne  seraient  plus,  la  mis- 
sion ne  serait  pas  pour  cela  détruite  et 
anéantie. — Mais  à  celte  mission  divine  saint 
Paul  ajouta  la  mission  ordinaire  qui  vient 
des  pastfcurs  de  l'Eglise,  par  la  prière  el  [lar 
l'imposilioii  des  mains,  des  prophètes  et  des 
docteurs  de  l'Eglise  d'Antioche  (  ,4c^  xni, 
2  et  3).  Exemple  qui  n'a  pas  été  imité  p  ir 
ceux  qui,  dans  la  saite  des  siècles,  se  sont 
prétendus  susci;és  de  Dieu  pour  réformer 
l'Eglise. 

Le  ministère  des  apôtres  consistait,  1°  à 
enseigner  toutes  les  nations  :  l'réchez  l'E- 
vantjih;  à  toute  créature;  ce  que  je  vous  dis  à 
Voreille,  pahliez-le  sur  les  loits,  etc.  Or,  la 
fonction  d'enseigner  a»ec  autorité  emportait 
celle  de  juger  el  de  décider  (|uelle  élait  la 
doctrine  conforme  ou  roniraire  à  celle  de  Jé- 
sus-Christ ,  d'apiMOUver  la  première  el  de 
condamner  la  seconde  :  les  npôlres  en  ont 
usé  ainsi,  nous  le  voyons  par  leurs  lettres. 
2°  A  gouverner  le  troupeau  de  Jésus-Clirist 
en  qualité  de  pasieurs.  Ce  divin  Sauveur  n'a- 
vait pas  chargé  saint  l'ii-rre  seul  de  cette 
fonction,  lorsqu'il  lui  avait  dii  :  Paisse:  mes 
agneaux,  paissez  mes  ùreliis,  puisque  C' t  apô- 
tre lui-même  dit  aux  anciens  de  l'Eglise  ou 
aux  prêtres  :  Paissez  l'e  troupeau  de  iJieu  qui 
est  autour  (le  vous  noncndominant  sur  le  clergé, 
mois  en  lui  servant  de  modèle  de  tout  voire 
cœur  ;  et  lorsque  le  prince  des  pasteurs  paraî- 
tra, vous  reicvrcz  une  couronne  de  gloire  m- 
corniplible  (/  f'etr.  v,  2).  Or,  le  soin  du  pas- 
teur ne  se  borne  point  à  guider  les  ouailles  ; 
il  consiste  aussi  à  les  nourrir,  à  les  guérif 
lorsqu'elles  sont  malades,  à  les  ramener  lors- 
qu'elles s'cg.irent  :  conséquemment  Jésus- 
Christ  (  h.irge  les  apôlres  de  baptiser  ;  il  leur 
donne  le  pouvoir  de  renn'tlre  et  de  retenir 
les  pé(  liés,  de  consacrer  son  corps  el  sou 
sang,  de  donner  le  Saint-Esprit,  etc.  Que 
l'homme  nous  regarde,  dit  saint  Paul,  comme 


32S 


APO 


Im  minisires  de  Jésus-Christ  et  les  dispensa- 
teirs  des  mystères  d^  Dieu  {I  Cor.  iv,  1).  Il 
(lit  aux  anciens  de  l'Egli-ic  d'Eplu^so,  que  le 
S.tint-Espril  les  a  établis  évê(iuos  ou  surveil- 
lants pour  gouverner  riîfj^lise  de  Dieu  {Act. 
}ix,  2>).  3°  A  exercer  l'auldril;'  de  jnjjes  cl  de 
lév'islalours  :  Au  temps  de  la  réi/énératio», 
leur  dit  .^ésus-(>llri^t,  un  du  rrnonvcUement 
de  toutes  choses,  hrsque  le  Fils  de  l  homme 
se>  a  placé  sur  te  trône  de  sn  majisté.  vous 
seri'z  assis  vous  m/'mes  sur  douze  sirt/es  pour 
jn</er  les  douze  tiibus  d'Israël  {Mailh.  xix, 
28).  Il  leur  déclare  que  tout  ce  qu'ils  auront 
lié  ou  délié  sur  la  terre  sera  lié  ou  délié 
dans  le  ciel.  cap.  xviii,  v.  18.  Aussi,  dans  le 
concile  de  Jéiusalcm,  Ils  font  une  loi  aux  fi- 
dèles de  s'abstenir  du  sang;,  des  chairs  suf- 
f(u|uées,  etc.  (.le/,  xv,  28).  Saint  l'aul  ju^e 
un  incestueux  digne  d'être  livré  à  Salaa 
(/  Cor.  v,  3,  etc.) 

Sur  ([uels  l'ondemenls  quelques  proles- 
tants, précepteurs  de  nos  incrédules,  leur 
ont-ils  appris  que  les  apôtres  n'avaient  reçu 
de  Dieu  point  d'autre  autorité  que  celle  d'en- 
seigner; que  les  autres  privilèges  dont  le 
clergé  s'est  emparé,  sont  auiant  d'usurpa- 
tions et  d'entreprises  injustes  sur  la  lilicrlé 
des  fidèles?  Aux  mots  Kvkqlk,  Pasteir,  Sic- 
CKssiON  ,  nous  prouverons,  par  l'Ecriture 
sainie  et  jiar  des  raisons  solii'es,  que  les 
pouvoirs  des  apitres  sont  transmis  par  l'ordi- 
naliou  aux  pasteurs  de  l'Eglise,  et  nous  ré- 
pondrons aux  calomnies  des  ennemis  du  cler- 
gé.—Quant  à  l'enseignement»  il  est  essen- 
tiel de  remari|uer  que  les  apôtres  ont  été  de 
simples  témoins  de  ce  que  Jésus-Christ  avait 
fait  l't  enseigné  ;  il  Irur  di:  :  Vous  me  servirez 
de  témoins  {Act.  i,  8).  Eu\-mèmes  se  don- 
n^'ut  pour  tels  :  Nous  ne /jowi-ons,  disenl-ils, 
nous  dispeusir  de  publier  ce  que  nous  avons 
vu  et  entendu  [Act.  iv,  20).  Nous  vous  an- 
nonçons et  nous  vous  attrstons  ce  que  nmis 
avons  vu  et  entendu  {I  Joan.  i,  1  et  2).  J'ai 
reçu  du  Seiijueur,  dit  saint  Paul,  ce  que  je 
Vous  ai  cnseiçjné  (/  Cor.  ii,  23).  il  sérail  ini- 
possilile  que  douze  apâlrc  et  une  multitude 
de  disii[)les  dispersés  eussent  enseigné  une 
même  docirine,  eussent  établi  une  méiTie  foi, 
si  tous  n'avaient  pas  élé  fidèles  à  prêcher  ce 
qu'ils  avaient  vu  et  ce  (ju'ils  avaient  appris 
de  .léstis-Christ.  L'uiiiformité  de  doctrine^at- 
le.-le  évidemment  l'unité  d'origine. — En  se- 
cond lieu,  (juoiqu'ils  eussent  le  don  des  mi- 
racles, il  leur  aurait  été  impo-sible  île  faire 
un  grand  nombre  de  prosélytes  et  de  fonder 
des  églises,  si  les  faits  qu'ils  publiaient  n'a- 
vaient pas  élé  incontestables  et  poussés  au 
plus  haut  degré  de  notoriété.  Un  thauma- 
turge aurait  beaii  faire  des  miracles,  pour 
nous  persuader  des  fai's  dont  la  fausseté 
nous  serait  clairement  coiuiue,  surtout  des 
faits  dont  les  conséquences  doivent  inllucr 
sur  toute  notre  vie;  à  moins  que  la  noto- 
riété publique  ne  vienne  à  l'appui  de  son 
témoignage,  un  miracle  ne  nous  convertira 
p.is.-  Or,  les  faits  que  les  apôtres  ont  pu- 
bliés sur  le  lieu  même  où  ils  sont  arrives, 
où  se  trouvaient  les  témoins  oculaires,  sont 
les  miracles  de  Jésus-Ciirist  et  surtout  sa  ré- 


APP  S2tt 

surrcction.  L'on  ne  pouvait  être  chrétien 
sans  croire  ces  faits  essentiels;  ce  sont  les 
f.iits  qui  ont  persuadé  1 1  dncirine,  et  non  ja 
doctrine  qui  a  fait  croire  les  faits.  Comment 
les  apôtres  auraient-ils  pu  convertir  un  si-ul 
Juif  à  Jérusalem,  si  les  miracles  et  la  résur- 
recliou  de  Jésns-Cluist  av.iienl  élé  contre- 
dits parla  no!ori;té  publique? 

On  ne  coiilesle  point  aux  apôtres  la  qua- 
lité d'en\oyés  de  Jésus-Christ  ;  mais  il  s'agit 
de  piduver  aux  incrédules  que  cette  mission 
él.iil  divine,  que  les  apôtres  ont  fait  des  mi- 
racles pour  le  démontrer ,  qu'ils  ont  eu 
d'ailleurs  to:!S  les  signes  qui  peuvent  carac- 
tériser des  envoyés  de  Dieu.— 1°  L'histoire  ap- 
pelée les  Actes  drs  apôtres,  dans  laquelle 
leurs  miracles  sont  rapportes,  a  été  mise  en- 
Ire  les  mains  des  fidèles,  dans  un  temps  où 
l'on  pouvait  apprendre  des  témoins  oculai- 
res si  ces  miracles  étaient  réels  ou  imagi- 
naires. Le  boiteux  guéri  sous  les  yeux  du 
peuple  à  1,1  porte  du  ieuiple,  la  résurrection 
de  Tabithe,  lesdons  du  Saint-Esprit  commu- 
ni()ués  par  l'imposition  des  mains  des  apô- 
tres, l'efficacité'  de  l'ombre  de  saint  Pier- 
re, etc.,  ne  sont  point  des  prestiges  sur 
les(|uels  l'illusion  ait  pu  avoir  lieu  ;  la  plu- 
part, ont  élé  opirés  eu  présence  de  témoins 
intéressés  à  les  contester.  S  ils  ne  sont  pas 
réels,  si  ce  sont  des  imposteurs,  il  est  impos- 
sible que  des  juifs  et  des  païens  y  aient 
ajoulé  foi  et  se  soient  convertis  ;  que  les  apô- 
tres aienl  fondé  des  églises  à  Jérusalem,  à 
Anlioche,  à  llome,  et  dans  les  principales 
villes  de  la  Grèce,  composées  en  partie  de 
juifs  qui  avaient  pu  se  trouver  à  Jérusalem 
aux  fêtes  de  Pâques  ou  de  la  Pentecôte,  l'an- 
née même  de  la  morl  du  Sauveur.— 2°  Saint 
Paul,  éci'ivaiit  à  ces  difl'erenles  Eglises,  attri- 
bue ses  succès  aux  miracles  qu'il  a  faits 
(Rom.  XV,  18  et  19;  7  Cor.  ii,  4).  11  les 
donne  pour  preuve  de  son  apostolat  (//  Cor. 
XII,  12;  Ephes.x,  19,  etc.).  Si  ceux  auxquels 
il  parle  n'avaient  élé  témoins  de  ces  mira- 
cles, aur;.ient-ils  souffert  patiemment  les  re- 
proches el  les  répritnandi's  qu'il  leur  fait? — 
3'  Dans  le  Talmud  de  Jérusalem,  qui  est  le 
plus  ancien,  les  juifs  conviennent  qu'il  se 
faisait  des  miracles  au  nom  de  Jésus-(]hrist. 
Te;/.  Galatin,  l.  viii,  c.  5.  Il  fallait  que  ce  fait 
fût  bien  avéré  pour  arracher  un  pareil  aveu 
de  la  part  des  juils. — k°  (]else  et  Julien  trai- 
lentde  mogicieitslcs  disciples  de  Jésus-Christ. 
Celle  accusation  prouve  du  moins  que  ces 
disciples  faisaient  profession  d'opérer  des 
miracles,  et  que  c'était  une  opinion  cons- 
lanie.  Mais  j.imais  les  magiciens  n'ont  fait 
des  miracles  pour  tirer  les  hommes  de  l'er- 
reur el  du  vice,  pour  enseigner  la  vérité  et 
la  vertu.  C'est  la  réponse  de  nos  apologistes. 
—5°  A  la  naissance  de  l'Eglise,  il  parut  de 
faux  messies,  de  faux  docteurs,  de  faux  apô- 
tres :  tous  promettaient  des  miracles,  sédui- 
raient le  peuple  par  des  presî'ges.  Jésus- 
Christ  l'avait  prédit,  les  apôtres  s'en  plai- 
gnent ;  les  premières  hérésies  ont  élé  l'ou- 
vrage de  ces  imposteur-^.  Si  les  apôires  n'a- 
vaient pas  fait  des  miracles  réels  et  inconr 
lesiables  pour  les  confondre,  ils  n'auraient 


327  APO 

pas  euion  succès  plus  darable;  on  n'aurait 
pas  fait  plus  de  cas  d'eux  que  des  fourbes 
qu'ils  avaient  démasqués.— 6-  I.ps  incrédules 
ne  réfléchisseni  point  sur  la  tlifficulté  qu'il  y 
avait  de  convenir  les  juifs,  de  dessiller  les 
yeux  des  païens,  de  réunir  en  société  reli- 
gieuse deux  espèces  d'Iioinmes  qui  se  déles- 
taient, de  subjuguer  des  philosophes  opiniâ- 
tres, de  lasser  la  cruauté  des  perscruliurs. 
Qu'ils  se  latent  eux-mêmes,  et  qu'ils  voient 
si  leurs  prédécesseurs  ont  pu  être  vaincus 
sans  miracles. 

Vainement  ils  ont  épuisé  toute  leur  saga- 
cité pour  trouver  dans  la  conduite  des  apô- 
tres des  signes  d'impostures  ;  la  siiicériié,  la 
candeur,  le  désintéressement,  la  charité,  la 
patience,  le  courage  des  envoyés  de  Jésus- 
Christ  ont  éclaté  dans  toutes  leurs  d -mar- 
ches ;  ils  ont  retracé  le  tableau  des  vertus  de 
leur  maître  :  sans  ce  cara(;lère  décisif  de  mis- 
sion divine,  ils  n'auraient  pas  inspiré  aux 
fidcli  s  une  si  grande  vénération  pour  eux. 
On  avait  vu  beaucoup  de  philosophes  s'éri- 
ger en  réformateurs  des  vices  et  des  erreurs 
de  l'humaiiilé  ;  miis  aucun  n'avait  montré 
les  vertus,  la  sagesse,  la  charité,  le  courage, 
la  sainteté  des  apôtres. 

Il  n'est  pas  prouvé,  dit-on,  qu'ils  aient 
souffert  le  martyre  pour  confirmer  leurs  pré- 
dications: l'on  ne  connaît  leur  genre  de  mort 
que  par  des  actes  supposés,  l'.ar  des  légendes 
ridicules  l'i  apocryphes. — Nous  soutenons 
que  le  marlyre  de  l.i  plupart  des  apôtres  est 
très-bien  prouvé.  Celui  de  saint  Pierre  et  de 
saint  Paul  est  attesté  par  leurs  disciples  et 
par  leur  tombeau  :  celui  de  saint  .lacques  ie 
jlajeur  et  de  saint  Etienne  est  rapporté  dans 
les  Actes  des  apôtres;  celui  de  saint  Jacques 
le  Mineur  est  rapporié  par  Josèphe,  Antiq. 
Jud.,  liv.  XX,  chap.  8;  celui  de  saint  Si- 
méon,  âgé  de  six  vingts  ans,  et  de  plusieurs 
autres  parents  de  Jésus-Christ,  est  .itti'sté 
par  Hégésipp^',  auteur  presque  contempo- 
rain. Eusèlie,  llist.  ecclés.,  liv.  iii,c.32.  Saint 
Clément  de  Home,  témoin  oculaire,  après 
avoir  parlé  du  martyre  de  saint  Pierre  et  de 
saint  Paul,  dit  qu'ils  ont  été  suivis  par  une 
grande  multitude  d'élus  ,  qui  ont  bravé 
comme  eux  les  outrages  et  les  tourments. 
L'pist.  1,  n"  (i.  Saint  Polycarpc  dit  que  saint 
Paul  et  les  autres  apôtre.<  sont  tous  dans  le 
Seigneur,  avec  lequel,  ils  ont  souffert  :  cum 
quo  et  passi  sunl.  L'pist.  ad  Pliilipp.  Saint 
(élément  d'Alexandrie  dit  de  même  que  les 
apôtres  sont  morls comme  Jésus-Christ,  pour 
les  Eglises  (ju'ils  avaient  fondées.  Slrom.  liv. 
IV,  c.  9.  Ce  divin  maitre  le  leur  avait  prédit. 
Luc.  XXI,  16.  Sa  parole  a  éie  accomplie.  Nous 
n'avons  donc  pas  besoin  de  pièces  apocry- 
phes pour  prouver  le  inart\  re  d<'s  apôtres. 
— .Mosheim,  ((ui  le  révoque  en  doute,  Jti.st. 
clirist.,  sect.  1,  S  l(i,  y  oppose  un  passage 
il'Hèracléon,  hérdique  du  ii^  .siècle,  qui  siu- 
ticnl  que  .Mallbiiu,  Philifipe,  Thomas,  Lévi, 
et  plusieurs  autres,  ne  soni  p.is  mors  pour 
avoir  confessé  Jesus-I^hrist.  Cément  d'A- 
lexandrie, (|ui  reloti'  ce  passage,  n'a  pas  ce- 
fendant  osé  affirmer  le  fait  contraire.  Strom., 
.  IV,  c.  'u  p.  595.  Mais  Moshei n   impose. 


APO 


%iS 


Héràcléon,  qni  soutenait  l'inutilité  dn  mar- 
tyre, était  intéressé  à  contester  celui  des 
apôtres;  ainsi,  son  témoignage  est  suspect, 
aussi  Clément  d'Alexandrie  leVéfute  forniel- 
lement,  ibid.  p.  597.  «  Le  ^eiirneur,  dit-il,  a 
bu  seul  le  calice  pour  purifier  les  hommes, 
même  les  infidèles  qui  lui  tendaient  des 
pièges;  à  son  exemple,  les  apôtres,  vrais  <l 
parfaits"  gnostiques,  ont  souffert  pour  les 
Eglises  qu'ils  ont  fondées.  »  Mosheiin  ne 
fait  point  mention  du  I  Miioignage  de  saint 
Polycarpe,  qui  est  décisif;  les  paroles  des  Pè- 
res postérieurs  qu'il  allègue  ne  sont  que  des 
jirpuves  négatives,  qui  ne  peuvent  prévaloir 
à  des  assertions  posiiives.  Vers  le  milieu  du 
ir  siècle,  temps  auquel  vivait  Héràcléon, 
l'on  pouvait  encore  ignorer  le  martyre  de 
plusieurs  apôlres,  qui  était  arrivé  dans  des 
pays  éloignés,  et  duquel  on  a  été  informé 
dans  la  suite. 

Lors(|ue  les  incrédules  ont  voulu  raison- 
ner sur  la  conduite  des  apôtres,  sur  les  cau- 
ses du  succès  de  leur  prédication,  ils  se  sont 
trouvés  fort  embarrassés;  ils  ont  été  forcés 
de  leur  prêter  des  qualités  incompatibles, 
et  qui  jamais  n'ont  pu  se  rencontrer  en- 
semble dans  la  nature  humaine.  Ils  leur  ont 
attribué  une  ignorance  excessive  et  des  ru- 
ses impènéirabU's,  une  grossièreté  sans  égale 
et  un  projet  de  politique  profonde,  une  cré- 
dulité stupide  et  une  prudence  consommée, 
un  intérêt  sordide  et  un  courage  héroïque, 
un  fanatisme  révoltant  et  un  zèle  ardent 
pour  la  gloire  de  Jesus-Christ,  une  scéléra- 
tesse obstinée  et  le  désir  de  «.aiidifier  le 
monde,  une  aveugle  ambition  et  la  soif  du 
martyre.  —  Ces  accusations  contradictoires 
suffisent  sans  doute  pour  faire  l'apologie  des 
apôlres  ;  mais  si  on  les  examine  en  détail,  ou 
en  voit  encore  mieux  l'absuidité.  Quand  les 
apôtres  auraient  élé  assez  stupides  jiour  se 
laisser  tromper  par  les  miracles,  par  les  ap- 
parences de  vertu,  par  les  promesses  de  Jé- 
sus-Christ, leur  erreur  a  dû  cesser  après  la 
mort  de  leur  maître.  S'il  n'est  pas  ressus- 
cité comme  il  l'avait  promis,  il  est  impossi- 
ble que  ses  apôlres  ei  lous  ses  disciples 
n'aient  pas  compris  qu'il  les  avait  trompés. 
Quel  motif  a  pu  les  engager  pour  lors  à  bra- 
ver les  travaux,  les  tourments  et  la  mort 
pour  é:ablir  l'Kvangile  et  pour  tout  rappor- 
ter à  la  gloire  d'un  maitre  qui  s'était  joué 
de  leur  crédulité?  Un  tel  projet  choi|Uc  de 
front  tous  les  sentiments  de  l'humanité. — 
D'ailleurs,  il  eût  été  trop  lard  de  former  ce 
projei  pendant  les  quarante  jours  qui  se  sont 
écoulés  après  la  mort  du  Sauveur,  puisque 
l'on  est  obligé  de  supposer  que  les  apôtres 
ont  dérobe  son  corps  dans  le  tombeau,  pour 
pouvoir  publier  sa  résurrection.  Couiment 
espérer  qu'un  complot,  dans  lequel  il  fallait 
faire  entrer  tant  de  personnes,  ne  serait  dé- 
voilé par  aucun  des  complices?  Des  hommes 
simples  et  grossiers,  tels  que  les  apôtres, 
sont  ordinairement  timides  et  peu  suscepii- 
bles  d'ambition  ;  s'ils  avaient  été  dominés 
par  l'inléièi,  ils  auraient  eu  plus  à  gagner 
en  découvrant  aux  Juifs  l'imposture  de  leurs 
collègues,  qu'en  s'ubstinant  à    la  soutenir 


559 


AIH) 


AI'O 


5>4 


aux  dépens  de  leur  vie.— Enfin,  quel  cs(  donc 
Vinte'rét  qui  a  pu  rngaper  douze  apôtres  à 
demeurer  iitlachés  à  leur  maître  après  sa 
mort,  s'il  n'esl  pas  ressuscité?  Dès  ce  mo- 
ment ils  oui  dû  perdre  les  espérances  que  ses 
promesses  leur  avaient  fait  concevoir,  ne 
rien  attendre  que  d'eux-mêmes,  ne  travail- 
ler que  pour  eux  seuls  :  au  contraire,  ils 
persistent  à  se  sacrifier  pour  lui;  ils  entre- 
prennent de  le  faire  reconnaître  par  toute  la 
terre  pour  le  Fils  de  Dieu,  de  lui  faire  ren- 
dre hommage  par  tous  les  hommes.  Quand 
cela  aurait  pu  leur  être  utile  dans  la  Judée, 
où  les  miracles  de  Jésus -Christ  l'avaient 
rendu  célèbre,  cela  ne  leur  servait  de  rien 
dans  les  régions  éloignées,  où  l'on  n'avait 
pas  entendu  parler  de  lui.  Les  a-t-on  vus 
quelque  part  se  faire  une  fortune,  se  former 
un  troupeau  pour  leur  utilité,  s'attribuer  la 

floire  de  leurs  succès,  jouir  tranquillement 
es  respects,  de  la  coi. fiance,  des  libéralités 
des  fidèles  7  Saint  Jean  est  le  seul  qui,  dans  sa 
vieillesse,  se  soit  fixé  à  un  siège  particulier: 
tous  les  autres  sont  morts  dans  les  travaux, 
dans  les  voyages,  dans  les  périls  de  l'aposto- 
lal;  tous  ont  pu  dire  comme  saint  Paul  :  Si 
nous  n'c.tperons  rien  que  dans  ce  monde,  nous 
sommes  les  plus  malheureux  de  tous  les  hom- 
mes (I  Cor.  XV,  19  .  — D'iiilleurs,  si  les  apôtres 
ont  été  des  imposti-urs,  loin  de  prendre  au- 
cun des  mo\ens  propres  à  déguiser  leur  im- 
posture, ils  ont  choisi  les  pLis  capables  de  la 
dévoiler  :  des  hommes  intéres>és  à  tromper 
auraient  suppose  di's  personnages  moins 
connus,  des  faits  moins  palpahles,  des  pro- 
diges moins  récents,  un  théâtre  moins  pu- 
blic.-^11  a  paru  dans  le  monde  un  assez 
grand  nombre  d'imposteurs,  mais  ils  ne  se 
sont  pas  conduiis  coumio  les  apôtres;  aucun 
n'a  montré  autant  de  candeur,  de  désintéres- 
sement, de  zèle,  n'a  donné  des  leçons  de 
vertu  aussi  touchantes,  n'a  désiré  de  verser 
son  sang  pour  confirmer  la  vérité  de  sa  doc- 
trine, n'a  rapporté  à  Dieu  loute  la  gloire  de 
ses  succès. 

Indépendamment  de  l'intérêt  qu'avaient 
les  Juifs  de  découvrir  l'icuposlure  des  apô- 
tres, s'ils  avaient  trompé  sur  un  seul 
fait,  d'autres  ennemis  les  auraient  démas- 
qués. 11  y  eut  bientôt  de  faux  apôtres,  qui 
altéraient  la  doclriiie  de  Jésus-Christ  :  saint 
Paul  et  saint  Jean  s'en  plaignent  dans  leurs 
lettres  ;  il  y  eut  des  Juifs  enléics,  (]ui,  malgré 
leur  foi  en  Jésus-Christ,  voulaient  que  l'on 
continuât  d'ohsi  rver  les  rites  mosaïques;  il 
y  eut  mên)e  des  apostais  :  nous  le  voyons 
par  les  lettres  de  siint  Jean;  il  -e  trouva 
bientôt  des  philosophes  ijui  contestèrent,  les 
uns  la  divinité  de  Jésus-Christ,  les  autres  la 
réaliie  de  sa  chair,  plusieurs  sa  naissance 
miraculeuse,  etc.  Au  milieu  de  ces  disputes, 
de  ces  jalousies,  de  ces  intérêts  divers, 
comment  ne  s'est-il  pas  trouvé  un  seul  horami; 
qui  ait  eu  ou  la  bonne  foi  ou  la  malice  de 
mettre  au  jour  la  i'ausselé  de  quelqu'un  des 
faits  publiés  par  les  apôtres,  surtout  du  fait 
le  plus  essentiel  de  tuus,  de  la  résurreclion 
de  Jèsus-Chrisl? — Ils  témoignent,  dans  leurs 
écrits,  qu'ils  ont  fait  des  miracles,  que  c'est 

DiCT.  «F  TuÉOI..  DOr.MATIQt'p:.  l. 


par  là  qu'ils  ont  confirmé  lenr  doctrine,  et 
non  p;ir  des  raisoaneiiients.  {[.Cor.  ii,4, 
etc.)  Si  cela  n'est  pas  vrai,  l'on  ne  eonc  vra 
jan)ais  comment  ils  oui  pu  trouver  un  seul 
audiieur  assez  aveugle  pour  s'attacher  à  eux. 
—  Eu  un  mol,  la  conduite  des  apôtres,  leurs 
leçons,  leurs  suecès,  leur  persévèranre  dans 
l'aposlidat  ius()u'àla  mort,  la  durée  de  l'édi- 
fice (]u'iis  ont  fondé  malgré  les  orages  dont 
il  est  battu  depuis  dix-huit  siècles,  sont  au- 
tant de  preuves  démonstratives  de  la  vérité 
et  de  la  divinité  du   christianisme. 

On  donne  eommunément  le  nom  d'apôtre. 
à  celui  qui  le  premier  a  po  t,-  la  foi  dans  un 
pays  :  c'e^^  ainsi  que  saint  Denis,  preaiior 
evéqoe  <lc  Paris,  est  Vapôire  de  la  I-'rance; 
saint  Boniface,  \'ap  tre  de  l'AHemagiio  ;  lo 
moine  saint  Augustin,  Vapôlre  de  l'Angle- 
terre ;  saint  François-Xavier,  Vapôire  des 
Indes.  —  La  mort  tragique  des  apôtres  sem- 
blait bien  propre  à  reliuler  ceux  i|ui  seraient 
tentés  de  les  imiter;  mais  non,  c'a  été  plutôt 
un  nouvel  attrait  pour  engager  d(!S  milliers 
(S'honimes  à  se  livrer  aux  travaux  de  l'apos- 
tolat. Voilà,  suivant  l'opinion  des  incrédu- 
les, une  nouvelle  e  pèce  lie  fanatisme  dont 
il  n'y  avait  jamais  eu  d'exemple  dans  le 
monde. 

Il  y  a  eudes  temps  où  le  papeélait  s|)éeialo- 
ment  appelé  ['Apôtre,  à  cause  de  sa  préémi- 
nence en  qualité  de  successeur  de  s.iinl 
Pierre.  Voy.  Sidoine  Apollinaire,  liv.  vi, 
ép.  4. 

Apôtre  était  encore,  dans  l'origine  de 
l'Eglise,  le  titre  que  l'on  donnait  à  ses  en- 
voyés, à  ceux  qui  voyageaient  pour  ses  inté- 
rêts. Ainsi  saint  Paul  dit  dans  son  Epitre  aux 
Romains  (xvi,  7)  :  Saluez  Andraiiicus  et  Ju- 
nia  mes  parents  et  compagnons  de  ma  cnp- 
tivité,  qui  sont  distingues  parmi  les  apôtres. 
C'était  aussi  le  titre  ((u'on  donnait  à  ceux 
qui  étaient  envoyés  par  quelques  Eglises, 
pour  eu  apporter  les  coi'ectes  et  bs  aumô- 
nes des  fidèles,  destinées  à  subvenir  au  be- 
soin des  pauvres  et  du  clergé  de  quelques 
autres  Eglises.  C'est  pourquoi  saint  Paul, 
écrivant  aux  Phiîippiens,  leur  dit  qu'Epa- 
phrodite,  leur  apôlre,  avaiï  fourni  à  ses  be- 
soins, c.  XI,  23.  Les  chréiiens  avaient  em- 
prunté cet  usage  des  synagogues,  qui  don- 
naient le  même  nom  à  ceux  (lu'elles  ch.ir- 
geaienld'un  pareil  soin,  et  celui  d'uposio'at 
à  l'oflice  charitable  qu'ils  exerçaii  ni.  iM.iis 
les  apôtres  ou  envoyés  de  la  syuagogue  n'ont 
rien  de  commun  avec  ceux  de  Jesus-Ciirist. 

.Apôtuiî,  dans  la  liturgie  grceque,  ktto- 
<j:okos,  est  un  terme  usité  pour  desigii,?r  iiu 
li^requi  coulient  [)riiicipalemeul  lesEpîIres 
de  saint  Paul,  selon  l'ordre  ou  le  cours  de 
l'année;  car  comme  ils  ont  un  livre  nommé 
«CayyéXtov,  qui  contient  Ics  Evangiles,  ils  ont 
aussi  un  i.Tt.iT-.oX.;,  et  il  y  a  apparence  (|u'il 
ne  conlenaii  d'abord  qu(' les  Epiires  de  saint 
Paul  ;  mais  depuis  un  très-long  teoips  il  ren- 
feruie  aussi  les  .\ctcs  des  apôtres  les  E(iiires 
canoniques  cl  l'Apocalypse  ;  c'est  pourquoi 
on  l'apjielle  aussi  7rf«:«ffioTo)io?,  à  cause  des 
actes  qu'il  coniieut,  et  ((ue  les  Grecs  nom- 
ment   Tzpxitiç.  Le  nom  d'apostolus  a  été  en 

a 


351 


kff 


AW 


3St 


usngc  dans  l'Eglise  laline  dans  le  même 
sons,  corrmc  no'îs  l'apprennent  s;iint  Gré- 
goire le  Grand,  HinciDar  et  Isidore  de 
Scvill"  :  c'est  ce  qa'on  numme  aujourd'hui 
épistolier. 

•ArÔTUES  (Faux).  Il  se  tr mva  dans  la  primiiive 
Ei\ba  de-  Juifs  cnnverlis  qdi  voyaient  avec  |iein«  la 
(l(ieir  ne  ili-  Jé-iis-Clirist  s'éiendie  an  ilcii  de  la  Ju- 
dée- ilsilis;iipiitqn'il  élait  venu  iinii|iienieiit  |iOcir  sau- 
ver Isiaël.  Ils  hirenl  conilamnés.  Ils  sont  connus 
son»  le  nom  <le  faux  apôlres. 

APPARITION.  Aciion  par  laquelle  un 
e«pril  tel  que  Dieu,  un  ange  bon  ou  mauvais, 
l'ànie  d'un  mort  se  rend  sensilile,  agit  et 
converse  avec  les  hommes.  Les  exemples  en 
soni  fréquents  dans  rK<riiure  sainle. 

Selon  riiisloire  même  dr  la  création,  Dieu 
a  conversé  d'une  manière  sensible  avec  Adam 
et  ses  enfants,  avec  Noé  et  sa  famille,  avec 
Abraham,  Isaac,  Jacob,  iM(iï<e  et  plusieurs 
piophèles.  L  s  Pères  de  l'Kglise  oui  agile  la 
question  de  savoir  si  l'cl.iil  Dieu  lui-mènie 
qui  serendail  présent  el  viable  aux  hommes, 
ou  si  c'était  un  ange  qui  parlait  et  agissait 
au  nom  de  D  eu.  l'res<iue  tous  les  anciens 
eut  été  persuadé*  que  c  é:ait  le  Verbe  divin, 
.scciinile  personne  de  la  sainte  ïrinilé,  iiui 
préluilait  ainsi  au  mystère  de  rincarnalion  ; 
d'autres  ont  cru  que  c'étaient  des  anges.  Il 
serait  difiicile  de  prouver  d'une  manière 
iiicortestable  l'un  ou  I  autre  de  ces  senti- 
ments; lousdcux  pi  uveni  ctievrais,  eu  égird 
aux  circoiislanii  s.  Il  semble  d'abord  qu'à 
moms  de  fi  ire  violence  au  texte  tacré,  on  ne 
peut  pas  mer  que  le  Créaienr  lui-même  n'ait 
parlé  (t  conversé  avec  Adam,  Noé  et  Abra- 
ham; il  ne  parait  pas  probable  qu'un  ange 
ait  (lit  à  Moïse  ,  dans  le  buisson  ardent  :  Je 
suis  le  Dieu  de  Ion  père  ,  le  Dieu  d'Abraham; 
ei  aux  Israélites  assemblés  au  pied  du  mont 
Sinaï  :  Je  suif  le  Seigneur  votre  Dieu,  qui 
vous  ai  lires  d'Efjyplellixod.  xx,  2j.  Cepen-' 
dant  nous  listms  ilans  les  Actes  des  apôtres 
(mi,  37),  que  c'était  un  ange  qui  parlait  à 
Muïse  sur  le  ir.onl  Sinaï;  el  saint  Etienne  dit 
auxJuifs:  Vous  avezreçu  uneloi  disposdepar 
les  anyes  [Ibid.,  b;5).  Sous  quelle  ligure  cet 
ange  se  montrait-il  alors?  Sous  auenne. 
Moïse  dit  formellement  aux  Israélites  : 
I  or.sque  Dieu  vous  a  parlé  à  llareb  du  mileu 
d'un  feu,  vous  avez  entendu  sa  voix:  mais 
vous  n'avez  vu  aucune  figure,  de  peur  que, 
trompés  pnr  là,  vntts  ne  fussiez  tentés  de  faire 
quelqw  représenlalion  de  mile  ou  de  femelle, 
et  de  Iddorer  (Deut.  iv,  12,  15,  etc.).  Il  est 
(lit  que  Moïse  parlait  à  Dieu  face  ;\  face 
dans  la  nuée  qui  était  à  Icnlréedu  taberna- 
cle; mais  lorsqee  Moïse  lui  dit  :  Seigneur,  si 
l'ai  trouvé  grâce  devant  vous,  monirczmoi 
votre  visage,  afin  que  je  vous  connai  se... 
vi<  nirez-mot  viiire  qloire.  Dieu  lui  répond  : 
Vous  ne  j.dUiez  pas  voir  mon  visage  ;  au  un 
houime  ne  me  verra  sans  mourir  [Exod. 
xxxii!,9.  11,  Î3,  e c).  Il  paraît  néanmoins, 
par  b  s  premiers  chapitres  de  la  (ieiièsc,  que 
Dieu,  pour  lonvoiser  .ivic  nos  premiers  pa- 
rents, se  revêtait  d'.m  corps  vi  ib:e;  mais  on 
ne  peut  pas  alfirmcr  que  c'etaii  un  corps  hu- 
main.   —  Dans   d'autres   ciiconslanccs,   les 


anges  qui  parlaient  aux  hommes,  leur  appa- 
raissaient sous  une  figure  humaine  .-ainsi  un 
ange  conversa  dans  le  désert  avec  Agar,  et 
cette  femme  crut  que  c'était  Dieu  lui-même 
{Gen.  XVI,  7  et  13).  Les  trois  auges  envoyés 
pour  détruire  S  «dorne  prirent  un  repas  dans 
la  lenle  d'Abraham  ;  1  un  d'entre  eux,  qui  lui 
promit  un  ûls,  est  appelé  le  Seigneur,  Jé/io- 
vali  (xvui,  13).  Ces  sortes  A'apparitiens  liea 
bons  anges  sont  fréquentes  dans  l'aneieB  et 
le  Nouveau  Testament;  mais  nous  ne  voyons 
dans  l'Ancien  aucun  exemple  d'apparitions 
des  anges  de  ténèbres;  la  première  fois  qu'il 
en  est  fait  mention  danslEi-riture  sainte,  est 
à  l'occasion  de  la  tentation  de  Jésus-Clirist 
au  désert  (Matth.  iv,  1). 

Il  est  aussi  raren)ent  question  d'apparition 
des  nmris.  S.wuuel  apparut  à  Saùl,  lorsque 
celui-ci  le  fit  évoqmr  par  la  pythonis^e 
d  Endor  (/  Reg.  xxvm,  15).  Judas  M.ichabée 
vil  aussi  le  grand  prêtre  Onias  el  Jéréniie  qui 
lui  parlèrent  après  leur  mort,  mais  c'était  en 
songe  (//  HJachiib.  xv  ,  li).  Nous  lisons, 
Matth.,  xxvii,  52,  qu'à  la  nmrt  du  Sauveur, 
et  ai  rès  sa  résurrection  ,  plusieurs  morts 
sortirent  de  leur  toiuheau,  entrèrent  à  Jéru- 
salem, et  apparurent  à  plusieurs  personnes. 

Nous  ne  nous  arrêterons  point  à  exa- 
miner la  multitude  des  apparitions  des  es- 
prits rappi>rtées  par  les  auteurs  profanes; 
ii'S  ]>hilusophes  du  ni»  et  du  iv"  siée  e  de 
l'Eglise,  entêtés  de  Ibéurgie,  de  théopsie  et 
de  magie,  croyaient  ou  faisaient  semblant 
de  croire  que  Ton  poiiv.iii  converser  a\ecles 
génies  ou  dieux  du  paganisme;  que  plusieurs 
hommes  en  avaient  vu,  leur  avaient  parlé 
et  en  avaient  reçu  des  réponses.  Quebiues 
Pères  de  l'Eglise  ont  été  persuades  qu'en 
flîet  le  démon  s'était  rendu  sensible  à  ses 
magiciens,  en  particulier  à  Julien  l'Apostat, 
e!  que  Du'U  l'avait  permis  (lour  punir  leur 
impiété.  On  ne  jjcul  sa*(iir  avec  certitude 
jusqu'à  quel  point  l'imaginalion,  les  presti- 
ges de  l'esprit  impur,  ou  l'imposture,  ont  eu 
lieu  dans  ces  circoiistanecs.  Com  nent  nous 
fier  à  de  prétendus  philosophes,  dont  la 
mauvaise  foi  allait  de  pair  avec  leur  fana- 
tisme? Porphyre  et  Jamblique,  moins  entêteS 
que  les  autres,  ont  témoigné  qu'ils  n'ajou- 
taient aucune  fii  à  toutes  ces  visions;  les 
chrétiens  ont  plus  d'une  fois  défié  les  païens 
de  f.;iie  agir  eu  leur  présence  ces  génies 
dont  ou  vantail  la  puissance  { Tcrtull.,  Apo- 
log.,  c.  22  et  23).  Si  l'on  veut  en  cioire  les 
voyageurs,  les  magiciens  caraïbes  iint  sou- 
vent commcne  avec  le  denu)n. 

Ouant  aux  nppari/ion.t  des  morts,  rien  n'est 
plus  romimiu,  suit  (liez  les  hisioriens  païiiis, 
soit  dans  nos  écrivains  des  bas  .siècles;  c'est 
ce  qui  avait  fait  naître  dans  le  paganisme 
la  nécromancie,  ou  l'ar;  d'évoiiuerles  mûris, 
pour  apprendre  d'eux  l'avenir;  mais  aucun 
de  ces  laits  dont  nos  pères  repaissaient  leur 
cré'iuliiè,  n'est  foiiiié  sur  des  preuves  assez 
fortes  pour  m. us  obliger  à  I  ■  croire.  S'il  y  en 
avait  de  bien  prouvés,  nous  n'aurions  au- 
cune répugnance  à  y  ajou!er  foi.  D'autre 
part,  I  s  doutes  que  nous  inspirent  des  nar- 
rations apocryphes,  ne  dcrogont  en  aucune 


S33                                     APP  APP                                     334 

manière  à  la   rerlitude  des    faits   r;ipportés  un  fou  terrible,  d'où  sor(ail  une  voix  qui  a 

d:ms   les  livres  saiiils  ;  vainomeiit  les  lucre-  dicté  le  Décalogue.  Nous  ne  fionvons  décider 

ddies   se    croiciil    en   droit    de    lo;il    nier  ,  si  par  d'aulrcs  combinaisons  11  ne  s'csl    [las 

parci>  que  lont  n'i>l  pas  (■j;,'ilpni''nl    prouvé,  formé  tout  à  coup  une  (itiure  d'Iioniine  qui  a 

l'Crux  qui  adnietleul  un  Dieu,  peuvent-ils  conduii,  protégé  et  conililé  de  b  eus  le  jeune 
mettre  des  bornes  à  sa  i  uissance,  réejor  ses  Tobie;  si,  par  magie  ou  autrement,  il  n'est 
lié' rets,  prescrire  la  ciiuduite  qu'il  a  dû  tenir  pas  sorti  de  terre  un  spectre  semblable  à 
envers  les  liomuies  depuis  la  création?  Dieu  Samuel  qui  a  parlé  à  Saùl,etc.  Puisqiielana- 
sans  doute  peut  se  revêtir  d'un  corps,  c'est-  turc,  pir  sa  toute-puissance,  a  fait  des  liom- 
à-d're  rendre  sa  présence  sensil>le,  p  ir  la  mes  tels  que  nous  sommes,  pourquoi  ne 
parole  et  par  l'iicliou  qu'il  tlonne  à  un  corps  pourrait-elle  pas  former  des  auyes  bi  auroup 
qui'lcon()ue  :  que  ce  corps  soit  ie;né,  aérien,  pins  puissants  i|tie  les  liomutes,  des  coip-i 
lumineux  ou  opa<iue,  cela  estéjjai;  on  ne  i^nés  ou  aériens  capables  de  faire  des  choses 
prouvera  jamais  (]ue  cette  manière  d'iustrui-  su|iérieuresaux  lorii-s  liuiiiaines? 
re  les  hommes,  de  leur  dicter  des  lois  de  3  lîu  lionne  loniqtie,  les  scepiiques  peu- 
leur  prescrire  une  religion,  est  indigne  de  vent  encore  moins  rej.  ter  le  léiiioi;;nai;c  des 
la  sagesse  et  de  la  majesté  divine  :  Uieu  a  auteurs  sacrés.  S 'Ion  leur  sys'ème,  il  n'v  a 
donc  pu  s'en  servir.  Commenl  prouvera-  aucune  connexion  nécess.iire  entre  le-;  idées 
ton  qu'il  ne  l'a  pas  fait?  Une  preuve  qui  nous  viennent  à  l'esprit  par  les  s  u- 
qu'il  l'a  fait  à  l'égard  des  palriarcbes ,  de  satio^is  ,  et  l'état  réel  des  corps  existants 
Moïse  et  d'aulies,  c'est  qu'il  nous  ont  hors  de  nous  :  nous  ne  soniincs  pas  si'irs 
laissé  les  monumenls  d'une  reli;;ion,  plus  s'ils  sont  réelleme'il  tels  qu'il,  par.iissent  ;i 
pure,  p'us  «aiiile,  (dus  sensée,  |ilus  vraie  nos  sens.  Donc  le  cerveau  de  .Moïse  a  p'.i 
que  toutes  celles  des  peuples  qui  n'ont  pas  être  aileclé  de  manière  qu'il  ait  cru  voir, 
eu  le  même  secours.  11  faut  donc  (juel)ieu  la  entendre,  et  faire  tout  ce  qu'il  raconte  ;  tes 
leur  ait  révélée.  La  manière  dont  ils  disent  lètes  de  la  famille  de  Tobie  ont  pu  se  Irou- 
que  celte  révélation  leur  a  étélaite  et  lit  donc  ver  dans  la  même  situation  q;ie  si  un  atiun 
convnable,  puisqu'elle  a  produit  l'elîel  que  leur  était  apparu,  leur  arait  pa  lé,  el  avait 
Dii  u  se  pro|iosait.  —  Les  apparitinns  des  fait  tout  ce  qu'il  ont  <mt  cru  voir  el 
anges  el  des  morts  ne  renf-irnieiii  pas  plus  de  éprouver;  les  organes  de  Saùl  ont  pu 
dilïiciilté  que  les  apparitions  de  Dieu,  Il  ne  être  moilitîés  do  la  môme  manière  eue 
lui  est  pas  moins  aisé  do  donner  un  corps  à  si  Samuel  était  réellement  sorti  du  Iciii- 
nn  ange  que  d  en  revêtir  une  iime  liumaiiic  ;  beau,  etc.  Nous  aurions  doue  tort  de  siis- 
lor>que  celle-ci  est  séparée  de  sou  corps,  pecter  la  sincérité  de  ceux  qui  ont  écrites 
Dieu  peut  cerlaiiiemenl  la  fairereparaiire,  lui  f.iils.  A  la  vérité,  si  c'étaient  des  illusions, 
rendie  le  même  corps  (ju'eile  avait,  ou  un  tous  ces  gens-là  n'étaient  pas  dans  leur  bon 
autre,  lu  remellre  en  étal  de  faire  les  mêmes  sens  ;  qu'importe?  Nous  ne  sommes  pas  sûrs 
fonctions  (ju'clle  fais«it  avant  la  mort.  Ce  si  à  ce  moment  notre  cerveau  et  celui  dos 
moyen  d'instruire  les  hommes  el  de  les  len-  scepiii)ues  ne  sont  pas  aussi  malades  (]ue 
dre  dociles  est  un  des  plus  frapjianls  que  celui  îles  peronnages  dont  nous  parlons. -- 
Dieu  puisse  employer.  Si  donc  les   incrédules    savaient   raisonner, 

2°  Les  malérialisles  mêmes,  qui  ne  croient  ils  ne  borneraient  jan^ais  les  forces  de  la 
ni  à  Dieu  ni  aux  esprits,  cl  qui  nienl  tous  nature,  ni  le  nombre  des  pos>ibles;  ils  sc- 
ies faits  capal)les  d'en  prouver  l'cxis-  rai'Ul  aussi  crédules  que  les  vieilles,  les 
lence,  ne  raiscinnent  pas  (onséqueiumenl.  enfants  et  les  ignorants  les  plus  [grossiers. 
15ajle  a  démontré  que  S(iinosa,  dans  son  (^eux  qui  croient  à  la  magie  s. us  croiie 
système  d'alhéisine,  ne  pouvait  nier  ni  les  en  Oi'u  ne  sont  pas  ceux  qui  raisonnent  lo 
esprits,  ni  leurs  ajipnritions,  ni  b  s  miracles,  plus  mal. 

ni  les  démons,  ni  les  enfers.  Dicl.  ait.,  Spi~  4°  Le  grand  argument  est  do  dire  :  Si  tout 

7wsa,  rem.  (J  et  suiv.  Imi  effet,  selon  l'opinion  ccliéiail  arrivé  autrefois,  il  arriverait  cuco- 

des  matérialistes,   la  puissance  de  la  n.iture,  re;  puisqu'il  n'arrive   plus  «lepuis    que  l'on 

c'est-à-dire  de  la    matière,  est   iiifinii!  :  or,  est  mieux   instruit,   c'est  une   preuve    qu'il 

elle  ne  le  serait  pas  m  elle   ne    pouwiit  pas  n'est  jamais     arrivé.    Faux    raisonnement, 

faire  tout  ce  qui   est  rappirlé  dans  riiistuire  Selon  l'opinion  des  matérialistes,  il  est  ^orti 

sainte.  Un  défenseur  de  ce  sysicmo  nous   dit  autrefois  du  sein  de  !a    terre  ou  de  la   nier, 

que  nous  ne  savons  point  si  la  nature  n'est  des   hommes  tout   formés,  il  n'en  sort   plus 

l'as   actuellement  occupée    à  produire   plu-  aujourd'hui;    tous   viennent  au    monde    par 

sieurs  êtres  nouveaux,  si  elle  ne  rassemide  une  suite  de  générations  régulières.  Si  nous 

pas  d.ins  son   laboratoire   les  éléments  pro-  en  croyons  les  sceptiques,  il   n'y  a  aucane 

près  à  faire  éclor,'  des    générations  toiilcs  connexion  nécessaire   entre   ce  qui  se    fait 

nouvelles,  e(  qui  n'auront  rien  de  comunin  aujourd'hui  el  ce   qui  est   arrivé    auiref  is. 

avec  ce  que  nous  connaissons.  Sijslàne  de  li  Dès  qu'il  n'y  a  point  de  providence  qui    en- 

niit.,  tom.  1,  c.  (5.  pag.  Sii,  87.  Donc  nous  ne  trelienne  dans  la  nature  un  ordre  constant, 

savons  p.'.s  non    plus   si,  filusicurs   milliers  il  n'est  rien  qui    ne  puisse    arriver   par  ha- 

d'années  avant  nous,  elle  n'a  I  as  pioduitdes  sard,  ou   par   des   combinaisons   inconnues 

phénomènes  singuliers,  cl  que  nous  ne  con-  de  la  matière. 

tevons  point.  Nous  igr.orons  si,  par  quelques  Les  déistes,  à  leur  tour,  se  fondent  mal  à 

combinaisons    fortuites  de  la  malière,  il  ne  propos   sur  ce   même  argument.  S'il  y  a  un 

s'est  pas  allumé  au  sommet  du  mont  Sinaï  Dieii,  il  a  pu  et  il  a  dû  conduire  sutremeul  le 


S3S 


APP 


APP 


536 


gpnrc  humain  il.ins  son  enf.iiice  que  dans 
les  àfC's  postérieurs.  Il  f.ill;ii'  alors  des  mira- 
cles, dps  prophéties,  des  apparitions  et  des 
iiispiralioiis  pour  étaWir  la  vraie  religion  : 
une  fois  fondée,  elle  n'en  a  plus  iiesoin  :  les 
mêmes  faits  qui  lui  ont  servi  d'attestation 
dans  l'origîne,  lui  en  serviront  jusqu'à  la  fin 
des  siècles  :  il  n'est  donc  plus  nécessaire  que 
Dieu  fasse  aujourd'hui  ce  qu'il  a  fait  autre- 
fois. C'est  la  réllexion  de  saint  Augusiin. 

11  s'en  faut  beaucoup  que  les  dissertaiions 
de  dom  C;ilniet  sur  les  apparitions  aient  été 
faites  avec  la  sagacité  et  le  bon  sens  qu'exi- 
geait une  matière  aussi  délicate.  L'abbé 
Langlet  lui  a  fait,  avec  raison,  plusieurs  re- 
proches dans  son  traité  sur  le  même  sujet, 
t.  II,  p.  91.  Celui-ci  prouve  fort  bien  que  le 
très-grand  nombre  des  apparitions  des  morts', 
rapportées  par  les  écrivains  des  bas  siècles, 
manquent  de  preuves  et  de  vraisemblance, 
p.  393  et  suiv. 

Appauitiiins  de  Jésus-Christ  après  sa 
nÉsuRRECTiQH.  H  est  dit,  Actes  des  apôtres, 
qu'après  sa  résurrection,  Jésus-Christ  s'est 
moniré  vivant  à  ses  apôtres,  et  les  en  a 
convaincus  par  un  grand  nombre  de  preuves 
pendant  quarante  jours,  conversant  avec 
eus,  leur  parlant  du  royaume  de  Dieu, 
buvant  et  mangeant  avec  eus;  qu'ils  l'ont  vu 
de  leurs  yeux,  monter  aux  cieux  {Ad.  i).  Les 
évangélisles  nous  apprennent  qu'il  s'est  mon- 
tré dilTerentes  fois  à  ses  apôtres,  soit  disper- 
sés, soil  rassemblés,  et  aux  saintes  femmes  ; 
qu'il  leur  a  parlé,  qu'il  s'est  laissé  loucher, 
qu'il  a  invité  le  plus  incrédule  d'entre  eux  à 
mettre  le  doigt  sur  ses  plaies,  qu'il  a  bu  et 
mangé  plusieurs  fois  avec  eux.  Ces  appari- 
tions n'étaient  donc  point  des  illusions.  — 
Mais  aucun  des  évangélisles  ne  s'est  attaché 
à  raconter  toutes  ces  apparitions  et  ces  con- 
versations, à  les  arranger  d.ins  l'ordre  selon 
le  |uel  elles  sont  arrivées  ,  à  en  ilétailler 
toules  les  circonstances.  Saint  Matthieu  n'en 
a  cité  que  deux,  saint  Marc  fait  meniion  de 
«lualre,  saint  Luc  n'en  a  rapporté  que  cinq, 
saint  Jean  quatre;  aucun  d'eux  n'en  a  fixé  le 
nombre.  Ils  en  parlaient  comme  d'une  chose 
liès-connue  parmi  eux,  sur  laquelle  per- 
sonne ne  pouviiil  former  des  doutes.  Ils  ne 
pensaient  p;is  que  dans  la  suite  des  siècles 
les  incrédules  éplucheraient  toules  leurs 
paroles,  y  ehercheraient  des  coniradiclions, 
argumeiileraienl  sur  la  lirièvelé  de  leur  récit, 
se  plaindraieni  de  ce  qu'il  n'est  pas  assez 
exact,  etc.  Aucun  litre,  aucune  histoire  ne 
peut  être  assez  claire,  ni  assez  iirécise,  pour 
|)iévenir  toutes  les  objections  des  opiniâtres. 

La  grande  objection  des  incrédules,  est 
que  ces  apparitions  ne  suffisent  pas  pour 
prouver  la  résurrection  de  Jesus-Christ.  11 
;ivait  promis  publii|uement  de  rcssu-citer, 
disenl-ils;  donc  il  devait  ressusciter  en  pu- 
blic. Il  fallait  se  montrer  aux  prêtres,  aux 
pharisiens,  aux  docteurs  juifs,  au  sanhédrin 
de  Jérusalem;  le  témoignage  de  ces  geiis-lù 
aurait  éle  d'un  tout  autre  poids  que  celui  d'une 
poignée  de  disciples  déjà  séiluils.  Un  gou- 
verneur romain,  un  léirarque,  un  grand 
prôtra  juif,   converti»  par   \'a[ipar.ition    de 


Jésus-Chrivt,  eussent  fait  plus  d'impression 
sur  un  homme  de  bon  sens,  que  celle  popu- 
lace ignoianle  que  l'on  suppose  avoir  élé 
persuadée  par  la  prédication  de  saint  Pierre. 
—  Mais  ici  nos  adversaires  s'arrêtent  en 
beau  chemin  :  la  résurrection  de  Jésus- 
ChrisI  ne  devait  pas  seulement  éire  crue  à 
Jérusalem,  elle  devait  être  publiée  et  crue 
dans  le  monde  entier.  Pourquoi  vouloir  que 
les  autres  nations  fussent  obligées  de  croire 
aux  témoignages  des  principaux  de  Jérusa- 
lem ?  Il  ne  tenait  qu'à  Jésus-Chri-l  de  mourir 
et  de  ressusciter  à  Rome,  à  Pékin,  à  Paris, 
de  se  montrer  à  l'univers  entier  :  le  miracle 
aurait  été  plus  authentique  et  plus  convain- 
cant ;  les  hommes  de  bon  sens  auraient  cru  sur 
le  témoignage  de  leurs  propres  yeux. 

De  tous  les  arguments  des  incrédules,  il 
n'en  est  peut-être  point  de  plus  absurde  que 
celui-ci  :  Dieu  pouvait  donner  de  plus  fortes 
preuves  de  telle  ou  telle  vérité;  donc  celles 
qu'il  a  données  ne  suffisent  pas.  Les  athées 
sont  partis  delà;  ils  disent  que  s'il  y  a  un 
Dieu,  il  devait  écrire  son  existence  dans  le 
ciel  en  caractères  lumineux  et  visibles  à  tous 
les  yeux.  — Noussoutenons  que  Jésus-Christ 
n'a  pas  dû  faire  ce  que  l'on  exige  de  lui,  ni 
pour  les  Juifs,  ni  pour  les  païens,  ni  en  fa- 
veur des  incrédules;  que  quand  il  l'aurait 
lait,  sa  résurrection  no  paraîtrait  pas  mieux 
prouvée  à  ces  derniers,  et  qu'ils  ne  seraient 
pas  plus  disposés  qu'ils  le  sont  à  y  croire.— 
1°  Plusieurs  posent  pour  principe,  qu'une 
résurrection  est  un  fait  impowiô/e,  qu'aucune 
preuve  ne  peut  jamais  le  constater;  d'autres, 
que  c'est  un  fait  incroyable  ;  que  quand  ils 
verraient  de  leurs  yeux  un  mort  ressuscité, 
ils  ne  croiraientpas.  Donc  c'e-t  une  absurdité 
et  une  dérision  pure  de  leur  part,  d'exiger 
des  preuves  auxquelles  ils  sont  résolus 
d'avance  de  ne  pas  croire.  Si  les  Juifs  pen- 
saient de  même,  comme  ils  l'ont  assez  léinoi» 
gné  par  leur  conduite,  il  est  clair  que  la  vue 
mècne  de  Jésus-Ci^rist  ressuscité  ne  les  au- 
rait pas  convaincus.  Il  ne  leur  aurait  pas  éé 
plus  difficile  de  dire  :  C'est  le  di  ible  qui  a 
pris  la  figure  de  Jésus  pour  nous  tromper, 
({ue  de  dire,  comme  ils  ont  fait  :  C'est  pur  le 
pouvoir  du  démon  que  cet  homme  fait  îles  mi- 
racles. —  "■>:■  C'est  une  impiété  de  soutenir  que 
Jésus-Christ  devait,  par  an  excès  de  boulé 
et  par  le  don  de  la  foi,  récompenser  la  fai- 
blesse de  Pilate  qui  l'avait  livré  à  la  mort 
contre  sa  conscience,  l'injusiice  du  gi'and 
piètre  qui  l'avait  condainuc  co  mne  bl.i»|itié- 
mateur,  la  turpitude  du  sanhédrin  ()ui  avait 
souscrit  à  l'arrêt,  la  fureur  du  pcupli'  qui 
avait  crié.  C>MCï/iei-/c,  la  rage  des  hourre.iux 
qui  l'avaient  couvert  d'opprobres  et  de  places. 
Dieu  avail-il  donc  besoin  de  tous  ces  malfai- 
teurs pour  accomplir  ses  desseins"? —  3"  Jé- 
sus-Cnrist  a  rempli  sa  proiiio<sc  dans  toute  son 
élcndne;  il  n'avait  pas  promis  de  ressusciter 
en  public  et  sous  les  yeux  des  Juifs,  ni  de  se 
montrer  à  eux  après  sa  résurrection  inCDU- 
testable.  Mais  les  Juifs  ont  résisté  au  témoi- 
gnage des  gardes,  à  l'allesia.ion  des  apôtres, 
confirmée  par  leurs  miracles,  à  l'exemple  de 
huit  mille  hommes  convertis  par  saint  Pierre, 


557  APF 

à  l'impression  que  devaient  faire  sur  eux  les 
vprlus  des  premiers  chrétiens,  aux  fliNiux  ter- 
bles  que  Dieu  fit  l'unher sur  ia  Judée  iiimr  punir 
le  dicide  qui  j  avait  élé  coiuniis.  Dieu  doil-il 
multipliei'  les  miracles  pour  forcer  de  pareils 
hommes  à  se  convertir?  Tels  ont  clé  et  tels 
seront  toujours  les  incrédules  de  tous  les 
siècles.  —  k"  Quauci  les  principaux  Juifs  el 
le  sanhédrin  auraient  cru  en  Jésus-Chrisl, 
quelle  imi)rcssi(»n  leur  témoii;nage  aurail-il 
fait  sur  les  Uomaiiis  ou  sur  les  incrédules 
modernes?  Aucune.  Les  Romains  ont  dit,  et 
les  incrédules  réi  ètcnt,  que  les  Juifs  étaient 
des  ij;norants,  des  rêveurs,  des  fanatiques 
avides  de  merveilleux,  Incapables  de  disccr- 
ncrlevrai  d'avec  lefaux.eluu  miracle  d'avec 
un  prestige.  Si'lon  le  irincipe  de  n^is  adver- 
saires, les  Juifs  de  la  Grèce  ni  ceux  de  Rome 
n'étaient  pas  obliges  de  s'en  lier  au  ténioi- 
puage  de  leurs  Iréres  de  Judée,  sur  un  lait 
aussi  merveilleux  et  aussi  incroyable  (jue  la 
résurrection  de  Jésus  ;  les  païens  encore 
moins;  tous  pouvaient  dire  comme  les  in- 
crédules :  Est-il  raisonnable  d'exiger  que 
nous  croyions,  sur  la  parole  d'aulrui,  un 
fait  dont  Dieu  pouvait  nous  convaincre  par 
nos  propres  yeux?  —  5°  Quand  Jésus  res- 
suscité se  serait  montré  aux  ciiels  de  la 
synagogue,  comment  le  saurions-nous?  Par 
le  témoignage  des  Juifs  convertis  :  car  enfin 
des  Juifs  incréduli's  n'auraient  pas  pris  la 
peine  de  nous  en  informer ,  ni  de  metlre 
par  écrit  un  fait  qui  les  aurai!  couverls 
d'opprobre.  Or,  les  incrédules  modernes  com- 
mencent par  rejeter  comme  suspecte  l'altes- 
tation  de  tous  ceux  qui  ont  cru  en  Jésus- 
Christ  :  ce  sont,  disent-ils,  des  hommes 
prévenus,  séduits,  intéresses  à  la  cause  de 
leur  maître  ;  ce  sont  des  fanatiques  ou  des 
imposteurs.  Les  chefs  de  la  synagogue  se- 
raient-ils plus  à  couvert  de  cette  accusaiion 
que  les  apôtres  et  les  évangélistes  ?  C'est 
assez  qu'un  fait  (judconque,  ou  un  témoi- 
gnage, paraisse  aux  incréiiules  trop  favora- 
ble au  christianisme,  pour  qu'ils  les  rejet- 
tent sans  examen  :  voilà  la  principale  raison 
qui  les  prévient  contre  le  témoignage  que 
l'hislorien  Josèphe  a  rendu  à  Jésus-Christ. 
—  6°  EuOn,  si  les  grands  prêtres,  le  télrar- 
que  de  la  Judée,  le  sanhédrin  en  corps, 
avaient  alleste  la  résurrection  de  Jésus- 
Christ,  el  avaient  cru  eu  lui,  les  incrédules 
diraient  qu'il  y  a  eu  collusion  entre  tous  ces 
personnages  et  les  apôtres,  qu'ils  avaient 
formé  de  concert  le  projet  de  faire  recon- 
naître Jésus-Christ  pour  lu  Messie,  afin  de 
soulever  le  peuple,  de  faire  une  révoluiion, 
et  de  secouer  le  joug  des  Romains;  que  toute 
cette  scène  a  été  un  complot  d'intérêt  national 
cl  de  politique;  qu'ainsi  la  préleuduc  con- 
version des  granls  el  du  peuple  ne  prouve 
rien,  etc.  L'espit  fécond  de  nus  adversaires 
pourrail-il  jamais  manquer  de  raisons  ou  de 
prétextes  pour  autoriser  leur  iucrédulile? 

Dieu  a  su  mieux  qu'eux  ce  qu'il  lallait 
pour  persuader  les  espri  s  droits  et  Ks  liom- 
U1C-.  sensés.  La  résurrection  de  Jésus-Christ 
a  été  publiée,  prouvée  el  crue  cinquante  jours 
après,  sur  le  lieu  même  où  elle  était  arrivée, 


APP 


Î5â 


par  huit  mille  Juifs  que  la  prédicalionde  saint 
Pierre  persuada  et  convertit  {  ict.  ii,  41;  iv, 
6).  Telles  fureul  les  prémices  de  l'Eglise  qui 
se  forma  dès  lors  à  Jérusalem,  el  qui  a  sub- 
sisié  aussi  longtemps  que  celle  ville.  Bientôt 
plusieurs  prêtres  furent  au  nombre  des  fidè- 
les (  Art.  VI,  7).  Aucun  motif  ne  pouvait  les 
engager  n  croire  la  résurrection  de  Jésus- 
Chrisl,  que  1,1  certitude  inconleslable  el  la  no- 
toriété du  fait  :  donc  les  preuves  en  étaient 
convaincantes  el  invincibles.  Tel  est  le  point 
essentiel  contre  lequel  aucune  objection  ne 
prévaudra.  Voi/.  RÉsuRriKCTiON. 

APPEL  AU  FUTUR  CONCILE. C'est  un  ex- 
pédient dont  on  s'est  avisé  de  nos  jours  pour 
esquiver  la  censure  de  certaines  opinions 
condamnées  par  le  souverain  pontife,  cen- 
sure approuvée  et  confirmée  par  le  sulTrage 
de  l'Eglise  uni\erselle,  puisqu'à  l'exception 
de  quelques  evéques  de  France,  point  d'au- 
tres n'ont  réclamé.  Il  est  étonnant  ()u'un  pro- 
cédé aussi  étrange  ait  pu  trouver  des  parti- 
sans et  des  apologistes.  —  Les  appelants  sa- 
vaient bien  qu'il  n'y  avait  point  pour  eux  de 
futur  concile  à  espérer  ;  que  l'Eglise  unirer- 
selle  ne  s'assemblerait  pas  pour  juger  s'ils 
avaient  droit  ou  tort,  que  c'était  appeler  à 
un  tribunal  qui  n'existerait  peut-être  jamais. 
L'Eglise  dispersée  avait  applaudi  à  plusieurs 
jugements  déjà  portés  par  le  sainl-siége  sur 
celte  même  matière  ;  pouvait-on  supposer 
que  l'Eglise  changerait  de  croyance  lors- 
qu'elle serait  assemblée  ,  el  que  la  circon- 
stance d'un  concile  opérerait  une  révolution 
subite  dans  tous  les  esprits?  Le  comble  du 
ridicule  a  été  de  croire  qu'un  appel  donnait 
le  droit  de  conlinuer  à  enseigner  la  doclrino 
censurée.  Si  les  appelants  avaient  élé  cou- 
damnés  dans  un  concile,  ils  auraient  appelé, 
comme  tous  les  hérétiques,  au  jugement  de 
Dieu. 

Mosheim,  dans  une  de  ses  dissertations 
sur  r//is(oj/e  ecclésiastique,  t.  I,  pag.  581,  a 
très-bien  prouvé  que  ces  sortes  d'appels  sont 
inconciliables  avec  la  doctrine  catholique 
ton  liant  l'unité  de  l'Eglise,  que  les  ap(>elauU 
se  sont  joués  des  terme»,  eu  prolestant  qu'ils 
ne  prétendaient  point  dérober  à  celte  unité 
par  leur  appel  ;  mais  nous  réfuterons  ailleurs 
ce  qu'il  soutient  dans  le  même  endroil.  sa- 
voir ,  que  cette  même  croyance  lourhanl 
l'unité  de  l'Eglise,  ne  peut  pas  s'accorder 
avec  le  sentiment  de  l'Eglise  gallicane  sur  la 
supériorité  des  conciles  généraux  à  légard 
du  pape.  Les  partisans  de  Quesnel  n'appe- 
laient pas  de  la  décision  du  pape  seul  à  celle 
d'un  C6>nci7e  général,  mais  de  la  décision  du 
pape,  confirmée  par  l'acquiescement  de  l'E- 
glise universelle.  Cela  est  fort  dilîéreiit. Fo(/. 
Unité  de  l'Eglisb. 

♦Appel  COMME  d'abb».  L'appel  comme  d'abus  esi  un 
acte  |i:ir  lequel  une  persDniie  qui  croit  aviiir  rison 
de  se  plaindre  d'un  juKeuienl  rendu  par  un  juge  in- 
férieur, deuiaiiile  ipie  l'aU'iire  soil  eximino'  el  j'uiée 
de  nouveau  par  un  ju;;e  s\i|.iérienr.  Ay  uil  iraiié  «le 
Tapprl  et  (le  ses  diverses  espèces  (la  s  n  ilr.;  l>ic- 
tioiniairo  de  Tliéologii;  morale,  nniis  iiiiiis  conleiue- 
rons  d'y  reaviiyer. 

APPELANT,  nom  qu'on  a  donné,  au  corn- 


339  API 

nienromciit  de  ce  siècle,  àiii  évéques  et  aur 
Ires  (  cclé^i.nsliquos  qui  avnicnl  iniprjpté  np- 
pel  au  (ulur  concile  do  la  bulle  Unigenilus, 
àonnéo  par  le  p.rpe  Cornciii  XI,  el  porlaiit 
condanr /ilion  liu  livre  du  Pèro  Oucsnci,  in- 
li!u!é,  lléflexiona  morahs  sur  le  Noureau 
Tfftdwent. —  Coiiiine  les  apprinntx  se  llal- 
taif  Ml  d'en  imposer  à  riîglisc  enlière  jjar  leur 
praiid  iioml're,  on  scUieiiaii  dos  appels  de  la 
in<^ii)e  manière  que  l'on  brigue  les  suffrages 
d'un  juge  ou  d'un  élcclour;  el  les  chefs  lic 
ceparii  iurciil  assez  insensés  pour  appeler 
leurs  el  imoiirs  le  cri  de  In  foi.  HiMireuseiiient 
res  foll  s  ilémarclies  ont  élé  rcvoiinées  avec 
autant  de  f.irililé  qu'elles  avaient  élé  faites, 
1 1  l'on  roui;it  aujotird'bui  de  tout  ce  scan- 
dale. 

APPLICATION,  se  dit  pnriiculièretnent,  en 
lhcolo!;ie,  lie  l'ailioh  par  licinelle  notre  Sau- 
veur nous  liansfére  ce  qu'il  a  mérité  par  sa 
vil'  el  [>ar  <i\  mort.  —  C'e'it  par  cette  applica- 
tion des  niérili's  de  Jésus-Christ  ijU^'  muiS  (le- 
vons /-Ire  justifiés,  et  ([ue  nous  pouvons  pré- 
tendre à  la  f;râie  el  à  la  ■:loire  éternelle.  Les 
sairemciits  sont  les  ynies  ou  les  iustruinents 
ordinaires  pi-r  les  luels  se  fait  celle  applica- 
tion, pourvu  qu'on  les  reçoive  avec  les  dis- 
positions nécessaires  cl  prescrites  par  le 
concile  de  Tresiie  ilans  la  sixième  session. — 
t/Ë'ili^e  nous  les  applii|i!e  encore  parlesaint 
sar/rifice  i!c  la  messe,  par  Ses  prières,  p;ir  les 
indulgences,  par  les  bonnes  u-uvrcs  qu'elle 
nous  prescrit,  l'ille  a  conlaïuné  les  protestants 
qui  sOiilieuiienl  que  cette  a//p/(caM'on  ne  peut 
nous  é  re  faite  que  par  la  foi.  Voy.  Imputa- 
tion. 

AIPUOBVTiON,  APPKOUVFU.Un  préire 
ap}iriiuré  «-st  c  lui  ijui  a  ie(  ii  de  son  évéque 
le  pouvoir  d'm  endre  les  coiife.'^sions  el  d'ab- 
snndre.  Comme  c'est  on  acie  de  juridiction, 
révèqueesl  le  maîtr.'  de  Lmiler  cette  rppro- 
bal:oit  loiir  1  •  lemps,  poiii'  le  lieu,  pour  les 
cas  (I).  Un  prétri'  qui  n'esi  opprouvé  que 
pour  un  an,  c-t  olilii;c  de  riil<'  nnoincler 
se*  pouvoirs  à  latin  de  l'au;  ée  ;  celui  qui 
est  (ipproHvr  pourielle  paroisse,  n'a  pas  jjour 
li'la  le  pouvoir  (le  confesser  dans  une  autre: 
celui  qui  a  le  |M!Uvoir  d'alisouiire  des  cas  or- 
din-nr'  s  ou  nou  réservés,  a  besoin  d'un  pou- 
voir spécial  pour  absoudre  des  cas  réservés. 

APSIS  ou  AlJSIS,  mol  usité  dans   les  au- 


(1)  <  Piiispie  la  nnliue  el  l'ordre  dii  jiigonienl 
exigent  qu'une  sen ciice  ne  puisse  être  poiiée  par  un 
JHpe  que  sut-  ceux  qm  lui  sont  sigcis  ,  «m  n  uiiij  lus 
été  i*rsii:i(lc  ,  «l.iii^  rKt!li,«i;  iit;  llieu  ,  et  le  ciincile 
(iMilinne  ceUe  véiilc,  (|ii''  l'^ilisiiiiition  pri'iiniicé''  p;ir 
imiirétieMir  ceUii  Mir  ipii  I  ii';ipusde  jnridiclinn.  suit 
oui'  'iiire,  .soil  MilMlélc'giié  • ,  iluii  eire  c  nul  imid-;. 
{Ctnciii  ae  trnil.;  >e.-N.  l4,  (II.  7.)  yiioiipie  les  piê- 
lies,  il;iii>  leur  onlin.ilio  > ,  ie(;ni  e;il  l:i  ;>iiiss;inci! 
d'aiisoudn;  les  |>é<  lie-,  lehxiiil  cm.eili'  dé'  rcle  ipi'au- 
euii  irèlre,  n>èii>e  lé^nlier,  ne  peut  eiiU'ml  e  les 
coiifessitinîi  des  séculiers,  niéiiie  i\f>  pié  re>,  id  èlre 
re^'iirdii  coiunie  ulniue  :t  ce  tiouihté'e,  il  uiiiiiis  iju'il 
ne  pii>séde  nu  héMuliru  piiroi  >i.il  ,  ou  ipx;  l'évépie 
ne  loi  iluune  ^raUnleulelU  ,  ^luè^  r:iv(iir  examiné, 
s'd  le  lUge  iiéce'<»aM'e,  une  uppiidiuuou,  nuuoiiKlaut 
toub  k-s  privilèges  on  c(iui(unes  même  Iniuniuiuriales.* 
{Ses6.  '23  (le  la  Hiform.,  c.  \'o.j 


AKA 


540 


leurs  ecclésiasliijties  |onr  si;rnificr  la  partie 
intérieure  des  anciennes  é:;lises,  où  le  clergé 
était  assis  el  ou  l'autel  éiail  placé.  —  On 
croit  que  celle  parlie, do  l'église  s'appelait 
ainsi,  parce  qu'elle  était  bâlie  eu  arcade  ou 
en  voûte  ,  ap;  elée  p,;r  les  l'.rccs  U-^l;  ,  et  par 
les  Latins  absi.i.  Dans  ce  sens,  le  mot«/'sis  se 
prend  aussi  pour  le  presliytère,  par  opposi- 
tion à  la  nef,  ou  's  la  partie  de  l'église  où  se 
tenait  le  peuple;  ce  qui  re\ieiitàce  ([uc 
nous  appelons  chœur  cl  icirrluaire.  —  L'o;)- 
sis  élail  bâlie  en  figure  hémisphérique,  el 
consislail  en  deux  parties,  l'autei  ou  sanc- 
tuaire, el  le  presbyière.  Dans  celle  dernière 
partie  éfaienl  contenues  les  stalles  ou  places 
du  clergé,  el  enire  antres  le  trône  de  l'évc- 
quo,  qui  élait  p'acé  au  milieu  ou  dans  la  par- 
tie la  plus  éloignée  de  l'autel.  L'aulel  élail  à 
l'autre  eitrérailé  vers  la  nef,  dont  ii  élail 
séparé  par  une  grille  ou  balasirade  à  jour. 
11  é'ail  sur  une  estrade,  et  sur  l'autel  était  le 
ciboire  ou  la  coupe,  sous  une  espèce  de  pa- 
villon ou  de  dais.  Voy.  Cordemov,  Mém.  de 
Trév..  juillet  1710,  p.  12G8  el  suiv.  ;  Fleury, 
Mœurs  des  Chu''.,  lit.  xxxv. 

Ou  faisait  plusieurs  cérémonies  à  l'enlréo 
ou  sous  l'arcade  de  ïapsis ,  comu»e  d'impo- 
ser les  mains,  de  revélir  de  sacs  et  de  cilices 
les  péniienis  publics.  Il  est  aussi  souveni  fait 
mentiiiu  dans  les  anciens  munumeiits,  des 
corps  des  s:iiils  (|ui  éiaieut  dans  l'rt;)*!*.  C'é- 
laieiii  les  coi  ps  des  saiiiis  évéques  ou  d'au- 
tres sainis,  qu'on  y  transporlail  avec  grande 
solennité.  Synod.  tu  Carth.,  can,  32,  Spel- 
man. 

Le  Irôiie  de  l'évéquc  s'appclàit  ancienne- 
ment apsis,  d'où  quelques-uns  ont  cru  ((u'il 
avait  diiniié  ce  nom  à  la  partie  de  la  basili- 
que dans  laquelle  il  élait  situé  ;  n)ais  selon 
d'auli-es,  il  l'avait  emprunté  de  ce  même  lieu. 
Ou  l'appelait  encore  apsis  (jrndala ,  parce 
qu'il  était  élevé  de  quelques  degrés  au-dessus 
des  sièges  des  prêt: es;  ensuite  on  le  nomma 
exhnirn,  pui^  Irônc  cl  tribune. 

Apsts  elait  aussi  le  nom  d'un  reliquaire 
ou  d'une  châsse,  où  l'on  renfermait  ancien- 
ueiueni  les  ri'liques  des  saints,  et  ()u'ou  nom- 
mait ainsi,  parce  que;  les  reliquaires  éaient 
faits  eu  arcade  ou  en  voûlc  ;  peut-être  aussi 
à  cause  de  Vnjisi.'i  où  ils  élaicnt  placés  ;  d'où 
les  Latins  onl  form,' co/J.'n,  pour  exprimer  la 
même  chose.  Ces  r;'liquaii'es  élaienl  de  bois, 
qiieliiuefois  d'or,  d'argent  ou  d'auires  ma- 
tières precicusi's,  avec  des  reliefs  et  d'autres 
orncmënis  ;  on  les  plaçait  sur  l'aulel,  qui, 
coiiiii  c  nous  l'avons  dil,  faisait  partie  de 
Vapsis,  qu'on  a  aussi  nommé  queliiuefnis  lo 
chevet  de  ri'giise,et  (hjiit  le  fond,  pour  l'or- 
dinaire,élail  tourné  a  l'orient.  Voy.  Ducange, 
IJescript.  S.  Sopliiœ  ;  Spelman  ;  t'Ieury,  loc. 
cit. 

AOUARÎENS.   Voy.  Encratites. 

A(Jl  II.A,  auieur  d'une  version  de  la  Bible. 
Voy.  Vkiision. 

Àll.\M>;  [Version).  Voy.  PinLi;. 

AKAIIIIv.  Saint  Paul  nous  apprend  lui- 
même  (  llidat.  1,17  et  suiv.  ',  qu'imujédialc- 
ment  après  sa  conversion,  il  alla  prêcher  eu 
Arabie,  cl  qu'il  y  dcuieurd  liois  ans.  On  ne 


5^1  ARA 

peut  pas dooler qu'il  n'y  aitf.tit  des  conver- 
isions  et  fondé  une  r'"glise.  P.irmi  ceux  qui 
fareni  témoins  de  la  d^^sccnle  du  Saint-Esprit 
sur  lo8  apôtres  à  Jéru'^alcni,  le  jour  de  la 
PentPcAle.il  y  avait  des  Juifs  de  V.iralne  {Act. 
11,11).  Los  interpr('tf>s  de  l'Iù-riture  niit  ob- 
seryé  qtie  la  conversion  «les  Aratx's  avait  été 
piédilo  par  Isaïe,  rliap.  xi ,  \\,  où  il  est  dit 
qiii'  le  peuple  du  Seistneur  emportera  les  dé- 
pouilles des  enfants  de  l'Orient  ;  el  ehap.  \l.li, 
V.  H,  le  prophète  dit  (ine  les  habitants  de 
Pétra,  ville  d'Arabie,  élèveront  la  voix  du 
sommet  de  lenrs  montagnes,  el  rendront 
gloire  à  Dieu.  En  erfo'.les  doux  évécliés  prin- 
cipaux de  l'.lroôf'e  ont  été  Bostres  et  Tcira; 
mais  il  v  en  avait  plusieurs  autres,  et  l'on 
trouve  les  noms  de  leurs  évéques  dans  les 
souscriptions  des  conciles. 

On  ne  peut  pas  douter  que  les  Arabes  ne 
soient  la  postérité  d'ismael;  i's  se  font  en- 
core gloire  aujourd'hui  de  descendre  d'.\bra- 
ham.  C'est  le  pli;s  ancien  peuple  du  monde  ; 
ils  n'ont  jamais  été  chassés  de  leur  pays;  ils 
ont  toujours  subsisté  depuis  bur  premier 
établissement;  ils  n'ont  eliangé  ni  leur  lan- 
gage ni  leurs  mœurs,  parce  qu'ils  ne  se  sont 
mêlés  avec  aucune  autre  nation.  Aussi  con- 
servent-ils encoriMe  caractère  et  les  mœurs 
de  leur  père  Ismacl;  l'ange  ilu  Seigneur,  eu 
annonçant  sa  naissance,  dit  à  sa  mère  Ag;ir  : 
Ce  lira  un  homme  sauvage,  sa  main  sera  levée 
conlre  tous,  el  la  main  de  tuu^  sera  contre 
lui  ;  il  dressera  ses  lentes  sons  les  yeux  de 
/les  frères  {Gen.xvi,  IV).  Vainement  les  Egyp- 
tiens, les  Grecs,  les  Uon>ains,  les  Turcs,  ont 
voulu  subjuguer  les  Arabes,  ils  n'y  ont  pas 
réussi  pour  longtemps.  Ce  peuple  se  m.iiu- 
lieiit  dans  l'indépendance,  el  préfère  la  libellé 
à  toutes  les  commodités  des  nations  policées. 
Depuis  près  de(iiiatre  mille  ans,  il  est  tou- 
jours le  mê  '  e.  Un  homme  très-sensé,  qui  l'a 
vil  (le  près,  dit  que  chez  un  Arabe  il  croyait 
eniore  être  dans  la  tente  d'Abrihain  ou  de 
Jacob.  Ceux  du  désert  Curent  converlis  vers 
l'an  373  par  les  moines  qui  habitaient  dans 
leur  volsin.ige.  Tbéodorel,  1.  iv,c.23;So- 
2om.,  I.  VI,  c.  38.  Ceux  de  VArnbie  heureuse 
le  furent  sous  l'empire  de  Constance  par  uii 
évéijae  arien.  Ce  peuple  est  accusé  par  les 
anciens  d'avoir  immolé  des  victimes  humai- 
nes ;  mais  on  peulri'procher  cette  barbarie  à 
un  grand  nombre  d'autres  nations. 

Nos  voyageurs  les  plus  moJenies  nons 
avertissent  qu'il  n'est  pas  vrai  que  les  Arabes 
en  général,  même  ceu\  que  l'on  nomme  lié- 
duuins,  Scé-^dles,  ou  habitants  (it<  désert, 
soient  voleurs,  peifides,  sans  I  >is  el  sans 
mcpurs.  Niébnr,  qui  les  a  vus  en  17(52  et  1763, 
les  peint  tout  différemment  :  il  dit  qu'à  cet 
égard  il  n'a  aucun  reproche  a  faire  contre 
eux.  M.  de  l'ag  s,  qui  it-s  a  visités  peu  de 
temps  après,  en  parle  de  même.  Yoijages  au- 
tour du  monde,  lom.  I,  pag.  307.  Les  Arabes, 
dit-il,  ne  se  volent  jama  s  entre  eux,  et  vi- 
vent Irès-soeiaidement  ;  mais  une  tribu  est 
souvent  en  guerre  avec  une  autre  tribu,  et 
alors  les  hostilités  sont  réciproques.  Ils  ne  vo- 
lent qaedans  le  désert  el  rassemblés  en  corps 


ARA 


-..i-23 


de  nation  ;  parce  que,  selon  l'ancien  p-,  éjugé, 
ils  regarilenttouté  ranger  inconnu  comme  un 
ennemi,  à  moins  qu'ils  n'aient  fait  une  con- 
vention avec  lui,  et  qu'il  ne  leur  ait  payé  une 
espèce  de  tribut,  ou  qu'il  ne  soit  piotégé  par 
l'un  d'entre  eux;  mai--  quand  on  a  un  Vratie 
pour  sauve  r.iide,  on  ne  risque  rien.  Cotiimo 
ils  se  croient  maître'-  el  sei;;neurs  du  ilésert, 
ils  prelemlenl  qu'un  étranger  n'a  p  as  droil  de 
passer  sur  leurs  terres  sans  leur  permission 
et  sans  leur  payer  un  tribut. 

Un  incrédule  célèbre,  pour  donner  mau- 
vaise opinion  des  Juifs,  a  répété  dix  f  lis  que  , 
dans  l'origine,  c'était  une  horde  d'Ara',  es 
lîédouins.  Quand  ce  fait  ne  serait  pas  évidem- 
ment faux,  il  ne  s'ensuivrait  encore  rien, 
puisque,  selon  le  témoignage  des  voyageurs, 
les  Arabes  liéilouins  ne  ^olll  pas  el  n'ont  ja- 
mais é!c  lels  que  cet  écrivain  a  voulu  '.es  re- 
présenter. —  Mais,  vu  l'altacbemenl  opiniâ- 
tre qu'ils  ont  toujours  conservé  pour  leurs 
anciennes  mœurs,  on  conçoit  qu'il  n'a  pas  été 
ai^éde  les  convertir  au  chrislianisna',  et  qu'il 
a  fallu  pour  cela  un  grand  changement  dans 
leurs  habitudes  et  dans  leurs  idées,  (^-pen- 
dant  l'an  207,  le  christianisme  était  déj;i  flo- 
rissant dans  cette  contrée  ;  Origène  y  fil  trois 
voyages  pour  y  combatirc  dilTérenles  erreurs; 
Bérylle,  évéque  de  Bosties,  l'une  des  prin- 
cipales villes  tii'WAra' le,  enseigna  qu'avant 
l'incarnation  Jésns-Clirist  n'élait  point  une 
personne  subsistante,  qu'il  n'était  Dieu  de- 
puis son  incarnation  que  dans  un  sens  im- 
propre, et  parce  qu'il  parlicipailà  la  diviniié 
du  Pè:e.  Dans  les  conl'érenceS  qu'il  eut  avec 
Origène,  il  abjura  son  erreur,  l'an  2i0.  Eu- 
sèbc,  llisl.  ecclés..  1.  vi,  c.  20  el  33.  Vers  l'an 
2iG,  Origène  retourna  en  Araliie  \)n»r  faire 
conilamner  l'erreur  des  f/ra/)V/i/e,«,  el  ilsetint 
un  concile  à  celle  occasion.  Eusèbe,  ibil.,  c. 
37.  Voy.  l'aitide -uivanl.  L'an  209,  l'cvéïiue 
de  Bnsircs  assista  au  concile  d'.\nlioche.  Ti- 
tus, évêque  de  celle  même  ville  an  iv'  sièele, 
écrivit  un  traité  c  mire  les  manichéens,  qui 
subsiste  encore.  On  conjecture  que  saint  Hip- 
polyte,  qui  vi\ait  au  nr,  était  évéque,  non 
de  Porto  en  lalie,  mais  il'Ailen  en  Arabie, 
que  les  aneiens  nommaient  Purlus  Romanus. 
Voy.  la  note  sur  liusèbe,  I.  vr,  c.  20. 

Le  christianisme  s'est  conservé  dans  cette 
partie  du  monde  jusqu'à  la  naissance  du  ma- 
homclisme,  au  Vi;*  siècle;  alors  il  y  a  été 
entièrement  détruit.  Mais  an  v»  les  neslo- 
riens,  el  ensuite-  les  eutyi-hiens,  y  séduisi- 
rent hcaucKtl  i  do  personnes,  et  i'irrent  maî- 
tres de  jdusîeurs  évêcbés.  Il  n'est  pas  même 
certain  que  V  Arabie  tout  eoiiàic  .lil  jamais 
été  soumise  à  l'Evangile,  puisqu'il  y  avail  des 
idol  lires  lorsque  Maliomel  y  prè(  ha  SeS  er- 
reurs. 

ARABIQUES,  secte  d'héréliqiies  qui  s'éle- 
vèrent en  Arabie  vers  l'an  de  Jésus-Cfïr'<t 
207.  Ils  enseiguaicnl  que  l'àrne  naissa'i  et 
mourait  av(Cle  corps,  miis  flitssi  qu'elle  ré«- 
snscilerait  en  même  (emps  que  le  cor|)s.  Ea-" 
sèhe,  liv.  VI,  cliap.  37,  rapporte  i;u'oii  irrtt  cH 
Arabie  même,  dans  1  -  ni"  siècle,  un  con- 
cile auquel  assista  Origène,  qui  convainquit 
si  clairemonlces  hérétiques  de  leurs  erreurs. 


345  ARC 

qu'ils    les   abjurèrent  et  se  léunireni  à  l'E- 
glise. 

ARBRE  DE  LA  SCIENCE  «lu  bion  cl  du 
mal.  11  (Si  dit  dans  la  Genèse,  c  ii,  v.  9,  que 
Dieu  avuil  planté  au  milieu  du  paradis  Var- 
Ire  delà  science  du  bien  et  du  inaî,  el  qu'il 
défefidil  à  Tbomme  de  manger  de  son  fruil, 
sous  peine  de  la  vie,  vers.  17.  On  demande 
pourquoi  Dieu  ne  voulait  pas  qu'Adam  con- 
nût le  bien  elle  mal,  lommenl  un  fruil  pou- 
yail  donner  cette  connaissance  ;  c'est  une 
ancienne  obji-ction  des  niarcioniles  el  des 
nianicbéens.  Terluil.  adv.  Murcion.,  1.  ii,  c. 
2o;  saint  Augustin  contra  Faustnin,  I.  xxii, 
C.  k.  —  Nous  lisons  dans  l'Ecclésiastique,  c. 
XVII,  V.  5,  que  Dieu  avait  donné  à  nos  pre- 
miers parents  le  don  d'intelligence,  qu'il  leur 
avait  montré  le  bien  el  le  mal.  Sans  celte 
connaissance,  ils  auraient  élé  incapables  de 
pécber.  Mais  Dieu  ne  voulait  pas  ((u'ils  con- 
nussent par  expérience;  la  boule,  les  regrets, 
les  remords  d'avoir  fait  le  mal,  ni  qu'ils  pus- 
sent comparer  ce  sentiment  avec  celuide  l'in- 
nocence. \'oilà  ce  que  le  péché  leur  apprit, 
Pl  il  n'éhiil  pas  néci'ssaire  pour  cela  que  le 
fruit  don!  ils  mangèrenl  eut  la  vrriu  physi- 
que de  faire  connailre  le  bien  el  le  mal.  — 
De  qu<lle  espèce  était  ce  Iruit  funeste  ?  Etait- 
ce  une  piimme,  une  poire,  une  figue,  etc.  ? 
A  ci'tle  iuiporlanle  question,  nous  répondons 
que  Dieu  n'a  pas  trouvé  bon  de  nous  l'ap- 
preiiiire. 

Arbiie  de  vie.  Des  commentaleurs  ,  qui 
avairiil  sans  doute  beaucoup  de  loisir,  ont 
mis  en(iueslioiisi  cet  arbre  était  le  mênieque 
celui  de  la  science  du  bien  el  du  mal.  Il  nous 
parall  que  l'Eciiturc  las  dislingue  très- 
clairement;  elle  dil  «pie  Dieu  avait  pl.icé  au 
milieu  du  [).ir.iilis  Vaibre  de  vie  et  rfir/;re  de 
la  science  du  lien  el  du  mal  {Gcn.  ii,  9).  La 
vertu  qu'av;.ii  le  [ireinier  de  prolonger  la 
vie  él  ail -elle  iiaiu  relie  ou  su  rnalurelle  ?  Celte 
question  est  aussi  intéressante  que  lisfaldes 
forgées  par  les  rabbins  sur  cett  deux  arbres 
merveilleux.  Nous  nous  contenions  de  re- 
marquer que,  selon  Salomon,  la  sagesse  est 
Varbre  de  vie  pour  tous  ceux  qui  l'e.nbras- 
senl  (Prov.  m,  18).  et  queJésus-Chrisi  mou- 
rant sur  la  croix,  en  a  fait  un  arbre  de 
vie  plus  puissant  que  celui  du  paradis.  Voy. 

RtDliVIPTioN. 

AHC-KN-Cll  L.  Ce  qui  en  est  dil  dans  l'Ecri- 
ture sainte  a  semblé  ridicule  à  plusieurs  in- 
crédules. Après  le  déluge,  Dieu  dil  à  Noc  et 
à  sa  familli'  :  //  n'y  aura  plus  désurniais  de 
déluge  qui  désole  lu  Icrre,  cl  voici  le  signe  de 
l'allionce  que  je  fais  avec  vous,  ou  de  la  pro- 
messe iiiic  je  vous  fais.  Je  mettrai  mon  arc 
dans  les  7iues,  cl  lorsque  j'aurai  courerl  le  ciel 
de  nuayes,  mon  auc  //  piiraitra,  el  je  me  soit- 
viendriii  de  la  proNiessr  que  j'ai  faite  de  vous 
conserver  il  ttius  Us  animaux  (Geii.  ix.  11  el 
suiv).  1°  Cela  suppose  ,  disent  nos  critiques, 
que  \'arc-cn-cicl  n'avait  pas  exisié  .ivanl  le 
déluge,  puisque  Dieu  dit,  je  mettrai  mou 
arc  d.ins  les  nues  :  or,  ce  fliéimuiène  a  dû 
paraître  toutes  li  s  lois  qu'il  a  plu  d'un  cà<c, 
pendant  que  le  soleil  luisait  de  l'aulre  ;  il 
iCcii  doue  pa»  probable  que  Noé  cl  sa  fa- 


ARC 


344 


mille  n'eussent  jamais  vu  Vare-en-ciel.  2* 
Il  est  ridicule  de  donner  le  signe  de  la  pluie 
pour  sûreté  qu'il  n'y  aura  plus  d'inondation, 
el  que  l'on  ne  sera  pas  noyé  ;  cela  prouve 
que  l'auteur  de  celle  histoire  était  très-mau- 
vais physicien. 

Réponse.  Cela  prouve  plutôt  que  les  cen- 
seurs de  cet  historien  sont  téméraires.  1° 
Comme  les  verbes  hébreux  ne  sonl  que  des 
participes  indéterminés  ,  pour  traduire  à  la 
lettre  ,  il  faudrait  dire:  Me  voilà  mettanl  mon 
arc  dans  1rs  nues,  el  cela  signifie  cgalemenl/e 
mets,  j'ai  mis  oujemeltrai.  -l"  Eu  laissant  le  ver- 
be au  futur  il  ne  s'ensuit  pas  encore  que  l'arc-m- 
ciel  n'avait  pas  élé  vu  avant  le  déluge,  mais 
qu'il  n'avait  pas  clé  vu  pendant  le  déluge ,  et 
qu'il  allait  reparaître  de  nouveau.  3'  En  effet, 
Yarc-en-ciel  ne  peut  avoir  lieu  lorsque  les  nuées 
sonl  Irès-épaisses,  et  chargées  de  beaucoup 
d'eau  ,  comme  cela  dut  être  pendant  le  délu- 
ge ;  on  ne  peut  donc  le  voir  que  quand  les 
nuages  sont  assez  légers  el  assez  interrom- 
pus pour  que  le  soleil  puisse  darder  ses 
rayons  au  travers.  Donc  toutes  les  fois  que 
\'arc-en-ciel  paraît,  c'est  un  signe  certain 
qu'il  ne  tombera  pas  assez  de  pluie  pour  cau- 
ser une  inondaiion  générale;  ce  signe  était 
donc  très-propre  à  rassurer  Noéet  ses  enfants 
contre  la  crainte  d'un  nouveau  déluge. 

Le  terme  d'alliance,  dont  se  sert  l'écrivain 
sacié,  a  encore  ému  la  bile  d'un  philosophe. 
0  En  quoi  consiste  donc,  dit-il,  celle  alliance 
que  Dieu  a  faite  avec  l'honime  el  avec  les 
animaux?  quelle.i  ont  élé  les  conditions  du 
traité?  Que  tous  les  animaux  se  dévoreraient 
les  uns  les  autres,  qu'ils  se  nourriraient  de 
noire  sang  el  nous  du  leur  ;  qu'après  les 
avoir    mangés,    nous    nous    exterminerions 

avec   rage S'il   y  avait   jamais  eu  un    tel 

pacte,  il  aurait  été  lait  avec  le  diable.»  —  Le 
ridicule  de  celle  tirade  est  poussé  à  l'excès  ; 
ce  philosophe  ne  savaii  pas  que  le  même 
terme  eu  hébreu  signifie  alliance  el  promesse 
Qu'est-ce,  en  effet,  qu'une  alliance,  sinon 
une  promesse  réciproque  ?  Toute  promesse 
emporte  l'obligation  de  fidélité  d'un  côlé,  de 
confiance  et  d'obéissame  de  l'autre.  Or,  Dieu 
promet  de  ne  plus  désoler  la  terre,  de  ne 
plus  exterminer  la  race  des  hommes  ni  des 
animaux  par  un  déluge  universel  ;  il  dit  : 
Tant  que  durera  la  terre,  les  semailles  et  la 
7noisson,  le  chawl  el  le  froid,  l'été  et  l'hiver, 
le  jour  et  la  nuit  se  succéderont  constamment 
[Gen.  vin,  22j.  Celle  promesse  devait  donc 
engager  Noé  à  cultiver  la  terre  el  à  nourrii 
des  animaux,  sans  craindre  d'être  frustré  du 
fruit  de  ses  travaux. 

Quoique  les  animaux  féroces  el  carnas- 
sieis  dévorent  les  antres,  quiiii]ue  les  hom- 
mes en  délruisent  beaucoup  pour  se  nourrir, 
cependant  les  espèces  utiles  ne  laissent  pas 
de  se  conserver  el  de  multiplier;  Dieu  leur 
a  donné  une  fécondité  relative  à  la  consom- 
malioii  qui  s'en  fait.  Ma  gré  les  déranue- 
menls  passagers  des  saisons,  les  orages,  les 
stérilités,  la  terre  continue  depuis  le  déluge 
à  fournir  la  subsistance  à  ses  habitants, queU 
que  nombreux  qu'ils  soient  ;  les  lauiiues  ne 
sont  que  locales  el  passagères.  A  laçsur» 


Si  5 


ARC 


ARC 


346 


qae  la  population  auf;menle,  on  Ironve  le 
moypn  de  rendre  fertiles  des  termins  qui 
partiissent  Inc.ipaliles  de  faire  aucune  jiro- 
duction,  elc.  Tons  ces  plicuoinèues  soni  as- 
sez beaux  pour  mériter  l'aUentiDn  des  philo- 
sophes, el  assez  merveilleux  pour  nue  l'.iu- 
teur  snrré  ail  eu  raison  de  les  allribuer  à  la 
bénéilir.iion  de  Dieu  Id'en.  i\,  1). 

AHCHANGI<;,  substance  inlelligenle  ou  an- 
ge du  second  ordre  de  la  hiérarchie'  céleste. 
Voy.  Ange  et  HiicRAiicniE.  On  appelle  ces 
esprits  archanges,  parce  qu'ils  sout  au-des- 
sus des  ang  s  du  dernier  nrilre,  du  mot  «rec 
àp'/_ri,  principalement,  t'l^'l'v.yyù.'>;,anQe  :  saint 
Michel  est  considéré  comme  le  prince  des  an- 
ges, el  on  l'appelle  onlinairemenl  ['archange 
saint  Michel. 

AKCHli  D'ALLIANCE  ,  coffre  d'un  bois 
incorrupiihie  et  revêtu  de  lames  d'or,  que 
Moïse  avait  lait  construire  par  ordre  de  Dieu; 
dans  lequel  il  avait  renferme  les  deux  tables 
de  la  loi,  un  vase  rempli  de  manne,  el  la 
ver^e  d'Aaron,  qui  av,;it  fleuri  dans  le  ta- 
bernacle. C'étaii  nt  là  incontcsiabhîmcnt  les 
objets  les  plus  respectables  de  la  religion 
juive.  Ce  coffre  était  nommé  arche  d'alliance, 
parce  que  la  loi  qu'il  renfertnail  était  le  ti- 
tre de  Vaillance  que  Dieu  avait  contractée 
avec  son  peuple  ;  il  fut  placé  derrière  un 
Toile  dans  le  sanctuaire  du  tabernacle.  —  Le 
couvercle  de  ce  coffre  était  nommé  propi- 
tiatoire; il  était  surmonté  de  deux  chérubins 
d'or,  dont  les  ailes  étendues  formaient  une 
espèce  de  siège,  qui  était  censé  le  trdne  de 
la  majesté  divine.  Les  deux  côtéa  les  plus 
longs  étaient  armés  chacun  de  deux  anneaux 
d'or,  dans  lesquels  on  glissait  deux  bâtons 
dorés,  qui  servaient  à  transporter  Yarche, 
Deux  sanriOcateurs  ou  deux  lévites  la  por~ 
talent  sur  leurs  épaules,  comme  l'on  porte 
aujourd'hui  dans  les  processions  les  châsses 
des  reliques  des  saints  ;  ce  soin  fut  particu- 
lièrement confié  aux  descendants  de  Caath, 
fils  de  Lévi. 

L'arche,  construite  au  pied  du  mont  Sinaï 
l'an  du  monde  251'i.,  voyagea  pendant  qua- 
rante ans  dans  le  désert  avec  Moïse  et  Josué. 
Après  le  passage  du  Jourdain,  elle  fut  placée 
à  Galgal  dans  la  Palestine,  et  y  resta  environ 
sept  ans  ;  de  là  elle  fut  transportée  avec  le 
tabernacle  à  Silo,  où  elle  demeura  trois  cents 
vingt-huit  ans.  L'an  2888,  les  Israélites  l'en 
tirèrent  pour  la  |)orter  dans  leur  camp.  Dieu 
permit  qu'elle  fût  prise  par  les  Philistins, 
chez  lesquels  elle  demeura  sept  mois  ;  par 
les  (léaux  dont  Dieu  les  afiligea,  ils  furent  for- 
cé» de  la  renvoyer  à  Bethsaniès  :  quelques 
Bethsamistes  ayant  voulu,  par  curiosité,  voir 
ce  ([u'elle  renfermait  ,  furent  frappés  de 
mort.  De  là  elle  fut  conduite  à  Cariathiarim, 
et  placée  sur  la  partie  la  plus  élevée  de  la 
ville  de  Gabaa,  dans  la  maison  d'Aminadah. 
où  elle  resta  soixante-dix  ans.  David  l'en  tira 
l'an  du  Hionde  29o9  •  dans  le  transport,  Oza 
avant  voulu  y  porter  la  main  pour  la  soute- 
nir, fut  frap|)é  de  mort.  David  effrayé  n'osa 
la  conduire  chez  lui,  il  la  lit  déposer  dans  la 
niaison  d'Ubtdedoui.  Trois  mois  après,  il  la 
transféra  dans  son   palais  sur  le   mont  de 


Slon  ;  elle  y  resta  quarante-deux  ans,  jus- 
qu'à ce  que  Salomon  la  fit  placer  dans  le 
saniluaire  <ln  (temple  qu'il  venait  de  bâtir; 
elle  y  fut  environ  quatre  cents  ans,  jusqu'au 
siège  de  Jérusalem  par  Nahuchodonosor. 
Pendant  ce  siège,  Jéréinie  la  fit  cacher  dans 
un  souterrain,  afin  qu'elle  ne  tombât  pas  en- 
tre les  mains  des  Chiildéens  ;  après  leur  re- 
traite, il  la  fit  transporter  dans  une  caverne 
du  mont  Nébo,  siiuée  an  delà  du  Jourdain, 
et  célèbre  pir  la  sépuliure  de  Moïse,  et  eu 
ferma  l'entrée.  Il  ne  paraît  pas  par  l'histoire 
qu'elle  en  ait  jamais  été  tirée;  les  Juifs  ont 
toujours  été  persuadés  qu'elle  n'était  pas 
dans  le  second  temple  bâti  par  Zorobabel. 
Fiiy.  I.  11.  Machiib  ,  c.  ii.  Voy.  dans  les 
planches  de  ['Histoire  ancienne  la  figure  de 
['arche  d'alliance.  Dans  la  bible  d'Avignon, 
t.  \ll,  p.  523,  il  y  a  une  liissertalion  ou  l'on 
examine  si  cette  arche  fut  cachée  jiar  Jéré- 
niie,  et  si  un  jour  elle  doit  reparaître. 

Les  juifs  modernes  ont  dans  leurs  synago- 
gues une  espèce  d'arche  ou  d'armoire  dans  la- 
quelle Ils  ren'érment  leurs  livres  sacrés,  à  l'i- 
mitaiioiide  Varche  d'alliance;  ils  la  nomment 
Aron.  l'erlullien  en  parle  déjà  ,  et  la  nomme 
urmarium  jndaicum  ;  de  là  l'expression,  met- 
tre dans  l'armoire  de  la  synagogue,  pour  dire 
vtetire  au  nombre  des  livres  canonit/ues. 

Aiicniî  DE  'Soi:,  sorte  de  vaisseau  ou  de 
bâtiment  fiottanl  qui  fut  construit  par  iVorf, 
afin  de  préserver  du  déluge  sa  famille  et  les 
différentes  espèces  d'animaux  que  Dieu  avait 
ordonné   à  ce   patriarche  d'y  faire  entrer. 

VoiJ.  DÉLLGl^. 

Les  critiques  ont  fait  beaucoup  de  recher- 
ches et  imaginé  différents  systèmes  sur  la 
forme,  la  grandeur,  la  capacité  de  ['arche  de 
Noé,  sur  les  matériaux  employés  à  sa  cons- 
truction, sur  le  temps  qu'il  fallut  pour  la 
bâtir,  sur  le  lieu  où  elle  s'arrêta  lorsque  les 
eaux  du  déluge  se  retirèrent,  elc.  Nous  par- 
courrons tous  ces  points  le  plus  brièvement 
qu'il  nous  sera  possible. 

1'  On  croit  que  Noé  employa  cent  ans  à  bâ- 
tia  Varche:  savoir,  depuis  l'an  du  monde 
15o5  jusqu'en  lt)56,  temps  auquel  arriva  le 
dèlujte.  C'est  l'opinion  d'Origène,  liv.  iv  con- 
tre Celse  ;  de  saint  Augustin,  de  Civitale  Dei, 
lib.  XV,  c.  27;  conlra  Faust.,  lib.  xii  ,  c.  18, 
Quœst.  in  Gènes.,  n.  5  el  23  ;  de  ilupert,  sur 
la  Genèse,  liv.  iv,  c.  22.  Ils  ont  été  suivis  par 
Salien  ,  Sponde,  Le  Pelletier,  etc.  D'autres  in- 
terprètes prolongent  ce  terme  jusqu'à  six 
vingts  ans.  Bérose  assure  que  ^o^  ne  com- 
mença à  bâtir  Varche  que  soixanle-dix-huil 
ans  avant  le  déluge  ;  un  rabbin  n'en  compte 
que  cinquante-deux  ;  les  mahométans  ne 
donnent  à  ce  patriarche  que  deux  ans  pour 
la  construire.  Par  le  texte  de  la  Genèse,  il 
est  certain  d'un  côlé  que  le  déluge  arriva 
l'an  six  cenl  de  Noé,  de  l'autre,  qu'il  était 
âge  de  cinq  cents  ans  lorsqu'il  eut  Sem,  Chatn 
et  Japhet;  d'où  il  s'ensuit  que  l'oiiinion  de 
Bérose  paraît  la  plus  probable.  En  effet,  se- 
lon le  père  Fournier,  dans  son  Hydrographie, 
et  selon  le  sentiment  des  Pères,  Nué  lut  aidé 
dans  son  travail  par  ses  trois  fils  :  ces  quatre 
persouae»  suffirent   pour  le  finir;  puisque 


S47 


ARC 


Ane 


34< 


Arcliiai  ne  Corinihe,  avec  le  secours  de  IroiS 
cents  ouvriers,  consiruisit  en  un  an  le  E;rand 
vaisseau  (i'Uiéroii,  roi  de  Syracuse. —  Quand 
on  supposerait  l'acc/fe  ii'aucoup  plus  grumie, 
et  liâtic.  eu  soixanlc-ilix-huil  ans,  il  taudrail 
faire  atletilion  au\  forces  des  Immmes  du 
lircuiier  âge  du  monde,  qui  oui  toujours  été 
reftardes  couiui  ■  tieaucoup  plus  iot)ustes  que 
ceux  des  leuip!!  posiérieurs.  Par  ces  ré- 
flexions, l'on  peut  répond  e  aux  objectons 
de  ceux  qui  préteiulenl  que  l'aîné  des  enfauls 
di»  \né  ne  naquit  qu'environ  le  teuip*  auquel 
Varclie  fui  idiniuencée,  que  li-  plus  jeune  ne 
vint  au  inonde  que  lorsque  l'ouvrage  était 
déjà  fort  avancé,  qu'il  se  passa  par  consé- 
quent un  temps  considéiable  avant  (ju'ils 
fussent  eu  état  de  rendre  servii;e  à  leur 
père.  Ou  déiruit  également  ce  que  d'aulres 
objectent,  qu'il  esi  im|>ossible  (lue  trois  nu 
quatre  lio  )imes  aient  suffi  pour  construire 
un  tiàtiment  auquel  il  fall.iil  employer  une 
prodigi  use  quanliié  d'arures,  et  un  nombre 
iulini  de  bras  pour  les  façonner.  Que  sait- 
on  d'ailleurs  si  Noé  ne  se  fil  pas  aider  par 
des  ouvriers  ? 

2*  Li'  bois  qui  servit  à  bâtir  l'arc/ie  est  ap- 
pelé dans  l'Eciiture  hetsé  rjopher,  que  les 
Septante  traduisent  par  bois  eqnarri;  Onkc- 
los  et  Jonathan,  bois  de  cèdre  ;  saint  Jérô- 
me, b::is  taillé  on  poli,  et  ailleurs,  bois  tjou- 
dronné,  ou  enduit  de  biluine  ;  Kimchi  dit  que 
c'était  un  bois  léger  ;  Valable,  un  buis  qui 
demeure  dans  l'eau  sans  se  corrompre  ;  Ju- 
nius,  Treniellius  et  Buxtord,  une  espèce  de 
cèdre  appelé  par  les  Grecs  •AE^^ù.à.-zn.  -M.  Le 
Pelletier  de  Rouen  pense  de  même,  parce  (]uc 
ce  bois  incorruptible  esl  Irès-comuiun  dans 
l'Asie.  Selon  Hérodote  et  Arislopbane,  les 
rois  d'Rgyple  et  de  Syrie  employaient  le  cè- 
dre au  lieu  de  sapin  à  la  cou^lruclion  de 
leurs  Hottes  ;  mais  on  ne  doit  pasfiirc  beau- 
coup de  fond  sur  la  tradition  reçue  dans 
tout  l'Orient,  qui  veut  que  Varche  se  soit 
conservée  jusi)u'à  présent  tout  entière  sur  le 
mont  Ararat.  —  Bocbart  soutient  que  (jopher 
est  le  Cjjprès  ,  parce  que  dans  l'Arménie  et 
dans  l'Assyrie,  où  probablciueul  Varche  fut 
construite,  il  n'y  a  que  le  cyiirês  qui  soil 
propre  à  consiruirc  un  long  vaisseau  tel  que 
Varche.  Arrien,  liv.  vu,  el  Strahon,  liv.  svi, 
racontent  qu'Alexandre  voulant  faire  cons- 
truire une  flotte  dans  la  Babylunie,  fut  obli- 
gé de  faire  venir  des  cyprès  d'Assyrie.  Or,  il 
n'est  pas  vraiscmblible  que  iVoe  avec  ses  en- 
fants, ohii^'és  de  faire  un  vaisseau  si  vasie 
en  si  peu  dt!  temps,  aient  encore  élé  dans  la 
nécessité  de  tirer  de  loin  les  bois  de  cousiruc- 
tion.  -  D'aulres  enfin  croient  (ju.-  l'Iiébreu 
guplnr  signifie  en  jjcnéral  des  bois  gras  el 
résineux,  comme  le  pin,  le  sapin,  le  terébin- 
Ihe.  Ou  ne  doit  faire  aucune  atteniion 
aux  fables  que  les  nialiuinélans  ont  forgées  à 
ce  sujet. 

o"  >elon  iMo'i'se  ,  l'i/rr/ie  avait  trois  cents 
coudées  de  long,  cinquante  de  largo,  et  trente 
de  hauteur.  l'Iusicurs  critii)ues  ont  prétendu 
que  ces  mesutes  ne  doiinaicnl  pas  une  cajja- 
cité  suffi.iaiilepourconlenir  tous  les  animaux 
Cl  les  proyisious  qucrorc/iç  dcvail  renfermer. 


Célse  .s'en  est  moqué,  el  a  nommé  ce  bâli- 
nient  Varche  â'ahs-irdité.  —  Pour  résoudre 
c<  tte  difficulté, les  Pères  el  les  commentateurs 
ont  rechercbé  qufile  était  la  grandeur  de  la 
couilée  dont  Moïse  a  parlé.  Origène,  saint 
Augustin  cl  d'autres  ont  pi'usé  qu'il  était 
question  des  coudées  géométriquesiles  R-^yp- 
liens,  qui  contenaient, selon  eix,  six  coudées 
vulgaires  ou  neuf  pieds.  Mais  on  ne  voit  pas 
que  ces  comlées  aient  été  en  usage  cbez  les 
Hébreux.  Dans  cette  supposition,  Varche  au- 
rait eu  27i)0  pieds  de  lonsiueur;  ce  qui,  joint 
aux  autres  dimensions,  lui  eût  donné  une  ca- 
p;iciié énorme  el  superflue.  Quebjues-uus  ont 
dit  iiue  les  hommes  d'alors  étant  plus  grands 
que  ceux  d'aujourd'hui ,  !''ur  coudée  était 
aussi  plus  longue;  mais  par  la  niême  raison, 
les  animaux  devaient  être  aussi  plus  grands 
el  occuper  plus  de  place.  —  D'aulres  suppo- 
sent que  Moïse  p.irlede  la  coudée  sacrée  qui 
était  de  la  largeur  de  la  uiain  plus  grande 
que  la  coudée  ordinaire  ;  mais  il  ne  parait 
pas  que  celte  mesure  ait  été  employée  ailleurs 
que  dans  les  édifices  sacrés  comme  étaient 
le  temple  et  le  tabernacle,  —  Buteo  el  le 
P.  Kircher  paraissent  avoir  mieux  rencon- 
tré, en  supposant  la  coudée  de  la  lo  gueur 
d'un  p'cd  et  demi.  Ils  prouvent  géométrique- 
ment qu'avec  celle  mesure  Varche  était  irës- 
sulfisanle  pour  renfermer  tous  les  ani  iiaux 
et  toutes  les  pro\isions  nécessaires  pour  les 
nourrir  pendant  un  an.  Ou  est  encore  moins 
gôné,  à  cet  égard,  dans  le  sentiment  de  MM.  Le 
Pelletier,  Graves,  Cumberland  et  Newton, 
qui  donnent  à  l'ancienne  coudée  hét»ra'i(iuo 
la  inénte  longurur  qu'a  l'ancienne  coudée  de 
Mempbis,  c'est-à-dire  envirnn  vingt  pouces 
et  demi,  mesure  de  Paris.  —  Snellius  a  pré- 
tendu que  Vurche  avait  plus  d'un  arpent  et 
demi  de  superficie  ;  Cunéus  el  Budcc  n'ont 
pas  calculé  de  même  ;  Arbnllinil  compte 
qu'elle  avait  quarante  fois  huit  mille  cent 
soixante-deux  pieds  cubiques  de  capacité. 
Le  père  Lami  juge  qu'elle  était  de  cent  dix 
pieds  plus  longue  que  l'église  de  Sainl-Merry  à 
Paris,  el  de  soixante-quatre  pieds  plus  étroite. 
Son  traducteur  anglais  ajoute  qu'elle  était 
plus  longue  que  nel  est  l'églisede  Saint-Paul  à 
Londres  de  l'est  à  louest,  et  qu'elle  avait 
soixante-quatre  pieds  de  liautcuf  selon  la 
mesure  anglaise. 

k"  Outre  les  huit  personnes  qui  compo- 
saient la  famille  de  I^oé,  l'arc/ie  contenait  une 
paire  de  chaque  espèce  d'animaux  impurs, 
el  sept  d'animaux  purs,  avec  leur  provision 
d'aliments  |iour  un  an.  Au  premier  coup 
d'œil,  cela  peut  paraître  impossible  ;  mais 
quand  on  en  vient  au  calcul,  on  trouve  que 
le  nombre  des  animaux  n'est  pas  si  grand 
qu'on  se  l'était  d'abor<l  imaginé.  Nous  ne  con- 
naissons guère  que  cent  ou  tout  au  plus  cent 
trente  espèces  de  quadrupèdes,  environ  autant 
d'oiseaux,  et(|uaranle  espèces  de  ceux  qui  vi- 
vent dans  l'eau.  Les  naturalistes  comptent 
ordinairement  cent  soixante  et  dix  espèces 
d'oiseaux  eu  tout.  Wilkins,  évé(iue  <\\'  Clies- 
ter,  prétend  qu'il  n'y  avait  que  soixante  et 
douze  espèces  de  quadrupèdes  qui  lussent 
néccssaircmenl  dans  Varche. 


349 


ARC 


ARC 


S50 


5"  Suivant  ladescripiion  que  Moïse  fait  de 
cet  éilificp,  il  parait  ini'il  était  sôparé  en  trois 
ola^os,  qui  avaient  chacun  dix  coudées  ou 
quinze  picdsdc  liaulrur.  Prnlialtlcinenl  l'é!ap;e 
le  plus  bisélail  occupé  par  le»  quadrupèdes 
cl  par  les  replilcs,  celui  du  milieu  par  les  pro- 
visions ,  celui  d'eu  liant  par  les  oiseaux, 
par  Noé  et  par  sa  l'aniille  ;  chaque  étage 
devait  éire  divisé  en  plusieurs  loj;es.  l'Iiilon, 
Jdsèpiie  cl  d'aiilre<  cointneiitalcurs ,  iinagi- 
iienl  encore  un  quatrième  éla<;e  sous  les  au- 
tres, qui  ct;iil  connue  le  l'oud  d;'  cale  du 
vaisseau,  qui  conlenail  le  lest  et  les  excré- 
ini'U's  des  aniiuaux.  —  Drexélius  pense  que 
Varclie  était  divisée  en  trois  cents  loges  ou 
appirlemenls  ;  le  P.  Fournier  en  compte 
trois  cent  vinjçi-trois;  l'auteur  des  Ques- 
tions sur  la  (îen'se,  qua're  cents.  IJiidi-e, 
Arias,  Monlanus,  M'ilkins,  le  P.  Lami,  sup- 
piisenl  aulai\l  di'  loges  (|n'il  y  avait  <respè- 
ces  iraniuiaux.  M.  Le  l'ellclier  et  B.)teo  en 
metlcni  hi'aucoup  moins,  parce  que,  si  on 
les  mnllipli  lit  trop,  chaïune  des  huit  per- 
sonnes qui  étaient  dans  Vorche  aurait  eu 
quar.inie  ou  çimiuanle  logos  à  pourvoir  et  à 
heltoyer  par  jour;  ce()ui  est  impossilile.  — 
Peiil-élre  y  a  i-il  autant  de  diflicnlté  à  dimi- 
nuer le  nombre  des  loges,  à  moins  qu'un  ne 
dimiliue  le  nombre  des  animaux;  il  parait 
plus  difficile  de  prendre  soin  de  trois  cents 
animaux  dans  soixante-douze  loges  que  s'ils 
occupaient  chacun  la  leur. 

Budée  a  calculé  que  tous  les  animaux  ren- 
fermés dans  Varche  ne  devaient  pas  tenir 
plus  de  place  que  cinq  cents  chevaux  ou 
Cliiquanle-six  paires  de  hœufs.  L  •  P.  I.auii 
porte  ce  nombre  à  soixante  (jualre  paires, 
ou  cent  vingt-huit  bœufs.  Selon  lui,  en  sup- 
pnsanl  que  deux  chevaux  ne  liensicnt  pas 
plus  de  place  qu'un  hcruf,  si  l'arc Ae  a  eu  de 
l'espace  pour  doux  cent  cinquante-six  che- 
vaux, elle  a  pu  conlenir  tous  les  anitnaux  : 
il  déuionire  qu'un  seul  étage  pouvait  conte- 
nir cinq  cents  chevaux,  en  comptant  neuf 
pieds  cinés  pour  un  cheval. 

Quant  à  ce  qui  regarde  les  aliments  con- 
tenus dans  11-  second  étage,  IJudée  a  obser- 
vé que  trente  ou  quarante  livres  de  loin  suf- 
fiseiil  oïdinairement  à  un  bœuf  pour  sa 
nourriture  journalière  ,  et  ((u'une  coudée 
soliile  de  foin,  pressée  comme  elle  est  dans 
les  greniers  ou  magasins,  pèse  environ  qua- 
rante livres.  Or,  il  parait  que  le  second  éta- 
ge avait  cent  ciiiiiuaule  mille  coudées  cubes. 
Si  on  les  divise  entre  deux  cent  six  bœufs, 
il  y  auia  deux  tiers  di-  loin  plus  qu'ils  n'eu 
pourront  manger  dans  un  an.  —  Selon  le 
calcul  de  AVilliinS;  tous  les  animaux  car- 
nassirssont  équivalents,  po;ir  leur  volume 
et  pour  leur  nourriture,  à  vingt-sept  loups, 
cl  tous  les  autres  à  deux  cent  huit  bœufs. 
Pour  la  nourriture  des  premiers,  il  met  mille 
huit  cent  vingt-cinq  brebis,  et  pour  c  Uo 
des  seconds,  cent  neuf  mille  cinq  cents  cou- 
dées de  foin:  or,  les  deux  premiers  étages 
étaient  plus  que  suffisants  pour  conte- 
nir le  tout.' Quant  au  troisième,  tout  le 
monde  convient  qu'il  ^  avait  plus  de  place 
qu'il   n'en  fallait    pour  les  oiseaux,  poHir 


JSoé  et  sa  famille,  et  pour  leur  nourriture. 

(le  savant  évéque  observe  qu'il  est  plus 
difficile  d'évaluer  la  capacité  de  Yarche,  que 
d'y  trouver  une  place  suffisante  pour  toutes 
les  espèces  d'animaux  connus.  La  cause  est 
l'imperfection  de  nos  listes  d'animaux,  sur- 
tout des  animaux  des  parties  du  monde  qui 
ne  sont  pas  encore  fréquentées  et  suffisam- 
ment connues.  Il  ajoute  que  le  plus  habile 
uia^hémaiicieu  de  nos  jours  ne  détermine-! 
rail  pas  mieux  les  dimensions  d'un  vaisseau 
tel  que  l'urc/ie,  qu'elles  ne  le  sont  dans  l'IÎ- 
criture,  relativement  a  l'usage  au(\uel  Vnr- 
che  était  destinée;  d'où  il  conclut  que  la 
narration  de  Moïse  dont  (ui  a  voulu  faire 
une  obj>"elion  contre  la  vérilé  de  Tlicriture 
sainte,  en  est  plutôt  une  preuve,  lîn  effet,  il 
est  à  présumer  que,  dans  les  premiers  âges 
du  monde  ,  les  hiunines  ,  moins  exercés 
qu'aujourd'hui  dans  les  sciences  el  dans  les 
arts,  devaient  être  aussi  plus  sujets  à  des 
erreurs  de  calcul  ;  cependant,  si  l'on  avait 
aujourd'hui  à  proportionner  un  vaisseau  à 
la  masse  des  animaux  il  à  leur  nourriture  , 
on  ne  s'en  acquitterait  pas  mieux;  par  con- 
sé(iuenl  Varche  no  peut  être  une  invenlion 
de  l'esprit  huiuaiu.  En  pareil  cas,  les  hom- 
mes sont  exiiosés  à  grossir  prodigieusement 
les  objets  ;  il  serait  donc  arrivé,  dans  les  di-^i 
meiisions  de  l'ore/ic  de  Noé,  ce  qui  arrive 
dans  l'estimalion  du  nombre  des  étoiles  par 
la  seule  \ue.  Do  môoie  que  l'on  juge  d'abord 
le  nombre  des  étoiles  infini,  on  aurait  poussé 
les  dimensions  de  Varclie  à  une  grandeur  dé- 
mesurée, et  l'on  aurait  produit  un  hàlimi'ut 
beaucoup  plus  grand  qu'il  ne  fallait  ;  l'hs- 
torieii  aurait  plus  pèche  par  l'excès  d  >  ca- 
pacité qu'il  lui  aur.iit  donnée,  que  ceux  qui 
attaquent  son  histoire  ne  prélendeiit  qu'il 
pèche  par  défaut. 

M.  Le  Pelletier  de  Rouen  et  Buteo  ont 
encore  poussé  plus  loin  l'exaclituile  el  la 
précision  ;  voici  l'extrait  de  leur  travail,  tel 
qu'il  a  été  donné  p.ir  doin  Calmel,  dans  sa 
iJisserlalion  sur  l'nrr/ie  (/e  Noé.  Le  premier 
suppose  que  l'arche  était  un  bâtiment  de  la 
figure  d'un  paralléiipipède  reciangle  dont 
on  peut  diviser  la  hauteur  intérieure  en 
quatre  étages.  11  donne  trois  coudées  et  de- 
mie au  premier,  sept  au  second,  huit  au 
Iroisième,  six  et  demie  au  quatrième  ;  il 
laisse  les  cinq  coudées  restantes  des  trente 
de  la  hauteur ,  pour  les  épaisseurs  du 
fond,  du  comble,  et  des  trois  ponts  ou  plan- 
chers des  trois  derniers  étages.  —  Le  pre- 
mier étage  était  le  fond,  ou  ce  que  l'on  ap- 
pelle la  carène  dans  les  navires  ;  le  second 
servait  de  grenier  ou  de  magasin  ;  dans  le 
troisième  étaient  les  établcs  ;  dans  le  qua- 
trième, les  volières.  Mais  comme  la  carène 
ne  se  cimiptail  point  pour  un  étage,  el  ne 
servait  que  d'un  réservoir  d'eau  douce  , 
Varche  n'en  avait  proprement  que  trois, 
comme  l'Ecriture  le  dit,  quoique  les  coin- 
menlalcurs  en  aient  supposé  quatre  en 
comptant  la  carène. — Il  ne  veut  que  trente- 
six  étables  pour  les  animaux  tenestres, 
el  autant  pour  les  oiseaux  ;  chaque  éta- 
ble  pouvait  avoir  quinzecoudées  quatre  nea- 


33 1 


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ARC 


35^ 


Tièmes  de  long,  dix-sept  de  large  et  huit  de 
hauteur  ;  par  cooséciuent  vingt  sis  pieds  et 
demi  de  long,  vingt-neuf  df  lirgo.  treize 
pieds  et  demi  de  hiul,  puisque  M.  Le  Pclii'- 
tier  donne  à  sa  coudée  vingt  pouces  et  demi, 
mesnre  de  Piris.  Les  trente-sis  volières 
étaient  de  même  étendue  que  les  élah  es.  — 
Pour  charger  égalenienl  Varche,  i\'oé  avait 
pu  remplir  les  étrilles  el  les  volières,  en 
commençant  parcelles  du  milieu,  des  plus 
gros  animaux  et  des  plus  grands  oiseaus. 
Un  calcul  exact  ilémontre  qu'il  pouv;iit  y 
avoir  plus  de  trente-un  mille  cent  soixante- 
qu;itorze  niuids  d'eau  douce  dans  la  carène  ; 
c'est  [>lus  qu'il  n'en  f.illait  pour  abreuver 
pendant  un  an  quatre  fois  auiant  d'honinics 
et  d'iinimaux  qu'il  y  en  avait  dans  Varche. 
11  en  est  de  même  de  la  capacité  du  grenier 
pour  contenir  la  nourriture  nécessaire  à 
tous  pendant  un  an.  —  Dans  le  troisième 
étage,  A^u^  a  pu  construire  trente-six  loges 
pour  y  serrer  les  ustensiles  de  ménage,  les 
instruments  de  labourage,  les  griins,  les 
semences,  etc.,  une  cuisine,  une  salle,  'qua- 
tre chambres,  et  un  espace  de  quarante- 
huit  coudées  pour  se  promener. 

M.  Le  Pelletier  place  la  porte  de  Varche, 
non  dans  l'un  des  côtés  de  la  longueur  où 
elle  aur  lit  gâté  la  symétrie  et  ôté  l'équilibre, 
mais  à  l'un  dis  bouts. 

Quelques-uns  ont  cru  qu'un  réservoir 
d'eau  douce  n'était  pas  nécessaire,  que  l'eau 
de  la  mer  mêlée  avec  les  eaiis  du  déluge 
pouvait  être  assez  potable  ;  ils  se  sont  troui- 
pés  ;  l'expérience  prouve  qu'un  tiers  d'eau 
salée  mêlée  avec  deux  tiers  d'eau  douce,  est 
encore  une  boisson  insupportable.  Comme 
Varche  cessa  de  llolter  sur  les  eaux  le  vingl- 
sepiièmcjour  du  septième  mois,  elle  demeura 
à  sec  sur  les  montagnes  d'Arménie  pendant 
près  de  sept  mois,  pendant  lesquels  Noé  ne 
pouvait  pas  avoir  de  l'eau  du  dehors. 

Le  p.  Jean  IJuteo ,  né  en  Dauphiné,  reli- 
gieux de  l'ordre  de  Saint-Antoine  de  Vien- 
nois, dans  son  Traité  de  l'arche  de  Noé,  écrit 
au  xvr  siècle  ,  suppose  que  la  coudée  dont 
parle  Moïse  n'avait  que  dix-huit  ;  ouces 
comme  la  nôtre;  cependant  il  ne  laisse  pas 
de  trouver  dans  les  diuiensions  données  par 
Moïse  tout  l'espace  nécessaire  pour  loger 
dans  Varche  les  hommes,  les  animaux  et  les 
provisions.  Il  pense  que  Varche  était  com- 
posée de  plusieurs  sortes  de  bois  gras  et  rési- 
neux ,  qu'elle  était  enduite  du  bitume  dont 
l'Assyrie  abonde,  qu'elle  avait  la  l'oime  d'un 
paraliélipipèd(>,  avec  les  dimensions  que  lui 
donne  l'Ecriture,  mesurées  à  notre  coudée. 

11  y  suppose  quatre  étages,  le  premier  de 
quatre  coudées  de  hauieur,  le  second  de  huit, 
le  troisième  de  dix,  le  dernier  de  huit;  il 
destine  le  premier  à  servir  de  .seniiue,  le 
second  est  pour  les  élables,  le  troisièaie  pour 
les  |)rovisiuns,  le  plus  haut  pour  la  demeure 
des  hommes,  dis  oiseaux,  des  ustensiles,  etc. 
Il  place  la  porte  à  vingt  coudérs  prè-  du  bout 
de  l'un  des  côtes,  la  t.iii  ouvrir  et  l'i;iiner  en 
poul-levis;  il  met  In  fenêtre  au  haut  de  l'.ip- 
partemenl  des  hommes,  el  piélend  ((ue  les 
auiuiaux  D'avaieul  pas  besuiu  de  lumière.  Il 


élève  le  milieu  du  comble  d'une  coudée  de 
hauteur  dans  toute  sa  longueur  . —  Dans  le 
se(!ond  étage,  il  met  une  allée  de  six  coudées 
de  large  et  de  trois  cents  coudées  de  long, 
une  autre  qui  la  coupe  à  angles  droits,  et 
deux  autres  parallèles.  Par  cette  dislribuliou 
il  forme  quarante  peiiies  élab'es  ou  cellules, 
soixante  grandes  élables  et  quarante  moyen- 
nes. Or,  en  réduisant  tous  les  animaux  ren- 
fermés dans  l'arc/ie  à  la  srandenr  du  bœuf, 
du  loup  el  du  mouion,  il  juge  qu'ils  étaient 
égaux  à  cent  vingt  bneufs,  à  quatre-vingis 
loups  et  quaire-vingts  moulons.  11  soutient 
que  les  élables.  telles  qu'il  les  suppose, 
pouvaient  contenir  soixante  paires  de  bœufs, 
quarante  paires  de  loups,  et  quarante  paires 
de  moulons.  Pour  nourrir  les  bêtes  carnas- 
sières, il  pense  que  trois  mille  six  cent  cin- 
quante moutons  pouvaient  suffire  pour  leur 
en  donner  dix  par  jour,  ou  un  à  quatre. — 
Il  perce  toutes  les  élables  par  le  bas,  pour  que 
les  ordures  des  animaux  tombent  dans  la 
sentine  el  servent  de  lest  ;  il  y  met  des  sou- 
piraux qui  remontent  jusqu'au  dernier  étage, 
pour  donner  de  l'air  el  prévenir  l'infection. 
—  En  divisant  le  troisième  étage  comme  le 
second,  il  trouve  suffisamment  d'espace  pour 
placer  toutes  les  provisions,  toutes  les  com- 
modilLS  dont  Noé  el  sa  famille  pouvaient 
avoir  besoin,  toutes  les  facilités  pour  soigner 
sans  beaucoup  de  travail  les  différentes  es- 
pèces d'animaux.  Toute  la  capacité  de  l'ar- 
che,  selon  son  calcul, el  en  prenant  la  coudée 
à  dix-huit  pouces,  était  de  six  cent  soixante- 
quinze  mille  pieds;  elle  avait  quatre  cent 
cinquante  pieds  de  long,  soixante-quinze 
de  large,  et  quarante-cinq  de  haut. 

Quelque  ingénieuses  que  soient  les  idées 
du  P.  Huteo  ,  quelque  exact  que  soit  son 
calcul,  M.  LePelleiier  trouve  plusieurs  diffl- 
cullcs  dans  son  système.  1°  La  coudée  dont 
parle  Moïse  était  celle  de  Memphis,  plus 
courte   d'un    septième   que  celle  de  Paris.  2°  ¥ 

Un  bâtiment  plat  et  carré,  plus  long  el  plus 
large  que  haut,  n'a  pas  besoin  de  lest  pour 
l'empèclier  de  tourner,  de  (|uelque  manière 
qu'on  le  charge.  3'  Les  animaux  seraient 
mal  placés  entre  des  fumiers  et  des  provi- 
sions :  ils  auraient  clé  sous  l'eau,  privés  de 
la  lumière,  en  danger  d'être  étouffés;  on  pré- 
vient ces  inconvénients  en  les  mettant  au 
troisième  étage.  !^°  La  pesanteur  des  ani- 
maux pouvant  aller  à  soixante-dix  milliers, 
au  lieu  que  celle  des  provisions  pouvait  se 
mouler  a  plus  de  dix  aullious  de  charge,  il 
n'cot  pas  convenable  de  placer  les  provisions 
au-dessus  des  animaux.  5'  La  porte,  placée  à 
un  des  côtés  de  Varche,  avec  une  allée  vide 
d.uis  toute  la  longurur,  aurait  rendu  Varche 
plus  pesante  d'un  côté  que  de  l'autre,  el  in- 
commode dans  sa  totalité  ,  etc.  —  Mais  , 
comme  le  remarque  dom  Calmel,  il  y  a  peu 
d'auteurs  qui,  en  traitant  dite  matière,  ne 
soient  tombés  dans  des  inconvénients.  Les 
uns  ont  l'ail  Varche  trop  grande,  les  antres 
trop  petite,  plusieurs  peu  s^dide;  l.i  plupart 
u'oiil  envisagé  dans  l'histoire  du  dé'u;;e  que 
les  iliKicuités  qui  peuvent  concoriie;-  la  la- 
paciie  de  Varche,  sans  faire  atieuliou  à  ci  Iles 


3o3 


ARC 


ARC 


?54 


qui  ponvaiont  résulter  de  sa  forme,  delà 
distribuliun  de<  a|>|)<irlcnienls  el  des  logos, 
de  la  minière  dont  il  fallait  duniu-raii\  ani- 
maux de  la  nourriture,  <lu  jour,  de  l'air,  de 
la  propreté.  M.  Le  Pelletier  les  accluircies  el 
prévenues  {Disserl.  sur  l'nrche  de  iVo.-',  c.  52). 
6°  Dans  (|uel  lieu  s'arrêta  Varcke  après  le 
déluge?  (Quelques-uns  ont  cru  que  c\tait 
près  d'Apaaiée,  ville  de  Phry^ie,  sur  le  lleuve 
iMarsyas,  parce  que  cette  ville  était  sur- 
nomuiée  l'A/c/(e,  et  portait  une  arc/ie  dans 
ses  médailles.  Mais  il  est  très-probatile  que 
celte  ville  était  iiuniinée  KtÇ-.iri?,  .Irc/'e,  parce 
qu'rlli-  était  située  dans  un  vjillon  Irès-étroit, 
el  renfermée  comme  dans  un  colTre  ;  Il  pa- 
raît que  c'est  mènic  la  sigiiificalion  du  nom 
propre  Apuince.  On  lit  dans  les  vers  syl)illins 
que  le  muut  AruraC,  où  s'arrcia  Varvlie,  est 
sur  les  eonlins  de  la  Plirygie,  aux  sources 
du  fleuve  Marsyas  :  c'est  une  erieur.  Tout 
le  monile  sait  que  cette  inonlagne  est  en 
Arménie;  Josèplie  l'Iiistorieii,  parlant  il'l- 
zales,  fls  du  roi  de  l'Abdialiène,  dit  que  .••on 
père  lui  donna  dans  l'Arménie  un  canton 
nommé  A'aeroji,  où  l'on  voyait,  des  rentes  de 
l\ii  cite  de  Noc.  il  cite  Berose  ,  historien 
clialdéen,  qui  dit  que  de  son  temps  ou  voyait 
des  restes  de  Vurclie  sur  les  montagnes  d'Ar- 
ménie. Antiq.,  liv.  i,  c.  5;  llv.  sx,  c.  2. — 
Nicolas  de  Uamas,  saint  Théophile  d'Antio- 
'  lie,  saint  Isidore  de  Seville,  liti'ut  la  même 
tradition  ;  Jean  Sluys,  dans  ses  voyagfs,  dit 
qu'en  1G70  un  ermile  de  ce  canton  lui  assura 
encore  ce  fait  :  c'est  une  falde.  M.  de  Tour- 
nelort,  qui  a  é'f  sur  les  lieux,  aileste  que  la 
montagne  d'Araral  esl  inaccessible  ,  que  de- 
puis le  milieu  jusqu'au  sommet  elle  est  cou- 
vei  le  do  iicigi'S  qui  ne  fondent  jamais,  et  au 
travers  desquelles  il  n  esl  pas  possible  de 
s'ouvrir  un  passage.  Les  Arniénitns  eux- 
inéuies  tiennent  par  tradition,  qu'à  cause  de 
cet  obstacle  personne  depuis  Noé  n'a  pu 
monter  sur  letle  montagne  ni  donner  des 
nouvelles  des  restes  de  l'arche;  c'est  sans 
aucune  preuve  et  sur  de  simples  bruits  po- 
pulaires que  ((ue^ques  voyageurs  ont  dit 
que  Ion  en  voyait  encore  des  débris.  Voyez 
la  Dissertation  de  doin  Calmei  ;  celle  de  M. 
Le  Pflleiier  de  Rouen  se  trouve  dans  les 
Mém.  de  Trévoux  de  l'année  1702. 

Quelques  incrédules  ,  qui  ne  pouvaient 
rien  opposer  de  solide  aux  ouvrages  ((ue 
nous  venons  d'exiraire,  se  sont  bornés  à  les 
tourner  en  ridicule  :  c'est  leur  dernière  res- 
source. Mais  quuiijue  les  divers  systèmes 
»ur  la  siruciure  de  \'arche  ne  soient  que  des 
conjectures,  elles  di  moiilreiil  cependant  que 
les  comnientaieurs  qui  ont  travaillé  à  éclair- 
cir  la  narration  des  livres  saints,  ont  eu  en 
général  plus  decapaeilé,  de  lumières,  d'eru- 
diiion,  de  jugenienl,  que  ceux  qui  font  pro- 
fession de  mépriser  les  an.  iens  monuments, 
sans  pouvoir  eu  donner  aucune  raison.  Voy. 
[)armi  les  planches  de  l'histoire  ancienne  la 
ligure  (le  Wirclf  de  \oé. 

*  ARCHÉOLOGIE.  Il  y  .i  dans  les  choses  aiiiiiiiies 
lie:iiiciiu|i  d'objets  qui  (leiiveiit  servir  de  preuve  à  la 
re.igioii  ;  r.ircliéolugie,  qui  semble  devoir  deiiieuier 
emièiKDieni  t'iraiigère  à  la  cause  religieuse,  lui  sert 


d'appui  en  beaucoup  de  circonstances.  Elle  scn  J* 
correclitau  liai  ré  des  liisloriens  anciens  ,  el,  dans  la 
casdecmillil,  elle  vient  presque  luiijoiirs  coiilirmer 
le  léi  il  de  la  liihle  contre  les  liistoneiis  profanes. 
Les  médailles,  les  inseripiioiis,  les  nmiinnients  onl 
servi  lie  réponse  aux  plus  graves  objections,  cclairci 
les  faits  sur  lesquels  il  s'était  élevé  des  doutes,  parce 
que  ce  soin  des  témoins  souvent  plus  véridinues 
ipie  les  historiens  ,  <|ui  ,  n'ayant  pas  élé  les  témoins 
de  loiis  les  ovéïiemeniSj  i|ui,  racontant  des  f.iils  pa— 
ses,  peuvent  se  tromper  el  êire  induits  en  erreur 
sur  des  choses  de  peu  d'iiiipoilaiice.  Nous  verrons, 
aux  mois  MédatlL-s,  Inscriplion^,  Monuments,  coin- 
ineiit  l'arche. ilipgie  a  servi  la  cause  clirélieiine,  et 
conliriné  la  vériié  de  nos  llvies  saints. 

AltCllEVÈCllK  (a)  (dioii  ecclés'an.) ,  terme  qui 
se  prend  en  didërenls  sens  :  1"  pour  le  diocèse  d'un 
arciievéïpie  ,  c'est-à-dire  pour  l'éiendne  du  pays 
soumis  à  sa  juridiction  ,  mais  qui  neciimpo!.e  <]i\\a 
seul  diocèse.  On  dit  en  ce  sens  que  tel  évéclié  a  éie 
érigé  en  (irclievêché  ;  qne  tel  urclievéclié  eomieiit  lel 
nombre  de  paro.sses  ;  SJ°  pour  nue  province  ecclé- 
siasii(|ue  ,  composée  d'un  siège  métropolilalii  et  de 
plusieurs  évêipi"S  siiiïraganis  ;  ainsi  l'u  c/iei«c/ie  de 
Sens,  ou  régli<e  méliopoliialuc  et  piiinali  de  de  Sens 
a  pour  sufl'rag^nt>  les  éveillés  ii'Aiixerre,  de  Troyes, 
de  Nevers,  et  l'éïêciié  titulaire  de  tiethléem;  3°  pour 
le  paia  s  archiépisi'.opal ,  ou  pour  la  cour  ecclé^as- 
tique  d'un  arclievèi|ue.  Ainsi  l'.ii  dit  :  Un  lel  ecclé- 
siastiipie  a  éié  mandé  à  Vmcht'iéclié;  on  a  agité  telle 
ou  telle  m  il  ère  ■.xVarchevcclié  ;  4"  pour  les  revenus 
temporels  de  \'arckevéché.  Ainsi,  \'archevéché  de  To- 
lède pa^^e  pour  le  plu>  riclie  du  nounle. 

Suivantnne  lalile  qui  païaîi  assez  exacte,  on  comp- 
tait, en  8  ),  dans  l'Iîj^lise  catholique  cent  trois  arche- 
vêchés :  savoir,  qualoixe  en  lialie,  y  compris  le  s:ége 
de  Kume;  di^-neul  en  France,  en  coinptanl  Avignon; 
v.ngl-quatre  dans  les  royaumes  de  iNaples  et  des 
Deux-buili's;  trois  en  Sardaigne,  un  en  Savoie,  onze 
en  l'oriii^.d  et  eu  br^pag.ie;  cm.)  en  Allemagne,  un 
eu  lîoliéine  ,  deux  en  Ilon-ne,  nu  ilans  les  Pays-Uas, 
deux  en  l'ologne.  i.a  Grèce,  la  Dalmatie  et  l'Alliania 
en  conlenaient  onze  ,  l'Asie  trois  el  l'Amérique  s.x. 
—  Les  Li;li>es  réformées  en  oui  coiiS'  rvé  iieut  :  deux 
en  Angleierie,  quatre  en  Irlande,  un  en  Suéde,  et 
deux  d.iiis  le  Uanemaik  et  la  Morwége. — Eu  France, 
Viirchtvêclié  de  P.ins  esl  le  plus  disungiié  par  le  lieu 
de  son  Mége  ,  qui  esl  la  cipilale  du  royaume;  mais 
quelipies  aunes  le  sonl  encore  plus  oar  in.e  préémi- 
nence alVeciée  à  leur  siège.  —  L'arclievéque  de 
Lyon  junissail  des  droits  de  primalie  sur  les  mé- 
tropoles de  l'ans  ,  Tours  et  Sens  ,  et  sur  leurs 
sullrag.ints.  Celui  de  Bourges  prenait  la  qiialiié  de 
primai  d'Aipiilaiiie  ,  el  il  exerçait  sa  priinatie  sur 
il  métropole  d'Albi  et  ses  snllragants  :  celui  de  Bor- 
deaux prenait  la  même  qualité  ,  et  il  l'exeiçait  sur 
\'ai  chevêche  d'Auch. 

Il  y  avaii  encore  d'autres  arclievêpies  qui  s'arro- 
geaient la  qualité  de  primat,  sans  exercer  aucune 
fonction  prmiaiiale  hors  de  leuis  provinces.  Tel 
était  rarchcvêijue  de  Sens,  qui  prenait  la  qualité  de 
primat  de  Germanie;  celui  de  Marhoune,  ipii  prenait 
le  lltie  de  primat  de  la  Gaule  LN.irhonnaise;  relui  de 
Reims  se  faisait  nommer  primai  de  la  tielglqueel  légal 
du  Saint  Siéije  ;  celui  de  Vienne  prenait  le  litiede 
primat  des  pi  imals;  eiilin  l'anlievéque  d'Arles  pre- 
nait la  qualité  de  léi;ai  du  Saint-Sége.  Mais  les  litres 
de  légal,  que  prenaieiil  les  archevé(ues  d'Arles  et 
de  lièims  ne  leur  donnaient  pas  le  droil  de  faire  les 
fondions  allacliées  à  ee  litre;  celui  de  Reims  n'en  li- 
rait d'autre  avantage  'pie  la  ipialité  d'Excellence,  que 
lui  donnaient  ceux  qui  voula.ent  lui  faire  honneur.— 
La  qualité  de  |iriiiial  d^s  quatre  Lyonnaises  fut  don- 

(a)  Il  V  a  dans  cet  arlicle,  reproduit  d'après  l'édi- 
liou  de  LÏége,  beau.oupdc  ihis  s  qui  n'ont  pas  d'actua- 
lité. iNous  les  avons  coQaervCes.  Le  lecteur  y  verra 
l'éiatdes  iiiéiropokis  de  France  avant  la  Kévolutiou. 


SKS  ARC 

née  pour  la  première  fois  à  r;irclievêf|iic  tie  Lyon 
pnrGiégnire  Vil,  en  1109,  non  comme  mi  droit  mui- 
vcan ,   iM;.is    i  (iimin!    Une    Mme   des    dioils  ijni   lui 

aval idtijoiiis  .ipparlcjin.     Les  arclievucines    de 

Se  ss'v  -nul  opposés  petiilniil  Imigleriips;  el  ce  n'q 
ëlé  (pi'''|irès  la  lénniiMi  île  !.T  ville  de  l.yuii  il  la  coii- 
nmnedf  Franee,  sn  s  Philippe  !•  U'I,  en  iôl^i.  que, 
par  eiiaiié  lail  enire  le  r..i  el  la  Mlle  de  l.yoïi,  la 
piiinatie  de  l'arili-vècine  de  Ly^n  sur  celui  ne  Sens 
fui  1  ni  cienipiil  éliililic.  —  l/:ireln'VÔ.]UC  ilo  Kouen 
n'.i  lainais  reconnu  la  piiniale  de  L)on  ,  malgré  les 
ellons  d'S  aiclievéi|ne*  de  iclie  dernière  viile  :  il  a 
même  élé  nianili un  dans  ci'iie  rrai.cliise  par  un  ar- 
rêi  il'i  conseil  dn  \i  mars  1702,  enregistré  dans  les 
parli'nienls  de  Paiis  et  de  Uonen  ;  en  sone  i|ne  le 
niéiro|ioiitajn  de  llcnen  élait  resté  en  possession  de 
ne  relever  que  dn  Samt-Siége.  —  On  trouve  des  ca- 
nons qui  aiiribufni  la  qualité  de  primats  auv  mé- 
iropolilanis  qnl  ne  rilè\ei't  que  du  SiiiH-Su'ge  ; 
c'est  p  r  cette  raison  que  l'histoire  Ciclésiasliquo 
donne  celle  ipialilication  à  l'ar^  lievèque  de  Cliyiire. 

Il  n'y  a  ijue  denx  arclierrJiés  en  Angleterre,  celui 
de  CaniorI  éry  cl  celui  il'Ycprk,  iloni  les  prélats  sont 
appelés  i)rimuts  it  mi'dopo.itui/s;  avec  ceile  unique 
dilîéienre,  qne  le  ptenikr  est  appelé  primat  Je  tonte 
rAngletC'Tr  ,  el  l'auire  siiiipleineni  primat  d'Angle- 
teire.  —  L'arclievêqne  de  t^anlorliéry  avait  aulreiois 
juridiciioii  sur  l'Irlainle  ,  aussi  bien  que  sur  l'Angle- 
terre; il  et  lit  iioalilié  de  p.uiiarelie,  et  qi-elqnelins 
alteriiis  orbii  papa;  ei  urbis  Britannici  po/i/i/e.r.  Les 
actes  (|iii  avaient  rapport  à  son  ,  iitonté  se  taisaient 
81  s'eiir.  g  stiaienl  en  Sun  nom,  de  telle  manière, 
nnno  poiiiificiitus  noilri  piiiuo,  (te.;  il  était  aussi  lé- 
gat né.  Il  jouissait  inciiie  de  ijuelques  marques  par- 
liciiliéies  de  loyanié,  comme  n'êire  patron  d'un 
évéclié,  aillai  qu'il  le  lut  de  celui  de  liocliesior;  de 
créer  des  chevaliers  et  de  f,i  re  liatire  nn/nna.e.  Il 
est  encore  le  premier  pair  d'Angleterre  ,  il  sicge  iin- 
m6liateini;nt  après  la  f  imille  i  yaie  ,  ayant  ^a  pié- 
séai'.ce  sur  toui  les  lincs  ei  tous  les  giainls  niiUiers 
(le  la  c'ourinine.  Suivant  le  •iioil  de  la  nation  ,  ia 
vtJiificaion  des  leNiamonts  ressortit  à  snn  trihunal; 
il  a  le  pouvoir  d'accorder  des  Iciires  d'aduiinisira- 
lion,  (l'accorder  des  licemes  ou  privilèges,  et  des  dis- 
penses, d:>ns  ions  les  cas  (lù  elles  étaient  autrelois 
ponrsnivies  en  cour  de  Kome,  et  qui  ne  sont  pnint 
contraires  à  la  lui  de  Dieu.  Il  lient  aussi  plusieurs 
cours  de  jndicalnre  ,  telles  que  la  cour  des  arches, 
la  cour  d'audièuce ,  la  cour  cle  la  prérogative  ,  la 
cour  des  paroisses  (  rivilégiées.  —  Laiclieveque 
d'Yoïk  a  ks  mêmes  ilrinis  Uaiis  sa  (rovmceque 
l'arclievêqne  de  t  aniorbéy.  II  a  la  préséance  sur 
tous  les  ducs  qui  ne  sont  pas  du  sang  my  I ,  el  sur 
toUs  les  in.nisires  d'tlal,  excepiè  le  grand  chance- 
lier iiH  rc  y.inme.  Il  a  les  druiis  d'un  comte  l'aUiin 
im  Ile.\amliyie. 

l^e  nom  ii'anlievcclié  n'a  guère  été  connu  en  occi- 
dent a«.ini  le  lègue  de  Charlemagiie  :  ei,  si  l'on  s'en 
est  s  rvi  ^.ii)jaravai.l,  (  e  n'était  alors  qu'un  tenue  de 
disiiiiclion  qu'on  doiinaii  aux  grands  sièges,* mais 
cjni  ne  leur  aarinnal  aucune  sorte  de  jniui.clion, 
iK  lien  qna  pies,  ni  ce  titre  eniporie  le  droit  de  pré- 
sider an  concile  de  la  pinvmce.  C'est  aussi  il  son 
oflii'ia.ilé  que  smil  portés  les  appels  siin|.les  des 
causes  jugées  par  h  s  ollieia.ix  d.'  ses  sulliagants. 
(bxiraii  un  Uiciwn.  dejuruprwlencc.) 

AKtllKNÈyifc,  (o)  [drun  eick'siuiiii:iue),  prélat 
méliofiulit.iiii  ijiii  a  pins.enrs  é\eque»  lo.ir  sullia- 
gants ,  et  qui  en  esl  le  cliel.  (.'est  le  premier  des 
cvéqiics  d'une  pru\inre  cccieai.isiinue. 

Saint  Ailiaimse  parait  être  le  premier  qui  ail  em- 
ployé la  dénoiniiiaiiun  i\  urclievcque  ,  \tii  l'ailnbiiant 
à  l'evéquc  d'Alex.. ndric.  Mais  si  le  Une  n'c^t  que  du 

(a)  L'ol(ser?alion  que  nous  avons  faite,  en  commonranl 
lanicle  précéoeni  .doit  ètri'  surtout  appliiiuùi;  a  relui-cl 
'P'ç  nous  reproduisons  également  d'après   l'édition  de' 


ARC 


5ë6 


iv«  siècle,  ia  dignité  et  la  jnridiciion  renionient 
beaucoup  plus  haut.  —  L'Ecriture  et  la  tradition 
nous  a|. prennent  que  les  apô.res  el  leurs  d  s.  i;  les 
ont  résidé  d'abord  iIjiis  les  pra-  des  villes  ,  d'où  ils 
envoyaient  des  évoques  dans  les  villes  inCernores. 
Celles-ci  regard.iieni  les'  i  reinléies  coninn;  leurs 
mères;  on  les  nnnimail  dé  à  métopola  dan  le  gon- 
vernenieni  politique,  et  les  évèqiies  qui  y  résida  eiil, 
s'ap|ielèreiit  aussi  méiropoliunns.  —  l.'Kglise  l'uiidée 
pendant  le  règne  des  empeienrs  romains  siiivii  Imu- 
joursladivisioude-piovincesdecei empire  le  évèqms 
établis  dans  lesg  andesxillesmi  inétr  .po'es  |  r  len  In- 
sensiblement le  titre  de  )«e/ro);o/!((iin.setri'arr/i(iC(/  .es, 
comme  ayant  d'autres  cvèques  dans  le  ir  dé)  end, .me. 

—  Les  lévolulions  arrivées  d.ins  l'Lnipirc  el  ,'éoi- 
bliss;enieiit  des  peuples  du  IN'ird  qi|i  s'en  p.ir  agù- 
renl  les  provinces  n'ont  presque  rien  changé  à  cet 
égard.  Les  villes  que  les  Romains  avaient  appelées 
nié*/' opo/«s  ont  presque  toutes  coiis.'rvc  leur  liiie  <t 
leur  ufchcvét]uc  :  quehpies-nnes  seulement  <  ni  cié 
érigées  depuis  en  métropoles,  coninie  Paris  cl  Alhy 
en  l-'rance.  Voy.  Métropole. 

L'âge  et  les  qualités  requises  pn>.ir  un  arche  éque 
sont  les  mêmes  que  pour  les  simples  évèqoes;  il  a 
les  mêmes  l'onclions  à  remplir  :  cninine  eux.  Il  est 
obligé  à  la  lésldeiice;  il  n'en  dlUére  que  par  l'usage 
du  palliiini,  et  par  rapjiort  à  la  forme  de  sa  tonsé- 
cralion;  car  le-  évèqn  s  ont,  ainsi  que  lui,  la  plé  .i- 
tude  du  sacerdoce.  —  Les  archevêques,  cependanl, 
en  leni  i|ualité  de  métropolitains,  ont  nue  préémi- 
nence d'honneur  sor  les  é^éques  de  leurs  proviin  es. 

—  .4ulielois  les  niéir<>i>olllains  assistaient  aux  élec- 
tions de  leurs  sullragaiits  :  ils  cirnlirinaient  leux  gui 
avaleni  élé  élus,  el  ils  les  consacraient  a|irés  avoir 
reçu  leur  sciiiient  d'olié  ssance.  L'abrogation  des 
électii  ns  et  le  droit  que  les  papes  se  sont  ailribiiiî 
in-ensiblemcnt  pour  la  consécratnin  oui  privé  les 
métropi'lilains de  lein  pouvoir  sur  !■  us  ees  cliels. 
Jlsont  aussi  laissii  perdre,  p.a-  mi  imn-nsage,  le  droit 
de  visiter  les  Kglises  dt;  le;ir  prounce.  On  ne  peut 
cependant  leur  opposer  que  la  presciiption  sur  ce 
dernier  ai  ilde;  car  il  n'y  a  point  de  loi  qui  les  ait 
dépouilles  de  celle  péingalive  aliachéeii  cette  dignité. 

L'ai  cite,  éque  peut  célébrer  pontjhcalemenl  dans 
toutes  les  égli  es  de  sa  proviine,  y  porter  le  pall  um, 
el  la  re  poi ter  devant  lui  la  croiK  archiépiscopale, 
comme  étant  une  maii|uc  de  son  autorité.  Mais  tl  ne 
peut  dans  aucun  cas  exercer  la  puissance  de  l'ordre 
dans  le  diuiése  de  Bon  snlli  agant,  sans  sa  permis- 
sion. —  C'est  aux  arciieiêtiues  i|u'ii|>partient  le  droit 
d'indi(|iier  le  concile  des  rvèines  de  leni  province, 
de  m.iqner  le  lien  où  il  doit  ôtie  teiin,  ei  de  présider 
à  celle  assemblée.  Les  urrlietiques  imliquaient  aussi 
les  a-seinblees  provinciales  qui  se  tenaient  pour  noin- 
.  mer  les  dépiiiés  aux  asse.hblees  générales  du  clergé; 
ils  marquaient  le  lieu  et  le  temps  di;  ces  nssenihlées 
particulières,  el  ils  y  piésidaient.  Suivant  l'usage  qui 
s'est  ciniservo  dans  l'Eglise  de  Fr.ince,  les  bulles  de 
jubilé  doivent  cire  adresées  aux  arclictiques,  qui 
les  envoient  :'i  leurs  siillragants. 

Ceux  qui  criileni  avoir  sujet  de  se  plaindre  des  or- 
donnantea  ou  des  junemenls  rendus  |iar  les  évo- 
ques, leurs  grands  viennes  ou  leurs  nl'liciaiu,  se 
pourvoient  par  devant  l'arc/ici'i'/;i(e,  tant  pour  ce  qui 
est  de  la  jm  idictioii  vidonialre  que  pour  ce  qui  dé- 
piiid  de  la  juridiction  conlciitieiisc. 

I>esiiiéti'opoiiiiiln$no  peuvent  connaître  en  (ireinièie 
instance  des  all.iii  us  dont  la  décision  upparlienl  aux 
évéques,  quand  oéine  ceux  qui  mit  qu  lipie  intciét 
dans  r..lbiire  y  eonseotii.iieni,  pane  qu'il  n'est  point 
permis  aux  pan  limiers  de  se  sonslraiie  à  la  jnr, dic- 
tion de  l'uioinaire ,  et  de  iciiver-er  l'ordre  publie 
des  jni  idieiions.  —  (.oniine  le  c  apiire  exeree  Imite 
la  jnridli  lion  épiscoiial'  pendiinl  la  vacinri;  du  siéi;e, 
lesorc/iei'èi/iic.siie  peuvent  coiiiiai.re  des  affaires  ecclé- 
siastiques qui  naissent  dans  les  diocèses  vacants, 
qu'en  cas  d'appel  de  ce  qu'uni  décidé  les  ofllcicrs 
dn  c!  .ipiire   on  le  chapitre  assemblé. 


i 


S37 


AKC 


ÂRC 


SSS 


Qimnd  l'évêiiuc  avail  négligé  de  rnnfércr  les  béné- 
fici'S;  dans  les  six  trois  de  vacanees  qui  i'ii  sont 
aecoidés  par  \r  conei'e  de  Lniraii  imnr  J  pniiivnir, 
snii  (|iie  le  hénélii-e  tïit  à  la  pleiii'  (oIIiIhmi  d'  l'cvê- 
(|iii',  011  (|ii'il  eût  dili  'e  coiileK'r  par  ilroil  de  liévolii- 
lioii,  e.Vniii  an  riiétr(i|)iiliialn  iin'il  niipanenait  d'en 
accoider  des  provi>ion-i  d  uis  les  six  mois  snivanis, 
à  coinpier  iln  jiiiir  que  l'évêipic  avait  pn  eiidisp  'ser, 
ei  avail  néjligé  dr  le  faire.  >i  Vnrrlieêqne  coiderail 
avani  ipie  les  six  im  i»  i\w  l'évèipie  Inssenl  expirés, 
les  pnivi-^ioiis  étaient  iiidle^  de  pli'in  di(di,  et  la  në- 
gligi'ii  e  de  révê(]"e  ne  les  rendait  pas  valabes. 

Les  grands  viiains  d'-s  arch.véqneu ,  reiiréseulant 
le  piélai  ipii  leur  a  cnnllé  sun  atnoiiié  pxnr  la  jnrl- 
dicii 'Il  V  louiaire,  penvei't  acenrier  des  visa,  Inis- 
que  les  évéi|ne-  les  tiiil  refusés  sans  raison,  dimncr 
(it-s  ilis|.en'>s,  et  ex'  rcer  tous  li'S  antres  acies  de  la 
ji'ridiiiion  viiioniaire,  en  cas  d'appel  ;  même  fnnfé- 
rer  le-  liénéliees  vii'anls  pai  dévulnii  m.si  Vitrclievê- 
que  leur  a  sceordë  spé'  ialeineni,  p.ir  eiir  coinniissiiin, 
le  dioit  de  ilimner  des  provision^  de  héiiéliecs. 

Clia.|iie  inélro  iilii.iin  dfvait  niiin  ner  nn  ofli  ial, 
pour  jngor  les  appellations  des  senlence^  reii  Inès 
daas  'e-  iiKicialiles  des  évoques  de  la  province.  Cet 
of  tial  inétiopoliiam  ile>aii  avoir  les  qiiai.és  requises 
par  II'»  ciiioiis  piir  les  or.loiinaMi'e-pour  les  oUici mx 
des  rvôqiies,  r'e«t  .'l  dire  qu'il  fallait  ipi'il  Irtt  prclie, 
né  '  Il  naiinali-éd.insle  royaniiii'  ;  qnM  lût  Inenné  en 
dridtdii  en  iliénlouie;  qu'il  m:  liV  eonsrill'r ii'an  une 
jnriuirliiii  riyai'e.  L'aifhevéqne  pouvait  le  lévininer 
quand  il  le  jugeait  à  propos,  sans  en  expliqner  la  rai- 
son, «Ml  observant  d-  laire  insinuer  la  léviKatinn  au 
gii  ffe  des  iii^iiiiiai  mis  er< lésiasiiqiusde  sou  diucé^e. 

Dans  les  églises  qui  avaient  le  titre  de  ()iiio  .ti  des, 
cniiiiiietidlesdeL\<'n  etdeliontgis,  l'olliiial  inéiopu- 
filain  jugeait  iinn-senlenient  les  cuises  d'appel  de 
liins  li's  diocèses  des  siilTrigants,  mais  encore  celles 
des  appellations  iiileijeées  de  i'iifltcial  diocésain  de 
la  métropole.  L'oftlcial  primatial  j  i-jeaii  les  appel- 
lati.iiis  des  seiUeiircs  rendues  par  l'oltlcial  inéiiopo- 
lilain.  —  Celle  maxime  éiail  fondée  sur  un  u^age 
constant  et  iininéniui ial;  mais  il  Initt  avouer  qu'il 
était  irés-dillirilf  de  lejnsliHei,  siiivaril  les  principes 
du  droit,  qiioii|iie  plusieurs  auteurs  aient  fait  >ur  ce 
siijfi  beaucoup  d'eilort-..  (le  qu'ils  ont  dit  de  iiieii- 
leiir  coiisisie  à  soutenir  que  les  divers  ofliciaiix  ju- 
geaient et  pron()ii«.aieiit  ebacuii  selon  l'ilendne  de 
leur  pouvoir  :  le  premier  comme  représeiilani  l'cvê- 
que  diocésan  ;  le  seeniid,  le  inéiropoliiaio,  comme 
juge  du  premier  degré  d'appel;  et  le  iroisièiiie,  le 
pi  imai  qui  l'a  coiisiitiié  pour  les  causes  dévolues  à 
la  priioalii!.  Mais  eomme  les  trois  qualité^  d'évèque, 
de  ntélropolitatn  et  de  primat  se  iniuvcnl  réunies 
dans  une  seule  personne,  ei  que  le  liibuiial  de  l'of- 
/iii.d  est  le  même  iiue  celui  île  l'évèqire,  il  sembla 
qn'appe  er  de  l'olTnial  diocésain  d'un  iirchevcquc  à 
son  oflicial  méiropolitaiii,  et  de  son  ofitci  d  niéiropo- 
lilaiii  à  l'ollii  ial  priinalial,  ce  seraii  appeler  de  l'é- 
véqiie  à  lui-nièinc.  Ce  n'eiail  donc  (|tie  par  une  abs- 
Iraciloii,  ou  cotnnie  parlent  les  caiioiiisles,  inlellec- 
tns  coHsiileraiione,  (pi'on  divisait  dans  l'evèiiue  mé- 
tropolitain et  pr mat  ces  dilïérenls  degrés  de  jnri- 
dii  tion  pour  en  faite  des.  tribunaux  iiiltéreiils.  Quoi- 
que (elle  jiiri>priidence  soit  Mijelle  à  des  inconvé- 
nie,  is,  <ui  Ta  conservée,  parce  qu'elle  s.  rt  à  obte- 
nu trois  semences  conformes,  à  moins  de  frais. 

I.'ofiicial  d'un  métropolitain  ne  peut  pio(é.ler  con- 
tre les  évèpies  sulTrngniis  (piand  il  s'agit  de  (oirec- 
lionei  de  iliscipline  eeciéMasiiqne  :  c'est  Curclieuéque 
eu  pefoiiiie,  enniuic  supérieur  immédiat,  qtii  doit 
connaiirc  de  ces  aflatres,  ce  qui  a  été  ainsi  éiabii  par 
respect  pour  le  caractère  épiscopal. 

Les  archevêques  ne  peuvent  laire  aucune  foticlion 
arcbiépis.  opale  avant  d'avoir  reçu  du  pape  le  patiium. 
Dans  l'origiiie,  le  •pailntm  était  un  «rneinent  d'Iion- 
neiir,  dont  Consiaiilln,  suivant  plusieurs  savams, 
gratilia  le  pape  cl  les  palriarclies  d'Orient,  Les  em- 


pereurs permirent  ensuite  à  tous  les  évêques  grées 
de  le  porter.  Mais  en  Occidenl  les  papes,  qui  d'abord 
en  aiaienl  seuls  le  droil,  l'accoMlèrcnl  aux  inéiro- 
poliiain?  on  archevêques,  et  mène  à  quelques  évê- 
ques. —  Le  palliiun  est  iitie  b mde  de  laine  blanche, 
dép  'inlle  de  deox  agneaux,  ipie  des  sous-diacres 
apostoli  lues  oui  eu  soin  de  faire  pailre  et  de  tondre 
cnxniènies.  teiie  bande  esl  cbaigée  de  Irni,  croix 
noires  ;  elle  esl  allacliée  à  un  rond  qui  se  niel  sur  les 
épaules,  cl  elle  forme  deux  penilanis  longs  d'envinu 
un  ped,  auxquels  soi  t  ailicliées  de  petites  lames  de 
plomb  an  ondies,  converies  de  soie  et  île  quatre  croix 
ronges.  Le  pnttiiim  doit  avoir  loiiclié  les  i  urps  de 
saint  lierre  et  de  saini  Paul.  Il  est  le  symbole  di'  la 
p  é.iilnde  du  sacerd  ce,  de  rindépendance  de  \'ur- 
cheiêqiie  et  de  la  dépendance  de  ses  siillragants  :  son 
einoi  est  une  espèce  de  conlirmalioii  des  drons  des 
niéiropcdiiains  ;  il  est  tellement  personnel  à  \'mcke- 
vcqtu'  ipii  l'a  obieiiii,  (|ii',iii  le  lui  laisse  après  sa 
mon,  et  qu'on  l'eu  re\ôl  avant  de  l'i  n-evelir.  L,B 
tmtliian  envoyé  à  un  anbevê  pie  est  icllement  allecié 
a  son  église,  que,  s'il  esi  transféré  à  un  autre  siège 
métnq.oliiain,  il  est  obligé  d'en  demander  un  nou- 
veau, (l'.xirait  du  Uiction.  de  Jurisprudence.) 

■^    All(;lllCt)NFUÉi;lfi  UUSU.NI   liTUlMACULÉlOEtH 

DE  MMlie.  Les  désordres  ei  l'irréligion  qui  se  iiiiilli- 
pliaieni  de  toute  part  iiispitèient  au  vénérable  (uré 

de  iNoire-U e  des  Victoires,   à   Pari.s,  de  reeunrir 

an  saint  cii'ur  de  Marie  pour  obtenir  la  convershm 
des  péebi  iirs.  Il  lorina,  à  c  •  dessein,  une  pieuse  as- 
sociation. Etablie  e|i  lyao,  elle  lui  érigée  in  arclii- 
conlrèrie  par  un  bief  de  Gré..;oire  XVI,  donné  en 
ISj'J.  Le  pape  accorde  par  ce  bref  aux  curés  de 
Notre-Dame  des  Vi(:ti>iri-s  la  lacolié  d'y  aggiéger 
lonics  les  .issocialions  qui  se  sont  établies,  ou  qui 
pourront  s'éabllr  sous  le  paironaije  du  saint  et  iiii- 
macnlé  cœur  de  la  saiiile  Vierge.  L'arcbicmifiéne 
coiiipie  aiij  luid'liiii  des  associés  dans  loiiies  les  par- 
ties (In  iiioiid  •.  Les  piodiges  de  giiérison  el  de  con- 
veisioii  se  sont  muliip  ics  eu  laveur  de  ceux  qui  ont 
eu  recours,  mi  po.ir  lesquels  on  a  eu  recours  au  saint 
ca'ur  de  Marie.  L'arcbicoiibérie  a  ses  Annules,  oit 
sont  (onsignès  ce-  prodiges.  Il  ne  faut  pas,  t  ■incfois, 
admetiie  tes  miracles  a  la  légère  ni  les  proclamer 
comme  indubiiablenienl  auibeuiiques,  à  moins  d'une 
perml-si  II  (le  l'oidiuaire. 

AUOIUUI.VCKI';  (n)  {droit  ecdésiusl.).  C'est  le  nom 
qu'un  doniiaii  auireios  au  plus  ancien  des  diaeres, 
ou  à  celui  que  l'evèiiue  clioisissait  pour  être  a  leur 
tète.  C'est  anjourd'liai  un  ecclésiastique  pourvu 
d'une  dignité  qui  lui  donne  une  lor>  e  de  jiii  idciion. 

Un  mot  nic7(irfiacri;soiil  venus  ceux  li'anludiaconal, 
pour  désigner  l'oHice  et  dignité  de  l'archidiacie,  cl 
li'urchiduuoné  piinr  la  parue  du  diocè.se  qui  est  su- 
jeile  à  la  visite  de  l'ajc/i  rfioc/c,  et  dont  l'évéque  a 
déieimiiié  l'étendue.  —  L'origine  de  celle  dignité 
remonte  aux  temps  des  apôires,  qui  cbo.sirenl  parmi 
les  premiers  clireiiens  les  plus  zélés  el  le»  plus  vigi- 
lants d'entre  eux  pour  leur  conlier  le  soin  des  pauvres 
et  les  cbaiger  de  leur  distribuer  les  libéralués  des 
lidcles.  Le  premier  qui  ail  été  liounré  de  ce  tilre  lut 
saint  Mienne,  (|uc  l'apôtre  saint  Luc  appelle  le  pre- 
mier dei  diacres.  Leurs  lonclions  se  réuuis,(ieiii  alors 
à  la  seule  distiibul.on  des  auiuôiies;  mais  le  inanie- 
iiieiit  des  deniers  et  des  ricliesses  de  l'LgIise  mit 
bienlôi  les  archidiacres  au  deisus  des  piéîies,  ipii, 
hoinés  aux  lonclions  puienient  spirituelle*»,  tel. es 
que  la  prière,  riiis:rial  iiii  el  radmiiiisiralion  des 
sacrements,  eurent  moins  de  crédit  el  d'antoriié; 
c'est  ce  que  non-,  allons  développer. 

Les  diacres  lureni  d'abord  établis  pour  soulager 
Iesévc|ue8  el  les  prêtres  dans  liis  loncuons  e.\ic- 
rieures  du  goiivernenient  de  ri".gli,e  [Voij.  DiacriJ; 
le  litre  il'aicliuliacre  lui  aitiiDiie  ii  celui  d  entre  eux 
que  i'evèque  regarda  cunime  le  plus  babile  el  le  plus 

(fl)  Tel  srticle  est  reproduit  d'après  l'éditioada  Liège, 


3» 


ARC 


ÀRC 


U6 


vigilant  ;  t)ienlôt  après,  les  prélats  en  lui  conférant 
ce  litre,  lui  roiilièrenl  une  parlie  de  leur  juridiction. 
Ainsi  les  anliidiacres  furent  aulrcfois  les  grands  vi- 
caires de  revenue,  et  ils  exercèrent,  en  son  nom,  la 
juridiction  épiscopale  sur  les  églis.s  de  leur  dépen- 
dance. Ils  en  étaient  regardés  comme  l"œd  et  la 
main.  Dans  l'église,  ils  avaient  S(uu  de  l'ordre  et  de 
h  décence  du  service  divin;  ils  étaient  les  maîtres  et 
.es  supérieurs  des  clercs,  ils  leur  assignaient  leur  rang 
et  leurs  fonctions.  S'il  n'y  avait  pas  d'économe,  ils 
recevaient  les  oblaiions  et  les  revenus  de  l'église,  et 
prenaient  soin  de  la  subsistance  des  clercs  et  des 
pauvres.  Ils  éiaient  les  censeurs  des  mœurs,  et  veil- 
laient à  leur  correction.  Ils  avertissaient  l'évéque  de 
tous  les  désordres  et  faisaient  à  peu  près  les  loni- 
lions  des  promoteurs  d'aujourd'hui,  pour  en  poursui- 
vre la  réparation. 

L'étendue  de  leurs  pouvoirs  et  les  fondions  qu'ils 
remplissaient,  les  faisaient  (dacer,  dans  la  lnérarchie 
ecclésiasli.|Ue,  immédiaiement  après  l'évèque.  Vers 
le  VI'  siècle,  on  leur  attribua  la  juridiction  sur  les 

prêires,  et  dans  le  xi«  on  les  considéra  coi odes 

juges  ordinaires,  ipii  avaient  de  leur  chef  une  juri- 
diction  propre,  et  le   pouvoir  de  déléguer   d'autres 
juges;  ils  usaient  en  leur  nom  îles  dr.nis  dont  ils  ne 
jouissaient  que  comme  délégués  de  l'évèque.  Plusieurs 
ont  même  prétendu  eu  Fiance  avoir  le  droii  déjuger 
en  première  instance  toutes  les  alîaires  ecclésiasti- 
ques de  leur  arcbidiaconé,  et  de  pouvoir  étiiblir  un 
ollicial  pour  terminer  ce  qui  dépendait  de  la  juridic- 
tion Cimtenlieuse.  Mais  au   commencement  du  xili" 
siècle,  les  évêques  s'ai  pliquèrent  à  réduire  dans  de 
justes  iioriies    les   entreprises    des  uit/iii/iacifs,  qui 
s'étaient  emparés  de  presque  toute  leur  jurid  clion  : 
ils  leur  ôtèrent  1 1  juridict  on  volontaire  par  rétablis- 
sement des  grands  vicaires,  la  coineiitiensc  par  celle 
des  olficlaux,  et   iU  lesseirèrent  ce  qu'ils  leur  cil 
laissénnl  en  multipliant  les  arcbixliatoi.é*.  Les  ca- 
nons de  plusieurs  itiivcilês  maiutiureiit  les  évc.iues 
dans  leurs  dr.  its,  et  tuuies  les  lois  qu'ils  ont  eu  re- 
cours aux   tiibunaux  séculiers   pour  se  plaindre  des 
entreprises  des  archidiacres  sur  leur  autorité,  les  par- 
lements les  ont  déclarées  abusives,  et  ont  réduit  la  jii- 
ridiciion  des  archidiacres  à  des  bornes  plus  étroites. 
Aujourd'hui  le  droit  le  plus  considérable  qui  leur 
ail  été  conservé  est  celui  de   visiter  les  églses  de 
leur  arcbidiaconé,  de  dresser  des  procès  vei baux  de 
l'état  dans  lequel   ils   trouvent  chaque  p.aioisse ,  des 
plaintes  que  peuvent  former  les   p.iroissieus  contre 
leurs  curé',  de  recevoir  les  comptes  des  revenus  des 
fabriques,  et  de   faire  des   ordonnances  pour  le  re- 
couvrement et  l'emidoi   des  deniers  qui  en  provien- 
nent. Cla  est  ainsi  prescrit  par  l'artcle  17  île  l'edit 
du    mois   d'avril    li,95.  —  Suivant   l'article    M   du 
même  édit,   les  archidiacres  doivent,  dans  le  mois 
après  leurs  visites  achevées,  en  remetire  les  procès- 
verbaux  aux  archevêques  on  évèques,  pour  ordonner 
8ur  ces  procès-verbaux,  ce  qu'ils  croient  devoir  être 
plus  utile  p.inr  le  bien  de  l'Eglise.  —  Les  archidia- 
cre$,  qui  sont  en  posse-sion  défaire  des  ordonnances 
dans  le  cours  de  leurs  visites,  peuvent  statuer  sur 
ce  qui  regarde  les    vases  sacrés,  les   bancs  des  égli- 
ses, le  service  divin,  et  les  aiiires   madères  de  cette 
nature,  confonnèiueot  aux   statuts  et  aux  usages  du 
diocèse  :  ils  peuvent  aussi,  suivant  la  jurisprudence 
des  arrêts,  décider  des  contestations  légères,  et  (pii 
ne  inériient  pas  d'instrnrtion  ;  mais  il  ne  leur  est  pas 
permis  de  prononc<T  Mur  les   questions  qui  doivent 
être  portées  au  tribunal  contentieux  ,  ni  »ur  le»  af- 
faires  inipoi  tantes  qui  dépendent  de  la  juridiction 
voluntaire,   comme  les  di-<i>enses   de  publication  de 
bans,  les  permission!,  de   marier  da.is  un  temps  tlé- 
lendu    par   rtglisc.  —  yuoiqii'en   général   la   disci- 
pline des  écoles  app.inu'niie   aux   juges  séculiers, 
f'nrc/iidiacre  peut,  ainsi  que  l'évèque,  interroger  dans 
le  cours  du  ses  visites ,  les  matires  et  inaiiresscs 
d'école  des  petits  villages,   et  nicine  les  destituer, 


lorsqu'il  n'est  pas  saiisfait  de  leur  doctrine  et  de 
leurs  nufiiirs.  C'e-t  la  ilisposiiion  de  l'article  2a  de 
l'édil  du  mois  d':nril  lt)9o.  —  Itéguhèreuieiit  les 
archidiacres  n'ont  pas  le  droit  de  visiter  les  monas- 
tères ni  les  églises  cnllégiaies  de  leur  arcbidiaconé; 
cependant  s'ils  étaient  en  possession  de  les  visiter, 
et  d'y  faire  des  ordonnances,  il  faudrait  se  conf'ir- 
mer  a  cet  ii^agi-.  On  trouve  au  Journal  des  Audiences 
nu  arrêt  du  10  juin  1640,  ipii  a  maintenu  rari;/ii- 
didcre  d'Oiitre-Loiie ,  du  diocèse  d'Angers ,  d.uis  la 
possession  de  visiler  l'église  collégiale  de  Blésion, 
située  dans  sou  archidiaconé.  —  il  est  permis  aux 
archidiacres  de  visiler,  en  personne  et  sans  frais,  les 
paroisses  dont  les  religieux  sont  curés,  celles  où  les 
chapites  prétendent  avoir  un  droit  de  visite,  même 
Celles  qui  dépendent  des  commanderies  de  l'ordre  de 
Malie.  A  l'égard  des  églises  paioissiales,  desservies 
dans  les  monastères  qui  se  piéiendent  exempis  du 
la  juridiction  des  ordinaires,  l'évèque  seul  peut  les 
visiter  en  |iersoniie.  —  Un  archidiacre:  ne  doit  visiter 
qu'une  fois  par  an  les  églises  paroissiales ,  à  moins 
qu'il  ne  survienne  queli|ue  raison  importante  qui 
l'oblige  à  l.iire  une  secoii  :e  visite  ilans  le  cours  de 
l'année.  —  Il  doit  visiier  toutes  chapelles  domesti- 
ques, et  se  faire  rendre  compte  des  revenus  des 
conlréries  qui  se  trouvent  quehinelois  dans  les  cha- 
pelles des  châteaux  des  seigneurs. 

Les  appellations  des  ordonuances  que  rendent  les 
archidiacres  doivent  être  portées  devant  l'évèque,  et 
non  devint  le  supéiieur  de  l'evêiiue,  parce  que  l«s 
archidiacres  ne  sont  p;is  regardés  à  p  ésent  comme 
grands  v.caires  de  l'évèque,  et  ((u'ils  possèdent  en 
litie  rarcbiiliaconé  qui  leur  donne  une  e-pèce  de  ju- 
ndicuon.  —  C'est  à  ['archidiacre  qu'appai  tient  1« 
droit  de  piésenier  à  l'évèque  ceux  qnl  Uoiveill  être 
ordonnés,  d'assister  à  feifamen  de  ceux  qui  douent 
rccevuir  les  ijrdii3s,  et  de  mettre  ou  de  fane  mettre 
en  possession  des  béuélites  cures  ceux  qui  en  sont 
légitiiiieineiit  pourvus. 

Autrefois  celui  qui  exerçait  les  fonctions  d'arc/ii- 
dtacrc  ne  pouvait  être  ordonné  prêtre  sans  perdre  s.i 
dignité  :  depuis  i|iie  les  archidiacres  sont  devenus 
ordinaires,  et  qu'ils  n'ont  plus  exercé  la  juridiction 
sur  les  curés,  comme  vicaires  de  l'évèque,  on  les  a 
obligés  de  se  fane  piuiiiouvoir  à  l'ordre  de  prêtrise, 
alln  que  tes  curés  ne  lussent  pas  dépendants  d'une 
personne  qui  leur  lût  iiilérieuie  par  l'ordre  :  il  faut 
aussi  que  les  ai  chidiacres  soient  licenciés  en  théoio- 
gie  ou  en  oroit  canon,  (juand  bien  inéine  ils  n'au- 
raient aucune  fonction  de  juridict. on  et  de  visite  <k 
exercer,  parce  que  hs  ardiidiaconés  sont  des  digni- 
tés des  églises  cathédrales,  et  que  l'édil  de  loOlJ  im- 
pose à  tous  les  tligiiiiaires  des  églises  cathédiales 
i'ob.igatioii  d'êtie  docteur  licencié  en  théologie  ou  en 
droit.  Suivant  la  dispisiiiun  de  l'ariicle  l"'  du  même 
édit,  tous  les  dignitaires  doivent  se  laire  piomoiivuirà 
l'ordre  de  piéiiise  dans  l'année  de  leui  paisible  pos- 
sessi  11,  d'où  on  doit  cmicltire  qu  un  ne  peut  èire 
pourvu  d'un  arcliidiacoiié  que  lorsqu'on  est  sullisani- 
nieot  âgé  |iour  étie  ui donne  piètre  dans  l'année. 

Varcliidiacre  étant  pourvu  de  sa  dignité  eu  litre, 
ne  peut  en  être  dé,>ouiilé  suivant  le  bon  plaisir  de 
rétèi|ue,  coiuine  les  giaiuls  vicaires  et  les  ufliciaux. 
qui  n'ont  qu'une  simple  cuinmissioii  ;  on  ne  peiii  le 
priver  de  son  titre  qu'après  des  procédures  réguliè- 
res, quand  il  a  mérité  cette  peine  par  i|uelque  délit. 

yiioiqu'il  n'y  eût  autrefois  qu'un  urçhidiac're  dans 
chaque  église  cathédrale,  l'étendue  des  diocèses  a 
obligé  de  les  diviser  en  plusieurs  archidiacunés  ;  c'est 
pourquoi  l'un  voit  plusieurs  archidiacres  dans  ht 
plupart  des  églises  de  France  cl  des  piys  voisins;  el 
d.ins  (|iielques  diocèses ,  {'archidiacre  de  la  ville  épi- 
scop.ie  prend  le  titre  de  grand  archidiacre. 

Quand  l'archidiacre  fait  ses  visites,  on  doit  le  re- 
cevoir avec  des  marques  de  distinctiun.    Une   des 

(a)  Toutes  ce»  lois  sont  abrogeas. 


361 


ARC 


Aftt 


5(fâ 


principales  est  d'être  reçu  à  h  porte  des  églises  par 
le  curé,  el  de  porter  seul  l'étole  en  lenr  présence. 
Un  nriêt  iln  parlement  de  Paris,  du  "id  juin  1726, 
l'a  ainsi  jn^é  pour  l'aiT/orfiacrf  ileSenlis;  et  nn  antre 
arrêt  dn  iS  juin  1754  a  proiinncê  de  même  en  laveur 
de  \'<ircliidiacre(\e  Puisaie  de  l'église  d'Auxt^ire.  Ton- 
lelnl-  ce  droii  dépend  de  l'usage  et  de  la  pnssession. 
—  Un  archidiacre  pi^ul  aussi,  dans  le  cours  de  ses  vi- 
sites, se  f.iire  p;iyer  dn  droit  de  pr<pcnrali(in,  qui  est 
ordiiiaiii'nient  de  trente,  cini|naiiie  ou  sidxiiiiie  sous 
par  jour,  selon  rus;ige  des  diocèses.  —  l.oisi|ne  \'ar- 
cliidiiicre  est  en  visite,  il  esi  censé  présent  au  <  liijenr, 
s'il  est  cliaiioi!  e,  et  il  |)art  cipe  à  lous  les  IVuiis  et  à 
tontes  les  disirlhuiioiis  de  son  liénélico,  pourvu  tou- 
teroi>  ((u'il  ait  suin  d'avenir  le  clia|iilie  de  s'Mi  dé- 
part. Un  ariêi  du  pailenieui  de  Dijnn,  dn  1^'  juil- 
let l<)."i8,  l'a  ainsi  jnné  en  f  ivt-ur  do  l'iirclriliiicrc 
d'Aninn.  —  Dans  quelipies  dincc-es  les  iircliidiacres 
jouissent  du  revenu  des  cures  et  d'auti  es  druiis  pen- 
dant la  vacance,  on  lors(|u'elles  sont  en  litige,  l^e 
droit  se  nomme  druii  de  déi)ori  ;  il  est  si  oïlietjx  que 
le  concile  de  Bàle  avait  voulu  l'abolir;  mais  l'usage 
a  prévalu  sur  son  autorilé. 

A  Paris,  li'S  areliidiacres  jouissent  de  ce  qvi'ils 
appellent  spulium  ou  droit  de  <lép<Miille.  Ils  ne  sunl 
fondes  à  cel  égard  sur  aucune  disposition  du  droit 
c;vil  ni  du  ilroit  canonique;  mais  ils  ont  pour  eux 
une  longue  possession,  au  moyen  de  la(|uelle  on  les 
a  mainieiius  dans  l'usage  de  pieiiiire,  aprèn  le  décès 
des  ciir^s,  soit  de  la  ville  ou  de  la  cniupuiiiie,  te  ineil- 
leiir  m  garni,  la  robe  ou  sunUiue,  lu  Ciinlitre,  le  sur- 
plis, l'uumusse,  le  bréviaire,  le  cheval  on  viulel,  iitij 
en  a  iiu,  à  cause  de  leur  diguilé  ifaieliidiac  e,  et 
pour  leur  droit  de  fuuéraiil  s.  C'est  ce  (|ui  résiiite 
de  tleux  ai  rets  rendu-,  le  '20  jiiillei  ItiSi  et  18  mars 
1711,  en  laveur  de  Ynrcliidiacre  de  Josas. 

Plusieurs  arrêts  r.ipiiorié.  dans  le  premier  volume 
des  anciens  Mémoires  du  clergé  oui  jugé  que  les  ar- 
chidiiuonés  n'élaient  pas  sujets  à  l'exiiectaiive  des 
gradués.  Ils  en  avaient  élé  déclarés  exempts  par 
redit  de  1596;  mais  comme  il  n'a  élé  enregistré 
dans  aucune  cour  de  justice  ces  arrêts  sont  ap|inyés 
sur  l'article  I'"'  de  l'édilde  lOOii.qui  déclare  e\empics 
de  l'expectative  des  gradués  louies  les  dignités  des 
églises  cathédrales.  —  Un  autre  arrêt  rendu  au  par- 
lement de  Paris,  le  50  août  1678,  eulre  le  sieur 
Milloi,  curé  de  Press'gny,  à  poriion  congrue,  et  le 
seigneur  du  lieu,  déljiieui' de  la  portion  <  oiigrue, 
eu  qualité  de  gros  déciuiateur,  a  jugé  (|iie  les  gros 
déciniateurs  n'éiaient  point  tenus  de  payer  li  s  dioits 
de  visite  à  l'urc/iididcrc,  quoique  le  curé  lût  réduii  à 
sa  portion  congrue,  (bxirait  du  Diction,  de  Juris- 
prudence.) 

AKOlllMANDmTE  (  droit  ecclés.  ).  Ce  mot  est 
grec,  et  signilie  le  supérieur  d'un  munaslère,  auquel 
on  donne  anjonrd'nui  le  uoui  i\'ubbé.  On  l'employait 
aussi  pour  désigner  pariiculièrenient  ce;ix  qui  g  n- 
vcrnaient  plusieurs  uionasleies,  el  alors  un  e  aen- 
dai!  par  ce  mot  ceux  que  nous  ap|ieloiis  supérieurs 
géitéiaux.  Les  Latins  ont  quelquelois  dininé  a  ix  ar- 
clievéqucs  le  nom  A'arcliiinandrnes,  el,  dans  ce  sens, 
il  vent  due  chef  de  troupeau.  (Extrait  du  Diction,  de 
Juiisprudencc.) 

AUClIll'Kt;  I KE  (i/roi;  «cc/ds.).  Dans  la  primitive 
Eglise  on  duimait  ce  nom  au  |)lus  ancien  ou  au  cliet 
des  piètres,  comme  celui  d'à; c/iidiuc/e  au  premier 
des  di.icres  :  aujourd'hui  on  donne  ce  nom  à  un 
ecclésiastique  levêlu  d'une  diijnilé  à  laquelle  sont 
atlri  nés  ddlereius  droits.  On  appelle  arcliipréiré  ou 
archipiéirise  le  titre  el  le  district  de  ['archipréire. 

D.iiis  les  premiers  siècles  de  l'tglise  on  recoii- 
uaissait  trois  dignités  piincipales,  qui  étaient  en 
nièuie  temp-  dignités  de  l'église  cathédrale  et  du 
diocèse:  s.ivoii,  \'arcliiprélre,  qui  étail  à  la  têli;  des 
préiies  el  di!S  clercs;  Vurchidiacre,  établi  sur  1.  s 
diacies,  et  le  prnmcier,  c'est-à-diie  le  premier  des 
clercs,  établi  sur  tout  le  clergé  iuiérienr.  —  Il  esl 

DlCT.  DE  XH£0L.  B06UAT1QUE.  I. 


parlé  de  ces  trois  dignités  dans  les  canons  arabiques 
du  concile  de  Nicée.  Et  le  concile  de  Mérida,  ti;nu 
en  (166,  ordonne  à  chaque  évêqu.'  d'avoir  dans  sa 
catliéilrale  un  archiprêire,  un  arcliidiacie  et  un  pri- 
niicier;  mais  il  ne  marque  pas  quelles  étaient  leurs 
fun<'lions. 

Comme  le  nom  de  prêire  vient  de  l'âge  avancé  où 
devai''nt  éire  ceux  qu'on  linnorail  de  ce  cariclcie, 
Varchiprêire,  qui  élait  le  premier  des  prêlres.  devait 
être  le  plus  âgé.  Cèpe  dmt  les  évêques  donnaient 
quelqueluis  celle  digniié  au  mériie,  ipioi  |ue  ré^'ii- 
liêrenieiit  elle  ne  dùl  être  donnée  qu'à  l'aucienneié. 
On  voit  que  Prolérius,  <|ni  fut  élu  évêque  d'Alexiii- 
drie  airês  la  déposiiion  de  Hinscore,  d.uis  le  con- 
cile de  Chalcédoine,  avait  élé  fait  archip.étre  de  la 
même  égli-e  ;  et  saint  Jéiôuie  semble  faiie  entendre 
que  dans  l'Eglise  latine  tontes  les  cathédrales  avaient 
leurs  arcliiprêlres,  et  qu'il  ne  devait  y  eu  avoir  qu'un 
dans  chacune. 

Les  anliiprélres  ayant  lenu  autrefois  un  rang  dis- 
tingué dans  l'Eglise,  nous  allons  exposer  leers  loiic- 
lioiis  telles  qu'elles  étaient  selon  l'usage  ancien  et 
tell'  s  qu'elles  sont  selon  le  droit  canoiiii|ue  actuel. 

—  bans  l'origine ,  Varcliiprêtre  élait  la  |ueinière 
dignité  après  l'évêquo,  et  pour  l'ordinaire  il  élait, 
comme  le  grand  vicaire,  chargé  de  la  conduite  de 
l'Egli-e  lorsque  l'évciiue  étaii  absenl.  Le  capiiiilaire 
de  Loui-  le  Uélionnairc,  de  l'année  828,  appede  les 
arcliiprètres  les  ailes  et  les  coadjuteiirs  des  évoques. 

—  Le  concile  do  Pu is,  iciiu  en  8.i0,  dit  que  les 
arclitjirèlres  étaient  chargés  d'evdleràla  pénitence 
publique  ceux  qui  élaienl  coupables  de  crimes  pu- 
blics, et  que,  cjujoiniement  avec  les  évêques,  ils 
devaient  nommer  des  piêlies  et  des  curés  pour  re- 
cevoir les  conlessioiis  des  crimes  secrets.  —  Le 
second  concile  de  Tours,  après  avoir  réglé  l'ordre 
el  les  fonctions  des  arcliipréires,  les  condamne  à 
fiiire  pénitem  c  dans  un  monasicre,  s'ils  ont  iiiaii(|ué 
de  veiller  sur  la  continence  des  piêlres,  des  dccies, 
des  sous-diacies  :  le  même  concile  défend  à  toui 
évéi|ue  de  déposer  un  urchipréire,  sans  avoir  pris  le 
conseil  de  lous  les  prêtres  et  abbés  du  diocèse.  — 
Il  parait  par  la  régie  de  saint  Clirodegand,  évêciuc 
de  Mel/.,  ([u'ils  élaienl  les  ininialres  universels  de 
l'évêque  pour  le  gouvernement  spirituel  des  lai.|ues, 
des  curés  cl  même  des  chanoines,  et  que  quand  uii 
évêque  les  avait  une  fois  établis,  il  ne  pouvait  plus 
les  destituer  que  dans  un  synode,  après  leur  avoir 
lait  leur  procès.  —  Le  concile  de  Clià  ons,  lenii  eu 
650,  délèiidil  aux  juges  séculiers  de  continuer  les 
visiies  qu'ils  avaient  couiume  de  faire  d.ms  les  pa- 
roisses de  la  campagne  el  dans  les  mon.isleies,  à 
moins  qu'ils  n'y  lussent  invités  par  les  archiprélres 
Cl  les  abbes.  — Le  concile  de  Ponl-.\udeberi,  tenu 
en  1279,  recommande  aux  arcliipréires  de  prendre 
garde  que  tous  les  ecclésiastiques  de  leur  res  ort 
portenl  la  tonsure  et  l'iiabil  ecclésiasiiqiie.  Il  paraît 
inciiie,  par  ce  dernier  concile,  (|u'ils  avaient  "uri- 
diclion,  puisque  le  caihiii  16  leur  défend  de  sus- 
peiulie  el  d'excommunier,  sans  mettre  leur  sentence 
par  écrit. 

Aujourd'hui  le  nombre,  le  rang,  les  fonctions  et 
les  droits  des  archiprélres  varient  suivant  les  diffé- 
rents dio(  èses  (a).  A  Pai  is,  il  n'y  en  a  que  deux,  qui 
sont  le  curé  de  la  Madeleine  et  celui  de  Saint-beve- 
rin.  Leurs  fonctions  consistent  à  envoyer  les  nian- 
demeiiisde  l'archcvêipie  aux  curés  de  la  ville  et  de 
la  banlieue  .  iis  assis'enl  à  la  conirclion  des  saintes 
huiles  le  jeudi  saint,  dans  l'église  meiropidiiaine, 
mais  ils  n'v  ont  séance  que  dans  les  bas  stalles.  Au 
synode  de  l'archevêque,  ils  sont  nommés  les   pre- 

(n)  Nous  faisons  remarquer  de  nouveau  que  cet  article 
et  plusieurs  des  préiédenls,  reproduits  d'après  lediliou 
de  Licije,  oui  élé  composés  au  point  de  vue  de  1  an- 
cien droit  ecclésiastique.  Voy.,  pour  le  nouveau,  notre 
Dictiouuaice  de  Tbéulugie  morale 

12 


o63 


ARI 


AR1 


S64 


mierSi  tiennent  la  première  place  du  côié  gauche 
avec  les  doyens  ruraux,  et  siiiveiit  immédiaiement 
l'arclievéuue  à  la  procesMon  à  côlé  îles  sr:in(ls  vicai- 
res.— A  Timrs,  il  y  a  cimi  arc  iprêires.  Le  premier, 
i{iii  a  le  lilre  de  (pand  arcliiprêire,  fsl  un  diginlaire 
delà  fallitdrale,'qiii  ;i  séaiine  au  dessus  des  cha- 
noines, et  les  précède  à  la  pr.iCi>ssion.  Il  a  nn  revenu 
fixe  outre  le  casuel  iiiii  lui  esl  coininiiu  avec  l(;s 
autres  archiprélres.  Ceuv-ci  ne  niarclieiu  à  la  pro- 
cession qu'après  les  clianoiiies  prél.endés.  —  \  Or- 
léans, it  n'y  a  qu'un  arch'tprhre,  qui  e^l  une  des 
dignités  du  ch:'ptrK,  mais  il  n'exeice  aucune  fnnc- 
liiiii.  Il  jouit  du  droit  de  prendre,  dans  réteniliie  du 
grand  arcliidiaconé,  le  lit  g;irni  des  cuiés  après  leur 
mort.  Ce  tlroil  est  évalué  cinquante  livres  pour  les 
cures  où  il  y  a  vicaire,  et  vingt-cinq  livres  pour 
celles  où  il  ii'y  en  a  point.  1!  a  d'.dll.-uis  le  tiers  des 
déports  dans  l'étendue  ilu  grand  archidiaconé;  les 
deux  autres  tiers  a|iiiarliennent  au  doyen,  comme 
giand  archidiacre.  —  Dans  d'autres  dincèses,  les 
anltiprêlres  ont  les  mêmes  droits  sur  les  curés  de 
ville  que  les  doyens  ruraux  sur  les  curés  de  cam- 
pagne. D;ins  légiise  niéiropolitaiiie  de  Ueims,  les 
archifircires  ne  sont  que  les  vicaires  des  cli  iiiuines, 
ils  ollii  ient  à  leur  place.  Ils  entonnent  les  petites 
heures. 

Il  serait  trop  long  de  parler  des  fonctions  des 
arcliiprèlre-o  .'  ns  les  dilîérenls  diocèses  de  France. 
Leurs  droiis  et  leur  rang  varient  d'un  dioi  èse  à  un 
autre  ;  il  faut  avoir  recours  à  l'usage  oe  cliaquc 
endroit,  lorsqu'il  arrive  quelque  comestation  à  cet 
égard. 

Lorsqu'un  arcivprétré  est  dignité,  il  faut  élre  gra- 
dué et  âgé  de  vingt-deux  ans  pour  le  posséder;  et 
s'il  a  charge  d'ànics,  il  ne  faut  pas  moins  île  vingt 
an<  accomplis,  comme  pour  les  curés.  (Extrait  du 
Ùictionn.  de  Jurisprudence.) 

ARCHONTIQUE,  adjectif,  mot  formé  du 
grec  âpx'^'v,  au  pluriel  cipxo-.Tzi,  principautés 
ou  liierarcliies  d'anges.  Ou  donne  ce  nom  à 
une  secli;  d'Iiérétiques  qui  parurent  sur  la 
fia  du  II'  siècle,  parce  qu'ils  allribuaient 
la  création  du  monde,  non  pas  à  Deu,  mais 
à  diverses  puissances  ou  principautés,  c'est- 
à-dire  à  des  iiilelligences  subordonnées  à 
Dieu,  et  qu'ils  a|)pclaieiit  archontes,  lis  re- 
jelaienl  le  hap'.êiiie  et  les  suiiils  mystères, 
dont  ils  faisaient  auteur  Sabaoth,  qui  était, 
selon  eux,  une  des  ]irincipaules  inférieures. 
A  les  entendre,  la  femme  clail  louvragc  de 
Satan  ,  et  l'àiiie  devait  ressusciter  avec  le 
corps.  On  les  regarde  comme  une  bianclic 
de  la  secte  des  valciitiniens  oudes  marcosiens. 
{Tillnniinl,  l.  Il,  p.  295.) 

AUÏ;01'A(;iTK.  Vol/,  s.  Dems. 
AKIANISMK,  AlUliNS.  Arius,  prêtre  dA- 
lexandrie  ,  premier  auteur  de  l'bérésie  à 
laquelle  il  a  donné  son  nom,  commença  de 
la  publier  l'an  310.  Mécontent  d'une  expli- 
cation ()u'Alexaiidre ,  son  cvéque  ,  avait 
donnée  du  mystère  de  la  sainte  Trinilé,  dans 
une  assemblée  de  prêtres,  il  soutint  que  le 
Fils  de  Dieu,  ou  le  Verbe  divin,  ctall  une 
créature  tirée  du  néant,  que  Dieu  le  l'éro 
avait  produite  avant  lous  les  siècles,  cl  tic 
laquelle  il  s'était  servi  pour  créer  le  monde; 
qu'ainsi  le  Fils  de  Dieu  était  dune  nature  et 
d  une  dignité  très-inférieures  au  l'ère;  qu'il 
n'était  a|ipelé  JHeu  ((tie  dans  uu  sens  im- 
propre. Condamné  d'abord  par  son  évéque 
dans  un  concile  d'Alexandrie,  et  dans  uu 
second  tenu  l'an  321,  il  su  relira  dans  la  i'u- 


lestine;il  écrivit  aux  évêques  les  l'uts  cé- 
lèbres, pour  se  plaindre  de  la  rigueur  avec 
laquelle  il  était  iraiié;  il  sut  déguiser  sa 
doctrine  et  rendre  odieuse  celle  d'Alexandre, 
aussi  bien  que  sa  conduite:  il  gagna  ainsi 
plusieurs  pariisans.  surtout  lîusébe  de  Ni- 
comédie,  dont  le  crédit  était  grand  pour  lors, 
soit  à  la  cour,  soit  dans  l'iiglise  Alexandre, 
de  son  côté,  rendit  compte  des  erreurs  d'A- 
rius  et  des  motifs  de  sa  condamnation  ;  la 
dispute  commença  dès  ce  moment  de  s'échauf- 
fer de  part  et  d'autre. 

1.  Lempereur  Constantin,  qui  en  prévit 
les  suites,  tàclia  vainement  de  concilier  ou 
de  calmer  les  deux  partis,  et  de  leur  imposer 
silence.  Voyant  «lu'il  ne  pouvait  y  réussir,  il 
assembla,   l'an   325,    un    concile    général  à 
Nicée  en  liilhynie,  auquel  se  trouvèrent  trois 
(  enl  dix-buit  évéques,  tant  de  l'Orient  que  de 
l'Occident.  Après  un    sérieux   examen,  dans 
lequel  Arius  et  ses  partisans  furent  enten- 
dus, le  concile  condamna  leur  doctrine;  il 
décida  que  Je'sus-Christ,  Fils  unique  de  Dieu, 
est  né  (/it  l'rie  aiant  tous  tes  siècles.  Dieu  de 
Dieu,  lumicre  de  lumière,  vrai  Dieu  de  vrai 
Dieu,  engendré  et  non  fait,  consuiistantie!  à 
son  Père,  et  que  par  lui  toutes  choses  ont  été 
faites.  C'est  le  symbole  de  la  foi  que  l'Eglise 
rciièic  encore  ai^jourdliui  dans  sa  liturgie. 
Arius,  ayant  refuse  de  souscrire  à  sa  con- 
damnation, fut  exile  eu  lllyrie;  dix-sept  évê- 
ques   firent  d'abord  le    niéme  refus,   ensuite 
ils  se  reduisii  enl  à  cinq,  et  enfin  à  deux,  qui 
furent  aussi  exilés.  —  Mais  l'an atlième  pro- 
noncé contre  l'erreur  ne  la  détruisit  pas  ;  la 
plupart  de  ceux  qui  n'avaient  signé  la  déci- 
sioi»  du  concile  que  pour   éviier  l'exil,   de- 
meurèrent attaches  au   parti  d'Aiius.  Cons- 
tantin lui-même,  séduit  par  un  prélre  arien, 
queConslantia  sa  sœur  lui  avait  recommandé 
eu  mourant,  et  qui  avait  gagné  sa  coniiance, 
consentit  à  rappeler  Arius  de  son  exil  en  328  ; 
et  cet  liérclique,   léuui  à  ses  partisans,  re- 
commença de  semer  ses  erreurs  avec  encore 
plus   de  chaleur   qu'auparavant.  Mais   saint 
Allianase,   qui  avait   succédé  au   patriarche 
Alex;indre  dans  le  siège  d'Alexandiie,  refusa 
constamment  de  recevoir  Arius   à  sa  com- 
munion, el  parcelle  fermeté  il  encourut  l'in- 
dignation do  Constiintin.  —  Dès  ce  moment, 
les  (inens  devinrent  un  parti  rcdoulable;  ils 
tinrent  plusieurs  conciles  dans  lesquels  ils 
se  trouvèrent  les   maîtres;  ils  parvinrent  à 
faire  exiler  plusieurs  des  évéïjues  les   plus 
attachés  a  la  loi  de  Nicce,  en  particulier  saint 
Alhanasc  et  saint  Fuslaclie,  évê()ue  d'An- 
tioclie.  Ils  s'appli(]iièrent  à  inlerprcler  dans 
un  mauvais  sens   la  doctiim;  du  concile  de 
Nicée,   surtout   le  terme  consnbstanliet ;   ils 
prétendirent  que  ce  mol   p()U\ail  faire  con- 
fondre  la   l'eronne  du  Fils    avec  celle    du 
l'ère,  et  renouveler  l'erreur  de  Sabellius,  et 
ils  eurenl   grand  soin  de  le   retrancher  dans 
toutes  les  professions  de  foi  qu'ils  dressèrent. 
Mais   leurs   disputes,   leurs    variatitms  dans 
ces  confessions  do   loi,   sur  Icstjiielles  iN  no 
pouvaienl   s'accord;  r,    el  qu'ils   cliangèrciit 
au  moins  vingt  fois,  ne  prouvèrent  (|ue  trop 
la  nécessité  d'un  tcruio  qui  coupait  la  ra- 


56." 


ARI 


ARI 


366 


ciiift  à  tous  leurs  subterfiiKos.  —  Constantin 
lui-même  m-  piii  f.iirc  coiisi-iilir  A  le  k.!  mire, 
évéqiie  <li'  Ci)i\slai>liiiO|)li',  à  rrcevoir  Arius 
d.'Mis  sa  coiiiiiiuiiion  ;  cet  hcrciiqiic  mourut 
d'une  manièie  ir.pp;i<iue  dans  celte  circons- 
tance même,  l'an  o.'JO;  ceux  qui  accui^eiit  les 
callm'i(Hies  de  l'avoir  empoisonin",  les  ca- 
lomiiienl  sans  rondement  et  par  pure  mali- 
gnité. —  Après  la  niort  de  Conslaniin,  ar- 
rivée l'an  3.i7,  le  parti  des  ariens  lut  tantôt 
plus  fort  et  tantôt  |ilus  faible,  selon  qu'ils 
furent  piotétiés  ou  proscriis  par  les  einpo- 
reurs.  Sous  (lonslance,  (pii  les  l'.ivorisait,  ils 
remplirent  tiiul  l'Orient  de  Iroulilc!),  de  sédi- 
tions, de  violences;  mais  Consianlin  le  .Irnne 
et  CoMslanl,  (jui  résinaient  sur  l'Occident, 
empêchèrent  Varinnismn  d'y  faire  beaucoup 
de  progrès.  Kn  3)1,  Constance,  devenu  maî- 
tre de  tout  l'empire  p.ir  la  mort  de  ses  <leux 
fières,  protège,!  l'héri'sie  cncoie  plus  hau- 
teiricnl  qu'au|jarav;int  ;  il  y  eut  plusieurs 
coix  les  tenus  en  Italie,  dans  lesquels  les 
ariens  dominèrent;  d'autres,  dans  lesquels 
les  catholiques  repriieiit  le  dessus,  comlam- 
iièrent  Arius  et  ses  partisans,  et  confirmè- 
tenl  la  loi  de  Nicee.  Au  concile  d'Arles  en 
353,  à  celui  de  Mil. m  tenu  e'i  3j3.  à  Kiniini 
en  359,  plusieurs  évèciues,  ïaincus  par  vio- 
lence, souscrivirent  a  la  cond:mnaUon  de 
sainl  Alhanase  el  signèrent  di  s  conlessiiins 
de  foi  dans  lesquelles  le  mot  de  corifubstan- 
tiel  élait  supprimé.  Ceux  qui  oni  conclu  de 
là  que  ces  évèques  avaient  signé  Variansine, 
onl  abusé  des  termes  :  les  professions  de  foi 
auxquelles  ils  sousrrivirent  n'exp' imaient 
pas  assez  expressément  le  dogme  cailiolique, 
mais  elles  n'exprim.iieui  pas  non  plus  l'er- 
reur d'Aiius,  puisqu'elles  portaient  ou  que 
le  Fils  est  semblable  au  Père,  en  substance, 
ou  qu'il  lui  esl  semblable  en  toutes  ehoes, 
ou  ((u'il  lui  est  semblable  selon  les  écritu- 
res, etc.  Ce  ne  sont  i  as  là  des  hérésies,  quoi- 
que les  ariens  aluis.issenl  malicieusement 
de  ces  expressions  vagues  pour  semer  leur 
erreur.  —  11  en  l'ut  de  même  de  la  formule 
que  le  papo  Libère  signa  par  faiblesse  dans 
son  exil,  l'an  357.  Vof/.  Liuèhk.  Il  est  cons- 
tam  d'ailleurs  que,  pendant  lout'S  les  dis- 
puies  l'es  évéques.  les  peuples,  i|ui  n'y  cora- 
prenaienl  rien,  conlinuaienl  a  croire  el  à 
professer  le  dogme  de  la  diviniié  de  Jésus- 
Christ.  Les  é\èi|ues  ariens  eus-mêines  n'o- 
S  lient  pas  prêcher  en  puilic,  looime  .\rius, 
que  le  Fils  de  Uieu  esl  une  cré.ilure  liree  du 
néant;  (ju'il  est  inférieur  eu  niture  a  son 
Père;  qu'il  n'est  pas  Dieu  d.ins  toute  la  ri- 
gui'ur  du  terme.  Co.nuieiit  donc  piul-on  sou- 
tenir q  le.  dans  le  temps  dont  nous  parlons, 
l'a» iGHi.vme  avait  èlontle  la  foi  catholique,  et 
domuait  dans  l'Eglise?  —  Julien,  parvenu  à 
l'empire  l'an  362,  laissa  dispuier  les  ariens 
el  les  catholiques  :  son  règm;  ne  dura  que 
deux  ans,  ci  lui  .le  Jovien  ne  fut  que  de  quel- 
ques mois.  >'alens,  maîire  de  l'Orienl  l'an 
301,  favoris  I  el  embrassa  Varianisme  ;  V'alen- 
tinien,  son  frère,  travailla  ellicaceineul  à 
I  extirper  eu  Oeri'enl.  (iralien,  el  ensuite 
1  benlose,  le  proscrivirent  dans  tout  l'eiii- 
pi'"e,de  manière  que,  vers  l'au  38>),  celte  hé- 


résie, après  soixante  ans  de  lilmulfê,  n'osa 
presque  plus  se  montrer.  Au  conimence- 
menl  du  \'  siècle,  les  Coths,  b-s  Bourgui- 
gnons el  les  Xandalcs,  qui  en  éiaienl  infec- 
tes, voulurent  la  rét  iblir  dans  les  Oaules  et 
en  Afrique;  ils  exercèrent  heauioup  de  vio- 
lemes,  el  tirent  un  grand  nonibi-e  de  mar- 
tyrs; les  Visigoths  la  portèrenl  eu  E-pagne  : 
c'est  où  elle  a  subsisté  le  plus  longlemiis  sous 
la  proiecùon  des  rois  qui  l'avaient  embras- 
sée; mais  ceux-ci  l'ayant  enlin  abjurée,  elle 
s'y  éieig  lil  aussi  vers  l'an  CCO.  Nous  la  ver- 
rons renaître  de  sis  cendres  au  xvi"  siècle. 

II.  Il  esl  probable  que  Variiinisme  aurait 
subjugué  l'Orient  tout  entier,  si  ses  parti- 
sans avaient  pu  s'accorder;  mais,  comme 
tous  les  hérétiques,  ils  se  divisèrent  promp- 
temenl.  Les  deux  factions  principales  furent 
celle  des  purs  aiens  el  celle  des  senti-ariens. 
Les  premiers  disaient  sans  déiour,  comme 
Arius,  que  le  Fils  de  Dieu  était  une  cré;iture, 
par  conséquent  Irès-inférieur  et  dissemblnble 
à  son  Pèie  :  c'est  ce  qui  les  lit  nommer  nno~ 
méens,  dissemblables.  On  les  appelle  encore 
acaciens,  eadnxiens,  eusébiens,  aétiens,  eitno- 
miens,  ursaeiens.  eic;  parce  que  Ai  ace,  évé- 
que  de  Césaree,  Kudoxe,  évéque  d'Aiitioche, 
Kusèlie  de  Nicomédie,  Aétius,  Runomius, 
Ursace,  évéque  de  Tyr  ou  de  Sigedun,  furent 
successivement  à  leur  tête;  mars  il  ne  paraît 
pas  que  ce  parti  ait  été  le  plus  nombreux; 
leur  hérésie  propos,  e  ainsi  sans  dégiir>ement 
révoltait  les  esprits.  —  Los  semi-w  iens,  qui 
pensaient  peut-être  de  même  dans  le  fond, 
dissimiilaiinl  leurs  vrais  senlimrnts.  Nous  ne 
pouvons  mieux  connaître  leurs  artifices  et 
leurs  détours,  qu'en  examinant  la  conduite 
d'Lusèbe  de  Ces.irée,  qui  paraît  avoir  été 
coiistaiiiment  dans  ce  parti.  Il  ne  faisait  point 
de  diflicnlté  de  dire,  comme  le  concile  de 
Nicée ,  que  Jésus-Christ  ist  le  Verbe,  la 
raison  ou  la  sagesse  divine.  Dieu  de  Dieu, 
lumière  de  lumière,  engendié  du  Père  avant 
tous  les  siècles,  et  qui  a  f.iil  toutes  choses; 
mais  il  n'avouait  pas  que  ce  Vi  rbe  fût  en- 
gemlré  de  toute  éternité  et  coétornel  au  Père  ; 
il  prétendait,  co  nme  font  encore  les  soci- 
nieiis,  que  le  Père  avait  donné  l'être  au  Fils 
avant  la  création  ;  et  quand  il  disait  que  ce 
n'e-t  pas  une  criatiire.  il  entendait  que  ce 
n'e^t  pas  une  créature  semblable  aux  auires, 
mais  d'une  nature  beauroup  plus  parfaite, 
et  iiulanl  semblable  à  Dieu  qu'une  créature 
peut  l'être.  C'est  pour  cela  même  que  les 
semi-ai  iens,  au  lieu  du  mot  homoousios,  con- 
snb^tantiel,  substituaient  celui  de  lioinoiou- 
sios  ,  semblable  en  substance.  —  Eusèiie,  en 
profe-saiit,  même  dans  le  symbole  de  Nicée, 
(|ue  le  Fils  est  fonsiibslanliet  au  Père,  en- 
tendait que  le  Fils  esl  sorti  du  Père  non  par 
division  ou  par  retranchement,  comme  uu 
corps  qui  faisait  partie  d'un  autre  corps, 
mais  sans  changement  et  sans  diminution 
de  la  substance  du  Père;  ainsi,  par  consub- 
stantiel,  il  n'entendait  toujours  qu'une  res- 
semblance imparfaite  dans  la  substance,  et 
non  une  parfaite  égalité  avec  le  Père.  11  n.e 
refusait  pas  de  condamner  Arius,  ni  de  dire 
anathème  à  tous  ceux  qui  enseignaient  que 


567  ARi 

le  Verbe  est  sorti  du  néant,  ou  de  ce  qui  n'é- 
tait pns  ;  qu'il  a  été  un  temps  où  il  n'était 
pas  encore,  parée  que,  ilisail-il,  ces  expres- 
sions ne  sont  pas  ilans  l'Ecriliire  sainte.  C'est 
ainsi  qu'il  >.'e\plique  dans  li  lellre  qu'il 
écrivit  an  peuple  de  ("ésarée  après  le  concile 
de*  Nicée.  Socraie,  llist.  erclé<.,  1.  i,  c.  8. 
Dans  ses  aulres  ouvrages,  il  a  nié  pins  d'une 
fois  l'élerniié  «lu  Verbe  et  son  égalité  avec  le 
Père.  (Petau,  Dogm.  théol.  t.  Il,  1.  i,  c.  11  et 
12.)  Plusieurs  soriniens  se  servent  encore  au- 
jourd'hui des  méuies  ariificcs  poui-  pallier 
l'impiété  de  leur  seiitimenl  louchant  la  divi- 
nité de  .Ii'sus-Cliri-t.  Voi/.  SEJii-AR;ANiSMt:. 
. —  Cel  abus  continuel  des  lennes,  ces  cxpli- 
calio)is  subtiles  pour  altérer  le  sins  di  s  pa- 
roles de  l'Ecriluie  sainle,  ces  expressions 
amb!;;ui'S  dans  les  professi  uis  de  foi  des 
ariens,  ces  disputes  toujours  renaissances 
parmi  eux,  démontraient  assez  la  duplicité 
de  leur  caracière  et  la  fausseté  de  leur  opi- 
nion, ils  crojairiit  avoir  remporté  une  grande 
victoire,  lorsque  par  fourberie  ou  par  vio- 
lence ils  étaient  venus  à  bout  de  faire  signer 
auï  évéques  catholiques  une  profession  de 
foi  dans  laquelle  le  mut  consuhstanliel  était 
retranché.  (Juclle  différence  entre  cette  mar- 
che tortueuse  de  l'iiéié-ie,  et  la  conduite 
franche  et  ferme  de  l'Kglise  catholique  1  Le 
concile  de  Nicée,  du  premier  coup  et  d'un 
çeul  mot,  fixa  la  croyance  d'une  manière 
irrévocable.  Le  mot  consubl  •ntiel  rendait 
toute  l'énergie  et  le  vrai  sens  des  expres- 
sions de  l'Ecriture  sainte;  il  prévenait  toutes 
les  éqiiivoi|ues  et  les  siibtilil.s  des  ariens; 
rEi;;llse,  après  l'avoir  une  fo's  adopté,  ne  l'a- 
bandonna plus;  il  fut  conservé  dans  toutes 
les  profession,-,  de  foi  et  dans  les  divers  con- 
ciles où  les  catholiques  furent  libres  d'ex- 
poser leur  croyance;  malgré  toutes  les  atta- 
ques de  l'hérésie,  après  (luatorze  siècles,  la 
consubstanliaiité  du  N'eilie  est  encore  la  foi 
de  celle  ujénie  Itglise.  Voy.  Conslrstan- 
Tiiii.,  Divinité  de  .lÈsus-CHRisr,  Fil'  de  Diei;. 

III.  Un  des  artifices  dont  se  sont  sirvis  les 
fauteurs  de  \'(iriainsme  a  été  de  représenter 
ces  disputes  comme  des  conteslalions  iiidif- 
férenies  au  fund  du  clirislianisme,  qui  ne 
valaienl  pas  la  peine  de  faire  lant  de  bruit; 
de  piéieiulre  (]ue  l'on  prut  élre  bon  chré- 
tien sans  souscrire  à  la  dec  isioii  du  concile 
d  '  Nicoe.  Les  incrédules  n'ont  pas  manqué 
d'appnjer  cette  préiention,  afin  tic.  couvrir 
de  ridicule  les  Pères  du  iv  siècle,  et  de 
rendre  le  zèle  de  religion  responsable  d.s 
troubles  que  Varidiiisme  a  causés  dans  le 
monde.  Nous  .sonlenons  au  contraire  que  la 
diviniié  de  Ji'sus-Christ,  l'ondée  sur  l,i  eoii- 
suhslanli.ilité  du  Verbe,  est  le  dogme  fonda- 
mental du  christianisme  ;  (|iie  SI  ce  dogme 
n'est  pas  vrai,  Jésus-Christ  a  établi  une  reli- 
gion fausse. 

1'  Il  est  clair  (|ue  si  les  trois  Personnes 
divines,  le  l'ère,  le  l'ils  et  le  Saint-Espril,  ne 
sont  pas  un  seul  Dieu  dans  le  sens  le  jilus 
exact  et  lo  plus  ri;.'o  ireux,  le  chrisiiaiiiMue, 
tel  qu'il  subsiste  dans  toutes  les  commu- 
nions (|ui  ne  sont  pas  ariennes  ou  socinieu- 
nes,  est  un  véritable  polythéisme,  puisque 


ARI 


568 


nous  rendons  à  ces  trois  personnes  divines  le 
niémeculte  suprêni''.  Entre  les  païens  et  nous, 
il  n'y  aura  point  de  différence,  sinon  qu'ils 
adnii  liaient  un  plus  gr;ind  nombre  de  dieux 
que  nous,  et  que  nous  savons  déguiser  notre 
polythéisme  par  des  subtilités  qui  leur  étaient 
inconnues.  D.ins  ce  cas  le  mahométisme, 
qui  se  borne  au  culte  d'un  seul  Dieu,  est 
une  religion  plus  pure  que  le  christianisme. 
Abbadie  a  porté  celle  conséquence  jusqu'à 
la  dénionstralion,  dans  son  Traité  de  la  divi- 
niié de  Jésus-Christ.  Elle  est  conlirmée  par 
le  suiïrige  de  tous  les  sociniens,  qui  ne  ces- 
sent de  nous  reprocher  le  Iritbéisme,  ou  l'a- 
doration de  trois  dieux.  —  Est-il  croyable  que 
Dieu,  qui,  sous  l'Ancien  Testament,  s'est 
montré  si  jaloux  du  culte  suprême  exclusif; 
qui  répélail  continuelleinenl  aux  Juifs  :  Je 
suis  seul  Dieu,  il  n'y  n  point  d'autre  Dieu  que 
moi,  ait  permis  que  l'uiiiveis  fût  bouleversé 
pour  établir  une  religion  (;ui  n'aboulil  qu'à 
offusquer,  par  sa  croyance  et  par  son  culte, 
le  dogme  capital  de  l'unité  de  Dieu,  sans  le- 
quel il  ne  peut  point  y  avoir  de  vraie  reli- 
gion? —  Dans  ce  même  cas,  les  Juifs  sont 
bien  fondés  à  demeurer  dans  l'incrédulilé. 
Le  dogme  de  l'unité  de  Dieu  est  le  bouclier 
que  le  juif  Orobio  ne  cesse  d'opposer  aux 
aignmenls  de  Liniborch  ;  celui-ci,  qui  était 
socinien  déguisé,  en  affeciaiit  de  laisser  de 
côlé  le  dogme  de  la  Trinité  el  celui  de  la  di- 
vinité de  Jésus-Christ,  a  évidemment  trahi  la 
cause  du  christianisme  qu'il  voulait  défen- 
dre. Voyez  Philippia  Limborcli  arnica  collatio 
cum  erudilo  Judœo,  troisième  partie. 

2°  Jésus-Christ  a  déclare  qu'il  était  venu 
dans  le  monde  pour  apprendre  aux  hommes 
à  rendre  à  Dieu  le  culte  d'adoration  en  esprit 
et  en  vérité  (Joiin.  iv,  i'*).  Or  il  veut  que  tous 
honorent  le  Fils  comme  ils  honorent  le  Père, 
c.  v.  f.  23.  S'il  n'est  pas  un  seul  Dieu  avec 
le  Père,  ce  culle  est-il  juste  el  lésçilime?  C'est 
une  profanation  et  une  impiété.  Nous  pre- 
nons encore  pour  juges  les  sociniens.  Y  en 
a-t-il  un  seul  (|ui  se  croie  obligé  de  rendre  à 
Jésus-Christ  II'  même  culti>  su))iéme,  la  même 
adoration  qu'il  rend  à  Dieu  le  Père?  Us  ont 
beau  chercher  des  palliatifs,  il  s'ensuit  tou- 
jours de  leur  opinion  que  Jésus-Christ,  par 
celte  funesle  leçon,  a  voulu  nous  plonger 
dans  une  snpersiition  grossière  el  inévitable, 
et  (}ue  toute  la  cbrél  enlé  y  est  tombée  en 
elTei.  Pendani  que  d'un  côté  les  sociniens 
afl'i'Ctent  de  prodiguer  à  Jésiis-Chrisl  les  ti- 
tres les  plus  pompeux,  de  l'autre  ils  nous 
donnent  à  conclure  qu'il  a  été  le  moins  sage 
de  tous  les  législateurs,  et  un  usurpateur 
des  honneurs  de  la  Divinité. 

3"  Lors(|uc  nous  ciions  les  paroles  de  saint 
P.iul  (l'Iiilip.  Il,  (j)  :  Inii'ez  Jésus-C.rist, 
qui,  étant  dans  In  forme  de  Dieu,  n'a  point 
reijardé  comme  une  usurpation  de  s'iç/aler  à 
Dieu,  etc.,  les  sociniens  nous  disent  i|ue  nous 
tradui-ons  mal  ;  qu'il  y  a  dans  le  Icvie  : 
K  Jésns-f^.ii  ist  (|iii,  étant  dans  la  forme  de 
Dieu,  n'a  jioinl  fait  sa  pruie  de  s'égaler  à 
Di.u,  »  ou  ne  s'est  point  attribue  l'égalité 
avec  Dieu.  —  Nous  soutenons  ijuc  celte  ex- 
plication socinieuiie  est  fausse.  Eu  premier 


5(59 


A  RI 


lieu,  il  est  faux  qup  Jc5iis-r,hrist  no  seso'tpas 
égalé  à  Dipu;  il  a  ilil  :  l\lon  père  et  moi  som- 
mes une  même  chose  (Joan.  x,  31)  ;  Celui  qui 
me  voit,  voit  mon  l'ère  {\)\,  i);  Totil  €■  qu'a 
mon  Père  csH)  moi  (xvi,  15);  il  viut  qiio  toits 
honorent  le  Fils  comme  ils  honorent  le  Père 
(v,  23).  Vouloir  olre  honoré  coinnic  Dieu, 
c'est  ceriJlinemeTil  s'égaler  à  D  eu  ;  le!  a  été 
le  crime  et  la  folie  de  tous  ceux  qui  se  sout 
fait  rendre  les  honneurs  divins,  l'in  second 
lieu,  si  Jésus-Ghrisl  n'est  pas  égal  à  Dien, 
oîi  est  l'huMiililc  de  ne  pas  y  prétendre?  En 
avoir  seulement  la  pensée  serait  une  im- 
piété. Kn  troisième  lieu,  dans  cette  liypo- 
Ihèsc,  saint  Paul  et  les  aulres  apAlres  sont 
des  (irév  ificaleurs  :  ils  on[  ég  ilé  Jésus-(  hrist 
à  Dieu,  puisqu'ils  lui  ont  donné  Ions  les  at- 
tribut^  de  la  Divinité,  l'existence  avant  tous 
les  siècles,  la  toute-puissance,  le  pouvoir 
créateur,  la  scirnce  et  la  sagesse  divine,  le 
nom  même  de  Dieu.  Ils  ont  contredit  l'exem- 
ple de  Jésus-Christ,  en  exhortant  les  fidèles 
à  l'imiter. 

4°  Dès  que  les  nouveaux'  ariens  ont  mé- 
connu la  divinité  de  Jésus-Christ ,  il  leur  a 
fallu  déiruire  successivement  tous  les  dog- 
mes du  christi  inisine,  la  Trinité,  l'incarna- 
lion,  la  rédemption  des  hommes  par  Jésus- 
Christ,  le  péché  originel,  la  nécessité  du  bap- 
tême pour  les  enf.inls,  l'effic.icité  des  sacre- 
ments, les  œuvres  salisfacioires,  etc.  Ils  ont 
fait  consister  la  religion  chrélienne  à  croire 
seulement  l'unité  de  Dieu  ;  à  regarder  Jésus- 
Christ  comme  un  envoyé  de  Dieu,  sans  s'in- 
former de  ce  qu'il  est  personnellcaient  ;  à 
prendre  l'Evangile  pour  règle  de  foi  cl  do 
conduite,  sauf  à  l'eneiidre  comme  chacun  le 
trouvera  bon.  C'est  le  déisme  pur.  Il  n'est 
pas  étonnant  que  celte  licence  ait  f  lit  éclore 
tous  les  systèmes  possibles  d'incrédulité. 

Esl-ce  donc  là  le  syslème  sublime  de  reli- 
gion (pie  Dieu  avait  préparé  pendant  quatre 
mille  ans,  pour  i'élablisseinent  duquel  il  a 
opéré  tant  de  prodiges  et  changé  la  f.ice  de 
l'univers?  Nous  ne  scions  jamais  assez  in- 
sensés pour  le  croire. 

Ou  nous  dit  aujourd'hui  qu'avant  le  con- 
cile de  Nicée,  la  doctrine  louchant  les  trois 
Personnes  divines  n'était  point  encore  fixée; 
que  l'on  n'avait  rien  prescrit  à  la  foi  des 
chrétiens  sur  cet  article,  ni  déterminé  les 
expressions  dont  onde^altse  servir  en  par- 
lant de  ce  mystère  ;  que  les  docteurs  chré- 
tiens avaient  des  seniiments  dilTérenls  sur  ce 
sujet,  sansque  personnes'enscand  ilisâl,  etc. 
On  cioira  peut-èlre  que  c'est  un  sociiiien 
qui  s'exprime  ainsi;  non,  c'est  iMosheim  , 
Uist.  ecilés.  du  IV'  siècle,  ii"  pari.,  c.  a,  ij  9. 
Beausobre  lui  avait  donné  l'exemple.  Ilist. 
du  mon.,  I.  i;i,  c.  7.  — Cepindanl  Bcillus, 
dans  sa  Défense  de  la  foi  de  Niréc,  M  lîos- 
suel,  (l..ns  son  sixième  Avertissement  aux 
protestants,  et  d'autres,  ont  prouvé  invinci- 
blement qu'a\ant  le  concile  de  N;cée,  les  Pè- 
res des  trois  preu'iers  siècles  ont  piotessé 
hautement  l'é  ernit  du  Verbe  et  sa  consiib- 
stantialité  avec  le  Père.  Une  preuve  positive 
de  Ci;  fait,  c'est  que  jamais  Arius  ni  ses  par- 
tisans n'ont  voulu  s'en  rapporter  au  juge- 


ARI  370 

ment  des  anciens  docteurs,  et  qu'ils  préten- 
daient mieux  enlendie  l'Kcriture  que  tous 
ceux  (]ui  les  avaient  précédés.  Le  paliiarche 
d'Alesandrie,  qui  av.iit  condamne  Arius,  le 
leur  rc()rocliaildéjà  (Tlié()dorel,///.v7.  ecclés., 
1.  I,  c.  k].  Ils  reinsèrent  de  même,  dans  le 
cinquièdie  concile  de  Cnnslantinople,  sous 
Théodose,  l'an  383,  d'être  juïés  par  le  sen- 
timent des  anciens  Pères  (Socrate.  Ilist.  ec- 
clés.. 1.  v,  c.  10).  Ils  étaient  donc  bien  con- 
vaincus ijue  les  Pères  des  trois  premiers  siè- 
cles ne  pensaienl  pas  comme  eux,  et  les  ca- 
tholiques le  soulenaient  ainsi.  Sait-on  mieux 
au  xvui"  siècle  qu'au  iv  ce  qui  en  est?  — 
D',:il.eurs,  ou  le  dogme  de  l'élerniié  et  de 
l'égalilé  parfaile  du  \  crbe  avec  le  Père  est 
clairement  et  formellement  ré>élé  dans  l'E- 
criture sainte,  ou  il  ne  l'est  pas.  S'il  l'est , 
don('  il  éiait  cru  dans  les  trois  premiers  siè- 
cles, et  on  ne  pouvait  refuser  de  le  croire 
sans  être  hérétique  ;  s'il  ne  l'est  point  ,  ce 
n'est  pas  plus  aujourd'hui  un  dogme  de  foi 
pour  les  protestants,  qu'il  ne  l'était  avant  le 
concile  de  Nicèe,  puisqu'ils  ne  reconnaissent 
pour  dogme  de  foi  que  ce  qui  est  clairement 
et  formellement  enseigné  dans  l'Ecriture 
sainte  :  ils  ne  peuvent  donc,  même  aujour- 
d'hui, regarder  les  sociniens  comme  des  hé- 
rétiques. Ce  n'est  pas  sans  laison  que  nous 
leur  rei'rochons  leur  connivence  avec  les  en- 
nemis de  la  diviniié  de  Jésus -Christ. 

Nous  convenons  que  1  Egl  se  n'avait  pas 
encore  consacré  le  mol  constibslant  el  pour 
exprimer  ce  dogme,  mais  il  ne  s'ensuit  pas 
que  le  (lognn-  n'était  pas  encore  cru  ,  puisque 
l'on  ex|)riniail  par  d'autres  ternies  ce  que 
celui-là  signifie,  en  disant  que  le  Fils  ou  le 
Verbe  est  éternel  et  parlaitenwnt  égal  au 
Père.  Si  les  ariens  avaient  voulu  s'expiimer 
de  moine,  on  ne  les  aurait  pas  condamnés. 

Mosheiui  ajou'e  que  si  l'on  considère  les 
moyens  qu'iii  ployèrent  les  niceniens  et  les 
arirns  pour  défi'idre  I.'urs  oj)in<ons  ,  on  est 
en  peine  de  décider  lequel  l'es  di'ux  partis 
excéda  le  plus  les  bornes  de  la  probité,  de  la 
charité  et  de  la  moilérnlion.  Ibid.,  §  15.  — ■ 
Nous  ne  relèverons  pas  l'indécenci'  du  nom 
de  niceniens,  donné  par  mépris  aux  catholi- 
ques; Mosheim  pouvait  les  appeler  encore 
homoousieiis ,  comme  faisaient  les  ariens  ; 
mais  nous  demanilons  en  quoi  les  caiho  ii|ues 
ont  violé  la  probité  à  l'rgar  d  de  leurs  adver- 
saires. (Jui'  les  ari  nsvw  général  aient  été  de 
mauvais-  foi,  c'est  un  fait  ijui  nous  paraît 
incontestable;  mais  les  calholiques  ont-ils 
employé  comme  eux  li'S  é(]ui .oques,  les  ex- 
pressions captieusis,  les  fausses  protesta- 
tions de  zèle  pour  le  fond  du  dogme,  les 
fausses  proine»ses  de  paix,  etc  ,  dont  se  ser- 
vaient les  premiers  pour  parvenir  à  leurs  iin^? 
A  la  vérité  iMusheim  a  trouvé  lion  d'accuser 
saint  Amhroise  et  d'autres  évêques  d  avoir 
supposé  de  fausses  reliques  et  de  faux  mira- 
cles [iour  en  imposer  aux  fidèles  et  confon- 
dre les  ariens  ;  mais  celle  accnsaliim  esi-elle 
prouvée'?  (Tuant  au  delàut  de  cliunlé,  nous 
ne  voyons  pas  en  quoi  les  catlioliijues  ont 
été  coupables  de  se  défendre  tant  qu'ils  ont 
pu  contre  des  hérétiques  audacieux,  violents, 


571  ARl 

sédilipox,  oui  iibiisaieni  deTaotorité  dos  em- 
p.-reuis  (|uM-i  Jivairiit  séduits,  pI  qui  «ni  fait 
le«  l'I'is  grands  elT.irls  pour  aiiéaniir  la  f.ti  de 
rfiplis.'.  Nous  lisons  i\»c  les  nriens  ont  fait 
beaucoup  de  mar  yrs,  mais  il  n'est  éirit  nulle 
part  qu'il  y  en  eni  parmi  eus;  il  n'est  donc 
pas  vrai  que  1rs  ta  holiqups  aient  autant 
vi"lé  les  règles  de  la  modération  que  les 
anens.  Après  soixante  ans  de  tumulte,  nous 
ne  pouvons  blâmer  Théodose  d'avoir  porté 
des  lois  sévères  i  ontre  ces  derniers  ;  il  ne  fut 
pas  obligé  de  répandre  du  sang  pour  les  faire 
exécuter. 

IV.  La  raison  de   cette   partialité  de  Mos- 
lu'im  el  dfS  proteslanis  en   faveur  de  l'iina- 
nisme   n'est    pas  dilficili'  à    découvrir;  c'est 
que  l'on  a  \u  au  xvi'  siècle  cette  hérésie  re- 
iiaîlre  des   i  rincipes  du  protestantisme.  Dès 
que  Lullierei  Calvin  eurent  |iosé  pour  maxi- 
me que   la  seule  règle    de  foi  est  l'Ecriture 
sainte  entendue  comme  il  plaît  à  chaque  par- 
ticulier, il  se  trouva  des  prédicanis  qui  per- 
vei  tirent  le  sens  des  p  issages  par  lesquels  on 
prouve  la  dislinciion  île-,  trois  Personiii  s  de 
la  sainte  Triniié,  leur  coexistence  éternelle, 
leur  égali  é  parfaile.  l'unité  de  la  nalure  di- 
vine; ainsi ,  Il  divinité  de  Jé«  us-Christ  devint 
parmi  eux   un  problème.   Luther  même   e! 
Calvin  ont  parlé  de  ce  mystère  dans  des  ler- 
iiies. Irès-c:ipahles  de  faire  douter  de  leur  foi. 
Uist.duSocinidnisme,  i«parl.,  c.  3.  Plusieurs 
aiiahaptisies.   SfTlis  de   l'érole   de   Luther, 
prêchèrent  Variaiiisme  en  Suisse,  en  Allema- 
gne, en   Hiillande  ;  Okin  el   lUiccr  en  leiè- 
renl,  sous  Edouard  VI,  les  premières  semen- 
ces en  An   lelerre.   Serve!  voulut  l'établir  à 
Genève;  Calvin  le  fit  punir  du  dernier  sup- 
plice. La  crainte  de  subir  le  même  sort  écaria 
de  Genève   Gentilis  ,  Blandatra  el    d'autres, 
qui  soutenaient  celte  erreur  ;  ils  se  retirèrent 
en   Poloi^nc  ,  où    ils  Ironvèrent  des  proti'c- 
teurs,  et  il-  y  fondèrent  des  sociétés  arifunes. 
Les  deux  Soc. n,  oncle  et  neveu,  parvinreni  à 
les  réunir  à  peu   près  dans   le    même  fcnti- 
menl,  et  donnèrent  ainsi  leur  nom  à  toute  la 
secte.  T'oy.  Soi,iMiM-Mi!.~L"s  prole.sianls, 
honteux  de  celle  postérité  sorlie  de  leur  sein, 
oni  vainement  lait  lous  leurs  elîorts  pour  l'c- 
touffer  ;  dans  toutes  les  conlérences  cl  les  dis- 
putes qu'ils  ont  eues  avec  les  sociniens,  ceux- 
ci  leur  ont  fait  voir  qu'avec  l'Ecriture  sainte 
seule,  on  ne  les  convaincrait  jamais  d'en  eur; 
et  lorsque  l'on  a  voulu  eiiip!o\  er  contre  eux 
la  tradition,  lesentiment  des  l'éres,  la  croyan- 
ce conslanle  de  l'Eglise  (hrélieiine,    ils  ont 
repriiclie  avec  raison  aux  protestants  de  ion- 
tredire  le  principe  fondanieiilal  de  la   réfor- 
me, et  de  recourir  à  une  arme  A  laquelle  ils 
ont  f.iii  profession  de  renoncer.  La  voied'au- 
loiilé,  les  lois   pénales,   les   su[  plices  méiiio 
dont  les  priileslaiits  ont  usé  plus  d'une   fois 
envers  les  nouveaux  uriens.  sont  une  incon- 
séquence encore  pl'is  révoltante,  [)U:squ'ils 
n'ont  cessé  de  >e  plaindre  eux  mêmes  lors- 
que les  c.ilholiques  in  onl  l'ail  usage  conire 
eux.  —  Aussi  tous  ce.s   mu\ens  ont-ils  pro- 
duit liès-peu  delTct  ;  ils  n'ont   pas  empêché 
les  sociniens  de  pénétrer  dans  la  Transylva- 
nie, dans  la  Prusse,  dans  la  Basse-Allèma- 


ARI 


372 


gne,  dans  la  Hollan  le  et  en  Angleterre  ,  et 

de  s'y  niultiplier  parmi  les  dilTérenles  sectes 
qui  jouissent  d  •  la  lolérsnee  civile.  D  ins  le 
dernier  siècle  et  dans  celui-ci  ,  Varianiitme 
mitigé,  ouïe  setninrianisme,  y  a  trouvé  beau- 
cou[)  de  partisans.  -  En  effet,  les  nouveaux 
ennemis  de  la  divinité  de  Jésus-Chris!  ont 
compris,  comme  ceux  du  iv  siècle,  que  \'a- 
rianismc:  ])ur  n."  pourrait  jamais  f.iire  fortu- 
ne ;  l'on  ne  persuadera  jamais  à  ceux  qui 
respectent  l'Ecriture  sainte,  que  le  Fils  de 
Dieu  est  une  pure  créatu'e,  tirée  du  néont 
dans  le  temps,  et  qni  n'existait  pas  avant  la 
naissance  du  monde  ;  encore  moins  que  Jé- 
sus-Christ n'est  qu'un  homme,  quoique  plus 
parfait  que  les  autres.  Fa^isle,  Socin  el  d'au- 
tres ont  osé  le  dire,  et  blâmer  le  culte  rendu 
à  Jésus-Christ  ;  mais  ils  onl  eu  peu  de  spcla^- 
leurs  sur  ce  point.  Ceux  d'aujourd'hui  ont 
adoDié  le  semi-arianisme ,  tel  ei  peu  près 
qu'Eusèbe  de  Césarée  et  d'autres  le  soute- 
naient; c'est  pour  cela  qu'ils  rejettent  le  nom 
de  sociniens,  p  rce  qu'ils  ne  suivent  pas  à  la 
rigueur  les  sentiments  de  Socin.  Ils  disent 
que  le  Verlie  divin  a  été  créé  avant  toutes 
choses;  quelques-uns  même  sont  allés  jus- 
qu'à dire  qu'il  a  été  créé  de  tonte  éternité; 
d'autres,  sans  user  du  terme  de  création,  di- 
sent que  les  trois  Personnes  divines  sont 
égales  en  perl'eclion,  niais  qu'il  y  a  entre 
elles  une  subordinulion  île  nature  en  fait 
d'existence  el  de  dérivation.  Ainsi  s'exprime 
le  docteur  C.iarke,  accusé  de  semi-arianisme. 
Mosheim,  llist.  ecclés.  dn  xviir  siècle,  îi  la 
fln,  noie  du  traducteur  anglais.  Nous  ne  som- 
mes |)as  ass:  z  habiles  pour  entendre  ce  que 
signilient  ces  termes.  En  177",  l'on  a  aussi 
soutenu  le  semi-arinnisme  à  Genève,  dans 
une  thèse  publique  et  dans  une  brochure 
in.  tulée  :  Dissertalio  liisloric'i-tlienhijira,  de 
Clirisii  ileihile.  Les  arminiens  de  Hollande  et 
plusieurs  théologiens  angiieans  passent  pour 
être  dans  le  même  senliment.  11  n'est  donc 
pas  étonnant  que  les  prolestanls.en  général, 
témoigneni  beaucoup  moins  d'aversion  puur 
les  sociniens  que  pour  les  catholi(]ues. 

Aux  mots  Fii.s  de  Dieu  et  Ji';sL's-CnRisT 
nous  prouverons  le  dogme  catholique  opposé 
à  toutes  C(!S  erreurs. 

♦Alll-TOTF.I.IKNS.  Arislole  est.  ii  jnsie  lilio, 
snrnonniié  le,  iirnire  des  |)lllll>^»|)lles  de  r«iili(|iiilé. 
[s'il  l'ùl  éli'  éeliiiié  lies  liiiinè  e-  cic  l'Ev;iii!.'ile,  il  eiil 
pnii>sé  liés  li'iii  les  (plesll(l|l^  (liigiinilniues  el  mo- 
rales. MaLic  les  lénéines  an  |ia^:iiii..ine.  il  sut  po- 
ser avee  unit  île  lnriililé  les  ineiniers  principes  île 
loiiles  les  sciences,  nn'il  fui  l(iii^lein|i>  le  -eiil  nr.iele 
de  l'éen  e.  Au  iimye  .  à;,'i',  les  niaiires  chréliens  seni- 
blaieiil  plieer  son  ;iuniriié  :i  côié  île  celle  il»^  i'1'.v.ni- 
};ile  :  c'esi  t\,;  ,ei  cujiniieiiniiil  ilérai^oiinidile  pinir  la 
iliiclriiie  iTAri^ilule  ipie  snin  nés  ses  sccluleiirs  .ir- 
deuls,  loiniiis  sons  le  lein  ifinislo  élidis.  M  lloii- 
nellv  a  |>;irtiileineiii  appiéoc  ruciioii  du  pliiln.soiilio 
(le  M:i!;yre  sur  le  rliii>liiniisiui'..  i  II  e-l  unie  de 
r.  coînmander,  ilii-il,  à  ceux  qui  veuleiil  coiiiialhe  les 
causes  el  -invre  l:i  lilialinii  îles  e  rems  qui  oni  ilér  liri; 
ri'.Klise,  il'é  11. lier  si,  il  iis  Irs  prn|  o-iilmis  sur  Wieii, 
sur  l'a III  ■  el  sur  Wnlendemenl  liiimaiii.  iiiî  si'  iruinenl 
p.is  iléjà  e  iclié.s  les  (ilijeclions  îles  pliil  isoplu-s  sur  la 
Triiiiié,  la  iuescience  de  Hieii  cl  la  spriimié  de 
l'àiiie  ;  dans  les  propos  lions  sur  la  volonté,  les  opi- 
nions de  Luiher  el  les  subtilités  des  Jansénisles  sur 


573 


ARM 


ARM 


374 


la  orSrfi,  la  liberté  et  la  prédestination;  dans  les 
pro'i»!- liions  sur  le  monde,  les  erreurs  de  l'astrologie 
iiiiliciaire,  et  celle  manie  de  connaiire  l'avenir  par 
t;iiit  de-  nmyeiis  ridicules  ;  eiiUn  dans  les  propo-ili  ns 
sur  hi  (lAi/os'iii/ii'i:  el  la  llu'dlugic,  les  causes  de  celle 
Ofiiposiliiin  (|n'(in  a  piéleiidu  vnir,  cl  qui'  bien  des 
persiinnes  venleni  vnir  encore,  entre  la  nature  et  la 
grâce,  la  r:nsoii  et  la  fol,  la  loi  ORtiirelle  et  la  loi 
révélée,  la  piiilosopliie  fl  la  Ihéidogie. 

<  Après  ces  reclierciies,  il  lan'lra  examiner  encore 
s'il  n'y  aurait  pas  (|;ieli|ups  reste*  de  ces  erreurs 
aristoiélicieunes  dnns  nos  livres  d'enseigiiejueiii  élé- 
mentaire; car  c'est  une  remarque  à  faire  cpie  l'auto- 
rité d'Aiislote  a  él''  répudiée  en  ptiysli|iic,  et  en 
médecine,  et  en  aslnmomii',  et  dans  la  pliiiiart  des 
antres  sciences  :  il  n'en  e^t  plu*  de  traces  que  dans 
renseigna  ment  de  la  pliilosopbie. 

«  .Nous  crovoiis  celte  question  importaule  à  exa- 
miner; car,  iouie*  les  fois  que  l'erreur  esi  dans  les 
inielligences,  c'est  dans  renseignement  qu'il  faut  en 
reclierclier  les  cau-es.  i 

AUMÉE  DU  CIEL.  Voy.  Astres. 
AltMlîiNlKNS  toiisidérés    par    rapport   à 
leur  relis^ion.  C'est  une  secte  des   cliréliens 
d'Orient^   niiisi  appelés    parce    qu'ils    habi- 
taient autrefois  l'Annénie. — On  croit  que  la 
loi  fut  portée   dans  leur    pays    par  l'apôlre 
saint    Barlliélenii  ;   mais   la   tradition   com- 
mune des  arméniens  est  que  la  plus  grande 
I)arliede  leur   pays   fut  convertie,  au  coin- 
incncement  du  iv  siècle,  par  saint  Grégoire, 
surnommé  V Uluminateur.  Ce   qu'il   y   a  de 
certain,   c'est   qu'au  commencement  du  iv= 
siècle   l'Ejjlise  d'Arménie    était    très-floris- 
sanle,  et  que  l'aiianisine  y  fil  peu  de  rava- 
ges. M.iis   l'an   335,   une    grande   partie   de 
celle  Eglise  embrassa  les  erreurs  et  le  scliis- 
iiie  des  jacobiles  ou   iuonopliy>it  'S.   Les  ar- 
méniens étalent  du  ressort  du  patriarche  de 
Coiistanlinople;  ils  s'en  séparèrent  avant  le 
temps  de  Pholius,   aussi   bien  que  les  Grecs 
de  ce  nièine  pays,  et  composèrent  aussi  une 
Eglise  natioiiiilc,  en   partie   unie  à   l'Eglise 
romaine,  et  en  partie  séparée  d'elle  ;  car  on 
en  dislingue  de  deux  sortes,   les  francs  ar- 
nirniens  et  les  sthisnialiques.  Les  francs  ar- 
méniens sont  catholiques  et  soumis  à  l'Eglise 
romaine,  lis  ont  un  patriarche  à  Naksivaii, 
ville  d'Arménie,  sous   la  domination  du    roi 
de  Perse,  et  un  autre   à  Kaminii  k  en  Polo- 
gne.   Leur   liturgie  a  été  imprimée  à  Rouie 
dans  leur  ancienne  langue,  et   on  en  a  une 
traduction  latine,  que  le  P.  Lebrun   a  don- 
née avec  des  remarques.  Kxplic.  ties  ci'rém, 
de  la  messe,  tom.  V,  10'  dissert.   Les   armé- 
niens schismatii|ues  ont  aussi  deux  patriar- 
ches, l'un  résidant  au  couvent  d'Echmiazin, 
c'esi-à-dire  les   trois  églises,  proche  d'Eri- 
van,  et  l'autre  à  Cis  en  Gilicie  ou  Caramanie. 
—  Depuis  la  conquête  de  leur  pays  par  Scha- 
Ablias,  roi  de  Perse,  ils  n'ont   presque  point 
eu  de  pays  ou  d'habitation  fisc;  mais  ils  se 
sont  dispersés  dans  quelques  parties  de  l'Eu- 
rope ,   particulièrement   en    Pologne.    Leur 
principal!'  occupation  est  le  commerce,  qu'ils 
entendent  très-bien.    Le  cardinal  de  Kiche- 
lieu,  qui  voulait  le  rétablir  en  France,  pro- 
jeta d'\    attirer  grand   nombre  d'arméniens  ; 
elle  cliancelier   Séguier   leur  accorda   une 
imprimerie   à   Marseille,  pour  multiplier   à 
moins  de  frais  leurs  livres  de  religion,  qui 


avant  ce  temps-là  étaient  fort  rares  et  fort 
cliers. — Le  chrislianisme  s'est  conservé  par- 
mi eux,  mais  avec  beaucoup  d'altération 
parmi  les  arméniens  srliismatiques.  Le  P. 
Galaniis  rapporte  que  Jean  Hcrmac,  armé- 
nien catholique,  assure  qu'ils  suivent  l'héré- 
sie d'I'lulychès  louchant  l'unité  de  nalure  en 
Jésus-Christ  ;  qu'ils  croient  que  le  Saint- 
Esfirit  ne  procède  que  ilu  Père  ;  que  les  â- 
mes  des  justes  n'entrent  (loinl  dans  le  para- 
dis, ni  celles  des  damnés  en  enfer,  avant  le 
jugement  dernier  ;  qu'ilj  nient  le  purgatoire, 
retranchent  du  nombre  des  sacrements  la 
confirmation  et  rexlréme-oncliou,  accordent 
au  peuple  la  communion  sons  les  deux  espè- 
ces, la  donnent  aux  enfants  avant  qu'ils  aient 
atteint  l'âge  de  raison,  et  pensent  enfin  que 
tout  prêtre  peut  absoudre  iiidiffcremmenl  de 
toutes  sortes  de  péchés  ;  en  sorte  qu'il  n'est 
point  de  cas  réservés,  soit  aux  évoques,  soit 
au  pape.  Michel  Lefèvre,  dans  son  Théâtre 
de  la  Turquie,  dit  que  les  arméniens  sont  mo- 
no[)h\ sites,  c'est-à-dire  qu'ils  n'admettent 
en  Jésus-Christ  qu'une  nature  composée  de 
la  naliire  divine  et  de  la  nature  humaine, 
sans  iié.inmoins  aucun  mélange.  Le  même 
auteur  aj  'iite  que  les  arméniens,  on  rejetant 
le  [lurgatoire,  ne  laissent  pas  de  jirier  et  de 
célébrer  des  messes  pour  les  morts,  dont  ils 
croient  que  les  âmes  attendent  le  jour  du  ju- 
gement dans  un  lieu  où  les  justes  éprouvent 
des  sentiments  de  joie  dans  l'espérance  de  la 
béatitude,  et  les  mécbnnts  des  impressions 
de  douleur  dans  l'attente  des  supplices  qu'ils 
savent  avoir  mérités  ;  que  a'anlres  s'imagi- 
n''nl  qu'il  n'y  a  plus  d'enfer,  depuis  que  Jé- 
sus-Christ l'a  detrrit  en  descendant  aux  lim- 
bes, et  que  la  privation  de  Dieu  sera  le  sup- 
plice des  réprouvés  ;  qu'ils  ne  donnent  plus 
i'extrême-onction  depuis  environ  deux  cents 
ans,  parce  que  le  peuple,  croyant  que  ce  sa- 
crement avait  la  verlu  de  remettre  par  lui- 
même  tous  les  péchés,  en  avait  pris  occasion 
de  négliger  tellement  la  confession,  qu'insen- 
siblement elle  aurait  été  tout  à  lait  abolie; 
que  quoiqu'ils  ne  reconnaissent  pas  la  pri- 
maulé  du  pape,  ils  l'appellent  néaiMiioins 
dans  leurs  livres  le  pasteur  universel  et  vi- 
caire (le  Jésus-Christ  ;  qu'ils  s'accordent  avec 
les  Grecs  sur  l'article  do  l'eucharistie,  ex- 
cepté qu'ils  ne  mêlent  point  d'eau  avec  le 
vin  dans  le  sacrifice  de  la  messe,  et  qu'ils  s'y 
servent  de  pain  sans  levain  pour  la  consécra- 
tion, comme  les  catholiques.  —  Mais  il  parait 
que  Galanus  et  Lefèvre  attribuent  aux  armé- 
niens schismatiq'ues  des  erreurs  dont  ils  ne 
sont  pas  coupables,  ou  du  moins  qui  ne  sont 
pas  communes  parmi  eux.  Le  P.  Lebrun, 
avant  de  rapporter  leur  liturgie,  prouve  (|u'à 
l'exci  ption  de  l'hérésie  des  nninophysites, 
on  ne  peut  leur  imputer  aucune  opinion 
absoluinent  contraire  à  la  croyance  de  l'E- 
glise catholique;  qu'ils  s'accordent  avec 
nous  sur  le  nombre  el  sur  la  nalure  des  sa- 
crements, sur  la  présence  réelle  de  Jésus- 
Chri>l  dans  l'eucharistie,  sur  la  transsubs- 
laniiation,  sur  le  sacrifice  de  la  ine»se,  sur 
le  culte  des  saints,  sur  la  prière  pour  les 
morts,  elc.  Vainement  les    protestants   ont 


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cherché  parmi  eux  leurs  propres  erreurs  ils 
n'eu  onl  liouvé  aucun  vesti|je.  Ceprmlant 
les  arméniens  scliismatiqnes  sont  sép^irés  de 
l'Eglise  romaine  depuis  plus  de  douze  cents 
ans.  —C'est  sans  fondiment  que  lirerewood 
les  a  accusés  de  favoriser  les  opiinons  des 
sacramentairrs,  et  de  ne  point  mander  des 
animaux  qui  sont  estimés  immondes  dans  la 
loi  de  Moïse;  il  n'a  pas  pris  garde  que  c'est 
la  couluni<- de  toutes  les  sociétés  chrétiennes 
d'Orient,  de  ne  mange  r  ni  sang,  ni  viirndes 
élouffées  ;  en  quoi,  seion  l'esprit  delà  primi- 
tive Eglise,  il  n'y  a  point  de  supersiilion. 
Ils  sont  grands  jeûneurs,  et,  à  les  entendre, 
l'essentiel  de  la  religion  consiste  à  jrùner. 
—  On  compte  parmi  eux  plusieurs  monastè- 
res de  l'ordre  de  Saint-Basile,  dont  les  scliis- 
maliques  observent  la  régi  '  :  mais  ceux  qui 
se  sont  réunis  à  l'Eglise  romaine  ont  em- 
brassé celle  de  saint  Dominique,  depuis  que 
les  dominicains,  envoyas  en  Arménie  par 
Jean  XXII.  enrenl  beaucoup  contribué  à 
les  réunir  au  saini-siége.  Celle  union  a  éié 
rompue  et  renom  elée  plusieurs  fois,  surtout 
au  concile  de  Floreu'  e,  sous  Eugène  I\  . 

Les  arméiiims  font  l'offue  ecclésiastique 
en  ancienne  langue  arménienne,  différente 
de  celle  (i'aujour>!'hui,  et  que  le  peuple  n'en- 
tend pas.  Ils  ont  aussi  dans  la  même  langue 
toute  la  Bible,  iraduite  d'après  la  V(  rsion  des 
Septante.  Ceux  qui  sont  soumis  au  pape  font 
aussi  l'otGce  eu  cette  langue,  et  lieiinenl  la 
même  croyance  que  l'Eglise  catholique,  sans 
aucun  mélange  des  erreurs  que  professent 
les  schisiiialiques.— Nous  remarquerons  en- 
core «lue  le  litre  de  rtrtabicd,  ou  docteur, 
est  plus  respeciédes  annénifns  que  celui  d'é- 
véque  ;  ils  le  confè  ent  avec  les  mêmes  cé- 
rémonies qu'on  donne  les  ordres  sacrés, 
parce  que,  selon  eux,  cette  dignité  représente 
celle  de  Jésus  Christ,  qui  s'app  lait  mblii, 
on  docteur.  (jCS  verlal)ieils  onl  droit  de  prê- 
cher assi-,  cl  de  porter  une  crosse  sctniila- 
ble  à  celle  du  patriarche,  tandis  que  les  cvê- 
ques  n'eu  ont  (lu'iine  moins  distinguée,  et 
prêchent  debout  :  l'ignorance  de  leurs  évo- 
ques a  procuré  ces  honneurs  aux  docteurs. 
Galanus,  Conciliât,  de  l'Eglise  armén.  avec 
VEijlise  rom.  Simon,  llisl.  des  reli(j.  du  Le- 
vant. 

ARMES.  Il  n'est  pas  vrai,  comme  l'ont  a- 
vancé  qnel(|ipes  cen-'Curs  du  christianisme, 
qu'il  soil  défendu  à  un  cliréiien  de  porter  les 
armes.  Saint  Luc,  dans  son  Evangile,  rap- 
porte la  leçon  qu(!  fit  s  iyt  Jean-Baptiste 
aux  soldats  :  A'c  faites  violence  à  personne 
in/nsteinenl  ;  contmlez-rons  de  votre  solde 
(Luc.  m).  Il  ne  leur  or<lonna  point  de  quit- 
ter les  armes.  Lorsque  Jesus-Clirist  loua  la 
foi  du  centurion,  et  lui  aci  orda  un  miracle, 
il  ne  blàina  point  sa  pofession  {.Mntlli.,  v,i, 
10,  l.'{).  Saint  )*.ail  veut  que  chacun  demeure 
dans  l'état  de  vie  dans  lequel  il  a  été  appelé 
à  la  foi  ;  les  soldats  ne  sont  pas  exce|>tés  (/ 
Cor.  vil,  20).  Terinllien  atteste  que  de  son 
temps  les  camps  et  les  aruuMîs  étaient  rem- 
plis de  chrétiens,  qu'ils  étaient  bons  soldats, 
puisqu'ils  ne  craignaient  point  la  n>ori.  ApoL, 
ch.  37  et  42.  Si  dans  son  Traité  de  l' Idolâtrie, 


et  dans  celui  de  la  Couronne,  il  décide  qu'un  ' 

chrétien  ne  doit  point  embrasser  l'étal  mili- 
taire, c'est  qu'alors  on  exigeait  qu'un  soldai 
fit  sou  serment  par  les  dieux  de  l'empire,  et 
rendît  un  cuite  aux  enseignes  militaires  char^- 
gées  des  images  des  dieux  :  c'est  dans  ce 
sens  qu'il  dit  qu'il  n'y  a  rien  de  commun  en- 
Ire  le  signe  de  Jésus-Christ  et  les  enseignes 
du  diable,  de  Idolol.  c.  10  ;  qu'un  chrétieu 
ne  doit  pas  veiller  pendant  la  nuit  à  la  garde 
des  dieux  auxquels  il  a  renoncé,  de  Corona, 
c.  9.  Lorsque  ce  danger  n'exista  plus,  le  troi- 
sième canon  du  concile  d'Arles  ordonna  d'ex- 
communier ceux  qui  désertaient,  même  pen- 
dant la  paix.  Constantin  régnait  pour  lors  ; 
on  ne  tendait  plus  de  pièges  aux  soldats  chré- 
tiens pour  les  engager  à  trahir  leur  religion. 
L'horreur  pour  la  profession  militaire  est 
une  erreur  des  quakers,  réfutée  par  Bellar- 
min,  t.  11,  Conirov.  de  Laicis. 

AUMINIANIS.VIE,  doctrine  d'Arminius,  cé- 
lèbre ministre  d'Amsterdam,  et  depuis   pro- 
fesseur en  théologie  dans  l'académie  de  Ley- 
de,  et  des  arminiens,  ses  sectateurs.  Calvin, 
Bèze,  Zanchius,  etc.,  avaient  établi  des  dog- 
mes trop  sévères  sur  le  libre  arbitre,  la  pré- 
destination, la  justification,  la  persévér.ince  » 
et  la  grâce;  les  arminiens  ont  pris   sur  tous          ■ 
ces  points   des   S'  nlimenls   plus  modérés    et          T 
approc  hanl  à  quelques  égards  de  ceux  de  l'E- 
glise romaine.  Goinar,  professeur  en  théolo- 
gie dans  l'académie  de  Groningue,  et  calvi-  . 
niste   rigide,  s'éleva  contre  la  doctrine  d'Ar-          .■ 
niinius  ;  après  bien  des  disputes  commencées          " 
dès  1(09,  et  qui  menaçaient  les  Provinces-U- 
nies d'une  guerre  civile,  la   matière  fut  dis- 
culée et  décidée  en   faveur  des   Gomaristes, 
par  le  synode  de   Dordrechl,  tenu  en  1C18  et 
1019.  Outre  les  théologiens  de  Hollande,  ce 
synode  fut  composé  de  députés  de  touies  les 
Eglises  reformées,  excepté  ties  Français,  (|Ui 
en  furent  empêchés  pour  des  raisons  d'Etal. 

Pour  bien  comprendre  l'état  de  la  question 
qui  était  à  décider,  il  faut  savoir  (|ue  les 
théologiens  attachés  aux  sentiments  de  Cal- 
vin sur  la  prédestination  ne  s'accordaient 
pas  :  les  uns  soutenaient,  comme  leur  maî- 
tre, que  Dieu,  de  toute  éternité,  et  avant 
même  de  prévoir  le  péché  d'Adam,  avait  pré- 
destiné une  partie  du  genre  humain  au  bon- 
heur éternel,  et  une  autre  partie  aux  tour- 
ments de  l'enfer  ;  qu'en  conséquence  Dieu 
avait  lellemenl  résolu  la  chute  d'Adam,  et 
avait  disposé  les  événements  de  telle  manière, 
que  nos  |ireoiiers  parents  ne  [louvaieiit  pas 
s'abstenir  de  pécher.  Ces  théologiens  turent 
nommés  siipraliipsaires,  par<;e  qu'ils  suppo- 
saient une  pi  édes  inatiou  et  une  réprobation 
absolues  ante  lupsitm  ou  siip)  a  lapsum  :  sen- 
timent horiible,  qui  peint  l>ieu  comme  le 
plus  injuste  et  le  plus  crnel  de  tous  les  ty- 
rans. D'autres  disaient  que  Dieu  n'a  pas  pré- 
déterminé positivement  la  chute  d'.Vdam  , 
qu'il  l'a  seulement  permise  ;  <]ue,  par  cette 
chute,  le  génie  humain  tout  entier  étant  de- 
venu une  masse  de  perdition  et  île  damna-  a 
tion.  Dieu  a  résolu  d'en  tirer  un  certain  nom- 
bre d'hommes,  et  de  les  conduire  par  ses 
grâces  au  royaume  éternel,  pendant  qu'il 


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laisse  les  antres  dans  celle  masse,  et  leur 
refuse  les  grâces  nécessaires  pour  se  sauver. 
Ainsi,  selon  ces  lhéoloi.M(Mis,  la  prédeslina- 
lion  et  la  réprobation  se  font  siib  Inpsiim  ou 
infrn  Inpsum;  c'est  pour  ci'la  i)u'ils  furent 
nommés  sublapsaires  ou  infrulapanires.  Voy, 
ce  mot.  Ces  deux  partis  se  réunirent  sous 
le  nom  de  gomaristes,  pour  condamner  les 
arminiens. 

La  dispute  pour  lors  se  réduisait  à  cinq 
chefs  :  le  premier  rrgardail  la  irédcstiiKilion  ; 
le  second,  l'universalité  de  la  rédemption  ;  le 
troisième  et  le  ipialriéme,  qu'on  Irailail  tou- 
jonrs  ensemble,  regardaienl  la  corruption  de 
l'homme  cl  si  conversion  ;  le  cinquième  ron- 
cernait  la  persévérance.— Sur  la  prédestina- 
tion, les  arminiens  disaient,  «  qu'il  ne  faut 
reconnaître  en  Dieu  aucun  décrel  absolu  par 
lequel  il  ai^  résolu  de  donner  .iésns-Cbiist 
aux  seuls  élus,  ni  de  donner  non  plus  à  eux 
scu's,  par  une  vocation  efficace,  la  fi)i,  la 
juslificalion,  la  persévérance  el  la  gloire; 
mais  qu'il  a  donné  Jésus-Christ  pour  ré- 
dempteur commun  à  totil  le  miinde,  et  résolu 
par  ce  décret  de  justifier  et  de  sauver  tous 
ceux  qui  croiront  en  lui,  el  en  même  temps 
de  leur  donner  à  Ions  les  moyens  sulfisanls 
pour  èlre  sauvés  ;  que  personui'  ne  périt 
pour  n'avoir  point  ces  moyens,  mais  pour  en 
avoir  abusé  ;  que  l'élcctinn  absolue  el  pré- 
cise <ies  particuliers  se  fait  en  vue  de  leur 
foi  el  de  leur  |)ersévérance  future;  qu'il  n'y 
a  d'élection  que  conditionnelle  ;  que  la  répro- 
bation se  fait  l'e  même,  en  vue  île  l'infidélité 
et  de  la  persévérance  dans  le  mal.  »  Ce  sys- 
tème était  direclement  opposé  tant  à  celui 
des  suprulapsaires  qu'à  celui  des  infialap- 
laircs. —  Sur  l'universalité  de  la  rédeoipiion, 
les  arminiens  enseignaient  «  que  le  prix  payé 
par  le  Fils  de  Dieu  n'est  pas  seulement  suf- 
fisant ;i  tous,  mais  arUullemeni  offert  pour 
tous  el  un  chacun  ;  qn'iiucun  n'est  exclu  du 
fruit  de  la  rédemption  par  un  déeret  absolu, 
ui  autrement  que  p;ir  sa  faute.  »  Doctrine 
tonte  différeiUe  de  celle  de  C;!i\in  el  des  go- 
maristes, qui  posent  pour  dogme  indubita- 
ble que  Jésus-Christ  n'est  mort  en  aucune 
sorle  iiue  pour  les  prédestinés,  el  nullement 
pour  les  réprouvés.  Sur  le  troisième  el  qua- 
trième chef,  après  avoir  dil  que  la  grâce  est 
nécessaire  à  tout  bien,  non-seuicment  pour 
l'achever,  mais  encore  pour  le  commencer, 
ils  ajoutaient  (jue  la  grâce  n'est  pas  irrésis- 
tible, c'est-à-dire  (|u'on  peut  y  résister  ;  ils 
soutenaient  qu'encore  que  la  grâce  soit  don- 
née inégalement ,  «  Dieu  en  donne  ou  en 
offre  une  suffisante  à  tous  ceux  à  (]ui  l'E- 
vangile est  annoncé,  même  à  ceux  qui  ne  se 
.couveilissent  pas,  et  l'olîre  avec  un  désir  sin- 
cère et  sérieux  de  les  sauver  tous  :  Il  est  in- 
digne de  Dieu,  disaienl-ils,  de  faire  semblant 
de  vouloir  sauver,  el  au  fond  de  ne  le  vouloir 
pas;  de  pousser  secrètement  les  hommes  aux 
péchés  qu'il  défend  publicjuemenl,  »  deux 
opinions  monstrueuses  qu'avaient  introdui- 
tes les  premiers  réformateurs.  Sur  le  cin- 
quième, c'est-à-dire,  sur  la  persévérance, 
ils  décidaient  que  «  Dieu  donne  aux  vrais  fi- 
dèles, régénères  par  sa  grâce,  des  moyens 


pour  se  conserver  dans  cet  état  ;  qu'ils  peu- 
vent perdre  la  vraie  foi  justifiante,  et  lomber 
dans  des  péchés  incompatibles  avec  la  justi- 
fication, même  dans  les  crimes  airoces,  y 
liersévérer,  y  mourir  même,  s'en  relever  par 
la  pénitence,  sans  néanmoins  que  la  grâce 
les  contraigne  à  le  faire.  »  Par  ce  sentiment 
ils  délruisaienl  celui  des  calvinistes  rigides; 
savoir,  ijue  l'homme  une  fois  justifié  ne  peut 
plus  perdre  la  grâce,  ni  totalement,  ni  fina- 
lement ;  c'esl-à-dire,  ni  tout  à  fait  pour  un 
certain  temps  ;  ni  pour  jamais  et  sans  re- 
tour. Les  arminiens  sont  aussi  appelés  re- 
montrants,  par  rapport  à  une  requête  ou  re- 
montrance qu'ils  adri  ssércnl  aux  élals  géné- 
raux des  Provinces-Unies  en  lUll,  et  dans 
laquelle  ils  exposèrent  les  principaux  arti- 
cles de  leur  croyance. 

Leurs  cinq  articles  de  doctrine  furent  so- 
lennellement condamnés  par  le  synode  de 
Diirdreeht  ;  eux-mêmes  furent  privés  de 
leurs  places  de  minisires  et  de  leurs  chaires; 
il  lut  décide  qu'à  l'avenir  personne  ne  serait 
admis  à  la  fonction  d'enseigner  sans  avoir 
souscrit  à  celle  condamnation.  Les  qomaristes 
supraliipsaircs  firent  tous  leurs  efforts  pour 
faire  approuver  par  le  synode  leur  sentiment 
touch'nl  la  prédestination ,  mais  ils  ne  jm- 
renl  pas  en  venir  à  bout  ;  les  théologiens 
anglais  elil'aulies  s'y  opposèrent  :  ainsi,  la 
doi-trine  étaMie  à  Dordrechtest  celle  des  in- 
fralapfaires.  Mosheim,  Hist.  erclés.  du  xvir 
siècli',  secl.  2,  part,  ii,  c.  2,  §  11.  Les  décrets 
de  l'assemblée  de  Dordrccht  furent  reçus  el 
adoptés  I  ar  les  calvinistes  de  France,  dans 
un  synode  national  tenu  à  Cbarenton  en 
11)23  :  nous  verrons  dans  un  moment  quels 
en  furent  les  fruits. 

Dc[)itis  leur  condamnation,  les  arminiens 
ont  ])onssé  leur  système  beaucoup  plus  loin 
(|ue  n'avaii  fait  Arminius  lui-même  :  ils  sunt 
tombés  dans  le  péiagiaiiisme  ,  et  se  sonl  fort 
approchés  des  soeiniens,  stirloul  lorsqu'ils 
avaient  nour  chef  Simon  Episcopius.  (juand 
les  calvinistes  les  accusent  de  renouveler 
une  ancienne  hérésie,  déjà  condamnée  dans 
les  pelagiens  et  les  semi-pélagiens,  ils  répli- 
quent que  la  simple  autorité  des  hommes  ne 
peut  passer  pour  une  preuve  légitime  que 
dans  l'Fglise  romaine;  que  les  calvinistes 
eux-mêmes  ont  introduit  dans  la  religion 
une  toute  autre  manière  d'en  décider  les  dif- 
ferenils  ;  qu'il  ne  suffit  pas  de  faire  voir 
qu'une  opinion  a  été  condamnée,  mais  qu'il 
faut  montrer  qu'elle^»  été  condamnée  à  juste 
tilre.  Sur  ce  principe,  que  les  calvinistes  ne 
sonl  pas  en  état  de  réfuter,  les  arminiens  re- 
tranchent un  assez  grand  nombre  d'articles 
de  religiiin  que  les  premiers  appellent  fon- 
damentaux ,  p.irce  qu'on  ne  les  trouve  point 
assez  clairement  expliqués  dans  l'Ecriture. 
Ils  rejettent  avec  mépris  les  catéchismes  et 
les  confessions  de  foi  auxquels  les  calvinistes 
veulent  qu'on  s'en  tienne.  C'est  pouriiuoi 
ceux-ei,  dans  le  synode  de  Dordreclit,  s'atla- 
chèrenl  beaucoup  à  établir  la  nécessité  de 
décider  les  différends  de  religion  par  voie 
d'autorité,  et  revinrent  ainsi  aux  principes 
des  catholiques,  contre  lesquels  ils     ut  lant 


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déclnmô.  Lps  arminiens  furent  il'aboi'd  pros- 
crits en  Hollande',  où  on  les  loliVe  cependant 
aujourd'liui. —  Ils  onl  abandonné  la  doctrine 
de  leur  premier  maître  sur  la  prcdeslination 
el  l'cleelion  faites  de  toute  clerniié,  en  coii- 
séiiuence  de  la  pnvision  des  mérites;  Kpis- 
copius  a  imaginé  que  Dieu  n'élit  les  fidèles 
que  dans  le  temps,  el  lorsqu'ils  croient  ac- 
tuellement. Ils  pensent  que  la  doctrine  de  la 
Trinité  n'est  point  nécssaire  au  salut,  et 
qu'il  n'y  a  dans  l'Ecilure  aucun  précepte 
qui  nous  commande  d'adorer  le  Saint-Esprit. 
Enfin,  leur  jirand  prin(i[)e  est  qu'on  doit  to- 
lérer touies  les  sectes  chrétiennes,  parce  (lue, 
disent-ils,  il  n'a  point  été  décidé  jusqu'ici  qui 
sont  ceux  d'entre  les  chrétiens  qui  onl  em- 
brassé la  religion  la  p'us  véritable  et  la  plus 
conforme  à  la  parole  de  Dieu. 

On  a  distingué  le>  (inriniens  en  deux  bran- 
dies, par  rapport  au  gouvernement  et  par 
rapport  à  la  rdiiiion.  Les  premiers  ont  été 
nommés  arminiens  politiques ,  et  l'on  a  com- 
pris sous  ce  litre  tous  les  Hollandais  qui  se 
sont  opposés  en  (luelquc  diise  aux  desseins 
des  princes  d'Orange,  tels  que  MM.  Barne- 
Melt  cl  de  >Yiil,el  plusieurs  autres  réformés, 
qui  onl  été  viciimes  de  leur  zèle  pour  leur 
patrie.  Les  unniniens  ecclésiastiques  sont  ceux 
qui,  professant  les  sentiments  des  remon- 
trants, n'ont  point  de  p.irt  dans  l'adminis- 
tration de  l'Etal,  ils  onl  d'abord  été  vivement 
persécuiés  par  le  prince  iMaurice;  mais  on 
les  a  ensuite  laissés  en  paix,  sans  toutefois 
les  admettre  au  ministère  ni  aux  chaires  de 
Ihéologie  ,  à  moins  qu'ils  n'aient  accepté  les 
acies  du  synode  de  Dordrecbt.  Outre  Simon 
Episcopius,  les  plus  célèbres  entre  ces  der- 
niers onl  été  Etienne  de  Courcelies  el  Phi- 
lippe de  Limborcli,  qui  ont  beaucoup  écrit 
pour  e<iposer  et  soutenir  les  senlimenls  de 
leur  parti.  —  Le  (élèbre  Jean  Leclerc  l'.ivail 
aussi  embrassé.  II  est  lorl  douteux,  dit  Mos- 
IiemijSi  la  victoire  remportée  sur  les  iirini- 
nii'iis  par  les  gomarisles  fut  avantageuse  à 
l'Eglise  réformée  en  général.  Pour  nous,  il 
nous  paraît  qu'elle  a  couvert  la  prétendue 
réfornic  d'un  oppr(ilire  élcrtul.  1°  Après  avoir 
posé,  pour  maxime  fondamentale  de  celle  ré- 
forme que  l'Ecrilure  sainte  est  la  seule  règle 
de  foi ,  le  seul  juge  des  contestations  en  fait 
de  <lo(lrine,  il  élail  bien  absurde  de  juger  et 
de  <oi)dainner  les  arminiens,  non  par  le  teste 
seul  de  l'Ecriture  sainte,  mais  par  les  gloses, 
les  commentaires, les  o^licaiions  (ju'il  plai- 
sait aux  g  niaristcs  d'y  donner.  Quand  on 
jette  les  yi  ux  sur  les  passades  allégués  par 
ces  demie;  s  dans  le  synode  de  Dordreciil,  ou 
voit  qu'il  n'>  en  a  presque  pas  un  seul  à  la 
lettre  duquel  ils  n'ajoulen;  quelque  chose,  el 
que  la  plupart  peuvent  avoir  un  sens  loul 
différenl  de  celui  (lu'y  donnent  les  gomaris- 
les. Les  (iniiinieiis  en  alléguaient  de  leur 
côté,  auxquels  leurs  atlversaires  ne  répon- 
dent point.  De  ijucl  Iront  jieut-on  dire  <|u'ici 
c'est  l'Ecrilure  sainte  qui  décide  la  contesta- 
lion,  pendant  que  c'csl  le  fond  même  sur  le-» 
quel  on  dispute?  2"  L'on  a  pi'iiiiî  à  retenir 
hon  indigualiuti  quand  un  voit  le  synode  do 
JDordrecht  se   l'uuder  sur  la    promesse   que 


Jésus-Christ  a  faite  à  son  Eglise  d'être  avec 
elle  jusqu'à  la  consomm.-ilion  des  siècles, 
pendant  que  tous  les  prolestants  font  profes- 
sion de  croire  (]ue  ce  divin  Sauveur  a  aban- 
donné cette  même  Eglise  immédiatement 
après  la  mort  des  apôtres;  que,  pendant 
quinze  cents  ans ,  il  y  a  laissé  introduire  les 
erreurs  les  plus  monstrueuses  el  les  supers- 
titions les  |iliis  grossières,  de  manière  que 
celle  Eglise  n'ctuil  plus  l'épouse  de  Jésus- 
Chiisl,  mais  la  prostituée  de  B.ibyline,  de 
laqurlle  il  a  f.illu  se  séparer  au  xvr  siècle 
pour  pouvoir  faire  son  salul.Que  penser  en- 
core quand  on  voil  les  docteurs  tie  Dordrechl 
rappeler  l'exemple  et  la  méthode  des  anciens 
conciles  ,  de  condamner  les  erreurs ,  et  que 
l'on  se  souvient  des  déclamations  fougueuses 
que  les  proleslanls  se  sont  permises  contre 
tous  les  conciles?  Pour  comble  de  ridicule, 
ils  citent  la  comluiie  des  princes  et  des  sou- 
verains qui  ont  protégé  I'E;;lise  contre  les 
attaques  des  hérctiiiues,  après  avoir  cent  fois 
blâmé  les  empereurs  qui  se  sont  mêlés  des 
disputes  de  religion  ;  ils  félicitent  l'Eglise  bel- 
gique  d'être  délivrée  de  la  tyrannie  de  l'ante- 
chrisl  romain  et  de  l'hurribie  idoldti  ie  du  pa- 
pisme, penilanl  (lu'eux-mêuies  exercent  contre 
leurs  frères  un  des  principaux  actes  de  cette 
prétendue  tyrannie,  en  se  rendant  juges  et 
arbitres  de  la  croyance,  etc. —  3°  Aussi  les 
arminiens  ne  manquèrent  pas  de  faire  à 
leurs  adversaires  lous  les  reproches  que  les 
prolestants  ont  faits  contre  le  concile  de 
Trente,  qui  les  a  condamnés.  Ils  dirent  que 
ceux  qui  s'arrogeaient  le  droit  de  les  juger 
étaient  leurs  accusateurs  et  leurs  parties; 
qu'un  synode  devait  être  libre;  que  les  ac- 
cusés devaient  y  être  adoiis  à  se  défendre  et 
à  se  justifier;  que  leurs  prétendus  juges  se 
rendaient  arbities  de  la  parole  de  Dieu  ,  etc. 
On  n'eut  aucun  égard  à  leurs  plaintes  ni  à 
leurs  clameurs.  Il  est  constant  aujourd'hui 
(jue  le  synode  de  Dordrechl  ne  fut  autre 
chose  qu'une  farce  politique  jouée  par  le 
prince  .Maurice  de  Nassau,  prince  d'Orange, 
pour  se  défaire  de  quelques  républicains  (jui 
lui  faisaient  ombrage,  i  o//.  (iomakistes.  — 
4-"  Mosbeim  nous  fait  observer  que  les  dé- 
crets de  Dordrechl,  loin  de  détruire  la  doc- 
trine d'Arminius,  ne  serviient  qu'à  la  répan- 
dre davantage  et  à  indisposer  les  esprits 
contre  les  opinions  rigides  de  Calvin.  Les 
arwmjVns,  dil-il,  altaquèicnl  leurs  adversai- 
res avec  tant  d'esprit,  de  courage  et  d'élo- 
quence, qu'une  mullilude  de  gens  fut  per- 
suadée de  la  justice  de  leur  cause.  Quatre 
provinces  de  Hollande  réinsèrent  de  sous- 
crire au  synoile  de  Dordrechl;  ce  synode  l'ut 
reçu  en  Angleterre  avec  mépris  ,  parce  nue 
les  anglicans  lémoignaient  du  respect  pour 
les  anciens  Pères,  dont  aucun  n'a  osé  mettre 
des  bornes  à  la  miséricorde  divine.  Dans  les 
Eglises  de  Brandebourg  el  de  Brème,  à  (îe- 
nèvc  même,  Varminianisme  a  prévalu.  Mos- 
heim  ajoute  que  les  calvini-les  de  France 
s'en  rapprochèrent  aussi ,  alin  de  ne  pas 
donner  trop  d'avantage  aux  lliéologiens  ca- 
llioliques  contre  eux  :  mais  il  oublie  l'accep- 
tation   lormelle  des  décrois   de  Dordrechl , 


581 


ARN 


ARN 


382 


faite  dans  le  synode  de  Charenton  on  1623. 
Ou  cotle  acceplalion  ne  fui  pas  sincère,  ou 
les  calvinistes  ont  rouRÏ  dans  la  suite  de 
l'aveiiiçlenionl  de  leurs  doileurs. 

Nous  ne  Qnirions  pas,  si  nous  suivions  en 
détail  toutes  les  absurdités,  les  erreurs,  les 
traits  de  dii[ilicité  et  de  passion  que  l'on  voit 
dans  CCS  mêmes  déirels.  Ils  se  trouvent  dans 
le. recueil  des  confessions  de  foi  des  églises 
proteslantrs.  Bossuet,  llisloire  des  Yiiriat., 
liv.  XIV,  §  23,  etc. 

Les  lulhériens,  non  plus  que  les  anglicans-, 
n'ont  pas  pu  se  dissimuler  que  la  censure 
portée  à  Dordreclil  contre  Varmiiiiariisine  re- 
tombait directement  sur  eux.  Mosheim  a 
fait  une  disserlation,  dans  laquelle  il  prouve, 
1"  qui'  les  cinq  articles  di;  doctrine  con- 
damnés par  ce  synode  sont  le  senliinent 
commue,  des  lutiiérien<  et  de  la  plupart  des 
théologiens  anglicans.  2"  Qui;  le  synode,  loin 
de  conilamiier  la  conduite  abominable  de 
'Calvin,  qui  représtiile  Dieu  comme  auteur 
du  péché,  l'a  plulô  adoptée  et  confirmée.  3° 
Que  les  décrets  de  Uordrecht  ont  été  exprès 
conçus  en  termes  ambigus,  pour  laisser  la 
liberté  de  les  entendre  comme  on  voudra. 
!•  11  réfute  les  sopliismes  et  les  subterfuges 
par  lescjucls  plusieurs  théologiens  calvinis- 
tes ont  \oiilu  prouver  que  la  censure  de 
ce  synode  n'iniéress  lit  point  les  luthériens. 
5°  Il  montre  le  ridicule  des  éloges  outrés 
qu'ils  ont  faits  de  cette  assemblée  et  de  ses 
décrets,  et  l'opprobre  ilonl  les  calvinistes  se 
sont  couverts  en  usant  de  violence  envers 
les  anninienf:,  paice  qu'ils  les  ont  regardés 
comme  hérétiques.  G"  Il  conclut  que  cette 
condiille  est  le  plus  grand  obstacle  que  les 
calvinistes  aient  pu  mettre  à  leur  réunion 
avec  les  autres  protestants,  et  le  plus  sûr 
moyeu  ((u'ils  aient  pu  trouver  de  rendre  la 
di>i-ion  éternelle.  De  aiictotitale  concilii 
Dorderal.,  paciaacrœ  noxia,  in-'i-",  lldmstad, 
172(i. 

AKNALDISÏFS  ou  ARNAUDISTES,  liéré- 
tiiiues  ainsi  nommés  d'Arnaud  de  Bresse, 
leur  chef.  Ils  parun  nt  dans  le  xir"  siè- 
cle ;  ils  invectivèrent  hautement  contre  la 
possession  des  biens  ecclésiastiques  qu'ils 
traitaient  d'usurpation.  Ils  rejetaient  le  bap- 
tême des  enfants,  le  sacrifice  de  la  messe, 
la  piiéie  pour  les  morts,  le  culte  de  la  croix, 
etc.  Us  furent  condamnés  au  concile  de  L  i- 
Iran  sous  Innocent  II,  eu  1139.  Arnaud, 
après  avoir  excité  des  troubles  à  Bresse  et 
à  i'.ome,  fut  pendu  et  brûlé  dans  celte  der- 
nière ville,  cnlloj,  cl  sescendres  furent 
jetées  dans  le  Tibre.  Quelques-uns  de  ses 
disciples,  qu'on  n  immail  aussi  publicriiiis 
ou  iioiilicains,  étant  passés  de  France  eu  An- 
gleleire  vers  l'an  MC6,  y  fuient  arrêtés  et 
di>si|iés.  (iCite  secte  devint  ensuite  une  bran- 
che de  l'hérésie  des  albigeViis. 

Moslieiin,  aptdogiste  déclaré  de  tous  les 
liéiéti.iues,  dit  qu'Arnaud  de  Bresse  était 
un  h'inme  d'une  eruiiiiion  imniense  et  d'une 
anslêrilé  etoiinanle,  mais  d'un  caractère, 
tui'liuient  et  impétueux;  qu'il  ne  parait  avoir 
adopté  aucune  doctrine  incoin|)atible  avec 
l'esprit  de  la  véritable    religion;    que   les 


principes  qui  le  firent  agir  ne  furent  répré- 
hensibles  que  parce  qu'il  les  poussa  trop 
loin,  et  qu'il  les  exécuta  ave<-  un  degré  de 
véhémence  qui  fut  aussi  criminel  qu'impru- 
dent; qu'à  la  fin  il  fut  la  victime  de  la  ven- 
geance de  ses  ennemis:  que  l'an  1155  il  fut 
cracifié  et  jeté  au  feu.  flist.  ecclén.  du  xir 
fii'cle,  ii«  pari.,  c.  5,  §  10.  —  Mosheim  a 
sans  doute  oublié  qu'Arnaud  de  Bresse  était 
moine  et  disciple  d'.Mi.iilard,  et  qu'il  n'a 
laissé  aucun  ouvrage  qui  prouve  son  éru- 
dition ;  il  ne  fallait  donc  pas  lui  en  suppo- 
ser, ajirès  avoir  peint  tous  les  moines  de  ce 
temps-l.i  comme  des  ignorants.  Celui-ci  con- 
damnait le  baptême  des  enfants,  le  sacrifice 
de  la  messe,  etc.  Il  voulait  que  l'on  dépouil- 
lât les  ecclésiastiques  des  biens  qu'ils  pos- 
sédaient légitimement;  il  excita  des  sédi- 
tions. Nous  reconnaissons  là  les  principes 
et  l'esprit  des  méteudus  réformateurs;  mais 
est-il  com[)atinle  avec  l'esprit  de  la  vérita- 
ble religion,  qui  défend  de  troubler  l'ordre 
public,  surtout  à  un  niuine  sans  autorisé? 
Mosheim  eût-il  trouvé  bon  qu'un  zélateur 
de  la  pauvreté  évangélique  lui  eût  oté  les 
deux  abbayes  qu'il  possédait'?  Arnaud  de 
Bresse  ne  fut  donc  pas  la  victime  de  la  ven- 
geance de  ses  ennemis,  mais  justement  puni 
comme  séditieux  et  perturbateur  du  repos 
public;  il  ne  fut  point  crucifié,  mais  attaché 
à  un  poteau,  étranglé  et  brûlé. 

11  ne  faut  pas  le  confondre  avec  Arnaud 
de  Villeneuve  ,  chimiste  et  médecin  célè- 
bre, qui  pratiqua  et  enseigna  son  art  avec 
beaucoup  de  léputation  en  Espagne  et  à 
Paris  au  commencement  du  xiv'  siècle. 
Mallieureusenienl  il  voulut  faire  aussi  le 
théologien;  il  enseigna  dans  ses  livres  qu'en 
Jc'US-Clirist  la  nature  humaine  est  ég  île  eu 
toute:;  choses  à  la  Divinité,  et  a  su  tout  ce 
que  savait  la  Divinité;  que  le  démon  a  fait 
périr  la  foi;  que  Dieu  n'a  point  menacé  de 
la  damnalion  éternelle  ceux  (lui  pèchent, 
mais  senlenienl  ceux  (jui  donnent  mauvais 
exemple  ;  que  le  monde  devait  finir  l'an 
1335,610.  Q  iinze  propositions  extraites  de 
ses  ouviaties  furent  condamnées,  après  sa 
mort,  par  l'inquisition  de  'l'arragone,  parce 
qu'elles  av.iient  des  sectateurs  en  Espagne. 
Mais  il  n'est  pas  vrai  (pie  cet  auteur  ait 
été  du  nombre  do  ceux  qui  eurent  de  la 
peine  à  se  s<  uslraiie  à  la  main  du  bour- 
reau, comme  l'avauciî  Mosheim,  xnr  siècle, 
II'  partie,  c.  1,  §  9.  .\riiaud  de  Villeneuve 
mourut  dans  le  vaisseau  qui  le  Iranspirt ait 
en  Italie,  où  il  était  appelé  pour  traiter  avec 
le  pape  l>lémenl  V.  Voy.  Dict.  des  lier.,  par 
Plui|iiei  [edit.  Migne],  qui  cite  ses   garants. 

ABNOIJE,  professeur  dii  rhétorique  à  Sicca 
en  .Mrique,  se  convertit  au  christianisme 
pend'anl  la  persécution  de  Dioclétien,  et 
mourut  au  commencement  du  n°  siècle;  il 
eut  pour  disciple  Lactance.  Après  sa  con- 
version, il  écrivit  en  sept  livres  un  ouvrage 
contre  les  (jeniUs,  où  il  fait  l'apolog f  d  •  la 
ndigion  chréUenne,  et  réfute  la  doctrine  des 
païens.  Comme  il  n'était  pas  encore  parfai- 
tement instruit  de  nos  dogm  s,  on  lui  re- 
proche d'être  tombé  dans  quelques  mépri- 


385 


ART 


ART 


384 


ses  ;  mais  le  P.  Le  Nourry  et  dom  Cellier 
l'ont  justifié  sur  plusieurs  articles.  On  n'a 
point  encore  de  meilleure  édilion  de  cet  ou- 
vrage que  celle  d'Amsleidam  en  1G5I,  in-i". 

Barbeyrac,  Traité  de  la  morale  des  Pères, 
c.  4,.  §  3,  note,  accuse  Aniol/e  d'avoir  ensei- 
gné que  Dieu  n'est  point  le  créateur  des  in- 
sectes ni  des  âmes  humaines  ;  mais  après 
une  lecture  alleniive,  il  nous  par.iîl  qu'il  a 
seulement  voulu  dire  que  si  l'on  s'en  Icnait 
aux  notions  philosophiquis  ei  aux  lumiè- 
res que  l'on  jjouvail  puiser  chez  les  philo- 
sophes, on  ne  pourrait  jamais  démontrer 
que  les  insectes  et  les  âmes  humaines  sont 
l'ouvrage  immédiat  de  Dieu  ;  et  que  l'on  ne 
pourrait  donner  des  ré[)onses  satisfaisantes 
à  ceux  qui  souienaient  le  contraire  ;  qu'ainsi 
c'est  de  la  révélation  seule  qu'il  faut  ap- 
prendre ces  vérités, 

11  ne  faut  pas  confondre  cet  auteur  avec 
Arnobe  le  jeune,  prêtre  de  Marseille,  qui 
vivait  vers  l'an  h-GO,  qui  a  fait  un  commen- 
taire sur  les  psaumes,  et  qui  est  accusé  de 
semi-péla^ïiauisMie. 

ARUHABONAlRRS,nom  qu'on  donna  aux 
sacramentaires  dans  le  xvr  siècle,  parce 
qu'ils  disaient  que  l'euiharislie  est  donnée 
comme  le  gage  du  corps  de  Jésus-Christ,  et 
comme  l'investiture  de  l'hérédité  promise. 
Stanciiarus  enseigna  celte  doctrine  en  Tran- 
sylvanie. Voy.  Praté  Ir,  au  mot  Aiiruabo- 
NAiREs.  —  Ce  mol  est  dériié  du  laiin  arrha 
ou  arrhabo,  arrhe,  gage,  naniissemcnl.  Les 
catholiques  conviennent  (|ue  l'eucharistie 
est  un  gage  de  l'immorialité  hienheiireuse, 
mais  que  c'est  là  un  de  ses  elTels,  et  non  son 
essence,  comme  le  soutenaient  les  hérétiques 
dont  il  est  ici  question. 

ART.  Certains  critiques,  fort  mal  ins- 
truits, ont  accusé  le  christianisme  d'avoir 
contribué  à  la  dégradation  des  aits.  Tour 
peu  que  l'on  ail  lu  l'histoire,  on  sait  que  ce 
fut  en  iiurope  un  ellel  de  l'inondation  des 
Barbares,  et  en  Asie  une  suite  des  ravages 
des  mahométans;  que  sans  la  religion  chré- 
tienne tous  les  arts  de  dessin  auraient  été 
anéantis.  Les  mahomi  tans  ont  en  horreur 
les  stat'  es  :  les  iconoi  lastes,  pour  leur  [  laire, 
brisèrent  les  images;  les  barbares  venus  du 
Nord  élaii  lit  trop  grossiers  pour  faire  aucun 
cas  de  la  peinture,  de  la  sculpture,  de  l'ar- 
chitecture, de  Viirt  des  décorations;  toute 
pompe  extérieures  fut  bannie,  excepté  du 
culte  divin  et  des  temples  du  Seigneur.  C'est 
là  qu'il  s'en  est  conservé  un  reste  de  goût, 
qui  s'est  ranimé  à  la  renaissance  des  lettres; 
et  celles-ci  n'ont  été  préservées  (li;  leur 
ruine  entière  que  par  la  religion.  Voij.Let- 

TBIÎS,   SCIKNCRS. 

AiiT  DK-  Esprits,  ou  art  nnyéliquc,  moyen 
superstitieux  pour  acquérir  la  connais- 
sance de  tout  ce  qu'on  veut  savoir  avec  le 
secours  de  son  ange  gardien  ou  de  quelque 
antre  bon  ange.  On  distingue  deux  sortes 
d'art  finr/^/iV/iie.-riin  obscur,  qui  s'exerce  par 
la  voie  d'élévation  ou  d'extase;  l'anlre,  clair 
et  distinct,  lequel  se  pratique  par  le  minis- 
tère des  anges,  qui  apparaissent  aux  hom- 
mes sous  des  formes  corporelles,  et  qui  s'en- 


tretiennent avec  eux.  Ce  fut  peut-être  cet  art 
dont  se  servit  le  père  du  célèbre  Cardan , 
lorsiiu'il  disputa  contre  les  trois  esprits  qui 
soutinaii  nt  la  doctrine  d'Averroës  ,  et  qu'il 
reçut  ou  crut  recevoir  des  lumières  d'un  gé- 
nie qu'il  eut  avec  lui  pendant  trente-irois 
ans.  Il  est  certain  que  cet  art  est  supersti- 
tieux, puisqu'il  n'est  autorisé  ni  de  Dieu  ni 
de  l'Eglise,  et  que  les  anges,  par  le  minis- 
tère de  quels  on  suppose  qu'il  s'exerce,  ne 
sont  autres  que  des  es|>rits  de  ténèbres  et  des 
anges  de  Satan.  D'ailleurs,  les  cérémonies 
dont  on  se  sert  ne  sont  que  des  conjurations 
pnr  lesquelles  on  oblige  les  démons,  en  vertu 
de  quehiue  pacte,  de  dire  ce  qu'ils  savent, 
et  de  rendre  les  services  (ju'on  exige  d'eus. 
Voy.  Art  Notoiriï.  Cardan,  lib.  xvi,  de  rer. 
Variel.  Thiers ,  Traité  des  superstitions , 
lom.  L  pag.  275. 

Art  notoire,  moyen  superstitieux  par  le- 
quel on  promet  l'acquisition  des  sciences  par 
infusion  et  sans  peine,  en  pratiquant  quel- 
ques jeûnes  et  en  faisant  certaines  cérémo- 
nies inventées  à  ce  dessein.  Ceux  qui  font 
profession  de  cet  art  assurent  que  Salomon 
en  est  l'auleur,  et  que  ce  fut  par  ce  moyen 
qu'il  acquit  en  une  nuit  cetle  grande  sagesse 
qui  l'a  rendu  si  célèbre  dans  le  monde.  Us 
ajoutent  qu'il  a  renfermé  les  préceptes  et  la 
ui;thode  de  cet  art  dans  un  pelil  livre  qu'ils 
prennent  pour  modèle.  \'oici  la  manière  par 
laquelle  ils  prétendent  acquérir  les  sciences, 
selon  le  témoignage  du  père  Deirio  :  ils  or- 
donnent à  leurs  aspirants  de  fréquenter  les 
sacrements,  de  jeûmr  tous  les  vendredis  au 
pain  et  à  l'ea'!,  et  de  fair.'  plusieurs  prières 
pendant  sept  semaines  ;  ensuite  ils  leur  pres- 
crivent d'autres  prières,  et  leur  lonl  adorer 
certanes  imuges  les  sept  prem  ers  jours  de  la 
nouvelle  lune,  au  lever  du  soleil,  «iurant  trois 
mois  ;  ils  leur  font  encore  choisir  un  jour  où 
ils  se  sentent  plus  |)ieu\  qu'à  l'ordinaire  et 
plus  di'.posés  à  recevoir  Ls  ins|)irations  di- 
vines :  ces  jours-là  ils  les  font  mettre  à  ge- 
noux dans  une  église  on  oratoire  ,  ou  en 
pleine  campagne,  et  leur  font  dire  trois  fois 
le  premier  verset  de  l'hymne  Vent,  Crentor 
Spiritus,  etc.,  les  assurant  qu'ils  seront  après 
cela  remplis  de  la  science  comme  Salomon, 
Il  s  prophètes  et  les  apôtres.  Saint  Thomas 
d'Aquin  montre  la  vanité  de  cet  art  pré- 
teiiiiu  :  saint  Atitonin,  a. cliev'èque  de  Flo- 
rence, Denys  le  Chartreux,  Cer^on  et  le  car- 
dinal (^^.ijelàii,  prouveiil  (|ue  c'est  une  curio- 
sité criminelle  par  laquelle  on  lente  Dieu,  et 
un  pacte  tacite  avec  le  démon  :  aussi  cet  art 
ful-il  couilaniné  comme  supersiitieuv  p  ir  la 
faculté  de  théologie  de  Paris,  l'an  i;!20.  Deirio, 
Disquis.  Miif/ic. ,  part.  2.  Thiers,  Traité  des 
sitperstiiioiis ,  ibiJ. 

.\rt  dk  SjV  >t  Anselme,  moyen  de  guérir 
les  plaies  les  plus  dangereuses,  en  louchant 
seulemenl  aux  linges  qui  ont  été  appliqués 
sur  les  blessures.  Quelques  soMats  italiens, 
qui  font  encore  ce  métier,  en  attribuent  lin- 
venlion  à  saint  Anselme;  mais  Deirio  assure 
que  c'esi  une  sui)erstilion  inventée  par  An- 
selme de  Piirme,  lamcux  magicien,  et  remar- 
([ue  qiie  ceux  qui  sont  ainsi  guéris,  si  toute- 


s:3 


ASC 


fois  ils  en  p;uérissenl,  retombent  ensuite  dans 
de  plus  grands  maux,  et  finissent  malheu- 
reuscmeut  leur  vie.  Delrio ,  Bisquis.  Magic. 
liv.  I. 

Art  de  saint  Pai  l,  sorte  d'nrt  notoire, 
que  (juclques  superslilioux  disent  avoii'  élé 
enseigné  par  aninl  Paul,  après  ((u'il  eut  été 
ravi  jusqu'au  troisième  ciel  :  on  ne  .'.ail  pas 
bien  les  cérémonies  que  pratiquent  ceux  qui 
prétendent  acquérir  les  sciences  par  ce 
moyen,  sans  aucune  élude  et  par  inspira- 
lion  ;  mais  on  ne  peut  douter  qui'  cet  art  ne 
soit  illicite;  il  est  constant  (lue  sainl  Paul  n'a 
jamais  révélé  ce  ((u'il  ouït  dans  son  ravisse- 
ment, puiS(]u'il  dit  lui-incme  qu'il  entendit 
des  paroles  inelTabIcs,  qu'il  n'est  pas  permis 
à  un  homme  de  raconter,  l'of/.  Art  notoire. 
ïhiers,  Traiié  des  superstilions. 

*  AllTÉMONITES.  Héieli(|iies  qin  reconnaissaient 
AitéTnoii  piuir  niallre.  Cel  liéiésiari|iie  avait  adiiplé 
les  piiiicipiis  (le  Tliéodoie  (Vo!/.  TliéïKlulieiis).  il  en- 
seignait que  la  divinité  ne  s'était  unie  à  l'humanité 
de  Jésus-Clirist  qu'à  la  naissance  du  Sauveur  du 
monde,  et  <\ue  le  Messie  ne  pouvait  (primpiopre- 
nient  éire  appelé  Dieu.  Aitémon  conipie  (iuel(]ucs 
sectateurs  à  home. 

AIITICLE  DE  FOI.  Voij.  Dogme. 

*  AiiTicLKS  FONDAMENTAUX.  Lcs  proiesianis,  pour 
réunir  lems  diverses  secics  en  une  seule,  ont  divisé 
les  dogmes  en  rundanieiilaux  et  non  t'ondameiitaux  ; 
les  premiers  sont  ceux  qu'on  doit  admettre  pour  fai- 
re partie  de  la  véritable  Eglise  de  Jôsus-Clirisl.  On 
peut  admettre  ou  ri  jeter  les  seconds.  Mous  evami- 
nerons  S|iécialenieMi  ce  système  à  l'art.  Jubieu,  ob- 
seivons  seulement  ici  que  les  piotesianis  n'ont  pu 
s'entendre  sur  le  nombre  de  louis  articles  fondamen- 
(aux,  et  que  (|neli|ues-uus  ont  réduit  le  christianisme 
à  une  pure  école  de  philosophie. 

*  AriTitXES  ORGANIQUES.  Nuus  avons  apprécié  les 
articles  oigain(|ues  dans  le  Diclioimaire  de  rhéologie 
murale,  ^ous  y  avons  joint  les  réclamations  que  le 
cardinal  Capraia  lit  contre  ces  articles.  Nous  nous 
conltiilons  d'y  renvoyer. 

ARTOTYIUTES.  Voij.  Montanistes. 

AUUSPICE.  Yoy.  Divination. 

ASCENSION,  se  dit  pro|)rement  de  l'éléva- 
tion miraculeuse  de  Jesus-Cbrist  qir  nd  il 
monta  au  ciel  en  corps  et  en  âme,  en  pré- 
sence et  à  la  vue  de  ses  apôtres. 

Tcriiillien  fait  une  énumération  succincle 
des  dilTérenles  erreurs  que  l'on  a  enseignées 
sur  Wisceiision  du  Sauveur.  Les  apelliles 
pensaient  que  Jésus-Christ  laissa  son  corps 
dans  les  airs  (  saint  Augustin  dit  qu'ils  pré- 
tendaient que  ce  fut  sur  la  terre)  ,  et  (]uil 
monta  s  ins  corps  au  ciei  :  comme  .lésus- 
Chrisl  n'avait  point  apporté  de  corps  du  i  iel, 
mais  qu'il  l'avait  reçu  îles  éléments  ou  monde, 
ils  soutenaient  qu'en  r<'lonrn.ciil  au  ciil  il 
l'avait  restitué  à  ces  éléments.  —  Les  séleu- 
cicns  et  les  liermiens  croy  lient  que  le  corps 
de  Jésus-Christ  ne  monta  pas  plus  haut  (|ue 
le  soleil,  et  qu'il  y  resta  on  dépôt.  lU  se  fon- 
daient sur  (  e  passage  des  psaumes  :  Il  a 
place  son  labcrnai-le  dans  le  so/ei7. •Saint  Cré- 
goire  d.e  Nazianze  attribue  la  même  opinion 
aux  manichéens. 

Le  j  piir  de  V Ascension  est  une  féîe  célé- 
brée par  ri';gli.e  <lix  jours  avant  la  Penle- 
cole,  en  mémoire  de  i'ascemiun  de  Notre- 
Seigueur.  Seloa  saiut  Augusiiu  (  Episl.  118, 


ASC  386 

n.  1),  elle  a  élé  instituée  par  les  apôtres  ma- 
nies. La  célébration  en  est  commandée  par 
les  Constitutions  aposloli(|ues,  I.  viii,  cap.  3 
(Tliomassin.  l'raité  den  fi'les,  p.  370). 

(Juelques  incrédules  moderin's  ont  com- 
paré malicicnscment  Vascension  de  Jésus- 
Christ  à  l'apolliéose  de  Koiniilus,  pour  insi- 
nuer (]ue  l'une  n'est  pas  mieux  prouvée  que 
l'autre.  Selon  l'histoire  romaine ,  un  seul 
homme  a  dit  que  Uomulus  lui  était  apparu 
et  l'avait  assuré  tie  son  transport  dans  le  ciel. 
Yoy.  Tile-Live.  Il  ne  risquait  rien  d  inventer 
celle  fable.  Douze  apôtres  et  uni-  multitude 
de  d  sciples  ont  assuré  (|u'ils  avaient  vu  Jé- 
sus-Christ ressuscité  s'élever  au  ciel,  et  ils 
ont  répandu  leur  sang  pour  sceller  la  vérité 
d(!  leur  lémoignage.  L'apolliéose  de  Romu- 
lus  n'avait  été  ni  prévue  ni  prédite;  elle  fut 
imaginée  pour  écarter  le  soupçon  d'un  régi- 
cide commis  par  les  sénaleiirs  ;  la  résurrec- 
tion et  Vascensioii  de  Jésus-Christ  avaient 
été  annoncées  par  les  prophètes  et  par  lui- 
même  ;  ces  deux  prodiges  ont  fondé  le  chris- 
tianisme. On  pouvait  croire  sans  consé- 
quence ou  ne  pas  croire  la  fable  de  Romu- 
lus  ;  ou  ne  pouvait  pas  être  chrétien  sans 
croire  la  résurrection  et  lascension  de  Jé- 
sus-Christ, professées  dans  le  symbole,  et  l'on 
ne  pouvait  embrasser  le  christianisme  sans 
s'exposer  à  la  haine  des  Juifs  et  des  païens. 
Personne  n'a  eu  iiilérèl  de  contester  la  divi- 
nité de  Romulus  ;  elle  se  conciliait  très -bien 
avec  le  système  du  paganisme  :  les  Juifs,  au 
contraire,  ont  eu  un  très-grand  intérêt  à  dé- 
montrer la  lausselé  de  la  naeration  des  apô- 
tres, et  pour  l'adopter  il  fallait  renoncer  au 
judaïsme  ou  au  paganisme.  La  fable  de  Ro- 
mulus n'a  pu  servir  (]u'à  rendre  les  Romains 
ambitieux,  usurpateurs,  ennemis  de  l'uni- 
vers entier  ;  la  croyance  de  la  divinité  de  Jé- 
sus-Christ a  banni  du  monde  les  folies,  l'im- 
piété, les  c  rimes  du  paganisme,  a  établi  le 
règne  de  la  vérité  el  do  la  vertu.  Voilà  des 
différences  incontes  la  blés. 

ASCÈ  l'ES,  du  grec,  àay.n-ri^,  mol  qui  signi- 
fie à  la  lettre  une  personne  qui  s'exerce,  qui 
travaille.  Ce  nom  a  élé  donné  eu  général  à 
tous  ceux  qui  embrassaient  un  genre  de  vie 
plus  austère,  el  qui  par  !à  s'exerçaient  plus 
à  la  vertu,  ou  travaillaient  plus  fnrlement  à 
l'acquérir  que  le  commun  des  hommes.  En  ce 
sens,  les  esténiens  chez  les  Juifs,  les  pytha- 
goriciens entre  les  philosophes,  pouvaient 
être  appelés  ascètes.  Parmi  les  chrétiens, dans 
les  premiers  temps,  on  donnait  le  même  ti- 
tre à  tons  ceux  qui  se  dis  inguaient  des  au- 
tres par  l'ansiérité  de  leurs  mœurs,  qui  s'abs- 
tenaient, par  exemple,  île  vin  et  de  viande. 
Depuis,  la  vie  monasii(iue  ayant  élé  mise  en 
honneur  dans  l'Orient,  et  regardée  comme 
plus  pirfaite  (|ue  la  vie  commune,  le  nom 
d'asn'tes  est  demeuré  aux  moines,  et  parti- 
culièrement à  ceux  qui  se  retiraient  dans  les 
déserts,  et  n'avaient  d'autre  occupation  qur 
de  s'exercer  à  la  méditation,  à  la  lecture, 
aux  jeûnes  et  aux  autres  mortifications.  On 
l'a  aussi  donné  à  des  religieuses  ;  en  consé- 
quence on  a  nommé  asceleria  les  monas- 
tères, mais  surtout  certaines  maisons  daub 


587                                   ASC  ASC                                   388 

lesquelles  il  y  avait  des  moniales  et  des  aco-  les  philosophes  platoniciens  et  pythaeoriciens, 

lytcs,  dont  riiffirc  éiail  (i'ensevi'lir  les  iiiorls.  (ioiii  Pori  hue  a  r  lido    les  fol'es  idées  dans 

Les   Grecs    doiincnl    pénéraleMient   le    lunn  sw\  Trnilé  de  Vabstnence  ;   la   seconde  fui  la 

A'ascèas  à  tous  les  moines,  soil  anachorètes  mélancolie   qu'inspir  •  nalurellenicnt   le  cli- 

el  solil.iiiCS,  suit  cénobiles.  mal   de  l'K^ypIe,  maladie  de  laqu  lie  e(aieiil 

M.  d(>  A'aiois,  dans  ses  noies  sur  Eusèbe,  alïcetés  les  esséniens  et  les  Ihéiapiule-,  qui 
el  le  père  Pagi.  remarquent  que,  dans  les  av.iieiil  déjà  mené  celle  vie  triple  el  lugubre 
premiers  temps,  le  mun  d'a.«C''<es  et  celui  de  longtemps  avant  la  venue  de  Jes'S-t  hrist. 
moines  n'étaient  pas  synonymes.  Il  y  a  lou-  De  la,  dil-il,  elle  passa  dans  la  Syrie  el  dans 
jours  eu  des  ajife/p*  dans  l'Kulise,  et  la  viemo-  les  contrées  voisines,  dont  les  lialiiiaiils  sont 
nautique  n'a  commencé  à  y  être  en  honneur  à  peu  près  du  même  lempéraruenl  que  les 
queilans  h*  iv°  siècle,  liingham  observe  plu-  Egypiiens  ;  et  dans  la  suile  elle  inTcla  mê- 
si<urs  différences  entre  les  moines  anciens  nie  les  nalions  européenne*  :  telle  a  été  l'o- 
cl  les  asri'les  ;  par  exemple,  <iuc  ceux-ci  vi-  rii-me  des  voeux,  des  tnorlificalidus  monas  i- 
vaient  dans  les  villes,  qu'il  yen  avait  de  ques, du  célibat  des  préties, des  pénitences  in- 
toute coiidilion,  même  des  clercs,  et  qu'ils  fructueuses  etdes  autres  supersiitions  qui  ont 
ne  suivaient  point  d'auires  règles  parlicu-  terni  la  beauié  et  la  sirnpiiciié  du  i  hristia- 
lières  que  les  lois  de  l'Eglise,  au  lieu  que  les  nisine.  Jlist.  ecclés.  du  secavd  siècle,  ii'  part., 
moines  >ivaient  dans  la  solitude,  étaient  cap.  .3,  S  11  el  suiv.  C'e^t  le  langapede  tou«  les 
tous  laïques,  du  moins  dans  les  commence-  proteslanis.  —  Ainsi,  suivant  leur  opinion, 
nifnls,elassujeltis  aux  règlesou  conslituiions  c'est  dès  le  second  siècle,  et  immédiatement 
de  leurs  fondateurs.  De  là  on  a  nommé  vie  après  la  mort  du  dernier  des  aiôlres,  que  le 
<isiéiiqi(e  la  vie  que  men.iient  les  chrétiens  christianisme  a  conmiencé  à  se  corrompre,  à 
fervents,  —  Elle  con>.isiait,  selon  M.  Fleury,  devenir  un  cbaos  d'erreurs  et  de  supersii- 
à  pratiquer  volontairement  tons  les  exercices  tions  ;  ce  sont  les  disciples  mêmes  des  apôlres 
de  la  pénitenee.  Les  (iscnliques  s'enf  rmaient  qui  onl  prél'éréà  la  doctrine  de  leurs  maîtres 
d'ordinaire  dans  des  oraisons,  on  ils  vivaient  celle  des  philo-ophes  païens,  el  qui  ont  fait 
en  grande  retraite,  gardant  la  coutinenee,  et  dominer  celle-ci  dans  l'Eglise.  El  c'est  ainsi 
ajoutant  à  la  fiiigaliié  chrétienne  des  absli-  que  Jésus-Cbrist  a  tenu  la  promesse  qu'il 
nenees  et  des  jeûnes  extraordinaires.  Ils  pra-  avait  faite  d'être  avec  son  Ei^lise  jusqu'à  la 
tiquaient  la  sérophagit!  ou  nourrilurc  sèche,  coi>sommalion  des  siècles.  Quand  on  consi-  X 
et  les  jeûnes  de  deux  ou  trois  jours  de  suite,  dère  ce  système  des  protestants,  on  est  tenté  ■ 
ou  plus  encore  ;  ils  s'exerçaient  à  porter  le  deleur  demander  s'ils  croienlen  Jésus-Christ, 
cilice,  à  marcher  nu-pieds,  à  dormir  sur  la  Au  mot  Conseils  Evancéliqi  es,  nous  fe- 
lerre,  à  voilier  une  grande  partie  de  la  nuit,  rons  voir  que  la  distinciiou  que  les  premiers 
à  lire  assidûment  l'Ecriture  sainte,  à  prier  chrétiens  en  ont  faite  d'avec  les  préceptes,  X 
le  plus  continuellement  qu'il  était  possible,  n'a  pas  été  une  vaine  imagination  de  leur  I 
Telle  était  la  \  ie  osce/Z^ue  :  de  grands  évê-  part,  et  que  Jé>us- Christ  la  f;iite  lui  même  ;  ■ 
qnes  et  de  fameux  docteurs,  entre  autres  que  c'est  lui  qui  a  dit  (in'il  y  a  quelque  chose 
Origène,  l'avaient  menée.  On  nommait  par  de  plus  parlai!  que  ce  qu'il  a  prescrit  ou  or- 
cxeelleiiie  ceux  (jui  la  pratiquaient,  les  élus  donné  à  tous  les  hommes,  el  qu'en  le  faisant 
entre  les  élus,  èzAeiiTM-^  r/).ey.-;oér,oi.  Clément  on  peut  mériter  une  pins  grande  récompense. 
Alexandrin,  Eusèbe,  Ilisl.,  I.  vi,  cap.  3.  Ici  nous  avons  à  prouver  ((ne  c'est  encore 
F\cury,  Mœurs  des  chrétiens,  ii^  part.,  n.  20.  lui  (|ui  a  donné  l'exemiile  de  la  vie  ascétique, 
Bingham,  Oricj.  ecclés.,  \iv.  vu,  c.  1,  §6.  et  (|ueses  apôtres  l'ont  pratiquée  comme  lui  ; 

On    conçoit  que   la  vie  uscélKjue,  telle  que  les  ihiétiens  n'ont  donc  pas  eu   besoin    d'en 

nous  venons  de  la  décrire,  ne  pouvait  mau-  aller  chercher  le  modèli  chez  les  philosophes 

quer  de  déplaire  aux  protestants,  et  qu'il  est  païens,  ni  chez  les  esséniens  ou  chez  lus  thé- 

de  leur  intéiét  de  la  faire  envisager  comme  rapeulcs  juifs. 

un  elïel  de  l'enlhousiasme  de  quelques  chré-  Jésus-Christ  a  loué  la  vie  so'itiirc,  péiii- 
tiens  mal  instruits.  Ce  fui,  selon  leur  opinion,  tente,  chiislc  et  mortiliée  de  saint  Jcan-Bap- 
une  erreur  (apitale,  un  système  exiravagant,  liste  (Mndh.n,  H),  vie  itscétiqite,  s'il  en  lut 
qui  a  causé  dans  Ions  les  siècles  les  plus  jamais  ;  il  a  pratiqué  lui-même  la  i  ha^teté, 
grands  maux  dans  l'Eglise.  Un  distingua,  la  pauvielé,  la  mortificaiion,  le  jeûne,  le  re- 
dit Mosbeim,  les  jiréttpies  que  Jésus-Ctirist  noiK'emenl  à  toutes  choses,  l.i  prière  conli- 
a  établis  pour  tous  les  hommes,  d'avec  les  nuelle  ;  tout  cela  cependant  n'est  pas  coin-  ■ 
consci7s  auxquels  il  a  exhorté  senleinent  quel-  mandé  à  tous  les  boMim(  s  :  nous  persuadera-  ■ 
ques  personnes  ;  on  se  llatla  de  s'élever.  p;ii  la  l-on  «[u'il  y  a  de  l'enlhousiasme  et  de  la  1 
pratique  de  ceux-ci,  à  un  degré  supérieurde  folie  à  vouloir  imiter  JcsUs-Chri-t '?  Il  dit 
vertu  et  de  sainteté, el  dcjouird'une  union  plus  qu'il  y  a  des  hommes  qui  se  sont  fails  euiiu- 
intime  avec  Dieu,  Dans  cette  persuasion,  qiie<  pour  le  royaume  des  rienx  (.Wa'//*,  xix, 
plusieurs  chrétiens  du  ir  siècle  s'interdirent  \-l).  Il  appelle  hienlieureiix  ceux  qui  pleurent  ; 
l'us.ige  du  vin,  de  la  viande,  du  mariage,  il  prédii  que  sesilisciples  jeûneront  lorsqu'ils 
du  commerce  ;  ils  exlénuérent  leui's  cor|)S  seront  prn  es  de  sa  présenc<' ;  il  leur  promet 
par  des  veilles,  l'alislinence,  le  travail  el  la  le  cenluple,  parce  qu'ils  onl  tout  quilié  pour 
faim  ;  bienlûl  ils  allèrent  du  r(  lier  le  bonheur  le  suivre  (v,  5  ;  i\,  l'i  ;  xix.  ^i)J.  Il  ne  reste 
dans  les  déserts,  loin  de  la  soiiétédes  hom-  aux  prolestants  qu'à  se  joindre  aux  iiicrédu- 
mes. Ce  travers  d'esprit  lui  a  paru  né  lie  deux  les  el  a  dire  comme  eux  ([ue  Jésus-Christ 
causes  :  la  première  tut  l'ambiliun  d'iuiiler  était  d'un  caractère  austère,  fàchcii^L,  mélan- 


âSO 


ASË 


ASl 


396 


colique,  comme  les  Egyptiens  ;  qu'il  avait  élé 
ui'  u-  parmi  les  cs'iéniens,  el  s'oiail  imliii  de 
leur  morille  alrabihiiro  ;  que  le  clirislianis- 
ine,  tel  qu'il  l'a  prêché,  u'esl  propre  qu'à 
(les  moines. —  ils  auront  encore  le  même 
leproche  à  faire  à  s^iint  Paul  :  Je  cliâlie  mon 
101  ps  et  je  le  réduis  en  servidute,  ilit-il,  f/ê 
peur  qu'aprh  avoir  jjréihé  uw-r  autrex,  je  ne 
soin  mot-même  réprouvé  [l  ('or.  ix,  27,i.  Ceux 
qui  sont  à  Jésus-Christ  crucifient  li'ur  ctiair 
avec  SIS  vices  et  ses  canvoitises  [Culat.  v,  2V). 
Montrons-nous  dignes  ministres  de  Dieu,  par 
la  patience,  par  les  souffrances,  parle  travail, 
par  lcsr<-llles,  i,ar  les  jeûnes,  etc.  (//  Cor.v., 
kj.  Il  a  loue  la  vie  [«luvre,  ausière  el  peiii- 
liiitc  des  prophèies(//eir.  x  ,37).  Nous  avons 
clicrclié  vainomeiil  dans  les  coiiimenlaieurs 
pi olesianisdesexplic.ilionsel  des  sublerluges 
pour  esquiver  les  con^équences  de  ces  passa- 
ges :  nous  n'y  en  avons  point  trouvé  ;  nous 
sciOiis  force  de  les  répéter  aux  mots  Absti- 

NENCK,  Ci.L  BAT,  Ji;l!NE,  MoUTl  IICA  P.  ON,  Mo:- 

NEs,\'oEU,  etc.,  parce  que  les  proleslanls  ont 
blâmé  toutes  ces  praluiues  avec  la  mèuie 
Opiiiiâtrelc  cl  toujours  sans  foiuleiiienl. 

Mais  ils  se  flaltent  de  repondre  à  loul  par 
un  seul  passa?;e  de  saint  l'aul,  qui  dii  à 
Timolliee  (/  Tim.  iv,  'i)  :  «  Exercez-vous 
à  la  |)ii  lé;  car  les  exercices  corporels  sont 
utiles  à  peu  de  chose  ,  mais  la  piélé  est 
uliie  à  loul;  elle  a  les  promesses  de  la  vie 
préseiit('  el  de  la  vie  future.  »  La  question 
est  de  savoir  si  ,  par  exercices  curporels, 
l'apôtre  entend  la  prière  ,  le  travail  ,  les 
veilles,  les  jeûnes,  etc.,  qu'il  recommandai! 
aux  fidèles  :  dans  ce  cas  l'apôtre  se  serait 
coiilrcdil  grossièrement,  cl  nous  demande- 
rions encore  ce  qu'il  faut  entendre  pur  s'exer- 
cer à  la  piélé.  Pour  nous,  qui  craignons  de 
mcltre  saint  Paul  en  contrailii  lion  avec  lui- 
même,  nous  pensons  que,  par  les  exercices 
corporels,  il  a  entendu  la  course,  la  luile,  ie 
pugilat,  le  jeu  du  disque  el  les  autres  exer- 
cice* Violenls  dont  Ifs  Grecs  et  les  Uomains 
faisaient  beaucoup  de  cas  el  beaucoup  d'u- 
sage; que  s'exercer  à  la  piélé,  c'est  s'occu- 
per de  la  prière,  de  la  médiialion,  de  la  lec- 
lurc,  des  louanges  de  Dieu,  des  veilles  eldes 
jeu.  es,  comme  l'apôlre  le  recommande,  et 
cointiie  faisaient  les  ascrles  de  l'Eglise  pri- 
mitive :  nous  soutenons  que  ces  exercices 
font  partie  de  la  vraie  pieté,  a  laquelle  Jé- 
sus-Clirist  a  promis  les  récompenses  de  la  vie 
présente  et  de  la  ^ie  fulure  [Maltli,  xix, 
2!)). 

ASCITES,  ASCODIIUGITES  ,  ASCODRU- 
PlThS,  ASCODltUlES.    Yoy.  M  intanistes. 

ASEITE,  lerme  laclice,  dérivé  du  iaiin  tns 
a  se,  être  qui  existe  de  lui-même,  par  la  iié- 
cessilé  de  sa  uaiure.Cel  atlriliul  ne  convient 
qu'a  Dieu,  il  se  lestât  ribué  lui-même,  lors- 
qu'il a  dit  :  «  Je  suis  l' litre  ;  vous  direz  aux 
«  Israélites  :  Celui  qui  est  m'a  envoyé  vers 
«  vous.  »  [Exod.  m  ,  \k.)  De  cet  attribut 
de  Dieu  s'ensuivent  tous  les  autres.  En 
efî.i,  lien  n'est  borné  sans  cause  :  or,  l'élie 
nécessaire,  qui  exisle  de  soi-même,  n'a  point 
de  cause;  il  est  lui-même  la  cause  de  tout  ce 
qui  exisle  hors  de  lui  :  un  ne  peut  donc  le 


supposer  privé  d'aucune  perfection,  et  au- 
cune (les  perfections  qui  lui  appai  tiennent 
par  nécessilé  de  nature  ne  peut  élre  bornée. 
l,a  raison  pour  laquelle  loul  élre  créé  a  des 
bornes,  csi  que  le  t>éateur  a  élé  le  maiire 
de  lui  donner  tel  degré  de  perfeclion  qu'il  lui 
a  plu;  de  là  vient  l'inégalité  iles  êtres  crées. 
Consi-i|iiemmenl  les  théologiens  regardent 
Xasèilé  comme  l'essence  de  Dieu  ,  comme 
l'allnbul  qui  le  distingue  éminemment  de 
Ions  les  anlres  êtres.  Par  là  on  démonlre  en- 
core, contre  les  matérialistes,  que  la  matière 
n'est  point  un  être  nécessaire,  éternel,  exis- 
tant de  soimême,  puisqu'elle  a  des  bornes, 
el  qu'elle  n'est  certainement  pas  douée  de 
loule  perfection. 

Malgré  l'évidence  de  ce  raisonnement , 
Beausubre  a  écrit  que  les  anciens  philoso- 
pher ne  le  concevaient  pas  ainsi;  que,  selon 
leur  sentiment,  la  nécessilé  d'éire,  ou  l'éler- 
nilé,  n'emporlaii  pas  tonte  perfeclion,  el  il  a 
douté  si  les  Pères  de  l'Eglise  le  concevaient 
mieux.  Ilisl.  du  Manick.,  1.  ni,  c..'!,  §  4-.  Peu 
nous  iiiiporie  de  savoir  si  les  anciens  philo- 
sophes raisonnaient  mal;  cependant  Mos- 
heim,  dans  sa  Dtssert.  sur  la  créaiion,  a  cité 
un  passage  d'Hiéroclès,  qui  prouve  (]iie  ce 
plaionicien  comprenait  tiès-liien  les  consé- 
quences de  Vasétlé.  (Juant  aux  Pères  de  l'E- 
glise, Tertullien,  dans  son  livre  contre  Her- 
iiiogène,  c.  k  et  suiv.,  a  consUimment  rai- 
sonné sur  le  principe  que  nous  venons  d'éta- 
blir, et  il  l'a  développe  en  profond  métaphy- 
sicien. Beausobre  lui-même  a  cite  un  passage 
de  saint  Denis  d'Alexandrie,  qui  prouve  que 
cclévêque  a  pensé  comme  Tertullien.  Celui 
que  lieausobre  allègue  iie  saint  Augustin  ne 
conclut  rien,  et  l'on  pourrait  en  ciler  vingt 
autres  dans  lesquels  le  sainl  docteur  établit 
que  l'être  est  le  caractère  propre  de  Dieu, 
qu'en  lui  l'être  ou  l'eSsence  emporte  loiile 
perfeclion,  qu'aucune  perfection  n'est  distin- 
guée de  son  essence,  etc. 

Il  ne  faut  pas  confondre,  comme  a  fait 
Spinosa,  l'être  qui  existe  par  soi-même,  ptr 
(e,  sans  avoir  besoin  d'un  sujel  on  d'un  sup- 
pôt dans  lequel  il  subsiste,  avec  l'être  qui 
existe  de  soi-même,  a  se,  sans  avoir  aucune 
cause  de  son  existence;  le  premier  de  ces 
caractères  est  le  propre  de  touie  substance  ; 
le  second  ne  convient  qu'à  l'être  néci^ssaire, 
qui  est  Dieu.  C'est  sur  celle  cnulu^iou  des 
termes  que  Spinosa  fonde  sou  paradoxe, 
qu'il  n'>  a  dans  l'univers  qu'une  seule  sub- 
stance qui  esl  tout. 

ASIATItjLES,  ASIE.  Imlépondamment  de 
l'attai  licment  opiniâtre  des  Asintiques  à  leurs 
anciennes  mœurs,  on  conçoit  (ju'il  n'a  pas 
été  aisé  de  faire  tioûler  la  morale  elirétienne 
à  lies  peuples  aussi  livrés  au  luxe  el  à  la 
mollesse,  tj'est  là  cependant  que  le  cliristia- 
ni>nie  s'est  él.ibii  d'atiord,  et  qu'il  a  fait  des 
progrès  rapides  ;  l'Aste  mineure,  la  Syrie, 
l'Ariénie,  la  Perse,  ont  vu  écio;e  îles  pro- 
diges de  vertus  dont  on  n'aval  pas  seule- 
ment l'idée  avant  la  naissance  do  christia- 
nisme, il  n'est  presque  pas  po-sili  e  de  con- 
vertir aujourd'hui  les  Turcs  qui  habitent  ces 
mêmes  contrées;  les   p.i'iens  devaient   élre 


391 


ASS 


pour  le  moins  aussi  vicieux  et  aussi  opiniâ- 
tres que  le  sont  les  ninhotuétans.  Pline,  dans 
sa  Li  lire  à  Trnjan  ,  Lucien  dans  ses  Dialo- 
gues, Julien  dans  ses  Lettres,  rondenl  témoi- 
gnage aux  vertus  des  cliréliens;  c'est  une 
preuve  que  cette  religion  a  fait  dans  ios 
mœurs  des  peuples  autant  de  changi'inenl 
que  dans  leur  crojance.  On  ne  peut  en  dire 
autant  d'aucune  autre  religion  de  l'univers. 

ASILE.    Voij.  AsYi.Ë. 

ASLMA.  Toi/.  Samaritain. 

AS.MODAl  ou  A5-M0DÉK,  est  le  nom  que 
les  juifs  donnent  au  prince  des  dénions, 
comme  on  peut  voird.insla  paraphrase  clial- 
daïque  sur  l'Ecclésiasti'iue  ,  cap.  i.  Uat)bi 
Elias,  dans  son  dictionnaire  intitulé  Tliisbi, 
dit  qu'Afmoclat  est  li-  même  (juc  S.iuiael  qui 
tire  son  nom  du  verbe  iiebreu  samad,  dé- 
truire; et  ainsi  .-Ismof/at  signifie  un  démon 
destructeur. 

ASPERSION,  du  latin  osperg-ere ,  arroser. 
C'est  l'action  de  jeter  de  l'eau  çà  et  la  avec 
un  goupillon  ou  une  branche  de  ([ueique 
arbrisseau. 

Ce  terme  est  principalement  consacré  aux 
cérémonies  de  la  religion  pour  exprimer  l'ac- 
tion du  prêire,  lorsque  dans  l'eglise  il  répand 
de  l'eau  bénite  sur  les  assistants  ou  sur  les 
sépultures  des  fidèles.  La  plupart  des  béné- 
dictions se  terminent  par  une  ou  plusieurs 
aspersions.  Uans  les  paroisse.-,  ['aspersion  de 
l'eau  bénite  tous  les  dimanches  précède  la 
grand'messe.  —  Quel(iues-uiis  ont  soutenu 
qu'on  devait  donner  le  baptême  |  ar  asper- 
sion; d'autres  prétendaient  que  ce  devait 
être  par  immersiou,  et  cette  dernière  cou- 
tume a  été  assez  longtemps  en  usage  dans 
l'Eglise.  On  ne  voit  pas  que  la  première  y 
ait  été  pratiquée,  si  ce  n'est  peut-être  lors- 
qu'il fallait  baptiser  un  grand  nombre  de 
personnes  en  même  temps.  Voy.  ['Ancien  Sa- 
cramentaire  par  Grandcolas,  seconde  partie, 
p.  71,  et  l'article  PuKiFiCATioN, —  Les  païens 
avaient  leurs  nspersiuns,  auxquelles  ils  attri- 
buaient la  vertu  d'expier  et  de  purifier.  Les 
prêtres  et  les  sacrificateurs  se  préparaient 
aux  sacrifices  par  dis  ablutions;  c'est  pour- 
quoi il  y  avait  a  l'entrée  des  temples,  et  quel- 
quefois dans  les  lieux  souterrains,  des  ré- 
servoirs d'eau  oij  ils  se  lavaient.  Cette  ablu- 
tion était  pour  les  dieux  du  ciel  ;  car  pour 
ceux  des  enfers,  ils  se  contentaient  de  l'ai- 
persion.  Voy.  Eau  uicnite. 

ASI'HALTE  ,   lac   Asphaltite.    Voy.    Mer 

MORTE. 

♦  ASSEMBLÉES  UELIGIELSES.  Itéiiiiion  de  per- 
sonnes diiiis  un  liiil  religieux.  —  Cuiiniic  on  peut  se 
réunir  pour  dilléivnls  liiits  religieux,  pour  la  piiire, 
pour  regloi  les  allaires  d'un  diocèse,  pour  lixor  les 
dogmes  de  l'hglise  et  la  disci|p||iif  générale,  de  là 
plusinns  sortes  U'asseuihlées  religieuses  qui  oui  re- 
çu dillérenis  noms  selon  leur  objel.  Les  unes  sont  les 
SvN"i)i:s  {Voy.  ce  moi)  ;  les  amies  sont  les  Conci- 
les {Yoij.  ce  mol).  Celles  <|iii  se  (ont  dans  le  temple 
sailli  pour  la  celéhralHin  di's  ^aillls  mysiéres  cl  de 
l'ollice  divin  rr.lii-nnenl  le  nom  gciiéi  ii|ue  d'assem- 
blées religieuses.  Dans  loiiie  soc  eié  Ine.j  organisée, 
il  ne  peut  y  avoir  de  réunions  imljliques  sans  l'.issen- 
tiiiicni  des  supérieurs  ;  c'est  à  eux  a  régler  tout  ce 
qni  les  concerne. 


ASS  392 

ASSIDÉENS  ou  HASIDÉENS ,  socîe  de 
Juifs,  ainsi  nommés  du  mot  hébreu  hknsidim, 
justes.  Les  assidéens  croyaient  les  œuvres  de 
surérogation  nécessaires  au  salut;  ils  furent 
les  predéceseurs  dos  pharisiens,  desquels 
sortirent  les  esséniens  qui  enseignaient 
comme  eux  que  leurs  traditions  étaient  plus 
purlaites  que  la  loi  de  .Moïse. 

Serrarius,  jésuite,  et  Drusius,  théologien 
prolesianl,  ont  écrit  l'un  contre  l'auire  lou- 
chant les  avsjrfcefts,  à  l'occasion  d'un  pas- 
sage de  Joseph,  fils  de  Gorion.  Le  premier», 
soutenu  que,  par  le  nom  d'as-sid^êns,  Jose|)h 
entend  les  esséniens,  et  le  second  a  prétendu 
qu'il  entendait  h  s  pharisiens.  Il  serait  facile 
de  concilier  ces  d  ux  sentimenis,  en  obser- 
vant qu'«s.s/(/^e/is  a  été  un  nom  générique 
donné  à  toutes  les  secies  des  Juifs  qui  aspi- 
raient à  une  perfection  plus  haute  que  celle 
qui  était  prescrite  p.ir  la  loi  :  tels  que  les 
cinéens,  les  réchabiles,  les  esséniens,  les 
pharisiens,  eic,  à  peu  près  comme  nous 
comprenons  aujourd'hui  sous  le  nom  de  re- 
ligieux et  de  cénobites  tous  les  ordres  et  les 
instituts  religieux.  Mais  tous  les  assidcens 
n'ét.iient  pas  pharisiens.  Brucker,  Hist.  de  ia 
Philos.,  tome  11,  p.  7i3. 

ASSISTANCE, secours  particulier  que  Dieu 
accorde  à  un  homme  ou  à  un  •  société  pour 
les  préserver  de  l'erreur.  Quelques  théolo- 
giens ont  cru  que  ce  secours  était  clui  que 
Dieu  a  donné  à  chacun  des  écrivains  sa- 
crés, pour  empêcher  qu'il  ne  tombât  dans 
aucune  erreur  ;  tous  conviennent  que  Dieu 
donne  cette  ussisUmce  à  son  Eglise,  pour  la 
préserver  du  même  danger. 

Cette  assistance  n'est  point  la  même  chose 
que  la  révélation  et  l'inspiration.  Voy.  Ecri- 
ture SAINTE. 

ASSO.MPTION,  du  latin  assumptio,  dérivé 
d'assiimere,  prendre,  enlever.  Ce  mot  signi- 
fiait autrefois  en  général  le  jour  de  la  mort 
d'un  saint,  parce  que  son  âme  est  enlevée  au 
ciel. 

Assomption,  se  dit  aujourd'hui   particuliè- 
rement dans  l'Eglise  romaine  d'une  lélc  qu'on 
y  célèbre  tous  les  ans,  le  15  d'août,  pouriio- 
norcr    la    mort,    la  résurrection,  et  1  entrée        1 
triomphante  de  la  sainte  Vierge  dans  le  ciel.        f 
Elle  est  encore  devenue   plus   solennelle   en        * 
France    depuis    laiinee  1638  ,    que    le    roi 
Louis   XIII   choisit  ce  jour  pour  meltre   sa 
personne  et  sou  royaume    sous  la  protection 
de  la  sainte  Vierge  ;  vœu  qui  a  été  renouvelé 
en  1738  par  le  roi  Louis  X.V. 

Celle  fêle  se  célèbre  aussi  avec  beaucoup 
de  solennité  dans  les  Eglises  d'Orient.  Ce- 
pendant i'assoinption  corporelle  de  la  Vier- 
ge n'est  point  un  arliclo  de  foi,  puisque  l'E- 
glise ne  l'a  pas  décide,  et  que  plusieurs  an- 
ciens et  modernes  en  ont  douté.  Usuard , 
qui  vivait  dans  le  ix*  siècle,  dit  dans  .son 
Martyrologe  que  le  corps  de  la  sainte  Vier- 
ge ne  se  trouvant  point  sur  la  terre,  l'Eglise, 
qui  est  sage  en  ses  jugements  ,  a  mieux 
aimé  ignorer  avec  pieié  ce  que  la  divine  Pro- 
vidence en  a  fait,  que  d'avancer  rien  d'apo- 
cryphe ou  de  mal  fondé  sur  ce  sujet  :  paro- 
les qui  se  trouvent  encore  dans  le  Martyro- 


595 


AST 


AST 


594 


lojçe  d'Adon.  Plusieurs  n'appellent  point 
celle  fêle  l'Assomption  de  la  sainte  Vierge  , 
Tiijiis  seulement  son  sommeil,  dormilio  , 
c'est-à-dire,  la  fêle  de  sa  mort  :  nom  que  lui 
onl  aussi  donné  les  Grecs,  qui  l'ont  désignée 
tantôt  par  furàdruai;,  trépas  ou  passage  ,  et 
tantôt  par  xoiuniji;,  sommeil  ou  repos.  — 
Néanmoins  la  croyance  commune  de  l'Eglise 
est  que  la  sainte  Vierge  est  ressuscilée,  et 
qu'elle  est  dans  le  ciel  eu  corps  et  en  âme. 
La  plupart  des  Pères  grecs  el  latins,  qui  ont 
écrit  depuis  le  iv"  siècle  ,  sont  de  ce  senti- 
ment; et  le  cardinal  Baronius  dit  qu'on  ne 
pourr^iil  sans  léniérité  assurer  le  contraire. 
C'est  aussi  le  sentiment  de  la  faculté  de  théo- 
logie de  Paris,  qui,  en  condamnant  le  livre 
de  Marie  d'Agreda,  eu  1097,  déclara  qu'elle 
croyait  que  la  sainte  Vierge  avait  été  enlevée 
dans  le  ciel  en  corps  el  en  âme.  Parmi  les 
ornements  des  églises  de  Rome,  sous  le  pape 
Pascal,  qui  mourut  en  H2k  ,  il  est  fait  men- 
tion de  deui,  sur  lesquels  était  représentée 
Vassomption  de  la  sainte  \ierge  en  son  corps. 
Il  est  parlé  de  celte  lét<;  dans  les  capitulai- 
res  de  Charlemagne  et  dans  les  décrets  du 
concile  de  Mayence,  tenu  en  813.  Le  pape 
Léon  IV,  qui  mourut  en  83a  ,  institua  l'oc- 
tave de  \  Assoînptton  de  la  sainte  Vierge  , 
qui  ne  se  célébrait  point  encore  à  Rome.  En 
lljièce,  cette  fêle  a  commencé  beaucoup  plus 
tôt,  sous  l'empire  de  Jusiinicn,  selon  quel- 
ques-uns ,  et  selon  d'autres  sous  celui  de 
.Maurice  ,  contemporain  de  saint  Grégoire  le 
Grand.  André  de  Crète,  sur  la  fin  du  vir 
siècle,  témoigne  cependant  qu'elle  n'était 
établie  que  dans  quelques  églises;  m;iis  au 
XII'  elle  le  lut  dans  tout  l'empire,  par  une 
loi  de  l'empereur  Manuel  Lomnène.  Alors 
['Assomption  était  également  fêtée  dans 
l'Occident,  comme  il  paraît  par  la  lettre  Hh- 
(le  saint  liernard  au\  chanoines  de  Lyon,  et 
par  la  cro>ance  conimuix;  des  Eglises  ,  qui 
tenaient  l'assomption  corporelle  de  Marie 
comme  un  sentiment  pieux,  quoique  non  déci- 
dée par  l'Eglise  universelle.  Yoij.  Vie  des  Pè- 
res el  des  Martyrs,  loin.  \\\.  pag.  323  et  suiv. 

ASTAROïHou  ASTAlVi'É.idole  des  Philis- 
tins que  les  Juils  abattirent  par  le  comman- 
dement de  Samuel  ;  c'était  aussi  une  divinité 
des  Sidoniens,  que  Saiomon  adora  lorsqu'il 
fut  entraîné  par  ses  femmes  dans  l'idulâlrie. 

La  plupart  des  éljinologies  que  l'on  a 
données  de  ce  nom  sonl  fausses  ou  hasardées. 
M.  de  Gebelin  pense  avec  plus  de  justesse 
qu'il  est  formé  d'usfar,  qui,  dans  les  langues 
orientales,  signifie  un  astre;  qu'ainsi  astar- 
té  est  la  lune,  la  reine  du  ciel,  la  divinité  de 
la  null.  Alléy.  orient.,  p.  30.  Chez  les  Hé- 
breux elle  était  connue  sous  le  nom  de  la 
rt'inc  du  ciel,  chez  les  Egyptiens  c'était  Jsis, 
chez  les  Arabes  Alijtta  ;  les  Assyriens  l'ap- 
pelaient Mtlytta,  les  Perses  Métra,  les  Grecs 
Ariemis,  les  Latins  Diana.  Dans  l'Ecrilure 
sainte,  Baal  et  Astarolh  sont  presque  tou- 
jours joints  ensei'.ible  comme  deux  divinités 
des  Sidoniens;  c'est  le  soleil  el  la  lune.  Cic, 
de  Nat.  deor.,  liv.  m.  Terlul.,  Apoioget., 
c.  23,  etc.  Mém.  de  l'Acad.  desJnscr.,  t.  LXXl, 
in-12,  p.  17o. 

DiCT.  Dh  ThÉoL.  DOtiMAlIoUK.  1 


ASPAROTHITES,  adorateurs  d'As.larolh  , 
ou  de  la  lune.  On  dit  qu'il  y  eut  de  ces  ido- 
lâtres parmi  les  Juifs  depuis  Moïse  jusqu'à 
la  captivité  de  Babylone.  Voy.  Asthes. 

ASTATIENS,  héréliiiues  du  ix'  siècle,  sec- 
tateurs d'un  certain  Sergius,  i)ui  avait  re- 
nouvelé les  erreurs  des  manichéens.  Leur 
nom,  déri\é  du  grec,  signifie  sans  consislan- 
ce,  variables,  inconstants,  parce  qu'ils  chan- 
geaient de  langage  et  de  croyance  à  leur 
gré.  Ils  s'étaient  fortifiés  sous  l'empereur 
Nicéphore  (lui  les  favorisait;  mais  son  suc- 
{■esseur  Michel  Curopalale  les  réprima  par 
des  édits  très-sévères.  On  croit  que  ce  sont 
eux  que  Théo|ihane  el  Cédrène  nomment 
antiya}iieHs.  Le  père  Goar  ,  dans  ses  noteç 
sur  Théo|ihane,  à  l'an  803,  prétend  que  les 
troupes  de  vagabonds,  connusen  France  sous 
le  nom  de  Bohémiens  et  (ï Egyptiens  ,  étaient 
des  restes  lïaslatiens  ;  mais  cette  conjecture 
ne  s'accorde  pas  à  l'idée  que  Constantin  Por- 
phyrogénèle  et  Cedrène  nous  donnent  de  cette 
secle  ;  née  en  Phrygie,  elle  y  domina  et  s'é- 
lemlil  peu  dans  le  reste  de  l'empire.  Les  as- 
/«<«ens  joignaient  l'usage  du  baptême  à  tou- 
tes les  cérémonies  de  la  loi  de  Moise,  et  fai- 
saient un  mélange  absurde  du  judaïsme  et 
du  christianisme. 

ASTERE  ou  ASTÉRICS  (saint),  archevê- 
que d'Ainasée  dans  le  Pont,  mort  peu  après 
l'an  400,  a  tenu  un  rang  distingué  parmi  les 
docteurs  de  l'Eglise  du  iv  siècle.  Il  re»lede 
lui  plusieurs  homélies,  dont  les  anciens  ont 
fait  très-grand  cas.  Elles  ont  éié  publiées 
par  le  P.  Combefis,  Auct.  Bibl.  Patrum,  t.  I , 
avec  les  extraits  de  quelques  autres  tirées  de 
Pholius.  Théophile  Uaynaud  les  avait  aussi 
recueillies  et  fait  imprimer  en  latin,  en  1661. 

ASTRES.  La  première  idolâlrie  a  com- 
mencé par  le  culte  des  astres.  Lorsque  les 
peuples  eurent  perdu  de  vue  la  révélalioa 
primitive,  ils  s'imaginèrent  que  les  astres 
élaient  des  êtres  animés  et  intelligents.  Com- 
ment concevoir  que  ces  gran<ls  corps  suivis- 
sent une  marche  si  régulière,  s'ils  n'éiaient 
pas  la  demeure  d'un  génie  qui  les  conduit  ? 
Leur  lumière,  leur  chaleur,  les  iniluences 
qui  en  viennent,  sonl  très-nécessaires  aux. 
hommes  ;  ce  sonl  donc  des  êtres  bienfaisants 
auxquels  nous  devons  de  la  reconnaissance. 
Souvent  ils  nous  annoncent  les  change- 
ments de  l'air,  le  beau  temps  et  la  pluie  ; 
bans  doute  ils  sont  doués  d'une  intelligeoce 
supérieure  et  de  l'esprit  prophétique,  .\insi 
ont  raisonné  non-seulement  les  ignorants  , 
mais  les  philosophes  ;  Celse,  dans  Origène  , 
s'elTorce  de  prouver  qu'il  faut  rendre  un 
culle  aux  astres.  Plusieurs  Pères  de  l'Eglise 
ont  encore  été  persuadés  que  les  astres 
étaient  conduits,  non  par  des  dieux,  comme 
le  pensaient  les  païens,  mais  par  des  anges 
soumis  à  Dieu.  )  oy.  Anges. 

LesHebreux  efles  autres  Orientaux  appe- 
laient les  astres,  l'armée  du  ciel,  militia  cœli. 
Souvent  les  prophètes  ont  reproché  au>c 
.luil's  d'adorer  Baal,  le  soleil,  Asl'irûfli  ou 
Astarté,  la  lune,  el  l'armée  du  ciel;  celle 
idolâtrie  est  ce  que  l'on  nomme  le  sabisme 
ou  zabisine.  C'est  pour  cela  que  les  écrivains 

13 


39S 


AST 


AST 


396 


sacrés  ont  coutume  d'appeler  le  vrai  Dieu, 
le  Dieu  des  armées ,  c'esl»à-dire  le  créateur 
du  ciel  et  des  astres.  Ce  nom  ne  signifie  donc 
point  le  Dieu  de  la  guerre  ou  du  carnage, 
comme  quelques  incrédules  ont  affecté  de 
l'interpréter.  Nous  convenons  cependant  que 
le  vrai  Dieu  est  quelquefois  nommé  le  Dieu 
des  armées  d'Israël,  pour  donner  à  entendre 
que  c'est  de  lui  seul  que  les  Israélites  at- 
tendaient la  victoire  ;  mais  ce  n'est  point  là 
le  sens  le  plus  ordinaire  du  titre  de  Oieu  des 
armées.  Mém.  de  l'Acad.  des  inscript.,  lom. 
XVIII,  in-12,  p.  30;  t.  LXXI,  p.  131. 

Il  n'est  pas  étonnant  que  les  Syriens  et  les 
Arabes  aient  été  singulièrement  attachés  au 
culte  des  astres.  Dans  ces  affreux  déserts,  où 
le  jour  n'offre  que  le  tableau  uniforme  et 
triste  de  vastes  plaines  couvertes  de  sable 
aride,  la  nuit  au  contraire,  déploie  à  tous  les 
yeux  un  spectacle  magnifique.  Presque  tou- 
jours claire  et  sereine,  elle  présente  à  l'œil 
étonné  Varmée  des  deux  dans  tout  son  éclat. 
A  la  vue  d'un  spectacle  aussi  merveilleux, 
le  passage  de  l'admiration  à  l'idolâtrie  était 
très-facile  pour  des  hommes  ignorants  ;  il  est 
tout  simple  qu'un  peuple  dont  le  climat  n'of- 
fre aucune  beauté  à  contempler  que  cille  du 
firmament, la  choisisse  par  préférence  pour 
objet  de  son  culte.  C'est  la  réflexion  très-sen- 
sée d'un  écrivain  moderne.  —  Aussi,  selon 
la  remarque  d'un  autre  savant,  l'astronomie 
a  fait  la  grande  religion  qui  couvrit  toute 
l'Asie  sous  des  formes  un  peu  différentes; 
dans  tout  l'Orient  s'éleva  une  multitude  d'i- 
doles astronomiques,  dont  chacune  repré- 
sentait le  soleil,  la  lune,  leurs  phases,  leurs 
changements  ;  ou  les  planètes,  les  constella- 
tions, les  divers  points  du  ciel  ;  ou  des  figu- 
res allégoriques  du  jour,  de  la  nuit,  du  ma- 
tin, du  soir,  des  points  solstitiaux  et  équi- 
no&iaux  :  celles  des  ans,  des  mois,  des  semai- 
nes, desjours.etde  tout  ce  qui,  figuré  dans  l'é- 
criture primitive,  put  devenir  un  [)crsonnan'e; 
de  tout  ce  qui,  ayant  servi  dans  des  siècles 
plus  simples  à  indiquer  les  travauxde  l'agri- 
culture, put  devenir  un  objet  de  vénération. 

Au  milieu  de  cette  démence  générale,  il  est 
digne  de  notre  attention  de  considérer  le  peu- 
ple juif,  seul  adorateur  du  vrai  Dieu,  auquel 
toute  im;ige  est  interdite,  et  de  trouver  dans 
cette  défense  du  législ.iteur  une  preuve  de 
celte  vérité,  que  l'abus  dos  images  accusé  la 
plupart  des  erreurs  des  peuples  polythéistes. 

Comme  l'observaiiou  des  astres  servait  à 
fixer  les  fôles  rurales  et  les  travaux  de  l'agri- 
culture, elle  se  trouva  liée  à  la  religion; 
d'où  il  arriva  que  les  observateurs  furent  à 
la  fois  astronomes  cl  prêtres.  Ce  fut  une  des 
raisons  de  l'exactitude  ei  de  la  persévérance 
avec  laquelle  on  observa  ;  m  >is  ce  fut  aussi 
n-ne  cause  des  superstitions  qui  s'établirent, 
lorsque  les  rapports  du  ciel  avec  la  terre  fu- 
rent regardés  comme  des  influences,  et  que 
Taslrunomie  dégradée  ne  fut  plus  que  l'astro- 
logie. 

L'histoire  de  la  création,  telle  que  Moïse 
l'a  tracée,  était  le  meilleur  préservatif  contre 
l'erreur  des  païens;  elle  nous  apprend  que 
Dieu  a  créé  les  astres  pour  l'utilité  des  hom- 


mes, et  les  conduit  par  sa  volonté  ,  ce  ne  sont 
donc  ni  des  dieux  ni  des  génies  tutélaires  plus 
favorables  à  une  nation  qu'à  une  autre. 
Moïse  dit  aux  Juifs  :  Lorsque  vous  élevez  les 
yeux  vers  le  ciel,  que  vous  voyez  le  soleil,  la 
lune  et  les  autres  astres,  gardiz-vous  de  don- 
ner dans  l'erreur  et  de  les  adorev  ;  le  Seigneur 
votre  Dieu  les  a  créés  pour  rendre  service  à 
toutes  les  nations  qui  sont  sous  le  ciel  [Deut. 
IV,  19).  Cette  leçon  servait  encore  à  prému- 
nir les  hommes  contre  la  terreur  des  éclipses, 
des  météores,  des  phénomènes  singuliers, 
dont  les  adorateurs  des  astres  ont  toujours  été 
consternés  :  Ne  craignez  point,  dii  Jérémie, 
les  signes  du  ciel,  comme  font  les  nations  (x, 
2).  Par  là  enfin  les  Juifs  étaient  préservés  de 
la  folie  des  pronostics,  de  la  divination  par 
les  astres,  des  horoscopes,  de  l'astrologie  ju- 
diciaire, etc.  Ceux  qui  ne  croient  point  à  la 
révélation,  devraient  nous  apprendre  com- 
ment Moïse  a  été  plus  éclairé  que  les  sages 
de  toutes  les  nations  dont  il  était  environné. 

ASTROLOGIE  judiciaire,  science  fausse  et 
absurde  dont  les  partisans  prétendent  qu'il  y 
a  une  liaison  nécessaire  entre  le  cours  des 
astres  elles  actions  humaines;  qu'ainsi  nos 
destinées  sont  écrites  dans  le  tableau  du  ciel; 
que  l'on  peut  les  y  lire  et  les  annoncer  d'a- 
vance; qu'à  la  naissance  d'un  enfant  l'on  peut 
tirer  son  horoscope,  prévoir  et  prédire  ce 
qu'il  sera,  ce  qu'il  fera  et  quel  sera  son  sort 
pendant  toute  sa  vie,  etc. 

A  la  honte  de  l'esprit  humain,  cette  erreur 
a  régné  chez  presque  tous  les  peuples  et  dans 
tous  les  siècles  ;  les  Chaldéens,  qui  se  disiin- 
guèrcnt  par  leur  habileté  dans  l'astronomie, 
déshonorèrent  celte  science  en  y  mêlant  \'as- 
trologie.  Cet  abus  est  proscrit  par  les  lois  de 
Moïse,  par  les  lois  des  empereurs  païens, 
plus  rigoureusement  encore  par  celles  des 
empereurs  chrétiens  et  par  celles:  de  l'Lglise. 
Plusieurs  philosophes  ont  é'ié  attachés  à  cette 
étude  vaine  et  frivole,  et  y  ont  eu  conliancc, 
en  particulier  l'empereur  Julien  ;  Cicérou  l'a 
combattue  dans  son  livre  de  Faio.  Les  Pères 
de  l'Eglise  et  les  théologiens  n'ont  rien  né- 
gligé pour  en  désabuser  les  hommes  ;  ils  en 
ont  fait  voir  l'absurdité  et  l'impiété.  Mais  il 
n'y  a  pas  encore  longtemps  que  nous  pou- 
vons nous  féliciter  d'être  guéris  de  cette  ma- 
ladie. Sous  la  régence  de  Marie  de  Médiiis, 
aucune  femme  n'aurait  entrepris  un  voyage 
sans  avoir  consulié  son  astrologue,  qu'elle 
appelait,  son  baron.  Louis  Xlll  fut  surnommé 
le  Juste,  parce  qu'il  était  né  sous  le  signe  de 
la  balance  ;  et  les  .historiens  nous  apprennent 
qu'à  la  naissance  de  Louis  XIV,  son  horos- 
cope fut  tiré  avec  toute  la  gravité  et  l'impor- 
tance possible.  —  1)  où  a  pu  naître  cette  dé- 
mence'.' d('  la  même  source  (lue  le  culte  des 
astres.  Par  une  mine  imagination,  dit  le 
Sage,  les  hommes  oni  méconnu  Dieu  dans  ses 
ouvrages  ;  ils  sont  persuadés  que  le»  éléments, 
les  astres  qui  roulent  sur  nos  télés,  le  soleil, 
la  lune,  les  planètes,  sont  les  dieux  qui  gou- 
vernent  le  monde  (  Sap.  xiii,  1  ).  Par  consé- 
quent ils  leur  ont  attribué  des  connaissances 
el  une  puissance  bien  supérieures  à  celles  des 
hommes.  Dès  qu'on  les  a  regardés  comme  les 


397 


AST 


AST 


368 


arbitres  de  nos  destinées,  l'on  a  dû  conclure 
qu'ils  pouvaient  aussi  nous  los  faire  coniiaî- 
Ire  d'.ivance. —  On  a  vu  d'ailleurs  que  les 
astronomes  pouvaient  prédire  l'apparition  de 
tel  astre  ou  de  telle  constellation,  le  chan- 
gement des  saisons  et  de  la  température  de 
l'air,  une  éclipse  do  soleil  ou  de  lune  ;  que  les 
diverse»  couleurs  do  ces  deux  astres  annon- 
ç  lient  ou  le  beau  temps,  ou  le  vent,  ou  la 
pluie.  Le»  astrologues,  pour  se  rendre  impor- 
tants, se  sont  vantés  d'avoir  des  connaissan- 
ces encore  plus  élendiies,  de  pouvoir  prédire 
des  événements  ((ui  n'avaient  aucune  liaison 
avec  les  phénomènes  du  ciel  ;  quelques-unes 
de  leurs  prédictions,  vérifiées  par  hasard, 
ont  inspiré  aux  ignorants  uneconlianceaveu- 
gle  à  leurs  pronoflrcs.  On  sait  jusi|n'oii  a  été 
poussée  la  curiosité  de  tous  les  peuples,  et 
leur  envie  de  connaître  l'avenir.  Ainsi  s'est 
établie  la  croyance  générale  <le  l'inlluence 
des  astres  sur  nos  destinées,  l'opinion  que 
les  dieux,  c'est-à-dire,  les  astres  animés,  ré- 
vélaient aux  observateurs  du  ciel  les  événe- 
inenls  les  plus  cachés  dans  l'avenir.  El  puis- 
que les  stoïciens  mêmes  croyaient  fernieiuenl 
à  l'as/ro/of/îe,  il  se  peut  très-bien  l'aire  que 
les  astrologues  eux-mêmes  aient  été  souvent 
dupes  de  leur  propre  curiosité.  Mém.  de  l'n- 
ciid.  des  Inscri/it.,  t.  LVi,  in-12,  p.  45.  — 
\  oilà  pourquoi  les  Chaldéens,  qui  sont  les 
plus  anciens  observateurs  des  astres,  tint  été 
aussi  les  plus  celèlires  devins  de  l'antiquité. 
Dans  le  livre  de  Daniel,  c.  ii,  v.  '2  et  27,  les 
sages,  les  mages,  les  devins,  les  faiseurs  de 
prédictions,  les  Chaldéens,  sont  la  même 
chose.  —  Les  philosophes  qui  ont  combattu 
cette  erreur,  n'en  attaquèrent  point  le  fonde- 
ment, c'est-à-dire,  la  prétendue  divinité  des 
astres  ;  ils  ne  purent  donc  pas  la  détruire  : 
leurs  raisonnements  étaient  trop  abstraits 
pour  élre  à  portée  du  peuple.  La  lumière  du 
christianisme  fut  plus  efficace  ;  mais  elle  n'é- 
toull'a  pas  entièrement  l'habitude  d'ajouter 
foi  aux  prédictions  des  aslrol(<gues.  Lorsque 
les  Arabes  se  mirent  à  étud.er  l'aslronomie, 
ils  donnèrent  dans  le  même  faible  que  les 
Chaldéens,  et  contriliuèrenl  ainsi  à  entrete- 
nir le  préjugé.  11  domine  autant  que  du  passé 
chez  les  Grecs,  et  l'on  prétend  qu'il  est  assez 
commun  en  Italie.  —  Cependant  les  livres 
saillis,  les  leçons  des  Pères  de  l'Eglise,  les 
anaihémes  lancés  contre  cette  superstition, 
auraient  dû  la  déraciner.  Il  était  sévèrement 
défendu  aux  Juifs  de  consulter  aucune  es- 
jièce  de  devins  (  Levit.  xi\,  31;  Deut.  xviii, 
10).  Le  prophète  Isaï''  insulte  à  la  crédulité 
des  babyloniens  et  à  la  folle  confiance  qu'ils 
doiinnieul  à  leurs  astrologues  (  xi.vii,  13  ). 
(Ju'ih  paraissent,  dit-il,  ces  hommessi  habiles 
t)  contempler  le  ciel  et  à  obsci'ver  les  astres, 
qtti  supputaient  les  Utnaisims  pour  vous  pré- 
dire l'avenir;  qu'ils  vous  sauvent  à  présent 
de  vos  malheurs;  ils  sonl  comme  la  paille 
Consumée  par  le  feu,  et  ils  ne  pettvent  se  dé- 
livrer eux-mémi's. 

Une  loi  de  l'empereur  Constance  défend, 
sous  peine  de  la  vie,  de  consulter  des  astro- 
logues ou  mathématiciens,  et  les  autres  dé- 
tins. Si   elle  porte  aussi  le  nom  de  Julien, 


elle  ne  fut  pas  faite  de  son  aveu,  piiî$((He, 
dans  son  ouvrage  contr(^  le  christianisme,  il 
se  déclare  partisan  de  l'<istroliigie.  Saint  Cy- 
rille, cmitre  Julien  ,  1.  x,  p.  ."îoG  et  357.  Ho- 
norius  et  Théodose  bannirent  aussi  les  astro- 
logues. Origène,  saint  Basile,  saint  Amhroise, 
saint  Augustin  ,  ont  démontré  la  vanité  et 
l'illusion  de  leurs  prédictions.  Saint  Epi- 
phane  nous  apprend  qu'Aquila  fut  excom- 
munié pour  n'avoir  jias  voulu  renoncer  à 
Vasirologie.  Plusieurs  conciles  ont  condamné 
la  confiance  que  1  on  avait  à  Cet  art  funeste, 
et  ont  sévèrement  défendu  d'y  avoir  recours 
—  Nos  rois  ont  confirmé  ces  lois  par  leurs 
ordonnances  dans  les  derniers  siècles. Thiers, 
Traité  des   supertt.,  t.  I,  c.  7,  I.  m,  p.  2*3. 

On  dit  que  la  philosophie  seule  a  pu  nous 
détromper  sur  ce  point;  mais  si  la  religion 
n'y  a  contribué  en  rien,  pourquoi  les  an- 
ciens philosophes  n'ont-ils  pas  pu  y  réussir, 
et  pourquoi  plusieurs  d'entre  eux  ont-ils 
donné  dans  le  même  préjugé  que  le  vulgaire? 
Les  Pères  l'ont  attaqué  par  la  philosophie 
aussi  bien  que  par  lareligion.  Si  l'on  veut 
comparer  les  argumentsde  Bardai,  dans  son 
Argents,  avec  ceux  des  Pères,  on  verra  qu'ils 
sont  les  mêmes.  Voij-  Devin. 

*  ASTllONOMlE.  Dans  leur  liainepour  le  cliristia- 
nisine,  les  impies  ont  fouillé  les  vieilles  arcliives,  pé- 
neiié  au  fotid  de  li  terre  pour  y  trouver  un  démenti 
aux  vériiés  éliirieiitaires  de  rfecriliire.  Us  ont  aussi 
interrogé  les  astres,  et  ils  onl  cru  enleiidre  les  astres 
leur  répondre  que  le  monde  est  beaucoup  plU'i  am  ien 
que  ne  l'.issure  la  liible.  Il  est  viai  que  l'aslioiioniie 
peut  benucoup  servir  à  délenniner  ù  quelle  ét^uque  un 
évéïiemeiit  est  arrivé  :  car,  parmi  les  époques  les 
plus  lixi'S  sont  celles  qui  ont  été  déterminées  pur  les 
ol)serviiti<ins  astroiionii  lues  :  v.  g. ,  les  éclipses  de 
soleil  et  de  lune,  les  conjonctions  des  solstices  et  des 
éipiino\es  avec  certaines  étidies,  les  leveis  liéliacpies 
de  certaines  étoiles  (n),  et  ainsi  du  reste.  Quand  on 
sait  p;ir  riiisloire  (]ue  tel  régne,  tel  évéiieineiit  :i 
coiic.ouiu  avec  telle  écli|ise  de  soleil  on  de  Juiie,  il 
est  f;ic,ile,  si  récli(ise  est  bien  caraciéiisét;,  de  deier- 
niiiier  par  les  régies  asirouoniiqucs  le  temps  précis 
où  doit  élre  placé  ce  rèijiie  ou  cet  événemenl  ;  on 
voit  donc  que  les  observations  astronomiques  d'un 
peuple,  lorsqu'elles  ont  été  bien  conservées,  peuvent 
Si'i'vir  à  constater  l'anlbiuité  d'une  nation,  il  y  a 
quatre  peuples  ancieiis  qui  ont  des  observations  as- 
tronomiques qui  paraissent  remonter  bien  plus  haut 
que  répoi|ue  assignée  par  Muyso  à  la  création.  Ce 
sont  les  Li;ypiieiis,  les  Ciialdéens,  lus  Indiens  et  les 
Cbiuois.  M.iis  comme  cbacini  de  ces  peuples  prétend 
fonder  son  antiquité  sur  d'autres  titres,  nous  exami- 
nerons tous  ces  titres  pour  cbacun  d'eux  aux  mots 

(a)  Les  levers  béliaques  des  étdile«  sont  trfescétèbfes 
otiez  les  ancieus  astronomes  et  chez,  les  aiiclcus  poètes. 
Une  étoile  qui  se  lève  prnd^MU  que  le  soleil  éclaire  l'iio- 
rizon  n'a  point  de  lever  béliaque  ,  parce  qu'on  ne  peut  la 
voir  atteindre  l'horizon  lorsqu'elle  se  lève.  —  Mais  quand 
te  soleil,  par  son  mouvement  réel  ou  apirarent  il'OecIdent 
eu  Orient,  a  dé|]^s^é  celte  étoile  d'un  certain  nombre  de 
degrés,  et  ([u'elle  commence  a  piraiire  le  malin  ilans  Ibo- 
1  izoïi  nimuMlialeiiienl  avant  l'aurore,  alors  elle  se  lève 
liéliaqueuienl,  et  c.tle  pobilinn  dans  1  ■  ciel,  relativement 
au  soleil  et  à  l'iionznn,  est  son  lever  liélla-iue. 

Le  coucher  héliaque  d'une  étoile  ariive  quand  elle  de^- 
ceiiil  le  .\oir  sous  1  liorizon  ,  u»  peu  api  es  le  conclier  du 
soleil,  en  soi  te  que  la  lumière  du  crépuscule  einpèclie  de 
t'ai>.  reevoir. 

I3n  voi'  donc  que  le  lever  béliaque  est  rapparition,  et  le 
courber  liéljaqne  foc  ullalion  ou  la  liisjiai  ihon  d'une  étoile 
sur  l'iiorizou  daus  le  vuisiuaj,'e  du  soleil  béliaque  ,  ioiuiie, 
du  mot  v<>ii  soleil. 


599  ASY 

Egyptiens,  Chaldéens,  Indiicns,  Chinois.  Nous  re- 
mettons à  ces  mois  à  iraiter  de  la  valeur  de  leuis  ob- 
servations aslrunoniiques. 

ASYLE  ou  ASILE,  sanctuaire,  lieu  de 
refuge,  qui  met  un  criminel  à  l'abri  des 
poursuites  de  la  justice.  Ce  mot,  qui  vient  du 
grec,  est  composé  dV  privatif,  et  de  rruÂà-.), 
prendre,  arracher,  dépouiller. On  ne  pouvait 
sans  sacrilège  arrai  lier  un  homuie  de  Vasijle 
dans  lequel  il  s'était  réfugié. 

Les  temples,  les  autels,  les  statues  des 
dieux  ou  des  héros,  leurs  tombeaux,  élaient 
chez  les  anciens  la  retraite  de  ceux  qui 
élaient  accablés  par  la  rigueur  des  lois  ,  ou 
0|iprimés  par  la  violence  des  tyrans.  Do  ti>us 
ces  asyles,  les  temples  étaient  les  plus  sacrés 
et  les  plus  inviolables.  On  supposait  que  les 
dieux  se  chargeaient  eux-mêmes  de  punir 
les  criminels  qui  venaient  se  meilre  ainsi 
sous  leur  dépendance  immédiate  -,  et  on  re- 
gardait comme  une  impiété  de  vouloir  leur 
ôter  le  soin  de  la  vengeance.  —  Chez  les 
païens  on  accordait  ainsi  l'impunité  aux 
criminels,  même  les  plus  coupables,  soit  par 
superslition.soit  pour  peupler  les  villes  par 
ce  moyen  ;  c'est  ainsi  en  effet  que  Ttièbes  , 
Athènes,  Rome,  se  remplirent  d'habitants  : 
preuve  assez  sensible  de  la  multitude  des 
crimes  qui  se  commettaient  pour  lors. —  Les 
Israélites  avaient  des  villes  de  refuge  que 
Dieu  lui-même  avait  désignées;  mais  elles 
n'étaient  un  asyle  assuré  que  pour  ceux  qui 
avaient  commis  un  crime  par  inadvertance, 
par  un  cas  fortuit  et  involontaire ,  et  non 
pour  ceux  qui  s'en  étaient  rendus  coupables 
de  propos  délibéré. 

Bingham.dans  ses  Origines  ecclésiastiques, 
I.  VIII,  c.  11,  §  3,  pense  que  le  droit  A'asyle 
dans  les  églises  chrétiennes  a  commencé 
sous  Constantin.  Il  observe  que  ,  dans  l'ori- 
gine, ce  privilège  n'a  été  accordé  ni  pour 
mettre  les  criminels  à  l'abri  des  poursuites 
de  la  justice,  ni  pour  diminuer  l'autorité  îles 
magistrats,  ni  pour  donner  atteinte  aux  lois, 
mais  afin  de  fournir  un  refuge  aux  innocents 
accusés  et  poursuivis  injustement,  de  laisser 
aux  juges  le  temps  d'examiner  miirement 
les  cas  incertains  et  douteux,  de  mettre  les 
accusés  à  couvert  de  la  vengeance  et  des 
voies  de  fait,  enfin,  de  donner  lieu  aux  évé- 
ques  d'intercéder  pour  les  coupables  ,  chose 
qu'ils  faisaient  souvent.  Il  ne  faut  donc  pas 
être  surpris  si  les  empereurs  suivants  con- 
firmèrent ce  droit  d'os///e,  et  si  les  pasteurs 
de  l'Eglise  furent  ardents  à  le  soutenir.  Nous 
en  voyons  un  exemple  remarquable  dans 
les  ouvrages  de  saint  Jean  Chrysoslomc.  VJn 
favori  de  l'empereur  Arcadius,  nommé  Eu- 
trope,  avait  suggéré  à  ce  prince  de  suppri- 
mer le  droit  li'asyle  ;  bientôt  disgracié  et 
poursuivi  lui-même  par  des  ennemis  puis- 
sants, il  fut  réduit  à  se  réfugier  dans  une 
église  et  à  chercher  son  salut  en  embrassant 
l'autel.  Cet  événement  fournil  à  saint  Jean 
Clirysostouie  le  sujet  d'un  discours  très-élo- 
quent sur  la  vanité  des  grandeurs  humai- 
nes et  sur  la  justice  des  liecrets  de  la  Pro- 
vidence. Op.  t.  III,  p.  .JSl. 
Lorsque  les  empereurs  Honorius  et  Thég- 


ATH 


400 


dose  eurent  réglé  et  modéré  le  droit  A'asyle, 
les  évêques  et  les  moines  eurent  soin  de 
marquer  une  certaine  étendue  de  terrain 
qui  fixait  les  bornes  de  la  juridiction  sécu- 
lière. Peu  à  peu  les  couvents  devinrent  des 
espèces  de  forteresses  où  les  criminels  se 
mettaient  à  l'abri  du  châtiment  et  bravaient 
les  magistrats.  Ce  privilège  fut  étendu  dans 
la  suite,  non-seulement  aux  églises  et  aux 
cimetières,  mais  aussi  aux  maisons  des  évê- 
ques, parce  qu'il  n'était  pas  possible  à  un 
criminel  de  passer  sa  vie  dans  une  église,  où 
il  ne  pouvait  faire  décemment  plusieurs  des 
fonctions  anitnales.  Mais  enfin  les  asyles  fu- 
rent insensiblement  dépouillés  de  leurs  im- 
munités, parce  qu'ils  ne  servaient  plus  qu'à 
favoriser  le  brigandage  et  à  multiplier  les 
crimes.  —  Il  faut  convenir  cependant  que  si 
les  asyles  ont  mis  à  couvert  de  châtiment 
plusieurs  coupables  qui  l'avaient  justement 
mérité,  ils  ont  aussi  sauvé  la  vie  à  un  grand 
nombre  d'innocents  injustement  poursuivis 
par  les  lureurs  de  la  \ engeance.  Dans  les 
temps  malheureux  où  les  vengeances  parti- 
culières étaient  censées  permises,  où  l'on  ne 
connaissait  plus  d'autre  loi  que  celle  du 
plus  fort,  il  fallait  nécessairement  avoir  des 
lieux  de  refuge  contre  la  violence  des  sei- 
gneurs loujoursarmés.  Cette  triste  ressource 
n'a  cessé  d'être  nécessaire  que  quand  l'auto- 
rité de  nos  rois,  la  police  des  villes,  la  juri- 
diction des  tribunaux  de  magistrature,  ont 
été  solidement  établies. 

Il  y  avait  plusieurs  de  ces  asyles  ou  sanc- 
tuaires en  Angleterre;  le  plus  fameux  était 
à  Beverly,  avec  cette  inscription  :  /iœc  se- 
des  lapidea  freed  stool  dicilur,  id  est ,  pacis 
cathedra,  ad  quain  reus  fuyiendo  perveniens 
omnimodum  habet  securilnlem.  Gamden.  En 
France,  l'église  de  Saint-Martin  de  Tours  a 
été  longtemps  un  asyle  inviolable-  Les  fran- 
chises accordées  aux  églises  en  Italie  res- 
semblaient beaucoup  au  droit  A'asyle;  mais 
elles  ont  été  abolies.  —  Charlemagne  avait 
donne  aux  asyles  une  'première  atteinte  en 
779,  par  la  délénse  qu'il  fit  de  porter  à  man- 
ger aux  crimineis  réfugiés  dans  les  églises. 
Nos  rois  ont  heureusement  aciievé  ce  que 
Charlemagne  avait  commencé.  Hist.  de 
VAcad.  des  Inscr.,  t.  11,  iu-12,  p.  52;  Méni., 
t.  Lxxiv,  p.  4G. 

ATHANASE  (saint),  evéque  et  patriarche 
d'Alexandrie,  a  élé  l'un  des  plus  célèbres 
Pères  de  l'Eglise  au  iv"  siècle.  Ses  com- 
bats contre  les  ariens  ,  les  persécutions 
qu'il  essuya  de  leur  part,  la  constance  avec 
laquelle  il  supporta  leurs  calomnies,  plu- 
sieurs exils,  une  vie  erranti;  et  toujours  ex- 
posée pour  la  défense  de  la  foi,  sont  des  faits 
connus  de  tous  ceux  qui  ont  lu  l'histoire  ec- 
clésiastique. (Jueli|ucs  incrédules  en  ont  pris 
occasion  de  le  peindre  comme  un  zélateur 
imprudent,  comme  un  houle-feu,  un  fanati- 
que. La  vérité  est  qu'il  n'opposa  jamais  que 
la  patience,  la  prudence  et  la  force  de  la  vé- 
rité à  une  persécution  de  cinquante  anSé 
Son  caractère  se  montre  dans  ses  ouvrages; 
il  n'injurie  point  ses  adversaires,  il  ne  cher- 
che point  à  les  aigrir,  il  les  accable  par  l'aU'' 


401  ATH 

lorilé  de  l'Eciituro  sainte  et  par  la  force  de 
SCS  raisonnements.  Daulics  lui  oui  repro- 
elle  d'avoir  peu  traité  la  morale  ;  mais  il 
Haii  trop  occupé  des  dangers  que  courait  le 
dogme  pour  avoir  eu  le  temps  de  composer 
des  traités  de  morale.  Plusieurs  auteurs 
protestants  ont  rendu  justice  à  ses  talents  et 
à  ses  vertus.  La  meilleure  édition  de  ses  ou- 
vrages est  celle  qu'a  donnée  doni  de  Mont- 
faucon,  en  3  volumes  m-/"w/io.  On  convient 
que  le  symbole  qui  porte  son  nom  n'csl'pas 
de  lui,  m.iis  il  est  tiré  de  ses  écrits.  Vies  des 
Pèreu  et  (1rs  marti/rs,  t.  IV,  p.  3i. 

ATHÉK,  ATHÉISME.  Nous  entendons  par 
atliéisme.  non-seulement  ie  système  de  ceux 
(]ui  n'admettent  point  de  Dieu,  mais  encore 
l'opinion  de  ceuv  qui  nient  la  providence, 
parce  qu'à  proprement  parler,  on  Dieu  sans 
providence  n'existe  pas  pour  nous.  C'est  la 
réllexion  que  lait  Cicéron  contre  les  préten- 
dus dieux  d'Epicure.  Il  est  triste  que  ce  soit 
aujourd'hui  le  sentiment  dominant  parmi  los 
incrédules  ;  mais  la  multitude  des  ouvrantes 
qui  ont  paru  de  nos  jours,  pour  établir  celle 
doi  trine  désolante,  ne  prouve  que  trop  le 
nombre  de  ses  partisans. 

(7esl  aux  philosophes  de  réfuter  les  divers 
systèmes  A'alhéisme,  et  de  démontrer  l'exis- 
tence de  Dieu  par  les  preuves  que  la  raison 
seule  nous  suirijère  (1)  :  le  devoir  d'un  théo- 
logien est  de  faire  voir  que  les  auteurs  sacrés 
ont  très-bien  connu  le  caraclère,  les  causes, 
leselTets  dt'\'n(héisiiic:quc  le  portrait  qu'ilsont 
tracé  di's  athées  de  leur  temps  convient  en- 
core parfaitement  à  ceux  d'aujourd'hui.  —  Se- 
lon le  roi  prophète  (Ps.  \i]),  l'insensé  a  dit  dans 
son  cœur  :  Il  n'y  a  point  de  Dieu.  Ce  langage 
est  cehu  des  hommes  corrompus  et  pervers. 
Il  n'en  n'est  pas  un  seul  parmi  eux  qui  fasse 
le  bien.  Leur  bouche  respire  l'infection  des 
lomhenux,  leur  tangue  exhale  te  poison  des  ser- 
pents ;  ils  cherchent  à  séduire  parte  mensonge; 
la  noirceur  de  leurs  calon'nies,  l'amertume 
de  leurs  reproches,  démontrent  qu'ils  seraient 
prêts  à  répanilrc  le  sang  de  leurs  adversaires. 
Ils  passent  des  jours  tristes  et  mailirureux, 
jamais  ils  n'ont  goûté  la  paix  ;  ils  tremblent 
où  il  n'y  a  aucun  sujet  de  frayeur.  Le  Seigneur 
est  juste  ;  il  se  venge  de  ces  insensés,  pendant 
que  le  pauvre,  soumis  et  tranquille,  met  son 
espérance  fn  Dieu. —  Longtemps  avant  David, 
Job  avait  remarqué  que  ['athéisme  est  le  vice 
des  grands  du  monde,  des  hommes  aveuglés 
par  la  prospérité,  corrompus  par  l'opulence, 
perveriis  par  l'usage  immodéré  des  |)laisirs. 
ils  0)1/  dit  à  Dieu  :  lietirez-vons  de  nous;  nous 
ne  voulons  ni  recevoir  vos  leçons,  ni  con- 
naître vos  lois.  Qui  est  le  Tout-Puissant,  pour 
que  nous  soyons  ses  adornlenrs,  et  âquoi  notts 
servirait    de  l'invoquer?  ...    Mais  Dieu   leur 

(1)  Nous  ne  voulons  pas  exposer  iii  les  pri'iives 
<\»\  ooinh.illeiil  l'alhéisme.  Elles  seront  mieux  pla- 
cées au  iiiiii  DiEi;.  Nous  yllons  ciier  (|iiel(pies  lignes 
d'une  lettre  de  J.-J.  Kousseau  qui  ont  ('ail  sur  noire 
espiii  plus  iriuipressioii  ipie  les  plus  longs  salsonne- 
nients.  i  Vous  me  marquez,  iiiousieur,  ipie  le  résul- 
tat (le  \os  recliorclies  sur  l'auteur  des  choses  e*t  un 
eial  (le  doute  ;  je  ne  puis  jns^or  de  cet  éial  parce 
'ju'il  ne  fut  jamais  le  mien'  J'ai  erii  dau»  mon  eiilau- 


ATH  402 

rendra  ce  qu'ils  méritent,  et  alors  ils  le  con- 
naîtront [Job  wi). —  Il  viendra  un  temps, 
dit  saint  Paul,  auquel  tes  hommes  ne  pour- 
ront plus  supporter  une  saine  doctrine  ;  ils  se 
choisiront  îles  maîtres  selon  leur  goût  ;  une 
curiosité  effrénée,  la  démangeaison  d'entendre 
quelque  chose  de  nouveau,  les  détourneront 
de  ta  vérité,  et  les  feront  courir  après  des  fa- 
bles (Il  Tim.  IV,  3;. 

La  principale  source  de  Vathcisme,  selon 
l'Ecriture  sainte,  est  la  corruption  du  cœur; 
plusieurs  philosoplies  modernes  en  sont  con- 
venus, et  l'expérience  le  prouve.  Les  Grecs 
étaient  parvenus  au  comble  de  la  prospérité 
par  leurs  victoires  sur  les  Perses,  lorsque 
leurs  philosophes  se  précipitèrent  dans  l'épi- 
curéisme.  Kome  était  devenin'  la  maîtresse 
du  monde,  elle  regorgeait  des  richesses  de 
l'Asie,  lorsque  le  luxe  introduisit  dans  ses 
murs  cette  philosophie  meurtrière.  Les  Juifs 
venaient  d'être  délivrés  de  la  persécution 
des  rois  de  Syrie,  ils  étaient  enrichis  par  le 
commerce  d'Alexandrie,  lorsqu'ils  virent 
éclore  parmi  eux  le  saducéisrae,   qui  n'était 

ce  par  aiiiorité,  dans  ma  jeunesse  par  sentiment, 
dans  mon  .âge  mûr  par  raison  ;  maintenant  je  crois 
parce  que  j'ai  toujours  cru.  Tandis  que  ma  mémnire 
éteinte  ne  nie  remet  plus  sur  la  ir.ice  de  mes  raison- 
nements, tandis  que  ma  judieiaire  affaiblie  ne  me 
permet  plus  de  les  recommencer,  les  opinions  qui  en 
ont  résulié  me  restent  dans  toute  leur  force  ;  et  sans 
que  j'aie  la  volonté  ni  le  •'ourage  de  les  mettre  dere- 
clief  en  délibération;  je  m'y  liens  en  condance  et  en 
conscience,  certain  d'avoir  apponé  dans  la  vigueur 
de  mon  jugeuieni  à  leurs  discussions  toute  l'altea- 
lion  et  la  bonne  fui  dont  j'éliis  capable.  Si  je  me 
suis  trompé,  ce  n'est  pas  ma  l'auie,  c'est  celle  de  la 
nature,  qui  n'a  pas  donné  à  ma  tête  une  plus  grande 
mesure  d'inlelligence  et  de  raison.  Je  n'ai  rien  de 
plus  aiijourd  liui  :  j'ai  beaucoup  de  moins.  Sur  quel 
fondement  recoinmencerai-je  donc  à  délibérer  ?  Le 
moment  presse,  le  départ  approilie.  Je  n'aurai  jamais 
le  temps  ni  la  force  il'acliever  le  travail  d'une  refonte, 
l'ormetlez  qu'à  tout  événement  j'emporte  avec  moi 
la  consistance  et  la  lérmeté  d'un  homme,  non  les 
doutes  décourageants  d'un  vieux  radoteur. 

»  A  ce  que  .je  puis  me  rappeler  de  mes  anciennes 
idées,  à  ce  que  j'aperçois  de  la  marche  des  vôtres, 
je  vois  que,  n'ayant  pas  suivi  dans  nos  recluTClies  la 
uicnie  route,  il  est  peu  étonnant  que  nous  ne  soyons 
pas  arrivés  à  la  même  conclusion.  Balançant  les 
preuves  de  l'exislence  de  Dieu  avec  les  diKicullés, 
vous  n'avez  trouvé  aucun  des  côtés  assez,  prépondé- 
rants pour  vous  décider,  el  vous  êtes  resté  <lans  le 
doiile.  Ce  n'est  p:is  coniine  cela  que  Je  lis  :  j'oxaiuinai 
tous  les  systèmes  sur  la  f<indaiinn  de  l'univers  que 
j'avais  pu  connaître,  je  inédilai  sur  ceux  tpie  j'avais 
|)u  imaginer  ;  je  les  comparai  tous  de  mon  mieux  :  je 
nie  décidai,  non  pour  celui  qui  ne  m'offrait  point  de 
dillicultés  ;  car  ils  m'en  offraient  Ions,  mais  pour  celui 
qui  me  paraissait  en  avoir  le  moins  :  je  me  dis  que 
ces  diflicullés  éiaienl  dans  la  nature  de  la  (h ose  ; 
que  la  contemplation  de  l'infini  passerait  toujours 
les  bornes  de  mon  euleudenienl  ;  (|ue,  ne  devant  ja- 
mais espérer  de  concevoir  pleinement  le  système  de 
la  iiaïuie,  tout  ce  que  je  pouvais  faire  éiail  de  lon- 
sidérer  par  les  côtés  que  je  pouvais  saisir:  qu'il  fal- 
lait savoir  ignorer  en  paix  tout  le  reste  :  et  j'avoue 
que,  ilans  ces  recherches,  je  pensai  coumie  les  gens 
donl  vous  parlez,  qui  ne  rejettent  pas  une  vérité  ^<YY~Ô?Nk 
cla  re  on  suHisaiiimenl  prouvée  pour  les  difficiillév^'^  ■*C^> 
qui  l'accompagnent,  et  qu'on  ne  saurait  lever.  J'avai^y'^  ^\? 
alors,  je  l'avoue,  une  confiance  si  téméraire,  ou  ^»  /     e*. 


403 


ATH 


A.TU 


494 


qu'un  épicuréisme  grossier.  Faut-il  qu'a  no- 
ire tour  la  naissance  de  Vathéisme  vienne 
nous  annoncer  que  nous  lourhons  au  plus 
haut  point  lie  prospéiilé  auquel  notre  n.onar- 
chie  soit   parvenue   depuis  sa   fondation?  — 

moins  une  si  forie  persuasion,  q«e  j'nurais  défié  tout 
pliilosoplie  de  proposer  aucun  sysJcwe  inlelliptihie 
sur  la  iialiirc,  auquel  je  ii'eiis?e  upposé  des  olijec- 
tions  plus  fones,  plus  invincibles  que  celles  ([u'il 
pouvait  tn'opposer  sur  le  mien  ;  et  alors  il  lallait  me 
résoudre  à  rester  sans  rien  croire,  tomme  vous  fai- 
tes, ce  qui  ne  dépendait  pas  de  moi,  ou  mal  rais'  n- 
ner,  ou  croire  comme  j'ai  fait. 

f  Une  idée  qui  me  vint  il  y  a  trenle  ans  a  peut- 
être  plus  contribué  qu'aucune  auire  à  me  rendre  irié- 
braiilalile  ;  supposons,  me  disais-)e,  le  génie  humain 
vieilli  jusqu'à  le  jour  d:ins  le  plus  cnmplei  matéria- 
lisme, sans  que  jaunis  idée  de  Divinité  ni  d'ànie  soit 
inl  ée  dans  aucun  esprit  humain  ;  supposons  que 
raihéisine  pliilosoohiqne  ait  épuisé  tous  ses  systè- 
mes pour  la  formaiionet  la  marche  de  l'univers  par 
le  seul  jeu  lie  la  maiièrc  et  du  mouvement  si  néces- 
saire, mol  auquel,  du  reste,  je  n'ai  jamais  rien  con- 
çu :  dans  cet  étal,  m(msieur,  excusez  ma  franchise, 
je  stipposais  encore  ce  que  j'ai  toujours  vu  et  ce  que 
je  sentais  devo  r  étie,  qu'au  lieu  de  se  reposeï'  iran- 
(luillenieoi  d  ins  ces  systèmes,  comme  dans  le  srin 
delà  vérité,  leurs  inquiets  partisans  cherchaient  smus 
cesse  à  parler  de  leur  doctrine,  à  l'écliiicir,  à  l'é- 
tendre, à  l'cxpllipier,  la  pallier,  la  corrig  r,  et,  com- 
me celui  (|ui  seul  trcniMer  sous  -es  pieils  la  maison 
qu'il  liibiie,  à  l'élayer  de  nouveaux  arguments, 

i  Terminons  enlin  ces  suppositions  p:ir  celle  d'un 
Platon,  d'un  fd^rke,  qui,  s'élevant  tout  à  coup  au 
milieu  d'eux,  leur  eût  dit  :  Mes  amis,  si  vous  eussiez 
commencé  l'analyse  de  let  univers  par  celle  de  vous- 
mêmes,  vous  eussiez  trouvé  dans  la  nature  de  votre 
être  le  chef  de  la  constiiution  de  ce  même  univers, 
que  vous  cberclieï  en  vain  sans  cela  :  (ju'ensiiile 
leur  explliiiiant  li  distinction  des  deux  subtances, 
il  leur  eût  prouvé  parles  propriétés  mêmes  de  la  ma- 
tière que,  quoi  (pi'en  di-e  Locke,  la  supposilioii  de  la 
matière  pensauie  est  une  véiitable  ahsmdiié  ;  qu'il 
leur  eût  fait  voir  quelle  est  la  niilute  de  l'être  vrai- 
ment actil  et  pensant,  et  ipie  de  rétablissement  de 
cet  êire  qui  juge,  il  fût  enfin  lemonté  aux  notions 
roiifuses,  mats  sûres,  de  l'Etre  suprême  :  qui  peut 
douter  que,  frappés  de  l'éclat,  de  la  simpi  cité,  de  la 
beauté  de  cclie  ravissante  idée,  les  mortels  jus- 
qu'alors aveuglés,  éclairés  des  premiers  rayons  do 
la  Divinité,  ne  lui  eussent  offei  t  (lar  acchmialioii 
leurs  premiers  honiiiiages,  et  que  les  penseiiis  sur- 
tout et  les  philo-opbes  n'eussent  rougi  d'avoir  con- 
templé si  lengteinps  les  delnus  de  cette  machine 
immense,  sans  trouver,  sans  soupçonner  même  la 
clef  de  sa  cmistiluiion,  et,  toujours  grossièrement 
bornés  par  leurs  sens,  de  n'avoir  jamais  su  voir  ([ue 
matière  où  tout  leur  iinntiait  qu'une  autre  substance 
donnait  la  vie  à  l'univers  eirintollii;cnce  à  l'Iiouime? 
I  C'est  alors,  monsieur,  que  la  mode  eût  été  pour 
celte  iimivelle  philosophie;  ipic  les  jeiims  gens  et 
les  sagesse  lussent  trouvés  iraccnnl  ;  qu'une  doctri- 
ne si  belle,  si  siililime,  si  douce  et  si  consi  lante 
pour  l'homme  juste,  eût  réellement  exciié  tiiiis  les 
lioiiiMies  à  la  vertu  ;  et  qint  ce  lieiii  mol  li'huniiiiiilé, 
rehaiiu  niaiiifenant  jiisi|u'à  la  fadeur,  jusipi'.iii  ridi- 
cule par  les  gens  lin  nouide  les  initins  hiiiiiains,  eut 
été  plus  empreint  ilans  les  cœurs  (pie  Mans  les  livics. 
Il  eût  donc  suffi  d'u::c  siinph^  iransposilina  >le  iciiqis 
pour  f  I  re  prendre  l"Ul  le  contre-pied  à  la  mode  phi- 
liiso|ibique  ;  avec  celte  diOi-ieme  i;iie  celle  d'aujmir- 
(l'Iiui,  malgré  son  <lio(|unui  île  paioe.^,  ne  nous  pro- 
met pas  une  généiatioii  bien  esli hie,  nides  pbihi- 

siqihi's  bien  vertueux  i.  (Cus  paroles  se  sont  accom- 
plies à  la  lettre.) 


Mais  le  luxe,  père  de  la  corruption  et  de  \'a- 
(h'-isme,  prép;ire  la  ruine  des  états  et  la  dé- 
cadence des  nations  :  ce  qui  est  arrivé  à  cel- 
les dont  nous  venons  de  parler  devrait  nous 
faire  Ireiiibler  et  nous  rendre  plus  sai;ps. 

I.  Quel  raolif  pourrait  eiiga;;cr  un  athée  à 
être  vertueux  ?  Il  sait,  à  la  vérité,  que  le  vice 
peut  lui  nuire  ;  mais  il  est  aussi  des  circons- 
tances où  le  vice  autorisé  par  l'exemple  peut 
devenir  avantageux.  Déjà  nos  moralistes 
alliées  nous  avertissent  que  dans  les  sociétés 
corronipues  il  faut  se  corrompre  pour  deve- 
nir heureux,  se  mettre  au  ton  des  mœurs 
régnantes  pour  être  eslimé  et  applaudi.  11  y 
a  des  hommessi  mal  consiilués  par  la  nature, 
que  le  vice  est  nécessaire  à  leur  bonheur. 
Qu'importe  que  le  vire  puisse  nuire,  s'il  peut 
aussi  être  utile  ?  L'événement  dépend  du 
hasard;  tout  homme  dominé  par  une  passion 
est  tenté  d'en  faire  l'épreuve.  H  n'a  point  de 
remords  à  craindre,  dès  qu'il  se  sent  le  coura- 
ge de  les  étouffer. —  Les  faules  les  plus  secrè- 
tes peuvent  être  dévoilées,  mais  il  s'est  com- 
mis aussi  plusieurs  grands  crimes  dont  on 
n'a  jamais  pu  découvrir  les  auteurs.  Dans 
les  sociéiés  corrompues,  les  faules  sont  si 
communes  que  l'on  n'y  fail  presque  -lus  d'at- 
tention ;  une  dose  suffisante  d'effronterie 
lient  lieu  de  probité.  A  force  do  raisonne- 
ments et  de  palliatifs,  on  parvient  aujourd'hui 
à  justifier  les  iniquités  les  |)lus  criantes,  el  à 
rendre  toutes  les  réputations  équivoques.  — 
La  société  sans  doute  esl  utile  au  bonheur 
d'un  athée  ;  mais,  comme  tant  d'autres,  il 
peut  jouir  des  avantages  de  la  société  sans  y 
mettre  beaucoup  du  sien  :  ceux  qui  servent 
le  plus  elficaceiiient  leurs  semblables  ne  sont 
pas  les  plus  honorés  .  les  vertus  les  plus  né- 
cessaires sont  ordinairement  les  plus  obscu- 
res, et  les  devoirs  l'S  plus  pénibles  sont  les 
moins  récompensés. 

On  dit  (|ue  nous  devons  nous  allaclier  à  la 
patrie  qui  mms  protège.  .Mais  combien 
d'hommes  profitent  des  bienfaits  et  de  la 
protection  de  la  pairie,  en  lui  rendant  de 
mauvais  ser\i(es,  en  lui  insultant,  en  décla- 
mant contre  ses  lois,  en  décriant  son  gouver- 
nemi'iit,  en  exallant  Jusqu'aux  nues  le  mérite 
supérieur  de  ses  ennemis  1  Selon  un  axiome 
coos.icrc  parmi  les  alliées,  une  patrie  qui  ne 
nous  rend  point  heureux,  perd  ses  droits  sur 
nous. — Un  huinmc,  continue-l-on,  doit  se  faire 
aimer.  Oii  est  celte  iiécessiio  pour  un  alliée  ? 
Il  lui  suflit  d'être  craint  et  que  personne  n'o- 
se lui  nuire.  Qu'ai-je  à  faire,  dira-l-il,  de 
l'amitié  d'un  père  vieux,  inliniie, languissant, 
qu'il  faut  soigner  et  nourrir  à  mes  dépens  "/ 
Que  me  lendra-t-il  en  échan^te  de  mon  ami- 
tié ?  .le  conviens  que  l'ingratitude  éloigne- 
ra de  moi  mon  bienfaiteur,  le  fera  pcul-élre 
repentir  de  ce  qu'il  a  fait  pour  moi  ;  que 
m  importe  s'il  n'est  jilus  en  étal  de  me  faire  du 
bien,  de  se  venger,  ni  de  mé  faire  essuyei 
des  reproches  ?  .l'avoue  encore  que  la  justic/ 
est  nécessaire  au  maintien  deloule  associa- 
tion ;  mais  on  peut  prori(«r  de  l'association, 
sans  coiilrihuer  ;\  son  mainlien.  On  a  prouvé 
(Iode  me  ni  de  nosjoursiiue  plusieurs  vices  sont 
pour  le  nioins  aussi  nécessaires  au  maintien 


4015 


ATH 


ATH 


4M 


lie  1.1  société  qoe  les  vertus.  D*<iilleurs  la  justice 
ne  suffit  point  si  l'on  y  n'ajouti^  la  cluirilc,  Ttiu- 
manité,  la  compassion  pour  les  malheuroux; 
sur  quoi  peutéire  fondé  pour  moi  liulevoir  de 
seconrirun  élraii!;er,nn  inconnu  qui  soulTre, 
mais  qui  ne  me  connait  point,  cl  que  je  ne  re- 
verrai j.'imais?  Il  est  f;iux  que  nul  homme  ne 
puisse  êlrc  content  de  soi-même,  (juand  il  sait 
qu'il  est  l'objcldo  la  haine  puhliqno.  Plusieurs 
grands  hommes  l'ont  encourue  jjar  leurs  ver- 
tus et  par  le  zèle  le  pins  pur;  d'autres  ont 
gagné  la  faveur  publique  par  îles  crimes  heu- 
reux :  ceux-ci  avaient-ils  plus  de  droit  d'être 
contents  d'eux-mêmes  i|ue  les  premiers  ? 

Toutes  les  maximes  de  morale  des  athées 
sont  donc  fausses  lorscju'on  les  examine  en 
rigueur;  qn.md  elles  seraient  vraies,  le  com- 
mun des  hommes  est  incapable  de  faire  les 
réllexions,  les  calculs,  les  raisonnements 
nécessaires  pour  en  sentir  la  vérité.  Ailmel- 
toiis  un  Uieu  et  une  providence,  ces  maximes 
deviendront  des  lois.  —  Oue  le  vice  nous  soit 
utile  "u  pernicieux  dans  ce  monde,  n'imiior- 
le  ;  Dieu  le  défend,  il  le  punira  tôt  ou  lard. 
Onaïul  le  vice  nous  élèverait  sur  la  terre  au 
comlile  du  bonheur,  ce  ne  sera  que  pour 
quelques  moments  ;  ri\ri'sse  passagère  qu'il 
nous  causera  seia  suivie  d'un  mi>lheur  éter- 
nel. (^)ue  les  hommes  connaissent  le  crime 
on  ne  le  connaissent  pas,  cela  est  égal  ;  Dieu 
le  connaît,  le  coupable  n'échappera  point  à 
sa  vengeance  :  li's  rcmorils  sont  les  premiers 
supplices  par  lesquels  il  leur  fait  sentir  sa 
justice.  — Que  la  société,  que  la  patrie,  soient 
justes  ou  injustes,  reconnaissantes  ou  ingra- 
tes A  mon  égard.  Dieu  m'ordonne  de  m'y  at- 
tacher et  de  les  scrvii-,  comme  il  leur  ordon- 
ne de  me  proléger.  Si  elles  manquent  à  leur 
devoir,  cela  ne  me  donne  pas  droit  de  violer 
le  mien  :  Dieu  est  témoin  de  ma  conduite, 
c'est  à  lui  seul  de  me  récompenser.  —  Par  la 
loi  générale  de  la  chai  ité.  Dieu  commande  à 
tous  les  hommes  de  s'aimer,  de  s'aider,  de  se 
rendr(!  des  services  mutuels  :  amis  ou  en- 
nemis, concitoyens  ou  étrangers,  bienfaiteurs 
ou  rivaux,  carncléies  aimables  ou  fâcheux, 
personne  n'est  excepté.  Quand  ils  nous  refu- 
seraient leur  amitié,  nous  serions  encore 
obligés  de  nous  rendre  aimables,  afin  de  ne 
pas  les  blesser. 

Tel  est  le  langage  de  la  religion,  de  nos 
livres  saints,  des  justes  de  tous  les  siècles  ; 
c'est  celui  de  la  raison  et  de  la  i^aine  philo- 
sophie. Lorsque  les  nlkres  s'obstinent  à  le 
méc(mnaître,  nous  n'avons  pas  tort  de  leur 
reprocher  qu'ils  sapent  la  morale  par  les 
fondements.  Sans  la  croyance  d'un  Dieu  , 
souverain  législateur,  rémunérateur  (  t  ven- 
fieur,  il  n'est  plus  de  lois,  plus  de  devoirs  ou 
d'obligations  morales  proprement  dites,  plus 
de  vices  lii  de  vertus. 

II.  L'I-'criturc  nous  assure  que  les  athées 
n'ont  jamais  goiVé  1 1  pai\,  qu'il  n'est  point 
pour  eux  de  consolation  ni  de  bonheur  en 
ce  monde:  ils  ont  pris  eux-mêmes  la  peine 
de  nous  en  convaincre.  Oue  voyons-nous 
dans  leurs  livres?  —  1"  Une  .iffeclation  sin- 
gulière de  dégr  ider  l'homme,  de  le  réduire 
au  iiivcau  des  bruU"i,   alin  de  prouver  im'il 


n'est  pas  l'ouvrage  d'un  Dieu  sage  et  bon. 
Ce  n'est  pas  là  le  moyen  de  nous  inspirer  du 
courage,  des  sentiment.?  nobles,  l'héroïsme 
de  la  vertu,  la  satisfaction  secrète  que  goûte 
une  Ame  élevée  à  sentir  ce  qu'elle  est.  Cet 
avilissement  volontaire  cadre  bien  mal  avec 
l'orgueil  philosophique.  —  2*  Des  i)laintes 
arnères  sur  les  misères  de  l'humanité,  sur 
les  rigueurs  d'une  nature  marâtre,  sur  les 
passions  qui  nous  tourmenlenl,  sur  les  cri- 
mes qui  nous  déshonorent,  sur  les  lléaux  qui 
couvrent  la  lerre.  Ils  en  concluent  qu'une 
Providence  bienfaisante  ne  se  mêle  point  du 
gouveinemenl  de  ce  monde.  Ces  sombres 
rédixions  ne  sont  pas  fort  propres  à  nous 
rendre  contents  de  notre  sort.  Lorsque  les 
athées  peignent  le  genre  humain,  ils  le  re- 
présentent comme  une  société  de  m;iiraiteurs 
aveuglés,  corrompus,  forcenés  par  religion. 
Peut  on  se  féliciter  de  vivre  dans  une  pareille 
comp.ignie,  ou  espérer  d'y  trouver  jamais  le 
bonheur?  —  3"  Des  blasphèmes  contre  la 
justice  d'un  Dieu  vengeur,  contre  la  sévérité 
avec  l.iquelle  on  prétend  qu'il  punit  le  crime. 
Celle  idée,  disent-ils,  inspire  l'elTroi,  fait  en- 
visager Di.'u  comme  un  èlre  odieux.  A  ce 
signe,  il  est  diiticile  de  reconnaître  le  calme 
d'une  conscience  pure,  exempte  de  trouble 
et  de  remords.  Us  se  plaignent  de  ce  que  la 
vertu  n'est  pas  heureuse  sur  la  terre,  et  ils 
ne  veulent  point  du  bonheur  d'une  autre  vie. 
Mais  si  la  vertu  n'a  rien  à  espérer,  ni  dans 
ce  inonde  ni  dans  l'autre,  où  sera  le  molif 
de  lembrasser?  —  i"  Des  doutes  jetés  sur  la 
perpétuité  île  l'ordre  physique  du  monde. 
Nous  ne  savons  pas,  disent-ils,  si  une  révo- 
lution suliile  ne  replongera  pas  bientôt  l'u- 
nivers dans  le  chaos.  .Jamais  la  superstition 
la  plus  aveugle  n'inspira  une  crainte  aussi 
puérile  et  aussi  absurde.  Epicure  pensait 
qu'il  valait  encore  mieux  être  sous  l'empire 
d'un  Dieu  le  plus  capricieux,  que  sous  le 
joug  d'une  nécessité  impitoyable  que  rien  ne 
peut  lléihir.  .'«ujourd'hui ,  ses  disciples, 
moins  sensés  que  lui,  préfèrent  l'empire  de 
la  nécessité  à  celui  de  la  Divinité.  —  5°  Des 
éloges  prodigués  à  la  fureur  du  suicide.  Si 
c'est  à  ce  terme  que  doit  aboutir  la  suprême 
félicité  des  alliées,  un  iiomme  raisonnable  ne 
sera  pas  tenté  de  la  leur  envier.  Il  est  bien 
absurde  de  nous  proraeitre  le  bonheur  ici- 
bas,  si  nous  voulons  abjurer  l'idée  d'un  Dieu 
vengeur,  et  de  vouloir  prouver  ensuite  que 
si  nous  sommes  dégoûtes  de  la  vie,  rien  n'est 
mieux  que  de  se  détruire.  -  6°  Des  sophismes 
sans  lin,  pour  démontrer  qu'il  n'y  a  aucune 
certitude  dans  nos  connaissances  ;  qu'un 
sceplicisme  général  est  la  seule  philosophie 
du  sage.  Mais  si  toutes  nos  opinions  sont 
incertaines ,  ['alhéisme  n'est  donc  pas  un 
système  invinciblement  prouvé,  et  auquel 
on  puisse  se  livrer  avec  une  pleine  sécurité. 
Douter  s'il  y  a  un  Dieu,  une  religion  vraie, 
une  autre  vie,  ce  n'est  pas  être  conv>incu 
qu  il  n'y  en  a  point;  l'incertitude  sir  un  ob- 
jet aussi  important  ne  peut  pas  être  une 
situation  douce  et  agréable.  L«s  méconlen- 
temenis  du  présent,  l'incertitude  sur  l'avenir, 
des  fureurs  contre  Dieu.  (k'S  invectives  cou» 


407 


ATH 


ATH 


408 


Ire  les  hommes,  ne  fareni  jamais  les  sym- 
plômesdela  paix  etdu  bonheur. Nous  sommps 
donc  forcés  d'acquiescer  à  la  sentence  que 
Dieu  a  prononcée  ini-méme  par  un  prophète  : 
Point  de  paix  pour  tes  impies  {Isai.  xlviii,  22; 
LVII.  21). 

III.  Le  Psalmiste  nous  avertit  que  les  athées 
sont  des  hommes  d'un  mauvais  caractère, 
dang;ereux,  malfaisants,  pernicieux  à  la  so- 
ciété ;  rsi-re  une  accusation  fausse?  —  Puis- 
qu'il est  démontré  que  la  situation  des  athées 
n'est  ni  tranquille,  ni  heureuse,  c'est  un  trait 
de  cruauté  de  leur  part  de  vouloir  commu- 
niquer aux  autres  le  doute,  l'inquiétude,  le 
mécontentement,  l'humeur,  qui  les  tourmen- 
lenl.  Qu'ils  s'obstinent  à  y  demeurer,  c'est 
leur  affaire;  mais  pourquoi  vouloir  arracher 
à  leurs  semblables  l'idée  d'un  Dieu  qui  les 
console,  une  reliirion  qui  les  porte  à  la  verlu, 
une  espérance  qui  adoucit  leurs  peines  ?  A 
considérer  la  manière  dont  la  plupart  des 
hommes  sont  constitués,  les  alhéea  sont-ils 
sûrs  que  leurs  principes,  répandus  dans  le 
monde,  n'au{;menteronl  pas  la  quantité  des 
crimes  et  le  nombre  des  malfaiteurs?  Le 
moindre  danejer  à  cet  égard  devrait  arrêter 
la  main  et  fermer  la  bouche  à  tout  homme 
sensé.  —  Quand  la  vérité  de  la  rrliiiion  ne 
serait  pas  invinciblement  démontrée,  elle  est 
du  moins  autorisée  par  les  lois;  chez  toutes 
les  nations  policées,  on  a  sévi  contre  ceux 
qui  violent  les  lois  en  attaquant  la  religion. 
Parce  qu'il  plaît  aux  alliées  de  trouver  ces 
lois  injustes,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'elles  le 
sont  en  effet,  et  que  l'on  ne  doit  pas  punir 
ceux  qui  s'élèvent  contre  elles.  Exiger  dans 
ce  cas  une  tolérance  absolue,  c'est  autoriser 
tous  les  malfaiteurs  à  enfreindre  toutes  les 
lois  qui  les  gênent.  —  Accuser  les  vivants  et 
les  morts,  noircir  les  motifs  de  toutes  les 
vertus  qui  ont  hrillé  dans  le  momie,  fouiller 
dans  tous  les  coins  de  l'histoiie  pour  trou- 
ver des  reproches  contre  les  personnages 
pour  lesquels  le  genre  hum.iin  a  eu  le  plus 
de  respect,  sonner  le  tocsin  contre  ceux  qui 
prêchent  la  religion  ou  qui  la  défendent, 
les  peindre  comme  autant  de  fourbes  ou  de 
fanatiques  ennemis  A'\  la  société,  attaquer 
les  souverains  et  les  gouvernements  comme 
complices  du  même  crime  :  voilà  ce  que  les 
athées  ont  fait  de  tout  temps  et  font  encore. 
.Si  tous  ces  excès  ne  sont  pas  punissables, 
quel  a  donc  été  l'objet  de  la  police  et  de  la 
législation  ? 

(l'est  une  imposture  de  lenr  part  de  pré- 
tendre (]ue  Vathéi^me  n'influe  en  rien  sur  les 
mœurs,  et  qu'un  alh('e  peut  être  aussi  ver- 
tueux qu'un  homme  qui  croit  en  Dion  ;  le 
contraire  est  démontré  [lar  lenr  propre  crm- 
duile.  Un  nthre  n'évite  le  crime  qu'aiil;int 
qu'il  y  est  Tircé  par  les  lois  ;  il  ne  peut  être 
homme  de  bien  sans  contredire  rontinnellc- 
menl  tous  ses  principes.  —  L'influence  terri- 
ble que  Vnthéisme  peut  avoir  sur  les  mnenr< 
du  peuple  n'est  que  troft  prouvée  par  un 
tait  arrivé  de  nos  jours.  Il  y  a  environ  dix 
ans  qu'il  s'était  formé,  d.ins  la  Lorraine  al- 
lemande et  dans  l'électorat  de  Trêves,  une 
•issoci.'ilion   de    (?ens   de    l.i    campagne    qui 


avaient  secoué  tout  principe  de  religion  et 
de  morale.  Ils  s'étaient  persuadés  qu'en  se 
mettant  à  l'abri  des  lois  ils  pouvaient  satis- 
faire sans  scrupule  toutes  leurs  passions. 
Pour  se  soustraire  aux  poursuites  de  la  jus- 
tice, ils  se  comportaient  dans  b-urs  villages 
avec  la  plus  grande  cinonspeclion  :  Ton  n'y 
voyait  aucun  désordre  ;  mais  ils  s'assem- 
blaient la  nuit  en  grandes  liandes,  allaient 
à  force  ouverte  dépouiller  les  habitations 
écartées,  commettaient  d'abominabbs  excès, 
et  employaient  les  menaces  les  plus  terribles 
pour  forcer  au  silence  les  victimes  de  leur 
brutalité.  lin  de  leurs  comjilice.  ayant  été 
saisi  par  hasard  pour  quelque  autre  délit, 
l'on  découvrit  la  trame  de  cette  confédération 
détcitable,  et  l'on  compte  par  centaine  les 
scélérats  qu'il  a  fallu  faire  périr  sur  l'éclia- 
faud.  (Lettres  sur  V Histoire  de  la  terre  et  de 
l'homme,  par  M.  Duluc,  1779,  I.  I\',  lettre  91, 
p.  liO.  )  —  Ce  fait  fut  annoncé  dans  le  temps 
par  les  nouvelles  publiques,  mais  il  ne  fut 
pas  assez  remarqué.  S'il  avait  été  question 
d'un  événement  peu  favorable  cà  la  religion, 
nos  philosophes  en  auraient  fait  retentir  le 
bruit  dans  l'Europe  entière.  Le  sage  écrivain 
qui  le  rapporte,  et  qui  en  avait  presque  été 
témoin,  observe  avec  raison  que  si  Vathéisme 
ne  produit  pas  le  même  effet  sur  les  hommes 
laborieux,  timides,  dont  les  passions  sont 
douces,  la  société  aurait  tout  à  craindre  des 
paresseux  hardis,  entreprenants,  et  dont  les 
passions  sont  violentes;  l'irréligion  en  ferait 
de  vr.iis  tigres. 

Il  ne  restait  plus  aux  athées  qu'à  vouloir 
cacher  leurs  turpitudes  sous  le  masque  de 
l'hypocrisie, àse  prétendreanimés  parun  zèle 
ardent  pour  le  bien  de  l'humanité  ,  à  exiger 
des  éloges  et  des  récompenses  pour  le  cou- 
rage qu'ils  ont  montré  :  c'est  par  là  que  les 
athées  ont  couronné  leurs  travaux.  —  Ils  di- 
ront sans  doute  que  par  ces  réflexions  nous 
cherchons  à  les  rendre  odieux,  à  exciter 
contre  eux  la  sévérité  des  magistrats.  Non. 
L'Ecriture  les  déclare  insensés  :  nous  sous- 
crivons à  cet  arrêt.  On  ne  punit  point  les 
hommes  tombés  imi  démence,  mais  on  les 
met  hors  d'état  de  nuire.  Le  roi-prophè!e  re- 
met à  Dieu  la  venge.ince  de  leurs  fureurs  : 
I.evcz-rnus,  Seigneur,  juf/ez  iinus-méme  roire 
cause  ;  roi/ez  les  blasphèmi'S  i/ue  riysFfisi'.  ne 
cesse  de  vomir  contre  rous;  rimarqnez  et  n'ou- 
bliez pas  t'orgnril  d:'  ceux  qui  se  décinreni  vos 
ennemis,  et  celte  nndarr  qui  s'nuiimenle  de  jour 
en  joui  [Ps.  lAMii,  '■l'i).  Instruits  par  les  le- 
çons de  .lésns-t^Jirist,  encore  plus  parfaites 
que  celles  des  anciens  justes, nous  niMieniaii- 
dons  à  Dieu  que  la  conversion  des  incrédules. 

Nous  ignoro'S  pourquoi  l'on  a  pris  de 
nos  jours  tint  de  neine  pour  justifier  À'anini, 
othre  célèbie,  ou  du  moins  pour  l'excuser  et 
pour  f.iire  paraiire  ses  jngcs  coupables  de 
cruauté.  Plusieurs  de  nos  philosophes  ont 
trouvé  bon  de  faire  son  apologie;  mais  l'in- 
térêt peisoniiel  et  la  conformité  de  sintimonl 
n'auraiiMit-ils  pas  influé  beaucoup  dans  cette 
chnrilê  .ingulière?  -  Il  nous  suffit  d'obser- 
ver (lue  \';inini  ne  fut  point  livré  au  sup- 
pliée   précisément   parce    qu'il  était   alliée, 


409                                       ATH  ATH                                       410 

mais  parce  qu'il  prêchait  Vathéisme  ,  o[  aé-  quiavaientservià  l'él.iblir  parmileshonMiiPs. 
dulsait  la  jeunesse.  Ces  deux  rriiDes  sont  Ouanl  aux  deux  autres  crimes  dont  on 
Irès-diiTérenls.  Si  les  «(/i/es  p;ard;)ipnl  pour  charf;eait  les  chrétiens  , /K/irrinr/ore  sonlient 
eux  seuls  leur  impiété ,  personne  ne  s'infor-  qu'ils  sont  assez  réfutés  par  la  purplé  des 
merail  de  ce  qu'ils  pensent  :  niais  ces  insen-  mœurs  qui  rèirne  parmi  eux,  par  la  lempé- 
sés  veulent  dogmatiser,  communiquer  aux  rance  et  la  lidélité  qu'ils  gardent  dans  le  ma- 
autres  le  poison  dont  ils  sont  inl'erlés,  et  c'est  riaf^e,  par  la  modesli  ■  avec  laqnelle  ils  sa 
ce  qu'on  a  droit  de  punir.  saluent ,  par  leur  amour  pour  la  virginité  , 
ATHÉNAtiOHE,  philosophe  athénien, con-  par  l'éloignement  qu'ils  ont  pour  les  secon- 
verti  au  chrisli.inisme,  présenta,  l'an  177,  des  noces.  Il  représente  conihien  il  leur  est 
aux  empereurs  Marc-Aurèle-Anlonin  et  Lu-  triste  d'être  acciisésdes  crimes  contraires  par 
cius-Aufèlp-(]()niinode  ,  une  apolo;;ie  pour  des  hommes  ()ni  snnt  coupables  eux-mêmes 
les  chrétiens  ,  par  laquelle  il  juslifi'  leur  de  toutes  les  espèces  d'impndicité  et  de  for- 
croyance  et  leurs  nicBiirs  contre  les  calom-  faits.  —  Loin  de  pouvoir  être  convaincus 
nies  des  païens.  Il  a  au<si  fait  un  traité  de  d'aucun  homicide  ,  ils  on'  horreur  de  voir 
la  résurrection  des  niort^:.  répandre  le  sanu;  humain,  soit  dans  les  sup- 
II  demande  d'abord  pourquoi  ,  sous  le  rè-  plices  des  criminels,  soit  dans  les  combats 
gne  de  deux  princes  philosophes  et  nalu-  des  gladiateiiis  ;  ils  regardent  les  avorle- 
rellement  équitables,  on  n'accorde  point  aux  menis  volontaires  comme  un  meurtre  ,  et  la 
chrétiens  ,  qui  font  profession  d'honorer  la  coutume  d'exposer  les  enfants  comme  un 
Divinité,  la  mémcr  liberté  dont  jouissent  les  vrai  parricide. 

superstitions   les    plus    absurdes  ;  pourquoi  xitkénigore  finit  par  exposer  la   croyance 

l'on    ne  procède    point   contre   des   hommes  des  chrétiens  sur  la   résurreetion  générale  , 

dont  les  mœurs  sont  innocentes,  dans  la  uiê-  sortes  récompenses  et  les  peines  de  l'autre 

me  forme  juridique  qne  contre   des   malfai-  vie  ;  il  observe  que,  quand  ce  sciaient  là  des 

leurs  coupables   ilcs  plus  grands  crimes.  —  erreurs,  ce   ne  seraient   pas  encore   îles  cri- 

Les  pa'iens  accusaient  les  chrétiens  de   trois  mes    pour   lesquels   il   fût  juste  de   ha'i'r,  de 

crimes  principaux,  d'athéisme,  de  mer  et  de  persécuter,  de  mettre  à   mort  ceux  qui  sont 

manger  un  enfant  dans  leurs  assemblées,  de  dans  ces  sentiments. 

s'y  livrer  ensuite  à  l'impudiciié.  Athéiiagore  Cette  apologie  fut  présentée  vingt-six  ou 
demande  comment  l'on  peut  reprocher  l'a-  vinijl  sept  ans  après  celle  de  saint  Justin, 
théisme  aux  chrétiens  qui  adorent  un  seul  Les  critiques  proteslanis,  Jurieu,  Leclerc, 
Dieu  en  trois  personnes.il  fait  voir  que  plu-  iîarbeyrac  et  leurs  copistes  ,  font  plusieurs 
sieurs  philosophes  ont  enseigné  l'unité  de  reproches  contre  la  doctrine  A' AlUénagore. 
Dieu  ;  que  le  polythéisme  est  absurde;  que  les  1°  11  a  eu  ,  disent-ils,  trop  d'idées  platoni- 
chrétiens  reconnaissent  même  des  anges  dont  ciennes.  Mais  il  faut  faire  attention  que  cet 
Dieu  se  sert  pour  exécuter  ses  ordres  ;  i|ue  la  écrivain  parlait  à  des  empereurs  qui  fai- 
purelé  de  leur  vie  démontre  assez  qu'ils  ne  saient  profession  de  philosophie,  et  <iui  sans 
sontpoint  athées. — Le  principal  fondementde  doute  respectaient  PI  ilon  ;  c'était  un  traii 
celle  accusation  était  l'aversion  que  li-moi-  de  prudence  de  se  conformer  à  leur  goût  ef 
gnaieiit  les  chrétiens  pour  les  sacrifices  et  de  leur  alléguer  en  plusieurs  choses  l'auto- 
pour  l'idolâtrie  des  païens  ;  Athénwjoi  e  s'at-  rite  de  ce  philosophe.  Quand  même  Alliéna- 
tache  à  prouver  (]ue  l'on  ne  doit  [loint  liono-  gore  aurait  conservé  ,  après  sa  conversion  , 
rer  Dieu  par  des  sacrifices  sanglants  ;  que  les  opinions  platoniciennes  qui  lui  parais- 
dans  les  différentes  villes  de  l'empire  l'on  saient  conciliahles  avec  les  dogmes  du  chris- 
n'adore  pas  les  mêmes  dieux;  qu'il  esl  ab-  tianisme  ,  nous  ne  voyons  pas  où  serait  le 
siirde  de  prendre  les  créalures,  la  matière,  crime.  De  là  même  il  s'ensuit  que  noire  re- 
l(>  monde,  ses  dilTi-renles  pariies,  ou  les  ido-  ligion,  dèi  sa  naissance  ,  n'a  pas  reiloulé 
les,  pour  des  dieux  :  il  fait  voir  que  toutes  l'examen  des  philosophes. —  2"  L'on  prélend 
ces  superstitions  sont  d'une  invention  très-  qu'Athénagore  n'attribue  à  Dieu  (|u'une  pro- 
récente. —  Vainement  les  païens  préten-  vidence  générale  ,  qu'il  a  supposé  que  les 
daient  que  le  culte  des  idoles  se  rapportait  anges  étaient  chargés  en  détail  dugouverne- 
auK  dieux  qu'elles  représentaient  ,  et  qu'il  nient  du  monde.  Selon  Barbeyrac  ,  cetti>  idée 
était  confirmé  par  laverMi  miraculeuse  de  empruntée  de  Platon  ,  présentée  à  deux  em- 
plusieurs  de  ces  simulacres.  Alhénagnre  dé-  pereurs  païens,  a  dû  leur  fiire  conclure  que 
montre,  parle  lémo:gnag(^  d  s  philosophes  les  chrétiens  élaient  des  polythéistes.  —  N'ou- 
et  des  poètes,  ((ue  ces  prétendus  dieux  blions  pas  que  ces  deux  princes  étaient  phi- 
avaient  été  des  hommes,  qui  ne  méritaient  losophes,  capables,  par  conséquent,  de  mel- 
aucun  culte  religieux  ;  il  insiste  sur  l'indé-  tre  de  la  distinction  entre  des  êtres  créés  , 
cence  de  leurs  ligures  ,  sur  les  passions  et  tels  que  les  anges  et  un  Dieu  incrééique 
sur  les  crimes  qu'on  leur  attribuait;  il  mon-  selon  la  doc'riiie  formelle  d'Alhénayorr,  jii- 
tre  que  l'on  juslifiiit  mal  ces  fables ,  en  leur  cuii  être  créé  n'est  Dieu.  Dans  son  Apologie 
doiinaiil  un  sens  physique  ,  et  en  les  appli-  et  dans  son  Trailc  île  la  lié^urreclion  ,  il  al- 
qiianl  aux  phénomènes  de  la  nature.  tribiie  expressemen-t  à  Dieu  le  gouverne- 
il  expose  la  doctrine  de  Thaïes  et  de  Pla-  ment  et  la  destinée  de  l'homme  ;  il  suppose 
ton  sur  les  démons, et  celle  des  chrétiens  tou-  que  les  anges  n'a'^issent  que  par  les  ordres 
chant  les  anges,  bons  ou  mauvais;  il  souiient  et  selon  les  desseins  de  Dieu;  ce  n'est  pas  là 
que  les  esprits  malfaisants  sont  les  vrais  du  |dalouisme.  —  D'un  côté,  plusieurs  de 
auteurs  de  l'idolâtrie  et  do  tous  les  prestiges  non  philosophes  ont  Koutenu  ^ue  Vlaloa*  qui 


411 


ATT 


ATT 


m 


admettait  un  Dieu  suprême  et  des  dieux  se- 
condaires, ou  des  génies  inférieurs  à  Dieu  , 
n'était  pas  polylliéiste  ;  de  l'autre,  nos  cri- 
tiques soutiennent  que  celle  doctrine,  pré- 
sentée à  deux  empereurs  instruits,  a  dii  leur 
paraître  un  poljtliéisnie.  Rarbeyrac  prétend 
qa'Athénar/ore  n'enseigne  point  le  rulte  de» 
anges  ;  comment  don<;  les  empereurs  ont-ils 
pu  conclure  de  sa  doctrine,  que  les  chrétiens 
adoraient  plusieurs  dieux  ?  Avant  de  blâmer 
les  Pères,  leurs  censeurs  di^vraient  comnien- 
crr  par  s'accorder  avec  eux-mêmes. —  3°  lU 
accusent  Atliénuf/ore  de  n'avoir  pas  été  or" 
thodoxe  sur  le  dogme  do  la  Trinité,  et  jus- 
quà  présent,  (lit  lîarbejrac,  il  n'a  pas  été 
justifié.  Probablement  ce  critique  n'a  lu  ni 
la  défense  de  la  foi  de  Nici'e  par  Hullus,  ni  le 
sixième  avertissement  de  M.  Bussuet  aux 
[iioteslanls,  c.  10,  n.  (il)  et  suiv.,  où  Aihe'nn- 
(jore  est  justifié  pleinement  et  sans  réplique. 
Cet  auteur  dit  :  «  Nous  reconnaissons  Dieu 
le  Père,  Dieu  le  Fils  et  Dieu  le  Saint-Esprit  ; 
nous  montrons  et  l<'ur  puissance  dans  l'unité, 
et  leurdistinctmn  dans  l'ordre.»  Légat. ,n.iO. 
Pour  trouver  là  du  polythéisme,  ïïarbeyrac 
lui  fait  dire  :  «  Nous  a»OHS  Dieu  le  Père  , 
Dieu  le  Fils  et  le  Saint-Esprit  unis  ,  à  la  vé- 
rité, d'une  certaine  manière,  ?nais  néanmoins 
distincts,  et  ayant  leur  ordre  entre  eux. 
Nous  avons  aussi  des  divinités  inférieures  à 
celles-là,  etc.  »  Est-il  permis  d'altérer  ainsi 
la  docirin(^  li'un  auteur,  pour  avoir  droit  de 
loi  imputer  des  erreurs? — V"  Le  grand  crime 
d'Alhcnagore,  aux  yeux  de  nos  critiques  li- 
cencieux ,  est  d'avoir  fait  trop  de  cas  de  la 
virginité,  et  d'avoir  dit  que  les  secondes  no- 
ces sont  «m  honnvle  adultère.  Malheureuse- 
ment pres(|ue  Ions  les  anciens  Pères  ont 
parlé  de  même,  et  c'a  été  le  sentiment  géné- 
ral des  premiers  chrétiens.  Quand  on  se  rap- 
pelle à  quels  excès  la  licence  du  divorce  était 
portée  chez  les  païens,  on  n'est  plus  surpris 
des  expressions  et  de  la  morale  sévère  de  nos 
apologistes.  Voy.  Bigamie. — o"  L'on  a  dit,  au 
hasard  ,  (\\i'Alliénit<iore  n'avait  été  cité  que 
par  saint  Epipliane  ;  c'est  encore  une  erreur  : 
il  l'a  été  par  Photius,  Cod.  -iii,  d'après  saint 
Méthode,  évéque  et  martyr,  mort  vers  l'an 
311,  et  par  Philippe  Sulclas,  Serin.  24. 

Nous  ne  sommes  pas  étonné  de  i'alTec- 
tation  des  incrédules  à  déprimer  les  anciens 
délenscurs  du  christianisme;  mais  il  n'est 
pas  fort  honorable  aux  protestants  do  leur 
avoir  fourni  le  tuuevus  de  tant  de  fausses  ac- 
cusations. 

Les  deux  ouvrages  d' /W /te ««go re  se  trou- 
vent à  la  suit(;  de  ceux  de  saint  Justin  ,  ilans 
l'ed'tion  ili's  bénédictins. 

ATlltlIiCIS,  qualités  ou  perfections  de 
Dieu.  Quoiiiue  l'essence  di>ine,  parfaitement 
simple  en  elle-même  ,  cxciui;  toute  composi- 
tion et  toute  disllnrlioii  ,  notre  entemiemcnl 
borné  est  forcé  de  distinguer  en  Dieu  divers 
(ilinbuls  ou  p(  rfecliiin;..  Les  uns  sont  nom- 
més "^mV/u/s  nicltipln/sii/ais;  Ifh  sont  l'aséiié 
ou  nécessité  d'être,  l'eteriiiié,  riiilinilé  ,  l'im- 
mensité  ,  la  spiritualité,  l'immutabilité  ,  la 
simplicité,  l'entendement,  la  volonté,  la  tout'  - 
pui»SiiHCt« ,  la  «cionc0  ,  lu  sagesse  ,  etc.  Les 


antres  sont  nommés  perfections  morales  ;  ce 
sont  celles  qui  établissent  des  relations  mo- 
rales entre  Dieu  et  les  créatures  intelligen- 
tes ,  et  qui  nous  imp  isenl  des  devoirs  mo- 
raux envers  Dieu  :  telles  sont  la  providence  , 
la  bonté,  la  sainteté,  la  justice,  etc.  Knt^.  cha- 
cun de  ces  attributs  sous  son  nom  particulier. 

Dans  le  mystère  de  la  sainte  Trinité  ,  les 
attributs  de  Père  et  de  l'ils  sont  nommés  at- 
trihuts  relatifs,  parce  que  l'un  rappelle  l'i- 
dée de  l'autre  ;  il  n'en  est  pas  de  même  des 
attributs  absolus  don\.  nous  avons  parlé;  l'i- 
dée d'immensité  ne  rappelle  point  relie  de 
toute-puissance,  etc. — Nous  ne  pouvons  con- 
cevoir les  attributs  de  Dieu  que  par  compa- 
raison avec  ceux  île  notre  âme,  ni  les  expri- 
mer autrement  ;  comme  celle  comparaison 
n'est  pas  juste,  il  en  résulte  une  diflieulié  in- 
surmontable de  concilier  quelques-uns  de 
ces  attributs  enire  eux,  par  exemple,  la  sim- 
plicité de  Dieu  avec  sou  immensité  ,  sa  li- 
berté avec  son  immuiabilité.  Il  n'est  pas 
moins  difficile  de  concilier  la  prescience  de 
Dieu  avec  le  libre  arbitre  de  l'homme.  Mais 
lorsque  plusieurs  vérités  sont  démontrées  , 
la  difficulté  de  les  concilier  entre  elles  ne 
prouve  que  la  faiblesse  de  notre  entende- 
ment. —  De  là  les  athées  ont  pris  occasion 
de  nous  reprocher  l'anthropomorphisme  spi- 
rituel ,  c'est-à-dire  ,  d'attribuer  à  Dieu  des 
qualilés  humaines  ,  et  de  concevoir  Dieu 
comme  un  homme  plus  parlait  que  nous. 
C'est  une  accusation  fausse  ,  puisque  nous 
avouons  qu'en  Dieu  toute  perfection  est  in- 
finie, et  que  l'infini  passe  toutes  nos  concep- 
tions. Voy.  ANTH»opo:Moi<eiii8ME. 

ATTIUITON  ,  contrition  imparfaite.  Les 
théologiens  scolasiiques  la  délînisseut  une 
douleur  et  une  détestatiou  du  péché,  qui  nait 
de  la  considéraliou  de  la  laideur  du  péché 
et  de  la  crainte  des  peines  de  l'enfer.  Le  con- 
cile de  Trente  ,  sess.  l'i- ,  c.  *  ,  déclare  ((ue 
celle  espèce  de  contrition  ,  si  elle  exclut  In 
volonté  de  pécher,  et  renferme  l'espérance 
d'obtenir  pardon  de  ses  fautes  passées  ,  est 
un  don  de  Dieu  ,  un  uiouvement  du  Saint- 
Esprit  ,  et  qu'elle  dispose  le  pécheur  ù  rece- 
voir la  grâce  dans  le  sacrement  de  péniten- 
ce. Le  sentiment  le  plus  reçu  sur  Vallrition 
est  que,  dans  le  sacrement  do  pénitence,  elle 
ne  suffit  pas  pour  justifier  le  pécheur,  à 
moins  qu'elle  ne  renferme  un  amour  com- 
mencé de  Dieu  ,  par  lequel  le  pécheur  aime 
Dieu  comme  source  de  toute  justice.  C'est  la 
doctrine  du  concile  de  Trente, sess.  G,cha|i.t>, 
et  de  l'assem  lée  du  cierge  de  France,  en  1700. 

Les  théologiens  disputent  entre  eux  sur  la 
nature  de  cet  aiii^ur  :  les  uns  veulent  que 
ce  suit  un  amour  de  ehariié  proprement  dit; 
les  autres  souiieniiiul  qu'il  suffit  d'avoir  uu 
amour  d'espérance  ,  et  qu'il  est  impossible 
d'espérer  di'  Dieu  grâce  et  miséricorde,  sans 
re.-seiitir  nu  inouvemeiit  vi'imour.  En  ef- 
fet, lorsqu  uu  (léeheur  tail  allenlion  à  la 
bonté  de  Dieu  ,  qui  daigne  nous  pardonner 
et  nous  recevoir  eu  grâce,  pourvu  que  nous 
nous  repentions  dr  l'avoir  oITensé,  (lue  nous 
eu  l'a>.sions  liuiiiblemeiil  i'aveu,  et  que  nous 
soyons  résolus  de  ne  plus  pocher,  se  peut-il 


415 


ADD 


AUG 


414 


faire  qu'il  ne  senle  pas  au  fond  de  son  cœur 
un  mouvemenl  d'amour  de  ceCte  bonlé  infi- 
nie? Il  paraîl  donc  impossible  d'espérer  siu- 
cèrenicni  le  pardon  de  nos  crimes,  sans  coni- 
ntenccr  d'aimer  Dieu  coiiiiiie  source  do  toute 
justice,  à  moins  qu'on  ne  soulienne  qu'il  est 
possible  de  désirer  et  d'esiicrer  un  bienfait , 
sans  peuser  direcleinenl  ni  indirectenienl  au 
bieufaiteur,  cl  sans  ressentir  aucun  mouve- 
ment de  reconnaissance  :  or  cela  n'est  pas 
concevable. 

li  est  bon  de  remarquer  que  le  nom  d'ai- 
Irilion  ne  se  trouve  ni  dan»  l'Eerilure  ni 
dans  les  Pèris;(ju'il  doit  son  origine  aux 
lliéoio^iens  scolastii|ue$;  et  ils  ne  l'ont  intro- 
duit qne  vers  l'an  12-21),  comme  le  remarque 
le  l>.  Morin,  de  Pœnil.,  lib.  vin,  c.  2,  n.  14. 
Avant  ce  temps-là  on  ne  pensait  pas  à  faire 
l'anatomie  des  senliiiienls  du  pécheur  au  tri- 
bunal de  la  |iéiiilcnie.  On  supposait  que  la 
volonté  sincère  de  se  réconcilier  avec  Dieu 
est  déjà  un  commencement  d'amour  do  Dieu. 

ATTUllIONNAlUliS  ,  nom  qu'on  donne 
aux  théologiens  qui  soulienneni  que  ï'atlii- 
tion  servile  ou  conçue  par  une  ciainle  ser- 
vilo  est  sufiisante  pour  justifier  le  pécheur 
dans  le  sacrement  de  pénilence. 

Ce  terme  est  ordinairement  pris  en  mau- 
vaise part  et  appliqué  à  ceux  qui  ont  sou- 
tenu, ou  que  ['atti  iliun  conçue  par  la  crainte 
des  peines  éternelles,  sans  nul  uiutif  d'amour 
de  l>ieu,clail  sur(isante,ou  qu'elle  n'exigeait 
qu'un  amour  iialurelditDieu,  ou  ((uc  la  crainte 
(les  maux  (emporeU  sullisait  pour  la  rendre 
bonne  :  opinions  condamnées  par  les  papes 
et  par  le  clcr';;e  de  France.  Voy.  Ckainïe. 

AUHE  \  oy.  HaB;TS  s Afiiiii dotaux. 

AUDlKiNS,  AUDÉliiNS  ou  VADIliNS,  héré- 
tiques du  IV  siei  le  ,  ainsi  appelés  du  nom 
d'.lu(/ius,  leur  chef,  qui  vivait  en  Syrie  ou  en 
Mésopotamie  vers  l'an  3i2,et  qui,  ajanl  dé- 
clame conire  les  mœurs  des  ecclésiastiques, 
finit  par  dogmatiser  et  former  un  schisme. 

isnlre  autres  erreurs,  il  célébrait  la  pâque 
à  la  façon  des  Juifs  ,  et  enseignait  que  Dieu 
avait  une  ligure  humaine,  à  la  lessemidance 
de  laquelle  l'homme  avait  été  créé.  Selon 
Theodoret ,  il  cmyait  (jue  les  ténèbres  ,  le 
feu  et  l'eau  n'avaient  point  de  commence- 
ment. Ses  sectateurs  donnaient  l'absolution 
sans  imposer  aucune  salisfaction  canonique, 
se  conienlanlde  faire  passer  les  penilenls  en- 
tre les  livres  sacrés  et  apocryphes,  lis  menaient 
une  vie  trés-ietirée,  et  ne  se  trouvaient  point 
aux  assemblées  ecclésiasliques,  parce  qu'ils 
disaient  que  les  impudiques  et  les  adultères 
y  étaieni  reçus.  Cependant  Théodorel  assure 
qu  il  se  cominetlait  beaucoup  de  crimes 
parmi  eux.  Saint  Augustin  les  appelle  ni- 
diens,  et  dit  que  ceux  (jui  étaient  en  lîgyj  te 
communiquaient  avec  les  catholiques.  Quoi- 
qu'ils se  lussent  donne  des  évéques  ,  leur 
secte  fut  nombreuse;  leur  hérésie  ne  suli- 
sistait  déjà  plus  ,  et  à  peine  connaissait-;)  i 
leur  nom  du  temps  de  Facundus  ,  qui  vivait 
dans  le  v«  siècle. 

L«  P.  Petau  prétend  que  saint  Augusiin  et 
Theodoret  ont  mal  pris  le  seiitinn  ni  de;  nn- 
<i>fns  et  ce  qu'eu  dit  saint  lipipliaue  ,  qui  no 


leur  attribue,  dit-il,  d'autres  sentiments  que 
de  croire  que  la  ressemblance  de  l'homme 
avec  Dieu  consistait  dans  le  corps.  Kn  effet, 
le  texte  de  saint  Epiphanc  ne  porte  que  cela, 
et  ce  Père  dit  expressément  que  les  aadieni 
n'avaient  rien  changé  dans  la  docirine  de 
riiglise  ;  ce  qui  ne  serait  pas  véritable,  s'ils 
(u«sent  donné  à  Dieu  une  forme  corpo'- 
relie. 

AUGSIiOUIlG.  Confession  û'Aufjsùourg  ; 
formule  ou  profi-ssion  de  foi  présentée  par 
les  luthériens  à  l'einpereur  Charles  V,  dans 
la  dit'te  tenue  à  Amjsljourf/  en  lo.'iO. 

Celle  confession  ,  composée  par  Alélanch- 
Ihon,  élait  ilivi'^ée  en  d(Mjx  parties.  La  pre- 
mière contenait  vini;t-un  articles  sur  les 
princi|)aux  points  de  la  religion.  Dans  le 
premier,  on  reconnais-ait  ce  (|ue  les  quatre 
premiers  conciles  généraux  avaient  décidé 
louchant  l'unité  d'uu  Dieu  et  le  mystère  de 
la  Trinité.  Le  second  admettait  le  péché  ori- 
ginel, de  même  que  les  calholi<iues,  excepté 
que  les  luthériens  le  faisaient  consister  tout 
entier  dans  la  concupiscence  et  dans  le  dé- 
faut de  crainte  de  Dieu  et  de  confiance  en  sa 
bonlé.  Le  troisième  ne  comprenait  que  ce 
qui  est  renfermé  dans  le  symbole  des  apô- 
tres, louchant  l'incarnation,  la  vie,  la  mort, 
la  passion,  la  résurrection  de  Jésus-Christ , 
et  son  ascension.  Le  quatrième  établissait, 
contre  les  pèlagiens  ,  que  l'homme  ne  peut 
être  juslilie  par  ses  propres  forces  :  mais  on 
y  prelendait,  contre  les  catholiques,  que 
la  jusUGcation  se  faisait  par  la  foi  seule, 
à  l'exclusion  des  bonnes  œuvres.  Le  cin- 
quième était  conforme  aux  senlinienls  des 
catholiques ,  en  ce  qu'il  disait  que  le  Sainl- 
Esprit  esl  donné  par  les  sacrements  de  la  loi 
de  grâce  ;  mais  il  dilTérait  d'avec  eux,  en  re- 
connaissant dans  la  seule  foi  l'opêraiioli  du 
Sainl-Esprii.  Le  sixième,  avouant  que  la  foi 
devait  produire  de  bonnes  œuvres  ,  niait , 
contre  les  catholiques,  (jue  ces  bonnes  œu- 
vres servissent  a  la  justification,  prétendant 
qu'elles  n'élaient  laites  que  pour  obéir  à 
Dieu.  Le  septième  voulait  que  l'Eglise  ne  fûl 
coihposée  que  des  seuls  élus.  Le  huitième 
reconnaissait  la  parole  de  Dieu  et  les  sacre- 
ments pour  efficaces  ,  quoique  ceux  qui  les 
confèrent  soient  méchanls  et  hypocrites.  Le 
neuvième  Sùutenail,  contre  les  anabaptistes, 
la  nécessilé  de  baptiser  les  enfants.  Le  dixiè- 
me professait  la  présence  réelle  du  corps  et 
du  sang  de  Jésus-Chrisl  dans  l'eucharistie. 
Le  onzième  admettait,  avec  les  catholiques  , 
la  nécessilé  de  l'absolution  pour  la  rémis- 
sion des  péchés, mais  rej^'lait  celle  de  la  con- 
fession. Le  doiizièm-  condamnait  les  ana- 
baptistes qui  soulenaJent  l'inaïuissibilité  de 
la  justice,  et  l'erreur  des  novaliens  sur  l'i- 
nutililé  de  la  pénitence  :  mais  il  niait,  contre 
la  foi  catholique  ,  qu'un  pécheur  repentant 
pût  mériler,  par  des  œuvres  de  jiCnitence,  là 
rémission  de  ses  pèches.  Le  treizième  exi- 
geait la  foi  actuelle  dans  tous  ceux  qui  re- 
çoivent les  sacrements  ,  même  dans  les  en- 
fants. Le  quatorzième  défendait  d'enseigner 
publiquement  dans  l'Eglise,  ou  d'y  adminis- 
trer les  sacrements  sans  uue  vocation  iégi» 


415 


AUG 


AUG 


41 S 


time.  Le  quinzième  commandait  de  garder 
les  fêtes  et  d'observer  Us  cérémonies.  Le 
seizième  tenait  !es  ordonnances  civiles  pour 
légitimes,  approuvait  les  magistrats,  la  pro- 
priété des  Ijiens  et  le  miiriage.  Le  dix-sep- 
tième reconnaissait  la  résurrection  future, 
le  jugement  général,  le  paradis  et  l'enfer,  et 
condamnait  le*  erreurs  des  anabaptistes  sur 
la  durée  finie  des  peines  de  l'enfer,  el  sur  le 
prétendu  règne  de  Jésus-Christ  ,  mille  ans 
avant  le  jugement.  Le  dix-huilièine  déclarait 
que  le  libre  arbitre  ne  suffisait  p;is  pour  ce 
qui  regarde  le  salut.  Le  dix-neuviènie, qu'en- 
core que  Dieu  eût  créé  l'Iionime  ,  et  (lu'il  le 
conservât ,  il  n'était  ni  ne  pouvait  être  la 
cause  de  son  péché.  Le  vinglièm*' ,  que  les 
bonnes  œuvres  n'étaient  pas  loul  à  fait  inu- 
tiles. Le  vingt-unième  dcfendail  d'invo(iuer 
les  saints,  parce  que  c'était,  disail-il,  déro- 
ger à  la  médiation  de  Jésus-Christ.  —  La  se- 
conde pariie  ,  qui  contenait  seulement  les 
cérémonies  et  Irs  usages  de  l'Eglise,  que  les 
protestants  trailaieni  d'abus  ,  et  qui  les 
avaient  obligés,  disaient-ils,  à  s'en  séparer, 
était  comprise  en  sept  articles.  Le  premier 
admettait  la  communion  sous  deux  espèces, 
et  défendait  les  processions  du  s.iint  sacre- 
ment. Le  second  condamnait  ie  célibat  des 
prêtres,  religieux  ,  religieuses  ,  etc.  Le  troi- 
^ième  excus.iit  l'abolition  des  messes  basses, 
et  voulait  qu'on  célébrât  en  langue  vulgaire. 
Le  quatrième  exigeait  qu'on  déchargeât  les 
fidèles  du  soin  de  confesser  leurs  péchés,  ou 
du  moins  d'en  faire  une  énumération  exacte 
et  circonstanciée.  Le  cinquième  combattait 
les  jeûnes  et  la  vie  monastique.  Le  sixième 
improuvait  ouvertement  les  vœux  miMiasti- 
qucs.  Le  septième  enfin  établissait  ,  entre  la 
puissance  rcclésiasiique  et  la  puissance  sé- 
culière, une  dislinclion  qui  allait  à  ôter  aux 
ecclésiasli(iucs  toute  puissance  tem|K)relle. 
Celte  coiilession  de  foi  était  signée  par  l'é- 
lecteur de  Saxe  et  par  le  due  de  Saxe,  par  le 
marquis  de  Brandebourg,  par  deux  ducs  de 
Lunehourg.  par  le  landgrave  di\  Hesse,  par 
le  prince  d'Anhalt,  parle  magistrat  de  Nu- 
remberg elpar  celui  île  Reuilingue.  Nous  n'y 
ferons  que  (juehiucs  observations.  —  1"  Il 
s'en  faut  biaucoup  que  cette  pièce  vantée 
parjMosheim  et  pai-  les  luthériens  comme  une 
merveille  soit  un  chel-d'œuvre  de  théologie; 
l'ordre  y  manque,  on  n'y  suit  peint  le  iil  des 
matières.  Ce  (jui  regarde  les  bonnes  oMivres, 
par  exemple,  est  paila^é  en  deux  ou  trois 
articles;  on  dit,  dans  l'un,  qu'elles  ne  con- 
tribuent en  rien  à  la  justification;  dans  un 
autre,  qu'elles  ne  sont  pis  inutiles,  et  l'on 
n'expli(ine  point  en  (|iioi  consiste  leur  utilité. 
Le  cinquième  article  décide  (|uc  les  sacre- 
ments donnent  le  Sainl-Ksprii,  et  que  l'opé- 
ration (1(1  Saint-Ksprit  consiste  dans  la  loi 
seule  ;  l'on  souiienl  dans  le  neuvième  qu'il 
faut  néanmoins  baptiser  les  enfants:  mais  de 
<|nelle  foi  les  enfanls  sont-ils  capables? 
Quelle  peut  être  en  eux  l'opération  du  ^ainl- 
Espril?  Il  y  aurait  bien  d'antres  conlradic- 
lioiis  à  remarciuer.  — 2'  Mosheim  en  impose 
quand  il  dit  que  tous  les  prutendmls  l'aiiop- 
tèrenl  pour  règle  de  leur  foi.  Uist.  ccclés,  du 


XVI»  siècle,  sect.  1,  c.  3,  §  2.  Les  luthériens 
mêmes  ne  la  soutinrent  pas  dans  tous  ses 
points,  telle  que  nous  venons  de  la  lappor- 
ter;  mais  ils  l'aliérèrent  et  varièrent  dans 
plusieurs,  selon  les  conjonctures  et  les  nou- 
veaux systèmes  que  prirent  leurs  docteurs 
sur  les  différents  points  de  doctrine  qu'ils 
avaient  d'abord  arrêtés.  En  effet,  elle  avait 
été  publiée  en  tant  de  manières,  et  avec  des 
différences  si  considérables,;!  Wurtemberg  et 
ail  eurs,  sous  les  yeux  de  Mélanchthon  et  de 
Luther,  que  quand,  en  1561,  les  pruleslanls 
s'assemblèrent  à  Naumbourg,  pour  en  don- 
ner une  édition  authentique,  ils  déclarèrent 
en  même  temps  que  celle  qu'ils  choisissaient 
n'iniprouvait  pas  les  autres,  et  particulière- 
ment celle  de  Wurtemberg,,  faite  en  15iO. 
Les  sncramenlaires  croyaient  même  y  trou- 
ver ce  qui  les  favorisait.  C'est  pourquoi  les 
zwingliens,  dit  M.  Bossuet,  l'appelaient  ma- 
lignement laboîte  de  Pandore,  d'où  sortaient 
le  bien  et  le  mal  ;  la  pomme  de  discorde  entre 
les  déesses;  un  grand  et  vaste  manteau  oîi 
Satan  se  pouvait  cacher  aussi  bien  que  Jé- 
sus-Christ. Ces  équivoques  et  ces  absurdités, 
oîi  tout  le  monde  pensait  trouver  son  compte, 
prouvent  que  la  confession  A'Augsboiirf/  était 
une  pièce  mal  conçue,  mal  digérée,  dont  les 
parties  se  démentaient  et  ne  composaient  pas 
un  système  bien  uniforme  de  religion  ;  Calvin 
feignait  de  la  recevoir  pour  appuyer  son 
parti  naissant,  mais  dans  le  fond  il  en  por- 
tait un  jugement  peu  favorable.  —  3°  En 
même  temps  que  les  chefs  du  parti  luthérien 
présentaient  celte  confession  de  foi  à  la  dièle 
A'Augsbourf/,  (juatre  villes  impériales,  Stras- 
bourg, Constance,  Mémingue,  Landaw,  qui 
avaient  embrassé  les  sentiments  de  Zwingic, 
présentèrent  aussi  la  leur,  qui  avait  été  eom- 
posée  par  Martin  Bucer,  et  qui  fut  aussi  re- 
garilée  comme  un  prodige  de  doctrine  par  lo 
parti  zwinglien  ou  calviniste.  Cela  n'empê- 
cha pas  Bucer  de  souscrire  la  confession 
û'Aiigsbourg cl  la  défense  de  celte  confession  ; 
les  signatures  ne  coulaient  rien  aux  préten- 
dus réformateurs,  dès  que  cela  leur  était 
utile.  Mélanchthon  lui-même,  qui,  d.ins  la 
seconde  partie  de  la  confession  A'Aiigsbonrg, 
condamnait  si  hautement  les  cérémonies  de 
l'Eglise  romaine,  le  fais  lit  contre  son  propre 
sentiment,  et  uniquement  |iOur  complaire  à 
Luther.  On  sait  d'ailleurs  (jue  Mélanchthon 
regardait  ces  rérémonies  comme  assez  in- 
di!Tèrentos,  et  ne  jugeait  pas  que  ce  lût  un 
sujet  légitime  de  l'aire  schisme  avec  l'Kglise 
catholique;  Mosheim  en  co'ivient,  itirf.,  c. '(■, 
§  k,  note.  Ainsi  les  princes  protestants,  qui 
n'étaient  certainement  pas  théologiens,  el 
qui  ne  voulai  ni  avoir  aucun  respect  pour 
le  pape,  juraienl  dans  le  fond  sur  la  parole 
de  Luther.  Quoi(iue  l'on  ne  voulût  pas  ad- 
mettre celui-ci  à  la  diète  ni  aux  conférences, 
parce  qu'il  élaii  trop  violent  el  trop  brouil- 
lon, il  se  tenait  à  Cobourg,  dans  le  voisinage 
t\'Au(jsbou)g,  el  les  protestants  ne  faisaient 
rien  (|ue  par  son  inspiration.  Mosheim,  ihid, 
c.  3,  S  2,  note  du  traducteur  sur  le  §  k.  S'il 
lui  avait  plu  d'être  sacramentaire  ou  ana- 
baptiste, tous  les  luthériens  le  seraient  au- 


w 


AUG 


AUG 


ils 


jourd'hui.  —  k°  Les  zwingliens  ou  calviiiis- 
l(<s,  les  anabaptistes  ,  les  socinieiis  mèiiics, 
•vi  leur  parli  avait  déjà  été  formé  pour  lors, 
n'auraient  pas  eu  moins  de  droit  que  les  lu- 
(hérieiis  de  demander  l'exercice  libre  de 
leur  religion;  cependant  ceux-ci  ne  le  vou- 
laient pas  souiïrir  où  ils  élaienl  les  mailrcs: 
nous  voudrions  savoir  pourquoi  l'emiicreur 
et  les  princi's  de  l'empire  étaient  plus  oblijjés 
de  permettre  l'exercice  libre  du  luihérauisme 
que  relui  des  autres  sectes.  Dans  le  fond, 
qu'élait-il  besoin  de  confessions  de  foi  ?  Les 
luthériens  auraient  dû  suivre  un  procédé 
plus  franc  ol  plus  honnête  ;  ils  devaient  se 
borner  à  dire  à  la  diéle  :  Vous  n'avez  rien  à 
voir  à  nos  sentiments  ni  à  notre  doctrine, 
nous  n'en  devons  compte  qu'à  Dieu  seul; 
nous  prétendons  avoir  droit  de  le  servir  se- 
lon les  lumières  de  notre  conscience  ;  bien 
enleudu  que  nous  accordons  le  même  droit 
aux  autres.  Mais  non,  les  luthériens  vou- 
laient être  tolérés  et  intolérants,  jouir  de  la 
liberté  et  ne  l'accurdei-  à  personne,  dominer 
seuls,  chasser  et  proscrire  (|uiconque  ne  se- 
rait pas  luthérien  ;  et  si  on  veut  les  en  croire, 
l'on  a  violé  toutes  les  lois  divines  et  humai- 
nes, en  leur  refusant  ce  qu'ils  demandaient. 
Celait  aussi  l'esprit  des  calvinistes  et  de 
toute  autre  secte  prolestante.  —  5°  Les  lu- 
thériens faisaient  semblant  de  désirer  un  con- 
cile général;  Mosheim  déclame  contre  Clé- 
ment Vil,  qui  semlilail  le  redouter  et  qui  en 
retardait  la  convocation  sous  difl'erents  pré- 
textes ;  mais  quand  ils  virent  (jue  Paul  111 
consentait  à  le  convoquer,  ils  ijrolcstèrent 
d'avance  contre  tout  concile  qui  serait  as- 
semblé par  le  pape,  surtout  en  Italie,  et  ils 
prétendirent  que  l'empereur  avait  droit  de  le 
convoquer  en  Allemagne,  sous  prétexte  que 
partout  ailleurs  le  pape  aurait  trop  d'auto- 
rilé.  Mosheim,  ibid.,  S  8  et  9,  notes  du  tra- 
ducteur sur  les  S  ^  et  9.  Mais  nous  deman- 
dons à  quel  titre  les  évèques  d'iispagne,  d'I- 
talie, de  France  et  d'Angleterre,  pouvaient 
élre  obligés  de  se  rendre  à  un  concile  con- 
voqué en  Allemagne  par  ordre  de  l'empe- 
reur, pendant  qu'ils  étaient  tous  persuadés 
que  c'était  au  pape  de  l'indiquer  et  de  l'as- 
sembler? Pourquoi  les  souverains  catholi- 
ques devaient  plutôt  consentir  à  la  tenue 
d'un  concile  général  en  Allemagne,  que  les 
princes  allemands  à  ce  qu'il  liil  tenu  en  Ita- 
lie? Pourquoi  les  évêques  de  ces  divers 
royaumes  pouvaient  espérer  plus  de  liberté 
en  Allemagne,  déchirée  pour  lors  par  des 
factions,  que  les  Allemands  en  Italie  où  tout 
était  tranquille?  A-t-on  quelque  preuve 
qu'au  concile  de  Trente  les  évèques  français, 
espagnols  ou  allemands,  ont  été  gênés  par 
l'autorité  du  pape,  qu'ils  n'ont  pas  eu  la  li- 
berté des  opinions  ,  qu'on  les  a  forces  de 
souscrire  à  quelque  décret  contre  leur  pro- 
pre sentiment?  Il  est  donc  clair  que  les  lu- 
thériens ne  voulaient  point  de  concile,  à 
moins  qu'ils  ne  fussent  assurés  d'y  être  les 
maîtres:  cela  est  démontré  par  la  narration 
même  de  Mosheim.  —  t)°  Enfin,  supposons 
que  le  concile  eût  été  convoque  et  asseiuhic 
en  Allemagne,  il  fallait  y  appeler  nuu-seule- 


mcnt  les  catholiques,  mais  les  anabaplisl.s, 
les  calvinistes  et  les  an!;;licans  :  les  (îrecs 
même  srhismaliques,  les  nesloriens,  les  ja- 
cobites,les  arméniens,  n'y  avaient  pas  moins 
de  droit  que  toutes  ces  sectes  récenies.  Nous 
ne  demandons  pas  si  les  Asiatiques  auraient 
été  fort  uliéissanls  aux  ordres  d'un  empereur 
d'Allemagne;  mais  si  les  sectes  protestantes 
se  seraient  mieux  accordées  dans  un  concile 
qu'elles  n'ont  fait  ailleurs.  Les  protestants 
ne  cherchent  qu'à  faire  illusion,  lorsqu'ils  se 
plaignent  de  la  manière  dont  les  catholiques 
se  sont  comporlésà  leurégard.  Uossuet,  Hist. 
des  Variai.,  I.  m. 

La  confession  ti'Auçisbourg  se  trouve  dans 
le  recueil  imprimé  à  (îenève  en  165''i';mais 
on  ne  sait  pas  si  elle  y  est  telle  (Qu'elle  fut 
présentée  en  1330,  puisqu'elle  a  été  changée 
plusieurs  lois. 

AIH;UKK,  AUSPICKS.  Voy.  DivmArioN. 

AUGUSTIN  (saint),  évêque  d'Hippone  en 
Afrique,  est  le  plus  célèbre  des  docteurs  de 
ri'lglise  ;  aucun  autre  n'a  autant  écrit.  Un 
théologien  ne  peut  se  dispenser  d'en  connaî- 
tre les  ouvrages.  La  meilleure  édition  est 
celle  des  bénédictins,  en  onze  volumes  ia- 
fcl.  Le  premier  contient  les  deux  livres  des 
lîélractations,  les  Confessions,  quelques  ou- 
vi-ages  philosophiques,  et  plusieurs  Traités 
contre  les  manichéens.  Le  deuxième,  les  Let- 
tres de  saint  Augustin.  Le  troisième,  des 
Commentaires  sur  différentes  parties  de  l'An- 
cien et  du  Nouveau  Testament.  Le  quatrième, 
des  Discours  sur  les  psaumes.  Le  cinquième, 
les  Sermons.  Le  sixième,  différents  Traités 
sur  le  dogme  et  sur  la  morale.  Le  septième, 
d'autres  ouvrages  semblables,  et  les  vingt- 
deux  livres  de  la  Cité  de  Dieu.  Le  huitième, 
plusieurs  écrits  contre  les  manichéens  et  les 
ariens,  et  quinze  livres  sur  la  Trinité.  Le 
neuvième,  les  ouvr;iges  contre  les  doTiatistes. 
Le  dixième,  ce  qu'il  a  écrit  contre  les  péla- 
giens.  Le  onzième  renferme  la  \ic  de  saint 
Augustin,  et  des  tables  très-amples.  11  faut  y 
ajouler  pour  douzième  volume  l'Appendice 
lait  par  Le  Clerc. 

Aucun  des  Pères  n'a  reçu  de  plus  grands 
éloges,  n'a  essuyé  des  censures  plus  amères, 
n'a  donné  lieu  à  de  plus  vives  contestations. 
Les  théologiens  catholiques  le  regardent 
comme  l'oracle  de  l'Eglise  et  le  vainqueur 
de  trois  sectes  d'hérétiques  ;  comme  un  génie 
supérieur  auquel  Dieu  avait  donné  des  lu- 
mières extraordinaires  pour  expliquer  l'E- 
criture sainte ,  surtout  les  écrits  de  saint 
Paul  ;  comme  un  maître  duquel  on  ne  peut 
rejeter  les  opinions  sans  se  rendre  suspect 
d'erreur.  Les  hétérodoxes,  surtout  les  soci- 
niens,  soutiennent  que  c'est  le  plus  igno- 
rant de  tous  les  commentateurs,  qu'il  ne  sa- 
vait ni  l'héhreu  ni  le  grec,  n'avait  aucune 
des  connaissances  nécessaires  pour  entendre 
les  livres  saints;  un  enthousiaste  et  un  so- 
phiste, toujours  prêt  à  ériger  ses  opinions  en 
articles  de  foi,  et  à  persécuter  ceux  qu'il  lui 
plaisait  de  nommer  hérétiques  :  < 'est  ainsi  à 
peu  près  qu'il  est  représente  par  Le  Clerc. 

Saint  .[uguslin  a  eu  parmi  les  modernes 
de  savants  apologistes  :  le  cardinal  Noris,  le 


419  ÀtjG 

célèbre  Muralori,  le  marquis  Seipion,  Maffei, 
M.  Bossuel,  Défense  de  la  trail.  el  des  saints 
Pères,  elc.  Sans  iJérogor  iiu  nu  rilo  do  leurs 
ouvrages,  el  sans  les  conlredire  en  rien, 
nous  nous  permellions  qui  Iques  réflexions. 
—  1°  Le  meilleur  moyen  de  réduire  au  silence 
les  ennemis  de  snint  Ainjustin  cl  de  l'Eglise 
n'est  pas  d'allribuer  à  ce  Père  une  espèce 
d'iiir.iillihilitc  à  laquelle  il  était  bien  loin  de 
prétendre:  souvent  il  a  désapprouvé  sur  ce 
point  le  zèle  trop  ardent  de  ses  amis  :  «  Si 
vous  préleuilez,  leur  dit-il,  que  je  ne  me  suis 
trompe  dans  aucun  en  Iroit  de  mes  ouvrages, 
vous  travaillez  en  vain  ,  vous  défendez  une 
mauvaise  cause,  vous  la  perdrez  à  mon  pro- 
pre tribunal.  Je  n'exige  point  que  l'on  em- 
brasse toutes  mes  opinions,  ni  que  personne 
me  suive,  sinon  dans  les  choses  surlesquelles 
il  verra  que  je  ne  suis  point  dans  l'erreur. 
C'est  pour  cela  même  que  je  fais  des  livres  , 
dans  lesquels  j'ai  résolu  de  revoir  liies  ou- 
vrages, afin  de  monlnrquuje  ne  me  suis 
pas  suivi  moi-même  en  toutes  choses.  Kl 
quoi(|ue,  par  la  miséricorde  de  Dieu,  je  crois 
avoir  fait  des  [>rogrès ,  je  n'ai  pas  la  vanité 
de  penser  qu'à  mon  â^e  même  je  si)is  à  cou- 
vert de  tout  danger  d(>  fiiillir.  »  Epist.  Ii3, 
n.  "2;  Jipist.  44-3,  n.8;  De  dono  persev.,  c.  21, 
n.  53;  De  anima  el  ejus  orig.,  1.  iv,  c.  1,  n.  1  ; 
lieiracl.,  1.  i  ;  Prolog.,  n.  2,  etc.  —  2'  Puis- 
que saint  Augustin  lui-même  en  appelle  à  \n 
Iralition,  c'est  suivre  la  règle  qu'il  tr.ice  que 
d'examiner  si  tous  les  sentiments  qui  sont 
dans  Ses  ouvrages  sont  d'accord  avec  la  doc- 
trine des  Pères  qui  l'ont  précédé.  On  ne  peut 
être  obligé  de  les  suivre  qu'autant  que'  l'on  y 
reconnaîtrait  une  Ir.iditioii  constante  qui  re- 
monterait jusqu'aux  siècles  apostoliques.  (]e 
saint  doclcur  n'a  jamais  cru  qu'il  dût  seul 
former  le  langa;;e  de  la  foi  ;  et  quelque  res- 
pecta! le  que  soit  son  autorité,  elle  n'empê- 
che pas  d'examiner  différents  points  sur  les- 
quels l'Eglise  n'a  rien  décidé.  —  3'  L'an  .V31, 
le  pape  saint  Célestin,  écrivant  aux  ciêques 
des  (Jaules,  après  avoir  reconnu  le  méiiie  de 
saint  Augustin,  les  services  qu'il  a  rendus  à 
l'Lglise,  et  I  orthodoxie  de  sadocliine,  après 
avoir  fixé  le  dogme  catholique  contre  les  pé- 
lagiens,  ajoute  :  «  Ou.inl  aux  questions  plus 
dilficiles  et  plus  profondes,  qui  ont  été  trai- 
tées plus  au  long  par  ceux  qui  ont  réfuiè  les 
hérétiques,  nous  n'osons  pas  les  mépriser; 
mais  nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit  néces- 
saire de  les  étatdir.  En  effet,  pour  confesser 
la  grâce  de  Uicu  ,  au  mérile  el  à  l'influence 
de  la(|uellc  il  ne  faut  rien  ôter,  il  nou»  parait 
suffire  de  tenir  ce  que  nous  ont  enseigne  les 
ècrils  du  siège  apostolique  selon  les  règles 
dont  nous  venons  di;  parler,  et  de  ne  point 
regarder  comme  calh')lique  tout  ce  qui  pa- 
rait contraire  à  ses  décisions.  »  —  Or,  dans 
la  doclnne  [irescrile  par  ce  ponlife  ,  il  n'est 
question  ni  de  la  prédestination  gratuite  à  la 
gloire  éternelle,  ni  de  la  distribution  plus  ou 
moins  abondante  de  la  grâce,  ni  de  la  nature 
de  la  grâce  eflicuce,  ni  de  la  luauicrc  de  la 
concilier  avec  la  liberté,  ni  du  supplice  éler- 
nel  réservé  au  péché  originel;  donc  toutes 
ces  (lucstions  sont  du  nombre  de  celles  que 


AUG 


420 


saint  Célestin  n'a  pas  jugées  néci^ssalres  à 
établir,  qui,  par  conséquent,  ne  tiennent 
point  à  la  foi  catholique.  —  4°  C'est  un  trait 
de  prévention  de  ne  vouloir  puiser  les  Senti- 
ments de  saint  Augustin  sur  la  grâce  que 
dans  ses  ouvrages  contre  les  pélagiens  ;  par 
là  on  donne  lieu  de  penser  qu'il  y  a  contredit 
ce  qu'il  avait  écrit  contre  les  manichéens, 
qu'il  a  mal  réfuté  ces  derniers,  qu'il  a  trahi 
la  cause  de  la  religion  :  autant  de  supposi- 
tions injurieuses  et  fausses.  On  dit  que  l'E- 
glise a  solennellement  approuvé  tout  ce  que 
le  saint  docteur  a  écrit  contre  les  pélagiens  ; 
mais  elle  n'a  pas  répi'ouvé  ce  qu'il  a  écrit 
contre  les  manichéens  et  contre  les  donalis- 
les  ,  ses  Commentaires  sur  l'Ecriture  sainte, 
ses  Lettres  ,  ses  Serinons  ,  ses  ouvrages  de 
morale  et  de  piété;  dans  ceux-ci  ,  saint  Au- 
gustin ne  disputait  pas,  il  instruisait.  On 
ajoute  qu'il  n'a  rien  rétracté  de  ce  qu'il  a 
enseigné  contre  les  pélagiens  :  je  le  crois  ;  il 
écrivait  encore  contre  eux  lorsqu'il  est  mort, 
et  son  dernier  ouvrage  est  resté  imparfait  : 
si  par  là  on  veut  insinuer  qu'il  a  rétracté  ce 
qu'il  avait  dit  contre  les  manichéens,  on  nous 
en  impose;  eu  420  ou  421,  après  dix  ans  de 
disputes  contre  les  pélagiens  ,  il  réfute  un 
manichéen.  L.  contra  advers.  legis  et  propit. 
Loin  de  déroger  à  ses  premiers  ouvrages,  il 
y  renvoie  ;  il  n'en  désavoue  donc  pas  la  doc- 
trine. Pour  prendre  ses  vrais  sentiments,  il 
faut  le  comparer  avec  lui-même,  et  voir  com- 
ment on  peut  le  concilier.  —  5"  Les  pélagiens 
ont  été  condamnés  par  l'Eglise  grecque  et 
latine  au  concile  d'Ephèse.  Les  Grecs  n'ont 
donc  pas  adopté  les  erreurs  de  ces  héréti- 
ques, et  l'Eglise  grecque  a  fait  partie  de  l'E- 
glise universelle  jusquau  i^'^^  siècle.  Dans  cet 
intervalle  ont  vécu  saint  Cyrille  d'Alexan- 
drie, Thcodoret ,  saint  Isidore  de  Dainietle, 
saint  Proclus  de  Constantinople  ,  saint 
Epbrem,  saint  Maxime,  saint  Pierre  Chryso- 
logue,  saint  Jean  Damascèae,  etc.  Ces  Pères 
ont-ils  emb.assé  toutes  les  opinions  de  s.iint 
Auguslin,  toutes  ses  explications  de  l'Ecri- 
ture, que  l'on  voudrait  faire  passer  pour  des 
articles  de  foi?  -  G°  Aux  jeux  des  hommes 
instruits,  un  zèle  excessif  pour  les  opinions 
de  saint  Augustin  peut  paraître  suspect.  Avec 
quelque-,  passages  cent  fois  répétés,  et  qui  se 
trouvent  partout,  on  se  donne  à  peu  de  frais 
le  relief  de  l'oi  tliodoxie;  on  se  trouve  dis- 
pensé de  consulter  l'Ecriluie  sainte  dans  ses 
sources,  de  rechercl^er  la  tradition  des  quatre 
premiers  siècles  ,  de  respecter  les  anciens 
Pèr(  s,  de  garder  aucun  ménagement  envers 
les  théologr^Mis  modérés,  même  de  raisonner 
Cons  (ju  inincnt. 

11  nous  reste  à  défendre  saint  Augustin 
conlic  les  calomnies  des  hérétiques  et  des 
incrèdulis.  -  Ils  l'accusent ,  1"  d'avoir  tou- 
jours raisonné  en  parfait  inatériulisie  sur  la 
nature  des  substances  spirituelles. Cependant 
nous  trouvons,  dans  ses  livres  sur  la  Triiiiié, 
liv.  X,  c.  lll,  une  démonstration  de  la  spiri- 
tualité de  l'àme  à  la(|uelle  1  s  malèrialisles 
n'ont  jamais  répondu;  elle  e>t  tirée  du  sen- 
timent intérieur.  Je  sens  ma  propre  exis- 
tence, dit  saint  Auguslin,  et  je  me  sens  dis- 


i<»l 


AL'G 


lingue  de  tout  être  qui  n'est  pas  moi  :  or,  je 
ne  stMis  ni  l'existence ,  ni  la  structure  ,  ni  le 
|cu  de  mon  cerveau,  ni  d'aucune  partie  inté- 
rieure de  mon  corps;  donc  chacune  de  ces 
parties ,  et  toutes  prises  ensemble  ,  ne  sont 
pas  moi  :  ce  que  j'appelle  mni,  ou  mon  âme, 
est  quelque  chose  de  plus.  Saint  Augustin  a 
certainement  cru  et  prouvé  la  création,  \>r\>e 
en  rigueur;  un  être  corporel  ou  matériel 
peut-il  être  créateur?  Vny.  Immaiéiualisme. 

—  2°  D'avoir  rejeté  la  liberté  d'indillérence, 
J'avoir  admis  dans  la  volotiié  ,  mue  par  la 
grâce  ,  la  même  nécessité  d'agir  que  Calvin 
et  Jansénius.  Fausseté  criante.  La  vérité  est 
(Jue  saint  Augustin  a  rejeté  seulement  Vindif- 
férence  soutenue  par  les  pélagions,  c'esl-à^ 
dire,  le  penchani  égal  au  bien  et  au  mal ,  la 
même  facilité  de  faire  l'un  que  l'autre,  l'équi- 
libre de  la  volonté  enlro  l'un  et  l'autre;  c'est 
en  cela  que  les  pélagiens  faisaient  consister 
la  liberté.  Voy.  Op.  imperf.,  lib.  m,  n.  lOi», 
117,  clc.  Saint  Augustin  soutient  avec  r;iison 
que  l'homme,  corrompu  par  le  péché  origi- 
nel, n'a  plus  cette  heureuse  iuilifféreiice  , 
qu'il  est  plus  porté  au  mal  qu'au  bien,  qu'il  a 
^c-oin  d'une  grâce  qui  rétablisse  en  lui  le 
libre  arbitre  ,  en  lui  rendant  le  pouvoir  de 
choisir  le  bien.  Il  a  fallu  toute  la  prévention 
de  Calvin  et  de  Jansénius  ,  pour  soutenir 
qu'une  grâce  qui  rétablit  la  liberté  impose 
la  nécessité  de  faire  le  bien.  — 3'  D'avoir  été 
aussi  grand  préilcslinaleur  (]ue  Calvin.  Nous 
ferons  voir  à  l'art.  Prédestination  la  diffé- 
rence qu'il  y  a  entre  le  système  de  Calvin  et 
celai  de  saint  Auguttin.  Il  suffit  d'observer  ici 
que,  par  prc'dcsiination  des  saints,  ce  Père 
a  entendu  la  prédestination  des  lidèles  à  la 
grâce  de  la  foi ,  et  nous  le  prouverons  par 
l'analyse  du  livre  qu'il  a  fait  sous  ce  titre.  — 
4"  On  lui  reproche  d'avoir  enseigné  une  mo- 
rale pernicieuse,  en  soutenant  que  Sara, 
éi)ouse  d'Abraliam  ,  a  pu  permettre  à  ce  pa- 
triarche de  prendre  Agar  pour  concubine, 
et  en  posant  pour  maxime  que  tout  uppar- 
tient  aux  justes.  A  l'article  Polygamie,  nous 
prouverons  que  cet  abus  n'était  pas  défendu 
aux  patriarciies  par  le  droit  naturel  ;  qu'Agar 
était  une  seconde  épouse,  et  non  une  concu- 
bine. L'abus  d'un  terme  n'est  pas  un  titre 
légitime  pour  condamner  les  Pères  de  l'Eglise. 

—  Loin  d'approuver  la  maxime  :  tout  appar- 
tient aux  justes,  saint  Augustin  a  blâmé  et 
condamné  ceux  ((Ui,  sous  ce  préiexle,  s'em- 
paraient des  biens  des  donatisles.  —  6°  L'on 
dii  qu'après  avoir  ppescril  la  tolérance  en 
faveur  dis  manichéens,  il  a  prêché  la  per- 
sécution et  la  violence  contre  les  donatisles. 
Oui ,  contre  les  donatisles  séditieux,  armés , 
sanguinaires,  qui,  par  leurs  circoncellions, 
remplissaient  l',\frique  de  dosordies  cl  de 
carnage;  mais  saint  Augustin  n'a  pas  dit 
qu'il  fallait  employer  contre  eux  la  violence 
lorsqu'ils  étaiejit  paisibles  :  il  a  ense  gné  et 
fait  le  contraire  ,  ei  il  a  eu  la  consola  ion  de 
les  voir  réunis  à  l'Eglise.  —  Barbcyrac  pré- 
tend que  ce  saint  docteur  a  ap|)rouvé  la 
peine  de  mort  portée  par  les  empereurs  con- 
tre les  païens.  Il  fallait  dire  au  noins  contre 
Its  sacrifices  des  païens.  Le  passage  de  saint 


Ava  m, 

Anguslin  est  formel.  Episl.  93,  ad  Vincent. 
Rogalislam,  n.  10.  On  iiouvait  être  p.iïcii 
sans  offrir  des  sacrillces,  et  nous  ne  voyons 
pas  en  ((uoi  il  importait  a  la  chose  piibli()ue 
qu'un  usage  aussi  absurde,  et  souvent  ac- 
compagné de  crimes,  fût  conservé.—  6'  L'on 
préicnd  qu'il  a  été  pélagien  en  ècriv/ml  con- 
tre les  manichéens,  et  qu'il  est  redevenu 
manichreu  eu  disputant  contre  les  pélagiens. 
C'est  une  calomnie,  et  saint  Augustin  s'en 
est  justifié  lui-même  dans  ses  livres  des  Ré- 
tractations et  ailleurs.  Mais  pour  comparer 
dix  volumes  in-folio,  pour  saisir  les  vrais 
sentimenis  de  ce  saint  docteur,  pour  distin- 
guer les  .irguments  absolus  d'avec  les  argu- 
ments personnels  qu'il  tire  des  principes  de 
ses  adversaires,  il  faut  plus  de  sagacité,  de 
patience,  de  droiture,  que  n'en  ont  eu  les 
censeurs  de  ce  Père.  Les  accusations  (jue  nous 
venons  de  voir  ont  été  tirées  des  sociniens 
et  des  arminiens,  leurs  amis, de  l$ayle,de  Le 
Clerc,  de  B^irbeyrac;  les  savants  Muralori  et 
MalTei,  et  plusieurs  théologiens,  les  ont  réfu- 
tées sans  réplique.  Nous  en  réfulerons  iious- 
même  un  assez  grand  nombre  dans  les  divers 
articles  de  ce  Dictionnaire.  Vog.  Lamindus 
Pritanius,  de  ingeniorum  moderutione  in  re- 
ligionis  negotio,  et  Uisior.  Theul.  dogmatum 
et  opm.,  de  divinn  gratin,  etc. 

Heausobre,  dans  son  Histoire  du  Mani- 
cliéisme,  accuse  souvent  saint  Augustin  de  ne 
pas  rapporter  fidèlement  les  opinions  des 
manichéens  ;  d'attribuer  à  ces  hérélitiues  des 
erreurs  qu'ils  n'ont  pas  soutenues,  cl  de  It's 
réfuter  par  de  mauvaises  raisons.  Ce  repro- 
che suppose  que  tous  les  docteurs  manichéens 
avaient  les  mêmes  opinions,  et  que  tous  sui- 
vaient la  doctrine  de  Manès  :  faux  préjugé  , 
qui  ne  s'est  vérifiL-  à  l'égard  d'aucune  secte 
hérétique,  et  qui  n'aura  jamais  une  ombre 
de  vraisemblance  ,  puisque  tout  hérétique 
prétend  être  arbitre  de  sa  croyance,  et  n'ê- 
tre assujetti  aux  leçons  d'aucun  maiire. 
Croirons-nous  que  suint  Augustin  n'a  pas 
su  mieux  connaître  les  vrais  L-enliments  de 
Fauste  ,  d'Adimante,  de  Félix,  du  Sécondi- 
nus  ,  etc.  ,  avec  lesquels  il  avait  disputé  de 
vive  voix,  que  Ueausobre,  qui  prétend  les 
deviner  par  des  conjectures  et  des  probabi- 
lités? 

Quant  aux  réponses  et  aux  arguments  de 
ce  saint  docteur  ,  nous  verruns,à  l'article 
Maricuéisime  qu'il  a  réfuta  victorieusement 
le  principe  fondamental  de  cette  hérésie,  et 
qu'il  a  résolu  solidement  la  difficulté  tirée 
de  l'origine  du  mal.  Ce  point  décisif  une  fois 
obtenu,  tout  le  reste  du  système  de  Manès 
tombait  pur  terre;  mais  îieaust)brc  n'a  pas 
daigné  faire  celte  observation,  qui  était  ce- 
pendant la  première  chose  à  examiner  pour 
nous  faire  un  tableau  fidèle  de  la  dispute. 

Les  ennemis  de  ce  saint  docteur  ne  se 
sont  pas  bornes  à  calumnier  sa  doctrine  ,  ils 
ont  encore  voulu  rendre  suspectes  ses  verlus, 
.ses  actions  les  plus  louables,  la  confession 
mêoie  qu'il  a  faite  de  ses  fautes.  Le  Clerc 
prétend  que  sant  Augustin  a  écrit  ses  Con- 
fessions, plutôt  pour  fermer  la  bouche  à  ses 
détracteurs  que  pour  s'humilier  de  ses  fai- 


1-23 


AUG 


AUG 


iti 


blesses ,  et  quo  c'est  une  espère  d'dpolonie 
loii  adroite.»  Saint  Augustin,  dit-il,  y  avoue 
les  désordres  de  sa  vie  qu'il   ne  pouvait  pas 
caciier  ;  il  supprime  ou  excuse  le  reste,  et  ne 
uénlige  aucune  occasion  de  se  faire   valoir  ; 
il  lui  a  fallu  une  forle  dose  d'ainour-propre 
pour  parler  si  longtemps  de  soi,  et  pour  en- 
tretenir ses   lecteurs  de  choses  qui  devaient 
leur  être  fort  iadilTérenles  ;  il  s'adresse  à  Dieu 
pour   ne  les  occuper  que  de  lui-même  :  s'il 
eût  voulu   simplement  les  édilier  ,  il   n'était 
pas   moins    nécessaire  d'avouer   les     fautes 
qu'il   avait  faites  depuis  son    baptême  que 
celles  qui  l'avaient  précédé.»  —  Des  ennemis 
jaloux  pouvaient  dire  que  sat'rU  Anfjuslin  n'a- 
vait pas  fait  un  grand  sacriflce  en  renonçant 
à  la  profession  de  rhéteur  et  d'orateur  pro- 
fane, pour  exercer  son  talent  sur  un  Ihèàlrc 
plus  brillant,  dans  l'Eglise  niême,  où  il  clail 
sûr  de  jouer  un  rôle  plus  honorable  tt  plus 
avantageux;  que  ,  par   une   pauvreté  appa- 
rente, il  avait  acquis  le  droitde  subsister  aux 
dépens  des  riches,  même  la   faculté  d'assis- 
ter les  pauvres;  qu'en  paraissant  renoncer 
à  tout,  il  était  parvenu  à  dominer  sur  tout 
un  peuple  au  nom  de  Dieu,  à  se  rendre  chef 
de  parti ,  à  pouvoir  excommunier,  condam- 
ner et   proscrire  ceux  qui   lui  déplaisaient. 
Les  vraies   fautes,   continue  Le  Clerc,  dont 
Aufjustin  avait  à  se  repentir,  étaient  d'avoir 
voulu  se  mêler  d'expliquer  l'Ecriture  sainte, 
après  en  avoir  fait  une  simple  lecture,  sans 
avoir  appris  le  grec  ni  l'hébreu,  sans  avoir 
acquis  aucune  des  connaissances  iiécessai^- 
res  ;  c'était  d'avoir  été  ordonné  prêtre  et  évê- 
que  contre  les   canons  du  concile  de  Nice, 
qui  délendaient  à    un  évêque  de   se  donner 
un  successeur  de   son    vivant;   c'était  eiilin 
d'être  parvenu  au  plus  haut  degré  de  gloire, 
d'autorité  et  de  pouvoir,  en  faisant  semblant 
de  renoncer  au  monde,  aux  richesses  ,  aux. 
honneurs  ,  artilice  qui  a  éle  employé  dans  la 
suite  par  tant  do  gens,  et   toujours  avec   le 
même  succès. 

Quelque  indécente  que  soit  cette  satire  de 
Le  Clerc,  nous  n'avons  pas  iraintde  la  co- 
pier, afin  de  montrer  jusqu'où  les  protestants 
ont  poussé  la  malignité  contre  les  i'èies  de 
l'Eglise.  Avant  de  hasarder  une  pareille  cen- 
sure, il  aurait  fallu  être  certain  de  plusieurs 
faits  desquels  Le  Clerc  m'  pouvait  avoir  au- 
cune preuve,  et  que  l'on  reconnaît  être  faux, 
pour  peu  que  l'on  consulte  l'histoire.  — 
1°  Le  Clerc  suppose  que  quand  suint  Aui/us- 
tin  a  écrit  ses  Confessions,  il  a  eu  inlenliuu 
de  les  publier,  et  que,  par  un  esprit  prophé- 
tique, il  a  prévu  qu'il  aurait  besoin  de  celte 
apologie  adroite  pour  fermer  la  bouche  a  ses 
détracleui  s  ;  que  son  dessein  était  d'occuper 
de  lui-même  se>  lecteurs,  et  non  de  s'exciter 
à  la  reconnaissance  envers  Dieu ,  par  le 
souvenir  des  fautes  que  Dieu  lui  avait  re- 
mises par  le  baptême.  Mais  il  parait  (crtaiii 
que  cet  ouvrage  a  éle  lait  vers  l'an  'lOO,  peu 
de  temps  après  la  pronmiion  de  saint  Aayiis- 
tin  à  l'épiscopat  ;  et  alors  nous  no  voyons 
pas  qu'il  ait  eu  des  délr.icteurs,  ni  des  accu- 
sations à  repousser.  La  manière  dont  ii  eu 
parle,  en  les  envoyant  à  ui'.  ami,  ijui  les  lui 


avait  demandées,  Epist.  265,   marque   la 
plus   parfaite  candeur,   et  nous  ne  croyons 
pas  lui  faire  grâce  en  disant  qu'il  était  d'un 
caractère  trop   vif  pour  être  hypocrite.   S'il 
ne  parle  pas  des  fautes  qu'il  avait  commises 
depuis  son  baptême,  c'est  qu'elles  devaient 
être  la  uiatière   d'une  confession  sacramen- 
telle,  et   non   d'une  déclaration    publique  ; 
celle-ci  ne  convenait  plus  à  un  évêque,  obligé 
de  l'aire  respecter  son  caracière.  —  2' La  plu- 
part des  fautes  dont  saint  Augustin  s'accuse 
n'avaient  pas  été  assez  publiques   pour   ve- 
nir à  la  connaissance  de  ses  ennemis,  et  les 
étourderies    de  jeunesse  qu'il    se  reproche 
n'étaient  pas  de  nature  à  le  déshonorer  :  où 
était  donc  la  nécessité  d'en  faire  une  apolo- 
gie adroite?  Quel  avantage  saint   Augustin 
pou  vail-il  tirer  de  là  pour  sa  réputation  ?  Les 
Africains,   charmés  de  ses  talents,  ne   pen- 
saient guère  à  aller  rechercher  ce  qu'il  avait 
fait  en  Italie.  —  3°  Qui  a  révélé  à  Le  Clerc 
que  quand  ce  saint  docteur  quitta  la  profes- 
sion de  rhéteur,  après  son  baptême  ,  et  re- 
tourna en  Afrique  ,  il  avait  déjà  le  dessein 
et  l'espérance  d'être  promu  aux  ordres  sa- 
crés ;  que  quand  il  se  retira  dans  la  solitude, 
il   savait    qu'on   l'en    tirerait    bientôt   pour 
l'élever  au  sacerdoce  et  à  l'épiscopat;  que 
quand  il  opposa  de  la  résistance  à  son  évê- 
que, qui  voulait  l'ordonner,    elle  ne  fut  pas 
sincère?  Si  en  cela  l'évêque   Valère   pécha 
contre   les  canons  du  coucile  de    Nicée ,  la 
faute  ne  peut  pas  en  être  attribuée  à  saint 
Augustin;  c'clàil  au  primat  de  Carlliage  et 
aux  autres  évêques  d'Alrique  de  s'en  plain- 
dre,  et    nous    ne   voyons  pas  qu'aucun  ait 
réclamé  :   ils  jugèrent  sans   doute   que  ces 
canons  n'étaient  pas  indispensables.  — V°Si, 
en  entreprenantd  expliquer  l'Ecriture  sainte, 
saint  Augustin  avait  eu  le  même  dessein  que 
Le  Clerc,  qui  était  de  faire  pacade  d'érudi- 
tion et  de  se  montrer  plus  habile  que  les  au- 
tres  commentateurs  ,   il    aurait  eu  besoin  , 
sans  doute,  de  grec,  d'hébreu,  d'histoire,  de 
géographie,  etc.  ;  s'il  a  seulement  voulu  en 
tirer  des  leçons  morales  pour  lui  et  pour  les 
autres,  tout  cet  appareil  ne  lui  était  pas  né- 
cessaire. Mais  voila  rentélement  des  protes- 
tants :  ils  interprètent  l'Ecriture  sainte  com- 
me  on  explique    Homère  ou   Hérodote;   el 
parce  que  les  Pères  de  l'Eglise  y  ont  cherché 
de  quoi  nourrir  la  piété  et  non  la  curiosité, 
cela  déplaît  aux  protestants.  —  5"  Le  Clerc 
a  su  encore,  par  révélation  sans  doute,  que 
quand  suint  Augustin  a  écrit  contre  les  lua- 
nichêens,    contre   les  donatistes,  contre  les 
pèlagicns,  contre  les  ariens,  contre  les  pris- 
ciihanistes,  il  l'a  fait  par  humeur,  par  l'envie 
lie  contredire  et  de  disputer,  et  non  par  zèle 
pour  la  pureté  de  la  toi  et  pour  le  salut  de 
son    Iroupe.iu.   Cepeiid.int  d'autres   protes- 
tants ont  remarque  qu'il   a  traité  les  héré- 
tiques avec    plus  de  modération   que  saint 
Jérôme,  qui  était  cependant  plus  vieux  que 
lui.  .Mais  siin  grand  crime  a  é;é  de  subjuguer 
les   esprits,  de  gagner  la  confiiince,  de  se 
faire   admirer  par   la  supériorité  de  ses  la- 
lents  el  par  l'ascendant  de  ses  vertus.  Heu- 
reux, ceux  ù  qui  Dieu  a  iluiiné  assez  de  mé* 


435 


AUG 


AUG 


«ti 


rile  pour  s'allirer  de  pareils  reproches  I  11  a 
été  le  Iléaii  des  héréliiiues  de  son  ti'tnps  :  il 
doit  donc  être  censuré  par  les  hérétiques  de 
tous  les  siècles. 

Un  antre  critique,  encore  plus  téméraire  , 
a  prétendu  que  saint  Atigustin  se  reconnais- 
sait lui-même  sujet  aux  excès  du  vin,  parce 
qu'il  ditditnssesConfessions,  I.  x,  c.31,n.  47  : 
Je  suis  bien  éloifiné  de  m'enivrer  ;  cependant 
la  crapule  me  .<uri  ient  quelquefois.  Cet  ha- 
bile homme  n'a  pas  su  que  crnpulit  sigiiilie 
souleiiii'nl  la  douleur  de  léte  qui  provient  du 
vin  m,il  tligéré  :  l'homme  le  plus  sobre  peut 
y  être  sujet  par  faiblesse  d"es  oinac  ,  mala- 
die que  produit  assez  ordinairement  le  tra- 
vail d'esprit  continué  trop  longtemps.  Il  est 
fort  singulier  que  des  écrivains  du  xvir  ou 
du  XVIII'  siècle  se  soient  flattés  de  détruire 
une  répuiatioii  de  talents  et  de  vertus  établie 
depuis  douzf  cents  ans  ;  ou  ne  doit  p.is  ôire 
élonné  de  la  fureur  avec  laquelle  ils  déchi- 
rent les  vivants,  puisqu'ils  n'épargnent  pas 
même  les  morts  ni  les  saints. 

.\u<iiSTiN,  tilre  que  Corneille  Jan<énius, 
évêqiie  d'Yptes,  a  donné  à  un  ouvr  ige  qu'il 
a  composé  sur  la  grâce,  parce  (ju'il  préten- 
dait y  soutenir  le  vrai  sentiment  de  saini.  Au- 
giislin  ,  et  y  donner  la  cb'f  de>  endroils  les 
plus  difficiles  de  ce  Père  sur  cette  matière. 

t]e  livre,  (pii  a  causé  des  disputes  si  vives, 
et  qui  a  donné  naissance  à  l'hérésie  nom- 
mée le  Jansénisme,  ne  parut  qu'après  la  mort 
de  son  auteur  ,  et  fut  imprimé  pour  la  pre- 
mière fois  à  Louvaiii,  (  n  IGVO,  in-folio.  Il  est 
diïi^é  en  trois  partie-..  La  première  contient 
huit  livres  sur  l'hérésie  des  pélagiens.  La 
seconde  eu  renferme  neuf;  un  sur  l'usage 
de  la  raison  el  de  l'aulorilé  en  matière  tlièo- 
lugique.  un  sur  la  {j;iâre  du  premier  homme 
et  des  anges,  quatre  de  l'éial  de  nature  tom- 
b  •(■  ,  irois  de  l'eiat  de  pure  nature.  La 
troisième  partie  est  subdivisée  en  deux  : 
l'une  contient  un  traité  de  la  grâce  de  Jésus- 
Ch>  isl,  in  di\  livres  ;  l'autre  est  un  parallèle 
entre  l'erreur  des  semi-pélagiens  et  l'opinion 
de  quelques  modernes,  c'est-à-dire  des  théo- 
logiens qui  adinetlenl  la  grâce  suffisante. 

C'est  de  cet  ouvrage  qu'ont  été  extraites 
les  cinq  fameuses  propositions  qui  en  con- 
tiennent toute  la  substance  ,  et  qui  ont  été 
ci>udriiiinées  par  plusieurs  souverains  pouti- 
fe<.  A  l'article  JANsiiMsME,  nous  en  traite- 
rons avec  plus  d'étendue. 

AUGISTIMANISME  ,  AUGUSTINIKNS. 
Dans  les  écoles  on  d mne  ce  nom  aux  théo- 
logiens qui  soutiennent  que  la  grâce  est  elfi- 
cace  par  sa  nature,  absolument,  sans  aucune 
relation  aux  circonsianees  ni  aux  degrés  de 
force,  et  qui  prétendent  fonder  cette  opinion 
sur  l'autoiitéde  saint  Auguslm. 

Leur  s  stèiiie  se  réduit  principalement  aux 
points  suivants  :  1°  Que,  pour  l'aire  des  œu- 
vres méiiloires  el  utiles  au  salut,  les  créa- 
tures libres,  en  quelque  élal  qu'on  les  sup- 
pose, ont  besoin  du  secours  intérieur  el  sur- 
naturel de  la  grâce.  C'est  un  dogme  de  toi 
décidé  contre  les  pélagiens.  -i"  Que  dans  l'é- 
tat de  nature  innocente,  cette  grâce  n'a  pas 
été  efficace  par  elle  même  et  par  sa  nature.  , 

DiCT.    DE   TUÉOI.   DOGMATIolE.  I. 


comme  elle  l'est  à  présent,  mais  versatile, 
c'est  ce  qu'ils  appellent  ndjalnriuin  sine  quo. 

—  .'{"Que,  dans  ce  même  état  de  nature  inno- 
cente, il  n'y  a  point  eu  de  décrets  absolus, 
efficaces,  antécédents  au  consentement  prévu 
de  la  naiure,  par  conséquent,  nulle  prédes- 
lination  à  la  gloire  avant  la  prévision  des 
iiiériles,  nulle  réprobation  qui  ne  supposât 
la  prévision  des  démérites.  —  k"  Que,  dans 
l'état  de  nature  tombée  ou  corrompue  par 
le  péché,  la  grâce  efficace  par  elle-  même  est 
nécessaire  pour  toutes  les  actions  surnatu- 
relles; et  ils  appellent  celle  grâce  arfyMoriwm 
quo.  —  .')"  Ils  fondent  la  nécessité  de  cette 
grâce,  non  sur  la  subordination  et  la  dépen- 
dance dans  laquelle  la  créature  est  à  l'égard 
du  Créateur,  comme  le  veulent  les  thomis- 
tes, mais  sur  la  faiblesse  de  la  volonté  hu- 
maine considérée  après  la  chute  d'Adam.  — 
()"llsfont  consister  la  nature  de  celle  grâce 
elficace  dans  une  déleclalion  ou  suavité  vic- 
torieuse ,  uon  par  dearés  et  relativement 
comme  l'admeilenl  les  jansénistes,  mais  sim- 
plement et  absolument,  par  ia()ueile  Dieu 
incline  la  volonté  au  bien  ,  sans  toutefois 
blesser  sa  liberté.  Ils  disent,  aprè^  saisit  Au- 
gustin, que  Dieu  a  une  infiiiilé  de  moyens 
inconnus  et  inconcoables  à  l'iiomme  pour 
déterminer  absolument  sa  volonté  ;  Deus 
miris  inejj'ubilibusquc  modis  hominss  ad  se 
vocal  el  traliit.  L.  i,  ad  SimpUc.  —  7°  Outre 
la  grâce  efficace,  les  atgustiniens  en  admet- 
tent une  autre  qu'ils  numiiienl  suffisante, 
giâce  réelle  (jui  donne  à  la  volonté  assez  de 
force  pour  pouvoir,  soit  médialement  ,  soit 
iiniiiédiatement,  produire  des  œuvres  surna- 
turelles el  méritoires,  mais  qui  cependant 
n'a  jainas  son  effei  sans  le  secours  d'une 
grâce  efficace.  —  8"  Selon  ces  théologiens  , 
lorsque  Dieu  appelle  elficacemeiil  quelqu'un, 
et  veut  lui  faire  pratiquer  le  bien  ,  il  lui 
donne  une  grâce  efficace  qui  a  toujours  son 
effet;  aux  autres  il  accorde  seulement  une 
grâce  suffisante  pour  accomplir  ses  com- 
mandements, ou  au  moins  pour  demander 
el  obtenir  des  grâces  plus  fortes  qui  leur 
fassent  remplir  leurdevoir.  Il  est  un  peu  dif- 
û(ile  de  concevoir  en  quel  sens  esl  suffisante 
une  grâce  (jui  n'est  pas  par  sa  nature  adju- 
toriuin  quo  ;  encore  plus  d.fficile  de  compren- 
dre commeiilla  volonté  privéede  Vadjulorium 
quo  a  un  pouvoir  réel  de  faire  le  bien,  — 
'.)"  Ils  soutiennent  (jue.  quant  à  l'état  de  na- 
ture tombée,  il  faiil  admettre  des  décrets  ab- 
solus et  effiraCRS  par  eux-mêmes  pour  les 
œuvres  qui  sont  dans  l'ordre  surnaturel,  et 
que  la  prescience  de  ces  mêmes  œuvres  est 
fondée   sur  ces  décrets  absolus   et  efficaces. 

—  10°  Que  la  prédestination,  soit  à  la  grâce, 
soit  à  la  i;loire,  esl  absolument  graluilv^;  que 
la  réprobation  positive  se  fait  en  consé- 
quence de  la  prévisio.)  des  pèches  actuels  , 
et  la  réprobation  négative  à  cause  du  seul 
péché  originel.  —  Ajoutons  que,  dans  ce  sys- 
tème, le  salut  éternel  n'est  accordé  qu'à  uo 
très-petit  nombre  de  prédestinés,  qui  y  sout 
conduits  par  une  suite  de  grâces  efficaces. 

On  divise  les  augusiiniens  en  rigides  et  en 
relâchés.  Les  rigides  sont  ceux  qui  soutiea- 

li 


427 


AlIG 


AVG 


438 


nonl  tous  les  points  que  nous  venons  d'ex- 
poser ;  l.s  ;  (lâchés  sont  ceuv  qui  <lisiingnen{ 
dos  œuvres  surnalureiles  finiies,  et  des  cpu- 
vres  difficiles  ,  qui  n'exigent  une  grâce  efO- 
cnce  par  elle-même  qui"  pour  ces  dernières, 
et  soutiennent  que  p.mrles  iiutres,  ti-Ue  que 
1,1  prière  par  laiiuelie  on  obtient  des  secours 
plus  forls  et  plus  abondants,  la  lîrâce  suffi- 
sante a  souvent  son  effet  sans  autre  secours. 
C'éiail  le  sentiment  du  cardinal  Noris,  du  P. 
I  honiassin  ,  et  selon  M.  Habert ,  évêque  de 
Vabres,  celui  que  de  son  temps  l'on  suivait 
communément  en  Sorbonne.  Tonrnély  , 
Tract,  de  Grnt.,  pari,  ii,  q,  5,  §  2.  Nous  ne 
voyous  pas  pourquoi  une  grâce  suffisante  , 
avec  laquelle  on  fait  une  bonne  œuvre  facile, 
n'est  pas  appelée  pour  lors  une  grâce  effi- 
cace, ou  adjitlorium  quo. 

Bornonsnuus  àremarquerqu'à  la  réserve 
du  premier  point,  décidé  par  l'Eglise  contre 
les  pélagiens  et  les  semi-pélagiens  ,  tout  le 
reste  est  pure  opinÎDn.  Eu  lisant  saint  Au- 
gu'^tin  avec  toute  l'attention  dont  nous  soui- 
mcs  capables,  nous  avons  vu  qu'il  appell' 
adjutorium  quo  le  don  de  la  persévérance  fi- 
nale qui  renferme  la  mort  eu  étal  de  grâce  ; 
mais  nous  n'avons  trouvé  nulle  part  que 
saint  Augustin  donne  ce  nom  à  la  gràoe  ac- 
tuelle, nécessaire  pour  toute  bonne  œuvre 
surnaturelle  et  méritoire.  C'est  cependant 
sur  cette  supposition  fausse  que  porte  tout 
le  système  qu'on  lui  prête.  La  distinction 
entre  adjutorium  sine  quo  et  adjutorium  quo, 
ne  se  trouve  que  dans  le  livre  de  Corrrpl.  et 
Grnt.,  c.  XI,  n.  3'*  ;  et  il  est  question  là  de 
la  persévérance  finale,  et  non  daurune  au- 
tre grâie.— Mais  un  inconvénient  qui  mérite 
la  plus  grande  attention,  c'est  qu'on  ne  peut 
pas  concilier  li  plupart  des  pièces  de  ce  sys- 
tème, surtout  la  réprobation  négative  du  très, 
grand  nombre  des  hommes  à  ca.ise  du  péché 
originel,  avec  la  volonté  de  Dieu  de  s;iuver 
tous  les  hommes,  clairement  énonc(edans 
l'Ecriture  sainte,  et  avec  la  réiemption  de 
tous  les  hommes  par  Jésus-Christ  :  deux  vé- 
rités que  saint  Augo-tin  a  soutenues  de  tou- 
tes ses  forces,  aussi  bien  que  les  autres  Pè- 
res. —  Pour  être  sûr  iiuo  l'on  suit  ses  véri- 
tables sentiments,  ce  n'est  pas  assez  de  re- 
chercher ee  qu'il  a  écrit  dans  ses  livres  con- 
tre les  pélagiens  ;  il  faut  encore  concilier  ce 
qu'il  y  a  dit  avec  ce  (|u'il  a  ensi'ig;ié  dans  ses 
commentaires  sur  l'Ecriture  sainte  et  dans 
ses  sertnons,  pourcxciter  les  fidèles  à  ta  con- 
fiance en  Dieu,  à  la  reconnaissance  envers 
Jésus-Christ,  à  une  ferme  espérance  du  salut 
éternel.  Si  un  système  Ihénlogique  n'est  pas 
oiile  pour  animer  la  foi,  pour  alïerinir  l'es- 
pérance, exciter  l'amoir  de  Dieu,  pour  cal- 
mer les  craintes  et  angni'  n  er  le  i  ourage  des 
àm<'S  trop  timules,  de  quoi  sert-il? 

Il  y  a  néanmoins  une  ilistiuciion  essentielle 
à  melire  entre  les  (lugustiniens  catholiques, 
dont  nous  venons  de  parler,  dont  le  sysième 
ne  renferme  rien  de  coiitr.iire  à  la  foi,  et  les 
/Vmr  rtiignis/ifiie/is. Ces  derniers  sont  ceux  qui 
snuliennenl  les  opinions  (jue  Haïiis,  Jansé- 
nius,  (Juesnel  cl  d'aulres  ont  osé  attribuer  à 
saint  Augustin  :  opinions  (]ue  le  saint  doc- 


teur n'eut  jamais,  et  dont  il  aurait  eu  hor- 
reur si  on  les  lui  avait  proposées.  Au  niol 
Jansénisme,  nous  ferons  voir  qu'il  a  profe-sé 
formellement  les  vérités  diam 'tialement  op- 
posées aux  erreurs  que  Janséuius  a  préiendu 
tirer  de  ses  écrits. 

Alsustiniens  ,  hérétiques  du  «vi«  siècle, 
disciples  d'un  sacramentaire  appelé  Augus- 
tin, qui  soutenait  que  le  ci'i'l  ne  serait  ouvert 
à  personne  avant  le  jour  du  jugement  der- 
nier. C'est  l'erreur  des  («recs,  qui  fui  con- 
damnée dans  les  conciles  de 'Lyon  et  de  Flo- 
rence, et  à  laquelle  ils  firent  profession  de 
renoncer,  lorsqu'ils  feignirent  de  se  réunir 
à  ri''glise  romaine, 

AUGUSTINS,  religieux  qui  reconnaiss«vnl 
saint  Augustin  pour  leur  maître  et  leur  ins- 
tituteur, et  qui  professent  une  règle  qui  lui 
est  attri!>uée. 

L'ordre  des  Auqitttins  (n)  est  tin  des  plus  anciens 
qui  se  snienl  établis  d;nis  \.>  pariie  o  cidenliile  (!<•  la 
cliréiieiilé.  il  a  coinuieiicé  eii  Aliiqiie  l'^n  5S8. 
Après  ipic  saint  Augustin  eut  recule  b,iptènie,  il 
renonça  à  luuti  s  les  priHe  'lions  qu'il  pouvait  avoir 
sur  la  terre  :  fenune,  enfants,  dignités,  rieh  ssfs, 
tout  fut  unblié  pour  se  consacrer  eniièrenienl  à  la 
perfeclion  évan;.'éliipie.  H  vendit  tout  ce  qu'il  avait 
pour  le  soulaî^enieni  des  pauvres,  et  ne  se  réserva 
que  ce  qui  éiaii  absolunieiil  nécessaire  à  la  vie.  Il 
eul  des  compagnons  qui  s'iuiirent  à  lui  dans  le  même 
dessein,  el  il  ne  fui  que-iion  que  de  trouver  nu  lieu 
propre  à  l'exéculer.  Il  restait  encore  asainl  Augu-tin 
des  terres  auprès  de  Tatfasle  en  Afrique,  Qt  cet  en- 
droit leur  parut  le  plus  l;ivorable  pour  y  vivre  retués 
du  monde  ;  ils  s'y  exereèrent  pendant  irois  ans  aux 
jeûnes,  à  la  prière,  aux  bonnes  œuvres,  iruilanl  W  plus 
qu'il  était  possible  la  vie  des  solitaires  de  l'I-gyple. 

Saint  Augusiin  ,  peu  de  temps  après  lut  tan  évé- 
qu  '  (l'Ilippune  :  il  laissa  ses  ciuupagnous  pour  aller 
vaquer  aux  devoirs  de  l'cpiscopat.  Il  établit  dans 
celle  ville  un  niouaslère,  el  y  appela  des  cleics  pour 
l'ailler  dans  ses  travaux  aiiostoliques.  Ses  C(un- 
pignnns  faisaient  de  plus  eu  plus,  de  leur  côté,  des 
progrès  dans  le  nouveau  genre  de  vie  qu'ils  :i.vaient 
euibia^^é.  Toui  le  monde  s'eslimait  heureux  d'avoir 
de  ces  pauvres  voloniaires  qui  avaient  tout  (|uitié 
pour  praliipier  la  vie  coiiinnine.  On  leur  donnait  des 
terres,  des  jarduis;  oii  leur  bà.issail  des  églises, 
des  monastères  ;  en  un  mut  ,  on  n'avaii  d'autre 
ardeui'  que  celle  de  multiplier  leurs  éiablissemeuis. 
Ils  éiaienl  déjà  en  grand  nunilue  dans  le  v  siècle, 
lorsipie  ,les  Vandales  enlrèrenl  en  Afrique  et  la 
dèsolcrchi  Toutes  les  égli>es  ,  tous  les  monasières 
furent  pillés,  sa' cages  :  la  piuséculion  fut  si  vio- 
lente, que  les  é^èiucs,  les  clercs  el  les  religieux 
furriiii  obliges  de  qiiilier  le  pays,  el  de  se  reliiijier 
épars  dans  d'ITéreiiis  endroits  d.'  IKurope  :  et  cVsl 
San-  doute  celle  révolniiOo  tpii  porte  à  cioire  ipie  les 
religieux  qui  oui  pris  .a  ipialilc  il'i'rmilcJ  de  Saint' 
Attuitiii  tirent  leur  oriuiiie  diS  ;ini  ions  moines  éla- 
blis  par  ce  préUt  eu  .\friipie. 

ytiaol  ù  la  règle  'pie  snivaiiMil  les  premiers  disci- 
ples de  ce  sailli  insiilutein-,  il  y  a  beaucoup  d'appa- 
rence, comme  le  fait  observer  le  I'.  Ilélyol,  qu'il» 
n'eu  avaient  point  d'auiri;  ipie  celle  de  l'tvangile, 
puisque  répitre  I0".(  de  saiiil  Augustin  est  la  211" 
dans  l'édition  doiince  p:ir  les  Ul(.  Pt>.  Bénédictins, 
qui  seit  piésenleinenl  de  légle  aux  personnes  de 
liin  cl  l'autre  sexe  des  dillérenles  coiigrégalions 
qui  se  glonlienl  d'avoir  pour  l'ère  ce  saint  ilmieiir, 
n'a  éie  adressée  que  l'au  4:;3  aux  rel  gienses  qu'il 
avait  établies  .à  Hipponc  ,  mais  de  savoir  quand 
elle  a  élé  accommodée  à  l'usage  des  hommes,  dan» 

(n)  t>l  arlicle  et  le  suivant  sont  reproduits  d'après  le- 
dit Iod  de  Liège. 


J20 


AUG 


AUG 


430 


Hiii-I  pavs,  et  par  qui  fie  cliangeinpnt  a  été  fait,  c'est 
cicui-,.  une  ililliciillé  (pitî  Ifs  s;ivaiils  ii'o;it  pu  réson- 
d If  j  11- qu'à  pré-eni.  —  CtMiij'ily  a  ileceriain,  c'esl  ipie 
lesiTiii.les  (II-  Sainî-Aii^'iis  in  se  iroiiv.ii.'iii  prodigieil- 
SPiiioiii  iiinliipliés  fil  Ei^riipe  dans  le  xiiT  s  ècle  ;  ils 
formuienl  iiiirérente'i  (■oii;^iéi{:ili"n'i,  dmil  les  plus 
cciiiiiii'S  éiaii'iit  cellc'S  des  Jean  lioiiites,  q'ii  avaient 
pour  foudaliMir  Jean  le  Bon,  vi  celle  des  llritimiens, 
qui  avaient  coiiinicncé  à  Uriitiiii  dans  la  Marclie 
d'Aiicône.  La  plniail  de  ces  C"iigii'g  liions  n'avan'iit 
rien  de  commun  eulre  elles,  nr  pour  la  règle,  ni  pour 
le  rég  ine.  Il  y  eu  ava.i  inêuie  c|u»-lques  nues  qui 
n'avaient  aucune  rè-:lo  (ixe  :  ce  qni  occasii'nnail 
souvent  dis  codtesatldiis  entre  les  différeiils  uicin- 
l)res(|iii  lescon.posaicnl.  CefuI  piur  ohnerà  tous  ces 
iniouvéïiients,  qu'Alexandre  IV  se  délermina  à  les 
unir  ensemble,  pinir  ne  plus  furnier  qu'irn  seul  et 
même  corp*.  Il  iravailla  à  celle  union  dès  la  pre- 
nuére  année  de  ^ou  ponidical,  c'est-à-dire  l'an  liSl. 
Il  C'iniinii  à  cet  effet  Uiclurd,  cardinal  du  inre  de 
Sainl-Aiige  ,  qui  était  déjà  proiecieur  des  Ermites 
de  T.'se  ne.  Ce  cardinal  éerivii  à  tous  les  supérieuis 
des  diirércnles  coiigi égalions  de  venir  le  trouver  :  ce 
qui  ne  se  lit  pas  sans  (lilllcullé;  car  on  ne  put  les 
rasseinlilcr  qnVn  1-251),  dans  le  couvent  de  Siiiite- 
Marie-dn-PeUi  le.  — Leur  preniicie  opérât  ou  lut  de 
nouimer  nu  général  qni  gouvernât  seul  louies  les 
congrégations  i|ui  exis  aient  :dors,  pour  ne  plus 
foruier  à  l'avenir  (pi'uii  nièiiie  ordre,  et  leur  clioix 
lonibi  sur  LaniVant  Septala,  Milanais  d'orii;iiie,  et  de 
la  cungrégaiiiin  des  Jean-lioniles.  Eiisuile,  dans  la 
même  asjcinlilée ,  ou  divi-a  l'nrdre  eu  quatre  pro- 
vinces, qui  furent  celles  de  France,  d'Allemagne, 
d'Espagne  et  d'Iialie;  et,  pour  cei  ellet,  ou  nonun.i 
qualie  provinciaux.  Le  linit  fut  cunlirmé  par  le 
liicme  pape,  suivant  une  Imi!Ic  du  15  avril  de  la 
même  année;  et,  par  nnc  Inille  de  l'année  siiivanle, 
il  exempta  l'ordre  de  la  juridiction  des  ordinaires.  Il 
créa  en  même  le:nps  p  ur  protecteur  de  cet  ordre  le 
cardinal  Kicliard  ,  qui  avait  pié  idé  an  chapitre  gé- 
néral, et  qui  avait  le  pins  travaille  à  celle  noiuelle 
union.  Il  lui  diinna  de  plus  le  p"iivoli'  de  légler  lou- 
les  choses  dans  cei  ornre  nais-ant,  et  d'y  l'aire  tous 
■les  cliaiigeinents  qu'il  eroiiail  convenables  loiir  y 
maimcnii  la  tr mquiiliié  et  l'observance  régulière. 

^Olls  pouvons  reniai  quel  ici  (|u'avant  cetie  i  éunion 
il  yavait  eu  liea  icnup  d'allercalioiu  entre  le^  Ermiles 
de  Saiiii-Augnstin  et  les  religieux  qn'nn  appelle 
t'rèies  Miiie:.n,  au  sujet  de  la  couleur  de  leur  habit  : 
les  uns  et  les  autres  voulaient  le  poriei'  gris,  et  les 
Frères  Mineurs  soiiienaient  que  cette  cou,eur  n'ap- 
partenait qu'à  eux,  à  l'exeiii-idii  des  Ermites.  Gré- 
goiie  iX,  pour  faire  cesser  ces  d'spuies,  régla  que  les 
Ermites  poileiaieiit  im  liai  it  noir  o  i  blaiie,  avec  des 
nianciies  larges  ei  longnes  in  Inruie  de  coule,  et  une 
Ceinture  de  cuir  pu -iie>siis,  assi  z  Inngiie  poui  être 
vue;  qu'ils  auraient  loujuiir»  à  la  luai.i  des  bâtons 
hauts  de  eiiiq  pannes,  laiis  eu  lunne  de  héqiiiln  s  ; 
qu'ils  diraient  de  quel  oïdie  lU  éiaieiii  eu  deman- 
dant raumôiie  ;  enlin  que  leur  r  ibe  ne  serait  pas  de 
longueur  à  empêcher  de  voir  leurs  souliers,  et  cela 
pour  qu  ou  pût  mieux  les  di>tingiier  des  Eièies 
jliiieurs  ipii  étaient  Céehaussés.  L'obligation  de 
porter  liauitneliement  une  g  ande  béquille  avait  paru 
aux  .'liigiisiiH'.  une  chose  aiis^i  ïéuame  que  ridicule  : 
ils  pioliièrenl  des  bnniirs  dispo^iiions  où  élail  pour 
eux  le  pape  .\lexaiidie  IV,  ei  ils  dem.iniiéreui,  lois 
de  leur  léiiniuu,  d'être  affra.icbis  de  cette  espèce 
de  servitude  :  ce  qui  lenr  fut  oelroyé. 

Ce  ne  lut  que  l'an  1"2^7,  sons  le  généralat  de  Clé- 
ment d'Auxiiiias ,  qu'on  examina  les  pre:oièrcs 
constitutions  de  l'oidre,  et  qu'elles  furent  appi on- 
dées dan=  le  cliapilie  gênerai  tenu  à  Finrence.  tldes 
furent  derechef  ex  inimées  et  aiipiouvées,  en  H'JO, 
dans  le  chapitre  général  lenu  à  Hatisboiine.  On  y  lit 
encore  quelques  ch.ingeinenis  dans  un  chapitre  tenu 
à  Konie  en  tô75;  eiiliii,  en  15i>0,  il  y  eut  de  nou- 


velle» constitutions  dressées  par  le  cardinal  Savelll, 
proiecieur  de  l'ordre,  et  par  le  ;;énéral  Tliadée  de 
l'éroiise.  Ces  nouvelles  rcn.,iituiiiiiis  lurent  ensuite 
approuvées  parCrégone  Mil,  apiê<  qu'elles  eurent 
élé  examinées,  selon  ses  ordres,  par  les  cardinaux 
Alciat  et  Jiislinien. — C'e-I  eu  vertu  de  ces  dernières 
constitutions  que  les  cliajiiires  généraux  dcdvent 
se  ten  r  loiis  les  six  ans,  si  les  votanx  le  jngeiit 
nécessaire.  Q  i  ind  ces  cli  ipilres  se  lienmnt,  ou  peut 
obliger  le  général  à  re  nellie  les  sceaux  de  l'ordre; 
et  l'est  alors  qu'on  est  en  dnli  d'élire  un  niinv.au 
général.  Dans  celui  iiii  lut  tenu  à  itouie  eu  IC2I), 
ou  conipla  cinq  cents  vocaux  :  i  e  nui  prouve  ipie  les 
4ugMs(i/s  s'étaient  fort  niultiidiés.  Cet  ordre  est  pré- 
senlemeiil  divisé  en  quarante-. leux  provinces  ,  sans 
parler  de  la  yieairie  des  Indes,  de  celle  de  Moravie,  et 
de  plusieurs  nouvelles  lOiiLjrégitions,  q  d  oni  des  vi- 
caires généraux.  Quel, pi.  s  au  euis  dis;'ut  qu'il  y  a  eu 
aiiirefiiis  jusqu'à  deux  mille  uiimasiéres  de  ce  uiêuie 
ordre ,  ipii  renlermaieni  plus  de  trenle  mille  n  ligienx. 

Entre  ailles  pérogaiivos  a  cnr  ées  par  les  s  .u^e- 
rains  pontilês  à  i'orilie  donl  il  s'agit,  on  lemaïqne 
Celle  d'aviiir  ^itaclié  l'otliee  de  saerisiain  de  la 
cliipelle  du  pape  à  un  iiieiiibre  de  cei  ordre:  cet 
olliei  r  prend  le  titre  de  préfi  t  de  la  ta.rhtie  dit 
papi^ ;  il  a  en  sa  garde  lois  les  ornements,  les  vases 
d'or  el  d'argiuit,  les  reliquaires,  el  toiii  ce  qu'il  y  a 
de  piéeieux  dans  celle  sacrisiie.  Quand  le  pape  dit  la 
messe,  soit  ponlKicalenu  nt,  soit  en  ;  ar:iciiiier,  c'est 
ce  même  idlicier  qni  fait,  eu  sa  piésenee,  l'e^-ai  du 
pain  et  du  vin.  Si  le  pape  entreprend  un  long  voyag-e, 
deux  estalieis,  l'un  domestique  de  Sa  Sai.ilcié,  et 
l'autre,  d  nueslique  du  sacristain,  lieiiiient  la  mule 
par  la  bride.  Le  sacristain  exerce  alors  une  espèce 
de  juridiction  sur  tous  ceux  qui  acciniipagneni  le 
pape;  et  pour  marque  de  sa  juridiction,  il  pore  un 
bàion  à  la  main.  Ce  même  ollicier  distribue  aux 
cardinaux  les  messes  qu'ils  doivent  célébrer  solen- 
nelle.nent;  mais  il  didi  auparavant  l.iire  voir  au 
premier  cardinal-prôlre  la  di-  ribiiilon  qu'il  eu  fait: 
il  distribue  au-si  aux  piélats  assistants  les  messes 
qu'ils  doivent  célébier  dans  la  chapelle  du  paie.  Si 
le  sacristam  est  évéqiie  (  car  pour  l'oriiiiiaiie  ou  lui 
donne  du  moins  Uu  êvêclié  »i  ;)  iriifcus  ),  ou  s'il  est 
consiuué  en  dignilé,  il  lient  rai  g  dans  la  '  liapelle 
pa  on  les  prélas  assistants,  lorsque  le  pape  s'y 
trouve;  et  si  le  pape  ny  est  pa^,  il  a  séance  parmi 
les  prélats,  selon  sou  ancienneté,  sans  avoir  é,;ard  à 
sa  qualité  de  piélat  assistant.  S'il  n'est  pas  évêque, 
il  prend  son  rang  après  le  dernier  évêqne  ou  après 
le  dernier  abbé  milré;  et,  qu<  iv|u'il  ne  sidi  pis  evé- 
que,  il  ne  laisse  pas  de  porier  le  mantelet  et  la 
mosetle  à  la  nianiére  ibs  prél.iis  de  Koiiie.  Après  la 
mort  du  pape,  il  entre  dans  leconcl.ive  eu  qualité  île 
premier  conclavisle  ;  il  y  dit  lous  les  jnurs  la  uiesse 
en  présence  des  carJui  oix  :  c'est  lui  ipii  leur  admi- 
nistie  les  sacrements,  ainsi  qu'aux  cou  lavistes.  La 
sacristain  était  autreiuis  en  iiièiiie  temps  nibliothé- 
caire  du  Vatican,  et  ceci  a  duré  jn-qii'au  pontilicat 
de  Sixte  IV,  qui  sépara  ces  deux  oflices,  pour  don- 
ner celui  de  bildioiliécdre  à  Platine,  auteur  de  la  Vie 
des  Papes,  el  de  plusieurs  autres  uuvr.  ges. 

L'ordre  des  AïKju^tim  fui  mis  au  no.nbre  des  qua- 
tre ordres  mendiants  par  le  |iape  l'ie  V,  eu  l.)07, 
du  moins  il  voulut  qu'ils  l'ussenl  léputés  mindants, 
quoiqu'ils  posséda-sent  d<'s  rentes  et  des  fonds.  Cet 
ordre  a  produit  nu  grand  nombre  de  peronnages 
recmniiiindaiiles,  ou  par-  leur  s.iiiiteié,  mi  par  leur 
ériiiiitioii.  Parmi  ceux  qui  se  sont  illus'rés  par  leurs 
vertus,  on  remarque  saint  Thomas  de  Villeneuve, 
arelievêqiic  de  Valence,  saint  Nicolas  de  rolentin  , 
saint  Jean  Facond,  etc.  Un  conipie  parmi  les  sa- 
vants, Oiiuplire  Pavini  de  Vérone,  auteur  de  plu- 
sieurs ouvrages  concernant  les  antiquités  de  l'Eglise, 
Christian  Lupus,  natif  d'Ipres,  etc.  Mais  un  do  ceux 
qui  a  fait  le  plus  d'iionucur  à  l'ordre  est'le  cardinal 
Henri  Noris ,  originaire   de  Vérone  :  les  querelles 


43t 


AUG 


AUG 


432 


qu'il  cssiiya  pour  soii  Uislohe  Pétayieitne  en  oui  fait 
un  lies  hommes  les  plus  cé'èlires  de  l'i'flie-  Li;s 
autres  cardinaux  nue  cet  orilre  a  donnés  à  l'Iigl  se 
sont  le  P.  Boiiaventure,  le  l'.  Gilles,  le  P.  Seripan, 
le  P.  Peiroi  liin,  etc. 

L'habillement  de  ces  religieux  consiste  en  une 
rolie  et  un  scapulaire  blancs,  quand  ils  sont  dans  la 
maison;  et,  lorsqu'ils  sont  au  chœur  ou  qu'ils  doi- 
vent sonir,  ils  passent  une  espèce  de  coule  ii"ire, 
et  par  dessus  un  grand  capuce  qui  se  termine  en 
rond  par  devant,  et  en  pointe  par-derrière  jusqu'à  la 
ceinture,  laquelle  est  de  cuir  noir. 

Les  Augus'ins  avaient  deux  grands  couvenis,  qui 
étaient  soumis  imiiiédiatcmenl  au  général  de  l'ordre 
l'un  à  Rome,  cl  l'autre  à  Paris.  Le  couvent  de  Paris, 
appelé  des  Grands-Auguslins,  servait  de  collège  à 
louies  les  provinces  de  l'ordre  en  France,  ([ui  y 
învoyaieni  étndieL^eux  de  leurs  religieux  qui  vou- 
laient parvenir  au  doctorat  ;  ils  étaient  admis  aux 
éludes  de  l'Universilé,  aussi  bien  que  les  trois 
autres  ordres  mendiants,  qui  étaient  les  Francis- 
cains, les  Cannes  et  les  Jacobins. 

Le  couvent  de  Paris  ayant  eu  besoin  de  rélorme, 
le  P.  Paul  Luihini,  général  de  l'ordre,  y  fit  la  \isiie 
en  165;>,  et  comme  général,  et  comme  commissaire 
apostolique,  en  vertu  d'un  bref  du  pape  Alexan- 
dre Vil.  Ce  général  y  lit  plusieurs  règlements  pour 
l'observance  régulière,  et  ces  règlemenis  Inri-nt 
approuvés  dan^  le  chapitre  général  qui  se  tint  à 
home,  l'an  Itibl. 

Ouire  ces  deux  couvenis  de  Rome  et  de  Paris,  il 
y  en  avait  encore  environ  trente-six  auires  inimè- 
diatemeiil  soums  au  général.  Le  supérn^nr  de  celui 
de  Brnnen,  en  Moravie,  était  perpétuel  :  il  se  ssrvait 
d'ornements  pontilicaux  ;  il  exerçait  i.ne  jiiriuiciion 
presque  épisc  pale  en  plusieurs  lieux  (ff). 

ADGO^Tl.Ns  RÉFORMÉS.  Le  relàcliemeut  qui  s'in- 
troduit part -ut ,  n'avait  pas  épargné  l'ordre  des 
Auguitini,  lorsque  plusieurs  de  ces  religieux  songè- 
rent, dans  le  xiv'  siècle,  à  se  reformer,  c'esl-à-iliie 
à  embrasser  im  genre  de  vie  plus  régulier  qne  celui 
qu'ils  obseï valent.  Le  premier  mona>iere  où  la  ré- 
forme commençi,  en  1385,  lut  celui  d'IUiceto,  eu 
Italie;  ceux  qui  s'assotiérenl  à  celte  réforme,  com- 
pnsèrenl  la  première  congrégation  réiorniée,  qu'on 
nomma  lïllliceto.  —  L'exemple  de  celle  léiorme 
doniii  naissance  à  nombre  d'.iulres  congrégations 
louies  diUëremes  les  unes  des  autres  :  on  vit  éclore 
la  congrégation  de  Carbonnières  dans  la  ville  de  >a- 
ples;  celle  de  Pérouse  à  Rome;  cellr  de  Loinbariiie, 
d'où  dépi^nd  le  mouaslére  de  iSolre-Dmie  de  lirou, 
proche  de  fiourg- en-Bresse;  cille  de  Gènes,  celle  de 
Monie-Orlono,  celle  de  la  l'oniUe,  ce:le  de  Saxe,  qui 
a  produit  le  faincui  liciésiari|ne  Luther  ;  celle  de  la 
t;iaustra  en  Espagne,  C' lie  de  la  C  ilabre,  ceile  de 
Cenlorbi  en  Si.  ile,  celle  des  C  loi  Iles  dans  le  i  oyau- 
ine  de  Naples,  celle  de  Dalin.iiie,  etc.  — Les  deux 
congrégations  réfuinié'S  qu'il  y  a  en  France,  sont 
relie  de  saint  Gni'luume  >le  ISoiiiges,  el  celle  >lii 
biiMibennux  Tlinmas  île  Jésus,  diie  des  .liiiyiisli/is 
déi  haussés.  —  La  congiégalion  des  Aiiijusliiis  de  saint 
Guiil  niiiie  de  liouiges,  (|u'on  nomiiie  .lutiement  les 
Guitltlmites,  n'entra  point  dans  l'union  géiiéra'e  des 
Efiii  les  de  Saiut-Aiig  isiin;  M>it  qu:'  les  dcpulés 
qu'ils  avaji'iit  envoyés  au  chapitre  général,  tenu  pour 
la  léunion  $ou>  Alexandre  IV,  eu-senl  excédé  leur 
pouvoir  ou  aiiiremenl,  ils  s'étaient  uppo.>és  à  l'uniini, 
et  avaient  demandé  à  demeuier  d  .us  leur  même 
état,  sous  l'institut  de  saint  Gmllauine  :  eu  qui  leur 
av.iit  éié  accordé;  c'e>t  pourquoi  cette  congrégation 
forma  dans  la  suite  elle  ^cuïe,  une  des  quarante-deux 
provinces  de  l'ordre  des  Aiiijusltns  :  cependant  on  ne 
laisse  pas  de  la  mettre  au  nombre  des  congrcgaiions 

(û)  C'était  l'état  de  ces  rfligieiix  .nvaiit  la  llévolution. 
Vofi.  le  Dlcl.  des  Ordres  monastiques  du  P.  Héljot  [édil 
Migne],  pour  leur  élat  acluel. 


réfor..ées  de  l'ordre  de  Saint-Augustin.  En  effet,  la 
rétorme  fut  intrndiiile  dans  r.tie  province  en  1S'J5, 
par  le  zèle  des  PP.  Liienne  Raiiache  et  Roger  Girad; 
ces  religieux,  consiilérant  le  peu  d.'  proportion  qu'il 
y  avait  entre  rancienne  obser\ance  et  celle  (|ui  se 
pratiquait  pour  lors  en  France  dans  les  dilTérenls 
couvent-,  de  l'ordre,  résolurent  de  vivre  conformé- 
ment aux  anciennes  cinisliîuii'ins.  qu'ils  se  proposè- 
rent d'oliserver  à  la  lettre  sous  l'ohéissance  du  pro- 
vincial de  la  province  de  France,  ih  eurent  d'abord 
quelques  compagnons  qui  se  joignirent  à  eux  ;  le 
couvt-nt  de  Boiir;;es  lui  le  pieinier  où  ils  menèrent 
celle  nouvelle  vie  :  et  c'est  de  là  que  celte  con.;ié- 
gaiion  lut  appelée  la  Conimuiiauié  de  Bvurqes.  Ils  éri- 
gèrent ensuiie  de  nouveaux  monastères,  auxquels  se 
réunirent  quelques  autres  monastères  amieus;  de 
sorie  qu'en  peu  de  temps  il  y  en  eut  jusqu'à  vingt 
qui  lurent  gouvernés  dans  la  suite  par  un  provincial 
particulier.  Celte  province  a  pris,  depuis  nombre 
d'années,  le  nmn  de  jirovinee  de  Saint  Guiltaunie  :  on 
les  appelle  à  Paris  les  Peiils-Auçiustins  ou  les  Auyus- 
tins  de  la  Heine  Maïquetite,  (larce  que  leur  c.uient 
y  a  été  fondé  par  AJargueiiie  de  Valois,  première 
léinnie  de  Henri  IV,  avant  qu'il  fût  roi  de  France. 
Leur  liabillenieiit  est  à  peu  piès  seinhiable  à  celui 
des  Auyustins  de  rancienne  ob-ervance,  qu'on  n mime 
en  France  les  Grands- Aiii/usiins;  tome  la  dilléreiice 
qu'il  peut  y  avoir,  c'isi  que  <  eux  de  la  rélurnie  de 
Bomges  portent  leurs  habits  plu>  étroits;  et  alin  que 
leurs  frères  quêli  urs  à  Paris  soient  distingués  de 
ceux  du  couvent  dis  Grands-Auf/usIins,  ils  porlent 
la  robe  p  us  courte  ipic  ceux-ci. 

La  rélorme  des  Auytislins  déchaussés  esl  ainsi  ap- 
pelée parce  que  ceux  qui  font  embraysée  oui  ajouté 
la  nudité  des  pieds  à  nombre  il'aiilres  mortilicaiions. 
Le  P.  Thoinas  de  .lésus  en  jeta  les  premiers  foiide.- 
nieiits,  ei  le  P.  Louis  de  Léon  la  Conlinna,  en  i588, 
dans  le  monastère  de  Talavera,  en  Castille  :  cel;e 
rélorme  lit  biaucoup  de  progrés;  elle  lut  portée  en 
Italie  ,  dan-.  l'Alh  m  igiie  ,  dans  l'Autriche  ,  dans  la 
B  liême,  dans  la  Sicile  et  dans  d'autres  pays  :  voici 
connue  elle  fut  introduite  en  France.  Malhieii  de 
Siiule-Fraiiçoive,  prieur  des  AïKjusiins  de  l'ancienne 
observance  à  Verdun,  voyant  qu'il  tiavaillerait  iuu- 
lilemeiil  à  la  réfoime  de  son  mon asière,  lui  en  Italie 
avec  le  P.  François  Amel  ;  ils  eiiirèreiil  à  Home 
dans  la  maison  des  Augnsttns  déchaussés  de  Saint- 
Paul  de  la  règle;  ils  fuient  reçus  parmi  ces  rélormés 
avec  le  ronsenleiiienl  du  général.  Apiés  leur  année 
de  noviciat,  ils  tuent  piulessi  n  de  la  règle  adopiée 
par  la  rélorme;  ell^ult^•  le  pape  Clément  Mil  les 
nomma  pour  la  p  rter  en  France,  et  créa  Mathieu  de 
Sainte  Frall(,■oi^e  vicaire  général  de  la  cungiégalioii 
qu'il  allait  établir. 

L'archevè  iue  d'E^inbrun  ,  Gnillannie  d'Avcnçon  , 
prieur  rommeiidaia  le  de  Sainl-.Mariin  de  .Miseié, 
dans  la  province  de  Daiipliiné,  se  trouvant  alors  à 
Rome ,  ei  voulant  léiablir  l'oOservance  réguler.; 
dans  le  prieuré  de  Villars-lieiioii,  dépendant  de  c<  lui 
de  MIm  ré,  lequel  aval  été  ruiné  |iar  les  héréiii|iies, 
olilitil  du  même  pape  un  bref,  l'an  I5'J5,  par  ieijuel 
il  lui  permis  d'introduire,  ilaiS  ce  monas.ère,  les  re- 
ligieux déchaussés  de  l'oiilrc  de  Sai.il-Augusiiii ,  et 
à  ceux-ci  de  s'y  étab.ir,  et  même  iie  continuer,  en 
France,  la  réfoime  qui  av.iii  clé  coinmei  céu  en  Es- 
pagne. —  Pour  rcxéciili  n  de  ce  Inef,  l'arclievéqne 
d'Eiiibriin  put  des  airaiii;emeiils  avec  les  supérieurs 
et  les  i'elii<ieux,  et  l'acte  fut  pas^é  à  Ruine  le  7  mars 
15'JU.  Le  P.  .\ialliieu  de  Sainte-Franç.Mse ,  le  P. 
Amel  el  un  Irére  lai  reçurent  leur  obédience  du  gé- 
néral pour  Vriiir  en  France;  ils  suivireni  l'aiThevé- 
que,  et  à  leur  arrivée  iU  prirent  possession  du 
|ir,eiiré  de  Villais-Benoit, 

Le  nombre  de  ces  nouveaux  religieux  ayant  be.iu- 
cuiip  au;^nionlé  en  peu  de  temps  ,  ils  obtinrent ,  eu 
l(iOl),  periiiission  des  supérieurs  de  l'ordre  pour  de 
nouveaux  éiabiinseiiieuls;  le  pape  Cléuienl  VIII  y 


435 


Al)G 


tloiiiia  son  Dtiache  par  iin  lirel'  île  la  même  année;  et, 
par  lin  aiiire  bref  «lu  26  juin  1007,  il  recnmmanda 
(is  niêrues  religieux  au  roi  Henri  IV.  —  L'année 
auivaiiie,  le  1'.  Aniel  lïil  envoyé  à  Marseille  pour 
premlre  possession  d'un  inonasière  (lu'oii  leur  avait 
accordé  dans  celle  ville  ;  ils  s'élalilirenl  à  Avignon 
l'an  IblO.  Deux  ans  après ,  Ir'  général  leur  accorda 
un  vicaire.  La  même  amé-' ,  Paul  V  ccnlirriia  ,  par 
un  bref  du  4  décembre,  celui  de  Clémenl  VIII,  en  la- 
veur des  AKgusliiDi  i!échaussés  de  France.  Le  pre- 
riiier  cliapilre  de  celle  nouvelle  congié^aiion  se  lint 
à  Avignon  :  Louis  XIII  cimliniia  les  leitres  patentes 
que  Henri  IV  avait  données  (liiur  l'élab  issemeni  de 
ces  religieux,  et  leur  permit  de  posséder  des  biens 
immeubles  :  ces  bn'fs  ei  ces  lellres  patellle^  fui  uni 
eiirevis^résau  parlement  d'Aix  en  1(JI9.  — C'est  eu- 
fore  Lo»is  XIII  qui  fut  le  londaleur  du  i  onveiit  de 
Paris,  S'US  le  n"in  de  ISolre-Daïue  des  Victoires,  en 
mémoire  de  la  prise  de  la  UoclieUe  sur  les  calvinistes. 
La  reine  An.e  d'Aiitricbe  él:ibM  de>  religieux  de 
celle  C"iigréi;iaToii  au  lien  ;ippelé  les  Luges,  dans  la 
fmét  de  Siiil-Geriii;iin;  elle  se  déclara  aus-i  loiida- 
Irice  de  leur  m<m:islèie  de  Tariscoii.  —  Liiui>  XIV, 
en  lus,  leur  acrord:!  de^  letlies  pour  leur  procuier 
un  élabli-ssement  à  IJonie  de  religieux  franc  ds  :  nids 
elles  n'eiirenl  aucun  etlel  ;  cependant  ce  pnuce,  ne 
vuubiiii  pas  i|ue  l'einie  qu'il  avait  de  niar«|uer  à  ces 
relii;ieux  l'estime  qu'il  avait  pour  eux  deiueunU  sans 
ère  ciiiinMe,  il  donna  à  cette  ciingrégali..n  des  armes 
tpii  S"iii  d'-'zur  semé  de  fleurs  de  lis  d'or,  cliai'gées 
en  (CBur  d'un  éeusson  d'or  à  tro;s  cœurs  de  gueules, 
surcliaigées  de  trois  (leurs  de  lis  d'or,  l'étu  surmonté 
d'une  counmue  de  prince  du  sang,  et  entouré  d'un 
cbapelet,  avec  une  ceinture  de  Saint-Augustin ,  et 
tiuiiué  d'un  cbapeau  d'évêque.  Le  même  monarque 
donna  en  outre  à  cliacune  des  trois  provinces  ilmit 
est  composée  cette  congrégation,  des  armes  particu- 
lièies  :  ces  trois  provinces  sont  ee'le  de  Daiipliiiié, 
qui  a  (|uiii/.e  maisons,  celle  de  Provence,  qui  en  a 
autant,  et  celle  de  France,  qui  n'en  a  que  six. 

Leurs  cniMiiuiioiis  dilléreiii  en  iimlque  clio-e  de 
celles  des  llaliens.  Les  uns  et  les  autres  ont  deux 
sortes  de  frères  lais,  les  uns  :ippelcs  coiiveis,  et  les 
autres  commis  :  les  frères  convers  portent  le  capiice, 
et  les  II  ères  commis  ont  un  cliapeau  sans  capuce. 
<a's  frères  éiaieiu  pour  la  quête  ou  pour  le  service  de 
la  maison. 

AncusTiNS  (  Chanoine»  réguliers  de  Saint-Augus- 
tin). Il  ne  faut  pas  coiil'omlre  ces  religieux  avec 
ceux  <li>nl  lions  venons  de  parler;  les  Cti.Mioi  jes 
doni  il  s'agit  iei  formaient  entre  eux  plusieurs  cou  ■ 
gi  égalions  lontes  ilidei  entes  de  celle  des  l.nniles  de 
haini-Aiig!  siui.  Parmi  les  diverses  congrégations  de 
n'y  CbaïKÙnes,  on  Connaissait  en  France  celles  des 
(^liaioines  de  Lalrau,  du  Saint-Sépulcre,  de  Saint- 
Sauveur,  du  Val-des-E>  (iliers,  et  noiamment  de  la 
Congrégaiion  de  Fr  nce,  plus  connus  sous  le  nom  de 
Céiivrélim.  Tous  les  Cliaiioines  étaient  liahiles  à 
posséder  des  iiniiieiililes ,  ei  nième  des  lié^iéliees. 
—  lin  parlant  des  bénélices  de  leur  ordre,  nous  ne 
devons  pas  laisser  ignorer  qu'il  a  été  remlu,  le  22 
aoûi  177(1,  une  déclaraiion  enregisiiée  le  9  août  de 
l'aimée  suivante,  concernant  en  général  les  bénéfices 
dépendanis  des  congrégations  des  Clianoines  régu- 
liers de  Saint-Augustin  :  suivant  celle  lieclaration, 
il  n'y  a  que  les  religieux  qui  ont  fut  profession  dans 
ces  congrégaiioiis  qui  puissent  y  posséder  des  béné- 
lices à  charge  d'àmes;  aucun  d'eux  n'en  peut  aecep- 
ler  qu'après  avoir  obtenu  le  consentement  du  supé- 
rieur général  :  on  doit  niéiiie  produire  ce  cunsente- 
menl  à  l'évéque  diocésain;  el  si  le  supérieur  général 
juge  à  propos  de  révoquer  le  bénélicier,  celui-ci  est 
obligé  d'obéir,  pourvu  que  la  révocation  soit  du  cmi- 
senieinent  de  l'évéque,  el  ii<m  aulrunieut,  malgré  ce 
qui  peut  résulter  de  ('onaaire  sur  ce  point  de  l'édil 
de  16ôC.  —  Le  roi,  par  une  autre  déelaïaiinn  du  ii 
août  im.  Interprétative  de  la  précédente,  a  ordonné 


AU. M  454 

que  le  pécule  des  Chanoines  réguliers  décédants, 
pourvus  lie  bénéfices  à  charge  d'âmes ,  continuera 
d'apparlenir  à  la  congrégation  dont  ils  sont  proies, 
nonobsiuii  touie  transaeiinn  ou  iiaitéde  partage. 
quand  même  les  bénéfices  ne  seraient  pas  dépen- 
dants de  l'ordre  où  les  titulaires  ont  fait  profession. 
—  Il  est  libre  aux  supérieurs  de  visiter  une  lois  l'an- 
née lesbâtinieiils  qui  dépendent  de  ces  bénélices,  el 
de  coniraindre  ceux  qui  les  possèdent  d'y  faire  les 
réparations  dont  ils  soni  tenus.  .S'il  s'agissait  d'em- 
prunt, on  serait  ob  ii;é  d.-  se  conformer  à  ce  que 
prescrivent  les  articles  16  et  17  d- l'é  lit  de  1773, 
cité  dans  Cette  déiiarali'  n.  (F.xlrail  du  Ditlion.  de 
JuMS/))iirf('nre.)— [V.  \eDicliun.  de$  Ordres  religieux, 
par  le  P.  llélyot,  éiil.  Mignc. | 

ALLIQUE,  nom  d'un  iwte  ou  d'une  llièse 
que  soutient  un  jeune  théologien  tliins  quel- 
ques universiiés,  el  pjirliculièrcnient  dans 
celle  de  Paris,  le  jour  qu'un  licencié  reçoit  le 
bonnet  de  docteur,  el  à  laquelle  préside  co 
même  licencié  iiiiniédialcinent  après  hi  ré- 
ceplion  du  bonncl.  —  Le  nom  de  celle  llièse 
vient  du  mot  aula,  pane  qu'elle  se  passe 
d;ins  une  salle  de  l'université,  el  à  Paris  dans 
une  salle  de  l'archevêché  (1).  Voy.  Degré, 
DocTKTR,  etc. 

AU.VIO.NIÎ,  don  fail  aux  pauvres  par  molif 
do  charité  et  pour  les  soulager.  Elle  est  sou- 
vent commandée  dans  l'Ecriture  sainte;  il 
élait  spécialemeol  ordonné  aux  Juifs  d'assis- 
ter les  pauvres  ,  les  veuves,  les  orphelins  . 
les  étrangers  (/>ea(.  xv,  11  ;£cc/.  iv,  1,  etc.). 
Les  maximes  de  charité  que  Jésus-Chrisl 
répète  c  intinuellemenl  dans  l'Evangile,  onl 
encore  mieux  fait  sentir  la  nécessité  de  ce 
devoir.  11  semble  Caire  dépendre  notre  salul 
éternel  du  plus  ou  moins  d  actions  charita- 
bles que  nous  aurons  faites  [Mnllh.  \xv,  Si). 
L'ordre  des  diacres  a  élé  institué  pour  pren- 
dre soin  des  pauvres  (.4c;.  vi).  La  ferveur  de 
l'Eglise  primiiive  engagea  les  fi  lèles  à  ven- 
dre leurs  biens,  à  en  déposer  le  prix  aux 
pieds  des  apôtres,  pour  subvenir  aux  besoins 
des  indigents. 

Saint  Paul  écrivant  aax  Corinthiens,  leur 
recommande  de  faire  des  collectes  ou  des 
qucles  lous  les  dimanches,  pour  assister  les 
pauvres,  comme  il  l'avait  prescrit  aux  Egli- 
ses de  Galatie.  Saint  Ja^tin  (Apol.  2)  nous 
apprend  que  tous  les  fidèles  de  la  ville  et  de 
la  campagne  s'assemblaient  ledimauche  pour 
assister  a  la  célébration  de^  saints  mystères; 
qu'après  la  prière,  chacun  faisait  son  oa- 
m(5ne,  selon  son  zèle  et  ses  i'^icullés;  qu'on 
en  remet  lait  l'argent  à  celui  qui  présidait, 
c'est-à-dire  à  l'evêque  ,  pour  le  distribuer 
aux  pauvres,  aux  veuves  ,  elc.  Cet  usage 
s'observait  du  temps  de  saint  Jérôme,  et  il 
est  encore  pratiqué  dans  les  paroisses  :  a  la 
messe  du  dimanche  on  quête  pour  les  pau- 
vres. 

M.  de  Tillemont,  fondé  sur  un  passage  du 
Code  théodosien,  observe  qu'au  iV  siècle  il 
Y  avait  des  femmes  pieuses  qui  s'oLXupaienl 
à  recueillir  des  aumônes  pour  les  prison- 
niers ;  on  conjecture  que  c'étaient  b's  diaco- 
nesses. 

(1)  Cet  usage  ,  comme  bien  d'autres  ,  n'exist* 
plus; 


438 


AUM 


A  UT 


459 


La  charité  envers  les  malheureux  fut  le 
caractère  dislinclif  des  premiers  ctirétiens  : 
plusieurs  la  poussèrent  jusqu'à  se  rendre 
esclaves,  et  à  secourir  les  pauvres  du  prix  de 
leur  liherté  (Sain!  Clément,  Epi.il.  i,  n.  65). 
Ils  assistaient  les  p.iïens  aussi  bien  que  les 
filiales  :  Julien  lenr  rend  celle  juslice;  il  écrit 
à  un  pontife  du  p;)g:inisne  {Èpist.  62)  :  «  Il 
est  houleux  que  les  G.ililéeus  miurrissent 
leurs  pauvres  et  les  noires.  »  Aucune  reli- 
gion n'a  inspiré  aux  hnmmes  une  charité 
aussi  industrieuse,  n'a  suggiré  autant  d'éta- 
blissctnenls  divers  pour  soulager  les  diffé- 
reiils  besoins  de  l'Iiumanilc. — Dans  l'origine, 
les  ministres  de  l'Kglise  ne  subsistaient  que 
d'aumônes.  Les  ohlulinns  des  fiJèies  se  di\i- 
saieiit  en  tiois  parts,  l'une  pour  les  pauvres, 
la  seconde  pour  l'entretien  des  églises  et  le 
service  divin,  la  troisième  pour  le  clergé. 
Saint  Cliro Jegand,  évéque  de  Metz  au  viii» 
siècle,  dans  la  règle  qu'il  prescrit  aux  cha- 
noines réguliers,  veut  qu'un  prêtre  à  qui 
l'on  donne  quelque  cho'^c  pour  célébrer  la 
messe  ,  pour  chauler  des  psaumes  et  des 
hymnes,  ne  le  reçoive  qu'à  tilre  d'aumône.— 
Tel  a  toujours  éié  l'esprit  de  l'Eglise.  Les 
dons  qu'on  lui  a  fiits,  les  biens  qu'elle  a  re- 
çus par  donation,  les  l'onilalinns  par  lesquel- 
les elle  a  été  enrichie,  sont  regardés  comme 
des  aumônes,  dont  ses  ministres  sont  les  éco- 
ncrncs,  les  dispensateurs,  et  non  les  proprié- 
taires. Il  y  a  cependant  Uiie  différence  à  laire 
entre  une  solde,  une  subsistance  accordée  à 
titre  de  service,  et  une  pure  uumône.  Voy. 
Casuel. 

Dans  notre  siècle  calculateur  on  a  soutenu 
sérieusement  que  l'aumône  n'est  point  un 
précepte  rigoureux.  Que  sigi.iOe  donc  la 
semence  prononcée  par  Jésus  Christ  contre 
les  réprouvé.»,  p.irce  qu'ils  n'ont  (las  fait  l'an- 
niôae?  On  ajoute  qu'elle  produit  plus  île  mal 
que  de  bien,  parce  qu'elle  entretient  la  fai- 
néantise des  lanvres.  C'tte  prétention  sérail 
pardonnable,  si  tous  les  piiuvres  étaient  en 
état  de  travailler;  mais  les  infirmes,  les  vieil- 
lards, les  femmes  enceintes  ou  en  couche  , 
celles  qui  sont  chargées  d'enfants,  les  imbé- 
cilics,  les  enfants  en  bas  âge,  les  impotents  , 
le»  voyageurs  surpris  p.ir  des  besoins  im- 
prévus, etc.,  ne  dnivent  piis  èire  condamnés 
a  mourir  de  faim.  C'est  une  f;iusse  politique 
de  fournir  aux  rich  s  des  prétextes  pour  en- 
durcir leurs  enlr.iiiles  aux  souffrances  des 
malheureux.  S;  le^  pauvres  abusent  de  \'tiu- 
tnône,  les  riches  abusent  bien  davanlnge  de 
leurs  richesses  :  vingt  pauvres  snulagés  mal 
à  propos  sont  un  moindre  inconvénient  qu'un 
seul  pauvre  réduit  à  périr  p;ir  la  dnrele  des 
riches.  Si,  toutes  les  fuis  qu'il  se  pré<enlc 
une  bonne  œuvre  à  f  ire,  ou  commençait  par 
disserter  sur  les  abus  et  les  ineonvenienis 
qui  peuvent  en  résiil;er,on  n'en  ferait  j.imais 
aucune.  Il  est  da.  gereux  que  ce  ne  soil  là 
le  dernier  Iruil  d.'  la  philosophie  régnante. 
Voy.  I^hahitk,  foM)ATn>N,  HApital. 

a  Donner,  dits  iiil  Au'.;  siin,  à  manger  à 
«  celui  q  li  a  fiinn  ,  et  à  boire  à  celui  qui  a 
«  soif,  rew'lir  un  bi>uime  nu,  loger  un  voya- 
«  !<eur,  (tonner  un  asile  à  un  fugitif,  visiter 


•(  nn  malade  ou  un  prisonnier ,  racheter  nu 

«  esclave,  soutenir  un  fiiible,  guider  un  avéu- 
«  gle,  consoler  un  aflli^é,  panser  uu  blessé, 
«  montrer  le  chemin  à  celui  (|ui  s'é  'are,  dsn- 
«  ner  un  conseil  à  celui  qui  en  a  besoin,  et 
«  la  subsistance  à  un  pauvre,  ne  sont  pus  les 
'(  seules  espèces  d'aitmônes  que  l'on  peut 
«  faire;  mais  pardonner  à  celui  qui  pèche, 
«  ou  le  corriger  quand  on  a  autorité  sur 
«  lui ,  en  oubliant  l'injure  que  l'on  en  a  re- 
«  çue,  et  en  priant  Dieu  de  lui  faire  grâce  ; 
«  ce  sont  des  œuvres  dt>  miséricorde  que  l'on 
«  peut  regarder  comme  des  aumônes.  »  L.  de 
Fide,  Spc  et  Charit.,  c.  Lxxi  ,  n.  19. 

*  \l].MI).MKI{S.  Noms  avons  liaite  des  difîérenler. 
estèees  iraiiinôiiiers  dans  nnl'e  Oiclionnaire  ileThro- 
lofiie  tmrale.  Le  gouveinement  s'est  réservé  la  nnml- 
naljnii  de  eerliilns  amiiôiiiers  ;  cela  iloit  s'en.odre 
qu'il  les  |)ié,enle  à  l'cMéiine,  qui  confère  ou  i|ui  re- 
fuse la  jnndicii 'O ,  sans  la(|Mel  e  loiiie  luiietitin  cc- 
clesiasiii|ii(!  est  nulle,  si  elle  dépend  du  pouvoir  jji- 
ndictiiiiiiiel. 

AU.MUSSE,  fourrure  que  les  éhartoiries  cl 
d'jmlies  ecclésiastiques  portent  sur  le  bras 
ganciie  en  été.  Dans  l'origine,  elle  élait  des- 
ti  lée  à  couvrir  la  lêle  et  les  épaules  en  hi- 
ver pendant  l'office  de  l.i  nuii.  Le  nom  d  (,w- 
muse  signifie  liuéra'e  nenl  au  coucher;  on 
vieux  français  S''  nuisscr  c'est  se  cacher,  et  le 
soleil  mus-'inl  est  le  soleil  couchant. 

AUlllCULAli'Œ  ,  se  dit  de  la  confessiAn  qiiî 
se  fait  secrètement  à  l'oreille.  Voy.  Côîîfbs- 

810\. 

AUSÈOtJRG.  Voy.  Augsuourg. 

AUSPICK.  Voy.  DivNAT  oiv. 

AUsTLlUTÉS.  Voy.  Mortification. 

AUTEL,  plale-furme  de  terre  ,  de  pierres 
ou  de  bois,  élevée  au-dessus  du  sol.  et  sur 
laqu.  Iléon  offre  un  sacrifice.  On  voitd'abord' 
que  autel  vient  du  latin  ullus,  à  cause  de  soti 
élcvniion.  Les  Cirecs  le  noiuinaienl  Bxxriaa  n- 

fitov,  du  verbe  eOstv,  tuer,  immoler  ;  les  Hé- 
ireux  i\Jisbeaclif  de  zubacfi,  égorger,  s  icri- 
fior.  Ce  num  est  donné  d.;ns  l'Kcrilure  à 
l'aK/e/desholoc.iustes  et  à  celui  des  parfums, 
et  non  à  la  table  des  pains  de  proposition  sur 
laquelle  un  ne  consumait  rien.  Cette  remar- 
que est  essentielle. 

Sous  la  loi  de  nature,  les  patriarches  éle- 
vaient des  iiulch  en  pleine  campagne, 
pour  offrir  des  vii'times  au  Seigneur.  Noé  , 
Ahrah.im,  Jaeob,  en  usaient  ain>i.  Piir  la  loi 
de  .Moïse,  Dieu  déromlit  aux  Israélites  d'of- 
frir des  sacrifices  ailleurs  que  dans  le  taber- 
nacle, cl  prescrivit  la  manière  dont  les  autels 
devaient  être  con  iruits.  U  y  en  avait  un 
nommé  Vautrl  des  holvcniisles  ,  sur  lequel 
on  brûlait  les  victimes,  et  unautrc  sur  lequel 
on  ciinsumait  les  parfums  ;  il  en  fut  de  mê- 
me lorsque  le  temple  fut  bâti.  Lvioalels  qui 
furent  ériges  par  Jéroho.iiii  à  Saniarie,  et  par 
quelques  autre-  rois,  sur  des  lieux  élevés, 
fnrenl  autant  de  crimes  commis  contre  la  loi; 
Dieu  en  punit  le  auteurs.  Dans  ïllist.  de 
lAcad.  des  liisrnpL,  t.  III,  in-12,  p.  19,  cl 
t.  IV,  p.  il,  il  y  a  une  histoire  exacte  des  au- 
tels consacré  "  au  vrai  Dieu,  depuis  la  créi- 
tion  >lu  monde  jusqu'à  Jé'US-Uirisl. 

AuTiL,  chez   les  chrétiens,  est  uuc  table 


437  ADT 

carrée  placée  ordinairement  à  l'orienlde  l'é- 
glise, el'  sur  laquelle  ou  célèbre  la  messe.  On 
lui  donna  cette  forme,  parce  que  Jésus-Chrisl 
élait  à  table  lorsqu'il  institua  l'eucliirislie  , 
el  p;irce  que  l'on  offre  sur  i  etio  table  le  sa- 
crifice du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Clirisl. 

Dans  l'Fglise  primitive,  les  autels  n'étaient 
que  de  hois,  et  se  lianspnrlaient  soui:eMl  d'un 
lieu  à  un  autre  ,  nt.ii»  un  concile  d'Mpaone  , 
de  l'an  517,  défendit  de  construire  des  aulels 
d'autre  mali'ère  que  de  pieire.  Pans  les  pre- 
miers siècles,  il  n'y  avait  qu'un  seul-  anle[ 
dau>^  chaque  église,  mais  le  nombre  en  aug- 
menta bienli'il  ;  saint  Grégoire  dit  que  de  son 
temps,  au  vr  siècle,  il  y  en  avait  douze  ou 
quinze  d.ins  certaines  églises.  A  la  cathé- 
drale de  Magdebourg,  il  y  en  avait  quarante- 
deux. 

L'autel  n'est  quelquefois  soutenu  que  par 
une  seule  colonne,  coirnie  dans  les  chapel- 
les soiilerraines  de  ;  ainte-Cécile  à  Uome  et 
ailleurs;  que  qiicfois  il  Test  par  quatre  co- 
lonnes, comme  Vautrl  de  saint  Sébastien,  in 
cnjpta  aretxiria  ■  mais  la  méihode  la  plus 
oïdiii^iire  est  de  poser  la  table  d'ni/te/  sur  un 
massif  de  piiTre.  —  Ces  autds  ressemblent 
en  quelque  chose  à  des  tombeaux,  Kn  efl'el, 
les  premiers  clirèiiens  tenaient  souvent  leurs 
assemblées  aux  tombeaux  des  martyrs,  et  y 
célébraient  les  saints  m\ stères.  Il  est  dii  dans 
l'Apocalyp'-e  :  Je  vii  sous  /'aitel  les  dutes  de 
ceux  qui  ont  été  mis  à  mort  pour  la  pw  oie 
de  Dieu,  et  pour  le  lémoif/nage  qu'ils  lui  ont 
rendu  (vi,  0).  De  là  es!  venu  ru>age  de  ne 
poini  consacrer  d'autel  sans  y  nietire  des  re- 
liques des  saints. 

L'us.ige  de  la  consécration  des  autels  est 
assez  ancien,  el  la  cérémonie  en  est  réservée 
aux  évéques.  Depuis  qu'il  n'a  pins  été  per- 
mis d'offrir  que  sur  des  aitlelê  consacrés,  on 
a  fait  des  aulels  portaiifs  ,  pour  s'en  ser- 
vir dans  les  lieux  où  il  n'y  a  point  d'autel 
solide  cens  icré  ;  Hincmar  et  Bède  en  font 
mention.  A  la  place  d'autfls  jiortalifs  ,•  les 
Grecs  se  servent  de  licgcs  bénits  (|u'ils  nom- 
ment à-jTifihiia. ,  c'est-à-dire,  qui  liciinent 
lieu  d'nateh.  Sur  la  fortne,  la  riécoralion.  la 
bénédiction  des  autels  ,  voyez  Vancien  Sa- 
crumeniaire  par  Granicoiaà,  1''  part.,  p.  33 
clGlO 

I.'abbé  Rpnandot ,  dans  sa  collodion  des 
Liturgies  orientales,  I.  1,  p.  181  et  331,  t.  11, 
p.  52  et  5G,  a  remarqué,  après  le  cardinal 
Bona,  que  dans  toule-i  les  Eglises  d'Orient, 
aussi  bien  que  dan>  l'Eglise  latine,  on  a  tou- 
jours regardé  Vautel,  non  comme  une  fable 
commune,  mais  eomme  une  table  s.icrée,  sur 
laquelle  le  corps  el  le  sang  de  Jesus-t^Jiri^t 
sont  offerts  en  sacrifice.  L'usage  constant  de 
consacrer  les  aulels,  les  prières  que  l'on  ré- 
cite, les  cércfiionies  que  l'u)i  l'ail  pour  ce  su- 
jet, attestent  liauieuent  (jue  les  Orientaux 
ont'  toujours  atlaché  au  nom  d  autel  la  même 
idée  que  nous.  Pendant  les  persécutions  ,  il 
n'était  pas  possible  d'avoir  des  autels  mas- 
sifs et  solides  ;  on  fut  obligé  de  se  s  rvir  de 
tnides  de  bois  et  d'autels  portatifs.  L'espèce 
ll'eselavage  dans  lequel  le^  Grecs  ou  melchi- 
les,  les  cophtes,  les  Syriens ,  etc.,  sont  en- 


AUT 


a$ 


core  à  l'égard  dos  mahométans,  les  obligent 
souvent  de  faire  de  même.  Mais  dès  que  l'on 
eut  la  liberté  d'élever  des  basiliques  ,  on  y 
plaça  des  aulels  de  pierre  ou  de  marbri-,  sou- 
vent revéïus  d'ornements  d'or  et  d'argent. 
Fleury  ,  l\I(eurs  des  l'hritiens,  n.  35  ;  Lan - 
guet ,  du  véritable  Esprit  de  l'Eglise  dntit 
l'usai/e  de  ses  cérémonies  ,  p.  h3'2.  —  C'est 
donc  mal  à  propos  que  Daillé  el  d'autres 
écrivains  protestants  ont  voulu  persuader 
que,  dans  les  écri's  des  Pères  et  dans  les  an- 
ciens monuments  ecclésiastiques,  le  nom 
d'ai(/ci  élait  pris  dans  un  sens  abusif,  et  ne 
signiliait  qu'une  table  commune  ;  qu'ainsi 
l'on  ne  peut  en  tirer  aucune  conséquence 
pour  prouver  que  les  anciens  regardaient 
l'eucharistie  comme  un  véritable  sacrifice.  11 
y  a  des  preuves  positives  du  contraire.  Saint 
Paul  dit  aux  Hchnux  (xiii,  lOy  :  Nous  avons 
un  AiiTEL,  duqwl  les  ministr  s  du  tabernacle 
n'ont  pas  le  pouroir  de  manger.  Dans  le  t,i- 
bleau  de  la  lilurgie  chréiienne,  tracé  par 
saint  Jean  {Apoc.  iv,  2) ,  nous  voyons  un 
trône  occupé  par  un  personnage  vénérable, 
autour  de  lui  vin  t-quatre  vieillards  ou  prê- 
tres; devant  le  tr6nc,  au  mili('u  des  Vieil- 
lards, un  agneau  en  état  de  niort  ou  de  vic- 
time (v,  0),  C|ui  reçoit  les  honneurs  de  la 
Divinité  (vi,  '.>)  ;  sous  Vatilel,  les  âmes  de 
ceux  qui  ont  été  mi-  à  mort  pour  la  parole 
de  Dieu.  A^oilà  certainement  l'appareif  d'un 
sacrifice. 

Saint  Ignace,  instruit  par  saint  Jean  VK- 
vangélisie,  écrit  aux  Fliil.nlelphiens  ,  n'.  It  : 
Ayez  soin  d'user  d'une  seule  eucharistie.  Il  if 
a  une  sede  chair  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  un  seul  calice,  pour  marquer  l' unilé  de 
son  sang;  un  seul  aitei.  ,  comme  un  seut 
év'gie,  avec  le  presbytère  el  les  diacres.  Dafl^ 
ces  trois  pissages,  le  grec  porte  fijinaTTnpto/; 
ce  terme  n'a  jamais  signifié  une  simple  table 
à  manger,  mais  un  autel  d.'stiiié  à  offrir  des 
s  icrifices.  —  Saint  Irénée  {Adv.  Hœr.,  1.  iv, 
c.  18,  n.  G),  parl.int  de  l'eucharistie,  dit  que 
Dieu  nous  ordonne,  comme  à  l'ancien  peu- 
ple, de  lui  (aire  souvent  et  sans  inlerruption 
nosolTr.iiides  surson  auiel,  quoiqu'il  n'en  ail 
pas  besoin,  (irabe,  sur  cet  endroit,  est  forcé 
de  convenir  <iu'ilest  questio  i  là  d'un  autel 
proprement  dit  et  d'un  sicrifiee  dans  toute 
l'énergie  du  tenue.  Origène,  Hom.  10  in  Jo- 
sue,  parle  des  fidèles  qui  faisaient  des  dons 
pour  l'ornemenl  des  églises  et  des  aulels. 
Saint  Cyprien, /s'/^îs^  55  ad  Cornet.,  ol)pose 
l'Kglise  au  Capilole,  el  les  autels  duSeigricur 
aux  autels  des  i  ioles.  Kusèbe,  Hist.  ecelés., 
1.  vil,  c.  15,  fait  menlion  d'une  é;;l  se  et  d'un' 
autel,  dans  1 1  villo  de  Gesarée,  sous  le  rèjiue 
de  tjallieu,  p.ir  conséquent  au  milieu  du  iir- 
siècle.  Les  prolestants  ne  peuvent  p  is  iirei' 
que  les  Pères  du  iv  n'aient  souvent  donné' 
le  nom  d'autel  à  la  table  sur  la(i'u«lle  on>  con- 
sacrait l'eucharistie,  et  ne  l'aienl!  ap-peiée 
l'ati  el  sacré. 

Mais  comment  prouveront-ils  que  le  sens 
deceteme  n'a  pas- toujours  été  le  mêmie, 
que  saint  Paul  t  l  saint  Jean  n'ont  eniendir 
pai  là  qu'une  lab  e  à  manger,  pend.iut  que 
les  Pères  jostérieufs  l'ont  pris  pour  ute  table' 


4S9 


AUT 


de  sacrifice  ?  Ces  deux  apôtres  n'ont  pas  pu 
confondre  un  autel  avec  une  table,  puisque 
ces  doux  objets  ont  un  nom  diiTorenl  en 
grec  et  en  hébreu.  Pour  prendre  leurs  re- 
pas, les  anciens  se  couchaient  sur  des  lits  : 
nous  ne  lisons  nulle  pari  que  les  premiers 
chrétiens  aient  éié  dans  celte  altitude  pour 
recevoir  l'eucharistie;  il  faut  donc  qu'ils  ne 
riiienl  pas  euvisairé  comme  une  cève  ou  un 
souper,  tel  que  le  tout  les  protestants,  mais 
comn)e  une  cérémonie  auguste  et  sacrée, 
digne  du  plus  profond  respect,  et  ils  l'ont 
témoigné  par  la  manière  dont  ils  ont  oiné 
des  nul'ls,  dés  qu'il  leur  a  été  possible  et  li- 
bre de  le  faire. 

Les  noms  [XKrrrnpiovpropitialoirCfBxtatuiynpi'iv 
sacrificalvii  e,  table  sacrée,  etc., que  les  Orien- 
taux ont  toujours  donnés  et  donuenl  ercore 
anx  nulels,  ne  signifient  point  une  table 
commune.  Tontes  les  l'ois  que  les  p;iïens,  les 
héreliipM's,,  les  iMahoruét  ins ,  otil  renvetsé 
et  dâraoH  les  nutels,  cet  acte  de  haine  a  été 
regarde  par  les  chiéiiens  comme  une  im- 
piété et  une  profanalion.  On  peut  f^iire  la 
même  remarque  sur  les  linges  ou  nappes 
û'autel,  <'t  sur  les  vases  .vocr^s;  jamais  on  ne 
les  a  traités  comme  des  meub'es  ordinairivs. 
En  général  les  rites,  les  cérémonies,  les  usa- 
ges religieux  altesleni  la  crojance  des  peu- 
ples avec  plus  d'éneigie  que  les  expressions 
des  théologiens.  Lorsqui'  les  protestants  oui 
démoli  les  autels  dans  les  (''g'i!.es  desquelles 
ils  se  sont  emparés,  ils  ont  nssez  témoigné 
qu'ils  voulaient  détruire  l'ancienne  croyance 
du  christianisme  touchant  l'eucharisiie. 

Al'tel  de  Prothèse,  est  une  espèce  de  cré- 
dencesur  laquelle  lesGrecs  bénissent  le  pain 
deslinéausacrifiee,avautdeleporterau  grand 
aulel,  où  se  fait  le  reste  de  la  célébraiion. 
Selon  le  P.  (ioar  ce  petit  aulel  ou  crédence 
était  autrefois  dans  i;i  sacristie.  Les  proles- 
tanis  n'y  font  pas  tant  do  façons  puur  célé- 
brer leur  cène  :  bonne  (ireuve  qu'ils  ne  pen- 
sent pas  comme  les  Grecs. 

AiiTEL  se  trouve  aussi  employé  dans  \'his- 
toire  ecclésiastique  pour  signifier  les  obla- 
tions  ou  les  revenus  casuels  de  l'église;  ra- 
cheter les  autels,  c'était  raeheterses  revenus 
usurpés  par  les  séculiers.  Ou  appelait  IV- 
(jlise  les  dîmes  et  les  autres  revenus  fixes,  et 
autels  les  revenus  casuels.  Quand  on  dit  que 
le  prêtre  doit  vivre  de  l'aiWe/.  cela  signifie 
(lu'ild  droit  de  vivre  des  revenus  de  l'éLilise. 
AIITEUUS  ECCLÉSIASTiyURS.  C'est  le 
nom  général  que  l'on  donne  ,iux  écrivains 
qui  ont  paru  d.ms  le  ehristiiinisme  depuis 
les  apôires,  en  y  comprenant  les  l'ères 
a|i(>stoliqnes  et  ceux  des  siècles  suivants  ; 
souvent  aussi  l'on  désigne  par  là  ceux  qui 
ont  écrit  depuis  saint  lSern;ird,  mon  l'an 
1153,  et  qui  est  regardé  comme  le  dernier 
des  Pères  de  l'Kglise. 

L'an  392,  saint  Jérôme  fil  h^  Catalogne  d  s 
Ecrivains  illustres,  Aans  lequel  il  (omprit 
même  les  apôlres  et  les  evan(;e!isles  et 
parla  de  leurs  ouvrages.  Kusèbe  avail  fait  i!e 
même  dans  son  Uistoire  eccisiasliepie,  écrite 
avant  l'an  32t>  ;  mais  m  l'un  ni  l'autre  n'ont 
prétendu   donner  une  notice  exacte  de  tous 


AUT  440 

ceux  qui  avaient  paru.  En  85G,  Photius  en- 
core-la'ique,  coïiiposa  sa  Bibliolhque  dans 
laquelle  il  renferma  l'extrait  de  279  ouvra- 
ges de  divers  auteurs,  soit  ecclési.isiiques, 
soit  profanes  ,  dont  plusieurs  ne  sont  pas  par- 
venus jusqu'à  nous.  Le  cardinal  Bellarmln  , 
mort  l'an  !6-21,  fil  un  Catalogue  des  auteurs 
ecclésiastiques  ,  qui  n'est  pas  trè<-exact; 
depuis  ce  temps-là  on  en  a  fait  de  plus  am- 
ples ei  de  plus  complets. 

Guillaume  Cave,  savant  anglais,  publia 
en  1G88,  une  Hisloirp  littéraire  des  Errirains 
ecclésiastiques,  en  un  volume  m-fo/fo,  quia 
élé  ensuite  réimprimé  en  deux  volumes, 
avec  des  augmentations  et  de  n  «uveiles  re- 
marques ;  il  l'a  poussée  jusqu'en  lal7.  Le 
Nain  de  Tillemonl,  dans  ses  Méritoires  sur 
l'ilinioire  ecclésiastique,  en  seize  volumes 
in-h",  n'a  compris  que  les  auteurs  des  ^ix 
premiers  siècles.  En  ItiSG,  le  docleur  Dupin 
eommetiça  de  pubber  le  premier  volume  de 
sa  B'bliotlirque  des  Erriva'ns  erc'ésiusiiques, 
qui  renferme  cinquaiile-huil  volumes  (ti- 8°; 
maison  l'a  jugé  digncde  censure  en  plusieurs 
points.  Dom  Hemi  Cellier,  bénédiciin,  a  dom  é 
un  ouvrage  du  même  genre,  et  qui  est  plus 
exact,  en  vingt-quatre  vcdiimes  in-k°. 

AiTEi'Rs  PROFANKS.  C'est  ui  c  quesliou  as- 
sez curieuse  de  savoir  si  les  auteuts  profanes, 
les  poètes,  les  philosophes,  les  législateurs  , 
ont  eiiiprunté  des  Juifs  et  de  leurs  livres  les 
connaissances  qu'ils  font  paraiire  dans 
leurs  écrits,  ou  si  c'est  Moïse,  au  contraire, 
qui  a  emprunté  des  Egyptiens  ses  idées  sur 
la  divinité,  sur  la  morale,  sur  la  législation. 
Il  y  a  sur  ce  sujet  une  dissertation  de  Dom 
Calmet,  Bible  d'Avignon,  t.  III,  p.  8i  et 
suivantes. 

Le  premier  sentiment  paraît  avoir  été 
suivi  par  plusieurs  anciens  Pères  de  l'Eglise, 
tels  que  saint  Justin,  saint  Clément  d'A- 
lex.indrie,  Origène,  Tertullien,  saint  Cyrille 
d'Alexandrie,  Eusèbe,  'I  heodorel,  saint  Ain- 
broise,  saint  Augustin  ;  mais  il  est  sujet  à 
de  grandes  difficuliés.  —  1"  Nous  ne  voyons 
pas  (ju'auiun  ancien  auteur  grec  ait  eu  con- 
nais'iani'e  delà  langue  hébraïque,  dans  la- 
quelle étaieni  écrits  les  livres  des  Juifs.  Ces 
livres  n'ont  élé  traduits  en  grec  que  vers 
l'an  290  avant  Jèsus-Chri>t,  2'iG  ans  après 
le  premier  retour  de  la  captivité.  Les  Juifs 
eux-mêmes  n'ont  commencé  que  vers  ce 
même  temps  à  faire  usage  de  la  langue  grec- 
que. Pythagore,  Platon,  etc.,  étaient  morts 
longtemps  avant  celte  époque.  H  est  donc 
fort  difticile  que  les  Grecs  aient  pu  conver- 
ser avee  les  Juifs,  el  eu  ap|>reiidre  quelque 
chose.  —  2°  Déméirius  de  Phalère,  le  faux 
Arisice,  le  Juif  Arislobule,  Philon  el  Josè- 
phe,  ne  paraissent  point  êlre  du  senti. i>enl 
des  Pères  sur  ce  point  de  fait,  et  nous  n'a- 
vons aucun  inoiif  solide  de  récuser  leur  té- 
moignage. —  .3'  Les  Pères  mêmes  que  nous 
avons  cités  n'en  parlent  point  d'une  manière 
constante  el  uniforme  ;  ils  dirent  plusieurs 
choses  qui  nous  funl  juger  que  sur  cet  ob- 
jet ils  a\,iieut  pliilôt  des  doutes  et  des  soup- 
çoiis,  (|u'uii  sentiment  lixe  et  déterminé.  — 
'•■"  Ouelques  rapports  vogues  de  conrormilé 


441 


AUT 


AUT 


4AS 


entre  quelques  maximes  ou  quelques  ex- 
pressions des  anciens  philosophes,  el  les  vé- 
rités révélées  diiiis  les  livres  s;iiiits,  ne  suffi- 
senl  pas  pour  prouvt'r  rempriml  supposé. 
Ces  écrivains  ont  pu  puiser  ce  qu'ils  ilisiiit , 
ou  d^ins  les  lumières  MJilirrelics  de  la  raison, 
ou  dans  la  Iradiiion  généralement  répandue 
chez  loiiles  I  s  nations,  qui  remonte  jusqu'à 
la  révélation  primitive,  comme  avaient  l'.iil 
Job  el  ses  arris. 

La  seconde  question  a  élé  déciilée  trop 
lés^èiemml  par  plusieurs  auteurs  moderm's. 
Ils  ont  affirmé  au  hasard,  que  Moïse  avait 
eniprunié  loule  sa  législaiion  des  Kgyp- 
ti.  ns,  el  ils  n'ont  pu  eiler  en  preuve  que 
quelques  cérémonies  des  Juifs,  qui,  selon  les 
auteurs  ffiens,  éliiient  aussi  prali(|uées  par 
les  li'iîypliens  :  ma  s  il  y  a  sur  celle  préten- 
due ciMiforuiilé  plusieurs  réflexions  à  faire. 
—  1"  Les  Giccs  sont  trop  modernes  pour 
nous  rendre  coinpie  des  usag  s  que  sui- 
vaient les  Kgypliens  au  siècle  de  Moïse,  qui 
a  vécu  plus  de  mille  ans  auparavant  ;  el 
il  est  certain  que  li-s  anciens  li^gypiiens 
n'avaient  rien  laissé  par  écrit  ;  eux  seuls 
connaissaient  leurs  hiéioglvphes.  Moïse, 
loin  de  nionlror  .luiun  pencliant  .1  copier  les 
Egyptiens,  defi'ur!  à  son  peuple  d'iiiiiliT  les 
super>tilions  de  rKgvptc  ;  il  leur  aurait  ten- 
du un  piège,  s'il  av.iil  mis  sous  leurs  yeux 
le  même  cévémonial  qu'ils  avaient  vu  suivre 
en  Kgjpte.  —  2°  Il  dit  que  le  culle  que  les 
Isr.iéliles  devaient  prati(]uer  ne  pouva  l 
manquer  de  piraStre  aboiuinable  aux  Egyp- 
tiens. (Exod.,  viii,  20).  On  sait  de  (luelie 
indignation  il  fut  saisi,  lorsqu'il  vil  1  s  Hé- 
breux imiter  dans  le  déserl  le  culle  du  dieu 
Apis,  en  odorant  le  veau  d'or.  Il  ne  leur  per- 
met de  fraterniser  avec  un  Egyptien  ou  avec 
un  Idumèen  qu'à  la  troisième  génération 
[Dent.,  XXIII,  7  el  8).  L'antipathie  entre  ces 
nations  et  les  Juifs  a  élé  constante  el  la  mê- 
me dans  tous  les  sièclis.  jMais  les  auteurs 
grecs  et  latins,  la  plupart  fort  mal  instruits, 
ont  confondu  mal  à  propos  les  rites  dos 
Juifs  avec  ceux  des  Egyptiens.  —  3°  L;i  doc- 
trine de  Moïse  sur  le  dogme  et  sur  la  mo- 
rale» été  préi'isémenl  la  même  que  celle  des 
patriarches  ses  ancêtres  ;  il  n'a  donc  pas 
eu  besoin  de  l'apprendre  chez  des  étran- 
gers. On  ne  monlrera  jamais  clie.;  les  Egyp- 
tiens des  notions  de  la  création,  de  la  pro- 
vidence, de  l'unité  de  Dieu,  dv  l'absurdité  de 
l'idolâtrie,  etc.,  aussi  pures  el  aussi  subli- 
mes que  celles  que  Moïse  attribue  à  ses 
aïeux.  —  U'  De  même  la  plupart  des  céré- 
monii'S  religieuses,  les  sacrifices,  les  oflVan- 
des,  les  purifications,  les  ahsiinences,  les 
symboles  de  la  présence  de  Dieu,  etc.,  ont 
élé  communes  à  toutes  les  nations  ;  elles 
avaient  été  employées  par  les  patriarches  au 
eulle  du  vrai  Dieu,  avant  d'être  profanées 
par  les  polythéistes  égyptiens,  iduméi'us, 
cbananéens,  elc.  Moïse,  en  les  ramenant  à 
leur  destination  primitive,  n'a  fail  que  sui- 
vre les  leçons  de  ses  ^aneêlres  et  les  oidres 
exprès  de  Dieu.  Il  n'a  donc  pas  eu  besoin 
de  rien  emprunter  aux  Egyptiens. 

Auteurs  sacbks.  On  nomme  ainsi  les  écri- 


vains inspirés  de  Dieu,  de  la  plume  desquels 
sont  sortis  les  divers  livres  de  l'Ecriture 
sainte,  soit  de  l'Ancien,  soit  du  Nouveau 
Testament,  tels  que  Moïse,  les  historiens  qui 
l'ont  suivi,  les  proj^hèles,  les  apôtres,  les 
évangélisies,  pour  les  distinguer  des  auteurs 
ecclesiasli(|ues. 

AUlHENri(>UE.  On  nomme  livre  authen- 
ti(iue  celui  qui  a  élé  écrit  par  l'auteur  dont  il 
porte  le  nom,  et  auquel  il  est  communément 
atiribué  (1). 

Une  histoire,  une  narration,  peut  être 
vraie  ou  conforme  à  la  vérité  des  faits  sans 
être  uutheni.il/ue ,  sans  avoir  élé  écrite  par 
l'auteur  auquel  elle  est  attribuée  :  il  snifit 
qu'ille  ail  éié  faite  pur  un  écrivain  suffisam- 
ment ius'ruit  et  sine  ère,  ()oel  qu'il  soit.  Parco 
que  l'auteur  d'un  livre  n'est  pas  connu,  il 
ne  s'i-nsuit  pas  que  tout  ce  qu'il  renferme 
soit  faux  et  filiuleux,  et  il  peut  ;ivoir  autant 
de  poiils  el  d'autorilé  que  si  l'auteur  était 
certainement  connu.  —  En  effet,  parmi  les 
l:vrcs  s.iints,  il  en  est  quelques-uns,  surtout 
de  l'Ancien  Test.imenl,  dont  on  ne  connaît 
pas  cerlainemrnt  les  .luteurs;  on  sait  seule- 
ment qu'ils  sont  parlis  d'une  main  respecta- 
ble ,  puisque  les  anciens,  plus  à  portée  que 
nous  d'en  découvrir  l'origine,  y  ont  ajouté 
loi  et  l'ont  cité  comme  faisant  autorité.  Sur 
ce  point,  la  tradition  est  le  seul  guide  auquel 
nous  puissions  nous  en  lenir.  Pour  les  livres 
du  Nouveau  Tesiamenl,on  s;iit  certainement 
qu'ils  sont  authentiques,  qu'ils  ont  élé  écrits 
par  les  auteurs  dont  ils  portent  les  noms. 

(i)  S'il  est  des  nhirques  auxquelles  une  crilique 
judicieuse  recoiiiiail  la  fiipposilimi  de  cerUiiiis  01;- 
vr:iges  ,  il  en  est  J'aiUres  aussi  ipii  lui  servent ,  pour 
ainsi  (lire  de  lionssole,  et  ipii  le  guident  dans  le  dis- 
cenieiiient  de  ceux  i|iii  sonl  autlientiqiies.  En  effet  , 
cnninienl  pouvoir  .soupçonner  qu'un  livre  a  élé  sup- 
pové,  iorsipie  nous  le  voyiins  cilé  par  d'anciens  éeij- 
vains,  el  Punie  snr  une  cliaiiie  non  interrompue  do 
léiiioins  c(uiforiiies  les  uns  a-ix  antres  ,  snrinut  si 
cette  cliaine  connuence  où  l'on  dit  que  ce  livre  :iélé 
écrit  et  ne  linit  qu'à  nous  ?  D'ailleurs  ,  n'y  eùl-il 
point  d'ouvrages  qui  en  cicassenl  un  aulre  coniniu 
appartenant  à  tel  auieur,  pour  en  conoailre  l'a>i- 
llienlicité,  il  me  sulliiait  qu'il  nreùl  clé  apporté 
conjine  étant  de  tel  auteur,  par  une  tradition  orale, 
sunicnne  sans  inierruptiuii  depuis  son  époque  jus- 
qu'à moi ,  sur  plusieurs  ligues  cullatciales.  Il  va, 
outre  cela  des  ouvrages  qui  liinnenl  à  tantile  choses, 
que  ce  sérail  folie  de  douter  de  leur  autlieiiliciié. 
M.iis  la  plus  gianile  preuve  de  l'authenliciié  il'ini 
livre,  c'est  lor>que  depuis  longiemps  ou  travaille  à 
saper  sou  anliipiité  pour  l'enlever  à  l'auteur  à  qui  (ui 
l'ailriiiue,  el  ipi'ou  n'a  pu  trouver  que  îles  raisons 
si  li'ivides,  i|ue  ceux  inéuies  qui  sont  ses  eniieinis 
déclarés,  à  peine  daignent  s'y  arrêier.  Il  y  a  des  ou- 
vrages qui  intéressent  plusieurs  royaumes  ,  îles  na- 
tions euiié  es,  qui ,  pour  cela  nièuie,  ne  s  diraient 
être  supposés  :  les  uns  contiennent  les  annales  de 
la  nation  el  ses  titres  ;  les  autres  ses  lois  et  ses  cou- 
liiuies;  enliu,  il  yen  a  qui  conliennent  leur  religion. 
l'Ius  on  ;iccuse  les  hommes  en  général  d'être  super- 
siilieux,  plus  on  doit  avou'T  (|u"ils  ont  toujours  les 
yeiixouvertssnrcequi  intéresse leui- religion.  L'Alco- 
raii«iraur.iii  jamais  élé  iranspor.é  au  teiiiiis  de  Ma- 
boinei,  s'il  avait  éié  écrit  après  sa  mort  :  c'est  que 
loiil  un  peui.le  ne  saurait  ignorer  l'éiioque  d'un 
livre  qui  règle  sa  croyance  el  lixe  iouie>  ses  espé- 
rance». (Encyclopédie  du  xviii»  siècle,  nn.Curiiiud*.) 


445 


AUT 


MIT 


i'H 


Pour  qu'un  livre  soit  censé  canonique,  ins- 
piré, divin  ,  réputé  parole  de  Dieu  ,  ce  n'est 
pas  assez  qu'il  soil  aulhentiqne ,  qu'il  ail 
élé  é  rit  par  un  des  apôtres  ou  par  un  de 
leurs  disciples  iniiiiédials  ;  il  faut  encore  que 
l'Eslise  l'ail  adopté  coiume  le!  et  que  la  tra- 
dition ancenne  dépose  en  sa  faveur.  L'Eglise 
ne  sirait  pa<  en  état  de  nous  giraiiiir  la 
doctrine  (hrétit  une  si  elle  n'avait  pas  eu 
l'auiorilé  de  nous  apprendre,  sans  danger 
d'crriur,  qu' Is  sont  les  livres  que  nous 
devons  reg.irder  comme  règles  de  notre 
croyance.  Les  régis  do  critique  peuvent 
siTvir  à  dérouvrir  si  un  livre  a  élé  écrit  par 
tel  ou  tel  auteur;  mais  elles  ne  peuvent  nous' 
apprendre  si  ce  livre  est  ou  n'est  pas  règle 
de  foi  :  c'est  à  l'Eglise  de  voir  s'il  coniienl 
ou  ne  contient  pas  la  doctrine  de  Jésus- 
Christ.  Celte  société  sainte  a  été  instruite  de 
vive  voix  par  les  apôims,  avant  d  avoir  reçu 
leurs  écrits,  el  aucun  livre  ne  peut  suppléer 
entièrement  à  renseignement  pnlilic  el  tou- 
jours siib^islant  de  TEglse.  Voy.  Autorité 
DB  l'Eglisk,  Canon,  lNFâiL.LiBiLiTÉ. 

AiTHENTiQiJE,  signifie  quelquefois  faisant 
autorité;  c'esl  dans  ce  sens  que  le  concile 
de    Trente  a  déclaré  la  Vuigate  aulheniique. 

Voy.  Vl  LGATE. 

ACTOCfiPHALE,  terme  dérivé  du  grec  «0- 
TÔf,  lui-même,  et  y.sfoào,  c'  ef.  il  signifie  celui 
qui  né  reconnaît  point  de  chef.  On  cioirail 
d'abord  que  l'on  a  voulu  désigner  par  là  les 
sectes  d'indépendants  ;  ni.iis  on  donnait  ce 
litre  aux  évécines  qui  n'étaient  soumis  à  au- 
cun métropoliiain,  et  aux  trétropoliiaiiis  qui 
ne  reconnaissaient  point  la  juridiction  du 
patriarche. 

AUTu-DA-EÉ,  acte  de  foi.  Voy.  Inqui- 
sition. 

AU  rOGUAPHE,  nom  fo.mé  du  grec  kOto?, 
lui-inémc,  et  de  yçicfu,  finis.  On  nom  ne 
ainsi  un  livre  qui  a  été  écrit  de  la  propre 
ni.iin  de  l'auteur.  Pierre,  évéïue  d'Alexan- 
drie, rapport"  qu'au  vr  sièele  on  g.irdait 
enéore  à  Epliése  l'autogra/ihe,  ou  l'original 
de  l'évangil"  de  saint  Jean,  lho/jif,ov-  Cliron. 
Al  X.,  a  liadero  edilum.  Lorsque  TerUillien 
dit  ()iie  dans  les  E^li^e^  fou  iées  par  les  apô- 
tres on  lit  leurs  lellres  milhcnliqiies,i\  parait 
qu'il  entend  les  originaux  ou  les  autoi/ra- 
plien.  Nous  pensoiis  di>  même  que  l'exem- 
plaiie  de  la  loi  qui,  sous  le  règne  de  Josias, 
fut  trouvé  d.ins  le  temple,  était  l'original 
érrit  de  la  propre  main  de  Moïse. /F /{t'(/. 

XXII.  S. 

AUTOKl'fÉ,  droit  de  commander.  La  pre- 
mière (lueslii'ii  (itii  se  présente  esl  de  savoir 
que  le  est  la  s  >nrce  de  ce  ilroil.  Nos  ph  I  so- 
piies  modernes,  et  queicvues  jnriséonsulles 
qui  les  copient,  posent  ponr  ptimipe  qu'au- 
cun homme  n'a  reçu  ilc  lu  nature  le  droit  de 
«■oniiiianler  auv  autres.  La  liberté,  dis  ut- 
ils, l'St  un  présent  du  ciel;  chaque  individu 
de  même  espèce  a  le  droit  d'en  jouir  aussitôt 
qu'il  jouit  de  sa  raison.  De  là  ils  concluent 
qu'un  homme  ne  |  eut  être  assuj-tli  à  un  au- 
tre (|uo  par  son  consente  nent  libre,  donné 
t'ii  coiisld.  ration  des  lue  faits  i|u'il  en  a  re- 
çu» ou  qu'il  eu  espère.  Sans  doute  par  la 


nature  ces  dissertatenrs  entendent  Hieu,  qui' 
en  esl  l'auteur;  et  par  la  liberté,  l'indépen- 
dance de  toute  autorité  humaine.  Nous  son» 
tenons  que  ces  principes  et  leurs  conséquen- 
ci'S  sont  autant  de  fausseté';  aussi  opposées 
au  lion  sens  et  à  'a  saine  philosophie  qu'aux 
leçons  de  la  rêvé  atioi.  —  Nous  le  démon- 
Iri'iis  d'abord  par  deux  vérités  inconiesla- 
blés  :  l'une,  que  [)ar  la  nature,  c'est-à-dire 
par  la  vohmté  et  rinîenlion  du  Cré.i.ieor, 
i'Iio  nme  est  destiné  à  la  socié'é.  Cela  est 
prouvé  par  la  constitution,  par  les  besoins, 
jiar  les  inclinations  de  l'homine;  et  Dieu  lui- 
mémi'  dit,  a p' es  l'avoir  créé  :  Il  n'est  pas  bon 
que  l'homme  soit  seul  {Gen.  ii ,  18).  L'autre, 
qu'aucune  société  ne  peut  subsister  sans 
subordination.  Cela  est  aussi  évident  qu'un 
axiome  de  géométrie  :  doue  Dieu,  fondateur 
de  la  SOI  iélé,  est  aussi  l'auteur  de  toute  au- 
toiilé.  Nous  délion>  nos  adversaires  de  ren- 
verser ce  raisonnement.  Dieu  n'a  pas  plus 
allendu  le  consentement  de  l'homme  pour  le 
soumettre  à  Vautorilé  que  pour  le  destiner  à 
la  société  ;  ce  con-enlemenl  n'esl  pas  plus 
nécessaire  pour  l'une  que  pour  l'autre,  li  est 
absurde  d'envisager  les  hommes  comme  des 
élies  nés  fortuiteinenl  du  sein  de  la  terre, 
Ltolés,  indépen  lants,  san;  aucune  relation 
nuituelle,  libres  de  tout  engagemenl  et  de 
tout  devoir  naturel;  cette  h\potlièse  sent  le 
malérialism«  le  plus  grossier.  Si  l'homm.i 
naissant  n'avait  point  de  devoirs,  il  n'aurait 
pas  non  plus  de  droits;  et  ii  lui  esl  aussi  im- 
possible de  s'acquérir  un  droit  que  de  s'im- 
poser un  devoir,  à  moins 'que  l'un  et  l'autre 
ne  soient  ratifiés  d'avance  par  la  loi  éter- 
nelle du  Créateur. 

Examinons  toutes  les  espèces  de  sociétés» 
que  l'homme  peut  foi  mer;  nous  verrons 
sortir  de  la  même  source  Vaulorité  conju- 
gale, paternelle  el  dômes  ique,  l'autorité  ci- 
vile el  politiiiue,  \'au(orilé  ecclésiastique  ou 
religieuse.  Le  fait  el  les  principes,  la  Con- 
duite de  Dieu  et  sa  parole,  se  réunisjicnt 
constamment  pour  démontrer  l'absurdi-l'é  dd 
la  théorie  de  nos  philosophes. 

AiTORirii  co\Ji;i;4LE,  patkrnellk  et  DO^ 
Mii.sTiQiii;.  Elle  résulte  de  la  société  eulrc  Ib 
mari  el  son  épouse,  entre  le  père  el  ses  en- 
fants, entre  le  m. dire  el  ses  serviteurs.  Dieu 
s'est  clairement  expliqué  sur  les  devoirs  qui 
en  sont  inséparables.  I(  n'est  pas  bon,  dit  le 
Seigneur,  que  l'homme  soit  seul;  faisons-lui 
xiiie  aide  semblable  à  lui  [Genrs.  ii,  18).  Dieu 
forme  uno  femme  de  la  snhslance  même, 
d'Adam  :  la  femme  est  donc  une  aide  donnée 
à  l'nommc,  et  non  une  égale  qui  ail  drol  de 
lui  disputer  l'empire.  Il  est  la  souche  de  la- 
quelle elle  est  sortie;  la  supénoriie  de  force, 
de  tète,  de  courage  arcordée  à  l'homute  dé- 
montre l'inleniion  du  Ciealeur.  Après  le  pé- 
ché. Dieu  dit  à  la  feuimc  :  Tu  seras  soui  la 
puissance  de  ton  mari,  et  il  e.nrcera  /'iiixo- 
HiTii  sur  lui  fiii,  l(i).  Dieu  n'a  pis  deu» mdfi 
le  consentement  de  l.i  femme  pour  la  sou- 
niellre  à  sou  époux,  el  s'ils  avaieni  stipulé 
le  contraire,  Dieu  aurait  annul  •  le  conir.i'. 
-Au  moment  même  u'il  leur  .uiorde  la 
fécoudiie ,  il  leur  donne  laulorilé  !>ur  leurs 


<15 


ATÎT 


AUT 


446 


\ 


enfants  :  Croisiez, mititipliez,  peuplez  In  terri 
et  soumeltes-la  {\,  28).  Ainsi,  Ir  droit  de  sou- 
motire  les  enfants  est  allacheS  au  pouvoir 
niénip  de  Iv8  met  re  an  monde,  c\.  retie  sou- 
liiission  à  la'iui'ljp  Dieu  condamne  les  en- 
fants est  déjà  un  bleni'iil  pour  eux;  en  leur 
prescrivant  des  devoirs,  il  l-ur  donne  des 
droits,  puisqu'il  ordonne  à  leurs  pères  et 
iïi(^res  de  les  conserver.  Dès  le  moment  de  la 
eoneepiion,  il  est  défendu  an  père  ei  à  la 
mère  de  détruire  l'ouvrage  de  Dieu;  c'est  un 
dép(S(  (hKiuel  ils  Ini  sont  rcsponsaliles.  Aussi 
Rve,  devenu*!'  mère,  s'écrie  :  J'ni  reçu,  de 
Bi'V  la  p')svT.«,v-(on  d'un  homme  (iv,  1);  elle 
reg.irdo  son  lils  comme  un  bien  qui  lui  ap- 
parlient,  unis  bien  précieux,  qu'elle  a  reçu 
de  Dieu,  à  l;i  conseivalion  duquel  elle  doit 
donner  tous  ses  soins.  Or,  où  seraient  la  jus- 
fice  et  la  réi-iprocité,  si  le  père  el  la  mère 
étaijul  ohli.'és  de  droit  naturel  à  nourrir,  à 
élever,  n  ronseï  ver  un  enfant,  et  que  l'enfanl 
no  leuT  dût  rii-n  dès  qu'il  serait  en  étal  de  se 
pisser  d'i  lit '.'  Aitendrons-n.ius  que  celui-ci 
eonsenle,  |iai'  reconnaissance,  à  les  respec- 
ter et  à  leur  obéir?  Dieu  a  stipulé  d'avance 
pour  le  genre  hum  in  lout  eniier;  et  l'effet 
de  celle  loi  irrévocable,  fondée  sur  une 
exacte  jnsiice,  ne  peut  êire  frustré  par  au- 
cune couve  ni  ion. 

L'obligation  d'honorer  les  pères  el  mères, 
et  de  leur  obéir,  est  confirinée  par  la  puni- 
l'ion  de  Cham  (ix,2:))  el  p;ir  toute  l'bis'oire 
des  pitriarches.  I>i  n  altachi'  ses  bienfaits  à 
là  bénédiction  qu'ils  donnent  à  leurs  en- 
fants ,  et  des  châtiments  aux  malédictions 
qu'ils  prononcent  ;  lorsqu'il  dicte  sa  loi  aux 
Hébreux,  il  place  ce  devoir  important  imnié- 
dlalem  ni  aprè.  le  couimandement  de  lui 
rendre  un  culte  [Exod.  xx,  12). 

On  ni)«s  obji'Cti'  que  Vauioiiti'  palernelle  a 
ses  bornes  :  qUi  en  doulc?  Si  elle  n'en  avait 
point,  elle  seraii  iipposée  à  la  fin  pour  la- 
quelle elle  a  élé  donnée.  Dieu,  sagesse  éter- 
nelle, ne  se  co.  tredit  point  dans  ce  qu'il  fait  : 
il  a  établi  Vautorilé  des  pères  et  des  nieres, 
afin  de  les  intéresser  à  la  conservation  de 
leurs  enfants  :  il  ne  leur  a  donc  pas  accordé 
le  droit  de  les  détruire.  11  leur  a  prescrit  des 
devoiis,  par  l.'i  même  il  a  borné  leur  nulo- 
rité,  el  il  en  est  de  même  de  tiute  autre  (ut- 
torilé  quelconque  :  celli'-ci  est  donc  bienfai- 
sante par  «a  nature,  c'est-à-dire  selon  l'in- 
tention du  C'éateur;  il  l'a  établie  pour  faire 
le  bien,  el  non  pour  faire  le  mal.  Mais  lors- 
que le  déposilaire  de  Vauiuriié  en  a!>use. 
Dieu  ne  l'eu  depouilh^  pas  pour  cela,  parce 
qu'il  en  résulterait  un  plus  grand  mal;  et 
lorsque  ce  déposilaire  pèche  en  violant  ses 
devoirs,  il  ne  nous  donne  pas  le  droit  de 
pé  her  el  de  violer  les  nôtres.  —  Il  est  faux 
que,  dans  létal  d-  nature,  Vautorilé  pal'-r- 
n  7/f  finirait  aussitôt  que  les  enfants  seraient 
en  étal  de  se  conduire.  (Juel  est  donc  cet  étal 
imaginaire  de  nature,  opposé  à  celui  dans 
lequel  Dieu  a  crée  le  genre  humain?  Puis- 
que toute  obligation  est  réciproque,  le  p're, 
dans  ce  même  étal  fictil',  serait  di-pensé  de 
fonseiver  et  d  cl  ver  si)n  lils  ;  il  pu.irrait  en 
diaposer  comme  du  [cti   d'nn  auiuial,  elc'esl 


ainsi  que  pensaient  les  Grecs  et  les  Romains. 
Mais  ne  rougit-on  pas  de  nous  renaettre  au 
point  où  ils  étaient? 

Pour  étayer  celle  détestable  morale,  nos 
philosophes  sont  allés  plus  loin  :  ils  ont  dit 
que  la  qualité  même  de  Oéaleur  ne  donne 
pas  à  Dieu  le  droit  de  commander  aux  créa- 
tures ;  qu'il  faut  y  ajouter  les  allribuls  de 
sasiesse  el  de  bonté.  Quoi  1  la  création  n'est- 
elle  donc  pas  par  elle-même  un  effet  de 
bonté?  l'être,  la  conservation,  ne  sont-ils 
pas  dé|A  un  bienf  lit,  el  le  commandement  de 
Dieu  n'en  ist-il  pas  encore  un  autre?  A  en- 
tendre raisonner  nos  ;  hilosophes,  on  dirait 
que  Dieu  nous  fait  tort  en  nous  donnant  des 
lois:  qu'une  lllierté  illimitée  nous  serait  plus 
avantageuse  qu'une  liberté  réulée  el  b  rnée 
par  la  loi  divine,  et  que  nous  serions  plus 
heureux  si  Dieu,  après  nous  avoir  créés, 
nous  avait  livrés  à  nous-mêmes.  Il  faut  avoik" 
un  coeur  bien  dépravé  pour  penser  et  rai- 
sonner ainsi.  Ln  loi  du  Seif/neur,  dit  le  roi- 
prophète,  est  la  droiture,  la  saijes<e  et  la  jus- 
tice même;  c'est  la  cvnso'ation  de  notre  cœur, 
la  lumière  qui  nous  guide,  la  m'iin  qui  nous 
conduit,  etc.  ;  c'est  un  trés(,r  plus  précieux 
que  toutes  1rs  richesses  de  l'univers  :  il  fait  la 
douceur  el  le  seul  vai  plaisir  de  la  rie  (Ps. 
xviii ,  8).  Quoi  qu'ils  en  disent ,  la  création 
donne  le  droit  d'anéantir  aussi  bien  que  ce- 
lui de  conserver  :  donc  elle  donne,  à  plus 
forte  raison,  le  droit  de  commander,  el  Dieu 
n'a  pas  plus  besoin  de  notre  consentement 
pour  l'un  que  pour  l'autre.  Hienlôl,  peut- 
être,  on  nous  enseignera  que,  quand  il  ne 
nous  fait  pas  autant  de  bien  que  nous  en  dé- 
sirons, nous  avons  droit  de  nous  révolter 
contre  lui. 

Dans  les  premiers  temps  du  monde,  un 
père  âgé  de  plusieurs  siècles,  qui  voy.iitcinq 
ou  six  générations  de  ses  descendants, devait 
être  à  leurs  yeux  un  personnage  bien  res- 
petiabie  :  p  uvait-on  envisager  ses  volontés 
autrement  que  comme  des  lois?  D'aulre  part, 
les  [latriarches,  persuadés  que  la  fécondité 
est  un  don  de  Dieu  ,  que  les  enfants  sont  un 
dépôt  duiuel  il  demandera  compte;  qui 
voyaient  dans  cette  nombreuse  famille  leur 
force  el  le  présage  certain  de  leur  prospérité, 
devaient  la  chérir  tendrement.  Ainsi  la  puis- 
sance p.ilernelle,  indépendante  pour  lors  de 
toute  loi  civile,  était  tempérée  par  l'affection 
naturelle ,  pur  lintérèl ,  par  la  religion  ; 
l'Kcriture  ne  nous  montre  aucun  exemple 
d'un  père  qui  en  ail  abusé.  Mais  nous 
voyons,  par  l'histoire  de  Juda  el  de  Tham^ir, 
qu'un  chef  de  famille  avait  droit  de  vie  el  de 
mort  sur  chacun  des  membres  {Gen.  xxxviii, 
2k).  Il  le  fallait,  puisqu'il  n'y  avait  alors  au- 
cune puissance  publique  que  l'autorité  pa~ 
ternelle  et  domestique.  —  Lorsque  cette  so- 
ciété s'est  augmentée  par  l'acciuisition  d'un 
nombre  de  serviteurs  ou  d'esclaves,  le  chef 
de  f.imilli"  a  exercé  sur  eux, de  droit  n  ilurel, 
la  même  autorité  que  sur  ses  enfants.  Au 
mot  Esclavage,  nous  prouverons  que,  dans 
l'origine,  cet  état  n'a  été  contraire  ni  a" 
droit  naturel  de  l'humaBilé,  ni  au  bien  co 
uiun;  que  la   liberlé  citile  des  servitepc^ 


447 


AUT 


était  incompatible  avec  la  vie  nomade  des 
premiers  hommes,  et  qu'elle  n'cil  devenue 
nn  liien  que  par  l'clablissemenl  de  la  société 
civile.  Aussi  ne  voyons-nous  point  Abraham 
blâmé,  dans  rEcirilure  sainte,  d'avoir  eu 
trois  cents  esclaves;  Sara,  son  épouse,  rhâ- 
tie  Agar,  sa  servante,  qui  lui  manquait  de 
respect;  lorsque  celle-ci  prit  la  fuite,  un 
ançe  du  Seigneur  lui  ordonne  de  retourner 
et  "de  s'hiimillpr  sons  la  main  de  sa  m;iî- 
Iresse  (Gen.  xvi,  5).  —  Un  prisonnier  de 
guerre  desliné  à  l;i  tnorl  se  trouve  heureux 
d'y  échapper  en  se  rendant  esclave  :  il  doit 
la  vie  à  celui  qui  le  prrnd  à  son  service.  Un 
particulier  sans  ressource,  exposé  à  périr 
par  la  f.iim,  trouve  un  maîlre  qui  s'<ibli;;p  à 
lui  fournir  la  subsislanre  et  à  ses  enf.ints, 
sous  condiiion  d'un  service  periiéluel.  Un 
chef  de  famille  rcnconire  nn  enfant  exposé 
et  abandonné;  il  l'élève  et  l'entrelien! ,  dans 
la  persua'iion  que  cet  enf;int  lui  iippiirlien- 
dra.  Où  est  l'injustice,  dans  ces  différents 
cas?  Quand  il  y  nnr;iit  un  contrat  dans  les 
deux  premiers,  il  n'y  en  a  point  dans  le 
troisième;  la  même  loi  naturelle  qui  or- 
donne à  un  chef  de  famille  de  sauver  un  en- 
fant de  la  mort,  (|uand  il  le  pru!,  commande 
à  celui-ci  d'honorer  et  de  servir  son  libéra- 
teur, comme  s'il  était  né  de  son  sang'  :  il 
n'est  ici  besoin  d'aucun  contrat  ni  de  con- 
vention de  part  et  d'autre.  Dieu  y  a  suppléé 
d'avance  p,  r  la  loi  éternelle  de  la  justice  et 
de  l'humanité;  et  sans  cette  loi  suprême, 
aucun  contrat  ne  pourrait  avoir  force  de  loi, 
ni  imposer  aucune  obligation  morale. 

Nous  cheichoiis  vainement  dans  la  nature 
humaine  le  titre  di>  cette  liberté  prclemlue 
que  l'on  soutient  être  un  don  du  ciel,  don  fa- 
tal, qui  exposei-ait  l'espère  humaine  à  une 
ppr'e  inévitable.  I.es  besoins  au\(iuels  la 
nature  assujettit  l'homme  dès  sa  naissance 
ju-qii'A  la  puberté,  les  accidents  auxquels  il 
est  exposé  d'ailleurs,  les  fautes  même  (lu'il 
peut  commeltre,  sont  un  titre  de  dépendance 
pour  loiile  sa  vie.  Si  c'est  1 1  naluri'  qui  éta- 
blit cette  dépendance,  c'est  donr  aussi  elle 
qui  établit  Vautorlté  :  l'une  ne  peut  être  sans 
l'autre.  —  A  cette  voix  impérieuse  de  la  na- 
ture. Dieu  n'a  pas  manqué  d'ajouter  une  loi 
positive;  l'Ecriture,  parlant  de  nos  premiers 
parents,  dit  que  Dieu  a  ordonné  à  chacun 
d'avoir  soin  de  son  prochain,  mnndavil  illis 
unirulque  de  proximo  suo  (Eccli.  xvn,  12). 
Donc  il  a  ordonné  aussi  à  celui  qui  a  reçu 
des  soins,  d'honorer,  de  respect(>r,  tic  servir 
son  bienfail'ur  ;  il  n'a  point  atteniiu  le  con- 
sentement libre  di'  l'un  ou  de  l'autre  pour 
leur  imposer  celle  obli;;aiiun.  Il  est  donc  laux 
que  r(ju/«n7(f  conjii(;ale,  paternelle,  domesti- 
que, soit  lonitée  sur  un  contrat;  elle  l'est  sur 
la  loi  divine,  natunlle  el  positive,  anlérienre 
à  toute  convention.  —  Dans  l'origine,  celte 
autorité  n'était  point  illimitée,  puisque  la 
même  loi  qui  la  fou<lait  lui  prescrivait  des 
bornes  ;  mais  elle  élaii  absolue  dans  ce  sens, 
qu'elle  n'était  encore  gênée  par  aucune  loi 
humaine;  au-dessus  d'elle  elle  ne  voyait  qui? 
la  loi  divine,  elle  s'étendait  à  tout  ce  (|ui 
était  nécessaire  au  maintien  et  au  bien-être 


AUT  m 

de  la  société  domestique.  Depuis  l'établisse» 
ment  de  la  société  civile  el  des  lois  humaines, 
Vautoriie'  paternelle  a  dli  être  subordonnée 
à  la  puissance  publique,  par  la  même  raison 
que  l'inlérêt  de  chaque  famille  doit  céder  à 
l'intérêt  général  de  la  société  entière.  Nous 
voyons,  en  effet,  l'aiitorilé paternelle  restrein- 
te par  les  lois  de  Moïse  ;  un  enfant  rebelle  à 
ses  père  et  mère  est  condamné  à  mort,  non 
par  eux.  miis  par  les  juges,  et  c'est  le  peuple 
qui  est  chargé  d'exécuter  la  sentence  {Dent. 
XXI, IS)  :  police  beaucoup  plussage  qiiecelle 
des  Grecs  et  des  Romain-^  qui  attribuaient  au 
père  le  pouvoir  de  disposer  de  la  vie  d'un 
enfant  nouveau-né,  de  l'exposer  ou  de  le 
venilre  jusqu'à  trois  fois  après  l'avoir  élevé. 
La  loi  chrétienne  a  fait  réfo-  mer  ce  désordre; 
elle  a  resserré  et  sanctifié  les  obli^almns  des 
époux  ;  ils  on!  appris  par  el'e  à  respecter  et 
à  chérir  davantage  un  enfant  consacré  à  Dien 
par  le  ba()lême. 

C'est  ilans  cet  état  de  choses  que  des  phi- 
loso[)he''  insensés  viennent  attaquer  les  fon- 
deuienls  de  Vautorilé  paternelle ,  ausai  an- 
ciens que  le  monde,  el  ébranler  du  même 
coup  toute  espèce  (['aulorilé  ;  soutenir  qu'au- 
cune n'cit  donnée  par  1 1  nature,  que  toutes 
sont  établies  sur  un  prétendu  contrat  qui 
n'exista  jamais,  sur  la  reconnaissance  des 
bienfaits  reçus,  ou  sur  l'espérance  de  ceux 
que  l'on  recevra.  Ils  consliluent  aussi  les 
inférieurs  juges  et  arbitres  de  ['autorité  à 
laquelle  Dien  leur  ordonne  d'être  soumis  ; 
bientôt  peut-être  ils  décideront  ([u'un  enfant 
parvenu  à  la  puberté  esl  de  droit  et  par  na- 
ture supérieur  à  son  père.  Celte  morale  abo- 
minable n'atteste  que  trop  la  diminution  de 
l'autorité  paternelle,  et  la  nécessité  de  la 
renforcer,  s'il  était  possible.  On  le  sentira 
mieux  encore  en  lisant  l'article  suivant. 

Autorité  civile  et  politique.  Par  des  ac- 
croissements successifs,  nue  famille  esl  de- 
venue une  peuplide,  et  la  réunion  de  plu- 
sii  urs  a  formé  une  nation.  Soil  que  les 
peuplades  se  soient  réunies  par  le  voisinage, 
par  un  commerce  mutuel,  [tardes  alliances,  ou 
par  la  nécessité  de  se  déleudre  contre  des  ag- 
gresseurs  injustes  ,  cette  nouvelle  sociélé 
pouvait  encore  moins  subsister  sans  subor- 
dination qu'une  sociélé  domestique.  L'ha- 
bilude  d'obéir  à  un  père  disposait  déjà  les 
membres  à  reconnaître  rou^or/ïe  d'un  chef  ; 
aussi  le  gouvernement  monarchique  parait- 
il  le  plus  ancien.  Mais  soil  que  l'on  ail  établi 
un  seul  chef  on  j)lusieurs,  la  source  de  r«u- 
^)/(<e  est  la  nêuie  ;  Dieu  en  avait  prévu  el 
préparé  le  besoin  ;  il  s'en  est  rendu  le  garant  : 
un  législateur  quelconiiuc  n'a  pu  avoir  Vau- 
<orifc' nécessaire  pour  obliger  les  particuliers, 
si  ces  lois  n'avaient  pas  été  autorisées  jiar  le 
législateur  suprême.  Quand  tous  les  mem- 
bres sans  exception  y  auraient  consenti, 
cela  suftir/iit  peut-être  pour  faire  régner  la 
force,  mais  non  pour  obliger  la  conscience; 
;iutant  il  esl  impossible  à  un  homme  de  s'im- 
poser à  soi-même  une  obligation  morale, 
autant  il  esl  incapable  de  donner  à  un  autre 
homme  Vautorilé  et  le  droit  de  la  lui  impo- 
ser. Quand  il  aurait  promis  cent  fois  d'obéir, 


m 


AUT 


Aur 


4SI) 


qui  l'obligora  (le  tenir  sa  parole,  s'il  n'y  a 
pas  une  loi  antérieure  et  éternelle  qui  lui 
enjoint  de  tenir  sa  promesse  ?  (Juaml  II  le 
refuserait,  qu'en  ré-iuller.iit-il  ?  Touie  la  so- 
ciété, (le  la(]ueile  il  veut  cire  membre  sans 
en  observer  les  lois,  serait  en  droit  de  le  trai- 
ter comiue  un  ennemi,  de  le  cbas^er  ou  de  le 
punir. 

Dès  qu'une  société  civile  ou  nationale  est 
une  lois  formée,  ellu  est  obligée,  de  droit  na- 
turel, à  conserver  et  à  protéger  toute  créa- 
ture humaine  (|ui  nuit  dans  son  sein  ;  elle 
en  est  censée  la  mère,  de  même  (lue  Uieu  eu 
est  le  ]ière  :  à  son  tour,  clia(iiie  individu,  est 
dès  sa  naissance,  soumis  aux  lois  de  la  so- 
ciété dans  la(|uellu  il  reçoit  le  jour,  autrement 
elle  ne  pourrait  subsister.  Dieu,(!ui  ordonne 
à  la  société  de  le  conserver  et  de  le  protéger 
parce  qu'il  est  homme,  lui  eoininande,  par 
réciprocité,  d'obéir  aux  lois  élablies  et  à  l'f/M- 
torité  {\ui  gouverne  :  sans  cela  il  n'y  aurait 
plus  d'égalité  ni  de  justice.  Dieu,  qui  n'a  pas 
consulté  le  corps  de  la  société  pour  lui  im- 
poser ce  devoir,  n'a  pas  plus  besoin  du  con- 
sentement de  (  haqne  pai  ticulier  pour  l'assu- 
jettii  à  celte  obli-jation.  Appeler  cette  récipro- 
cité de  devoir  un  contrat  réel  ou  présumé,  un 
pdcle  social,  c'estabuser  du  termeet  brouilliT 
toutes  IfS  notions  ;  il  n'y  a  ici  liberté  ni  de  part 
ni  d'.iutrc  ;  Dieu,  père  l'I  bienfaiteur  de  l'Iiu- 
maiiilé,  a  lout  régie  et  tout  pre^c^il  d'avance, 
et  il  aurait  été  absurde  de  laisser  à  chaque 
particulier  une  liberté  destructive  de  la  so- 
ciété. 

Dieu  est  donc  aussi  réellement  l'auteur 
et  le  fondateur  de  la  société  civile  (iiie  de 
la  so(  ièlé  conjugale  et  domestique  ;  il  a 
destiné  riiomme  à  l'une  et  à  1  autre  par 
les  besoins,  par  les  inclinations,  par  les 
passions  nièini'  qu'il  a  données  à  l'homme, 
et  qui  ont  besoin  d'un  fiein  ;  donc  il  e^t 
aussi  le  seul  vrai  principe  de  l'(i»/o/i7d  civile 
et  légi>lalive  :  sans  la  loi  divine  naturelle, 
les  lois  liumaiDi-s  seraient  réduit  s  à  la  seule 
force  coaci»  e  ;  mais  cette  force  n'impose 
pas  plus  une  obligaiion  mor^.le  que  la  vio- 
lence d'un  voleur  armé.  —  Au>si  l'Ecriliire 
sainte,  plus  sa^e  que  \:i  pMlosnphie,  nous  dit 
que  Di<;u  a  étiibli  un  chef  sur  chaque  njition, 
in  uiiaii)(juiintqnp  ge:i(em  posuil  rccioiem 
(Ëccli.  XVII.  IV).  Dès  que  Dieu  s  est  choi.si  un 
périple  particulier,  il  n  daigne  en  être  le  lé- 
gislaeur  ;  cette  fonction  etail  irop  auguste 
pour  être  confiée  à  un  homme;  m.iis  II  donna 
à  Moïse  \'(iuto)il('  de  faire  exécuter  les  lois, 
et  il  commanda  d'elahlir  des  juges  pour  en 
faire  l'application  ;  il  prononi^a  la  peine  de 
mort  conire  (juiconque  résisterait  à  leur  sen- 
tence :  en  annonçant  que  les  Ivraeliles  se 
chuisiraieiif  un  roi,  il  lui  défendit  d'opprimer 
son  peuple  (Deul.  xvii,  9,  20).  Ainsi,  par  le 
fait  et  par  les  principes,  se  déimoiire  la  vé- 
rité de  la  maxime,  que  loule  puissance  vient 
de  Dieu. 

Mais  nos  adversaires,  aussi  habiles  com- 
Dienlateurs  de  l'Ecriture  sainte  que  profonds 
raisonneurs,  nous  accusent  de  mal  traduire. 
Saint  Paul  dit  {Pom.  xni,  1)  :  Que  lou'.e  per- 
sonne loil  soumise  aux  puissances  supérieures  ; 


car  il  n'est  point  de  puissance  qui  ne  vienne 
de  Dieu,  et  ciîlles  gin  sont,  ont  été  oiidun- 
NÉEs  ou  RÉGLÉES  PAK  LLi  :  (linsi  celui  qui  ré- 
siste à  la  puissance,  résiste  à  l'ordre  de  Dieu. 
Vous  avez  tort,  répliquent  nos  philosophes, 
il  y  a  :  celle<  qui  sont  de  Dieu  sont  ordonnées 
ou  bien  réglées;  donc  celles  qui  sont  mal  ré- 
glées ou  mal  ordonnées,  ne  viennent  pas  de 
Dieu.  C'est  ainsi  qu'il  f;iul  l'entendre,  confor- 
mément à  la  droite  raison  cl  au  sens  littéral  ; 
car  enfin  n'y  a-t-il  pas  des  puissances  in- 
justes, des  aulorilés  usurpées,  établies  coniro 
l'ordre  ei  la  volonté  de  Dieu?  Faut-il  obéir 
en  tout  aux  persécuteurs  de  la  vraie  religion? 
Et  [lour  fermer  la  bouche  à  rimbécillité,  la 
puissance  de  l'antechrist  vieiidra-t-elle  de 
Dieu?  etc.  —  S.ins  nous  émouvoir  de  celle 
insulte,  nous  disons  que  ce  commentaire  est 
opposé  au  texte  ;  il  suppose  que  s;iinl  Paul, 
après  avoir  dit  qu'il  n'est  point  de  puissanco 
qui  ne  vienne  de  Dieu, se  rétracte  ou  restreint 
celte  maxime,  et  décide  ((ue  la  puissance  ne 
vient  de  Dieu  que  quand  elle  est  bien  réglée  I 
Mais  qui  décidera  si  elle  est  bien  ou  mal  ré- 
glée? Les  particuliers,  sans  doute;  avant  d'o- 
béir ils  examineront  si  i'autorité  est  légi- 
time ou  usurpée,  si  les  lois  sont  justes  et 
conformes  à  la  volonté  de  Dieu;  si  elles  leur 
paraissent  injustes,  ils  seront  dispensés  de  la 
soumission,  et  ils  auront  droit  de  résistera 
ïautorilé.  Excellente  morale  1  C'a  été  celle  de 
tous  les  séditieux  et  de  tous  les  fanatiques 
de  l'univers. 

1  •  Saint  Paul  a  donc  eu  tort  d'ordonner  aux 
fidèles  en  général  de  rendre  hoiineiii,  tribut, 
respect  aux  puissances  établies  pour  lors  ; 
c'étaient  des  païens,  des  tyrans,  des  persé- 
cuteurs, de  viais  antecbrists.  Claude  et  Né- 
ron étaient  empereurs,  1 1  l'on  ne  soutiendra 
pas,  sans  doute,  que  la  puissance  de  ces 
monstres  était  fort  bien  réglée.  2  S.iint  Pierre 
dit  sans  restriction  :  Soyez  soumis  pour  Di*u 
(}  toute  créature  humaine,  au  roi  comme  le 
plus  ilecé  en  dignité,  aux  ojficiert  qu'il  a  pré- 
posés piiur  punir  les  malfaiteurs  et  protéger 
les  ()ens  de  hien  ;  parce  que  telle  est  la  volonté 
de  D  eu  yl  Petr.  i.,  13).  3°  Le  Sage  p.irlanl  à 
des  puiss.mces  très-injustes,  leur  dit  :  licuii- 
tez,  vous  qui  giiuvcrnc  les  peuples  et  qui 
vuyiz  avec  complaisance  les  nations  oulour  de 
vous;  ci-sl  Dieu  qui  vous  a  donné  l' ai  toritè, 
et  votre  puissance  vient  du  Très-Haut;  il  ju- 
gera vos  actions  et  vos  plus  secrètvs  pensées, 
parce  qu'étant  les  niini-'ti  es  de  son  royaume, 
vous  n'avi z  pas  gardé  les  lois  de  la  justice,  ni 
gouvi-rné  selon  sa  volo  téySap.  v  ,  3  .  4°  Les 
premiers  cliréliens,  quoi()ue  persécuies  par 
les  empereurs.  L  or  ont  oi)éi  d.ins  tout  ce 
qui  ne  lenait  pointa  la  religion  ;  nos  apolo- 
gistes l'ont  ainsi  représenté  aux  empereurs 
mêmes  et  aux  m.igistrats;  ïertuUien,  s.iint 
Irénée  et  les  autres  Pères,  entendent  com- 
me nous  les  paroles  de  saint  Paul.  3'  C'est 
des  protestants  que  nos  censeurs  ont  em- 
prunté leur  théorie  louchant  les  fondements 
de  Vautorité  :  Jurieu  a  soutenu  av.int  eux 
qu'il  n'y  a  aucune  relation  de  maître,  de  ser- 
viteur, de  père,  d'enfant,  de  mari  et  de 
femme,  qui  ne  soit  établie  sur  un  pacle  mu- 


m 


AUX 


AUT 


4S2 


IupI  ;  que  l'autorité,  fondée  sur  le  droit  de 
connuéle,  n'est  qu'une  pure  violence,  etc. 
M.  BcssueU'a  réfuté  sans  réplique, cinguièmc 
auert.  aux  prore>«., n.  50  et  suivan  s.  6* Cepen- 
diinl-  les  plus  célèbres  commeniafeurs,  méuie 
protestants,  n'ont  pas  osé  tordre  le  sens  de 
saint  Paul,  comme  le  font  nos  jurisconsultes 
njodrrnes.  Voy.  la  Synopse  des  critiques  sur 
ce  passage. 

Il  y  a  lies  autorités  illégitimes,  des  puis- 
sances u-urpées,  des  gouvernements  tyran- 
niques,  contraires  à  la  volonté  et  à  la  loi  de 
Difu,  nous  I  n  convefions  ;  mais  enfin,  dès 
qu'elles  existent  et  sont  reconnues,  il  est  de 
l'inlérêl  général  et  du  bien  commun  qu'elles 
soient  respectées  et  obéies,  parce  que  l'anar- 
chie est  le  plus  grand  de  tous  les  maux.  Dans 
quels  dangers  serait  la  société,  s'il  élaii  per- 
mis au  premier  ins  'nsé  qui  jugera  Vnutorité 
injuste  ou  illégitime,  de  lever  l'étendard  et 
do  sonner  le  tocsin  de  la  sédition  contre  elle? 
Alors  un  conquérant  serait  forcé  d'avoir 
toujours  le  alaive  levé  sur  la  tète  d'un  peuple 
conquis,  et  de  le  gouverner  avec  un  sceptre 
de  fer,  pour  lui  ôler  le  pouvoir  de  secouer  le 
joug.  Ainsi  les  principes  de  nos  adversaires, 
loin  de  favoriser  la  lilierté  du  peuple,  ne  ten- 
dent qu'à  fournir  aux  souverains  un  motif 
ou  un  prétexte  de  lui  ôter  toute  liberté.  — 
On  nous  demande  fièrement  s'il  faut  donc  obéir 
en  tout  aux  persécule'irs  de  la  vraie  religion. 
Non,  sans  doute  :  Jésus-Christ  a  posé  la 
limite  au  delà  de  laquelle  ['autorité  civile  n'a 
aucun  pouvoir;  il  a  ordonne  de  rendre  à 
César  ce  qui  est  à  Cé-ar  et  à  Dieu  ce  qui  est 
à  Dieu  :  or,  la  religion  est  à  Dieu  et  non  à 
César;  c'est  Dieu  qui  l'a  établie,  non-seule- 
ment sans  le  concours  de  Vatitortté  civile, 
mais  malgré  sa  résistance  ;  et  c'est  dans  ce 
sens  que  les  apôlres  ont  p  'sé  pour  maxime 
qu  il  vaut  mieux  obéir  à  Dieu  qu'aux  hom- 
mes. Il  n'est  personne  qui  ne  puisse  abuser 
des  facultés  naturelles  qu'  1  a  reçues  de  Dieu, 
aussi  bien  que  de  Vautorilé  dont  il  est  dépo- 
sitaire, il  ne  s'ensuit  rien. 

Qaehiues  incrédules  ont  poussé  la  démence 
jusqu'à  dire  que  si  toute  c.utoiité  vient  de 
Dieu,  la  peste,  la  guerre,  la  stérilité  et  les 
autres  Iléaux  de  l'huma  ni' e  en  viennent  aussi  ; 
qu'il  ne  s'ei>>uit  pas  néanmoins  ((u'il  n'est  pas 
permis  de  s'en  mettre  à  couvert  quand  on  le 
peut.  Ainsi,  selon  leur  avis,  toute  autorité 
est  un  fléau  de  l'humaniié,  comme  la  guerre, 
la  lamine,  ou  la  peste.  Mais  est-il  démontré 
que  la  siciéié  humaine  peut  se  passer  aussi 
alseiiRMil  d'une  nnlnrilé  quelconque  pour  la 
gou»  erner,  (\uo.  des  fli'aax  lionl  nllu^  p. irions? 
Ndus  prion«  ces  declamateurs  insensés  de  ci- 
ter l'exemple  d'une  société  civile  ou  do(nesti- 
que  (|ui  ail  subsiste  el  prospéré  sous  une 
anarchie  alisolue.  Le  vrai  lleau  de  l'huma- 
nité serait  c>  tte  liberté  chimérique  dont  nos 
adversaires  ont  l'imagin  ition  frappée,  el 
qu'il»  ne  cessent  Ar.  réclamer  :  a»ecce  beau 
privilège,  aucune  société  ne  p.'Uirait  se 
maintenir,  el  les  membres  ne  tarderaient 
pas  de  se  déiruirc  les  uns  les  autres.  L'hom- 
me, né  avec  des  passions  fougueuses,  a  be- 
soin de  lois  qui  les  répriment,  et  les  lois  n'au- 


raient aucune  influence,  s'il  n'y  avait  pas 
une  autorité  armée  de  la  force  pour  les  faire 
exécuter. 

Avant  de  décider  que  les  souverains  ont 
reçu  de  leurs  sujets  Vautorité  doir  ils  sont 
revêtus,  nos  profonds  politiques  auraient  dû 
nous  apprendre  comment  les  sujets  peuvent 
donner  ce  qu'ils  n'ont  pas,  et  ce  qu'ils  n'ont 
jamais  eu.  On  nous  dit  que  Vautorité  appar- 
tient de  droit  naturel  au  corps  de  la  société, 
qu'elle  ne  peut  s'en  dé|)Ouiller  absolument 
et  pour  touours,  qu'elle  est  en  droit  de  la 
reprendre  lorsque  son  chef  nu  ses  chefs  en 
abusent.  La  fausseté  de  ce  principe  est  déjà 
sulfisam. lient  prouvée;  mais  il  faut  achever 
de  némontrer  le  contraire  par  l'état  général 
du  genre  humain,  afin  qu'il  ne  reste  aucun 
doute  sur  une  matière  si  importante. 

Dans  les  sociétés  les  plus  démocratiques, 
Vautorité  n'est  jamais  entre  les  maiusdu  plus 
grand  nombre,  mais  des  chefs  de  famille  et 
des  principaux  citoyens;  les  femmes,  les  jeu- 
nes gens,  les  serviteurs,  les  étrangers  rési- 
dants, n'y  ont  point  de  part  ;  ils  foui  cepen- 
dant au  moins  les  trois  quarts  de  la  société. 
S'il  est  vrai  qu'aucun  houiine  n'a  reçu  de  la 
nature  le  droit  de  conmander  à  sou  sembla- 
ble, ai  la  liberté  est  un  don  du  ciel, dont  tout 
homme  a  droit  de  jouir  dés  qu'il  fait  usage 
de  sa  raison,  il  est  clair  que,  dans  la  démo- 
cratie même,  la  quatrième  partie  qui  gou- 
verne le  reste  a  usurpé  Vautorité  ;  que  ce  gou- 
vernement est  aussi  contraire  au  droit  natu- 
rel que  l'aristocratie  et  l'état  monarchique. 
Pour  que  chaque  membrede  la  société  jouisse 
de  la  liberté,  il  faut  qu'il  n'y  ait  plusd'anro- 
rité,  et  que  l'anarchie  soit  absolue. — Dans 
cet  état  des  choses,  voyons  comment  Vautorité 
pourrait  naitre.et  quel  en  sera  le  fondement. 
Tous  les  membres  de  la  société  sont  rassem- 
blés pour  établir  et  choisir  un  gouvernement; 
tous  doivent  donner  leur  sulïrage.  Qu'ils  re- 
mettent Vnalo'ité  aux  chefs  de  famille,  à  nu 
sénat,  à  un  roi,  cela  nous  est  é;;al  ;  il  s'agil 
de  savoir  ce  que  peut  opérer  et  ce  que  signi- 
fie le  sulTraji»  que  chacun  ilonne  à  ce  mo- 
ment. S'il  dit  :  Je  vous  donne  lu  portion  d'au- 
lorité  que  j'ai  sur  la  société,  il  déraisonni», 
puis(iu'ii  n'en  a  réellement  aucune,  et  que 
l'anarchie  subsiste  encoie.  S'il  entend  ;  Je 
vous  donne  /'antoi  ité  que  j'ai  sur  moi,  cela  ne 
se  peut  pas  :  il  est  absurde  qu'un  parlicu  ier 
ail  r«Hfor(7^  sur  soi-même  et  soit  son  pro- 
pre supérieur.  S'il  veut  dire  :  Je  vous  remets 
ma  liberté  natnn  Ile,  c'i'sl  un  attentat;  une  li- 
berté accordée  par  la  nat  ire  est  inaliénable  ! 
ainsi  le  veulent  nos  philosophes.  Si  cela  si- 
gnifie ;  Je  vous  la  donne  seulement  jiour  un 
temps ,  sauf  à  la  reprendre  qunnd  il  me 
plaira,  le  don  est  illusoire  ;  f/flH«er,  dit-un,  el 
retenir,  ne  vaut.  Ainsi,  le  simple  particulier 
ne  (leut  donner  validemeut  ni  i'rt«(()r//(' (|u'il 
n'a  pas,  ni  la  lilierl,'  qu'il  a.  Si  nous  suppo- 
sons qu'il  dit  :  Je  rous  clun^is  paur  subvenir 
au  besoin  que  la  société  dont  je  suis  inembrt  a 
d'être  (jourernr'e,  cela  se  comprend  ;  mais 
alors  ce  particulier  ne  fait  que  céder  à  une 
nécessité  tlont  Dieu  même  est  l'auteur,  et  son 
consentement  n'est  pas  libre.  S'il  dit  :  Je  vous 


453 


AUT 


AUT 


4«4 


choisis  pour  exercer  au  nom  de  Dieu  /'auto- 
rilé  qu'il  a  sur  nous  tous,  roli  se  conçuii  en- 
core mieux,  el  jilors  c'i'si  Dieu  et  non  l'h  iin- 
nie  qui  revél  île  Vdutorité  le  (téposll;iiie  choisi 
par  Ifi  sociéic.  Nous  défions  nos  .'iiiversaires 
(Je  doiiiKT  un  .'lutre  sens  raisonnalile  au  suf- 

I-  frage  (lun  électeur  quelconque. 
Éiinii,  l'absurdité  de  leurs  principes  est 
palpable,  par  les  consé(|ueiices  éiioruifs  qui 
s'ensuivent.  En  sup|iosaut  que  loule  autoi  ilé 
i  est  donnée  en  con^idér.tiioa  des  bienfaits 
reçus  ou  que  l'on  espère,  ils  ont  décide  qu'une 
société  qui  ne  procure  aucun  bien  à  ses  mem- 
bres, perd  le  droit  de  leur  coinniander;  que 
tout  membre  mécontent  de  son  sort  a  le  droit 
de  se  détruire  et  de  jiniver  la  société  de  ses 
services.  Suivant  celte  morale,  le  mécoa- 
lentemenl  de  ce  membre  le  dépouille  de  l'bu- 
maiiilé,  et  le  met  dans  l'état  de  pure  ani- 
nuiliié,  puis<iu'il  ne  lient  plus  à  la  société 
humaine.  Y  eut-il  jimais  une  société  qui 
n'ait  procuré  et  ne  prodre  aucun  bien  à  ses 
membres?  Kllc  a  veillé  à  leur  conservation 
même  avant  leur  naissance;  ils  sont  redeva- 
bles à  ses  lois  de  l'éducition  qu'ils  oui  reçue, 
de  la  sûreté  dont  ils  ont  joui,  des  mœurs 
qu'ils  oui  contractées,  des  plaisirs  de  l'ado- 
lescence, de  leurs  vertus  s'ils  en  oui;  leurs 
vices  sont  leur  propre  ouvrage,  et  de  là  vient 
le  malheur  qu'ils  impuleul  à  la  société.  Si 
ïaulorilé,  en  général,  était  aussi  mallaisante 
que  nos  philiis^phcs  ingrats  le  supposent, 
elL>  ne  soutTrirait  pas  aussi  patiemment  les 
insultes  qu'ils  lui  font.  lNous  nous  garderons 
bien  de  copier  les  conseils  abouiiu.ibles  que 
quelques-uns  ont  donnés  aux  sociétés  me- 
contenies  de  leurs  chefs. 

La  plupart  ont  reproché  à  la  morale  chré- 
tienne de  lavori-er  le  desjioiisme  des  sou- 
verains, eu  rendant  leur  aulorilé  sacrée. 
A-t-il  donc  été  possible  aux  chrétiens  sensés 
de  méconnaître  une  vérité  sentie  méaie  par 
les  païens?  Hésiode  et  Homèie  disent  que  les 
rois  sont  les  lieutenauls  de  Jupiter,  et  que 
c'esl  lai  qui  les  a  placés  sur  le  trône;  les 
Chinois,  que  les  prim-es  uni  reçu  leur  com- 
mission du  ciel;  Zcroastre,  qu'Ormudz,  ou 
le  bon  prince,  a  établi  les  rois  jiour  gouver- 
ner les  peuples.  Une  preuve  posiuve  do 
l'heureuse  inlluence  de  l<i  morale  chrétienne 
sur  les  gouvernemeiils,  c'esl  que  la  puissance 
souveraine  n'est  nulle  p.irl  plus  tempérée  et 
plus  sagement  réglée  que  chez  les  n.itions 
éclairées  par  les  lumières  de  l'Evangile; 
parlout  ailleurs  le  despotisme  et  l'esclav  ye 
sont  établis.  Constantin,  premier  empereur 
chrétien,  est  aussi  le  premier  qui,  par  ses 
lois,  ail  mis  des  bornes  au  despotisme  exer- 
cé par  ses  prédécesseurs.  Voy.  Loi,  Ro:,  etc. 

AtJTORlTÉ     nF.LIGIKUSE    OU     ECCLIÎSIASTIQU  E. 

Nous  eniendons  par  là  raii^or/tc  des  pasteurs 
de  l'Eglise  sur  b-s  simples  fidèles.  Lorsqu'un 
chrétien  est  convaincu  que,  depuis  le  com- 
mencement du  monde.  Dieu  a  révélé  et  pres- 
crit aux  hommes  la  religion,  c'est-à-dire,  le 
culte  qu'il  exigeait  d'eux,  il  ne  peut  plus 
douier  si  c'est  Dieu  qui  a  donné  aux  pas- 
leurs  Vautorilé  nécessaire    pour  enseigner 


lesfidèJes,  et   pour  les  guider  dans  la  voie 
du  s.'ilut. 

D.ins  l'état  de  sociélé  purement  domesti- 
que, le  chef  de  famille  élan  aussi  le  ministre 
du  culte  divin;  les  enfants  d'Adam  ,  Noé, 
Abraham,  Jacob,  oikt  oITert  des  sacrifices; 
IVIelchisédeoh.  roi  de  Salem,  était  aussi  prétie 
du  Dieu  Irès-Haut.  Gen.,  c.  xiv,  v.  i><.  Mais 
lorsque  plusieurs  pi  uplades  réunies  ont 
formé  une  sociélé  civile,  il  a  été  convenable 
que  1,1  puissance  temporelle  et  Vauiorité 
spiriiuelle  ne  fussent  plus  réunies  dans  la 
même  personne.  Dieu,  en  donnaul  sa  loi 
aux  Hébreux,  choisit  la  tnbu  de  Lévi  pour 
faire  les  fonctions  du  culte  divin  ;  il  confia 
l'auforj'te  civile  et  politii|ue  à  Moïse  et  aux 
juges.  Jésus-Christ,  qui  a  paru  sur  la  terre 
lor-que  les  nations  avaient  une  législation 
civile  établie,  n'y  a  dé.ogé  qu'en  ce  qui  re- 
gardait la  religion;  il  a  donné  u\  apôires 
et  à  leurs  successeurs  la  puissance  Sjii- 
rituellé,  ou  l'ait^y/ ùe  nécessaira  p.mr  faire 
croire  la  doctrine  et  oî-server  la  morale  de 
rEvai:;^iie  :  c'esl  ce  que  l'on  nomme  \'auto- 
riCé  de  l'Eglise;  et  l'on  comprend  que  dans 
cette  expression  l'Ej-lise  est  le  corps  des  pas- 
teurs, et  non  l'assemblée  d^s  fidèles. 

Cette  autorité  est  évidemment  divine,  puis- 
que Jésus-Christ  est  Dieu;  elle  est  iudépea- 
dante  de  la  puissance  civile,  puisque  le 
Sauveur  a  éiabii  son  Evangile  malgré  les 
puissances  de  la  terre  ;  elle  ne  la  gène  point, 
puisque  la  puissance  civile  ne  s'étend  point 
à  la  religion;  elle  ne  l'aflaiblit  point  ,  au 
contraire,  elle  la  renforce  par  les  leçons  d'o- 
beissance  qu'elle  fait  aux  peuples'.  Jésus- 
Christ  a  dit  à  ses  apôires  :  Toute  puissance 
m'd  élé  donnée  dans  le  ciel  et  sur  la  terre; 
allez  donc,  enseignez  toutes  le-:  nation-,  bap- 
tisez-les au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint- 
Esprit,  et  apprenez  II  ur  à  g  irder  tout  ce  que 
je  vous  ai  ordonné;  je  suis  avec  vous  jusqu'à  la 
consommaiion  des  siècles  {Mailh.  xxviii,  18). 
Lorsque  les  souverains  et  les  peuples  oui  em- 
bras^e  le  christianisme,  ils  se  sont  soumis  à 
cet  ordi  e  suprême. 

Mais  aucune  vérité  n'est  à  couvert  des 
altentjits  de  l'hérésie.  Pour  avoir  droit  de  se 
révolter  contre  une  autorité  établie  depuis 
seize  siècles,  les  seclaires  ont  dit  que  Jesus- 
Ghrist  a  donné  Vaulurilé  spirituelle  à  VE- 
SF^ii-e,  c'est-à-dire  à  l'assenîblee  des  fidèles  ; 
et  non  aux  pasteurs  ;  que  ceux-ci  la  reçoivent 
de  l'Eglise,  el  non  d'ailleurs;  qu  ils  sont 
simples  mandataires  des  fidèles;  (]u'i|<,  n'ont 
û'autoiité  sur  le  troupeau  qii'.iuîanl  que  les 
ouaiiles  trouvent  bon  de  leur  en  accorder. 
Jésus-Chrisl,  en  donnant  la  mission  a  ses 
apô  res,  parlait-il  donc  à  l'assembée  des 
fidèles,  qui  n'exi-t.iii  pas  encore?  Trouver  i- 
t-on  dans  l'Ecriture  q  le  Jésus-Christ  a  donné 
aux  lidèles  la  commission  d'enseignée  et  de 
gouverner  leurs  pasteur>  ?  Sans  doule,  comme 
on  y  a  trouvé  que  c'est  aux  enfuiis  de  com- 
mander à  leurs  pères  et  au  peuple  de  m.iilri- 
ser  les  rois.  —  Comiue  les  predicants  no 
pouvaient  établir  leur  secle  que  par  une 
a((tyr(7t' divine,  il  a  fallu  recourir  aux  puis- 
sances séculières;  ce  sont  elles  qui  ont  fondé 


455  AOT 

par  leurs  lois  les  églises  luthérienne,  calvi- 
niste et  anglicane  :  aussi  n'a-t-on  pas  man- 
qua il'enseigner  que  Uieu  a  doiuiéaux  rois 
el  aux  magistrats  le  droit  et  le  pouvoir  de 
régler  et  île  prescrire  la  (ioctrine  et  la  disci- 
pline de  l'Eglise  ;  et  cela  s'eU  trouvé  à  point 
nommé  dans  l'Ecriture  sainte.  Mais  lorsque 
l'inlérèt  a  chaniié,  l'on  y  a  trouvé  aussi  que 
les  souverains,  à  leur  tour,  ne  sont  que  les 
niamlalaires  de  leurs  sujets;  que  leur  au(o- 
7-lté ,  lorsqu'ils  en  abusent,  est  aussi  ré- 
vocable que  celle  des  pasteurs.  Bien  entemlu 
que  celle  nouvelle  doctrine  n'a  été  prêchée 
que  dans  les  Eials  républicains;  dans  les 
autres,  le  souverain  ne  l'aurait  pas  soufferte. 

Malgré  les  analhètnes  lamés  contre  ces 
erreurs,  quelques-uns  de  nos  jurisconsultes 
modernes  ont  osé  les  renouveler,  et  ont  sui- 
vi la  même  marche  que  les  prolestants  :  ils 
ont  soutenu  d'aboni  que  les  pasteurs  de  l'E- 
glise ne  peuvent  légiiiniemenl  exercer  au- 
cune fonction  publique  de  leur  ministère,  ni 
faire  aucun  acte  d'aulorité  ecclésiastique , 
sans  l'agréiuent  et  l'aveu  de  la  puissante  ci- 
vile ;  ensuite,  pour  compléter  le  s>  slème,  on 
prétend  aujourd'hui  que  les  rois  tiennent 
toute  leur  autorité  de  leurs  sujets,  qu'elle  ne 
vient  pas  plus  de  Dieu  (lue  celle  des  pasteurs 
ne  vient  de  Jesus-Clirisl.  Ainsi,  les  gouverne- 
ments ne  peuvent  plus  être  dupes  du  zèle 
hypocrite  que  l'on  avait  affecté  d'aliori  pour 
la  prétendue  suprématie lieXcar  pouvoir. 

Dans  raiiicle  précédent,  nous  avons  dé- 
montré que  Dieu  est  le  seul  et  véritatile  au- 
teur de  la  l'uissance  civile  et  politique,  quel 
que  soit  le  sujet  dans  lequel  elle  réside.  Au 
mot  Pasteurs,  nous  ferons  voir  que  leur 
autonié  vient  de  Jésus-Christ,  et  n'est  sou- 
mise à  aucune  autre  ;  que  Vaulorité  de  l'E- 
glise est  celle  dos  pasteurs,  el  non  du  corps 
des  fidèles. 

Il  faut  distinguer  Vaulorité  de  l'Eglise  en 
matière  de  foi,  et  son  aulurilé  eu  fait  de 
discipline.  La  première  est  la  mission  même 
que  les  apôtres  et  leurs  successeurs  ont 
reçue  de  Jésus-Christ  pour  enseigner  les 
fidèles,  mrssion  qui  impose  à  ceux-ci  l'obli- 
gation de  croire;  il  a  dit  aux  apôtres  :  Celui 
qui  vous  écoute  m'écoute  moi-même,  elcilui 
(jui  vous  méprise  me  méprise  (Luc.  x  ,  llij. 
A  l'article  Mission,  nous  prouverons  (jue 
celle  des  apôlces  ne  s'est  pas  terminée  à  eux, 
mais  qu'elle  a  passé  à  leurs  successeurs,  et 
durera  auianl  que  l'Eglse. 

Sans  aucun  égard  pour  la  mission,  les  pro- 
testants souliennenl  (]ue  ,  pour  régler  sa 
croyance,  le  simple  fidèle  ne  doit  point  s'en 
rap()orler  à  Vauturilc  de  l'Etiliae  ou  a  l'ensei- 
gnement  des  past(  urs,  mais  qu'il  doit  ex,i- 
miniT  par  l'Ecriiiire  sainte  ce  qui  est  réveié 
de  Dieu,  ou  non  révélé,  par  conséquent  vrai 
ou  faux,  cert.iiu  nu  douteux;  les  calhuliques 
prétendent  le  contraire  ,  conséquemmeiit 
ceux-ci  s'en  tiennent  à  la  voie  d'autorité ,  et 
les  premiers  à  lu  voie  d'exameit.  Il  faut  donc 
voir  d'abord  le.juel  de  ces  deux  procédés 
c^t  le  plus  aisé  ou  le  plus  possible  à  un  sim- 
[de  fidèle,  de  s'assurer  de  Vauloriié  divine 
de  l'Ecriture  sainte,  ou  do  constater  la  mis- 


AUT 


456 


sion  divine  des  pasteurs  de  VEglise.  Nous 
soutenons  que  le  premier  de  ces  examens 
est  impossible  au  commun  des  fidèles,  et  que 
le  second  est  très-aisé. 

Pour  fonder  noire  foi  sur  la  seule  autorité 
de  lEcrilure  sainte,  il  faut  être  certain,  i° 
que  tel  livre  e»t  canonique,  écrit  par  un  au- 
teur ius|iiré,  et  que  c'est  véritablemi  nt  la 
parole  de  Dieu  ;  si  c'était  un  livre  supposé, 
apocryphe,  altéré,  rempli  d'erreurs,  il  n'au- 
rait aucune  autorité.  2°  Qu'il  a  été  filèlement 
traduit,  et  que  la  version  rend  exactement  le 
sens  du  texte  original.  3°  Que  le  sens  du 
livre  esi  véritablement  tel  qu'il  nous  paraît, 
que  nous  ne  nons  trompons  point  dans  la 
manière  dont  nous  l'en  endons.  Il  n'est 
aucun  de  ces  trois  points  ■-ur  lec]uel  il  n'y  ait 
des  disputes  entre  les  croyants  et  lis  incré- 
dules, entre  les  catholi(|ues  el  les  hérétiques: 
un  simple  fidèle  est  évidemment  incapable 
d'entrer  dans  touies  ces  contestations,  <i  plus 
forte  raison  de  les  décider.  —  Pour  être  as- 
suré de  l'HU/orùe  divine  et  infaillible  de  l'E- 
glise, il  faut  êtie  convaincu,  1"  de  la  missioa 
des  iipôlres,  2°  de  la  succession  légitime 
des  pasteurs  qui  les  remplacen!.  La  mission 
divine  des  apotr  s  est  constatée  par  les 
mêmes  preuves  >iui  établissent  ladiviniiéde 
la  religion  chrétienne,  et  que  nous  nommons 
motifs  de  crédibilité;  ce  sont  les  miracles  de 
Jésus-Cbrist,  ceux  des  apôtres,  leuis  vertus, 
leur  mariyre,  leurs  succès,  le  monde  changé 
par  le  christianisme  :  preuve  démonstialive, 
à  portée  des  plus  gr.ssiers.  La  succession 
des  pasteurs  de  V Eglise  par  la  voie  de  l'or- 
dination est  un  fait  public,  incontestable, 
sur  lequel  personne  n'est  tenlé  de  former 
des  (toutes  et  de  disputer.  Dans  le  sein  de 
VEglise  catholique  un  simple  fidèle  a  le 
même  degré  de  certitude  en  m.iiière  de  foi, 
qu'il  a  de  ses  intérêts  les  plus  chers,  de  sa 
naissance,  de  ses  droits,  de  ses  devoirs  na- 
turels et  civils:  la  certi  ude  morale  est  poussée 
au  plus  haut  de^re  de  notoriété. 

Une  preuve  de  la  nécessité  de  cette  mé- 
thode, c'est  qu'elle  esl  suivie  dans  les  sectes 
mêmes  qui  lont  profession  de  la  rejeter. 
Avant  de  lire  i'Ecrilure  sainte,  un  luthérien, 
un  calviniste,  un  socinien,  sont  imbus  déjà 
liés  renlaiice,  par  leur  catéchisme,  de  la 
doctrine  de  leur  communion.  Le  premier 
trouve  dans  l'Ecriture  sainte  le  Inthéranisine; 
le  second  y  voil  le  calvinisme;  le  troisième  y 
découvre  la  doctrine  de  Stuiii.  Ce  n'est  donc 
pas  le  sens  de  l'Ecriture  qui  les  guide,  c'est 
leur  croyance  antérieure  qui  décide  pour  l'us 
du  sens  de  l'Ecriture.  Voy.  Eciuiuiib:  sainiiï, 
Eglise. 

Une  antre  question  est  de  savoir  si  en 
matière  de  discipline  V lùjlise  a  Vaulorité  de 
faire  des  lois,  et  d'obliger  par  des  peines  les 
fidèles  à  les  observer,  loy.  Lois  ecclésias:- 
TIQUES.  —  Comme  toutes  les  conli'Stalioiis 
entre  VEglise  catliolique  et  les  sci  les  hété- 
rodoxes se  réduisent  a  savoir  quelle  est  la 
voie  la  plus  certaine  jiour  connaître  la  vraie 
dociriue  de  Jésus  Christ,  il  est  bon  do  faire 
voir  que  notre  méthode  est  fondée  sur  un 
princii-.c   unique   et  simple,  dont  les  consé- 


457                                       AUT  AUT                                         458 

qiipncps  sont  palpalilos.  Ce  prini'i|)e  est  allostcr  quelle  fst  l.i  croy;ince  dos  dilTérenlos 
qiu>  la  neli(jion  clirélienne  est  une  reliijion  sociéiés  (|iii  la  cuniposeiil,  il  ce  tétiioi{;iiaf;e 
reréicr.  esl-ll  oliy;iie  de  foi?  o"  Il  en  résulte  ijne  l;i 
De  là  nous  concluons,  l°d(ine  nous  devons  culhoUcilé  ou  l'uiiiforuiité  de  dociriac  fi,ln> 
I.i  recevoir  par  roîi;aiie  de  ceux  qtie  Oleu  a  crs  sociétés  dspersces  est  la  vraie  rèij^e  à 
S()ecialeiiieiil  ch.ir^és  di'  l'enseigner,  el  non  laquelle  les  grands  el  les  petits,  le:^  s.iv.t  ,L, 
par  un  autre  canal.  Toul  liDuime  (|ul  n'est  et  les  i^nor.iiiis  doivent  Tiire  atlenlioii,  don- 
point  envoyé  de  Dieu,  (joi  n'est  p.iini  revêtu  ner  leur  cunli.ince.  Lorsqu'eiitre  plusiei>r:< 
d'une  mission  divine,  cstsanscjiraclère  elsans  preuves  il  s'en  trouve  une  qui  est  également 
autoi  iié  pour  dogmatiser  :  Ls  taliils,  les  lu-  à  poit^'e  de  Ions,  el  qui  supplée  à  toutes  les 
niieres,  la  sainteté,  et  tous  les  avantages  autres,  il  est  naturel  que  Ions  y  aient  recours 
possibles  ne  peuvent  snp;ileer  ai  défaut  de  el  se  reposiMit  sur  elle.  Il  serai  ahsunle  de 
mission.  Jesus-Christ  l'avait  donnée  à  ses  renvoyer  l(^s  simides  (i'Ièles  à  des  lectures,  à 
apôtres  ;  ceux-ci  l'uni  communiipiee  à  leurs  de- ili>cussions  sur  drs  livres  el  des  p  iss.iges, 
successeurs  ;  ils  ont  voulu  que  ce  te  mission  à  des  raisonnements  dont  ils  sont  évidein- 
fùl  alleslée  par  l'on/inaiion  donnée  à  la  face  ment  incapables.  —  Nous  concluons  enfin  : 
(Je  \'E<ilise;  ainsi  le  christianisme  s'est  per-  Donc  tout  docteur  qui  veut  établir  un  point 
pélué  jusqu'à  nous,  ainsi  il  doit  se  conser-  de  dogme  par  une  des  trois  preuves  dont 
ver  jusqu'à  la  fin  des  siècles.  —  11  s'ensuit,  nous  avons  parlé,  et  rej 'lie  les  deux  autres, 
2"  que  la  révélation  du  christianisme,  qui  qui  veut  renverser  la  tradition  par  le  silence 
est  un  fait  général,  doit  se  prouver  comme  de  l'Eciilure,  au  lieu  de  suppléer  à  ce  silence 
toul  autre  fait,  par  la  tradition  orale,  par  par  la  iradiiioii  et  par  l'énergie  des  nionu^ 
l'histoiie  écrite,  par  les  monumeuis,  ou  par  menls,  se  rend  suspect  de  Iraude.  S'il  manque 
les  rites  exteri  urs  qui  y  sont  relatifs,  d'ailleurs  du  caractère  essentiel  à  l'enseigne- 
Puisqu'ici  la  ceniiuile  morale  ne-  peul  être  ment,  de  mi>siun  divine  el  légitime,  c'est  uq 
poussée  trop  loin,  et  que  notre  foi  ne  peut  pr.-varicateur  ;  s'il  résiste  au  témoignage 
être  irop  ferme,  aucune  de  ces  trois  preuves  et  à  la  décision  de  VEgl  ve,  c'est  un  hérétique, 
ne  doit  être  rejilée  ;  de  leur  coiicerl  p.irfait  Outre  l'cnchainement  et  l'évidence  de  ces 
ré-ulie  le  plus  haut  d' gré  de  certitude  et  de  conséquiiice  ,  nous  avons  pour  nous  l'usago 
notui  iélé  possilile.  C'esl  ainsi  que  l'on  pro-  observe  conslamuienl  depuis  les  apôires  jus- 
cède  ilaiis  toutes  L'S  questions  que  l'un  peut  qu'à  nous.  Lorsqu'une  dispute  sur  le  do^juie 
fui  nier  sur  nn  fait  imi)orUint,  duquel  défun-  s'esl  élevée,  le-,  pasteurs  se  sunt  assemblés;  ils 
dent  nos  intérêts  les  plus  chers.  — 3"  One  ic  ont  dii:  Voilàceque  nous  enseignonsauxfiJè- 
fail  général  de  la  révélation  du  christianisme  les,  ce  que  nou-.  avons  trouvé,  établi  et  pro- 
se résout  et  se  décoinp.)se  en  une  multitude  de  fessé  dans  V t'gt.si:  dont  legouverneaienl  nous 
faits  particuliers  qui  doivent  se  prouver  par  est  confie.  Lorsque  ces  témoignages  se  sont 
les  mêmes  ^ignes  que  le  fait  général.  Toute  trouves  uniformes,  unanimes,  ou  presque 
question,  en  matière  de  religion,  se  réiluit  à  unanimes,  ils  ont  dicté  la  déiision,  el  nu  a 
demander  :  Jésus-t^hrisl  et  les  apôtres  ont-  dil  anathèuie  à  ceux  qui  résistaient.  Si  l'on 
ils  enseigné  telle  doctrine"?  Qu'ils  l'aient  est  enlreavec  ce- derniers  dans  la  discussion 
écrite  ou  non,  cela  ne  décide  rien,  puisqu'en  des  piissages  de  lEcriiure  el  des  raisonne- 
matière  détail  il  reste  deux  autres  pr.'uves,  mentsqu'ilsobjectaieiil.ç'aété  pour  le- mieux 
la  tradition  et  les  monuments.  Quand  les  confondre.  La  srule  explication  certaine  et 
apiilres  n'auraient  écrit  nulle  part  que  le  inl'ailliiile  de  l'Ecriture  est  l'enseignement 
b.jptême  est  nécessaire  au  salut,  il  nous  suf-  cunslanl  et  unilorme  ite  V Eijlise.  —  Ainsi  ont 
firail  de  savoir  par  l'histoire  qu'ils  ont  voulu  raisonné  au  ir  siècle  saint  i(énée,  pour  réfu- 
que  tout  fidèle  fùl  baiilisé,  et  que  l'on  n'a  ter  les  héréliques  de  ce  temps-là;  au  iir, 
jamais  tenu  un  homme  puur  clirétien  ,  à  Terlullien  d.ins  ses  Prescriptions  contre 
moins  «lu'il  ne  fût  baplisé  ou  n'eiîl  désiré  d:;  eux  ;  au  iv,  les  Pères  q^i  oui  disputé  cou— 
l'ère.  Pour  savoir  quels  elTets  ils  ont  allii-  Ire  les  ariens  ;  el  celle  méthode  n'a  jamais 
bues  an  bapK^me,  nous  n'avons  besoin  que  chang,'.  —  Ainsi  ont  été  forcés  d'.igir  l 'S  pru- 
de considérer  le»  eéreinonies  avec  le-quelies  tesiants  eux-mêmes,  lors  |u'ils  ont  disputé 
ce  sacrement  fut  toujours  admiuisirè.  —  dans  leurs  syundcs  contre  les  sociniens,  pour 
Nous  concluons,  V'  (jue  toute  autorité  eu  savoir  s'il  l';iut  bai  liser  les  enfants  ,  et  si  le 
matière  de  foi  se  réduit  au  témoignage.  biptème  leurest  nécessaire  :au  silence  de  l'E- 
l.orsqu'l  est  constant,  uniforme,  universel  crilure  objec  é  par  les  sociniens,  aux  passa- 
de la  part  des  dilTérentes  Eglises  ou  sociétés  gi's  mômes  sur  lesquels  ils  se  fondaient,  les 
chrétiennes  dispersées  dans  le  monde,  il  ne  proleslanls  ont  voulu  opposer  la  pratique 
peul  être  faux.  Lorsque  les  témoins  sont  constante  et  générale  de  l'Eglise. 
revêtus  de  caractère,  jurent  el  prolestent  Qu'ont  répl.qué  les  sociniens?  A'ous  en 
qu'il  ne  leur  est  ni  permis  ni  possible  d'al-  revenez,  ont- ils  dit,  au  piincipedes  calholi- 
lérer  le  fait  dont  ils  déposent,  leur  attesta-  ques,  (jue  vous  faites  profession  de  rejeter 
tion  est  plus  forte  et  plus  respectable.  Tel  est  aussi  b  eu  que  nous.  Le  loudemeni  do  votre 
le  témoignage  des  Eglises  dispersées,  énoncé  croyance  el  de  la  notre  est  que  loiiL'  ques- 
par  la  bouche  de  leurs  pa-  eurs.  Lorsqu'on  tion  doit  être  décidée  par  l'Ei-riture  seule. 
met  en  quislion  si  ï  Lglise  a  une  nnfon'/e  Quand  il  a  fallu  irendre  parti  sur  les  con- 
en  m, ilière  de  foi,  c'est  comme  si  l'on  deman-  lesl  liions  survenue-i  enlie  les  arminiens  el 
dail  :  l'A'jf/ise  esl-eile  a  lm;>  ii)le  a  rendre  le-  le- gomarisl.  s,  les  minisires  assemblésàDor- 
Rjoiguage  par  la  bouche  do-  pasieurs,  pour  drccUl  oal  décidé,  à  la  pluralité  des  suffrai^es, 
DiCT,  DE  Théol.  dogmat;,:;le.  l.  lo 


'4S9 


AUT 


AVE 


460 


que  le  sentiment  des  arminiens  est  contraire 
à  l'Ecrilure,  et  que  ceus-ci  prenaient  mal  le 
sensdes  passages  surlesquels  ilssefondaient. 
Mais  nous  demandons  par  quelle  voie  un 
simple  calviniste  peut  être  assuré  que  les 
gomaristes  ont  mieux  pris  le  sens  de  l'Ecri- 
ture que  les  arminiens?  —  Il  nous  parait 
plus  naturel  de  déférer  au  témoisnage  des 
évéques,  lorsqu'ils  disent  :  Nous  attestons  que 
telle  est  la  croyance  de  nos  Eglises;  c'est  un 
fait  public  sur  lequel  il  leur  est  Impossible 
de  se  tromper  ou  de  nous  en  imposer,  que  de 
nous  soumettre  au  jugement  des  ministres 
lorsqu'ils  disent  :  Nous  déclarons  que  tel  est 
te  sens  de  l'Ecriture  ;  ceci  est  un  article  sur 
lequel  mille  docteurs  se  sont  trompés  depuis 
la  naissance  du  christianisme,  et  ont  été  lé- 
gitimement condamnés. 

Fidèles  à  suivre  la  marche  des  hérétiques, 
les  sociniens  et  les  déistes  prétendent  que, 
pour  savoir  si  une  doctrine  est  révélée  de 
Dieu,  ou  non  révélée,  il  n'est  pas  question 
d'examiner  si  elle  a  été  enseignée  par  Jésus- 
Christ,  par  les  apôtres,  ou  par  quelqu'un  des 
écrivains  sacrés,  mais  qu'il  faut  voir  si  elle 
est  conforme  à  la  droite  raison,  ou  si  elle  y 
est  opposée,  parce  qu'une  doctrine  contraire 
à  la  raison  est  inf  lilliblemenl  fausse,  et  ne 
peut  avoir  été  révélée  de  Dieu.  Il  est  clair 
que  ce  procédéest  encore  plus  absurde  que 
celui  des  protestants;  mais  c'est  une  consé- 
quence qui  ne  pouvait  manquer  de  s'ensui- 
Tre  :  c'est  ainsi  que  la  prétendue  réforme  a 
frayé  le  chemin  au  déisme.  Déjà  saint  Au- 
gustin a  réfuté  celle  théorie  dans  son  livre 
JDe  ulilitate  credendi. 

1°  La  plupart  des  vérités  révélées  sont  des 
mystères  ou  des  vérités  incompréhensibles  à 
l'entendement  humain  ;  l'examen  de  celte 
doctrine  en  elle-mémiî  ne  peut  donc  aboutir 
qu'à  conclure  :  Ve  n'y  conçois  rien.  Or,  l'igno- 
rance et  le  défaut  d'intelligence  de  notre  part 
ne  prouvent  rien.  iJ°  De  savoir  si  Dieu  a  ré- 
Télé  telle  ou  telle  docirine,  c'est  un  fait  :  or, 
ce  fait  se  prouve  par  des  témoignages,  et  non 
par  des  arguments  spéculatifs.  Parce  qu'une 
doctrine  nous  parait  vraie,  il  ne  s'ensuit  pas 
que  Dieu  l'ait  révélée  ;  quand  elle  nous  parai- 
trait  fausse,  il  ne  s'ensuivrait  pas  non  plus 
qu'elle  n'est  point  révélée.  Lorsqu'il  est  ques- 
tion de  savoir  si  telle  loi  est  émanée  de  l'auto- 
rité souveraine,  on  ne  commence  point  par 
examinersi  ellecstjiisteou  injuste,  raisonna- 
ble ou  absurde,  utile  ou  pci  niiiciise  ;  on  s'en 
rapporte  aux  faits  (]ui  prouvent  que  celle  loi 
a  été  véritablement  portée  et  promulguée. 
C'est  un  principe  universi'lli'nieiit  ai'lniis , 
qu'il  est  absurde  d'argii  ■enter  contre  les 
faits,  'd  La  révélation  est  faite  pour  les  igno- 
rants aussi  bioU  que  pour  les  savmls  :  or, 
les  ignorants  ne  sont  pas  plus  en  étal  de  ju- 
ger de  la  vérité  ou  do  la  fausseté  d'une  duc- 
Irine  en  elle-même,  que  de  décider  de  la 
justice  ou  de  l'injustice  d'une  loi  quelconque. 
Mais  l'homme  le  plus  ignor.jul  peut  être  con- 
Taincu  des  faits  qui  prouvent  la  uiission  di- 
Tino  des  pasteurs  ilc  l'EgliNC.  Voij.  Mission. 
—  <►"  La  voie  d'examen  a  été  de  tout  temps 
,1a   source  des  hérésies  ;   elle  est  encore  le 


principe  de  toute  espèce  d'incrédulité  :  parce 
qu'un  socinien  et  un  déiste  jugent  que  les 
mystères  du  chrislianismf»  sont  f<ux  et  ab- 
surdes, ils  décideni  que  Dieu  n'a  pas  pu  les 
révéler,  que  toute  révélation  est  une  impos- 
ture :  ils  imitent  l'opiniâtreté  des  athées,  qui 
soutiennent  que  Dieu  n'a  pas  créé  le  monde, 
parce  qu'il  n'est  pas  assez  bien  fait  à  leur  gré. 

11  ne  faut  donc  pas  confondre  l'examen  de 
la  mission  avec  l'examen  de  la  doctrine  :  le 
premier  est  à  la  portée  des  simples  fidèles,  le 
second  ne  l'est  pas.  Lorsque  la  mission  des 
pasteurs  est  prouvée,  le  devoir  du  fidèle  est 
de  croire  sans  examiner  la  doctrine,  parce 
qu'il  en  est  incapable. 

AVARE,  AVARICE.  C'est  aux  philosophes 
moralistes  de  faire  sentir  la  bas^e<se  et  les 
funestes  conséquences  de  cette  passion  ;  les 
théologiens  la  nomment  l'un  des  sept  péchés 
capitaux  :  souvent  elle  est  censurée  dans 
l'Kcriture  sainte.  Salomon,  dans  le^  Prover- 
bes, et  les  pro[)hètes,  se  sont  appliqués  à  en 
guérir  les  Juifs  ;  Jésus-Chrisl  reprend  fré- 
quemment ce  vice  des  pharisiens  ;  saint  Paul 
en  inspire  de  l'horreur  et  du  mépris  ;  il  dit 
que  c'est  une  iilolàtrie.  En  effet,  l(!s  désirs 
de  notre  cœur  sont  une  espèce  de  culte  que 
nous  adress'ins  aux  objets  dans  lesquels  nous 
faisons  consister  notre  bonheur.  Il  est  pas^é 
en  usage  de  dire  que  les  arares  n'ont  point 
d'autre  Dieu  que  l'argent. 

AVE,  MARIA,  ou  Salutation  angélique, 
prière  à  la  sainte  Vierge,  très-usitée  dans 
l'Eglise  romaine.  Elle  est  composée  des  pai  o- 
les  que  l'ange  Gabriel  adressa  à  la  sainte 
Vierge,  lorsqu'il  vint  lui  annoncer  li'  mys- 
tère lie  l'incarnation,  de  celles  de  sainte  Eli- 
sabeth, lorsqu'elle  reçut  la  visite  de  la  Vierge, 
et  enfin  de  celles  de  l'Eglise,  pour  implorer 
sou  intercession.  On  r.ippolle  Ave,  Maria, 
parce  qu'elle  commence  par  ces  mots,  qui  si- 
gniGcnt  :  Je  vous  salue,  Marie. 

On  appelle  aussi  Ave,  Maria  les  plus  pe- 
tits grains  du  chapelet  ou  rosaire,  qui  in- 
diquent que,  quand  on  le  récite,  on  <loil  dire 
des  Ave,  à  la  différence  dis  gros  grains,  sur 
lesquels  on  dit  le  Paler  o\i  l'oraison  domini- 
cale. Voij.  l'A^icirn  sacramen/fiire  par  Grand- 
Colas,  preinière  partie,  pag.  klk. 

Ave,  Maria  (religieuses  de  l'J.  Voy.  Sainte- 
Claire  et  Ordklièues. 

AVÉNEVl'Nr,  se  dit  de  la  venue  du  Messie. 
On  distinguo  deux  sortes  &  avènement  s  ilu 
Messie,  l'un  accompli,  lorsque  le  Verbe  s'est 
incarné,  et  qu'il  a  paru  parmi  les  hommes 
revêtu  d'une  chair  mortelle  ;  1  autre  futur, 
lorsqu'il  descendra  visiblement  du  ciel  dar.s 
sa  gloire  et  sa  majesté  pour  juger  tous  les 
hommes. 

Les  juifs  sont  toujours  dans  l'atlentc  du 
premier  aiéne'iieni  du  Messie,  et  lis  chrétiens 
dans  celle  du  second,  qui  précédera  le  Juge- 
ment, ("est  une  question  parmi  les  commen- 
tateurs, de  savoir  si  Jésus -Christ  a  parle  de 
ce  dernier  avènement  dans  l'Evangile  {i)Iallh. 
xxiv;  Marc. \ii;  Luc.  xxi  ).  Malgré  les  ef- 
forts que  l'on  a  faits  pour  le  prouver  dans 
uncdissertaliousurco  sujet,  Jiilile d'Avignon, 
tom.  XUl,  p.  403,  il  nous  parait  plus  naturel 


4«l 


AVE 


AVE 


ira 


de  penser  qu'il  est  sonlemont  question  du 
siège  de  Jérusalem,  de  la  ruine  cl  do  la  dis- 
persion de  la  nation  juive.  Pour  entendre 
autrement  le  discours  île  Jésus-Clirisl,  il  faut 
forcer  le  sens  de  res  paroles  :  Cette  généra- 
tion ne  pa$'<era  point  jusqu'à  ceque  tout  s'ac- 
complisse. Les  Pères  ont  pensé,  à  la  vérité, 
que  les  événements  dont  parle  le  Sauveur, 
sont  une  figure  de  ce  qui  doit  arriver  à  la 
fin  du  monde  ;  mais  aucun  n'a  décidé  que  ce 
soit  là  le  sens  littéral  des  évangélistes. 

AVENT,  temps  consacre  par  l'Isglise  pour 
se  préparera  célébrer  dignement  la  féîe  de 
l'avènement  ou  de  la  naissance  de  Jésus- 
Christ,  cl  qui  précède  immédiatement  celle 
fêle.  Voy.  Noël. 

Ce  temps  dure  quatre  semaines,  et  com- 
mence le  dimanche  qui  tombe  ou  le  jour  de 
saint  André,  ou  le  jour  qui  en  est  le  plus 
proche,  soit  avant,  soit  après,  c'est-à-dire,  le 
dimanche  qui  lombe  entre  le  27  novembre  et 
le  3  décembre  inclusivement.  Cet  usage  n'a 
pas  toujours  clé  le  même.  Le  riie  ambrosien 
mar(|ue  six  semaines  pour  ïavent,  et  le  sacra- 
tnenlaire  de  saint  Grégoire  en  conipte  cinq. 
Les  capitulaires  de  Charlumagne  portent 
qu'on  faisait  un  carême  de  quarante  jours 
avant  Noél:  c'est  cequi  est  appelé,  dans  quel- 
ques anciens  auteurs,  le  carême  delà  Siinl- 
Marlin.  Cette  absiin(înce  avait  d'abord  été 
instituée  pour  trois  jours  par  semaine;  sa- 
voir, le  lundi,  le  mercredi  et  le  vendredi, 
par  le  premier  concile  de  Màcon,  tenu  en 
581.  Depuis,  la  piété  des  fidèles  1  avait  éten- 
due à  tous  les  autres  jours  :  mais  elle  n'était 
pas  constamment  observée  dans  toutes  les 
Kglises.ni  sirégulièremenl  parleslaïquesquo 
par  les  clerc-i.  Cliez  les  Grecs, l'usage  n'était 
pas  plus  uniforme  :  les  uns  commençaient  le 
jeûne  de  Vavenl  dès  le  15  novembre,  d'au- 
tres le  6  de  décembre,  et  d'autres  le20.  Dans 
Conslantinople  même,  l'observation  de  l'a- 
vent  dépenilail  de  la  dôvolion  des  particulier';, 
qui  le  commençaient  tantôl  trois,  lanlôl  sis 
semaines,  et  quelquefois  huit  jours  seule- 
nienl  avant  Noël.  —  lin  Angleterre,  les  tri- 
bunaux de  judicalure  étaient  fermés  pen- 
dant ce  temps-là.  Le  roi  Jeaufilàce  sujet 
une  déclaration  expresse,  qui  portait  défense 
de  vaquer  aux  affaires  du  barreau  dans  le 
cours  de  \'avent  :  In  advenlu  Domini  nulla  as- 
sisn  C(ipi  débet;  el  niê'ne  encore  à  présent  il 
est  défendu  de  se  marier  pendant  l'auenï  sans 
dispense. 

Une  singularité  à  observer  par  rapport  à 
Vcvent,  c'est  que,  contre  l'usage  établi  au- 
jourd'hui d'appeler  la  première  semaine  de 
lavent  celle  par  laquelle  il  commence,  et 
qui  est  la  plus  éloignée  de  Noël,  on  donnait 
ce  nom  à  celle  qui  en  est  la  plus  proche,  et 
l'on  comptait  ainsi  toutes  les  autres  en  ré- 
trogradant, comme  on  fait  avant  le  carême 
les  dimanches  de  la  sepiuagcsime,  sexagé- 
simc  et  quinquagésime  ,  eic. 

AVEUtiLEME.NT  SPlUIfUEL.  Il  consiste 
à  ne  pas  sentir  l'importance  du  salut ,  le 
prix  des  grâces  de  Dieu,  l'ènormité  de  nos 
péchés,  la  nécessité  de  faire  pénitence,  etc. 
L'Ecriture  dit  des  infidèles  ,  qu'ils  sont  dans 


les  ténètires,  el  de  lom  les  pétfccuis  ..qu'ils 
sont  aveugles.  Lorsque  cet  aveuglement  v  t 
volontaire,  il  e-t  criniinel  sans.dou,le;  s'il 
ne  l'était  pas»  il  n-  serait  pas  imputable.  — 
Cependant  nous  lisons  dans  plusieurs  en- 
droits des  livres  saints,  que  Dieu  aveugle 
les  pécheurs,  les  impies,  les  inerédues  ; 
comment  cela  doit-il  s'entendre?  Souvent 
Dieu  reproche  au\  pécheurs  leur  aveugle- 
ment: peut-il  en  être  l'auteur?  non  sans 
doute.  Il  est  dit,  (Sap.  ii ,  25  )  que  les  pé- 
cheurs sont  aveuglés  par  leur  propre  malice, 
cl  (7/  Cor.  IV,  k)  que  c'est  le  ddu  de  ca 
siècle,  ou  les  passions  divinisées,  qui  ont 
aveuglé  l'espril  des  infiilèles  ;  ce  n'est  donc 
pas  Dieu.  Saint  Paul  dii  que  le  cœur  des  faux 
sages  a  été  aveuglé,  parce  qu'ayant  connu 
Dieu,  ils  ne  l'ont  pas  honoré ,  qu'ainsi  ils 
sonl  inexcusables  ( /?oin.  I,  20  el  21);  c'a 
donc  été  leur  faute,  et  non  celle  de  Dieu. 
Saint  Jean  dit  que  celui  qui  hait  son  frère  no 
voil  pas  clair,  que  les  ténèbres  l'ont  rendu 
aveugle;  mais  il  nous  avertit  que  Dieu  est 
la  lumière,  el  qu'en  lui  il  n'y  a  point  de  té- 
nèbres {Joan.  1,  3:  11,  12)  ;  l'aveuglement  ne 
vient  donc  pas  de  lui.  11  dit  que  le  Verbe 
divin  est  la  vraie  lumière  qui  éclaire  tout 
liomme  qui  vient  en  ce  monde  {Joan.  i,  9)  ; 
les  pécheurs  ne  font  pas  exceptes. 

Dieu  répèle  continuellement  aux  Juifs  : 
Soyez  saints,  parce  que  je  suis  saint  :  or,  Ia 
sainteté  de  Dieu  consiste  en  ce  qu'il  défend 
le  péché  el  le  punit;  il  ne  peut  donc  y  con- 
tribuer en  aucune  manière.  Dieu,  dit  le  Sase, 
détente  l'impie  et  son  impiété  (Sap.  xiv,  9). 
Ht  il  ne  donne  lien  de  pécher  à  personne 
[Eccli.  IV.  21;.  Dieu  ne  veut  pas  seulement 
que  l'ou  dise  qu'il  abandonne  les  pécheurs 
( /ii'rf.,  1 1);  à  plus  forie  raison  serait-ce  un 
blasphème  de  penser  qu'il  les  aveugle,  qu'il 
leur  Ole  absolument  toute  lumière  de  la 
grâce.  Enfin  Jésus-Christ  dit  formellement 
aux  Juifs  :  Si  vous  étiez  aveugles,  vous  n'au- 
riez point  de  péché,  c'e^tà  dire  ,  vous  ne 
seriez  point  coupables  du  péché  que  vous 
commettez ,  en  refusant  de  croire  en  moi 
(Joan.  IX,  kl).  Cela  nous  paraît  clair. — 
Cependant  Calvin  a  cité  vingt  passages  qui 
prouvent  que  Dieu  aveugle  positivement  les 
pécheurs;  les  incrédules  ne  cessent  de  les 
répéter;  plusieurs  Ihéologiens  en  abusent 
pour  prétendre  qu'il  y  a  des  pécheurs  nux- 
(luels  Dieu  refuse  des  grâres  de  conversion; 
il  faut  donc  les  examiner  en  détail.  La  ques- 
tion est  très-importante;  il  s'agit  de  savoir 
si  nous  n'avons  pas  alTaire  à  des  aveugles 
voloniaires. 

Kemarquons  d'abord  que  dans  (ouïes  les 
langues,  même  dans  la  nôtre,  il  y  a  deux 
équivoques  très-communes.  La  première  est 
de  dire  (|u'un  homme  l'ail  ce  qu'il  laisse  faire, 
ce  qu'il  néglige  d'empêcher  autant  qu'il  le 
peut  ;  ainsi  l'on  attribue  à  un  magistral  les 
désordres  qu'il  n'empêche  point,  à  un  père 
les  passions  de  son  fils  lorsqu'il  ne  les  ré- 
prime jjoint,  à  un  maître  le  libertinage  d'an 
domestique  sur  lequel  il  ne  veille  point.  Les 
Pères  de  l'Kglije  disent  aux  riches  qui  n'as- 
sistent point  les  pauvres  :  Vous  ne  les  avez 


ifiS 


AVE 


AVE 


464 


point  nourris ,  vons  Ips  avez  lues.  Non  pa- 
visli ,  occidisli;  et  cela  signifie  seulement  , 
vons  les  avez  Inissés  périr.  Nous  «lisons  à  un 
imprudent  qui  s'est  attiré  des  nialhours  par 
défaut  de  prévoyance  et  de  précaution  :  Vous 
l'avez  voulu,  elc.  La  seconde,  qui  revient  au 
même,  est  d'appeler  cause  ce  qui  est  seule- 
ment ocffisio»  ;  ainsi  nous  (lismis  brusque- 
ment à  un  hotnmo  ,  vous  me  fnile<>  enrager  , 
lorsque  son  caiactère  ou  sa  conduite  sont 
pour  nous  une  occasion  de  dépit  et  de  co- 
lère, méuie  contre  sim  intention  ;  la  vraie 
c;iuse  est  noire  impatience  ,  et  souvent  la 
biz.irrerie  de  notre  propre  caractère.  On  dit 
à  a'i  jeune  homme  follement  épris  des  al- 
trails  d'une  femme  :  Celte  heaiité  vous  aveu- 
gle,  vous  rend  (ou;  souvent  «'lie  l'ignore  o(ï 
en  est  fâchée.  On  dit  des  cr.inds  (lui  pro  li- 
guent leurs  bienfaits,  ((u'îVs  fon(  des  ingrats; 
ce  ne  devrait  pas  être  là  le  fruit  des  bien- 
faits. —  C'est  dans  ce  double  sens  qu'il  est 
dit  que  Dini,  aveugle  Us  pécheurs;  1  parce 
qu'il  ne  leur  accorde  pas  des  lumières  aussi 
abondantes  et  aussi  puissantes  qu'il  le  fau- 
drait pour  dissiper  facilement  leur  aveugle- 
ment ;  mais  l'evcès  de  leur  opiniâtreté  n'est 
pas  un  litre  pour  exiger  de  lui  de  plus 
grandes  grâces  ;  2'  parce  que  la  paiience 
avec  laquelle  il  les  attend,  les  bienfaiis  «|u'il 
leur  accorile,  leur  persuadent  souvent  qu'il 
en  sera  toujours  de  même,  et  que  Dieu  ne 
les  punira  pas.  Dieu  dit  aux  Juifs  (  Isaï. 
XLiii  ,  24):  Vous  m'avez  fait  servir  à  vos 
propres  iiiii/ui tés ,  c'cst-à  dire,  vous  avez 
abusé  (le  mes  bienfaits  pour  m'offenser. 
Toutes  ces  façons  de  pailer,  abusives  et 
fausses  en  bonne  Ionique ,  ne  doivent  pas 
plus  nous  surprendre  (  n  hébreu  qu'eu 
franc  lis  ,  dans  les  auteurs  sacrés  que  chez 
les  écrivains  profanes. 

Le  passage  le  plus  fort  qu'il  y  ait  sur 
cette  matière  est  dans  le  prophète  Isiïe, 
chap.  VI,  T.  9.  Dieu  lui  dit  :  l'a  et  dis  à  ce 
peuple.  Ecoutez  et  n'entendiîz  pas,  votez 
ET  ^E  COMPRENEZ  PAS.  Eudurcis  le  cœur  de  ce 
peuple,  houche-lai  les  oreilles  el  ferme-lui  les 
yeux,  de  peur  (ju  il  ne  voie,  n'entende  et  ne 
compi  evne,  qu'il  ne  se  convertisse  et  qnc  je  ne 
le  guérisse.  .Ii  sques  a  qi  and,  Seignkub?  Jus- 
qu'à ce  que  ses  villes  svienl  sans  liidiitaiits,  ses 
maisons  déseiles,  il  ses  terres  sans  culture. 
Si  l'on  prenait  ce  piiss.ige  à  la  letire,  rien 
ne  serait  plus  absurde.  1^  Ce  serait  une  con- 
Iradicti m  de  la  part  de  Dieu  d'envoyer  un 
prophèle  aux  Juifs  pour  leur  faire  des  repro- 
ches, s'il  avait  le  dessein  de  les  aveugb'r  et 
d(^  les  endurcir  :  ils  l'éiaient  déjà.  2°  Isaïe 
n'avait  certainement  p;is  le  pouvoir  de  les 
rendre  pires  qu'ils  n'éiaienl.  Il  est  donc  évi- 
dent que  c'est  ici  une  prédiction,  et  non  un 
conimaiidement -,  le  sens  est  :  «  Va  dire  à  ce 
peuple  :  Vous  écoutez  el  n'entendez  pus, 
vous  voyez  et  ne  comprenez  pas.  Mais  laisse- 
le  endurcir  son  cu'ur,  se  boucher  les  oreil- 
les, se  f(  rmer  les  yeux,  parce  qu'il  craint  de 
voir,  d'enlendre  et  d'être  guéri  ;  et  cela  du- 
rerajusqu'à  ce  iiue  l'excès  de  ses  malheurs  le 
fasse  rentrer  en  lui-même.  «Cette  unnace 
était  évideuimcnl  plus  propre  à  convertir  les 


Juifs  qu'à  les  avengler;  c  est  le  langage  d'un 
père  irrité  contre  ses  enfants,  mais  qui  vou- 
drait les  changer,  afin  de  ne  pas  être  obligé 
de  les  punir. 

Ce  passage  d'Isa'i'e  est  répété  cinq  ou  six 
fois  dans  le  Nouve.ui  Teslauienl  Matih.  xi  i, 
1.3,  .lésMS  Chri>l  dit  des  Juifs  :  Je  leur  pai  le  en 
parabo'es,  parce  qu'ils  regardent  el  ne  nient 
pas  ils  écoulent  el  ils  n'entendent  pas, ei  necutn- 
p  enneni  rien.  Ainsi  s'accomplit  à  leur  égard  la 
prophétie  d'Jsa-e,  qui  leur  dit  :  Vous  écou- 
terez  ET    N'ENrENDBEZ    PAS,    VOUS    REGAItDE- 

Ri;z  iT  NE  VERREZ  PAS.  Car  le  cœur  de  ce 
pe.iple  esl  appesanti;  ils  ouvrent  à  peine  les 
oreilles,  ils  ferment  les  yeux  de  peur  de  voir, 
d'entendre,  de  comprendre,  de  se  convertir  et 
d'éire  guéris.  Ainsi  le  Sauveur  attribuée  la 
malice  voluntaire  des  Juifs  ce  <iue  la  pro- 
phétie semblait  attribuer  à  Isa'i'e  lui-même. 
Malgré  celte  évidence,  les  incrédules  con- 
cluent que  Jésus-Christ  parlait  exprès  aux 
Juifs  en  paraboles,  fin  de  les  ;iveug!er  el  de 
les  endurcir.  O'Joi  !  di^s  paraboles  sensibles, 
des  comparaisons  palpables,  n'élaienl-elles 
pas  la  leçjîi  la  plus  propre  à  ouvrir  les  jeux 
d'un  peU;  le  j;rossier  et  obstiné?  Il  était 
question  là  de  la  parabole  de  la  semence, 
image  de  la  parole  de  Dieu,  et  des  causes  qui 
l'empêchent  de  produire  du  fruit  ;  cette  éni- 
gme n'était  ;:as  fort  difficile  à  comprendre. 

Cependant,  disent  les  incrédules,  Jésus- 
Christ  témoigne  qu'il  n'a  aucune  envie  d'ou- 
vrir lesyeux  auxJuif-^;  lorsque  ses  disciples 
lui  demandeni  :  Pourquoi  parlrz-voas  en  pa- 
raboles à  ces  gens-là?  il  repond  :  l'arce  qu'il 
vous  est  donné  de  cannailre  le  mystère  du 
roi/aume  des  deux,  au  lieu  que  cela  ne  leur  est 
pas  accordé  (Ihid.,  il],  Eus\i\e  il  explique 
8  ses  disciples  en  particulier  le  sensde  la  pa- 
rabole, el  ne  l'explique  point  au  peuple.— 
Mais  pourquoi  n'éiait-il  pas  donné  aux  Juifs 
de  coun. litre  les  niy  stères  du  royaume  do 
Dieu?  Parce  qu'ils  ne  le  voulalenl  pas  : 
Jésus-Cbrist  le  dit  forme  Ile  meni;  ils  lermaienl 
lesyeux,  ils  se  bout  hiieiil  les  or.  illes,  elc. 
S  ils  lui  avaicul  demandé  une  explication 
dans  le  dessein  d'en  profiter,  il  la  leur  aurait 
donnée  aussi  liien  qu'à  ses  disciples. —  Point  du 
tout,  répliquenl  les  incrédules  ;  suitanl  saint 
Marc,  chap.  iv,  v.  Il,  Jesus-Chri^t  dit  à  ses 
disciples  :  //  vous  est  donné  de  cunnnkre  les 
mgstires  du  royaume  de  Dieu,  au  lieu  qu'aux 
étranijers  tout  est  dit  en  parabnles,  afin  qu'ils 
voient  sans  connaître,  qu'ils  écoutent  sans  en- 
tcmlre, de  peur  qu'ils  ne  seconvertissenl,el  que 
les  péchés  ne  leur  soient  remis. —  Fausse  ira- 
diiclion  ;  î-.ccen  grec,  ut  en  latin,  ne  signifient 
point  là  afin  que, ma'ia  de  manièi  eque;  il  serait 
absiiide  de  supposer  que  Jesus-Christ  [lar- 
lait,  instruisait,  reprenait  les  Juifs,  afin  qu'ils 
n'écoulassent  pas  el  ne  fussent  pas  conver- 
tis. Voy.  Intention. 

Dans  le  même  sens,  Jésus-Christ  dit  [Joan. 
IX,  3!))  :  Je  suis  venu  dans  ce  monde  pour 
exercer  un  jugement,  de  manière  que  ceux 
qui  né  vaient  pus  soient  éclairés,  el  que  ceux 
qui  voient  deviennent  aveugles.  La  suite 
donne  l'explicaiion.  Les  pharisiens  lui  de- 
inaudèrciit  :  Sommes -nous  dune  aus$i   des 


46S 


AVE 


aveugles?  —  Si  vous  Vêliez,  répliqua  le  Sau- 
vpiir,  vous  n'auriez  pninl  de  péchi'  ;  mnln  vous 
dites  NoDS  voyons;  votre  péché  demeure. 
Donc,  si  Vnvenqlemfnt  des  jihiirisipns  élait 
venu  de  .lésns-ChrisI,  cl  non  di>  leur  opiniâ- 
(rt'lé.  ils  auiMieiil  été  exempts  de  pcrlié.  — 
Jonii.  XII,  37,  nous  lisons  i  ncorc  :  Quiir/ue 
Jésus  eût  fait  desi  (jrnndsmirnfles  'Ttprésence 
des  Juifs,  ils  ne  rroi/aiint  pas  en  lui,  ni?  m\  - 
N  ÈHK  {iv'iLf  arcomplissaient  ce  qu'a  dit  Isnie  : 
«  Seigtienr,  qui  a  cru  ce  que  nous  avons  an- 
noncé, ijui  a  reconiuc  l'upérntinn  de  votre 
6iY/s?»lls  ne  |)ouv;iipnt  pis  croiie,  p;irce 
qu'Isaïe  a  enrore  dit  :  Dieu  les  a  rendus 
avcuqles  et  a  rndirei  leur  cœur,  de  manière 
qu'ils  ne  vnienl  point,  elc. — A  ce  sujet,  saint 
Âugusiiii  dit  :  «  Si  l'on  me  demande  pour- 
quoi ils  ne  pouvaient  pas  croire,  'y  répondrai 
d'aliord.  parce  qu'ils  ne  le  voulaient  pis... 
S'ils  ni-  11"  >  oulaii>nt  pas,  c'était  la  f.iiite  de  la 
volnnto  hirnaine l's  étaient  si  orgueil- 
leux, iiu'ils  voulaii'nt  leur  proure  jnslice,  et 
non  C'  Ile  du  Diru.  »  {Tract.  ^3  in  Jonn..  n. 
Gel  9.;  '!'(  js  les  jour-,  nous  disons  dans  le 
même  sens  :  (et  honum  ne  peut  se  répondre 
à  faire  telle  chose;  el  cela  signilic  M'ulcrneiil 
qu'il  ne  le  veut  pas,  qu'il  le  refuse  avec  obs- 
tination. 

Souliendra-l-on  que  Ii'S  juiTs  refusaient  de 
croire,  afin  d'accomplir  la  préilic'ion  d'Ua'ie, 
el  que  Dieu  les  aveuglait  po-ilivement,  aftn 
de  les  rendre  incrédules"?  Non-seulement 
l'on  dira  deux  absurdités,  mais  l'on  contre- 
dira l'évangrliste  ;  il  ajoute  que  ccpendanl 
plusieurs  l'es  principaux  Juifs  rrureiit  en 
Jésus-Christ,  mais  qu'ils  ne  se  declarai"nt 
pas,  à  cause  des  pharisiens,  et  de  pour  d't  Ire 
chassés  di'  la  synagogue.  l*uis(|ue  les  princi- 
paux crurent,  il  ne  tenait  qu'aux  autres  de 
faiie  de  même. 

Mé  ne  langige  dans  sainlPauI.  En  parlant 
de  l'incréduMc  des  Juifs,  il  leur  ajiplique 
encore  la  [irédicllon  d  Isaïe,  (,-lc^  xxviii, 
24',  el  suiv.;  7?o»i.  xi,  7);  mais  il  ajoute 
que,  malgré  leur  obstiiialioii.  Dieu  les  aime 
encore  a  cause  de  leuis  pèns,  el  qu'il  les  a 
laissés  dans  rincrédulilé,  aus^i  bien  que  les 
gentils,  aliii  d'avoir  pitié  de  tons,  vers.  28  et 
3'i.  Ce  n'éiait  donc  pas  afin  qu'ils  demeuras- 
sent aveugles  el  incrédules. 

Dès  le  ir  siècle,  saint  Dénée  a  donné  celle 
réponse  aux  marcioniles,  qui  abusaient 
déjà  des  p.issages  (]ue  nous  venons  d'exami- 
ner. ,<  C'i'st  le  même  IJieu,  dit-il,  qui  aveugle 
les  incrédules  qui  le  méprisent,  coinnii'  le 
Soleil,  sa  créature,  aveugle  ceux  qui  ne 
pi  usent  pas  regirilersa  lumière  à  cau>e  de 
qui  l()iie  maladie  des  yeux,  et  qui  accorde 
une  luimère  plus  grande  el  plu>  parfaite  à 
ceux  qui  croient  en  lui  el  le  suivent... 
Comme  il  connait  toutes  choses  d'avance,  il 
laisse  dnns  l'iiicrédulité  ceux  donl  il  prévoit 
la  résistance,  il  sedclourne  d'euxet  les  laisse 
dans  les  lénèhres  qu'i  s  oui  cho  sies  eux- 
mêmes.  p{Adv.  flitr.,  I.  IV,  c.  29.)  Terlul- 
lien  répond  à  peu  près  de  même  à  ces  liéré- 
ti(liies,  1.  II  ailv.  Marcion.,  cap.  li,  et  Ori- 
gèiie,  de  l'rincip.  I.  i  i,  c.  1,  n.    1  I. 

Cependant  saiul  Augusliu   semble   avoir 


AZI  4M 

pensé  que  Dieu  aveugle  positivement  les 
pécheurs  pour  punir  leurs  passions  déréglées  : 
Sp'irqens  pœnnhs  cœcilates  super  illicitns  eu- 
pidiiales,  Confess.,  1.  i,  c.  18,  n.  29  ;  et  il  l'a 
répété  pins  d'une  fois.  Mais  il  a  aussi  ex- 
pliqué plus  d'une  fuis  ce  qu'il  entendait  par 
là.  «  Dieu,  dii-il,  aveugle  et  endurcit,  en 
ahandoniKiiit  et  ne  scroiirint  p.is.  »  [Tract. 
53  in  Joan.,  num.  6.)  (,)iiiconque  est  tnmbé 
dans  Vdveuqlement  d'esprit  est  privé  de  1 1  lu- 
mière intérieure  de  l)i  u,  mais  nunpas  enliè- 
reminl ,  laiii  qu'il  esi  dans  cette  vie.  »  (  Enarr. 
in  l'sal.,  c.  V!,  n.  8.)  Il  applique  à  Jésus- 
Christ  lout  Cl-  qui  est  dit  du  soleil  dans  le 
psaume  xviii.  «  Lorsque  le  A'erbe  s'est  fait 
chair,  dii-il,  el  qu'en  se  retéiant  de  noire 
morialilé  il  a  daigné  habiter  parmi  nous,  il 
n'a  pas  voulu  qu'aucun  liomm  ■  pût  s'excu- 
ser d'é  re  d-ms  les  ombres  de  la  mort,  el  la 
chaleur  du  Verbe  y  a  pénétré.  »  Foy. Grâce, 
§  3;  Knodrcissf.mknt. 

AVOC  \T,  AVOCATE.  Vay.  Pahaclet. 

A7,\ZKL.  Foy.  lioi  c  émissaire. 

AZOTE,  y  «y.  SEi>TUAi;i;»niE. 

AZl.ME,  du  grec  âiiiio  ,  sans  levain,  pain 
qui  n'est  pis  fermenté.  Depuis  le  schisme  des 
Grecs,  consommé  dans  le  xr  siècle  par  le 
patriarche  Micliel  Cérularius,  il  y  a  eu  dis- 
pute entre  eux  et  les  Lalins,  pour  savoir  si  le 
pain  ilont  ou  se  sert  pour  la  consécration  de 
l'eucharistie,  doit  être  levé  ou  sans  levain  ;  les 
Grecs  el  les  autres  Orientaux,  les  Syriens  ja- 
cohiles  el  maronites,  les  cophles  el  les  nesto- 
riens,  se  servent  de  pain  levé,  et  il  parait 
que  cet  usage  est  éiabli  <'hez  eux  depuis  les 
premiers  temps  du  christianisme;  les  Latins 
consacrent  du  pain  azijme,  et  les  savants  ne 
conviennent  point  de  l'époque  à  laquelle 
celte  coutume  a  commencé,  quoii|u'elle 
n'ait  |ias  été  toujours  généralement  ob- 
servée. 

Bingbam ,  charmé  de  trouver  une  oc- 
casion de  blâmer  l'Eglise  romaine ,  pré- 
tend que  l'usage  des  pains  azymes,  que  nous 
nommons  hosties,  a  été  inconnu  dans  tou- 
te l'Eglise  avant  le  xi'  siècle;  il  veut 
nous  le  prouver  par  saint  Epiphane,  qui 
parle  du  pain  azyme  comme  d'un  rite  affecté 
par  les  ébionites  {Dœr.  30,  n.  la);  par  saint 
Ambroise,  qui  appelle  le  paiii  de  l'eucharis- 
tie un  pain  usuel,  de  Sacram,,  1.  iv,  c.  4  ; 
par  l'auleur  de  la  Viedu  pape  .Melchiade,  mort 
l'an  31»,  qui  nomme  l'eucharistie /"e/jncn/um  ; 
par  le  pape  Innocent  I",  mort  en  417,  qui 
l'appelle  de  même  dans  une  de  ses  lettres; 
enfin  ,  parce  qne  Pholius,  qui  commença  le 
S(hisme  des  Grecs  au  ix'  siècle,  n'objecte 
point  aux  Latins  l'usage  du  pa\n  azyme,  au 
lieu  que  Michel  Cérularius  leur  en  fit  un 
crime  en  lO'il  ;  donc,  dit  liingham,  il  n'en 
élail  pas  encore  question  dans  l'Eglise  latine 
(Orig.  ecclés.,  1.  xv,  c.  2,  §  .').)  —  M.iis  ces 
preuves  ne  peuvent  pas  |)iévaloir  aux  lémoi- 
giiages  p  isilifs  d'Alcuin  en  790,  el  de  llahaii- 
.Maur  en  819,  qui  parlent  du  pain  azyme, 
comme  d'un  usane  commandé  et  nécessai- 
re à  observer  ;  le  premier  conniiss.iil  la 
pratique  des  Eglises  d'Angleterre,  et  le  se- 
cond celle  des  Eglises  d'Allemagne.  Lorsque 


467 


BAA 


BAA 


468 


le  riîe  grégorien  fui  introduit  en  Espagne, 
dans  le  xr  siècle,  au  lieu  du  rite  mozarahi- 
qu?,  les  Eglises  de  ce  royaume  ne  changè- 
rent rien  dan»  le  pain  doiil  elles  se  servaient 
pour  l'eucharislie;  le  pa'ivazyme  y  élail  donc 
usilé,  au  moins  depuis  la  On  du  vi'  siècle. 
Dans  le  x'et  le  xT,  le  [.ipe  Léon  IX  soutint, 
contre  les  Gre(  s,  que  l'on  s'en  servait  en 
Italie  do  temps  immémorial.  —  Ce  que  saint 
E|iiphane  a  dit  des  éliionites,  nous  donne 
lieu  de   penser  que,  dans   l'Eglise   greique, 

I  on  s'abstient  de  consacrer  du  pain  azij- 
tne',  de  peur  de  paraître  approuver  l'er- 
reur des  hérétiques,  qui  en  usaient  par 
attachement  aux  rites  iuda'Hjues  ;  mais  la 
même  raison  n'avait  pas  lieu  dans  l'Occi- 
dent, où  les  cbionites   ne  parnrentjamais. — 

II  n'est  pas  prouvé  que  du  temps  de  saint 
Ambroise  le  pain  usuel  fût  du  pain  levé; 
aujourd'hui  encore  le  peuple  des  campa- 
gnes mange  souvent  des  gâteaux  de  pain 
sans  levain;  il  semble  au  contraire  que 
dans  la  Vie  du  pape  Melchiade,  et  dans  la 
lettre  d'Innocent  I",  le  mot  fermenlum  est 
employé  pour  distinguer  le  pain  eucharisti- 
que du  pain  ordinaire.  —  Du  silence  de  Pho- 
lius,  l'on  doit  seulement  conclure  que  ce  pa- 
triarche et  les  autres  Grecs  n'allachaient 
pas  pour  lors  au  pain  levé  autant  d'imporlan- 
ce  qu'ils  lui  en  ont  donné  cent  soixante  ans 
après,  lorsqu'ils  ont  voulu  absolument  con- 
sommer leur  schisme,  et  que  dans  le  xi» 
siècle  ils  ont  été  moins  raisonnables  qu'au 
IX*.  —  On  ne  se  persu:idera  jamais  que 
dans  cet  intervalle  les  Eglises  d'Italie,  des 
Gaules,  d'Espagne,  d'Angleterre  et  d'Alle- 
magne, ont  conspiié  tout  à  coup  à  se  servir 
de  pain  azyme  contre  leur  ancien  usage, 
sans  que  Ion  puisse  découvrir  aucun  motif 
ni  aucun  événement  qui  ait  pu  donner  lieu 
à  ce  changement;  on  sait  le  temps  auquel  le 
missel  grégoriea  a  été  substitué  au    missel 


gallican  et  au  missel  gothique  ou  mozara- 
bique,  la  manière  dont  cela  s'est  fait,  et 
les  motifs  par  lesquels  on  s'y  est  déter- 
miné :  pourrait-on  ignorer  l'origine  da 
pain  azyme,  si  l'usage  du  pain  L'Vl'  avait 
clé  constant  et  universel  dans  tout  l'Occi- 
dent? 

11  est  à  peu  près  certain  que  Jésas-Christ 
a  consacré  l'eucharistie  aveedu  paiu  azyme, 
puisque  c'était  le  seul  dont  il  lût  permis 
d'user  dans  la  célébration  de  la  Pâque  : 
celle  considération  jointe  à  la  leçon  que 
saint  Paul  fait  auv  fidèles  (/  Cor.  v,  7): 
Purifiez-vous  du  vieux  levain,  etc.,  a  fait 
conclure  que  le  pain  azyme ciaii.  le  plus  con- 
venable ])our  l'eucharislie.  Aujourd'hui  en- 
core les  Abyssins  cophles  se  servent  de  pain 
azyme  pour  consacrer  l'eucharistie  le  jour 
du  jeudi  saint:  les  arméniens  ont  affecté  de 
ne  mettre  ni  levain  dans  le  pain  eucharis- 
tique, ni  vin  dans  le  calice,  aCn  d'exprimer 
ainsi  leur  erreur  touchant  l'unité  de  nature 
en  Jésus-Christ  ;  les  étiionites  s'abstenaient 
de  célébrer  avec  du  pain  levé,  par  attache- 
ment aux  rites  juda'iques  ;  u»ais  l'Eglise  lati- 
ne ne  s'est  conduite  par  aucun  de  ces  motifs. 
C'est  très-mal  à  propos  que  les  Grecs  l'ont 
voulu  charger  de  ce  ridicule;  par  mépris, 
ils  nous  appellent  a^yifu'/es;  par  réciproci- 
té on  les  a  nommés  fermentaires.  Les  pro- 
testants auraient  dû  s'abstenir  d'imiter  l'o- 
piniâtreté des  Grecs.  L'Eglise  latine  a  été 
plus  raisonnable  qu'eus  ;  lorsqu'ils  con- 
sentirent à  se  réunir  à  elle  au  concile  de 
Florence,  il  fut  décidé  que  chacune  des  deux 
églises  serait  libre  de  conserver  son  anciea 
usage.  (Le  Brun,  Explic.des  Cérémon.,U  V, 
p.  116  et  suiv.) 

Tliiers  fait  mention  de  plusieurs  supersti- 
tions pratiquées  par  dilïerentes  sectes  à 
l'égard  du  pain  eucharistique.  [Tr.  des  $u- 
perslilions,  t.  il,  1.  m,  ch.  1.) 


B 


BAAL  on  BEL,  divinité  des  Assyriens,  des 
Babyloniens  on  Chananéens,  des  Carthagi- 
nois,etc.  Ce  nom  signifie  Seigneur  :i\  paraît 
synonyme  à  Moloch,  prince  ou  roi  ;  c'est  un 
des  noms  anciens  du  soleil:  la  première  idolâ- 
trie a  été  l'adoration  des  astres.  Voy.  Astri:s. 

On  sacrifiait  à  Baal  ou  à  Moloch  des  victi- 
mes humaines,  des  hommes  faits  ou  des  en- 
fants ;  et  -e  culte  impie  fut  souvent  imité  par 
les  Juifs,  malgré  la  défense  exjiressc  que 
Dieu  leur  en  avait  faite  ([)eut.,  xii,  30).  Jé- 
rémie  leur  reproche  d'avoir  brûlé  leurs  en- 
fants en  holocauste  à  naul  (\ix,  ^),  et  de  les 

avoir  initiés  à  Moloch  (xxvii,  33). Les 

rabbins,  pour  diminuer  l'horreur  de  ces 
sacrifices  impies,  soutiennent  que  leurs  an- 
cêtres ne  brûlaient  pas  leurs  enfants,  niais 
qu'ils  les  faisaient  seulement  passer  par  le 


feu  à  l'honneur  de  Moloch.  Les  expressions 
de  Jcrémie,  comparées  à  la  loi  du  Deutérono» 
me,  semblent  témoigner  le  contraire.  Si  dans 
le  culte  de  Baal  il  n'en  coûtait  pas  toujours 
la  vie  à  quel(|u'un,  ses  autels  du  moins 
étaient  souvent  arrogés  du  sang  de  ses  pro- 
pres prêtres.  On  le  voit  par  le  sacrifice  sur 
lequel  Elle  les  défia  de  faire  descendre  le 
feu  du  ciel.  Ils  se  blessaient  selon  leur  usage, 
dit  l'écrivain  sacré,  aiec  des  couteaux  et  des 
lancettes,  jusqu'à  ce  qu'ils  fussent  couverts  de 
sang  [III  lierj.  xviu,  28). 

Dans  la  suite,  ou  a  cru  que  le  Dieu  Bel 
des  Assyriens  était  Nemrod ,  et  que  celui 
des  Phéniciens  était  un  roi  dcTyr;maisil 
n'y  en  a  aucune  preuve,  le  culte  rendu  aux 
morts  est  postérieur  de  bcaucuap  à  l'ado- 
ration  des  astres.   H  n'a    commencé   que 


469  BA.\ 

quand  il  y  a  en  des  rois  assczpoissanls  poor 
en  imposer  aux  hommes  par  l'éclat  du  faste, 
et  des  peu|*les  assez  esclaves  pour  pousser  la 
flatterie  aux  derniers  excès  V oi/.  la  Disser- 
lalion  nir  Molacli,  etc.,  liilile  d'Avignon,  t. 
]],  p.  355;  Mém.  de  l'Académie  des  Jnscript., 
t.  LXXi.  in-12,  p.  172. 

(Juand  on  considère  les  désordres  et  les 
crimes  dont  l'ancienne  idolâtrie  élait  accom- 
papni'e,  on  n'est  plus  surfiris  de  ce  que  Uieu 
l'avait  défendue  aux  Israélites  sous  peine  de 
mort. 

BAALITES,  adorateurs  de  BaaI.  Pour  ex- 
cuser le  culte  rendu  au  soleil ,  et  toutes  les 
autres  espèces  d'idolàirie,  quelques  incrédu- 
les ont  prétendu  que  ce  culle  se  rapportait 
au  vrai  Dieu  ;  que  les  polj  Ihcisles  adoraient, 
dans  les  asires  et  dans  les  différentes  parties 
de  la  nature,  la  puissance  et  la  bonlé  du 
Créateur.  C'est  picler  des  idées  bien  spiri- 
tuelles à  des  hommes  irès-grossiers ,  et  dont 
nous  avons  peine  à  concevoir  toute  la  stu- 
pidiié. 

S'il  y  avait  nne  idolâtrie  excusable,  ce  se- 
rait sans  doule  le  culte  du  soleil  ;  cet  astre 
esi,  pour  ainsi  dire,  l'ànie  de  la  naiiire  ;  rien 
de  plus  piim()eux  que  les  hymnes  faits  à  son 
honneur  par  les  anciens  poêles.  Mais  si  l'on 
avait  demandé  aux  Péruviens,  qui  l'ado- 
raient, à  quel  personnage  ils  avaient  inten- 
tion de  rendre  leurs  respects  et  leurs  vœux, 
iln'cst  pasà  présumer  qu'ils  auraient  nommé 
le  Créateur  de  l'univeis,  dont  la  Providence 
gouverne  toutes  choses.  Ils  croyaient  que  le 
soleil  élait  un  être  animé  et  intelligent  ;  c'é- 
tait même  l'opinion  des  philosophes  grecs  ; 
c'est  donc  à  lui  que  s'adiessaieiit  les  hoin- 
miiges  <iu't)n  lui  rendait,  puisque  l'on  était 
persuadé  qu'il  voyait,  eniendiit  et  approu- 
vait ce  que  l'on  faisait  pour  obtenir  ses  fa- 
veurs. Lorsque  Zoroastre  voulut  donner  une 
religion  nouvelle  aux  Clialdéens  qui  ado- 
raient lis  asires,  il  ne  pensa  point  que  leur 
culte  élit  aucun  rapport  au  seul  Dieu  créa- 
teur dii  monde.  —  Il  y  a  plus.  Celse,  Julien, 
Porphyre,  ont  fait  un  trime  aux  chrétiens  de 
ce  qn'iis  ne  voulaienl  rendre  aucun  culle  aux 
génie:!,  aux  prétendus  dieux  inférieurs  ou 
secondaires,  auxquels,  selon  eux  ,  le  Dieu 
suprême  a  confié  le  gouvernement  de  l'uni- 
vers. 11>  soutenaient,  comme  Platon  ,  que  ce 
Dieu  suprême  était  trop  grand  ou  trop  oc- 
cupé de  son  bonheur,  pour  se  mêler  des 
choses  de  ce  monde  ;  conséquemment  qu'il 
était  fort  inuiile  de  lui  rendre  aucun  culle, 
que  l'encens,  les  prières  el  les  offrandes  de- 
vaient être  adressées  seulement  aux  génies  , 
ou  dieux  inférieurs.  Porphyre  ,  Traité  de 
l'abstinence,  liv.  ii,  c.  34-,  37,  38.  Le  soleil, 
sans  doule  ,  élait  un  de  ces  dieux  ;  en  quel 
sens  le  culte  qu'on  lui  rendait  pouvait-il  se 
rapporter  au  vrai  Dieu  ? 

Sans  entrer  d;ins  une  plus  longue  discus- 
sion, nous  pouvons  6!re  as  iurés  que  si  l'ido- 
lâtrie avait  eu  quehiuc  rapport  au  Créateur, 
elle  n'aurait  pas  lait  nailre  chez  les  pa'i'ens 
tant  d'absurdités  et  lant  de  crimes,  et  Dieu 
ne  l'aurait  pas  punie  par  des  cbâlimeuts  si 


BAB 


170 


rigoureux.  Yoy.  Dieux  des  Païens,  Idola- 

TllIE. 

BAANITES,  hérétiques,  sectateurs  d'un 
certain  Baanès,  qui  se  disait  disciple  d'Epa- 
phrodile,  et  enseignait  les  erreurs  des  ma- 
nichéens vers  l'an  810.  Yoy.  Pierre  de  Sicile, 
Hist.  du  manichéisme  renaissant.  Baronius , 
ad  aiin.  810. 

BABLL.  L'histoire  sainte  rapporte  que  les 
hommes  rassemblés  d.ins  les  plaines  de  Sen- 
naar  n'avaient  encore  qu'un  même  langage; 
qu'ils  foimèrent  le  dessein  de  bâtir  une  tour 
élevée  jusqu'au  eiel,  avanl  de  se  séparer,  ou 
plutôt  afin  qu'elle  leur  servit  do  marque 
pour  ne  pas  se  séparer  ;  que  Dieu,  pour  ren- 
verser ce  projet,  confondit  leur  langage  sur 
le  lieu  même,  de  manière  qu'ils  ne  s'enten- 
dirent plus  les  uns  les  autres;  qu'ainsi  il  les 
força  de  se  diviser  pour  aller  habiter  ditïé- 
rentes  contrées  :  que  celte  tour  reçut  le  nom 
de  Babel,  confusion ,  parce  que  le  langage 
des  hommes  y  fut  confondu.   Gen.  xi  (1). 

Cet  événement  arriva  l'au  du  monde  1802  ; 

(1)  A  riiisioire  de  la  lourde  Babel  se  rattachent 
des  qiiesiiinis  de  la  plus  haute  plillosopliie.  Civilisa- 
lion  antii(ue,  uniié  primitive  du  lang;igi!,  dispersion 
des  peuple^  ;  ces  laits  sont  bien  dignes  de  lixer  l'ai- 
leiilion  d'un  véritable  philosophe.  Tous  ils  sont 
intiineineiil  liés  à  l'hisfoiie  di;  la  lourde  Babel.  Pour 
les  résouilre  ,  nous  ramènerons  lonl  ce  que  nous 
avons  à  e»  dire  à  ces  trois  points  :  t"  la  coiisiructioii 
de  la  lour  de  l!;ibel  ne  suppose-l-elle  pas  des  hom- 
mes plus  nombreux  et  plus  civilisés  que  ne  pouvaient 
Téire  cent  vmgi  :ins  après  le  déluge  les  enfants  de 
^l)é  ;  2"  l'uniié  primitive  du  langage  est-elle  un  fait 
coeslaié  par  la  science  ?—  La  confusion  des  langues 
date-telle  léelleiiient  de  la  lour  de  Babel  ;  5°  la 
plaine  de  Sennaar,  ou  le  centre  de  l'Asie,  esl-il  , 
coiiiuie  le  suppose  le  récit  de  Moïse,  le  berceau  du 
peuple  et  le  poini  de  départ  de  la  civilisation  antique'? 

p«    QuESTiiN.     —   La    construction  de  la  tour  de 
Babil  ne  suppose-t-elle  pas  des  hommes  plus  twm- 
hrtux  et  plus  civilisés  que  ne  pouvaient  l'être  cent 
vingt  ans  après  le  déluge  les  enfants  de  Noé  ? 
Eciiappés  ;iu  déluge  ,  les  enf.ints  de  Noé  forment 
bienlôt  le  projet  d'élever  une  tour  dont   la  hauteur 
aliei|iuele  ciel.  —  Cet  événement,  dont  le  souvenir 
s'est  conservé  cliez  tous  les  peuples,  arriva  ,   selon 
la  différence  de  cliroiiologie,  ou  c<'nt  vingt  ans  ,  ou 
environ  quatre  cents  ans  api  es  legiand  talaelysuie. 
Si  MOUS  nous  en  tenions  à  celte  dernière  daie,  qui  a 
sesraismis,  nous  rencontrerions  à   peine  quelques 
ditlicultés.  Mais  adoptant  la  première,  on  nous  de- 
mande comment  alors  il  s'est  trouvé  assez  d'hommes, 
el  chez  ces  bmnnies  assez  de  connaissance  des  arts, 
pour  une  entreprise  si  gigantesque. 

Si  les  dimensions  de  la  tour  de  Babel  nous  étaient 
bien  connues,  s'il  élait  vrai  qu'elle  eût  clé  élevée  à 
une  hauteur  prodigieuse,  peut-être  partagerions-nous 
la  surprise  de  nos  alvers.iires  ;  mais  les  fouilles  en- 
treprises en  diiléreuis  temps  sur  le  terrain  de  Ba- 
byloue,  n'ont  éclairé  ni  sur  le  lieu,  ni  sur  la  masse 
de  la  lour  de  B.ibel.  Toutelois  accordons-lui  le  pro- 
digieux qu'on  lui  suppose  ;  la  terre  n'aVait-elle  ni 
assez  d'Iiahiiants  ni  assez  de  civilisation  ,  pour  con- 
duire à  lin  une  telle  entreprise  ? 

Pour  rendre  compte  du  cours  que  la  propagation 
de  l'esiièce  hUinaine  suivait  alors  ,  il  serait  injuste 
de  le  comparer  avec  les  naissances  actuelles.  Selon 
le  iéiuoiguai;e  de  l'ticriture  el  d'u'ie  miiliiiude  d'au- 
teurs anciens,  alors  bs  hommes  vivaient  trés-loiigr 
temps,  et  les  femmes  engendraient  dans  un  âge  irès- 


4Tt                                       BAH  BAb                                     47» 

Phalog;,  le  dertiipr  des  patriarches  de  la  fa-  dale  s'accorde  avec  les  observations  qne  Cal- 

niillc  de  Soni  ,  vrnjiil  île  nailrc  ;  selon  quel-  lislliènc  eiivoyji  de  Bihyloiie  A  Arisiot'  ;  elles 

qiies  coiiirneiilaiours,  il  .iv.iji  alors  (iiialorze  élaicut  de  1603  ans  ;  c'est   prpiisétnenl   l'in- 

ans,  el  son  nom  signifie   dispersion.  Cette  lervolie  de  temps  qui  s'éliit  écoulé  dejiuis  la 


avanré.  L'iipprécînlinn  dft  ce»!  eircnnstanccs  fea 
coiiipreiiilre  que  le  noiiilir-  île-*  homnie*  ponvnil  élre 
lié'-Tai  d  ii't'iine  aiirè-  le  déliise.  —  M:iis  :iv:iii-ir  ils 
assez  (le  c^'iHiaissniife  des  :iris  pour  lonrier  le  des- 
sein d'é'ever  la  unir  de  Buliel  ? 

Noc,  i|iii  exisiail  encore,  él;iit  il  inlnliile  &  donner 
le  plan  de  celle  lonsirinlion.  et  à  en  diri.,>(>r  1,-s  tra- 
vaux ?  Ses  enfants  ii'avaienlils  iu  coiiiiaiin-  de  lui 
la  civilisation  antédiliivieune?  H.iaienlils  si  grossii-rs 
et  si  é  oi;;iiés  des  arl-,  le^  peuples  ainiei  s,  <|ui 
avaient  à  peine  qiiiiié  li*  lieroeaii  du  genr>-  hiiinaiii 
•(uaiid  déjà  ils  élevaient  des  édilices  mn  devaicni  ré- 
sisier  à  pi  es  de  quarante  siècles?  car  de  liens  criti- 
ques ne  recul  nt  pas  de  beaucoup  ifaniié-s  la  cnn- 
struction  des  pyramides  (Vor  li 'ssiiet.  Uni.  lunv.) 

Heconnai^soiis-le,  il  n'y  a  que  l.i  mauvaise  T  i  qui 
puisse  avancer  qu'il  n'y  av-^ii  alors  ni  assez  d'halii- 
lanls  ni  a~se/  de  civilisation  pont  élever  l'édilice  de 
Italjel.  —  11  état  en  cmirs  d'eséeulinu  ,  loiS'pi'iin 
t;rand  événenieiil  lorç;i  les  ouvriers  à  le  laisser  ina- 
clicvé. 

Il«  Question.  —  L'unilé  p  imiiire  du  Inngaije  esl-elle 

11)1  (ait   conslaié   par  la  science?  Lii   cmfiision   des 

tangues  date-t-etle  rétllemeiU  de  la  loiir  de  Babel? 

Dieu  descendit  et  troubla  ce  nmiiument  il'orgiieil. 

Il  mil  la  confusion  dans  les  langues  des  peuples  qui 

auparavant  parlaient  le  nièiiie  langagi;  (f.Viics.  m,  7). 

Ces  paroles  de  l'tcninie   n'ois  in.ii  juenl  les  deux 

poinis  de  notre  iiueslion. 

1*  L'unité  piiniiiive  du  langage  esi-elle  un  fait 
cou-talé  par  la  science?  La  llnïiiislii|ne  eu  ciliiio- 
grapliie  a  fait  de  grand-  pr'L'rcs  d  os  ces  derniers 
leiiij'S.  Les  connais-,  nces  ipi'e  le  a  acunises  des  diUé- 
ren  les  langues  parlées  su  '  la  1er  le,  des  al  II  ni  tés  qu'elles 
ont  entre  elle-.,  des  rapports  qi'eilis  ont  conservés 
avec  les  langues  anciennes  d'"ii  elles  sont  dérivées, 
répandeut  une  innuère  pi-odigieiise  sur  la  question 
qui  nous  occupe.  L'etlmog'aiiliie  ,  pai  de-.  deo;ou- 
Slraliens  aussi  i  igoiirenses  (priméressanies,  a  prouvé 
(|lie  tous  les  idii>ioes  coiiiiu  onl  avec  "ne  sonclie 
coinniuiie  d  ■  riomlirenses  analogies  de  loriiic,  de  ra- 
cine, fpi'oii  ne  saurait  raisoooali  eoieiii  alirilnier  au 
liasard.  Elle  a  dénioniré  par  de  savantes  couipaiai- 
SniiS  que,  malgré  la  surprenante  varié  é  i\v.-  nlio- 
mes,  nous  part  ns  en  rénilé  el  radical,  nient  li  lan- 
gue d'un  peuple  ancien  dont  elle  ne  tixe  |i:is  l'.iuli- 
qniié.  Klle  |ii»se  pour  consiaiii  à  l'inie  ligence  la 
(iliis  viil;;aire  une  plus  on  réir  grade  d..u>  les  sici  les, 
plus  COI  vint  les  lang  uS  diniinner  île  iiomliie,  pour 
se  coiif.iidre  en  qiielines-uneN.el  qnV.n  ponssani  (dus 
loin  ilaiis  les  onips,  ou  arrne  de  langue  en  langue 
à  une  époque  où  le^  homme  pailaioiit  le  même  langage. 
I  II  sullll,  (lii  M.  lUilii  ,  d'une  léviè.e  iciiiiiue  des 
diiréri  MIS  iiliomes  pniii  saisir  la  chaîne  qui  |  ar  mille 
anneaux  les  ta  laclie  à  la  n  èine  migln  .  > 

Tel  est  le  réstiliai  de  travaux  dignes  de  notre  admi- 
ration, mas  ilmii  lavanlatC  le  plus  réel  estderecon- 
nailreqne  la  liihie  a  dil  viai  sur  un  de-  p.ints  le-  pins 
iniporiaiits  de  l'hisloiie  humaine  (»'.  LTiiNoGiucinE.) 
±°  'linii  en  aucMaia  l'niiiie  ,,iMni  ne  ..u  langage, 
la  scico.e  se  I  lii  -ur  l'époque  de  li  contusion  ileS 
langues.  Les  lusioiies  îles  dilli-ienis  neniiles  anciens, 
sans  j  1er  une  Ino  leie  hien  \ive  sur  l'objet  de  i  oire 

exauieii,  en  lais-i  ni  enlreior  le  i lenl.  A  l'excep- 

tiiui  de  l'Iisloire  <lii  peiple  de  l>ieu,  il  n'en  est  au- 

<  nue  vcainienl  d  g le  ce  iiinn,  rpii  lemnule.m  delà 

lie  répo.|ue  où  le- eiilaMis  de  .Noé  se  dispcrscieiit. 
liii'ii  ne  prouve  d  .ne  ipie  la  cmdusiou  an  précédé  la 
daic  de  Moi.ie,  qu'elle  ail.  suivi  de  piés  la  dispersion 
des  peuples,  c'esl  un  lait  qui   parait  incunicaabic, 


puîs'tne  les  vieilles  nations  ont  des  histoires  qui  les 
niènenl,  pour  ainsi  dire,  nu  |iie  I  ck  1 1  tour  de  B.iliel. 
L'histoire  sin'e  seule  lève  la  dilliiailié  par  ees  pa- 
roles de  ri'Ciiliire.  Ibi  coiif'isu'ii  esl  labinm  unircsce 
lerrce.  Il  est  vrai  qne  saint  Grég-iire  de  \y-se  en- 
tend Ces  paroles  d'une  conluson  lenle,  arrnée  par 
les  moyens  oïdinaires  après  la  disiiersioii  des  peu- 
ples. Le^  déd'iciioiis  de  l'eihnograpli.e  appuieraient 
penl-être  celte  opinion.  Mais  le  lexie  sacré  n..||s  ps- 
rail  trop  clair  pour  «iser  dé-eii.  r  l'oiiini  >h  cuniuinne. 
Les  langues  éiaient  c.  iiloiidiie>,  les  onvr  ers  de  la 
gramle  loiir  ne  s'enlemi  ient  plii-.  Ils  se  dis|)ersè- 
reiil.  Ils  alléieul  porier  la  civili  ation  daii>  de  nou- 
velles coiiliées.  C'est  ce  qui  sera  l'objet  de  notre 
examen. 

111*  QtrSTiON. — La  pla'ti'  de   Scnnnar,  ou  le  centre 

de  l'Asie  esttl,  cuiniue  le  suppose  Mui>e,  le  bciceau 

des  peuples  et  le  puinl  de  départ  de  la  civiliiutiou 

aniiejue  ? 

i°  La  pi  liue  de  Seniiaar  esl-elle  le  berceau  des 
peuples? — Cep  iiit  d'his  o:re,  si  clairement  écrit 
dans  la  Bilile,  selit  dans  l'bistoiic  du  monde,  dans  U 
niarcln^  des  nations,  dans  le  résullal  des  re<  herches 
de  11  science. 

Il  y  a  une  chose  bien  frappante  dans  l'hisloire, 
c'est  .ju'elle  nous  inoutie  tous  les  |i'  tiples  touriiaiit 
niiitorméineui  leurs  regards  vers  l'Orient ,  s'adres- 
saiii  à  on  même  pay-. ,  elce  pays  est  le  centre  de 
l'Asie.  Les  empires  comimnceiit-ils?  c'est  là  qu'il 
faut  al  cr  les  cliBic  er.  Les  cilés  s'élèvent-elles  ? 
c"e>t  là  ■|u'.  Ile-  sont  placées,  c'est  là  ipi'on  trouve 
^lnive  el  la  grande  lkil>yloue;  ei  un  peu  pins  tard,  la 
super. "c  Tyr.  I>es  iiaiens  ignureni-eiles  le.ir  ori- 
gine'? c'est  là  qu'elles  Vent  la  demander. 

Il  lant  des  h.ilniaiils  à  de  nouvelles  contrées;  des 

fonda is  à  .le  nmivel  es  »illes  ?   C'esl  de  là   lu'ils 

vie.idioiii.  Kl  Pi  moi  Canbage  s'élève,  la  Giéce  se 
Cnllive.  le  Latmm  e>l  [leupé.  A  mesure  que  les 
boinmi's  se  niultiplient,  la  lerie  Se  convie  de  proche 
en  pnctie;  les  p  nple^  se  c-liassenl  en  sen»  divers. 
.M. lis  ils  soitcni  o'iiu  o  ènie  lien,  (.'est  un  I  it  reiuar- 
ipiable  ipie  tmit.  s  les  é.i  igiaiions  sie  sont  t  lijo.irs 
la:ies  lin  cenire  di-i'A-ie  veis  le>exiréoiité5,el  jamais 
des  exiiémités  vers  \k  ceniie. 

L  cihmigiapliie  tnrt.tie  ces  motifs  puissants.  Si 
rniiilé  piiniilive  du  langag  -  est  un  l'ail  acquis  par  la 
.science,  c'e^tanssi  un  tail  (irouvé  |iar  elle,  (pie  la  sou- 
che coinmnne  des  lauKue-  est  au  centre  de  l'.V  le,  el, 
par  ni.e  con-è  lUence  ii  évnable,  quec'esl  là  ((u'iilaul 
aller  cheicber  le  berceau  du  genre  humain.  Cardes 
rappioclicments  i  etireiix  qui  ne  se  déiiienlenl  ja- 
mais, M.  Balbi  a  ilémontré  (|ue  tomes  les  langues 
connues  oui  une  rcssenihlince  parfaite  avec  la  la- 
inille  des  l.ingnes  oneiiiale-,  je  veux  dire  des  lin- 
gucs  tiélnaîque,  syiiaqne,  mciliqiie,  arabique  et  abys- 
siiiieiiiie.  b'ii  est  vr.ii  que  là  où  l'on  trouve  tes 
langues  pi'en.iéres,  ou  doit  reconnailie  les  lioiniiies 
preinleis,  i.ous  concluions,  an  prulil  de  notre  cause, 
que  si  le  centre  de  l'Asie  eii  le  berceau  des  laii- 
gtics,  il  est  aussi  lelni  des  peiijiles. 

A  celte  [irciive  si  parlante  de  la  véracité  de  nos 
livres  saints,  les  Cliaiiipo|,i,in,  les  Figeac.ctc,  vicn- 
nentd'y  en  aj  uicr  uneaiireqii',  parce  que  leurs 
trav.iiix  ne  sont  p.is  encore  terminés,  ne  limt  pas  l.i 
qiiesti  II,  ma  -.  laisse  apercevoir  l'aurore  du  grand 
jo  r  iprelle  diiil  en  tirer.  (>es  l.diorieux  orientalistes, 
interrogeant  naguère  la  mysiérieuse  Egypte,  ont  lu 
la  langue  des  Héhreux,  sur  ses  iiticliM|ues,  sur    les 

pi.rois  de  ses  temples,  au  dus  de  ses   statues 

lUiii  la  ville  des  morts  ils  oui  retrouvé    la  langue 


47?: 


BAB 


BAB 


474 


fondation  de  la  tour  de  Babel  jusqu'à  l'en- 

tréi'  (l'Alexandre  à  Babyloii'-. 

I.'rcriliire  rprnai(ine  (Mirore  que  celte 
ninsse  d'cdiCice  éi.iil  de  briiiiK!  liée  avoc  du 
bi'Uine  :  li'S  vo  iis;<'urs  nous  appieniieiil  que 
dans  ce  môme  lieu  l.i  (erre  continue  ii  vomir 
une  quantité  [irtidiu'iiuse  de  biiiimc.  On 
trouve,  à  un  nuarl  de  lieue  de  l'Iùiplii  aie  , 
vers  rOrionl  ,  des  ruines  qie  l'on  croit,  être 
les  restes  de  la  tour  de  Babel;  mais  celle 
OI)ini(in  ii'e  t  ap|iu\ée  snr  aucune  preuve. 

Ouel()ues  incrédules  ont  fait  des  dilticultés 
contre  riii>l  lire  de  la  (■oll^ll^ion  des  langues 
et  de  la  loui'  do  linbcl.  SeliMi  la  lîené>e,  ili- 
sent  ih,  letle  el^r'•pli^e  l'ut  faite  ci-nl  ili\- 
S  pt  an^  apc'S  le  déluge  ;  pendant  nu  si  court 
e-pae.ile  pou.  ail  [las  êire  né  'ssez  d'Iiom- 

mes  I  <  u<  fir r  louies   les   peuplades  dont 

pille  M  ï-e.  pour  f.iire  un  é  ifice  aussi  im- 
mense, e(  il  n'y  .ivaii  pas  en  assez  de  temps 
pour  iri\enter  tons  Ks  ails  oec  ssaires  à 
i'exécHl  lin  il'u'i  pare!  oiivia.ie.  —  M.iis 
M'  ï-e  ne  suppose  puinl  que  pour  lo  s  la  terre 
fût  déjà  eouverie  de  toutes  l's  peuplades 
dont  il  parie  au  «hipitre  x  de  l.i  (leiiése  ; 
il  y  dél.iiil  d'.iv.iiue  :•  s  pénér.iti  us  (|ui  ne 
viiiieiit  au  iiiouil  g  i'apiès  la  disperNioii.  — 
Connait-ou  -  ssez  (|iieile  fu  la  niasse  el  la 
liauieur  de  la  lou^  de  Babel,  p.ur  assurer 
qu'il  n'y  avait  pis  .ilor^  as^ez  d'homiui's  exis- 
tants p  ur  l'avoir  faiic?  Le  liésir  qu'ils 
avaieni  de  coiislr  lire  une  tour  fut  haute, 
ne  (iriiuV''  pas  qu'ils  l'aient  élevée  eu  effet 
à  Une  grande  liauleur.  11  n'y  a  d'ailleurs  au- 

saiiile,  et  à  celle  contrée  si  nvare  de  ses  secrets,  ils 
OUI  peiil-élre  r  vi  leldi  il- son  i.rijjiiie.  —  Les  :iiiim- 
le<  des  liiilfS  t-l  do  la  (diine,,  iiiieiiv  aiiiuéciéi-s  par 
les  sivaiiis,  iidu-i  iiicniiiiiii  ces  ciiiilréis  ;iyiiiià 
I  eiiie  ipielipies  lioniganles  lorsque  ilepiiis  liinj-lemps 
la  plaine  de  Sennaar  av  lii  de>  villes  oiiuleiiie».  — 
^"ll■e  di^serlalillll  île  l'unilé  de  l'espère  Ininiaine 
(V"!/.  llousiE,  notes)  ne  (leiii  laisser  aucun  ilnuie 
que  les  Américains  étaieiil  soilis  de  l'uiicien  cun- 
iineiii. 

Il  n'y  aurait  donc  que  la  plus  ins'gne  mauvaise 
loi  r|iii  iiiiiii'iaii  coiiie-ter  au  ce  iire  ilt;  l'Asie  le  privi- 
lège (l'avoir  éié  le  lierc.  au  îles  pruples. 

2»  Fnl-il  aii-si  le  poinl  de  déi'ari  iJe  la  civilisation 
aniiipie  ?  —  Ce  pi'ini  n  'iis  parail  une  con>éipieiice 
si  nécessaire  îles  lails  'pie  innis  venons  d'éiaiiûr,  iiiril 
nous  senilile  i  iilile  ireiiuer  ilaiis  lie  iiomeaiix  ilé- 
vilopieineiiis.  En  nous  p  éseinant  le  cenire  de  l'Asie 
Ciininie  le  lierceau  île  ions  les  peuples,  l-liisioire  nous 
le  II  outre  anSM  eoiiiiiie  le  pninl  ciiliiiinaal  de  l:i  Ci- 
viliSiiliim.  Allièiiesel.  K  Mlle  n'avaient  aucun  moiiii- 
1111  m  reinaniu  il)le,  ijue  Itabylone  élait  l'éloiiiieuieiit 
de  rmii.ers.  Non  conieoles  d'eu  avoir  iiansp  uleles 
scieines  ei  l^s  arls,  l.->  ain  ieinie- iialioii^  allaient  en- 
coMi  rfdeiiiander  île  noiivc  les  lu  mè  e>  à  la  mère 
p-iirie.  I.ors'iue  l'Asie  el  1 1  Greee  irélaient  pas  en- 
core le  ceinredeta  civilisalioii,  leurs  sages  et  leurs 
phiioMiplics  :i|laieii(  eu  Asie  clierclier  les  scie. Ces  i;iui 
les  oui  |il.icé->  si  liaui.  L'Iiisloue  alicsie  irnp  liien 
ce  l.iit  pour  ipi'il  puisse  ètie  eontesié;  mais  au  be- 
soin nous  poiiniuu.^  en  uoiiver  la  preuve  ilms  les 
science-  el  ilans  le»  ans  :  car  cliei  louies  les  uaiions 
on  trouve  tracés  en  ciraeiéresiiiaèlebiles,  ilaiis  leurs 
conluiiies  el  iiiéine  dois  I  iirs  iiioiiiiiiienls,  des  ineu- 
ves  éviileiiles  J'une  orijîine  asiainpie.  Nous  ne  fai- 
sons ipriuduiuei  celle  cousiilèraiioii,  l.-s  ilévelii()|)e- 
ineiits  nous  ciilraiiieraieiil  bien  au  de>à  d'une  simple 
amicilation. 


cune  nécessité  de  s'en  tenir  à  la  chronologie 
du  texte  hébreu,  toui  h  ml  la  date  de  col  évé- 
nement ;  suivant  les  Se|)tanto  el  le  texte  sa- 
maritain ,  il  n'est  arrivé  qu'environ  quatre 
cents  ans  après  le  déluge,  —  Noé  et  ses  en- 
fants connaissaient  les  arts,  pui-qu'ils  avaient 
bâti  r.irclie  ;  ils  n'en  (lerlirent  |  oint  la  con- 
naissanie  pendant  l'année  du  déluge;  ils 
purent  donc  la  donner  à  leurs  descendants  , 
sans  que  ceux-ci  lussent  obligés  de  les  in- 
venter. 

Ces  mêmes  critiques  demandent  comment 
loutes  ces  peuplades  pouvaient  avoir  encore 
la  même  langue,  pendant  que  Moïse  a  dit  , 
dans  le  chapitre  précédent,  que  chacun  avait 
sa  Langue  ;  commenl  elles  se  trouvaient  ras- 
semlilées  dans  les  plaines  de  Sennaar,  après 
qu'il  a  dit  qu'el  es  «Maiont  allées  peupler  le 
iNod  et  le  Mi  li.  —  Ferons-nous  un  crime  à 
Cet  historien  d'avoir  dit,  par  anticipation  et 
brièvement  dins  le  chapitre  x,  ce  (jii'il  se 
pro])iisail  d'ex[)i)ser  plus  en  détail  dans  le 
chapitre  suivant?  Si  c'était  une  faute,  on 
pourrait  l.i  reprocher  à  tous  les  écrivains  de 
l'aniiquiié- 

Loisiiue  les  censeurs  de  Moïse  témoignent 
leur  étonneinont  de  ce  que  la  conslrucliou 
de  la  Inur  de  Babel  et  la  confusion  des  lan- 
gues sont  deux  laits  ilonl  les  ;iuteurs  pro- 
fanes n'ont  ou  aucune  conn  liss  ince,  ils  mun- 
irent eux-mêmes  que  les  leurs  sont  tiès- 
bornées.  Eusèbe,  dans  sa  Préparalion  évan- 
géti ,ue,  liv.  i\,  c.  IV,  17,  etc.,  nou.«  a  con- 
servé un  fragment  de  l'histoire  d'A-syrie, 
écrite  par  Abvdène,  où  ces  deux  grands  évé- 
nements sont  rapporté-.  ;  donc  la  tradition 
eu  était  conservée  sur  le  lieu  même.  Il  ciie 
encore  Arlapau  et  liiipolème  ,  qui  disent  la 
même  chose.  Il  paraît  que  11  guerre  des  Ti- 
tans contre  les  dieux,  dont  parleni  les  poë'os, 
n'est  antre  chose  que  l'entreprise  de  Babel 
déguisée  par  les  fables.  Celse  el  Julien  pré- 
lend.iient  au  contraire  que  Moïse  avail  em- 
prunté des  païens  toute  celle  histoire;  mais 
les  écrits  de  Moïse  sont  plus  anciens  que 
ceux  des  poêles  ;  Tatien,  Oiigène,  saint  (Cy- 
rille, l'ont  prouvé  par  tous  les  monuments 
de  l'histoire  profane  (1). 

D'autres  critiques,  dont  l'ambition  était  de 
diminuer  le  nombre  des  miracles,  ont  voulu 
faire  disparaître  celui  de  la  confusion  des 
langues  à  Babel.  Selon  le  génie  de  la  langue 
hébraïque,  disenl-ils ,  celte  expression  de 
Moïse  :  Toale  la  terre  n  avait  qu'une  binclie 
et  une  parole,  peut  sigiiilier  que  tous  les  hom- 
mes étaient  parfaitement  d'accord,  n'avaient 
qu'un  même  seniiinenl  el  un  même  dessein; 
par  conséquent  les  paroles  suivantes ,  Dieu 
confondit  leur  langa'je,  peuvent  signifier  que 
par  la  permission  de  Dieu  la  di  corde  se  mit 
enlre  eux,  et  qu'ils  se  séparèrent  [lour  aller 
habiter  différentes  contrées.  Or  la  dilTérence 
de  leur  langage  dui  résuller  nalurellemeiit 
de  leur  séparation  mèun;  ;  très-peu  de  temps 
suffit  pour  ijue  deux  peuples  qui  ne  se  Iré- 

(1)  Vnij.  les  noies  de  Jean  Lerlerc  dans  le  Traité 
(le  la  lUligiun  de  Grulius  [  Uémonsl.  évany.  édil. 
Migiie]. 


475 


BAG 


BAI 


476 


qnenfent  pins,  ne  parlent  pins  la  même  lan- 
gue. Leclerc,  in  Gènes.,  c.  xi  ;  Seniimenl  de 
quelques  lliéologiens  de  HolL.  lelt.  19;  Si- 
Bion,  Bist.  cril.  de  V Ancien  Teslam.,  iiv.  i, 
e.  14  el  15;  Hép.  aux  Tliéol.  de  HolL,  ch.  20. 
Saint  Grégoire  de  Njsse.  Oral.  12,  conlra 
Eunom.,  parait  de  ce  sentiment.  —  Mais  cela 
n'est  pas  conforme  au  sens  naturel  du  texte  : 
Moïse  dit  que  Dieu  confondit  leur  langage 
sur  le  lieu  même,  et  il  le  répète  deux  fois, 
chap.  Il,  V.  7  el  9  ;  il  ajoute  :  Tellement  que 
l'un  n'entendit  plus  la  parole  de  son  voisin. 
Qu'une  multitude  d  hommes  n'aient  eu  d'a- 
bord qu'un  Sf  ul  et  même  dessein,  qu'ils  aient 
commencé  à  l'exécuter  de  concert,  que  tout 
à  coup  ils  se  soient  divisés  sans  raison  et 
sans  motif,  et  n'aient  plus  voulu  s'enlendre, 
cela  ne  nous  paraît  pas  nalurel.  L'iiistorien 
prévient  même  cetle  idée,  en  attribuant  à 
Dieu  ces  paroles  :  Si  nous  les  laissons  faire , 
ils  poursuivront  l'ourruge  qu'ils  ont  com- 
mencé, jusqu'à  ce  qu'ils  en  soient  venus  à  bout. 
Il  n'est  donc  pas  ici  question  de  la  simple 
permission  d'un  événement  nalurel  ,  mais 
d'une  intervention  positive  de  la  toute-puis- 
sance de  Dieu. 

Plusieurs  auteurs  ont  fait  des  dissertations 
pour  savoir  si  le  langaije  que  les  hommes 
parlaient  avant  la  confusion  se  conserva 
sans  aucun  changemeni  dans  la  famille  de 
Sem  ou  ailleurs;  si  cetle  première  langue  est 
l'hébreu,  ou  une  autre,  etc.  Ces  discussions 
ne  nous  regardent  point.  Puisqu'il  est  prouvé 
à  présent  que  toutes  les  langues  sont  com- 
posées des  mêmes  racines  monosyll.ibes,  que 
toutes  leurs  dilTèrences  consislenl  d;ins  l'u- 
nion, l'arringeiiient,  la  prononciation  plus 
ou  moins  forte  de  ces  mêmes  éléments  ,  l'hé- 
breu ne  peut  pas  être  censé  la  première 
langue  plutôt  qu'une  autre,  à  moins  que  l'on 
ne  prouve  que  les  racines  primitives  y  ont 
été  conservées  avec  plus  de  simplicité  que 
dans  les  autres  ;  c'est  ce  que  l'on  n'a  pns  en- 
core fait.  Un  simple  changement  de  pronon- 
ciation des  mots  priinitils  a  suffi  pour  que 
les  ouvriers  de  Babel  ne  s'entendissent  plus, 
et  il  aurait  fallu  un  miracle  permanent  pour 
que  les  descendams  de  Sem  conservassent 
toujours  parmi  eux  la  même  prononciation 
et  le  même  arrangement  de  mois  primitifs. 
Voy.  VOtiijine  du  langage  et  de  l'écriture,  par 
M.  Ciébelin. 

BACHKLIER.  Voy.  FàCULTé  de  Théologie. 

BAlilNOLAIS  ou  B  \GN0L1KNS,  secte  d'hé- 
rétiques ((ui  parurent  dans  le  viir  siècle  ,  et 
furent  ainsi  nommes  de  liagnols  ,  ville  du 
Languedoc,  au  diocèse  d'Uzcs,  où  ils  étaient 
en  assez  grand  nombre.  (Jii  les  noiiinia  aussi 
concorilois  ou  ronzocois,  termes  dont  on  ne 
connaît  pas  i<i  véritable  origine. 

Ci'S  bagnolftis  Hn'irni  manichéens  ,  et  fu- 
rent les  précurseurs  des  albigeois.  Ils  reje- 
taient l'ancien  Testament  el  une  partie  du 
nouveau.  Leurs  principales  erreurs  étaient 

que   Dieu   ne  crée    p t    li  s  âmes  (]uand  il 

les  uiiil  aux  corps  ;  (|o'il  n'y  a  point  eu  lui 
de  prescience  ;  que  le  momie  est  cicrnel,  etc. 
Ou  duuua  encore  le  même  nuiu  à  une  scclo 


de  cathares  dans  le  xîii*  siècle.  Voy.  Ca- 

TIliKE*. 

BAHEM,  ou  plutôt  BAHIM.  Dans  le  pre- 
mier livre  des  Machabées,  il  est  dii  que  le  roi 
Démétrius  écrivit  au  grand  prêtre  Sim(m  en 
ces  termes  :  Coronnm  auream  et  bnliem  qnain 
misislis,  suscepimus.  Le  grec,  au  lien  de  hulietn, 
lit  bd'inam,  que  Grotius  dérive  de  b  is,  une 
branche  de  palmier.  Ce  seoliraent  paraît  le 
meileur.  Il  éiait  assez  ordinaire  d'envoyer 
ainsi  des  couronnes  et  des  palmes  il'or  aux 
rois  vainqueurs,  eu  forme  de  présents  [Hla- 
ctiah.  I,  XIII,  37). 

BAIANISVIE  ou  BAYANISME,  erreurs  de 
Baïus  el  de  ses  disciples. 

Michel  Baïus  ou  de  Bay,  né  en  1513  à  Me- 
lin  dans  le  terriloire  d'Alh  en  Hainaut,  après 
avoir  étudié  à  Louvain  el  passé  successive- 
ment par  tous  les  grades  de  cette  université, 
y  reçut  le  bonnet  de  doclenr  en  1550,  el  fut 
nommé  l'année  suivante,  par  Cliarles  V, 
pour  y  remplir  une  chaire  d'Ecriture  s  linle, 
avec  Jean  Hessels,  son  compagnon  d'études 
et  son  ami.  Il  enseigna  dans  ses  écrits,  et  Gt 
imprimer  diverses  erreurs  sur  la  grâce,  le 
libre  arbiire,  le  péché  originel,  la  charité,  la 
mort  de  Jésus-Chrisl ,  etc.  Elles  sont  conte- 
nues dans  soixante-seize  firoposilions  ,  con- 
damnées d'abord  en  1576  par  le  pape  Pie  V. 

On  peut  rapporter  toutes  les  propositions 
de  B.iïus  à  trois  chefs  principaux  :  les  unes 
regardent  l'état  d'innocence;  les  autres  l'é- 
tat de  niture  tombée  ou  corrompue  par  le 
péché;  les  antres  enfin  l'étal  de  natuie  ré- 
parée par  le  Fils  de  Dieu  faii  homme  et  mort 
en  croix.  1°  Comme  les  anges  el  les  hommes 
sont  sortis  des  mains  de  Dieu  justes  et  iiino- 
cenis,  Baïus  el  ses  disciples  ont  prétendu 
que  la  destinalitm  de  ces  créatures  à  la  béa- 
titude céleste,  que  les  grâces  qui  les  y  me- 
naient de  proche  en  proche,  n'étaient  pas 
des  dons  gtaiuits,  mais  des  dons  insépara- 
bles de  la  condition  des  anges  el  du  premier 
homme;  que  Dieu  les  leur  devait,  tout 
comme  il  devait  à  ce  dernier  la  vue,  l'ouïe 
el  les  autres  facultés  naturelles.  Selon  le 
principe  fondamental  de  Baïus,  une  créature 
laisonnable  et  sans  tache  ne  peut  avoir  d'au- 
tre fin  que  la  vision  iuluitive  de  son  Créa- 
teur ;  D  eu  n'a  pu  ,  sans  être  lui-même  l'au- 
teur du  péi  hé,  créer  les  anges  et  le  premier 
homme  que  dans  un  état  exclusif  de  tout 
crime,  ni  par  conséquent  les  destiner  qu'à  la 
béaiilude  céleste  :  cette  destination  était  à  la 
vérité  un  don  de  Dieu,  mais  ()u'il  ne  pouvait 
leur  refuser  sans  déroger  à  sa  boulé,;')  sa  sain- 
teté,àsa  justice.  Tclleest  la  doctrine  de  Baïus, 
dans  son  livre  De  prima  liominis  jusiitia,  sur- 
tout chap. 8.  Elleest  cxpriméedans  les  propo- 
sitions il,  23,  2k,  26,  27,  55,71  et  72,  condam- 
nées par  la  bulle  de  Pie  V.  2'  Coiiséqucm- 
mcnl  Dieu  a  été  dans  l'obligation  indispen- 
sable de  départir  aux  anges  et  à  l'homme  les 
moyens  nécessaires  pour  arriver  à  leur  fin; 
d'où  il  résulte  iiue  toutes  les  ;:râces,  soit  ac- 
tuelles, soit  habituelles,  qu'ils  ont  reçues 
dans  l'étal  d'innocence  ,  leur  étaient  dues 
comme  une  suite  naturelle  de  leur  création. 
3°  Le  mérite  des  vertus  et  des  bonnes  actions; 


*77  BAI 

élail  do  même  espèce  ,  c'est-à-dire  naturel 
ou,  Cl'  qui  ri'vienl  au  même  ,  le  fruit  de  la 
pi('iiii(\re  criNiiion.  k"  L.i  (clicilé  élornelle  at- 
tiiclioe  à  res  tiiériU's  ciait  de  mé.iie  oriire, 
c'i'Sl-à-dire  uiio  pure  rétribiilinii,  où  1,1  lilié- 
ralilé  j;raluiie  de  J)ieu  ii'eii(r;iil  pour  rien  ; 
c'élail  une  r^'Compi'iise  et  110:1  une  srâce. 
5°  L'Iioiiimo  innocent  élail  à  l'abri  de  l'igno- 
raiice,  des  souffrances  et  de  la  mort ,  en  vertu 
de  sa  cré.ition  ;  l'ex'  mplion  île  tous  ces  niaux 
était  une  dette  que  Dieu  pavait  à  1  et.it  d'in- 
nocence, un  oriire  établi  par  la  loi  naturelle, 
toujours  invariable,  parce  (lu'elle  a  pour 
ohjrl  ce  qui  est  essentiellement  bon  et  jusie. 
C'est  la  docirine  expresse  des  propos  il  ions  !)3, 
69,  70  et  73  de  Ha'ùis.  Voy.  Le  P.  Ducbe-ne  , 
Hist.  du  Buianisme  .  liv.  11,  p.  177,  180;  et 
liv.  IV,  pag.  356  et  361  ;  et  le  Traite  hist.  et 
dogm.  sur  la  doctrine  de  Baïus,  par  l'abbé  de 
La  Chambre,  tom.  1,  cbap.  2,  pag.  49  et  suiv. 
Quant  à  l'étal  de  nature  tombée  ,  voici  les 
erreurs  de  Baïiis  et  de  ses  seclaleurs  sur  la 
nature  du  péché  originel,  sa  transfusion  et 
ses  suites.  1°  Dans  leur  système  ,  le  péché 
originel  n'est  autre  chose  que  la  concupis- 
cence habituelle  dominante.  2^  Celte  idée 
supposée,  la  transfusion  du  péché  d'Adam 
n'est  plus  un  mjsière  qui  révolle  la  raison  ; 
ce  péché  se  transmet  de  la  même  manière 
que  l'aveuglement,  la  goutle  et  les  autres 
maladies  plijsiques  de  ceux  dont  on  lient  la 
naissance  :  cette  commtinicalion  se  fait  indé- 
pendamment de  tout  arrangement  arbitraire 
de  la  part  de  Dieu  ;  tout  péché,  par  sa  na- 
ture, a  la  force  d'infecter  le  Iransgresseur  et 
toute  sa  poslériié,  comme  a  fait  le  péché  ori- 
ginel, proposition  50.  Cependant  ce  dernier 
est  en  nous  sans  aucun  rapport  à  la  volonté 
du  premier  père,  proposition  4-6.  Sur  les  sui- 
tes du  pécbé  originel,  Baïus  dit,  1°  que  le  li- 
bre arbitre,  sans  la  grâce,  n'a  de  force  que 
pour  pécher,  proposition  28.  2' Qu'il  ne  peut 
éviter  aucun  péché,  proposition  29;  que  tout 
ce  qui  en  sort,  même  l'inGdélité  négative , 
esl  un  péché  ;  que  l'esclave  du  péché  obéit 
toujours  à  la  cupidité  dominante  ;  que  jus- 
qu'à ce  qu'il  agisse  par  l'impulsion  de  la 
charité,  toutes  ses  actions  partent  de  la  cu- 
pidité et  sont  des  péchés,  propositions  3i,  36, 
Ok,  (58,  etc.  3*  Qu'il  ne  peut  y  a\oir  en  lui 
aucun  amour  légitime  dans  l'ordre  naturel , 
pas  même  de  Dieu,  aucun  acte  de  justice,  au- 
cun bon  usage  du  libre  arbitre,  ce  qui  paraît 
dans  les  iniidèles  ,  dont  toutes  les  actions 
sont  des  péchés,  comme  les  verlus  des  phi- 
losophes sont  des  vices  ,  propositions  2j  et 
26.  Ainsi,  selon  Baïus,  la  nalure  tombée  et 
destituée  de  la  grâce  est  dans  une  impuis- 
sance générale  à  tout  bien,  et  toujours  dé- 
terminée au  mal  que  sa  cupidité  dominante 
lui  propose.  Il  ne  lui  reste  ni  liberté  de  con- 
trariété, ni  liberté  de  contradiction  exemple 
de  nécessité  :  incapable  d'aucun  bien,  elle  ne 
peut  produire  d'action  qui  ne  soit  un  péché  ; 
nécessitée  au  mal,  elle  s'y  porte  au  gré  du 
penchant  qui  la  domine,  et  n'en  est  ni  moins 
criminelle  ni  moins  punissable  devant  Dieu. 
Yoy.  les  auteurs  cités  ci-dessus. 
Les  erreurs  de  Baïus,  d'tiesscis  et  de  leurs 


BAI 


478 


sectateurs  ne  sont  pas  moins  frappantes 
loufhinl  l'élat  de  nature  répnrée  par  le  Ité- 
di'iiipieiir  :  ils  disent  fonnellcment  que  la  ré- 
Iribuiion  de  la  vie  éiernelle  s'accorde  aux 
bonnrs  aciions,  sans  avoir  égard  ;iux  méri- 
tes <le  .lé^us-Clirist  ;  qu'elle  n'est  pas  même, 
à  propreinent  parler,  une  grâce  de  Dieu, 
mais  ICITct  el  la  suile  de  la  loi  naturelle,  en 
vertu  de  laquelle  le  royaume  céleste  esl  te 
s  ilaire  de  l'oliéissance  à  la  loi;  que  toute 
bonne  œuvre  esl  de  sa  nalure  méritoire  du 
ciel,  conmie  toute  mauvaise  est  de  sa  nature 
méritoire  de  la  damnation  ;  que  le  mérite 
des  œuvres  ne  vient  pas  de  la  grâce  sancti- 
nantc,  mais  seulement  de  l'obéissance  à  la 
loi  ;  que  toutes  les  bonnes  aciions  des  caté- 
chumènes, qui  précèdent  la  rémission  de 
leurs  péchés ,  comme  la  foi  et  la  péni- 
tence, méritent  la  vie  éternelle,  propositions 
11,  12,  13,  18,  69.— La  instification  des  adul- 
tes, selon  Baïus,  deJuslif.,  cap.  8,  et  de  Jus- 
titia,  c.  3  et  4,  consiste  dans  la  pratique  des 
bonnes  œuvres  et  la  rémission  des  péchés. 
En  conséquence,  il  soutient  que  les  sacre- 
ments de  baptême  et  de  pénitence  ne  remet- 
tent point  la  conipe  du  pécbé,  mais  la  peine 
seulement  ;  qu'ils  ne  confèrent  point  la  grâce 
sanctifiante  ;  qu'il  peut  y  avoir  dans  les  pé- 
nitents et  les  caléchumènes  une  charité  par- 
faite, sans  que  les  péchés  leur  soient  remis  ; 
que  la  cliariié,  qui  esl  la  plénitude  de  la  loi, 
n'est  pas  toujours  jointe  avec  la  réaussion 
des  péchés;  que  le  catéchumène  vit  dans  la 
justice  avant  d'avoir  obtenu  la  rémission  de 
ses  péchés  ;  qu'un  homme  en  péché  mortel 
peul  avoir  une  charité  même  parfaite,  sans 
cesser  d'être  sujet  à  la  damnation  éternelle; 
parce  que  la  contrition  ,  même  parfaite  , 
jointe  à  la  charité  et  ou  désir  du  sacrement, 
ne  remet  point  la  dette  de  la  peine  éternelle, 
hors  le  cas  de  nécessité  ou  de  martyre,  sans 
la  réception  actuelle  du  sacrement,  propo 
sillons  31,  54,  55,  67,  68,  etc. 

Comme  dans  le  système  de  Baïus  on  est 
formellement  justiGé  par  l'obéissance  à  la 
loi,  ce  docteur  el  ses  disciples  disent  qu'ils 
ne  reconnaissent  d'autre  obéissance  à  la  loi 
que  celle  qui  coule  de  l'esprit  de  charité, 
proposition  6;  point  d'amour  légitime  dans 
la  créature  raisonnable,  que  cette  louable 
charité  que  le  Saint-Esprit  répand  dans  le 
cœur,  el  par  laquelle  ou  aime  Dieu,  et  que 
tout  autre  amour  esl  cette  cupidité  vicieuse 
qui  attache  au  monde,  et  que  saint  Jean  ré- 
prouve, proposition  38. — Leur  doctrine  n'est 
pas  moins  erronée  sur  le  mérite  el  la  valeur 
des  bonnes  œuvres  ;  puisqu'ils  avancent  d'un 
côté  que,  dans  l'état  de  la  nature  réparée, 
il  n'y  a  point  de  vrais  mérites  qui  ne  soient 
gratuitement  conférés  à  des  indignes  ;  et  que 
de  l'.iuire  ils  prétendent  que  les  bonnes  œu- 
vres des  fidèles  qui  les  juslifieut,  ne  peuvent 
pas  satislaire  à  la  jusiice  de  Dieu  pour  les 
peines  temporelles  qui  restent  à  expier  après 
la  rémission  des  pécliés,  ni  les  expier  ex 
condiijno,  ces  peines,  selon  eux,  ne  pouvant 
être  rachetées,  même  par  les  souffrances 
des  saints,  pcoposiiious  8,  57,  74..  l'oi/.  les 
auteurs  cités  ci-dessus,  el  ï'AOréyé  du  ïraiié 


479                                     BAI  BA[                                     480 

de  la  grâce  de  TourneJy,  par  M.  Montagne,  innocente  tous  les  privilèges  et  les  avanta- 

— Ce  sysli'mp,  comme  le  remarque  soliile-  pes  aciordé<  à  Adam?  Dieu  sans  doule  ne 
ment  rè  Ihéologieo,  esl  un  composé  bizarre  petit  pas  créer  l'homme  on  élal  de  péché, 
de  pélaj^i.iiiisme,  ipianl  à  ce  qo'  remanie  l'é-  cela  serait  conirairi'  à  sa  sainl<'lé  et  à  sa  jus- 
tat  (le  nature  innocente,  de  lutliéraiiistiie  et  tice  ;  mais  c  imineni  prouvera-l-on  ()nc  Diea 
de  calvinisme,  pour  ce  (lui  concerne  l'élal  de  doit  a  l'hoiiime  cxi'ini)!  de  péclic  telle  itieMire 
nature  tombée.  Quant  à  l'état  de  luitiire  ré-  de  dims  spiiiinels  el  lorpoels.  iil  leuré  de 
parée,  le*  seiilinvnls  di'  Hanis  sur  la  joslj-  boniit'ur  <-\  de  bicn-cire  iioor  le  pré-eu!  et 
(icaiion,  l'eflicacilé  ile>.  sacrements  et  le  nié-  pour  l'avenir?  0)  ne  peut  fonder  celte  pré- 
rite  des  hmnes  œuvres,  sont  directement  op-  lention  (|iie  sur  les  '■ophi-iiies  des  anciens 
posés  à  la  dociri'ie  du  concile  de  l'iente  :  ils  phil  isophes  et  des  inaïucbéins  toiicliani  To- 
re I  ouvaient  éviter  les  dilTérentes  censures  rigme  du  ui.il.  Diru,  es  entieilem'Mit  mal:re 
qu'il<  ont  essujées.  —  Kii  elTel,  dès  loo-2,  de  ses  dons  el  lont-pnis-nnt,  peut  en  accor- 
Riiard  Tapper  ,  Josse  Uavesiin  ,  Kilchou  ,  der  (dus  ou  moins  à  l'infini  el  en  telle  nie>ure 
Cuiiner  et  d'julres  iloctenrs  île  Loovain  s"é-  qu'il  lui  plaîi.  C'est  le  nrincipe  qu'a  posé 
levèrent  conire  Baïus  ei  HesseU,  qui  répan-  saint  Angusiin  avec  raison,  pour  lél'uiei-  les 
daiint  les  premières  semences  de  leurs  opi-  ma  ichéeus.  Il  y  a  d(>  l'absiirdit  ■  à  siippo- 
nions.  En  1560,  deuv  saril  eus  d'  s  Corde  iers  Sir  que  Uieudoit  quelque  clios"  à  une  ciéalure 
de  France  en  déférèrent  dix-huit  articles  à  à  laciiie'le  il  ne  doit  pas  même  l'exi-lence. 
la  faculté  de  théologie  de  Paris,  (joi  les  C'>n-  Dans  celte  h  poihèse  ri  :icu  e,  il  serait  ini- 
damna  par  sa  censure  du  2"  juin  «le  la  loèine  possible  «le  comilier  la  permission  du  péelié 
année.  En  1567  parut  la  bulle  de  V'm-  V,  du  avec  la  justice,  la  sa<;e-se,  la  saiii'e  c  et  la 
l"oclobre,  portantcondamnalionilesoixinle-  bonté  de  Oieu.  S'il  devait  tant  de  faveurs  à 
seize  propositions  qi;'(  Ile  censurait  in  (jlobo,  l'homme  innocent,  pourquoi  ne  lui  devait-il 
maissans  nommer  Ba'ius.  Lecardinal  deGran-  pas  aussi  la  grâce  effiiace  pour  persévérer 
velle,  charcé  de  Texécniiou  de  ce  décret,  dans  l'innocence  ?  — Dès  que  le  |)rinci/)e  fon- 
l'envoya  à  Moi  illon,  son  vicaiie  !;énér.il.  qui  damenlal  de  Baïus  est  évilemnient  faux  et 
le  présenta  à  l'unive  siié  de  Louvain,  le  29  sent  le  manichéisme,  tontes  hs  conséquen- 
décembre  1567.  La  bu  le  fut  reçue  avec  res-  ces  qu'il  en  tire  ne  sont  pas  moins  lau-ses. 
pecl,  et  Ha'ios  païui  d'  b  ^rd  s'y  soiimellr<';  D.ms  ce  même  système,  la  rédemption  du 
mais  ensuite  il  écrivit  une  longue  apologie  monde  par  Jé^us-Chrisl  est  absiliiment  nulle. 
de  sa  doctrine,  qu'il  adressi  au  pape,  avec  Le  ;;enre  humain  avait  tout  perdu  par  le  pé- 
one  lettre  du  8  j  invier  lo69.  Pie  V,  après  ché  d'Adam  :  (jue  lui  a  rendu  Jesus-Christ  ? 
un  mûr  examin  ,  confirma,  le  13  mai  Do  quoi  l'a-t-il  racheté  ou  délivré  ?  Nous  n'en 
suivant,  son  premier  jnjjement.  et  écrivit  un  savons  rien.  Les  expressions  pompeuses,  par 
bref  à  Ba'ius,  iiotir  l'enfiagei  à  se  soumettre  les(]uelles  l'Iïcriture  sainte  nous  vante  le 
sans  tergiversation.  Bi'ius  hésita  quelque  bienfait  de  la  rédemption  ,  les  actions  de 
temps,  el  se  soumit  enlin,  en  dnnnani  à  Mo-  grâces  que  l'Eglise  chrétienne  en  rend  à 
rillon  une  révocation  i!es  propositions  con-  Dieu,  le  titre  de  Sauveur  du  moii'le,  etc., 
damnées.  M  is  après  la  mort  de  Josse  Baves-  sont  des  mois  vides  de  sens  :  le  dogme  fou- 
tin,  arrivée  en  1570,  Ba'ius  cl  ses  disciples  damental  du  christianisme  n'est  qu'un  rêve 
reuT  èrent  de  nouveau,  (irégoire  XIII,  pour  de  l'imagination.  — Si  au  moins  ce  système 
niellre  fin  à  ses  troubles  donna  une  bulle  le  était  consolant,  capable  de  nous  inspirer  l'a- 
29  janvier  1570,  en  confirmation  de  celle  de  iiiour  de  Dieu  el  le  goût  des  bonnes  œuvres. 
Pie  \  son  predéci-sseur,  el  choi^il,  pour  la  on  ne  serait  plus  surpris  de  l'opiniâlrelé  avec 
faiie  accepter  par  l'université  de  Lonyain,  laquelle  il  a  été  soutinu;  mais  il  n'eu  est 
François  "Tolet,  jésuite,  el  depuis  cardinal,  ancun  qui  soit  plus  propre  à  désoler  et  à 
Alors'  Baïus  rétracta  ses  propositions,  et  de  décourager  les  âmes  veriueuses,  à  faire  en- 
vive  voix,  it  par  un  écrit  signé  de  sa  main,  visager  Dieu  comme  un  tyran,  el  notre  exis- 
dalé  du  2'i-  mars  1580.  Dans  les  huit  années  tence  comme  un  malheur.  Il  esl  très-taux 
suivantes  jnsi|u'à  la  mort  de  Ba'ius,  les  con-  que  saint  Augustinen  soit  l'auteur;  s'il  l'clail, 
Icstations  se  réveillèrent,  et  ne  furent  assou-  comme  on  ose  le  préiendre,  il  s'ensuivrait 
pies  que  par  un  corps  de  doctrine  dressé  par  seulement  qu'après  avoir  mil  raisonné  con- 
les  théologiens  de  Louvain,  el  adoplé  par  tre  les  manichéens,  il  a  encore  plus  mal  ar- 
ceux  de  Douai.  Jacques  Janson,  professeur  gumenlé  contre  les  pélagieii>,  et  qu'entraîné 
de  ilié(dogicà  Louvain,  voulut  ressusciter  les  par  la  chabur  de  la  dispute,  il  esl  tombé 
opinions  de  Baïus,  el  en  chargea  le  fameux  dans  des  excès  répréhensildes;  mais  il  n'en 
(iornéliiis  Jansénius,  son  élève,  c,ui,  dans  esl  rien.  l'o//.  Svnt  Augustin. 
son  ouvrage  intitulé  Aiujiisiiuus,  a  renou-  Nous  ne  sommes  pas  surpris  de  voir  un 
velé  les  prineipi  s  et  la  plupart  des  enoins  luthérien  tel  (ine  Jlislie  in  confondre  cnsem- 
de  Baïus.  Voy.  .I,vnséni-mk.  (Jiiesnel  en>uit>4  ble  les  opinions  de  Luther,  de  Baïus,  de  Jan- 
a  répété  mot  pi'ur  moi,  dans  i-c^  liéflrsioiis  séiriis,  tles  augusiiniens  ,  des  llioniisies  ; 
morales,  un  grand  no  i. lire  de  propo  itions  supposer  que  c'est  le  senlioient  de  saint  An- 
condamnées  par  Pie  V^  el  Grégoire  Xlll.  gosiin,  et  prèh'ii  ire  ((ue  l'on  n'eu  a  jamais 
Voy.  QuKSNi  Li.isMK.  montie  la  iiilïrrenc.  .  Hi^l.  ercléf.  du  svi* 
Il  n'est  |ias  nécessaire  d'être  profond  lliéo-  siècle,  sei  1.  :t.  i"  part.,  c.  1,  §  .'1<S.  Oii  pi'ul  la 
logien  .pour  démontrer  que  le  svsième  de  croire  quand  on  n'a  pas  lu  les  ouvrages  <lo 
Baïus  est  absurde  en  lui-même.  Sur  ipioi  ce  sa  ut  docteur,  el  que  l'on  ne  s'est  pas  don- 
fondé  soulieut-il  que  Dieu  devait  à  la  nature  né  la  peine  tle  confronter  les  divers  systè- 


481  BAL 

mes;  mais  an  Ihénlo^icn  bien  instruit  sait 
aisôinciil  les  disliiiiiuer. 

L'.ipologie  que  U^iïus  a  faite  de  ses  propo- 
sitions coniiaiiiiiées  n'est  ni  sincère  ni  solide; 
il  ne  les  jiislifii;  (lu'en  abusant  des  pas<;iges 
de  saut  Paul  et  de  saint  iVu.;usiin,  comme  a 
fait  Lullier,  et  comme  font  encore  tous  les 
faux  aususiiiiiens. 

KAISKU  DR  PAIX.  Vny.  Paix. 
lîALAAM,  prophète  appi'iv-  par  Bal.ic,  roi 
des  Moaliitcs,  pour  maudire  les  Israéliies; 
Dieu  le  fore  1  de  les  bénir  et  de  prédire  leur 
prospérité  future  (.Vi(»i.  xxn ,  17).  Il  sortira, 
dit-il,  une  étoile  de  Jacob,  et  il  s'élèvera  un 
sceptre  dans  Israël,  qui  gouvernera  tous  les 
enfants  de  Setli,  par  cou-équenl  loiis  les 
hommes,  puisque,  depuis  le  déluge,  il  n'est 
rpsté  au  iiidiicle  (|ue  la  posiérile  de  Seih.  Le 
Targum  ou  jiar.iplirase  d'Oiikelo*,  et  celui 
de  Jonathan,  Maioiouidc  et  d'autres  savants 
rabl)ins,  oui  appliqué  cette  prophétie  au 
Messie.  Les  rommemateurs  chrétiens  n'ont 
do'ie  pas  Iciri  de   l'enlcndre  de  même. 

Le<  iiirréiliiles  ont  fail  des  railleries  insi- 
pide* Mir  ce  qui  est  dit  {Num  xxii,  181,  que 
hien  fil  p  irlei'  l'ànesse  sur  lai|iieile  liatnniii 
éta  t  monté  ;  ils  ont  regardé  celle  iiarr.iliou 
comme  une  fable  ridiciiie.  Mais  nous  ne 
vo  ons  pas  pourquoi  il  éliiit  plus  indigne  do 
Dieu  de  faire  pa  1er  un  animal  (jue  de  faire 
enli  iidre  une  voix  en  l'air,  ou  de  se  sec\ir 
d'un  autre  signe  pour  intimer  ses  volontés  à 
un  prophète.  On  ne  peut,  sans  roniredire  le 
texte  sacré,  suppos'r  que  Babiam  était  un 
faux  prophète,  un  infidè  e,  un  idolàite,  |)arce 
qu'il  demeurait  p.irmi  les  Amnoniies  ;  il  est 
évident,  par  la  narration  de  Moïse,  que  cet 
homme  connaissait  et  .idorait  le  vrai  Dieu  ; 
il  ne  partit,  pour  se  rendre  à  l'invita! ion  du 
roi  des  Moaniies,  qu'après  avoir  con-ulté  le 
Sei:;neur,  et  après  en  avoir  reçu  une  ()er- 
nlis^ion  expresse.  Si  donc  l'ange  du  Sei- 
gneur lui  dii,  chap.  xxn,  v.  32  :  Ton  voi/nge 
eft  c  iminci  et  lonlraii  e  à  mon  dessein,  c'est 
proli.ilileinent  piirce  que  ce  pr  pliète  médi- 
tait en  lui-même  commeni  il  pourrait  conci- 
lier les  ordres  de  Dieu  avec  les  vues  du  roi 
des  Muabiies,  afin  de  ne  pas  être  privé  d'une 
récompense.  La  manière  dont  saiul  Pierre 
en  parle  (Jl  Episl.  ii,  15j  ne  paraît  pas  signi- 
fier autre  chose.  Au  reste,  les  commenla- 
leurs  ne  s'accordent  pas  trop  sur  l'idée  que 
l'un  peut  avoir  de  ce  personnage. — De  sa- 
vants critiques  en  ont  pris  occasion  de  trai- 
ter une  question,  qui  est  de  savoir  si  Dieu 
peut  se  Servir  des  personnages  vicieux  , 
même  des  inOdèles  et  des  idolâtres,  pour 
préilire  l'avenir.  Plusieurs  exemple*  allé- 
gués dans  l'Ecriture  sainte  prouvent  que 
Dieu  l'a  fait  par  d'autres  que  pir  lialaam. 
Le  prophète  Alichée  (m,  11)  accuse  quel- 
ques-uns de  ses  confrères  de  prophétiser 
pour  de  l'argent;  il  ne  dit  pas  néanmoins 
que  c'étaient  de  faux  prophètes.  Dans  le  li- 
vre de  Daniel  (h,  1),  nous  vojons  que  Dieu 
envoie  un  songe  prophétique  à  Nabuchodo- 
nosor,  prince  idolâtre,  quoiqu'il  connût  le 
vrai  Dieu.  Jésus-Christ  [Matth.  vu,  23)  dit 
qu'au  jour  du  jugeuient  il    réprouvera  des 


BAI. 


482 


hommes  qni  se  vanteront  d'avoir  prophétisé 
et  f^iit  des  miracles  on  sou  nom.  Saint  Jean 
(  1,31)  nous  apprend  que  l^jiïphe,  en  quiLté 
de  pontife,  prophéiisa  que  Jésns-I]brist  mour- 
rait non-seulement  pour  sa  nation  ,  mais 
pour  rassembler  les  enfants  de  Dieu.  Proba- 
biemenl  il  (il  celte  préiliciion  sans  le  vouloir 
et  s;ins  eu  roiii|irendre  le  sens.  Noie  de  Mos- 
h  iin  sur  didwiirili,  c.  5,  §  89,  à  la  lin. 
Oiianl  aux  prediciious  qui  avaient  cours 
parmi  les  païens,  voi/.  Oracle. 

BALE  (coïKiie  de).  Il  est  reçu  en  France 
comme  œcumeni(|ue  ,  du  moins  jus(!u'à  la 
vingt-sixième  session.  Il  fut  assemblé  l'an 
1431,  et  dura  jusqu'à  14-5i-.i;  m.iis  la  dissen- 
sion entre  le  concile  et  le  pape  Eugène  IVcom- 
mença  dès  l'an  l'i37,  à  la  vingt-sixième  ses- 
sion, et  dura  jusqu'à  la  fin.  li  avait  été  con- 
voque en  vertu  du  décret  du  concile  général 
de  Constance,  qui  .avait  ordonné,  session  39, 
que  dans  cinq  ans  il  se  tiendrait  un  nouveau 
Concile  général. 

Les  deux  principaux  objets  du  concile  de 
Bdle  étaient  la  réunion  des  Grecs  avec  l'E- 
glise romaine,  et  la  réformalion  générale  de 
l'Eglise,  tant  dans  son  (hef  que  dans  ses 
memhres,  suivant  le  projet  qui  en  avait  été 
fait  au  concile  de  Constance.  Cou séquem ment 
il  déclara,  dans  sa  seconde  session,  qu'il  te- 
nait son  pouvoir  immé  liatemenl  de  Jésus- 
Christ  ,  (lue  toute  personne  quetconqui; , 
même  le  pape,  était  obligée  de  lui  obéir  dans 
ce  qui  regardait  la  foi,  l'extirpation  du  schis- 
me et  la  réforme  générale  de  l'Eglise  dans 
son  chef  et  dans  ses  membres.  Ce  décret  est 
censé  avoir  été  confirmé  par  le  pape  lui- 
même,  puisqu'il  donna  une  bulle  par  la- 
quelle il  déclarait  que,  quoiiju'il  eiit  cassé  lo 
concile  de  fifl/e,  légitimement  assemblé,  néan- 
moins, pour  éviter  les  dissensions,  il  recon- 
naissait que  ce  concile  avait  été  légiiimement 
continue  depuis  son  commencement,  et  de- 
vait 1  être  à  l'avenir;  qu'il  l'approuvait  dans 
ce  qu'il  avait  ordonné  et  décide,  et  déclarait 
que  la  dissolution  qu'il  en  avait  faiie  était 
nulle.  Celte  hu'le  fut  reçue  et  publiée  dans 
la  seizième  session,  le  5  février  1431. — Le 
concile  lit  ensuite  plusieurs  canons  de  disci- 
pline touchant  les  mœurs  du  clergé,  con- 
damna et  siipprim,)  les  annales. 

Mais  après  l,i  viuglcinquième  session,  te- 
nue en  li37,  le  pape  transféra  le  concile  de 
liùle  à  Ferrare,  et  deux  ans  après  à  Flo- 
rence. Comme  les  Pèri'S  de  Bdle  s'obsti- 
nèrent à  y  continuer  leurs  assemblées,  et 
procédèrent  juridiquement  à  la  déposition 
du  pape;  depuis  ce  moment  le  concile  de 
Bdle  ne  put  plus  être  envisagé  comme  légi- 
timement assemblé  :  aussi  les  évéques  s'en 
retirèrent  peu  à  peu,  et  sentirent  que  tout 
ce  qu'ils  feraient  u'aurait  plus  aucune  au- 
torité. 

11  est  fâcheux  ((ue  ce  concile  n'ait  pas  eu 
une  plus  heureuse  issue  ;  les  décrets  de  dis- 
cipline i|ue  l'on  y  dressa  étaient  très-sages. 
Plusieurs  même  ont  été  suivis,  surtout  en 
France,  comme  ce  qui  regarde  l'établisse- 
ment des  professeurs  des  liingnes  hébr<iïque 
et  giecque  dans  les  universités,  la  fréquenta- 


485 


BAP 


BAP 


481 


lion  des  «•xcnmmtiniés,  la  prpscrip|îon  en  fa- 
vear  de  cpux  qui  ont  possédé  paisibl  ■ment 
un  bénéfice  pendant  trois  iins,  la  récilalion 
de  l'office  divin,  la  suppression  des  expecta- 
tives de  la  cour  do  Rome,  les  privilèges  des 
gradués,  etc. 

On  prétend  que  le  haut  cierge  d  Allema- 
gne demande  aujourd'hui  l'exécution  des 
décrets  de  ce  concile,  Merc.  de  France  du  2 
décembre  1786. 

Les  actes  originaux  de  ce  concile  sont 
conservés  dans  les  archives  de  la  ville  de  Bd- 
le,  et  il  y  en  a  une  copie  authenti(]ue  à  la  bi- 
bliothèque du  roi.  Hist.  de  l'Eglise  gallic,  t. 
XVI,  I.  sLvii,  an.  1431. 

BANNIÈRE  d'église.  C'est  une  espèce  de 
drapeau  ou  étendard  de  couleur,  sur  le- 
quel est  peinte  ou  brodée  l'image  du  patron 
d'une  église,  et  qui  se  porte  à  la  télé  des  pro- 
cessions. Lorsque  plusieurs  paroisses  vont 
en  procession  au  même  lieu  de  dévotion, 
chacune  se  reconnaît  et  se  rassemble  à  sa 
bannière.  Lorsqu'il  y  a  plusieurs  confréries 
ou  associations  de  dévotion  dans  une  même 
église,  chacune  a  sa  bannière,  à  laquelle  les 
confrères  ou  consœurs  se  réunissent,  pour 
mettre   plus  d'ordre  dans   les  processions. 

Voy.  GoNFâLON  ou  GONFANON. 

BAPTÊME  (1),  sacrement  qui  efface  le 
péché  originel,  et  qui  nous  fait  chrétiens, 
enfants  de  Dieu  et  de  l'Eglise.  Jésus-Christ 
l'a  institué  en  disant  à  ses  apôtres  (MuUh. 
XXVIII,  19)  :  Allez,  enseignez  toutes  les  na- 
tions, et  baptisez-les  au  nom  du  Père,  et  du 
Fils,  et  du  Saini-Espril  (2). 

Le  root  Baptême,  en  général,  signifie  lo- 
tion, immersion,  du  mol  ;;rec  ^«nxa  ou  ^cm- 
TiÇw,  je  lave,  je  plonge.  Tous  les  peuples  ont 
compris  que  l'aclion  de  laver  le  corps  élait 

(1)  Nous  avons  exposé  les  principales  questions 
qni  eoiicerneni  le  baplêiue  dans  notre  Dictionnaire  de 
Tliéoliigie  morale. 

(2)  Il  est  (le  fui  que  le  baptême  est  un  sacrement 
de  la  loi  nouvelle  (Conoit.  ï'nrf.,  sess.  7,  can.  I).  Il 
est  de  foi  que  le  baplèiue  conféré  suit  aux  enfaiils  , 
soit  aux  adultes,  apiilique  les  mentes  de  Jésus-Christ, 
douiie  la  grâce,  remet  le  péché  originel  el  tout  ce 
qui  participe  de  la  nature  du  fâché  [Concil.  Trid., 
sess.  5,  eau.  3  el  5).  Il  est  de  foi  que  le  bupiêine 
est  le  moyen  conimuiiémenl  et  ordinairemeul  requis 
pour  obtenir  le  salut  {éonn.  ni,  5;  Coiicil.  Carlh.,  an. 
416).  Le  martyre  et  la  cliarilé  parfaite  peuveritcepen- 
dant  suppléer  le  baplèuie  lorsqu'il  n'est  pas  possible  de 
le  receviiir  (Voy.  les  rouis  t^UARiTÉ  pabfaiti;  el  Mar- 
tïbe).  L'eau  vérit;ible  el  naturelle  esl  de  nécessité 
de  sacrement  pour  l:i  validité  du  liaplrme  (Cmiri/. 
Trid.,  .sesS.  ,7,  on.  7).  l'oiir  ennrcrcr  valuleineiil  le 
baiilèine,  il  nuit  absiilnnicut  invoquer  les  trois  piT- 
soimes  de  la  Trinilé  (Malili.  xxviii).  Pour  la  validité 
du  biipiême,  il  n'est  pas  ni'ce  saire  que  celui  qui 
le  conlère  ail  la  foi  (Coiicil.  Trid.,  sess.  7,  eau. 
•4).  Les  enfants  sont  capables  de  recevoir  le  bapiénie, 
il  ronvieni  île  le  leur  coulérer  (Concti.  Tnd.,  ses>. 
7,  can.  li,  !.■>,  14).  Il  n'est  jamais  permis  de  réité- 
rer le  bapiéme,  même  eu  faveur  de  celui  quia  alpjuré 
la  foi  (CoHCil.  Trid-,  sess.  7,  can.  11).  Le  souvenir 
du  bapléme,  ou  la  contiaiioe  ilaiis  le  liiipéuie  reçu, 
ne  remettent  ni  ne  diiiiinueiil  le-,  péctiés  commis 
après  le  bipiême  [Cmicil.  Tnd.,  sess.  7,  eau.  10). 
Le  baptême  de  saint  Jean  n'av.iit  ni  la  même  natu- 
re, ni  la  même  ellicacité  que  celui  de  Jésus-Clirist 
{Lonàl.  Trid,,  %m.  1,  c«n.  1). 


an  symbole  de  la  purification  de  l'âme.  Les 

.liiifs  appelaient  baptême  cerl;iines  ptirifica- 
lions  légales  qu'ils  prali  juaienl  sur  leurs 
prosélytes  après  la  circoncision.  On  donne  le 
même  nom  à  celle  que  pratiquait  saint  Jean 
dans  le  désert  à  l'égard  des  Juifs,  comme  une 
disposition  de  pénitence  pour  les  préparer, 
soit  à  la  venue  de  Jésus-ChrisI,  soit  à  la  ré- 
cpplion  du  baptême  que  le  Messie  devait 
instituer.  Celui-ci  est  absolument  différent 
du  baptême  de  saint  Jean,  par  sa  nature,  sa 
forme,  son  efficacité  et  sa  nécessité,  comme 
le  prouvent  les  théologiens,  contre  la  pré- 
tention des  luthériens  el  des  calvinistes. 
C'est  Jésus-Christ  qui  a  donné  à  celle  céré- 
monie la  force  d'effacer  le  péché.  Voy.  la 
Dissertation  sur  les  trois  baptêmes ,  Bible 
d'Avignon,  tom.  Xlll,  p.  199. 

Le  baptême  de  l'Eglise  chrétienne  esl  ap- 
pelé dans  les  Pères  de  plusieurs  noms  relatifs 
à  ses  effets  spirituels,  comme  adoption,  re- 
naissance, régénération  de  l'âme,  illumina- 
tion, etc. 

Ce  sacrement  a  été  rejeté  par  plusieurs 
anciens  hérétiques  des  premiers  siècles,  tels 
que  les  ascodrules,  les  inarcusiens,  les  va- 
lentiniens  ,  les  quinlilieiis  ,  qui  pensaient 
tous  que  la  grâce,  qui  est  un  don  spirituel, 
ne  pouvait  être  communiquée  ni  exprimée 
par  des  signes  sensibles.  Les  archoiilii|ues 
le  rejetaient  comme  une  mauvaise  invention 
du  Dieu  Sebahoth,  c'tsl-à-dire  du  Dieu  des 
Juifs,  qu'ils  regardaient  comme  un  mauvais 
principe.  Les  séleuciens  et  les  hermiens  ne 
voulaient  pas  qu'un  le  donnât  avec  de  l'eau; 
ils  employaient  le  feu,  sous  prétexte  que 
saint  Jean-Baptiste  avait  assuré  que  le  Christ 
baptiserait  si  s  disciples  dans  le  feu.  Les  ma- 
nichéens, les  pauliciens,  les  massaliens,  le 
rejetaient  également.  D'autres  en  ont  altéré 
la  forme.  Ménandre  baptisait  en  son  propre 
nom  ;  les  éluséens  y  invoquaient  les  dé- 
mons ;  les  niontanistes  joignaient  le  nom  de 
JMontan,  leur  chef,  et  de  Priscillc,  leur  pro- 
phétesse,  aux  noms  sacrés  du  Père  el  du  Fils. 
Les  sabelliens,  les  marcosiens,  les  disciples 
de  Paul  de  Samosale,  les  eunomiens  el  quel- 
ques autres  hérétiques  ennepiis  de  la  Trinilé, 
ne  baptisaient  point  au  nom  des  trois  Per- 
sonnes divines  :  c'est  pourquoi  l'Eglise  re- 
jetait leur  baptême,  mais  elle  admettait  celui 
des  autres  hérétiques,  pourvu  qu'ils  n'alté- 
rassent point  la  forme  prescrite,  quelles  que 
fussent  d'ailleurs  leurs  erreurs  sur  le  fond 
des  mystères. 

Les.cbréliens  orientaux,  grecs,  jacobites, 
syriens,  égyptiens  et  éthiopiens,  les  neslo- 
riens  et  les  arméniens,  dont  pliisiiui t>  so;il 
séparés  de  I  Eglise  romaine  di'puis  douze 
cents  ans,  ont  conservé  la  même  croyance 
qu'elle  louchant  le  biiplnne.  Tous  en  recon- 
iiaissenl  la  nécessite  absolue,  cl  lui  attri- 
buent les  mêmes  elTcls  (]ue  nous  ;  ils  re- 
gardent comme  nous  l'eau  naturelle  seule 
comme  la  matière  de  ce  saiTcn)ent;  ils  l'ad- 
ininistrciit  pir  trois  immersions.  La  seule 
dilVérentc  qu'ils  mellcnt  dans  la  forme,  c'est 
qu'au  lieu  de  dire  comme  nous,  Je  le  bap- 
tist,  etc.,  ils  disent:  Un  tel  e$t  baptisé  au 


f 


ISS 


BAP 


BAP 


«86 


nom  du  Père,  efc.  Tous  observent  les  Ptor- 
cis;nes  ri  les  iiulres  côrémuiiios  du  baptême; 
mais  dans  le  cas  de  nécessité  ils  les  suppri- 
ment (  Perpét.  lie  la  foi,  lom.  V,  liv.  ii.  c.  1 
et  suiv.).  Les  proleslants  avouent  que  le 
baptême  est  un  sacrement;  mais  tous  n'en 
reconnaissent  pas  égalemenl  la  nécessité  et 
les  edels  ;  tous  en  ont  supprimé  les  céré- 
monies. 

Conséiiucmmenl  les  théologiens  catholi- 
ques sont  obligés  d'examiner,  1°  quelles 
sont  la  matière,  la  forme,  les  cérémonies  du 
baptême;  2°  ((ui  en  est  le  ministre,  ou  |)ar 
qui  ce  sicremenl  peut  élre  validement  ad- 
ministré ;  3"  quelles  personnes  sont  capables 
de  le  recevoir;  4"  (piels  effets  il  produit; 
5°  do  quelle  nécessité  il  est  ;  G"  quel  est  le 
sort  éiernei  de  ceux  qui  meurent  sans  avoir 
eu  le  bonheur  d'être  baptisés.  Nous  tâche- 
rons d'abréger  toutes  ces  questions. 

I.  De  lu  matière,  de  la  forme,  des  cérémonies 
du  baptême.  Le  sentiment  universel  de  tout 
les  cliréliens  est  que  l'eau  naturelle  de  fon- 
taine, de  rivièie,  de  pluie,  est  la  seule  ma- 
tière avec  laquelle  on  puisse  baptiser  vali- 
tleu)eni  ;  Jésus-(]lirisl  l'a  ainsi  déierininc,  en 
disant  :  Si  quelqu'un  n'est  pas  régénéré  par 
l'kau  et  pur  le  Saint-Kspnl,  il  ne  peut  pas 
entrer  dans  le  royaume  de  Dieu  [Joan.  m,  5). 
Toute  autre  liqueur,  soit  aililicielle,  soit  na- 
turelle, ne  peut  êlre  employée  pour  baptiser. 
Ainsi  l'a  décidé  le  concile  de  Trente,  sess.  7, 
de  Bapt.,  can.  2.  Miiis  l'Eglise  chrétienne, 
toujours  attentive  à  professer  sa  foi  par  ses 
cérémonies,  a  été,  dès  les  premiers  siècles, 
dans  l'usage  de  bénir  l'eau  des  fonts  baptis- 
maux par  des  prières  particulières  ;  ç'.i  été, 
de  la  part  des  protestants,  une  témérité  très- 
condamnable  de  supprimer  et  de  blâmer 
cette  béuédiition.  Yoy.  liàu  bénite,  Eau  du 

BAPTÊME. 

La  forme  ou  les  paroles  par  lesquelles  ce 
sacrement  est  administré,  sont  :  Je  le  baptise 
au  nom  du  Père,  et  du  Fils,  et  du  Saint-Es- 
prit; et  ce  sont  lis  propres  paroles  de  Jésus- 
Christ.  Dans  l'Eglise  grecque,  le  prêtre  dit  : 
Un  tel  es(,  baptisé  au  nom  du  Père,  etc.  Quel- 
ques théologiens  ont  douté  autrefois  si  celte 
forme  était  valide,  parce  qu'ils  prenaient 
mal  le  sens  de  la  formule  des  Grecs  ;  ils 
croyaient  qu'elle  signifiait  :  Qu'un  tel  soit 
baptisé,  etc.  Aujourd'hui  personne  ne  doute 
que  ce  baptême  ne  soit  valide.  Dans  quelques 
sociétés  protestantes,  la  (oulume  s'était  in- 
troduite de  faire  verser  l'eau  sur  la  télé  du 
baptisé  par  un  diacre,  [lendaiit  que  le  minis- 
tre, placé  dans  la  chaire  prononçait  la  for- 
mule du  baplême.  Alors  le  baptême  était 
nul,  pui>que  !e  sens  littéral  des  paroles  n'é- 
tait pas  verilié  ;  le  ministre  n'aurait  pas  dû 
dire  :  Je  te  baptise,  mais  Je  te  fais  baptiser  ; 
nous  ignorons  si  cet  usage  subsiste  encore 
quelque  part. 

On  a  toujours  cru  sans  contestation  que 
l'invocation  expresse  des  trois  Personnes 
divines  est  absolument  nécessaire,  et  c'est 
principalement  par  celte  formule  du  baptême 
que  l'on  a  prouvé  autrefois  aux  ariens  et  à 
d'autre»  hérétiques  l'égalité  et  la  consub- 


stantialité  des  trois  Personnes  de  la  sainte 
Trinité  ;  de  manière  que  le  baptême  conféré 
au  nom  de  Dieu,  ou  ou  nom  df  Jésus-Christ, 
serait  censé  nul.  L'Eglise  fui  toujours  très- 
atleiitive  à.  examiner  si  les  hérétiques  chan- 
geaient quelque  chose  à  la  formule  de  ce  sa- 
crement ;  et  toutes  les  fois  qu'ils  ont  eu 
Cette  témérité,  elle  a  rejeté  leur  baptême. 

Quelques  incrédules  modernes  ont  écrit 
que  le  baptême  conféré  au  nom  des  trois 
Personnes  fut  adopté  par  les  sectateurs  de 
Platon,  devenus  chrétiens,  parce  qu'ils  y 
trouvaient  les  sentiments  de  ce  philosophe 
sur  la  Divinité.  Ces  savants  critiques  ont 
ignoré  sans  doute  que  c'est  Jésus-Christ  lui- 
même  qui  en  a  dicté  et  prescrit  la  formule 
à  ses  apôtres,  et  que  ses  disciples  ont  baptisé 
sous  ses  jeux  [Joan.  iv,  2  ).  Il  ne  reste  plus 
qu'à  prouver  que  Jésus-Christ  a  été  disciple 
de  riaion.  Yoy.  Tiunité. 

Quant  aux  cérémonies  qui  précèdent,  ac- 
coiiipagnenl  el  suivent  ce  sacrement,  oa 
croit  avec  raison  qu'elles  sont  d'institution 
aposloIique;elles  n'auraient  pas  été  aussi  uni- 
versellenienl  adoptées,  si  elles  n'avaieiil  pas 
eu  pour  auteurs  les  fondateurs  même  du 
christianisme.  Les  constitutions  apostoli- 
ques, les  plus  vieux  sacramenlaires,  les  Pè- 
res du  11"  et  du  iii*  siècle  en  font  mention, 
non  comme  de  rites  institués  récemment, 
mais  comme  d'usages  observés  partout.  Les 
uns  parlent  des  instructions  et  des  exorcis- 
mes  dont  le  baptême  était  précédé;  les  au- 
tres, du  renoncement  au  démon,  à  ses  pom- 
pes et  à  ses  (uuvres,  el  des  promesses  que 
faisait  le  catéchumène  ;les  uns,  de  l'iminer- 
sion  ou  de  l'infusion  de  l'eau  répétée  trois 
fois  ;  les  autres,  des  onctions  faites  au  bapti- 
sé, du  signe  de  la  croix  imprimé  sur  son 
front,  de  la  robe  blanche  dont  on  le  revê- 
tait, etc.  Tout  cela  était  jugé  nécessaire  pour 
donner  au  nouveau  chrétien  une  haute  idée 
de  la  grâce  qu'il  recevait,  et  des  obligations 
qu'il  contractait.  En  traitant  ces  cérémo- 
nies de  superstitions,  el  en  les  supprimant 
comme  des  abus,  les  protestants  ont  évi- 
demment témoigné  que  leur  croyance  tou- 
chant le  baptême  n'est  plus  la  même  que 
celle  de  l'Eglise  primitive;  si  elle  en  avait 
eu  une  idée  aussi  basse  et  aussi  abjecte 
qu'eux,  elle  aurait  baptisé  comme  eux  sans 
aucun  appareil,  en  versant  l'eau  d'une  ai- 
guière sur  la  tête  du  baptisé,  dans  un  plat 
bassin.  C'est  principalement  dans  les  cxor- 
cismes  du  baptême  qu'au  commencement  du 
V"  siècle  on  prouvait,  contre  les  pélagiens. 
que  les  enfants,  avant  d'clre  baptisés,  son: 
sous  la  puissance  du  démon,  par  conséquent 
souillés  du  péché. 

Mosliim,  dans  ses  Dissertations  sur  l'hi- 
stoire ecclésiastique,  t.  1,  p.  215,  prétend  que 
plusieurs  cérémonies  du  baptême  ont  été  em- 
prunlées  des  pa'i'ens  ;  que  les  exorcismes  en 
particulier  sonl  relatifs  à  ce  que  les  platoni- 
ciens croyjiienl  des  démons.  Dans  son  His- 
toire ecclésiasiique  da  t"  siècle,  \i'  part.,  c.  4, 
§  1  el  2,  il  dit  que  les  apôtres  el  les  disciples 
du  Sauveur  tolérèrent  par  nécessité,  ou  éta- 
blirent, pour  de  bonnes  rai$oas,  différentes 


487 


B\P 


BAP 


488 


cérémonios  relatives  nu  temps  et  aux  circon- 
glaiit  cs.llco'ueiiail,  (lil-il,d  :ns  ces  preruiers 
teniiis,  d'iivoir  queli)ues  égards  jiour  les  nn- 
cii'iines  opioioiis,  pnur  les  riKBuis  et  les  lois 
des  différentes  u.iiions  auxi|(iellcs  on  prê- 
cliail  rEvaM<;ile.  lio.iusobre  dit  que  les  exor- 
cismcs  d'-  IVau  et  les  oikIIoms  du  baptême 
sont  venues  di  s  valenliniens.  O'iiuties  <Mit 
pensé  que  les  apôlri's  av.ilent  éialili  d.ins 
ques  Eglises  drs  i  érérnoiiles  juives  ;  u)ais 
Mi>sheini  n'.'sl  pis  de  cei  avis.  Les  iiicridules 
n'ont  p3S  manqué  d'alfirmer  posilivemeiit 
que  nos  céré  nonies  sont  des  restes  de  paga- 
nisiie  :  Calvin,  encore  plus  foujjueux,  a  dit 
qu'elles  ont  été  inventées  [lar  le  diable.  — 
Impiété  e(  fanatisme  anli-rcligieus.  E>l-il 
croyable  que  les  apôlies,  qui  onl  iispire  aux 
fidèles  tant  d'horreur  pour  I  s  usages,  pour 
les  mœurs,  pour  les  praiiques  îles  pa'ens, 
aient  conservé  quebjues-uuis  de  leurs  céré- 
monies, ou  aient  voulu  ménaifer  leurs  opi- 
nions? La  plupart  des  cérémonies  religieuses 
avaient  été  en  usage  parmi  les  adoraieurs 
du  vrai  Dieu,  avant  d'être  prof  inées  par  les 
païens;  pourquoi  ne  les  aurait-on  pas  rame- 
nées à  leur  première  destin  ilion  ?  Jesus- 
Chiist  lui-même  en  avait  ilonné  l'exemple  ; 
il  souffla  sur  les  apôtres,  p  ur  leur  donner 
le  Sainl-Esprii,  il  imposait  les  mains  sur  les 
malades,  il  toucha  les  oreilles  et  la  bouche 
d'un  sourd  et  muei  pour  le  guérir,  il  mit  de 
la  boue  sur  les  yeux  d'un  aveugle-né,  etc. 
Il  exorcisait  les  possédés  pour  les  délivrer; 
quelques  incrédules  ont  dit  qu'en  cela  il  imi- 
taii  les  magiciens.  Les  apéires  n'uni  donc 
pas  eu  besoin  de  la  doctrine  de  Platon  tou- 
chant les  démons,  ni  des  idées  païennes, 
pour  insliluer  les  cérémonies  du  bapCéme. 
Voy.  CÉiiÉMONiEs,  Exorcisme. 

Quand  les  réflexions  de  Mosheim  seraient 
aussi  vraies  qu'elles  sont  fausses,  il  s'eusui- 
Traii  déjà  que  les  préiendus  réformateurs 
n'ont  pas  imité  la  sagesse  et  la  charité  des 
apôtres.  Ils  onl  trouvé  les  cérémonies  éta- 
blies et  pratiquées  dans  toute  l'Eglise  chré- 
liriine  depuis  quinze  siècles  ;  les  fidèles  y 
étaient  accoutumés  et  elesnedonnaient  lieu 
à  aucune  erreur;  lesprédieanls  les  onl  ban- 
nies ;  ils  les  ont  taxées  de  superstitions  et 
d'idolâtrie  :  ils  n'ont  pas  eu  pour  les  mceurs 
et  les  habi  udes  des  eatholiijues  la  même 
condescendance  (pie  les  apôtres,  selon  Mos- 
heim, ont  eue  pour  les  mœurs  des  nations 
païennes  auxquelles  ils  prêchaient  l'Evan- 
gile ;  il  nous  parait  que  celle  diffi'rence  ne 
leur  fait  pas  honneur.  Dans  l'ariiclc  Eau 
b^;mtr:,  nous  prouverons,  contre  Heausobre, 
que  la  béncdiition  de  l'eau  n'est  point  une 
superslilion,  ni  un  rile  en)}>runlé  des  héré- 
tiques. —  .\  la  vérité  il  y  a  eu  quelques 
changements  lé;;crs  dans  la  manière  d'admi- 
nistrer le  haptéiiie;  mais  les  rites  princl(iaux 
onl  toujours  été  conservés.  Autrefois  on  le 
donnait  par  une  triple  immersion,  comme 
font  encore  les  Orientaux,  et  cel  usage  a 
duré  dans  l'Occident  jus()u'au  xir  siècle. 
Dans  le  vr,  quelques  calhoiiques  d'Espa- 
gne ne  fais. lient  qu'une  seule  immersion, 
de  peur,Uisaieul-ils,<luc  Icsaiicns  Vi^iguths 


n'imaginassent  que  par  la  triple  immersion 
l'on  divisait  la  Trinité;  mais  cette  raison 
locale  ne  fil  point  d'impression  sur  les  au- 
tres Eglises.  La  coutume  de  baptiser  par 
inrusiiii,  en  versant  de  I  eau  sur  la  tête,  pa- 
rait avoir  commencé  dans  les  pays  septen- 
trionaux, où  l'usage  du  biin  est  impratica- 
ble pendant  la  plus  grande  partie  de  l'année, 
el  elle  s  introduisit  eu  .\ugleierre  vers  le 
IX'  siècle-  Le  concile  de  Cal  but  ou  Celcliylh, 
tenu  en  816,  ordonna  (|ue  le  prêtre  ne  se 
coulent  Tail  pas  de  vi  r-er  de  l'eau  sur  la 
tête  de  l'i  nfini,  m  is  qu'il  la  plmigirait  .la  jS 
les  lonls  b.iplismaiix.  »  oij,  Immeusion.  Nous 
voudrions  s.ivoir  pourjU.ii  1  s  prulesl.iiils, 
qui  font  profession  d'imiter  scrupuleusement 
l'Eglise  primitive,  n'ont  pas  renouvelé  l'u- 
sage de  doiiii  r  le  baiitême  i  ar  immersion. 

Les  écrivains  e<'(i<!sias  iq  les  parleul  de 
plusieurs  cér.'inonics  i|ue  i  u  i  pratiijuait  au- 
tr.  fo.s  en  administrant  ce  sa.  reiiieul,  el  qui 
ne  se  lo  il  plus,  ou  dont  il  ne  re^t  ■  que  de 
légères  Ir.ices,  comm  •  de  ilooner  aux  nou- 
veaux bipli-é>  du  laii  ei  du  lOi  I  it.ins  l'E- 
glie  d  Orient,  du  un  et  du  iniel  dniis  C'Le 
d'OLTiJeni,  lie  les  revêtir  d'une  roue  n  anche, 
de  leur  d.muer  incoiiliiu:ni  la  confirma- 
lion  el  l'eucha  islie.  AncU  Sacr.,iiieiil.,  pat 
Grandcolas,  ii'  |iarl.,  pag.  1, 

Le  temps  aui|iiel  ou  .idministr.iit  solen- 
nellement le  baptême  était  la  lete  dr  Pâques 
et  cel  e  de  la  l'ei.lcôte,  non  pas  pa.ce  que 
la  saison  est  alors  la  pus  faioralile  aux 
bains  Iruids,  comme  l'a  rêvé  un  médecin  an- 
glais, m.iis  à  cause  des  deux  giands  mystè- 
res que  l'on  célèbre  ces  jours  la.  D.  Claude 
de  ^'erl  avait  avancé  que  l'uiigine  du  baptê- 
me est  venue  de  la  coutume  Ue  l.iver  les  en- 
f.inls  imméilialement  a|j'ès  leur  naissance. 
M.  Langiiet  a  lait  voir  que  Jésus-Chrisl  n'a 
eu  aucun  igard  à  cel  usage  en  instituant  ce 
saeremenl  ;  que,  quand  saint  Paul  a  dit  que 
lorsque  le  baptisé  est  plongé  dans  l'eau  el 
en  soit,  c'est  une  ligure  de  la  sépulture  et  de 
la  résuriei  lion  de  Jésus-Chrisl,  il  n'a  fait 
que  de  développer  le  vr.ii  »eiis  de  la  cérémo- 
nie et  rinleiitlon  du  Sauveur  ;  que  Ls  noms 
de  régénération,  de  vie  nouvelle,  etc.,  dont  il 
s'est  seivi,  ne  sont  poini  des  mor<ililes  ni 
des  mel.iphores  empruntées  des  Juifs  ;  que 
quoique  le  baptême  ne  se  donne  plus  au- 
jourd'hui par  immersion,  il  ne  laisse  pas  de 
repiesenier  sufiisammenl  riuteuliuii  de  Jé- 
sus-Christ el  les  leeons  de  saint  Paul.  Du  vé- 
rituelle  esprit  des  Céréin.  de  l'Eyltse,  §  Iti  el 
suivants. 

il  iinporie  fort  peu  de  savoir  si  les  Juifs 
pr.'iti(|uaienl  une  espèce  de  baptême  à  l'é- 
go'rd  de  leurs  prosélytes,  el  quell  idée  ils  y 
atlachaieni  ;  (  e  qui  est  ilit  dans  l'Evangile, 
du  baptême  de  S  <int  Jeaii-ltaptiste,  ne  nous 
instruit  |ias  beaucoup;  nou.s  voyons,  par  la 
c.inversation  qu.'  Jésus-CInist  eut  avec. Ni- 
codème  ,  touchant  la  règénéraliou  .spiri- 
tuelle, que  ce  docteur  juif  lut  fort  elouué  de 
l'idée  que  le  Sauveur  Jui  eu  donnait  (Joan.  m, 
ô  J  ;  il  n'y  a  donc  aucune  ressemblance  entre 
te  qui  >c  faisait  chez  les  Juifs  el  ce  que  Je- 
8us-Clirisl  a  instiluo. 


489 


UAP 


BAP 


i'.A, 


II.  Du  ministre  du  baptême.  Il  est  prouvé, 
pnr  Ips  Actes  des  .ipi'Xres  et  par  les  lettres 
de  saint  Paul,  qu'ils  baptisaient  ceux  qui 
croyaient  en  Jésus-Clirist  ;  m.iis  qu'ils  pré- 
fér;)ient  à  cette  fonction  celle  d'annoncer 
l'Evangile  (  /  Cor.,  i,  17).  Il  y  ii  donc  lieu  do 
penser  qu'ils  se  déchargèrent  de  ce  soin  sur 
les  diacres  ou  sur  les  laïques.  Aus>.i,  selon 
la  pratique  de  l'Eglise,  il  a  clé  établi  que  les 
évéques  et  les  prêtres  sont  les  ministres  ordi- 
naires de  ce  sacrement  ;  mais  que  dans  le 
cas  de  nécessité  il  peut  être  administré  par 
toutes  sortes  de  personnes,  même  par  des 
femmes. 

Au  III'  siècle  il  y  eut  une  dispute  assez 
vive  pour  savoir  si  le  buptéme  «idministré  par 
les  hérétiques  était  valide;  les  évêques  d'A- 
frique, à  la  léle  desquels  était  saint  Cyprien, 
prétendaient  que  ce  baptême  était  nul,  el  ils 
s'autorisaient  de  la  coutume  établie  parmi 
eux,  de  rebaptiser  ceux  qui  l'avaient  reru. 
Le  pape  saint  Etienne  leur  opposa  la  prati- 
que de  l'Eglise  de  Rome,  qui  était  univer- 
sellement suivie  hors  de  l'Afrique,  et  qui 
était  plus  ancienne  que  la  leur  :  N'innovons 
rien,  leur  dit-il,  lenons-nous'en  à  la  tradi- 
tion, llègle  invariable,  que  l'Eglise  catholi- 
que a  toujours  observée,  el  qu'elle  suit  en- 
core, qui  démontre  la  fausseté  du  fait  dont 
les  prolestants  voudraient  se  prévaloir;  sa- 
voir, que  les  apôtres  n'avaient  point  établi 
de  discipline  unifornu',  qu'ils  avaient  laissé 
aux  diiïérenles  Eglises  la  liberté  de  faire  ce 
qui  leur  paraîtrait  le  plus  convenable,  et 
qu'ils  n'avaient  donné  à  personne  l'autorité 
d'en  juger,  ni  le  soin  d'y  veiller.  Après  quel- 
que temps  de  lésisiance,  les  évêques  d'Afri- 
que sentirent  la  sagesse  de  la  règle  alléguée 
par  le  pape  et  la  nécessité  de  s'y  conformer. 
Voy.  Kebaptisants.  Il  est  donc  demeuré 
pour  constant  que  le  baptême  donné  par  les 
hérétiques  est  valide,  à  moins  qu'ils  n'aient 
altéré  on  la  matière  ou  la  forme  de  ee  sacre- 
ment. C'est  encore  la  décision  du  concile  de 
Trente,  sess.  7,  de  liapt.,  can.  h. 

III.  Des  personnes  capables  de  recevoir  le 
baptême.  Il  est  évident  que  ceux  qui  reçu- 
rent le  baptême  de  la  main  de  Jésus-t^brist 
et  des  apôtres  étaient  des  adultes,  et  qu'a- 
vant de  le  leur  donner,  Jésus-Christ  et  les 
apôtres  exigeaient  d'eux  la  loi  :  Allez,  dit  le 
Sauveur,  enseignez  toutes  les  nations  et  bap- 
tisez-les (Mallh.  XXVIII,  19).  Prêchez  l'Evan- 
gi'e  à  toute  créature  ;  celui  qui  croira  et  rece- 
vra le  HAPTÉME  stra  sauvé,  celui  qui  ne  croira 
pas  sera  condamné  {Marc,  xvi,  15).  Les  apô- 
tres baptisèrent  ceux  qui  avaient  cru  à  la 
prédication  de  saint  Pierre  (Act.  ,  ii ,  kl). 
Saint  Philippe  dit  à  l'eunuque  de  la  reine 
Landace  :  Si  vous  croyez  de  tout  votre  cœur, 
vous  pouvez  recevoir  le  baptême  (viii,  27, 
etc.).  De  là  les  anabaptistes  et  les  sociiilens 
ont  conclu  que  la  foi  actuelle  est  une  dispo- 
sition nécessaire  pour  le  sacrement  ;  que  les 
enfants  étant  incapables  d'avoir  la  foi,  ne 
doivent  point  être  baptisés  ;  que  s'ils  l'ont 
été,  il  leur  faut  renouveler  le  baptême  lors- 
qu'ils sont  parvenus  à  l'âge  de  raison  et  suf- 
fisamment instruits.  Cette  doetrine  est  une 

DiCT.  DE  TllÉOL.  DOGMATIQUE.    I. 


conséquence  naturelle  de  relie  des  protes- 
tants, qui  enseignent  que  la  grâce  de  la  jus- 
lificalion  est  l'effet  non  du  sacrement,  mais 
de  la  foi,  et  que  toute  l'elficacile  du  sacre- 
ment consiste  à  exciter  la  foi.  De  là  s'est 
ensuivie  une  autre  erreur  ;  c'est  que  comme 
le  baptême  n'est  pas  le  seul  mo>en  C'ipable 
d'exciter  la  foi,  ce  sacrement  n'est  pas  abso- 
lument nécessaire  ;  et  pour  le  soutenir,  il  a 
fallu  nier  le  péché  originel  :  ainsi  s'enchaî- 
nent les  erreurs  ;  nous  ignorons  pouripiui 
tous  les  protestants  n'ont  pas  raisonné  de 
même.  —  Nous  réiiondons  d'abord  que  le 
meilleur  interprète  du  sens  de  l'Ecriture 
sainte  est  la  pratique  constante  et  univer- 
selle de  l'Eglise  :  or  l'usage  a  été,  dès  le 
commeneemenl  du  christianisme,  débaptiser 
les  enfants,  comme  le  témoignent  saint  Iré- 
née,  adv.  Bœr.,  I.  m,  c.  22,  Origène,  saint 
Gvprien,  el  les  Pères  postérieurs,  quoique 
cet  usage  n'ait  pas  été  d'abord  généralement 
observé.  On  peut  même  le  prouver  p.ir  une 
lettre  de  l'hérésiarque  Manès.  (Saint  Augus- 
tin. Op.  imperf.,  I.  m,  u.  187.)  Les  sociniens 
ne  le  nient  point;  mais  ils  prétendent  que 
c'est  un  des  abus  qui  s'introduisirent  dans 
l'EL'Iise  incontinent  après  la  mort  des  apô- 
tres. Ils  ajoutent  que  le  baptême  des  enfants 
n'est  fonde  sur  aucun  passage  de  l'Ecriture 
sainte  ;  nous  soutenons  le  contraire. —  Dans 
saint  Maitbieu,  chap.  xix,  v.  li,  Jésus-Christ 
dit  :  Laissez  approcher  de  moi  les  enfants, 
tels  sont  les  héritiers  du  royaume  des  deux. 
Or,  il  dit  ailleurs  que  l'on  ne  peut  pas  en- 
trer dans  le  royaume  de  Dieu,  si  l'on  n'est 
)ias  régénéré  par  l'eau  et  par  le  Saint-Esprit. 
Donc  les  enfants  sont  capables  de  cette  régé- 
nération. Il  est  dit  de  quelques-uns  des  pre- 
miers fidèles  ,  qu'ils  ont  été  baptisés  arec 
toute  leur  maison  (/  Cor.  i,  16,  etc.).  Les 
enfants  ne  sont  pas  exceptés.  D'ailleurs, 
nous  prouvons  par  l'Ecriture,  contre  les 
anabaptistes,  les  sociniens  et  les  protestants, 
(jne  les  enfants  naissent  souillés  du  péché 
originel  ;  que  celti;  taehe  est  effacée,  non 
par  la  foi,  mais  par  le  baptême;  que  ce  sa- 
crement est  absolument  nécessaire  :  donc 
c'est  leur  système,  et  non  pas  le  nôtre,  qui 
est  contraire  à  l'Ecriture  sainte.  Quand  ils 
nous  parlent  de  prétendus  abus  introduis 
dans  l'Eglise  immédiatement  après  la  mort 
(les  apôtres,  nous  les  prions  d'être  moins  té- 
méraires, et  de  présumer  que  les  disciples 
immédiats  des  apôtres  ont  dû  connaître  ce 
qui  était  ou  n'était  pas  abusif,  pour  le  moins 
aussi  bien  que  les  raisonneurs  du  xvr'  siè- 
cle. C'est  donc  avec  raison  que  le  concile  de 
Trente  a  condamné  le  sentiment  de  ces  der- 
niers touchant  le  baptême  des  enfants,  sess. 
7,  de  Bapi.,  can.  13.  Mais  nous  ne  voyous 
pas  de  quel  droit  les  ])rotestants,  en  suivant 
leurs  principes,  peuvent  blâmer  les  soviniens 
ni  les  anabaptistes. 

On  convient  aujourd'hui  que  l'on  ne  doit 
pas  baptiser  les  enfants  des  infidèles,  mal- 
gré leurs  parents,  à  moins  que  ces  enfants 
ne  soient  en  danger  de  mort  ;  non-seulement 
parce  que  celte  espèce  de  violeuee  faite  aux 
pères  et  mères  est  contraire  au  droit  naturel 

16 


^*  m 

qu'ils  ont  sur  lears  enfants,  mais  encore 
parce  que  ceux-ci,  devenus  grands,  seraient 
exposés  à  profaner  leur  baptême  par  l'upos- 
lasie  à  laquelle  ils  seraient  engagés  par  leurs 
parents. 

Dans  les  premiers  siècles,  plusieurs  chré- 
tiens différaient  U'arhapléme  ia»(\a'à  la  mort, 
et  le  recevaient  au  lit  pendant  leur  dernière 
maladie  :  les  uns  agissaient  ainsi  par  humi- 
lité, et  parce  qu'ils  craignaient  de  n'être  pas 
encore  assez  bien  disposés  ;  les  autres  par 
libertinage,  aGn  de  pé(  her  plus  librement, 
dans  l'espérance  que  tous  leurs  péchés  se- 
raient effatés  par  le  baptême.  L'Eglise  n'ap- 
prouva ni  les  uns  ni  les  autres,  elle  s'éleva 
même  hautement  contre  la  négligence  des 
derniers  ;  elle  déclara  irréguliers,  les  clini- 
ques ou  grabataires,  c'est-à-dire,  ceux  qui 
avaii'nt  été  ainsi  baptisés  au  lit  ;  le  concile 
de  Néocésaiée  défendit  de  les  élever  aux  or- 
dres sacrés,  à  moins  qu'il  ne  fût  prouvé  que 
leur  baptême  n'avait  pas  été  différé  par  un 
mauvais  moiif.  Vny.  Guniqdks. — On  refu- 
sait aussi,  dans  l'Eglise  primitive,  ce  sacre- 
ment aax  personnes  répnlées  infâmes,  en- 
gagées dans  des  proicssiioiis  criminelles  et 
incoinpatibles  avec  la  sainlelé  du  christia- 
nisme, à  moins  qu'elles  ne  renonçassent  à 
leur  état.  Tels  étaient  les  sculpteurs  et  au- 
tres ouvriers  qui  faisaient  des  idoles,  les 
femmes  publiques,  les  comédiens,  les  co- 
chers, gladiateurs,  musiciens  ou  autres,  qui 
amusaient  le  public  dans  le  cirque  ou  dans 
l'amphithéâtre;  les  astrologues,  devins,  ma- 
giciens, enchanteurs;  les  honunes  passion- 
nément adonnés  au\  jeux  du  théâtre,  les 
concubinaires  publics,  ceux  qui  tenaient  des 
lieux  de  débauche,  etc.  ;  ceux  qui  promet- 
taient de  s'en  abstenir  étaient  mis  à  l'é- 
preuve (Bingham,  Orig.  eccl.,  1.  xi,  c.  3,  § 
6  et  suiv.). 

Saint  P.iul  (/Cor.  xv,  30)  dit  :  Si  les  morts 
ne  ressitscilent  point,  que  font  ceux  qui  sont 
baptisés  pour  les  moris  ?  à  quoi  bon  ci:  bap- 
tême? De  là  quelques-uns  imaginèrent  que 
l'on  pouvait  baptiser  après  la  mort  (es  caié- 
chumèncs  qui  avaient  désiré  le  baptême,  et 
un  concile  de  (^arihage  condamna  cci  abus  ; 
daulres  se  ligurèreiu  qu'un  vivant  pouvait 
recevoir  li-  bup tente  à  la  place  du  mort,  et 
lui  obtenir  ain  i  le  pardon  de  ses  fautes.  Ter- 
lullicn  p;:rle  de  cette  superstition  dans  son 
livre  de  Re>urrcctionc  Garnis,  cl  ((uelques  l'è- 
res  l'ont  allnbuée  aux  niarciunites.  Il  est  évi- 
dent que  tous  ces  srclaires  entendaient  mal 
le  texte  de  saint  Paul,  et  que  ces  abus  n'é- 
taient pas  encore  connus  du  temps  de  l'Apô- 
tre ;  mais  les  commentateurs,  soit  catholi- 
ques, soit  prolcsianls,  ne  sont  pas  d'accord 
dans  l'explicalion  qu'ils  ilonnenl  de  ce  pas- 
sage. Vvi/.  la  Synopse  des  Crit.  sur  cet  en- 
droil,  et  la  Dissrrl.  sur  le  baptême  pour  les 
morts,  mille  d'Avignon,  lom.  XV,  p.  'tlS. 

IV.  Des  ejjets  du  baptême.  Nous  avons  dé- 
jà observe  plusieurs  conséquences  diî  l'er- 
reur des  protestants,  qui  enseignent  que 
toute  l'efficacité  des  sacrernents  consiste  dins 
In  vertu  qu'ils  ont  d'exciter  (-n  x'oas  la  foi 
Justiûante  ;  mais  elle  a  encore  donné  lica  à 


d'autres  excès.  Plusieurs  sectaire»  en  ont 
conclu  que  le  baptême  de  Jésus-Christ  n'o- 
père rien  de  plus  que  celui  de  saint  Jean- 
Baptiste,  puisque  celui-ci  avait  aussi  la  vertu 
d'exciter  la  foi  et  les  sentiments  de  pénitençei 
Ils  ont  soutenu,  ou  qu'il  n'y  a  point  de  pé- 
ché originel  dans  les  enfants,  où  qu'il  n'est 
pas  eff  icé  par  le  sacrement  ;  que  la  tache  de 
ce  péché  demeure  encore  dans  le  baptisé,  et 
que  celui-ci  peut  encore  être  repiouyé  à 
cause  du  péché  originel  ;  ils  ont  dit  que  le 
bnplême  ne  donne  point  la  grâce  ■^^ancliflanle, 
n'imprime  à  l'âme  du  chrétien  aucun  carac- 
tère, qu'ainsi  rien  n'empêche  de  le  réitérer, 
si  on  le  trouve  bon  :  ils  ont  enseigné  que  ce 
sacrement  impose  tout  au  plus  au  chrétien 
l'obligation  de  croire,  mais  non  celle  d'ob- 
server les  commandemenls  de  Dieu  et  de  1  E- 
glise  ;  d'où  il  s'ensuil,  en  dernière  analyse, 
que  le  baptême  n'est  ni  fort  utile,  ni  absolu- 
ment nécessaire,  et  que  l'on  peut  le  négliger, 
sans  courir  aucun  risque  de  son  salul  ;  aussi 
les  quakers  d'Angleterre  s'abstiennent-ils  de 
donner  et  de  recevoir  ce  sacrement,  et  un 
assez  grand  nombre  de  protestants  ne  se 
pressent  point  de  le  faire  donner  à  leurs  en- 
fants. 

Le  concile  de  Trente  a  condamné  toutes 
ces  erreurs  dans  les  sessions  5,  C  et  7,  oii  il 
a  établi  la  croyance  catholique  lonchani  le 
péché  originel,  la  justiBcalion,  les  elïels  des 
sacrements  et  ceux  du  baptême  en  particu- 
lier; et  les  théoloiiiens  n'ont  pas  de  peine  à 
faire  voir  que  toutes  les  conséquences  du 
système  des  prolestants  sont  foimellement 
contraires  à  l'Ècrituie  sainte.  Si  les  prétendus 
réformateurs  avaient  éié  aussi  grands  théo- 
logiens qu'on  les  supi)0se,  ils  les  auraient 
prévues,  et  il  est  à  présumer  qu'ils  aur. lient 
reculé  à  la  vue  de  l'abîme  dans  lequel  ils 
allaient  se  précipiter. 

Saint  Jean-Baptiste  dit  lui-même  aux  Juifs: 
Je  vous  baptise  par  l'eau,  mais  celui  qui  vient 
apris  moi  vous  baptisera  par  le  Saint-Esprit 
et  parle  feu  [Malth.  iir,  11).  Saint  Paul  lit 
b.iptiser  au  nom  de  Jé^us-tJhrist  des  (idèles 
()ui  avaient  déjà  reçu  le  baptême  de  saint  Jean 
(Act.  XIX,  v).  Il  est  donc  faux  que  ces  deux 
baptêmes  aient  eu  la  même  vertu.  Au  uîot 
OniGiNEi,,  niius  prouverons  que  tous  les  i  n- 
fanls,  sans  excepiioii,  naissent  souillés  du 
péché  :  qu'il  soit  pleinement  effacé  par  le 
baptême,  c'est  la  doctrine  formelle  de  saint 
Paul,  qui  dit  aux  (îalales  (m,  17]  ;  Vous  tous 
qui  êtes  baptisés  en  Jcsus- Christ,  avez  été  re- 
vêtus de  Jêsus-Chrisl.  Et  aux  Itomains  (vin, 
1)  :  //  n'jj  a  donc  plus  aucun  sujet  de  con- 
damnation dans  ceux  qui  sont  tn  Jésus- 
Christ,  cl  ne  marchent  plus  selon  la  chair. 
Anauie  lui  avait  dit  quand  il  fut  converti  : 
Recivcz  le  lîAPriiMi:,  et  lavez  vos  péchés,  après 
avoir  invo'iuc  le  vom  de  Jêsus-Chri^l  (Act. 
XXII,  10).  Saint  Pierre  écrit  aux  fidèles  (/ 
Episl.  Mi,  ■2\)  :  Le  baptémi!  vous  sauve,  non 
en  purifiant  les  souillures  de  la  chair,  mais 
en  vous  ilonnant  le  témoignage  d'une  bonne 
conscience  devant  Dieu,  par  une  résurrection 
semblable  à  celle  de  Jésus-Christ.  De  quoi 
vous  sauve-t-il,  siuoa  du  péché  et  du  cLdti- 


.93 


n\p 


RAP 


*C4 


ment?  Saint  Pierre  n'atiribqe  point  cet  effet 
à  la  foi,  mais  au  baptême,  quoique  1^  foi  soit 
l<ne  disposition  nécess.tire. 

Dans  |e  iiarn^rapiio  suivant,  nous  démon- 
trerons par  l'Ecriture  la  nécessité  absolue 
de  ce  sacrement,  el  l'obli};;ition  rigoureuse 
iniposée  à  lout  chrétien  do  le  recevoir.  Saint 
Payl  parle  du  caractère  qu'il  imprime,  en 
disqpt  aux  Ephésicns  (iv,  30)  :  Ne  rontristez 
{tUS  le  Sdint-Espril  de  Dieu,  dans  lequel  vous 
avez  éle'  marc/uéfi  d'un  sceau  pour  le  jour  de 
la  rédemption.  El  ces  p.irolcs  sont  analo|,'ues 
^  ce  qu'il  a  dit  d'Abraham,  qu'il  a  reçu  la 
circoncision  comme  un  sceau  de  l,i  justice 
qui  vient  de  la  foi  [Rom.  iv,  11).  Or,  le  sceau 
ou  le  caractère  de  la  circoncision  était  inef- 
façable. C'est  sur  ce  fondement  que  saint 
Augustin  a  soutenu,  contre  les  donalistes, 
que  c'était  un  crime  de  réitérer  le  baptême, 
el  dans  toute  l'anlitiuiié  ecclésiastique  ou  ne 
peut  citer  aucun  exemple  de  cet  attentat,  si 
ce  n'est  chez  les  hérétiqui'S. 

Ceux  qui  ont  soutenu  que  le  baptême  n'im- 
pose point  au  chrétien  d'autre  obligation 
que  d'avoir  la  foi,  n'ont  pas  moins  contredit 
la  doctrine  dé  saint  Paul,  puisqu'il  exigi'  des 
chrétiens  une  foi  qui  opère  par  la  charité,  et 
qu'il  ne  cesse  de  les  exhorter  à  l'aire  de 
bonnes  œuvres  (GaUit.  v,  6  ;  vi,  9,  etc.). 
Fow.  OEuvREs,  .lu-TiFicATiox,  elc. 

\.  De  la  nécessité  du  baptême.  Jésns-Christ 
a  institué  ce  sacrecnent  comme  un  moyen  de 
salut  abs(duii)ent  nécessaire,  lorsqu'il  a  dit: 
Si  quelqu'un  n'e;:!  pas  régénéré  par  l'eau  et 
par  le  Saint-Esprit,  il  ne  peut  pas  entrer 
Hans  le  roijaume  de  Diexi  (./oaH.  Ui,  5).  Pré' 
chez  l'Evangile  à  toute  créature  ;  celui  qui 
croira  et  sera  baptisé  sera  saufé,  celui  qui  ne 
croira  pas  sera  condamné  (Marc,  xvi,  IG], 
Saint  Pierre  a  répété  cette  même  vériié,  en 
(lisant  que  le  baptême  nous  sauve  (/  Epist., 
m,  21);  cl  saint  Paul  nous  enseigne  que 
Dieu  nous  a  sauiés  par  le  bain  du  la  régé- 
nération el  le  renouvellcmenl  du  Saint-Es- 
prit (Tit.  III,  o).  Nous  n'ignorons  pas  les 
subterfuges  par  l>squels  les  calvinistes  el 
les  sociniens  ont  tordu  le  sens  de  ces  passa- 
ges, et  de  plusieurs  autres  qui  établissent 
ce  dogme  ;  mais  l'Eglise,  en  condamnant 
leurs  erreurs,  a  fra(ipé  du  même  analhèmc 
les  interprétations  Hiusses  qu'ils  ont  données 
à  l'Ecriture  saintp.  Le  concile  de  Trente, 
après  avoir  décidé  qu'Adam  a  transmis  à  tout 
le  genre  hur\iain,  non-seulement  la  néces- 
sité de  souffrir  el  de  mourir,  mais  encore  le 
péché,  qui  est  la  morl  de  l'âme,  enseigne 
que  ce  péché  ne  peut  être  effacé  que  par  les 
Diériles  de  Jésus- Christ,  et  qu'ils  nous  sont 
appliqués  parle  baptême,  sess.  5,  can.  2el  3; 
que  depuis  la  promulgation  de  l'Evangile, 
l'homuie  ne  peut  passer  de  l'étal  du  péché 
à  l'état  de  grâce  sans  le  baptême,  ou  sans 
le  désir  de  le  recevoir,  sess.  G,  can.  k.  Con- 
séquemment  il  dit  anathème  à  quicon(|ue 
soutient  que  ce  sacrement  n'est  pas  néces- 
saire au  salut,  sess.  7,  can.  5.  —  Celte  doc- 
trine a  été'déjà  soutenue  au  v  siècle  contre 
les  pélagiens.  Pelage  prétendait  que  le  pé- 
ché d'Adam  n'avait  nui  qu'à  lui  seul  et  non 


à  ses  descendants  ;  que  le  baptême  était  don- 
né aux  enfants,  non  pour  effacer  en  eux  au- 
cun pé'-hé,  mais  pour  leur  donner  la  grâce 
d'adupiion  ;  que  quand  ils  mouraient  sins 
l'avoir  reçu,  ils  obten.iienl  la  vie  éternelle 
par  le  mérite  de  leur  innocence.  Saint  Au- 
gustin combattit  de  toutes  ses  forces  contre 
ces  erreurs  ;  elles  furent  condanmées  par 
plusieurs  papes  et  par  plusieurs  conciles 
d'.Xfrique,  et  cotte  cond.imnaiion  fut  confir- 
mée par  le  concile  général  d'Epbèse,  l'an 
'1^31.  Calvin  n'a  pas  été  moins  téméraire  que 
Pelage  en  enseiçinant  que  les  enfants  des  fi- 
dèles sont  sanctiliôs  dès  le  sein  de  leur  mère  ; 
la  croyance  commune  des  calvinistes  est 
que  les  enfants  des  inliilèles  qui  meurent 
sans  baptême  sont  damnés  ;  mais  (]u'il  n'en 
csl  pas  lie  même  des  enfants  des  chré- 
tiens, p;irce  qu'ils  ont  part  à  l'alliance  que 
Dieu  a  faite  avec  les  hommes  par  Jésus- 
Christ.  Dans  celte  supposition,  l'on  ne  voit 
pas  pourquoi  il  est  encore  nécessaire  de  bap- 
tiser les  enfants  des  fidèles. 

Il  faut  remarquer  que  le  concile  de  Trente 
déclare  que  l'homme  ne  peut  passer  de  l'é- 
tal du  péché  à  l'état  de  grâce  sans  le  baptême 
ou  sans  le  désir  de  le  recevoir.  En  effet  l'on 
a  toujours  cru  dans  l'Eglise  que  la  foi.  jointe 
au  désir  du  baptême,  peut  tenir  lieu  de  ce 
sacrement,  lorsiju'il  y  a  impossibilité  de  le 
recevoir  ;  on  n'a  jamais  douté  du  salut  des 
catéchumènes  morts  sans  avoir  pu  obtenir 
cette  grâce.  On  a  jugé  encore  que  le  mar- 
tyre opérait  le  même  effet  à  l'égard  de  ceux 
qui  mouraient  pour  Jésus-Chrisi  ;  c'est  dans 
cette  croyance  que  l'Eglise  rend  un  culte 
aux  saints  Innocents.  De  respectables  évé- 
qnes  du  troisième  siècle  ont  même  pensé  que 
les  fidèles  qui  avaient  reçu  (  hez  les  héréti- 
ques un  baptême  nul,  mais  qui  étaient  reve- 
nus de  bonne  foi  à  l'Enlisé,  et  qui  avaient 
participé  aux  saints  mystères,  n'avaient  pas 
absolument  besoin  qu'on  leur  réitérât  le  bap- 
tême. C'était  le  sentiment  de  saint  Denys  il'A- 
lexandrie  et  de  saint  Cyprien  [Epist.  73  ad 
Jubaian.).  Voy.  Eusèhe,  Uist.  ecclés.,  I.  vu, 
c.  9,  el  la  noie  de  Lowlh  ;  Biiigham,  Orig. 
ecclés.,  I.  X,  c.  2,  §  23.  Enfin,  les  Pères,  è^ 
l'exception  de  sainl  Augustin,  ont  tous  été 
d'avis  que  sainl  Jean-Baplisle  a  été  sanciifié 
par  Jésus-ChrisI  dans  le  sein  de  sa  mère; 
c'est  pour  cela  que  l'Eglise  célèbre  sa  n;^ti- 
vite.  Conséquemment  les  théologiens  distin- 
guent trois  espèces  de  baptême,  savoir  :  ce- 
lui de  désir,  baptisnius  flaminis;  celui  de  sang 
ou  le  martyre,  baptismus  sunguinis  ;  el  le 
baptême  d'eau. 

Le  passage  de  saint  Paul,  duquel  Calvin 
et  ses  sectateurs  abusent,  ne  prouve  pas  ce 
qu'ils  veulent.  L'Apôtre  dit  (/  ("or.  vu,  14) 
qu'un  mari  païen  est  sanctifié  par  une  femme 
chrétienne,  et  qu'une  épouse  païenne  est 
sanctifiée  par  un  mari  chrétien;  autrement, 
ajoute-l-il,  vos  enfants  seraient  impurs:  or, 
ils  sont  ,soin?«.  Cela  ne  prouve  jwis  que  ces 
enfants  naissent  exempts  de  péché  ,  mais 
ijii'urdinairement  un  père  ou  une  mère,  qui 
fait  profession  du  christianisme,  procure  le 
baptême  à  ses  enfants,  ou  qu'il  y  a  lieu  d'es> 


i'ih  BAF 

pcrer  qu'ils  seront  élevés  dans  cette  reli- 
gion. Voy.  la  Synopse  des  critiques  sur  ce 
passage. 

VI.  Quel  est  le  sort  éternel  des  enfants 
morts  sans  baptême  'l  Cette  question  paraît 
ilejà  snffisammi'nl  résolue  par  ce  que  nous 
venons  de  dire  louchant  la  nécessité  absolue 
de  ce  sacrementpour  obieuir  le  salut,  el  par 
les  raisons  Jont  on  s'est  servi  au  cinquième 
siècle  pour  réfuter  les  erreurs  de  Pelage, 
bans  les  comiiienccmenls,  cet  hérésiarque 
n'osa  rien  décider  tou(  haut  le  sort  de  ces  en- 
fants. Je  sais  bien,  disait-il,  où  ils  ne  vont 
pas;  mais  j'ignore  où  ils  vont:  Quo  non  cant, 
scioiquo  eant,  nesiio.  Dans  la  suite,  pour  ne 
pas  contredire  formellitnent  les  paroles  de 
Jésus-Christ  (7oa/i.  m,  5),  il  dit  qu'à  la  vé- 
rité ces  enfants  n'entraient  pas  dans  le 
royaume  des  cieux,  mais  qu'ils  n'étaient  pas 
uon  plus  condamnés  à  l'enfer;  qu'ils  avaient 
la  vie  éternelle  par  le  mérite  de  leur  inno- 
cence. Saint  August.,  1.  i  de  Pecc.  meiilis  et 
remiss.,  c.  28,  n.  54-;  Serm.  29'i.  c.  1,  n.  2; 
episl.  156.  etc.  U  imaginait  ainsi  un  lieu  ou 
un  état  miioyen  entre  la  gloire  du  ciel  et  la 
damnation. dans  lequel  il  plaçailces  enfants; 
d'où  il  s'ensuivait  qu'ils  étaient  sauvés  de 
l'enfer  sans  avoir  participé  en  rien  aux  mé- 
rites ni  à.  la  rédemiition  de  Jésus-Christ.  — 
Saint  Augusiin  el  les  autres  défenseurs  de  la 
foi  catholique  réfutèrent  toutes  ces  vaines 
opinions  ;  ils  prouvèrent  par  l'Ecriture 
sainte,  par  la  tradition  des  quatre  premiers 
siècles,  par  les  exorcismes  du  baptême,  que 
tous  les  enfants  d'Adam  naissent  souillés  du 
péché  originel,  par  conséquent  privés  de  tout 
droit  à  la  vie  éternelle  ;  qu'ils  ne  peuvent 
être  purifiés  de  ce  péché  que  par  ra()plica- 
tion  des  mérites  de  Jésus-Christ  et  par  le  bnp- 
téme  :  {\ue  s'ils  meurent  sans  l'axoir  reçu,  ils 
sont  damnés.  Conséquemment  ils  rejetèrent 
le  lieu  ou  l'état  mitoyen  que  Pelage  avait 
imaginé  entre  le  royaume  de  Dieu  et  la 
damnation,  état  qu'il  nommait  la  vie  éter- 
nelle, et  dans  le(iucl  il  plaçait  les  enfants 
morts  sans  baptême.  D  puis  cette  époque,  le 
sentiment  commun  des  théologiens  est  que 
non-seulement  ces  enfants  sont  exclus  du 
bonheur  éternel,  mais  qu'ils  sont  condam- 
nés aux  tourments  de  l'enfer;  (lue  cepen- 
dant ils  les  souffrent  dans  un  degré  beau- 
coup moindre  que  les  autres  ré|irouvé«. 

Maigre  le  nombre  et  l'autorité  <le  ceux  qui 
sunliennent  ce  senlin)cnt ,  saint  Thomas, 
saint  Ronaventure,  le  pape  Innocent  lli  et 
d'autres  théologiens  scolastiques,  très-ins- 
truits de  ce  qui  a  été  décidé  contre  les  Péla- 
giens,  ont  jui;é  qu'à  la  vérité  il  est  de  foi  que 
les  enfants  morts  sans  baptême  ne  peuvent 
entrer  dans  le  royaume  des  cieiix,  ni  jouir  do 
la  vie  éternelle;  qu'ainsi  ilseprouvent  ce  que 
l'on  nomme  l<i  peine  {lu  dum;  mais  qu'il  n'est 
pas  de  loi  qu'ils  soulTrcnl  aussi  la  peine  du 
sens,  ou  les  snp()liei's  de  l'enfer;  quo  c'est 
seulement  une  opinion  théologique  l'omlcc 
■  iir  do  fortes  preuves,  do  la(|uelio  cependant 
il  est  très-permis  de  s'écarter.  Ouelques-uns 
même  S'ait  allés  jusqu'à  ilire  ((ue  ces  enfants 
jouissent  d'une  félicité  naturelle  qui  les  dé- 


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i96 


dommage  de  la  perte  qu'ils  ont  faite  du  bon- 
heur éternel  acquis  par  les  mérites  de  Jésus- 
Chrisi.  C'a  été  l'opinion  du  cardinal  Sfon- 
drate  (1),  dans  le  livre  intitulé:  Nodus 
prœdestinalionis  dissolulus,  dont  plusieurs 
évêques  de  France  demandèrent  au  souve- 
rain pontife  la  condamnation  en   1696. 

Personne  ne  s'est  élevé  avec  plus  de  cha- 
leur contre  le  sentiment  mitigé  des  scolasli- 
ques  que  les  partisans  de  Jansénius.  Comme 
il  était  de  l'intérêt  de  leur  système  de  per- 
suader qu'un  adulte  même  peut  être  coupa- 
ble et  punissable  pour  un  péché  qu'il  ne  lui 
était  pas  libre  d'éviter,  ils  ont  fait  tout  leur 
possible  pour  prouver  que  la  condamnation 
des  enfants  morts  sans  èapt^me  aux  supplices 
de  l'enfer  est  un  article  de  foi,  et  que  l'on  ne 
peut  pas  soutenir  le  contraire  sans  être  héré- 
tique. Nous  ne  prétendons  pas  favoriser  leur 
entêtement,  en  rapjiorlant  fidèlement  les 
preuves  qui  établissent  le  sentiment  rigou- 
reux des  autres  théologiens.  La  plupart  ont 
été  employées  par  saint  Augusiin  contre  les 
pélagiens,  et  son  autorité  y  ajoute  un  nou- 
veau poids. 

1"  Les  paroles  de  Jésus-Christ  [Joan.  jii,  5) 
sont  claires  :  Si  quelqu'un  n'est  pas  régénéré 
par  l'eau  et  par  le  Saint-Esprit,  il  ne  peut 
entrer  dans  le  royaume  de  Dieu.  L'expédient 
imaginé  par  Pelage,  de  distinguer  le  royaume 
de  Dieu  d'avec  la  vie  éternelle,  était  absurde, 
puisque  ces  deux  termes,  dans  l'Ecriture 
sainte,  désignent  également  le  bonheur  éter- 
nel. Les  sociniens  et  les  protestants  ne  s'en 
tirent  pas  mieux  en  disant  que,  dans  plu- 
sieurs autres  endroits,  le  royaume  de  Dieu,  le 
royaume  des  cieux,  signifient  le  règne  de  Jé- 
sus-i,hrist  sur  son  Eglise  :  cen'cst  point  ainsi 
qu'on  l'entendait  du  tempsde  Pelage, ni  avant 
lui  ;  les  Pères  ont  donne  constamment  à  ces 
paroles  le  même  sens  qu'a  suivi  le  concile  de 
Trente,  et  ont  entendu  par  là  le  bonheur 
éternel.  —  2°  Saint  Paul  {Ephes.  ii,  3)  dit  : 
I^ous  étions  par  naissance  enfants  de  co- 
lère (2).  Donc,  dit  saint  Augustin,  nous  étions 
enfants  de  vengeance  et  de  châtiment,  masse 
de  perdition  et  de  damnation,  à  cause  du  pé- 
ché originel.  L'Apôtre  dit  (Rom.  v,  18)  que  le 
péché  d'un  seul  est  pour  la  condamnation  de 
tous,  et  que  la  justice  d'un   seul  est  pour  la 

(1)  Celle  opinion  du  cardinal  Sfondrale  n'a  pas  clé 
eonclaninée,  il  s'ensuit  nue  conséi|iienre  ininiensc  : 
qne  la  raison  la  plus  exigeaiilc  ne  peut  trouver  l'oin  ■ 
bie  d'injiisiiee  dans  l'evcliision  du  parailis  des  en- 
tants morts  sans  lia|ilénie.  ^oll■i  taisons  ressortir 
celle  cnnsé'iiieci'  e  :in  nml  Oiuginf.l  (  l'^ch,'  ). 

(2)  Le  texte  de  saint  Paul  qu'on  objecte  ici  fail  nue 
ti  es- grave  (lillicnllé.  Les  coiniuenlaleurs  se  sonlpar- 
la};és  sur  le  tens  qu'il  faut  donner  à  ce  passage.  Quel- 
ques-uns renieniienl  de  tous  tes  lioinnies  sans  excep- 
liiin,  jeunes  et  vieux  ;lesauire$  le  resireignpnt  aux  seuls 
coupables  de  péchés  actuels.  Le  conlexte  seiiilile  fa- 
voriser celle  interprctaiioii.  Voici  le  passage  inui  en- 
tier :  /•-(  voi,  cum  esse.tis  morlui  delictit  et  peccatii 
veulris,  in  quibus  aliquaiidu  ambulastis  secuiiditm  sœ- 
culiim  mnurii  Iikjks,  nerundum  prhicipem  potestaiii 
tieris  liujiis  tpiritus,  qui  nunc  operalur  in  filios  difji- 
denlias.  In  .;»i7ii(s  et  nos  omnes  aUgiiamlo  lonvermli 
sumus,  in  dcfideriis  cninis  noslrœ  Iniieiitcs  volitnta- 
tem  caniis  cl  cogilalionum  ;  el  eramm   n.vtira  fitii 


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498 


justification  «le  Ions.  S'il  n'est  pas  question 
là  d'une  condanihiilion  à  l'enfer,  on  ne  peut 
|ilus  dire,  comme  l'Ecriture  sainte,  que  Jé- 
ï.us-Clirist  nous  a  sauvés  de  l'enfer,  de  la 
puissance  des  ténèbres ,  de  la  puissance 
du  démon,  etc.;  il  faut  prendre  le  terme  de 
rédemption  dans  un  sens  métaphorique, 
comme  font  les  sociniens  après  les  péla- 
gieus.  —  3"  Ce  mémo  Apôtre  dit,  comme 
saint  Pierre,  que  le  baptême  nous  sauve.  De 
quoi  nous  sauve-til,  sinon  de  l'enfer  et  du 
supplice  éternel?  Donc,  quiconque  n'a  pas 
reçu  ce  sacrement  n'est  pas  sauvé.  — 4°  Jé- 
sus-Ctirisl,  parlant  du  jugement  dernier,  ne 
fait  mention  que  de  deux  places  ;  savoir,  de 
ia  droite,  où  sont  les  justes  qui  sont  envoyés 
à  la  vie  éternelle,  et  de  la  gauche,  où  sont 
les  méchants  condamnés  au  feu  éternel 
[Matth.  XXV, 3.3).  Les  enfants  morts  sans  bap- 
tême ne  peuvent  être  placés  à  la  droite,  donc 
ils  seront  à  la  gauche,  et  subiront  le  sort  des 
réprouvés  :  point  de  milieu.  —  3"  Les  conci- 
les d'AI'ri(iue,  les  papes  Innocent  l'.Zozime, 
Célestin  I'  %  Sixte  III,  saint  Léon  et  Gelase, 
qui  ont  condamné  les  pélagiens,  le  concile 
général  d'Iiplièse,  qui  a  confirmé  cette  con- 
damnation, sont  censés  avoir  approuve  la 
doctrine  de  saint  Augustin  :  or,  ce  saint  doc- 
teur a  toujours  enseigné  que  les  enfants 
morts  sans  baptême  sont  damnés.  —  tj"  tj'a 
été  aussi  le  sentiment  de  tous  les  Pères  latins 
des  siècles  suivants  et  des  théologiens,  jus- 
qu'à la  naissance  des  scolasliques.  Dans  le 
second  concile  de  Lyon,  qui  est  le  quator- 
zième général,  tenu  l'an  1274,  il  est  expres- 
sément décidé  que  les  âmes  de  ceux  qui 
meurent  en  péché  mortel,  ou  avec  le  seul  pé- 
ché originel,  descendent  inconliiienl  en  en- 
fer, pour  y  subir  néanmoins  des  peines  dif- 
férentes ou  inégales.  Celte  même  décision 
est  répétée  mol  pour  mol  dans  le  concile  de 
Florence,  tenu  l'an  1439.  canon  4.  C'est  une 
condamnation  formelle  du  sentiment  des  sco- 
lasliques. —  7°  Le  concile  de  Trente,  sess.  3, 
dans  son  décret  touchant  le  péché  originel, 
déclare,  canon  I",  qu'Adam,  par  son  péché, 
a  non-seulement  perdu  la  sainteté  et  la  jus- 
lice  originelle,  mais  qu'il  a  encouru  la  co- 
lère et  l'indi^'natioQ  de  Dieu,  la  mort  et  la 
captivité  sous  la  puissance  du  démon;  can.  2, 
qu'il  a  transmis  à  tout  le  genre  humain,  non- 
seulement  la  mort  et  les  peines  du  corps, 
mais  le  péchéqui  est  la  mort  de  l'âme  ;  can. 3, 
que  ce  péché  ne  peut  être  ôté  que  par  les 
mérites  de  Jésus-Christ,  et  qu'ils  nous  sont 
appliqués  par  le  baptême.  Or,  la  mort  de 
l'âme  et  la  ca|>livilé  sous  la  puissance  du  dé- 
iion  entrainent  la  damnai  ion  comme  unccon- 
séquence  nécessaire  ;  et  il  n'y  a  d'autre  mo\  en 
que  \ebaptvii.e  par  lequel  les  mérites  de  Jésus- 
Christ  puissent  être  appliqués  aux  enfants. 
On  ne  peut  pas  nier  que  ces  arguments  ne 

irœ.  Vnyez  Menocliins,  Coriieliiis  a  Lapide,  l'eqiii- 
gny,  sur  ce  passage  de  rA|i6ii'c. 

Mais,  qiiflle  <|iie  soil  l'uilertirélalion  qu'on  ad- 
ineUe,  elle  ne  doit  i  leii  préjuger  Sur  létal  des  rii- 
faiils  iD'  ris  sans  ba|iléine.  .N<iiis  lappeloiis  dans  la 
M>ie  précédente  ce  que  la  loi  miii^  oblige  de  iroire 
sur  le  sort  de  ces  eiifiiuts. 


soient  très-forts  ;  ils  prouvent  invincible- 
ment que  les  enfants  morts  sans  baptême  sont 
exclus  du  bonheur  éternel,  et  souffrent  la 
peine  du  dam;  mais  ils  ne  démonlrent  pas 
aussi  certainement  que  ces  enf.ints  souffrent 
encore  la  peine  du  sens.  Kn  voulant  trop 
presser  ces  raisonnements,  l'on  s'expose  à 
des  inconvénients  fâcheux,  et  l'on  pourrait 
y  en  opposer  d'autres  qui  ne  paraîtraient 
pas  moins  concluants.  Il  n'y  a  donc  aucune 
nécessilé  d'embrasser  sur  cette  question  le 
parti  le  plus  rigoureux  :  aussi,  la  faculté  de 
théologie  de  Paris,  dans  la  censure  d'Etn'le, 
prop.  24  etsuiv.,  édit.  iii-12,  pag.  90,  a  lait 
remar(]ocr  que  l'Eglise  catholique  laisse  la 
liberté  de  penser,  avec  saint  Thomas,  (ju'on 
n'est  point  sujet  à  la  peine  du  sens  à  cause 
du  seul  pèche  originel,  mais  qne  l'on  est 
seulement  privé  de  la  vision  intuitive  de 
Dieu,  (lui  est  on  don  gratuit,  surnaturel, au- 
quel les  créatures  intelligentes  n'ont,  de  leur 
nature,  aucun  droit. 

[  <  Pour  ce  qui  esi  du  do^jine  du  péclié  originel, 
dil  l'auteur  de  la  Foi  ju$li/iéc  de  loul  reproche  de 
cotiiradiciion  avec  la  raison,  p.  (iO,  il  n'y  a  ni  injusti- 
ce ni  délaul  de  bonté  dans  Hieu  de  n-fuser,  à  la  pos- 
térité d'un  |ière  coupable,  des  privilèges  piiiemeiii 
griiluits,  qui  n'étaieiii  dus  ni  au  père  m  aux  entants, 
et  qui  n'elaieiit  assuiés  aux  uns  et  aux  autres  ipie 
sous  la  colidnion  d'une  oliéis-auce  liilèle  à  la  loi  du 
Créateur.  Un  sujet  comblé  des  griiees  et  des  faveurs 
de  sou  prince  se  révidteconire  lui,  et  le  prime  en 
C()nséi|ueiice  lui  relire  et  à  sa  posl''riié  des  privilèges 
qui  ne  devaient  èlre  liérédilaires  que  sous  des  con- 
dilioiis  justes,  qui  n'ont  pas  été  remplies,  el  auxquel- 
les inéine  on  a  manqué  foriiielleiiienl.  Y  a  l-il  eu 
cela  quelque  injustice  ou  un  délaul  de  bouté?  Mais 
voilà  au  vrai  à  quui  se  réduisent  les  suites  du  pécUé 
originel.)  ] 

Ajoutons  que  saint  Augustin  a  éprouvé  les 
mêmes  embarras  que  nous  au  sujet  du  sort 
des  enfants,  sans  pouvoir  se  satisfaire  lui- 
même  {Epist.  28  ad  Hieron.).  Et  s'il  n'ose  les 
exempter  de  toute  peine,  il  ne  les  assujettit 
qu'à  la  plus  légère  de  toutes.  Il  ne  se  hasarde 
pas  même  à  décider  quelle  sera  la  nature  de 
cette  peine,  ni  quel  en  sera  le  caractère  et 
l'étendue  {L.  vi  contra  Jul.,  c.  5).  Il  n'ose 
assurer  qu'elle  sera  pire  que  l'anéantisse- 
meiit,  el  qu'il  eût  mieux  valu  pour  ces  en- 
fants n'avoir  jamais  été  {Ibid.).  Aussi  quel- 
ques théologiens  estiment,  el  Gonet  entre 
autres,  que  la  privation  de  la  vision  héatifi- 
que  ne  causera  aucune  douleur  ni  aucune 
tristesse  à  ces  enfants  infortunés.  Cet  étal 
sera,  en  quelque  sorte,  un  étal  mitoyen  entre 
la  récompense  et  le  châtim'ent  ;  ce  qui  ne  pa- 
raissait point  impossible  à  saint  Augustin 
lui-même  (De  Lib.  Arl).,  1.  m,  c.  23).  Gonet 
s'appuie  encore  de  l'autorité  de  saint  Gré- 
goire de  Nazîanze,  de  saint  Grégoire  de  Nyssc 
el  de  saint  Ambroisc.  Saint  Thomas  (in  2, 
disi.  59,  q.  2,  ait.  2)  semble  insinuer  cette 
façon  de  penser,  et  admelire  un  ordre  de 
providence  bienfaisante  de  la  part  de  Dieu 
sur  ceux  même  qu'il  ne  peut  récompenser. 

Si  l'on  trouve  mauvais  que  des  théologiens 
qualifient  trop  rigoureusem.ent  les  senti- 
ments rigides  de  l'école,  lors  même  qu'ils 
ressemblent  assez  dans  l'expression  aux  er- 


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BAP 


§00 


reurs  condamnées,  ne  devrait-on  pas  avoir 
le  mênie  ménagement  pour  certaines  opi- 
uii'ns  plos  tloucps,  sonlennes  par  des  Ihéo- 
iogiens  respectables,  et  qui  sont  très-firopres 
à  arrêter  les  incrédules  qui  se  seandalisenl 
de  la  prétendue  dureié  du  sentiment  con- 
traire ?  L'on  ne  doit  néanmoins  donner  à  ces 
opinions  que  la  valeur  qu'elles  ont  d'avoir 
des  partisans  estimables^  et  se  contenter  do 
prouver  par  là  que  le  sentiment  contraire 
ne  l'ait  pas  purtie  du  do^me  décidé,  très-in- 
dépendant de  ces  discussions  d'école.  Yoyz 
les  Cwférencfs  d'Amiers,  sur  les  Péchés, 
2'  question,  îirticle  3  (1). 

BAl'TISTÈK!:,  esi  le  lieu  ou  l'édiflce  dans 
lequel  on  conserve  l'eau  pour  baptiser. 

Les  premiers  rhréliens,  suivant  saint  Jus- 
tin Martyr  et  Tertullien,  n'avaient  d'autres 
baptistcr'S  que  les  fontaines,  les  rivières,  les 
lais  ou  la  mer,  qui  se  trouvaient  plus  à  pur- 
tée  de  leur  habitation;  et,  comme  souvent  la 
persécution  ne  leur  permettait  pas  de  bapti- 
ser en  plein  jour,  ils  y  allaient  de  nuit,  ou 
donnaient  le  baptême  d.jns  leurs  maisons. 
—  Dès  que  la  religion  chrétienne  fut  deve- 
nue celle  des  empereurs,  outre  les  églises, 
on  bâtit  des  édiliccs  particuliers  uniquement 
destinés  à  l'administration  du  baptême,  et 
(jue  par  celte  raison  on  nomma   baplislêres. 

Oiifiques  auteurs  ont  prétendu  que  cet, 
bapiist ères  éyiÙL'nl  aiiciennement  placés  dans 
le  vestibule  intérieur  des  églises,  comme  le 
sont  aujourd'liai  nt)s  lonts  baptismaux.  C'est 
une  erreur.  Los  baplistères  étaient  dos  éilifi- 
ces  entièrement  séparés  des  basiliques,  et 
pl.icés  à  quilque  distance  des  murs  exlé- 
rieuis  de  colles-ci.  Les  témoignages  de  saint 
Paulin,  do  saint  Cyrille  de  Jérusalem,  de 
saint  Augustin,  ne  pcrmellent  pas  d'en  dou- 
ter. —  Cts  baptistères,  ainsi  séparés,  ont  sub- 
sisté jusqu'à  la  fin  dii  vi'  siècle,  quoique  dès 
lors  on  en  voie  déjà  quelques-uns  placés 
dans  le  vestibule  intérieur  de  l'église,  tel  que 
celui  où  Clovis  reçut  le  baptême  des  mains 
de  Saint  Rémi.  Cet  usage  est  ensuite  devenu 
général,  si  l'on  en  excepte  un  petit  nombre 
d'éçliscs  qui  onl  retenu  l'ancien,  comme  celle 
de  Florence  et  toiiles  les  villes  épiscopales 
de  Toscane,  la  métropole  de  Uavcunc  et  l'é- 
glise de  Saint-Jean-ile-Lalraii  à  Rome.  —  Ces 
édifices,  pour  la  plupart,  étuieni  d'une  gran- 
deur considér.ible,  eu  égard  à  la  discipline 
des  premiers  siècles,  le  l)a|)téme  ne  se  don- 
nant alors  que  par  immersion,  et  (hors  les 
cas  de  hécéssilè)  seulement  aux  deux  fêtes 
les  plus  soleniielles  de  l'anine,  IViques  et  la 
Pentecôte.  Le  concours  prodigieux  de  ceux 
quise  présentaient  au  b.ipléine,la  bienséance 
qui  exigeait  que  les  hommes  fussent  baptises 
sé|)arémenl  des  femmes, demandaient  un  em- 
placement d'aut.ml  plus  vaste,  qu'il  fallait 
encore  y  ménager  des  autels  où  les  néophj  tes 
reçussent  la  confirmation  et  l'eucliarisiie  im- 
me  liatement  après  leur  baptême.  Aussi  le 
tapa'sieVede  l'église  de  Sainte-Sophie  à  Cons- 

(ti  Nous  avons  donné  H.ins  noire  Diciiounaire  du 
Tliéotoqie  momie  l'exposiiion  cl  le  (léveluppeineiit 
des  cérémonies  du  bapiénie. 


lantinople  était-il  si  spacieux,  qu'ii  servit 
d'asile  à  l'empereur  Basilisque,  «t  de  salle 
d'assemblée  à  un  concile  fort  nombreux. 

Los  baplislêres  avaient  plusieurs  noms  dif- 
férenis,  tels  que  ceux  de  piscine,  lieu  d'illu- 
mination, etc.,  tous  relatifs  aux  différentes 
grâces  qu'on  y  recevait  par  le  sacrement. 

On  trouve  peu  de  chose  dans  les  anciens 
auteurs  sur  la  forme  et  les  ornements  des 
haptis'ères ; o\x  i\i  moins  ce  (|u"on  y  en  lit  est 
fort  inoertain.  A'oici  ce  qu'en  dit  M.  Fleiirj, 
sur  la  fii  d'Anastise,  de  Grégoire  de  Tours 
et  do  Dirand,  dans  ses  notes  sur  le  poniifiral 
attribué  au  pape  Damase  :  «  Le  baptistère 
était  d'ordinaire  bâti  en  rond,  ajanl  un  en- 
foncement où  l'un  descendait  par  quelques 
marches  pour  entrer  dans  l'eau  ;  c'était  pro- 
prement un  bain.  Depuis  on  se  contenta 
d'une  grande  cuve  de  marbre  on  de  por- 
phyre, comme  une  baignoire,  et  enfin  on  se 
réduisit  à  un  bassin,  comme  sont  aujourd'hui 
les  foits.  Le  6n/)n's/f>"e  était  orné  de  peintu- 
res convenables  à  ce  sacrement  et  tneuhié  de 
plusieurs  vases  d'or  et  d'argent  pour  garder 
les  saintes  huiles  et  pour  verser  l'eali.  CeuX- 
ci  étaient  souvent  en  forme  d'agneaux  bu  de 
cerfs,  pour  représenter  l'agneau  dont  le  saiig 
nous  purifie,  et  pour  marquer  le  désir  des 
âmes  qui  cherchent  Dieu,  comme  un  cerf  al- 
téré cherche  une  fontaine,  suivant  l'expres- 
sion du  psaume  xli.  On  y  voviit  l'irnage  de 
saint  Jean-Baptiste  et  une  colombe  d'or  oU 
d'argent  suspendue^  pour  mieux  représenter 
toute  l'histoire  du  baptême  de  Jésiis-Christ 
et  la  vertu  du  Sain(-Hs|irit  qui  descend  sur 
l'eau  baptismale.  Quelques-uns  même  di- 
saient :  le  Jourdain,  pour  dire  les  fonts.  » 
(Mœurs  des  Chrétiens,  tit.  3(5.)  Ce  qu'UjbultS 
Durand,  que  les  riches  ornements  dont  l'em- 
pereur Constantin  »vait  décoré  le  baptistèri 
de  l'Eglise  de  Home,  étaient  comme  un  mé- 
morial de  la  grâce  qu'il  avait  reçue  par  les 
m;iins  du  pape  saint  Sylvestre,  est  visible- 
ment lauXi  puisqu'il  est  aujourd'hui  démon- 
tré que  ce  prince  fut  l)aplisé  à  Nicomédie 
peu  de  temps  avant  sa  mort. 

Il  n'y  eut  d'abord  de  baptistères  que  dans 
les  villes  épiscopales  :  d'où  vient  qu'èticorfe 
aujourd'hui  le  rite  ambrosion  ne  permet  pas 
qu'on  fasse  la  bénédiction  des  fonts  baptis- 
maux les  veilles  de  l'àques  et  de  la  Pente- 
côte, ailleurs  que  dans  l'église  métropoli- 
taine :  d'où  les  églises  paroissiales  prennehl 
l'eau  qui  a  été  bénite,  pour  la  mêler  avec 
d'autre,  depuis  qu'on  leur  a  permis  d'avoir 
des  baptiflères  ou  fonts  particuliers.  Daiis 
l'Eglise  de  Meaux,  les  curés  de  la  ville  vien- 
nent baptiser  les  enfants,  depuis  le  samedi 
saint  jusqu'au  samedi  suivant,  sur  les  lunls 
de  l'église  cathédrale.  C'est  un  droit  attaché 
à  cha()ue  paroisse  en  litre  et  à  quelqlies  suc- 
cursales, mais  non  pas  à  toutes,  non  plus 
qu'aux  chapelles  et  aux  monastères,  qui, 
s'ils  en  ont,  ne  les  possèdent  que  par  privi- 
lèges et  par  concession  des  éVêqueS. 

On  confond  aujourd'hui  le  baptistère  avec 
les  fonts  baptismaux.  Anciennement  on  dis- 
tinguait exactement  ces  deux  choses,  comme 
le  luul  et  la  (lartie.  Par  bapustère,  on  euteM* 


m 


BX'A 


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dait  tout  l'édifice  où  l'on  adminislirait  le  bap- 
tL'UK"  ;  el  Tes  fonts  n'étaicnl  autre  chose 
(|iit!  la  fonlaini'  ou  le  réservoir  qui  contenait 
les  eaux  doiil  on  se  servait  pour  le  baptême. 
Voi/.  r.4ncKn  Saonm.,  iv  partie,  pag.  55. 
Nous  avons  parlé  de  la  héuédiction  des  fonts 
baptismaux    dans  l'article  Hu'ikme. 

BARALLOTS,  nom  qu'on  donna  à  certains 
hérétiques  (jui  parurent  à  Bologne  en  Italie, 
el  qui  niettaielit  tous  leurs  biens  en  commun, 
même  les  f "mines  el  les  enfants.  Leur  ex- 
trême facilité  à  se  livr.  raux.  plus  honteux 
excès  de  la  débauche  leur  fil  encore  don- 
ner, selon  Ferdinand  de  Gordoue,  dans  sou 
Trait:'  De  exif/'ais  Annonis,  le  nom  d'obéis- 
sants, ohei'lienles., 

BAKBAIŒS.  L'irruption  des  peuples  du 
Nord  qui,  dans  "le  v  siècle  et  les  sui- 
vAnls,  se  sont  jetés  sur  l'empire  romaiil, 
ei  l'ont  détruit  dans  l'Occideul,  est  une  épu- 
que  célèbre  dans  riiisluire.  mais  faiale  à  la 
religion  et  aux  mœurs.  Un  th  ologien  se 
trouve  intéressé  k  en  recliercher  les  causes 
et  les  'éfh'IS,  parce  que  plusieurs  incrédules 
ont  ett  l'injustice  de  les  attribuer  au  cliris- 
tiànimuo.  M.  Fleury  les  a  très-bien  exposés 
(Mœurs  (les  (tiré t.,  n.  50  et  soi v.). 

Au  comineftc  enienl  du  v  siècle,  l'empire 
romain  êlail  alîaibli  de  toutes  liiaiiières  ;  il 
n'y  avait  pllis  ni  discipline  dahs  les  troupes, 
ni  autorité  dans  les  chefs,  ni  conseils  suivis, 
ni  science  des  an'aiies,  ni  vigueur  dans  la 
jeunesse,  ni  prudence  dans  les  vieillards,  ni 
amour  de  la  patrie  il  du  bien  public.  Cha- 
cun ne  cherchait  que  son  plaisir  el  son  inté- 
rêt particulier,  ce  n'étaient  qu'infidélilés  et' 
que  trahisons  ;  les  Uouiainà,  amollis  par  le 
luxe  et  l'oisivelé,  ne  se  délViulaSeni  conlre 
les  llarijares  que  par  d'autres  Barbares  qu'ils 
soudoyaient.  La  mesure  de  leurs  crimes 
étant  Comblée,  Dieu  en  fit  la  justice  exem- 
plaire qu'il  avait  prédite  par  saint  Jean 
(Apof.  xiii,  18).  Kotue  fut  prise  et  srtccagée 
plusieurs  fois;  le  sang  des  martyrs  dont  elle 
s'était  enivi-ce  fut  vengé  ;  l'empire  d'Occi- 
dent denieùi-a  en  proie  aux  peuples  du  Nord, 
qui  y  fondèrent  de  notneau'c  royaumes.  Xo\- 
1.1  les  vraies  causes  de  la  chiiie  de  l'empire 
romain,  el  bon  léiablissement  du  clnislia- 
nisme  comme  les  païens  le  disaient  alors, 
et  comme  Machiavel,  et  après  lui  d"auires 
lioliliques  impies  ou  igiioranls,  ont  osé  le  ré- 
péter. 

On  dira  sans  doute  que  le  christianisme 
établi  poui"  lors  dans  l'empire  aurait  dû  cor- 
riger les  mœurs,  et  empêcher  les  Romains 
de  cotltraeler  d'aussi  grands  vices  ;  mais 
celle  religion  n'avait  commence  à  être  tolé- 
lee  |iuhliquement  par  les  empereurs  qu'eu 
•'3'  I  ;  bieillùt  après  elle  fut  dtfiguree  p.ir  l  s 
ariens,  et  les  l>arbares  sont  venus  en  VOO  ; 
Eliirs  un  grand  nombre  de. Romains  luttaient 
encore  contre  les  lumières  de  l'Evangile.  11 
a  semblé  que  Dieu  avait  fait  venir  les  farou- 
ches habitants  du  Nord,  pour  démontrer  qu'il 
était  plus  aisé  de  convertir  des  hommes  à 
déihi  sauvages  que  des  épicuriens. 

Les  chrétiens  ne  pouvaient  vivre  au  milieu 
d'ude  génération  aussi  corrompue,  sans  par- 


ticiper à  ses  vices  ;  il  n'est  pas  étonnant  ()ue 
les  Pères  de  l'Eglise  leur  en  aiei't  reproché 
de  très-grossiers  (S.  .\ugHsiin,  de  Catechiz. 

riidib 3,  7.  17,  28;  de  M:.,ib.  L'rcL,  c.  34, 

etc.).  Les  ravages  des  Burbnres  ne  nuisirent 
pas  moins  aux  mœurs  de  l'Eglise  que  la  cor- 
ruption des  derniers  Romains.  L'Evangile, 
qui  est  la  souveraine  raison,  condamne  éga- 
lement tous  les  vices  ;  la  slupiilité,  la  fourbe- 
rie, la  férocité,  la  cruauté,  sont  aussi  incom- 
patibles avec  la  vraie  religion  que  le  luxe  et 
la  mollesse  Les  guerres,  les  lioslililés,  le 
briiçandage,  sont  aussi  contraires  à  la  piété 
qu'a  la  justice  el  à  la  probité  naturelle. 
Quand  ou  est  occu[>é  des  moyens  de  conser- 
ver sa  vie  et  son  bien  dans  une  ville  prise 
d'.issaul  ou  dans  un  pays  livré  au  pillage  ; 
d'éviicr  l'esclavage,  de  sauver  l'honneur  des 
femmes,  il  est  très-difficile  de  penser  au  spi- 
rituel; et  il  faut  des  vertus  bien  héroï(|ues 
pour  se  soutenir  au  milieu  ilu  carnage  et  des 
horreurs  d'une  victoire  brutale. 

Possidius,  dans  la  vie  de  saint  Augustin, 
peint  l'état  de  l'Afrique  désolée  par  les  Van- 
dales. Ou  voyait,  dit-il,  les  églises  destituées 
de  prêtres,  les  vierges  et  les  religieux  dis- 
persés ;  les  uns  avaient  succombé  aux  tour- 
ments, les  autres  avaient  péri  |iar  le  glaive, 
les  uulies  avaient  jierdu  dans  une  dure  capti- 
vit  •  l'inlégriié  du  corps,  de  l'esprit  et  de  la 
foi  ;  ils  étaient  ré  iuits  à  servir  des  euneuiis 
farouches  et  !)rut,.ux.  — ■  Nou-seulement  les 
hymnes  el  les  louanges  de  Dieu  avaient  ces- 
sé dans  les  églises,  mais  en  plusieurs  lieux 
ces  édificis  étaient  détruits.  Les  sacrifices 
et  les  sacrements  n'étaient  plus  recherchés  ; 
il  était  difficile  de  trouver  quelqu'un  qui  pût 
les  administrer.  Les  évèques  et  les  clercs 
qui  avaient  é(  happé  au  fer  des  ennemis, 
étaient  déiouillés,  réduits  à  la  misère,  inca- 
pables de  donner  aucun  secours  au  peuple. 
Salvien  a  trace  le  même  tableau  de  la  désola- 
tion des  Gaules;  elle  n'était  pas  moindre  en 
Espagne  el  dans  l'IUyrie.  A  la  vérité,  les 
Francs  se  firent  eiirétiens  ;  les  Golhs,  les 
Bourguignons,  les  Lombards,  d'ariens  devin- 
rent catholiques  ;  mais  ils  demeurèrent  long- 
temps Barbares,  attachés  à  leurs  anciennes 
habitudes  ;  ils  embrassèrent  l'exlérieur  de  la 
religion  sans  en  prendre  l'esprit.  C'est  ce 
qui  arrive  encore  aujourd'hui  à  l'égard  des 
Sauvages  de  l'Auiérique,  lorsqu'on  parvient 
à  les  convertir.  Les  princes  mêmes  ne  perdi- 
re!.l  qu'une  partie  de  leur  férocité.  (]lovis  et 
ses  entants  funl  paraître  d'un  ci'ite  beaucoup 
de  respect  el  de  zèle  pour  la  religion  ;  mais 
d'ailleurs  ils  cunimclleut  des  injustices  et 
des  ciuaulés.  Le  bon  roi  Contran,  que  l'E- 
glise a  mis  au  nombre  des  saints,  entre  une 
infinité  d'actions  de  piété,  a  fait  de  gr/indes 
faute-  ;  el  Dagobert,cet  illustre  fondateur  de 
monastères,  a  été  très-vicieux.  Ce  n'est  pas 
que  les  évéques  de  ce  temps-là  manquas- 
sent absolument  de  vertu  et  de  vigueur  apos- 
tolique; mais  de  deux  maux  intSitables,  ils 
choisissaient  le  moindre  ;  ils  aimaient  encore 
mieux  obéir  à  des  princes  demi-chrétiens 
qu'à  des  païens  persécuteurs  de  l'Eglise.  Une 
marque   qu'ils  ne  se  fiaieul  pas  beaucoup  à 


5J5  BAK 

Jes  Batbares  conrerlis,  c'est  que  pendant 
deux  cents  ans  on  ne  voit  guère  de  clercs 
qui  ne  fussent  romains;  cela  se  connaît  pat- 
leurs. noms. 

Ainsi,  par  le  mélange  des  Romains  avec 
les  Barbares,  ces  derniers  s'adoucirenl  et  se 
civilisèrent  :  mais  les  premiers  devinrent 
ignoranis  et  grossiers.  On  cessa  d'étudier 
l'histoire  el  la  physique,  de  consulter  lauli- 
quilé  sacrée  et  profane  ;  les  peuples  devin- 
rent superstitieux  et  crédules;  on  crut  voir 
partout  des  miracles,  des  pronostics,  des  si- 
gnes delà  bienveillance  ou  de  la  colère  de  Dieu; 
ies  légendes  des  saints  ne  renfermèrent  plus 
que  des  fables  el  des  puérilités.  —  D'autre 
part,  l'autorité  des  évêques  allait  toujours 
croissant  ;  outre  la  dignité  du  sacerdoce  et 
la  sainteté  de  la  vie  de  plusieurs,  ils  étaient 
plus  instruits  que  les  laïques  ;  les  rois  les  fi- 
rent entrer  dans  leurs  conseils,  et  leur  lais- 
sèri'nt  le  soin  de  gouverner:  la  plupart  s'en 
acquittèrent  avec  la  plus  grande  fidélité,  el 
coniribuèrent,  autant  qu'ils  le  purent,  à  di- 
minuer la  misère  des  peuples.  On  ne  con- 
naît aucun  siècle  dans  lequel  il  ne  se  soit 
trouvé  parmi  eux  des  saints  el  des  hommes 
d'(in  mérite  distingué.  Mais  leur  crédit  se 
trouva  insensiblement  mêlé  de  puissance  et 
de  juridiction  temporelle  ;  ils  devinrent  sei- 
gneurs, avec  les  mêmes  droits  que  les  laï- 
ques, par  conséquent  avec  les  mêmes  char- 
ges de  fournir  des  gens  de  guerre  pour  le 
service  de  l'étal,  et  souvent  de  les  conduire 
en  personne.  Ci-  fut  là  une  des  principales 
sources  du  relâchement  de  la  discipline. 

Au  ix'  siècle,  Charlemagne  travailla  beau- 
coup à  la  rétablir,  de  même  que  l'étude  des 
lettres  ;  mais  les  guerres  civiles,  dont  sa 
mort  fut  suivie,  ramenèrent  partout  l'igno- 
rance el  le  désordre.  Pour  comble  de  maux, 
l(?s  Normands,  encore  païens  ,  pillèrent  el 
désolèrent  la  Fiance  de  tous  côtés  ;  les  Hon- 
grois coururent  l'Italie;  les  Sarrasins  en 
infeslèient  les  crtles,  occupèrent  la  Fouille 
et  la  Sicih'  ;  déjà  ils  étaient  les  maîtres  de 
l'Espagne  depuis  un  siècle.  L'ignorance  s'ac- 
crut au  jioinl  que  les  seigneurs  dédaignèrent 
iJ';i()|ireiidre  à  lire,  el  regardèrent  la  culture 
lies  lettres  comme  une  marque  de  roture. 
(Cantonnés  chacun  dans  son  châleau,  tou- 
jours en  guerre  les  uns  contre  les  autres,  el 
souvent  contre  leur  évêque,  ils  ne  fréquen- 
inii-nt  plus  l'église*  épiscopale  ;  ils  se  conten- 
tèrent des  messes  de  leuis  chapelains,  on  de 
l'olfice  des  monastères  voisins.  Mais  les  inoi- 
nes  n'.'ivaieni  pas  de  mission  pour  ensii- 
gner,  ni  d'autorité  pour  corriger;  les  évé- 
(|ucs  prêchaient  si  peu,  qu'il  y  a  des  conci- 
les qui  leur  recommandent  d'enseigner,  au 
moins  en  langue  vulgaire,  à  leurs  diocésains, 
le  symbole  et  l'oraison  dominicale.  Dans 
ces  temps  de  lénèbres  et  de  désordres,  les 
papes  Se  trouvèrent  obligés  de  veiller  de  plus 
près  sur  toute  rK(,'lise,  de  se  mêler  de  toutes 
les  affaires,  de  suppléer  à  ce  que  les  évê()ues 
ne  faisaient  plus.  Le  pouvoir  illimité  qu'ils 
s'aiti  ihuérent.  el  (jiie  des  crili(iues  mal  ins- 
truits ont  regardé  comme  l'etTel  d'une  ,imbi- 
lioii  démesurée,  fut  dans   le  fond    l'ouvrage 


BAR 


■iU 


des  circoDslaoces  el  de  la  nécessité.  —  Les 
prêtres  et  les  clercs  étaient  contraints  de  dé- 
feudre  à  main  armée  les  biens  de  l'Eglise 
dont  ils  subsistaient  ;  plusieurs,  pressés  par 
la  pauvreté,  étaient  réduits  à  exercer  des 
métiers  sordides,  ou  à  passer  de  province  en  m 
province  pour  trouver  à  vivre  auprès  de  ' 
quelques  évêques  ou  de  quelques  seigneurs. 
Quelles  études  pouvaient-ils  faire,  quelle  ré- 
gularité pouvaient-ils  observer  dans  leurs 
mœurs  ?  A  peine  les  éludes  el  la  piété  purent- 
elles  se  conserver  dans  quelques  églises  ca- 
thédrales el  dans  quelques  monastères  ;  mais 
les  monastères  furent  pillés,  ruinés  et  brûlés 
par  les  Normands  ;  les  moines  et  les  cha- 
noines massacrés  ou  dispersés,  et  réduits  à 
vivre  au  milieu  des  séculiers. 

On  peut  juger  combien  les  pauvres 
étaient  abandonnés  dans  ces  temps  de  mi- 
sère publique  :  où  aurait-on  pris  des  aumô- 
nes, lorsqu'il  y  eut  des  famines  si  horribles 
que  l'on  mangeait  de  la  chair  humaine? 
Le  commerce  n'était  pas  libre  pour  suppléer 
à  la  disette  d'un  pays  par  l'abondance  d'un 
autre,  ou  plutôt  il  n'y  avait  point  de  com- 
U5erce,  et  la  terre  n'était  plus  cultivée  que 
par  des  esclaves.  Il  rcsUiit,  à  la  vérité,  de 
grands  patrimoines  aux  églises  ;  mais  ces 
biens  étaient  une  tentation  continuelle  pour 
les  seigneurs,  qui  avaient  toujours  les  armes 
à  la  main.  Souvent  les  évêchés  furent  usur- 
pés par  des  hommes  tout  à  fait  indignes,  qui 
s'en  emparèrent  par  force;  souvent  un  sei- 
gneur y  élablissail  à  main  armée  son  fils  en 
bas  âge,  afin  de  jouir  des  revenus  de  l'Eglise 
sous  son  nom.  Rome  mêm(i  fut  exposée  à  ces 
ilésordres;  les  petits  lyransdu  voisinage  y  fu- 
rent les  plus  forts,  et  disposèrent  despotique- 
menldela  papauté.  Pendant  le  x'  siècle,  ce  ne 
furent  qu'intrusions  et  expulsions  violentes 
dans  ce  premier  siège,  où  jusqu'alors  la  dis- 
cipline s'était  conservée  pure.  Aujourd'hui 
les  prolestants  el  les  incrédules  triomphent 
de  la  mauvaise  conduite  de  ces  papes  indi- 
gnes de  leurs  places  ;  ils  fonl  un  crime  à  l'E- 
glise romaine  de  ce  que  les  pontifes  du  siè- 
cle suivant  ont  clierché  à  mettre  leur  siège 
à  couvert  de  ce  scandale  el  de  ces  vexations. 
—  Les  conciles  devinrent  très-rares,  à  cause 
de  la  difliculté  de  s'assembler  au  milieu  des 
hostilités  universelles,  qui  ne  permettaient 
pas  que  l'on  pût  aller  en  sûreté  d'une  ville  à 
l'autre;  et  quand  ils  auraient  été  plus  fré- 
quents, qui  aurait  eu  assez  d'autorité  pour 
en  faire  observer  les  canons  par  des  bri- 
gands toujours  armés?  —  Des  prédicants 
profitèrent  de  ces  temps  malheureux  pour  se- 
mer des  erreurs.  Il  leur  fui  aisé  de  décrier  le 
clergé,  qui  était  absolument  déchu  de  son 
état;  de  défigurer  la  doctrine  chrétienne, 
que  l'on  ne  connaissait  presque  plus;  de 
tromper  les  peuples  par  de  fausses  apparen- 
ces de  régularité  et  de  piété.  C'est  ce  qui  fil 
éclore  les  dilTérenles  sectes  de  manichéens, 
sous  plusieurs  noms  divers,  ensuite  les  vau- 
dois  et  d'autres  fanatiques.  Les  protestants 
ont  eu  grand  soin  d'exposer  au  grand  jour 
les  scandales  du  clergé,  l'ignorance  et  la  mi- 
sère des  peuples,  les  plaies  de  l'Eglise;  mai» 


505 


BAR 


BAR 


806 


ils  ne  se  sont  pas  donné  la  peine  de  remonter 
à  la  cause  première  de  tous  ces  maux  :  ils 
ont  affecté  même  de  la  dissimuler,  afin  d'en 
faire  retomber  tout  l'odieux  sur  les  ministres 
de  la  religion.  Si  le  christianisme  n'avait  pas 
été  l'œuvre  de  Dieu,  il  aurait  cerlaiiiement 
succombé  sous  d  s  attaques  aussi  violentes  ; 
mais  Jésus-Christ  a  fait  voir  qu'il  n'a  jamais 
oublié  ses  promesses,  qu'il  est  toujours  avec 
son  Eglise,  et  que  nulle  révolution  humaine 
n'est  cap.'ible  de  l'ébranler. 

Nous-n'avons  fait  qu'abréger  le  récit  et  les 
rédexions  de  M.  Fleury  ;  quiconque  voudra 
les  lire  sans  prévention  ,  demeurera  con- 
vfiincu  que  non-seulement  la  religion  chré- 
tienne n'a  contribué  en  rien  aux  malheurs  de 
l'Europe,  mais  que  sans  elle  ces  maux  au- 
raient été  beaucoup  plus  grands  ;  que  c'est 
elle  qui  a  fourni  des  ressources  pour  les 
adoucir,  et  des  moyens  pour  les  réparer; 
nous  prouverons  ailleurs  ce  fait  important. 
Voy.  Lettres,  Sciences,  etc. 

Les  protestants  ont  encore  fait  tous  leurs 
efTorls  pour  donner  une  idée  très-désavanta- 
geuse des  missions  qui  ont  élé  faites  pour 
convertir  les  Barbares  du  Nord  dans  les  dif- 
férents siècles.  Quand  ce  qu'ils  ont  dit  serait 
Trai,  il  faudrait  encore  bénir  Dieu  des  heu- 
reux effets  qui  en  ont  résulté  ;  mais  nous 
réfuterons  leurs  calomnies  Voy.  Missions, 
Nord. 

Un  des  plus  fougueux  de  nos  incrédules 
modernes  a  poussé  la  démence  jusqu'à  vou- 
loir insinuer  que  ce  lurent  les  chrétiens  per- 
sécutés par  les  empereurs  païens,  qui  invi- 
tèrent les  Barbares  du  Nord  à  fondre  sur 
l'empire  romain  ;  sa  narration  est  curieuse. 
«  Quand  les  Barbares  du  Nord,  dit-il,  fondi- 
rent sur  les  terres  de  la  domination  romaine, 
les  chrétiens,  persécutés  i)ar  les  empereurs 
païens,  ne  manquèrent  pas  d'implorer  le  se- 
cours des  ennemis  du  dehors  contre  l'état 
qui  les  opprimait.  Ils  prêchèrent  à  ces  vain- 
queurs une  religion  nouvelle,  qui  leur  im- 
posait le  devoir  de  détruire  l'ancienne.  Ils 
dem.indèreul  les  décombres  des  temples  pour 
bâtir  des  églises.  Les  sauvages  donnèrent 
sans  peine  ce  qui  ne  leur  appartenait  pas  ; 
ils  exterminèrent,  ils  prosternèrent  aux  pieds 
du  christianisme  tous  leurs  ennemis  et  les 
siens  ;  ils  prirent  des  terres  et  des  hommes, 
et  en  cédèrent  à  l'Eglise  ;  ils  exigèient  des 
tributs,  et  en  exemptèrent  le  clergé,  qui  pré- 
conisait leurs  usurpations  :  des  seigneurs  se 
fient  prêtres .  des  prêtres  devinrent  sei- 
gneurs, etc.» 

Cette  narration  est  un  chef-d'œuvre  d'é- 
tourdcrie.  1°  Ce  savant  hislurien  oublie  que 
les  irruptions  des  Barbares  sur  les  ter- 
res de  l'empire  ont  ronmiencéau  moins  107 
ans  avant  la  naissance  de  Jésus-tlhrist,  et 
out  continué  sans  inlerru|)tion  jusqu'à  leur 
étaldissement  dans  les  Gaules  en  VOO.  On  dit 
que  Marins,  dans  l'espace  de  deux  ans,  en 
tua  (rois  cent  mille,  et  lit  cent  quarante  mille 
prisonniers  ;  ()ue  Jules-César  en  extermina 
pour  le  moins  autant.  Sous  le  règne  d'Au- 
guste, Drusus  les  battit  de  nouveau  ;  mais 
ils  taillèrent  en  pièces  les  légions  romaines, 


commandées  par  Quintilius  Varus.  Sous  l'i- 
bère, Germanicus  les  vainquit  encore;  mais 
il  ne  put  empêcher  leurs  irruptions.  Sous 
A'espasien,  Pline  l'Ancien  trouva  assez  de 
matériaux  pour  composer  en  vingt  livres  une 
histoire  des  guerres  de  Rome  contre  les  Ger- 
mains. Tacite  observe  que  depuis  le  consu- 
lat lie  Cecilius  MétuUus,  jusqu'au  second  de 
Trajan,  c'est-à-dire,  pendant  près  de  cent 
dix  ans,  les  Komains  n'avaient  été  occupés 
qu'à  dompter  ces  terribles  ennemis,  mais 
que,  malgré  toutes  les  défaites  de  ces  Bar- 
bares, ils  étaient  toujours  agresseurs  ;  qu'ils 
avaient  délogé  plusieurs  fois  les  légions,  et 
qu'ils  n'étaient  rien  moins  que  subjugués. 
Jusqu'alors,  ou  les  chrétiens  n'existaient  pas, 
oirils  étaient  trop  faibles  pour  oser  implorer  le 
secours  des  Barbares.  —  2°  Marc-Aurèle  , 
Commode,  son  fils,  Maximin  ,  Valéiien, 
Claude  le  Gothique,  Aurélien,  Probus,  Dio- 
ctétien, Constance  et  Julien  eurent  contre 
eux  de  grandsavanlages;  mais  ils  y  perdirent 
souvent  des  armées  entières.  Trouve-l-on 
dans  l'histoire  quelque  sujet  de  soupçonner 
que,  dans  ces  différentes  circonstances,  les 
Barbares  avaient  élé  appelés  par  les  chré- 
tiens? Ceux-ci  se  trouvaient  en  si  grand 
nombre  dans  l'armée  de  Marc-Aurèle,  qu'ils 
s'attribuèrent  la  victoire  sur  les  Quades  et 
les  Marcomans,  et  prétendirent  eu  être  rede- 
vables à  un  miracle.  Voy.  Légion  fulmi- 
nante. Ils  continuèrent  à  servir  de  m.ême 
sous  les  empereurs  suivants,  et  nos  apolo- 
gistes ont  soutenu  aux  persécuteurs  même 
qu'il  n'avaient  dans  leurs  armées  point  de 
meilleurs  soldats  que  les  chrétiens.  Les  his- 
toriens qui  ont  calculé  le  nombre  des  hom- 
mes qui  avaient  péri  dans  l'empire  depuis  le 
règne  d'Auguste,  par  les  guerres  contre  les 
Barbares,  par  les  batailles  entre  les  divers 
prélend.inls  à  l'empire,  par  les  massacres 
des  Juifs,  par  la  contagion,  par  les  persécu- 
tions exercées  contre  les  chrétiens,  ont. con- 
clu qu'au  commencement  du  V  siècle,  l'es- 
pèce humaine,  en  Europe  et  en  Asie,  était 
diminuée  au  moins  de  moitié.  Les  Barbares, 
placés  sur  les  bords  du  Rhin,  n'avaient  donc 
pas  besoin  d'être  avertis,  pour  comprendre 
qu'alors  la  conquête  de  l'empire  était  très- 
facile,  et  ils  ne  se  trompèrent  pas  ;  comment 
les  forces  romaines  auraient-elles  résisté  à  des 
armées  de  deux  ou  trois  cent  mille  hommes? 
—  3°  Déjà,  l'an  395,  les  Huns,  peuple  scythe 
ou  tartare,  s'étaient  jetés  sur  la  partie  orien- 
tale de  l'empire  romain  et  l'an  457  ils  pé- 
néirèrent  dans  la  Perse;  élaient-ce  encore 
les  chrétiens  qui  les  avaient  appelés?  —  4 
A  cette  époque,  Arcadius  et  Honorius,  qui 
régnaient,  l'un  en  Orient,  l'autre  en  Orei- 
denl,  étaient  chrétiens,  aussi  bien  que  Théo- 
dose, leur  père  ;  ils  n*ont  jamais  perséculé  le 
christianisme  non  plus  que  leurs  succes- 
seurs ;  quels  motifs  auraient  pu  avoir  les 
chrétiens  d'appeler  les  Barbares  ,  surtout 
dans  les  Gaules  où  il  n'y  avait  jilus  île 
païens?  Les  Goths,  les  Bourguignons,  les 
Vandales  ,  les  Lombards,  jui  inondèrent 
l'empire,  étaient  chrétiens,  puisqu'ils  étaient 
ariens  :  les  Francs  étaient  païens:  si  les  Gau- 


507 


BAR 


BAR 


508 


lois  avaient  eu  l'imprudence  de  les  appeler, 
ils  eu  auraient  clé  nia!  récompenses  pair  lès 
ravages  que  ceS  Ilnrbarcs  commirent  d'a- 
bord. 

A  la  vérité  ils  se  convertirent  sous  Ciovis  ; 
mais  alors  ce  n'était  plus  le  temps  de  leuk- 
demander  les  décombres  des  temples  poui- 
hâtirdes  églises,  puisqu'il  n'y  avait  plus  de 
temples,  et  que  les  Francs  pillaient  les  églises 
avant  d'être  convertis.  Ciovis,  devenu  chré- 
tien, donna  des  terres  aux  églises;  mais  il  ne 
fut  obligé  de  les  rnlcvcr  li  personne,  puis- 
qu'alors  la  moitié  des  Gaules  était  en  friche, 
faute  de  cultivateurs.  Ce  n'était  pas  une  mau- 
vaise politique  d'engager  le  clei  j;é  à  mettre 
les  terres  en  valeur,  en  se  procurant  des 
colons,  et  de  les  affranchir  des  impôts.  Lé 
roi  Louis  XVI  a  trouvé  bon  d'accorder  une 
franchise  de  vingt  ans  à  cem  qui  mettront 
des  terrains  stériles  en  culture;  personne 
n'est  assez  inscn'é  pour  l'en  blâmer.  Mais 
011  sont  les  ennemis  du  christianisme  que 
Ciovis  et  les  Francs  ont  estermiiiés,  ou  qu'ils 
ont  prosternés  aux  pieds  de  celte  religion, 
comme  le  disent  nos  philosophes  incrédules? 
C'est  ainsi  que  ces  savants  critiques  ar- 
rangent l'histuiie.  Us  argnmenlent  sur  des 
faits  qu'ils  ont  rèrés;  ils  méconnaissent  les 
motifs  qui  ont  déterminé  la  conihiite  des  sou- 
verains el  celle  du  clergé;  ils  blâment  au» 
hasard  des  procédés  que  dictaient  les  cir- 
conslance-i  dans  lesquelles  l'Europe  se  trou- 
vait pour  lors.  Voy.  Réméfice.  CttiRGÉ,  etc. 
BARIîELlOTS  ou  RAKBiJIllENS,  seCte  des 
gnustiqncs,  (|ui  disaient  qu'un  éon  imiiiiorlel 
avait  eu  commerce  avec  un  esprit  vierge 
appelé  Barbelolh,  à  (jui  il  avait  accordé  suc- 
cessivement la  prtscienie,  l'incorruptibilité 
et  la  vie  éternelle;  que  B;irbelolh,  un  jour 
plus  gai  qu'à  l'ordinaire,  avait  engendré  la 
lumière,  qui,  perfectionnée  par  l'onction  de 
l'esprit,  s'appela  CAr/.'ît  ;  que  Christ  désira 
l'intelligence,  et  l'obtint;  que  rinlelligeac<', 
la  raison,  l'incorruptibilité  el  Chrisi  s'uni- 
rent; que  la  raison  et  l'intelligence  engen- 
drèrent Autogène;  qu'Autogène  engendra 
Adamas,  l'homme  parfait,  el  sa  femme  la 
connaissance  parfaite  ;  qu'Adanias  el  sa 
femme  engendrèrent  le  bois  ;  (jue  le  pre- 
mier ange  engendra  le  Sainl-iisprit,  1»  sa- 
gesse ou  l'runlc;  que  Prunic,  ayant  senti  le 
besoin  d'époux,  engendra  l'rolarchonle  ,  ou 
premier  prime,  qui  fut  insolciil  et  sol  ;  que 
i'roliirrhonte  engendra  les  créatures;  iju'il 
connut  charnelleinent  Arrogance,  et  f|U  ils 
engendrèrent  les  vices  et  toutes  leurs  bran- 
ches, l'our  relever  encore  touies  ces  mer- 
veilles, Its  gnostii|ues  les  débilaient  en  hé- 
breu, el  leurs  cérémonies  n'élaienl  pas  moins 
abominables  que  leur  doctrine  était  extra- 
vagante,  loi/.  Théodorel,  llœrit.  fabiil. 

HAUDESANISI'ES,  nom  d'une  secte  d'hé- 
rétiques, ainsi  appelésde  ll(irdesanes,Sy iwii, 
qui  vivait  dans  le  ii»  siè»  1(\  el  demeurait  à 
Èdes«e,  ville  de  Mésopotamie.  Si  l'on  croit 
saint  Ëpiphane,  Hardesancs  fui  d'abord  ca- 
tholique, et  se  distingua  autant  par  son  sa- 
\oir  que  par  sa  piété  l'>.isébe,  au  contraire, 
en  parle  comme  d'uu  honunc  qui  a  toujours 


été  dans  l'erreur.  11  fut  d'abord  engage  dans 
celle  de  Vàleblin,  en  rejeta  une  partie,  eu 
retint  une  aulre,  et  y  en  ajouta  de  nouvelles 
de  son  propre  fonds. 

Beausobre,  qui  a  fait  l'histoire  de  Barde- 
snnes  et  de  ses  erreurs,  {llist.  du  Mcmich.  l. 
II, "I  IV, c. 9),  les  réduit  à  trois  principales.  La 
première,  d'admellrc  deux  premiers  prin- 
cipesde  toutes  choses,  l'un  bon,  l'aulre  mau- 
vais; de  supposer  que  celui-ci  existe  de  lui- 
même  et  s'est  produit  lui-même,  el  qu'il  est 
l'jiuteur  de  tout  le  mal  qu'il  y  a  dans  le 
monde.  La  seconde,  de  nier  que  le  Verbe 
cleruel  ou  le  Fils  de  Dieu  ait  pris  une  chair 
humaine;  selon  cet  hércii(iue  ,  le  X'erbe 
s'était  seulement  revêtu  d'un  corps  céleste 
el  aérien,  comme  les  anges  qui  ont  ap|iaru 
plus  d'une  fois  aux  hommes;  iiinsi  la  chair 
du  Fils  de  Dieu  n'était  qu'apparente,  il  n'a  pu 
soulîrir,  mourir  et  ressusciter  qu'en  appa- 
rence. C'était  l'erreur  commune  à  la  plupart 
des  sectes  des  gnosti(jues.  La  troisième,  de 
nier  la  résurrection  future  de  la  chair,  de 
soutenir  que  les  bienheureux  auront  des 
corps  célestes  semblables  à  ceux  des  auges 
el  à  celui  de  Jésus-Christ. 

Après  cet  exposé,  nous  ne  concevons  pas 
comment  Beausobre  peut  soutenir  que  Bar- 
desanes,  comme  tous  les  autres  sectaires  qui 
ont  admis  deux  principes,  ne  reconnaissait 
cependant  qu'un  seul  Dieu,  bon,  toul-puis- 
sani,  qui  a  l'empire  de  l'univers,  sans  qu'au- 
cun être  poisse  se  soustraire  à  son  pouvoir. 
Ibidem,  |  10.  1  "  C'est  une  absurdité  de  sup- 
poser qu'un  êlre  incréé,  (jui  existe  de  soi- 
même,  piir  conséquent  de  toute  élernilé, 
est  essenliellenienl  mauvais,  et  qu'il  n'est 
pas  Dieu;  la  notion  la  plus  claire  que  nous 
ayons  de  la  Divinité,  esl  d'cxisler  de  soi- 
mêuie  el  nécess;iirement.  Lorsque  Barde- 
sanes  di.-ait  que  le  mauvais  principe  s  élail 
produit  lui-tn^nii',  il  déraisonnait;  ce  qui 
n'existe  point  encore  peul-il  se  donner  l'exi- 
slence?  2"  En  quel  sens  le  Dieu  bon  est-il 
loul-piiissanl  el  maîlre  absolu  de  l'univers, 
s'il  y  a  un  être  mauvais  duijuel  il  ne  peul 
pas  empêcher  l'action,  el  qui  ne  dépend  pas 
(le  lui,  puisqu'il  n'a  pas  reçu  l'être  de  lui? 
3"  S'il  est  vriii  que  le  mauvais  esprit  esl  con- 
tenu et  conservé  par  le  Dieu  bon,  si  rien 
n'arrive  Siins  la  volonté  ou  sans  la  permis- 
sion de  celui-ci,  il  est  clair,  ou  que  le  Dieu 
bon  lais  c  volontairement  exister  le  mal,  ou 
(ju'il  en  ignore  l'existince,  ou  qu'il  ii'a  pas 
le  pouvoir  de  l'empèclier.  '^''  11  n'est  pas 
question  de  savoir  si  ces  mêmes  conséqucn- 
ce.>  résultent  du  système  orthodoxe,  comme 
l(!  prétend  Beausobre,  ou  si  elles  n'en  résul- 
tent pus,  mais  de  s:ivoir  en  quoi  l'evislcnce 
supposée  d'un  nlauvais  principe  peut  servir 
à  e\pli(iuer  l'origine  ou  mal;  des  qu'il  est 
évident  ((U'elle  ne  sert  à  rien,  que  dans  cette 
hypollièsi;  Dieu  est  t>iujours  r<sponsal)le  du 
mal  qui  arrive  dans  le  monde,  il  est  rid.cule 
de  la  soutenir,  o'  Il  ne  s'agit  pas  seub  ment 
d'expli(juei  d'où  vient  le  mal  moral,  et  desa- 
voir pourquoi  Dieu  le  permet,  mais  de  dire 
quelle  est  la  c:iuse  du  mal  physique,  dis 
suuITrunccs  (les   ciéalurc»  »euïiblus   el  du 


S09  BAR 

leur  imperfectioD  naturelle,  qui  est  dans  le 
fond  la  première  racine  du  mal  moral.  Or 
l'opinion  de  Bardt-saiies  ne  salisfail  point  à 
cetl(;  (lilTiculté.  fi°  Quand  mên)e  on  suppose- 
rail  dans  te  système  orthodoxe  que  Uicu  a 
créé  les  iionimi'S  tels  qu'ils  sont,  impai  faits, 
sujets  à  la  douleur,  enclins  an  mal  moral,  et 
(•apa!)li'S  de  le  commettre,  il  ne  s'ensuivrait 
encore  rien  conirc  la  loute-piiissance,  la  sa- 
gesse et  la  bi'uté  infinie  do  Dieu,  nous  le  dé- 
montierons  à  l'article.  Mal.  L'Iiypotlièse  de 
Bardesaiies  et  des  autres  anciens  seclain^s 
est  donc  inuiile  et  absurde  à  tous  égards: 
mais  la  fureur  de  vuiloir  les  excuser  et  les 
disculper  a  rendu  Heansobre  aussi  mauvais 
logicien  qu'eux.  Nous  le  verrons  raisonner 
de  même  dans  les  articles  CtiivtiOMEiNS,  Ma- 
nichéens, MAKCioNitiiS,  etc. 

Il  ne  servait  à  rien  de  dire  que  le  Dieu  bon 
avait  créé  d'abord  les  âmes  des  hommes 
pures  et  d'une  nalure  céiesle,  mais  que  le 
mauvais  principe  les  séduisit  et  les  entraîna 
dans  le  péché;  que  pour  les  punir  Dieu  per- 
mit au  mauvais  principe  de  les  enfermer 
dans  des  corps  grossiers  et  corruptibles  (lu'iî 
avait  tonnés.  Il  s'ensuit  toujours  que  ces 
âmes,  par  leur  nature,  étaient  capables  de 
se  laisser  séduire  et  de  pécher,  par  consé- 
quent faibles  et  très  imparl'iiites  ;  le  Dieu 
bon  n'aurail-il  pas  pu  les  créer  meilleures  et 
les  préserver  de  la  séduction?  La  difficulié 
tirée  de  la  permission  du  mal  subsiste  donc 
toujours,  et  l'hjiiothèse  de  Hardesanes  n'y 
salislail  en  aucune  manière.  Nous  ne  voyous 
pas  sur  quoi  est  fondé  le  titre  i\'ltabtie 
homme  ([ue  Beausolwe  lui  prodigue.  On  dit 
qu'il  écrivit  un  traite  contre  les  marcio'.iites; 
mais  son  système  ne  valait  guère  mieux  que  le 
leur. 

L'erreur  de  ceux  qui  n'admettaient  dans 
le  Fils  de  Dieu  qu'une  cli.iir  fantastique  et 
api)arenle  était  née  dès  le  temps  des  apôlies, 
puisque  saint  Jean  la  réfute  (/:/;«'.•>/.  ii,  v.  7). 
Lile  lut  embrassée  par  la  plupart  des  héré- 
tiques du  II''  siècle;  et  c'est  une  preuve  de 
la  réalité  l't  de  la  cerlitiide  des  fails  publies 
pai'  les  apôtres.  Si  leur  lenioignaLie  n'avait 
pas  été  irrécusable  ,  tous  ces  iiéréticiues, 
philosophes  mal  convertis,  l'auraient  aliaqué. 
Comme  ils  ne  pouvaient  concilier  les  liunii- 
liàlions  du  Fils  de  Dieu  avec  l'idée  i|u'ils 
s'ét, lient  formée  de  la  Divinité,  ils  auraient 
uié  absolument  qu'il  fût  né,  mort  et  ressus- 
cité, comme  le  disaient  les  apôtres,  s'ils 
avaient  pu  opposer  à  ce  témoignage  celui 
des  Juifs  ou  de  quelques  témoins  oculaires. 
Mais  ils  se  retranchèrent  à  dire  que  tout  cela 
s'était  fait  seuleme.t  en  apparence;  que  Dieu 
avait  fasciné  les  yeux  des  apôtres  cl  des  au- 
tres spectateurs,  et  les  avait  lrom|ies  par 
des  illusions.  Or,  avouer  l'apparence  des 
faits,  récuser  la  certitude  du  témoignage  des 
sens,  c'était  rendre  justice  à  la  sincérité  et  à 
la  proliite  des  a|iôlres.  C'est  tout  ce  ((ue  nous 
demandons.  Les  incrédules,  qui  usent  aujour- 
d'hui les  accuser  de  mensonge,  tiaiter  de 
fables  leurs  narrations,  ne  peuvent  récuser 
des  témoins  qui  n'étaient  point  liés  d'intérêts 
avec  les  apôtres,  et  qui  cepoudatit  coulir- 


BAR 


510 


ment  leur  récit  par  la  manière  même  dout 
ils  le  combattent.  La  Proviibnce  divine  a 
donc  en  ses  raisons  en  permettant  la  multi- 
tud(!  d'hérésies  que  l'on  a  vues  eclore  dans  le 
ir'  sièi^le. 

n.VKNAnfi  (saint)  est  appelé  apôtre  par  les 
Pères  de  l'iiglise  et  par  saint  Luc  lui-même 
(  Act.  Mv,  13  ),  quoiqu'il  ne  fût  pas  du 
nombre  des  douze  que  Jésus-tJhrisl  avait 
choisis,  mais  l'un  des  soixante-douze  disci- 
ples que  le  Sauveur  avait  instruits  lui-même 
et  envoyés  pour  prêcher  l'Evangile  i  Luc.  x, 
1  et  17).  Siitnl  Iliunubé  (ul  le  compagnon  des 
voyages  et  des  travaux  de  saint  l'anl;  il  eut 
beaucoup  de  part  à  tout  ce  que  lirent  les 
apôtres  pour  ilablir  le  christianisme. 

11  re^te  de  lui  une  épîlre  qui  a  été  mise  à 
la  tête  des  écrits  des  Pères  apostoliques,  de 
l'ediiion  de  (jolelier,  mais  ilont  le  cummeii- 
cément  est  perdu.  Elle  était  adressée  aux 
Juifs  convertis,  (|ui  prétendaient  que  les  ob- 
servances légales  étaient  encore  nécessaires 
au  saint  pour  tous  ceux  qui  croyaient  en 
Jésus-Christ,  (juuique  les  apr)tres  eussent 
décidé  le  contraire  dans  le  concile  de  Jéru- 
salem {Acl.  x\).Siniil.  Uarnahé,  dans  la  pre- 
mière partie  de  sa  lettre,  montre  que  les  cé- 
rémonies mosaïques  ont  été  abolies  par  la 
loi  nouvelle  ;  dans  la  seconde  il  donne  d'ex- 
cellentes leçons  de  morale  sur  l'humilité,  la 
douceur,  la  patienc-,  la  ch  ii  iié,  la  chastelé, 
etc.  On  \  trouve  beaucoup  d'érudition  hebra'i- 
quc,  une  grande  connaissance  des  Lcritures, 
et  des  explications  allégoriques,  telles  qu'elles 
étaient  en  usage  parmi  les  Juifs. 

Celte  épîlre  a  été  citée  sous  le  nom  de  saint 
Barnabe  par  saint  Ciémeiil d'Alexandrie,  par 
Oiigèue,  par  Eusèbe,  par  saint  Jérôme.  Les 
deux  premiers  semblent  la  mettre  au  rang 
(les  Ecritures  canoniques  ,  et  lui  attribuer  la 
même  autorité  ;  les  deux  derniers  disent 
qu'elle  est  apocryphe.  Il  ne  faut  pas  conclure 
de  là,  comme  ont  fait  (juelques  modernes, 
qu'Eusèbe  et  saint  Jérôme  ont  été  persuadés 
que  cette  lettre  n'était  point  de  sanit  liar- 
nubé,  où  qu'ils  en  ont  douté,  mais  seulement 
(ju'ils  l'ont  exclue  du  nombre  des  livres 
canoniques.  Ils  nomment  apocryphes  non- 
seulement  les  écrits  faussement  attribués 
aux  apôtres  ou  aux  disciples  de  Jésus-Clirist, 
mais  encore  eeiix  qui  oui  été  placés  mal  à 
propos  par  quelques  anciens  au  nombre  des 
livres  sacrés.  C'est  une  équivoque,  de  la- 
quelle ont  abusé  les  critiques  protestants, 
et  par  laquelle  il  ne  faut  pas  se  laisser  trom- 
per. —  TilU-mont  et  d  autres,  prévenus  de  ce 
préjugé,  disent  que  si  cette  lettre  avait  été 
reconnue  pour  être  véritablement  de  samt 
Barnabe,  l'Eglise,  qui  honore  ce  saint  comme 
un  apôtre,  n  aurail  pas  manqué  de  la  rece- 
voir au  nombre  des  livres  sacrés  et  canoni- 
ques. Cette  Conséquence  n'est  pas  infaillible. 
Saint  Barnabe  n'était  point  du  nombre  des 
apôtres  choisis  par  Jésus  Christ,  mais  l'un 
des  soixante-douze  disciples.  Il  e4  très-pro- 
bable que  Hermas  et  sainl  Clément  avaieut 
eu  le  même  avantage;  leurs  écrits  cepen- 
d  ml  u'oiit  pas  été  const.iuiment  placés  p.irmi 
les  liTrei)  sacrés.  La  lettre  tic  saint  Barnabe 


su 


BAR 


BAR 


SIS 


était  adressée  aux  Juifs,  aussi  bien  que  celle 
de  saint  Paul  aux  Hébreux,  et  celte  dernière 
a  donné  lieu  à  des  contestations.  Les  fautes 
piolendues  que  les  critiques  modernes  trou- 
vent dans  cette  lettre,  ont  pu  faire  aussi  im- 
pression sur  les  anciens,  et  les  empêcher  de 
la  mettre  au  rang  des  livres  canoniques.  11 
est  bonde  savoir  ce  que  l'on  y  trouve  à  re- 
prendre. 

L'auteur,  dit -on,  cite  divers  passages  qui 
..e  se  trouvent  point  dans  l'Ecriture  ;  selon 
lui,  tous  les  Syriens,  les  Arabes  et  tous  les 
prêtres  des  idoles  reçoivent  la  circoncision; 
toutes  choses  seront  terminées  dans  l'espace 
de  six  mille  ans,  et  Jésus-Christ  est  monté 
au  ciel  le  dimanche.  Ces  reproches  sont-ils 
assez  graves  pour  qu'on  ne  puisse  pas  attri- 
buera saint  Barnabe  la  letlre  qui  porte  son 
nom?  —  Chapitre?,  il  cite  un  passage  du 
livre  des  Nombres,  au  sujet  du  bouc  émis- 
saire; il  y  ajoute  des  paroles  qui  ne  sont 
point  dans  ce  livre,  mais  qui  expriment  une 
circonstance  de  cette  cérémonie  telle  qu'elle 
se  f  lisait  par  les  Juifs.  Où  est  l'erreur?  Les 
Juifs  ne  pouvaient  pas  y  être  trompés. — 
Chapiire  12,  il  cite  un  prophète  qu'il  ne 
nomme  pas,  et  l'on  croit  trouver  ce  qu'il  dit 
dans  le  quatrième  livre  d'Esdras,  qui  est 
apoir\phc.  Mais  cette  citation  peut  aussi 
a\oii  été  tirée  «l'un  autre  livre  prophétique 
qui  n'existe  plus.  -  Pour  que  saint  Bar- 
nabe ait  pu  ciler  aux  Juifs  le  quatrième  livre 
d'Esdras,  il  suffit  que  les  Juifs  l'aient  res- 
pecté comme  prophétique;  il  ne  s'ensuit  pas 
que  saint  Barnabe  l'ail  regardé  comme  tel 
lui-niênie.  C'était  un  argument  personnel, 
bon  pour  les  Juifs.  —  Ce  ((u'il  dit  de  la  cir- 
concision des  Syriens,  etc.,  chap.  9,  est  con- 
firmé non-seulement  par  Origène  et  p;ir 
d'autres  Pères,  mais  encore  par  les  auteurs 
profanes,  Voy.  les  Noies  de  Colelier  et  de 
Ménard  sur  cet  endroit.  Ce  qu'il  ajoute  , 
ehaf)itre  xv,  sur  la  durée  du  monde  cl  sur 
sa  liii  après  six  mille  ans,  était  une  tradition 
juive,  fausse  sans  doute,  mais  à  laquelle 
saint  Irénée  el  d'autres  Pères  ont  ajouté  foi; 
saint  Barnabe  a  pu  la  ciler  sans  en  être  fort 
persuadé.  —  Quant  au  passage  (]ui  regarde 
le  jour  de  l'Ascension,  il  nous  parait  que 
l'on  en  prend  mal  le  sens;  il  y  a,  chapitre 
XV  :  Nous  célébrons  avec  joie,  le  huitième  jour 
auquel  Jésus-Christ  est  ressuscité;  el  après 
s'être  fait  vnir,  il  est  monté  au  ciel.  Cela  né 
signifie  pas  qu'il  est  monté  au  ciel  le  j';ur 
même  qu'il  est  ressuscité. 

On  excuse  ces  fautes,  dit  Tillemonl  ;  mais 
ne  vaut-il  pas  mieux  ne  pas  se  réduire  à  être 
ob'igé  d'excuser  des  fautes,  dans  un  apAtre? 
Si  ce  sonl  là  des  fautes,  elles  n'inléressent 
ni  la  foi  ni  les  mo'Urs,  et  nous  ne  voyons  pas 
qu'il  soit  fort  nécessaire  de  supposer  que 
saint  Barnabe  a  dû  en  être  exempt.  -  L'au- 
teur du  Mémoire  sur  les  libres  apocryphes 
yHist.  de  l'Acad.  des  inscript.,  t.  xin,  t'H-12), 
el  celui  de  Vlîsatnen  ciitiqur  des  apologistes 
de  la  Religion  (hrélienne,  (jui  ont  regardé 
le  jugement  deTillemont  comme  irréfragable, 
auraient  du  examiner  la  <|uesliun  de  plus 
près.  -  Le  savant  Lardencr,  qui  avait  lu  tout 


ce  que  a  l'on  écrit  pour  on  contre,  croit  que 
celle  lettre  est  véritablement  de  saint  Barnabe, 
qu'elle  a  été  écrite  immédiatement  après  la 
ruine  de  Jérusalem  et  du  temple,  i'an  71  ou 
72  de  Jésus-Christ.  Credibility  of  the  Gospel 
histury,  1. 111,  1. 1,  c.  1. 

lîAKNAlilTES  (o).  Religieux  de  la  congrégation  des 
Clercs  réguliers  de  SaiiU-Paul. 

Celle  cniigiégalion  commença  l'an  tS30,  sous  le 
ponlllicat  de  Clément  VII.  Elle  reconnaît  trois  fon- 
dateurs, (|ui  sonl  AnlDine-Marie  Zacharie,  Barthélé- 
my Ferrari  et  Jacques-Antoine  Morigia  :  le  premier 
originaire  de  Crémone,  et  les  deux  antres  d«  Milan. 
Cis  trois  lionunes  issus  des  familles  les  plu<  remar- 
quable'i  de  leur  pays,  mais  encore  plus  distingués 
par  leur  piété  (|ue  par  leur  naissance,  s'unirent  pour 
fonder  la  congrég.ition  (les  Clers  réguliers  de  Sainl- 
Paul,  connus  sous  le  nom  de  Barnubites,  à  cause  de 
l'ég  ise  de  St-Bainabé  qui  leur  fut  accnrdéc  à  Milan. 

Cet  établissement  eut  pour  (djjet  de  former  la  vie 
des  chrétiens  sur  la  doctrine  des  EpUres  de  saint 
Paul  ;  de  leur  donner  des  ndnisires  pour  la  conles- 
sion,  la  piéilication  et  l'enseignement  de  la  jeunesse 
daiisles collèges  et  les  séminaires,  et  pour  se  consacrer 
au»  missions.  Plusieurs  excellents  sujets  s'associèrent 
;i  celte  congiégalion  :  elle  n'avait  pas  encore  deux 
ans  d'existence,  que  Clément  VII  s'empressa  de  la 
C'inlirnier  par  un  bref,  en  lui  permettant  de  se  choi- 
sir MU  cliel,  et  de  faire  les  liois  vœux  de  la  relgion. 

L'Iiabil  des  membres  de  cette  congrégation  est  le 
même  que  celui  i|iie  portaient  les  préires  séculiers 
de  ee  temps-là  ;  il  est  eiitiéremeiit  semblable  à  celui 
des  Jésuites.  Ils  vivent  suivant  les  constitutions  que 
leur  laissa  Antoine-Marie  Zacharie.  (.'.es  constitutions 
furent  augmentées  dans  un  chapitre  général  tenu 
en  Ibi'l,  et  présidé  |iar  l'évéque  de  Laudicée,  com- 
me député  du  Saini-Siége  ;  elles  furent  retouchées 
dans  un  autie  chapitre  tenu  en  l."i79,  examinées  par 
saint  Charles  borroméc  et  par  le  c.irdinal  Jean-An- 
toine Serbellini,  protecteurs  de  la  ((uigiégalinn  ;  en- 
fin elles  lurent  approuvées  par  le  pape  Gié^uiie  XIII, 
et  depuis  ce  temps-là  elle  n'ont  point  varié. 

Une  congrégation  si  utile  à  l'église  ne  pouvait 
man(|uer  de  s'accroître.  Les  Umnubiles  lurent  appe- 
ler à  Pise,  a  LIvourne,  à  Boulogne,  à  Naples,  à 
(  énes  et  dans  plusieurs  autres  villes  d'Italie.  Ils 
se  ié|>aiidirentdansla  Buiiéme.  (>harles-EmmanuelI°' 
les  attira  d;ins  la  Savme,  et  ils  y  formèrent  plu>ieurs 
élahlisseinents.  L'empereur  Ferdinand  II  les  demanda 
à  la  cuiigrégalion  de  Propagande,  el  leur  donna 
plusieurs  maisons.  Henri  IV  les  ht  venir  en  France. 
Ils  furent  (ralxnd  employés  dans  le  liéarii  à  la  eon- 
VI  r^ioll  lies  calvinistes;  la  leligion catliolitpie  y  reprit 
ses  exercices,  et  Ion  peut  dire'  que  c'est  a  leurs 
soins  qu'on  est  en  quelque  façon  redevable  du  ré- 
tablissement de  la  loi  dans  celle  province.  —  Louis 
Xlll  leur  aeconla,  par  des  lettres  paienles  de  l'an 
l(.t"2,  la  permission  de  s'éiablir  dans  toutes  les  villes 
d(^  son  royaume  où  ils  seraient  appelés.  Henri  de 
(ioii'li,  évéqiie  de  Paris,  leur  dimna,  en  i(J5l,  l'é- 
glise et  la  niaiseii  du  prieuré  de  âainl-Eloi  à  Paris. 
Ils  possédaient  plusieurs  collèges  et  plusieurs  sémi- 
naires dans  dilfereiiti'S  villes  nu  royaume  :  ils  ea 
avaient  dans  les  diocèses  de  Paris  ,  de  Sens  ,  de 
'l'ours,  de  Limoges,  do  Lescar,  d'Oléion,  de  Oax,  de 
Basas  et  de  Viviers.  Los  papes  leur  oui  accordé  suc- 
cessivement plusieurs  privilège»  el  exemptions  ;  mais 
en  France  ils  ne  jcniissaient  d'aucun  de  ces  privilè- 
ges ;  ils  n'avaient  d'autres  exemptions  que  celles  qui 

étaient    co lunes  aux  ordres  religieux  en  général  ; 

et  dans  les  diocèses  on  ilseiaienl  établis,  ils  se  regar- 
daient comme  soumi»  à  tout  ce  qui  esl  du  ressort  de 
l'auiorite  ë|iiscopale. 

Ils  ne  |iossédaieut  en  France   ijue  deux   cures, 

(a)  Cet  arllcle  est  reproduit  d'après  l'cdiliio  de  I.iége. 


SI! 


BAii 


BAR 


SU 


(loin  l'une  éiail  celle.de  Passy,  près  Paris.  Ce  béiié- 
(iccleura  occasionné  une  conleslalion  en  1775,  avec 
M.  le  marquis  île  BonNiinvilliers,  seigneur  de  l'en- 
(Iriùt,  représenlant  madame  de  Clialiu,  diniie  de 
l'assv.  el  l<nidulrice  de  ce  bénélice.  Il  olail  dit  par  le 
litre  de  fondation  passé  le  l  el  5  mai  l(i72,  ijue  le 
supérieur  de  la  communanKi  des  Barnabiles  ,  de 
la  maison  de  Sainl-Eloi  a  Paris  ,  indiquerait  ,à 
celle  dame  et  à  ses  successeurs  ,  seigneurs  de 
Passy,  un  religieux  pour  desservir  la  cure,  el  <|ue  la 
noniinaiion  serait  donnée  aux  religieux  par  cette 
dame  et  ses  successeurs,  sur  l'indication  :  en  consé- 
quence, lorsqu'il  fut  question  de  nommer,  en  1773, 
un  nouveau  curé  à  Passy  ,  dum  Nogm^res  fnl  indi- 
qué par  son  supérieur.  M.  de  Boulainvilliers  s'opposa 
à  sa  prise  de  possession,  quoiqu'il  lui  eût  éié  pré- 
senlé  piHir  avoir  son  agrément  ;  il  prétendit  être 
niaîlre  lui-même  du  choix  du  sujet.  Les  Baniabues 
de  Saini-Kloi  prirent  le  fait  et  cause  de  leur  reli- 
gieux :  ils  firent  voir  que  la  nomination,  laissée  au 
seigneur  de.  Passy  n'était  qu'un  droit  Imnorilique,  et 
que  ce  seigneur  ne  pouvait  refuser  le  sujet  qu'on 
lui  présentait.  Celle  assertion  fut  appuyée  de  dilFé- 
renls  moyens  lires  de  plusieurs  actes  concernant  le 
béuéûce,  et  surtout  du  fait  de  possession,  suivant  le- 
quel jamais  aucun  curé  de  l'endroit  n'avait  été  antre 
que  celui  qui  avait  été  indi(|ué  par  son  supérieur;  au 
moyen  de  quoi  la  conleslalion  se  termina  à  l'avan- 
tage des  Barnabiles  {a). 

Leur  manière  de  se  gouverner  était  assez  conforme 
à  celle  de  li  plupart  des  corps  religieux  :  ils  avaient 
un  général  qui  faisait  ordinairement  sa  résidence  à 
Rome  ou  à  Milan,  ei  ce  général  étendait  son  aiito- 
rilé  sur  loule  la  congrég  .lion.  Cliaque  province 
avait  ensuite  son  supérieur  particulier  sons  le  litre 
de  provincial.  La  congrégation  lenail  un  chapitre  gé- 
néral tous  les  trois  ans  ,  alternaiivemeiil  à  Koine  et 
à  Milan.  C'e>t- dans  celle  assemblée  que  se  nom- 
maient ions  les  supérieurs  généraux  et  particuliers  ; 
mais  l'aulorilé  qu'on  leur  iloimail  n'éiail  que  pour 
trois  ans  ;  elle  pouvait  cependant  leur  être  continuée 
dans  un  autre  chapitre  pour  le  même  nombre  d'an- 
nées, mais  elle  (levait  cesser  au  bout  de  ce  temps-là, 
excepté  pour  les  maisons  de  noviciat,  où  les  supé- 
rieurs pouvaient  encore  être  continués  pour  trois 
années  de  plus. 

L'ordre  ties  Barnabiles  n'a  jamais  donné  prise  à  la 
censure  :  la  douceur  de  son  gouvernement  enti  eie- 
iiail  parmi  ses  membres  une  union  exemplaire.  Les 
religieux,  uniiiuemeiu  occupés  de  leurs  devoirs,  ne 
se  sont  jamais  mêlés  de  ces  misérables  disputes  qui, 
dans  ces  derniers  temps,  alUigeaienl  la  religion. 
Leur  étude  principale  élail  celle  des  sciences  pour 
l'instruction  des  jeunes  gens  coiiliés  à  leurs  soins 
dans  les  collèges;  el  l'on  peut  dire  qu'ils  s'acquittè- 
rent de  celle  partie  de  leur  inslitul  avec  autant  de 
succès  que  de  zèle.  Leur  congrégation  a  fourni  à 
l'Eglise  nombre  d'e  piélits,  entre  autres  dum  de 
la  Koque,  pioniu  à  l'évêclié  d'Eumènes-.  Us  ont  eu 
en  llalie  plusieurs  grands  écrivains,  et  en  France, 
les  Pères  l.olomne,  Mirasson  el  de  Livoy,  se  sont 
tait  connaître  par  des  ouvrages  pleins  de  sages^e  el 
d'érudition,  (l'.xtrait  du  Diction,  de  Juriaprudence.) 

BAUSANIENS  ou  SE.MIUULITES,  liéréli- 
qiies  qui  paruretil  au  vt'  siècle.  Ils  soule- 
iiaienl  les  erreurs  des  gadianites,  el  faisaient 
consister  leurs  sacriûces  à  prendre  du  bout 
du  doigt  de  la  lleur  de  farine  et  à  la  porter  à 
sa  bouche.  Voy.  saint  Jean  Dainasc,  de  Hœ- 
rex.;  Baronius,  ad  an».  535. 

BARTHELEMY  (saint),  apôtre.  Les  anciens 
écrivains  ecclesiasliques  ne  nous  apprennent 
rien  de  certain  des  actions  ni  des  travaux  de 

(a)  Ce  régime  u'existt  plus 


ce  saint  apôtre.  Selon  la  tradition  coniinuiic, 
il  a  prêche  dans  les  Indes;  mais  il  parait  que 
sous  ce  nom  l'on  entendait  autrefois  l'Arabie 
heureuse.  11  n'a  rien  laissé  p.ir  écrit;  le  faux 
évangile  que  quelques  hérétiques  avaient 
forgé  sous  son  nom  fut  déclaré  apocryphe 
par  le  pape  (iélase. 

Barthélémy  (Massacre  de  la  Saint-J.  C'est 
un  des  plus  fâcheux  événements  de  notre  his- 
toire, dont  les  ennemis  de  la  religion  sont  très- 
attentifs  à  renouveler  le  souvenir,  el  qui 
fournit  une  ample  matière  à  leurs  déclama- 
tions. C'est  le  massacre  des  calvinistes,  fait  à 
Paris  le  "Ik  août  1572,  que  l'on  a  nommé  la 
journée  de  la  SainC-Barlhélem!/.  En  supposant 
que  les  catholiques  furent  poussés  à  cet  acic 
de  cruauté  par  le  zèle  de  religion,  il  a  été  aisé 
de  rendre  ce  motif  odieux,  et  de  faire  con- 
clure qu'il  n'est  point  de  passion  plus  redou- 
table. —  Mais  il  est  prouvé  par  des  monu- 
ments incontestables,  1°  que  la  religion  ne 
fut  point  le  motif  de  ce  massacre,  et  que  les 
ecclésiastiques  n'y  eurent  aucune  part.  L'en- 
treprise formée  par  les  calvinistes  d'enlever 
deux  rois,  plusieurs  villes  soustraites  à  l'o- 
béissance, des  sièges  soutenus,  'des  troupes 
étrangères  introduites  dans  le  royaume, 
quatre  batailles  rangées  livrées  au  souve- 
rain, n'étaient-elles  pas  des  raisons  assez 
puissantes  pour  irriter  Charles  IX  ,  sans 
le  motif  de  la  religion,  et  pour  lui  faire  en- 
visager les  calvinistes  comme  des  sujets 
rebelles  et  dignes  de  mort?  Ils  ont  beau 
excuser  leur  révolte  par  la  prétendue  droi- 
ture de  leurs  intentions  et  par  la  raison  du 
bien  public,  ce  motif,  toujours  aisé  à  feindre, 
ne  peut  pas  plus  servir  à  les  jusli6er  qu'à 
excuser  la  cruauté  des  catholiques.  —  Aucun 
ecclésiastique  ne  fut  consulté  el  n'entra  au 
conseil  dans  lequel  le  m.issacre  des  calvinis- 
tes fut  résolu  ;  le  duc  de  Guise  même  en  fut 
exclu.  Il  est  faux,  quoi  qu'en  dise  l'auleur 
des  Essais  sur  l'histoire  générale,  que  celle 
funeste  résolution  ait  été  préparée  et  méditée 
par  les  cardinaux  de  Birague  et  de  Retz;  ces 
deux  hommes  n'avaient  pour  lors  que  très- 
peu  d'influence  dans  les  affaires;  ils  ne  furent 
élevés  au  cardinalat  que  longtemps  après.  Si 
Grégoire  XIII  rendit  solennellement  grâces 
à  Dieu  de  l'événement,  ce  n'était  pas  pour  se 
réjouir  du  meurtre  des  calvinistes,  mais  de 
la  conservation  du  roi,  (jui  écrivit  dans  toutes 
les  cours  (juc  les  rebelles  avaient  mis  sa  vie 
et  sa  couronne  en  danger.  Que  le  fait  fiît 
viai  ou  faux,  le  pape  pouvait  le  croire  de 
bonne  foi  et  remercier  Dieu  de  ce  que  le  roi 
et  la  religion  calholiqueétaient  sauvés. Si  les 
ennemis  étaient  sur  nos  frontières,  si  on  les 
battait  et  que  l'on  en  tuât  un  grand  nombre, 
nous  remercierions  Dieu,  sans  doute,  non  de 
l'effusion  de  leur  sang,  mais  de  la  cessation 
du  péril.  —  Il  est  piouvé  encore,  par  l'aveu 
même  des  protestants,  que  les  évéques,  les 
ecclésiastiques,  les  religieux,  loin  de  prendre 
part  au  meurtre  dans  les  villes  otji  le  peuple 
voulait  massacrer  les  calvinistes,  comme  on 
avait  fait  à  Paris,  firent  leur  possible  pour 
l'empêcher,  elen  sauvèrent  un  grand  nombre 
dans  les  couvenls.  Cela  se  lit  même  dans  la 


51g 


BA'R 


DAR 


510 


ville  de  Nîmes,  où  les  hnguenols  avaient 
deux  fois  massacré  les  catholiques  de  sang- 
froid.  Plusieurs  catholiques  furent  envelop- 
pés dans  le  massacre  dt>s  calvinistes.  L'au- 
leur  des  Annales  politiques  n'a  donc  pas  eu 
tort  de  soutenir,  loin.  III,  n"  18,  que  le  clergé 
n'a  eu  aucune  pari  à  celte  boucherie. 

2°  La  proscription  des  calvinistes  fut  dictée 
par  une  fausse  politique.  L'ambition  de  l'a- 
miral de  Coligny,  sa  jalousie  contre  les  Gui- 
ses, sa  conduite  séditieuse,  furent  la  vraie 
cause  de  tous  les  troubles  du  royaume.  Il 
était  plus  souverain,  à  l'égaid  des  calvinistes, 
que  Charles  IX  ne  l'était  à  l'ogard  des  cntho- 
liques  ;  les  huguenots  avaient  osé  dire  au  roi  : 
Faites  II  guerre  aux  Espagnols,  ou  nous  se- 
rons conlrainlsde  vous  la  faire;  l'amiral  avait 
eu  la  témérité  d'offrir  au  roi  dixmillehommcs 
pour  entrer  d;ins  les  Pays-Bas;  il  les  avait 
donc  à  ses  ordres.  Ce  sujet  rebelle  n'avait 
que  trop  mérité  l'arrêt  de  proscription  pro- 
noncé contre  lui  ;  mais  ce  n'est  pas  par  un 
massacre  qu'il  fallait  le  punir.  Les  éloges 
que  lui  ont  prodigués  les  calvinistes  sont 
trop  suspects  pour  servir  à  sa  justification. 
—  3°  Il  est  encore  prouvé  que  le  massacre  de 
l'amiral  el  de  ses  partisans  ne  fut  point  un  projet 
prémédité  et  préparé  de  longue  main,  mais 
l'effet  momentané  du  ressentiment  de  Cathe- 
rine de  Médicis  et  de  son  Ois  le  duc  d'Anjou, 
et  de  la  colère  qu'ils  inspirèrent  à  Charles  IX. 
La  proscription  regardait  seulement  Paris  et 
les  chefs  du  parti  huguenot,  el  non  les  autres 
villes  du  royaume  ;  mais  la  fureur  du  peuple 
une  fois  allumée  se  porta  beaucoup  plus  loin 
que  le  gouvernement  n'aurait  voulu.  Dans 
les  autres  villes,  où  le  peuple  lit  de  même 
malgré  les  ordres  du  roi,  ce  ne  fut  pas  le 
même  jour,  mais  dans  di's  temps  très-diffé- 
rents, puisqu'à  Toulouse  et  à  Bordeaux  ce 
fut  plus  d'un  mois  après  le  massacre  fait  à 
Paris.  Les  calvinistes  et  leurs  partisans  ont 
eu  la  mauvaise  foi  de  «lire  que  le  roi  dépêcha 
des  courriers  dans  les  différentes  vilh-s  du 
royaume  pour  y  faire  massacrer  les  hugue- 
nots, pendant  qu'il  lis  envoyait  réellement 
pour  empêcher  que  cela  n'ariivàl.  —  4°  Il 
est  certain  que  le  nombre  de  ceux  qui  périrent 
est  beaucoup  moindre  qu'on  ne  l'a  supposé. 
Si  quelques  écrivains  l'ont  porté  jusqu'à  cent 
mille  hommes,  d'autres  ont  soutenu  qu'il  n'a 
pas  passé  dix  mille  hommes,  et  c'est  encore 
trop.  Le  Martyrologe  des  protestants,  qui  en 
com|jlait  mille  à  Paris,  n'a  pu  en  assigner 
dans  le  détail  que  (juatre  cent  soixante-huit, 
et  pour  tout  le  royaume  sept  cent  quatre- 
vingl-six,  au  lieu  de  quinzi:  mille  qu'il  sup- 
posait en  bloc.  —  Si  l'on  y  veut  faire  atlen- 
lion.ccn'étail  pasau  bas  peuple  calviniste  que 
l'on  en  voulaii,  c'était  aux  chefs,  àccuxau.x- 
quels  on  attribuait  les  révoltes,  les  séditions, 
les  meurtres,  qui  s'étaient  commis  dans  hs 
différentes  villes;  il  est  donc  impossihie  que 
le  nombre  des  morts  ail  été  aussi  grand 
que  nos  déclamaleurs  modernes  l'ont  sup- 
posé. 

Ce  (lue  nous  venons  de  dire  est  lire  d'un 
ouvrage  dont  on  a  indignement  calomnié 
l'auteur,  eu  prélenJanl  qu'il  avait  fait  l'apu- 


|ogie  de  la  Saint-Barthclemy,  tandis  qu'il  ne 
s'esi  proposé  autre  chose  que  de  montrer 
que  les  protestants  et  leurs  copistes  ont  dé- 
guisé le  vrai  motif  de  celle  exécution  san- 
glante, en  ont  exagéré  l'atrociié,  et  en  ont 
chargé  des  hommes  qui  n'y  eurent  aurune 
part.  Dn  auteur  qui  commence  p  ir  dire  : 
«  Quand  on  enlèverait  à  la  journée  de  la 
Saint- Barthélémy  les  trois  quarts  des  horri- 
bles excès  qui  l'ont  accompagnée,  elle  serait 
encore  assez  affreuse  pour  être  déti  siée  de 
ceux  en  qui  tout  sentiment  d'humanité  n'est 
pas  éteint;  »  el  qui  Bnii  par  les  vers  du  pré- 
sident de  Thou  :  Excidatilla  dies,  etc.,  peut- 
il  être  désigné  de  honiie  foi  comme  l'apolo- 
giste de  ce  massacre? 

L'auteur  d'un  écrit  intitulé  VEsprit  de  Jç~ 
sus-Christ  sur  la  tolérance  ,  pour  excuser  1rs 
calvinistes  d'avoir  pris  les  armes ,  dit  :ju'ils 
y  funnl  obligés,  parce  qu'ils  savaient  qu'on 
en  voulait  à  leurs  privilèges  ;  qu'ils  agis- 
saient de  concert  avec  Catherine  de  Médicis, 
et  pour  empêcher  que  les  Guises  ne  devins- 
sent maîtres  du  royaume.— Mais,  parce  qu'il 
plaisait  aux  huguenots  de  penser  qu'on  en 
voulait  aux  privilèges  qu'ils  avaient  obtenus 
par  force  ,  était-ce  une  raison  légitime  de 
prendre  les  armes  contre  leur  souverain  ? 
Catherine  de  Médicis  était-elle  en  droit  de 
les  y  autoriser,  et  la  crainte  de  voir  les  Gui- 
ses devenir  trop  puissants  était-elle  un  juste 
sujet  de  se  révolter?  Voilà  d'étranges  prin- 
cipes de  droit  public.  —  Il  prêtent^  que  Iç 
meurtre  des  calvinistes  fut  une  affaire  4e  re- 
ligion et  de  proscription  tout  ensemble.  La 
proscription  est  certaine  ,  il  vient  lui-mémo 
d'un  indiquer  les  motifs;  mais  où  sont  les 
preuves  de  l'influence  de  la  religion  ?  11  n'en 
donne  aucune.  11  n'est  pas  sur,  dit-il  ,  que 
Barague  et  de  Retz  ne  soient  pas  entrés  au 
conseil.  S'ils  y  étaient  entrés,  les  iniguenols 
ne  se  seraient  pas  tus  ,  et  ne  leur  auraient 
jamais  pardonné.  Cet  écrivain  prétend  que 
l'humanité  de  plusieurs  catholiques  ,  en 
cette  rencontre,  ne  prouve  rien;  mais  l'hu- 
manité des  évêqucs,des  préires,  des  moines, 
prouve-t-elle  en  eux  un  fanatisme  de  reli- 
gion ?  —  II  justifie  très-mal  la  conduite  et  les 
desseins  de  l'amiral  de  Coligny,  par  les  élo- 
ges que  les  historiens  ont  faits  de  lui.  Ces 
éloges  sont  partis  de  l;t  plume  des  protes- 
tants oii  d'éirivains  qui  les  ont  copiés  par 
prévention.  Le  comble  du  ridicule  est  de  sou- 
tenir (lue  le  sac  de  Mérindol  et  de  Cabrières, 
arrivé  vingt-sept  ans  auparavant ,  avait  été 
le  [irélude  du  massacre  des  huguenDts.  —  Il 
assure  que,  pendant  que  Gharlçs  IX  envoyait 
des  courriers  pour  prévenir  ce  désordre 
d.ins  les  provinces,  il  dé|iéchait  des  émissai- 
res secrets  pour  y  exciter  Içs  catholiques  : 
c'est  une  |)ure  caloi^mic.  Pour  prouver  le 
grand  nombre  de  ceux  qui  furent  w»  à 
mort,  il  n'allègue  que  des  écrits  qui  ont  été 
plusieurs  lois  réfutés. 

Nous  ne  voyons  pas  quel  avantage  les  in- 
crédules peuvent  tirer  de  ce  fait  odieux  pour 
calomnier  la  religion. 

BAIV I  HliLlîMI  I  ES  ,  clercs  réguliers  fon- 
dés par  Barthélémy  Hobzaiizer,  à  Salzboorg, 


p 


517 


BAR 


BAS 


818 


le  premier  août  1C40,  et  répandus  dans  plu- 
si<'Urs  provinces  d'Allemagne,  en  Pologne  et 
en  Catalogue.  Ils  vivent  en  comniun,  sont 
dirliiés  par  un  président  général  et  par  des 
présidunls  diocésains;  ils  s'occupent  à  for- 
mer des  ecclésiastiques.  Les  présidents  sont 
»  soumis  aux  ordinaires  ,  et  ont  sous  eux  des 
doyens  ruraux.  Ces  degrés  de  subordinalinn 
et  d'autres  usaïï;es  qu'ils  observent  ,  répon- 
dent avec  succès  au  but  de  leur  inslitulion. 
Un  curé  bartliélémite  a  ordinairement  un  ai- 
de; et  si  le  revenu  de  sa  cure  ne  suKit  pas 
pour  deux  ,  il  y  est  pourvu  aux  dépens  des 
curés  plus  riches  de  la  même  congrégation. 
Tous  sont  engagés  par  vœu  à  se  secourir 
mutuellement  de  leur  superflu  ,  sans  être 
privés  de  la  liberté  d'en  disposer  par  legs  , 
ou  I  our  assister  leurs  parents  pauvres.  — 
Ce  fonds  ,  augmenté  de  quelques  dona- 
tions, suffit  à  l'entretien  de  plusieurs  mai- 
sons dans  quelques  diocèses.  (Juand  il  y  en 
a  trois  ,  la  première  est  un  séminaire  com- 
mun pour  les  jeunes  clercs,  où  ils  étudient  les 
humanités  ,  la  philosophie  ,  la  théologie  et 
le  droit  canonique.  On  n'exige  aucun  enga- 
gement do  ceux  qui  font  leurs  humanités; 
les  philosophes  promettent  de  vivre  et  de 
persévrrer  dans  l'institut;  les  théologiens 
en  font  serment.  Ils  peuvent  cependant  ren- 
trer dans  le  monde  avec  la  permission  des 
supérieurs,  pourvu  qu'ils  n'aient  ])as  reçu 
les  ordres  sacrés.  Les  curés  et  les  bénéli- 
ciers  de  l'inslitut  hal)itent  la  seconde  maison; 
la  troisième  est  la  retraite  des  invalides  de  la 
congrégation.  Innocent  XI  approuva  leurs 
consiitutions  en  lliSO.  I.a  ntéme  année  l'em- 
pereur Léopold  ordonna  que  dans  ses  pays 
héréditaires  ils  fussent  promus  par  préfé- 
rence aux  bénéfices  vacants  ;  et  le  même 
pape  Innocent  XI  approuva,  en  lli84,  les  ar- 
ticles surajoutés  à  leur  règle  pour  le  bien  de 
l'institut. 

BAKUCH,  prophète,  fils  de  Néri  ou  Né- 
rias,  et  secrétaire  du  prophète  Jerémie.  Ses 
prophclies  sont  contenues  en  six  chapitres  ; 
nous  ne  les  avons  plus  en  hébreu,  mais  on 
ne  peut  pas  douter  qu'il  n'ait  écrit  en  cette 
langue  ;  les  fréquents  hébraïsmes  que  l'on 
y  trouve  le  font  assez  connaître.  On  en  a 
deux  versions  syriaques  ;  mais  le  texte  grec 
parait  plus  ancien. 

Josèphe  l'historien  remarque  [Anliq.  l.  x, 
c.  Il)  que  ce  prophète  était  d'une  naissance 
iUuslre  et  très-habile  dans  la  langue  de  son 
pays.  Dans  le  IP  livre  des  Machabéos,  c.  i', 
V.  1  et  suiï.,  les  -luifs  de  Jérusalem  écrivent  à 
ceux  d'Egyp'.e  que  Jerémie  reco;nmanda  ex- 
pressémentà  ceux  qui  allaient  deJuiléedans 
un  pays  étrangiT,  de  ne  pas  oublier  la  loi 
du  Seiyneur,  et  de  ne  pas  tomber  dans  l'ido- 
lâirie;  c'est  m  effet  l'ot)jol  de  la  Iritre  de 
Jéiéioie  aux  Juifs  de  Babylone,  qui  lut  le  .vi« 
chapitre  de  Rninch. 

Mais  comme  les  Juifs  n'ont  vouiu  recon- 
naître pour  livres  sacrés  que  ceux  qu'ils 
avaient  en  hébreu  ,  ils  n'ont  point  compris 
«lans  leur  canon  la  prophétie  de  Baruch  ; 
par  la  même  raison  elle  ne  Sf  trouve  point 
daus  1«8  catalogues  des  livres  sacrés  donnés 


par  Origène,  par  Méliton,  par  saint  Hilaire, 
par  saint  Grégoire  de  Nazianze  ,  par  saint 
Jérôme  ,  par  Rufin;  mais  il  est  à  présumer 
que  la  plupart  l'ont  comprise  sous  le  nom 
de  Jerémie,  comme  ont  fait  les  Pères  latins. 
Le  concile  de  Laodicée,  saint  (Cyrille  de 
Jérusalem,  saint  Athanase  et  saint  Kpiplia- 
ne,  nomment  dans  leurs  catalogues  Jerémie 
et  lianich.  Saint  Augustin  et  plusieurs  au- 
tres Pères  citent  les  prophéties  de  Baruch 
sous  le  nom  de  Jerémie,  et  dans  l'Kglisi'  la- 
tine ,  ce  qu'on  lisait  de  Baruch  dans  l'oflice 
divin  était  lu  sous  le  nom  de  Jerémie.  — 
C'est  donc  assez  mal  à  propos  que  les  pro- 
testants se  prévalent  de  l'opinion  des  Juifs  , 
du  silence  des  Pères  ,  et  du  préjugé  dans  le- 
quel plusieurs  ont  été  au  sujet  de  la  prophé- 
tie de  Baruch  ;  elle  ne  contient  rien  que  d'é- 
difiant, qui  ne  convienne  très-bien  au  carac- 
tère d'un  vrai  prophète  et  aux  circonstances 
dans  lesquelles  Baruch  se  trouvait. 

Saint  Irénce ,  Terlullien,  saint  Cyprien, 
Kusèbe,  saint  Ambroise,  saint  Hilaire,  saint 
Grégoire  de  Nazianze  ,  saint  Basile  ,  saint 
Cyrille  d'Alexandrie,  saint  Jean  Chrysos- 
toiiie,  saint  Augustin,  saint  Bernard  et  la 
foule  des  commentateurs  ont  regardé  comme 
une  prophétie  de  l'incarnaiion  du  Verbe, 
ces  paroles  de  Baruch  (m,  30)  :  C'est  lui  qui 
est  notre  Dieu,  qui  a  donné  la  science  à  Jacub 
son  serviteur,  et  à  Israël,  son  bien-atmé.  Après 
cela  il  a  été  rtt  sur  la  Irrre  et  a  conversé  avec 
les  hommes.  Cette  pensée  leur  a  paru  la  mê- 
me que  celle  de  saint  .lean  :  Le  Verbe  s'est 
fait  chair,  et  il  a  habité  parmi  nous.  On  ne 
conçoit  pas  en  quel  sens  le  prophète  a  pU 
dire  que  sous  l'Ancien  Testament  Dieu  a  été 
vu  sur  la  terre.  Lorsqu'il  parlait  aux  jia- 
triarches,  à  Moïse  ,  aux  prophètes  ,  il  ne  se 
rendait  pas  visible.  Voy.  la  Préface  sur  Ba- 
ruch, Bible  d'Avignon,  I.  X,  p.  i21. 

BAHULlîS  ,  hérélii|ues  dont  parle  Sandé- 
rus  ,  qui  soutenaient  que  le  Fils  de  Dieu 
avait  pris  un  corps  fantastique;  que  les 
âmes  avaient  été  créées  avant  la  naissance 
du  monde,  et  avaient  pécliè  toutes  à  la  fois. 
Ces  deux  erreurs  ont  été  communes  à  la 
plupart  des  sectes  qui  sont  nées  au  second 
siècle  de  Tliglise.  Les  philosophes  qui  eu- 
rent connaissance  du  christianisme,  ne  pu- 
rent se  résoudre  à  croire  ni  la  chute  du 
genre  humain,  par  le  péché  d'Adam  ,  ni  les 
humiliations  auxquelles  le  Fils  de  Dieu  s'est 
ré  luit  pour  la  réparer.  Voy.  Bardesams- 
TES,  Basilde,  etc. 

BASILF  (saint),  évoque  de  Gésarée  en 
Cappadoce  et  docteur  de  l'Eglise,  qui  mou- 
rut l'an  379.  Dom  Garnier  et  d.iui  Prudent 
Maraud  ,  bénédictins  .  ont  donné  une  belle 
édition  de  ses  OEuvres  en  grec  et  en  latin,  en 
3  volumes  in-folio,  en  1721  et  1730. 

Le  premier  tome  contient  V Hexaméron  , 
qui  est  une  explication  de  l'ouvrage  des  six 
jours  de  la  création  ,  treize  Homélies  sur 
les  psaumes,  un  Commentaire  sur  Isaie  , 
cinq  livres  contre  Eunomius  ,  qui  sont  une 
réiutatiou  de  l'arianisme.  Le  second  rrnfer-^ 
me  vingt-quatre  Homélies  sur  différents  su- 
jets de  morale  et  sur  les  fêtes  des  martvrs  ; 


519 


BAS 


BAS 


.SSO 


•divers  Traités  de  morale  nommés  ascétiques, 
les  grandes  el  les  petites  règles  pour  les  moi- 
nes. On  convient  que  les  Constitutions  7nn- 
nastiques  qui  ont  élé  allribuées  à  saint  Ba- 
sile ne  sont  pas  de  lui.  On  Iroir,  e  dans  le 
troisième  volume  le  livre  du  Saint-Esprit  , 
où  la  divinité  de  cette  troisième  Personne  de 
la  sainte  Trinité  est  prouvée  par  l'Ecriture 
sainte  et  par  la  tradition  ;  trois  cent  trente- 
six  lettres  sur  divers  sujets.  Le  livre  de  la 
Virginité  lui  a  été  faussement  attribué  ; 
mais  il  paraîta  voir  été  écrit  dans  le  même 
siècle. 

Il  \  a  chez  les  Orientaux  une  liturgie  qui 
porte  le  nom  de  saint  Basile  ,  qui  élait  en 
usage  dans  les  Eglises  du  Pont ,  de  laquelle 
.se  servent  encore  les«  jacobites  ,  les  Grecs 
melchites,  les  cophtes  d'Egypte  et  d'Abjssi- 
nie.  L'abbé  Uenaudot,  dans  le  tome  1'^  de  sa 
Collection  des  liturgies  orientales,  l'a  donnée 
traduite  du  cophle  ,  ensuite  en  grec  et  en  la- 
tin. Mais  comme  il  le  remarque  très-bien  , 
il  ne  faut  pas  imaginer  que  saint  Basile  l'ait 
composée  et  faite  en  entier;  il  n'a  fait  que  re- 
toucher la  liturgie  qui  était  déjà  en  usage 
dans  son  Eglise,  y  ajouter  quelques  prières, 
en  corriger  quelques-unes,  etc.  ,  sans  en  al- 
térer le  fond.  La  conformité  do  cette  litur- 
gie avec  la  multitude  des  autres  liturgies  an- 
ciennes démontre  que  toutes  ont  été  faites 
sur  un  modèle  primitif,  suivi  di  puis  les 
temps  apostoliques,  et  auquel  on  n'a  jamais 
touché.  Le  P.  Lebrun  en  a  aussi  donné  une 
notice,  Explic.  des  cérém.  de  la  messe,  tom. 
IV,  pag.  •372.  Voy.  Liturgie. 

Il  n'est  point  de  critiques  anciens  ou  mo- 
dernes qui  n'aient  rendu  justice  à  l'éloquen- 
ce, à  l'érudition,  à  la  pureté  du  style  de  saint 
Basile.  Pholius,  Erasme  ,  RoUin  ,  n'ont  pas 
hésité  de  le  proposer  comme  un  parfait  mo- 
dèle de  l'art  oratoire.  Mais  les  protesl.ii'.ts 
ont  attaqué  sa  morale ,  et  les  incrédules 
n'ont  pas  respecté  ses  vertus  :  leurs  repro- 
ches sont  aussi  mal  fondés  les  uns  que  les 
autres.  —  Barbeyiac,  dans  son  Traité  de  la 
morale  des  Pires,  ch.  11,  accuse  saint  Basile 
d'avoir  enseigné  que  celui  qui  blesse  à  mort 
un  ennemi,  même  en  se  détendant,  est  cou- 
pable de  meurtri'  ;  qu'il  n'est  jamais  permis 
de  tuer  ,  même  à  la  guerre  ;  qu'un  chrétien 
ne  peut  sans  péché  avoir  des  procès,  nu 
faire  un  serment;  il  ne  permet  le  mariage 
de  deux  personnes  qui  vivent  dans  la  forni- 
cation, que  pour  éviter  un  plus  grand  mal  ; 
il  recommande  aux  moines  un  extérieur 
triste,  sale  et  négligé  ,  malgré  la  leçon  con- 
traire que  Jésus-Christ  donne  dans  l'Evan- 
gile. —  Si  ,  au  lieu  d'enseigner  une  morale 
Irès-sévère,  les  Pères  de  l'Eglise  avaient  eu 
des  maximes  relâchées  ,  on  déclamerait  con- 
tre eux  avec  encore  plus  d'amertume.  Déjà 
quelques  incrédules  de  nos  jours  les  ont  ac- 
cusés il'avoir  eu  plus  à  cieur  la  doctrine  spé- 
culative que  la  mor.ile,  el  d'avoii'  fait  plus  de 
cas  de  l'orthodoxie  que  des  uKeurs.  Mais 
quelque  austères  que  fussent  leurs  leçons,  el- 
les étaient  cependant  pratiquées  ,  du  moins 
par  un  bon  nombre  de  chrétiens  fervents  : 
cela  nous  parait  démontrer  que  la  morale 


des  Pères  n'était  pas  aussi  outrée  qu'on   le 
prétend. 

On  dit  qu'ils  ont  poussé  trop  loin  les  rè- 
gles de  la  patience  qu'ils  prêchaient  aux  fi- 
dèles ;  et  tous  les  jours  on  accuse  les  chré- 
tiens de  n'avoir  pas  été  assez  patients  ,  soit 
envers  les  païens  dans  le  temps  des  persécu- 
tions ,  soit  envers  les  hérétiques  ,  lorsque 
ceux-ci  abusaient  de  la  protection  des  em- 
pereurs. Comment  contenter  des  censeurs 
aussi  bizarres  ?  —  Souvenons-nous  que  saint 
Basile  écrivait  dans  le  temps  que  les  ariens  , 
soutenus  par  l'empereur  Valens  ,  exerçaient 
le  brigandage  dans  tout  l'empire;  ou  ne 
pouvait  leur  résister  sans  paraître  se  révol- 
ter contre  l'empereur  :  les  Pères  de  ce  temps- 
là  n'avaient  donc  pas  tort  de  prêcher  la  pa- 
tience aux  catholiques  ,  et  de  prendre  à  la 
rigueur  pour  ce  lemps-là  les  paroles  de  l'E- 
vangile.  Voy.    DÉFENSE    DE   SOI-MÊME.  —  Us 

avaient  conçu  une  haute  idée  de  la  sainteté 
du  mariage  ;  il  fallait  inspirer  le  même  sen- 
timent aux  chrétiens ,  parce  que  les  lois 
des  empereurs  y  avaient  très-mal  pourvu  , 
et  que  la  licence  du  paganisme  avait  élé 
poussée  au  dernier  excès  sur  ce  point  ; 
nous  ne  voyons  pas  en  quoi  la  morale  de 
saint  Basile  pouvait  être  dangereuse.  —  11 
voulait  que  les  moines  portassent  à  l'exté- 
rieur les  marques  de  la  pauvreté  et  de  la 
mortification  de  leur  état  ;  en  quoi  contredi- 
sait-il l'Evangile?  Lorsque  Jésus-Christ  dé- 
fendait d'affecier  par  hypocrisie  un  extérieur 
tiiste  et  un  visage  exténué  par  le  jeûne,  il 
ne  parlait  pas  à  des  moines.  On  est  aujour- 
d'hui scandalisé  de  ce  qu'ils  n'observent  pas 
assez  rigoureusement  les  leçons  de  saint 
Basile.  —  On  sail  avec  quelle  fermeté  il  ré- 
pondit à  l'empereur  Julien  ,  qui  avait  d'a- 
bord voulu  le  séduire  ,  et  qui  ensuite  me- 
naça de  raser  la  ville  de  Césarée ,  s'il  ne 
faisait  pas  porter  au  fisc  mille  livres  d'or.  Il 
n'en  montra  pas  moins  à  l'égard  de  l'empe- 
reur \'alens,  qui  le  faisait  menacer  de  l'exil 
el  de  la  mort  s'il  ne  livrait  pas  les  églises  aux 
ai'iens.  «  Celui  qui  n'a  rien  ,  dit-il  ,  que  des 
haillons  et  quelques  livres,  ne  craint  pas 
d'être  dépouillé.  Je  regarde  comme  ma  pa- 
trie, non  le  sol  sur  lequel  je  suis  né,  mais  le 
ciel.  Un  corps  exténué  tel  que  le  mien  ne 
peut  souffrir  longtemps;  la  mort,  en  termi- 
nant mes  peines,  me  réunira  plus  tôt  à  mon 
Créateur.» — Plusieurs  incrédules  umdernes 
lui  ont  fait  un  crime  de  cette  résistance  aux 
ordres  de  l'empereur;  s'il  y  avait  obéi  ,  ces 
mêmes  censeurs  l'accuseraient  de  lâcheté.  Ils 
lui  ont  reproché  de  n'avoir  donné  qu'un  petit 
évêché  à  saint  Grégoire  de  Nazianze,  son 
ami.  ils  ignorent  sans  doute  que  saint  Gré- 
goire avait  renoncé  volontairement  au  siè- 
ge de  Constantinople  ,  qu'il  n'ambitionnait 
comme  !<aint  Basile  que  la  retraite  ,  le  re- 
pos ,  la  liberté  de  servir  Dieu  ,  loin  du  tu- 
multe du  monde.  11  est  heureux  pour  nous 
de  n'avoir  à  justifier  les  Pères  que  de  l'hé- 
roïsme de  leurs  vertus;  elles  ont  été  trop  pu- 
res pour  plaire  à  des  esprits  pervers  et  à  des 
cœurs  corrompus. 
Basile  (Ordre  de  Saint- 1.  C'e§l  le  plus  an- 


un 


BAS 


BAS 


an 


cien  des  ordres  religieux.  Selon  Topinion 
commune,  il  a  tiré  son  nom  du  saint  évcque 
de  Césarée,  dont  nous  venons  de  parler,  qui 
donna  des  règles  aux  cénobites  d'Orient  , 
quoiqu'il  ne  fùl  pas  l'institulnur  de  la  vie 
monastique.  En  elTel,  l'histoire  île  l'Eglise 
atteste  qu'il  y  avait  eu  des  anachorètes  et 
des  cénobites,  surtout  en  Egypte,  longli>mps 
avant  saint  Basile.  Il  est  très  propable  que 
ce  saint  docteur  ne  lit  (|ue  mettre  par  écrit 
ce  qui  avait  été  observé  dans  les  commu- 
nautés de  moines  de  la  Thébaïde  qu'il  était 
allé  visiter. 

Cet  ordre  a  constamment  fleuri  en  Orient, 
et  s'y  est  maintenu  depuis  le  qualricine  siè- 
cle. Presque  tous  les  religieux  qui  y  sont 
aujourd'hui  sous  le  nom  de  calo  er,  suivent 
la  règle  de  saint  Basile,  même  ceux  qui  ont 
pris  le  nom  de  sainl  Antoine.  Treize  siècles 
de  durée  nous  paraissent  prouver  que  cette 
règle  n'est  pas  d'une  rigueur  aussi  outrée 
que  certains  critiques  ont  voulu  le  persuader. 

On  prétend  que  saint  Basile,  s'étant  retiré 
vers  l'an  357  dans  une  solitude  de  la  pro- 
vince de  Pont,  y  resta  jusqu'en  362  avec  des 
solitaires,  auxquels  il  (irescrivit  la  manière 
de  vivre  qu'ils  ilevaienl  observer  en  f.iisanl 
profession  de  la  vie  religieuse.  Kufin  tradui- 
sit ces  règles  en  latin,  ce  qui  les  Ht  connaître 
en  Occident;  mais  elles  n'ont  commencé  à  y 
être  suivies  que  dans  l'onzième  siècle.  Ce  fut 
vers  l'an  10o7  que  les  moines  de  sain/ 5, ;si7e 
vinrent  s'y  établir.  Grégoire  XIII  les  réfor- 
ma en  1579,  et  mit  les  religieux  d'Italie, 
d'Espagne  et  de  Sicile  sous  une  mèmt;  con- 
grégation. Dans  ce  même  temps  le  cardinal 
Bessarion,  Grec  de  nation  et  religieux  de  cet 
ordre,  réduisit  en  abrégé  les  règles  de  sainl 
Basile,  et  les  distribua  en  23  articles.  Le 
monastère  de  Saint-Sauveur  de  Messine  en 
Sicile  est  chef  de  l'ordre  en  Occident,  et  il 
passe  pour  constant  que  l'on  y  fait  l'offîce 
en  grec.  Voij.  Le  Mire,  de  Orig.  ordin.  relig. 

On  sera  moins  surpris  de  l'austérité  des 
règles  de  saint  Basile,  si  on  fait  attention 
qu'en  général  la  vie  des  Orientaux  est  beau- 
coup plus  sobre  que  la  nôtre,  et  que  le  cli- 
mat exige  beaucoup  moins  de  nourriture. 
On  y  mange  très-peu  de  viande;  les  légumes, 
les  herbes  potagères,  les  fruits,  y  sont  plus 
succulents  et  plus  nourrissants  que  les 
nôtres;  une  exacte  sobriété  est  absolument 
nécessaire  pour  y  conserver  la  santé  :  le 
peuple  y  vit  en  plein  air,  presque  sans  au- 
cune couverture,  sans  aucun  besoin  des 
précautions  que  l'on  observe  dans  les  pays 
septentrionaux.  La  manière  de  vivre  des 
moines  de  la  Thébaïde  était,  à  proprement 
parler,  la  vie  des  pauvres  en  Egypte  et  des 
personnes  peu  accoutumées  aux  superdui- 
tés. 

BASILIDE,  BASILIDIENS.  Au  commence- 
ment du  ir-  siècle  ,  Basilide  d'Alexandrie, 
entêté  de  la  philosophie  de  Pythagore  et  de 
Platon,  voulut  en  allier  les  principes  avec 
les  dogmes  du  christianisme  ,  et  lorma  la 
secte  des  l/asiliiliens. 

La  grande  question   qui  occupait  alors  les 
philosophes,   était  de   savoir  d'où   vient  le 
DiCT.  DE  Theol.  dogmatiqcb.  1. 


mal  dans  le  monde.  Platon  ,  pour  la  résoudre, 
avait  imaginé  que  l'Êire  suprême,  infiniment 
bon  par  nature,  n'avait  pas  créé  le  monde 
immédiatement  par  lui-même  ,  mais  qu'il 
avait  laissé  ce  soin  à  des  intelligences  infé- 
rieures auxquelles  il  avait  donné  l'être;  que 
le  mal  qui  s'y  trouve  était  venu  de  l'im- 
puissance et  de  la  maladresse  de  ces  esprits 
secouilaires.  Celte  supposition  ne  faisait  que 
reculer  la  difficulté.  Pourquoi  l'Etre  infini- 
ment bon,  muilre  de  créer  le  monde  par  lui- 
même,  en  a-t-il  donné  la  commission  à  des 
ouvriers  dont  il  devait  prévoir  l'impuissance 
et  l.'i  m.iladresse?  —  Cependant  les  premiers 
hérésiarques,  Simon,  Ménandre,  Saturnin, 
Basilide,  et  leurs  seclaieurs,  qui  prirent  le 
nom  de  gnosliques,  intelligents  ou  philoso- 
phes ,  embrassèrent  cette  hypothèse;  ils 
eurent  l,i  lémériié  de  faire  la  généalogie  et 
l'histoire  deces  |)rétendusesprils  subalternes, 
de  leur  donner  des  noms,  etc.  —  Ils  suppo- 
sèrent encore  que  les  âmes  humaines  avaient 
existé  et  avaient  péciié  avant  d'être  unies 
à  des  corps,  que  pour  les  punir  Dieu  les 
avait  soumises  ici-bas  à  l'empire  des  esprits 
inférieurs,  que  chacun  de  ces  esprits  prési- 
dait au  gouvernement  d'une  nation.  C'était 
aussi  l'idée  de  Celse,  de  Julien,  et  de  la  plu- 
part des  philosophes  éclectiques  ;  c'est  là- 
dessus  qu'ils  fondaient  la  nécessité  de  rendre 
un  culte  à  ces  esprits,  p;ir  le  moyen  desiiuels 
ils  prétendaient  opérer  des  prodiges.  — 
Selon  Basilide,  l'esprit  ou  l'ange  qui  avait 
gouverné  la  nation  juive,  était  l'un  des  plus 
puissants;  c'est  pour  cela  qu'il  avait  fait 
tant  de  miracles  en  leur  faveur  ;  mais  comme 
il  avait  voulu  par  ambition  soumettre  les 
autres  esprits  à  son  empire,  ceux-ci  avaient 
inspiré  aux  peuples  qu'ils  gouvernaient  de 
la  haine  contre  les  Juifs.  Ainsi  les  guerres, 
les  malheurs,  les  revers  des  nations,  étaient 
l'elTct  de  la  jalousie  et  des  passions  des  es- 
prits qui  gouvernaient  le  monde.  —  Enfin, 
Dieu,  louché  de  compassion,  avait  envoyé 
son  Fils  ou  Vinlelligence,  sous  le  nom  de 
Jésus-Chrisl,  pour  délivrer  de  celle  tyrannie 
les  hommes  qui  croiraient  eu  lui.  Pour  fon- 
der leur  foi,  Jésus,  selon  Basilide,  avait 
réellement  fait  les  miracles  que  les  chrétiens 
lui  allribuaieut  ;  mais  il  n'avait  qu'un  corps 
fantastique  et  les  apparences  d'un  homme  : 
pendant  sa  pa'^sion  il  avait  pris  la  figure  de 
Simon  le  Cyrénéen,  et  lui  avait  donné  la 
sienne;  ainsi  les  Juifs  avaient  crucifié  Simon 
au  lieu  du  Christ  qui  se  moquait  deux,  et 
qui  était  remonté  au  ciel  sans  avoir  été 
connu  de  personne.  — Basilide  en  concluait 
que  les  martyrs  qui  souffraient  pour  leur 
religion  ne  mouraient  pas  pour  Jésus-IIhrist, 
mais  pour  Simon,  qui  seul  avait  été  crucifié. 
11  concluait  encore  que  ce  n'était  pas  un 
crime  de  se  livrer  aux  désirs  déréglés  de  la 
chair,  puisqu'ils  étaient  inspirés  à  l'àme  de 
l'homme  par  les  esprils  au  pouvoir  desquels 
Dieu  l'avait  soumise,  et  que  ces  déirs  étaient 
involontaires  (S.  Clém.  d'Alex.,  Sti ont.  Ib. 
ni,  p;  510,  etc.). 

Ceî  hérésiarque,   enlélé  du  p\  Uiagorisme 
et  des  prétendues  propriétés  que  Pythagore 

17 


523 


BAS 


attribuait  aux  nombres,  imaiiina  que  l'unité, 
svmbotp,  (In  solrii,  le  nombre  septénaire,  re- 
latif aux  sept  planùtes,le  nombre  3(5o.  qui 
«'■'.primait  celui  des  jours  de  l'année  ou  des 
r.'volulions  du  soleil  ,  devaient  avoir  des 
propriétés  merveilleuses,  déterminer  l'espril 
gouverneur  du  monde  à  opérer  des  prodi|;es. 
Là-dessus  il  fonda  sa  confiance  à  ki  Ihéurgie, 
à  la  ma"ie,  aux  talismans.  11  soutint  que  le 
Doin  Abracsas  ou  Abrnxu:i,  dont  les  lettres 
forment  en  grec  le  nombre  363,  imprimé  >ur 
une  médnille  avec  la  figure  du  soleil  et  avec 
quelques  autres  signes,  était  un  laiismau 
très  puissant,  que  ce  devait  même  être  le 
nom  de  Dieu.Conséqueniment  les  basilidiens 
remplirent  le  monde  {Vahrnxas  de  toute  es- 
pèce ;  le  P.  (le  Mon' faucon  en  a  fait  gra- 
ver plusieurs.  — Quelques  chrétiens  peu  in- 
struits se  laissèrent  séduire  par  ces  visions, 
et  firent  aussi  des  abraxas  à  rhoiineur  de 
Jésus-Christ;  les  Pères  de  l'Eglise  s'élevèrent 
contre  cette  superstition. 

Basilide  enseignait  aussi  la  métempsycose 
comme  Pyihagore,  et  niait  la  résurrection  de 
la  chair.  Il  avait  composé  un  faux  évangile, 
ou  plutôt  un  loni;-  commentaire  sur  les  évan- 
giles; puisque  Kusèbe  nous  apprend  iiu'il 
avait  écrit  vingt-quilre  livres  sur  les  évan- 
giles, et  qu'il  avai':  forgé  des  prophéiies 
sous  le  no  n  i\ebarrAibiise\  de  barcoph  ;  il  sup- 
posait dans  riiomme  deux  âmes  différentes. 

Sur  cet  exposé,  que  nous  al)ié„'eous  au- 
tant qu'il  est  possible,  il  y  a  des  réflexions 
importantes  à  faire.  1°  Les  anciennes  hé- 
résies ont  été  l'ouvrage  des  philosophes,  et 
rclîct  de  leur  opiniâtreté  à  vouloir  concilier 
les  dogmes  do  christianisme  avec  leurs  vains 
sysiènnes  ;  c'est  au  contraire  la  philosophie 
qu'il  .lurail  fallu  éclairer  et  corriger  par  les 
lumières  de  la  révélation.  2"  La  source  de  la 
plupart  des  erreurs  aueicunes  a  été  la  célè- 
bre question  de  l'origine  du  mal;  elle  est 
encore  aujourd'hui  le  fondement  des  divers 
systèmes  d'incrédulité  :  il  est  impossible  d'y 
donner  une  solution  salislaisaute,  à  moins 
que  l'on  n'adopte  les  principes  de  la  théologie 
chrétienne.  3°  Les  plus  anciens  hérésiar- 
ques n'ont  pas  osé  contester  la  vérité  de 
l'histoire  évan;;élique,  des  actions  et  des 
miracles  de  Jésus-Christ,  puisqu'ils  ont  tâché 
de  les  accorder  avec  leur  système;  ils  lou- 
chaient cependant  d'assez  près  à  l.i  date  de 
ces  faits,  pour  avoir  pu  en  constater  cer- 
tainement la  vérité  ou  la  fausseté. 'i^"  Quel- 
ques incrédules  modernes  ont  accusé  saint 
Clément  d'.Mexandrie  et  les  auires  Pères 
anciens  ,  d'avoir  faussement  attribué  aux 
guosliqucs  une  morale  et  une  conduite  dé- 
testable; mais  cette  morale  deroul  lit  évi- 
demment de  leurs  principes,  et  il  est  impos- 
sible que  ces  raisonneurs  ni-,  s'en  soient  pas 
aperçus.  Elle  a  été  renouvelée  par  les  sectes 
fanatiques  du  xiv'  siècle,  et  l'on  a  vu  re- 
naître parmi  elles    les  niénies  désordres. 

Beausobre,  qui  s'c^t  fait  un  point  capital 
de  jusiilier  tous  les  lieretique.,  et  de  conire- 
dire  les  Pères  de  l'Iighse,  a  disserté  fort  au 
long  sur  les  basilidiens  {His!.  du  Manicli., 
\mu.  il,  I.  IV).  Il  préteud   qu'eu  général  ou 


BAS  SU        à 

ne  doit  pas  trop  se  fier  aux  Pères  touchant 
les  anciennes  hérésies,  que  li  plupart  i\'in 
ont  parlé  que  sur  des  onï-dire  :  qu'ils  ont 
exagéré  les  erreurs  des  sectaires,  eic.  Pour 
donner  un  air  de  justice  à  ce  reproche,  il 
aurait  fallu  commencer  par  prouver  (jue 
tous  les  seclateiirs  de  Basilide  ont  ensmgné 
conslamment  la  même  doctrine  que  lui,  et 
qu'aucun  d'eux  n'est  allé  plus  loin.  Or,  dans 
quelle  seete  hérétique  cela  est-il  arrivé?  Il 
se  peut  très-bien  faire  que  les  basilidiens, 
qui  ont  été  connus  de  saint  Irénée  dans 
l'Asie  Mineure,  et  de  Tertnllien  en  Afrique, 
n'aient  pas  suivi  absolumeni  1  s  mêmes 
opinions  que  ceux  dont  saint  Clément  d'A- 
lexandrie a  lu  les  ouvrages  eu  Egypte  ;  il 
peut  donc  y  avoir  de  la  véiilé  et  même  de 
i'opposiiion  entre  les  récits  de  ces  Pères, 
sans  qu'il  y  ait  lieu  de  les  accuser  d'igno- 
rance ,  de  préorcnpation  nu  d'inlidéliié. 
Voilà  ce  qu'un  historien  judicieux  n'aurait 
pas  manqué  de  remarquer.  Moslieim  est  cou- 
pable Ue  la  même  injustice,  llist.  Christian., 
sœc  II,  §  ilj  et  suiv. 

C'est  encore  une  fort  mauvaise  méthode  , 
pour  justifier  un  hérétique,  de  prèieiidre 
qu'il  n'a  pas  |)U  enseigner  telle  erreui,  puis- 
qii"il  a  soutenu  telle  autre  opinion  qui  ne 
s'y  accorde  point;  il  est  ass'Z  prouvé  que  la 
doctrine  des  anciens  héréti(|ues,  aussi  bien 
que  celles  des  modernes  ,  est  un  tissu  de 
cuiitradiciious,  et  qu'ordinairement  tous  rai- 
sonnent fort  mal. 

Il  n'est  donc  pas  fort  certain  que,  selon  la 
croyance  commune  des  basilidims ,  l'ange 
ou  l'esprit  qui  avait  créé  le  ntoiide  ,  était  un 
être  bon,  qui  av  lit  eu  dessein  de  plaire  au 
Dieu  suprême  et  de  faire  du  bien;  pui^q''e  , 
de  l'aveu  même  de  lieausobre  ,  d'antrfts  hé- 
rétiques soutenaient  que  le  Créateur,  ou 
plutôt  le  formateur  du  monde  ,  était  un  être 
méchant.  Dès  que  l'on  supprise  la  matière 
éternelle,  il  n'est  plus  question  de  cronlion 
proprement  dite.  Nous  avons  le  malh(!ur  de 
ne  pas  voir,  coinini-  Beausolire,  un  grand 
effort  d' imagination  dai\i  le  système  de/îas/- 
/(V/e  ,  pour  rendre  r.iison  des  maux  de  (C 
monde,  sans  intéresser  les  perleclioiis  du 
Dieu  suprôme;  les  ignorants,  qui  attribuent 
au  déaiuu  tout  le  m, il  >|ai  leur  arrive,  ne 
fout  pas  un  grand  effort  d'Imagination.  Pour 
peu  i]ii'un  reQeeliisse  ,  on  cuui|ireiid  que 
Dieu,  quoique  inliniiuent  puissant  elJtun, 
n'a  pu  rien  liiirc  qui  ue  fût  borné  ,  par  con- 
séquent iiu{iarfait  et  suji-t  à  des  défauts  ;  et 
que  la  supposition  «les  deux  |iriiicipes  ne  ré- 
sout point  du  loul  11  difliculté. 

Nous  n'accuserons  pas  non  plus  les  Pères 
d'avoir  imaginé  une  f.ible  en  disant  que,  sui- 
vant  l'idée  des  basilidiens.  Ji-sus,  avant  d'être 
crucifié,  avait  change  sa  ligure  eu  celle  de 
Simon  le  Cyréuoen,  et  avait  substitué  cet 
homme  à  sa  pl.ice;  plusieurs  d'entre  eux 
ont  é'.é  assez  ridicules  d'ailleurs  pour  ima- 
giner cette  absurdité,  (|Uoii|ue  peui-éire  Ba- 
sil.d'  ue  lait  jamais  dite  ,  et  qu  il  ait  pensé 
tout  antremetii . 

Il  n'est  pas  mieux  prouvé  que  jamais  les 
,  biisilidiens  n'ont  déprimé  le  martyre;  Beau-i 


525  BAS 

sobre  ne  les  en  disculpe  que  par  des  conjec- 
tures et  piirvoie  (tcconséquonce,  cs|ièc(' d'a- 
polngio  (iiii  ne  pcu(  prévaloir  à  des  lémoi- 
giiages  formels.  Il  ne  réussit  pas  mieux  à 
les  absoudre  du  crime  de  masie,  puisque 
ces  hérétiques  avaiiMit  confiance  au  pouvoir 
des  prclenilus  r;énies  ou  esprits  répandus 
dans  la  naiure  ;  il  n'est  pasiori  aisé  de  prou- 
ver qu'ils  n'ont  jamais  eu  recours  à  ceux 
qu'ils  supposaient  mauvais  el  malfaisants  , 
mais  senli'incnl  à  ceux  <iu'ils  croyaient  in- 
capables de  l'iiredu  mal.  L'une  de  ces  mau- 
vaises pratiques  conduit  infaillibiement  à 
l'autre. 

l'ar  la  môme  raison,  nous  n'avouerons 
pas  que  les  l'cns  ont  calomnie  les  basili- 
dietts,  (juand  ils  les  ont  accusés  d'une  mo- 
rale détrstahle  loue  haut  l'impureté,  et  d'une 
conduite  qui  y  était  conforme  ;  si  dans  loutes 
les  si'Cles  il  y  a  eu  (luelques  linmuies  qui 
ont  conservé  de  la  honte  naiurelle  el  de  la 
verlu  ,  il  y  en  a  eu  aussi  d'autres  qui  ont 
poussé  li's  conséquences  de  leurs  erreurs 
jusqu'où  elles  pouvaient  aller,  et  qui  n'ont 
pas  rougi  de  les  melln^  en  pratique.  Il  est 
diinc  tout  simple  (jue  l'on  ait  pris  pour  l'cs- 
pril  général  de  la  si-cle  une  conduite  qui 
était  commune  parmi  ses  membres.  Mosheim, 
moins  eniclé  que  Itijui^obre,  avoue  qu'une 
bonne  partie  de*  gnosliques  liraienl  di;  leurs 
principes  une  morale  pratique  très-licen- 
ciense  (llisl.  clirist.,  proleg.,  c.  1,  §  36i. 

Noussrrons  obligés  de  répéter  )dus  d'une 
fois  ces  mêmes  réflexions  à.  l'égard  des  hé- 
résies anciennes  ou  modernes,  parce  que 
plusieurs  des  protestants  qui  en  ont  parlé 
ionl  fait  avec  les  mêmes  préventions  que 
Beausobre.  Ce  (|u'il  y  a  do  singulier,  c'est 
que  ces  critiques  vrulent  nous  faire  envisa- 
ger leur  euléteitient  comme  une  preuve  d'iin- 
parlialité. 

liASlLI'tUR.  Ce  nom  grec  signifie  jnatson 
»M//' 7e  ;  on  l'adonné  au\  églises  des  cliré- 
ticns ,  parce  qu'on  les  a  reg.irdees  comme 
les  palais  du  Koi  des  rois,  dans  lesquels  ses 
adorateurs  vont  lui  rendre  leurs  hommages: 
c'est  iiinsi  qu'eles  sont  nommées  par  les 
écrivains  ilii  iv  et  du  v'  siècle. 

Sel()n  liellarmin,  les  chrétiens  mettaient 
une  différence  entre  les  b  isiliques  et  les 
temples.  I^es  premiers  éiaienl  des  édilices 
Oestinés  aux  assemblées  chrétiennes  el  à  la 
céléhration  des  sainis  mysières  ;  |)ar  les 
icm/j/e--,  on  entendait  les  temples  des  pa'i'ens 
desiiiiésà  offrir  d  s  sacrifices  sanglants  etâ 
immolerdes  animaux. Conseil iietnmenl  quel- 
ques anciens,  comme  Minuliùs  l''eli\,  Ori- 
gène,  Arnobe,  Lattance,  onl  dit  que  les  chré- 
tiens n'avaient  pas  de  temples  ;  et  lorsque  les 
païens  leur  en  faisaient  un  crime,  les  mêmes 
écrivains  onl  répondu  que  le  sanctuaire  le 
pl'is  dj^ne  de  Dieu  était  l'âme  d'un  homme 
de  bien.  Il  ne  faut  pas  en  conclure  que  pour 
lors  les  chrétiens  n'avaient  point  d'éditiees 
consacrés  au  culic  du  Seigneur  ;  nous  prou- 
verons le  contraire  au  mot  lioLisE  ;  mais  on 
évitait  de  leur  donner  le  môme  nom  qu'aux 
éiiifices  destinés  à  l'iilolàule  :  ou  prelera  ilc 
les  nommer  basiliques. 


BAS 


Sf« 


Dans  l'Occident,  au  iv"  et  au  v°  siècle,  l'on 
entendait  par  Véglise  la  cathédrale,  et  l'on 
nommait  basiliques  les  églises  dédiées  aux 
martyrs  et  aux  saints  (  Hist.  de  l'Acad.  des 
iiisciipc,  t.  XIII,  iu-12,  p.  3tl). 

11  paraît  que  la  forme  et  le  plan  des  églises 
chrétiennes  avaient  été  tracés  sur  ce  qui  est 
dil  dans  VApocaUjpse,  chap.  iv,  vi ,  vu.  Saint 
Jean  y  fait  une  description  de  la  gloire  éter- 
nelle exactement  semblable  à  cellequ'a  faite 
saint  Justin  des  assemblées  des  chrétiens 
(.\pol.  1,  n°  G.o  et  suiv.),  et  de  la  manière 
dont  ils  célébraient  l'ottice  divin.  Saint  Jean 
pai'lc  d'un  trône  sur  lequel  est  assis  le  pré- 
sident de  l'assemblée  ou  l'évêque,  de  sièges 
rangés  des  deux  côtés  pour  vingl-quaire 
vieillard-  ou  prêtres  :  c'est  le  chœur.  Au  mi- 
lii'u  et  devant  le  trône  il  y  a  un  autel  sur  le- 
quel est  un  agneau  en  étal  de  victime  ;  sous 
l'aulel  sont  les  reliques  des  martyrs.  Devant 
l'aulel  un  anjje  offre  à  Dieu,  sous  le  sym- 
bole de  l'encens,  les  prières  des  saints  ou 
des  fidèles,  il  parle  d'une  source  d'eau  qui 
donne  la  vie  ;  c'est  le  baptistère  ou  les  fonts 
baptismaux.  —  Par  cette  forme  que  les  |.)re- 
niers  chrétiens  onl  donnée  à  leurs  églises, 
il  est  aisé  déjuger  si  ce  sont  les  catholiques 
qui  ont  abandonné  la  croyance  de  l'iîglise 
primitive,  ou  si  ce  sont  les  prolestaiiis.  Ces 
derniers  n'ont  dans  leurs  temples  ni  chaire 
pontificale,  ni  autel ,  ni  reliques ,  ni  encens, 
ni  fonts  baptismaux;  ils  semblent  les  avoir 
construits  sur  le  modèle  des  synagogues  des 
Juifs.  Mais  tout  ce  qu'ils  ont  supprimé  parle 
et  réclame  contre  rinuovation  qu'ils  ouï 
faite;  ce  sont  des  témoins  dont  ils  n'élouff'c- 
ronl  jamais  la  voix. 

*  BASKIRS.  Les  annotaienrs  de  l'édition  de  Le- 
fort  oui  lait  un  aiiiele  (lailiciilier  sur  les  criiyaiices' 
de  ce  |ieu|ile.  Lel  ariicle  serait  liien  placé  dans  un 
dicl.oinuiiie  des  religions  el  des  cultes,  mais  nouj 
le  croyons  enlièiernent  étranger  à  ce  Diclioiiiiain;  ; 
car  les  croyances  dï  ce  peuple  n'orii  aucun  lappert 
avec  la  ilicologie  cinélienne.  Adii  qu'on  ne  taxe  pas 
notre  ju;;eiueiii  de  trop  de  sévénié,  nous  allons  citer 
une  partie  de  l'article. 

<  (.es  p  upics,  qui  n'ont  aucune  connaissance  de  la 
slinciure  du  yl"be,  croient  que  les  éloiles  sont  sus- 
pendues dans  l'an  el  attachées  au  linnanicnt  par  de 
grandes  cliaines  de  fer;  ils  s'Imaginent  que  la  teire 
repose  sur  truis  énonnes  poissons,  dont  l'un  est  déjà 
mort,  preuve  éviilenie  de  la  lin  prochaine  du  inondi!; 
ils  allinneiil  qu'au  nionient  de  la  naissance  de  eha- 
que  individu,  le  nombre  des  jours  qu'il  doit  passer 
sur  la  leno  ci  la  ipianlilé  de  nouiriture  qu'il  duil 
consouiincr  sont  iHscl•it^  sur  le  livre  du  de^tni.  Chez 
eux,  un  léuioigna^e,  appuyé  du  serment,  n'a  de 
fiicc  qu'ant.int  (pi'il  a  été  f.ni,  non  dans  une  niai  on 
ou  dans  un  temple,  niais  sur  le  terrain  du  cimetière. 
Non  loin  du  bourg  (le  Biliafsk  se  liouve  un  cimetière 
nialiométan,  appelé  Balyu-gniss,  forl  en  honneur 
chez  les  t artares  et  les  15a-kiis  ;  ils  le  regardent 
c<inime  sacré,  el  croient  que  les  dévots  uiiisulniai;s, 
doiu  les  dépouilles  mortelles  nccu'ciii  ce  cliamp, 
font  tons  les  jours  quelque  mir^icle;  en  été,  ce  cinie- 
lière  devient  xm  lien  de  pèlerinage.  Lorsqu'u  i 
honiinc  tombe  malade,  ses  parents  l'ont  venir  le  prê- 
tre 0.1  1110. lali,  i|ui  récite  ijuelipies  par. des  du  Coran 
el  fait  de  fréquentes  aspersions  de  salive  sur  les 
yeux  et  le  visage  du  patient  :  ces  oi.dsons  et  de 
l'eau  claire  sont  les  seuls  ii^oyens  employés  poiir,,*^?^' 
guérir  le  malade.  L'emploi  des  philtres  est  irès-rrjj!»?^.^ 


«27 


BEA 


BEE 


5Ï8 


(liieiil  cliôî  les  Baskirs.  Les  Iraces  il'uiie  supersiitioii 
si  grossière  deviennent  plus  laiiiles  ilcpuis  l'éuihlis- 
sonieni  à  Oienbjurg  d'  nnc  école  appi^lée  liisiiiul  de 
Napliiijeff.  » 

♦  UATAKS.  C'esl  une  peuplade  de  l'ile  dn  S:ima- 
ira  :  file  cioil  à  l'exislence  de  l'Etre  suprême.  D'ail- 
leurs s>^s  doctrine^  n'uni  anrun  rapport  avec  n^lre 
obJHl,  pnnr  les  raisons  rapportées  dans  l'arlicle 
précé'denl.  Nous  n'avons  ciié  ce  peuple  (|ue  parce 
<)u'il  se  trouve  nommé  dins  quelques  éditions  de 
;.  Bergiei'. 

15AYANISME.  Voy.  baïan-smiï. 

»  liÉATE  1>E  CUENZA,  illuminée  espasnnle.  Celte 
femme  se  mil,  en  1805,  à  répandre  qu'elle  avait  des 
communications  inlitiies  avec  Jésus-Clinst,  la  sainte 
Vierge  et  les  saints.  Bientôt  elle  devint  le  sanctuaire 
àe  PiiMi  et  de  toute  la  cour  céleste.  Elle  prit  un  ion 
prophéiicpie,  annonça  la  régénéral  on  du  iiionde, 
une  nouvelle  préd  c^ition  de  l'Evangile,  un  nouvel 
apostolat.  Les  imaginations  vives  des  Espagnols  s'é- 
tnureiit;  on  la  crut  réellement  inspirée.  Bientôt  la 
loule  lui  rendit  des  honneurs  divins,  elle  la  condui- 
sit en  procession  environnée  de  cierges  allumes  : 
plusieurs  ecclésiastiques  parlagi'aienl  la  cioy;inie 
populaire.  Il  était  temps  d'arrêter  une  superstition 
aussi  folle.  La  sainte  inquisiliou  intervint,  condamna 
les  lèves  de  l'ilUKninée,  et  l'empêcha  de  continuer 
ses  extravagances. 

BÉATIFICATION,  acte  par  lequel  le  sou- 
verain ponlife  déclare,  au  sujet  d'une  per- 
sonne dont  la  vie  a  été  sainte,  accompagnée 
de  quelques  miracles,  etc.,  qu'il  y  a  eu  lieu 
de  penser  que  son  âme  jouil  du  bonheur 
éleriiel,  et  en  conséquence  permet  aux  Gdc- 
les  de  lui  rendre  un  culte  religieux. 

La  béatificntiun  diffère  de  la  canonisation 
en  te  que  dans  la  première  le  pape  n'agit  pas 
comme  juge,  en  déterminant  i'élat  du  béatilié, 
mais  seulement  en  ce  qu'il  accorde  à  quel- 
ques personnes,  commeà  un  ordre  religieux, 
à  une  communauté,  etc.,  le  privilège  de 
rendre  au  béatifié  un  culte  particulier, 
qu'on  ne  peut  regarder  comme  superst  lieux, 
dès  qu'il  est  muni  du  sceau  de  l'aulorité  poii- 
lificale,  au  lieu  que  dans  la  canonisation,  le 
pape  parle  comme  juge,  et  détermine  ex  cn- 
//icJra  l'étal  du  nouveau  saint. 

La  cérémonie  de  la  béalifiralion  a  été  in- 
troduite lorsqu'on  a  pensé  qu'il  était  à  [)ro- 
pos  de  permettre  à  un  ordre  ou  à  une  com- 
munauté de  rendre  un  culte  particulier  au 
sujet  proposé  pour  être  canonisé,  avant  que 
d'avoir  une  pleine  connaissance  delà  vérité 
des  laits,  et  à  cause  de  la  longueur  des  pro- 
cédures qu'on  observe  dans  la  canonisation. 

Vot/.   C.AINONISATION. 

BÈAIITIIDE  ,  état  de  félicité  des  saints 
dans  le  ciel.  Voy.  Uonhelr  étebmcl.  Il  n'est 
pas  fort  nécessaire  de  savoir  C'-  que  les  Ihéo- 
logicns  de  l'école  nomment  bcaliliide  objec- 
tive et  bcatitude  formelle. 

BÉATITUDES  liVAiNuicLiot  ES.  On  nomme 
ainsi  les  huit  maximes  que  Jésus-Christ  a 
placées  à  la  léie  du  discours  qui  renrernie 
l'abrégé  de  sa  morale.  L;i  montagne  sur  la- 
quelle 011  iroil  (|Uil  le  lit,  a  conservé  le 
nom  de  Monlaijw  des  biuiiitwles  ,  parce  que 
rcs  maximes  coiiimcncent  par  le  mut  nBATl. 
Ueurrux,  ilil-il,  le»  p'imies  d'espril,  parce 
--^  (juc  le  roijattnic  des  deux  est  à  eux.  L'on 
,'    ^fiiprcnd  que  Jésus-Chris',  par  la  imiyroté 


d'esprit,  entend  le  déiacliementdes  richesses. 
Heureux  les  carnctères  doux,  parce  (/u'ils 
posséderont  tous  les  rd'urs  ;  hein  eux  ceux  qui 
pleurent,  p^rre  qu'ils  seront  consolés;  heureux 
ceux  qui  ont  faim  et  soif  de  In  justice  .  parce 
qu  ils  seront  rassasiés;  heureux  les  hommes 
miséricordieux,  parce  qu'ils  obtiendront  mi- 
séricorde ;  heureux  les  cœurs  purs,  parce 
qu'ils  verront  Dieu;   heureux  les  pacifiques,  i 

parce  qu'ils    seront  apnelés   enfants  de  Dieu;         m 
heureux  ceux  qui  souffrent  persécution  pour  i 

la  justice,  parce  que  le  roi/aume  des  deux  leur 
appartient  (Malih,  v,  3  et  suiv.).  —  Ces 
maximes,  véiifiées  par  l'expérience  des 
saints  de  tous  les  siècles,  n'ont  pas  besoin 
d'apologie  ;  mais  si  l'on  veul  en  avoir  un 
commentaire  très-èlo(|uent,  on  n'a  qu'à  lire 
l'exorde  du  sermon  de  Massil  on  sur  le  bon- 
heur des  saints.  Yoy.  Conseils   évangéli- 

QUES. 

BEDE,  moine  et  prêtre  anglais,  mort  en 
735,  se  flt  adiniier  dans  son  siècle  par  sa 
science  et  sa  piété.  Il  écrivit  l'histoire  ccclé- 
sia><tique  d'Anglelerre  ,  des  commentair.es 
sur  l'Ecriture  sainte,  des  (■ermons  el  d'autres 
ouvrages.  Ils  se  sentent  de  la  dégradation  uîi 
étaient  tombées  les  lettres  au  viii*  siècle; 
mais  ce  vénérable  auteur  est  un  témoin  non 
suspect  de  la  doiliine  crue  et  profe-sée  pour 
lors  dans  l'Eglise  ;  des  écrivains,  même  pro- 
testants, lui  ont  rendu  justice.  Voy.  1  te  dfs 
Pères  et  des  martyrs  ,  etc.,  t.  IV,  p.  621,  632 
el  suiv. 

BÉELPHÉGOK,  dieu  des  Moabites  et  des 
Madianiles.  En  rapprochant  du  texte  sacré 
les  conjectures  des  anciens  et  des  modernes, 
il  parait  i)uc  cette  divinité  était  à  peu  près 
la  même  que  le  l'riape  des  Latins,  le  dieu  de 
la  luxure,  et  qu'il  était  d'une  figure  très- 
obscène,  il  est  dit  dans  le  livre  des  Nombres, 
chap.  XXV,  que  les  filles  des  Moabites  invi- 
tèrent 1rs  Israélites  à  leurs  sacrifices,  qu'ils 
y  allèrent,  qu'ils  adorèrent  les  dieux  de  ces 
filles,  se  firent  initier  au  culte  de  Béelp'iégor, 
et  se  livrèrent  à  la  débauche  avec  elles. 
Dieu,  irrité  de  ce  crime ,  ordonna  à  Moïse  de 
faire  pendre  les  principaux  du  peuple.  Moïse 
commanda  aux  juges  de  incllre  à  mort  tous 
ceux  qui  étaient  coupables  d'idolâtrie.  Phi- 
nées,  pelil-fils  d'Aaron  ,  tua  publiquement 
un  Israélite  avec  une  prostituée  madianite; 
il  [îéril  vingt-ijualre  mille  hommes  à  cette  oc- 
casion. Dieu  (irdounaenciire  à  Moïse  de  trai- 
ter les  Madianites  en  ennemis  déclarés,  el  do 
les  exterminer.  Cet  ordre  fut  exécuté  quel- 
que temps  après  (iViim.  xxxi). 

Cet  exemple  de  sévérité  n'a  pas  trouvé 
grâce  aux  yeux  des  incrédules  ;  ils  ont  ac- 
cusé Moïse  de  cruauté,  d'ingratitude  envers 
les  Madianites  ,  chez  lesquels  il  avait  trouvé 
un  asile  cl  avait  pris  un<î  épouse;  de  bar- 
barie en  mettant  leur  pays  à  feu  et  à  sang. 
—  Le  législateur  des  Hébreux  sera  aiscmenl 
justifié,  si  Ion  veut  faire  quelques  réllexituis. 
1'  Dons  la  république  juive,  et  en  verlu  da 
la  loi  que  Dieu  avait  por;ée  ,  l'idolâtrie  élait 
un  crime  de  lèse-majesté  divine  :  vu  !<■  pen- 
chant invincible  des  Israélites  a  imiter  leurs 
voisins,  et  les  Uctoidresdonl  l'idolùlric  étyiil 


529 


BEG 


BEC 


sso 


toujours  accompagnée,  il  n'y  avait  point 
d'autre  moyen  de  la  prévenir  et  de  l'extirper 
que  de  mettre  à  n)Oit  tous  les  coupables. 
2°  Les  tribus  des  Madianiles  voisines  des 
Moal)ites  n'étaient  point  les  mêmes  que 
Celles  qui  étaient  près  de  l'iilgypte  ,  et  où 
Moïse  s'était  retiré  :  on  voit,  par  l'exemple 
de  Jéihro  son  beau-père  ,  que  celles-ci  ado- 
raient le  vrai  Dieu  ;  les  premières  s'étaient 
corrompues  avec  les  Moabites,  et  honoraient 
Bétlphéijor.  .'J"  La  conduite  de  ces  peuples 
était  une  perfidie;  ils  avaient  suivi  le  con- 
seil détestable  que  Balaam  leur  avait  donné 
de  séduire  les  Israélites  ot  de  les  porter  au 
crime,  afin  d'exciter  contre  eux  la  colère  de 
Dieu  [Num.  xxxi,  16).  Tls  étaient  aussi  cou- 
pables que  s'ils  avaient  envoyé  la  pesti'  dans 
le  camp  des  Hébreux.  i°  Que  les  Israélites, 
les  Moabites,  les  Madianiles  et  tous  les  cou- 
pables aient  été  punis  par  un  supplice,  par  le 
Iléau  de  la  guerre,  par  une  contagion,  etc., 
cela  est  fort  égal  pour  la  justice  divine;  on 
ne  peut  pas  l'.iccuser  plutôt  de  cruauté  dans 
un  de  ces  tas  que  dans  l'autre.  Voy.  Justice 
DE  Dieu. 

BÉKLZÉBUB,  dieu  des  mouches  ;  il  était 
adoré  par  les  Accaronites.  (^oinine  dans  l'O- 
rient les  insectes  sont  souvent  un  lljau  ter- 
rible, il  n'est  pas  surprenant  que  les  peuples 
do  ces  climats  aient  souveiitcbargé  les  dieux 
du  soin  do  les  chasser.  Ainsi  les  (irets  ont 
adoré  Hercule  Muiaypo,-  et  Kopuw^iof,  Hercule 
qui  chasse  les  mouches  et  les  sauierelles  , 
Apollon  i^nbf'ji ,  qui  lue  les  rats,  etc.  Voy. 
l^liiie,  l.  X,  c.  iS;  et  I.  xx,  c.  6.  Ochozias, 
roi  d'Israël,  étant  malade,  envoya  consulter 
Béelzébub,  et  en  fut  puni  par  la  mort  {IV 
Reg.  I). 

Il  est  dit  dans  l'Evangile  que  les  JuiTs  ac- 
cusèrent Jésus-Christ  du  chasser  les  démons 
par  le  pouvoir  de  fieV/^eôuil),  prince  des  dé- 
mons (  Matlh.  XII,  2'i-  ).  Le  Sauveur  leur 
fit  aisément  senlir  qu'il  ne  pouvait  avoir  de 
collusion  avec  l'ennemi  du  salut;  qu'au  con- 
traire il  èiait  venu  pour  le  vaincre  et  lui 
enlever  ses  dépouilles.  La  plupart  des  exem- 
plaires grecs  du  Nouveau  Testament  portent 
Bic'ktiiSo-'À,  le  dieu  des  ordiires  ;  ce  peut  être 
une  faute  des  copistes  grecs, 

BKGtJAHUS  ou  BKliUAKUS,  secte  de  faux 
spirituels  ou  de  faux  dévols,  qui  parut  en 
llalie,  en  France  et  en  Allemagne,  sur  la  fia 
du  xiii'  et  au  commencement  du  xiv°  siècle. 

Avant  cette  époque,  les  albigeois  et  les 
vauduis  s'étaient  fait  remarquer  par  un  ex- 
térieur simple,  mortifie,  dévot;  plusieurs 
renonçaient  à  leurs  biens,  vaquaient  à  la 
prière  et  à  la  lecture  de  l'Kcriture  sainte, 
laisaienl  prolessiin  de  pratiquer  les  conseils 
évaiigéliques.  Cette  régularité  vraie  ou 
feinte,  comparée  a  la  vii'  licencieuse  do  la 
plupart  des  catholiques  ,  et  d'une  partie  du 
cierge,  avait  contribué  beaucoup  aux  pro- 
grès de  l'hérésie  et  au  discrédit  de  l.i  foi  ca- 
tholique. Plusieurs  personnes,  touchées  de 
ce  malheur,  senliieiil  la  nécessté  de  refor- 
mer les  mœurs  et  de  tenir  une  conduite  plus 
conforme  aux  maximes  de  lEvangile.  C'est 
ce  qui  Ut  nailrc  la  multitude   d'ordres  reli- 


gieux et  de  congrégations  que  l'on  vit  éclora 
dans  le  temps  dont  nous  parlons.  Les  esprits 
une  fois  tournés  de  ce  côté-là,  seraient  en- 
core allés  plus  loin,  si  le  concile  de  Lalran, 
tenu  l'an  1215,  n'avait  défendu  d'établir  de 
nouveaux  ordres  religieux,  de  peur  que  leur 
trop  grande  diversité  ne  mît  de  la  confusion 
dans  l'Eglise.  —  Plusieurs  séculiers,  sans 
prendre  l'habit  religieux,  formèrent  aussi 
des  associations  de  piété,  et  s'unirent  entra 
eux  pour  vaquer  à  des  pratiques  de  dévo- 
tion; mais  par  le  défaut  d'instruction  et  de 
lumière,  plusieurs  doniièreiil  bientôt  dan» 
l'illusion,  et  d'un  excès  de  piété  tombèrent 
d.ins  un  excès  de  libertinage.  Tels  furent 
ceux  que  l'on  nomma  beggards ,  frérots  ou 
fratricelles  ,  dulclnistes,  apostoliques,  etc. 
Ces  dilïérentes  sectes  n'avaient  entre  elles 
aucune  liaison  ;  elles  ne  se  ressemblaient  que 
par  la  manière  dont  chacune  s'était  éga- 
rée de  son  côté. 

H  faut  distinguer  des  beggnrdsde  plusieurs 
espèces.  Les  premiers  furent  des  franciscains 
austères  que  l'on  appelait  les  spirituels,  qui 
se  piquaient  d'observer  la  règle  de  saint 
François  dans  toute  la  rigueur,  de  ne  rien 
posséder  en  propre  ni  en  commun  ,  de  vivre 
d'aumônes,  d'être  couverts  de  haillons,  etc. 
Comme  ils  se  séparèrent  de  leur  ordre,  et 
refusèrent  d'obéir  à  leurs  supérieurs  ,  Boni- 
face  Vill  condamna  ce  schisme  vers  l'an  1300. 
Alors  ces  révoltés  se  mirent  à  déclamer 
contre  le  pape  et  contrôles  évoques;  ils  an- 
noncèrent la  réformalion  prochaine  de  l'E- 
glise par  les  vrais  disciples  de  saint  Fran- 
çois, ils  adoptèrent  les  rêveries  de  l'abbé 
Joachim,  etc.  Ils  attirèrent  dans  leur  parti 
un  bon  nombre  de  frères  lais  du  tiers  ordre 
de  Saint-François,  que  l'on  nommait  fratri- 
celles ou  petits  frères ,  en  ilalie  <>ùoc/a  ou 
bt'saciers,  en  France  béguins,  dans  les  Pays- 
Bas  et  en  Allemagne  beggards  ;  de  là  tous  ces 
noms  furmt  donnés  à  la  secte  en  général  : 
comme  tous  les  prédicants,  ils  en  imposèrent 
par  leur  extérieur  mortifié. 

Au  commencement  du  xiv  siècle  il  s'ea 
trouvait  un  grand  nombre  en  Allemagne  le 
long  du  Khin,  surtout  à  Cologne  ;  et  comme 
leur  fanatisme  était  allé  toujours  en  crois- 
sant, leurs  erreurs  se  réduisaient  à  huit 
cliifs  principaux.  1'  Ils  prétendaient  que 
l'homme  peut  acquérir  en  cette  vie  un  tel 
degré  de  perfection,  qu'il  devienne  impecca- 
ble et  ne  puisse  plus  croître  en  grâce.  2'  Ceux 
qui  sont  parvenus  à  ce  digré,  n'ont  plus 
besoin  de  prier  ni  déjeuner;  leurs  sens  sont 
tellement  assujettis  à  la  r.iison,  qu'ils  peu- 
vent accorder  librement  à  leur  corps  tout  ce 
qu'il  demiude.  3°  Parvenus  à  l'etal  de  li- 
berté, ils  ne  sont  plus  tenus  d'obéir,  ni  d'ob- 
server les  iiréceptes  de  l'Ej^lise.  k°  L'Iiomme 
peut  pirvenir  ici-bas  à  la  parfaite  béatitude, 
et  posséder  le  méni!;  degré  de  perfection 
qu'il  aura  dans  l'autre  vie.  5°  Toute  cre.iture 
iiilelligeiile  est  naturellement  bienheureuse, 
et  n'a  pas  besoin  de  la  lumière  de  gloire  pour 
voir  il  posséder  Dieu,  ti"  La  iralique  des 
vertus  est  pour  les  âmes  imparfaites  ;  cellct 


53f 


BEG 


BEL 


S32 


^ui  ont  atteint  la  perfection,  sont  dispensées 
de  les  pratiquer.  7"  Le  simple  baiser  d'une 
'emrae  est  un  péché  mortel  ;  mais  le  com- 
merce charnel  avec  elle  n'en  est  pns  un, 
lorsque  l'on  est  tenlé.  8°  Pcmiant  l'élévation 
du  corps  de  Jésus-Christ,  les  parfaiis  ne  sont 
pas  obligés  de  se  lever,  ni  de  lui  rendre  au- 
cun respect  ;  ce  serait  un  acte  d'imperfec- 
tion pour  eux  de  se  distraire  de  la  conlem- 
pliilion,  pour  penser  à  l'eucliarisiie  ou  à  l;i 
passion  dt;  Jésus-Christ.  Voij,  Dupin  et  le 
P.  Alexandre  sur  le  \iv'  siècle. 

Ces  erreurs  furent  condamnées  dans  le 
concile  général  de  Vienne  sous  Clément  V, 
en  1311  ;  mais  celte  conilamnalion  n'étouffa 
pas  entièrement  l'rrreur  ni  les  désordres 
qui  en  élaient  la  suite.  Us  subsistaient  en- 
core dans  le  xV  siècle.  Leurs  partisans  se 
nommaient  alors  tes  frères  et  les  sœurs  du 
libre  esprit;  on  les  appelait  en  Allemagne 
heggariis  et  schwrstriones,  traduction  du  la- 
tin sororius;  en  Bohême  pi(jards  ou  picards  ; 
en  France  picards  et  lurlupins.  Pour  lors  ils 
avaient  secoué  loute  honte  ;  ils  disaient  que 
l'on  n'est  parvenu  à  l'état  de  liberté  et  de 
perfection  que  quand  on  peut  voir  sans  émo- 
tion le  corps  nu  d'une  personne  de  sexe 
difl'érent  ;  par  conséquent  ils  se  dépouillaient 
de  leurs  habits  dans  leurs  assemlilées  ,  ce 
qui  leur  fit  donner  le  nom  A'adarnites.  Ziska, 
général  des  hussiles,  en  extermina  un  grand 
nombre  l'an  1421.  Quelques-uns  ont  donné 
par  erreur  le  nom  de  frères  picards  aux  hus- 
sites  ;  mais  ces  deux  sectes  n'avaient  rien  de 
commun. 

Au  xvir  siècle  ,  les  sectateurs  de  Mo- 
linos  ont  renouvelé  une  partie  des  erreurs 
des  beggards.  C'en  est  assez  pour  nous  con- 
vaincre que  les  anciens  Pères  de  l'iiglise 
n'en  ont  point  imposé,  lorstpi'ils  ont  attri- 
bué les  mêmes  égarements  et  les  mêmes 
turpitudes  aux  gnostiqnes.  Les  hommes  se 
ressemblent  dans  les  différents  siècles,  et  les 
mêmes  passions  produisent  les  mêmes  elTels. 
Jlisl.  de  l'Ëql.  gallic,  1.  3G,  an.  l.ill. 

BEGGHaKDS  ,  BEtJUlNS  ET  BÉGUINES  ; 
sont  aussi  les  noms  qu'on  a  donnés  aux  re- 
ligieux du  tiers  ordre  de  Sainl-François.  On 
les  appelle  encore  à  présent,  dans  les  Pays- 
Bas,  beggards  ,  parce  (lue  longiemps  avant 
qu'ils  eussent  reçu  la  règle  du  tiers  ordre  île 
Saint-François,  et  qu'ils  fussent  érigés  en 
communaulé  régulière,  ils  en  formaient  déjà 
dans  plusieurs  villes,  vivaient  du  travail  de 
leurs  mains,  et  avaient  pris  pour  patronne 
sainte  Bcgglie,  lille  de  Pépin  le  Vieux,  et 
mère  de  Pépin  de  Herslal ,  princesse  qui 
fonda  le  munaslère  d'Andonne,  s'y  relira  et 
y  mourut,  selon  Si;,'elicrl,  en  tJ'J2.  A  Tou- 
louse, on  les  nomma  béguins  ,  parce  qu'un 
nommé  Harlhélemi  Becliin  leur  avait  donné 
sa  maison  pour  les  établir  dans  cette  ville. 
De  celle  conformiti"  de  nom,  le  peuple  ayant 
pris  occasion  do  leur  impuler  les  erreurs 
des  begghards  et  des  bdguins  condamnéiS  au 
concile  de  \iennc,  les  papos  Clément  V  et 
Uenoît  XIl  déclarèrent,  par  des  bulles  cx- 
pre^Sl■s,  (|uc  ces  religieux  du  tiers  or  Ire  n'é- 
laieni  nullement  l'objeldes  anallièmes  lancés 


contre  les  beggards  et  les  béguins  répandus 
en  Allemagne.  Mosheim  dérive  les  noms 
beggnrd,  béguin,  bégatte,  birjol,  du  vieux 
mol  allemand  beggen,  demander  avec  im- 
portuniti-,  ou  prier  avec  ferveur. 

BÉGUINE,  BÉGUINAGE.  C'est  le  nom 
qu'on  d mue  dans  les  Pays-Bas  à  des  filles 
ou  veuves  qui,  sans  f.iire  de  vœux,  se  ras- 
semblent pour  mener  une  vie  dévnla  el  ré- 
glée. Pour  être  agrégé  au  nombre  des  bégui- 
nes, il  ne  faut  qu'apporter  sulfisammenl  de 
quoi  vivre,  l.e  lieu  où  vivent  les  béguines 
s'appelle  béguinage;  relies  qui  l'habilent 
peuvent  y  tenir  leur  ménage  en  particulier, 
ou  elles  peuvent  s'associer  plusieurs  ensem- 
ble. Elles  portent  un  habillement  noir,  assez 
semblable  à  celui  des  religieuses.  Elles  sui- 
vent de  certaines  règles  générales  ,  el  font 
leurs  prières  en  commun  aux  heures  mar- 
quées; le  reste  du  tem|)S  est  employé  à  tra- 
vailler à  des  ouvrages  d'aiguille,  à  faire  de 
la  dentelle,  de  la  broderie,  etc.,  et  à  soigner 
les  m.ilades.  Il  leur  est  libre  de  se  retirer  du 
béguinage.  Elles  ont  aussi  une  supérieure, 
qui  a  droit  de  comm;inder,  et  à  qui  elles  sont 
tenues  d'obéir  lant  qu'elles  demeureront 
dans  l'élai  de  béguines. 

11  y  a  dans  plusieurs  villes  des  Pays-Bas 
des  béguinages  si  vastes  et  si  grands,  qu'on 
les  prendrait  pour  de  petites  villes.  A  Gand, 
en  Flandre,  il  y  en  a  deux,  le  grand  el  le 
petit,  dont  le  premier  peut  contenir  jusqu'à 
huit  cents  béguines. 

Il  ne  faut  pas  confondre  ces  béguines  avec 
certaines  femmes  qui  élaient  tombées  dans 
les  excès  des  béguins  et  des  beggards,  qui  fu- 
rent condamnées  comme  héretiijues  par  le 
pape  Jean  \il,  et  dont  il  ne  reste  aucun 
vestige.  Vog.  BEGOiRos. 

BÉHÉMOTH.  Ce  mot  signifie  en  général 
bête  de  somme,  et  toute  espèce  de  grands 
animaux.  Selon  les  ral)bins,  il  désigne  dans 
le  livre  de  Job  un  bpuf  d'une  grandeur  ex- 
traordinaire, que  Dieu  a  créé  pour  en  faire 
un  grand  festin  aux  Juifs  à  la  lin  du  monde 
ou  à  la  venue  du  Messie. 

Les  Juifs  sensés  savent  bien  à  quoi  s'en 
tenir  sur  ce  conte;  ils  disent  que  c'est  une 
allégorie  qui  désigne  la  joie  des  justes,  figu- 
rée parce  festin.  Celle  théologie  symbolique 
tient  quelque  chose  du  slyle  des  anciens  pro- 
phéies  :  nous  en  voyons  même  des  exeuij.les 
dans  le  Nouveau  Teiament.  Mais  les  rab- 
bins proposent  crûment  leurs  allégories  ;  ils 
y  ajoutent  des  circonstances  ((ui  les  rendent 
1(!  plus  souvent  ridicules,  el  le  commun  des 
Juifs  les  croit  sans  examen. Samuel  Bothard 
a  montré  dans  la  seconde  partie  de  son 
Ilicroz.,  I.  v,  c.  15,  que  le  bélumulh  de  Job 
est  rhi|)popotame  ou  cheval  maiin  (1). 

BÉLIAL.  L'Ecriture  nomme  enfunis  de  lié- 
Uni  les  méchants,  les  impies,  li  s  hommes 
sans  religion  et  sans  mœurs.  Quelle  que  soit 

(I)  l'n  vny.icenr  a  ronslalé  l'exislence  de  l'aiiii. 
que  Itéliéiiioiii.  C'est,  dil-il,  le  rilaiiiiiKiiilli  mi  Mjsio- 
(ioiite  (|ii'iin  trouve  dans  la  rc^ioil  Si  |ili'iili  i"ii:ile  de 
la  Itiissie.  Un  évalue  son  poids  à  cin(|  niillo  kilu- 
(^ranuiics. 


533 


BEN 


BEN 


534 


l'élymologie  tie  ce  mot  en  hébreu,  il  est  sy- 
noiiyiiie  au  neqnam  des  I.iitins,  et  an  terme 
injurieux  Ap.  vaurien.  Ou('l(i(ii"--uns  préten- 
dent (|iie  Béluû  él.iit  le  nom  d'une  iilnle  des 
Sidoniens  ,  mais  il  n'en  est  itoiiil  question 
dans  les  livres  saints  ;  et  II  n'est  pas  sûr  que 
quand  saint  Paul  dit  :  Quelle  sm-iéti-  y  u-l-il 
entre  Jésiis-CInist  et  Bélial  (Il  Cor.  vi,  15)? 
il  entend  par  là  le  démon  :  rela  pi-ut  siij;ni- 
fior.  quelle  sociélé  y  a-l-il  entre  Jêsns-(]lirist 
et  les  impies»  ou  l'impiété?  —  Koî/.  les  Cou- 
^'oriliiiicea  hélirmqiics. 

liÉNKDICriNS  ,    HÉNÉDICTiNES  ,   ordre 
célèbre,  l'ouilé  fiar  saint   Benoit. 

Mosheim,  qui  n'a  rien  nésliijé  pour  décrier 
les  ordres  inouastiques  ,  est  forcé  d'avouer 
que  le  dessein  de  saint  Benoît  l'ut  que  ses  re- 
liilieux  vécussent  pieusement  et  paisible- 
ment, el  parla^eassenl  leur  temps  entre  la 
prière,  l'étude,  l'éducation  de  la  jeunesse,  et 
les  aulres  oecupalions  pieuses  el  savantes. 
JHist.  ecclés.  (lu  vi«  siècle,  iv  part.,  c.  2,  §  6. 
Tel  est  en  effet  l'esprit  el  le  plan  de  sa  règle. 
Mais  de  quel  front  ce  critique  a-t-il  pu  avan- 
cer ((ue  déjà,  dans  ce  temps-là,  l'Irlande,  la 
Gaule,  l'Alleniaguo  et  la  Suisse  étaient  cou- 
veites  de  couvenis  remplis  de  moines  oisifs 
el  paresseux,  l'anati(|ues  (>t  perdus  de  déhau- 
clics?  Il  est  prouvé  par  tous  les  monuments 
du  VI'  siècle,  que  les  moines  d'Irlande  oli- 
servaienl  la  mèfue  règle  que  ceux  de  10- 
rienl,  partageaient  leur  teirpsenlre  la  prière, 
l'étude,  les  missions,  le  travail  des  mains, 
ou  la  culture  de  la  lerre  ;  que  les  monastères 
élaient  aulant  d'écoles  où  l'on  accourait  pour 
s'inslruii e";  qu'un  grand  nombre  des  abbés 
qui  les  ont  gouvernés,  el  des  é\èques  qui  en 
sont  sortis,  ont  (té  placés  par  les  peuples  au 
nombre  des  saints.  C'est  de  là  que  saint  Co- 
lomban  apporta  dans  les  Gaules,  dans  l'Alle- 
magne el  dans  la  Suisse  la  vie  monastique. 
Il  ('■•t  prouvé  par  les  ouvrages  île  ce  saint 
moine,  qu'il  avait  l'esprit  très-cullivé,  et 
qu'il  établit  dans  les  coiivenls  (ju'il  fonda  la 
même  discipline  qui  ré;;nait  dans  ceux  d'Ir- 
lande, t^e  sont  ses  disciples  qui  ont  défriché 
les  solitudes  dans  lesquelles  saint  Colomban 
les  établit,  pendant  que  des  coiuiuérants  fa- 
roucbes  ravageaient  les  Gaules,  el  portaient 
la  désolaiion  partout.  En  quel  sens  ces  pieux 
solitaires  peuvenl-ils  être  appelés  des  hom- 
mes oisifs,  paresseux,  fanatiques  ou  perdus 
de  débauches? 

Sainl  Benoit  et  saint  Colomban  élaient 
donc  animés  du  même  esprit,  ont  travaillé 
sur  le  même  plan,  et  ont  produit  les  mêmes 
etïeis  ;  ils  n'auraient  [las  eu  des  succès  si 
prodigieux,  s'ils  avaienl  été  tels  que  Mos- 
lieim  veut  peindre  les  moines  :  de  quoi  au- 
raient vécu  les  troupes  de  solitaires  qu'ils 
ont  rassemblés,  si  ceux-ci  n'avaient  pas  été 
très-laborieux?  On  ne  leur  donnait  alors  ni 
des  terres  cultivées,  ni  des  colons  pour  les 
faire  valoir,  puisqu'ils  se  plaç. lient  tous  dans 
les  déserts.  Mais  les  censeurs  de  la  vie  mo- 
nastique demandent,  pourquoi  renoncer  aux 
atT. lires  de  la  société,  aux  devoirs  et  aux 
obligations  de  la  vie  civile,  pour  aller  passer 
sa  »ie  dans  la  solitude  ?  Pourquoi  ? Pour 


se  soustraire  au  brigandage  des  tyrans  et  des 
guerriers  qui  ravageaient  tout,  qui  cepen- 
dant resiiectaient  encore  les  moines  dont  la 
vie  les  étonnait,  et  dont  les  vertus  leur  en 
imposaient.  Pour  vivre  dans  la  société  civile, 
si  ceiiendani  il  y  avait  encore  une  sociélé,  il 
fallait  ou  faire  violence  ou  la  souffrir;  des 
âmes  paisibles  et  vertueuses  ne  pouvaient  si! 
résoudre  ni  à  l'un  ni  à  l'autre,  elles  fuyaient 
au  loin. 

Mosheim  prétend  que  dans  In  suite  des  temps 
Icsdiscipbsdesainl  lîenoît dégénérèrent  linti- 
leiisement  de  la  piété  de  leur  fondateur;  que 
devenus  riches  par  la  Hbéralile  des  persou- 
nes  opulentes,  ils  se  livrèrent  au  luxe,  à 
l'intempérance  el  à  l'oisiveté  ;  ils  se  mêlèrent 
des  affaires  séculières,  se  glissèrent  ilans  les 
cours  ,  multiplièrent  les  superstitions,  tra- 
vaillèrent avec  ardeur  à  augmenter  l'arro- 
gance cl  l'autorilé  du  pimlife  romain.  Mais 
il  avoue  que  saint  Benoît  ne  pouvait  prévoir 
que  l'on  pervertirait  à  ce  peint  le  biil  de  son 
insijiution,  el  qu'il  n'autorisa  jamais  cet 
abus.  —  Voilà  donc  déjà  le  saint  fondateur  à 
couvert  de  tous  reproches;  ses  disciples 
sonl-ils  aussi  coupables  qu'on  le  prétend? 
On  leur  fait  d'aliord  le  procès  par  une  con- 
tradiction ;  on  les  blâme  d'avoir  quitté  le 
monde,  el  ensuite  d'y  être  rentrés  ;  on  les 
accuse  de  fanatisme  ,  pour  avoir  embrassé 
une  vie  pauvre  el  laborieuse  ;  de  luxe,  d'i  i- 
lempérance,  el  de  toutes  sortes  de  Tices, 
pour  .avoir  rendu  leurs  services  aux  princes 
(|ui  les  ap|ielaient  auprès  d'eux.  Que  de- 
vaient faire  les  moines  ? 

Ils  dégénérèrent  dans  la  suite  des  temps, 
nous  le  savons  ;  mais  en  quel  temps,  et  pour- 
(jui?  Lorsque  les  seigneurs,  après  avoir 
pillé  tous  les  biens  profanes,  voulurent  en- 
core envahir  les  biens  sacrés  ,  dépouillèrent 
les  monastères,  vendirent  les  abbayes,  y  pla- 
cèrent leurs  enfants  et  leurs  créatures,  dis- 
persèrent les  moines  ,  leur  ôtèrenl  la  liberté 
de  servir  Dieu,  d'observer  leur  règle  et  de 
vivre  selon  l'esprit  de  leur  état.  Nous  vou- 
drions savoir  si  les  vertus  sublimes  de  leurs 
accusateurs  se  seraient  longtemps  soutenues 
dans  une  pareille  confusion.  Avant  de  déci- 
der si  les  moines  multiplièrent  les  supersti- 
tions, il  faudrait  savoir  si  toutes  les  prati- 
ques qu'il  plaît  aux  protestants  d'appeler 
superstitieuses ,  le  sont  en  effet.  Nous  ne 
douions  pas  que,  réduits  à  la  misère,  à  l'i- 
gnorance ,  à  l'impossibiliié  de  s'instruire 
comme  autrefois,  les  moines  n'aienlquelque- 
fois  employé  quelques  fraudes  pieuses  pour 
en  imposi'raux  brutaux  dont  ils  ledoul aient 
la  raptcité  et  la  violence;  ils  oui  mal  fait, 
sans  doute;  mais  leur  crime  est  du  moins 
diminué  par  les  tristes  circonstances  dans 
lesquelles  ils  se  trouvaient.  Ils  travaillèrent 
à  augmenter  l'autorité  des  souverains  pon- 
tifes dans  un  temps  où  celte  autorité  était  de- 
venue absolument  nécesssaire  pour  répri- 
mer les  attentats  de  la  multitude  des  tyians 
qui  désolaient  l'Eglise  aussi  bien  que  la  so- 
ciété civile.  Si  c'est  un  crime  aux  veux  des 
protestants,  ce  n'en  est  pas  nu  selon  l'avis 
des  hommes  sensés. 


555 


BEN 


IIE.N 


33C 


Nous  traiterons  plus  amplement  cette  ma- 
tière à  l'article  Moine. 

"  BÉNÉDICTINS  DE  SOLE'^MES.  L'ordre  dos  en- 
fants de  Saint-Bennii  avait  disparu  de  la  France 
pendant  la  toiirmenle  révolutionnaire;  l'abbé  r.né- 
renger  résolut  de  la  rétablir.  Secondé  par  Mgr  Bou- 
vier, évêque  du  Mans,  il  inlra  dans  l'ancien  prieuré 
de  Snlesnies,  près  Siblé.  H  était  accompagné  de  neuf 
personnes,  tant  religieux  que  frères  conver>.  Il  adoiita 
la  rénjrnie  de  Saint-Maur  pour  règle.  Grégoire  XVI 
donna  à  cet  ordre  une  existence  canonique,  et  éleva 
la  maison  de  Solcsraes  en  abbiye-chef  d'onlre  en 
France.  Dom  Gnérenger  en  fut  nommé  abbé.  Cet 
ordre  a  déjà  beaucoup  prospéré  et  rendu  d'utiles 
services  à  la  science  ecclésiastique  et  aux  lettres. 

BÉNÉDICTION,  liénir,  c'est  souhaiter  ou 
prédire  quel()ue  chose  d'heureux,  à  une  per- 
sonne à  laquelle  on  veut  du  bien  ;  ainsi  nous 
voyons,  dans  l'histoire  sainte,  des  patriar- 
ches au  lit  de  la  mort  bénir  leurs  enfants, 
leur  souhaiter  et  leur  prédire  les  bienfaits  de 
Dieu. 

Sous  la  loi  de  Moïse,  il  y  avait  des  béné- 
diclions  solennelles  que  les  prêtres  donnairnt 
au  peuple  dans  certaines  cérémonies.  Moïse 
dit  au  grand  prélre  Aaron  :  Quand  vous  bé- 
nirez les  eiifanis  d'Israi^l,  vous  dirpz  :  Que  le 
Seigneur  fasse  briller  sur  vous  ta  lumirre  de 
son  visage,  qu'il  ail  pitié  de  vous,  qu'il  tourne 
sa  face  vers  vous,  et  quilvous  donne  sa  paix.» 
{Num.  IV,  2't-.}  Le  ponlife  prononçait  ces  pa- 
roles debout,  à  voix  haule,  les  mains  éten- 
dues et  les  yeux  élevés  vers  le  ciel.  Les  pro- 
phètes et  les  hommes  inspirés  donnaient 
aussi  des  ftene'd/crons  aux  serviteurs  de  Dieu 
et  au  peu[jle  du  Seigneur.  Les  psaumes  sont 
remplis  de  bénédictions  on  souhaits  heureux 
en  faveur  des  Israélites.  —  Dieu  ordonna 
que  quand  ce  peuple  serait  arrivé  dans  la 
Terre  promise,  on  le  rassemblât  entre  les 
montagnes  d'Hobal  et  de  Garizim;  que  sur 
celle-ci  l'on  prononçât  des  bénédictions  pour 
ceux  qui  observeraient  la  loi,  et  sur  l'autre 
des  malédictions  contre  les  prévaricateurs  : 
c'est  ce  qui  fut  exécuté  par  Josuê,  chap.  8, 
V.  33. 

Dans  le  christianisme,  les  bénédictions  se 
donnent  par  le  signe  de  la  croix,  pour  f.iire 
souvenir  les  fidèles  que  les  bienfaits  de  Dieu 
leur  sont  accordés  par  les  mérites  de  la  mort 
de  Jésus-Christ,  comme  l'enseigne  saint  Paul 
[Eph.  1,3}. 

Bénédiction,  dans  l'Ecriture  sainte,  signi- 
fie souvent  bienfaits,  les  présents  que  se  font 
les  amis  ;  parce  (|u'ils  sont  ordinairement 
acconipat^nés  de  souhaits  heureux  de  la  part 
de  ceux  qui  les  donnent  et  de  ceux  qui  les 
reçoivent  (Gen.  xxiii,  2;  Josue,  xv,  1!)  ;  / 
/(eg.  x\v,  27,  etc.).  Dans  ce  sens  les  bien- 
faits de  Dieu  sont  appelés  bénédictions,  lors- 
qu'on dit  :  (^)ue  le  .S(!,gncur  vous  bénisse, 
c'est-à-dirc,  qu'il  vous  fasse  du  bien. 

BÉNÉDicrioN  signifie  encore  abondance. 
"  Celui,  dit  saint  Paul,  qui  sème  avec,  épar- 
gne, moissonnera  peu  ;  et  celui  qui  sème  en 
bénédiction  ou  en  abondance  ,  moissonnera 

en   bénédiction Que    la    bénédiction  ou 

l'aumône  que  vous  avez  promise  soit  toute 
prêle,  et  qu'elle  soit,  comme  elle  est  vérita- 


blement, une  bénédiction,  et  non  nn  don  de 
l'avarice  »  Hl  Cor.  ix,  5  et  6).  Jacob  sou- 
haite à  son  fils  Joseph  les  bénédictions  du 
ciel,  c'est-à-dire  la  pluie  et  la  rosée  en  abon- 
dance, les  bénédictiiins  des  entrailles  et  des 
mamel'es,  ou  la  fécondité  des  femmes  et  des 
animaux  {Gen.  xlix,  15).  Le  psalmiste  dit  au 
Seigneur  :  Vous  remplissez  toute  créature  vi- 
vante de  BÉNÉDICTION,  ou  de  l'abondance  de 
vos  biens  {Ps.  cxliv,  16). 

Bénir  est  quelquefois  employé  par  anti- 
phrase pour  maudire.  Les  faux  témoins  npos- 
lés  contre  Naboth,  l'accusèrent  d'avoir  béni 
Dieu  et  le  Roi,  d'avoir  mal  parlé  de  l'un  et  de 
l'auire  {III  Reg.  xxi,  13). 

BÉNÉDICTION  DE  l'Eguse.  Quaud  on  se 
rappelle  la  multitude  des  superstitions  du 
paganisme,  et  la  nécessité  d'en  déshabituer 
les  nouveaux  fidèles  ;  qu:ind  on  sent  com- 
bien il  est  important  de  rappeler  aux  hom- 
mes que  tous  les  biens  de  ce  inonde  sont  des 
dons  de  Dieu,  qu'il  faut  en  faire  un  usage 
modéré,  que  Dieu  ne  nous  les  accorde  pas 
pour  nous  seuls,  etc.;  on  conçoit  pourquoi 
l'Eglise  a  institué  des  formules  de  bénédic- 
tions de  toute  espèce,  pourquoi  elle  bénit  les 
maisons  et  les  campagnes  ,  les  fontaines  et 
les  rivières,  les  animaux  elles  aliments,  etc. 

Le  commun  des  païens  croyait  que  toutes 
les  parties  de  la  nature  étaient  animées  par 
des  esprits  ou  génies  qu'ils  adoraient;  les 
philosophes,  défenseurs  de  l'idolâtrie,  sou- 
tenaient que  les  aliments  et  les  .lulres  cho- 
ses usuelles  étaient  un  pré-ent  de  ces  génies 
ou  démons;  les  niarcioniles  et  les  mani- 
chéens prétendaient  qiie  tous  les  corps 
avaient  été  formés  par  un  mauvais  principe 
ennemi  de  Dieu.  Pour  combattre  toutes  ces 
erreurs  et  en  désabuser  les  fidèles,  rien  n'é- 
lait  plus  convenable  que  les  bénédictions  de 
l'Eglise.  Toute  créature  de  Didtest  bonne,  dit 
saint  Paul  ;  elle  est  sanctifiée  par  ta  parole  de 
Dieu  et  par  la  prière  (  I  Tim.  iv,  4  et  5  ).  Or, 
\cs  bénédictions  sont  des  prières;  c'est  donc 
ici  un  usage  apostolique. 

Dans  les  grandes  villes,  où  l'on  se  débar- 
rasse tant  que  l'on  peut  de  l'extérieur  de  la 
religion,  où  l'on  traite  de  dévotions  popu- 
laires les  pratiqui's  les  plus  louables,  on  a 
perdu  l'usage  dont  nous  parlons  ;  mais  le 
peuple  des  campHgi\es,  qui  se  sent  plus  im- 
médiatement sous  la  main  de  Dieu,  qui  voit 
souvent  sa  fortune  et  ses  espérances  détrui- 
tes par  un  fléau;  qui  conçoit  que  rien  ne 
peut  prospérer  si  Dieu  n'y  met  la  main,  re- 
court plus  souvent  aux  prières  de  l'Eglise, 
y  ajoute  de  bonnes  œuvres,  des  aumônes, 
qnebjuc  service  rendu  aux  pauvres,  etc.  La 
religion  conserve  ainsi  et  nourrit  en  lui  les 
sentiments  d'humanité. 

L'usage  qui  a  toujours  été  observé  dans 
l'Eglise  catholique  de  bénir  et  de  consacrer 
tout  co  qui  sert  au  culte  divin,  les  habils  sa- 
cerdotaux, les  linges  et  les  vases  de  l'autel, 
les  édifices  mêmes  dans  lesquels  on  t"élèbre 
les  saints  mystères,  est  un  téuimgn.ige  de 
sa  foi  :  par  là  elle  fait  voir  la  haute  idée 
qu'elle  a  de  ses  mystères  mêmes  par  lesquels 
le  Fils  de  Dieu  daigne  se  rendre  réclleaienl 


857 


BËN 


BEN 


présent  parmi  nous.  Comme  les  protes- 
tants se  sont  départis  de  cette  croyance  an- 
cienne et  univiTsi'llc.  il  leur  a  fallu  suppri- 
mer tout  cet  appareil  extérieur  (jui  dépo- 
sait contre  eux.  —  Mais  ils  ne  sont  pas  venus 
à  bout  de  prouver  que  les  bcnédiclions 
étaient  d'une  institution  moderne  ;  la  plu- 
jjart  se  trouvent  dans  le  Sacranieiilairc  de 
saint  Gréjîoire  :  celui-ci  était,  dans  le  fond,  le 
même  que  celui  ilu  pape  Gélase,  qui  vivait 
au  cinquième  siècle,  et  ce  pape  n  en  était 
pas  le  premier  auteur.  Aussi  sont-elles  en- 
core usitées  chez  les  différentes  sectes  de 
chrétiens  orientaux,  séparés  de  l'Eglise 
mmaine  depuis  plus  de  douze  ans.  Les  pro- 
testants qui,  nialf^ré  l'autorité  de  saint  Paul, 
traitent  toutes  ces  cérénonies  de  supersli- 
tions,  aurai>'nt  dû  cotiimencer  par  f  lire  voir 
en  quoi  elles  sont  opposées  <à  la  vraie  piété, 
à  la  confiance  de  Dieu,  à  la  reconnaissance, 
à  l'ohéiss;iiice,  etc. 

HÉNÉFICE,  Nous  laissons  aux  canonis- 
(es  le  Soin  de  recherchi-r  l'orii^ine,  la  nature, 
les  différentes  espèces  de  bénéfices,  la  ma- 
nière dont  ils  peuvent  être  remplis  ou  va- 
cants, etc.;  il  suffit  à  un  théologien  d'ob- 
server que  tout  revenu  ecclésiastique  est 
essentiellement  attaché  à  un  olfice  ou  à  un 
service  quelconque  rendu  à  l'Kglise.  selon 
la  majiiine  :  lienelicium  pmpter  officium. 
Que  ce  service  consiste  en  prières,  en  tra- 
vaux apostoliques,  en  fondions  d'ordre  ou 
de  Juridiction,  cela  est  égal;  l'oblii^ation  de 
les  acquitter  est  la  même,  ou  ne  peut  autre- 
ment avoir  droit  de  percevoir  le  revenu  qui 
y  est  attaché.  Ce  revenu  n'est  point  une  au- 
mône qui  n'oblige  à  rien,  mais  un  salaire; 
ce  n'est  point  un  bienfait  pur,  ni  une  sub- 
stance gratuite  :  c'est  une  solde,  un  hono- 
raire payé  à  titre  de  justice. 

De  là  s'ensuit,  1"  l'obligation  d'acquitter 
ces  fonctions  par  soi-même,  quand  on  le 
peut,  et  non  par  d'auires;  par  conséquent 
de  résilier.  2°  De  distribuer  aux  pauvres  le 
superflu  du  revenu,  c'est-à-dire  tout  ce  qui 
excède  le  nécessaire  convenable;  parce  que 
l'intention  de  l'Eglise  est  de  nourrir  ses  ser- 
viteurs, et  non  de  les  enrichir.  3'  De  se  con- 
tenter d'un  seul  bénéfice,  lorsqu'il  suffit  pour 
fournir  au  possesseur  une  subsistance 
honnête. —  Cette  morale,  rapprochée  de  l'u- 
sage actuel,  paraîtra  peut-être  sévère;  mais 
les  abus  invétérés,  les  subtiles  distinctions 
des  casuites,  les  prétextes  de  la  cupidité, 
l'exemple  ni  l'autorité,  ne  prescriront  ja- 
mais contre  l'évidence  des  devoirs  d'un  bé- 
néficier. Ils  sont  fondés  sur  la  loi  naturelle, 
sur  la  lui  divine,  sur  les  lois  ecclésiastiques 
les  plus  anciennes,  en  particulier  sur  les 
décrets  du  concile  de  Trente.  Si  l'Eglise 
réunissait  le  pouvoir  coactif  à  l'autoriie  lé- 
gislative, elle  forcerait  certainement  les  bé- 
iiéficiers  à  exécuter  ce  qu'elle  leur  ordonne. 
—  Si  les  bénéfices  simples  ont  été  trop  mul- 
tipliés, ce  n'est  pas  à  l'Eglise  qu'il  faut  s'en 
prendre.  L'ambition  des  séculiers,  la  v.mité 
du  droit  de  iiatrou.'ge,  l'orgueil  des  grands 
qui  veulent  avoir  des  ecclésiastiques  a  leurs 
ordres,  la  mollesse  qui  trouve  !o  culie   pu- 


m 


blic  trop  pénible,  et  préfère  sa  commodilé  à 
la  communion  des  saints,  des  dévolions  ou 
des  restitutions  mal  entendues,  etc.;  voilà 
les  sources  ordinaires  des  abus.  L'Eglise  a 
beau  faire  des  lois,  les  passions  trouveront 
toujours  plus  de  moyens  de  les  éluder,  que 
l'autorité  la  plus  active  n'en  trouvera  pour 
les  faire  exécuter. 

C'est  aujourd'hui  une  question  de  savoir 
si,  de  droit  n.ilurel  et  de  droit  divin,  les  mi- 
nistres de  l'Eglise  sont  habiles  ou  inhiibiles 
à  posséder  des  biens;  autiefois  le  simple 
doute  sur  ce  point  aurait  paru  absurde.  — 
En  effet,  selon  les  principes  de  l'équilé  na- 
turelle, tout  homme  dévoué  au  service  du 
piililic  a  droit  d'eu  recevoir  l,i  siibsisiaiice, 
quelle  iiiie  soit  la  nature  des  fondions  qu'il 
est  chargé  de  remplir;  tel  a  été  et  tel  est  en- 
core le  sentiment  de  tous  les  peuples  du 
monde:  mais  parmi  nos  jurisconsultes  mo- 
dernes ,  (iuel(iues-uns  <mt  Iroiivé  bon  de 
douter  s'il  est  de  la  justice  d'alimenier  des 
hommes  préposés  pour  présider  au  culte  di- 
vin, pour  donner  des  leçons  de  morale  el  de 
vertu,  pour  instruire  les  ignorants,  pour 
corriger  les  pécheurs,  pour  assister  les  pau- 
vres et  les  malades.  Cependant  l'on  n'a  pas 
mis  en  question,  si  les  ecclésiastiques  sont 
obligés  en  conscience  d'exercer  leurs  fonc- 
tions; l'on  a  su|iposé,  avec  riison,  qu'ils  y 
sont  tenus  par  jusiice;  et  lorsqu'ils  y  man- 
quent, on  sait  bien  le  leur  reprocher.  Puis- 
que toute  obhi^atiou  de  jusiice  est  récipro- 
que, il  est  difficile  de  concevoir  comment  le 
public  peut  éire  exem|)t  de  celle  de  pourvoir 
a  la  subsistance  de  ceux  qui  le  servent.  — 
Il  n'est  donc  pas  vrai  que  la  subsistance  ac- 
cordée aux  minisires  de  l'Eglise  soit  une 
pure  aumône,  une  franche  aumône,  comme 
il  plaît  à  certains  canomstes  de  la  nommer. 
L'aumône  n'engage  à  rien  le  pauvre  qui  la 
reçoit;  c'est  un  don  de  charité,  un  secours 
purement  gratuit,  quoique  commandé  par 
la  loi  de  Dieu  naiurelle  et  positive;  la  solde, 
au  contraire,  la  relribution,  l'honoraire,  que 
perçoit  un  ministre  de  l'Eglise,  lui  imposent 
le  devoir  rigoureux  <rexercer  ses  fonctions 
pour  l'avantage  spirituel  des  fidèles  :  c'est  de 
part  et  d'autre  jnslicp,  et  non  charité. 

Jésus-t^hrist,  qui  est  venu  sur  la  terre,  non 
pour  détruire  ou  pour  changer  le  droit  na- 
turel, mais  pour  le  mieux  laire  conuaitre, 
n'y  a  point  dérogé  sur  ce  point  :  il  s'est 
borné  à  prévenirles  abus.  Après  avoir  donné 
à  ses  disciples  le  pouvoir  d'opérer  des  mi- 
racles pour  prouver  leur  mission,  il  leur 
dit  :  Viius  avez  reçu  (/rattiitemenl  ces  dons, 
accordez-les  yraluilemenl.  N'ayez  ni  or,  ni 
argent,  ni  monnaie,  ni  provision  pour  vos 
voi/aijes,  ni  habit  double,  ni  chaussure,  ni 
arme  .l)our  vous  défendre;  l'ouvrier  est  di- 
gne DE  SA  NOURRiTi-RE.  (Matlh.  X,  8).  Il  ne 
leur  dclend  donc  pa-.  de  recevoir  leur  sub- 
sistance, mais  de  vendre  leurs  fonctions  et 
d'eu  faii e  commerce  pour  s'enrichir.  11  les 
assure  que  celle  subsistance  ne  leur  man- 
quera j.imais.  Lorsque  je  vous  ai  envoyés 
sans  argent,  sans  provisions  et  sans  habttt, 
avez-vous  manqué  de    rien?  Non,  répondi- 


539 


BEN 


BEN 


540 


rent  les  disciples  {Luc.  xxii,3o). —  N'avons- 
nous  pus  droit,  disait  s.iinl  Paul,  de  recevoir 
notre  nourriture?...  Qui  porta  jamais  /'■,<  or- 

m'S  à  ses  dépens? Celui  qui  cuUive  la  terre 

et  celui  qui  foule  le  qruin.  le  font  dons  l'<s- 
pérance  d'en  recueillir  le  [mit:  si  nous  avons 
semé  parmi  vous  les  dons  sp  rituels,  est-ce  une 
grande  récompense    d'en    recevoir    quelques 

dons  temporels? Ceux  qui  sont  occupés 

dans  le  lieu  saint  virent  de  ce  qui  est  offert, 
et  ceux  qui  servent  à  l'autel  participent  au 
sacrifice  :  ainsi,  le  Seiqnciir  a  réglé  que 
ceux  qui  annoncent  l' Evangile  vivraient  de 
l'Evangile;  mais  je  n'ai  jamais  usé  de  ce  droit 
{1  Cor.  IX,  4).  Kii  tffcl,  cet  apotie  Iravaillail 
de  ses  ni.iiiis,  afin  de  n'èire  à  cliaruti  à  per- 
soiiiii'  (Act.  XX,  34-);  mais  il  n'en  ûl  jamais 
une  loi  aux  autres  prédicateurs  df  l'Ev  m- 
gile.  Lorsque  les  vaudois  et  les  wicléfitcs 
soulinreiU  qu'il  n'ctail  pas  permis  aux  nii- 
Dislres  de  l'Eglise  de  rien  posséder,  ils  fu- 
rent condamnés  par  les  concile^  généraux 
de  Latran  et  de  Constance  ;  mais  les  enne- 
mis du  clergé  ont  toujours  fait  profession 
de  mépriser  les  censures  de  l'Egli-e. 

Que  la  manière  de  pourvoir  à  la  subsis- 
tance des  occlésrastiiiui's  ait  varié,  qu'on 
leur  ail  accordé  ou  les  oblaiions,  ou  la  dime, 
ou  des  fonds,  cela  est  indiffèrent,  et  cela  ne 
change  rien  à  la  nature  de  leur  droit.  Sur 
ce  point,  comme  sur  tous  les  antres,  la  dis- 
cipline s'accommode  aux  circonstances,  aux 
révolutions,  aux  besoins  ou  aux  inconvé- 
nients qui  peuvent  survenir  ;  la  lui  naturelle 
et  la  loi  divine  positive  demeurent  les 
uiémes.  —  Il  y  a  des  preuves  certaines 
qn'avant  le  iv"  siècle  ,  et  avant  la  (on- 
viTSion  des  empereurs,  les  l'glises  chré- 
tiennes possédaient  déjà  des  fonds,  puisiju'ils 
furent  c(mlis(]ués  par  IJiocléticn  et  par  iMa- 
ximien,  l'an  302;  ils  furent  restiués  en 
veriu  de  l'éilit  de  t^onstantin  et  de  Licinius, 
en  313.  (Kusebe,  Vie  de  Const.,  1.  ii,  c.  39. 
Lactance,  de  Mort,  prefecl.,  c.  48.  )  .lulien 
s'en  empara  de  nouveau;  après  sa  mort,  ils 
furent  rendus. 

A  ces  preuves,  qui  nous  paraissent  claires, 
on  oppose,  1°  que  Jésus-Ctirist  a  ordonné  à 
ses  apôtres  d'exercer  leur  ministère  gratni- 
tement  ;  mais  nous  venons  de  voir  qu'en 
même  temps  il  leur  alirii)ue  le  droit  à  une 
subsistance.  Vendre  des  fonctions  et  des 
dons  surnaturels,  les  mettre  à  prix,  vou- 
loir en  faire  pa>erla  valeur,  c'est  une  pro- 
fanation, c'est  ie  crime  que  saint  Pierre  re- 
procha à  Simon  le  M  igiiien,  qui  voulait 
acheter  des  apôtres,  à  prix  d'argent,  le  pou- 
voir de  donner  le  Saint-f-lsprit.  Mais  une 
solde,  un  hiinoraire,  une  subsistance  accor- 
dée à  un  homme  occupé  de  quelques  fonc- 
tions, n'est  ni  un  prix,  ni  un  payement  de 
ces  fonctions;  le  prix  est  relatif  à  la  valeur 
de  la  chose;  l'honoraire  est  attaché  à  la 
place  et  à  la  personne;  il  est  égal  pour 
(nus  ceux  qui  exercent  telle  fonction,  quoi- 
(jne  leur  mérite  personnel,  leurs  lalenls, 
leurs  services  soient  fort  inégaux.  Quand 
on  dira  qu'un  médecin  \cnd  la  san^é,  qu'un 
avocat  cl  uu  magistrat  font  commerce  de  la 


justice,  qu'un  militaire  met  sa  vie  à  pris, 
qu'un  ofQcier  public  trafique  de  ses  servi- 
ces, etc.;  ces  expressions  ib'  mépris,  qup  la 
nialiguité  invente,  et  auxque  les  la  suttise 
applaudil,  ne  chingcronl  pas  la  nature  des 
choses,  et  n'aviliront  pas  des  fonctions  res- 
pect.ibles  d'ailleurs. — 2°  Une  seconde  ob- 
jection est  que  Jé-us-Cbrisl  a  défendu  à  ses 
apôtres  de  rien  posséder;  mais  il  les  avertit 
en  même  temps  que  tout  ouvrier  est  digue 
de  recevoir  sa  subsislmce:  il  a  donc  im- 
posé aux  fidèles  l'obligation  de  la  f  lurnir 
aux  ouvriers  évangéliciues.  La  manière  du 
satisfaire  à  ce  devoir  a  dû  être  relative  aux 
circonstances.  Les  apôtres,  envoyés  i;our 
prêcher  l'Evangile  à  toutes  les  nations,  ne 
pouvaient  pas  être  séilentaires  dans  une 
seule  église;  mais  ils  ont  établi  dans  cha- 
cune des  pasteurs  en  titre,  auxquels  les  fidè- 
les ont  dû  assigner  une  subsistance  fixe  et 
assuiée  :  c'est  ce  qui  a  fait  établir  les  héné- 
fices.  — 3°  L'on  a  soutenu  (|ue  la  réliibulion 
due  aux  ministres  de  l'Eglise  est  tout  au 
plus  une  aumône,  et  que  la  possession  des 
biens-fonds  en  cbanger.iil  la  nature.  Nous 
avons  l'ait  voir  que  c'est  un  honoraire,  tel 
que  celui  qu'on  accorde  aux  magistrats,  aux 
médecins,  aux  militaires  et  à  tous  les  offi- 
ciers publics  :  or,  celui-ii  n'est  pas  une  au- 
mône. —  4°  L'on  a  |iosé  pour  maxime  que 
l'E^glise  est  un  corps  étranger  à  l'Etat,  qu'il 
est  donc  inhabile  à  posséder  aucun  bien. 
Comme  par  1  Eglise  on  entend  sans  doute 
lis  ecclésiastiques,  nous  ne  comi)renons  pas 
comment  un  corps  de  citojens  occupés  à 
servir  le  public,  soumis  aux  lois  civiles,  qui 
porte  sa  part  des  charges  communes  ])nr 
les  senices  qu'il  rend,  peut  èire  étranger 
à  l'Etal.  Il  n'est  pas  plus  étranger  que  le 
corps  des  militaires;  et  l.irsque  nos  rois  ac- 
cordèrent à  ceux-ci  des  fiefs  pour  leur  tenir 
lieu  de  solde,  nous  ne  vo, ons  pas  qu'ils 
aient  dérogé  au  droit  naturel.  (Juaud  le 
clergé  serait  un  i  orps  d'étrangers,  comment 
prouvera-t-on  qu'ils  sont  inhabiles  à  pos- 
séiler  des  fonds,  dès  qu'ils  rendent  un  ser- 
vice bahiiuel,  et  dès  que  le  souverain  et  la 
naiion  leur  ont  assigné  ces  fonds  pour  satis- 
faire à  l'obligation  naturelle  de  les  susten- 
ter? Les  régiments  étrangers  ont-ils  moins 
de  droit  à  une  solde  que  les  nationaux?  — 
S°  Pour  prouver  que  l'Eglise  est  inca|)able 
de  posséder,  l'on  a  fait  remarquer  qu'olle 
ne  peut  pas  aliéneCses  fonds,  que  la  pro- 
priété lui  est  inutile;  que  c'est  donc  le  sou- 
verain et  la  naiion  (|ui  sont  les  vrais  pro- 
priétaires (les  biens  de  l'Eglise.  Sans  dispu- 
ter sur  la  n;;lure  des  différentes  propriétés, 
il  nous  sulfit  do  prouver  que  les  ecclésiasti- 
ques ont,  de  droit  naturel,  l'usufriiii  perpétuel 
des  biens  de  l'I'^glise.  parce  que  leur  service 
est  perpétuel.  Le  droit  d'aliéner  ces  biens 
serait  ilircc'ement  contraire  au  but  pour  le- 
quel ils  ont  élé  doiinés,  qui  est  de  sul)\onir 
il  un  besoin  perpétuel,  et  de  remplir  une 
obligation  de  justice  qui  ne  cesse  point. 
Celte  espèce  de  prapriéé  n'est  point  inutile, 
puis(iii'elle  met  les  ministres  de  l'Eglise  à 
C  uvcrl  du  danger  de   manquer  de  subsi- 


541 


BEN 


BER 


stanco,  et  qu'elle  les  engaiie  à  rendre  meil- 
leurs (les  foiiils  dont  ils  savent  que  la  pos- 
session ne  leur  S'Ta  poinl  6lée.  Il  nous 
paiiiît  absurde  d'atirihuir  au  souverain  et  à 
la  nation  une  prélrndnc  pruprirlé  dont  ils 
ne  fieineiit  lé-iilirnement  faire  usaiçe  que 
pour  investir  un  suce  ssenr  dn  mènie  droit 
que  son  prédécesseur.  —  G'  Quelques-uns 
ont  avancé  (|ue.  du  moins  en  Fr/incn,  les 
ercésiasliiines  sont  inhabiles  à  posséder  des 
fonds,  parce  que  ee  sont  nos  rois  qui  ont 
dolé  les  e<jli--»'s.  II  est  dit,  ilans  le  premier 
concile  d'Orléans  tenu  l'an  507,  can.  'i-  et  5, 
que  Clovis  a  d  inné  des  terres  auK  églises, 
qu'il  a  concédé  aux  clercs  l'impunité  réell(! 
et  |iersonnelle.  ("onsé(|uemiiient  le  cotuMle 
règle  l'usage  que  l'on  doit  faire  des  revenus. 
—  Mais  si  Clovis  a  donné  des  terres  aus 
églises,  ce  sont  donc  les  églises  ((ni  les  pos- 
sèdent; autrement  le  don  serait  illusoire.  De 
même,  lorsque  nos  rois  ont  accordé  des  fiefs 
aux  militaires,  ceux-ci,  ei  non  d'autres,  les 
ont  possédés.  Avant  Clovis,  il  y  avait  en 
France  des  églises  fondées  depuis  plus  di; 
Irois  cents  ans,  et  des  ministres  pour  les 
desservir;  il  y  avat  donc  des  revenus,  quels 
qu'ils  fussent,  pour  les  faire  subsister.  La 
plupart  des  égli^es  avaient  été  dépouillées 
et  ruinées  par  les  Barbares  ;  Clovis  sentit  la 
jusliie  d  •  leur  rendre  ce  qu'on  leur  avait 
ôlé,  ou  l'équivalent.  La  distribution  des  le- 
veiius,  orilonnee  par  le  concile,  prouve  en- 
core que  les  évéques  se  regardaient  comme 
possesseurs  Irès-légilinics. 

Si  les  ennemis  du  clergé  étaient  mieux 
instruits,  ils  ne  raisonneraient  pas  si  mal; 
ils  sauraient  qu'au  commencement  du 
VI»  siècle  le  nombre  des  hommes  était  dimi- 
niu';  au  moins  de  moitié  de  ce  qu'il  avait 
été,  dans  les  Caules  et  dans  tout  l'empire 
nuiiain,  sous  le  règne  d'Au;;uste;  le  reste 
avait  péri  par  les  ilévaslaiious  des  Barbares, 
par  les  guerres  civiles  entre  les  divers  pré- 
tendants à  l'empire,  par  le  mauvais  gou- 
vernement des  empereurs,  par  les  conta- 
gions, sûtes  ordinaires  de  la  guerre;  par 
Cnnsé(|uent  il  y  avait  pour  lors  au  moins  la 
moitié  ries  terres  en  friche,  lin  ne  consul- 
tant même  (lue  rinlérèt  politique,  Clovis  ne 
pouvait  rien  taire  de  mieux  que  d'en  accor- 
der une  parlie  .lUX  ecclésiastiques,  afin 
qu'ils  les  remissent  en  valeur;  indépendam- 
ment des  motifs  de  religion,  l'immunité  qu'il 
y  ajoula  était  l'ondée  sur  la  même  raison 
que  la  déci  iralion  du  roi  Louis  XVI,  de 
l'année  ITid,  qui  accorde  vingt  ans  de  fran- 
chise aux  terres  nouvellement  mises  en  cul- 
ture. 

Du  moins,  dit-on,  il  vaudrait  mieux  que 
les  ministres  de  l'Ealise  fussent  alimeniés 
par  des  pensions.  Mais,  dès  les  premiers 
siècles,  on  a  senti  les  incon\  énients  de  ce 
mieux  prétendu;  c'est  ce  qui  a  délerminé 
les  souverains  et  les  nations  à  leur  assiiincr 
des  fonds.  A  la  décadence  de  la  maison 
de  Charlema  ne,  le  cierge  fut  à  peu  près 
anéanti,  parce  qi:e  les  siigneurs  s'emparè- 
r(-nl  des  biens  de  l'Eglise;  li;  peuple,  privé 
do  secours  spirituels,  fut  obligé  de  recourir 


Ui 


aux  moines,  ou  de  faire  subsister  les  eccle- 
si.isliques  à  ses  frais.  —  fendant  la  peste 
noire  de  l'an  13i8,  la  plupart  des  mourants 
qui  avaient  vu  périr  leur  famille  entière  et 
leurs  héritiers,  laissèrent  leurs  biens  aux 
églises,  aux  monastères,  aux  hôpitaux;  à 
qui  devaient-ils  les  donner  ? 

S'il  nous  est  permis  de  copier  les  réflexions 
que  l'on  a  opposées  plus  d'une  fois  aux  re- 
formaleiirs  de  la  discipline  actuelle,  nous 
leur  dirons,  1°  qu'il  est  utile  au  bien  de  l'Etat 
«lu'il  y  ait  de  riches  propriétaires,  parce 
qu'ils  S'int  en  état  de  faire  de  fortes  avances 
pour  améliorer  les  fonds.  2"  Ou'il  est  bon  que 
les  fonds  changent  souvent  de  main,  parce 
qui'  dans  le  nombre  des  pos-oseurs,  il  s'en 
trouve  tôt  ou  tard  quelqu'un  qui  répare  la 
négligence  de  ses  prédécesseurs.  3°  Que  la 
quantité  des  biens  donnés  au  clergé  est  une 
atteslation  des  services  qu'il  a  rendus  aux 
peuples,  surtout  dans  des  temps  malheureux. 
Ceux  qui  ont  lu  Vhisloire  ecclésia.^lii/iie  sa- 
vent ([ue  les  églises  ont  été  enrichies  par  hs 
souverains,  par  les  évêques,  qui,  en  se  dé- 
vouant au  service  d'une  église,  lui  donnaient 
leur  patrimoine;  par  de  riches  paniculicrs 
qui  mouraient  sans  héritiers  nécessaires; 
par  des  seigneurs  à  qi;i  la  conscience  repro- 
chait des  concussions,  et  qui  ne  pouvaient 
les  réparer  aulremenl,  etc.  Aucun  de  ces 
moyens  d'acquérir  n'est  illégilime.  k'  Toutes 
les  fois  que  les  biens  ecclésiastiques  oui  été 
pillés,  l'etal  ni  les  peuples  n'ont  jamais  pro- 
filé en  rien  de  cette  dépouille  ;  elle  a  toujours 
élé  la  proie  des  gr.uuls.  Ou  commence  tou- 
jours cette  opération  par  dresser  des  proj  Is 
et  des  plans  sublimes;  lorsque  les  parts  sont 
faites,  chacun  garile  celli^  dont  il  s'est  em- 
paré, et  les  vues  d'intéièt  puldic  s'en  vont  en 
fumée.  Ou  l'a  vu  au  ix^  siècle  en  France, 
au  xvi'^  dans  les  pays  du  Nord  et  en  Angle- 
terre, de  nos  jours  en  Pologne,  en  Allemagne 
et    ailleurs.    Voy.   Fonuation  (1). 

BÉBENGABIKNS,  sedateurs  de  Bérenger  : 
celui-ci  était  archidiacre  d'Angers,  il  fut  en- 
suite trésorier  et  écolàlre  de  Saint-Martin  de 
Tours,  ville  oij  il  éiait  né.  11  osa  nier  la  pré- 
sence réelle  de  Jésus-Chnsi  dans  l'eucharis- 
tie; ce  fut  vers  l'au  lOi"  qu'il  commença  de 
dogmatiser.  Condamné  successivemeuî  par 
plusieurs  papes  et  par  cinq  ou  six  conciles, 
Bérenger  rétracta  ses  erreurs,  signa  Irois  lois 
des  professions  de  foi  calholi(iues,  et  les  ab- 
jura autant  de  fois.  Ou  croit  cependan!  qu'il 
mourut  sincèrement  converti  tl  délrnmpé  (ie 
ses  erreurs.  Qnelques  auteurs  ont  prétendu 
qu'il  coud, nouait  encore  les  mariages  légiti- 
mes, el  soutenait  que  les  lemun's  devaient 
être  communes;  qu'il  réprouvait  aussi  le 
ba[)téme  des  enfants  :  mais  ces  deux  der- 
nières accusations  no  sont  pas  prouvées. 
Entre  plusieurs  évéques  ou  abbés  qui  écri- 

(I)  Aux  preuves  qu'.ippone  Bergier,  nous  devons 
■ijniilei  le  gr.chil  t:di  de  iioire  liisloiie.  E.n  179.1,  l'K- 
lal  s'est  eiii|i;iré  de  tous  les  biens  ecclé'.iasii  i»es,  le 
peuple  e^^l-il  devenu  plus  riche  ?  C"s  liieiis  sont  pas- 
sé<enlre  les  mains  de  qnolipiei  puissmls  ilii  siècle, 
qui  sont  loin  iJ  en  hijre  le  noble  usni^e  qu'en  lalsiiieiit 
les  maisons  .religieuses, 


SIS 


BER 


BER 


Ut 


virent  contre  loi  avec  avantage,  Lanfranc 
f  l  Guitmond  se  distinguèrent.  Ce  dernier  e\.- 
pnsi-  ainsi  les  opinions  et  les  v.iri;ilions  des 
bcrengariens  sur  le  sJicrement  de  l'eucha- 
ristie ;  «  Tous,  (lit-il,  s'accordent  à  dire  que 
le  pain  et  le  vin  ne  sont  pas  essentielleinetit 
ctiangés;  mais  ils  dilTèrent,  en  ce  que  les 
uns  di>eiit  qu'il  n'y  a  rien  du  corps  et  da 
sang  de  Jésus-Christ,  que  le  sacrement  n'est 
qu'uni-  ombre  et  uni-  fi;^ure  :  d'autres,  cédant 
aux  raisons  de  l'Kjilise,  sans  quitter  li'ur  er- 
reur, disent  que  le  corps  et  le  sang  de  Jé- 
sus-Christ sont  en  effet  contenus  dans  le  sn- 
cremenl,  mais  cacnés  par  une  espèce  d'im- 
pnnalion,  afin  que  nous  les  puissions  pren- 
dre; et  ils  prélenlent  iiue  c'csi  l'opinion  la 
plus  subtile  de  BérengiT  même  :  d'aulres 
croient  (|ue  le  p.iin  et  le  vin  sont  changés  en 
partie  ;  quelques-uns  soulienncnt  ()u'iis  sont 
changés  entièrement,  mais  quf,  quand  ceux 
qui  se  présentcni  pour  L-s  recevoir  en  sont 
indignes,  le  sang  et  la  chair  de  Jé-us-Christ 
reprennent  la  nature  du  pain  el  du  vin.  » 
Guitmond,  runtni  f}e>eng.,  Biblinl.  PP., 
p.  327.  —  Par  cet  fxposé,  l'on  voit  que  les 
bérenijariens  oui  été  les  précurseurs  des  lu- 
thériens et  des  calvinistes  dans  leur  erreur 
sur  l'cuebaristic,  que  les  uns  et  les  autres 
se  sont  trouvés  dans  le  même  embarras  pour 
tordre  le  sens  des  paroles  île  l'Evangile.  Par 
la  conduile  que  l'I'lglisc  a  tenue  envers  les 
pre  niers,  il  est  aisé  d'apercevoir  quelle  éiait 
alors  11  crojance  catholique  et  universelle, 
si  c'est  IT'^glise  ou  si  ce  sont  les  protestants 
qui  ont  innové  cinn  cenis  ans  après. 

Tons  les  écrivains  du  xr  siècle  qui  ont 
atta(|ué  Bérengcr,  attestent  que  sa  doctrine 
était  une  nouveauté,  que  personne  ne  l'avait 
encore  soutenue,  à  l'exceplion  de  Jean  Scot 
Erigène,  au  ix''  siècle,  et  qu'elle  fut  con- 
damnée dès  qu'elle  osa  se  montrer;  elle  le 
fut  de  même  au  concile  de  Latran,  composé 
de  cent  treize  évèques,  l'an  1059. 

Quelques  efforts  ((n'eussent  faits  les  bi- 
rengariens  pour  répandre  leur  doctrint;  en 
France,  en  Italie  eu  Allemagne,  les  auteurs 
contemporains  témoignent  qu'ils  étaient  en 
petit  nombre,  et  l'on  ne  peut  pas  prouver 
qu'il  en  restât  encore  lorsque  Luther  et  Cal- 
vin parurent.  Ouoique  le  xp  siècle  n(!  soit 
pas  l'un  des  plus  éclairés,  il  ne  faut  pas 
croire  ce  que  disent  les  proteslauts,  que  Bà- 
renger  fut  très-mal  réfuté,  et  n'eut  contre  lui 
qu(!  (les  moines.  Les  évêques  de  Langres,  de 
Liège,  d'Angers,  de  Bresse  et  l'archevêque 
de  Kouen  écrivirent  contre  lui;  leurs  ou- 
vrages subsis'enl  encore;  le  traité  du  Corps 
el  lia  Sunij  du  Seigneur,  jiar  Lanfranc,  ar- 
thevèqu  •  de  Cantorhéry  ;  celui  de  Guitmond, 
évèque  d'.\ verse  près  de  Naples;  celui  du 
prêtre  Alger,  scola^tique  de  Liège,  sous  le 
même  titre,  sont  des  ouvrages  savants  el 
so  ides.  Erasme  en  faisait  grand  cas,  et  les 
prêterait  à  tous  les  écrits  polémiques  qui 
avaient  paru  sur  cette  matière  dans  le  xvi" 
siècle.  Bérenger  se  sentit  inc.ip.ible  d'y  ré- 
pondre, et  fut  obligé  d'avouer  sa  défaite. 
Les  lettres  el  les  fiagments  ijui  nous  restent 
de  ses  ouvrages  ne  donnent  pas  une  haute 


idée  de  ses  talents ,  encore  moins  de  sa 
bonne  foi.  —  Dans  les  F(>s-  des  Pères  et  des 
Martyrs,  fom.  III,  il  y  a  une  notice  exacte  de 
la  vie  et  des  erreurs  de  Bérenger,  el  des  ou- 
vrages qui  furent  écrits  contre  lui,  pag.  531 
et  suiv.  On  en  trouve  un  détail  encore  plus 
amp'e  dans  VHist.  de  l'Eglise  gallic,  lom. 
Vil,  1.  XX  et  XXI. 

La  manière  dont  Mosheim  en  a  parlé,  Hist, 
ecclésiast.  du  xr  siècle,  w  part.  c.  3,  §  13  et 
suiv.,  montre  à  quel  excès  un  homme,  éclairé 
d'ailleurs,  peut  porter  l'aveuglement  sys'é- 
maiiqup.  II  dit  d'abord  que  Bérenger  était 
renommé  pour  s.on  savoir  et  pour  la  sain- 
teté exemplaire  de  ses  mœurs  :  il  n'a  pas  cru 
pouvoir  se  dispenser  de  donner  quelques 
grains  d'encens  à  un  héréli()ue.  Mais  le  sa- 
voir de  Bérenger  est  fort  mal  prouvé  par  ce 
qui  reste  de  ses  écrits,  et  sa  sainteté  encore 
plus  mal  par  trois  parjures  consécutifs.  — ■ 
Mosheim  prétend  qu'avant  ce  siècle  l'Eglise 
n'avait  encore  rien  décidé  sur  la  manière 
dont  Jésus-Christ  est  dans  l'eucharistie,  et 
que  chacun  en  croyait  ce  qu'il  jugeait  à 
propos.  Si  cela  était  vrai,  il  s'ensuivrait  déjà 
que  Bérenger  était  fort  téméraire  de  vouloir 
expliquer  un  mystère  que  l'on  s'était  con- 
tenté de  croire  simplement  el  sans  vouloir  le 
pénétrer.  Mais  la  vérité  est  que  jusqu'alors 
la  croyance  de  l'Eglise  catholique  avait  été 
la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'eu- 
charistie, comme  l'attestent  tous  ceux  qui 
écrivirent  contre  Bérenger.  Ce  (|ui  avait  été 
écrit  au  ix'  siècle  contre  cette  vérité  par 
Jean  Scol  Erigène,  n'avait  eu  aucune  suite, 
et  n'avait  point  eu  de  partisans.  Bérenger 
lui-même  n'a  jimais  osé  prétendre  qu'il  sou- 
tenait le  sentiment  commun  des  fidèles,  et 
que  les  évêques  qui  le  condamnaient  étaient 
des  novateurs.  Aucun  écrivain  de  son  siècle 
n'a  osé  prendre  la  plume  pour  le  défendre. 
Parce  que  Grégoire  VII  traita  Bérenger  avec 
plus  d(!  ménagement  que  ses  prédécesseurs, 
Mosheim  le  soupçonne  d'avoir  embrassé  la 
même  opinion  :  nous  prouverons  le  con- 
traire. Grégoire,  avant  d'être  pape,  avait 
assisté,  en  qualité  de  légat,  .lU  concile  de 
Tours,  l'an  lOoi,  où  Bérenger  avait  rétracté 
ses  erreurs.  Fin  1039,  sous  Victor  II,  dans 
un  concile  de  Home,  composé  de  cent  treize 
évê(iues,  Bérenger  fil  profession  de  croire 
(]ue  le  pain  et  le  vin  o/l'erts  à  l'aulel  sont, 
après  In  consécriUion,  non-seulement  un  sa- 
cmnenl,  mois  le  vrai  corps  et  le  vrai  sang  de 
Jésus-Cliiist;  que  ce  corps  est  toucké  par  les 
miilns  des  prêtres,  non-seul'ement  en  forme  d« 
sacrement,  mais  réellement  el  en  vérité.  Mns- 
heini  dit  que  cette  doctrine  était  absurde  et 
insensée.  En  1063,  un  concile  de  Bouen  dé- 
clara, contre  ce  môme  hérétique,  que  dam 
la  consécration  le  pain,  par  la  puissance  di- 
vine, est  change  en  In  chnir  née  de  la  sainte 
Vierge,  et  que  le  vin  esl  changé  véritablement 
cl  sulistantiellement  au  sang  répandu  pour  la 
rédemption  du  monde. 

L'an  1078,  sous  Grégoire  VI!,  dans  un 
concile  de  Koiiie,  Bérenger  signa,  sons  la 
fui  du  serment,  que  le  pain  posé  sur  t'auttl 
devenait,  par  la  consécration,  le  vrai  corps  dt 


MS 


BER 


BER 


SM 


Jésus-Christ,  et  que  le  vin  devenait  le  vrai 
sang  qui  aiait  coulé  de  son  côcé.  \)i\  là  .Mos- 
heiin  cuiiclut  que  Grégoire  \\\  reiioiiçiiil  à 
lu  conlession  de  fui  de  l'an  lO.'ll),  el  (|ii'ii  la 
rcvo(|Uiiil,  (luoiqu'clle  eùl  élc  .solciuii-lle- 
ni^iit  .iiiprouvee  [)ar  un  piipc  dans  un  con- 
cile. Il  fsl  ct'pondanl  évident  tiue  celle  se- 
conde formule  n'esl  dilïérenU-  de  la  première 
qu'en  ce  qu'elle  exprime  la  transsubstanlia- 
lion  lieaucoup  plus  clairement.  —  L'année 
suivante,  dans  un  autre  concile,  ISérenger 
protesta  de  croire  que  le  pain  el  le  vin,  pur  la 
prière  el  pir  les  paroles  de  nuire  Rédempteur, 
étaient  substantiellement  changés  dans  le  vrai 
et  propre  corps  ei  sang  de  Jésus-Christ  ;  ce  sont 
les  mêmes  expressions  que  celles  du  concile 
de  Kuuen.  AJals  Bcrenger  ne  fui  pas  plus  fi- 
dèle à  celle  prolesiatiuD  qu'aux  deux  précé- 
dentes. 

Comm^  Grégoire  VII  ne  fit  point  de  nou- 
velles poursuites  contre  Héren;;er,  Mosheini 
en  conclut  qu'il  ne  lui  sut  point  mauvais  gré 
de  sa  perfidie,  el  que  prol)al)lement  il  pen- 
sait comme  lui.  Par  la  même  raison,  il  de- 
vait conclure  que  les  évéques  de  France  em- 
brassèrent aussi  le  parti  de  Béren;;er,  puis- 
que, malgré  sa  troisième  rechute,  ils  ne  pro- 
uoncèrenl  point  de  nouvelles  condamnations 
contre  lui;  on  secoiiteni.i  de  réfui  erses  erreurs 
d'une  manière  qui  le  réduisit  au  silence. 

Suivant  un  écrit  de  Bérenger,  Grégoire  VII 
lui  dit  :  Je  ne  doute  point  que  vous  n'ayez  de 
bons  sentiments  touchant  le  sacrifice  de  Jésus- 
Christ,  conformément  aux  Ecritures  :  de  là 
Moshi'lin  conclut  encore  que  ce  pape  pen- 
chait vers  l'opinion  de  cet  hérétique.  Alais 
cette  opinion  élait-ell'e  véritablement  con- 
forme à  l'Ecriture  sainte,  el  selon  cette  opi- 
nion ,  l'eucharistie  pouvait-elle  être  appelée 
un  sitcrifice?  Voilà  comme  on  s'aveugle  par 
intérêt  de  système. 

Mosheim  tourne  en  ridicule  les  écrivains 
catholiques  qui  ont  voulu  persuader  que  Bé- 
rcng.T  s'était  converii;  mais  lui-même  en 
fournit  les  preuves.  Il  dit  que  ce  personnage 
laissa  en  mourant  une  haute  opinion  de  sa 
sainteté  :  en  aurail-on  jugé  ainsi,  si  on  l'a- 
vait encore  cru  hérétique?  Il  dit  que  les  cha- 
noines de  Tours  honorent  encore  sa  mémoire 
par  un  service  qu'ils  font  tous  les  ans  sur 
son  tombeau;  cerlainemenl  ils  ne  le  feraient 
pas,  SI  Ton  n'avait  pas  été  persuadé  dés  lors 
que  Bérenger  élaii  mort  dans  la  communion 
de  l'Eglise.  Il  «lit  (lue  Bérenger,  dans  son  ou- 
vrage, dem.inde  pardon  à  Dieu  du  sacrilège 
qu'il  a  commis  à  Hume,  en  se  parjurant  : 
cela  ne  prouve  p.is  qu'il  persévérait  encore 
dans  ses  erreurs.  Le  moine  Clarius,  Richard 
de  Poitiers,  l'jLUleur  de  la  Chronique  de  saint 
Mai  tin  de  Tours,  Guillaume  de  Malmesbury, 
allestenl  que  Bérenger  mourut  repentant  et 
conveili.  Ce  témoignage  des  conlemporaiuâ 
doit  prévaloir  aux  vaines  conjectures  ûes 
protestants. 

Mosheim  parait  avoir  pris  ce  qu'il  a  dit  de 
Bérenger  dans  VHist.  de  l'Eglise  pa%-  Basnage, 
1.  XXIV,  c.  2.  L'on  y  trouve  les  D-.èmes  faits  et 
les  mêmes  rélletions.  Le  li>ut  n'est  fondé 
que  sur  les  assertions  de  cet  hérésiarque, 


cent  lois  convaincu  d'imposture  et  de  perfidie. 

BSil'.N.VUI)  saint),  abbe  de  Clairvaux, 
mort  l'an  1133,  est,  dans  l'ordre  des  temps, 
le  dernier  des  Pères  de  l'I'-glise.  L;i  meilleure 
édiiinii  (le  ses  ouvrages  est  celle  qu'adonnée 
dom  M.iliillon  en  IG'JO,  et  qui  a  été  réimpri- 
mée en  1711),  en  2  vol.  in-fulio. 

Les  philosophes  incrédules  n'ont  pu  lui 
imputer  aucune  erreur;  mais  ils  lui  rrpro- 
cheiil  d'avoir  faussement  prophétisé  le  succès 
de  \:i  seconde  croisade.  Gomme  sur  ce  point 
saint  Bernard  a  fut  lui-néme  son  apologie, 
ce  reproche  est  réfuté  d'avance.  Nous  ajoute- 
rons seulement  que  si  les  croisés  avaient 
mieux  suivi  dans  leur  conduite  les  avis  du 
sailli  alibé,  la  croisade  aurait  eu  un  succès 
plus  heureux.  Voy.  Cr'Isade.  —  On  dit  en- 
core qo'il  avait  une  science  très-médiocre, 
qu'il  entasse  pêle-mêle  l'Ecriture  sainte,  les 
canons  et  les  conciles,  qu'il  est  fécond  en 
allégories.  .Mais  sainl  Bernard  savait  l)eau- 
coup  pour  son  siècle,  puisqu'il  possédait  l'E- 
criiure  sainie  et  les  canons;  ce  n'est  pas  sa 
faute  s'il  est  né  dans  un  temps  que  l'on 
nomme  siècle  de  brigandage,  d'ignorance  et 
de  su|)ersliiion;  il  n'a  été  coupable  d'aucun 
de  ces  trois  \  ices.  Quant  aux  allégories,  il  en 
l'ail  moins  usage  que  plusieurs  des  anciens 
Pères;  il  ne  les  emploie  que  dans  des  ou- 
vrages de  morale  el  de  piéié,  jamais  dans  les 
écrits  qui  concernent  le  dogme;  ce  n'est  point 
là-dessus  qu'il  fonde  la  croyance  catholique, 
lorsqu'il  la  défend  contre  les  liéréti(|ues. 

Eu  général,  on  ne  peut  refuser  à  ce  Père 
un  esprit  vif  el  pénétrant,  une  belle  im.igi- 
naiiun,  un  style  doux  cl  insinuant,  une  élo- 
quence persuasive,  une  piété  lendre,  un  zèle 
ardent,  mais  éclairé,  pour  la  pureté  de  la  foi 
et  pour  l'observation  de  la  discipline,  enfin 
des  vertus  fort  supérieures  à  l'esprit  de  son 
siècle. 

Il  a  été  aussi  accusé  d'avoir  persécuté 
Abailard  par  jalousie;  nous  avons  réfuté 
cette  calomnie  dans  l'article  Abailaru.  Pour 
avoir  une  juste  idée  des  talents  et  des  vertus 
du  saint  abbé  de  Clairvaux,  il  faut  consulter 
VHisl.  de  l'église  gallicane,  toiu.  IX,  I.  xxv 
et  XXVI. 

lîEUiNAUDINS  (il).  On  désigne  parce  nom  les  reli- 
gieux de  l'urdie  de  Ciieiiiix,  qu'il  nu  faut  |.ims  confon- 
dre avec  d'autres  religieux  (|ui  porieiil  le  iiiéuie  niiiu, 
eldniit  iKius  parlerons  suus  le  mot  siilv^inl. 

Un  a  donné  aux  Cisterciens  le  iiuin  de  liernardins, 
a  cause  de  saint  Bernard,  |ireiiiler  alilié  de  Cla.rvaux, 
l'un  des  plus  illustres  abliés  de  cet  ordre,  dont  les 
vertus  elles  lalmls  lui  ont  acquis,  ainsi  qu'à  l'ordre 
entier,   une  grande  rcpiiiallon. 

AncienniMiii'iii  les  Bciiéilictins,  dont  nous  avons 
parle,  el  les  Bernardins  d'aujourd'hui,  ne  lais.iienl 
qu'un  même  ordre  de  religieux  suus  la  règle  de  saint 
Benoit.  Dans  la  suite,  ce  corps  se  divisa  en  deux 
tiranclies  :  il  fui  question  d'une  réforme,  que  les  mis 
embrassèrent,  et  que  les  autres  ne  vouliireiil  iminl 
adopter.  Mais  pour  ne  point  user  de  redites  sur  la 
(iliaiiou  de  l'ordre  de  sainl  Beiioîi,  voyez  ce  quii 
nous  avons  dit  à  l'ailicle  Hé.\édictins. 

L'ordre  de  Liteaux,  dont  il  s'aj^il  ici,  a  pris  niis- 
sance  dans  l'abbaye  de  ce  nom  aiiuée  en  liourgoi^ne, 

(a)  Cel  anitle  el  les  deux  suivants  soiil  reproduits  d'a- 
près l'édilimi  de  Liéye.  Voy.  le  Okiiomaire  des  Ordifs 
religieux  par  Iç  P.  Hél)ot  (èJil  Migne)- 


547 


BER 


BER 


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diocèse  de  Cliâlnns,  et  fondée  en  1008,  par  le  duc  de 
Bomeoene.  Saiiil  Kob-rl,  soni   de   l'tlihaye  de  M», 
lêi.ie  ;.vec  quelque  religieux,  dans  le  des  ein   de  lor- 
mer  Uii  noiiveleUiblisseine.il,  fut  le  pieiuier  alibede 
Cîlea.ix.  —  A  s.aii.1  R.djeil  sncféda,  en  1100.  sainl 
Albéric.  Sous  cei  abbé  les  religieux  de  Ui.  aux  aire- 
tèienl  uinl  ne  seiail  lomlc  aucune  abbaye  de  leur  in- 
Slilul  qu'après  que  l'evéque  diocésain  se  serait  désiste 
de  louie  uréleminn  d'aulnrilé  elde  jundulionsurles 
llioua=lères  à  b.nder.  —  Saint  Albéric  eut  pour  suc- 
se-seur.'aml  Etienne,  eu  1107,  et  c'est  ce  Iroisieuie 
abbé  que  loidrc  reccumait  pour  son  vrai  lond^ileur. 
C'est  snus  son  administration   que   Curent    arrèies, 
avec  les  religieux,   les  règlcmenis  et  les  stalnis  qui 
devaient  réglera  perpéiuiié  les luouasières  p"ur  lors 
exisianls,  ei  ceux'  qu'on  se  pioposait  de  louder.  Ces 
réglenienis  et  ces  statuts  portent  le  iioiii  de  Carte  de 
clturiié  :  le  pape  Calixte  y  donna  son  approbation,  eu 
11 11).    Celte   carte  de   clmnié  éiablii  deux    si.'iies 
de  juridictions,  l'une  qui  est   parliculière,  et  l'aulie 
générale.    Eu   vertu  de  la  jnridbtinn   paniculiere, 
l'alibéqul  a  fondé  des  maisons  exerce  sur  elles  I  au- 
lorilé  (l'un  supérieur  majeur,  avec  puuvi.ir  de  les  vi- 
siier  et  d'y  faire  les  règlements  qu'il  croit  convena- 
bles ;  mais  sa  jiiridiciion  ne  s'étend  pas  aux  autres 
jiiaisons   qui  peuvent  dériver  de  ces  buidalious-,  et 
ce  sont  ces  maisons  que  dans  l'ordre  on  n.unnie  ar- 
rière-lilles.  Celui  au  nuilraire  qm  n'a    point  lait  de 
pareilles  londaliniis,  n'a  de  juridiclion  que  dans  sou 
monastère,  qu'il  gouverne   pour  le  spirituel  cmiinie 
pour  le  temporel.  —  La  juridiclion  générale  est  celle 
qui  renl'.'rme  le  pouvoir  suprême,  et  celle  Siuivei  aine 
autorité  n'est  conliée,  par  la  carie  de  cliariié,  a  au- 
cun supérieur  particulier.  Elle  réside  dans  rassem- 
blée générale  de  tous  les  abbés,  etc. 

Après  la  rédaclinii  de  ces  slalnls,  saint  Etienne 
fonda  en  1113,  l'abbaye  de  la  Ferlé,  diocèse  de 
Cbàlons  en  Bourgogne.  Il  y  éialdil  pour  premier  abbe 
\iu  de  ses  religieux  nommé  Beilrand.  Cetie  abbaye 
était  regardée  comme  la  première  lille  de  Cîteaux. 
^-  L'année  d'après,  saint  ELeniie  fonda  l'abbaye  de 
l'ontmni,  au  dincèse  d'Auxerre,  et  il  y  mit  pour  pre- 
mier alibé  un  de  ses  religieux  :  celte  abbaye  éi:«u  la 
deuxième  lille  de  Cîteaux.  —  Le  même  saint  fonda 
ensuite,  en  111.'),  l'abbaye  de  Claiivaux,  tioisiéuie 
lille  de  Cileaux.  Il  ycouslilua  pour  premier  abbé  l'il- 
luslre  saint  Bernard,  si  connu  par  ses  démêlés  avec 
Abailard  et  par  .ses  piéilieaiioiis  de  la  sec;  lide  eroi- 
saile.  —  S.iini  Elienne  fonda  la  même  année  l'abhaye 
de  Moriinond,  qualtiéniB  lille  de  Cileaux,  et  il  y  éta- 
blit Aruauld  pour  premier  iibbé. 

C'est  à  raison  de  ces  (juatie  premières  abbayes, 
jnsliliiées  depuis  la  Carie  de  cliarilé,  que  les  alibés 
de  ces  mêmes  abbayes  sont  déunuimés  les  qna  re 
premiers  Pères  de  Tordre  de  Cileaux.  —  Comme 
l'abbaye  de  Cîteaux  éiait  l'abbaye  mère  de  toutes 
celles  qui  ont  clé  fondées  depuis,  l'abbé  de  Cîteaux 
élaii  reconnu  clief  supérieur  général  de  l'ordre,  lanl 
pour  la  France,  ipie  poiir  les  auires  pays  étrangers. 
Cet  abbé  était  éleciif,  Il  ne  pouvait  être  pris  que 
parmi  les  re  igieux  de  l'ordre,  mais  ne  pouvait  être 
élu  c|ue  par  les  religieux  pi  oies  de  la  maison  de  Ci- 
leaux. L'élection  élait  coUaiive,  c'est-à-dire  qu'elle 
conlérail  de  plein  droit  à  l'abbé  éiu  toute  adminis- 
Ir.ition,  laiit  pour  le  spirituel  i|ue  pour  le  temporel, 
sans  alti'iidre  aui  ui.e  cunliimaiio'i  du  saint-siége. 
—  L'alibé  de  Cileaux  était  conscillcr-iië  au  parle- 
ment ili;  Dijon  ;  il  avait  droit  d'être  a|.pelé  aux  élas- 
généraux  du  royaiinie,  et  au\  étals  particuliers  de  la 
province  de  Itoiirgogne.  Bans  les  conciles,  il  siégeait 
iinmediatemeiil  api  es  le»  cvéques,  avec  les  iiieines 
bonneurs  et  les  meiiics  |iiêrogallves  :  il  était  regardé 
cuiiiine  le  premier  des  Abbés. 

Coiweixemint  de  Cordre  de  Cileaux.  La  maison  de 
Cileaux  ,  représentée  par  l'abbé  général,  avait  une 
iirspection  sur  tuiiles  les  aiiires  iiiaisimsde  l'ordre; 
et  les  abbés  pariiculicrs  do  ces  aulrcs  maisuiis,  qui 


en  ont  fondé  à  leur  lour,  avaient,  comme  il  est  dit 
par  la  Cane  de  cliamé,  mie  jurnlielion  sur  ces  inai- 
snns  de  leur  liliatiim  ;  mais  ceil- juridiclion  deiiieu- 
rait  l(Mi;onrssounii>e  à  l'aiitHilé  générale  de  l'.ibbé 
clief  de  l'ordre.  Les  abbés  de  Clairvaiix,  de  la  l'erté. 
de  Pnnligni  et  de  Moriinond  a\aienl  bien  disputé 
cette  préémiiieiice  à  l'abbé  général  ;  ils  avaient  pré- 
tendu que  celui-ci  n'éiail  que  leur  égal,  et  seuleinenl 
le  premier  d'entre  eux,  cl  qii'iU  avaient  avec  lui  une 
autorité  coujoinle.  Ils  lui  dispnlaient  le  d'-oil  de  vi- 
siier  les  monastères  de  leur  lilialioii;  ils  se  cioyaient 
fondés,  tout  comme  lui,  à  bénir  les  abbés  et  les  ab- 
besses  de  l'ordie;  maislomes  ces  préleiii;on.  lurent 
rejeiées  par  un  arré'  du  conseil  d'Elit  du  lit  sep- 
leorbre  lGHl,ren'lu  en  faveur  de  l'abbé  général. 

Voici  C'nnnent  s'est  gouverné  l'ordre  depuis  cet 
arrêt;  l'administratinu  et  la  jiirnlicion  iniérienre 
des  maisons  irapparlenaieni  qu'aux  supérieurs  de 
ces  luêuies  lll.li^olls.  L'adininisiralion  temporelle  ap- 
pai  tenait  à  l'abbé  <lont  elle  dépendait,  conjoiiilement 
avec  les  auires  religieux  ipi'ou  appelait  les  Sf^iiieiirs 
de  la  maison.  —  Bans  les  délibérati.ns,»  les  choses 
s-e  réglaient  à  la  pluralité  des  SoU'rages,  et  l'abbé  n'a- 
tail  point,  en  cliapilie,  de  voix  prépondéranie.  A 
l'égard  des  novices,  l'abbé,  comme  ayant  .«eul  iiiri- 
dieiion  inlérieiiie  dans  les  nionasiêres  de  sa  lilialliiii, 
avait  dioit  de  les  bénir  el  de  rece-oir  l'émission  de 
leurs  vœux.  Il  n'app.irieiiail  ipi'a  l'ablié  de  les  ad- 
iiielire  à  la  prolession  ;   cependant  il  élait  obligé  de  j 

consiilier    le    inonas  ère.    L'évèiiue   diocésain    élait         ■ 
néaiiinciins  en  droit  de  les  examiner,  noiiobstanl  tous  ■ 

les  privilèges  de  l'oidie.  —Si  l'abbé  élait  conimeu- 
daiaiie,  le  son  des  novices  dépendait  des  prieurs 
claustraux   et  des  aiiires  religieux    du    monaslcre  :  4 

exception  sagement  établie  ;  car,  sans  cela,  il  eùl  éié 
fort   indillérenl   à  un  abbé   eonimendalaire   que    les 
novices  cooviiissenl  ou  non   à   la    maison  où  ils  se 
faisaient  afiilier.  —   Il  y    avait  des  no\iciais  cmn- 
muns  pour  touies   les  nialsnns    de    l'ordre,  qiinique 
ceux  qui  devaient  faire  piolesSion  fussent   spéciale- 
Uieni  destinés  à  Une  maison  particuliéie.  Les  candi- 
dats eiiirés  dans  les  inaisims  cornuiunes  de  noviciat, 
devaient  êlie  éprouvés  .laiis   les  inaisnns   pour    les- 
quelles ils  se  desliiiaient;  el  avant   d'être  adinis  à  la 
vélure,  ils  devaient  etie  exaiiiinés   par  le  vicaire  gé- 
néral delà   province  et   parle   inaiire  des  uoviies. 
Apres  leur  année  de  probalioo,  s'ils  devaient  êtie  ad- 
mis à  la  prolession,  il    fallait   qu'ils    la  lissent  en  re 
les  mains  d  1  vicaire  généuil   de  la  province,  nu  en 
son  ab-ciice  entre  celles   du  sopéi  leur  de    la  maison 
du  noviciat,   avec  cttte  observaùou  que  les  pensions 
du  noviciat  se  payaient  par  les  maisons  respectives,  à 
moins  qu'il  n'y  eût  compensaiimi  de  religieux. —  Lts 
pnifes,  au  sortir  de  leur  noviciat,  devaient  être   en- 
voyés dans   les   maiMUi^  coiniuiines  d'études  éialilies 
dans  cbaque   province  de  loi  die,   pour  y  denienrer 
jusiu'i»  c  qu'ils  lussent  en  é. ai  d'être  renvoyés  dans 
les  maisons  pour  les.pielles  ils  ava  eut    fait   vœu    de 
stabiliié.  —  Tout  religieux   de  Cileaux  piomun'ait 
le  vœu  de  stabilité  pour   un    inoiiasicre    parin  nlier. 
Ce  vœu  forinaii  un  Inii,  un  contrat  léciproqne  enire 
le  monastère  qui  le  recevait  et  le  religieux  qui  avait 
promis  celle  slabiliic.  Par  ce  contrat,   le  monasiere 
acquérait  des  droits  sur  sou  religieux,  comme  .  elui- 
ti  en  acipieiail  sur    son  inoiia.siêre.   Les  seuls  leli- 
gieux   proies  pour   une    maison   en   composaient  la 
couimu.iaiilê;  les     autres    religieux   étaient    regar- 
dés  coinme   exlernes  :    JlioiiHC/ii  /io.s,)i(es.  Ces   leli- 
rf^eux  eMcrues  éuiienl  ceux  (pi'on  clait  oblige  il  en- 
vovtr    dms     nue    antre    maison    que   celle   mi    ils 
a>aien:  leur  lé-ideiice  lixc,  smt  alin  qu'ils  y   expnib- 
fient's.iis    scandale   les  lauies  dool  ils   s'e  aient  ren- 
du    coiuaMes,    soit    pour    d'autres    raison*,    telle 

qiiunt  inaiiu,  ,i,..,iésasires.  des  ruines,  des  in- 
c^mi;:  ''H^Z.  ^«lîces  à  pan,  tm'  religieux 
'.cïuvaîl  eue  ^riiii.^'S.é  sans  la  permission  Ue  i'ab- 


549 


BER 


BER 


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lié  jiénérnl  ;  et  en  ce  cns,  la  maison  de  profession 
dev:iil  payer'  la  iiensinn  ili's  ri-lii;it'iix  liaiisiéros,  ex- 
ci|ilé  (le  teiix  qui  l'avai^iil  clé  |i(iui'  cause  de  niilie, 
d'inceii  lie,  elc.  Olisi'ivez  enciiie  i|tie  les  Pères  im- 
inélints  ne  pniivaifiii  liaii-rérer  aucun  relij;ieiix  de 
leur  lilialiiiii,  i|ii''  ilaiis  le  coins  de  lenrs  visites  ré- 
gulières pour  lail  de  réforiiiaiidii  ;  il  fallait  même  là- 
dessus  le  <(inseiiieinenl  des  Séiiieurs  de  la  ciunmu- 
liaiilé.  A  l'é^aid  des  niaisuns  CKinunines  de  noviciat 
el  d'éuides,  les  vicaires  généraux  pouvaienl  en  faire 
sortir  les  religieux  dyscoles,  ou  ceux  avec  lesquels 
il  e-l  dillii'ile  de  viVre. 

l-es  |ii  leurs  claustraux  des  abbayes  tenues  en  com- 
nieiiile  irélaieiit  pniiit  snus  la  lulèle  des  abliés  coin- 
nicnd.ilaiics;  ils  ne  pipuvaienlèire  inslil'uésni  <lesliliiés 
que  parlesl'èresiE^iiiédiais, après  (|ue  cenx-ciavaii'iu 
ooiisn  lé  le  vicaire  géuciMl  de  la  province.  Mais  l'ab- 
bé général,  visitant,  soit  par  lui,  suit  par  ses  conniils- 
saires,  les  maisons  de  l'ordre,  pniivail  desliiuer  ces 
prieurs  et  en  iiislituer  d'aulrus  à  leur  place,  sans 
préjudice  iiéaiiiiiniiis  de  l'auCiirité  du  l'ère  iinniédiat 
pour  autre  cause.  Le  vicaire  géiiéial  avait  aussi  le 
pouvoir  de  les  destituer  pniir  dciitcritLi.  —  Les 
prieurs  claustraux  devaient  être  jiris  parmi  les  reli- 
gieux pridèsdela  niaisun,  à  moins  qu'il  ne  s'en 
Iromàl  pas  de  capililes  pour  cet  eniploi,  ce  (|ue  le 
Pfie  immédiat  devait  exprimer  dans  Ses  lellrcs  d'in- 

StltUtlMIIS. 

Les  cellériers,  les  syndics,  les  procureurs  et  les 
autre»  nfliciers  nomryés  à  l'ailniinistratioii  du  tein- 
iiorel,  devaient  ètie  iosiitues,  savoir,  dans  les  ab- 
bayes régulières,  par  l'abhé,  du  coiiseiiteinent  du 
ciiuveiil,  et  ilans  celles  qui  siuit  tenues  en  <  oni- 
meiide,  pir  le  prieur  et  les  religieux;  lesolïicieis 
devaient  élre  alisoliiinenl  pris  parmi  les  religieux 
pidlcs  de  la  maison,  à  moins  qu'il  ne  s'en  trouvât 
point  de  capables;  et  ceux  qui  ètaieiil  nommés  de- 
vaient prêter  .sermciil  entre  les  muiiis  de  l'abbé  el 
de^  ieiigieu\  du  nicuia^lère. 

L'aiildrite  dans  l' idminisiralion  et  dans  le  com- 
maiidemi-nt  n'aepai teiiaii  qu'a  la  supériorité  locale. 
L'aiitoiité  de  l'allié  général,  des  l'ère^  iinméiliats  el 
dc^  \  il  aires  généraux  était  restreinte  à  nue  jnri- 
di  ton  de  inauiilention  ,  de  C'rreclioii  et  de  rélor- 
niatloii  ;  ciifiiNe  ne  pnuvaieiil-ils  l'exiicer  que  dans 
le  cours  d'une  visite  régulière,  pane  qu'il  n'y  a  que 
lu  vi.'-ile  régulière  qui  susjiende  l'auloiiié  de  la  su- 
péiiorité  locale. 

L'administration  de  chaque  monastère  élait  com- 
mune et  cniijointe  entre  l'abbé  et  ses  religieux;  car 
dans  ttnis  les  points  où  le  monastère  élait  iuléiessé, 
son  (onsentenienl  devait  intervenir  aux  actes  qui  le 
fOiicernaieiit.  —  Il  ne  pouvait  être  lait  aucun  ein- 
priitii,  aucune  aliénaliini,  aucun  échange,  aucune 
ciiii|ie  de  bois  de  liante  futaie,  pas  iiiéuie  de  b  lil  eni- 
pliytliéoti(|ue,  ni  aucun  aeie  important  d'adminisira- 
tioii,  qu'il  n'eu  eût  été  délibéié  par  la  coinuiunauié, 
à  la  plural. lé  des  siill'rages  ;  il  fallait  même  avoir 
obtenu  le  consentemeiu  du  vicaire  général  et  du 
l'ère  immédiat  :  il  fallait  de  plus  la  permission  el 
l'approbation  de  l'abbé  de  Cîteaux  el  du  chapitre 
général. 

Les  procureurs  et  les  vicaires  généraux  élaienl 
iiistiiues  ou  destitués  par  le  chapitre  général,  et  dans 
les  intervalles  par  l'abbé  de  Citeaux,  de  l'avis  el  du 
coiisentemenl  des  quatre  premiers  l'éres  de  l'ordre. 
—  C'est  à  l'abbé  chef  qu'apparieiial  la  convocation 
et  l'iniliclioii  du  chapitre  généial.  Il  devait  se  célé- 
brer tous  les  trois  ans;  l'abbé  général  le  présidait  à 
liiie  d'aiilorité  et  de  snpériuriié.  Tous  les  autres 
alihés  et  les  prieurs  tilulaircs  étaient  membres  i  s- 
seniiels  de  ce  chapitre.  C'est  dans  cette  ass'inldée 
que  lesiilaitle  pouvoir  légivlatil' de  l'ordre,  avec  la- 
Culié  de  régler  de  nouveaux  staluis  ou  d'interpréter 
les  anciens.  Le  pouvoir  exécuiil  de  ce  qui  était  de- 
ceriié  par  ce  chapitre  apparleiiaii  à  l'abbé  général. 
JJ  ctjiii  en  droit  et  en  possession  de  décerner  toutes 


les  ordonnances  nécessaires  pour  le  maintien  de  la 
di-ciplilie  régulière,  pour  le  bien  du  léniiinr  el  pour 
l'oliservaiion  des  lois  et  des  statuts  do  l'ordre.  — 
C'est  lUuis  ce  chapitre  que  se  jugeaient,  en  dernier 
ressort  (en  matière  purement  régulière)  tous  les  dil- 
féreU'ls  qui  s'élevaient  eiiire  les  niemlires  de  l'or- 
dre. S'il  arrivait  que  dniis  ce  cas  il  y  eut  partaged'o- 
pimoiis,  de  inaiiicre  que  la  majeure  parue  eileeiive 
des  suffrages  ne  Se  trouvât  pa>  d'un  côté,  l'affaire 
élait  renvoyée  au  didiuiloire  pour  déparlager  le  cha- 
pitre. Le  (Iclinitoiie  liiait  (Mieoie  juge  des  causes 
que  le  cliap  Ire  lui  renvovait  à  décider,  quand  il  ne 
voulait  ou  ne  pouvait  pas  s'en  occupej'.  —  Le  déli- 
nitoire  était  une  e-pèee  de  tribunal  que  l'ahbé  de 
Ctteaux  créait  a  chaque  eh.ipilie  général.  Ce  tribu- 
nal ne  jugeait  que  sur  l'autoiité  et  au  nom  de  l'alibé 
général,  iluipiet  tous  les  membres  recevaiei  l  leur 
instiiulion.  Voici  comment  se  composait  ce  Inbuiial. 
L'abbé,  en  sa  qualité  de  l'ère  général,  noniniaii  qua- 
tre abbé^  de  sa  liliatiou,  (|n'il  iiiniilnail  (Jéliniienrs. 
Il  instituait  tels  en  même  temps  les  qiia  re  iiciniers 
abbés  de  ronlre.  Chacun  de  ces  quai  e  abbés  pré- 
sentait à  celui  lie  Citeaux  cinq  abbés  de  sa  hbaiion, 
parmi  lesquels  l'abbé  de  Citeaux  en  prenait  q  niiit% 
el  les  instituait  déliniteurs,  s'il  les  trouvait  capables 
de  celle  lonction;  et  si  dans  le  déliniioire  il  y  avait 
partage  d'opinions,  c'étail  i»  l'abbé  général  de  le  le- 
ver par  sa  voix,  qui  devenait  alors  prépondérante  : 
sur  (pioi  il  est  bon  d'observer  que  dans  les  causes 
qui  intéress  •ienl  la  personne  des  abliès,  le  général 
é.ait  leur  juge  de  droit;  ces  soi  les  de  causes  ne  (mu- 
vaieiit  êlie  renvoyées  au  délinil'i'e  ipie  quand  il  y 
avait  pailage  dans  le  chapitre.  Observez  aussi  que 
le  cliapitie  général  pouvait  déposer  son  chel,  dans 
le  cas  marqué  par  la  C.irle  de  charilé. 

Dans  les  affaires  de  discipline  susceptibles  d'sp- 
pel  le»  appellations  se  poriaieul  par  degrés  du  vi- 
caire général  au  l'ère  imuiédial,  de  celui-ci  à  l'abbé 
général,  el  de  l'abbé  géneial  au  chapitre  général.  

Les  religieux  ne  pouvaient,  en  maiière  purement 
régulière,  appeler  lii.rs  de  l'oidre  que  dans  le  cas 
d'une  injure  m.inilèste,  ou  lorsqu'il  y  avait  déni  de 
justice  ;  ils  pouvaient  cependant  user  de  cette  voie 
d.ns  les  autres  cas  où  les  ordonnances  les  y  auiu- 
ns  lient. 

Li  s  livres  liturgiques  servant  à  l'usage  de  l'ordre 
ne  pouvaient  êlre  imprimés  que  par  l'auloiilé  du 
chapitre  général  ou  de  se^  députés;  mais  liors  du 
temps  de  la  tenue  des  cliapitres,  l'abbé  de  Citeaux 
était  endroit  el  en  posses>iou  Oe  d<jiineT  des  man- 
dements el  (les  privilèges  pour  l'impression  de  ces 
sortes  de  livres.  Observez  qu'aut^un  feliijieux  de  l'or- 
dre ne  pouvait  publier  l'ouvrage  doiil  il  élan  aiileur, 
sans  la  permission  du  chapitre  ou  de  l'abbé  général'. 

Cet  ablié,  les  i'ères  immédiats  el  les  vicaires  gé- 
néraux avaient  diiiit  d'érigi^r  une  convenliialiiè  dans 
chaque  maison,  suivant  ses  revenus,  et  cette  con- 
ventualiié  ne  pouvait  être  (liininuée  sans   I a  perinis- 

sioii  du  chapitre  général  ou  de  l'abhé  deCîleaux. 

Lorsqu'il  venait  à  vaquer  une  abbaye  légiiliére 
radiiimistratioii,  tant  au  spirituel  qu'au  lenipurel,  ciî 
a|)parleiiait  au  monastère  vacant.  Ce  monasièie  avait 
même  iiemlanlce  temps  la  juridiction  (pour  le  spiri- 
tuel seulement)  sur  les  autres  abbayes  qui  en  dépen- 
daient. 

L'abbé,  Père  immédiat,  présidait  aux  élections 
des  abbayes  de  sa  liiiation.  C'est  lui  (|ui  indiquait  le 
jour  de  l'élection;  le  prieur  de  la  maison  vacante 
convoquait  le^  religieux  profès  du  monastère  vacant, 
seuls  en  droit  de  donner  leurs  suffrages  pour  l'élec- 
lion.  Si  le  l'ère  immédiat  ne  pouvait  point  présider 
en  personne,  il  ne  pouvait  pareilleineiil  députer  des 
commissaires  qu'autant  que  le  vicaire  général  était 
absent  oti  jiisienieni  suspecté,  parce  que  c'était  à  ce- 
lui-ci de  pié-ider  en  l'absence  du  l'ère  imincdiat; 
mais,  tpiuiqu'il  appariiiii  au  Père  immédiai  de  pré- 
sider, rien  n'enipechalt  que  l'abbé  général  ne  piït  J<j 


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faire  aussi  conjoiniemenl  et  concurremment  avec  les 
antres  abhés  pnnr  tomes  les  iniiismis  de  l'ordre.  — 
Lorsque  l'ablié  ét:iit  élu,  son  éleciinn  se  confirmait 
par  le  Père  imniédiil  :  l'iililié  séiiéral  y  donnait  en- 
Sniie  son  npprobauon.  t'éiail  à  cet  alibé  général  ou 
à  ses  délégués  qu'il  npparlenaii  de  bénir  les  abhés 
et  les  abbessps  de  l'ordre.  Ces  abbés  et  ces  abbesses, 
pendant  la  (érémonie  de  la  liénédiciion,  étaii!0l  te- 
nus de  pronieitre  obéissance  à  l'abbé  général  et  à 
leur  Vé<'e  immédiat. 

L'abbé  de  Cîte:iu\,  en  sa  qualiié  de  chef  et  de  su- 
pé  ieur  général,  était  en  droit  et  en  possession  de 
visiter,  tant  par  lui  que  par  ses  commissaires,  tontes 
les  niaisdiis  de  l'crdre,  et,  pendant  le  cimrs  de  ses 
visites,  d'y  ex<TCer  mules  sortes  d'actes  île  juridiction. 
—  Les  anires  abbés,  que  nous  appelons  les  Pères  im- 
médiats, avaient  la  visite  des  maisims  de  leur  liba- 
tion ;  mais  il  lallait  (|n'ils  remplissent  cette  visiie 
en  personne;  ils  le  pnnvaient  dépmer  des  commis- 
saires ciue  quand  le  vicaire  général  de  la  provim  e 
était  absent  ou  légilinienjeiii  susiecté.  Le  vicaire 
général  visitait  en  personne  chaque  année  tonle>  les 
maisons  de  son  vicariat.  —  L*-»  vicaires  généraux 
n'éiaieni  souniisqu'à  l'abbé  de  Ciieaux  et  au  chapi- 
tre général,  quoiqu'ils  fussent  subordonnés  aux  Pères 
immédiats  en  ce  qui  toncliaii  les  degrés  d'ppel.  — 
Les  collège-,  généraux  de  l'ordre  étaient  administrés 
par  Paiitorilé  du  chapitre  iiénérul  ;  ei  dans  les  iiiler- 
v.Tlles,  p.if  l'aiiioriié  de  l'ahbé  de  Liteaux.  L'est  à 
cet  alibe  ou  au  chapitre  qu'il  apparicn.iit  d'instituer 
ou  dé  destituer  les  proviseurs,  les  i  égeiits  et  les  autres 
officiers.  —  Aucun  religieux  ne  p<iuvait  prenilre  de 
degrés  dans  nue  univeisiié,  sans  en  avoir  ohliiiii  la 
perlni^sion  du  chapitre  ou  de  l'ablié  général;  et 
celle  permission  ne  s'aiconlaii  ipie  sur  les  attesta- 
tions des  proviseurs  et  des  régents  des  collèges. 
Lorsi|u'nn  religieux  désirait  d  éire  e  ivoyé  dans  les 
collèges,  il  lui  (allait  un  consenteineiit  de  sa  maison 
de  prolé-sioii,  et  cetie  mai^Oll  élaii  tenue  de  payer 
la  pension  de  ce  religieux  dans  le  collège  où  il  était 
envoyé. 

Comme  il  arrivait  souvent  qu'il  se  présentait  des 
alTaires  imponanies  qui  ne  pouvaient  être  leovojées 
au  chapitre  général,  et  que  ces  afTaires  (leniandaicnt 
une  prompte  expé  liiion,  il  tut  du,  par  li:  liref  de 
rélormation  que  donna,  en  lUOO,  Alexandre;  Ml,  et 
qui  a  été  lévéïu  de  lettres  patentes  enregistrées  au 
grand  conseil,  tpie  dans  l'iiiter\a!le  d'un  chapitre  gé- 
néral à  l'autre,  il  serait  tenu  une  assemblée  inier- 
iné<Jiaire  au  Jour  et  au  lieu  qui  suraient  indiqués 
par  l'alibé  de  Liteaux.  On  devait  convo(|uer  à  cette 
assemblée  les  quaire  premiers  abbés  visiteurs  des 
provinces,  les  pré-idems  des  cungiègations  et  les 
procureurs  généraux  de  l'ordre.  Tons  ces  abhés  y 
avaient  voix  dèlibeiative  et  décisive  pour  y  légler 
provisoireniiiil  tout  ce  qui  pouvait  intéresser  essen- 
lielleinent  le  régime  de  l'ordre,  saul  au  chapitre  gé- 
néral à  réformer  définiliveiuent  la  délibéiation. 

BtKNAUUliN-S.  religieux  différents  de  ceux  de 
l'ordre  ue  Liiuiux,  dont  nous  venons  de  pailei  ;  leur 
congiégalion  esi  connue  sous  le  nom  d'un  saint  Uer- 
naiil,  qui  n'est  pas  le  méiiie  que  celui  (|ui  a  illih.trè 
J'ahbaye  de  Liairvaux  :  ce  fut  Martin  Vasga,  moine 
à  la  vérité  de  l'ordre  de  Liteaux,  ipii  forma,  en  1  W.'j, 
Cette  Congrégation  au  Munt-Siun,  proclie  de  Tolède 
en  Espagne;  mais  quoique  cette  congrégaiioii  ait 
embrassé  le  premier  esprit  de  fa  ré^le  de  Liieanx, 
les  religieux  de  cet  ordre  n'ont  rien  de  commun  avec 
les  aulie^.  (Extrait  du  Diclwn.  de  Junsprudeiue.) 

ULKiNAKUlMiS.  Le  sont  des  religieuses  insii- 
tuées  par  des  moines  de  l'ordre  de  Liieaux.  Leur 
cliel-lieu  était  l'abbaye  du  Tari,  de  la  ville  de  Di- 
jon ;  leur  régime  csi  a  peu  près  le  même  que  celui 
de  l'ordre,  auquel  elles  sont  alfiliées.  Anciennement 
elles  tenaient  de»  cliapiircs  généraux,  comme  les  reli- 
gieux de>  lleaux;iiiaiS  plusieurs incuiaéiinnts  ont  fait 
cesser  ces  chapitres.  L'ahbesse  du  Tari  u.ait  ù  l'é- 


gard des  autres  religieuses  de  l'ordre,  ce  qu'était 
l'abbé  de  Cileanx  à  l'égard  des  religieux  qui  dépen- 
daient de  lui.  —  Ces  religieuses  éiaienl  sons  la  juri- 
diciion  spirituelle  et  temporelle  des  moines  de  Ct- 
teaux.  Un  arrêt  du  grand  conseil,  du  14  août  1750, 
lit  délénse  aux  abbesses  et  supérieures  de  cet  ordre 
de  faire  aucun  emprunt  sans  délibération  préal  ihie 
de  la  communauté  capitulaireinenlassemblée,  ei  sans 
l'autorisation  des  supérieurs  majeurs.  Elles  avaient 
pour  confesseurs  des  re  igieux  de  Cîteanx.  Iesi|uels 
n'avaient  pas  besoin  de  t'approbalion  de  f'évêque  dio- 
césain pour  remplir  cette  cinnmis-ion.  Mais  pour  l'exa- 
men des  religieuses  novices,  c'e-t  à  l'évèque  iiu'il 
appartenait  :  les  prélais  avaient  été  maintenus  dans 
ce  droit,  malgré  mus  les  privilèges  de  l'ordre  de 
Cileanx.  —  Les  abbesses  de  cei  ordre  étaient  sous 
l'auioiiié  i!e  l'abbé  géiièr.d  de  Liteaux;  il  avait  droit 
de  les  lièiiir  on  de  commeitre  un  antre  abbé  pour 
celte  belle  iciion,  lors  de  laijnelle  cfiai|ue  abhesse 
proinettail  particulièrement  l'ohéissance  à  l'ahhé 
cliel.  —  Les  abbesses  avaient  une  autorité  parlicu- 
tière  dans  leur  monasiére.  Un  arrél  du  giaiil  con- 
seil du  10  juillet  I70i  a  jugé  qu'elles  avaient  dioit 
d'instituer  et  de  destituer  les  ofliciéres  de  l'abbaye; 
otcet:iriét  dècfare  en  même  lenips  abusive  une 
élection  faite  de  ces  oflicièies  par  tes  religieuses  de 
la  commun. lu.é.  te  méaie  tribunal  a  jugé,  par  cet 
arrêt,  i|ue  loisin'il  y  aurait  dos  demandes  couceinaiu 
la  ciôinre  ei  l'exèeution  îles  antres  clauses  d'un  bref 
d'Alexandre  Vfl,  rendu  p^uf  les  religieuses  de  cet 
ordre,  tes  demandes  ser.iient  portées  ilevanl  l'abbi 
général  de  Citeaux.  (Lxiraii  du   Dici.  de  Jitrisp.) 

BESSAHION,  moine  grec  de  Siiiiil-Basile, 
palriurche  lilulaire  de  Cunslaiitiiiu|jle,  ar- 
chevêque de  Nicée,  ensuite  cardinal  el  légat 
en  France  sous  Louis  XI,  mourut  fan  1472. 
Ce  savant  hoiiiine  se  rendit  odieux  aux 
Grecs  schisiuatiques  par  le  zèle  avec  lequel 
il  travailla  à  les  réunir  avec  l'Eglise  ro- 
maine. Il  a  composé  plusieurs  ouvrages  à  ce 
sujet,  cl  une  dclènsu  dt!  la  philosophie  de 
Pfalon,  que  l'on  a  réunis  d;ins  le  seizième 
lome  de  la  Bibliothèque  des  Pères.  Brucker, 
quoique  protcslanl,  a  fait  de  ce  cèièhre  car- 
din.il  un  éloge  complet. //(ii.  p/ij7o5.,lom.  IV, 
p.   43. 

BETHLÉli.M,  pelile  ville  ou  bourgade  de 
la  Judée,  dans  laquelle  Jésus-Chrisl  esi  né. 
Sainl  Justin,  qui  éluit  de  la  Samarie,  ci  e  au 
juif  Tryphon  la  caverne  dans  I  quelle  Jcsus- 
Chrisl  est  venu  au  monde,  n.  7S.  Origène  dit 
à  Ceise  que  les  ennemis  même  du  christia- 
nisme la  connaissent,  I.  1,  n.  51.  Les  pro- 
plicles  avaient  prédit  que  le  Messie  naîliail 
à  Bethléem,  les  juifs  le  croient  encore  au- 
JDurd'fiui.  Voyez  Munimen  filei,  i"  partie, 
c.  o'J.  Cela  était  convenable,  pour  mieux  dé- 
montrer qu'il  était  du  sang  de  Uavid,  origi- 
naire de  iJefhl.em. 

Quelques  incrédules  ont  prétendu  que 
cefie  opinion  n'était  luiidee  que  sur  une 
Ifiusse  explication  d'une  prophélie  de  Mi- 
ellée (y,  -il ,  où  on  lit  :  L'i  lui ,  Bethléem 
d'Ejiltraia,  la  n'es  qu'une  des  moindres  villes 
de  Judd  :  main  il  soi  lira  de  loi  un  chef  qui 
ri'ijnei n  sur  J>ract,  el  dont  la  naissance  esl  de 

loiile  cicrnilé  ; (/  sera  loue  jusqu'aux  ex- 

Irémilés  de  lu  lerre.  et  il  sera  l'auleur  de  la 
j)aix.  (;ellc  prédiction,  disent-ils,  regarde 
Z'irol),ibel,  et  non  le  .Messie;  le  coniiaire 
nous  pjraît  évident.  —  1°  le  nom  de  Zoro- 
bubel  lomoigne  que  ce  chef  élail  ué  à  Babj" 


SS3  BIB 

lonr,  et  non  à  Belhléhem  ;  on  ne  peut  pas  dire 
de  lui  ()ue  sa  naissance  est  de  toute  éleruilé, 
qu'il  a  rt'-uni  aux  Israélites  le  reste  de  leurs 
frères,  qu'il  a  été  reconnu  griind  jusqu'aux 
extrémités  de  lu  terre,  et  l'uuleur  de  la  paix  : 
ces  caractères  ne  oinvienitenl  qu'au  Messie 
et  à  Jésus-Christ.  2'  Le  paraphraste  ehal- 
daïque  l'a  compris,  et  en  a  fait  l'aiiplication 
au  seul  Messie;  ('.'élai(  li  tradition  des  Juifs, 
on  le  voil  dans  le  Taliiiud  <t  dans  les  écrits 
des  anciens  rabbins  :  plusieurs  modernes 
l'ont  encore  entendu  de  même  {Galatin,  I.  iv, 
c.  13).  3°  Le  cinciuième  concile  de  Constan- 
linople,  art.  2,  un  concile  romain  tenu  sous 
le  i)ape  Vigile,  'l'héodoret  et  d'autres  Pères, 
ont  condamné  ceux  qui  cherc  liaient  a  dé- 
tourner le  sens  de  ccite  piédiclion.  Grotius 
a  vaineujent  fait  ses  efforts  pour  faire  valoir 
cette  opinion;  il  cherchait  à  favoriser  les 
juifs  ei  les  soc'ini  ns,  qui  voient  avec  peine 
un  prophète  atlri'.mer  au  Messie  une  7iais- 
sance  de  tuutt  ét'.rnité.  Voy.  la  Synapse  des 
criiiques. 

BKTHLÉBÉMITFS  (les  frères).  C'est  un 
ordre  religieux  qui  ;i  été  fondé  dans  les  îles 
Canaries  par  un  gentilhomme  français  noni- 
mé  Pierre  de  Bétencoiirl ,  your  servir  les 
malades  ilans  les  hôpitaux.  Le  pape  Inno- 
cent XI  approuva  cet  instuut  en  1087,  et  lui 
ordonna  de  suivre  la  règle  de  saint  Augustin. 
L'hab  t  de  ces  hospitaliers  est  sembiahle  à 
celui  des  c.ipueins,  hormis  ()ue  leur  ceinture 
est  de  cuir,  qu'ils  portent  îles  S(lulier^  et  ont 
au  cou  une  médaille  qui  représente  la  uais- 
sani'e  de  Jésus-Christ  à  Bethléhem. 

lilBLË.  Du  grec  Eiê/oî,  papirr,  l'on  a  f.iit 
BiS).t',v,  livre,  et  l'on  a  nomme  hibiia  l'Ecri- 
ture sainte,  pour  dés'gner  tes  livres  par  ex- 
cellence, et  qui  sont  les  plus  dignes  de  res- 
pect. Cette  collection  de  livres  sacres,  ou 
écrits  par  l'inspiration  du  Saint-Esprit,  se 
divise  en  deux  parties,  savoir  :  l'Ancien  et 
le  Nouveau  Testament.  Les  premiers  sont 
ceux  ()ui  ont  été  écrits  avant  la  \enue  de 
Jésus-Cli>  ist  ;  ils  contiennent,  outre  la  loi  de 
Moïse,  l'histoire  de  la  création  du  monde, 
celle  des  ()atriarches  1 1  des  Juifs,  les  prédic- 
tions des  pro|  hètes  et  dillérenls  traites  de 
morale.  Le  Nouve.iu  Testament  renferme 
les  livres  (jui  ont  été  écrits  depuis  la  mort 
de  Jésus-Christ  par  ses  apôtres  ou  par  ses 
disciples. 

An  mol  Testament,  nous  ferons  l'énumé- 
raiion  des  livres  de  l'Ancien  et  du  Nouveau 
Testament,coiif'iriiiément  au  catalogue  qu'en 
a  dressé  le  concile  de  Trente,  sess.  4-. —  Dans 
l'ariicle  Eckituiie  sainte,  nous  parlerons  de 
l'inspiration  des  livres  sacrés,  de  leur  auto- 
rité en  matière  de  foi,  des  règles  que  l'on 
doit  suivre  pour  en  acquérir  l'intelligence, 
de  l'usage  que  doivent  en  l'aire  les  théolo- 
giens, etc. —  Au  mot  Livres  SAINTS ,  nous 
en  ferons  la  comparaison  avei  les  écrits  que 
les  Ciiiiiuis,  les  indiens,  les  Parsis,  les  maho- 
Diétans  ,  nomment  livres  sacrés  ,  et  nous 
montrerons  le  ridicule  de  la  méthode  que 
les  incrédules  ont  suivie  pour  attaquer  les 
nôtres,  ici  nous  n'envisageons  la  Bible  que 

Dif.T.  DE  Theol.  dogmaiicjie.  I. 


BIB  S54 

comme  un  objet  d'histoire  littéraire  et  cri- 
tique. 

La  plus  grande  partie  des  livres  de  l'An- 
cien Testament  ont  été  reçus  comme  sacrés 
et  canoniques  par  les  juifs,  aussi  bien  que 
par  les  premiers  chrétiens.  11  y  en  a  cepen- 
dant quelques-uns  que  les  juifs  n'ont  pas 
reconnus  comme  tels,  et  que  les  chrétiens 
des  premiers  siècles  ne  [>araissenl  pas  avoir 
reçus  non  plus  comme  canoniques;  mais  ils 
ont  été  ensuite  placés  dans  le  canon  par 
l'Eglise.  Tels  sont  les  livrr-s  de  Tobie  et  de 
Judith,  la  Sai;esse,  l'Ecclésiasticiui'  et  les 
deux  livres  des  Machaliérs.  Qneliiues  anciens 
même  ont  douté  de  l'auihentici  é  des  livres 
de  Baruch  et  d'Esther.  Il  serait  singulier 
que  I  Eglise  chréiieiiue  n'eût  pas,  à  l'égard 
des  livres  sacrés,  la  même  autorité  que  l'on 
accorde  à  la  synagogue.  Ceux  qui  ne  venbul 
s'en  rapporter  qu'au  témoignage  île  celle-ci, 
ne  sont  pas  seulement  instruits  des  motifs 
qui  ont  déterminé  les  juifs  à  recevoir  comme 
sacrés  tels  livres,  et  à  ne  pas  l'aire  le  même 
honneur  aux  autres.  Voy.  Cxnov. 

Tous  les  livres  qui  ont  éié  anciennement 
reconnus  pour  sacrés  ont  été  écrits  en  hé- 
breu ,  nous  n'avons  les  antres  qu'en  grec; 
mais  il  n'a  pas  été  essentiel  à  l'inspiration 
d'un  auteur  qu'il  écri\îl  dans  une  langue 
plutôt  que  dans  une  autre  :  une  trad  ction 
lidèle  tient  lieu  de  l'original  lors(|u'il  est 
perilii.  —  Les  anciens  caractères  hébreux, 
dont  les  écrivains  juifs  se  sont  si  rvis,  étaient 
les  samaritains;  mais  après  la  captivité  de 
Babylone,  les  juifs  trouvèrent  les  taiarlères 
chaldeens  plus  commodes,  et  les  ado|.tèr(nl. 
La  date  de  ce  changement  n'est  pas  cerlai- 
neriicnt  connue  ;  mai-  il  n'a  pas  pu  intro- 
duire plus  d'altéraiion  dans  le  texte,  (|ue  la 
substiiution  (|ue  nous  avons  faite  de  nos  ca- 
ractères modernes  aux  letires  gothiques.  — 
Les  livres  écrits  en  hélireu  ont  été  plusieurs 
fois  traduits  en  grec;  la  version  la  plus  an- 
cienne ei  la  plus  célèbre  esi  celle  îles  Sep- 
tante, qui  a  été  faite  avant  Jésus-Christ,  et 
(le  laquelle  on  pense  que  les  apô  res  .-^e  sont 
servis  ;  nous  en  parlerons  en  son  lieu. 

Quo  que  la  plupart  des  livres  du  Nouveau 
Tesiameiil  aient  été  aussi  reçus  pour  cano- 
nique:- dès  les  premiers  temps  de  l'Eglise,  il  y 
en  a  cependant  desquels  on  a  douté  d'abord; 
tels  sont  l'Epître  de  saint  Paul  aux  H  hreux, 
celle  de  saint  Jude,  la  seconde  de  saint  Pierre, 
la  seconde  et  la  tioisième  de  saint  Jean, 
i'A|)ocalypse.  —  Tous  ont  été  écrits  err  grec, 
excepte  l'Ewjngile  de  saint  MaUhieu,  que 
l'on  croit  avoir  été  originairement  composé 
en  hébreu,  mais  dont  le  texte  ne  subsiste 
plus;  c'est  le  sentiment  de  saint  Jérôme. 
Quelques  critiques  modernes  ont  voulu  sou- 
tenir que  tout  le  Nouveau  Testament  avait 
d'abord  été  écrit  en  syriaque;  mais  leur 
opinion  est  absolument  di'Slitrice  de  preuves 
et  de  vraisemblance.  Le  P.  Haidouin.  nui  a 
voulu  prumer  que  les  apôtres  ont  écrit  en 
latin,  et  que  le  grec  n'est  qu'une  version,  n'a 
persuadé  personne  (1). 

(1)  1)  imiiortc  exlrémeiiieut  de  coniiaitie  en  quelle 
18 


555 


BIQ 


BIB 


SS6 


On  conçoit  qae  les  exemplaires  de  la  Bible 
ont  dû  se  muiliplier  beaucoup  ;  non-seule- 
ment les  textes  originaux  ont  été  copiés  à 
l'infini,  mais  il  s'en  est  fait  des  versions  dans 

langue  nos  livres  ssiinls  oui  été  écrits  et  quelle  est 
la  \aleur  du  texte  primitif  qui  est  parvenu  jusqu'à 

MOUS. 

La  plupart  des  livres  de  l'Ancien  Testament  ont 
été  écrits  en  héhreu.  Les  livres  deiiléroc^inoniques 
du  Vieux  Teslanieui  ne  naus  siml  parvenus  qu'en 
grec.  On  croit  généralenieiil  que  1:»  Sagesse  et  le 
\ecotid  livre  des  Machahéei  oui  éié  composés  en 
grec.  On  ignore  en  quelle  langue  le  livre  de  Tobie 
a  éié  écrit  priiiiitivenienl.  L'Ecclésiastique,  Baruch, 
lesfrflgnit'H/sdeutéiocanoniques  de  Daniel  eiii' E^ther, 
paraissent  avoir  été  écrits  orginaiiemeiu  en  hébreu 
ou  en  clialdéen  :  mais  le  texte  en  e-l  perdu. 

Les  livres  du  Nnoveau  Testament  ont  é  é  éeriis  en 
grec,  à  l'exceplioii  de  V Evangile  de  saint  Miillhieu,  qui 
très  proliableuienl  a  été  composé  dans  un  liébreu 
mêlé  de  syria^pn*,  mais  donl  il  ne  lestc  plus  maiiite- 
naiil  qu'une  version  grecque  qui  nous  lient  lieu  il'oii- 
giiial.  Plusieurs  auleuis  ont  prétendu  que  ['Epitre 
aux  Hébreux  avait  éié  composée  priniiiivenienl  en 
hébreu.  Il  y  en  a  beaucoup  d'autres  qui  pensent 
qu'elle  a  clé  écrite  en  grec  ou  en  syro-clialdaï'iue. 
On  comprend  que  nous  ne  pouvons  entrer  dans 
l'exaiMen  de  celle  question. 

i'Iusieurs  auteurs  de  lutule  répulation  ont  prétendu 
(pie  le  lexie  hélireu  a  éié  piol'jndéuienl  altéré  par 
les  Juil's,  et  qu'on  ne  iloil  le  consultiT  qu'avec  une 
extrême  défiance.  Telle  est  l'opinion  du  l'.  llardouin, 
de  lloubigant,  de  Scrrarius,  de  Billuaii,  etc.  La 
discussion  de  celte  opinion  ne  manque  pas  d'impor- 
lance,  car  on  recourt  souvent  au  lexie  hébreu  pour 
déterminer  le  sens  des  différentes  vitsioiiS.  Nous 
cmiUons  en  principe  qu£  le  le.\te  hébreu  est  parve- 
nu jusqu'à  nius  sans  alléralion  subsmnlielle,  et  il 
répugne  eo  particulier  d'attr.bucT  cette  aliération  à 
la  malice  des  Juils.  Tel  est  maiutenaiil  le  seiiti- 
ineiil  commun. 

Nous  pruuvons  cette  proposition  par  la  croyance 
de  l'Lglise  et  par  l'iinpossibilité  de  l'hypothèse  de 
nos  ailveisaircs. 

1*  Par  la  croyance  de  i' Eglise.  On  doii  regarder 
comme  cerlain  ce  qui  a  toujours éié  cru  dans  l'kglise 
depuis  les  apôlres  jusqu'à  nos  jours.  Or  l'intégrité 
du  texte  hébreu  a  toujours  élé  ciue  dans  l'Eglise. 
Elle  était  rcgardéeconiiiieioconieslable  au  iii^'  siècle, 
puisque  c'est  à  cette  époque  qu'Origène,  fainpliile 
eisainl  Lucien  entreprirent  leurs  iinnieii-es  travaux 
pour  corriger  la  version  des  Sepianlc  sur  le  texte 
hébreu,  ou  comme  ils  le  disent  eux-mêmes  sur  la 
Vérilé  Hébraïque  {juxta  kebraicam  veriiniein),  et  cha- 
cun sait  avec  i|uel  eiiipresseinent  leur  travail  lui 
accueilli  parles  difTcrenles  églises  ;  or,  coinineot 
aurait-un  pu  entieprendre  et  adopter  des  currcciioiis 
laites  sui  un  texte  que  l'on  aurail  regardé  comme 
altéré  substaniicllemem  ?  Au  v^  sicde,  à  l'instigation 
du  pape  Damas  on  cnlrcpril  une  version  latine  du 
Vieux  Tesianienlsur  le  icxie  hébreu,  et  maigre  quel- 
ques oppositions  ce. le  version  lut  bieniôt  reçue  dans 
loiitc  l'i'.glise  latine  sous  h;  nom  de  Vulgnie.  Le  droit 
canonique  a  éi  igé  eu  maxime  celle  sentence  de  saïut 
Jcfôme,  qui!  i|ii  iiiil  il  s'a^il  de  corriger  les  versions 
du  Vieux  Tcsiauieiii,  il  laul  recourir  à  rurigiual  hé- 
breu, et  c'est  d'après  cette  maxime  qu'.vIcuiM,  au 
viti'  siècle,  le  cardinal  Hugues  de  Saiiil  Cln  r  au 
ïiv  siècle  ,  onl  corrigé  les  faulcs  qui  s'c  aient 
glissées  dans  la  Vulgaie,  el  même  depuis  le  concile 
de  Trente,  sous  les  papes  tjixie  V  et  Clément  Vlll, 
on  a  corrigé  la  Vulgatesur  le  texte  hébreu.  —Donc 
l'Eglise  a  toujours  cru  que  le  texte  hébreu  avait 
conservé  son  intégrité  subsianiielle,  autrement  elle 
n'aurait  pu  adopter  les  versions   curreciives  faites 


la  plupart  des  langues  mortes  ou  vivantes. 
Sous  ce  double  rapport,  on  distingue  les 
Bibles  hébraïques,  grecques,  latines,  chal- 
daïques,  syriaques,  arabes,  cophtes,  armé- 
niennes ,  persanes  ,  moscovites  ,  etc.  ,  et 
celles  qui  sont  en  langue  vulgaire.  Nous 
donnerons  une  courte  notice  des  unes  et  des 
autres. 

Bibles  hébraïqces.  Elles  sont  manuscrites 
ou  imprimées.  Entre  les  manuscrites,  les 
meilleures  el  les  plus  estimées  sont  celles 
qui  ont  été  copiées  par  les  juifs  d'Espagne  ; 
les  juifs  d'Allemagne  en  ont  fuit  un  plus 
grand  nombre,  mais  elles  sont  moins  exac- 
tes. 11  est  même  facile  de  les  distinguer  au 
coup  d'œil  ;  les  premières  sont  en  beaux  ca- 
ractères carrés,  comme  les  Bibles  hébraïques 
de  Bomberg,  d'Etienne  et  de  Plantin;  celles 
d'Allemagne  ont  des  caractères  semblables 
à  ceux  de  Munster  et  de  Grypbe. 

Richard  Simon  observe  que  les  plus  an- 
ciennes Bibles  hébraïques  manuscrites  ont 
tout  au  plus  six  à  sept  cents  ans  d'antiquité; 
cependant  le  rabbin  Menahem,  dout  on  a  im- 
primé quelques  ouvrages  à  Venise,  en  1618, 
sur  les  Bibles  hébraïques,  en  cite  un  grand 
nombre  qui,  dans  ce  temps-là,  dataient  déjà 
de  plus  de  six  cents  ans. 

Morin  ne  donne  que  cinq  cents  ans  d'an-, 
tiqtiité  au  fameux  manuscrit  d'Hillel,  qui  est 
à  Hambourg.  Le  P.  Houbigant  n'en  a  point 
connu  qui  remontât  au  delà  de  six  à  sept 
siècles  ;  il  a  pensé  que  celui  de  la  bibliothè- 
que des  Pères  de  l'Oratoire,  de  1 1  rue  Saint- 
Honoré  à  Paris,  pouvait  avoir  près  de  sept 
cents  ans.  Ceux  de  la  bibliothèque  du  roi 
ont  paru  moins  anciens  à  l'abbé  Sallier.  Les 
dominicains  de  Bologne  en  Italie  en  ont  un 
du  Pentateuque,  dont  le  P.  de  Monlfaucon  a 
parlé,  et  dont  l'antiquité  peut  êlre  d'environ 
neuf  cents  ans.    Dans  la   bibliothèque  bod- 

sur  ce  texte.  Au  reste,  saint  Augustin  qui  s'était 
d'abord  oppoaé  à  la  version  de  saini  Jérôme,  est 
ensuite  totalement  revenu  au  seniimeni  que  nous 
soutenons,  car  voici  comme  il  s'exprime  :  Absit  ut 
prudens  quispiam  Judnorum  perversitatem  lantuni 
potuisse  credui  in  curdibus  tam  muUis  el  tam  lunge 
lateque  dispersis  (De  Cicit.  Dei,  I.  xv.) 

ii"  Vnr  iimp'jssibilité  de  t'hypoilièse  de  nos  adver- 
saires. Eu  effet  il  est  impossible  d'assigner  l'éiioque 
de  celle  prélendiie  alléraiion.  F^lle  n'a  pu  avoir  lieu 
avant  Jésus-Chri<t  ;  car  abirs  les  Juifs  n'avaient  au- 
cun iiiotif  de  falsilier  les  prophéiies,  et  Jésus-Christ 
el  les  apôtres  qui  leur  onl  reproché  tant  d'autres 
crimes  n'auiaient  pas  inan<pié  de  leur  reprocher 
une  l'alsilicatlou  au.->si  ci  iiniuelle.  De  plus,  comment 
supposer  que  tout  un  peuple  s'accoidc  ainsi  dans 
une  entreprise  de  celle  naïue  sans  qu'il  se  fasse 
.lucune  réclamation  ?  Ce  ne  peut  être  non  plus  de- 
puis Jé-us-Christ;  car  coiiiiiieiit  les  Juils  convertis 
anciiristiani-niei-t  les  chrétiens  qui  savaient  Ihébreu, 
auraient-ils  simlTerl  une  altéiaiion  importanle  ï  Cela 
esi  impossible,  liomine  les  aulres  livres  anciens,  la 
Bilile  n'était  divisée  ni  en  chapitres,  m  en  versets.  U 
n'y  avait  ni  accents,  ni  esprits,  ni  poinls-ivyellet. 
C'est  le  cardinal  Hugues  de  Saïut-Cher  qui  le  pre- 
mier divisa  la  Bible  en  chapitres.  Le  célèbre  iuipri- 
meur  Kobcrl  Etienne  divisa  les  chapitres  du  Nouveau 
Testament  en  vcrsels.  La  poiiciuallon  ne  remonte 
pas  avant  le  IX'' siècle  :  on  ne  trouve  ni  points  ni 
virgules  dans  les  nianuscrils  qui  remontent  plus  haut. 


557 


DIB 


mn 


558 


I 


leyenne,  en  Angleterre,  il  y  en  a  un  da  Pen- 
taleuque,  et  un  autre  qui  contient  le  re<te 
de  l'Ancien  Testament,  auxquels  on  attribue 
sept  cents  ans  d'antiquité.  Le  plus  fameux 
manuscrit  du  Penlaleiiquc  samaritain  que 
gardent  les  samaritains  de  Naplousc,  qui  est 
l'ancienne  Sichein,  n'a,  dit-on,  que  cinq  cents 
ans.  Celui  de  la  bitiliollièque  atnbnisicnnc  à 
Milan  peut  être  plus  ancien.  11  y  a  un  ma- 
nuscrit hébreu  à  la  bibliothèque  du  Vatican, 
que  l'on  dit  avoir  été  copié  en  073. 

Les  plus  anciennes  Bibles  hébraïques  im- 
primées ont  été  publiées  par  les  juifs  d'Italie, 
en  particulier  celles  tie  Pes.iro  et  de  Brosce. 
Ceux  de  Portugal  avaient  commencé  d'impri- 
mer quel(|iies  parties  de  la  Bible  à  Lisbonne, 
avant. qu'on  les  chassât  de  ce  royaume.  On 
peut  remarquer  eu  général  que  les  meilleu- 
res Bibles  en  hébreu  sont  celles  qui  ont  été 
imprimées  sous  les  yeus  des  juifs;  ils  sont 
si  attentifs  à  observer  jusqu'jiux  points  et 
aux  virgules,  que  personne  ne  peut  pousser 
l'exaclitude  plus  loin. 

Au  commencement  du  xvi*  siècle,  Daniel 
Bomberg  imprima  plut;ieu;s  Bibles  hébraï- 
ques, in-folio  et  in-'*",  à  Venise,  dont  quel- 
ques-unes sont  également  estimées  par  les 
juifs  et  par  les  chrétiens.  La  première  parut 
en  1317;  elle  porte  le  nom  de  son  éditeur, 
Félix  Prœenni;  c'est  la  moins  exacte.  La 
seconde  fut  publiée  en  1526.  On  y  joignit  les 
points  des  massorèles,  les  conimeniaires  de 
divers  rabbins,  et  une  préface  du  \\.  Jacob 
ben  Chajim.  En  15i8,  le  n)ême  lioniberg  im- 
prima la  Bible  in-folio  de  ce  dernier  rabbin; 
c'est  la  meilleure  et  li  plus  parfaite  de  tou- 
tes. Elle  est  distinguée  de  la  prtmière  Bible 
du  même  éditeur,  en  ce  qu'elle  contient  le 
commentaire  de  R.  David  Kimchi  sur  les 
chroniques  ou  Paralipomènes,  qui  n'est  pas 
dans  l'autre.  —  Ce  fut  sur  celle  édition  que 
Buxiorf  le  père  imprima  à  Bàle,  en  1618,  sa 
Bible  hébraïque  lies  rabbins;  mais  il  se  glissa, 
surtout  dans  le  commentaire  de  ceux-ci, 
plusieurs  fautes;  Buxiorf  altéra  un  assez 
grand  nombre  de  leurs  passages  peu  favo- 
rables aux  chrétiens.  La  même  année  parut 
à  Venise  une  nouvelle  édition  de  la  Bible 
rabbinique  de  Léon  de  Modèiie,  r.ibbin  de 
cette  ville  ;  il  prétendit  avoir  corrigé  un 
grand  nombre  de  fautes  répandues  dans  la 
première  édition  ;  mais  outre  que  cette  Ihble 
est  fort  inférieure,  pour  le  papier  et  pour  le 
caractère,  aux  autres  Bibles  de  V  enise,  elle 
passa  par  les  mains  des  inquisiteurs,  qui  ne 
laissèrent  pas  les  commentaires  des  raiibins 
dans  leur  entier.  Au  reste,  ou  ne  voit  point 
en  quoi  les  traits  lancés  contre  le  christia- 
nisme par  les  rabbins,  et  retranchés  par 
Buxtorf  et  par  les  inquisiteurs,  pouvaient 
Contribuer  à  la  perfection  d'une  Bible  hé- 
braïque. —  Celle  de  Robert  Etienne  est  esti- 
mée pour  la  beauté  des  caractères,  mais  elle 
est  inGdèle.  Planliu  en  a  fait  aussi  imprimer 
à  Anvers  de  fort  belles  ;  la  meilleure  est 
celle  de  loC6,  in-k'.  Manassé  ben  Israël,  sa- 
vant juif  portugais,  donna  à  Amsterdam  deux 
éditions  de  la  Bible  en  hébreu,  l'une  î«-V°, 
l'autre  tn-8°.   La  première  est  en  deux  co- 


lonnes, et  par  là  plus  commode  pour  le  lec- 
teur. En  1631,  Habbi-Joseph  LombrosO  en 
publia  une  nouvelle  édition  in-k°  à  Venise, 
avec  de  petites  notes  au  bas  des  pages,  où 
les  mots  hébreux  sont  expliqués  par  des 
mots  espagnols.  Celte  Bible  est  estimée  des 
juifs  de  Constantinople;  on  y  a  distingué 
dans  le  texte,  par  une  petite  étoile,  les  en- 
droits où  il  faut  lire  le  point  carnets  par  un  o, 
et  non  par  un  a. 

De  toutes  les  éditions  des  Bibl's  hébraïques 
in-H°,  les  plus  belles  et  les  plus  correctes  sont 
les  deux  de  Joseph  Athias,  juif  d'Amsterdam; 
la  première,  de  1661  ,  préférable  pour  le 
papier;  la  seconde,  de  1G67 ,  plus  fidèle. 
Cependant  Vander-Hoogl  en  a  publié  une  en 
17(13,  qui  l'cuipoi  te  encore  sur  ces  deux-là. — 
Après  Athias,  trois  prote.-tanis  qui  savaient 
l'hébreu  s'engagèrent  à  avoir  et  à  donner 
une  Bible  hébraïque,  savoir:  Claudius,  Ja- 
blonski  et  Opitius.  L'édition  de  (Claudius  fut 
publiée  à  Francfort,  en  1677,  in-!*".  On  trouve 
au  bas  des  pages  les  différentes  leçons  des 
premières  éditions;  mais  l'auteur  n'est  pas 
toujours  exact  dans  la  manière  d'accentuer, 
surtout  à  l'égard  des  livres  poétiques  de 
l'Ecriture;  d'ailleurs,  comme  cette  édition 
n'a  pas  été  faite  sous  ses  yeux,  elle  fourmille 
de  fautes.  Celle  de  Jablons  \  parut  à  Berlin 
en  1699,  in-k°.  L'impression  en  est  fort  nelte 
et  les  caractères  très-beaux.  Quoi  |ue  l'au- 
teur prélende  s'être  servi  de  l'édition  d  Athias 
et  de  celle  de  Claudius,  il  paraît  n'avoir  fait 
antre  chose  que  de  suivre  servilement  l'édi- 
tion in-k°  de  Bomberg.  Celle  d'0|iitius  fut 
aussi  imprimée  in-k"  à  Keil,  en  170'J  ;  c'est 
dooim  ige  que  la  beauié  du  papier  n'ait  pas 
répondu  à  celle  des  caractères.  D'ailleurs 
r.iuteur  n'a  lait  usage  que  des  manuscrits 
d'Allemagne,  et  a  négligé  ceux  (jui  sont  en 
France;  défaut  qui  lui  est  commun  avec 
Claudius  et  Jabionski.  Ces  Bibles  ont  cepen- 
dant cet  avantage,  qu'outre  les  divisions,- 
s  ni  générales,  soit  parti -ulières,  en  purachis 
et  en  penkim,  selon  la  manière  des  juif», 
elles  sont  encore  divis  es  en  chapitres  et  en 
versets  selon  la  méthode  des  chréliens;  el- 
les renferment  les  keri  hélib,  ou  différentes 
façons  de  lire,  ei  les  sommaires  en  latin  ; 
ce  qui  les  rend  d'un  usage  très-coiiimode 
pour  les  éditions  latines  et  les  conconlances. 
—  La  petite  Bible  in-16  de  Robert  Eiicnne 
est  estimée  pour  la  beauté  du  caractère.  On 
doit  observer  cju'il  y  en  a  une  autre  édition 
à  (îenève  (jui  lui  ressemble  beaucoup,  mais 
dont  l'impression  est  mauvaise  et  le  texte 
moins  correct. 

On  peut  ajouter  à  ce  catalogue  quelques 
autres  Bibles  h  bi  niques  sans  points,  in-8'  et 
!n-2i,  fort  estimées  des  juif»,  uni(|uement 
parce  (jue  la  petitesse  du  volume  les  leur 
lend  plus  commodes  dans  leurs  synagogues 
et  dans  leurs  écoles.  Il  y  en  a  deux  éditions 
de  cette  forme,  l'une  de  Planliu,  in-S°  à  deux 
colonnes,  l'autre  m-2i,  imprimée  par  lia- 
phelingius,  à  Leyde,  eu  1610.  On  en  trouve 
aussi  une  édition  d'Amsterdam  en  gr.iuds 
caractères,  par  Laureut,  en  1631,  et  une 
autre  m-12,  de  Francfort,  en  I69i,  avec  une 


S39 


BIR 


BIB 


560 


préface  de  Leusden;  mais  elle  e«t  pleine  de 
fautes. —  Le  leste  hélireu  sans  points,  que  le 
P.  Koubiganl  de  rOr,itoiro  a  fait  imprimer 
en  quatre  volumes  in-fol.,  à  P.iris,  en  1753, 
avec  un  commentaire  ,  est  d'um-  grande 
beniiié;  cependant  on  reproclu^  à  l'auteur 
d'avoir  h  isardé  trop  légoriMneiii  des  correc- 
tions, et  de  s'être  exposé  souvent  à  corrom- 
pre le  texte,  au  lieu  de  le  corriger.  —  On 
sera  désormais  plus  à  couvert  de  ce  danger, 
avec  le  secours  de  la  liible  hébrai'jue  que  le 
docteur  Keiinicol  vient  de  faire  imprimer  à 
Lomlres  en  deux  volumes  in-folio.  H  a  ^uivi 
l'édition  de  Vander-Hoogt,  qui  passe  pour 
la  plus  correcte,  et  a  rassemblé  au  bas  des 
pages  toutes  les  variantes  recueillies  d'après 
le^  meilleurs  manuscrits  qui  sr  trouvent  dans 
toute  l'Europe.  Uien  ne  nous  manque  donc 
plus  pour  avoir  le  texte  bébreu  dans  la  plus 
grande  correction.  V oij.  Texte. 

Bibles  ghecqles.  Le  grand  nombre  des 
Bi' les  que  l'on  a  publiées  en  grec  peut  être 
reliait  à  trois  ou  quatre  classes  principales, 
savoir  :  celle  i!e  Complute  ,  ou  d'Alcala  de 
Hénarès.  celle  de  Venise,  celle  de  Rouie  et 
celle  d'Oxford. —  La  première  parut  eu  1513, 
par  les  ordres  du  cardinal  Ximeiiès,  et  l'ut 
mise  dans  la  Bible  polyglotte,  que  l'on  ap- 
))ille  orJiuairemeut  la  Bible  de  Complute. 
Celte  édition  n'est  pas  exacte,  parce  que 
dans  plusieurs  endroits  l'on  y  a  cliangé  la 
version  des  Septanie,  pour  se  conformer  au 
texte  hébreu.  Ou  l'a  cependant  réimprimée 
dans  la  polyglotte  d'.\nvers  ,  dans  celle  de 
Paris  et  dans  la  Bible  in-k°  connue  sous  le 
nom  de  Valable,  sans  y  rien  corriger.  —  La 
seconde  Bible  grecque  est  celle  de  Venise, 
qui  parut  en  1318,  où  le  texte  grec  des  Sep- 
tante a  été  imprinié  conformément  au  ma- 
nuscrit  sur  lequel  on  a  travaillé.  Celte  édi- 
tion est  pleiue  de  fautes  de  co[)istes,  mais 
aisées  à  corriger.  On  l'a  réimprimée  à  Stras- 
bourg, à  Hâle,  à  Francfort  el  ailleuis,  en 
l'allérant  dans  queli|ues  endroits  pour  la 
rendre  conforme  au  lexie  bébreu.  La  plus 
commode  de  ces  Bibles  est  celle  de  Francfort, 
à  laquelle  on  a  joint  de  courtes  scholies  dont 
l'auieur  n'isl  pas  i  ommé,  mais  que  l'on  at- 
tribue à  Junius  :  elles  servent  à  marquer  les 
difl'érenles  interprélaiioiis  des  anciens  tra- 
ducteurs grecs.  —  La  troisième  est  celle  de 
Home,  en  1587,  que  l'on  appelle  Védilion 
Sisline,  dans  la(|uelle  on  a  inséré  des  sclio- 
lies  iirées  des  manuscrits  grecs  des  biblio- 
lliC(iues  d('  Home,  et  recueillies  par  l'ierre 
Moi  111.  Elle  pisse  pour  la  plus  exacie.  Cette 
belle  édition  tut  léinipiimée  à  l'aiis  eu  1028, 
par  le  1'.  Miiriii  de  l'Oratoire,  i|ui  y  joignit 
l'ancienne  version  latine  de  Noliil.us;  celle- 
ci,  dans  l'eilniou  de  Home,  était  imprimée 
séparément  avec  les  commenlaires.  L'édition 
grecque  de  Home  se  trouve  dans  la  poly glotte 
de  Londres,  el  porte  en  marge  les  dilVerenics 
leçons  tirées  du  manuscrit  d'.Mexandrie. 
Ou  l'a  aussi  donnée  en  Angleterre  »/(-'•■"  et 
iri-12,  avec  quelques  changements.  Lambert 
Bos  Fa  encore  publiée  en  170',),  à  Franeker, 
avec  toutes  les  dilTérenles  leçons  qu'il  a  |)U 
receuvrar.   —   Enfin  ,    la  quatrième   Hible 


grecque  est  celle  qu'on  a  faite  en  Angleterre 
d'après  un  exemplaire  très-ancien,  connu 
sous  le  nom  de  manu^tcric  d'Alexandrie,  parce 
qu'il  a  élé  envoyé  de  celle  ville.  Elle  fut 
commencée  à  Oxl'ord  par  le  docteur  tlrabe, 
en  1707.  Dans  celte  Bible ,  le  manuscrit 
d'Alexandrie  n'e^l  pas  im!)riiné  tel  qu'il  était, 
mais  tel  qu'on  a  cru  qu'il  devait  élre.  Ou  y 
a  changé  les  endroits  qui  ont  paru  être  des 
fautes  de  copistes,  el  les  ino's  qui  élaieul  de 
différents  dialeci' s.  Quelques-uns  oni  ap- 
plaudi à  celte  liberté,  d'autres  l'oiil  blâmée; 
ils  ont  prétendu  que  le  manuscrit  éiait  exact, 
que  les  conjectures  ou  les  diverses  leçons 
avaient  élé  rejetées  dans  les  notes  dont  il 
était  accompagné,  (oi/.  Septante  ;  el  pour 
les  autres  versions  grecques,  vny.  Version. 

HiBLEs  LATiNKS.  Quoique  leur  nombre  soil 
encore  plus  grand  que  celui  des  Bi  les  grec- 
ques, on  peui  le  réduire  à  trois  classes;  savoir, 
laucieniie  Vulgate,  nomnée  Vcrsio  Ilala, 
traduite  du  grec  des  Septanie  ;  la  Vulgate 
moderne  ,  dont  la  plus  grande  panie  est 
Irailuile  du  texte  hébreu,  et  les  nouvell 's 
versions  I  ilines  faites  sur  l'hébreu  dans  le 
xvr  siècle.  —  De  l'ancienne  Vulgale,  diiul 
ou  s'est  servi  en  Occident  jusqu'après  le  temps 
de  saint  Grégoire  le  (Irand,  il  ne  reste  point 
de  livres  entiers  que  les  Psaumes,  le  livre  de 
la  S  igesse  el  l'Ecclésiaste,  el  des  fragments 
épars  dans  les  écrits  des  Pères,  il'où  Nubilius 
a  lâché  de  la  tirer  tout  entière  :  projet  qui 
a  été  exécuté  de  nos  jours  par  dom  Sabalier, 
bénédictin. 

On  connaît  un  grand  nombre  d'éditions  de 
la  ^'ulgale  moderne,  qui  est  la  version  de 
saint  Jérôme  laite  sur  l'hébreu.  Le  cardinal 
Ximénèsenfit  insérer  dans  sa  polyglotte  une 
qui  est  altérée  ou  corrigée  eu  plusieurs  en- 
droits. La  meilleure  édition  de  la  \'ulgale  de 
Hubert  Etienne  est  celle  de  ISiO,  réimprimée 
en  loij,  où  l'on  trouve  en  marge  les  diffé- 
rentes leçons  des  manuscrits  dont  il  avait  pu 
avoir  connaissance.  Lesdocieurs  de  Louvaiu 
l'ont  revue,  y  ont  ajouté  de  nouvelles  leçons 
inconnues  à  Uoberl  Etienne;  leur  meilleure 
édition  est  celle  qui  contient  à  la  Ou  les  no- 
tes critiques  de  François  Lucas  de  Bruges. 
Toutes  ces  corrections  de  la  Bible  lutine  fu- 
rent faites  ayant  le  temps  de  Sixte  V  et  de 
Clément  Vlli,  depuis  lesquels  personne  n'a 
osé  f;iire  aucun  changement  dans  le  texte  de 
la  Vulgate,  si  ce  n'est  dans  des  commentaires 
ou  dans  des  notes  séparées.  Les  corrections 
ordonnées  par  Clément  Vili,  en  1592,  sont 
celles  que  l'on  suit  dans  toute  l'Eglise  catho- 
lique; (le  deux  réformes  qu'a  faites  ce  ponti- 
fe, on  s'est  toujours  tenu  à  la  première.  Ce 
fut  d  après  elle  que  Plantin  donna  sou  édi- 
tion, el  toutes  les  autres  furent  faites  d'après 
celle  de  Plantin  ;  de  sorte  que  les  Bibles  com- 
munes sont  d'après  la  correction  de  Clément 
Vin.  Yoij.  Vui.CATE.  —  Il  y  a  un  très-grand 
nombre  de  Bibles  latines  de  ta  troisième  clas- 
se,ou  de  versiunslatinesdes  livres  sacrés  fai- 
tes sur  les  originaux  depuis  deux  siècles.  La 
première  est  celle  de  Sanclès  Pagniuus,  do- 
minicain ;  elle  fut  imprimée  à  Lyon  in-k", 
eu  1528;  elle  est  fort  ettimé»  des  juifs.  L'au- 


1 


Ml 


BIB 


leur  la  perfectionna,  et  l'on  en  fila  Lyon  une 
belle  édition  in-folio,  on  1512,  avec  des  scho- 
lies  sous  le  nom  de  Michael  Yillunnvanus. 
On  croit  que  c'est  Mii lui  Servrt,  brûlé  depuis 
à  Genève.  Sorvel  prit  ce  nom,  parce  qu'il 
était  né  à  Villanueva  en  Aragon.  Ceux  de 
Zurich  donnèrent  aussi  une  éditinu  in-'v°  de 
la  Bible  de  P.i{;ninus.  Roliert  Kiienne  la  ré- 
imprima in-folio  avec  la  \'ulpale,  en  1586, 
en  quatre  colonnes  sous  le  num  de  Valable, 
et  on  l'a  insérée  dans  la  liiblern  quatre  lan- 
gues de  l'édilion  de  Hambourg;.  —  Celti?  mê- 
me version  de  Pagnmus  a  éié  rrtouchée  et 
rendue  lillérab'  par  Arias  Montanus,  avec 
l'apiirobalioM  des  docteurs  de  Loinain,  insé- 
ré<'  ensuite,  par  l'ordre  de  Philippe  II,  dans 
la  pcilyplolle  de  Cnui|iliile,  et  enfin  dans  celle 
de  Lmidres.  où  elle  estplacée  entre  les  lignes 
du  texte  I  ébr  u.  Il  y  en  a  eu  dilTérenles  édi- 
tions in-folio,  in-k  et  in-S",  aux(iuelles  on 
a  joint  h'  texte  hébreu  de  l'Ancien  Testament 
et  le  grec  du  Nnnveau.  La  meilleure  est  celle 
de  l!i71,  in-folio.  —  Depuis  la  rcfi>rmation, 
les  protestants  ont  aussi  donné  plusieurs  ver- 
sions laiines  di' la  Bille.  Les  plus  estimées 
sont  celles  de  Munster-,  de  Léon  Juda,  de  Cas- 
talion  et  de  Trcmellius;  les  trois  dernières 
ont  été  souvent  réimprimées.  Celle  de  Cas- 
talion  l'emporte  pour  la  beauté  du  laiin  ; 
mais  les  critiques  sensés  ju^tent  que  celle  af- 
fectation d'élégance  est  déplacée  dans  les  li- 
vres saints.  La  version  de  Léon  Juda,  minis- 
tre de  Zurich,  corrigée  par  les  tliéi  logiens 
de  Salamanque,  a  été  jointe  à  l'ancienne  édi- 
tion publiée  par  Itobert  l'Uienne,  avec  les 
notes  de  V'atable.  Celles  de  Junius  et  de  Tre- 
miliius  sont  préféiérs  par  les  calvinistes,  et 
il  y  en  a  un  grand  nninbre  d'éditions.  Mais 
c'est  mal  <à  propos  que  les  protesianis  donnent 
à  ces  différentes  éditions  la  prélërence  sur 
la  Vulgaie;  leurs  [tins  habiles  critiques,  com- 
me Louis  de  Dieu,  Drusius,  .Milles,  Walsou, 
Capel  ont  rendu  justice  à  la  fidélité  de  crlle- 
ci.  —  L'on  pourrait  ajouter  pour  qualriènn; 
classe  des  5i6<es  /a//nfs,  celle  d'Isidore  Cla  ri  us 
ou  Clair,  écrivain  latholique,  et  évèque  de 
Fuligno  dans  l'Ombrie.  Cet  auleur,  peu  cou- 
lent des  corrections  faites  à  la  Vulgaie,  vou- 
lu! la  corriger  de  nouveau  sur  les  originaux. 
Son  ouvrage,  impiimé  à  Venise  en  151.2,  fut 
d'abord  mis  à  Vimlex,  ensuite  permis  el  réim- 
primé à  Venisi-  en  156i,  à  l'exception  de  la 
préface  el  des  prolégomènes,  dans  lesquels 
Clarius  avait  paru  ne  pas  lespecter  assez  la 
Vulgaie.  Plusi  urs  prolestants  ont  suivi  cet- 
te méthode;  André  et  Luc  Osiandcr  ont  pu- 
blié chacun  une  nouvelle  édition  de  la  Vul- 
gaie corrigée  sur  les  originaux  ;  mais  ont-ils 
toujours  été  assez  sûrs  du  sens  des  originaux, 
pour  juger  avec  ceilitude  que  l'interprète 
latin   s'était  trompé? 

Bibles  orientales.  On  peut  mettre  à  la 
lêle  de  cesBibles  la  version  samaritaine,  qui, 
de  tous  les  livres  de  l'Kcrilure,  ne  renferme 
que  le  Penlaleuque.  [Il  ne  laut  pas  confondre 
celle  version  avec  le  Penlaleuque  samaritain 
qui  n'est  que  l'hébreu  éeril  en  caractères  sa- 
maritains.] Cette  version  est  faite  en  samari- 
tain moderne,  peu  différent  du  chaldaïque, 


RIB  961 

8ur  le  texte  hébreu  écrit  en  caractères  sama- 
ritains, et  qui  est  différent  eu  quelque  chose 
du  texte  hébreu  des  Juifs.  Le  P.  Morin  de 
l'Oratoire  est  le  premier  qui  ait  fait  imprimer 
le  Penlaleuque  hébreu  des  samaritains  avec 
la  verràon.  L'un  et  l'autre  se  trouvent  dans 
les  polyglottes  de  Londres  el  di;  Paris.  Les 
samaritains  ont  encore  une  version  arabe 
du  l'entateu(|ue.  qui  n'a  point  été  icnprioiée 
el  qui  est  fort  r  ire  ;  il  \  en  a  deux  e\em- 
|>laires  dans  la  bibliothèque  du  roi.  L'auteur 
de  cette  version  se  nomme  Alitsard,  et  a  mis 
en  marge  quehiues  noies  liiterales.  Ils  ont 
ausM  l'histoire  de  Josué,  qu'ils  ne  rejardent 
point  comme  can<ini(|ue.  et  qui  est  diffeienle 
du  livre  de  Jusué  renfermé   dans  nos  Bibla. 

BiBLiîs  chaldiïenne-.  Ce  ne  sont  point  de 
plires  versions  du  texte  hébreu,  mais  des 
gloses  ou  paraphrases  de  ce  texte,  que  les 
Juifs  ont  faites  en  langue  chaldaï(|ue,  lors- 
qu'ils la  parloienl.  Ilslis  nomment  lai  gumim, 
interprétations.  [  Elle  est  h  littérale  qu'on 
peut  la  regarder  comme  une  simple  version.l 
Les  plus  estimées  sont  celle  d'Onkélos,  qui 
ne  comprend  que  le  Penlaleuque  ,  el  cel- 
le de  Jouiilban,  sur  les  livres  que  les  juifs 
nomment  jyro/j/îè;«s,  tels  que  J'isue,  les  Juges, 
les  livres  des  Rois,  les  grands  el  les  petits 
prophètes.  Les  autres  paraphrases  chalda'i- 
quis  sont  la  plupart  remplies  de  f.ibles.  On 
les  a  mises  dans  la  grande  Bible  hébra'i'que 
de  Venise  et  de  lîàle,  mais  elles  se  lisent  plus 
aisément  dans  les  polyglottes  où  la  traduc- 
tion latine  se  trouve  <à  côté.  Voyez  Targum. 

Bibles  syriaqi;es.  (  1  j  Les  Syriens  ont 
deux  versions  de  l'Ancien  Testament  dans 
la  langue  de  leurs  ancêtres;  l'une  faite  sur 
le  grec  des  Septante,  qui  n'a  point  été  im- 
primée, l'antre  faite  sur  le  texte  hébreu,  qui 
se  trouve  dans  la  polyglotte  de  Paris  et  dans 
celte  d'Angleierre.  Parmi  les  versions  orii'n- 
tales  de  l'Ecriture,  celle-ci  esl  l'unii  des  plus 
précieuses.  —  Elle  paraît  avoir  éié  faite  ou 
du  temps  même  des  apôtres,  ou  immédiate- 
menl  après,  pour  les  Eglises  de  Syrie  où  el- 
le est  encore  en  usage.  —  Les  maronites, 
et  les  autres  chrétiens  qui  suivent  le  rite 
syrien,  atlriliuent  à  celte  version  une  anti- 
quité fabuleuse.  Ils  prétendent  qu'une  partie 
a  été  faiie  par  ordre  de  Salamon,  pour  Hi- 
ram,  roi  de  Tyr,  et  le  reste  par  orilre  d'.Vb- 
gare,  roi  d'Edesse,  contemporain  de  Notre- 
Si-igneur.  La  seule  preuve  qu'ils  en  iloniienl 
est  que  saint  Paul,  dans  son  ÉjiUreaux  Ephc- 
sinis  (iv,  8) ,  a  cité  un  passage  du  psaume 
Lxviii,  V.  18,  selon  la  version  syriaque.  Il 
dit  de  Jésus-Christ  qu'il  a  mené  captive  une 
multitude  de  captifs,  et  a  donne  des  dons 
aux  hommes  ;  l'hébreu  et  les  Seplaute  por- 
tentseulemenl  :  Ha  reçu  diS  dons  pour  leshom- 
mes.  Celle  preuve  esl  trop  légère  pour  établir 
un  fait  aussi  important.  —  La  vérité  esl  que 
cette  version  est  fort  ancienne,  qu'elle  a  pré- 


(1)  Mgr  Wiseman  a  fait  un  travail  très-important 
sur  le^  versions  syriacpies.  Il  en  a  tiré  des  preuves 
iiès-piiissaiiies  contre  le  protesiaiiiisiiie.  Le  savant 
écrii  de  .Mgr  Wisenian  se  iroiive  d;ms  te  liiine  XVI 
des  Démnntirwions  cvangélique$  (édii.  Migiio). 


ses 


E|IB 


BIB 


§64 


cédé  toutes  les  autres,  excepté  celle  des  Sep- 
tante, les  targums  d'Onkélos  et  de  Jonathnii. 
C'est  le  sentiment  ile  Pocock,  dans  sa  Préfa- 
te  de  Michée;  de  l'abbé  Hen.-iudot,  dans  sa 
Collection  des  liturgies  orientales;  de  Wallon, 
Prolég.,  13,  etc.  Il  paraît  que  son  autour 
est  un  chrétien,  juif  de  nation,  qui  savait 
très-bien  les  dt-ux  langues;  elle  est  fort  ex- 
acte et  rend  avec  plus  de  justesse  qu'aucune 
autre  le  sens  de  loriginal.  Le  génie  de  la 
langue  y  contribue  beaucoup;  comme  c'était 
la  langue  malernelle  de  ceux  qui  ont  écrit  le 
Nouveau  Testament,  et  un  dialecte  de  l'iié- 
hreu,  il  y  a  plusieurs  choses  qui  sont  plus 
heureusement  exprim;'es  dans  celte  version 
que  dans  aucune  autre.  Elle  n'esl  pas  moins 
fidèle  sur  le  Nouveau  Testament  que  sur 
l'Ancien  ;  il  n'eu  est  donc  aucune  de  laquel- 
le on  puisse  tirer  plus  de  secours  pnur  l'in- 
telligence des  livres  sac-rés.  Tiabriel  Sionile 
a  pulilié  à  Paris,  en  1.d2o,  une  Irès-belle  édi- 
tion des  psaumes  en  syriaque,  avec  une  tra- 
duction latine. 

La  première  éditionduNouveau  Testament 
syriaque  esl  celle  que  Widmanstadius  fit  pa- 
raître à  Vienne  en  Autriche,  l'an  loo5,  aux 
frais  de  l'empereur  Ferdinand.  Dans  le  ma- 
nuscrit apporté  d'Orient,  cldontçn  se  servit, 
il  manquait  la  seci  nde  Epître  de  saint  Pierre, 
la  seconde  et  la  troi-ièin<'  tic  saint  Jean,  celle 
de  saint  Jude  et  l'Apocal*  pse.  On  en  conclut 
assez  légèrement  que  ces  livres  n'élaienl 
point  admis  dans  le  canon  des  Kcrilures  par 
les  jacobiies,  quoi  ju'ils  lussent  entre  leurs 
mains.  Mais  Louis  de  Dieu,  aidé  de  Daniel 
Hcinsius,  fit  imprimer  en  syriaque  l'Apoca- 
lypse en  1627,  sur  un  manu'^crii  (jue  Joseph 
Scaliger  avoit  légué  à  l'université  de  Leyde. 
En  ltj30,  le  savant  Pocock,  âgé  seulement  de 
vingt-quatre  ans,  trouva  dans  la  liitiliothè- 
que  bodieyenne  un  très-beau  manuscrit  sy- 
riaque,  qui  contenait  plusieurs  écrits  du  Nou- 
veau Testament,  et  en  particulier  les  quatre 
épitres  qui  manquaient  dans  le  manuscrit  de 
Vienne.  11  joignit  aux  caractères  syriaques 
les  points  selon  les  règles  dv)nnées  par  Ga- 
briel Sionite,  le  texte  grec,  une  version  la- 
tine comparée  avec  celle  d'Eizélivis,  des  no- 
tes savantes  et  utiles,  et  fit  iiiii)rimer  cet  ou- 
vrage à  Leyde  ;  ainsi  l'on  est  parvenu  à  nous 
donner  une  version  très-complèle  de  l'Ecri- 
ture sainte  dans  une  langue  ((ui  a  été  ccIIl- 
de  notre  Sauveur  et  des  A()ôlres.  Elle  est 
dans  la  polyglotte  d'Angleterre,  tom.  V.  — 
Comme  on  ne  peut  pas  prouver  que  celle 
version  des  dilTérenles  parties  d(î  l'Ecriture 
sainte  ait  été  faite  en  divers  temps  et  par 
des  auteurs  dilTérenls,  il  en  résulte  que, 
quand  elle  a  été  faite,  les  Eglises  de  Syrie; 
regardaient  comme  canoniques  les  (ivres 
que  le»  protestants  ont  trouvé  bon  de  rejeter, 
et  dont  ils  s'obstinent  encore  à  mécomiaitre; 
la  cantmicité.  —  .Xssémani,  liibliotli.  orient., 
t.  II,  cbap.  13,  utlritiue  celle  version  à  Tho- 
mas d'iléraclée,  évéque  de  (iermanicie,  qui 
écrivait  en  Glti.  [Il  y  a  eu  plusieurs  aulre^s 
versions  syriaques  qui  n'étaient  peut-être 
que  la  première  qui  parut  sous  dilTerentes 
formes. /,'£a:ap/aire,  faite  sur  les  Exaplcsd'O- 


rigène,  est  probablement  du  vir  siècle.  La 
Philoxénienne,  qui  a  eu  pour  auteur  Phi- 
loxène,  évéque  d'Hiéropolis,  est  de  la  fin  du 
v"  siècle.] 

C'est  donc  très-mal  à  propos  que  Beau- 
sobre  a  triomphé  de  ce  que  l'Apocalypse  ne 
se  trouvait  pas  dans  le  manuscrit  mis  au 
jour  par  Widmanstadius,  et  qu'il  en  a  con- 
clu que  les  Eglises  orientales  ne  reconnais- 
saient pas  ce  livre  pour  canonique.  Les  au- 
tres preuves  négatives  qu'il  allègue  de  ce 
Il  éme  fait  ne  concluent  rien.  Yoy.  Apo- 
calypse. 

Bini.Es  ARABES.  Elles  sont  en  très-grand 
nombre;  les  unes  à  l'usage  des  juifs,  les  au- 
tres à  l'usage  des  chrétiens,  dans  les  pays 
où  les  uns  et  les  autre-  parleni  cette  langue. 
Les  premières  ont  toutes  été  faites  sur  l'hé- 
breu, les  secondes  sur  d'autres  versions. 
Ainsi,  la  version  arabe  des  Syriens  a  été  prise 
(lu  syriaque  ,  depuis  que  cette  dernière 
langue  n'a  plus  été  entendue  du  peuple  : 
celle  des  cophtes  a  pris  pour  original  la 
version  cophliquc,  dont  nous  parlerons  ci- 
après. 

En  1516,  Augnsliîi  Jusiiniani,  évéque  de 
Néliio,  donna  à  Ijêues  une  version  arabe  du 
Psautier,  avec  le  texte  hébreu  et  la  para- 
phrase cbalilaïque,  et  y  joignit  l'interpré- 
tation latine.  Ou  trouve  dans  les  polyglottes 
de  Londres  et  de  Paris  une  version  arabe  Ae: 
toute  l'Ecriture  sainte;  mais  l'abbé  llenau- 
dot  a  observe  que  celte  version  n'esl  qu'une 
compilation  de  plusieurs  autres  (l)qui  n'ont 
rien  de  commun  avec  celles  dont  se  servent 
les  chrétiens  orientaux,  soit  syriens,  soit 
Cophl(!s  ;  (]u'ainsi,  elle  n'aurait  chez  eux 
aucune  autorité.  Litiirg.  orient,  collectio, 
tom.  1,  p.  "208.  —  11  y  a  une  édition  com- 
plète de  l'Ancien  Testament  en  arabe,  qui 
fut  imprim.e  à  Home,  en  tti"!,  par  ordre  de 
la  congrégation  de  propayaivla  fide  ;  mais 
on  a  voulu  la  faire  cadrer  avec  la  \  ulgate, 
et  par  conséquent  elle  n'esl  pas  toujours 
conforme  au  texte  hébreu.  —  Plusieurs  sa- 
vants pensent  que  celle  qui  est  dans  les  po- 
lyglottes a  été  faite  par  Saadias  Gaon,  rab- 
bin, qui  vivait  au  commencement  du  x' 
siècle;  en  elîel  Alieii-Ezra,  grand  antagonis- 
te de  Saadias,  cite  quelques  passages  de  sa 
version  qui  se  trouvent  dans  celle  des  po- 
lyglottes; mais  d'auties  pensent  que  la  ver- 
sion de  Saadias  ne  subsiste  plus  (2).  —  En 
1622,  Ei'péiiius  fil  imprimer  un  Penlali'U- 
que  urid)c-  (jui  lui  appelé  le  l'enlaletique  de 
Àiauritunie,  parce  i|u"il  était  à  l'usage  des 
juifsde  iiarbarie  ;  la  version  en  est  très-lil- 
térale  et  passe  pour  exacte.  Déjà  en  1716, 
il  avait  publié  à  Leyde  un  Nouveau  Testa- 
ment comjdel  en  arabe,  tel  qu'il  l'avait 
trouvé  dans  un  manuscrit.  Avant  lui,  en 
11)91,  l'on  avait  Imprime  à  Home  les  quatre 
Evangiles  en  arabe,  avec  une  version  latine 
in-folio.    Celle    version  a   été    réimprimée 

(i)  Celle  lie  Josiié  ;i  éié  fciie  sur  l'hébreu  ;  celle 
de  Job  sur  une  version  syri.i(|tie. 

(2)  Llle  couipieiiail  le  Pent.iieuque  et  le  proplicle 
Isaïu. 


565 


BIB 


BIR 


5èn 


dans  les  polyglottes  de  Paris  et  de  Londres, 
aven  quelques  changeraenls faits  par  Gabriel 
Sionite. 

KiBLES  COPHTES.  Ce  sont  les  Bibles  des 
chrétiens  d'Ep;yple  que  l'on  appelle  coplUes 
ou  copies  :  elles  sont  écrites  dans  l'ancion 
langage  lie  ce  pays-là,  qui  est  un  niélinsje 
de  grecetd'éjïyplien.  M  n'y  aaucuiip  |)iirliede 
la  BibleUnprUnée  eu  cophtr  'l),  mais  il  y  eu  a 
plusi  urs  en  inaiiuseiit  dans  les  grandes  bi- 
bliothèques ,  suriout  dans  celle  du  roi. 
Coinuie  la  langue  cophle  u'ai  plus  eulendtie 
par  les  chrétiens  d'Egypte,  depuis  qu'ils  sont 
sous  la  domination  des  maliomotaus,  ils  li- 
sent l'Ecriture  dans  une  versi<in  arabe. 
Quant  aux  leçons  tirées  de  l'Ecriture  qu'ils 
lisent  dans  leur  liturgie,  ils  les  prennent 
dans  une  version  coplite  qui  a  été  fiile  sur 
celle  des  Septante.  —  L'abbé  llenuu<l>>l  juge 
que  leur  version  eophle  du  Nouveau  Tesla- 
tament  est  très-ancienne  ;  il  lui  paraît  certain 
que  les  anciens  solitaires  de  la  Tbébaïde 
n'entendaient  que  le  cophte,  et  ne  pouvaient 
lire  l'Evangile  que  dans  cette  langue.  Il  sé- 
rail bon  d'avoir  plus  de  connaissance  que 
nous  n'eu  avons  de  cette  version,  do  savoir 
si  elle  renferme  tous  les  livres  que  no  is  re- 
cevons comme  canoni(|iies  :  co  serait  un  ar- 
gument de  plus  contre  les  prétentions  des 
protestants.  Nous  pouvons  le  présujuer  ainsi, 
puisque  les  Abyssins  ou  Ethiopiens,  qui  onl 
reçu  lies  patriarches  d'Alexandrie  leur  cro- 
yance et  leurs  usa!;es,  i>nt  dans  leur  Bilile  le 
même  nombre  de  livres  que  nous  ;  c'est  du 
moins  ce  que  rapporte  le  P.  Lobo.  loy. 
Lebrun,  Expl.  des  Cérémon.,  lom.  IV,  p. 
535. 

BiHLEs  ÉTHIOPIENNES.  Les  chréticus  d'E- 
thiopie, que  l'on  appelle  abyssins,  ont  traduit 
quelques  parties  de  la  Bible  dans  leur  laii- 
gue,  comme  les  psaumes ,  les  canîiciues, 
quelques  chapitres  de  la  Genèse,  Kuth,  Joél, 
Jonas,  Malachie  cl  le  Nouveau  ïestameni. 
Ces  divers  morceaux  ont  été  d'abord  impri- 
més séparément,  et  ensuite  recueillis  dans 
la  polyglotte  d'Angleterre.  Cette  version  (2) 
doit  avoir  été  laite  ou  sur  le  grec  des 
Septante,  ou  sur  le  cophte  (jui  a  lui-même 
été  tiré  des  Septante.  Le  Nouveau  Testament 
éthiopien,  imprimé  d'aboi  d  à  Home  en  ii>'i-8, 
est  très-inexact  ;  on  n'a  pas  laissé  de  le  faire 
passer  avec  toutes  ses  fautes  dans  la  poly- 
glotte de  Londres.  Wallon.  Prcléij.  15,  pense 
que  cette  version  du  Nouveau  Testament  a 
été  faite  sur  le  texte  grec,  et  non  sur  aucune 
autre  version;  il  est  persuadé,  avec  raison, 
que  les  Kthiopiens  onl  une  version  complète 
de  la  Bible  dans  leur  langue,  qui  ressemble 
beaucoup  au  cbaldeen,  par  conséquent  à 
l'hébreu  ;  mais  il  n'avait  pas  pu  parvenir  à 
en  avoir  un  exeiuplaire  complet.  Leur  Nou- 
veau Testament  renferme  l'Apocalypse  et  les 

(t)  11  y  a  quelques  pariies  des  versions  copines 
ou  égylieiiiies  qoi  onl  élé  imprimées.  Le  Penlaleii- 
que  a  élé  imprimé  à  Londres  en  1751,  le  Psanlier  à 
Rome  en  i74-iol  l^i.t.el  iinepariie  de  Daniel  en  178  j. 

(â)t'Jlcesi  fort  ancienne.  S.iiiit  Je;ni  Chrysoslo- 
Bieeit  parle  dans  sa  2<  houiélle  sur  saint  Jean. 


quatre  épîlres  dont  certains  critiques  moder- 
nes ont  voulu  contester  l'authenticité.  Nou^ 
parlerons  ailleurs  de  leur  croyance  et  de  leur 
liturgie.  Voij.  ETnioi>iENS. 

BiiiLEs  ARMÉNIENNES.  H  y  a  uuc  très-an- 
cienne  version  arménienne  de  toute  la  Bible, 
qui  a  élé  faite  d'après  le  grec  des  Septante 
par  quelques  docteurs  de  cette  nation,  dès  le 
temps  de  saint  Jean  Chiysoslome,  vers  l'an 
410,  et  longtemps  avant  que  les  Arméniens 
fussent  eiig  igés  dans  le  schisme.  Comme  les 
exempla ires  manuscrits  étaient  rares  et  chers, 
Oscliam  ou  Uscham,  évéqiie  d'Uschoiianeh, 
l'un  de  leurs  docteurs  [après  l'avoir  corrigée 
sur  la  Vulgale],  (il  imprimer  la  Bible  armé- 
nienne enWèrt',  in-tv^à  AiDSlerdani,  en  iCGÎ, 
et  !eNouveauTestamenlùi-8°.Le  Psautier  ar- 
1  énicn  avait  iléjà  è'é  imprimé  longtemps  au- 
paravant. Il  ne  paraît  pas  que  les  Artnéniens 
aient  rejeté  aucun  des  livres  que  nous  appe- 
lons deiitérocanoniques. 

RiBLEs  piRSANES.  Comme  le  christianisme 
a  é-lè  florissant  dans  la  Perse  dès  le  i"''  siècle 
de  l'Eglise,  on  présume  que  l'Ecriture  sainte 
fut  traduite  de  bonne  heure  en  langue  per- 
sniir,  et  quelques-uns  des  Pères  semblent 
l'insinuer;  mais  il  ne  reste  rien  de  celle  an- 
cienne version  que  l'on  suppose  avoir  été 
faite  sur  le  yrec  des  Septante.  Le  Pentateu- 
qup  persan,  que  l'on  a  imprimé  dans  la  po- 
lyglotte d'Angleterre,  est  l'ouvrage  de  R.  Ja- 
cob, juif  persan.  Les  quatre  Evangiles  que 
l'un  y  a  mis  dans  la  même  langue,  avec  une 
traduction  latine,  onl  été  tradui's  plus  ré- 
cemment :  ])lusieurs  critirues  ont  jugé  que 
celte  version  était  très-inexacte,  et  ne  valait 
pas  la  pei  le  d'èi.e  iioîiliée. 

B'BLEG'ixniQUE.On  croit  généralement  que 
Upliilas  ou  Gulphilas,  évéque  des  tjotbs  qui 
habitaient  dans  la  Mœsie,  fit  dans  le  iv  siè- 
cle une  version  de  la  Bihie  entière  pour  ses 
compatriotes,  qu'il  eu  retrancha  cependant 
les  livres  des  Unis;  il  craignit  que  la  lecture 
de  cette  iiistoire  ne  fût  dangereuse  pour  une 
nation  déjà  irop  belliqueuse,  que  les  guerres 
et  les  combats  dont  il  y  est  fait  mention  ne 
fussent  pour  elle  un  prétexte  d'avoir  tou- 
jours les  armes  à  la  main.  Quoi  qu'il  en  suit, 
on  n'a  plus  rien  de  celle  ancienne  version 
que  les  quatre  Evangiles  qui  furent  impri- 
més à  Dordrechl  en  16G5,  d'après  un  très- 
ancien  manuscrit. 

Bible  ;moscovite.  C'est  une  traduction  de 
la  Bible  entière  en  langue  esdavoue,  de  la- 
quelle la  langue  des  Ri:sses  ou  Moscovite.'! 
est  un  dialecte.  Elle  a  été  faite  sur  le  grec,  et 
imprimée  à  O^travie  ou  Ost'Og  en  Volhinie, 
province  de  Pologne,  aux  dépens  de  Constan- 
tin Basile,  duc  d'Ostrasie,  à  l'usage  des  chré- 
tiens qui  parlent  la  langue  esclavone.  On 
ne  sait  pas  précisément  par  quel  auteur,  ni 
en  (luel  temps  celle  version  a  été  faite;  mais 
elle  ne  peut  pas  être  fort  ancienne. 

Bibles  en  langues  vilgaires.  Le  nombre 
en  est  prodigieux,  et  ces  traductions  sont 
trop  connues  [)our  (|u'il  soit  n,  cessaire  d'en 
traiter  en  particulier.  Au  mol  \  ersion,  nous 
dirons  quelque  chose  de  celles  qui  ont  été 
faites  par  les  protestants. 


987 


BIB 


BIR 


5«8 


Sur  les  différentes  Bibles  dont  nous  venons 
do  p.irl.^r,  vny.  KorthoU,  rie  rarii:)  Biblior. 
edit.;  K.  Elia^,  levita;  le  P.  Moriii,  Exernta- 
tiones  biblieœ  ;  Simon,  Hint.  Cril.  du  Vincx 
et  du  .\ouveaH  Test-imem  ;  ^a  Pin,  Bibhot. 
des  Anirnrs  eedps..,yo'A.  I;  Biblothèquesa- 
crre  du  P.  Lolonj;.  et  relie  que  dom  Cal  met  a 
joi   le  à   son  Diciionnaire  de  la  Bible  [édit. 

*''?"«]■  ...      j    ■     j-    • 

Il  nous  reste  dtox  mots  a  dire  de  la  divi- 
sion de  la  Bible  en  livres,  en  chapitres  et  en 
verseU.  D  ms  l'oriprine,  le  texte  élaii  écrit  de 
suite  s;iiis  .lucune  division:  l'an  3.!6,  un  au- 
teur, dont  on  ne  sait  pas  le  nom,  pariURea 
en  chapitres  les  Fpîires  de  saiiil  Paul,  ci  y 
mitdes  litres  inii  indiquent  le  sujot  on  abrégé, 
comme  l'on  fait  emore.  L'an  '^58,  Kutlialius, 
diarre  (l'Alnxandrie,  fit  la  même  chose  sur 
les  Actes  des  apôtres  et  sur  les  Epîlres  cano- 
nique^; il  distingu:i  même  ces  dilïérenls  ou- 
vrai'es  en  ver<cls.  D'autres  ont  in'roluil  les 
même'!  divisions  dans  le  texte  des  l':vangili"s, 
avant  et  après  Eullial'us  ;  mais  on  l'.'en  sait 
rien  «le  certain.  T'o!/.  Zacauni,  Collrct  veter. 
Mdn'im.Erchsiœgi'd'cœel  lniinœ.\»-!i°.Rom'r, 
16  8.  -  Quanl  h  la  division  des  livres  de 
l'Ancien  TesMniont  en  chajiitres  et  en  vrr- 
sels,  elle  est  heauconp  plus  mnderne  :  elle 
n'a  é:é  fiite  qu'au  xi  i  siède,  lorsque  l'on  a 
dressé  les  cimcordances  de  la  Bilile.  Vcy. 
Concordance.  —  Par  conséquent  cette  divi- 
sion ne  fait  pas  loi  ;  si,  pour  trouver  le  \rai 
sens  d'un  passaae  il  faut  réunir  deux  versets 
séparés,  ou  diviser  par  une  nouvelle  ponc- 
tuation une  phrase  réunie  dans  un  seul  ver- 
sei.  cela  est  très-permis,  à  moins  que  le  sens 
différent  ne  soil  fi\é  parli  tradition.  L'E- 
glise, en  déclarant  la  Vulsale  authentique, 
n'a  pas  déci  é  (|ue  la  poncuialion  cl  l'arran- 
{jement  des  versets  S"nt  une  clrnse  sacrée,  à 
lai|uelle  il  n'est  pas  permis  de  toucher. 

BIB;  lOTHftpUR.  On  a  ainsi  Ttommé,  non- 
seulement  les  iieux  dans  lesquels  on  a  ras- 
semblé des  livres,  mais  les  recueils  ou  cala- 
lo(;oes  d'.iuieurs  et  d'ouvragi  s  d'un  certain 
peiite.  Il  en  est  deux  ou  trois  dont  un  théo- 
logien doit  avoir  connaissance;  telle  est  la 
Bihliotlièiiue  sacrée  du  P.  Leiong  de  l'Ora- 
toire, d  ins  laquelle  ce  savant  donne  la  no- 
lice  de  tous  les  auteurs  qui  ont  Irav.iil  é.  ou 
sur  CE,  rilure  sainte  en  général,  ou  sur  quel- 
qu'une (le  ses  part  es.  Le  P.  Desmolrls  l'a 
publiée  en  172'{,  en  deux  volumes  in-folio. 
En  second  lieu,  la  Bihlinthnpf  des  auteurs 
ccclésiaaiiquen ;  le  doctenr  du  Pin  en  a  fait 
sine  trés-ample  en  cin(|nanlc-liuit  vol.  i(i-8', 
cl  dom  Itemi  Cellier,  bcncdiciin,  une  plus 
exacte  en  vin(;l-qualie  volumes  in-h",  sous 
le  titre  i\' Itisloii  e  des  Au'eurs  erclésiasli'/ue:'. 
Il  y  en  a  une  de  Ciuillaume  (^ave,  sa\aol  An- 
glais, en  deu\  volumes  in-folio,  et  nue  Irès- 
abrégée  de  (irand'olas,  imi  deux  volumes 
in-l2.  —  La  Bihlinthèque  de  Plioliiis,  c  im- 
posée au  l\'  siècle,  est  précieuse;  pai'ce 
qu'il  y  a  donné  un  extrait  d'un  grand  nom- 
bre d'ouvrages  d'.ineicns  auteurs,  soit  ecclé- 
8iasti(|ues,  soit  prolani's,  (|ui  sont  perdus. 

BIliLIOUl'.,  terme  (|ue  les  Ihéoligieiis  em- 
ploient pour  désigner  un  genre  de  méilioda 


et  de  style  conforme  à  celui  de  l'Ecrilure 
sainte. 

A  la  naissance  de  la  théologie  scolastique, 

au  xir  siècle,  les  docteurs  chrétiens  se  par- 
tauèrenl  en  deux  classes  ;  ceux  qui  conli- 
nuèrent  à  prouver  \cs  dogmes  de  la  fol  par 
l'Ecriture  sainte  et  par  la  tradition,  furent 
nommés  doctores  bihlici,  pnsilivi,  veteres; 
les  autres  furent  appelés  d  'Ctores  senlenlin- 
rii  et  novi,  parce  qu'ils  s'atiachaienl  princi- 
paleuient  à  expliquer  les  sentences  de  Pierre 
Lombard,  et  à  prouver  leurs  opinions  par 
des  raisonnements  philosophiques.  Ceux-ci 
se  croyaient  flirt  supérieurs  aux  premiers,  et 
s'attiraient  toute  la  considéralion  ;  mais  ils 
furent  vivement  attaqués  par  leurs  adver- 
saires. Guibert,  abbé  de  NogenI  ;  Pierre, abbé 
di' Moulier  la-Celle;  Pierre  le  Chantre,  doc- 
teur de  Paris  ;  (îauibier  et  Richard  de  Saint- 
'Viclor,  écrivirent  avec  chaleur  conire  les 
scolasiiqiies,  et  les  accusèrent  d'altérer  li  foi 
chrétienne;  celle  dispute  fil  grand  bruit,  sur- 
tout dans  les  universités  de  Paris  el  d'Ox- 
ford, et  continua  pendant  le  xii»  siècle.  «Iré- 
goire  IX,  pour  arrêter  ce  désordre,  écrivit 
aux  docteurs  de  Paris  :  «  Nous  vous  ordon- 
nons el  vous  enjo  gnons  rigoureusement 
d'enseiitner  la  pure  théologie  sans  aucun 
mélange  de  science  mondaine,  de  ne  point 
ait'  rer  la  parole  de  Dieu  par  les  vaines  irna- 
ginaiions  des  [)hilo-ophes,  de  vous  tenir  dans 
les  bornes  posées  par  les  Pères,  de  remplir 
les  esprits  de  vos  auditeurs  de  la  connais- 
sance des  vérités  célestes,  et  de  les  faire  pui- 
ser à  Il  Source  du  Sauveur.  »  Du  B  iulay  , 
Hisi.  Acnd.  Paris.,  lom.  III  ,  p.  129.  —  A  la 
renaissance  des  lettres,  les  Ihéologiens  sont 
revenus  à  la  méhode  des  Pères,  mais  sans 
abandonner  entièrement  celle  des  scolasii- 
ques,  (;ui  met  pi  s  d'ordre  pt  de  neltelé  dans 
les  discussions   des    matières.  Voy.  Scolas- 

TIQUK. 

»  BIBLIQUES  (Sociétés),  émlilies  dans  le  dessein 
de  prnpajjer  la  Bilile.  —  Un  ecclésiasuipie  ipie  le 
besoin  de  se  procnnr  une  Bilile  conduisit  à  Londres 
donna  lien  à  la  premier.!  société  h  bliqiie.  Elle  se 
proposa  d'aliord  de  ré|i;iiidre  l.i  Bible  dans  toiiles 
les  lainilles  pauvres  d'Anglelerre.  Mais  bieniôt  s<in 
ceicie  d'aclion  s'éleiidil  heauconp.  Il  y  enl  des  afii- 
lialions  de  la  société  lilliliipie  dans  les  principanx 
Eial>  du  niiui.te.  Du  fii  des  irailiictions  de  la  Bible 
dans  loiiies  les  laiifïnes.  Pinkerion  acquit  à  Paris 
|iiinr  !a  soeiéic  des  iradnciiuns  loires  faites  dans  les 
diilectesdii  Nord  el  du  Tliihet,  ainsi  qui;  les  nianns- 
crils  appelles  des  archives  delà  propai;ande  de  Itunie 
sons  Map  dé'in.  Elle  a  également  eoniriluié  à  l'iin- 
pressiuu  lie  la  Bili'  '  iradnte  en  langue  serhe.  On 
assure  que  le  irivail  le  plus  dilficile  a  été  la  tra- 
dnclioii  de  la  Bible  dans  la  langue  des  Esquimaux. 

Les  sociiUés  bibliques  ont  dépensé  des  smiunes  pro- 
digieuses, el  innnclé  le  momie  d'Anciens  el  de  Nou- 
veaux l'eslamenis.  Elles  n'ont  voulu  les  accompagner 
d'aucun  roniiueiilaire  allii  ipie  cliaenn  puisse  lui  i>er 
.sa  foi  à  sa  vcilonlé.  Qiielipies  ailleurs  oui  regardé 
coiimie  incileiilalile  le  progrès  (|ue  les  sociéie-  bi- 
hliqies  nul  lail  faire  au  monde.  Il  esl  po-sible  que 
par  leurs  voyageurs,  elles  aient  conlnbué  il  l'éiiranie- 
ment  du  iiiomb;  qui  semble  vouloir  rélrograder  vers 
le  chaos. 

L'Eglise  catholique,  loiil  en  regardant  la  Bible 
comiiie  eonlenaiit  la  parole  de  Dieu,  a  ciunlamné  les 
tocii'tci  bibliiines  (Pie  VII,  Léon  XII,  Via  VIII,  Gré- 


."if!9 


BIR 


goire  XVI,  les  ont  liaiilempiit  réproiivéfs).  En  effet 
i'Kglise  callioliqne  ne  regarde  pas  l'Ecriture  comme 
|3  senle  sonrre  <le  la  vérité  clirélieniie,  elle  recnn- 
n;iil  eneore  la  ir.iilition;  elle  enseigne  de  pins  qn'il 
(SI  impnssihie  de  former  sa  fui  par  l.i  le<lure  seule 
(le  la  l!il)le  rpii  doit  êire  interpréiée  par  nne  aiiinrité 
inl:iillilde.  Ces  piincipes  reçoivent  des  développe- 
tneiils  dans  divers  arlicles  de  ce  D  elionnaire.  La 
Hilile  protestante  n'est  pas  eniière,  elle  est  mmilce, 
anire  danger  pour  la  foi.  Un  catholi.ine  siniéie  ne 
P'  ni  donc  qne  rondam  ler  les  sociétés  hibliiities. 

Ces  tociélét  n'onl  pas  eu  pour  le  protesimitisme  le 
siiecès  ijn'il  en  attendait. «Les  Sociétés  bibtiijues  et 
les  associalions  des  missionnaires  protestants  ,  di- 
sait PU  1855,  le  Moiitlily- R^'fittv,  ont  roniinencé 
len  s  travauN  il  y  a  plus  de  irciit(;  ans.  Elles  ont 
ainasvé  it  d(^|ieiisé  des  revenus  lie  priiiee  ;  elles  ont 
(tes  ngenis  d.ms  t"Ules  les  parties  du  glolie.  Les  îles 
les  jiliis  élo'gnees  des  mecs  du  Sud,  de  I'Ocimu  pi- 
eiliqiw  ei  des  mers  de  l'Inde,  ont  éié  visitées  par 
leurs  envoyés.  Nous  les  avons  entendues  proelamer 
plus  d'une  fois  non-senleinent  (|ue  l'idolâtrie  était 
aiiéaniii'  darrs  les  petites  iles,  mais  inènie  que  la 
Taitarie,  la  l'erse  ei  l'Inde  eiaient  sur  le  point  de 
c<^der  aux  effirts  (les  missionnaires  britanniques,  et 
d"ad  pler  la  religimi  de  la  croix... 

«  L;i  Société  hd'lique  de  Londres  existe  depuis 
pins  de  trente  ans  :  eile  a,  dans  rAnglelerre  seole, 
ti'29  socicics  auxiliaires  qui  iravuilleiit  sons  sa  di- 
rectioii.  In  irè--grand  noinine  de  snciélés  protes- 
tantes sendilaliles  ont  éié  élalilies  à  l'aiis,  Lyon, 
Toulon  e,  Moiilpclier,  .Mines,  Sirashniiig ,  Nantes, 
Monianlian,  etanires  parues  de  la  I''r;inee  ;  dans  les 
Pa\s  I5(S,  la  Suisse,  la  l'iusse,  dans  louie  l'Alle- 
niav'iie,  la  Suède,  le  Dmemaik,  etc.  La  Société  bi- 
bliquf  de  Londres  reçoit  seule  arinnellemerit  des 
sons(Ti|iiioiis  rarement  au  dessous  de  8U,nOli  livres 
sieiliiig.  (deux  millions  d(!  Iranes).  Il  y  a  eu  des 
années  où  elles  onl  éié  ari-des-ns  (Je  90.0(10,  (deux 
inUlioris,  2.'i'0,(i00).  Elle  a  lait  imprimer  douze  riiil- 
li..ns  de  Hihies  en  147)  langries.  M:iis,  oiiiriî  les  So- 
ciales éiablies  pour  la  distribntinn  de  la  Bible,  il  y  a 
un  irès-grand  n  'inbre  d'.(ssociatlons  de  missiini- 
n^ires  qui  rainassent  aus  i  des  sou^cripiions.  L'An- 
gleterre seule  en  a  dix  de  (Irfférentes  sectes;  les 
Etals-Lnis  en  ont  cinr]  de  .sectes  diverses;  il  y  en  a 
aussi  en  ."Allemagne,  en  Er.iiice,  etc.  ;  tomes  possè- 
deni  d'  gra  ds  revenus.  En  ISIl),  nue  seule  de  ces 
associalions  reçut  pour  si  part  trente  milbî  livres 
sler'ing  (750,000  fr.),  et  les  receties  aiiiinelles  de 
n>nf  autres,  une  année  d  IIS  l'autre,  sniil  de  vingt. 
riii(|  mille  livres  sieili  g  (Ci'i.OtiO  Ir.),  pour  chaciine 
dans  l'Aogleierre  seuleiiieiit.  Selon  les  rafiports  pu- 
bliés  par  ces  asso  latioiis,  le  noinbre  des  mission- 
naires eiitreicniis  par  elles  dans  les  deux  mondes 
est  de  2.S0O,  'ans  cimipier  leurs  lemines,  doril  on 
vante  aii-si  les  travaux  ellicMces  dans  la  même  car- 
rière. La  plus  grande  parte  cependant  de  ces  mis- 
sionnaires sont  des  per-oones  d'un  ■  édiiealion  Irès- 
borriée.  Le  plus  souvent,  leur  vocarion  a  sa  source 
darrs  le  désrr  de  recevoir  de  ricbes  appoiiriements 
de  dius  à  trois  fciiis  livres  sterling  p:ir  an,  uniipie- 
uieirt  à  l(  charge  de  lire  et  de  fane  circuler  l;i  Bible 
parmi  les  peuples  idolâtres;  el  ,i  ce  prix-là  est-ce  un 
saci  ilice,  pnir  des  liommes  qui  (leuverrt  à  pêne  se 
procurer  chez  eux  les  moyens  de  vivre,  de  s'embar- 
quer pour  les  pays  loiiiianis,  surtout  lorsqu'ils  peu- 
vent emmener  avec  eux  leurs  leinmes  et  leurs  en- 
fants ?  LorNqn'ils  sont  arrivés  à  leur  desiinatinn, 
quels  efforts  l(uit-ils,  ou  peuvent  ils  faire  ?  La  pre- 
mière pen-ée  qui  les  occupe,  c'est  de  se  loger  aussi 
coniiriodénrenl  qu'il  e-t  possible,  el  de  se  tenir  tou- 
jours, autant  que  faire  se  peut,  sous  la  prolection 
du  canon  britannique.  Ils  ne  pi'iiètrent  (pie  rarement 
chez  les  nations  barbares;  ils  ont  peur  .le  la  peste  el 
du  cliolera-morbris,  auxquels  (Ui  ire  peut  pas  rai- 
soiiriablemeiit    s'attendre   qu'ils  veuillent    exposer 


BIE  570 

leurs  familles,  ou  qne  leurs  familles  leur  permettent 
de  s'exposer  eux-mêmes  ;  et,  d'un  antre  côté,  pour 
les  mêmes  raisons,  ils  n'ont  pas  envie  d'être  mar- 
tyrs. 

I  Nous  avons  des  preuves  en  abondance  qu'aussi 
longtemps  que  les  missionnaires  hrilannirpies  con- 
linneriint  leur  système  aciuel,  ils  dniveni  nécessai- 
rerrreni  écbmier  dans  leurs  tentatives  de  convertir  les 
Indrcns  :  l'éducation,  les  mœurs  et  les  préjugés  de 
ces  peuples  sont  tels  que  la  simple  leeiure  de  la 
Itible,  sans  de  longues  insti  iictinirs  préalab'es  pour 
l(>s  aider  .à  l'inierpréter.  les  él  igrre  de  la  religion  de 
l'Evangile,  nlutftt  une  de  les  y  anirer.  D'ailleurs,  les 
traductions  de  la  Bib  e  dans  les  dialectes  de  l'Inde, 
sont  si  inex:i(tes  el  si  éiiiinemment  ridicules,  que 
même  le  petit  nombre  d'Indieus  (pri  les  liserrt  avec 
un  e-p'it  impartial  et  déporlipi  de  iiréjugés,  en  sont 
dégoiliés  à  la  première  vue.  On  peut  dnne.  assurer 
que,  mal  ré  tout  ce  oiie  nous  lisons  dans  les  rap- 
ports poiipeiix  de  la  Socété  biblique,  et  dans  ceux 
de^  m  ssionnaires  britanniques,  leurs  succès  sont 
réellement  si  peu  de  cbose,  que  leur  résiil  at  n'est 
rien  en  comparaismi  des  dépenses  énormes  qu'ils  oc- 
easiniinent.  > 

BIBLISTES,  nom  donné  pnr  quoique.s  au- 
teurs aux  lit^réliqties  qui  n'adineKenl  que  le 
texte  de  In  Bible  ou  de  rEcritiire  sainif-,  sans 
atirtine  inlerprélaiion,  qtii  rejellenl  l'auUi- 
rilé  de  la  Iradilion  el  celle  de  l'Eglise,  pour 
décider  les  roirtroverses  de  la  religion.  IMu- 
sietirs  proleslanls  sensés  ont  tounré  en  ridi- 
cule cet  eniêlemenl,  et  l'ont  appelé  hiblio- 
manie,  parce  qu'il  dégénère  fort  aisément  en 
fanatisme.  C'est  une  absurdité  de  ])rétendre 
que  tout  fidèle  qui  sait  lire,  est  suffisaimneot 
en  état  d'entendre  le  texie  de  l'Ecriture 
sainte,  pour  y  conformer  sa  croyance.  C'est 
un  excellent  moyen  pour  fitmiër  autant  de 
reli'  ions  que  de  (êtes.  Fi,//.  Ecriture  sainte. 

BIEN,  .MAL,  dans  l'ordre  ph.s  que  termes 
relatifs  et  qu'il  faut  s'abstenir  de  prendre 
dans  un  sens  absolu. 

II  est  dit  dans  l'Iiisioire  de  la  création  : 
Dieu  vit  Iniit  ce  qu'il  aiitit  fait  ,  el  lotit  était 
BIEN  OU  trèa-bnn  [Gen.  i.  31).  Es|-re  à  dire 
que  les  créatures  son!  sans  dofaul  ?  Elles  se- 
raient égales  à  Dieu;  le  Im-n  absolu,  c'est 
l'infini.  Nous  nommons  hiin  ce  qui  nous  esl 
ulile  et  conforme  à  nos  désirs;  mais  nos  dé- 
sirs ne  sont  pas  toujours  justes  et  sages;  ce 
qui  est  un  htm  pour  nous  esl  souvent  un  mnl 
pour  d'autres.  — Les  créatures  sont  6ien  lors- 
qu'elles coirespondeni  à  la  fin  pour  Liquelle 
Dieu  les  a  faites  ;  c'est  donc  une  bonté  rela- 
tive; elles  ne  peuvent  être  bonnes  ou  liien 
dans  un  autre  sens  :  il  ne  s'ensuit  point  qu'il 
n'en  puisse  résulter  un  mal  relatif  dans  plu- 
sieurs circonstances,  el  (|ue  Dieu  n'en  eût  pu 
f.iire  de  meilleures.  Puisque  toute  créature 
esl  essentiellement  bornée,  il  esl  impossible 
qu'elle  ne  soil  bonne  el  mauvaise,  un  bien  et 
un  mnl,  sous  différents  aspects. 

Tout  est  donc  bien,  relativement  au  des- 
sein que  Dieu  s'est  proposé;  mais  tout  pour- 
rait élre  mieux,  parce  que  la  puissance  du 
Créateur  est  infinie;  tout  est  mal  aux  yeux 
des  incrédules,  parce  que  rien  n'est  conforme 
à  leurs  désirs  ;  mais  ces  désirs  même  sont  un 
mal,  parce  qu'ils  ne  sont  conformes  ni  à  la 
volonté  de  Dieu,  ni  à  la  raison.  —  Dans  l'hy- 
pothèse de  l'athéisme,  du  matérialisme,  ae 


571 


BIE 


BIE 


573 


la  fatalité,  rien  n'est  positivement  ni  bien  ni 
mal,  puisque  rien  ne  peui  élre  autrement 
qu'il  est  ;  il  n'y  a  plus  ni  or.lre  ni  désordre, 
puisqu'il  n'y  a  point  d'inlelli!,'ence  suprême 
qui  ait  rien  ordonné. 

Toutes  les  otiji-rlions  des  manichéens  ré- 
pétées p  r  Ba  le  et  par  les  alliées  sur  l'ori- 
gini»  du  mal  no  sont  que  des  sophismes  ;  ils 
confondeni  le  bifti  et  le  mal  relatifs  avec  le 
bien  et  le  ma/  absolus.  Si  Biyle  avait  lu  saint 
Augustin  .ivec  plus  (raltenlioii.  il  aurait  vu 
que  ce  Père  a  lrès-l)ien  saisi  le  point  de  la 
diflicullé,  et  a  fondé  S''s  réponses  sur  un 
principe  évident  :  «  Quelques  biens  que  Dieu 
fasse,  dit-il,  il  peut  loiijours  faire  mieus, 
puisqu'il  est  tout-puissant  ;  il  n'y  a  donc  au- 
cun degré  de  bien  qui  ne  soit  un  mal.  en  com- 
paraison d'un  dej^ré  supérieur  :  où  faudra-l-il 
nous  arrêter?  (£'/Jis<.  ISi.  c.  7,  n.  22.  L.con- 
l>a  Epist.  fundam,,  c.  25,  30,  37,  el».)  \  oilà 
ce  que  Bayle  et  ses  copistes  n'ont  jamais 
voulu  concevoir.  —  Ils  disent  qu'un  être 
souverainement  puissant  et  bon  n  a  pu  faire 
dn  mid.  S'ils  enlendeni  un  mal  absolu,  cela 
est  vrai.  Mais  où  est  dans  le  monde  le  mal 
absolu?  11  n'y  en  a  pas  plus  que  de  bien  ab- 
solu. S'ils  entendent  par  mal  un  bien  moin- 
dre qu'un  autre,  leur  principe  est  faux.  Un 
être  souverainement  puissant  et  bon  a  pu, 
sans  déroger  à  sa  bonté,  faire  un  bien  moin- 
dre qu'un  aiilre  bien.  Si  l'on  s'obstine  à  sou- 
tenir qu'il  a  liû  faire  le  plus  grand  bien  qu'il 
a  pu,  on  tombe  dans  l'absurdité:  Dieu  ne  se- 
r.jit  pa?  tout-puissani,  s'il  ne  pouvait  |  ai 
faire  mieux  que  ce  qu'il  a  fait. 

Tous  les  sophismes  que  les  anciens  et  les 
modernes  ont  faits  sur  l'origine  du  mal  ont 
été  fondés  sur  cette  équivoijue  et  sur  la  com- 
paraison fautive  qu'ils  ont  faite  entre  la 
bonté  jointe  à  une  puissance  infinie,  et  la 
boulé  des  créatures  jointe  à  une  puissance 
très-bornée.  —  Ils  ont  fait  le  même  abus  des 
mots  bonheur  el  malheur.  Le  bonheur  est 
l'élat  habituel  du  bien-(:re;  celui  dont  nous 
sommes  capables  ici-bas  est  nécessairement 
borné,  non-seulement  dans  sa  durée  ,  mais 
en  lui-mêM;e,  par  conséquent  n;élaiigé  de 
mal  et  de  privation  ;  quehine  p  irfajt  que  l'on 
puisse  l'imaginer,  la  cerdiude  dans  laquelle 
nous  sommes  de  le  voir  (inir  un  jour  suflit 
pour  y  répandre  l'amertume:  il  n'y  a  point 
de  bonheur  absolu  que  le  bonheur  éternel. 

Les  idées  de  bonheur  et  de  malheur  sont 
donc  encore  des  notions  purement  relatives, 
et  non  des  idées  absolues  ;  un  clal  habituel 
quelconque  est  censé  heureux,  quand  ou  le 
compare  à  un  élat  moins  avantageux  el 
moins  agréable;  il  est  réputé  malheuicux  en 
comparaison  d'un  état  dans  lequel  on  goû- 
terait plus  de  plaisir  et  où  l'on  sentirait  moins 
de  privations.  Knire  le  bunhiur  absolu  qui 
est  celui  de  l'élernité,  el  le  malheur  absolu 
(|ui  est  la  damnation,  il  y  a  une  échelle  im- 
mense d'élals  qui  ne  sont  le  bonheur  ou  le 
malheur  que  par  comparaison  ;  quel  que  soit 
celui  de  ces  états  dans  l><)uel  nu  homme  se 
trouve,  il  n'est  ni  absolument  heureux,  ni 
absolument  malheureux.  Les  driraclenrs  .c 
la  providence  ont  beau  répéter  que  Vhonune 


est  malheureux  en  ce  monde,  cela  signifie  seu- 
lement qu'il  est  moins  heureux  qu'il  ne 
pourrait  et  ne  voudrait  l'être,  et  il  ne  s'en- 
suit rien  contre  la  bnnté  de  Dieu;  puisque 
celte  bonté  ne  peut  jamiis  s'étendre  jusqu'à 
rendre  l'homme  aussi  heureux  actuellement 
qu'il  le  peui  et  le  veul  être  (1).  —  (Jnand  un 
homme  serait  habiluellemenl  exemptée  toute 
souffrance,  et  dans  un  senlimenl  continuel 
de  plaisir  cela  ne  suffirait  pas  pour  le  rendre 
absolument  heureux,  à  moins  qu'il  ne  fût 
certain  que  ce  sentiment  ne  finira  et  ne  di- 
minuera jamais.  Or  un  sentiment  de  plaisir 
trop  vif  <>u  continué  tnp  longlemp-  dégénère 
en  douleur  et  devient  insupportable. 

Ainsi  les  objections  tirées  du  prétendu 
malheur   des    êtres    sensibles,   ou   de   leurs 

(1)  Sailli  Augustin  a  lrès-t>ien  résolu  celte  préten- 
due ddliciillé.  «  Il  :•  plu  à  la  divine  iiroïiJence,  dil- 
il,  de  prép:\rei'  a  x  bons  piuir  le  siècle  à  venir,  des 
biens  dont  les  méchants  ne  joinmiil  point,  el  aiii 
inécli:iiits  des  maux  dont  les  bons  m;  serunl  pas 
lourineniés.  Mais  pnur  les  biens  el  les  maux  de  celle 
vie,  elle  a  voulu  qu'iU  fusseni  cniiiiiiiins  aux  uns  et 
aux  autres,  alin  (|u'on  ne  désire  point  avec  ardeur 
des  biens  nue  les  niéclmnls  pussé^leiil  conni  e  les  au- 
tres, el  (pi'oii  ne  reïiaide  pninl  connue  lionleux  des 
maux  dont  les  lions  suin  rarement  à  couvert.  —  il  y 
a  pourtant,  aJMUte  le  même  docteur,  une  irès-graiidu 
(tilléreiH  e  dans  l'usage  'pie  le.s  uns  el  les  autres  Imit 
de  ces  biens  et  de  ces  maux  ;  ear  les  b  us  m;  s'élé- 
veiil  poinl  dans  la  bonne  l'oriiiue  el  ne  s'.itiatliiil 
piiint  dans  la  niauvai-e  ;  au  lieu  que  les  niécliaiils 
CDiisidéreiil  l'adversité  coiniiie  une  grande  peine,  el 
s. un  oinsi  punis  de  s'être  laissé  corrompre  par  la 
prospérilé.  Souvent,  néaimioais,  Dieu  fait  parailre 
qu'il  agit  lui-même  dans  la  dispen>ali<in  des  biens  el 
des  maux  ;  et  verilalileiuenl  si  lonl  péché  était  pu- 
ni dès  Cille  vie  d'une  puuilien  nianil'esie,  l'on  croi- 
rait qu'il  lie  reslerail  plus  rien  dans  le  dernier  ju- 
gemeiii  ;  de  méine  que  si  Dieu  ne  punissait  mainte- 
nant aucun  peclié  de  peines  sensibles,  on  cioirait 
qu'il  n'y  a  point  de  providence.  Il  en  esl  de  même 
des  II  eus  temporels.  Si  Dieu,  par  une  liliéralité  liiiiie 
vibilile,  ne  les  ai  cordail  à  queti|ues-uiis  de  ceu»  i|ui 
les  lui  deuiaiideni,  nous  dirions  ipie  ces  clioH>s-là  ne 
sont  point  en  sa  disposition  ;  et  s'il  les  ilonnaii  à 
lous  ceux  qui  les  lui  demandeni,  nous  eroiriims  qu'il 
ne  le  faudrait  servir  ipie  pour  ses  récmnpenses  ;  el  le 
service  que  nous  lui  rendrions,  ii'entrcliendrail  pa> 
eu  nous  la  piété,  mais  l'avance  et  riiitéréu  Cela 
éuiii  ainsi,  I  usipie  les  bous  et  les  méclianis  sont 
éijalenieni  al'lligés,  il  ne  se  lani  pis  imaginer  qu'il 
n'y  ail  point  de  ililléreuce  eiUre  eux,  parce  iju'il  n'y 
a  (loiiil  de  dilléieiiee  de  ceu\  qui  sont  eliàiiés  ii 
ceux  (pii  ne  le  soiil  pas,  parce  que  Imis  som  aileiiils 
par  la  lessenililaiRe  du  cliàlluienl.  La  vertu  et  le 
vice  ne  sont  pas  une  luénie  ciiose,  pour  élre  exu  ■- 
se-,  aux  méaies  soulVrances  !  Car,  couiine  un  luéiue 
leii  lait  briller  l'or  el  noircir  la  paille  ;  comme  un 
lléaii  écrase  le  cliaume  et  purge  le  froiueiil,  el  de 
iiièiue  eiieoie  que  le  mire  ne  se  mêle  pa»  avec  l'Iiuile 
quoiqu'il  soil  lire  de  l'ulivr  sous  le  nié  !;<■  pressoir, 
ainsi  un  iiK'Uie  mallieur,  venait  à  fniidre  sur  i  S 
bous  et  sur  les  niécliinls,  éprouve,  purilie  el  fait 
celaier  la  vertu  lle^  uns.  et  au  cunlraire,  perd,  dé- 
Iriiil  el  ilaniiie  les  aiilies.  C'est  pour  cela  qu'en  une 
iiièine  allliiliou  le>  mécliants  blasplièiuenl  cuiilre 
Dieu,  laniiis  que  les  bons  le  prient  et  le  béiiisseiil  ; 
laiil  il  rai  inipuri.inl  de  eoiisalcrer,  non  ce  que  l'on 
soiilTre,  II. ail  eelui  qui  soullie  !  Car  le  même  mou- 
vement qui  lire  de  la  boue,  eu  laii  -orlir  les  exIi  - 
lai  0119  les  p  us  suavcï.  >  (Dti  la  Ciii  (la  Dieu,  liv.  i, 
c.  8.) 


575 


BIE 


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574 


souffrances,  ne  prouvent  pas  plus  contre  la 
providence  et  la  bont6  de  Dieu,  que  celles 
que  l'on  veut  tirer  de  l'iniperfecllon  ou  des 
dél'iuts  des  créatures.  Voy.  Mal,  Mani- 
chéisme. 

BIKN  ET  MAL  MORAL.  C'est  ce  que  l'on 
appelle  en  d'autres  (ei mes  boulé  et  méchnn- 
celé  des  actions  hum  unes.  S'il  n'y  avait  point 
de  loi  siipréuic  émanée  de  la  volonié  de  Dieu, 
souverain  légi>l;iteur,  il  n'y  .lurail  d.ins  nos 
actions  ni  bien  ni  mal  mornl.  Lorsqu'une  ac- 
tion quelconque  serait  bonne  et  ulile  pour 
nous,  nous  serions  dispensés  de  savoir  si 
elle  est  nnisihie  à  d'autres.  Le  bien  moral, 
c'est  ce  qui  est  conforme  à  la  loi  naturelle 
qui  nous  est  iniimée  p.ir  l.i  raison  et  p.ir  la 
conscience  ;  le  mal  mural,  vc  qui  est  con(r;]ire 
ou  à  cette  loi  ou  à  la  loi  <livini>  positive. 

Il  est  dit  dans  rKcritiire  (jue  Dieu,  en 
créant  nos  premiers  parents,  leur  doiin;i  l'in- 
telligence ,  leur  montra  le  bien  et  le  mal 
{Kccii  xviî,  5).  Il  nepouviiit  leur  donner  cetie 
connaissance  qu'en  leur  imposant  une  loi; 
sans  loi,  il  n'y  a  plus  de  devoir  ou  d'obliga- 
tion morale,  i>lus  de  bonne  œuvre  ni  de  pé- 
ché ;  il  n'y  a  plus  ni  vice  ni  verlu.  Voy.  ces 
arlieles.  —  Les  lliéologiers  observent  que 
parmi  les  actions  libres  de  l'hoinnie,  il  y  en 
a  (iui  sont  bonnes  ou  mauvaises,  précisé- 
ment parce  qu'elles  sont  cominandées  ou  dé- 
fendues; d'autres  qui  sont  bonnes  on  mau- 
vaises en  eiles-mêiiies ,  et  abstraction  faite 
de  toute  loi  qui  les  commande  ou  les  défend  ; 
conséquemmcnl  ils  distin^;ueol  la  bonié  et  la 
méi  hanceté  fundammlale  de  certaines  ac- 
tions d'avec  la  bout.'!  cl  la  méchanceté  for- 
melle. Ainsi,  (lisent-ils,  l'aelionde  mau<;er  le 
sang  des  animaux,  dans  les  premiers  .'îges 
du  monde,  n'elait  pas  un  crime  en  elle-même, 
mais  seulement  parce  que  Dieu  l'avait  défen- 
due; l'observation  du  sabbal  n'était  un  acte 
de  verlu  que  parce  qne  i)ieu  l'ai  ait  comman- 
dée  par  un  précepte  positif.  Au  contraire, 
aimer  Dieu  et  le  prochain  sont  des  actions 
cssenlieilemenl  bonnes  et  louables,  indépen- 
damment de  toute  loi;  Dieu  n'a  doue  pas  pu 
se  dispenser  de  les  commander  i\  l'homme: 
le  blasphème,  le  meurtre,  le  parjure,  sont 
des  actions  essenlielleinenl  et  foniiamentaie- 
uienl  mauvaises,  que  Dieu  n'a  pas  pu  se  dis- 
penser de  défendre.  Les  actions  fondamenla- 
lenieut  bonnes  ou  mauvaises  sont  l'objet  de 
lu  loi  nalurellc;  les  autres  sont  l'objet  des 
lois  positives,  luis  que  Dieu  était  libre  d'é- 
tablir ou  de  ne  pas  établir.  —  La  bonté  fon- 
damentale d'une  action  est  donc  sa  confor- 
milé  avec  ce  qu'exige  la  souveraine  perfec- 
tion de  Dieu ,  ou  avec  le  dirtumen  de  la 
sagesse  divine;  la  bonté  lormeile  est  sa  cou- 
forinili'  à  la  loi.  La  méchanceté  fondamen- 
tale d'une  action  esl  l'opiiosilion  à  celle 
même  sagesse  divine,  qui  a  dicté  à  Dieu  i  e 
qu'il  devait  eommander  ou  défendre;  la  mé- 
chanceté formelle  dune  action  esl  son  oppo- 
sition à  la  loi. 

Celte  dislinction  subtile  a  pu  élre  néces- 
saire pour  mettre  pins  de  précision  ilans  n  s 
idées,  mais  les  incrédules  en  ont  élrange- 
m  iul  ab^usé;  Bajle  en  a  conclu  que  dans  le 


système  même  de  l'athéisme,  et  indépendam- 
ment de  la  notion  de  Dieu,  il  peul  y  avoir  du 
6/en  el  du  mal  moral  ;  \es  niatérialisles  ont 
suivi  la  même  théorie  pour  londerdans  leur 
système  une  prétendue  moralité  de  nos  ac- 
tions, ils  disent  que  la  bonté  mor.ile  d'une 
action  est  sa  conformité  avec  ce  qu'exige  la 
nature  humaine,  avec  ses  besoins,  avec  son 
intérêt  bien  eolendu.  ou  avec  l'intérêt  géné- 
ral lie  tous,  consénuemment  avec  le  dtcta- 
mm  de  la  raison  et  de  la  conscience;  qne  la 
niécliancelé  morale  est  l'opposition  d'une  ac- 
lion  à  ces  mêmes  objets.  Soit ,  disenl-ils, 
qu'il  y  ait  un  Dieu,  ou  qu'il  n'y  en  ail  point, 
certaines  ai  lions  sont  par  elles-mêmes  eun- 
lormes  ou  opposées  au  bien  général  de  l'hii- 
niaiiité  ;  c'en  est  assez  pour  ((u'elles  soient 
censées  moralement  lionnes  on  mauvaises. 
Mais  n'esl-ce  pas  là  se  jouer  des  termes? 
1"  Si  la  nature  de  l'homme  n'est  pas  dill'é- 
reiitede  celle  des  animaux,  comment  ses  be- 
soins, son  intérêt,  son  avantage,  peuvent-ils 
être  une  règle  des  mœurs,  une  loi  propre- 
ment dite?  Parmi  les  actions  des  animauK, 
il  en  est  qui  sont  conformes  à  leurs  besoins, 
à  leur  conservation,  à  leur  bien-être,  par 
conséquoul  à  leur  intérêt  et  à  leur  nature; 
d'autres  ijui  y  sont  opposées  ,  comme  de 
se  besser,  de  se  tuer,  de  se  dévorer;  cepen- 
dant on  ne  s'est  pas  encore  avisé  d'imagi- 
ner à  leur  égard  une  règle  de  mu-urs,  une 
loi  naturelle,  une  oliiig.ition  morale,  ni  de 
leur  attribuer  des  actes  de  verlu  ou  des  cri- 
mes. La  théorie  des  matérialistes  peut  bien 
fonder  une  boulé  ou  une  méi  hanceté  aiii- 
mah  :  mais  bâiir  sur  celte  base  ie  bien  et  le 
mol  moral,  c'est  une  dérision  et  une  absur- 
dité.— "2"  Une  action  peul  êlre  conforme  à 
mes  besoins,  à  mon  intérêt,  à  mon  liien-éire, 
sans  que  je  sois  obligé  pour  eela  de  la  faire, 
quand  même  elle  ne  nuirait  à  personne  ;  il 
esl  des  cireonslances  dans  lesquelles  il  est 
très-loualile  de  restreindre  nos  besoins,  de 
résister  à  l'appétit,  de  réprimer  un  penchant 
violent,  de  souffrir  une  privation  ou  une 
douleur;  c'est  un  acte  de  verlu,  puisque 
c'est  un  effet  de  la  force  de  l'âme.  Le  droit 
di'  faire  une  action  n'esl  pas  toujours  un  de- 
voir, elle  peul  m'êlre  permise  sans  m'élre 
cominaii'lee,  il  n'est  donc  pas  vrai  que  la 
bonté  morale,  ou  l'idée  de  vertu  dans  une 
action,  consiste  dans  sa  conformité  avec  nos 
besoins,  nos  intérêts,  notre  bien-être,  notre 
sensibilité  physique. — 3°  Les  matérialistes 
affeclenl  ici  de  confondre  l'intérêt  particulier 
d'un  homme  avec  l'inlérét  général  de  l'hu- 
manité, c'est  une  supercherie  ;  souvent  ces 
deux  inlérôls  sont  Irès-ooposés.  Gomment 
prouveront-ils  que  je  suis  obligé  de  procurer 
le  bien  général  prélérableinenl  à  mon  bien 
personnel,  de  sacrifier  ma  vie  pour  conser- 
ver celle  de  mes  concitoyens,  de  me  priver 
d'un  plaisir  sensuel  dans  la  crainte  de  nuire 
à  quelqu'un?  Mes  besoins,  mon  intérêt,  nion 
bien-être  se  bornent  à  moi  ;  en  verlu  de 
quille  loi  ilois-je  les  faire  céder  à  ceux  des 
autres?  S'il  n'y  a  point  de  maître  ni  de  légis- 
lateur qui  me  l'ordonne,  je  suis  à  moi-mè  ne 
mon  auique  el  ma  dernière  fin  ;   ks  autre» 


«5                        BiE  BiE                         an 

ne    me   louchent    qu'autant   qu'ils  peuvent  derniers  sont  ou   naturels  ou  surnaturels, 

servira  mon  bonheur.  On  me  parle  d'un  in-  Tout  ce  qui   peut  contribuer  au   bien-êlre 

téréi  bien  entendu  :  mais  c'est  à  moi  seul  de  d'une  créature  sensible,  dans  l'ordre  physi- 

l'eiilenilrc  bien  ou  mal  :  et  quand  je  l'enlen-  quo,  est  sans  doute  un  bienfait.  Indépindàm- 

drais  mal    ce   serait  une    erreur  el  nnn  un  ment  de  la  multitude  des  èirrs  l'estinés  dans 

crime.  —  i"   Pmcv.  que   la   saçessi'  de  Dieu  l'univers   à   notre  usage,  il  est  des   bienfiils 

exioe  qu'il  commanile   ou   défende  telle  a<"-  personnels   accordés    à  chaque   particulier, 

lion  ,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  y  est  obligé  par  comme  des  organes  sensilifs  bien  conformés, 

une  loi  antérieure  et  indépendante  de  sa  vo-  un  tempérament    robuste,   une  santé  cons- 

lonlé;  si  Dieu   n'avait   rien  voulu   créer,  oti  tanie,  un  caractère  toujours  égal,  eic;  sans 

ser:tit  la  loi  qui  l'y  aurait  forcé  ?  G' li  ne  si-  c^  l;i  l'Iiomme  ne  jouit  qu'iniparfaitement  des 

gnifie    rien,  sinon  (lue   Dieu   se  conlrodirait  êtres  créés  pour  lui.  Un  esprit  juste  et  droit, 

Ini-mème,  si, en  créant  l'homme,  il  ne  lui  im-  des  passions  calmes,  un  goût  inné   pour    la 

posait  pas    telle  loi  :  or   un    être   infiniment  vertu,  sont  dans  l'ordre  moral  de»  avantages 

sage  ne  peut  pas  être  en  contradiction  avec  inestimables.  —  Tous  ces  dons  sont   disiri- 

îui-méme.  hnëi   aux   liommes  avec  beaucoup  d'iuéga- 

Les  déistes  ont  encore  abusé  de  la  dislinc-  lilé;  il  n'est  peul-é.lre  pas  deux  individus 
lion  faite  par  les  théologiens,  en  soutenant  qui  les  possèdent  dans  la  même  mesure;  les 
que  Dieu  ne  peut  pas  commander  ou  défen-  tempéraments  sont  aussi  variés  que  les  vi- 
dre  par  des  lois  positives  des  choses  qui  sont  sages;  mais  il  n'est  personne  qui  ne  parli- 
en  elles-iiiétnes  indifférentes;  c'est  une  er-  cipe  plus  ou  moins  aux  bienfaits  de  Dieu, 
reiir,  puisque  Dieu,  par  ses  lois  positives,  dans  l'ordre  physique  et  dans  l'ordre  moral, 
rend  l'observation  de  la  loi  naturelle  plos  Quand  on  y  regarde  de  près,  l'inégalité 
sûre,  et  en  prévient  la  transgression  ;  ainsi  la  ne  se  trouve  plus  aussi  grande  qu'elle  le  pa- 
défense  de  manger  du  sang  avait  pour  objet  raît  d'abord;  Dieu  a  lelleinenl  ménagé  et 
d'inspirer  à  l'homme  l'horreur  du  meurtre,  compensa  ses  dons,  (|uc  personne  n'a  lieu  de 
et  la  loi  du  sabbat  était  une  leçon  d'huma-  se  plaindre.  Quel  esU'homme  sensé  qui  vou- 
nité,  qui  obligeait  l'homme  à  donner  ilu  re-  drail  changer  son  existence,  prise  dans  sa  to- 
pos aux  esclaves  et  même  aux  animaux  talité,  contre  celle  d'un  autre  homme  quel- 
(i^eit^.  v,  14». —Appellera-t-on  6i>n  înwra/ ce  conque?  En  général  chacun  est  content  de 
qui  est  conforme  à  la  raison?  La  rai-on  nous  soi  ;  il  n'a  donc  pas  droit  d'être  mécontent  de 
montre  ce  qui  est  bien  ou  mal,  mais  ce  n'est  Dieu.  Mais  ses  bienfaits  sont  nuls  pour  qui- 
pas  elle  qui  le  rend  tel  ;  d'ailleurs  qui  nous  conque  n'en  sent  pas  le  prix  ;  c'est  la  sa- 
oblige  à  suivre  notre  raison  plutôt  que  notre  gesse,  la  reconnaissance,  le  bon  esprit,  et 
appétit?  Ce  qui  est  conforme  à  notre  cons-  non  la  quantité  des  biens,  qui  nous  rendent 
cience?  Même  réflexion  ;  si  la  conscience  ne  heureux.  Les  désirs  va^'ues  du  mieux  être 
nous  montre  pas  une  loi,  nous  en  serons  sont  un  égarement  de  l'imagination,  presque 
quittes  pour  l'étouffer.  Ce  qui  nous  est  avan-  toujours  nous  aurions  sujet  de  nous  alfliger, 
tageux  à  tous  égards?  Notre  avantage  n'est  si  Dieu  exauçait  nos  vœux. 
pas  une  loi  ;  en  y  renonçant  nous  serons  Les  bienfaits  surnaturels  sont  tous  les 
peut  être  insensés,  mais  nous  ne  serons  point  moyens  intérieurs  ou  extérieurs  de  parvenir 
criminels.  au  salut  éternel.  Voy.  Grâce. 

La    révélation  nous  a  donc  donné  la  vraie  L'essentiel  est  de  savoir,  à  l'égard  des  uns 

notion  du ///r'n  et  du  ma/ »(i/ra/,  ou  de  la  mo-  et  des  antres,  que  la   bonté   infinie  de   Dieu 

rallié  de  nos  adions,  en  nous  montrant  Dieu  n'exige   point  (lu'elle  nous   les  accirde   plus 

comme  un  souverain  législateur,  qui  a  exei-  abondamment  qu'elle  ne  fait  ;  que  sa  justice  ne 

ce  eelie  angnsle  foniliou  dès  la  création.  En  consiste    point  à  les  distiiiiucr  égale  nent  à 

s'ecarlant  de  celte  idée    lumineuse  et   primi-  tous,  mais   à  ne  demander  compte  à  chaque 

live,  les   philosophes  ont  vainement  disputé  particulier  que   de  ce  qu'il  lui  a  donné.  Ces 

sur  la  règle  des  mœurs  ;  ils  n'ont  trouvé  que  deux  vérilés    bien  comprises    épargneraient 

de.    erreurs    et   des    lénèlnes.    Voy.    Cons-  au  commun  des  hommes  une  inlinilé  île  mur- 

ciKNCf,  Dkvoir,  Loi  naturelle.  mures  injustes,  et  aux  philosophes  un  grand 

Vue  grande  question  est  de  savoir  si  un  nombre  do  faux  raisonnements.  Voy.  Honti;, 

Dieu  bon,  jusie,  saint,  a  pu  permettre  le  ma/  Justice.  Ecalité. 

moral,  s'il  n'a  pas  dû  le  prévenir  et  l'empé-  lUKNHËUKEUX.  En    théologie,  ce   terme 

cher  ;  nous  la  II  altérons  a    I  article  Mal.  signilie  ceux  auxquels  une  vie  pure  cls.iin'c 

IIIENS.   >'"!/.  K  GUI  ssES.  onire    le    royaume  des  cieux.  Qui    pourrait 

B  KNs    K' Cl  ksiast;ques.    Voy.    Bénéfices,  peindre  le  ravi. sèment  d'une  âme  qui,  dcla- 

BIENF\irS  DE  DIEU.    L'Eiriiure   sainte  chée  tout  à  coup  des   liens  du  corps,  et  dé- 

iKMi^  dit   que  Dieu  .1  heni  tousses  ouvrages,  barrassée  du  voilr  qui  lui  dérobe  la  Diviniié, 

qu'il    ne   néglige   aucune   de   ses  créatures,  se  trouve  admise  à    conlem:  1er  celte  dnine 

qu'il  est  hou  ei   bienfaisant  a  l'égard  de  tous  essence,  à  voir  Dieu  tel  qu'il  est,  à  puiser  le 

les  hommes,  que  ses  misériconles  se  répan-  bonheur  dans  sa  source  même?  Nous  serons 

dent  sur  tous  sans  exceptiin  (G^n.  V,  2;  ii'a/j.  semblables    à   /u/,  dit   saint  Jean,    parce  que 

XI,  :25;  Ps.   CXI. IV,  9).  (^'est    une  des  vérités  noiii    le  verrons  tel  qu'il  est  {l  Joan.  ni,  2). 

dont    il   nous   importe   le    plus    d'éire    per-  Vos  saints,  Seiyneur,   seront   enivrés  île  l'a~ 

suailés.  b'inda  ice  de  vos  bien*,   vous   les  nbi  enverex 

Il  l'.iiit  distinguer  les  ti>n/(n^»  r/e />(>w  dans  d'un    torrent  de  délices  ,  el  les  l'clnireres  de 

l'ordre  physique  el  dans   l'ordre  moral;  ce»  votre  propre  lumière  (Ps.  xxxiii,  il).  Là  dis- 


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BIE 


BIE 


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paraissenl  les  conlradiclions  apparentes  des 
mystères  dcint  la  hauteur  étonne  notre  rai- 
son  ;  là  se  développent  toute  l'étendue  de  l'a- 
mour <ie  Dieu  pour  nous,  et  la  multitode  de 
Ses  bienfaits  ;  là  s'allume  dans  l'âme  cet 
amour  immense  (|ui  ne  s'éteindra  jamais, 
parce  <|ue  l'amour  de  Dieu  pour  elle  sera  son 
aliment  éli'rnel. 

liiKNiiKL'RKDx  se  dit  encore  de  ceux  aux- 
quels l'Eglise  décerne  un  culte  public,  mais 
subordonné  à  celui  qu'elle  rend  aux  saints 
qu'elle  a  canonisés.  La  béatification  est  un 
degré  pour  arriver  à  la  canonisation.  Voy.  ces 
articles. 

*  lîlBNS  (Communauté  des).  Il  y  a  dans  noire  siè- 
cle un  lernbie  anLigmiisnie  entre  ce  (lui  pos-éde  el 
ne  posséile  pas.  On  léve  un  clnngeiiKMit  lol:il  des 
foruiirs  ;  on  croit  i|ue  la  ciiinnniiiaulé  îles  biens  se- 
rait le  reiiiéiie  salutaire  à  celle  in''gili(é  i|Ui  ilévore 
la  société.  Nous  avons  nionlié,  au  mut  pROPmÉTÉ, 
que  la  pri'iirléle  est  nu  véritalile  progrès  d.nis  la 
sotiéié  et  une  source  de  peifcctiouneniiMils.  (Vuy. 
le  Oici.  de  Tliiuloij.  mor.,  an.  Proi'kiété).  Nous  ne 
reviendrons  lias  sur  les  considéialioiis  que  nous 
avons  présentées  d  in-;  cet  article.  Il  est  bon  île  sa- 
voir si  à  l'origine,  lorsque  riiiiniine  sortaii  à  peme 
de'<  inanis  du  Ciéaieur,  tous  les  biens  étaient  ciun- 
niuiis.  C'est  une  erreur  encore  répandue  dans  plu- 
sieurs de  nos  livres  pliilosopbiques  ei  même  reli- 
gieux. 

M.  de  Cnuison  a  écrit  plusieurs  lettres  sur  le  so- 
cialisme iniiderne.  Il  se  prup  >sc,  dans  la  qnatricine, 
de  faire  l'Iiislaive  de  la  communaulé  i>'lle  qu'elle  a 
exiilé  chez  tes  nations  barbaret  tle  l'uniiquiié.  Il  coiii- 
nieiice  ainsi  son  travail:  «  L'Iiisloire  nous  révèle  que 
dans  l'enlancedes  sociétés,  avant  (pie  tes  iieuplailes 
nomadis  ne  lussent  descendues  de  leurs  cbariots  de 
voyage,  la  terre  était  comiiiune  entre  les  bumiiies. 
Ainsi  cliez  les  Scyllies,  au  témoign  ge  de  Nicolas  de 
Damas,  les  biens  étaient  en  commiiii.  (Prodrom.  de 
la  Bibliolli.  greiqiie  de  Coray,  p.  '271,  -272.);  le  mê- 
me usage  étaii  eu  vijjuenr  cliez  les  IJreious.  yuant 
aux  Germains,  César  nous  appriinl  (pie  la  pro(iriéié 
fixe  et  limitée  à  la  o'aiiiere  lomaine  l.'in  éiiil  tout 
à  lait  inconnue  :  c'éiaient  les  n  anisirals  et  les  piiu- 
ces  de  la  naiicui,  dit  le  grand  lilslinien,  qui,  sur  l'au- 
tre rive  du  Kbin,assinnaieiitcliai|Ue  année  aux  familles 
el  aux  tribus  la  poiiioii  de  teiraio  (pi'elles  (leva  eiil 
occuper  dans  telle  ou  telle  Incalilé.  L'année  suivante, 
ils  les  «ibligeaii  ni  à  s'établir  ailb  urs.  (t.oesar,  de  binl. 
Coll.,  VI,  52).  Les  mêmes  laiu  -e  r^  trouvent  au  mê- 
me degré  de  culture  enrore  chez  tous  les  peunles^ 
ajoute  M.  de  (Joui son.  (Ilerod.  Melp.  ISt)  ;  Uiod. 
Sicut.  l.  I,  p.  135;  Poinp.  M  la,  i,  8)  ;  el  c'est  ce 
qui  expliifue  les  étrange^  systèmes  do  la  liépublique 
de  Plalmi,  souvenirs  viv.ices  d'une  époip.ie  loiile  bar- 
bare au  sein  d'une  civilisaiioii  trés-avancée.  »  Telle 
est  la  iliéiuieexpo>ée  pir.M.  deCourso'i.  Nous  croyons 
que  si  elle  était  vraie,  si  les  méines  faits  se  r.  liou- 
vaient  chez  tous  les  autres  peuples,  le  coniinunlsine 
pourraii  s'en  prévalon  ;  lieineusement  i|u'il  n'en  est 
rien.  Il  y  a  ici  ou  exagéralion  donnée  sur  ipiclques 
faits,  ou  eneurcoinpléte  sin  les  antres.  Non,  l'Iiisloi- 
re  ne  nous  révèle  rien  de  semblable,  tlle  nous  ilit 
au  contraire  que  dès  le  commeiiceuieMi  les  biens 
n'ont  pas  été  c  miniiiis.  An.l  avait  ses  troupeaux, 
Gain  ses  Iniits  qu'ils  oITraieiii  au  Seigneur  :  l'oUraiide 
de  l'un  n'etaii  pas  celle  de  l'aiurc.  Les  idées,  ces 
pensées  de  vraie  propriété,  ces  pandes,  mes  trou- 
peaux, UES  {ru\ls,  oui  élé  prononcées  (lès  le  coni- 
nienceineni  :  elles  repiésentaient  Tordie  pre>cii[, 
enseigné,  or.ionné  de  Dieu,  et  les  cliels  des  peuples 
enseignèrent  et  Iraiisiiiirent  ces  iiiêines  enseigne- 
ments et  ces  luénies  traditions  à  leurs  eiilantset  aux 
Peuples  qui  en  dascendireat.   La  même  chose  ad- 


vint sous  Noé.  Ses  enfants  avaient  Liiuiis  troupeaux, 
LiiURS  hubils,  LiiURS  tentes,  l()»l  cela  li:i;R  appartenait 
et  constituait  une  vérilalile  propriété.  Cei  ordre  avait 
été  établi  de  Dieu,  pour  rendre  la  sm  iété  possible 
et  dnrabl.'.  Dès  le  premier  jour  où  il  y  eut  des  fa- 
milles, le  iirécepte  tu  ne  voleras  point,  fui  promul- 
gué et  coiinii.  Voilà  le  vrai  fondement  de  la  proprié- 
lé,  el  non  ceux  que  l'on  elieicbe  péniblemenl  à  éta- 
blir et  qui  croulent  aussi  de  loules  paris  sous  les 
coups  du  communisine.  Il  en  arrivera  ainsi  de  tout 
étal,  de  inut  ordre  que  l'on  voudra  établir  sans  tra- 
dition  et  sans  Dieu. 

Ain^i  donc  il  esl  faux  que,  dans  l'enfanc'  des  so- 
ciétés, tous  les  biens  lusssenl  coininuus.  Mais  n'a- 
l-il  pas  pu  arriver  (|ne  ([uelques  tribus,  ipiebpie  por- 
tion <le  la  grande  famille  liiiu.aine,  détachées  de  la 
souche  cimiinuiie,  ayant  perdu  la  tradition,  aient  re- 
gardé les  leries  et  les  biens  comine  comniuns  ''.  Ceci 
est  une  amre  question  qui  n'inliriiie  eu  rien  la  pre- 
mière; ce  ser.iit  une  aiiomaiie,  un  oubli,  uu  éj^are- 
nieiil,  un  abrulisseineiii  et  non  un  établissement  pri- 
mitif. LxanniKuis  si  cette  assenioii  e^t  entièrement 
réelle.  César  s'eX|ir.ine  ainsi  relaliveinenl  au  coni- 
mudsine  des  Cei  mains  :  i  Les  tiermains  ne  s'uc- 
cupenl  pas  d'agriculture  ;  leur  nourriture  la  plus 
coinmune  consiste  en  laii,  fromage  ei  diair  d'ani- 
maux ;  personne  n'a  de  champs  déierminés  ni  de 
limites  propies  ;  mais  les  inagisirals  el  les  princes 
ass.gneiil  tons  les  ans  à  chaque  tribu  et  à  chaque 
lamille  d'individus,  ipil  se  sont  assemblés  eu  com- 
mun, autant  de  champs  qu'il  leur  fmt,  et  dans  le 
lieu  ([u'il  leur  plait,  ei  puis,  l'an  d'après,  le-,  obli- 
gent à  passer  ailleurs,  i  (Cae^ar,  de  lieilo  Gallico,  I.  vi, 
c.  5.)  —  Lcî  comineiitateurs  et  les  légistes  ont 
longuenient  dis-eiié  sur  ces  lexte^  ;  iiO'is  n'avons 
pas  à  les  y  suivre,  mais  pour  la  thèse  actuelle  nous 
dirons  :  1"  yne  supposé  mê  e  ((ue  cette  commu- 
naulé de  leiies  fui  cmnplète  el  entière,  on  ne  de- 
vrait pas  en  conc  lure  que  les  mêmes  faits  se  retrou- 
vent dans  l'histoire  de  tous  les  autres  peuples.  Qu'esl- 
ce  que  cette  peuplade  de  (lermains  en  comparaison 
des  Gaul.'is,  des  Bretons,  des  Aialies,  des  Egyptiens, 
des  Assyriens,  des  Indiens,  des  Chinois  cbez  les- 
quels le  principe  de  l.i  propriété  étail  bleu  neil eut 

reconnu'?  Pourquoi  prendre  une  peuplade  pour  l'uni- 
vers entier  ?  -À"  —  M.iis  est-il  bien  vrai  ipie  le  prin- 
cipe de  propriété  lut  inconnu  aux  G.rinains  ?  N'a- 
vaieiuils  pas  leurs  temmes  et  leurs  enlants  propres? 
n'avaient  iu  pas  leurs  chars  et  leurs  troupeaux  pro- 
prrs,  c'esl-à-.iire  les  ob,els  de  nécessité  première, 
leurs  maisons  ei  leurs  voiluns  ?  ces  terre»  mêmes 
n'é  aieiit-elle->  pas  leur  propriété  pendant  raiince 
qu'ils  les  possédaient  ?  celle  propiiélé  n'élait-elle 
pas  concédée  avec  ordre  et  par  autorité,  parles 
magistrats,  comine  chez  nous  ?  César  ne  dit-il  pas 
evprissement  que  les  voU  el  les  déprédations  élailnl 
de  e.dHs  piiniii  eux?  (iela  ne  piouve-i-il  pas  que  le 
princiiie  de  la  proprié  é  y  éldlcminu?  — 5"  Il  esl 
vrai  que  la  pr-  prieié  immobilière  n'y  était  pas  en 
us.ige  :  mais  outie  le>  raisons  qu'en  donne  César,  et 
dont  la  principale  était  la  crainte  que  le  peuple  n'a- 
bandonnai le  mé>i>T  des  armes  pour  ragiiculiuie, 
n'éi.iit-ce  pas  une  condiiion  forcée  de  leur  vie  pre- 
mière, d'une  vie  eriante  et  riche  eu  iroupeaux  ?  'tons 
les  peuples  qui  oui  d'immenses  iroupeaux,  ei  qui 
soiii  dans  des  lieux  espacés  el  sans  propriétaires, 
peuvent-ils  faire  autrement  ?  Même  de  nos  jours,  les 
'l'ariares  ont-ils  un  aime  genre  de  vie,  nos  ;viabes 
d'Alji;éiie  ne  l'oni-ilspas  comme  les  Gerinaios,  chan- 
geant de  païuiages  selon  leurs  besoins  uu  leur  plai- 
sir ?  Cela  em|ièclie-l-il  que  le  principe  de  la  proprié- 
té ne  soil  1  onnu  d'eux  !  Dans  notre  France  nieiiie, 
n'avons-iioUs  pas  nos  leiraiiis  cominnnaiix  el  de  li- 
bie  pàluie  ?  yue  >  iraii-on  de  celui  qui  vieiidrail  en 
induire  que  le  principe  de  la  propriété  n'y  étail  pas 
connu,  ou  qui  voudrait  élendre  cel  usage  restreint  à 
tous  les  autres  peuples  (fciccard,  Montesquieu,  ei  de 


S19 


BIG 


Ma 


880 


nos  jours  le  docle  M.  Giiérard,  ont  cru  découvrir 
dans  ces  mots  de  Tacite  stiam  quisque  domum  ipa- 
lio  circumdal,  l'origine  de  la  lene  immobilière  ou 
saliqui'.  Eli  sorte  que  la  propriété  territoriale  elle- 
même  aurait  été  comme  des  Germains  ;  mais  nous 
n'avons  pas  besoin  de  traiter  celte  qiiesiion  pour  ce 
que  nous  voulons  prouver.  —  Voir  Eccard,  Leges  Sa- 
ticœ,  Lxn.  —  Moninvq.,  Esp.  des  lois,  xviii,  ii.  — 
Guérard,  Poliipt.  d'Irminon,  prolegom.,  |>.  485). 

BIGAME,  BIGAMIE. On  a  soi»venl  reproché 
de  nos  jours  aux  Pères  de  l'Eglise  la  sévé- 
rité aiec  laquelle  ils  ont  condamné  la  biga- 
mie, ou  les  secondes  noces,  soil  des  honnmes, 
soit  des  femmes  ;  on  a  blâmé  les  canons 
qui  défendent  d'élever  aux  ordres  sacrés  un 
bigame,  c'est-à-dire,  un  homme  qui  a  eu  suc- 
cessivement deux  femmes,  ou  qui  a  épousé 
une  veuve.  Celte  rigueur,  dit-on  ,  semble 
avoir  attaché  une  note  d'infatnie  aux  secon- 
des noces,  qui,  dans  le  fond,  ne  sont  [las 
plus  crimiitelles  que  les  premières.  Barbe) - 
rac,  Traité  de  la  morale  des  Pères,  c.  4,  § 
14,  etc. 

Si  on  voulait  se  rappeler  quelle  élail  la 
dépravation  des  mœurs  du  paganisme,  ou 
sentirait  mii'ux  la  sagesse  des  Pères  et  de  la 
discipline  de  l'Eglise.  La  licence  du  divorce- 
avait  fait  du  mariage  une  vraie  prostitution. 
L'adultère  servait  de  gage  pour  de  secondes 
noces;  c'est  Sènèque  qui  nous  l'apprend  (de 
Benef.,  liv.i,c.  9).  Les  fiançailles  les  plus 
honnêtes,  dit-il,  sont  l'adultère,  et  dans  le 
célibat  du  veuvage,  personne  ne  prend  une 
femme  qu'après  l'.ivoir  débauchée  à  son 
mari. 

Pour  rendre  au  mariage  sa  sainteté  primi- 
tive, il  fallait  nécessairement  inspirer  aux 
fidèles  la  plus  haute  estime  pour  la  conti- 
nence, soit  dans  l'état  de  virginité,  soil  dans 
le  veuvage  :  un  excès  de  corruption  ne  pou- 
vait être  corrigé  que  par  une  très-grande  sé- 
vérité. S'il  y  a  quelque  chose  d'étonnant, 
c'est  que  la  morale  cliretienne  ait  pu  avoir 
assez  de  force  pour  changer  ainsi  les  idées 
sur  un  point  de  la  plus  grande  importance 
pour  les  mœurs,  et  qu'une  discipline  aussi 
austère  ail  pu  s'éiablir  chez  des  peuples  qui, 
autrefois,  n'attach^iient  aucun  mérite  à  la 
chasteté.  On  a  beau  dire  que  ces  idées  d'une 
perfection  chimérique  peuvent  diminuer  le 
nombre  des  mariages  et  nuire  à  la  popula- 
tion. Le  christianisme,  loin  de  produire  ce 
mauvais  elTel,  lit  tout  le  contraire.  Ce  n'est 
pas  la  sainteté  des  mariages  qui  les  rend  sté- 
riles, c'est  leur  corruption.  Sans  les  tléaux 
qui  fondirent  sur  l'empiie  romain,  lorsque  le 
chrislianlsi'.ie  y  fut  dominant,  la  population 
réduite  à  rien  par  les  mœurs  du  paganisme, 
par  des  lois  absurdes,  p^ir  un  gouvernement 
despotique,  se  serait  certainement  rétablie 
par  la  sainlelé  même  delà  murale  de  I  Evan- 
gile. Toutes  choses  égales  d'ailleurs,  il  n'est 
point  de  nations  clie/  lesquelles  la  popula- 
tion fasse  plus  de  progrès  que  chez  les  na- 
tions chrélicnn.s.  -  ()n  sait  d'ailleurs,  par 
Une  expérience  constanie,  que  quami  les 
veufs  de  l'un  ou  do  l'autre  sexe,  qui  uni  des 
enfants,  se  remarient,  ceux-ci  ont  peine  à 
le  pardonner  ;  ils  ne  se  voient  qu'avec  une 
extrême  répugnance  réduits  à  plier  sous  les 


lois  d'un  bean-père  oa  d'une  mapâtre,  et  ils 

ne  voient  naître  qu'avec  beaucoup  de  regret 
des  enfants  d'un  second  lit:  le  même  incon- 
vénient avait  lieu  s-ins  doute  pendant  les 
premiers  sièrles;  il  n'est  donc  pas  étonnant 
que  les  Pères  aient  forl  recommandé  la  con- 
tinence dans   le  veuvage. 

Mais  on  leur  reproche  de  s'être  servis  d'ex- 
pressions trop  fortes  :  Alhénagore  dit  que 
les  secondes  nores  sont  un  honnête  adultère  ; 
l'auteur  de  l'ouvrage  imparfait  sur  saint  Mat- 
thieu, quel'ona  eru  faussemenlétresaintJean 
Chrysostome,  prétend  qu'elles  sont  en  elles- 
mêmes  une  vraie  fornication  ;  mais  que 
comme  Dieu  les  permet,  lorsqu'elles  se  font 
publiquement,  elles  cessent  d'être  déshonnê- 
tes.  De  là  Barbeyrac  conclut  que,  selon  quel- 
ques docteurs  chrétiens,  l'honnête  et  le  dés- 
honnéte,  le  bien  et  le  mal,  dépendent  d'une 
volonté  de  Dieu   purement  arbitraire. 

Si  l'on  veut  faire  attention  au  passage  de  ■ 
Sénèquc  que  nous  avons  cité ,  l'on  verra  ■ 
qu'.Mhénagore  parle  des  secondes  noces  tel-  T 
les  qu'elles  se  faisaient  communément  chez 
les  piïens;  el  ce  n'est  pas  sans  raison  que 
les  Pères  de  l'Eglise  voulaient  inspirer  aifx 
ch.réliins  l'horreur  de  ce  désordre.  Quant 
à  l'auleiir  de  l'ouvrage  imparf.iit  sur  saint 
Matthieu,  on  s;iil  qu'il  est  justement  suspect 
de  montJinisme  et  de  manicliéisme,  deux  hé- 
résies qui  alt.'iquaient  la  sainteté  du  mariage 
en  général;  c'est  par  la  même  raison  que 
Tertullien,  devenu  montaniste,  condamna  les 
secondes  noces  avec  la  même  rigueur.  Mais 
la  conséquence  (|ue  Barbejrac  en  tire  est 
absurde;  il  reconnaît  lui-même  que  l'Evan- 
gile condamne  plusieurs  choses  que  Dieu 
avait  permises  ou  tolérées  chez  les  Hébreux, 
comme  le  divorce;  s'ensuit-il  île  là  que  le 
bien  et  le  mal  moral  dépendent  d'une  volonté 
arbitraire  de  Dieu  '? 

11  est  fdux  que  la  bif/amie  ait  été  mise  atf 
nombre  des  irregulariiés  ecclésiastiques,  seu- 
lement pour  ui:e  rai^an  mytique,  comme  on 
le  dit  dans  le  Diclionnnire  de.  Jurisprudence  ; 
elle  l'a  éié  pour  les  raisons  que  nous  venons 
d'alléguer. 

BllJOT.  Quelle  (jne  soit  l'origine  de  l'ély  - 
Diologie  de  ce  terme,  il  signifie  un  dévot  su- 
perstitieux, et  l'on  nomme  bigoterie,  une 
piélé  mal  dirigée  et  peu  éclairée.  Mais  l'abus 
que  les  incrédules  el  les  mauvais  cliiéliens 
font  de  ce  mot  pour  inspirer  le  mépris  de  la 
piété  en  général  ne  doil  en  imposer  à  per- 
sonne; ce  sont  de  mauvais  juges  qui  ne  cun- 
nai-sent  ni  la  religion  ni  la  vertu. 

DISSACIlAMliNi'AUX ,  nom  donné  par 
quelques  théologiens  à  ceux  des  hérétiques 
qui  ne  recontîaissenl  que  deux  sacrements, 
le  baptême  el  l'eucharistie;  tels  que  sont  les 
caivinistes. 

ULAiNCHAUD.  Le  Conroid.il  de  1801  jeta  dans  la 
consiernatiun  un  certain  noinlire  {\r  prêtres  exilés  en 
Aiigleierre.  L'ablié  Ulancliard,  ancien  piofesseurdc 
tliéidogie,  puis  curé  an  diocèse  de  I.isieux,  attaqua 
vivement  le  Concordat.  Il  déclara  que  li  nouvelle 
Ei^lise  de  France  était  scliisiiiaiiqiie  et  hérétique. 
Mgr.  Millier,  évéque  de  Gastabala,  vieaire  apostoli- 
que du  district  du  milieu  en  Angleterre,  publia  un 
mandement  contre  les  crraurs  de  Blanchard  el  de 


S8I 


BLA 


BOE 


SS3 


I 


ses  adilérenis.  Loin  de  se  soumettre,  Blanchard  ri- 
posla  par  un  nouvel  écrit,  où  il  rorn)ulaii  plus  net- 
tement toute  sa  pensée,  t  J>nsi"igiii>,  dit  il,  1»  que  les 
évêques  non-déntissionniires  sont  les  seuls  évé(|ues 
lésiliiiiea  de  France  ;  2"  que  l'Eglise  concoidataire 
est  liérélique,  schisnialiqiie,  et  S"«s  un  JO'  g  huinaiu 
accepté  ;  5"  (|ue  c'est  là  un  elfei  duconcunlai  et  des 
mesures  de  Pie  VII  ;  t"  quant  à  ce  pape,  ]«  dis  sen- 
leiiient  (jn'il  faut  le  dénoncer  à  l'Eglise  c:ilholique, 
encore  sans  spécilier  si  e'e^t  coninie  liciéii(|ue  et 
scliisniatique,  ou  ntiiijnetncut  pour  avoir  vmlé  les 
règles  saintes,  el  je  ne  prends  pas  svir  moi  de  l'aire 
une  dénoDcialion  dont  j'énonce  la  nécessité.  » 

Il  lui  l'rap|)é  d'inlerdil  par  Mjçr  Oonulas,  évèipic 
du  district  de  Londres  ;  il  répondit  qu'il  ne  dépen- 
dait ()iie  des  éï<^qiies  fr.inçais,  luaxtine  contraire  à 
tons  les  prim  Ipes  de  juridiction.  Il  s'éleva  avec  une 
nouvelle  VTgueiM'  contre  le  Coneonlat  de  18  17.  —  Au 
mot  Eglise  (/*«?(('<;-) ,  nous  développons  toutes  les 
erreurs  des  sectateurs  de  Blanchard. 

BLASPHÈME,  se  dit  en  général  de  tout 
discours  ou  écrit  iiijurieuK  à  la  majesté  di- 
vine ;  mais  dans  l'usage  ordinaire  oii  entend 
spécialemeul  sous  ce  terme  les  jurements  et 
les  impiétés  cu:itre  le  saint  nom  de  Di(<u. 

Les  lliéologieiis  disent  que  le  blauphrme 
consiste  à  attribuer  à  Dieu  quelque  qu.thté 
qui  ne  lui  convient  pas,  ou  à  lui  ôter  quel- 
qu'un des  altri'oiits  qui  lui  conviennent. — 
Selon  saiat  Augustin,  toute  parole  injurieuse 
à  Dieu  est  un  htasplu'me  :  Jam  vero  lilasplie- 
mia  non  accipitur,  nisi  mnla  verba  de  Deo 
dicere(Ue  Muiih.  Munich.,  lib.  n,  c.  11).  C'est 
donc  un  blasphème  de  dire,  par  exemple,  que 
Dieu  est  injuste  ou  cruel.  11  u'esl  guère  d  hé- 
résies qui  ne  ddunent  lieu  à  îles  biafphcines ; 
toute  opinion  lausse  (nuchant  la  nature  de 
Dieu  ou  la  eonduile  de  sa  provideuce  en- 
traine infailliblement  des  couséqueuces  in- 
jujl-ieuses  à  Dieu. 

BLASPHÉMA  l'EUR,  celui  qui  prononce  un 
blasphème.  Ce  crime  a  toujours  été  sévère- 
menl  puui  par  la  justice  humaine,  soit  dans 
l'ancienue  loi,  soit  dans  le  christianisme; 
chez  les  Juifs,  les  biasphémateurs  étaient 
punis  de  mort  (  Levii.  x\iv  ).  Sur  cette  loi, 
très-mal  appliquée,Jé^us-Ch  ris  1  futcondamiié 
à  mort,  parce  qu'il  assurait  qu'il  était  le  Fils 
de  Dieu  {Mutth.  xxvi.  1)5). 

Les  lois  de  saint  Louis  et  de  plusieurs 
autres  de  nos  rois  coiidamiient  les  blusphé- 
maleurs  à  élre  mis  au  pilori,  à  avoir  la  lan- 
gue percée  avec  un  fer  chaud,  par  la  main 
du  bourreau.  Pie  \,  dans  des  règlements  faits 
sur  Lj  même  matière,  en  iSliii,  condamne 
les  blasplic maleurs  à  une  amende  pour  la 
première  lois,  au  l'ouet  pour  la  seconde,  si  le 
criminel  est  un  laïque;  s'il  est  ecclésiasti- 
que, ce  pontife  veut  qu'à  la  troisième  il  soit 
dégradé  et  envoyé  aux  galères.  La  peine  la 
plus  ordinaire  aujourd'hui  est  l'amende  ho- 
norahle  et  le  bannissement.  —  Les  incrédules 
de  nos  jours  doivent  se  féliciter  de  ce  que  ces 
lois  ne  sont  pas  exécutées  :  personne  n'a 
vomi  autant  de  blasphèmes  qu'eux  contre 
Dieu,  contre  Jesus-Chrisl,  contre  tous  les  ob- 
jets de  uolre  culte;  mais  pour  suivre  les  lois 
à  la  lettre,  il  faudrait  punir  un  trop  grand 
nombre  de  coupables. 

BLASPHÉMATOIRE,  qui  renferme  ou  ex- 
prime  un  bla&pbèoie.   C'est  ainsi  que  l'oo 


quali6e  une  proposition  qui  attribue  à  Dieu 
une  conduite  contraire  à  ses  divines  perfec- 
tions, et  qui  e^^  capable  de  diminuer  le  res- 
pect que  nous  devons  à  sa  m.ijesté  suprême. 
Ainsi  la  cinquième  proposition  de  Jansénius, 
conçue  eu  ces  termes  :  C'est  une  erreur  se- 
mipélwjienup  <le  dire  que  Jésus-Christ  en  mort 
ou  a  répandu  son  smni  pour  tous  les  hommes, 
entendue  dans  ce  sens  ,  que  Jésus-Christ 
n'est  mort  que  pour  le  salut  des  prédesliués, 
est  déclarée  binsphnnnioire  dans  la  coudam- 
nitionquele  pape  Innocent  X  en  a  faile 
Eu  eflei,  cette  proposition  suppo>e  nou-seu- 
lemeut  que  Jésus^Cbrisl  a  manqué  de  charité 
pour  le  Irès-graud  nombre  des  hommes, 
mais  qu'il  nous  a  Irompés  en  se  faisant 
appeler  Sauveur  du  monde,  agneau  de  Dieu 
qui  efface  les  pèches  du  monde,  victime  de 
propitiatiou  pour  les  pèches  du  monde  en- 
tier, etc. 

Le  cardinal  de  Lugu  dislingue  deux  sortes 
de  priiposilious  blasphémât. lires;  les  unes  qui 
joignent  au  blasphème  une  héré^e  claire- 
liieiii  énoncée,  les  autres  dans  ies(|uelles 
l'hérésie  n'est  pas  foruiellemeni  exprimée 
{Uifp.  20,  de  Fide,  secl.  3,  u.  100). 

Il  est  peu  d'héiésies  qui  n'entraînent  des 
conséquences  blasphémitoires ,  des  consér 
quences  injurieuses  à  la  boulé,  à  la  justice, 
à  la  sainlelé  de  Dieu.  Les  plus  anciens  héré- 
tiques craignaieiil,  disaient-ils,  de  blasphe- 
tner,  en  supposant  que  le  Fils  de  Dieu  avait 
élé  sujet  aux  misères  et  aux  souffrances  de 
rhum.isiité  ;  mais  ils  retombaient  dans  ce 
précipice,  en  disant  qu  il  ii'avail  eu  qu'un 
corps  l'anlastiquc,  et  qu'il  avait  fait  illusion 
aux  sens  de  tous  les  hommes  pour  les  trom- 
per. Les  ariens  blaspliémaient,  en  soutenant 
que  le  Fi. s  do  Dieu  et.iil  une  simple  créature  ; 
les  manichéens,  en  disant  que  le  Dieu  bon 
avait  ele  forcé  à  lerraeltre  le  mal  produit  par 
un  mauvais  principe  ;  les  pélagiens,  en  ex- 
pliquant la  réileiiiption  dans  un  sens  méta- 
phorique; les  défenseurs  des  décrets  absolus 
de  prédeslinalion  et  de  réprobation,  en  attri- 
buant à  Dieu  uae  conduiie  odieuse  et  tyran- 
nique,  etc.  ;  tous,  en  supposant  que  Jesus- 
Ciirist  n'a  pas  daigné  veiller  sur  son  Eglise, 
pour  la  préserver  de  l'erreur. 

iiOEGE.  Nous  ne  pomons  nous  dispenser 
de  mettre  au  nombre  des  écrivains  ecclé- 
siastiques cet  homme  célèbre  par  ses  talents, 
par  ses  vertus  et  par  ses  malheurs.  Après 
avoir  été  élevé  au  comble  des  honneurs,  et 
avoir  jimi  d'une  pros;iériié  éclatante  sous 
Théodoric,  roi  desGoihs,  il  linil  sa  vie  dans 
les  supplices,  l'an  523,  parce  qu'il  tâchait  de 
soutenir  la  dignité  du  sénat  de  Rome  cinire 
le  despotisme  de  ce  roi. 

Doèce  avait  écrit  un  traité  Idéologique 
contre  les  erreurs  d'Eulyelièset  contre  celles 
de  Neslorius,  et  un  autre  sur  la  Trinité,  dans 
lesquels  il  soutenait  le  dogiïie  catholique. 
Dans  sa  Consolalion  de  la  jihilosophie,  qu'il 
composa  dans  sa  prison  ,  iî  parle  dignemeut 
de  la  prescience  et  delà  providence  de  Dieu. 
La  meilleure  édition  de  ses  ouvrages  es* 
celle  de  Leyde,  avec  les  notes  variorutHf 
in-8%enl671. 


583 


BUH 


BOL 


S84 


BOGARMILES,  BOGOMILES  ou  BONGO- 
MILKS,  secle  d'héréliqucs,  sorti.-,  dis  mani- 
chéens ou  paulicicns  el  selon  d'.iulres,  des 
niassaiiens,  qui  se  tirent  connaîire  à  Con- 
stanlinople  au  comniencemenl  du  mi«  siè- 
cle, sous  ie  règne  d'Alexis  Coninène.  Selon 
Ducangi',  leur  nom  esl  dérivé  de  la  langue 
bulgare  ou  esclavone,  dans  laquelle  liog 
sigiiiûe  DifU.et  »"î7«i,  ayez  pillé;  il  désignait 
des  hommes  qui  se  conflenl  à  la  miséricorde 
de  Dieu. 

Sous  ce  litre  imposant,  les  hogomiles  en- 
seignaient une  doclrine  très-impie,  el  joi- 
gnait nt  une  partie;  des  erreurs  des  mani- 
chéens à  celles  des  massalicns  ou  euchiles. 
Ils  disaient  que  ce  n'est  pas  Dieu,  mais  un 
mauvais  démon  qui  a  ciee  le  monde;  que 
Jesus-Chrisl  d'^  eu  qu'un  corps  fantastique. 
Ils  niaient  Li  résui  rei  lion  des  cnrps,  el  n'en 
admeilaienl  point  d  autre  que  la  résurrection 
spiriiuelle  par  la  pénitence.  Us  rejetaient 
l'Ancien  Teslamenl,  à  la  réserve  de  sept 
livres  ,  leucharislie  el  le  sacrifue  de  la 
messe;  soutenaient  que  l'oraison  doiiiinirale, 
qui  éiail  leur  seule  prière,  était  aussi  la  seule 
eucharistie.  Us  méprisaient  les  croix  et  les 
images,  assuraient  que  le  baptême  des  ca- 
tholiques n'était  que  le  baptéuie  de  saint 
Jean,  et  qu'eux  seuls  administraient  le  bap- 
tême de  Jésus-Christ;  ils  eondamnaient  le 
mariage.  On  leur  attribue  encore  d'autres 
erreurs  sur  le  mystèie  tie  la  sainte  Trinité. 
Un  de  leuiscbel's,  nommé  Basile,  wédvcin 
de  pioles^ion,  aima  mieux  se  laisser  brûler 
à  Constanlinople,  que  d'abjurer  ses  erreurs. 
L'histoire  des  toyoï/ii/es  a  éleéirite  par  un 
professeur  de  NV  ineuiberg,  en  1171.  Voy. 
Baronius,  arf  nn.  1118,  Sponde,  Euihymius, 
Anne  Comnène,  S.iiiderus  (Uœi  ts.  138,  elc). 
—  Dans  la  suite  ces  hérétiques  lurent  connus 
sous  le  nom  de  bulgares,  parce  qu'ils  étaient 
en  assez  grand  numlire  liais  la  Bulg.irie, 
sur  les  b.inls  du  Doiiube  el  de  la  mer  Noire  ; 
ils  pénétrèrent  eu  Italie,  et  surtout  dans  la 
Loiiibaidie  ,  tirent  beaucoup  de  bruil  en 
France  sous  le  nom  d'(i/6((/i  ois,  et  en  Alle- 
magne sous  celui  de  cutltares;  aucune  secte 
n'a  p  rie  un  plus  grand  nombre  de  iioiiis  difl'é- 
reiils.  \  oy.  i'Utstoiie  dis  vari'ttuiis,  par 
M.  Itossuei,  liv.  XI.  Mais  il  parait  que  dans  les 
diveises  contrées  où  elle  s'elablil,  et  dans  les 
dillérinlssiècles,elle  ne  conserv,.  pastoujours 
exactement  les  mêmes  dogmes  ;  comment 
l'uiiite  de  dcictrine  aurait-elle  pu  se  mainte- 
nir parmi  des  cnthousiastis  ignoranis  de 
dilTerriiies  nations  el  de  divers  cariictèi  es  ? 

BOHÉMIENS  (Itères),  ou  F i ères  Muraces. 

Voy.  UhllNUTliS. 

♦  BullÉMIliNS.  il  y  a  qiLitre  cents  ;uis  il  soriil  du 
DeUii  di;  riiiilns  une  |ieu|ilade  li;iltiliiéu  à  vivre  au 
milieu  des  ciiani|)S.  Llle  s'avança  du  <  liié.  de  l'Etiro- 

pe.  L<>rsi|ii'el  e  y  |iéiiéiia,  elie   se   itmnia  cdi e  un 

peuple  égyptien  iiU|>|i0  4Jenialé<lielicin  |)>ur  n'a  voir  pas 
vuulu  accorder  l'iiospilaliieà  .lc^u<-ClH'isl,luisi|uM  lui 
Coniraiiil  de  se  ritirer  en  b(;>pie  .ivec  sa  saiiilc  Mc.e. 
I  D'  puis  celle  épuque,  di>aieiil  ces  vjjjabuuds,  iiuus 
avuns  éié  ciindainués  à  nieucr  une  vie  erraiilu  ;  iiuus 
ne  pouvons  nous  ll«er  dans  aucun  lieu,  nous  dres- 
sons nos  lentes  pour  une  nuit.  Le  jour  suivant  nous 
la«  plions  et  nous  diri(;uuii8  nuire  cuur:o  vers  d'au- 


tres lieux.  >  Les  Bohémiens  furent  reçus  comme  des 
peuples  réellement  tVappé^  de  la  malédieiion  de 
Dieu,  qui  fais.iieiil  péiii  enee  de  leur  ciiine.  Les  Eu- 
roi'éeiis,  lohcliés  (l'un  si  ^raiid  nialhenr,  essayèrent 
de  l'alléger.  Mais  ce  pen|ile  lut  biemôl  conini.  On 
l'éiu  lia  s'iiis  le  rappoil  religieux,  moi  al  el  social,  el 
on  découvrit  de  gr.mds  vices. 

Li's  Bonémiens  Snnl  sans  aucun  principe  religieux. 
Il»  adiuelieiit  toutes  les  religions,  proiessenl  celle 
du  peuple  chez  leipiel  ils  se  irnuveia,  ils  sont  doue 
tour  à  tour,  cailiiili(|ue-,  calvinistes,  luiliérieus.  eie. 
Il  n'y  a  qu'un  point  sur  lequel  ils  ^uiit  ctnislanls  ; 
c'est  celui  de  la  sup  rslilioii.  Ils  prétei.deiii  partout 
avoir  le  don  iie  lire  dans  l'.<venir.  tn  prenant  la 
main  d'une  persoiuie,  ils  ass  renl  Mu'its  decuiivreill 
dans  les  lignes  capricieuses,  qui  .serpriilent  en  ions 
sens,  ses  destinées  luluies.  C'est  un  moyen  d'acquéiir 
de  l'argeiil. 

L'iinmuraliié  des  Bohémiens  est  absnbie.  Us  ne 
savint  le  que  ce>t  (|\ie  le  in;unige.  Ils  s'uni.-senl 
pour  iiii  jiiui  et  loriiieiil  ie  lendunain  de  iiouvelles 
unions.  Les  entants  qui  ne  cunnusseiit  pas  leurs  pè- 
res, à  le.ne  ée^és  par  leur  mère,  s'allaclieiil  à  la 
première  c.iravane  venue. 

Les  Buliémiens  paraissent  n'avoir  aucune  notion 
de  justice,  'roulis  les  luis  qu'ils  peuvent  éiliapper 
à  la  viiidicle  liimiaine,  ils  ne  eraigneni  pas  île  vo- 
ler. Il  esi  rare  que  leur  jiassage  ne  soit  marqué  de 
dévastaiions.  Aussi  luiii  les  peiuiles  les  uni  eus  eu 
horreur.  Les  éUils  d'Oiléms  de  1,'jljl  ordiiiméreiit 
qu'ils  S' raienl  exteMuiiiéi  par  te  fer  et  pir  le  feu. 
Les  ellurts  que  toutes  les  naiiiin>  de  l'Europe  ont 
f.iils  pour  Civiliser  ces  eues  va;jaboiids  ont  été  sans 
sueccs.  Nous  avo.is  encore  ii  s  bohémiens  el  nos 
éijyptieiis,  le<  Allemands  liuis  Zit/eioiers,  le^  li.S|ia- 
giiirls  leurs  Gilaiios,  les  Aoiilai-.  leur-  Gijpsy  el  les 
lialieiis  leurs  Zinguni.  C'est  le  niéiue  peuple  errant 
p^rloiil  sons  d.lleieiils  noms,  mais  il  e.sl  pour  les 
iKUioiis  civilisées  un  objet  de  mépris. 

BOHMISTKS.  On  appelle  ainsi  en  Saxe  les 
scclateurs  d'un  nomme  Jacob  Bolim,  qui  est 
mort  en  1G2V  ,  il  a  laissé  j)iusieurs  écrits 
mystiques  remplis  d'une  théologie  obscure  et 
inintelligible. 

BOLLA.xDlSÏES,  conlinualeurs  àeBollan- 
dus,  savants  jésuites  d'Angers,  qui,  depuis 
plus  d'un  siècle,  se  sont  occupé»  à  reiueillir 
les  actes  ei  les  vies  des  sainis,  d'après  les 
auteursurigin<iu\,  et  uni  ainsi  réussi  a  v  clair- 
cir  plusieurs  faits  impurlanls  de  Vllisloire 
ecclésiusliijue  el  civile. 

Cet  utile  el  vaste  projet  fut  formé  au  com- 
mencement du  XVI.''  siècle,  par  le  P.  He- 
riberl  Kosweid.  jésuite  d'Anveis;  mais  ou 
seul  qu  il  cl.iii  beaucoup  au-dessus  de»  for- 
ces d  un  seul  homme;  le  P.  Bosweid  ne 
put  laire  pendant  toute  sa  vie  qu'amasser 
des  matériaux  ;  il  mourut  en  10.9,  sans  atoir 
commencé  a  leur  douir  r  une  iorme.  — 
L'année  suivante,  le  P.  J  an  Bollanous,  son 
conLère,  reprit  ce  tiessein  sous  un  auire 
point  de  vue,  el  se  proposa  de  composer  lui- 
même  les  vies  des  saints  d'après  les  auteurs 
originaux,  eu  y  ajoutant  des  notes  sembla- 
bles a  Cl  Iles  dont  les  éditeurs  des  Pères  ont 
accompagné  leurs  ouvrages,  soit  pour  éclair- 
cir  les  passages  obscurs,  soil  pour  distinguer 
le  vrai  du  fabuleux.  Ln  ll>35,  il  s'associa  le  père 
Godefioi  Henschenius,  el,  en  ltti3,  ils  lirent 
paraître  les  Actes  des  sainis  du  mois  de 
janvier  tu  deux  volumes  in-folio.  Ce  livre 
eut  un  succès  qui  augmenta  lorsque,  en 
1058,  ces  deux  savants  eur«ul  donné   troi» 


I 


58ii 


OUL 


autres  volumes  dans  la  même  forme,  qui 
contenaient  les  actes  des  saints  du  mois  de 
février.  IJoliandus  s'était  encore  associé,  en 
1G50  ,  le  P.  l';ipebiocli  ,  et  tr.ivaiilait  à 
donner  le  mois  de  mars,  lorsiin'il  innnrul 
en  lëtiS.  —  Après  la  mort  d'Hensclienius,  le 
P.  Papt'hrotk  cul  la  principale  direction  de 
cet  ouvrage,  et  prit  succes*ivcnieiit  pour 
coopérateurs  les  l'P.  liaëit,  Janniii<;,  Duso- 
lier  et  Itaie,  (|ui  ont  publie  vingi-(itialre 
volumes,  conieninl  les  \  ies  des  >airits  jus- 
qu'au mois  de  juin.  —  Depuis  la  mort  du 
P.  P.ipcbriicl),  arrivée  en  171i,  les  l'P.  Du- 
solier,  duper,  Piney  cl  Kocli  ont  continué 
r<iuvra};e,  et  ont  f.iilparaiiresuccessivcinent 
les  acies  des  sainis  des  mois  suivants.  Celle 
immense  collection  conliciil  à  présent  plus 
de  ciiiquauie  volumes  in-folio.  Elle  avait  été 
interrompue  pendant  plusieurs  années,  à 
cause  de  la  suppres-ion  de  la  société  des 
Jésuites  ;  mais  elle  a  éié  reprise  depuis  quel- 
ques années  sous  la  proleclion  cl  par  les 
bienfaits  de  feue  l'Impératrice  reine. 

On  a  reproché  à  Bollandiis  de  n'avoir  pas 
été  assez  en  garde  cotitre  les  légendes  apocry- 
phes el  fabuleuses  ;  Papebroth  et  ses  succes- 
seurs ont  eu  une  critique  plus  éclairée  et 
plus  exactedans  le  choix  des  monuments  dont 
ils  se  sont  servis. 

]-eur  premier  soin,  dès  le  commencement 
de  ieur  travail,  a  élé  d'établir  des  correspon- 
dances avec  tous  les  savants  de  lEurope,  de 
faire  chercher  dans  les  archives  el  dans  les 
bibliothè>|ues  les  titres  et  les  monum<  n  s  qui 
peuvent  servir  à  leurs  desseins  ;  les  matériaux 
rassemblés  forment  une  bibliolhèquc  consi- 
dérable. 

Âvanl  de  faire  usage  d'aucun  titre,  les 
bollandisles  en  examinent  l'aulheniicilé,  le 
degré  d'autorité  qu  il  peut  avoir,  el  le  rejel- 
lenl  absolument  s'ils  y  découvrent  des  in- 
dices de  supposition  ou  de  fausseté;  s'ils  le 
jugent  vrai,  ils  le  publient  tel  qu'il  esl  avec 
la  plus  grande  ruiélité,  lU  eu  éclaircissent  les 
endroits  obscurs  par  des  noies;  si  c'est  une 
pièce  douteuse,  ils  exposent  les  raisons  de 
douter  ;  s'ils  n'ont  que  des  extraits,  ils  en 
font  une  histoire  suitie. 

Lorsque  ces  savanis  critiques  reconnais- 
sent qu'ils  se  sont  trompés,  ou  (]ii'lls  ont  éic 
induits  en  erreur,  ils  ne  manquent  jamais 
d'en  averiir  dans  le  volume  suivant,  cl  de 
rectifier  la  méprise  avec  toute  la  candeur  el 
la  bonne  fui  (lussible. 

L'on  trouve  souvent,  dans  cet  important 
ouvrage,  di's  traits  qui  iniéressent  iion-seu- 
leinenir/ii.'.oi're  errlésiastique,  mais  Vliistnire 
cil  lie,  la  chronoloyie ,  la  géograpliie ,  les 
druils  el  les  prétentions  des  souverains  el 
des  peuples;  tous  les  volumes  sonl  accom- 
pagnes de  t.ibles  exactes  et  très-commodes. 
Le  soin  qu'oui  ces  laborieux  écriv.iins  lie  se 
fumier  des  successeurs,  semble  répondre  au 
public  (|ue  cel  immense  projet  sera  un  jour 
ctinJuil  à  sa  fin.  Comme  les  premiers  \olumes 
donnés  par  Bullaudus  étaient  devenus  très- 
rares,  ou  a  réiiupriuié  a  Venise  toute  la  col- 

DlCT.  DE    l'UÉOL.  OOGUATIQCB.  I. 


l'.ON  S80 

lection;  mais  celte  édition  ne  vaut  pas  cello. 
d'Anvers  fl). 

liON,  BONTÉ.  C'esl  celui  des  altribuls  do 
Dieu  (|iii  nous  touche  d.ivanlage,  et  dont  les 
livres  sainis  nous  parlent  le  plus  souvent  (•!). 
Davi  I  ré|ièie  continuelleuieni  dans  les  (pau- 
mes :  Loitcz  le  Seii/iieur,  parer  qu'il  est  bon, 
et  f/ue  su  misérirordf  est  éternelle.  Uiea  fait  du 
bien,  plus  ou  moins,  à  touti  s  les  créatures  ; 
il  n'en  esl  aucune  qui  ne  reç  livc  de  lui  des 
bieiif.iiis  ;  sa  honte  esl  donc  pr^mvee  par  les 
elïels.  Il  ne  leur  en  fait  pas  autant  qu'il  leur 
en  pourrait  faire;  sa  pui<sanceest  infinie,  et 
les  iréalures  m;  sont  susceplibles  que  d'une 
quaniileile  bien  bornée.  11  ne  leur  en  fait 
pas  autant  qu'elles  le  désirent,  parce  que 
leurs  (Jésirs  n'ont  point  de  bornes  el  sont 
souvent  déraisonnables.  Il  ne  leur  en  fait 
pas  à  tontes  également;  l'inégalité  esl  le 
i'ondemenl  de  la  société  cl  de  nos  devoirs 
mutuels  ;  la  sagesse  de  Dieu  préside  à  la  dis- 
Iribulion  deses  dons,  et  sajustice  ne  demande 
compte  à  <  hacun  que  de  ce  qu'elli!  lui  a 
donné.  —  De  là  même  il  s'ensuit  que  les 
notions  de  la  bunié  humaine  ne  peuvent  être 
appliquées  à  la  ^o/»/^  divine  ;  parce  que  la 
première  est  joinieà  une  puissance  très-bor- 
née, el  la  seconde  à  un  pouvoir  infini,  lia 
hommen'esl  censé  bon  que  quand  il  fait  leplus 
de  bien  qu'il  peut,  qu'ill'accjrdele  plus  prom- 
ptement  au  plus  grand  nombre  de  personnes, 
el  continue  le  plus  longtemps  qu'il  lui  est 
possible.  Aucun  de  ces  caractères  n'est  appli» 
cable  à  la  bonté  de  Dieu. 

On  tombe  dans  l'absurdité  ,  si  l'on  exige 
que  Dieu  fasse  le  [lus  de  bien  (|u'il  peut  ;  il 
en  peut  faire  à  l'iiilini  ;  qu'il  le  fasse  le  plus 
proiiijileinenl,  il  l'a  pu  de  toute  éternité  ;  qu'il 
en  fisse  au  plus  grand  nombre  de  créatures 
possible,  il  en  peut  créer  à  l'infini  ;  qu'il  le 
fasse  le  plus  longtemps,  il  peut  le  continuer 
pendant  toute  rétemilé. 

11  s'ensuit  encore  que  la  notion  de  bonté 
infinie  ne  nous  vient  point  des  créatures, 
puisque  l)i(^u  n'a  répandu  sur  ell.s  qu'une 
quaniilé  de  bien  très-bornee,  par  consequeat 
mélangée  de  maux  ou  de  privatiuns  ;  cette  no- 
lioii  se  lire  dneclement  de  celle  ti'étre  néces- 
saire, cxislanl  de  soi-même, dont  les  allributs 

(1)  La  rév(dnUon  fr-iiiçaise  de  17S9  A\:t\l  f.iil 
siispeiilre  les  giainls  ir.iv.nix  des  bollandisles.  Les 
Ac(o  saiiclorum  éliienl  airèlé>  an  14  o  lobre.  La 
sociéié  des  Jésuiles  a  repris,  il  y  :i  quelques  an- 
nées, la  eoiilniiiaiioii  de  celle  iiiniiense  pabiiealloa. 
Le  giinveriiciiienl  lielge  a  mis,  à  cel  effet,  des  Inids 
à  sa  dispiisitinii.  A  lin  d'avuir  plus  de  lacililé  pour 
les  reclierciies,  les  Josuiies  o  t  ir.insiiorlé  à  tiiii- 
xelles  le  siège  du  U'.ivail.  fiois  religieux  d'uae  vasle 
érudilioii,  les  PP.  Booiie,  Van  der  Moeren  el  Coji- 
peiis,  dnigenl  les  jeunes  ciUalniralein»  iin'ils  se  sont 
assuiiés.  tspér(Mis  qu'ain  un  coiure-leinps  l'àclieuv 
ne  viendra  plus  suspeiidie  une  u'iivre  réelleiiieiit 
prodigieuse,  dont  la  sociélé  religieuse  el  civile  peut 
lirer  un  gia^d  prolii. 

(.)  La  biMiié  de  Dieu  reçoil  différents  noms  selon 
ses  acies.  LorsipM^lle  lé^aud  des  lienliii-,  eilc  eau- 
serve  le  iioai  ae  haiilé;  ipiaud  elle  alleu. I  le  pee'icur 
à  p«iiiienre,  ebe  reç  .ii  celui  de  L(inuvmi;ité  (  Vuy. 
ce  mol)  ;  liTMpi'elie  paidaïuie,  elle  pieua  celui  de 
MisÉRicuiiDE  (Vuy.  ce  mot;. 


587 


BON 


BON 


S88 


ne  peuvent  être  bornés  par  aucune  cause. 
M^iis  larévcliitionnoiis  fail  connaîircla  ôon^e 
de  Dieu  beaucoup  tneuK  que  la  raison. 

Ceux  qui  pr.leudent  que  l'élal  actuel  des 
créatures  n'est  i  as  assez  avantageux  pour 
qu'on  puisse  l'allribuer  à  un  Dieu  infiniment 
6c;!,  d  vraienl  fixer  une  fois  pour  toutes  le 
degré  auquel  le  bien-être  des  créatures  de- 
Trait  être  porté  pour  qu'elles  n'eussent  plus 
sujet  de  se  plaindre;  aucun  de  ces  philoso- 
phes n'a  pu  encore  l'assigner.  Dieu,  disent-ils, 
pourrait  nous  rendre  heureux  et  contents  : 
nous  ne  !e  sommes  point  ;  mais  nous  le  se- 
rions si  nous  étions  sages,  et  il  ne  lient  qu'à 
nous  de  l'être.  Job,  au  comble  du  malheur,  ré- 
duit sur  son  fumier,  était  content  et  bénissait 
Dieu  ;  Alexandre,  possesseur  d'une  grande 
partie  du  monde,  ne  l'était  pas.  Le  cœur  de 
l'homme  est  trop  grand  pour  être  heureux 
par  la  possession  des  biens  de  ce  monde.  — 
Accuserons-nous  Dieu  de  n'être  pas  bon, 
parce  qu'il  punii  le  crime  en  ce  monde  ou  en 
i'i'ulre  ?  Au  contraire,  il  manquerait  de  bonté 
s'il  laissait  la  vertu  sans  récompense  et  le 
crime  sans  ciiâtimcnt.  En  lui  la  bonlé  ne  nuit 
point  à  la  justice,  et  la  justice  ne  déroge 
point  à  la  miséricorde,  — Ce  sont  de  fausses 
notions  de  la  hoiUé  infinie,  tics  comparai- 
sons toujours  fautives  entre  la  bonte'di.  ine  et 
la  bonlé  humaine,  l'abus  des  termes  de  bien  et 
de  nui/,  de  buntiur  el  ib'  ni(ilhetir,i]ui  servent 
de  fondement  à  tous  les  sophismes  des  plii- 
losoplies  anciens  .  t  modernes  sur  la  grande 
question  di-  l'origine  du  mal.  Voy.  Mal. 

Bon.  en  parlant  des  créatures,  a  un  double 
sens.  Leur  bontr  pli}  sique  est  la  même  chose 
que  leur  perfection  ;  elles  sont  parfaites  lors- 
qu'elles réponilent  à  l'usage  auquel  Dieu  les 
a  destinées.  Mais  les  termes  de  perpclion  et 
A' imper  faction  sont  des  termes  |)urement  re- 
latils:  il  n'y  a  point  de  perfection  absolue 
que  celle  de  Dieu  ;  rimpcrfeclion  absolue  est 
le  néant. 

La  bonlé  morale  des  êtres  intelligents  est 
rinclinalion  à  faire  du  bien;  la  bonié  momie 
de  leurs  actions  est  la  conlbrmité  de  ces  ac- 
tions avec  la  règle  des  mœurs,  ou  avec  la 
volonté  de  Dieu,  souverain,  législateur.  Voy. 

BlE?C    UORiL. 

UO.N AVENTURE  (saint),  religieux  francis- 
cain, ensuite  évc(iue  d'Alhano,  et  cardinal, 
mort  l'an  127'i-,  a  é;é  l'un  des  plus  célè.ires 
théolo;;iens  scolasliques  du  xiu^  siècles  ; 
il  est  autant  respecté  chez  les  cordeliers  que 
saint  Thomas  d'Aquin  chez  les  jacobins.  En 
1GG8,  ses  ouvrages  ont  été  imprimes  à  Lyon, 
en  huit  volnines  in-foHo.  Les  deux  jiremiers 
renferment  des  commentaires  sur  l'Ecriiure 
sainte;  le  troisième,  des  sermons;  les  deux 
suivants  sont  un  commentaire  sur  le  Mailre 
des  senlences,  par  conséquent  un  couis  de 
théologie;  le  sixième  et  le  septième  conlien- 
iient  des  traités  de  morale  et  de  piété;  le 
huitième,  des  o|)Uscules  sur  la  vie  religieuse, 
dans  lesquels  il  se  plaint  amèrement  du  relâ- 
chement qui  s'était  déjà  introduit  chez  les 
franciscains,  trente  ans  après  la  mort  de 
saint  François.  Ou  a  donné  à  saint  lionaven- 
fure  le  nom  de  docteur  séraphiquc;  il  joignit 


aux  vertus  d'un  parfait  religieux   des   con- 
naissances rares  d.iiis  son  siècle.  Voy,  VHi$t, 
ilei'ËijLgallic.,lom.Xll,li\.\\xi\,  an.  1272. 
BONHEUR.  Voy.  Bien. 

♦  BONIIEUU.  L'Iioinine  est  fait  pour  le  boiilieur, 
une  force  invinc  ble  le  poiisse  vers  la  lélicild.  La  re- 
li3;ioii,  i|iii  iloil  satisfaire  à  tous  les  liesoins  ilel'tnnna- 
iiilé,  possède  les  sourees  du  véril;ible  boiilieur.  L» 
pliilosoidiie  a  prétendu  se  sul>3liliier  à  sa  place. 
Voyons  d'ab  ird  ce  que  ta  religion  fail  pour  rendre 
riitioiine  lieiireux  ;  umn  examinerons  ensiric  si  U 
plulos  >idiie  puise  vanier  d'av^iir  trouvé  le  principe 
du  \éril;ible  bonlieur. 

l.  Ce  n'est  pas  sur  cette  icrre  que  rhontine  peut 
espérer  un  luinlieur  complet  :  c'est  dans  le  ciel  qu'il 
peut  le  ir  mver.  Nous  traçons  dans  l'ariicle  suivant 
la  nature  du  buulieur  des  élus.  Olservoiis  que  IVs- 
péraiice  du  ciel  est  déjà  pour  nous  sur  la  lene  une 
source  de  honlienr.  <  l^n  proie  à  la  douleur,  <Ji:.:nt 
J.-J.  ISimsseau,  je  la  supporte  avec  patience  eu  son- 
geant qu'elle  esl  pissai;ére  et  i|u'elle  vie  t  d'un  corps 
qui  ii'esi  point  à  moi.  Si  je  fais  nue  bnime  aciioo 
sans  témoins,  je  sais  qu'elle  est  vue  et  je  prends 
acte  pour  l'autre  vie  de  ma  coiiduiie  en  celle-ci.  En 
souillant  une  iiiju-iice  je  médis:  L'Klre  jusle  qui 
régit  loiit  saura  bien  ineo  (lédomniager  ;  les  besoins 
de  moo  cieiir,  les  misères  de  ma  vie,  me  ren<leiit 
l'idée  de  la  iiiurt  plus  sti[)porl  >ble.  (ie  seront  autant 
de  liens  de  monis  à  roin^ire  quand  II  faudra  tout 
quitter.  Ce  qui  impurlc  à  riionniiL',  c'est  de  remplir 
îes  devoirs  sur  la  lene,  et  c'est  eu  s'oubliaiit  qu'on 
travaille  pour  soi.  L'iiitéréi  paniculier  nous  iroiiiMe  ; 
il  ii'y   a  que  l'espiir   du  jusie  qui  ne  trompe  poiul.  » 

Quoique  la  pléiiiiuile  du  boolieur  soit  dans  le 
ciel,  nous  pouv(Mis  cependani  aiieindre  i  une  certai- 
ne mesure  de  félicité  sur  cette  lerre:  non  point  celte 
félicné  laiiiasii(|U3  ei  siiisiielle  qui,  née  du  vice, 
n'engendre  <|ue  des  maux  ;  mais  celle  lelicité  douce, 
calme,  paisible,  la  seule  compatilile  avec  notre  état, 
la  seule  que  l'Iiomme  puisse  espérer  ici  bas,  la  seule 
qui  remonte  ju^(lu'à  la  cause  de  iius  p -iiies  pour  les 
guérir.  La  vie  esl  un  composé  de  bleus  et  de  maux. 
(Connaître  les  véritables  Idens  travailler  avec  me- 
sure à  les  ai  quérir,  n'user  des  dons  les  plus  agréa- 
bles et  les  plus  précieux  que  Srloii  les  règles  de  la 
raison,  c'est  une  pariie  es!<eiitlelle  du  bonheur.  Pour 
le  rendre  aussi  complil  ^lu'ii  peut  le  devenir,  il  faut 
encore  savoir  se  conduire  avec  sagesse  à  l'éi^uid  des 
maux.  Il  y  eu  a  que  nous  pouvons  eloigaer,  d'autres 
que  c'est  une  nécessiié  de  subir.  Savoir  se  délivrer 
des  premiers  et  supiiorter  avec  courage  les  seconds, 
c'esi  tout  ce  que  t'inimme  raisonnable  peut  deman- 
der. Voilà  en  deux  mois  tome  la  science  du  bon- 
lieur: d  siiuguer  les  ^érilabtes  biens  pour  en  user 
avec  sagesse,  accepter  avec  rcsiguaiion  les  maux 
que   la  raison  nous  couimauile  de  subir. 

(>e  qui  nousdnniieraii  cette  aiimirable  science  serait 
ceriainemenl  ui  iden  lellemenl  précieiiv  que  le  sa- 
ge devrait  le  pour-uivic  tous  les  jours  de  sa  vie. 
Lit  bien  !  la  venu  nous  procure  ces  iiiappréciabli  g 
avaniages.  Elle  n  et  dans  l'esprit  cette  liauie  pru- 
dence qui  clioisit  le  meilleur  dans  luiil  ce  que  nous 
pouvons  lecberclicr  Elle  élève  l'ùme  au-dessus  des 
muix  de  la  vie,  la  rend  ca|iable  de  supporter  les  plus 
grands  désastr -s.  Le  poé  e  ne  disait  pas  trop  en  aASU- 
r.iUi  que  le  jusie  vivrait  le  ciel  s  écrouler  sans  en  éira 
ébranlé.  Knliii,  la  viilu  tempère  la  fougue  des  pas- 
sions, ei  mu  1ère  l'aidi  iir  qui  pousse  rhonnue  xers 
le  plai-ir.  MoUs  ne  cr.dgnoiis  pas  de  ralliiiiier,  il  n'y 
a  pas  un  b'au  seiilimeui,  nn  aile  généreux,  nue 
pensée  lieuieiise,  une  siiualiuii  rcellcmeiil  buune  qui 
ne  vienne  de  la  veilu.  Et  qui  donc  a  lonné  ces 
liuiniiii  s  q  li  |i.ir  leur  douce  gaieté  sont  le  charme  de 
la  bonne  socieie'/  tjui  a  donné  la  vie  à  ces  aU'ectioiis 
tou&hanles  qui  sont  le  bonlieur  de  la  leire  'I  Quia 
créé  les  véritables  amis,   le  plus  précie<ix  ii«»ur  du 


ï;89 


B(,'N 


noN 


S90 


mmdH  ?  C'est  la  venu  ei  rieji  que  la  verly  :  l'affcc- 
liiin,  l'iini'iié  fondée  sur  une  autre  base  e-t  frivole, 
iroin lieuse,  nviisougère. 

Tous  ceux  (|ni  oui  ccinnn  et  pr:itiquc  In  ve'tn,  sa- 
vent n"6  ce  tiililfau  n't'sl  pniiii  mm  rhiiiière. 
Piiiirqniii  n'est-il  p:is  dduné  à  ceux  qui  Ji  uiécoii- 
naissent  de  le  Cdiiiprendic  alls^i  ?  Ali  !  s'il  leur  élail 
diinnt  de  lire  (Lins  l'ànie  di's  l)iini.ilie!;  les  plus  ver- 
tueux, ils  seraient  siii  pris  de  i'éipl  Mvi^.ipl  de  leur 
âme  ;  ils  les  verraient  heureux,  nici.i,ie  au  niiliey  (Ji'S 
plus  grandes  ealatni  es.  Job  sur  so  i  fuinier  était  le 
plus  inroriuué  des  murtels.  Klait-il  niallieureux  ?  Lja 
traiiqiiilliié  de  son  àrne,  cette  entière  soumission  à 
la  voliinié  de  Hien,  i|uc  rien  ne  pouvait  (rouiller,  tue 
persuadent  qu'il  lioiiviii  encore  un  <  élesle  bonlnur 
dans  ions  se^  maux.  —  Aristide  ce  juste  du  pai;anis- 
nie,  baïuii  par  ses  coiniiiiyeus,  s'en  allant  sur  la 
terre  de  l'exil,  Ari>lide  étaii-il  m^illieureux  ?  Lorsque 
je  le  vois,  au  sertir  de  la  ville  d'Atliénes,  élever  vers 
le  ciel  lies  mains  su|>pli:ii!les ,  ei  demander  :iux 
dieux  qu'il  n'arrive  rien  île  fàelieux  à  sa  patrie,  les 
cenjurer  ipie  lainiiis  .Ailièiies  ne  soi!  dans  la  iiéees- 
site  de  le  rippelcr,  je  me  dis  à  moi-inêine  :  Non,  il 
n'étiiii  piijul  ni  illienri'ux 

Et  saint  Liiiiis,  le  plus  grand  de  nos  rois,  voyez- 
le  captif  sur  la  lerre  d.'Kiiyiile.  Et  il-il  mallienreiix'/ 
Du  seul  trait  de  sa  caplivité  rcpnndra  à  celle  i|iieS' 
lion.  Au  nioineut  i  t'i  les  Sarrasins  se  saisirent  de  sa 
personne,  avec  aulanl  de  calme  que  dans  son  palais, 
il  deinaiida  son  bréviaire  à  sou  auiiiônicr  pour  réci- 
ter les  noues.  On  ne  deiiiaude  pas  à  un  lioinine  ca- 
pable d'un  lel  pnnlige  si  les  innux  de  la  vie  ont  pu  le 
rendre  uiallieiireux.  (Jii  aliiriiie  sans  Icinérilé  i|ue  la 
veilii  lavait  placé  aii-di'ssns  de  toutes  les  inf'rtunes. 

'lout  ce  qu'il  y  a  d'unie,  de  beau,  d'a};réable,  de 
grand,  de  saint,  de  jusie  prend  donc  sa  source  dans 
la  vertu  ;  c'i'sl  sa  gr.iiidiur  luèine,  c'est  snu  excel- 
leice  i|iii  esi  l'origine  du  saint  respect  que  les  plui 
vicieux  lui  pnrtent ,  de  ce  dé.-.ir,  de  ce  bi  soin  de  re- 
venir au  bien  qui  lourinente  les  plus  grands  coupa- 
bles au  milieu  de  leurs  crimes. 

II.  La  pliilosiipliie  s'est  donnée  comme  la  maîtresse 
de  la  véritible  léliciié  de  rboinnn;  sur  la  lerre. 
Nous  seriiins  inlinis  si  luiiis  vnulions  éluilicr  tous  ses 
systèmes  (a).  Qu'a-l-elle  lait  pour  satisfaire  l'csprjl, 
le  cdpnr  et  le  corps  de  l'Iiouiiiie  ? 

Clniciin  connait  les  lliéuries  insensées  des  pliilosu- 
pJies  anciens  et  nouveaux  sur  les  pins  grandes  véri- 
tés, sur  la  nature  de  Dieu  et  sur  la  lin  de  riiomme. 
Pour  qu'on  ne  nous  accuse  pis  d'exagéiaiinn,  imus 
ciliins  deux  corypliées  dans  la  pbilosupliie,  Lucien 
et  Rousseau. 

Voici  ce  i|ue  dit  Lucien  :  i  Daus  l'état  d'Ignorance 
et  de  perplesilé  ou  jéiais  sur  l'ignor.ince  du  iiionde, 
je  pen>ai  qu'il  n'y  aurait  rien  de  mieux  à  f<ire  que 
de  recourir  aux  pliilosoplies.  Persuadé  qu'ils  é  aient 
les  dépusiiaires  de  toutes  les  véiiiés,  et  qu'ils  dissi- 
peraient me»  dmites,  je  m'adressai  :»ceuv  d'entre  eux 
que  je  cru>  plus  babiles.  Je  jiigeii  d'  leur  niéiile  à 
la  gravité  de  leur  extérieur,  à  la  lâleur  de  1  ur  vi- 
sage et  à  la  longueur  di!  leur  barbe,  marques  infail- 
libles, selon  moi,  de  la  prulondenr  ei  de  la  subtilité 
de  leurs  conn.<issances.  Je  me  mis  donc  entre  leurs 
mains,  et  après  être  convenu  du  prix,  qui  n'était  pas 
modique,  je  voulus  d'abord  eue  instruit  de  tous  les 
coules  qu'ils  nous  font  Sir  ce  qui  se  passe  dans  le 
ciel,  et  savdir  comment  ils  s'y  prennent  pour  nous 
expliquer  l'nrdre  établi  dans  l'univers.  Quel  fut  niini 
éluniieiiient,  lorsque  tous  les  doctes  maîtres,  b.en 
loin  de  dis'^i|ler  ma  pieinière  incertitude,  me  ploii- 
gèreiil  dans  un  aveuglement  mi  le  fuis  plus  grand 
enceie  I  J'.ivais  tous  les  jours  les  oreilles  rebattues 
des  grands  iiiola  de  principes,  de  fms,   d'alumes,    de 

(a)  Varron  complaît  d^ja  île  son  lemji<;  deux  cent  qua- 
ire-vinul-liuil  sisiènies  sur  le  bouUeur.  Si  nous  énuiuô- 
rioiis  ceus  qui  uni  éié  lails  du|iuis,  uou«  en  aurious  peut- 
éue  pi  is  d'uu  inllliou. 


vide,  de  inQiii're,  de  forme.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  insup. 
piiriaîile  piMir  iiini,  c'est  que  cliacun  d'eux,  eu  m'eii- 
seignint  précisément  le  contraire  de  ce  qu'avaient 
dit  les  filtres,  exigeait  que  je  n'eusse  confiance  qu'en 
lui  seul  et  me  donnait  smi  système  comme  éiani  le 
seul  bon.  1  —  «Je  consultai  les  pliilosoplies,  dit 
llou>seaiJ,  je  leiiilleiai  leurs  livres,  j'ex:iinioai  leurs 
diy-  res  opinions,  je  les  trouvai  tous  tiers,  aflinna* 
tifs,  dogiiiatli|ues  mênie  dans  leur  scepiicisine  prê- 
te idu,  n'igmiranl  rien,  ne  prouvant  rien,  se  mu  jiiaiit 
les  uns  des  autres  ;  el  ce  poiiil,  commun  à  tous,  me 
parait  le  jSeiil  sur  lequel  ils  ont  tous  raison.  Tiioin- 
pb  int  q.Mand  ils  allaquent,  ils  ne  sont  unis  que  pour 
déi.iuire  ;  si  vous  compiez  les  voix,  chacun  se  réduit 
à  la  si'Miiie;  ils  ne  s'aecnrdent  que  pour  dis|iuter.  » 

«  Si  je  m'ai  rèie  à  la  morale  de  nos  sages,  disait 
Gérard,  je  \i>is  le  plus  (iiand  nombredans  un  éternel 
conllii  d'opinions;  des  oui,  des  non  sur  cliai|ue  arti- 
cle de  leur  toile  et  Joutes  les  \éi  liés  réilnites  en 
problèmes.  Je  b'S  vois  établir  assez  généralein-nl  que 
la  murale  tire  son  origine  île  la  politique,  comme 
les  lois  el  le*  b»urreaux-;  qu'on  doit  reg.nder  les 
actions  comme  i/idillérenies  en  elles-niémes,  ei  que 
c'est  au  législateur  à  lixer  l'instant  où  elle^  cessent 
d'être  vertueuses  el  deviennent  vicieuses  ;  qu'il  n'y 
a  eu  soi  m  vice  m  verlti,  ni  bien  ni  mal  nuirai,  ni 
juste  ni  inju-te  ;  que  tout  esl  arhitraire  ei  ha  de 
main  d'homme  ;  qu'une  Ame  ii  orlelle  n'a  po  ni  de 
devoir  ;  que  c'e»t  la  sensibilité  physique  el  l'inlérêt 
peisniinel  qui  sonlles  aiUguis  de  Inuio  jiisiice  ;  qii'ii 
est  aussi  impossible  à  l'iiomine  d'ai-ner  le  bien  pour 
le  liieii  que  d'aimer  le  mal  pour  le  mal  ;  que  la  véri- 
té et  la  vertu  sont  des  êtres  ipii  ne  valent  qu'autant 
qu  ils  sont  prulitubles  à  celui  qui  les  possède.  » 

Ames  droites,  âmes  honnôies,  vous  frémisse»  en 
parcourant  avec  iniii  ce  coile  de  démence  et  d'im- 
nioi alité;  mais  suspendez  pour  quelques  moments 
Votre  indignation  et  ne  pei  dons  rien  des  leçons  de 
nos  nouveaux  niaitiej.  Qu'ajouient-ils  à  ces  premiè- 
res insiiluiioiis,  qu'une  maMiiie  de  bonté  naturelle 
plus  utile  que  celle  de  laite  à  autrui  comme  nous  vou- 
lon-  qu'on  nous  lasse, qui  sont  celle-ci  :  Fais  ton  bien 
avec  le  moins  de  m. il  qu'il  esl  possible.  Interdire  les 
p.issions  aux  liommes,  c'est  leur  déiendre  d'être 
liumtins.  Conseiller  à  une  peisoiine  d'uue  imagina- 
tion eniporlée  de  modérer  ses  désirs,  c'est  lut  con- 
seiller de  changer  son  oi  ;;aiiisali.in  ;  c'est  ordonne^: 
à  son  sang  de  couler  plus  lentemeiil.  La  diversité 
des  passions  el  des  gouis  décide  de  nos  venus  el 
de  los  vices.  Le  sentiment  est  l'àine  des  passions, 
et  lesenliineiit  n'est  point  libre.  Tout  sentiment  qui 
liait  en  mius  de  la  craiitf;  des  soullVances  et  de  l'a- 
uiiuir  des  plaisirs  est  légiiime  et  conlurme  à  notre 
iiistiiici.  Suivie  ses  désirs,  c'est  l'unique  moyen  de 
s'atfianci.ir  de  leur  itiiportunité.  Pour  êire  heureux, 
il  laul  éliiuller  les  remords,  q.,i  sotil  inutiles  avant 
le  crime  et  qui  ne  servent  pas  plus  après  (|ue  pen- 
daitl  qu'on  le  coiiimel.  La  buntie  philosophie  se 
déshonorerait  en  pure  per'.e  en  réalisant  des  spec- 
tres el  eu  s'arrêiant  à  ces  vieux  préjugés  :  il  faut 
songer  au  cori'S  avant  que  de  songer  à  l'auie. 

De  pareils  principes  étaient  loin  de  pouvoir  satis- 
faire les  besoins  du  cœur:  aussi,  loiirmeiilé  piir  des 
liraillements  opposés  et  pervers,  il  se  lionvait  dans 
un  état  d'antagonisme  perpétuel  ;  ce  qui  faisait  son 
tourment. 

JNoire  siècle  a  été  surtout  le  grand  défendeur  des 
salislaciiuns  corporelles  ,  c'esi  pour  cela  que  nous 
avons  vu  naiire  les  cointiiunlstes,  les  foiiriérisles,  les 
plialanstéiiens,  les  soci.di-ies,  etc.  Nous  consacrons 
un  article  spéc  al  à  chacune  de  leurs  théories  ;  nous 
nous  contentons  d'obseï  ver  ici  que  si  nous  jugeons 
des  suites  par  les  débuts,  nous  n'avons  à  attendre 
que  spoli.iiion  et  guerre  civile. 

C  est  donc  dans  la  religion  que  nous  devons 
cher  notre  félicite  ici-l.as.  La  loi  eff.ici  tout; 
diUérences  intellectuelles,  suit  originaires,  soi 


591 


BON 


BON 


5!;3 


les  proviennent  de  l'éducalinn,  delà  condition,  ou 
d'autres  eirconsi;iiices  accidfnlelles,  et,  piêlunt  nne 
force  inliiiie  à  la  raison  méine  d.;  l'e  ilani,  parce 
qu'elle  l'él:il)lit  en  s,ociéié  avec  la  raison  inlimc  d-; 
Diiu  ;  elle  décide  ii  rovocalile  nent  sur  loiilcs  les 
grandes  qnesiions  (jiil  l'ont  innmer  la  léie  ans  plii- 
losipphes.  Dès  lois  l'Imninic  n'a  idns  iieu  à  clienlier  : 
il  connaît  sa  puce  dans  l'o.dre  de-  élrps  ;  il  comiait 
Dieu,  il  se  coiuiail  liii-inéine,  et  ronve  suis  i-Hnrt, 
dans  la  conieinplaliDn  de  la  vériié  inunii;  lile,  la  paix 
tle  l'inlelliseiice  et  do  l'amnur.  Iii-l;iiit  dir  >es  de- 
voirs tomme  de  ses  destinées,  el  Iran  piille  su  •  le 
reste,  il  irigoore  rien  de  ce  ■in'il  lui  est  néci'-sai  c 
on  vraiment  nlile  de  savor.  De  là  un  repos  pr  doml, 
un  bien-ê're  inexpnin.ilde,  iodépeud.inl  des  s  osa- 
lions,  et  (pie  lien  ne  saurait  Inmbler,  p  :rC'!  ciii'il  a 
sa  Senne  dans  le  l'uiul  le  pins  inliioe  de  l'ame  alian- 
donnée  entre  les  mains  du  gr.ind  Lire  essenlielle- 
ntent  bon  el  lout-puissani,  qui  se  réèleet  snnit  par 
les  vi)ies  ine(Iible>  an  cœur  dncih.  il  ses  inspir  lions. 
Eclairé  d'une  Inmière  noiiveUe  ,  el  appiécmnt 
loules  les  clm-e-  à  leur  vrai  prix,  l'Iinmine  tes-e  a'è- 
tre  le  jouel  des  passions.  La  règle  inva  iahie  ib;  l'nr- 
dre  deleniiine,  iiio>lère  ses  aitaclie nenls  <  t  se-  dé- 
sirs, el,  dans  les  vieissilndes  in-é|iir.ibles  île  celle 
vie  pa-sajjére,  il  ne  voit  que  de  courtes  épieuves 
dont  une  iininorl  l'e  féliiiiè  sera  le  leinie  et  la  ré- 
compense. On  parle  de  plaisirs  ;  eu  est-il  de  com- 
parables il  ceu\  qu'accompagne  l'i  iiiu  eiice  ?  N'e-t- 
ce  rien  que  d'èlre  coniejjt  de  soi  et  des  autres  ? 
N'est-ce  rien  que  d'éire  exenqjt  de  re|ieiiiir  el  de 
reinonls,  ou  de  Ironier  conire  h  renionls  un  usile 
assuré  dans  le  ie|>enlii  ?  Cir  les  larmes  inèiiie  île  la 
pénilenre  ont  plus  de  dom  eur  que  n'en  eurent  les 
faules  qui  les  Inni  couler.  Le  conir  du  vrai  cbréiieii 
est  une  lèle  C'  iilinnelle  :  il  joml  plus  de  ce  qu'il  se 
relnse,  que  l'inciéilule  ne  jouit  de  ce  qu'il  se  per- 
met. I.euienx  dans  la  prosuériié,  plus  lieureux  dans 
les  souffrances,  parce  qu'elles  lui  olVrenl  un  iiinje  i 
d'acciiiiire  le  boulienr  qu'il  aileiid,  il  s'avinue  d  un 
pas  tranquille,  ii  travers  les  pi  iiies  de  la  vie,  vers  la 
iiionlagne  qui  ciuioniie  la  iité  pei  nianenle,  séjour 
célesle  de  la  poix,  des  délices  éternelles  et  de  tous 
les  biens. 

BoNHEUK  ÉTERNEL.  L'ntlente  d'anbonhenr 
éternel  ajirès  I.i  iiiurl,  est  le  seul  iiiulif  i|iii 
puisse  nous  faire  suppurler  pulieiiiuieul  les 
maux  de  celte  >ie,  et  nous  exciter  elliciice- 
menl  à  la  vertu.  Kxposé  ici-biis  à  des  afllic- 
lions  do  toute  espèce,  riiomnie  serait  l<'i  plus 
inallieureusc  de  Inutcs  les  créatures,  s'il  n'a- 
vait rien  à  csiirrer  au  delà  du  tombeau,  il 
n'est  doue  pas  éloiitiant  que  les  iiicreduK'S 
qui  ont  iciioticé  à  la  loi  d'une  autre  vie,  ne 
cessent  de  déplorer  la  triste  condition  de  l'Iiu- 
inaiiilc,  et  parlent  de  là  pour  hkisphémer 
contre  la  Providence. 

Il  paraît  que  tous  ceux  qui  avaient  perdu 
la  connaissance  liii  vrai  Uieu  n'oui  eu  aucune 
certitude  d'une  vie  fulure,  ni  aucune  cni- 
naissancc  de  l'état  dans  lequel  doit  se  trou- 
ver l'âme  séparée  du  co  ps.  Les  païen-,  à 
la  vérité,  élaient  persuadés  de  son  immorta- 
Jilc  ;  mais  ce  que  les  piieles  disaient  de  l'elat 
des  unirls  n'isait  ni  assuré  ni  l'ort  consiil.iiit  ; 
ils  supposaient  que  les  morts  eu  {çéiicral  re- 
grettaient la  vie,  et  desiraieiil  d'j  revenir  ; 
ils  ne  les  croyaient  donc  pas  places  dans  un 
Clal  de  l'éliciié  assez  parlaile  pour  servir  ilc 
récompense  à  la  verlu.  Los  aiu  iciis  justes, 
adorateurs  du  viai  D.eu,  a\aieiil  une  pers- 
pective plus  capable  île  les  oiu-oura^er.  Ils 
savaient  ijue  Dieu  avait  transporté  llénoc  à 


cause  de  sa  pièiéfGen.  v,  54).  Dieu  avait  dit 
au  patriarclie  Abraliam  ;  Je  Kerni  la  (/runde 
récompense  (xv,  1).  Job,  dans  l'excès  de  son 
alfl  l'Iion,  disait  :  Jexais  q  e  mon  lii'deinpieur 
est  rivant,  qu'au  dernier  jour  ji'  m"  rclêverni 
de  la  lerre,  que  je  reprendrai  m,i  dépiuille 
mortelle,  et  que  je  verrai  mon  iJieu  dons  ma 
chai'';  celte  espérance  repose  £/.in.«  mon  cœur 
{J'  h,  x;x  ,  25).  Baliiacn,  qnoiqu'environiic 
li'id  plâtres,  s'écriait  :  Que  mon  Ame  mew  e  de 
la  mort  des  justes,  et  que  mes  derniers  mo- 
men's  soient  sembiibles  aux  leurs  [Num.  xxiii, 
18;.  David,  parlant  des  hommes  verueux, 
dit  à  Dieu  :  Ils  seront  rassasiés  île  l'abondance 
de  votre  maison  ;  vous  les  abreuverez  d'un 
torrent  de  délices,  et  vous  nous  écl  irerez  de 
votre  propre  lumière  [Ps.  xxw,  9).  L'auteur 
du  livre  de  la  Sagess;^  as-ure  que  les  justes 
vivront  elernellement,  que  leur  récompense 
est  auprès  de  Dieu,  qu'ils  S'Uil  au  nombre  de 
ses  enlaiils,  elc.  {Sap.  v,  l[\].  Otte  croyance, 
aussi  ancienne  que  le  monde,  venait  évi- 
dcmnient  dc'.  leçons  que  Dieu  avait  données 
à  nos  premiers  pirents,  et  il  n'en  Tallait  pas 
moins  pour  les  consnler  de  la  perte  de  la  fé- 
licité dans  laquelle  ils  avaient  été  créés. 

iMais  comme  c'éta  t  à  Jéàiis  -  Christ  de 
rouvrir  aut  hommes  la  pori»'  du  ciel,  (ermée 
par  le  péché  d'Adam,  c'était  .lussi  à  lui  de 
leur  aiiiioncer  celte  heureuse  nouvelle,  et  de 
leur  révéler  le  bonheur  éternel  plus  claire- 
ment qu  il  n'avait  été  montré  aux  anciens 
justes.  Aussi,  selon  l'expression  de  saint 
Paul,  ce  divisi  S.iuveur  a  mis  en  lumière  la 
vie  el  l'immortalité  par  l'Iîvangile  (//  Tim. 
I,  10)  ;  il  a  représenté  le  bonheur  éternel  sous 
les  traits  les  plus  capables  d';ilTermir  noire 
espérance  el  d'enflammer  no-  désirs.  Il  nous 
apiireml  que  les  justes  brilleront  comme  des 
soleils  dans  le  royaume  de  leur  l'ère  [Maltli. 
xiM,  'i3j  ;  que  Dieu  leur  rendra  le  centuple 
de  ce  qu'ils  auront  quitté  ])our  lui  ;xi\,  2!)); 
que  dans  le  séjour  qu'ils  habitent  il  n'y  a 
plus  de  crainte,  |)lus  de  souffrances,  plus  de 
larmes  ;  que  Dieu  changera  leur  tristesse  en 
joie,  et  les  revêtira  de  sa  pmpre  gloire  pour 
toute  l'éternilé  [Apoc.  xx  ,  3;  x\  i,  5);  qu  ils 
recevront  une  couronne  dont  l'cclat  ne  se 
ternira  jain  lis  (/  Peiri,  v,  k).-  Pour  nous  en 
donner  encore  une  pins  grande  idée,  Jésus- 
Chrisl  nous  lait  entendre  que  les  saints  par- 
ticipcni  il  à  la  mêaie  gloire  dont  il  jouit 
courue  Fils  unique  ou  Père  :  Je  veux,  dit-il, 
q  'ils  soient  où  je  suis  moi-vu'me  (Joan.  xvii, 
2i).  Je  pincerai  sur  mon  trône  celui  ijui  aura 
vaincu,  comme  je  me  sui^  assis  sur  le  irône  de 
mon  l'ère  après  ma  victoire  {.ipiic.  i,  2.'J).  Par 
sa  transfiguration,  il  montre  à  ses  disciples 
pendant  quelques  iusiants  un  r.iyoïi  de  la 
gloire  éternelle  (Luc.  ix.  2i)).  Mais  il  écarte 
lie  ce  bonheur  suprême  toute  idée  sensuelle 
et  giossiè.e;  il  dit  qu  après  la  résurrection 
les  justes  seront  senililables  aux  anges  de 
de  Dieu  d  ins  le  ciel  {Marc,  xii,  25'  ;  et  son 
apôtre  le  conlirme,  en  représentant  les  corps, 
ressuscites  coiiimo  spirituels  et  incorrupii- 
hles,  semliiaiiles  à  celui  de  Jésus-Chri»t  (/ 
Cor.  x\ ,  i2).—  Knlio,  pour  bannir  toute  in- 
quiétude et  toute  déliaoce,  il  met,  pour  aiusi 


S95 


RON 


BON 


ë9i 


dire,  lo  bonheur  éternel  soiis  les  yeux  de  ses 
diseiple";,  en  les  quiltniil  pour  en  aller  pren- 
dre possei-sion  :  Je  rais,  dii-H,  vous  prépayer 
itne  pince  ;  l'Esj.rit  cinisalatetir  que  je  vous 
enverrai  (iemeurira  arec  vous  jusqu'à  ce  que 
je  vienne  vous  chercher  ;  si  vous  iti'tiimez,  rt- 
jotiissez-vous  (le  ce  que  je  retourne  à  mon 
Père  [Joan.  xiv,  2,  10,  18,  28  (1). 

Après  (!e<  proroesscs  aussi  posiliveset  des 
assuraiicrs  aus^i  eerlaiiies,  il  n'est  plus  éloii- 
nanl  que  Jésus-Chrisl  ail  eu  des  disciples 
capables  de  se  sacrifier  pi)ui  lui.  el  que  ses 
Jeçoiis  aient  lail  (  i  lore  parmi  les  honiiiies 
d(  s  vertus  dont  du  n'avait  jias  encore  vu 
d'exemple.  Par  là  même  Jésu>— Clirisl  a  jus- 
tifié les  maximes  de  morale  qui  [louvaienl 
paraître  trop  rigoureuses  à  dos  âmes  éner- 
giques et  corrompues  ;  nous  devons  en  con- 
clure, eomme  saint  Paul,  que  tout  ce  que 
nous  pnuvdns  faire  ou  soulliicen  ce  monde 
pour  Dieu  n'a  point  de  proporiion  a\ec  la 
gloire  qui  nous  est  réservée  (Itom.  vin,  18). 

Nous  ne  sommes  donc  ])  is  embarrassés  de 
répondre  aux  incrédules,  lors(|u"ils  viennent 
nous  dire  que  l'espérance  dont  nons  nous 
flattons  n'est  l'ondée  que  sur  notre  orgueil  ; 
que,  puis(|Ue  Dieu  ne  nons  rend  |  as  heureux 
en  ce  monde,  rien  ne  peut  nou-^  assurer  qu'il 
nous  réserve!  un  bonlieur  futur:  que  si  d'un 
côté  la  religion  nous  console  par  de  belles 
promesses,  de  l'autre  elle  n)U<  épouvante 
par  des  idées  terribles  de  la  justice  divine,  et 
nous  rebute  par  la  sévérité  de  ses  niaximcs. 

Nous  les  invitons  à  considérer  1°  qu'un  no- 
ble oi};U(  il  sied  très-bien  à  des  âmes  ([iii  se 
croient  raclielées  p;ir  le  sang  d'un  Dieu  ;  (juc 
ce  sei\liment  les  empêche  de  s'a\iiir  p.ir  de 
honteuses  passions,  el  leur  inspire  le  courage 
de  se  saci  ilier  comme  Jé-us-Christ  au  salut  de 
leurs  sembla bles;(]ue(iuaudc.' Ile  croyance  ne 
serait  qu'un  préjugé,  il  serait  encore  utile  rie 
l'entretenir  parmi  les  hommes  ;  mais  qu'elle 
est  solidement  fondée  s'.ir  la  parole,  sur  les 
souffrances,  sur  ia  résurieciion  et  sur  l'as- 
cension du  Fils  de  Dieu. —  2"  Que  noire  elat 
sur  la  terre  ne  peut  [)lns  paraître  m  illieu- 
reux,  dès  que  nous  soiiimes  assurés  de  jouir 
d'un  bonheur  eleniel  après  celle  vie  ;  que  c'est 
la  faille  des  incrédubs  si  elle  leur  semble  in- 
supportable depuis  qu'ils  n'espèrent  pins 
rien  ;  que  c'est  encore  de  leur  part  un  trait 

(1)  Nous  devons  observer  «pie  quelque  sr:i"d  que 
soil  le  lioiilieiir  des  élus,  il  ne   ixiuria  jnniais  eue 

inlii'i,  )iaiee  iiu'uii  ici  I Iieiir  ne  |  eut  cxis.er  ilaiis 

une  eiéaiuie  liiiie.  Nniis  iiiiriiiis  dans  le  ciel  une 
coniiaissaiice  de  Uieii  l)i':iiic(iii|i  plus  ciini|i!èU!  que 
celle  que  lions  possédons  acuirlleiiienl,  iiniis  jainals 
nous  ne  pournnis  le  coïiipreiulre  cnlièreineiil.  Il  y  a 
dans  le  ciel  iliveis  degrés  de  boiilienr  piopnrlioiinés 
à  rexcellenci:  de^niéiiles  :  /ao  meritorum  diverhitalé, 
dit  le  concile  de  l'Ioieiicc.  Cciie  décision  esl  l'oinlée 
sur  le-i  iiiaxinies  de  nos  s.ainii:s  l'.eriliires  :  Il  y  a 
^(«siiKis  demeures  dmis  tu  Maison  de  mon  l'éie  («). 
Aune  esl  In  clurlé  dn  soleil,  nuire  la  c'.arié  (/.'  lu 
liitic,  nuire  In  clarté  des  cluilet  :  bien  plus,  uneclodc 
diffère  (('ui.c  nuire  éioiU  en  carné.  Il  en  sera  de  tnéine 
n  la  résurrection  des  uioris  {b). 

(n)  Joim.  siv,  2—  {b)  [  ad  Cor.  m,  8. 


de  cruanlé  d'ôler  aux  autres  le  seul  motif 
capable  de  les  consoler,  et  sans  lequel  les 
fiois  quar'sdu  genre  liumain  seraient  réduits 
au  désespoir.  11  est  démontré  par  la  noiioa 
même  ti'ètrc  uécessaire,  que  Dieu  esl  essen- 
tiellenie.it  lion  ;  les  maux  de  celte  vie  sont 
donc  une  preuve  que  si  bouté  veut  nous  en 
dé  lommager. —  3°  Loin  de  nous  eiïrayer  par 
les  not  ons  de  la  justice  divine,  notre  reli- 
gion nous  apprend  (]ue  celle  justice  a  été 
satisfaite  par  la  mort  d  •  Jésus-Clirist,  el  que, 
par  son  sacrifice,  la  p  lix  a  été  léiablie  entre 
le  ciel  et  II  ieire  (//  Cor.  v,  l'J;  Eplies.  i, 
10;  II,  \'v  ;  Coluss.  i,  20,  etc.);  que  notre  sa- 
lut n'est  (dus  une  affaire  de  justice  rigou- 
leuse,  niais  de  grâce  el  de  miséricorde. — 
4°  Une  preuve  que  les  maximes  de  noire  re- 
ligion ne  sont  ni  impraticables,  ni  trop  sé- 
vères, c'est  qu'elles  ont  clé  suivi'  s  à  la  lettre 
par  tous  les  sainis,  el  qu'elles  le  sont  encore 
aujuurd'liui  par  une  infinité  d'âmes  vertueu- 
ses, au  îiilieu  même  de  la  corruption  du 
siècle,  el  malgré  les  sarcasmes  de  l'incrédu- 
lité. Or,  nous  demandons  qui  esl  le  plus  eu 
état  de  juger  de  la  s.'gi^sse  el  de  la  douceur 
de  ce>  maximes,  ou  ceux  qui  n'ont  jamais 
essayé  de  les  suivre,  ou  ceux  qui  en  font  la 
règle  de  leur  conduite  ? 

Il  y  a  eu  une  dispute  entre  les  théologiens 
catholiques  et  plusieurs  sectes  d'Iiérétiques, 
pour  «avoir  si  les  âmes  des  justes,  qui 
n'ont  plus  de  fautes  à  expier,  vont  incon- 
lineiil  jouir  dans  le  ciel  du  bonheur  éter- 
nel, ou  si  ce  bonheur  est  retardé  jus- 
qu'après Il  résurrecii m  générale  el  le  ju- 
gcnieiii  dernier.  Au  commencement  du  v* 
siècle.  Vigilance,  au  xn',  les  tirées  et  les  Ar- 
méniens .schisiiiatiques,  au  xvi",  Luther  et 
(Jalvin  onl  soutenu  que  les  saints  ne  doivent 
jouir  de  la  gloire  éternelle  qu'après  la  ré- 
surieciion et  le  jugemeiil  dernier;  que  jus- 
(lu'alors  leurs  âmes  sont,  à  la  vérité,  dans 
un  étal  de  repos,  mais  ne  peuvent  encore 
être  censées  heureuses  qu'eu  espérance, 
f^eltc  erreur  a  éé  condamnée  par  le  deuxiè- 
me concile  général  de  Lyon,  l'an  1275,  sess. 
'i-,  et  par  celui  de  Florence,  en  14.39,  d ms  le 
décret  louchant  la  réunion  des  (Irecs  à  l'E- 
gl  se  romaine  ;  l'un  et  l'autre  onl  décidé  que 
les  âmes  justes,  sorties  de  ce  monde  en 
étal  de  grâce,  vont  incontinent  jouir  de  ia 
gloire  du  ciel,  et  que  li-s  âmes  décédées  dans 
l'étal  du  péché  vont  incontinent  soufTrir  les 
tourments  de  lenfer.  Le  concile  de  Tn  nie 
a  confiriiié  celle  décision,  sess.  25,  dans  son 
décret  concernani  linvocalion  des  saints. 

Les  piotestauls  ont  allègue  p!usieurs  [las- 
sages  de  l'Iicriture  sainte  et  des  Pères,  pour 
étayer  leur  opinion  ;  mais  ou  leur  en  a  op- 
pose de  |)lus  clairs  et  de  plus  décisif-.  Jé«us- 
Christ  dit  au  bon  larron  sur  la  croix  :  Aujour- 
d'hui vous  serez  arec  moi  en  paradis  [Luc. 
XX m,  43).  Nous  gémissons,  dit  saint  Paul 
(//  Cor.  v,'2),  en  licsirant  de  jouir  de  notre 
hobit  .tinn  dans  le  ciel.  [Ephes.  iv,  8)  :  Jésus- 
Christ,  montant  au  ciel,  a  conduit  une  multi- 
tud"  de  captifs.  {Philipp.  i,  23)  :  Je  désire  de. 
mourir  el  d'être  avec  Jesua-Ctirisl.  ]l  est  dit 
{Apoc,  VII,  9)  que  les  saints  sont  devant  le 


595  BON 

trône  de  Diou,  elc. —  C<'ax  d'entre  l^s  Pè- 
res de  l'Eglise  (|iii  s'expritiiont  autreinenl , 
éiaionl  dans  l'oiiinion  dos  inillénniros,  ou  ils 
onl  seulemenl  entendu  qne  la  féliiilé  dis 
saints  ne  sera  complèle  et  parfaite  nu'aptès 
le  jugement  dernier,  et  lorsque  leur  corps 
sera  réuni  à  l'ur  âme.  Mais  le  plus  grand 
nombre  des  s.iinls  docteurs  ont  8un  i  la  lettre 
et.  le  sens  di-s  passives  de  l'Kcriture  samie 
que  nous  lemms  d'alléguer  5  on  peut  le  voir 
dans  le  1».  Pelait,  loin.  I,  1,  vu,  c.  13.  Sur  relie 
e(;oy.;nci'  est  fondée  la  pratique  dans  laquelle 
l'Église  a  été  cimslamnient  d'invoquer  les 
s.iints  et  d'impliiror  leur  intercession  auprès 
de  Dieu.  Lorsin'ejlo  prie  ()our  les  morts,  elle 
demande  à  Dieu  de  les  placer  dès  à  présent 
dans  le  bonlieur  élernel.  Luther  et  Calvin 
n'ont  adopté  l'erreur  des  Grers  que  pour  at- 
taque!' avec  plus  d'avant  ge  ces  deux  pr  iti- 
ques  de  l'Éalisi'  calliolique.  Bell.irmin,  Con- 
trov.,  tome  11,  lit.  de  Ecclesia  triumpli.,  q.  1. 

*  liOMKAl.l'J  VIII.  Les  sniivernins  penlil'es  qiii  imt 
su  tiélend'e  avec  le  plus  di;  leniielé  les  droiis  de 
rt;  lise  nul  é(é  l'olije'  des  plus  vives  alluques,  et  on 
a  l';iii  reloiidjér  ^IM■  l'I'  gli^e  iuciiik  leurs  faille?  réelles 
ou  siippi.sé''s.  Iioiidaie  Vlll  est  du  iiendue  des  pmi- 
lifiéis  qui  Oui  éié  le  plus  \ivi;iiieiit  3li:iqiiés.  Les  :iccii- 
satiolis  faiisscs  el  injurieuses  .idresèdes  île  S'iii  temps 
à  cei  illusire  pdiiiile  oui  élé  iinn.tiitalisces  !ar  le 
Dante.  Ces  ac<  u^alioiis  du  puéle  dut  clé  réiééesà 
l'cuvi  par  l'éi'le  moilernPî  itiAis  il  a  élé  déiiidiilié 
qii'i  llis  él  lieiil  sans  liiiideiU' ni.  Voici  en  quelques 
Iliflts  le  ié~iinié  des  iinnvelies  leclieiclies  liislii  lipieS 
qui  |la(enl  lî  iiilaco  Vj.l  au  iioinlire  des  i>taiid-.  pa- 
pes el  smit  une  jus'ill  mi  n  1  ■  iiiplé'e  de  sii  vie  : 

<  Je  n'ai  (  (lilil  pailé,  dit  Mgr  Wiseiiiaii,  des  iié- 
goci:ilioiis  que  Ce  jihiiid  ,  <ifilile  «ni  a^fc  les  puis- 
sances éiiiiiigè'es,  renipetèur,  Ik  roi  de  Sicile,  et 
suiteut  le  loi  de  France;  car  il  sérail  impossible  de 
parler  ioiim  iiahlemem  de  cliaeliiie  d'eiles  dans  un 
uavad  aussi  cnurl  que  i  elui-ci.  Mais  il  est  un  ear.c- 
tiri!  Iiappanl  que,  l'iui  peiil  racilemeiil  ubseivcr 
J.iiis  tdii  es  ceè  iiéci'cialioiis,  el  qui  semble  avoir 
écliappé  ad  W'iiard  do  leus  les  hisloiieiis  modernes. 
Il  rapporte  poiirlaiil  lieauenup  d'Iioimcur  à  liouilace, 
el  lait  en  inéini'  Icmp^  rester  ir  le  mciisuiijje  laiil  de 
fois  répété  tjiie  l'elnii  un  lioiimie  lit  gieux  el  d'une 
anibiiion  démesurée  :  c'est  que  cliaciiiie  de  ces  né- 
giiciaiiiins  aVaii  pnur  Imt  d'oliieiiir  la  paix  el  de 
meilrc  un  leniie  aux  querelles  et  à  l'eiïusion  du  sang. 
Pour  fortes  et  éiieigiques  que  lu^'eiil  ses  convieiioiis, 
pour  rigide  (jui;  lui  sa  iiiaiiiére  d'agir,  il  avail  Inii- 
jours  en  vue  de  iaire  en  sorie  que  les  souverains 
rein  sseiil  l'épée  dans  le  fiiurrea»,  res|iecla>senl  les 
droits  de  buis  voisins  plus  faibles,  el  iniissenl  leurs 
effiiris  pour  le  cniid  dessein  de  toute  lui  cbrélienne 
de  oc  leiiips  :  d'ahallie  et  de  détruire  la  piiissance 
toujours  crois^aiiie  des  Sarrasins.  Si  la  inaxiliic  des 
tyrans  esl,  Divide  el  im/icra,  à  coup  sûr  Unnirace 
ne  fui  point  un  lyriii;  si  le  système  des  nnibilieux 
pour  s'agrandir  eux-mèines  esi  de,  Iaire  en  sorte  que 
les  autres  s'enlre-délrnisent  en  de  tiintuelles  contes- 
talions,  il  ne  fut  ni  anibiiieux  ni  jaloux  d'obtenir  un 
giiiiveriicini'iit  sans  bnrnes.  Sitôt  qu'il  fui  inuniésur 
le  Initie,  il  s'cHiirça  d'opéiér  une  réconciliation  en- 
tre l'empereur  et  les  rois  d'Aif^leterre  el  de  France, 
el  plus  tard  entre  ces  deux  derliiers.  Ilallam  âVolie 
que  le  cnniprnnns  qu'il  dimna  él.iit  plein  de  justice. 
H  pacifia  les  républiques  ijvaies  de  (iénes  ei  de  Ve- 
nise, depuis  lonj^leiiips  en  guerre  l'une  coiilre  l'au- 
tre. Pise  vint  spontaiiénieiii  iiKtllre  entre  ses  inains 
les  renés  de  sa  république,  en  lui  oflranl  un  tribut 
annuel  :  il  éliveya  ilu  gouveniCiir  avcr  oidre  de  s'en- 
gager par  ieriiieiltîi  (fflsefver  le^  lois,  et  à  employer 


BOR 


596 


les  revenus  au  maintien  de  la  i^iilice  consacrée  à  la 
délense  de  cet  éial.  Velletri  le  choisit  pour  son  po- 
destat ;  Florence,  Bologne  et  Orvielto  lui  tirent  éle- 
ver des  statues  de  marbre  d'un  grand  (irix.  Qiimd 
il  lit  la  gtieire,  Florence,  Orvielio  ei  d'autres  pays 
lui  envoyèrent  de-;  soldats  ;  el  on  riconle  qui;  les 
teinines  inêmes  ,  ne  pouvant  Coinbalire  {Pe(n")ii, 
Mérn.),  recrut  dent  d<s  soldats  pour  lui.  Il  éiait  aimé 
des  Uoinains,  dont  tout  le  désir  était  qu'il  vonlùl 
resier  plus  longtemps  au  milieu  d'eux.  Tous  ees 
fiiis,  donl  le  temps  ne  nie  pennel  pis  de  ciler  des 
preuves,  démontreul  qm'  ce  tut  un  liomnie  pacillqiie 
et  jiisie,  resiiccié  des  bons  el  des  i;ens  vertueux  de 
son  siècle.  Quant  à  s  m  savoir  cl  à  son  expérience, 
personne  n'en  peut  doiiier.  Mais  d'ailleurs  j'ai  lait 
leinarnuer  que  pas  un  de  ses  ennemis  les  plus 
acliariiés  n'a  osé  censurer  sa  conduite  en  fait  de 
mœurs;  bien  plus,  ils  onl  déclaré  p'isitiveineiil  ne 
point  trouver  en  lui  d'autre  vice  que  l'nrgneil  el 
I  ambition.  El  e  icore,  je  dirai  que,  malgré  ce^  ac- 
cnsaiiiins  de  tyrannie  el  d'anibiiioii,  il  n'y  a  |ias  un 
seul  cas  où  il  ail  refusé  de  piidonner  à  quiconque 
imploia  sa  générosité  ;  il  s'en  faut  encore  davantage 
qu'il  ait  puni  de  mort  un  ennemi  tombé  en  son  pou- 
voir. 1  {Uémonst.évung.,  t.  XVI,  col.  bOS,  édit.  Migne.) 

BONOSIAQUES  ou  BONOSIENS  ,  nom 
d'une  secte  que  Bonose,  évèque  de  .^!acé- 
ddine,  îCnouvela  au  iV  siècle.  Il  soutenait, 
comme  Pliotin,  ()ue  Jesus-Christ  n'èt  lit  Fils 
do  Dieu  que  par  adoption,  el  que  .'«la rie  sa 
mère  avait  cessé  d'être  vierge  dans  l'enfan- 
lemebt.  Le  pape  Gélasc  condamna  ces  deux 
erreurs. 

BONS  -  HO.VIMES ,  religieux  établis  l'an 
l2.i9  en  Angleterre,  par  le  prince  Edmond  ; 
ils  professaient  la  règle  de  saint  Augu>lin, 
el  portaient  un  habit  bleu.  Sponde  croit 
qu'ils  suivaii-Mit  l'instilul  du  bienheureux 
Jean  Lebon,  qui  vivait  en  ce  siècle.  On  donna 
en  France  ce  nom  aux  loiniiiies,  à  cause  du 
nom  de  bunhomme  que  louis  XI  avait  cou- 
tume de  donner  à  saint  François  de  Paule 
leur  fond.ileur.  Les  albigeois  afleclaient  aussi 
de  prendra  ce  uiêmc  no.".!  de  bons-hommes. 
Vorj.  Polydore  Virgile,  llisl.  Aiigl,,  livre 
xvi  ;  Spimde,  en  1259,  n°  9. 

BONFÉ.    Voy.  Bon. 

nOKBOIUTES,  sccle  de  gnosliqucs,  la- 
quelle, outre  les  erreurs  el  le  libertinage 
commun  à  tous  les  hérétiques  connus  sous 
ce  nom,  niait  encore,  selon  Philastritis,  la 
réalité  du  juiioment  dernier  (Saint  Epipli., 
thvrv!^.  23  et  2G  ;  Saint  Auguslin,  de  Uœres., 
c.  b  ;  lîaronitis,  ad  an.  Chr.  120j. 

BOKKÉLISTliS.  S  oupp,  dins  son  Traité 
de  la  religion  des  Hollandais,  p.irle  d'une 
SIM  le  de  ce  nom,  dont  le  chef  èlail  Ad.iin  llo- 
rell,  Zèlandais,  qui  avail  quel  |ue  connais- 
sance des  langues  hébraïque,  grecque  el  l.i- 
line.  Ges  bo  lélisles,  dil  cel  auteur,  suivent 
la  plus  grande  partie  des  opinions  des  nien- 
nonites,  quoiqu'ils  ne  se  trouvent  point  dans 
leurs  assemblées.  Leur  vie  esl  fort  austère  ; 
ils  emploient  Une  partie  de  leur  bien  à  faire 
des  aumônes.  Ils  ont  en  aversion  toutes  les 
églises,  l'usage  des  sacreuieiils,  des  prières 
publiques,  el  toules  les  autres  fonctions  es- 
térieiires  du  service  de  Dieu,  ils  soolicnnent 
que  toutes  les  églises  (|ui  sont  dans  le  inonde 
ont  dégénéré  de  la  pure  docti  ine  des  apôtres, 
parce  qu'elles  ont  souffert  que   la  parole  de 


i 


?97 


nou 


BOU 


5<>« 


Dieu  fût  oxpliquôe  et  corrompue  par  des  doc- 
teurs qui  ne  sont  pas  infaillibles,  et  qui  veu- 
lent faire  passer  pour  inspirés  leurs  c;ilé- 
eliisines,  leurs  confessions  de  foi,  leurs  liCur- 
uies  et  leurs  sei'n)ons,  qui  sont  l'ouvraiie 
»les  hommes.  Ces  borre'listes  prétendent  (ju'il 
ne  faut  lire  que  la  seule  parole  de  Dieu,  sans 
y  ajoulcr  aucune  explication  des  lionimes. 
BOUC  if:MI-  SA  IRK.  Dans  le  chaiiti  e  xvi  du 
Léviliqiie,  on  voil  ce  que  devait  faire  le  };rand 
prêtre  des  Juifs  à  la  fêle  de  l'expiation,  qui 
se  célébrait  le  dixièine  jour  du  septième 
mois,  appelé  lisri,el  qui  répondait  au  nu.is 
de  septembre.  Ou  amenait  au  g;rand  prêlre 
deu\  lioucs,  ()u'il  lirait  au  sori,  l'un  pour  le 
Seif?neur,  laulre  pour  Azazd;  celui  sur  le- 
quel tombait  le  sort  du  Seii;neur  était  im- 
mole, et  i-ou  sang  servait  pour  l'expiation  ; 
le  grand  prêtre  mettait  ses  deux  iiiains  sur 
la  lé(e  de  l'aulre,  confessait  ses  péchés  et 
ceux  du  peuple,  en  chargeail,  pour  ainsi 
due,  cel  animal,  qui  élaii  ensuite  conduit 
dans  le  désert  et  mi;  en  liberté.  Par  celle 
raison,  celui-ci  élait  nommé  Azazel,  bouc 
émissaire,  ou  renvoyé  :  c'est  ainsi  que  les 
Septante  et  la  Vulyatc  ont  rendu  le  terme 
hélireu.  , 

Quelques  interprèles  ont  pense  qu  Azazel 
él!:il  le  nom  du  démon,  qu'ainsi  le  bauc  ren- 
voyé était  censé  livré   à  l'ennemi  du  sahil. 
C'est  le  senlimenl   qu'a    suivi   Spencer  dans 
sa  Pisserlaiion  sur  h  bouc  étnissaire,  Trailé 
des  /o;.i,  céiéin.  des  Juifs,  liv.  m.   Beausolire 
s'en  est  prévalu,   pour   persuailer   (lue  l'ou 
trouvait    chez    les  Juifs    un    ve«lis;e    de   la 
croyance   des   deux    principes,  adiplée   par 
les  manichéens  (ILst.  du  Manich.,  \.  v,  c.  3, 
§  G).  Azazel,  dit-il,   esl  ceriainement  le   dé- 
mon, comme  Spencer  l'a    prouvé.   i\iais  les 
preuves  de  Spencer  sont  nulles,  el  elles  sont 
réfutées  dans  Vllist.  nniv.,  faile  par  des  An- 
glais, t.  il,  et  dans  les  iVo^es  sur  la  btùle  de 
Citais,  Lévil.  xvi,  8.  Beausobre  ne   pouvait 
donc  en  tirer  aucun  avantage.  —  D'autres 
ont  cru  (\u'Azazel  était  le  nom  d'une  monta- 
gne, d'un  désert,  ou  d'un  précipice  vers  le- 
quel on  conduisait  le  bouc  (  haigé  des  iniqui- 
tés du   peuple.  Tout  cela  n'est   que   conjer- 
l„r(>.  —  Spencer  pense  encore  que   le  culle 
rendu  aux  bnucs,  en  Egypie  et  ailleurs,  lut 
une    des    raisons   qui    enf-agèrent    Moise   a 
choisir  cet  animal  pour  objet  de  malédieliou, 
et  à  le  char.cr  des  iniqui;és  du   peuple  ;  on 
ne  le  tuail  pas,  de   peur  i|u'il  ne   parût  im- 
molé au  démon.  11  n'est   pas   étonnant  que 
les  cérémonies  d'expiation  aient  éié  en  usage 
chez  tous  les  peuples  et  dans  toutes  les  reli- 
gions ;  c'est  une  preuve  que  l'on  a  coi:;pris 
partout  la  nécessité  de  se  repentir  et  de  satis- 
faire à  la  jusiice  di\  ine   quand  on  a    péché  ; 
mais  dans  les  fausses  religions  ces  ceréiio- 
nies  étaient   ordinairement  superslilieuses^ 
et   souvent   c'éliieiil   de   nouveaux   crimes. 
Chez  les   Juifs,  au   conlr.iire,   la  cérémonie 
élait  nou-seulemeni  innoeenie  eu  elle-même, 
mais  encore  destinée  à  les  détourner  des  pra- 
tiques abusives  ou   criminelles   des  autres 
peuples.  Vainement  l'empereur  Julien,  que 
nos  incrédules  modernes  ont  copié,  iireten- 


dait  que  la  cérémonie  du  bouc  émissaire  était 
empruntée  des  païens,  que  cette  victime  élait 
offerle  aux  dieux  espialeurs,  dns  avrrruncis. 
Saint  Cyrille,  conire  Julien,  1.  i\,  p.  289. 
Les  Juifs  ne  connurent  ces  dieux  prétendus 
que  quand  ils  se  livrèrent  à  l'iiiolâirie  pi>iir 
imiter  leurs  voisins.  Mais  dans  la  suil<'  des 
temps  ils  ajoulèrenl  à  la  cérémnnie  plusieurs 
circonstances  que  Moïse  n'avait  pas  oi don- 
nées, el  qui  pouvaient  avoir  été  empruntées 
des  Chananéens  (Prideaux,  Uisl.  des  Juifs," 
1.  IX,  tom.  1,  p.  'S'M. 

Ceux  qui  ont  dit  que  le  bouc  émissaire 
élait  une  (igure  ou  un  type  de  Jésus-Christ 
chargé  des  iniiiuilés  du  monde,  paraissent 
avoir  assez  mal  rencontré.  Saint  Paul  ,  au 
conlraire  (//e&r.  IX,  7,  13,25).  compare  le 
sang  du  honc  immolé  en  sacriTue,  avec  le- 
quel le  grand  prélre  entrait  dans  le  sanc- 
tuaire, au  sang  de  Jésus-Christ ,  qui  seul  a 
été  capable  d  effacer  les  péchés.  Voy.  Expia- 
tion. 

»  i;OIinr»ll,\,P()l)I>nilISME.  nepins  longiempson 
a  iicdirclé  inie  alleiiliini  p:ii  licnliére  à  la  reliirioi!  de 
Bouddha,  mais  malgré  les  inivaiu  des  orieiiliilistes, 
il  ii'evisie  pas  encore  d'Iiisioire  complèle  sur  le 
boiiililhisme.  Les  talciils  bs  plus  vêridiqnes  porlent 
la  naissance  de  Boiidnliit  à  envin.n  1000  ans  avant 
Jésus  CImIsi.  Su  lelrgioii  se  propiigea  assi  i  lenle- 
iiienl  d'almrd  dans  les  Indes  ei  ilaiis  le*  iles  vo  si- 
iies.  Ce  ne  lui  ipie  2nt/  ans  avaiil  Jcsiis-CInist 
qu'elle  pril  des  accroi-ssenieiils  considérables.  Elle 
péiiélra  en  Chine;  ses  l.vies  lurent  traibiits  du  saii- 
sciii  en  cliiiiois.  De  lii  elle  vint  an  vp  siècle  en  Corée 
et  an  Japon.  Celle  croyance  péiiélra  à  plusieurs  re- 
pr!>es  en  Uncc.arie,  an  Tlnliel  seplenlrionnl  et 
dans  la  Mongolie,  où  elle  se  cmd'  ndil  avec  la  doc- 
iniie  de  '/.oroasire,  mais  de  telle  soiie  ipie  bs  doc- 
trines de  Bouddha  en  sont  restées  la  hase.  On  ussnre 
que  le  bouddhisme  compte  plus  de  deux  cenls  mil- 
lions de  secliileurs.  Ses  livres  sacrés  birmenl  108 
liiris  volumes. 

Ce  qui  nous  intéresse  le  plus  dans  le  boKddhisnn, 
ce  sont  ses  rapporls  avec  le  calbolieisine.  On  y  a 
trouvé  une  grande  analogie  avec  les  docirines  cliré- 
tiennes.  La  divinilé,  .selon  les  bouddliis;es,esl  inlinie, 
toute  puissagie,  douée  de  bonté  el  de  sagesse,  el 
telle  qu'elle  ne  peul  èlre  honorée  (pie  par  d  s  bon- 
nes œuvres  cl  la  n.édilalion  inlelleclnelle.  iiouddha 
est  né  d'en  Dieu  et  d'une  vierge,  il  y  a  "ne  inulli- 
iiide  d'êtres  supérieurs  à  l'honuue  qui  babiieni  le 
séjour  de  la  plinre. 

La  moral.;  du  bouddhime  présente  quelque  chose 
de  beau.  L'enfer  esl  réservé  aux  (riininels  el  le  para- 
dis à  la  venu.  Pour  arriver  au  séj •  du  bonlienr  il 

faut  éviter  riioniieide,  le  mensonge,  le  bla^pienie,  la 
caloiuine,  l'iniiisiice,  l'égnisine,  etc.,  parce  que  tous 
les  lioinines  sont  Irères. 

La  ciMislituiion  ecelésiasiique  des  bouddhistes  et 
leur  culte  semptueux  nul  depuis  longleusp^  lixé  les 
regards  des  observateurs.  Ils  v  oui  vu  une  lelle  ana- 
logie enire  l'orgauisitiou  du  cler-é  ealliolique  el  le 
cuiie  calbolique,  qu  ils  oui  eouciu  que  l'nne  des  deux 
reli"ioiis  a  dit  emprunter  à  l'autre  son  org  uiisalmn 
clérïcale  el  son  culle.  Nous  ne  p»uvons  d  ois  eel  ar- 
ticle entrer  dans  les  développeineins  que  ileiuaiido- 
nii  ce  pniiil  de  critique.  Ou  croii  générale  en:  que 
da.sson  conl..cl  avec  le  calliolicisuie  dans  la  parue 
de  la  haute  A>ie,  le  bouddliisiiu  a  einprume  au  ea- 
ihoiiclsnie  les  formes  majestueuses  de  smi  culie.Ce 
qui  donne  le  plus  de  poids  à  celle  Çioyame  c  e»t 
nue  cesl surtout  au  centre  de  l'A.ie,  dans  le  riiibe 
ï!e  le  culie  du  bouddhisme  se  rapproche  le  plus  du 
culte  caibobqiie. 


539 


ERO 


BRO 


POO 


Nous  olisorvernns,  en  finissnnt  cel  article,  que  la 
religion  ilu  bouddliisme  telle  que  nous  venons  de  la 
présenler,  n'est  qn'iin  exlmt  de  se^  lieUes  iniivinies 
et  de  ses  beaux  dogmes,  tirés  du  milieu  il'un  latras 
de  maximes  insensées  et  de  dogmes  in(  oliérenis.  (ht 
le   boiiddliUme  ne    forme    pns  un  corps   de   religion 

suivi  et  i;iti. el.  (Ywj.  I^DE  et  le  Ukl.  des  Religions, 

édil.  Migne.) 

BOUlUGNONiSTES  ;  nom  de  secte.  On  ap- 
pelle ainsi,  dans  les  Pays-Bas  proteslaiils, 
ceux  qui  suivent  la  dorliine  d'AnloincItc 
Bourignon  ,   célèbre  quiétisle.    Voij.  Qvii:- 

TISMK. 

UUACIIITKS  .  sec'e  d'hérétiques  qui  pa- 
rtirent dans  le  troisième  siècle.  Ils  suivaietit 
les  erreurs  de  Manès  el  d;  s  gni>sli(]'ies. 

♦  HU.MIMA,  niSAIIMISMF,.  BrrJima  e-t  le  Dieu 
suprême  des  Indoiis.  (Jn  n'attend  p.is  de  u  us  i|iic 
nous  tassions  Plili^loiri!  du  Itraliniisine.  N(nis  nous 
conienlernn-  de  faire  c-  nnaîlre  les  points  de  la  doc- 
trine qui  ont  de  l'analogie  avec  le  christianisme.  Il 
sera  facile  de  comprendre  que  la  tradition  priniiiive 
lui  a  servi  de  base.  (  loi/,  le  Vicl.  des  Religions, 
édit.  Migne.) 

Les  spéculalions  sur  Dieu,  l'univers  et  les  r  tppnrts 
de  riioiiiciie  et  lie  l'univers  avec  Dieu  sont  portées 
cliez  les  Indiens  à  nn  Ircs-banl  degié  de  perfect  nn  ; 
mais  la  niétii  ide  pliilosopliiqne  est  partout  mêlée  à 
la  poésie,  de  sorte  qu'il  devient  sonvenl  irès-dilfnile 
de  distinguer  le  fond  s|écnl:ilif  de  son  enveloppe 
poétique.  Selon  les  Véila-,  la  force  créatrice  île  l'uni- 
vers est  la  pensée  de  Brnlima,  a  (pii  il  a  suffi  de 
penser  pour  créer  des  mondes,  pour  qu'ils  exisiassent 
aussitôt  en  veilii  de  son  verlie  créateur.  Aprè>  la 
création  de  la  matière,  vient  celle  de  la  lumière,  du 
tiiinamenl,  etc.  Un  point  londamental  de  l;i  doeliine 
des  lirilimisles  ,  c'est  que  Dieu  a  créé  tout  bien  et 
que  riioninie.  eomme  ci  caliire  libre,  est  seul  coupab'e 
lin  II  al  mural  qui  existe.  Une  conséquence  de  la 
clinte  de  riioinnic  fut  la  inéieni|isyci>se,  pour  |iunir 
le  péi  lienr  de  >es  f.iiiies.  ïouiiiée  de  compassion 
pour  b's  liomnies  et  voulant  les  mmcuer  à  la  vertu, 
la  divinité  esi  venue,  plusieurs  fois  sur  la  terre  pnur 
les  insirnire.  Elle  vienilr:i  un  jour  pour  cousomnier 
tons  les  siècles.  I>a  cliule  des  esprits  a  eu  un  elfel 
visilde  sur  le  inonde  :  elle  a  causé  !e  déluge  uni- 
versel. 

Ce  simple  exposé  suffit  pour  cnnlirmer  les  rapports 
qui  existent  entre  la  l'icologie  clirétiqline  et  la  lliéo- 
1  gie  inilicnne.  Un  grand  nnmbre  de  nos  do;;nies,  at- 
la  nés  coinne  absurdes,  ridicules,  conlraiies  au  sens 
couimnn,  se  trouvent  ainsi  api  nyés  sur  la  croyance 
des  penp  es  dont  b-s  doctrines  paraissaient  diainétra- 
lenieiil  opposées  aux  iiôlie.-.  <  h  puisez  le  livre  île  la 
seeme.  et  i'  en  soitira  lUMiniivelles  lumières  en  la- 
>eiir  de  nniieloi,  >  dirirns-nons  aux  incrédules. 

lî'îA.MIi.  nUA.MINE.  Vri/.  Indien.s. 

nilANiJiai.M.  Voi/.  Bi.LiQLK. 

iilŒI'  AI'()STf)LI(jUi":,  k-ltre  adressée  de 
la  part  du  i  ape  à  des  parl;c;ilicrs  ou  à  des 
coiniiiiiiiautcs,  pour  leur  accorder  des  dis- 
penses ou  lies  imlulgences  ,  nu  siini  1  ineiil 
pour  leur  don  ne  ni  es  ma  <q  lies  d'afieclion.  t^es 
letlrcs  sont  signées  |  ar  un  sectélaifc  des 
.   Iififn,  ou  par  le  iai<liiial  pénitencier. 

On  iioiiiine  aus-i  hrvf.  oido,  ou  dirtrtoire, 
II'  livre  qui  coiilienl  les  riibrii|iies  selon  Ics- 
({uelles  ou  d..il  dire  rolllce  tous  les  jours  de 
l'année. 

JiUKMAIRK.  Yoy.  Okficiî  divin. 

Itlil)Ul>OLACAS,  terme  formé  du  grec  mo- 
derne p/ioOzof,  boue  puante,  et  /«^xoc,  fosoe, 
fusse  remplie  de  boue;  les   Grecs  tnodcrncs 


nomment  ainsi  les  cadavres  des  excommu- 
niés. Ils  soni  pi  rsuaiiés  que  ces  cadavres  ne 
peuvent  pas  se  dissoudre;  que  le  démon  s'en 
emiiare,  les  anime,  les  l.iit  paraître,  s'en  sert 
pour  effrayer  el  lourmen'er  les  vivants;  que 
le  seul  moyen  de  s'en  délivrer  est  de  déter- 
rer le  mort,  de  lui  arracher  1"  cirur,  eldele 
mettre  en  pièces,  ou  de  brûler  le  tout,  et  que 
l'on  trouve  ordinairement  la  fosse  remplie 
de  boue.  Us  firélemlenl  {\ue  souvent  ces 
corps  se  trouvent  enflés,  remplis  de  vent  , 
el  font  du  bruit  comi-te  un  tambour;  alors 
Ils  les  nomment  Oq-jtt'  ou  kSo-jjti,  Inmbour.  Ils 
croient,  enfii),  que  l'absolution,  donné:-  par 
leurs  cvéqiies  ou  leur  pape  ;iux  excommu- 
niés, afirès  leur  mori,  fait  tomber  en  jious- 
sière  les  cadavres.  Celle  persuasion,  auto- 
risée chez  eux  par  une  infmilé  d'histoires  , 
leur  fait  craindre  à  l'excès  l'excommunicu- 
tlon  ,  et  sert  à  les  confirmer  dans  leur 
schisme. 

Touineforl,  dans  son  Voi/age  du  Levant, 
to;n.  I,  pag.  oi  et  suiv.,  rapporte  un  exem- 
ple de  l'exhumation  d'un  excommunié,  dont 
il  fut  témoin  dans  l'ile  de  Mycon  en  1701; 
mais  il  n'y  vit  rien  autre  chose  que  les  effets 
d'une  imagin.'iliun  exallée  et  du  fanatisme 
d'un  peuple  ignorant.  Aucune  des  hisloires 
qui  rapportent  ces  sortes  de  laits  n'est  attes- 
tée par  des  témoins  oculaires  el  aussi  in- 
struits que  l't  lait  Tourneforl  :  il  en  est  de 
même  des  histoires  do  revenants  que  l'on  a 
fiiles  parmi  nous.  Pendant  plusieurs  siècles 
l'usage  a  régné  dins  nos  climals  de  ne  point 
cnleirer  les  excommuniés  ,  mais  de  jeler 
leurs  cadavres  à  la  voirie,  de  les  couvrir  de 
pierres,  ou  de  les  enfermer  dans  un  >ieux 
tronc  d'arbre.  Voij.  Ducaiige,  au  mul  Imblo- 
caliis  :  ])om  Caliuet,  Disserl.  sur  les  reve- 
nants, n.  38  el  suiv.  ;  Lenglet,  Traité  des  vi- 
sions et  d  s  apparitions,  loin.  Il,  p.  171,  etc. 
BK0\VNI."s'rES,  nom  d'une  sccle  i|iii  so 
forma  de  celle  des  pinilaiiis,  vers  la  lin  du 
XVI'  siècle,  en  Anglelcrre;  elle  fui  ainsi 
noinm  'e  de  Hobcrl  lirowii,  son  chef. 

Ce  Uobeii  Bniwn  étiil  d'une  assez  bonne 
famille  de  Ilutlaiidstitre,  et  al.ié  au  lord-lré- 
soi  ier  IJurleigli.  11  fit  ses  études  à  Cambridge, 
comiiiença  à  publier  ses  opinions  el  a  décla- 
mer cimlre  le  gouvernement  ecclésiaslique 
à  Norwich,  en  liiHO,  ce  (|iii  lui  attira  le  res- 
sentiment des  évcques.  11  se  gloriliait  lui- 
mciiic  d'avoir  été  pour  celle  cause  mis  on 
treiile-deux  dinérenles  prisons  ,  si  obscures 
qu'il  n'y  pouvait  |ias  distinguer  sa  main  , 
iiiciiie  en  plein  midi.  Par  la  stiile,  il  sortit  du 
royauiiii'  nvei;  ses  seclaleiirs,  cl  se  relira  à 
Mlddelboui  g  en  Zélaiide,  où  lui  cl  les  siens 
obtinriMil  des  liials  la  permission  de  bàlir 
une  église,  el  d'y  serNir  Dieu  à  leur  in.'inière. 
Peu  Uf  temps  après,  la  division  se  mil  pirini 
eux.  Plusieurs  se  sèpaièienl,  ce  qui  dégoûta 
tellemewi  Bidvvii,  qu'il  se  déuiii  de  son  ul'lii  e, 
reloiiriia  en  Angleterre  en  158:),  y  abjura 
SCS  erreurs,  el  fut  élevé  à  lu  plaie  de  rec- 
teur dans  une  église  de  Northamplonshire  , 
où  il  mourut  en  11)30.  —  Le  changement 
de  Urovvn  entraîna  la  ruine  de  léglise  de 
Middclbour^  ,  mais  les  semences  de  son  sys- 


601 


BUL 


BUL 


6-^i 


lème  ne  furrnt  pas  si  aiséos  à  ilélriiire  en 
AnglolniTi'.  Sir  Wallpr  Uali'ijfli,  dans  un  dis- 
cours composé  en  1692,  coniplc  déjà  jusqu'à 
viliïl  mille  personnes  imbues  des  Oj)inions 
rie  ISrown.  —  Ses  scclatenrs  n'jelaicnl  loulc 
espèce  d'aulorilé  eeclésiasiique ,  voulaient 
que  le  ffouvcrnemenl  de  riî;;lise  fûl  enliè- 
remont  dcm  icralique.  l'arnii  ou\,  le  minis- 
tère èvangéliqu'î  clait  une  simple  commis- 
sion révocable;  chacun  des  membres  de  la 
société  avail  le  di-oit  de  faire  des  c\bortalions 
et  di's  qiH'siions  s'ir  ce  (jui  avail  été  prêché. 
—  Les  inddpciuhnis,  (juise  fornièient  parla 
suite  d'enire  les  b  owmsies  ,  adoplérenl  une 
partie  de  ces  opinions. 

La  reine  Elisabeth  poursuivait  vivement 
C?l!e  secte.  Sous  son  ièi;ne  les  prisons  lu- 
rent ret/iplies  de  broirnisles  ;  il  y  en  eut 
même  quelques-uns  de  pendus.  La  commis- 
sion ecclésiastique  et  la  cli  inbre  éloilée  sé- 
virent contre  cuv  avec  la  ni  de  vigueur,  (ju'ils 
furent  obligés  de  quitter  l'Angleterre.  Plu- 
sieurs fanii.les  se  retireront  à  Amsterdam  , 
où  elles  formèrent  une  Eglise,  et  choisirent 
pour  pasteur  Johnson  ,  et  après  lui  Ains- 
vvorth  ,  connu  i)ar  un  commentaire  sur  le 
Penlalcuqiie.  On  compte  [larmi  leurs  chefs 
lîarow  et  Wilknson.  Leur  Elglise  s'est  sou- 
tenue pendant  environ  cent  ans. 

BKUI'ES.  I  01/.  Ammmix. 

liULGAIlliS,  hérétiques  qui  semblèrent 
avoir  ramassé  diffi'rentes  erreurs  des  autres 
hérésies  pour  en  com[)oser  leur  croyance  , 
cl  dont  la  secte  et  le  nom  comprenaient  les 
pa'arins,  les  cathares,  les  bogouiiles,  lesjo- 
vinieus,  1  -s  albigeois  et  d'autres  héréti(iues. 
Les  hulfjares  liraient  leur  origine  des  mani- 
chéens, et  ils  avaient  emprunte  leurs  erreurs 
des  Drientanx  et  des  (irecs  leurs  voisins, 
sous  l'empire  de  Basile  le  Macédonien,  dans 
le  i\^'  si. 'de.  Cu  root  de  btdgni  es  ,  qui 
n'était  qu'un  nom  de  nation  ,  de\int  en  ce 
lemps-là  un  nom  de  secte,  cl  ne  signifia 
pourlani  d'abord  que  ces  héiéliques  à-  Bul- 
garie ;  mais  ensuiie  celle  même  hérésie  s'é- 
laut  répandue  en  plusieurs  endroits  ,  avec 
quelque  dilTerence  tlans  les  opinions,  le  nom 
de  hulgnres  devint  con)mun  à  tous  ceux  qui 
en  lurent  inf; des.  Les  petrobrusiens,  disci- 
ples de  Pierre  de  Bruis,  (|ui  fut  hrùlé  à  Samt- 
Gillcs  en  Provence,  les  vandois  ,  sedaleuis 
de  \'aldo  de  Lyon,  un  reste  même  des  mani- 
ciiéens  qui  s'elaionl  longtemps  c.icliés  en 
France,  les  henriciens,  et  tels  autres  nova- 
teurs qui,  dans  la  dillerncc  de  leurs  dog- 
mes, s'accordaient  tous  à  coniiiatlre  l'auto- 
rité de  l'Eglise  romaine,  turent  condamnés 
en  1176,  dans  un  concile  tenu  à  Lombez  , 
donl  les  actes  se  lisent  au  long  dans  Koger 
de  Hoveden,  liislurien  d'Angleierre  :  il  rap- 
parie les  dogmes  de  ces  hérétiques,  iiui  te- 
naient, eiiire  autres  erreurs,  ([u'il  ne  fallait 
croire  que  le  nouveau  Testament  ;  que  le 
baptême  n'élail  p  >int  nécessaire  aux  petits 
enfants  ,  que  les  maiis  qui  vivaieni  conju- 
galement avec  leurs  femmes  ne  pouvaient 
être  sauvés;  que  les  prêtres  qui  menaient 
UQL!  mauvaise  vie  ne  consacraient  point; 
qu'on  ne  devait  obéir  ni  aux  évéques,  ui  aux 


cccle^iasliques  qui  ne  vivaient  point  selon 
les  canons;  qu'il  n'élail  point  permis  de  ju- 
rer en  aucun  cas,  et  quelques  autres  articles 
qui  n'étaient  pas  moins  erronés.  (]es  mal- 
heureux ne  pouvant  subsister  sans  chef,  se 
firent  un  souverain  pontife  qu'ils  appelè- 
rent pape,  et  qu'ils  reconnurent  pour  leur 
premier  supérieur,  auquel  tous  les  autres 
ministres  étaient  soumis  ;  et  ce  faux  ponlil'e 
établit  son  s  ége  dans  la  Bulgarie,  sur  les 
frontières  de  Hongrie,  de  Croatie,  de  Dalma- 
tie.où  les  albigeois  qui  étaient  en  France 
allaient  le  consulter  et  recevoir  ses  déci- 
sions. Hégnier  ajoute  (]ue  ce  pontife  prenait 
le  titre  d'évê(iue  et  de  Mis  aîné  de  l'Eglise 
des  buli/ines.  Ce  fol  alor-,  (]ue  ces  héiéliques 
comoieiicèrenl  d'être  nommés  tous  généra- 
lement du  nom  commun  de  bulgares  ,  nom 
qui  fut  bientôt  corrooipu  dans  la  langue 
française  qu'on  parlait  jilors  ;  car,  au  lieu 
de  bu'gares,  on  dit  d'.ibord  boiigare.t  cl  bou- 
cliers, dont  on  lit  le  latin  bugari  iiibngrri; 
cl  (le  là  un  mot  Irès-s.ile  en  noire  langue, 
qu'on  trouve  dans  les  histoires  anciennes 
appliqué  à  ces  liéréiiques,  entie  autres  dans 
une  histoire  de  Frani:e  manuscrite  ,  qui  se 
girde  dans  la  bibliothèque  du  président  de 
.Mesmes,  à  l'unnéfi  122o,  et  dans  les  ordon- 
nances de  sailli  Louis  ,  où  l'on  voit  que  ces 
liéréiiques  étaient  brûlés  vifs  lorsqu'ils 
étaient  convaincus  de  leurs  erreurs.  Comme 
ces  misérables  étaient  fort  adonnés  à  l'usure, 
on  donna  dans  la  suite  le  nom  dont  on  les 
appehiii  à  tous  les  usuriers,  comme  le  re- 
marque Ducange.  Alarca  , //('.</.  de  liéarn; 
La  Faille,  Aunnies  de  lu  ville  de  Toulouse  ; 
Abrrije  de  l'ancienne  lli'iloire. 

lîULLl';,  r,  scrit  du  souverain  pontife.  Nous 
n'avons  à  parler  que  des  bulles  adressées  à 
toute  l'Eglise,  pour  accorder  aux  fidèles  l'in- 
dnlgeiice  du  jubilé,  ou  pour  condamner  des 
cricursen  fiiit  de  doctrine  ;  celles  qui  sont 
expédiées  pour  la  nomination  des  bénéfices 
regardent  les  canonistes. 

Les  bulles  d'indulgiMicc  pour  le  jubilé  sont 
dilTérenles  des  brefs  or-linaires  d'indulgence, 
en  ce  que  les  premières  sont  adressées  à  tous 
les  fidèles,  .iccordcnl  à  tous  ceux  qui  satis- 
feront aux  conditions  prescrites  une  indul- 
gence pléiiière  ,  il  tous  les  confesseurs  ap- 
])rouvés  le  pouvoir  d'absoudre  des  cas  ré- 
servés, de  (  uni  iiucr  les  vœux  simples,  etc. 
Il  est  d'usage  en  France  que  ces  6«//es  soient 
visées  par  les  cvêques,  et  adressées  par  eux 
à    leurs  diocésains.  Voy.  iNDULGEXcii  ,  Ju- 

IlILli:. 

Les  bulles  concernant  l.i  doctrine  sont  aussi 
adressées  à  tous  les  fidèles,  et  sont  souvent 
appelées  runstilutions.  Elles  énoncent  le  ju- 
geinenl  porté  par  le  souverain  pontife  sur 
la  doctrine  qui  lui  a  élé  dénoncée.  Lors- 
qu'elles (Mil  été  acct'ilées,  soit  par  une  dé- 
claration formelle  des  évéques,  soit  par  leur 
acquie^cemeiU  tacite,  elles  sont  censées  énon- 
cer le  sentiment  de  l'Eglise  universelle;  elles 
ont  force  de  loi  dogmatique,  comme  si  ceju- 
gemenl  avait  élé  porté  dans  un  concile  géné- 
ral. La  réclamation  même  d'un  petit  nom- 
bre d'évêques  ,  opposés  à  l'acceptaliou  de 


605 


CAB 


<:Afi 


G'Tt 


leurs  confièies,  ne  peut  former  aucun  pré- 
jusf"  conire  la  décision  ,  di'  niônie  ((ue  leur 
opposilion  d^ns  u"  c  >niilt^  n'.iiirail  .inciine 
force  conire  le  suffrage  du  Irè^-grand  nom- 
bre. 

Les  évêques,  établis  par  Jésus-Christ  pour 
enseigner,  ne  sont  pas  les  maiires  de  s'as- 
semldi  r  toules  les  fois  q:i'ils  le  jiisjerairnt 
nécessaire;  le  ffoiiverncmeiit  de  l'Eglise  se- 
rait donc  Irès-iléfeclueux  sL  elle  ne  pouvait 
déclarer  sa  croyance  aiilreincnt  que  par  la 
décision  d'un  concile,  Peut-elle  parler  plus 
hautement  c|ue  par  l'organe  de  son  chef,  au- 
quel (ous  les  évêques  sont  censés  unis  de 
croyance,  dès  c.u'ils  ne  réclament  pas?  Si  la 
décision  leur  paraissail  fausse,  leur  silence 
sérail  une  prévaric^ilion  el  un  piège  inévita- 
ble d'erreur  po'  r  les  fidèles.  Voy.  Constitu- 
tion. 

lioLLE  In  cœna  Domini.  On  appelle  ainsi 
une  bnlle  qui  se  lisait  publiquement  à  Rome 
tous  les  ans  ,  le  jour  du  jeudi-saint,  par  un 
cardinal-diacre,  en  présence  du  pape,  accom- 
pagné des  autres  cardinaux  et  îles  cvéques; 
ou  ne  sait  |i;;s(iuel  en  est  le  premier  auteur. 
—  Celle  bulle  porte  la  peine  d'excommuni- 
cation conire  tous  les  hérétiques,  les  conlu- 
iiiaces  el  les  réfraetaire^  qui  dé- obéissent  au 
sainl-siége.  Après  la  lecture,  le  pape  pre- 
nait un  llamboau  allumé  el  le  jetait  dans  la 
place  publique,  pour  inaniue  d'an.iilième.  — 
Dans  la  bulle  de  l'.iul  III,  de  l'an  1336,  il  est 
dit  au  coriimenci'Mient  que  c'est  une  ancienne 
coutume  des  souverains  pontifes  de  pul)lier 
cette  escommuiiicalion  le  jour  du  jeudi- 
saint,  pour  conserver  la  pureté  de  l.i  vvU- 
gion  chrétienne,  et  pour  entretenir  l'union 
entre  les  fidèles;  mais  on  n'y  voit  pas  l'ori- 
gine de  celle  cérémonie.  —  Les  censures  de 
la  bulle  In  cœna  Domini  rei;arileiil  principa- 
lement les  hérctiques  et  leurs  fauteurs,  les 


pi.ates  et  les  corsaires  ,  ceux  qui  falsifient 
les  bulles  el  les  autres  lettres  .ipostoliqnes  ; 
ceux  i\u\  mallrailcnt  les  prélats  de  l'Eglise  ; 
ceuK  qui  Iroulilent  ou  veulent  re  lrei;idre  là 
juridiction  ecclésiastique,  même  sous  pré- 
texte d'empêcher  quelques  violeiKcs,  quoi- 
qu'ils soient  conseillers  ou  procureurs  gé- 
néraux des  princes  séciiJiers,  soit  empereurs, 
rois  nu  ducs;  ceux  qni  usurpent  les  biens 
de  l'Eglise,  etc.  Ces  dernières  vlauses  ont 
donné  lieu  à  plusieurs  théologiens  et  aux  ju- 
risconsultes de  soutenir  que  cette  bulle  ten- 
dait à  élaliiir  indirectement  le  pouvoir  des 
papes  sur  le  temporel  des  rois.  Tous  les  ('as 
dont  D'US  venci.ns  de  parler  y  sont  déclarés 
réserves;  en  sorte  que  nul  prêtre  n'en  puisse 
absoudre,  si  ce  n'est  à  rartii:le  de  la  mort. 

Le  concile  de  Tours,  en  1310,  déclara  la 
bulle  In  cœna  Dumini  insoutenable  à  l'égard 
de  II  l'iaii'  e  ;  nos  lois  ont  souvent  fait  pro- 
tester conire  celte  bulle,  en  ce  (|ui  regarde 
leurs  droits  ,  ceux  de  I  urs  officiers,  et  les 
libertés  de  l'Eglise  gallicane.  En  1580,  quel- 
ques évêques  ,  pendaul  le  Icmps  des  vaca- 
tions du  iiarleinent,  voulurent  faire  receioir 
dans  leurs  diocèses  la  bulle  In  cœna  Domini, 
Le  procureur  général  eu  forma  sa  plainte  ; 
le  parlement  ordonna  que  tous  les  aiche- 
vêques  et  é'éques  qui  auiaient  reçu  celte 
bulle,  et  ne  l'auraient  pas  publiée,  eussent  à 
l'envoyer  à  la  cour  ;  ((ne  ceux  qui  l'auraient 
fait  piiblier  fussent  ajournés,  el  leur  tempo- 
rel saisi;  que  quiconque  s'opposerait  à  cet 
arrêt  fût  réputé  rebelle  et  ci  iminel  de  lèse- 
majesté.  (  Mézer.ii  ,  Histoire  de  France  sous 
le  rèane  de  Henri  111.)  —  Le  pape  Clément 
XIV  a  suspendu  la  publication  de  celte  bulle 
eu  17T.3  ;  il  est  à  présumer  que  la  crainte  d'in- 
disposer les  souverains  empêchera  celte  pu- 
blication dans  la  suite. 

IJuLLE  Unigeniius.  Voy.  Unigenitus. 


(;AI$.\I.I<.  on  pintol  CABllALE,  mot  hébreu 
qui  signifie  tradition.  Sous  ce  nom,  les  Juifs 
ont  formé  une  vaine  science  qui  n'est  qu'un 
tissu  de  rêveries.  Nous  n'i-n  parlons  que 
pour  en  f.iire  comprendre  l'absurdité,  el  pour 
réfuter  urte  accus  ilion  fausse,  intentée  à  ce 
sujet  contie  les  Pères  de  l'Kglise.  Voici,  se- 
lon l'opinion  delà  plupart  des  savants, i(uelle 
a  clé  l'origine  de  la  cibbnle. 

Les  Cbaldeens,  qui  ne  pouvaient  compren- 
dre (pi'un  seul  Dieu  fiit  l'auleur  de  Ions  les 
phénoinènes  de  la  nature,  du  bien  el  du  mal 
qui  en  arrivent  aux  hommes,  imaginèrent 
une  mnllitude  rt'inielligences,  d(!  génies  ou 
d'esprits,  les  uns  bons,  les  autres  mauvais, 
.-luxquels  ils  allribuèrent  tout  ce  qui  arrive 
ici-bas.  Ils  s«  persuailérent  ((ue  l'homme  pou- 
vait enlrt;r  en  commen-e  avec  eux  ,  se  con- 
cili<'r  la  bienveiilsnce  des  bons  esprits  ,  et 
par  leur  secours  vaih'ere  on  écarter  l'in- 
fluence des  génies  malfaisants.  Telle  a  clé  , 


chez  tous  les  peuples  l'origine  du  polythéis- 
me ,  du  culte  rendu  à  de  prétendus  dieux  in- 
férieurs. 

Pour  invoquer  le  secours  des  bons  génies, 
pour  gagner  leur  alTection,  il  était  essentiel 
de  savoir  leurs  noms  ;  l'on  en  forgea,  el  l'on 
crut  que  la  prononeiaiion  de  ces  noms  avait 
la  force  d'évoquer  les  bons  génies,  de  les  faire 
agir,  de  mettre  on  fuite  les  mauvais  esprits. 
De  là  vieni  la  supersiiti  in  des  mots  ejlicnces, 
par  lesquels  on  crii\ait  pouvoir  opérer  des 
prodiges,  la  confiance  aux  talismans  ou  ,iux 
médailles  sur  lesquels  ces  mots  mystérieux 
étaient  gravés,  etc.  Ainsi  la  co  '  biuai'^iin  des 
lellres  de  l'aipliabet  cl  des  nombres  a'arilli- 
mélique,  les  dilîérenles  manières  de  loiirner 
el  décomposer  un  mol,  devinrent  un  art  au- 
quel s'appli{|iièrent  seriensemenl  les  esprits 
curieux  el  crédules.  —  On  ne  peut  guère 
duulerque  les  Juifs  n'aient  fondé  sur  c<'  pré- 
jugé l'opinion  qui  règne    parmi  eux  qie   la 


(iO." 


CAB 


CAR 


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prononciation  du  mot  hébreu  de  lôieu  peut 
opérer  dos  mirarl's  ;  de  là  encore  la  supersti- 
tion qu'ont  eue  leurs  dix'leurs  d'en  cliaiijjer 
les  poinis  \oyelle9,  pour  que  la  vr.iie  pio- 
nuiicialion  de  ce  mot  fût  igiiori'e,  de  l'appe- 
ler inelTal)le,elc.lls  ont  forgé  un  art  préicndu 
de  décomposef  les  mots  du  l'Iùriluie  sainte  , 
de  Ironver  la  valeur  nuniéri<|uc  des  lellies  , 
dp  fonder  là-dessus  des  tny  léres  et  des  do;^- 
nies  qu'ils  croirnl  séricuseuiciil.  Leurs  se- 
p/iirols  ne  paraissent  être  autr;'  chose  qu'une 
liste  et  une  généalogie  des  intelligences  ou 
des  génies,  selon  la  mélhodo  des  Cli.ildéiiis. 

Cotnuic  Platon  a  Iniellait  au-si  di's  génii'S 
ou  dieux  inférieurs  pour  gouverner  le  mon- 
de, et  que  Pylhagore  allrll)iiait  aux  nombres 
une  vertu  ineiveilleuse,  les  ])rei!:icrs  philo- 
sophes (|ui  eurent  conn'iiïsance  du  christia- 
nisme Oient  un  mélange  des  idées  chaldécn- 
nes,  judaïques  et  plalonicieiines,  et  voulu- 
rent y  accommoder  les  dogmes  prêches  par 
les  apôtres.  De  là  les  e'ons  des  valeniiniens, 
la  prétendue  science  cachée  des  gnostiques, 
la  magie,  dont  la  plupart  des  anciens  héré- 
tiques firent  profession.  Cet  enIêUMiicnl  se 
perpétua  parmi  les  piiiloso|)hes  éflecliciucs 
du  111' et  du  iv«  siècle;  il  se  renouvela  lors- 
que les  Arabes  apportèrent  en  Europe  la 
philosojihie  de  Pylliagorc  et  de  Platon;  l'un 
a  vu  même  dans  le  xvir  siècle  des  hommes 
qui  avaient  entrepris  de  faire  revivre  les 
folles  imaginations  des  cabalisies  juifs. 

Ainsi  s'est  lorniée,  selon  la  plupart  des 
critiques,  la  cabhale  des  juifs.  Plusieurs  pro- 
testants, comme  Basnage,  Mosheim,  Brucker, 
n'ont  pas  manqué  d'observer  que  le  génie 
cabalistiiiue,  né  eil  Kgyptc  chez  les  essé- 
iiiens  et  les  thérapeutes  juifs  ,  se  glissa 
prouiplement  daiis  le  christianisme;  que  les 
différentes  sectes  en  étaient  infectées,  que 
les  Pères  de  l'Eglise  même  ne  surent  pas 
s'en  préserver.  IJc  là,  (lisent  ces  profonds 
raisonneurs,  est  venu  le  goût  des  Pères  pnur 
les  interprétations  alléjioriques  de  IKcriture 
sainte;  de  là  sont  nées  les  opinions  philoso- 
phiques qui,  d('  siècle  en  siècle,  ont  été  mê- 
lées avec  la  théologie  chrétienne.  Pour  pous- 
ser cette  belle  idée  jusqu'où  elle  peut  aller, 
il  restait  aux  incrédules  à  dire  que  Jésus- 
Christ  lui-même  a  suivi  le  goût  cabalisliquo, 
en  se  servant  de  (laraboles  pour  instruire  le 
peuple,  et  que  l'auteur  de  l'Apocalypse  en  a 
d'onné  des  leçons,  c.  xiii,  v.  18,  en  nous  in- 
vitant à  co  opter  les  lettres  et  les  chiffres  du 
nom  de  la  bète. 

Un  savant  de  l'Académie  des  inscriptions, 
Mém.,  t.  XIII,  m-12,  p.  58,  a  parlé  plus  sen- 
sément de  la  cahbnle  juive  et  de  son  ori^ini»  ; 
Mosheim  et  Brucker  auraient  du  profiler  de 
ses  rédexions.  Le  taldeau  qu'il  a  tracé  de 
cette  folle  science  est  îles  plus  énergiques. 
«  Principes  faux  ou  incertiins,  dii-il,  maxi- 
mes supcrstiiieuscs  ,  inlerprétaiions  arbi- 
traires, allégories  forcées,  abus  manifestes 
des  livres  s;iiiils,  mystères  recliet-cliés  dans 
les  événements,  dans  les  olijeis  réels  et  ilans 
les  symboles;  vertus  allrit)uées  à  des  jeux 
d'imagination  sur  les  mots,  sur  les  lettres 
sur  les  nombres  ;  attention  à  consulter  les 


astres,  commerce  prétendu  avec  les  esprits, 
récils  fabuleux,  histoires  riilicules  :  tout  y 
respire  l'itiiposture  et  la  séduction.  »  L'on 
nous  dispensera  do  croire  que  les  meilleurs 
esprits  de  l'antiquité  les  philosophes  chai- 
déeiis  et  égyptiens,  Pytha^'ore  et  Platon,  et 
surtout  les  t  ères  de  l'Église,  ont  été  tous  en- 
lêlés  plus  ou  moins  de  ce  chaos  d'absurdités. 
—  l'Ai  effet,  lu  doete  académicien  s'attache  à 
les  en  di-culper.,11  fait  voir  que  la  cnblmle 
juive  n'a  iju'uu  rapport  très-éloigné  et  très- 
imp.iriait  avec  les  idées  rslrologiques  des 
Clial  léens,  aiec  les  nombres  de  Pythagore, 
avec  les  ubraxas  ou  talismans  des  basili- 
diens  ;  que  les  e'ons  di-  Viilentiii  ressemh  eut 
encore  moins  aux  scphirols  de  la  cabbale 
qu'aux  générations  divines  de  Saiiclionia- 
Ihon.  Nous  ajoutons  que  l'on  peut  retrouver 
les  mêmes  erreurs  et  les  mêmes  préjugés 
ciiez  les  Indiens,  chez  les  Chinois,  même 
chez  les  sauvages  ue  l'Amérique;  sans  doute 
ces  derniers  ne  sont  pas  allés  les  chercher 
en  ligypie.  C'est  un  eiitètcuieni,  ridicule  do 
vouloir  trouver  dans  un  seul  lieu  de  l'uni- 
vers la  source  des  opinions  viaies  ou  fuisses 
qui  viennent  naturellement  dans  l'esprit  de 
tous  les  peuples. — 11  observe  très-judicieuse- 
ment (jue  le  goût  des  anciens  pour  les  symbo- 
les, les  hiéroglyphes,  les  allégories,  est  venu 
do  laiiécessilé,iiela  tournure  de  l'imagination 
des  Orientaux,  et  non  du  dessein  de  cacher  la 
vérité  au  vulgaire,  comme  nos  philosophes 
modernes  l'ont  rêvé  ;  qu'il  n'est  pas  éton- 
nant que  les  Pères  de  l'iiglise,  et  même  les 
écrivains  sacrés,  se  soient  conformés  à  le 
goût  doiiiiiianl  ;  tous  les  savants  et  tous  les 
s.i[;es  étaient  forcés  d'y  avoir  égard,  puisque 
atilrement  ils  n'auraient  pas  pu  se  faire 
écouter.  Croirons-nous  que  les  Péruviens  et 
d'autres  peuples  de  r.\mérique  se  sont  ser- 
vis d'Iiiéroglyphes  au  défaut  d'écriture,  afin 
de  ne  pas  être  entendus  de  tout  le  monde? 
--  Le  savant  académicien  prouve  que  la 
cabbale  n'est  pas  ancienne,  même  parmi  les 
juifs  ;  vainement  on  a  cru  en  trouver  des 
vestiges  el  un  faible  coinmencement  dans  le 
Talmud,  compilé  au  vi  siècle  ;  alors  les  juifs 
nC  cuiiivaieiit  point  d'autre  si  ieiice  que  celle 
de  leur  religion  ;  ainsi  la  cabbale  n'a  pu  naî- 
tre chez  eus  que  vers  le  x'  siècle.  En  cfiet, 
le  raliliiii  Haï  (Jaon,  mort  l'an  1037  ou  10.38, 
est  le  premier  auteur  dans  les  ouvrages  du- 
quel la  cabbale  soit  clairement  énoncée.  Oa 
doit  eu  conclure  que  les  premières  semences 
de  cet  art  ridicule  sont  veuues  des  philoso- 
phes arabes,  et  qu'elles  ont  été  communi- 
quées aux  Juifs  dans  le  temps  que  ceux-ci 
vivaient  sous  la  domination  des  Sarrasius, 
par  consé(|uent  dans  les  viii',  is'  et  x'  siè- 
cles. C'est  depuis  cette  époque  seulement 
que  les  Juifs  ont  commencé  à  cultiver  les 
sciences  profanes,  en  particulier  l'astrologie 
et  la  grammaire. 

Ainsi  se  trouvent  détruites,  par  des  preu- 
ves positives,  toutes  les  fausses  conjectures 
des  criiiqiies  protestants,  et  leur  pompeux 
sysième  louchant  les  effets  contagieux  de  la 
philosophie  orientale,  dans  laquelle  ils  ont 
cru  trouver  l'origine  de  toutes  les  opinioii» 


607                                   CAl  CAI                                   rm 

de  l'univers ,   vraies   ou   fausses  ;    système  l'an  130  du  monde,  peu  avant  la  naissance 

éblouissant  au  premier  coup  d'œil,  et  sou-  de  Selh,   Adam  et  Eve  avaient  eu  un  grand 

tenu  d'un  {jrand  appareil   d'érudition,   mais  nombre  d'cn^ints   et  de   petits-enfan's  dont 

dont  le  fond  ne  poric  sur  rien.  l'Iurilure  ne  parle  point.  Quant  à  ce  que  dit 

CADAVHH.  Si  Ion  la  loi  d  s  Juifs,  qiiicon-  Josèphe,  que  Cnin  devint  chef  d'une  troupe 

que  avait  touché  un  cadavre  él;iit  souillé  ;  il  de  briginds,   c'est  une  conjecture  qui  n'est 

devait  se  purifier  avant  d  •  se  préenler  au  point  fondée  sur  l'hisloire  sainte,  et  qui  ne 

1,'ibernacle   du  Scigmiir  {  Nitm.   six,   11   et  mérite  aucune  attention.    Dès  ce  moment  lo 

suiv.).  Quelques  censeurs  des  lois  de  Moï-ic  nom  de  Caïn  n'est  plus  prononcé  dans  l'An- 

«int  jugé  (fue  celle  ordonnance  était  supersli-  cien  Testament. 

lieuse;  il  nous  parait  au  Poiilraire  (lu'elle  il  est  dit  que  Dieu  lui  imprima  un  signe 
était  Irès-sage.  1°  C'était  une  précaution  cou-  pour  empêcher  (ju'il  ne  fût  (né;  quelques 
trc  la  superstition  des  p.iï  ns,  qui  interro-  aulrurs  se  sont  persuadé  que  Dieu  avait 
geaient  les  morts  pour  apprendre  d'eux  l'a-  changé  la  couleur  du  visnge  de  Cain,  l'av.iit 
venir  on  les  cbo^cs  cachées  ;  abus  sévère-  rendu  noir,  que  de  là  est  venue  la  race  des 
ment  interdit  aux  Juifs  (Deut.  xvit!,  11),  nègres,  t^est  une  vaine  imagination;  ces 
mais  qui  a  régné  chez  la  plupart  des  na-  écrivains  ne  se  sont  pas  souvenus  qu'à  l'é- 
tions. La  coutume  qu'avaient  les  Egyptiens  poque  du  déluge  universel  toute  l.i  race  hu- 
de  conserver  les  momies  pouvait  y  d.mncr  m;iiiie  a  été  l'ormée  do  la  postérité  de  No6. 
lieu,  et  ce  n'était  pas  un  exemple  à  imiter.  De  là  un  incrédule  de  nos  jours  a  pris  occa- 
2°  Celle  loi  tendait  à  inspirer  plus  d'horreur  sioii  de  dérUnuer  contre  les  commenlatenrs 
pour  le  meurtre.  Quand  on  sait  combien  ce  des  livres  saints;  mais  faut-il  attribuer  aux 
crime  est  commun  chez  les  peuples  mal  po-  conimenlaleurs  eu  général  la  méprise  d'un 
licés,  on  n'esl  pas  tenté  de  blâmer  un  législa-  ou  de  deux  particuliers  ?  Quelques  inlir- 
teurqui  prend  tous  les  moyens  possibles  pour  piètcs  traduisent  ainsi  le  texte  hébreu:  Dieu 
le  prévenir.  Dans  les  climats  aussichaudsque  fil  un  s'upic  ou  un  miiacle  devant  C:\ïi\,  imur 
la  Palestine,  il  y  a  du  danger  à  garder  long-  l'nasurer  qu'il  ne  serait  pas  tue.  D  autres  : 
temps  un  carfi-it^rf  sans  luidonneriasépn'ilurc;  Dieu  disposa  l'oreiiir  /)oi(c  Caïn,  de  manière 
il  était  donc  très  à  propos  d'engager  les  Juifs  f/u'il  ne  fàl  pas  tué  par  quiron'iue  le  rencon- 
à  ensevelir  promplement  les  morts  et  à  se  pu-  trernil.  Un  écrivain  qui  entend  Irès-liien 
riOer  après  les  avoir  louches.  Depuis  que  les  l'hébreu  a  donné  récemment  des  réponses 
mahomélans  ont  négligé  de  prendre  les  mê-  solides  à  d'.iutres  objections  que  l'on  peut 
mes  précautions  et  d'observer  la  même  pro-  faire  contre  l'histoire  de  t'oïii.  {Réponse  cri- 
preté  que  les  Juifs  et  le'*  lieyptiens,  l'Asie  et  lii/ue,  etc..  I.  IV,  p.  1.) 

l'iîgypie  sont  devenus  11'  foyer  de  la  peste.  Si  CAIMTES,  hérétiques  du  ir  siècle,  qui 
l'on  connaissait  mieux  les  anciennes  mœurs,  rendaient  de>  ii  inncurs  exlraordiiiaires  à 
les  daiigersrelalifs  aux  climats,  les  erreurs  et  Caïn  et  aux  aulrcs  personnage^  (lue  l'Iùri- 
ies  désordres  dont  Moïse  était  environné,  on  turc  nous  peint  comme  les  plus  méchants 
n'aurait  plus  la  témérité  de  blâmer  aucune  de  des  hommes,  tels  que  les  Soilomites,  Ksaii, 
ses  lois.  Coré,  Judas,  etc.  C'était  une  bianclic  des 
C  \IANISTES.  Foy.  Monophvsites.  gnostiques,  qui  joignait  aux  mœurs  les  plus 
CAÏN.  fils  aîné  d'Adam,  et  ujcurlrier  de  corrompues  des  ei  reurs  monslrueuses. 
son  frère  Alicl.  L'indulgence  avec  laquelle  (>omme  ils  adme<laicnt  un  principe  supc- 
Dieu  traita  le  malheureux  après  son  crime  rieur  au  Créateur,  i)lus  sa^-e  et  plus  pui^sanl 
est  digne  d'attention;  elle  a  été  remarquée  que  lui,  ils  disaient  que  Caïn  était  enfant  du 
par  plusieurs  Pères  de  l'Eglise.  Dérhiré  par  (iremier,  et  Abel  une  production  du  second. 
les  remords,  tremblant  pour  sa  propre  vie,  Us  soutenaient  que  Judas  était  doué  d'une 
Caïn  éliil  prêt  à  se  livrer  au  désespoir  ;  Dieu  connaissance  et  d'une  sagesse  supérieures  ; 
daigne  le  rassurer,  et  se  ronlenlede  lui  faire  qu'il  n'avait  livré  Jésus-Christ  aux  Juils  que 
expier  son  crime  par  une  vie  errante.  Ce  parce  qu'il  prévoyait  le  bien  qui  devait  en 
Ir.iil  de  miserieorde  et  une  infinité  d'autres  arriver  aux  hommes;  conséquemmeut  ils  lui 
q:ie  rapportent  les  livres  saints,  élaiciil  né-  rendaient  des  .icliims  de  grâces  et  des  h  )n- 
cessiatres  sans  doute  pour  donner  aux  pé-  neurs,  cl  avaient  un  Evangile  sous  son  nom; 
cheurs  des  espérances  de  pardon,  et  pour  les  ce  qui  leur  fil  donner  aussi  le  nom  de  /i(rf»ï- 
cmpécher  de  (Icvenir  j)lus  rcdoulables  par  les  les.  Ils  rejelaieni  l'ancienne  loi  et  le  dogme 
fureurs  du  désespoir.  de  la  résurrection  future;  ils  exhortaient  les 
C'isl  donc  lré^-mal  à  propos  qu'un  incré-  hommes  à  détruire  les  ouvrages  du  Créateur, 
(lu'c  moderne  a  été  scandalisé  de  l'indiilgen-  et  à  comm;  tlie  toutes  sortes  de  crimes;  sou- 
ce  avec  laquelle  Dieu  a  traité  le  fratricide,  ten.iient  que  les  mauvaises  actions  condui- 
Ce  crime  no  deoieiira  pas  impuni,  puisque  saient  au  salul.  Ils  supposaient  des  anges 
le  coupable  fut  condamné  à  mener  une  vie  qui  président  au  pèche,  et  qoi  aident  à  le 
errante  sur  la  terre.  11  demande  comment  commeltre;  ils  les  invoquaient  et  leur  ren- 
Cain  pouvait  dire  pour  lors  :  Qnico'iquc  me  daient  un  culte.  Enfin,  ils  faisaient  con-ister 
trotnera  me  tuera  (Gen.  iv,  l'i).  C'est  l'ex-  la  perfe  ■lion  à  se  dépouiller  île  tout  senti- 
pres-ion  de  la  frayeur.  Il  est  imerlain  si  ment  de  pudeur,  et  à  commelire  sans  houle 
Adam  n'avait  pas  déjà  un  grand  nombre  les  acli ms  les  plus  inlâoies.  Tcriullieii  iioiig 
d'enfants, si  Abel  même  n'en  a\ail  pas  laissé;  apprend  (lu'ils  enseignaient  encore  des  er- 
Cain  pouvait  donc  redouter  la  vengeance  de  reurs  sur  le  baptén)e.  —  La  plupart  de  leurs 
les  neveux,  ou  plutôt  il  parait  évident  que  o|)inions  étaient  renfermées  dans   un  livre 


609  CAL 

qu'ils  nommaient  V Ascension  de  fuinl  Paul, 
où,  sous  prétexte  dos  rcvélalions  (ailes  à  cet 
aprtlre,  dans  ^oii  ravissement  au  ciel,  ils  cn- 
seiiiiiaient  leurs  impiétés  et  leurs  bliispliènn's. 
Une  femme  de  tt  Ite  scele,  nommée  Qain- 
tille,  vint  en  Al'rii]ue  du  lemps  de  rerlulljfn, 
et  y  pervertit  plusieurs  personnes;  on  appela 
quintillianisles  les  se('laleurs  ((u'elle  fui-ma  : 
il  paraît  qu'elle  ajoutait  encore  d'horrililes 
pratiques  ans  intimies  des  cninile.i. 

On  aurait  peine  à  se  persuader  qu'une 
secte  entière  ail  pu  pousser  à  cet  excès  la 
démence  et  la  dépravation,  si  ce  lait  n'était 
pas  alle'>té  par  les  Pères  de  l'Kglise  les  plus 
respectables;  mais  saint  Irénée,  Tertullien, 
saint  Kpipliane,  'l'Iiéodorel,  saint  Augustin, 
en  parlent  de  môme;  et  les  deux  premiers 
étaient  témoins  contcmpnraius.  Les  égare- 
ments des  ranatii|ues  qui  ont  paru  dans  les 
derniers  siècles,  rendent  croyables  ceux  qui; 
l'on  attribue  aux  anciens.  Hornebec,  Cun- 
trov.,  j).  390,  |iaile  d'un  anabaplisle  qui  pen- 
sait sur  Judas  comme  les  cniin(7e.v.  Lorsque 
l'esprit  est  entraîné  par  la  dépravation  du 
cœur,  il  n'est  point  d'erreur  ni  d'impiété  dont 
i'bomme  ne  soit  capable. 

CALCtUOlNE.  Voy.  Chaicédoine. 

♦CALENL)R1H:U  Ktl'UBLICAIN.  La  Convention 
natiiiiihie,  usant  de  sa  toiiU'-|>(iissaiicc,  voulaiil,  di- 
saiNolle,  i|iie  la  rcgénéiuiioii  lui  eoiiiplèle,  vl  aliii 
(|iie  les  années  de  liljurlé  et  de  L;luire  de  la  naliuii 
fiiupçaise  niarquassenl  encore  plus  par  lenr  durée 
dans  I  II  sloire  des  peuiles  ipie  ses  annéts  d'esclavage 
et  d'Iiuinilialioii  dans  l'hi^loire  des  rois,  ubolil  te  ca- 
lendrier grégorien  pour  lui  sul)?liluer  le  léjiubli- 
cain.  Me  lenanl  coinple  ni  des  ii'c<'S  clirélieiines,  ni 
du  suiiliiiieni  de  Ions  les  peuples  relaliT  à  la  division 
du  leiiips  en  sept  j"urs,  «ile  div.sa  l'année  ei!  douze 
niiiséginx  cliacon  de  irenle  joins,  cl  cliai|ue  iii<  is 
en  trois  séries  ininiiiiéi'S  déi  ades,  cliacune  de  dix 
jours,  l'oiir  cuinideter  raniié.;  solaire,  il  devait  y 
avor  cliaqiio  amiCi!  cin(|  jours  nippléin, lUuiiiS  ipii 
reçuieiit  ce  nom,  après  avoir  d'aboid  poile  celui  de 
Sans-culoUides.  Ciaipn;  i|iiilre  ans  il  y  avait  un 
sixième  jour  suppleiiieniane  nuimiié  la  Frunciade. 
Le  premier  des  sans- cnlotdiles  lui  consacré  à  la 
Venu;  le  second,  an  Génie;  le  troisième,  au 'l'ia- 
vail  ;  le  (piairième,  à  l'Upiiiion  ;  le  cinuiiième  (ut  la 
félo  des  Keconipiuses  ;  aux  années  sextiles,  le  sixiè- 
me (ut  la  lè'e  de  la  Kevolulion. 

Cninnie  si  on  avaii  voulu  lout  matérialiser,  on  at- 
tacha aux  jours  des  idées  exclusivement  iiiaièii''lles. 
Ainsi,  pour  ciier  un  exeiuile,  on  eut  :  Vuniémiaiub  ; 
priiiiiUi,  raisia  ;  duvdi,  safrun  ;  iriiii,  cliàtaujiic ;  quar- 
tidi,  cuUhujue ;  iiuinlidt,  cheval;  scxtidi,  buUumiiic ; 
teptidi,  Ciiruite;  octidi,  amunmllie;  twnidi,  puiiuis  ; 
décudi,  cuve. 

Le  calendrier  républicain  avait  été  composé  en 
hosiililé  ouverte  contre  toiile  idée  clirétieiiiie;  lors- 
que rSapolcon  rétablit  le  Ciilie  calbo!ii|iie  en  Kiaiice, 
il  fut  impossible  de  conserver  ci  tle  division  du 
leiiips.  Un  décret  du  ^l  IVnclidur  au  MU  (il  entèrc- 
nieiil  dispaiailre  ce  cabndrier  inuiile  depuis  I  'iig- 
teuips.  {Votj.  la  Concordance  des  caleinlriers  répu- 
blicain et  gi'égoiieo  ,  au  loin.  1  ;du  Dict.  de  Jnnsp. 
civ.  ceclés.,  art.  Calkndrieu,  et  Oicl.  de  Cbronol., 
ad  cidcem,  étiit.  .Migne.) 

G.VLlCIi,  C(mpe,  vase  à  boire;  ce  terme 
est  souvent  employé  pir  les  écrivains  sacre  s 
dans  un  sens  métapliorique,  buidé  sur  les 
anciens  usages.  Comme  on  mettait  dans  une 
coupe  les  peiiles  boules,  les  lèves  ou  les  bil- 
lets dont  on  se  servait  pour  tirer  au  sort, 


CAL 


610 


cftlice  signifie  souvent  le  sort,  la  portion 
d'béritage  échue  à  quelqu'un  par  le  sort. 
Psaume  x,  v.  7,  le  feu,  le  soufre,  les  venis 
orageux,  seront  la  portion  du  calice  des  im- 
pies. Psaume  xv,  y.  5,  il  est  dit:  Le  Seigneur 
est  la  poiiion  de  mon  héritage  et  de  mon 
c«//ce,  c'est-à-dire,  la  portion  d'héritage  qui 
m'est  ècliue  par  le  sort. 

Par  une  métaphore  semblable,  les  écri- 
vains hébreux  emploient,  pour  désigner 
riiérilage  ou  la  possessiin  d'un  homme,  le 
cordeau  ou  la  perche,  avec  lesquels  on  mesu- 
rait la  portion  de  chicnn  des  héritiers.  Dans 
le  psaume  civ,  v.  1,  le  cordeau  de  votre  hé- 
ritage; dans  le  psaume  i.xxiii,  v.  2,  la  verqe 
ou  la  perche  de  voire  liérilage,  signifient  vo- 
ire portion,  ce  que  vous  possédez.  —  Dans 
un  autre  sens,  cdice  signifie  un  breuvage, 
une  potion  bonne  ou  mauvaise;  les  bienfaits 
de  Dieu  sont  comparés  à  une  potion  douce 
et  agréable,  ses  cliâtimenis  à  un  breuvage 
amer  qu'il  faut  avaler.  Psaume  lxxiv,  v.  9, 
il  est  dit  que  le  Seigneur  tient  dans  sa  main 
un  calice  de  vin  mêlé  d'amertume,  qu'il  en 
verse  de  côté  et  d'autre,  que  les  pécheurs 
en  boirnnt  jusqu'à  la  lie.  Jérémie,  chap.  xxv, 
V.  15,  dit:  Le  calice  du  rt-t  de  la  colère  du 
Seiijneur,  etc.  —  Jésus-Christ  demanda  à 
deux  de  ses  apôtres  :  Pouvez-vuus  boire  te 
CALXE  (jue  je  dois  avaler  [Mntlh.  xx,  22)  : 
Pouvez-voiis  supporter  les  souffrances  qui 
me  sont  réservées  ? 

L'usage  était  autrefois,  et  il  subsiste  en- 
core parmi  le  peuplu  des  campagnes,  à  la  lin 
des  repas  de  cérémonie,  île  verser  aux  con- 
viés du  \  in  à  la  ronde,  de  boire  à  la  santé  les 
uns  des  antres,  de  remercier  l'hôte,  qui,  de 
son  côté,  leur  répond  d.'s  clioses  obligeantes, 
de  se  lever  ensuite  de  table  ,  cl  de  rendre 
grâces  à  Dieu.  Chez  les  anciens  on  biivail  à 
la  ronde  dans  la  même  coupe  en  signe  dii 
fraternité.  Consèipiemmeni  cette  coupe  et  it 
appelée  la  coupe  de  bénédiction  ou  de  souhaits 
heureux,  la  coupe  d'actions  de  grâces,  lu 
coupe  de  satiété,  cidis  inebrians;  la  coupe  de 
sunié,  parce  qu'on  la  prenait  encore  pour 
faciliter  la  digestion.  Prendre  la  coupe  de 
sauté,  calicein  salutaris,  ci  iiivnqucr  le  nom 
duSeigneur  (Ps.cw,  v.  13),  c'était  remercier 
Dieu  de  ses  bienfaits.  Chez  les  personnes  ri- 
ches, celte  coupe  était  d'or,  et  queli|uefois 
garnie  de  pierreries,  c'était  une  marque  d'o- 
pulence. Le  ps  ilmisle  s'écrie  :  «  (iue  ma 
coupe  de  satiété  est  belle  !  Calix  meus  ine- 
brians, quam  prœclaru^  est  !  »  Psaume  xxii, 
V.  5  :  Oue  mon  sort  est  heureux  1  —  Dans 
les  repas  destinés  à  cimenter  une  alliance, 
ou  à  la  fin  d'un  sacrifice,  on  ne  ni>'ini|uail 
pas  de  boire  la  coupe  d'actions  de  grâces  et 
de  béneilictioii^  ;  c'était  alors  la  coupe  d'al- 
liance et  d'amitié;  dans  ceux  qui  se  faisaient 
après  les  obsèques  d'un  mort,  c  était  la  coupe 
de  consolation  [Jérém.  xvi,  7).— Jésus-Chrisl, 
après  sa  dernière  cène,  daigna  faire  allusion 
à  ces  divers  usages  :  //  prii  une  coupe  pleine 
de  vin,  la  bénit,  rendit  grâces  à  Dieu,  en  fit 
hoir':  à  tous  ses  apôtres,  et  leur  dit  :  Ceci  est 
la  coupe  ile  mon  sang  et  d'une  nouvelle  al~ 
liance  ;  [ailes  ceci  en  mémoire  de  mot,  clc. 


611 


CAL 


CAL 


Gif 


{Mallh.  XXVI,  28  ;  Luc,  xxii,  20).  Ainsi,  selon 
riiilenliim  du  Sauveur,  celte  action  est  un 
symbole  tle  reconnaiss  ince  envers  niru,  et 
d'arli. 111  (le  grâces,  d'alliance  avec  Jésus- 
Clirist,  de  partieipalion  à  son  sacrifice,  de 
fraternité  entre  les  hommes,  de  sanié  pour 
nus  âoKSj  l'eucharistie  ne  remplirait  pas 
parfaitement  (ouïes  ces  significaivons,  si  ce 
n'était  rien  de  plus  que  la  cérémonie  faite 
par  les  anciens  ;  encore  moins  pourrait-elle 
produire  les  effets  pour  lesquels  Jésus-Christ 
l'a  insiiluée. 

CALiCE,  se  dit  particulièrement  de  la  coupe 
ou  du  vase  dans  lequel  on  consacre  le  via  de 
l'eucharistie.  Le  vénérable  Bède  pense  que 
le  calice  doiil  Jésus-Christ  se  servit  dans  la 
dernit're  cène  était  une  coupe  à  deux  anses, 
et  contenait  une  chopiiie;  que  ceux  donl  on 
s'est  servi  dans  les  premiers  siècles  étaient  de 
la  même  forme.  Plusieurs  étaient  de  bois  ou 
de  verre  ;  le  pape  Zéphirin,  ou,  selon  d'au- 
tres, Uiiiain  I",  ordonna  qu'on  les  fît  d'or  ou 
d'aigerit;  Léon  IV  détendit  d'emp!ojer  des 
calices  d'élain  ou  de  verre;  le  concile  de  Cal- 
chut  .lU  CelC3th  en  Angleterre  renouvela  la 
tnéme  défense  l'an  787.  —  Les  calices  des  an- 
ciennes églises  pesaient  au  moins  trois 
marcs;  l'on  en  voit  dans  les  trésors  et  les 
saciLslies  de  plusieurs  églises  qui  sont  d'un 
poids  encore  plus  considérable.  11  y  en  a 
même  dont  il  parait  que  l'un  n'<'s  ja:iiais  pu 
se  servir,  à  cause  de  leur  volume,  et  qui  sont 
probablement  des  dons  faits  par  les  princes 
pour  servir  d'ornenienl.  Horniiis,  Lindau 
elBealus  lUiénanus  disent  qu'ils  ont  vu,  eii 
Allemagne,  d'anciens  calices  auxquels  on 
avait  ajusté,  avec  beaucoup  d'arl,  un  tuyau, 
qui  servait  aux  la'iques  pour  recevoir  1  eu- 
charistie sous  l'espèce  du  vin.  Voy.  l'Ancien 
Sucramentaire  de  lEijlise,  par  tirandcolas, 
pag.  92  et  728;  Bona,  d«  Rcb.  lilury.  ,  I,  , 
c.  2.3. 

L'abbé  Renaudot,  dans  sa  Ci)llection  îles 
liturgies  orientales,  observe  avec  raison  que 
l'ancieiine  coutume  de  l'Eiiiise,  de  consai'rer 
purJes  prières  et  par  des  on.  (ions  les  cutices 
cl  les  autres  vases  destinés  à  contenir  1  eu- 
charistie, le  soin  de  les  renfermer  et  d'empo- 
cher qu'ils  ne  servent  à  des  usages  prolanes, 
esl  uneallcstalion  assez  claire  de  la  eroyai  ce 
générale  touchant  la  présence  réelle  de  Jé- 
siis-(;hrist  dans  l'eucharistie.  Si  on  avait 
regardé  ce  sacrement  du  même  a'il  que  les 
calvinistes,  ou  aurait  dit  la  messe  comme  ils 
font  la  <-ène,  avec  des  vases  ordinaires,  sans 
y  attacher  aucune  ulee  de  sai:i(elé  ni  de  res- 
pec(  ;  mais  on  n'a  tenu  celle  condiiile  dans 
aucune  communion  chrétienne.  Il  prouve 
que  de  tous  (euips  les  Orientaux  ou(  eu  beau- 
coup de  respect  p.)ur  les  ciiUces  et  les  auhis 
vases  sacrés  ;  qu'ils  les  ont  faits  d'or  ei  d'ar- 
gent, autant  qii'tU  l'ont  pu;  qu'ils  ont  des 
benéiliction)<  ei  des  prières  propres  pour  leur 
consécration  {Liluuj.  orient.  CoUeet.,  t.  1,  p. 
102).  Cello  ilis(  i[iline  n'estdonc  p.is  une  nou- 
velle inslituliou  faite  par  l'Kglise  romaine, 
comme  les  pro(c8(anls  l'ont  prétendu. 

CAL1\TIN8,  sectaires  (|iii  s'élevèrent  en 
Bohcuie  au  conioiencemcnl  du  xv  siècle.  On 


leur  donna  ce  nom  parce  qu'ils  soutenaient 
la  nécessité  du  calice  ou  de  la  comniunicrn 
sous  les  deux  espèces,  pour  participer  à  la 
sainte  eucharistie. 

Immédiatement  après  le  supplice  de  Jean 
Hus,  dit  .M.  Bussuel,  on  vit  deux  sectes  s'éle- 
ver en  Bohême  sous  son  nom,  le  calixtina 
sous  Hoquesane,  les  <o6or(/e.v  sous  Ziska.  La 
docirine  des  premiers  consistait  d''aljord  en 
quatre  articles  Le  premier  concernait  la 
coupe,  ou  la  i.-ommunion  sous  l'espèce  du 
vin  :  les  trois  autres  regardaient  la  correc- 
tion des  péchés  publics  il  particuliers,  sur 
la(iuelle  ils  portaient  la  séventé  à  l'excès,  la 
prédication  libre  de  la  parole  de  Dieu,  qu'ils 
ne  voulaient  pas  que  l'on  put  défemire  à 
personne,  et  les  biens  de  l'Eglise  contre  les- 
quels ils  déclamaient.  Ces  quatre  articles 
furent  réglés  dans  le  concile  de  Bâie  d'une 
manière  dont  les  calixtins  parurent  contents; 
la  coupe  leur  fut  accordée  sous  certaines 
conditions  donl  ils  convinrent.  —  Cet  accnrd 
s'appela  compacutm,  nom  célèbre  dans  l'his- 
t'iire  de  Bohême.  Mais  une  partie  des  hus- 
siles,qui  ne  voulut  pas  s'y  tenir,  commença, 
sous  le  nom  de  laboriles,  les  guerres  san- 
glantes qui  dcvastèrenl  la  Bohème.  L'autre 
partie  des  hussiles,  nommée  des  calixtins, 
i]ui  avaient  accepté  l'aoï'ord,  ne  s'y  lini  pas; 
au  lieu  de  déclarer,  comme  on  en  était  con- 
venu a  Bàle,  que  la  coupe  n'est  pas  néces- 
saire, ni  coni;iiandéc  par  Jésus-Chrisl,  ils  eu 
pressèrent  la  nécessité,  méuie  à  r,f;ard  des 
enfants  nouvellement  baptisés.  A  la  réserve 
de  ce  jxiint,  ils  convenaient  de  toMt  le  dogme 
avec  l'Eglise  romaine,  el  ils  auraient  re- 
connu l'aulorilé  du  p.ipe,  si  Boque  ane,  pi- 
qué lie  n'avoir  pas  obtenu  l'archevêché  de 
Prague,  ne  les  avait  entretenus  dans  le  scliis- 
nie.  -  Dans  la  suite,  une  partie  d'entre  eux 
jugea  qu'ils  avaient  trup  de  ressemblance 
avei-  l'Eglise  romaine;  ceux-ci  voul.ireiil 
lJOU,;ser  plus  loin  la  reforme,  <;t  firent,  en 
se  séparant  des  calixtins  ,  une  nouvelle 
sccie,  (|ui  lui  nommée  les  frères  de  houéme. 
(Hist.  des  Variât.,  1.  %i.  n.  ICSelsuiv.) 

Le-;  calixtins  paraissent  avoir  subsisté 
jusqu'au  temps  de  Luther,  auquel  ils  se  réu- 
iiirenl  la  plupart;  el  quoique  celte  secte 
n'ail  jaiuais  été  fort  nombreuse,  on  prétend 
qu'il  s'en  trouve  encore  quelques-uns  ré- 
pandus en  Pologne.  Mosheiui  pense  que  les 
taborites,  devenus  moins  furieux  qu'ils  ne 
l'avaient  été  d'abocd,  se  reunirent  aussi  à 
Luther  el  aux  autres  réformateurs,  n)embres 
bien  digues,  sans  doute,  de  former  une  nou- 
velle Eglise  de  Jésus-Christ. 

Calixtins,  est  encore  le  nom  que  l'on 
donne  à  quelques  luthériens  mitigé»  qui 
si.iivent  les  upijiions  de  Georges  Culixle  ou 
Caliste,  Ihéulogieu  célèbre  parmi  eux,  qui 
mourut  vers  le  milieu  du  xvi  '  siècle.  Il  com- 
bailail  le  sentiment  de  saint  Augustin  sur  la 
prédestination,  la  grâce  el  le  libre  arbitre; 
ses  dusciples  son;  regardés  tiunme  seiui  pe- 
lagieiis.  'ialixte  s:>uteiiait  qu'il  y  .i  dans 
les  bommes  un  certain  degré  de  connais- 
sance nalurelle  el  de  bonne  volonU ,  el  que, 
quand  ils  usent  bien  de  ces  laculies,  Dieu  no 


CIS 


CAL 


CAL 


6U 


mnnqufi  pas  Ao  leur  donner  tous  les  moyens 
nécessaires  pour  arriver  à  la  perfecliou  ili; 
la  vcrlu,  dont  la  révélition  mais  muiilre  le 
clieuiln.  Selon  le  dogoïc  cidiolic]  ic,  au  cod- 
Iraire,  l'Iioiiiine  ne  pcul  l'airi',  (l'aucune  fa- 
culté naturelle,  un  usai;.'  utile  au  sal  I,  que 
par  le  secours  il'uiie  {jrâce  nui  nous  pro- 
vient, opère  en  nous  el  a\ec  nous.  C'est  une 
maxime  uuiversillcmeut  reconnue,  que  le 
simple  désir  de  la  grâce  est  déjà  un  coui- 
luenceoient  de  giàre.  Ou  prétend  que  les 
ouvrages  qu'il  a  laissés  sont  Irès-uiédiijcres, 
malgré  les  éloges  pompeux  que  lui  uni  don- 
nés les  proleslanls.  Au  reste,  il  était  plus 
modéré  que  la  plnpail  de  ses  confrères;  il 
avait  loriiié  le  projet,  sinon  de  réunii-  ensem- 
ble les  catholi<|ues,  li's  luthériens  el  les  cal- 
vinistes, du  moins  de  les  engager  à  se  trai- 
ter uiuluelleiiienl  avec  plus  de  d<iuceur,  el 
de  se  lidérer  les  uns  et  les  autres.  Ce  dessein 
lui  attira  la  tiaim;  d'un  grand  nombre  de 
théologiens  de  sa  secte;  ils  é<ri virent  contre 
lui  avec  la  plus  granle  clialeur,  et  lui  repro- 
chèrent plusieurs  erreurs.  Ou  le  rcg.irda 
comme  un  faux  frère,  qui,  par  amour  pour 
la  paix,  Iraliissail  la  vénlé.  Mosheim,  avec 
beaucoup  d'einie  de  le  justifier,  n'a  pas  osé 
le  faire,  ni  approuver  le  projet  que  CalJxle 
dvail  formé.  Util.  ccclé:<.da  xvii=  siet'/c,  sect. 
2,  (art.  II,  c.  1,  §  'i3.  Pour  plaire  aux  pro- 
testants, il  faut  déclamer  conlse  l'EijIise  ro- 
maine et  témoigner  pour  elle  la  plus  grande 
aversion.  Foy.  SïNciiiiiisTKS. 

CALOMNlbl,  fausse  impuialiunfailc  à  (|uel- 
qu'un  d'un  vice,  d'une  mauvaise  acUon  ou 
d'une  mauvaise  intention  dont  il  n'est  réel-  . 
lement  pas  coupable.  Outre  le  péché  de 
mensonge  nui  est  la  hase  de  ce  crii/je,  c'est 
une  injustice  qui  blesse  le  prochain  dans  ce 
qui  lui  e^t  le  plus  cher,  dans  sa  réputation, 
el  souvent  nuit  à  sa  foilune.  Les  calomnies 
couchées  par  éciit,  rendues  publicjues  par 
l'impression,  sonl  encore  plus  odieuses  que 
celles  qui  se  burnenl  à  des  discours;  les 
libelles  difl'auialoires  contre  les  vivauts  et 
les  mofls  niérilenl  des  peines  aifliitivcs,  el 
ne  peuvent  être  punis  trop  sévèrement.  — 
Celui,  dit  l'Keclésiasie,  ^M<  CALOMNIE  en  se- 
eiil  tst  un  aerpent  qui  moid  dans  le  stleiicn 
[HccUf.  X,  ll);c'c»f  un  homme  abominable 
aiec  lequ  l  il  uc  j'au(  pomt  Ittr  société  [t'iov. 
Kxiv,  9  ei.  21).  Vous  ne  calomnierez  point 
voire  prochain,  vous  ne  lui  ferez  puini  vio- 
lence {Leiit.  XIX,  13). C'est  une  loi  de  l'Ancien 
leslamcnl,  fondée  sur  les  nolious  natu- 
relles de  la  justice.  —  Ne  vous  accusez  point 
les  uns  les  a  Ures;  celui  qui  juge  ou  noircit 
son  frère  manque  de  respect  à  lu  loi  {Jac.  iv, 
11).  Ilenuncez  à  la  maligniic,  à  l'imposture, 
ù  la  médisance;  ne  rendez  point  le  mal  pour 
le  nuil ,  ni  CALOMtnn  pouk  calom.N!1î  [l  Pelri, 
11,  1  ;  m,  9).  Priez  Dieu  pour  ceux  qui  vous 
persécutent  et  vous  calomnient  [Mallh.  v,  kï]. 
Tels  sont  les  préceptes  de  l'iivangile. 

Une  accusation  lausse  est  aisée  à  f  ^rm  r , 
mais  Irès-difticile  à  réparer  :  malgré  la  mulli- 
ludc  do  calomnies  dont  tout  le  monde  se 
plaint,  on  ne  voit  point  d'exemples  do  réj-a- 
ralioiis.   Saiul  Paul  accuse  de  «e  r rime  les 


anciens  philosophes  {liom.  i ,  29  et  30).  !l  se- 
rait à  souhailer  que  les  modernes  lussenl 
plus  atleiilifj  à  s'en  préserver;  mais  il  n'ar- 
rive (jiie  trop  soiivenl  que  ceux  qui  déclar 
nient  avec  le  plus  d'amertume  contre  la  car 
lomnie  sonl  ceux  qui  se  la  pernielteiit  le 
plus  aisément,  liaylc,  dans  sa  lettre  au\  ré- 
fugiés, reproche  aux  calvinistes  d'avoir  in- 
troduit en  France  des  libelles  diffamatoires; 
son  Dictionnaire  critique  n'est  presque  rieu 
autre  chose;  mais  il  n'est  aucune  de  ses  ca- 
lomnies (|ui  n'ail  été  répétée  cl  ampliffée  par 
les  incrédules  d'aujourd'hui. 

CALOIIÎK  ou  CALOGIÎU,  calogeri,  moine, 
religieux  cl  religieuse  grecs  ,  qui  suivent  la 
règle  de  saint  lî.isile.  Les  culoijers  habitent 
parliculièremenl  le  mont  Alhos  ,  mais  ils 
desservent  presque  touies  les  Iv.lises  d'O- 
rient. Ils  (ont  des  vœux  conime  les  moines 
en  Occident.  Il  n'a  jamais  elé  fait  de  relorme 
chez  eux  ;  ils  gardent  cxactemeni  leur  pre- 
mier iiistilut,  et  conservent  leur  ancien  vêle- 
ment. Tavernier  observe  (juMs  mènent  un 
genre  de  vie  fort  austère  el  fort  relire:  ils  ne 
mangent  jamais  de  viande,  el  oulre  cela  ils 
ont  quatre  carêmes,  el  oliservenl  plusieurix 
autres  jeûnes  de  l'Eglise  grec(iue  avec  une 
extiéuic  regularilé.  Ils  ne  mangent  du  pain 
(|u'apres  l'avoir  gagné  par  le  travail  de  leurs 
mains;  il  y  en  a  qui  ne  mangent  qu'une  lois 
en  trois  jours,  el  d'autres  deux  fois  par  se- 
maine. Pendant  leurs  sepl  semaines  de  ca- 
rême, ils  passent  la  plus  grande  parlie  de  la 
nuit  à  pleurer  et  à  gémir  pour  leurs  pèches 
el  pour  ceux  des  autres. 

Ouelques  aulens  i/bservenl  qu'on  donne 
pa: liculièremenl  ce  nom  aux  religieux  qui 
sont  vénérables  j  ar  leur  âge  ,  leur  letrailu 
el  l'austérité  de  leur  vie,  el  I  •  dérivent  du 
grec  za>of,  beau,  el  ynpat,  vieillesse.  U  est  à 
remarquer  que  quoiqu'en  France  ou  com- 
prenne loiis  les  moines  sous  le  nom  de  ca- 
loijers,  il  n'en  est  pas  de  même  en  Grèce;  il 
n'y  a  que  les  frères  qui  s'appellent  ainsi  :  car 
on  nomme  ceux  qui  boni  prêtres  léronoma- 
ques,  i-.fyovoiJLiMl,  sacri/icnteui s.  —  Les  Turcs 
donnent  aussi  quelquefois  le  nom  decaloyer 
à  leuis  dervis  ou  religieux. 

Les  religieuses  caloyères  sonl  renfermées 
dans  des  uionastères  où  elles  \i\eiil  séparé- 
ment chacune  dans  leur  maison.  Elles  por- 
tent toutes  un  habit  de  laine  noire  cl  un 
manleau  de  même  couleur;  elles  ont  la  léle 
rasée,  les  bias  et  les  mains  couverts  jus- 
qu'au bout  des  doigts  :  chacune  a  une  cellule 
séparée,  el  toutes  sont  soumises  à  une  supé- 
rieure ou  une  abbesse.  Elles  n'observent  ce- 
pendant p.is  uue  clôture  fort  régulière,  puis- 
que l'entrée  de  leur  couvent,  inlerdile  aux 
piélres  grecs,  ne  l'esi  pas  aux  Turcs,  qui  y  < 
voni  acheter  de  petits  ouvrages  à  l'aiguille 
faits  par  ces  religieuses.  Celies  qui  vivent 
sans  être  eu  communaulé,  sonl  pour  la  plu- 
part des  vi  uves,  qui  n'ont  fait  U'.iulre  vœu 
ijuc  de  mettre  un  voile  noir  sur  leur  tète,  et 
de  dire  qu'elles  ne  veulent  plus  se  marier. 
Les  unes  el  les  autres  vont  partout  où  il  leur 
plait,  el  jouissent  d'une  assez  grande  liberté 
a  ia  faveur  de  i'babil  religieux. 


615 


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CAL 


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GALVAIUE,  montagne  située  hors  des 
murs  de  Jérusak'ni,  nommée  en  liébreu  Gul- 
gotliu,  crâne  ou  lête  chauve,  paicu  qu'ejle 
était  sans  verdure;  c'est  la  que  Jésus-Clirist 
fut  crucifie.  Sainte  Hélène  y  lit  bâtir  une 
église.  11  est  dit  dans  lEvaTigilo  ,  qu'à  la 
mort  du  Sauveur  il  --e  fil  un  Irembli  meut  de 
terre,  et  que  les  rochers  se  fendirent.  Dts 
voyafieurs  anglais  et  des  historiens  irès-in- 
struiTs,  Millard,  Fléniing,  .Maundrell,  Schaw 
et  d'autres  aileslent  que  li;  rocher  du  Ciil- 
vaire  n'est  point  fendu  naturellement  selon 
les  veines  de  la  pierre,  mais  d'une  manière 
évidemment  surnaiurclle.  «  Si  je  voulais  nier, 
dit  sa  in  l  Cyril  le  de  Jérusalem,  que  Jésus-CInist 
ait  élè  crucifié,  cotlc  montagne  de  Golgutha 
sur  laquelle  nous  sommes  prcsentiinciit  as- 
semblés me  l'apprendrait  {Calecli.  13).  » 

Dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise  on 
croyait,  sur  la  foi  d'une  tradition  des  Juifs, 
qu'Adam  avait  été  eniené  sur  lu  Calvaire,  et 
que  Jésus- Christ  avait  été  crucifié  sur  sa  sé- 
pulture, afin  que  le  san^  versé  pour  la  ré- 
demiition  du  monde  purifiât  les  restes  du 
premier  pécheur.  Origène,  saint  Cyprien, 
saint  Hasilc,  saint  Epiphanc,  saint  Alhauase, 
saint  Jean  (ihrysostome,  saint  Ambroise  et 
d'autres,  citent  celte  tradition;  saint  Jérôme, 
après  l'avoir  rejelée,  semble  \  être  revenu. 
Epist.  ad  Marcellam.  Qu'elle'soil  vraie  ou 
fausse,  peu  im[iorte  ;  elle  atteste  toujours  lo- 
pinion  que  l'on  avait  dans  celemps-la  de  l'ef- 
Dcacitéet  de  l'universaliié  de  la  lédemptiun. 
CALVAiBE,  cliez  les  chrétiens,  tst  i.nedia- 
pelle  de  dévotioa  où  se  trouve  un  crucifix, 
et  qui  est  élevée  .mw  un  tertre  proche  dune 
ville,  à  l'iniitatiori  du  t'fi/tfK/eoù  Jésus-t^tirist 
fut  mis  en  croix  près  de  .lérusalem.  Tel  est 
le  Cnlvaire  du  Monl-Valérien,  piès  de  P.iris  ; 
dans  chacune  des  sept  chapelles  dont  il  est 
composé,  est  représenté  quelqu'un  des  mys- 
tères de  la  passion. 

Calvaire  {Cotujrégation  de  Noire  -  Dame 
du)  (1).  C'est  un  ordre  de  religieuses  qui 
suivent  dans  toute  la  rigueur  la  règle  de 
Saint-Benoît.  —  Elles  ont  été  fondées  par 
Antoinette  d'Orl-aus,  de  la  maison  de  Lon- 
giieviilc.  Celte  daim-,  veuve  à  l'âge  de  vingt- 
deuv  ans,  de  Charles  de  Gondi,  marquis  de 
Belle-lsie,  son  mari,  se  relira  au  monastère 
des  Feuillantines  de  Toulouse,  où  elle  se  lit 
religieuse  en  lliOl.  Elle  fut  appelée  pour  met- 
tre la  n  forme  dans  l'ordre  de  Fonlevrautt; 
elle  établit  sa  demeure  dans  le  monastère  de 
l'Encloitre,  à  deux  lieues  de  Poitiers,  où  elle 
fut  autorisée  à  recevoir  les  tilles  qui  vou- 
draient einbrassir  une  vie  plus  réijuliére.  — 
Le  r.  Joseph,  confesseur  et  agent  du  cardi- 
nal de  Ki(  lu  lieu,  obtint  le  'i^  octobre  ltil7, 
avec  le  coiisenlement  de  l'abbesse  de  Fonie- 
vraull,  un  bref  de  Kome,  qui  permit  à  la 
Mère  Antniiieite  de  sortir  de  l'ordre  de  Fon- 
tevrault,  et  de  prendre  po>aession  d'un  cou- 
vent que  l'evéque  de  Poitiers  veniiit  de  lui 
faire  bâtir  dans  sa  ville,  et  d'y  iuiroduiio 
les  religieuses  qui  voudraicui  la  suivre. 
L'abbesse  de  Fontevi<iiill  interjeta  ensuite 
(1)  Cet  :irlii;le  c^l  re()ioduii  d'après  l'édiiiou  de 
iJetje. 


appel  lin  bref  du  pape.  Le  roi  prit  eonnais- 
saiice  de  cette  affaire,  et  chargea  le  cardinal 
de  Sourdis  de  lui  en  rendrecom,  te.  L'abbesso 
se  désista  de  ses  poursuites,  et  permit  à  ses 
religieuses  de  faire  une  nouvelle  ijrofession. 
La  Mère  Antoinette  ne  vil  point  la  fin  de 
cette  affaire,  elle  était  décedée  le  2o  avril 
1C18.  Mais  ir.  P.  Joseph,  qui  n'avait  point 
perdu  de  vue  le  nouvel  instiiut,  donna  aux. 
religieuses  qui  voulurent  rfcmbrH>.ser  le  nom 
de  filles  du  Calvaire.  Il  engagea  la  reine 
mère,  Marie  de  .Médiiis,  à  leur  bâtir  une 
maison  près  le  priais  du  Luxembourg,  ce  qui 
fut  exécuté  en  1620.  il  leur  procura,  en 
iy38,  un  nouveau  couvent  dans  le  .Marais  : 
la  place  (ut  achetée  des  deniers  de  la  con- 
grégation, et  le  monastère  construit  par  les 
libéralités  du  roi, du  cardinal  de  Uichelieu  et 
de  madame  Combalel,  sa  nièce,  depuis  du- 
chesse d'Aiguillon.  —  Le  P.  Joseph  leur 
donna  des  constitutions  particulières,  qui 
furent  approuvées  par  le  pape  Grégoire  X'V. 
Par  sa  bulle  il  érigea  les  couvents  de  Paris, 
de  Poitiers  et  d'.\ngers,  et  tous  ceux  qui  se- 
raient fondés  |iar  la  suite,  en  congrégation 
de  l'ordre  de  S.iint-Benuît,  sous  le  lilre  de 
ISolre-Dome  du  Calvaire. 

Le  monastère  établi  au  Marais  portait  le 
nom  de  Crucifixion,  pour  le  distinguer  de 
celui  du  Luxembourg.  La  directrice  ou  gé- 
nérale de  l'ordre  y  résidait  or  inaireuient. — 
il  était  gouverné  par  trois  supérieurs  ma- 
jeurs ,  qui  étaient  ordinairement  des  cardi- 
naux et  des  prélats,  un  vi.-'ileur  et  une  géné- 
rale. 11  était  exempt  de  la  juridiction  des  or- 
dinaires. Les  supérieurs  majeurs  él.ient  à 
perpétuité  :  le  vi  ileur  n'était  que  pour  trois 
ans,  mais  il  pouvait  être  continué.  La  géné- 
rale n'était  non  plus  que  pour  trois  ans; 
cependant  de  chapitre  en  chapitre  on  pou- 
vaii  aussi  la  coiitinucr,  mais  cette  continua- 
lion  devait  cesser  après  douze  ans  d'exercice. 
Au  bout  de  ce  tem|is,  elle  devenait  la  der- 
nière de  la  comiiiuuauté  pendant  un  an,  et 
ne  pouvait  cire  élue  prieure  qu'apiès  trois 
ans.  —  Pendant  qu'elle  exerçait  son  géné- 
ralal,  elle  avait  quatre  assisitanies  pour  l'ai- 
der di'  leurs  con.^eils.  L'une  d'elles  l'aceoni- 
pagiiail  dans  les  visites  qu'elle  était  oiiligéu 
de  taire  de  tous  les  monastères  de  la  congré- 
gation. —  Lorsqu'il  était  question  de  la  te- 
nue du  chapitre  général,  les  prieures  des 
monastères  et  leur  communauté,  dans  la 
personne  élue  par  chacune  d'elles,  avaient 
le  droit  d'envojer  par  éciil  leurs  sullrages 
au  chaiiilre  général.  Le  visiteur  qui  prési- 
dait ce  chapitre  iivec  trois  scrutatrices,  élues 
par  la  communauté  où  il  se  tenait,  ouvrait 
les  lettres,  coinjUait  les  sullrages,  et  décla- 
rait gêner. lie,  assistantes  et  prieures,  celles 
qui  aviiienl  le  plus  de  voix. 

La  congrégation  dont  il  s'agit  était  com- 
posée de  vingt  maisons,  dont  la  première 
était  â  Poitiers  :  il  y  en  avait  deux,  comme 
nous  venons  de  le  dire,  à  Paris,  sept  ou  huit 
en  Bieiagiie.  Les  antres  éiaienl  aOile.ins.'à 
Chinon,  a  Mayente,  â  Vendôme,  a  Louduu 
et  à  Tours.  L'abbaye  de  la  Trinité  de  Poi- 
tiers a  été  aussi  unie  â  celle  congré(;aliun, 


617 


€AI 


CAL 


M  8 


ainsi  que  le  monnslère  des  bénédictines  de 
Baiigé.  L'habillement  des  ReligUnsef  du  Cal- 
vaire était  une  robe  de  couleur  brune,  avec 
un  scapulaire  noir,  qu'elles  mettaient  sur  la 
guimpe,  comme  les  carmélites  déchaussées. 
Au  chœur,  elles  portaient  un  manteau  noir, 
et  elles  étaient  déchaussées  depuis  le  l"mai 
jusqu'à  la  fête  de  l'Exaltation  de  la  sainte 
croix.  (Extrait  daDiclion.  de  Jurisprudence .) 
[  Voy.  le  Dict.  des  Ord.  relig.  du  P.  Hélyol, 
cdit.  Migne.  ] 

<;ALV1N  (Jean),  fondateur  de  la  secte  qui 
porte  encore  aujourd'hui  son  no.n  ,  naquit  à 
Noyon,  en  1509,  et  mourut  à  Genève  en  l.'iGV. 
Jl  y  a,  dans  la  conduite  de  ce  célèbre  réfor- 
mateur, des  traits  de  cara-itère  (ju'il  importe 
de  saisir  pour  se  faire  une  idée  juste  du  cal- 
vinisme. 

Instruit  par  un  des  émissaires  que  Luther 
et  ses  associés  avaient  envoyés  en  France, 
il  vil  que  ces  réformateurs  de  la  religion 
n'avaient  ni  principes  suivis,  ni  corps  de 
doctrine,  ni  profession  de  foi,  ni  aucun  rè- 
glement fixe  de  discipline.  11  eiitreprlt.de 
former  un  système  complet  de  théologie 
conlorme  à  leurs  opinions,  et  il  en  vint  à 
bout  dans  son  ïnsliiation  chrétienne,  qu'il 
publia  en  1536.  —  11  y  pose  pour  principe 
que  la  seule  règle  de  foi  qu'un  fidèle  doive 
consulter  est  l'Ecriture  sainle,  que  Dieu  lui 
en  fait  connaître  la  vérité  et  le  vrai  sens  par 
une  inspiration  particulière  du  Saint-Esprit. 
La  question  est  de  savoir  comment  on  peut 
distinguer  sûrement  cette  inspiration  pré- 
tendue d'avec  le  fanatisme  d'un  imposteur. 

Calvin,  retiré  à  Genève,  où  Farel  et  Viret 
avaient  établi  les  opinions  des  réformateurs 
d'AUeniague,  commença  par  s'élever  contre 
un  décret  du  synode  de  Berne,  qui  réglait  la 
forme  du  culte;  il  se  crut  mieux  inspiré  que 
ce  synode.  Obligé  de  se  retirera  Strasbourg, 
et  ensuite  rappelé  à  Genève,  il  y  acquit  un 
empire  absolu,  fît  un  catéchisme,  établit  un 
consistoire,  régla  la  forme  des  prières  et  des 
prédications ,    la    manière    de    célébrer    la 

cène,  elc et   revêtit  son   consistoire  du 

pouvoir  de  porter  des  censures  et  d'excom- 
munier. Ainsi  ce  prtdicant,  après  avoir  dé- 
clamé contre  l'autorité  que  les  pasteurs  de 
l'Eglise  catholique  s'attribuaient,  usurpa  lui- 
même  une  autorité  cent  fois  plus  absolue, 
à  laquelle  l'inspiration  qu'il  accordait  à  cha- 
que fidèle  était  obligée  de  céder.  —  Le  ira- 
ducteur  anglais  de  Mosheim,  qui  prétend 
que  Calvin  surpassa  tous  les  autres  réfor- 
mateurs en  savoir  et  en  talents,  convient 
qu'il  poussa  aussi  plus  loin  que  les  autres 
l'opiniâtreté,  la  sévérité  et  l'esprit  turbu- 
lent, tom.  1\  ,  p.  91,  note.  Quelles  qualités 
pour  un  apôtre  !  11  jui;eu  lui-même  que  le 
pouvoir  qu'il  s'était  arrogé  était  exorbitant, 
puisqu'aviint  de  mourir  il  conseilla  au  clergé 
de  Genève  de  ne  point  lui  donner  de  succes- 
seur. (Spon,  Hist.  de  Genève,  tom.  II,  p.  3.) 
Les  protestants,  qui  ne  eessent  de  déclamer 
contre  l'ambition  et  le  desjjotisme  des  papes, 
pardonnent  à  Calvin  de  l'avoir  porte  beau- 
coup plus  loin  ;  ils  l'excusent  cl  cause,  ilisent- 
ils,  de  ses  services  et  de  ses  vertus.  Où  sont 
DiCT.  DE  Théol.  dogmatiqce.  I. 


donc  les  vertus  de  ce  fougueux  réformateur? 

Bolsec,  carme  apostat,  lui  prouva  que  par 
sa  doctrine  il  f.ùsait  Dieu  auieur  du  péché. 
Calvin  fit  bannir  Bolsec,  et  il  n(!  tint  pas  à 
lui  qu'on  ne  le  punît  par  des  peines  afllicli- 
ves,  comme  pélagien  et  séditieux,  t^.ast.ilion, 
pour  avoir  aussi  attaqué  la  doctrine  de  Cal- 
vin, avait  été  de  même  obligé  de  sortir  de  (ie- 
nèvc.  Ce  n'était  plus  l'Ecriiure  ni  l'inspira- 
tion de  chaque  tiilèle  qui  était  règle  de  foi 
dans  cette  ville,  c'était  l'autorité  despotique 
de  ('al vin. 

Michel  Servel,qui  avait  attaqué  le  mystère 
<lc  la  sainte  Trinité,  et  qui  était  poursuivi  en 
France,  se  sauva  à  Genève  ;  Calvin  le  fit  ar- 
rêter, le  fit  condamner  à  être  brûlé  vif,  et  la 
sentence  fut  exécutée.  Pour  justifier  sa  con- 
duite, Calvin  fit  un  traité,  où  il  entreprit  de 
prouver  qu'il  fallait  punir  de  mort  les  héré- 
tiques. Ainsi,  ces  ministres  qui  soutenaient 
que  l'Ecriture  est  seule  règle  de  notre  foi, 
que  chaque  particulier  est  juge  du  sens  de 
l'Ecriture,  condamnaient  comme  hérétique 
un  écrivain,  parce  qu'il  ne  voyait  pas  dans 
l'Ecriture  le  même  sens  et  les  mêmes  dogmes 
qu'ils  prétendaient  y  voir  ;  pendant  qu'ils  se 
déchaînaient  contre  les  magistrats  qui  pu- 
nissaient de  mort  les  hérétiques  en  France, 
ils  faisaient  eux-mêmes  brûler  Servet,  parce 
qu'ils  le  jugeaient  hérétique.  —  Gcntilis. 
Okin,  HIandrat,  qui  voulurent  renouveler  à 
Genève  les  opinions  de  Servet,  faillirent  à 
être  traités  de  même.  Gentilis  fut  mis  en  pri- 
son et  obligé  de  se  rétracter  ,Okin  fut  chassé, 
Blandrat  poursuivi  en  justice,  forcé  à  signer 
une  profession  de  foi,  et  à  s"évader. 

Il  ne  faut  pas  croire  que  celle  contradiction 
entre  les  principes  des  réformateurs  et  leur 
conduite  ait  cessé  dans  le  calvinisme.  Ses 
partisans  ont  toujours  continué  d'enseigner 
que  l'Ecriture  sainte  est  la  seule  règle  de 
notre  loi,  que  Dieu  éclaire  chaque  fidèle  pour 
juger  du  vrai  sens  de  l'Ecriture,  que  le  sen- 
timent des  Pères,  les  décrets  des  conciles,  les 
décisions  de  l'Eglise,  ne  sont  qu'une  autorité 
humaine  à  laquelle  personne  n'est  obligé  de 
déférer,  et  en  même  temps  ils  n'ont  pas  cessé 
de  tenir  des  synodes,  de  dresser  des  profes- 
sions de  foi, de  condamner  des  erreurs,  d'ex- 
communier ceux  qui  les  soutenaient;  ils  ont 
ainsi  traité  les  sociniens,  les  anabaptistes, les 
arméniens.  —  Un  déiste  de  nos  jours,  élevé 
parmi  les  calvinistes,  leur  a  reproché  avec 
beaucoup  de  véhémence  celte  contradiction. 
«  Votre  histoire,  leur  dit-il,  est  pleine  de  faits 
qui  montrent  de  votre  part  une  inquisition 
très-sévère,  et  que,  de  persécutés,  les  réfor- 
mateurs devinrent  bientôt  persécuteurs.  A 
force  de  disputer  contre  le  clergé  catholique, 
le  clergé  prolestant  prit  l'esprit  disputeur  et 
pointilleux.  Il  voulait  tout  décider,  tout  ré- 
gler, prononcer  sur  tout  ;  chacun  proposait 
impérieusement  son  opinion  pour  loi  suprê- 
me à  tous  les  autres;  ce  n'était  pas  le  moyen 
de  vivre  en  paix.  Calvin  avait  tout  l'orgueil 
du  génie  qui  sent  sa  supériorité  et  qui  s'in- 
digne qu'on  la  lui  dispute.  (Juel  lioinme  fut 
jamais  plus  trancbanl,  plus  i  npéiieuv,  plus 
décisif,  plus  divinement  infnillibie, à  son  gré? 

20 


Ci') 


CAL 


CAL 


620 


La  moindre  objection  qu'on  osail  lai  faire 
ét.iil  toujours  une  œuvre  de  Snlni,  un  crime 
digne  du  feu.  Ce  n'esl  pas  au  seul  f>ervet 
qu'il  en  a  coulé  la  vie  pour  avoir  osé  penser 
autrement  que  lui.  —  La  plupart  de  ses  col- 
lègues étaient  dans  le  même  cas, tous  en  cela 
d'autant  plus  coupables  qu'ils  étaient  plus 
inconséquents;  leur  dure  orthodoxie  était 
elle-même  nne  hérésie  selon  leurs  princi- 
pes. »  Deuxième  lettre  écrite  de  la  Montagne. 
p.  49,50,  58(1). 
Il  faut  d'ailleurs  qu'an  protestant  ail  l'es- 

(t)  Nous  croyons  devoir  cottipléler  cette  citation 
inslriiclive.  «  (Qu'est-ce  que  la  religion  de  l'Eîat , 
dit  Ri>iisse;>u?  (l'est  la  s:iinle  ré  ormalinn  cvangéli- 
qiic  Voilii,  sans  coiilredit,  des  mots  bien  siinii:i"l'«. 
Mais  qu'est  ce  à  Genève  aiijoiiril'inii  que  li  saimc  ré- 
foimiilion  évangél  que'  Le  siinipz  vuns,  m  nsienr, 
p;ir  hasard?  En  ce  cas  je  vous  en  foliriie.  (juanl  à 
moi,  je  l'ignore.  J'avais  cru  \t-  savoir  ridevanl  ; 
m. lis  je  me  iranipiis  ainsi  (pie  hien  d'aiiiies  pins 
savants  que  moi  sur  loni  autre  poiui,  et  non  moins 
ignorants  sur  celui-là. 

«  Quand  les  r<ilorniatenrs  se  déiaclièrenl  de  TE- 
gijse  nunaino,  ils  l'accusèrent  d'erreur,  ei,  pour 
corriger  celle  erreur  dans  sa  source,  ils  donnèreoi  a 
l'Eciilure  un  .luIre  sens  que  c 'lui  que  l'Eglise  lui 
donnait.  0:i  leur  demamla  (laquelle  anloiiiè  ils  s'é- 
cai  talent  ainsi  do  la  dur  truie  reçie.  Ils  dirent  que 
c'élait  de  leur  anloriié  propie,  de  celle  de  leur  rai- 
son. Ils  dirent  qui;  le  sens  de  la  Bilde  élmt  inleli- 
gible  et  clair  à  tous  les  honinies  in  ce  qui  élaii  du 
saint,  chacun  était  juge  compéent  de  la  doclnm'  , 
et  pouvait  inierpréter  la  Bible  qui  en  est  la  règle, 
selon  son  esprit  pariiculier;  que  l'uis  s'accordaient 
ainsi  sur  les  t  lioses  es^euiielles,  et  que  celles  sur  les- 
quelles ils  ne  pourraient  s'aicorder  ne  l'élalenl  point. 

«  Voilà  donc  l'esprit  particnller  éiabii  pour  iinii|ue 
interprète  de  l'Ecriiure  ;  \oiià  l'anloiiié  de  l'Ejilise 
rejeiée  ;  voilà  chacun  mis  pour  la  docirine  sous  sa 
propre  juridiction.  Tels  sont  les  deux  points  foa- 
danicnlaux  de  la  réforme.  Keconnaîne  la  Bible 
pmir  règle  de  sa  croyance,  et  n'admettre  d'autre  iii- 
lei  prèle  du  sen.-.  de  la  Bible  que  si  i.  Ces  deux 
poinis  Ci'Uibinés  lornienl  le  priiK  ipe  sur  lequel 
les  chrétiens  réiorniés  se  sont  se,  ares  de  l'fcglise 
romaine,  et  ils  ne  poiivaicnl  nniins  l.iire  sans  tomber 
en  contradiciioii  :  car  quelle  aiiiorito  iuierprét  itive 
auraient-ils  pu  se  réserver,  après  avoir  rejeté  celle 
du  corps  de  l'Eglise? 

f  .Mais,  dira-t-on,  comment  sur  nu  tel  principe  les 
reformés  ont  ils  pu  se  léunir?  C'imim'ni,  vou'aiit 
avoir  chacun  leur  façon  de  penser,  oiil-ils  fait  corps 
contre  l'Eglise  catholique?  ils  le  devaient  l'aire  :  ils 
se  réuni^salcnl  eu  ceci,  que  tous  re^  onuaissa  eut 
chacun  d'cuv  comme  juge  coinpéienl  pour  lui-mèuie. 
lu  toléraient,  ei  ils  devaient  tolérer  tiniies  les  inter- 
préiaiioiis  hors  nue,  savoir  celle  qui  Ole  la  liberté 
des  interprétai  ions.  (Jr  celte  uoii|ue  interprétation 
qu'ils  rejeiaient  était  celle  des  catholique'.  Ils  ile- 
vaieui  donc  proscrire  deconceri  Idnne  seule,  qui  les 
proscrivait  é,;aleiiieul  tons.  I.a  diversité  même  de 
leur-,  f.içons  de  penser  sur  loui  le  reste  éiaii  le  lu-n 
couimun  qui  i<  s  unissaii.  Citaient  aulaol  de  petits 
états  ligués  conire  ui.e  grande  puis.sancR,  et  dont  la 
conredcraiion  générale  n'otait  rli.a  à  riudépendauce 
de  chacun. 

I  V.qià  comment  la  réformatioii  évangéliqiie  s'est 
établie,  et  voilà  cominen'  elle  doit  se  cous  •■  ver.  Il 
est  liien  vrai  (pie  la  doctrine  ilii  plus  grand  noiuhii^ 
peut  élr.^  pr.po-'é''  a  ton-,  eoinne  li  plus  pr^hab  e 
et  la  plu' aul  Misée.  Le  suiiuuain  peut  moiiie  la 
rédiger  en  lurmulu  et  la  pi  escrire  à  ceux  qu'il  charge 
d'eii»ei,sner,  parce  qu'il  laui  ipielque  ordre,  quelipic 


prit  étrangement  préoccupé,  pour  s'imagi- 
D'r  que  c'est  l'Kcriture  sainte  qui  est  la 
règle  de  sa  foi.  Avant  de  lire  ce  livre,  un 
jeune  calviniste  est  déjà  prévenu  des  dogmes 

règle  dans  les  insirnciions  publiques,  et  qii'-u  fond 
l'on  ne  gêne  en  ceci  la  libené  de  personne,  p»isi|iie 
nul  n'est  fiircé  d'enseigner  malgré  lui;  mais  il  ne 
s'ensuit  pis  de  là  (]iie  les  pariicu'iers  soient  obligés 
d'adiiietlre  précisémenl  ces  interprétations  i|n'.iii 
leur  donne  el  cet  e  doctrne  qu'on  leur  enseigne. 
Cbaciio  eu  ileoieiire  seul  juge  pour  lui-uiême,  et  ne 
reeniinati  en  cela  d'autre  aut.irité  que  la  sienne  pro- 
pre. Les  b  mues  insiruclions  doivent  moins  lixer  le 
choix  nue  nous  devons  faire  que  nous  mettre  en  état 
de  bien  i  boisir.  Tel  est  le  véritable  esprit  de  la  ré- 
fnriiiatioo,  tel  eu  est  le  vrai  foiidinneiil.  La  rals(iu 
pai  ticiilière  y  proiioiice,  en  liiant  la  foi  de  la  règle 
couimiine  qu'elle  établit,  savoir  l'Eva  gile;  et  il  est 
tel  eoient  de  l'es-ence  de  la  raison  d'èire  libre,  que 
quant  elle  von  irait  s'aservir  à  l'anloriié,  cela  ne  dé- 
pendrai! pas  d'elle.  Tiriez  la  inoiiulre  a  leime  h  ee 
principe,  el  loin  révansélisme  crniile  à  l'in^lant. 
Qu'un  me  prouve  anjourd'hiii  qu'en  inati're  de  foi  je 
suis  obligé  de  me  soumeilre  aux  décisinas  de  quel- 
qu'un, dès  demain  je  me  lais  calholiqiie,  et  tout 
huiiime  conséipient  ci  viai  lera  inmme  moi. 

«  Or,  Il  libre  iiiterpiéi  nion  de  l'Ecriture  emporte 
nou-seulemenl  le  droil  d'eu  expliquer  les  passages, 
chacun  selon  sou  sens  pariiculier,  mais  celui  de  res- 
ter dans  le  doute  sur  ceux  iiu'oii  trouve  douteux,  el 
celui  de  ne  pas  comiirenilre  cenv  qu'on  trouve  in- 
coiopiéheu'ibles.  Voilà  le  dmii  de  cliaque  (idèle, 
droil  sur  lequel  ni  les  pislcnrs  ni  les  magisirais 
n'oiil  rien  à  voir.  Pourvu  qu'on  respecte  toute  la  Bi- 
ble et  qu'on  s'accorde  sur  les  poiuis  capitaux,  un 
vit  selon  la  rélonnaiionévaugé  IqU'.  Le  seruienl  des 
bourgeois  de  Genève  n'emporte  rieu  de  plus  que 
cela. 

«  Or,  je  vois  déjà  vos  docteurs  triompher  sur  ces 
points  capiiaux,  et  préieudre  que  je  m'en  écarte. 
Douceuieiit,  messieurs,  de  grâce  ;  ce  n'est  pas  en- 
core de  moi  qu'il  s'agit ,  c'est  de  vuus  :  sai  bons  d'a- 
bord qneU  so  il,  selon  vous,  ces  poinis  capitaux;  sa- 
chons ipiel  driiX  vous  ave/,  de  me  contraindre  à  les 
voir  où  je  ne  les  vois  pas,  ei  "ù  peiii-êire  vous  ne 
les  voye^pas  vous-uiènies.  N'oub.iez  poiitl.  s'il  vous 
plail,  que  me  donner  vos  deci-  ous  pour  lois,  c'est 
Vous  ec.irter  de  la  sainte  réiormalion  évangélique, 
c'esi  eu  éhraiiler  lis  vrais  fondements  ;  c'est  vous 
qui  par  la  loi  méritez  punition. 

1  La  r'ili.ion  proiesianle  est  tolérante  par  princi- 
pe, elle  esl  lolérante  es-eulielleineul.  elle  l'e-l  auiant 
qu'il  est  po-sible  de  l'être,  puisque  le  seul  dogme 
qu'elle  ne  lolère  pas  esi  celui  de  l'iniolérauce.  \"ilà 
riiisuriiioiiiable  bimère  ijui  nous  sépare  des  calbu- 
liqnes,  et  qui  réuiiil  les  autres  coiinnunions  entre 
elles  :  chacune  regarde  bien  les  autres  coiiime  éiaut 
dans  l'erreur,  mais  nulle  ne  regard.'  ou  ne  doit  re- 
garder cette  erreur  comme  un  obstacle  an  salut. 

t  Les  réformes  de  nos  jours,  du  moins  les  minis- 
tres, ne  connais^eiil  pas  ou  n'aiment  plus  leur  reli- 
gion. S'ils  I  ataiiui  connue  et  aimée,  à  la  publica- 
tion de  mon  livre  ils  auraicui  poussé  de  coiiceri  un 
en  de  joie,  ils  se  seraient  Ions  unis  avec  moi  qui 
n'atlai|i<ais  que  leurs  adversaires;  mais  ils  aiment 
mieux  aliaiiilnniier  leur  propre  cause  i|ui;  de  soute- 
nir lu  iiiicniie  ;  avec  leur  Km  risildement  arrogant, 
avec  leur  rage  de  chicane  ei  d'iuiolérance,  ils  ne  sa- 
vent plus  ce  qu'ils  croient,  rii  ce  qu'ils  veulent,  ni 
ce  ipi'ils  disent.  Je  ne  les  vois  plus  que  coiiiiik!  de 
mauvais  v  dets  d  •  ptèlres.  qui  les  servent  moins  par 
aiii  >ni'  pour  eux  ipie  par  haine  cmiire  iimi.  Ijn.inil  ils 
nuroiii  bien  di'.puie,  bien  chaîna  Ile,  liicii  ergoté, 
bien  pronom  é,  tout  au  tort  de  leur  pi  lil  triomphe, 
le  clergé  minain,   qui  inainlenaut   ni  el  les  lai^e 


63f 


CAL 


qu'il  doit  y  <ron?fir,  par  les  leçons  de  son 
c;ii(''i  !;ismc,  par  les  iiistriicd'ons  des  minis- 
tres, par  le  ton  fjéiiéral  de  la  secte  ;  (elle  est 
l'iii-.pir>ilion  qui  le  guide  dans  cette  lecture. 


faire,  viendra  les  cliiisser  armé  d'arguments  ad  ho' 
niini'm  saiia  i('p'i(|iie,  el  los  liatlaiit  (l«  leurs  propres 
auiirs,  il  leui'  'lir.i  :  Cela  va  bien,  nuiis  à  pré^enl  olcz- 
voHs  de  là,  méchants  intrus  que  vous  ê:es,  vous  n'avez 
Hoinilié  que  pour  nous.  Je  reviens  à  iiioii  s'ijel. 

<  L'I'^glise  (le  Genève  n'a  donc  el  ne  doit  avoir. 
Comme  n'Iorniée  ,  ancnm;  profession  de  foi  pré- 
cise, ariii  iili'e,  et  rominiine  à  ions  ses  nii'mhres. 
tii  l'on  vnulaii  en  iivoii  une,  en  celii  même  on  l)les- 
serail  la  lihcilé  évansjéliqne,  on  reiionceraii  :iii  piin- 
ci|i>'  lie  la  réforniaiion,  (m  violerajl  lu  loi  de  l'Ëlat. 
I iiiili's  les  Kiillses  piolestiinics  qni  ont  dressé  des 
forinnles  île  profossioii  de  foi,  ions  les  synodes  qui 
Oui  délirminé  des  poiiils  de  dorlrine,  n'ont  voulu 
(|ue  prescrire  aux  parleurs  celle  qu'ils  devaient  en- 
seii;ner,  d  ('ela  éiaii  bon  el  convenalde.  Mais  si  ces 
Ivi-lisi'S  et  ces  synodes  onl  prétendu  faire  plus  par 
tes  forniulf.->,  el  prescrire  aux  fidèles  ce  qu'ils  de- 
vaenl  croire  ;  alors  par  de  lellcs  décisions  ces  as- 
semliléi'S  n'imi  prouvé  antre  chose,  sinon  qu'elles 
igmiraii'iil  leur  propre  relif^ion. 

«  L'Kfjiise  do  Genève  parais-ail  di'pnis  longiemps 
S'écarler  moins  que  ks  aiiires  du  véritable  esprit 
lin  cliristiaiiisnie,  cl  c'est  sur  celle  Ironipcuse  appa- 
rence que  j'iKMiorais  ses  pasie  ts  «l'éloi^es  dont  je  les 
rrova  s  iligies:  car  mou  inlenliiin  n'était  assurément 
pas  (l'abuser  le  public.  Mais  qtd  peut  voir  anjonr- 
d'hni  ces  nunisires,  jadis  si  coiilaiits  ei  devenu^  tout 
à  coup  si  rigides,  chicaner  sur  l'oribodosie  d'un  laï- 
que, el  laisser  la  leur  dans  une  si  scandaleuse  in- 
cerlitiido  ?  On  leur  demande  si  Jésus-Clirist  est 
Dieu,  ils  n'osent  réiiondre;  on  leur  demamle  quels 
mys  cre.>  ils  admellent,  ils  n'osent  répondre.  Sur 
quoi  donc  lépondront-ils,  el  quels  seront  les  articles 
fondamentaux  ililTércnis  di^s  miens  sur  lesquels  ils 
veiiieiu  qu'on  se  décide,  si  ceux-là  n'y  sont  pas  com- 
pris ? 

(  Un  pbilosoplie  jelte  sur  eux  un  coup  d'œil  ra- 
pide ;  il  les  péiièlre,  il  les  voit  ariens,  soiiniens;  il 
le  dit,  el  criiii  1.  ui-  faire  bonneur  :  mais  il  ne  voit 
pas  qu'il  expose  leur  iniéiét  leinporel,  la  seule 
cl'iose  qui  généralemeiil  décide  ici-bas  de  la  loi  des 
liomnii'S. 

<  Anssiiôt  alarmés,  efTrayés,  ils  s'assemblent,  ils 
disciileiil,  ils  s'agilenl,  ils  ne  savent  à  quel  saint  se 
^ouer;  el  après  force  consuililions,  délibérations, 
coiilérences,  le  loiil  alioulii  à  un  ampliigourl  où  l'on 
ne  dit  ni  oui  ni  non,  et  aui|iiel  il  e-t  aussi  piu  pos- 
sible de  rien  comprendre  i|n'aiix  deux  plaidoyers  de 
Kabclais.  La  doctrine  orihodoxc  n'esi-elle  pas  bien 
claire,  el  ne  la  VMilà-i-il  pas  en  de  sûres  mains? 

<  Cepi  iidanl,  parce  qu'un  d'entre  fiix  compilant 
foic'  plai^anl^rlcs  scolasiiques  aussi  bé  dgiies  qu'é- 
léga  lies,  pi>ur  juger  mon  clirisiianisme,  ne  craignit 
pa>  d'ali|iii'er  le  sien  ;  tout  rbarmés  du  savoir  de 
leur  conlrère,  ei  sniioui  de  sa  logiipic,  ils  avouent 
son  docU'  cHivragi',  d  l'en  reinerciem  par  une  dépii- 
laiioii.  Ce  sonl,  en  vérité,  de  singulières  gens  que 
messieurs  vos  niinjsties  !  Un  ne  sait  ni  ce  qn  lU 
iiuienl  ni  Ok:  qu'ils  ne  croieni  pas;  on  ne  sait  p.is 
même  ce  cpi'ds  font  semblant  de  croire:  leur  stiile 
mail  èie  d'établir  leur  foi  est  d'altaquer  ce  le  des 
iiiiiics....  Au  lieu  de  s'ex|)lii|uer  sur  la  dorlrine 
qu'on  lear  impute,  ils  pcu-eni  donner  le  change 
aux  autres  Eglises  en  cbeicl.ani  querelle  n  leur 
propre  iléleiiseur:  iU  veulent  prouver  par  leur  iii- 
gratitiiile  ipi'ils  n'avaient  pas  besoin  de  mes  soins, 
el  «loieol  se  montrer  assez  orthodoxes  en  se  mon- 
Iranl  (rersécuieurs. 

«  De  toitl  CLCi  je  conclus  qu'il  n'est  pas  aisé  de 
(jire  en  ijiwi  consiste  à  Genève  aujourd'hui  h  sainie 


CAL  €33 

Anssi  nn  luthérien  ne  manque  jamais  de  voir 
dans  l'Ecriture  les  sentiments  de  Luther,  un 
socinien  ceux  de  Socin,  un  anglican  ceux 
des  épiscopaux,  tout  comme  un  calviniste  f 
trouve  ceux  de  Calvin.  —  Ce  \ice  originel  du 
calvinisme  suiflt  pour  en  démontrer  l'absur- 
dité. 
Nous  ne  voyons  pas  ce  qu'auraient  pu  ré- 

fiondre  Calvin  et  ses  collègues,  si  un  catho- 
ique  instruit  leur  avait  ainsi  parlé  :  Vous 
prétendez  être  suscités  de  Dieu  pour  réfor- 
mer l'Eglise  ;  mais  vous  n'êtes  envoyés  ni 
par  aucun  pisleur  légitime,  ni  par  aucune 
Eglise  chrétienne;  il  f;iiit  donc  que  vous  ayez 
une  mission  exiraordinaire  et  miraculeuse. 
Commencez  par  la  jiroiiver  di^  la  même  ma- 
nière que  Moïse,  Jésus-Christ  et  les  apôtres 
ont  prouvé  la  leur.  Luther  el  d'autres  se 
donnent  pour  réformateurs  aussi  bien  que 
vous  ;  vous  ne  vous  accordez  point  avec  eux, 
vous  n'enseignez  pas  en  toutes  choses  la 
même  doctrine,  vous  vous  condamnez  les 
uns  les  autres.  Auxquels  d'entre  vous  dois-je 
croire  par  préférence  ? — Vous  me  donnez  l'E- 
criture sainie  pour  règle  unique  de  ma  foi;  mais 
vous  ne  reconnaissez  p.is  pour  l'Ecriture 
sainte  plusieurs  livres  que  l'Eglise  catholique 
me  donne  comme  lels  :  comment  termine- 
rons-nous celte  contestation  ?  Sera-ce  l'E- 
crilure  sainte  qui  m'apprendra  si  tel  livre 
est  canonique  ou  non  ?  Vous  me  présenlei 
une  traduction  française  de  la  Bible.  Duimez- 
moi  un  garant  de  la  Odélité  de  votre  traduc- 
tion, de  laiiuelle  je  ne  suis  pas  en  état  de 
juger  par  moi-même.  Vous  dites  que  j'e  ne 
dois  point  déférer  à  l'anlorité  des  hommes  I 
donc  je  dois  récuser  la  vôtre  sur  tout  ce  que 
vous  trou  erez  bon  d'affirmer.  —  Puisque 
l'Ecriture  sainte  estla  seule  règle  de  ma  foi, 
vous  avez  lorl  de  prêcher  et  de  vouloir  ex- 
pliquer l'Ecriture  ;  je  sais  lire  aussi  bien  (jue 
vous  ;  c'est  à  moi  d'y  trouver  ce  que  Dieu 
a  révélé,  cl  non  à  vous  de  me  le  montrer. 
Vous  mi*  proinotlez  l'inspiration  du  Saint- 
Esprit  pour  prendre  le  vrai  sens  de  l'Ecriture  ; 
je  le  veux  :  celte  inspiration  me  dicie  que 
vous  prêchez  l'erreur,  el  que  l'Eglise  catho- 
lique enseigne  la  vérilé. 

Pour  toute  réponse,  Calvin  aurait  opiné  à 
fnire  brûler  ce  raisonneur  :  Pareils  mottslres, 
disait-il,  doivent  être  étouffés  ;  comme  fis  ici 
en  l'exécution  de  Michel  Servet,  espagnol. 
Lettre  de  Calvin  à  M.  du  Poël  (1). 

rcformation.  Tout  ce  qu'on  peut  avancer  de  certain 
sur  cet  aitu'le  est  qu'elle  doii  consister  principale- 
ment à  rejeter  les  points  contestés  .à  l'Eglise  romaine 
par  les  premiers  réformateurs,  et  surtout  par  Cal- 
vin. C'est  là  l'esprit  de  voire  iiisiiiuiion  ;  c'est  par 
là  que  vous  êtes  un  peuple  libre,  el  c'est  par  ce  côté 
seul  que  la  religion  fait  chez  vous  partie  de  la  loi  de 
ri'.lat.  I  —  Seconde  lettre  de  la  Montagne. 

(I)  L'article  de  Bergier  est  insuffisant  pour  bien 
apprécier  Calvin.  Ce  fameux  réformateur  a  été  dans 
notre  siècle  l'objet  d'une  étude  toute  spéciale.  Sa  vie, 
ses  mœurs,  son  influence  reliijieiise  ont  éié  l'objet 
d'examens  critiques  assez  sévères.  Voici  un  extrait 
bien  curieux  delà  Discussion  amicale  (Imn.  I,  leitr.2, 
iippend.  2)  : 

<  Obligé  de  quitter  la  France  pour  se  soustraire  » 


«25 


CAL 


CALVINISME,  doctrine  de  Calvin  et  de  ses 
sectateurs  en  matière  de  religion. 

L'on  peot  réduire  à  six  chefs  principaux 
les  dogmes  essentiels  du  calvinisme.  t°  Que 


CAL 


«24 


Jésus-Christ  n'est  pas  réellementprésent  dans 
le  sacrement  de  i'euchnrislin,  que  nous  l'y 
recevons  seulement  par  la  foi.  2°  Que  la  pré- 
destination et  la  réprobation  sont  absolues, 


des  poursuites  juridiques,  Calvin  pnssa  en  Allema- 
gne, y  reclierdia  la  plupart  de  ceux  qui  remuaient 
.ilors  les  consciemes  el  ngilaienl  les  esprils.  A  Bàle 
il  fut  pré^eiilé  par  ISucer  à  Erasme,  qui  se  tenait  aux 
écoules,  sans  se  laisser  emporter  aux  0|iinions  des 
novateurs.  Erasme,  .Tprès  s'èlre  enirelenii  avl-c  lui 
sur  qucliiues-nns  (les  pitintsde  la  religion,  fnrl  étonné 
de  ce  (|u"il  avait  dérouviTt  dans  cette  âme,  se  lourna 
vers  Bucer,  et  lui  dit,  en  lui  niftnlrant  le  jeune  t:al- 
vin  :  «  Je  vois  un  «rand  (léau  s'ék'ver  dans  l'Eglise 
contre  l'Kglise  :  Viileo  magitum  pestem  oriii  in  Ec- 
clesia  conira  Ecclesiam.  » 

I  L'isprii  intdiéiant  el  sanguinaire  de  cet  homme, 
devenu  trop  célèbie,  se  nionire  dans  une  de  ses  let- 
tres au  mari|uis  du  Pnêt,  son  ami  :  c  Ne  laites  faute, 
lui  dit-il,  de  défaire  le  pays  de  ces  zélés  fanaiiques, 
qui  exhortent  les  peuples  par  leurs  discnurs  à  se  roi- 
dir  contre  nous,  noircissent  notre  cunduiie,  et  veu- 
lent faire  passer  pour  rêverie  notre  croyance.  Pareils 
monsires  doivent  être  étnulfés,  comme  fis  eu  l'exé- 
cution de  Michel  Servel,  espagnol.  > 

c  Les  mauvais  sentii-jeiils  de  Calvin  sur  la  Trinité 
excitèrent  contre  lui  le  zèle  d'un  homnn^  qui,  d'ail- 
leurs, partageait  se?  opinions  sacr.imentaires  :  <  Quel 
démon  t'a  poussé,  ô  Calvin,  à    déclamer  avcr   Aiuis 

rooire  le  Fils  de  Dieu? C'est  cet  anleilirisi  ilu 

Sepii'oirion  que  tu  as  l'imprudence  d'adorer,  ce 
graniTiiairien  Melancthoii...  Garde- loi,  lecteur  ciiré- 
li'ii,  et  V(uH  surtout,  ministres  de  la  parole,  gardez- 
vous  des  livres  de  Calvin...  Us  conliennent  une  doc- 
trine impie,  les  lilasphènies  de  l'ananisme,  comme 
si  l'espril  (!<■  Michel  Servct,  en  s'échappanl  du  bû- 
cher, avait  à  la  platonicienne  transmigré  tout  entier 
dans  Calvin.  >  (Slancharus,  de  Médiat,  in  Calvin. 
Inslil.,  n.  5  et  i.)  En  enseignant  que  bien  était  l'au- 
teur de  tous  les  péchés,  Calvin  révolta  contre  lui 
tous  les  partis  de  la  rélorme.  Les  luthériens  de  l'AI- 
ieniagne  se  rtiuuirenl  loiir  réliiler  un  si  linrrilile 
blasphème.  <  Cotte  opinion,  disent-ils,  doit  èire 
pailout  eu  horreur,  en  exécration  :  c'est  une  fureur 
stoïcienne,  fatale  aux  mœurs,  moiislrnense  et  blas- 
phématoire. »  (Corpus  dnclrind'  cliristiana- .} 

«  (^elie  erreur  calvinisiique  est  horriblemenl  inju- 
rieuse' à  Dieu,  et  de  toutes  les  erreurs  la  plus  hnicsie 
an  genre  Inmiain;  selon  cette  théologie  calvinienne. 
Dieu  serait  le  i  lus  iniusle  des  tyrans...,  et  ce  n'est 
plus  le  démon,  jiiais  Dieu  lui-même  qui  sera  le  pèie 
du  mensonge.)  (Conradus  SchIusseniLierg,  Cait'//i. 
'Iheolog.,-  loi.  il).) 

f  l.e  même  auteur,  qui  était  surintendant  inspec- 
teur général  des  églises  luihériennes  en  Allemagne, 
dans  les  trois  livres  qu'il  publia  contre  la  lliéologic 
calvinienne  (Francfort,  l'iOi),  n'y  nomme  jiinais  les 
calvinistes  sans  leur  donner  les  epilhetes  d'inliilèles, 
d'impies,  de  blasphémateurs,  charlatans,  hérétnpies, 
incrédules,  gens  frappés  d'un  esprit  d'aveuglement 
el  de  vertige,  gens  san^  liont  el  sins  pudeur,  minis- 
tres tuihulents  et  br^mllon-.  de  Satan,  etc. 

«  lleshnsius,  api  es  avoir  exposé  la  doetriiie  des 
ralvinlsti^s,  déclare  avec  indignatimi,  <  que  non  seu- 
lement ils  iransforinent  Dieu  en  démon,  ce  dont  la 
seule  pensée  fait  liorieur,  mais  qu'ils  anéantissent 
le  niérite  de  Jésns-Chrisl  a  tel  point  rju'ils  sont  ili- 
gneb  d'être  relégue>  an  fond  des  enrers.  i  (Lili.  de 
PiiV&eiilia  corpoiis  Ciiriili.) 

I  Les  partisans  de  (;al\in  ont  essayé  de  le  justilier 
sur  le  crime  et  la  IlétiisMire  dont  on  l'accusaii  liau- 
lemeiit  de  porter  la  niari|ue  ii  l'epaiile;  mais  «  c  •  qui 
doit  passer  pour  une  convlcilon  indiihitalde  des  cri- 
mes imputés  à  Calvin,  est  ipie  depuis  qu'il  a  été 
chargé  de  cette  accusation,  l'Lglise  de  Genève  non- 


feulement  n'a  pas  justifié  le  contraire,  mais  même 
n'a  pas  nié  l'iniormation  que  lierlhelier,  envoyé  par 
ceux  de  la  même  ville,  lit  à  Noyon.  Cette  informa- 
tion était  signée  îles  plus  apparents  de  la  ville  de 
Noyon,  et  avait  éié  faite  avec  lonies  les  formes  ordi- 
naires de  la  justice;  et,  dans  la  néme  infoiination, 
l'on  voit  (|iie  cet  liéiC'-iaripie  ayant  été  convaincu 
d'un  péché  abominable,  que  l'on  ne  punit  que  par  le 
feu,   la  peine  qu'il  avait  méritée    fut,  à  la  iivière  de 

son  évèqiie,  modérée  à  la  fleur  de  lis Ajoutez  à 

cela  que  Bolsec  ayant  iMpporlé  la  inéiiie  inrorniaiion, 
Berthelier,  qui  vivait  encore  au  temps  de  Bolsec,  ne 
le  iléinentii  point:  ee  qu'il  edl  lait,  sans  doute,  s'il 
e&t  pu  le  faire  sans  trahir  le  sentiment  de  sa  con- 
science et  sans  s'opposer  à  la  créance  publique.  Ainsi 
le  silence  et  de  toute  une  ville  intéressée  et  de  son 
secrétaire,  est,  en  cette  occasion  ,  une  preuve  in- 
faillible d 'S  dérèglements  imputés  à  Calvin,  i  (  Le 
cardinal  de  Biehelieu,  liv.  ii.) 

<  Ces  dérèglements  étaient  alors  si  peu  contestés, 
qu'un  auienr  calholoine  (Oimpian,  dans  la  iroitième 
raison,  an.  I5S1),  parlant  de  la  vie  iiilàme  di;  Calvin, 
avance  comme  un  lait  connu  eu  Angleterre,  que  <  le 
chel  des  c.ilvinisles  avait  été  fleurdelisé  et  fugitif,  cl 
que  Son  antagoniste  Wltiaker,  avonint  le  la.l,  n'y 
répond  que  par  cet  indigne  parallèle  :  Calvin  a  été 
stigmatisé,  mais  saint  Paul  l'a  été,  d'autres  l'ont  été 
aussi.  > 

f  Stapleion,  hirt  à  portée  d'en  être  instruit,  puis- 
qu'il avait  passé  sa  vie  dans  le  voisinage  de  Noyon, 
parle  de  l'aventure  de  Calvin  dans  les  termes  d'un 
liomme  très-sûr  de  son  lait  :  Inspiciunlnr  elian  ndliue 
liodie  cioilalis  Noiiodune  isis  in  l'ictndia  scrinia  el  re- 
rum  geslaruiii  monumeitla  :  in  itlis  adliuc  hodie  legitur 
Jounnem  hune  Cnivinutn,  sodomice  convictum,  ex  epi- 
kcojii  el  niiitiislratus  iiululfienlia.  solo  stigmate  in  tergo 
noliUinn,  nrbe  excesùsse ;  nec  ejns  juniilice  lione>tissi- 
iiii  viri,  udlmc  siiperstiles,  impetrare  huclenus  polue- 
runl  ul  hujns  facli  ntenwria,  guœ  loti  familiiv  uolam 
aliqiiam  iuiiril,  e  civicis  ilUs  monumenlis  ae  scriniis 
eraderelur.  (l'rompluarinm  cathuliciim,  pari,  m.) 

I  Les  Iniiiérieus  d'Allemagne  en  p;irlaient  égale- 
ment alois  cinnme  d'un  lait  certain  :  De  Calvini  va- 
riis  fldgiliis  et  sodomiheis  libidiuibus,  ob  quas  stig- 
m«  Joiinnis  Calvini  dorso  )mpressum  fini  a  niagislraiu 
siib  quo  vixit.  (C.  Schiussemberg,  in  C'a/fin.  Tlieol., 
Itb.  Il,  fol.  7-2.) 

<  Enlio,  si  l'on  en  croit  un  de  ses  disciples,  léiiioin 
oculaire,  il  mourut  dans  le  desespoir  et  d'une  mala- 
die liorrible.  Caleinus  in  desperatioiie  finii-ns  vilain, 
obiit  lurpiiïsimo  el  jœdissimo  nioibo,  qiiem  Oeus  rebet- 
libiis  et  miiledieiis  cummiiialus  etl  prias  excrueialus  il 
cunsiiDiptu^.  Qiiod  ego  verissime  altesiari  audeo,  (jui 
(unesluin  et  tragicum  itlius  exilum  et  exilium  liis  meis 
ocitiis  prœsens  aspexi.  (Joan.  Ilaren,  apud  l'cirnin 
Cni7.eiiiiiiui.) 

<  Les  luthériens  allestent  le  même  fait  :  Deus  eliam 
in  hoc  t.(vento  judieinm  tn  Calvinum  paiefecit,  qiiemin 
virga  furoris  visiiuvil,  (itqnc  hnrnbiliter  piinivit  aiite 
mortis  infclicis  horuni.  Deus  enini  manu  sua  potenti 
udeo  liuuc  liœrelicHni  percussii,  ul  despcrnia  salule  , 
da'monibus  iiivoeatis.juritns,  txseciansel  blasphemnns, 
misemme  auiiuani  malignam  exhalant;  vermibus  circa 
pudeuda  in  n/iosicma'e  !:eu  ulcère  fœlenlissimo  crescn- 
libus,  iiu  m  nullus  asbisleatium  lœlorem  ampliut  fere 
possei.  (Conrad.  Schlusseinbeig,  in  Theoluy.  Calvin., 
1.11,  fol.  1±)  . 

M.  Anilin,  dans  son  excellenie  Histoire  de  Calvin, 
a  apprécié  l'influence  du  refurmatenr  sur  les  mojurs, 
la  religion  ,  et  les  habitudes  des  Genevois.  <  Si  Ge- 
iièie,   avilit    IS5'>,  dit-il,  était  plongé  dans  les   lé- 


6â5 


CAL 


CâL 


«26 


indépendantes  de  la  [irescience  que  Difu  a 
des  oeuvres  bonnes  ou  mauvaises  de  ch;ique 
pnrticulier  ;  que  l'un  et  l'autre  de  ces  deux 
décrets  dépend  de  la  pure  volonté  de  Dieu, 
sans  épard  au  mérite  ou  au  démérile  des 
hommes.  3"  Que  Dieu  donne  aux  prédestinés 
une  foi  et  une  justice  inaniis'^ihles,  et  ne  leur 
impute  point  leurs  péchés.  k°  Qu'en  consé- 
quence du  péché  originel,  la  volonté  de 
l'homme  est  tellement  afTaiblie  qu'elle  est 
incapable  de  faire  aucune  bonne  œuvre  mé- 
ritoire du  salut,  mêtTic  aucune  action  qui 
ne  soit  vicieuse  et  imputable  à  péché.  5°  Qu'il 
lui  est  impossible  de  résister  à  la  concupis- 
cence vicieuse  ;  que  tout  le  libre  arbitre 
consiste  à  être  exempt  de  coaction  et  non  de 
nécessité.  G"  Que  les  hommes  sont  justifiés 
par  la  foi  seule,  conséquemment  que  les  bon- 
nes œuvres  ne  contribuent  en  rien  au  salut; 
que  les  s.icrenieiits  n'ont  point  d'autre  effi- 
cacité que  d'exciler  la  f(ii.  Calvin  n'admet 
que  tieux  sacrements,  lo  baptême  et  la  cène  ; 
il  rejette  absoluinent  le  culte  extérieur  et  la 
discipline  de  l'Eglise  catholique.  —  On  voit 
que,  poiir  former  son  système,  cet  hérésiar- 
que a  rassemblé  les  erreurs  de  presque  toutes 

nébres  de  la  superstition,  quelles  vérités  Calvin  a-l-il 
donc  tait  luire  ?  Ëludions  la  lumière  qu'il  vint  ap- 
porter à  ce  peuple  déchu.  M:iis  qui  iiiins  guidera? 
Nos  IVères  de.  la  réforme  repnusseraient  le  témoi- 
gnage d'écrivains  catholiques  :  eli  bien  !  appeloiis-eu 
au  protestantisme. 

«  Le  livre  d'or  de  Calvin  est  son  Institution  cliré- 
liemie  :  ouvrons-le  donc. 

I  El  d'abord,  ipie  dire  de  ce  symbolisme  Irinilaire 
que  le  rélormateur  veut  imposer  à  sa  communion  ? 
(ieiililis  l'a  (uiveriemiMU  repoussé  ;  mais  Gentilis  est 
récusé  p:ir  Hé/.e  et  Drelincourt.  Voici  venir  Hennins, 
ce  pur  disciple  de  l'Evangile,  comme  on  le  nomme 
en  Silésie.  Hennins  n'a  l-il  pas  dénoncé  Calvin 
comme  un  docteur  qui  a  jndaisé,  corrompu  la  Hible, 
dénaturé  la  parole  de  Dieu,  falsifié  les  textes  scriptu- 
raires  et  bbisphcmé  la  Trinité?  Ainsi  Calvin  n'a  pas 
apporté  à  (Jenéve  ta  vérité  luucliaiu  le  dogme  delà 
Trinité. 

«  [Nous  connaissons  son  mythe  eucharistique,  où 
le  catholicisme  n'a  pu  irouvei'  ni  corps,  ni  âme,  ni 
idéalisme,  ni  réalité  :  c'est  sa  gloire  dans  réc<ple  ge- 
nevoise. Il  en  a  poursuivi  le  triomphe  avec  une  per- 
sévérante obstination.  Et  les  luthériens  ont  traité 
son  système  céuique  plus  mal  encoie  que  les  callio- 
liijues.  Le  protestant  qui  l'atiaijua  le  plus  vivement 
n'e.il  point  une  inielligence  obscure  :  c'est  un  liuina- 
nisle  qui,  à  vingt  ans,  lisait  dans  cette  chaire  de  Wit- 
tenibirg,  que  Mélaiicliton  avait  si  magnill(|ueinent 
occupée;  i|ui,  à  viii^t-qiiatie  ans,  était  principal  du 
Cdlléjie  il'Eisleben,  où  na(|uit  Luther  ;  a  trente-trois, 
dnycn  général  de  Mansteld  ;  it  trcnle-cimi,  profes- 
seur (le  théologie  d'Iéiia  ;  Grawer,  eiiliii,  qi;i  s'est 
pris  à  la  métonymie  de  Calvin  comino  Martin  aux 
nmines  de  Cologne,  et  l'a  terrassée  aux  applaudis- 
sements de  ses  coreligionnaires.  Jamais  dominicain 
de  Leipzig  ne  parla  de  llutleii  aussi  irrévéremment 
que  Grawer  de  (Calvin.  Croiriez-vous  qu'il  pose  eu 
tète  de  l'un  de  ses  livres  ce  titre  véniablement  in- 
Iradiiisilile  :  Absiirda  absurduiuni  ,  absur.lisshiia 
€ulv'inhlic(i  ahsvicUi?  et  h;  paniplilel  obtint  un  grand 
Siiccè<...  Grawer  vnus  dit  ipie  la  méionymie  de 
Calvin  est  une  absurdité  !  felissoii  le  caiholique 
était  plus  poli.  > 

Il  faut  lire  le  livre  de  M.  Audiii  tout  entier  pour 
apprécier  la  valeur  de  Calvin  ei  de  sa  docirin?. 


les  sectes  connues,  celles  des  prédestinatiens, 
de  Vigilance,  des  donatistes,  des  iconoclastes, 
de  Bérenger;  qu'il  a  répété  ce  qu'avaient  dit 
les  albigeois,  les  vaudois,  les  heggards,  le» 
fratricelles,  les  wicléûles,  les  hussites,  Luther 
et  les  anabaptistes. 

Sur  l'eucharistie  ,  il  n'enseigne  point , 
comme  Zwinule,  que  c'est  un  simple  signe 
du  corps  et  du  sang  de  Jésus  Christ  ;  il  dit 
que  nous  y  recevons  véritablement  l'un  et 
l'autre,  ntais  seulement  par  la  foi;  mais  le 
corps  el  le  sang  de  Jésus-Christ  n'y  sont  ce- 
pendant point  avec  le  pain  et  le  vin,  ou  par 
iiiipanation,  comme  le  veulentles  luthériens, 
ni  par  Iranssubslantiatiou  ,  comme  le  sou- 
tiennent les  catholiques.  —  Ainsi,  depuis  la 
naissance  de  la  réforme  eu  1517,  jusqu'en 
1532,  voilà  déjà  trois  systèmes  différents  qui 
s'étaient  formés  sur  ce  que  l'Ecriture  dit  du 
sacrement  de  l'eucharistie.  Selon  Zwingle, 
les  paroles  de  Jésus-Christ,  cf ci'  est  mon  corps, 
signifient  seulement,  ceci  «47  le  signe  de  mon 
corps.  Calvin  soutient  qu'elles  expriment 
quelque  chose  de  plus,  puisque  Jésus-Christ 
avait  promis  de  nous  donner  sa  chair  à  man- 
ger iJoan.  VI,  52).  Donc,  reprend  Luther  ,  le 
corps  de  Jésus-Christ  y  est  véritablement 
avec  le  pain  et  le  vin.  Point  du  tout ,  dit  Cal- 
vin, si  l'on  admettait  une  présence  réelle,  il 
faudrait  nécessairement  admettre  la  Irans- 
subslantiatiou comme  les  catholiques  ,  et  le 
sacrifice  de  la  messe.  Voilà  comme  s'accor- 
daient ces  docteurs,  tous  suscités  de  Dieu 
pour  réfiirmer  l'Eglise,  et  tous  inspirés  par 
le  Saint-Esprit. 

Si  l'on  compare  ce  qu'enseigne  Calvin  sur 
la  prédestination  avec  ce  qu'il  dit  du  défaut, 
de  liberté  dans  l'homme,  on  sentira  que  Bol- 
sec  avait  raison  de  lui  reprocher  qu'il  faisait 
Dieu  auteur  du  péché;  blasphème  qui  fait 
horreur.  Toute  la  différence  qu'il  y  a  entre 
les  prédestinés  el  les  réprouvés  consiste  en 
ceque  Dieu  n'impute  point  les  péchés  aux 
premiers,  au  lieu  qu'il  les  impute  aux  au- 
tres :  un  Dieu  ju-.te  peut-il  imputer  aux 
hommes  des  péchés  qui  ne  sont  pas  libres, 
damner  les  uns  et  sauver  les  autres,  précisé- 
ment parce  qu'il  lui  plail  ainsi  ?  L'abus  que 
faisait  Calvin  de  plusieurs  passages  de  l'E- 
criture sainte,  pour  établir  celte  doctrine 
odieuse,  était  une  démonstration  de  l'absur- 
dité de  sa  prétention,  de  vouloir  que  l'Ecri- 
ture seule  fût  la  règle  de  uolre  croyance.  — 
Aussi  le  prétendu  décret  absolu  de  prédesti- 
nation el  de  réprobation  causa-t-il,  paiini 
les  .proli'slauls,  les  disputes  les  plus  animées; 
il  donna  naissance  à  deux  secles,  l'une  des 
!'n/ra/«p«n(rM,  l'autre  des  siiprulapsaires,  el 
donna  lieu  à  une  infinité  d'écrits  de  part  el 
d'autre. 

Pour  esquiver  le  sens  des  paroles  de  Jésus- 
Christ,  (|ui  nous  assurent  de  sa  présence 
réelle  dans  l'eucharistie  ,  Calvin  opposait 
d'autres  passages  oîi  il  faut  recourir  au  sens 
figure;  et  pour  expliquer  les  passages  qui 
semblent  supposer  que  Dieu  est  l'auteur  du 
p  'clié,  il  ne  voulait  pas  faire  usage  de  ceux 
dans  lesquels  il  est  dit  que  Dieu  hait,  déteste, 


6Î7 


CAL 


CAL 


6^8 


défend  le  péché ,  qu'il  le  permet  seulement, 
mais  qu'il  n'en  est  pas  l'auleur. 

L'inamissibililé  de  la  justice  dans  les  pré- 
destinés, l'inulililé  des  bonnes  œuvres  pour 
le  salut,  étaient  deux  autres  dogmes  qui  en- 
traînaient Ifs  plus  pei  nie  euses  conséquen- 
ces. Calvin  avait  beau  les  pallier  par  toutes 
les  subtilités  possibles,  les  simples  fidèles  ne 
sont  pas  en  étal  de  saisir  cette  oliscure  théo- 
logie ;  elle  est  d'ailleurs  direclenient  opposée 
aux  passages  les  plus  formels  de  l'Ecriture 
sainte;  elle  n'est  bonne  qu'à  nourrir  une 
folle  présomption  et  à  détourner  le  chrétien 
défaire  de  bonnes  œuvres. 

Une  nouvelle  contradiction  était  de  soute- 
nir que  Dieu  seul  peut  instituer  drs  sacre- 
ments ;  que  ,  selon  l'Ecriture,  il  n'en  a  puint 
institué  d'autres  que  le  baptême  et  la  cène, 
et  de  prétendre  que  ces  sacrements  n'ont 
point  d'autre  effet  que  d'excitip  la  foi.  L'in- 
stitution de  Dieu  est-elle  nécessaire  pour 
élablir  un  signe  capable d'exciier  la  foi? 

C'était  évidemment  par  nécessité  de  sys- 
tème que  Calvin  niait  la  présence  réelle  de 
Jésus-Christ  dans  l'euchari-lie.  S'il  avait 
avoué  qu'en  vertu  de  linsiituliondu  Sauveur, 
les  paroles  qu'il  a  prononcées  ont  le  pouvoir 
de  rendre  présents  son  corps  et  son  sang, 
comment  disconvenir  qu'en  venu  de  la 
même  institution,  d'autres  paroles  ont  la 
force  de  produire  la  grâce  dans  l'âme  d'un 
fidèle  disposé  à  la  recevoir?  —  IMosheim  et 
son  traducteur  conviennent  que  sur  ce  [lOiut 
la  doctrine  de  Calvin  n'est  pas  iiilelligible. 

Dans  la  suite,  les  calvinistes  ont  senti  les 
inconvénients  du  système  de  leur  inaflre;  à 
peine  ont-ils  conservé  un  seul  de  ces  dogmes 
en  son  entier;  ils  ont  changé  les  uns,  adiuei 
et  modifié  les  autres.  Presque  tons  ont  pris 
le  sentiment  de  Zwingle  sur  l'encharisiie;  ils 
ne  l'envisagent  que  comme  un  signe.  Un  très- 
graitd  nombre  ont  rejeté  les  déerets  absolus 
de  prédestination,  et  sont  devenus  pélagiens. 
yoy.  AnmiNiENs  et  Gomakistds. 

Les  théologiens  calliolii|ues  ont  attaqué  en 
détail  tons  les  doi;nics  forges  par  Calvin, 
même  avec  les  paliiaiifs  (|ue  ses  disciples  y 
ont  apportés.  Ils  ont  démontré  l'opposition 
l'ormelle  de  ces  dogmes  prétendus  avec  l'E- 
criture sainle,  avec  la  tradition  ancienne  et 
constante  de  l'E^bse,  avec  les  vérités  que 
tout  chrétien  est  obligé  d'admettre.  Ce  réfor- 
mateur ac(  usait  j'Enlise  romaine  d'avoir 
changé  la  doctrine  de  Jésus  Christ  établie 
par  les  apôtres.  On  a  prouvé  jusqu'à  l'évi- 
dence que  c'est  lui-même  i|ui  a  innové,  qu'il 
n'y  a  dans  l'univers  entier  aucune  secte  qui 
ail  professé  le  c<ilvinisme;  qu'il  est  proscrit 
cl  dclesié  dans  des  sociétés  qui  se  sont  sé|)a- 
rées  do  l'Eglise  romaine  depuis  plus  de  qua- 
torze cents  ans.  Ce  qui  lorme  déjà  un  pré- 
jugé lerrilde  contre  ce  système,  c'est  qu'il  a 
fait  éclore  le  sociuianisme  ot  le  déisme.  Voy. 
I'kotkstants. 

Depuis  son  clablissemcnt,  il  s'est  toujours 
maintenu  à  Uenève  ,  où  il  a  pris  naissance  ; 
des  Irei/e  cantons  suisses,  il  y  (  n  a  six  qui  le 
professent.  Juiqu'en  157:2,  il  a  été  la  religion 
ùuminaiile   en    Hollande:  quoique  dès    lers  . 


celte  république  ail  toléré  toutes  les  sectes 
par  raison  de  politique,  le  calvinisme  rigide 
y  est  cependant  toujours  la  religion  de  l'E- 
tat. En  Angleierre,  il  est  allé  en  décadence 
depuis  le  légne  d'Elisabeth,  malgré  les  (  fl'orls 
qu'on!  f  lit  les  puritains  ou  presb\  lériens  pour 
le  soutenir.  Depuis  que  l'Eglise  anglicane  a 
p;  is  des  sentiments  plus  nu)derés,  le  calvi- 
nisme est  au  nombre  des  seeti  s  non  confor- 
mistes et  sinipleuienl  tolérées.  En  Ecosse  et 
en  Prusse,  il  est  encore  dans  toute  sa  vigueur. 
Dans  quelques  parties  de  l'Allemagne,  il  est 
mélangé  avec  le  luthérianisme;  il  a  été  souf- 
fert en  France  jusqu'à  la  révocation  de  l'é- 
dit  de  Nantes. 

On  demandera  sans  doute  comment  un 
sysième  si  mal  conçu  et  si  mal  raisonné  ,  ca- 
pable de  désespérer  les  âmes  vertueuses  et 
d'alTermir  les  pécheurs  dans  le  crime,  défaire 
envisager  Dieu  comme  un  t^ran  plutôt  que 
comme  un  niaitre  aimable,  a  pu  trouver  des 
sectateurs  dans  presque  toutes  les  parties  de 
l'Europe.  Nous  tâcherons  d'expliquer  ce  plié- 
noiiiène  dans  l'article  suivant.  Parmi  nos 
conlroversisles  qui  ont  réfuté  le  calvinisme, 
Bossuet,  Ainauld,  Nicole,  Papin,  Pélissou, 
tiennent  le  premier  rang,  et  sont  les  plus  es- 
timés. —  iMosheim  réduit  à  trois  ou  quatre 
chefs  les  points  de  doctrine  qui  divisent  les 
calvinistes  d'avec  les  lutliériens.  1°  Touchant 
la  cène,  ceux-ci  dirent  que  le  corps  et  le 
sang  de  Jésus-Christ  y  sont  véritablement 
donnés  aux  justes  et  aux  imjiies,  quoique 
d'une  manière  inexplicable;  selon  les  calvi- 
nistes, ce  corps  et  ce  sang  n'y  sont  qu'en  fi- 
gure, ou  présents  seulement  par  la  foi;  mais 
tous  ne  l'entendenl  pas  de  même.  Le  traduc- 
teur de  Mosheim  a  très-mal  rendu  ce  point 
de  la  croyance  des  luthériens,  en  disant  qu'ils 
a-surent  que  le  corps  et  le  sang  de  Jésus- 
Christ  sont  maiériillement  présents  dans  le 
saciement;  jamais  les  lutherii  ns  n'avoue- 
ront cette  présince  matérielle  :  ils  disent  (jue 
le  corps  et  le  sang  du  Sauveur  y  sont  don- 
nés et  reçus  par  la  communion,  sans  vouloir 
avouer  qu'ils  y  sont  présents  indépeuilam- 
ment  de  l'action  île  communier.  2°  Selon  les 
calvinistes  ,  le  décret  par  lequel  Dieu  ,  de 
toute  éterniié,  a  prédestiné  tel  homme  au 
bonheur  du  ciel  et  telaulre  à  la  iiamnation,esl 
absolu, arbitraire,  indépenilantdela  prévision 
<les  mérites  ou  démérites  futurs  de  l'homme  ; 
selon  les  luthériens,  ce  décret  est  condition- 
nel et  dirige  par  la  pr escieiue.  .'1°  Les  cahi- 
nistes  rejettent  toutes  les  cérémonies  comme 
des  superstitions  ;  les  luihérieus  pensent  (|u'il 
y  eu  a  dillérentes  et  que  l'on  peut  conser- 
ver, comme  des  peintures  dans  les  églises, 
des  baliiis  sacerdotaux,  les  hosties  pour  con- 
sacrer l'eucharistie,  la  confess.'on  auricu- 
laire des  pèches,  les  exorcismes  dans  le 
baptême,  plusieurs  fêles,  etc.  iMais  Mosheini 
conviiiil  que  ces  divers  article-,  de  croyance 
fournissent  matière  à  un  grand  nombre  de 
questions  subsidiaires,  l^"  Ni  l'une  ni  l'autre 
de  ces  deux  sectes  n'a  aucun  pri  ripe  certain 
louchant  le  gou\('iiiement  île  l'i  glise  ;  dans 
plu.sieurs  endroits,  les  luthérien',  ont  conser- 
vé des  évéques  sous  le  nom  i\e  surin  le  nUatUs} 


629 


CAL 


CAL 


650 


ailloiirs  ils  n'ont  qu'un  simple  consistoire, 
commp  les  calvinisttvs  ;  chez  les  uns  et  les 
aulri's  !e  fiotivoir  c:vil  des  souvernins  et  des 
iTi^ip  sir.ils  a  plus  ou  moins  d'influence  dans 
les  alTaires  eciléNiasliqucs,  suivani  les  lieux 
et  les  circiinslances.  A  profiremenl  parlrr, 
leur  seul  point  de  réunion  est  leur  haine  et 
leur  animosilé  eonstanle  contre  l'I'^glise  ro- 
maine. Histoire  erclés.  du  svr  siècle,  secl.3, 
11'  partie,  ('.2,  §  29,  32. 

CALVIMSTI.'S,  sectateurs  de  Calvin;  on 
les  nomtn»'  aussi  proleslnnts,  prétendus  ré- 
formés, sucramcniatres,  huçjuenuls.  Vvy.  ces 
Diuls. 

Il  est  à  propos  de  rerhercher  les  causes 
qui  oui  contribué  aux  progrès  que  ces  sco- 
laires firent  si  rapidement  en  France;  ce  que 
nous  en  <lirons  pourra  servir  avec  propor- 
tion à  1  é;;ard  des  autres  contrées  de  l'Iïu- 
rope. 

On  sentait  de  toutes  parts,  au  conimence- 
iDenl  du  xvi=  siècle,  le  besoin  d'une  réforme; 
les  va-tix  qu'avaient  formés  sur  re  point  les 
conciles  de  Constance  et  de  Bâle,  les  mesu- 
res qu'ils  avaient  prises  pour  la  procurer, 
tant  dans  le  chef  que  dans  les  membres  de 
l'Ejjlise,  avaient  été  sans  effet;  on  ne  voyait 
aucun  niojeM  d'y  parvenir.  Tout  le  monde 
et, lit  ntéconlenl  de  l'état  des  choses,  tout 
annonçait  une  révolution  proch;iine.  —  1"  Sur 
la  lin  du  xv  siècle,  Alexandre  VI  avait  scan- 
dalisé l'Eglise  par  ses  mœurs  et  par  son  am- 
bition. Jules  II,  son  successeur,  plus  occupé 
de  guéries  et  de  conquêtes  que  du  jjouver- 
nemeiil  île  lliglise,  fut  ennemi  implacable  de 
Louis  Xllei  de  la  France.  Il  souleva  contre 
ce  roi  toute  l'Italie,  lança  contre  lui  une  es- 
coiiimiinieation,  mit  le  royaume  en  inlerdit, 
dispensa  les  sujets  du  serment  de  fidélité. 
Plus  Louis  Xll  était  aimé  et  tnénlait  de 
l'être,  pus  Jules  11  fut  délesté.  Léon  X,  qui 
lui  succéda,  ne  montra  pas  plus  de  venus 
pontificales,  ni  île  zèle  pour  la  réforme.  Il 
élail  aisé  de  prévoir  que  le  mécontentement 
centre  les  papes  cnlrainerait  bientôt  une 
révolte  contie  le  joug  de  leur  autorité. — 
2°  Les  moines,  surtout  les  mendiants  ,  soit 
par  zèle,  soit  par  intérêt,  attiraient  les  tidè- 
les  dans  leurs  églises  par  des  dévotions  sou- 
vent assez  mal  réglées,  multi[)liaient  les  con- 
fréries, les  indulgences,  les  reliques,  les  mi- 
racles, les  hisluin  s  fausses  et  apocryphes, 
faisaient  à  cette  occasion  des  quêtes  lucra- 
tives, entreprenaient  sur  les  droits  des  curés 
et  sur  la  juridiction  des  évèques,  alléguaient 
les  privilèges  qu'ils  avaient  oblenus  du  saiiit- 
siige,  etc.  <Juelques-uns  des  théologiens  qui 
éeinirent  contre  ces  abus  ne  gardèrent  pas 
toute  l.i  modération  possible,  et  firent  retom- 
be, sur  les  pratiques  même  une  partie  du 
blàiiie  que  méritaient  les  religieux.  —  3°  La 
]■  ridicllon  ecclésiastique  n'était  pas  renfer- 
mée dans  des  liornes  aussi  sages  qu'elle  de- 
vait l'êti  e,  les  tribunaux  laïques  s'en  plai- 
gnaient. Il  y  avait  du  désordre  dans  la  ma- 
nière d'obtenir,  de  posséder,  d'administrer 
les  béni  fices  ;  en  général  le  cierge  séculier 
était  moins  instruit  et  moins  réglé  qu'il  ne 
l'est   aujourd'hui,  et  les  peuples  se  ressen- 


taient de  ce  malheur.  En  un  mot,  tous  les 
abus  qui  ont  été  corrigés  ou  prévenus  par  les 
décriîts  du  concile  de  Trente  ,  étaient  |ires- 
qiie  généralement  répandus.  —  V  Les  théo- 
logii'us,  bornés  à  la  scolastiquc,  ne  culti- 
vaient ni  rèriidiiion  sacrée  ni  les  belles- 
lettres,  regardaient  même  celle  étuile  comme 
dangereuse  pour  la  religion.  Les  laïques  qui, 
depuis  le  règne  de  François  1  ",  avaient  ac- 
quit des  connaissances,  niépiisaient  les  théo- 
logiens, et  se  cro;  aient  pour  le  moins  aussi 
capables  qu'eux  de  juger  des  matières  de 
re!  gion. 

L'on  ne  doit  pas  être  surpris  si  les  émis- 
saires de  Luther,  de  Mélanchlon,  de  Bucer, 
qui  étaient  lettrés,  qui  parlaient  et  écrivaient 
bien,  qui  avaient  étudie  l.'s  langues  et  l'his- 
toire, trouvèrent  parmi  les  littérateurs  des 
disciples  tout  prêts  à  être  séiiuits.  C'était 
assez  de  déclamer  contre  le  pape,  contre  le 
clergé  séculier  et  régulier,  contre  les  abus  en 
fait  de  religion,  pour  être  écouté.  La  con- 
fession, les  jeûnes,  les  œuvres  satisfacloires, 
les  vœux,  les  pratiques  du  culte  public,  les 
honorairi-s  des  ministres  de  la  religion,  sont 
un  joug;  l'on  en  était  fatigué,  et  on  voyait 
un  moyen  de  s'en  débarrasser. 

Le  poison,  répandu  en  secret,  gagna  da 
proche  eu  proche,  infecta  des  hommes  de 
tous  les  étals;  ceux  qui  l'avaient  reçu  furent 
eux-mêmes  étonnés  de  se  trouver  d'abord 
en  si  grand  nombre.  Les  livres  de  Luther, 
de  .Mélanchton,  de  Carlosladt,  de  Zwingle,  se 
multipliaient  en  France,  et  en  firent  naître 
d'autres  :  on  vit  éclore  de  toutes  parts  des 
livres  de  piété,  des  traités  dogmatiques,  des 
ouvrages  polémiques  ;  ils  inondèrent  le 
royaume  et  y  allumèrent  le  fanatisme.  Les 
décrets  de  la  iaculté  de  théologie,  les  man- 
dements des  évêques,  les  recherches  de  la 
police  ne  purent  en  arrêter  le  cours.  Peu 
importait  quelle  doctrine  on  adopterait, 
pourvu  iiue  l'onchangeàtde  religion.  L'/ns  i- 
tulioii  de  Cahin  parut;  cet  ouvrage  était 
séduisant,  il  fut  reçu  avec  acclamalion  ;  une 
graiule  partie  du  royaume  se  trouva  bientôt 
calviniste  sans  l'avoir  prévu. 

Ce  p.u'ti,  qui  sentit  ses  forces,  éclata  par 
des  voies  de  fait,  p.ir  des  placards,  par  dos 
libelles  injurieux;  les  migisirats  et  le  gou- 
ncment  alarmés  eurent  recours  aux  suppli- 
ces :  il  était  trop  lard  ;  ces  exécutions  aigri- 
rent les  esprits  et  rendirent  les  calvinistes 
furieux.  —  N'oublions  pas  que  sous  les  Va- 
lois les  peuples  étaient  aussi  méconlenls  du 
gouvernement  que  de  l'état  de  la  religion. 
François  11,  prince  inappliqué,  se  déchargea 
de  l'administration  du  royaume  sur  les  prin- 
ces de  Guise  ;  ceux-ci  avaient  gagné  la  faveur 
du  clergé  par  leur  zèle  pour  la  religion  ca- 
tholique; les  grands,  qui  voulaient  leur  en- 
lever l'autorité,  se  rangèrent  du  côté  de;; 
calvinistes.  La  conjuration  d'Amboise,  qu'ils 
fonnèrenl  dans  ce  des'-eiu,  éclata  et  fut  dé- 
concertée; la  punition  des  conjurés  ne  servit 
qu'à  augmenter  la  haine,  et  à  faire  concvoir 
de  nouveaux  projets  de  révolte.  —  Ch  irles 
IX.  en  montant  sur  le  tiôae,  voulut  en  vain 
calmer  les  deux  partis  ;  laniuislie  accordée 


631 


CAL 


CAL 


6Si 


par  son  édit  aux  protrstants  ne  prouve  que 
trop  les  excès  auxquels  ils  s'éiaient  déjà 
porlés.  Un  lunaullc  arrivé  par  hasard  à  Vassi, 
et  dans  lequel  plusieurs  protestunls  furent 
lues,  leur  servit  de  prétexte  pour  lever  une 
armée  et  commencer  une  guerre  civile.  Elle 
embrasa  bientôt  tout  le  royaume,  et  elle  se 
fit  de  part  et  d'autre  avec  loules  les  fureurs 
que  la  fanatisme  peut  inspirer.  Deux  fois 
elle  fut  suspendue  par  des  édits  de  pacifica- 
tion, ou  plutôt  de  pardon  ;  à  la  Iroisième,  les 
proleslaiils  obtinrent  de  leur  souverain  tout 
ce  qu'ils  demandaieut,  el  même  des  places 
de  sûrelé.  —  Un  roi  réduit  à  traiter  avec  ses 
sujets  devenus  ses  ennemis,  leur  pardonne 
difficilement  cette  injure  ;  Charles  IX,  indi- 
gné des  conditions  qu'on  lui  avait  fait  subir, 
frappé  de  ce  qu'il  avait  à  redouter  de  la  part 
d'un  parti  toujours  menaçant,  conçut  le  fu- 
neste projet  de  se  défaire  des  chefs  du  parti 
huguenot,  et  permit  de  les  massacrer.  Le 
peuple,  une  fois  animé  au  carnage,  ne  se 
borna  pas  à  immoler  les  chefs;  un  nombre 
infini  de  catholiques  satisfirent  leurs  haines 
particulières  ,  poussèrent  la  cruauté  aux 
derniers  excès,  et  donnèrent  ainsi  lieu  à  une 
nouvelle  guerre  civile.  Vuy.  Saint-Barthé- 

LEMI. 

Henri  111,  pour  la  faire  cesser,  fut  obligé 
d'accorder  aux  calvinistes  un  cinquième  édit 
encore  plus  favorable  pour  eux  que  les  pré- 
cédents; les  catholiques  mécontents  formè- 
rent la  ligue,  qui  fut  nommée  très-mal  à 
liroyios  la  sainte  union;  la  crainte  de  voir 
passer  la  couronne  sur  la  tête  d'un  prince 
hérétique  rendit  les  catholiques  aussi  intrai- 
tables que  les  huguenots. 

Henri  IV  avait  été  malheureusement  élevé 
dans  le  calvinisme  ;  il  fut  obligé  de  conquérir 
son  royaume  sur  les  ligueurs.  Enfin,  victo- 
rieux et  universellement  reconnu,  il  accorda 
aux  calvinistes,  qui  l'avaient  utilement  servi, 
un  nouvel  édil  de  pacification,  semblable 
aux  précédents,  avec  des  villes  de  sûrelé; 
c'est  l'éditde  Nantes.  — Heureuse  la  France, 
si  la  paix  eût  éteint  le  fanatisme  !  mais  il 
subsistait  encore;  Henri  l\  en  fut  la  victime, 
et  périt,  comme  Henri  111 ,  par  un  assassi- 
nat. 

Sous  Louis  XIII,  les  protestants  reprirent 
les  armes;  ils  furent  vaincus,  el  leurs  places 
fortes  démolies.  Mais  l'édil  de  Nantes  fut 
confirmé  quant  anx  autres  articles.  Louis 
\IV,  plus  puissant  et  plus  absolu  qu'aucun 
de  ses  prédécesseurs  ,  révoqua  l'édit  de 
Nanti's  en  1685,  et  depuis  ce  moment  les 
calvinistes  ont  dé  privés  en  France  de 
l'exercice  public  de  leur  religion.  Nous 
n'oserions  examiner  si  celte  révocation  a  été 
mjuste  et  illégitime,  si  elle  a  porté  au 
royaume  un  préjudice  aussi  considérable 
que  l'onl  prétendu  quelques  écrivains  mo- 
dernes (1). 

(1)  La  révocation  (lo  l'fdit  iW.  Nantes  •■»  été  rap- 
poriée  en  178S,  sous  le  minislore  ilii  cardinal  de 
ItritMine.  C'csl  nn  princiiu;  i\k  ions  lis  lrin|is  que 
nons  proclaNiDiis  aiijiini'<l'|jnl  avec  ciiiilianco  :  une 
libelle  eiiiicic  el  toiiipléie  de  couse. eiice  csi  plus 


Celle  narration  Irès-abrégée  suffit  pour 
donner  une  idée  des  maux  qu'a  causés  à  la 
France  une  prélenJue  réforme  qui,  loin  de 
rendre  la   foi  plus  pure  et  la  morale  plus 

utile  à  la  vraie  religion  qu'une  protection  despotique. 
—  La  liberté  de  conscience  est  nn  droit  qu'aucun 
pouvoir  liumain  ne  pem  ravir. 

Quoique  1:\  question  de  U  révocation  de  Tédit  de 
Manies  soit  plus  du  ressurl  de  la  politique  que  de  la 
lliéol(K„'ie,  cependant,  parce  qu'on  en  a  fait  nnegrande 
olijeclion  coulre  la  religion,  nous  croyons  devoir 
citer  ici  rappréciatinn  qu'en  a  faile  M.  Frayssinius. 

<  Les  longues  et  sanglâmes  guerres  de  la  religion, 
dil-d,  élaienl  encore  vivement  présentes  à  tous  les 
esprits,  et  le  souvenir  des  maux  passés  invliall  à 
prendre  des   mesures  pour  en    prévenir  le  retour.  > 

<  Je  ne  m'atiaclierii  pas,  >  dit  à  ce  sujet  l'aiigusie  élève 
de  Féneloii,  le  duc  de  Bourgogne  ,  «  à  ciinsi.lérer 
I    les  maux  que  l'iiéré'^ie  a  fans  en  Allemagne,  dans 

<  les  royaumes  d'Angleterre,  d'Ecosse  et  d'Irlande, 
I  dans  les  Provinces-Unies  et  ailleins;  c'est  du 
(  royaume  seul  dont-il  esi  question.  Je  ne  rappellerai 
I  pas  même  dans  le  détail  celte  chaîne  de  désordres 

<  consignés  dans  tant  ili^  nioniiinenis  aullienliques, 
«  ces  assemblées  secrèies,  ces  serments  d'associa- 
(  tion,  ces  ligues  avec  l'éiranget,  ces  refus  de  payer 
I  les  tailles,  ces  pillages  des  deniers  puldics,  ces 
*  menaces  séditieuses,  ces  conjurations  ouvertes, 
I  ces  guerres  opiniâtres,  ces  sacs  de  ville,  ces  in- 
I  ceiidies ,  ces  massacres  réllécliis  ,  ces  attentats 
i  contre  les  rois,  ces  sacrilèges  multipliés  et  jusqu'à- 
(  lors  iiioiiis  :  il  me  suflil  (le  dire  que  depuis  Fran- 

<  çnis  I"  jusqu'à  nos  jours,  c'e>t-à-dlre  snus  sept 
I  règnes  diiïércnts,  tous  ces  maiixel  d'autres  encore 
c  uni  désolé  le  royaume  avec  plus  ou  moins  de  iu- 
I  reiir.  Voilà,  di»-je,  le  l'ail  hishuiqoe  que  l'on  peut 
«  charger  de  divers  incidents,  mais  que  l'on  ne  peut 

<  coiiiester  subsianlielleinenl,  ni  révoquer  en  doute; 
«  el  c'est  ce  point  capital  qu'il    faut  toujours  eiivi- 

<  sager  dans  l'examen  politique  de  cette  affaire.   » 

I  Plein  de  ces  pensées,  le  gouvernement  s'occu- 
pait depuis  longtemps  à  miner  iiiseuslbleineiu  un 
parti  reiloulable  qui  ,avait  porté  l'audace  jusqu'à 
vouloir  loriiier  un  Liai  républicain  au  milieu  iiièine 
de  la  France.  <  Les  arrëiset  les  édils  se  succédaient 
I  raijdement,  dit  l'iilusire  liistorien  de  Bussuei  ;  on 

<  pensait  alors  que  les  édils  précédents  de  t'iié- 
I  rance  et  de  pacliicalion  n'élaient  pas  des  traités 
I  d'allianre,  mais  des  ordonnances  faites  par  le< 
I  rois  pour  l'ulilité  piibliipie  et  sujets  à  révocation 
f  lorsque  le  bien  de  l'Ltat  le  duinaiide.  Tel  était  le 
(   senlimenl  du  docteur  Arnauld,  et,  ce  qui  est  plus 

<  remarquable,  de  Groiius  lui-même.  Le  gouvenie- 
I  ment  français  paraissait  suivre  le  même  système 
«  poliiiqiie  que  les  gouvernements  praesianis 
I  avaient  mis  depuis  luiigleiiips  à  exécution  coulre 
I   leurs  sujets  lallioliques;  et  même,  en   comparant 

<  leur  code  pénal  avec  celui  de  la  France,  il  serait 
I  facile  lie  prouver  qu'il  se   montra    plus  indulgent 

<  et  plus  tolérant.  Il  était  fidèle  depuis  quinze  ans  à 
(  celle  marclie  progressive,  et  rien  n'annonçait  l'a- 
(  boliiion  ciiiiëre  de  redit  de  Nantes,  lorsque  des 

<  (omplols  alariiiaiils,  qui  éclatèrent  en  l(iS3,  la 
I  tirent  mettre  en  délilnTalinn.  Les  protestants  du 
I  l'oîtou,  de  la  Salnlonge,  de  la  Guyenne,  du  Lan- 
I  gnedoc.des  Cévennes.ilii  Vivarais  et  du  Daupliiné, 

<  formel  eut  un  projet  général  d'union  pour  relever 
I  les  leiiiples  ipil  avaieni  éié  démolis,  cl  reconquérir 
I  les  privilèges  dmit  ils  avaieni  été  dépouillés. 
«  L'elendard  d(î  la  révolte  l'ut  arbore  dans  quelqiies- 

<  unes  de  ces  provinces  C  ''"-'s  t^'ofes  furent  mises 
I  sur  pied  pour  les  conicnir.  Celte  atlaire  devint 
I  l'objet  plus  baliiliiel  dis  pensées    du  roi  et  de  ses 

<  conseils.  ICnlin  l'edit  fut  révoqué.  L'opinion  géné- 
I  raie  paraissait  alors  lelleinent  consacrer  la  sageise 


653 


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634 


parfaite,  renouvelle  une  foule  d'erreurs  con-  désespoir,  et  les  méchanis  dans  une  funeste 

damnées   dans    les  différents   siècles  de  l'E-  sécurité,  ôte  tout  motif  de  pratiquer  la  vertu 

glise  ,  dont  les  dogmes  renversent  les  prin-  et  qui  a  inspiré,  dès  l'origine,    à   ses  secla- 

cipes  de  la  morale   fondés  sur  la   liberté  de  teurs,  la  même  révolte  tant  contre   les  puis- 

l'homme  ,  jettent    les  âmes  timorées  dans  le  sances  séculières  que  contre  l'aulorité  ecclé- 


c  de  celle  mesure,  que  Loiiis  XIV  reçut  les  féliciia- 
I  lions  de  Iniis  les  ordres  de  son  royaume.  Tous  les 
I  p.irleineiiis  s'em|iresséreru  d'enregistrer  un  édil 
c  ipi'ils  ;iva  enl  prévenu  eiix-niènies  par  une  iiiulli- 
«  Inde  ir;irrêls  particuliers  dmit  l'étal  de  révocation 
f  IIP  semblait  ère  que  la  sanction  générale.  Les 
«  inscriptions  qu'on  lisait  encore,  il  y  a  vingt-cinq 
«  ans,  au  pied  de  \:\  slalue  de  Louis  XIV,  à  la  place 
«  Veiulonie  et  à  l'IIôiel-de-Ville  de  Paris  parais- 
t  s.tient  n'avoir  été,  par  leur  confnrniilé  avec  ce  qui 
•  niius  reste  des  mémoires  eonteniporaiiis .  (pie 
«  l'expression  sincère  de  l'opinion  publique.  Ll  t'est 
I  avec  raison  qu'un  auigir,  ipii  ii'esl  pas  suspect, 
I  disait  en  1789,  que  Ldiiis  XIV  n'avait  fait  que  cé- 
I  der  nii  vœu  ijénérat  de  Idnalion.  On  avait  cru  trop 
«  aisément  que  les  uns  seraient  conlenns  par  la 
«  crainte,  et  que  les  autres  seraient  gagnés  par  la 
«  persuasion  ;  la  résistance  année  des  proteslmis 
«   lit  voir  qu'on  s'élait  trompé;   elle  amena  des    me- 

<  sures  de  rigueur  «ini  n'entraient  que  trop  dans  le 
«  caractère  violent  de  Loiivois,  et  l'on  ne  peut  que 
c  gémir  sur  les  excès  déplorables  commis  des  deux 
I   côtés.   Enfin    la   paix  de    llisvvick  vint  rendre  le 

<  calme  à  la  France,  et  permit  an  gouvernement  de 
«  s'occuper  du  sort  des  protislaiit>.  Le  marquis  de 
c   Loiivois,  le  plus  a' dent  promoteur  des  mesure-;  de 

<  ligueur,  n'existait  plus,  et  Louis  XIV  était  toujours 
«  dispiisé  à  accueillir  tous  les  moyens  de  douceur  et 
«  de  raison  qui  étaient  conformes  it  sa  modération 
t  et  à  Sun  équité  naturelle.  Les  cris  de  tant  de  vic- 
«  litnes  innocentes  on  coupables  :ivaient  retenti 
I  jusqu'à  son  àme  sensible  et  généreuse.  La  religion 
«  même  s'était  indignée  de  l'abus  criminel  qu'on 
«  avait  osé  taire  de  son  nom  et  de  son  autorité,  con- 
I  tre  ses  intentions  bien  connues  et  souvent  expri- 
«  niées.  Le  cardinal  de  Noailles,  qui  était  également 
f  opposé  par  caraiière  et  par   principe  à  tout  ce 

<  qui  pouvait  ressembler  à  la  conirainle  et  à  la  vio- 
t  lence  ;  Bossuet,  qui  n'avait  jamais  voulu  employer 
I  que  le^  iirmes  de  la  science  et  les  moyens  d'ins- 
«  truction,  firent  prévaloir  peu  à  peu  les  conseils  de 
I  la  douceur  et  de  la  modération.  Ils  furent  lieureii- 
I  sèment  secondés  par  les  insinuations  encore  plus 
f  persuasives  de  madame  deMainlenon,  que  la  piété 
«  naturelle  à  son  sexe,  et  uneiaison  douce  et  ealme, 
1  rendaient  toujours  accessible  à  des  maximes 
«  avouées  par  la  religion  conimme  par  l'humanité. 
«  Ln  exilant  les  ministres,  Louis  XIV  avait  défendu 
«  :mx  sectateurs  de  leur  cumtnnnion  de  quitter  la 
f   France,   mais  l'éinigration   des  pasteurs  entraîna 

<  celle  d'une  partie  de  leur  trouiean.  liasnage,  écri- 
«  vain  protestant  porte  à  trois  ou  quatre  cent  mille 
t  le  nombre  des  proteslanis   réfugiés.  Celle  seule 

<  énuméiatinn  de  trois  nu  quatre  cent  mille  dans  une 
I  pareille  inalière,  est  laite  pour  inspirer  de  la  nié- 
«  fiance  à  un  critique  judicieux.  La  Martinière,  cga- 
«  Icmenl  proiest  ml,  réduit  ce  nombre  à  trois  cent 
«  mille.  Larrey,  aussi  protestant,  le  réduit  à  deux 
t  cent  mille,  et  l'Iiislorien  protestant  de  la  révoca- 
I  lion  de  redit  de  Nantes,  Benoit,  s'arréie  aussi  Di 
(   deux  cent  mille.   > 

t  On  sent  qu'il  esl  permis  de  conserver  au  moins 
des  doutes  sur  des  calculs  aussi  vagues  lorsqu'on 
Voit  des  écrivains  de  la  méuK^  conimimion  placés  .i  l'é- 
poque même  des  événements  différer  de  quatre  cent 
mille  à  deux  cent  mille  sans  donner  à  leur  evalua- 
liiin  des  bases  qui  puissent  en  parantir  la  coiti- 
Imle. 

<  Ecoutons  le  duc  de  lîonrgDgne,  qui  avait  fait 
d'exactes  reclierclics  sur  cette  luaiiére  :   «  Du  a  exu- 


I  géré  innniment  le  nombre  des  huguenots  qui  sor- 
(   tirent  du  royaume  à  celle  occasion,    et   cela  de- 

<  vait-être    ainsi  :  comme   les   intéressés   sont    les 

<  seuls  qui  parlent  et  qui  crient,  ils  aflirment   tout 

<  ce  qui  leur  plaît.  Un  ministre  qui  voyait  son  iroii- 
«  peau  di-persé  publiait  qu'il  avait  passé  cheï  Té- 
«  trauger.  Un  chef  de  manuraciure  qui  avait  perdu 
«  deux  onvii.-rs  taisait  son  calcul  comme  si  tous  les 
«  f.ibricanis  du  royaume  avulenl  fait  la  iiiènie  pêne 
€  que  lui.  Dix  ouvriers  sortis  d'une  ville  où  ils 
«  avaient  leurs  onnai^sances  et  leurs  amis  faisaient 
€  croire,  par  le  bruit  de  leur  fuite,  que  la  ville  allait 
I  manquer  de  bras  pour  tons  les  aieliers.  Ce  qu'il  y 

<  a  de  surprenant,  c'est  que   plusieurs  maîtres  des 

<  requêtes,  dans  les  instructions  qu'ils  m'adressé- 
«  rent  sur  leurs  généralités,  ado|ilèreiU  ces  bruits 
I  (lopiilaires,  et  annoncé' eut  par  là  combien  ils 
I  éiaient  peu  instruits  de  ce  qui  deïait  les  occuper; 
«  aussi  leur  rapport  se  trouv.i-i-il  contredit  par 
I   d'autres,  et  dénionlié  faux  parla  vérilicalion  faite 

<  en  plusieurs  endroils.  Quand  le  nombre  des  bu- 
«  giienots  qui  sonirenl  de  France  à  cette  époque 
«  monterait,  suivant  le  cal. -ni  le  plus  exagéié,  à 
I  soixante  sept  mille  sepi  cent  trente-deux  persoii- 
t   nés,  il  ne  devait  pas   se  trouver  |iaiini  ce  nombre, 

<  qui  comiirenait  tons  les  âges  et  tous  les  sexes, 
«  assez  d'Iiomnies  utiles  pnur  laisser  un  grand  vide 
«  dans  les  campagnes  et  dans  les  ateliers, .et  influer 
I  sur  le  royaume  entier.  Il  est  certain  d'ailleurs  que 
«  ce  vide  ne  dut  jamais  être  plus  sensible  qu'au  nio- 
I  ment  où  il  se  fit.  On  ne  s'en  aperçut  pas  alors, 
I  et  l'on  s'en  plaint  aujourd'hui!  il  faut  donc  en 
f  clierclier  une  autre  cause  :  elle  existe  en  elfel,  et, 
I   SI  l'on  vent  la  savoir,  c'est  la  guerre.   > 

€  Quant  à  la  retraite  des  biigueuots,  elle  coûta 
moins  d'Iiommes  utiles  à  l'Etat  nue  ne  lui  en  enle- 
vait une  seule  année  de  guerre  civile.  S'il  fallait  écou- 
ter certains  déclamateurs  ,  on  croirait  rjue  les  ri- 
chesses et  la  prospérité  avaient  lui  la  France  avec 
les  protestants  réingiés  ;  et  cependanl ,  je  le  de- 
mande, le  commerce  et  l'industrie  ont  ils  cessé  de 
prendre  des  accroissements  dans  le  cours  du  xviii* 
siècle;  n'a-t-on  pas  vu  se  multiplier  de  toutes  parts  les 
éloflés  précieusrs,  les  meublessnperbes,  les  tableaux 
de-  grands  maîtres  ,  les  maisons  richement  déco- 
rées ? 

«  A  l'époque  de  la  révoc:ition,  notre  commerce, 
à  peine  sorti  des  mains  de  Colbert,  son  cré.iteiir, 
était  encore  dans  l'enfance.  Que  pouvions-nous  ap- 
preiKlre  .i  nos  rivaux,  de  qui  nous  avions  tout  ap- 
pris !  L'Angleterre,  la  Hollande,  l'Italie  nous 
avaient  devancés  dans  la  carrière;  les  manulaitures 
de  Louviers  et  de  Sedan  oni  eu  leurs  modèles  chez 
nos  voisins.  Le  nom  seul  d'un  très-grand  nom- 
bre de  nos  fabricants  rappelle  Londres,  Florence,  Na- 
ples,  Turin,  et  décèle  ainsi  nue  origine  étrangère.  La 
Prusse  esl  presque  le  seul  Etal  où  les  rélngics  aient 
fait  des  établissemenis  considérables;  Hrêine,  llain- 
boiirg,  Lubeck  et  plusieurs  autres  villes  ii'ét;iient- 
elles  pas  riches  et  puissantes  avant  toutes  les  émi- 
grations? On  voit  ici  avec  quelle  légèreté  Voltaire  et 
ses  copistes  ont  avancé  que  jusque-là  le  Nord  de 
l'Alleiiugiie  n'était  qu'un  pays  agreste. 

I  Sans  doute  le  clergé  put  bien,  avec  le  reste  de 
la  France,  applaudir  à  une  mesure  qu'on  regardait 
comme  dictée  par  une  sage  politique;  mais  on  peut 
dire  que  s'il  est  entré  pour  qiirique  cliusc  dans  les 
sanglants  et  réciproques  excès  i|ui  en  ont  souillé 
lixéciition,  ce  ne  lut  que  pour  en  être  la  vicliuie, 
ou  pour  les  adoucir,  t 


6IS 


CAL 


CAL 


esc 


siasiique.  Aujourd'hui  ,  revenus  de  leur  an- 
cien fan;ilisme,  sp'*  «locleiirs  sont  forcés  de 
convenir  que  l'Eglise  romaine,  de  laquelle 
ils  se  sont  >éparés,  n'enseig;iie  aucune  erreur 
foiid.imenlale,  ni  ^ur  le  do<;;ni<- ,  ni  sur  la 
inoiali-,  ni  sur  le  «ulle;  qu'un  bon  catholi- 
que peut  faire  son  salui  dans  sa  reli-^ion. 
Ou'é!aii-il  donc  nécessaire  de  bouleverser 
l'Europe  entière  pour  la  détruire,  et  pour 
établir  le  caUinisnie  sur  ses  ruinrs?  — 
Qii;ind  on  n'aurait  à  leur  reprocher  que 
l'incendie  de  plusieurs  riches  bibliothèques, 
tant  en  France  ((u'eu  An^çli-terre  ,  c'en  serait 
assez  pour  faire  détester  l'esprit  qui  les  ani- 
mait. 

Cependant  une  foule  d'incrédules,  toujours 
prêts  A  soutenir  le  parii  des  séditieux,  veu- 
lent faire  retomber  sur  la  religion  catholuiue 
les  excès  auxquelles  les  calvinistes  se  sont 
portés,  et  tous  les  maux  qui  s'en  sont  ensui- 
vis. Us  disent  que  les  défenseurs  de  la  reli- 
gion donitnante  se  sont  élevés  avec  fureur 
contre  les  sectaires,  ont  arme  conire  eus  les 
puissances,  en  ont  arraché  des  éilils  san- 
glantx,  ont  soulflé  dans  tous  les  (  œurs  Iri  dis- 
corde et  le  fanatisme,  et  ont  rejeté  sans  pu- 
deur sur  leurs  vi>  limes  les  désordres  qu'eux 
seuls  avaient  produits.  Cela  est-il  vrai? 

1°  L'on  connaît  les  principes  des  premiers 
réformateurs,  de  Luther  et  de  iJaUln  ;  ils  sont 
consignés  dans  leurs  ouvrages.  En  lo20, 
avant  qu'il  y  eût  aucun  edit  poilé  conire  Lu- 
ther, il  publia  son  livre  de  la  Libeili  chré- 
tienne, où  il  décidait  que  le  chiélien  n'est 
sujet  à  aucun  homme,  et  déclamait  conire 
tous  les  souverains;  c'est  ce  qui  causa  la 
guerre  des  anabaptistes.  Dans  ses  tliès(>$  il 
s'écria  qu'il  fallait  courre  sus  au  pape,  aux 
rois  et  aux  répars  qui  prendraient  son  parti. 
Dans  son  traité  du  Fisc  commun,  il  voulait 
que  l'on  pillât  les  églises,  les  monast  res  et 
les  évéchés.  En  conséquence,  il  fut  mis  au 
ban  de  l'empire  en  1521.  Est-ce  lecl  rgé  qui 
dicta  cet  arrêt?  La  gramle  maxime  de  ce  fou- 
gueux réformateur  était  que  l'Evangile  a 
toujours  causé  du  (rouble,  qu'il  faul  du  sang 
pour  l'établir.  Tel  est  l'esiirit  dont  étaient 
animés  ceux  de  ses  disciples  (]ui  vinrent 
prêcher  en  Fiance.  —  Calvin  écrivait  qu'il 
fallait  exterminer  les  zélés  faquins  qui  s'op- 
posaient à  l'élablissemenld(!  la  réforme;  que 
pareils  monstres  doivent  être  étouffés  ;  il  aj)- 
puya  relie  doctrine  par  son  exemple,  fil  un 
traité  exprès  pour  la  prouver.  Yoy.  les  Lct- 
Irei  de  Calvin  à  M.  du  Poët,  et  Fidelis  expo- 
titio,  etc.  Nous  demandons  si  des  prédicants 
qui  s'annoncent  ainsi  doivent  être  soufferts 
dans  anrun  état  policé?  —  2'  Le  premier 
êdit  porté  en  France  contre  les  cnivinisies 
fui  publié  en  15:i'j.  Alors  la  réforme  avait  dé- 
jà mis  en  feu  l'Allemajine  ;  il  y  avait  eu  en 
France  des  itnages  brisées,  des  libelles  sédi- 
tieux répandus,  des  phirards  injurieux  alfi- 
chés  ju-qu'aux  portes  du  Louvre.  Fran- 
çois 1"  craignit  p;iur  ses  Etals  les  mêmes 
troubles  (|n'il  avait  fomentés  lui-iiiéine  en 
Allenijigne.  Telle  fut  la  ciuse  des  |iromières 
exécutions  l.iiles  en  Fi.ince.  Lorsiine  les 
princes   protestants  d'AUcinagnc  s'en  plai- 


gnirent, François  I"  répondit  qu'il  n'avait 
fait  que  punir  des  séditieux.  Par  l'é  lit  de 
Î54f>,  il  les  proscrivit  c  >nime  perturbateurs 
de  l'Etat  et  du  repos  public:  personne  n'a 
encore  osé  accuser  le  clergé  d'jivoir  eu  part 
à  ces  édiis  Un  célèbre  écrivain  de  nos  jiurs 
est  eonvi'nu  que  l'esprit  dominant  <lu  calvi- 
ni^uK'  était  de  s'ériu'er  en  république.  Essais 
sur  'hisioirt  générale,  etc.  3"  Nous  délions  les 
Ciilomnialeurs  du  clerué  de  citer  un  seul 
pays,  une  seule  ville,  où  les  ravin  sles  de- 
venus les  maîtres  aient  sonfferi  l'exercice 
de  la  religion  catholique,  i'^n  Suisse  ,  en  Hol- 
lande, en  Suède,  en  Angleterre,  ils  l'ont 
proscrite,  souvent  contre  la  foi  des  traités. 
L'ont-ils  jamais  permise  en  France  ,  dans 
leurs  villes  de  sûreté?  Une  maxime  sacrée 
de  nos  adv  rsaires  est  qu'il  ne  laui  pas  to- 
lérer les  inloléranis:  or.  j;imais  religion  ne 
fut  plus  intolérante  que  le  calvinisme;  vingt 
auteurs,  même  prote>tants,  ont  été  forcés 
d  en  convenir.  Dès  l'origine,  en  France  et 
aiieurs,  les  cailioli(]iies  oe.t  eu  à  choi-ir,  ou 
d'exterminer  les  huguenots,  ou  d'être  eux- 
niê  nés  exierminés.  —  4°  Si,  avec  tout  le 
flegme  que  peuvent  inspirer  la  chanté  chré- 
tienne, l'amour  de  la  vémé.  le  respect  pour 
les  lois,  le  vrai  zèle  de  religion  ,  les  premiers 
réformateurs  s'étaient  ait'iches  à  prouver 
que  l'Esili-e  romaine  n'est  point  la  véritable 
Eglise  de  Jesns-Chiisi,  que  son  chef  visible 
na  aucune  auioiié  de  di'<rii  divin,  i|ue  son 
culte  extérieur  est  contraire  à  l'Evangile, 
que  les  souieraiiis  qui  la  protègent  en. en- 
dent  mal  leuis  intérêts  et  ceux  de  leurs  peu- 
ples, ec;  si,  en  demandant  la  liberté  de 
conscience,  ils  avaient  solennellement  promis 
de  ne  point  molester  les  catholiques  ,  de  ne 
point  troubler  leur  culte,  de  ne  p'dnl  inju- 
rier les  préires,  etc.,  et  qu'ils  eussent  tenu 
parole,  sonimes-noiis  certains  que  le  gou- 
veinement  n'eût  point  laissé  de  sévir  conire 
eux?  Ouaiid  même  le  clergé  eût  solicité  des 
édils  sanglants,  les  aurait-il  obtenus?  On 
sait  si  pour  lors  la  c  lur  était  fort  chrétienne 
et  fort  zélée  pour  la  religion.  —  o°  En  sup- 
posant que  le  massacre  de  Vassi  éliiit  un 
crime  p  éinedité,  ce  qui  n'est  point,  cétail 
le  fait  particulier  du  duc  de  Guise  et  de  ses 
gens  ;  était-ce  un  sujet  légitime  de  prendre 
les  armes,  au  lieu  de  porter  des  plaintes  au 
roi,  et  de  demander  justice?  Mais  les  cd/t'i- 
nii/e.v  avaient  déjà  lésolula  guerre,  ils  n'at- 
tendaient qu'un  prétexte  pour  la  déclarer. 
Dès  ce  niomeni  ils  n'ont  plus  rien  voulu  ob- 
tenir que  |iar  la  force  r-l  les  armes  à  la  main. 
Le  clergé  n'a  donc  pas  eu  lie-oin  de  souffler 
le  feu  de  ka  discorde  pour  animer  les  catho- 
liques à  la  vengeance;  les  liuguenols  furieux 
ne  leur  ont  fourni  ()uelrop  de  sujets  de  re- 
présailles. Ceux  ci  ont  dû  s'attendre  à  être 
traites  en  ennemis,  loules  les  fuis  que  le  gou- 
vernement aurait  assez  de  force  pour  les 
punir.  —  C'est  donc  une  calnmnie  grossière 
d'att'ibuer  au  clergé  et  au  zèle  fanaii(.]ue  de 
la  religion  les  excès  qui  ont  été  cnmmis  pour 
lors  ;  le  foyer  du  faialisme  elait  chez  les  cat- 
tin/-/es,  et  non  chez  les  catholiques.  —  6" 
N uus  n'avons  pus  besoin  de  chen-hcr  aiLlcnr& 


I 


#37 


CAL 


CAM 


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que  chez  nos  ailversaires  les  preuves  de  ce 
que  nous  avançons.  Bayle  ,  qui  ne  doit  pas 
élre  sus|iocl  aux  incré<lulcs,  qui  vivait  parcai 
les  calvinistes,  eU\ui  les  (.•ortriais'ail  (rès-bien, 
leur  ;i  ri-proclié,  dans  son  Aiis  aux  réfugiés, 
eu  1C90,  d'avoir  poussé  la  licence  des  écrits 
saiiri(|ues  à  un  evcès  dont  on  u'.iv  lit  point 
encore  eu  d'exemple;  d'.ivoir,  dès  leur  nai*- 
s.ince,  introduit  eu  France  l'usage  des  libelles 
riilîiimaioires,  que  l'on  n'y  conoaissait  pres- 
que pas  ;  il  leur  rappelle  \i  s  édits  i)ar  lesquels 
on  fut  obligé  de  réprimer  leur  audace,  et  la 
tiialignilé  avec  laquelle  leurs  docteurs,  l'IÎ- 
vang^ile  à  la  main  ,  ont  calou)nié  les  vivants 
et  les  nnuris.  11  leur  oppose  la  modéraliou  et 
la  paiience  que  les  catholiques,  en  pareil  cas, 
ont  montrées  en  Angleterre,  il  accuse  les 
premii-rs  d'avoir  eusi  igné  constamment  que, 
quand  un  souverain  manque  à  ses  promes- 
scs,  ses  sujets  sont  déliés  de  leur  serment  de 
fidélité,  et  d'avoir  fondé  sur  ce  principe  tou- 
tes les  guerres  civiles  dont  ils  uni  été  les 
auteurs. 

11  leur  représente  que,  quand  il  a  été  ques- 
tion d'écrire  coulre  le  pape,  ils  ont  soutenu 
avec  chaleur  les  droits  l'I  l'initépendaiice  des 
souverains  ;  que  lorsqti'ilsonl  été  mécontents 
de  ceux-ci,  ils  ont  remis  les  souverains  dans 
la  dépendance  à  l'égard  des  peuples  ;  qu'ils 
ont  souHIl'  le  froid  et  le  chaud,  suivant  l'iu- 
lérét  du  liea  et  du  moment.  Il  leur  montre 
les  conséquences  uffreoses  de  leurs  (jrinci- 
pes  louchant  la  prétendue  souveraineté  ina- 
liénable du  peuple  ;  el  aujourd'hui  nos  poli- 
tiques iicrédulesosent  nous  vanter  ces  mêmes 
principes,  comme  une  découverte  prérieuse 
et  nouvelle  qu'ils  oni  f  ;ile  ;  ils  ne  savent  pas 
que  c'est  une  doctrine  renouvelée  des  hugur- 
nols.  Il  n'y  a,  conlinoe  Bayle,  l'oiut  de  fon- 
dements de  la  tranquillité  publii|ue  (|ue  vous 
ne  sapiez,  [)oiiii  île  frein  c.ipable  de  retenir 
les  peuples  dans  l'obéissance  que  vous  ne 
Lrisiez Vous  avez  ainsi  vérilie  les  crain- 
tes que  l'on  a  conçues  di-  votre  parii,  dès 
qu'il  parut,  el  ()ui  tirent  dire  que  quiconque 
rejelle  l'aiilorile  de  l'Iîglise,  n'fst  p.i ,  loin  île 
secouer  celle  des  puissances  souveraines,  et 
qu'après  avoir  soutenu  l'égalité  entre  le  peu- 
ple el  les  pasieurs,  il  ne  tardera  pas  de  sou- 
tenir encore  l'egalilé  entre  le  peu|ile  el  les 
magistrats  séculiers. 

Bayie  va  plus  loin  ;  il  prouve  que  les  cal- 
vinistes d'Angleterre  ont  autant  contribué  au 
sup)  lice  de  Charles  1"  que  les  indépendants  ; 
que  leur  secte  est  plus  ennemie  de  l<i  puis- 
sance souieraine  qu'aucune  autre  secte  pro- 
testante ;  que  c'est  ce  qui  les  rend  irrécon- 
ciliables avee  les  luthériens  et  les  anglicans. 
11  lait  voir  que  les  païens  ont  enseigné  une 
doeirine  plus  pure  ()ue  la  leur,  tunchant 
l'obéissance  que  l'on  doit  aux  lois  et  à  la 
pati  ie  ;  il  réfute  toutes  les  mauvaises  raison 
par  lesquelles  ils  ont  voulu  justifier  leurs 
révoltes  irequentes.  11  demonire  i|ue  la  ligue 
des  catholiques  pour  exclure  Henri  IV  du 
trône  de  France    parce  qu'il  était  huguenot, 

a  élé  beauciiui lius  i  iiiuinelle  que  la  ligue 

des  irotcstanls  pourprner  le  duc  d'Vork 
de  la  couronne  d'  mgleterre,  parce  qu'il  était 


caiholique.  Telle  esll'analyse  de  Y  Avis  aux 
réfugiés,  qu'aucun  calviniste  n'a  osé  entre- 
prenilre  de  réfuter. —  DeJ.i,  clans  sa  Ré/ionse 
ù  la  lettre  d'un  réfugié,  en  1088,  il  avait  mon- 
tré (|iie  les  calvinistes  sont  beaucoup  plus  inlu- 
térants  que  les  catholiques,  qu'ils  l'ont  tou- 
jours élé.  qu'ils  le  sont  encore,  qu'ils  l'ont 
prouvé  par  leurs  livres  el  par  leur  conduiie  ; 
que  leur  principe  invariable  est  qu'il  n'y  a 
point  de  souverain  légitime  que  celui  qui  est 
orthodoxe  à  leur  manièri'.  Il  leur  avait  sou- 
tenu qu'eux-mêmes  OUI  Ibrcé  Louis  XlVà  ré- 
voquer l'édit  de  Nantes;  qu'en  cela  il  n'a  fait 
tout  au  plus  que  suivre  l'exemple  des  Etiit>  do 
Hollande,  qui  n'ont  tenu  aucun  des  traités 
qu'ils  avaient  faits  avec  les  catholiques.  Il 
avait  prouvé  (|ue  toute>  les  lois  des  Etais  pro- 
lestants ont  été  |jIus  sévères  contre  le  catholi- 
cisme, que  celles  'le  France  contre  le  calvi- 
nisme. 11  y  rappelle  le  souvenir  des  émissaires 
(|Ue  les  huguenois  envo ,  èreiit  à  Croinwel, 
en  16o0,  des  offres  qu'ils  lui  tirent,  des  résolu- 
lions  séilitieuses  qu'ils  prirent  dans  leurs  sy- 
nodes de  la  basse  liuienne.  ii  se  moque  de 
leurs  laiiientalions  sur  la  [iréiendue  persécu- 
tion qu'ils  éprouvent,  et  il  leur  déclare  que 
leur  conduite  justifie  [)leineiuent  la  sévérité 
avec  laquelle  on  lésa  traités  eu  France.  OEu- 
vres  de  liaylr,  lom.  H,  p.  5't4-. 

L'écrivain  qui,  eu  1158,  a  fait  l'apologie 
de  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes,  n'a  pres- 
que rien  fail  autre  chose  que  répéter  les 
mêmes  repioehes  et  les  mêmes  faits  que 
Bayle  avait  soutenus  en  face  aux  calvinistes, 
eu  1G88  et  IG90  Cependani  tous  nos  politi- 
ques anticlirétiens  oui  élevé  la  voix  contre 
lui  :  ils  ont  voulu  le  faire  passer  pour  un 
boule-feu  et  pour  un  fanaiique  :  qu'auraient- 
ils  dit,  si  cet  auteur  avait  déclaré  hautement 
qu'il  co|uait  Bayle  presque  mot  pour  mot  ? 
Voy.  GukBRES  DK  Religion,  Pkotestant,  To- 
lérance, elc. 

CAMALDULES,  ordre  religieux,  fondé  par 
saint  Komuald,  en  1009,  ou,  selon  d'autres, en 
9C0.  Saint  Bomoald  envoya  plusieurs  de  ses 
religieux  prêrher  l'Evangile  aux  peuples  de 
la  Hongrie,  qui  étaient  encore  infidèles  ;  il  y 
allait  lui-même  dans  ce  pieux  dessein,  lors- 
qu'il fui  sui  pris  de  la  maladie  dont  il  mourut. 

Le  P.  Ziégelliaur  a  donne  la  notice  des  écri- 
vains de  cet  ordre  en  1730,  à  Venise,  in-fnlio. 

La  congrégation  des  ermires  de  sainl  Ko- 
muald ou  du  mont  de  la  Couronne,  esl  une 
branche  de  celle  de  CamaMoli,  asec  laquelle 
elle  s'unit  en  15.12.  Paul  Ju>tiniaiii.  rie  \'enise, 
commença  son  établissement  m  1520,  el  en 
fonda  le  principal  monastère  dans  l'Apennin  , 
au  lieu  nomme  ie  monl  de  la  Couronne  ,  à  dix 
mille  de  Péiouse.  I  «y.  Baronius,  Baynaldi, 
Stiiinde,  ad  unn.  1520. 

Les  prote>tants  ont  forgé  une  calomnie 
grossière  conire  saint  Komuald.  Dans  une 
histoire  ecclésiastique  imprimée  à  Berne  en 
1701,  il  est  dit  que  Serge  son  père  s'élant 
l'ait  moine,  et  voulant  i|uitter  cet  état,  duquel 
il  élail  degonié,  Komuald  acourul  au  mo- 
n  istère,  mil  des  entraves  aux  pieds  de  son 
père ,  el  ne  ces^a  de  le  fr.ipoer,  jusqu'à  ce 
qu  il  eûl  promis  de  persévérer  dans  iéiat 


639 


CAN 


CAN 


(t4d 


monastique.  Fable  absurde  s'il  en  fut  jamais. 
Tous  les  historiens  déposent  que  saint  Ro- 
muaid  n'employa  que  les  raisons,  les  prières 
et  les  larmes  pour  engager  son  père  à  la 
persévérance.  Comment  aurait-il  osé  exercer 
une  violence  dans  un  monastère  où  il  n'avait 
au(  une  autorité,  où  il  n'était  ni  supérieurni 
religieux  ?  S'il  s'était  cru  la  violence  permi- 
se, il  l'aurait  fait  exercer  parquelcjue  moine, 
plutôt  que  de  s'en  rendre  coupable  lui-mê- 
me. Pendant  toute  sa  vie  il  a  donné  des 
exemples  d'une  douceur  et  d'une  patience  à 
loule  épreuve. 

Les  censeurs  du  christianisme  demandent 
si,"  pour  se  sancliûer,  il  est  nécessaire  de  se 
retirer  dans  les  déserts?  Non,  sans  doute; 
mais  ce  goût  que  Dieu  a  inspiré  à  des  per- 
sonnages très-vertueux,  n'a  pas  été  inutile  au 
monde.  Us  ont  défriché  et  rendu  habitables 
des  lieux  qui  étaient  sauvages  ;  la  renommée 
de  leurs  verlus  a  souvent  tiré  du  désordre 
des  hommes  qui  seraient  moris  impénitents  ; 
la  solilude  est  nécessaire  à  ceux  pour  lesquels 
le  monde  est  un  séjour  dangereux.  —  Mais  si 
tous  les  hommes  étaient  saisis  de  cet  accès 
de  mélancolie,  la  société  se  dissoudrait.  Ne 
craignons  point  ce  malheur,  Dieu  y  a  pour- 
vu ;  il  n'a  donné  le  goût  de  la  solitude  qu'à 
un  très-petit  nombre  d'hommes,  et  il  y  aurait 
de  l'injustice  à  gêner  leur  inclination. 

CAiMÉKONlENS.  Dans  le  xvii"  siècle,  on  a 
donné  ce  nom  en  Ecosse  à  une  secte  qui  avait 
pour  chef  un  certain  Archibal  Caméron,  mi- 
nistre prcsbv  térien,  d'un  caraclèresingulier. 
Il  ne  voulait  pas  recevoir  la  liberté  de  con- 
sciencequeCharles  II,  roi  d'Angleterre,  accor- 
dait aux  presbytériens  ;  parce  que,  selon  lui, 
c'était  recoimailre  la  suprématie  du  roi,  et  le 
regarder  comme  chef  de  l'Eglise.  A  celte  bi- 
zarrerie on  reconnaît  le  génie  caractéristique 
du  calvinisme.  Ces  sectaires,  non  contents 
d'avoir  fait  schisme  avec  les  autres  presby- 
tériens, poussèrent  le  fanatisme  jusqu'à  décla- 
rer Cliarles  II  déchu  de  la  couronne,  et  se 
révoltèrent  ;  on  les  réduisit  aisément,  et  en 
1690,  sous  le  règne  de  Guillaume  III,  ils  se 
rcunirentaux  autres  presbytériens.  En  1706, 
ils  recommencèrent  à  exciter  du  trouble  en 
Ecosse  ;  ils  se  rassemblèrent  on  grand  nom- 
bre, et  prirent  les  armes  près  d'Edimbourg  ; 
mais  ils  furent  dispersés  par  des  troupes  ré- 
glées que  l'on  envoya  contre  eux.  On  prétend 
qu'ils  ont  une  haine  encore  plus  forte  contre 
les  presbytériens  que  contre  les  épiscopaux. 
Il  ne  faut  pas  confondre  le  chef  de  ces 
caméroniens  avec  Jean  Caméron  ,  autre  cal- 
viniste écossais  ,  qui  passa  en  France  ,  en- 
seigna à  Sedan  ,  â  Saumur  et  à  Montauban. 
Celui-ci  était  un  homme  très-mudéré  ,  qui 
désapprouva  le  fanatisme  de  ceux  qui  se 
révoltèrent  contre  Louis  XIII  ,  cl  essuya  de 
mauvais  traitements  de  leur  part.  Il  a  laissé 
des  ouvrages  estimables. 

CANA,  ville  ou  bourgade  de  la  Galilée, 
dans  la(tuclle  Jésus-Clirist  fut  invité  à  des 
noces  ,  et  fit  le  premier  de  ses  miracles  en 
changeant  l'eau  en  vin.  Plusieurs  incrédules 
ont  lait  des  efforts  pour  rendre  ce  miracle 
suspect.  Ils  disent  que  Jésus  lit  remplir  d'eau 


deux  cruches,  qu'il  y  mêla  sans  doute  quel- 
que drogue  ])our  donner  à  l'eau  la  couleur  et 
le  goût  du  vin.  Ils  ajoutent  que  Jésus  favo- 
risa l'intempérance  des  convives  ,  en  leur 
fournissant  du  vin  lorsqu'ils  étaient  déjà 
ivres. 

Mais  si  Jésus-Christ  ne  Gt  rien  autre  chose 
que  de  donner  de  la  couleur  et  du  goût  à 
l'eau  ,  il  ne  favorisa  donc  point  l'intenipé- 
rance  ;  l'un  de  ces  reproches  détruit  déjà 
l'autre. 

Depuis  que  la  chimie  et  l'histoire  naturelle 
sont  poussées  au  plus  haut  degré  ,  a-t-on 
découvert  quelque  drogue  qui  ait  la  vertu 
de  donner  à  l'eau  la  couleur  et  le  goût  d'un 
excellent  vin  ?  Les  Juifs  n'étaient  pas  des 
chimistes  fort  habiles,  et  Jésus-Ghrisl  n'avait 
fait  en  Judée  ni  ailleurs  aucune  étude.  Il  ne 
toucha  point  aux  vases  dans  lesquels  l'eau 
fut  changée  en  vin  ;  tout  passa  par  les  mains 
de  ceux  qui  servaient  à  table  :  saint  Jean  , 
qui  rapporte  ce  miracle,  en  fut  témoin  ocu- 
laire. 

Le  maître  d'hôtel,  après  avoir  goûté  de  ce 
vin  miraculeux  ,  dit  à  l'époux  :  Tout  autre 
que  vous  sert  d'abord  le  bon  vin,  et  après  que 
l'on  a  beaucoup  bu,  cvm  inebuiati  fuerint,  il 
en  sert  alors  du  moindre  :  pour  vous,  vous 
avez  réservé  le  bon  rin  pour  la  fin  du  re- 
pas {Joan.  Il,  10).  Dans  le  style  des  écrivains 
sacrés  ,  inebriari  ne  signifie  pas  toujours 
s'enivrer,  mais  boire  à  sa  soif,  abondam- 
ment. Au  Oguré,  il  signifie  recevoir  en  abon- 
dance des  biens  ou  des  maux.  On  ne  peut 
donc  pas  conclure  de  ce  passage  que  Jésus- 
Christ  favorisa  l'intempérance  des  conviés. 
Voy.  Glassii  Philolog.  sacra,  I.  v,  tract.  1, 
c.  12. 
CANANÉEN.  Voy.  Chananéens. 
CANON  ,  terme  grec  qui  signifie  règle  ;  il 
se  prend  en  plusieurs  sens  (1). 

On  appelle  ainsi,  en  premier  lieu,  le  cata- 
logue des  livres  que  l'on  doit  reconnaître 
pour  divins  ou  inspirés  de  Dieu  ,  et  que 
l'Eglise  donne  aux  (idèles  pour  être  la  règle 
de  leur  foi  et  de  leurs  mœurs  (â). 
Le  canondc  laUlble  n'a  pas  toujours  été  le 

(1)  La  question  de  U  canonicilé  des  livres  saiirts 
esi  irès-iinponanic.  Il  est  iiéeessuire  de  prouver  que 
le  canon  du  concile  de  Trente  n'a  lait  i|u'exprimer 
la  croyance  de  l'Kglise  de  Ions  les  temps,  et  n'a  rien 
innové  en  cetli;  nialière.  Mais  la  diflicullé  concerne 
surtout  les  livres  lieuiérocaiioniques.  Nous  remet- 
tons à  développer  nos  preuves  au  mot   Dëutého- 

CANONHiUES. 

(2)  Le  saint  concile  de  Trente,  ayant  donné  son  dé- 
cret snr  l'Kcritiire  sainte,  jugea  convenable  il'y  join- 
dre le  caialogiie  des  livres  sacrés,  alin  que  pers»niie 
ne  puisse  demeurer  dans  le  dunle  à  cet  égard.  Voici 
ce  catalogue. 

Les  livres  de  l'Ancien  Tesl;iment  sont  :  les  cinq 
livres  de  Mois',  s;ivoir  :  la  Ceiii-se,  ['Exode,  le  LM- 
lufue,  les  Nombres  (ii  le  UeuUronome  ;  Josué,  les  Jh- 
ges,  Hiilh,  les  qu.ilre  livres  des  Kuis,  les  di-ux  des 
l'aralipomî'iics,  le  premier  il'Esdras ,  el  le  second, 
sous  le  litre  île  SiHii'inius,  Tobie,  Judith,  lùllier, 
Jdb.  les  i>  i/mms  île  D.ivid,  les  l'rovirbe$,  Vf-ccté- 
siiisi,',  le  Comique  di',s  ciiiiiiipua  ,  l.i  Siiuc^e,  Yliccté- 
siiihlique,  Isiiïe,  Jéréni:i\  lUintcli,  l'-iihlnet,  Daniel, 
Usée,  Joël,  Ainos,  AbUuis,  Jvnat,  Mnhée,   Wa/ium, 


6M 


CAN 


CAN 


641 


même  dans  toDS  les  temps ,  et  il  n'est  pns 
uniforme  non  plus  d.ins  (ouïes  les  sociétés 
chrétiennes;  les  catholiques  sont  en  coiiies- 
lalion  sur  ce  point  ;ivec  les  protestants. 
Outre  les  livres  du  Nouveau  Testament,  que 
l'Ejîlise  reconnaît  pciur  canoniques  par  tra- 
dition ,  elle  a  aussi  placé  dans  le  canon  de 
l'ancien  Testament  plusieurs  livres  que  les 
Juifs  ne  reçoivi^nt  point  Cdmnu-  divins.  C'est 
ce  qui  a  donné  lieu  de  distinfjuer  les  livres 
saints  en  prolocanoniques,  deuiérocanoni- 
ques  et  apocryphes.  Mais  nous  verrons  dans 
la  suite  que  les  livres  sur  la  cnnonicité  (les- 
quels on  dispute,  ne  sont  pas  en  grand  nom- 
bre. Sur  ce  sujet  l'on  peut  former  plusieurs 
questions  importantes  ;  nous  les  propose- 
rons ,  non  pour  les  décider  toutes  avec  con- 
fiance ,  mais  pour  montrer  la  manière  dont 
on  doit  procéder  dans  ces  sortes  de  discus- 
sions. 

I.  Y  a-t-il  eu  chez  les  Juifs  un  canon  des 
livres  sacrés?  On  ne  peut  pas  en  douter, 
quand  on  sait  que  les  Juifs  ,  d'un  consente- 
ment unanime,  ont  reçu  comme  divins  les 
mêmes  livres  et  le  même  nomhre  de  livres, 
et  qu'ils  n'ont  pas  regardé  comiiie  tels  d'au- 
tres livres  ,  qui  sont  cependant  respectables. 
Il  faut  qu'ils  y  aient  élé  déterminés  par  une 
tradition  constante,  ou  par  une  autorité  qui 
a  entraîné  tous  les  suffrages.  Cette  unanimité 
n'a  pas  pu  être  nn  elîet  Ou  hasard.  Or,  nous 
sommes  assurés  de  ce  concert  des  Juifs  , 
l"  |)ar  le  témoignage  des  anciens  Pères  de 
l'Eglise.  Toutes  les  lois  qu'ils  ont  eu  occasion 
de  faire  l'énumération  des  livres  reconnus 
comme  divins  ou  canoniques  par  les  Juifs  , 
ils  se  sont  accordés  à  en  dresser  le  même 
catalogue  ;  nous  le  verrons  ci-après.  Ils  ont 
donc  été  très-bien  intormésdu  sentiment  des 
Juifs,  puisque  tous  l'attestent  de  même.  S'ils 
avaient  eux-mêmes  forgé  cette  liste  ou  ce 
canon,  il  y  aurait  eu  entre  eus  de  la  variété  ; 
plusieurs  y  auraient  placé  quelques-uns  des 
livres  que  nous  nommons  deiilérocanuni- 
ques,  puisqu'ils  les  regardaient  comme  di- 
vins ,  et  les  citaient  comme  tels.  Mais  ils  ont 
eu  la  bonne  foi  de  convenir  que  ces  livres 
n'étaient  pas  mis  dans  le  canon  par  les  Juifs. 
-  2°  l'ar  le  témoignage  de  Joséplie.  Gel  his- 
torien, qui  était  de  race  sacerdotale  et  très- 
instruit  des  sentiments  de  sa  nation,  dit  dans 
son  premier  livre  contre  Appion,  c.  '2  ,  que 
les  Juifs  n'ont  pas  comme  les  (îrecs  une  mul- 
titude de  livres;  qu'ils  n'en  reconnaissent 
comme  divins  que  vingt-deux  ;  que  ces  livres 

llnbacuc,  Sophoiiins,  Aggée,  Zachnrie,  ilalucliie,  et 
les  deux  premiers  livres  des  Mwliabce.'i. 

Les  livres  du  Nouveau  Teslaiiienl  sont  :  les  qua- 
tre iivaiigiles  selon  aniiu  Malliieu,  saint  Marc,  suint 
Luc,  et  tainlJcan;  les  Actes  des  A/jôtie»,  les  qiia- 
loiie  Kpilres  de  saiiil  P.iul,  savoir  :  nue  aux  Ro- 
mains, dëiix  aux  Coriwhiens,  une  aux  Caluii's ,  une 
aux  Epliésiens,  uin-  aux  Philipinens,  une  :aix  Colas- 
siens,  deux  aux  Tliissalonitiens,  deux  à  Tinioihét; 
«ne  à  Tiie.  une  .à  Pliilémon,  et  une  aux  Hébreux; 
les  lieux  Epines  de  sainl  l'ierre,  4-s  Irois  de  saint 
Jean,  une  de  saint  Jacques  une  de  sainl  Jnde,  et 
VAnocalypse  de  saint  Jean.  (  Coucil.  Tritt.,  sess.  4, 
ran.  desacris  Script.} 


contiennent  tout  ce  qui  s'est  passé  depuis  1( 
coinmenccment  du  monde  jusqu'au  règne 
d'Arlax 'nés  ;  que.  quoiqu'ils  aient  d'autres 
écrits,  ces  derniers  n'ont  pas  i  hez  eus  la 
même  autorité  que  les  livres  divins.  11  ajoute 
que  tout  Juif  est  prêt  à  répamlie  son  sang 
pour  la  défense  de  ceux-ci.  —  -i"  La  persua- 
sion des  Juifs  d'aujourd'hui.  Ils  ne  comptent 
encore,  entre  les  livres  divins,  que  ceux  dont 
leurs  pères  ont  ,  disent-ils,  dressé  le  canon 
dans  le  temps  de  la  i/rande  synagogue.  Ils 
nomment  ainsi  l'assemblée  de  ceux  de  leurs 
docteurs  qui  ont  vécu  après  le  retour  de  la 
captivité.  C'est  ainsi  que  s'exprime  l'auteur 
du  traité  Méijilah,  dans  la  Gemare  ,  c.  3. 
L'unUo.rmilé  de  toutes  les  bibles  hébraïques 
publiées  par  les  Juifs  ne  laisse  aucun  doute 
sur  ce  point.  L'existence  d'un  canon  des 
livres  saints,  chez  les  Juifs,  est  donc  incon- 
testable. 

11.  N'y  a-t-il  en  chez  les  Juifs  qu'un  seul 
cl  même  canon  des  saintes  Ecritures?  — 
(Quelques  auteurs  ont  supposé  qu'il  y  en 
avait  eu  plusieurs,  et  (|ii'ils  n'étaient  pas  ab- 
solument semblables.  Génébrard  ,  dans  sa 
chronologie  ,  pense  qu'il  y  en  a  eu  trois  :  le 
premier  au  temps  d'Ksdras,  et  dressé  par  la 
grande  synasiogiie  ;  le  canon,  selon  lui,  ne 
renfermait  que  vingt-deux  livres  :  le  sec  nd, 
fait  sons  le  pontife  Eléazar,  dans  un  synode 
assemblé  pour  délibérer  sur  la  version  des 
livres  saints  que  demandait  le  roi  Plolémée, 
et  que  nous  appelons  la  version  des  Septante. 
Alors,  dit  Génébrard,  on  mit  au  nombre  des 
livres  divins  Toliie  ,  Judith,  la  Sagesse  et 
l'Ecclésiastique.  Le  troisième  ,  au  temps 
d'Hircan,  dans  le  septième  synode,  assemblé 
pour  confirmer  la  secte  des  pharisiens,  dont 
Hillel  et  Sammaï  étaient  les  chefs  ,  et  pour 
condamner  Sadoc  et  Barjelos,  promoteurs  de 
la  secte  des  sadducéens.  Alors  on  mit  dans  le 
canon  les  livres  des  Machabées,  et  l'on  con- 
firma les  deux  cnnons  précédents  ,  malgré 
les  sadducéens  ,  qui  ,  à  l'exemple  des  sama- 
ritains, ne  voulaient  reconnaître  pour  divins 
que  les  cinq  livres  de  Moïse.  Ce  sentiment  de 
(jcnébrard  est  une  pure  imagination  ,  qui 
n'est  appuyée  ^ur  aucune  preuve.  —  Serra- 
rius,  plus  moderne  que  Génébrard  ,  attribue 
aux  Juifs  deux  canons  différents  :  l'un  de 
vingt-deux  livres  ,  fait  par  Esilras  ;  l'autre 
dressé  au  temps  des  Machabées,  et  augmenté 
dis  livres  deutérocanoniques.  Ce  sentiment 
n'est  pas  mieux  fondé  que  le  premier  ;  l'un 
et  l'autre  sont  contredits  parles  Pères,  qui 
nous  assurent  constamment  que  les  Juifs 
n'ont  reconnu  pour  divins  que  vingt-deux 
livres.  —  Méliton  dit  à  Onésime  qu'il  a 
voyagé  dans  l'Orient  pour  savoirqucis  étaient 
les  livres  canoniques  ,  il  n'en  nomme  que 
vingt-deux.  —  Saint  Jérôme  ,  dans  son  pro- 
logue défensif,  dit  qu'il  l'a  composé  afin  que 
l'on  sache  que  tous  les  livres  qui  ne  sont  pas 
parmi  tes  vingt-deux  qu'il  a  nommi's  ,  doi- 
vent être  regardés  comme  apocryphes.  On 
comprend  qu'ici  iipocrijphe  signifie  simple- 
ment non  reconnu  comme  divin;  saint  Jé- 
rôme le  fait  assez  sentir  :  il  ajoute  que  la 
Sagesse,  l'Ecclésiastique,  Tobie  et  Judith,  na 


645 


CAR 


CÂN 


644 


sont  pas  dnns  le  canon.  Dans  sn  pr^fnce  sur 
Tobip,il  dit  que  li-s  Hébreux  cxcluenl  ce 
livre  du  nombre  des  Erriiiires  divine-!  ,  et  le 
rejeltenl  entre  Ips  apocrvphes.  Il  le  répèle  à 
l;i  tête  de  son  Cowmenlnire  sur  le  prophète 
Jonns.  —  Origène  écrit,  dans  sa  lettre  à  Afri- 
c;iin  ,  que  les  Hébreux  ne  connaissent  ni 
Tobie  ni  Judith  ,  mais  qu'ils  les  mettent  ;iu 
nombre  des  livres  apocryphes.  —  Saint  Epi- 
phane  dit  ,  dans  son  livre  des  Poids  et  des 
Mesures,  n"  3  et  4,  que  les  livres  de  la  Sagesse 
et  de  l'Edlésiastique  ne  sont  pas  cliez  les 
Juifs  au  rang  des  Ecritures  saintes.  —  L'au- 
leur  de  la  Syiwpse  assure  que  Tobie,  Judith, 
la  Sagesse  et  l'Ecclésiastiquo  ne  sont  pas  des 
livres  canoniques  ,  quoiqu'on  li's  lise  aux 
catéchumènes. 

Aucun  de  ces  anciens  écrivains  ne  parle 
de  deux  ni  de  trois  canons  reçus  chez  les 
Juifs. 

III.  Combien  de  livres  renferni.nit  le  cannn 
dos  Ecritures  chez  les  Juifs,  et  quels  étaient 
ces  livres?  —  H  est  constant  ijuc  les  Juifs 
en  ont  toujours  reconnu  vingt-deux,  autant 
qu'il  y  avait  de  letires  dans  leur  .ilphabet,  et 
qu'ils  les  désignaient  par  ers  le  1res  mêmes; 
c'est  la  remari]ue  de  saini  Jérôme  dans  son 
prologue  défensif.  A  la  vérité,  (juelques  rab- 
bins en  ont  compté  xingl-quatrc,  e(  d'autres 
viiigl-sppt;  mais  ils  divisaicnl  certains  livres 
en  plusieurs  pariies,  et  n'angmenlaienl  pas 
pour  cela  le  nombre  réel  de  vingt-deux.  — 
Ceux  qui  en  comptaient  vingt- quatre,  sépa- 
raient les  Lameniations  de  Jéréraie  d'avei; 
ses  prophéties,  elle  livre  de  Ruth  d'avic  ce- 
lui des  Juges  ;  au  lien  qu'on  les  laissait  ordi- 
nairement réunis.  Pour  les  désigner  par 
vingt-quatre  lettres  de  l'alphabei,  ils  répé- 
taieui  trois  fois  la  lettre  jo'^  à  l'honneur  du 
nom  de  Dii'ii,  JéhuvaU,  écrit  en  chaldéen  pur 
trois  jod.  Ainsi  font  encore  les  Juifs  d'au- 
jourd'hui. Saini  Jérôme  pense  que  les  vingt- 
quatre  vieillards  de  rApocal\  pse  foi'.t  allu- 
sion à  ces  vingt-(iuatre  livres.  —  Ceux  (jui 
en  comptaient  vingl-sept  ,  paiiageaient  en 
six  les  livres  des  Uois  et  des  Paralipomènes, 
qui,  dans  les  autres  catiiingues,  n'eu  fai- 
saient qnelriiis;  et  pour  les  désigner,  ils 
ajoutaient  aux  vingt-deux  lettres  hébraïiiues 
les  cinq  Gn/iles;  c'est  ce  que  dit  saint  Kpi- 
phane  dans  son  livre  des  Poids  et  des  Me- 
sures. 

I.e  ranon  était  donc  toujours  foncièrement 
le  même,  mais  la  manière  de  compter  |)ar 
vingt-deux  était  la  plus  ordinaire,  comme  le 
suppose  Josèpbe  ;  Uichard  Smion  prélend  , 
sans  aucune  preuve,  que  la  plus  ancienne 
manière  é:ail  d'en    compter  vingt-quatre. 

Quels  étaient  ces  livres?  Saint  Jérôme,  hou 
témoin  dans  cette  matière  ,  en  fait  ainsi  l'é- 
numéralion.  Ln  Genèse,  VErodr,  le  Lrviil- 
fjue,  les  Notid'rrs.  le  Deutérunome,  Josué,  les 
Jtiijes  avec  Itiilli,  Snmiiel  ou  les  deux  pre- 
miers livres  des  liais,  les  Hms,  qui  soni  les 
deux  dprniers  livres  de  ce  nom,  Jsoie,  Jc'rc- 
mie  avec  ses  Lnmentations ,  Ez^ciiiel,  les 
douze  petits  PrnphHes,  Joli,  les  Psaumes,  les 
Provrbes,  V Ecclésiasle,  le  (^anlii/ue,  Daniel, 
Jcg  Pnmlipomênes  en  deux  livres  ,  Esdras, 


aussi  double,  Eslher.  —  Saint  Epiphane  fait 
la  même  liste,  Itwres.  8,  n°fi;  De  Pond,  et 
Me,<s..  Il»  3,  k,  2-2,  23.  —  Saint  Cyrille  de 
Jérusalem  ,  Cnlech.  W,  dit  aux  chréiiens  de 
médi  er  les  viugi-deux  livres  de  l'Ancien 
Testament,  el  de  se  les  mettre  dans  la  mé- 
moire tels  qu'il  va  les  nommer,  el  il  les 
nomme  comme  saint  Jérôme  et  saint  Epi- 
phane. —  Saint  Hilaire,  Prolog,  in  Psal.,  le 
concile  de  Laodicée,  can.  (.0,  Origène  ,  cité 
par  Eusèbe,  Hist.  liv.  vi,  c.  26,  ont  dressé 
le  même  catalogue.  Mélilon  vivait  au  ii"  siè- 
cle ;  il  avait  voyagé  exprès  dans  l'Orient 
pour  s'instruire;  les  anciens  ont  fait  grand 
cas  de  se-  ouvrages  ;  il  ne  parle  pas  du  livre 
d'Esther,  ce  qui  peut  éire  une  faute  de  co- 
piste. —  Hellarmin,  dans  son  catalogue  des 
écrivains  ecclésiastiques  ,  s'est  trompé,  en 
disant  que  Mélilon  mettait  le  livre  de  la  Sa- 
gesse ;iu  nombre  des  saintes  Ecritures;  on 
lit  dans  Eusèhe,  1'Ao'j.''ivoç   U^.piiu.iat  r,  xai  Zoyia 

Salomonis  Proverbia  quœ  et  Sapicnlia,  parce 
que  les  Proverbes  étaient  souvent  appelés  la 
Sagesse  de  Satomon.  Voyez  la  i\ote  de  Valois 
sur  Eui'èbe,  liv.  iv,  c.  26.  —  Josèphe,  liv.  i, 
contre  Appion,  c.  2,  dit  que  sa  nation  ne  re- 
connaît cnmme  divins  que  vingt-deux  livres, 
cinq  de  Aloise,  trei.ze  des  prophètes,  el  q  la- 
tre  autres  qui  renferment  ou  des  li\ranes  à 
la  louange  île  Dieu,  ou  des  préceptes  pour 
les  mœurs.  H  ne  parait  pas  qu'il  en  aii  voulu 
désigner  d'auires  que  ceux  que  nous  avons 
nommés.  (Quoiqu'il  ne  dise  rien  des  malheurs 
de  .lob  dans  son  Histoire  juive,  il  ne  s'en- 
suit pas  qu'il  ait  regardé  le  livre  de  Job 
comme  api'cryplie;  l'Iii^lnire  de  Job  ne  lenait 
en  rien  à  celle  de  la  nation  juive,  el  Josèphe 
a  pu  la  regarder  comme  une  parabole  ou 
comme  un  poëme  divin,  plutôt  que  comme 
une  narration  historique. 

IV.  En  quel  temps  a  été  dressé  le  canon 
ries  Juifs,  et  qui  en  est  l'auteur?  —  Cette 
question  n'est  pas  fort  aisée  à  résoudre, 
li'esl  aujourd'hui  une  espèce  de  paradoxe, 
d'avancer  qu'Esdras  ne  fut  jamais  l'auteur  du 
canon  des  livres  sacrés  des  Juifs.  Les  écri- 
vains, même  les  plus  judicieux,  ont  trouvé 
bon  de  mettre  sur  le  compte  d'Esdras  tout  ce 
qui  concerne  la  Bible,  el  dont  on  ignore 
l'inventeur  el  l'origine.  Ils  l'ont  fait  correc- 
teur el  réparateur  des  livres  perdus  ou  altè- 
res, réformateur  delà  manièred'érrire,  (luel- 
<]ues-uns  même,  inventeur  des  poiris  voyel- 
les, et  Ions,  auieur  du  canon  des  Ecritures. 
—  Malgré  l'unanimité  des  sulfrages  sur  ce 
dernier  point,  il  nous  parait  (]u'il  n'y  aurait 
aucune  témérité  à  en  douter,  el  même  à  sou- 
tenir le  contraire.  Soit  que  l'on  consulte  les 
livres  d'Esdras  lui-i.iéme  et  de  Nehémie,  soit 
que  l'on  cherche  des  preuves  ailleurs  ,  on 
n'en  trouve  aucune  ;  ce  qui  est  dit  dans  le 
IV'  livre  apocryphe  d'Esdras,  cbap.  xiv,  vers 
21  el  suivants,  n'est  d'aucune  autorité. 

Avant  de  prendre  aucun  j.arli  sur  celle 
question,  il  y  a  plusieurs  difiiculiésà  résou- 
dre. 1*  Il  faut  s'assurer  du  temps  auquel  Es- 
dras  a  vécu; 2°  savoir  sous  (|uel  piincc  il  esl 
venu  de  Habylone  à  Jérusalem  ;  3°  si  tous  les 
;  livres  qui  sont  dans  le  canon  étaient  écrits 


6iS  CAN 

;iv,in(lni;  1°  s'il  a  écrii  liii-m<*me  le  livre 
qui  porle  son  nnm.  —  Quami  on  s'accorde- 
rail  sur  touies  ces  quesiimis,  nmis  nt>  voyous 
pas  par  quelle  autorité  Ksdras  aurait  fiiit  les 
grandes  opérations  qu'oi;  lui  atliibue,  ni 
comment  les  Juifs,  nalurcilemenl  si  indoci- 
les, se  seraient  soumis  à  ses  ordonnances. 
Il  n'était  ni  grand  piètre  ni  prophète;  il  n'a- 
vait de  pouvoir  qu'autant  que  la  nation  vou- 
lait bien  lui  en  ar(<ir<lpr.  —  Il  est  très-pro- 
bable (pie  la  prophétie  de  Malachie  et  les 
Paralipomènesoiil  été  éerils  assez  longtemps 
après  Esdras  ;  que  Néhémie  lui  est  poslé- 
rii'ur  (le  près  d'un  siècle.  Ce  n'est  donc  pas 
Esdiasqui  a  pu  mettre  ces  divers  érriis  dans 
le  canon.  —  Nous  ne  voyons  aurun  inronvé- 
itient  à  supfioser  que  le  cnnon  des  livres  de 
l'Ancien  Teslameut  a  éié  formé  comme  celui 
dis  (  crils  du  Nouveau,  par  la  (radiiiou  coui- 
nuine,  sans  qu'aucun  paiticulier  ni  aucune 
assemblée  ait  dressé  ce  catalogue  et  lui  ait 
donné  la  sanction. 

C'est  l'alïaire  des  protestants  de  voir  si  la 
tradiiiiin  juive  est  une  autorité  sulfisante 
pour  noïis  faire  recevoir  des  livres  comme 
divins  ,  inspirés  ,  parole  de  Dieu  et  n'g  e  de 
foi.  Ils  en  ont  senli  la  faiblesse,  puiî-qu'ils 
ont  eu  recours  à  une  inspiration  du  Saint- 
Esprit  ac  ordée  à  chaque  particulier  :  ce 
n'est  pas  ici  le  lieu  de  démonli'er  l'illusion 
de  ce  système.  —  Pour  nous,  nous  avons  un 
meilleur  garant  de  notre  croyance;  c'est 
l'aiitorilé  de  Jésus-Clirist  mètne  et  des  apô- 
tres, qui  oui  donné  aux  fidèles  les  livres  de 
l'Ancien  Teslamenl  comme  la  paroiede  Dieu, 
et  nous  sommes  assurés  de  ce  fait  par  le  ic- 
nioignage  de  l  Eglise.  Nous  ne  pouvons  sa- 
voir par  aucune  autre  voie  quels  livres  ils 
ont  désignés  comme  tels,  pusque  cela  n'est 
écrit  dans  aucun  livre,  ni  attesté  par  aucun 
monument. 

Nous  convenons  que  le  canon  des  Juifs  a 
été  suivi  dans  les  premiers  sièries  de  l'Eglise; 
les  anciens  Pères  ne  pouvaient  mieux  faire, 
puisque  alors  l'Eglise  n'avait  pas  encore 
prononcé;  on  n'avait  pas  encore  pu  compa- 
r(T  la  tradition  des  Eglises  de  l'Occident  avec 
celle  des  Eglises  de  l'Drieni  ;  cela  ne  s'est 
fait  que  dans  l,i  suite.  Mais  les  Pères  qui  ont 
cité  le  cavon  des  Juifs  n'ont  pas  prétendu 
que  l'Eglise  était  privée  de  l'autorité  néces- 
saire pour  y  ajouier  d'autres  livres;  ils  ont 
supposé  le  contraire,  puisqu'ils  ont  cité  eus- 
inêines  couime  livres  dninsdes  ouvrages 
qui  n'étaient  pas  dans  le  cmwn  des  Juifs.  — 
Les  protestants  leur  en  foui  un  crime  ;  mais 
c'est  encoie  à  eux  de  nous  dire  pour(]uoi  ils 
reçoivent  le  canoyi  des  Juifs  qui  nous  est 
transmis  parles  Pères,  en  même  temps  qu'ils 
accusent  d'erreur  ou  do  témérité  ces  témoins 
vénérables. 

Dès  l'année  397,  un  concile  de  Carthage  a 
placé  dans  le  canon  des  saintes  Ecrilures  , 
des  livres  que  le  concile  de  Laodicée  n'v 
avait  pas  mis  trente  ans  auparavant.  Les 
Pères  de  Carthage  suivaient  en  cela  la  tra- 
dition des  Eglises  de  l'nrciilent,  de  laquelle 
ceux  de  Lucdicée  n'avaient  pas  eu  connais- 
sance. Lorsque  le  concile  de  Trente  a  fixé  le 


CAN 


646 


nombre  des  livres  canoniques,  et  a  prononcé 
l'anallième  contre  ceux  ()ui  ne  se  soumet- 
traient pas  à  sa  décision,  il  n'a  fait  ce  dé- 
ciel  qu'après  avoir  consulté  la  tr.idilion  de 
toutes  les  Eglises  et  de  tous  les  siècles. 

A  l'ariicie  Canonique  ,  nous  parlerons  da 
caïKin  des  livres  du  nouveau  Testament. 
Dinsert.  sur  In  ciinonicilé ,  etc.;  Bible  d'Avi- 
gnon, tome  i",  p.  S'i-,  elc. 

V' .  A  qui  appariienl-il  de  décider  si  un  li- 
vre est  ou  n'est  pas  canonique  ?  Nous  répon- 
dons hardiment  que  c'est  à  l'Eglise,  cl  que 
nous  ne  pouvons  le  savoir  certainement  par 
aucune  autre  voie.' En  voici  les  preuves  :  — 
1°  Au  mot  E>Gi.isE,  nous  prouverons  que  Jé- 
sus-Christ a  donné  à  l'Ègise.  c'est-à-dire 
au  corps  des  pasteurs,  la  mission  et  l'auto- 
riié  pour  perpétuer  sa  doctrine,  pour  ensei- 
gner les  fidèles,  pour  dirig(>r  el  fixer  leur 
cr  )>ance.  Or,  s'il  y  a  un  article  essentiel 
d'enseignement,  c'est  de  savoir  quels  sont 
les  livres  que  nous  devons  recevoir  comme 
parole  de  Dieu  et  comme  règle  de  notre  foi  : 
donc  c'est  a  l'Eglise,  et  non  à  aucun  autre 
tntiunal,  de  nous  l'apprendre.  —  2°  Il  faut 
distinguer  la  canonicilé  d'un  livre  d'avec  son 
autiieniicité;  demander  si  un  livre  esl  au- 
thentique, c'est  demander  s'il  a  élé  vérila- 
blement  (crit  par  l'auteur  dont  il  |iorte  le 
nom  ,  si  ce!  auteur  est  un  des  apôtres  ou  un 
de  leurs  disciples,  si  ce  livre  n'a  pas  élé  cor- 
rompu ou  falsifié  :  mellre  en  question  s'il 
est  raiionique.  c'est  examinersi  l'auteur  était 
in-piré  de  Dieu,  si  cet  ouvrage  doit  être  reçu 
comme  parole  de  Dieu  el  comme  règle  de  loi. 
Un  livre  peut  èire  authentique  sans  être 
pour  cela  canoni'iue  ;  ainsi  l'on  ne  doute  pas 
que  la  Lettre  de  "ainl  Barnabe,  les  deux 
Lettres  de  saint  Clément,  \e  Pastear  d  IJ ennas 
n'aient  elé  écrits  par  des  disciples  immé- 
diats des  apôtres,  tout  comme  les  évangiles 
de  saint  Aiarc  et  de  saint  Luc;  cepennant 
ces  d.'us  évangiles  sont  des  ouvrages  cano- 
niques; el  les  écrits  dont  nous  venons  de 
p.iiler  ne  le  sont  pis.  Pourquoi  cette  diffé- 
rence? (larce  que  l'Eglise  a  ie(;u  des  apôtres 
ces  deux  évangiles  comme  parole  de  D;eu, 
et  n'a  pas  reçu  de  même  les  autres  écrits. 
Or  c'est  à  l'Eglise  seule  qu'il  appartient  de 
nous  attester  quels  sont  les  livres  qu'elle  a 
reçus  de  la  main  des  apôtres  comme  parole 
de  Dieu,  ou  qu'elle  n'a  pas  reçus  comme 
lels  ;  donc,  c'est  à  elle  seule  à  fixer  nos  dou- 
tes .sur  ce  point.  —  3"  De  l'aveu  même  des 
protestants,  la  question  de  savoir  si  un  livre 
est  authentique,  s'il  a  été  lait  par  tel  auteur, 
s'il  n'a  été  ni  corrompu,  ni  falsifié,  est  une 
question  de  fait  qui  ne  peut  se  décider  que 
par  des  témoignages  et  par  la  tradition  do 
l'Eglise  des  premiers  siècles.  Or,  de  savoir 
s'il  est  canonique,  inspiré,  parole  de  Dieu, 
c'est  aussi  une  quesLiou  de  lail;  puisqu'elle 
se  réduit  à  savoir  s'il  a  élé  donne  comme  tel 
à  l'E^jlise  par  les  apôtres  :  donc  cette  se- 
conde (luestion  se  doit  décider  par  des  té- 
moignages el  par  la  tradition,  comme  la  pre- 
mière. —  Pour  esquiver  celle  cinséquence 
évidente  ,  les  protestants  cherchent  a  l'obs- 
curcir;  ils  disent  que  la  question  de   l'a»- 


647 


CAN 


CAN 


m 


Ihenticité  d'un  livre  est,  à  la  vérité,  une 
queslion  de  fait,  mais  que  la  canonicilé  est 
une  queslion  de  droit  ou  de  foi.  Conséquem- 
menl  ils  ont  déclaré,  dans  leurs  confessions 
de  foi,  qu'ils  reconnaissent  les  livres  de  l'E- 
crilure  pour  canoniijues,  non  tant  par  le 
commun  accord  et  consentement  de  l'Eglise, 
que  par  le  témoignage  et  intérieure  persua- 
sion du  Saint-Esprit.  Beausubre,  Hist.  du 
Manich.,  lom.  1";  Disc,  sur  les  livres  apo- 
cryphes, §  6,  p.  kïi.  —  Déjà  nous  venons  de 
démontrer  que  la  canonicilé  d'un  livre  est 
une  pure  question  de  fait  ;  nous  ajoutons  que 
selon  Beausobre  lui-même  ['authenticité 
porte  sur  une  question  de  droit  ou  sur  une 
discussion  de  docirine.  Il  dit  que  pour  juger 
si  un  livre  était  authentique  ou  apocryphe, 
les  Pères  ont  eu  pour  première  règle  d'en 
comparer  la  doctrine  avec  celle  qui  avaitélé 
enseignée  par  les  apôtres  dans  toutes  les 
Eglises;  pour  deuxième  règle  d'en  compa- 
rer encore  la  doctrine  avec  celle  des  ouvra- 
ges qui  étaient  incontestablement  des  apô- 
tres ou  (les  hommes  apostoliques,  ibid.,  §  5, 
p.  4^1,  kk3.  Or,  voilà  certainement  un  exa- 
men de  foi  et  de  doctrine  :  donc  ce  n'est  pas 
une  pure  queslion  de  f.iit.  Si  les  Pères  ont 
pu  s'y  tromper  ,  quelle  certitude  peut  nous 
donner  leur  témoignage  louchant  Vaulhenti' 
cité  d'un  livre?  Vuy.  Ecritcre  sainte,  §  1 
et  2.  —  4°  il  est  évident  que  le  prétendu  lé- 
nwii/nage  et  intérieure  persuasion  du  Saint- 
Esprit,  à  laquelle  recourent  les  protestants, 
est  un  enthousiasme  pur.  Le  Saint-Esprit, 
sans  doute,  ne  fera  pas  un  miracle  à  l'égard 
de  chaque  protestant  pour  lui  donner  une 
capacité ,  des  lumières  ,  un  discernement 
qu'il  n'a  pas  naturellement.  L'authenticité 
de  la  première  Lettre  de  saint  Clément  est 
universellement  reconnue,  et  il  est  prouvé 
par  l'histoire  que  ce  saint  pape  a  été  disci- 
ple de  saint  Pierre  aussi  immédiat  que  saint 
Âlarc.  Celte  lettre  ne  renferme  aucun  point 
de  doctrine  contraire  à  celle  que  les  apôtres 
ont  préchée  dans  toutes  les  Eglises,  ni  à 
celle  qui  se  trouve  dans  leurs  ouvrages  in- 
contestables. Sur  quoi  donc  porte  l'inspira- 
tion du  Saint-Esprit  qui  lait  connaiire  à  un 
proli  stant  que  l'Evangile  de  saint  Marc  est 
canonique  ou  parole  de  Dieu,  et  que  la  Let- 
tre de  saint  Clément  ne  l'est  pas  ?  —  Aussi 
l'inspiration  du  Saint-Esprit  n'est  point  la 
même  à  l'égard  des  dilTérenles  sectes  pro- 
testantes. Les  ealviiiisles  rejettent  haute- 
ment et  constamment  l'Apocalypse  comme 
un  livre  apocryphe  et  sans  autorité  ;  les  lu- 
thériens el  les  anglicans  n'en  jugent  pas  de 
même.  Le  Saint-Esprit  ne  parle  pas  toujours 
le  môme  langage  dans  la  même  secte  :  dans 
un  temps  VEpilre  de  saint  Jacques  a  été  re- 
tranchée des  bibles  luthériennes  ;  dans  un 
autre,  elle  y  a  élc  rétablie;  Luther,  dans  sa 
préface;  sur  celle  épîtrc,  laisse  à  chacun  la 
liberté  d'en  juger  coinnie  il  voudra  ;  elle  se 
trouve  dans  toutes  les  bibles  calvinistes; 
Walleinbourg  ,  Tracl.  '^,  part,  m  ,  sect.  2, 
§  .'J.  A  laquelle  de  ces  ditlerenles  inspira- 
lions  devons-nous  croire?  —  Puisque  c'est 
le  Saint-Esprit  qui  fait  connaître  aux  pro- 


testants que  tel  livre  est  canonique,  et  que 
tel  aulre  ne  l'est  pas  ;  c'est  encore  lui,  sans 
doute  ,  qui  leur  dicle  que  telle  version  est 
lidèle,  el  que  telle  aulre  ne  l'est]  pas  ;  que 
tel  passage  a  tel  sens,  et  non  celui  qui  lui 
est  donné  par  les  autres  sectes.  Si  cela  est 
ainsi  ,  les  protestants  n'ont  plus  besoin  d'é- 
rudition, de  recherches,  de  discussions,  pour 
savoir  si  les  livres  sont  authentiques  ou  apo- 
cryphes ,  s'ils  sont  entiers  ou  altérés  ,  s'ils 
ont  été  bien  ou  mal  traduits,  elc.  Le  Saint- 
Esprit  supplée  à  tout,  et  décide  souveraine- 
ment de  tout.  N'est-ce  pas  là  un  fanatisme 
pur?  —  5°  Dès  son  origine,  l'Eglise  s'est  at- 
tribué le  droit  el  l'autorité  de  décider  quels 
sont  les  livres  canoniques.  Dans  les  canons 
des  apôtres ,  dressés  par  les  conciles  du 
II'  et  du  iii«  siècle  ,  elle  a  dil  aux  fidè- 
les,  can.  76,  alias  85  :  «  Voici  les  livres 
que  vous  tous,  clercs  ou  laïques,  devez  re- 
garder comme  saints  et  vénérables  ,  savoir, 
pour  l'Ancien  Testament,  etc.  »  Elle  a  fait  de 
même  au  concile  de  Nicée,  l'an  325;  au  con- 
cile de  Laodicée  ,  en  3;i6  ou  367; -«u  troi- 
sième de  Carthage,  en  .^97.  Souliendra-t-on 
que  dès  le  il"  siècle  ,  les  pasteurs  de  l'E- 
glise, établis  et  instruits  i)ar  les  apôtres,  ont 
oublié  les  leçons  de  leurs  maîtres,  se  sont 
attribué  une  autorité  qui  ne  leur  apparte- 
nait pas,  et  une  inspiration  du  Saint-Esprit 
qui  était  promise  à  tous  les  fidèles? 

Les  protestants  nous  objectent  que  ces 
décisions  du  concile  n'ont  pas  été  uniformes  ; 
qu'il  n'y  a  point  eu,  dans  les  premiers  siè- 
cles, de  canon  des  Ecritures  universellement 
reçu  el  suivi;  que  jusqu'au  viir  et  au  ix',  les 
différentes  Eglises  ont  joui  d'une  entière  li- 
berté d'admettre  dans  leur  canon  ou  d'en  re- 
jeter tels  livres  qu'elles  juge;ii<nt  à  propos. 
—  Si  cela  était  vrai,  il  y  aurait  lieu  des'éUmner 
de  ce  que  le  Saint-Esprit,  qui  inspire  aujour- 
d'hui les  proleslaiils  sur  cet  article  essentiel 
de  croyance,  n'a  pas  daigné  parler  à  aucune 
Eglise  pendant  huit  ou  neufsiècles;  mais  le 
fait  est  faux,  puisque  aucune  Eglise  n'a  lor- 
mellernent  rejeté  aucun  des  livres  que  l'on 
nomme  prolocanoniques ;  le  canon  est  donc 
demeuré  constamment  et  universellement 
reçu,  quant  à  ceux-là  ;  il  n'était  plus  ques- 
tion que  de  savoir  si  on  devait  y  en  ajouter 
d'aulres,  ou  si  on  ne  le  devait  pas.  Pour  le 
savoir,  il  a  fallu  attendre  que  l'on  put  com- 
parer ensemble  la  tradition  des  difTérentcs 
Eglises,  tant  de  l'Orient  que  de  l'Occident. 
Une  (ireuve  que  celle  comparaison  a  été  faite, 
el  que  le  canon  a  été  dressé  uniformément 
dès  le  V  siècle  au  plus  tard,  c'est  que  les  nés- 
toriens  el  les  eutycbiens  ou  jacobites,  qui  se 
sont  sépares  de  l'Eglise  romaine  à  celle  épo- 
que, placent  dans  le  canon  les  mêmes  livres 
que  nous.  (  Assemuni  ,  liiblioth.  orient.  , 
lom.  IV,  c.  7,  §  7,  pag.  236.) 

Les  protestants  ne  sont  rien  moins  que 
d'accord  entre  eux  sur  le  temps  auquel  le 
canon  des  livres  du  Nouveau  Testament  a  été 
irrévocablement  fixé.  Basnage  prétend  qu'il 
ne  l'a  pas  été  avant  le  viii  ou  le  ix'  siè- 
cle; Mosheim  soutient  qu'il  l'a  été  dès  le  W  ; 
mais  il  convient  que  l'on  ne  peut  en  juger 


Gi'J 


CAN 


CAN 


que  pai' cr.njeclurp»  Après  de  pareils  aveux, 
nous  lie  concevons  pas  comment  l'on  peut 
s'obsliner  à  soutenir  que  les  livres  saints  ont 
toujours  été  regardés  comme  la  seule  règle 
de  foi.  Quand  nous  avouerions  que  la  liste 
des  livres  prolo-canoniques  a  été  faite  et 
arrêtée  dès  le  ii"  siècle,  est-il  bien  certain 
qu'il  n'y  a  point  d'autres-  articles  de  foi  que 
ce  qui  est  contenu  dans  ces  livns,  et  que  l'on 
n'en  peul  lirer  aucun  des  livres  deiitéro-ca- 
iioniques  ?  V^)ilà  ce  que  les  prolesiants  n'ont 
pas  encore  démontré.  Quand  ils  l'auraient 
fuil,  nous  demandons  encore  comuienl  la  foi 
a  [lU  cire  fixe  et  cerlaine  dans  les  sociétés 
qui  ont  demeuré  longtemps  sans  avoir  les 
livres  saints  traduits  dans  leur  langue.  H 
y  aurait  bien  d'auires  questions  à  faire. 
Voy.  Ecriture  sainte  ,  Deutébo  canoni- 
QLE,  etc. 

Canons  des  Apôtres.  C'est  un  recueil  de 
règleiiiruls  de  discipline  de  l'I'^tîlise  primi- 
tive ;  ils  sont  au  nombre  de  soixante-seize 
ou  de  quatre-vingt-cinq,  selon  les  différentes 
manières  de  les  partager.  Tout  le  momie  con- 
vient (|u'ils  n'ont  pas  été  dressés  tels  que 
nous  les  avons  ,  par  les  apôtres  mêmes  ;  du 
moins  il  n'y  en  a  aucune  preuve  ;  mais  leur 
autorité  est  incontestable.  Daillé  et  quelques 
autres  protestants  ont  fait  de  vains  efforts 
pour  prouver  que  ces  canons  sont  absolu- 
ment supposés,  qu'ils  n'ont  commencé  à  être 
ronnus  et  cités  qu'au  w"  ou  au  V  siècle.  Le 
savant  I$ivériilge,  évéque  de  Saint-Asaph, 
théologien  anglican,  a  fait  voir  que  ces  ca- 
nons ou  règlements  ont  été  faits  parles  évo- 
ques et  par  les  cmicile-i  du  ir  et  du  m'  siècle, 
qu  ils  sont  p.ir  conséquent  antérieurs  au  pre- 
mier concile  de  Nicée,  que  ce  concile  les  a 
suivis  et  s'y  est  conformé.  Voyez  Codex  Ca~ 
nomiin  Ecclcsiie  prinuiivœ  PI*.  Aposl.  I.  1", 
p.  y*-2  ;  loin.  II,  part,  ii,  p.  1.  —  En  effet,  il 
n'est  pas  probable  que  saint  Jean,  qui  a  gou- 
verné l'Eglise  d'Eplièse  pendant  un  grand 
nombre  d'années,  n'ait  fait  aucun  règlement 
de  discipline  pour  cette  Eglise  ;  il  en  esl  de' 
même  à  l'égird  de  saint  Jacques  pour  celle 
de  Jérusalem,  de  saint  Marc  pour  celle 
d'.Mi'xandiie,  de  saint  Pierre  et  de  ses  pre- 
miers successeurs  pour  celle  de  Home.  Dans 
ces  dilT.renles  villes,  il  s'est  tenu  des  conci- 
les pendant  le  ir  et  le  u\'  siècle  ;  il  est  natu- 
rel que  les  évoques  qui  y  ont  assiste  se  soient 
fait  un  devoir  de  suivre  celle  discipline  res- 
pectable, en  aient  fait  des  règles  générales, 
et  les  aient  fait  observer  dans  leurs  Eglises. 
On  n'a  pas  eu  tort  d'appeler  ces  règles  Ca- 
nons drs  Apôlres,  puisqu'elles  ont  élé  dres- 
sées d'après  ce  que  les  apôtres  cl  les  hom- 
mes aposliili(iues  avaient  établi.  La  préten- 
due siii)posilion  de  ces  canons  n'est  (ju'une 
équivoque  sur  laquelle  les  prolesiants  ont 
joué  très-m:il  à  propos  ;  ils  sont  apucryplies  , 
duns  ce  sens  qu'ils  n'ont  élé  écrits  ni  par  les 
apôtres,  ni  par  saint  Clément,  auiiuel  ils  sont 
attribués  ;  mais  ils  sont  vrais  el  authentiques, 
dans  ce  sens  qu'ils  renlerment  véritableineiit 
la  discipline  qui  passait ,  au  u'  et  au  ni'  slè- 
•cle,  pour  avoir  élé  établie  par  les  apôtres.  — 
Quoique  ces  règlements  regardent  direclc- 

PlCT.  DE  ThÉOI..   dogmatique,  I, 


g:;o 


ment  la  discipline,  ils  no  sont  pas  indiffé- 
renls  à  l'égard  du  dogme,  de  l,i  morale  du 
culte  extérieur.  On  y  voit  la  distiiiction'des 
évéques  d'avec  les  simples  piètres  ,  l,i  préé- 
minence des  premiers,  leur  autorité  sur  le 
clergé  inférieur,  les  mœurs  et  les  devoirs 
prescrits  aux  ministres  de  l'Eglise  el  aux 
simples  fidèles.  On  y  trouve  les  noms  d'autel 
et  de  sacrifice,  ce  qui  était  observé  dans  l'ad- 
minislralion  du  baptême,  de  l'oucharislie,  de 
la  pénitence,  de  l'ordination,  etc.  —  Il  en  ré- 
sulte que  la  doctrine  des  prolest, mis  est  aussi 
opposée  à  celle  des  teiiips  apostoliques,  que 
leur  culte  et  leur  discipline  sont  contraires  à 
ce  que  l'on  observait  pour  lors.  Autant  ils  se 
sont  trouvés  intéressés  à  en  contester  l'au- 
thenticité, autant  il  importe  aux  catholiques 
de  la  soutenir.  11  est  heureux  pour  nous  que 
les  théologiens  anglicans  aient  pli  inement 
éclairci,  et,  pour  ainsi  dire,  épuisé  cette  ques- 
tion. 

Canons  d'un  Concile.  On  appelle  ainsi  les 
décisions  d'un  concile  en  matière  de  dogme  ou 
de  discipline;  parce  que  ce  sont  les  rf(//es  aux- 
quelles les  fidèles  doivent  conformer  leur 
croyance  el  leur  conduite  Les  canons  dog- 
matiques sont  oniiiiairement  conçus  en  ces 
termes  :  5/  quelqu'un  dit  telle  chuse  ,  enseigne 
telle  doctrine,  qu'il  suit  anatltème,  c'esl-a-dire 
retranché  du  corps  de  l'Eglise  et  de  la  sociélé 
des  fidèles.  —  QuanI  aux  cnninis  ou  décisions 
des  conciles  et  des  souverains  poniifes  en 
matière  de  discipline,  ils  lieniienl  iiidins  à  la 
théologie  qu'au  droit  canonique.  Mais  un 
ecclésiastique  ne  doil  jamais  oublier  les  pa- 
roles suivantes  du  concile  de  Trentiî  :  «  Le 
concile  a  voulu  que  tout  ce  qui  a  élé  salu- 
taireiiient  ordonné  par  les  souverains  ponti- 
fes et  par  les  sacrés  conciles,  touchant  la  vie 
des  clercs,  leur  extérieur  el  leur  doctrine,  etc., 
soit  observé  dorénavant,  sous  les  mêmes  pei- 
nes que  celles  qui  ont  élé  slaliices  dans  les 
Conciles  précédents.  »  Sess.  "22,  de  lleform., 
C.  12.  C'est  dans  ce  dessein  que  l'on  a  mis 
dans  les  nouveaux  bréviaires  les  principaux 
canons  qui  concerneni  la  conduite  des  clercs. 
11  esl  absurde  d'avoir  part  aux  liions  el  aux 
privilèges  de  l'Eglise  sans  \ouloir  élre  sou- 
mis à  ses  lois. 

Canons  Arabiques  du  concile  de  Nicée. 
Voy.  Nicée. 

Canon  de  la  messe,  règle  ou  formule  de 
prières  et  de  cérémonies  que  le  prêtre  doit 
suivre  pour  consacrer  l'eucharislie.  —  En 
comparant  ensemble  les  différenlcs  liturgies 
grecques  et  latines,  on  voit  que  la  messe  y 
esl  toujours  divisée  en  trois  parties  :  savoir, 
la  préparation,  l'action  et  la  conclusion.  La 
première  s'étend  dcfiuis  le  commencement 
ou  l'introït  jusqu'à  la  préface;  la  seconle, 
qui  est  proprement  le  canon,  depuis  le  san- 
ctus  jusqu'à  la  communion  ;  la  troisième  est 
l'action  de  grâces.  L'action  esl  la  plus  essen- 
tielle, puisqu'elle  renferme  la  consécration; 
les  (irecs  l'ont  nommée  «vayopà  ,  élévation, 
soit  parce  qu'avant  de  la  commencer  lo  prê- 
tre exhorte  les  fidèles  à  élever  leurs  cœurs 
vers  le  ciel,  sursum  corda;  soit  parcequ'après 
la  consécration  il  élève  les  symboles  eucha- 


(51 


CAS 


CAN 


652 


risligucs  pour  luire  adorer  aux  assistants 
Jésus-Clirisl  présent.  Dans  I.i  iilurgio  ro- 
maine, le  canon  coiiMncnce  par  ces  mots  :  Te 
igiiur,  etc. 

Quelques  lilurgistes  oal  écrit  que  c'est 
sainl  Jérôme  qui,  par  ordre  du  pape  Sirire, 
a  mis  le  canon d;in>  la  forme  que  nous  avons: 
d'auîres  (|ue  c'esl  le  pape  Sirico  lui-même  , 
qui  vivait  sur  la  fin  du  iv  siècle.  Mais  on 
disait  la  messe  avant  Sirice  cl  avant  saint 
Jérôme  ;  il  y  avait  donc  déjà  un  canon  ou  une 
règle  que  le  prélrc  devait  suivre  :  jamais 
celle  action  sainle  n'a  clé  abandimnée  au 
gnùt  et  à  la  discrélion  des  particuliers.  — 
L'abbé  Uenaudol ,  dans  la  di^s'  riaiion  qu'il 
a  mise  à  la  lêle  de  la  Collection  des  liiuryies 
orientales,  a  fait  voir  que  le  canon  vient  des 
apôtres;  il  le  prouve  par  la  c(jnformilé  qui 
se  trouve  entre  les  liturgies  syriiqiies,  coph- 
tes,  grecques  et  lalincs  :  s'il  y  a  de  la  varicté 
dans  les  prières,  si  quelques  cérémonies  se 
font  dans  un  cidre  dilïérent,  toutes  cepen- 
dant reviennent  au  même  pour  le  fond  ,  tou- 
tes renferment  une  invocation  à  Dieu,  des 
prières  pour  les  vivants  cl  pour  les  morls  , 
l'invocation  des  saints,  les  piiroles  de  Jésus- 
Christ  pour  la  consécration  ,  l'élévation  ou 
Vostension  de  Tcucharistic,  et  l'adoralion  ;  il 
conclut  avec  raison  que  ce  canon  est  d'insli- 
tution  apostolique,  que  jamais  personne  n'a 
eu  la  léu  cri  lé  d'y  loucher  ni  de  le  changer 
cssenliellemeiit.  C'est  la  profession  la  plus 
claire  et  la  plus  éclatante  que  l'Kglisc  puisse 
faire  de  sa  foi  louchant  l'eucharislie.  —  Ue 
même  le  P.  Lebrun,  dans  son  Explication 
des  cérém.  de  lamcsse,  tom.  III,  p.  1;^,  a  l'ait 
•voir  que  le  canon  de  la  i/ie.«sc  était  écrit  avant 
l'an  khO  ;  et  que  le  pape  Géla>ie  l'inséra  dans 
son  sacramentMire,  tel  qu'on  le  suivait  pour 
lors  ,  sans  y  faire  aucun  ch.ingenicnt  :  que 
l'an  538  ce  canon  fut  envoya  par  le  p.ipe 
Vigile  aux  l'^spagnols,  «omme  étint  de  tra- 
dition apostolique  ;  que  vers  l'an  GOO,  s.iiut 
Grégoire  le  Grand  y  ;ijoula  seulomeut  ces 
mots  :  diesque  nostros  in  Inn  pace  disponas  ; 
<iu'il  pl'ça  l'oraison  dominicale  avant  la 
fraction  de  l'hosiie,  au  lieu  que  dans  les  au- 
tres liturgies  elle  ne  se  disait  qu'après.  De- 
puis ce  lemps  là,  un  n'y  a  pas  louché,  sinon 
pour  y  ajouler  le  nom  de  quelques  saints. 
C'est  dans  cri  état  (juc,  le  canon  de  la  messe 
fui  porté  en  Angleterre  par  le  moine  Au- 
gustin; il  y  en  a  un  manuse.rit  tait  avant 
l'an  700.  Le  V.  Lebrun  prouve  que  le  pape 
Gélase  même  n'y  avait  lail  aucun  change- 
ment, mais  seulement  des  additions  au  sa- 
cranienlaire,  au'iuel  il  mit  des  collectes  ou 
oraisons  jiour  les  jours  qui  n'en  avaient 
point  de  propres,  en  y  laissant  toutes  celles 
qui  y  étaient  déjà.  .Vvanl  lui,  les  p.ipes  luno- 
rcnl  I'' et  sainl  Léon  avaient  fait  de  même. 
Kn  effet,  l'ancien  canon  de  la  messe  ronuiine  , 
qui  est  celui  du  p;ipe  Gél.ise  ,  tel  qa'il  l'avait 
trouvé  en  usage,  est  entièrement  conforme  à 
celui  du  sacramenlaire  de  saint  (irégoire. 
Voy.  Codices  focram.  Th'Viasii,  p.  li;0.  — 
Ainsi,  quand  nous  lisons  que  le  pape  Sirice 
au  iv  siècle,  (îélase  au  v,  saint  (irugoiie  au 
TU*,  ont  ajouté  ou  changé  quelque  chose  au 


sacramentaire,  cela  ne  doit  pas  s'entendre  du 
canon,  mais  des  autres  p  rties  de  la  messe. 
C'est  (!an^  ce  sens  que  Jeqn  diacre,  dans  la 
r.'e  de  saint  Grégoire,  [.  ii,  c.  17,  dit  que  ce 
saint  j  ape  renferni.i  dans  un  ^eul  volume  le 
sacramentaire  de  Gélase,  qu'il  en  retrancha 
plusieurs  choses,  en  changea  quelques-unes, 
et  y  en  ajouta  fort  peu.  —  C'est  doue  avec 
raison  que  le  concile  de  Trenle  a  dit  que  le 
canon  de  lamessea  été  dressé  par  l'Eglise, 
qu'il  est  cmposé  des  paroles  de  Jésus-Christ, 
de  celles  des  apôlres  et  des  premiers  pontifes 
qui  ont  gouverné  l'Eglise.  Si  les  prétendus 
réformateurs  avaient  été  plus  instruits,  s'ils 
avaient  comparé  ensemble  toutes  ces  litur- 
gies qui  d.ilent  des  premiers  siècles,  ils  n'au- 
raient nas  condamné  avec  tant  de  hauteur  le 
canon  rfe/o  Hiesie  de  l'Eglise  romaine.  Voy.  Li' 

TLBGIE. 

Le  concile  de  Trente  prononce  l'anathèmé 
ciintre  tous  ceux  qui  condamneront  la  coutume 
établie  dans  celte  Kglise,  de  réciter  à  voix  basse 
une  partie  du  cano7i  et  les  paroles  de  la  consé- 
cration, ou  qui  soutiendront  que  l'on  doit  cé- 
lébrer en  langue  vulgaire.  Sess.  22,  can.  9. 
Croira-t-on  qu'au  commencement  de  ce  siècle 
quelques  prêtres  prononçaient  à  haute  voix 
les  paroles  du  canon  el  de  la  consécration  , 
alin  de  persuader  aux  femmes  qu'en  répétant 
ces  paroles  elles  consacraient  avec  le  prêtre? 
Ils  ignoraient  que  la  liturgie  n'a  été  mise  par 
écrit  qu'au  W  siècle,  et  qu'avant  ce  temps-là 
les  prêtres  .>-euls  savaient  les  prières  du  ca- 
non. Voy.  Langues  vulgaires,  Sixrètes  ,  et 
r^l)zc('m  Sacramentaire,  par  Grandcolas , 
1"  part.,  p.  78tj. 

Canons  Pénitentiaux.  Ce  sont  les  règles 
qui  lixaient  la  rigueur  et  la  durée  de  la  pé- 
nitence que  devaient  faire  les  pécheurs  pu- 
blics qui  désiraient  êlre  réconciliés  à  l'Eglise, 
el  reçus  à  la  communion.  —  Nous  sommes 
étonnés  aujourd'hui  de  la  sévérité  de  ces  ca- 
nons,  (jui  furent  dressés  au  iv  siècle;  mais 
il  faut  savuir  (jue  l'I'lglisn  se  crut  obligée  de 
les  établir,  1"  pour  fermer  la  bouche  aux  iio- 
vatiens  et  aux  monlanistes,  qui  l'accusaient 
d'user  d'une  indulgence  excessive  envers  les 
pécheurs,  et  de  fouienter  ainsi  leurs  dérègle- 
ments ;  2°  parce  qu'.ilors  les  désordres  d'un 
chrétien  étaient  capables  de  scandaliser  les 
pjiïens,  et  de  les  détourner  d'emhrasser  le 
christianisme  ;  c'était  une  espèce  d'a|ioslasie; 
3'  p'iree  que  les  persécutions  qui  venaient 
de  finir  avaient  accoutumé  les  chrétiens  à 
une  vie  dure  el  à  une  pureté  de  mœurs  qu'il 
était  essentiel  de  conserver.  —  Au  reste,  ci'S 
canons  n'ont  été  rigoureu-ement  observés 
que  dans  l'Eglise  grecque;  le  concile  de 
Trente,  en  corrigeant  les  abus  qtii  pouvaient 
s'êtie  glissés  dans  l'administration  de  la  pé- 
nitence, n'a  témoigné  aucun  désir  de  faire 
revivre  les  anciens  canons  pdnitentiau.r. 
Sess.  li,  chap.  8.  Il  est  cependant  très  à  pro- 
pos il'en  conserv  er  le  souvenir,  soit  pour  pré- 
munir les  cnnfesseurs  contre  l'excès  du  relâ- 
chement. Soit  pour  réfuter  les  calomnies  que 
les  incrédules  se  sont  permises  contre  les 
mcQMrs    des   premiers  chrétiens.    Voy.  PÉ« 


'S    (les   pren 


esô 


CAN 


CAN 


<;tii 


NiTr.Nciî,  PKNïTiî siiEL,  Ancien  Siicramcntaire, 
ir  piiii. ,  p.  uG3. 

Canons  des  Saints,  calalofjue  des  saints 
rrciiDiui  :  ou  canonisés  par  l'Église.  Voij.  Ca- 
nonisation. —  C'est  un  usage  aussi  ancien 
que  le  christianisme,  de  recommander  à 
Dicu  d.ins  In  liturgie  les  fidùlis  vivants', 
nnmiiiéniiMit  1rs  évcM|ues  et  les  pasieurs  ;  c'c- 
l;iil  aiilrofois  un  (émuignage  de  tommnnion 
^^l!  foi  avec  eux  et  de  catholicité.  Voy.  Dip- 
^TïQLiiîs.  On  y  a  toujours  prié  pour  les  nions, 
et  on  y  a  fait  mcnlmn  des  saints,  surtout  des 
marlyi's,  en  demandant  à  Dien  la  grâce  de 
pailiciper  à  leurs  mérites  et  à  leur  inter- 
cession. Ainsi,  le  cunon  de  la  messe  s'est 
trouvé  être  aussi  le  canon  dis  saints,  et  leur 
nombre  a  augmenté  de  jour  en  jour.  —  Cer- 
tains critiques  ont  conclu  mal  à  propos  que 
le  canon  de  la  messe  n'est  pas  fort  ancien  , 
parce  que  l'on  y  voit  In  nom  de  quelques 
sainls  qui  ne  sont  pas  des  proniiers  siècles  : 
ils  n'ont  pas  fait  attention  que  ces  noms  ont 
éié  ajoutés  à  mesure  que  les  sainls  sont  ve- 
nus a  mourir. 

CANONKJUIÎ.  Un  livre  est  appelé  canoni- 
que, lors(|u'il  se  trouve  dans  le  canon  ou 
dans  la  li»lc  des  saintes  l'^criturps.  Au  mot 
Canon,  iicus  avons  vu  quels  sont  ceux  qui 
composent  l'ancien  Testament.  Quant  à  ceux 
du  nouveau,  l'on  a  consiamment  reconnu 
pour  canoniques  les  quatre  livangiles ,  les 
Actes  des  apôtres,  les  quatorze  épîires  de 
saint  Paul,  excrplé  l'épîlrc  aux  Hébreux;  la 
première  épitre  de  saint  Pierre  ,  et  la  pre- 
mièic  épitre  de  saint  Jean.  Voilà,  dit  Euséhe, 
après  lis  Pères  plus  anciens,  les  livres  qui 
sont  reçus  <!'un  conscntemonl  unanime.  Ilist. 
cccïésiasl.,  1.  m,  c.  2o.  C'est  ce  qui  leur  a 
Tait  donner  le  nom  iSç  protocanoniques. 

11  y  a  eu  d'ahonl  quchiues  doutes  sui-  la 
canonicilé  de  1  Epitre  aux  Hébreux,  des  Epl- 
tres  de  saint  Jacipus  et  de  saint  Judc  ,  de  la 
seconde  «le  saint  Pierre,  de  la  seconde  et  de 
la  troisième  de  siint  Jean,  et  de  l'Apoca- 
lypse. Ik'pendant  ces  écrits  oui  été  reçus  de 
tout  temps  par  (juelques  Eglises,  et  ensuite 
par  l'Eglise  universelle.  Nous  le  voyons  p;ir 
les  anciens  cat.i'.ogues  des  livres  du  Nouveau 
Tcslanirnl,  (el  (juc  celui  des  conciles  de  Lao- 
diccc,  (le  Carlli,ii;c  el  de  Homo,  celui  que  l'on 
trouve  dans  le  dernicrcanon  des  apôtres,  etc. 
C'ect  ce  qui  a  déterminé  le  concile  de  Trente 
à  les  nicllre  au  même  rang  que  les  autres, 
et  ils  sont  appelés  dcutérocanoniqucs.  —  Ce 
canon  des  livres  du  Nouveau  Testament  n'a 
point  été  dressé  d'abord  par  aucune  asscni- 
iilée  ecclésiastique,  ni  par  aucun  particulier; 
il  s'est  forn^é  peu  à  peu  sur  le  consentement 
unanime  de  toutes  les  lig  ises,  et  ce  consen- 
tement n'a  pu  devenir  unanime  que  quand 
ces  diiîéientes  sociétés  ont  été  à  portée  de 
rendre  leuioignage  de  ce  qu'elles  avaient  ou 
n'avaient  pas  reçu  dos  apôtres.  —  Mais  les 
Epîtres  dont  la  canonicilé  a  d'abord  été  con- 
testée, n'  ivaicnl  été  adressées  nommément  à 
aucune  Église  ;  celle  de  saint  Piiul  aux  Hé- 
breux était  pour  tous  les  juifs  convertis, quel- 
ques-unes étaient  pour  de  simples  particu- 
liers,  et  ne  paraissaient  pas  fort  imj)ori;:n- 


fes;  elles  n'ont  pu  être  d'abord  revêtues 
d'une  attestation  aussi  authentique  que  cel- 
les qu'avaient  reçues  les  Eglises  de  Uome  , 
de  Corinlhe,  d'Epliôse,  etc.  H  en  est  de  môme 
de  l'Apocalypse. 

Vainement  quelques  incrédules  ont  cru 
fonder  une  grande  objection  sur  la  lenteur 
avec  laquelle  le  canon  des  livres  du  Nouvc.iu 
Testament  a  été  furnié.  Cet  argument  peut 
incommoder  les  protestants,  qui  ne  veulent 
point  d'autre  règle  de  foi  que  i'Eerituie 
sainte;  c'est  à  eux  do  nous  f.iire  concevoir 
comment  l'Eglise  chrétienne  a  pu  dcmcuier 
si  longtemps  s.ins  sai  oir  cert.iinemenl  (jnels 
livres  elle  devait  ou  ne  dev.iif  p;is  ri'".irder 
conmie  Ecriture  sainte.  Pour  nous,  i|iii  sou- 
tenons, comme  nus  pères,  que  i.i  |)r;nci|)alp 
règle  de  foi  est  l'enseif^nemeut  [.ubiie,  cons- 
tant et  uniforme  de  l'Eglise,  nous  ne  voyous 
pas  en  (juoi  il  était  si  important  (jue  le  canon 
des  Ecritures  fût  promplement  dressé  el  uni- 
versellement connu. 

Eusèbe  {llistoiie  ecdés.,  1.  iw,  c.  2:j),  dis- 
tingue trois  sortes  de  livres  du  Nouveau  Tes- 
tament :  1"  Ceux  qui  ont  été  reçus  d'abord 
d'un  consentement  unanime,  et' dont  nous 
avons  vu  ci-devant  l'énu'néraiion.  2'  {'eux. 
qui  n'ont  point  été  reconnus  d'abord  p,ir 
toutes  les  Eglises,  mais  seulement  pyr  quel- 
ques-unes; ou  qui  ont  éle  cités  comme  Ecri- 
ture sainte  par  quelques  auteurs  ecclésias- 
tiques. Mais  cette  seconde  classe  se  divise  en 
deux,  l'une  des  livres  qui  dans  la  suite  ont 
été  reçus  par  toutes  les  Eglises,  el  ont  été 
nommés  deulerocftnoni'/tirs  ;  nous  les  avons 
désignés  :  l'autre  des  libres  qui  n'ont  point 
été  placés  dans  le  canon,  mais  que  l'on  a 
conservés  comme  des  livics  utiles  et  respec- 
tables. Tels  sont  les  livres  du  Pasteur,  la 
Lettre  de  saint  Jlarnaljd,  les  deux  Lettres  de 
saint  Cle'mrnt,  etc.  3"  Les  livres  suppusés  et 
forgés  parles  hérétiques  pour  autoriser  leurs 
erreurs,  livres  que  l'Egli-e  catholique  a  tou- 
jours rejetés;  tels  sont  les  faux  évangiles  do 
saint  Thomas,  de  saint  Pierre,  les  fausses 
Apocalypi^es,  etc.  —  J)c  là  il  résulte  que  la 
seule  raison  qui  nous  détermine  à  regarder 
tel  livre  comme  canonique,  divin  ou  inspiré, 
est  la  tradition  ou  lautorité  do  l'Kglise. 
Quand  nous  serions  pleinement  persuadés 
qu'un  livre  a  été  véritablement  écrit  par  un 
apôtre  ou  par  un  disciplede  Jésus-Christ,  qu'il 
est  par  conséquent  authentique  ;  quand  il  ne 
renfermerait  rien  que  de  vrai  et  de  conlorme 
à  tous  les  articles  de  notre  croyance,  cela  ne 
suflirait  pas.  La  divinité  des  livres  saints  ne 
porte  principalement  ni  sur  la  certitude  his- 
torique, ni  sur  les  règles  de  critique,  ni  sur 
le  témoignage  d'aucun  particulier,  mais  sur 
l'autorité  et  la  garantie  do  l'Eglise;  cl  nous 
ne  voyons  pas  sur  quel  autre  fondement  on 
peut  l'établir. 

Lorsque  les  protestants  font  profession  de 
ne  recevoir  pour  divins  que  les  livres  dont 
la  canonicitc  a  été  universellement  reconnue 
dans  les  premiers  siècles,  c'est  d'abord  une 
fausseté;  l'épîlre  aux  Hébreux  qu'ils  reçoi- 
vent, a  été  douteuse  pendant  quelque  temps. 
D'ailleurs,  si  le  sentiment  unanime  de  ran-< 


6o5 


CAN 


CAN 


C.56 


cicnnc  Eglise  suffit  pour  nous  apprendre 
que  tel  livre  est  divin,  nous  ne  voyons  pas 
pourquoi  il  ne  suffit  plus  pour  nous  ensei- 
gner comment  nous  devons  l'entendre,  ou 
■>our  nous  convainrre  que  tels  et  tels  dogmes 
bnl  révélés.  —  Nous  concevons  encore 
moins  sur  quel  fondement  les  protestants 
croietit  l'iiuthenticilé  des  livres  même  proto- 
c;inoniques,  coMimenl  ils  osent  se  fier  au  té- 
nioignnge  des  anciens  auteurs  ecclésiasti- 
ques pendant  qu'ils  nous  les  représentent 
couimo  des  hommes  d'une  probité  très-dou- 
teuse, qui  ne  se  sont  jamais  fait  de  scrupule 
de  commettre  des  fr;iudes  pieuses  ,  ni  de 
meiilir  pour  la  gloire  de  Dieu  et  pour  la  pro- 
p;ifaiion  de  la  foi.  Voy.  Mosheim,  Jnstit. 
hFsI.  Christ.,  W  parl.,c.  2,  §23. 

CANONISATION  d'un  siiinl  ;  décret  par 
lequel  le  sonver  in  pontife  déclare  que  tel 
Iiomine  a  pratiqué  les  vertus  chrétiennes 
dans  un  ite^ré  héroïque,  et  ((ue  Dieu  a  opéré 
des  11  iracles  p;ir  son  intercession,  soit  pen- 
dant sa  vie,  soit  apiè>  sa  mort.  Con-equem- 
nienl  il  juue  que  I'mi  doit  l'honorer  comme 
un  saint,  il  iicnnet  d'exposer  ses  reliques  à 
la  vénération  des  firlèles,  de  l'invoquer,  de 
célélirer  le  saint  sacrifice  de  la  messo  et  un 
olfice  en  sou  honneur.  La  cammisation  est 
ordinnirenient  précédée  d'un  décret  de  Béa- 
tification. Voy.  ce  mot. 

Dans   II  s   premiers   siècles  de  riîglise,  les 
martyrs  ont   éié  les   ])remiers  auxquels   les 
fidèles  ont  rendu   un  cuUo  solennel.  Ou  éle- 
vait un  autel  sur  leur  tombeau,  et  l'on  y  cé- 
lébrait les  sairils  mystères;  en  cela  consis- 
tait toute   la   c  rémoiiie  de  la  canonisation. 
Nous  en  voyons   un  exemple  dans   les  actes 
du  martyre  de  saint  Ignace,  et  dans  la  lettre 
de  l'Eglise  de  Smyme  au  sujet  du  martyre  de 
saint   l'olycarpe.  Ce  sont  donc  les    peuples 
qui   ont   été   les  premir-rs  auteurs  du  culte 
rendu  aux  saints,  et  l'Eglise  l'a   approuvé 
avec  raison.  —  Les  évéïiues  jugèrent  néan- 
moins qu'il  y  aillait   apporter  beaucoup  de 
précaution  ,    pour    empêcher    que    l'on    ne 
rendît  les  honneurs  dus  A   la  vertu,  à   des 
hommes  qui    ne   les   auraient    pas  mérités. 
Saint  Cyprien  ordoun.i  de  faire  des  informa- 
tions eiacti  s  de  ceux  qui  étaient  véritable- 
ment morts  pour  la  foi,  de  lui  envoyer  leurs 
noms  et  les  circonstances  do   leur  martyre, 
afin  de  ne  pas  conloudrc  avec  eux  ceux  dont 
le  zèle  pouv.iil  paraître  suspect.  Epist.  37  et 
79.  —  Dans  la  suite  on  crut  devoir  rendre  le 
même    culte    aux    personnages    vénérables 
qui,  sans  avoir  souffert  le   murtyre,  avaient 
c.ilié  l'Eglise  par  une  vie  exemplaire.  Mais 
la  piélé  souvent  imprudente  des  peuples,  les 
erreurs  dans  lesquelles  on  était  tombé  à  cet 
égard,  la  négligence  des  évéques  cà  constater 
les  vertus  et  les  miracles  de  ceux  auxquels 
on  s'empressait  de  rendre  un  culte,  obligè- 
rent les  souverains  poniifes  à  se  réserver  ce 
jugement.  Le   premier  exemple  d'une  cano- 
nisnliun  solennelle  faite  par  le  pape  est  de  la 
fin    du  XI'  siècle.    Vny.   ÏAncien  Sacramen- 
taire,  par  Grandcolas,  i"  partie,  p.  385  (1). 

,.     (1)  Les  niarlyr»  furent  des  lorigine  ohiciis  sur  nos 


Les  prolestants  se  sont  exercés  à  l'cnvi  à 
lourneren  ridicule  la cononisafio» des  saints  ; 
mais  ils  auraient  dû  nous  apprendre  ce  que 
devait  faire  l'Eglise  pour  prévenir  les  pré- 
tendus abus  qu'ils  lui  reprochent.  A-t-ella 
pu  ou  a-t-elle  dû  empêcher  les  peuples  de 
respecter  la  mémoire  des  serviteurs  de  Dieu, 
dont  on  avait  admiré  les  vertus  pendant  leur 
vie?Ce  senlimentesl  naturel;  ilatoujours  été 
et  il  sera  toujours  le  même;  il  a  régné  chez 
les  juifs  aussi  bien  que  chez  les  chrétiens 


aiiiels.  Depuis  la  paix  de  l'Eglise  on  étendit  cet  hon- 
neur à  ceux  des  fidèles  qui  s'endorment  dans  le  bai- 
ser (lu  Seigneur  après  une  vie  passée  dans  la  persé- 
vérance de  louie  justice ,  ou  dans  l'ccercice  d'une 
pénilence  laborieuse.  Ces  saiiils  sont  entrés  en  par- 
tage des  honneurs  que  la  religion  accorde  à  ses  hé- 
ros. Sailli  Martin  de  Tours  par^iil  en  avoir  joui  le 
premier,  du  moins  en  Oi  cideiit.  —  La  confession  la 
plos  écl  tante,  la  vie  la  plus  sainte,  la  mort  la  plus 
glorieuse,  ne  furent  pas  des  titres  suflisanls  pour 
consacrer  autlieniiipieoient  la  niéuioire  d'un  athlète 
de  la  foi  clirétienne.  On  atiendiiit  que  SQii  triomphe 
eût  été  proclamé  par  la  voix  des  premiers  pasteurs. 
Il  leur  apparienait  de  brûler  le  premier  encens  sut 
son  cercueil,  et  c'était  de  leurs  mains  que  son  nom 
devait  être  inscrit  d.ins  les  fastes  ecclésiastiques.  De 
là  ce  lire  dislinctif  de  Martyrs  approuiéi  (  Martyres 
vindicati),  pour  désigner  ceux  que  l'auUiriié  légitime 
nietiail  en  possession  des  honneurs  iju'on  doit  aux 
bienheureux  habiiauis  des  eieiix.  (Voir  les  ilécrels 
des  comiles  de  Miièse,  de  Cidogne,  les  capitulaires 
de  Charleinague,  etc.)  Celte  barrière  ne  parut  pas 
siiflisanle  pour  éviter  la  profmaiion.  Ou  crut  (pie 
l'évéque  diocésain  n'olfraii  pas  de  garaiilie  ^ufli- 
saute.  On  linit  par  attribuer  au  saiiit-siége,  sans  au- 
cun ptinage,  le  droit  de  canonisaiion.  Il  sérail  assez 
diflieile  de  lixer  d'une  manière  précise  une  daie  à  ce 
cliaii;;eiiieiii  impoitani.  Alexandre  III  est  communé- 
ment regardé  comme  l'auteur  de  celle  réserve. 

La  cour  de  Rome  procède  dans  ces  causes  avec 
une  pru(len(e  digue  d'admiration.  On  ose  délier  la 
malignité  la  plus  ingénieuse  d'inventer,  pour  démas- 
quer l'imposiure  ou  prévenir  l'erreur,  des  moyens 
plus  assurés  et  plus  prompis  (|ue  ceux  (pu  sont  mis 
en  œuvre  dans  toutes  les  infonnalions  des  commis- 
saires et  les  jugements  de  ce  tribunal.  On  emploie 
tout  ce  i|Ue  la  religion  du  sernieiit  a  de  plus  !>a''ré, 
et  la  crainte!  des  censures  ecclésiastii|ues  de  plus 
imposant,  pour  tirer  la  vérité  de  la  bonclie  des  té- 
moins. On  a^il  avec  tant  de  lenteur  cl  de  iiiatiirité; 
on  revient  si  souvent  avec  tant  (rapplicaiion  iiu'on 
n'a  neii  à  ciainJre  de  la  piccipilation  ni  du  zèle 
enthousiaste.  Quand  on  considère  les  proeé-  do  l'or- 
dinaire, el  l'examen  qu'ils  siinisseiit  à  Uune,  les 
nouvelles  enquêtes  des  commissaires  ap(>5loliipiei 
sur  les  mêmes  sujets,  qu'on  d.icute-avec  la  iiiéiiic 
sévérité;  les  iid'ormalions  parliculiéres  sur  les  ver- 
tus et  '•ur  les  miracles;  l'Iiércisme  qu'on  exige  dans 
celles-là;  les  caracièies  qu'on  requiert  dans  ceux-fi; 
les  doutes  qu'on  agite  dans  les  coiigré;;aiiouA:  les 
chicanes  du  promoteur  de  la  foi;  les  disputes  (|u*on 
excite  exprés  euire  les  médecins  el  les  auiies  ex- 
perts qu'on  appelle  à  ces  questions;  on  ne  pcil  è:re 
qn'elfrayé  de  cette  multitude  d'obstacles  iju  il  laut 
vaincre  pour  parvenir  à  inellie  en  éudcnce  la  sa  n- 
lelé  des  serviteurs  de  Dieu  dont  on  poursuit  la  caiio. 
nisaliuii.  Me  nous  étonnons  doue  plus  que  des  héré- 
tiques qui  ont  suivi  de  prés  tontes  ces  procédures 
se  soient  écriés:»  Non,  il  n'y  a  pas  au  monde  un  seul 
tribunal  qui  mérite  la  conliaiice  de  celui  des  Uites.» 
Toutefois  il  y  a  loin  de  là  à  l'infaillibilité  dans  tous 
SCS  jugements.  Faut  il  admeilre  (lue  lorsque  les  JU' 


657 


CAN 


CAN 


O'.S 


{Eccli.  xLiv  et  suiv.).  Les  protestants  disent 
qu'autre  chose  est  de  respecter  la  mémoire 
des  saints,  et  autre  chose  de  leur  rendre  un 
culte;  nous  leur  soutenons  que,  supposé  la 
croyance  de  l'immorlalilé  des  âmes  et  du 
boi'heur  éternel  des  saints,  il  a  clé  impossible 
de  les  croire  heureux  dans  le  ricl  et  pénétrés 
de  l'amour  divin,  sans  être  persuailé  qu'en 
eux  la  charité  n'est  pas  morte,  qu'ils  s'inté- 
ressent au  salut  de  leurs  frères,  qu'ils  inter- 
cèdent pour  nous,  et  qu'il  est  utile  de  les  in- 
voquer. Il  a  fallu  tout  ren'êlemenl  des  pro- 
leslanls  pour  leur  faire  rejeter  une  consé- 
quence aussi  palpahle-  Voi/.  Cilte.  —Cela 
posé,  les  pnsleiirs  de  l'Eglise  ont-ils  dû  lais- 
ser à  la  discrétion  des  peuples  le  choix  des 


gpmcnls  nnl  été  admis  par  l'Eglise  universelle  ils 
sonl  infaillibles? 

Convaincus  que  le  secours  divin  accordé  à  l'Kglise 
ne  surpasse  l'as  celui  nue  les  écrivains  sacrés  reçu- 
roiil  (lii  ciel,  qnelqnos  callioliiiues  ont  pensé  que  Tin- 
fallliliiiilé  ne  s'clcnd  pas  à  la  caiionisalion.  Le  grand 
apôlre  n'avait  rien  à  se  reprodier,  rependanl  il  n'o- 
sail  dire  qu'il  lui  juslilié.  — Un  laii  conlimie  celle 
opinion  :  pendant  nn  granil  nombre  de  siècles  des 
persoiiiiajjes  ont  clé  portés  sur  le  catalogue  des 
saints  avec  l'assenlimenl  de  l'Kglise  universelle.  Ils 
ont  jnui  dans  imites  les  Eglises  des  honneurs  rendus 
âiix  saillis;  cependant  ils  ont  éié  rayés  des  sacres 
diptyques. 

Sans  se  laisser  ébranler  par  ces  motifs  la  grande 
inajiirilé  des  ilncleurs  admet  comme  iiuliibilable  que 
TEglise  universelle  ne  peut  si'  tromper  en  miitère 
de  canoiiisatiiin.  Be  oti  XIV  trouve  cette  opinion 
tebeine  t  fondée  qu'il  appelle  celle  qui  lui  est  op- 
posée, scandaleuse,  léméraire,  injurieuse  aux  saints, 
etc.  —  El  en  elfet,  supposer  que  l'Egl  se  puisse  se 
tromper  sur  ee  suiel,  n'est  ce  pas  lémuigner  une  ilé- 
Tianic  eriminellc  que  le  Saini-Es|irii  ni:iiiqiie  à  sa 
divine  épouse  dans  une  déiisioii  où  la  pure  é  du 
culle  est  si  fort  intéressée?  N'est-ce  pas  prêter  un 
appui  aii\  liéiétiqiies  qui  s'efforcent  de  saper  noire 
croyance?  Des  anatlièmes  mulliiliés  ont  repoussé 
Cis  entreprises  audacieuses.  Les  pères  du  concile  de 
Trenie  n'ont  lail  que  répéter  contre  celle  impiélé  les 
condanuMlioiis  portées  par  ceux  de  Clialcédnine,  de 
Coiislainiiiople,  et  par  le  second  de  Ni  ée.  N'est-ce 
pas  une  monstruosité  que  de  supposer  que  l'Eglise 
puisse  exposer  des  démons  à  la  vénération  des  Ijdé- 
les,  implorer  l'assistance  des  ennemis  du  Clirisi, 
présenter  le  vice  pour  modèle  à  ses  enfants? 

Je  sais  que  nos  adversaiies  nous  disenl  que  le  fait 
est  contre  nous.  Qu'ils  fassent  alteniion  que  l'Eglise, 
en  révisant  le  Mailyrologe  romain,  n'a  fait  qu'éloi- 
gner les  noms  qui  s'y  élaienl  glissés  sans  qu'une  ca- 
nonisation en  règle  les  eut  mis  dans  les  fastes  sacrés  : 
et  ils  convienilront  aisément  que  les  faits  qu'ils  pour- 
roiii  nous  opposer  n'ont  pas  la  force  de  véritables 
preuves. 

L'Eglise  ne  peul  juger  des  dispositions  iniérienres, 
disent  encore  nos  adversaires.  —  Nous  l'avouerons, 
si  ebes  ne  sont  liées  à  aucune  preuve  extérieure; 
mais  si  elles  sont  inliniemenl  unies  à  des  prodiges 
seinblabl'  s  à  ceux  qu'on  requiert  peur  la  canonisa- 
tion, nous  le  nions.  Ce  ser.iii,  dans  l'Iiypothése  con- 
traire, ébranler  l'auloriié  ues  miracles. 

Qu'il  nous  soit  permis  de  déclarer  qu'on  ne  peut, 
sans  une  indécence  scandaleuse,  sans  une  téménlé 
pleine  d'iiijiisiice,  affecter  des  doutes  et  soulever  des 
disputes  en  celle  uialière.  C'est  alarmer  sans  raison 
la  piélé  des  fidèles,  alicnler  à  la  gloire  des  saints, 
el  autoriser  l'iiiipiélé  des  liéréliques  qui  s'en  décla- 
rent les  ennemis. 


personnages  qui  méritaient  ou  ne  méritaient 
pas  d'être  réputés  saints,  plutôt  que  de  se 
réserver  ce  jugement?  Dès  les  premiers  siè- 
cles il  a  fallu  faire  le  discernement  des  vrais 
martyrs  d'avec  les  faux.  Les  prolestants  eux- 
mêmes  soutiennent  que  dans  les  ix',  xi*  et 
XII'  siècles  de  l'Eglise,  les  peuples  sont  tom- 
bés dans  des  erreurs  et  des  excès  énormes 
touchant  les  hommes  réputés  saints;  il  a 
donc  f;iilu.  pour  prévenir  les  abus,  que  les 
papes  se  réservassent  les  procès  de  la  cann- 
nisalion  des  saints,  puisque  c'est  on  objet 
qui  inléresse  l'Eglise  universelle.  Quand  nos 
adversaiies  se  récrient  sur  le  trop  grand 
nombre  de  saints  canonisés,  on  diriiil  qu'ils 
sont  fâchés  de  ce  qu'il  y  a  eu  trop  d'âmes 
vertueuses  d.ins  le  monde,  qui  ont  mérité  de 
servir  d'exemple  aux  autres. 

II  n'est  pas  possible  de  pousser  plus  loin 
l'exacliliide  de  l'examen  qui  se  fait  à  Itome 
de  la  vie,  des  actions,  des  miriiiles  d'un  per- 
sonnage dont  on  poursuit  la  cano7iis(ilion. 
Il  est  aisé  de  s'en  convaincre  par  rouvr.ig(3 
que  le  pape  Benoît  XIV  a  fait  sur  ce  sujet. 
Les  catholiques  pensent  avec  raison  qu'un 
jugement,  porté  avec  tant  de  précaution,  ne 
peut  pas  êlre  sujet  à  l'erreur;  que,  dans  une 
circonstance  aussi  importante.  Dieu  accorde 
à  son  Eglise  l'assistance  qu'il  lui  a  promise 
jusqu'à  la  fln  des  siècles. 

Un  des  reproches  que  les  incrédules  de 
nos  jours  ont  répétés  le  plus  souvent,  est  que 
l'Eglise  a  placé  au  rang  des  saints  des  hom- 
mes inutiles  qui  n'ont  rendu  aucun  service 
au  monde,  el  de  faux  zélés  qui  en  ont  troublé 
la  tranqiiilliié  ;  des  princes  qui  n'ont  eu  que 
les  vertus  du  cloître,  ou  qui  ont  été  les  per- 
sécuteurs de  ceux  qui  ne  pensaient  pas 
comme  eux.  Mais  les  philosophes,  qui  con- 
naissent Irè^-mal  la  vertu  ,  sont  mauvais 
juges  du  mérite  des  saints.  Un  homme  ii'e-.t 
point  inutile  au  monde,  lorsque,  dans  le  si- 
lence el  la  solitude,  il  emploie  son  temps  à 
louer  Dieu,  à  prier  pour  ses  frères,  à  prati- 
quer la  mortification,  l'obéissance,  le  déta- 
chement de  toutes  choses.  Ces  exemples,  qui 
sont  connus  tôt  ou  lard,  sonl  très-utiles  pour 
faire  comprendre  aux  hommes  en  quoi  con- 
siste le  vrai  bonheur  ;  celte  leçon  vaut  mieux 
et  produit  plus  d'effet  que  les  dissertations 
des  philosophes.  —  Lorsque  les  saints  sont 
revêtus  d'une  dignité  qui  leur  donne  un  rang 
dans  la  société,  el  leur  impose  le  devoir  de 
veiller  sur  la  conduite  des  iiulres,  il  est  im- 
possible que  leurs  leçons  et  leur  conduite  ne 
déplaisent  pas  aux  hommes  vicieux,  et  qu'ils 
n'éprouvent  aucune  contradiction.  Leur  dou- 
ceur serait  blâmée  comme  une  molle  con- 
descendance; leur  fermeté  passe  pour  am- 
bition de  dominer,  pour  inquiétude  ou  dureté 
de  caractère;  on  leur  fait  un  crime  de  leurs 
vertus  mêmes.  Tous  ceuùc,  dit  saint  Paul,  qui 
veulent  vivre  pieusement  selon  Jésus-CInisl, 
soujfrironl  persécinion,  pendant  que  les  hom- 
mes méchants  et  séducteurs  feront  des  progrès 
dans  le  mitl,  et  entraîneront  les  autres  dans 
leurs  erreurs  {II Tim.  m,  12  el  i:J).  C'est  l'his- 
toire de  tous  les  siècles.  •-  Lorsque  des 
princes  ont  employé  aux  protiques  de  piélé 


659 


CAN 


CAN 


OU 


;a  Icmps  qup  d'aiiîrcs  donnent  à  <ies  plaisirs 
bruyants,  djspendicns  et  souvent  scanda- 
leux, nous  no  voyons  p;is  ce  iiuo  les  pcnpies 
y  ont  perdu.  Quant  au  nom  an  pf.rsf'cuteurs 
quo  l'on  donne  aux  souverains  qui  ont  ré- 
prin>é  raodace  dos  hérétiques  et  des  incré- 
dules, l'abus  d'un  mot  ne  doit  pas  nous  en 
imposer;  ils  ont  dû  punir  ceux  qui  corrom- 
paient les  mœurs  et  détruisaient  les  prin- 
cipes de  vertu.  Voy.  Saints. 

CANTIQUE.  Voy.  Cuant  ecclésiastique. 

Cantique  des  Cantiques,  livre  sacré,  ainsi 
nommé  par  les  Hébreux  pour  exprimer  son 
cxceireiice.  On  latlribue  à  Salomon,  duquel 
il  porte  le  nom  dans  le  texte  hébreu  et  dans 
l'ancienne  version  grecque.  Les  lalmudisies 
ont  prétendu  qu'il  était  d'Èzéchias;  mais 
cette  opinion  n'a  pas  été  suivie  par  les  au- 
tres rabbins.  Il  est  dit  dans  l'Ecriture  que 
balomon  avait  composé  des  cantiques  aussi 
bien  que  Davi'l,  et  le  nom  de  Salomon  se 
trouve  dans  plusieurs  endroits  de  celui-ci. 

En  examinant  d'abord  le  sens  lilléral,  ou 
plutôt  grammatical,  de  ce  cantique,  les  cri- 
tiques en  ont  porté  des  jugements  fort  diffé- 
renis.  Les  uns  ont  prétendu  que  c'est  un 
ouvrage  purement  profane,  d;ins  lequel  Sa- 
lomon a  célébré  ses  amours  avec  la  fille  de 
Pharaon,  roi  d'Egypte,  qui  était  la  plus 
chérie  de  ses  épouses.  C'était  le  sentiment 
de  "Théodore  de  Mopsueste,  qui  regardait  cet 
ouvrage  comme  dangereux  pour  les  mœurs; 
c'est  encore  l'idée  qu'en  ont  les  anabaptistes. 
Les  Juifs  en  avalent  interdit  la  le(-ture  avant 
l'âge  de  trente  ans,  quoUiue  d'ailleurs  ils  le 
rcg.irda-senl  comme  un  livre  inspiré.  D'au- 
tres ont  pensé  que  c'était  un  épilhalame,  un 
poëme  destiné  à  être  (hanté  dans  les  noces  ; 
ils  ont  cru  y  disiinguer  sept  parties  d'églo- 
gui',  qui  ré|iondeiit  aux  sp|  t  jours  pendant 
les(iM(ls  duraient  les  noces  des  ancii'ns.  C'a 
été  le  sinlitii'nl  de  M.  Bossuet,  dans  le  com- 
inentaire  qu'il  a  fait  sur  ce  livre,  et  cel:)i  do 
Lowtli  (De  sacra  poesi  Hebrœor.,  prœlect.  30 
et  31). 

Quelques  commentateurs,  prévenus  de  ces 
idées,  ont  fait  de  ce  cantique  des  traductions 
trop  libres  et  capables  d'.ilarmer  la  pudeur, 
comme  Bèze,  Castalion,  Grolius,  et  un  cé- 
lèbre incrédule  de  nos  jours;  d'autres  ont 
affecté  de  faire  remar(|uer  les  endroits  qui, 
selcn  nos  mœurs,  paraissent  trop  licencieux, 
et  ils  ont  fait  un  crime  à  l'Eglise  catholique 
de  ce  quelli-  a  placé  quelcju 'S  morceaux  de 
ce  poëme  ilans  l'olfice  divin.  Tous,  au  reste, 
son!  convenus  qu'en  fait  d'ouvrages  profanes, 
il  n'en  est  pas  de  plus  agréable  que  celui-ci; 
que  l'on  y  trouve  un  fi;)!,  une  délicatesse,  une 
variété  d'images  inimitables;  C'est  une  pein- 
ture très-naïve  des  anciennes  mœur.s  de  l'O- 
rient. Cepemlanl  un  de  nos  liUéraleurs  mo- 
dernes n'y  a  rim  trouvé  de  merveilleux; 
suivant  son  avis,  si  l'on  excepic  quelques 
images  champêtres  assez  agréables,  le  reste 
n'a  rien  d'élo(|uent  ni  de  sublime.  —  Mais 
toutes  ces  opinions  ont  été  réfutées  par  un 
critique  trés-babile  dans  les  fm'^ui'S  orien- 
ta es.  Le  savant  Michacis,  dans  ses  Notes 
$ur  /.»4«(A,  tQutieot  et  prouve  qu«  l'objet  du 


cantique  de  Salomon  n'est  de  peindre  ni  l'a- 
mour licencieux  de  deux  personnes  libres,  ni 
de  celui  de  deux  jeunes  époux  au  moment  de 
leurs  noces,  mais  l'amour  très-chaste  de  deux 
époux  déjà  unis  depuis  longtemps.  A  la  vé- 
rité, cette  idée  ne  s'accorde  point  avec  nos 
mœurs,  mais  elle  est  très-analogue  à  collés 
des  Orientaux,  chez  lesquels  les  femmes, 
toujours  renfermées,  ne  voient  point  leurs 
maris  quand  elles  le  veulent,  et  n'ont  aucune 
société  avec  les  autres  hommes,  où  elles  sont 
sujettes  d'ailleurs  à  toutes  les  passions  qu'ins- 
pirent le  climat,  la  clôture  et  la  polygamie. 
Il  observe  que  ce  défaut  de  société,  entre  les 
deux  sexes,  est  cause  que  les  hommes  s'ex- 
f)riment  avec  beaucoup  de  liberté  dans  les 
conversations  qu'ils  ont,  soit  entre  eux,  soit 
avec  leurs  épouses;  que  de  leur  côté  les 
femmes  ne  croient  point  blesser  la  pudeur 
par  la  naïveté  de  leurs  expressions  :  celte 
licence  dans  le  langaire  ne  fait  pas  plus  d'im- 
pression que  la  nudité  presque  entière  des 
deux  sexes  si  commune  dans  Ces  mêmes  cli- 
mats. —  Par  là  il  démontre,  d'un  côté,  l'in- 
justice du  scandale  que  les  rcnseurs  des  li- 
vres saints  ont  voulu  tirer  de  ce  cantique  et 
de  plusieurs  passages  semblables  du  pro- 
phète Ezéchiel;  de  l'autre,  la  témérité  des 
traducteurs,  qui  ont  voulu  rendre  toute  l'é- 
nergie du  texte  hébreu  d:iiis  la  lingue  do 
ppupb's  dont  les  mœurs  ni  les  usages  no 
sont  plus  les  mêmes  que  ceux  des  anciens 
Orientaux.  —  Ce  judicieux  critique  prouve 
ce  qu'il  avance  par  des  exemples.  Sur  le  té- 
moignage du  voyageur  Chardin,  il  cite  un 
poète  asiatique,  irès-grave  d'ailleurs,  qui  a 
traité  les  plus  sublimes  matières  de  la  théo- 
logie affei  live  sous  le  voile  de  l'allégorie,  et 
dans  un  syle  qui  piraîirait  être  celui  du  li- 
bertinage le  plus  grossier.  Les  docteurs  juifs 
et  les  Pères  de  l'Eglise  n'imt  donc  pas  eu 
tort  de  regarder  le  cantique  de  Salomon 
comme  un  poëme  allégorique,  et  non  comme 
un  ouvrage  profane.  Les  premiers,  sous  l'i- 
mage de  l'union  conjugale,  ont  entendu  l'al- 
liance de  Dieu  avec  la  synagogue;  Ezéchiel 
et  d'autres  prophètes  l'ont  représentée  de 
môme,  et  c'est  le  sens  qu'a  Suivi  le  para- 
phra-te  Chaldéen.  Les  Pères  ont  été  encore 
mieux  fondés  à  y  découvrir  l'alliance  perpé- 
lui  lie  et  indissoluble  de  Dieu  avec  l'Eglise 
chrétienne,  puisqne,  dans  plusieurs  endroits 
du  Nouveau  Testament,  l'Eglise  est  appelée 
l'épouse  de  Jésus-Christ;  lui-même  repré- 
sente sous  la  figure  d'une  noce  l'établisse- 
ment (le  celle  sainte  société  [Mattli.,  xxii,  2 ; 
XXV,  1  ;  Apoc.  XIX.  7,  etc.).  C'est  dans  ce 
sens  seulement  (|ue  l'on  a  placé  dans  l'office 
divin  quelques  morceaux  du  cantique,  et  on 
l'a  fait  avec  tout  le  choix  cl  les  précautions 
convenables.  Les  ministres  de  ri''glise,  ac- 
coutumés à  ne  voir  d;ins  ce  livre  sacré  qu'un 
sens  spirituel  cl  allégorique,  sont  à  l'abri  de 
toute  idée  profane,  contraire  à  la  chasteté  et 
à  la  ()iété.  —  Si  le  littérateur  moderne  qui  a 
voulu  déprimer  la  composition  de  cet  an- 
tien  |ioëiiie,  avait  consulté  Lowlh  et  Mi- 
chaëlis,  il  en  aurait  mieux  senti  l'énergie, 
les  ullysious  cl  les  beautés,  cl  pcul-ctrc  qu'il 


661 


CAP 


aurait  réformé  son  jugement.  D'autre  part, 
crnx  qui  oiit  nppliqué  aux  sept  .Iges  de  l'R- 
■glisp  les  sept  jours  pendant  lesquels  se  l'élé- 
brai"nl  les  noces,  ont  mal  rencontre,  puisque 
ûi\n%\e  rintlfjne  i\  n'est  ques  ion  ni  de  noces, 
tii  de  ilîslinclinn  de  jours  {Bible  d'Avignon, 
lom.  VIII.  pag.  390  el  suiv.). 

Les  olijeclions  que  l'on  a  faites  contre 
l'inspiration  de  ce  livre  ne  sont  pas  diftiriles 
â  résoudre.  On  est  d'abord  clonné  de  ce  qu'il 
n'est  point  rite  dans  le  Nouveau  Testament; 
tnais  il  y  a  d'autres  livres  de  l'Ancien  qui 
n'y  sont  p  is  cités  non  plus.  On  ajoute  que  le 
nom  de  Dieu  ne  s'y  trouve  pas;  (|n'imporle, 
puisque  c'est  Dieu  lui-même  qui  est  l'objet 
du  poë  ne. 

Oiioiquo  nous  fassions  très-grand  cas  de 
l'érudition  et  de  la  sagacité  de  Lowth  el  de 
Michaëlis,  nous  ne  pouvons  souscrire  à  la 
censure  qu'ils  ont  faite  des  Pères  el  des  com- 
men'ateiirs,  qui,  non  contents  de  soutenir 
que  le  vitnliqitc  tout  entier  est  mystique  et 
allégorique,  ont  encore  tâché  de  donner  à 
tontes  ses  parties  nn  sens  suivi  el  analogue 
à  ce  sens  général. Nous  convenons  qu'aucune 
ue  ces  explications  ne  peut  faire  autorité, 
puis(iu'il  est  libre  à  chacun  de  donner  la 
sienne  :  aussi  n'a-t-on  jamais  fait  usage  de 
ce  polMne  pour  prouver  aucun  article  de  loi. 
Mais  comme  il  est  très-essentiel  d'écarter  de 
l'esprit  de  tous  ceux  qui  le  lisent  toute  idée 
profjine,  on  ne  doit  pas  blâmer  ceux  qui  ont 
cherché  une  leçon  de  piélé  dans  chaque  clia- 
f)itre  et  dans  chaque  verset.  Par  la  même 
raison,  il  y  aurait  dn  l'Immeur  à  censurer 
ceux  qui  en  ont  fait  l'application,  non-seule- 
ment à  Dieu  el  à  l'Eglise,  mais  encore  à 
Jésus-Clirist  el  à  l'âme  fidèle.  Qu.ind  ce  ne 
serait  pas  là  le  sens  le  plus  naturel  du  texte, 
c'est  du  moins  toujours  une  leçon  utile  à  la 
piélé;  et  quoi  qu'en  disent  nos  savants  criii- 
qnes  pro'eslants,  c'est  le  meilleur  fruit  que 
nous  poissions  tirer  de  la  lecture  des  livres 
saini».  En  tournant  cette  méthode  en  ridi- 
cule, en  se  tenant  scrupuleusement  atlai  hés 
aiix  règles  de  grammaire,  de  logique  et  de 
critique,  les  protestants  ont  presque  travesti 
l'Ecriture  sainte  en  un  livre  purement  pro- 
fane, comme  si  Dieu  nous  l'avait  donnée 
pour  augmenter  nos  connaissances  curieu- 
ses,  i-t  non  pour  nous  porter  à  la  vertu.  Ce 
n'est  pas  ainsi  (jue  saint  Paul  nous  la  fiit 
envisager  :  Toute  Ecriture  divinement  inspi- 
rée, dii-ii,  est  utile  pour  enseigner,  pour  re- 
prendre, pour  corriger,  pour  instritir-  ilans 
la  justice  pmtr  rendre  un  tiomme  de  Dieu 
parfait  et  exerci'  à  toute  bonne  œuvre  {Il  Tint. 
III,  llîj.  De  (inoi  y  servirait  le  cnnliijue  de 
Sa'omon,si  on  >e  bornait  au  si  ns  qui  parait 
le  plus  littéral? 

CAPIJAÎîNAUM,  ville  de  Galilée,  dans  la- 
quelle Jesus-Christ  a  fait  sa  démeure  i)en- 
d.int  (ineiques  années  [Matlh.  iv,  13).  Il  s'est 
plaint  pln-ieurs  lois  de  l'incrédiJit  •  (U's  ha- 
biianls  de  cette  ville,  et  les  incrédules  oio- 
dernes  en  ont  voulu  tirei  avantage  pour 
rendre  sus  ecls  les  miracles  et  les  vertus  du 
Sauveur.il  ne  pouvait,  disent-ils,  éu'ë  mieux 
jugé  que  par  ses  concitoyens. 


CAP  662 

Nous  pensons,  au  contraire,  qu'il  ne  pou- 
vait l'être  plus  mal.  Quand  on  connaît  par 
expérience  les  prévenions,  la  jalousie,  la 
malignité  naturelle  des  tiabilanls  des  petites 
villes,  on  sent  la  vérité  de  la  maxime  que 
Jesus-Clirist  a  prononcée  à  cette  occision, 
que  personne  n'est  prophète  dans  son  pays 
(Mntth.  xiir,  57).  Les  Galilcens,  imbus  du 
préjugé  général  de  la  nation  juive,  que  le 
Messie  devait  être  un  conquérant,  poov;iient- 
ils  aisément  se  persuader  que  le  fils  d'un 
artisan,  dont  lonie  la  lamille  était  connue, 
fût  le  Fils  de  Dieu  descendu  du  ciel  et  in- 
carné pour  le  salut  des  hommes?  Trois  ans 
d'instructions,  de  miracles  et  de  vertus  n'é- 
taient pas  trop  pour  persuader  à  des  hommes 
très-grossiers  une  vérité  aussi  étonnante, 
pour  laquelle  les  incrédules  de  tous  les  siè- 
cles ont  eu  tant  de  répugnance.  On  ne  doit 
pas  être  surpris  si  les  (^apharnaïtes  furent 
révoltés,  lorsque  Jésus-Christ  promit  de  don- 
ner sa  chair  à  manger  el  son  sang  à  boire 
(Joan.  VI,  52).  Il  se  trouve  encore  aujour- 
d'Iiui  des  sectes  de  chréliens  qui  n'en  veulent 
rien  croire.  Mais  enfin  Jésus-Christ  vint  à 
bout  de  persuader  ses  concitoyens,  puisque 
la  plupart  do  ses  disciples  étaient  Galiléens, 
el  que  plusieurs  de  ses  parents  même  souf- 
frirent la  mort  pour  lui  après  sa  résurrec- 
tion. Voy.  Parents. 

CAPISCOL,  dignitaire  de  plusieurs  chapi- 
tres ou  églises,  soit  cathédrales,  soit  collé- 
giales, en  Provence  et  en  Languedoc.  Il  pa- 
rait que  c'est  la  même  dignité  que  celle  de 
chantre,  de  celui  qui  préside  au  ch(Kur.  Ca- 
pisiol  se  dit  [)oiir  cnput  schnlœ ,  le  chef  des 
chantres.  Dans  le  pontifical  romain  ,  les  ec- 
clésiastiques dont  l'évèiiue  est  accompagné 
dans  les  cérémonies  sont  appelés  schola. 

CAPITAL.  On  nomme  péchés  capitaux  les 
vices  habituels  ou  les  passions  déréglées  qui 
sont  en  nous  la  source  ordinaire  de  nos  pé- 
chés. Ce  sont  l'orgueil,  l'avarice,  l'envie,  la 
gourmandise,  ia  luxure,  la  colère  el  la  pa- 
resse. Yoij.  ces  divers  drlicles  Ooelque-  in- 
terprèies  pensent  que  Jésus-Chrisl  a  voulu 
les  désigner,  lorsqu'il  a  p  irlé  des  sept  dé- 
mohsqui  s'emparetil de  l'homme  {Malth.xii, 
45;  Lw.  vin;  2). 

CAPITULE,  petit  chapitre.  Ce  sont  quel- 
ques véisels  tirés  de  l'Ecriture  sainte,  et  re- 
latifs à  l'office  du  jour,  ((ne  l'on  récite  après 
les  psaumes  cl  avant  l'hymne.  Le  c;ipilulo 
des  compiles  se  dit  après  l'hymne,  et  il  est 
suivi  d'un  répons,  comme  dans  les  petites 
heures. 

CAPTIVITÉ  DE  BAnVLONR.  Moïse,  de  la 
part  de  Dieu,  avait  aorionc.;  aux  Israélites 
que,  s'ils  n'étaient  pas  fidèles  ,i  olisiTver  sa 
loi,  il  les  trans  orleiait  hors  de  la  terre  pro- 
mise et  les  livreraii  au  pouvoir  d'une  nation 
éiraooère  (Deut  xxviii,  49  et  (54  ;  mai<  (jue 
s'ils  levenaienl  à  lui ,  il  les  réiabliraii  (xxx, 
1  cl  suiv.).  Comme  sous  îeurs  rois  ils  se  li- 
vr'ieni  tres-soove  .1  à  l'idolâ  rie  et  contrac- 
I  relit  des  mieiirs  très  c 'rrompiies,  Dieu  leur 
déclara  par  ses  prophètes  qu'il  allait  accom- 
plir ses  uieuaces,  que  toute  la  nation  serait 
assujettie  aux  Assyriens  et   transportée   à 


Goô 


CAP 


CAP 


GU 


Bahylone  ;  mais  il  leur  promit  qu'après 
soixanle-dix  ans  ils  seraient  délivrés  et  re- 
conduiis  dans  la  Judée  (Jerem.-s.s.v,  M  el  12; 
XXVI,  10).  Tout  cela  fui  vérifié  par  l'èvéne- 
ment. 

1!  ne  faut  pas  sn  persuader  que  cette  cap- 
tivité ail  été  un  dur  esclavage;  que  les  Juifs, 
sous  la  domination  des  rois  assyriens,  mè- 
dcs  ou  perses,  aient  été  absolument  mallieu- 
reux.  A  la  réserve  do  l'exercice  public  de 
leur  relifiion  ,  qui  ne  leur  était  ni  permis  ni 
possible,  ils  jouissaient  de  tous  les  droits  de 
sujeîs;  nous  le  voyons  par  les  histoires  de 
Tobie,  de  Suzanne  et  d'Eslher.  Ils  possé- 
daient des  terres  et  les  cultivaient;  plusieurs 
furent  élevés  aux  dignités  et  eurent  un  très- 
pranil  crédit  à  la  cour.  Un  grand  nombre  de 
Juifs  se  trouvèrent  si  bien  en  Assyrie,  qu'ils 
ne  voulurent  pas  revenir  eu  Judée,  lorsque 
Cyrus  leur  en  eut  accordé  la  liberté. 

Aujourd'hui,  quand  on  deniande  aux  Juifs 
pourquoi  Dieu,  malgré  les  promesses  qu'il  a 
faites  à  leurs  pèies,  les  a  réduits  depuis  dix- 
sept  cents  ans  d.ins  un  état  beaucoup  plus 
fâcheux  que  la  captivité  de  Babylone  ;  pour 
quel  crime  Dieu  les  a  dispersés  et  humiliés 
chez  touies  les  nations  de  l'univers,  si  ce 
n'est  pas  pour  avoir  mis  à  mort  le  Messie, 
ils  répondent  que  leur  captivité  présente  est 
une  conlinualinn  ou  uneextension  de  la  capti- 
vité de  Bahyinie.  et  qu'ils  sont  encore  punis 
aujourd'hui  des  anciennes  prévarications  de 
leurs  pères.  C'est  une  espèce  de  proverbe, 
parmi  eux,  qu'il  ne  leur  arrive  aucune  cala- 
mité dans  laquelle  il  n'entre  au  moins  une 
once  de  l'adoration  du  veau  d'or. 

Indépendamment  de  l'absurdité  de  ce  pré- 
ju'.'é,  riïcriiurc  sainte  fournit  des  preuves 
po'iilives  du  contraire.  —  1°  Les  mêmes  pro- 
phètes qui  ont  annoncé  la  cnpliiiié  de  Ihiby- 
lonr  en  ont  aussi  prédit  la  fin  :  Jérémie  dé- 
clare formellement  qu'elle  ne  durera  (|ue 
soixante-dix  ans,  et  D;inipl  le  comprit  ainsi 
en  lisant  ce  prophète  {Jerem.i.\y  et  xxix; 
l)an.  IX).  Un  ange  révèle  à  Daniel  que  ces 
soix;inle-dix  ans  sont  l'abrégé  de  soixante- 
dix  semaines  d'années  qui  doivent  s'écouler 
jusqu'à  la  venue  du  Messie  (Ibid.,\.  2i-). 
Cel.i  est  précis.  —  2°  L'édil  de  C\rus  permit 
à  tous  les  Juifs,  sans  exception,  de  retourner 
dans  leur  pairie;  les  termes  sont  formels  et 
illin,itcs  (/  Exdr.  i,  3).  L'auteur  des  Parali- 
pomènes  reconnait,  dans  les  derniers  versets 
du  second  livre,  que  ce!  édit  mit  fin  à  'a  cap- 
tivité. Il  y  a  de  l'opiniâlreié  à  soutenir  le 
contraire.  —  3°  Daniel  el  N(  hémie  recon- 
naissent que  les  menaces  de  Moïse,  dans  le 
Deuléronouie,  ont  été  accompli<'s  à  Bahy- 
lone {Dan.  i\,  11  el  12;  //  lisdr.  i,  8).  lin 
effet,  Moïse  dil  aux  Juil's  qu'ils  seront  trans- 
portés arec  leur  roi  dans  une  terre  éloignée; 
qu'ils  y  servironi  des  dieux  étrangers  ,  des 
dieux  de  bois  et  de  pieire  {Deiil  xxviii.  30). 
Cela  ne  peut  pas  être  a|ipli(|ué  à  leur  capti- 
vité présente;  ils  n  ont  [)lus  de  roi,  ils  ne 
sont  forcés  nulle  part  d'adorer  des  idols.  — 
4*  Lorsque  les  Juifs  se  plaignent  à  llaby- 
lonr  de  ce  que  Dieu  leur  a  lait  porter  la 
peine   des   prévarications   de   leurs   pères , 


Ezéchiel  leur  soutient  que  cela  est  faux, 
qu'ils  sont  punis  pour  leurs  propres  crime» 
(Ez.  xviii).  Ceux  d'aujourd'hui  ont  donc  tort 
de  répéter  celle  plainte  absurdede  leurs  aïeux. 

De  là  nous  concluons  contre  eux  que  le 
crime  pour  lequel  ils  sont  punis  depuis  dix- 
sept  siècles  est  non-seuleinent  un  crime  na- 
tional, mais  personnel  à  chacun  des  Juifs  ;  et 
il  n'en  est  aucun  qui  réunisse  ces  deux  ca- 
ractères, que  le  déicide  qu'ils  ont  commis 
dans  la  personne  de  Jésus-Christ.  C'esl  un 
crime  national,  puisque  les  chefs  de  la  na- 
tion l'ont  rejeté  et  condamné  à  mort  ;  le 
peuple  y  a  participé,  puisqu'il  a  crié  :  Que 
son  sang  soit  sur  nous  el  sur  nos  enfants.. 
C'est  un  crime  personnel  à  chaque  Juif, 
puisque  tous  ceux  qui  n'ont  pas  cru  en 
Jésus-Christ  ont  applaudi  à  la  conduite  de 
leurs  pères,  et  ont  tâché  de  la  justifier;  au- 
jourd'hui encore  tous  blasphèment  contre  ce 
divin  Sauveur. 

Que  le  sort  actuel  ait  été  prédit  ou  non 
par  la  prophétie  du  Deutéronome,  cela  est 
indifférent.  Celle  de  Daniel  est  expresse  :  il 
déclare  qu'après  le  meurtre  du  Messie,  la 
dévastation  et  la  désolation  des  Juifs  dure- 
ront jusqu'à  la  fin  {Dan.  ix,27).  Jamais  ils 
n'ont  rien  opposé  de  solide  à  celle  preuve 
accablante. 

CAPUCIATl,  encapuchonnés.  On  nomma 
ainsi,  sur  la  fin  du  xii"  siècle,  certains  fana- 
tiques qui  firent  une  espèce  de  schisme  civil 
et  religieux  avec  les  autres  hommes,  el  pri- 
rent pour  marque  de  leur  association  parti- 
culière un  capuchon  blanc  autjuel  pendait 
une  petite  lame  de  plomb;  l  ur  dessein  était, 
disaient-ils,  d(!  forcer  ceux  qui  se  faisaient 
la  guerre  à  vivre  en  paix. 

Celle  idéi'  vint  dans  la  tête  d'un  bûcheron, 
vers  l'an  llSti.  Il  publia  que  la  sainle  Vierge 
lui  avait  apparu,  lui  avait  donné  son  image 
et  celle  de  son  Fils,  avec  celle  inscription  : 
Agneau  de  Dieu ,  qui  fffacez  les  péchés  du 
monde,  donnez-nous  la  paix;  qu'elle  lui  avait 
ordonné  de  former  une  association  dont  les 
membres  |)orleraienl  celte  image  avec  un 
capuchon  blanc,  symbole  de  paix  et  d'inno- 
cence ,  s'obligeraient  par  serment  à  conser- 
ver la  paix  entre  eux,  et  forceraient  les  au- 
tres à  l'observer. 

La  lassitude  el  le  méconlentement  qu'a- 
vaient proiluils  dans  tous  les  esprits  les  di- 
visions, les  guerres  intestines,  l'anarchie  de 
ce  malheureux  siècle,  donna  de  la  consis- 
tance à  la  fantaisie  bizarre  des  capuciés;  ils 
trouvérenl  des  approbateurs  et  tirent  des 
j)rosél>tes  dans  tous  les  l'lal<  ,  surtout  eu 
Bourgogne  ei  dans  le  Berri.  Malheureuse- 
ment, pour  établir  la  |)aix,  ils  romminçaient 
par  f.iire  la  guerre,  el  vivaient  aux  dépens 
de  ceux  (|ui  ne  voulaient  pas  se  joiMdr(î  à 
eux.  Les  seigneurs  el  les  évêques  levèrent 
des  troupes,  dissipèrent  ces  fanatiques  el 
fireni  cesser  leurs  brigandages  —  M  lis  on  eu 
vil  bientôt  paraître  d'autres,  les  sladings,  les 
circoucellions.li's  albigeois, les  vaudois,elc., 
qui  élaieul  animés  du  même  espril  l't  couiuii- 
rent  les  nièm:'s  désordres.  —  D.ins  le  siicle 
suivant,  l'an  1387,  il  y  eul  eu  Anglclcrre  des 


fC5 


CAP 


CAP 


mo 


capuciés  d'une  antre  espèce  :  c'étaient  des 
hérétiques  sectateurs  de  VVicIef,  qui  ne  vou- 
laient pas  se  découvrir  et  gardaient  leur  ca- 
puchon devant  le  s.iinl  sacremenl.  Ils  pri- 
rent la  défense  d'un  nom  né  Pierre  P.nesliul, 
moine  auiiustin  qui  avait  quiité  le  froc,  et 
qui,  pour  justifier  son  apostasie  ,  accusait 
son  ordre  de  plusieurs  crimes.  (Labbe,  Nouv. 
Bihl.,  tome  I,  p.  M7.  U'Ari;entro,  Collée. 
Juilic,  lome  I,  p.  I2'1.  Sponde,  ad  an.  1377.) 
CAPUCINS  (1),  religieux  de  l'ordre  do 
Saint-François  de  la  plus  étroite  observance. 
On  leur  donne  ce  nom  par  rapport  à  la  foriiie 
extr.iordin.iire  du  capuee  ou  capuchon  exlrè- 
lïiement  jiniiiln  dont  ils  se  couvrent  la  tète. 
Ils  sont  velus  d'une  grosse  robe  ,  d  un  man- 
teau et  d'un  c.ipuce  d'un  gros  drap  brun;  ils 
portent  la  barbe,  des  sandales,  et  une  cou- 
ronne de  cheveux. 

Celte  réforme  des  Frères  Mineurs  ou  Cor- 
deliers.aeu  pour  auteur,  au  commencement 
du  XVI'  siècle,  Maithieu  de  Baschi  ou  Hassi, 
Frère  Mineur  Observantin  du  duché  de  Spo- 
letle  ,  et  religieux  au  couvent  de  Montefias- 
canc  ,  qui,  en  1525,  assura  que  Dieu  l'avait 
averti  plusieurs  fois,  d'une  manière  miracu- 
leuse ,  qu'il  devait  pratiquer  à  la  lettre  la 
règle  de  saint  François.  —  11  se  retira  avec 
la  permission  du  pape  Clément  VII,  et  le 
consenlenient  de  son  provincial  ,  dans  une 
solitude,  où  il  fut  suivi  de  douze  auires  per- 
sonnes. 11  y  établit  sa  réforme  d'une  manière 
étonnante.  Le  même  pape  approuva  leur 
congrégation  par  une  bulle  de  1520.  Son  suc- 
cesseur, Paul  111,  la  confirma  en  1535,  et  leur 
donna  un  vicaire  général  avec  des  supé- 
rieurs. Ce  ne  fut  que  sous  le  pontifical  de 
Gr.goire  Xlll  qu'ils  obtinrent  la  permission 
de  s'établir  au  delà  de  1  Italie  :  jusqu'à  lui 
leur  réforme  y  avait  été  concentrée.  —  Sous 
le  règne  de  Charles  IX,  Pierre  Ucschamps  , 
nalif  d'Amiens  ,  profès  chez  les  Cordeliers  , 
commença  l'éiablissement  de  cette  réforme 
dans  la  maison  de  Picpus,  ainsi  qu'il  est 
prouvé  par  des  lettres  patentes,  données  à 
Blois  en  1572.  Le  P.  Pacifique,  Italien,  vint 
l'y  joindre,  et  ils  obtinrent  de  Henri  111  et  de 
Catherine  de  Médicis  sa  mère,  une  nouvelle 
maison  à  Paris,  près  du  lieu  nommé  les  Tui- 
]eties.  —  Les  rois  de  France,  successeurs  de 
Henri  lil.  ont  toujours  favorisé  celte  congré- 
gation. Louis  XlN',  par  un  arrêt  du  conseil 
du  23  septembre  KitiS  ,  déclara  qu'il  n'avait 
pas  entendu  la  comprendre  dans  l'édil  de  dé- 
cembre IGGG,  qui  révoquait  les  permissions 
données  à  dilïérents  ordres  de  s'établir  dans 
le  royaume.  Aussi  les  Capucins  s'y  sonl-ils 
multipliés  en  grand  nombre.  On  compte  dix 
provinces  de  cet  ordre  ,  en  comprenant  la 
Lorraine,  et  plus  de  quatre  cents  maisons. 
Ces  religieux  font  un  vœu  particulier  de  la 
plus  grande  pauvreté  ,  en  sorte  qu'ils  ne 
peuvent  posséder  aucune  espèce  de  biens, 
môme  en  corps  ou  eji  communauté.  C'est 
par  cette  raison  qu'ils  sunl  exempts  de 
toute  imposition,  pourvu  qu'ils  n'abusent 
pas  de  leurs  privilèges  pour  favoriser  la 
fraude  contre  les  droits  du  roi;  qu'il  leur 
(Ij  Cet  article  est  reproduit  d'après  l'édil.  de  Liège. 


est  permis  de  faire  la  quéle  dans  les  villes 
et  dans  les  campagnes  ;  qu'ils  uo  peuvent 
recevoir  que  quelques  legs  modiques,  en 
deniers  une  fois  payés  ,  à  litre  d'aumônes; 
et  qu'on  a  déclaré  nul,  au  parlement  d'Aix  , 
en  1732  ,  le  legs  d'une  rente  de  cent  livres  , 
qui  leur  avait  été  fait 

Régime  de  l'ordre  des  Capucins  suivant 
leurs  constitutiotis.  —  L'él'Ction  des  minis- 
tres provinciaux  et  des  custodes  se  fait  dans 
la  tenue  des  chapitres.  Chaque  communauté 
a  droit  d'y  envoyer  un  discret  qui  a  voix  avec 
le  gardien,  discret  né  par  sa  place;  et  afin 
que  l'élection  des  discrets  soit  à  l'abri  de  tout 
soupçon  d'intrigue  et  de  cabale,  on  ne  peut 
changer  les  religieux  dans  les  trois  mois  qui 
précèdent  la  convocation  du  chapitre.  Pouv 
cette  élection,  Its  Frères  convers  donnent 
leurs  suffrages,  ainsi  que  les  autres  reli- 
gieux. 11  y  a  quelques  années  que  dans  la 
maison  de  la  rue  S  linl-Honoré ,  à  Paris,  on 
s'imagina  que  les  Frères  ne  devaient  point 
être  appelés  en  chapitre  :  ceci  donna  lieu  à 
des  discussions  juridiques  qui  se  terminèrent 
à  l'avantage  des  Frères ,  par  la  médiation 
du  Père  général.  —  Le  provincial  a  pour  con- 
seil quatre  définiteurs  qui  doivent  être  pris 
dans  le  corps  du  chapitre  ,  au  lieu  que  le 
provincial  lui-même  peut  être  choisi  quoique 
absent.  Les  custodes  élus  pour  le  chapitre 
général,  doivent  y  assister,  à  moins  que  des 
raisons  légitimes  ne  les  en  dispensent.  — 
C'est  au  Père  général  qu'appartient  le  droit 
d'approuver  pour  la  prédication.  Il  ne  le  fait 
que  sur  le  certificat  des  définiieurs  et  des  lec- 
teurs en  théologie,  qui  attestent  que  le  reli- 
gieux a  fait  ses  deux  années  de  philosophie  , 
et  qu'il  a  étudié  de  plus  pendant  quatre  ans 
en  lliéulogie  :  il  est  libre  aux  examinateurs 
d'accorder  ou  de  refuser  leur  suffrage,  qui  se 
reçoit  par  la  voie  du  scrutin.  Le  religieux 
approuvé  doit  encore,  avant  d'exercer  son 
ministère,  se  soumettre  à  tout  ce  que  peut 
exiger  de  lui  l'évéque  diocésain  :  une  con- 
duite contraire  serait  blâmée,  et  môme  punie. 
—  Le  provincial  peut,  dans  certains  cas,  pri- 
\er  ses  religieux  de  l'exercice  des  pouvoirs 
qu'ils  ont  obtenus,  et  ordinairement  il  u'ac- 
corde  celui  de  la  confession  qu'après  des 
preuves  suivies  de  capacité  du  sujet.  On  dit 
ordinairement ,  parce  que  souvent  il  nomme 
confesseurs,  pour  la  communauté,  des  reli- 
gieux pour  lesquels  il  diffère  quelquefois  la 
permission  de  se  présenter  à  l'examen  des 
évéques  pour  la  confession  des  séculiers.  — 
Le  provincial  est  le  premier  supérieur  de  la 
province  :  on  défère  à  son  tribunal  toulei 
les  matières  contenlieuses  ;  il  les  juge  de  con- 
cert avec  ses  définiteurs.  Lorsqu'il  est  en 
cours  de  visite,  il  n'existe  plus  d'autorité  que 
la  sienne  dans  la  maison  où  il  s'arrête.  La 
visite  s'ouvre  par  un  discours,  après  lequel 
chaque  religieux  est  appelé  en  particulier  au- 
près du  provincial,  qui  écoule  les  (ilaintes 
des  supérieurs  el  des  inférieurs ,  chacun  à 
son  tour.  H  examine  ensuite  les  comptes, 
parcourt  les  lieux  réguliers  pour  savoir  s'ils 
sont  en  bon  état  de  réparation,  et  icra.ine  sa 
visite  par  les  réprimandes  (ju'exigent  les  ia- 


607 


CAR 


CAR 


ces 


culpalions  qu'on  lui  a  déférées.  Cet  acle  ae 
juridicUon  terminé,  le  giirdien  rentre  dans 
tous  ses  droits.  —  Chaque  maison  se  gou- 
verne par  un  gardien,  doni  réieciion  a  été 
faile  par  le  provincial  et  les  définitcurs,  à 
scrutin  secret.  Le  gardien  n'est  en  place  que 
pour  trois  ans  ;  cependant  il  peut  être  conti- 
nué pour  trois  autres  années.  —  Outre  le 
gardien  ,  il  y  a  dans  chaque  maison  un  vi- 
caire ,  qui  se  nomme  et  se  destitue  au  gré  des 
supérieurs,  à  la  dilTérence  du  gardien,  qui 
he  peut  être  destitué  que  par  une  sentence, 
suivant  les  formes  juridiques  approuvées 
dans  l'ordre. 

Comme  c'est  une  maxime  généralement 
adoptée  parmi  la  plupart  des  rcligieu^i  ullra- 
montains,  qu'ils  ne  doivent  jamais  recon- 
naître pour  leurs  juges  ,  les  magistrats  (jui 
composent  les  tribunaux  séculiers,  les  Capu- 
cins s'étaient  imaginé  qu'en  France  celle 
liiaxime  devait  éire  écoutée,  et  en  consé- 
quence deux  de  ces  religieux,  en  1599,  refu- 
sèrent de  comparaître  au  parlement,  oii  ils 
avaient  été  cités.  La  cour  ordonna  qtu>  la  i!é- 
iibération  par  laquelle  il  avait  élé  arrêté  que 
ces  deux  religieux  ne  comparaîtraient  point, 
serait  lacérée,  et  qu'il  serait  fait  lecture  de 
l'airêt  dans  le  couvent  des  Capucins,  en  pré- 
sence des  religieux.  Depuis  ce  lem,  s-là  il  ne 
parait  pas  qu'ils  aient  cherché  à  méconnaî- 
tre l'autorité  des  juges  séculiers  et  à  si'  sous- 
traire à  leur  juridieiion.  (Kxt.  du  Dicl.  de 
Juiifpnidencr. )  [Voy.  le  Dict.  des  Oïdies 
reli/.  du  P.  Hélyot.édil.  Migne.] 

CAIlACTÈUli  (1).  Ce  terme,  en  théologie, 
signifie  une  marque  spirituelle  elinelTaçable 
que  Dieu  imprime  dans  l'âme  d'nn  chrétien 
^ar  quelques-uns  des  sacrements.  Il  n'y  en 
a  que  trois  qui  opèrent  cet  effit,  le  baplêmc, 
là  confirmation  et  l'ordre  :  aussi  ne  les  rél- 
lère-t-on  jamais,  même  aux  hérétiques, 
pourvu  qu'en  les  administrant  l'on  n'ait  rien 
nian(|ué  d'essenliel  dans  la  matière  ni  dans 
la  forme. 

La  réalité  de  ce  caiaclère  est  prouvée  par 
des  passages  de  saint  Paul,  dont  le  sens  est 
à  la  vérité  contesté  par  les  héréti(|ues  ,  et 
même  par  quelques  théologiens  catholiques; 
niais  dans  celle  (luesiion,  comme  d.ms  toute 
antre;  là  tradition  doit  servir  de  guide.  Saint 
Augustin,  en  écrivant  contre  les  donatistes 
qui  relieraient  le  hapiènu;  et  l'ordination  ,  a 
supposé  et  a  soutenu  ([ue  ces  sacrements 
impriment  un  caractère  ineffaçable  (L.  coii- 
tra  Episl.  Paimcn.,  n°  28).  Toute  l'Eglise 
d'Afriiine  a  coiilirmé  celte  vérilc  par  son  suf- 
frage, et  c'est  le  sentiment  de  l'Lglise  catho- 
lique. 

Un  savant  anglican,  qui  le  combat  de  tou- 
tes ses  force^ ,  soutient  qu'il  n'eu  est  ques- 
tion dans  aucun  des  ani'iens  conciles.  11 
avoue  cependant  que  plusieurs  Pères  de 
l'Eglise  ont  appelé  le  baptême   le  sceau,   lo 

(1)  Si  qiih  ilireiil,  in  tribiif  Sdcrameiit'is,  bap'ismo 
tcilicel,  confirmalioiif  et  online,  iiaii  iinjtrimi  char.c- 
lereiH  in  (initiia.  hoc  esl  tigiiiiiii  quuildain  spiiiiiite  et 
initelthiic ,  nude  ta  iterari  non  po.fsunt ,  mmllieiiia 
li*.  CoMi  M.  Trid.,  scss,  7,  caii. '.',  de  Hucram.  in  gé- 
nère. 


siqnê,  la  mordue,  le  caractère  deJésus-Chrisf  i 
mais  ils  n'ont  rien  conclu  de  là  ,  sinon  qu'il 
ne  faut  pas  réitérer  ce  sacrement.  Il  ne  s'en- 
suit pis,  dil-il,  qu'un  chrétien  apostat,  infi- 
dèle, excommunié,  conserve  encore  quelque 
droit  ou  quelque  privilège  en  vertu  de  son 
bapicme  (Bingliam,  Orig.  ecclés.,  t.  XI, 
p.  2oC).  Nous  convenons  que  le  seul  droit 
qui  lui  reste  esl  de  ne  pas  élre  rebaptisé 
lors(iu'il  fera  sa  pénitence  et  qu'il  rentiera 
dans  le  sein  de  l'Eglise.  —  De  même  ,  dit  ce 
criti(jue,  lorsque  les  anciens  conciles  ont  ex- 
communié ou  dégradé  un  prêire,  ils  ont  dit; 
Nous  l'avons  privé  du  sacerdoce  et  de  tout 
pouvoir  sacerdotal  ;  nous  déclarons  qu'il 
n'est  plus  prêtre,  nous  le  privons  même  de 
la  communion  la'ique.elc.  Que  resie-t-il 
donc  à  ce  prêtre  dégradé  en  vertu  de  son  or- 
dination passée?  Nous  répondons  qu'il  lui 
reste  le  pouvoir  radical  tle  l'ordre,  et  non 
celui  d'en  faire  les  fonctions.  Gela  est  si 
vrai  que,  si  ce  prêtre  parvient  à  Se  faire 
absoudre  et  réintégrer,  on  ne  l'ordonnera 
pas  de  nouveau  ;  il  recommencera  d'exercer 
Validemenl  et  licitement  les  fonctions  du  sia- 
cerdoce.  Il  n'est  pas  de  rinlérél  d'un  anglican 
de  soutenir  le  contraire,  puisqu'il  s'ensui- 
vrait que  L'S  évoques  et  les  prêtres  d'Angle- 
terre,  excommuniés  comme  hérétiques  par 
l'Eglise  romaine  ,  ont  perdu  dès  ce  moment 
leur  c«rflc/à"e  et  tous  leurs  pouvoirs,  consé- 
qiiemmenl  qu'ils  n'ont  pu  donner  aucune 
ordination  «alide;  que  le  clergé  de  l'Eglise 
anglicane  n'est  composé  que  de  purs  laïques, 
comme  nous  le  prétendons. 

Ou  ml  à  la  nauire  du  caractère  dont  nous 
pai  Ions ,  les  Ihcologiens  ne  sont  pas  d'accord 
pour  l'cxpliciucr.  Comme  le  mol  caractère 
signifie  littéralement  une  gravure,  il  ne  peut 
être  appliqué  à  notre  âme  que  par  métaphore. 

—  Durand,  in  (/narlum,  dist.  4,  q.  1,  dit 
que  II!  caractère  n'est  point  ime  qualité  abso- 
lue distincte  de  l'âme,  mais  une  simple  dé- 
nomination extérieure,  parMaquclle  l'hominc 
baptisé,  confirmé  ou  ordonné,  esl  disposé 
par  la  seule  volonté  do  Dieu,  et  rendu  pro- 
pre à  exercer  soit  passivement,  S'iit  active- 
inenl,  quelques  fonctions.  Si  quelqu'un  peut 
comprendre  ce  verbiage  ,  il  faut  l'en  féliciter. 

—  D'autres  souliennenl  que  le  cnraclcre  est 
une  qualité  réelle  el  absolue ,  une  puissance 
d'exercer  ou  de  rccevi>lr  des  choses  saintes, 
qui  r<'side  dans  l'entendement  comme  dans 
son  sujet  immédiat.  Tournély  ,  de  Sacrain. 
in  gen.,  qne>t.  '*,  art.  2,  Quand  nous  saurions 
lequel  de  ces  deux  sentiments  est  le  plus 
vrai  ,  nous  n'en  serions  pas  plus  instruits.  Il 
faut  se  borner  à  croire  ce  que  l'Eglise  ensei- 
gne,  renoncer  à  l'amliition  de  comp'rcndre 
ce  qui  est  incompréhensible  ,  et  d'expliquer 
ce  qui  est  inexplicable. 

Le^  protestants  nient  l'existence  du  tA- 
raclère  sacramentel,  et  disent  qu'il  aété  ima- 
giné par  le  pape  Innocent  III.;  mais  saint 
Augustin  a  vécu  près  de  huitcenlsansavantce 
pajie.  Cependant  les  prolcstants  pensent  qu'on 
ne  doitpoinl  réitérer  le  baptême;  ils  seraient 
bien  eniliarrassés  d'en  donner  une  autre  rai- 
son que  la  pratique  de  l'Eglise.  S'il  était  vrai. 


66'1 


CAR 


CAR 


670 


comme  ils  le  hUiilieiinent,  que  les  sacrements 
n'ont  point  d'uulre  effet  que  d'exciter  la  foi, 
qui  em|iêelierail  de  réitérer  le  b.iptème  au- 
tant (le  ('i)is  qu'on  le  jugerait  à  propos  î 

CàRACTÈllES   HÉBRAÏQUES.    VojJ.  HÉBIIEU. 

(Iahactkbes  MiGiOUES.  Voy.  Magie. 

CAKAlTliS,  sccic  de  Juifs  opposte  à  celle 
des  ralibiniies.  Leur  nom  parait  dérivé  du 
clialdéen  kara,  écrire  ou  ccrilurc ,  parce 
qu'ils  prennent  pour  règle  de  leur  cro>ance 
le  texte  de  l'Ecriture  seul,  et  font  peu  de  cas 
«les  traditions  des  rabbins,  et  de  leur  préten- 
due Iiti  orale  renfermée  dans  le  Talniud. 

Nous  ne  nousarrclerons  point  à  ce  que  les 
iiébraïsants,  juifs  ou  autres,  ont  écrit  au 
sujet  des  Cf;r«ï/es,  parce  qu'ils  ne  s'accor- 
di  nt  point,  et  que  leurs  conjectures  ne  sont 
fondées  sur  aucune  preuve.  —  Ce  qui  paraît 
ûe  plus  probable,  est  que  la  secte  des  cn- 
rttites  a  commencé  au  vi«  siècle  de  notre  ère, 
peu  de  temps  après  la  compilation  du  Tal- 
uiud.  Les  plus  sensés  d'entre  les  juifs,  rebu- 
tis  des  visions,  des  puérilités,  des  erreurs 
rassemblées  dans  cet  énorme  recueil ,  pri- 
rent le  parti  de  s'en  tenir  au  teste  des  livres 
saints,  et  de  rejeter  toutes  ces  traditions 
rabbiniques.  Du  moins  les  plus  modérés 
I  consentirent     à     les     regarder     seulement 

comme  un  secours  qui  pouv.iit  servir  jus- 
qu'à un  certain  point  à  expliquer  l'Ecriiure 
sainte  et  les  divers  usages  de  la  loi  de 
Moïse,  n)ais  (lui  n'avait  d'autorité  (ju'autant 
que  l'on  pouvait  juger  que  les  auteurs  de  ce 
tommenlaire  avaient  bien  renconir'. —  Delà 
les  rabbinisles  ou  rabbanistes,  partisans  zé- 
lés du  Talmuil  ,  et  qui  lui  attribuent  autant 
d'autorité  qu'au  texte  même  de  l'Ecriture  , 
regardent  les  caraUfs  comme  des  scbis- 
Dialiques  et  des  hérétiques,  leur  attri- 
buent gratuitement  une  inlinité  d'erreurs,  et 
les  délestent  presque  aut<ii\tque  les  anciens 
Juifs  abhorraient  les  Saruiiritains.  On  croit 
que  ce  fui  un  juif  babylonien,  nommé  Anan, 
qui,  vers  l'an  7o0,  se  déclara  ouvertement 
contre  les  traditions  du  Taluiud,  et  con- 
somma le  schisme  qui  jusqu'alors  n'avait 
pas  éclate. 

Les  rabbins,  qui  ont  donné  aux  curaites 
le  nom  de  saclducéens,  sont  évidemment  in- 
justes ,  puisque  les  carailes  admettent  les 
dogmes  que  niaient  les  sadducécns,  l'existence 
des  esprits,  l'immortalité  de  l'âme,  les  pei- 
nes et  les  recompenses  de  la  vie  future,  et 
les  prouvent  par  le  texie  des  livres  saints. 
Ils  lisent  l'Ecriiure  et  leur  liturgie  en  public 
cl  en  particulier  dans  la  langue  du  pays  où 
ils  vivent;  àConstanlinople  en  grec,  à  Caffa 
en  turc,  en  l'erse  en  persan,  et  en  arabe 
dans  tous  les  lieux  où  cette  langue  est  vul- 
gaire. 

On  prétend  qu'il  y  a  des  carnUesen  Pologne, 
en  llussie,  dans  la  Crimée,  au  Caire,  à  Da- 
mas, dans  la  Perse  et  àConstantinople,  mais 
en  assez  petit  nombre  ,  puisqu'on  ne  peut 
pas  les  porter  au  delà  de  quatre  à  cinq  mille 
en  tout  ;  on  ajoute  que  ce  sont  les  plus  hon- 
nêtes gens  parmi  les  Juifs.  On  connail  peu 
de  leurs  livres  en  Europe  ;  ils  mériteraient 
cependant  mieux  d'être  connus  que  ceux  des 


rabbins.  On  y  verrait  que,  dans  l'explicalion 
d'un  infinité  de  passages  de  la  loi  et  des 
prophètes,  ils  se  rapprochent  buaucoup  du 
Sens  qu'y  donnent  les  chrétiens. 

Mais  s'il  est  permis  d'élever  ici  un  soup- 
çon, nous  observerons  que  les  cnraiies  ne 
nous  sont  connus  qui'  par  des  écrivains  pro- 
testanls;  il  est  dangereux  que  la  conformiîê 
que  ces  derniers  ont  trouvée  entre  leurs 
principes  et  ceux  des  carailes,  ne  les  ail  uu 
peu  prévenus  en  faveur  de  relie  secte  juive; 
c'est  par  les  livres  de  ses  docteurs  qu'il  fau- 
drait en  juger.  Voy.  Prideaux,  Hisl.  flea 
Juifs,  liv.  XIII,  n°  3,  t.  Il,  in-'r,  p.  1(52. 
Brucker,  Ilist.  cril.  jjhitosoph.,  1. 11,  pag. 
730  et  suiv. 

*  CARBONARI.  C'est  le  nom  d"  l'une  des  sociélés 
secrètes  le-;  plus  dangereuses.  Voici  comment  elle 
est  caracièiïsée  dans  réUiiion  Leforl  :  «  La  soc  été 
des  fraiics-inaçons  a  peut-être  été  l'origine,  et  elle  a 
ceriaineuifiu  clé  le  modèle  de  celle  des  Carbonari, 
qui  s'e^t  nouvidlement  organisée,  qui  s'est  pmpagée 
dans  toute  l'Italie  et  dans  d'^iuires  pays,  et  qn,  liien 
que  divisée  en  plusieurs  branches  et' portant  dilfé- 
reiils  noms,  suivant  les  circoiisianees,  est  cependant 
réelk'nieni  une,  lani  pour  la  communauté  d'opinions 
et  (le  vues,  quiî  par  sa  eonsliiution. 

«  Les  Carbnnari  :ifl'eclent  un  singulier  respect  et 
un  zélt!  inerveilli'ux  pour  la  religion  cnllioli^iue  et 
pour  1.1  dnclrine  el  la  parole  du  Sauveur,  qu'ils  ont 
quelquefois  la  coupable  audace  de  nommer  liMir 
grand-niaîire  el  le  clielde  leur  société  :  mais  ces  dis- 
cours meilleurs  ne  sont  que  des  traits  dont  se  ser- 
vent crs  hommes  perfides,  pour  blesser  plus  sûre- 
ment ceux  qui  ne  se  tiennent  pas  sur  leurs  gardes. 
—  Le  serment  redoulalde  par  lequel,  à  l'exemple 
des  anciens  priscillianisies,  ils  promeileni  qu'en  aq- 
cun  lemps  el  qu'en  aucune  circiiislance  ils  ne  révè- 
br  ni  i|uoi  que  ce  soit  qui  puiss'-  concerner  leur  su- 
ciélé  à  des  hummi'S  qui  n'y  sotaifint  piint  admis,  ou 
qu'ils  ne  s'entretiendront  jamais  avec  ceux  des  der- 
niers grades  de  choses  relaiives  aux  grades  supé- 
rieurs; déplus,  les  réunions  clandestines  et  illégi- 
limes  (pi'ils  lorinenl,  à  l'inslar  de  plusieurs  liéréii- 
ques,  et  l'agrégation  de  personnes  de  loiiies  les  reli- 
gions et  de  toutes  les  sectes  dans  leur  soc  été,  moll- 
irent a-seï,  quand  môme  il  ne  s'y  joindrait  pas  d'au- 
tres indices,  (|u'il  ne  laut  avoir  aucune  cunliance  dans 
leurs  paroles. 

«  Leurs  livres  imprimés,  dans  lesijuels  on  trouve 
ce  qui  s'observe  dans  leurs  réunions,  suriont  duis 
celle  des  grades  supérieurs,  leurs  caiéclnsmes,  lotirs 
statuts,  tl'autres  d  ciiments  anilientiqui'S,  les  témoi- 
gnages de  ceux  qui,  après  avoir  ahandonné  celle  as- 
sociation, en  ont  révélé  aux  magistrats  lesartilices  et 
les  erreurs,  tout  établit  que  les  C.uboiiari  ont  priuLi- 
palemenl  pour  but  de  propager  riiidiUérence  en  ma- 
tière de  religion,  le  plus  dangereux  de  tous  les  sys- 
lènie>;  de  donner  à  chacun  la  liherié  absolue  de 
profaner  et  de  souiller  la  Passion  du  Sauveur  par 
quelques-unes  de  leurs  coiiiiables  cérémonies,  de 
mépriser  les  sacrements  de  l'Kglise  (auxi|uel5  ils  pa- 
^ai^selll  cnsiih^tiluer quelques-uns  inventés  par  eux), 
de  lejeler  les  mysières  de  la  Religion  catli"lique, 
enfin  de  renverser  le  saint-sié,;;e  contre  lequel,  ani- 
més d'une  liiiine  toute  particulière,  ils  trament  les 
complots  les  plus  noirs  et  les  plus  déie^laldes. 

<  Les  piéceples  de  morale  (jue  donne  la  soeiéié 
des  Carboiiari  ne  sont  pas  moins  coupables,  qiini- 
qu'elle  se  vante  liautemeui  d'exiger  de  ses  sectaieurs 
qu'ils  aiment  et  pratiquent  la  charité  et  les  autres 
vertus,  el  qu'its  s'absiiennent  de  tout  vice.  Ainsi  ello 
favorise  ouverienieiit  les  plaisirs  des  sens.  Elle  en- 
seigne qu'il  est  permis  de  tuer  ceux  qui  révéleraient 
le  secret  dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  Llle  en- 


671 


CAR 


CAR 


67-2 


seigne  encore  an  mépris  des  paroles  des  apôtres 
Pierre  et  Paul,  qu'il  esl  permis  d'evciler  des  révolies 
pour  (lép"iiill(^r  di;.  leur  puissance  les  rois  el  tons 
cenx  (|"i  cmiiiandent,  anxquels  elle  doiiiie  le  nom 
injniienx  de  tyr;iiis. 

«  Tels  sont  le^  dogmes  el  les  préceptes  de  celte 
société;  et  les  aiieniais  po'itiqnes,  accomplis  en  Es- 
pagne, dans  le  Pié t,  à  Naples,  ait  ntais  accom- 
pagnés d'ouiriges  el  de  mesures  linsiiles  à  la  Reli- 
gion callioliqne,  en  ont  été  la  triple  appl  cation.  T.ls 
sont  aussi  les  doijmes  et  les  préceptes  de  laiil  d'au- 
tres socieie*  secié/es  conformes  ou  analogues  à  celle 
des  Carbnnari.  )  [V'oy.  Sociétés  secrètiîs,  où  lions 
avons  rapporté  la  condamnation  qui  eu  a  élé  faite 
par  Pie  Vil  el  Léon  XII.] 

CARDINALES  (Verlus).  La  prudence,  la 
juslice,  la  force,  la  tempérance,  sont  nom- 
mées par  les  Ihéoiogiens  vertus  cardinales  ou 
principales;  p;irce  que  les  philosophes  mo- 
ralistes ont  rapporté  à  ces  quatre  chefs  tous 
les  actes  de  verUi.  On  peut  douter  si  cette 
division  esl  fort  juste.  Le  nom  de  vertu  signi- 
fie la  force  de  l'àme  ;  dans  ce  sens  tout  acte 
de  vertu  est  une  action  de  force;  nous  ne 
voyons  pas  pourquoi  la  religion  n'est  pas 
autant  vertu  cardinale  (\ue  la  prudence  ou 
la  justice.  Toute  vertu  peut  être  pratiquée 
par  un  motif  de  religion,  et  les  actes  de 
celle-ci  n'ont  pas  besoin  d'un  autre  motif 
que  ci'lui  qui  lui  est  propre. 

CARÊME,  quadrugesima,  jeûne  de  quarante 
jours,  observé  par  les  chrétiens  pour  se  pré- 
parer à  célébrer  la  fête  de  Pâques. 

Suivant  saint  Jérôme,  saint  Léon,  saint 
Augustin  et  la  plupart  des  Pères  du  iv  et  du 
y  siècle,  le  carême  a  été  institué  par  les 
apôtres.  Voici  comment  ils  raisonnent.  Ce 
que  l'on  trouve  établi  dans  toute  l'Eglise, 
sans  que  l'on  en  voie  l'institution  dans  au- 
cun concile,  duit  passer  pour  un  établisse- 
ment fait  par  les  apôtres  (S.  August.,  de 
Bapt.  contra  Donat.,  liv.  iv,  c.  2i).  Or,  tel 
est  le  jeûne  du  carême;  le  69' canon  des 
apôtres,  le  concile  de  Nicée  tenu  en  32'S,  ce- 
lui de  Laodicée  de  l'an  365,  les  Pères  grecs 
et  latins  du  ir  et  du  iii'  siècle  en  parlent 
commed'un  usagcobservé  danstoutel'liglisc. 
Les  protestants  ont  prétendu  que  le  jeûne 
du  carême  avait  élé  d'abord  institué  par 
une  espèce  de  superstition  et  par  des 
hommes  simples,  qui  voulurent  imiter  le 
jeûne  de  Jésus-Christ;  qu'ensuite  celte  cou- 
tume s'établit  peu  à  peu,  et  devint  ù  peu  près 
générale.  Cliemnitius  ,  Daillé  ,  un  Anglais 
nommé  llooprr,  ont  disserté  fort  au  long 
contre  celte  institulion,  el  n'ont  rien  négligé 
pour  en  rendre  l'origine  suspecte  Mais  ils 
ont  élé  savainntcnl  réfutés  sur  tous  les  points 
par  IJévcridge,  cvéïiuc  de  Saint-Asaph,  théo- 
logien anglican  ,  dans  ses  Notes  sur  les  Ca- 
nons des  apôtres,  liv.  m.  Vojez  /••/*.  Apost., 
loin.  Il,  n  partie,  p.  134  el  suiv.—  Moslieim 
s'esl  trouvé  forcé  de  convenir  que  les  preu- 
ves el  les  raisonnements  de  cet  auteur  sont 
Irès-forts.  Après  un  pareil  aveu,  il  a  eu 
mauvaise  grâce  de  préiendre,  comme  Daillé, 
que  la  durée  el  la  loriiie  du  jeune  du  ciirciitr 
n'ont  élé  (iéleriiiiiiées  (iii'au  iv  siècle;  puis- 
que Révéridge  a  fait  voir  (|ue,  selon  le  con- 
cile de  Nicée,  leuu  lau  32^i,  le  carême  était 


un  usase  déjà  connu  et  observe  dans  toute 
la  chrétienté. 

Leur  plus  fort  argument  est  un  passage 
de  saint  Irénée,  cité  par  Eusèbe.liv.  v,  c.  2V, 
qui  dit  que  de  son  temps,  c'est-à-dire  sur  la 
fin  du  II''  siècle,  les  uns  croyaient  qu'ils  de- 
vaient jeûner  un  jour,  les  autres  deux, 
ceu\-ci  plusieurs  jours,  ceux-là  quarante. 
Donc,  disent-ils,  il  n'y  avait  encore  pour 
lors  rien  de  constant  ni  d'uniforme  sur  ce 
point  de  discipline.  Mais,  comme  l'observe 
Bévéridge,  saint  Irénée  n'en  demeure  pas 
là;  il  ajoute  que  cela  esl  venu  de  ce  que 
quelques  anciens  n'ont  pas  élé  exacts  à  re- 
tenir la  forme  du  jeûne,  et  ont  laissé  pas- 
ser en  coutume  ce  qui  venait  de  simplicité 
el  d'ignorance  [Ibid.,  p.  156  et  15'7).  Or, 
quelle  était  la  forme  du  jeûne  au  ii"  siècle? 
Origène,  qui  a  vécu  cinquante  ans  après 
saint  Irénée,  nous  apprend  qu'elle  était  de 
quarante  jours  (  Bom.  10  in  Levil,,  n.  2). 
(^'élail  donc  par  simplicité  et  par  ignorance 
que  quelques-uns  ne  l'observaient  pas  ainsi. 
Bévéïidge  conclut  que  M.  de  Valois  et  les 
autres  critiques  ont  mal  pris  le  sens  du  pas- 
sage de  saint  Irénée,  qui  est  assez  obscur. 

D'autres  protestants  ont  dit  que  ce  fut  le 
pape  Télesphore  qui  institua  le  carême  vers 
le  milieu  du  if^  siècle,  que  ce  jeûne  était  d'a- 
bord volontaire,  qu'il  n'y  eut  de  loi  que  vers 
le  milieu  du  iii'.  il  est  fâcheux  que  les  Pè- 
res de  ces  temps-là  aient  ignoré  cette  anec- 
dote. Lorsque  saint  Télesphore  fut  placé  sur 
le  siège  de  Rome,  il  y  avait  trente  ans  tout 
au  plus  que  saint  Jean  était  mort  ;  cela  nous 
rapproche  beaucoup  du  temps  des  apôtres. 
Mais  les  protestants  y  ont-ils  pensé,  lors- 
qu'ils ont  atlribué  à  un  pape  du  ii*^  siècle  le 
pouvoir  d'introduire  un  nouvel  usage  dans 
toute  l'Eglise?  Victor,  l'un  de  ses  succes- 
seurs, soiaante  ans  après,  en  avait  beau- 
coup moins,  puisqu'une  partie  de  l'Asie  lui 
résista  au  sujet  de  la  célébration  de  la  pâ- 
que.  —  Quand  l'institution  du  carême  ne  re- 
monterait qu'au  11'  siècle,  elle  serait  assez 
ancienne  pour  que  les  réformateurs  eussent 
dû  la  respecter,  s'ils  avaient  eu  envie  de 
perfectionner  les  mœurs,  et  non  de  les  re- 
lâcher. 

Anciennement,  dans  l'Eglise  latine  ,  le 
jeûne  n'était  que  de  trente-six  jours;  dans 
le  V  siècle,  pour  imiter  plus  précisément 
le  jeûne  dequarante  jours  observé  par  Notre- 
Seigneur  ,  quelques-uns  ajoutèrent  quatre 
jours,  et  cet  usage  a  élé  suivi  dans  l'Occi- 
dent, cxceplé  dans  l'Eglise  de  Milan. 

Les  Grecs  commencent  le  carême  une  se- 
maine plus  tôt  que  nous  ;  mais  ils  ne  jeûnent 
point  les  samedis,  excepté  le  samedi  de  lu 
semaine  sainte. 

Les  anciens  moines  latins  faisaient  trois 
carême<  :  le  principal  avant  Pâques,  l'aulro 
avant  Noël  (  on  l'appelait  le  carême  de  la 
Saint-Martin),  le  troisième  de  saint  Jean- 
Baptiste,  après  la  Pentecôte;  tous  les  trois  de 
(]uar.inic  jours. 

Oiilre  celui  de  Pâques,  les  (Irecs  en  ob- 
servaient quatre  autres,  qu'ils  noniiuaient 
des  apôtres, du  l'Assompliou,  dcNoèl  cl  delà 


675 


Càl! 


CAt\ 


eu 


TransGgurnlion  ;  mais  ils  les  réduisaient  à 
sept  jours  chacun.  Les  jacobites  en  Tout  un 
Giiiquième,  qu'ils  appellent  de  la  pénitence 
de  Ninive  ,  et  les  maronites  un  sixième,  qui 
est  celui  de  l'Exaltation  de  la  sainte  Croix. 
De  tons  temps  les  Orientaux  ont  été  grands 
jeûneurs. 

Le  huitième  concile  de  Tolède,  de  l'an 
653,  ordonne  que  ceux  qui ,  sans  nécessité, 
auront  mangé  de  la  viande  en  carême,  n'en 
mangeront  point  pendant  toute  l'année,  et 
ne  communieront  point  à  Pâques.  Ceux  que 
le  grand  âge  on  la  maladie  obligent  à  en 
manger,  ne  le  feront  que  par  permission  de 
l'cvêque  [Can.  8). 

Insensiblement  la  discipline  de  l'Eglise 
s'est  relâchée  sur  la  rigueur  du  carême. 
Dans  les  premiers  temps  le  jeûne,  même 
dans  l'Occident,  consistait  à  s'abstenir  de 
viande,  d'oeufs,  de  laitage,  de  vin  ,  et  à  ne 
faire  qu'un  seul  repas  après  les  vêpres  ou 
vers  le  soir  ;  cet  usage  a  duré  jusqu'à  l'an 
1200.  Mais  avant  l'an  800,  on  s'était  déjà 
permis  l'usage  du  vin  ,  des  œufs  et  du  lai- 
tage. Quelques  intempérants  prétendirent 
que  la  volaille  n'était  pas  un  mets  défendu,  et 
voulurent  en  manger;  on  réprima  cet  abus. 

Dans  l'Eglise  d'Orient,  le  jeûne  a  toujours 
été  fort  rigoureux  ;  pendant  le  carême  la 
plupart  des  chrétiens  vivaient  de  pain  et 
d'eau,  de  fruits  secs  ei  de  légumes.  Les  Grecs 
dînaient  à  midi  et  faisaient  collation  d'her- 
bes et  de  fruits  verts,  le  soir,  dès  le  vi"  siè- 
cle. Les  Latins  commencèrent  dans  le  sur 
à  prendre  quelques  conserves  pour  soute- 
nir l'estomac,  ensuite  à  faire  collation  le 
soir.  Ce  nom  a  été  emprunté  des  religieux 
qui,  après  souper,  écoulaient  la  lecture  des 
conférences  des  saints  Pères ,  appelées  en 
latin  coUalionnes ;  après  quoi  on  leur  per- 
mettait aux  jours  de  jeûne  de  boire  de  l'eau 
ou  un  peu  de  vin,  et  ce  léger  rafraîchisse- 
ment se  nomma  aussi  collation.  —  Le  dîner 
desjours  déjeune  ne  selittependant  pas  tout 
d'un  coup  à  midi.  Le  premier  degré  de  ce 
changement  fut  d'avancer  le  repas  à  l'heure 
de  none,  c'est-à-dire  à  trois  heures  après 
midi.  Alors  on  disait  none  ,  ensuite  la  messe 
et  les  vêpres,  après  quoi  on  allait  manger. 
Vers  l'an  1500,  on  avança  les  vêpres  à  l'heure 
de  midi,  et  l'on  crut  observer  l'abstinence 
prescrite  en  s'abstenant  de  viande  pcndiint 
la  quarantaine,  et  en  se  réduisant  à  deux 
repas,  l'un  plus  fort ,  l'autre  très-léger,  vers 
le  soir. 

Nos  historiens  ont  remarqué  que,  pendant 
l'invasion  que  firent  en  France  les  Anglais, 
l'an  1360,  leur  armée  et  les  troupes  françaises 
observaient  l'abstinence  et  le  jeûne  du 
carême  (Froissarl,  I.  ii ,  c.  210). 

I>ès  l'origine,  on  joignit  au  jeûne  du  ca- 
rême la  continence,  l'abstinence  des  jeux, 
des  divertissements  et  des  procès.  H  n'est  pas 
permis  de  se  marier  pendant  le  carême  sans 
une  dispense  de  l'évêque.  roi/.  Thomassin  , 
Traité  histor.  et  polit,  du  jeûne. 

Les  épicuriens  de  notre  siècle  ont  disserté 
avec  leur  zèle  ordinaire  contre  l'abstinence 
et  le  jeûne  du  carême,  et  ils  ont  cherché  à  se 


parer  d'un  motif  de  bien  public.  Ils  disent 
qu'à  Paris  le  maigre  est  cher,  mauvais  et 
j)eu  substantiel  ;  que  le  peuple  ,  obligé  de 
travailler,  est  hors  d'état  de'faire  abstinence 
et  déjeuner.  —  Mais  dans  les  siècles  pa'>sés, 
le  maigre  élait-il  moins  cher  ou  meilleur 
qu'il  n'est  aujourd'hui,  et  le  peuple  élait-il 
moins  assujetti  au  travail?  Les  politiques  de 
ces  temps-là  n'ont  point  jugé  qu'il  fallût 
abolir  le  cnreme.  Ils  l'observaient  eux-mêmes, 
et  trouvaient  bon  que  personne  ne  s'en  dis- 
pensât. Ceux  qui  violent  aujourd'hui  la  loi 
voudraient  que  tout  le  monde  suivit  leur 
exemple,  aGn  que  leur  turpitude  fût  moins 
remarquée.  —  Le  taux  des  vivres  à  Paris 
n'est  pas  la  règle  de  l'univers  entier.  Dans 
les  provinces  les  pauvres  mangent  rarement 
de  la  viande  ,  le  peuple  vit  de  laitage  et  de 
légumes,  et  ne  s'en  porte  pas  plus  mal.  Ce 
n'est  pas  lui  qui  se  plaint  du  carême,  ce  sont 
les  riches  fatigués  de  la  somptuosité  de  leur 
table.  Si  à  la  pratique  du  jeûne  ils  joignaient 
celle  de  l'aumône,  comme  l'Eglise  le  pres- 
crit ,  les  pauvres  vivraient  mieux  et  plus 
commodément  en  carême  que  pendant  le 
reste  de  l'année  ;  ils  béniraient  Dieu  de  cette 
institution  salutaire. 

L'Eglise  anglicane  a  conservé  le  carême, 
non  par  un  motif  de  politique,  ni  par  un  inté- 
rêt de  commerce  ,  comme  quelques  spécula- 
teurs l'ont  imaginé,  mais  parce  que  c'est  une 
institution  des  apôtres  aussi  ancienne  que 
le  christianisme.  Voy.  VHist.  des  Variât.,  1. 
VII,  n°90;  Bévéridge,  dans  l'endroit  que  nous 
avons  cité;  Thomassin,  Traité  du  jeûne,  etc: 

CAKLOSTAniENS.  Voy.  Luthériens. 

CARMIiL.  Il  y  a  deux  montagnes  qui  ont 
porté  ce  nom  dans  la  Palestine,  l'une  au  midi 
près  d'Hébron,  l'autre  plus  au  nord  près  de 
Ptolémaïde.  Saint  Jérôme  dit  que  c'était  uu 
lieu  planté  de  vignes,  très-fertile  et  fort 
agréable  (/n /«oiam  ,  XVI,  10).  Souvent  ce 
nom  est  employé  dans  l'Ecriture  pour  ex- 
primer la  fertilité  et  l'abondance.  C'est  sur 
la  seconde  de  ces  montagnes  que  le  prophète 
Ëlie  et  son  disciple  Elisée  ont  habité  ;  mais  il 
n'y  a  aucune  preuve  que  c'était  un  lieu  de 
dévotion.  La  confrérie  de  Notre-Dame  du 
MonC-Cannel ,  ou  du  Scapulaire,  est  connue 
depuis  la  fin  du  siii'  siècle.  Voy.  Scapllairk. 

CAKMÉLIÏES  (l),  religieuses  qui  vi\ent 
selon  la  règle  de  l'institut  du  Mont-Carmel, 
conforménient  à  la  réforme  introduite  par 
sainte  Thérèse. 

La  règle  des  ordres  de  Saint-Dominique 
et  de  Saint-Augustin  avait  été  embrassée 
par  plusieurs  personnes  du  sexe  ,  et  on 
voyait  partout  des  religieuses  qui  l'obser- 
vaient. Animé  par  cet  exemple,  le  bienheu- 
reux Jean  Soielh  ,  religieux  Carme,  voulut 
faire  suivre  aussi  par  des  religieuses  l'insti- 
tut du  Mont-Carmel;  il  vint  à  bout  d'établir 
cinq  couvents,  dont  celui  de  N  annes  en  Bre- 
tagne est  du  nombre.  Nicolas  Vaprouva  l'exé- 
cution de  ce  projet  par  une  bulle  de  li52. 

Les  filles  de  cette  institution  sont  habillées 

(1)  Cet  article  et  Les  deux  suivants  sont  reproduits 
d'après  l'édition  de  Liège, 


675 


CAR 


CAR 


676: 


comme  les  religieux  de  leur  ordre  :  elles 
oni  ure  robe  el  un  scapiilaire  de  drap  de 
couleur  minime,  el  au  chœur  elles  mellent 
un  m;inlcau  lil.iiic,  avec  un  voile  noir. 

En  lo.;(>,  sainte  Thérèse,  religieuse  du 
monastère  d'Aviln  en  Casiille,  entreprit  de 
reformer  les  religieuses  de --on  ordre  ;  ei!e 
es'iina  beaucoup  do  coiitradiclions  ;  elle 
vint  enfin  à  bout  de  faire  des  constitutions 
conlcirnies  à  son  nouvel  institut ,  et  de  les 
faiie  approuver  par  le  pape  Pie  IV,  le  11 
juillet  151.2. 

Les  Ciirmélites  Réformées  d'Espagne  sont 
soumises  dans  quelques  endroits  aus  supé- 
rieurs de  l'ordre,  dans  d'autres  elles  dépen- 
dent de  l'évcque  du  lieu;  dans  les  villes  un 
peu  opulentes ,  elles  ne  doivent  pas  avoir  de 
revenus,  il  faut  qu'elles  vivent  d'aumônes. 
Ceux  de  leurs  niouaslères  qui  sont  rentes 
ne  doivent  renfermer  que  quatorze  filles,  à 
moins  que  celles  que  l'on  reçoit  di;  plus 
n'apportent  de  quoi  vivre.  Il  no  peut  jamais 
y  en  iivoir  au  delà  de  vingt,  y  compris  les 
sœurs  converses.  Cette  détermination  d'un 
nombre  lise  n'a  lieu  que  pour  les  couvents 
rentes  (|ui  sont  soumis  aux  supérieurs  de  l'or- 
dre ;  à  l'égard  de  ceux  qui  sont  sous  l'inspec- 
tipn  des  ordinaires,  le  nombre  des  religieuses 
n'est  pas  délerminé.  Dans  les  couvents  non 
rentes,  et  où  ces  filb  s  doivent  vivre  dans  la 
plus  grande  pauvreté,  le  nombre  des  reli- 
gieuses de  chœur  ne  peut  éire  que  de  treize. 

Ces  religieuses  portent  une  tuni(iue  el  un 
scapiilaire  de  couleur  minime,  avec  un  man- 
teau blanc  par-dessus  ,  d'une  éiofl'e  de  serge 
très-grossière;  elles  ont  pour  chaussure  des 
sandales  de  cordes,  et  des  bus  d'une  étoffe 
aussi  grossière  que  leur  roOe.  Leur  genre 
de  vie  (Si  fort  aoslèie,  elles  font  perpétuelle- 
ment maigre,  el  jeûnent  habituellement  de- 
puis le  !"■  septembre  ju>(]u'à  Pâques. 

Cet  ordre  a  été  introduit  en  France  par 
les  soins  de  la  fille  du  sieur  Aurillol,  maître 
des  comptes  à  Paris,  qui  engagea  le  cardinal 
deBérulle,  supérieur  général  de  l'Oratoire, 
à  aller  chercher  iui-mémc  quelques-unes  do 
ces  religieuses  en  Espagne.  Elles  ont  en- 
viron soixante-deux  monastères  dans  le 
royaume  :  il  y  en  a  Ir'ds  à  Paris,  el  un  à 
Suint-Denis,  où  Madame  Louise  de  France 
a  fait  profession,  de  l'agrément  et  du  conscn- 
temenl  de  Louis  XV.  —  Elles  ne  sont  pas 
limitées,  en  France  ainsi  qu'en  Espagne  ,  à 
ne  recevoir  qu'un  certain  nombre  de  reli- 
gieuses. Il  est  à  remar(|ucr  qu'elles  n'ont 
donné  aucune  atteinte  à  la  régularité  de  la 
reforme  dont  elles  fout  profession.  —  Leur 
élablissemeni  dans  le  royaume  a  été  con- 
firme par  un  bref  d'Urbain  VIII,  en  1G2:3.  Les 
lellres  patentes  dont  il  fut  revêtu  en  Uilk, 
portent  qu'il  sera  exécuté,  quoiqui'  non 
homologué  autre  part  qu'au  conseil  d'I'-tal 
de  Sa  Mijeslé. 

La  .supermrilé  de  l'ordic  a  fait  pondant 
plusieurs  aimées  le  sujet  de  bcaueoup  de 
ronleslalions.  Lorsde  leur  an  ivee  en  France, 
il  n'y  avaii  encore  uu(  un  etalilissemeiil  de 
Carmes  déchaussés;  en  conséquence  le  pape 
uomma  plusieurs  supérieurs,  entre  autres  le 


cardinal  de  Bérulle  ;  depuis,  le  général  des 
Carmes  y  prétendit,  et  y  fut  autorisé  par 
une  sentence  de  l'archevêque  de  Bordeaux  , 
en  1620.  Mais  Paul  V  et  Grégoire  XV  con- 
firmèrent les  supérieurs  nommés  précédem- 
nienl.  En  16ri7,  le  pape  nomma  pour  visiteur 
des  Carmélites ,  le  supérieur  généra!  de  la 
congrégation  de  la  Mission;  par  un  autre  bref, 
il  permit  aux  religieuses  établies  à  Paris,  rue 
du  Chapon,  à  Pontoise  el  à  Saint-Denis,  d'é- 
lire, de  tiois  ans  en  trois  ans,  leur  recteur  ou 
supérieur  immédiat,  qui  serait  confirme  par 
le  nonce  résidant  en  France,  ou  |)ar  l'ordi- 
naire des  lieux,  comme  délégué  du  pape  ,  à  la 
charge  que  ce  rccleur  ne  pourrait  s'enlre- 
metlre  de  la  visite,  ni  les  visiteurs  faire  les 
funclions  du  supérieur,  si  non  en  cas  d'abus 
ou  de  malversation  de  la  part  de  ceux-ci.  — 
Le  jjape  fii  en  même  temps  plusieurs  règle- 
ments concertiant  la  clôture,  les  parloirs  et 
la  réception  dos  filles  de  cet  ordre.  Ces  brefs 
avaient  été  reçus  en  France.  (Extrait  du 
Diclionn.  de  Jurisprudence.)  [  Voy.  le  Dic- 
tionnaire des  Ordres  religieux  du  P.  Hélyot, 
édit.  Aligne.] 

CAHMES,  religieux  de  l'ordre  de  Noire- 
Dame  du  Monl-Carmel.  Ils  tirent  leur  nomda 
Carmel,  montagne  de  Syrie,  autrefois  liabitéo 
par  les  prophètes  Elle  et  Elisée,  et  par  les 
enfants  des  Prophètes. 

Quelques  auteurs  Cannes,  peu  intelligents 
et  peu  versés  dans  la  critique,  ont  prétendu 
que  la  fondation  de  leur  ordre  remontait  au 
prophète  Ëlie,  qu'il  descendait  par  une  suc- 
cession non  interrompue  de  ce  même  pro- 
phète et  de  ses  disciples  ;  l'un  d'eux  l'a  même 
soutenu  dans  des  thèses  singulières,  impri- 
mées à  Béziers,  el  qu'on  trouve  dans  les 
Nouvelles  de  la  république  des  Lettres  de 
Batjle.  —  Cette  folle  prétention  a  fait  la  ma- 
tière d'une  dispute  très-vive  entre  les  Carmes 
cl  les  Jésuites  ,  dans  la(]uellc  les  premiers 
n'ont  point  épargné  à  leurs  adversaires  les 
injures  les  plus  grossières.  Le  Pape  Inno- 
cent XII  a  été  obligé  ,  pour  la  faire  cesser , 
d'imposer  silence  aux  parties  ,  par  un  bref 
du  20  novembre  1G98. 

Quelques  auteurs  donnent  aux  Carmes 
Jésus-Christ  pour  fondateur  immédiat  :  quel- 
ques-uns ont  imaginé  que  Pylhagure  a\ait 
été  Carme,  naturellement  el  sans  le  secours 
de  la  métempsycose  ;  d'autres,  que  nos  an- 
ciens druides  des  Gaules  étaient  une  bran- 
che ou  un  rejeton  de  cet  ordre. 

Mais  abandonnons  les  fables  pour  nous 
allachcr  à  la  vérité  de  l'hisioiie.  Phocas  , 
moine  grec,  qui  vivait  en  1185,  dit  que  do 
son  temps  on  voyait  encore  sur  le  Carmel 
la  caverne  d'Elie,  auprès  ^\^'  laquelle  élaienl 
les  restes  d'un  bâtiment  qui  paraissait  avoir 
élo  un  monastère;  (iu(;  depuis  (juelques  an- 
nées un  vieux  moine,  prêtre  île  Calabre,  s'était 
établi  eu  ce  lieu  ,  en  conséquence  <l'une  ré- 
vélation du  pro|)hètc  Elie,  el  qu'il  y  avait 
rassemblé  dit  frères. — Albert,  patriarche 
de  Jérusalem, donna,  eu  l'iOO,  à  ces  solitaires 
une  rè-li>  ijui  fut  approuvée  par  le  pape 
Honoré  III,  et  que  le  P.  Pabebrok  a  fait  im- 
primer.  Cette  règle  fit  naître  beaucoup  de 


677 


CAR 


scrupules  parnii  les  religieux,  snr  la  ms|- 
nière  île  l'observer.  On  iKunni,-)  des  com- 
missjiires  iijiosloliques  pour  l'cxpliniicr  el 
la  corriger;  les  rh;Migemeiits  qu'ils  y  appor- 
lèreiil  furoiil  approuves  por  Innocent  IV. 

Jusqu'à  lii  pais  conclue  entre  l'etnppreur 
Frédéric  11  et  les  Sarrasins,  en  1229,  l'ordre 
(les  (armes  ne  s'était  pas  étendu  au  delà  de  la 
torre  sainli'.  Les  persccullons  qu'ils  éprou- 
vèrent les  déterminèrent  à  chercher  un  asile 
en  l'iurope  :  plusieurs  de  ces  religieux  se 
répandirent  en  Chypre,  ru  Sicile,  en  Angle- 
terre ,  à  Marseille  et  ailleurs.  —  Saint  Louis, 
A  son  retour  de  la  terre  sainie  ,  en  emmena 
avec  lui  qu(  I(iues-uiis,  qu'il  étaldil  ù  l'aris 
en  1259.  C'est  de  ce  couvent  que  sont  sortis 
ceux  de  France  el  d'.illeniague.  Les  papes 
accordèrent  à  cet  ordre  les  privilèges  des 
ordns  mendiants,  quoiqu'il  lui  soit  permis 
de  posséder  des  biens-l'onds  :  il  a  élé  agrégé 
à  l'université  de  Paris,  el  il  s'esi  rendu  cé- 
lèbre par  les  évoques  ,  les  prédicateurs  el 
hs  écrivains  qu'il  a  donnés  à  l'I'^glise. 

Les  Carmes,  lorsqu'ils  passèrent  d'Orient 
en  Ei.rope,  portaient  des  chapes  barrées  de 
blanc  el  de  couleur  launée  ;  ce  qui  leur  lit 
donner  le  nom  de  barrés.  Quelques-uns  de 
leurs  écrivains  ont  prétendu  que  cette  hizar- 
rerie  daps  la  couleur  de  leurs  habits ,  était 
fondée  sur  ce  que  le  manteau  qu'Llie  jeta  à 
son  disciple  Elisée,  lorsqu'il  fut  enlevé  dans 
un  char  de  feu  ,  avait  été  noirci  dans  ses 
parties  extérieures,  tandis  que  le  dedans  et 
ce  qui  se  trouva  renfermé  dans  les  plis  con- 
serva sa  blancheur  naiurclle.  —  Us  quiltè- 
renl  ces  chapes  bigarrées  après  le  chapitre 
général  tenu  à  Montpellier  en  1287,  et  de- 
puis (elle  é()oiiue  ils  portent  une  rolie  noire, 
avec  un  scapulaire  el  un  capuce  de  même 
couleur,  cl  par-dessus  une  ample  chape  el 
lin  cainail  de  couleur  blanche.  —  Nous  n'ou- 
blie rims  pas  de  remarquer  en  passiinl,  qu'ils 
prirent  le  scapulaire,  parce  que,  disent  leurs 
auteurs,  cet  habillement  avait  clé  montré 
quelques  années  auparavant ,  parla  sainte 
Vierge,  au  bienheureux  Siméou  Slok,  leur 
sixième  général.  C'est  sur  ce  motif  qu'ils 
ont  établi  et  qu'ils  entretiennent  dans  leurs 
maisons  la  confrérie  du  Scapulaire. 

L'ordre  des  Carmes  prit  do  très-grands 
accroissements.  11  se  divise  aujourd'liui  en 
deux  branches,  ceux  de  l'ancienne  obser- 
vance, niqielés  aulienieiit  \e^Griinds-Carincs, 
el  qu'on  nomme  aussi  mitiiies,  parce  que 
l'austérité  de  leur  règle  a  élé  adoucie  par 
les  papes  Innocent  IV,  Eugène  I\'  el  Pie  II  ; 
et  eenx  de  l'clroile  observance,  qui  suivent 
la  réforme  introduite  en  11)33,  confirmée  en 
1C38  par  le  pape  Urbain  VIII.  —  Les  Carmes 
de  l'amienne  observance  composent  Irenie- 
huit  provinces  ,  sous  le  gouvernement  d'un 
gé.ér.il  qui  fait  sa  résidence  onlinàire  à 
Rome,  dans  le  couvent  de  Sainte-Marie,  au 
delà  du  Tibre,  el  qui  est  élu  tous  les  six  ans. 
Ce  couvent  lui  est  imin  dia(em<'nl  soumis  , 
ainsi  que  celui  de  Sainl-Martin-des-Monts 
dans  la  même  ville,  celui  de  la  place  .Mauherl 
à  Paris,  cl  celui  du  Monl-Olivct,  qui  ne  re- 
lèvent d'aucune  des  trente-huil  provinces. 


CAR  t"8' 

—  La  congrégation  particulière  deManlone, 
qui  embrassa  la  réforme  vers  l'an  H.'iS,  fait 
partie  de  l'ordre  des  Grands  Ctirmes,  et  est 
soumise  au  général  :  elle  |)ossè(le  environ 
cin()iiaiitc-quatre  couvents,  sous  la  direction 
imméiliale  d'un  vjcalie  général.  Les  mem- 
bres de  celle  congrégation  diffèi  eiil  des  autres 
Carmes  par  rapport  à  l'h-il)illement ,  en  ce 
que  les  réformes  portent  un  chapeau  blanc. 

—  Les  Carmes  do  réiroile  observance  for- 
ment d(  ux  congrét^aiions  differenics,  qui  ont 
chacune  leur  général.  L'une  est  élalilie  eu 
Evpa^ne,  où  elle  possède  huit  provinces  dé- 
pciidaiiles  d'un  général  pa  licnlier;  la  s»^ 
coude  csl  eu  Italie,  où  réside  son  général , 
el  elle  cimiple  dans  ce  pa>s  et  dans  diffé- 
renles  parties  de  l'Europe,  dou/o  provinces. 

Lorsqu'il  fut  qiieslion  d'exci  uler  ledit  do 
17f)8,  concernant  les  ordres  religieux  ,  les 
Cirands-Carmes  de  France  demandèrent  au 
roi  qu'il  leur  lût  permis  do  s'assemliler  à 
Paris,  au  couv  ni  de  la  place  Mauberl,  et 
qu'à  c  t  effet  il  lût  nommé  deux  députés  dans 
les  chapitres  de  chacune  de  leurs  provinces, 
afin  de  prendre  des  mesures  pour  ()iic  (otites 
les  maisons  de  retordre,  qui  seul  dans  le 
roy  lume  ,  fussent  gouvernés  par  la  même 
règle  et  le  même  espiii.  Celte  assemidée  fut 
autorisée  par  un  arrêt  du  conseil  du  24  fé- 
vrier 1769;  en  conséquence,  les  religieux 
s'assemblèrent  au  mois  de  juillet  1770,  et 
firent  des  changements  à  leurs  constitutions. 
Parmi  ces  changemeuls ,  il  y  en  eut  un  con- 
ceiiiaut  les  gradués  ,  dont  ceux  qui  avaient 
vécu  jusqu'alors  sans  avoir  pris  de  grades 
se  Irouvèreiil  alarmés  ;  mais  sur  les  ropré- 
senlations  du  général  à  ce  suj(^t,  le  roi,  pour 
les  traiHiuilliser,  a  rendu  un  arrêt  à  sot^ 
conseil,  te  27  sepiembre  1773,  par  leriiiel  Sa 
^Majesté  a  ordonné  que  ,  dans  les  provinces 
de  Tordre  des  Grands-Carmes,  où  le  privilège 
des  gradués  n'avait  pas  lieu  avant  rassem- 
blée de  1770,  les  religieux  non  gradués  qïij 
ont  fait  profession  antérieurement  aux  nou- 
velles constitutions  de  l'ordre,  conlinueront 
de  jouir,  pendant  leur  vie,  des  mêmes  rangs, 
honneurs  el  préséances  dont  ils  jouissaient 
en  vertu  des  anciens  usajïes  (1). 

Carmes  déchaussés  ou  Dkscuaux.  C'est  le 
nom  (ju'on  donne  à  une  congrégalion  de 
Cnrme.s  réformés,  parce  (ju'ils  vont  nu-pieds. 
Elle  fut  établie  dans  le  xvr  siècle  par  sainie 
Thérèse,  qui  commença  par  inir.iduir'' l'au- 
stérité de  II  rèj;le  dans  les  couvenis  de  tilles, 
et  la  porta  ensuite  dans  ceux  des  hommes, 
aidée  dans  ce  dessein  par  le  P.  Anloiiie  de 
Jésus  et  le  P.  Jean  de  la  Croix  ,  religieux 
Carme.  Ce  dernier  éprouva  de  gr.indes  per- 
sécutions de  la  part  des  Carmes  miligés  :  il 
fol  emprisonné  dans  un  de  leurs  monaslèrcs, 
où  il  mourut  accablé  de  souffrances,  le  I  ï  dé- 
cembre 1391.  Clément  X  le  mil,  en  1(575,  au 
rang  des  hienheureux.  —  L'achanie  nenl  de 
ses  ennemis  n'arrêta  pas  sa  riforme  :  dès 
son  vivant  .  elle  fut  portée  aux  Indes  ;  après, 
sa  mort  elle  s'est  répandue  en  France,  dans' 
les  Pays-Bas  ,  dans  l'Italie  et  dans  l!i»^t'él 
chrétienté.  «-  -'       >^] 

(1)  Ces  luis  ont  disparu  de  nos  codes. 


679 


CAR 


Les  maisons  de  celle  réforme  demeurè- 
rent d'abord  sous  l'obéissance  des  anciens 
provinciaux  mitigés,  ayant  seuleraenl  des 
prieurs  particuliers  pour  maintenir  la  nou- 
velle discipline.  Les  choses  subsistèrent  ainsi 
jusqu'en  1580,  que  Grégoire  XIII,  à  la  prière 
de  Philippe  II,  roi  d'Espagne,  sépara  entiè- 
rement l<s  réformés  des  miligé<  ,  et  donna 
aux  premiers  un  provincial  pariiculier,  les 
laissant  d';iilleurs  soumis  au  général  de 
r.>rdre  entier.  —  Sixle  V,  en  1587,  voyant 
que  les  réformés  se  multipliaient  considéra- 
blement, ordonna  qu'ils  seraient  divisés  par 
provinces,  et  leur  permit  d'avoir  un  vicaire 
généril.  Ce  règlt'ment  subsista  jusqu'en  1593, 
que  Clément  VIII,  pour  établir  une  sépara- 
tion plus  particulière  entre  les  réformés  et 
les  miligés,  pennil  aux  premiers  de  s'élire 
un  général.  Ce  pape,  en  160i),  divisa  encore 
ces  réformés  en  deux  congrégations  ,  sous 
deux  dilTérenis  généraux  ,  l'un  pour  l'Ilalie 
et  l'au  re  pour  l'Espagne.  Ce  qui  donna  lieu 
à  celle  division  fut  la  prclemion  des  Espa- 
gnols, qui  soulenaienl  que  la  réforme  de 
sainie  Thérèse  ne  devait  point  s'étendre  hors 
du  royaume  d'Espagne. 

La  vie  de  ces  religieux  réformes  est  assez 
austère  et  ap|irocliante  de  celle  des  Char- 
treux. Ils  reçoivent  des  frères  qu'on  appelle 
convers.  Ces  frères  fonl  deux  ans  de  novi- 
ciat, après  lesquels  ils  ne  font  que  drs  vœux 
simples.  Lors(|u'ils  ont  demeuré  cinq  ans 
dans  l'ordre  ,  ils  sont  admis  à  un  second 
noviciat  d'un  an,  après  lequel  ils  fonl  pro- 
fession solennelle  ;  mais  s'ils  ont  resté  six 
ans  dans  l'ordre  sans  demander  à  faire  cette 
profession  ,  ils  n'y  sont  plus  reçus  dans  la 
suite  ;  ils  demeuient  dans  leur  état  sous 
l'obligation  de  leurs  vœux  simples. 

Une  chose  à  remarquer,  est  qu'indépen- 
damment des  différints  monastères  que  peu- 
vent avoir  les  Carmes  cléchauss''s ,  ils  ont 
encore  dans  chaque  province  un  endroit  re- 
lire qu'ils  appellent  leur  Déaeri,  pour  y  aller 
pratiquer  plus  particulièrement  de  temps  à 
autre  toutes  les  vertus  de  la  vie  soliiaire,  et 
se  rétablir  ainsi  dans  la  ferveur  monastique. 
Ces  déserts  sont  ordinairement  élablis  dans 
des  forêts.  On  connaît  celui  de  leur  monas- 
tère près  de  Louviers  en  Normandie,  fondé 
en  IticO,  par  Louis  le  Grand.  —  Le  nomlire 
des  religieux  qui  habitent  ces  déserts  ne  doil 
pas  excéder  celui  de  vingt  :  i'enirée  en  est 
interdite  aux  novices,  aux  jeunes  prod'-s , 
aux  malades,  et  à  ceux  qui  oui  peu  de  dis- 
positions pour  les  exercices  de  la  vie  spiri- 
lufclle.  Aucun  religieux  n'y  peut  demeurer 
moins  d'une  année,  cl  il  y  en  a  quatre  qui 
peuvent  y  rester  toute  leur  vie,  alin  d'y 
mieux  perpétuer  les  usages  et  servir  d'exem- 
ple aux  nouveaux  solitaires.  Le  silence  y 
est  étroitement  gardé.  Après  que  le  temps 
du  solitaire  est  expiré,  on  le  renvoie  dans 
son  monastère,  en  l'cxliorlant  à  ne  pas 
oublier  les  leçons  de  vertus  qu'il  a  vu  pra- 
tiquer. —  Les  constitutions  défendent  de 
laisser  visiter  ces  déserts  aux  jiersonnes  du 
monde,  do  quelque  condition  qu'elles  soient, 
à  moins  qu'elles  n'aient  coopéré  à  en  former 


«AR  680 

l'établissement.  L'entrée  en  est  interdite  aux 
religieux  même  de  la  coiigrégalion,  à  moins 
qu'ils  n'aient  par  écrit  une  permission  du 
général  ou  du  provincial.  Le  supérieur  du 
désert  peut  néanmoins  y  recevoir,  par  droit 
d'hospitalité,  les  relig'ienx  des  autres  ordres, 
sans  permission  ,  et  même  leur  donner  le 
couvert  pour  une  nuit  seulement  dans  l'en- 
ceinte du  désert. 

Quoique  les  Cormes  déchaiissés  aient  tou- 
jours montré  be;iucoup  de  zèle  dans  les 
exercices  de  la  vie  monastique,  le  relâehe- 
menl  n'a  pas  laissé  de  se  glisser  parmi  eux 
sur  quelques  points  de  leur  institut  primitif; 
et  comme  dans  tous  les  temps  il  se  trouve 
quelques  religieux  fervents  qui  désirent  de 
se  conduire  suivant  toute  la  rigueur  de  la 
règle  qu'ils  ont  embrassée,  ce  qu'ils  ne  peu- 
vent f.iiredans  les  communautés  oîi  le  relâ- 
chement s'est  introduit  ,  sans  devenir  en 
queLjue  sorte  odieux  à  ceux  qui  n'ont  pas 
le  courage  de  pratiquer  les  mêmes  austé- 
rités, il  y  a  eu  en  1772  plusieurs  Carmes  dé~ 
chaussés  qui,  souhaitant  avec  ardeur  de 
vivre  suivant  les  règles  primitives  de  leur 
institut,  ont  engagé  la  sœur  Louise-Mario 
de  France,  religieuse  carmélite  de  Saint- 
Denis,  à  prier  Louis  XV  de  seconder  des  vues 
aussi  pieuses  et  aussi  utiles  au  bien  de  la 
religion,  et  pour  cet  effet,  d'assigner  et  d'é- 
tablir le  couvent  de  Charenton  ,  du  même 
ordre,  diocèse  de  Paris,  pour  y  réunir  tous 
les  religieux  qui  voudraient  suivre  à  per- 
pétuité la  règle  de  leur  institut  primitif.  — 
Le  roi  a  écoulé  favorablement  la  demande, 
et  en  conséquence  il  a  obtenu  un  bref  du 
pape  qui  les  autorise  à  se  réunir  dans  le 
couvent  de  Charenton,  pour  y  suivre  leur 
premier  institut.  Ce  bref  a  été  revélu  île  let- 
tres patentes,  le  k  mai  1772,  et  elles  ont  été 
enregistrées  le  lendemain  au  parlement. 
(Extrait  Aw  Diclion.  de  Jurisprudence.)  [Voy. 
le  Dict.  des  Ordres  relig.  du  V.  Helyot,  édit. 
Migne.] 

(AltOLINS  (Livres).  Voy.  Lmage. 

CAUI'OCKATIENS  ,  secte  d'hérétiques  du 
ir  siècle;  c'était  une  brandie  de  gnosliques. 
Ils  eurent  pour  chef  Carprocrate  d'Alexan- 
drie ,  espèce  de  philosophe  mal  instruit  et 
mal  conierii  ,  dont  les  mœurs  étaient  très- 
corroiiipues,  et  qui  voulut  allier  le  christia- 
nisme avec  les  idées  de  la  philosophie  païenne; 
à  peu  près  contemporain  de  Basilide  et  de  Sa- 
turnin, il  donna  dans  les  mêmes  erreurs,  et 
y  en  ajouta  de  nouvelles. 

Pour  expliquer  la  trop  réièbre  question 
de  l'origine  ilu  m.il,  Il  supposa,  comme  Pla- 
ton, que  le  monde  n'avait  pas  été  créé  par  un 
Dieu  suprême,  infiniment  puissant  et  bon, 
mais  par  des  génies  inférieurs  très-peu  sou- 
mis à  Dieu.  On  conçoit  par  là  que  tous  ces  rai- 
sonneurs n'admettaient  pas  la  création  pli^c 
dans  la  rigueur  du  terme  ;  comment  des  êtres 
inférieurs  à  Dieu  pourraient-ils  être  doués 
du  pouvoir  créateur  ?  —  Pour  rendre  raison 
des  im|)erfections  ,  des  misères,  des  faibles- 
ses de  l'hoinme,  Carpocrate  supposa  la  pré- 
existence desâmes,  prétendit  qu'elles  avaient 
péché  dans  une  vio  antérieure;  qu'en  puni- 


681 


ZkS 


CAS 


6S2 


tion  de  leur  crime  elles  avaient  été  condam- 
iiées  à  être  renfermées  dans  les  cor|is  ,  et 
soumises  à  l'empire  des  génies  cré.'ileurs  du 
iDonile  ;  que,  pour  plaire  à  ces  génies,  il 
falli'iit  satisfaire  tous  les  désirs  de  la  chair 
et  tous  les  mouvements  des  passions.  Il  con- 
cluait qu'aucune  action  n'est  bonne  ou  mau- 
vaise, vertueuse  ou  criminelle  en  soi,  mais 
seulement  selon  l'opinion  des  hommes.  C'é- 
lait  aussi  la  morale  des  philosophes  de  la 
secte  cyrénaïque.  —  Toute  âme,  ajoutaient 
les  carpocraliens,  qui  n'a  pas  accompli  en 
cette  vie  toutes  les  œuvres  de  la  chair,  est 
condamnée,  après  la  mort ,  à  passer  dans 
d'autres  corps,  jusqu'à  ce  qu'elle  ail  satis- 
fait à  toute  celle  dette.  La  concupiscence  est 
cet  ennemi  dont  parle  l'Evangile  (Matlh.  v, 
25),  avec  lequel  nous  devons  nous  accorder 
pendant  que  nous  marchons  avec  lui,  de 
peur  qu'il  nous  fasse  payer  jusqu'à  la  der- 
nière obole.  Conséquemment,  ces  hérétiques 
se  livraient  à  l'impudicité  ,  établissaient  la 
communauté  des  femmes,  blâmaient  les  jeii- 
nes  et  les  mortifications,  ne  cherchaient  que  le 
plaisir,  avaient  des  manrs  très-licencieuses. 

Ils  avaient  de  Jésus-Christ  une  idée  très- 
bizarre.  Selon  eux,  l'âme  de  Jésus-Christ, 
avant  d'être  incarnée,  avait  été  plus  Adèle  à 
Dieu  que  les  autres.  C'est  pour  cela  que 
Dieu  lui  avait  conservé  plus  de  connais- 
sance qu'aux  autres  hommes  ,  plus  de  for- 
ce pour  vaincre  les  génies  ennemis  de  l'hu- 
manité, et  pour  retourner  au  ciel  malgré 
eux.  Dieu,  disaient-ils,  accorde  la  même 
grâceà  ceux  qui  aiment  Jésus-Christ,  et  qui 
coriDaisscnl  comme  lui  la  dignité  de  leur 
ânie.  —  Les  carpocraiims  regardaient  donc 
Jésus-Christ  comme  un  pur  homme,  quoique 
plus  parlait  que  les  auires,  U' croyiiicnt  iils 
de  Joseph  cl  de  Marie,  avouaient  se-<  miracles 
et  ses  souffrances.  On  ne  les  accuse  point 
d'avoir  nié  sa  résurrection,  mais  d'avoir  nié 
la  résurrection  générale,  et  d'avoir  dit  que 
l'âme  seule  de  Jesus-Christ  était  remonlée 
au  ciel.  —  Conséquemment  ils  prétendaient 
que  l'on  pouvait  ég-iler  Jésus-Christ  en  con- 
naissances, en  vertus  et  en  miracles  ;  quel- 
ques-uns de  ces  sectaires  se  tlattaieni  même 
de  \v  surpasser  ;  et,  pour  le  persuader  aux 
ignorants,  ils  pratiquaient  la  magie,  absur- 
dité très-commune  parmi  les  philosophes  de 
ces  temps- là. 

Tel  est  le  tableau  que  saint  Irénée  a  fait 
de  ces  liérètiques,  livre  i,  ch.  25  ;  personne 
ne  pouvait  les  niieux  connaiire  que  lui, 
puisqu'il  a  vécu  dans  le  même  siècle  ;  les 
autres  Pères  en  ont  parlé  île  même. 

Voilà  uni"  secte  de  préicndus  philosophes 
qui  enseignaiful  une  doctrine  très-opposée 
à  celle  des  apôtres,  qui  n'éiaient  donc  pas 
subjugués  par  leur  autorité,  et  qui  cependant 
convenaient  des  principaux  faits  publiés  par 
les  apôtres,  des  vertus,  des  miracles,  des 
souffrances,  de  la  résurrection  de  Jesus- 
Clirist  ;  selon  saint  EpTph.inc,  les  carpocra- 
(i'ensel  ies  cérintliions  admettaient  rév.ingile 
de  saint  Matthieu,  Uœr.,  28  ei  30  Comment 
li's  incrédiilos  peuvciii-Js  soulciiir  aujour- 
d'hui que  les    faits   publias  par  les  apôtres 

D.CT.   DE  IhÉOL.   DOGMATlUCt:.  1, 


et  l'histoire  qni  les  rapporte  n'ont  été  crus 
que  par  le  peuple,  par  des  ignorants,  par 
d(  s  imbéciles  que  les  apôtres  avaient  subju- 
gues ?  -  Mais  les  impudicités  et  les  désor- 
dres auxquels  ces  sectaires  élaii'iit  livrés 
causaient  au  christianisme  le  plus  grand 
préjudice.  Les  païens  étaient  incapables  do 
discerner  les  vrais  chrétiens  d'avec  les  faux  ; 
ils  attribuaient  à  tous  en  général  la  perver- 
sité des  mœurs  de  quelques  hérétiques,  et 
les  prestiges  de  ces  derniers  decrédilaient 
les  vrais  miracles  opérés  par  les  apôtres  et 
par  leurs  disciples.  Les  Pères  de  l'Eglise 
nous  font  remarquer  cet  inionvénient. 
(Saint  Epiphane,  Hœres.  34,  etc.)  Celse  s'en 
prévalait  contre  les  chrétiens;  il  parle  d'une 
secte  des  carpocratiens  qu'Origène  fait  pro- 
fession de  ne  pas  connaiire.  {Conlra  Cels., 
liv.  v  ,  n°  62.)  H  est  probable  qu'il  voulait 
parler  des  carpocratiens. 

Mosheim,  Hùt.  christ.,  saec.  ii,  §  9,  a  parlé 
des  carpocratiens  sur  le  même  Ion  que  des 
autres  hérétiques  du  ii'  siècle  ;  il  ne  peut  se 
persuader  que  Carpocrate  ait  enseigné  tou- 
tes les  absurdités  et  les  infamies  que  les  Pè- 
res de  l'Eglise  lui  ont  attribuées  ;  il  soup- 
çonne ou  qu'on  l'a  mal  entendu,  ou  que 
l'on  a  supprimé  les  correclifs  par  lesquels 
il  adoucissait  peut-être  ce  que  sa  doctrine 
présentait  d'abord  de  plus  révoltant,  etc. 
Par  cette  méthode,  il  n'est  point  d'insensé  , 
d'imposteur,  de  blasphémateur,  que  l'on  ne 
puisse  excuser.  H  est  fâcheux  que  celle  cha- 
rité de  Mosheim  envers  les  hérétiques  dé- 
génère en  malignité  à  l'égard  des  Pères  de 
l'Eglise;  on  dirait  qu'il  ne  cherche  à  excu- 
ser les  premiers  que  pour  donner  plus  mau- 
vaise opinion  des  seconds:  cette  atTeclalion 
est  II  op  marquée  pour  ne  pas  être  aperçue 
par  tous  les  lecteurs  non  prévenus  ;  par  con- 
séquent elle  ne  peut  plus  faire  impression 
sur  aucun  esprit  sensé.  Le  Clerc  a  été  plus 
circonspect. 

CAS  DE  CONSCIENCE,  question  de  mo- 
rale relative  aux  devoirs  de  l'homme  et  du 
chrétien,  qui  consiste  à  savoir  si  telle  ac- 
tion est  permise  ou  défendue,  ou  à  quoi 
peut  être  obligé  un  homme  dans  telles  cir- 
constances. C'est  aux  théologiens  casuistes 
qu'appartient  celle  décision  ;  c'est  à  eux 
d'en  juger  selon  les  lumières  de  la  raison, 
les  lois  de  la  société,  les  canons  de  l'Eglise. 
et  les  maximes  de  l'Evangile  :  quatre  gran- 
des autorités  qui  ne  peuvent  jamais  être  en 
coniradiclion,  mais  dont  la  dernière  doit 
l'emporter  sur  les  autres  ;  parce  qu'il  est 
beaucoup  jtlus  aisé  de  voir  si  l'Evangile  a 
prescrit  ou  défendu  lelle  action,  que  de  ju- 
ger si  elle  est  conforme  ou  contraire  à  la 
droite  raison  et  au  bien  de  la  société. 

Pour  savoir  si  une  décision  des  c.isuisles 
est  vraie  ou  fausse,  il  faut  bien  examinei  les 
termes  dans  lesquels  la  questmn  leur  a 
élé  proposée  :  parce  qu'une  circoiislance 
omise  ou  changée  dans  i'exposiiiou  du  caSf 
doii  souvent  clianger  absolument  la  déci- 
sion :  et  il  en  est  de  même  à  l'egiird  des  con- 
sultations des  avociits  el  des  c.iiionisies.  — 
11  serait  assez  iuulile  d'examiiar  lequel  des 
22 


6ii5 


CAS 


CAS 


6K4 


deux  porte  le  plus  de  préjudice  à  la  société, 
celui  qui  attaque  les  dogmes  et  les  preuves 
de  la  religion,  ou  celui  qui,  par  des  princi- 
pes trop  relâchés,  travaille  à  corrompre  la 
morale  ;  l'un  et  l'autre  de  ces  abus  sont  per- 
nicieux :  tous  deux  doivent  êlre  réprimés. 
—  Déjà  les  censeurs  les  plus  sévères  des 
casuistes  conviennent  que  dans  la  foule 
de  ceux  qui  ont  été  convaincus  de  rcîâ -he- 
ment  dans  les  principes,  il  en  esta  peine 
un  seul  que  l'on  puisse  accuser  de  relâche- 
ment dans  la  conduite;  que  tous  semblent 
n'avoir  été  indulgents  que  pour  les  autres  ; 
que  leurs  mœurs  personnelles  n'avaient 
lien  de  commun  ave::  leurs  maximes.  Est-il 
tien  sûr,  au  contraire,  que  les  casuisles  les 
plus  rigides  suivent  esaclem"nt  dans  leur 
conduite  la  sévérité  de  leurs  décisions  ?  Les 
premiers  peuvent  être  excusés  par  la  droi- 
ture de  leurs  intentions:  ils  raisonnaient  mal, 
mais  sans  aucun  intérêt  :  ils  craignaient  de 
rendre  la  morale  odieuse  aux  âmes  rail>les  : 
ils  avaient  tort,  sans  doute;  mais  ils  ne 
voyaient  pas  les  suites  funestes  de  leurs  dé- 
cisions, et  ils  n'avaient  aucun  dessein  de  s'y 
conformer  eux-mêmes. 

Peut-on  en  dire  aut.int  des  incrédules  qui 
attaquent  la  religion  par  leurs  écrit-?  Peu- 
vent-ils avoir  un  dessein  louable?  ils  n'ont 
reçu  d'aucune  puissance  la  commission  d'in- 
spirer des  doutes  aux  croy.inls,  ni  de    Irou- 
Jjlcr  leur  repos.  Le  ton  impérieux  de  leurs 
écrits,  la   témérité  de    leurs   assertions,    la 
malignité  de  leurs  reproches,  l'infidélité  de 
leurs" citations,  ne  sont  pas  des  moyens  fort 
honnêtes  de  persuader  et  de  gagner  la  con- 
fiance. Les  casuistes  ont  écrit  dans  une  lan- 
gue  qui    n'est   pas    celle    du    vulgaire  ;  ils 
étaient  moralement  sûrs  que  leurs  ouvrages 
ne  seraient  consultés   que  par  des   théolo- 
giens, que  leurs  gros  volumes  demeureraient 
renfermés  dans  les  bibliothèques.  Au  con- 
traire,   nos    incréilules    modernes  écrivent 
pour  le  public  el  pour  les  femmes,   répan- 
dent des  brochures,    font  tous   leurs  etïoris 
pour  que  le  poison  pénètre  jusque  dans   les 
derniers  états   de   la    soci  té.    —    Plusieurs 
d'entre  eux   conviennent  que  la  corruption 
des  mœurs  s'ensuit  infailliblement  de  l'ir- 
réligion ;  que  B')urdaloMe   et   d'autres  l'ont 
dénu)nlré;ct  nous  n'en    sommes  que    trop 
convaincus   par    l'expérience.    Lst-il    aussi 
certain  que  les  décisions  des  c:isuistes  relâ- 
chés du  dernier  sièrie   ont   beaucoup  influé 
sur    la    dépra\atiitn   de  nos  mœurs?  Nous 
n'avons    point   d  autres    garants   de   ce  lait 
que  des  clameurs  de    parti.    l>ux    qui    ont 
crié    le  plus   haut  ont    pent-cire   contribué 
plus  que  personne,  par  l'jibsnrdité  d.;   leurs 
systèmes,  à  liiire  éclore  l'irréligion. 
Cas  I)K  consciknck.  Voy.  Jansénisme. 
CAS  ltÉSEltVi;S(I).  Dans  la  discipline  ec- 
clésiastique, on  donne  ce  nom  à  icrtains  pé- 
chés atroces,  dont  le  pnpe  ,'les  chèques  el  les 
autres  supérieurs   eccl('siasti(iues  se  réser- 
vent   l'absolution  à  enx-mémis  ou  à  leurs 
vicaires  généraux.    -  Dans  la  pratique  ac- 

(4)  Cet  article  est  reproduit  d'aprù-  l'éil.  do  Liège. 


tuelle  de  l'Eglise  catholique  il  y  a  des  cas 
réservés  au  pape  et  d'autres  réservés  aux 
évêques. 

L"i!  cas  réservés  au  pape,  suivant  le  Rituel 
de  Paris  ,  sont  :  1°  L'incendie  des   églises  et 
celui  des  lieux  profanes  ,  si  l'incendiaire  est 
dénoncé  publiquement;  2°  la  simonie  réelle 
dans  les  ordres  et  l's  biméfices  ,  et  la  confi- 
dence publique;  3°  le  meurire  ou  la  mutila- 
tion de  celui  qui  est  dans  les  ordres  sacrés  ; 
k"  frapper  un   évêque  on   un  autre  prélat  ; 
5'  fournir  des  armes  aux  infidèles  ;  6  falsifier 
les  bulles  ou  lettres  du  pape  ;  7°  cnvnhir  ou 
pill  r  les  terres  de  l'Eglise    romaine  ;  8"  vio- 
ler l'inlerdit  du  saint-siége.  —  Autrefnis  il 
fallait  aller  à  Rome  pour  obtenir  l'alisolution 
des  cas  réservés  nu  pape;  mais  à  présent  il 
donne,  par  des  facultés  paKiculières,  le  droit 
d'en  absoudre,  aux  évoques  ,  et  quelquefois 
même  à  des  prêtres.  Le  concile  de  Trente  a 
même  autorisé   les    évêqu^'S   à   absoudre  Ar 
tons  les  cas  réservés  an  pape,  i"  lorsqu'ils  ne 
sont  pas  publics;  2''  lorsqu'ils  ont  été  commis 
par  des  religieux  ,  des   religieuses  ,  des  fem- 
mes mariées  ,  des  filles  ,  de  jeunes  veuves  , 
des  pauvres    el   des    vieillards  ,  el  par   tous 
ceux   qui    ne  peuvent  pas   aller  à  Rome.  — 
Lorsqne  le  pape  donne  le  pouvoir  d'absou- 
dre des  cas  qui   lui  sont    réservés,  il  donne 
également   cdui    d'al)soudre    des    censures 
qu'on  a  encourues,  parce  que  ces  r a«  ne  siont 
réservés  au  pape  qu'à  cause  des   censures 
qni  y  sont  attachées.  —  Suivant    le  concile 
deTrenlc,  tout  prêtre,   imn  excommunié  dé- 
noncé, peut  absoudre  dé  toute  sorie  de  co'.-  et 
de  censures  les  per>ounes  qui  sont  à  l'article 
de  la  mort  ;  ce  que  les  théologiens  élendeiit 
avec  raison  à  tout  péril  probable   de  morl. 
Pes  cas  réservés  aux  éoétfues.  Les  réserva- 
tions de  certains   cas  a^i\  éréi/ties  sont  dilTé- 
renles  ,  suivant  l'usage  des   diocèses  :  elles 
sont  utiles  en  ce  qu'ellis  donnent  plus  d'hor- 
reur des  granils  crimes,  par  la  diffirnlté  d'en 
obtenir  l'absolulion.  —  Suivant   le  Rituel  de 
Paris  ,  les  cas  reserrés  à  rar(  hevêque  sont  : 
1"  l'action    de  frapper  notablement  un   reli- 
gieux ou  un  clerc  promu  aux  oidres  sacrés  ; 
2°  l'incendie  volontaire;  3* le  vol  dans  un  lieu 
sacré   avec  riTraction  ;  '1°  l'iiomicide  volon- 
taire ;  5    le  duel  ;  0°  l'action  d'aHenter  à  la 
vie  de  son  mari  ou  de  sa   femme  ;  7"  e  Ile  de 
procurer  l'avortemenl  ;  8"  celle  de  frapper 
son  père  ou  sa  mère  ;  9°  le  Éi»crilégc  ,  l'em- 
])oisonnep.ient  et  la  divination  ;  10"  la  profa- 
nation de  rcucharistic  ou  des  saintes  huiles  ; 
11'  l'ofliision  violente  dn  sang  dans  l'église  ; 
12    la   fornic;tXion  dans  l'église;  l^i"  l'action 
d'abuser  d'une  religieuse;  14'°  le  crime  d'un 
confesseur  avec  sa   pénitente;  13"  le   rapl  ; 
Ki"  l'inceste  au  deuxième  degré  ;  17°  la  sodo- 
mie el  les  autres  péch'S  semblables  ;  18"  le 
lanin  sacrilège;  l'J"  les  crimes  de  faux  té- 
moignage ,  (le  fausse  monnaie  ei  de  falsifica- 
tion de  lettres  e.clésiasiiqiies;  20' la  simonie, 
la   confidence  cachée;  21"  la  supposition  de 
titre   ou  de   personne  à  l'exaineii  pour  pro- 
niolion  au    ordres.  —  L'evêque  ,   son  grand 
vicnire  ,  son  pénitencier  et  c -ux  an\.quels  il 
accorde  ce  pouvoir  spécial ,  peuMiit  abiou- 


685 


CAS 


CAS 


C8Q 


drc  des  rns  qui  lui  sont  réservés.  Mnis  à  l'ar- 
(ic'lc  (le  la  mort  il  n'y  a  ni  (li>;tinclioii  de  non- 
fp^scur,  ni  réservation  de  ra~  ;  lnul  préire 
pont  absoudre  celui  <]ui  se  trouve  en  eel  élat, 
P'iurvu  qu'il  ait  iloiiné  quelque  signe  de 
péiiilence.  —  Lorsque  le  rliajiilro  de  Iri  ca- 
lliédraie  exeiC'  la  jurilielion  oendaiil  lu 
vacance  du  siège  épiscopal,  >'est  à  lui  qu'ap- 
partient le  droii  de  cominettie  des  persoîines 
pour  alisouiire  des  cas  qui  étaient  r.  serves  à 
i'évéque.  Il  peut  parcillctnenl  donner  des 
pouvoirs  aux  coness  'urs,  les  limiter  pour  le 
temps  ,  les  lieux  ,  les  ras  et  les  personnes,  et 
révoquer  les  permissions  que  l'évêiiue  a  ac- 
cordées, soit  par  lui-même  ou  par  son  grand 
vir.îir''. 

V  V  a  aussi  dans  les  couvents  des  cn^ 
ré.-eri-es  parles  chapitres  dont  les  supérieurs 
seuls  ont  droit  d'absoudre. 

Les  c.iiionistes  ont  agité  la  question  de 
savoir  si  celui  qui  a  commis  dans  un  diocèse 
un  crime  dont  l'absolution  est  réservée  à 
i'évéque  ,  se  trouvant  sans  fraude  dans  un 
autre  diocèse  oîi  ce  crime  n'est  pi)int  réser- 
vé ,  peut  en  recevoir  l'absolution  d'un  con- 
fesseur qui  n'a  point  de  pouvoir  spécial  pour 
les  cas  réservés  ?  Les  plus  habiles  canonistes 
ont  cru  que  dans  ce  cas  tout  confesseur  pou- 
vait absoudre  le  pènili'nt  :  ils  ont  donné 
deux  raisons  de  leur  avis  :  la  première,  que 
les  confesseurs  ne  sont  point  obliges  de  sa- 
voir les  cas  qui  sont  réservés  dans  tous  les 
diocèses  d'où  il  peut  se  présenter  des  péni- 
tents ;  la  seconde  ,  que  même  ,  suivant  les 
priuiipesdu  droit  rotnain  qui  ont  été  adop- 
tés dans  le  droit  canonique,  l'accusé  doit  être 
jUi^é  suivant  les  règles  qui  sont  observées 
dans  le  liiu  où  son  prorès  est  instruit  (Ex- 
trait du  Diviion.  rfc  Jurisprudence). 

l^Ces  ronsidéraiions  et  deci-ions  ont  besoin 
de  rectifications  :  on  hs  trouvera  dans  notre 
Dictionnaire  de  Théolugle  vwrate.  Voy.  aussi 
le  Uicliunnaire  de>-  Cas  de  conscience,  édit. 
Migne.] 

CASSIFN  ,  abbé  du  monastère  de  Saint- 
X'ictor  de  .\!arseilli',  mort  peu  après  l'an  433, 
a  été  célèbre  au  comniencemenl  du  V  siècle 
par  ses  vertus  et  par  ses  écrits.  On  a  de  lui 
un  livre  de  l'/jicornoaon  contre  Nesiorius  , 
les  Institutions  de  la  vie  monastique  en  douze 
!ivr -S  .  un  de  Conférences  spirituelles.  D.ius 
le  treizième  ,  Cassien  a  paru  enseigner  l'er- 
reur des  semi-pélagiens  ;  c'est  pour  le  réfuter 
que  saint  l'rosper  écrivit  son  ouvrage  inti- 
tulé :  Contra  Collatorem.  Mais  du  temps  de 
Cassien  l'Eglise  n'avait  pas  encore  prononcé 
sur  ce  point  ;  il  ne  lut  décidé  qu'au  concile 
d'Orange  en  529;  conséquemnient  la  méprise 
de  Cassien  ;''a  pas  empêché  que  sa  mémoii  e 
ne  fût  en  vénération.  Les  [roteslanls  le  Irai- 
ti  lit  d'ignorant  et  de  sup' r.lilieux  ,  parce 
qu'il  introduisit  dans  Tes  Ijaules  la  manière 
de  vivre  des  solitaires  et  des  moines  de  l.i 
Tliéliaïde;  nais  la  prévention  des  protestants 
contre  la  vi  •  monastique  les  rend  très-mau- 
vais juses  du  mérite  de  ceux  qui  l'ont  prati- 
quée. Voy.  Moine. 

CASUEi. ,  droits  casuels.  Or.  appelle  aii\si 
les  honoraires  ou  rélribulions  accordées  aux 


curés ,  vicaires  ou  desservants  des  paroisses 
pour  les  fonctions  de  leur  ministère,  pour  les 
baptêmes,  mariages,  •sépultures,  etc. 

Souvent  on  a  cherché  à  rendre  ces  droits 
olicux  ,  parce  qu'on  en  ignorait  rorif;ine. 
Dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  ses  mi- 
jiistres  subsistaient  des  oblations  volontaires 
des  (idèles  ;  ainsi ,  à  propremrnt  parler,  tout 
était  casuel.  Les  diff 'rentes  révolutions  cau- 
sées par  les  persécutions  ,  par  les  hérésies  , 
par  les  inondations  des  barbares,  firent  sen- 
tir que  la  subsistance  des  ecclésiastiques 
serait  moins  précaire,  si  ou  leur  assignait 
des  Ibnds.Cela  ne  coûtait  rien  dans  des  temps 
où  il  y  avait  une  grande  quantité  de  terres 
incultes  par  le  défaut  de  propriétaires.  Telle 
est  l'origine  de  l'institution  des  bénéfices.  — 
v*^ous  Charleinagne  ,  on  accorda  ou  l'on  fit 
rendre  aux  pasteurs  la  dîme  ,  par  le  môme 
motif.  A  la  décadence  de  la  race  carlovin- 
gienne  ,  l'Fglise  fut  dépouillée  par  les  sei- 
gneurs ,  ils  s'emparèrent  des  fonds  et  des 
dîmes;  le  clergé  fui  à  peu  près  anéanti.  Les 
peuples  furent  obligés  d'avoir  recours  aux 
moines  pour  recevoir  les  secours  spirituels  , 
ou  de  faire  subsister  des  prêtres  par  des  ré- 
tributions manuelles;  ainsi  le  casuel  s'est 
établi. 

Si  les  pasteurs  étaient  les  maîtres  de  choi- 
sir, ils  préféreraient  sans  hésiter  une  subsis- 
tance assurée  sur  des  fonds  et  sur  les  dîmes, 
à  la  triste  néressilé  de  recevoir  des  lionorai- 
res  pour  leurs  fondions.  Dans  plusieurs  dio- 
cèse-. ,  il  y  a  des  paroisses  qui  se  sont  trou- 
vées suflisamiucnt  dotées  par  des  fonds  et 
))ar  la  dîme  ;  le  casuel  y  a  été  retranché.  Au 
contraire  ,  les  supérieurs  ecclésiastiques  et 
les  tribunaux  séculiers  se  sont  trouvés  dans 
la  nécessité  de  régler  un  casuel  j)lus  fort 
dans  les  paroisses  qui  n'avaient  ni  des  fonds 
iii  des  dîmes  ,  et  d'établir  les  portions  con- 
(jr  es. 

l'iusieiirs  jnri-consultcs ,  et  même  des  au- 
teurs ec  lésiasliques ,  ont  dit  que  les  préIres 
recevaient  ces  honoraires  à  titre  A\iuinône  ; 
ils  nous  paraissent  s'éire  trompés.  Une  au- 
mône n'est  due  que  par  charité  ,  elle  n'en- 
ga'^e  à  rien  celui  qui  ia  reçoit  ;  l'honoraire 
est  dû  par  justice,  et  i'  impose  au  ministre 
(les  autels  une  nouvelle  obligation  de  rem- 
plii-  exactement  ses  fonctions.  Il  est  de  droit 
naturel  de  fournir  la  subsistance  à  tout 
homme  qui  est  occupé  pour  nous  ,  quel  que 
soit  le  genre  de  son  occupation.  De  même 
qu'il  est  juste  d'accorder  la  solde  à  un  mili- 
tiire,  rhi>noraire  à  un  magistral,  à  un  mé- 
decin ,  à  un  avocat,  il  l'est  de  faire  subsister 
un  ecclésiastique  occupé  du  saint  ministère; 
l'honoraire  qui  lui  est  assigné  n'est  pas  plus 
une  aumône  qne  eilni  des  hommes  utiles 
dont  nous  venons  de  parler.  -  (le  que  reçoi- 
vent les  uns  et  les  autres  n'est  pas  non  plus 
le  prix  de  leur  travail;  les  divers  services 
qu'ils  rendent  ne  sont  point  estimaldes  à 
prix  d'argent ,  et  ils  ne  sont  pas  payés  par 
proportion  à  l'importance  de  leurs  fmictions  : 
la  diversité  de  leurs  talents  et  ilti  nirrite  per- 
sonnel de  chaque  particulier  n'en  met  aucune 
dans   l'honoraire  qui   leur  est  attribué. 


587 


CAS 


CAS 


C88 


Vainement,, pour  les  avilir,  l'on  affecte  de  se 
servir  d'expressions  indécentes;  l'on  dit 
qu'an  ecclésiastique  vend  les  choses  saintes, 
qu'un  militaire  vend  sa  vie  ,  un  magistrat  la 
justice  ,  un  médecin  la  santé  ,  un  professeur 
les  sciences  ,  etc.  La  malignité  des  censeurs 
n'a  pas  le  pouvoir  de  rendre  injuste  et 
méprisable  ce  qui  est  conforme  dans  le  fond 
à  l'cquilé  naturelle  et  à  la  raison.  —  Lorsque 
Ji'-siis-Clirist  a  ordonné  à  ses  disciples  de 
«ioiincr  gratuitement  ce  qu'ils  avaient  reçu 
p.ir  pure  grâce,  il  a  eu  soin  d'ajouter  que 
loiit  ouvrier  est  digne  de  sa  nourriture 
(Matth.  \,  Set  10). 

Si  nous  répétons  plus  d'unn  fois  ces  prin- 
cipes ,  c'est  qu'ils  ont  été  méconnus  par  des 
écrivains  qui  se  croyaient  fort  instruits  ,  et 
qui  cependant  ne  relaient  pas  assez,  qui  ont 
censuré  la  discipline  actuelle  de  l'Eglise  sans 
raisons  suffisantes. 

Im.1  1757,  il  a  paru  une  dissertation  sur 
l'honoraire  des  messes,  dans  laquelle  l'au- 
teur condamne  toute  réiribulion  manuelle 
donnée  à  un  prêtre  pour  remplir  une  fonc- 
tion sainte  ,  les  droits  curiaux  et  casuels,  les 
fondations  pour  dos  messes  ou  pour  d'autres 
prières  à  perpétuité,  etc.  Il  regarde  tout  cela 
comme  une  espèce  de  simonie  et  comme  une 
prot.inalion.  —  Cette  doctrine;  est  certaine- 
ment fausse.  On  ne  peut  pas  nier  qu'il  ne  se 
soit  glissé  souvent  des  abus  et  des  indécen- 
ces dans  cet  usage;  l'auteur  de  la  disserta- 
tion les  f.iit  très-bien  sentir;  il  les  déplore  et 
les  réprouve  avec  raison  :  mais  il  fallait  imi- 
ter la  sagesse  des  conciles  ,  des  souverains 
pontifes  et  des  évéques,  qui,  en  condamnant 
les  abus  et  en  les  proscrivant  ,  ont  laissé 
subsister  un  usage  légilime  en  lui-même. 

Encore  une  fois,  il  fait  distinguer  entre 
un  payement,  un  honoraire  et  une  aumône. 
Le  piiyement  ou  le  prix  d'une  chose  est  censé 
être  la  compensation  de  sa  valeur;  ainsi  l'on 
achète  une  denrée,  une  marchandise,  un 
service  mercenaire,  et  l'on  en  paye  le  prix  à 
proportion  de  sa  valeur,  l.'honoraire  est  une 
espère  do  «olde  ou  de  subsistance  accoidée  à 
une  personne  qui  est  occupée  pour  le  public 
ou  pour  nous  en  particulier,  qnelle  que  soit 
d'ailleurs  la  valeur  de  son  occupation.  On 
donne  la  solde  on  l'honoraire  à  «m  iiiiiilaire, 
à  un  mngistr.it,  à  un  juriscoiisulle,  à  un  mé- 
decin ,  à  un  professeur  de  sciences  ,  à  un 
homme  en  charsie  quelconque  ,  sans  p  éten- 
dre payer  ou  compenser  la  valeur  de  leurs 
services  on  de  leurs  talents  ,  ni  mettre  une 
proportion  entre  l'iiii  et  l'uilre.  tju'ils  soient 
plus  on  moins  habiles  ,  plus  ou  nio'iis  zélés 
ou  appliques,  rii'inoi-.iire  est  le  niiMiie.  LVim- 
mén,'  est  due  à  un  pauvre  par  cliarilé,  I'Iid- 
nor.iire  est  dû  à  titre  de  justice.  ll.'Iui  <|ui 
refuse  l'aumàne  à  un  pau\re,  pè  lie  sans 
dmito,  mais  il  n'ist  pas  tenu  à  resliluliou  : 
celui  qui  refuserait  l'Iionoiaire  à  un  lnmiuKi 
(|ui  a  rempli  pour  lui  ses  funclions  ,  ser.iit 
condamné  à  le  lui  restituer.  —  Que  i'Iiono- 
rairc  suit  fixe  ou  acci<lenlel  ,  payé  par  le 
pulilic  ou  par  les  pariiculiiTs  ,  accordé  à 
litre  de  gage  annuel  ou  de  pension  ;qu'il  sot 
ratuel ,  aliaché  à  chaque  loneiion  que  l'on 


remplit  ou  a  chaque  service  que  l'on  rend, 
cela  est  égal  ;  il  ne  change  pas  de  nature;  le 
litre  de  justice  est  toujours  le  même. 

11  n'est  donc  pas  vrai  qu'un  prêtre  ou  un 
clerc  ne  puisse  rien  recevoir  légitimement 
des  fidèles,  si  ce  n'est  à  titre  d  aumône.  Dès 
qu'il  prie,  qu'il  célèbre,  qu'il  remplit  une 
fonction  sainte  pour  une  personne  ou  pour 
plusieurs  ,  et  qu'il  est  occupé  pour  elles ,  il  a 
droit  à  une  subsistance  ,  à  une  solde,  à  un 
honoraire.  Jésus-Christ  l'a  ainsi  décidé  en 
parlant  de  ses  apôtres  :  L'ouvrier  est  diqne 
de  sa  nourriture  [Mallh.  x  ,  10).  Saint  Paul 
a  parlé  de  même  (/  Cor.  ix  ,  7,  etc.)  :  Qui 
porte  les  armes  à  ses  dépens?....  Si  nous  vous 
distribuons  les  choses  spirituelles,  est-ce  une 
grande  récompense  de  recevoir  de  vou<  q.uel- 
quf  réiribulion  temporelle  ?  Ceux  qui  servent 
à  l'autel  ont  leur  part  de  l'autel;  ainsi  le 
Se'qneur  a  réglé  que  ceux  qui  annoncent 
l'Evangile  vivent  de  l'Evangile.  —  Que  ces 
choses  spirituelles  soient  des  instructions  , 
des  sacrifices  ,  des  sacrements  ,  des  prières  , 
l'assistance  des  malades ,  etc.,  le  titre  à  un 
honoraire  est  le  même. 

On  sait  que  dans  l'origine  les  ministres  des 
autels  reçurent  des  offrandes  en  denrées  ou 
en  argent  ;  dans  la  suite,  pour  rendre  leur 
subsistance  plus  assurée  et  moins  précaire, 
on  institua 'pour  eux  des  bénéfices  ecclé- 
s'iasliques,  semblables  aux  bénéfices  mili- 
taires. Ceux  d'entre  les  jurisconsultes  qui 
ont  soutenu  que  les  revenus  des  bénéfices 
sont  une  pure  aumône,  auraient  dii  le  déci- 
der de  même  à  l'égard  des  anciens  militaires. 
Lorsque  le  clergé  a  é  é  ruiné  par  les  grands 
dans  des  temps  d'anarchie,  il  a  fallu  en  re- 
venir aux  I  élribulions  manuelles.  C'a  été  un 
malheur,  sans  doute  ;  mais  il  ne  fiiut  l'altri- 
huer  ni  à  l'Eglise,  ni  à  ses  ministres,  qui  en 
ont  été  les  premières  victimes. 

En  général,  défions  -nous  des  réformateurs 
trop  harilis  ;  jamais  ils  n'ont  été  en  aussi 
grand  nombre  qu'aujourd'hui.  Qu'ils  di-ent, 
s'ils  le  veulent,  qu'il  serait  mieux  que,  sui- 
vant l'ancienne  discipline,  aucun  prêtre  ne 
fut  orilonné  sans  être  pourvu  d'un  bénéfice, 
et  sans  être  attaché  à  une  église  pour  quel- 
que fonelion  ;  qu'il  serait  mieux  que  les  fi- 
dèles eussent  plus  de  confiani-e  à  la  commu- 
nion des  saints  et  aux  prières  générales  de 
1  E;4lise,  et  moins  de  vanité,  moins  d'ambi- 
tion d'obtenir  des  |)rêires  des  prières  parti- 
culières pour  eux  seuls.  Il  ser.iit  mieux,  en 
effet,  que  les  prêtres  eux-mêmes  préféras- 
sent la  qualité  de  mmisires  de  VEglise  ou  de 
la  société  commune  des  fidèles,  à  celle  de 
serviteur,  domesii,|ue  d'un  grand  seigneur. 
l!  serait  fort  à  souliaitcr  (|ue  les  grancls  fus- 
sent moins  orgueilleux  et  moins  esclaves  de 
leur  mollesse,  qu'ils  assistassent  aux  exer- 
cices publies  du  cuite  divin  ,  plutôt  (|uo 
d'<xiger  pour  eux  un  culte  domestique  et  dos 
minisires  qui  sont  à  leurs  ordres.  .Mais,  lors 
iiiê  >>(■  que  l'on  ne  peut  pas  obtenir  le  mieux, 
il  ne  faut  (las  condamner  ce  qui  n'est  pas 
inaiivaii  absolument  et  à  tous  égards.  Si 
rEnliiC  entreprenait  ta  réforme  des  abus 
qu'on  lui  reproche,  toutes  les  puissances  se- 


689  CAS 

culières,  tous  les  particuliers  intéressés  à 
les  conserver,  s'y  opposeraient  de  toutes 
leurs  forces.  —  Il  est  très-permis  de  montrer 
ces  abus,  d'en  désirer  la  correction,  de  pro- 
poser les  moyens  de  les  relr;inclier  ;  mais  il 
ne  faut  jani/iis  arnfumenler  sur  des  principes 
faux,  ni  atlril)uer  le  mal  à  ceux  qui  n'en 
sont  pas  les  ailleurs.  C'est  le  moyen  de  dé- 
crélitcr  un  ouvrage  qui  pouriaii  élre  utile 
d'ailleurs,  de  man(|uiT  le  but  auquel  on  as- 
pire, de  fournir  des  armes  aux  heréti(|ues  et 
aux  inciédules.  N'avons  nous  pas  vu  ces 
derniers  reprocher  à  saint  l'aul  les  maximes 
justes  et  sages  que  nous  avons  citées  ci-des- 
sus ?  Ils  n'ont  pas  rougi  d'écrire  que  les  mi- 
nistres de  l'Eglise  ont  hérité  des  apôtres 
mêmes  l'esprit  mercenaire  et  ambitieux  dont 
ils  ont  toujours  été  animés.  Voij.  Bénéfice, 
Simonie. 

CASUISTE.  théologien  qui  a  fait  une  étude 
particulière  de  la  morale,  des  lois  divines  et 
humaines,  des  devoirs  de  l'homme  et  du  chré- 
tien, afin  de  se  mettre  en  état  de  lever  les 
douies  que  les  lidèles  peuvent  avoir  sur  leur 
conduite,  de  leur  faire  sentir  la  grièveié  de 
leurs  fautes,  de  leur  prescrire  ce  qu'ils  doi- 
vent faire  pour  les  réparer.  Puisque  la  mo- 
rale fait  partie  essentielle  de  la  théologie,  il 
doit  nous  être  permis  de  donner  quelques 
réflexions  sur  ce  sujet. 

La  fonction  de  casuiste  est  certainement 
une  des  plus  difliciles  par  l'étendue  des  lu- 
mières qu'elle  suppose,  une  des  plus  impor- 
tantes parla  nature  de  son  objet,  une  des 
plus  dangereuses  à  cause  des  couséquences 
que  peut  entraîner  une  fausse  dérision.  Dans 
ce  genre,  le  rigorisme  outré  ne  [Toduit  pas 
des  effets  moins  funestes  que  le  relâchement 
excessif.  Un  casti  ste  fait  la  fonction  déjuge  , 
il  ne  lui  est  pas  plus  permis  d'exagérer  que  de 
diminuer  les  obligations  (|ue  Dieu  nous  im- 
pose. S'il  lui  arrivait  d'exiger  de  celui  qui  le 
consulte  une  restitution  qui  n'est  pas  due,  il 
ne  pécherait  pas  moins  grièvement  que  s'il 
l'en  dispensait  mal  à  propos.  —  Lorsque  les 
casuisles  onl  manqué  de  jusiesse  d'esprit,  ou 
se  sont  laissé  entraîner  par  le  torrent  de 
ceux  qui  les  av;iient  procèdes,  ils  ont  eu  tort, 
sans  doute  ;  mais  on  ne  peut  guère  les  accu- 
ser d'avoir  péché  vnlonlairement.  Où  est 
rtiomme  assez  insensé  pour  vouloir  risquer 
son  propre  siilut  sans  aucun  intérêt,  en  se 
rendant  responsable  des  péchés  d'aulrui  ? 

De  nos  jours  les  philosophes  ont  élevé  un 
cri  génér.il  pour  soutenir  que  la  loi  natu- 
Tolle  est  évidente  par  elle-même,  que  la  rai- 
son nous  en  découvre  infaillililement  tous 
les  devoirs.  Cependant  l'on  a  fait  un  assez 
grand  nombre  de  livres  pour  savoir  si  le 
mensonge  oflicieux  est  permis  ou  défendu 
par  la  loi  naturelle,  si  l'intérêt  de  l'argcnl 
perçu  en  vertu  du  simple  prêt  est  légiiime 
ou  iisurairc.  Où  est  donc  cette  évidence  pré- 
tendue, et  la  boussole  qu'un  casuiste  (io\{  sui- 
vre pour  se  décider  sur  ces  questions?  — 
On  ne  doit  cependant  pas  blâmer  l'exacti- 
tude et  même  la  sévérité  des  pasteurs  de 
l'Eglise  à  réprimer,  lorsqu'il  est  nécessaire, 
la  Icmériié  des  casuisles  ;  un  de  leurs  princi- 


CAT 


698 


paux  devoirs  est  de  veiller  à  la  conserva- 
tion du  dépôt  de  la  foi  et  de  la  morale. 

-Mais  faut-il  approuver  de  même  la  cha- 
leur avec  laquelle  Pascal  et  d'autres  ont  pour- 
suivi, vers  le  milieu  du  siècle  dernier,  la 
morale  relâchée  de  quelques  cnsuisles  obs- 
curs? Ils  devaient  prévoir  que  les  principes 
de  ces  auteurs,  recueillis  en  un  corps  et  ex- 
posés on  langue  vulgaire,  ne  manqueraient 
pas  d'enhardir  les  passions  toujours  dispo- 
sées à  s'appuyer  de  l'autorité  la  plus  fragile. 
Le  scandale  que  la  délation  de  ces  maximes 
occasiiinna  dans  l'Eglise  fui  peut-éire  un 
[dus  grand  mal  que  celui  qu'auraient  ja- 
mais fait  des  volumes  poudreux  relégués 
dans  les  ténèbres  de  quelques  bibliothèi)ue8 
monastiques.  —  En  etïet,  qui  connaissait 
Villalobos,  Connink,  LIamas,  Âchosier,  Deal- 
koser,  Squilanti,  Hizozéri,  Iriharne,  de  tiras- 
salis,  de  Piligianis  ,  Slrevesdorf  et  tant 
d'autres?  Leurs  pi  incipes  étaient-ils  dange- 
reux pour  les  ignorants  et  les  femmes,  qui 
n'entendent  pas  la  langue  dans  laquelle  ces 
auteurs  ont  écrit,  pour  les  gens  du  monde 
qui  ont  oublie  le  latin,  et  qui  n'ont  pas  le 
temps  de  lire,  ou  pour  des  théologiens  éclai- 
rés et  décidés  sur  ces  matières?  Il  n'est  pas 
nécessaire  d'être  grand  castiile  pour  juger 
lequel  des  deux  est  le  plus  coupable,  celui  à 
qui  il  échappe  une  proposition  absurde  qui 
passerait  sans  conséquence,  ou  celui  qui  la 
remarque  et  lui  donne  de  l'importance. 

Vainement  les  écrivains  d'un  autre  genre, 
les  prédicateurs  de  l'irréligion,  voudraient- 
ils  s'autoriser  de  ces  réHexions  pour  inno- 
center leurs  propres  égarements,  pour  ren- 
dre odieux  les  théologiens  qui  les  font  re- 
marquer et  les  réfutent.  Leurs  erreurs, 
qu'ils  publient  eux-mêmes,  sont  d'une  tout 
autre  conséquence  que  celles  des  casuisles  ; 
on  ne  peut  excuser  les  premiers  par  aucun 
motif  louable;  les  ouvrages  des  incrédules 
ont  fait  plus  de  mal  en  dix  ans  que  tous  les 
cnsuistes  de  l'univers  n'en  ont  fait  dans  un 
siècle.  Voy.  Cas  dk  consciiînce. 

CATAOAPTISTES.  On  s'est  quelquefois 
servi  de  ce  nom  pour  désigner  en  général 
tous  les  hérétiques  qui  ont  nié  la  nécessité 
du  baptême,  surtout  pour  les  enfants.  Il  est 
formé  de  zarà,  qui  en  composition  signifie 
quelquefois  contre,  et  de  ;«n-.-i:.),  hiver,  bapti- 
ser :  il  signifie  opposé  au  baptême,  ennemi 
du  baptême. 

Ceux  qui  ont  soutenu  cette  erreur  sont 
tous  partis  à  peu  près  du  même  principe  ; 
ils  ne  croyaient  pas  le  péché  originel,  et  ils 
n'attribuaient  au  baptême  aucune  autre 
vertu  que  d'exciter  la  foi.  Selon  eux,  sans 
la  foi  actuelle  du  baptisé,  le  sacrement  ne 
peut  produire  aucun  effet;  les  enfants  qui 
snnt  incapables  de  croire  le  reçoivent  Irèg- 
inutilement.  C'est  l'opinion  des  sociniens. 
D'autres  ont  [)osé  pour  maxime  générale  que 
la  grâce  ne  peut  pas  être  produite  dans  une 
âme  par  un  signe  extérieur  qui  n'alTecte  que 
le  corps,  que  Dieu  n'a  pas  pu  faire  dépendre 
le  salut  d'un  pareil  moyen.  Celle  doctrine, 
qui  attaque  l'elficacité  de  tous  les  sacrements, 


h99f 


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CAT 


60-2 


est  une  conséquence  naturelle  de  la  précé- 
dente. 

Quoique  Pelage  niât  le  péché  originel,  il 
ne  contestait  pas  la  nécessité  ou  du  moins 
l'utilité  du  baptême,  pour  donner  à  un  en- 
fant la  grâce  d'adopiion  ;  dans  un  enfant, 
disait-il,  la  grâce  trouve  une  adopiion  à 
faire,  mais  l'eau  ne  trouve  rien  à  laver  : 
Habet  (/relia  qiiod  ndoplet.  non  hubil  luida 
qitnd  abiuat.  La  notion  seule  de  haijlcine,  i\u\ 
emporte  celle  de  puriQcation,  sulfit  pour  ré- 
futer Pelage;  jamais  cet  hérétique  n'a  expli- 
qué nettement  en  quoi  il  faisait  consister  la 
grdce  d'adoption. 

GATAGOMBE,  du  prec  x«rà,  dans,  et  xOfiêoç 
creux,  désigne  une  cave  souterraine  prati- 
quée pour  servir  à  la  sépulture  des  morts. 
Les  catacombes  se  nommaient  aussi  cryplce, 
cavernes,  et  cœmeteriu,  dortoirs. 

Selon  quelques  auteurs,  ce  nom  ne  s'est 
donné  aulrelbis  à  Uome  qu'aux  tombeaux 
de  saint  Pierre  et  de  saint  Pdul,  ou  à  une 
chapelle  de  saint  Sébasileii,  dans  laquelle, 
suivant  l'ancien  calendrier  romain,  a  été 
mis  le  Cdfps  de  saint  Pierre,  l'an  258,  sous 
le  consulat  de  Tuscus  et  de  Bassus, 

Aujourd'hui  l'on  appelle  en  Italie  catacom- 
bes de  vastes  amas  de  sépulcres  souterrains 
qui  sont  dans  les  environs  de  Rome,  priiici- 
palemeni  à  trois  milles  de  celte  ville,  près  de 
la  voie  Appienne.  On  croit  que  ce  sont  les 
tombeaux  des  martyrs  ;  on  va  les  visiter  par 
dévotion,  et  l'on  eu  tire  des  reli(iues  qui 
sont  envojées  dans  les  divers  pays  catholi- 
ques, après  que  le  pape  les  a  reconnues  sous 
le  nom  de  quelque  saint.  —  Ces  catacombes 
sont  de  la  largeur  de  deux  ou  trois  pieds,  et 
ordinairement  de  la  hauteur  de  huit  à  dii 
pieds,  en  forme  de  galeries  qui  se  communi- 
.quent  les  unes  aux  autres,  et  s'étendent  sou- 
vent jusqu'à  une  lieue  de  Rome.  11  n'y  a  ni 
maçonnerie  ni  voûte  ,  la  terre  se  soutient 
d'elle-même.  Les  deux  côtés  de  ces  rues,  qui 
en  sont  comme  les  murailles,  servaient,  de 
haut  en  bas,  à  mettre  les  corps  des  morts.  On 
les  y  plaçait  en  long,  à  trois  ou  quatre  ranj^s 
les  uns  sur  les  autres,  et  parallèlement  à  la 
rue;  on  les  enfermait  avec  des  tuiles  fml 
larges  et  fort  épaisses,  quelquefois  avec  des 
morceaux  de  marbre,  cimentés  d'une  ma- 
nière que  l'on  aurait  peine  à  imiter  aujour- 
d'hui. Le  nom  du  mort  se  trouve  quelque- 
fois, mais  raremi'nt.  sur  les  tuiles  ;  on  voit 
aussi  ()uelqucfois  une  branche  de  painner, 
symbole  du  martyre  ,  avec  ce  chiffre  , 
peint  ou  gravé  XP,  (juc  l'on  interprète  pro 
Christ'). 

Pour  rendre  suspectes  les  reliques  tirées 
des  catacombes  ,  plusieurs  prolcslanls  ont 
soutenu  que  ces  caveaux  étaient  destinés  à 
la  sépulture  des  |)aïen8  ;  (|ue,  ({uoiquo  les 
Romains  fussent  dans  l'usage  de  brûler  leurs 
morts,  ils  enterraient  cependant  les  esclaves 
pour  éviter  la  dépense-  Les  Romains  devenus 
chrétiens  ,  disent-ils,  voyant  la  vénération 
que  l'on  avait  pour  les  leliijues,  et  voulant 
en  avoir  â  leur  dispn^ilion,  entrèrent  ilans 
les  Cdtaciimbrs,  mirent  à  côté  des  tonibe.inv 
les  chiffres  ou  les  inscriptions  (jn'illeur  plut, 


et  les  fermèrent  pour  les  rouvrir  dann  !a 
suite  quand  ils  en  trouveraient  l'occasion  fa- 
vorable. Celte  supercherie  fut  ensuite  ou- 
blié-, jusqu'à  ce  que  le  hasard  fît  ouvrir  les 
catacombes.  —  Avant  d'accuser  les  Romains 
cliréliens  d'un  crime  aussi  grave,  il  faudrait 
avoir  dt's  ireuves  :  non-seulement  les  protes- 
tants n'en  ont  point,  mais  leurs  cimjeclures 
sont  absurdes.  Tous  les  haldlanls  d'une  ville 
ont-ils  pu  convenir  ensemble  de  commettre 
une  fourberie  et  une  impiété,  pour  procurer 
à  leurs  descendanis  la  salist'aclion  de  distri- 
buer de  fausses  reliques,  sans  y  avoir  au- 
cun intérêt,  et  sans  qu'il  se  suit  trouvé  per- 
sonne (|ui  ail  eu  assez  lie  probité  pour  récla- 
mer contre  cette  supenlierie  "?  On  ne  commet 
l'as  des  crimes  [lour  le  seul  plaisir  de  les 
commeitre. 

Il  est  prouvé,  au  contraire,  1°  que  l'us.Tge 
des  Romains  "aïens  n'étaient  point  d'enterrer 
dans  les  catacombes  les  criminels,  les  escla- 
ves, le  bas  peuple,  mais  de  les  jeter  dans  de 
grandes  fosses  nommées  puticuli,  el  d'y  en 
brûler  un  grand  nonijre  à  la  fois;  au  lieu 
qu'on  brûlait  en  particulier  le  corps  des  per- 
sonnes considérables,  et  qu'on  renfermait 
leurs  cendres  dans  des  urnes.  Les  Romains, 
qui  laissaient  rijourir  <le  f.iim  dans  une  île 
du  Tibre  leurs  esclaves  vieux  ou  malades, 
se  sont-ils  donné  la  peine  de  leur  accorder 
une  sépulture  honorable  dans  les  catacom- 
bes?—  2°  Les  chrétiens  évitaient  avec  soin 
d'enterrer  leurs  morts  dans  le  même  lieu 
que  les  pa'iens,  nous  le  voyons  par  l'histoire 
que  le  martyr  Lucien  a  faite  de  la  découverte 
des  relii|ues  de  saint  Etienne.  Saint  Gyprien 
fait  un  crime  à  Martial,  évéquc  espagnol, 
d'avoir  fait  enterrer  des  enfants  dans  les 
tombeaux  profanes,  et  de  les  avoir  mêlés 
avec  des  étrangers.  Nous  sommes  donc  cer- 
tains (ju'il  n'y  a  eu  aucun  païen  enterré  dans 
un  ciuielière  destiné  à  la  sépulture  des  chré- 
tiens. —  3°  II  est  incontestable  que  les  cala- 
combes  ont  servi  aux  assemblées  chrétiennes 
dans  les  temps  de  persécuiiou,  el  par  la  mê- 
me raison  à  la  sépulture  des  tnarlyrs,  (|iic 
l'on  était  obligé  d'enterrer  avec  le  plus 
grand  secret.  L'usage  constant  a  été  de  cél"- 
brer  les  saints  mystères  sur  les  reliques  des 
martyrs,  elles  (idèles,  par  devolion,  dési- 
r.hent  d'être  inhumés  à  côte  de  ces  précieux 
dépol  s.  L'Iiis  toi  reecclésiastiqueel  les  actes  lies 
martyrs  font  mention  des  défenses  faites  aux 
chrétiens  par  les  persécuteurs  de  tenir  leurs 
assemblées  dans  les  cimetières.  Ils  n'au- 
raient pas  voulu  les  tenir  parmi  les  tom- 
beaux des  pa'iens.  — V'  PrudiMice,  saint  Pau- 
lin et  d'autres,  attestent  (pie  les  calaromljcs 
de  Rome  renfermaient  les  corps  de  plusieurs 
milliers  de  martyrs  ;  ce  faii  est  encore  attesté 
par  des  inscriptions,  dont  l'une  fait  mention 
de  cinq  cent  cinquanle  martyrs  enterrés  en- 
semble, une  autre  île  cenl  cinquanle.  Saint 
Jérôme  dit  que  dans  sa  jeunesse  il  avait  cou- 
tume de  visiter  les  catacombes  le  dimancho 
{/;(  h'zecli.  xl).  Ces  saints  lieux  n'ont  donc 
jamais  été  oubliés  ni  perdus  de  vue,  et 
l'on  savait  au  iv"'  siècle  qu'ils  renfcr-» 
niaient  des  niarljrs  et  non  des  païens,  — >, 


C93 


CAT 


5"  (Jn  grand  nombre  c!e  ces  tombeaux  de 
martyrs  sont  reconnaissaliles  par  des  ins- 
criptions cl  par  d'autres  synil)oles,  par  le 
inonouranune  de  Jésus-Chrisl  XP,  par  la  fi- 
gure du  bon  pasteur,  par  des  [lalnies,  par 
les  (ioles  ougoheli'is  de  sang  mis  avec  leurs 
corps,  etc.  —  6°  L'on  ne  peut  assigner  le 
iPinps  auquel  on  suppose  que  les  calaconibes 
ont  été  malicieusement  fermées  par  les  Ro- 
mains, pour  donner  lieu  à  une  erreur  dans 
la  suite.  Pendant  les  perséculions,  les  chré- 
tiens s'en  sont  servis  pour  leurs  assemblées 
et  pour  les  sépultures  ;  lorsijue  la  paix  a  été 
rendue  à  l'Iiglise,  elles  ont  élé  visitées  par 
dévotion.  Si  on  les  a  l'erniées  lorsque  les  bar- 
bares ont  siiciagé  Uonie,  ce  n'a  pas  été  par 
fourberie,  mais  pour  prévenir  les  profana- 
tions. Lor>que  la  tranquillilé  a  élé  rétablie, 
on  n'av.iit  pas  oublié  ce  que  les  auteurs  ec- 
clésiasiiques  en  avaient  dit  au  iv  siècle.  — 
Les  conjectures  des  proteslanis,  de  Burnet, 
de  Missod.  de  Spanheim,  de  Basnage,  etc. 
sont  donc  fausses  à  tous  éjjards. 

Do  ces  observaiions  l'on  f  eut  coiicluie, 
avec  îoute  la  certitude  possible,  que  les  os 
tirés  des  catucombe^  sont  des  reliques,  ou 
des  marijrs,  lorsque  cela  est  ain;.!  attesté, 
ou  des  premiers  iidèles.  Quoique  ceux-ci 
n'.'iient  pas  tous  été  des  saints,  quand  on 
connait  les  inœuis  de  l'Eglise  primitive,  et 
la  disposition  dans  laquelle  étaient  les  pre- 
miers chrétiens  de  mourir  pour  leur  foi,  on 
ne  peut  pas  disconvenir  que  leurs  reliques 
ue  soient  dignes  de  vénération.  —  Si  quel- 
ques lecteurs  catholiques  se  sont  laissé  sc- 
tluire  par  les  soupçons  et  parles  conjectures 
malii^nes  des  protestants  sur  ce  sujet,  c'est 
qu'ils  n'ont  pas  examiné  la  question  d'aussi 
près  que  l'ont  l'ait  les  critiques  et  les  anti- 
quaires de  Home.  On  peut  voir  dans  les  Vies 
disPères,des  Martyrs,',  te,  touic  IX,  pag.  68.i 
et  suiv. ,  les  preuves  détaillées  des  faits  que 
noDS  avons  allégués. 

Les  catacombes  de  Naples  peuvent  être  un 
objet  de  curiosité  pour  les  voyageurs,  mais 
elles  ne  fournissent  aucune  nouvelle  ré- 
flexion à  faire  sur  les  reliques  que  l'on  tire 
de  celles  de  Uome. 

CATAPHKYIJES    ou    CATAPHRYGIENS. 

Voy.  MoNTAMSTLS. 

CATARACTE.  Voy.  Déluge. 

CATÈCiiÈSE,>iuQ\cc.u.Tàx^'jii, instruction; 
catéchisme  a  li  même  étyniologie  et  le  même 
sens.  C'est  l'inslruclion  que  l'on  donnait  à 
ceux  qui  voulaient  embrasser  lechristiauismc 
él  recevoir  le  baptême;  ïc catéchiste  est  celui 
qui  était  cl.argé  de  cet!e  fonclion. 

Dans  les  premiers  siècles,  l'usage  n'était 
point  de  mettre  par  écrit  les  dognieset  les 
pratiques  du  christianisme,  il  aurait  clé  à 
craindre  que  ces  écrits  ne  vinssent  à  tomber 
entre  les  mains  des  pa'iens  ,  qui  en  auraient 
abusé  et  les  auraient  tournés  en  ridicule, 
parce  qu'ils  n'y  auraient  rien  compris.  Mais 
on  n'eut  jamais  Timprudeiicc  de  donner  le 
baptême  aux  juifs  ni  aux  j>a'iens,  sans  leur 
avoir  enseigné  auparavant  les  dogmes  qu'il 
fallait  croire  et  la  morale  qu'il  fallait  prati- 
(jiier.  —  Aiuâi  l'muil  ordonne  Jésus-Christ  j 


CAÏ  694 

il  dit  à  ses  apôtres  d'enseigner  toutes  les  na- 
tions, et  de  les  bapliserensuite  (Matih.  xxviu, 
19).  Il  en  avait  donné  l'exemple,  les  apôtres 
l'ont  suivi  ;  les  Pères  de  l'Eglise,  les  évé(iues, 
les  p.isleurs,  ont  rempli  ce  devoir  dans  tous 
les  siècles,  avec  plus  ou  moins  d'exactitude 
et  de  succès.  Dans  tous  les  temps  les  conciles 
ont  exhorté  les  ecclésiastiques  à  le  remplir, 
et  leur  en  ont  fiit  un  devoir  rigoureux  :  le 
concile  de  Trente  en  a  renouvelé  les  lois, 
sess.  24,  (/e  Rc/'orm.,  c.  7.  Mais  il  n'est  prouvé 
paraucun  ancien  monunientquc  l'instruction 
des  néophytes  ait  consisté  à  leur  faire  lire 
l'Ecriture  sainte,  comme  Mosheim  et  d'autres 
proteslanis  l'imaginent,  selon  le  préjuge  de 
leur  secte.  Les  incréilules,  au  contraire,  ac- 
cusent les  premiers  chrétiens  d'avoir  caché 
leur,  livres  avec  lopins  grand  soin:  autre 
prévention  qui  n'est  pas  mieux  fondée. 

C'est  donc  une  injustice  de  la  part  des  in- 
crédules de  vouloir  persuader  (jne  le  chris- 
li«iiisnie  s'est  étaljli  dans  les  ténèbres,  par 
s-.éduclion  et  par  artifice,  que  les  premiers 
Iidèles  ont  ciu  sans  preuves  et  sans  motifs, 
ont  reçu  le  haplême  sans  savoiràquoi  ils  s'en- 
gageaient, La  rigueur  des  épreuves  auxquel- 
les on  les  soumettait,  n'était  certainement 
pas  un  pié;;e  tendu  pour  les  séduire.  Aucune 
religion  n'a  imposé  à  ses  ministres  une  obli- 
gation aussi  étroite  d'instruire  les  ignorants, 
et  ils  n'ont  négligé  ce  devoir  dans  aucun 
temps.  Leurs  anciens  ennemis,  Celse  et  d'au- 
tres, leur  ont  reproché  la  passion  du  prosé- 
lylisme,  ceux  d'aujourd'hui  leur  en  font  en- 
clore un  crime,  ils  n'en  rougiront  jamais. 
Voy.  Ecoles  Chrétiennes. 

CATÉCHISME.  C'est  non-seulement  l'ins- 
Irudion  que  l'on  donne  aux  enfants  ou  aux 
adultes  pour  leur  apprendre  la  croyance  et 
la  morale  du  christianisme,  mais  encore  le 
livre  qui  renferme  cette  instruction.  Comme 
les  évéques  ont  élé  établis  par  Jésus-Christ 
pour  enseigner  les  fidèles,  c'est  à  eux  de  dres- 
ser et  de  donner  à  leurs  diocésains  le  livre 
que  nous  appelons  caléchisme-  Celui  qui  a 
été  fait  par  ordre  du  concile  de  Trente  a  élé 
le  modèle  sur  lequel  on  a  formé  la  plupart 
de  ceux  dont  on  se  sert  aujourd'hui  dans  l'E- 
glise catholique.  L'uniformité  de  la  doctrine 
enseignée  dans  tous  ces  livres  élémentaires 
est  une  preuve  irrécusable  de  l'unité  de  foi 
qui  règne  dans  toute  celle  Eglise.  Si  quel- 
quefois des  évéques  ont  essayé  d'y  émettre 
des  opinions  qui  n'appartiennent  point  à  la 
foi  catholique,  ordinairement  cette  témérité 
a  élé  mal  accueillie;  ils  ont  trouvé,  de  la 
part  de  leur  clergé  el  de  leurs  ouailles,  une 
résistance  à  laquelle  ils  ne  s'attendaient  pas. 
Preuve  qu'ils  ne  sont  pas  les  maîtres  de  chan- 
ger, quand  ils  voudraient,  la  foi  de  leur 
troupeau. 

Dans  la  plupart  des  catéchismes  faits  par  les 
protestants,  ils  ont  eu  soin  d'y  mettre  des  ac- 
cusations contre  l'Eglise  romaine,  afin  d'ins- 
pirer aux  enfants,  dès  le  berceau,  des  pré- 
ventions et  de  la  haine  contre  le  catholicisme. 
Plus  modérés  qu'eux, nous  n'.ippienons point 
aux  eiifanls  à  détester  ceux  qui  sont  dans 


G95 


CAT 


C\T 


C'JG 


l'erreur;  nous  voudrions  pouvoir  leur  laisser 
ignorer  qu'il   y  a  des  hérétiques  au   monde. 

De  lous  les  livres,  le  plu-;  difficile  à  f;iire  est 
|)eul-étreunbon  caiéchisme:('es\.ui\  abrégéde 
théologie;  plus  un  homme  esl  inslruit, mieux 
il  sent  TPtie  difficulié. 

CATÉCHISTE,  ecclésiastique  chargé  d'en- 
seigner aux  catéchumènes  les  premiers  élé- 
ments de  la  religion,  et  de  les  disposer  à  re- 
cevoir le  baptême  et  les  autres  sacrements. 

Comme  il  est  rare  aujourd'hui  de  baptiser 
les  adultes,  la  funclion  de  catrchiste  se  borne 
à  instruire  les  enfants  des  vérités  de  la  reli- 
gion, à  les  disposer  ainsi  à  recevoir  les  sa- 
crements de  confirmation,  de  pénitence  et  à 
faire  leur  première  communion.  —  Si  cette 
fouction  est  communément  confiée  à  de  jeu- 
nes ecclésiastiques,  ce  n'est  pas  qu'elle  soit 
très-aisée  à  bien  remplir  ;  elle  exige  une  net- 
teté d'esprit,  une  prudence  et  nue  patience 
singulières;  mais  c'est  que  les  moyens  d'ins- 
truction sont  si  multipliés  p;irmi  nous  que 
l'un  peut  toujours  suppléer  à  l'aulie. 

CATÉCHUMÉNAT,  CATÉCHUMÈNE.  Un 
catéchumène  est  une  personne  qui  désire  de 
recevoir  le  baptême,  et  qui  se  fait  instruire 
dans  ce  dessein.  Dans  l'Eglise  primitive,  cela 
se  faisait  avec  beaucoup  de  précaution  et 
avec  cérémonie. 

«  Celui  qui  était  jugé  capable  de  devenir 
chrélicn,  dit  M.  Fleury,  était  fait  caléchumi'ne 
par  l'imposition  des  mains.  L'évêque  ou  le 
prêtre  le  marquait  au  front  du  signe  de  la 
crois,  en  priant  Dieu  qu'il  profilât  des  in- 
structions qu'il  allait  recevoir,  et  qu'il  se 
rendit  digne  de  parvenir  au  saint  biiptéme. 
Il  assistait  aux  sermons  publics  ,  auxiiuels 
les  infidèles  même  étaient  admis.  Le  temps 
du  catéchuménat  élaitordiiiairement  de  deux 
ans,  mais  on  le  prolongeait  ou  on  l'abrégeait 
suivant  les  progrès  et  les  dispositions  du  caté- 
chumène. On  ne  regardait  pas  seulement  s'il 
apprenait  la  doctrine,  mais  s'il  corrigeait  ses 
mœurs,  et  on  le  laissait  en  cet  état  jusqu'à 
ce  qu'il  fût  entièrement  converti.  »  (  Mœurs 
desChrét.,  tit.  2.) 

Les  catéchumèn/'s  étaient  distingués  des  G- 
dèles,  non-seulement  par  le  nom  qu'ils  por- 
taient, mais  par  la  place  qu'ils  occupaient 
dans  l'église.  Ils  étaient  avec  les  pénitents, 
sous  le  portique  ou  dans  la  galerie  intérieure 
de  la  basilique.  On  ne  leur  permettait  point 
d'assister  à  la  célébration  des  saints  mystères, 
mais  immédiatement  après  l'évangile  et  l'ins- 
truction, le  diacre  leur  criait  à  haute  voix  : 
lie,  catechumeni  :missa  est  :  rcX\rcz-\oiiii,  caté- 
rhumènes,  on  vous  ordonne  de  sortir.  Cette 
partie inèmede  lamesscs'iippelait  la  messedes 
catéchumènes.  Il  parait,  par  un  canon  du  con- 
cile d'Orange, qu'on  ne  leur  permettait  pas  de 
faire  la  prière  avec  les  fiilèlos;  on  leur  donnait 
du  pain  bénit,  nommé  par  cette  raison  le  pain 
des  cntéchuiiii'i)cs,  comme  un  symbole  de  la 
communion  à  laquelle  ils  pourraient  un  jour 
être  admis. 

II  y  ;ivait  plusieurs  ordres  ou  degrés  de 
catéchumènes;  mais  lenomhroet  li  ilislinction 
de  ces  ordres  n'ont  p.is  été  constants  ni  les 
mêmes  partout.  Les  auteurs  grecs  en  dislin- 


gnent  deux  classes,  l'une  de  catéchumènes  im- 
parfaits, l'autre  de  parfaits  ou  capables  d'être 
admis  au  baptême  ;  ils  nomment  les  prerniers 
écoutants, oudi>n<fs,  \e<  second-, asenouil  (^s, 
genufleclenie-  ;  ils  disent  que  ce«  derniers  hs- 
sist;iient  aux  prières  et  llécliissaient  les  ge- 
noux avic  les  fidèles,  m  lis  que  les  premiers 
ne  restaient  dans  l'église  que  pour  assister 
à  la  lecture  de  l'évangile  et  au  sermon.  — 
Le  cardinal  Bona  en  dislingue  quatre  degrés, 
les  éioutams,  les  agenouillés,  les  compétents, 
et  les  élus,  andientes,  genuflectente.i,  compé- 
tentes, electi.  M.  Fleury  n'en  connaît  que 
deux,  les  auditeurs  et  les  compétents  ;  d'au- 
tres les  réduisent  à  trois  :  preuve  que  cette 
discipline  n'était  pas  conforme. 

On  recevait  les  calrchumènes  par  l'imposi- 
tion des  mains  et  par  le  signe  de  la  croix  ; 
dans  plusieurs  églises  on  y  joignait  les  esor- 
cismes,  les  cérémonies  de  sou/fler  sur  le  vi- 
s;Lge  ;  d'apfiliquer  de  la  salive  aux  oreilles 
et  aux  narines,  de  faire  une  onction  sur  la 
poitrine  et  sur  les  épaules,  de  mettre  du  sel 
dans  la  bouche.  Ces  cérémonies,  dont  le  sens 
est  expliqué  dans  nos  catéchismes,  sont  encore 
observées  aujourd'hui  dans  l'administration 
du  baptême,  même  pour  les  enfants  ;  autrefois 
elles  le  précédaient  de  quelques  jours,  lors- 
qu'on ne  baptisait  qu'aux  fêtes  solennelles. 
Selon  Tertullien,  on  donnait  aussi  du  lait  et 
du  miel  aux  catéchumènes  avant  de  les  bap- 
tiser, symbole  de  leur  renaissance  en  Jésus- 
Christ,  et  de  leur  enfance  dans  la  foi  ;  c'est 
dans  ce  sens  que  saint  Augustin  a  nommé 
sacrement  ou  mystère  cette  cérémonie  ;  on  la 
nomrnait  aussi  le  Scrutin.  Voy.  ce  mot. 

On  a  fait  observer  le  catéchuménat  dans  k'S 
Eglises  de  l'Orient  et  de  l'Occident,  aussi 
longtemps  qu'il  y  a  eu  des  infidèles  à  con- 
vertir, par  conséquent  dans  l'Occident  jus- 
qu'au viii«  siècle.  Dans  la  suite  on  n'a 
plus  observé  cette  discipline  aussi  exacie- 
menl  à  l'égard  des  .idultes  qui  demandaient 
le  baptême,  parce  que  l'on  n'avait  plus  les 
mêmes  dangers  à  craindre  que  dans  les  siè- 
cles précédents.  —  Mais  il  n'est  pas  inutile 
d'en  conserver  la  mémoire  ;  il  en  résulte 
non-setilemenl  que  l'on  a  toujours  eu  grand 
soin  d'instruire  ceux  qui  voulaient  embras- 
ser le  christianisme,  mais  que  l'on  a  toujours 
craint  iju'après  avoir  été  baptisés  ils  ne  dés- 
honorassent par  une  une  vie  païenne  la  sain- 
teté de  notre  religion.  C'est  une  preuve  de 
plus  puur  réfuter  les  incrédules  anciens  on 
modernes,  qui  ont  osé  dire  que  les  premiers 
fidèles  étaient  un  amas  d'ignorants  ou  d'hom- 
mes flélrls  par  de  mauv;iises  mœurs. 

Le  catéchuménat  était  donc  une  épreuve  et 
une  précaution  que  l'on  avait  jugée  néces- 
saire pour  ne  point  admettre  dans  la  soiiélé 
chrétienne  de  sujets  mal  instruits,  vicieux, 
mal  affermis,  capables  d'abandonner  leur  foi 
et  de  la  renier  au  moindre  péril  ;  peut-ôiro 
de  calomnier  l'Eglise  auprès  des  persécu- 
teurs. La  durée  de  celte  épreuve  ne  fut 
pas  la  même  dans  lous  les  temps  ni  dans  tous 
les  lieux  ;  le  concile  d'Klvire,  en  Espagne, 
tenu  vers  l'an  aOI>,  décida  qu'elle  durerait 
deux  ans  ;  Justinicu  ordonna  la  même  cliusv 


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pour  les  juifs  qui  voudraient  se  convertir. 
Le  concile  d'Aide,  l'an  50R,  n'exige  pour 
eux  que  huit  mois  d'instruction.  Les  consli- 
lutions  aposioli(|ues,  plus  anciennes  que  ce 
concile,  avaient  demandé  trois  ans  de  pré- 
paration avant  de  recevoir  le  baptême,  liv. 
VIII,  c.  3-2.  Quelques-uns  ont  cru  que  le  temps 
du  carême  sufCsail.  Dans  des  circonstances 
pressantes  on  abrégeait  encore  ce  terme.  So- 
crale,  parlant  de  la  conversion  des  Bourgui- 
gnons, dit  qu'un  évcque  dos  Gaules  se  con- 
tenta de  les  instruire  pendant  srpl  jours.  Si 
un  catéchumène  se  trouvait  subitement  en  dan- 
ger de  mort,  un  le  baptisait  sur-le-champ.  En 
général,  on  laissait  à  la  pruilence  des  évêques 
de  prolonger  ou  d'abréger  le  temps  de  l'ins- 
truction et  des  épreuves,  selon  le  besoin  et  les 
dispositions  qu'ils  voyaient  dans  les  catéchu- 
mènes, (liingham, Ony.  ecclés.,  t.  IV,l.x,c.l, 
§  5;  Morin,  de  Pœnit.  ;  Laiibépiiie,  Obsena- 
tions  sur  les  anciens  l'ites  de  l' Eglise  ;  Fleury, 
Mœurs  des  chrétiens  et  Histoire  ccclcsiast.; 
Ane,  Siicram.,  ii'  part.,  t.  III,  p.  2,  etc.) 

CATHAUES,  du  grec  yKexf.i;,pur;  nom  que 
se  sont  attribué  plusieurs  sectes  d'hérétiques, 
surtout  les  a|>oiacli(|ues  ou  renonçants,  qui 
étaient  une  branche  des  encraliies.  Quelques 
montanisles  se  parèrent  ensuite  du  nom  de 
cathares,  pour  témoigner  qu'ils  n'avaient 
point  de  part  au  crime  de  ceux  qui  niaient 
la  foi  dans  les  tourments;  qu'au  contraire  ils 
refusaient  de  les  recevoir  à  pénitence  :  sévé- 
rité injuste  et  outrée.  Pour  la  justifier,  ils 
niaient  que  l'Eglise  eût  le  pouvoir  de  remet- 
tre les  péchés;  ils  porlaiini  des  robes  blan- 
ches, pour  montrer, disaient-ils,  par  leur  ha- 
bit, la  pureté  de  leur  conscience.  No  va  tien,  pré- 
venu de  la  même  erreur  que  les  montanistes, 
donna  aussi  le  même  nom  à  sa  secte,  et  quel- 
ques anciens  ne  la  nomment  pas  autrement. 

Par  ironie,  l'on  a  nommé  cathares  différen- 
tes sectes  d'héréiiques  qui  firent  du  bruit 
dans  le  xii*  sièrie;  les  albigeois,  les  vaudois, 
les  patarins,  les  coteieaux  et  autres,  descen- 
dants des  henriciens,  de  Marsille,  de  Ten- 
dètue,  etc.  Ils  furent  coiLdamms  dans  le 
III*  concile  de  Lalran,  tenu  l'an  1179,  sous 
Alexandre  111.  Les  puritains  d'Angleterre  se 
sont  enfin  décorés  ilu  même  litre. 

C'est  ordinairement  sous  un  masque  de 
réforme  et  de  venu  que  les  hérésiarques  ont 
séduit  les  s  mples  et  se  sont  fait  des  parti- 
sans ;  mais  une  afferlaiion  de  ré;;ulariié,  qui 
a  pour  base  l'espril  de  révolte  eli'opiniàtreté, 
n'est  pas  ordinairement  de  longue  durée; 
souvent  ce  n'est  qu'un  voile  pour  cacher  de 
véritables  désordres  ;  les  novaieurs,  devenus 
les  maîtres,  ne  sont  plus  les  mêmes  que  lors- 
qu'ils étaient  encore  faibles.  Tint  d'exemples 
de  cette  hypocrisie,  qui  se  sont  renouvelés 
depuis  la  naissance  de  1  Eglise,  auraient  dû 
détromper  les  peuples  ;  mais  ils  sont  toujours 
prêts  à  se  laisser  prendre  au  même  piège. 

CATHARISTES  ou  purilicateurs,  secte  de 
manichéens,  sur  laquelle  les  autres  rejetaient 
les  ordures  et  les  impiétés  qui  se  comoiet- 
taient  dans  la  prétendue  consécration  de  leur 
eucharistie.  (Saiul  Augustin,  Hœr.  VG  ;  saint 
Léou,  Epis  t.  8.) 


»  CATHEDRA  (Ex).  On  désigne  parcelle  expres- 
sion les  actes  du  souverain  pontire  agissant  cumiiie 
cher  de  l'Kglise. 

«  Le  pape,  dit  Grégoire  XVI  (Triomphe  du  Saint- 
Siéye),  peiii  parler  comme  chel'de  ^Egli^e  el  comme 
docteur  privé  ;  celle  distinclion  n'a  rien  de  conlr,iire 
à  la  primaulé.  Pour  éviter  de  coiilondre  ces  deux 
qualités  el  parer  aux  désordres  que  celle  confusion 
pinirrait  occasionner  dans  l'Eglise,  il  raulqii'il  y  ail 
des  iiutes  claires  ei  non  douteuses,  auxquelles  un 
puisse  reconnaîire  les  cas  où  le  pape  prononce  so- 
lenncllerninl,  c'est-à-dire  ex  catlte(lra,el  ceux  où 
ses  décisions  n'onl  pas  Ci;  caractère.  L'existence  de 
ces  notes  est  démontrée  loiil  à  la  fois  el  pir  la  réa- 
lilé  de  la  disiinciiou  que  nous  venons  d'élablir,  et 
par  la  certitude  du  désnrdre  que  leur  défam  orca- 
sionnerail  inévilableiiient  dans  l'Eglise,  désordre  es- 
senliellenienl  oppnsé  à  la  lin  pour  laquelle  la  pri- 
mauté a  été  établie.  Ur  ces  noies  sont  ou  intrinsè- 
ques, ou  exlriiisé  |ues;  les  unes  sont  propres  aux 
déliiiilions  mêmes,  les  autres  dépendent  de  la  cou- 
liinie  de  l'Eglise.  Parmi  les  premières ,  voici  les 
principales,  qui  ne  sont  que  des  conséquences  né- 
cessaires de  la  nature  et  de  la  lin  de  la  primaulé  : 
1"  Pierre  a  élé  établi  par  Jcsus-Cbrisl  clief  de  son 
Eglise,  pour  conserver  l'nnilé  de  la  foi  ;  donc  le 
poini  délini  par  le  pape  doii  appartenir  à  la  foi  ;  '^°  le 
pape  délinil  un  point  de  foi  pour  tracer  aux  fidèles  la 
règle  infaillible  de  leur  croyance  el  ne  plus  leur 
laisser  ni  doute,  ni  perplexiié  ,  ni  inquiétude  ;  son 
jugement  doit  donc  annoncer  que  ses  propres  pen- 
sées soni  elles-mènies  bien  fixées  el  arrêtées  sur  ce 
point;  ")"  le  pape  est  le  prince  et  le  chef  de  toute 
l'église,  el  la  foi  est  d'un  intérêt  nniversei  pour  elle; 
lors  donc  que  le  pape  décide  comme  chef,  il  doit 
faire  connailre  sa  décision  à  ^R^;li^e;  4°  il  doit  donc, 
dans  cette  décision,  parler  à  l'Eglise,  el  par  consé- 
quent l'adresser  à  l'Eglise  elle-même;  5*  le  souve- 
rain pontife  délinissam  exerce  l'office  de  juge  :  c'est 
en  cette  qualiié  qu'il  détermine  l'objet  de  foi  et  qu'il 
commande  à  la  volonté  d'y  soumettre  rinlelleci,  et 
non  comme  un  simple  ibéoiogien  ,  dont  l'office  est 
uniquement  de  convaincre  la  raison;  il  faut  donc  que 
les  termes  dans  lesquels  la  définition  est  conçue 
montrent  dans  le  pape  rinienlion  de  commander  ab- 
solument el  en  venu  de  sa  suprême  autorité  l'acte  de 
foi  sur  cet  article  déterminé.  Cependant,  pour  juger 
si  le  pape  prononce  comme  juge  ou  s'il  parle  comme 
lbéoli);;ien,  il  ne  faut  pas  seulenent  considérer  la 
n  ilure  et  la  quailé  de  l'objet  dont  il  est  question  ; 
cela  dépend  encore  de  sa  volonlé  :  il  y  a  donc  cer- 
taines lornuiles  établies  el  déterminée^  par  un  usage 
constant  de  l'Eglise  el  des  papes,  pour  faire  connai- 
lre d'une  manière  précise  à  loule  la  cbrélienlé  les 
ju'^emenls  suprêmes  el.  définitifs,  el  la  peine  coiisé- 
quemment  encourue  par  les  réhactaires  ;  si  le  pape 
omet  cette  funnule,  sans  indiquer  suflisauimenl  que, 
malgré  celle  omission,  il  entend  el  veut  détioir  en  sa 
qualité  de  soiiveraiu  pontife  et  de  juge  de  la  foi,  il 
faut  en  conclure  qu'il  n'a  pas  prononcé  son  juge- 
ment en  celte  (|ualité,  p.irce  qu'il  doit  s'accomm<ider 
à  rinlelligfuce  universelle.  La  principale  de  ces  for- 
malités consiste  à  qualifier  d'béiéiique  la  doctrine 
coiilraire,  ou  à  Inlniiner  l'analhème  contre  ceux  qui 
la  prolésseraient  dans  la  suite.  On  ne  devra  donc 
pas  legar.ler  comme  iléfiiiitifs  les  jiigenienls  du  pape 
où  ne  se  Inuive  pas  celle  formule  on  quelque  chose 
d'équivalent,  ni  croire  qu'il  ail  entendu  et  voulu,  en 
les  lendant ,  exercer  sa  primaulé  d'aulorilé.  Au 
reste,  cette  dernière  note  est  purement  exlrinséque.  » 

CA  THÉURALE,  église  épiscopale  d'un  dio- 
cèse ;  ce  nom  a  élé  lire  du  mol  cathedra,  sié^e 
d'un  évéque.  Dès  l'origine  de  l'Eglise,  pen- 
danl  la  célébration  des  saints  inysières,  l'é- 
véque  présidait  au  presbi/iêre  ou  à  l'assem- 
blée des  prêtres  ;  il  était  assis  sur  une  espèce 
de  trône  ou  de  siège  plus  élevé  que  les  leurs; 


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c'est  ainsi  qae  saint  Jean,  dans  l'Apocalypse, 
représente  une  assemblée  ciirolienne  (iv,  2). 
De  là  est  venu  l'usage  de  désigner  la  dignité 
d'un  évéque  par  le  nom  de  cliairc.  ou  de 
siège,  cathedra;  àe  célél)rer  même  les  fêtes 
de  la  chaire  de  ^aint  Pierre  à  Antioche  et  à 
Rome;  d'appeler  église  cathédnde,  l'église 
00  l'assemblée  principale  à  laquelle  l'évêque 
préside. 

Mais  ce  nom,  employé  pour  désigner  un 
édifice  ou  un  lemple  i!ans  lequel  un  cvéque 
célèbre  ordinairement,  n'est  pas  fort  ancifu; 
il  n'a  été  usité  en  ce  sons  que  dans  l'Occi- 
dent, et  depuis  le  x'^  sièile.  (Ju(>iq.ue  It'S  cliré- 
liensaient  eu  la  libcrtéde  bâtirciuclqucs  lieux 
d'assemblée  dès  la  fin  du  iir,  sous  le  règne 
de  Dioclélien,  il  parait  que  l'on  commença 
seulement  à  bâtir  de  grandes  églises  sous 
Constantin,  lorsqu'il  eut  permis  le  libre  exer- 
cice du  christianisme  ;  et  dans  tout  l'Orient 
ces  églises,  dans  lesquelles  l'évéciue  célébrait, 
étaient  appelées  la  grande  église,  l'église 
épiscopale,  l'église  de  la  ville,  ou  simplement 
l'église;  et  l'on  nommait  liasiliques  les  églises 
pariiculières  érigées  à  l'honneur  des  mar- 
tyrs ou  d'autres  saints. 

Plusieurs  autres  espagnols,  qui  ont  écrit 
sur  l'antiquité  de  leurs  églises  cathédrales, 
ont  prétendu  qu'il  y  en  a  eu  qui  dataient  du 
temps  des  apôtres  ;  mais  cette  prétention  n'est 
fondée  sur  anrune  preuve  solide. 

CAÏHOLIODE  ;  ce  terme  dérivé  du  grec 
x«9o>ou,  partout,  signifie  universel.  L'Eglise 
est  nommée  catholique,  non-seulement  pour 
marquer  qu'elle  est  répandue  par  toute  la 
terre,  chez  toutes  les  nations,  mais  pour  ex- 
primer la  profession  qu'elle  fait  de  croire  et 
d'enseigner  partout  la  même  doctrine,  de 
prendre  pour  règle  de  sa  foi  ['universalité  de 
croyance,  qui  est  suivie  dans  toutes  les  so- 
Ciéiés  particulières  dont  elle  est  composée. 
Tel  est  le  caradère  qui  distingue  la  véritable 
Eglise  de  Jésus-Christ  d'avec  les  sectes  qui  se 
sont  séparées  d'elle. 

C'est  l'idée  qu'en  donnait  saint  Irénée  dès 
la  fin  du  ir  siècle.  «  L'Eglise,  dit-il,  quoique 
dispersée  par  tout  le  monde,  conserve  avec  le 
plus  grand  soin  la  foi  et  la  iloctrine  (ju'elle  a 
reçues  des  apôtres  et  de  leurs  disciples. Sem- 
blable à  une  seule  famille  qui  n'a  qu'un 
cœur,  qu'une  âme,  qu'une  même  voix,  elle 
croit,  (Miseigne  et  prêche  partout  de  même, 
d'un  consentement  unanime.  Malgré  la  dis- 
tance des  lieux  et  la  diversité  des  langues, 
la  tradition  est  uniforme  partout,  etc.  »  [Adv. 
flwr. ,hy.  I,  c.  10,  n.  1  et  2.)  Saint  Augustin 
n'a  fait  (]ue  copier  celte  notion,  en  écrivant 
conire  lesdonalislcs  {De  Unit.  Hccles.,  n  jiiU; 
Tract.  3  in  F.pisl.  Joan.).  TertuUien  et  saint 
Cyprien  s'en  étaient  servis  avant  lui  pour 
réfuter  les  hérétiques.  Tel  est  aussi  le  sens 
que  M.Hossuel  donne  au  mol  catholique  (Pre- 
mière Inst.  past.  sur  les  promesses  de  l' Eglise, 
n.  29). 

Quelques  auteurs  ont  prétendu  que  Théo- 
dose le  Grand  élait  le  premier  auteur  de 
celte  l'énumination,  qu'il  y  av.it  donné  lieu 
en  ordonnant,  par  un  edit,  que  le  titre  de  ca- 
tholique (ùt.n{\.r\h\ià  [>ir  prélercnceaux  Egli- 


ses qui  suivaient  les  dérisions  du  concile  tie 
Nicée.  Vossius  pense  que  ce  mot  n'a  été  mis 
dans  le  symbole  qu'au  m"  siècle.  .Mais  ces 
deux  opini  ns  sont  insoutenables.  Dans  la 
lettre  des  fidè  es  de  Smyrne  louchant  le  mar- 
tyre de  saint  Polycarpe,  qui  est  de  l'an  16'J, 
il  est  parlé  de  l'Église  calhilique;  dans  Eu- 
sébe,  liv.  iT,  c.  15.  Valois,  d.ins  .«es  noies  sur 
ï'flisl.  ecf/('s.  d'Ei:sèbe,  liv.viii,  observe  que 
le  nora  de  catholique  a  été  donné  à  l'Eglise 
dès  le  temps  le  plus  voisin  des  apôtres,  pour 
la  dislingner  de>  sociétés  hérétiques  qui  s'é- 
taient séparées  d'elle.  En  effet,  saint  Ignace, 
plus  ancien  que  saini  Polycarpe,  a  dit,  dans 
sa  lettre  aux  fidèles  de  Smyrne  ,  n*  8  :  «  Où 
est  Jésus  Christ,  là  se  trouve  l'Eglise  catho- 
lique. »  Au  conirjiencenient  du  n'  siècle  , 
Gel>e  nommait  déjà  l'Eglise  catholique  la 
granile  Eglise  ,  pour  la  dislinguer  des  sectes 
hérétiques.  (Orig.*,  contre  CeUe ,  1.  v,  n-SO). 
Saint  Cyrille  et  saint  Augustin  observent 
(jue  les  hérétiques  mêmes  et  les  schismati- 
ques  donnaient  ce  nom  à  la  véritable  Eglise 
dont  ils  s'étaient  séparés  ,  et  les  orthodoxes 
la  désignaient  par  le  nom  de  catholique  tout 
seul,  catholica.  —  En  effet,  aucune  secte  hé- 
rétique n'a  jamais  voulu  s'astreindre  à  pro- 
fesser la  doctrine  catholique  ou  universelle  , 
la  doctrine  uniformément  enseignée  par  tou- 
tes les  sociétés  particulières  qui  composent 
la  grande  Eglise.  Loin  de  se  soumettre  à 
celle  condition  comniune  comme  à  une  rè- 
gle de  foi  ,  elles  ont  toujours  fait  un  crime 
de  celle  méthode  à  l'Iîglise  romaine;  hérésie 
et  catholicité  sont  deux  termes  contradic- 
toires :  le  premier  désigne  une  doctrine  dont 
on  a  fait  un  choix  particulier;  le  second, 
une  doctrine  professée  partout.  (  Bossuet , 
première  Instruction  pastorale  sur  les  pro- 
messes de  l'Eglise,  n""  23,  29.)  —  Ainsi  , 
lorsque  nous  disons  dans  le  symbole  :  Je 
crois  la  sainte  Eglise  catholique ,  nous  en- 
tendons :  Je  crois  que  la  véritable  Eglise  de 
Jésus-C-hrist  est  celle  qui  fait  piofession  d'en- 
seigner la  doctrine  universellement  reçue  de- 
puis les  apôtres  dans  toutes  ses  sociétés  par- 
ticulières qui  forment  cette  grande  société. 
Ce  caractère  n'est  pas  difficile  à  discerner  ; 
l'Eglise  romaine  est  la  seule  qui  se  l'aliri- 
bu(!  ;  tontes  les  sectes  d'hérétiques,  loin  d'y 
prétendre,  le  lui  reprochent  connue  une  er- 
reur. Dans  l'articlet'Ariioi.ir.isMR,  nous  prou- 
vi-rons  (jne  ce  caractère  est  essentiel  à  la  re- 
ligion de  Jésus-Christ,  et  IJossuet  l'a  démon- 
tré [Ibid.). 

Nous  ne  savons  pas  ce  que  peut  entendre 
un  protestant,  lorsqu'il  dit ,  en  récitant  le 
s\  mliolc  des  apôtres:  Je  crois  la  sainte  Eglise 
catholique,  ni  en  quel  sens  il  peul  at'riliuer 
ce  litre  à  la  société  particulière  dont  il  est 
membre.  Cette  société  n'est  ni  la  [dus  éten- 
due de  toutes  les  communions  chrétiennes  , 
ni  la  plus  ancienne;  elle  n'a  aucune  relation 
ni  avec  l'Eglise  grecque  scliismatitiue  ,  ni 
avec  aucune  des  autres  Eglises  orientales  ; 
toutes  ces  sociétés  s'accordent  avet  lEgliso 
catholique  à  condamner  les  protestants. 

.M.Hossuet  observe  très-bien  que  (luanil 
ou  dit:  Je  crois  la  sainte  Eglise  calholit^iic^ 


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cela  nesignifie  pas  seuleniL'nt.je  crois  q\i  elle 
existe,  mais  je  crois  ce  qu'elle  croit  ;  autre- 
iiKMil  ce  ne  sérail  plus  croire  qu'elle  est, 
puisque  le  fonil,  et  pour  ainsi  dire  la  subs- 
tance de  son  êire,  est  la  foi  qu'elle  déclare 
à  tout  l'univers.  [Esprit  de  Leibni{zAoin.  II, 
pag.  101). 

On  nous  fait  ccp(  ndant  une  objection.  Au 
iv  siècle  ,  lorsi|ne  les  ariens  se  prévalaient 
de  leur  grand  nombre,  les  Pères  leur  ont  ré- 
pondu (|ue  la  uiiiltituile  des  errants  ne 
prouve  rien.  Au  v,  les  catholiques  repro- 
chèrent aux  nestoriens  leur  petit  nombre, 
cl  ces  héréti(jues,  à  leur  tour,  répétèrent  la 
réponse  que  l'on  avait  donnée  aux  ariens. 
Il  eu  lut  de  même  des  eutycliiens.  Ces  sectes 
sont-elles  devenues  plus  catholiques  en  de- 
venant plus  étendues? 

Réponse.  Non,  sans  doule  ;  mais  ,  1"  il  est 
faux  que  les  ariiMis  aient  jamais  été  en  plus 
grand  nombre  <iue  les  calholiques.  "2"  Il  n'y 
a  jamais  eu  entre  eux  aucune  unité  ,  puis- 
qu'ils n'ont  jamais  pu  convenir  d'une  même 
profession  de  loi.  3°  Us  n'ont  jamais  voulu 
prendre  pour  règle  le  consentement  univer- 
sel el  runiliirmiiè  de  croyance.  En  quel  sens 
pouvaient-ils  s'altiibuer  la  catholicité?  Nous 
convenons  ijue  l'étendue  dune  secte  et  la 
multitude  de  ses  partisans,  considérée  abso- 
lument ,  ne  prouve  rien  ,  puisqu'elle  a  tou- 
jours commencé  par  un  i)etil  nombre  ;  mais 
puisque  cnlin  Jésus-t^iirisl  a  promis  à  son 
liglisc  de  lui  réunir  toutes  les  nations,  il  est 
absurde  île  vouloir  que  leschisint-  d'une  par- 
tic  de  ses  membres  l'emporte  sur  le  corps 
entier. 

Les  patriarches  ou  primats  dOrient  ont 
pris  le  titre  de  calholiques  ;  on  disait  le  ca- 
/Ao/j(/«e  d'Arménie,  pour  désigner  le  primai 
ou  le  principal  évcque  d'Arménie  ,  titre  à 
peu  près  semblable  à  celui  il'wcume'nique 
qu'avaient  pris  les  palriarclies  de  Constauti- 
nople.  il  parait  ceptiidant  que  le  titre  de  ca- 
tholique était  moindre  que  celui  de  patriar- 
che ;  Ivs  nesiorlens  ,  obligés  de  se  réfugier 
dans  la  Perse ,  nommèrent  leur  principal 
évêque  catholique  ;  iis  n'usèrent  pas  l'appe- 
ler patriarche ,  quoique  Neslorius  l'eiîl  été 
de  Constaniinople.  Ce  nouveau  tilre  ne  fut 
institué  que  sous  Juslinicn  au  vi"  siècle. 
Voy.  Kenaudot ,  Di^sert.  sur  le  patriarche 
d' Alexandrie .  n"  'i-. 

CATHOLICITÉ  ,  universalité,  extension  à 
tous  les  lieux,  à  loiis  les  temps,  à  toutes  les 
personnes.  La  catholicité  d'une  doctrine 
consiste  eu  ce  qu'elle  a  été  la  même  depuis 
les  apôtres  jusqu'à  nous,  dans  toutes  les  so- 
ciétés chrétiennes  qu'ils  ont  fondées  ,  dans 
tous  les  siècles,  dans  le  corps  des  pasteurs 
comme  dans  celui  des  fidèles.  La  calliolicilé 
de  l'Kglise  est  la  professioi\  qu'elle  lait  do 
regarder  cette  uniformité  générale  et  cons- 
tante comme  un  signe  infaillible  de  véril  ■. 
La  catholicité  d'un  fidèle  csl  sa  soumission 
à  celte  iiiélhude  d'euseigaemenl  (1). 

(4)  «  I,;i  eaiholicité  de  l'Eglise,  dit  M.  de  la 
Liixerue,  est  son  iiiiivcts.Tlité.  l'Iiisieiirs  saints  Pi;res, 
trailau  de  lu  calliolicilé,  dislinguent  uau  iiiple  uui- 


Si  par  la  catholicité  do  l'Kglise  on  enlen- 
dail  seulement  son  étendue  dans  toutes  les 
parties  du  monde  ,  il  serait  impossible  à  iia 
Cdèle  ignorant  de  savoir  certaiuemeril  qu'il 

versalité  :  iiniversalité  de  temps,  en  ce  (|iie  l'Eglise  a 
iDiijdiiis  sut)sisié  ei  (|u'elle  subsistera  toujours  jus- 
(juà  la  lin  lies  sièries  ;  universalité  de  doclrini' ,  en 
ce  <]ije  l'E^lisi!  eMseis;ne  toutes  les  vérités  ipie  Jésiis- 
('.ll^i^t  a  apiinriées  à  la  terre;  universalité  de  lieux, 
en  ce  que  l'Eglise  est  répandue  par  tout  te  monde... 
C^'est  de  celte  troisiènie  esiièce  d'universalité  qu'il 
s'ai;il  ici.... 

«  Il  y  a  plusieurs  disliiiriions  à  faire  sur  Piiniver- 
saliié  ou  calliolieilé  de  l'fglise.  Nous  distinguons 
d'abord  l'nniveisalilé  physique  el  l'uiùversalité  mo- 
rale. La  première  est  celle  qui  comprenil  tous  les 
pays  tie  la  terre  sans  exception  ;  la  seconde,  (elle 
<|ni  s"élend  dans  la  pins  granité  partie  des  régions 
connues.  Ce  n'est  que  de  celle  secomle  qu'il  est 
(pieslion  ici.  C'est  l'établissement  de  notre  Eglise 
d.ins  la  pins  grunile  partie  îles  régions  connues,  qui 
lonne,  selon  nous,  sa  catliolicité,  et  qui  est  une 
preuve  de  sa  divine  origine.  Nous  ne  croyons  pas 
iniii  plus,  et  en  ce  point  lions  suivons  la  dOc  Iriiie  de 
saint  Augustin,  qu'il  soit  nécessaire  à  la  catholcKé 
de  l'Eglise  que  la  totalité  des  liabitaïus  des  pays  où 
elle  a  été  intioduite  s'y  soit  suniiiise.  Il  sulTii  ([u'il  y 
ait  dans  ces  régions  un  nondjrc  nolalile  de  catlioli- 
ques,  pour  qu'elles  fassent  partie  de  la  catholicité. 
(Saint  Augustin  contra  Lrescon.,  lib.  iv,  c.  01 ,  7i.  ) 
D'après  celte  observation,  il  est  nécessaire  d'entendre 
les  oracles  sai  rés  qui  anuoncenl  la  diffusion  de  l'E- 
glise sur  tonte  la  terre  dans  un  sens  moral  ;  et  ceite 
interprélation  est  conl'onne  à  la  inan  ère  nrdinairo 
de  s'exprimer  des  auteurs  sacrés.  Ainsi  nous 
liions  dans  Jérémie  que  tous  les  royaumes  de 
la  terre  étaient  sous  la  puissance  de  Naliuclicdonosor 
(xxxiv,  1  );  daasDaniel ,  iiue  le  iioisiéme  royaume, 
qui  devait  être  celui  d'Alexandre,  coinniaiideraii  à 
loute  la  terre  (xi,  50);  dans  saint  Luc,  qu'il  lut 
publié  un  édil  de  l'empereur  Auguste,  pour  faire  le 
déiiombreiuent  de  tout  l'univers  (  xi,  1)  ;  dans  saint 
Paul,  que  la  toi  de  l'Eglise  de  Koine  est  célèbre 
dans  tout  le  monde  (Rom.  l,  8). 

I  Une  autre  disiiiiction  essentielle  à  faire  est 
entre  l'universalité  successive  et  l'universalité  ac- 
lurlle.  Nous  croyons  que  l'Eglise  de  Jésus-Christ 
doit  avoir  successivement  la  caibolieité  physique 
et  totale;  c'est-à-dire  que,  dans  tout  le  cours  des 
siècles,  il  n'y  aura  pas  un  pays  habité  sur  la  terre 
où  la  vraie  lui  n'ait  été  annoncée,  el  où  Dieu  n'ait 
eu  ses  adorateurs  eu  vérité,  el  coiiforménienl  au 
culte  qu'il  a  prescrit.  C'est  ainsi  que  nmis  entenduiis 
l'oracle  de  Jésus-Chrisl  que  je  rapporterai  iocessam- 
luenl ,  SIM'  la  prédicaiiun  de  son  Évangile  dans  tout 
l'univers.  Mais  ce  n'est  pas  parmi  nmis  un  puini  de 
doctrine  certain  ,  une  l'Eglise  de  Jésiis-Clinst  doive 
être  dans  aucun  temps  physiquenieiil  el  iiiialeinent 
universelle,  eu  sorte  qu'il  n'y  ait  pins  sur  la  tcire 
que  des  cathi;|ii|ues.  JNous  ne  voyous  pas  que  ce 
genre  d'uiiivoisaiilé  lui  ail  été  promis  par  Jésns- 
Cbrisl.  Ce  peut  être  l'objet  do  nos  désirs,  même  de 
nus  espérantes,  mais  non  de  iiotre  Un.  Au  re  le  ,  la 
catiicdicilé  successivement  totale,  ipie  nous  regardons 
comme  de\aiit  être  une  qualité  de  la  vraie  Eglise, 
ne  peut  pas  être  piéseiilée  coiuiue  une  de  ses  notes, 
puisqu'elle  n'est  pas  actuellement  visible.  Ainsi  lO 
n'est  pas  de  celle-là  ipie  je  larlerai  ici,  je  ne  devinerai 
comiix  note  disliiiclive  de  l'Eglise  que  son  uuiver- 
saliié  actuelle  telle  que  nous  la  voyous,  telle  que  l'iait 
vue  .tons  les  âges  :  c'esi-à-dire ,  ie  le  répète,  sou 
universalité  morale. 

I  Re;;ardanl  la  catliolici-lé  comme  im  caractère 
acconlé  à  la  vérilable  ICgiise,  pour  la  discerner  des 
autres  coiiiiuuniuns  diiéiieiiucs,  nous  disliiijjuoiis 


705 


CAT 


CAT 


70A 


est  membre  de  l'Eglise  catholiqae.  Il  peut 
très-bien  ignorer  si  elle  est  plus  étendue 
qu'aucune  des  autres  secies  ;  mais  il  ne  peut 
pas  ignorer  que  l'Eglise  dont  il   est    mem- 

encore  sa  citlioticiié  absoiiie  et  sa  calliolicilé  rela- 
tive ;  c'esi-5-ilire,  la  difTusinn,  l'éleiiiliip,  de  l'Eglise 
de  Jésus-Chri^l  considérée  en  elle-même ,  et  son 
étendue,  sa  diffusion,  comparée  à  celle  des  secies 
séparées  d'elles.  Nous  pensons  que,  qu()ii|u'il  puisse 
y  avoir  des  pay>  on  la  vraie  foi  n'ait  pas  pénétré,  et 
même  qnelnues-uns  iionl  elle  soit  positivement  ban- 
nie, cependant  elle  est  et  elle  doit  être  en  tout  temps 
plus  ré|iandn>'  que  chacune  des  Eglises  fausses,  el 
que  celle  dl^'u^ion  plus  grinde  est  un  des  caracti  res 
auxquels  on  doit  la  reconnaître  et  la  distinguer 
d'elles.... 

f  D  après  ces  observations,  je  réduis  à  deux 
points  principaux  la  notion  de  la  catliolicilé  ,  consi- 
dérée comme  caracîére  de  l'Eglise  véritable.  Elle 
consiste  en  ce  que,  1°  l'Eglise  de  Jé^us-Clnist  soit 
répandue  aciuellemeiit  dans  la  plus  graiule  partie  des 
régions  connues;  2°  qu'elle  soit  consiaminent  plus 
répandue  que  chacune  des  communions  qui  la  com- 
battent. Telle  est  notre  doctrine.... 

<  Les  preuves  de  la  caiholiciié,  telle  que  nous 
l'entendons,  se  tirent  de  l'Ecriture,  que  les  protes- 
tants prétendent  être  la  règle  de  leur  loi,  et  des  Pères 
des  premiers  siècles,  dont  ils  reconnaissent  que  la 
doctrine  a  été  pure. 

«  Oans  l'Ancien  Testament  ,  la  propagation  de 
l'Eglise  de  Jé-ius-Christ  sur  toute  la  terre  est  prédite 
par  une  niultiiude  d'oracles  des  plus  claiis.  Je  me 
borne  à  en  rapporter  i|uelqiiis-uns. 

î  Les  proiestants  professent  comme  nous  que 
c'était  de  Jésus-Christ  et  de  sa  religion  que  Dieu 
disait  à  Ahraliaiii  :  Toutes  les  uaiioiis  de  la  terre 
seront  bénies  dans  votre  race  (  Gt'n.  xii,  3,  et  18; 
XXVI,  i;  xxwiii,  li).  Or,  ils  conviennent  aussi  avec 
nous  que  les  bénêdiclions  de  Dieu  ne  sont  que 
pour  ceux  qui  sont  dans  son  Eglise,  et  qu'il  ne  les 
accorde  point  aux  membres  d'Eglises  qu'il  réprouve. 
Toiiies  les  nations  doivent  doue,  selon  la  prophétie 
de  Dieu  même,  entrer  dans  son  Église, 

I  Les  protestants  appli(|uent  au>si,  du  même  que 
noits,  au  Messie,  ces  paroles  des  psaumes  :  Demandez- 
moi,  et  je  vous  donnerai  les  nations  pour  héritage,  et 

les  extrémités  delà  terre  pour  possession //  dominera 

d'une  mer  jusqu'à  l'autre,  et  du  fleuvi- jusqu'aux  bornes  de 
l'univers.  Tous  les  rois  de  la  terre  l'adoreront  ;  toutes  1rs 

nations  Itii  obéiront Tous  les  con/ins  de  la  terre  se 

convertiront  nu  Seiyneiir  ;  toutes  les  familles  des  nations 
seront  en  adoration  devant  lui.  (  P».  ii,  8;  lxxxi,  8,  "iS  ; 
XXI,  I  S),  l'eul-on  dire  que  les  Eglises  fausses,  qui  pro- 
les^ent  une  doctrine  contraire  à  celle  de  JésustJirist, 
soient  sa  possession  et  son  héritage,  tandis  qu'il  les  re- 
jette; qu'elles  lui  obéissent,  elles  qui  sont  en  révolie 
conire  lui  ;  qu'elles  se  coinerlissent  à  lui,  en  s'éloi- 
gnant  et  en  l'oOeMsant?  il  i.'y  a  que  la  vraie  Eglise  de 
Jésiis-Clirisldonl  toiiKela  peulètre  dit. C'est  ellequi 
est  son  royaume  sur  la  terre,  qui  obéit  à  ses  préceptes, 
qui  est  convertie  à  lui.  Or,  d'après  ces  prophéties, 
celte  Eglise  doit  comprendre  toutes  les  naiions,  se 
soumeire  tous  les  rois,  s'étendre  jusqu'aux  bornes 
de  l'univers. 

f  C'est  encore,  .selon  les  protestants,  Jésus-Christ 
qn'Isaïeavaitenvnc,  lorsque,  inspiré  de  l'Esprit-Saint, 
il  disait  :  Cest  peu  que  tu  sois  mon  serviteur,  pour  rn- 
niwer  les  tribus  de  Jacob  cl  convertir  In  lie  d'Israël: 
Voilà  que  je  l'ai  élnbli  lu  lumière  des  naiions,  pour  que 
lu  porta  le  salut  qui  vient  de  moi  jus(iu'au.i:  extiémiiéi 

de  la  terre Le  Seigneur  a  prépaie  son  saint  bras  aux 

ijcnx  de  loulei  les  nations  :  et  toutes  les  bornes  de  la 
terre  verrunt  le  salut  de  notre  Dieu  (  h.  xi.ix.  G;  i.ii, 
10).  Le  prophète  annomc  que  le  saint  doit  être  porté 
jus(junux  extrémités  de  la  terre;  donc,  d'après  ces 


bre  ,  lui  propose  pour  règle  de  foi  l'unifor- 
mité de  doctrine  entre  toutes  les  sociétés 
particulières  dont  elle  est  composée;  unifor- 
mité attestée  par  l'union  et  la  soumission  à 

oracles,  l'Eglise  dans  laquelle  seule  peut  se  trouver 
le  salut  doit  y  êire  étendue  :  or,  les  proiestanls  ad- 
nietlent  comme  nous  le  principe  qu'il  n'y  a  de  saint 
que  d;ins  la  véritable  Eglise  ;  donc  la  véritable  K-lise 
doit  s'étendre  jusqu'aux  confins  de  la  terre. 

I  Nous  lisons  dans  Malachie  une  célèbre  prophétie 
que  les  protestants  entendent  ainsi  que  nous  de  la 
religion  de  Jésus-Chnst.  Je  ne  mets  plus  en  vous  ma 
volonté ,  dit  le  Seigtieur  des  armées ,  et  je  ne  recevrai 
pins  de  dons  par  vos  mains  ;  car  du  levant  jusqu'au 
couchant,  mon  nom  est  glorifié  parmi  les  nations,  et 
dans  tous  les  lieux  on  offre  el  on  sacrifie  en  mon  nom 
une  offrande  pure  {\,  10,11).  C'est  du  levant  au 
coiicliaiit  que  doit  être  glurifié  le  nom  du  Seiirneur; 
c'est  dans  tous  les  lieux  que  doit  lui  Olre  présentée 
une  offrande  pure;  donc  son  Eglise  doit,  du  levant 
au  couchant,  s'étendre  en  tous  lieux  ;  car  je  n'ima- 
gine pas  qu'on  soutienne  que  Dieu  tienne  son  nom 
glorifié  par  les  Eglii-es  ennemies  de  la  foi,  et  qu'il 
accepte  comme  pures  les  offrandes  qu'elles  lui  font. 

«  Ces  prophéties  de  l'Ancien  T'e~iaiiient,  si  claires 
et  si  positives  en  elles-mêmes,  pour  annoncer  la 
future  dilTusion  de  l'Eglise  d.<ns  tontes  les  naiions, 
deviennent  plus  démonstratives  encore  par  l'applica- 
tion que  Jésus-Christ  en  a  faite  à  cet  objet,  ei  parce 
qu'il  a  déclaré  quec'est  dans  ce  sens  <iu'elles  doivent 
être  entendues.  Ce  ftit  dans  une  des  apparitions  qui 
suivirent  sa  résurrecliou,  et  que  lappu  te  saint  Luc, 
que,  iniintranl  à  ses  apôtres  l'accouiplissemenl  dans 
sa  personne  des  oracles  de  la  loi  de  Moïse ,  des  pro- 
phètes et  des  psaumes,  il  ajouta  :  Ainsi  il  a  été  écrit, 
el  ainsi  il  a  fallu  que  le  Clirisi  souffrit  et  ressutci  ùt  le 
troisième  jour  d'entre  les  morts,  et  qu'en  son  nom  la 
pénitence  el  la  rémission  des  péchés  fussent  prê.  liées 
dans  toutes  les  naiions.  en  commençant  par  J érnsalem 
(  Luc.  XXIV,  i'i,  45,  46,  47  ).  C'est  donc  Jésus-Clirist 
lui-iiiéine  qui  nous  apprend  i|ue,  si  nous  voyons  son 
Eglise  étendue  sur  toute  la  terie,  c'est  une  suite  des 
oracles  qui  l'avaient  annoncé;  c'est  lui-mêine  qui 
nous  fournit  contre  les  protestants  ce  raisonnement. 
S  in  Eglise  est  où  la  pincent  \e-:  prophètes,  et  où 
après  eux  il  la  place  lui-même,  dans  toutes  les  na- 
tions de  la  terre.  Doue  toute  Eglise  qui  i.'exisle  que 
dans  qiiel(|ues  naiions  n'est  pas  l'Eglise  de  Jésus- 
Christ. 

«  Le  Nouveau  Tcsiament  n'est  pas  moins  positif 
que  l'Ancien.  Outre  les  paroles  de  Jc>us-l^hrist  i|ue 
je  viens  de  rapporter  d'après  saint  Luc,  nous  le 
voyons  dire  à  ses  apôtres,  tantôt  :  Cet  Kraufiile  du 
royaume  sera  prêché  dans  tout  l'nnirers,  pour  servir  de 
témoignage  à  loules  les  nations  ;  et  alors  viendra  la 
consommniion;  tantôt  :  Toute  puissance  m'a  été  donnée 
dans  le  ciel  et  .sur  la  terre.  Allez  donc,  enseiinez  dans 
toutes  les  nations,  les  haplisnnt  nu  nom  du  Père,  et  du 
Fils,  et  du  Saint-Esprit;  leur  enseignant  à  observer 
tout  ce  que  je  vous  ai  commandé  ;  tanlôl  :  Allez  dans 
le  monde  entier  :  prêchez  l'Evangile  à  toute  créature  ; 
lantôl  ;  Vous  redvrez  la  vertu  de  l' Esprit-Saint  ijui 
descendra  sur  vous,  et  rons  me  servirez  de  témoins 
dans  Jérusalem,  dans  la  Judée,  dans  la  Samarie ,  et 
jusqu'aux  extrémités  de  la  terre  {  Mallh.  xxiv,  14; 
XXVIII,  IH,  lit,  20;  Marc.  \\\,  lô;  /le/,  i,  8).  D'après 
ces  passages,  réunissons  quelques  principes  qui 
porteront  jusqu'à  l'évidence  notre  dogme  de  la 
catholiciic. 

<  1°  Il  est  évidemment  prescrit  aux  apôtres,  dans 
ces  textes,  de  piocher  l'Evanjjile  il  toutes  les  nations 
du  inonde.  Celle  vérité  est  si  évidente  :\  la  seule  iiis- 
pcrtioii  des  paroles  du  Sauveur,  qu'il  serait  riilicule 
d'entreprendre  de  la  prouver.  "2"  En  ordonnant  à  ses 
apôtres  de  prêcher  sa  loi.u  toutes  les  nations,  Jésus- 


705 


CAT 


un  seul  chef,  qai  est  le  vicaire  de  Jésus- 
Ciiri.st.  C'est  ce  qu'un  Ccitholique  fait  profes- 
sion de  croire  en  récitant  le  symhole.  Pour 
être  convaincu  de  la  catholicité  de  l'Eglise  , 


CAT 


706 


il  lui  sufOt  de  l'être  de  sa  catholicité  fetson- 
nelle. 

L'étendue  de  l'Eglise  n'a   pas  existé  d'a- 
bord, eln'a  pas  toujours  été  la  même;  la  ca- 


\ 


Clirislleschargi>aitd'y  éiablirson  Eglise.  Celte  vérité 
est  la  coiisé  l'it-iice  imniédl.iie  de  la  piéeédeiite,  et 
est  ég;ilenieiu  cl;iire.  L'Kglisf  éiani  cinnposée  de  ceux 
qui  liinl  priilessioii  de  la  viaie  fui,  donner  ;iiix  ;ipd- 
ires  la  mission  de  planter  dans  tous  les  pays  la  vraie 
foi,  c'était  leur  ordonner  d'y  él.iblir  l'IJuiiso.  Ils  ne 
pouvaient  pas  faire  l'un  s:>ns  l'anlre.  3"  Les  apôtres 
ont  l'iinné  l'Eglise  comme  leur  divin  Maiire  leur  av:iii 
ordounë.  Jamais  les  proleslants  ne  les  ont  accusés 
d'avoir  niaïugué  à  ses  préceptes.  Ils  loni  prolessiou 
de  les  révérer  ciiinuie  de  saints  personnages.  Ils  leur 
attribuent  même  la  prcroi;Hlivi;  de  l'inrailiilùliié.  4° 
Les  apôires  ont  donc  fondé  l'Eglise  dans  tc.ules  les 
nations,  dn  moins  autant  ([u'ils  l'ont  pu  de  leur  vi- 
vant :  et  certes  ils  l'avaient  ct:iblie  <lans  un  très-giand 
nombre  de  contrées.  L'histoire  de  leur  préillcatiou  en 
est  la  preuve,  ^ons  lisons  d^ins  rEv;inK]le  de  saint 
Maie  qu'i/s  prêchèrent  purtoiu  (xxvi,  20).  Saint  Paul 
dit  aux  Kouiaïus  que  lui  et  >es  colléguis  oui  reçu  la 
grâce  de  l'upoitotat,  puitr  faire  obéir  à  la  fui  toutes  tes 
nations  au  nom  de  Jésus-Christ[i,  5)  ;  aux  Colossiens, 
que  ta  parole  véritable  de  l'Evangile  est  parvenue,  nau- 
neuliinenl  à  eux,  mais  dans  tout  le  monde  ;  (\uetle  y 
fructijie  et  y  croit  chaque  jour  ;  et  que  l'Evangile 
qu'ds  ont  entendu  a  été  prcciié  à  toute  créature  (|ui 
est  sous  le  ciel  (  i,  E,  tj,  to).  5°  La  véritable  Eglise 
est  celle  que  les  apôtres  ont  l'ondée  d'après  le  pié- 
cepte  de  leur  matirc.  Lis  protestants  ne  contesteront 
pas  non  plus  cette  vérité.  C°  Donc  la  vraie  Eglise  est 
celle  que  l'on  voit  universellement  étendue.  Je  ne 
coiiç<iis  pas  comment,  lorcés  de  convenir  de  toutes 
les  autres  propositions,  nos  adversaires  pourront  nier 
celle-là. 

«  Ain-i  nous  voyons  la  caiholicilé,  c'est-à-dire,  la 
diffusion  uni\erse.le  de  l'I'glise,  prédite  par  les  pro- 
plicties,  présente  par  JésnsChnst,  elîei  tuée  par  les 

apôtres.  Qae  taui-il  de  plus  prur  y  croiie? 

«  Ce  qui  couliriiie  notre  doctrine  sur  la  callndiciié, 
c'est  que  le  sens  que  nous  d'inniint  aux  passages  de 
l'Ecrilure  est  (ixé  par  la  manière  dont  les  ont  en- 
tendus les  l'éies  des  preuners  temps,  les  uns  disci- 
ples immédiats  ou  presque  iniinédiais  des  apôlres, 
les  auires,  diseip'es  de  ceux-là,  et  qui  oui  lleun  dans 
les  siècles  dont,  de  l'aveu  des  pi  otestaiits,  la  foi  était 
pure  et  la  doctrine  saine. 

I  Nous  ne  vuy'uis  pas  dans  le>  livres  saints  le  mot 
catholique  empoyé  :  mais  iiou»  le  tiouvons  appliqué 
à  l'I'.glise  de  Jésus-Chii^t  dès  le  temps  ipii  a  iniiiié- 
dialeiuent  sui\i  les  apônes.  Le  symbole  qui  pinte 
leur  nom  atteste  1 1  crnyanee  à  la  aainte  Eglise  catho- 
lique, â:iint  Ign.ice,  évéque  d'Anliuclie  et  martyr,  qui 
avait  éié  disciple  de  saint  Jean,  et  qui  avait  vu  Ji;- 
sns-Cliiist  ilaiis  sa  cliair,  dit  que  là  est  l'Eglise  ca- 
llioliqiie,  où  est  Jésns-Clirist  (Ep.  ad.  Smyrnenses,  n. 
H).  Lépiire  de  l'Eglise  de  ^nlyrlle,  au  sujet  >lu  mar- 
tyre de  saint  Polyc.irpe,  son  évoque,  e^l  adieisée  à 
l'Eglise  de  Dieu  qm  est  à  Pliilomé^e,  et  à  tons  les 
diocèses  de  la  sainte  Eglise  cailioln|ue  <laus  tous  les 
lieux  ;  et  on  y  lit  que  te  saint  é\è|iie  recoiinnaiide 
dans  scspiieres  l'Ei^lise  cailiolique  réiandue  dans 
tout  l'iiniveis,  totnisiiiie  Ecclesiœ  cuihulicœ  per  uni- 
versum  orbein  dilj'usœ  menltonem  fecent  (Euseli.,  Hist. 
eccl  s.,  lib.  IV,  cap.  15).  ^ons  voyons  dans  celle 
épitie  deux  clioses  réunies  :  la  catlmliciiè  de  l'E,L;li- 
se,  et  son  étendue  sur  loute  la  terie  :  ce  qui  montre 
que  dés  lors,  c'est-à-iliie,  dans  le  leinps  qui  a  iminc- 
diaiemenl  suivi  les  apôiics,  non-seulement  on  dis- 
lin;5uait  l'Eglise  de  Dieu  par  le  lilie  de  calbolique, 
mais  qu'on  lin  donnait  ce  nom  à  raison  de  la  dillu- 
siuii  unnerselle. 
<  Sailli  Justin  suit  iuainédiateiiieiHles  disciples  des 


apôlres,  qui  lui  av.iient  enseigné  la  doctrine  de  leur 
maiire.  Argumentant  contre  'rryidion  qui  était  juif, 
il  lui  prouve,  [lar  le  texte  de  Malaclile  que  j'ai  r.ip- 
porté,  que  les  Juifs  ne  sont  plus   le  peuple  de  Dieu. 
D'abord,  lui  dit-il,  votre  nation  n'est  point  lepandue 
du  levant  au  coucliani,  ei  il  y  a   des  pays  où  l'on  ne 
voit  lialiiier  aucun  des  vôtres.  .Mais  ensuite,  ajoute-t-il, 
il  n'y  a  aucun  peuple,  soit  grec,  soii  barbare,  quel 
que  soit  son  nom,  quelles  que  soient  ses  mœurs  et 
ses  coutumes,  dans  lequel  il  ne  soit  adressé  des  priè- 
res à  Dieu  le  Père,  au  nom  de  Jésus  crncilié  (Oiflf. 
cum   Trijph.,  n.  117).  C'e.t  à  nu  juif,  il  est  vrai,  eJ 
non  à  un  liéictique,  que  Justin  propose  ce  raisonne- 
inenl  :  mais  le  principe  de  snn  raisonnement  est  ap- 
plicable aux  liéréiiijiies  conjiie  aux  juifs.  Ce  principe 
est  que,  d'après  l'oiacle  de  Malaeliie,  la  vraie  doc- 
trine, le  vrai  peuple  de  Dieu,  doivent  être  répandus 
dans  tous  les  pays.  Ainsi,  seioii  ce  Père,  toute  doc- 
trine qui  n'a  pas  celle  dillnsion,  toute  société  ipii  n'a 
pas  celle  étendue,  ne  sont  pas  la  doctrine  et  l'Eglise 
de  Dieu.  — Saint  Irénée  était,  coinine  saint  Jnsiin, 
disciple  des  Pèies  apostoliques,  ayant  été  instruit  par 
saint  Polycarpe.  il  dit,  dans  plusieurs  endroits  de  son 
ouvrage  contre  les  Hérésies,  que  l'Eglise  est  répandue 
par  toute  la  terre,  et  y  conserve  la  loi  (Lili.  i,  cap. 
1,  n.  1  et  2  ;  lib.  m,  cap.  2,  n.  8  ;  lib.  iv,  cap,  2t), 
n.  2).  Ce  n'éiail  certainement  pas  des  secies  liéré- 
liques  que  parlait  ce   saint  docteur  ;  il  les  excluait 
même  certainement,  puisque  c'éiail  contre  elles  qu'il 
écrivait,  et  qu'il  faisait  valoir  l'universelle  dilTiision 
de  l'Eglise,  conservatrice  de  la  vraie  foi.  —Saint  Cy- 
piieii,  dans  son  traité  de  l'Unité  de  l'Eglise,  établit 
aussi  sa  catbolicilé  dans  le  sens  que  nous  enlemlons, 
en  disani  qu'elle  conserve  son  nniié,  quoiqu'elle  son 
répandue  d.iiis  tous  les  pays.    Il  la  repiésenle  éclai- 
rée de  la  lumière  du  Seigneur,  répaniJaiit  ses  rayons 
dans  tout   rmiivcrs.    Il   la  coiiipare  à  un  arbre  qui 
étend  ses  rameaux  sur  loiiie  la  leire.  Il  p.  nsail  donc, 
coiiiine  le^  Pères  qui   l'avalenl  précédé,  qu'une  pré- 
rogative de  l'Eglise  de  Jésns-t^brisl  est  ne  s'éiendie 
dans  toutes   les   légions:  et,    par  une   conséquence 
nécessaire,  il  n'aurait  pas  reconnu  comme  l'Eglise  de 
Jésus-Clll•l^t  celle  dans  qui   il  n'aurait  pas  vu  cette 
dillnsion.  —  baint  Pai  ien,  qui,  nans  le  même  temps 
que  saint  Cyiniuii,   coiubatiait  comme  lui   les  nnva- 
tiens,  du  qoe  <    l'I-glise,   e>t  un  coip>  plein,  solide, 
déjà  lépamlu  dans  tout  l'univers (t'pist.  5).  »  — Dans 
le  siècle  suivant,  saint  Cyrille   de  Jérusalem,  dans 
une  de  ses  catéchèses,    expliquant  ces  paroles  du 
symbole  :  Je  ciois  la  sa.nle  l'.ylise  catholique,  dit  : 
(   L'Eglise  esi   appelée    catholique   ou    un  verselie, 
parce  qu'elle  est  ré(iandue  dans  tout   l'univers,  de- 
puis Une  exlréiu  té  de  la  lerie  jusqu'à  l'anire.  >  Voi- 
là une  iléliiiiliun  de   la  c  ilfioliciié  piécise  et  absolu- 
nieiu  Ciiiilniine  à  la    nôtie.  Et  il  faut  obseiver  ijue 
c'eji  daii,-.  nu  ouvrage  l'ait  pour  l'instiuclion  des  sim- 
ples lidèles,  où  les  expressions   doivent  être  simples 
et   très-exactes.    Un   peu   |ilus  bas,   ce  même  l'ère, 
comparant  l'autorité  leinpoielle  à  celle  de   l'Eglise, 
y  met  cette  dill'éreiice,  iiue  les  souverains,  disiribués 
eiidillérents  lieux,  liouveut  dans  les  limites  de  leurs 
Etals  des  bornes  à  leur  puissance,  mais  que  la  sainte 
Eglise  catlinllque  seule  jouit  d'une  puissance  illimi- 
tée,  el  dans  tout  l'niiivers  (Calechesi    18,   n,  25  et 
27).  —  Quelque  leinps  auparavaiii,  au  concile  de 
Nicée,  .\itiis  et  Euzocius  avaient  présenlé  une  pro- 
fession de  loi,  <  -.Nous  croyons,  y  est-il  dit,  une  Egli- 
se tatlioliqi.e  de  Dieu,  qui  s'étend  des  premiers  lun- 
(leinenls  jusipi'aux  dernières  extiémilés  de  la  terre. 
Nous  avons  reçu  cette  loi  des  saints  Evangiles,  le  Soi- 
gneur ayant  dit  à  ses  discipics  :  Allez,  et  enseignti 


Ï07 


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tholicUé,  dins  le  sens  que  nous  expliquons, 

est  aussi  anciennequ'clie,  et  n'a  jamais  varié. 

Aujourd'hui  quelques  proleslanls  ne  font 

pas  difflculté  de  dire  qu'ils  sont  catholiques  , 

toutes  les  tintions.  »  (Socraies,  Jfist.  Eceks.,  1.  i,  c. 
2'>.  )  Ainsi,  c;illiolii|iies  el  liéiétiques,  tous,  dans  ces 
premiers  siècles,  pinfes'^aienl  comme  un  ariicle  de 
foi  que  l'Eglise  a  jeçn  de  Jésus-Chiist  U  prérogative 
de  l'universelle  dlITnsion.  —  A  la  liji  du  même  siècle, 
deux  grandes  lumières  de  l'Eglise  d'Afrique,  saint 
Opiai  el  saii.i  AugusUn,  prouvaient  aux  donalisies 
que  leur  secie  n'était  pasia  \éritalile  Eglise,  parce 
qu'elle  n'éiait  pas  cailinlique,  c'esl-ii-dire,  Uiiver- 
scUemeni  répandue.  <  Nous  avons,  leur  dit  saint 
Optât,  à  déinoiilrer  ce  que  nous  avons  promis  que 
nous  établirions  :  quelle  est  cette  Eglise  que  Jésiis- 
Clirisl  appelle  sa  colouihe  el  son  épouse.  Vous  diles 
qu'elle  e^t  en  vous  seuls.  Apparemment  que,  dans 
votre  orgueil,  vous  vous  attribuez  spécialement  la 
sainteté  ;  en  sorte  que  l'Eglise  soit  où  vnus  voulez, 
et  ne  soit  poiiit  où  vous  ne  voulez  pis.  Ainsi,  pour 
qu'i  Ile  puisse  être  chez  vous,  dans  une  petite  par- 
lie  de  l'Afrique,  dans  le  coin  d'une  petite  région,  elle 
ne  sera  pas  avec  nous  dans  une  autre  partie  de  l'A- 
frique ;  elle  ne  sei  a  pas  dans  les  Kspagnes,  dans  les 
Gaules,  dans  l'Italie,  où  vous  n'êtes  point,  j  Le  saint 
docteur  fait  encore  l'énuniération  d'un  grand  nombie 
de  lays,  où  il  n'y  a  point  de  donaiistes,  et  d'où  ils 
excluent  l'Eglise,  et  il  poursuit  ainsi  :  «  Où  sera  donc 
la  propriété  du  nom  de  catholiiiuc,  puisque  l'Eglise 
est  appelée  catholique  parce  qu'elle  est  raisonnable 
el  répandue  paitout?  Car,  si  vous  la  resserrez  ainsi 
à  votre  volouié  dans  un  lieu  étroit,  si  vous  lui  ôtez 
toutes  les  nations,  où  sera  ce  que  le  Fils  de  Dieu  a 
niéiité  ?  Où  sera  ce  que  lui  a  promis  soloiitairement 
son  Père,  lui  disant  dans  le  psaume  second  :  Je  vous 
doiineriii  les  iialions  en  hérituge,  el  les  bornes  de  la 
terre  pour  voire  possession  '/  Pourquoi  enfreignez-vous 
une  telle  promesse,  en  sorte  que  l'étendue  de  tous 
les  fioy^unies  soil  mise  par  vous  comme  dans  une 
ut  isoii  ?  l'ourquoi  voulez-vous  vous  ojipo.-er  à  cette 
libéralité  ?  pourquoi  combattez-vous  les  mérites  du 
J^aiiveur  '!  l'eriiietlez  an  Fils  de  [losséder  ce  qui  lui 
a  clé  accordé.  Permettez  au  Icie  d'accomplir  ses 
j)romisses.  De  quel  droit  posez  vous  des  bornes, 
Iracez-yous  des  limites?  Quand  Dieu  le  Père  accor- 
de au  Sauveur  toute  la  terre,  rien  n'est  excepté  dans 
aucune  partie  de  la  terre,  'foute  la  terre  avec  ses 
nations  est  la  pos^^ession  du  Christ,  i  Saiut  Optai 
répèle  ensuite  le  texte  du  psaume  second,  cl  rapporte 
celui  que  j'ai  cité  du  psaime  soixanle-oiize  {De 
Hcliism.  Vonat.,  lili.  n,  c.  1).  Il  ne  peut  rien  y  avoir 
déplus  Icrniel  que  ce  texte  pour  établir  que  la  vraie 
^;gli^e  est  celle  que  l'on  voit  répandue  sur  louie  la 
leire  ;  que  celle  prérogative  lui  a  été  accordée  pur 
sou  divin  fondateur,  et  qu'elle  lui  est  essentielle.  La 
clai  lé  évidente  de  ce  passage  me  dispense  d'en  rap- 
porter d'auires  où  saint  Optât  établit  le  même  prin- 
cipe. —  Saint  Augustin,  dans  son  traité,  de  lllniic  de 
l'iùjl  se,  contie  les  don.itistes,  traite  ex  professo  la 
que'îiion  de  la  calliolicilé,  et  tléinonlre,  jiar  beau- 
coup de  icMi'à  de  la  sainte  Ecrituie,  que  l'Eglise  lie 
JésUS-Christ  est  celle  ipii  s'étend  sur  toute  la  lercc. 
Il  commence  par  la  G<  nè>e  ;  lappniie  li  prome-se 
faite  à  Abraham,  que  lnutes  le»  na  ions  sercuit  b'énes 
dans  son  rejeton  ;  prouve  que  ce  lejcion  ea  Jésiis- 
(^brisl  ;  inonne  qui!  la  promesse  a  clé  renouvelée  à 
Isaac  cl  il  Jacob  ;  <  Donnez  imus,  cunclul-il,  celle 
Eglise,  si  elle  est  pai mi  vus  ;  montrez  que  vmis 
êtes  en  coniniuiii<m  avec  tomes  les  naiinnsi|ue  nous 
voyons  maintenant  bémes  dans  ce  rejeton  Doiim'z- 
la,  nu,  dé  osant  votre  erreur,  rei-cve/.-la,  non  pas  de 
moi,  mais  de  celui-là  nièuie  dans  inii  imites  les  na- 
tions sont  bénies.  »  (C.  6,  n.  U  )  <  une  lit-on  dans 
les  prophètes  ?  ajoute-l-il.  Combien  suiit  nombreux, 


c'esl-à-dire ,  membres  de  l'Eglise  tiniver- 
selle,  romposée  de  tous  ceux  qui  croient  en 
Jésus-Christ;  mais  c'est  un  abus  grossier  du 
tenue.  Comment  peut-on  appeler  Eglise  l'a- 

combicn  sont  évi  lents  leurs  témoignage-  au  stijeidr; 
riOglise  répandue  dans  toutes  les  nations,  sur  toute 
la  terre  !  Qu'Isaïe  nous  dise  où,  par  une  révélalioul 
divine,  il  a  vu  d'avance  l'Eglise,  aliii  que,  dans  les 
paroles  de  celui  qui  jirédisa'l  l'avenir,  nous  voyons 
ce  qui  niainlenaiii  est  devenu  pié-ent.  »  H  produit 
plusieurs  textes  de  ce  prophète,  et  il  fiit  voir  coin- 
liieii  ils  prouvent  elairenient  l'éteniliie  tmivers  Ile  dû 
l'Ejîlise.  f  y  le  eeliii  qui  l'osera,  repienil-il,  contre- 
dise ;  mais  que  celui  qui  ne  l'osera  pis  espère  en 
Jésus-Clirist  avec  toutes  les  nations,  et  ne  se  sépare 
pas  de  l'utiiié  des  peuples-  qd  espèrent  en  lui  :  ou, 
s'il  s'en  est  écarté,  qu'il  revienne,  afin  de  ne  pas 
périr....  Qui  esl-ce  qui  esl  assez  sourd,  assez  inseti- 
sé,  assez  aveugle  d'esprit,  pour  oser  parler  cônire 
des  léiuoigna<;es  si  évidents  1...  Que  peut-on  exiger 
de  plus  clair  î  Voyez  dans  un  seid  prophète  coinbieu 
d'oracles,  qwetle  esl  leur  clarté  :  et  cependant  on 
résiste,  on  contredit,  non  un  homme,  mais  l'e-piil 
de  Dieu  et  la  plus  évidente  vérité.  Et  cependant  ceux 
qui  se  glorihent  du  litre  de  chrétiens  envient  la  g  oi- 
re  du  Christ,  et  ne  veulent  pas  qu'on  croie  aiconi- 
plies  les  clios'S  qui,  si  longtemps  avant,  avaient  ele 
prédites  de  lui,  lorsqu'elles  sont,  non  plus  prédites 
mais  montrées,  maisvu;;s,  mais  possédée-^,  t  (Ibid., 
c.  7,  n.  15,  1(5,  l'J.)  —  Saint  Augnslin  oppose  en- 
suite aux  donatisies  les  psaumes,  el  siiéciaieiuenl  le 
second  et  le  soixanleonzièine.  A|)rès  en  avoir  rap- 
jiorté  les  passages  :  «  Voilà,  dit-il,  que  dans  les  psau- 
mes esl  m.inifesiée  l'Egli-e  répandue  dans  toutruni- 
vers,  sur  laquelle  repose  la  gloire  de  son  souverain... 
0  le  ré|ioiidiHuil  à  ce  que  )>•.  viens  de  rap;'orler  des 
prophètes  cl  des  |>saumes  au  sujet  de  l'Eglise  de  Jé- 
su>-Chrisl  qui  est  ri'pandue  dans  tout  l'univers,  ceux 
qui  aiuienl  mieux  la  comliaitre  avec  perversité,  que 
de  commiiiiKluer  avec  elb:  en  se  corrigeant  '!  t  (C.  9 
el  9,  n.  2i  cl  23.)  —  De  l'Ancien  Testmieni  le  saint 
docteur  passe  au  Nouveau.  Il  en  cite  des  passaïie.i 
que  j'ai  rapportés.  Sur  celui  de  saint  Luc,  il  oppose 
aux  donaiistes  le  raisonnemeiil  ipie  j'ai  fait  plus 
haut,  que  .Icsus-Clirisi  lui-mènie  a  appliipié  à  l'iiiii- 
veiselle  dilbision  de  sm  Eglise  les  passages  de  la 
loi,  des  prophètes  et  des  psaumes.  Sur  le  passage  des 
Actes  des  apôires,  il  dit  (pie  l'on  y  volt  le  conimen- 
ccinent  do  l'Eglise  dans  Jérusalem,  dans  la  S<niarie, 
cl  sa  propagation  succès  i\e  dans  toutes  les  na- 
tions. Il  prouve  |iar  les  fa<ls  el  par  l'enumération  de 
beaucoup  de  pays  où  la  vraie  loi  élan  déjà  purlé« 
de  son  temps,  et  il  résume  ainsi  :  <  Il  iioU'.  a  été  aii- 
iioneé  que  l'Eglise  serait  sur  inute  la  terre.  Le  Sei- 
gneur lui  niêiiie  a  attesté  ipie  cela  était  pré  lit  dans 
la  lui,  dans  les  pro)diéles  et  dans  les  psaumes.  Il  a 
propliéiisé  (pi'elle  commencerait  par  Jérusalem,  et 
qu'elle  se  répandrait  sur  toutes  les  nations.  Il  a  pré- 
dit à  .'■e^  apôtres,  lorsqu'il  est  remunie  dans  les  cieux, 
qu'ils  ser.iienl  ses  témoins  dans  Jérusalem,  dans 
toute  la  Judée  et  la  Sainari',  et  jir  que  dans  inuie  la 
terre.  Les  liiis  se  sont  eoniunnés  à  ses  paroles.  Com- 
ment, ayant  commence  par  Jérusalem,  et  de  la  s'é~ 
tant  accrue  dans  la  Jiidee  el  la  Saniarie,  el  ensuite 
sur  lente  la  terre,  lEglise  s'y  agraiidit-clle  mainte- 
nant, jusqu'à  ce  ipi'cnlin  elle  possède  le  reste  des  u  - 
lions  où  elle  n'ex.ste  pas  encoie  î  Le  léin  ignajie  îles 
saillies  Eciilnrus  le  inonlre  |iosilivement.  Ouicnnipii; 
évangélise  autrement,  i|u'il  sidt  aiiallième.  <Jr  cilui- 
là  évaugél  se  antremeiii,  qui  dit  que  l'Eglise  a  péri 
dans  le  reste  du  monde,  ci  subsiste  dans  la  seine  Afri- 
que et  dari^  le  parti  de  Uoiiat.  i  HOid.,  c.ip.  10,  II. 
2-5,  et  c.  H,  n.  2!S,  ei  seq.) 

«  Il  léstilte  évidemment  Oc  tous  ces  passages  liiés 
du  Seul  inilié  de  l'Unité  de  l'Eglise,  que  non-seule- 


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nias  de  plusieurs  sectes  ,  qui  n'ont  entre  el- 
les aucune  union,  qui  se  regardent  les  unes 
comme  hérétiques,  les  autres  comme  idolâ- 
tres, qui  se  disent  muluellemeiil  aiiathème? 
Pour  6lr»  catholique  ,  il  faut  prendre  pour 
rèj;le  de  foi  le  coiisenti'nienl  unanime  do 
toutes  les  sociétés  chrétiennes  qui  recon- 
naissenl  un  seul  chef.  Nous  avons  prouvé 
ailleurs  qu'un  des  caractères  essentiels  à  la 
véritable  Eglise  est  Vunité  dans  la  foi  ,  dans 
le  culle,  dans  la  soumission  à  un  chef.  Voy. 
Eglise,  §  1  et  2.  Or,  ce  caractère  se  trouve 
dans  rE;i:lise  romaine  seule  :  elle  esi  donc  la 
seule  catholique  (1) 

ment  ce  saint  docteur  éiaii  dans  le.s  mêmes  princi- 
pes (jue  nous  sur  la  cailioliciié,  luuis  que,  pour  les 
prouver,  il  employait  les  mômes  raisoiiiiemenls  que 
nous.  Les  preuves  dont  nous  combailons  les  proles- 
tants s<ml  celles  dont  il  réfutait  les  donalisles.  Les 
liérëiii|ui's  moderiies,  pour  voir  leur  coiidamuaiion, 
n'ont  (|u'à  voir  ce  qui  a  été  opposé  aux  liéréiiqiifs 
anciens.  —  Et  nous  voyoïs  de  pins  que,  dans  l;i  cé- 
lèbre conférence  de  Cartilage,  ciitru  lescatliolj{|ues  et 
les  dunaiisies,  les  donaitsirs  i'.iis;iient  consister  la 
cailiolicité,  non  dans  la  réunion  de  l'univcualiié  des 
lialioiis,  maisilans  la  plénitude  des  sacrements  {Biev. 
coll.  ctim  Dov.al.,  dies  3,  c.  3,  n.  5)  :  ce  qui  ne  s'é- 
loigne pas  beaucoup  du  système  [iroieslani.  Mais  Ils 
furent  ciimballus  par  les  évc|ues  callioliiines,  qui 
l)r0l1lli^irent  les  textes  convuinc.iiits  de  ri'Jcnture  sur 
la  dilfusiou  universelle  de  ri'^glise.  t.es  donatistes 
noii-si!ulement  ne  voulureul  pas  disculer  ceue  ques- 
tion, mais  ils  ll'osèr('lllpa^  l'aborder.  Ilsserabatlirent 
à  soutenir  que  l'Eglise  de  Jésns-Christ  n'est  CDUipo- 
sé«  que  des  bommes  vei  tueux,  et  ne  comprend  pas 
les  péclieiirs  {Ibid.,  e.  8,  n.  10),  ce  qui  est  encore 
une  préienliou  des  protestants. 

I  Voilà  ime  cbaine  d'autorités  qui  embr.isse  et  qui 
unit  eusenibli;  tons  les  temps  écoulés  depuis  la  pio- 
njesse  l'aile  à  Abraliam.  Il  en  résulte  évidemmeiu  que 
la  vraie  Kgbse  de  Jésus  Cbrisl  doit,  par  son  inslitu- 
lion,  s'éleiidre  sur  toule  la  Icire.  Mous  voyons  celle 
étendue  nniver>elb;  prédite  dans  l'ancicmie  loi,  par 
une  multitude  d'oracles,  commandée  par  Jésus-Christ 
ï  plusieurs  reprises,  exécutée  par  SfS  apôires  auiani 
qu'ils  l'oni  pii,  réalisée  peu  après  eux,  et  Jè^  les 
premiers  teni;is  du  christianisme,  revendiquée  par  les 
saints  docteurs  couimcun  signe  de  la  vérité  de  leur 
Eglise  et  de  la  fausseté  des  communions  séparées. 
Cummenl,  en  adinettanl  toutes  ces  autorités,  peu- 
vent-ils refuser  d'y  croire"/ Selon  eux,  l'Iicriture  est 
iiilaillible:de  leura'veu,  les  l'cresdes  premiers  siècles 
n'ctaieiil  point  dan~  l'erreur.  Cimiment  donc  peuvenl- 
iU  se  soustraire  à  renseigneineni  unanime  de  tous 
les  livres  sacrés  et  de  tous  ces  saints  personnage-,  î  i 
(Le  cardinal  de  la  Liizerne,  Diss.rlulioin  sur  les  Egli- 
ses catholiques  cl  protestâmes,  toin.  11,  cli.  8.) 

(1)  Après  avoir  exposé  la  catliolieité  de  droit,  nous 
devims  rexaminer  en  faii.  Quelle  est  la  société 
Cbréiienne  qui  peut  prélemlio  an  litre  de  catholi- 
que Ml  est  évideni  (pie  c'est  la  seule  fciglise  roiiiai- 
lie  :  elle  est  répandue  par40ul.  Allez  dans  tous  les 
pays  du  monde,  vous  n'en  trouverez  pas  un  seul 
iiii  il  n'y  ait  des  catholiques,  où  l'Eglise  romaine  ne 
soit  connue,  l'renez  au  coniraire  nue  secte  séparée 
du  seiude  l'Egliie  romaine,  vous  la  verrez  circons- 
Orlie  dans  un  rayon  très  ress.rié.  Toutes  ces  sectes 
«ni  le  siège  de  leur  empire  et  ne  s'éiendeut  guère 
au  delà.  Pi  i.sesséparéiiienl,  elles  soni  peu  nombreuse-^. 
Yainenienl  elles  voudraient  se  réunir,  elles  n'ont  ni  la 
uième  cioyance  ni  le  même  ministère;  elles  se  pré- 
teiUeiii ,  à  l'exclusion  l'une  d;  l'autre,  en  posses- 
sion de  la  vérité.  Le  lait  esi  donc  évideunneni  pour 
la  seule  Eglise  romaine,  ijui  conséquemmeut  est  la 
Vériiiiltlc  Ëgltse. 


CATHOLICISME  ,  système  dans  lequel  on 
soutient  que  la  catliolicilé  de  la  doctrine  est, 
la  règle  de  foi  à  laquelle  tout  homme  qui 
croit  en  Jésus-Christ  doit  se  conformer. 
Comme  toutes  les  sectes  qui  oui  paru  depuis 
les  apôlres  se  sont  élevées  contre  ce  systè- 
me ,  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de 
prouver  que  c'csl  le  seul  vrai  ,  le  seul  que 
puisse  suivre  un  homme  qui  se  pique  de  sa- 
voir raisonner.  Hossiiet  et  nos  autres  con- 
troversisles  l'ont  démontré  contre  les  pro- 
testants :  voici  à  peu  près  le  soDiniaire  de 
leurs  réiiexions. 

l°Dans  la  religion  primitive,  la  règle  de 
foi  était  dans  la  tradition  domesli()ue  ;  les  pa- 
triarches n'en  avaient  point  d'autre.  Sous  la 
loi  de  Moïse,  la  règle  de  foi  était  la  tradition 
nationale;  Dieu  l'avait  ainsi  ordonné  (Deut. 
XVII  ,  10;  XXXII  ,  7).  Donc  sous  l'Evangile, 
destiné  à  être  prêché  à  toule  créature  ,  et 
jusqu'à  la  consommation  des  siècles  ,  la  règle 
de  foi  est  la  tradition  générale.  Cette  unifor- 
mité du  plan  de  la  Providence  en  démontre 
la  sagesse  ;  il  est  absurde  de  penser  que 
Dieu  en  ait  changé.  Sous  la  première  épo- 
que de  la  révélation,  tous  ceux  qui  ont  per- 
du de  vue  la  tradition  di-s  leçons  données  à 
Adam  sont  tombés  dans  le  polythéismo. 
Sous  la  seconde,  toutes  les  fois  que  les  Juifs 
se  sont  écartés  des  préceptes  de  leur  reli 
gion  nationale,  ils  se  sont  précipités  dans 
l'idôlalrie  et  dans  les  superstitions  de  leurs 
voisins.  Sous  la  troisième,  quiconque  refuse 
de  consulter  la  tradilion  universelle  ,  se  li- 
vre au  délire  d'une  fausse  philosophie.  Il  y 
en  a  autant  d'exemples  qu'il  y  a  eu  d'erreurs 
depuis  les  apôtres  jusqu'à  nous.  —  i"  L'u- 
nité est  essentielle  à  l'Eglise  de  Je. us-î'.hrist; 
il  a  dit  lui-même  de  ses  ouailles  :  J'en  funi 
un  même  troupe  ai  sous  un  seul  pasteur  [Joan. 
XI,  6).  Selon  saint  Paul ,  les  fidèles  sont  nu 
seul  corps,  qui  a  un  seul  Seigneur,  une  seule 
foi,  un  seul  b;iptéme  (  Ephea.  iv  ,  it  et  5  ). 
Quiconque  se  sé])are  de  cette  unité  n'apjiar- 
tient  donc  plus  au  troupeau  de  Jésus-Christ. 
Or  celte  unité  ne  peut  se  conserver  qu'au- 
tant que  les  diverses  sociétés  qui  composent 
l'Eglise  se  servent  mutuellement  de  lémoins, 
de  garants  et  de  surveillants  ;  de  manière 
que  si  l'une  venait  à  s'égarer,  toutes  les  au- 
tres pussent  la  redresser.  L'unité  ne  peut  se 
trouver  dans  l'erreur,  ch  icun  se  trompe  à 
sa  manière;  l'unité  est  donc  un  signe  infail- 
lible de  vérité.— 3°  De  savoir  si  Jésus-Christ 
a  révélé  telle  doctrine,  ou  une  docirine  coii- 
tr  lir ',  c'est  un  fait.  Or,  pour  constater  un 
fait  quelconque,  on  ne  se  borne  pointa  con- 
sulter l'histoire  ,  l'on  interroge  la  tradilion 
orale  et  les  mouuinents.  La  tradition  est  du 
plus  gr;ind  poi  Is,  lorsque  le^  tém  lins  sont  en 
très-grand  nombre;  que  tous  eut  intérêt  à 
être  informés  du  fait  et  à  le  publier  tel  qu'il 
est  ;  que  ce  ne  sont  point  de  simples  parti- 
culiers, mais  des  sociétés  entières.  Récuser 
la  ccriiiude  morale  ainsi  portée  au  plus  haut 
point  de  notoriété,  c'est  vouloir  évidemment 
se  tromper.  —  k°  Depuis  la  naissance  de 
l'Eglise  ,  on  s'est  servi  d  :  celle  règle  pour 
juger  si  une  docirine  ctai'  vraie  ou   fausse  , 


7H 


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CAU 


7» 


orlhodoxe  ou  nérctique.  Les  conçues  ont 
été  assemblés  pour  que  les  évéques  des  dif- 
férentes parties  du-  monde  pussenl  y  rendre 
témoignage  de  ce  qui  était  cru  ,  enseigné  et 
professé  dans  leurs  Eglises.  Lorsque  tous  , 
ou  le  très-grand  nombre,  ont  attesté  que 
telle  était  la  croy;ince  qu'ils  avaient  trouvée 
établie,  on  n'a  pas  hésité  déjuger  que  c'était 
la  doctrine  de  Jésus-Christ,  et  que  l'opinion 
contraire  était  hérétique.  Est-il  croyable  que 
dès  l'origine  l'Eglise  se  soil  trompée  sur  la 
règle  qu'elle  devait  suivre  pour  enseigner  les 
fidèles  sans  aucun  danger  d'erreur?  11  fau- 
drait que  Jésus-Christ  l'eût  abandonnée  au 
moment  même  qu'il  venait  de  la  former.  — 
5°  Ou  il  faut  suivre  cette  règle  ,  ou  il  faut 
s'en  tenir  à  l'Ecriture  seule,  comme  le  veu- 
lent les  protestants  ;  il  n'y  a  pas  de  milieu. 
Mais  quand  il  s'agit  de  fixer  le  vrai  sens  de 
l'Ecriture  ,  et  de  savoir  comment  l'on  doit 
i'enlendre  ,  c'est  une  absurdité  de  nous  ren- 
voyer à  l'Ecriture.  D'un  côté  ,  une  poignée 
de  docteurs  soutiennent  que  ces  paroles  de 
Jésus-Christ,  Ceci  est  mon  corps,  doivent  être 
prises  dans  le  sens  figuré  ;  de  l'autre,  toutes 
les  Eglises  de  l'univers  attestent  qu'elles  les 
ont  toujours  entendues  dans  le  sens  littéral. 
Faut-il  préférera  cette  croyance  générale  et 
constante  l'opinion  particulière  d'un  petit 
nombre  de  novateurs?  —  (5°  Toutes  les  sec- 
tes qui  ont  abjuré  le  catholicisme  n'ont  plus 
trouvé  entre  elles  aucun  centre  de  réunion  , 
elles  sont  successivement  tombées  d'une  er- 
reur dans  une  autre.  Voy.  à  l'article  Er- 
REu:i  reiicliiiînement  de  celles  des  protes- 
tants. Ils  sont  divi-és  en  luthériens,  calvinis- 
tes, arminiens,  goinaristes,  anglicans,  qua- 
kers ,  hernbules  ,  frères  moraves  ,  piétistes  , 
sociniens,  cotcéiens,  etc.  Le  désordre  aurait 
encore  été  plus  grand  ,  et  les  ruptures  plus 
fréquenies,  si  la  rivalité  entre  ces  sectes  et 
l'Eglise  cathoiiqiie  ne  leur  avait  pas  souvent 
sei  vi  de  frein  ;  e  les  ne  sont  unies  que  par 
la  haine  qui  les  anime  contre  elle.  Après 
avoir  secoué  le  joug  de  la  tradition  univer- 
selle ,  «Iles  ont  été  forcées  de  s'en  tenir  à 
leur  tradition  pariiculièri-,  aux  décisions  de 
leurs  synodes,  à  des  confessions  de  foi ,  aux 
ordonnances  des  magistrats ,  même  d'em- 
ployer les  censures  et  les  peines  pour  main- 
tenir dans  leur  seiu  une  unité  du  moins  ex- 
térieure. 

Depuis  plus  de  dix-sept  cents  ans  l'Eglise 
caihol.(]ue  n'a  varié  ni  dans  ses  dogmes  ,  ni 
dans  sa  règle  de  fo(,  cela  serait  impossible. 
Comment  les  (lilTérenles  Eglises  qui  la  coiii- 
poseiit,  dont  les  unes  sont  iiè>-éloignées  des 
autres,  qui  se  croient  loules  obligées  de  con- 
sei  ver  la  doctrine  reçue  ilo  Jésus-Chrisl  par 
les  apôtres,  qui  ne  peuvent  avoir  aucun  in- 
térêt ni  aucun  motif  de  la  clianger,  pour- 
riiieiil-elles  former  une  conspiration  géné- 
rale, un  des>ein  tiinluriiie  de  l'altérer?  Un 
mè'iie  esprit  de  vertige  ne  peut  pas  les  s.iisir 
toutes  à  la  fois  ;  l'une  d'entre  eiIes  ne  peut 
pas  s'éearter  delà  tr.idilion ,  sans  (pie  les 
autres  s'en  aperçoiveiil.  Toutes  les  fois  qu'un 
ou  plusieurs  particuliers, évoques  ou  autres, 
ont  voulu  inuover,  le  scaudalea  ccUlé  d'a- 


bord, et  ils  ont  été  condamnés.  Le  catholicis- 
me est  donc  un  principe  infaillible  d'unité, 
de  perpétuité,  d'immutabililé  dans  la  doc- 
trine. Voy.  Egl  sk  (1). 

CATHOLIQUES  (Nouvelles)  (2).  Ce  sont 
desliliesqui,  dans  le  derniersiècle,sesontéri- 
gées  en  communauté,  sous  ce  litre,  ou  sous 
celui  de  la  Propagation  delà  Foi,  pour  ins- 
truire, à  l'exemple  des  missionnaires  ,  dans 
les  vérités  de  la  religion  ,  les  personnes  de 
leur  sexe  qui  ont  été  élevées  dans  l'hérésie. 
—  Les  personnes  qui  entrent  dans  les  com- 
munautés pour  s'instruire  y  sont  entrete- 
nues jusqu'à  ce  qu'elles  aient  lait  leur  abju- 
ration, et  qu'elles  soient  bien  afîerniies  dans 
la  toi.  Elles  peuvent  même  y  être  reçues  au 
nombre  des  sœurs.  —  Dans  quelques-unes 
de  ces  communautés  ,  les  filles  qui  s'y  atta- 
chent font  des  vœux  simples  de  pauvreté  , 
de  chasteté ,  d'obéissance  ,  et  promettent  de 
s'employer  à  l'instruction  des  nouvelles  con- 
verties. Uans  d'autres,  ces  filles  ne  font  qu'un 
vœu  de  stabilité  ;  dans  d'autres,  enfin  ,  elles 
s'engagent  par  un  contrat  d'association.  — 
Chacune  de  ces  communautés  a  des  règle- 
ments particuliers,  suivant  qu'il  a  plu  à  l'é- 
véque  du  lieu  de  leur  établissement  de  les 
leur  donner.  La  communauté  de  Paris  est 
sous  le  nom  de  A ouvelles-Converlies  ;  ceWe 
de  Sedan  et  quelques  autres  sous  celui  de  la 
Propagation  de  la  Foi.  (Extrait  du  Diction, 
de  Jurisprudence). 

CAUCAUBAROn  ES,  branche  d'eutychiens 
qui,  au  w  siècle  ,  suivirent  le  parti  de  Sé- 
vère d'Antioclie  et  des  acéphali's.  Ils  reje- 
taient le  concile  de  Chalcéiioine ,  et  soute- 
naient, comme  Eutycliès,  qu'il  n'y  a  qu'une 
seule  nature  en  .lesus-Chrisi.  Le  nom  de  cau- 
cauljardites  leur  fut  donné  d'un  lieu  dans  le- 
quel ils  tinrent  leurs  premières  a-semblées 
{iMct'plioie ,  I.  xviii  ,  c.  49  ;  Bironiu.i ,  aiin. 
333).  (Juelques-uns  les  ont  nommes  conlo- 
baOdiies.  Yoy.  Eutychiens. 

CAUSE.  Les  théologiens ,  aussi  bien  que 
les  philosophes  ,  sont  forcés  de  distinguer 
plusieurs  esp.ces  do  causes.  Non-seulement 
nous  coiinaisson-.  une  cause  première,  qui 
est  Dieu  ,  mais  des  causes  secondrs,  qui  sont 
les  créalure.<,.  l'armi  celles-ci  une  cause  peut 
être  matcrie  le  ou  formelle  ,  el'licieiiie  ou 
occasionnelle,  finale  ou  Inslrumenlale,  phy- 
sique ou  morale,  totale  ou  partielle,  pro- 
chaine ou  éloignée,  etc.  Le  détail  de  toutes 
ces  notions  app.irtieiit  à  la  métaphysique, 
cl  il  peut  fournir  la  matière  à  un  traité  fort 
élciidu. 

Les  athées  nous  disent  gravement  qu'il 
n'est  pas  nécessaire  que  l'univers  ait  une 
cause  première ,  qu'il  est  ù    lui-même    sa 

(I)  L'iniiniilabilité  de  l.i  croyance  rhrclienno  a 
clé  |iiiiir  les  iiieiédiiles  une  source  il':illaipics  toiuro 
lu  ealliiilicisiiie  :  il  l'onl  ri'g.adée  cuiiiine  él.nit  l'cn- 
iieinic  du  progrès.  Nous  croyons  ce  puinl  de  coiitro- 
ver  cassez  iiiipnrliiiil  pour  consaerei  un  article  spé- 
cial sous  le  litre  Ciiuva>ce>-c*tiioi.iques  (  l'roijrèt 
des). 

r^)  Cet  arliclo  est  reproduit  d'après  i'édiliou  d< 
Lioge, 


m 


CAU 


caHSp,(\u  il  a  toujonr?  oxisté  etscra  toujours, 
que  (oui  ce  qui  arrive  est  un  <'ffet  nécessaire 
(les  roinbiii.-iisoiis  et  du  inouvemeiil  de  la 
nitliorc.  —  Selon  celle  sublime  philosophie, 
loul  esl  néfessaire  dans  l'univers  et  tout 
change,  loul  s'y  fait  de  loule  éieruilé  el  tout 
se  succède  ;  les  coiiibinaisous  de  la  malière 
siMil  nécessaires  eu  général,  el  aucune  n'est 
néci'ssaiie  en  particulier,  puisqu'il  dépend 
souvent  de  nous  de  les  changer  à  noire  gré. 
Quand  nous  n'aurions  pas  pour  nous  le  sen- 
liinenl  intérieur  et  invincible  de  celte  vé- 
rité, l'absurdité  et  les  contradictions  du  lan- 
gage des  alliées  suffiraient  pour  nous  con- 
vaincre de  la  nécessité  el  de  l'existence  d'une 
cause  /jrcmji'rc  ,  intelligente  cl  libre,  qui  a 
fuit  le  monde  tel  qu'il  est,  et  <iui  aurait  pu  le 
faire  a  ulremeiil-i  elle  l'avait  voulu,  loi/.  Dieu. 

Ce  même  senlimenl  intérieur,  qui  esl  le 
souverain  degré  de  l'évidence,  nous  convainc 
que  nous  sommes  véritablement  actifs  et  non 
purement  passifs  coinoïc  la  iiiaiièie,  que 
nous  sommes  par  consé()uent  Va  cause  ef fi- 
cicntcel  prop  emenl  dite  de  nus  actions.  Mais 
comme  la  foi  nous  enseigne  (|ue  nous  ne 
pouvons  faire  aucune  action  méraoïre  pour 
le  salut,  sans  le  >ecours  de  la  grâce,  c'est  une 
grande  question  de  savoir  si  la  grâce  divine 
est  la  cau^e  physique  de  nos  actions  méri- 
toires, ou  si  elle  en  esl  seulement  la  cause 
mii'ale,  dans  le  mêuie  sens  que  les  motifs 
qui  nous  déterminent  sont  censés  cire  cause 
de  nos  actions  ordinaires. 

Nous  appelons  cause  physique  un  èlre  quel- 
conque à  la  présence  duquel  arrive  toujours 
tel  événement  qui  n'arrive  jamais  dans  son 
absence;  ainsi  le  feu  esl  censé  être  cause 
physique  de  la  lumière,  de  la  chaleur,  de  la 
brûlure,  parce  que  ces  elTeis  se  Ibnl  toujours 
sentir  plus  ou  moins,  lorsque  le  feu  esl  pré- 
sent, et  non  lorsqu'il  est  absent;  la  coexis- 
tence constante  de  ces  phénomènes  nous  fait 
conclure  que  l'un  est  la  cause  de  l'autre, 
qu'il  y  a  une  connexion  nécessaire  entre 
l'un  el  l'autre  ;  nous  n'avons  poinl  rl'autre 
signe  pour  en  juger;  nous  ignorons  la  rai- 
son n  priori  pour  laquelle  le  feu  produit  la 
lumière,  la  ch  ileur  et  la  brûlure.  Mais  celle 
causal  lé  physique  n'a  lieu  qu'entre  un  corps 
cl  un  autre  corps,  elle  ne  peut  nous  donner 
aiicuni'  idée  de  la  manière  dont  la  grâce  agit 
sur  nous. 

Une  cfiHse  moraie  se  connaît  par  le  signe 
contraire;  elle  ne  produit  pas  toujours  le 
même  elTel,  el  souvent  un  même  effet  est 
pioiluii  jiar  (les  causes  di/férenies.  Ainsi  un 
même  molif  peut  nous  A. ire  faire  plusieurs 
actions  qui  ne  se  ressemblent  poinl,  et  une 
même  action  peut  être  faite  par  plusieurs 
motif-  divers;  ceux-ci  ne  peuvent  donc  être 
qi.e  cause  morale  de  nos  actions  ;  il  n'y  a  en- 
tre celle  Cduse  el  ses  elTels  qu'une  connexion 
coulingenle.  Cependant  un  homme  qui  sug- 
gère des  motifs  à  un  autre,  qui  commande, 
qui  conseille,  qui  excite  à  faire  une  action, 
est  aussi  censé  en  être  la  cause  morale  ;  elle 
lui  esl  iùipulée  aussi  bien  qu'à  celui  qui  l'a 
faite.  —  En  est-il  de  même  de  la  grâce  ? 
A  proprement  parler,  un  molif  qui  nous  do- 

DlCT.   DE  ThiÎOL.  l)0G)1.4TigLE.    I. 


CAU  7ii 

termine  à  agir  ne  nous  donne  point  de  force 
nouvelle;  la  force  esl  censée  êlr<'  en  non» 
indépendamment  du  molif.  Or,  la  grâce  nous 
donne  une  force  que  nous  n'avons  p  s  nalii- 
rellomcnl.  11  n'y  a  donc  pas  non  plus  une 
ressemb'ance  exacte  eulre  In  causnlité  mo- 
rale et  celle  de  la  grâce.  Faut-il  s'elonner  si 
la  manière  dont  la  grâce  agit  sur  nous  est  un 
niystèie,ilont  nous  ne  pouvons  avoir  auriina 
idée  par  ce  ijui  se  passe  d'ailleurs  en  nous, 
et  si  les  disputes  louchant  l'efficacité  de  la 
grâce  sont  interminables?  Voy.  CiHace,  §  IV. 
11  y  a  plus:  souvent  l'Ecriiure  sai  le  sem- 
ble nous  donner  pour  cause  d'un  événement 


ce  iieiaul,  si  c  en  esl  un,  est  commun  à  t..u 
les  peuples  et  à  toutes  les  langues, il  est  Irès- 
fréquenl  dans  la  nôire.  —  Nous  disons:  Cet 
homme  me  donne  de  l'humeur,  il  est  cause 
de  ma  damnaliou;  il  n'eu  a  peol-êire  aucune 
envie,  sa  conduite  est  seulement  l'oi-casion 
el  nu  la  cau^e  dis  pa-sions  i;ui  nous  ilomi- 
nenl.  On  dit  à  un  jeune  homioe  (|ue  les  at- 
traits d'une  femme  le  rendent  fou,  à  un  bien- 
failec-  -   '"  '■  '•    '       •  •       - 

par 


iiteur  qu'il  fait  des  ingrats,  à  un  pire  (|u« 
ar  sa  tendresse  il  gale  el  perd  ses  enfants, 
_  un  maître  qu'il  r<  nd  son  val  t  insolent, 
etc.  Est-ce  leur  inlenlioo  ?  Non,  sans  doute, 
personne  ne  s'y  trompe:  on  conçoit  que 
dans  toutes  ces  façons  de  parler  l'occasioa 
esl  prise  pour  la  cause  ,  el  il  ne  s'ensuit  rien. 
Pourquoi  serions- nous  scandalisés  de  trou- 
ver le  même  style  dans  l'Eiriture  sainte?  — 
Nous  (leioandons  à  un  homme  ingral  et  bru- 
tal :  «  Faut-il  me  maltrailer/joîtr  avoir  voulu 
vous  rendre  service?  »  Nous  disons  d'un  éco- 
lier qui  a  mal  profi  é  des  leçons  qu'on  lui  a 
données  :  "  11  est  bien  mal  instruit,  iwur  avoir 
éludié  sous  d'aussi  habiles  maîtres.  »  Dans 
ces  façons  de  parler,  pour  n'exprime  certai- 
nement pas  la  cause,  mais  l'événement. 

Jésus-Christ  du  dans  l'Evangile:  Je  ne  suis 
pas  venu  apparier  lu  paix,  mais  le  glaive 
[Mutlh.  X,  3i).  Son  intention  n'était  pas  de 
diviser  les  hommes,  puisiiu'il  leur  a  constam- 
ment prêché  la  douceur  el  la  paix  ;  mais  il 
prévoyait  que,  par  la  malice  el  l'incrédulité 
de  plusieurs,  sa  doctrine  serait  parmi  eux 
une  cause  accidentelle,  ou  plulôl  une  occa- 
sion ou  un  sujet  de  division  ;  il  avertissait  ses 
apôtres  des  obstacles  qu'ils  .auraient  à  vain- 
cre (jour  l'ét  iblir.  Dans  le  même  sens,  il  est 
dit  de  lui  qu'il  a  été  établi  pour  la  ruine  et  la 
résurrection  de  plusieurs  dans  Israël  [Luc. 
II,  3i);  que  l'Evangile  el  ses  ministres  sont 
pour  les  uns  une  odeur  mortelle  qui  les  tue, 
et  pour  les  autres  une  odeur  de  vie  qui  les 
ranime  {I  Cor.  ii,  C).  Ce  ne  sont  pas  là  des 
hcbra'ismes,  comme  plusieurs  l'ont  prétendu, 
mais  des  gallicismes  purs.  Encore  une  fois. 
Ces  façons  de  parhr  vonl  communes  à  loules 
les  langues.  — Conséquemment,  l.i  conjonc- 
lioii  ut  de  la  version  latine  ne  doit  pas  tou- 
jours se  rendre  en  français  par  afin  que, 
comme  si  elle  exprimait  l'iolention  de  celui 
([ui  ngil,  mais  pas  demanière  lyue, expression 
23 


Hô 


CAD 


ca(j 


7«6 


tlUi  désigne  seulemenl  ce  qui  s'est  ensuivi, 
même  conlrc  le  gré  de  relui  qui  ;!y;issail. 
Dans  ['Exode,  chap.  xi,  v.9,  Dieu  semble  dire 
à  Moïse:  Pharaon  Uf  vous  écoutera  pas,  afin 
qu'il  se  fasse  des  prodiges  en  Egypte.  Etait-ce 
l'inlcnlion  de  Pharaon?  11  faut  nécessairc- 
inenl  traduire  de  manière  qu'il  se  fera,  ou  je 
fiTai  des  prodiges,  etc.  Jésus-Clirist  dit  aux 
Juifs  :  Vous  atleslerez  vous-mêmes  que  vous 
éles  les  enfants  de  ceux  qui  ont  mis  à  mort  les 
prophètes  [Mattli.  xxiii,  31).  Les  Juifs  n'a- 
v.iient  aucune  envie  de  l'aitester;  lîiais  c'est 
une  conséquence  (]ui  s'ensuivait  do  leur  con- 
duite. Les  apôtres  leur  disent:  Puisque  vous 
rejetez  la  parole  de  Dieu,  et  que  vous  vous 
.luGEZ  INDIGNES  de  la  vie  éternelle,  nous  nous 
tournerons  du  côté  des  païens  [Acl.  xin,  46). 
Les  Juifs  n'en  jugeaient  p;is  ainsi;  mais  leur 
indignité  était  une  conséiiuencc  de  leur  in- 
crédulité. Jésus-Christ  avait  ajouté  :  t'ows 
poursuivrez  et  mettrez  à  mort  mes  disciples, 
AFIN  DE  faire  tomber  sur  vous  tout  le  sang  des 
justes,  etc.  [Matth.  xxiii,  34  et  35);  afin  ne 
désigne  point  ici  l'inlenlion,  mais  l'événe- 
ment. —  Nous  faisons  encore  la  même  équi- 
voque en  français,  lorsque  nous  disons  à  un 
liornme  avec  humeur:  (hélait  bien  la  peine 
d'aller  là  po\ir  faire  une  pareille  sottise,  ou, 
ce  n'était  pas  la  peine  de  tant  travailler  pour 
réussir  aussi  mal.  Nous  ne  prétendons  pas  lui 
reprocher  qu'il  avait  cette  intention.  Ainsi, 
lorsque  saint  Paul  dit  :  La  loi  est  survenue 
POUR  augmenter  le  péché  {Rom.  v,  20),  nous 
ne  sommes  pas  leniés  de  conclure  que  c'était 
là  l'intention  de  Dieu  ;  nous  pensons  qu'il 
faut  traduire:  La  loi  est  survenue  de  manière 
que  le  péché  s'est  augntenlé,  et  c'est  la  re- 
marque de  suini  Jean  Chry^ostome.  A  la  vé- 
rité, saint  Augustin  a  donné  à  ce  passage  un 
sens  plus  rigoureux;  il  [irétend  ((ue  Dieu  a 
donné  exprès  la  loi  aux  Juifs  pour  augmen- 
ter le  péché  ;  afin  qHe,  con\aincus  de  la  né- 
cessité de  la  grâce  par  la  multitude  de  leurs 
transgressions,  ils  implorassent  le  secours 
de  Dieu  (L.  m  contra  dutis  epist.  Pelag.,c,.  4, 
n.  7,  elr.).  Mais  cette  explication  ne  parait 
pas  assez  conforme  au  principe  posé  par 
saint  Paul,  qu'il  ne  faut  pas  faire  le  mal  afin 
qu'il  en  arrive  du  bien  (Rom.  m,  8):  et  à  ce 
que  dit  l'Ecclésiastique,  xy,  21,  que  Dieu  n'a 
donné  lieu  à  personne  de  pécher.  Le  saint 
docteur  a  entendu,  comme  saint  Jean  t'hry- 
.sostome,  le  passage  de  saint  Paul,  tourhaut 
la  loi  ancienne  (L.  i  ad  Simplic,  q.  2,  n.  17, 
et  I.  Il  centra  Adiers.  legis  et  prophel.,  c.  il, 
II.  .'Jti).  L'autre  explication  n'est  donc  pas  in- 
contestable. —  De  même  lorsque  l'Eorilure 
scuildc  attribuer  à  Die;i  l'aveuglement,  les 
erreurs,  l'iucrédulilé,  l'endurcissement  des 
|ié(  heurs,  nous  ne  (oncluroiis  pas,  comme 
CaUin,  comme  les  manichéens,  comme  les 
incrédules,  que  Dieu  a  donc  mis  lui-même 
ces  mauvaises  dispositions  dans  leur  cœur, 
mais  que  sa  fialiencc,  ses  bienfaits,  ses  me- 
naces ou  ses  chàliiiienls  n'ont  abouti  (|u'à  ce 
Cuncste  effet;  qu'il  l'a  p<.roii$,  (|ii'il  n'a  point 
fait  usage  «le  sa  toute-puiss.inee  pour  l'empê- 
cher. Dans  ce  seos  il  est  écrli  ()ue  Dieu  sus- 
t.ila  un  ennemi  à  Salouion  (/V/  Reg.  xi,  23)  • 


que  Dieu  avait  commandé  à  Séméi  de  mau- 
dire David  (//  Reg.  xvi,  10)  ;  qu'il  u  envoyé 
un  esprit  de  mensonge  dans  la  bouche  des 
faux  prophètes  (///  Reg.  xxii,  22}  ;  qu'il  leur 
a  donné  un  esprit  de  vertige  (Isui.  xix , 
14)  ;  qu'il  les  a  séduits  [Ibid.  lxui,  17;  Jcrem, 
XX,  7);  qu'il  les  a  trompés  [Esech.  xiv,  9); 
qu'il  a  livré  les  philosophes  à  un  sens  ré- 
prouvé (Rom.  I,  28)  ;  qu'il  a  envoyé  un  esprit 
d'obstination  {'Ihid.,  8);  qu'il  a  tendu  un 
piège  d'erreur  [IThess.  u,  11);  qu'il  aveugle 
les  pécheurs,  les  endurcit,  les  rend  sourds 
aux  remontrances  (Exod.  \\,  21  ;  Rom.  ix, 
17,  18,  etc.).  —  Sans  cesse  l'Ecriture  répèle 
que  Dieu  est  saint,  ennemi  du  crime;  qu'il  ne 
le  commande  point,  mais  qu'il  le  défend  et  le 
punit;  qu'il  déleste  l'impiété;  qu'il  ne  trompe, 
ne  séduit,  ne  tente  personne  :  elle  dit  que  les 
pécheurs  s'aveuglent  et  s'endurcissent  eux- 
mêmes  :  Dieu  n'y  a  point  de  part.  Nous  ne  ci» 
leroiis  à  ce  propos  qu'un  seul  passage.  N» 
dites  pas  :  Dieu  me  manque  ;  ne  faites  point 
ce  qu'il  défend.  N'ajoutes  /las:  C'est  lui  qui 
m'a  égarf.  ;  car  il  n'a  pas  besoin  des  impies... 
Le  Seigneur  n'a  commandé  à  personne  de  mal 
faire;  il  ne  donne  lieu  de  pécher  à  aucun 
homme  ;  il  ne  veut  point  augmenter  le  nombre 
de  ses  en  fanls  in  fidèles  et  pervers  { Eccli. xi ,  11). 

Cent  expressions  équivoques  ne  peuvent 
obscurcir  une  vérité  aussi  claire;  celles  que 
nous  avons  cilées  ne  pouvaient  pas  plus 
tromper  les  Juifs  que  nos  discours  onlinaires 
ne  trompent  nos  concitoyens.  Si  les  incré- 
dules y  trouvent  un  piège  d'erreur  et  un  mo- 
tif d'o|  iniàtreté,  c'est  qu'ils  le  veulent  ;  Dieu 
n'est  pas  plus  l'auteur  de  leur  enlèlement 
que  de  l'endurcissement  de  tous  les  pécheurs. 
—  Dans  Isaïe  (xliii,  24),  Dieu  dit  aux  Juifs  : 
Vous  m'avez  fait  servir  à  vos  péchés.  Les 
Juifs  avaient-ils  donc  le  pouvoir  de  faire  con- 
tribuer Dieu  à  leurs  péchés  ?Non,  sans  doute; 
mais  par  leur  obstination  ,  les  bienfaits  de 
Dieu  ne  servaient  qu'à  les  rendre  plus  mé- 
chants et  plus  ingrats.  —  Au  contraire,  ce 
qui  est  la  vraie  cause  d'un  événement  est 
quelquefois  exprimé  dans  l'Ecriture  sainte, 
comme  s'il  n'y  avait  pus  contribué.  Dans  7^- 
rémie  (Thren.  v,  IG),  les  Juifs  disent  :  Mal- 
heur à  nous,  et  nous  avons  péché,  c'est-à-dire, 
car  ou  parce  que  nous  avons  péché  :  la  con- 
jouclioii  hébraïque  n'indique  pas  seulement 
la  suite  accidentelle,  mais  l'elTel  du  péché. 

Saint  Augustin,  dira-t-on,  s'est  servi  de 
tous  les  passages  objectés  parles  incrédule», 
pour  prouver  que  Dieu  est  véritablement  la 
cause  de  la  malice  et  de  l'endurcissement  des 
pécheurs.  Lorsque  Julien  lui  répond  que  les 
pécheurs  ont  été  abandonnés  à  eux-mêmes 
par  la  patience  divine,  saint  Augustin  sou- 
tient que,  selon  saint  Paul,  il  y  a  eu  un  acte 
de  patience  et  un  acte  de  puissance;  et  il  le 
piou\e  par  ces  mêmes  passages  (Con<raJu/., 
1.  v,  c.  3,  ir  13  ;  c.  4,  n  15,  etc.).  —  Il  n'est 
pas  vrai  que  saint  Augustin  ail  soutenu  cette 
doctrine  ;  il  s'est  servi  lui-même  du  passage 
de  l'Ecclésiastique  que  nous  venons  de  citer, 
pour  réfuter  ceux  qui  rejetaient  sur  Dieu  la 
cause  de  leurs  péchés  (L.  de  Oral,  et  lih.  arb., 
'-'•  -    '■■  Z]-  11  ^^  yut-  O'cu  cudtircil,  non  ea 


717 


CAl 


«AU 


713 


donoant  de  la  malice  au  pécheor,  mais  en  ne 
lai  faisant  pas  niiséiicord»  {Epist.  19Jp  ad 
Sixtum,  c.  3,  n.  14).  Que  s'il  endurcit  en  ne 
faisant  pas  miséricorde,  ce  n'est  pas  qu'il 
donne  à  l'homme  ce  qui  le  rend  plus  mé- 
chant, mais  c'est  qu'il  ne  lui  donne  pas  ce 
qui  le  rendrait  meilleur  [Ad  Simplic.,  I.  i, 
(I.  2,  n"  15i,  c'çst-à-dirf,  une  grâce  aussi 
foric  qtj'il  la  faudrait  pi)ur  vaincre  son  obs- 
tination {Tract.  53  in  Joui.,  iv  0  et  sui?.). 
En  cela  même  consiste  l'ocre  de  puissance  que 
Dieu  exerce  pour  lors:  celte  puissanie  ne 
brille  nulle  part  avec  plus  d'éclat  que  dans  la 
di"stribulion  qu'elle  fait  des  grâces  comme  il 
lui  plaît  ;  mais  les  pélagicns  ne  voulaient  pas 
que  le  pécheur  eût  besoin  de  grâce.  —  Le 
saint  docteur  dit  que  Pharaon  endurcit  lui- 
même  son  propre  cœur,  el  que  la  patience 
de  Dieu  en  fut  {'occasion  (L.  de  Grat.  et  lib. 
nrb.,  n°45  ;  Serin.  57,  n''8;irt  ps.  cxl,  n"  17) 
Il  soutient  que  Dieu  ne  nous  aide  jamais  à 
ptelier  {De  pecc.  meriC.  el  remiss.,  1.  ii,  n"  5)  ; 
que  quand  nous  disons  à  Dieu  de  ne  pas  nous 
induire  en  tentation,  nous  demandons  de  ne 
pas  nous  y  laisser  tomber  en  nous  abandon- 
nant (lipisl.  157,  i\°  16;  de  Dono  persev., 
u"  'J  el  12,  Ole).  —  Origène,  saint  Basile, 
saint  Grégoire  de  Nazianze,  saint  Jean  Chrj- 
soslome,  saint  Jérônu-,  ont  expliqué  demêmc 
les  passages  de  l'EL-riluro  qui  regardent  l'en- 
durcissement, el  qui  sentblenl  altribuer  à 
Dieu  la  cnuse  du  péché.  C'esl  donc  Irès-mal 
à  propos  que  Calvin,  Jansénius  el  tant  d'ati- 
tres  onl  prétendu  avoir  pui.sé  dans  saint  Au' 
t(!uslin  les  impiétés  i]ii'ils  onl  sculenues  ;  et 
c'esl  une  injustice,  de  la  pari  des  incrédules, 
d'afGrmer  que  saint  Augustin  a  été  dans  les 
mêmes  opinions  que  Jansénius  et  Calvin, 
loi/.  Grâce,  §  111. 

Causes  finales.  La  question  des  causes  fi- 
nales semble  regarder  de  plus  près  les  plula- 
sophes  que  les  théologiens;  mais  l'Ecrilurc 
sainte,  dans  l'histoire  de  la  création,  attribue 
à  l'auteur  do  la  nature  un  but,  un  dessein, 
dans  la  production  des  dilTérenls  êtres;  elle 
nous  enseigne  que  Dieu  a  fait  l'un  pour  ser- 
vir l'aulre;  qu'après  avoir  aclievc  son  ou- 
vrage, il  vil  que  tout  éUtil  bien.  Elle  suppose 
donc  qu'il  y  a  des  causes  finales;  il  s'agit  de 
savoir  si  les  raisonnements  el  les  hypothèses 
des  matérialistes  peuvent  renverser  celle 
doctrine. 

Ou  le  monJe,  Ici  qu'il  est,  vient  du  hasard 
el  d'une  nécessité  aveugle,  ou  c'esl  l'ouvrage 
d'une  cause  intelligente  :  il  n'y  a  pas  de  mi- 
lieu.Tout  pourrait  être  autrement  qu'il  n'est, 
Sans  qu'il  en  réswllâl  aucune  conlraJiclion  ; 
il  n'ya  djnc  point  là  de  nécessité.  Or,  certains 
êtres  dcpendenl  des  autres  el  ne  peuvent  sub- 
sister sans  eux  :  celle  relation  de  dépendance 
esl constante  cl  invariable;  elle  ne  vient  donc 
pas  du  hasard,  c'a  été  le  dessein  d'une  cause 
inlelligenle  el  libre.  —  Lorsqu'une  inlelli- 
g.!nce  agit,  elle  sait  ce  qu'elle  fait;  elle 
cunnaîl  son  action  ,  cl  veut  l'eiTct  qui  doit 
s'ensuivre;  quand  elle  produit  une  raitse 
physique,  elle  prcvoit  el  veut  l'elTel  qui  en 
résultera:  autrenienl  elle  agirai  tout  à  la 
(jis  eu  cuuse  inlelligenle  cl  en  cnusf  aveugle; 


ce  qui  esl  absurde.  L'effet  est  donc  le  but 
immédiat  ou  la  fin  prochaine  qu'un  être 
inlelligont  se  propose  en  produisant  uno 
couse  physique,  et  celte  cause  est  le  moyen. 
Ainsi,  la  recherche  des  causes  finales  n'est 
autre  chose  que  la  recherche  des  effets  pro- 
duits par  les  causes  physiques.  —  Puisque 
certains  êtres  conlrihuent  comme  causes  pliy  - 
siques  à  la  conservation  et  au  bien-être  des 
autres,  c'est  l'inlelligence  du  Créateur  (jui  a 
établi  celte  relation;  elle  n'est  ni  fortuite,  ni 
imprévue,  ni  nécessaire  à  son  égard  ;  il  au- 
rait pu  faire  autrement,  et  il  a  voulu  faire 
ce  qui  est  :  donc  les  élres  qui  servent  à  l'uli- 
lilé  et  au  besoin  des  autres  sont  destinés  par 
le  Créateur  à  cet  usage  ou  à  celle  fin  :  donc 
les  derniers  sont  la  cause  finale  des  pre- 
miers. Nous  ne  voyons  pas  en  quoi  pèche 
cette  démonstration.  —  Or,  entre  les  cires 
vivants,  celui  auquel  Dieu  a  donné  plus  de 
facultés  et  plus  de  talent  pour  faire  servir  à 
son  bien-êlre  les  autres  créatures,  esl  évi- 
demment l'homme;  donc  Dieu  a  formé  ces 
créatures  pour  l'avantage  el  le  bien-être  de 
l'homme,  malgré  l'abus  que  celui-ci  peut  eu 
faire  contre  l'intention  du  Créateur.  Celle 
doctrine  de  l'Ecriture  sainte  tend  à  rendre 
l'homme  altenlif,  reconnaissant,  religieux; 
les  sophisnies  par  lesquels  ou  l'attaque  ne 
peuvent  aboutir  qu'à  nous  rendre  slupides  et 
abrutis. 

On  dilqa'cnattribuanl  àDieu  des  desseinsët 
un  but,  nous  le  faisons  agir  à  la  manière  do 
l'homme;  celui-ci  se  propose  uuc  fin,  parce 
([u'il  en  a  besoin,  Dieu  n'a  besoin  ni  de  lins,  ni 
de  moyens.  —En  nous  accusaul d'un  sophisme 
el  d'une  comparaison  fausse,  ne  sonl-ce  pas 
nos  adversaires  qui  font  l'un  et  l'autre? 
Voici  leur  raisonnement  :  lorsque  l'homme 
se  propose  oiic  fin  et  prend  des  moyens, 
c'esl  (ju'il  en  a  besom;  donc  si  Dieu  fait  de 
même,  c'esl  aussi  par  le  besoin.  Nous  reje- 
tons celle  conséquence  Dieu  n'avait  pas  be- 
soin de  créer  le  monde,  cepenilanl  il  l'a  fait  ; 
il  n'avait  pas  besoin  d'e  produire  tel  elTel 
physique  par  le  moyen  de  telle  cause,  mais 
il  a  voulu  que  cela  fiil  ainsi;  il  n'avait  pas 
besoin  d'aliments  pour  conserver  les  élres 
vivants,  ceux-ci  néanmoins  ne  peuvent  sis 
conserver  autrement.  Agir  pour  une  fin  n'est 
donc  pas  pour  lui  un  besoin,  mais  une  per- 
fection; il  agit  ainsi,  non  parce  qu'il  est  in- 
digent, mais  paixe  qu'il  est  intelligent,  sago 
et  bon.  Nous  demandons  si  agir  à  t'aveugle, 
sans  savoir  ce  qu'on  fait  et  sans  le  vouloir, 
esluneplus  grande  perfeclion  que  d'agir  pour 
une  fin.  — A  la  vérité,  il  y  a  encore  plusieurs 
êtres  dont  nous  ne  voyons  pas  l'ulilité  ou  la 
cause  finale,  de  même  qu'il  y  a  des  phénomè- 
nes dont  nous  ignorons  la  cause  physique  ; 
mais  de  ce  que  nots  ne  connaissons  pas  tou- 
tes les  causes,  il  ne  s'ensuit  point  que  nous 
n'en  connaissions  aucune.  Une  élude  assidue 
de  lanalurenous  faildôcouvrir  tous  les  jours 
de  nouveaux  phénomènes  el  de  nouvelles 
causes  [ihysiques;  donc  elle  peut  nous  mon- 
trer aussi  des  cau»c3  finales  qui  nous  étaient 
inconnues. 

On  répIi  lue  :  Si  Diou   a  destine  à  notre 


713 


CAU 


CEL 


7iô 


e  •isprvalioa  el  à  notre  bion-èlrc  ce  qui  y 
ooniribue  en  effet,  il  a  donc-  aussi  (le>liné  à 
notre  malheur  et  à  nulro  deslrucli  jn  ce  qui 
nous  lilesse  el  nous  lue;  où  est  le  motif  de 
bénir  la  bonté  el  la  s.igesse  du  Créalour?  — 
S'il  avait  été  de  celle  honléot  de  celle  sa- 
gesse inOnie  de  nous  accorder  sur  la  terre 
un  l)onlirur  cotiiplel  et  constant  ,  une  vie 
exempte  de-l(uit  iiinl  physiiiue,  Dieu  l'aurait 
fait,  sans  doute  ;  il  aurait  disposé  les  êtres  de 
manière  qu'aucun  ne  pût  nous  nuire  ;  mais 
cela  devait-il  être  ainsi?  Depuis  que  l'on  ar- 
fçumente  sur  l'origine  du  mal,  el  que  l'on 
eu  fait  la  liasi'  de  mille  objections  ,  esl-on 
parvenu  à  démontrer  que  le  bien-être  ac- 
cordé aux  créatures  vivantes  par  une  lionté 
infiniene  doit  être  mélangé  d'aucun  degré 
de  mal,  que  le  bien  est  un  mal,  à  moins  qu'il 
ne  soit  absolu  et  augmenté  à  l'infini?  On  ne 
le  prouvera  jamais,  puisque  c'est  une  absur- 
«lilé.  Conséquemuient  ,  sans  déroger  à  la 
bonté  divine,  nous  croyons  ,  conformément 
à  l'Ecriture  sainte  el  à  la  droite  raison,  que 
Dieu  seul,  principe  du  bien,  est  aussi  l'au- 
leurdes  maux  (Isai,  xlv,7;  Amos,  m,  6,  etc.), 
el  qu'il  ne  s'ensuit  rien  contre  les  caitses  fi- 
nales. Voy.  Mal. 

Les  philosophes  modernes  qui  se  sont  éle- 
^és  avec  chaleur  contre  les  causes  finales  ne 
nous  semblent  pas  avoir  saisi  le  vrai  point  de 
la  question  ;  elle  .se  réduit  à  savoir  si  l'u- 
nivers est  le  résultai  d'une  néi  essité  aveu- 
gle, que  nous  nomn-.ons  \e  hasard,  ou  si  c'est 
l'ouvrage  d'un  être  inlclligent  et  libre  qui 
o|)ère  avec  connaissance  el  avec  choix.  Di- 
ront-ils que  la  constitution  de  l'univers  ne 
dénote  pas  certaincmont  l'opération  d'une 
cause  intrlligenle  ?  Dans  ce  cas,  nous  leur 
demanderons  (]ucl  est  le  signe  par  lequel 
nous  pouvons  distinguer  le  procédé  d'une 
cause  intelligente,  d'avec  celui  d'une  cause 
aveu^^le;  mais  nous  attendrons  longtemps  la 
réponse.  — Dès  que  l'on  perd  de  vue  les  cau- 
ses finales,  et  (|ue  l'on  méconnaît  dans  la 
marche  de  l'univers  l»main  d'un  Di;!u  bon, 
sage  el  puissant,  l'élude  de  la  nature  devient 
sèche  ,  insipide,  morte,  sans  fruit  cl  sans  at- 
traits ;  la  physique  ,  l'histoire  nalurclle,  la 
tosnii  gonie,  la  botanique,  eic.,  se  réduisent 
presque  à  une  simple  nuuienclalure  et  à  un 
mécanisme  aveugle  dont  on  ne  voil  ni  le 
principe  ni  l'utilité.  Si  au  contraire  l'on  rap- 
porte t"ul  à  une  providence  attentive  et 
bienfa  saute  ,  le  cœur  est  louché  el  l'espril 
sali.sfa  l  ;  l'homme  seul  .':lors  (|u'il  lient  un 
rang  dans  l'univers,  il  béuii  l'auteur  de  son 
être,  et  en  devient  meilleur. — Agir  poiir  une 
cause  finale  à  dessein  el  avec  une  intention  , 
csl  le  caractère  des  êires  intelligents  et  li- 
bres, el  les  aciions  ainsi  faites  sont  les  seu- 
les capables  de  muralitc,  les  seules  qui  nous 
soient  imputables.  Mais  nous  avons  déjà 
remarqué  dans  1  article  précédent  (lue  sou- 
vent I  licriture  sainic  semble  altrihurr  a  une 
intention,  à  un  dessein  lormé  ,  à  uni-  cause 
jinale,  ce  qui  arrive  contre  riulention  ou  sans 
l'inlenliou  de  celui  qui  agit  ;  elle  s'exprime 
ainsi,  soit  à  l'égard  dé  -Dieu  ,  soi!  à  l'égard 
dos  liouiiiies.  Sainl  .Mailliieu,   par  cxiinple, 


fail  aux  circonstances  de  la  vie  du  Sauveur 

l'application  de  plusieurs  prophéties  qni  , 
selon  le  sens  d'un  prophète,  paraissent  avoir 
en  un  autre  objet  ;  il  dit,  c.  ii,  v.  15,  que  Jé- 
sus enfant  demeura  en  hgyple  jusqu'à  la 
mort  d'Hérod;',  pour  accomplir,  ou  afin  d'ac- 
complir ce  qui  avait  été  dit  par  un  prophète  : 
J'ai  appelé  mon  fils  de  l'E<j>ip!e;  c'est  en  par- 
lant des  I>raéliles  qu'Osée  avait  dil  ces  pa- 
roles, 0.  II,  V.  1,  et  probablement  les  parents 
de  Jésus  n'avaient  aucun  de-sein  il'accomplir 
celte  prédiction.  Il  dil,  v.  23,  que  Jésus  de- 
meura à  Nazareth  pour  accomplir  ce  qui 
avait  été  dil  par  les  prophètes  :  //  sera  nommé 
Nazaréen;  il  est  vraisemblable  que  les  pro- 
phètes ne  faisaient,  par  ces  paroles,  aucune 
allu  ion  à  la  ville  de  Nazareth.  L'évangéliste 
entend  donc  seulemenl  q'c  ces  paroles  et 
les  piécédentes  se  trouvèrent  accomplies 
une  seconde  fois  et  dans  un  sens  différent  de 
celui  qui  peut-être  avait  été  le  seul  qu'eiit 
le  prophète  en  écrivant. 

Saint  Paul  [Galat.  ti,  ih]  dit  à  saint  Pierre  : 
Vous  forcez  les  gentils  à  judaïser.  Ce  n'était 
pas  le  dessein  de  saint  Pierre  ;  mais  sa  con- 
duite pouvait  donner  lieu  aux  gentils  de  con- 
clure qu'ils  étaient  obligés  de  juda'ïser,  ou 
d'observer  les  cérémonies  de  la  loi  de  Moïse. 
Tous  les  jours  nous  disons  de  même  dans  les 
discours  familiers  :  \'ous  m'avez  forcé  de 
faire  telle  chose  ;  c'est-à-dire,  votre  condui- 
te a  été  Dour  moi  un  molifde  faire  ce  que  j'ai 
fait. 

On  ne  peut  pas  trop  répéter  ces  réflexions, 
parce  que  les  incrédules  et  même  quelques  « 
théologiens  ont  fait  un  abus  énorme  des 
équivoques  semblables  qu'ils  ont  trouvées  , 
soit  dans  l'Ecriture  sainte,  soit  dans  les  Pè- 
res de  l'Eglise.  Ils  veulent  nous  persuader 
que  l'hébreu  est  une  langue  extraordinaire, 
inintelligible,  qui  ne  ressemble  à  aucune  au- 
tre, qui  signifie  tout  ce  (iiie  l'on  veut,  parce 
qu'ils  n'ont  pas  pris  la  peine  de  la  comparer 
à  aucune  autre,  pas  même  avec  leur  langue 
maternelle,  dans  1  iquelle  ils  auraient  trou- 
vé les  mêmes  prétendus  contre-sens  et  les 
mêmes  inconvènicnls.  Voy.  Hébiuisme. 

*  Cacies  MAjEuiiES.  On  donne  ce  nom  à  loiiies  les 
causes  religieusis  iiiiporlantes  cuncernanl  les  grands 
persoiniages,  les  rois,  les  évèipies,  etc. 

On  demande  si  le  p.ipe  peut  év()f)uer  à  son  tribu- 
nal les  causes  majeures.  — Ci;  droit  est  une  coiisé- 
fpience  évidente  du  principe  de  la  juriiliciion  du  pa- 
pe :  car  si  le  (lape  possède  une  juridiction  iinmc- 
diaicsur  louii' rKgli-e,  il  peuiévoi|uer  à  son  triliunul 
non  seuliMiieiit  li^s  call^es  majeures,  mais  niêiiie 
loiiie  ospèc'e  de  cau>es.  —  Mais  doit-on  rapporter 
au  triliiinal  du  souverain  pontife  les  causes  majeures? 
Les  thé  ilogieiis  (lisent  qu'il  y  a  oliligaiiun  de  lefairc, 
parce  ((ue  le  tnliuiial  d'un  évèiph;  snumis  à  l'autori- 
té lempiirelle  d'un  prince  liiui-|iuissaiit  pourrait  ne 
pas  avoir  assez  d'indèpcnilaiire  pour  les  décidcT  coii- 
forriidiiient  aux  règl  's  de  la  justice.  l.'aiiCÉin  deigé 
de  France,  si  ami  de  sesljbenés  elde  ses  fiaiicliiscs, 

reco Il  la  néeessiié  de   les  porter  à    nu   tiiliunal 

supérieur,  tlnatre-viuj^ls  évêipies  demandèienl,  en 
l(>>l,ipie,  suivaiil  la  couinuie  solennelle  et  perpé- 
tuelle, les  causes  majeures  fusseui  réréré..'S  au  saint- 
siège. 

CfiLÉURANT.  L'on  appelle  ainsi  dans  l'E- 
glise toinaiuc  l'évéïiue  on  !•  prêtre  qui  oITro 


■m 


CF.L 


le  sainl  sarriflc.e  de  la  messo,  pour  le  dis- 
tinguer du  diacre,  du  sous-diacre  et  des  au- 
tres minislies  qui  assislent  à  l'aulel. 

L'abbé  Reiiaudot,  dans  sa  CoUfvtion  des 
lilaniies  orientales  ,  le  P.  Lebrun,  dans  son 
Explication  des  cérémonies  de  In  messe,  l.  1  , 
e(c.,  ont  f.iil  voir  que  dans  toutes  le-,  com- 
munions chrétiennes  il  est  d*usaji;e  que  le  cé- 
lébrant se  prépare  à  offrir  le  saint  sacrifice 
par  la  confession  de  ses  péchés,  s'il  en  a  be- 
soin, par  la  retraite,  par  des  veilles,  par  des 
prières,  par  la  plus  grande  pureté  intérieure 
et  extérieure.  L'oftice  delà  nuit  et  du  malin 
est  une  pariie  de  celte  préparation  ;  mais  il 
y  a  encore  d'autres  prières  qui  doivent  pré- 
céder la  célébration  ;  il  en  est  que  le  prêtre 
doit  réciter  en  prenant  les  habits  sacerdo- 
taux, et  tout  ce  qui  précède  le  canon  n'est 
censé  qu'une'préparalion  à  la  consécration 
de  l'eucharisiic.  L'on  a  toujours  été  persua- 
d  ■  (lue  le  célébrant  doit  apportera  celte  gran- 
de action  des  dispositions  plus  saintes  et 
plus  p.irfaites  que  le  simple  Cdèle  n'est  obli- 
gé d'en  avoir  pour  recevoir  la  communion. 

De  cette  conduite  de  l'Eglise  chrétienne,  il 
est  aisé  de  conclure  que  dans  tous  les  siècli's 
elle  a  eu  du  sacrifice  de  la  messe  une  idée 
bien  dilTérenle  de  celles  que  les  secles  hé- 
térodoxes ont  conçues  de  la  cérémonie  qu'el- 
les nomment  la  cène.  Le  dogme  de  la  pré- 
sence réell.'  qu'elle  admet,  a  dû  mettre  entre 
son  culte  et  le  leur  la  difi'éience  énorme  que 
nous  y  voyons,  et  l'appareil  de  son  culte  est 
aussi  ancien  qu'elle.  Vot/.  Lituugie. 

Lorsqu'un  prêtre  se  souvient  que  ce  que 
l'on  nomme  aujourd'hui  messe  solennrlle,  est 
la  messe  dis  premiers  siècles,  c'en  est  assez 
pour  lui  faire  comprendre  que  l'habitude 
d'offrir  lous  les  jours  ce  sainl  sacrifice  ne  le 
dispense  pas  de  la  préparation. 

Dans  le  voyage  (]ue  le  souverain  pontife 
Pie  VI  a  l'ail  en  Allemagne,  en  178-2,  les  pio- 
teslants,  aussi  bien  (loe  les  calholiques,  ont 
été  frappés  de  la  majesté,  du  respei  I,  de  la 
p'iélé  avec  lesquels  ils  lui  ont  vu  clébrer  le 
saint  sacrifice  de  la  me-se. 

CÉLESTiNS (I ).  religieux  qui  vivent  selon 
la  règle  du  pape  ('éleslin  V.  Geponlife,  avant 
d'èlre  élevé  sur  la  chaire  de  saint  Pierre,  et 
ne  portant  encore  que  le  nom  de  Pierre  de 
Moron,  établit,  en  12'i4,  une  congrégation 
de  religieux  réformés  de  l'ordre  de  S;iiiit- 
liernard.  —  Son  premier  élaldisscmeat  se  fit  au 
mont  Majella  en  Italie;  Urbain  IV  le  confir- 
ma en  126i,eldix  ansapiès,  Grégoire  X,dans 
le  second  concile  général  de  Lyon,  accorda 
à  cet  ordre,  par  ses  bulles,  plusieurs  privilè- 
ges cl  exemptions,  et  entre  autres  celles  de 
la  juridiction  des  ordinaires  et  du  payement 
de  la  dime  de  ses  fruits  et  de  ses  troupeaux. 
—  Gel  ordre  passa  d'Italie  en  France  vers 
l'an  1300,  sous  le  régne  de  Philippe  le  Bel, 
qui  leur  donna  deux  monastères,  l'un  dans 
la  forêt  d  Orléans,  au  lieu  appelé  Ambert, 
l'autre  dans  celle  de  Compiègne,  au  Mont- 
de-Chartres.  En  i;{18,  ils  s'établirent  à  Paris 
dans  une  niiiison  que  leur  fonda  Pierre  .Mar- 
tel, bourgeois  de  celle  vi':e.  —  Celte  m  dsDu 

(I)  Cet  article  est  reprodiiii  d'.iprés  l'éd.  de  Liéi;o. 


CRf,  7-'.-} 

était,  en  France,  chef  de  l'ordre,  qui  consis- 
tait en  vingt-trois  maisons,  (lui  toutes  étaient 
gouvernées  par  un  provinci.il  électif,  tous 
les  trois  .ans,  par  le  chapitre  particulier  des 
Céleslins  du  royaume.  Ce  provincial  avait  le 
même  pouvoir  sur  les  monastères  de  Franco 
que  le  général  sur  ceux  de  l'ordre.  —  La 
maison  de  Paris  jouissait,  sur  les  émolu- 
ments du  sceau,  d'une  bourse  semblable  à 
colle  des  secrétaires  du  roi,  que  Charles, 
dauphin  de  France,  leur  avait  donnée  pen- 
dant la  détenti:in  du  roi  Jean,  son  père,  îu 
Angleterre.  En  1673,  Louis  XIV  avait  or- 
donné qu'/iu  lieu  de  cette  bourse  ils  louche- 
raient sur  les  émoluments  du  sceau  75  livres 
par  quartier. 

Nous  ne  nous  étendrons  pas  davantage  sur 
cet  ordre,  qui  ne  subsiste  plus  en  France. 
Louis  XV,  par  un  édit  de  1768,  avait  ordonné 
que  la  conventualité  serait  rétablie  dans 
toutes  les  maisons  religieuses,  et  qu'en  con- 
séquence, chaque  ordre  établi  dans  le  royau- 
me s'assemblerait  en  chapiire  général  pour 
lui  proposer  les  moyens  qu'il  trouverait 
convenables  pour  remplir  ce  but. —  Les  Ce- 
/e.s/iHs  s'assemblèrent  an  mois  d'octobre  1770, 
à  Limay-lèsMantes  ;  effrayés  de  la  proposi- 
tion d'une  réforme,  ils  demandèrent,  d'une 
voix  unanime,  d'être  dispensés  de  l'exéculion 
de  ledit  de  1768,  et  consentirent  à  l'enliève 
destruction  de  leur  ordre.  —  Le  roi  fil  con- 
naître leurs  intcMlions  au  pape.  Ijlément  XIV 
adressa  un  brel  aux  évêques  de  France,  et 
les  chargea  de  visiter,  chacun  dans  son 
diocèse  respectif,  les  maisons  des  Cclestins 
qui  y  étaient  situées.  Lors()ue  ce  bref  eut  été 
revêtu  de  lellres  patentes  dùme?U  enregis- 
trées, les  évêques,  comme  commissaires  et 
délégués  du  siinl-siege,  procédèrent  à  la 
visite  ordonnée.  Leurs  procès-verbaux  ont 
constaié  l'iinpossibililé  d'él.iblir  la  réforme, 
et  la  persévérance  des  religieux  à  demander 
leur  sécularisalioii.  D'après  ces  procès-ver- 
baux, le  pape  a  procédé  à  la  suppression, 
non  de  l'ordre  entier,  mais  des  maisons  par- 
ticulières. Celles  des  monastères  de  Metz, 
Sens,  des  Termes,  ambert,  de  Veihy,  d'Rs- 
climonl,  de  \ille-Ncuve,  d'OITremont,  de  la 
Châtre,  de  llouen,  de  Lim  ly,  d'Amiens  et  de 
Lyon,  ont  déjà  été  supprimées  par  des  brefs 
particuliers  de  Pie  VI,  des  2i  mai  1776,  8 
janvier  1777  et  30  septembre  1778.  Ces  brefs 
ont  été  revêtus  de  lettres  patentes  enregis- 
trées au  [larlemenl  de  Paris. —  Par  ces  brefs, 
les  religieux  Célestins  ont  été  sécularisés. 
Le  pape  et  le  roi  ont  néanmoins  permis  à 
ceux  d'entre  eux  qui  désireraient  coniinuer 
de  vivre  eu  forme  de  communaulé  religieuse, 
de  se  retirer  dans  la  maison  de  Slarcoussy, 
diocèse  de  Paris. 

Le  sort  de  l;i  ra.iison  de  Paris  n'est  point 
encore  fixé.  En  vertu  d'un  arrêt  du  conseil 
du  2  octobre  1778,  les  cominiisaires  nom  .es 
par  le  roi  ont  procédé  au  réeolemeii'  de 
l'inventaire  des  biens  meublis  et  immeuh  es 
en  dépendants,  fait  précédemment  en  cxécu- 
lioi)  de  deux  autres  ariêls  des  2  octobre  1772 
et  -29  mirs  1776.  Les  religieux  ont  été  obligés 
de  sortir  de  la  maison  aussitôt  que  ce  réco- 


725 


CEL 


CEL 


784 


lement  a  éîé  fini  :  la  régie  ae  lenrs  biens  n 
été  confiée  an  receveur  généra!  du  clergé, 
sons  l'inspeclion  et  l'aulorilé  dos  commis- 
saires du  roi  ;  il  rsl  lenu  de  payer,  de  deux 
niois^en  deut  mois  et  d'avance,  les  pensions 
ordonnées  p"ur  la  nourriture  et  l'cnlrelien 
de  chaque  relip;ieux.  (Eslrait  du  Diclionn.  de 
Jurif prudence.)  \i] 

CÉLinAT,  CONTINENCE,  état  de  ceux 
qui  ont  renoncé  au  mariage  par  motif  de 
religi'.iii. 

L'Iiisloire  du  c^/ifta?,  considéré  en  Ini- 
iiiéme,  l'idée  qu'en  ont  eue  les  peuples  an- 
I  icn«,  les  lois  qui  ont  été  faites  pour  l'abolir, 
les  incon\énients  qui  peuvent  en  résulter 
dans  les  circonstances  où  nous  ne  sommes 
poin',  sont  l'es  spéculations  étrangères  à 
l'objet  de  la  théologie.  Nous  devons  nous 
borner  à  examiner  si  l'Kglisc  chrétienne  a 
l'U  de  bonnes  raisons  d'y  assujettir  ses  mi- 
nistres, et  d'en  autoriser  le  vœu  dans  l'état 
monastique,  si  les  prétendus  avantages  qui 
résulteraient  du  mariage  des  prêtres  (I  des 
religieux  sont  aussi  certains  et  aussi  solides 
«ju'on  a  voulu  le  persuader  de  nos  jours. 

Déj'i  les  censeurs  de  cette  diseipline  de 
l'Eglise  conviennent  que  le  célibat,  considéré 
on  liii-niênje,  n'est  point  illégitime,  lorsqu'il 
est  ét'ilili  p  ir  une  autorité  divine;  que  Dieu, 
t^ati.s  do'ile,  peut  témoigner  que  la  [)ralique 
de  la  coMiinenee  lui  est  agréable  :  or,  il  l'a 
témoigné  (n  elTel.  Jésu>i-Christ,  après  avoir 
à\l:  Heureux  les  cœurs  purs,  parce  qu'ils 
rerront  Dieu  [Mallh.  v,  8),  ajoute  ailleurs  : 
Jly  n  des  eunuques  qui  ont  renoncé  un  mariage 
four  le  roijnumc  des  deux  :  que  cehii  qui  peut 
le  runceioir  ij  fusse  attention...  Quiconque 
aura  quitté  sa  famille,  son  l'pon^e,  ses  enfanis, 
.1rs  p  ssessions,  à  cause  de  nion  nom,  recevra 
te  centuplt  et  aur.i  la  vie  éternelle  (Matth. 
xi\,  12,  :-n).  .Si  celui  qui  vient  à  moi  n'est  pas 
disposé  à  i,uittcr  son  père,  sa  mère,  son  épouse, 
ses  enfanta,  ses  fri'nes  et  srurs,  sa  propre  vie, 
il  ne  peut  être  mon  disciple  [Luc.  xiv,  26), 
Tel  est,  en  effet,  le  sacrifice  que  les  apôtres 
ont  été  obligés  de  faire  ;  ou  ils  ont  demeuré 
dans  le  célibat,  u\\  ils  ont  tout  quitté  pour  se 
livrer  à  la  prédication  de  l'Kvangile  et  aux 
«ravaux  de  raposlol.it.  Cependant  certains 
criHijucs  ont  affirmé  avec  une  entière  cou- 
fianee  <(ue  Jésus-Christ  n'a  imposé  à  per- 
sonne l'oblig  tion  de  la  coniiiionce ,  pas 
même  au\  apôtres  (Barheyrac,  Traité  de  la 
Morale  des  /'ères,  chap.  vm,  §i  et  suiv.). — 
Saint  Paul  ilit  ans  fidèles  :  Ce  n'est  point  un 
ordre  que  je  vous  donne,  mais  un  conseil  :  je 
voudrais  que  vous  fussiez  tous  comme  moi  ; 
mais  chacun  reçoit  de  IHeu  le  don  qui  lui 
convient.  Je  dis  donc  A  ceux  qui  sont  dans  le 
CÉLIBAT  ou  dans  le  veuvage,  qu'il  leur  est  bon 
d'y  demeurer  comme  moi.  S'ils  uc  peuvent 
garder  la  co^tinenck,  qu'ils  se  marieni ;  cela 
tout  mieux  que  de  brûler  d'un  feu  impur  (/ 
Cor.  VII,  6).  Il  avait  commencé  par  poser 
pour  maxime  qu'il  est  bon  à  1  homme  de  ne 
pas  toucher  une  femme  [Ibid.,  v.  1).    Pour 

(\)  Ot  ordre,  comme  beiuiciinp  d'antres,  ;i  dispii 

u  en  France.  ••       •    - 

t.  Hélyoi,  èdi 


lu  en  France.  Voy.  le  Dic(.  rfes   Ordres  reliejicux  du 
^ t.  MIgne. 


détourner  le  seils  de  ce  passage,  Darlieyrat 
dit  que  saint  Paul  parlait  ainsi,  à  cause  des 
persécutions,  et  non  pour  tous  les  temps  ; 
mais  le  texte  même  réfuie  cette  explication. 
La  raison  que  donne  saint  Paul  est  que  celui 
qui  est  marié  est  occupé  des  choses  de  ce 
monde  et  du  soin  de  plaire  à  son  épouse  ;  au 
lieu  que  celui  qui  vit  dans  le  célibat  n'a  d'au- 
tre soin  que  de  servir  Dieu  et  de  lui  plaire 
[Ibid.,  V.  32).  Cette  raison  est  certainement 
pour  tous  les  temps,  il  exhorte  Tiuiolhée  à 
se  conserver  chaste  (/  Tim.  v,  22).  Entre  les 
qualités  d'un  éTêque,  il  demande  qu'il  n'ait 
eu  qu'une  femme,  et  qu'il  soit  continent  [Tit. 
I,  8).  Par  continence,  jamais  saint  Paul  n'a 
entendu  l'usage  modéré  du  mariage,  mais 
l'abstinence  absolue;  cela  est  clair  par  le 
premier  passage  que  nous  venons  de  ciler. 

Mosheim  convient  que,  dès  l'origine  du 
christianisme,  les  paroles  de  Jésus-Christ  et 
celles  de  saint  Paul  ont  été  prises  à  la  lettre, 
et  que  c'est  ce  qui  a  inspiré  aux  premiers 
chrétiens  tant  d'estime  pour  le  célibat;  il  le 
prouve  par  des  passages  d'Athénagore  <'t  de 
Tertullien  {Hisl.  christ.,  sec.  2,  §  35,  nnie  1). 
^  Saint  Jean  représente  devant  le  trôm- de 
Dieu  une  foule  de  bienheureux  plus  élevés 
en  gloire  (lue  les  autres.  Voilà,  dit-il,  ceux 
qui  ne  se  sont  point  souillés  avec  les  femmes; 
ils  sont  vierges,  ils  suivent  l'Agneitu  partout 
où  il  va;  ce  sont  les  prémices  de  ceux  qu'il  a 
rachetés  à  Dieu  parmi  les  hommes  [Apoc.  xiv, 
4).  El  Ion  ose  encore  décider  que  l'Ecriture 
n'attache  aucune  idée  de  sainteté  ou  de  per- 
fection à  la  continence,  liarbeyrac  {[bid.). 

Vainement  (|uelques  incrédules  ont  conclu 
de  là  (jue  le  christianisme  avilit  le  mariage 
et  en  détourne  les  hommes;  au  contraire, 
c'est  Jésus-Christ  qui  lui  a  rendu  sa  sainteté 
et  sa  dignité  primitives;  les  apôtres  ont  con- 
dainné  les  hérétiques  qui  le  regardaient 
ctimnie  un  étal  impur;  mais  ils  nous  repré- 
sentent la  continente  comme  un  état  plus 
parfait,  par  conséquent  comme  plus  conve- 
nable aux  ministres  du  Seigneur.  Un  état 
moins  parfait  qu'u;\  autre  n'est  pas  pour 
cela  criminel  ou  impur. 

Les  mêmes  critiques  avouent,  en  second 
lieu,  (\uc  tous  les  peuples  anciens  ont  atta- 
ché une  idée  de  perfection  à  l'étal  de  conti- 
nence, cl  ont  jugé  que  cet  état  convenait 
surtout  aux  hoMiines  consacrés  au  culte  de 
la  divinité.  Juifs,  Egyptiens,  Perses,  Indiens, 
Grecs,  Thraces,  Romains,  Gaulois,  Péru- 
viens, philosophes,  disciples  de  Pytliagore 
cl  de  Plalon,  Cicéron  et  Socrate,  tous  se  sont 
accordés  sur  ce  point.  On  sait  l'excès  des 
prérogatives  ([uc  les  Romains  avaient  accdr- 
dées  aux  vestales.  Il  n'est  donc  pas  étonnant 
que  les  fondateurs  du  christianisme  aient 
rectifié  et  consacré  cette  même  idée.  Malgré 
la  haute  sagesse  dont  se  Hattent  nos  politi- 
ques modernes,  nous  présumons  que  l'opi- 
nion des  anciens  pouvait  être  mieux  fondée 
que  la  leur. 

lui  troisième  lieu,  ils  conviennent  que 
l'espril  et  le  vœu  de  l'Eglise  ont  toujours  été 
que  ses  principaux  ininislres  vécussent  dang 
la  continence,  et  qu'elle  a  toujours  travaillé 


a  PII  établir  1.1  loi.  En  effet,  le  concile  .!e 
Néoccsorée,  tenu  en  315,  dix  ans  avnnt  celui 
de  Nicée,  ordonne  de  déposer  un  prêtre  qui 
se  serait  marié  après  son  ordination.  Celui 
d'Ancyre,  deux  ans  auparavant,  n'avait  per- 
mis le  mariage  qu'aux  diacres  qui  avaient 
protesté  contre  l'obligation  du  céiihnt  en  re- 
cevant l'ordination. 

Lo  20'  canon  des  apôtres  ne  ppnnelîait 
qu'aux  lecteurs  et  aux  chantres  de  prendre 
des  épouses.  Selon  Socrale,  liv.  i,  cbap.  Il, 
et  Sozomèiie,  liv.  i,  chap.  23,  c'éliiil  l'an- 
cienne Irailiiion  de  l'Iiglise,  à  laquelle  le 
concile  de  Nicée  trouva  bon  de  se  fixer,  el 
qui  est  encoie  observée  aujourd'hui  dans  les 
différentes  sectes  orient.iles. 

Nous  convenons  qui'  ces  conciles  n'obli- 
eèieiit  point  les  évèques,  les  prêtres  ni  les 
diacres,  à  quitter  les  épouses  qu'ils  a\  aient 
prises  avant  d'ètie  ordonnés;  mais  on  ne 
peut  montrer  par  .lucnn  exemple  qu'il  leur 
Ûil  jamais  été  permis  de  se  marier  après  leur 
ordination,  ni  de  vivre  conjugalement  avec 
les  femmes  (lu'ils  avaient  épousées  aupara- 
vant. Saint  Jérôme,  adv.  Viijilnnl.,  p.  281, 
el  saint  E])ipliane,  hœr.  59,  n.  k,  attestent 
que  les  canons  le  détendaient.  —  Nos  ;idver- 
gaires  sont-ils  en  étal  c'e  prouver  que  saint 
Jérôme  et  saint  Kpiphane  en  ont  imposé  ? 
Dodwel  ,  nissert.  Cypriiin.  3,  n.  lo,  cite 
l'exemple  de  plusieurs  ecclésiasli'jues  qui 
vivaient  avec  liurs  épouses  comme  avec 
leurs  sœurs.  Eusèbe,  liv.  i,  Démonsl.  évang., 
chap. 9,  en  donne  pour  raison  (jne  les  prèircs 
de  la  loi  nouvelle  sont  enlièreincni  occupés 
du  service  de  Dieu  et  du  soin  d'élever  une 
famille  spirituelle. 

En  Occident,  la  loi  du  célibat  est  plus  an- 
cieîiiie;  elle  se  trouve  dans  le  33'  canon  du 
concile  d'Elvire,  que  l'on  croit  avoir  été  tenu 
l'an  300.  l'Ile  fui  coniirmée  par  le  pape  Si- 
ricc  l'an  385,  par  Innocent  I  "  en  Wt,  par  le 
concile  de  'i'()li'>de  l'an  iOO,  par  ceux  de  Car- 
tilage, d'Orange,  d'Arles,  de  Tours,  d'Agde, 
d'Orléans,  etc.,  et  par  les  capitulains  de  nos 
rois  [Yotj.  Sois-diacosat].  —  Cette  loi  n'est 
que  de  discipline:  qu'importe?  Elle  est  fon- 
dée sur  les  maximi's  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres,  sur  le  vœu  de  l'Eglise  primitive,  sur 
la  sainteté  des  devoirs  d'un  ecclésiastique, 
sur  des  raisons  même  d'une  sage  poliiiqui;; 
nous  le  verrons  dans  un  moment.  Oue  faut-il 
de  plus  pour  la  rendre  inviolable  ? 

Les  devoirs  d'un  ecclésiastique  ,  surtout 
d'un  pasteur,  ne  se  bornent  point  à  la  prière 
et  an  culte  des  autels  :  il  doit  administrer 
les  sacrements  ,  surtout  la  pénitenci; ,  ins- 
tiuire  par  ses  discours  et  par  ses  exemples  , 
assister  les  malades.  Il  est  le  père  des  pau- 
vres, des  veuves,  des  orphelins,  des  enfants 
abandonnés  ;  son  troupeau  est  sa  famille  ;  il 
est  le  distributeur  des  aumônes,  l'adminis- 
Iratcur  des  établissements  de  charité  ,  la 
ressource  de  tous  les  malheureux. Celte  mul- 
lilude  de  fonctions  pénibles  et  difticiles  est 
incompatible  avec  les  soins  ,  les  embarras  , 
les  eiiiiuis  de  l'étal  du  mariage.  Un  prêtre 
'■jui  y  serait  engagé  ne  pourrait  plus  se  con- 
cilier le  degré  de  respect  el  de  confiance  né- 


CEL 


726 


cessaire  au  succès  de  son  ministère;  nous 
PU  sommes  convaincus  par  la  conduite  des 
Grecs  envers  leurs  papas  maries,  et  des  pro- 
testants envers  leurs  ministres. 

L'E!;lise  ne  force  personne  à  entrer  dans 
les  ordres  sacrés,  au  contraire  ,  elle  exige 
des  épreuves  ,  et  prend  toutes  les  précau- 
tions possibles  pour  s'assurer  de  la  vocation 
el  de  la  vertu  de  ceux  qui  y  aspirent  ;  ceux 
qui  s'y  engagent  le  font  par  choix  et  de  leur 
plein  gré,  à  un  âge  auquel  tout  homine  est 
censé  connaître  ses  forces  el  son  tempéra- 
ment, longtemps  après  l'époque  «à  laquelle  il 
est  habile  à  contracter  le  niaiiagc.  S'il  y  a 
de  fausses  vocations  ,  elles  vienuenl  de  la 
cupidité  et  de  l'ambition  des  séculiers,  el  non 
de  la  discipline  ecclésiastique.  —  A  qui  la 
continence  esl-elle  pénible?  A  ceux  qui  n'ont 
pas  toujours  été  chastes  ,  à  ceux  qu'infecte 
Il  dépravation  actuelle  des  mœurs  publiques. 
11  faut  retrancher  la  cause,  el  la  vertu  ren- 
trera ilans  tous  ses  droits.  Lorsqu'il  arrive 
des  scandales  ,  ils  ne  viennent  point  de  la 
part  des  ouvriers  accablés  du  poids  des  fonc- 
tions ecclésiasli(|ues  ,  mais  des  intrus  que 
l'intérêt  et  l'ambition  des  familles  tout  entrer 
dans  l'Eglise  malgré  elle  (1). 

On  nous  oppose  l'intéiêl  politique  de  la 
sociéié,  Jes  avantages  qui  résulteraient  du 
mariage  des  clercs  ,  surtout  l'accroissement 
de  la  population.  Cette  discussion  ne  devrait 
pas  nous  ri'garder,il  faul  cependant  y  sa- 
lisfaire. —  l'Il  est  faux,  toutes  choses  égales 
d'ailleurs,  que  la  population  soit  plus  nom- 
hr''use  dans  les  pays  où  le  célibat  est  pros- 
crit. 1/llalie,  malgré  le  nombre  des  ecclé- 
siastiques et  des  moines  ,  est  plus  peuplée 
qu'elle  n'était  sous  le  gouvernement  des  Ro- 
mains :  on  peut  le  prouver,  non  seulement 
par  un  passage  de  saint  Ambroise  ,  qui  l'as- 
surait déjà  de  son  temps,  mais  par  Pline  lo 
Naturaliste,  qui  avouait  que  sans  les  espèces 

(1)  On  a  examiné  quelle  peut  être  l'influence  du 
célitial  sur  la  longévité  des  prélresel  des  religieuses. 
Un  médecin  a  fail  le  catcnl  snivaiil  :  f  Du  1"  janvier 
IS'iâan  51  décembre  ISi'i,  on  a  conslalé  le  décès 
de  757  eiclési:isliques  app.irienanl  an  diocèse  do 
l'aris,  niiyrésiiliiil  mnmenlanémunl,  7ot  ecclésiasti- 
qnes  déeéilés  pcmlani  celle  période  de  vingl  aimées 
duiil  on  a  pu  coniiailre  l'âge,  oui  vécu  ensemble 
quaranle-sepl  mille  ciiiq  cent  quatre-viiKjl- seize  aiis, 
ce  qui  pni  le  la  moyenne  de  lelir  vie  à  soixante  tioïs 
ans  |i;issés.  Sur  ces  751  individus,  Vi6  ont  vécli  .m 
delà  de  soixante  ans  ;  271  au  delà  de  soixante-dix 
iins  ;  177  ont  dépassé  quaire-vingisans;  enlin  17  oiii 
vécu  (lins  de  qn:ure-vingi-dix  .lus  ;  daps  cpiclie  amiji 
prolession  iionveraii-on  une  pareille  loiigéviié  1  — 
Sur  3U"2  leligieuses  Carinéliles  inorles  à  |'arls,  rni! 
d'iinler,  en  la  maison-mère,  dont  je  suis  le  méilecui, 
09  ont  vécu  .ni  delà  de  soWanle  ans  ,  50  au  delà  di; 
soixanic-dix  ;  23  au  delà  de  quaire-vingls.  Ainsi, 
malgré  les  austériié^  do  cet  ordre ,  la  moyenne  de  la 
vie  en  communauté  de  ces  502  religieuses  a  éié  de 
trente-deux  ans  linit  mois,  el  celle  de  leur  vie  en- 
tière de  cinquanie-sepl  ans  quatre  mois.  —  Les 
'Irappisies  el  les  Chartreux  prolongent  aussi  tprt 
loin  leur  carrière  ;  à  l'abri  des  passions  qui  auraient 
pu  les  agiter  d.iiis  le  monde,  la  plupirl  de  ces  reli- 
gieux iiemeuienl  pas,  à  proprement  pirler,  de  mala- 
die; ils  s'éieigiieiil  paisiblement  :  leur  lin  a  pour  eux 
la  doui-eiir  du  sommeil,  i 


127  CEL 

de  prisons  qui  renfermaient  les  esclaves, 
une  partie  de  l'Italie  anrail  été  déserle.  S'il 
y  a  donc  encore  aujourd'hui  des  parties  dé- 
peuplées ,  elles  le  sont  par  la  tyrannie,  du 
pouvernement  féodal,  et  non  par  l'inlluence 
du  célibat  relisicus.  Lorsque  la  Suède  était 
catholique,  elle  était  plus  peuplée  qu'elle 
n'est  depuis  qu'elle  est  devenue  prolestante. 
Les  cantons  c.ilholiques  de  l'Allemagne  ont 
autant  d'h;ibitants  ,  à  proportion  ,  que  les 
pays  prolestants.  11  en  est  de  même  des  can- 
tons de  la  Suisse,  et  de  l'Irlande,  en  compa- 
rais'in  de  l'Angleterre.  On  prétend  que  la 
ï'ranre  était  plus  peuplée  il  y  a  deux  sièiles 
qu'elle  n'est  aujourd'liui,  nous  n'en  croyons 
rien  :  cepemlaiit  il  y  avait  alors  un  plus 
grand  nnmbre  d'ecclésiasiiques  cl  de  reli- 
f;ieu\  (ju'il  n'y  en  a  de  nos  jours.  —  2°  Il  est 
absurde  d'aitiibner  le  tuai  à  une  cause  in- 
nocente ,  lorsqu'il  y  en  a  d'autres  qui  sont 
odieuses,  et  sur  lesquelles  il  faudrait  frap- 
per. [),ins  les  grandes  villes  on  compte  plus 
de  célihniuires  vo  upiueux  et  libertins  que  de 
prêtres  et  de  tnoinrs,  et  le  noiiibie  des  pros- 
tiiuées  excède  de  beaucoup  celui  des  reli- 
gieuses :  fiÉui-il  épargi  er  le  vire  pour  ban- 
nir la  vertu?  Dans  les  campagnes,  le  défaut 
de  snbsibtîince  éloigne  du  mariage  les  deux 
sexes  ;  ce  n'est  p;is  au  célibul  des  prêtres 
que  l'on  doit  s'en  prerdre.  —  Le  luxe  qui 
rend  les  mari  ges  ruineux,  la  corruption 
ties  mœurs  qui  y  porte  r.imertume  et  l'i-- 
gnoniiiiie.  le  fasie,  1  oisiveté,  les  prélenlions 
des  femmes,  le  préjuge  de  naissance  qui  fait 
éviier  les  alliances  inégales  ,  la  muliilude 
des  doinesiiques  et  des  artisans  dont  la  sub- 
sistance es!  incertaine,  le  liuertin.ige  des  en- 
fanis  ,  qni  fail  redouler  la  |i;iternité,  l'irré- 
ligion et  l'égoï-me  qu'  ne  veulent  soutïrir 
aucun  joug,  etc.,  voilà  les  desordres  qui,  de 
t>>ut  temps,  onl  dépeuplé  l'uiiiveis,  contre 
lesqui  Is  il  f.uil  sévir  avant  de  touclier  à  ce 
que  l.i  religion  a  sagement  établi.  —  3*  Les 
politiques  qui  se  soiii  élevés  contre  le  ma- 
riage lies  soldats  onl  dil  que  1  Etal  serait 
suri  har;;é  des  veuves  et  des  enfants  qu'ils 
laisser. lient  dans  la  misère  :  il  le  sérail 
encore  davaniage  par  les  veuves  et  les 
enfants  des  ecclésiastiques.  La  plupart  des 
paroisses  de  la  campagne  ont  bien  de  la 
peine  à  l'aire  subsisier  un  curé  seul  ,  et  on 
veul  les  charger  de  la  subsistance  d'une  fa- 
mille entièri'.  Les  pères  qui  oui  un  nombre 
d'enfants,  convienneul  qui!,  sans  la  res- 
source <le  l'étal  ecclési^islique  et  religieux  , 
ils  ne  sauraient  coitimeiil  placer  leurs  eu- 
fanis,  et  on  veul  la  leur  Aler. 

Il  y  aurait  bien  d'aulres  reflexions  à  faire 
sur  les  disserl;ilions  politiques  des  détrac- 
teurs ilu  cétibitl:  mais  nous  y  répondrons 
ci  aprè-.  -  Un  théologien  anglais,  nnnimé 
Wartltun,  qui  a  Iraiié  celle  question,  a  vi.ulu 
prouver,  1"  que  le  crlibnt  du  cli'rgé  n'a  été 
institué  ni  par  Jésus-CJirist.  ni  par  les  apô- 
tres ;  '1°  qu'il  n'a  rien  trexeellcni  eu  soi  ,  el 
ne  [iioeuie  aucun  avanlage  à  l'I'lglise  ni  à  la 
religion  chrélienne;  3"  qui-  la  loi  qui  l'im- 
pose au  clergé  esl  injuste  et  coiiiraire  a  la 
loi  de  Dieu  j  h-  qu'il  n'a  jamais  été  prescrit 


CEL 


728 


ni  pratiqué  universellement  dans  l'ancienne 
Eglise.  Voilà  de  grandes  prétentions  :  l'au- 
teur les  a-l-il  bien  établies  ?  —  Sur  le  pre- 
mier chef,  nous  avons  cité  les  paroles  de 
Jésns-Chrisl  et  celles  des  apôtres,  qui  prou- 
vent l'estime  qu'ilsont  faite  de  laconlinence, 
la  préférence  qu'ils  lui  ont  donnée  sur  l'état 
du  mariage,  la  disposition  dans  laquelle  doit 
être  un  ministre  de  l'Evangile,  de  renoncer 
à  lout  pour  se  livrer  entièrement  à  ses  fonc- 
tions. Ils  n'ont  pas  prescrit  le  célibat  par  une 
loi  expresse  cl  formelle,  parce  qu'elle  n'au- 
rait pas  été  praticable  pour  lors.  Pour  les 
fonctions  apostoliques,  il  fallait  des  hommes 
d'un  âge  mûr;  il  s'en  trouvait  très-peu  qui 
ne  fussent  mariés.  Mais  ils  onl  suffisamment 
témoigné  que,  toutes  choses  égales  d'ailleurs, 
des  célibataires  seraient  préférables,  il  est 
plus  aisé  de  renoncer  au  mariage  que  de  quit- 
ter une  épouse  el  une  famille,  comme  Jésus- 
Christ  l'exige.  L'Eglise  l'a  compris  et  s'est 
conformée  a  rinlenlion  de  son  divin  maî- 
tre, dès  qu'elle  a  pu  le  f.iire.  —  'Warihon 
dit  que  le  célibat  du  clergé  lire  son  origine 
du  zèle  immodéré  pour  la  virginité,  qui  ré- 
gnait dans  l'ancienne  Eglise;  que  celle  es- 
time n'était  ni  raisonnable,  ni  universelle  , 
ni  juste,  ni  sensée.  Cependanl  elle  était  fon- 
dée sur  les  leçons  de  Jésns-Chrisl  et  des  apô- 
tres ;  c'i'st  la  prévention  des  protestants  con- 
tre la  virginité  el  le  cénbat,  qui  n'est  ni  rai- 
sonnable, ni  sensée  :elle  vient  d'un  fonds  de 
corruption  el  d'épicuiéisme  qui  esl  l'opposé 
du  christianisme.  —  Il  entreprend  de  prou- 
ver ,  par  saint  Clément  d'Alexandrie  ,  que 
plusieurs  apôtres  onl  été  mariés.  Ce  Père, 
disputant  contre  les  hérétiques  qui  condam- 
naient le  mariage,  dit  :  «  Condamneront-ils 
les  apôtres  ?  Pierre  et  Philippe  ont  eu  des  en- 
fanls,  et  ce  dernier  a  marie  ses  filles.  Paul, 
dans  une  de  ses  Epîtres,  ne  fuit  point  diffi- 
culté de  parler  de  son  éfiouse  ;  il  ne  la  menait 
pas  avec  lui,  parce  ([u'il  n'avaii  pas  liesoin 
de  beaucoup  de  services;  il  dit  dans  cette 
lettre:  N'avoris-nous  pas  le  pouvoir  de  me- 
ner avec  ri'ius  une  femme  notre  sœur  ,  comme 

font  les  autres  apôlies? Mais  comme   ils 

donnaient  toule  leur  attention  à  la  prédica- 
tion, ministère  qui  ne  veul  point  de  distrac- 
tion, ils  loenaiciit  ces  femmes  ,  non  conimt 
leurs  épouses,  mais  comme  leurs  sœurs,  afin 
qu'elles  pussent  entrer  sans  reproche  cl 
sans  mauvais  soupçons  dans  rapparlemenl 
des  fenuncs,  cl  y  porter  la  doctrine  du  Sei- 
gneur. «  [Slruin. ,  1.  iii,  c.  6,  p.  535,  cdit.  de 
Potier.)  Warihon  a  supprime  ces  dernières 
paroles  el  a  tronqué  la  moitié  du  passage. 

Nous  avons  prouvé  par  sainl  Paul  lui- 
même  qu'il  n'éiail  pas  marié.  Le  Philippe 
qui  avail  deux  lille.s  était  l'un  des  sept  dia- 
cres, Ci  non  l'apôtre  sainl  Philippe.  Ces  lieux 
méprises  de  saint  Clément  d'Alexandrie  ont 
été  remarquées  par  les  anciens  el  par  les 
modernes.  Voy.  les  notes  des  critiques  sur 
cet  endroit  des  Slroiiiatis  ,  et  sur  l<.,usèbe  , 
Jlisl.  rcrlcs.,  Iiv.  111,  c.  30  et  31.  Il  résulte 
du  |)assage  même  de  saint  Clémcnl  d'Alexan- 
drie, i|ue  les  apôtres  ne  vivaient  point  con- 
jugalement  avec  ces    prcleiidues    épouses. 


7-29 


CiîL 


Saint  Pierre  csl  donc  le  seul  dont  le  mm  iago 
soit  inconloslable;  mais  il  l'avait  conlraolé 
avant  sa  vocation  à  l'aposlol.il,  et  il  dit  liii- 
mônie  à  Jésus-Chiisl  :  Nous  avuns  tout  quitté 
pour  roiis  sxiivre  { Mattli.  xw,  -11).  —  Au 
iir  siècli',  on  était  si  persuadé  (jue  les  apô- 
tres n'avaient  pas  été  mariés,  que  la  secte 
des  apo>:toliq<ies  renonçait  au  mariage  afin 
d'iiniler  les  apôlres. 

Sur  le  second  chef,  ce  n'est  pas  assez  de 
prouver,  roinine  l'ait  Wartlion,  que  l'us.ige 
chrétien  dn  mariage  n'a  rien  en  soi  d'impur 
ni  d'indécent ,  c'est  la  doetrine  formelle  de 
saint  P.iui  ;  il  faut  eneore  déuionlrer  ,  con- 
tre l'Kv.iiigile  et  (onire  saint  Paul  lui-même, 
que  la  coiitiuenoe  n'est  pas  un  élai  pins  par- 
fait et  plus  agréable  à  Diru  ,  lorsqu'on  y 
demeure  afin  de  mieux  servir  Dieu.  Elle 
renferme  eu  soi  le  luérile  de  dompter  une 
pa-sion  très-impérieuse  ;  et  si  le  nom  de 
vertu,  sNUonjme  de  celui  de  force,  signifie 
quelque  chose ,  la  coniiiicnee  est  certaine- 
ment une  vertu.  —  Le  livre  de  VExode  (six, 
15),  et  saint  Paul  (/  Cor.  vu,  5),  attachent 
une  idée  de  sainteté  et  de  mérite  à  la  conli- 
nenre  passagère;  comment  celle  qui  dure 
toujours  peut-elle  être  moins  louable?  — 
Le  cc'libni  des  ecclesiasliciues  procure  à  l'E- 
glise cl  à  la  religion  chrétienne  un  avantage 
Irès-réel ,  qui  est  d'avoir  des  minisires  uni- 
quement livrés  aux  lonclions  saintes  de  leur 
état  et  aux  devoirs  fie  charité,  des  ministres 
aussi  libres  que  les  apôtres,  toujours  |ir6ls 
à  porter  comme  eux  la  lumièie  de  l'Evan- 
gile aux  extrémités  du  monde.  Les  hom(nes 
engagés  dans  l'elat  du  mariage  ne  se  consa- 
crent point  à  servir  les  malades,  à  secourir 
les  pauvres,  à  élever  et  à  instruire  les  en- 
fants, etc.  Il  en  est  de  même  des  femmes  ; 
celte  gloire  est  réservée  aux  célibataires  de 
l'Eglise  catholique.  Il  n'est  pas  étonnant  que 
les  protestanis ,  ajirés  avoir  reirauehé  le 
saint  sacrifice,  cinq  des  suicremeiits,  l'oflice 
divin  de  tous  les  jours,  clc,  aient  trouvé  bon 
d'avoir  des  ministres  maries  ;  on  sait  com- 
ment ils  ont  réussi  à  en  faire  des  mission- 
naires et  des  saints. 

Sur  le  troisième  chef,  Warthon  n'a  pas 
prouvé  ,  selon  sa  [iromesse  ,  que  la  loi  du 
ci'Ulidl  mipobée  aux  clercs  est  injuste  et  con- 
traire à  la  loi  de  Dieu.  Elle  pourrait  paraî- 
tre injuste  si  l'Eglise  forçait  quelqu'un  , 
comme  elle  l'a  fait  autrefois,  à  entrer  dans  le 
clergé,  et  à  se  charger  du  saint  ministère. 
Lorsqu'un  homme  marié  avait  d'ailleurs  tou- 
tes les  lumières,  les  talents  cl  les  vertus  né- 
cessaires pour  êlre  un  excellent  pasteur, 
l'Eglise,  en  lui  faisant  une  espèce  de  violence 
pour  se  l'attacher,  ne  croyait  point  devoir 
pousser  la  rigueur  jusqu'à  le  séparer  Je  son 
épouse;  cette  femme  aurait  eu  le  droit  d'al- 
léguer la  sentence  de  Jésus  -  Christ  :  que 
l'homme  ne  sépare  point  ce  que  Dieu  a  uni 
[Mallli.  XIX,  6).  —  Pendant  les  persécutions 
des  trois  premiers  siècles,  les  prêtres  élaienl 
les  prineii  aux  i  hjels  de  la  liaine  des  païens  ; 
ils  étaient  loiçés  de  preudredes  précautions 
pour  ne  pas  êlre  connus,  et  de  vivre,  à  l'ex- 
térieur ,  comme  les  laïques  :    il  n'y  aurait 


CEL  7  0 

donc  pas  eu  de  prudence  à  leur  imposer 
pour  lors  la  loi  du  céiihal,  ou  à  les  obliger 
d'abandonner  leurs  épouses.  —  Mais  on  ne 
peut  pas  citer  un  seul  exemple  d'évêques  ni 
de  prêtres  qui,  après  leur  ordination,  aient 
continué  à  vivre  conjugalement  avec  leurs 
épouses,  et  en  aient  eu  des  enfants.  Les  pro- 
lestants ont  vainement  fouillé  dans  tous  les 
monuments  de  l'anliquilé  pour  en  trouver  ; 
celui  deSynésius,  dont  ils  triomphent,  prouve 
contre  eux.  Ce  saint  personnage,  pour  éviter 
l'épiscopat,  prolestait  qu'il  ne  voulait  quit- 
ter ni  Son  épouse,  ni  ses  opinions  philoso- 
phiques ;  on  ne  laissa  pas  de  l'ordonner. — 
«  Je  ne  veux,  disait-il,  ni  me  séparer  de  mon 
épouse,  ni  l'aller  voir  en  secret,  et  déshono- 
rer un  amour  légitime  par  des  manières  qui 
ne  conviennent  qu'à  des  adultères.  »  Ce  fait 
même  prouve  que  les  évêques  ne  vivaient 
plus  conjugalement  avec  leurs  épouses  après 
leur  ordination  (Evagre,  lli  t.  ecrlcs.,  liv.i, 
c.  13).  Beausobre ,  qui  a  senti  cette  consé- 
quence, dil  que  c'était  une  discipline  parti- 
culière au  diocèse  d'Alexandrie;  mais  où  en 
est  la  preuve? 

Su  rie  quatrième  chef  allégué  par  Warthon, 
il  ne  sert  à  rien  de  citer  un  grand  nombre 
d'évê(|ues  mariés  et  (|ui  avaient  des  enfants, 
à  moins  (|ue  l'on  ne  fasse  voir  qu'ils  les 
avaient  eus  depuis  leur  épiscopat,  et  non  au- 
paravant. Voilà  ce  dont  les  ennemis  du  ci'li- 
6a<  ecclésiastique  ne  fournissent  encore  au- 
cune preuve.  Ils  citent  l'exemple  du  père  de 
saint  Grégoire  de  Nazianze;  nous  éclairci- 
rons  ce  fait  dans  l'article  de  ce  saint  docteur. 
—  Socrate,  liv.  i,  c.  11,  et  Sozomène,  liv.  i, 
c.  2k,  rapportent  qu'au  concile  général  de 
Nicée  les  évêques  étaient  d'avis  de  défen- 
dre, par  une  loi  expresse,  aux  évêques,  aux 
prêtres  et  aux  diacres  qui  s'étaient  mariés 
avant  leur  ordination  ,  d'habiter  conjugale- 
ment avec  leurs  épouses;  que  l'évêque  Pa- 
phnuce  ,  quolcjoe  célibataire  lui-même  el 
d'une  chasteté  reconnue  ,  s'y  opposa  ;  qu'il 
insista  sur  la  sainteté  du  mariage,  sur  la  ri- 
gueur de  la  loi  proposée,  et  sur  les  inconvé- 
nients qui  en  résulteraieot  ;  que,  sur  ses  re- 
présentations, les  Pères  du  concile  jugèrent 
qu'il  fallait  s'en  tenir  à  l'ancienne  tradition 
de  l'Eglise,  selon  laquelle  il  était  défendu  aux 
évêques  ,  aux  prêtres  et  aux  diacres  de  se 
marier,  dès  qu'une  l'ois  ils  avaient  été  or- 
donnés. —  Pour  comprendre  la  sagesse  des 
rêlleKions  do  Paphnuce  et  de  la  condnife  du 
concile  de  Nicée,  il  faut  savoir  que,  pendant 
les  trois  premiers  siècles  de  l'Eglise,  il  y 
avait  eu  plusieurs  seeles  d'hérétiques  qui 
avaient  condamné  le  mariage  et  la  procréa- 
tion des  eulants  comme  un  crime.  Outre  ceux 
dont  parle  saint  Paul  {l'im.  iv,  3),  les  docè- 
tes,  les  marcionites,  les  eucratites,  les  mani- 
chéens, étaient  de  ce  nombre.  Sons  l'empire 
de  Gallien,  mort  l'an  268,  plusieurs  évêques 
furent  mis  à  mort  comme  manichéens,  par- 
ce que  l'on  supposa  qu'ils  gardaient  le  cé- 
ttbal  parle  même  principe  que  ces  hérétii|ues 
fUenaudot,  Hist.  Palrinrclt.  AlexanL,  p.  kl). 
Si  la  loi  proposée  au  concile  de  Nicee  avait 
eu  lieu,  elle  aurait  paru  favoriser  ces  sec- 


7-1 


cet 


tîiires,  et  ils  n'auraient  pas  manqué  de  s'en 
prévnloir  ;  Paphnuce  avait  donc  raison  d'in- 
sister sur  la  saiatelé  du  mariage  et  sur  l'in- 
nocence du  commerce  conjufjal,  el  les  évê- 
qucs  n'eurent  pas  tort  d"y  avuir  égard  dans 
CCS  circoiist;uices  ;  c'est  pour  cela  que  le 
'i3'  canon  des  apôtres  condamne  les  ecclé- 
siastiques (/ui  s  abstiennent  du  mariage  en 
haine  de  la  création. 

Malgré  ces  faits,  Beausobre  affirme  que 
les  Pères  de  l'Eglise  avaient  puisé  leur  es- 
time pour  le  célibat  dans  les  erreurs  des  do- 
célps,  des  encratiies,  des  marcioniles  et  des 
manichéens;  mais,  par  une  contradiction 
gr  issière,  il  avoue  que  plusieurs  cliréliens 
donnèrent  dans  ce  fanatisme  dès  le  commen- 
cement ,  par  conséquent  avant  la  naissance 
des  hérésies  dont  nous  parions  [llist.  du  Ma- 
nicli,,  liv.  Il,  c.  6,  §  2  et  7)  ;  preuve  certaine 
qu'ils  avaient  puisé  ce  prétendu  fanatisme 
dans  les  leçons  de  Jésus-Christ  et  des  apô- 
tres. En  elTet ,  Beausobr  e  avoue  encore  ail- 
leurs qu'il  venait  d'une  fausse  idée  du  bien 
et  (lu  mieux,  dont  saint  F'aul  a  parlé  (/  Cor., 
vil).  Ibid.,  1.  vu,  c.h,  §  1"2.  Mosheim,  plus 
judicieux,  fait  le  même  aveu  {Hisl.  Christ., 
sœc.  II,  §  33,  not.);  il  prouve  la  réalité  du 
fait  par  le  témoignage  d'Atliénagore  et  de 
Terlullien  ;  il  n'a  pas  osé  blâuicr  cette  estime 
pour  le  célibat,  aussi  ancienne  que  le  chris- 
tianisme. 

Ces  mêmes  faits  prouvent  que  les  Pères  de 
Nicée  attachaient  une  idée  de  perfection  el 
de  sainteté  au  célibat  ecclésiastique  et  reli- 
gieux ;  qu'ils  le  regardaient  comme  l'état  le 
plus  convenable  aux  ministres  des  autels  ; 
qu'ils  auraient  désiré  dès-lors  pouvoir  y  as- 
sujettir le  clergé.  Eu  effet,  les  inconvénients 
qui  s'ensuivaient  du  mariage  des  ecclésiasti- 
ques firent  bientôt  sentir  la  nécessité  d'en 
venir  là,  ou  de  prendre  des  moines,  obligés 
par  vœu  à  la  continence,  pour  les  élever  ;\ 
l'épiscopat  et  au  sacerdoce;  et  si  cette  loi 
n'existait  pas  déjà  depuis  quinze  cents  ans  , 
on  serait  bieulôt  forcé  île  l'établir  ;  sans  cela 
l'on  verrait  renaître  les  mêmes  désordres  qui 
arrivèrent  au  ix'  siècle  cl  dans  les  sui- 
v.ints,  lorsque  les  grands  s'emparèrent  des 
évécliés,  (les  abbayes  et  des  cures,  en  firent 
le  p.iiriiiioine  de  leurs  enfants  ,  déshouorè- 
reui  l'Eglise  par  les  vices  des  intrus,  et  anéan- 
tirent  enfin  le  clergé  séculier  par  leurs  ra- 
pines. 

S'il  était  vrai,  comme  le  prétendent  nos 
adversaires,  que  la  loi  du  célibat  csl  injuste 
en  elle  inéoie,  el  cmilraire  à  la  loi  de  Dieu, 
il  ne  serait  p.is  moins  injusie  d'empéclier 
les  clerc>  (le  ^e  marier  api  es  leur  ordination 
qu'aup.iravaiii.  (]epeii(laiil  nous  voyous,  par 
tous  les  moiiiiiiiciits  ecilésiastiques  ,  (jue  ni 
d.ins  l'Orient,  ni  dans  l'Oecidenl,  on  ne  leur 
a  jamais  laisse  celte  liltirlé.  Ouel  avaul.ige 
Ces  censeurs  impruilents  peuvent-ils  donc  ti- 
Tvr  de  l\ini'i('nne  discifilino  '•!  de  la  pru- 
dence avec  lai|nclle  se  coniluisireul  les  Pères 
de  Nicée?  Eusèlie,  qui  av;iit  assisté  à  ce  con- 
cile, dit  (|ue  les  prêtres  de  riineieniie  loi  vi- 
vaient dans  l'étiil  du  mariage  et  désir. ient 
d'avoir  des  enfants,  au  lieu  que  les  pr('îlres 


CF.L  "2 

de  la  loi  nouvelle  s'en  abstiennent,  parce 
qu'ils  sont  unic^uement  occupés  à  servir  Dieu 
et  à  élever  une  famille  spirituelle  (Démonst. 
Evanqél.,  1.  1,  c.  9).— Aussi  la  loi  du  célibat 
pour  les  évéques,  les  prêtres  et  les  diacres, 
après  leur  ordination,  a  continué  d'être  ob- 
servée par  les  jacobiles  el  par  les  nestoriens 
après  leur  schisme.  Elle  fut  interrompue 
chez  ces  derniers  l'an  483  et  en  496,  mais 
rétablie  par  un  (W  leurs  patriarches,  l'an  .tV4 
(Assémaiii,  niblint.  orient.,  toni.  IV,  c.  4  et 
c.  14,  pag.  837).  —  En  1349,  le  parlement 
d'Angleterre,  quoique  réformateur,  fut  plus 
raisonnable  que  les  écrivains  modernes  de 
cette  nation;  dans  la  loi  même  qu'il  porta  pour 
permettre  le  mariage  aux  ecclésiastiques,  il 
dit  :  «  Qu'il  convenait  mieux  aux  prêtres  et 
aux  ministres  de  l'Eglise  de  vivre  chastes  et 
sans  mari.ige,  et  qu'il  serait  à  souhaiter 
qu'ils  voulussent  d'eux-mêmes  s'abstenir  de 
cet  engagement.  »  (  D.  Hume  ,  Hist.  de  la 
maison  de  Tudor,  lom.  111,  pag.  204.) 

Un  nouveau  dissertateur  vient  encore  de 
réveiller  cette  question,  dans  une  brochure 
intitulée  les  inconvénients  du  Célibat  des  prê- 
tres, imprimée  à  Genève  en  1781.  Il  a  ras- 
semblé tous  les  sophismes,  les  reproches, 
les  impostures  des  proleslants  sur  ce  sujet; 
il  n'y  a  rien  ajouté  que  quelques  passages 
qu'il  a  falsifiés,  d'autres  qu'il  a  forgés,  en  ci- 
tant des  auteurs  inconnus,  et  quelques  phra- 
ses impudiques  copiées  dans  nos  philosophes 
épicuriens;  nous  ne  relèverons  de  cet  ou- 
vrage que  les  endroits  les  plus  absurdes. — 
L'auteur,  i"  partie,  c.  2,  prétend  que  le  cé- 
libat peut  nuire  à  la  santé  el  abréger  la  vie  ; 
il  exaiîère  l'exlrême  difficulté  de  garder  la 
continence.  Si  celle  vertu  est  si  pénible  el  si 
meurtrière,  il  est  de  l'humanité  de  nos  cen- 
seurs de  permettre  l'adultère  aux  personnes 
mariées,  qui  se  trouvent  séparées  pour  long- 
temps, ou  dont  l'uiie  est  tombée  dans  un  éiut 
d'infirniilé  qui  lui  rend  la  vie  conjugale  im- 
possible. 11  faudrait  encore  permettre  la  for- 
nication aux  particuliers  des  deux  sexes  qui 
ne  peuvent  pas  trouver  à  se  marier,  malgré 
le  désir  qu'ils  en  ont.  Y  a-t-il  moins  de  vieil- 
lards parmi  les  célibataires  rcelésiasliques 
ou  religieux,  que  pirmi  les  gens  mariés'?  — 
Selon  lui,  le  célibat  est  un  signe  certain  de 
la  (iécadenc(!  et  de  la  corruplion  des  mœurs. 
S'il  entend  parler  du  célibat  voluptueux  el 
libertin  des  la'ùjues,  nous  pensons  comme 
lui;  miiis  est-il  en  état  de;  prouver  que  les 
inflpurs  sont  pins  pures  dans  les  lieux  où  le 
cierge  n'observe  point  \o.  rfVî'/af  ?  Oiiand  il  a 
dit  :  Maliipliez  les  miuiaqes,  et  is  iiiaciirs  de- 
viendront mtillenrc<:  il  dev.iil  changer  la 
phrase  et  diri-  :  t'uripez  les  moeurs,  el  les 
mariiif/es  semiiUiplierunl,  sans  qu'il  soit  be- 
soin de  changer  l'état  des  ecclésiastiques  ni 
des  religieux,  c.  •'!  et  4. — A  l'exemiile  des 
protestants,  il  soutient,  c.  8,  (iiie  les  paro- 
les de  Dieu  adressées  à  nos  premiers  parents: 
Cruissez,  multipliez,  pritiilez  la  terre,  renfer- 
ment une  loi.  Cepcndanl  le  lexie  clé|ins!>  que 
«•'est  une  bénédiction  el  non  une  loi.  (Jnand 
c'en  aiir.iil  ele  une  pour  les  premieis  hom- 
mes, elle  n'a  plus  lieu  depuis  que  le  monde 


735 


CEL 


CEL 


75* 


e«t  pouph'.  Soutiendra-t-on  que  tout  homme 
qui  ne  so  marie  point  pèche  contre  la  loi  de 
Dieu?  On  (lit  que  si  le  c(f/i7/n(  devenait  géné- 
ral le  genre  humain  périrait.  Nous  répon- 
dons que  si  le  mariage  était  j;éi)éral,  la  terre 
ne  pourrait  plus  nourrir  ses  habitants  ;  la  po- 
))ulalion  ne  consiste  p  is  seulement  à  mettre 
des  hommes  au  monde,  mais  à  les  faire  sub- 
sister.—  Dans  la  ir  partie,  ch.  2,  notre  grand 
criliqiie  prétend  que  le  célilml,  loin  d'être 
loué  ou  recommandé  dans  l'Kvangile,  y  est 
formollement  condamné  par  ces  mois  :  Que 
l'homme  ne  sépare  point  ce  que  Dieu  n  uni; 
saint  Clénjent  d'Alexandrie,  dit-il,  l'a  ainsi 
entendu  {Siromnt.,  1.  m,  p.  bk\).  C'est  une 
citation  fauss(î.  Saint  Clément  prouve  seule- 
ment par  ces  paroles  que  le  mariau;e  n'est 
point  un  état  criminel  comme  l'entendaient 
certains  héréliques.  Mais  antre  chose  est  de 
vouloir  séparer  ceux  que  Dieu  a  unis  ])ar  le 
mariage,  et  autre  chose  de  trouver  bon  que 
ceux  qui  ne  sont  pas  mariés  continuent  à 
vivre  ainsi,  lorsque  cela  peut  être  utile  pour 
eux  et  pour  les  autres  ;  saint  Paul  lui-mémo 
a  fait  cette  distinction. 

Après  avoir  ci-nsuré  tous  los  commenta- 
teurs de  l'Evangile,  ce  même  écrivain  s'érige 
en  interprète  des  paroles  du  s;\avi}MV  [Hlaltli. 
XIX,  ri)  :  //  ;/  a  des  eunuques  qui  ont  renonce' 
au  mariage  pour  le  royaume  des  deux  :  que 
celui  qui  peut  le  concevoir  ij  fasse  altcnlion. 
Si  ces  ()aroles,  (lit-il,  signifient  <iue  celle  sen- 
leiico  est  obscure,  elle  ne  prouve  rien;  si 
cela  veut  dire  qu'il  f.iut  une  grâce  particu- 
lière pour  pratiquer  celle  masimc,  ce  ne 
peut  pas  élre  une  loi;  le  sens  le  plus  natu- 
rel (le  ce  passage  est  que  ceux  qui  se  trou- 
vent séparés  par  un  divorce,  feront  fort  bien 
de  s'alistenir  d'un  second  mariage. — Cette 
découverte  n'est  pas  heureuse.  Une  preuve 
(lue  la  maxime  du  Sauveur  n'est  pas  obscure, 
c'est  qu(!  tout  le  monde  l'entend  trcsbien,  à 
l'exci  ptiou  des  anlicélibalaires  qui  font  la 
sourde  oreille.  Jésus -Christ  lait  enten- 
dre qu'il  faut  une  grûce  et  une  vocalion 
l)arliculière  pour  bien  comprendre  ce  (|u'il 
dit;  par  conséquent  ce  n'est  pas  une  loi 
pour  tous,  mais  pour  ceux  à  qui  Dieu  donne 
cette  grâce  et  cette  vocalion.  Mais  après  que 
le  Sauveur  a  déclaré  formellement  que  ceux 
qui  se  remarient  après  un  divorce  commet- 
tent un  adultère,  il  est  absurde  do  lui  faire 
dire  simplement  que  ceux  qui  ont  fait  di- 
vorce feront  ircs-bien  de  no  p;\s  se  marier. 
Il  est  d'ailleurs  évident  que  ceux  qiii  avaient 
renoncé  au  mariage  pour  le  royaume  des 
deux,  étaient  Jean-Baptiste  et  les  apôtres, 
puisque  ceux-ci  disaient  à  leur  maître  :  Sei- 
ytitur,  nous  avons  tout  Quitté  pour  vous 
suivre. 

Le  passage  de  saint  Paul  (/  Cor.  vu)  est 
clair  :  //  est  bon  à  l'homme,  dil-il,  de  ne  pas 
toucher  une  femme...  Je  désire  que  vous  soyez 
tous  comme  moi  ;  mais  chacun  u  reçu  de  Dieu 
un  don  particulier,  l'un  d'une  manière,  Van- 
tre  d'tme  autre.  Mais  je  dis  à  ceux  qui  sont 
dans  le  CÉLIDAT,  oit  dans  le  veuvnye,  qu'il  leur 
est  bonde  demeurer  dans  cet  état  comme  moi. 
Que  s'ils  ne  so/it  pas  continents,  qu'Us  se  ma- 


rient :  il  est  mieux  de  se  marier  que  de  briller 
d'un  feu  impur.  Notre  censeur,  fidèle  écolier 
des  protestants,  dit,  c.  .'J,  (pie  saint  Paul 
parle  ainsi  à  cause  des  porséculions;  faux 
comm-^ntaire  :  l'apôtre  ajoute  qu'il  (lonne 
ce  conseil,  parce  que  ceux  (|ui  ne  sont  pas 
mariés  s'occupent  du  service  de  Dieu  et  des 
moyens  de  lui  plaire,  au  lieu  que  ceux  (]ni 
le  sont  s'occupent  des  affaires  de  ce  momie, 
vers.  32.  Ensuite  notre  critique  prétend  rpio 
saint  Paul  parle  seulement  des  veufs,  et  les 
exhorte  à  ne  pas  passer  à  de  secondes  noces. 
Nouvelle  falsification  ;  l'Apôtre  s'exprime 
clairement  :  Je  dis  aux  veufs  et  à  ceux  (|ni 
ne  sont  pas  mariés  :  Dico  autan  non  nuijlis 
etviduis,  V.  8;  il  parle  mémcdes  vierges,  v. 
25.  Il  dit  que  celui  qui  marie  sa  fille  l'ait 
bien,  et  que  celui  qui  ne  la  mai  ie  pas  fait 
micu\,  V.38.  Si  c'é;ait  une  loi  et  un  devoir 
de  se  marier,  comme  nos  adversaires  le  sou- 
tiennent, de  quel  front  saint  Paul  aurait-il 
))u  y  donner  atteinte  d'une  manière  aussi 
formelle? 

Mais  nous  avons  affaire  à  des  disputenrs 
fertiles  en  ressources  ;  saint  Paul,  disent-ils, 
était  marié,  ou  du  moins  l'avait  été  ;  c'est  le 
sentiment  de  saint  Ign.ice,  dans  son  épître 
aux  Philadelphiens  ;  de  saint  Clément  d'A- 
lexandrie, Slromat.,  I.  m,  c.  C,  p.  533;  d'O- 
r'i^ènc,  in  Epist.  nd  Rom.,  I.  i,  n.  1  ;  de  saint 
Basile,  de  ahdic.  Serin.;  d'Euscbe,  Hist.  eccL, 
1.  m,  c.  30,  et  de  plusieurs  autres  Péics. 
Saint  Paul  lui-même  le  témoigne  assez  dans 
sa  lettre  aux  Philippiens,  c.  V,  v.  3.  Donc  il 
a  seulement  voulu  détourner  les  fidèles  des 
secondes  noces,  el  encore  ce  conseil  esl-il 
contraire  à  celui  qu'il  donne  aux  jeunes 
veuves  (/  Tim.  v)  :  Je  veux,  dit-il  ,  qu'elles 
se  marient. — Si  nos  censeurs  étaient  moins 
aveugles,  ils  auraient  vu  que  siiint  Paul,  (jui, 
suivant  eus,  était  veuf  lorsqu'il  écrivit  aux 
Corinthiens,  n'a  pas  pu  parler  de  son  épouse 
coaimc  vivante,  dans  sa  lettre  aux  i'hilip- 
piens,  qui  ne  fut  écrite  que  cinq  ou  six  ans 
après;  mais  la  prévention  leur  a  ôté  la  pré- 
sence d'esprit.  La  plupart  des  citations  qu'ils 
nous  opposent  sont  infidèles;  il  n'est  parlé 
du  prétendu  mariage  de  saint  Paul  (|ue  dans 
la  lettre  interpolée  ou  falsiliée  de  saint  Ignace 
aux  Philadelphiens,  et  non  dans  le  texte  grec 
anlhenliquc.  Il  n'est  pas  vrai  (ju'Origèno 
soit  (le  ce  sentiment;  ii  dit  que,  selon  l'opi- 
nion de  quelques-uns,  saint  Paul  était  marié 
lorsiju'il  fut  appelé  à  l'apostolat  ;  que,  .'îiji- 
vant  d'autres,  il  ne  l'était  pas.  Nous  n'avons 
rien  trouvé  dans  saint  Basile  de  ce  qu'on  lui 
attribue;  saint  Clément  d'Alexandrie  est  le 
seul  des  l'èrcs  qui  ail  cru  le  mariage  de  sair.t 
Paul.  Eusèbe,  à  la  vérité,  cite  ce  qu'a  dit 
saint  Clément,  mais  il  n'y  doiuie  aucune 
marque  d'approbation  ;  et  cette  opinion 
n'est  fondée  que  sur  un  passige  de  saint  Paul 
mal  entendu.  —  Aussi  Tertullien  (/>.  i  ad 
Uxor.,c.  3;  /.  de  Monaijaui.,  c.  3  et  8)  ;  saini 
Hilaire  [In  Ps.  csxvii);  saint  Epipliane  (Hœr. 
5S);  saint  .\mbroise  [In  Exhoria!.  ad  Viiqi- 
nés);  saint  Jérôme  [L.  i  contra  Jovin.  et 
Epist,  22  ad  Eustochium);  saint  Augustin 
(L.  de  Grat.    el  lib.  Arb.,  c.    '*;  L.  de  Bono 


^^-i  CEL 

Conjug.  c.  10;  L.  i  de  Adiilt.  conjug.,  c.  '•■; 
L.  lie  Opère  Mnnach.,  c.  1)  affirmenl  iinani- 
momont  que  saint  P;iul  ne  fut  jamiis  marié. 
L'opinion  particulière  de  saint  Clémenl  d'A- 
lexandrio  ne  peut  pas  prévaloir  à  cette  tra- 
dition conslaïUe.— Il  n'y  a  aucune  opposition 
entre  les  divers  avis  que  donne  saint  Paul; 
il  veut  que  les  jeunes  veuves  se  remarient, 
parce  qu'elle»  en  ont  le  désir,  quia...  nuliere 
rohin<,et  parcequeplusieursontmanquéà  la 
foi  qu'elles  avaient  jurée  (/  Tim.  v,  11  et 
12).  Sans  doute  il  était  mieux  pour  elles  de  se 
remarier  que  de  brûler  d'un  feu  impur  (/ 
Cor.  vil,  9).  — Quant  <'iu  passage  de  saint 
Paul,  Ciré  de  la  même  lllreaux  Corinthiens, 
c.  is,  V.  5,  qui  a  trompé  saint  Clémenl,  et 
sur  lequel  nos  adversaires  insisleni,  il  ne 
fait  aucune  difûculté.  N'avons-nous  pas,  dit 
l'Apôtre,  le  pouvoir  (le  mener  avec  nous  une 
femme,  comme  notre  sœur,  comme  foni  /e*  au- 
tres apôtres  et  les  frères  du  Seigneur,  et  Cé- 
phasî  Saint  Clément,  disent  ce«  critii)ues  , 
sous  le  nom  de  femme  a  entendu  une  épouse, 
celle  Irailuclion  est  fautive.  Mais  nos  cen- 
seurs, toujours  fr;ippés  du  mêtne  vertif-e, 
veulent  que  saint  Paul,  après  avoir  parlé 
comme  veufdans  le  chipitre  vm,  ait  fait  men- 
tion de  son  épouse  dans  le  chapitre  ix.  — 
Suivant  leur  coutume  ordinaire,  lorsqu'un 
Père  de  l'Ei^lise  a  dit  quoique  chose  qui  leur 
est  favorable,  ils  en  font  un  éloge  pompeux  ; 
pour  tous  ceux  qui  ne  sont  pas  de  leur  avis, 
ils  les  dépriment  et  en  parlent  avec  dédain. 
—  A  force  de  spéculations,  ils  ont  deviné 
l'oriçine  de  l'estime  que  l'on  a  eue  dès  les 
premiers  siècles  pour  la  virginité  et  pour  le 
célibat;  elleest  venue,  disent-ils,  de  la 
croyance  dans  laquelle  était  les  premiers 
chrétiens  que  le  monde  finirait  bientôt, 
de  la  mélancolie  qu'inspire  le  climat  de  l'E- 
gypte et  des  Indes,  des  idées  chimériques  de 
perfection  puisées  dans  la  philosophie  de 
Pythagore  et  de  Plalon  ;  el  cette  sunerstitiou 
s'est  répandue  |)artout. 

Nous  voilà  donc  réduits  à  croire  que  Jésus- 
Christ  et  ses  disciples,  saint  Paul  et  l'auteur 
de  l'Apocalypse,  qui  ont  fait  cas  de  la  virgi- 
nité el  du  célibat,  étaient  dans  l'opinion  de  la 
fin  prochaine  du  monde  ;  qu'ils  étaient  atta- 
qués de  la  mélancolie  de  l'Egypte  et  des  In- 
des; qu'ils  élaient  prévenus  des  idées  de  l'y- 
Ihagorc  et  de  Platon.  A  l'article  Monde,  nous 
ferons  voir  qu'il  n'est  pas  vrai  qu'ils  en  aient 
prédit  la  fin  prochaine. 

Oui  n'admirerait  l'entêtement  de  nos  ad- 
versaires"? Ils  disent  que  l'estime  pour  la  vir- 
ginité et  pour  le  céliltat  est  absurde,  inju- 
rieuse à  la  nature,  contraire  aux  desseins  du 
Créateur, aux  inlérétsde  l'humanité, aux  plus 
pures  lumières  du  bon  sens,  cl,  p;ir  une  con- 
tagion déplorable,  celte  superstition  s'esl  ré- 
pandue partout  ;  elle  a  passé  de  l'iîgypte  aux 
Indes  el  à  la  Chine,  elle  a  infecté  les  igno- 
rants elles  philosophes.  Avec  le  christianis- 
me, elle  a  pénétré  en  Italie  el  dans  les  Gau- 
les, eu  Angleterre  cl  dans  les  climats  glacé» 
du  Nord  ;  elle  est  allée  jusqu'au  Pérou  f,iire 
établir  les  vierges  du  soleil.  Ils  se  flattent 
ucaumoÎDS,  -par  la  supériorité  de  leurs  iu- 


CEL 


75r, 


niières  ,  de  guérir  enfin  l'univers  entier  de 
cette  maladie,  et  de  lui  rendre  le  bon  sens 
qu'eux  seuls  croient  possé'Ier  exclusivement. 
Ils  disent  que  cette  estime  aveugle  pour  la 
continence  a  été  poussée  à  l'excès  par  les  Pè- 
res de  l'Eglise,  et  ils  s'efforcent  de  prouver 
que  les  Pères  n'ont  jamais  pensé  à  en  faire 
une  loi  au  clergé.  Ils  distnt  ((ue  les  Pères 
ont  eu  le  même  mépris  pour  l'état  du  ma- 
riage que  les  docèies,  les  marcionites  et  les 
manichéens;  el  à  peine  ces  héréiiques  ont- 
ils  paru,  qu'ils  ont  été  réfutés  el  cond.imnés 
par  les  l'ères — Mais  c'est  iii  un  fail  dont  la 
discussion  est  iniMortanie.  Notre  nouveau 
disserialeiir,  instruit  probablement  par  Beau- 
sobre,  soutient  que  ces  anciens  hérétiques, 
détracteurs  Ju  mariage,  ne  le  condamnaient 
pas  comme  absolument  mauvais  et  criminel, 
qu'ils  le  regardaient  comino  un  état  ni'  ins 
parfait  que  le  célibat,  doctrine  qui  est  à  pré- 
sent celle  de  l'Eglise  romaine,  mais  qui  a  été 
condamnée  par  les  Pères. — Heureusement  le 
maître  el  le  disciple  se  contredisent  et  se  ré- 
futent chacun  de  son  côté.  Le  premier,  après 
avoir  fait  tous  ses  efforts  pour  prouver  que 
les  maiiichéeiis  ne  pensaient  pas,  louchant 
le  mariage,  autrement  que  les  Pères,  est  forcé 
de  convenir  que  ces  hérétiques  ne  pouvaient, 
suivant  leur-,  principes,  ni  approuver  le  ma- 
riage, ni  le  regarder  comme  une  inslilulion 
sainte,  puisqu'ils  enseignaient  que  c'est  le 
démon  ou  le  mauvais  principe  qui  a  cons- 
Iruil  le  corps  humain,  et  qu'il  s'est  proposé 
de  perpétuer,  tant  qu'il  le  peut,  par  la  pro- 
pagation, la  captivité  des  âmes;  c'était  aussi 
l'erreur  de  plusieurs  sectes  de  gnosliques 
{Uist.  du  Munich.,  liv.  vu,  c.  3,  §  13  ;  c.  v, 
§  9j.  Le  second  n'a  pu  s'empêcher  d'avouer 
que  les  encraliles  et  les  apostoliques  reje- 
taient le  mariage  comme  absolument  mau- 
vais, qu'Euslale  de  Sébasie  en  Arménie  fut 
condamné  au  concile  de  Gangres,  vers  l'an 
24.1,  parce  qu'il  interdisait  la  cohabilalion 
aux  gens  mariés  (Inconv.  du  cclib.,  w  part., 
c.  9,  10  el  13).  Voilà  ce  que  les  Pères  ni  l'E- 
glise romaine  n'ont  jamais  enseigné,  mais  ce 
qu'ils  ont  toujours  proscrit  ou  censuré. 

Nous  ne  suivrons  pas  cet  auteur  dans  ses 
déclamations  contre  les  vœui,  contre  l'étal 
monastique,  contre  les  couvents  de  religieu- 
ses, contre  les  superstitions- portées  dans  le 
Nord  par  les  missionnaires  dans  le  ix'  siècle 
el  les  suivants  ;  ces  invectives,  copiées  d'a- 
près les  protestants,  et  rebattues  par  les  in- 
crédules, seront  réfutées  chacune  dans  sa 
place.  Ouant  aux  mœurs  du  clergé  dans  les 
bas  siècles,  el  aux  scandales  qui  ont  afiligé 
l'Eglise,  ces  désordres  n'ont  eu  lieu  qu'après 
la  chute  de  la  maison  de  Charlemagne,  et 
après  la  révolution  qui  bouleversa  les  gou- 
vernemonls  dans  nos  contrées.  Les  sei- 
gneurs, toujours  armés,  s'emparèrent  des 
bénéfices,  en  firent  leur  patrimoine,  y  placè- 
rent leurs  enfants  et  leurs  protégés  ;  ces  in- 
trus ne  pouvaient  manquer  d'avoir  tous  les 
vices  de  leurs  patrons  ;  la  simonie  el  le  coii- 
cubina|j,c  allèrent  toujours  de  (-'oniprignie  ; 
Moslieim  et  d'autres  protestants  l'ont  remar- 
qué aubâi  bien  ijuc  nous.  En  général,  qui  sont 


757 


CLL 


les  prélats  qui  oiil  le  plusdéshoiioié  l'Eguse? 
Ceux  qui  avaionl  eu  des  cofanls  légitimes 
avaiil  leur  ordiiialioii,  ou  qui  avaieut  eu  des 
eul'iinls  naturels.  Faut-il  renouveler  aujour- 
d'hui les  désordres  qu'ils  ont  causés?  Il  est 
faux  que  le  mariage  permis  aux  iniiiislres  do 
la  religion  ,  dans  les  pays  du  Nord,  y  a 
rendu  les  mœurs  plus  pures;  liayle  a  prouvé 
le  contraire  (  Dict.  cril.,  EimiXE,  rem.  1, 

§3)-  .    ..  . 

Pour  ne  rien  laisser  a  désirer  sur  cette 

question  lanl  rebattue,  il  nous  reste  à  exa- 
miner si  le  cliangeiuenl  de  discipline  sur  ce 
point  produirait  des  effets  aussi  avantageux 
qu'on  le  prétend.  —  Dans  \e-^  Annales  polili- 
(jues  de  1782,  n"  :il,  il  y  a  une  lettre  dont  l'au- 
teur se  propose  de  dénionlrer,  par  le  calcul, 
que  la  suppression  du  célibat  ecclésiastique 
et  religieux  serait  une  fausse  politique,  une 
puérilité  indigne  de  l'ait  ntion  d'un  grand 
législateur,  et  une  innovation  sans  fruit  pour 
la  populalion.  —  La  haine,  dit-il,  lu  jalou- 
sii',  la  crédulité,  l'enlhonsiasme  réformateur, 
la  rivalité  des  philosophi-s  avec  le  clergé, 
ont  exagéré  ju  qu'au  ridicule  le  nombre  des 
ecclésiastiques  et  des  moines;  mais  voici  le 
résultat  des  dénombrements  les  plus  exacts. 
—  Sur  plus  de  dix  millions  d'habitanis,  l'Es- 
pagne compte  cent  soixante  mille  céliba- 
taires religieux,  dont  un  turs  l'orme  le  clergé 
Séculier  ;  c'est  un  et  demi  pour  cenl  de  la  gé- 
nération complète.  En  Italie,  il  y  a  quatorze 
millions  et  demi  d'individus,  et  deux  cent 
quatre-vingt  mille  ecclésiastiques  ;  ce  sont 
deux  hommes  par  cent  sur  la  totalité  des 
Ijabitanls  :  mais  plus  de  la  moitié  d'entre 
eux  se  trouvent  dans  le  royaume  de;  Naples 
et  dans  les  étals  du  pape;  le  reste  d(^  lltalie 
ne  suppose  qu'un  soixante-iiuinzième  ou 
environ  de  sujets  voués  â  la  religion.  —  11 
faut  observer  que  l'Italie  a  peu  ne  grandes 
villies  qui  absorbent  la  population;  eile  n'en- 
tretient point  d'armées  ni  de  marine  mili- 
taire. Un  climat  doux,  un  sol  fertile,  en  di- 
annuant  les  besoins,  augmentent  les  subsis- 
tances. —  Les  derniers  calculs  faits  sous 
l'administration  de  M.  Necker  ont  porté  la 
populationde  la  France  à  vingt-trois  millions 
cinq  cent  mille  habitants  ;  en  y  supposant 
deux  cent  mille  célibataires  religieux,  comme 
l'ont  fait  les  plus  grands  exagerateurs,  c'est 
moins  d  un  centième  de  la  nation.  —  11  y  a 
plus.  Sur  le  total  de  six  millions  et  plus  de 
deux  cent  mille  femmes  propres  au  mariage, 
il  y  en  a  un  million  et  quaiante  mille  qui  ne 
Sont  pas  marices,  et  on  ne  peut  compter  que 
s<iixante  et  dix  mille  religieuses  ,  c'est  le 
(luinzième  des  femmes  célibataires.  Sur  la 
totalité  des  lioiiuu.'s,  on  doit  en  c^mpier  au 
moins  un  million  qui  pourraient  être  maries 
et  qui  ne  le  sont  pas  ;  sur  ce  niillion  il  n'y 
en  a  qu'cnviro.i  cent  trente  mille  ecclésiasti- 
ques ou  religieux,  ce  n'est  que  le  dixième. 
—  Rendez  aa  monde,  continue  l'auteur, 
tous  les  humilies  enfermés  dans  les  monas- 
tères, ce  sera  soixante  mille  célibataires  de 
moins  sur  unuiillioii.  Mais  luus  n  auront  pas 
les  facultés,  le  penchant,  la  fortune,  la  vo- 
cation nécessaires  au  lien  conjugal,  L  s  ca- 


CEL 

Uets  de  famille,  les  vieillards,  les  infirmes, 
ceux  qui  préféreront  la  liberté  et  l'indépen- 
dance du  célibat  au  joug  du  mariage,  etc., 
sont  à  retrancher,  et  c'est  au  moins  une  moi- 
tié.Vous  gagnerez  donc,  sur  un  million  d'ha- 
bitants, environ  trente  mille  sujets,  »ur  les- 
quels la  mort,  la  pauvreté,  l'alistinence  for- 
cée prendront  leurs  tributs  :  voilà  à  quoi  se 
réiluiseut  les  romanesques  visions  des  dé- 
clamateurs.  —  La  seule  capitale  renferme 
plus  de  domestiques  qu'il  n'y  a  de  religieux 
dans  tout  le  royaume;  le  nombre  de  ces  es- 
claves du  luxe,  dans  toute  l'étendue  de  la 
France,  est  un  douzième  de  la  populalion. 
Aux  serviteurs  ,  le  mariage  est  interdit 
comme  nuisible  à  l'intérêt  des  maîtres  :  dans 
les  femmes,  on  tolère  le  libertinage,  et  non 
la  fécondité  légitime.  Le  célibat  forcé  des  do- 
mestiques est  un  foyer  de  désordres,  celui 
des  ecclésiastiques  est  contraint  dans  ses 
penchants  par  la  sainteté  de  son  institut, 
par  la  crainte  de  la  honte,  par  l'honneur  du 
corps  :  un  religieux  a  devant  lui  dix  exem- 
ples de  vertu  pour  un  de  dépravation.  —  Deux 
cent  cinquante  mille  soldats  ou  mate- 
lot sont  enlevés  sur  la  population  ,  et  l'on 
choisit  les  individus  les  plus  capables  des 
services  civils.  La  débauche,  les  maladies 
honteuses,  empoisonnent  les  armées,  tandis 
que  la  désertion  les  diminue.  —  Comptez  les 
mendiants,  les  employés  des  fermes,  les  ren- 
tiers, les  journaliers,  la  nuée  des  gens  de 
lettres,  mais  surtout  les  philosophes  :  l'es- 
prit philosophique  ,  qui  n'est  autre  chose 
que  l'esprit  d  égoïsme  ,  fut  toujours  antipa- 
thique du  mariage.  Voyez  nos  mœurs,  nos 
capitales,  nos  ménages  ;  observez  le  luxe 
dans  ses  gigantesques  progrès,  le  concubi- 
nage impossible  à  réprimer,  la  puissance 
maritale  et  paternelle  de  jour  en  jour  plus 
relâchée  el  plus  insupportable  ,  le  ton  et  la 
conduite  des  femmes;  llattez-vous  ensuite 
que  la  propagation  de  l'espèce  va  couvrir  la 
terre,  lorsque  cinquante  mille  moines  au- 
ront renoncé  au  vœu  du  célibat.  —  11  estiste 
dans  le  ro}aume  deux  fuis  autant  de  prosti- 
tuées que  de  religieuses  :  lesquelles  sont  les 
plus  funestes  à  la  population  ?  Depuis  1706 
jusqu'en  1775,  le  nombre  des  enfants  trouvés 
à  Paris  est  augmenté  d'un  tiers.  —  La  no- 
blesse des  villes  produit  peu  de  mariages,  et 
encore  moins  d'enfants;  nos  lois  et  nos  usa- 
ges ont  condamné  les  cadets  à  l'indigence  et 
au  célibat  :  les  monastères  ou  les  ordres  sont 
donc  une  ressource  pour  la  noblesse  des 
deu.<w  sexes  ;  ils  recueillent  les  cèlib.itaires 
produits  par  le  désordre  de  la  société;  mais 
ils  ne  les  engendrent  pas. 

Il  vaudrait  donc  mieux  réduire  notre  état 
militaire,  renvoyer  la  moitié  des  gens  de  li- 
vrée dans  les  campagnes,  avoir  deux  tiers 
moins  d'avocats,  de  procureurs,  d'oflices  de 
finance,  d'huissiers,  d'auteurs,  etc.,  el  con- 
server les  moines.  —  Cela  est  impraticable  , 
sans  doute  ;  et  c'est  là  le  mol  de  tous  les 
beaux  plans  de  reforme  qu'on  nous  étale 
dans  les  livres,  et  que  l'on  prône  dans  les 
nouvelles  publiques,  ^ous  chérissons  nos 
vices,  cl  nous  eu  iudiquous  le  remède.  Ou 


739 


CEL 


CEL 


740 


déclame  contre  le  luxe,  lorsque  le  luxe  no 
peut  plus  être  réprimé;  ou  disserle  sur  l'é- 
ducalioD  lorsque  l'abus  de  la  société  efface 
de  plus  CD  plus  les  caractères  ;  on  peuple 
les  états  dans  dps  brochures  ,  sans  observer 
l'aclioD  irrésistible  des  mœurs  et  des  usages 
sur  les  vraies  sources  de  1  !  population. 

L'auteur  des  lierherches  plttlosophiquHS  sut 
le  célibat  s'écrie  :  «  Voyez  les  états  protes- 
tants, ils  fourmillent  de  br.is,  et  la  catholi- 
cité de  déserts.  »  Vingt  autres  ont  fait  celte 
comparaison.  — Mais  en  Suisse,  !e  plus 
peuplé  des  cantons  est  celui  deSoleure,  et  il 
est  catholique;  il  a  des  ecclésiastiques,  des 
moines  et  des  religieuses;  si  la  Sicile  est 
pleine  de  masures  ,  c'est  l'etîet  du  gouverne- 
ment féodal,  le  plus  atroce  et  le  plus  des- 
tructeur qu'ait  inventé  l'usurpation.  Les 
Pays-Bas  catholiques,  les  riches  républiques 
d'Italie,  étaient-elles  dépeuplées  dans  le 
XV»  et  le  xvi"  siècle?  Avaient-elles  moins 
de  prospérité  que  la  Hollande?  La  Prusse 
est-elle  plus  féionde  en  habitants  que  le  Pa- 
lalinai,  et  la  SuùJe  que  ta  Lonibaidie?  La 
fertilité  du  sol,  la  position  lopographique  et 
le  gouverncmenl,  ont  une  toute  autre  force 
que  les  couvents. 

Uéformer  cl  non  pas  détruire,  telle  doit 
être  la  maxime  de  tout  homme  qui  spécule 
en  politique.  Changez  des  asiles  inutiles  en 
hospices  de  la  p.iuvrelé,  de  l'âge,  de  la  dou- 
leur, du  repentir  et  de  l'abnégation,  la  so- 
cièlé  pourra  y  gagner,  mais  non  sa  popu- 
lalion.  L'ariiourilu  paradoxe  n'inspire  point 
cette  opinion;  quand  on  se  défund  avec  des 
chilïres,  on  ne  peut  guère  être  soupçonné 
d'iniposlure. 

il  nous  paraît  que  cet  auteur  ne  craint  pas 
d'être  réluié;  s'il  se  trompe,  il  est  très-à 
propos  de  déuntntrer  sou  eireur. 

L'auleur  de  l'article  CÉi  ibat  <lans  le  Dic- 
tiannaire  (le  Jurispindmce,  a  copié  les  dia- 
tribes del'alibé  de  Sainl-Pierre,  placées  dans 
J'anci.'une  Encyclopédie,  et  il  y  a  joint  ce 
que  les  proiestJinls  ont  dit  dans  celle  d'Yver- 
dun.  Nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de  re- 
lever quelques-unes  des  contradictions  de 
cet  article. 

Après  avoir  soutenu  que  le  célibat  était 
proscril  chez  les  Juifs  en  vertu  de  la  préten- 
due lui,  croissr:  et  muliiplies ,  on  nous  as- 
sure qu'lilie,  lilisée,  Daniel  et  ses  trois  com- 
.pagnons,  vécurent  dans  la  continence.  Voili 
doue,  des  proplièles,  des  amis  de  Dieu,  qui 
ont  violé  publiquement  la  loi  de  Dieu  portée 
dès  la  cré.iliou.  L'on  nous  vante  le^  lois  que 
1  -s  tjrecs  et  les  lîomains  av.iienl  failes  con- 
tre le  cébbal,  l'espèce  d'inlamie  dont  ils  l'a- 
vaient noté,  les  privilèges  qu'ils  accordaient 
aux  personnes  mariées;  cependant  l'on  nous 
fait  observer  que  tous  les  peuples  ont  atta- 
ché une  idée  de  sainteté  et  de  perfection  à  la 
coniinence  observée  par  motif  de  religion;  il 
n'est  donc  pas  vrai  que  toute  espèce  de  céli- 
biil  ail  été  noléo  d'infamie.  D'un  côlé  l'on  dit 
qu'il  n'y  a  guère  d'homme  à  ((ui  le  célibat  ne 
«oit  dillicile  à  observer,  que  les  ce  ibal.iires 
d»iv(nl  être  tristes  et  mélancoliques;  de 
l'autre,  on  cite  une  harangue  de  Méielrus 


Numidicus,  adressée  au  peuple  romain,  dans 
laquelle  il  avoue  que  c'est  un  malheur  de  ne 
pouvoir  se  passer  des  femmes;  que  la  na- 
ture a  établi  qu'on  ne  peut  guère  vivre  heu- 
reux avec  elles.  Pour  être  heureux,  il  fau- 
drait donc  n'être  ni  marié  ni  célibataire.  Un 
de  ces  oracles  dit  que,  dans  le  christianisme, 
la  loi  du  célibat,  pour  les  ecclésiasiiques,  est 
aussi  ancienne  que  l'Eglise,  que  Dieu  l'a 
jugé  nécessaire  pour  approcher  plus  dijçne- 
ment  de  ses  autels  ;  un  autre  prétend  que  lo 
célibat  n'était  que  de  conseil,  et  que,  malgré 
ce  (ju'en  a  pensé  le  concile  de  Trente,  1» 
question  que  nous  examinons  est  purement 
politique.  Dans  la  même  page  on  lit  qu'en 
Occident  le  célibat  était  prescrit  aux  cleres, 
et  qu'il  était  libre  dans  l'Eglise  latine;  il  faut 
donc  que  celle-ci  ne  soit  pas  la  même  que 
l'Eglise  d'Occident.  —  Ce  que  disait  l'abbé 
de  Saint-Pierre,  que  les  ministres  prolestanls 
sont  aussi  respectés  du  peuple  que  les  prê- 
tres catholiques,  est  absolument  faux.  11  est 
certain,  par  cent  exemples,  que  les  protes- 
tants sensés,  même  les  souverains,  ont  tou- 
jours témoigné  plus  de  respect  pour  les  prê- 
tres catholiques,  dont  ils  connaissaient  les 
mœurs,  que  pour  leurs  propres  ministres  ; 
on  sait  d'ailleurs  qu'en  Angleterre  le  bas 
clergé  est  très-méprisé  {Londres,  t.  Il,  p. 
241).  —  Nous  n'avons  garde  de  blâmer  ce 
qui  est  dit  daus  cet  article  contre  le  célibat 
vo  ontaire  ou  forcé  des  séculiers;  mais  les 
moyens  que  l'on  propose  pour  y  remédier 
sont  à  peu  près  impraticables,  et  ceux  que 
l'alibé  d'  Saint-Pierre  avait  rêvés  pour  pré- 
venir les  inconvénients  du  mariage  des  prê- 
tres sont  absurdes. 

Les  ennemis  du  célibat  ecclésiastique  et 
religieux  n'ont  donc  épargné,  pour  l'atta- 
quer, ni  les  contradictions  ,  ni  les  impostu- 
res ;  en  voici  encore  un  exemple  récent. 
Dans  le  Journal  encyclopédique  du  15  mars 
1783,  pag.  309,  on  a  pl^cé  une  lettre  d'yEnéas 
S  Ivius  ,  qui  devint  pape  sous  le  nom  de 
Pie  II,  l'ail  1438,  dans  laqueile  on  prétend 
qu'il  a  jusliiié  le  libertinage  de  sa  jeunesse, 
et  dans  laquelle  il  s'élève  contre  le  célibat 
des  prêtres  ;  c'est  la  15'  du  recueil  de  se» 
lettres.  Mais  dans  l'Année  liltéraire  de  cette 
même  année,  W  13,  un  savant  a  prouvé,  1* 
que  le  journaliste  a  traduit  infidèlement  la 
lettre  d'^Enéas  Sylvius,  et  qu'il  y  a  mis  du 
sien  les  deux  phrases  les  plus  fortes  confie 
le  célibat  des  prêtres.  -2*  Que  cette  13*  lettre 
a  été  écrite  dans  la  jeunesse  de  l'auteur, 
longtemps  avant  qu'il  fût  engagé  dans  les 
ordres  sicrés.  3"  Que  pendant  son  pontificat 
il  a  désavoué  et  rétracte  ce  qu'il  avait  écrit 
autrefois  dans  l'effervescenee  des  passions. 
Dans  sa  lettre  31)3,  adressée  à  Charles  Cy- 
prianus,  il  dit  :  Mcprisrz  et  rejetez,  ô  mor- 
tels, ce  que  nous  avons  écrit  dans  notre  jeu- 
nesse au  sujet  de  i amour  profane;  suivez  ce 
que  nous  tous  disons  à  présent.  Croyez-en  un 
vieillard  plutôt  (jiùtn  jeune  homme,  un  pon- 
tife plutôt  qu'un  simple  particdlier.  Pie  II 
plutôt  qu'Mnéas  Si/lvius.  k'  (Jue  Flaeus  Illj- 
ricus,  sur  la  foi  de  Piatinc  et  de  Sabcllicus, 
attribue  mal  à  propos  à  ce  pape  la  maxime 


741 


CEL 


CEL 


74« 


suivante,  savoir  :  que  le  mariage  a  clé  inter- 
dit aux  prêtres  pour  de  bonnes  raisons,  mais 
qu'il  y  en  a  de  meilleures  pour  le  leur  rendre. 
11  esl  démontré  au  contraire  qu'il  n'y  en  a 
aucune  de  toucher  à  l'ancienne  discipline,  et 
que  toutes  sortes  de  raisons  engagent  à  la 
conserver.  Voy.  Virginité. 

CÉLICOLES.  Voy.  Coelicoi.es 

CELLITES,  nom  d'une  congrégation  de  re- 
ligieux hospitaliers,  qui  ont  des  maisons  en 
Allemagne  et  dans  les  Pays-Bas.  Leur  fonda- 
teur est  un  nommé  Meccio  ;  c'est  ce  qui  les  a 
fait  appeler  mecciens  en  Italie.  Ils  suivent  la 
rè^le  de  saint  Augustin  ;  leur  institut  tut  ap- 
prouvé par  Pie  II ,  vers  l'an  liCO  ;  mais  ils 
existaient  déjà  depuis  plus  d'un  siècle.  Ils 
sont  occupés  à  soigner  les  malades,  particu- 
lièrement ceux  qui  sont  attaqués  de  mala- 
dies contagieuses,  telles  que  la  peste;  ils 
gardent  et  servent  les  insensés,  enterrent  les 
morts,  etc.  Us  ont  beaucoup  de  rapport  aux 
Frères  de  la  charité. 

Ainsi  l'on  n'a  pas  attendu  au  xvii°  siècle 
pour  faire,  par  motif  de  religion,  des  établis- 
sements utiles  à  l'humanité.  Parmi  un  grand 
nombre  d'instituts,  dont  nous  ne  voyons  plus 
la  nécessité,  parce  que  les  raisons  qui  les 
ont  fait  établir  ne  subsistent  plus,  il  en  est 
dont  les  services  continuent  toujours,  et  du- 
rerontaussi  longlempsque  l'on  voudra  sedon- 
ner  la  peine  de  les  proléger  et  de  les  favoriser. 

Ça  été  un  trait  de  malignité  de  la  part  de 
Moshcim,  de  dire  que  l'institut  des  cetlites  se 
forma,  pirce  que  les  ecclésiastiques  du  xiv° 
siècle  ne  prenaient  aucun  soin  des  malades 
ni  des  moribonds  ;  il  n'a  pu  prouver  celte 
accusation  par  aucun  fait  ni  par  aucun  mo- 
nument. Les  vrais  motifs  de  cette  institution 
furent  les  ravages  énormes  de  la  maladie 
conlagieuse  (jui  régna  l'an  13+8  et  les  an- 
nées saivantes,  qui  désola  l'Italie,  l'Espagne, 
la  France  ,  l'Angleterre,  l'Allemagne  et  les 
pays  du  Nord,  et  ([ui  fut  appelée  la  peste 
noire,  cl  les  indulgences  qae  Clément  VI  ac- 
corda à  tous  ceux  qui  donneraient  aux  pes- 
tiférés les  secours  spirituels  ou  temporels. 
Mais  pendant  que  les  celliles  leur  procuraient 
les  seconds,  qui  leur  donnait  les  premiers, 
sinon  les  prêtres  et  les  religieux?  C'est 
comme  si  l'on  disait  que  les  Frères  de  la  cha- 
rité ont  été  institués  l'an  1520  pour  soulager 
les  corps,  parce  que  les  orêtres  négligeaient 
les  âmes. 

Mosheim  observe  que  les  celliles  furent 
aussi  nommés  lollards  ;  mais  il  ne  faut  pa^  les 
confondre  avec  plusieurs  sectes  d'hypocrites, 
qui  fiirent  ainsi  appelés  dans  la  suite.  Voy. 

L0LI.\RDS. 

CELLULE,  diminutif  du  mot  celle,  qui  a 
signiGé  autrefois  un  lieu  fermé,  elconséquem- 
menl  un  monastère.  C'est  une  petite  chambre 
habitée  par  un  religieux  ou  par  une  reli- 
gieuse, et  qui  fait  partie  d'un  couvent.  Elle  ren- 
ferme ordinairement  un  lit  uu  un  grabat,  une 
chaise,  une  table,  quelques  images  et  quel- 
ques livres  de  piété  :  le  reste  serait  superflu. 

Un  religieux  qui  sait  s'occuper  dans  sa 
cellule  à  prier,  à  lire,  à  méditer,  à  écrire,  à 
faire  quelques  ouvrages  des  mains,  esl  plus 


heureux  qu'un  grand  seigneur  il.ms  un  vaste 
appartement.  S'il  lui  arrive  d'entrer  dans  uu 
de  ces  palais  qui  renferment  les  chels-d'œu- 
vre  des  arts,  et  des  meubles  précieux  dont  le 
maître  ne  se  sert  jamais,  il  peut  dire,  comme 
un  ancien  philosophe  :  combien  de  choses 
dont  je  n'ai  pas  besoin! 

Dans  la  Thébaide,  il  y  avait  trois  déserts 
habiles  par  des  solitaires  uu  anachorètes, 
l'un  appelé  des  Cellules,  l'antre  de  la  moula- 
(jne  de  iSilrie,  le  troisième  de  Sce'Jrf;  c'était  le 
plus  éloigné  du  centre  de  rEg\pie,  il  conQ- 
nail  à  la  Libye. 

CliLSE,  philosophe  du  ii'  siècle,  est  célè- 
bre par  son  ouvrage  contri;  la  religion  chré- 
tienne, écril  vers  l'an  170.  De  nos  jours  on  a 
pris  la  peine  de  recueillir,  dans  saint  Cyrille, 
les  fragments  des  livres  de  Julien  sur  co 
même  sujet,  et  d'en  faire  un  discours  suivi; 
nous  ne  connaissons  aucun  ouvrage  de  nos 
adversaires  dans  lequel  ils  aient  fait  la  même 
chose  à  l'égard  de  celui  de  Celse.  Ç'à  élé  sans 
doute  un  Irait  de  prudence  de  leur  jiarl  ;  ce- 
lui-ci renferme  plusieurs  aveux  trè^-favora- 
bles  au  christianisme,  et  ils  ne  peuvent  être 
suspects.  La  réfutation  qu'Origène  a  faite  des 
calomnies  de  Ce/se  est  le  plus  iniporlant  des 
ouvrages  de  ce  Père.  11  semble  supposer  que 
son  adversaire  étail  épicurien;  mais  il  est 
plus  probable  que  c'était  un  éclectique  ou 
nouveau  platonicien,  qui  faisait  prolessiort 
de  n'épouser  aucun  système,  et  de  ne  tenir 
à  aucune  école. 

Celse  regarde  comme  une  folie  le  projet 
formé  par  les  chrétiens  de  convenir  tous  les 
peuides  cl  (le  les  ranger  sous  la  même  loi; 
il  veut  que  chaque  nation  conserve  sa  reli- 
gion, quelle  qu'elle  soit  (Orig  contre  Celse  , 
1.  V,  n°  2j;  1.  vu,  n°  72).  Alais  si  la  religion 
des  Egyptiens  et  celle  des  Juifs  étaient  faus- 
ses et  absurdes,  comme  il  le  soutient,  ces 
deux  peuples  auraienl-ils  eu  tort  d'en  em- 
brasser une  meilleure  ?  S'il  avait  vécu  plus 
longtemps,  il  aurait  vu  le  projet  des  chrétiens 
à  peu  près  exécuté;  il  aurait  été  convaincu 
que  chez  tous  les  peuples  et  dans  tous  les 
climats,  le  christianisme  a  produit  les  mêmes 
elïets  el  la  mônie  révolution  dans  les  mœurs, 
comme  Origène  le  fait  observer.  —Ce  [ihiloso- 
phe  connaissait  nos  Evangiles  :  il  parait  mê- 
me avoir  en  sous  les  yeux  celui  de  saint 
Matthieu  ;  il  en  suit  sommairement  l'histoire, 
et  il  avait  comparé  les  deux  généalogies  du 
Sauveur,  1.  xi,  n"  32.  11  avait  lu  l'Anci.  n 
Testament,  du  moins  le  livie  de  la  Genèse 
lout  entier,  I.  iv,  n°  31!  et  suiv.  Il  est  le  pre- 
mier qui  ait  accuse  Jésus-Christ  dêlre  né 
d'un  commerce  illégitime,  cl  il  met  ce  repro- 
che dans  la  bouche  d'un  Juif,  1.  i,  n  2S.  Si 
cette  calomnie  avait  eu  quelque  fondement, 
les  Juifs  contemporains  ne  l'auraient  pas 
passée  sous  silence  ;  ils  n'auraient  pas  souf- 
fert que  Jésus  enseignât  el  se  donnât  pour 
descendant  do  David,  Cerinlhe,  C  irpucraie, 
les  ébionites,  ne  se  seriiient  pas  ohslines  à 
soutenir  que  Jésus  était  né  de  Joseph  el  de 
Marie  ;  les  évangélisles  n'auraient  pas  osé 
tracer  et  publier  sa  généalogie ,  et  Jésus 
u'aurail  trouvé   aucuu    disciple  parmi  les 


74j  CLL 

Juifs.  Il  no  conlosie  point  le  massacre  des 
Innoceiils,  ordonné  par  Hérode,  pour  faire 
périr  Jésus  enfaiil;  il  n'y  oppose  qu'un  rai- 
sonnement qui  ne  signifie  rien,  1.  i,  n°  58.  Si 
ce  fait  éclatant  et  public  n'était  pas  vrai, 
toute  la  Judée  aurait  pu  déposer  du  con- 
traire. Qu'oppose-l-il  aux  miracles  de  Jésus- 
Christ?  C'était  i'arliclele  plus  imporlanl.  11 
dit  que  personne  ne  les  a  vus,  si  ce  n'est  ses 
disciples,  et  qu'ils  les  ont  beaucoup  exagérés, 
1.  I,  n"  68.  Mais  si  Jésus-Christ  a  laissé  sur  la 
terre  au  moins  cinq  conls  disciples,  comme 
saint  Paul  nous  l'apprend,  ce  nombre  de  té- 
moins nous  paraît  assez  considérable(/  Cor. 
XV, 6).  Il  dit  que  Jésus  a  opéré  ses  miracles  par 
ia  magie,  par  des  enchantements,  par  l'invo- 
cation des  démons  ou  génies;  il  lui  reproche 
d'avoir  appris  la  magie  en  Egypte,  et  d'avoir 
eu  ensuite  l'orgueil  de  se  faire  passer  pour 
un  Dieu,  1.  I,  n'  G,  '2S.  Il  ajoute  que  plusieurs 
autres  imposteurs  ont  fait  des  miracl«s  sem- 
blables ;  que  Jésus  lui-même  a  défendu  d'y 
a'jouter  foi,  n*  68.  Il  accuse  aussi  en  (général 
les  chrétiens  de  faire  usage  de  la  magie,  n"  6. 
Mais  si  les  miracles  de  Jésus-Chnsl  et  de  ses 
disciples  n'étaient  pas  vrais  et  inconlesiables, 
pourquoi rc^^ourir  à  la  magie?ll  fallait  les  nier 
ferme  et  s'en  tenir  là.  il  faut  (jue  Celse  ait 
senti  que  cela  n'était  pas  possible  ;  que  le 
témoiguaiie  constant  et  uniforme  des  disciples 
de  Jésus,  l'aveu  des  Juifs,  la  révolution  qui 
s'était  ensuivie,  étaient  des  preuves  invinci- 
bles de  la  réalité  des  mir.icles. 

Contre  la  résurrection  du  Sauveur,  il  ob- 
jecte que  plusieurs  autres  imposteurs 
avaient  promis  de  ressusciter,  ou  avaient 
prétendu  être  revenus  des  enfers;  que  Jésus 
ressuscitén'avait  été  vu  de  personne,  excepté 
d'une  femme  et  de  quelques  disciples  ;  qu'ils 
avaient  rêvé,  n'avaient  vu  qu'un  fantôme, 
ou  avaient  forgé  ce  mensonge.  Si  Jésus,  ajou- 
lait-il,  était  ressuscité,  il  devait  se  montrer 
à  ses  ennemis,  à  ses  juges,  à  tout  le  monde  ; 
il  eût  encore  mieux  valu  qu'il  ne  se  laissât 
pas  crucifier,  ou  qu'il  descendit  de  la  croix 
en  présence  des  Juifs,  1.  ii,  n°  ok  et  suiv.  Mais 
Celse  pouvait-il  citer  l'exemple  d'un  impos- 
teur, duquel  un  grand  nombre  d'hommes 
eussent  jamais  dit  :  Nous  l'avens  vu  mourir, 
une  ville  entière  l'a  vu  comme  nous  ;  ensuite 
nous  l'avons  vu  vivant,  nous  l'avons  louché, 
nous  avons  bu  et  mangé  avec  lui,  après  sa 
résurrection,  pendant  quarauti)  jours.  Où 
est  l'homme,  excepté  Jésus,  duquel  on  ait 
jamais  rendu  un  pareil  témoignage? 

Il  devait  ne  pas  se  laisser  crucifier,  ou 
descendre  de  la  croix,  ou  se  montrera  tout 
le  monde.  —  Pourquoi  le  devait-il?  où 
.sont  les  raisons  (pii  prouvent  ce  devoir  pré- 
tendu ?  Nous  soutenons  (ju'il  ne  le  devait  pas  ; 
(|ue  quand  il  l'aurait  lait,  li's  incréilules  n'en 
seraient  pas  plus  touches  que  du  miracle  de 
sarésurrcciion,  prouvé  comme  il  l'est.  —  Cette 
résurrection  a  été  publiée  ,  crue  et  professée 
par  des  milliers  de  Juifs,  cinquante  jours 
après  ,  sur  le  lieu  même  où  elle  est  arrivée  ; 
Celse  n'a  pas  osé  en  disconvenir  :  donc  ses 
disciples  ont  solidement  jirouvé  qu'ils  n'a- 
vaient ni  rêvé,  ui  menti. 


OéL  ''-'' 

Hien  n'est  plus  ahsnrde  que  de  rejeter  uu 
miracle,  parce  que  Uieu  pouvait  en  f.iire  un 
antre,  et  de  contester  une  preuve,  parce  que 
Dieu  pouvait  en  donner  d'auires.  Quoi  que 
Dieu  fasse,  les  incrédules  sont  bien  résolus 
de  n'avouer  jamais  qu'il  a  bien  fait;  et  quel- 
ques preuves  qu'on  leur  allègue,  elles  ne 
suffiront  jamais  pour  vaincre  leur  opiniâ- 
treté. Plusieurs  ont  déclaré  que  (luand  ils 
verraient  de  leurs  yeux  un  mort  sortir  du 
tombeau,  ils  ne  le  croiraient  pas. 

Celse  convient  que  le  christianisme  a  été 
prêché,  s'est  établi,  et  a  l'ail  des  progrès 
très-peu  de  temps  après  la  mort  de  Jésus- 
Christ,  I.  Il,  n°  2  et  4  ;  que  ceux  qui  publient 
sa  doctrine  lui  font  une  infinité  de  disciples, 
n'  4(3.  Il  avoue  (ju'il  y  a  parmi  les  chrétiens 
des  hommes  vertueux,  sages  el  intelligents, 
I.  I,  n°  27.  Il  ne  leur  reproehe  point  d'autre 
critne  que  de  s'assembler  en  secret,  contre  la 
défense  des  magistrats,  de  délester  les  simu- 
lacres et  les  autels,  et  de  blasphémer  contre 
les  dieux.  Nous  prions  les  incrédules  mo- 
dernes d'y  faire  allenlion,  et  d.'  ne  pas  pous- 
ser les  «-alomnic-s  plus  loin  que  lui.  — Tantôl 
il  approuve,  et  lanlôt  il  blâme  la  fi-rmeié  des 
martyrs  ;  mais  il  convient  de  la  cruauté  îles 
supplices  qu'on  leur  fait  suiir,  1.  viii,  n.  39 
43,  48,  etc.  C'est  cependant  un  faii  que  l'on 
a  osé  contester  de  nos  jours.  Il  dislingue  la 
grande  Eglise  d'avec  les  autres  sectes  qui 
se  disaient  chrétiennes  ;  il  ajoute  que  ces 
difl'érenles  sectes  se  haïssent  el  se  déchirent, 
1.  V,  n°  59 el  suiv.  —  C'est  jusiement  ce  qui 
prouve  qu'il  n'a  pas  pu  y  avoir  de  colluion 
entre  les  premiers  secl-iteurs  du  christianisme 
pour  forgerdes  fails,  pour  les  publier,  pour  eo 
imposer  aux  hommes  crédules.  Les  divisions 
ont  commencé  dès  le  temps  des  apôtres  ;  ils 
s'en  plaignent  et  démasquent  les  faux  doc- 
teurs ;  ils  ont  donc  toujours  été  surveillés  par 
des  ennemis  allenlifs  eljaloux,  soit  juifs,  soit 
païens,  même  par  des  philosophes  mal  con- 
vertis. .Mais  parmi  ceux  qui  ont  levé  réten- 
d.ird  contre  les  apôtres ,  aucun  ne  les  a  ja- 
mais accusés  d'avoir  forgé,  déguist',  dénaturé 
les  fails  de  l'Evangile.  Si  les  fails  sont  vrais, 
le  chrislianisme   est  invinciblement  prouvé. 

11  n'est  pas  aisé  de  démêler  quels  étaient 
les  sentiments  de  Celse  touchant  la  Divinité; 
sa  philosophie  est  un  chaos  inintelligible,  et 
son  ouvrage  un  tissu  de  contr.uiiclions. 
Quelquefois  il  semble  admettre  la  providen- 
ce, d'autres  fois  il  la  nie;  il  joint  à  l'épicu- 
réisme  le  <logme  de  la  fatalité  ;  il  ci'oit  que 
les  animaux  sont  d'une  nature  supérieure  à 
celle  de  l'homme.  Il  n'exige  point  (]ue  l'un 
rende  un  culte  à  Dieu,  créateur  et  gouver- 
neur du  munde,  mais  seul' ment  aux  génies 
ou  aux  dieux  des  païens;  il  ranle  les  oracles, 
la  divination,  les  prcieiuius  prodiges  du  pa- 
ganisme. Tantôt  il  semble  approuver,  el  tan- 
tôt il  blâme  le  culte  des  simulacres  ou  des 
idoles.  A  proprement  parler,  il  ne  savait  pas 
lui-même  ce  qu'il  croyait  ou  ne  croy.nt  pas. 
C'est  assez  la  philosophie  de  la  plupart  des 
incrédules;  ils  se  ressemblent  dans  tous 
les  siècles.  —  La  plupart  des  reproches  qu'il 
fait  aux  chrcticus  en  général  ne  pouvaient 


7*5 


CEN 


CEN 


7*6 


tomber  que  sur  les    gnosliques,   qu'il  con-~ 
fondnit  mal  à  propos   avec   les    véritables 
chréliens. 

L'exaclilude  avec  laquelle  Origène  rap- 
porte les  propres  paroles  de  CeUe,  prouve 
que  nos  anciens  apologistes  n'ont  cherché  ni 
à  supprimer  les  ouvrages  de  leurs  adversai- 
res, ni  à  déguiser  leurs  objections,  ni  à  les 
rendre  odieux.  Sans  les  livres  d'Orifrène,  qui 
saurait  aujourd'hui  ce  (|ue  Celse  a  écrit?  Ce 
philosophe  était  très-voisin  des  r.iils,  puis- 
qu'il a  vécu  au  milieu  du  u^  sièric,  cin- 
quante ou  soixante  ans  seulement  après  la 
mort  du  dernier  des  apôtres.  Il  pouvait  con- 
sulter les  Juifs,  vérifier  si  les  disciples  de 
Jésus-Christ  avaient  élé  des  imposleurs.  Il 
dit  qu'il  connaît  parfaitement  le  christia- 
nisme, qu'il  s'est  inlonié  de  tout;  il  l'ait 
même  parler  un  juif;  cependant  il  n'oppo>e 
aux  chrétiens,  ni  aucun  fait  décisif,  ni  aucun 
lémoignage  contradicloiri"  au  leur,  ni  aucun 
argument  fort  rcdoutabl''..  S'il  y  avait  eu  de 
l'imposture  de  leur  pjirt,  il  serait  incroyable 
que  Celse  ne  l'eût  p;is  démasquée.  Tout  con- 
sidéré, son  ouvrage  est  un  des  monuinenls 
l'es  plus  honorables  et  les  plus  avantageux 
à  notre  religion.  Si  l'on  veut  voir  un  extrait 
plus  exact  des  objections  de  CeUe  et  des  ré- 
ponses d'Origène,  on  le  trouvera  dans  le 
Traité  historique  et  dogmatique  de  la  vraie 
Religion,  t.  X,  2'^  édit. 

CENACLE.  Notre  Sauveur,  la  veille  de  sa 
passion,  dit  à  ses  disciples  d'aller  préparer 
le  souper  de  la  pâque  à  Jérusalem  ;  qu'ils  y 
trouveraient  un  cénacle  tout  prêt,  c'est-à- 
dire,  une  salle  à  manger,  avec  b  s  tables  et 
les  lits  sur  lesquels  on  se  plaçait  pour  man- 
ger. Dans  les  siècles  postérieurs,  on  a  mon- 
tré à  Jérusalemune  salle,  qui  fut  changée  en 
église  par  l'impératrice  liée  le,  où  l'on  pré- 
tendait que  notre  Sauveur  avaii  fait  sou  der- 
nier souper,  et  avait  institue  l'eucharistie  ; 
mais  il  y  a  lieu  de  douter  que  celte  salle  ait 
élé  garantie  de  la  ruine  de  Jérusalem,  lors- 
que cette  ville  fut  prise  par  les  Romains  ;  on 
pouvait  tout  au  plus  connaître,  par  tradition, 
le  sol  sur  lequel  le  cénaile  avait  été  placé. 

Mais  le  respect  que  l'on  eut  pour  le  lieu 
dans  lequel  on  croyait  que  Jésus-Cbrisl  avait 
institué  l'eucharistie,  prouve  assez  la  haute 
idée  que  l'on  avait  conçue  de  cette  aciion  de 
Notre-Seigneur.  Si  l'on  avait  envis.igé  pour 
lors  la  dernière  cène  du  même  œil  que  les 
protestants,  on  ne  se  serait  pas  avisé  de  chan- 
ger le  cénacles»  église. 

CKNDKR.  Le  mercredi  des  Cendres  est  ac- 
tuellement le  premier  jour  de  carême.  Il  est 
probable  qu'il  a  élé  ainsi  nommé,  à  cause  de 
l'usage  dans  lequel  étaient  les  pénitents, 
dans  les  premiers  siècles,  de  se  présenter  ce 
jour-là  à  la  porte  de  l'église,  revêtus  de  ci- 
lices  et  couverts  de  cendres. 

Mais  quel  rapport  y  a-t-il  entre  la  cendre 
et  la  pénitence  ?  C'est  un  monument  des  an- 
ciennes mœurs.  Se  laver  le  corps  et  les  ha- 
bits, se  parfumer  la  tête  était  le  symbole  de 
la  joie  et  de  la  prospérité  :  au  contraire,  la 
marque  d'une  douleur  profonde  était  de  se 
rouler  dans  la  poussière,  et  d'y  demeurer 

DiCT.  OEThÉOL.  DOGUATigCE.  I. 


couché.  Cela  se  voit  encore  quelquefois  par- 
mi le  peuple  des  campagnes,  qui  se  livre  vio- 
lemment aux  impu'sioDS  de  la  nature.  Du 
homme  qui  se  montrait  avec  le  corps.,  les 
cheveux  et  les  habits  couvi-rts  de  po  issière, 
annonçait,  par  cilextéri  'ur  néglige,  le  deuii 
et  l'alfliclion.  Les  exemples  en  sont  fré- 
quenis  dans  l'Kcriture  saiiiti';  Job,  l'hisloire 
des  rois,  les  prophètes,  rRvaugilc  même  en 
parlent. — David,  pour  exprimer  une  douleur 
amère,  dit  qu'il  maiige.iit  la  rendre  cmiiine 
le  pain,  ou  plutôt  avec  le  p:iin  (Psal.  ci,  10). 
Comme  les  anciens  cuisaient  leur  pain  sous 
la  cendre,  ne  pas  se  donner  la  peine  de  se- 
couer la  cendre  dont  le  pain  était  couvert, 
était  une  marque  d'afllirtion. 

Aujourd'hui,  dans  l'Eglise  romaine,  le 
jour  des  cendres,  le  célébrant,  après  avoir 
récité  les  psaumes  péniteuliaux  et  d'autres 
prières,  bénit  des  cendres,  en  impose  sur  la 
tête  du  clergé  et  du  peuple,  qui  les  reçoit  à 
genoux,  et  à  chaque  personne  à  laquelle  il  en 
donne  il  adresse  ces  paroles  :  f/oiiime,  sou- 
viens-toi  que  lu  es  poussière,  et  que  lu  i/  retour- 
neras. C'est  la  sentence  terrible  que  Dieu  pro- 
nonça contre  le  premier  pécheur  (tffl/i.  m,  19). 
Lorsque  la  coutume  de  brûler  les  morts  sub- 
sistait, un  peu  de  cendre  tirée  du  bûcher  et 
appliquée  sur  le  front  d'un  homme  était  un 
symbole  encore  plus  énergique;  c'était  un 
arrêt  de  mort  encore  plus  sensible. 

Sui)rrslition  I  disent  les  protestants  ;  mo- 
merie  des  prêtres  1  s'écrient  les  philosophes. 
Nous  leur  répliquons  :  Vous  ne  savez  pas 
seulement  ce  que  signifie  le  rite  que  vous  blâ- 
mez. Dans  la  bénédiction  des  cendres,  l'E- 
glise prie  Dieu  d'inspirer  des  sentiments  do 
pénitence  à  ceux  qui  les  recevront,  et  de 
leur  pardonner  leurs  pccliés  ;  le  fidèle  qui  se 
présente  vient  ratifier  pour  lui-uiême  cette 
prière  de  l'Eglise,  se  frapper  de  l'image  de  la 
mort,  afin  de  se  détacher  du  péché.  Oà  est 
la  superstition?  Uetrancher  du  culte  reli- 
gieux les  symboles  les  plus  naturels  et  les 
plus  expressifs,  c'est  étouffer  tout  à  la  fois 
la  religion  et  la  nature. 

CÈNE,  souper,  du  latin  cœna,  et  du  grec 
xoivD,  ret)as  commun  d'une  famille  rassem- 
blée. Pourquoi  les  anciens  ont-ils  donné  ce 
nom  au  repas  du  soir,  plutôt  qu'à  celui  du 
matin,  ou  à  celui  du  milieu  du  jour  ?  Parce 
que  la  famille  d'un  laboureur  est  dispersée 
pendant  tout  le  jour  pour  les  travaux  do  l'a- 
griculture; elle  prend  ses  repas  au  hasard  et 
dans  la  campagne,  elle  ne  se  rassemble  que 
le  soir  :  c'est  le  souper  qui  la  réunit. 

Le  nom  de  cène  a  élé  spécialement  donné 
au  dernier  souper  que  fil  Jésus-Clirist  avec 
ses  apôtres  rassemblés  la  veille  de  sa  mort, 
dans  lequel  il  mangea  la  pâque  avec  eux,  et 
après  lequel  il  institua  l'eucharistie;  l'Eglise 
en  célèbre  la  mémoire  le  jeudi  saint.  Pour 
nous  remettre  sous  les  yeux  l'humilité  de 
Jésus-Cbrist  qui,  après  la  cène,  lava  les  pieds 
à  ses  apôtres,  il  est  d'usage  dans  chaque 
église  de  laver  les  pieds  à  douze  pauvres.  Nos 
rois  renouvellent  aussi  cette  céréuionie  lou- 
chante et  majestueuse,  et  c'est  ce  que  l'ou 
appelle  faire  la  cène.  Après  un  sermon  cou 

2i 


'« 


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CEN 


748 


fenalile  au  sujet,  et  après  l'absoute  faite  par 
un  évoque,  le  roi,  accompagné  des  princes 
du  s.iiig  cl  des  {;rands  officiers  de  la  cou- 
ronne, lave  et  baise  les  pieds  à  douze  pau- 
vres, les  sert  à  table,  <  l  leur  fait  une  au- 
tiôiie.  Après  midi  la  reine  fait  de  même  à 
douze  pauvres  filles. 

C'est  une  question  parmi  les  lhéolo»iens  et 
Us  coninuMilateurs  de  l'Kcriture  sainte,  de 
savoir  si,  dans  la  dernicre  cène,  Jésus-Christ 
mangea  la  pàque  avec  ses  apôtres  ;  quelques 
auteurs  modernes  ont  soutenu  qu'il  lie  la 
mangea  point  :  nous  prouverons  le  contraire 
an  mol  Paque. 

Lorsque  les  protestants  ont  donné  le  nom 
de  cène  à  ia  iiianicre  dont  ils  célèbrent  l'ins- 
tiluiion  de  l'eucbaristie,  ils  se  sont  écartés 
de  l'ancien  usage  de  l'Eglise,  et  ont  abusé  du 
terme  par  nécessité  de  système.  Ils  ont  voulu 
donner  à  entendre  par  là  que  toute  l'essence 
du  sacrement  consiste  dans  le  repas  religieux 
que  font  les  fidèles  en  communiant  ;  mais 
toute  l'antiquité  dépose  contre  eus.  Dès 
le  I"  siècle  de  l'Eglisi^,  l'usage  a  été  de 
nommer  c  -haristie  l'action  de  consacrer  le 
pain  et  le  vin,  et  d'en  faire  le  corps  et  le 
sang  du  Seigneur.  Aucun  des  anciens  Pères 
de  l'Eglise  ne  s'est  avisé  d'appeler  celte  ac- 
tion la  cène  ou  le  souper  du  Seigneur.  Cette 
cène  était  finie,  lorsque  Jésiis-Clirist  consa- 
cra l'euchari'lie  pour  la  donner  aux  apôtres 
{Luc.  XXII,  20  ;  I  Cor.  xi,  25).  Il  est  absurde 
de  regarder  l'action  des  apôtres,  et  non  celle 
de  Jésus-Christ,  comme  la  partie  essentielle 
et  principale  de  la  cérémonie.  Voy.  Elgha- 
RisTiK,  §  ;i. 

CÉNOBITE,  religieux  qui  vit  dans  une 
communauté,  sous  une  règle  commune,  avec 
d'autres  religieux  ;  ce  mot  vient  de  xoi.o,-, 
commun,  et  de  ^U;,  vie.  Un  cénobite  est  ainsi 
distingué  d'un  ermite  ou  d'un  anachorète 
qui  vit  dans  la  solitude. 

L'abbé  Piammon  parle  de  trois  espèces  de 
moines  qui  se  lrouv;iient  en  Egypte  dans  la 
Tliébaïde  ;  savoir,  les  cénobites  qui  vivaient 
rassemblés  en  communauté  ;  les  (uiachoi  êtes, 
qui  demeuraient  seuls,  el  les  sarubailes,  qui 
étaient  vagabonds  ;  ce«  derniers  ont  toujours 
été  regardés  comme  de  faux  moines.  Il  rap' 
porte  au  temps  des  apôtres  l'instituiion  des 
cénobites  :  c'csi,  selon  lui,  une  imilation  de 
la  vie  commune  des  fidèles  de  Jérusalem  ; 
mais  ces  fidèles  étaient  des  gens  mariés  qui 
n'avaienl  pas  renoncé  au  monde.  Saint  Pa- 
cômc  passe  pour  le  prcmi(>r  instituteur  de  la 
vie  cénobilique,  parce  qu'il  est  le  premier 
qui  ait  fondé  des  communanlés  réglées. 
Avant  lui,  les  moines  étaient  anachorètrs  ou 
solitaires.  On  prétend  ce|)finiianl  que  saint 
Antoine  avait  bàii  un  monasièrc  vingt  ans 
plus  tôt  que  saint  Pacôrae  ;  mais  celui-ci  est 
le  I  riinier  qui  ait  écrit  une  règle  monas- 
tique. 

Dans  le  Code  théodosicn,  I.  xi,  tit.  30,  De 
Appelldt.  Lerj.  a",  les  cénobites  sont  appel  s 
s>/nvbitn;,  à  la  lettre,  gens  ipii  marchent  en- 
semble, (jui  suivent  le  même  chemin  ;  ce  ne 
sont  donc  pas  les  domestiques  des  moines, 
comme  l'ont  imaginé  quelques  glossateurs, 


mais  les  cénobites.  fBingham,  Oriij.  eccl., 
tom.lll.  1.  vn,c.  2,  §  3.) 

Quelques  écrivains  modernes,  qui  ont  con- 
sidéré les  cénobites  sous  un  aspect  purement 
liolilique,  ont  conclu  qu'il  est  de  l'intérêt  pu- 
blic de  faire  subsister  un  grand  nomtire 
d'hommes  à  moins  de  frais  qu'il  est  possible, 
que  la  vie  commune  esl  beaucoup  moins 
dispenlieuse  pour  chaque  individu  que  la 
vie  particulière;  qu'a  ce*  égard  les  couvents 
sont  un  mo\  en  d'économie  :  l'expérience  con- 
firme celte  observation.  Pour  noiis,  qui  ne 
devons  envisager  cet  obict  que  du  côté  des 
mœurs,  nous  pensons  que  plusieurs  hommes 
rassemblés,  qui  vivent  sous  une  règle  com- 
mune et  sont  assujetlis  aux  mêmes  devoirs, 
ont  dans  l'exemple  de  leurs  frères  un  puis- 
sant moyen  de  plus  pour  se  soutenir  dans  la 
vertu;  que  malgré  les  censures  lancées  par 
la  malignité  contre  ce  genre  de  vie,  il  est 
utile  el  louable  à  tous  égards.  Voy.  Moine, 

E  FAT  MONASTIQUE. 

CENSURES  ECCLÉSIASTIQUES.  Ce  sont 
les  peine»  que  l'Eglise  inflige  à  ceux  qui  ont 
désobéi  à  ses  lois,  i'uiscju'en  vertu  de  l'insti- 
tuiion de  Jesus-Ghrisi,  les  pasteurs  de  l'E- 
glise ont  droil  de.  l'aire  des  lois,  ils  ont  aussi 
le  pouvoir  d'intliger  des  peines,  de  retran- 
cher aux  chrôliens  réfractaires  les  biens  spi- 
rituels, qui  sont  accordés  aux  fidèles  soumis 
et  dociles.  Voy.  Lois  ecclésiastiques.  Mais 
comme  1  autorité  de  l'Eglise  est  celle  d'une 
mère  tendre,  elle  ne  se  résout  à  punir  que 
pour  des  cas  graves,  et  après  avoir  tâché 
d'intimider  par  des  menaces  ses  enfants  dos- 
obf'issants. 

On  dislinftue   trois   espèces  de  censures, 

l'ExCOMMUNICATION,   la  SUSPENSR,  I'InTERDIT. 

]'oy.  ces  mots  en  particulier.  Il  y  a  des  cen- 
sures réservées,  et  d'autres  non  réservées  ; 
toul  prêire  approuvé  peut  absoudre  des  se- 
couilcs,  et  non  des  premières,  pour  les- 
quelles il  faut  un  pouvoir  spécial  du  supé- 
rieur ecclésiastique  qni  les  a  portées.  Dans 
le  tribunal  de  la  pénitence,  le  prêtre,  avant 
d'absoudre  le  piiutenl  de  ses  péchés,  l'absout 

•   des   censures  non   réservées   qu'il   pourrait 
avoir  encourues.    Voy.  l'Ancien  Sncramen- 

'  taire  par  Crandcolas,  i"  partie,  p.  554, 

Il  se  peut  faire  que  dans  les  siècles  peu 
éclairés,  lorsque  les  peuples  ne  pouvaient 
être  retenus  que  par  la  crainte,  les  supé- 
lieurs  crclésijistiques  aient  quelquefois  abusé 
des  censures,  surtout  en  les  employant  pour 
des  inlércls  purement  civils,  ou  pour  des  cas 
qui  u'éiaienl  pas  assez  graves  ;  mais  cet  abus 
n'est  i)as  une  raison  de  conleslor  à  l'Eglise 
le  pouvoir  que  Jésus-Chrisl  lui  a  donné,  pou- 
voir nécessaire  pour  conserver  la  discipline 
ecclésiastique. 

CENSI  HE    DE   LITHES  OU  DE   HOCTRINB.    I.'K- 

glise,  qui  a  reçu  de  Jésus^Chrisl  la  commis- 
sion et  l'aulurité  d'enseigner  lc<  fi  èles,  a 
conséiiueinnienl  le  droit  (!«  condamne  r  tout 
ce  qui  esl  contraire  à  la  vérité  cl  à  la  doc- 
trine (le  son  divin  maître.  Si  elle  se  bornait 
à  donner  à  ses  enf.ints  les  livres  propres  à 
les  instruire,  sans  lcur<Ster  ceux  qui  peuvent 
les  égarer,  elle  uc  remplirait  que  la  muilié 


749 


CEN 


de  son  objet.  Tout  homme  qui  publie  des 
écrits  esldi)nc  soumis  à  la  censure  de  l'Ivglise, 
et  s'il  refuse;  de  s'y  couformer,  il  est  coupa- 
Mc  de  dcsobéissauc»  à  l'autorisé  Icijiiime. 
Dos  qu'un  ouvrage  nuelcoiique  est  condamné 
comme  pernicieux,  il  n'rst  plus  permis  de  le 
lire  ni  de  le  garder;  s'olisiincr  à  en  faire 
l'apologie,  c'csl  se  révolter  sans  raison  con- 
tre l'autorité  de  Jésus-Christ  même. — Depuis 
que  les  livres  sont  multipliés  à  l'infini,  aucun 
ouvrage  particulier  de  doctrine,  de  morale 
ou  de  piété  n'est  absolument  nécessaire  aux 
fidèles  ;  dès  qu'il  est  condamné,  il  ne  peut 
plus  leur  être  utile. 

Sous  le  nom  do  rejisure,  on  n'entend  pas 
ordinairement  la  condamnation  d'un(>  doc- 
trine portée  dans  un  CDUciie,  mais  celle  qui 
a  été  faite,  soit  par  le  souverain  poniife,  soit 
psr  un  ou  [)!usieurs  évêquos,  soit  par  des 
théologiens  ;  Ion  appelle  (iualiiicaiiun!i  les 
notes  qu'ils  ont  imprimées  ans  propositions 
qui  leur  ont  paru  réprehensihlos,  soit  (]u'ils 
aientapiiliqué  distinctement  ces  notes  à  cha- 
que proposition  en  p  irticulier,  soit  (ju'ils  les 
aient  censurées  seulement  en  général  ou  i« 
globo. —  Une  proposition  peut  être  condam- 
née comme  impie,  biaspliématoire,  héréti- 
que, sentant  l'hérésie,  eironée,  fausse,  scan- 
d.ileuse,  captieuse,  téméraire,  dangereuse, 
mal  sonnante,  olTensive  di's  oreilles  pieuses  ; 
il  est  à  propos  de  donner  une  idée  nette  et 
précise  do  chacune  de  ces  quaiiTications.  — 
Une  doctrine  ou  une  proposition  est  impie  et 
blasphématoire,  lorsqu'elle  attribue  à  Dieu 
des  qualités  ou  une  comliiitc  qui  déroge  à 
ses  infinies  perfections  :  telle  est  celle  qui 
exprime  que  Dieu  est  l'auteur  du  péché,  con- 
duite contraire  à  la  sainteté  de  Dieu  et  à  sa 
justice.  Celte  note  est  la  plus  (létrissante  que 
l'un  puisse  imprimer  ;\  une  proposition  ;  elle 
donne  lieu  de  juger  que  l'auteur  a  méconnu 
une  vérité  non-seulement  révélée,  mais  dic- 
tée par  la  droite  raison,  cl  qu'il  a  perdu  tout 
senlinient  de  respect  pour  la  Divinité.  —  La 
doctrine  héréliquc  est  celle  qui  est  directe- 
ment contraire  à  une  décision  formelle  de 
l'Eglise,  il  peut  arriver  à  un  écrivain  qucl- 
comiue  de  contredire  une  vérité  révélée  sans 
lonibor  dans  l'héiésie,  lorsque  l'Iiglise  n'a 
pas  encore  expressément  décidé  que  tel  est 
le  sens  de  la  révélation  ;  mais  lorsejuc  l'Eglise 
a  prononcé,  il  y  a  de  l'opiniâtreté,  et  c'est 
une  hérésie  de  résister  à  sa  décision.— Quand 
on  dit  qu'une  proposition  stil  l'hérésie,  ou 
approche  de  l'hérésie,  on  entend  qu'elle  donne 
lieu  de  juger  que  l'auteur  nie  et  veut  com- 
battre un  dogme  décidé  par  l'Eglise.  Si  un 
théologien  soutenait  que  l'eucharistie  n'est 
que  la  figure  du  corps  et  du  sang  de  Jésus- 
Christ,  celle  proposition  sérail  hcréiique, 
puisque  l'Kglise  a  solennellement  décidé  la 
présence  réeile  de  Jésus-Christ  dans  l'eucha- 
ristie. S'il  se  bornait  à  direque  c'est  la  fignre 
ou  le  signe  du  corps  et  du  sang  de  Jésui- 
Chrisl,  sans  faire  entendre  que  c'est  quelque 
chose  de  plus,  cette  façon  de  parler  sentirait 
l'hérésie  ;  elle  ferait  soupçonner  que  l'auteur 
n'admet  pas  la  présence  réelle,  à  moins  que 
dans  le  reste  de  son  ouvrage  il  n'eût  professé 


CEN  750 

disllnctcmenl  cet  article  de  notre  foi.— Lors- 
qu'une proposition  est  (léirie  comme  erronée, 
il  semble  que  c'est  quelque  chose  de  plus  que 
si  elle  riait  condamnée  corn  ne  fausse.  Une 
fausseté  peut  être  sans  conséquence,  lois- 
qu'il  n'en  résulte  rien  contre  la  foi  ni  contre 
les  mœurs  ;  mais  on  appelle  erreur  une  faus- 
seté qui  atla(]U'  l'une  ou  l'autre.  Cependant 
toute  erreur  n'est  pas  une  hérésie  l'ormcUe. 
Il  est  faux,  par  exemple,  que  saint  l'ierre 
n'ait  pas  été  à  Home  ;  mais  on  ne  taxerait 
pas  d'hérésie  un  homme  (jui  se  bornerait  à 
contester  ce  faili  S'il  afiirmail  que  le  souve- 
rain pontife  n'est  |>as  le  successeur  de  saint 
Pierre,  ce  sérail  une  doctrine  erronée,  de  la- 
quelle il  s'ensuivrait  que  le  souverain  pon- 
tife n'est  pis  le  chef  visible  de  i'iîglise.  Or 
cette  dernière  proposition  sentirait  l'hérésie, 
parce  que  c'en  est  une  de  soutenir  qu'il  n'a 
pas  un  pouvoir  de  juridiction  sur  toute  l'E- 
glise ;  le  contraire  est  formellement  décidé 
par  le  concile  de  Trente.  —  Une  doctrine  est 
scandaleuse  ou  pernicieuse  au  salut  des  àmcs, 
lorsqu'elle  tend  à  diminuer  dans  les  fidèles 
l'horreur  du  péché,  le  respect  pour  les  cho- 
ses saintes,  la  soumission  ;'i  l'Eg'ise  ;  une 
proposition  fausse  en  fait  de  morale  est  ordi- 
nairement dans  ce  cas.  On  doit  regarder 
comme  scandaleux  des  éloges  [irodigués  par 
certains  écrivains  aux  hércli(iues  et  aux  en- 
nemis lie  l'Eglise,  dans  le  dessein  de  persua- 
der c|u'ils  ont  été  condamnés  mal  à  propos, 
que  leur  doctrine  était  vraie  et  innocente  ; 
alTectation  très-comniune  chez  nos  auteurs 
modernes.  —  Lorsqu'une  opinion  est  con- 
traire au  sentiment  du  très-grand  nombre 
des  théologiens,  et  à  la  cro. ance  commune 
des  fidèles,  (|u'clle  n'est  londée  que  sur  des 
conjectures  et  sur  des  raisonneaienis  très- 
peu  solides,  elle  est  léméridre;  c'est  la  note 
que  mériterait  un  écrivain  qui  attaquerait 
la  conception  immaculée  de  la  sainte  Vierge. 
Sa  doctrine  offenserait  encore  les  oreilles 
pieuses,  parce  que  tout  chrélien  ipii  fait  |iro- 
fession  de  piété,  honore  singulièrement  la 
Mère  de  Dieu,  et  ne  peut  soulTrir  que  l'on 
attaque  ses  augustes  privilèges. — On  a,ipe!lo 
doctrine  dangereuse  celle  dont  les  hérétiques 
peuvent  abuser  pour  souienir  li-urs  erreurs; 
mais  ce  qui  est  dangereux  dans  un  temps 
peut  cesser  de  l'ère;  ainsi  le  mot  consub- 
stantiel  fui  rejeté  par  un  concile  d'Antioche, 
parce  que  les  partisans  de  Sabellius  en  abu- 
saient pour  confondre  les  personnes  divines 
elles  réduire  à  une  senle;  mais  lorsque  ce 
danger  n'exista  plus,  le  concile  de  Nicee  con- 
sacra ce  même  terme  pour  exprimer  la  divi- 
•)ilé  de  Jésus-Cb  ist.  — S:  une  proposition 
exprime  une  vérité  en  lermos  durs,  indé- 
cents, capables  de  la  rendre  odieuse,  elle  «s' 
notée  cuininc  mal  sonnante.  Lorsqu'un  théo- 
logien dit  (lue  la  e/rde  a  manqué  à  saint 
Pierre,  il  donne  à  entendre  que  toute  grâce 
lui  a  manqué,  ce  qui  est  faux.  Saint  l'ierre 
a  manque  d'une  grâce  efficace,  et  non  d'une 
grâce  suflisanle  ;  autreaient  sa  chute  n'au 
rail  été  ni  libre,  ni  imputable  à  péché,  "■ 
la  même  raison,  cette  même  proposition 
captieuse,  parce  que,  sous  des  ternies 


■JM 


CEN 


l'dii  peut  prendre  en  bonne  pari,  elle  carhe 
le  venin  de  l'erreur  (Holden,  de  Ilesolut.  fidei, 
I.  II,  C.  8,  lecl.  1  ;  Canus.,  de   Locis  TUeul., 

1.   Xll,  c.    10).    [Vol/.   OUALIFCATIONS.] 

Dans  mitre  ^iùcle,  on  a  sérieusement  mis 
en  question  si  le  souverain  pontife  et 
l'Efllise  peuvent  condamner  un  nombre  de 
proposiliouj  î"  i/lobo,  comme  respectivement 
fausses,  scandiilt'uses ,  hérétiques,  cti-.,  sans 
appliquer  à  chacune  en  parliculier  la  note 
ou  la  (inililicalion  qui  lui  cunvienl.  On  di- 
sait :  Oi'e  nuu<  apprend  une  pareille  con- 
damnation? l'Ile  ni'Us  appri-nd  qu'il  n'est 
aucune  des  propositions  conifirises  dans  la 
censure  qui  ne  mérite  quelqu'une  des  notes 
ou  qu.ililic. liions  qui  leur  sont  données  en 
généial;  par  cimsequent,  qu'il  n'est  permis 
d'en  soutenir  aucune  telle  (pi'elle  se  trouve 
dans  le  livre  condamné;  elle  nous  a|)prend 
que  la  lecture  de  ce  livre  est  pernicieuse  aux 
fidèle-,  et  n'e^  plus  permise  à  aucun.  Qu'im- 
porte au  simple  (idrle  de  savoir  si  telle  pro- 
position est  liérélique.ou  seuleu)enl  erronée 
et  rmssc?  Quand  elle  ne  ^erail  que  mal  son- 
nante ou  captieuse,  n'en  est-ce  pas  assez 
pour  qu'il  f.iille  s'en  abstenir?  C'est  l'affaire 
des  Ihcologiens  de  voir  en  quels  termes  cha- 
cune doit  èlre  notée. —  Il  est  (rès  à  propos, 
sans  doute,  de  recommander  réi|uilé,  la  mo- 
dération, le  desintcressenient .  l'indulgence, 
la  timidité  même,  aux  théologiens  chargés 
de  censurer  des  livres;  il  l'aul  les  prier  de  se 
souvenir  que  dans  cette  circonstance  ils  sont 
juges  et  non  dispiileurt;  qu'ils  doivent  re- 
noncer à  tout  système,  à  toute  prévention 
coulre  un  auteur  et  contre  le  corps  dont  il 
est  me.nibre,  à  tout  esprit  de  parti  ;  qu'une 
censure  infeclée  de  l'un  de  ces  dclauis  est 
nulle  et  sans  autorité.  Mais  il  ne  faut  pas 
oublier  non  pins  de  piccher  aux  écrivains  la 
sagesse  et  la  docililc.  Lorxju'un  auteur  n'a 
point  écrit  dans  le  dessein  de  dogmatiser,  de 
faire  du  bruit,  d'in(iuiéler  les  pasteurs  et  les 
théologii'HS  ,  il  mérite  de  l'indulgence,  s'il 
consent  volontiers  à  s'expliquer  </U  .i  se  ré- 
tracter; s'il  avait  des  intenlions  contraires, 
il  n'a  droit  d'exiger  aucun  niénageinenl.  La 
censure  à  laquelle  un  auteur  se  soumet  sans 
résistance  ne  le  flétrit  point  auv  yeux  d  •  ses 
conleniporains  ni  di'  la  postérité  :  Fenelou 
s'est  acquis  plus  de  gloire  par  sa  soumission 
qu'il  n'aurait  pu  faire  par  une  apologie  com- 
plète. Celui  ((ui  résiste  et  déclame  contre  ses 
juges  est  un  plaideur  de  mauiaise  loi.  — 
Dans  ou  siècle  où  la  plupart  des  écrivains 
semblent  saisis  de  l'esprit  de  V(  rlige,ne  res- 
pectent aucune  religion  ni  aucune  aulurilé, 
s'excitent  les  uns  les  autr<'s  /i  braver  toute 
cen^'ure ,  ce  n'est  pas  le  cas  de  les  ménager. 
L'intrépidité  dont  ils  se  parent  ne  les  mettra 
point  A  (Ouvert  de  l'ignominie  <)u'iK  méri- 
tent; leurs  ouvrages  l.iiiiberonl  dans  l'oubli, 
la  censure  subsista  ra.  I^eiu  auteurs  qui  ont 
fait  autrefois  du  bruit  ne  sont  plus  connus 
aujourd'hui  que  par  la  lleirissure  dont  leur 
nom  est  chargé;  les  ailentats  d<"  nos  pre- 
miers incrédules  ont  été  elTaces  par  ceux  do 
leurs  successeurs,  et  déjà  on  ne  se  souvient 
plus  de  ceux  qui  ont  précédé  :  il  en  sera  do 


CEP  Î52 

même  dans  tous  les  temps.  Voy.  Livkes  dé 

FENDUS. 

♦  CENTRE  D'UNITÉ.  Il  Tiul  à  l'Eglise  un  cenlid 
d'iiuiié.Le  sié^e  île  saint  l'ii'rie  est  ce  i  entre,  toiiiuia 
iKiiis  le  Mientroiis  aux  mois  Pape,  Primauté.  Nous 
nous  contenions  de  ra|i(iorler  ici  tesbetlispiiroles  de 
Bnssiiet  :  I  L':iiiiorilé  ei'clésjasiiqiie,  d'après  saint 
Cé-aire  d'Arles,  |preiiiièrenieiil  éiatilie  en  l:i  piMsun- 
iie  il'un  sent,  ne  s'esl  ié|iaiiilne  qu'à  cniidilion  d'èur! 
Idiijoiirs  ramenée  an  pinici|ie  de  son  uniié,  et  que 
tous  ceux  qui  auront  à  l'exercer  se  itoivrm  tenu' 
insè|>arat>temeiit  nui-,  à  la  niénie  chaire.  Cest  celle 
chaire  romaine  lam  célcltiée  dans  les  Pères,  où  ils 
onl  exalté  coinnii!  à  lenvi  la  prinripuulé  de  la  cliul- 
re  upoilotiiiue  ;  la  tir.iicipaulé  print'f^ale  ;  lu  source  de 
l' unité  el  dans  la  place  de  i'ierre  Céniinenl  deijré  de  la 
chaire  sncerdotnle,  l'Eçflise  mèri\  qui  lient  en  .^a  main 
la  conduite  de  loules  Us  autres  Eijlises,  le  chef  de 
l'épiscopat,  d'où  part  le  ray  m  du  i]Ouvernemenl  ;  la 
chaire  principale  ;  ta  chaire  unique,  en  laquelle  seule 
tous  giirdciil  l'uniié.  Vous  eiiienilez  dans  ces  mots 
sailli  Optai,  s:iint  Angiisiiii,  saint  Cyprien  ,  saint 
Iréiiée  ,  sainl  Pro>|ier,  saiiil  Avii,  saint  'Iliéodorel, 
te  concile  de  Clialiédoiiie  et  les  autres  ;  rAlruiue,  les 
Ganles,  la  Grèce,  l'Asie,  rOrieiil  el  l'Occident  unis 
eiisenilile.  > 

CE.STURIES  DE  MAGDEBOUKG,  corps 
d'hi-itiiiie  ecclésiastiiiue  composé  par  quatre 
luthériens  de  Magdebourg  ,  qui  le  conimeu- 
cèrenl  l'an  loJO.  Ces  quatre  auteurs  sont 
Maihias  Flaccius,  surnommé  Illyricus,  Jean 
Wigand  ,  Mallhieu  Lejudin  ,  Hasile  Fabert, 
auxquels  quelques-uns  ajoutent  INicolas  Gal- 
lus,  el  d'autres  André  Corvin.  Illyricus  con- 
duisait l'ouvrage,  les  autres  travaiilaienisous 
lui.  On  l'a  continué  jusqu'au  xiir  siècle. 

Ithaque  centurie  contieut  les  choses  re- 
marquables qui  se  sont  passées  dans  un  siè- 
cle. Celte  coiopilalion  a  demandé  beaucoup 
de  travail  ;  mais  ce  n'est  une  histoire  ni 
fidèle,  ni  exacte,  ni  bien  écrite.  Le  but  des 
centiu  ialeui  s  était  d'.itlaquer  l'Eglise  romai- 
ne, d'établir  la  doctrine  dj  Lulher,  de  dé- 
crieiles  Pcrcs  el  les  lliéol.ij;ieiis  catholiques. 
Le  cardinal  Baronius  entreprit  ses  Annales 
ecile'siasliijaes  pour  les  opposer  aux  centu- 
ries. 

On  a  reproché  à  Baronius  d'avoir  été  trop 
crédule  et  d'avoir  mani)ue  de  critique.  Ceux 
qu'il  réfute  avaient  peclié  par  l'excès  con- 
traire :  ils  avaient  rejeié  el  censuré  loul  ce 
qui  les  iiicummudail.  Le  I'.  Pagi ,  cordelier, 
Isaac  Gasaulion,  ie  cardinal  Noris.Tilleniont, 
le  cardinal  Orsi,  etc.,  ont  relevé  les  fautes  de 
Baronius ,  cl  on  a  réuni  leurs  remar(|ues 
dans  une  édition  des  Annales  ecclésiustii/ues 
donnée  à  Luc{iues.  Au  contraire,  les  erreurs 
el  les  calOiiinics  des  ccnturintcurs  ont  ete  ré- 
pétées, commentées,  ain|/lifiè<'s  par  la  plu- 
part des  écriv.iins  proleslanls  ri  par  les  in- 
crédules, leurs  copistes.  On  a  beau  les  réfuter 
par  des  preuves  invincibles,  ceux  (jui  onl  iii- 
tercl  de  les  accréditer  ne  se  rebulenl  point, 
et  à  force  de  renouveler  les  méuies  impostu- 
res ,  ils  parviennent  à  les  persuader  aux 
ipuorauis.  Vui/.  IlisroniE  EccLKsusriiiuu. 

CEPllAS,  iiom  que  Jesus-Cbrist  donna  à 
Simon,  (ils  de  .Jean,  lorsque  son  frère  .\ndre 
le  lui  amena  [Joan.  i,  'r2}. 

Cephiis,{:n  syriaqui,  signifie  /'/erre, comme 
l'explique  saïut  Jeau.  De  là,  les  apôtres  qu* 


735                           CEP  (;i:r                             754 

ont  érnt  en  grec  ont  appolô  saint  Pierre  né-  qui  en  rapiiorle  le  passage  sans  le  contre- 
Toof,  cl  les  Latins  Pc^m;  ils  ont  eopeniiaut  dire;  Korolliée  de  l'yr,  dans  une  ehrunique 
retenu  en  quelques  endroits  le  nom  de  Ce-  pascale;  plusieurs  écrivains  dont  parlent 
;j/ifls.  Telle  est  l'élyniolonie  qu'ont  donnée  saint  Jean  Clirysoslome.  saini  .lérôme ,  saint 
de  ce  nom  Terlullien  ,  saint  Jérôme,  saint  Grégoire,  et  iiui  vivaient  de  leur  lemps  ;  l'.iu- 
Auguslin  et  la  p.lupirl  des  coiiunenlalcurs.  leur  de  la  Chrnnvjue  (T Alexandrie ,  qui  écri- 
Quelques-uns  ont  cru  que  Céphas  venait  du  vail  au  vii°  siècle,  i-t  Oi'>umcnius,  qui  est 
grec  vfidïn,  Ifle;  mais  Ji-sus-Clirist  ne  par-  mort  dans  le  \r.  —  Comme  il  s'agil,  non  pas 
lait  pas  grec, et  saini  Mitlliieu  avait  écrit  en  d'un  poiiil  de  dogme,  mais  d'hisioire  et  de 
syria(iue.  Il  avait  uil,  cliap.  xvi,  v.  18  :  Ta  criti(iui',  le  P.  Hardouin  a  pensé  qu'il  devait 
es  Cfpiia,  el  svr  celle  cépii*  je  bâtirai  mcn  se  décider  par  di"-  raisons  pliiiôt  que  par  des 
Eglise.  Uatis  les  versions  grec(iue  el  laline  ,  aulorilés.  puisipT'l  n'y  a  point  iri  de  témoins 
on  a  changé  le  noni /)p(r(/  eu  celui  de  Pelrun,  conleniporains.  il  a  laii  en  1709  une  disser- 
pour  le  filin-  convenir  à  saint  Pierre;  in.iis  talion  pour  prouver  que  Céphas  n'est  point 
en  français  il  n'y  a  rien  à  changer  :  Tu  es  l'.ipôlre  saint  Pierre.  L'/ililé  Boileau  l'a  ré- 
lierre,  el  >Mr  celle  pierre  je  txliirni  mon  fuie  dans  une  aulre  dissert  iiion ,  en  1713. 
Eglise.  —  Jésns-Cln  isl  a  donc  voulu  faire  Dom  Calmct  a  raiiporlé  les  raisons  pour  et 
Coniprenilre  (|u'en  élevant  saint  Pierre  à  la  conire,  'lans  une  disserlalion  sur  ce  même 
dignilc  de  chef  des  apôlres,  il  en  faisait  la  sujet,  /iihle  d'Aiif/von ,  i.  XV,  pag.  705.  Il 
pierre  fondamentale  de  son  lîglise.  Puisnu'il  s'est  décidé  pour  le  senlimeiil  de  l'.ibbé  Boi- 
ajoule  que  cet  éililice  ne  sera  |)i'iiit  renversé,  leaii.  —  Chai  un  de  ces  auteurs  arrange  la 
mais  subsistera  jusqu'à  la  fin  des  siècles,  il  chronologie  d'une  manière  favorable  à  son 
faut  que  l'autorité  de  saint  Pierre  ait  passé  à  opinion  ;  mais  comme  c'est  une  pure  conjec- 
ses  successeurs,  et  que  son  siège  soit  tou-  Inre  de  part  el  d'autre,  nous  ne  nous  y  arrô- 
jours  le  centre  d'uniié  auquel  les  fidèles  doi-  Ions  point.  La  principale  difficulté  es!  de  sa- 
vent tenir  pour  être  membics  de  1';  glise.  voir  si  la  dispute  de  saint  Paul  avec  Céphas 
Ainsi  ont  raisonne  les  Pères,  et  après  eux  les  arriva  .ivant  ou  après  le  concile  de  Jéru-a- 
Ihéologiens  ;  les  hérétiques  et  les  incrédules  Icin  ,  dans  lequel  il  avait  été  iléciilé  (juc  les 
font  de  vains  efl'orls  pour  obscurcir  celle  gentils  n'étaient  point  obligés  d'otpserver  la 
vérité.  loi  de  Moïse  ,  comme  le  pi  étendai<nl  les 
Un  passage  de  ITpître  de  saint  Paul  au\  Juifs. —  Le  P.  Hardouin  soulienl  que  ce  fui 
Galales,  chap.  ii,  v.  1  et  siiiv.,  a  donné  lieu  avant  le  concile,  parce  que  si  saint  Pierre 
à  une  liispute  sur  le  nom  de  Céphas.  L'apôtre  avait  commis  la  faute  dont  on  l'accuse,  après 
dit  que  quatorze  ans  après  sa  conversion, ou  avoir  jugé  lui-naème  la  cause  contre  les  Juifs 
après  un  voyage  qu'il  avait  fiità  Jérusalem,  et  en  faveur  des  gentils,  sa  conduite  à  Antio- 
'il  y  en  fit  un  autre  pendant  lequel  il  conféra  clie  serait  inexcusable.  Don  Calmel  ne  sera- 
sur  l'Kvangile  avec  les  apôtres,  et  en  parti-  ble  pas  avoir  suffisamment  satisfait  à  celle 
culier  a»ec  i;pu\  qui  paiaissaient  être  i/udqae  première  objection  du  P.  Hardouin.  —  Celui- 
c/iose;  que  Jacques  ,  r<'/'/i«.s  et  Jean ,  7i(i  pa-  ci  observe,  en  second  lieu,  ((ue  saint  Paul, 
raissaicnt  être  les  colonnes  de  celle  liglise,  dans  l'Kpître  même  aux  (nila'es,  appelle 
trouvèrent  bon  qu'avec  Barnabe  il  préehâl  trois  fois  saint  Pierre,  ni 710-  (e.  i,v.  18;  c.  11, 
aux  gentils,  comme  enx-méines  piécbaient  v.7et8j;  qu'il  n'est  pas  probable  qu'au  v.  9 
aux  circoncis.  Mms ,  ajoute  sain!  Paul,  Ci!-  il  le  nomme  Céphas.  La  manièie  dont  il  parle 
l'iiAS  éUinl  venu  à  Aiilioche,  je  lui  résistai  en  de  celui-ci  sérail  très-indécente  à  l'égard  de 
fuce  ,  parce  qu'il  élait  ripréhen-ihle.  Avant  saint  Pierre.  A-l-il  pu  dire  de  lai  :  Je  confé- 
l'arrivée  de  quelques  Juifs,  venus  de  la  part  rai  avec  ceux  qui  paraissnienl  être  quelque 
de  Jacques,  il  munijeail  avec  les  gentils;  de-  chose  (v.  2];  ceux  i/ui  paraissnienl  être  quel- 
puis  leur  arrivée,  il  se  retirait  el  se  tenait  à  que  chose  ne  m'onl  rien  donné  (v.  fi)  ,  après 
l'écart,  de  peur  de  déplaire  aux  circoncis;  et  avoir  dit,  chap.  i,  v.  18  ;  Je  vins  à  Jérusalem 
il  en  rnirahia  plusi'urs  dans  cette  dissimula-  voir  Pierre,  el  je  demeurai  chez  lui  pendant 
tien.  Comme  je  ris  (/u'ils  n'agissaient  pas  se-  quinz'  jours?  l'M-il  piobable  que,  pendant 
Ion  la  droiture  de  l'Evanqile,  je  dis  à  Ciien*?,  ces  quinze  jours,  saint  Paul  n'avait  profilé  en 
devant  loni  le  monde  :  Si  vous,  qui  êtes  Juif,  rien  des  instructions  de  saint  Pierre?  Il  est 
vivez  comme  les  gentils,  pourquoi  voulez-vous  beaucoup  plus  naturel  de  croire  que  Jac- 
les  vbliijcr  à  judaiser?  etc. —  La  question  est  (|ues  ,  Céphas  el  Jean,  desquels  il  parle,  v.  6 
de  savoir  si  ce  Céphas,  repris  par  saint  P.iul,  cl  9,  avec  une  e-pèi'e  de  mépris,  n'étaient 
est  l'.ipôlre  s  linl  Pierre  ou  un  disciple  de  ce  pas  trois  a|iôlres,  mais  trois  disciples  des- 
nom.  Les  anciens  ont  été  partagés  sur  i  elle  quels  saint  Paul  n'élait  pas  contenl.  —  Dom 
question  :  Origène  ,  Uidyme  ,  Apollinaire  ,  Caimet  répond  que  ,  puisque  saint  Pierre 
liusèbe  d'Edesse,  Théodore  d'Héraclée,  saint  a»  ail  deux  iio:iis,  saint  Paul  a  pu  s'en  servir 
Jean  Clirysosiome  ,  Tbéodoret ,  parmi  les  indifféremment  ;  mais  il  ne  satisfait  pas  à  la 
(îrecs;  Tertullien,  saint  Cyprieu,  saint  Jérô-  seconde  partie  de  l'objection. —  En  troisième 
nie,  saint  Augustin,  l'auleur  nommé  .-Im/^ro-  lieu,  dans  la  première  l^iilre  aux  Corin- 
siaster,  saint  Grégoire  le  Grand,  saint  Tho-  Ihieiis,  c.  1,  v.  12,  saint  Paul  leur  reproche 
mas,  parmi  les  Latins,  et  le  plus  grand  nom-  qi;e  parmi  eux  les  uns  disaient  :  Je  suis  à 
bre  des  commentateurs,  ont  pensé  que  ce  Paul;  les  autres,  Je  suis  à  Apollo;  ceux-ci, 
Cf'p/ids  esl  l'apôtre  saint  Pierre.  On  cite  pour  Je  suis  kCéphas;  ceux-là.  Je  sui-s  à  Jésus- 
le  senlimenl  contraire  saint  Cleuienl  d'A-  Christ.  Outre  qu'il  est  fort  douteux  que  saint 
lexandrie,  dans   ses  Hypolyposes;  Eusèbe,  Pierre  ail  jamais  prêché  à  Conulhe,  v  ail  eu 


7S5 


CER 


CEIt 


756 


des  disciples  parlicoliers,  y  ait  été  nommé 
Céphas,  et  non  hét/soc,  peut-on  se  persuader 
nue  saint  Paul  ne  l'iiit  placé  qu'au  troisième 
rang,  el  après  un  siniple  disciple?  11  fait  de 
niênie.  c.  i\,  V.  5,  en  parlant  des  autres  apô- 
tres ,  des  frèr.s  du  Seigneur  et  de  Ccphas.  Il 
',  aurait  en  cela  une  affeclation  trop  mar- 
quée. —  On  a  biau  dire  qu'il  ne  s'agissait  pas 
là  de  régler  les  rangs  :  la  |)Iace  que  lenail 
saint  Pierre  parmi  les  apôlres  exigeait  plus 
de  mén.igemeni  que  saint  Paul  n'eu  témoigne 
pour  Céplius.  —  Les  autres  raisons  qu'allè- 
gue le  P.  Hardouin  ne  paraissent  pas  fort 
solides,  et  l'on  ne  peut  pas  approuver  son 
aHectniion  de  préférer  la  leçon  de  la  Vulgale 
à  celle  du  te\le  grec 

Dans  le  fond,  celle  conleslation  ne  nous 
paraît  pas  fort  iniporlante,  Quand  le  Céphns 
repris  par  saint  Paul  serait  l'apôtre  saint 
Pierre,  quand  relui-i  i  aurait  ii  cnagé  à  l'ex- 
cès le  I  réjugé  des  Juifs,  sa  faute  ne  nous  pa- 
raîlralt  pas  fort  grave.  Saint  Paul  lui-même, 
par  ménagi'mcnl  pour  les  Juifs,  fit  circoncire 
son  disciple  Timoihée,  se  purifia  dans  le 
temple  et  lit  les  oblations  prescrites  par  la 
loi  {Ad.  XVI,  3;  xx;,  21).  Il  jugeait  donc, 
aussi  bien  que  saint  Pierre, qu'il  él.aità  pro- 
pos d'avoir  queliiue  condescendance  pour  la 
pré\ei)lion  des  Juifs;  qu'il  ne  fallait  pas  la 
licurler  d>  front.  Quand  saint  Pierre  n'aurait 
pas  d  abord  lait  alleniion  au*  conséquences 
qui  pouvaient  en  résuller,  ce  ne  serait  pas 
un  crime.  C'<  si  Irès-injuslemenl  que  les  hé- 
rétiques el  les  incK'duies  ont  pris  occasion 
de  ce  fait  pour  calomnier  ces  deux  apôlres; 
il  u'\  i\  dans  la  conduite  dr  l'un  ni  de  l'au- 
tre aucun  Irait  d'Iiyiioci  isic  ni  de  iiiauv  ise 
foi.  Ce;!x  d'entre  les  protestants  qui  ont  con- 
clu do  là  que  saint  Pierre  n'elail  pas  iv failli- 
ble se  sont  joués  du  terme  :  ils  devaient  con- 
clure tout  au  l'Ius  que  saint  Pierre  n'était 
pas  impcccdhie.  Tenir  une  conduite  de  la- 
quelle on  peut  lir<  r  une  fausse  consé(inence 
et  une  err(  iir,  ce  n'est  pas  cnseii;ner  pour 
cela  l'erreur.  Saint  Pierre  pourrait  donc 
avoir  péché  dans  sa  conduite  sans  avoir  failli 
dans  sa  doi'lrine. 

CKKDONIKNS,  hérétiques  du  ii^  siècle. 
Cerdon,  leur  maître,  né  en  Syrie,  suivit  les 
erreurs  de  Simon  le  Magicien.  Il  vint  à  Uome 
sous  le  pape  Hjgin,  y  séjourna  longtemps,  y 
seuia  sa  doiliine  ,  tantôt  en  secret,  tantôt 
oiivertemcnl.  Hepris  de  sa  témérité,  il  lit 
semblant  de  se  npcniir  et  de  se  réunir  à 
l'Eglise;  mais  son  hypocrisie  fut  connue,  et 
il  fut  absolument  chassé. 

Comme  la  plupart  des  hérétiques  de  ce 
même  siècle,  Cerdon  soutenait  ijuc  ce  monde 
n'étail  pas  l'ouvrage  d'un  Dieu  tout-puis- 
sant. 6age  et  huit,  non  plus  que  la  loi  de 
Moïse,  qui  lui  paraissait  imparfaite  et  trop 
rigoureuse.  Consé(|nemment  ,  il  admettait 
deux  principe*  de  toutes  choses  :  l'un  bon  et 
l'autre  mauvais;  c'est  à  ce  dernier  qu'il  attri- 
buait la  fabrique  du  monde  et  la  loi  île  Moïse. 
L'autre,  qu'il  appelait  le  principe  inconnu , 
était  selon  lui  le  père  de  Jésus-Christ;  mais 
il  n'avouait  point  que  le  Fils  de  Dieu  se  lût 
réellemeul  revêtu  do  rfaunianité,  fiât  né  d'une 


vierge,  eût  enduré  véritab.ement  les  souf- 
frances el  la  mort;  tout  eela,  disait-il, ne  s'est 
fait  qu'en  apparence.  11  n'admettait  point  la 
résurreclicin  des  corps,  mais  seulement  celle 
des  âmes  :  il  supposait  par  conséquent  que 
celles-ci  mouraient  avec  le  corps.  Il  rejetait 
tous  les  livres  de  l'Ancien  Testament,  et 
n'admettait  du  Nouveau  que  l'évangile  de. 
saint  Luc;  encore  en  retranchait-il  une  par- 
tie. Les  mêmes  erreurs  furent  soutenues  par 
llarcion  et  par  ses  disciples.  V.  Mauciomtks. 

Plu.sieurs  critiques  prétendent  qu'outre 
les  deux  principes,  l'un  absolument  bon, 
l'autre  mauvais  par  nature  ,  Cerdon  et 
Marcion  en  admettaient  un  troisième  inter- 
médiaire, qui  était  d'une  nature  mixte,  et 
que  c'est  à  celui-ci  que  ces  hérétiques  attri- 
buaient la  création  du  monde  el  la  législa- 
tion mosaïque;  cela  peut  être.  Mais  s'il  est 
vrai  que,  suivant  leur  opinion,  ce  principe 
mixte,  quoique  continuellement  en  guerre 
a\ec  le  mauvjiis  piincipe,  aspire  cependant 
aussi  bien  que  lui  à  supplanter  l'Iilre  su- 
prême, à  soumettre  à  son  propre  empire 
tous  les  habitants  do  la  terre,  ce  principe 
mixte  nous  parait  beaucoup  plus  méchant 
qu'il  n'esl  bon.  C'est  un  trait  de  méchanceté, 
non-seulement  de  serévoller  contre  le  Dieu 
souverainement  bon,  mais  de  vouloir  sous- 
traire à  son  gouvernement  les  hommes  qu'il 
désire  de  rendre  heureux.  Suivant  les  cerdo' 
niens,  le  Dieu  bon  a  envové  Jésus-Clirist 
son  Fils  sur  la  terre  pour  détruire  l'empire 
du  mauvais  principe  et  celui  du  principe 
mixte,  el  pour  ramener  à  Dieu  les  âmes 
qu'ils  ont  séduites.  Tous  d 'ux,  dit-on,  se 
sont  ligués  contre  Jésns-ChrisI,  ont  suscité 
contre  lui  les  Juifs  pour  le  crucilier  et  le 
mettre  à  mort;  mais  connue  Jésus  n'a\ait 
qu'un  corps  apparent,  ils  n'ont  pu  y  réussir 
qu'en  apparence.  Voilà  donc  le  principe 
mixte,  piélendu  Dieu  des  Juifs,  devenu  aussi 
méchant  que  le  mauvais  principe  ou  le  prince 
des  ténèbres  :  ainsi  la  supposition  de  ce  prin- 
cipe intermédiaire  ne  remédie  à  rien  ;  ce  n'est 
qu'une  absurdité  de  plus.  —  D'ailleurs,  ou 
c'esl  le  Dieu  bon  ijui  a  donné  l'existence 
aux  deux  autres  principes  ,  ou  ils  sont 
éternels  cl  existants  par  eux-mêmes  aussi 
bien  que  lui.  S'ils  sont  éternels,  c'est  une 
ahsurdité  de  ne  pas  les  supposer  absolument 
bons  par  naluie;  de  quelle  cause  est  venue 
leur  malice?  Si  c'est  le  Dieu  bon  qui  les  U 
produits,  ou  il  a  été  iiii)  rudml  et  borné  dans 
ses  connaissances,  ou  il  a  mal  l'ail  de  les  pro- 
duire, et  il  est  responsable  de  tous  les  maux 
qui  en  ont  résulté. 

H  n'est  pas  inutile  d'observer  que  loulcs 
les  hérésies  du  ii''  siècle  ont  eu  la  même 
orii;ine,  savoir,  la  difficulté  de  concevoir 
qu'un  Dieu  bon  soit  l'auteur  du  mal,  ail  pro< 
duil  des  créatures  sujellcs  à  tant  d'impericc- 
lions  et  de  souffrances  ,  ail  imposé  aux 
hommes  une  loi  aussi  rigoureuse  qu'était 
celle  de  Moïse.  Les  philosophes  ne  conce- 
vaienl  pas  mieux  qu'un  Dieu  se  fût  abaissé 
jusi|u'â  s'incarner  dans  le  sein  d'une  femme, 
se  re\élir  de  nos  misères,  mourir  ignouii- 
nicuscmcnl  sur  une  croix.  Pour  sortir  de  cet 


757 


CER 


CER 


75C 


embnrras  ,  les  uns  avaient  imaginé  deux 
principes  fo-élernrls,  l'un  cause  du  bien, 
l'aulri- auteiir  du  mal  ;  les  autres  pensaient 
que  Dieu  .iv^il  produit  plusieurs  pspiils  In- 
férieurs à  lui-n)cme,  ci  leur  avait  laissé  le 
soin  (le  fabriquer  cl  de  gouverner  le  inonde. 
Les  raisonneurs  se  parl.igèrent  entre  ces 
deux  systèmes;  mais  tous  se  réunirent  à 
soutenir  que  le  Fils  de  Dieu,  qu'ils  regar- 
daient comme  un  être  fort  inrérieur  à  Dieu, 
ne  s'était  fait  homme  qu'en  apparence  , 
n'avait  eu  qu'une  chair  fantastique  cl  appa- 
rente. 

Il  est  évident  à  tout  homme  qui  veut  y 
réfléchir  que  leur  système  était  non-seule- 
ment absurde  en  lui-niéme,  mais  incapable 
de  résoudre  aucune  difficulté.  Car  enfin,  ((ue 
le  Dieu  suprême  ait  l'ail  lui-mêuie  le  monde 
tel  qu'il  est,  ou  <iu'il  l'ait  laissé  fiir<3  à 
des  ouvriers  Impuissants  et  mal  habiles,  la 
faute  est  égale  de  sa  part;  qu'il  ail  donné 
par  lui-même  une  loi  imparfaite  et  vicieuse, 
ou  qu'il  l'ait  laissé  établir  par  d'autres,  l'in- 
convénient est  le  même.  N'est-il  pas  aussi 
indigne  de  la  Divinité  de  Iromperlcs  hommes, 
de  fasciner  leurs  yeux,  de  les  induire  en 
erreur  par  de  fausses  apparen<es  d'une 
chair  humaine,  (;uedese  revêtir  des  misères 
de  l'humanité?  (juant  à  l'hypolbèse  de  deux 
principes  coélernels  ,  nous  ferons  voir  à 
l'arlicic  Mal  qu'elle  ne  soulage  pas  mieux 
la  raison  que  la  préeédenle. 

Jlais  les  raisonneurs  du  ii*^  siècle,  malgré 
leur  enlêlement,  n'osèrent  pas  nier  les  fails 
publiés  par  les  apôtres,  la  naissance,  les 
miracles,  la  prédication,  les  souflrauccs,  la 
mort  et  la  résurrection  du  moins  apparente 
de  Jésus-Christ;  parce  que  tous  ces  faits 
étaient  prouvés  par  la  notoriété  publique  : 
ils  n'élevèrent  aucun  soupçon  contre  la  sin- 
cérité el  la  bonne  foi  des  apôtres.  C'est  le 
point  essentiel.  De  là  il  résulte  conire  les 
incrédules,  que  les  apôtres  n'ont  pas  seuJe- 
iiient  subjugué  des  ignorants ,  des  hommes 
creilules  el  incajjablcs  d'examiner  des  faits, 
niais  des  philosophes  très-disposés  à  les 
contredire,  s'ils  avaient  jiu,  el  qui  cepen- 
dant, ont  eonfiriiié  leur  témoignage. 

CÉIIÉMDNIE,  signe  cxiérieur  ou  démons- 
tration des  senliiueiils  du  cœur;  telle  |)araît 
élro  l'étyniologie  de  ce  terme  :  il  est  dérivé 
<le  /car,,  Tcnp  le  ctEiir,  el  de  moneu,  avertir, 
faire  connaître.  Mettre  en  question  si  les 
ciirémoDies  en  général  sont  nécessaires,  c'est 
demander  si  les  hommes  ont  besoin  de  se 
communiquer  mutuellement  leurs  pensées 
et  leurs  alleclions  par  des  signes  extérieurs. 
Sans  cela,  pourrait-il  y  avoir  enire  eux  au- 
cune société? 

il  n'est  aucun  sentiment  qui  ne  se  montre 
au  dehors  par  un  geste  particulier;  nous 
n'avons  pas  besoin  de  leçon  pour  compren- 
dre que  se  irosterner  e'st  une  marque  de 
respect  et  de  soumission,  qu'élever  les  yeux 
i;l  lés  mains  vers  le  ciel  est  nn  signe  d'invo- 
cation, qu'une  offrande  est  un  témoignage 
de  reconnaissance;  un  homme  qui  se  frappe 
la  poitrine  muntre  qu'il  a  du  repentir,  celui 
qui  se  lave  le  corps  fait  profession  de  vou- 


loir purifier  son  âme,  etc.  Dn  discours  ac- 
compagné de  ces  signes  éloquents  fait  une 
impression  plus  profonde;  il  tait  passer  dans 
l'Allie  des  auditeurs  les  passions  dont  un 
orateur  est  agité.  On  convient  qu'il  faut  des 
cérémonies  dans  la  vie  civile,  que  chez  les 
Chinois  elles  suppléent  à  la  morale  et  à  la 
législation  ;  pourquoi  n'en  faudrait-il  pas 
dans  la  religion?  Les  signes  extérieurs  de 
bienveillance  mutuelle  adoucissent  les 
mœurs;  les  démonstrations  de  respect  en- 
vers la  divinité  rendenl  l'homme  religieux. 
—  Parmi  les  ci'rémonics  qui  tendent  à  ce 
dessein,  les  unes  sont  saintes  el  louables,  les 
autres  superslilieuses  et  absurdes.  On  ne 
doit  mettre  au  rang  des  premières  que  celles 
qui  ont  pour  objet  le  culte  du  vrai  Dieu,  et 
qu'il  a  daigné  prescrire  ou  approuver.  Il  ne 
faut  passe  persuader  qu'il  y  ail  eu  jamais  une 
religion  sans  cérémonies. 

Dès  le  commencement  du  monde  les  pre- 
miers  hommes,  qui    n'avaient     point    reçu 
d'autres   leçons   que  celles  de   Dieu,  lui  ont 
fait  des    offrandes  el  des   sacrifices,    lui  ont 
adressé  des  Vuux,  ont  élevé  dis  autels,  les 
onl  consacres  par  des  effusions  d'huile  el  de 
parfums,  ont  juré  par  son  saint    nom  ,  l'ont 
pi  is  pour  témoin  de  leurs  alliauees  ,    onl  usé 
de  (lurificalioiis,    ont  mangé  en  commun    la 
chair  des  victimes,  etc.  C'est  ainsi  que  l'his- 
toire sainte  nous  peint  la  religion  des  patriar- 
ches. —  Lorsiiue  Dieu  réunit  les  Hébreux  on 
corps  de  nation,   il  leur   prescrivii,  par  l'or- 
gane de  Moïse,  les  rites  qu'ils    devaient   ob- 
server; les   lois  cérémonielles    furent   incor- 
porées à  leurs  lois  civiles.  Mais  ce  cérémonial 
n'était   pas  alisolumeut  nouveau  pour  eux  ; 
une  partie  avait  déjà  été  pratiquée  parleurs 
pères.    Vainemenl  le    chevalier    Marshara  , 
Spencer  el  d'autres,  onl  prélen.lu  que  la  plu- 
part des   cérémunles  juives  étalenl    emprun- 
tées   des    Egyptiens;   les    patriarches   s'en 
étaient  servis  pour  honorer  Dieu  avant   que 
les  Egyptiens  les  eussent  profanées  par  l'ido- 
lâtrie. Un  grand  nombre  de  ces  riles  tendaient 
à  préserver  les.luirs  des  supersliliLins  de  leurs 
voisins.  Voy.  Lois  ciinKMONiELLES.  —  Enfin, 
lorsqu  il  a  plu   à  Dieu  de  réunir   toutes  les 
nations  dans  une  même  sociélé  religieuse,  il 
a  envoyé  son    Fils   unique  pour  leur  ensei- 
gner à  honorer  Dieu  en  esprit  et  en  vérité.  Ce 
divin  Alaîire  a    institué    par   lui-mê.nc  une 
partie  de   nos    cérémonies,   et  a   laissé   aux 
apôtres,  remplis  de  sou  Esprit,  le  soin  d'éta- 
blir les  autres.   Dès  les  temps  apostoliques, 
au    milieu    même    des   jjersécutions ,    nous 
voyons  déjà  une  liturgie,  des  sacrements,  un 
clergé,  une  liiérarcbie.  Au  iv  siècle,  lorsque 
l'Eglise  eut   la  liberté  de  pratiquer  son  culte 
au  grand  jour,  la  liturgie  fut  mise  par  éi.ril; 
mais  on  l'avait  reçue  par  iradilion  des  apô- 
tres. i;ans  les  différentes  Eglises  de  l'Orient, 
de  l'Occident,  dans  les  langues  grecque,  sy- 
riaque el  latine,  elle  se  trouva  la  même  pour 
le  fond.    Si  c'eût  été  l'ouvrage  des  bomme.s, 
il  se  serait  senti  du  caractère  el  dn  génie  de 
chaque  nation,  nous  ne  voyons  pas  que  l'on 
ait  tenu  aucune  assemblée  pour  le  former. 
— Dieu  n'a  donc  jamais  laissé  les  cérémonies 


759  CER 

de  son  culte  au  choix  et  à  la  discrétion  des 
Jiomnies  ;  plies  ont  une  liaison  trop  élroile 
a?ec  le  dogme,  avecl.i  morale,  avec  le  bien 
de  la  société.  Ceux  qui  les  envisapont  comme 
un  hors-d'œuvi-e  iiulilTéroiit  à  la  religion 
u'en  connaissent  ni  l'origine  ni  les  consé- 
quences. 

Une  cérémonie  qui  était  sainte  et  respec- 
table lorsqu'elle  servait  au  cuite  du  vrai 
Dieu,  est  devenue  suiierstilieuse  et  criminelle 
lorsqu'elle  a  été  employée  à  honorer  de  faus- 
ses diviniiés.  L'hoinme,  après  s'être  fonné  des 
dieux  selon  so;i  (loût,  s'est  fait  aussi  un  céré- 
monial à  son  gré.  Il  n'a  eu  besoin  pour  cela 
ni  des  leçons  des  prêtres,  ni  du  conseil  des 
imposteurs,  ni  du  secours  des  faux  inspirés  ; 
il  lui  a  suffi  de  suivre  l'instinct  des  passions 
et  les  caprices  d'une  imiiginalion  déréglée. 
Le  désir  immodéré  d'obtenir  du  ciel  «les  biens 
temporels,  l'impaticnre  de  se  délivrer  d'un 
mal  présent,  une  curiosité  effrénée  de  con- 
naître l'jivenir,  de  fausses  observations  delà 
nature,  les  équivoques  inévitables  du  lan- 
gage :  voilà  les  vraies  sources  de  toutes  les 
superstitions  imaginables.  Voy.  Supersti- 
tion. —  Aueiine  (le  ces  c.iuses  n'a  contribué 
aux  cérémonies  religieuses  des  adorateurs  du 
vrai  Dien;  une  s.igesse  supérieure  a  présidé 
à  leur  institulion  :  pour  s'en  convaincre,  il 
suffii  de  considérer  leur  analogie  avec  les 
besoins  de  l'humanité  sous  les  différentes 
époques  de  la  révélalion. 

Dans  le  premier  <1ge  du  monde,  les  céré- 
monies avaient  pour  objet  d'inculquer  aux 
hommes  le  dogme  essentiel  d'un  seul  Dieu, 
créateur  et  con^^rvaleui- de  l'univers,  souve- 
rain distributeur  des  biens  et  des  maux,  pro- 
tecteur des  familles,  vengeur  du  crime,  et 
rémunérateur  de  la  vertu  ;  de  les  faire  sou- 
venir <|ue  l'homme  est  pécheur  et  a  besoin  de 
pardon  :  elles  tendaient  à  resserrer  entre 
eux  les  liens  de  la  société  fraternelle.  Il  se- 
rait aisé  de  le  montrer  en  les  considérant  en 
détail.  Leur  usage  devait  donc  préserver  les 
lioinn)es  du  polj  théisme,  du  préjugé  qui  dans 
la  huite  a  peuplé  l'univers  d'une  multitude 
d'esprits, de  génies, nommés  dieuxoudémons: 
erreur  de  lai|ucllc  s'est  ensuivie  l'idolâtrie 
avec  tous  ses  crimes.  Puisqu'il  faut  à  l'homme 
des  rites  extérieurs,  il  ne  peut  être  préservé 
des  cén'monies  superstitieuses  que  par  des 
pratiques  saintes  et  raisonnables.  —  Sous  la 
loi  de  Moïse,  les  rites  reli;;ieux  étaient  des- 
tinés à  persuader  aux  Juifs  <|ue  Dieu  est  non- 
seulemenl  l'unique  maitre  de  la  nature,  mais 
Je  souverain  législaieur,  le  fondateur  et  le 
père  (le  la  société  civile,  l'arbitre  des  nations, 
qui  dis()Ose  .li  leur  sort  comme  il  lui  plaît, 
les  récompense  par  la  prospérité,  ou  les  pu- 
nit par  des  malheurs.  La  plupart  dci  céré- 
monies ]ai  vos  étaient  autant  de  monuments 
des  faits  miraculeux  qui  prouvaient  la  mis- 
sion de  Moïse,  la  protection  spéciale  de  Dieu 
sur  son  peuple,  la  certitude  des  promesses 
»^ue  Dieu  lui  avait  faites.  Elles  devaient  donc 
ieiiir  les  Juifs  en  garde  contre  l'erreur  géné- 
rale des  autres  peuples  touchant  les  dieux 
locaux,  indigètes,  nationaux,  auxquels  ils 
olTraient  leur  encens.  Dieu   lui-niéme  témoi- 


CER 


760 


gne  par  ses  prophètes  qu'il  n'a  prescrit  aux 
Juifs  cette  multitude  de  cérémonies  que  pour 
réprimer  leur  penchant  à  l'idolâtrie  [Ezech 
XXII,  5  et  suiv,;  Jerem.  vu,  22).  Ces  mêmes 
prophètes  ont  souvent  répété  aux  Juifs  (|ue 
le  culte  cérénioniel  ne  peut  plaire  à  Dieu 
qu'autant  qu'il  est  l'expression  des  senti- 
ments (lu  cœur.  En  quel  sens  nommera-t-on 
superslitions,  des  cérémonies  que  Dieu  avait 
piiscriles  pour  prévenir  la  superstition? 

Sous  le  christianisme,  les  cérémonies  ont 
un  objet  I  ncore  plus. auguste  et  nu  sens  plus 
sublime;  elles  nous  mettent  continuellement 
sous  les  yeux  un  Dieu  sanctificateur  des 
âmes,  (jui,  par  Jésus-Christ  son  Fils,  a  ra- 
cheté les  hommes  du  péché  et  de  la  damna- 
tion; qui,  par  des  glaces  continuelles,  pour- 
voit à  tous  les  besoins  de  noire  âme;  qui  a 
établi  entre  tous  les  hommes,  de  quelque 
nation  qu'ils  soient,  une  société  religieuse 
universelle  que  nous  nommons  la  commu- 
nion des  saints. 

Ainsi  dans  le  christianisme,  aussi  bien 
que  sous  les  deux  époques  précédentes,  les 
cérémonies  sonl,  i"  un  monument  des  faits 
qui  prouvent  la  divinité  de  notre  religion: 
nous  célébrons  par  nos  fêtes  la  naissance, 
les  miracles,  les  souffrances,  la  murl ,  la  ré- 
surrection de  Jésus-Christ,  la  descente  du 
Saiul-Esprit  :  monument  d'autant  plus  irré- 
cusable, qu'il  remonte  à  la  date  n.éme  des 
événements,  et  qu'il  a  été  établi  par  les  té- 
moins oculaires.  2"  C'est  une  profession  de 
foi  des  vériiés  que  Jésus-Christ  nous  a  en- 
seignées, qui  marche  à  côté  de  l'Ecriture 
sainte  et  en  détermine  le  sens  :  les  cérémonies 
du  baptême  nous  apprennent  la  corrupiion 
de  la  nature  humaine  par  le  péché;  celles 
delà  liturgie  nous  attestent  la  présence  réelle 
de  Jésus-Christ;  le  signe  de  la  croix  nous 
relraee  les  mystères  de  la  sainte  Trinité,  de 
l'incarnation  et  de  la  rédemption,  etc.  3"  Ce 
sont  autant  de  leçons  de  morale  qui  nous 
enseignent  nos  devoirs,  nous  avertissent  des 
vertus  que  nous  devons  pratiquer  et  diS  vices 
que  nous  devons  éviter.  Le  cérémonial  du 
baptême  est  un  tableau  des  obligations  du 
chrétien  ;  celui  du  mariage,  un  catéchisme 
sur  les  devoirs  mutuels  dés  époux;  celui  de 
l'ordre,  une  instruction  pour  les  prêtres  :  les 
bénédictions  de  l'E^ilisc  nous  [orcchenl  la  re- 
connaissance et  la  soumission  envers  Dieu, 
l'usage  modéré  des  biens  de  ce  monde,  etc.  4* 
Nos  cérémonies  sont  des  liens  de  société  qui 
nous  réunissent  <.'ux  pieds  des  autels,  qui 
rapprochent  les  conditions  trop  inégales  , 
qui  contribuent  à  la  douceur  des  mœurs  et 
an  repos  de  la  société;  le  mariage  et  le  bap- 
tême assurent  la  conservation  ei  l'eduralion 
des  enfants,  l'état  et  les  droits  du  citoyen; 
les  obsè'iues  des  morts  sont  établies,  non- 
seulement  pour  attester  le  dogme  de  la  ré- 
surrection future,  mais  pour  la  sijreté  des 
vivants  :  c'est  une  précaution  contre  les 
morts  clandestines,  par  consé(ineiil  contre 
l'homicide  ;  la  pénitence  et  la  confession 
préviennent  plus  de  crimes  que  les  luis  pé- 
nales ;  la  couiinunion  nous  place  tous  à  la 
même  table,  etc.  L'orgueil  des  grands,  l'é- 


761 


CER 


CF.R 


762 


goïsme  philosophique,  délestent  tous  ces  rites 
destinés  à  les  humilier. 

Aussi,  sur  celle  parlic  de  la  religion,  dans 
quels  écarts  une  fausse  pliilosophie  n'a-t-elle 
pas  donné?  —  Quelques  auteurs,  donl  les  in- 
tentions élaieiil  pures,  sans  doute,  mais  dont 
les  lumières  étaient  très-bornées ,  ont  iu)a- 
giné  «lu'il  n'y  avait  dans  les  cérémonies  rien 
de  moral  ni  de  mystérieux,  que  loules  étaient 
fondées  sur  des  raisons  physiques  et  liislo- 
riqiies.  Selon  leur  opinion,  l'on  emploie  l'en- 
cens pour  chasser  les  mauvaisrs  odeurs,  les 
cier(;(  s  pour  dissiper  les  ténèbres  de  la  nuit, 
les  (lifl'érents  gestes  pour  l'aire  allusion  aux 
paroles  que  l'on  prononce,  elc.  C'i-st  le  sys- 
tème qu'a  suivi  doin  (llaude  de  \'ert,  dans 
son  Ëjplicalion  Ullérale  et  liislorique  des 
Cérémonies  de  fEglise.  11  a  été  solidement 
réfuté  par  M.  Languel  et  par  le  1*.  Lebrun, 
dans  la  préface  de.  son  Explicutiun  des  céré- 
monies de  la  messe.  —  Les  protestants,  plus 
hardis,  onl  dii  que  les  cérémonies  de  l'Eglise 
sont  des  superslilions  nouvelles,  inconnues 
aux  premieis  fidèles,  une  source  infaillible 
d'erreurs  pour  le  peuple,  un  efl'el  de  l'ambi- 
tion des  prêtres;  co".iséquemmenl  ils  les  ont 
relianchées  et  pioscriles  :  ils  ont  appelé  ré- 
forme ce  trait  d'ignorance  et  de  lemérité. 
D'autres  cependant  prétendent  que  ce  sont 
des  restes  de  judaïsme.  Comment  accorder 
ensemble  tous  ces  reproches?  (Ju  leur  a  fait 
voir  que  nos  cérémunies  ne  sont  ni  nouvelles 
ni  supersiilieuses  ,  mais  aussi  anciiMines 
pour  la  plupart  que  le  christianisme;  que 
quelques-unes  sont  aussi  anciennes  que  le 
inonde.  En  mettant  au  jour  la  liturgie,  au  iv 
siècle,  on  n'a  fait  que  rédiger  par  écrit  ce 
qui  avait  été  pratiqué  dans  les  trois  siècles 
précédents  ,  puisque  l'Apocalypse  nous 
montre  déjà  le  plan  de  la  liturgie  telle  que 
sainl  Justin  l'a  r<'piésent  e  au  i' siècle  ,  et 
saint  tj\  rille  de  Jérusalem  au  m'.  C'est  ce 
qu'a  démontré  l'abbé  Uenaudot  dans  les 
tomes  IV  et  Y  de  la  Perpéluilé  de  la  Foi,  et 
après  lui  le  P.  Lebrun.  —  A  la  vérité,  lors- 
tiu'un  dcigme  catholique  a  été  attaque  par 
les  hérétiques,  l'Eglise  en  a  fait  une  pro- 
fession plus  expresse  dans  son  culte,  et  a 
multiplié  les  formules  qui  l'exprimaient. 
Ainsi,  comme  le  mystère  de  la  sainte  Trinité 
a  été  attaqué  de  très- bonne  heure  par  les 
giiostiques,  par  les  sabelliens,  les  ariens,  les 
macédoniens,  etc.,  l'Ei^lise,  pour  attester  sa 
loi  aux  trois  personnes  divines,  a  partout 
affecté  le  nombre  de  trois;  de  là  le  kijrie  ré- 
pété trois  fois  à  l'honneur  de  chacune,  le 
Irisfigion  ou  trois  fois  saint,  la  triple  immer- 
sion pour  le  baptême,  lu  doxoloyie  pUuée  à 
la  tin  de  chaque  psaume,  elc.  Les  défenseurs 
de  l'orthodoxie  onl  opposé  aux  ariens  les 
caiiti<|ues  des  fidèlps  ;  aux  péhigiens ,  les 
prières  de  l'oflice  divin;  aux  bcreiigaiiens, 
l'adoration  de  l'eucharistie,  elc.  C'est  donc 
par  les  cérémonirs  que  l'Eglise  a  picmuni 
ses  enfants  contre  l'erreur  ;  et  l'on  vient  nous 
dire  que  cetleprofession  de  foi  est  une  source 
d'erri  urs. 

Si  les  protestants  onl  déclamé  contre  la  li- 
turgie ,  c'est  qu'ils  y  voyaient  leur  condam- 


nation, la  présence  réelle  attestée  par  l'ado- 
ralion  de  l'eucharistie,  des  termes  qui  expri- 
ment la  transsubslantiaiion,  les  notions  d'of- 
frande el  de  sacrilice  ,  la  communion  sons 
une  seule  espèce  ,  l'invocation  des  saints,  la 
prière  pour  les  morts,  la  hiérarchie,  etc. 
Qu'a  fait  l'Eglise  dans  celte  circonstance?  Ce 
qu'elle  avait  fjil  de  tout  temps  ;  depuis  la 
prétendue  réfoiiue,  elle  a  rendu  le  culte  de 
l'euchaiistie  plus  pompeux,  l'invocation  de 
la  sainte  ^'ierge  et  des  saints  plus  fréquente, 
la  liturgie  plus  majestueuse.  C'est  une  pro- 
fession de  foi  qui  parle  aux  yeux,  qui  fdit 
distinguer  aux  plus  ignorants  une  contrée 
protestante  d'avec  un  pays  catholique.  Nous 
ne  concevons  pas  comment  les  th>'olo^ii'ns 
anglicans  et  autres  peuvent  jeter  les  yeux 
sur  ces  anciens  monuments  de  la  croyance 
de  l'Eglise,  el  persévérer  dans  leurs  préju- 
gés ;  ils  en  parlent  historiquement  tomme 
d'une  chose  indifférente  ,  sans  eu  considérer 
jamais  les  conséquences 

Les  trois  principales  sectes  protestantes  ne 
se  sont  point  accordées  sur  les  cérémonies 
qu'il  fallait  retrancher  ou  conserver  :  les 
calvinistes  les  onl  presque  toutes  suppri- 
mées ;  ils  n'ont  retenu  que  le  baptême  et  la 
cène,  et  ils  en  ont  banni  tous  les  anciens  ri- 
tes :  les  luthériens  en  ont -gardé  un  peu  da- 
vantage, el,  si  Luther  avait  été  le  miîlre,  il 
en  aurait  conserve  un  plus  grand  nombre; 
mais  il  fut  oliligé  de  céder  à  la  frénésie  de 
(jnelques  autres  réformateurs  ;  c'est  ce  iju'il 
écrivait  en  l,o28  à  Guillaume  Prawest  son 
ami.  Les  anglicans,  plus  m  idérés,  sont  ceux 
qui  en  ont  le  moins  retranché,  cl  c'est  une 
des  raisons  pour  lesquelles  les  calvinistes 
leur  reprochent  des  restes  de  papisme.  Cn 
écrivain  anglican  est  convenu  qu'il  n'était 
pas  forlaiséde  lixer  le  point  jusqu'où  il  fal- 
lait pousser  la  réforme  sur  cet  objet;  c'est  le 
goût  et  la  fantaisie  qui  en  ont  décidé.  — 
Néanmoins  un  calviniste  très-entété  est  con- 
venu que  les  cérémonies  sont  utiles  pour 
confirmer  ce  qui  a  clé  dit  par  les  théologiens, 
el  pour  connaître  le  véritable  sens  des  ex- 
pressionséquivoques  ou  contestées.  Il  y  en  a 
quehjues-unes,  dit-il,  donl  on  lire  une  con- 
séquence si  naturelle  el  si  évidente,  qu'on 
ne  peut  se  défendre  de  l'admettre.  Cet  aveu 
nous  parait  remarquable  el  très-important 
(Basnage,   Hist.    de  l'Eglise,   1.    xiii,   c.  6, 

Mosheim  dit,  comme  les  calvinistes,  que 
Jésus-Christ  n'a  institué  que  deux  cérémo- 
nies, le  baptême  et  la  cène  :  s'il  entend  que 
Jésus-Christ  n'a  ordonné,  par  un  piéceple 
formel,  que  ces  deux  cérémonies,  cela  est 
vrai;  mais  les  apôtres  n'ont-ils  rien  prati- 
qué ni  rien  commandé  de  plus  ?lls  ont  donné 
le  Sainl-lisprit  par  l'imposition  des  mains  : 
ils  onl  ordonné  des  prêtres  et  des  diacres 
avec  le  même  rite.  Saint  Jacques  a  recom- 
mandé l'onction  des  m.ilades  et  la  confes- 
sion des  péchés  ,  saint  Jean,  dans  l'Apoca- 
lypse, a  tr.icé  le  i)lan  d'une  liturgie  pom- 
peuse. Les  jiasteurs,  successeurs  des  apô- 
tres ,  n'ont-ils  pis  eu  comme  eux  une  au- 
torité   législative,  et  ont-ils  abusé  de  leur 


763  CER 

pouvoir,  en  établissant  d'autres  cérémonies 
rel.ilives  au\  circonslances  et  aux  besoins 
de  lE^lise  ?  —  Mosheim  ne  leur  conteste  pas 
foriiieilement  cette  autorité  ;  il  avoue  même 
que  les  apôlres  ont  insliluc  plusieurs  céré- 
monies, et  que  les  protjrès  du  cliristianisme 
ont  rendu  celle  institution  nécessaire  ;  mais 
il  s'efforce  de  rendre  suspects  les  njolifs  que 
se  sont  proposés  les  successeurs  des  apô- 
lres. Il  prétend  qu'au  ii''  siècle  l'on  établit 
pluj^ieurs  nouvelles  cérémonies,  1°  par  con- 
descendance pour  les  Juifs  et  pour  les  païens, 
qui  étaient  accoutumés  à  un  culte  extérieur 
pompeux,  et  afin  de  les  aniencr  plus  aisé- 
ment au  christianisme  ;  2°  pour  réfuter  le 
reproche  d'athéisme  que  les  païens  faisaient 
aux  chrétiens,  parce  qu'ils  ne  voyaient  chez 
ces  derniers  aucun  appareil  do  religion  ; 
3»  parce  que  l'on  emprunta  des  Juifs  les  ter- 
mes Ac  pontife,  de  prêtres,  de  lévites,  de  sa- 
ciifice,  d'autel,  etc.;  1"  afin  d'imiter  les  mys- 
tères du  paganisme,  qui  inspiraient  du  res- 
pect pour  la  religion;  5"  pour  se  conformer 
au  goût  des  Orientaux,  qui  aimaient  une  ma- 
nière d'enseigner  symbol3quc  et  mys'é- 
rieuse;  C'  pour  ménager  les  anciens  préju- 
gés des  prosélytes  juifs  et  païens.  (Ilist. 
Christ.,  l'roleg.,  c.  lï,  §  5,  et  sœc.  ii,  §  36; 
Jnst.  maj.,  sœc.  i,  part,  ii,  c.  4,  §  7;  Ilist. 
Ecoles,  du  11'  siècle,  ii»  part.,  c.  4,  §  1  et 
suiv.,  etc.  —  Il  pense  qu'au  m'  siècle  le 
nombre  des  cérémuniis  fut  encore  augmenté, 
parce  que  les  Pères  de  l'Eglise  adoptèrent 
les  iiiées  de  Pyiliagore  et  de  Platon  touchant 
le  pouvoir  des  démons  sur  les  corps  et  sur 
les  âmes  ;  de  là  naquirent,  selon  lui,  les 
exorcismes  et  les  autres  rites  du  baptême  , 
les  bénédictions  des  aliments  et  des  autres 
choses  usuelles,  l'estime  pour  les  mortifica- 
tions et  pour  la  continence,  les  pénitences 
rigoureuses  imposées  aux  pécheurs  scanda- 
leux, riiorrcur  pour  les  excommuniés,  etc. 
Il  dit  que  le  nombre  des  cérémonies  inven- 
tées au  IV  siècle  paraissait  déjà  excessif  à 
saint  Augustin  {Epist.  53  ad  Januar.,  c.  19, 
n.  33).  —  Nous  sommes  déjà  redevables  à  ce 
critique,  de  ce  ([u'il  reconnaît  (|ue  la  plupart 
de  nos  cérémonies  ont  pris  nais'^ance  au  ir  et 
au  m"  siècle  ;  par  là  il  relève  la  bévue  de 
ceux  ([ui  ont  .soutenu  que  c'ét.iieiit  des  abus 
intruiluits  dans  les  siècles  d'ignorance  qui 
ont  sui\i  l'irruption  des  barbares.  Il  n'était 
pas  possible  de  trouver  plus  tôt  des  vestiges 
de  nos  rites,  puisqu'il  nous  reste  très-peu 
de  monuments  du  r''  siècle,  et  l'apùtre 
saint  Jean  a  vécu  jusqu'au  eommencernenl 

(lu  11'  . 

Nous  n'opposerons  pas  aux  conjectures  de 
Muslieini  rallachenienl  que  les  IJglises  fon- 
dées par  les  apôtres,  dans  les  dilTérenlcs 
parties  du  monde,  conservaient  |)0ur  les  le- 
çons de  leurs  fondateurs,  la  profession  que 
font  les  Pères  les  plus  anciens  de  s'en  tenir  à 
ce  que  les  apôlres  avaient  él.ibli  ;  mais  l'im- 
pussibililé  d'introduire  en  même  temps  un 
nouvel  usage  dans  l'Eglise  de  l'Egypte,  de 
l'Arabie,  de  la  Syrie,  de  la  Perse,  de  l'Asie 
loineure,  de  la  Grèce,  de  l'Iliilie,  des  (îau- 
*es,  de  l'Espagne  et  des  côtes  de  TAfrique  : 


CER 


764 


pendant  les  persecotions  du  ii«  et  du  m* 
siècle,  il  y  avait  peu  de  relation  entre 
ces  sociétés  différentes.  Qui  a  pris  la  peine 
de  les  parcourir  pour  y  introduire  unifor- 
mément une  nouvelle  pratique?  Connnent 
dans  toutes  les  Eglises,  très-éloignécs  les  unes 
des  autres,  dont  le  langage,  les  mœurs,  les 
préjugés,  n'étaient  pas  les  mêmes,  ne  s'co 
esl-il  trouvé  aucune  qui  ait  eu  la  constance 
et  le  bon  esprit  de  vouloir  s'en  tenir  à  ce  que 
les  apôlres  et  leurs  disciples  immédiats 
avaient  réglé  ?  Voilà  ce  qu'il  faudrait  d'a- 
bord expliquer.  —  Dans  les  écrits  des  Pères 
du  11'^  et  du  ni*' siècle,  dans  les  ouvrages  de 
nos  apologistes,  loin  de  trouver  aucun  ves- 
tige de  condescendance  pour  les  préjugés  et 
les  habitudes  des  Juifs  ou  des  païens ,  nous 
voyons  tout  le  contraire ,  une  alTectatiou 
marquée  de  la  part  de  ces  écrivains  d'atta- 
quer (le  front  les  idées  et  les  notions  du  pa- 
ganisme et  du  judaïsme ,  et  d'y  opposer 
celles  que  les  chrétiens  avaient  reçues  de 
Jésus-Christ  et  des  apôtres.  On  peut  compa- 
rer sur  ce  point  les  apologies  de  saint  Jus- 
tin, (le  Terlullieu  ,  de  .Minutius-Félix,  d'Ori- 
gène,  etc.;  on  verra  s'ils  ont  cherche  à  mé- 
nager les  préjuiîés  de  leurs  adversaires,  afin 
de  les  gagner,  et  s'ils  ont  élé  lentes  de  les 
imiter  en  quelque  chose.  D'un  côté,  les  pro- 
lesl.inls  nous  objeclenl  le  silence  de  ces  écri- 
vains louchant  les  cérémonies  dont  parlent 
les  .luleurs  du  iv^  siècle;  de  l'autre  ils  sup- 
posent que  ce  sont  ces  docteurs  silencieux, 
ou  li'urs  contemporains  ,  qui  les  ont  éta- 
blies ;  ils  ont  donc  rougi  d'apprendre  aux 
païens  ce  que  l'on  faisait  dans  l'Eglise  chré- 
tienne par  condescendance  pour  eux.  — 
Nous  convenons  du  goût  général,  non-seu- 
lement des  Orientaux,  mais  de  tous  les  peu- 
ples du  monde,  pour  la  manière  d'enseigner 
symbolique  et  allégorique,  pour  les  cérémo- 
nie, majesuieiises  el  inslrnctives  qui  renfer- 
ment un  {^■and  sens.  De  là  même  nous  con- 
cluons (|ue  .Iésus-(]hrist,  les  apôlres  el  leurs 
disciples,  étaient  trop  sages  pour  retrancher 
aux  humilies  un  aussi  puissant  moyen  d'ins- 
truction. Ces  symboles,  disent  nos  adversai- 
res, cel  appareil  extérieur  plaisent  aux 
ignorants  ;  cela  est  vrai,  el  en  cela  ils  sont 
plus  sensés  que  les  prétendus  savants  qui  les 
dédaignent  et  qui  veulent  les  snppri'uer.  Jé- 
sus-Christ et  les  apôtres  n'ont-ils  voulu  ins- 
truire et  convenir  que  des  philosophes?  — 
Quant  à  la  doctrine  des  pythagoriciens  et  des 
platoniciens  du  iii  siècle,  Mosheim  pouvait 
remonter  plus  haut  ;  il  l'aurait  vue  dans  les 
écrits  des  apôtres  et  des  évangélistes.  Ils 
nous  apprennent  que  le  démon  a  osé  tenter 
Jésus-Christ  lui-même.;  que  c'est  lui  qui 
tourmentait  les  possédés  guéris  par  Jésus- 
Christ,  el  qui  mit  dans  le  cœur  de  Judas  de 
Irahir  son  .Maître.  Ils  disent  que  cel  esprit 
malin  enlève  la  parole  de  Dieu  du  cœur  de 
ceux  (jui  récoulent;  (luil  tourne  autour  de 
nou'-  comme  un  lion  rugissant;  qu'il  nous 
tend  des  embûches  ;  qu'il  faut  lui  résister 
et  le  mettre  en  fuite,  etc.  Ces  vérités  suffi 
saient  sans  doute  pour  faire  iusliluer  des 
exorcismes  et  des  bénédictions,  pour  inspi 


7es 


CER 


rer  aux  chrétiens  l'eslinie  de  la  mortification, 
de  la'conliiienre,  de  la  chasteté,  de  l'a  péni- 
tence, sans  qu'il  fût  besoin  de  consullcr  Py- 
thaj^oro  ou  PlatdU.  Nous  présumons  que  les 
Pères  et  les'  chrétiens  du  ii'  ol  du  m"  siè- 
61e  ont  formé  leur  croyance  sur  les  livres 
du  Nouveau  Teslament,  plutôt  que  sur  la 
doctrine  des  philosophes  païens.  Ouelques- 
ùns  de  nos  incrédules  ont  dit  ([uo  les  éclecli- 
ques  ou  nouveaux  platoniciens  avaient  ima- 
giné leur  théurgie  sur  le  modèle  des  cérémn- 
nics  chrétiennes;  d'autres,  que  ce  sont  les 
chrétiens  qui  ont  imité  cette  théurgie;  c'est 
sans  doute  Mosheim  qui  leur  a  suj^géié  cette 
idée  :  on  doit  le  féliciter  des  disciples  qu'il  a 
formés.  —  Il  a  dû  voir  de  même,  dans  les 
écrits  des  apôtres,  les  noms  de  ponlife,  de 
prêtre,  de  sacerdoce,  û'nutel,  de  sncri/ice.  de 
victime,  etc.  C'était  à  lui  de  prouver  que  les 
pasteurs  de  l'Eglise  en  ont  /ihusé  ;iu  ii«  et 
au  iii«  siècle,  pour  changer  la  vraie  notion 
de  l'eucliai  istie  ,  pour  s'arroger  des  pou- 
voirs, des  droits,  des  privilèges,  auxquels 
ils  n'auraient  pas  dû  prétendre. 

Il  dit  que  les  personnes  sensées  et  ver- 
tueuses furent  indignées  de  la  multiplication 
des  cérémonies,  et  il  cite  le  livre  de  Terlul- 
lien  de  Creaiione  ;  on  ne  trouve  point  ce  li- 
vre prétendu  parmi  les  écrits  de  Tertullien; 
il  allègue,  avec  encore  plus  d'infidélité,  le 
témoignage  de  saint  Augustin.  Ce  saint  doc- 
teur parle  des  cérémonies  (|ui  ne  sont  fon- 
dées ni  sur  l'autorité  de  l'Kcriture  sainte,  ni 
sur  les  décrets  des  poncilcs,  ni  sur  l'usage  de 
l'Eglise  universelle,  mais  qui  varient  sui- 
vant les  dilTérenls  lieux,  de  manière  que  l'on 
ne  peut  découvrir  les  c  iuscs  de  leur  institu- 
tion ;  il  est  d'avis  de  les  retrancher  absolu- 
ment, et  il  dit  que  le  joug  des  rites  judiiïques 
est  plus  favorable  que  celui  de  ces  inven- 
tions de  la  présomption  humaine.  Mais  il  dit 
qu'il  ne  faut  ni  rejeter  ni  blâtner,  mais  plu- 
tôt louer  et  imiter  les  pratiques  dans  les- 
quelles on  voit  les  caractères  opposés,  et  qui 
ne  sont  conlraices  ni  à  la  foi,  ni  aux  bonnes 
mœurs,  mais  qui  peuvent  servir  à  l'cdilica- 
tion  {Episl.  b5  ad  Jaiiuar.,  ch.  18  et  19,  n. 
34- et  35).  VoilA  une  doctrine  bien  difTérenle 
de  celle  de  Mosheim  et  des  protestants.  —  II 
allègue  enfin,  en  troisième  lieu,  un  Iraii  de  la 
vie  de  saint  Grégoire  Thaumaturge,  dans 
laquelle  il  est  dit  que,  voyant  la  muilitude 
ignorante  persévérer  dans  l'idolâirieà  cause 
des  plaisirs  sensuels  et  de  la  joie  qui  ré- 
gnaient dans  les  lélcs  des  païens,  il  permit 
aux  chrétiens  de  se  récréer  el  de  se  rcjuuir 
dans  les  leles  des  t-.iailyrs  ,  espérant  que 
d'eux-mêmes  ils  en  viendcaicnl  à  une  con- 
duite plus  grave  et  plus  honnête.  Delà  .Mos- 
heim conclut  que  saint  Grégoire  permit  aux 
chrétiens  de  danser ,  de  jouer,  de  faire  des 
festins  sur  les  tombeau*  (Tes  marijrs  le  jour 
de  leur  fêle  ,  et  de  pratiquer  tuid  ce  que  les 
pa'iens  faisaient  dans  leurs  temples  en  l'hou- 
nenr  de  leurs  dieux  {Hist.  ecctés.  dit  iie 
siècle,  II'  partie,  c.  4,  §  2).  Si  cela  est  vrai, 
saint  Grégoire  Thaumaturgie  permit  encore 
aux  chrétiens  les  spectacles  du  théâtre,  l'i- 
vrognerie  et  la   prostitution  ;   puisque   les 


Ci:[\  766 

païens  faisaient  tout  cela  dans  leurs  tempfcs 
à  l'honneur  de  leurs  dieux.  Est-il  donc  in»- 
possihle  de  se  récréer  et  de  se  réjouir  d'une 
manière  honnête,  et  sans  aucun  iLiiigcr  pour 
les  mœurs?  Voilà  comme,  par  des  cooimen- 
taires  malicieux,  les  protestants  calomnient 
les  Pères  de  l'Eglise.  —  Nous  ne  répondrons 
rien  an  reproche  qu'il  fait  aux  évéques  des 
siècles  suivants,  d'avoir  multiplié  de  nou- 
veau les  cérémonies  par  un  motif  d'ambition, 
afin  de  s'attirer  plus  de  considération  et  de 
respect  de  la  part  des  peuples.  Il  ne  coûte 
rien  à  la  malignité  de  nos  adversaires  de 
prêter  des  motifs  vicieux  à  ceux  qui  en  ont 
d'ailleurs  de  très-louables. 

Nos  philosophes  incrédules  ne  pouvaient 
manquer  d'enchérir  sur  les  reproches  des 
hérétiques  ;  mais  ils  n'ont  fait  que  suivre  le 
chemin  que  ceux-ci  leur  avaient  tracé.  Ils 
disent  qu'un  culte  aussi  chargé  de  cérémo- 
nies et  de  pratiques  extérieures  (jue  le  nô- 
tre, n'est  pas  l'adoration  en  esprit  et  en  vé- 
rité que  Jésus-Gliri^t  est  venu  établir,  qu'il 
ressemble  trop  au  judaïsme,  qu'il  ne  con- 
vient qu'au  peuple  le  plus  grossier.  Nous  ré- 
pondons que  le  culte  en  esprit  et  on  venté 
est  celui  qui  est  profondément  gravé  dans 
l'esprit  el  dans  le  cœur,  et  qu'il  ne  peut  l'ê- 
lie  ([ue  par  l'entremise  des  sens.  Celui  des 
Juifs  se  bornait  à  l'extérieur,  ne  leur  inspi- 
rait ni  respect,  ni  recoMnaissance,  ni  sou- 
mission à  Dieu,  ni  charité  pour  leurs  frères; 
c'est  ce  que  Jésus-Chiist  leur  a  reproché. 
Tout  homme,  philosophe  ou  autre,  qui  ne 
veut  point  d'extérieur  (le  religion,  en  a  déjà 
d'avance  abjuré  les  sentiments.  Si  Jésus- 
Clnist  avait  aboli  le  culte  extérieur,  il  serait 
venu  pour  rendre  les  hommes  athées  el  in^ 
crédules.  —  Ils  objectent  que  les  cérémonies 
sont  un  picge  d'erreur  po.r  le  peuple,  qu'il 
y  met  sa  confiance,  leur  attribue  la  vertu  de 
purilier  l'âme,  est  plus  jaloux  d'y  satisfaire 
que  de  remplir  les  devoirs  essentiels  de  la 
morale.  Quand  cet  abus  serait  vrai,  il  prou- 
verait la  lurpitudeet  la  stupidité  de  l'homme, 
cl  non  le  danger  des  cérémonies.  De  deux 
maux,  il  faudrait  encore  choisir  le  moindre  : 
or,  c'est  un  moindre  mal  quele  peuple  abuse 
quelquefois  do  l'extérieur  de  la  religion,  que 
s'il  perdait  tout  sentiment  de  religion.  Il  est 
absurde  de  dire  que  les  c^rcHioiucs  sont  faites 
pour  le  peuple,  et  que  c'est  pour  lui  un 
piége  inévitable  d'erreur;  c'est  supposer 
qu'il  est  né  pour  être  trompé.  Mais  le  peu- 
ple rend  aux  philosophes  le  mépris  qu'ils 
ont  pour  lui  ;  en  dépit  de  leur  sngesse  su- 
blime, le  peuple  sent  très-bien  que  la  piété 
consiste,  non  dans  les  gestes,  mais  dans  les 
sentiments,  de  même  que  l'humanité  con- 
siste dansles  affections  el  les  services,  et  non 
dans  les  dehors  de, la  politesse.  —  D'autres 
plus  entêtés  ont  soutenu  que  nos  cérémonies 
sont  un  resle  du  paganisme,  qu'il  n'y  a  au- 
cune différence  entre  les  rites  du  christia- 
nisme el  la  Ihéurgie  des  païens.  C'est  une 
vieille  objection  des  maniciiéens  (Saint  Au- 
gustin, conlra  Paustum,  1.  xx,  c.  4  el  il). 
Nous  soutenons  au  contraire  (|ue  l'emploi 
des  cérémonies  au  culte  du  vrai  Dieu  est  la 


m 


CER 


restitution  d  un  vol  fait  par  les  païens.  La 
vraie  r<  ligion  est  plus  ancienne  que  les  faus- 
ses, elle  a  droit  de  revendiquer  les  rites 
que  ses  rivales  ont  profanés.  Faut-il  nous 
abstenir  de  prier  Dieu,  parce  que  les  païens 
ont  prié  Jupiter  et  Veiius,  ni  plus  nous  met- 
tre à  genoux,  parce  qu'ils  se  sont  prosternés 
devant  des  idoles  ? 

Les  protestants  eux-mêmes  ont  retenu 
des  céiéiiiovies  les  assemblées  de  religion  et 
le  chunl  ;  1  ■  baptême,  qui  est  une  purification 
ou  U!  e  luslralion  ;  la  cène,  qui  e>t  un  repas 
religieux  ;  des  (êtes,  des  jeûnes  solennels, 
l'imposition  des  mains,  les  obsèdues  pour 
le.>  morts  ;  ils  se  mettent  à  genoux  pour 
prier,  quelques-uns  font  le  sip;nedc  la  croix  : 
les  païens  ont  observé  presque  tous  ces  ri- 
tes ;  soiit-ce  des  restes  de  paganisme  ? 

Quand  on  nous  dit  que  noire  culte  exté- 
rieur est  un  reslo  de  judaïsme,  nous  répon- 
dons que  le  judaïsmelui-même  était  un  reste 
de  la  religion  des  patriarches  ;  que  celle-ci 
venait  d  Adam,  et  de  Dieu  qui  la  lui  avait 
enseignée.  —  Il  n'y  a  pas  plus  de  ressem- 
blance entre  la  Ihéurgie  (laïenne  et  le  culte 
de  l'Eglise,  qu'entre  l'impiété  et  la  religion. 
Un  théurgiste  prétendait,  par  le  moyen  des 
ril<'s  qu'il  avait  imaginés,  forcer  les  génies 
ou  démons  qu'il  adorait  à  l'aire  des  miracles, 
à  lui  dévoiler  l'aveni,-,  elc.  Un  prêtreemploie, 
non  des  cérémonies  dont  il  >sl  l'auteur,  mais 
que  Dieu  lui-même  a  instituées  ;  loin  de 
commander  à  Dieu  ,  il  sait  que  Dieu  lui  dé- 
fend d'y  rien  mettre  du  sien  ;  il  ne  demande 
pas  à  Dieu  des  mir.icles,  encore  moins  des 
connaissances  prophétiques,  mais  les  grâces 
que  Dieu  a  promises  au\  lidèles. 

Enliii  ,  ceux  qui  disent  que  les  cérémonies 
ont  été  établies  pour  l'intérêt  des  prêtres, 
se  persuadent  sans  doute  que,  dans  les  qua- 
tre premii'rs  siècles  de  l'Kglise,  il  y  avait  des 
droits  casuels  attachés  à  chacune  d.s  fonc- 
lioes  du  sacerdoce.  Ils  ne  savent  pas,  ou  ils 
oublient  que  ces  droits  n'ont  cotnmeneés  à 
s'éiablir  qu'au  x'  siècle  ou  plus  tard  ,  lors- 
que le  clergé  eut  été  dépouillé  de  ses  posses- 
sions par  1(8  seigneurs  (jui  s'en  emparèrent. 
C'est  ainsi  que  l'ignor.mce  décide  de  lout  sans 
réflexiiin.  Y oij.  (^ulte,  Litlugie,    Supeusti- 

TION,  ThÉDUGIE,  [SACREMliNTsJ. 

CÉRÉMoNri;s    JldaÏques.  Voy.  Lévitique  , 

Lois    CÉnÉMdN'IF.LLES. 

Cf<:HlNrillENS  ,  hérétiques  du  i"  et  du  ii'^ 
siècle.  Leur  chef  (ut  Lérinthe,  juif  de  nation 
ou  de  religion,  qui,  après  avoir  étudié  la 
philosophie  dans  l'école  d'Alexandrie,  parut 
dans  la  l'aleslino,  et  répandit  ses  erreurs 
principalement  dans  l'Asie  Mineure. 

(Quelques  anciens,  surtout  saint  Kpiphnno, 
ont  cru  que  Gérinlhfi  était  un  de  ces  Juifs 
zélés  pour  la  loi  de  Moïse,  (|ui  voulaient  y 
assujettir  les  (jcnlils,  qui  trouvèrent  mauvais 
que  saint  Piei  rc  eût  instruit  cl  baptisé  le 
centurion  Corneilh'.  qui  troublèrent  l'Kgliso 
d'Antioche  [lar  leur  olislination  à  garder  les 
cérémonies  légales,  (lui  ilécri.iienl  l'apôtre 
saint  Paul,  parce  qu'il  excmplail  de  ces  cé- 
rémonies ceux  qui  n'étaient  pas  nés  Juifs  ; 
mais  il  paraît  qu'en  cela  saint  Epiphane   a 


CER  768 

confondu  les  cérinlhiens  avec  les  ébiouites. 
—  Il  est  plus  naturel  de  s'en  rapporter  à 
saint  Irénée,  qui  est  plus  ancien.  Selon  ce 
qu'il  dit,  Cériiithe  ne  parut  (|ue  sous  le  rè- 
gne de  Domilien,  vers  l'an  88,  et  fui  connu 
de  l'apôtre  saint  Jean,  qui  écrivit  son  Evan- 
gile pour  le  réfuter. 

Cériiithe,  conformément  aux  idées  de  Pla- 
ton, croyait  que  Dieu  n'avait  pas  créé  l'uni- 
vers immédialemenl  par  lui-même,  mais 
qu'il  avait  produit  des  esprits,  des  intelligen- 
ces ou  génies,  plus  ou  moins  parfaits  les  uns 
que  les  autres  ;  que  l'un  de  ceux-ci  avait  été 
l'artisan  du  monde;  que  tous  le  gouvernaient 
et  en  administraient  chacun  une  portion. 
Il  prétendait  que  le  Dieu  des  Juifs  était  un  de 
ces  esprits  ou  génies,  qu'il  était  l'auteur  de 
leur  loi,  et  des  divers  événements  qui  leur 
sont  arrivés.  Il  ne  \oulait  pas  que  l'on  abo- 
lit eulièremcnt  celle  loi  ;  il  pensait  qu'il  fal- 
lait en  conserver  plusieurs  choses  dans  le 
christianisme.— 11  prétendait  que  Jésus  était 
né  de  Joseph  et  de  Marie,  comme  les  autres 
hommes,  mais  (|ii'il  était  doué  d'une  sagesse 
et  d'une  sainteté  fort  supérieures  ;  qu'au  mo- 
ment de  son  baptême,  le  Christ,  ou  le  Fils  de 
Dieu  était  descendu  sur  lui  en  forme  de  co- 
lomlie,  lui  avait  révélé  Dieu  le  Père,  jus- 
qu'alors inconnu,  afin  qu'il  le  fit  connaître 
aux  hommes,  et  lui  avait  donné  le  pouvoir 
de  faire  des  miracles  ;  qu'au  moment  de  la 
passion  de  Jésus,  le  Christ  s'élait  séparé  de 
lui  pour  retourner  auprès  du  l'ère,  que  Jésus 
seul  avait  souffert,  était  mort,  était  ressusci- 
té; mais  que  le  Christ,  pur  esprit,  était  in- 
capable de  soulTrir.  Ces  erreurs  sont  li's  mê- 
mes que  celles  de  Carpocrale;  mais  il  parait 
que  les  disciples  de  Cérinlhe  y  en  ajoutèrent 
d'autri  s  dans  la  suite. 

Ou  rroit  encore  qu'il  fut  l'auteur  de  l'hé- 
résie des  millénaires;  qu'il  supposait  qu'à  la 
fin  du  monde  Jésus-Christ  reviendrait  sur  la 
terre  pour  y  exercer  sur  les  justes  un  règne 
temporel  pendant  mille  ans  ;  que  pendant  cet 
intervalle  les  saints  jouiraient  ici-bas  de  tou- 
tes les  voluptés  sensuelles.  C'est  ce  qui  donna 
lieu  à  quelques  anciens  d'attribuer  à  Cériii- 
the le  livre  de  r.\pocal\  pse,  dans  lequel  ils 
croyaient  trouver  ce  prétendu  règne  de  mille 
ans  ;  d'autres  ont  cru  que  Cérinlhe  avait 
composé  une  Apocalypse  diiïéreule  de  celle 
de  saint  Jean,  et  y  avait  enseigné  celte  rê- 
verie. 

U  est  essentiel  de  remarquer  que  Papias  et 
les  autres  Pères  anciens  qui  ont  aussi  ad- 
mis un  règne  temporel  de  Jésus-Chrlsl  pen- 
dant mille  ans,  ne  l'ont  jamais  conçu  comme 
Cérinlhe;  ils  n'ont  jamais  cru  (|nc  les  saints 
goûteraient  sur  la  lerre  de^  volufités  sensuel- 
les, mais  des  délices  purement  spirituelles  , 
telles  qu'elles  conviennent  à  des  corps  res- 
suscites, glorieux,  affianchis  des  besoins  de 
la  nature.  Les  incrédules  qui  ont  attribué 
aux  anciens  Pères  le  milléniiriiime  de  Cerin- 
the,  ont  voulu    en    imposer  aux  ignorants. 

Voy.  Mu.LÉNAlRES. 

i.es  opinions  de  cet  hérétique  donnent  lieu 
à  des  remarques  importantes.  1°  Voilà  uu 
philosophe  formé  à  l'école  do  Platon,   qui. 


JO 


CEn 


CER 


770 


loiu  d'admeltre  en  Dieu  une  trinité,  n'y  ad- 
met pas  seulement  une  dualité,  no  suppose 
point  le  Fils  de  Dieu  égal  à  son  Père,  mais 
le  regarde  comme  une  cré/iture  :  comment 
les  anli-lrinitaires  ont-ils  osé  soulonir  que 
leniNSIère  de  la  Trinili-  élail  un  dogme  sorli 
de  l'école  de  Plalon  ?  Quand  on  conn.iSl  li'S 
principes  de  ce  philosophe,  on  est  convaincu 
qu'il  n'a  jamais  pensé  a  supposer  une  irinilé 
en  Dieu.  2°Cerinllie  ne  s'est  point  laisse  sub- 
juguer par  les  apAlrcs,  il  a  été  leur  adversai- 
re.; cependani,  loin  d'attaiiuer  le  lémoignage 
qu'ils  ont  rendu  des  nn'raclcs  de  Jésus-(>hrisl 
et  de  sa  résurrection,  Cérinihe  le  conlirme  , 
convient  de  ces  faits  essentiels,  tâche  d'en 
rendre  raison  par  le  pouvoir  surnaturel  com- 
muniqué à  .lésus  :  les  incrédules  \ieiidronl- 
ils  encore  dire  (jne  ces  fails  n'ont  été  crus 
que  longtemps  après,  lorsqu'on  ne  pouvait 
plus  le^  voriiier,  et  par  des  hommes  simples 
et  ignorants  (|ui  ne  se  sont  |)as  donne  l.i  pei- 
ne do  rien  examiner.  3^  11  faut  que  Jésus- 
Christ  ait  enseigné  clairement  el  lormelle- 
nienl  qu'il  était  le  Fils  de  Dieu;  s'il  n'était 
question  que  d'une  niialiou  métapliurique  et 
par  adoption,  Cérinthe  n'aurait  pas  eu  tort 
de  l'entendre  comme  il  a  f.iil  ;  cependant  il 
a  été  regardé  comme  hérétique,  et  réfute  par 
saint  Jean.  Ue  quel  front  les  sociniens  et 
leurs  adhérents,  Locke,  liury,  etc.,  ont-ils 
osé  soutenir  que  pour  être  clirétieu,  il  sudi- 
sail  de  croire  que  Jesns-t^hri-t  élail  le  Mes- 
sie, l'euvojé  lie  Dieu  ;  que  le  tilre  de  Fils  de 
Dieu  ne  signifie  rien  autre  chose,  etc.  ? 

Nous  ne  pouvons  pas  douter  que  saint 
Jean  n'ait  com[)osé  sou  Evangile  pour  réfu- 
ter (]erinlhe,  comme  le  dii  saint  Irénée,  I.  ii, 
c.  11.  L'Ajiolre  attaque  de  front  cet  h,  reli- 
que, en  commençant  sa  narration.  Il  dit  : 
Au  commencement  était  le  Ver'oe,  il  était  en 
Dieuit  a  était  Dieu....  tout  u  été  fait  par  lui, 
et  rien  n'a  été  fait  sans  lui.  C'est  donc  une 
erreur  d'enseigner,  comme  Céiinlhe,  que  le 
Créateur  du  monde  n'est  pis  Dieu  lui-même, 
mais  une  vertu,  une  intelligence,  un  esprit 
distingué  de  Dieu,  inférieur  à  Dieu  .  et  cjui 
ne  connaissait  p.is  Dieu  (Saint  Iréncc,  liv.  i, 
C.  2G),  Selon  saint  Jean,  ce  Verbe  était  la  vie 
el  la  lumière  de  tous  les  hommes  ;  il  n'a  ces- 
sé de  les  éilairer,  quoiqu'il  n'ait  pas  été 
CODuu  ;  il  a  toujours  clé  dans  le  inonde,  el  il 
y  est  venu  comme  dans  son  propre  domaine, 
quoiqu'on  n'ail  pas  voulu  îe  recevoir.  Il  n'est 
donc  pas  vrai  que  le  monde  ait  été  gouverné 
par  des  génies  subalternes,  par  des  esprits 
créés,  comme  le  préleiidaient  Cérinllie  el 
Carpocrale  ;  c'est  ce  même  Y erbe  qui  s'est 
fait  chair,  qui  a  Vi  eu  et  conversé  avec  les 
hommes,  el  c'est  le  Fils  unique  du  Père  ;  c'est 
lui-inéiMC  qui  nous  l'a  fait  connaître.  Il  est 
donc  faux  que  .'ésus  et  le  Chi  isl  soient  deux 
personnages  dilTcrcnls,  elc. 

Il  ne  parait  pas  que  la  secte  des  cérinthiens 
ail  subsisté  fort  louglemp;,  il  n'eu  est  plus 
question  depuis  Oriiièue;  probablement  elle 
se  fondit  dans  quelqu'une  des  autres  sectes 
du  1.'  siècle. 

Mosheim  {Hist.  clirist.,  séec.  i,  §  78,  et 
instit.  maj.,  ii"  part.,  c.  5,  §  Iti)  s'est  attache 


à  donner  un  plan  suivi  et  an  système  rni- 
sonné  des  erreurs  de  Cérintli»»  ;  in;iis  il  nous 
parait  faire  un  peu  trop  d'honneur  à  cet  hé- 
rcli(]ue  et  aux  autres  sectaires  du  ir  siècle, 
puisqu'il  est  prouvé  que  tous  étaient  très- 
Uiauvais  raisonneurs.  Il  ne  [leul  pas  se  per- 
suader que  Cérinthe  ait  firétendu  que  les  vo- 
luptés sensuelles  auriiienl  lieu  dans  le  règne 
de  Jesus-Christ  sur  la  terre,  pendant  mille 
ans.  Coiiimcnt  ce  docteur,  dil-il,  aurait-il  pu 
donner  dans  celle  idée  grossière,  lui  qni  ren- 
dait témoignage  de  la  sainielè  éminente,  et 
des  vertus  de  Jésus-Christ"?  Alais  outre  qu'il 
n'y  avait  aucune  absurdité  à  supposer  que 
Dieu  n'exigeait  pas  di's  justes  une  vie  aussi 
pure  el  aussi  sainte  que  celle  de  Jésus-Christ, 
une  simple  prohabilité  ne  suffit  pas  pour 
accuser  les  i'ères  d'avoir  voulu  rendre  Cé- 
rinihe odieux,  afin  de  détourner  les  fidèles 
de  l'erreur  des  millénaires  dont  il  élail  l'au- 
teur. Ce  soupçon  ne  s'accorde  guère  avec  la 
prélenlion  des  aulres  protestants,  qui  disent 
que  tous  les  l'ères  des  premiers  siècles  ont 
été  prévenus  de  celle  erreur. 

CliRTlTUDfc;.  Nous  laissons  aux  philoso- 
phes le  soin  de  (lislin:,Mier  les dilTérenîes  es- 
pèces <le  certitude,  <i\'i\  établir  les  règles,  de 
répondre  aux  objections  des  sceptiques  el 
des   pjrrhoniens  (1).  La  seule  question   qui 


(I)  Il  y  a  quelques  années,  une  nouvelle  école  de 
pliilosopliie  avaii  essayé  de  dDimcr  de  nouveaux  riiii- 
ilciiienis  à  la  cerliiiiiie  :  elle  avail  surtout  en  vue  les 
inlerèls  religieux.  O'.iprés  son  syslème.  la  iliéologie 
(levait  iiécessairenienl eue  ruinlee  sur  d'autres  base;,; 
les  arjiunieiils  devaient  pnicéJr  d'une  autre  sniiice 
el  èire  appuyés  uiiii|iieiiieiii  sur  le  si;hs  commun. 
L'auteur  des  iNiiles  de  l'édition  de  tîesançijn  (I8:2(i) 
avaii  en  soin  dans  toutes  les  occasions  de  surchar- 
ger le  Dictionnaire  de  bergier  di'  notes  puisées  dans 
les  livres  des  plus  grands  main  es  ne  la  nouvelle 
école.  Ce  système  de  ceiiilude  est  jugé  aujourd'liui 
el  rejeté  par  les  lioiumes  les  plus  sages.  Il  a  été  coii- 
d.iiniié  par  la  bulle  ipie  imus  avoiH  citée  dans  notre 
avcnissement.  Mgr  Doiiey,  dans  son  édilion  de  ber- 
gier, n'a  pas  entièrement  (luige  la  pieniièie  édiiiit» 
de  liesMiçon  'les  mauvais  prncipcs  qu'elle  renf.rine. 
Nous  allons  donner  sur  la  certitude  quelques  notions 
qui  nous  paraissent  plus  exactes. 

Nuire  laculle  de  ciiiinaiire,  dont  il  faut  avant  tout, 
conniie  «m  le  dénuintie  en  pliilosoplne,  admettre 
rmlailliliilité,  en  supposant  toutefois  ((u'elle  soildiri- 
gée  cenven.iblemenl,  a  à  sa  disposiiion  trois  moyens 
naturels  pour  s'appli(juer  à  la  reclieiclie  de  la  vérité; 
ce  sont  l'ubservaiion  dans  l'espace,  la  cnnleinplalion 
inleiiie  ou  le  raisoniirment ,  le  léiiioignage  des 
liomines.  Ces  trois  moyens  nous  mènent  à  la  con- 
naissance de  (rois  ordres  de  laits,  qui  sont  les  laits 
physiques  entendus  dans  tonte  la  généralité  du  ter- 
me, les  faits  psychnlogiques  ou  intellectuels,  et  les 
laits  historiques.  L'appréLiaiion  des  fait-i  de  chacun 
de  ces  trois  ordres  doit  avoir  lieu  selon  certaines 
iégle>,  qui  sont  la  garantie  nécessaire  de  la  cerli- 
tuUe. 

Outre  ces  moyens,  qui,  bien  appliqués,  conduisent 
à  la  ceriitiide  spéculative  et  n.Tturetle,  notre  faculté 
de  ciiiinaîiie  a  la  ressource  de  l'autorité,  (|ui  déter- 
mine nue  certitude  surnaiurelle  et  pratique,  laquelle 
est  ou  di'ginalique  ou  morale,  selon  qu'elle  a  pour 
ol)jet  la  croyance  ou  les  mœurs.  iNoiis  ne  pnuvons 
nous  occuper  de  certitude  siniiaturelte  avant  d'avoir 
établi  son  l'existence  de  l'auloriié,  qui  en  est  le 
fuudeinent,  soit  l'iiistitutiou  de^  moyens  employé» 


m  CER 

rrgnrde  directement  Tes  théolof;iens,  est  de 
SJivoir  si  les  règles  de  certitude  sont  appli- 
cables aux  f.iils  surnaUuels  comme  aux  .lu- 
t!os  ;  bi  nous  pouvons  élre  aubsi  certains  d'un 

parelle  pniirpnrvenir  à  ses  Tins.  Nous  ne  parlerons 
donc  iiiainleiiaiii  que  île  la  ctTiilihIe  iiaiiirclle. 

On  ailrnei  coiiiiiiunéineiil  irois  sorlc^  du  ctMlIliiile  : 
la  coriiiude  pliysiiiue,  la  ceriliinli;  iiiéia|)liysi(|ii(^  el 
la  ceniUiile  murale,  auxquelles  correspondeiil,  ilil- 
on,  dis  vérllés  de  trois  ordres  ,  c'esià  dite  des  véii- 
tés  pliysiiiiies,  des  vérilés  niéiapliysiques  el  des  vé- 
riiés  Mioiales.  Quiconque  a  lélléclii,  a  reconnu  sans 
grand  ffforl  que  les  niélapliysiciens  sonl  incoiisé- 
quenls  en  ce  qu'ils  altacheMl  aux  expressions  certi- 
tude morille ,  ordre  moral,  vérités  mondes,  des  sens 
Lifus  dillérenls.  Ils  eiilcinleni  nrdinaireinenl  par 
certitude  momie  celle  qui  osl  fondée  sur  le  lénioigua- 
ge  des  hommes,  lequel  a  [irincipaleuient  pour  objet 
la  coustaiatinn  de  faits  >enslbles.  appai  tcuaiil  par 
conséqueul  à  l'ordre  physique.  Ils  rangent  au  con- 
traire dans  Voidie  moral,  ilans  la  calégnrie  des  l'eri- 
tés  morales,  luul  ce  qui  e^icernela  ivgl.i  des  moeurs 
et  s'irt  nécessairenient  rie  l'ordre  pliybi(|ue.  On  voit 
en  ouire  qu'ils  conlondent  le  vrai  avec  le  bien,  la 
ceiiiiude  spécnlalivo  iiveila  cerlilude  pratique.  Il  ré- 
sulle  de  toutes  ces  incidicrciices  uneconlusiou  d'idées 
qui  ne  peut  amener  aucun  rét^uiial  logique.  Ëiicnre, 
qu'entend(!iil-ils  |iar  ceriilude  méUipliijsHjue ,  ordre 
tnélaphysique,  vérités  méluphijsuiues  ?  «  On  iiommo 
certitude  métaphysique,  dit  l'abbé  Para  du  l'hanjas 
{Philos,  lie  la  retig.,  preiii.  part.,  pieiii.  secuou, 
24),  celle  dont  l'ob.cl  a  une  imnmtabilité  absolue 
et  essentielle,  à  laquelle  il  est  impossible  qu'un  mi- 
rai le  même  déroge.  >  Cela  ne  caractérise  rien.  La 
loi  par  laquello  Dieu  veut  être  aimé  de  ses  créatures 
raisirnnables  u'a-l-elle  point  une  immulabililé  abso- 
lue ?  Ccpendaut  elle  appai lient  à  l'ordre  moral.  La 
loi  de  l'ordie,  qui  régit  le  monde  visible,  ne  ren- 
ire-ielle  pas  dans  l'ordre  physique  ?' Cependant 
elle  est  d'une  immutahiliié  absolue;  puisque  Dieu  ne 
pourrait  voulnir  le  désordre,  ou  créer  pour  une  au- 
tre liii  que  pour  sa  glo  le.  D'un  autre  côté,  combien 
d'assertions  seirntiliipies  ne  sunt  point  armées  de  cel- 
le immutubililé  absolue,  el  sonl  cependant  classées 
dans  Vordfe  métaptnjsiiiue  ?  Kl  même  nous  mettrons  à 
découvert  plus  tard  la  faiblesse  des  principaux  ar- 
guineiits  diis  métaphysiques.  Nous  le  répétons  donc  : 
la  cerlilude  métapliysique ,  l'ordre  métaphysique  ne 
carai  lérisent  rien.  Aussi  .M.  Cauchy,  un  des  pre- 
miers niaihcniaticiens  el  des  meilleurs  esprits  de  no- 
tre époque,  a-l-il  subslilué  Vordre  intetlecluel  à  l'or- 
dre méluphysifue  dans  sou  célèbre  Mémoire  sur  l'ac- 
cord des  ihéortes  malliémaliques  el  physiques  arec  la 
vériliible  philosophie  (Coinple-rendu,  séance  du  li 
juillet  184.";). 

Nous  avons  fondé  trois  ordres  de  vérités,  ou,  si 
l'on  aime  mieux,  trois  ordres  de  laits,  sur  nos  trois 
moyens  naturels  de  connaitre  :  sur  ces  trois  ordres 
nmis  établissons  trois  sortes  de  certitudes,  qui  sont 
la  certi  ude  seiisilile  ou  physique,  la  cerlilude  inlel- 
lectui  Ile  on  psycliologiijue,  el  la  certitude  icstiiiio- 
llialo  ou  historique.  Ueelierchuns  quelles  sont  les  re-.' 
gles  an  moyen  desquelles  on  peut  juger  que  les  l'ails 
uni  le  caiactcre  de  ta  icrlitiide. 

Cerlilude  physique.  Les  faits  physiques,  sont  coiis- 
lalés  lar  l'observalion  des  diverses  parties  du  mon- 
de visilde.  Dans  l'observation  directe,  qui  donne 
toujours  la  ccrliiinle,  il  est  queUpielois  nécessaire, 
soii  de  (aire  usage  de  plusieurs  sens  ei  des  iii.iileurg 
nialiuineiits,  son  de  leiterei  les  expériences.  Selon 
la  lé.^le  suivie  géneialeminl  p.ir  l'Académie  des 
iLieiice-,  un  fait  n'est  léji'ité  leilain  cl  acquis  il  lu 
jcience  que  quand  il  a  ctc  cei  tilio  par  des  sav.mts 
Jiilrcs  que  ceux  qui  les  premiers  en  oui  annoncé  la 
iéeuuveiie.  Dans  l'observaiiou  iudiiecio,  ou  u  la 


CER 


772 


miracle  que  noos  le  sommes  d'un  fail  natu- 
rel ,  si  les  mêmes  preuves,  (|ui  siifOsenl  pour 
nous  convaincre  de  l'un,  ne  sont  pas  suffi- 
saules  pour  nous  faire  croire  l'autre. 

certitude  qu'on  se  base  snr  une  analogie  réelle,  ou 
sur  des  ressemlilauces  b  en  constatées,  dont  on  dé- 
duit des  conséiinences  rigoureuses.  .4  pins  l'orie  rai- 
son a-t-on  la  certitude,  ipiaiid  l'analogie  est  f'iiidéô 
sur  ridenliié  de  causes  ou  d'ell'eis,  c'est-à-dire,  et» 
dernière  analyse,  sur  la  constance  des  lois  de  la 
nature. 

Voyons  comment,  en  bonne  physique,  nous  devons 
entendre  cette  conslaice  des  lois  de  la  nature.  La 
seule  propriété  qui  soit  ess.'tttielle  à  la  inalière,  ou 
au  point  matériel,  à  l'atome,  c'est  l'inertie,  qui  la 
rend  inc.ipable  par  elle-niêiiie  de  changer  son  état 
de  repos  on  de  inouvenienl.  Tour  changer  cel  état, 
pour  imprimer  il  un  point  maléiiel  une  vitesse  qu'il 
n'.ivaii  pas,  ou  pour  modtller,  soit  eu  grandeur,  soit 
en  direction  la  vitesse  acquise,  il  faut  appliquer  unâ 
force  au  point  dont  il  s'agit.  M. lis  la  force  appliq  léc 
au  point  matériel  aurait  pu  ne  pas  l'ètie  ;  dans  ce 
cas  il  aurait  été  abandcumé  à  Sun  iiieiiie.  Aussi,  dans 
le  bel  ouvrage  qui  a  pour  litie  l'hilosophiiu  uauralis 
frincipia  mulhemalicu (Ltlt.  Milieyulœ  piv.losopliamii), 
Nevvioii  a-l-il  dil  expres'énienl  :  Grariialem  corpori- 
bus  csienlialem  esse  minime  ajfumo,  je  n'allirme  iiul- 
lemeiit  que  la  giavAalion  soit  essentielle  aux  corps. 
Si  les  Cl  rps  sont  doués  de  niouvemeiil,  s'ils  sont  as- 
sujettis à  des  lois  constantes,  coinine  il  n'y  a  point 
d'elltfi  sans  cause,  il  laul  en  conclure  qu'ils  oljéissent 
à  une  force  impulsive  et  directrice  qui  est  ratiribiit 
d'un  être  immatériel.  Il  nous  est  inuiile  pour  le  pré- 
sent de  rechercher  où  rtside  la  cause  première  de 
celle  force,  il  nous  suijii  de  constater  que  ce  n'est 
point  eu  rhoinme.  La  gravitation  universelle,  la  pe- 
santeur des  corps  à  la  surtace  de  la  terre,  les  forces 
électriques  et  m.ignéliques,  les  actions  el  réactions 
nioléeulaires  sonl  des  lorces  physiques  permaneiiles, 
qui  substsienlsans  nous  et  même  malgré  nous,  que 
nous  pouvons  quelquefois  mettre  en  oeuvre,  on  op- 
piiser  les  unes  aux  autres,  mais  qui  sont  indépeii- 
daiites  de  notre  volonté.  11  en  esi  de  même  à  pius 
forte  raison  de  la  force  vitale,  dont  sont  doués  tous 
les  êtres  org.misés,  el  de  la  force  non  inniiis  mysté- 
rieuse de  rnislinci  chez  les  animaux,  chez  l'iiumnie 
lui'inéme.  Mais  si  l'éire  essenliellemeiit  iiumalériel, 
et  évidemnienl  supérieur  il  tons  ceux  que  nous  pou- 
vons observer,  suspendait  ou  mudiliait  d'une  maniè- 
re quelconque,  el  par  rapport  à  un  êire  qiieleonipie, 
raclion  do  sa  bnce,  qui  n'est  que  l'expiessiou  de  sa 
volonté,  il  en  lésullerait  néeessairemenl  un  déran- 
gement, une  aiiumalie  plus  au  inoais  considérable 
dans  l'applicaiton  des  lois  générales  de  la  nature.  H 
s'ensuit  donc  que  1.1  constance  de  Ces  lois  n'a  lieii 
d'atjsolu,  et  qu'elle  est  sous  la  depeiulance  de  la  vo- 
lonté d'un  eue  iminaléiiel  quelconque,  supérieur  it 
l'homme  iui-meme.  l'ar  coiiséquiMil,  U  ceniiiuiu 
pliy-ique,  même  iondee  sur  les  faits  les  plus  gené- 
ran\  el  les  plus  seiisilde-,  est  puremenl  livpotiicli- 
<j  :e  ,  el  loate  alliriiiaiion  dans  l'ordre  physiipie  e<t 
Mibjidonnce  il  celle  Condition:  posilis  nulurœ  leyi- 
f«s,  supposé  que  les  lois  ordin.iires  de  la  nauiie 
aient  leur  cours.  Lu  voila  auiaiii  qu'il  en  faut,  je 
pense,  pour  iieiiio.itier  seicniiliqueineiU,  et  u'uiC 
iiianiere  rigoureuse,  la  possibilité  des  mir.icies  d.ins 
l'ordre  piiysi  jue  :  c'est  le  bui  que  je  m'elais  (uo- 
posé. 

Certitude  intellectuelle  ou  psychologique.  Les  laits 
psyclioiogi(|ues  sont  tous  acquis,  i|uonpie  de  d, ver- 
se, n  anicres,  dont  nous  n'avons  point  n  -nous  occu- 
per. De-c.iiies,  lui-même,  rcpiiiê  le  (lère  des  Idées 
m.  es,  a  avoué  que  la  seule  l.iculie  d'en  acquérir 
est  innée.  Voici  cumineiit  il  .s'explique  au  sujet  de 
l'idée  de  Dieu  :  (  Quand  j'ai  dil  que  l'idée  de  *>'«•< 


775 


CER 


CER 


774 


Malgré  la  multitude  des  sophismes  par 
les(iii('ls  les  incrédules  ont  emiirouillé  celle 
(]upsti<in,  il  nous  paraît  cvidenl,  t°(|uo,  par 
le  scnliinent  iuléricur,  un  liomiuc  sunsc  peut 

est  naturellement  en  nous,  je  n'ai  jamais  entendu.... 
sinim  ijue  U  iv.nare  a  mis  en  nous  une  l'acuité  par 
iacjurlje  nous  puuvons  roniiailre  Dieu  ;  mais  jiiiials 
je  n'ai  écrit  ni  pensé  (|iic  toiles  iilées  fussont  aclnel- 
les,  e(c.  )  (ToMi.  I,  Leii.  xcix).  Les  préieiidiies  Idées 
innées  de  certains  pliilosniilies  sont  mul  siin|>loniont 
des  notions  lévéléus  (pi'ils  ont  |iniâéi:s  au  sein  de  |a 
Sociélé  clnéiienne,  cl  dont  ils  ne  peuvent  se  rendre 
oinnple  par  leur»:  nioyi'ns  nalnrels.  L'incréilulilé  nu 
le  di  l'aul  do  logicpio  peui  seul  engendrer  des  idées 
innées.  Nous  avons  toujours  la  ceriilude  suijeciive 
de  nos  pi'nsées,  alteuiln  que  notre  ànie  ne  peut  pas 
{jIus  douter  de  Si'S  modllici lions  (pie  du  sa  proiire 
existence.  Quanta  la  certitude  objective,  elle  existe 
partout  oii  se  trouve  revideuce,  cuuiniedans  les  axiô- 
uies,  li's  propusitiiuis  matliéuiati(|ues,  les  rigoureu- 
ses déductions  lo;4ii]ues  hasées  sur  des  prémisses 
certaines,  lt;s  induciioiis  légii mes  de  vérités  Idea 
reconnues.  En  résumé,  on  a  la  certitude  objociiva 
dans  l'ordre  Intellectuel  tontes  les  luis  (|ue  r«ii  puut 
applii|uer  la  régie  inlaillilito  du  principe  d'ideniiié: 
Le  qui  est,  est  ;  ou  celle  du  principe  deconiradiclion, 
qui  en  est  un  corollaire:  Le  inémc  objet  ne  peut  tout  à 
/«  (ois  être  el  n'être  pus.  Dans  cet  ordre  de  faits,  l'a- 
naloj-ie  n'engendre,  la  pinpai  t  du  temps,  qu'uin;  pro- 
babilité plus  on  moins  grande:  il  en  est  de  méinu  de 
rindutlion.  (Jonnue  loiile  science  de  raisonncuient 
est  basée  sur  l'abstraction,  il  iniporie  de  généraliser 
sur  des  rapports  bien  établis,  et  de  vérifier  riianno. 
nie  des  diverses  parties  d'un  tout  au  moyen  de  la 
synthèse. 

L'iiomine  aime  la  scii:iice,  non-seulement  pour  sa 
propre  satisfaction,  mais  pour  la  couiinuniquer  à  ses 
semblables  ;  et  c'est  une  vérité  do  l'ordre  psycholo- 
gique fondée  incontesiablemoiit  sur  l'expérience  de 
Ions  les  siècles,  (|n'il  éprouve  le  besoin  do  laire  part 
de  tout  ce  qu'il  a  appris  soit  par  lui-même,  soit  par 
autrui,  surtout  s'il  le  Irouvo  extraordinaiie.  C'est 
qu'i/  y  a  dans  la  vcyilc  évidemment  connue,  dit  Para 
(Ju  l'Iiaujas  (l'Uilos.  de  ta  relig.,  i'^'  part.,  sect. 
1",  2(i),  une  force  qui  nous  incline  à  lui  accorder 
notre  sujfruge  ;  el  que  nous  ne  trahissons  la  vérité 
connue,  en  juueur  du  meiisoKje,  que  quand  notre  àme 
est  dominée  par  quelque  pas-ion  dcréjlée.  Il  s'ensuit 
qu'en  général  nous  pouvons  accroître  notre  science 
à  l'aide  des  cunsiaissanccs  de  nos  semblables.  Mais, 
dans  l'ordre  |isycboloKi(iue,  ce  moyen  do  connaître, 
con-'iiéré  en  lui-niéine,  ne  peut  induire  i|u'à  une 
certaine  probabilité  ;  à  moins  ipio  les  laits  intellec- 
tuels enseignés  ne  soient  de  nature  à  devenir  évidents 
pour  tout  le  monde,  coinine  sont,  par  exemple,  des 
découvertes  en  ni:illiéinaliipies. 

Les  connaissances  de  l'bomme,  quoique  pouvant 
s'étendre  Ircs-loin,  ont  cependant  leurs  limites.  U 
peut  prédire  les  positions  des  aslies  plusieurs  mil- 
liers d'années  d'av.nice  ;  m  lis  il  no  lui  est  point  d  >n- 
në  de  prévoir  dos  elTets  qui  n'ont  aucune  connexion 
avec  des  causes  déjà  existantes  et  connues.  Ainsi,  il 
ne  peut  naiurellenient  connaître  d'avance  les  futurs 
contingents,  le^quels  dépendent  d'une  volonté  libre  , 
à  laipielle  il  ne  laul  ipi'uii  instani  pour  se  délerini- 
ner  à  la  production  de  tel  ou  tel  acte.  Ue  méaie,  il 
ne  peut  natiirellenienl  réirogiader  dans  le  pa-sé, 
pour  y  voir  des  événciuenls  qui  dépendaient  d'une 
volonté  libre,  et  qui  n'ont  aucune  liaison  rigoureuse 
avec  des  pliéuuméncs  actuellenient  constatables. 
Dans  le  présent  mêiiie,  il  ne  lui  est  ordinairement 
point  donné  d'observer  à  distance  en  dehors  des 
limites  naturelles  de  l'action  de  ses  sens.  A  plus 
forte  raison  les  pensées  et  les  sentiments  purement 
internes  de  ses  semblables  lui  sont-ils  tout  à  fait 


être  métaphysiqiiement  certain  d'an  miracle 
opéré  sur  lui-même,  en  avoir  .lulani  dti  cer- 
titude que  de  sa  propre  existence.  Le  para- 
lytique de  tieule-huil  ans,  guéri  par  Jésus- 
étrangers  dans  son  état  normal.  Mais  nous  avons 
dit,  en  traitant  de  la  certitude  pbysi(pio,  que  la  iiiaiié- 
re,  ess.nti.lieinenl  inerte,  ne  peut  tenir  ipie  d'un  être 
iiuinatériel,  supérieur  .i  l'Iiomme,  les  diverses  forces 
diMil  elle  est  douée  ;  d'où  il  suit  qu'un  tel  êire  dis- 
pos(!  la  matière  selon  sa  volonté.  Cela  posé,  un  être 
iiiiinatériel  qui  aurait  détonniné  dans  le  passé,  ou 
qui  déterminerait  diiis  le  présent,  ou  qui  se  propose- 
rait de  déterminer  dans  l'avenir  certaines  combinai- 
sons de  mou\eineiits  qui  donnassent  lien  :i  des  plié- 
noiiièues  quelconques,  ne  ponrait-il  pas  eti  instruire 
nn  ou  plusieurs  hommes?  N'a-t-il  pas,  pnir  obtenir 
ceii(!  (In,  plusieurs  moyens  à  sa  disposiiinn  ?  D'a- 
boid  II  lui  est  facile,  au  moyen  de  déplacements, 
d'ai  rangeinents  et  de  simples  inouvenienls  de  mo- 
lécules matérielles,  d'agir  sur  les  organes  des 
sens,  de  (aire  voir  et  entendre  ce  qu'il  veut",  et  même 
de  modilier  tout  siinplement  les  nerfs  optiques  ou 
acoiistitpies  co.nme  ils  le  seiaient  pour  la  vue  de 
Ceriains  objets  ou  par  l'aiidilioii  de  certains  sous. 
Ensuite,  ne  peut-il  pas  coinnuiniqner  directement 
avec  l'ànie  liumaine  ?  L'Iioinine  a  aussi  à  sa  disposi- 
tion certaines  forces  qu'il  dirige  .i  scm  gré,  ce  qui 
prouve  qu'il  y  a  en  lui  un  être  de  inéiiie  nature  que 
celui  ou  ceux  qui  produisent  des  résultats  analogues, 
indépendants  de  sa  volonté.  Ur,  iptelle  ré|iu^iiaiice 
y  a-t-il  à  ce  que  des  êtres  actifs  communiquent  di- 
rectement entre  eux?  De  plus,  il  est  certain  que  les 
force*  de  l'Iiomine  ne  sont  que  des  forces  communi- 
quées, puisqu'il  y  en  a  eu   lui  qui   sont  absol ent 

indépendantes  de  sa  volonté,  et  que  celles  dont  il 
peut  disposer  s'alfaiblissent  et  se  perdent.  Mais  com- 
ment niercpie  l'être  immatériel  qui  lui  prête  lemporai- 
remenl  des  forces,  puisse  communiquer  directement 
avec  lui?  Pourquoi  ne  pourrait-il  pas  aussi  coinmuni- 
qner  successivement  et  même  simultanément  avec  plu- 
sieurs àines  liuniaines,  et  faire  connaitie  aux  unes  les 
modilications  des  autres  ?  De  tout  cela  nous  sommes 
en  droit  de  conclure  rigoureusement  que  riioinme 
peut  être  instruit  extraurdinairemeiil  de  choses  qu'il 
ne  lui  est  pas  ordinairement  donné  de  connaître,  et 
que,  par  conséquent,  le  miracle  est  possible  dans 
l'ordre  psychologique,  et  dans  beaucoup  de  ras  au 
niêiiie  litre  qu'il  l'est  dans  l'ordre  physique.  D'après 
ces  données,  on  conçoit  liês-bien  qu'il  puis>e  exister 
des  prophètes,  révélateurs  du  passé,  iiu  présent  et 
de  l'avenir,  et  qu'un  miracle  a  la  iiiénie  valeur  dans 
le  sysiéme  de  lloutteville  que  dans  le  sentiment  com- 
mun :  seulement,  il  e^t  de  l'ordre  psychologique,  au 
lieu  d'être  de  i'oidre  physique.  Les  niélaphysiciens 
rapportent  ordinaiienieni  à  l'ordre  moral  les  mira- 
cle^ de  l'ordie  psycho'iigique,  ipii  ont  pour  objet  l'il- 
luiiiiiulion  extr.iordinaire  de  rinielligeme;  c'est  peu 
ratuinnel.  Poumons,  nous  no  reconn  lissons  de  mira- 
cles dans  l'ordre  moral  que  ceux  qui  ont  pour  lésul- 
tat  des  effets  extraordinaires  delà  grâce,  coiiime  par 
exemple  la  déterminaiiou  siiluie  au  bien  d'une  vo- 
lonté longtemps  rebelle  au  devoir.  Mais,  connue  nous 
l'.ivous  déjà  dit,  l'ordre  moral  sort  de  celui  des  véri- 
tés connues  naturellement,  et  nous  n'avons  point  en- 
core acquis  !e  droit  d'en  iiaiier. 

L'exi.-ience  de  lafnrce,  et  surtout  celle  de  la  force 
vitile,  déiiioiure  incontestablement  l'existence  d'un 
ou  de  plusieurs  êtres  luimatériels.  Nous  avons  vu 
aussi  que  ces  êtres  peuvent  coniimiinqner,  même 
directement,  avec  les  êtres  immatériels  hoinains,  el 
leur  faire  connaitro  des  événenienis  soit  passés,  soit 
présents,  soit  luturs.  Ces  mêmes  êtres,  (pii  counnii- 
niquenl  aux  hommes  la  vie-  et  la  f  uce,  et  qui,  par 
consei|ueni,  doivent  connaître  les  relations  my^ié- 
Tieuses  des  êtres  immatériels  avec  les  matériels,  pe> 


•/75 


CER 


CER 


770 


Clirist,  avait  cette  certitude  métaphysique  de 
riinpiiissance  dans  laquelle  il  avait  été  de 
marcher  et  de  se  mouvoir,  du  pouvoir  qu'il 
en  avait  reçu  de  Jésus-Christ,  et  dont  il  fai- 

ço'ivenl  aussi  indiibiiablemeiii,  soit  dans  leur  être 
propre,  soit  dans  «l'aiilies,  des  rapimils  inionnus 
aux  élres  qui  leur  sont  iulérieurs.  Ainsi,  l'on  tongoit 
iiu'ils  puissent  insiruire  l'Iiouinie  de  bien  des  choses 
qui  existent  en  dehors  île  sa  S|ilière,  et  qu'il  ne  coni- 
preinie  pas,  famé  de  moyens  termes,  qu'il  ne  saurait 
irouver  dans  l'ordre  de  ses  pr<ipres  connaissances. 
On  diiil  conclure  de  là  qu'il  peut  y  avoir  des  mystè- 
res pour  l'Iiomnie  dans  l'onlre  psycbolugique,  coni- 
Dîe  il  y  en  a  dans  l'ordre  pliysigiie. 

Certitude  teslimouiale  ou  lihlonque.  Tous  les  faits 
constalables  par  le  témoignage  des  hommes  sont  de 
l'ordre  liiatorique.  Considérés  sous  le  rapport  de 
leur  origine,  c'est-à-dire  dans  le  temps  niénie  où  ils 
ont  élé  constatés,  il  soiil  néces-airement  pliyslipies 
ou  (.sycliologiqucs.  Avant  de  faire  coimaitre  les  con- 
diiions  paiiiculiéces  dont  doivent  être  revêtus  les 
faits  bisinriques  de  diverses  soi  tes  pour  être  admis 
avec  certitude,  nous  posons  eu  principe  général  (jue 
tous,  sans  exception,  doivent  être  jugés  possibles 
avant  d'éire  crus  (a).  Il  est  dillicile  de  concevoir  eu 
effet  que  l'on  croie  des  pliénoniènes  sensililes  ou  des 
inanilesiaiionsde  rappori»  que  l'on  regarderait  com- 
me impossibles.  Cependant,  le  motif  de  notre  croyan- 
ce ne  peut  être  la  |iossi bible  des  faiis,  l.npielle  n'est 
qu'une  noie  iiég.ilive  de  leur  vérité.  Il  fani  de  plus, 
pour  df.iermiiier  notre  assentiment,  que  la  réalité  eu 
soit  convcn.ibiement  cnnsialée.  Nous  avons  démon- 
tré .scienliliqueuient  et  rigoureusement  la  possibilité 
soit  des  miracles,  tant  ne  l'ordre  idiysiiiue  qi  e  de 
l'ordre  psyclioiogiiiue,  soii  des  mystères  eux-ujêmes. 
Quand  donc  des  faits  (|uel(0nques  seront  établis  sur 
des  lémoignages  juges  sullisants  par  des  esprits 
sages,  et  d'un  tar.iciére  tel  que  leur  récusaiinn  con- 
sacieiait  le  pyirlioniMi.e  bistonque,  on  ne  sera  pas 
en  droit  d'opposeï  à  leur  cré  iibililé  leur  qualité 
soit  de  miraculeux,  soit  de  mystérieux.  U'auiinl 
plus  que  les  lails  de  celle  sorte  ii'oul  pas  besoin, 
pour  étie  incunlesables,  d'èlre  prouvés  par  d'.iiilres 
moyens  que  pir  les  moyens  oriliiiiiires.  En  ellei,  les 
laits  iiiiraculenx,  couiino  par  exemple  la  resurrec- 
lion  d'un  mort,  li  g  lérison  d'un  malade  ,  no  sont 
jugés  lels  [i.ir  ceux  qui  les  observent  qu'en  vertu 
(l'une  induction  :  ils  voient  le  même  individu  dans 
J'élal  d  •  moit  ou  lie  maadie,  poi^  un  instanl  ai.rés 
dans  l'état  de  vie  ou  de  saolé  ;  et  de  la  prouiple  suc- 
cession de  ces  deux  élats,  consiatables  |iar  les 
moyens  ordinaires  de  connailie,  ils  concluent  qu'il 
y  a  eu  résurrection  ou  guéiison  inlraeuleuse.  Il  est 
clair,  d'après  les  données,  que  des  témoignai;es  bu- 
mains  ordinaires  pourront  garantir  la  certitude  de 
toutes  sories  de  l.iits. 

'loutelois,  il  y  a  celle  diHerence  entre  la  consia- 
laliun  faim  par  Ous  témoins  contemporains,  des  laiis 
pbysiques,  et  celle  des  l;iits  psyciiulogiques,  que  les 
premiers  sont  repmés  vrais  sur  la  fui  du  simple  té- 
moignage, tandis  (|uc  les  seconds  sont  seulement  rap- 
purlé-)  avec  cei  litude  à  leurs  véritables  ailleurs,  sans 
aucune  garanlic  de  leur  vcriié.  Si  ces  aineurs  rela- 
tent des  lails  psyeUilogiiiues  auxipiels  ils  doiin<  nt 
l'auiuriié  diMoe,  il  laul,  pour  être  crus,  ou  qu'ils 
rapporiciit  à  l'..ppiii  de  leurs  dociiiues  des  miracles 
divins  ccmveiialilenieni  alieslés,  ou  qu'ils  en  U|it;rent 
eux-méinvs  devant  des  léinoiiis.  Kn  tout  CdS,  il  tant 
que  le  téinoigiiai;e  bisioriqiie  nous  ollre  ces  garanties 
Ue  l'origine  divine  des  l.nis   psychologiques  c  onmii- 

(o)  S'il  s'a^'il  des  iKils  rapportés  daus  les  iiioiiuiiieiils  sur 
lastjuels  la  religion  clinlieiiiie  csi  londee.  il  csl  clair  (pio 
nous  u'cxigeuiis  la  ri.'eoiiiialss.nce  préalable  >Je  la  po^>s.- 
bilité,  que  des  pbilosupbis qui  veuleui suivre  une  iiiéibode 
raliuiiuelle  pour  éublir  leur  crujauce. 


Bait  actuellement  usage,  du  passage  subit 
qu'il  avait  fait  du  premier  de  ces  états  au  se- 
cond, sans  remèdes,  sans  préparatifs,  sans  y 
avoir  contribué  lui-même  en  rien  :  ici  l'illu- 
sion ne  peut  avoir  lieu.  Que  ce  passage  ou 
ce  changement  fût  surnaturel  el  miraculeux, 
c'est  une  conséquence  évidente  qu'il  pouvait 
tirer,  sans  craindre  d'y  être  trompé;  il  n'est 


niques ,  pour  que  l'autorité  en  soit  inconieslable. 
Ainsi,  en  dernière  analyse,  le  ténndgiiage  bistonque 
transmis  porte  iinmé  lialeinent  sur  des  f.iits  physi- 
ques et  médiaiemeni  seulement  sur  des  laits  psy- 
cbol  gique^. 

Il  importe  surtout  d'examiner  si  les  fails  leslimo- 
niaiix  ou  de  l'ordre  historique  sont  suscepiibles  de 
cerlituile,  ei  dans  quels  cas  on  peut  y  ajouler  foi 
sans  craindre  de  se  tromper.  Les  laits  qui  sont  l'ob- 
jet du  lémoigiiage  des  liommes  sont  de  deux  sortes 
si  on  les  considère  sons  le  rapport  du  lemps  :  les 
uns  sont  contemporains,  et  le^  autres  passés.  Coin- 
ine  ces  sortes  de  faits  sont  essentiellement  basés  sur 
la  liberté  liumaine,  mobile  de  sa  nature  et  incoiis- 
t.iiite,  ils  ne  portent  pas  sur  un  fonds  aussi  solide 
que  ceux  des  ordres  pbysique  et  psychologique,  qui 
reposent  immédiatement  sur  l.i  conscience  ou  faculté 
deconiiaîire.  Aussi,  n'engendrent-ils  le  plus  souvent 
qu'une  probabilité  plus  ou  moins  grande,  motivée 
tant  sur  noire  propre  expérience  que  sur  la  miméie 
d'a|;ir  de  ikis  semblables.  Celte  probabiliié  suffit 
dans  l'usage  de  la  vie  ei  dans  le  cours  des  affaires 
de  la  sociéié  ;  aussi,  le  calcul  des  probabilités,  qui 
touelic  à  presque  toutes  nos  connaissances,  en  est 
le  supiilément  nécessaire  dans  une  multitude  d'oc- 
casions. 

Cependant,  il  est  des  cas  dans  lesquels  tout  hom- 
me qui  réUécliit  sent  le  besoin  d'avoir  la  ceriilmle 
dans  l'onire  liistorii|ue  ;  c'est  surtout  quand  il  s'agit 
de  croyances  religieuses,  que  l'on  dil  être  fondées 
sur  le  témoignage  des  liomnies.  Il  faut  alors,  pour 
adliérer  prudemment  à  telle  ou  telle  religion,  don- 
née p;ir  ses  seciaU-urs  comme  l'expression  de  la  vo- 
limté  divine,  que  l'iiomiue  ait  des  molifs  suflisants 
de  croire  à  la  vérité  du  témoignaije.  Nous  sav  wis 
par  expérience,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  en  trailanl 
de  la  cerliiude  psychologique,  que  riiomme,  par 
amour  pour  la  vériié,  aiuie  à  commimiquer  à  ses 
semblables  tout  ce  qu'il  sait,  et  qu'il  ne  inampie  pas 
de  te  l.iire,  surtout  quand  la  cliose  est  extr.iuidinai- 
re  et  impurlaiiie,  lorsqu'aiicune  passion  ne  le  domi- 
ne assez  pour  le  porter  au  mensonge.  Si  donc  un 
témoignage  est  revêtu  de  conditions  telles,  ()ue  les 
contemporains  qui  l'ont  rendu  n'aient  pu  être  trompés 
dans  l'appiéi'iation  des  faits  qui  en  sont  l'objet,  et 
ne  puissent  être  supposés  avoir  voulu  tromper  leurs 
.scoiblables.  on  doit  prmleiiime;it  y  ajouler  fui,  sous 
peine  île  n'admettre  jamais  (|Ue  ce  que  l'on  sent  ou 
perçoit  soi  niémc,  ce  (|ui  serait  le  comble  du  riili- 
cule,  et  auéaniirait  tout  ordre  soeial.  Or,  il  est  des 
lé:iioigiiages  levélus  de  condilioiis  qui  offrent  celé 
garantie  sufli^antc. 

Ces  coud. fions  soni,  suivant  Para  du  Plianjas(P/ii/. 
dt  ta  icliij  ,  i"  part.,  sect.  1"=,  ii/i,  t"  nu  iioiii- 
bie  sullisjiitde  lemoiiis  ;  i''  la  giavilé  des  lêinoins  ; 
5"  leur  droiure  bien  reconnue  ;  i"  la  cuiisiance  et 
la  persévérance  dans  les  Icinoign.iges  ;  5"  l'.iccord 
et  ruiiaoïinite  morale  dans  les  niâmes  téinu  gingcs  ; 
(i"  la  p  ssilnlilé  (nous  l'avons,  comme  on  sait,  exi- 
gée avaiil  tout)  et  la  sensibilité  dans  l'objet  des  té- 
moignages. L'ab  é  de  l'r^ides  (linrycl.  métli.,  Ml. 
Ueriiiiidc)  veut  (jue  les  lémoins  soient  opposés  île 
passicms  et  d'inicréls  :  celle  condition  dmiiie  au  té- 
moignage un  nouveau  degré  de  lerce,  mais  die  n'est 
point  nécessaire  pour  constituer  la  certitude  bisto- 
riquc 


777 


CER 


CF.n 


77S 


pas  nécessaire  d'être  philosophe,  médecin  Oa 
naturaliste,  pour  lesenlir. 

Oi\  aura  beau  dire  qu'il    y  a  des  rôves  d'i- 
niagination  qui    font  sur  nous  la  tnême  im- 
pression que  les   lails  réels;  que  plusieurs 
personnes  saines  se  sont  crues  inal.iiles,  que 
plusieurs  malades  se eroient guéris  sans  l'être: 
il  n'est  arrivé  à    personne  de  rêver  pendant 
trente-huit  ans  qu'il  était  paralyii(;ui',  ou  de 
croire  qu'il  inarcliail  pendant  (^u'il  ctail  dans 
l'impuissance  de  se  niouvuir.  linlreprendra- 
t-on  de  nous    prouver  que  jamais  nous  ne 
sommes  absolument  certains  si  nous  sommes 
sains  ou  malades,  impotents  ou    valides? — 
2°  Ceux  qui  avaient  vu  ce  paralytique  pen- 
dant trente-huit  ans,  qui   avaient  aidé  à   le 
poiler  et  à  le. mouvoir,  qui  le  voyaient  mar- 
dur  et  emporter  son  grabat,  étaient,  par  le 
témoi{;nage  de  leurs  sens,  phi/siqv.emcnt  cer- 
tains de  ces  mêmes  faits.  L'illusion  ne  pou- 
vait pas  plus  avoir  lieu   pour  eux  que  pour 
le  malade  même.  Un  homme  ne  peut  trom- 
per lous  les  yeux,  pendant  trente-huit    ans, 
par  une  paralysie  fein(e;  les  yeux  d'une  mul- 
titude d  hommes  ne  peuvent  être  f.iscinés  au 
point  de  leur  faire  croire  qu'un  homme  mar- 
che et  agit  pendant  qu'il  est  iininobilc,  ou  de 
leur   f.iite   prendre  à  lous,    pour  un    même 
homme,  deux  hommes  différents.  Où  en  se- 
rions-nous ?  la  société  pourrail-elle  subsis- 
ter, si  le  témoignage  de  nos  yeux,  sur  des 
faits  aussi  «(talpables,   n'était  pas  pliysi(|ue- 
mcnl  certain,  et  pouvait  nous  induire  en  er- 
reur? —  On  peut  nous  étonner  un  moment  par 
des  dissertations   sur  les  artifiees  des  four- 
bes, sur  les    prestiges  des  jongleurs,   sur  la 
ressemblance  des    visages,  etc.  Sans  aucun 
effort  de  logique,  nous  sentons  que  les  pres- 
tiges ne   peuvent  nous  en    imposer  au  point 
de  nous  rendre  incertains  si  un  liomme,  avec 
lequel  nous  vivons  haliituellement,  est  tou- 
jours lui-même  et    non    un  autre.— Ces  té- 
moins 01  ulaires  étaient  donc  certains  du  mi- 
racle, par  le  même  raisonnement  évident  que 
faisait     le   paralytique.  —  3*   Le  témoignage 
réuni  de  cette  multitude  de  témoins  oculai- 
res donnait  à  ceux   qui   n'aviiienl   pas   vu  le 
mirai  le  ni  le  paralytique  une  certitude  mo- 
rale complète  de  ces  mêmes   faits.    Ils   sen- 
taient  qu'un  grand  nomtire  de  témoins,  qui 
n'avaient  aucune  part   ni  aucun  intérêt  à  ce 
miracle,  ne  pouvaient  avoir  forme  entre  eus 
le  complot    de   tromper  leurs   concitoyens, 
pour  le  seul   plaisir  de  mentir;  que   tou>  ne 
pouvaient  avoir  eu  les  yeux  fascinés  et  l'es- 
prit saisi   du  même  délire;  que  la  simplicité, 
l'uniformité,  la   constance  de  leur    témoi- 
gnage  était   une  preuve    irrécu-alile  contre 
iaiiuelle  le  pyrrhonisme  se  trouvait  désarmé. 
— Si    la    déposition  des   témoins  oculaires  a 
donné  aux  contemporains  une  certitude  mo- 
rale du   miracle,  ce  même  témoignage,   mis 
par  écrit  sous  les   yeux  des  contemporain^  et 
transmis  aux  générations  suivantes,  par  une 
histoire   qui  a    toujours   été  lue,   connue  et 
regardée  comme  incontestable  ,  nous  donne 
du  fait  la  même  certitude  que  nous  .nous  de 
tous  les  autres  faits  [lasses,  soit  naturels,  soit 
surnaturels.  —  Il  serait  absurde  de  soutenir 

DlCT.  DE  Tni  (JL.  DOGMATIQUE.  1. 


qu'un  fait  métaphysiquement  certain  pour 
celui  qui  l'éprouve,  physiqu- ment  cerlain 
pour  ceux  ((ui  le  voient,  moralement  certain 
pour  ceux  qui  le  lienucrnt  il.  s  témoin,  ocu- 
laires, ne  peut  pas  l'être  pour  l«^s  générations 
suivantes;  le  surnaturel  du  fait  ne  jieiK  pus 
plus  influer  sur  la  narration  des  historiens, 
que  sur  les  yeux  de  ceux  (|ui  voient,  el  sur  le 
sentiment  intérieur  île  celui  qui  éprouve. 

C'evt  cepenilant  la  thèse  qui  a  été  soute- 
nue de  nos  jours  avec  toute  la  gravité  et  toute 
la  philosophie  possildes.  On  a  écrit  ei  repé- 
té plus  d'une  lois  qu'en  fait  de  miracles  au- 
cun témoignage  n'est  admissible  ;  que  l'a- 
mour du  merveilleux  ,  la  vanité  d'avoir  vu 
un  I  rodige  et  de  pouvoir  le  raeouler,  le  fana- 
tisme (le  religion,  la  cièduliié  du  peupli;  en 
ce  genre,  rendent  toute  alteslalion  suspecte; 
que,  dès  qu'il  s'agit  de  religion,  l'on  ne  peut 
plus  compter  sur  la  sincériié,  le  discerne- 
ment, le  bon  sens  d'aucun  témoin.  CVst 
comme  si  l'on  avait  dit  que  personne  n'est 
croyable  dans  l'univers,  excepté  les  allées 
et  les  incrédules.  —  Par  la  même  raison,  il 
aur.iit  encore  l'.illu  soutenir  qu'à  l'égard  d'un 
fait  surnaturel  lous  les  sens  nous  trompent, 
et  que  le  sentiment  intérieur  est  fautif;  que 
quand  un  homme  aiirait  éprouvé  sur  lui- 
même  un  miracle,  il  ne  pourrait  le  savoir 
ni  en  être  cerlain.  C'est  dommage  que  l'on 
n'ait  pas  encore  pous^-é  la  ptiilosopbie  jus- 
que-là.— Les  théologiens  ont  répomiu,  nue  si 
les  hommes  étaient  tels  que  les  incrédules 
le  prétendent,  il  serait  fort  surprenant  que 
l'on  ne  vît  pas  éclore  tous  les  jours  de  nou- 
veaux miracles;  la  v.iiuté  et  l.i  fourberie 
dans  les  uns,  la  crédulité  et  l'enthousiasme 
dans  les  autres,  ne  manqueraient  pas  de  les 
accréditer,  cependant  ils  sont  ti  es -rares; 
lois(|u'on  en  publie,  nous  ne  voyons  pas 
qu'ils  produisent  de  grand-,  effets;  ceux  que 
l'on  a  vantés  au  commencement  de  ce  siè- 
cle ,  n'ont  pas  eu  grand  ncnibre  de  par- 
tisans. 

Mais  ou  les  incrédules  prennent  le  change, 
ou  ils  veulent  nous  le  donner.  Que  les  hom- 
mes soient  avides  de  miracles  favorables  aux 
opinions  qu'.ls  ont  embrassées,  à  la  religion 
dans  laquelle  ils  sont  nés,  on  peut  le  suppo- 
ser ;  mais  qu'ils  soient  enclins  à  forger  ou  à 
croire  des  prodiges  contraices  à  leurs  préju- 
gés et  à  leur  persuasion,  c'est  un  paradoxe 
absurde.  lî>sayez,  si  vous  le  pouvez,  de  per- 
suader à  un  catholique  (lue  les  hérétiques 
fout  des  miracles,  à  un  prolestanl  qu'il  s'en 
fait  dans  l'iiglise  romaine,  à  un  Juif  uu  à  un 
Turc  qu'il  y  a  des  thaumalurges  parmi  les 
chrétiens,  vous  verrez  si  l'amour  du  mer- 
veilleux, l'enthousiasme,  la  crédulité,  fout 
beaucoup  d'effet  sur  ces  gens-là. 

Les  Juifs,  entêtés  de  leurs  pr  jugés  et  de 
leurs  espérances,  n'étaient  pas  fort  disposés 
à  recevoir  des  miracles  opérés  pour  les  dé-- 
trom|ier;ils  faisaient  connue  nos  incrédules: 
pour  les  croire  ils  voulaient  les  voir;  lors- 
qu'ils les  avaient  vus,  ils  les  ailribuaienl  à 
l'esprit  de  ténèbre'.  Les  parus,  ijiévenus 
d'un  profond  mé|  ris  pour  les  Juifs,  n'étaient 
pas  fort  euclins  à  croire  que    les  Juils  opé- 


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raient  des  miracles  pour  prouver  la  lausseté 
du  png.tnisnie,  elà  s'exposer  au  plus  ^''an'l 
danger  en  les  ailmellant.  Copemlanl  les  uns 
et  les  autres  ont  céilc  à  rcvidcncc  de  celle 
preuve,  et  plusieurs  ont  versé  leur  sang 
pour  la  confirmer.  La  vanité,  la  fourberie, 
i'.imnur  du  merveilleux  ,  la  ciédulilô,  le  fa- 
natisme, ont-ils  roulume  d';iller  jusque-là  ? 
Voilà  donc  un  raisonneujent  auquel  les 
înrrédules  ne  répondront  jamais  :  un  mira- 
cle est  susceplitile  <le  la  certitude  niélapliy- 
si»(uc  pour  ceux  qui  le  sentent,  ilc  la  certi- 
tude |)liysique  pour  ceux  qui  le  voient;  donc 
il  est  aussi  susceplilde  de  la  certitude  morale 
podr  ceux  auquel»  il  est  rapporté,  soit  de 
vive  voix,  soit  par  écrit  5  et  surtout  lorsqu'il 
esl  encore  prouvé  par  les  effets  de.-que!s  on 
ne  peut  pas  douter. 

Il  nous  p;irail  que  sur  celle  question  les 
incréilules  ronfomlenl  deux  choses  irôs-dif- 
ferentcs,  la  répugnance  qu'ils  ont  de  croire 
un  fait  surnalurel,  avec  l'incerlilude  de  ce 
u^êine  fait.  Mais  ^i  la  certit\ide  i\es  faits  lii- 
niinuait  à  proportion  du  degré  d'opiniâlrelé 
des  incrtii  1  /s,  i'  n'y  aurait  plus  lieu  de  cer- 
laid  dans  le  mond(>.  Proposez-leur  un  fait 
naturel  inmiïqui  est  arrivé  pour  la  première 
fois,  mais  qui  leur  est  indifférent,  ils  le 
C! oient  sans  difticiilté  dès  qu'il  esl  prouvé. 
Racontez-leur  nu  autre  fait  nalurel  revêtu 
des  mêmes  preuves,  mais  qni  ciioque  l(Mirs 
opinions  et  leur  système,  ils  coniestcront 
sur  chacune  des  preuves,  et  soutiendront 
qn'il  n'est  pas  certain.  S'il  s'agit  d'un  fait 
surnalurel  encore  mieux  prouvé,  ils  le  rejet- 
tent .'■ans  examen;  ils  décl.irent  que  quand 
ils  le  icrraiiul  ils  ne  le  croiraient  pas. — Je 
suis  ptr.s  sûr,  dit  l'un  d'entre  eux,  de  mon 
jugement  que  de  mes  yeux.  VA  moi,  je  vous 
soutiens  nue  vnus  êtes  plus  sûr  de  vos  yeux 
que  de  votre  juf;cmcnl.  Vous  avez  été  cliré- 
lien  pendant  une  honne  pnrtie  de  votre;  vie, 
vous  jugiez  donc  que  le  cluislianismc  est 
prouvé.  Viius  y  avez  renoncé  pour  embras- 
ser le  déisme  :  vous  avez  donc  élé  persuadé 
que  ^olru  jugement  vous  avait  trompé  sur 
vingt  ((ueslions,  Apiès  avoir  soutenu  le 
déisme  de  toutes  vos  forces,  vous  avez  passé 
à  l'alliéisme  el  au  m.ilérialisme  ;  vous  avez 
doni'  reconnu  que  votre  jugement  était  en- 
core faux  sur  toutes  les  prél.iulues  preuves 
dudéisM.e.  C.otnpt.z,  ji»  vous  prie,  de  combien 
d'erreurs  vous  le  trouvez  coupable.  Cilez- 
uioi  une  seule  occasion  dans  la(]ueile  vos 
jeux  vous  aient  trompé  sur  un  objet  mis  à 
leur  portée,  par  exemple,  sur  l'idenlilé  d'un 
personnage  avec  lequel  vous  avez  liahilnel- 
nuMit  vécu.  Celte  maxime  uumuc  :  Je  suis 
plus  sûr  de  mon  jufjemenl  que  de  mes  yeux, 
esl  la  démonstration  complète  de  la  laùssclé 
de  votre  ju;ieuienl. 

Une  seconde  question  est  de  savoir  si, 
en  fait  de  miracles,  la  cerliinde  raornie 
complète  cl  bien  établie  ne  doit  pas  préva- 
loir à  la  prétendue  crrlilnde  plivsique.  qui 
u'esl  qu'une  expérience;  négadve^  ou  plutôt 
une  pure  ignorance,  ^os  pliilosoplies  moder- 
nes l'ont  picicudu,  el  l'on  ne  peut  p;is  abu- 
ser des  termes  d'uuc  manière  plus  révulluule. 


Nous  avons,  disen(-ils,une  certitude  plij  siqile 
absolue^  une  expérience  infaillible  de  la  cou- 
slancedu  cours  de  1  ;  nature,  puisque  nous  eii 
sommes  convaincus  |)ar  le  Irmoiguage  de 
nos  sens  ;  c'est  ainsi  que  nous  savons  que 
le  soleil  se  lèvera  demain,  que  le  feu  con- 
sume le  bois,  qu'un  liouuue  ne  pcul  marcher 
sur  les  eaux,  qu'un  mort  ne  revient  poiul  à 
la  vie  ,  etc.  La  certitude  morale,  poussée  au 
plus  haut  degré,  ne  |  eul  pas  prévaloir  à  une 
certitude  physique  sur  laquelle,  nous  som- 
mes forcés  de  nous  reposer  dans  toutes  les 
circonstances  de  notre  vie. 

Quelques  réllexions  suffisent  pour  démon- 
Irer  la  fausseté  de  cet  argument,  l' Il  est  faux 
que  le  témoignage  de   nos  sens  nous  donne 
une   certitude   absolne  de   la  constance   du 
cours  de  la  nature,  si  nous  n'admettons  pas 
une  Providence.  Aussi   les  matérialistes  qui 
la  nient,  soutiennent  gravement  que  nous  ne 
sommes  pas  sûrs  si    le  cours  de  la  nalure  a 
toujours  élé  el  sera  toujours  tel  qu'il  esl  ;  si, 
dans  quelques  inoinenls,  l'univers  ne  retom- 
bera point  dans  le  chaos  ;  s'il  ne  naîtra  piiint 
de  ses  débris  un  nouvel  ordre  de   choses  et 
des  généraiions  qni   n'auront   rien   de  coin- 
muii  avec  celles  (\ul'  nous   connaissons,  etc. 
C'(  si  donc  uni  jueiiient  sur  la  sagesse  cl  la 
bonté  de  la   Providence,  que  nous  nous  re- 
posons louchant  la  constance  des  loisqu'ellA 
a  établies  ;  nous  savons  qu'elle  n'y  dérogera 
point  sans   raison  et  sans  nous  eu  avertir; 
niais  comment  sommes-nous  assurés  qu'elle 
s'est  été  à  elle-même  le  droit  d'en  suspendre 
le  cours  pendant  quelques  moinenls  poUr  un 
plus  grand  bien,  qu'elle  ne  l'a  jamais  fait  et 
qu'elle   ne  le   fera  jamais?  Quelle  certitude 
nos  sens  cl  notre  prélenduo  expérience  peu- 
vent-ils  nous  donner  sur  ce  poiul?  —  2°  Si 
c'était   là   une  véritable   certitude  physique, 
ferme  el  invincible,  il    s'ensuivrait  que  ce- 
lui qui  est  témoin   oculaire  d'un  miracle  ne 
doit  pas  y  croire,  ni  se  lier  au  témoignage  de 
ses   yeux  ;  que  celui   iiiême  qui   éprou\e  eu 
lui  une  guéiison  miracueuse,  ne  peut   s'en 
tenir    au    sentiment    intérieur   qui     la    lui 
atteste.  Nos  sceptiques   obstinés   porlerool- 
ils   l'opiniàlrclé   jusque-là  ?    lin    raisonnant 
comme  eux,  un  nègre  est  en  droit  de  nier  .ib- 
soluuienl  tout  ce  qu'on  lui  dit  de  l'eau  glacée 
sur  liiquelle  ui>  hoini.e  peut  marcher  ;  ceux 
qui  oui  eiilemlu  parler  de  la  renaissance  des 
têtes  de    limaçons    pour    la    premier  e  fois , 
étaient   1res- bien  fondés   à  traiter  d'impos- 
teurs les  fdiysiciens  (lui  attestaient  ce  phéno- 
nu'ne.  A  plus  forte  raison    un  aveiig|.-ne,  à 
qui  tout   ce  que  l'on  dit  des   couleurs,  d'un 
miroir,  d'une  perspective,  parait  impossible 
el  contradictoire,  doit-il  se   raidir  contre  1 1 
cirlitude  mor.ile  de  Ions   ces    pliénoméne;, 
fondée  sur  le  témoignage  r  onslant  el  tini- 
forme  de  tous  ceux   ()ui  oui  des  veux.   -3"  Il 
esl  clair,  par  Ions  ces  exem|,les,  que  ee  qu'il 
plaîi  à  nos  philosophes  d'appelei"  expérience 
constante  el  certitude  physique  absolue,  n'est 
dans    le   fond  i;u'uu   def.iul  d"e\i)érience  et 
une  pure  ignorante.  Parce  que  nous  n'avons 
j.iuia^s  vu  tel  ou  tel  plicnomèue,  s'ensuil-il 
que  personne  au  uioudc  ne  l'a  vu  non  plus, 


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et  que  noire  ignorance,  sur  ce  point,  doit 
préfaloir  au  lémoi}>nage  posilif  de  leurs 
yeux  ?  Voilà  néanmoins  l'absurdité  sur  la- 
quelle on  a  fait,  de  nos  jours,  do  savantes 
tlisserlalions  ;  et  c'est  par  là  que  d  habiles 
prolestants  ont  cru  délruin-  louie  cerlilude 
du  miracle  de  la  tianssubstanlialloii. 

Aussi  les  incrédules,  iiivincibleinentrérulés 
sur  toutes  les  objections  qu'ils  aviiient  fuites 
contre  la  cerlilude  des  miracles  ,  ont  été  for- 
cés do  soutenir  qu'ils  sont  impossibles,  et  de 
se  jeter  dans  l'Iijpotbèse  de  la  néiessilé,  de 
la  fatalité,  du  matérialisme.  Voy.  Fams,  jMi- 

RACI.HS. 

CÉSAIHE  (saint),  archevêque  d'Arles,  pré- 
sida, l'an  529,  au  concile  d'Orange,  dans  le- 
quel les  semi-péla-iiens  furent  cond.imnés, 
et  mourut  l'an  ok2.  Il  a  laisse  des  sermons, 
dont  la  phip.irt  avaieni  été  allribués  à  saint 
Anibroise  et  à  saint  Au^iuslin  :  on  les  Imuve 
dans  Vappendix  du  loiiie  V  des  01i!uvrcs  de. 
saint  Augustin,  cii'ilion  des  hénédicliiis.  Saint 
Césaire  a  fait  aussi  une  règle  pour  des  reli- 
gieuses. 

CHaINE  ,  Catena  Palrum.  Voy.   Coumen- 

TAiRK. 

CHAIR,  se  prend  dans  l'Ecriture  sainte, 
npn-seulemenl  dans  le  sens  propre,  pour  la 
chair  de  l'homme  et  des  animaux,  et  pour  le 
corps  humain  tout  entier  ;  iiinsi  nous  disons 
là  résurrection  de  la  chair,  pour  iii  résurrec- 
tion de  riioiiime  en  chair  et  en  os  :  mais  ce 
terme  a  plusieurs  autres  sensinétaplioriques. 
11  si|,'ni(ie  :  1°  Les  êtres  animes  en  général. 
Dieu  dit  {Gen.  vi,  17j  :  Je  vais  faire  mourir 
toiue  chair,  c'est-à-dire  toute  créature  vi- 
vante.—  2"  L'homme  en  général  [Ibid.,  v, 
\2]'.  Toute  chair  avait  corro  npu  sa  voie, 
c'est-à-dire  Inutc  créature  biimaine  ,  l'un  et 
l'autre  sexe  s'étaient  livrés  au  crime.  (Jhap. 
li,2'i.:  L'bomnie  et  sa  femme  seront  deux 
dans  une  seule  chair,  seront  censés  élre  une 
seule  personne.  ,Jfute,  ch.ip.  uni,  7  :  Lors- 
que vous  \ errez  un  pauvre  réduii  à  la  nu- 
dité, revélez-ie,  cl  ne  méprisez  pas  votre 
chair,  un  homme  semblable  à  vous.  Dans  ce 
sens,  le  Verbe  s'est  fait  cliair ,  s'est  fait 
botiime.  L'Ecclésiastique ,  chap.  x\v,  v.  30  : 
Eloignez  de  vos  clians  une  lemme  libertine, 
c'est-à-dire  «éparcz-la  d'avec  vous.  — 3'  Les 
sentiments  naturels  à  l'hiimanilé.  Jesus- 
Cbrist  dit  à  saint  Pierre  [Matlh.  xvi,  17)  : 
Ce  n'est  point  la  chair  et  le  sang  qui  vous 
ont  révélé  ce  que  je  suis;  vous  n'avez  point 
puisé  cette  connaissance  dans  les  lumières 
et  les  sentiinenis  de  l,i  nature.  Selon  saint 
Paul  {I  Cor.  XV,  50)  :  La  chuir  et  le  sang  ne 
peuvent  [losséder  le  royaume  de  Dieu  ;  on 
n'y  parvient  point  par  les  alTeolions  et  les 
actions  auxquelles  la  nature  nous  porte.  — 
k°  La  chair  signilic  les  liens  du  sang  ;  les 
frères  de  Joseph  disent  de  lui  {Gen.  xxxvii, 
27)  :  C'est  notre  frère  et  notre  chair;  nous 
sooiines  nés  du  n)èine  sang.  —  5°  Les  affec- 
tions de  famille.  Saint  l'aiildit  (Ga/af.  ii,  lli): 
Je  n'ai  point  aci|uioscoà  la  chmr  et  au  sang; 
je  n'ai  point  suivi  mon  affection  naturelle 
pour  mes  proches  et  jionr  ma  nation.  — 
6°  Les  iucliuatiuus  de   l'humuie  corrompu 


par  le  péché.  Dieu  dit  {Gen.  vi,  3)  :  Mon  es- 
prit ne  demenrer.i  pas  toujours  avec  l'houirae, 
parce  qu'il  est  clutir,  c'est-à-dire  sujet  à  des 
passiiins  grossières  et  honteuses.  Selon  saint 
Paul,  la  (7uitr  convoite  ciintre  l'esprit,  et  l'es- 
prit conire  la  chair  {Gnlat.  v,  17).  Les  pas- 
sions lésistent  au  sentiment  moral  qui  nous 
porte  à  la  vertu,  et  c'est  ce  qui  la  rend  dilti- 
cile.  Mirther  selon  la  chair  {Rom.  viii,l), 
c'est  suivie  les  penchants  déréglés  de  la  na- 
ture corrompue.— 7"  La  chair  se  prend  pour 
les  parties  du  corps  que  la  pudeur  cache 
{Levit.  XX,  10).  Dans  ce  sens,  la  luxure  est 
nommée  péché  de  la  chair  {Galat.  v,  19).  — 
8°  Suint  Paul  emploie  ce  terme  pour  signiBer 
un  culte  extérieur  et  grossier  (  6V//a^  m, 
3)  ;  il  reproché  aux  llalales  d'avoir  com- 
mencé p  ir  l'esprii,  et  de  finir  par  la  chair  ; 
d'avoir  embrassé  d'abord  le  culte  spirituel 
du  christianisme,  et  de  vouloir  retourner 
aux  cérémonies  du  judaïsme,  à  la  cii-conci- 
sion,  etc.  Il  nomme  ces  cérémonies  les  jus- 
tices de  la  chair  {  Uebr.  ix,  10),  parce  (Jue 
celait  un  culte  purement  extérieur. 

Lorsque  Jésus-Christ  eut  dit  aux  Juifs  : 
Le  pain  que  je  donnerai  pour  ta  vie  du  mond» 
est  ma  propre  chair car  ma  cuaih  est  vé- 
ritablement une  nourriture,  et  mon  sang  un 
brcurage,  etc.  {Joan.  vi,  52,  5(5;,  ils  en  lurent 
scandalises.  A  ce  sujet  le  Sauveur  ajouta, 
V.  (i4  :  C'est  l'esprit  (jui  donne  la  vie,laCH!i\jn 
ne  sert  de  rien  :  tes  p  rôles  que  je  vous  ai  dites 
sont  esprit  et  vie.  Par  là  les  calvinist<'s  ont 
voulu  prouver  que  dins  l'euclMnsiie  Jésus- 
Christ  ne  donne  pas  réellement  et  substan- 
tiellement son  corps  et  son  sang,  mais  qu'on 
le  reçoit  spirituellement,  par  la  ( >i  et  non 
autremrnt.  —  Cependant  on  voit,  par  une 
lecture  attentive  de  ce  discours  du  ."«auvcur, 
qu'il  a  seulement  voulu  corriger  l'erreur  des 
Capli.irnaïles,  qui  se  figuraient  que  Jésus- 
Christ  donnerait  sa  chair  à  manger  d'une 
manière  sensible  et  sanglante  »  comme  on 
mange  la  (  hair  des  animaux  ,  au  lieu  qu'il 
nous  la  donne  sous  les  ;ip()arences  du  pain 
et  du  vin.  S'il  nous  les  donnait  seulement  par 
la  loi,  il  ne  serait  pas  vrai  de  dire  que  sa 
chair  est  véritablement  une  nourriture  et 
son  sang  un  breuvage  ;  ce  serait  la  foi  qui 
nourrirait  notre  âme,  et  nou  la  chair  de  Jé- 
sus-Christ. 

Plusieurs  hérétiques  du  ir  siècle,  Barde- 
sancs,  Uasilide,  Cerdon  ,  Cérinthe,  les  docè- 
tes  et  la  plupart  des  gno^liques.  disaient  que 
le  Fils  de  Dieu  fait  homme  n'avait  pas  eu 
une  chair  réelle,  m;iis  seulement  apparente; 
qu'ainsi  il  était  ué,  mort  et  ressuscité  seule- 
ment eu  apparence.  Les  Pères  de  l'Eglise  ré- 
futèrent celte  erreur  contre  laquelle  saint 
Jean  l'évangélisle  avait  déjà  prévenu  les  fi- 
dèles (/  Joan.  IV,  2  ;  //  Joan.  v,  7).  Elle  fut 
renouvelée  au  ii;«  siècle  par  les  marcionites, 
qui  niaient  aussi  la  résurrection  future  de  la 
c/ia«'  ;ïerlullien  écrivit  contre  eux  ses  livres 
de  Carne  Christi  et  de  Resurrectionè  car- 
nis. 

Chairs  ou  Viandbs  lUPnRBS.  'Foy.AnvAAat 

PORS  ou  IMPURS. 


1S5 


CHA 


CHA 


784 


Chairs  ou  Viandes  immolées.  Voy.  Vic- 
nuBs. 

CHAIRE  DE  moïse.  Ce  Irnne  ,  dans  l'E- 
vanyile,  signifie  la  foiulion  d'enseigner 
qu'exerçaient  chez  les  Juifs  les  di)cleiirs  de 
la  loi,  parce  que  l'.nir  enseignement  consis- 
Jflil  à  lire  et  à  expliquer  au  pcu|)le  la  lui  de 
Moïse.  Les  scribes  et  les  pharisiens,  {\\{  le  Sau- 
veur, sont  assis  sur  la  cuAiitt:  de  Moïse  ;  ob- 
servez donc  et  faites  tout  ce  qnils  vous  di~ 
ront  ;  mais  n'imitez  pas  leur  cond  lite,  car  ils 
ne  font  pas  ce  qu'ils  disent.  Ils  chargent  les 
hommes  de  fardeaux  pesants  et  insupporta- 
bles, et  ne  veulent  pas  seulement  les  remuer  du 
bout   du  doigt  {Matth.  xxiii,  2j. 

Celte  leçon  de  Jésus-ChristsoulTre quelque 
difliculté,  elles  rabltins  en  ont  abusé.  Vou- 
laii-il  obliger  le  peuple  à  se  charger  des  far- 
deaux insupportables  que  lui  im|j(i>aien!  les 
scribes  et  les  pharisiens?  Souvent  le  Sau- 
veur leur  avait  reproché  de  corrompre  la  loi 
de  Dieu  par  de  fausses  traditions  ;  il  avait 
dénionlré  la  fausseté  de  plusieurs  de  leurs 
décisions  ;  (Otnmeut  pouvait-il  ordonner  au 
peuple  d'olisi'i  vir  et  de  pratiquer  leur  doc- 
trine V  —  Il  nous  paraît  qu'il  faut  ici  distin- 
guer ce  qu'enseignaient  les  scribes  et  les 
pharisiens  en  public,  lorscju'ils  exjjliquaieut 
la  loi  de  Moïse  dans  les  sjnagogues,  d'avec 
ce  qu'ils  décidaient  souvent  en  particulier; 
que  leur  doclrine  publique  était  urdiuaire- 
inenl  orthodoxe,  (in'il  fallait  donc  la  suivre; 
au  lieu  que  leurs  Icçnns  particulières  étaient 
souvent  fausses,  et  qu'il  fallait  s'en  ccarler 
aussi  bien  que  de  leurs  exemples.  C'est  as- 
sez Il  coutume  des  faux  docteurs  en  géné- 
ral, tels  (lup  Jésus-Christ  a  peint  les  scribes 
et  Ips  pharisiens.  —  Les  rabbins  ont  donc 
eu  tort  de  conclure  de  ce  passage  que,  selon 
Jésus-Cbrist  même,  la  morale  des  Juifs  était 
très-bonne,  el  qu'il  lui  a  éié  impossible  d'en 
enseigner  une  meilleurs.  Voy.  la  Conférence 
du  juif  Ornbio  avec  Liinborch ,  p.  192  et 
suiv. 

Chaire  de  théologie,  est  la  profession  et 
la  lonction  d'enseigner  celte  science.  Olile- 
iiir  une  chaire  dans  une  université  ,  c'est 
éire  admis  el  autorisé  à  j  faire  des  leçons  de 
théologie.  Bemplirune  chaire  de  langue  hé- 
braïque ou  de  théologie  positive,  c'est  expli- 
quer aux  jeunes  Ihéolngicns  le  trxie  hébreu 
de  riùriiure  sainlr,  ou  leur  faire  des  leçons 
sur  l'histoire  eci  lésiastiijue,  etc. 

CuAiHE  ïpiscopale,  espèce  de  trône  sur  le- 
quel sont  assis  les  cicques  lorsqu'ils  offi- 
cient ponlilicalemenl.  De  là  est  venu  le  nom 
de  sié(je  épiscopal,  Ki  d  éylise  calhrdralc  dans 
laquelle  lévcque  préside  à  l'olOce  div!n.  La 
manière  la  plus  ancienne  do  placer  ccitc 
chaire  u  été  de  la  mellre  dans  le  fond 
du  chœur,  plus  loin  que  l'autel ,  e(  de  pla- 
cer à  droite  el  à  gauche  un  rang  de  siè- 
ges pour  les  jirèlies.  (^est  ainsi  ([u'ont  été 
consiruiles  les  plus  anciennes  busilii|ues,  et 
le  modèle  en  est  lire  du  livre  de  l'Apoca- 
lypse, c.  IV  el  V.  De  là  on  peut  tirer  une 
preuNC  certaine  delà  prééminence  des  évé- 
ques  au-dessus  des  simples  prèlies,  et  de  la 


dislinction  reconnue  entre  ces  deux  ordres 
dès  le  temps  des  apôtres. 

CuiinE  DR  SAINT  Pierre.  Nom  de  deux  fê- 
tes qui  se  célèbrent  dans  l'Eglise  catholique, 
l'une  le  18  janvier  |iou;- la  c^Kiiie  de  saint 
Pierre  à  Uume,  l'aulrc  le  22  lévrier  pour  la 
chaire  de  crt  apôtre  à  Aniioche.  Ces  deux  fê- 
tes sont  anciennes;  la  première  est  marquée 
dans  un  exempl.jire  do  .Maityiolose  alliibué 
à  saini  Jérôme,  el  un  concile  de  Tours  en  a 
fait  menlion  l'an  5G7.  Déjà  il  est  parlé  de  la 
chaire  de  saint  Pierre,  en  général,  dans  un 
calendrier  dressé  sous  le  pape  Libère,  vers 
l'an  So'i-,  el  c'est  le  sujet  du  centième  sermon 
de  sailli  Léon.  \  oy.  Vies  des  Pères  et  des 
martyrs,  I.  1.  pag.  3i3,  el  lome  II,  pap  .34G. 

Dans  l'Eglise  primilive,  de  même  que  les 
chréUens  célébraient  l'annivi'rsaire  de  leur 
bapléme,  les  évêques  solinnisaient  le  jour 
anniversaire  de  leur  ordination  ou  do  leur 
exiillaliun;  telle  a  été  l'origine  des  deux 
fêles  dont  nous  parlons.  L'Eglise  a  élé  per- 
suadée que  la  surcession  de  sainl  Pierre  n'é- 
tait point  atachée  au  premier  siège  qu'il 
avait  occupé,  mais  à  celui  dans  lequel  il  est 
mort  et  a  laissé  un  c^êque  pour  le  rempla- 
cer. Or,  malgré  les  nuages  que  les  protes- 
tan:s  ont  voulu  répandre  sur  !e  voyage,  le 
séjour  el  le  martyre  de  sainl  Pierre  à  Rome, 
c'est  un  point  d'histnire  qui  est  aujourd'hui 
à  l'abri  de  loule  conlrstalion. 

Que,  dès  les  preraiiTS  siècles,  le  siège  de 
Rome  ail  éié  regardé  comme  le  cenlie  de 
l'Eglise  catholique  ,  c'est  un  fait  attesté  par 
sainl  Irénée  dès  le  ir.  «11  faut,  dit-il, 
que  loule  Eglise,  ou  loule  l'Eglise,  c'est-à- 
dire  les  fidèles  qui  sont  de  tontes  parts,  con- 
viennent avec  cille  Eglise  (de  Rome),  à  cause 
de  sa  prééminence  pliis  marquée  :  Eglise 
dans  I  iquelle  les  fidèles  de  tout  le  monde 
ont  luuj'iurs  conservé  (ou  observé)  la  Iradi- 
liou  qui  vient  des  apôtres.  »  [Adv.  hœr.,  1. 
m,  c.  3.)  (^e  passage  a  toujours  beaucoup 
incommodé  les  proleslanls;  ils  ont  IViit  tous 
leurs  elïoris  pnur  en  détourner  le  sens  : 
nous  verrons  ailleurs  s'ils  y  ont  réussi  (1). 
Voy.  SâiNT-SiÉGE. 

(I)  M.  r;ihlié  Ocrliet  a  f;iit  une  description  delà 
cliiiiri'  (le  suiiil  i'Ieire.qrie  iimis  .niions  lr;iiiscrirc  : 

<  Le  (iieiiiier  des  Mioiininetils  qui  s^e  con^rvenl  à 
Home  dans  lu  basilique  vatiran  ,  est  lu  Chaire  de 
sailli  l'une.  On  sait  ipie  dés  l'origine  les  é>éq lies 
eurcnl  des  siégi-s  anxipiels  on  doimaii  ce  iinni.  C'é- 
tait une  niaii|iii-  d'iioniiciir  et  un  s 'pne  d'aiiiorilc  que 
de  iiarler  as^i>.  A  leur  iiii'rl  on  plai,Mil,  an  moins  de 
lcm|>seii  lenips,leur'scliairesilaiis  leurs  innibc mv.  Les 
preriiieis  lideles  |i(irlaii'iit  nu  grand  resficcl  aUK 
siégi'S  dont  l>s  apôlrcs  s'éliient  s 'rvrs  pour  Knr  iii- 
seigner  la  'oi  ou  |iunr  re  nplir  d'aunes  luiiiiions  de 
leur  ininislère.  Ils  (Inniil  éirc  cunsirvcs  avec  soin  : 
ce  qui  semble  iiiilii|iié  par  cpielquis  mots  de  'ferlid- 
lieii,  qui  lei  ré<enle,  à  cet  èi^ard,  les  tradiliuiis  du 
secKiKl  siècle,  i  l'aicoiirez,  da-il  dans  son  livre  des 
l'rescrip  wits  comre  les  tiéiéliqnes,  parcourez  les 
é;;lise,-  apnslDli  iiies,  dans  les.|iieile»  les  cli.dr es  mêmes 
des  a|  oins  iné^rderil  à  leur  place,  el  où  leurs  ipiiies 
aulhciiiiqiiis  siiiii  lins  à  liaiiie  voix  :  l'irciine  eccle- 
sids  ai:uU  iiuui  ivsœ  aclhuc  calltediai  apunoluniin  suit 
locis  pnrsiJiiit,  iipuU  quai  iiibceautlieiiàcœ  liHenu  eo- 
tuiii  leiiiaiitui ,  c.  r>  i.  1 

(  Uigauli  est  d'avis,  dans  une  des  noies  de  sou 


7Sfi 


CHA 


CHALCÉDOINE  (concile  de).  CVst  le  qua- 
trième (les  conciles  pénérnux  ;  il  fiil  lonn  l'.Tn 
451  contre  les  erreiifs  d'iMilyclKVs.  Ccl  héré- 
tique, pour  ne  pus  loinber  dans  l'erreur  do 


cn,\ 


780 


Nestorins,  qui  admedail  deux  personnes  eu 
Jésus-Chrisl,  soutint  qu'il  n'y  avait  qu'une 
seule  nature;  que,  par  l'union  h.ypost.tli(|ue, 
la  nature  humaine  de  Jésus-Chrisl  avait  été 


éililinn  de  Terliillien,  que  ce  mot  ile  chnirct  dnit  être 
entendu  ici  dans  un  rriiI  sihis  fisun;  ;  nviis  d'.iliord 
rien  n'nl)|i[;e  à  réiiuditT  le  sen-;  liliéiMl,  le  savant 
annolalonr  n'en  iloniie  mienne  raison.  Kn  second 
lien,  il  n'est  pas  viaisenililablmiiie  TiTiiillicn  se  soil 
borné  à  cit^T  des  mnnnmcnl'i  niélai>tioiiqiics,  lundis 
qu'il  pouvait  si^'nal^r  les  chaires  réelles,  cmnoie  le 
prouve  le  pussaïc  (riùi^èln',  (pie  noiK  rapiviruTons 
toul  à  riicurc.  Cela  esl  d'aulanl  moin»!  probahle  que 
cet  écrivain  élaii  porté,  par  ses  lialiitmles  d'esprit 
€t(le  siylc,  à  raUacliHr  autant  que  possilde  ses  asser- 
tions à  qnel'pies  faiis  maiéiicls  :  ses  oiivr;i!>es  en 
oflrent  une  foule  d'exemples.  Ue  sens  naiiu'el  de  ce 
passage  esl  donc  relni-ci  :  dans  le  second  uiembre 
de  celle  phrase,  TcrluUien  rajcielle  qiie  les  églises, 
fondées  p^r  les  aiôlres,  pouvaient  montrer  les  exem- 
plaires »ulhenli>|ues  des  lettres  (pi'ils  leur  avaient 
adressées;  il  dit,  dans  le  premier  niemlire,  (pie  ces 
^liscs  conservaient  encore  les  chaires  sur  losipielles 
ils  étaient  :issis  ;  ces  deux  faits  servent  de  pendant 
riiii  h  l'anire.  Kiisèbe  nous  appreiiil  ([u'nn  vnyali  de 
son  temps,  à  Jéinsaiein,  la  cliaire  de  son  premier 
évê'pie,  saidi  ,lacques-le-Minenr,  (pie  les  clin'iieos 
avaient  sauvée  à  travers  tous  les  désaiires  (lui 
avaient  accablé  relie  ville  (ii).  On  sait  aussi  que  l'é- 
gli-e  d'Alexandrie  possédait  celle  de  sainl  Mare,  son 
fondateur,  et  (|u"uii  j'uir  un  de  ses  évêques,  nommé 
Pierre,  ayant  iris  place  au  pied  de  celle  même 
chaire  d:ii:s  une  (éréimmie  pub  Kpie,  et  tout  le  iieiiple 
lui  ayant  crié  de  s'y  asseoir,  l'évè  pie  avait  répondu 
qu'd  n'eu  éliil  p:is  digne,  Act.  S.  l'elr.  A'erand. 
viarl.,  iraduns  /h  (irec  en  latin  i>nr  Annsliise  le  Biblio- 
théciiiie.  L'Eglise  de  Itnine  dut  mettre  au  moins  au- 
tant d'empressement  et  de  soin  à  garder  celle  du 
prince  des  apôtres,  d'aiiiant  plus  qu'outre  les  motifs 
de  piété  commuiis  à  tous  les  clnéiens,  le  caraciére 
romain  était,  comme  on  le  sait,  emineiiiiiienl  con- 
servateur (les  niomnnenls,  et  que  h  s  caiacoiiihes 
fournissaient  aux  premiers  lidcies  de  Uonie  niie 
grande  facilité  pour  y  cacher,  en  lieu  sûr,  un  dépôt 
aussi  précieux. 

<  Suivant  une  iradili(m  d'origine  immémoriale, 
saint  l'ierre  s'esl  servi  de  cette  ch.iire,  (jui  se  trouve 
mntntenant  au  fond  de  l'i'glise,  et  qui  a  éié  levèiue 
d'une  enveloppe  de  bronze.  Avant  cette  époque,  elle 
avait  éié  siiccesslvenieiii  placée  dans  d'autres  pailies 
de  la  bi'^iliqiie.  Les  textes  que  l'hœbns  a  recueillis, 
De  ideulitate  ccitli.  B.  t'eiri.  Itoniœ,  KiliG,  pariicu- 
lièiemenl  dans  les  mniuscrits  de  la  b  hlioilieque 
vaticane,  nous  l'ont  suivre  sim  histoire  dans  ces 
diverses  translalioiis.  Le  pape  .\ie\andre  VII,  ipii 
l'a  fixée  à  rcmlroit  oti  nous  le  vénéious  acluelle- 
nicnl,  l'avait  pri-e  près  de  li  chapelle  qui  seil  au- 
jourd'hui de  i):iplistére,  on  Urbain  VIII  l'avait  f.iit 
transporter  peu  de  temps  auparavant,  Curol.  Fon- 
tana,  de  Biisil.  val.,  c.  2"J.  l'.lle  avait  élé  précédem- 
ment déposée  d.ins  la  chapelle  des  reliipics  de  l'au- 
cieiine  sacristie,  Grhnald.  maiins.,  C'iiil.sac.  reliq. 
Basil,  vatie.  On  sait  aussi  (pi'elle  était  le.-lée,  durant 
quel.pie  tem;s,  dans  un  autre  oiaioire  de  cette  sa- 
cnsl  e,  celui  de  Saillie-Anne  :  In  hoc  sacello  uhi  se- 
des  seu  calhedra  S.    Pelri  pulclierrima,   tuper  quant 

(fl)  Les  fidèles  de  Jérusalem  ont  encore  parmi  eux  la 
chaire  de  .lacques,  siinioimné  le  frère  du  Seigneur,  qm  fut 
établi  lar  le  Sauveur  et  par  les  apôtres  le  premier  évèqie 
de  leur  ville,  et  ils  le  gardent  avee  grande  \é  éralioii  ;  ce 
qui  l'ait  voir  rla  renii  nt  que  les  clir'  liens,  laot  des  siècles 
passés  que  du  nôtre.  OUI  toujours  reniln  de  grands  hon- 
neurs aux  saiuts,  a  cause  de  l'amour  dont  ils  briMaient 
pour  Dieu.  Hist.  ceci.,  liv.  vu,  cap.  i'X 

{Noie  de  il.  Gerbet.) 


sedebnl  enm  munia  pnnlificnlia  exercehnt  honorifiee 
con'erv'itnr  (Tih.  .ilfurnni,  mnnns.  valic.).  après  avoir 
eu  pnor  résidence  la  chapelle  de  Saiiit-Adi  leii  : 
Porro  in  ipsn  S.  .Adriani  laclns  esl  nnnc  eqrei/ie  nr- 
n(K»v,  ubicollornin  est  ca'h-drn  auper  qnnn  sedehat 
B  Prtriis  dum  Sflcmnin  nqerel  (Mnpli.  Veqqins,  de 
rebiis  iinliq.  meniirnb.  ban  lie.  S.  P.  tri,  lih.  iv,  ma- 
m/.vc.  l'rtjic),  près  de  l'end  rot  oii  nuis  voyons  au- 
j  uid'liui  la  cita  re  du  grand  i  énitencier.  A  Irien 
l"  l'y  avait  hxéedansle  viif  siècle  iGrimnIil.,  Culal. 
S.  lieliquiar.  nsseival.  in  Arcli.  valie.  Il  s'appuie  sur 
tin  pass;ige  de  Mapli.  Viggius).  Pendant  iniiii-  cette 
périodiî,  divers  pissa;:es  des  anciens  auteurs  font 
menliofi  d'elle.  Nous  eu  mmlionnerons  ici  plusieurs, 
pour  tnnrqur  la  siiiie  de  la  tradition  relative  à  nit 
mcuiumenl  si  vénérable.  Heu  est  (pieslion  :  dius  une 
bulle  de  Nicolas  ill.  (;ii  1271)  :  [>enarii  qui  daiitiirpor- 
taiilibits  ad  nitiire  et  reportant  bus  calliedr,im  S.  Pétri. 
Pierre  Benoît,  chanoine  de  la  basilii|Me  vatieaiie, 
dans  le  xir  siè.  le,  a  lais-é  un  iiuaiiiis<ril  qui  con- 
tient des  renseigiiemeiits  sur  la  liiilr;,''e  de  cette  égli- 
se :  voici  ce  qu'il  m  t me  pour  1 1  Icte  de  la  ch  lire 
de  saint  Pierre  :  t  L'iffice  est  celui  de  la  lèle  même 
de  l'apôlre  ;  senleineni  à  vêpres,  a  m  itines  cl  à 
laudes,  on  chante  ranlicnne  Eece  sarerdns.  Siatiotl 
dans  sa  basiliipie.  A  la  messe,  le  seigneur  pipe 
doit  s'asseoir  sur  la  chiire,  in  cnihi'drn.  în  cuthedra 
S.  Pétri  leqilitr  .■iieul  in  die  nitali  ejua,  taninin  ad 
vespiras,  ml  mulniinum  et  landes  eanitiir  :  EccK  S\- 
CEtt.ds.  Siatio  eJHs  in  bnsiUca;  domintts  pnpa  sedere 
débet  in  calhedra  ad  missiim.  D'i  uis  les  premiers 
siècles,  les  papes  élaienl  dans  l'usage  de  prendre 
place  sur  un  siège  cinincni,  non  pas  setilemenl  pen- 
dant la  iiies»e,  mais  aussi  pendant  les  vêpres,  les  ma- 
tines et  les  laudes,  lorsqu'ils  a-s-sliieiit  ;iux  nlfices, 
ce  qui  arrivait  plusieurs  l'ois  dans  raniiée,  aux  prin- 
cipales fêles.  Il  est  visible,  d'après  cela,  qu'en  no- 
tant, comme  une  rubrique  pai  liculière  de  la  lêle  de 
la  chaire  de  l'apôlre,  que  le  pa|ie  devait  être  assis 
sur  la  chaire  à  la  messi;,  railleur  que  nous  veuiuis 
de  ciler,  a  désigné  la  cliaire  même  ipie  la  Ira  lilioii 
coiisidéiail  comme  celle  de  saint  l'ierre.  D'ailleurs, 
dans  tout  son  livre,  lorsqu'il  parle  seulemeni  du 
siège  ordiiii.ire  du  pontife,  il  le  désigne  toujours 
sous  le  nom  de  .'iidye  éleeé,  et  j  mviis  sous  celui  de 
chaiie.  Pierre  M  inlius,  qui  appariieiii  à  la  même 
époque,  dil  avoir  lu  dans  Jean  t^aballinus  que,  du- 
rant le  siècle  précédeiu,  sous  Alexandre  11,  la  chaire 
de  saint  Pierre  avaii  élé  respec  ée  par  un  ineendie 
qui  avait  consniiié  les  obje  s  environnants  {Petni$ 
Manlius,  de  Cvnsuetudin.  et  reb.  busil.  valic.).  Nous 
trouvons  aussi,  dans  un  écriv.iindu  xi'  siècle,  Otiion 
de  Frejssingie,  des  pissages  ipii  tout  me  lion  d'elle 
(Ou.  FrisKjens,  in  Frcder.).  On  voit,  par  des  récils 
d'Aiiasiase  le  liiblioibétaiie,  relatifs  aux  ix*  et  vin"  siè- 
cles \Anasl.,  m  Vit.  l'aul.  1.  Serq.  Il),  que  le  [lape 
élu  él  lit  d'abord  conduit  an  patuarial  de  Latran,  où 
il  s'assey^iit  sur  le  trône  ponilical  ;  ipie,  le  di  nanclie 
suivant,  il  se  rend.iit,  revcui  du  manieau  papal  et 
ati  milieu  des  cliants  sacrés  à  la  basilique  vaticane, 
et  q  le  1.1  il  pieiiiil  place  sur  Vaposloli jue  et  très- 
sainte  cliaire  desahit  l'ierre;  ce  sonl  les  termes  em- 
ployés par  Anasiase  («)•  iNotis  voi'à  arrivés  au 
VI  r  siècle,  c'est-à-dire  h  l'époipie  où  le  pape  Adiien 
la  lit  èt.iblir,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  dans 
l'oraioiie  consacré  au  sai.a  dont  il  porte  le  nom. 
Les   lexles    d'Anaslase  nuits  font  remonter   encore 

{a)  Aposbiica  sacratis<iima  Pétri  en  hadra.  I. "rsque  l'é 
lection  avait  eu  lieu  dans  la  l).isdiqiie  vjin  jne,  on  proeéiUi 
iiiiiiédialeaieat  à  l'iustallalioa  du  poatife  sur  cette  cliaire 
{Nou  de  M.  Gtrbet,\ 


787 


cnA 


CHA 


788 


absorbée  par  la  nature  divine;  d'où  il  s'en-  nn  concîlo  do  Constantinople,  tenu  en  &&8, 

suivriiit  quecélail  la  naliire  divine  qui  avail  par  saint  Flavien.  patriarche  do  cette  ville. 

souffert  la  passion  et  la  niorl.  Enlycliès  s'en    plaip;nil  an  pane  saint  Léon; 

Celle  doctrine  fut  d'abord  condamnée  dans  Flavien,   de    son   côté,  rendit  compte  à  ee 


plus  Iiaut,  piiisqu'en  pnrlitnt  de  l'usage  dont  ilvieni 
d'âlii;  question,  il  r;.ppelle  la  couuiuie  .«nciomie.  la 
CiMiinme  til;m..liio  par  le  lemiis,  cawi  comu?Hi(l«.  Le 
calalot'iio  <le^  siiniles  Imilcs  cnvoycis  par  Crogniie 
leCranilà  Thi'iulo  iiiie,  roiiie  tics  Louil)arils,  tait 
pieniioa  (le  l'Iiiiile  it^'S  lamie^  qui  hiùlaieui  devant 
la  cliairi"  sur  l:iinirll«  sainl  Pierre,  s'était  assis,  de 
olco  (le  sede  ubi  inins  sedit  S.  PHiua.  H  paraît  qu'à 
cette  épnipie  !es(idi'les  la  reiicniiiraieul  av:mt  d'eii- 
trerdan- la  Icijil  qie  :  ftllc  se  iroiivaii  près  de  la 
place  qu'iiccupe  anjonrd'liui  la  Ptulo-Saiiile  (llistnr. 
teuipl.  vciti,c.,  c.  25).  Los  nécpliyies,  revciiis  de  la 
nbe  lilandie  du  lia|iéiue,  éiaieiil  conduiis  au  pied 
de  cette  chaire  pour  la  véncror.  Lu  rappelant  oot 
usage,  dans  son  Aputogie  pour  le  pape  Syininaqiie, 
Etitiodius  désisue  ce  numunient  d'une  manière  Inrt 
claire.  I  On  les  mène,  dil-il,  (ncsdii  siéiie  iiota'oire 
de  laconjession  apoitoliquey  rX,  pendant  qu'ils  v.r- 
sentavcc  ab'ind.inie  de-,  lamtes  que  li  joie  leur  l'ail 
conter,  la  bonté  de  Dieu  donlile  les  ç;ràecs  qu'ils  ont 
rernes  de  lui  :  Ecce  iiiiuc  ad  çies^utorinm  s>  liant  npo- 
stol  C(v  confessions  uda  miiUiul  limiiia  cmdidi.tos.  et 
liberibus  gaudio  exaiore  jUlibiis,  collaVi  DA  lenrficio 
donacuuiulaïUHr.  (Eiinod.  Apnlug.,  p.  5."i-2.  Toriiaci.)  » 
Cette  exjiression,  sie'gi;  ge<(H(aii(',caraclériso  e\aele- 
nient,  comme  nn  le  x'erra  l>ienlôi,  la  t'ime  spéciale 
et  la  destiuaiion  primitive  de  celte  «liaire.  Kininiiiiis 
écrivait  au  cnuunencuiient  (iu  vi'  siècle.  Le  iv'  nous 
fournit  lui  lénioignage  irès-pnsiùf  d'Oplal  de  Milèvc. 
Sadressaiil  à  des  si  lli^nlaliqlles,  qui  se  \anlaienl 
d'avnir  des  partisans  à  Knme,  il  lenr  fiit  cette  inie.r- 
pellation  :  i  (Jn'ou  demande  à  vntie  M:icrol(e  où  il 
siège  en  cette  ville;  pouira-i-il  rèpomlre  :  Je  siège 
sur  la  cliaire  de  IMerre  ?  >  Si  cet  auteur  n'avait 
rien  dit  de  plus,  on  pourrait  dnultr  qu'il  ail  parlé, 
dans  ce  passage,  de  la  chaire  niaiériclle  :  roinine  il 
ne  fais;iii  pas  de  l'iiisliiirc,  mais  de  la  pidèiuique,  il 
aurait  très-liieu  pu  su  servir  du  cene  expiession  pour 
signilier  seulement  la  chaire  inoralemeul  prisn,  ou 
l'autorité  de  saint  Pierre,  survivant  dans  >es  succes- 
seurs, et  méconnue  par  les  scbismatiqucs,  cnutre  les- 
quels il  arguinent:iit.  -Mais  ce  qu'il  ajoute  ne  permet 
pas  cette  supposiliim  :  «  Je  ne  sus  las  nième,  dit-il, 
si  Macriihe  ai  seulaïunt  vu  celte  chaire  de  ses  propres 
yeux.  )  Evidemment,  il  a  voulu  désigner  la  ehaiie 
in;itérielle,  ce  qui  e>t  d'ailleurs  lonllrmô  par  tout  le 
reste  <lu  uièuie  pa-sage,  dans  letiucl  il  continue 
d'opposer  aux  sih^àinaliqiies  les  inununienls  de  saint 
Pierre  et  de  saint  Paul  :  Ueiiique  si  Macrobio  dieu- 
tur  iifci  iUc  sedcut,  numquid  poiesl  dicere  :  in  cuiliedra 
Pétri  ?  Qumxt  ncsciu  si  vel  oCdlis  kovit,  et  ad  citjus 
MEMoRiASi  N<A.x  AÇCF.uff  ,  quoii  scUiniKtiicus  COHlra 
aposiolum  (aiicns,q'n  u.l  :  ntemotiii  sancturuin  cotit- 
municuiiles.  Ecce  prasi'nlcs  sunl  ibi  dHoruiu  hkmo- 
MM.  apostoLorum  :  dtcile  vi  au  has  iXGitEil  PoiuiT,  ita 
u(  vbluleril  illic  ubi  ^uncivnim  wemurias  esse  canslnl. 
(Oplaïus  Milevit.,  conir.  Vitrin.,  lib.,n.)  Dans  le  style 
des  premicis  <;hié  leus,  le  mol  vieiiwria  était  cin- 
plu>é  pour  dcsigi^er  les  nnummenls  Innèlnes  des 
apAlres  nu  dos  martyrs,  cninmc  U'ius  l'aviuis  iié)à  vu 
dans  un  passage  cité  précédemuieiil,  relalil  à  la 
cnnsirncliou  du  n  ouniiiciil  de  $:iinl  Pierre  {coii- 
slruxit  itumoriatu).  i.e  lerino  a  pu  éllO  ensuite  ajipli- 
quç  ■,,\\>\  biisH  qncs  ciigèo^  sur  ces  louiheaiix. 

(  il  est  dnnçceiiaih  que  cete  cltaii'u  a  été  expo- 
sée jiuliliiiueuièiit  à  la  vonéraiii.ii  des  chréli<'ns,  dans 
le  hiede  inèit^t^  QÙ  le  «luiïiiui.isuie  a  uu  la  iihuilcdu 
culle  pnhiic.  Il  n'est  pas  é  nnnai;l  (jii'il  n'en  soit 
point  lait  uieilliiui  dans  les  doe.iimeias  i}.c  l'époque 
améiicuro  :  il  serait,  au  contraire,  éiunnant  qu'ils  eu 
eussent  pailé.  il  ne  ppus  reste  qu'un  petit  nouibrc 


d'écrits  rédigés  à  Rome  pendanl  les  trois  premiers 
siècles  :  les  actes  des  marlvrs  ne  mêlent  guère  k 
leurs  récits  les  parlicnlarilés  inunnmentales,  si  cç 
n'est  qu'ils  indinnenl.  et'sniiveni  par  un  seul  mol,  |e 
lien  du  supplice  et  celui  de  l'inliiiina  ion.  Les  nu- 
vraçîPS  r.pologét  qies  et  polémiques  avaient  à  faire 
qucinne  chiise  de  plus  pressé  que  le  son  de  tenir 
note  di'S  mpuliles  sacrés,  ce  qui  eijt  été  d'aillenrs 
une  indisciéliiin  dangereuse,  qui  eût  pu  iiroyonuer 
les  per(|uisiiiinis  des  p:iïens.  0"^"'  "nv  livres  c"in-, 
posés  .à  celte  époque  pir  les  écrivains  qui  résidaient 
dans  d'antics  parties  du  monde  roin!(in,  les  même? 
nliservalinns  s'y  appliquent  ;  et  il  est,  dii  reste, 
exirèineineni  vraisemlilalile  que  lems  auteurs,  au 
iii"ins  la  plupart,  ont  ignoré  l'exis'ence  d  '  ce  nio- 
ininuMil,  qui  devait  être  renfermé  à  Uiinie  dans  quel- 
que lieu  secret,  suivant  la  coulinMe  cjcs  temps  de 
perséeiitinn.  Ce  n'est  qu'au  ive  siècle  que  d'autre^ 
chaires,  C'uiiemperaines  de  la  chaire  desiint  Pierre, 
celle  de  saint  Jncques  .i  Jérnsaîeni,  iclle  de  saint 
Maio  dans  l'église  d'Alexandrie,  reparaissent  sous 
le  soleil  et  dans  l'h  sloire.  Les  clirélifus  s'empresT 
sèreni  alors  de  véiu'rer,  dnns  la  lumière  de  leurs 
basiliques,  les  dépôts  que  leur  avaient  conservés  les 
crypios  fonleriaiiics.  Tout  nous  pcrsmnle  que  la 
cliaiie  lie  saint  Pierre  avait  éié  cachée  dans  le  s^iiç- 
tuai'eniènie  de  son  lond)ean.  Un  manuscrit  de  la 
liililinlbèuuc  Darberi  le  {Midi.  Leonic,  noi.manus,), 
qui  l'atlirme  (losit  vement,  a  été,  on  peut  le  croire, 
l'écho  d'un  souvenir  traditionnel  ou  de  renseigne- 
ineiiis  consiaiiés  dans  qiielqu "S  feuilles  d"S  archives 
romaines,  qui  se  sont  ensuite  perdues.  C'est  donc, 
suivant  loitle  apparence,  à  l'époque  des  constructions 
faites  pir  saint  Svivosire  dans  la  confe-siou  de  saint 
Pierre,  que  cet'e  ch:<ire  a  é  é  ofl'erie  à  la  dévotion 
publique  et  lihre  du  peuple  qui  altliiait  dans  le  temple 
qne  Constantin  vemiit  d'ériger.  Sortant  du  toinheau, 
elle  a  pris  possession  de  la  grande  basilique;  elle  en 
a  visité  sncccssivnieni,  dans  le  cours  des  iiges,  le 
vestibule,  les  chapelles,  le  chœur,  pour  se  fixer  cnlin 
à  la  place  radieuse  qn'ille  occupe  aujourd'hui,  éçl'i- 
rée  (l'en  haut  par  l'yiiréole  de  la  colombe  qui  plane 
suielle,  couronnée  pur  losanges,  légèrement  soute- 
nue par  quatre  grands  doctenis  du  rile  laliu  et  du 
rite  grec,  saiot  Aud)riiise,  saint  Angnsiin,  saint  Atlia- 
nase ,  saini  Chiysoslôme,  et  suspendue  au-dessus 
d'im  autel  dédié  ù  la  sainte  Vierge  et  à  tous  les  saints 
papes.  Sur  leurs  tiô^es  céles'.es,  ils  gardent  sans 
doute  un  souvenir  de  celle  chaire,  au  pied  de  la- 
quelle ils  se  S(u)i  sanctifiés,  si  que'(iucs  images  des 
nionuinenls  terrestres  vont  se  rclléchir  ,  coqinie 
l'ombre  du  teinis,  ju.-que  dans  les  splendeurs  de 
l'èteruilë. 

I  Deruis  plusieurs  siècles,  les  papes  ont  cessp  de 
s'en  servir  aux  têies  solennelles-  Sa  vétusté  pouvat 
l'aire  craindre  qne  rcite  rcliqiie  prccieiise  ne  soniïiît 
qui'lqne  doiiim>gesi  l'on  eût  continué  de  la  déplacer 
et  de  l'eniploy.  r  pour  des  fonciions  du  culp'  :  le  soiq 
de  SI  con-ervali'ui  l'a  rendue  désormais  iuimqbile, 
C'est  aussi  pour  cela  ipi'elle  a  éié  revêtue,  sous 
Alexandre  VII,  d'une  enveloppe  de  bronie.  Pu  reste, 
tout  le  monde  peut  en  avoir  une  copie  dans  nue  des 
salles  de  II  saciisne  vatieane,  it  ou  en  conserve 
un /'(ic-simi/edans  les  comldes  de  l'église,  prés  de 
l'endroit  où  sonl  dé|iosés  les  pLuis  en  relief  des  dir 
vers  piojeis  qui  ont  élé  proposés  liaiis  le  leinps  pour 
l'architeclnre  de  la  basJiqne  moderne. 

I  Torrij^i,  i|ui  a  examiné  cette  iHiaire  en  lfô7,  el 
qui  en  a  pris  la  niesiin-  dans  unis  les  sens,  nous  en 
a  laissé  la  description  suivante  : 

I  1.0  devant  (du  siège}  est  large  de  quatre  palmes 


789 


CIIA 


CHA 


790 


pontife  fies  motifs  de  la  condamnation  ;  saint 
Léon  l'approuva,  el  écrivit.!  Flav  ion  une  lettre 
qui  est  devenue  célèbre  par  la  nctielé  avec 
laquelle  ce  saint  pape  y  expose  la  doctrine 

et  haut  de  trois  et  demie  ;  ses  côtés  en  ont  tin  peu 
plus  de  deux  et  demie  en  largeur;  sa  JiiniliMir,  en  y 
îdmpri'nanl  le  dos,  est  de  six  piilrnes.  Klle  est  de 
bois  avec  des  coloiitielles  cl  de  peiiles  arches  :  les 
colonnelles  sont  liantes  d'une  p:ilnie  ei  dfux  onces 
(a),  les  priiles  arches  de  deux  palmes  et  demie;  sur 
le  devant  du  sli'i;i;  sont  ciselés  dix-linil  suj  ts  en 
ivoire,  e^éeii'és  avec  une  rue  |iei  lection,  e.l  eulie- 
itiôlés  de  |ieiils(unenieuis  en  laiton,  d'un  iravail  irès- 
delirat.  Il  y  a  antoui'  (dusienrs  fij-nrines  d'ivoiie  en 
bas-relief.  Le  dqs  de  la  ciiai<c  a  quatre  doijjls  d'é- 
paisseur   (Li  sacr.  lio(ei.  Koinnii.,  c.  ^1,   p.  1-2:2).  i 

(  Il  faut  ajouter  à  celle  Ocscnplion  que  le  dos 
carré  est  terminé  h  son  sommet  par  un  cnmpai  timent 
triangulaire.  Tonigi  a  on'is  aus-i  de  noter  une  au're 
Circon-tance  plus  i(uporiaule  que  imus  rappellerons 
tout  à  riieme,  et  il  s'est  irouipc  eu  un  point  :  les 
Oinempiits  quM  a  cru  être  en  lailon  sont  en  or  trés- 
pnr.  Celte  pan  cularitc,  qni  a  élé  véri(iée  par  nue 
comiiiissinn  qu'Alexandre  VII  a  n'immce  à  cette 
elTei, n'est  point,  coninic  nous  le  verrons,  jndiirérente 
pour  rexplienilon  de  ce  niirnument. 

<  Les  peiite'i  sciilpiures  (l'ivoire,  qni  rcprésinient 
les  Travaux  (<7/cic»/e,  prouvent  (lu'il  est  d'eiigiiie 
païenne.  Alislr:iciinn  l'aile  de  la  Ir.uliti.in  que  ni  us 
avons  constatée,  il  n'est  pas    pnssilile    de   snp()()ser, 

avec  qnel(|ue  apparence  de  rais (|ne  cette  eliaire 

romaine  ait  élé  i'ahri(|née  dans  l'intervalle  de  temps 
qui  s'est  écoulé  depuis  la  chute  du  pagani^tue  au 
■y»  siècle,  jusqu'à  la  lévohilioii  oiiérce  d.ms  la  sculp- 
ture vers  la  lin  du  moyen  âge.  Un  ne  se  (ù\  pas 
perniis  <le  représenter  une  légende  essentiellement 
inyiliologi(|né  sur  nu  meulile  aus>i  sacré,  destiné  à 
figurer  piès  de  l'anlel  pendant  les  sainis  iiiyslèies. 
Le»  moiionicnts  religieux  lie  celle  période,  (|ui  exi- 
stent à  UoniC  en  grand  nombre,  kmt  voir  clairement, 
Jiar  leur  sévéri  é  cbiéiicrme,  que  celle  fanlaisie  pro- 
ane  y  a  éé  aussi  étrangère  an  caractère  de  l'art 
qu'elle  etit  éié  opposée  aux  préoccupations  domi- 
nantes :  les  siliyles  n'ont  pu  étie  adnijses  à  figurer 
sur  ces  monuments  ([ue  parce  qu'elles  éiaieiit  consi- 
dérées, .suivant  l'opininn  de  plusieurs  anciens  Pères 
de  l'I'glise,  comii.c  avant  prophcli^é  le  Chn.sl.  Nous 
verrons  d'ailliurs  (pie  le  slyle  des  sculiilnrea  dont 
il  s'aijit  déuiile  une  origine  bien  anléienre  à  celle 
période.  En  rdnontanl  plis  haut,  nous  rencontrons 
i'épo^iue  qni  est  c(unpiise  enlre  le  triomplie  du 
cliristiani^ine,  sous  (Jonslant  ii,  el  la  chute  complèie 
du  paganisme.  Elle  est  encore  moins  lavi-rable  à 
riiypoihèse  de  l'oiigine  cliréliemie  de  ce  inonunieni. 
Loin  d'êlr-  dispoésà  jouer  avec  de  [lareils  einhlè- 
mes,  les  chrétiens,  quiavaienl  éié  loriéi  jusipt'alors 
de  tenir  secrets  les  signes  e\iérieiirs  de  leur  loi, 
s'empressèrent  de  les  multiplier  so"S  diverses  bjr- 
Uies,  sur  les  monunients  puhlics  et  privés.  Jlesleiil 
donc  les  trois  siècles  de  peisécution.  iians  telle  pé- 
riode nous  Ir'iuvons,  il  est  vrai,  parmi  les  peintures 
des  caiaconibes,  une  figure  allégoriiiue  tirée  de  la 
niylho  ogie  :  le  Christ,  le  céle>ie  enchantiur,  comine 
l'appelle  Clément  d'.Vlexandrie,  y  est  repré-ciiié  sous 
les  traits  d'Orphée.  Touieiois  les  motif:?  qui  ont  lait 
Kdérer  celle  excepiion  aux  régies  suivies,  ne  s'jpph- 
qiienl  pas  aux  sculptures  Ueceiiechaire.  L'iiinigosvni- 
Çolii|ue  d'Orphée  était  dune  dimension  assez  gra'mi^; 
pour  frapper  les  regards  des  (idèles  qui  se  réunis- 
saient dans  les  souterrains  sacrés  ;  un  Igiir  en  ex- 
pii<|ii:iit  le  sens,  et  ce  tableau  devenait  ainsi,  comme 
toutes  les  autres  peintures  qui  décoraicui  ces  "a.e- 

{a)  L'once,  ou  la  douzième  partie  de  la  palme  romaine 
équivaut  à  un  ci  .ilimoln^  huit  niilhnièlres.  ' 


oalholiqne  louchant  lincarnalion.  Dans  l'in- 
tervalle l'empereur  Tliéodose  fil  assembler  à 
Kplièse  un  concile,  en  i'i-',) ,  auquel  présida 
Dioscore,  patriarche  d'Alexandrie,  homtue 

ries,  une  prédication  qni  parlait  aux  yeux.  Mais  de 
petiies  ligures  mythologiques,  sculptées  dans  les 
parois  d'un  meuble  et  qu'on  pouvait  à  peine  distin- 
guer à  deux  pas,  ne  pouvaient  remplir  le  même  but. 
t;es  incrusialions  n'eussent  é.é  qu'un  ca|irice  sans 
iitiliié  ccmiiie  sans  convenance,  el  les  premiers 
cliré  ions  ne  faisaient  fléchir  leur  aver»ion  pour  les 
allégories  de  la  poésie  laienne,  ipielor-ipie  de  graves 
raisons  les  y  déleriniuaicnl.  Dans  ces  mêmes  (  ata- 
comlies  qui  ont  f jurni  le  lalileau  dont  il  vicnl  d'être 
qnesion.on  n'a  reirouvé  aucun  emprunt  mvllmlo- 
giqne  parmi  les  peiils  symb  des  tracés  par  les'lidèles 
Sur  les  pierres  sépulcrale^;  ilj  sont  tous  exclusive- 
lucnl  chiéiiens.  Mous  soimues  donc  conduits  à  pen- 
ser que  ce  mivnument  a  dii  appartenir  piiuiitivemeul 
à  un  paieii,  et  iju'oii  ne  doit  pas  lui  assigner  une 
origine  postérieure  aux  premiers  siècles  de  l'ère  chré- 
tienne. 

<  Le  caractère  de  ces  ornements,  envisagés  sous 
un  point  de  vue  purement  anislique,  sert  à  déler- 
niiner,  d'une  manière  plus  circonscrile,  la  péiiode 
de  lemps  à  laquelle  ils  remoulent.  Ils  sont  lori  re- 
niirqnah es  par  la  beauté,  la  dé  iralesse  et  le  lini 
(lu  Iravail  ipii  déeeleiit  une  époque  oit  la  S(  ulpllire 
élaii  très  11  Hissante.  Or,  les  h.storiens  de  l'art  ont 
conslité,  d'après  l'élnile  coniparée  des  monuments, 
que  la  sculpture  a  subi  nue  dégéuéralion  tiès-pro- 
Moneée  à  prlir  du  cnnmeu  enienl  du  troisième 
Siècle,  et  coimiie  ceit'?  décad.iice  se  lait  déjà  remar- 
quer dans  le  second,  ils  aitribu.'nt  en  général  au  siècle 
d'Auguste  les  œuvres  qui  se  disling  ,enl  par  un  grand 
mérite  d'exéeiilion. 

I  Une  anire  particularité  permet  de  resserrer  en- 
core en  des  limites  p  us  éiro.ies  l'époque  de  ce  luo- 
nnnient.  On  sait  ipii;  la  mode  des  siéyes  gestaluires 
ou  chaises  à  porteur  a  commencé  parmi  les  princi- 
paux personnages  de  lioiiie,  après  l'avènement  de 
Claude  à  l'empire.  C'est  ce  qui  a  faii  dire  à  Juste 
Lipse,  après  avoir  examiné  à  ce  sujel  les  passages 
des  auteurs  latins  de  celle  époque  :  t  Au  temps 
d'Auguste,  je  ne  trouve  pas  la  chaise,  niais  toujours 
la  litière  ;  au  contraire,  depuis  Claude,  très-rare- 
ment la  litière,  et  I  resijue  loujouis  la  chaise.  Aon 
ripcrio  tempore  XiiQuii  sellant,  seinper  leclicain ;  ast 
posl  Clamliuin  plciuimiui:  sellani,  rara  nieiiwria  leclicœ 
{Jitil.  Lips..  0|ier.  omn.  tiujdun.  Itilj,  t.  I;  Etecl., 
I.l);  I,  cap.  14,  p.5|-i).  I  ll'ser.iii  bien  diliicile  de 
ne  pas  recunnaitre  une  de  ces  chaises  à  porteur,  sella 
(/es(n/orw,  dans  le  meuble  dont  nous  nous  occupmis 
eu  ce  moment,  puisqu'on  y  voit  de  chaque  cô  é  des 
anneaux  doubh'S  en  ler,  (lar  les.|ue!s  on  devait  laire 
pas-er  des  biancards.  A(/ usuiii  genalor'ue  sdlx  pro- 
cul  dubio  a/fubre  faclu  ceriiitur,  liubens  in  uin^que  to- 
lère duplicia  mmiubria  ferrea,  Iwblis  porlalilibus  im- 
mttleiidis  apposita  (fliœb.,  de  Lima.  Calli.,  p.  iO). 
Les  grands  seigneurs  romains  de  cette  épo(|ue,  trés- 
aiiiis  du  luxe  et  de  leuis aises,  ne  inanquaicnt  pas  de 
garnir  leurs  chaises  à  porteur  de  riches  et  moel- 
leux coussins  ;  elles  devaieni  avoir  une  dimension  qui 
pût  se  prêter  à  cet  arrangement.  La  structure  du 
meuble  en  question,  qui  esi  celle  d'nn  grand  el  large 
riiiteud,  s'accorde  ain>i  irè.-b.eu  avec  la  de^tnaiioa 
elaiiemeiit  indiquée  par  les  anneaux  de  ler  latéraux.  . 
Il  réiulie  de  i  es  ohservaiions  (p.e,  selon  toute  pro-  ' 
babilité,  son  origine  n'est  pas  antérieure  au  lésnè  de 
Cl.iude,  et  qu'elle  estposlérieure  aux  Gommencements 
de  la  prédication  évangélique  ijui  uni  eu  lieu  sous  le 
lè^iie  de  1  ibère. 

<  lin  suivaia  ces  divers  indices,  on  parvient  à  dé- 
couvrir quelle  a  dû  êire  la  position  sociale  de  son 
premier  possesseur.  Les  p.aiiculaiiiés  qui  caracté- 
risent en  elle  une  chaise  à  porteur,  et  par  là  uième 


70) 


CHA 


violent,  orgueilleux,  d'un  caractère  intrai- 
table, el  nincmi  de  saint  Flavien.  Il  se  dé- 
clara hniitcmenl  pour  1 1  ducirine  d'Eulychès, 
an.illiùmaliba  saint  Flaviea  et  saiul  Léon, 


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força  les  évêques  à  signer  cette  décision ,  fit 
employer  même  les  coops  et  les  outrages 
conlre  saint  Flavien  et  contre  les  évéques 
qui  lui   étaient  attachés ,  le   Cl  envoyer  eu 


un  gonre  de  menhle  dont  les  grands  seuls  se  ser- 
vnienl,  son  ami'lenr,  sa  slruclnre  soignée,  ses  élé- 
gaiiis  (irnonicnls  d'ivoire  entrelaces  lie  (ileis  d'nr,  la 
perferlinn  des  soulptnres,  loiilaniiniiccî  qu'eUi'  n'élail 
pa--  lin  nii'iilile  oui  iiaiie,  mais  iin  siéiiededistinrlii  n, 
une  espèce  ilc  diai-e  cuinle,  apparlenaiil  à  <|iii>  que 

pis âge  opulent  de  la   classe  arisiocratique   ou 

fénai'  lia'e. 

<  Niiiis  venons  de  reciiiillir  qnatre  indications  dis- 
Ilncies  :  1°  celte  cl. aire  a  clé  origliiair'ini'iil  une 
cliaise  à  porteur  ;  2'  le  pcis"nn:ige  dont  el  e  él^iii  la 
propriété  clail  iKiîeii;  5"  il  lai-ait  pariiedc  la  liaiile 
sociéié  dans  la  litm  e  impériale  ;  4*  le  siècle  d"Au- 
giisie,  si  Ton  en  reiiaiiclie  le  (ueinier  tiers  qui  pré- 
cède le  règne  de  Claude,  se  piésente  comme  étant 
réplique  à  laquelle  il  est  le  [dus  raisonnable  de  laire 
remiiiiier  ce  nioiiiimeut. 

I  (Jnnfronioiis  maintenant  ces  indices  avec  des 
obsiTvalions  qui  dérivent  d'une  autre  source.  Saint 
l'ierr",  airivc' à  lionie  dans  le  fièile  d'Augnsie  et 
sons  le  ré};iio  de  (.lande,  y  a  reçu  rhospiialité  cliez 
le  sénalenr  Pndens,  ccnivei  t  par  lui  an  clirislianisme. 
C'est  là  que  st;  sont  tinii.s  l^-s  premières  assemblées 
d.'S  fidèles,  e'esl  là  que  sa  chaire  pa.-l^irale  lui  a  été 
fournie.  Comme  la  ciiairc  éiait  une  marque  d'autoi  i(é, 
il  e.«t  iiès-naniiel  (iiie  l'uilens  ail  tenu  à  lui  procurer 
à  cet  elfei  nn  meuble  distingué.  Le  gesiaioire,  dont 
se  servaient  l'empereur  ei  les  grands,  était  éminem- 
ment nn  siège  d'I.oiinenr,  et  il  n'est  guère  donicux 
«jiie  le  sénateur  l'iidens  n'ait  possédé  un  meuble  de 
ce  genre,  puisqu'il  faisait  partie  de  la  classe  qui 
avait  ado.  ti-  C'  tie  mode,  à  l'exemple  du  souverain. 

c  ^ons  avons  donc  deux  séries  d'inilications  :  les 
unes  se  ilcdiiisi'iil  des  pailicnlantés  matérielles  du 
nionament;  les  autres  lésulienl  des  données  hisio- 
ri(pies  sur  répo(|ue  et  la  maison  on  saint  Plerie  a 
pris  possession  d'une  cliaire  dans  Kome.  (^es  deux 
séries,  (|ni>ii]iie  d'origine  diverse  et  réciproi|neiiient 
iiidépendanies,  s'aj  stent  l'une  à  l'autre  sur  tons  les 
poiiiis  piiiir  concoriler,  d'une  manière  Irapiianie, 
avec  la  tradition  qui  a  répéiéde  siècle  en  siècle  que 
sette  cil. me  antique  e^t  celle  de  saint  l'ierre. 

I  On  ileniaiiieia  sans  doute  si  la  légende  mytlio- 
logique,  représentée  par  les  sculptures  d'ivoire,  ne 
peut  pas  foi  nier  une  (dijection  légitime  contre  l'au- 
tlienficité  de  ce  niuiiiimenl.  AsMiiément  il  ne  serait 
pas  raisonnable  de  supposer  qu'en  faisant  fabriquer 
une  cliaire  ap  islolicpie,  on  ait  exigé  que  ses  orne- 
nients  lignrassent  de- objeis  prolanei;  niai>  tri  n'est 
poiii'  le  cas  piésent,  puisqu'il  s'agit  d'un  siège  ipic 
Pndens  aurait  pris  paiiiii  tes  meubles  qu'il  po-sédait 
avani  sa  conversion  au  clirislianisme.  Il  est  aisé  de 
coni  evoir  qu'on  y  ait  laissé  subsister  ces  iictils  eni- 
liléiiii!)  en  la\oiM  du  sens  allégorique  auquel  ils  se 
prci  ient  :iUssi  naïuiellcnieiil  que  (elle  ligure  d'Or- 
pliée  que  II' Us  avinis  lappelée  Inut-à  l'heure,  et  (|ui 
av.iil  été  iraci'c  sur  les  mis  des  caiacombes  par 
les  premiers  cliiétiens.  Oipbée,  doinpiam  L'S  ani- 
liian\  par  les  aci  n-ds  de  sa  lyre,  était  une  belle 
allégorie  ilu  (lirisl  snbugiiani  les  âmes  leticlles  par 
sa  dcicirine  céiiste;  de  inéiiie  saint  Pierre  éiait  le 
vériiable  II  renie  ipii  était  venu  à  Home  i  oui  y  ter- 
rasser riiydre  inlernale  île  l'iilolàirie.  C'eût  élé,  je 
l'avoue,  lin  syiiiliidisme  presipie  iinpei(eplilile  à 
raisnn  de  revigniié  des  ligures,  et  il  n'ai.rait  pas  eu, 
comme  je  l'ai  déjà  dit,  le  genre  d'utilité  qu'avaient 
les  peintures  des  cataenmlies.  Mais,  si  le  rappro- 
cbenieni  allégorique  n'explique  pas  ponrquui  l'on 
aurait  clioisi  tout  u\|irés  de  pareils  emlileincs  pour 
les  iiicmster  dans  le  meuble  desiiiié  à  ètie  la  cliaire 
de  l'apôtre,  il  explique  sul'lisaminent  pourquoi  on  a 


pu  les  laisser  dans  un  meuble  préexistant,  pourquoi 
on  n'a  pasienii  à  briser  sur  cette  cliaire  euriile  du 
conquérant  cliréiien  de  Rome  les  ligures  en  ipielque 
Snrie  propliéliqiies  dont  elle  se  trouvait  ornée.  Cette 
c\plicatiiin  se  prése 'le  très-naiurellenieni ,  su, .posé 
que  ces  premiers  clirétiens  aient  alliclié  qnebpie  iiii- 
perlance  à  ces  orn  menis;  mai-,  du  reste,  il  estlrès- 
possib  e  et  inêine  pndiable  qu'ils  n'y  oui  siiièie  pris 
garde.  Il  ne  faut  pas  juger  de  ce  qui  a  dû  arriver 
alois  d'a|irès  le  qui  se  passe  anjourd'lini,  lorsqu'on 
foiiruii  une  chaire  à  un  évéque  :  la  cliuse  ne  s'est 
pas  faite  avec  t.nit  d'aiprèl.  Sanl  Pierre  élaiii  étalili 
cliez  Pndens,  des  néopliyies  s'y  sont  réunis  dans 
une  salle  pour  remendre  prèitier  et  pour  recevoir  de 
lui  le  s  eau  du  bapième.  On  a  choisi  sans  délai, 
parmi  les  meubles  de  celle  maison,  (jiii  h  veille 
était  encore  païenne,  un  siège  d'iinnnenr  doiil  il  pût 
se  servir  en  présidant  celle  asseir.b  ée  religiene,  et 
il  a  coiiliniié  d'en  user,  sans  que  lui  ni  ses  disciples 
se  sriieiit  mis  à  éplucher  les  petites  figures  décou- 
pées entre  les  pieds  de  cène  chaise,  tandis  qu'il 
s'agissait  de  cnniineneer  la  lutte  conlre  I  •  grand 
colosse  de  Rome.  .Après  la  mort  de  1',  poire,  la  vé- 
nération due  à  sa  mémoire  n'aura  t  pas  permis,  si  la 
pensée  en  était  venue,  de  mutiler  la  chaire  sur  la- 
quelle il  s'était  assis,  et  de  proscrire  ce  qu'il  avait 
toléré. 

<  Quelque  supposition  qu'on  fasse,  ces  emblèmes 
ne  saliraient  donc  former  une  objeili"n  solide;  car,  en 
matière  de  crilique,  et  spécialement  de  critique 
monu  eentale,  il  est  de  principe  que  lorsqu'une  dilTi- 
cnlté  se  ré  ont  par  une  explicali  ii  plausible,  elle  ne 
peut  ni  inlirnier  les  indice-  qui  éclannl  les  origines 
d'une  chose,  ni  à  plus  forte  raison  prévaloir  conlre 
une  iradiiion  coiistanie.  Combien  n'y  ai-il  pas  de 
monuinenU  do.it  on  ne  conteste  pnint  l'auilieniicilé, 
quoiqu'ils  pré-enlenl  des  singularités  moins  l'acile- 
iiient  explicables  que  celles  dont  nous  venons  de 
parler  ? 

«  l>oin  de  porter  alteinle  à  la  tradition,  celle  par- 
ticularité sert  au  cuniraire  à  l'appuyer.  Si  après  quel- 
ques siècles  on  avait  commencé  à  présenter  aux 
respects  publics  une  fausse  chaire  de  saint  Pierre, 
on  n'aurait  pas  manqué  de  choisir  nn  meuble 
exempt  de  ces  images  païennes  qui  poiivaieiil  la 
rendre  suspecte.  La  piésence  de  paieilles  sculptures 
sur  un  pareil  monument  semble  doue  prouver  l'u'il 
n'a  pu  être  vénéré  de  siècle  en  sièc'c  que  parce  que 
chaque  siècle  a  iroiivé  mie  traililion  préexistante  qui 
engiranlissait  l'aulheiitieité.Cesurnenienis  profanes, 
incrustés  dans  la  première  chaire  de  la  chrélienlc, 
ont  sans  diinte embarrassé  plusd'un  savant  du  ineyen 
âge  qui  ne  pouvait  pas  connaiire,  coumie  nous,  d'a- 
près des  miinumenls  reiroiivés  uii  étudié-  plus  tard, 
l'indulgence  des  premieis  lidéles  envers  cenains 
emblèmes  mylliologiques.  Mais  ce  i|ni  a  pu  être  une 
lentaiinn  de  iloute  pour  la  s  lUplicité  île  nos  aïeux, 
n'est  plus,  pour  les  Inmiércs  arrhéolO|{iques  des 
temps  inoilerncs,  que  la  conlirniation  d'uuc  vénéra- 
ble croyance. 

I  S'nis  lin  po'ut  de  vue  simplement  arcliéoiogique, 
ce  serait  déjà  cho-e  fort  iiiléressanle  qu'une  ciiaire, 
iiini  de  marine  ou  d'airain,  mais  de  buis,  appartenant 
au  premier  siècle,  quia  siibsisié  jusqu'à  nos  jours 
pour  se  perpétuer  bien  au  delà,  dans  un  assez  lion 
état  de  coiiservaiion  et  presque  dans  son  iniégriié 
native.  La  vénération  des  reliques  a  ciintrilnié,  par 
IVIlicacilé  propre  aux  soins  qu'elle  prescrit,  a  con- 
férer au  siège  du  premier  des  apôtres  ce  privilège 
de  durée.  Mais  il  faut  convenir  qu'elle  a  été  singu- 
lièrement favQrisée  à  cet  égard,  puisque  les  auirei 


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exil,  où  il  mournl  des  mauvais  traitements 
qu'il  avait  essuyés.  C'est  ce  qui  a  f.iit  nom- 
mer celle  assemblée  lumuliueusc  le  brigan- 
dage d'Eplièse. 

Ce  concile  ne  fut  point  wcitménique,  quoi 
qu'en  dise  Mosheim  ;  la  Icllre  de  convocaliim 
purlall  :  que  l'exarque  ou  patriarche  pren- 
drait avec  lui  dix  mélrupuliijiins  de  sa  dé- 
pendance, cl  dix  autres  évéïiues  ,  pour  se 
trouver  à  Eiilit^se  ;  rassemblée  fut  composée 
tuut  au  plus  de  cent  trente-cinq  évê(iufs,et 
les  légats  du  pape  prolestèrenl  contre  lout 
ce  qui  s'y  pissi.  Il  n'est  pas  vrai  non  plus 
que  le  concile  précédent,  tenu  dans  la  tnème 
Ville,  l'.in  h'i\,  contre  Ncslorius,  ait  été  dés- 
honoré par  la  mémi?  injuslii-e  et  la  même 
violence  que  celui-ci.  S.iiiil  Cyrille,  qui  pré- 
sidait au  premier,  ne  fit  user  d'aucune  vio- 
lence contre  Nesiorius  ,  qui  était  protégé  et 
gardé  par  les  officiers  de  l'empereur  ;  dans 
le  seciind,  Dioscore,  escorté  di's  mêmes  offi- 
ciers, et  appuyé  par  des  soMals,  lit  ni.illrai- 
ler  cruellement  saint  Flavien  et  les  évéques 
opposés  à  Eulycliès.II  n'y  a  aucune  ressem- 
blance entre  ces  deux  conciles. — Saint  Léon, 
inform,'  de  tous  ces  excès,  engagea  l'empe- 
reur Marcien,  successeur  de  Tliéodose,  à 
convoquer  un  concile  à  67(a/c(f(/oi)ie  ,  pour 
établir  la  doctrine  catholieiue  et  procurer  la 

chaires  .ipostnliqucs  n'ont  point  participé  à  celle 
préregilive.  Elles  nnl  péri  |);ir  la  main  ou  par  la 
iiéslijjonce  des  liomnies  ;  celle  de  suint  Pierre  seule 
a  élé  sauvée  par  queUpie  chose  qui  se  iinnKiie,  je 
crois,  la  Proviilence.  Des  évéïieiiieols  técQU'ls  en 
deslrmlions  de  tout  genre  l'oul  siuivent  nienacée, 
couinie  un  incendie  qni  échiliiji  autour  (l'ello  :  ce  ne 
sont  pas  les  ilévasiatioris  qui  mit  nian(|ué  à  Ilonie. 
D'AIaric  à  Totila,  dans  l'espace  d'environ  tiO  ans, 
celte  ville  a  oié  saccagée  quatre  lois.  Un  indigne 
héritier  du  l:ône  de  Conslaniin  Unit  par  se  mettre  à 
la  léle  des  ruis  liarlires  pour  la  dcpoiiiller.  La  der- 
nière fois  que  cette  s<niveraiiieié  dégénérée  y  lit  une 
apparition,  .m  seiiliènie  siècle,  l'aigle  impérial,  de- 
venu un  oiseau  pillard,  dit  adieu  à  Rome  eu  empor- 
lant  dans  ses  serres  avilies  une  l'onle  d'olijets  pré- 
cieux, et  jusqu'aux  unies  dorées  du  Panilieon.  Au 
onzième  siècle,  l'empereur  11 'nri  IV  vi'ir.iit  d'  rava- 
ger une  piirtie  de  la  ville  connue  sous  le  nom  de 
caé  Léuiùne,  ipii  îenfennail  l.i  basilique  de  Saint- 
Pierre,  lor.Mpie  l'aniiée  de  lioliert  (jui-.caril,  q  li  ar- 
rivait pour  le  chasser,  dévasta  plus  compIé;ement 
eiiciire  l'autre  partie.  Le  sac  de  Unine  par  le<  bandes 
luiliériciines  du  connéialile  de  linurbun  déirui~it, 
dans  les  églises  et  dans  les  sacristies,  uiiefunle  d'an- 
liipiilés  qui  avaient  échappé  à  loules  les  dépiéda- 
lii'Ms  prccédenies.  A  ces  époques  ilé>asiieiises.  Hune 
a  vu  piller  ses  trésors  sacres,  jeter  aux  vents  des 
reliques  saintes,  abattre  des  (oloiines  de  granit;  la 
(ragile  (ilanche  sur  laipielle  saint  l'ierre  s'e>t  assis, 
a  irjiveisé  tant  de  siècles  cl  tant  de  destruciions 
Cdinine  un  einblénie  perpétuel  de  l'indéfeciibilité  de 
la  loi. 

Non  de  marmoreo,  asi  .Tterno  e  frngmine  lexta, 
Durât  iu  exlreinum  Urniu  cathedra  dieiii. 

(Aiidr.  Mabiands,  llb.  n,  epigr.  ô.) 

<  On  pourrait  lui  appliquer  (es  mots  :  Tu  ninrche- 
ras  sur  l'aspic  cl  le  busilic,  et  lu  fouleras  aux  pieds  te 
lion  i'(  te  dr.igoii,  auxquels  taisaient  allusion  les  ani- 
maux symboliques  sculpié^  sur  les  gradins  de  l'an- 
iii|ue  chaire  en  niarhre  fin  dont  se  servaient  les 
papes  dans  la  basdique  de  Latran.  > 


paix  à  l'Eglise.  Ce  concile  ,  présidé  par  les 
légats  du  pape,  fut  composé,  selon  quelques 
auteurs,  de  six  cent  trente  évéques.  On  y 
examina  les  ades  du  concile  de  Constanti- 
nople,  où  Kutycliès  avait  été  condimné,  et 
ceux  du  faux  concile  d'Ephèse;  la  profes- 
sion de  foi  d'Eulychès,  la  lettre  de  saint  Cy- 
rille contre  Nesiorius,  et  celle  de  saint  Léon 
à  l'^lavien.  A  la  lecture  de  celle-ci,  les  évé- 
ques s'écrièrent  que  telle  était  la  toi  de  l'E- 
glise et  des  apôtres;  que  Pierre  avait  parlé 
par  la  bouche  de  Léon.  Conséqueminenl  la 
décision  du  concile  fut  que  «  Jésus-Christ 
Noire-Seigneur  est  vraiment  Uieu  et  vrai- 
ment homme,  composé  d'un  âme  raisonna- 
ble et  d'un  corps  consubslanliel au  Père  seloa 
la  diviiiiié,  et  consubslanliel  à  nous  selon 
l'humanité,  Seigneur  en  deux  natures,  sans 
coulusion,  sans  changement,  sans  division, 
sans  séparation,  et  sans  que  l'union  oie  les 
prupriclés  et  la  différence  des  deux  natures, 
en  sorte  qu'il  n'y  a  pas  en  lui  deux  person- 
nes, mais  une  seule,  que  c'est  un  seul  et 
même  Fils  unique  de  Dieu,  etc.  »  —  Ainsi 
furent  condamnés  lout  à  la  fois  Nesiorius, 
Eulychès  et  leurs  adhérents  ;  Dioscore  fuldé- 
pose,  anathématisé  et  exilé,  tant  pour  les 
violences  qu'il  avait  exercées  à  Eplièse  que 
pour  d'autres  crimes  et  pour  ses  erreurs, 
iylais  cette  décision  ne  rétablit  pas  la  paix. 
La  plupart  des  évéques  d  Egypte  demeurè- 
rent aliachés  à  Eulychès  cl  a  Dioscore  leur 
patriarche  ;  ils  pulilièrent  que  le  concile  de 
Clialceddine,  en  condamnanl  Eulychès,  avait 
aus-.i  condamné  la  doctrine  de  sainl  Cyrille, 
et  approuvé  celle  de  Nesiorius,  deux  lausse- 
tés  évidentes.  Ils  ne  réussirent  pas  moins  à 
former  un  schisme  et  une  secle,  dont  les  par- 
tisans ont  élé  nommés  monophijsites  ,  et  par 
la  suite  j'acoôiies.  Voy.  EuTïCHttiNS. 

C'est  sans  aucune  raison  que  Mosheim  et 
d'aulres  proleslants  nomment  le  concile  de 
Cludccdoine  une  assemblée  Oruynnle  et  luinut- 
tueuse,  et  veulent  nous  persuader  que  tout 
s'y  passa  dans  un  desordre  à  peu  près  égal 
à  celui  du  faux  concile  d'Ephèse.  L'empe.eur 
lui-même  fut  présenta  plusieurs  séances,  et 
rien  ne  se  lit  <|u'après  un  mûr  examen  ;  il  a 
fallu  toute  l'opiniâtreté  qu'inspire  l'heresie, 
pour  se  prévenir  contre  la  manière  donl  on 
y  procéda.  Le  traducteur  de  Moslieiai  dil  que 
saint  Léon,  dans  sa  lettre  à  Flavieii,  expli- 
que, avec  une  grande  apparence  de  clarté,  la 
croyance  calholii{ue  sur  ce  sujet  embrouillé; 
la  carié  de  cette  lettre  n'est  point  apparente, 
mais  très-réelle,  el  lui  jugée  telle  non-seu- 
lemenl  en  Orient,  mais  dans  loutl'Occident; 
de  sou  propre  aveu,  celle  lettre  passa  pour 
un  chef-d'œuvre  de  logique  et  d'éloquence, 
el  on  la  lisait  chaque  année  pendant  l'A- 
venl,  dans  les  églises  d'Occident.  Les  pro- 
testants eux-mêmes  sont  obligés  de  s'expri- 
mer comme  saint  Léon,  dans  leurs  disputes 
contre  les  sociiiiens,  touchaut  le  mystère  de 
l'incarnalion. 

Après  avoir  fixé  le  dogme  catholique,  le 
concile  de  Chalcédoine  fil  aussi  plusieurs  ca- 
nons de  discipline  ;  le  vingt-huitième  ,  qui 
attribuait  au  siège  de    Conslanlino,  le    les 


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mêmes  privilèges  et  les  mêmes  prérogatives 
qu'à  cclnideKome,  a  cansé  de  vives  contes- 
tations ;  les  léijals  de  saint  Léon  rcclamè- 
reiil  contre  ce  règlement  et  soutinrent  qu'il 
était  contraire  au  sixième  cinon  du  concile 
de  Nicée,  qui  porte  que  l'Eglise  romaine  a 
toujours  eu  la  primauté;  saint  Léon  lui- 
même  s'en  plaignit,  et  refusq  de  le  confir- 
mer. Mais  les  Grecs  y  sont  demeurés  aita- 
chés,  et  ça  été  le  premier  germe  du  schisme 
qu'ils  oiil  formé  avec  l'Eglise  litine  dans  les 
siècles  suivanis. 

CHALDAIQUR.qu!  appartient  aux  Chnl- 
déens.  Nous  parlerons  des  Paraphrases  chal- 
rfaïyues  sous  leur  litre  particulier,  et  de  la 
lang'C  clialda  que  dans  l'article  suivant. 

CHALUEENS,  peuplequijdans  sonorigine, 
habitait  la  Mésopolqmie,  pays  situé  entre  1- 
Tigre  el  l'EiipIirale,  et  duquel  il  est  souvent 
parlé  dans  l'Eiriliire.  Ce  n'est  point  à  n^us 
de  discuter  les  antiquités  fabuleuses  di's 
ChaldtUns  que  les  incrédules  ont  sauvent 
oppos  'es  à  riiistoire  sainte  :  personne  n'y 
croit  plus  aujourd'hui  ;  on  est  convaincu  (jue 
leurs  obs<'rvqtions  asironomiques  ne  remon- 
taient pas  plus  liant  que  jusqu'au  siècle  du 
déluge.  Ainsi  plu>  l'on  étudie  les  monuments 
de  l'histoire;  mieu\  ou  voit  la  vérité  de  ce 
que  l'Ecriture  nous  dit  des  peu  pies  anciens  (1). 
Elle  nous  apprend  que  les  Chaldéens  sont  les 

(1)  La  m;inie  de  l'nnliqnité  ne  fut  suère  nmiiis 
énergique  dans  I»  nnlion  Clialiléeniie  (|iie  dans  les 
anires  grands  peuples  an<  iens,  el  <  les  prôires  de  Ba- 
bylone,  dit  Para  du  Plianjas,  ne  s-e  ninnirèrent  pas 
riinins  ardents  que  les  prcires  d'Egypte  à  soiilenir  et 
à  éieM<lre  en  ce  jî'^nre   la  gloire  de  leur  nnlion. 

f  Bérosp,  prêire  de  Déliis,  à  Babylnne,  né  vers  le 
leinps  où  Alexandre  lit  la  conipiéie  d(!  celle  grande 
ville,  rédigea  en  corps  d'Iiisioire  les  tablas  clialdéeii- 
iies,  comme  Mnnéllion  avait  rédigé  en  corps  d'Iiis- 
toire  les  faliles  égyptiennes.  Cette  histoire  de  Bérose 
n'exiite  plps  depuis  loirgiemps ,  et  am  ui|  critique 
n'a  éié  trompé  par  lesiinpies  rêveries  qu'a  publiées 
dans  ces  derniers  leuips  sous  le  nom  de  Bérose  le 
dominicain  Annius  de  Viicrlie. 

«  1"  Les  Clialiléans  ainsi  que  les  Egyptiens  divi- 
saiejil  leur  auiiquiié  en  temps  fuliuleux  et  en  leiiqis 
bistorlques  ;  les  loinps  fabuleux,  selon  les  Clmldeens, 
précédaient  les  temps  liisioriques  de  plusieurs  niyr 
riades  ou  de  plusieurs  luis  dix  mil|e  ans.  Voici  ce 
qu'en  dit  M.  Fréret  {  Dam  su  Oéfense  de  la  chronolo- 
gie, contre  U  ujii'eme  de  Newinn,  pag.  23i ),  d'après 
Syucclle,  (pii  nous  a  conservé  quelques  fraguirnls 
de  i'Iiisloire  de  Bérose  :  Les  Biibiiloniens  a.lmeilnienl 
une  ]<rogression  assez  Ifule  dims  la  [ormalion  des 
eues,  et  ils  sniiposuieiU  que  pendant  loniilemps,  tu  na- 
ture, qui  efsuiiail  pour  ainsi  dire  ses  forces,  n'avait 
produit  que  de*  moHiires  et  que  des  êtres  irréguliers. 
Am^i  (es  temps  tiisloriquet  ne  coinmeiifaicnl  qitnu  re- 
flue d'Atorut,  le  premier  homme  et  le  preinier  \oi  de 
ta  Clmldée. 

<  Il  ne  sera  pas  inutile  de  remarquer  ici  comme 
en  passant,  que  chez  les  Egyptiens,  les  leinps  fabu- 
IcuK  cl.iieMi  remplis  de  généalogies  des  dieux,  et  ipie 
chez  les  Cbaldéens,  (;ts  mêmes  ((^mps  labuleux 
éiaienl  livrés  à  la  lérmentatmn  do  la  nature,  à  lu 
lente  formation  des  cires  ;  les  premiers  élaieiU  plus 
déeidés  pqur  l'absurdii  polythéisme ,  les  derniers 
pcncliaicpi  pins  viis  le  slnpidc  iiiaiérialis'i  c.  On 
dcviiici.'i  peut  être  par  là  piinr'jtioi  l'on  voit  qin;l- 
cjues  pliilosopbes  iuoUerue>  insi.lar  et  s'appesaiilir 
ei  fort  sur  la  lente  formation  des  êtres,  sur  ta  lonie 


CHA  79'i 

premiers  tombés  dans  le  polythéisme,  et  que 
l'idolâtrie  la  plus  ancienne  a  été  le  culte  des 
astres.  Voy.  Astres.  Or,  les  Chaldéens  ont 
été  les  premiers  observateurs  du  ciel.  Ils 
étaient  invités  à  se  livrer  à  l'asironomie  par 
la  beauté  des  nuits  dont  leur  climat  est  favo- 
risé. —  Leur  histoire  se  trouve  essentielle- 
ment liée  à  celle  des  Juifs.  Abraham  partit 
de  la  Chaldée  pour  venir  habiter  la  Palesti- 
ne ;  Isaac  et  Jacob  épousèrent  des  Clial- 
déennen.  Déjiî,  sous  Abraham,  les  roitelets 
(le  !a  Mé-opolara;e  faisaient  des  incursions 
dans  la  l';ilesline  ;  d  ins  le  livre  de  Job,  c. 
1,  V.  17,  il  est  parlé  des  Chnltéens  comme 
d'un  peuple  adonné  au  brigandage.  —  Les 
rois  d'Assyrie,  après  avoir  soumis  la  Chal- 
dée, n'ont  jamais  abandonné  le  projet  d'as- 
sujettir les  Israélites,  et  Dieu  mi>nlre  à  ces 
derniers  ce  peuple  ennemi  comme  un  fléau 
dont  il  se  servira  pour  puuir  leurs  infidélités  ; 

formation  des  langues,  des  arts,  des  sciences,  do^ 
soriéiés,  des  empires,  qui  demande,  selon  eux,  une 
suite  de  sièeles  immeiisémeni  p|us  grande  (pie  celle 
que  donne  an  genre  humain  I'Iiisloire  saiiiie  :  on  se 
peint  souvent  plus  qu'on  ne  pense  et  qu'on  ne  veut 
dans  ses  écrits. 

<  La  durée  de  ces  temps  historiques,  cnmimie  le 
même  auienr  d'après  les  mêmes  fiagmenls  de  Bé- 
rose, éiait  parlariée  chez  les  Babyloniens  en  plusieurs 
intervalles,  par  époifues  différentes.  Le  premier  inter- 
valle,  depvis  Alorus  jnsqn''à  Xisulhrus,  sous  lequel 
arriva  le  déluge  universel,  comprenait  le  rèqne  de  dix 
rois  successif',  et  la  durée  en  était  de  li(j  sare.;,  ou 
périodes  chaldéennes.  Depuis  le  délu  e  de  .Xisulhrus, 
on  comptait  neuf  sares  et  demi,  jnsquau  riqne  d'/'.'ro- 
choûs.  Après  cet  Evochoûs,  on  commençait  h  compter 
la  durée  par  années  solaires  de  5l!u  jours,  et  l'on 
comptait  ^^'6■")  ans  jusqu'à  la  destruction  de  rempire 
syrien  sous  le  dernier  Sardanapate. 

2'  Mais  qu'éiait-ce  que  ces  sares  qui  mesurent  les 
premiers  leinps  historiques  de  la  nation  cbaldéennc  ? 
C'était  une  durée  de  ôiiOO  ans ,  selon  les  anciens 
astrologues  chaldéens,  nue  durée  de  lilitlO  j<iurs  se- 
lon les  clironoliigi-tes  chrétiens,  ii'ie  durée  de  222 
lunaisons  selon  quelques  livres  «le  raslron.imie  clial- 
déenne,  seliMi  Suiilas,  selim  llalley  et  Krcret  ;  par 
on  l'on  voit  ipiel  fonds  de  ceitiiude  et  de  piéei-iun 
peut  donner  celte  clironol 'gie  clr.ildéeiine,  nie  ne 
dans  ce  qu'on  iionime  les  temps  his  oriijues.  La  cliro- 
no'ogie  dinldéenne  renrerme  évidemniciil  la  inènip 
iiiceititude,  la  même  confusion,  les  mêmes  oppo-i- 
lions,  les  mêmes  rêveries  que  n(Mis  venons  d'obser- 
ver dans  la  clironiilogie  égyptienne. 

«  Bérose,  dans  le  premier  livre  de  son  Histoire, 
faisait  remonier  l'origuie  cl  les  prcmieis  lemiis  de 
Baliylone,  abstraclioii  laite  de  la  longue  durée  ipii 
avaii  concouru  avec  la  lente  fonnailou  des  cires,  ,l 
une  immense  antiquité,  .à  150,0  0  ans  selon  Syncelle, 
à  i7l),U0n  ans  selon  d'.iiilres  hi-lorieiis. 

<  Le  pliili'snphe  et  l'orateur  romain,  Cicéiou,  re- 
gardait ces  préleniiiins  d'anciennclé  comme  une  lolie 
ou  comme  une  impo-lure;  elles  oui  éié  rejelécs  de 
même  par  Diodore  de  Sicile,  par  Lucrèce,  (lar  .Ma- 
crolie,  par  Laciance,  par  saint  Augustin.  Quel  s^eiet 
motif  a  pu  animer  quelques  philosophes  modernes  à 
faire  de  si  piiissauls  et  de  si  inutiles  cll'oris  pour  les 
faire  adojiler  comme  des  réalités  ? 

I  M.  Fréret,  évaluant  av.  c  assez  de  vraisemblmeo 
le  sare  childéeu  à  22i  lunaisons,  el  appli  piani  celc 
évaliialiou  à  riil-inire  de  Bérose,  coniite  depuis  le 
règne  d'Aloi  us  jusqu'il  Ji'Sns-Clirisl  iSO'J  ans,  ce  ipii 
concilie  à  peu  près  la  chronologie  des  laides  chal- 
déennes avec  la  chronologie  des  livres  saints,  i 


m 


CHA 


cnA 


798 


cette  menace  fnl  accomplie  par  la  captivité 
de  Babjioiie.  F.cs  Juifs,  transplaniés  lians  la 
Clialdée  par  Nabuihodono-or,  apprirent  le 
chaldéen,  le  mêlèreiil  avec  l'hébreu,  corrum- 
pircnl  ainsi  leur  lan^iue.  I, 'hébreu  pur,  tel  qu'il 
est  dans  les  livres  de  Moïse,  cessa  d'èlre  la 
langue  vulgaire  du  peuple  ;  il  fallut  lui  ex- 
pliquer ces  livres  en  chnldéen  dans  les  syna- 
gogues. C'est  ce  qui  a  donné  lieu  aux  Tar- 
gumn  ou  paraphrases  chaldaïques  :  les  Juifs 
adoptèrent  même  les  caractères  cliahléens, 
qui  sont  plus  simples  cl  |)lus  commodes  que 
les  lettres  hébraïques  ou  sauiarilaiiies. 

On  a  souvent  écrit  que  le  chiildéfn  était 
partagé  en  trois  dialectes,  celui  d(^  Uabylone, 
celui  li'Antioche  et  de  la  Coinagène,  celui  de 
Jérusalem  et  de  la  Judée  ;  mais  cela  ne  doit 
s'entendre  que  des  derniers  siècles  de  l'his- 
loire  juive.  Du  temps  d'Abraham,  le  l.in- 
gage  de  la  Mésopotamie,  celui  de  la  Syrie, 
et  celui  des  Chanaiiéens  de  la  Palestine 
étaient  tellement  semblables,  que  ces  peu- 
ples pouvaient  s'entendre  sans  inlorprètc. 
De  là  l'hilon  a  dit  que  les  livres  saints  avaient 
été  écrits  en  c/m/dcfin,  c'est-à-dire  dans  la 
langue  que  parlait  Abraham  ((uand  il  sorlit 
de  la  Chaldée.  Mais  ce  langage  changea  dans 
la  suite  dans  ces  trois  contrées  ;  du  temps 
de  Jésus-Christ,  lesyriaque  d'Antioclien'étail 
plus  le  même  idiome  que  le  clwldeen  de  Ba- 
bjlone  ;  il  était  écrit  en  caractères  différents 
des  lettres  babyloniennes.  La  langue  de  Jé- 
rusalem était  mêlée  d'hébreu,  de  chaldéen 
et  de  syriaque  ;  de  là  elle  a  été  nommée 
si/rochaldairiue  ei  syro-héhrnïque.  La  version 
syriaque  de  l'Ecriiure  sainte  n'est  point  la 
Oléine  chose  que  les  paraphrases  chaldaï- 
ques. Voy.  B:i)LES  syriaques. 

Ctrlains  critiques  assez  mal  instruits  ont 
voulu  persuader  que  le  clunigeraent  des  let- 
tres hébraïiiues  ou  samaritaines  en  caractè- 
res chaldéens  avait  pu  causer  do  l'altération 
dans  le  texte  des  livres  saints  ;  c'est  comme 
si  l'on  disait  que  quand  nous  avons  quitté  les 
lettres  gothiques  pour  adopter  nos  caracières 
modernes,  nous  avons  changé  le  texte  de  nos 
livres. 

Suivant  la  tradition  des  Orientaux,  plu- 
sieurs des  apôtres,  mais  particulièrement 
saint  Thomas  ,  saint  Adée  ou  'l'hadee,  et 
d'autres  disciph'S  du  Sauveur,  oot  prêché 
l'Evangile,  non-seulement  aux  Chuld.ens 
dans  la  Mésopotamie,  mais  aux  Perses  et 
aux  autres  peuples  les  plus  reculés  vers 
l'Oiienl.  Foy.  Or!entalx.  11  y  eut  dans  la 
Çiialdée  deux  principales  villes  épiscopales, 
Kdesse  et  Nisibc,  dans  chacune  desquelles  il 
y  eut  des  écoles  célèlires,  et  qui  ont  produit 
des  savants.  Ce  furent  des  docteurs  sortis  de 
l'une  cl  do  l'autre,  qui  séduits  par  les  écrits 
de  Dioilore  de  Tharse,  de  Théodore  de  Mop- 
sueste  et  de  Nestorius,  répandirent  les  erreurs 
de  ce  dernier  dans  la  Cballée,  l'Ass  rie  et  la 
Perse,  qui  les  portèrent  mèiiii>  jusque  dans 
les  Indes,  la  i'arlarie  et  la  Chine.  Dans  lu 
la  suite,  ces  sectaires  ont  rougi  du  nom  de 
uesloriens,  et  ils  ont  toujours  afteitc  de  si; 
nonmn^r  Chaldéens  cl  OiieiUaiix.  Yoij.  Nr.s- 
TOHiENS,  Perse,  etc.,  Assémaui ,  Biblio'th. 


orient.,  tome  IV;  Dissert.,  sur  les  Nestoriens 
ou  Clia'déens. 

*  CIULIX'R  nu  GLOBE.  L»  fomniioii  d.i  globe 
a  élo  l'otijelde  riillenlion  des  goolomies  el  des  ii.ilu- 
rdisies.  Ils  ont  cru  décenviir  ipie  noue  «Lnbe  a  d'a- 
bord é  é  en  (usion  ei  qu'il  se  relroiilii  gr.idnellftiiieiit 
de  jour  en  jnur.  Les  impies  oui  <  lierctié  ii  tirer  da 
là  des  inductions  roriire  imtre  fui  :  ils  uni  prétendu 
qu'il  y  a  cnniradieticin  entre  l'expérience  et  l'eiisei- 
gueuienl  de  1;\  liible.  Nous  ne  voyons  d'abord  aucune 
couiridiciion  entre  la  niimiion  de  la  bible  et  l'in- 
cand'Seonciî  du  globe  :  nous  l'avons  dénnmiré  ;iU 
mot  CosMOcoNiE.  OiK'l  qu'ail  éiti  l'élal  de  noire  globe 
avant  du  prendre  la  Inrine  rpi'd  a  aiijiiiinl'lini,  i'i  et 
fanv,  ciiinnie  le  iircilendenl  no- advers;iiies,  i|ue  no- 
ir^'glolie  se  refroidisse  (mms  les  jours.  «  Oel'égililô 
dans  la  (birée  des  oscilialions  d'un  lunidule ,  dit 
M.  ,léli;in,  on  peu|  conclure  ,à  rmvavi;d)ililé  de  sa 
leni|>(!rature  ;  cti  bien!  de  mène  la  consiaiice  t',>:  1^ 
vile'.se  de  rotation  qui  anloïc  le  globe  terrestre  nous 
douée  la  mesure  de  la  stabilité  de  sa  température 
moyenne. 

«  La  découverte  de  cette  relation  entre  la  longueur 
du  jour  et  la  chaleur  du  globe  esl  assurément  l'une 
des  plus  biillanles  applications  (|u'on  ait  pu  jaire 
d'mie  longue  connaissance  des  mouvenienls  célestes, 
à  réiudc  de  l'état-  thermique  de  noire  planèie.  On 
sait  que  la  vitesse  de  rnlalion  de  la  terre  dépend  de 
son  Volume;  la  masse  de  la  terre  venant  à  se  relVoi- 
dir  par  voie  de  rayonnement,  sou  volume  doit  dinii- 
nui;r;  par  cimséi|uent,  tout  décroissemeiii  île  tempé- 
rature correspond  à  un  ai;croissemenl  de  la  vitesse 
de  rotation,  c'esi-à-dire  à  une  diminution  dans  la 
longueur  di|  jour.  Or,  en  tenant  coinpie  des  inéga- 
lités séculaires  du  mouvement  de  la  lune  dins  le 
calcul  des  éclipses  observées  aux  époques  les  plus 
reculées,  on  trouve  que,  depuis  le  temps  d'ilipp.ir- 
que,  c'esl-à-dire  depuis  deux  mille  ans,  la  longueur 
du  jour  n'a  ceitainemenl  pas  diminué  de  la  (  ciiiième 
partie  d'une  seconde.  On  peut  donc  allirmer,  eu  res- 
tant dans  les  mêmes  liniles,  que  la  tempéralure 
mnyeiiiie  du  globe  terrestre  n'a  pas  varié  de  1;170 
de  degré  depuis  deux  mille  ans.  i 

ClIAM,  fils  de  Noé,  ayant  vu  son  (lère  ivre, 
couché  et  endormi  dans  une  posture  indé- 
cente, en  fil  une  dérision,  et  fut  maudit  dans 
sa  postérité  pour  celle  insolence.  Il  eut  un 
grand  nombre  d'enfants  et  de  petits-fils  qui 
peuplèrent  l'Afrique.  Pour  lui,  on  croit  qu'il 
demeura  eu  ligypte  ;  mais  il  n'est  pas  certain 
que  les  Libyens  aient  eu  inleiilion  de  1  adorer 
sous  le  nom  de  Jupiter-Ammon,  cominc  l'ont 
cru  plusieurs  my'hologues.  11  se  peut  Irès- 
bien  l'aire  que  ce  dieu  soit  de  la  façon  des  Grecs, 
que  sou  nom  soit  J upit tr-Sablonneux ,  oq  qui 
préside  aux  sables  de  Libye. 

Quelques  censeurs  Je  l'Ecritqre  sainte  di- 
sent que  Moïse  a  forgé  l'histoire  de  la  malé- 
diction de  C'/mm,  pour  autoriser  les  Israélites 
à  s'emparer  du  pays  des  Cbananécns  ;  mais 
Moïse  ne  fonde  pas  le  droit  d^  cette  conquête 
sur  la  malédiction  portée  coiiire  Cbaujan  ; 
il  le  fonde  sur  la  volonté  et  la  promesse  de 
Dieu,  qui  voulait  punir  les  Chananéens  de 
leurscrimcs.  foi/. Chanankems.  llcst  boiid'ob- 
servcrquela  predictiott  de  Noé  s'exécute  en- 
core aujourd'hui  par  l'asservissement  de 
l'Egypte  sous  des  souverains  étrangers,  et  par 
l'esdavaçe  des  nègres.  Les  paro  es  de  Noé 
sont  une  |  rophélie  et  non  une  iuiorécutiou. 

YOU.  iUPRliCATKIN. 

(JUA.MOS,  dieu  des  Ammonites  et  des  Moa- 


799  CHA 

bites  ;  il  s'écrit  en  hébreu  Kamosch,  ou  Ke~ 
tnosch,  lerme  assez  approchant  de  Schmesch, 
le  soleil  :  il  paraît  que  cet  astre  a  été  la 
principale  divinité  d/s  Orientaux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Clinmos  a  donné  lieu  à 
une  objection  contre  l'histoire  sainte.  Sous 
le  gouvernement  des  juges,  les  Ammonites 
déclarèrent  la  guerre  aux  Israélites,  sous 
prétexte  que  ceus-ci  s'étaient  emparés  d'une 
partie  du  territoire  des  Ammonites.  Jephté, 
chef  du  peuple  de  Dieu,  leur  soutint  que  cela 
était  faux,  que  le  terrain  occu;  é  par  son 
peii|)le  dans  leur  voisinat;e  avait  été  conquis 
sur  les  Anvorrliécns,  qui  l'avaient  autrefois 
enlevé  aux  IMoabili  s,  et  qu'Israël  en  était 
en  possession  paisible  depuis  Irois  cents  ans. 
C'est,  en  effet,  ce  (jui  est  rapporté  ilans  le  li- 
vre des  Nombres,  r.  xxi.  J-  pht  •  ajoute,  selon 
le  texte  :  Ne  posséderez-vous  pas  le  terrain 
dont  votre  dieu  Chamos  vous  mettra  en  pus- 
session?  Nous  continuerons  donc  aussi  de  pos- 
séder tout  ce  dont  Jéhovah,  notre  Dieu,  nous 
a  donné  la  possession  {Jud.  xi,  '2h).  —  Voilà, 
disent  quelques  incrédules,  Jephté  qui  met 
Chamos  sur  la  inème  ligneque  le  Dieu  d'Israël  ; 
il  n'avait  donc  p.ns  uni'  plus  haute  idée  de  l'un 
que  de  l'autre  ;  Jéhovah  était, comme  Chamos, 
un  dieu  local,  le  ilieu  d'un  peuple  p;irlicuiier, 
et  non  le  .'ouverain  Si'igiieur  de  l'univers  : 
telle  était  la  crov;ince  des  Israélites.  —  .Mais 
les  exploits  de  C/i«mos,  mis  par  Jephté  au  fu- 
tur contingent,  et  comparés  à  la  posse-sion 
réelle  et  actuelle  des  Isr.iéliles,  nous  parais- 
sent une  dérision  assez  forlr  de  ce  faux  dieu. 
Jéhovah,  continue  Jephlé,  71/^rra  en  ce  jour 
entre  Israël  et  les  Ammonites.  Il  ne  redoutait 
(loui-  pas  beaucoup  la  puissance  de  C/(rt(/ios  ; 
en  eltel,  les  .\mnioniles  furent  vaincus  par 
Jcpliié,  et  la  dispute  fut  terminée. 

I)e  là  même  il  résulte  (jne  Jephié  avait  lu 
l'Iiisloirc  rapportée  dans  le  chapitre  x\i  du  li- 
vre iles  Nombres,  il  n'en  omet  aucune  cir- 
constance. Ce  livre  de  .Moïse  existait  donc 
p<iur  lors,  cl  il  n'est  pas  vrai  que  le  Penla- 
tenquo,  dont  il  fait  partit',  ;iit  été  écrit  dans 
les  siècles  suivants ,  et  longtemps  après 
Moïse. 

CHANANÉENS,  peuple  de  la  Palestine, 
descendu  de  (Jhanaan,  pelit-fils  de  Noé.  Les 
censeurs  <le  l'histoire  sainte  ont  fait  plusieurs 
remarques  à  ce  sujet. 

Dans  la  Genèse,  c.  xii,  v.  6,  il  est  dit  (|ue 
quand  Alualiam  vint  en  la  Palestine,  les 
Chanani'ens  y  habitaient  déjà,  c.  xiii.v.  7;rau- 
teiir  ajout(!  (jue  (|uand  Abraham  revint  d'K- 
gypie,  il  y  avait  dans  celle  même  contrée  des 
Chananéens  et  des  Pliéiézéens.  Cette  remar- 
que, disent  nos  critiques,  n'a  pu  cire  faite 
que  par  un  auteur  qui  écrivait  dans  un  temps 
où  les  Chananéens  n'él.iient  plus  dans  ce  pays- 
là,  par  conséquent  a()rès  la  conquête  de  la 
Palestine   par  les   Israélites. 

Mais  à  quel  propns  un  écrivain  postérieur 
à  l'expulsion  des  Chananéens  aurait-il  f.iit 
cette  remarque  sur  la  Palesline  ?  On  n'eu 
voit  aucun  motif.  Sous  la  plume  de  Moïse 
celte  observation  se  trouve  plat^éo  avec  sa- 
gesse. Il  venait  de  rapporter  la  promesse  que 
Dieu  avait  faite  à  Abraham  de  donner  la  Pa- 


CHA  800 

lesline  à  sa  postérité;  il  fait  remarquer  en 
même  temps  que  ce  pays  n'était  cependant 
pas  sans  babiiation,  que  les  Chananéens  et 
les  Phérézéens  s'en  étaient  déjà  emparés  et 
s'y  étaient  élablis.  Ainsi, enrapporlant  la  pro- 
messe. Moïse  fait  aussi  mention  des  obstacles 
qui  semblaient  s'opposer  à  son  exécution, 
obstacles  d'auiant  plus  sensibles  pour  lors, 
qu'Abraham  n'avait  point  encore  d'(  nfanls. 
Loin  de  conclure  de  là  que  Moïse  n'est  pas 
l'auteur  du  livre  de  la  Genèse,  il  faut  plutôt 
en  inférer  le  contraire. 

De  quel  droit,  continuent  les  incrédules,  les 
Israélites  ont-ils  dépouillé,  chassé,  exter- 
miné les  Chananéens  pour  s'emparer  de  leur 
pays  ?  Cette  conquête  est  aussi  injuste  par  la 
forme  que  pour  le  fond,  puisque  les  Israéli- 
ies  y  exercèrent  des  cru  mtés  inouïes  ;  lat- 
triliuer  à  un  ordre  exprès  de  Dieu,  supposer 
qu'il  y  a  contribué  par  les  miracles,  c'est 
blasphémer.  \'o\onssi  les  déclamations  aux- 
quelles on  s'est  livré  si  souvent  sur  ce  sujet 
sont  bien  fondées. 

1°  Les  Israélites  élaient  sous  le  joug  de  la 
nécessité.  Ils  avaient  éié  forcés  par  la  tyran- 
nie des  Kgypticns  à  sortir  de  l'Egypte,  ils  ne 
pouvaient  subsister  naturellement  dans  un 
désert  inculte  et  stérile,  ils  ne  pouvaient  se 
procurer  une  habilallon  et  des  terres  à  cul- 
tiver que  l'épée  à  la  main  et  aux  dépens  de 
leurs  voisins.  De  tous  les  motifs  qui  leuvent 
autoriser  une  guerre  et  une  conquête,  nous 
défions  nos  adversaires  d'en  alléguer  un  plus 
légilime.  —  -2"  Les  dilTérenles  peuplades  de 
Chananéens  ne  posséilaienl  pas  la  Palestine  à 
un  titre  plus  juslc  que  les  Israélites  ;  pen- 
dant quatre  cents  ans  elles  n'avaient  cessé 
de  se  dispuler  et  de  s'arracher  leurs  posses- 
sions. Les  Amorrhéens  avaient  enlevé  une 
partie  du  terrain  des  Moabiles;  les  Idumécns 
avaient  pris,  sur  les  Horréens,  le  pa\s  do 
Siïr,  et  avaient  pjc-sé  ce  peuple  au  fil  de  l'é- 
pée ;  les  Caphtorim  avaient  exierminé  les 
Hévéens,(|ni  possédaient  le  caniou  de  Hassé- 
rim'jusqu'àtîaza.  Les  Moabiles  s'étaient  empa- 
résdu  pays  des  Lmim,et  les  Ammonites  de  ce- 
Inides  Zonzommi  m,  a  près  a  voir  éteint  ers  deux 
nations  {Num.  x\i,  26  ;  Veut.  11).  Dieu  voulait 
leur  apprendre  q  le  c'i'Sl  à  lui  de  di>tribuer 
les  différentes  contrées  de  la  terre  à  qui  il 
lui  plaîi.  Si  tous  les  peuples  aiaient  mieux 
retenu  celle  vérité,  il  j  aurait  eu  moins 
de  sang  répandu  dans  toute  la  suite  di's  siè- 
cles. —  iî"  Les  Chananéens  furent  agresseurs 
à  l'égard  des  Israélites;  ils  n'atiendirent  pas 
qu'ils  fussent  attaqués.  Les  Amaléeites,  les  Idu- 
niéens,  les  rois  de  Madian,  de  Moab  etd'Arad, 
les  .Amorrhéens,  les  Ammonitesallèreiitau-dc- 
vanl  des  Hébreux  et  leur  présentèrent  le  com- 
bat {Num.  XX,  \xi,  xxii).  Ceux-ci  étaient  donc 
obligés  ou  de  reculer  dans  le  désert,  ou  de 
passer  sur  le  ventre  à  tous  ces  ennemis.  Les 
Chananéens  avaient  plus  déterre  (|u'il  ne  leur 
en  fallait;  mais  ils  n'étaient  pas  disposés  à 
en  céder  la  nuiindre  (lartie.  —  '»"  Dieu  ne 
lais>e  point  ignorer  les  raisons  pour  lesquel- 
les il  ordonne  de  les  exterminer  ;  ce  sont 
leurs  crimes,  l'idolâtrie,  les  superstitions  de 
toute  espèce,  les  sacriGces  de  victimes  hiH 


CHA 


CM 


809 


mainrs  et  dé  leurs  propres  enfants,  l'impu- 
diciléla  plus  grossière,  des  cruautés  inouïes, 
etc.;  et  il  menace  les  Israélites  de  les  dé- 
trniri' à  leur  tour,  s'il  leur  arrive  d'imiter  ces 
aboiiiiiialioiis.  Mais  Dieu  avait  accordé  aux 
Cliananéens  quatre  cents  ans  pour  se  corri- 
ger. Lorsqu'il  promet  au  patriarche  Abra- 
ham (te  donner  la  Palestine  a  sa  pustérilé,  il 
lui  déclare  qne  cela  ne  s'exécutera  que  dans 
quatre  cents  ans,  parce  que  les  iniquités  des 
Aniorrhéens  ne  sont  pas  encore  parvenues 
à  leur  comble  {Gen.  xv,  16  ;  Snp.  su).  Puis- 
que ces  peuples  étaient  incoriigibles,  ils  mé- 
ritaient d'èlrc  déliuits.  —  5"  Lorsque  Dieu 
a  résolu  de  punir  une  nation,  il  est  le  maître 
de  se  servir  de  quelque  fléau  qu'il  juge  à 
propos,  d'nnc  famine  ou  d'une  contagion, 
des  traits  de  la  foudre  ou  de  l'épée  d'un  con- 
quérant ;  quelle  que  suit  la  manière  dont  il 
frappe,  c'est  une  impiété  et  une  absurdité 
d'accuser  sa  justice.  De  tous  les  Iléaux,  la 
guerre  est  encore  celui  qui  laisse  le  plus  de 
lieu  à  la  résipiscenre  et  au  repentir.  Les  mi- 
racles ((u'il  plut  à  Dieu  de  faire  à  celte  occa- 
sion en  faveur  des  Israélites  étaient  juste- 
ment ce  qui  aurait  dû  convertir  les  Chana- 
néens  (Josue,  ii,  10).  —  G°  Quant  à  la  ma- 
nière, on  sait  comment  se  taisait  la  guerre 
chi'z  les  peuples  anciens  :  sans  quartier  et 
sans  rien  épargner.  Ainsi  en  agissaient  les 
Chananéens  eux-mêmes  ;  ainsi  en  ont  usé  les 
Grecs  contre  les  nations  qu'ils  nommaient 
barbares,  les  Uomains  contre  les  Perses  et 
contre  l'S  peuples  du  Nord,  ceux-ci  à  leur 
tour  conti  e  les  Uoinains  ;  ainsi  se  traitent 
encore  les  nations  sauvages.  Si  celles  de  l'Eu- 
rope connaissent  mieux  le  droit  des  gens  et 
le  violent  plus  rarement,  c'est  à  l'Evangile 
qu'elles  en  sont  redevables  ;  toutes  celles 
qui  ne  sont  pas  chrétiennes  sont  encore  aussi 
farouches  à  la  guerre  que  les  peuples  an- 
ciens. 

Mais  on  suppose  irès-faussement  que  les 
Israélites  commencèienl  par  tout  détruire. 
Les  victoires  furent  poussées  de  proche  en 
proche,  et  coiiliiiuées  pendant  longtemps. 
Dieu  lui-même  déclare  qu'il  conservera  ex- 
]irèsdespeuplrides  de  Chananéens,  aQn  de  s'en 
servir  |)our  châtier  son  peuple  lorsqu'il  l'aura 
mérité  [Jusue,  xvii,  1^  ;  Jiulic.  i,  3,  etc.).  La 
comiuéte  ne  fut  achevée  que  sous  les  rois, 
quatre  cents  ans  après  Josué.  Telle  est  l'his- 
toire que  les  livres  saints  nous  tracent  de  la 
conduite  de  Dieu  et  de  celle  des  Israélites  ;  si 
on  n'en  altérait  aucune  circonstance,  on  n'y 
trouverait  aucun  sujet  de  scandale.  —  Quel- 
ques censeurs  de  mauvaise  loi  en  ont  cher- 
ché un  dans  le  premier  chapitre  du  livre  des 
Juges,  v.  19.  Ils  y  ont  lu  que  Dieu  se  rendit 
maitre  des  montagnes,  mais  qu'il  ne  put 
vaincre  les  habitants  des  vallées,  parce  qu'ils 
avaient  des  chariots  armés  de  faux  ;  de  là  ils 
ont  conclu  que  l'auteur  représente  D.eu  com- 
me un  guerrier  très-impuissant.  .Mais  il  y  a 
dans  le  texte  :  Dieu  fut  avec  Judu,  et  il  pos- 
séda ta  montagne,  mais  non  pour  cliaasir  les 
haliitnnts  de  la  vallée,  parce  qu'ils  avaient  des 
chariots  armés  de  faux.  C'est  une  absurdité 
d'attribuer  à  Dieu  ce  qui  est  dit  de  Juda,quil 


posséda  la  montagne;  si  Dieu  ne  fut  point  avec 
lui  pour  chasser  les  habitants  de  la  |)laine, 
cela  ne  prouve  point  que  Dieu  n'avait  pas  le 
pouvoir  di-  les  chasser. 

C'est  ainsi  que  par  de  petites  supercheries 
les  incrédules  de  tous  les  siècles,  marcionites, 
Dianichcens,  philosophes  et  autres,  se  sont 
attachés  à  rendre  l'histoire  sainte  ridicule  et 
scandaleuse  ;  ils  n'ont  réussi  qu'auprès  des 
ignorants.  Il  y  a  dans  la  Bible  d'Avignon,  t. 
111,  p.  327,  une  dissertation  sur  les  migra- 
lions  des  Chananéens  après  la  conquête  de 
Josué. 

CHANANÉENNE,  femme  des  environs  de 
Tyr  et  de  Sidon,  qui  vint  demander  à  Jésus- 
Christ  la  guérison  de  sa  (il le,  tourmentée  pir  le 
démon.  Le  Sanvi'ur  parut  la  rebuter  d'abord. 
Je  ne  suis  venu,  dit-il,  que  pour  les  brehix  per- 
dues de  la  maison  d' Israël; il  ne  convient 

pas  de  premlrc  le  pain  des  enfants  et  de  le 
jeter  aux  chiens  [Matth.  xv,  2i,  26).  Par  celte 
réponse,  disent  certains  criliiiues,  Jésus  con- 
firmait le  préjugé  des  Juifs,  qui  regardaient 
les  Gentils  comme  des  animaux  impurs.  — 
Au  contraire,  il  voulait  détruire  ce  préjugé; 
il  leur  faisait  voir  que  parmi  les  Gentils  il  y 
avait  des  âuies  plus  humbles,  plus  dociles, 
plU'i  dignes  de  ses  bienlails,  qu'ils  ne  l'éiaicnl 
eux-mêmes,  .\insi,  après  avoir  mis  à  l'épreuve 
la  coiiiiance  delà  chananénne,  il  dit  :  Femme, 
votre  foi  est  grande,  qiif  votre  désir  soit  ac- 
compli.  De  retour  cliez  elle,  elle  trouva  sa 
fille  en  parfaite  santé. 

Les  incrédules,  qui  ont  voulu  épiloguer 
sur  ce  miracle,  auraient  dû  nous  apprendre 
comment  et  par  quel  pouvoir  Jésus-Christ 
guérissait  des  malades  éloii^nés,  sans  autre 
appareil  que  de  prononcer  une  parole. 

CHANCELAUE,  congrégation  de  chanoi- 
nes réguliers. 

CIlANCSïLIEU  d'une  université.  C'est  uu 
ecclésiastique  ch  irgé  «lu  soin  de  veiller  sur 
les  études.  Il  a  le  droit  de  donner,  d'auto- 
rité apostolique,  à  ceux  qui  ont  fini  leur 
cours  de  théologie,  le  pouvoir  ou  licence 
d'enseigner,  en  leur  faisant  prêter  serment 
de  défendre  la  foi  catholique  jusqu'à  la 
mort. 

Dans  l'université  de  Paris,  il  y  a  deux 
chanceliers,  celui  de  Notre-Dame  et  celui  de 
Saillie-Geneviève.  L'institution,  les  droits, 
les  privilèges  resjjcciifs  de  l'un  et  de  l'autre 
sont  du  ressort  de  l'histoire  moderne  et  de 
la  jurisprudence  canonique,  plutôt  que  de 
la  théologie.  Lo  célèbre  Gorson,  chancelier 
de  l'Eglise  de  Paris,  ne  dédaignait  pas  de 
faire  les  fonctions  de  caiérhiste,  et  disait 
qu'il  n'en  voyait  pas  de  plus  importante 
pour  sa  place.  Nous  ne  parlons  de  cette  di- 
gnité ecclésiasliiiue  que  pour  faire  remar- 
quer le  zèli;  qu'a  eu  l'Eglise,  dans  tous  les 
temps,  pour  l'enseignement  public,  et  pour 
dissiper  l'ignorance  que  les  barbares  avaient 
répandue  dans  toute  l'Europe.  Pendant  plu- 
sieurs siècles,  il  n'y  a  point  eu  d'autre  ri'S— 
source  contre  ce  fléau  que  les  écoles  ecclé- 
siastiques. 

CH.VNDELEUR,  fête  célébrée  dans  l'Eglise 
romaine  le  second  jour  du  mois  de  février, 


803 


CHA 


CHA. 


Cfi  mémoire  de  la  présentation  de  Jésns- 
Clirist  au  te(tiple,et  ilë  la  purilication  de  Sct 
sninle  Mère. 

Le  nom  de  Cltanrieleut  fait  allusion  aux 
cierges  que  l'on  bénil,  tjue  l'on  aliume,  et 
qui  8ônl  portés  en  procession  ce  jour-là  par 
le  clergé  et  par  le  peuple.  l'Eglise  fait  celte 
cérémonie  pour  nous  faire  souvenir  que 
Jésus- Ch  ri  ht  est  la  vraie  luiilièie  qui  est 
venue  pour  éclairer  loules  les  nations , 
comme  le  dit  Siméoii  datis  le  cantique  que 
l'on  chanle  à  celle  occasion.  —  Les  Grecs 
nomment  cette  fêle  Hypanle,  rencontre, 
parce  que  le  vieillard  Siméon  et  la  proplié- 
lesse  Anne  rencontrèrent  Jésus  enfant  dans 
le  temple,  lorsqu'on  le  présentait  au  Sei- 
gneur. C'est  une  fêle  el  une  cctémonie  an- 
cienne; le  pape  Gélase  I",  qui  tenait  le 
siège  de  Rome  l'an  492,  saint  Udcphonse, 
saint  Eloi,  saint  Soplirone  de  Jérusalem, 
saint  Cyrille  d'Alexandrie,  etc. ,  en  parlent 
dans  leurs  sermon». 

Quelques  auteurs  ont  prétendu  que  le 
pape  Gélase  les  avait  instituées  pour  les  op- 
poser aux  luperca'es  des  païens,  et  qu'en 
allant  processionnellement  autour  des 
champs  on  y  faisait  des  exorrismcs.  C'est 
le  sentiment  du  vénérable  Bédé.  «  L'Eglise, 
dit-il,  a  changé  lieureusement  les  lustra- 
lions  des  païens,  qui  se  faisaient  au  mois 
de  février  autour  des  champs;  elle  leur  a 
sulislitué  des  processions  oii  l'on  porte  des 
ch.'uuielles  ardente;,,  eil  mémoire  do  celle  di- 
vine lumière  dont  Jésus-Christ  a  éclairé  le 
monde,  et  qui  l'a  fait  nommer  par  Siméon 
la  iuuiièie  des  nations.  )i  D'autres  en  atlri- 
bueiit  l'instituiion  au  pape  ^'igile  en  530,  et 
veulent  qu'elles  a  ent  été  substituées  à  la 
fêle  de  Proserpine,  que  les  païens  célé- 
braient avec  des  torches  anienles  au  com- 
ment emeiit  de  février.  —  Mais  ces  préten- 
dues substitutions  s'accordent  mal  avec  le 
calendrier  des  païens.  Les  lupercales  se  cé- 
lébraient, non  lu  2  de  février,  mais  le  IG, 
el  11  n'était  pas  question  dans  cotte  fêle  de 
torches  anlentes  ni  de  cierges.  Celle  de 
Proserpine  se  liisait  lu  22  novembre  à  la 
fin  des  semailles,  el  non  au  mois  de  février. 
■Voy.  Vlîisioire  reli(/ieuse  du  Calendrier,  par 
M.  de  Gèbelin,  p.  Si',  407,  417.  Si  la  cou- 
lume  avait  elé  établie  d'aller  autour  des 
champs  le  jour  de  la  Purilication,  le  peu- 
ple des  campagnes  aurait  conserve  i  et  usage, 
el  l'un  ne  roiinail  aucun  pays  oi'i  il  subsiste 
aujourd'hui. 

Il  parait  donc  que  l'Eglise,  en  instituant 
ceiie  féle,  n'a  eu  en  vue  que  d'honorer  les 
myléres  de  Jésus-Christ  el  de  la  sainte 
Vierge,  La  subsiitntion  d'une  cérémonie 
pieuse  à  la  place  d'un  rite  païen  n'aurait 
rien  (jue  de  louab'e,  mais  il  ne  laul  pas  la 
supposer  sans  ireuve.sur  de  faus-es  allu- 
sions ;  c'est  auiotiser  les  hérétiques  el  les 
incrédules  à  nous  reprocher  très-mal  à  pro- 
pos des  restes  de  paganJMne. 

ClIANlJfLIEIt  DU  ILMI'LE.  Dans  les  li- 
vres lie  lAncien  '1  estau.eni.  Il  est  fait  men- 
tion de  deux  ckundelkn,  l'un  réel,  l'autre 
mystérieux.  Moïse  tit  faire  le  premier,  cl  le 


804 


plaça  dans  le  tabernacle.  Ce  chandelier,  avec 
son  pied,  était  d'or  battu,  el  pesait  un  ta- 
lent. De  sa  lige  partaient  sept  branches 
courbées  en  deiui-cercle,  cl  terminées  cha- 
cune pas  une  lampe  à  bec.  Le  sanctuaire, 
l'aulel  des  parfums,  la  table  des  pains  de 
proposition  n'étaient  éclairés  que  par  ces 
lampes  que  l'on  allumait  le  soir  et  qu'oa 
éteignait  le  malin. 

Salomon  fil  faire  dix  chandeliers  sembla- 
bles à  celui  de  Moïse,  el  les  plaça  de  méraé 
dans  le  sanctuaire  du  temple,  cinq  au  midi 
et  cinq  au  septentrion.  Les  pincettes  el  les 
niouclieltes  dont  on  se  servait  pour  les 
chandeliers  de  Moïse  el  de  Salomon  étaient 
d'or.  A  la  prise  de  Jérusalem  par  Nabiicho- 
doaosor,  tous  ces  meubles  précieux  lurent 
transportés  dans  l'Assyrie  :  il  n'est  pas  cer- 
tain que  les  chandeliers  faits  par  Salomon 
aient  é;é  rendus  aux  Juifs,  lorsque  Cyrus 
leur  fil  restituer  les  vases  du  temple  enlevés 
par  les  Ass} riens,  du  moins  il  n'en  est  paS 
fait  mention  expresse  (/  Esdr.  i,  7  el  suiv.). 
On  sait  seulement  qu'à  la  prise  de  Jérusa- 
lem par  Jile,  il  y  avait  dans  le  temple  un 
chandelier  d'or  qui  l'ut  emporté  par  les  Ro- 
mains, et  placé,  avec  la  table  d'or  des  oains 
d'offrande,  dans  le  temple  de  la  Paix  que 
Vespasien  avait  fait  bâtir.  On  voit  cilcore 
aujourd'hui,  sur  l'arc  de  triomphe  de  Ves- 
pasien, ce  chundtlter  avec  les  autres  dé- 
pouilles de  la  Judée  et  du  lemple.  —  Le 
chandelier  de  la  vision  du  prophète  Zacharie, 
c.  IV,  V.  2,eiait  aussi  à  sept  branches;  il  n'é- 
tait différent  de  ceux  de  Moïse  et  de  Salo- 
mon, qu'en  ce  que  l'Iiuile  tombait  dans  les 
lampes  par  sept  canaux  qui  sortaient  du 
fond  d'une  boule  élevée  à  leur  hauteur.  Elle 
descendait  dans  celle  boule  de  deux  conques 
qui  la  recevaient  dégoutianle  des  feuilles  de 
deux  oliviers  places  aux  deux  côtés  du  chan- 
delier. 

Quant  aux  chandeliers  que  l'on  place  sur 
les  aulels,  l'origine  en  est  aussi  ancienne 
que  celle  des  cierges  que  l'on  allUmC  pen- 
dant le  service  divin.  Voij.  CiEtiiiES.  Il  est 
parlé  dans  l'Apocalypse,  c.  i  el  ii,  de  sept 
chandeliers  d'or  au  milieu  desquels  saint 
Jean  vit  un  personnage  respectable  sous  iiii 
exléiieur  majestueux  et  terrible;  c'était  Jé- 
sus-Christ lui-môme.  Nous  aurons  souvent 
occasion  de  remarquer  que  cette  vision  de 
saint  Jean  a  fourni  le  premier  modèle  de  la 
liturgie  et  du  culte  divin.  \  oij.  r.^nci'en  5a- 
cruinentaire  par  Grandcolas,  I"  part.,  p.  52. 

CHANOINE.CHANOINESSE.  Un  mol  grec 
xKvwv,  ré^lc,  on  a  fait  canonicus,  homme  qui 
vil  sous  une  règle  ;  el  l'oa  a  nommé  kanoi- 
nes,  el  ensuite  chanoines,  les  ecclésiastiques 
attaches  à  une  église  cathédrale  ou  collé- 
giale-, (jui,  dans  le  dessein  de  mener  une  vie 
plus  ciiili.inle,  observaient  une  lègle  com- 
mune et  un  régime  Irès-approehant  de  ce- 
lui des  moines.  On  a  donné  le  nom  de  r/i»- 
noinesses  a  des  lillcs  ou  femmes  pieuses, 
qui,  sans  f  nre  les  vœux  solennels  de  reli- 
gion, se  réduisaient  à  la  n)éme  \ie.  L'expé- 
rience de  tous  les  temps  prou\e  que  celle 


80S 


eux 


CHà 


800 


Vie  uniforme  contribue  a  inspirer  le  goût  de 
la  vertu  et  de  la  piété. 

L'instiluHon  ,  les  devoirs,  les  droits  des 
difi'ércnles  espèecs  tie  chanoines  sont  un  ob- 
jet de  discipline  qui  regarde  les  canonistes. 
Nous  observerons  seulemi-nt  que  si,  dans 
Jcs  bas  siècles,  toutes  les  iusiilulloiis  pieuses 
ont  pris  un  air  et  un  ton  nionaslii|uc,  c'est 
qu'alors  il  n'y  avait  presque  plus  de  décence 
ni  de  régularité  que  dans  les  cloîtres.  Plus 
on  a  pris  de  préveiilion  et  d'aversion  pour 
cet  éiatdans  notre  siècle,  plus  il  est  'i  crain- 
dre que  l'on  ne  soit  bientôt  forcé  d'y  revenir. 
Ce  n'est  (las  la  première  fois  qu'a|irès  avoir 
secoué  le  JDug  de  la  règle,  ou  s'est  trouvé 
dans  la  nccessilé  de  le  reprendre.  —  Les 
lîloitres,  dont  la  plupart  des  cathédrales  sont 
environnées,  sont  un  inonuinent  de  la  vie 
commune  observée  autrefois  par  les  cha- 
nonea. 

Chanoines  régouebs.  On  appelle  ainsi  les 
chnnoinrs  qui  non-sculemenl  vivent  en  com- 
niun  et  sous  Une  niéuie  règle,  mais  qui  s'y 
sonl  engagés  ou  jiar  un  vœii  simple,  ou  par 
des  MPiiK  solennels,  et  sont  ainsi  de  vr.iis 
religieux.  Les  Congrégations  qu'ils  ont  tbr- 
niées  sont  très-variées,  et  portent  dilïérents 
noms. 

La  plupart  ont  commencé  sur  la  fin  du  xr 
siècle  et  au  xir .  Comme  le  clergé  séculier 
était  alors  dégrade  par  l'ignorance  et  par  le 
relâchement  des  niœurs,  les  ecciéslasiiques 
les  plus  sages  couipriiciit  que  le  seul  moyeu 
de  remédier  à  ce  malheur  était  d'imiter  la 
piété  et  les  vertus  qui  régn.iienl  alors  dans 
les  cloîtres.  C'est  à  cette  époque  (jue  l'on  vit 
éclore  en  France  les  cougrégidons  de  Sainl- 
Ruf  à  Avignon,  de  Saint-Laurent  en  i)au- 
pliioé,  de  Saint-Yves  à  lîcauvais,  de  S.iinl- 
NicOlas-d'Arose  en  Artois,  de  .Alurbàch  cli 
Alsace,  de  Notre-Sauveur  en  Lorraine,  de 
Saint-Sauveur  et  de  Latran  en  Italie,  de 
Saint-Victor  à  l'aris,  etc.  Ue  celte  dernière 
sontsoriis,  au  xir  siècle,  les  chanoines  ré~ 
<>u/ie»jî  de  la  congrégation  de  Fri\nce  ou  de 
Sainte-Geneviève.  Voij.  Génovéfai\s,  Victo- 
RINS, etc. 

Ainsi,  dans  tous  les  siècles,  l'excès  du  dé- 
sordre et  de  la  corru|)tion  fait  renaître  enfin 
la  régularité  et  ramène  les  hommes  à  la 
vertu  ;  voilà  ce  qui  déplaît  aux  ennemis  de 
la  religion.  A  quoi  sert,  disent-ils,  d'établir 
des  instituts,  des  règles,  des  téformes  qui 
déchoiront  nécessairement  par  le  penchant 
invincible  de  la  nature,  et  qui  auront  le 
même  sort  que  toutes  celles  qui  ont  précédé? 

C'est  comme  si  l'on  dem.indail,  à  quoi  sert 
de  rendre  la  santé  à  un  malade  qui,  tôt  ou 
lard,  retombera  dans  une  autre  extrémité 
par  la  destinée  inévitable  de  la  nature?  C'est 
justement  parce  que  l'humanité  tend  naïu- 
rel;ement  au  désordre  et  au  vice,  qu'il  ne 
faut  pas  se  lasser  de  la  soutenir  et  de  la  rele- 
après  ses  chutes.  Quand  un  établissement 
Utile,  une  rctorinc  salutaire  ne  durerait  que 
pendant  un  sièc  e,  c'est  aulani  de  gagné  sur 
lu  faiblesse  de  la  nature  au  prolii  de  la  vertu. 

GUAM'  lïCCLÉSIASlIQlJb;.  Dans  tous  les 
temps  et  chez  les  peuples  les  plus  grossiers, 


le  ch-ant  a  fait  partie  du  culte  divin,  et  il  est 
très-prohable  que  les  premiers  cantiques  ont 
été  destinés  à  célébrer  les  bienfaits  de  Dieu. 
La  rccinn.iissance,  la  joie  de  recevoir  con- 
tinuellement de  nouveaux  dons  de  sa  Provi- 
dence, la  douce  émotion  que  produit  dans 
les  cœurs  la  réunion  des  liomines  au  pied 
des  autels,  ne  pouvaient  pas  manquer  d'é- 
clater par  des  chants.  Quoique  l'Iîcrilure 
sainte  ne  parle  pas  de  cet  usage  dans  l'his- 
toire des  patriarches,  nous  ne  pouvons  guè,re 
douter  qu'ils  n'aient  snivi  en  cela,  comme 
les  autres  hommes,  l'impulsion  de  la  na- 
ture. 

Ce  n'est  point  à  nous  de  parler  des  canti- 
ques des  païens  :  ils  en  avaient  perverti  l'u 
sage  ;  au  lieu  de  célébrer  par  leurs  cbauis  le 
souverain  Auteur  de  la  nature,  ils  chantaient 
les  aventures  scandaleuses  et  les  crimes  qu'ils 
attribuaient  à  de  fausses  divinités;  les  rè*es 
de  la  mythologie  n'ont  clé  connus  des  peu- 
ples (|ue  par  les  chants  des  poêles  :  c'était  une 
école  de  >  ices  et  de  corniptiou. 

Dès  que  les  Hébreux  furent  réunis  en  corps 
de  n,;tion,  ils  surent  relever,  par  les  accents 
de  la  voix,  les  louanges  du  Seigneur.  Qui  no 
connaît  pas  les  cantiques  sublimes  de  Aloïse, 
de  Déb  ira,  de  David,  de  Judith,  des  pro- 
phètes ?  Ils  ont  pour  objet  non-seulement  de 
louer  Di  u  des  bienfaits  (lu'il  a  prodigués  à 
tous  les  hOiMuies  dans  l'ordre  de  la  nature,  et 
des  faveurs  particulières  qu'il  avait  accor- 
dées à  son  peuple,  mais  encore  d'ifiiplorer 
sa  miséricorde,  et  de  lui  demander  l'abon- 
dance de  ses  dons  dans  l'ordre  de  la  grâce. 
David  ne  se  borna  point  à  composer  des 
psaumes  et  des  cantiques,  il  établit  des 
chœurs  de  chantres  et  de  musiciens  pour 
louer  Dieu  dans  le  tabernacle;  il  exhorte  les 
jieuples  à  louer  le  Seigneur  par  les  accents 
de  leurs  voix  et  par  le  son  des  instruments  : 
Saiomon,  son  llls,  lit  observer  le  aième  usage 
dans  le  temple. 

Les  différentes  dissertations  que  l'on  a 
faites  sur  la  musique  des  Hébreux,  et  sur  les 
divers  instruments  à  cordes  ou  a  vent  dont 
ils  se  servaient,  ne  nous  ont  pas  fort  instruits. 
Nous  s  ivons  seulement  par  les  livres  saints, 
que  .Moïse  fit  faire  des  trompettes  d'argent 
pour  en  sonner  pendant  les  sacrifices  soleu- 
ne's;  que  les  lévites  éiaient  chargés  de  chan- 
ter et  lie  jouer  des  instruments  dans  le  taber- 
nacle, et  ensuite  dans  le  temple;  qoe,  sous 
David  et  Saiomon,  il  y  avait  vingt-quatre 
bandes  de  musiciens  qui  servaient  tour  à 
tour.  Il  est  à  présumer  que  cette  musique 
n'était  pas  la  même  (lue  celle  dont  les  Juifs 
faisaient  usage  dins  les  noces,  dans  les  fes- 
tins et  dans  les  réjouissances  profanes  ;  qu'elle 
était  |)lus  grave  et  plus  majestueuse 

M.  Fourmonl,  dans  les  Mém.  de  l'Acadé- 
m'e.  des  Jnscriiilioiit,  s'est  attaché  à  |)rouver 
qu'il  y  a  dans  les  psaumes  et  les  cantiques 
des  Helireux  des  dictions  étrangères,  des  ex- 
pressions peu  nsiiées  ailleurs,  des  inversions 
et  des  transpositions  ;  que  le  style  de  ces  ou- 
vrages, comme  celui  de  nos  odes,  en  devient 
plus  sublime,  plus  pompeux  et  plas  énergi- 
que ;  que  l'on  y  distingue  des  strophes,  des 


807 


CHA 


refrains,  aes  mesares,  différentes  sortes  de 
■vers,  et  même  des  rimes.  Lowth,  de  sacra 
poesi  Hebrœorum,  et  Michaelis,  dans  ses  no- 
ies sur  cet  ouvrnpe,  souliennont  la  même 
chose,  et  ils  le  monlrenl  par  plusieurs  exem- 
ples. Nos  meilleurs  poêles  se  sont  appliqués 
avec  succès  à  traduire  eu  vers  français  un 
grand  nombre  de  psaumes  et  de  cantiques  de 
l'Ecriture  sainte. 

Chez  les  Hébreux,  comme  ailleurs,  les 
cantiques  n'étaient  pas  toujours  les  expres- 
sions de  la  joie;  ou  les  employait  aussi  a  dé- 
plorer des  événements  tristes  et  lugubres; 
témoin  le  cantique  de  David  sur  la  mort  de 
Saiil  et  de  Jonnthas  (lIReg.  i),  et  les  Lamen- 
tations de  Jérémie  sur  les  malheurs  de  Jéru- 
salem. Ces  canli(|ucs  lugubres  ou  élégies 
plurent  si  fort  aux  Hébreux,  qu'ils  en  firent 
des  recueils  ;  longtemps  après  la  moit  de 
Josias,  on  réiiélait  les  plaintes  de  Jérémie 
sur  la  fin  tragique  de  ce  roi  [Il  Parai,  xxxv). 
Dès  la  naissance  du  christianisme,  lâchant 
fut  admis  dans  l'oflicc  divin  ,  surtout  lorsque 
l'Enlisé  eut  acquis  la  liberté  de  donner  à  son 
culte  l'éclat  et  la  pompe  convenable;  elle  y 
fut  autorisée  par  les  leçons  de  Jésus-Christ 
et  des  apôtres.  La  naissance  de  ce  divin  Sau- 
veur avait  été  annoncée  aux  bergers  de 
Bethléem  par  les  cantiques  des  anges  ;  on 
connaît  ceux  de  Zanharie,  de  la  sainte  Vierge, 
du  vieillard  SIméon;  pendant  sa  prédication, 
Jésus-Christ  trouva  bon  que  des  troupes  de 
peuple  vinssent  au  devant-de  lui,  l'accom- 
pagnassent dans  son  entrée  à  Jérusalem  ,  en 
chantant .-  Dusanna,  béni  soit  celui  qui  vient 
au  nom  du  Seigneur,  sulul  et  prospérité  nu 
pli  de  David,  et  continuassent  ainsi  jusque 
dans  le  temple  ;  il  reprit  les  pharisiens  de  ce 
qu'ils  étaient  indignés  de  ces  démonslra- 
tions  de  joie  (yi/n«/(.  xxi,  9,  15).  Saint  Paul 
exhorte  les  fidèles  à  s'exciter  mutuellement 
à  la  piété  par  des  hymnes  et  des  canlii|ues 
spirituels  (£'p/ies.  v,  19;  Co/o^s.  m,  16).  Dans 
le  tableau  de  la  liturgie  primitive  que  nous 
présente  l'Apocalypse,  il  est  parlé  d'un  can- 
tique chanté  dev;int  l'autel  par  les  vieillards 
ou  |)ar  les  prêtres  h  l'honneur  de  l'Agneau 
(v,  9j.  Les  chrétiens  que  Pline  interrogea 
pour  sayoir  ce  qui  se  passait  dans  leurs  as- 
semblées, lui  direnl  ([u'ils  se  réunissaieni  le 
dimanche  pour  chanter  des  hymnes  à  Jésus- 
Christ  comme  à  un  Dieu  {Plin.,  1.  x,  episl. 
97).  Sorrate,  dans  son  Histoire  ecclésiastique, 
1.  VI,  c.  8,  dit  que  saint  Ignace  ,  évcque 
d'Antioclic,  établit  dans  son  Egli>e  l'usage 
de  clianter  à  deux  tliœiirs  des  cantiques  et 
des  psaumes,  et  qu'il  fut  imité  par  les  autres 
Eglises  :  or,  saint  Ignace  vivait  immédialc- 
ment  après  les  apôlr.s. 

Lorsque  les  ariens  nièrent  la  divinité  de 
Jésus-Christ,  on  h^ur  opposa  les  cantiques 
des  fidèles  qui  ,  dès  lorigine  de  l'Eglise, 
attribuaient  à  Jésus-Christ  celle  auguste 
qualité  [Eusèbc,  I.  x,  c.  28].  Paul  de  Samo- 
sate  fit  supprimer  ces  cantiques  dans  sou 
Eglise,  parce  que  ses  erreurs  y  étaient  i  lai- 
rement  condamnéis  [Ibid.,  I.  vu,  e.  30). 
Saint  Augustin  composa  exprès  un  psaume 
fort  lung ,  poar  prémunir  les  fidèles  coulrc 


CHA  SOS 

les  artifices  des  donalistes.  Ainsi ,  de  tout 
temps  ,  l'Eglise  chréiienne  a  professé  sa 
croyance  par  ses  prières  et  par  son  culte 
extérieur  ;  et  c'est  souvent  une  source  où  on 
peut  la  trouver  plus  aisément  que  dans  les 
discussions  théologiqties. 

Les  valentiniens,  Basilide,  Bardesanes,  les 
manichéi-ns  et  d'autres  hérétiques  compo- 
sèrent des  hymnes  et  des  cantiques  pour 
répamlre  plus  aisément  leurs  erreurs.  Pour 
remédier  à  cet  abus  ,  le  concile  de  Laodieée, 
can.  59,  défendit  de  lire  ou  de  chanter  dans 
les  églises  des  psiuincs  composés  par  des 
particuliers,  et  ordonna  de  se  borner  à  la 
lecture  des  livres  saints. 

Saint  Augustin  atteste  l'impression  que 
firent  sur  lui  les  cantiques  et  les  psaumes 
qu'il  entendit  chanter  dans  l'église  de  ;Vlilan 
(Confess.,  lib.  ix,  c.  6).  «  Combien  je  versai 
de  pleurs,  dit-il,  par  la  violente  émotion  que 
je  sentais  lorsque  j'entendais  ,  dans  votre 
église,  chanter  des  hymnes  et  des  cantiques 
à  votre  louange  1  En  même  temps  que  ces 
sons  touchants  frappaient  mes  oreilles,  voire 
vérité  coulail  par  eux  dans  mon  cœur,  elle 
excitait  eu  moi  les  mouvements  de  la  piélé.» 
Les  missionnaires  les  plus  expéiimentés 
nous  rendent  témoignage  de  l'efûcacilé  des 
cantiques  spirituels  pour  porter  le  peuple  des 
campagnes  à  la  vertu,  et  pour  le  dégoûter 
des  chants  prolanes  (1). 

(1)  €  Nous  n'avons  sur  ce  sujet  .nucun  témoignage 
bien  clair,  avant  la  paix  reiuliie  à  l'Eglise,  époque  à 
laipielle  Luséhe  rapporte  i|ufi  dits  plaies  diverses 
éiaieiit  .'issi;;iiées  aux  jeunes  g'os  el  aux  vieillards 
qui  cliaiilaicul  les  psaulue^.  Saint  Augustin  aluibue 
l'iiilroiluctioii  du  clianl  à  deux  cliœurs  allcrnatifs  en 
Occident  à  saint  Ainliroise,  i|ui  l'avait  appris  pen- 
dant son  séjour  en  Urieni.  Il  y  a  dans  ses  Confes- 
sions im  passage  ce  èbre  où  il  décru  la  part  qu'eut 
la  ninsiipie  de  l'église  de  Milan  à  si  cunversion,  en 
lui  faisant  verser  des  larmes  de  tendresse  tontes  les 
fois  qu'il  l'entendait.  Un  ne  coniiait  pas  le  système 
intniduil  par  saint  Aulbl'oi^c;  il  n'y  a  pas  ilu  doute 
qu'il élaii  tonde  sur  l'ancien  svslèine  grec  ;  et  coiiinie 
il  a  servi  égaleineiil  de  liase  à  celui  (|ue  l'on  désigne 
inainienant  snus  le  nom  de  ciiaiit  grégoilcn  ,  on  ne 
peut  douter  qu'il  n'aii  avec  lui  une  gnnide  ressem- 
blance, et  qu'il  n'ait  été  cff'ctivoinent  ou  surajouté, 
ou  niéine  enticreiiienl  tondu  dans  la  refornie  intio- 
duile  par  le  pape  Ciréijoire  le  (iranddans  la  musique 
d'église.  Je  suis  loin  de  vouloir  entrer  dans  des  dé- 
tails puieiiieiil  ti'cliniipies  ;  niais  coiiime  il  peut  être 
intéressant  pour  plusieurs  de  savoir  eu  i|uoi  1  >  gainiiie 
ou  les  cil  l's  du  cliant  grégorien  ou  plain-cliani  dif- 
fcient  de  eellcs  de  la  mnsii|ne  onlinairc,  je  vais  en 
pari  r  liricveinent.  Saint  Grégoiie  donna  aux  huit 
notes  qui  coniposiiit  la  ganinie  les  nions  (pi'elles  por- 
leiil  iiujoiird'Iiui,  A,  It,  (),  l>,  etc.  Suiv.mt  son  sys- 
tème et  celui  de  la  musique  actuelle,  cliaciine  de  ces 
notes  peut  devenir  la  donnnante,  mais  alois  il  nous 
faut  introduire  aulanl  de  bémols  el  de  dictes  qu'il 
est  nécessaire  pour  laiie  toiolier  les  tons  et  demi- 
tons  aux  inéines  intervalles  dans  chaque  ton  m.q'eur 
ou  mineur  respectivement.  Ue  là  il  suit  ipi'une  pièce 
de  chant  écrile  dans  un  ton  peut  être  chaulée  dans 
un  auire,  sans  qu'il  en  résuile  d'anlre  cliangement 
que  celui  de  la  clef.  De  iiicine  dans  le  clinnl  grégo- 
rien ,  (liai|uu  noie  peut  devenir  la  dominante,  nais 
il  ne  peut  y  avoir  de  diè;ces  ou  de  liéinols,  sinon  le 
lift  dans  la  clet  de  F.  Ainsi,  dans  chaque  cld,  la  po* 
Sillon  des  duiui-tons  varie;  et  une  pièce  de  musique 


&0« 


CIIA 


CHA 


810 


Comme  il  ne  convenait  pas  que  le  chant 
religieux  fût  semblable  à  celui  qui  exprime 
«les  passions  déréulées,  l'Eglise  ciiiélicMiie  a 
toujours  veillé  à  ce  que  ii'  ctifint  de  la  liturgie 
et  de  l'office  divin  lût  prav<'  et  majesineux, 
exprimai  la  piélé.  et  non  une  joie  fulâlro  ; 
c'est  pour  cela  même  qu'on  l'a  nommé  le 
plain-c/iiint,  pour  le  distinguer  de  la  musique 
des  Ihéâircs  el  des  chansons  proF.ines.  I^cs 
Pères  de  l'Eglise  les  plus  respectables  , 
comme  saint  Jean  Chrysoslome,  saint  Jé- 
rôme, saint  Ambroise  ,  saint  Augustin,  don- 
nèrent la  plus  grande  attention  à  bannir  des 
assemblées  chrétiennes  les  clianis  mous  , 
efféminés,  el  la  n)usi(|ue  trop  gaie,  qui  ne 
servaient  qu'à  flatter  les  oreilles  el  à  étoulTer 
les  senlimenls  de  piélé.  Les  donalisies  re- 
prochaient aux  catholiques  la  manière  trop 
grave  dont  ils  chantaient  les  psaumes;  saint 
Augusiin,  au  contraire,  accuse  les  donallstes 
d'exprimer  par  leurs  chants  les  tr.insporls 
de  l'ivresse,  pluUU  ((ue  les  affections  pieuses 
{Epist.  55,  (id  Janaar.,  n.  34). 

Saint  Amiiroise,  (|ui  régla  le  cliaiit  de  son 
église  dans  un  temps  où  les  théâtres  du  pa- 
ganisme subsistaient  encore,  évita  soigutu- 
semenl  d'en  imiter  la  mélodie;  saint  tiré- 
goire,  qui  flt  la  même  chose  pour  l'Ei^lise  de 
Uome,  dans  un  siècle  où  ces  Ihéâires  n'csis- 
taienl  plus,  ne  trouva  aucun  inonvénieni  à 
introduire  dans  le  chant  ccclisiasiiqne  des 
airs  plus  agréables,  mais  qui  ne  poin aient 
rappeler  aucun  souvenir  dangereux.  De  là 
esl  venue  la  dislinetion  entre  le  chant  am- 
brovicn  et  le  chant  grégorien;  le  premier 
élait  plus  grave,  le  second  plus  mélodieux. 
Maison  a  eu  tort  de  penser  que  saint  Aio- 
broise  élait  le  premier  auteur  du /j/adi-c/u/H/; 
avant  lui  saint  Aih.mase  l'avait  établi  dans 
l'Eglise  d'Alexandrie;  il  avait  mis  en  us:ige, 
dit  saint  Augustin,  un  chant  des  psaumes  qui 
ressemblait  plus  au  récitatif  .d'un  discours 
qu'à  un  véritable  chant  [Confess.,  I.  x  ,  c.  33). 
Charlemagne,  qui  remarqua  que  le  chant 
gallican  était   moins  aj^réable  que   celui   de 

composée  dans  une  clef  ou  ton  esl  compléiemeiit 
allérée  el  devient  insnpporlnhle  si  nu  I.t  naiispdse 
dans  un  autre.  Huns  l'espace  de  peu  de  siècle,  il  se 
glissa  de  Irisies  eiirrupnons  dans  la  iiuisiipie  ecclé- 
siasilipie,  el  il  s'éleva  de  gr.nules  disputes  |);ir  rap- 
port au  iioiiiliie  de  clefs  ou  de  tous  ipil  .Oy  iniuvaient. 
Celait  alors  un  leui|is  où  l'on  lespecl  'il  l'autonié, 
et  le  point  en  litige  fut  lé  éié  .i  Cliaileinagin'.  Ce 
prince  étudia  à  fond  la  (|uesiioii,  prit  conseil  et  ren- 
dit son  (lécrel  impérial ,  que  huit  ciels  ou  modes  pa- 
ratstnient  bien  suffisaïus.  Il  tarait  qu'il  s'éleva  îles  ré- 
claniaiiiius,  siiiluui  do  l.i  part  des  (irecs,  el  un  second 
décret  priiininça  (;i('i(  y  mail  douze  modes  (iiaini, 
Vie  de  l'uleslritia,  t.  II.  p.  81). 

I  Le  clianl  grégorien  esl  complélemenl  dialoui- 
qne;  il  esl  iiiélodii|ue,  c'cst-à-dire  eliaiiié  par  loutes 
les  voix.  Kunsseau  a  fait  oberver,  et  tout  musicien 
en  conviendra,  qu'aucune  iiiusii|ue  moderne  ne  sau- 
rait s'élever  comine  lui  à  ce  ion  pathétique  ipii  donne 
lin  air  majestueux  à  la  voix  liuinaiiie;  et  un  auire 
auteur  remarque  que  tous  les  elfirts  liiiiés  dans  les 
lemiis  modernes  pour  l'imiter  dans  la  (omp^sitioii 

ont  cu.i  plétemeni  é.  I é.  >  (dgr  Wiseinan,  Cu;i/er. 

sur  les  ulfires  île  la  se, naine  sainte,  dans  les  Démonsl 
àiang.,  éuii.  Migiie.) 

DlCT.  DE  ThÉOL.  DOGMATigUK.  1. 


Rome,  y  envoya  des  clercs  pour  apprendio 
le  chant  romain,  et  l'introduisit  ainsi  dans 
les  tiaules. 

Les  l'ères  de  l'Eglise,  dont  nous  avons 
parlé,  les  fondateurs  des  ordres  moaasti  (des, 
tels  que  saint  Henoit,  saint  licrnard  et  d'au- 
tres, -iiit  souvent  recoiiiinaiidé  l'atlention,  le 
respect,  la  modestie,  le  recneillemenl,  la  dé- 
votion avec  lesquels  on  doit  chauler  au  chœur 
les  louanges  du  Seigneur.  Toules  les  fois  (jue 
l'on  s'est  écarté  de  l'ancien  «sprit  de  l'Eglise, 
el  que  l'on  a  iniroduit  dans  l'ofliie  divin  une 
musique  profane,  les  auteurs  ecclésiasli(|iies 
en  ont  fait  des  plaintes  amères,  et  plusieurs 
conciles  ont  formellement  défendu  ces  aiius, 
comme  le  concile  in  Ti  iillo,  l'an  Gl)2,  celui 
de  Cliiveshoii,  l'an  747.  celui  de  15  lur-'es, 
l'an  1584,  etc.  Il  est  fâcheux  que  ce  dé.,or- 
dre  Suit  aujourd'iiui  plus  commun  c]u'il  ne 
fut  jamais;  toutes  les  personnes  vraiment 
pieuses  en  désirent  la  réforme. 

Quelques  missionnaires,  pour  apprivoiser 
les  sauvages  américains,  et  les  allirer  a  leurs 
instructions,  n'ont  point  Irouvé  do  meilleur 
moyen  que  de  leur  jouer  des  airs  de  llùte;  ils 
ont  ainsi  réalisé  ce  (|ue  la  fable  raconte  d'Or- 
phée. Cet  arlilice  innocent  et  trés-louable 
prouve  le  pouvoir  de  la  musique  sur  les 
hommes  les  plus  grossiers,  et  combien  il  est 
aisé  de  les  corronipre  en  gi'iiéral  par  des 
airs  efféminés  et  lascifs.  (Bingham,  Uriy. 
ecclés.,  I.  XIV,  c.  1,  §  15  el  suiv.j 

Par  un  trait  d'humeur  ordinaire  aux  pro- 
testants, Brucker  prétend  que  saint  lirégaire 
le  Grand,  par  le  soin  quil  prit  d'élililirà 
Home  des  écoles  de  chant  ecclésiasliijuc  ,  et 
de  former  des  chantres,  contribua  beaucoup 
à  augmenter  l'ignorance  et  la  barnar  e  du 
Viii  siècle.  Que  l'on  juge,  dit-il,  du  progrès 
que  pouvaient  faire  les  lettres  et  la  philco- 
phie,  lorsiju'il  fallait  dix  ans  pour  appren- 
dre à  chanter  l'office  divin  [Uist.  pliilos.. 
tom.  111,  p.  572  ;  loin.  VI,  p.  361).  Ce  repro- 
che nous  paraît  absurde.  1»  C'  n'était  pas 
saint  (Grégoire  qui  avait  attiré  les  Barbares, 
qui  Ils  avait  engagés  à  ravager  l'Europe  en- 
tière, et  à  détruire  lous  les  mo;,ens  d'a[)pr  .n- 
dre  les  lettres  et  les  sciences;  il  ne  laut  pas 
lui  attribuer  le  défaut  et  l'impcrleciiou  des 
méthodes  que  l'on  suivait  alors  pour  ajipren- 
dre  une  science  ou  un  arl  quelconque  :  il 
n'était  pas  obligé  d'en  créer  de  n  uvelles. 
Avant  d'enseigner  aux  jeunes  gens  les  scien- 
ces cl  la  philosophie,  il  f;iul  leur  apprendre 
à  lire,  a  écrire,  à  chiffrer,  el  les  instruire  des 
vériles  de  la  religion  ;  dans  les  écoles  de  vil- 
lage, ils  apprennent  aassi  ù  clianler  au  lu- 
trin ;  dans  tous  les  pays  du  monde,  ce  sont 
là  les  piemières  éludes  :  nous  présiiinons 
qu'il  en  était  lie  même  dans  celles  de  Uome, 
et  il  n'e.si  pas  fort  éloiuianl  ijuau  viir  siècle 
on  y  ait  employé  dix  ans  de  la  première  j-u- 
nesse.  2  Si  saint  Grégoire  avait  lort  de  soi- 
gner ces  premières  éludes  des  clercs,  il  faut 
blâmer  aussi  Charlemagne,  qui  ne  les  dédai- 
gna pas,  elle  roi  Koberl,  qui  s'en  occupa; 
on  les  regarde  cependant  comme  les  re-tau- 
ratcurs  des  lettres,  et  non  comme  les  au- 
teurs de  la  barbarie.  Il  faudra  encore  censu 

■m 


su 


CHÂ 


CHA 


812 


rer  les  anciens  philosophes,  qai  ont  regardé 
la  musiqne  comme  une  partie  de  la  philoso- 
phie :  or,  la  musique  de  ces  lemps-là  n'étjiit 
pas  fort  supérieure  au  plain-chant  d'aujour- 
d'hui. M.  Burette,  dans  ses  Recherches  sur  la 
musiqne  des  anciens,  a  fait  voir  que  l'on  peut 
de  nos  jours  apprendre  en  six  mois  ce  qui 
rien);md;iit  alors  une  élude  de  dix  ans.  Au 
lieu  de  reprocher  aux  grands  hommes  des 
bas  siècies  les  efforts  qu'ils  ont  faits  pour 
détruire  la  première  rouille  de  la  barbarie, 
il  fiiut  les  bénir  de  ce  qu'ils  se  sont  abaissés 
jusqu'aux  soins  les  plus  minutieux  ;  s'ils  n'a- 
vaient pas  voulu  les  prendre,  nous  n'en  se- 
rions pas  où  nous  en  sommes. 

C'est  par  allusion  à  ces  anciennes  écoles 
romaines,  que  le  pontiGcal  nomme  schola\es 
clercs  qui  accompagnent  l'évéque  et  l'assis- 
tant dans  ses  fonctions  solennelles  :  Episco- 
pus  cum  scliola  (Ducange,  au  mot  Cantores). 
C'est  encore  ce  qui  a  donné  de  l'importance 
à  la  dignité  de  chantre  dans  les  églises  ca- 
thédrales ;  parce  que  sa  fonction  est  de  veil- 
ler à  la  conduite  des  chantres  et  à  la  décence 
du  cultcdi'.  '.<A. 

liingham  (Orig.  ecclés.,  liv.  m,  c.  7),  dit 
qu'il  n'a  pas  été  question  de  chantres  dans 
l'Eglise  avant  le  commencement  du  iv  siècle  : 
mais  il  avoue  qu'il  en  est  fait  mention  dans 
la  liturgie  de  saint  Marc  :  or,  nous  prouve- 
rons en  son  lieu  que  cette  liturgie  est  plus 
ancienne  que  le  iv"^  siècle.  Il  prétend  que 
l'état  des  chantres  était  autant  un  ordre  ecclé- 
Siasli(|ue  que  celui  des  lecteurs,  et  qu'ils 
recevaient  une  espèce  d'ordin.ition;  pour 
nous,  nous  pensons  que  si  c'avait  été  un 
ordre,  il  aurait  continué  de  l'être.  Il  veut  que 
dans  l'origine,  la  fonction  de  chanter  ait  élé 
commune  à  tous  les  fidèles.  Soit,  du  moins 
il  fallait  que  des  chantres  instruits  donnas- 
sent le  ton  pdur  éviter  la  cacophunie  ;  aussi 
l'an  3GI  ou  370,  le  concile  de  Laodicée  or- 
donna que  les  seuls  chantres  inscrits  sur  le 
catalogue  de  l'église,  pourraient  mouler  sur 
l'ambon  et  chanter  sur  le  livre.  Mais  les  pro- 
testants, iiilalués  de  leur  usage,  troutent 
qu'il  n'y  a  rien  de  si  beau  que  le  style  gothi- 
que des  psaumes  de  Marot,  et  le  chant  lu- 
giibie  qu'ils  ont  adopté;  nous  voudrions 
savoir  pour(]uoi  ils  ne  chantent  pas  les  can- 
tiques de  l'ancien  et  du  nouveau  Testament  : 
sont-ils  moins  respectables  que  les  psaumes'? 

*  CHAOS.  Moise,  dans  sa  cosmogonie,  établit 
l'exi^lence  |iriiiillivc  du  cliaos.  C'est  aussi  la  croy.m- 
ce  (le  tous  les  peuples;  nous  eu  avuns  foui  ui  la  preuve 
diiiis  plusieurs  :nucles  de  ce  Diciloiinaire.  V«y.  Cos- 

UOGOME,   CUI^ATIDN. 

CHAPE.  Voy.  Habits  sacrés  ou  sacerdo- 
taux. 

CHAPELAIN,  CHAPELLE.  Une  chapelle 
est  un  oialoii'c  ou  un  lieu  destiné  à  la  prière, 
dans  lequel  il  y  a  souvent  un  autel,  et  où 
l'on  dit  la  messe  ;  le  chapelain  est  l'ecclé- 
siasiiqiie  chargé  (le  la  desservir.  On  nomme 
aussi  chapelle  l'oflice  pontilical  célébré  par 
le  pape;  on  dit  qu'il  lient  c/j(;/)e//e  lorsqu'il 
ollitie  solennellement.  A  Versailles,  on  ap- 
pelle jours  de  grande  chapelle  les  fêtes  solen- 


nelles auxquelles  l'ofGce  est  fait  par  un 
évêque  à  la  chapelle  du  roi. 

Il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  les  cha~ 
pelles  ont  été  ainsi  nommées,  parée  que  l'on 
y  conservait  les  chapes  Oii  manleaux  des 
saints.  On  sait  que  nos  rois  faisaient  porter 
à  la  tète  de  leurs  armées  la  clia(/e  de  saint 
Martin  ;  après,  on  la  renfermait  dans  la 
Sainte-Chapelle  (Ducange,  au  mot  Capella). 

De  savants  critiques  ont  remarqué  que  les 
anciennes  églises  ou  les  cathédrales  étaient 
sans  chapelles  roilaiérales.  On  bâtit  d'abord 
les  premières  au  dehors,  et  en  joignant  le 
mur,  pour  y  placer  le  lombeau  des  saints  ; 
dans  la  suile  on  perça  le  mur,  et  les  chapelles 
se  trouvèrent  ainsi  faire  partie  de  l'église. 

Ce  n'est  point  à  nous  de  réformer  l'abus 
des  chapelles  domestiques,  et  les  scandales 
qui  s'ensuivent;  mais  il  est  permis  de  les 
faire  remarquer.  Depuis  que  les  grands  out 
cru  qu'ils  seraient  dégrades,  s'ils  étaient  con- 
fondus avec  le  peuple  dans  la  maison  de  Dieu, 
que  les  exercices  publics  de  religion  leur  ont 
paru  trop  incommodes  ,  ils  ont  voulu  avoir 
des  autels  presque  dans  leur  chambre,  des 
prêtres  à  leurs  ordres,  des  prières  pour  eux 
seuls  ;  on  dirait  qu'ils  ont  renoncé  à  la  com- 
munion des  saints,  et  l'on  sait  de  quelle  ma- 
nière Dieu  est  honoré  dans  ces  lieux  pro- 
fanes. Faut-il  s'en  prendre  à  l'Eglise  et  à  ses 
pasteurs  trop  faibles  î  Souvent  on  leur  force 
la  main,  et  l'on  se  venge  quand  ils  refusent. 
L'irréligion  déclarée  porte  peut-être  moins 
de  préjudice  au  christianisme  qu'un  masque 
de  pieté  contraire  aux  règles,  aux  lois,  à  la 
discipline  de  l'Eglise  :  vainement  le  concile 
de  Trente  a  voulu  prévenir  cet  abus ,  sess. 
22;  il  subsistera  aussi  longtemps  que  l'or- 
gueil, la  mollesse,  l'indévotiondes  grands.  Le 
peuple  des  campagnes  fait  souvent  plusieurs 
lieues  de  chemin  dans  la  plus  mauvaise  sai- 
son pour  satisfaire  aux  devoirs  de  la  religion; 
tel  qui  veut  s'en  acquitter  sans  sortir  de  chez 
loi,  refuserait  de  contribuer  à  la  construction 
d'une  succursale  dans  un  village.  Voy.  l'An- 
cien Sacramentaire  ,  \"  part.,  pag.  655  et 
8'i4. 

CHAPELET.  Ce  sont  plusieurs  grains  en- 
filés qui  servent  à  compter  des  Pater  et  des 
Ave,  que  l'on  récite  à  l'honneur  de  Dieu  et 
de  la  sainte  Vierge.  On  les  appelle  aussi  pa- 
tenôtres, et  ceux  qui  les  font  patenôtriers.  11 
y  a  aussi  des  chapelets  décorait,  d'amhie,  do 
coco,  et  d'autres  matières  plus  précieuses. 
Leur  nom  est  venu  de  ce  qu'ils  ressemblent 
à  une  couronne  de  roses,  que  l'on  nommait, 
en  vieux  français,  cliapel  de  roses. 

Dans  la  basse  latinité  ils  ont  été  nommés 
capellina,  et  chez  les  Italiens  corona;  ils  con- 
tiennent cini|  dizaines  de  grains,  et  les  ro~ 
saires  en  ont  quinze. 

L'usage  de  réciter  le  c/u/pe/et  n'est  pas  fort 
ancien;  quelques  protestants  en  rapportent 
l'origine  à  Pierre  l'Krinile,  personnage  cé- 
lèbre dans  l'histoire  des  croisades ,  sur  la  fin 
du  xr  siècle  ;  le  rosaire  a  élé  institué  par 
saint  Dominique. 

Il  y  a  aussi  un  c/iape{e(  du  Sauveur,  com- 
posé de  trente-trois  grains,  à  l'honncar  des 


8!3 


CRÂ 


Cil  A 


814 


lienle-Irois  ans  que  Notre-Seigneur  a  passé 
sur  lâ  terre;  il  a  c(é  imaginé  par  le  père  Mi- 
chel, de  l'ordre   des  Camaldules.    Yoy.  Ro- 

SAIRT. 

CHAPITRE  d'un  livre.  Sur  la  division  des 
liVres  saillis  en  chapitres  cl  en  versels,  voyez 

CONCORDVNCE. 

Chapitre.  Assemblée  de  clianoines  ou  de 
religieux.  [Voy.  le  Dictionnaire  de  Théologie 
morale.] 

Chapitres  (Trois).  Ce  sont  trois  érrits  con- 
damnés dans  le  cinquiètne  concile  général 
tenu   à  Constanlinople.   Voy.  Constantino- 

PLE. 

CHARITÉ,  vertu  théologale,  par  laquelle 
nous  aimons  Uieu  sur  toutes  choses,  et  no- 
tre prochain  comme  nous-méraes;  ainsi  la 
charité  a  deux  objets,  Dieu  et  le  prochain. 

Comme  on  distingue  un  amour  parfait  de 
Dieu  et  un  amour  imparfait,  les  théologiens 
disputent  pour  savoir  en  quoi  l'un  est  diffé- 
rent de  l'autre.  Quelques-uns  disent  que  c'est 
seulement  par  le  degré  d'intensité  ou  de 
ferveur,  et  non  par  la  diversité  des  motifs  ; 
l'es  autres  prétendent  que  l'amour  parfait 
consiste  à  aimer  Dieu  précisément  pour  lui- 
même,  sans  aucun  rapport  à  nous,  au  lieu 
que  l'amour  imparfait  est  accompagné  d'un 
fuotif  d'intérêt  propre.  —  Mais  la  question 
est  de  sa»oir  si  la  charité  parfaite  exclut 
toute  espèce  de  retour  sur  nous-mêmes. 
Lorsque  saint  Paul  (lis;)il  :  Je  désire  ma  dis- 
solution et  d'être  avec  Jésus-Christ  {Philipp., 
1,23):  le  désir  de  la  béatitude  était  uni  en 
lui  à  la  p'us  ardenie  charité. 

Il  y  a  donc  deux  excès  à  éviter  dans  cette 
matière.  Plusieurs  aiinent  Dieu  en  pensant 
tellement. à  eux,  que  Dieu  ne  tient  que  le  se- 
cond rang  dans  leur  affection.  Cet  amour 
mercenaire  ressemble  à  celui  des  faux  amis, 
qui  nous  abandonnent  aussitôt  (|ue  nous 
cessons  de  leur  être  utiles.  Une  âme  qui 
aime  ainsi  est  en  quelque  manière  son  dieu 
à  elle-même;  cet  amour  n'est  point  la  cha- 
rité. 

D'autres,  en  aimant  Dieu,  renoncent  à  tout 
motif  d'intérêt;  leur  amour  est  si  pur  qu'il 
exclut  tout  autre  bien  que  le  phiisir d'aimir; 
ils  n'espèrent,  ils  ne  désirent  rien  au  delà; 
ils  sont  métne  prêts  à  sacrifier  la  douceur  de 
ce  sentiment,  si  les  épreuves  qui  servent  à 
le  purifier  exigent  ce  sacrifice.  Cet  amour 
nous  paraît  une  illusion  de  quelques  fiiux 
spéculatifs.  En  plaçant  le  sublime  de  la  chw 
rite  à  se  détacher  de  toute  espérance,  ils  se 
rendent  indépend.ints. 

Du  principe  incontestable  est  que  nous 
cherchons  uaturellement  à  être  heureux  ; 
c'est,  selon  saint  Augustin,  la  véi  ilé  la  mieux 
entendue  et  la  plus  constante,  c'est  le  cri  .!e 
l'humanité  :  ce  penchant  ne  p'-ut  déplaire  à 
Dieu,  puisque  c'est  lui  qui  nous  l'a  donné. 
Suivant  l'observation  du  savant  évéque  de 
Meaux,  saint  Au^ustin  ne  parle  pas  d'un 
instinct  aveugle;  car  on  ne  peut  pas  désir>'r 
ce  que  l'on  ne  connaît  point,  et  i.n  ne  peut 
ignorer  ce  que  l'on  sait  qu'on  veut.  L'illustre 
arclievêque  de  Cambrai,  écrivant  sur  cet  en- 
droit de  saint  Augustin,  croyait  que  ce  Père 


n'avait  en  vue  que  la  héatitude  naturelle. 
Qu'importe,  lui  répliquait  M.  Bossuet,  il  de- 
meure toujours  incontestable  que  l'homme 
ne  peut  se  désintéresser  au  point  de  perdre 
dins  un  seul  acte,  la  volonté  d'être  heureux, 
puisque  c'est  par  celle  volonté  que  l'on  veut 
toute  chose.  Donc  l'homme  aura  la  même 
ardeur  pour  la  béatilude  surnaturelle  que 
pour  la  héatitude  naturelle,  dès  que  la  pre- 
mière lui  sera  connue.  —  Comment,  en  elTct, 
se  délacherait-oii  du  seul  bienque  l'on  veuille 
nécessairemenl?  Y  renoncer  formellement 
est  une  chose  impossible.  Si  l'on  en  fait 
abstraction,  la  fin  que  l'on  se  propose  n'en 
est  pas  moins  réelle.  L'artiste  (|ui  travaille 
n'a  [las  toujours  son  but  présent  à  l'esprit, 
quoique  toute  sa  manœuvre  y  soit  dirigée. 
D'ailleurs,  le  cœur  ne  fail  point  d'absiractFon, 
et  il  s'agit  ici  d'un  mouvement  du  cœur,  et 
non  d'une  opér^ition  de  l'esprit.  —  Saint 
Thomas,  qui  s'est  distingué  par  son  grand 
sens,  disait  :  Si  Dieu  n'était  pas  tout  le  bien 
de  l'homme,  il  ne  lui  serait  pas  l'unique  rai- 
son d'aimer.  L'amour  présent  et  le  bonheur 
futur  sont  toujours  unis  chez  ce  docteur  de 
l'école. 

Mais,  dira-t-on  peut-être,  quand  nous  igno- 
rerions que  Dieu  peut  et  veut  nous  rentre 
heureux,  ne  pourrions-nous  pas  nous  élever 
à  son  amour  par  la  contemplation  seule  de 
ses  perfections  infinies,  M.  Bossuet  répond 
qu'il  est  impossible  d'aimer  Dieu  sans  l'en- 
visager comme  un  être  souverainement  par- 
fait: or,  une  partie  de  ses  perfections  est  d'ê- 
trebon,  libéral,  bienfaisant,  miséricordieux 
envers  ses  créatures.  Que  l'on  choisisse,  si 
l'on  veut,  pour  objet  de  contemplation  entre 
les  perfections  divines  cel  es  qui  n'ont  au- 
cun rapport  à  nous,  l'immensilé  ite  Dieu,  son 
éternité,  sa  prescience,  s;i  toute-puissance, 
etc.  ;  il  en  résultera  del'admiralion.del'éton- 
neinent,  du  respect,  mais  non  de  l'amour; 
l'esprit  sera  conf(jndu,  le  cœur  ne  sera  point 
touché.  —  D'où  il  s'ensuit  ({u'enlre  les  attri- 
buts de  Dieu,  les  seuls  qui  excitent  en  nous 
des  sentiments  d'amour,  sont  ceux  qui  met- 
tent de  la  liaison  entre  Dieu  et  nous  ;  que  ces 
sentiments  sont  tellement  unis  à  l'idée  du 
bonheur,  qu'on  ne  peut  les  en  séparer  que 
par  des  précisions  chimériques,  fausses  dans 
la  spéculation  et  dangereuses  dans  la  prati- 
que. Mais  il  faut  se  souvenir  que  le  senti- 
ment d'amour  de  Dieu  peut  exciter  en  nous 
de  bons  désirs,  nous  porter  à  des  actions 
excellentes,  influer  sur  notie conduite,  sans 
que  nous  en  ayons  toujours  une  perception 
distincte  et  présente. 

Comme  il  nous  est  impossible  de  démêler 
parfaitement  les  mo  ifs  de  nos  actions,  de 
sentir  jusqu'à  quel  point  tel  ou  tel  motif  y 
contribue,  les  disputes  sur  l'essence  de  la 
c/mrù^  seront  toujours  interminables;  les 
systèmes  sur  ce  sujet  sont  aussi  mal  fondés 
que  les  scrupules  des  âmes  timides,  et  l'en- 
thousiasme des  im  iginaiions  vives.  De  quoi 
nous  sert  de  savoir  si  un  acte  damour  de 
Dieu  peut  ou  ne  peut  pas  être  absolument 
désintéressé  ?  11  nous  suffit  de  comprendre 
que  Dieu  a  daigné  nous  intéresser  à  l'aimer 


845  CHA 

fl  h  mettre  en  lui  tout  notre  bonheur.  Celui, 
dit  Jcsus-Clirist,  qui  garde  /»'■<  commande- 
ments eut  celui  qui  m'aime;  i'  sera  aimé  de 
mon  Père,  je  l'aimerai  moi-même,  cl  je  me  fe- 
rai connaiire  à  lui  [Joan.  xiv,  21  ).  iSe  cher- 
chons pointa  en  savoir  davantage.  Vingt 
disserialions  sur  l'aoïouriie  Dieu  ne  nous  en 
feront  pas  faire  un  arle  de  plus,  et  nous  met- 
tront en  danger  do  ne  pas  pratiquer  foi  t  ex- 
acteiiient  l'amour  du  prochain.  —  G>  qu'il  y 
a  de  fâcheux,  c'est  que  ceux  qui  soutieniienl 
le  plus  chaudement  la  néeessiié  de  l'amour 
de  Dieu  sont  justement  ceux  qui  nous  en 
tournissent  le  moins  de  motifs  :  ils  alTectent 
de  le  peindre  comme  un  maîlre  si  lerrilile, 
qu'ils  eu  inspirent  plutôt  la  terreur  que 
l'amour. 

Une  seconde  question  est  de  savoir  si  tou- 
te action  qui  n'est  pas  faite  par  un  motif 
d'amour  de  Dieu  est  un  péché,  comme  l'ont 
soutenu  quelques  théologiens,  qui  iiréten- 
daient  puiser  celle  doctrine  dans  saint  Au- 
gustin. —  On  leur  a  répondu  que,  selon  le 
concile  de  Trenle,  sess.  0,  d<'  Justifie,  c.  G, 
les  sentiments  de  foi,  (res!iérance,  de  crainte 
de  Dieu,  sont  non-seulement  louahles,  iuais 
utiles,  puisqu'ils  nous  disposent  à  la  ]usiili- 
cation;  donc  les  aciious  laites  par  ces  molifs 
seuls  ne  sont  (las  d(-s  péciiés,  à  plus  forte 
raison  celles  qui  ont  pour  motif  la  reconnais- 
.sance  des  hienlaits  de  Dieu.  —  Saint  Augus- 
tin a  nommé  charité  le  hou  vouloir,  la  honne 
intention,  même  dans  un  patix.Op.iDiperf., 
1.  m,  11.  Ht  et  103.  G  est  donc,  une  erreur  de 
penser  que  ce  saint  docteur  a  regardé  comme 
péclié  toute  action  qui  n'd  p.is  pour  niotii  la 
charité  proprement  dite.  —  De  ce  passage 
l'on  conclut  que  les  actions  même  ((ui  n'ont 
pour  principe  que  la  vertu  morale,  telle  que 
pouvait  l'avoir  un  païen,  sont  bonnes  et  loua- 
bles, quoique  non  méritoires  pour  le  salut  ; 
selon  saint  Augusiin,  Dieu  en  a  souvent  ins- 
piré aux  païens,  et  les  en  a  récoiiipensés  (L. 
de  Grutia  Christi,  c.  "24.,  n'  2.');  in  Ps.  lxviii, 
Serm.  2,  n°  3;  Epist.  93  «'/  \'incent.  Ilui/al., 
!i°9,  lilt.  iv;  contra  duas  L'pisl.  Pelaij.,  c.  (i. 
n°  13;  de  Civit.  Pei,  lili.  v,  c.  19  et  2't).  C'est 
la  docirine  fornielle  de  l'Eii  ilure  sainte. 
(  rslhrr,  Mv,  13;  xv.ll  ;  Esdr.  i,  1  ;  vi,  22; 
VII,  27  ;  Ezcch.  \xix,  18  et  suivants,  etc.  ) 
Or  Dieu  lie  peut  inspirer  ni  récompenser  des 
péchés. 

Knlio  les  motifs  louables  de  nos  action^, 
les  uns  sont  naturels,  les  autres  surnatu- 
rels ;  cl  entre  ces  dernicr.s  il  y  en  a  d'à 'i  1res 
que  la  charité  proprement  dite.  Les  motifs 
naturels,  louables  .  lel-,  que  la  piti/'  ei  la 
comniiseralion,  l'amour  di;  nos  semblables 
et  de  la  patrie,  les  senlimenls  (l'honneur, 
etc..  Sont  un  exercice  légitime  des  r.uullés 
que  Dii'u  a  mises  en  nous,  et  des  [leiich  ints 
qu'il  nous  a  donnés;  ces  molils  peuvcntdonc 
rendre  les  actions  d'un  païen  dignes  de  ré- 
compense» en  ce  monde,  puisqu'il  ne  peut 
pas  en  être  résomjiensé  dans  l'autre.  Penser 
que  les  actions  d'un  cliréiien,  faites  par  les 
mêmes  molifs  ,  lui  senmt  inériluircs  dans 
l'autre  monde,  par  un  privil  gc  aliachc  au 
caractère  de  chrétien,  et  par   la  parlicija- 


CHA. 


8îi> 


tion  aux  mérites  de  Jésus-Christ,  ce  serait 
s'approcher  beaucoup  du  semi-nélagianisme  : 
mais  d  •  ce  qu'elle-^  ne  sont  pas  mériioires,  il 
ne  s'ensuit  pas  que  ce  soient  dos  péchés.  — 
Dans  un  chrétien,  les  molifs  naturels,  n'ex- 
cluent point  les  motifs  surnilurels,  quoique 
nous  ne  puissions  apercevoir  en  mémo  temps 
plusieurs  mollis  différents.  Tantôt  l'huma- 
niié  agira  la  première,  tantôt  ci- sera  la  cha- 
rité; mais  le  chrétien  peut  passer  d'un  do 
ces  molils  à  l'autre,  se  les  rappeler  succes- 
sivement ,  et  sanclifier  l'un  par  l'autre. 
Alors  l'action  est  très-bonne,  quel  que  soit 
le  molif  qui  a  inilué  le  premier  ;  mais  l'action 
n'e^t  méritoire  pour  un  chrétien  qu'autant 
qu'elle  vient  d'un  motif  surnaturel  inspiré 
par  le  mouvement  de  la  grâce.  —  Un  moyen 
de  donner  ci  nos  actions  tout  le  mérite  pos- 
sible, est  de  perfectionner,  par  des  actes 
d'amour  de  Dieu  anticipés,  nos  pensées  et 
nos  intentions  subséquenics,  de  demander 
souvent  à  Dieu  de  suppléer  ce  qui  manque 
à  nos  actions,  lorsque  les  molifs  naturels 
pourront  provenir  les  molifs  surnaturels. 
L'h  .bilude  de  l'amour  de  Dieu  dans  le 
cœur  d'un  chrétien  supplée  sans  cesse  aux 
actes  d'amour  particulier;  elle  iiilUie  sur  ses 
actions  sans  qu'il  s'en  aperçoive,  de  même 
que  l'amour  habituel  que  iious  avons  pour 
nos  par  nts,  p^ur  nos  amis,  pour  notre 
patrie,  etc.  Il  fint  donc  niuis  attacher 
à  forlilier  en  nous  la  charité  habituelle 
|iar  la  prière,  par  les  bonnes  œuvres,  par 
la  fréquentaiion  des  sacrements,  par  le 
souvenir  des  bienfaiis  de  Dieu,  eic.  Mais 
nous  n'aurons  le  bonheur  d'aimer  Dieu  se- 
lon toute  l'étendue  de  nos  facultés  que  dans 
le  ciel  ;  c'est  dans  le  sein  de  Dieu  que  se 
fera  la  consommation  de  la  c/iar((c  du  chré- 
tien et  du  bonheur  de  l'honime.  (ci-bis  nous 
avons  deux  lègles  :  selon  Jésus-Christ  lui- 
même,  c:'liii  qui  garde  les  commandements 
de  Dieu  est  celui  qui  l'aime  vérilableinenl  ; 
et  selon  saint  Jean,  personne  n'aime  vérita- 
blement Dieu  (lUe  celui  qui  aime  ses  frères 
{Juan,  xiv,  21,  23,  2i  ;  /  Joan.  iv,  20  et 
21  j.   (^est  à  quoi  il  faut  nous  en  tenir. 

(Juelqucs  incrédules  ont  poussé  l'entête- 
ment jusqu'à  soutenir  qu'il  est  impossible 
d'aimer  un  Dieu  tel  que  la  religion  nous  le 
représente,  c'est-à-dire,  un  Dieu  redouta- 
ble i|ui  punit  le  crime  [lendanl  toute  l'éter- 
nité. Mais  si  Dieu  ne  punissait  pas  le  crime, 
sur  quoi  fondes  (  sp  rerions-nous  (|u'il  ré- 
compensera la  ViMlu  ?  Celle  double  l'onction 
estle  caiaclére  essentiel  d'un  Dieu  législateur, 
cl  l'une  n'entre  pas  moins  (|ue  l'autre  dans 
la  notion  de  \ii  justice.  S'il  n'y  avait  pas  une 
justice  divine  a  craindre,  ce  monde  ne  serait 
pas  habitable,  les  méchanis  seuls  y  seraient 
les  mailles,  la  vertu  serait  sans  espérance 
et  sans  molifs.  Dieu  ne  serait  donc  plus  ai- 
mablepour  les  bous,  s'il  n'était  pas  redouta- 
ble pour  les  méchanis.  -  Nous  concevons 
tiès-hieii  (lu'un  mauvais  cu'ur,  qui  met  son 
bonlieurà  s.atisfaire  des  passions  ticieuses,  ne 
peut  pas  aimer  Dieu.  Mais  il  lui  est  utile  de 
le  craindre  ;  et  lorsqu'il  pourra  enlin  se  ré- 
soudre a  mettre  son  bonheur  dans  lu  vertu. 


en 


CHA 


CHA 


818 


il  le  trouvera  aussi  dans  l'amour  de  Dieu. 

Charité  se  prend  encore  pour  l'/iniDiir  que 
Dieu  témoigne  .lUX  hommes.  Dieu,  dit  saint 
Paul  ,  a  làil  éclnter  sa  (7(rtri7e' envers  nous, 
en  ce  que  Jésus-Clirist  est  morl  pour  nous, 
lorsque  nous  étions  encore  pécheurs  [liom. 
XV,  8).  De  même  que  la  chnrilé  du  Dieu  en- 
vers nous  ériate  |)ar  des  hienruils,  aill^i  no- 
tre nniour  pour  Dieu  et  pour  le  prochain  doit 
se  pr'Uu'r  par  nos  ce. ivres. 

CH\iiiri^  à  i'ejjard  du  prochain.  Jéstis- 
Chrlsl  en  a  renouvelé  la  loi  :  Y ous  (limcrez 
votre  prucluiin  comme  vous-niênie.  Il  expli- 
que ce  qu'il  enlend  sous  le  nom  du  /irochain, 
en  y  comprenant  nièiiie  les  étrangers  et  les 
cnneniis  (7,Mf.  X,  29).  Il  nmis  apprend  en 
quoi  cet  amoui'  consiste  :  Faitcx  aux  aulres 
ce  que  |70M<  voulez  (pi  ils  vous fass' rit  {Luc.  vi, 
31).  11  se  donne  lui-niême  pour  modèle  :  Ai- 
viez-i-ous  /'■s  uns  le.i  nuiief  comme  je  i  uns  ai 
aimés  [Joan.  xiii,  3'i;.  li  nous  monire  le  mo- 
tif :  Aimez  vos  ennemis,  afin  (/ic  vous  soyez 
les  enfants  du  Pè>e  céleste  qui  [ait  du  bien  à 
tous  (  Mallh.  V,  Vo  ).  Pouvi,it-il  mieux  déve- 
lopper le  précepte  de  la  charité  ?  —  Ce  pré- 
cepte renferme  donc,  non-seulement  les  sen- 
timents de  bienveillance,  mais  toutes  les  ac- 
tions qui  en  sont  la  preuve  :  les  hiriifails  , 
les  secours,  les  conseils,  la  douceur,  la  com- 
misération ,  l'indulgence  pour  les  défauts 
d'atitrui,  l'oiihli  des  injures,  la  crainte  d'hu- 
milier et  de  conirigler  nus  semblables  ;  nous 
esigenns  toul  cela  pour  nous,  si  on  nous  le 
refuse,  nous  nous  plaignons  :  nous  le  devons 
donc  aux  autres. 

Qi.'eliiues  incrédules  ont  prélemlii  que  ces 
maximes  de  l'Ei angile  sont  obscurcie'!  par 
d'autres,  où  il  est  dit  f|u'un  disciple  de  Jé- 
sus-Christ doit  hair  si  n  père  ,  sa  mère,  ses 
proches,  sa  femme,  ses  enfants  ,  «a  propre 
rie,  pour  Dieu  et  pour  Tlivaiigile.  Ces  der- 
nières paroles  auraient  dû  leur  ouvrir  les 
veux.  Qu'est-ce  que  h'ir  sa  propre  vie,  sinon 
6;re  prêt  à  la  sacrifier  lorsque  cela  est  né- 
cessaire pour  obéir  à  Dieu  (  l  pour  rendre 
témoignage  à  l'Evangile'?  Donc  ,  haïr  son 
père  et  sa  famille,  c'esl  aussi  être  prêt  à  les 
quitter  lorsque  Dieu  l'oi  donne,  et  pour  aller 
procli  r  au  loin  rE\anyilc. Voilà  ce  que  les 
apôtres  ont  été  obligés  de  faire  ,  et  Jesus- 
C.hrist  avait  droit  de  l'exiy;er.  Mais  les  apô- 
ties  n'ont  pu  téiDoigiier  à  leurs  proches  une 
ari'clion  |)1ms  solide  qu'en  leur  assurant  la 
protection  d'un  bienfaiteur  tel  que  Jésus- 
Christ.  —  1,'ne  preuve  qui  démoaire  que  les 
maximes  du  Sauveir  ont  été  bien  entendues, 
c'esl  la  charité  universelle  et  héroïque  des 
premiers  chrciiens.  «  Nous  connaissons ,  dit 
saint  Clémcnl  de  Home  ,  plusieurs  d'entre 
nous  qui  se  sont  mis  dans  les  chaînes  pour 
en  tirer  ceux  qui  y  étaient  détenus;  ji'u- 
sieurs  se  sonl  lails  esclaves  ,  et  ont  eaijjloyé 
le  prix  de  leur  lihiTlé  à  no-.irrir  les  pau- 
vres. »  {Episl.  1,  n°  7.)  Plusieurs  ont  bra^é 
la  moil  pour  donner  des  secours  aux  mar- 
tyrs. Pendant  la  pesie  qui  ravagea  l'empire 
ro.iiaiu  l'an  252,  et  qui  dura  dix  ans,  les 
chrélieus  soignèrent  non  -  seuieu>enl  leurs 
frères,  mais  les  païens,  pendant  que  ceux- 


ci  abandonnaient  leurs  malades.  (Eusè!)e, 
flisi.  ecelés..  liv.  Vil,  c!i.  32;  Ponce,  FiV  de 
saint  Cijprien.)  Julien  convient  qui' les  chré- 
tiens nourriss.iienl  leurs  pauvres  et  ceux  du 
paganisme  {Leilre  \'}  à  Arsace).  S.iint  Jean 
Cllr^S(lstome  aileste  que  leur  c/iari/rf  est  ce 
qui  a  le  plus  coiitiihué  à  con»  erlir  les  païens 
{Préface  sur  l'Epitre  a  :x  Pliilippiens). — Pen- 
dant l.'i  pesIe  noire  de  l'an  13'i.ri,  l'on  vil  les 
religieuses  hospitalières  et  les  moines  renou- 
veler les  exemples  de  charité  héroïque  dont 
a  parlé  saint  Ijypricn;  l'on  .i  vu  des  évè(]ue8 
vendre  jusqu'aux  vases  sacrés  pour  racheter 
des  esclaves. 

La  persévérance  de  cette  vertu  dans  le 
christianisme  est  prouvée  par  li  multitude 
d'établissements  d'  charité  i\n\  y  subsistent, 
et  dont  les  iialio'is  inOJèles  ii'ont  poiiil  donné 
d'exemple.  Les  hôpitaux  pour  les  malades , 
pour  les  vieillards,  pour  les  incurables,  pour 
les  enfants  trouvés,  pour  les  or|)helins,  pour 
les  invalides,  pom-  les  insensés,  pour  les 
voyageurs  ;  les  maisons  d'éducation  pour  les 
deux  sexes,  de  travail  pour  tous  les  âges,  de 
retraite  pourles  personnes  iiirirmes  ;  les  éco- 
les de  clturiié,  les  confréries  qui  assistent  les 
pauvres,  les  prisonniers,  les  criminels  con- 
damnés à  mort;  les  foiidaliniis  d'aumônes, 
les  monis-de-piéic,  la  rédem;ilion  des  cap- 
tifs, etc.  Tel  est  l'ouvrage  de  la  charité  chré- 
tienne. —  Un  de  nos  ph  Insophes  incrédules 
convient  que  dans  la  seule  vilie  de  Konie  il 
y  a  au  moins  cinquante  maisons  de  charité 
de  toute  espèce;  on  pourr.iil  en  compter  ua 
pins  grand  noinbio  à  Paris,  el  il  eu  est  de 
même  des  autres  villes  du  royaume  ,  à  pro- 
portion. 11  en  conclut  qucriinmme  n'est  point 
naturellement  méchant,  mais  bon  et  bien- 
laisanl.  li  l'est,  sans  doute,  lorsque  la  reli- 
gion le  rend  tel;  mais  pourquoi  celle  bonté 
ne  se  moiitre-t- elle  ptini  ailleurs  avec  au- 
tant d'c.l.il  que  dans  le  christianisme?  Nos 
philosophes  ne  nous  en  disent  point  la  rai- 
son. —  De  nos  jours,  ils  ont  voulu  subsli- 
tuor  au  Icrme  charité  celui  A' humanité  ;  mais 
nous  n'avons  encore  vu  aucun  philosophe  se 
consacrer,  par  humanilé,  aux  bonnes  œuvres 
dont  nous  venons  de  parler;  lorsque  l'huma- 
nité philosophique  aura  fait  aiitaiil  de  bien 
que  la  chanté  ,  nous  verrons  laquelle  des 
deux  mérile  la  préférence.  La  pompe  avec 
laquelle  l'humanilé  l'ait  annoncer  au  public 
ses  libéralités  est  déje'i  d'un  Irès- mauvais 
augure.  —  On  a  l'ail  plus  :  nos  dissertaleurs 
politiiiues  Ont  pr;s  la  peine  de  décrier  tou- 
tes le-  f  indations  et  les  élablissemenls  de 
c/iarj'<e  comme  des  insiitutions  impruilentes 
et  pernicieuses,  ((ui  produisent  plus  de  mal 
que  de  bien,  qui  sonl  l'ouvrage  de  l'igno' 
rance  el  de  la  vanité  :  nous  réfuterons  leurs 
réllesioiis  ailleurs.  Voy.  1''o.\dation,  Hôpi- 
tal. 

Ce  ser.iit  déjà  une  erreur  grossière  de  bor 
ncr  les  devoirs  de  la  charité  au  seul  précepte 
de  l'aumône;  c'en  est  encore  une  p. us  scan-^' 
daleiise  d'enseigner,  comme  on  la  l'ail,  qu.» 
l'aumône  même  n'est   point  un   piéccpl 
goureux,  mais  un  simple  conseil.  Esl-c^lut/:y 
inanité  qui  a  dicté  cette  décision?  —  Oii  o 


81  g 


CHÂ 


CHA 


82v> 


jecte  que  l'.iumône  noarrit  la  fainéantise  , 
et  souvent  ontrclient  le  libertinage  des  pau- 
vres. Soil.'Si  avant  de  l'aire  une  bonne  œu- 
vre on  voulait  prévoir  les  divers  abus  que 
l'on  en  peut  faire,  lis  inconvénients  qui  peu- 
vent en  ariivcr,  le  mérite  ou  l'indignité  de 
ceuï  qui  en  profileroni,  etc.,  on  n'en  ferait 
jauiiiis  aucune,  puisqu'il  n'en  est  aucane  de 
laquelle  on  ne  puisse  abuser.  La  malice  hu- 
maine trouve  toujours  plus  de  moyens  pour 
faire  du  n)al,  que  la  charité  la  plus  prudente 
ne  pourra  prendre  de  précautions  pour  le 
jirévenir.  —  Lorsque  Dieu  jugera  nos  œu- 
vres, il  nous  demandera  compte  du  bien  que 
nous  avons  pu  faire,  et  non  du  mal  que  nous 
n'avons  pas  pu  empêcher.  Il  faut  donc  nous 
en  tenir  à  la  leçon  de  saint  Paul  :  faire  le 
bien  sans  nous  lasser  et  sans  nous  rebuter 
jamais  {Galal.  vi,  9;  II Thess.  m,  13),  et  lais- 
sera Dieu  et  à  ceux  qui  liennentsa  place  ici- 
bas,  le  soin  de  punir  ou  de  réprimer  le  mal. 
Voy.  j\tiMÔ\E. 

Un  déiste  célèbre  a  compris  que  les  devoirs 
de  la  churilé  ne  se  bnnent  point  à  faire 
l'aumône.  Combien  d  ■  malhiureiix  ,  dil-il, 
combien  de  uialaiies  ont  plus  besoin  de  eon- 
S(d,ilion  que  d'aumônes  1  Combien  d'oppri- 
més à  qui  la  protection  sert  plus  que  l'ar- 
gent !  Raccommodez  les  gens  qui  se  brouillent  ; 
prévenez  les  procès;  portez  les  enfants  au 
devoir,  les  pères  à  l'indulgence;  favorisez 
«l'heureux  mariagis  ;  em|iéchez  les  vexa- 
lions  ;  employez,  prodiguez  le  crédit  de  vos 
auiis  en  faveijr  du  faible  à  qui  on  refuse  jus- 
tice ,  et  (lue  le  puissant  accable;  déclarez- 
vous  hautement  leproteeleurdu  malheureux  ; 
soyez  juste,  hiim;iin,  bienfais;inl  ;  ne  faites 
pas  seulement  l'aumône,  faites  la  charité  :  les 
œuvres  de  miséricorde  soulagent  plus  de 
maux  que  l'argent  ;  aimez  les  autres  et  ils 
vous  aimeront ,  servez-les  et  ils  vous  servi- 
ront, soyez  leur  père  et  ils  seront  vos  en- 
fants. —  Il  serait  ai^é  de  f.iire  voir  que  1'^- 
criture  sainte  nous  commande  en  particulier 
tous  ces  devoirs  de  charité,  et  que,  sans  ces 
leçons  divines  ,  nous  ne  connailrions  pas 
mieux  celte  morale  que  les  anciens  philoso- 
phes auxquels  L.iclance  reprochede  n'avoir 
prescrit  ces  mêmes  devoirs  par  aucun  pré- 
cepte (Divin.  Iiistil.,  1.  X,  c.  C). 

Chaiiité  est  le  nom  de  plusieurs  ordres 
religieux.  Le  plus  conno  parmi  nous  est  ce- 
lui des  fri'res  du  la  Charité,  inslilué  par  saint 
Jean  de  Dieu,  pour  le  service  des  malades. 
Léon  X  l'aiiprouva  comme  une  simple  so- 
ciété eu  1320;  l'ie  V  lui  accorda  quelques 
privilèges;  Paul  IV  le  confirma  en  l(il7  en 
qualité  d'ordre  religieux.  Outre  les  trois 
'vœux  d'obéissance,  de  pauvreté  ei  de  chas- 
teté, ces  religieux  font  le  vœu  de  s'employer 
an  service  des  malades.  Ils  ne  fi.iit  point  d'é- 
tudes et  n'entrent  point  dans  les  ordres  sa- 
crés; s'il  se  trouve  parmi  eux  un  prêtre,  il 
ne  peut  jamais  parvenir  à  aucune  dignité  de 
l'ordre.  Le  B.  Jean  de  Dieu,  leur  fondateur, 
allait  tous  les  jours  à  la  qnéle  pour  les  ma- 
lades, en  criant  :  Faites  bien,  mes  /rèrc^,  pour 
i'aïuour  de  liieu;  c'est  pourquoi  le  nom  de 
fatc  ben,  fratelli,  leur  est  demeuré  en  Italie. 


•  —  Malgré  les  préventions  des  philosophes 
incrédules  contre  les  ordres  religieux  en  gé- 
néral, ils  n'ont  pu  s'empêcher  de  donner  des 
éloges  à  celui-ci.  11  semble  avoir  été  insiitui 
exprès  à  la  naissance  du  protestantisme  pour 
démontrer  contre  les  rét'ormaleuis  l'utilité  et 
la  nécessité  des  vœux  monastiques.  Des  hotn- 
mes  à  gages  rendraient-ils  des  services  aussi 
constants,  aussi  généreux,  aussi  purs  que 
les  frères  de  la  Charité?  et  sans  le  vœu  par 
lequel  ils  s'y  engagent,  auraienV-ils  le  cou- 
rage d'y  employer  toute  leur  vie?  La  préten- 
due réforme,  avec  ses  belles  idées  de  perfec- 
tion, a-t-clle  trouvé  un  moyen  de  suppléer 
aux  bonnes  œuvres  pratiquées  par  les  reli- 
gieux hospitaliers  ?  Il  est  d'aulres  ordres  que 
celui-ci,  et  qui  rendent  les  mêmes  services  : 
nous  en  parlerons  sous  leurs  noms  parti- 
culiers. Ce  n'est  point  la  philosophie  qui 
les  a  fondés,  c'est  la  charité  cfarélienne.  Voy. 

HOSPITALIKBS. 

Charité  (Sœurs  de  la).  Communautés  de 
filles  instituées  par  saint  Vincent  de  Paule, 
avec  le  secours  de  M""^  Le  Gras,  pour  assis- 
ter les  malades  dans  les  hôpitaux  et  dans  les 
maisons  particulières  ,  visiter  les  prison- 
niers, élever  les  cnf.inis  trouvés,  tenirles  éco- 
1(  s  pour  les  pauvres  filles.  Elles  ne  font  que 
des  vœux  simples  et  pour  un  temps  borné  ; 
elles  peuvcntquitterleurcongrégation  quand 
elles  le  jugent  à  propos.  — Cet  institut,  l'un 
des  plus  utiles  qui  ait  jamais  été  établi ,  a 
un  grand  nombre  de  maisons  ou  d'hospices 
dans  la  seule  ville  de  Paris,  où  il  remplit  les 
divers  objets  de  sa  fondation.  Il  en  possède  à 
proportion  dans  les  autres  villes  du  royaume, 
et  il  a  «luelqnes  maisons  en  Allemagne  et  eu 
Pologne  ;  partout  ces  vertueuses  filles  fout 
bénir  la  mémoire  des  fondateurs. 

On  doit  comprendre  sous  le  nom  de  filles 
delà  C7i«riïï  plusieurs  autres  congrégations 
qui  remplissent  les  mêmes  funcliuns  que 
celle-ci,  soit  en   France,  soit  ailleurs.  Voy. 

Ho^PiTALlÈRES. 

CuAniTÉ  (Dames  de  la).  On  appelle  ainsi  , 
dans  les  difl'érentes  villes  du  royaume,  les 
dames  pieuses  qui  s'assemblent  pour  s'oecu- 
per  des  moyens  de  soulager  les  pauvres  , 
pour  recueillir  les  auuiônes  qu'elles  font  uu 
qu'elles  procurent,  et  pourlcsdistribucravec 
prudence. 

Si  l'exemple  des  souverains  est  capable  de 
donner  du  relief  à  une  bonne  œuvre  ,  celle- 
ci  est  devenue  plus  respe(-table  par  cette  rai- 
son. Tous  les  mois  la  reine  tient  chez  elle 
une  assemblée  de  charité  ;  par  son  exemple, 
et  en  quêtant  ollc-même  pour  les  pauvres  , 
elle  engage  les  dames  de  la  cour  à  faire  des 
aumônes,  et  les  remet  aux  curés  des  pa- 
roisses pour  en  faire  la  distribution.  — Quel- 
ques précautions  que  l'on  prenne  pour  met- 
tre à  couvert  de  tout  reproche  celte  ma- 
nière d'exercer  1 1  charité  ,  il  est  rare  que 
l'on  y  réussisse  ;  souvent  elle  donne  lieu  à 
des  murmures.  On  dit  que  dans  les  recher- 
ches qui  se  font  pour  c 'nnaitrc  les  besoins 
et  la  conduite  des  pauvres,  il  entre  de  la  cu- 
riosité et  de  l'imprudince;  qu'il  v  a  delà 
prédilection  dans  la  distribution  des  aumôues. 


821 


cas. 


CHA 


833 


que  souvenl  elles  sont  refusées  à  ceux  qui 
en  sonl  le  plus  dignes,  et  prodiguées  à  ceux 
qui  les  rnéritenl  le  moins  ,  elc.  Jusqu'où  ne 
pousse-l-on  point  la  Icmérilé  el  la  malignité 
des  soupçons  ?  —  C'est  donc  le  si)rl  de  louli'S 
les  bonnes  œuvres  d'essuyer  des  censures  ; 
mais  celles-ci  ne  devraient  jamais  partir  de 
la  plume  des  philosophes  ,  (jui  se  donnent 
pour  les  défenseurs  de  la  morale  et  de  l'hu- 
manité. Faut-il  s'abstenir  de  faire  le  bien 
par  la  crainte  d'être  blâmé?  Non,  sans  doute. 
Saint  Pierre  dit  aux  (idèles  :  Ai/ez  une  sage 
conduileaii  miiien  des  ennemis  de  la  religion, 
afin  qite  ceux  mémrs  qui  tous  peignent  comme 
lies  malfiiiteurs,  soient  forcés,  par  l'examen  de 
vos  honnes  œuvres,  à  glorifier  Dieu  (/  Petr. 
Il,  12). 

CHARMKS,  paroles  magiqnes  auxquelles 
on  attribue  la  vertu  do  produire  des  effels 
merveilleux  el  surnaturels,  (^e  mot  vient  du 
latin  cnrmcn,  qui  signifie  non-seulenient  des 
vers  ou  <ie  la  poésie,  mais  une  formule  de 
paroles  déterminées  dont  on  ne  doit  pas  s'é- 
carter. On  nommait  ainsi  les  lois,  les  formu- 
les des  jurisronsulles  ,  les  déclarations  de 
guerre,  les  clauses  d'un  traité  ,  les  évoca- 
tions des  (liei)x,  elc.  Tite-Live  appelle /ea; 
horrendi  carminis  la  sentence  qui  condam- 
nai! à   moit  Horace,   meurtrier  de  sa  sœur. 

—  Le  charme  esl  distingué  de  l'enchantement, 
en  ce  (]ue  celui-ci  se  faisait  par  des  chants  ; 
mais  souvenl  l'on  a  confondu  l'un  avec  l'au- 
tre :  on  s'est  encore  servi  de  ces  deux  mots 
pour  exprimer  un  maléfice;  il  y  a  cependant 
une  diflérence  à  mettre  entre  ces  termes  : 
voyez-les  à  leur  place. 

Comment  a-l-on  pu  se  persuader  qu'il  y  a 
des  paroles  efficaces,  à  la  prononciation  des- 
quelles est  attachée  une  vertu  particulière, 
et  qui  peuvent  opérer  des  prodiges?  11  ne 
5C!  1  à  rien  d'allribuer  à  l'ignorance  des  peu- 
ples une  erreur  aussi  commune;  l'ignorance 
ne  produit  rien  sans  une  raison  bonne  ou 
mauvaise  ,  solide  ou  apparente  ;  il  faut  la 
chercher  ,  afin  de  ne  pas  confondre  le  vrai 
avec  le  faux,  les  usages  légitimes  avec  les 
ahus.  —  Tous  les  hommes  ont  connu  une  di- 
vinilé  quelconque  ,  et  lui  ont  adressé  des 
prières  ;  ces  prières,  toujours  conçues  à  peu 
près  en  même  termes,  ont  passé  des  pèresaux 
enfants,  et  ont  été  relenues  [lar  ceux-ci  avec 
un  senlimenl  de  respect.  Lorsqu'un  homme 
a  vu  ses  vœux  exaucés  et  a  reçu  de  Dieu 
un  bienfait  qu'il  avait  désiré  avec  ardeur, 
il  a  pu  croire  aisément  que  sa  formule  de 
prière  souvent  répétée  ,  avait  eu  par  elle- 
même  la  vertu  d'intéresser  la  Divinité,  el  de 
produire  l'effet  qu'il  avait  souhaité.  Ainsi  , 
l'on  voit  encore  dans  quelques  familles  cer- 
taines prières  conservées  par  tradition,  et 
auxquelles  les  membres  de  cette  famiile  ont 
une  dévotion  et  une  confiance  parlicu'.iéres, 
parce  qu'ils  les  ont  reçues  de  leurs  pères. 
Cette  confiance  n'a  rien  de  superslilieus 
lorsquelle  n'est  pas  excessive,  et  que  la  for- 
mule ne  renferme  d'ailleurs  aucune  erreur. 

—  Après  la  naissance  du  poljlhéisa-.e  ,  les 
formules  d'invocation  devinrent  plus  impor- 
tante* et  dIus  sujettes  aux  soperslitioas  ; 


celle  qui  était  propre  à  tel  dieu  ne  conve- 
nait pas  à  un  autre;  chaque  dieu  avait  sou 
département  et  son  pouvoir  p  irlieulicr  ;  il 
fallait  que  l'invocation  y  fiit  analogue.  On 
fut  donc  obligé  de  multiplier  les  formules,  el 
leur  différence  devint  une  espèce  de  gri- 
moire.  Toute  personne  qui  crut  avoir  reçu 
de  tel  dieu  ce  qu'elle  lui  avait  demandé  par 
telle  formule,  s'imagina  que  l'efficacité  de  sa 
prière  était  altaciiée  aux  paroles  ;  que  si  on 
les  changeait,  la  prière  n'aurait  aucun  effet. 
Le  même  préjugé  s'introduirait  encore  dans 
le  christianisme  ,  si  l'on  n'avait  p.is  soin  de 
répéter  souvent  au  peuple  la  leçon  que  Jé- 
sus-Christ nous  a  f.iile,  savoir  :  que  le  mé- 
rite de  la  prière  dépen<l  de  l'alifeclion  du 
cœur,  et  non  de  la  mullilude  ou  de  la  tour- 
nure des  paroles  {Mittlh.  vi,  7,  etc.).  —  La 
fourberie  des  imposteurs  contribua  sans 
doute  à  confirmer  l'erreur  di-s  païens  ;  un 
homme  qui  se  vaut  lit  de  guérir  les  maladies 
air.'cta,  pour  donner  plus  d'importance  à  sou 
art  et  de  i  redit  à  ses  remèdes,  d'y  joindre 
des  invocations  et  des  conjurations  ,  de  les 
exprimer  en  termes  barbares  ou  dans  une 
lan|:uclnconnue,afin  d'étonnerles  ignorants. 
Comme,  selon  la  croyance  du  paganisme,  les 
biens  et  les  niiiux,  la  santé  et  la  maladie  ,  la 
prospérité  et  les  malheurs  venaient  des  gé- 
nies, des  démons  bons  ou  mauvais ,  qui  dis- 
posaient du  sort  des  hommes  ,  les  charla- 
tans prétendirent  que  ces  génies  leur  étaient 
soumis ,  étaient  forcés  d'obéir  à  leurs  con- 
jurations; que,  par  l'entremise  de  ces  esprits, 
on  pouvait  guérir  toutes  sortes  de  maladies, 
ou  les  donner  aux  hommes  et  aux  animaux, 
faire  tomher  la  grêle  ou  la  foudre  ,  exciter 
des  tempêtes,  etc.  Ainsi  s'établit  chez  toutes 
les  nations  la  conOaiii'e  aux  charmes  ou  aux 
paroles  elGcaces.  Lorsque  ces  paroles  étaient 
imprimées  ou  gravées  ,  on  les  nommait  ca- 
ractères; quand  on  les  portait  sur  soi  comme 
un  préservatif,  c'était  une  amulette.  [Voy.  ces 
termes,  et  le  Dictionnaire  des  sciences  occa/- 
fes,  éd;t.  Migne.]  —  On  sait  à  quel  excès  les 
païens  poussaient  l'enlètemcnt  sur  ce  point; 
ils  croyaient  que  les  magiciens  ou  sorciers 
pouvaient,  par  leurs  conjurations,  forcer  la 
lune  à  descendre   du  ciel  : 

Carniina  vel  caOo  possDnl  deducere  liintra. 
En  effet,  puisque,  suivant  lacroyance  des  phi- 
losophes même,  la  luneétail  un  êtreanimé,  un 
génie  féminin  que  l'on  nommait  Hécate  ou 
/>(ane,  pourquoi  n'aurail-ellepas  été  sensible 
aux  invocations  ou  aux  charmes  des  magi- 
ciennes? Pourquoi  Ju[)iter,  mailredu  ton- 
nerre, aurait-il  refusé  d'accorder  un  coup  de 
foudre  à  ceux  qui  avaient  trouvé  le  secret  de 
lui  pi  lire  par  quelques  paroles  qu'il  aimait  à 
entendre  ?  .Ainsi,  la  magie  eu  général,  et  tou- 
tes ses  es))èces  ,  tenaient  essentiellement  au 
système  du  polythéisme  el  à  la  philosohie 
des  païens.  )'oy.  M^gie.  —  Selou  l'opinion 
des  stoïciens,  les  noms  ne  sont  pas  arbitrai- 
res ;  ils  viennent  de  la  nature,  et  ils  ont  par 
eux-mêmes  une  certaine  force.  Origène  avait 
adopié  ce  sentiment  des  stoïciens  ,  ou  do 
moins  il  s'en  sert  pour  réfuter  Celse  ;  il  sou- 
tient, contre  ee  philosophe,  qu'il  n'est  pas 


S23  CHA 

indifférent  de  donner  à  Dieu  1rs  noms  sous 
lesquels  il  s'est  désigné  lui-même  dans  les 
livrps  siiinls,  ou  de  l'appeler  Jupiter,  Zcus  , 
le  Ciel,  etc.,  comme  f.ii^.iient  les  païens.  11 
avait  raison  pour  le  foml  ,  piiis(]ue  çauiait 
été  donner  lieu  de  confondre  le  vr.ii  Dieu 
av(C  des  démons  imaginaires;  mais  il  le 
prouvait  par  un  mauvais  argument  toujours 
tiré  de  la  pliilosophie  stoïcienne  :  c'est  que 
les  noms  dont  se  servent  les  enihaiileurs  et 
les  ii.agii'iens  n'ont  plus  de  venu  quand  on 
les  clian^e  et  qu'on  les  Iraduil  dans  uiu'  au- 
tre langue.  Jamblique  pensait  de  moine. 
Plalon  était  persuadé  que  les  noms  primitifs 
des  choses  étaient  de  l'invention  des  dieux. 
(Origéne,  contre  Celse,  I.  i,  n.  2'j  ;  1.  v,  n.  45. 
Noti  s  de  Spencer).  Ainsi,  l'elficiciié  de  cer- 
tains noms  était  un  dogme  philoso(ilii(|ue 
dont  les  meilleures  tètes  d'Athènes  etdc  Kouie 
élaienl  prévenues. 

On  ne  trouve  rien  dans  l'Ecriture  sainle 
qui  ait  pu  contribuer  à  établir  celle  cireur; 
cous  ne  voyons  dans  l'hisloiie  des  palriar- 
ch(  s  aui'Uiie  formule  d'invocation  ni  de  con- 
juration :  chez  les  luifs,  aucun  nom  n'était 
sacré  que  Ci  lui  de  Dieu  ;  cens  des  anges 
exprimaient  leur  fonction.  Leséciivains  qui 
ont  avancé  que  les  Juifs  ont  poussé  aussi 
loin  que  les  aulre^  peuples  la  superstition 
des  charmes  se  sont  lio.npés  ;  cela  ne  peut 
élre  arrivé  aux  Juifs  que  quand  ils  se  li- 
vraient à  l'idolâtrie  de  leurs  voi-iiis;  on  l'on 
a  confondu  les  Juifs  des  derniers  siècles,  in- 
fectés des  erreurs  égypiiennes  el  chaldéen- 
nes  ,  avec  les  anciens  Juifs  instruils  par 
JMoïse  ei  par  les  prophètes.  Il  leur  était  sé- 
vèremenl  défendu  par  leurs  lois  d'avoir  re- 
cours aux  charmes  et  aux  enchanleinenis. 
(Deul.  xviii,  Itj.  C'est  un  des  crimes  que 
l'Ecriture  reproche  à  l'impie  JM.i nasses  [II 
l'oral,  xxxiii,  Gj.  Moïse,  de  la  part  de  Dieu, 
avait  prescrit  aux  prêtres  une  formule  pour 
bénir  le  peupie  (IS'um.  vi,  -li)  ;  mais  elle  est 
conçue  dans  les  ternies  les  plus  simples,  et 
Dieu  avait  p  omis  de  l'exaucer.  —  Par  la 
lu^i.ièrede  riivan^ile,  le  monde  fut  désabusé 
du  prétendu  pouvoir  des  divli\ilés  païennes, 
el  apprit  à  n'attendre  des  bienfaits  que  de 
Dieu  seul.  Nous  savons  que  Jésus-Ciirist  a 
vaincu  les  puissances  iiileriiales,  et  (]ue  la 
seule  présence  d'un  chrétien  a  souvent  stidi 
pour  déconcerter  toutes  leurs  opératioiii.  (ce- 
pendant il  s'est  encore  trouvé  «les  lioinnies 
assez  pervers  et  assez  impies  pour  vouloir 
opérer  des  prodiges  p,ir  l'intervention  du  dé- 
mon, et  se  persuader  (jue  les  esprits  infer- 
naux obéissaient  aux  cUunnes,  aux  invoca- 
tions, aux  coiijuralioiis  i|ii'on  leur  adresse  : 
il  y  a  eu  ibs  siecies  dans  les(|iK'ls  celle  abo- 
minaiiiin  n'el.iilque  trop  coiuiiiune.  Ces  pré- 
tendus chariiif s  i-i:in-i\l  or  linairemiMil  un  mé- 
lange sacrilège  liu  ni. m  de  Dieu,  des  paroles 
de  l'Kcriiuie  sainte,  du  signe  de  la  c:oix, 
avec  des  mots  bari^ares,  des  noms  de  dé- 
mons, etc.  Plusieurs  sectes  d'iieiéiiiiues  ont 
lait  prole~sion  de  magie  ;  l'Eglise  n'a  pas 
cessé  de  lancer  des  analbèmes  contre  eux  et 
contre  leurs  imitateurs  :  c'était  un  reste  de 
paganisme  qui  s'est  perpétué  par  lu  malice 


CHA 


S2i 


obstinée  des  hommes.  On  peut  voir  dans  le 
Traité  des  sitijerstiliuns  de  Thiers,  i.  vi,  c.  1, 
avec  quelle  sévérité  les  Pères  de  l'Eglise,  les 
conciles,  les  statuts  synodaux  de  divers  dio- 
cèses, ont  défendu  toutes  ces  pratiques  abo- 
minables ;  et  dans  le  Dictionnaire  de  Juris- 
prudence, les  lois  par  lesquelles  elles  ont  été 
proscrites  et  punies.  —  Jesus-(]lirist  nous  a 
enseigné  une  formule  de  prière,  mais  elle 
s'adrcssi!  à  Dieu,  el  il  nous  avertit  que  l'ef- 
ficariié  do  la  prière  en  général  liépend  de 
l'affection  du  cœur.  Saint  Pau!  exhorte  les 
fidèles  à  prier  de  cœur  et  d'esprit,  de  manière 
qu'ils  entendent  ce  qu'ils  disent  (/  t'or.  xiv, 
15).  Nous  savons  que  Dieu  connail  nos  dé- 
sirs et  les  plus  secrètes  pensées  de  notre  âme 
(Ps.  X,  17,  etc.).  Jésus-(]hrist  par  lui-même 
a  institué  la  forme  du  baptême  et  do  l'eu- 
cbaristie  ;  par  ses  apôircs  le  rite  el  les  paro- 
les des  autres  sacrements  ,  mais  il  est  Dieu, 
il  a  eu  le  pouvoir  d'attacher  à  ces  paroles 
telle  vertu  et  telle  efficacité  qu'il  lui  a  plu. 
L'Eglise  a  institué  des  formules  d'invocation  , 
de  bénédiilion,  d'exorcismes,  de  conjura- 
tion, mais  elle  nous  avertit  que  leur  effica- 
cité vient  des  mérites  de  Jésus-Cbrist,  delà 
foi,  de  la  confiance,  des  saintes  dispositions 
de  ceux  auxquels  on  les  applique.  Les  in- 
crédules ,  qui  on!  alTeclé  de  comparer  ces 
rites  et  ces  formules  aux  charmes  et  à  la 
tliéiirgie  des  païens,  n'ont  fait  qu'une  rail- 
lerie insipide,  répétée  d'après  Celse  el  Julien  ; 
quel(|ues  protestants,  qui  se  la  sont  permise, 
ont  oublié  qu'eux-mêmes  se  croient  oliligés 
à  observer  la  forme  du  baptême  el  de  la 
cène  que  .lésus-Christ  a  prescrite. 

De  mêiiie  qu'il  a  été  i-.écessaire,  dans  la 
société  civile,  d'élablir,  et  pour  ainsi  dire,  de 
consacrer  des  formules  pour  la  validité  des 
contrats,  des  leslamenls,  des  procédures, 
des  arrêts,  sans  lesquelles  tous  ces  actes 
sont  cens,  s  nuls,  il  a  fallik  au^si  en  instituer 
dans  la  religion,  afin  de  prévenir  les  erreurs, 
les  indécences  et  les  absurdités  qui  pour- 
raient naître  de  l'ignorance,  de  la  négli- 
gence ou  du  caprice  des  miuislresde  l'Eglise  ; 
il  n'y  a  pas  plus  de  magie  ni  de  superstition 
dans  les  unes  que  dans  les  autres  :  l'unifor- 
mité n'est  pas  moins  nécessaire  dans  le  culte 
que  dans  la  croyance.  Vuy.  Tuéuugie. 

CUAHTKEUX,  ordre  religieux  institué 
par  saint  liruno,  chanoine  de  lleims,  l'an 
10S5,  et  remarcjuable  par  l'auslérilé  de  sa 
règle,  l'-llo  oblige  les  religieux  à  une  solitu- 
de perpétuelle,  à  l'.ibslinence  de  la  viande, 
même  en  Ciis  de  mala  lie  dangereuse  ou  mor- 
telle, el  au  s.lence  absolu,  excepté  en  cer- 
tain" temps  mar(|uès. 

Un  phil()>oplie  célèbre,  qui  ne  pouvait 
leur  refuser  des  éloges,  v  a  joint  cependant 
deux  restrictions  malignes  :  «  C'est,  dit-il,  le 
seul  ordre  ancien  qui  n'ait  jamais  eu  besoin 
de  rél'orme  ;  il  est  |)eu  nombreux,  trop  ri- 
che, à  la  veri;é,  pour  des  hommes  séparés 
du  siècle  ;  mais,  malgré  ces  riche.-ses,  con- 
sacrés sans  relâchement  au  jeune,  au  silen- 
ce, à  1,1  prière,  à  la  solitude,  tranquilles  sur 
la  terre,  au  milieu  de  tant  d'agitations  dont 
le  bruit  vient  à  peine  jusqu'à  eux,  et  ue  con- 


825 


CHA 


CHA 


838 


unissant  les  souverains  que  par  les  prières 
où  Irurs  noms  sont  insérés.  Heureux  si  des 
vertus  si  pures  et  si  persévérantes  pouvaient 
être  utiles  au  monde  1  »  —  Jusqu'à  présent 
l'oi\  n'a  pas  accusé  les  Chartreux  de  faiie  un 
mauvais  usape  de  leurs  ricliesses,  ni  de  re- 
fuser du  secours  au  iiiallicureux.  Nous  ne 
croirons  j  iinais  (\ue  l'exemple  des  vertus 
pures  et  persévérantes  si>il  inutile  au  mon- 
de ;  il  n'est  nulle  part  plus  iiécessaiic  que 
dans  la  capitale  du  royaume.  —  Voilà  donc 
un  ordre  reli{;ieux  qui  depuis  sept  cents  ans 
persévère  dans  la  ferveur  de  sa  première  in- 
stitution :  prouve  assez  convaiiicaiile  de  la 
sagesse  et  de  la  sainteté  de  la  rè^le  qu'il 
observe.  C'est  donc,  à  tort  (|ue  les  censeurs 
de  la  vie  mon  islicjue  ont  répété  cent  fois  que 
la  prétendue  perfection  à  UKjuelle  aspirent 
les  rel  jîieux,  est  incompatible  avec  la  l'ai- 
b'esse  huuiainc  ;  que  leurs  fondateurs  ont 
été  des  enthousiastes  imprudents;  qui;  la 
vie  du  cloitre  est  un  suicide  lent  et  volon- 
taire, etc.  M.  de  Kancé,  abbé  de  la  Trappe, 
voulut  prouver  que  les  Chnrlreux  s'étaient 
relâchés  de  l'extrême  austérité  qui  leur  était 
prescrite  par  les  constitutions  dcGuigues  I"', 
leur  cinquième  général  ;  mais  D.  Innocent 
JMasson,  élu  général  en  1G75,  dans  une  ré- 
ponse à  M.  de  Hancé,  a  fait  voir  que  les  pré- 
tendues constilulfbns  ou  statuts  di;  (îuigues 
n'ét, lient  ()ue  des  coutumes  qu'il  avait  com- 
pilées, cl  qui  ne  devinrent  des  lois  que  long- 
temps après.  —  En  elTet,  saint  Bruno  ne 
laissa  aucune  règle  écrite  à  ses  religieux. 
Guigues,  élu  l'an  1110,  mil  par  écrit  les  cou- 
tumes et  les  usages  de  l'ordre  ;  et  ce  fut  Ba- 
sile, huitième  général,  élu  l'an  liai,  qui 
dressa  leurs  coustilutious,  telles  qu'elles  lu- 
rent approuvées  par  le  saint-siége.  Les 
Chartreux  ont  donné  à  l'Eglise  plusieurs 
saints  prélats,  et  un  grand  nombre  de  sujets 
illusiies  par  leur  doctrine  et  pir  leur  piété. 
Leur  général  ne  prend  que  le  litre  de  prieur 
lie  la  Grande  Chartreuse.  U.  Pelréius  ,  Char- 
treux, a  fait  imprimer  la  Bibliothèque  des  écri- 
vain^ de  son  ordre,  à  Cologne,  en  1609,  jn-S". 

Bruclicr  s'est  aliadié  à  piouver,  contre  D. 
M.ibillon,  que  saint  Bruno,  fondateur  des 
Chartreux,  avait  été  disciple  du  fameux  Bé- 
renger,  hérolique  condamné  pour  avoir  nié 
la  présence  réelle  de  Jésus-Christ  dans  l'eu- 
charistie. Qu'impoile  le  l'ail,  dèj  qu'il  est 
certain  i|ue  saint  Bruno  a  réfuté  expressé- 
ment Bérengerdans  son  commentaire  sur  la 
première  Epîire  de  saint  l'aul  aux  Corin- 
thiens, c.  11,  el  qu'avant  de  mourir  il  lit  la 
profession  de  foi  la  plus  foriiiCUe  du  dogme 
catholique  touchant  la  présence  réelle  {\'ie 
des  Pères  et  des  Martyrs,  tome  IX,  i)ag.i66). 
Voilà  deux  faits  que  Bucker  n'aurait  pas  dû 
passer  sous  silence;  mais  il  n'en  a  rien  dit, 
aGn  de  laiser  soupçonner  que  saint  Bruno 
pensait  probablement  comme  Bérenger  tou- 
chant l'eucharistie.  [Hiit.  philosoph.,  tom. 
m,  page  662). 

On  sait  que  l'histoire  de  la  conversion 
de  saint  Bruno,  causée  par  la  déclaration 
préieadue  d'un  chanoine  mort,  qui  révéla 
qu'il  était  damné,  est  une  fable  duut  plu- 


sieurs critiqnes  ont  prouvé  la  fausseté,  et 
qui  n'a  élé  publiée  que  cent  cinquante  ans 
après  la  mort  de  saint  Bruno.  Son  ordre 
possède  17^  maisons,  divisées  en  seize  pro- 
vinces ;  la  ferveur  de  ses  religieux  est  la 
même  dans  les  divers  Etats  de  l'Europe.  Il  y 
en  a,  dit-on,  70  eu  France  ;  l'auteur  du  Dic- 
tionnaire f/eographique  est  d'avis  (lu  U  faut 
les  supprimer,  de  peur  ,  sans  doute  ,  que 
l'exemple  des  vertus  pures  et  persévérantes 
de  ces  religieux  ne  devienne  contagieux,  et 
ne  prouve  trop  clairement  l'absurdité  de  la 
morale  philosophique. 

CHAlvI'UKUsES,  religieuses  dont  l'insli- 
tul  est  assez  peu  connu.  O  que  l'on  en  sail, 
est  que  le  premier  monastère  de  Chartreuses 
parait  avoir  été  fondé  pendant  la  vie  du  B. 
(juigucs,  vicaire  général  de  l'ordre.  Il  n'y 
en  a  plus  à  présent  que  cinq  monastères  : 
Prdmot,  à  deux  lieues  de  Grenoble,  fondé 
l'an  r2;^'j  par  Béatrix  de  RIontferrat,  épouse 
du  dau|)hin  .Vndré  ;  Melun,  dans  le  Faussi- 
gny  en  Savoie,  diocèse  de  (ieiiôve,  fondé  en 
12s8;  Salette,  sur  le  bord  du  Rhône,  dans  la 
baroiiuio  de  la  Tour,  fonde  i)ar  le  dauphin 
Humbert  !'■■■,  Anne  son  épouse,  et  Jean  leur 
lils,  l'an  129S».  Mjrie  de  Viennois  leur  fille 
s'y  lit  religieuse,  et  en  fut  prieure.  Gosné, 
.•i  u  diocèse  d'.Vr ras,  fondé  par  l'évéque  Thierry 
Hérisson,  en  1308;  Bruges,  fondé  en  iSV*. 

Les  Chartreuses  se  conformenl  en  toutes 
choses,  autant  qu'il  est  possible,  aux  reli- 
gieux de  ce  saint  ordre,  tant  pour  l'office 
divin,  les  rites  et  les  cérémonies  de  l'Eglise, 
que  pour  les  abstinences,  les  jeûnes,  le  si- 
lence el  les  autres  austérités,  excepté  qu'el- 
les mangent  toujours  en  commun  el  dans  un 
même  réfectoire.  —  Avant  le  concile  de 
Trente,  elles  faisaient  profession  à  l'âge  do 
douze  ans,  et  allaient  au  spaciement  avec  les 
chartreux  leurs  directeurs  elles  convers.  Le 
nombre  des  religieuses  était  fixé  dans  cha- 
que maison  ;  elles  ne  prenaient  point  de  dot, 
el  ne  recevaient  de  sujets  (|u'autant  que  le 
monastère  pouvait  en  entretenir.  A  présent 
elles  reçoivent  des  dots  ,  ne  sortent  point 
de  leur  clôture  pour  aller  au  spaciement ,  et 
ne  fout  profession  qu'à  dix-huit  ans.  — 
Comme  1rs  Chartreux  ont  conservt'  les  an- 
ciens rites  de  l'Eglise,  les  Chartreuses  ont 
aussi  retenu  l'usage  de  la  cou.sécration  des 
vierges  marque  dans  les  anciens  pontificaux; 
elles  ne  la  reçoivent  qu'à  l'âge  de  vingt-cinq 
ans,  el  conservent  le  voile  blanc  jusqu'à  ce 
temps-là.  Celte  cérémonie  se  f,iil  par  l'évé- 
que, qui  leur  donne  l'étole,  le  mauipute  et 
le  voile  noir,  en  prononçant  les  mômes  pa- 
roles (]ue  dans  l'ordinaiion  des  diacres  el  des 
sous-diacres.  Elles  portent  ces  ornemeuls  le 
jour  de  leur  consécration,  à  leur  année  de 
jubilé,  c'est-à-dire,  à  la  cin()uantiéme  an- 
née de  religion,  et  on  les  enterre  avec  ces 
mêmes  oniemenls.  —  Les  prieures  el  les  re- 
ligieuses promettent  obéissance  au  chapitre 
géiiéi  al  de  l'ordre,  et  y  envoient  tous  les  ans 
une  nouvelle  promesse  de  soumissiou  ;  les 
prieures  sont  encore  tenues  d'obéir  au  père 
vicaire  qui  dirige  leur  maison  ;  les  siiiiples 
religieuses  el  tes  converses  sont  soumises  à 


«27 


CHA 


CRA 


828 


la  prieure  et  au  vicaire.  Celui-ci  vil  ordinai- 
rement avec  qualrc  ou  cinq  religieux,  tant 
prêlres  que  convers.  —  Les  monaslères  de 
Cliarlifuses  ont  leurs  enceintes  et  leurs  li- 
iiiiles  Osées  cuiimie  ceux  des  religieux  :  par 
les  derniers  st?.vuls,  il  est  défendu  aux  prieu- 
res et  aux  vicaires  d'envoyer  les  religieux 
hors  de  ces  enceintes  sans  peruiissioii  du 
chapitre  général.  Par  les  statuts  qui  furent 
recueillis  en  13G8  par  le  général  D.  Guillau- 
me Uainaldi,  eu  1581  par  D.  Bernard  Cu- 
rasse, et  conûrmés  par  le  pape  Innocent  XI, 
il  est  aussi  défendu  d'ériger  de  nouveaux 
monastères  de  Chartreuses,  ou  d'en  incor- 
porer à  l'ordre,  sans  doute  parce  qu'un  plus 
grand  nombre  deviendrait  à  charge  aux  re- 
ligieux. —  L'habit  des  Chartreuses  est  une 
robe  de  drap  blanc,  une  ceinture,  un  sca- 
pulaire  attaché  aux  deux  côtés  pir  des  ban- 
des, un  manteau  blanc,  comme  ceux  dis 
Chartreux  ;  leur  voile  et  leur  guimpe  sont 
semblables  à  ceux  des  autres  religieuses. 
Elles  ne  parlenljamais  aus  séculières,  niênie 
à  leurs  proches  parentes,  que  le  voile  baissé, 
accompagnées  de  la  prieure  ou  de  quel- 
qu'aulre  rdigieuse.  Ou  a  cependant  moiléiè 
pour  elles  la  rigidité  du  silence  el  la  solitude 
des  cellules. 

CHASSE  Voy.  Rejliqces. 

CHASTETÉ,  vertu  morale  et  chrétienne  , 
qui  consiste  à  réprimer  el  à  modérer  les  dé- 
sirs déréglés  de  la  cliair.  11  esl  dangereux  de 
blesser  celle  vertu,  lorsqu'on  en  parle  sur 
un  ton  trop  philosophique  ;  c'est  une  faute 
que  l'on  peut  reprocher  aux  protestants  et 
aux  incrédules.  Au  mut  Célibat,  nous 
avons  cilé  les  paroles  par  lesquelles  Jésus- 
Christ  el  les  apôtres  oui  voulu  inspirer  aux 
chrétiens  la  plus  haute  estime  pour  la  cJtas- 
teté.  Le  nom  même  de  vertu,  sjnonjnie  de 
celui  de  jorcc,  nous  lait  sentir  qu'il  est  loua- 
ble de  réprimer  les  penchants  qui  m.iilrisenl 
trop  iaipérieuseinenl  la  nature  :  or,  s'il  ea 
esl  un  dont  l'empire  soit  redoutable,  c'est 
le  goût  des  voluptés  sensuelles  ;  puur  peu 
que  l'on  ait  pour  lui  d'iudulgence,  on  eu 
devient  bientôt  esclave. 

Malgré  la  corruption  du  paganisme,  les 
philosophes  anciens  a\ aient  com|iris  le  mé- 
rite de  la  chasteté.  Cicéron  ,  après  avoir  re- 
connu que  le  culte  de  la  Divinité  exige  beau- 
coup d'innoceocc  el  de  piété,  une  inviola- 
ble pureté  de  cœur  et  de  bouche,  [De  A'al. 
Leur.,  1.  Il,  c.  28),  rapporte  un  passage  de 
Socrat>-,bir  ce  philosophe  compare  la  vie  des 
àaxcs  chastes  it  celle  des  dieux  (ï'«.<ci(/.,  q. 
liv.  1,  il"  iik).  Casld placent  superis^  disaient 
les  poêles  mêmes.  A  Hume,  dans  les  plus 
grandes  solennités,  on  faisait  marcher  des 
chœurs  de  jeunes  gens  de  l'un  el  l'autre 
sexe  pour  chaalci'  les  louanges  des  dieux  ; 
on  présumait  que  la  cliasleté  propic  à  leur 
âge  était  un  mérite  aux  yeux  de  la  Divinité. 
Mais  il  faut  convenir  que  les  mœurs  publi- 
ques lépundalenl  mal  a  celle  persuasion. 

Heureux  les  cœurs  purs ,  parce  qu'ils  ler- 
roiil  Uicu  (Maith.  v,  8j.  l'.ir  ces  courtes 
paroles,  Jésus-Cbnst  a  eclaue  le  monde, 
«l  l'a  purifié  des  Ué&ordres  du  pagauisiuc. 


Nous  convenons  que  sur  ce  point  l'Evangile 
porte  la  sévérité  très-loin  ;  qu'aux  yeux  d'uQ 
chrétien,  une  pensée  réflérhie,  un  désir,  un 
regard,  la  moindre  com|ilai^ance  sensuelle, 
suffisent  pour  blesser  la  chasteté.  Il  est  éton- 
nant qu'une  morale  aussi  austère  ait  pu 
trouver  non-seulemenl  des  auditeurs  dociles 
dans  des  siècles  très-corrompus  ,  mais  des 
sectateurs  qui  l'ont  réduite  en  pratique  sous 
les  climats  les  plus  propres  à  y  mettre  obs- 
tacle. —  liien  cependant  ne  prouve  mieux 
Il  sagesse  de  notre  divin  Maître.  Lorsque 
les  nations  sont  parvenues  au  dernier  degré 
(le  civilisalion,  la  liberté  el  la  familiarité 
qui  régnent  entre  les  deux  sexes  pourraient 
avoir  les  plus  funestes  suites,  s'il  n'y  avait 
jtas  de  principes  de  morale  capables  de  pjo- 
(luire  les  mêmes  effets  que  la  clôture,  la  ré- 
serve ,  la  vie  retirée  des  femmes  chez  les 
Orientaux.  Il  faut  donc  alors  que  la  religion 
suggère  les  précautions,  excite  la  \igilance, 
anime  les  efforts  ,  écarle  les  dangers  ,  dé- 
fende sévèrement  tout  ce  qui  peut  nuire  à 
la  pureté  des  mœurs  :  telle  a  été  précisé- 
ment réjoque  à  laquelle  l'Evangile  a  été 
prêché. 

On  doit  distinguer  la  chasteté  d'avec  la 
continence-,  un  homme  qui  vil  dans  la  con- 
tinence ou  hors  l'état  du  mari;ige ,  peut 
n'être  pas  cliaste  ,  el  il  y  a  une  chasteté  pro- 
pre à  l'élal  du  mariage,  ftlais  i|uicoiique  ne 
s'en  esl  pus  fait  une  heureuse  habitude,  ne 
la  gardera  dans  aucun  état;  ordinairement 
elle  coûte  peu,  lo:s(iu'on  s'est  accoutumé 
de  bonne  heure  à  la  respecter,  et  à  fuir 
tout  eu  qui  peut  y  donner  atteinte. — 11 
n'est  pas  vrai  qu.^  les  éloges  donnés  cà  a 
chasteté  par  les  Pères  de  l'Eglise  el  par 
l'Evangile,  inspirent  du  mépris  ou  de  l'éloi- 
gnemenl  pour  le  mariage;  au  contraire, 
personne  n'a  pourvu  plus  eflicacement  à  la 
s.iinleié  de  cet  état  que  Jésus-Christ,  en 
nous  faisant  connaître  le  prix  de  la  chasteté. 
Ce  u'esl  point  la  pureté  du  mariage  qui  en 
éloigne  les  hommes ,  c'est  sa  corru|)tiou. 
Nous  ne  ferons  donc  j^as  un  crime  aux  Pères 
de  l'Eglise  d'avoir  loué  des  vierges  ,  qui  ont 
préféré  la  mort  à  la  perle  de  leur  pudeur; 
ils  connaissaient  mieux  que  nos  philosophes 
jusqu'où  il  fallait  pousser  la  rigueur  des 
maximes  sur  cet  article  important.  —  Quel- 
ques-uns de  ces  derniers  onl  dit  que  la  chas- 
teté cojisislc  à  ne  jouir  des  plaisirs  sensuels 
qu'autant  que  la  loi  naturelle  le  permet. 
Nous  n'adoptons  point  celte  nolion.  La  lui 
njilurelle  a  été  très-mal  connue  par  les  phi- 
losiiphes,  plusieurs  onl  approuvé  ou  excusé 
la  lurniealion  el  d'autres  désordres  ;  saint 
Paul  esl  le  premier  qui  ait  prescrit  aux  per- 
sonnes mariées,  et  à  celles  ()ui  ne  le  sunt 
pas,  des  règles  sages  el  solides  (/ Cor.  vi 
et  Vil).  —  C'est  donc  l'Evangile  qui  nous  a 
fait  connaître  sur  ce  point  la  vraie  loi  natu- 
relle. En  nous  enseignant  que  l'homme  est 
fait  à  l'image  de  Dieu  ,  que  son  corps  même 
est  consacré  à  Dieu  par  le  baptême,  qu'il  est 
le  temple  du  Sainl-lisprii ,  et  destiné  à  une 
résurrection  glorieuse,  il  nous  a  donné  de 
rUommc  une  toute  autre  i;lée  que  celle  qu'en 


829 


CIIE 


CHE 


830 


avaient  1:"^  philosophes;  il  nous  a  mieux  fait 
sentir  la  nécessité  i!e  dompter  les  appélits  dé- 
réglés du  corps,  cl  di' les  soumettre  à  l'ospril. 
IMais  quand  on  pense,  comme  la  plu|)arl  des 
incrédules  modernes,  que  l'homme  n'est  qu'un 
animai,  un  en  conclut  comme  cu\.  qu'il  est 
en  droit  de  suivre  sans  scrupule  toutes  les 
inclinations  de  l'animalité,  (t  que  quand  il 
y  résiste,  il  résiste  à  la  nature.  Il  est  aisé 
de  voir  les  effets  que  d  lit  produire  sur  les 
mœurs  des  nations  cette  doctrine  détes- 
table. 

Par  antipathie  contre  le  célibat  et  contre 
le  va'u  de  continence  ,  les  protestants  ont 
parlé  de  la  cliasiclé  avec  une  espèce  de  mé- 
pris ;  ils  ont  tourné  en  ridicule  les  éloges 
qu'en  ont  fait  les  Pères  de  l'Eglise.  Qu'eu 
est-il  arrive?  Hs  sont  devenus  moins  scru- 
puleux sur  l'adultère  ,  et  Luther  lui-même 
s'est  exprimé  sur  «c  point  d'une  manière 
scandaleuse;  ils  ont  permis  le  divorce  pour 
cause  d'adultère,  et  ils  ont  donné  sur  ce 
sujet  une  fausse  interprétation  de  l'Evangile. 
En  second  lieu  ,  les  mœurs  des  peuples  du 
Nord  ,  <iui  étaient  autrefois  plus  pures  que 
celles  des  nalion^  du  Midi,  sont  aujourd'hui 
pour  le  moins  aussi  licencieuses  ;  c'est  le 
témoignage  qu'en  rendent  les  voyageurs. 
Voilà  comme  le  relâchenieni,  sur  un  article 
de  morale,  no  manque  jamais  d'en  entraîner 
d'autres  ,  et  de  produire  les  plus  funestes 
effets.  Yoy.  Célibat,  Continence  ,  Virgi- 
nité. 

CHASUBLE.  Voy.  Habits  sacrés  ou  sa- 
cerdotaux. 

CHATLMENTS  DE  DIED.  Voy.  Justice 
DR  Dieu. 

CHAZINZARIENS,  hérétiques  Arméniens 
du  vil'"  siècle,  ainsi  nommés  par  Nicéphore  , 
du  iiot  chasus,  qui,  dans  leur  langue,  si- 
gnifie crojx.  On  les  a  aussi  nommés  sUiu- 
rolâlrcs,  parce  que  de  toutes  les  images  ils 
n'Iionoraient  que  la  croix.  C'étaient  des 
nesloriens  qui  admettaient  deux  personnes 
en  Jésus-Christ,  et  aux(iuels  Nicéphore  re- 
proche plusieurs  supcrsiilioiis  ,  liv.  xviii, 
c.  5'j.  Au  reste,  ils  sont  peu  c;onnus ,  et  ne 
paraissent   pas  avoir  été   en  griind  nombre. 

CHEFClEll  (1)  :  c'est  le  nom  d'une  dignité 
qui  existe  dans  quelques  chapitres  d'églises 
collégiales. 

Les  canonistes  ne  sont  pas  d'accord  sur 
l'origine  de  cette  dignité.  Les  uns  la  confon- 
dent avec  celle  de  piimicier  ;  d'autres  pré- 
tendent que  le  chefcier  ctait  anciennement 
celui  des  membies  du  chapitre  qui  avait 
soin  des  ornements  et  des  habits  sacerdotaux 
des  ministres  des  autels.  C'est  le  senliment 
des  Bénédictins.  —  Aujourd'hui  le  clicfcier 
est  la  première  dignité  de  quelques  collé- 
giales. Saint  Grégoire  le  Grand  attribue  à 
«ctte  dignité  des  droits  de  juridiction  dans 
le  ehœur,  pour  veiller  à  ce  que  le  service 
di\in  soit  fait  décemment.  Le  chefcier  a 
aussi  le  droit  d'infliger  des  peines  aux  clercs 
qu'il  trouve  en   faute;  et  s'ils  ne  changent 


(1)  Cet  article  est  reproduit  d'après 
Liège. 


'édition   de 


point  de  conduite,  il  les  dénonce  à  l'évêque. 
Comme  c'est  par  l'usage  particulier  de 
cha(|ue  chapitre  que  les  droits  des  dignitaires 
se  règlent,  on  ne  peut  marquer  d'une  ma- 
nière précise  les  différents  privilèges  dont 
les  cltefciers  jouissent  dans  les  églises  où  ils 
existent.  —  Plusieurs  canonistes  assurent 
que  les  fonctions  du  chefcier  consistaient 
autrefois  ù  lever  la  capitation;  mais  ces 
fonctions  ne  sont  plus  aujourd'hui  attachées 
à  cette  dignité.  (Extrait  du  Dictionnaire  de 
Jurisprudence.) 

CHEF  DE  L'EGLISE.  Voy.  Pape. 

CHEi'iCHEUUS.  Stoup,  dans  son  Traité  de 
la  lieiujion  des  Hollanduis,  dit  qu'il  y  a  dans 
ce  pays-là  des  chtrclteurs  qui  conviennent 
de  la  vérité  de  la  religion  de  Jésus-Christ, 
mais  qui  prétendent  que  cette  r  ligion  n'est 
professée  dans  sa  pureté  par  aucune  Eglise, 
par  aucune  communion  du  christianisme; 
on  coiisei|uence,  ils  ne  sont  attachés  à  au- 
cune, mais  ils  cherchent  dans  les  Ecritures, 
et  tâchent  de  démêler,  disent-ils,  ce  que  les 
hommes  ont  ajouté  ou  retranché  à  la  parole 
de  Dieu.  Stoup  ajoute  que  ces  chercheurs 
sont  aussi  communs  en  Angleterre.  Il  doit 
s'en  trouver  dans  tous  les  pays  où  l'incré- 
dulité n'a  pas  encore  fait  les  derniers  pro- 
grès. Quant  aux  incrédules  décidés,  ils  ne 
cherchent  plus  la  vérité,  ils  ne  s'en  soucient 
jilus,  ils  craignent  même  de  la  trouver.  Ter- 
tullien  disait  aux  chercheurs  de  son  temps  : 
«  Nous  n'avons  plus  besoin  de  curiosité 
après  Jésus-Christ,  ni  de  recherches    après 

l'Evangile Cherchons,  à  la  bonne  heure, 

inais  dans  l'Eglise,  dans  l'école  de  Jesus- 
Clirist;  un  des  articles  de  notre  foi  est  que  l'on 
•ne  peut  trouver  que  des  erreurs  hors  de 
là.»  {De  Prœscript.  hceret.) — Saint  Paul  a 
pris  le  nom  de  chercheur  dans  un  sens  diffé- 
rent (/  Cor.  1,20)  :  Où  est  le  sarje,  dit-il,  où  est 
le  scribe ,  où  est  le  ciiEncHEvR  de  ce  siècle? 
Il  [laraît  que  l'Apotre  entendait  |)ar  là  Ceux 
d'entre  les  Juifs  qui  cherchaient  dans  l'Ecri- 
ture des  sens  mystiques  et  cachés,  mais  qui 
n'y  trouvaient  que  des  rêveries,  couiuie  ont 
fait  la  plupart  des  docteurs  juifs. 

CHEltUBIN,  esprit  céleste,  ange  du  second 
ordre  de  l.i  première  hiérarchie.  Les  com- 
uientaleurs  ne  sont  |)as  d'accor.l  surli  vraie 
signilicalion  du  mol  hébreu  chérub,  au  pluriel 
chérubiin.  Les  uns  disent  qu'il  vient  du  chal- 
déen  charab,  laboureur  ou  graveur  ;  chérubim 
signifierait  donc  simplement  des  gravures 
ou  des  figures.  D'autres  disent  qu'il  signifie 
fort  ci  puissant,  ei  ils  citent  Ezéchiel ,  qui 
dit  au  roi  de  Tyr  :  Tu  cherub  tinctus,  voa& 
êtes  un  roi  puissant.  Quelques-uns  préten- 
dent que  chez  les  Egyptiens  cherub  était  une 
figure  symbolique  ,  couverte  d'yeux,  et  qui 
a^ait  des  ail.s,  emblème  de  la  («iéte  et  de  la 
religion.  D'autres  pensent  que  chérubim  si- 
gnifie en  hébreu,  comme  des  enfants;  de  là 
les  peintres  représentent  les  chérubins 
par  des  têtes  d'enfants,  avec  des  ailes  de 
couleur  de  feu.  Plusieurs  enfin  ont  cru  que 
chérub  signifie  une  nuée;  que  quand  l'Ecri- 
tuic  peint  Dieu  assis  surles  chérubins  comme 
sur  un  char,  elle  entend  les  nuées. 


851 


cm 


CHl 


85? 


La  Ogarp  des  chérubins  n'est  pas  mieax 
connue  (lue  le  sens  de  leur  nom.  Selon  Jo- 
sèplie  (Aniiq.  Jiul  ,  liv.  m  .  c.  C  ),  les  clic'ru- 
6i/(s  qui  couvraif  iil  l'iinhe  élaienl  des  ani- 
maux ailos  qui  n'appiochaienl  d'aucune 
flgure  qui  nous  soit  ronnue.  Ezéchiel 
parle  de  c/iéiulilns  qui  .'vaienl  la  figure  de 
riiouime,  du  bœuf,  du  lion,  de  l'aiite;  n)ais 
rasseiiil)laieiii-ils  (outi  s  ces  figures  en  une 
seule?  \lllalpand  le  croit  ainsi,  mi  s  cela 
n'est  pas  ceriain.  Saint  Jean  i  Apoc.  iv  ) 
nomme  les  cliérubins  des  animaux  sans  en 
déterminer  la  forme.  —  Par  ces  synib  )lcs  , 
les  écrivains  sacrés  ont  sans  iloule  voulu 
donner  aux  Hébreux  une  idée  de  lintelli- 
gence,  de  la  lori  <•,  de  la  célérité  avec  les- 
quelles les  esprils  célesles  exéculenl  les  or- 
dres de  Dieu.  ïhrodoret  et  d'autres  ont 
pensé  que  le  chérubin  placé  à  l'enliéo  du 
paradis  terrestre,  après  qu'Adam  el  Eve  eii 
eurent  été  chassés,  élait  une  figure  effrayante 
el  lerrille;  idusieurs  croient  que  c'élail  une 
nuée  mêlée  de  flammes  ,  ou  un  mur  de  feu, 
qui  fermait  à  nos  premiers  parents  lenlrée 
du  paradis. 

CHÉKUBIQUE  ,  nom  d'une  hymne  de  la 
liturgie  des  (îrecs,  dans  laquelle  il  est  fait 
meniion  des  chérubins.  On  la  récite  pendant 
que  l'on  transporte  le  pain  et  le  vin  du  petit 
autel  ou  de  la  prothèse,  à  l'aulel  du  sacrifice; 
on  croit  qu'elle  fut  instituée  du  temps  de 
l'empereur  Ju~(inien. 

CHILIaSTES.  Yoy.  Millénaires 

CHINE.  Ceux  d'entre  les  philosophes  de 
nos  jours  qui  se  sont  fait  une  éluile  de  con- 
tredire en  loiilcs  choses  l'histoire  sainte,  ont 
cru  trouver  à  la  Chine  des  monumeiiis  pro- 
pres à  ébranler  noire  croyance  ;  mais  la  plu- 
part des  faits  qu'ils  ont  avances  se  trouvent 
faux. 

1°  Ils  ont  dit  que  l'histoire  de  la  Chimie  re- 
monte plus  haut  que  le  déluge,  duquel  elle 
ne  fait  aucune  mention,  qu'elle  va  même 
plus  loin  (|ue  l'époque  de  la  création;  (pie 
celle  histoire  est  cependant  Irès-authenliiiuc; 
rédigée  par  des  écrivains  puldics  el  coiUern- 
porains  des  événemenis,  qu'elle  est  fondée 
sur  des  observations  aslronomiijues  et  sur 
le  calcul  des  éclipses,  dont  l'une  a  été  ob- 
servée 'Ii'.i6  ans  avant  noire  ère.  —  La  vé- 
rité est  (]ue  le  premier  compilateur  de  l'Iiis- 
loire  (hiiiuise  est  Conlui  ius,  qui  a  vécu  5j0 
ans  seulement  avant  Jésus-l^hrist,  el  que  les 
Chinois  n'ont  aucun  livre  plus  ai.cieii.  Ce 
philosoplie  n'a  pu  renioiiler  plus  haut  qu  à 
deux  cents  ans  avant  lui,  par  des  dates  rer- 
laines;  et  ju.s()u'à  présenties  savants  n'ont 
pas  encore  [lu  s'accorder  sur  l'année  ou  sur 
le  siècle  dans  lequel  il  faut  placer  l'éclifise  si 
ancienne  dont  on  nous  parle,  iarla  manière 
dont  Confuciu.  en  lail  inenlion,  l'on  ih;  peut 
pas  seulement  savoir  si  c'était  une  éclipse  de 
soleil  ou  de  lune.  Ce  sonl  les  historiens  pos- 
térieurs à  Coiifucius  qui  ont  entrepris  de 
remonter  plus  haut  cjue  lui,  et  de  fixer  des 
daie»  qu'il  n'avait  pas  pu  delerminer.  Plus  ils 
sonl  récents,  plus  ils  ont  eu  l'ambilion  de 
reuioiiter  loin  dans  rélcrnité,  el  jamais  ils 
De  se  sont  accordes  sur  leurs  systèmes  chro- 


nologiques. 11  est  encore  certain  que  l'his- 
toire chinoise  fait  mention  d'un  déluge  dont 
elle  ne  fixe  pas  la  date.  —  Dans  les  Mémoires 
de  l'Académie  de,<  Inscriptions,  tome  LXV, 
in-l-2,  pag.  305,  M.  de  Guignes,  après  avoir 
examiné  sans  préjugé  l'ancienne  histoire 
chinoise,  a  jugé  qu'elle  n'est  ni  certaine,  ni 
aullieiilique;  qu'elle  ne  peut  nous  donner  des 
noiions  exactes  de  l'éiat  dans  lequel  élait 
celle  iialion  dans  les  temps  voisins  de  sa  for- 
iiialion.  Elle  ne  renferme  aucune  remarque 
do  géographie  ni  de  chronologie,  elle  est 
sans  suite  et  sans  liaison-.  Le  savant  acadé- 
micien est  bien  revenu  île  l'enthousiasme  que 
Mil.  Fouriiiontel  Fréret  avaient  conçu  pour 
les  annales  cliinoises;  on  doit  regretter  les 
efforts  qu'ils  ont  fiils  pour  concilier  ces 
monuments  avec  la  chronologie  de  l'histoire 
suinte  (Ij. 

2°  Nos  ph  losophes  ont  assuré  que  la  reli- 
gion des  Cliinois  est  le  théisme  pur,  sans 
aucun  mélange  de  fables  ni  de  superslil'ioiis. 
Mais  il  est  prouv  ■,  d'une  manière  iucoiites- 
laljle,  que  le  prélendu  théisme  des  t^iiinois 
ne  subsiste  plus  que  dans  leurs  anciens  li- 
vres, il  qu'il  y  (Si  déjà  défiguré  par  un  culte 
religieux  rendu  aux  esprits  et  aux  âmes  des 


(1)  Les  aiinsles  cliinoises  (ini  éié  de  noire  temps 
l'oljjet  d'iiiie  élude  spéciiile.  On  les  avait  regaidées 
con.iiie  une,  olijectiDii  iiiéluiable  contre  les  livies  de 
Moise.  Le  savant  G.iquet  assurait,  dans  le  ileniier  siè- 
cle, ipie  <  jusipi'à  2u()  ans  avanl  Jésiis-t.lirisl,  leur 
I  liisinin;  ne  niériialt  aucune  cinyance.  >  bans  éiie 
aussi  ailiiiiiatils  .  les  savants  de  noire  siècle  ont  dé- 
inonné  ipie,  quolifue  les  annales  ciiluoiscs  di^'iits  du 
CO.'ili.iiice  leniiinlent  à  uin;  as^ez  liante  aiilii|nilé, 
elles  n'ont  eepeiidant  nen  de  lomiiclable  (lOir  notre 
loi.  Voici  les  conclusions  ipie  Mgr  Wiseiiian  Inedes 
derniers  travaux  des  savanis  sur  les   antiquités  clii- 

llnifS. 

<  l>a  (Iliiiie  possède  une  litiérature  originale,  d'une 
grande  ai)iii|uité  ,  el  (iréiend  éire  la  pieiiiière  ,  la 
principale  nation  dti  gtolie.  .Sous  savons  tous  aussi 
qu'elle  l'ait  reinoiiter  ses  annales  ù  une  :iiitii|ui:c 
vraiment  lorinidalile  ;  et  vous  vous  alleiidez  penl- 
étre  à  me  voir  examiner  ses  prétentions  avec  autant 
d'atteiilion  (|ue  j'en  ai  mis  à  véiilier  celles  de  sa  ri 
val''  dans  l'ind'.  h',  me  eoiilenterai  toutefois  de  vouf 
exposer,  en  peu  de  mois,  les  conclusions  auxipiello; 
Klapidtli  est  arrivé  par  l'élnde  de  ses  éerivains,  qu'il 
a  prjncipaleiiieiil  appiufondis  ;  et  je  puis  vous  assu- 
rer (|ue  vous  aurez  la  décision  d'un  juge  qui  n'est 
nullement  di^po^é  à  seconder  nos  désirs  en  dépré- 
ciaal  la  gloire  des  Chinois. 

(  U'aprcn  lui  (Iniie,  lu  plus  ancien  liislorien  de  la 
Cliiiie  II  son  célèbie  pliilusoplie  cl  niiir  diste  Coii- 
hicius.  Il  a,  n  ns  dii-nii ,  tracé  li'S  annales  de  sou 
pays,  connues  sons  le  nom  de  Onoii-klng,  depuis  lu 
luiiips  de  YaojiiMju'a  sou  propre  temps.  Or,  on  sup- 
pose qu'il  vivan  envnoii  (piaire  ou  cimi  cents  ans 
avant  Jésus  (iiinsi  ,  el  l'ère  de  Yao  esl  placé  2,SJ7 
ans  avant  iiutre  ère.  Ainsi  plus  de  2,0Ui)  ans  siifiA- 
relit  le  premier  ln^torlell  des  piemieis  événements 
qu'il  rapporte.  Alais  celle  anliquité,  quelque  reculée 
qu'elle  Un,  ne  sali^lit  point  la  v.<oilé  des  (jliiiiois  ;  el 
des  liislor.ens  plus  récents  oui  placée  d'autres  réginis 
avant  (el  u  de  Ya»,  et  les  ont  lait  reuioiner  jiisipi'à 
la  vénérable  antiquité  de  5,270,800  ans  avant  Jésiis- 
Ciii  ist. 

«  Aliii  ipie  vous  puissiez  mieux  apprécier  l'aii- 
tiieiiticiié  des  annales  chinoises  ,  je  ne  dui:»  pas  ou- 
blier du  vous  dire  que,  ^UU  ans  après  la   uiorl  de 


8S:^ 


CMI 


CRI 


834 


morts.  Aujourd'hui  reinperour,  les  lettrés  et 
le  peuple  île  la  Chine,  sont  tous  livrés  ;iu  po- 
lythéisme et  à  riildlâirjp,  et  plusieurs  de  ces 
lettrés  donnent  dans  l'alhéisnic.  —  On  a 
voulu  faire  un  mérite  à  Confurius  de  ce  qu'il 
ne  s'est  pas  vanté  d'clre  envoyé  do  Dieu  ni 
inspiré.  On  se  Ironipe  :  dès  qu'il  s'est  donné 
pour  rors;ane  des  ancien';  sages  rhiiiois,  c'est 
conimi'  s'il  s'ét.iit  dit  descendu  du  ci'l.  Les 
Chinois  portent  le  respect  pour  leurs  ancêtres 
jusqu',!  l'adoration;  ils  en  font  comme  .'.u- 
tant  de  divinités.  Confncius  se  vantail  d'a- 
voir souvent  vu  en  songe  un  ancien  philo- 
sophe, et  d'en  avoir  reçu  des  leçons;  cela 
vaut  hien  les  révélations  que  Numa  avait  re- 
çues de  la  nymphe  Egérie,  et  iMahomet  de 
l'ange  Gahriel.  D'ailli'iirs  les  savants  ilispu- 
Icnt  pour  savoir  si  Confncius  a  supposé  un 
Dieu  ;  (■ommei\t  se  serait-il  dit  envoyé  de 
Dieu?  «  La  religion  chinoise,  dit  M.  de  Gui- 
gnes, prise  en  général,  diffère  peu  des  auires 
religions  païennes  ;  ni'.i'  foule  de  divinités 
président  au  ciel,  à  la  terre,  aux  éléments, 
aux  tonneries,  aux  vrnt<,  aux  pluies,  aux 
montagnes,  aux  rivières,  cl  A  lonles  les  par- 
ties de  la  nalnrc.  Toutes  ces  divinités,  dont 
on  vent  adoucir  l'idée  en  ne  les  nommanl 
que  des  esprits,  sont  subordonnées  à  la  pre- 
mière, qui  récompense  les  bons  et  punit  les 
méchants,  et  qui  voit  tout  ce  qui  se  passe 
dans  l'univers.  »  {.Mémoires  rie  l'Académie  des 
Jnscripiio)is,  tom.  LXXVII,  »/i-12,  p.  304.) 
IMosheitn  et  lirucker  pensent  que  le  système 
philosophique  qni  sert  de  base  à  la  religion 
chinoise  n'est  autre  chose  que  l'incien  stoï- 
cisme, et  que  leur  Dieu  prélen-lu  suprême 
est  l'âme  du  monde,  de  laiinolle  sont  ^oïlis 
par  écnanation  les  esprits  moteurs  de  la  na- 
ture et  les  âmes  humaines.  C'est  aussi  le  sen- 
timent de  plusieurs  philosophes  indiens  {lfi<l. 
crit.  philns.,  t.  VI,  p.  886  et  888).  Ce  système 
a  dû  entraîner  nécessairement  les  lettrés  chi- 
nois dans  l'idolâtrie.  Voi/.  Ame  du  -:onde. 
—  Mais  outre  cette  secte  principale,  il  y  en 
a  encore  deux  aulies  à  la  CTïhc,  celle  de 
Lnhio-Kiun.  dont  les  disciples  admettent  un 
dieu  matériel  cl  d'autres  divinités  inférieu- 
res, et  pensent  que  l'âme  périt  avec  le  cor|is. 
Ils  croient  aux  augures,  à  la  divination, 
rendent  un  culte  aux  morts,  et  donnent  dans 

Confiioiiis,  l'eiiipereiir  Clii-Honng-Ti  ,  de  l;i  dvii.isiie 
de  Tsiii,  proscrivit  les  ouvrages  de  ce  pliilosuplie  , 
el  orilornia  que  lonles  les  cnpies  en  fussent  doiiiii- 
les.  IjC  Cliou-King  eepeiidnnl  lut,  sous  h  ilynaslie 
suivanie  des  Han,  récrit  sous  la  dictée  d'un  vieillard 
qui  l'avait  retenu  de  méinnire.  Telle  est  l'origine  de 
la  science  liistorique  en  Chine  ;  et,  en  dépil  de  Inule 
1:1  vénération  du-  au  grand  mtiralistede  l'Orient,  et 
quoiqu'd  afiiruie  n'avoir  écrit  que  d'après  des  niaié- 
riaux  déjà  existants  ,  Klaprotli  n'hésite  pas  à  nier 
l'existence  de  lome  cirtiiude  liislorique  d:uis  le  cé- 
leste empire  ,  aniéneuremeut  à  l'année  78-2  avant 
Jésu<-(;iirisi,  vers  l'époque  de  la  loudaiion  de  Uouie, 
et  alors  que  la  lilléraluieihébrainne  était  déjà  sur 
son  déclin  (a)  t. 

fa)  Atvid  Récnusat  panît  disposé  à  accorder  que  rti'sliire 
des  Chinois  renioiite  à  l'an  2,200  avant  .1.-1'.,  et  lems  Ir.i- 
(hlions  pliiiisitiles  il  l'au  2,6,17.  Cette  anti  |uilé  mèroe  n'a 
rien  de  lorniidable  pour  la  loi  du  clirélieri. — Notiveuiix 
Mélanges  asiatiques,  tom.  I,  p.  6t.  Paris,  1829. 


toutes  sortes  de  superstitions.  Une  troisième 
secte  est  celle  de  /•'»  ou  Fo('.  qui  a  pour  au- 
teur un  philosophe  indien  de  ce  nnu;  ses 
partisans  adorent  trois  idoles  monstrueuses, 
en  placent  encore  d'autres  plus  petites  dans 
les  pagodes  et  sur  les  grands  chemins,  et  en 
ont  tous  dans  leurs  maisons.  Celte  secte,  qui 
est  celle  du  iieuple,  entretient  des  milliers  de 
bonzes,  espèces  de  moines  qui  vivent  en 
commun  et  dans  le  célibat,  sont  fort  inté- 
ressés, vicieux  el  méprisés.  On  trouve  même 
à  la  Chine  des  adorateurs  du  grand  Lama, 
qui  demeure  à  lîaranlola  dans  le  Thibet.  — 
Il  n'i  si  doue  pas  vr.ii  que  la  religion  de  l'em- 
pereur el  des  lettrés  chinois  soit  le  déisme  ou 
la  reliirion  naturelle,  lommcon  l'assure  dans 
le  Dictionnaire  (jéoqrnphique  ;  il  est  constant, 
au  contraire,  que  la  religion  enseignée  dans 
leurs  livres  classiques  est  le  stoïcisme,  par 
conséquent  le  culte  de  l'âme  du  monde, 
ajouté  au  polythéisme  et  A  l'idolâtrie,  tels 
que  les  pratiquaient  les  Grecs  et  les  Ro- 
mains ;  que  dans  la  pratique,  l'empereur  et 
les  leUrés  adorent  Fo  el  Poussa,  et  sont  Irès- 
siiperstitieux  :  c'est  un  fait  attesté  dans  les 
non\eaux  Mcmoires  des  niissiotinnires  de 
Pékin. 

3"  Les  lois  morales  de  Confncius,  quoique 
l'on  en  dise,  ne  valent  guère  mieux  que  ses 
dogmes;  elles  ne  portent  sur  rien  :  ce  philo- 
sophe n'y  attache  que  des  récompenses  tem- 
porelles. Or,  un  Chinois  pent-il  être  assez 
simple  pour  se  persiia<ler  que  les  vertus  mo- 
rales ont  le  pouvoir  de  diriger  la  niarehe  de 
la  nature,  de  produire  le  be.iu  temps  el  la 
pluie,  l'abondance  et  la  prospérité,  de  (iré- 
venir  les  fli'anx  el  les  malheurs"?  Confucius 
le  dit  fonne'lemenl  d  ins  le  Clion-King,  p.  172. 
Aussi,  de  toutes  les  leçons  do  morale,  il  n'en 
est  point  de  plus  mai  observées  que  celles  de 
Co:  fucius  ;  le  peuide  n'est  en  étal  ni  de  les 
lire  ni  de  les  connaître. 

C'est  donc  très-mal  à  propos  que  l'on  nous 
vanîe  la  morale  de  ce  philosophe,  la  législa- 
tion el  le  gouvernement  des  Chinois,  la  pros- 
périté singulière  de  cet  empire.  .\près  avoir 
examiné  ce«  dilTérenls  chefs,  il  nous  paraît 
quelamoraledes  philosophes  chinois  est  très- 
imparfaite  et  vicieuse  en  |)ltisipurs  points,  el 
que  les  moeurs  publiques  de  la  Chine  sont 
très-mauvaises.  Il  n'y  a  dans  cet  empire 
aucun  code  de  lois  fixes  :  c'est  la  volonté  ar- 
bitraire el  despotique  de  Truipereur  qui  lient 
lieu  de  lois.  Aussi,  la  Chine  a  essuyé  vingt- 
deux  révolutions  générales,  et  la  police  y  est 
très-défectueuse.  La  population  excessive 
que  l'on  y  suppose  vient  du  climat  el  de  la 
fertilité  du  sol.  beaucoup  plus  (jne  de  la  sa- 
gesse du  gotivernenient.  lA^Chou-King,  livre 
classique  dés  Chinois,  publié  par  .M.  de  Gui- 
gnes, les  nouveaux  Mémoires  de  la  Chine. 
dressés  par  les  mis-iionnnires  de  P,  kin.  et 
que  l'on  a  commencé  à  imprimer  en  177C, 
nou>  onl  enfin  détrompés  de  tout  le  merveil- 
leux que  nos  philosophes  avaient  publié  sur 
cette  nation. 

V'oici  ce  qu'en  dit  l'auteur  du  Voyage  fait 
aicr  Ind'S  et  à  la  Chine,  depuis  l'année  1774 
jusqu'en  1781,  t.  Il,  I.  iv,  c.  I  :  «  En  France, 


855 


CHI 


les  économistes,  occupés  de  calculs  sur  la 
subsistance  des  peuples,  ont  fait  revivre 
dans  leurs  leçons  agronomiques  les  fables 
que  les  missioiuiaires  avaient  débitées  sur  le 
commerce  et  le  pouverncmenl  des  Chinois. 
Le  jour  auquel  l'empereur  descend  de  son 
trône  jusqu'à  la  charrue  a  été  célébré  dans 
tous  leurs  écrits;  ils  ont  préconisé  cette  vaine 
cérémonie,  aussi  frivole  que  le  culte  rendu 
îar  les  Grecs  à  Cérès,  el  qui  n'empê.  he  pas 
que  (les  milliers  de  Chinois  ne  meurent  de 
fjiim,  ou  n'exposent  leurs  enfants,  par  l'im- 
|/uiss;ince  où  ils  sont  de  pourvoir  à  leur  sub- 
sistance. 

«  Les  entraves  que  tes  Chinois  mettent  à 
toute  liaison  suivie  entre  eux  et  les  étran- 
gers n'ont  ceriainement  d'autre  cause  que 
le  sentiment  de  leur  propre  faiblesse;  le  eou- 
vernement  des  peuples  esclaves  est  trop  vi- 
cieux  pour  se   rendre  respectable   par  ses 

propres  forces Les  lois  ne  sont  connues 

que  des  seuls  lettrés  ;  les  charges  de  miinda- 
rins  ou  magislrals  s'achètent;  pour  plaider 
à  leur  tribunal,  il  faut  se  ruiner  :  à  propre- 
ment parler,  c'est  le  bâton  qui  gouverne  la 
Cldne.  Les  ordonnances  du  t^ouvernement 
n'ont  de  force  qu'aussi  longtemps  qu'elles 
demeurent  affichées;  quand  l'afllche  n'existe 
plus,  on  les  viole  impunément;  avec  de  l'ar- 
gent, l'on  évite  tout  châtinionl.  Personne 
n'oseraii  regarder  l'empereur  ;  quand  il  passe 
il  fiut  tourner  le  dos  ou  se  prosterner.  11  est 
précédé  de  deux  mille  bourreaux. 

«  Confucius  a  écrit  quelques  livres  de  mo- 
rale, ad.iptés  au  j;énie  de  sa  nation;  c'est  un 
amas  de  visions  obscures,  de  vieux  contes 
mêlés  d'iin  peu  de  philosophie.  Les  préten- 
dues traductions  de  ses  ouvrages  ont  été  for- 
gées par  les  missionnaires.  Ses  ouvrages, 
quoique  pleins  d'absurdilés,  sont  adorés  par 
les  Chinois.  Ce  philosophe  ajoutait  foi  aux 
augures  el  aux  soris;  les  Chinois  ne  font 
rien  sans  les  avoir  consultés;  ils  ont  autant 
de  femmes  qu'ils  peuvent  en  nourrir.  L'idée 
de  la  iiort  ne  cesse  pas  de  les  tourmenter,  et 
les  poursuit  jusque  dans  leurs  plaisirs;  ils 
dépenscTit  des  sommes  excessives  pour  les 
funérailles.  Il  y  a  plus  d'un  million  de  bonzes 
d.ins  l'empirequi  ne  vivent  qucd'aumônes.et 
leur  chef  jouit  de  la  plus  haute  considération. 
Un  Chinois  passe  la  moitié  de  sa  vie  à  connaître 
les  caractères  desa  langue,  l'autre  moiliédans 
son  sérail;  il  est  im[)0ssihle  que  les  sciences 
fassent  du  progrès  à  la  Chine;  l'empereur  ne 
peut  se  passer  d'astronomes  étrangers. 

«  Li  s  Chinois  sont  lâches,  poltrons  el  mau- 
vais guerriers,  ils  seront  toujours  vaincus 
par  les  nations  qui  voudront  h's  atlaiiuer; 
aucune  de  leurs  \iiles  ne  pourrait  soutenir 
uiî  siège  de  trois  jours.  Leur  artillerie  n'est 
bonne  (juc  pour  des  réjouissances;  leurs  fu- 
sils sont  à  mèche  ,  et  après  avoir  ajusté 
leur  coup,  ils  délonrncnl  la  tôte.  Trente  mille 
Barmans  détruisirent,  il  y  a  peu  de  temps, 
une  armée  ilc  cent  mille  Chinois.  Ils  sont 
fripons,  fiers,  insolents  cl  lâches  :  dix  Euro- 
péens, armés  seulement  d'un  l>âton,  en  fe- 
raient fuir  mille;  el  s'ils  ne  nous  accordent 
aucune  liberté,  c'est  parce  qu'ils  connaissent 


CHI  836 

leur  faiblesse.  Mais  l'intérêt  du  comip.ercc 
engage  les  négociants  européens  à  saçrîSsr 
l'honneur  de  leurs  nations;  la  cupidiié  seule 
peut  les  mettre  à  la  merci  d'un  peuple  aussi 
méprisable  par  son  caractère  que  par  sou 
ignorance.  Ils  sont  exposés  à  des  concussions 
et  des  vexations  de  toute  espèce,  et  ils  les 
souffrent  pour  exercer  un  commerce  aussi 
superflu  qu'il  est  onéreux.  » 

Nous  ne  garantissons  point  tous  les  traits 
de  ce  tableau,  il  est  évidemment  chargé; 
plusieurs  des  faits  avancés  par  l'auteur  sont 
l'orniellemenl  contredits  dans  les  mémoires 
envoyés  de  Pékin.  Mais  si  le  savant  acadé- 
micien qui  a  fait  le  parallèle  de  Zoroastro, 
de  Confucius  et  de  Mahomet,  et  l'auteur  du 
Diclioitnnire  de  Géographie,  avaient  consulté 
ce  voyageur  et  quelques  autres  monuments, 
ou  ils  les  aoraienl  réfutés,  ou  ils  se  seraient 
abstenus  de  faire  l'éloge  des  lois  et  du  gou- 
Ternenient  de  la  Chine.  Ce  que  le  dernier  y 
trouve  de  plus  admirable,  c'est  que  ce  gou- 
vernement tolère  toutes  les  superstitions  et 
toutes  les  sectes.  On  n'y  établit  pas,  dit-il, 
comme  ailleurs,  une  inquisition  sur  la  pensée 
de  l'homme;  les  lois  sur  cet  objet  sont  tolé- 
rantes, parce  qu'elles  ont  été  faites,  non  par 
les  bonzes,  mais  par  la  raison.  Il  soutient 
que  la  logique  des  Chinois  est  meilleure  que 
la  nôtre,  qu'elle  ne  leur  enseigne  point  à  er- 
goter sur  les  mots,  et  à  di-séquer  une  pen- 
sée; que  les  logieiens  chinois  valent  bien  les 
étemels  dispuleurs  de  nos  universités.  —  Du 
moins  la  logique  des  Ciiinois  ne  brille  pas 
dans  les  absurdités  qu'ils  professent  en  fait 
de  religion  el  de  morale;  des  hom  iies  qui 
passent  la  moitié  de  leur  vie  à  étudier  les 
car.ictères  de  leur  langue,  n'ont  pas  beau- 
coup de  temps  de  reste  pour  le  donner  à  la 
philosophie;  il  n'y  a  point  chez  eux  d'écoles 
publiques.  Les  Chinois,  si  tolérants,  n'ont 
cependant  pas  voulu  tolérer  le  christianisme, 
parce  que  c'est  une  religion  étrangère,  et 
qui  leur  paraît  nouvelle  ;  est-ce  encore  là  une 
preuve  de  la  perfection  de  leur  logique?  Par 
l'étal  des  sciences  et  du  gouvernement  à  la 
Chine,  nous  voyons  ce  que  peut  produire  la 
tolérance,  dont  nos  écrivains  incrédules  ne 
cessent  de  nous  vanter  les  merveilleux  effets. 

M.  de  Guignes,  mieux  instruit  que  l'au- 
teur du  Diclionnaire,  est  persuadé  que  les 
Chinois,  soit  dans  les  temps  anciens,  soit 
dans  les  siècles  plus  récents,  ont  en)prunlé 
des  peujiles  qui  sont  à  l'occident  de  la  Chine 
tout  ce  qu'ils  savent,  cl  (|ue  c'est  une  pure 
vanité  de  leur  part  de  se  l'attriliucr. 

On  ne  i)out  plus  douter  que  le  christia- 
nisme n'ail  pénétré  à  la  Chine  de  très-bonne 
heure;  quelques  auteurs  pensent  qu'il  \  fut 
porté  par  l'apôtre  saint  Thomas,  peut-être 
même  par  saint  Barlhclemi  ou  par  (]uelqu'un 
de  leurs  disciples.  Arnobe,  qui  vivait  au 
iv°  siècle  ,  dit  que  le  christianisme  était 
établi  dans  les  Indes  ,  chez  les  Sna  ou 
Chinois,  les  Mèdes  el  les  Perses  ;  mais  par 
le  déiaut  de  missionnaires  ou  par  d'autres 
causes,  il  ne  paraît  pas  y  avoir  sulsisté  long- 
temps. Au  vu'  siècle,  les  ncsioriens,  qui 
avaient  porté  leur  religion  sur  la  tôle  de  Ma- 


857 


cm 


CHI 


labardans  les  Indes  et-  dans  la  p;rande  Tar- 
taiie,  priK'trèrent  à  la  Chine  et  s'y  élablirenl. 
Ce  f.iit  est  prouvé  non-senlein-nl  par  le  té- 
moignage de  plusieurs  érriv.iins  orientaux, 
iiKiis  par  lin  tnoniimcnt  (iiii  fut  (iétcrré  en 
1625  dans  la  ville  de  Sii/an-Foii,  capitale 
d'une  province  de  l.i  C/ime.  C  était  une  gr.uide 
pierre  au  haut  de  la(]uelie  était  une  croix, 
ensuite  une  longue  iiiscri|3tion,  parlie  en  ca- 
ractères chinois,  et  partie  en  caraclèrci  sy- 
riens, majuscules,  uoniniés  coinmiinénient 
stranghclo.  Le  ma^iistrat  du  lieu,  qui  crut 
devoir  la  conserver,  la  fit  transporter  dans 
un  temple  de  lionzcs.  \'A\c  portait  que  l'an 
635  de  notre  èr",  il  était  arrivé  à  la  Chine 
un  homme  do  J'a-T-itt  ou  de  l'Occiden!,  qui 
avait  présenté  à  l'empercLir  des  livres  de  la 
religion  qu'il  venait  piêrlier,  et  que  l'.in  6  iS 
l'empereur  avait  donné  un  édit  en  faveur  du 
christianisme.  On  y  lisait  ensuite  les  princi- 
paux dogmes  de  la  religion  chrétienne,  et  il 
était  dit  que  cette  inscription  avait  été  faite 
pour  servir  de  monument  de  ci  s  faits,  l'an 
1()'J2  des  Grecs,  de  Jésus-Christ  7S0,  sous  le 
pontificat  d'Anan-Yesou,  patriarche  des  nés- 
ioriens. 

LaCroze,  Beausobre  et  d'autres  critiques 
prolestants ,  ont  trouvé  bon  de  contester 
i'authencité  de  ce  monument,  de  supposer 
que  c'a  été  une  fraude  pieuse  imaginée  par 
les  missionnaires  catholiqies  en  1623,  afin 
de  persuader  aux  Chinois  quelechrislianisme 
n'était  pas  une  religion  nouvelle  chez  eux, 
mais  anciennement  établie  dansleur  empire. 
M.  de  Guignes,  dans  une  savante  dissertation 
sur  ce  sujet  [Mémoires  de  l'Académie  de't  Ins- 
criplions,  lom.  LIV,  in-12,  p.  295),  a  prouvé 
la  lausscléde  ce  soupçon  ,  et  l'authenticité  de 
l'inscription  de  Sigan-Fou,  par  le  témoi- 
gnage des  annales  delaC7t/n«,et  de  plusieurs 
auteurs  chinois.  Il  fait  voir  que  ces  auteurs 
ont  confon.lu  les  missionnaires  nestoriens 
avec  les  bonzes  de  Fo,  et  qu'ils  ont  désigné 
sous  ce  nom  tous  les  prédicateurs  de  reli- 
gions étrangères;  mais  ce  qu'ils  en  disent 
se  rapporte  si  exactement,  pour  le  temps  et 
pour  les  circonstanciés,  à  l'établissement  des 
nestoriens  à  la  Chine,  qu'il  est  impossible 
que  le  hasardait  pu  produire  cette  confor- 
mité. Il  prouve  aussi,  par  le  témoignage  îles 
vo  ageurs,  qu'il  y  avait  encore  de  ci'S  chré- 
tiens nestoriens  à  la  Chine  d;ins  les  xu» 
cl  xiu"  sièilcs,  niais  qu'alors  leur  religion 
était  fort  altérée  et  défigurée  parnn  mélange 
de  mahomélisme,  tellement  (]ue  quand  les 
Portugais  arrivèrent  à  la  Chine,  en  1317,  ils 
n'y  trouvèrent  plus  aucun  vestige  du  chris- 
tianisme. Le  savant  Assemani,  de  sou  côté, 
a  produit  plusieurs  autres  preuves  de  I'au- 
thencité et  lie  la  vérité  de  l'inscription  trou- 
vée à  Sigan-Fou  (Biblioth.  orient.,  t.  IV,  c. 
9,  ^'  6).  Le  jugement  de  ces  savants  est  d'un 
tout  autre  poiils  que  les  vaines  <:onjeclares 
des  crriiques  prolestants. 

Ce  lut  en  1580  que  les  Pères  Iloger  et 
Kicci,  Liif^isiounairos  jé'iuiîes,  entrèrent  à  la 
Chine,  et  tfois  ans  après  ils  obiinri'nt  la  per- 
mission de  s'y  établir.  Dans  l'espace  d'un 
siècle  la  religion  chrétienne    y  lit    tant  de 


D58 


progrès  qu'en  1715  il  y  avait  dans  cet  empire 
plus  de  trois  cents  éj;lises,  et  au  moins  trois 
ecni  mille  chrétiens.  Mais  en  1722,  l'empe- 
reur Yong-Tching  publia  un   édit  contre  le 
christianisme,  résolut  de  rexlerminer.  et  fit 
exercer  contre  les  chrétiens  une    sanglante 
persécntiiin.  En  1731,  tous  les  missionnaires 
furent  h.innis   à  Maeao  :  depuis  1733,  on  ne 
permet   plus  à  aueun   étranger  de    pénétrer 
d  ins  l'intérieur  de  la  Chine,  et  les    prédica- 
teurs qui  ont  été   découverts,  ont   été  mis  à 
mort.  Les  jésuites,  que  l'empereur  a  gardés 
à^  la    cour,  en   qualité  de   mathématiciens  , 
n'ont  pas  l.i    permission  d'exercer  les  fonc- 
tions de  missionnaires.  Cependant,  depuis  l'an 
1753,1a   persécution  paraît  ralentie;  il   leur 
est  permis  d'assister   les   chrétiens   qui   s'y 
trouvent  encore  ;   ils  ont  demandé  au    gou- 
vernement  français    des    successeurs,  dans 
l'espérance    d'obtenir  peu  à  peu  plus  de  li- 
berté  de    faire  des    prosélytes.  On    prétend 
qu'actuellement   il  y  a  déjà  plus  de  soixante 
mille  chrétiens  dans  cet  empire.  —   Malheu- 
reusement, au   commencement  de  ce   siècle, 
il  s'éleva  une  contestation  entre  les  Jésuites 
de  la  Chine  et  les  tnissioanaires  des   autres 
ordres  religieux.  Il  s'agissait  de  savoir  s'il  y 
avait  de  la  superstition  et  de  l'idolâtrie  dans 
les    honneurs    que   les  Chinois    rendaient  à 
Confucius  el  à  leurs  ancêtres,  honneurs  ac- 
compagnés    d'offrandes,    d'invocations,    de 
parl'u:ns,    etc.   Eu   1704,    Clément  XI   con- 
damna ces  riteschinois  commesuperstitieax 
et  idolâtriques  ;  en  17i2,   Henoît  XIV    con- 
firma ce  décret  par  sa  bulle  Ex  quo  stngu- 
/(»■/.•  depuis  ce   temps-là    les    missionnaires 
ont    interdit   ces    rites    à   leurs   prosélytes. 
Mais  ct'tte    dispute,  trop   animée   de  part  et 
d'autre,  a  nui   beaucoup    aux    intérêts  du 
christianisme.  —   Outre  cet    obstacle  acci- 
dentel e  t  passager,  il  y  en  a  d'autres  qui  re- 
larderont toujours  les  progrès  de  la  religion 
chrétienne  dans    cette   partie  du  monde.  La 
corruption  des  maurs  populaires  de  cet  em- 
pire,   l'attachement   opiniâtre   des  Chinois  à 
leurs  usages,  attachement  cimenté  par  le  culte 
religieux    qu'ils  rendent    à  leurs   ancêtres; 
leur  vanité,  qui  leur    persuade  qu'ils  sont  le 
peuple  le  plus  parfait  de  l'univers  ;  l'orgueil, 
l'ambition,  la  jalousie   des  lettrés,  qui  sout 
seuls  en  possession  de  l'enseignement,  dont 
les  uns  sont  athées,   les  autres   idolâtres  et 
superstitieux  ;  le  despotisme  de  l'empereur, 
qui  est  le  chef  suprême  et  l'arbitre  de  la  re- 
ligion aussi  bien  qu(!  des    lois,  sont  autant 
d'obstacles  qui  rendent  les  conversions  très- 
dilficiles.  Les  Chinois  méprirent  les    étran- 
gers, les  craignent  et  les  haïssent.  Mallieii- 
reiiseineni  les  navigateurs  desdifférentesna- 
tioiis    européennes   qui    ont   séjourné    à  la 
Chine,  ne  s'y  sont  pas  comportés  de  manière 
à  gagner  la  confiance  et  l'affection  des  habi- 
tants du  pays;  et  cette  condui   ■  n'a  pas  peu 
contribué  à  indisposer   les    Chinois    contre 
le    christianisme.   Ils    auraient    moins     de 
répugnance  à  écouter  des  missionnaires   na- 
tionaux  quedes  ;!rang,>rs. 

Si  nos  philosophes  incrédules  étaient  véri- 
tablement auiis   de  l'humauité,  ils  auraieut 


m 


cm 


CHOE 


840 


Jéploré  comme  nous  le  bannissement  des 
missionnairos  de  la  Chine;  au  rontraire,  ils 
en  ont  triomphé  :  il«  en  ont  pris  occasion  de 
rendre  odieux  le  chrisiianisin-  même,  aussi 
bien  que  ceux  qui  le  prêchent.  Ils  ont  dit 
que  les  empereurs  delà  Chine  oni  proscrit 
cette  relig;ionà  c;iuse  dp  son  intolérance,  ou 
du  droit  que  ses  ministres  s'attribuent  l'e 
forcer  les  peuples  à  l'embrasser;  à  cause  de 
l'indépendance  dans  laquelle  ils  veulent  être 
à  l'égard  de  la  puissance  temporelle;  à  cause 
de  leur  caractère  séilitieuv  et  lurbuleiil;à 
cause  enfin  du  torique  le  célibat  fait  à  la  po- 
pulation. Il  n'est  pas  possible  de  calomnier 
d'une  manière  plus  noire.  —  Dans  les  mé- 
moires présentés  à  l'empereur  de  la  Chine 
par  les  mandarins,  contre  le  christianisme, 
ils  n'ont  fait  aucun  de  ces  reproches  aux 
missionnaires  ;  ils  ont  seulement  représenté 
que  cette  religion  est  nouvelh'  et  étrangè- 
re dans  l'empire,  quelle  n'admet  ni  Divi- 
nité, ni  esprit,  ni  amélres.  L'ttres édifiantes, 
tome  XXIX,  pag.  217  ;  tome  XX\,  pag.  156. 
On  voit  par  là  ce  qui  est  encore  prouvé 
d'ailleurs,  que  les  lettrés  chinais  l'ont  aller 
de  pair  le  culte  des  esprits  et  des  ancêtres 
avec  le  culte  de  la  Divinité,  et  il  est  fort  dou- 
teux s'ils  admettent  d'autre  Divinité  que  les 
esprits  qui  président  aux  dilTérentes  parties 
de  la  nature.  La  lecture  du  Cliou-King,  qui 
est  leur  livre  classique,  ne  nous  montre  chez 
eux  point  d'autre  croyance  que  celle  des 
anciens  polythéistes.  —  Quand  le  irénie  des 
missionnaires  serait  tel  que  les  incrédules 
le  représentent,  ont-ils  été  a-si  z  imprudents 
pour  le  faire  connaître,  pour  [irêcher  l'into- 
lérance, l'indépendance,  la  .■-édition  et  la  ré- 
volte contre  un  gouvernemenl  absolu  et  des- 
potique? Une  accusation  aussi  atroce  ne 
doit  point  être  hasardée  sans  preuve;  les 
incrédules  ne  peuvent  en  alléguer  aucune. 
D'un  côté,  ils  rrj)rorhenl  au  clii  istianisme  de 
favoriser  le  despotisme  des  princes  et  l'es- 
clavage des  peuples;  de  l'autre,  ils  prélen- 
doiit  qu'un  empereur  despote  a  redouté  les 
principes  et  la  morale  de  cette  religion  :  ce 
sont  deux  accusations  contraiiicloires. 

Une  autre  absurdilé  est  de  penser  (|ue  les 
Chinois,  qui  font  périr  chaque  année  plus 
de  trente  mille  enfants,  ont  craint  que  le 
christianisme  ne  nuisît  à  la  population; 
qu'ils  redoutent  le  célibat,  pendant  qu'il  se 
trouve  à  la  Chine  des  millions  de  bonzes  qui 
vi>entdansle  célibat.  V.n  général,  le  gou- 
vernement cliinois  craint  plus  l'accroisse- 
nienl  de  la  population  que  sa  diminution. 
Yoy.  Mission  (1), 

(I)  i'uiir  coinpiéler  cet  article,  nous  avons  besoin 
du  (iDiiiior  une  idée  de  U  reli^inn  cliinoise  d.iiis  ses 
ra|i|iorts  aNec  nos  croyances.  Dans  la  liédemplion 
annoncée  par  les  Iradiiions  (Vuy.  Démonst.  ih'unj., 
édit.  MIgne),  Schiniu  inuiitic  (pi'il  y  a  un  (;r.iij(l 
iioinlire  de  croynncrs  (|in  vienne  il  de  la  révclulioii 
primitive.  Il  s-iail  en  ifl'et  it  .iiianl  qu'un  peuple 
qui  rcniiinlc  bi  liant  n'cùi  rien  lunserve  di:  la  loi  de 
nos  premiers  pari'iils. Voici  l'exposiiion  deSclimiU  : 
1.  Crûyance$  des  Cliinok. 

«  Oulre  une  morale  exccllenlc,  (es  fragments  el 
les  livres  canonijiies  des  Ciimiis  uiTiejit  (.es  traces 
renianp  ables  de  vérités  recelées.  Au  milieu  do  la- 


CHIROTONIE.  Voi/pz  Impositiondesmains. 
CHOEUR,  dans  nos  églises,  est  un   espace 

blés  incnliércnles  ,  nous  lisons  que  Tao  cré.i  le  ciel 
cl  la  terre  ,  etcoimiie  Tao  s'gnille  trois  personnes 
dans  une,  ces  ouvrages  <li>enl  ipie  l'une  lira  l'iiiiivcrs 
du  néaiil  ,  que  l'aiiire  sépara  les  êires  conloiidus 
dans  le  chans,  (|ue  la  troisième  fil  le  jour  el  la  nuit. 

I  On  y  trouve  la  créalii'ii  derinmimo,  formé  avec 
de  la  terre  jaune.  On  y  trouve  un  pirailis  l.rreslre, 
placé  à  la  pnrie  du  ciel  fermoi'  à  .-es  hal)itanls  ,  ar- 
rosé par  qu.ilre  fleuves  ipii  jaillissent  d'une  source 
jaune  (le  jaune  est  la  couleur  saciée  des  Cliinois). 
On  le  I  onime  le  Jardin,  donl  la  vue  et  l'entrée  sont 
éjjalemenl  iiilerdiles,  mais  d'où  la  vie  s'est  répan- 
due. On  y  trouve  un  arbre  ,  duquel  elle  s'est ,  i  our 
ainsi  dire,  détachée  comme  son  l'ruil  naturel  :  on 
trouve  encore  la  descriplion  d'un  à;;e  d'or.  <  Le  dé-ir 
immodéré  de  la  scieiae,  observe  Huinaulsee,  a  perdu 
le  genre  Irumaiii.  » 

<  t'n  anrien  proverbe  dit  :  «  Il  ne  faut  pas  écou- 
ter les  discours  de  la  leiiime.  i  La  glose  ajouie  : 
«  Car  la  lemiiie  a  clé  la  sonr>  e  el  la  racine  du  mal.  > 

f  Après  la  dégr.id  ilinn  de  rimmine,  dii  Lopi,  les 
animaux,  les  oiseaux  ,  les  insectes  ei  les  serpents 
commencèrent  à  l'envi  à  lui  faire  la  guerro.  Après 
que  l'homme  eut  acquis  la  se  e;ice,  toutes  les  créa- 
tures lurent  ses  euueuiis.  En  moins  de  imis  mi  de 
cinq  liciiies,  cuntiiiiie  Lopi,  le  ciel  cliangea  et  l'hom- 
me ne  lui  plus  le  même,  i 

I  Ouaiid  rinnncence  eut  été  perdue,  dit  Hoinant- 
see,  parut  la  miséricorde.  » 

II.  Emblèmes  el  dogmes  divers. 

f  De  pieux  mi-sionnaires  oui  cru  reconnaître  les 
mysières  les  [ilns  élevés  du  clirislianisine  dans  l'é- 
crilure  ji(jiirée  des  Chinois.  A:nsi,  relalivenient  au 
signe  qui  indique  uuèire  dont  on  attend  la  presance, 
et  qui  retrace  un  nuage  auquel  un  enfant  se  irouve 
suspendu,  le  Père  Liltol  se  rappelle  la  parole  du  pro- 
phète Isaie  :  Et  nubes  pluiint  jvsttini.  Cibot  voit  le 
lédeinpteiir  ,  te  .Messie  ,  dans  plusieurs  semblaides 
ligures  ;  un  signe  antique  ,  iiiconipréliensitile  pour 
les  tiiinois  modernes  ,  inexplicable  pour  les  anciens 
auteurs  ,  lui  repréAcnie  même  la  cliule  du  premier 
liomiiic  :  c'est  un  arbre  sous  lequel  sont  placées  deux 
persuniies,  et,  au-ilessns  ,  la  léle  d'un  démon.  —  A 
l'exemple  de  l'autel  que  l'aptilie  saint  Paul  trouva  , 
à  Alliéiies  ,  avec  celle  inscription  ;  Ignuto  Ueo  ,  ces 
enililèmes  religieux  pouvaient ,  soit  dans  le  cours 
d'une  prédication,  soit  même  dans  une  simple  con- 
versation avec  des  Chiiioi-,  fournir  à  un  pieux 
nii-sioiinaire  l'occasion  de  |iiép.iri  r  la  voie  au.x  vé- 
rités de  l'Lvangile.  11  est  pos-ible  que  le  ilernier  si- 
gne ail  réelleiiienl  le  sens  ipie  lui  attriline  Cibnt 
{iléni'iics  concernant  les  Cliinois)  \  car,  bien  cei- 
taineinent  ,  la  ilo'trine  liérediiaire  de  notre  pre- 
iniéie  cliuie  dut  se  conseiver  longlemps  au  sein  de 
la  race  séparée,  de  laquelle  sont  issus  les  Chinois 
actuels;  mais  les  plus  ancJeii'.  écilvains  de  eu  pays 
étaient  déjà  éirangers  à  celle  inlerprétatiuii.  On  nu 
saurait  ineci>:inailre  mm  plus  rimpuriancu  du  trian- 
gle equilaiéial  (|ue  le  l'ère  Cibot  regarde  comme  le 
symbole  de  Vvnilé.  D'après  le  lÉietioniiaire  (  imiposu 
par  l'empereur  kaiighi,  il  indique  aussi  conjonction. 
Un  livre  ,  pariieuieiement  estimé  des  Cliinois,  dit  : 
<  Le  triangle  signiiiu  Mois  ,  iiintondus  eu  un.  >  Une 
savante  explication  des  plus  anciens  caractères , 
Lieululsing,  s'c.vprime  ainsi  sur  ce  snjel  :  i  Lelrian- 
gleesi  l'emblème  d'une  secrète  conjuncliun,  de  l'Iiar- 
ninnie  ,  premier  bien  de  l'Iioninie  ,  du  ciel  il  de  la 
terre.  C'est  la  conjonction  des  trois  Ts-ai  (Tsai  ,  dit 
Ko,  iuuiipie  le  iiincipe  géi  ératcur  ,  le  pou- 
voir, la  science  dans  Tao).  Iléunis  ei  siuiuliané- 
nient  ,  ils  gouvernent,  crée  .t  ei  souiienneul  ce  cpii 
est  créé.  > —  Un  aiiiru  livre  dit  :  «  Anlielols  l'ein- 
peieur  otlrail,  lous  les  trois  ans,  un  saeritice  soluu- 
ncl  a   t'esprit  de  conjuncliun  et  d'unité.    »  —  «  Oc 


841 


CtlOË 


cnoE 


S4-2 


siliK' ou  derrièio  l'autel,  ou  onlrcl'aulel  el 
In  ucf,  (i.Tiis  l('<i«cl  est  placé  le  cicrijé  [loiir 
chauler  l'ollke  ilivii.  Dans  la  i  luparl  dos 
églises  d'Italie,   le  chœur  est    placé  derrière 

Conii;iit  en  Kiirope,  r:i|ii)ortt>  Ko.  le  fimoiix  lexle  de 
l/iol-ec  :  'i.w  esl  iiti  ,  de  sa  iiilnic;  le  pieiiiii-r  en- 
gendra le  sei'iiiid;  les  deux  1  loiiiins  (Mil  firodiiillo 
trciisième;  les  nuis  ont  lail  lonles  clnises.  >  —  Vnicl 
comme  !)'e\|iiiîiiail,  relaii\emeiil  a  l'origine  de  l'u- 
iiiveis  ,  le  |ilii!ii-0|ilii'  l.ilankiiim  ,  pins  ancien  gne 
Cordiicliis  :  <  La  loi  ou  1 1  taiMiii  |iri>(lnisjl  l'un  ;  ce- 
lui-ci piodiH^il  deuv  ;  les  (it:n\  prodnjsiienl  Irois  ; 
les  tiois  prnddisireni  Imilesclin.ses.  >  Ceili"  srnleiicf, 
au  lénioiyiiage  de  Coup  el ,  esl  encore  répéiée  par 
les  seclairurs  de  sou  école.  —  Snivam  un  texle  dif- 
férent :  (  Celui  i|ui,  pour  ainsi  dire,  est  visible,  sans 
iiéaniiinins  cire  vu  ,  s'appelle  lUii.  Celui  <|ue  l'on 
peut  inleiidrc,  q'ioii|u'il  ne  parle  point  aux  oiedies, 
se  nomme  lli.  Celui  qui  se  laisse  ,  pour  ainsi  dire, 
sentir,  bien  qu'il  se  dérobe  au  louelier,  s'aiipidio 
Lri.  V.n  vain  iiilerrogez-vous  vus  sens  sur  la  nature 
de  I  es  trois  cires  ,  la  raison  seule  peut  vous  eu  in- 
s'rnire,  el,  ce  qu'elle  vous  apprend  ,  c'est  qu'ils  ne 
lurmeiil  (|ii'un  ,  au-dessus  (liii|iiel  ne  brilb' am  une 
lumière,  au-iless>ius  duquel  ncxisient  auennes  lénè- 
bro'^.  Il  est  éternel.  Ancnn  nom  ne  saiirail  lui  cire 
.illribuc  ;  il  ne  res  enible  à  aucune  de  toiit.-s  les 
cliiises  qui  nous  enl'iiueiil.  C'est  une  ligire  sans 
t'oruie,  une  loi  me  sans  matière.  Sa  Ininieie  esl  en- 
veloppée de  léiiebies.  Elevez-vous  les  y.-ux  ,  vous  ne 
voyiZ  pa^  son  Cdinmeiicemeni.  Le  suivez-vous,  vous 
n'en  lionvtz  pas  la  iiii.  l'ar  cela  seul  i|u'ilesl  le'l'ao 
de  tous  les  siècles  ,  jugez  (pielle  est  sa  iiaïuie.  Si- 
voli'  (|u'il  esi  éieruel ,  voilà  le  comiiieiiceiuent  de  la 
sagesse,  i 

<  Je  suis  entré  deux  fois,  dit  un  missionnaire,  dans 
les  pagodes  ou  les  temples  cbinois.  Dans  la  première 
cour  ou  dans  la  première  partie,  se  présentent  trois 
graniles  statues  po>ées  per|ieniliciil:iiiemenl  el  qui 
représentent  trois  boinincs  ;  cliaipie  siaiiii'  porte  un 
sceplie  A  la  main  ;  celle  de  droite  isl  élevée  sur  un 
lion  ;  celle  de  gauclie  sur  un  éiépli  ml  :  ces  trois 
persu.iiies,  lepemlani,  à  ce  que  préteiidcin  les  bon- 
zes, ne  fornien!  i|:i'uii  seul  Dieu.  > 

III.  Allégorie  du  Messie. 
I  Les  livres  canoniques  de  la  Cliine  cnntioiini'iit 
une  al.égorie  frappante  du  Messie.  Connue  les  t;iic 
nois  n'ont  rien  pu  emprunter  à  Isaîe,  il  |iar.'it 'lu'ils 
lieiinenl  de  Mo,  leur  aiitiMir,  l'idée  de  Ja  rédemption  ; 
car  leurs  ancêtres  savaient,  aussi  bien  (jue  les  an- 
ciens Toscans,  iprune  vierge  cnnoevrail,  qu'elle  en- 
lanlera  l  le  Saint  des  saints;  mais  assniément  celle 
prupliétie,  béiédiiaire  clie/.  les  enlants  de  Sein,  lut 
aussi  mal  coinpri^e  en  Cliine  qu'elle  lut  mal  Iniei- 
prélée  par  les  desieiid.iiils  de  Japliel,  en  Italie  : 
dans  ces  deux  légions,  elle  ilonna  lieu  au  nié. ne  abus. 
De  ineciii;  que  Viigile,  à  l'egird  <lii  li!s  de  roliion  , 
les  Chiuiiis  laisaienl  nailri;  d'une  vioige  c  laeuii  de 
leurs  iiersonnag.'s  les  plus  nuii.iiqualilos  ;  lontelois, 
malgré  cet  abus,  ce  peuple  égaie  c.nei  vait,  avec 
loiile  sa  piireié,  la  itiidilion  (|ue  lo  Siiiii  des  siiiuls 
liai  i-.ut  un  jour  dans  un  pays  situé  à  l'oecideiit  d.'  la 
Cbine.  Ou  sail  qur  Colll'uelu^,  aniérienr  de  cinq  cent 
cini|uanie  et  un  ansà  Jésus-Clirisl,  objei  d'aiileuis  de 
la  plii^  Imite  vénération  cl.ez  les,  Cliiimis  ,  avait  pré- 
dit <  (lu'à  l'Occident  apparaî  riit  le  Seigneur,  i  l.on- 
lueius  n'était  point  un  prophète  :  il  conlii  niait  seu- 
leiiieiil  la  irailitioii  orale  et  é<'iitcde  la  iny  lé.  iense 
doctrine  par  laquelle  les  bvies  caiioniipies  cliinois  et 
leurs  interprètes  classiques  ilésigiiaieni  le  Saint  des 
saints  d'une  manèie  pusiiive  et  rec  jinaissalile.  Ils 
enteiiilent  jiar  le  Saint  des  sai.iis  :  «  Celui  >pil  sait 
toui,  qui  voil  tout,  dont  toutes  les  paroles  liistriii- 
seul,  dont  toutes  les  pensées  sent  vraies  ;  celui  qui 

D.CT.   DE  ThÉOL.  B0GM4TH}UK.  I, 


l'autel,  et  alors  coltii-ci  se  trouve  rapproché 
(le  l'assenililéo  du  peuple  ;  c'est  ce  que  l'on 
uomtni' tiHlel  à  la  romaine.  E:i  [■'ratice,  le 
chœur  est  orditiairetneiit   situé  entre  l'autel 

est  célesle  et  mirarnlenx,  dont  la  sagesse  n'a  point 
de  bornes,  :iux  yeux  diiipiel  l'avenir  iiitier  est  sau.î 
voiles,  dont  cliaqiie  parole  os!  efiii  aei'.  Il  est  un  avec 
le  Tie.i  (Dieu),  et,  suis  b;  Tien,  lo  monde  ne  pour- 
rait le  reeonn  ûire;  lui  se«l  peiii  o|)'r.r  un  iioloeaii'le 
digne  de  l.i  niajeslé  dn  Se  liaiilzli  (Den,  souverain  du 
ciel).  Les  peuples  riieiideiil,  dit  Mentius,  disciple 
di-  Ciinluciiis,.  comme  les  plaines  llélries  aliendenlla 
rosée.  I 

«  Le  livre  Tscbong-Jong,  nu  le  juste  iivlieu,  com- 
posé s  un  doute  par  un  disciple  du  ce  èhre  i;oiirii- 
cius,  (ilTie  quel  pics  pissages  qui  ont  diieetenicnt 
Irait  au  Iniiir  .Messie,  i  Comb  en  soin  sublimes  les 
VO'Cs  du  Saint  des  saints!  sa  vertu  embrassera  l'u- 
nivers enler;  il  inculquera  à  tout  une  nouvelle  vie 
el  une  nouvelle  force,  et  s'élèvera  jusqu'au  lieu 
(c'e;.l-à-dire  jusqu'au  ciel).  Quelle  immense  carrière 
s'ouviira  pour  nous  !  Combien  de  lois  et  de  devoirs 
nouveaux  !  Que  de  rites  imijesluenx  et  de  solennités  ! 
Mais,  couimeiil  les  observer,  s'il  n'en  tloi.iie  lui- 
iiiéine  l'exemple?  Sa  présence  peut  seoli;  en  prépa- 
rer, eu  faciliter  l'aecoinplissemenl.  De  l.i  vient  cet 
a  lage  de  ions  les  siècb  s  :  Les  voies  de  la  perleclioa 
ne  Seront  rréqneiiiment  paicourues,  qu'.ilors  que  le 
Sailli  d.s  saints  les  aura  consacrées  en  y  iiupriiiiaut 
Ses  pas.  Les  peu  les  se  prostenioroiit  vievani  lui  ;  eu 
le  voyant,  en  l'écoiitaiil,  ils  seront  convainci  s,  el 
tous  enseuible  l 'auront  iliis  qu'une  voix  pour  clianter 
seslouaoges.  L'univers  reteniira  du  bru  t  di!So  i  nom, 
sera  rempli  de  sa  maguilicence.  La  Cbine  verra  les 
rayons  de  sa  gloire  parvenir  jusqu'à  elle  ;  ils  péiié- 
treroul  cliez  les  iiaiions  les  plus  .sauvages,  dans  les 
déserts  les  plus  inaborlaliles,  ou  dans  "les  lieux  que 
ne  peut  visiter  aucun  vais-em.  Dans  l'un  el  dans 
l'aulie  liéiiiisplière,  de  l'une  à  l'autre  extiéuiité  de  la 
mer,  il  ne  demeurera  aucune  région,  aucun  parage  , 
aucnn  pays,  éclaiiés  pu-  les  astres,  buiueclés  par  la 
|■o^ée,  habites  par  les  bonmes,  où  son  ii  'in  ne  soit 
béni  et  lionoré.  »  (Mén'Oiies  conceniani  lea  Chinois.) 

<  Le  gr.uol  ((inimeiitalre  sur  le  Cliou-king,  un  de 
leur.i  auties  livres  classiques,  s'ex()riiiie  ainsi  ;  «  Le 
«  lieu  esl  le  Saint  des  saints  invsilile;  le  Sainl  des 
«  saillis  es.  le  Tien  rendu  visible  po  ir  instruire  les 
«  lioiMine».  »  L'I  l'explication  de  l'Y-Kiiig  dit  :  i  Vu 
«  bonime  il'unc  eerlaiiie  iiature  est  le  iieii,  el  la  Tieu 
I  Cl  lin  bouillie  d'il  le  ceitaiue  ml  ne  (a).  >  —  Les 
anciens   sages  de   la   Cliine  nomnienl   le   Saint  des 

saints,  l'Iiu e,  l'iionime  le  plus  grand,  le  (dus  beau 

des  II mes,  riiomine  par  evcelleuce,  l'n  uiin  •  mi- 
raculeux, le  premier-né;  il  rcnouvelleia  l'uiiiveis, 
cbangera  1  s  imBurs,  expiera  les  pécué^  du  iiio  ide  , 
mollira  accablé  de  douleur  et  d'opprobre,  ouvrira  la 
porie  du  c.el.  —  l'eiil-on,  de  nos  jour-,  el  -.iiis  pro- 
noncer son  nom,  dé-igncr  Jé^us-l-bnst  d'une  ma  • 
nieie  pins  positive?  peut  on  en  rarler  d'une  manière 
pln^  sniiliiue?  Or  ce  Sdiil  de>  siiuts,  i|ui  voit  loui , 
(pii  coiiniiit  t  ut,  qui  est  nii  avec  D  eu,  a  paru  ou 
p.ir.iiir.i  à  riiieideiit  île  la  Chine.  Assiiiéiiieni,  en  se 
rendait  visible,  en  deven.ini  boiiuue,  le  lieu  a  re- 
vêiU  l'Iiuinaiiiié.  La    secie  de  Fo  se  sert  d'un  siitne 


(fl)  Ce  mol,  si  souvent  répété  eu  cet  emlroil,  ne  saurait 
sigiiilier  Ici  le  ci' 1  maté' lel.  Coiiniienl ,  en  ell  l.lociel 
iiiat  riel  peul-il  Uevenir  visible  ,  peu'.-il  devenir  11  .iinne  ? 
Coiiniieia  le  .Sai.il  des  saints  qui  duii  naître  à  l'occideulde 
Il  llli.'e,  I  ciil-d  ne  laire  qu'un  avec  lui  '  l^uniineiii  peut 
brider  sa  sa.;  esse,  el  l'ave.irse  déioiler  a  ses  }■.  ux?l.oiii 
ni  ni  aussi  des  igiior.'ints,  capables  a  peine  de  balbutier 
que  ques  mots  clniiu.s,  o.it-'K  pi  lai' eaux  jé>uiles  un 
Cliine  d  '  dire  fitiu  a^ec  ces  |>eupl  -s,  loisqu  ils  vuulaleDt 
pari,  c  de  Dieu  ?  Le  uicil  lieu  siguiOe  le  ciel,  mais  11  sigoi- 
lie  encore  l'iilre  suprême.  (^Votc  de  Sih,nui.) 

27 


843 


%110E 


et  la  nef,  environne  d'une  balusuaile  ou 
d'un  tnur,  garni  à  droite  el  à  gauche  de 
deux  rangs  de  stalles,  où  se  placent  les  ecclé- 
siastiques et  les  chantres. 

composé  de  deux  parues,  dont  l'une  indique  l'action 
lie  descendre,  de  s'/uimi/ier  ;  l'autre  ,  une  niihsance 
future  :  eWe  nnMiin<;  le  signe  rinc:irnaiinn  d>:  Fn, 
mais  un  ancien  aiueur  piétend  qu'elle  ne  l'imerprèie 
ainsi  que  par  alms;  que  ce  signe  est  de  boaiicniip 
antérieur  à  l'eNisienre,  en^'liine,  (i'aiifun  aduraieiir 
de  Fo  ;  qu'il  ilésigne  spdeialenieiil  celui  cpii  linii  eu- 

ricliir  les   lim es  avec   ses  rirliesses,  les  ennoblir 

en  leur  coininuniquaul  sa  digiiilc  ei  su  grandeur. 

t  Mais  l'abus  mêiiie  que  f(uil  de  ce  signe  les  st'c- 
taleurs  de  Fo,  esi  lrès-reuiai:(iiialile.  Coiiimenl  sont- 
ils  arrivés  à  imaginer  l'iiicarnaiion  de  leur  diviniié  ? 
L'idée  que  I>ieii  prendrait  une  organisai  on  maté- 
rielle, que,  par  là,  il  se  trouverait  abandonné  à  l'u- 
.«age  de  ses  lorces  pliysiques,  est  bien  élmgnée  de 
l'iiitelligence  limiiaine,  el  il  me  senilile  loul  à  fail 
inipossibleqnel  bfinime, livré  àses  propres  faculiés, ail 
jamais  I  u  la  rencooirer.  J:imais,  d'adleurs,  les  peuples 
païens  plus  mndernes,  les  Giecs ,  les  lùrusques,  les 
L;ilins,  ne  pièlérent  une  naluie  organique  à  leurs 
diviniiés  :  ils  se  bornaient  à  l'appareiiee,  car  il  suf- 
lisall  de  faii^  .ilusion  aux  sens  :  or  ce  n'elail  point 
au-dessus  de  la  louie  puissance  divine.  Les  adora- 
leiirs  de  Fo  iibii-creiil  de  ce  signe,  mais  son  inven- 
l  on  n'ai  p:iripii:iil  point  au  hasard,  elle  dérivait  d'une 
dnnriiie  béiédiiaiie  (pi'iU  avaient  scuienient  alté- 
rée. Prob:ililfnieiii,  lors  de  bmr  intiddiiclioii  en 
Chine,  ils  Irouvéïciu  celle  doilnne  cl  le  signe  qni 
la  représentait  déjà  enveloppés  de  ténèbres  ,  iimis 
leur  secie  même  date  d'i.ne  épo.pie  antéiinite  à  cet 
abus;  leurs  idées  s-ur  Fo  déi-ouleiii  piéciséunn  t  de 
ceiie  docirine  liérédilaire,  non  moins  (oniiue  des  In- 
diens que  des  Chinois  duis  les  temps  piimilils,  ce- 
pendant iléliguiée  bemcoup  plus  tôt  c'.  d'une  manière 
plus  déploralde  p'r  la  délirante  ini.iginalioii  des 
premiers  el  par  les  mensonges  sysiémalii|ues  de 
leurs  braniines. 

I  Avec  «es  idées  se  coordonne  une  docirine  aussi 
ancienne  qn'incomprélnnsible  ehez  les  premiers  peu- 
ples, les  Imiieus,  les  Chinois,  les  Kgy|iliens.  Le  Fo 
der  Indiens,  nommé  au  Japon  Scliaka  (Xacaj,  Busd 
et  BikIm),  lui  engindré  par  iino  vierge,  sans  aucune 
coliai.ilalioii.  Li^s  anciens  Chinois  l'iisaienl  desctii- 
dre  de  verges  les  divers  chel'>  des  maisons  (pii  ont 
successivement  gouverné  l'empire.  Cliei  les  pnëies 
de  la  Créée  ei  de  Knnn-,  qui  empruntèrent  loules 
leurs  fables  aux  li}iypiieiis  et  aux  l'hénicien.,  ou 
trouve  des  lièros  issus  de  vierges,  ou,  du  moins, 
conçus  d'une  ruan  ère  surnaturelle.  D'où  viendrait 
Cl  Ile  idée,  si  éliaugère  à  l'ordre  de  la  nature, 
conimnne  à  des  peuples  que  séparait  tant  de  di- 
Slaiice,  malgré  la  diversiié  des  détails  qui  l'envi- 
roinie.ii  d ms  les  dilleien  es  conirées,  si  elb;  n'avait 
oiig  nairemeiu  jnilii  de  la  même  source?  l'ainii 
ions  les  peuples  du  p  ig.misme,  la  virginité  coininaii- 
dail  11  plus  hame  venéraliou.  P.irloul,  et  à  lonles  ies 
époques  de  rcxi^lence  du  genre  humain,  l'oci  trouve 
des  \ieiges  consitîées  à  la  Uivinité.  Quelle  iislnn- 
lioii  ellai;.!  en  gloire  relie  des  vesl.des?  Avec  le  culte 
de  Ve-ia  se  soutint  le  lusire  de  rciiipirc  roinain; 
avec  lui  aussi  on  le  vit  s'éieindrc.  —  Dans  le  tem- 
ple di-  Minerve,  à  Alhènes,  des  vinges  ciiiieienaieni, 
comme  à  Koiiic,  le  Icu  sacré.  —  Un  a  reironvé  les 
nièines  vesl.dcs  cbe/.  d'anlres  peuples  ,  noiaiiiinei<t 
aux  deux  Inde  ,  ut  rècnniiieiit  au  l'cruu,  où,  chose 
merveilleuse,  la  iraiisgression  de  lenrs  voeux  était 
punie  de  la  iiiénie  piMiiC  iju'à  Home.  On  j  reganlail 
la  virgiiiilé  coiiiiiie  une  digiiiié  sainli',  égalemiMit 
agréable  à  l'empereur  et  aux  dieux.  —  Dans  les 
Indes,  la  loi  de  Menu  dispose  que  les  léies  prescrites 
sn  riionneur  de  la  chasteté   ne  cuncerneni  que   les 


CHΠ 814 

Le  chœur  signifie  aussi  l'assemblée  '  ceux 
qui  chaulent;  ainsi  le  cfiœxir  répond  ;"i  cé- 
lébr.mt  ;  on  chiiilcà  deiiK  c/iffius;  le /(fi;î.'- 
cltœur,  ce  sont  les  chanoines   ou  1,'s  prêtres 

vierges,  et  que  les  femmes  auxquelles  ce  litre  n'ap- 
pallient  plus  doivent  demeurer  élr.ingèris  à  riules 
les  céré.uonies  qu'elle  établit.  —  (Jénérabineiit , 
parmi  loiites  les  nations,  ou  altacbait  le  plus  grand 
prix  à  la  virginiié. 

«  La  source  d'où  se  répandirenl  ces  idées  est , 
sans  contredit ,  la  d<>clrine  anlii|ue  cl  liéiédilaire 
d'un  futur  Messie,  ré\élée  à  riiii  des  plus  anciens 
pères  d.i  ?enre  biimain,  enracii  ée  pr  Noé  dans 
l'espril  de  sa  posiérilé.  Klle  s'cflaça  depuis  chez  les 
diverses  raC(  s,  di<p:iriiissant  t"iit  à  lail,  ou  bien  se 
dé.;iadant  par  l'adjnnclion  des  pins  iiionslriieux 
piéjngés,  des  fibles  les  pins  ndieiibs  :  ce  n'est 
qu'au  sein  du  peuple  élu  qn'ille  se  conserva  lumi- 
neuse et  coinplèie.  —  Vue  vierge,  du  Kaie,  conce- 
vra el  eiigi'uttre  a  un  fils,  qui  sera  «ppe/é  Emmiiuuel. 
—  Aucun  inlerprèle  l'e  l'Eerilure  saiiiio  ne  donne- 
rait un  aille  sens  à  ce  piss^ge,  fût-il  familiarisé 
avec  le  conteiiii  de  tous  les  ouvrages  chinois.  — ■  La 
Chine  eiilière  en  avait  lu  de  seinli  ables  on  d'analo- 
gues, laiit  dans  ses  livres  canoniques  que  dans  leiii'î 
cinninenlileiirs,  quand,  vers  Tin  iio  de  notrç  ère  , 
l'empereur  Mim-Ti  voidnl  envo\er  à  la  recherche  du 
Saint  des  saints,  on  du  moins,  s'il  était  iléjà  mori, 
de  sa  docirine.  —  Malhenieusi'in  ni  les  c<>iinaissan- 
Ci's  géographiques  de  ce  |  rince  sur  l'Occidenl  se 
boni  lieiil  aux  tiides  H  fil  pa'lir  une  ambassade  qui 
devait  eu  ramener  le  Siiiil  des  saints,  ou  en  rap- 
poiler  la  doctrine  dans  son  empire.  Les  ambassa- 
deurs y  troiivcrenl  une  divinité,  objet  du  respect 
général,  numiiiée  Fo  ou  Foê,  et  une  autre,  plus  an- 
cienne encore,  appelée  Umilo  ,  auxquelles  les  In- 
diens atiribuaient  les  plus  gnnids  miracles,  dont  ils 
racontaient  les  choses  les  plus  eviraordiu.iires.  Les 
ambassadeurs,  croyant  avoir  rencontré  le  Saint  des 
saillis  dans  ces  deux  divinités  ,  rajqionèient  en 
Ciii'ie  leiiis  images  avec  les  livres  qui  les  concer- 
naient, et  ramenérenl  quelques  piêire^  voues  à  leur 
culte  sous  le  noin  de  Talapoiiiciis.  Au  Japon,  où  se 
propagea  celte  idolâtrie,  ils  reiinreiil  celui  de  bonzes, 
dont  se  servent  les  missionnaires  de  la  Chine,  parce 
que  nos  relations  aniérieures  avec  le  Japon  l'avaient 
l'ail  coniiailre  aii\  i'^uropceus  :  leur  vériiablc  nom 
chinois  est  lloschang.  L'ailoration  de  l'oë  eiiianail 
(le  l'empereur  :  il  n'est  donc  piinl  éloiinaul  (preii 
Chine,  où  piesipie  cliarpie  aciiun,  chaque  mot  ei  clia- 
(|ue  pensée  du  monarque  passent  pour  un  oracle  ei  une 
lui ,  ce  genre  d'idolaiiie  se  ^uil  rapidement  répandu. 

1  Dès  lois  la  porie  fni  ouverte  a  louies  les  absiir- 
diiés  du  la  supersiilion  ;  les  principes  et  la  saine 
morale  s'évanouirent  bieiilôt.  Celte  abominable  ido- 
lùlii(\  qui  règne  encore  aujourd'hui  à  Biain  el  à  Ciy- 
lan,  se  propagea  lellemeni  eu  Chine  depuis  celle 
époque,  (|iruiic  grande  masse  de  ses  h.ibilants  en  est 
mainienanl  inleclée.  > 

IV.  Conlrate  des  deux  religions  de  la  Chine. 

t  Auiaiil  il  est  consolant  de  penser  que,  durant 
i;ne  longue  série  de  siècles,  alors  ipie  tous  les  peu- 
ples, excepié  celui  d'Israël,  seivaieni  des  idoles 
mueiles,  sourdes,  aveugles,  nue  iiaiion  ,  séparée  du 
reste  des  liommes,  qui  comptait  plus  d'Ii  ibiiantsque 
rLuioi'C  entière,  pcisévcralt  iiéanun  ins  à  honoier 
le  irai  Dieu,  autant  l'on  csl  aflligé  de  V"ir  coinmeut 
cette  nation,  trompée  duisson  aiteiiie  du  Srnt  des 
saillis  par  lu  doeiriiie  de  Foë.  tomba  dans  une  hon- 
teuse ididà^rie,  dont  le  joug  pèse  encore  sur  ses  des- 
ceiidaiiis.  > 

V.  Maintien  partiel  de  l'ancienne  croyance. 

1  Quand,  vers  le  milieu  du  xvu''  siècle,  les  Tarlares 
envabireiil  la  Chine  el  fondèrent  la  dynastie  actuelle, 
les  idoles  de  la  'i'artarie  suivirent  les  vaiiiqueurg  : 


»45  CHŒ 

qin  occupent  les  stalles  les  plus  élevées  ;  le 
bas- clhpur,  ce  sont  les  cluiiilrcs,  les  musi- 
ciens, les  enfants  do  cfiœiij- qui  reinplissenl 
les  bas  stalles.—  Dans  l'origine  xo/)o;  signiGe 
une  assemblée  finnée  en  rond,  une  en- 
ceinte; c'est  ponr  cela  qu'il  ilésiij:n.iit  um; 
troupe  de  danseurs  qui  se  tenaient  par  la 
iiiaiii,  et  forniaicnl  un  cii(  iiil.  Il  ne  faut  pas 
en  eoiiciuro,  comme  ont  f.iit  quelques  au- 
teurs, que  chorus  a  «iguifié,  dans  les  églises, 
unespacoù  l'on  dans.iii.  D.ins  le  seeond 
livre  i\'L'silr,(s  (xii,  31,37,  3')},  ^of^ii  signi- 
fie évidemment  des  chantres  et  non  des  dan- 
seurs. 

On  prétend  que  le  chœur  des  églises  n'a 
élé  séparé  d<!  la  nef  que  sous  le  lô^çne  <lc 
Con^tanliii.  Cela  signifie  seulement  qu'il  n' 
a  point  de  preuve  plus  ancienne  dec(lte  sé- 
paralion.  Alors  il  lut  environné  d'une  ba- 
lustrade ,  et  nu'me  d'un  voile  ou  riiieau  qui 
ne  s'ouvrait  qu'après  la  consécration.  Dans 
le  XII  siècle  ,  on  le  ferma  par  un  mur;  mais 
comme  cette  séparation  defiijure  une  église 
et  cache  le  coup  d'œil  de  r;!rrhiteclùre  , 
on  est  revenu  à  l'usajie  des  balustrades.  — 
Dans  les  monastères  de  filles,  le  c/iwur  est 
une  salle  attachée  au  corps  de  l'église, 
(le   laquelle   il  est   séparé  par   une  grille  ; 

loiuefois  ,  1.-1  cour  et  les  conqiiéranis  cuiiseï  veut 
seuls  leur  culte. 

I  !Je;Mii:<iu|i  de  Cliinois  professent  eucore  leur  .l.jc- 
Irine  (iriiiiiiivc,  bien  qu'entachée  du  i,rali(|iii;s  su- 
perstitieuses A  leur  idolùirlc  l.irtare  les  eu.pereuis 
allient  une  proCumle  véuéraiion  pour  Coiiluilus  ù  la 
«loiale  ilii.piel  les  Cliiuois  soîil  ri:iJevaljli;s  il'avo  r  vu 
produire  inèiii  •  à  la  u.Hivelle  dyunstie  îles  s.iuve- 
raiiis  que  leur  Sii^esse,  Uui'  huuianiié,  leur  zèle  loii- 
deni  (ligues  .lu  plus  ancien  et  du  plus  puissant  uô  le 
de  la  terre,  i 

\  I.  .'Ipparid'oH  du  cUrhlianisine. 
I  Au  milieu  du  xvu"  siècle,  à  l'..ide  des  mission- 
naires ratlM>lii|uos  et  parti,  uliéreuibii;  des  jésii.les, 
rtvaiigile  trouva  accès  «■ii  Chine.  L'einpi'réiir  Xini- 
Clii  proié^^eail  les  missionnaires,  hs  jc-niles  snrluul 
qui,  par  leur  éduciuiou,  leurs  muiurs  ausleivs,  leurs 
connaissances  en  pliy>i,|ne  cl  en  inallio  n  .lii|ii,s,  se 
Concilièrent  l'atiaclicmeni  de  ia  cour  impérial.-.  M.is 
a  la  mort  de  ce  monarque,  ut  si. us  le  jjiniveru  incnl 
des  iniiiisties  ^ui  adini.,i!,lraienl  pendant  la  minorité 
de  son  succtrsseur,  les  choses  changèreiil.  I, 'in- 
fluence des  jcsnilcs  sons  le  rè„'ne  piéiedoiK  leur 
avait  fait  des  eniieniis  et  les  exposa  à  des  |ierséci!- 
lions.  Uiielines-uns  lurent  Ijainiis,  d'anlr.M  mis  à 
inoil.  —  Jlai,  (pi  iid  runipereur  Kang-lli  coininenga 
a  rej;ner  par  Ini-mè.ue  à  sa  majurilé,  en  lOlii,  la 
iiissiou  en  i;é  éial,  les  jésuites  en  particulier, épi'oii- 
verent  un  meilleur  traiiemeiit.  Cet  empereur  lit  ve- 
nir d'fc,iin.pe  un  plu.syiaiid  noinlire  de  jesuiics,  les 
loimra  a  .^a  cimr  des  premières  digniié.,  leur  coniia 
les  plus  importantes  allaiies  de  l'einpire,  leur  lit  lia- 
liruiiesupeibeésjliseà  proximilé  du  pahus,  déclara 
la  reliHion  chreuciiuc  iimoi  eme,  ei  permit  a  ses  su- 
jets de  1  embrasser.  Si.ns  .|uel,|iies  empeieuis  (inj 
lui  siiccédereit,  les  dnetiens  souirrirent  d'iiorrililes 
per.secui.ons,  (luel.piefois  d'après  leurs  ordres  direc.s 
et  dans  toute  lelendue  de  re.npue;  plus  souvent, 
isoléuieiil  dans  les  piuvincs,  de  la  part  des  manda- 
rins (aouveriieurs).  Ceux  ci  s«,it-ils  ennemis  des 
Chreueiis,  ils  remeiionl  eu  vigueur  les  lois  iiui  les 
prosciiveiit,  et  ,|ue  les  niaudarms  a.iimés  d'un  antre 
e.vpril  lai.-senl  dunmr  dans  les  districts  couliés  k 
leurs  soins.  > 


c'HOi: 


8iG 


c'est  là  que  les  religieuses  chantent  l'oflice. 

Binghani  {Orig.  erclrs.,  I.  viii,  c.  0  5  7) 
a  prouvé  par  plusieurs  anciens  monumenls! 
que  dans  les  premiers  siècles  le  c/((C((r  des  égli- 
ses elait  réservé  au  clert^é  seul  ;  qu'il  u'érait 
permis  aux  laïques  dapprorher  de  l'autel 
que  pour  fiire  leurolîrande  et  pour  rece- 
voir la  communion.  Cette  enceinte  est  sou- 
vent nommée  n,///hjm  ,  li,  u  où  l'on  n'entre 
Iioinl.  (JuaiKl  on  compare  le  plan  des  aiieieu- 
nes  hasriques  avec  le  table.iu  des  assem- 
blées chrétiennes,  trace  par  saint  Jean  dans 
\  Apocalypse,  c.  iv  et  v.  on  voit  que  cette  dis- 
cipline venait  des  apôires  ;  l'empereur  Ju- 
lien ,  quoique  apostat,  la  respectail.  Saint 
Ambroise  ne  permit  point  à  l'emp^reurTriéo- 
dose  de  se  placer  dans  le  chœur  de  l'é-lise 
de  Mil  n  :  rentrée  du  sanctuaire  était  sur- 
tout interdite  aux  femmes;  les  la'iiiues,  sans 
dislindion,  devaient  se  lenirdans  la  nef  pen- 
dant les  saints  mystères  :  preuve  irrecusa- 
ble,  contre  les  protestants,  de  la  disiinelion 
q'ii  a  règne  entre  les  prêtres  et  les  laïques  , 
des  l'ongine  du  christianisme  ,  el  de  l'idée 
que  l'on  aitachail  à  l'auguste  sacrilice  des 
r.nlels.  Mais  lorsque  les  barbares  se  lu- 
rent rendus  maîtres  de  l'Ocridenl,  ils  porlè- 
reiild.iiis  la  religion  leur  car.icière  hautain, 
nnlilaire  et  feioee;ils  enlrèrenl  dans  les 
é-hses  avec  leurs  armes,  qu'ils  ne  qninaient 
jamais;  ils  prirent  les  places  du  cler^'é,  el  ne 
respectèrent  aucune  loi.  Les  possesseurs  des 
moindres  fiefs  suivirent  l'exem.Je  des  prin- 
ces, et  prétendirent  au  même  privilège;  une 
place  dans  le  chœur  devint  un  droit  seigneu- 
rial. Aujourd'hui  encore  un  seigneur  (le  pa- 
roisse ne  se  contente  pas  de  l'occuper;  mais 
sa  l'e.mne  ,  ses  ei  fanis  ,  ses  laquais,  ses  ser- 
vantes ,  ont  l'impudence  de  s'y  placer;  et  si 
les  pasteurs  s'y  opposaient,  il»  seraient  con- 
damnés dans  tous  les  tribunaux. 

Les  évêques  de  l'iiglise  primitive,  les  dis- 
ciples des  apôtres,  seraient  iii.n  éloniiés  si, 
revenus  au  monde,  ils  voyaient ,  dans  les 
jours  les  plus  solennels,  le  saneluiire  des 
églises  occupé  par  des  so  dats  armes,  qui  s'y 
comluiseul  a  peu  près  comme  dans  un  camp, 
et  comm  '  s'ils  venaient  taire  la  guerre  à 
Dieu,  les  laïques  et  les  femmes  approch  r  du 
saint  autel  a^ec  aussi  peu  de  respect  que 
d  une  l.ible  profane  ,  etouiler  les  sentiments 
de  re,i,iju  p.ir  orgueil  et  p  ir  curiosité. 
Irei.iblez  de  respect  à  la  vue  de  mm  snnc- 
Cuaire;  je  suis  le  .Seigneur  {Levit.  xxvi,  2).  On 
ne  se  souvient  plu,  de  celle  Lçon. 

l'armi  les  le.tres  de  Jali.n,*il  en  est  une 
adressée  à  Arsace,  souverain  ponlifede  Ga- 
lalie,  qui  e^l  une  censure  sanglanle  de  nos 
mœurs.  «  Lorsque  les  gouverneurs  ,  lui  di!- 
il  ,  viendront  aux  lemples  ,  on  ira  les  rece- 
voir dans  le  vestibule.  Qu'ils  ne  s'y  fassent 
point  aceompaguer  par  des  soldats,  mais 
qu  il  soil  libre  à  qui  voudra  de  les  suivre. 
Des  qu'ils  mettent  les  pi  ds  dans  le  temple  , 
ilsdevieiine.il  de  simples  particuliers.  Vous 
seul  avez  droit  d'y  cominander,  puisque  les 
dieux  l'ordonnent  ainsi.  Ceux  qui  se  sou- 
uiettenl  à  cette  loi  font  voir  qu'ils  ont  vérita- 
blement de  la  religion  ;  les  autres  ,  qui  tio 


847 


CHO 


\  I  nient  pas  se  dépouiller  un  moment  de  leur 
lusle  et  (le  leur  grandeur,  sont  dts  hommes 
superbes  ,  remplis  d'une  soite  vajiité.  »  (Lef- 
ïreWi.  —Nous  ne  Hiisoi!-  puml  <('lle  re- 
m;irqiie  pour  censurer  nos  lois  i  iviles  ;  nous 
savons  qu'tl  es  onl  flél'duvraiîe  des  circons- 
1,-inces,  et  sou  \  eut  de  la  iiecessilé,  qui  est  la 
plus  forte  de  loiilcs  les  lois;  mais  il  est  tou- 
jours uiile  de  lappeler  le  souvenir  de  l'an- 
cienne disiipline.  parce  que  c'est  un  monu- 
meni  do  la  croyance  primitive. 

Choeib  des  Anges.  Voi).  Anges. 

CHOIX,  élection  de  Dieu.  Selon  les  monu- 
ments de  la  révélation  ,  Dieu  a  choisi  Abra- 
ham pour  se  faire  dmnaitre  à  lui  plus  par- 
faitement qu'aux  autres  hommes;  il  a  choisi 
la  pos'ériti'  de  ce  pairiarclie  pour  en  faire 
son  peuple  particulier;il  nous  a  choisis  nous- 
mêmes  pour  nous  lendre  ,  par  le  bapicme  , 
ses  eiilanis  adopiifs.  Ce  diotx  de  la  part  de 
Dieu  esl-ii ,  comme  le  prclcndenl  les  incré- 
dules, un  trait  de  partialité,  une  aveugle  pré- 
dilection, une  injustice? 

On  pourrait  le  dire,  si  la  grâce  que  Dieu 
a  laile  à  Abraham  avait  dérogé  eu  quelque 
chose  à  celles  qu'il  accordait  aux  aulies 
hommes  ;  si ,  en  adnpimt  les  Israélites  ,  il 
avait  absolument  aband  inné  les  aoires  peu- 
ples; si  les  grâces  dont  il  a  daigné  nous 
conihler,  diminuaient  la  mesure  de  celles 
qu'il  veut  départir  aux  infuléles  :  mais  qui  a 
jamais  osé  l'errire  ou  le  peiiseï  ?  Uit-u  ,  maî- 
tre absolu  de  ses  iloiis  ,  soit  dans  l'ordre  de 
la  nature,  soit  dans  l'ordre  de  la  grâce,  peut, 
sans  injustice  ,  mettre  dans  la  dislriliutiou 
qu'il  en  fait  telle  inégali'é  qu'il  lui  plaît.  Un 
inTidèle,  qui  a  reçu  moins  de  grâces  (ju'un 
chrétien  ,  n'a  pas  plus  de  dioit  de  se  plain- 
dre ,  qu'un  honitne  disgr.icié  par  la  nature 
ne  peut  accuser  Dieu,  iiarce  qu'il  a  domié  à 
un  autre  homme  une  âme  plus  belle,  uu  es- 
prit plus  pénétrant,  un  cœur  plus  noble,  etc. 
Dans  l'une  el  l'autre  espèic  de  liienfaits  , 
tous  ^onl  absoluouiil  gratuits.  —  La  justice 
de  Dieu  est  a  couvert  de  Mâme,  parce  ((u'elle 
ne  fait  rendre  compte  à  chacnu  que  de  ce 
qu'il  a  reçu  ;  sa  bonté  est  justifiée  ,  puisqu'il 
n'est  aucune  ciéalure  à  laquelle  il  n'ait  fait 
du  l)ien  ,  plus  wu  moins.  La  sagesse  dl\ine 
brille  d.iiis  cette  conduite  ;  puis(ive  par  celto 
diversité  même  elle  coaduil  toutes  choses  à 
leurs  lins.  Il  n'y  aurait  plus  ni  dépendance  , 
ni  besoins  mutuels,  ni  société  entre  les  hom- 
mes, s'ils  él  .ienl  tous  éjiaus  ,  tons  doue>  des 
ménie^  ((ualités,  tous  favorisés  des  mêmes 
avantages  :  légalité  parfaiic  qu'exigent  Icsin- 
créilules.  n'est  dans  le  foiul  qu'une  alisurdité. 

L'objection  lies  déistes  eonlre  la  révi  la» 
tiun,  contre  la  dispensaiion  des  grâces  sur- 
naturelles ,  est  donc  |  récisémenl  a  même 
que  celle  des  a;heei  conire  la  conduite  de  la 
Providence  dans  la  distriliuliou  des  dons  de 
la  nature  :  les  uns  et  les  .mires  se  font  une 
idée  fausse  de  la  lionté  ,  de  la  justice  ,  de  la 
sages-ede  Dieu;  ils  ne;  s  enleuucnl  pas  eu\- 
memes.  Ils  demandent  pour(|noi  Dieu  est  ap- 
pelé par  les  Kcrilures  sacrées  le  Dieu  (/7s- 
JVic/,  le  Dieu  d'Abraham,  d'isaac  et  de  J  icob; 
n'esl-il  donc  pas  le  Dieu  de  tous  les  peuples 


CHO  8i8 

el  de  tous  les  hommes?  Il  est  sans  doute  leur 
créileur,  leur  bienfaiteur,  leur  souverain 
Seigneur,  mai*  tons  ne  l'ont  pas  reconnu 
comme  tel,  puisque  la  plupart  ont  adoré  des 
dieux  (ju'iis  avaient  forgés  eux-mêmes. 
.Abraham  cl  sesdcscendanls,  mieux  instruits, 
n'ont  rendu  leurs  hommages  qu'au  vrai 
Dieu;  il  a  donc  été  leur  Dieu  par  préférence, 
et  dans  le  même  sens  qu'il  est  encore  le 
Dieu  des  chrétiens,  parce  que  nous  n'en 
connaissons  point  d'autre. 

Toute  la  question  est  donc  réduite  à  savoir 
si  Dieu  n'a  pas  donné  à  tous  les  hommes, 
sans  exception,  les  moyens  de  le  connaître  , 
el  s'il  n'a  pas  tenu  à  eux  de  l'adorer  :  or  l'E- 
criture nous  atteste  (|ui'  Dieu  s'est  révélé  et 
manifesté  à  tous  les  hommes  i  ar  les  ouvra- 
ges de  la  création,  par  les  lumières  de  la  rai- 
son, par  les  leçons  de  leurs  premiers  pères , 
par  le  témoignage  de  la  conscience  ,  par  les 
bienfaits  et  les  ciiâtimeiits  (lu'il  leur  a  dé- 
partis. Les  incrédules  onl  donc  tort  de  sup- 
poser que  Dieu  a  délaissé  ,  abandonné  ,  mé- 
connu aucune  de  ses  créatures,  l'y//.  Inkga- 
LiTÉ,  Bienfaits  deDieu.  Justice  de  UiKU.etc. 

♦  t;ilOLKKA-.MOI{BUS.  C^ue  maladie  lerril.le,  qui 
a  décimé  l'IvMiipe  il  y  :i  dix-nciir  :nis  el  qui  cunl  nue 
ses  ravages  aujuuid'tnii,  aflliijeail  aussi  le  peuple  juif 
et  pesait  (Oiiiiiie  une  lualé  liciioii  sur  les  iiileiii(ic- 
ranis.  Voici  deux  p;issages  de  l'Kcriliire  sur  côlte 
effray  une  maladie  :  Qiam  sufliciens  cslliomiiii  eruUilo 
vinum  exignuni!  et  iii  dormiei.do  non  laboraiis  ub  illu, 
non  seiiùes  dolorem  ;  vigitiu,  çmollrx  el  torliira  viro 
iiifruuilo  {  Eccli.  xxxi,  'z-2,  ïJ3  ).  yoU  iifidus  esse  iii 
viiini  eimlatione ,  et  non  te  eljiindas  super  omnem 
esciiHi  ;  in  imdiis  enim  escis  erit  infirniiias,  et  avi- 
dila.1  npiiiop  iii_iU(ibit  tisque  ad  ciidleram.  Propter 
ciiip:iltiin  iiiii(/i  ubit'runi  ;  qui  aulem  ubstinens  est, 
adjiciet  vitunt  [Eccli.  xxxvii,  ô"!,  04). 

CHOHÉVÈQUE.  On  appelait  ainsi  autre- 
fois un  prêtre  iiui  exerçai!  quelques  fonc- 
tions épiscopales  dans  les  bourgades  et  les 
V  illages  ,  et  qui  était  censé  l."  vicaire  de  l'é- 
vêqne.  Ce  nom  vient  de  x  ?"'>  t'cyion,  cou- 
trée.  11  n'en  est  pas  question  dans  l'Eglise 
avant  le  concile  d'Antioche,  tenu  en  34-1),  qui 
fixa  les  lim;t's  de  la  juridiction  des  chorécê- 
qttes;  le  concile  de  liiez,  (jui  relu  sil  .\rmeu- 
tarius  à  celte  dignité,  l'an  i3i),  est  le  premier 
concile  d'Occident  qui  en  ail  parlé.  L(ï  pape 
Léon  111  voulait  abulir  ce  litre  :  il  eu  fut  ecu- 
péché  par  le  oiuile  de  Katisbonue. 

Les  (liurévciiues  n'avaient  pas  lo'is  reçu 
l'ordination  épiscopal' ,  mais  seulement  uu 
degré  de  juridiction  sur  les  autres  prêtres; 
ils  pouvaient  cependant  ordonner  des  clercs 
mineuis  cl  des  sous-diacres,  el  donner,  coii- 
joinlemeiil  avec  l'evêiiue  diocésain,  le  diaco- 
nat et  la  prêtrise.  Ceux  qui ,  dans  l'Occi- 
dent ,  voulurent  s'allriliiier  toutes  les  fonc- 
tions épiscopales  ,  lurent  reprimés  ;  on  les 
supprima  eiiliéremenl  au  x"  siècle,  on  leur 
substitua  h's  archiprêlics  el  les  doyens  ru- 
raux. Aujourd'hiii  q;ieli|Ucs  évêqucs  dont  lo 
diocèse  est  fort  éleud  i  ,  ont  des  >ic.iires  gé- 
néraux cil  .rgéi  de  faire  plusieurs  fondions 
épiscopa  es  dans  u'ie  partie  de  leur  terri- 
toire :  tels  sonl  en  France  les  grands  vicaires 
de  l'onloise  el  de  .\ioulins.  Le  premier  des 
sous-diacrcs  de  Saint-Martin  d'Utreclil ,  le 


8iS 


CHO 


CHR 


850 


premier  clianlro,  des  collégiales  de  Colo<;no  , 
el  (iiicliiiies  diji;nilaires  des  chapilri's  de  Tiè- 
Vi'S,  ont  le  litre  de  chorcv/'iiues  ,  el  l\nil  les 
fdiiclioiis  des  doyens  ruraux.  Binpii.im  {Orig. 
ecclfs.  ,  1.  u ,  e.  iï,  §  4  )  pciis.'  ,  connue  plu- 
sieurs autres  lliéologieu-i  aiip;lieaiis,  ((ue  lous 
leacliorétéqKes  avalent  reçu  l'ordination  épis- 
copale;  mais  les  preuves  quM  en  donne  ne 
sont  pas  sans  réplique.  —  Mosheini  f  lit  re- 
nionler  plus  haut  loi  i;;ine  des  cliiirivêtjues  ; 
il  la  rai  porte  au  \"  siècl'  (tlisl.  rcclés., 
V  ficrie,  second,  part.,  cliap.  2,  §  13;  Inst. 
JJisl.  clirist.  ,  seconde  psrl.  c.  2,  §  17).  L  s 
évéques  ,  dil-il  ,  établis  dans  les  villes  , 
avaient,  soit  par  leur  ministère,  soit  par  celui 
de  leuiS  jirélres,  fondé  de  nouvelles  églises 
dans  les  villes  et  les  villages  voisins  ;  elles 
restèrent  sous  l'inspection  des  évêques  des- 
quels elles  avaient  reçu  l'Evangile.  Mais  à 
mesure  que  leur  nombre  aiigmenti,  elles  for- 
ii.èrcnl  lies  espèces  de  provinces  ecclésiasti- 
ques, auxquelles  les  diecs  donnèrent,  dans 
la  suite,  le  nom  de  diocèses.  (]omme  l'év.éque 
de  la  ville  jirincip  île  ne  pouvait  veiller  seul 
sur  cette  qiianliié  d'églises  répandues  dans 
les  villes  et  les  villages,  il  établit ,  pour  ins- 
truire et  gouverner  ces  nouvelles  sociétés  , 
des  siiffr.iganls  on  députés  ,  auxquels  on 
donna  le  liire  de  chorén'ques,  ou  d'évêques 
de  campagne.  Ils  tenaient  un  rang  mitoyen 
entre  les  évéques  et  les  prêtres  ;  ils  étaient 
inférieurs  aux  premiers  ,  et  su|)érieurs  aux 
seconds.  Selon  celte  noiion  ,  les  cliorévéques  , 
dans  l'origiiit!  ,  éiaient  les  pasteurs  ùu  se- 
cond ordre,  qui,  dans  la  suite,  nnt  (té  nom- 
més curés,  lorsqu'ils  ont  eli'  attachés  par  un 
litre  perpétuel  à  une  église  pai  ticulière  ; 
mais  il  parait  que,  d  lUS  la  premièie  instilu- 
tion ,  c'étaient  (dulol  des  missionnaires  de 
campagne  que  des  curés.  —  Sous  le  iv  siè- 
cle, Moslieim  prétend  que  les  évéques  es- 
clurenl  enlièremcnl  le  peuple  de  toule  ailmi- 
nislralion  dans  les  alîaires  ccclésiasliijues  , 
qu'ils  dépouillèrent  iiiêiiie  les  prêtri  s  de 
leurs  anciens  privilèges  et  de  leur  autorité 
priinilivc,  alin  de  n'avoir  plus  personne  (|ui 
pût  s'opposer  à  leur  ambition,  el  afin  de  pou- 
voir disposer  .i  leur  gré  dos  bénéHc  'S  el  des 
revenus  de  l'ICglise  ;  qu'ils  supp;  imcrenl  les 
chiiréii'gurs  dans  plusieurs  cndioils,  dans  la 
vue  d'éleiulre  leur  propre  |.uissance  el  leur 
juriiliclion  (iv  siècle,  seconde  part.,  c.  2,  §2 
et  3). 

Ce  reproche  nous  pnr.ût  une  pure  imagi- 
nation. 1°  (, 'est  mal  à  propos  que  Slosheiiii 
suppose  que  pemiant  les  trois  premiers  siè- 
cles le  peupki  avait  part  à  r.idminislraliou 
des  alTaires  eeclésiasli(iues  ;  il  e-.!  prouvé  , 
par  les  Kpîires  de  saint  Paul,  par  les  c.inons 
des  apôtres,  par  ceuv  de  plusieurs  conciles, 
par  le  témi  ignage  des  écrivains  ecclôsiasli- 
ques,  que  celé  a'Iminislraliou  a  toujours  élé 
la  fonction  des  evéques.  ioij.  Aiituuitl:  k  :- 

CI.É>1ASTIQUE  .     KvÈQLE,     HlÉnàliCU-IE:  ,     elc. 

2*  il  n'y  a  aucune  preuve  que  pendaiil  ces 
trois  siècles  les  simples  prêtres  aient  eu  plus 
d'autorité  qu'ils  n'en  eurent  au  qualrièuie;  le 
contraire  parait  sujiposé  par  Mosliciui  lui- 
même,  qui  dit  que  pendant  ce  siècle  les  prê- 


tres et  les  diacres  poussèrent  leur  ambitioa 
el  leurs  prétentions  aux  derniers  excès  , 
{Jhid.,  §  8).  Les  évéques  pouvaienl-ils  éten- 
dre leur  .iiitorilé  en  même  temps  que  les 
ministres  inléricurs  travaillaieul  à  augmen- 
ter la  leur"?  Si  les  premiers  s'y  opposaient, 
cela  ne  prouve  pas  qu'ils  aient  dépouillé  les 
prêtres  de  rinlluence  qu'ils  avaient  eue  au- 
l»aravanl  dans  les  alTaires  ecclésiastiques. 
3"  C'est  au  eoiilraire  pendant  le  iv  siècle 
que  les  cliorévéïines ,  ou  pasteurs  dos  églises 
de  la  camp;igiie,  p  raisseul  être  devenus  ti- 
tulaires et  inamovibles,  au  lieu  qu'ils  ne  l'a- 
vaient pas  été  aup:iravant.  Mais  la  préven- 
tion des  prnie-tanis  contre  le  gouvermiuent 
hiéiai chique  leur  l'ail  conloudre  toutes  les 
époques  ,  el  embrouiller  lous  les  faits  de 
ï histoire  ecclésiastiiiue. 

Il  est  bon  (le  se  souvenir  que  les  chorévé- 
ques  ne  sont  pas  la  même  chose  que  les  co- 
cvéques  ou  siilïraganls.  Voi/.    Cokvêque. 

CHRÊME,  terme  formé  dii  ^p^aiJLv..  on cCion, 
est  une  composition  d'huile  d'olives  et  de 
baume  ,  consacrée  par  l'évêque  ,  le  jeudi 
saint,  de  l-iquelle  on  se  sert  dans  l'adminis- 
iralioii  du  b;iplème,  de  la  confirmation  el  de 
l'ordre,  i'our  rextréme-onclion  ,  on  se  sert 
d'Iiuile  seule,  beniie  aussi  par  l'évêque  pour 
cet  effet.  Les  Grecs  nonmenl  le  saint-chrê- 
me, mijron,  onguent,  parliim. 

Les  maronites,  avant  leur  réunion  à  l'E- 
glise romaine,  employaient  dans  la  composi- 
tion de  leur  chrême,  l'huile,  le  bauiui-  ,  le 
musc,  le  safran,  la  cannelle,  les  roses  ,  l'en- 
cens blanc  et  d'autres  drogues.  Le  P.  Dati- 
dini,  jésuite,  envoyé  au  mont  Liban  en  qua- 
lité de  nonce  du  pape  ,  en  155(5 ,  ordonna  , 
dans  un  synode  ,  que  le  saint-chrême  ne  fût 
à  l'avenir  composé  que  d'huile  el  de  baume. 

Co  lime  l'onction  du  saint  chrême  est  cen- 
sée faire  p.irtie  de  la  malière  du  sacrement 
de  confirmation  ,  l'événue  seul  a  le  pouvoir 
de  la  faire  ,  aussi  bien  que  celle  dont  on  sa 
s<'rt  dans  lord. nation  ;  mais  c'est  le  prêtre 
ijui  la  lait  dans  le  b.ip'.éme  et  dans  l'extrème- 
onclion.  —  Autrefois  les  évéques  exigeaient 
du  clergé,  pour  la  confection  du  saint-chrê- 
me une  contribution  qu'ils  appelaient  denarii 
chrismales  ;  à  présent  c)n  tire  seulement  une 
légère  rétribution  des  fabriques,  en  leur  dis- 
tribuant les  saintes  huiles  dans  la  plupart 
des  diocèses.  Voij.  l'Ancien  S(icr.,tncnlaire  , 
par  Grandcolas  ,  seconde  partie,  p.  103.  — 
La  bénédiction  ou  consécration  du  c/(r^/ne  , 
qui  sert  de  malière  à  plusieurs  sacrements, 
est  un  témoignage  de  lu  (foyance  de  l'Egli- 
se, el  des  elïels  qu'elle  attriliuc  à  ces  augus- 
tes cérémonies  ;  on  le  voit  par  le  Ponliiical 
romain,  où  se  trouve  la  formule  dont  l'évê- 
que se  sert.  Les  protestants  n'ont  pas  man- 
qué de  loiirner  en  ridicule  cet  usage,  et  de 
le  traiter  île  supersii.ion  ;  il  est  cepen  tant 
très-ancien,  puisqu'il  a  élé  conservé  par  les 
sectes  de  chrétiens  orientaux  qui  se  sont  sé- 
|)aiés  de  l'Eglise  romaine  drpuis  plus  de 
douze  cents  ans.  Il, n'y  a  pas  plus  de  supers- 
tition dans  ci'tte  cérémonie,  que  dans  l'action 
de  .lésus-Christ,  qui  se  servit  de  boue  et  de 
crachat  pourr«ndre  la  vue  à  un  aveugle-aé 


851  CHR 

{Joan.  IX  ,  6  ).  —  La  Croze  ,  d;ins  son  His- 
toire du  christiart'sme  â  s  Indes,  tome  I", 
p.  SOS  ,  prélenJ  qui'  les  Ai  menions  rep;;ir- 
upiil  la  bénéfliclion  du  nnjon  ou  du  snint- 
clircme  .  coiiimc  un  sacronicnl  ,  el  qu'ils  al- 
tribupnl  à  celle  aclion  l.i  même  vertu  qu'à 
la  consérrallon  de  Teucharislie.  Il  cile  en 
preuve  une  homélie  de  Gréijolre  de  '■aréka, 
docteur  de  l'Hiiii-e  aruicnieiine  ,  qui  a  vécu 
au  X'  siècle,  et  un  pa-sitfe  de  Vardanès,  au- 
lne doiteur  ariiiéiiirn  ,  du  xni',  où  il  dit  : 
«  Nous  vo\ons  des  yeux,  du  corps,  dans  l'eu- 
charis'ie,  du  p.iin  et  du  \  in  ,  et  par  les  yeux 
de  la  foi  ou  de  reuiendeincpt,  nous  y  conie- 
M)MS  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ  :  de 
même  que  dans  Ii-  iitijrmi  nous  ne  voyons 
que  de  l'huil;  ;  mais  par  la  foi  nous  y  aper- 
cevons l'F.sprii  di-  Dieu.  »  Donc,  dit  La  Cro- 
ze, tous  li  s  ArménicMis  ad:iiellent  un  sacre- 
ment iiicDiiuu  dan^  l'Eglise  ronaine,  ou, 
selon  leur  opinion,  il  n^'  se  fait  pas  plus  de 
(ranssulist;:ii(iation  dans  l'euclririslie  par  la 
consécration,  que  dans  ie  myron  par  la  bé- 
nédiction. —  Voilà  san;  doute  un  fort  argu- 
ment ;  m  lis  est-ce  de  deux  docteurs  (rès- 
nii  derncs,  et  qui  ne  paraissent  pas  fort  ha- 
biles Ibeologiens  ,  que  nous  devons  appren- 
dre quelle  est  la  croyance  de  l'Rglise  armé- 
nienne ?  Les  livres  liturgiques  de  celte 
Eglise,  et  les  professions  de  foi  de  ses  évê- 
ques  ,  nous  paraissent  des  preuves  plus  so- 
lides de  sa  doctrine  ,  que  les  écrits  de  deux 
particuliers  ;  on  peut  voir  ces  preuves  dans 
le  premier  et  le  troisième  lunie  <le  la  Perpé- 
tuité delà  Foi,  et  dans  le  1'.  Lebrun,  touie  V. 
Tout  ce  qui  s'ensuit  ilu  passage  de  \';irdanès, 
est  que  la  coo;paraison  qu'il  l'ail  entre  l'eu- 
ciiari^lic  et  le  ?»î// o«  n'est  pas  fort  exacte; 
elle  signilii'  seuieuieiil  que  par  l'onclion  du 
saiiit-c/'>('/He  nous  recelons  la  grâce  du 
Sainl-i!.s|)ril  ;;ussi  réellement  que  nous  rece- 
lons le  cor;s  cl  le  sang  de  Jésus-Chrisl  par 
l'eu-,  harislie,  et  tclie  est  aussi  la  doctrine  de 
rKglise  louiaine.  11  n'est  pas  plus  besoin 
pnur  cela  d'une  Iranssulislanliation  dans  ic 
sainl-c/tf'^nte  ,  que  dans  l'eau  du  baptême 
pour  elîacer  le  péché  originel.  Ce  n'est  jKiint 
sur  l'ciTclque  produit  reucharislie  (|ue  nous 
fondons  le  do^^me  de  la  transsubstantiation, 
uiais  sur  les  paroles  de  Jc^us-Cbrisi.  —  Au 
n  sie,  celle  remarque  de  La  Crozc  n'est  pas 
la  seule  dans  l.n|U(  lie  il  a  montré  lorl  peu 
de  justesse    et   de  sagac.té.   V oy.  AlisiÉMENS. 

CHKÉMEAU,  boUi.el  ou  béguin  de  loile 
blauelie  que  l'on  met  sur  !a  tête  des  enfants 
après  le  baptême,  pour  tenir  lieu  de  la  robe 
blancii<>,  symbole  de  l'iuiiocenee,  donl  ou 
révélait  autrefois  I<s  caiécliuuiènes,  après 
les  avoir  liaplisés.  Cette  roiie  blanche  était 
un  témoignage  des  eflets  que  l'on  attribuait 
au  bapléiue.  ^^i  l'on  avait  pensé,  comaie  les 
pruleslanls,  i|necc  sacrement  n'a  poiul  d'au- 
tre verlu  (jue  d'evciter  la  i  li,  on  n'y  aurait 
pas  ajoute  uu  symbole  de  ta  pureté  de  l'û- 
U)e  qu'avait  reçue  le  b  i,  tisé. 

(•lliUi'JTli'.N,  eu  ]  ai  tant  des  (lersonnes,  si- 
guilie  un  homme  qui  est  baptise,  et  fait 
prwiession  ue  suivre  la  doctrine  de  .lésus- 
Clirisl;  eu  pariaul  des  choses,  il   signilio  ce 


CHR 


«52 


qu!  est  conforme  à  celle  doctrine  :  ainsi  l'on 
dit,  un  dscours  chrétien,  une  vie  chrétien- 
ne, etc. 

Ce  fui  dans  la  ville  d'Antioche,  vers  l'an 
'îî.que  les  disciples  (\e  Jésos-Cbrisl  fiireul 
nommés  chrétiens.  On  les  nommait  encore 
élus,  frères,  saints,  croi/ants,  fidèles,  naza- 
réens ou  purifiés,  jes.^éms,  iyJ)J:,  mot  formé 
des  lettres  iiiiiiales  des  tiir^s  de  Jésus- 
Christ,  Inuo'jç,  Xp-criôç  ,  BsoO  Vtoj  ,  ^wT),a,  Jé- 
sus, Christ,  Fils  de  Dieu,  Sauveur  ;  (/nosti- 
qtics.  iiilellir>eiils  ou  illuminés,  théophores, 
cl  chrislnphores,  temples  de  Dieu  et  de  Jé- 
sus-Cbiisi,  quelquefois  même  christs,  con- 
sacrés à  Dieu  par  une  onction  sainte.  11 
n'csl  pas  sûr  (lue  l'hilon  les  ail  désignés  sous 
le  nom  de  TuÉUAPEin.'s.  Vi'y.  ce  terme.  — 
Les  p:i'iens,  par  haine,  les  chargèrent  de 
n  );ns  injurieux  ;  iN  les  nomuièrenl  im- 
posteurs, magiciens,  juifs,  galiléens,  sophis- 
tes ,  athées  ,  pnraholnires  ou  parnbolins  , 
c'est-à-dire,  désespérés,  à  cause  du  courage 
avec  lequel  les  c/ir(fn'erts  bravaient  la  mort  ; 
biothamiii.  gens  (jui  vivent  pour  mourir; 
sarmenlitii,  houiuies  qui  sentent  le  fag  il  ; 
seiniassi,  dévoués  au  gibel,  elc.  Les  béréii- 
ques  firent  de  mèuie,  eu  nommant  les  catho- 
liques, simplfi:,  ailéiiorisles,  anthrupoldlre» 
ou  adorateurs  d'un  lioimiie,  elc. 

Aujourd'hui  ies  imiédules  veulent  se  pré- 
valoir de  celle  prévention  des  païens  :  ils 
piéleudent  la  coulirmer  par  des  calomnies. 
Ils  disent  que  les  premiers  qui  ont  cru  eu 
Jésus-Christ  élnienl  la  lie  du  peuple,  ce  qu'il 
y  avait  <le  plus  vil  chez  les  Juifs  et  chez  les 
la'ieus,  par  conséquent,  des  ignorants  et  des 
fanatiques;  (|uc  la  plupart  ont  été  mis  à 
morl  pour  leurs  crimes  ot  leur  caractère  sé- 
ditieux, et  non  pour  leur  religioti;  que 
quand  ils  sont  devenus  les  mailres,  ils  ont 
usé  de  représailles  envers  les  pa'iens  et  leur 
oui  rendu  avec  usuie  les  cruautés  qu'ils  eu 
avaient  essujées.  Il  est  important  de  réfuter 
ces  trois  aci  usalions.  —  Avant  de  luouver 
le  conlraire,  observons  d'abord  que  le  pro- 
dige de  l'élablissement  du  cbrislianisme  ue 
serait  pas  moins  grand ,  (luand  mé.'.ie  il 
n'auraii  clé  embrassé  d'abord  que  par  le 
peuple  :  les  ignorants  et  les  pauvres  sont 
plus  portés  à  la  superstition  que  les  luiiii- 
uies  instruits  et  d'une  condition  honnête;  les 
premiers  par  conseiiuent  ont  dû  être  plus 
attachés  au  paganisme  que  les  seconds,  et 
|dus  difficiles  à  convertir.  —  Nos  adversaires 
d'ailL'urs  ont  soin  de  se  réfuter  eux-mêmes. 
Ils  disent  qu'un  des  attraits  qui  oui  le  plus 
cunlnbué  à  la  propagation  de  l'Evangile 
sont  les  auiuônes  aiionilauies  des  premiers 
chrétiens;  mais  si  lou^  avaient  été  de  la  lie  du 
peuph',  où  auraient-ils  lrou\é  de  (|uoi  faire 
i'auinôiie  ? 

■Venons  aux  preuves  pusitives  de  la  faus- 
seté de  loirs  reproches.  —  1"  Dans  la  Judée, 
sainl  Jean-I!aptiste,  Nicodème,  Jo  eph  d'Ari- 
niaihie,  Lazare,  Zachée,  le  prince  de  Ca- 
pharnauni  dont  Jésus-Chrisl  guérit  le  fils, 
Jaïre,  dont  il  ns^useiia  la  fillo.  crurent  en 
lui  avec  leur  famille.  Ce  n'claieiil  puiiil  là  des 
hommes  de  la    lie  du  peuple  ni   des  igiiu- 


833 


r.HR 


rants.  Après  la  résurrection  de  Lazare , 
plusieurs  des  princi|);iux  Jtiif<  firpiit  de  nié- 
mo  IJoan.  XI,  k'r>  ;  XV,  ki).  Après  ii  descente 
du  S.iint-Espiit,  sailli  Paul  et  GanialicI  son 
maître,  un  g;rand  iioinlirc  de  prèlrt-s  et  di-  pha- 
risiens, et, lient  au  nonil)re  des  fidèles  (Icf. 
IV,  34,  39;  VII,  7  ;  \v,  3).  (le  sont  autant  de 
témoins  oculaires  de  ce  qui  s'était  passé  à 
Jérusalem.  Dira-t-nn  qu'ils  étaient  la  plus 
vile  panie  du  i  euple  ?  —  Le  centurion  (lor- 
Deille,  l'eunuque  de  la  reine  Candace,  Ser- 
gius-Paulus,  proconsul  de  Chypre,  les  prin- 
cipaux Juifs  de  Bérée,  Denis  d'Athènes,  Ois- 
pus,  chef  de  la  syn.ijioiiue  do  Cminihe, 
Apollo,  Céphas  ,  Tiinolliée,  Tite,  disciples 
de  saint  Paul,  n'étaient  ni  des  hommes  do  la 
lie  du  peuple,  ni  des  ignorants;  les  princi- 
paux do  l'Asie  étaient  ses  amis  {Acl.  xix,  19, 
21),  31).  Hermas,  saint  Clément,  saint  Igna- 
ce, saint  Poljcarpe,  ceux  auxquels  les  a|iô- 
Ires  ont  écrit,  élaioHt  certainement  des 
hommes  lettrés.  A  Koine,  saint  Paul  eut  des 
prosélytes,  non-seulement  parmi  les  princi- 
paux Juifs,  (nais  dans  le  palais  des  empereurs. 
Selon  les  auteurs  profanes  ,  riavius-(^,lé- 
nient,  parei  l  de  Domilien,  Uomililla,  soeurde 
cet  eniperiur.le  consul  AcilisGlahrio,  Po.-n- 
poiiia  (iia>cina,  et  d'autres  personnes  du  pre- 
mier rang,  avaient  renoncé  au  paganisme. 
La  p'upart  des  leçons  que  saint  Paul  fait 
aux  fidèles  dans  ses  lellrcs,  v.c  peuvent  être 
applicables  qu'à  d  s  hommes  d'une  condilion 
relevée,  cl  insirui's  dans  les  sciences  hu- 
maines. —  Dans  le  i."  siècle,  (Jualratus, 
Méliton,  Hégésippe,  Athénagore,  saint  Jus- 
lin,  Talien,  llermias,  Théophile  d'Aniioche, 
Apollinaire  d'Iliera|)les,  Denis  de  Corinlhe, 
Polycrale  d'Kphèse,  Pan'œnus,  siint  Iréiiée, 
Cléii:enl  d'.Viexandrie,  eti-.,  ont  fait  honneur 
au  christianisme  par  leurs  ouvrages  aussi 
bien  que  pa'"  leurs  \crtus.  Les  Pères  de  l'E- 
glise du  IH'  et  (iu  !V'  sièilc  ont  été  les  plus 
savants  écrivains  de  leur  temps.  —  •!"  A 
l'article  Maut. us,  nous  prouverons  que  les 
chrétiens  ont  été  mis  à  mort  pour  leur  reli- 
gion seule,  et  non  pour  aucun  crime  ni  au- 
cun acte  de  sédition  ;  mais  nous  pouvons 
nous  borner  d'avance  au  témoignage  de 
ceux  mêmes  qui  ont  affecté  de  les  mépriser. 
Tacite  ne  leur  reproche  point  d'autre  crime 
que  leur  superstition,  et  d'être  haïs  du  gen- 
re humain  (Annal.,  I.  xv,  n°6).  Pline,  après 
les  per(iuisi(ioiis  les  plus  sévères,  atteste 
qu'il  n'a  d.-couvert  en  i  us  qu'une  supi'rsti- 
lioD  grossière  et  opiniâtre,  lib.  x,  cpisl.  97. 
L'empereur  Antonin,  dans  son  rescritaux 
états  de  l'Asie,  rend  justice  à  l'innocence  de 
leurs  mœurs  (Saint  Justin,  Apol.  i,  n.  09  et 
70).  Julien,  acliariie  à  les  calomnier,  est 
forcé  de  faire  l'éloge  de  leur  charilé,  et  de 
leur  aitrihiier  au  moins  l'apparenci-  de  tou- 
tes les  vertus  [Lettre  49  à  Arsace).  Celse, 
après  leur  avoir  reproché  leur  incrédulité, 
leur  aversion  pour  la  paganisme,  leur  fu- 
reur de  courir  à  la  mort,  leur  zèle  à  faire 
des  prosélytes,  convient  qu'il  y  a  parmi  eux 
des  hommes  graves,  intelligents  et  instruits 
(Ori^.,  contre  (Jelse,  1.  i.  n.  27,  etc).  De  pa- 
reils aveux,  faits  par  des  ennemis  déclares, 


CllR  Rai 

nous  paraissent  une  assez  bonne  apologie 
contre  les  calomnies  des  incrédules.  — 
.3"  Pour  pouvoir  accuser  les  chrétiens  de 
vengeance  et  de  cruauté  envers  les  païens, 
les  incrédules  ont  eu  recours  à  des  expédients 
singuliers.  Ils  leur  attribuent  les  cruautés 
de  LIcinius  leurperséculeur.  On  sait  que  c'est 
ce  monstre  (jui  fil  jeler  dans  l'Oronte  la 
femme  de  Maximin  son  ennemi,  fil  massa- 
crer ses  enfants,  fil  égorger  dans  l'Egypte 
et  dans  la  Palestine  les  magistrats  qui 
avaient  suivi  le  parti  de  Maximin;  c'e«l  lui 
(jui  fit  mourir  le  césar  Valérius  oa  Valciis 
qu'il  av.'il  créé  lui-même,  et  le  jeune  Cau- 
didien,  fils  adoptil'  de  .M.iximien  Galère,  elc.  : 
et  l'on  ose  cliirger  les  cliréiiens  de  ces  cri- 
mes, affirmer  qu  ils  en  sont  les  auteurs.  Par 
un  Irait  de  la  même  équité,  l'on  a  répété 
vingt  foi^  que  Constantin  fit  triompher  le 
cliristiaiiisme  par  des  édits  sanglants,  par 
des  violences  et  des  cruautés  inouïes  exer- 
cées conlre  les  païens.  Il  est  cependant  in- 
clûtes.able  que  les  premiers  édils  de  Cons- 
tantin accordaient  seulemeiU  la  tolérance 
aux  chrétiens,  que  les  suivants  établirent  des 
peines  conlre  les  crimes  des  païens,  et  nrn 
contre  leur  religion,  que  la  plupart  de  ces 
édits  ne  lurent  pas  exécutés.  Ou  ne  |;eul  pas 
citer  l'exemple  d'un  seul  païen  mis  à  mort 
pour  avoir  persé\éré  dans  le  paganisme. 
Voy.  iVém.  des  Insciipt.,  lome  XXll  in- 12, 
p.  330  ;  tome  XV  i/i-.'i.°,  p.  94. 

Eiitin,  nos  adversaires  ont  trouvé  bon  d'at- 
tribuer aux  chrétiens  les  violences  et  les  fu- 
reurs que  les  ariens  exercèrent  conlre  les 
calholiques  sous  les  règnes  de  Gonslaiic-,  de 
Julien,  de  Valens,  qui  favor  screut  l'aria- 
nisme  ;  comme  si  celte  hérésie  n'avait  p.is 
éléun  vérilible  antirhrisli  inism".  De  pareil- 
les impostures  ne  feront  jiim.iis  lii)nne;!r  à 
ceux  qui  y  auront  recours. — Nos  aniiens 
apologistes,  saint  Justin,  Origène,  Tertul- 
lien,  s;iinl  Cyrille,  ont  défié  les  païens  de  re- 
pro"  lier  ans  chrétiens  un  seul  icle  de  sédi- 
tion ou  de  révolte,  un  seul  crime  avéré;  et 
cela  dans  un  temps  ou  l'empire,  déchiré  par 
des  guerres  civiles,  dévasté  par  des  usurpa- 
teurs, dési'lé  par  des  tyrans,  no  présen'ait 
qu'un  tableau  de  forfaits.  Uii  troupeau  de 
fanatiques  imbéi  iles.  d'ignorants  .ibnsés  par 
des  imposteurs,  d'h.immes  sans  aveu  et  sans 
mœurs,  a-t-il  pu  se  trouver  tout  à  coup 
doué  de  toutes  les  vertus'  Voilà  l'argument 
auquel  nos  anciens  ennemis  n'ont  pu  ré- 
pondre, et  que  les  calomniateurs  modernes 
ne  détruiront  jamais. 

^ous  convenons  que  les  Juifs  et  les  païens 
se  sont  souvent  réunis  pour  accuser  les  chré- 
tiens des  plus  grands  crimes.  On  publia  (jue 
dans  leurs  assemblées  ils  égorgaienl  un  en- 
fant, le  mangeaient,  sesouillaieul  pardes  im- 
pudicités  abominables;  le  peuple  en  était 
persuadé.  On  les  accusait  d'être  magiciens, 
parce  qu'il  se  faisait  parmi  eux  des  mira- 
cles ;  on  leur  allribuait  les  fléaux  de  la  na- 
ture cl  les  désastres  de  l'empire:  nos  an- 
ciens apologistes  furent  ob.igés  de  répon- 
dre sérieusemenl  à  tous  ces  reproc'ies  diclés 
par  les  fureurs  du  (anavisme.  —  Mais  ï^acite. 


SnS  CHR 

j'iino,  Aiilonin,  Celse,  Liirien,  Jnlipn,  Li- 
baiiiiis,  n'.mt  rien  trouvé  <le  semhl.ilile,  et 
n"eii  ont  rien  cru.  Pline  .iv.iil  fail  meltre  <i  la 
îorlure  phisinirs  rlir(  liens  pour  savoir  ia  vé- 
rité, et  il  li's  ji'gea  exrmpls  de  cri.ne  ;  ceux 
mêmes  qui  .iv.iicnt  aposlasié,  protesicreiit 
qu'ils  n'avaieni  ri{Mi  vu  que  d'innocent  dans 
la  religion   dire  tienne. 

On  prélend  que  les  chrétiens  etcilcrent  la 
haine  d.'s  maj^istrats  et  du  p;ouvernemenl, 
parce  qn'i's  voulnicul  se  rendre  iiidépen- 
danls  de  l'anlorité  civile,  que  telle  était 
i';imbition  de  1.  urs  pasteurs,  ty  pendant  il 
n'o«l  parlé  de  celle  inibilion  |)rélenilue,  ni 
lîans  1rs  mis  n*-  (lue  donne  Tari  e  de  la  per- 
sérulion  de  Néron,  ni  dans  l.i  lettre  de  IMine, 
i)i  dans  la  réponse  de  Trajan,  ni  dans  les 
édiîs  des  empereurs,  ni  d.ins  les  inlerr.>|j;;i- 
toires  des  maityrs,  ni  dans  les  plaintes  de 
nos  apolojîisles.  Teriuilien  défiait  les  niigis- 
Irals  de  citer  un  seul  trait  d'indépendance, 
de  révolte,  de  désobéissance  de  la  part  des 
tliriUiena  ;  ils  ne  \iolaienl  qu'une  seule  loi, 
celle  qui  ordonnait  d'adorer  les  dieux  de 
l'empire. 

La  plupart  de  nos  adversaires  jugent  que 
la  morale  de  l'iîvangiie,  lo:n  de  favoriser 
l'indépendance,  est  au  contraire  irop  favo- 
rable aux  piinces  et  aux  cliefs  des  nations; 
<  lie  commande  l'obéissance  passive,  elle  lend 
à  reiiilre  lc^  peuples  esclaves.  Selon  eux, 
c'est  un  des  mulifs  qui  portèrent  Constaniin 
à  favoriser  le  ciiristi  inismo  ;  il  jugea  que  les 
priucipt-s  de  celle  religion  étaient  les  plus 
l'onvenables  à  snn  .iUlonté  di  spotique.  11 
était  donc  bien  convaincu  que  les  rltietiens 
ne  voulaient  ni  se  rendrez  indé|,endanls  de 
l'aiitorlié  civile,  ni  allribiier  à  leurs  p.ih.teurs 
une  juridiction  cotitiaire  à  celle  liu  souve- 
rain. Les  môuies  iicciisalcurs  ont  écrit  plus 
d'uue  fois  qui;  c'e*l  Cousianlin  lui-même 
qui  accorda  aux  évêques  un  pouvoir  exces- 
sif et  une  partie  de  l'.iuiorilé  des  m;igi  trais, 
que  c'est  lui  qifi  a  excité  et  nourri  l'ambi- 
tion du  c'erge.  11  est  donc  bien  certain  qu'a- 
vant Celle  Ciioque  les  pas;eurs  '.e  rii;;lise 
ii'avaient  pensé  ni  à  se  rend;e  indépcndauls. 
ni  à  s'emparer  de  l'autorité  ci>ile. 

C'est  ain'i  que  nos  adversaires  se  réfutent 
eiix-mémcs,  et  font,  sa:is  le  v  ;uloir,  l'apolo- 
■*ie  de  notre  religion,  —  Si  l'on  veut  savoir 
quels  ont  été  les  chrétiens  dans  les  dilTércnls 
«ièc'es.  ilf;ini  cunsniler  l'ouvr.igc  deSI.  Flen- 
ry,  iniiliilc  Mœurs  de.i  clirétirns  ;  il  n'avance 
rii'ii  que  sur  d  •  bonnes  preuves,  et  il  déve- 
loppe avec  b"aucoiip  de  sagacité  les  causes 
qui  oui  influé  sur  les  mœurs  l'es  peuples  de 
l'Kurope,  dcpn  s  ijtrils  sont  devenus  chré- 
iifi  s.  Cepeniiai'l  il  f.iut  se  souvenir  que  les 
exemples  cilés  par  M.  Fleury  ne  sont  pas 
toujours  une  rè;:le  générale  ;  dans  les  siè- 
idcs  les  plus  purs ,  il  n'a  pas  laissé  d'y 
avoir  des  chrétiens  irès-virieix,  et  dans  les 
'igos  le.i  plus  corronjpns,  on  a  loujours  vu 
des  exeuiples  de  vertu  héroïque.  Aiijour- 
'l'Iiui  moine,  malgiéia  pervorsi  é  ilu  grand 
iioinbrc,  il  n'est  pas  lare  de  trouver  des 
âmes    vraiment    chrétiennes  ,    et    dont    les 


CHR 


856 


mœurs  sont  dignes  des  plus  beaux  si'ècles 
de  l'Eglise. 

On  jugerait  fort  mal  du  caraclère  et  de  la 
conduite  des  chrétiens  en  général  ,  si  l'on 
s'en  rapportait  au  tableau  qu'en  a  l'ait  Mos- 
licim  dans  les  différents  siècles  de  sou  His- 
toire erriésidsiiqiie  :  il  semble  n'en  avoir 
parlé  que  pour  faire  oublier  le  changement 
que  le  cbrisliaiiismc  a  opéré  dans  les  mœurs 
des  peufiles  qui  l'ont  embrassé,  efl'et  <jni  est 
l'une  des  preuves  les  plus  sensibles  de  la  di- 
vinité de  noire  religion,  et  sur  laquelle  tous 
nos  apologistes  ont  insisié.  Sons  e  i*^'  siècle 
même,  ir  pari.,  c.  3.  §  9,  il  dii  qu'on  ne 
doit  pas  juger  de  la  vie  et  des  mœuisdu  corps 
d<'S  (idèles  par  les  exemples  éminents  de 
sainleié  (]ue  quelques-uns  ont  ilo.inés,  ou 
par  les  préceptes  sublimes  et  les  exhorta- 
tions de  certains  docieurs  pieux,  ni  s'imagi- 
ner que  l'on  bannissait  jusqu'aux  apparen- 
ces du  vice  et  ilu  désordre  dans  les  premiè- 
res soc  étés  chrétiennes  ;  (|ue  le  contraire 
est  prouvé  par  des  téu)oignages.  Mais  il  n'en 
a  cité  aucun.  —  Le  meilleur  témoignage  que 
nous  aj'ons  de  la  pureté  des  mœurs  d's  chré- 
tiens du  premier  siècle  est  sans  doute  celui 
de  saint  l'anl  :  or,  après  avoir  censuré  les 
vices  qui  régnaient  parmi  les  pa'i'ens,  l'iilo- 
làtrie,  la  fornication,  l'adultère,  les  péci.és 
contre  nature,  l'avarice,  l'inlempérance,  les 
einpoilements  ,  la  rapacité,  il  dit:  Quel- 
ques-uns d'entre  vous  ont  été  coupnb'es,  mais 
vous  êies  lavés,  purifiés,  sanctifiés  au  nom  de 
Ji sus-Christ  et  par  r Esprit  dr  Die  i  (1  Cor. 
VI,  9).  La  rigueur  avec  lanuclle  il  menace 
de  traiter  un  incestueux  nous  paraît  pruu- 
ver  qu!'  l'on  ne  souffrait  aucun  vice  ni  aucun 
désordre  dans  les  premières  sociélés  chrétien- 
nes. Si  l'on  ajoute  à  ce  témoignage  ce  que 
disent  saint  Clément  et  saint  Ignace  dans 
leurs  lettres  louchant  les  mœurs  >ies  fidè  es, 
la  preuve  de  leur  innocence  nous  semble 
ce  1  plète. 

Sous  le  II''  siècle,  il  dit  qu'à  mesure  (jue 
les  bornes  de  l'iiglise  s'étendirent,  le  nombre 
des  personnes  vicieuses  et  déréglées  qui  y 
entrèrent  augmenla  à  proportion;  nous  pen- 
sons que  celui  des  personnes  verlucuses 
s'accrut  encore  davan  âge,  ci  à  plus  forte 
raison.  Quel  molil' auraient  pu  avoir  des  hom- 
mes vicieux  d'embiasser  le  christianisme, 
dans  le  temps  qu'il  élait  persécuté  et  u.ii- 
versellemeiit  ilélesié,  cl  (pie  ses  sectateurs 
étaient  couliimellement  exposés  au  sup|dice? 
Nous  avons  pour  garants  de  la  sainteté  des 
mœurs  des  chrétiens  de  ce  siècle  ,  non- 
se^ilement  saint  Jusiiu  ,  Alh''nagore,  saint 
Irénéc,  saint  Tliéo[dii.e  d'Antioc'.ie,  t\ui  ont 
délié  les  païens  de  reprocher  aucun  crin;e 
aux  (idèles;  mais  la  lettre  de  IMiio  à  Tra- 
jan, le  léu)oignage  des  apostats  (|u°il  avait 
interrogés,  ci  lui  de  l'empereur  Antoniu  dans 
son  rescrit  aux  élals  de  l'Asie,  et  celui  do 
Lucien  dans  sa  relation  de  la  mort  de  Perc- 
grin. 

(iomnie  c'est  par  la  discipline  péniteniiclle 
que  les  pasteurs  de  l'Kglise  y  entretenaient 
la  pureté  des  mœurs,  Moslieim  a  jugé  qu'il 
élait  de   son   intérêt  d'en  noircir  l'origine. 


8?.7                                     CHR  CIIR                                     858 

Selon  lui,  cette  institution  fort  simple  dnns  et  dos  autres  vices  ?  Presque  tous  avaient 
li's  couiinenrcmeiils,  s';illéra  insensibliMncnt  clé  élevés  dans  les  auslérilcs  de  la  vie  ino- 
par  la  mul.iludii  des  céioinoiiies  (]ii('  l'on  y  nastinue  ,  et  l'admiration  de  leurs  vertus  a 
ajoiila.  el  que  l'on  cinpruuta,  dil-il,  de  la  porté  les  peuples  à  leur  rendre  un  culte 
discipline  reçue  dans  les  niyslères  du  paga-  reli[{ieux  après  lour  mort.  Mais  quand  on 
nisnie.  Mais  les  rèjjles,  1rs  pratiques,  les  comnieiice  par  se  faire  une  fausse  idée  de 
exemples  de  la  péniience  n'élaieiit-ils  pas  la  vraie  piété  et  de  la  solide  vertu,  il  n'est 
assez  clairement  exposés  dans  les  écrits  des  pas  étonnanl  qu'on  la  méconnaisse  dans 
prophètes  el  des  apôlres,  sans  qu'il  fallût  en  ceux  mêmes  qui  en  ont  été  les  plus  parfaits 
chercher  le  modèle  chez  les  païens?  Peui-on  modèles,  (^eux  dont  nous  i)arlons  n'ont  pas 
montrer,  par  des  preuves  posilives,  que  l'on  pu  soulTrir  les  liciétiques,  ils  ont  tonné  et 
pratiquait  dans  les  mystères  du  paf;anisnie  sévi  contre  eux  :  voilà,  aux  yeux  d'un  pro- 
ies mêmes  choses  qm.^  dans  la  pénitence,  testant ,  le  crime  qui  efface  el  détruit  toutes 
soit  publique,  soit  particulière,  des  fidèles  les  vérins.  Saint  Ambroise  d^'fendil  l'entrée 
du  11'  siècle?  Moslieim  en  voulait  surtout  à  de  l'éulise  à  i  lièodose  lui-même,  coupable 
la  confession  :  or,  elle  est  prescrit(!  par  saint  du  massacre  de  Thessalnnique  ;  cela  nous 
.Tac(iues,  cliap.  v,  v.  Ki,  et  par  saint  Jean  paraît  prouver  que  la  pénitence  n'et.iit  pas 
(/ Joan.  1, 1)}.  C'est  ainsi  que,  par  enlèlement  réservée  aux  seules  personnes  obscures  et 
di;  seele,  les  proteslanis  caliiiMiienl  l'Kplise  iniligenles.  Laclance,  Kusèbe,  Arnobe,  dipo- 
primitive.  Il  reste  a  examiner,  dil  Moslieim,  sent  de  la  dilTérencc  qu'il  y  avait  encore 
s'il  convenait  ou  non  d'emprunter  des  ennc-  entre  les  moeurs  des  chrétiens  et  celles  des 
mis  de  la  vérité  les  règles  de  celle  discipline  païens  :  Julien  lui-même,  quoique  apostat, 
salutaire,  el  de  sanclilier  en  quelque  sorle  fut  forcé  d'en  convenir, 
une  pai  lie  des  supcrstiiions  païennes.  Mais  La  liste  des  grands  êvêques  du  V  siècle 
le  premier  examen  à  faire  est  de  savoir  si  est  pour  le  moins  ;iussi  nombreuse  qu'au  iv. 
les  pasteurs  de  l'Eglise  ont  véritablement  Nous  nous  bornons  à  nommer  saint  Epiplia- 
couimis  celte  faute,  et  c'est  ce  que  l'on  ne  ne,  saint  .!ean  Chrysostome,  saint  Sulpicc- 
prouvera  jamais. —  Le  |>rincipal  crime  que  S  vère,  saint  Augustin,  saint  Paulin,  sainl 
Moslieim  reproche  aux  cliréliens  du  iv  siècle,  Isidore  de  Damietle,  sainl  Cyrille  d'Alexan- 
ce  sont  les //vdif/i*  pi'pMAe.'i:  à  Cet  article,  nous  drie,  saint  Hilaire  d'Arles,  saint  Ljon,  et 
verrons  ce  qu'il  en  est.  saint  Jérôme,  simple  préire.  C'est  cependant 

11  n'a  lien  dit  de  paiticulier  sur  les  mœurs  à  celte  époque  que,  selon  Mosheim,  les  vices 

de  l'E^ilise  du  iir  siècle;    il   a   senti  (|ue  les  du  clergé  furent  portés  à  leur  comble:   ca- 

ouvraj;es  de  Minulius  Félix  ,    de   saint   Clé-  lomnie  que  nous  réfuterons  au  mol  Clergé. 

inenl  d'Alexamlrie,  de  Terlullien,  d'Origène,  Le  livre  de  saint  Augustin,  de  Moribus  Ec- 

et  les  exemples  de  fermeté  <ine  donnèrent  clesiœ  calholicœ,  dépose   haulement  contre 

saint  Cyprien  el  d'.iu'res  èvêques,   dépose-  les  préveniions  des  hérétiques  et  des  incré- 

r, lient  contre  lui.    Il  a  été  forc^'  de  convenir  diiles. —  Nous  convenons  (jue  l'irruplion  des 

que  la  vigueur  di;  la  discipline  pénitenlielle  barbares,  qui  arriva  pendant  ce  siècle,  causa 

se  conserva  pendant  toute  la  durée  de  ce  siè-  une  révolution  fâcheuse  dans  les   mœurs; 

cle;  mais  il  a  exagéré  sans  raison  le  nombre  m  lis  elle  ne  fut  sensible  que  dans  les  siècles 

des  lapses  ou  de  ceux  qui  succombèrent  à  la  suivants.  Voij.  Barbaues. 

rigueur  des  persécuiions.  Vay.  Lapses.  Que  prouve  la  censure  des  vices  que  les 

Au  iv%  il  n'a  pas  ménagé  les  tei mes  :  on  y  Pères  et  les  moralistes  ont   faite  dans  tous 

trouve,   ilit-i! ,   qurliiues    per-onnes    dislin-  les  siècles?  Que  notre  religion  nous  enseigne 

guées  par  leur  |iictè,  et  (i'autres  souillées  de  une  morale  beaucoup  plus  sévère  que  celle 

crimes.  Le  nombre  de  cliréliens  vicieux,  coui-  des  païens,  qu'elle  nous  prescrit  des  vertus 

mei'.ça  si  fort  à  s'accroître,  que  les  exemples  qu'ils  ne  connaissaienl  pas,  et  nous  défend 

d'une  vraie  piélé,  d'une  solide  verlu,  devin-  des  vices  dont  ils  ne  faisaient  aucun   scru- 

rent   exlrémemenl    rares  ;    la    plupart    des  pule.    La  vie  d'un  honnête  païen   paraîtrait 

é'éques   mon  rèient  à  leurs  troupeaux    des  fort  corrompue  el  fort  scandaleuse  dans  un 

exemples  coiit;igieux  d'orgueil,   de  luxe,  de  chrétien.  Voy.  .Moralk. 

mollesse,  (ranimusilé  et  lie  plusieurs  autres  On   demandera,   sans  doute,  quel   motif 

vices.   La  péniience  rigoureuse  que  l'on  in-  ont   les   protestants  de  noircir  les  monirs  de 

fligeail  aux  pécheurs  scandaleux,  ii'aNait  pas  l'Kglise  dans  Ions  les  siècles  ?  C'est  l'inlérct 

lii  u  à  l'égard  des  grands;    il    n'y  avait  que  de  syslème.  il  fallait  répondre  quelque  chose 

les    personnes    obscures    et   indigentes    ([ni  aux  c<ilholi(|ues  (fui  oui  comparé  la  conduite 

éproav;isseiit  la  sévé.ité  des  lois. —  Il  est  des  prétendus  réformateurs  à  celle  des  pre- 

cependan.  inco,,test  ililc  que  le  iV  siérie  a  miers   foadaleurs   du   christianisme,   et   les 

clé  le  plus  brillant  de  Ions  par  la  muliitu  ie  mœurs  des  sectnires  avec  celles  des  premiers 

des    èvêques    qui    oui    honoré    l'Eglise    par  fnlcles.    Pour  pallier  l'opprobre  de  la  hien- 

Iciirs  veiliis  aussi  liirii  que  p.ir  leurs  lalenls;  heureuse  rcforinntion  ,   nos  adversaires  ont 

il  suffit  de   monmer  saint  Alhana-e,  saint  été  forcés   de  calomnier  l'Eglise   primitive, 

hasile,  saint  Cjr.l'e  de  J.rusalein,  sainllire-  tant   sur   la   doctrine  que   sur  les   mœurs, 

goire  de  Nazi  inze,  sainl  Cregoire  de  Nysse,  T'oy.   RÉFORMiTioN.    Peu   leur   importe    de 

saint  Hilaire  de  Poitiers,  saint  Martin,  saint  fournir  des  armes  aux  ennemis  du  christia- 

Ambroise,  etc.    Sonl-ce  ces  grands  hommes  nisine,  pourvu  qu'ils  inspirent  des  préjugés 

]'i\  (.nt  donné  à  leurs  ouailles  des  exemples  contre  l'Eglise  calholique.  Les  écrivains  sen> 

J'orgueil,  de  luxe,  de  mollesse,  d'animosilé  ses  de  VIJistoire  ecclésiastique  se  sont  alla- 


8^9 


CHR 


cnR 


8''0 


chés  à  y  montrer  des  vertus,  persuadés  de 
l'ulililé  de  celte  leçon;  les  héréiiques  s'ap- 
pliquent principalement  à  y  trouver  lie-  vi- 
ces, afin  d'autoriser  s.ms  doulc  Ions  les  !)oin- 
mes  à  les  imiter,  et  il'ôler  à  noire  reliuion 
l'une  des  pr  nripales  preuves  de  sa  divimlé.  ! 

Les  accusations  qu'ils  ont  formées  conlre 

la  croyance  des  premiers  chrétiens,  ne  sont 
pas  mieux  fomlées  que  relies  (Qu'ils  ont  ha- 
sardées conlre  leurs  mœurs.  Mnslieim  [Insl. 
hxft.  christ.,  c.  m,  §  17)  soiilient  que  du 
temps  même  des  apôires.  ou  immédiatement 
après,  les  fidèles  élaienl  imbus  de  plusieurs 
erreurs,  dont  les  unes  venaient  des  .luifs, 
les  autres  des  gentils;  il  en  conclut  (|u'il  ne 
faut  pas  penser  qu'une  opinion  tient  à  la 
doririne  chréiii'nne  parce  qu'elle  a  régné 
dans  riîglise  dès  le  i*"  siècle;  qu'ainsi  l'ar- 
c;ument  tiré  de  ]?.  Iradiliou  e^l  absolument 
nui.  11  mel  .:u  ranjr  des  erreurs  judaïques 
l'opinion  de  la  fin  pro(  haine  du  monde,  de 
la  venue  de  l'Antcchrist,  des  guerres  et  des 
crimes  dont  il  devait  être  l'auteur,  du  règne 
de  Jésus-Christ  sur  la  terre  pendant  mille 
ans,  du  feu  qui  purifierait  les  âmes  à  la  (in 
du  monde,  il  allrihuo  aux  leçons  des  païens 
ce  que  l'on  pinsait  au  sujet  des  esprits  ou 
génies  bons  ou  mauvais,  des  spectres  et  dis 
fautôrni'S,  de  l'étal  des  morts,  de  reffioacité 
du  jeûne  pour  vaincre  les  mauvais  esprits, 
du  nombre  (if  ;  cieux,  etc.  Il  n'y  a  rien  de 
lotit  cela,  dit-il,  dans  les  écrits  des  apôtres; 
c'est  ce  qui  prouve  la  nécessité  de  nous  en 
tenir  à  rEciilnre  sainte  comme  à  la  seule 
règli-  de  croyance. 

Ainsi,  linlérél  syslén)atique  conduit  les 
protestants  jusqu'à  noircir  les  disciples  des 
apôtres;  1rs  incrédules  ont  fait  un  pas  de 
plus;  ils  ont  attribué  ces  erreurs  au\  apô- 
tres mêmes.  Bornons-nous  à  disculper  les 
premiers  chrétims,  cous  justifierons  les  apô- 
tres ailleurs.  1°  Mosheim  n'a  vu  parmi  les 
Juifs,  avant  le  christianisme,  aucun  vestige 
des  opinions  judaïiiues  dont  il  parle,  et  nous 
défions  Ions  les  ciitiques  proteslants  d'en 
indiquer  aucun;  .Moslicim  convient,  dans  un 
autre  endroit,  que  l'on  n'en  raisonne  que  par 
conjecture.  2°  11  observe  lui-même,  §  18, 
que  les  premiers  clirélims  curent  plusieurs 
cotitesialious  avec  les  Jiuls  et  avec  les  païens 
entêtés  de  philosophie  ;  ils  n  étaient  donc 
rien  [uoius  que  disposés  à  suivre  les  opinions 
des  uns  el  des  autres.  3"  S'il  entend  que, 
dans  le  1"  et  le  11"^  siècle,  quelques  particu- 
liers ont  retenu  des  opinions  judaïques  ou 
païennes  qui  n'étaient  contraires  à  aucun 
dogme  de  la  foi  clirélienuc,  nous  ne  dispute- 
rons pas  contre  lui;  mais  s'il  prétend  que 
ces  Opinions  élaienl  assez  communes  cl  as- 
àez  répandues  i)Our  former  une  espèce  de 
tradition,  c'est  u;ie  fausseté  et  une  supposi- 
tion contraire  aux  promesses  de  JcsusChrisl. 
Moslieim  convient  (|u'alors  le  Sainl-Ksprit 
présidait  encore  à  l'E^jUsc  diréticnnc  pour 
opérer  des  miracles;  y  étaii-il  moins  pour 
la  préservorde  l'erreur?  4."S'il  y  a  eu  parmi 
les  premiers  docteurs  r.lnctiens  (]uelques  opi- 
nions fausses  ou  douteuse  ,  nous  soutenons 
qu'ils  les  ont  puisées  dans  une  interprétaliun 


fausse  de  l'Ecriture  sainte,  et  non  dans  au- 
cune autre  source.  .Mnsi  quelques-uns  ont  pu 
croire  la  fin  du  monde  prochaine,  à  cause 
des  l'aroles  de  Jésiis-Clirist  [Matih.  xxiv,  3i), 
de  celles  de  saint  Paul  (/  Thefs.  iv.  H),  etc. 
Les  incrédules  nous  ohjecienl  encore  <iue 
.lésus-Christ  et  les  apôtres  oui  annoncé  la  fin 
du  monde,  afin  d'épouvanter  leurs  auditeurs* 
L'avéuemeni,  le  règne,  les  crimes  de  l'Anle- 
christ  semblent  prédits  {II  Tliests.  a,  2;  / 
Joan.  II,  18),  etc.;  plusieurs  romincnlateurs 
le  croient  encore.  11  en  est  de  même  du  rèjne 
de  mille  ans  {Apoc.  xx,  G  el  suiv.),  et  du  leu 
purifiant  (/  Cor.  m,  13;  77  i^err;,  m,  7et  10), 
etc.  11  n'a  donc  pas  été  besoin  de  rousulter  les 
Juifs  sur  tons  ces  articles.  Voy.  Antechkist, 
Fin  du  JIonde,  Millknaibes. 

Quiinl  aux  opinions  prétendues  païennes, 
il  n'est  pas  plus  difficile  d'en  montrer  la 
source  dans  nos  livres  saints;  la  distinction 
eulre  les  bons  el  les  mauvais  esprits,  entre 
les  anges  el  les  démons,  est  riairenu'nt 
établie  :  on  y  a  vu  ce  qui  est  dil  des  appari- 
tioiis  des  a:iges  aux  patriarches,  du  soin 
qu'ils  prennent  des  hommes  et  des  nations, 
des  leçons  qu'ils  onl  données  aux  prophè- 
les,  etc.  On  y  lit  encore  ce  qui  regarde  le 
démon  dans  le  livre  do  Job  el  dans  celui  de 
Tobie,  dans  l'Evangile  el  dans  les  E,jîlres 
des  apôtres;  n'en  élait-ce  pas  assez  pour 
faire  raisonner  sur  la  nature  des  bons  et  des 
mau\ais  esprits  ?  il  est  parlé  des  fantômes  ou 
des  spectres  {Matth.  xiv,  26;  Luc  xxv,  37). 
La  parabole  du  mauvais  riche,  la  descente 
de  JiSus-Clirisl  aux  enfers,  les  pnunesses 
de  11  résurrection  géncrale,  ont  donné  lieu 
à  des  conjectures  sur  l'étal  des  morl>,  etc. 
L'utilité  de  l'abstinence,  du  jeûne,  des  mor- 
liiicalions,  n'est  poinl  fondée  sur  des  idées 
païennes,  mais  sur  les  leçons  et  sur  les 
exemples  de  Jésus-Christ,  de  saint  Jean- 
Baptiste,  des  apôtres  el  des  prophètes.  \  oyez 
AnsTiNENCE,  etc.  Les  anciens  docteurs  chré- 
tiens, qui  oui  parlé  de  ces  diveri  points  de 
doctrine,  onl  cité  l'Ecriture  sainte,  et  non 
k's  traditions  des  Juil's  ou  les  opinions  des 
philosophes  païens,  il  est  mi'me  fait  mention 
du  troisième  ciel  (//  Cor.  \ii,  2  et  4);  les  in- 
crédules n'ont  pas  oublié  de  le  reprocher  à 
saint  Paul. 

Nous  avons  donc  ici  trois  sujets  de  re- 
proche cintre  nos  advers/iires  :  le  premier, 
de  ce  qu'ils  osenl  taxer  d'erreur  des  senti- 
ments évidemment  fondés  sur  l'Mcriture 
saillie;  le  second,  île  ce  qu'ils  attribuent  aux 
Juifs  et  aux  païens  quelques  opinions  dou- 
U'iises,qui  viendraient  plutôt  d'une  iiiier- 
prëlalion  fautive  du  texte  des  livres  saints, 
que  de  toute  autre  cause;  le  troisième,  de 
ce  qu'ils  tirent  de  là  une  conséi]ueucc  tout 
opposée  à  celle  qui  s'ensuit  naUirell'emenl. 
S'il  est  arrive  aux  premiers  chrétiens  deu- 
tcndri!  mal  ce  icxte  sacré,  comment  pou- 
vaient-ils se  détroinpor  en  s'y  tenant  aila- 
cliés  comme  à  la  seule  règle  de  foi  ?  Le  seul 
moyeu  qu'ils  avaient  de  sortir  de  l'erreur 
étail  évidemment  de  con.suiler  la  crovauce 
coiiiiiiune  des  iiglises  aposloliques  ;  c'est 
aussi  ce  que  l'on  a  fait  pour  discerner  la  vraie 


8GI 


CIIR 


CiKt 


8G2 


doctrino  'e  Jt^sus-Christ  d'avec  les  opinions 
doulon.'es  ou  fausses.  Mais  ce  n'est  p;is  ici 
le  soûl  cas  dans  lequel  nos  adversaires,  ea 
vnuiaiit  il(''créditer  la  Iradilion,  nous  en  dc- 
inoiili-ent  la  nécessité. 
CiiRÉTiiiNS  DE  Sai.nt-Jean.  Voy.  Mandaï- 

TKS. 

Chukt'ens  de  Saimt-Teomas.   Voy.  Nes- 

TOMIEXS.  §  4, 

CIlUÈTlIiNTÉ,  signifiait  autrefois /ec/erç^; 
ou  appeliiit  cour  de  clin'iieulr,  une  juridic- 
tion ecclési.islique  et  le  lieu  où  elle  se  tenait. 
Il  y  a  encore  des  diocèses  où  li's  doyens 
ruraux  se  nomment  doi/ins  de  chrétienté. 
Aujourd'hui  l'on  cnleiid  par  chrélienlé  la 
collection  génér.  Il'  de  tous  les  homuies  qui 
professent  la  reli;.:ii^u  lie  Jésus-Cliiist,  sans 
avoir  égard  aux  diverses  opinions  qui  les 
part  igenl  en  différentes  sectes.  Ainsi ,  la 
chrétienté. n'vsl  pas  lenlermée  dans  \.i  seule 
Eglise  calludique,  puisqu'il  y  a  hors  do  cette 
Eglise  des  hommes  et  des  sociélé'i  qui  por- 
tent le  nom  do  chrétien,  cl  font  profession  de 
croire  en  Jésus-Clirist.  —  Mais  dans  les  pre- 
miers siècles  de  l'Eglise  on  n'accordiiit  p  .s  le 
litre  de  chrétien  aux  hérétiques.  Terlullien, 
saint  Jérôme,  saint  Athanase  ,  Lactancc, 
deux  éilits,  l'un  de  Constantin,  l'autre  de 
Théodose,  le  concile  général  de  Sardique, 
décident  que  les  hérétiques  ne  sont  pas 
chrétiens  (Binsliam,  Oriij.  ccclés.,  liv,  i,  c.  ;!, 
§  4-,  t.  1,  !).  3.X3).  Ainsi,  le  mot  chrétienté 
a  aujourd'hui  un  sens  plus  général  qu'autre- 
fois. 

De  tout  temps  les  ennemis  du  christinnisme 
lui  ont  fait  un  crime  de  celte  multitude  de 
sectes  qui  le  divisent;  ils  en  |)rennent  occa- 
sion de  soutenir  (|ue  cette  religion  est  une 
pomme  de  discnrdi'  qci  Siinhle  avoir  été  je- 
iée  p.irmi  les  hommes,  pour  les  mettre  aux 
prises  et  les  ai'.imer  les  uns  contre  les  autres. 
—  Mais  il  ne  fiiul  pas  allrihuer  à  la  religion 
en  général  un  vice  de  l'homme  qu'elle  de- 
vrait corriger,  ni  à  une  religion  ]  ai  liculière, 
rinconvénient  qui  se  trouve  dans  toutes  les 
religions,  dans  les  écoles  de  j)hllo^ophie,  chez 
les  incrédules  comme  parmi  les  crojanis. 
Or,  il  n'est  sur  la  terre  auctine  religion  qui 
ail  eu  le  pouvoii'  de  prévenir  les  dis|iules  et 
les  schismes,  aucun  systèine  qui  ait  réuni 
tous  les  philosophes,  m  aucun  système  d'in- 
crédulité qui  ail  pu  accorder  tous  les  incré- 
dules. Les  uns  sont  déistes,  les  autres  sont 
athées;  ceux-ri  matérialistes,  ceux-là  scep- 
tiques ou  pyrrhoniens;  les  uns  tolérants,  les 
autres  inlolér.uils,  etc. —  Une  doctrine  révé- 
lée, contraire  aux  préjugés  et  aux  penchants 
de  la  nature,  destinée  à  subjuguer  l'e-prlt 
et  à  réformer  ie  cœur,  ne  peut  uirinquer  île 
meiire  la  division  parmi  les  hommes  natu- 
rellement curieux,  vains,  dispuleurs,  opi- 
niâtres. Chacun  ,  par  vanité  ,  se  flatte  de 
l'entendre  mieux  qu'un  autre,  veut  avoir 
raison,  faire  ado|)ler  ses  opinions,  gagner 
des  parlisans;  souvent  il  y  réussit,  devient 
chef  de  secte,  et  veut  faire  bande  à  pari. 
Cette  maladie  avait  commencé  dans  les  éco- 
les de  philosophie;  elle  tut  p  .rléc  diins  le 
cfarisiianisme  par  des  raisonneurs  indociles 


et  mal  convertis.  Ils  voulurent  allier  la  doc- 
trine de  Jésus-Christ  avec  leurs  opinions 
philosophiques;  au  lieu  de  réiormer-  celles-ci 
par  les  lun)ières  de  la  révélation,  ils  tirent 
éclore  les  différentes  hérésies  qui  ont  aKligé 
l'Eglise  presque  dès  sa  naissance.  Jésus- 
Chrisl  l'avait  prédit,  les  apôlres  nous  ont 
prémunis  contre  ce  scandale,  (^e  n'est  pas 
aux  successeurs  de  ceux  qui  l'ont  fait  naître, 
qu'il  convient  de  nous  l'objecter;  eux-mêmes 
les  perpétuent  et  travaillent  à  rendre  \e  mal 
ineurahle.  D'où  sont  venues  les  hérésies, 
sinon  d'un  fond  d'incrédulité? 

On  sait  en  quoi  consiste  le  cluislianisrae 
ou  la  prédication  des  apôlres;  ils  ont  dit: 
Jésus-Christ,  Fils  de  Dieu,  a  enseigné  telle 
doctrine,  et  nous  a  ordonné  de  prêcher  telles 
vérités.  Us  ont  dit  aux  pasteurs  (l'i'ils  ont 
établis  :  Gardez  fidèlernent  la  doctrine  que 
nous  vous  avons  conliée,  et  enseignez-ia  a.ux 
autres  (//  Tin.  ii,  2).  Ici  la  philosophie,  la 
curiosité,  la  fureur  de  do;;maliser,  n'ont  rien 
à  voir.  Ou  il  faut  croire  les  apôtres  et  leurs 
successeurs,  ou  l'on  n'est  pas  chrétien.  Si 
quelqu'un  veut  arranger  sa  foi,  créer  un 
système,  choisir  des  opinions  à  son  gré,  il 
ne  croit  pas  à  la  parole  de  Dieu,  mais  à  ses 
propres  luiiHères  ;  il  est  hérétique  et  non  fi- 
dèle.— Pourquoi  cette  mélhode  a-l-elle  donné 
lieu  à  des  disputes  ?  Parce  que  l'on  s'est  ré- 
volté conlro  elle.  L'un  dit  :  Je  ne  veux  croire 
que  ce  qui  est  écrit,  et  je  veux  l'enteiulre 
comme  il  me  plaira,  lit  moi,  dil  un  autre,  je 
ne  veux  croire  que  ce  que  je  conçois  ;  Dieu 
lui-même  n  a  pas  droit  de  me  faire  croire  ce 
que  je  ne  comprends  pas.  Moi,  dit  un  troi- 
sième, je  no  ^eux  rien  croire  de  tout  ce  que 
les  autres  croienl,  je  veux  avoir  un  système 
à  moi.  Avec  de  telles  dispositions,  est-on 
chrétien  ou  incrédule  ?  Il  est  aussi  absurde 
d'attribuer  au  christianisme  celte  opinià- 
Irelé,  que  d'atiriliuer  à  la  raison  les  travers 
des  faux  raisonneurs.  Voy.  Dispute,  Hè- 
res E. 

CHRIST.  Ce  nom,  dérivé  ilu  grec  xpi^tv, 
oindre,  faire  une  onction,  signifie  dans  l'ori- 
gine une  personne  consacrée  par  uio^  onc- 
liou  sainte;  c'est  le  synonyme  de  l'hébreu 
Messie. 

De  tout  temps  les  Orientaux  ont  fait  grand 
usage  des  parfums,  et  ils  étaient  nécessaires 
lorsque  l'usage  du  1  nge  était  inconnu  ;  c'é- 
tait le  seul  moyen  de  prévenir  les  mauvaises 
odeurs.  Au  sortir  du  bain,  l'on  ne  manquait 
pas  de  se  frolier  le  corps  d'une  huile  ou  d'une 
essence  parfumée;  en  répandre  sur  la  tête, 
sur  la  b  a  be,  sur  les  vêlemcnis  de  quelqu'un , 
c'était  lui  faire  honneur,  ie  traiter  comme 
une  personne  de  distinction.  De  là  les  effu- 
sions d'huiles  odoriférantes  devinrent  un 
symbole  de  cons  cration  ;  ainsi  furent  sacrés 
les  ro  s,  les  prêtres,  les  prophètes.  Dans  le 
style  des  écrivains  de  l'Ancien  Testament, 
oindre  une  personne  pour  quelque  chose, 
c'est  l'y  destiner  ou  l'y  consacrer. —  Nous  li- 
sons dans  le  prophète  Isaïe,  xlv,  i  :  Le  Sei- 
gneur a  dit  à  Cynis  :  Mon  cnn  st  ou  mon  roi, 
]e  vous  ai  pris  par  [a  main  pour  vous  sou- 
mettre les  nations  et  les  rois,...  et   vous  ne 


8u: 


CHR 


CHR 


8C4 


m'avez  pris  connu.  Quelques  incrédules  ont 
é'iï  éloniics  de  voir  le  non»  de  christ  donné  à 
un  roi  infidèle;  ils  ne  comprenaienl  pas  le 
sens  ordinaire  de  ce  lerine.  —  Dans  un  sens 
plus  sublime,  le  nom  lie  Christ  ou  de  Messie 
a  clé  donné  au  Fils  de  Dieu  incarné,  parce 
qu'il  a  réuni  dans  sa  personne  la  dignité  de 
rui,  de  prêtre  et  de  proplièle.  Les  écrivains 
romains  qui  en  i;;noraient  la  signification, 
et  {]ui  le  [irenaient  pour  un  nom  propre,  ont 
quel(iuefi>is  écrit  Chrestus  pour  Christus. 
((  Christ,  dit  Laclance,  n'e>-t  pas  un  nom  pro- 
pre, mais  un  litre  (jui  désigne  la  puissance 
et  la  royauté  :  c'est  ainsi  que  les  Juifs  appe- 
laient leurs  rois Il  leur  était  ordonné  de 

faire  et  de  consacrer  un  parfum  pour  oindre 
ceux  qui  étaient  élevés  au  sacerdoce  nu  à  la 
dignité  royale.  De  même  que  chez  les  Ro- 
mains une  robe  de  pourpre  est  l'ornement  et 
la  marque  de  la  souveraineté,  ainsi  cliez  les 
jui"s  une  onction  sainte  était  le  symbole  de 
la  loyauté.  C'est  pour  cela  que  nous  appe- 
lons 'Christ  celui  qu'ils  nommaient  Messie, 
c'esl-a-dire  oint,  ou  sacré  roi,  parce  que  cet 
auguste  personnage  possède,  non  un  royau- 
me temporel,  mais  un  royaume  céleste  et 
éternel.  "  [Divin.   Inst.,  1.  iv,  c.  7.) 

CHKISIIANISME ,  religion  que  Jésus- 
Clirist  a  établie,  qui  le  reconnaît  et  l'adore 
comme  Fils  de  Dieu  cl  Uédempteur  des  hom- 
mes, il  y  a  bientôt  dix-huit  cents  ans  qu'elle 
a  commencé,  el  son  établissement  a  opéré 
une  grande  révoluiion  dans  la  meilleur!'  par- 
lie  de  l'univers.  On  demande  anjouid'hui  si 
celte  religion  est  l'ouvrage  de  Dieu,  ou  une 
invention  des  hommes,  si  elle  a  fait  dans  le 
monde  plus  de  bien  que  de  mal  ;  ce  doute  ne 
peut  élrc  élevé  que  par  des  hommes  Ires-rnal 
instruits,  ou  déterminés  à  s'aveugler  eux- 
mêmes. 

La  première  question  est  de  savoir  quelles 
sont  ses  preuves,  ou  quels  sont  les  motifs  de 
crédibilité  qui  doivent  engager  un  bouime 
sensé  à  s'y  attacher  ;  ceux  qui  l'allaiiuent 
les  ignorent  ou  afl'ec  lent  de  les  méconuaitrc  ; 
nous  ne  pouvons  faire  que  les  indiquer  som- 
mairement ;  pour  les  développer,  il  faudrait 
plusieurs  volumes;  mais  ils  seront  traités 
plus  au  loi;g,  sous  chacun  des  articles  aux- 
quels nous  simimes  obligés  de  renvoyer  le 
lecteur,  et  i\u\  seront  ici  maïqués  en  li'ttrcs 
italiques.  A  iropremenl  parler,  tous  les  ar- 
ticles de  ce  IHctionnuire  tiennent  à  celui-ci 
de  près  ou  de  loin. 

Nous  donnons  pour  première  preuve  de  la 
di\inilé  du  cliristianlsme,  la  liai-on  qui  se 
trouve  entre  les  trois  ép  -ques  de  la  rctcla- 
lion  (1).  Celle  que  Dieu   avait  donnée  aux 

(1)  I.a  rëvoliiiinn  .irrivce  dans  le  monde  par  le 
chrisiiaiiisine  ftsl  V:  iIcmiiT  irait  d'un  |  jati  suivi, 
coiislanl,  ilnifmiiie  de  la  l'ioviile.ice.  De  mèiiie  i|iie 
la  religion  donnéo  aux  pali  inclics  étnu  proinirliiin- 
néo  à  l'état  d'eiih'nee  ilans  Icrpiel  ('laii  alors  le  (joiirc 
huinan,  celle  i\\h-  Dieu  av.m  presiriie  par  M  ise 
élan  évaieiiiiiionl,  relative  a  l'étal  de  sé|iaralioii  et 
fie  guerre  inuliielle  dans  leipiel  les  nalioiis  (lé|:i  for- 
mées vivaient  viilie  elles.  Le  clirislianiMiie,  an  con- 
traire, s'e->l  trouvé  cxacieiiieiil  analioiie  à  l'état  Ad 
société  et  de  couiiuerce  auquel  les  peuples  étaient 


premiers  hommes  dès  le  commencement  du 
monde  était  destinée  à  fonder  la  société  na- 
turelle et  domestique  ;  elle  convenait  à  des 
familles  naissantes,  et  qui  ne  pouyaient  en- 
core former  des  peuplades  considérables.  La 
seconde,  de  laquelle  Moïse  fut  l'organe,  ten- 
dait évidemment  à  établir  entre  les  descen- 
dants d'Abraham  une  société  nationale,  à 
fonder  sur  la  même  base  la  religion  el  les 
lois  :  législation  remarquable  que  Dieu  plaça 
exprès  dans  le  centre  de  l'univers  connu,  et 
qui  aurait  dii  servir  de  modèle  à  tous  les 
peuples.  La  troisième  révélation  a  été  don- 
née par  Jésus-Christ,  lorsque  les  nations  se 
sont  trouvées  sufiis.immenl  policées  pour 
former  entre  elles  une  sociéié  religieuse  uni- 
verselle, et  tel  a  été  son  dessiun,  lorsqu'il  a 
ordonné  à  ses  apôtres  A'enseigner  louies  les 
nations.  L'une  de  ces  révélations  a  servi 
ainsi  de  préparation  à  l'autre,  toutes  ont  été 
analogues  à  l'état  dans  lequel  se  trouvait  le 
genre  humain.  Dieu  a  fait  u)archer  l'ouvrage 
de  la  grâce  du  luéme  pas  que  celui  de  la  na- 
ture.—  Voilà  ce  que  les  ennemis  du  christia- 
nisme n'ont  jamais  compris  :  ils  le  considè- 
rent comme  s'il  était  tombé  des  nues,  comme 
s'il  n'avait  ni  litres  originaux,  ni  relation 
avec  personne  ;  ils  ne  voient  pas  que  c'est 
un  plan  préparé  depuis  la  création  du 
monde. —2"  La  seconde  preuve  sont  les  pro- 
phéties qui  l'ont  annoncé.  C'est  encore  uue 
chaîne  qui  a  commencé  par  Adam,  a  conti- 
nué pendant  quarante  sièeles,  et  s'est  termi- 
née à  Jésus-Christ.  La  clarté  de  ces  pro|)hé- 
ties  va  toujours  en  augmentant,  à  mesure 
que  les  événements  approchent,  et  leur  sens 
.'e  développe  enfin  par  leur  accomplisse- 
ment. L'une  n'a  pas  pu  servir  de  modèle  à 
l'autre,  toutes  annoncent  des  événements 
que  Dieu  seul  pouvait  opérer.  Ici  les  incré- 
dules prennent  encore  le  change  ou  veulent 
le  donner.  Ils  ne  cousidérenl  les  prophéties 
que  séparément  ;  ils  aiïeclent  de  ne  pas  voir 
que  c'est  l'ensemble  (]ui  en  fait  la  [ilus  grande 
force. — 3°  Une  preuve  encore  plus  frappanle 
est  le  caractère  auguste  de  Jésus-Christ,  la 


parvenus,  lorsipie  Jésns-CInist  a  paru  sur   la   lene. 

Dieu  avait  insliiiil  les  patiiairlies  iinincdialeinent 
par  liii-nioiiie  :  il  s'était  l'ail  connaître  aux  llétiroiix  el 
.iiu  nations  voisines  par  des  pro'ligi'S  i|iii  iii-piraieiil 
la  teneur  :  par  le  njinislère  de  son  Fils  (inique,  i:  n'a 
répandu  que  des  bienl'iits.  L'olijet  des  niiiaele.  du 
Sauveur  éiail  d'éclairer  les  esprits  en  g  ign.uit  le.^ 
CQ'ui  s.  Sa  doelriiie,  sa  morale,  ses  promesses  toutes 
spiiiliielles,  auraient  (ait  peu  d'iiiipress.on  sur  l(!S 
lioniines  encore  à  demi  sauvages;  elles  poiivaicnl  en 
taire  d.ivanla^e  sur  des  peuples  oivili.^és  el  deviiius 
plus  ilo!  iles  par  la  culture  des  sciences  el  des  arts. 

i'oiir  prouver  (|ue  notre  rcligimi  est  l'ouvrage  du 
hasard  ou  de  ';iiel>|nes  liommes  adioils,  il  faut  com- 
mencer par  démoiilrer  cpic,  depuis  la  créalion,  la 
l'iovideiice  diMiie  n'esl  iircrviMiiie  pour  rien  dans 
l'oiatili^semenl  el  le  m.iiniien  de  la  vraie  reli;;:oii, 
Lnrsque  la  philiisi>pli)e  envisaj^c  le  clnislianisme 
comme  un  édifice  isolé  qui  ne  lient  à  lien,  comino 
un  accès  de  déineiite  ipii  a  sai-i  tout  à  coup  une 
grande  partie  du  «eure  liiimain,  elle  nioiiire  ijue  ses 
vues  sont  tiés-lioriiéos,  qu'elle  ne  con  .ait  seulciuenl 
pas  le  svsléme  qu'elle  ose  aiiaqiier.  (liergier,  Tiailé 
hiil.  et  Uoym.,  l.  Vlll,  édil.  de  18'20.) 


îiG3  CHR 

sagesse  de  ses  leçons,  la  subiiinilé  de  sa  doc- 
trine, la  sainteté  de  sa  morale,  l'héroïsme  do 
ses  vertus,  l'éclat  ilc  ses  miracles.  Où  est  le 
lé-îislaicnr,  le  fondateur  de  religion,  qui  ait 
réuni  dans  sa  personne  aniaiit  de  signes  d'une 
mission  divine?  Lui  seul  s'est  altrihiic  la 
qualité  de  Fils  de  Dieu,  mais  aussi  il  n'a 
nian(|ué  d'aucun  des  caraclères  qui  pouvaient 
convenir  à  un  Dieu  l'ait  iionnne  (Ij. —  '*'  La 
prédication  des  apôtres  et  les  circonstances 


(1)  «  L'Evangile,  dit  Rmis-eaii,  ce  divin  livre,  le 
seul  iiécessiiire  à  un  clirélien,  l'I  le  plus  mile  de  lous 
à  quiconque  ne  le  serait  |)as,  n';i  hesoiti  que  d  êlre 
niédilc,  pour  porler  dans  l'ànie  l'amour  <le  son 
auteur,  et  la  volonté  d'^iceoiui)lir  ses  préceptes.  Ja- 
mais la  vertu  n'a.pirlé  un  si  doux  langage,  jamais  la 
plus  priifoiidc  sagesse  ne  s'est  e.\pii niée  avec  autant 
d'énergie  et  de  simplicité.  O.i  n'eu  quitte  puiiu 
la  leetuie  sans  se  .sentir  ineille  ir  (|u'auparavaut. 

I  Voyez  les  livres  des  philosophes  avec  imile  leur 
pompe:  qu'ils  sont  peiits  aupiés  de  celui-là!  Se 
pe'.il-il  (|u'un  livre,  à  la  fois  si  sul>linfe  et  si  sage,  so  t 
l'ouvrage  des  hoinine' ?  Se  peui-il  (pie  celui  ilonl  il 
fait  l'histoire  ne  soit  qu'un  lioniiue  lui-nièuie?  Est-ce 
là  le  ton  d'un  eulliousiaste  ou  d'un  ambitieux  sectaire  ? 
Quelle  douceur,  quelle  pureté  dans  ses  nioeuîs  I 
quelle  grâce  louchante  dans  ses  iiislruclions  !  quelle 
élévation  dans  ses  maximes  !  quelle  prof  imle  sagesse 
dans  ses  discours!  quelle  présence  d'esprit,  quelle 
fliiesse  el  quelle  justeSM:  dans  ses  lépouse^!  quel 
euipirc  sur  ses  pasioiis!  Oii  est  l'Imniiue,  où  est  le 
sage  (jui  sait  agir,  soulfi  ir  el  mourir  sans  laihlesse  et 
sans  ostentation?  Quand  l'Iatou  peint  snii  juste  ima- 
ginaire, couvert  lie  tout  l'upprolire  du  eniiie,  et 
digue  de  tous  les  prix  de  la  veriu,  il  peiiii  irait  pour 
tr.iil  Jésus-Christ  :  la  res.,einl)lanee  est  si  frappante, 
que  Kuis  les  Pères  l'ont  sentie,  et  qu'il  n'est  pas  pos- 
sible de  s'y  iroiiiper. 

«  Quels  préjugés,  quel  aveuglement  ne  laui-il  point 
avoir,  pour  oser  toniparer  le  liU  de  Sophiouisi|ue  au 
iils  de  Marie!  Quelle  distance  de  l'un  à  l'autre  !  Soeiate, 
inouraiil  sans  douleur,  sans  igiioiniiile,  soulietil  aisé- 
ment jusqu'au  bout  S(Mi  pers(uiiiage  ;  et  si  cette  facile 
mort  n'eiU  lionnré  sa  vie,  (ui  d:iiiteraii  si  Sucrate, 
avec  tout  son  esprit,  lui  aiiire  elio-e  qu'un  sophiste. 
Il  inventa,  dil-oii,  la  mora'e.  l)'alllle^  avant  lui  l'a- 
vaient mise  en  piaiiipie;  il  ne  lit  que  dire  ce  (|u'ils 
avaient  fait  ;  il  ne  lit  que  mettre  en  leçons  leurs 
exemples.  Aristide  avait  été  jusie  avant  que  Sutraie 
eilt  dit  ce  que  e'élail  que  li  ju-liee;  Léonidas  é  ail 
mort  pour  son  pays  avant  que  Sacrale  eût  lait  un 
devoir  d'aimer  la  patrie  ;  Sparu;  é  ail  sobre  avant 
que  Siicia  e  eut  loué  la  sobiiéié;  av.ini  qu'il  eût 
loué  la  verlu  ,  la  Gré.e  abniidail  en  liomuies  ver- 
lueuv  :  mais  où  Jésus  av.iit-il  pris  chez  les  .-ieiis  cette 
miirale  é'evée  et  puie,  dont  lui  seul  a  duimé  les 
leçons  et  l'exemple?  Du  sein  du  plus  linieiix  laiia- 
tisnie,  la  plus  liauie  sage^se  se  lit  enleudie,  el 
la  simplicité  des  plus  liéioiques  vertus  honora  le  plus 
vil  de  ions  les  pe  iples.  La  uiorl  de  Suer:. te  pliiloso- 
plianl  traiiipiiilement  avec  ses  amis  est  la  plus 
dcuice  ini'ou  puisse  désirer  ;  celle  de  Jésus  expirant 
dans  les  touriiienls,  injurié,  raillé,  maudit  de  tout 
un  peuple,  est  la  plus  hoirible  qu'on  puisse  eiain- 
die.  Socrale,  prenant  la  coupe  enipoi»oiiiiee ,  bénit 
celui  qui  la  lui  piéseiile  el  qui  pleure  :  Jé^us,  au  mi- 
lieu d'un  supplice  allreux,  prie  p  lur  ses  boni  remx 
acharnés.  Um,  si  li  vie  et  1 1  nmrt  de  Socrale  sont 
d'un  sage,  la  vie  et  la  mort  de  Jésus  soiil  d'un  Dieu. 

«  Diroiis-Mous  que  l'histoire  de  l'Kvaiigile  est  iii- 
veiilée  a  pliisir  ?  Ce  n'est  [jas  ainsi  qu'où  invente  ; 
et  les  l.iits  de  Sncrate,  doiil  p;'i>onne  ne  douie,  soiil 
moins  attestés  que  ceux  de  Jésus-Christ.  Au  fond, 
c'est  reculer  la  dilliculié  sans  la  détruire.  11  serait 


CHR 


8G6 


dont  elle  a  été  accompagnée,  leurs  qualil 's 
personnelles,  la  certitude  de  leur  témoignage, 
les  olislacles  qu'ils  avaient  à  vaincre,  la  con- 
tinuiié  de  leurs  succès,  la  mori  qu'ils  ont  su- 
bie pour  sceller  la  vérité  des  laits  qu'ils  an- 
iionçaienl,  la  manière  dont  le  cfirisliunisme 
a  été  ailaqué,  et  la  manière  dont  il  a  été  dé- 
fendu, les  révolutions  arrivées  dans  la  suite 
des  siècles,  qui  semblaient  devoir  l'aiiéaulir, 
et  qui,  dans  le  l'ait,  ont  nonlrihué  à  sa  pro- 
payatioii.  Nos  anciens  apologistes,  Origéne, 
saint  Justin,  Tertullieii,  Lactance,  avaient 
déjà  fait  valoir  celte  preuve  ;  elle  est  deve- 
nue bien  plus  forte  par  la  succession  des 
temps  (1).  —  3"  Le  témoignage  rendu  par  les 


plus  inconcevable  que  plusieurs  hommes  d'accord 
eussent  labriipié  ce  livre,  qu'il  ne  l'est  qu'un  seul  en 
ait  lu  uni  le  sujet.  Jamais  Oe<  auteurs  juifs  n'eussent 
lioiivé  m  <e  tiui  ni  celle  morale;  el  l'I'Jvangile  a  des 
caractères  de  vérité  si  frappants  ,  si  parfaitement 
iniinilahles,  que  l'iiiveuleur  en  serait  plus  étonnant 
()ue  le  héros,  t  (Esprit,  Maximes  de  J.-J.  llousscau.) 

{{}  t  Entre  les  divers  événenienls  qui  appartien- 
nent à  l'or.ire  moral,  comme  d ms  les  plieiioméues 
de  l'oidr.;  physique,  il  existe  des  rapports  d'après 
lesquels  nous  pouvons  souvent,  ou  remonter  de  l'ef- 
fet à  la  cause,  ou  de^ceudre  de  la  cause  à  l'elTet.  Si 
les  miracles  de  Tlivangile  soin  réels,  Il  est  impossi- 
ble qu'ils  n'aieiil  pas  eu  des  suiies  considérables 
dais  le  monde  :  el  réciproquement,  i  peu  d'années 
api  es  1,1  mort  de  sou  lond.itenr,  je  vois  le  christia- 
nisme s'établir  p.irtniil  où  il  est  annoncé,  je  ne  puis 
m'empècher  de  regarder  ses  progrès  connue  la  con- 
séqiieme  naturelle  des  miracles  de  l'I.van^ile. 

I  Ciimmeiiçons  p.ir  établir  les  laits  (|ui  doivent 
servir  de  base  au  raisoniieineul.  Iteprenons  le  livre 
des  Actes  et  les  Lpitres  du  i\oiiveau  Tesiaui -ut,  où 
.se  inmve  Ihisloire  coiileuiporaine  de  la  naissance  du 
christianisme.  Il  ne  s'était  pas  encore  écoulé  deux 
mois  depuis  la  inorl  de  .lésus,  lorsque  tout  à  coup 
les  apoires  se  moulrenlcl  enseignent  piiblKpieiiienl 
au  milieu  de  Jérusalem.  De  la  I.  ur  doeirine  se  ré- 
pand dans  liiuie  la  Judée  et  d.ins  les  provinces  cir- 
convoisines.  llieiilôt  après,  elle  péiiélro  dans  la  Gré- 
ce,  dans  riialie,  el  jusque  ilans  l'Lspague.  Ils  loiulent 
des  Eglises  à  Corinthe,  à  l'hilippes,  à  Tiiessalon>- 
que,  à  Epliêse,  à  Amioche,  à  Home,  dans  l'ile  do 
Crète,  dans  le  Pont,  dans  la  Caiipadoce,  la  (i.'.lalie, 
la  lîilhynie,  etc.  i\ous  avons  la  preuve  de  ces  fans 
dans  l'iiisloire  originale  du  li\re  des  Actes,  éciile 
par  un  lémuiii  ocuia.re,  el  dans  les  Epitres  que  les 
apôtr,;s  adressaient  aiu  li  lèles  de  toutes  ces  con- 
trées. Avaiil  la  lin  du  premier  siècle,  l'Apocalypse 
de  saint  Jean  nous  iiionlie  des  l'.glises  régulières, 
gouvernées  par  des  évéïuci  dans  les  principales  vil- 
les  de  l'Asie  .vli.ieure.  —  Vers  le  milieu  du  ii"  siècle, 
saint  Justin,  dans  son  dialogue  avec  le  juif  Try|dion, 
avaiue  coiiiuie  un  fan  généraleuient  connu,  qu'il 
nesl  point  ue  n.ilion,  soit  policée,  soit  barbare,  nù 
l'on  n'adresse  des  priéies  el  des  actions  de  giàcs  à 
Dieu  créateur,  au  i  oui  de  Jésus  crucilie.  Qiiebpies 
années  :  prés,  saint  lituée,  évéque  de  Lyon,  vuuiant 
pro.acr  ipie  la  foi  calho.iqiie  eiait  la  même  dans  lo  il 
l'uiiiveis  et  jusqu'aux  exlréuii  es  de  la  leire,  nomme 
les  bgliscs  des  Cmles,  de  la  Germaine,  de  l'Iberie, 
de  rOiieiit,  de  l'Egypte  il  de  la  Libye.  —  Tertullien, 
qui  vivait  au  eomuiencement  du  ni"  siècle,  eiilie- 
preiid  de  prouver  eontie  les  Juifs,  par  lenimiéi.a  nn 
des  peuples  cpii  croyaient  à  rCvangi.i',  que  le  loyau- 
ine  (le  Jesus-Ciirisi  el.cit  plus  étendu  que  les  empire; 
de  ^abuchodonosor,  (J'.\le.\andre  et  des  Romains. 
Mous  ne  sommes  que  d'hier,  dit-d  encore  dans  ^o 
Apoloijétiiiue,  et  non-  remplissens  vos  villes,  vos  îles 


867 


ClIR 


CHR 


SfiS 


martyrs  aux  faits  sur  lesquels  le  christia- 
nisme est  fondé,  et  à  la  sainlelé  de  celle  reli- 

vos  fonere'ses,  vos  colonies,  vos  camps,  vos  trihiis, 
vos  déciiri.'s,  le  palais,  le  sénal,  les  assinil)  ées. 
Nous  ne  vous  avons  Liissé  (|iie  vus  li-in|iles.  —  Siiiit 
Alliana^e,  tlans  iiiie  é(iiiie  syiioill(|ii<',  norimie  les 
Eglises  d'Ksptgiie,  île  la  Gramie  Ure^is"*!.  "'<"*  ^••»'' 
les,  (le  rilalie,  de  a  Ualmaile,  de  la  ftlvsie,  de  la  Ma- 
cëdoiiie,  de  la  Grèce,  de  rAlViijiie,  de  la  Sardaigiie, 
etc.  Kiilin  Ions  les  conciles  (]ui  om  piécédé  le  con- 
cile de  Nicée  soiii  des  inonnmenis  irrécusables  des 
vastes  con.|néles  qne  la  foi  cluétieiine  avait  laites 
avant  le  rèL;ne  ei  la  conver  ion  de  C.'inslaiilin. 

t  L'nistoire  prof  ne  est  d'accord  avec  Tliibloire  ee- 
clésia-tique.  Tacite  nous  apiirciid  ((ue,  sous  le  règne 
de  iNcron,  trente  ans  après  la  mon  de  Jésus-lUiiist, 
il  y  avait  à  Home  une  grande  inuilitiide  de  chrétiens. 
Dans  le  même  temps,  Senèiine,  ciié  par  saint  Augusiiii 
{De  Civil.  Dei,  lib.  vt,  c.  15),  !.'indi',îiie  des  progiés 
qne  foni  ilans  luul  Punivi'rs  les  coniuuies  des  Jniis  : 
c'e^i  ^linsi  qn'il  désigne  les  cliiétiens  sortis  de  a  Ju- 
dée. Les  va  nqncurs,  dit  il,  ont  leçn  la  loi  des  vain- 
cus. —  Avant  11  lin  du  i^'  siècle,  Pline  le  Jeune, 
pri  consul  de  liilliyiiie,  écrivait  à  l'einpereiir  Tiajan 
(|ue  les  villes  el  les  campagnes  de  cette  province 
étaient  tcmplies  de  cluélicuS  de  (ont  lang,  de  tout 
âge  et  de  tout  sexe  (a)  ;  el  l'on  ne  peut  douter  qu'il 
n'en  iijt  de  inèiiie  des  auires  piovince-i  de  l'empire. 
Lucien  nous  apprend  ijue,  sous  le  règne  de  Cmniiio- 
de,  la  province  de  Poiil,  sa  patrie,  éiail  pleine  d'é- 
picuriens el  de  chiéiicns.  Dion  Cassiiis,  an  coinmen- 
cemcni  du  troisième  siècle,  nvuue  qne  cette  supers- 
tition, siiiiveiit  répriiiice,  était  pins  luite  ipie  les  lois 
et  faisan  Ions  les  jouis  de  iiouveans  prn^rès.  l'iutar- 
que,  SirabiMi,  Lucain,  Jnvénal,  déploient  les!  eiice 
des  or^icies,  que  l'un  ne  peut  atirib.ier  qu'.tu  d  Seré- 
dit  où  ils  liinoaienl  à  inesnie  que  s'étendait  le  cliris- 
llaiiisme.  Porphyre  dit  expressément,  qu'Esculapc 
et  les  autres  die>ix  ne  l'unt  plus  sentir  leur  pruiec- 
tion  depuis  que  Jésus  est  adoié. 

I  Mais  qu'esl-il  besoni  de  ciier  les  écrivai:is  des 
premiers  siècles  '?  C'est  un  lait  iiiluire  (|ue,  avant  le 
règne  de  Constantin,  l'Lvangile  avait  pénélié  d^iiis 
toutes  les  régions  du  inonde  connu,  et  bien  au  delà 
des  liiniles  de  l'empiie  luinain.  Loin  de  le  contes- 
ter, les  incrédules  s'en  prévaienl  souvent  p  uria- 
loinnier  lu  conversiun  du  piemier  pi  inee  ciirélieii. 
Selon  eux,  la  (onvution  n'y  eut  aucune  pan,  cl 
Coiisl.inlin,  indiliéreiit  au  lund  sur  lou.es  les  reli- 
gions, ne  se  déclara  en  faveur  du  clirisliaiiisiue  que 
pour  se  meure  à  la  (éle  du  parti  le  pins  puissant. 
Ainsi,  de  leur  aveu,  la  nouvelle  religion  avait  pris 
le  dessus  dans  l'empiie,  non  seulemenl  sans  le  se- 
cours, mais  eiicoie  m.ilgié  tous  les  ellurts  de  la  puis- 
sance publique.  —  Lu  elîcl,  depuis  sa  naissance  jus- 
qu'au leni|is  de  Coir^laïKin,  b;  clirisliiinisnie  n'a  pies- 
que  j  in.iis  cessé  d'eue  en  bulle  aux  jilus  viu.en.es 
peisecutiuiis.  A  Jérus.ilem,  les  apôtres  sont  ciiipri- 
soniics,  baitns  de  verges  •  n  mis  a  mon.  P.irlnul  où 
ils  porieiil  leurs  pas,  tes  jnil's  les  pirursuiveni,  les 
accusent  i!ev..nt  les  ti  ibun.iiix  ou  soulèvent  le  pi'uple 
contre  eux.  ^éron  icjetle  sur  les  chrétiens  l'inceu- 
die  dé  KiMiie,  cl  I  s  lait  expirer  dans  des  supplices 
aflreux.  1)  iiiiiieii,  Trajaii,  bevéïe,  Décius,  Vaieneii, 
Auiéneii,  Uiocielien  cl  ses  collègues  pnbliem  des 
édils  sanguinaires  cou  re  le  chrisiiauisme.  Les  gou- 
yerneuis  ues  proiinces  ajoutent  à  la  cru. lUié  des  lois 
iuipcn.dcs.  bans  tiuie  l'étendue  de  l'empue,  une 
populace  siipcisiitiiiise  et  len.ce  demande  à  grands 
cri»  le  sang  des  cliictiens.  Leurs  lourinenis  lunt 
paille  des  sp'ectacles  ei  des  jeux  publics.  L'hisloire 

(n)  MulU  oiDDis  Ktalis,  oninis  ordiuis,  utriusque  sexus 
eiiaui  vocdiilur  lu  pericutuin,  el  voeatmiilur.  iNeque  eniiu 
civitutes,  $.:d  veu^  eliauj  alque  agios  :>u,je[birUuuis  isllus 
tonla^io  pcrvagaia  est. 


giaîi  qu'ils  avaient  en)brassée  avec  pleine 
coiuuiissance  de  cause  :  lémoignage  coiilirmé 

ecclésiastique  compte  dix  persécnlinns  générales  or- 
données par  des  édils  ;  in.iis,  lors  même  que  les 
eiiipereiirs  seml)laienl  accorder  ipielqne  répit  aux 
cliréiiens,  il  s'élev.iil  (les  perséeii  ions  locales,  au- 
toii.sées  en  (|Uilqiie  sorte  par  les  anciennes  luis  qui 
dél'  iid.ueut  d'inlrodniie  de  nouvelles  religions 

€  C'e^t  donc  nn  f  lil  iiicontestaiile  que  la  foi  s'est 
étendue  et  alfermie  au  milieu  des  per.séciilions,  et 
que  le  saiu  des  martyrs,  comme  dit  rerlullien,  est 
devenu  une  semence  féconde  :  Semen  est  saiiguis 
Christianorum. 

«  Piiisi|ue  la  puissance  publique  h'y  à  eu  aucune 
part,  à  quoi  donc  allribnerons-iious  réiablissement 
et  li's  progrés  rapides  de  rtvangile  ?  Cherclierons- 
noiis  les  causes  naturelles  de  ce  pliénomèiie  singu- 
lier, ou  dans  la  nature  même  de  la  doctrine  cbrélien- 
ne,  ou  dans  les  qualiiés  personnelles  de  ceux  qui 
l'enseigua  eut,  ou  d.ms  les  dispositions  el  les  préju- 
gés des  peuples  à  qui  elle  éiail  anuoncée  ;  ou  enfin 
dans  rignoiMiice,  la  crédulité  ou  les  besoins  des  pie- 
iiiiers  cbiéiiens  ! 

t  i"  Considérée  en  elle  mênip,  et  indépendain- 
nient  de  louie  preuve  exlnnséi|ue,  la  dorlriiie 
cliiclieniie  n'avait  rien  qui  pùl  lui  pioinetlie  un  pa- 
reil succès.  Il  esl  vrai  que  pai'  la  sublimité  de  ses 
dogmes,  cl  par  la  pureté  de  .'a  morale,  le  cbi  islia- 
iiisine  l'emportait  inliniuieui  sur  les  religions  doini- 
liaoïes,  mais  ces  dogmes  sublimes  n'éiaienl  nulle- 
meni  à  la  portée  du  peuple  ,  et  les  philosophe.^  ne 
pimva  eut  (prèlie  révoltés  de  ces  mystères  qui  con- 
fondaient tout  leur  savoir  el  ne  s'aecordaieiii  avic 
les  principes  d'.iucniie  secie.  Pane  (pi'ils  n'éiaienl 
pas  idolàires,  les  cbréiien^  lureiii  loi.giemps  regar- 
dés comme  des  alliées.  Ou  porta  la  haine  ei  la  préven- 
lion  jiisiprà  les  accuser  de  c  iinnieiire  dans  leurs  as- 
semblées les  crimes  les  plus  abominai  les.  —  La  iiiO- 
raie  évaiigéliijiie  ciiil  iro|i  sé'èio  pour  un  siècle  où 
régnait  la  corrnpiion  la  pins  elliénée.  Llle  ne  devait 
luui  au  pins  eue  goiilée  i|ue  nu  pelii  nonilne  d'hom- 
mes raisonnables  el  vei  tueu.v  qui  ne  font  secte  nulle 
part.  Le  gouvernement  ne  vu  pas  l'avantage  qu'il 
pouvait  en  retirer  pour  les  mœurs  publiques.  Jamais 
il  ne  se  dmina  la  peine  de  l'examiner.  Lis  princes, 
les  magistrats,  les  plil  >si)|.hes  ne  la  connnreot  pas 
mieux  que  le  vulgaire.  iMarc-Auièle  lu  -même,  stoï- 
cien incuiiséqienl,  persécuta  le  christianisme;  el 
dans  ses  liéllcxiom  iiwruUs,  il  lui  l'ait  un  crime  de  la 
ci'iislaiiee  qu'il  insp  re  au  milieu  des  lourinenis.  'l'oiis 
les  préjuges  de  l'élucaiion,  de  l'babiiude  el  de  la 
politique  conspiraient  contre  la  nouvelle  religion  ;  el 
si,  aiijoaid  liui  que  ce.  préjugés  n'existent  plus,  ou 
pluiol  qu'ils  existent  en  laveur  du  cbrisianisine, 
nous  Voyons  an  inibeii  de  nous  un  si  graiiil  ih^mbre 
d'incrédules,  pouiqu  i  supposeriez-vou.s  que  le^  apô- 
tre» n'ont  eu  IjCsoin  ipie  de  proposer  leur  dociriiie, 
pour  s'attacher  une  ii.ullitude  iimoinbiab  e  de  piosé- 
lyiesï  —  iN'o  biions  pas  Ui.eanlie  cim-idéiation  bien 
impcinaïue,  parce  qu'elle  proine  que  l'on  ne  doit 
éiablir  aiieune  pariiê  entre  lé  cbiisiianisine  el  les 
f.iusses  icligions.  hmlcs  les  religions,  excepté  celle 
de  Moïse,  ipii  lait  paitie  du  clirislanisme,  »unl  fuii- 
dée»  ou  sur  des  mii.icles  clandestins,  ou  sur  de  vieil- 
les li.iditioiis  eg.ilcmenl  inaccessibles  à  la  criiiqnc, 
éga.emeiilprojiie»  il  coiiriir  rcotbonsiasme  et  lac:c- 
dulilé.  Mais  le  cbiislianisme,  au  ininnenl  ne  son  ori- 
gine, n'était  (jue  l'Iiisloiie  île  ce  qui  vciiail  de  se  p.is- 
ser  en  Judée,  sons  les  veux  de  louie  la  iiaiiuii  ;  el 
l'en  voit  d'abord  que  l'cMimen  d'une  histoire  si  pn- 
bli(|ue  el  SI  récente  donnail  moins  de  piise  £i  l'cire.ir 
(|iie  1.  s  opinions  spéculatives  ou  liudiliunnelles  des 
fausses  religions. 

<  'i."  Par  qui  la  religion  clirélienne  a  telle  éié  an- 
nuiicee 'f  Jésu»  venait  d'expirer  sur  une  ciuix,  cl  il 
beiiibl.iil  que  sa  religion  d&i  limravec  lui.  Mais  i' 


SfîO 


CIIR 


CHR 


870 


pur  les  ntlciqucs  mômes  des  philos  tpiies,  par       duilo  des  apostats,  ".ous   lirons  aujourd'hui 
les  aveui  forcés  des  liér^  tiques,  par  la  cou-      presqu'auluiil  d'avanlage  des   écrils  de   nos 


avaii  (Mdoiiné  à  doiue  de  ses  disciplos  de  la  prêt  her 
dîiiis  l:i  Judée  el  d^iis  uiui  l'iiiiivcis.  Coiniiient  osail- 
•I  iciiii|iier  s.:r  leur  oliéissaiice  |)(psiliiiiiie  ?  Quel  ein- 

I  lie  esi  érait  il  >  oiiscrver  sur  ili'S  esprils  ilé,  oinayés 
cl  dis  ilmséi  |>ar  s;i  mon  '!  El  piii-,  vii-mi  jaiiiai'i  un 
(  lii-i  lie  p:ii  11  ('hoisir  plus  mal  sis  eoi)|ii;i  alMirs  .'  —  Ce 

II  ciml  i  as  iKip  pour  nue  pareille  eiiiie|>i-.se  cpie  la 
léiiHii'ii  lie  tuiues  lus  ipialilé^  i|ui  pi'iivent  imposer 
,Mi>  luMumeS,  les  éiilmi.r  ou  les  Nulgiiguer.  La  cou- 
(pi  h\  du  Miiiiide,  la  tréaliuu  iriiiii:  miiuanliie  uni- 
\eiseile  sur  les  .  sprls,  ii'el.ill  pas  ipielipie  chose  de 
SI  ficilc,  ipie  l'on  dût  eu  iiIjaiiJoiiiier  le  suiii  à  des 
Iiomuies  vulgaires.  Cependant,  c'est  à  douze  niisé- 
ralile-^  |  èe'.ii'ins,  sans  luii.iéies,  sans  courage,  sans 
élévaiiiiii,  que  Je^us  cuulie  re.véculioii  de  ses  vastes 
desseins.  Allez,  leur  dilil,  iuslruisez  loules  les  na- 
tions, et  soiiuielicz-les  n  iiia  loi.  Quoi  !  les  Juils,  i|ui 
l'oul  cnicilié  !  Ie>  t.iecs,  si  litrs  i.e  leur  philosophie  ! 
les  lloiiiaiiis,  ipii  eroienl  devoir  à  leurs  dieiu  l'em- 
pire ilii  niiinde  !  tous  ces  pcu|i|rs  dont  ils  ne  toiinais- 
seul  ni  le  pays,  m  le^  mœurs,  m  la  langue  !  Quel 
élraii;;e  coininandemeiil  !  ipielle  minsiou  !  i|Uel$  mi- 
nisiies  !  (cependant  les  ^'pdlies  ont  oiéi,  elds  (iiil  vu 
la  dotlriiie  de  leur  niaiire  él.li)lift  dans  toutes  les 
provinces  dr  l'einpire  roin.iiii. 

«  3"  Allnbuerez-vous  le  succès  des  apôtres  aux 
di^llvl^iliolls  (aviiial)lcs  qu'il-  trouvèrent  dans  les  es- 
prits ?  1)  rr/.-voiis  (pie  les  Juils  et  les  païens  élalent 
piépare»  a  recevoir  la  ducirine  cliréiiemie  ?  — Ce 
seiaii  une  erreur  manileste.  four  ce  qui  e=i  des  Juifs, 
il  l'st  certain  ipie  jama  s  ils  ne  se  monlièrent  plus 
aiiacliés  à  la  reiignm  de  Moise,  qu'à  l'époque  de  la 
prédicalion  des  a|ôiKS.  On  en  liouvera  l.i  preuve 
dans  tous  les  livres  du  Mouveau  Testaineni  ei  dans 
rilisluire  de  Josèplie.  Il  est  encore  certain  que  les 
Juils  reg  iidaieiil  le  cliiislianisnie  coniiiie  un  culte 
inroinpaiible  avec  celui  de  Moïse.  Ce  tut  le  zèle  du 
peuple  piiur  la  lui  qui  lournii  aux  enuenli^  de  Jésus 
le  prétexte  de  sa  condanination.  Lirs  apôires  eux- 
luèuies  ne  lurent  jamais  accuses  d  autre  criuie  que 
de  blaspliémer  coniie  le  temple  et  de  vouloir  détrui- 
re l'aniieiine  religion.  Les  préjugés  superstitieux  du 
peuple,  la  politique  des  inagistrals,  riméiét  des  prê- 
tres, riiiiniieur  de  la  nation,  tout  s'élevait  contre  la/ 
nuuviUe  doctrine.  —  Les  Juils  devaient  liair  le  clins-' 
liaiiisine  ;  les  païens  devaient  le  mépriser.  Une  re- 
ligiii»  née  dans  un  pays  décrié  painii  louus  les  na- 
tions éclairées,  connue  le  Lieiccau  d'une  upeistitiou 
triste,  aUsurde  et  odieuse  au  genre  humain  (a)  :  une 
religion  proscrite  dans  le  lieu  même  de  son  origine, 
déslionoree  par  le  supplice  de  son  auteur,  annoncée 
par  des  hommes  dépuuivus  de  tout  ce  qui  peut  ins- 
piier  la  cunliance  :  une  religion  austère  dans  ses 
pré.  o|iles,  incompréhensible  dans  ses  dogmes,  et  qui 
ollV.iii  à  ses  sectateurs  un  Dieu  crucilié  pour  objet 
de  cuite  et  puur  modèle  ;  le  christi.inisnie,  en  un 
mut,  était  peu  propre  à  s'attirer  rattciiiion  des  Crées 
et  des  Uornains.  Ces  peuples  déJ.dgneux  et  corrom- 
pus n'étaient  pas  disposés  à  quitter  des  superstitions 
anciennes  cl  domestnpies,  qui  llattaicni  rnnagina- 
tion,  les  sens,  les  passions,  la  vanité  natiun.ile,  pour 
lin  culte  danger  qu:  ne  respirait  que  la  pauvreté, 
les  hnmiliaiions  et  la  luiie  des  plaisiis 

«  •'i"  L'opinion  des  pieniicis  lidéles,  dit  rincrédnle, 
ineiile  peu  de  considv^raiion.  Le  cliristiaiiisme,  d-ins 
ton  origine,  n'a  trouvé  de  sectateurs  ipie  dans  le  pe- 
tit peuple,  piéparéà  la  séduction,  non-seuleineiil  par 
Son  ignoiance  et  sa  crédulité,  mais  encore  par  son 
iid'oriune  et  par  les  espérances,  les  consolulions,  les 
auiiiùnes  que  lui  otl'r.ul  une  religion  bienlaisanle, 
aiuie  des    pauvres  et  des  malheureux.  —  11  est  vrai 


que  les  apôtres  comptaient  un  plus  grand  nombre  de 
prosélytes  dans  la  classe  du  peuple,  i|ue  parmi  les 
riclii  s  et  les  savants.  Saint  l'aiil  liii-nièiiic  en  lait  la 
reniaripie  dans  plusieurs  de  ses  Epjtres,  niais,  loin 
(le  l'onner  un  pi(>jiigé  contre  le  clirislianisme,  la  l'a- 
cilité  el  l'eiiipressemonl  avec  lequel  ce  grand  nomtire 
de  pauvres  el  d'ignorants  riuit  emhiassé,  piouverait 
plutôt  que  pour  y  croire  il  ne  lallail  que  de  la  sim- 
plicité et  de  la  bonne  fui.  S'il  s'agissait  d'une  di.ctri- 
iie  fondéi!  sur  le  raisonnemeiil  on  sur  des  retlierclns 
savauies  et  dilliciles,  l'opiniun  du  peuple  ne  seiait 
iJ'aucun  poids.  Mais  lois.|n'il  est  (piestion  de  faits 
éclaianis  et  miioiii  s,(pii  ne  deuLindent  que  des  yeux 
et  des  oreilles,  riiomme  simple  et  ignor.iiit  peut  ju- 
ger aussi  bien  que  le  pliilosophc  ;  et  s'il  se  montre 
plus  disposé  à  croire,  c'est  (pi'il  ne  s'éiudie  pas  à 
combatire  p.ir  de  vaincs  siihiililes  l'impression  iia- 
tuielle  qur  lait  sur  sou  esprit  le  rapport  de  ses  sens. 
—  Cependant  il  ne  faut  pas  s'iniiginer  que  l'Eglise 
chrétienne,  dans  ses  premiers  lenips,  ne  lui  compo- 
sée que  d'ignorants  et  de  misérables  de  la  lie  du  peu- 
ple. Le  contraire  est  prouvé  par  les  Epîtrcs  inéiiies 
de  saint  Paul,  où  nous  tronv  >ns  des  piécepies  et  des 
conseils  pour  liutis  les  conditions,  pour  les  maîtres 
ciMiime  pinir  les  esclaves,  pour  les  riches  coniine 
peur  les  pauvies,  pour  ceux  ipii  s'adonnaient  à  l'é- 
lude de  la   loi,  ou  i!e  la  philosophie,  aussi  bien  que 

pour  ceux  qui  vivaieni  du  iravail  de  leurs  n  ams. 

Parmi  les  discip  es   de  Jésus,  l'hisioire  évangéliipie 
nomme  un  Nicodcme,   prince  des  Juifs  ;  un  Ji'iseph 
d'Arimathie,  noble  décurion,  ou,  comtne  jorie  le  tex- 
te grec,  noble  sénateur  ;  un  Hachée,   homme  riche  et 
cliej  des  publicains  ;  un  Jaire,  prince  de  la  symigoijue, 
et  plusieurs   autres  d'un  rang  disiingué.  iNons  lisons 
dans  le  livre  des  Actes,  que  dés  le  coininenceinent  de 
la  prédicalion  des  .ipiitres  un  grand  nonibie  de  prê- 
tres, multa  turba  sacerdolum,  et  inèine  plusieurs  pha- 
ris  eus,  obéissaient  à  la  fin.   Le  cenienier  (Corneille, 
reuiinque  de   la  reine  (.audace,  le  proconsul    Paul, 
Denys  l'Aiéopagiie,  éiaieul  ilcs   personnages  cnnsi- 
dérables.  A  Ihessaloniipie,  les  premiers  qui  embras- 
sèrent la  foi  icnaient  un  rang  distingué  dans  la  ville, 
et  ils  ne  se  rendirent  qu'après  avoir  compare  l'ensei- 
.giiemeiit  des  apôtres  avec  la  docirine  des  tcritu- 
|res  («).  l'ainii  les  tphesiens  qui  crurent  à  la  prédica- 
tion (Je  saint  i'aul,  il  y  avait   des   hommes   lettrés, 
puisque  plusieurs  apportèrent  des  livres  impies  ou 
snpersiilieux,  et  en  biùlèrenl  pour  une  somme  con- 
sidérable. —  Le  consul  Flavius  Clémeiii  et  Doniitilla, 
Son  épouse,  tous  ileux  parents  de  Domitien,  périrent 
dans  la  persécniion  allumée  par  cet  empereur.  Pline 
atteste  qu'il  y  avait  en  Bithynie  des  chrétiens  de  tout 
rang  et  de  toute  condition,  omnis  ordinis,  TertuUien 
avertit  Scapula,  proconsul  d'Afrique,  que  parmi   les 
chrétiens  tpi'il  veut   immoler,   il  irouvera  des  se  a- 
tenis,  des  lemmes  de  la    plus   hante  naissance,  les 
parents  de  ses  amis.  Dans  un  de  ses  rescrils,  l'em- 
pereur Valérien  recimnait  que  des  sénateurs  el  des 
iémines  du  premier  rang  oni  embrassé  le  christia- 
nisme. —  Les  nioniimeiils  qui  nous  restent  des  deux 
premiers  siècles  de  l'Eglise,  les  lettres  de  sanii  Clé- 
ment de  Rome,  de  saint  Ignace,  de  saint  Polycarpe  ; 
les  écrits   d'Ilerinas,  de  saint  J  istiii,  d'.^lheiiagore, 
sans  parler  de  (Jnadralus,  d'Aristide,  de  iMelilon  et 
d'une  inliiiité  d'antres  donl  les  ouvrages   ont  péri, 
font  assez  voir  (pie  le  cbrislianisme,  dans  son  origi- 
ne, n'était  pas  ré  luit  à  une  mullit  ide   ignoranle  et 
imbécile.  —  Dans  le  iii«  siècle,   lorsipi  •   la   preuve 
des  laits   évaiigeliques  conservait  eniii;e   loin  sou 
éclat,  el  que  les  monuiDeiiis  originaux  étaieni  entre 


(a)  Hi  autem  eranl  nobiliores  enrum  qui  sunl  Thessalo- 

(a)  (".-elera  ins  ilula  sinistra,  fanla  pravilate,  valuere nicu;,  nui  susceperuul  verbuni  cum  omui  avidilate,  quoll- 

Ju.l:eoruni  mes  absurdus  sordidusque.  (Tactl.)  die  scrutaules  Scripiiiras,sili«C.itaseiubereDt  {Àct.xni) 


«71 


CKR 


CHR 


872 


ennemis  que  des  ouvrages  do  nos  apologis- 
tes. [Voi/.  l'art.  Martyrs,  oi'i  celle  preuve  se 
trouve  (iévcloppée.]  —6°  Si  nous  examinons 
\e  christianisme  en  lui-mêinc,  qu'y  voyons- 
nous?  Des  dortmps  suhliines,  une  morale 
sainle,  un  culte  majeslneux  el  pur,  une  dis- 
cipline sévèro.  Toutes  ces  partitîs  se  soutien- 
nent et  se  servent  mulueliement  d'appui  ; 
sans  nos  mystères,  la  morale  ne  sérail  londée 
sur  rien  ;  l'un  el  l'autre  seraient  méconnus, 
si  les  pratiques  du  culte  n'en  rappelaient 
continuellement  le  souvenir:  le  cuhe  à  son 
tour  serait  bientôt  altéré,  si  la  discipline  ne 
veillait  à  sa  conservation.  [Vcy.  Loi  évangé- 
LiQUE,  Morale.]— 7"  Tout  cet  ensemble  porte 
sur  l'enseignement  vivant  et  puitlic  de  ['E- 
glise  ;  il  est  de  même  pour  les  savants  el  pour 
les  ignorants  ;  tous  y  trouvent  sans  elToi  t 
l'unité,  l'universalité,  l'inimutahiliié  de  la 
foi.  Vingt  sectes  ((ui  s'en  sont  écartées  n'ont 
fait  que  rendre  cet  enseignement  pius  ferme 
et  plus  et  latant  ;  elles  servent  aujourd'hui  de 
témoins  de  ce  (lui  était  cru  et  enseigné  à 
l'époque  lie  leur  séparation,  [y^oij.  Kgi.ise.] 
8°  Quels  effets  cette  religion  divine  n'a-l-elle 
pas  produits  dans  tous  les  climats?  lille  a 
opère  sur  les  mœurs  et  sur  la  civilisation  des 
peuples  la  même  révolution  en  Kurope  et  eu 
Asie,  en  Afritpie  et  dans  les  pays  du  Nord  ; 
aucune  nation  ne  l'a  embrassée  qui  ne  soit 
sorlie  bientôt  de  la  barbarie,  et  aucune  ne 


les  mnins  de  tout  le  monde,  les  lidinines  les  plus  sa- 
vants, les  plus  beaux  génies,  un  Terlullieu,  un  Ori- 
gcne,  uii  lianiiniiiiius  il'AI'Xiiudiii',  Jiiles-Alricain, 
saint  Cyprieii,  Laclauce,  Kuscbe  do  Césarée,  consa- 
cieui  leurs  veilles  à  1  éiuile  el  à  i:i  iiél'eiise  du  cliris- 
tianisiiie.  Depuis  sa  naissance  jus!|u'à  nos  jours,  la 
religion  de  l'l;,v;iu(;ile,  dcd. liguée  par  le  bel-esprit,  le 
demi-savoir  el  le  tiberiiua>;e,  a  cuiisiaiumeni  ubleim 
rtioininage  de  loul  <  e  (ju'il  y  a  t-ii  de  pius  eélébre  par 
le  génie,  les  lumières  el  les  vei  uis.  >  (Unvnis n,  inui. 
Xlli  des  Ué'iiOH'itialioiis  évaiujéliquts,  éilll.  Mi..;iie.) 

C'csl  d'après  ces  iiaiiles  CiHiMiléialions  i)ne  s:iiul 
Augiisiiii  s'éiriail  :  i  Ici  se  préseiilciil  iioisclioses  iii- 
crovables  :  il  est  iiioroyalile  que  le  Clinsl  S'Hl  res- 
suscité ;  il  est  iiicroyalj.e  ipie  le  moinlo  ail  pu  le 
croirn;  il  est  incroyalile  (|ue  ce  soiluii  petit  noiiibre 
d'Iioiiinies  iguiiraiils  el  de  la  lie  du  peuple  qui  aient 
persuadé  (C  (ail,  iiéiiie  aux  savants.  De  i;is  trois 
Cliosis  iiK  royalties,  ceux  qui  di^piiienl  iimlre  iinns 
reluseiit  de  (  roue  la  i  reiniiTi;  ;  ils  voient  la  secoinle 
dt!  leurs  yi'ux,  cl  ils  ur  peuvt  ni  due  couiiiieut  elle 
s'e»!  laite,  à  nioiiis  d'adiiiellre  la  iniisiénie.  —  l,a  ré- 
surrection du  Cliiist  est  publiée,  crue  dans  le  iiionde 
entier.  Si  elle  n'est  pas  eroyalde ,  poiir,|uoi  loul 
l'univeis  la  croit-il  ?  Ï!ii  un  grand  iiuuilire  de  savaiiis 
el  d'Ijiiinnics  tlisliiiguéa  s'êiaieiu  donnés  pour  (Cjiuiiis 
de  ce  pr^'il  ge,  il  seia.l  uiimiis  éloniianl  que  le  nionde 
les  en  i  ùl  enis,  l'I  je  ne  vois  pas  poimpioi  l'on  reluse- 
rail  anjoiinriiui  de  les  croire.  iMais  si,  euinnie  il  esl 
vrai,  li;  iiioiMe  a  cru  sur  le  lénioi};iiage  d'un  peut 
noinlire  d'Iiuiiiincs  obscurs  el  iguoraul-,  cuninieiK  se 
trouvet-il  eneme  des  entêtés  <|ui  ne  vciilenl  pas 
croire  ce  qu'.i  cru  le  nr  nde  eniier  '  Celui  ipii,  pour 
croire,  deuianilede  nouveaux  |iioilige>,  i  si  lui  ineiiie 
lin  prodige  inoustnieux,  piiiMpru  lé-isU;  seul  à  la  I  i 
de  i'uiiiveis....Si  l'on  ne  vi  ui  p.iscioiie  que  les  apô- 
tres eux-iiieiiies  aient  opéié  des  niiNicles  en  preuve 
de  la  résurrection  du  Clirisi,  ce  sera  pour  n^us  un 
assez  grand  luiracl-  que  Utiile  la  lerie  ail  cru  sans 
miracle  Ole  Civit.  Uei,  lib>  xxii,  c.ip.  5).  > 


l'a  quittée  sans  y  tomber.  Après  dix-sept 
cents  ans,  la  différence  est  toujours  la  même 
entre  les  nations  chrétiennes  et  celles  qui  ne 
le  sont  pas. — 9"  Lorsque  nous  romparins  le 
chrisiianisme  avec  les  autres  religions,  soit 
anciennes,  soit  modernes,  avec  la  croyance 
des  Chinois,  des  Indiens,  des  Parsis",  des 
Egyptiens,  des  Grecs,  des  mahomélans,  il  n'est 
pas  tort  difncile  de  distinguer  celle  qui  vient 
do  Dieu  d'avec  celles  qui  ont  été  forgées  par 
les  hommes  :  lotîtes  ces  dernières  se  sentent 
du  terroir  sur  lequel  elles  sont  nées  ;  la  nô- 
tre n'a  pas  plus  de  lelation  a^ec  une  partie 
du  monde  qu'avec  l'autre.  —  10°  Eiifin,  une 
preuve  non  moins  frappimte  que  les  précé- 
dentes de  la  vérilé  du  cliristiniiisrne,  est  la 
chaîne  des  erreurs  qu'il  faut  pariourir,  dès 
que  l'on  s'écarte  une  fois  du  chemin  qu'il 
nous  trace  el  des  vérités  qu'il  nous  enseigne. 
Ceux  qui  refusent  de  subir  le  joug  de  la  loi 
passent  rapidement  de  l'hérésie  au  sociuia- 
nismo  et  au  déisme,  de  celui-ci  à  l'aihéismc 
et  au  matérialisme,  pour  abi^uiir  enûn  au 
pyrrhonisMie  absolu.  Cette  progression  est 
inévitable  à  loul  homme  qui  se  pique  de  rai- 
sonner conséqucmmenl. 

On  peut,  sans  doute,  ajouter  d'autres  preu- 
ves à  celles-là  ;  plus  on  éiudie  la  religion, 
plus  on  en  découvre  de  nouvelles.  Puisqu'il 
y  a  un  Dieu,  il  n'a  pas  pu  permettre  qu'une 
religion  fausse  portât  un  si  grand  nombre  de 
signes  de  vérité;  il  aurait  letidu  aux  esprits 
droits  el  aux  coeurs  vertueux  un  piège  iné- 
vitable d'erreur. 

Parmi  le  grand  nombre  d'incrédul"S  qui 
ont  avancé  que  les  preuves  du  christianisme 
ne  sont  pas  solides,  il  ne  s'en  esl  pas  encore 
trouvé  un  seul  qui  ait  osé  entreprendre  de 
les  détruire  l'une  après  l'autre,  ou  de  nous 
donner  un  système  mieux  raisonné.  Nous 
n'en  connaissons  aucun  q;ii  se  soit  attaché 
à  Qionlrer  iiu'il  y  a  ilaiis  le  monde  quelijue 
reiiyion  fausse  qiii  peut  alléguer  en  sa  faveur 
les  mê  nés  motiis  de  crédibilité  que  le  ciiris- 
tinnisme.  A  la  vérité,  il  n'est  aucune  de  ces 
preuves  contre  laquelle  on  n'ait  lait  quelques 
objections  ;  mais  elles  déiionlrent  moins  la 
sagacité  de  nos  adversaires  que  leur  préven- 
tion et  leur  ('piniàtreie.  LU  'S  servent  plutôt 
à  iortiticr  nus  raisonnements  qu'à  les  affai- 
blir. 

On  demande  pourquoi  Dieu  a  donné  trois 
révélations,  pendant  qu'il  pouvait  produire 
le  même  effet  par  une  seule;  pourquoi,  dés 
le  commencement  du  monde,  il  n'a  pas  opéré 
ce  qu'il  vouliil  faire  quatre  mil  e  ans  aiirès? 
—  C'est  comme  si  l'on  demandait  pourquoi 
un  père  ne  donne  pas  à  son  eiirant,  au  sorlir 
du  berceau,  les  mêmes  leçons  ()u'il  lui  ré- 
serve pour  l'âge  de  (|.iin/e  ans  ;  pourquoi 
Dieu  ne  lait  pas  naître  les  hommes  dans  uti 
âge  mûr,  au  lieu  de  les  fa  re  naitre  dans 
l'enfaiice'/  Pourquoi  IMeu  n'a-t-il  pas  créé 
le  monde  quatre  mille,  vingt  mille  ou  cent 
mille  ans  plus  tôt;  pourquoi  n'a  l-il  pis 
donné  l'é  re  a  cent  millions  dliommes  de 
plus  ;  pourquoi  ne  les  a-l-il  pas  rendus 
aussi  parfaits  que  les  anges"?  etc.  Toutes  ces 


873 


Cllft 


CHR 


871 


questions  sont  absnrdes,  parce  qu'elles  vont 
à  l'iiifîiii. 

Oieu,  aux  yeux  duquel  toute  la  dur^e  des 
siècles  n'csl  qu'un  point  de  l'élernilé,  devait- 
il  se  presser  d'acroinplir  ses  desseins  ?  Qu'im- 
porte qu'il  ail  accordé  aux  premiers  hommes 
moins  de  lumières,  moins  de  {grâces,  uioins 
de  moyens  de  salut  qu'à  nous,  dès  qu'il  n'a 
jamais  demandé  compte  à  personne  que  de 
la  mesure  des  secours  qu'il  lui  avait  don- 
nés? L'é{;alilé  de  bienfaits  naturels  ou  sur- 
naturels pour  tous  les  temps,  rppug;ne  au- 
tant à  la  sagesse  divine  que  l'égalité  pour 
tous  les  lieux,  pour  tons  les  peuples,  pour 
tous  les  individus.  Vot/.  l\i':r.*i.iTK.  Les  in- 
crédules ont  dit  que  pour  tirer  une  preuve 
des  prophéties,  il  faut  les  entendre  dans  un 
sei\s  mystique,  allégorique,  figuré,  Irès- 
dilTérent  du  sens  que  le  prophète  avait  en 
vue,  et  qui  n'esi  qu'un  rêve  de  l'im.'igina- 
tiou  des  commentaleiiis  juifs  ou  chrétiens. — 
Nous  soutenons  le  contraire,  cl  à  chaque 
prophétie  que  nous  citons  en  preuve,  nous 
faisons  voir  que  tel  est  le  sens  direct,  litléral 
et  naturel  ;  ou  peut  laisser  de  côté  les  pro- 
phéties t'  piques  et  allégoriques,  sans  (|ue  le 
chrisiianisiue  \  perde  lien,  et  sans  qu-  l'on 
puisse  blâmer  les  apôtres  ni  les  Pères  de  l'K- 
glise,  (lui  ont  eu  de  bonnes  taisons  d'allé- 
guer aux  Juifs  les  prophéties  tjpi(]ucs  dans 
le  sens  qu'y  donnaient  les  docteurs  juifs. 
Voi/.  Allégorie,  Figuiusmk,  Type,  etc. 

Pour  attaquer  le  caracièie  personnel  de 
Jésus-Christ,  il  a  fallu  pousser  la  mali^iiiié 
plus  loin  <|ue  les  Juifs,  travestir  ses  discoirs 
et  ses  actions,  empoisonner  ses  inientious 
et  ses  motifs,  altérer  la  narration  des  évan- 
gélistes,  falsilier  les  passages,  etc.  ;  procédé 
nialhonncie  et  odieux  qui  déshonore  les  in- 
crédules, et  sufiit  pour  faire  détester  leurs 
opinions. — Ils  ont  dit  avec  un  ton  de  mépris 
que  Jésus  n'était  qu'un  vil  artisan  de  Judée, 
qui  n'a  pas  pu  trouver  croyance  parmi  ses 
compatriotes,  qui  a  été  mis  à  mort  comme 
un  séditieux  et  un  malfaiteur,  et  dont  quel- 
ques fanatiques  se  sont  avisés  de  faire  un 
Dieu  après  sa  mort. 

Nous  voudrions  savoir  d'abord  pourquoi 
Dieu  devait  plutôt  se  servir  d'un  Chaldéen, 
d'un  ("iree,  d'un  llomain  ou  d'un  Gaulois, 
que  d'un  Juif,  pour  instruire,  sauver  et  sanc- 
tiGer  les  hommes.  C'est  aux  Juifs  qu'il  a\ait 
été  prédit  que  le  Messie  sérail  fils  de  David 
et  d'Abraham,  et  il  est  prouvé  par  sa  généa- 
logie que  Jésus  descendait  véritablement  de 
ces  patriarL-hcs  ;  y  avai-il  un  sang  plus  no- 
ble ilans  l'univers?  Il  est  faux  que  Jésus 
n'ait  pas  trouvé  croyance  parmi  les  Juifs; 
puisque  c'est  dans  la  Judée  mèoie  que  le 
(•//ri.-tfaHîijne  a  commencé  de  s'établir.  Jésus 
a  été  condamné  à  mort,  non  pour  avoir  com- 
mis aucun  crime,  mais  parce  qu'il  s'est  at- 
tribué la  qualité  de  Messie  et  de  Fils  de  Dieu; 
la  question  est  de  savoir  s'il  ne  l'a  prouiée 
ni  par  sa  doclrine,  ni  par  ses  vertus,  ni  par 
ses  tniracles.  Dans  ce  cas  le  projet  formé 
par  ses  disciples  de  le  faire  reconnaitre  pour 
Dieu  après  sa  mort,  serait  le  plus  insensé 
qui  eût  jamais  pu  entrer  dans  des  têtes  hu- 

blCT.   IK  Tuiîoi..  DOOMAfigL'K    1. 


niaines,  et  il  leur  eût  été  impossible  d'y  réus- 
sir. Si  Jésus-Christ  a  prouvé  sa  mission  et 
sa  divinité,  le  succès  ne  doit  plus  nous  éton- 
ner; mais  nous  prions  b  s  incrédules  d'ex- 
plii|uer  comment  cela  aurait  pu  se  faire  au- 
trement. —  Nous  leur  demandons  encore  le- 
quel de  ces  deux  mystères  est  le  plus  aisé  à 
concevoir'  ;  Dieu,  pour  instruire,  pourrache- 
ter  et  sanctifier  les  hommes,  a  daigné  se  re- 
vêtir de  l'humanité,  paraître  sous  l'cxiérieur 
d'un  artis.-in  de  la  Judée,  se  laissrr  crucifier, 
et  ressusciter  ensuite;  ou  Dieu  a  permis 
qu'un  vil  artisan  de  la  Judée  réunît  dans  sa 
personne  tous  les  caracières  ca|iables  de  le 
faire  reconnaître  pour  le  .Messie  promis  auv 
Juifs,  et  poitr  le  Fils  de  Dieu  ;  qu'il  soii  p  ir- 
venu  à  se  faire  adorer  conimo  tel  p  jr  une 
grande  partie  du  genre  humain,  et  que  cette 
illusion  dure  depuis  dix-huit  siècles. 

Les  eiinernis  du  chriftiani^me  n'ont  pns  élé 
plus  équilables  à  l'égarl  des  apôtres  :  ils 
leur  ont  prélé  un  caraiière  indéfinissable  et 
des  qualiiés  contradictoires,  une  ignorance 
stupide  et  des  ruses  impénétrables,  une  gros- 
sièreté sans  égale  et  une  prudence  consom- 
mée, un  inlérôi  sordide  el  un  courage  héroï- 
que, un  fanatisme  révollanl  et  un  zèle  ar- 
dent pour  la  gloire  de  Jésiis-i;hrist,  une  scé- 
lératesse d  cidee  et  le  désir  de  sanctfier  le 
monde,  une  aveugle  ambition  et  l,i  soif  du 
martyre.  Des  raisonneurs  réduits  à  cet  excès 
d'absurdité  devraient  parler  sur  un  ton  plus 
modeste.  —  Comment  n'ont-ils  pas  vu  (jue 
plus  ils  exagèrent  les  vices  de  l'esprit  et  du 
cœur  des  apôlres,  plus  ils  augmentent  lo 
merveilleux  de  leurs  succès  ?  Di's  iguorauls 
grossiers  n'auraient  pas  enseigné  une  doc- 
trine aussi  sublime,  ne  nous  auiaieiit  pas 
laissé  des  écrits  aussi  sages,  n'auraient  pas 
attiré  d.ins  leur  école  des  savants  et  des  phi- 
losophes. Des  hommes  funcièremenl  vicieux 
n'auraient  pas  prêché  une  morale  aussi  par- 
faite ,  el  n'en  aurait  ni  pas  donné  l'exemple 
les  premiers.  S'ils  avaient  éié  ambitieux  ou 
intéressés ,  chacun  d'eux  aurait  travaillé 
pour  soi  ,  n'eût  point  voulu  s'entendre  ,ivcc 
les  autres,  aurait  fait  bande  à  part,  comme 
ont  fait  les  fondateurs  de  la  prétendue  ré- 
forme. S'ils  n'avaient  travaillé  que  pour  ce 
monde,  ils  auraient  fui  tant  qu'ils  auraient 
pu  les  persécutions  et  la  mort,  comme  ont 
fait  encore  les  prédicants  du  xvi'  siècle  et  les 
docleurs  de  l'incréilulilé.  Enfin,  si  c'eût  élé 
une  troupe  de  fanatiques,  ils  auraient  en- 
fanté un  (  haos  d'opinions  discordantes,  tel 
que  le  protestantisme  a  élé  dès  son  origine 
cl  sera  toujours,  et  comme  il  est  arrivé  à 
toutes  les  autres  hérésies  qui  ont  subsiste 
longtemps. 

Même  embarras  pour  nos  adversaires  , 
lorsqu'il  a  fallu  expliquer  les  causes  de  la 
propagation  de  l'Fvangile  et  de  la  conver- 
sion du  monde.  Aux  yeux  d'un  liomme 
sensé,  ces  causes  sont  évidentes  :  1°  la  force 
persuasive  que  Jésus-Christ  avait  piomis  de 
donner  à  s^s  apôtres  [Lnc.wi,  loj;  2'  la 
sainteté  de  leur  doclrine,  la  sublimité  de  leur 
morale;  3"  les  miracles  qu'ils  ont  opérés,  et 
le  pouvoir  qu'ils  ont  eu  de   communiquf  r 

•l'A 


875  Gllft 

aux  fidèles  les  dons  mirnculeux;  4°  l'esprit 
prophétique,  et  la  connaissance  des  plus  se- 
crètes jiensées  des  lnnnines  ;  5"  leur  charité 
héroïque,  leur  courage,  leur  désinléresse- 
menl ,  leur  patience;  6°  les  mêmes  vertus 
qu'ils  ont  fait  régner  parmi  les  premiers 
clirètieiis. 

Mai-  les  incrédules  ze  sont  creusé  l'esprit 
pour  trouver  des  causes  naturelles  de  cette 
révoluiion.  et  en  faire  disparaître  le  merveil- 
leux ;  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de 
li'>  discuter,  du  m  lus  soinmairenipul.  Ils  ont 
dit,  1°  One  l'on  éiail  dégoûté  «les  f.ibles,  des 
siipersliiions,  des  désordres  du  paganisme; 
que  1  inconstance  et  le  goût  de  la  nouveauté 
engagèreni  plusieurs  personnes  à  embra^ser 
ri.vaiigile.  Mais  les  édils  des  empereurs,  re- 
nouvelés pendant  pins  de  deux  cent  cin- 
quante ans,  pour  maiiilonir  l'idolâtrie;  l'apo- 
logie du  pagaiiisme,  faite  par  plusieurs  phi- 
losophes pendant  le  n:ênie  intrrvalli',  et  leurs 
écrits  sanglants  contre  notre  religion;  les 
cris  tumultueux  des  païens  dans  l'amphi- 
tliéâlre,  pour  demander  le  sang  des  chré- 
tiens; les  su):plices  de  ceux-ci ,  continués 
depuis  Néron  jusqu'à  Constantin ,  sont- ils 
des  preuves  du  dégoût  c|ue  l'on  avait  du  pa- 
ganisme, ou  d'un  grand  empressement  de 
changer  de  religion?  Le  lanalisme  le  plus 
opiniâtre  pouvail-il  faire  queli]oe  chose  do 
plus?  —  On  n'a  qu'à  liri',  dans  Àlinutius  Fé- 
lix, l'apologie  qu'un  [laïen  fait  du  poly- 
théisme et  de  l'idolâtrie  ,  on  verra  si  le 
monde  en  était  dégoûté.  Voij.  Paganisme, 
§  10.  —  Us  ont  dit,  -1"  qu'au  milieu  des  mal- 
heurs dont  l'empire  était  accablé,  les  peu- 
ples avaient  besoin  d'une  religion  qui  leur 
apprit  à  souffrir.  Us  en  avaient  besoin,  sans 
doute  ;  mais,  s'ils  le  sentaient,  comment  ont- 
ils  résisté  si  longtemps?  On  attribuait  ces 
malheurs  au  clnislianisme  et  à  la  colère  des 
dieux  irrités  contre  les  chrétiens  ;  apiès 
quatre  cents  ans,  saint  Augustin  lut  encore 
obligé  d'écrire  contre  ce  [jréjugé.  D'ailleurs, 
soulfiir  par  les  moiils  surnaturels  que  four- 
nit le  claistinnisme,  ce  n'est  plus  un  procédé 
naturel.  V^oici  du  moins  un  hommage  (lue 
nos  ailversaires  sont  forcés  de  rendre  à  notre 
religion  :  elle  consola  les  peuples  dans  l'ex- 
cès de  leurs  malheurs;  elle  leur  apprit  à 
s(mffrir  avec  courage;  et  s'il  faut  croire  une 
Providence,  il  faut  avouer  aussi  (ju'elle  ne 
|ionvait  envoyer  celle  consolation  plus  à 
propos.  Bientôt  les  barbares  vinrent  mettre 
le  comble  aux  malheurs  que  i'em|)ire  ro- 
main a\ait  essuyés  de  la  part  de  ses  maîtres. 
Nous  avons  donc  lieu  d'eSjérer  que  (juand 
les  incrédules  auront  (iuel(|ue  chose  à  souf- 
frir, ils  redeviendront  chrétiens.  —  'S"  Ils 
prétendent  que  la  persécuiion  déclarée  con- 
tre les  chrétiens  les  rendit  inléressanis  ,  (|ne 
la  piti;-  naturelle  leur  attira  des  partisans, 
que  l'on  fut  tou(hé  de  leur  conslanei'.  Il  fau- 
drait commencer  par  prouver  que  la  cmis- 
lauce  des  martyrs,  au  milieu  des  pi. s  cruels 
supplices,  était  naturelle.  Des  peuples  accou- 
tumés à  voir  couler  sur  l'arèiii'  le  sang  des 
gladiateurs,  à  repaître  leui  s  yeux  du  specta- 
cle d'un  homme  qui  mourait  de  bonne  yrâce, 


C.nw  '  870 

à  exeilor  par  leurs  cris  la  cruauté  des  bour- 
reaux, n'étaient  cerlainenii  nt  pas  fort  portés 
à  la  pitié.  Us  demandaient  à  grands  cris  le 
sufiplice  des  chrétiens,  non  pour  en  avoir 
pitié,  mais  pour  satisfaire  leur  propre  bar- 
barie. Souvent  des  magistrats,  peu  portés 
d'ailleurs  à  sévir  contre  les  chrétiens,  y  ont 
été  forcés  pour  satisfaire  une  populace  effré- 
née. Nous  convenons  que,  selon  le  mot  de 
Terlullien,  le  sang  des  martyrs  était  une  se- 
mence de  chrétiens;  mais  il  est  absurde  de 
penser  que  ce  phénomène  était  naturel. 
A-t-on  vu  que  la  persécution  exercée  pir 
Alexandre  contre  les  mages,  par  les  Humains 
contre  les  druides,  par  plusieurs  empereurs 
contre  les  juifs,  par  quelques  souverains 
contre  les  mahoinélans,  ait  multiplié  les  par- 
tisans de  ces  religions?  —  4°  L'on  était  en- 
têté de  prodiges  et  de  miracles,  disent  nos 
profonds  raisonneurs,  et  les  prédicateurs  du 
chnstianisihe  faisaient  profession  d'en  opé- 
rer. Nous  soiitenons  qu'ils  en  opéraient  en 
effet  :  les  Juifs,  Celse  et  d'autres  païens  en 
sont  convenus;  mais  ils  attribuaient  ces  mi- 
racles à  ia  magie.  Ce  n'est  point  là  une  cause 
naturelle,  et  ce  n'est  point  par  hasard  que 
les  vrais  miracles  des  chrétiens  ont  fait  tom- 
ber les  faux  prodiges  des  païens.  Si  les  mis- 
sionnaires avaient  encore  aujourd'hui  le  don 
des  miracles,  comme  les  apôtres  et  les  pre- 
miers chrétiens,  ils  auraient  les  mémi-s  suc- 
cès.—  b°  Nos  adversaires  conviennent  que 
le  zèle  ardent  et  infatigable  de  ces  pre.i  iers 
prédiealeurs  no  pouvait  manquer  de  faire 
enfin  un  grand  nombre  de  prosélytes,  lien* 
dons-leur  grâce  de  cet  aveu.  Mais  un  zèla 
aussi  pur,  aussi  désintéressé,  aussi  infatiga- 
ble qu"  celui  des  apôtres  (  t  de  leurs  disci- 
ples n'est  pas  puise  dans  la  nature;  il  ne 
pouvait  venir  d'aucune  passion  humaine^ 
d'aucun  uolif  humain.  Vainement  on  chiir- 
cherait,  parmi  les  fondateurs  des  rel  gions 
fausses  un  zèle  tel  que  celui  dos  apôtres,  et 
accompagné  des  mômes  vertus.  -  0'  L'on  dit 
qu'ils  persuadèrent  les  csprils  par  le  dogme 
intéressant  de  la  vie  à  venir;  qu'ils  louchè- 
rent les  cœurs  par  une  morale  sublime,  par 
leur  douceur,  par  leur  charité;  que  celle 
même  vertu,  praliciuée  par  les  premiers  fidè- 
les ,  fut  on  attrait,  surtout  pour  les  jiauvres 
el  les  malheureux.  Nouvel  hommage  reu  lu 
par  les  incrédules  à  la  sainteté  du  clirislia-' 
iiisme.  Mais  ci  lie  sainteté  aurait  elle  pu  se 
trouver  et  persévérer  constamment  chez  des 
hoirnucs  coupables  des  impostures,  des  four- 
beries et  des  autres  vices  dont  on  a  o-é  accu- 
ser les  apôires?  rendant  e,ue  le  dogme  de  la 
vie  à  venir  était  ébranlé  par  les  fables  du  pa- 
ganisi'.ie,  par  les  disputes  des  pliiloso|ihes, 
p.ir  les  crreuis  des  sadilucéens  ;  pendant  que 
la  morale  des  nus  cl  des  autres  él;iil  aussi 
corrtimpue  qoe  les  mœurs  publiques,  douze 
péeheur.s  de  la  .ludée  étonnent  I  univers  par 
la  sublimilé  de  leurs  leçons  el  par  la  sainteté 
de  leurs  exemples.  Si  ce  n'esl  pas  là  un  pro- 
dige de  la  grâce,  où  laul-il  le  cherclier? 

Au  eommcneeiiient  du  ir  siècle,  Celse  re- 
gardait comme  une  folie  le  projet  de  donner 
la  même  troyaucc  cl  les   mêmes  lois  aux, 


s:7 


CHR 


imiplos  lies  trois  p.irlies  du  monde  connu 
pour  lors  ;  cependant  celle  entreprise  ne 
larda  pas  longtemps  d'èlre  cxéculée;  et  au- 
jounl'hui  on  prétend  prouver  que  cela  s'rst 
fait  nalureilemcni,  et  qu'il  n'y  a  rien  là  de 
merveilleux. 

Piusieurs  de  nos  adversaires  ont  soutenu 
que  le  rltrisliimisme  était  redevable  de  ses 
progrès  à  l:i  protection  que  lui  accordèrent 
les  empereurs,  aux  lois  qu'ils  [)orlèrent  en 
sa  faveur,  à  la  violence  même  dont  ils  usè- 
rent envers  les  païens  pour  leur  faire  chan- 
ger de  religion.  Nous  prouverons  le  conliaire 
au  mol  Iii>iPEniai\.  —  11  ne  fiut  pas  oublier 
(lue  pour  se  faire  chrétien  il  lallait  qu"un 
juif  ou  un  païen  commençât  par  croire  les 
miracles  de  Jésus-Cliri--t,  surtout  sa  lésur- 
reclion  et  ^on  ascension  dans  le  ciel  :  ces 
deux  faits  sont  deux  articles  du  symbole  de 
la  foi  chrétienne.  Or,  il  était  ai-é,  surtout 
aux  juifs,  de  se  convaincre  de  la  vérité  ou 
de  la  fausseté  des  miracles  de  Jésus-Christ , 
publics  par  les  apôtres.  Si  ces  faits  n'étaient 
pas  vrais  cl  invinciblemenl  prouves,  aucune 
des  causes  de  conversion  dont  nous  avons 
parlé  ne  pouvait  engager  un  prosélyte  à  les 
croire.  C'est  ici  un  caraclire  tellemenl  pro- 
pre au  clirislianisme,  qu'il  ne  se  trouve  dans 
aucune  religion  fausse.  On  p.iuvait  être 
païen  sans  croire  aux  fables  du  pagani.>me; 
sectateur  de  Zoroastre  ,  sans  s'informer  s'il 
avait  fait  des  miracles  ;  musulman ,  sans 
ajouter  foi  aux  prétendus  prodiges  de  Maho- 
met, etc.  Nos  adversaires  ne  dai;;nrnt  pas 
remarquer  (elle  difl'ôience.  —  Ils  ferment  les 
jeux  sur  les  obslades  qui  s'opposaient  à  la 
propagation  de  l'Evangile.  Il  lallaii  engager 
les  juifs  et  les  païens,  qui  se  déleslairnl  et 
se  méprisaient  mulueMemciit,  à  fialerniscr 
cl  à  former  une  seule  Eglise,  accoutumer  les 
maîtres  à  rogar.ier  leurs  esclaves  à  peu  près 
ciunuie  (les  égaux  ,  apprendre  aux  princes  à 
respecter  les  droits  de  l'humanité.  11  fallait 
faire  reformer  toutes  les  lois  et  les  coutumes 
qui  blessaient  ces  dioils  sacrés;  changer  les 
idées,  les  mœurs,  les  habitudes,  les  préten- 
tions de  tous  les  étals;  refo  dro,  pour  ainsi 
dire, le  caraclère  de  tous  les  peuples. (^ue  les 
égyptiens  et  les  Arabes,  les  Syriens  et  les 
Perses,  les  Scythes  cl  les  Grecs,  les  habi- 
tants de  rilijlie  el  des  (îaules,  de  l'Espagne 
et  de  rAfrii]ue  aii  nt  é!c  tous  païens,  cela  se 
conçoit  :  tous  avaient  leurs  dieux  propres, 
leurs  fables  et  leurs  fêles  particulières,  des 
usages  et  des  |)raliqi!cs  analogues  à  lurs 
mœurs.  Le  christimiisme  ne  laissai'  plus  do 
liberté  pour  la  croyance,  plus  de  vaiiélé 
dans  la  morale,  plus  de  (lilîércnce  dans  le 
culte  extérieur  :  il  ]  ropo>^ait  à  tous  un  seul 
Dieu,  une  même  foi,  un  baptême  unique, 
une  seule  Eglise,  Quand  on  veut  persuader 
que  celte  résolution  s'est  faite  naturellement 
et  sans  miracle,  on  fait  pr.ifession  de  ne  pas 
connaître  la  nature  humaine. 

Lors(iue  nous  représentons  aux  incrédules 
la  niiiliitude  des  hommes  instruits,  éclairés, 
savants,  (|ui  ont  embrassé  le  clirislianism:  cl 
(|ui  ont  écrit  pour  le  défendre,  ils  disent  que 
ce  préjugé  ne  prouve  rien;  que   le  puga- 


CIIK  878 

nisme,  tout  absurde  (|u'il  élait,  a  été  suivi 
cl  professé  par  les  plus  grands  hommes.  — 
Mais  l'onl-ils  professé  par  conviction,  par 
persuasion,  ou  seulement  par  habitude?  Ils 
reconnaissent  eux-mêmes  que  celle  religion 
n'est  fondée  sur  aucune  preuve;  ils  disent 
néanmoins  qu'il  faut  la  suivre,  parce  (ju'elle 
a  été  transmise  par  les  ancêtres  ,  pane 
(lu'elle  est  autorisée  parles  lois,  jiarcc  qu'ii 
y  aurait  de  la  témérité  à  vouloii-  en  forger 
une  autre.  Ainsi  ont  parlé  Platon,  Varron, 
Cicéro!),Sénèque,  Minutius  Féliv,  etc.  :  leur 
sentiment  est  donc  plul(jt  contraire  que  Favo- 
rable au  paganisme.  Ce  n'e>t  point  ainsi  que 
les  docteurs  chrétiens  ont  envisagé  notre  tc- 
ligion  :  ils  l'ont  embrassée  i)arce  qu'ils  l'ont 
jugée  vraie,  et  ils  m  ont  prouvé  la  vérité 
avec  tant  de  force,  qu'ils  ont  converti,  à  leur 
tour,  des  savants  et  des  philosophes  :  leur 
témoignage  est  donc  une  preuve  solide,  et 
non  un  simple  préjugé. 

Ceux  d'entre  les  incrédules  qui  ont  fait 
semblant  d'examiner  les  dogmes,  la  morale, 
\s  culte,  la  discipline  du  christianisme ,  n'ont 
pas  montre  beaucoup  de  bonne  foi  :  ils  ont 
altéré  notre  symbole  et  nos  catéchismes, 
Irasesli  les  décrets  des  conciles,  pris  de  tra- 
vers les  maximes  de  l'iîvangile,  comparé  no- 
tre ciille  à  celui  des  païens,  déguisé  l'objet, 
les  motifs,  les  efl'ets  de  loules  les  lois  ecclé- 
siastiques. Nous  traiterons  de  chacun  de  ces 
articles  en  parlicnlicr.  .Mais  nos  adversaires 
n'en  ont  jimais  considéré  l'ensemble  et  la 
liai.s(m;  ce  ciiraclèie  de  vérité  ne  se  trouve 
point  dans  les  religions  fausses.  Nous  ferons 
Voir  (juil  n'est  aucun  de  nos  dogmes  qui  ne 
tienne  essentiellement  à  tous  les  autres,  qui 
n'entraîne  de-  conséquences  morales,  qui  ne 
fonde  les  pratiques  di  culte,  et  auquel  la 
di.-cipline  n'ait  quelque  rapport  :  preuve 
évidente  qu'une  sagesse  plus  qu'humaine  a 
construil  tout  cet  édifice.  Aucune  des  sectes 
qui  ont  donné  quelque  alleinle  à  l'une  de  ces 
parties  n'a  pu  conserver  les  autres  dans  leur 
entier.  —  De  qisoi  a  servi  aux  incrédules  d(j 
répéter,  conlie  renseignement  de  l'Eglise, 
dont  les  pasteurs  sont  l'oigane,  les  sophis- 
mes  et  les  clameurs  des  protestants?  Les  uns 
ni  les  autres  n'ont  pas  seulement  saisi  le 
vorit  .ble  ét:it  da  la  (]ues  ion.  Vinfuillibitité 
que  nous  attribuons  à  l'Eglise  est  fondée  sur 
le  secours  siunaturel  que  Jésus-Christ  lui  a 
promis,  el  qui  esl  ajouté  à  la  certitude  mo- 
rale du  témoignage  de  cette  même  Eglise, 
cerlilude  poussée  au  plus  haut  degré;  nous 
le  ferons  voir  au  mut  iNi'.uLi.iBir.iTÉ.  (Juaud 
Jésus-Christ  n'aurait  pas  formellement  pro- 
n)is  à  son  Eglise  une  assistance  perpétuelle, 
nous  serions  encore  forcés  de  la  recounaitrc 
au  milieu  des  révolutioi\s  terribles  qui  sont 
arrivées  dans  le  monde  depuis  dix-huil  cents 
ans.  Persécutions  cruelles,  hérésies  de  toute 
espèce,  irruption  des  barbares,  mélange  des 
peuples  ,  changement  dans  le  langage ,  dans 
les  mœurs,  dans  les  lois,  dans  les  usages, 
destruction  de  la  plupart  des  monuments  de 
sciences  et  des  arts,  tout  semblait  cous 
à  la  ruine  entière  du  chrisiiunisntt;  a 
ûuiro  religion  n'a  essuyé  de  pareils  o 


8Î9  Cfltl 

non  seuleiuenl  la  nôtre  subsiste,  mais  c'est 
elle  qui  a  tout  réparé  et  tout  conservé.  Que 
les  autres  se  mainliennenl  par  l'ignorance  et 
par  la  corruption  des  mœurs,  ce  n'est  pas  un 
prodige;  le  christianisme  cherche  la  lumière, 
il  ne  cesse  rfe  la  répandre,  et  c'est  par  là 
qu'il  se  soutient. 

Pour  déprimer  renseignement  de  l'Eglise, 
pour  rendre  sa  tradition  suspecte,  les  proles- 
tanls  ont  vomi  des  torrents  de  bile  contre 
le  clergé;  ils  ont  représenté  les  pasteurs  de 
tous  les  siècles  comme  un  corps  de  prévari- 
cateurs, appliqués  non  à  conserver  ce  que 
Jésus  Christ  avait  établi ,  mais  à  le  dénatu- 
rer; les  incrédules,  copistes  serviies.  n'ont 
fait  qu'enchérir  sur  leurs  invectives  :  on  n'a 
pas  seulement  fait  grâce  aux  successeurs 
immédiats  des  apôtres.  Qu'en  résulle-l-il? 
Que  nos  divers  adversaires  sont  conduits  par 
la  passion,  par  l'intérêt  de  pallier  leur  turpi- 
tude, et  non  par  l'amour  de  la  vérité.  -Mais 
ils  ont  beau  faire  :  il  sulfil  de  considérer  seu- 
lement l'analyse  de  la  foi,  pour  sentir  que  la 
catholicirc  de  l'enseignement  est  la  seule  base 
sur  laquelle  un  simple  fidèle  puisse  fonder 
raisonnablement  sa  croyance,  et  que  le  ca- 
tholicisme est  le  seul  système  dans  lequel  on 
raisonne  conséquenimenl.  Il  faut  bien  que 
ce  système  soit  solide,  puisqu'il  se  sou- 
tient depuis  dix-sept  siècles  contre  les  atta- 
ques redoublées  de  ses  divers  ennemis. 

Il  y  a  une  réflexion  capable  de  convaincre 
un  esprit  droit  :  c'est  la  considération  des 
effets  civils  et  poliiiques  que  le  christianisme 
a  produits  chez  toutes  les  nations  qui  l'ont 
embrassé.  Montesquieu  les  a  reconnus;  il 
dit  que  nous  devons  au  christianisme  non- 
seulement  la  décence  et  la  douceur  des 
mceurs,  mais  dans  le  gouvernement  un  cer- 
tain droit  politique,  et  dans  la  guerre  un 
certain  droit  des  gens  que  la  nature  humaine 
ne  saurait  assez  reconnailre.  Il  soutient  que 
les  principes  du  christianisme ,  bien  gravés 
dans  le  coeur,  seraient  infiniment  plus  forts 
pour  nous  faire  remplir  nos  devoirs  de  ci- 
toyen que  le  faux  honneur  des  monarchies, 
les  vertus  humaines  des  républiques,  et  la 
crainte  servile  des  Etais  despotiques.  Chose 
admirable  1  dit  il,  la  religion  chrétienne,  qui 
semble  n'avoir  d'objet  que  la  félicité  de  l'au- 
tre vie,  fait  encore  notre  bonheur  dans  celle- 
ci  {Esprit  des  lois,  I.  xxiv,  c.  3  et  G). 

Mais  il  était  réservé  aux  profonds  politi- 
ques de  notre  siècle  de  démontrer  la  fausseté 
de  cet  éloge  ,  d'apprendre  à  l'univers  que  le 
christianisme  a  produit  beaucoup  plus  de  mal 
que  du  bien.  Ils  ont  poussé  la  démence  jus- 
qu'à écrire  que  celle  religion  a  énervé  les 
esprits,  qu'elle  a  plutôt  perverti  que  réfor- 
mé les  mœurs;  elle  tyrannise  la  pensée,  elle 
inspire  un  zèle  fanatique  et  cruel  ;  c'est  la 
plus  sanguinaire  de  toutes  les  religions  :  elle 
seule  a  causé  plus  de  meurtres  que  toutes  les 
autres  religions  ensemble  ;  elle  n'a  produit 
que  des  martyrs  insensés ,  des  anachorètes 
atrabilaires,  des  pénilinls  frénéticpies,  des 
rois  desputes  et  persécuteurs  qui  sont  ho- 
norés comooc  des  saints.  Loin  de  diminuer 
*e8  uiulheurs  des  peuples,  elle  n'a  fait  qn'ag- 


CHR 


8S0 


graver  leur  joug  :  il  y  a  lieO  aujourd'hui  de 
regretter  le  paganisme.  Ainsi  avaient  décla- 
mé les  déistes.  Les  athées,  survenus  ensuite, 
ont  fait  un  pas  de  plus  :  ils  ont  conclu  de  ces 
réflexions  sublimes  que  la  seule  notion  d'un 
Dieu  a  causé  tous  ces  maux,  que  le  seul 
moyen  de  les  réparer  serait  d'étouffer  pour 
jamais  celte  notion  fatale,  et  d'établir  l'a- 
théisme d'un  bout  de  l'univers  à  l'aulre. 

Avant  d'entrer  dans  aucun  détail,  nous  di- 
sons à  ces  graves  raisonneurs  :  Montrez- 
nuus  sous  le  ciel  une  nation  chez  laquelle  il 
y  ait  plus  de  lumières,  des  mœurs  plus  pures, 
une  législation  plus  sage,  un  gouvernement 
plus  modéré,  une  société  plus  douce  et  plus 
décente,  un  bonheur  public  plus  sensible  que 
chez  les  nations  chrétiennes  ?  faites-nous-en 
connaître  une  qui,  après  avoir  joui  de  ces 
avantages  sous  le  christianisme,  lésait  con- 
servés en  embrassant  une  autre  religion  ; 
nous  conviendrons  alors  que  la  nôtre  n'a  pro- 
duit aucun  bien,  que  ce  qu'il  v  en  a  dans  le 
monde  vient  d'une  autre  cause  et  ne  prou- 
ve rien.  Lisez  seulement  Y  Esprit  des  usages  et 
des  coutumes  des  différents  peuples,  et  couipa- 
rez-Ies  avec  les  nôtres  ;  vous  verrez  s'il  y  a 
quelque  chose  à  perdre  pour  eux  en  se  fai- 
sant chrétien.  On  ne  nous  répond  p  is,  et  l'on 
continue  de  déclamer.  Vuy.  Arts,  Sciexcks  , 
Lois,  Gouvernement,  etc.  Quant  aux  prodi- 
ges que  produirait  I'Atuéis.me,  consultez  cet 
article. 

Au  jugement  de  nos  adversaires,  notre  re- 
ligion nuit  à  la  population  [Voy.  Célibat]. 
Si  cela  était  vrai,  nous  dirions  qu'elle  dé- 
dommage d'ailleurs  la  sociéié  du  nombre  des 
individus  parles  mœurs  qu'elle  leur  donne; 
pour  procurer  le  biin  général,  il  faut  des 
hommes,  et  non  des  animaux  à  deux  pieds. 
Mais  le  reproche  est  faux  en  lui-même  ;  au- 
cune religion  ne  favorise  autant  que  le  chris- 
tianisme la  naissance  des  hommes,  et  ne  veille 
de  plus  près  a  leurconservation;  aucune  con- 
trée de  l'univers,  sans  excepter  même  la  Chi- 
ne, n'est  plus  peuplée  que  celles  qui  sont  ha- 
bitées par  les  nations  chrétiennes,  et  la  ci- 
vilisation n'est  nulle  part  aussi  parfaite.  — 
Ils  disent  que  le  chrisiianisme,  en  condim- 
naiit  le  luxe,  nuil  à  l'iiidusirie  et  au  com- 
merce ;  mais  il  est  démontré  que  le  luxe, 
alimenté  par  le  commerce,  et  le  commerce 
encouragé  par  le  luxe,  se  rongent  et  se  dé- 
truisent l'un  l'autre  ;  que  l'excès  en  ce  genre 
entraîne  la  ruine  des  Istats  et  des  sociétés  : 
c'est  un  fait  avoué  par  tous  les  philosnplics  , 
et  confirmé  par  une  expérience  de  six  mille 
ans  (loy.  Luxe). 

Un  re|iroche  plus  grave  est  Vintolérance  at- 
tachée au  chiistianisme;  il  divise  les  hommes, 
fait  éclore  les  disputes,  les  haines,  les  guer- 
res de  religiim.  Cent  fois  l'on  a  répondu  que 
l'intolérance  est  attachée  ,  non-seulement  à 
toute  religion  quclconijue,  mais  à  toute  opi- 
nion que  l'un  croit  importante,  même  à  luul 
système  d'incrédulité  ;  c'est  uii  elfct  des  pas- 
sions inséparables  de  L'humanité.  Or  aucune 
religion  ne;  travaille  plus  efficacement  que  la 
nôtre  à  répriiuer  toutes  les  passions,  à  ins- 
pirer aux  hoiJiiiies  la  douceur,  la  paix  ,  la 


881 


CHR 


CHR 


882 


charité  maluelle,  par  conséquent  une  tolé- 
rance raisonnable.  Quant  à  la  tolérance  il- 
liinilée  qu'exigent  les  incrédules  ,  c'est  un 
désordre  qui  n'a  jamais  été  soulTcrt  chez  au- 
cune nation  policée.  V.  Toliîuance. 

Le  christianisme,  disent-ils,  nous  occupe 
trop  du  bojiheur  de  l'autri*  vie,  il  nous  dé- 
tourne des  soins  du  travail,  dos  devoirs  do  la 
vie  présente.  Si  l'homme  était  de  même  na- 
ture que  les  brutos  ,  borné  comme  elles  à  la 
vie  présente,  on  pourrait  blâmer  avec  raison 
les  espérances  que  donne  le  christianisme,  el 
les  désirs  qu'il  nous  inspire;  mais  la  phi- 
losophie a-i-elle  prouve  que  nous  sommes 
dfS  brutes?  Voilà  la  faute  essentielle  qu'ont 
commise  la  plupart  des  législateurs  ;  ils  n'ont 
pensé  qu'à  cetie  vie,  n'ont  rien  fait  pour  en- 
gafîer  les  luimmos  à  se  procurer  le  bonheur 
à  venir.  Jésus  Christ,  seul  sage,  nous  com- 
mande la  vertu  comme  le  seul  moyen  d'être 
tieureux  en  ce  monde  et  en  l'autre  ;  et  la 
principale  vertu  qu'il  nous  prescrit  est  l'a- 
mour du  prochain,  par  conséquent  le  désir 
de  contribuer  au  bonheur  des  autres. —  Mais 
nous  avons  encore  pour  nous  le  témoignage 
de  l'expérience.  Les  épicuriens,  les  philoso- 
phes égoïstes,  les  incrédules,  qui  ne  désirent 
et  n'espèrent  rien  après  cette  vie,  sont-ils 
plus  laborieux,  plusoccupés  du  bien  de  leurs 
semblables,  meilleurs  citoyens  qu'un  chré- 
tien pénétré  delà  foi  et  de  l'espérance  d'une  fé- 
licité fulure?Nous  cherchons  vainement, dans 
les  siècles  p.issés  cl  dans  le  nôtre,  les  servi- 
ces que  les  incrédules  ont  rendus  à  l'huma- 
nité, il  est  bien  absurde  de  prétendre  qu'une 
religion  qui  nous  attache  à  nos  devoirs  par 
un  intérêt  plus  puissant  que  celui  Je  la  vie 
présente,  nous  détourne  de  nos  devoirs.  En 
quel  sens  le  désir  d'être  heureux  dans  le  ciel 
peut-il  nuire  à  l'envie  de  nous  rendre  utiles 
sur  la  terre  ?  Le  plus  grand  éloge  que  fait 
riicrilure  des  saints  de  l'Ancien  Testament , 
est  d'avoir  procuré  la  gloire  et  le  bonheur 
de  leur  nation  (Eccli.  xlvi  et  seqq.j. 

On  a  souvent  répété  que  le  christianisme 
établit  deux  puissances  ,  deux  législations 
qui  se  croisent  et  se  nuisent  réciproquement, 
une  autorité  ecclésiastii)ue  toujours  occupée 
à  empiéter  sur  les  droits  des  magistrats  et  du 
gouvernement  :  on  ne  cesse  de  nous  parler 
des  u-urpaiions  du  clergé,  el  de  l'abus  qu'il 
a  fait  de  sa  juridiclion.  Jésus-Christ  cepen- 
dant avail  établi  la  règle  lumineuse,  et  posé 
la  borne  qui  devait  séparer  ces  deux  puis- 
sances, en  disant  :  Berniez  à  César  ce  qui 
est  à  César ,  el  à  Dieu  ce  qui  appartient 
à  Dieu.  Tant  que  l'on  s'y  tiendra  ,  il  est  im- 
possible que  l'une  nuise  à  l'autre;  au  con- 
traire ,  elles  se  forlilieront  mutuellemenl. 
Mais  dans  quel  lemps  leur  est-il  arrivé  de  se 
croiser?  Lorsque  les  princes,  conlents  de 
dominer  par  la  violence,  ne  connaissaient 
plus  ui  droit  naturel,  ni  lois  civiles,  oppri- 
maient les  poup'es  elles  gouvernaient  com- 
me un  troupeau  de  brutes  :  sans  l'appui  des 
lois  ccclésiasiiquos  ,  le  malhtur  public  au- 
rait encore  été  plus  grand.  Au  sortir  de  ce 
chaos,  l'on  a  dit  que  les  [irêlres  avaient  voulu 
loutUouuer  à  Dieu,  el  n'avaieut  rieu  laissé  à 


César;  aujourd'hui  l'on  soutient  que  tout  est 
à  César,  de  manière  qu'il  ne  reste  rien  à 
Dieu.  Lequel  de  ces  deux  excès  est  le  plus 
grand?  L'événement  seul  en  décidera.  Mais 
si  Dieu  n'avait  pas  consacré  ce  qu'il  a  don- 
né à  César,  que  resterait-il  à  celui-ci  pour 
gouverner?  La  violence,  comme  aux  barba-  t 
fis;  le  bâton,  comme  à  la  Chine  ;  le  sabre 
comme  en  Turquie  et  dans  les  autres  Etals 
mahométans.  11  est  aisé  de  voir  si  les  peuples 
s'en  trouveraient  mieux.  —  Aussi,  par  une 
contradiction  très-ordinaire  à  nos  adversai- 
res, ils  ont  dit  que  le  c/(n'siianisme  tendait  à 
diviniser  l'autorité  des  princes  ,  par  consé- 
quent à  rendre  les  peuples  esclaves  ;  qu'il  y 
avait  entre  les  prêtres  et  les  rois  une  collu- 
sion mutuelle  pour  détruire  toute  espèce  de 
liberté  civile;  que  les  prêtres  attribuaient 
aux  souverains  le  despotisme  politique,  afin 
d'en  obtenir  à  leur  tour  le  despotisme  spiri- 
tuel. Cette  caloranieabsurdea  été  répétée  cent 
fois  de  nos  jours.  Si  elleétait  vraie,  les  nations 
chrétiennes  seraient  les  plus  esclaves  de  toute 
la  terre;  heureusement  le  fait  seul  suffit  pour 
montrer  que  ce  reproche  n'a  pas  le  sens 
commun. 

Enfin,  quelques  rêveurs  ont  écrit  que 
quand  un  a  voulu  faire  du  christianisme  une 
religion  nationale,  on  s'est  écarté  de  l'esprit 
de  Jésus-Christ,  dont  le  règne  n'est  pas  de 
ce  monde.  Si,  par  religion  nationale,  ou  en- 
tend une  religion  qui  soit  tellement  propre 
à  un  peuple,  qu'elle  ne  puisse  convenir  à 
un  autre,  l'intention  de  Jésus-Christ  ne  fut 
jamais  d'en  établir  une  pareille,  puisqu'il  a 
ordonne  à  ses  disciples  d'enseigner  toutes 
les  nations,  el  qu'il  s'est  proposé  de  les  ras- 
sembler toutes  dans  une  seule  Eglise,  comme 
des  brebis  dans  un  seul  bercail  et  sous  un 
même  pasteur.  Mais  serait-il  tort  avanta- 
geux au  genre  humain  que  les  nations,  déjà 
trop  divisées  d'ailleurs,  le  fussent  encore 
par  la  religion,  n'eussent  ni  le  même  Dit-u, 
ni  la  môme  croyance,  ni  le  même  culte  ?  D'un 
côté,  l'on  reproche  au  christianisme  de  divi- 
ser les  hommes  par  des  disputes  de  religion; 
de  l'autre,  on  lui  fait  un  crime  de  ne  pas  leur 
inspirer  assez  l'esprit  national,  exclusif, 
isolé,  le  patriotisme  furieux,  ennemi  du  re- 
pos de  tous  les  autres  peuples,  tel  que  fut 
celui  des  Romains.  —  De  même  si,  par  le 
règne  de  Jésus-Christ,  l'on  entend  un  règne 
temporel,  civil,  politique,  il  est  clair  que  r, 
Jésus-Chrisl  n'y  a  jam;iis  prétendu;  s'il  est  f 
question  d'un  règne  spirituel,  par  lequel  les  j 
esprits,  les  volontés,  les  mœurs  soient  sou-  j 
mises  à  ses  lois,  il  est  certainement  roi  dans 
ce  sens,  depuis  près  de  dix-huit  siècles;  j 
il  l'a  déclaré  lui-même,  et  en  dépit  des 
incrédules,  il  lésera  jusqu'à  la  fin  dos  siècles. 

Nous  ne  finirions  pas  s'il  nous  fallait  réfuter 
dans  un  seul  article,  toutes  les  objections  de 
nos  adversaires  ;  ils  en  ont  rempli  des  volu- 
mes entiers.  Nous  n'en  connaissons  cepen- 
dant aucun  qui,  par  un  parallèle  suivi  entre 
le  christi<inhme  (  t  une  auire  religion,  ait 
entrepris  de  faire  voir  qu'elle  était  la  meil- 
leure ;  tous  ont  senti  que  la  comparaisou 
tournerait  à  leur  confusiuu.    Mais  ils  out 


fl  3  CIIR 

clierché  à  [inllier  l'absurdité  dts  autres,  à  en 
dissiîimli  r  les  effets  et  les  conséquences, 
pour  diminuer  d'autant  le  triomphe  du  chris- 
tianisme :  c'est  de  nos  jours  que  le  poly- 
théisme ,  l'idolâtrie,  le  mahométisme,  ont 
trouvé  des  apologistes.  On  a  prétendu  que  ces 
religions  fausses  pouvaient  s'étaycr  des  mê- 
mes preuves  que  la  nôtre  ;  heureusement  ce 
faf.t  est  encore  à  démontrer,  et  nous  ne  crai- 
gnons pas  que  l'on  en  vienne  à  bout. — Il  est 
iTussi  impo^siJjle  à  nos  adversaires  de  rompre 
la  chaîne  des  erreurs  dans  laquelle  ils  sont 
engagés,  que  celle  des  vérités  que  nous  leur 
opposons  ;  entre  le  chiisliaiiisme  catholique 
et  l'incrédulité  absolue,  point  de  milieu  ; 
leur  propre  exemple  nous  tient  lieu  de  dé- 
monstration. 

L'on  nous  objectera  peut-être  que  les 
preuves  que  nous  venons  d'alléguer  ne  sont 
pas  à  la  po  (éo  des  ignorants.  Si  l'on  veut 
dire  qu'elles  ne  sont  pas  également  à  leur 
portée,  et  qu'ils  ne  sont  pas  aussi  en  état 
aVii  sentir  la  force  que  les  savants,  nous 
rn  conviendrons  sans  peine.  Mais  nous  sou- 
tinons  qu'elles  sont  assez  à  la  portée  des  plus 
simples,  pour  qu'ils  puissent  en  av(tir  une  ce r- 
lilude  entière, pour  peu  qu'ils  soient  instruits. 

-  En  effet,  un  homme  élevé  dans  le  sein  du 
clirislinnisme  ne  peut  pas. ignorer  que  l'avéne- 
mont  de  Jésus-Christ  et  l'élnblissrinent  de  son 
l'glise  ont  été  prédiis  par  des  prophéties  ;  que 
(es  pré  fictions  sont  dans  les  livres  des  Juifs; 
que  cortalncinent  les  Juifs  ne  les  ont  pas 
forgées  pour  favoriser  notre  religion  :  toutes 
les  années,  jîendant  le  temps  de  l'Avent,  ces 
prédictions  sont  le  principal  sujet  de  l'oftice 
divin  et  des  instruclions  des  p;!steurs  :  il 
est  de  la  plus  grande  notoriété  que  les  Juifs 
aliendent  encore  aujourd'hui  un  Messie,  sur 
la  foi  de  ces  anciennes  prédiclious.  —  II  ne 
peut  douter  que  Jésus-Christ  cl  ses  apôtres 
n'aient  fait  des  miracles  ;  s'ils  n'en  avaient 
pas  fait,  il  leur  aurait  élé  impossible  d'éta- 
blir le  cliristinnisme.  Ces  miracles  sont  le 
sujet  (le  la  plupart  des  évangiles  qu'on  lit 
à  la  messe,  des  fréquentes  instructions  des 
prédicat'  iirs,  des  tableaux  exposés  à  tous  les 
yeux  ;  et  si  un  incrédule  voulait  contester 
ce  fait,  on  Iji  ferait  voir  que  les  Juifs,  les 
païeos,  1rs   iii;ihométans  en  sont  convenus. 

—  Les  obsiaeles  qui  s'opposaient  à  la  pro- 
p.'igalion  de  notre  religion,  les  persécutions 
qu'elle  a  essuyées,  les  moyens  [)ar  les'^uels 
elle  a  vaincu,  sont  connus  des  ignorants 
par  1;;  moliitude  dis  martyrs  que  l'K^lise 
honore,  dont  les  tombeaux  et  les  cendres 
sont  encore  sous  nos  yeux.  I, 'homme  le  plus 
gro^sier  sait  qu'il  fut  un  temps  <iij,  à  la  ré- 
serve des  Juls,  tous  les  peuples  éiaient 
païens,  et  il  seul  que  nos  pères  n  ont  [las  pu 
abandonner  une  religion  aussi  licencieuse 
que  le  paganisme,  pour  en  embrasser  une 
tr(•s-^ainle,  !?ans  (|iiel)ieu  ne  soit  intervenu 
dans  cette  révolution.  Sans  a>oir  lu  l'his- 
toire, il  est  bien  convaincu  que  les  barbares 
du  Nord  n'ciaient  pas  cliieiiens,  lorsqu'ils 
sont  venus  ravager  nos  contrées,  et  que 
leur  conversion  n'a  pas  du  être  facile  à 
opérer.  —  Quand  il   n'aurait   pas  le  témoi- 


CHR 


881 


gn:ige  Je  sa  conscience  pour  lui  atlester  la 
sainteté  et  la  pureté  de  la  morale  chrétienne, 
il  la  verrait  encore  par  la  différence  qu'il  y 
a  entre  ceux  qui  la  pratiquent  et  ceux  qui 
ne  l'observent  pas,  et  par  les  vertus  subli- 
mes des  saints  dont  il  entend  rapporter  les 
actions.  La  multitude  même  des  scandales 
qui  arrivent,  des  erreurs,  qui  se  répandent, 
des  efforts  (jue  font  aujourd'hui  les  incrédules 
poar  étouffer  jusqu'aux  premiers  principes 
de  religion,  sert  à  convaincre  tout  esprit  ca- 
pable de  réflexion,  que  si  Dieu  ne  la  soute- 
nait par  une  providence  surnaturelle,  il 
serait  impossible  qu'elle  subsistât  long- 
temps. 

En  général  les  savants  sont  fort  peu  en 
état  de  connaître  ce  qu'un  simple  fidèle  sait 
ou  ce  qu'il  ignore,  ce  qu'il  pense  ou  ne  pen- 
se pas,  jusqu'à  quel  point  il  est  en  état  de 
raisonner  sur  sa  religion.  Partout  où  les 
mœurs  sont  innocentes  cl  pures,  le  peuple 
aime  sa  religion,  il  en  enlenil  parler  avec  plai- 
sir, il  converse  volontiers  avec  ses  pasteurs, 
il  les  écoute  avec  attention,  il  les  interroge 
quand  il  le  peut;  souvent  l'on  est  étonné  de 
la  sagesse  (Je  ses  ((ueslions  et  delà  faclité 
aicc  laquelle  il  saisit  les  réponses.  Lors 
même  qu'un  ignorant  n'est  pas  capable  de 
rendre  compte  de  ce  qu'il  pense,  il  ne  s'eu- 
s'.iit  point  qu'il  ne  pense  pas,  ou  que  sa 
croyance  n'est  pas  raisonnable,  parce  qu'il 
ne  sait  pas  en  (Jéduire  les  raisons;  il  sent 
très-bien  la  fausseté  d'une  objection,  quoi- 
qu'il ne  soit  |)as  en  étal  d'y  répondre  et  de  la 
réfuter.  Ceux  qui  sont  chargés  de  diriger 
les  âmes  simples  et  pures,  admirent  à  tout 
moment  la  manière  dont  Dieu  les  éclaire, 
les  réflexions  que  la  grâce  leur  suggère,  la 
foi  sage  et  solide  qu'elle  leur  inspire.  Voy. 
IciMORANci':,  Foi,  S  6. 

Nous  ne  pouvons  nous  dispenser  d'obser- 
yer  que  les  protestants  ont  frayé  le  chemin 
à  la  plu|>arl  des  arguments  des  incrédules. 
Ils  ont  dit  que  le  christianisme,  dans  son 
origine,  tel  qu'il  était  suili  de  la  main  de 
Jésus-Christ  et  des  apôtres,  était  vraiment 
une  religion  divine,  sainte,  irrépréhensible, 
la  plus  parfaite  et  la  plus  utile  au  genre  hu- 
main :  mais  que  bientôt  après,  les  pasteurs, 
par  le  mélange  des  opinions  philosophiques, 
par  l'ambitiou  de  s'attribuer  une  autorité 
supérieure  à  celle  des  apôtres,  par  l'in- 
fluence (l'3  toutes  les  passions  humaines, 
étaient  venus  insensiblement  à  bout  d'en  al- 
térer les  dogmes,  d'en  corrompre  le  culte, 
d'en  énerver  la  morale,  d'en  changer  la  dis- 
cipline ;  que  par  la  succession  des  siècles 
celte  religion  divine  était  devenue  nu  chaos 
d'erreurs,  de  supersiilions,  d'atius  et  de  dé- 
sordres, et  av.iit  causé  tous  les  maux  dont 
on  se  plaint  aujourd'hui  ;  mais  qu'eiilin,  au 
xvi".  Dieu  a  suscité  les  réformateurs  pour 
la  rétablir  dans  son  premier  état  de  pureté 
et  de  sainteté  :  c'est  selon  ce  plan  sublime 
qu'ils  ont  construit  toutes  leurs  histoires 
ecclésiaslit)ues  ;  elles  n  ont  pour  objet  que 
d'en  convaincre  les  lecteurs. 

On  sent  bien  (jue  les  incrédules  n'avaient 
garde  de  s'arrêter  en  si  beau  chemin,  cl  qu'il 


883 


CIIR 


cim 


sso 


leur  était  aisé  délirer  parti  de  co  (abiinii. 
Ils  oiit  dit  aux  protestonls  :  De  votre  propn; 
aveu,  \e  clirùtianisme  ne  pouvait  maïKiuer 
de  se  corrompre,  de  devenir  pernicieux  et 
funoslo  au  genre  humain;  di)iic  ce  n'est 
pas  Dieu  qui  en  est  l'auteur.  S'il  l'avait  éla- 
bli  lui-ménae,  il  aurait  tenu  la  main  à  son 
ouvrage,  il  aurait  pris  des  moyens  plus  sûrs 
pour  le  conserver  dans  sa  pureté.  C'était  bien 
la  peine  de  bouleverser  l'univers  pour  fon- 
der une  religion  qui,  moins  d'un  siècle  après 
sa  naissance,  devait  commencer  à  se  dépraver, 
à  devenir  |)ernicieuse,  elijui,  d'âge  en  âge, 
n'a  cessé  d'être  retidue  plus  mauvaise.  Fal- 
lait-il attendre  quinze  siècles  avant  d'arrêter 
ce  lorrenl  do  corruption  et  ce  déluge  de 
niau\  qui  ont  accablé  le  genre  humain? 
—  Oserez-vous  soutenir  que  votre  prétendue 
réforme  en  a  réparé  aucun  ?  Montrez-nous 
les  guerres  qu'elle  a  prévenues,  les  S(  hisnies 
qu'elle  a  étouffés,  les  disputes  qu'elle  a  fait 
cesser,  les  souverains  qu'elle  a  rendus  plus 
sages  et  plus  pacifiques,  les  vices  qu'elle  a 
corrigés,  les  peuples  dont  elle  a  f;Mt  le  bon- 
heur. Vos  propres  auteurs  déplorent  les  dé- 
sordres qui  régnent  parmi  vous  ;  les  mœurs 
n'y  sont  pas  plus  pures  (|ue  cluz  les  catholi- 
ques, contre  lesquels  vous  avez  tant  dùcla- 
nié  ;  l'intolérance  n'y  rè^ne  pas  moins,  et 
il  ne  lienl  pas  à  vous  de  renouveler  les  siè- 
nes  sanglanles  que  vous  avez  données  pen- 
dant plus  d'un  siècle  |)Our  vous  éiablir.  No- 
tre réforme  inia';inaire  n'a  servi  qu'à  démon- 
trer que  le  chrisiianisme  est  essentiellement 
irréformable,  etc. 

Nous  ne  savons  pas  encore  ce  que  les 
protestants  répondant  à  cet  argument  des 
incrédules;  mais  il  nous  parail  qu'ils  ne 
feront  jamais  solidement  l'apologie  du 
chiisliiiniimf!  en  général,  sans  faire  en  même 
temps  celle  du  catholicisme  et  de  l'Eglise  ro- 
maine (1). 

(1)  Nous  pensons,  en  lerminanlcet  arlicle,  devoir 
donner  que^pies  cnnsidératious  sur  les  bienl'uils  ilii 
chrisiianisme  réii.Tndus  sur  loules  les  n:iti(ms.  <  Les 
lumières  el  les  prâces  que  répamlail  p;irl(inl  le 
clirisU;inisnie  ,  dit  Pointer  (Preuves  de  la  relifioii 
ghiélknne  ,  dans  les  Démonst.  étang.,  éilit.  Migae)  , 
partout  rcpar:iienl  les  iiianx  c:uisés  par  le  péché.  La 
nainre  dégradée  de  l'Iiumme  éail  rendue  à  sa  di- 
gnité priniiiive,  et  les  cliangemenîs  les  plus  heureux 
s'opéiaicnt  p  irmi  tou  es  les  n.itiuns  qui  lecevaient  la 
foi  et  la  lui  do  Chrisi. 

c  Quel  éial  ijue  celui  auquel  !e  péché  avait  réduit 
le  i;t'nre  IniuKiin  !  Quel  ahime  de  crimes  cl  de  mi- 
sères !  L'Iiomine  ,  dans  l'oriLiine,  ciéé  iinioceoi  et 
lie  TCiix,  j.iinais  n'eût  vu  s'ahérer  sa  léliciié.  Il  de- 
vait lé  ner  sans  Un  ,  envirnniié  de  gloire  el  couihlé 
de  délices  ,  si,  lidèle  à  sou  Dieu  el  soumis  aux  com- 
liiandcmenls  de  sou  Créa  eur,  il  eût  su,  dans  le  court 
cspaee  de  temps  assigné  pnnr  sou  éiueuve,  sa  mon- 
trer digne  de  I  elle  haute  rétmnpen^e.  Sou  enlemle- 
nienl  éiail  ériairé  par  la  connaissance  de  bien  el  de 
la  vcrilé;  sa  vidonlé  le  pmlaii  sius  ces  e  vers  le 
bien,  et  ses  alTeetiuns  ei  ses  désirs  é  aut  loujims 
soumis  à  la  laison,  loojours  iliK  iles  à  la  voloolé  du 
Créaliur,  l'onlie  le  plus  pirlait  ré^mit  dans  ses  l'a- 
cul.éi  sou  de  lame,  soil  du  enrp- ,  et  toui  en  lui 
CÙl  été  priiicii  e  d  sumcede  limilieur,  lanl  qu'il  fût 
resté  attache  à  Dieu  pai-  l'ohélssauco  et  par  l'aiiioin-. 


*  rnniSTiA.Ni-ME  itATiONMi..  Lo  clirislianisnic  est 
la  raismi  portée  au  souverain  degré.  C'est  dans  ton 
sein  que  les  pliilosnplics  vont  puise.-  leurs  p!ui  bel- 
les comeplions.  Cependnit  la  raisoi;  liinmine  gémit 
d'èire  forcée  de  rcionnaitrc  son  inférioriié.  lîlle 
croit  faire  beaucoup  en  <  onsentanl  à  ruarelier  à 
pas  égal  avec  l'Evangile  :  tel  éuiil  rependant  le  but 
d'une  nouvelle  secie  religieuse  fondée  en  .\nj,'leierre 
par  Kippis,  l'ringle,  llopkins,  Enlield.  rouloiin.  Ce- 

Mais  (lu  moment  que,  par  l'acte  le  plus  criminel  ,  il 
eni  désobéi,  quel  eliangeuient  !  Il  n'y  eut  plus  (pie 
trouble  et  désordre  dans  loin  son  élre  ,  el  en  per- 
dant l'innocence  il  perdit  le  bonbeiir.  Enveloppée 
tout  emiére  dans  celle  l'auie  de  nos  premiers  pa- 
rents eu  (jiii  se  trouvait  dépo>(;o  loule  noire  ilesli-ée 
morale,  la  raee  biimaine  lot  aussi  t-oinpiis  ■  ilans 
l'arrêt  (pii  les  eondaiiinait  à  U  mon  ,  à  la  perle  du 
ciel,  il  une  éternelle  misère  ;  eliàiimciit  trop  jiisle 
d'une  aussi  borrihie  prévaricalioii.  Affieiise  eoiidi- 
tioii  !  Les  maux  les  plus  lerrihles  alteiident  l'homme 
cuupiible  arrivé  au  terme  de  sa  uas^a^ère  existence 
sur  la  terre,  el  nul  bonheur  réel  ne  lui  esl  réservé 
dans  le  court  espace  de  sa  carnère  niorlelle.  Son 
corps,  son  ànie,  toiil  en  lui  est  infeclé  du  ce  poison 
funeste  que  le  péché  y  a  aiiacbé;  som  corps  s'alTii- 
blil,  se  corrompt  et  meurt;  son  cnleiulomenl  esl  oli- 
scurci  parles  ténè'ires  de  l'ignoraoci' ;  sa  volonté 
sans  cesse  renlraîiie  vers  le  mai  ,  et  le  détourne  du 
bien.  Kn  proie  à  une  loule  de  passions  violenles  qui 
se  cnnib  nient  et  le  dijcliireni,  son  cœur  est  un  foyer 
continuel  .le  innible  el  de  désordre. 

«  (Jn'il  fut  prolood  el  dé|iloi'ahle  cet  aveuglement 
qui,  dans  la  suite,  s'empara  de  tous  les  esioils  ,  se 
réjiandii  dans  l'uni\ers  païen  el  lin  déroba  eiiliére- 
nieni  la  iumièie  des  vèri.ès  célestes  !  Lu  Jinlée  ,  il 
e>l  vrai  ,  Dieu  était  connu  ,  il  son  nom  ci;iil  ijrand 
dans  Israël  :  mais  parioiit  ailleors,  dè.scpie  la  grande 
majorité  de  la  race  iiomaioe  eut  ab.ndonné  la  tra- 
dition .es  révélaiions  primitives  ,  dès  ipi'iMi  matière 
de  iciigioo  et  de  moiale  elle  eut  coiiiin 'iKé  il  iiren- 
dre  pour  régie  de  ses  sentiinenis  ropiiii.oi  privéi;  el 
individuelle,  alors  elle  se  trouva  é^aiéedans  les  dé- 
tours néhuleuv  d'un  lahyrinilie  inexliicahle  ;  elle  se 
piéeipia  d'erreurs  en  erreuis,  d'aiiMir  lilés  en  ab- 
suid.tés  ,  irinipélés  en  im|iiélé-.,  el  rignoiance  la 
pins  gros-ière  de  tout  ce  ipi'il  importait  le  plus  à 
I  hoiiioie  de  coiiniii  re  exaclemeot  piévalit  dans  le 
nmnde.  Voyez,  chez  lentes  les  n  il  mis  païemiei , 
parmi  celles  mêmes  ipii  luii  été  le  plus  cèlèhres  par 
leur  civilisniion,  chez  les  Grecs,  ciici  es  Romains; 
voyez  i|nell<!  disence  de  lumières  positives  sur  l'au- 
t.nr  (le  l'iiiiivris,  sur  la  natiiie  ei  les  pcrieciioos  Je 
Dieu,  sur  rioiiiioilaliié  de  l'ànie  ,  sur  la  rin  pour  la- 
quelle riioinnie  a  éié  créé,  sur  les  règles  ei  les  mo- 
tifs de  nos  devons  iiiora  ix,  el  sur  les  voies  qui  coii- 
dnisent  au  boolieiir!  Uuehine  imposant  ipi'aii  pu  être 
lecaraclérede  (piel(|iies  idée>  générales  qu'ils  avaient 
admises  sur  ccs  ohjets  si  iinporlanis,  elles  s-  trou- 
vent Coiiloiidoes  dans  une  loule  d'opinions  particu- 
lières, si  incoiiipalihles,  si  conliadieiime-.  eoireel  es, 
que  l.i  véntiî,  olisi  iir.  ie  par  taul  de  nuage-,  ne  pou- 
vait se  (lire  jour  à  travers  reiie  inas-e  épaisse  d'er- 
reurs el  de  préjugés,  ielle  était,  en  maiiéie  il'idées 
religieuses  ,  I  .gnoraiice  prot^uide  dans  lai|iielle  le 
inonde  païen  su  trouva  plongé,  i|iie  saint  P.iul,  en  par- 
lant des  s  éeles  qui  ont  joéiédé  la  venue  do  .Messie, 
ne  les  désigne  point  aiitremeiii  ipie  par  ces  mois, 
il'ini  b 'IIS  spé  ial  :  Et  tcm\)ora  qnideni  liiijus  iiinoraii- 
lice,  ces  temps  malhenrtuxd  ignorance  (Ici.  xvn,  M). 
t  La  Conséquence  iialiirelle  de  c  lie  ignorance 
générali!  fui  ,  chez  toutes  les  nai  ons  paifiines ,  )e 
régne  général  de  l'iinpioté  et  de  l'iio  nor.i  iië.  Toilt 
y  était  devenu  un  objet  de  eu  ils  il  d'à  oraiion  ,  et 
cepie  le  Dieu  vrai  et  unique.  Les  allciiiles  nuriées  à 
la  loi  de  naiiirc  devinrent  si  gravai  (i{  si  communes. 


«87 


CIJR 


lail  un  vérilablft  déisme  iléguisé  sous  le  nom  de  re- 
ligion. David  Williams  en  Tut  le  çrand  poiilife  sous 
le  nom  de  Prêtre  de  ta  naltire.  Ses  leinples  furent 
bieuiol  déserls.  Ses  adeptes  passaient  rnpidernent  à 
un  ailiéisine  coniplel.  Le  li'inp'e  des  clnéiiens  ra- 
lioiinels  fut  à  peine  ouvert  pendant  quatre  ans. 


CHP. 


883 


CHRISTOLYTES,  hérétiques  du  x«  siècle; 
leur  nom  vient  de  .y^iTroç,  et  de  Xùw,  je  se- 
;;'ire;  parre  qu'ils  séparaient  la  divinité  de 
Jésus-Christ  d'.ivec  soti  humanité.  Ils  soute- 
naient que  le  Fils  de  Dieu,  en  ressuscitant, 


que  le  sens  moral  de  ce  qui  est  décent  et  honnête 
parui  entièremejit  éteint,  et  l'Iiomiiie  sfmbla  s'èlre 
ravalé  hii-iiiêinc  au-dessous  de  la  lièle  immonde.  La 
violiMne,  li^  ineurlre,  la  luxure,  rinlempérance  et  la 
déhaiiclie  n'avaient  plus  nen  de  linnieux  et  de  re- 
pous-anl  aux  yeux  de  ces  hommes  ilépr.ivés.  On  vil, 
en  plnsieni'scimli'éi'S ,  l'iunnoraité  poussée  à  un  tel 
point  de  dégiadaiion  ,  (pie  ,  sous  les  noms  de  Mars, 
de  lia  clins  et  de  Vénus,  la  vengeance  .  l'Ivro-nerie 
el  l'impureté,  ces  vices  inf.imcs,  liireni  déiliéseï  ado- 
rés pubiiipicment  par  dfS  actes  aussi  scaïuialeus  que 
criminels  (|u'oii  usa  consacrer  comme  faisant  partie 
des  riies  saciés  de  la  religion.  Quelle  sombre,  quelle 
elfrayante  peimure  de  ces  excès  du  monde  païen 
lions  est  tracée  par  saint  Paul,  dans  le  premier  Clia- 
piire  de  son  E|iitie  aux  Itoinains  ,  depuis  le  verset 
18  jusqu'à  la  lin!  Avec  quelle  énergie  il  en  parle 
dans  celle  aux  Epliésiens '.  Ces  (yc/id/s  suivent  dans 
leur  conduite  la  raniié  de  leurs  iiemé.s;  ils  ont  l'es- 
prit plein  de  ténèbres  ;  ils  smU  éloignés  de  la  vi--  de 
Dieu,  à  cause  de  l'içinurance  oii  ils  sont,  et  de  Cendur- 
ei  sèment  de  leur  cœur;  ayant  perdu  taul  esiioir  de 
saint,  ils  s'abandonnent  à  la  dissolution  et  se  idonijeut 
avec  une  ardeur  insatiable  dans  toute  sorte  d'impure- 
tés (Epli.  IV,  17,  18,  i;)).—  Par  snile  de  (elt«  igno- 
rance 'le  Dieu,  de  cei  <mldi  des  règles  et  des  moiifs 
de  nos  devoirs,  de  cet  aliandon  sans  réserve  à  toutes 
lesiiiclinai  nus  vicieuses,  quel  déluge  époiivanialile  de 
crimes  et  de  m:iu\  vint  inonder  la  surlacede  lalerre! 
A  (piei  e  prolDiideiir  de  ligule  et  de  coirupiioi:  la 

iraiiire  de   1' ine  ne   parul-elle  pas  desceiiine,  et 

combei  cliaipie  joni-,  a|oiilan.  à  lanl  d'.ni  (uilés,  ne 
dut- il  pis  ajontei  aux  ini-ôies  bumaines  !... 

f  Telles  Claie,  t,  pimr  le  genre  linm 'in.  les  horri- 
bles coiiéi|iieni(s  du  péclié.  Qui  pnnvaii  le  délivrer 
de  cel  éiai  adieux  ?  Liaii-.e  la  pliiioso,  lue?  [Sun; 
tout  le  savoir.  Iniis  les  elfoi  ts  île  ses  sage^  y  ensseiil 
écliniié  ;  et  que  pouvait- elle  celle  pliilosopliie  ,  pour 
détruire,  pour  écarter  la  cause  limesie  de  lous  ces 
désorilres,de  tous  ces  inanx,  le  péclié?.'Vvaii-elb;  une 
victime  à  offrir  en  expiaiion  de  ce  péclié  ?  Eiait-elle 
capable  de  dissiper  ces  nuages  d'ignorance  générate 
qui,  en  maiièie  de  religinn,  s'éiaimi  épaissis  ci  cou- 
vraient le  monde  païen,  elle  qui  n'avait  jamais  eu 
rien  de  ilve  et  d'arréié  sortes  vériiés  relatives  aux 
idées  religieuses  :  elle  i|Ui  pouvait  être  accusée,  peut- 
être,  d'avilir,  piiur  sa  part,  coniiibué  à  entraîner  les 
hommes  dans  ces  rmie^  léllél)l■eu^e^?  Elail-elle  à 
même  de  corriger  les  liommes  de  leurs  vices  el  de 
les  guider  dans  la  prati(|ue  des  vénlables  vertus  , 
elle  i|Ui,  en  tant  de  circonstances  ,    avait  moniré  si 

peu  de  I icres,  on  du  moins  lanl  d'iiicenilinle  sur 

les  principes  el  sur  les  rsgles  de-  devoirs  moraux  ? 
Quels  mollis  asseï  puis>aiiis  pouvaii-elle  prési^nler 
à  l'homme  vicieux  ,  pour  le  déiourner  de  l'nabiiude 
du  mal?  et  i  rbomnie  praliqiianl  la  venu,  quel  sup- 
port ifl'iaitelle  contre  les  lenlaiioiis ,  elle  qui ,  par 
la  voix  de  ses  sages,  par  celle  des  iqaioii,  des  Ari- 
sloie  el  ile_  ses  sioiciens,  avaii  eusc  gné  et  encouragé 

les  pinsgrosMèresii naliiés  ?  ÎSim.  la  pliihisnphie 

avait  reconnu  elle-menie  .son  iinimissance  à  rcloimer 
les  vices  du  mimde,  ei  elle  avait  loin  à  fait  déses- 
péré de  pouvoir  jamais  aiiéier  ce>  lorrenls  d'iniiiui- 
lés  .|ui.  se  grossissant  de  jour  en  jour,  allaieni  en- 
gloutir lï  terre. 

^las  purentum,  pejoravis,  lulit 
Nos  nequiores,  mox  daliiros 
j  Progeniem  vitiosiorcui, 


Nos  père<;,  plus  méchants  que  n'élaient  nos  aïpux,  I 

Onl  eu  pour  successeurs  des  enfanls  plus  coupables,        • 
Qui  seront  remplacés  par  de  pires  neveux.    (Lasiotte.) 

c  Combien  donc  était  désespéré  l'état  où  se  trou- 
vait le  inonde,  quand  les  apôtres  turent  envoyés  à 
loules  les  nations  de  la  terre  pour  leur  anmmcer  la 
rémission  des  péchés ,  pour  les  éclairer  et  pour  les 
sanclilier,  en  répamlanl  parmi  elles  et  les  lumières 
de  la  foi,  et  les  grâces  du  Christ  !  — Ce  qui  conslilue 
l'essence  du  péclié,  c'est  la  désobéissance  ,  et  c'est 
par  le  grand  sacrilice  o'obéissance  offert  sur  l'autel 
de  la  croix  ,  que  le  Fils  de  Dieu  a  expié  le  péché. 
La  destruction  du  péclié  faii  disparaître  la  eau  e  de 
tous  tes  maux  qui  pèsent  sur  le  genre  humain.  La 
rémisson  des  péchés  réconcilie  riioinme  avec  Dieu; 
lève  l'arrêl  de  sa  condamnation,  le  sauve  îles  loiir- 
meiils  élernels  ,  le  rétablit  dans  la  dignité  d'enfant 
de  Dieu  et  daiis  tons  ses  droits  à  t'Iiérilage  du  royau- 
me sans  fin.  —  C'élaii  ce  bieiilait,  le  plus  grand  de 
tous,  c'éi -it  cette  rémissi  n  des  péchés  qui  avait  éié 
offerte  à  toutes  tes  nations  eonime  devant  venir  du 
Clirisl.  //  est  écrit  ainsi  de  moi,  d  saii  ce  divin  .Mé- 
diateur, il  Uillnit  que  le  Christ  son/frit  de  la  sorte  , 
qu'il  ressuscita'  le  troisième  jour,  et  i/  l'on  prêchât  enson 
nom  la  yénieuce  et  la  rémission  dex  péché<  parmi  toutes 
les  mitions,  en  Cummençant  par  Jérusalem  (Luc.  xxiv, 
4t),  47).  Ce  lut  aiu  apôtres  que  Jé^us-Cliiit  donna 
le  iioiivoir  et  la  mission  d'aller  lépamlre  ce  b  etilail. 
Il  leiii'  dit  :  Recevez  le  Saint-Esprit,  les  péchés  serjut 
renis  à  ceux  à  qm  vous  les  remettrez  (Jonn.  \\  ,  2J  , 
25).  Futées  à  leur  missioii,  les  apôtres  renipiiieiit 
avec  zèle  le  niinisljre  de  la  réconciliation,  el  ils 
s'cMiipie~èreiil  d'accorder  la  grâce  de  la  rémission 
des  péchés  à  ions  ceux  qui  s'empressaient  de  s  itis- 
laire  aux  conditions  imposées  par  te  Christ.  Dès  le 
premier  jour  où  l'Evangile  esl  proclamé  ii  Jérusalem, 
sailli  l'ierre  s'adiesse  à  la  nmltiinde  assemblée,  el 
dil  :  Faites  pénitence,  et  que  chacunde  vous  suit  baptisé 
au  nom  de  Jésus-Christ  pour  la  rémissiun  de  sesiiéihét 
{Aci.  II,  "j8).  C'était  là  celle  grande  bénédicliou  pro- 
mise depuis  si  lungtemps  ,  et  que  toutes  les  nations 
devaient  recevoir  par  le  Christ,  en  qui  toutes  devaient 
être  bénies  (Gen.  xii,  3;  xviii,  18;  xxti,  18;  xxv,  i). 

«   Ainsi  ,   de    même  que   le  péclié  avati  clé  pour 

l'hi e  ta  source  de  tous  ses  maux  ,   de  même  la 

rémission  des  péchés  devait  èire  pour  lui  te  principe 
de  tout  son  bonheur.  Le  péché  avait  renne  les  por- 
tes du  ciel,  elles  >c  ronvrenl  aujniird'hui  à  qunoti- 
que  a  su  ,  av.nil  de  iiinmir ,  laver  dans  le  .sang  de 
l'Agneau  toutes  les  souillures  du  [léclié.  Quelle  douce 
consolalioii  répand  dans  bs  cchuis  ce. le  doctrine  ilc 
la  rémission  des  péchés!  Que  de  hénédiciiiins  pré- 
cieuses émanent  de  ce  ininislère  de  lécoiicitialion  , 
quand  il  esl  exercé  suivant  les  insliliitionsde  Jèsus- 
Christ  !  Et  quid  bonheur  pour  rhoinme  coupable  de 
savoir  avec  certitude  ce  iprd  lui  tant  faire  pour  ob- 
tenir sa  grâce,  et  à  quelles  condilioiis  il  sera  jnslitié  ! 
Les  voilà  ces  bienf.iils  ineslimaliles  q  e  le  christia- 
nisme a  portés  chez  toutes  tes  iialioiis,  en  se  répaii- 
daiil  paiini  elles.  —  Avant  que  la  grâce  de  la  jiisti- 
licaiion  dcsiemlil  dans  le  cœur  des  h  iiiiiiics,  il  fal- 
lait que  teiii  es,  rit  lût  éclairé  par  la  connaissaiice 
des  vérités  célestes  et  des  précepie.»  de  la  morale 
surnaturelle  que  le  Kits  de  Dieu  avait  p  éi  bée  à  ses 
aiôlics.  Inaruisct  toutes  Us  nations,  i  s  baptisant  et 
leur  apprenant  toutes  les  choses  i/iii;  je  vous  ai  ordonné 
de  leur  apprendre  (Matih.  xviii).  Leur  iu:itrucliou 
devait  doue  précéder  kur  baptême. 


sm 


CHR 


avait  laissé  dans  les  enfers  son  corps  et  son 
âme,  et  qu'il  n'était  monté  au  cirl  qu'a- 
vec sa  divinité.  Saint  Jean  Damascène  est 
le  seul  auteur  ancien  qui  ait  parlé  de  cette 
secte. 


CHR  m) 

*  CHRISTO  SACRUM.  L'immense  fraciionne- 
inent  (les  églises  proieslames  d'Allemagne  inspira  à 
J:icol)  llendrir  Onderde-Wyng  ir-Caiiïieux  la  pensée 
db-  réunir  loiiles  les  sociélés  cliréiieiines  en  une 
seule  :  pour  cela  il  Ot  le  symbole  le  plus  large  pus- 


(  Mais  quoi  de  plus  consolant  en  soi,  quoi  de  plus 
salutaire  pour  i'Iiomnie,  que  le  corps  entier  de  ces 
diigmes  sublimes,  do  ces  préceptes  moraux  ,  de  ces 
instiiiiiions  sacrées  qui  constituent  la  religion  chré- 
lieime  et  que  propagèrent  unifurmémenl  les  apôlres 
à  l'époque  où  ils  élaldirenl  le  christianisme  chez 
toutes  les  nations  ?  Quel  dut  être  l'étonnement  de  ces 
tiommes  qui,  >i  longlt-mps  ,  étaient  restés  assis  dans 
les  lénébres  du  péché  et  dans  l'ombre  de  la  n)ort, 
qiiaiid  tout  à  coup  ces  dogmes  et  ces  mysièn.'s  leur 
furent  proposés  et  expliqués  I  Quels  transports  de 
j(ii('  durent  inonder  et  leur  cœur  et  leur  esprit  !  Ce 
n'étaient  point  là  de  vainis  fables  savamment  ima- 
ginées, ce  n'étiiient  point  les  npiniims  vagues  ou  les 
cniiseds  d'honiiiips  ou  ignorants  ou  tronipi-nrs  ;  mais 
c'élaiiMit  les  vériiésel  les  ordonnances  de  Deu,  con- 
firmées et  rendues  tcrtames  par  le  témoignage  et 
par  le  commandenn'Ht  de  Dieu,  et  de  pins  appuyées 
el  consolidées  par  une  série  de  faits  d'une  évidence 
telle,  que  toutes  les  attaques  di-s  sophistes  les  plus 
liabiles  ii'étaient  pas  capables  de  les  ébranler.  Ce 
que  nous  iwons  vu,  ce  que  nous  avons  enlendit  ,  voilà 
ce  que  nous  vous  déclarons,  disait  un  apôlie  {Joan.  i, 
5).  Cétail  la  tloclrine  qui  ,  aifunt  été  premièrement 
annoncée  pur  le  Seigneur  Ini-ménie,  a  été  emuile  con- 
firmée, parmi  nous,  par  ceux  qui  l'avaient  k^tehuve 
Di:  SA  l'UopiiE  BOi'ciiE,  «HK/Htï/s  Dieu  a  rnidu  témoi- 
gnage par  les  miracles,  par  les  prodiges,  par  les  diffé- 
rents effets  de  su  puissance  et  par  la  distrihulioii  des 
grâces  du  Suint  Esprit,  qu'il  a  partagées  comme  il  lui 
a  plu  {llelir.  ii,  3,  4).  El  celle  docirine  si  certaine, 
si  sublime,  si  excellente,  portail  dan-,  les  esprits  une 
Inmière  célesie,  et  dan^  1  s  cœurs  une  chaleur  vivi- 
lianie  ei  loute  spirituelle  ! 

I  Qu'on  imagine  ce  qui  dut  se  passer  dans  l'esprit 
de  cet  enfant  du  paganisme,  qui,  plongé  dans  les  ténè- 
bres de  l'inlidélilé,  et  ayant  admis  et  adoré  une  mul- 
titude de  dieux  laniastiques  ,  auxquels  mille  crimes 
infâmes  étalent  imputés,  entendait  dévilopper  celte 
docirine  qui  annonçait  un  Dieu  de  gloire  et  de  sain- 
relé  ,  seul  vr.ii  ,  seul  vivant,  créaliur  et  souverain 
Seigneur  du  ciel  et  de  la  terre  ,  étemel,  immense  , 
inlini  en  pouvoir,  en  sages^e  ,  en  bonlé  ,  en  louto 
sorte  de  peifections.  Avec  quel  encbanlement  ses 
regards  se  tournèrent  vers  les  rayons  bienlasants  do 
ce  jour  qui ,  pour  la  première  lois  ,  commençaii  à 
luire  pour  lui,  lui  qui,  si  hmgtemps  enveloppé  dans 
une  miii  pri>roude  ,  se  iratu.iil  errant  cl  inceilaiu 
dans  les  sentiers  dangereux  de  l'erreur  cl  du  men- 
songe !  Ceux  que  de  tels  bienlails  venaieni  trouver 
pouvaient  dire  avec  vérité  :  Le  Dieu  qui  a  commandé 
que  la  lumière  sortit  des  ténèbres  a  fait  luire  sa  clarté 
dans  nos  cœurs,  afin  que  nous  puis'sioiis  éclairer  les  au- 
tres, et  leur  donner  la  connaissance  de  la  qloire  de  Dieu, 
selon  quelle  pur.;i(  en  Jésus-Clirist  (II  Cor.  iv.  G). 

<  Mais  ce  qui  répandit  la  lumière  la  plus  écla- 
tante et  la  plus  merveilleuse  sur  la  connaissance  de 
la  gloire  du  vrai  Dieu,  ce  fut  la  nianifestaiion  du  re- 
doiilable  cl  sublime  mystère  des  trois  personnes  di- 
stinctes en  une  seule  nature  divine;  mystère  d'une 
vérité  et  d'une  certitude  irréfragables ,  puisi|u'il  a 
été  révélé  par  ce  grand  Dieu  bii-rnème ,  qui  se  coii- 
iiaii  si  parlaiiement,  et  qu'd  étaii  attesté  par  ceux-là 
mêmes  à  (|ui  son  propre  Fils  en  avaii  donné  con- 
naissance :  inysière  grand,  profond,  inellable,  el  sur 
lequel  repose  tout  le  système  du  christianisme. 

i  Voyez  iiiiiintenant  quelle  brillante  perspective 
d'une  gloire  immortelle  élail  développée  aux  regards 
de  l'homme  par  la  doctrine  de  l'Evangile.  Ce  n'élait 
pas  une  vaine  illusion  propre  uniquemeui  à  tlaiier 


son  orgueil  ;  c'était  l'espoir  certain  ,  indubitable  , 
d'un  bonheur  parfait,  éiernel  ,  assuré  pour  l'âme  et 
pour  le  corps  :  espoir  fondé  sur  la  promesse  solen- 
nelle que  Dieu  lui-même  s'élail  engagé  d'accoiii|dir 
envers  tons  ceux  qui  rempliraient  les  comlmons 
prescrites  par  son  Fils  Jésos-Chrisi.  —  Ceux  que 
renseignement  de  cette  doctrine  iniroduisaii  ainsi  i 
la  connaissance  des  desseins  et  des  œuvres  de  Dieu, 
quelles  puissantes  consolations,  que  d'objets  intéres- 
sants leurélaieni  présentés  dans  le  grand  mysière  de 
la  rédemption  et  de  la  sanclilieation  de  ce  iTionde  ! 
Si,  d'un  côté,  elle  exposaii,  dans  toute  leur  éiendue, 
la  dépravation  et  la  misère  de  l'homme,  combien, 
de  l'autre  part,  elle  faisait  éclater  la  miséricorde  et 
la  clémence  de  Dieu  !  L'homme  ,  par  son  i  éclié , 
s'élail  rendu  indigne  à  jamais  du  bonheur  qui  lui 
était  réservé  dans  les  cieux  ;  il  avait  encoiiru  le  ter- 
rible arrêt  qui  le  condanmait  à  un  châtiment  éternel, 
et  cependant  ce  Dieu  offensé  ne  peut  cesser  d'aiii.er 
sa  coupable  créature;  il  désire  encore  sou  bonheur, 
et  tel  est  l'evcès  de  ce  désir,  que  son  Fils  bien-aimé 
est  envoyé  sur  la  terre  et  condamné  à  se  fiire  hom- 
me ;  et  c'e-t  dans  l'ahaissemeul  de  cette  huma  ne 
naiure  (|ue  ce  divin  .Médiateur  deviendra  victime 
d'expiaiion  pour  les  péchés  des  hommes, el  cause  de 
salui  pour  tous  ceux  qui  voudront  lui  obéir.  0  pro- 
fondeur des  my-téres  de  la  sagesse  divine  ,  ô  prodi- 
ges de  sa  bonté  el  de  son  amour!....  Dieu  a  lellemeiU 
aimé  le  monde  ,  qu'il  a  donné  son  Fils  unique  ,  afin 
que  quiconque  croit  en  lui  ne  périsse  point ,  mais  qu'il 
oit  la  vie  éternelle  (Joan.  vi,  l(j).  Au  temps  marqué, 
ce  Fils  de  Dieu  est  conçu  dans  le  sein  d'une  vieri;e, 
il  est  mis  au  monde;  il  meuitsur  une  croix  pour 
obéir  aux  ordres  de  son  Père  et  pour  as-mer  le  salut 
des  lioinnies  ;  le  troisième  jour,  il  se  ressusciie  lui- 
même,  il  monte  aux  cieux  ,  et  à  la  fin  des  lenips  il 
viendra  juger  tout  le  genre  humain.  C'est  alors  que 
seront  rendus  à  la  vie  les  corps  de  tous  les  bmnines  ; 
alors  ceux  qui  auront  lavé  loutes  leurs  lauies  dans 
son  sang,  il  les  récompensera  par  une  gloire  éter- 
nelle :  mais  il  punira,  par  d'éiernels  tonrinenisceni 
qui  seront  moris  dans  les  feus  du  péché.  Voilà  les 
dogmes  ,  Voilà  les  laiis  qu'annonçaient  les  apôlres. 
Tous  découvrent  à  nos  yeux  les  myslèies  les  plus 
merveilleux  d'une  puissance,  d'une  justice  ,  d'une 
clémence,  d'un  amour,  qui  n'ont  poiiil  de  bornes,  et 
tous  sont  aussi  certains  qu'ils  sont  sublimes.  Ceux 
qui  se  soumettaient  à  la  loi  de  Jésus-Chrisi ,  quelle 
pureié,  quelle  sainteté  ne  tiouvaiemils  pis  dans  les 
préceptes  de  u  or.de  qui  leur  éiaient  prêches  ,  pré- 
ceptes qui  enjoignaient  rélmgnemeol  absolu  du 
toute  espèce  de  péchés,  soit  en  pensées,  soit  en  pa- 
[(des,  soit  en  actions  ;  préceptes  qui  altjquaieiit , 
jusque  dans  leur  principe ,  les  mouveraeiits  de  la 
concupiscence,  en  imposant  la  pratique  du  renon- 
cement à  soi-même;  préceptes  qui  prescrivaient 
l'exercice  de  loutes  les  venus,  de  la  piéié,  de  la  dé- 
votion, de  l'amourde  Dieu  et  du  proch.iin,  delà  sin- 
cérité el  de  la  justiie  ,  et  qui  commandaient  le  sa- 
crilice  héroïque  de  lous  les  avantages  li^mporels , 
plaisirs,  prolil,  honneur,  dès  que  la  loi  de  Dieu  avail 
parlé.  Tous  les  devors  ,  ceux  de  riiomme  envers 
Dieu,  ceux  d'homme  à  homme,  de  supérieurs  à  In- 
férieurs, d'inférieurs  à  supérieurs,  d'égaux  à  éj^aux, 
étaient  slriclemenlspéciliés  et  ordonnes.  La  sobriété, 
la  chasieté,  éiaienl  essentiellemeiu  recommandées, 
el  suriout  celle  perleclioii  morale  à  lai)uelle  cha  |ue 
indiïiilu  devait  tendre  ,  et  qu'il  se  doit  à  lui-même, 
comme  liiêiubre  de  Jésiis-Christ,  et  cum.ue  temple 
de  l'Espril-Saint.  L'unité,  i'indissolubiliié,  la  saiu- 


893 


CIIR 


CHU 


8b 


sil)le,  il  il'exigeaii  la  croyance  qu'à  un  seul  dngnie, 
à  II  réileinption  du  fiente  hniiiain  p;ir  le  Clirist.  Il 
rejetai!  avec  liorreiir  les  termes  île  secie  et  de  secta- 
leurs  ;  il  voulait  coiisiiiinT  U'  e  sociéié  dans  toute 
la  force  du  l  ruie.  Celle  secie,  réduite  d'abord  au 
nombre  de  quatre  individus,  aiieigint  bientôt  le  cliif- 
fre  de  trois  mille  personnes.  Elle  ne  prit  jamais 
beaucoup  d'extension  et  liuii  par  s'éteindre  faute  de 

télé  du  mariage,  étaient  consacrées  et  protégées.  La 
paix,  riianiioiiie  rcntriieni  d:ins  les  ramilles  ;  l'or- 
dre, le  droit,  kl  jusiicedans  la  vie  civile,  et  tois  ces 
avantages  y  étaient  maintenus.  Il  n'e-t  pas  un  seul 
de  ci's  objets  auquel  ne  s'éteudissenl  les  préceptes 
de  l'Evangile ,  lesquels  ,  enibrassaiii  un  sysièmc  de 
morale  aussi  éclatnit  qiiecompbt,  ne  tendaient , 
dans  leur  cnsemblo,  qu'à  faire  sortir  l;i  nature  liu- 
n)aine  de  cet  abiine  de  corrnpiion  où  le  pécbé  l'avait 
plongée,  et  à  redonner  à  l'hoinnie  :a  diguiié  pre- 
mière, eu   rélablissant  en  loi  l'image  de  la  Divinité. 

I  Pendant  ijue  la  religion  cbrétieiine  piuposait 
ces  préceptes  d'une  morale  si  pure  et  si  parlaiie, 
elle  éi:iii  loin  de  négliger  b'S  moiifs  poiss:inis  (|ui 
devaient  en  assurer  î'i'xacie  observance.  S:ins  cesse 
elle  pré-entait  aux  yeix  des  liommes  l'autorilé  du 
Dieu  suprême  q  ii  les  avait  commandés,  la  sainteté 
de  ce  Dieu  à  (pii  ne  peuvent  échapper  ni  pensées, 
ni  paroles  ,  m  aciinns  ;  la  justice  de  ce  Dieu  qui  les 
jugera  lous  61  rendra  à  cliacuu  selon  ses  œuvres,  les 
réC'  mpenses  élcrnelles  réservées  à  quicumpie  aura 
persévéré  dans  le  bien  ,  les  é;ernels  cbàtuueiits  qui 
SiTiiiit  inlligé>  à  ceux  qui  se  seront  olisliiés  dans  le 
mal;  ci  sans  cesse  elle  leur  ra|)pelail  1' .moiir  inliui 
d'un  Dieu  pour  l'iKunims  et  l'exemple  de  ce  Fils  de 
Dii'ii,  de  (0  JéMis,  modèle  de  toutes  les  perleciious  , 
qui  s'est  livré  Un  même  j)oitr  nous,  afin  de  nous  rache- 
ter de  loule  iniquité  et  de  nous  purifier  pour  se  (aire 
un  p  Uj}le  particulièrement  consacré  à  son  service  et 
fervent  dans  les  bonnes  œuvres  (Tit.  ii,  \i). 

i  Les  apôlics  en  élablissai.t  la  rcl  gioii  clirctionne, 
ncii-seulcmciil  prèi'baie.^t  c  es  doctrines  siililuncs,  ei 
inciilipiaient  ces  |>ré(:eiiles  di'  piclé  ei  de  morale; 
mais  d.'  plus,  à  l'aide  de  i  ites  sacrés  que  Jé>ns-Clirist 
avait  io>tlliiés,  el  dont  le  miuisière  leur  é  ait  conlié, 
ils  rép'nnaienl  sur  tous  les  Ikuihucs  une  aboudiiicc 
de  jirâccs  célestes,  dont  l'idiji  t  étaii  d'tiïacer  entiè- 
rem>  nt  le  pécbé  et  ses  suites  ,  de  lairo  desi  endrc 
da.  s  Ic-espiils  les  lumières  de  la  sancs^e  élerotlle, 
et  d'eiillamnicr  bs  coe  rs  des  plus  sainis  désirs. 
Jésus-(;iirisi  avait  allaciié  à  ces  sacieuieiils  licoin- 
miiiiicaiHin  (le  loiiics  les  griues  de  l.i  ju.-,i,ficaiion  ; 
mais  il  fallait  ipi'ils  lussent  adminis  rés  d'airès  ses 
ordouuan  es,  et  reçus  par  \c>  lidéics  avec  les  dispo- 
sitions de  foi ,  de  repeniir  et  de  soumission  qu'il  a 
prescrites.  De  Va  ces  paroies  de  saint  Pierre  :  lùtitcs 
pénitence  et  que  chacun  de  vous  soit  baptisé  ««  nom  île 

JésUS-ChrisI,  lOLR   lA  RÉMISSION   Dli   VOS  l'iiClUS  (.Il /. 

Il,  58).  Delà  saint  l'ierie  et  sainl  Jean,  se  rendant 
près  des  Samaritains,  riiuiiiM  rouu  eux  ,  nfm  qu'ils 
rrçussint  le  Saint- Exprit...;  ils  li.uu  rMpnsÉiu:Nr  i.i.s 
MAINS,  et  ils  reçurent  le  Saint-Esprit  {Ibid.,  viii,  lo, 
17).  —  C'éiail  ainsi  que  les  sacrements  cl  les  auires 
rites  extérieurs  établis  par  le  Cbrisl  el  admini^tiés 
par  ses  apôlrc»  ,  devenaient  pour  lous  ceux  qui  les 
relevaient  avec  les  disposiiions  ie(iuises  ,  la  source 
des  gràics  de  la  sanctilicali>ui  que  le  divin  Hcdemp- 
teur  nous  a  mériiées  par  sa  mort. 

t  Sainl  Paul  rappelle  souvcnl  à  la  mémoire  des 
gemils  convertis  <p.il  a  été  leur  bmilieur  di;  recevoir 
la  grâce  de  la  ju^ll(il•alion.  Pie  savez-vous  pas,  dit-il 
aux  Corintliitùv-. ,  ijia'  les  injustcf  ne  saonl  pas  héri- 
tiers ituroiianme  de  Diiu?  Se  vous  y  trompez  p  .s  : 
ni  les  [orniiiteurs,  ni  les  idolâtres,  ni  les  udultcr.s  , 
ru  les  imi  utiiques ,  ni  les  abominables  .  ni  les  voleurs, 
hi  les  Hi'oii's,  iii  II  s  irrwf/iics .  ni  les  r.iéchanii  ,  ni  /...> 
rniissciirs  du  bien  n'oidrui ,  uc  seront  hérilicis  du 
royaume  de  Ditti.  C'etl  ce  (jue  quelques-utis  de  vous 


ncu veaux  ailiiérenls:  elle  compte  auj.uird'liiii  fort 
ppii  d'adepies  après  30  ans  d'existence.  Sun  culte  se 
divise  en  deux  parties,  l'un  d'adornlloii  et  l'autre 
d'insiruciion.  Six  bds  par  année  on  célèbre  la  Céae. 
Après  cette  cérémonie,  les  assistants  se  proslerneut 
sur  les  dalles  du  temple  dans  un  éiai  de  (Oinplèie 
immobilité  pendant  qu'on  récite  les  prières  et  que  le 
ministre  donne  les  bénédictions. 

CHRONIQUES.  Yoy.  Pabaupomènes. 

CHRONOLOGIE  de  l'histoire  sainte. 
Les  incrédules  de  noire  siècle  ont  f.iit  grand 
bruit  sur  la  difficulté  qu'il  y  a  de  former  une 
chronologie  exacte  de  l'histoire  sainte,  sur 
la  variéic  des  opinions  et  des  hypollièses 
iin.iginces  à  ce  sujet  pnr  les  savaiUs.  On  » 
de  la  peine  à  concilier  le  lexle  hébreu  avec 
les  versions,  et  d'accorder  les  aulcurs  sacrés, 
soil  el)lr(^  eti\,  soii  avec  les  historiens  pro- 
fanes. Nos  critiques  pointilleux  ont  dit  que 
si  Uieu  était  l'auteur  de  celle  histoire,  il 
n'aurait  pas  permis  que  des  écrivains  qu'il 
daignait  inspirer  ioinhassenl  dans  aucune 
faute,  el  fussent  oppos'és  les  uns  aux  autres. 
Quand  on  leur  a  répondu  que  la  plupart  de 
ces  fautes  vraies  ou  appircnles  pouvaient 
êlre  venues  de~  topisles,  et  non  des  auteurs 
saciés,  ils  ont  répliqué  que  Dieu  devait  veiller 
d'aussi  près  sur  hs  copies  que  sur  les  origi- 
naux; que  des  écrits  divinement  inspirés 
devaient  êlre  aussi  divinement  copiés.  — 
Ainsi,  selon  ces  grands  génies,  dès  (jue  Dieu 
a  voulu  prendre  la  peine  de  nous  instruire, 
il  a  dû  nous  donner  non-seulement  les  leçons 
nécessaires  pour  légKmolrefdi  elnos  n.œurs, 
mais  encore  loules  les  connai^s.iiK  es  cu- 
rieuses (ju'il  nous  plairait  d'exiger,  et  nous 
ôter  la  peine  de  f  lire  des  éludes,  des  re- 
cherclici,  des  discussions  pour  les  acquérir. 

Nous  leur  demandons  en  quoi  un  sjslèiuo. 
esaci  et  complet  i\e.  chroniloijie,  depuis  la 
cré.ilion  jusiju'à  nous,  pourrait  servira  per- 
feclionnerla  loi  ou  les  mœurs.  Dès  que  nous 
sommes  assuré>  que  Dieu  a  créé  le  monde  et 
la  race  humaine,  i]oe  noire  premier  père  a 
péché  cl  en  a  été  puni  a\ecl'>utc  sa  postérilé, 
mais  que  Dieu  lui  a  pronis  un  rédempteur; 
qu'après  plusieurs  siècles  il  a  cliâlié  celte 
race  criminelle  par  un  dél!i2C  universel  ;  dès 
qu'il  csl  ccrlain  que  Dieu  a  dicié  des  lois  aux 
Hébreux  par  l'org.ine  de  iMoïse  ;  qu'il  a  sus- 
cité parmi  eux  des  prophètes  pour  annoncer 
SCS  desseins  cl  renouveler  ses  promcs  es; 
qu'enliii,  lorsqu  il  a  trouvé  bon  de  les  ac- 
complir, il  a  envoyé  son  Fils  unique  pour 
racheter  le  genre  humain,  el  lui  don  ler  de 
nciuvclles  leçons  ;  que  nous  importe  de  savoir 
en  ijuel  lcni(is  piécisemenl  ces  divers  événe- 
lueiils  sont  arrivés;   combien    il  s'est  écoulé 

ont  é:é  auiiefois;  mais  vous  avkz  kik  lavés,  iioii* 
avez  élé  sanctifiés ,  l'oiis  ni  cî  été  justifiés  au  nom  et 
par  les  mérites  de  Notre-Seiqueur  Jésus-Christ  et  par 
l'Esprit  de  notre  Dieu  (l  Cor.  vi,  l),  il).  II),  le;/. 
l'Kpiire  au-\  KpLcsieiis  (il,  1,0),  celle  aux  Colos- 
sicn>(i,  il,  iî). 

<  Veul-on  uri  témoignage  bien  frappant  de  refli- 
ca(  ilé  de  ce^  gr.'ices  dans  la  régénérai i'Hi  du  C(eur 
liumain?  yu'iui  lise  ce  que  raKuile  saint  Cypiien , 
dans  S(m  livre  à  Douât,  du  cbaugeineut  ipii  s°n|)éra 
cil  lui  quand  il  reyiii  le  bapiciiic.  » 


HK 


CHR 


CIIR 


m 


d'année;»  ciuro  l'un  el  l'autre;  à  quelle  6po- 
(|ue  de  l'hisloire  profane  il  faut  les  rappor- 
ter? Celle  coniiaissaiice  servirait  s:;ns  doute 
à  satisfaire  notre  curiosité  ;  nous  ne  voyons 
pas  eu  quoi  elle  contribuerait  à  nous  rendre 
meilleurs. 

Sommes-nous  beaucoup  mieux  instruits  de 
la  chronologie  des  autres  nations  (jue  de  celle 
des  Hébreux?  Dans  l'origine  des  sociélcs,  les 
peuples,  uni(inement   oceupés  de  leur   sub- 
sistance, n'avaicnl  le  temps  ni  de    composer 
des   annales,   ni  de  dresser  des  monuments. 
Rien    de   plus   incertain   que   les  premières 
époques  de  ^lli^loire  cliinoise;  telle  des  In- 
diens est  encore  plus  oliscure;  on   n'est  pas 
parvenu  non  plus  à  ranger,  d'une  manière 
incontestable,  les  dynasties   des   Egyptiens, 
ni   à  débrouiller    les  conmiencements   de  la 
monarcliie  des    Assyriens.  Les   Grecs  n'ont 
appris  à  écrire  que  fort  lard;  on  ne  sait  pas 
seulement  avec  certitude  en  quel   temps  Ho- 
mère u  vécu.  Les  premiers  fails   de  l'Iiisloire 
romaine  ont   paru  fabuleux  à   plusieurs  sa- 
vants, et  nous  sommes  forcés  de  commeneer 
la  nôtre  au    régne  de  Cioiis.   Si  Dieu  n'avait 
passuscité  Moïse  pour  nous  donner  une  faible 
connaiss.'tnce  des  origines   du   nmnde,  nous 
n'en  saurions  pas  un  mol,  et  UdS  philosophes, 
avec   tous   li  urs    talents  pour  la  divination, 
n'fiuraient  pu    nous  rien   ,  pprendre.  —  Sui- 
vant leur  opinion,  des  fiules  conire  la  chro- 
nologie, la  geograpiiie  et  l'hisloire  naturelle, 
sont  la    pierre  de    louehe   pour  juger  de  la 
fausseté  d'une  révélai  ion.  Il    y  aurait  peul- 
élrc  moins  d'absurdil  •  à  dire    que  c'est  un 
préjugé   pour   présumer    (lu'clle  est    vraie; 
parce  iju'il  csl  indigne  de  Diru   de  communi- 
quer aux  boumies,  par  lévélalion,  des  con- 
naissances  «lui   n'ont  Jamais   servi  qu'à  les 
rendre  orgueilleux,    induciles  el  incrédules. 
La  vérité  est  que   ces  fautes   prétendues   ne 
prouvent   rien,    lant  que   l'on   n'est  pas  en 
étal  de   démontrer   invinciblement    que   ce 
sont  des   fautes  :  or,   nos  adversaires    n'en 
sonl  pas  encoie   venus  à   boul,  à  i'égard  de 
celles   qu'ils    croient  trouver  dans  l'histoire 
sainte,    l^lusieurs   savants  leur  ont  fait  voir 
qu'ils  n'en  jugent   ainsi  que  piir  ignorance, 
et  qu'il  en  est  de  même  des  ( onliadictiuns. 
hixm  V Histoire   de   l'astrolugie  ancienne, 
liv.  I,  ^ii;  Eclaircis.,  1.  i,  §  U  et  suiv.,  l'au- 
teur a  moiilré  qu'en  comparant  les  différen- 
tes methoiles  selon  lesquelles  les  divers  peu- 
ples  oui  calculé   les   lenips,    les    dillérenles 
chronologies  (1)  s'acconlent  et    ne  dilTérent 
que  de  (luelijues  années,  touchant  les    deux 
époques  les    plus    m  morables;   savoir,    la 
création  et  le   déluge  universel;    que  toutes 
su   réunissent  encore   à    supj)oser   la  inèiuc 
durée   depuis  le   commencement    du  monde 
jusqu'à  l'ère  chrétienne,  en  suivant  le  calcul 
des  Seplanle.  Dans  le  liecudl  de   l'Académie 

(1)  Il  y  a  f|ii,iire  peuples  prinoipmi'c  qui  foni  re- 
moiiler  la  créalioii  liien  au  del.i  de  l'épcMiiie  marquée 
par  Moise.  Ce  sonl  les  L'gypliens,  les  dialJéens,  tes 
hi.lieijs  el  les  tiliinois.  INuiis  discutons  aux  arlicles 
qiii  coucenieiii  (a  peuples,  la  valeur  bistorlnie  de 
leurs  (iréieiidues  aniiquilés. 


des  Inscriplions,  il  y  a  plusieurs  mémoires 
dans  lesquels  ou  a  très-bien  réussi  à  éelair- 
cir  les  difdcultés  touebant  l'histoire  des  rois 
d'Israël  el  deJuda,  et  d'autres  faits  particu- 
liers :  n'est-ce  pas  assez  pour  nous  faire 
présumer  que  l'on  peut  dissiper  de  même  les 
aulres  emliarrasqui  peuvent  encore  se  trou- 
ver dans  l'histoire  sainle? 

Le   plus  grand  de  tous  est   de  concilier  le 
texte  hébreu  avec  la  version  des  Septante  et 
avec  le  texte  samaritain,   au  sujet  de  la  date 
du  déluge  et  touchant  l'âge  des  patriarches, 
avant    ou    après     celle    grande    révolution. 
Suivant  le   te\le   hébreu,    il  ne   s'est  écoulé 
qu'environ  six  mille  ans  depuis  la  création 
jusqu'à  nous,   et  le  déluge  est  arrivé  l'an  du 
inonde  lUbti.  Les  Seplanle  ajoutent  1800  ans 
de  plus  à  l'antiquité  du  monde;  le  Penlaleu- 
que  samaritain  ne  s'accorde  avec  aucun  des 
deux.   L'hébreu   place    le  déluge   2  Î48   ans 
avant  Jésus-Christ;  les  Seplanle  3017  ;  voilà 
près  de  1300  ans   de   différence.  Pour  savoir 
d'où  elle  a  pu  venir,  les  savants  se  partagent. 
Les  uns  pensent  que  les  Hébreux   ont  rac- 
courci exprès  leur  chronologie  ;   mais  on  ne 
peut  pas  deviner   pour   quel    motif,  en  quel 
temps   ni  comminl    ils   auraient   pu    altérer 
tous   les  exemplaires   du  texte.  D'autres  ju- 
gent que  ce  sont  les  Septante  qui  oui  allongé 
la  durée  des  temps,  pour  se    rapprocher  de 
l'opinion  des   Egyptiens,   qui   supiiosaient  le 
monde  très-aneien.  D'autres  enfin  ont  donné 
la   préférence  au   samaritain,  qui  garde  une 
espèce  de  milieu  entre  les  deux   aulres  mo- 
numents. Aucun  de  ces  trois  seniiuients  n'est 
fondé   sur   des    preuves   dé:iionstralives.   — 
Nos  pliilosopbes,   plus   habiles  que  tous  les 
savants,  ont  fait  profession  de  mépriser  tous 
les  travaux  de  ceux-ci,  ils  ont   entrepris  de 
créer  une  nouvelle  chronologie,  de  fixer   la 
durée  du  monde  et  les  éjioques  de   la   nalure 
par  des  conjeciures   de  physique,    par  l'ins- 
petliou  du  globe  ,    par   les    matériaux    des 
montagnes,  par  la  manière  doul   les   lits  en 
sont   disposés,    par  les    dep).;icei;icnls  de  la 
mer,  etc.  La  question  esi  d'r  savoir  s'its  ont 
deviné  juste,  si  toutes  les  monlagnes  du  globe 
sont  faites  comme  celles  qu'ils  ont  examinées, 
s'ils  n'ont  pas    altéré  les  fails  pour    les  faire 
cadrer  avec  leurs  idées,   etc.   Déjà  plusieurs 
physiciens    ont    l'ail    voir  que  la   plupart  de 
leurs  observations  sonl  fausses.  Lettres  phg-. 
nii/ucs  et  mortdes   sur   l'Histoire  des  monta- 
gnes cl  de  l'homme  ;  Etudes  de  la  nalure,  etc. 
Ceux  qui  ont  voulu  allaquerriiistoiresainte 
par  des  observations  astronomiques  ,   n'ont 
pis    mieux  réussi.   Nous    iiouvons   donc  eu 
toute  surclé  nous  en  tenir  à  ce  que  l'Lcrilurc 
nous  apprend.  Voi/.  Histoiue  sainte,  Mox- 
UE,  etc. 

CHUYSOSTOME  (saint  Jean),  ou  bouche 
d'or,  p.ilriarehedeConstantinopIc,  et  docteur 
(le  l'f'g'ise,  lut  ainsi  nommé  à  cause  de  son 
éloquence  :  il  a  vécu  au  iv  siècle.  La  meil- 
leure ccliliou  d;  ses  ouvrages  est  celle  qu'a 
publiée  le  V.  île  Montfaucon  ,  en  grec  el  eu 
lalin,  en  13  volumes  in-folio,  à  Paris  1718. 

L  s  censeurs  des  Pères  ont  reproché  à 
siiiil  Jean  Chrytostome  de    s'être    esprimé 


&9'J  CHR 

d'une  manière  scandalease  sur  la  conduite 
qu'Abraham  Uni  en  Egypte  à  l'ép;ard  de  Sara 
son  épiiuse.  Quand  cette  accusation  serait 
mieux  fondée,  ce  n'étnit  p;is  la  peine  de  re- 
lever cette  tache  dans  un  corps  d'ouvrage 
de  13  viilumes  in-folio,  et  dans  un  Père  de 
l'Eglise,  respectable  d'ailleurs  par  la  pureté 
de  sa  morale  ei  par  la  modération  de  ses 
sentiments.  Ce  saint  docteur  n'a  entraîné 
personne  dans  de  fausses  opinions  de  mora- 
le, et  ses  censeurs  sont  forcés  d'avouer  (|ue 
si  le  fait  d'Abraham  étail  ra[iporté  par  Moïse 
avec  toutes  ses  circonstances,  probablement 
il  serait  aisé  d'exeuser  ce  p  ilriarche.  Voy. 
Barbeyrac,  Traité  de  la  Morale  des  Pères,  c. 
XIV,  §  2i. Sans  recourir  à  celte  présomption, 
l'on  peut  voir  dans  l'article  Abuaham  ,  qu'il 
n'est  pas  fort  difficile  de  justifier  sa  conduite. 
— D'autres  ont  trouvé  mauvais  que  saint  Jean 
Chrysostome  ail  condamné  absolument  le 
commerce.  La  vérité  est  qu'il  l'a  condamné, 
non  absolument,  mais  tel  qu'on  le  faisait  de 
son  temps,  c'est-à-dire  l'usure,  le  mono- 
pole, la  mauvaise  fui,  les  fourberies  ,  les 
mensonges  des  marchands  :  s'il  a  cru  (|ue  le 
commerce  ne  pouvait  pas  se  faire  autrement, 
il  s'esl  trompé  sur  un  objet  de  politique ,  et 
non  sur  les  principes  de  la  morale.  — D'au- 
tres enfin  ,  plus  téméraires  ,  ont  accusé  le 
saint  docteur  d'avoir  été  d'un  caractère  in- 
quiet, turbulent,  austère  à  l'excès  ;  de  s'êlre 
attiré  par  humeur  la  persécution  de  l'impé- 
ratrice Eudoxie  et  des  courtisans,  à  laquelle 
il  succomba.  C'est  une  calomnie.  Ce  saint 
évéquc  n'avait  pas  tort  de  désapjirouver  les 
assemblées  tumultueuses  de  baladins  qui  se 
faisaient  auprès  de  la  statuede  l'impératrice, 
et  qui  troublaient  l'office  divin,  ni  de  censu- 
rer les  vices  des  courtisans.  S'il  avait  agi 
autrement,  on  l'accuserait  d'avoir  fait  bas- 
sement sa  cour,  et  dissimulé  des  désordres 
auxquels  il  aurait  dû  s'opposer. 

Musheim  convient  que  la  conduite  d'Eu- 
doxie,  de  Théophile  ,  patriarche  d'Alexan- 
drie, et  des  autres  évéques  qui  déposèrent 
saint  Jean  Chrysostome  pour  plaire  à  celle 
princesse,  et  le  firent  condamner  à  l'exil,  fut 
également  enielle  et  injusie;  mais  il  dit  que 
ce  saint  est  blâmable  d'avoir  accepté  le  rang 
et  l'autorité  (]ue  le  concile  de  Conslanlino- 
ple  avait  accordés  aux  évéques  de  celte  ville 
impériale  ;  de  s'être  porté  pour  juge  dans  le 
démêlé  (ju'eut  Théophile  avec  les  moines  d'E- 
gyple  ;  de  s'être  ainsi  attiré  mal  à  propos  la 
liaine  et  le  ressentiment  de  cet  évéïiue  :  le 
traducteur  ajouie  ,  dans  une  note  ,  que  ce 
même  saint  blâma  ù'ww  manière  indécente 
Eudoxie  d'avoir  fait  placer  sa  statue  d'aigcnl 
près  de  l'éf^lise.  Ici  la  prévention  des  pro- 
testants contre  les  Pères  est  palpable.  A  l'ar- 
ticle NtsToRrANisMK  ,  iious  vcrrous  qu'ils 
n'ont  pas  blâmé  Nestorius  d'avoir  exercé  I.i 
même  autorité  que;  saint  Je.in  Chrysostome; 
au  contr.iire,  ils  ont  pris  sa  défense.  1  s  se 
sont  emportés  conlie  samt  Cyrill(!  ,  (|tii  ce- 
|)eiidant  ne  procéda  point  loulre  Nestorius, 
coupable  d'Inrésie,  a\ei-  la  mê;iie  passion 
que  Théopiiile  son  (nu'e  avait  poursuivi 
taiul  Jeun  Chrysostome,  Uuut  l'iuiioceuce  esl 


CHR 


80( 


connue.  11  n'est  pas  vrai  que  celui-ci  se  soit 
porté  pour  juge  entreThéophile  et  les  moines 
de  Nitrie,  que  ce  prélat  accusait  d'origénis- 
me.  ils  se  réfugièrent  à  Constantinople;  saint 
Jean  Chrysostome  les  accueillit  avec  bonté  , 
ieup-  fit  rendre  compte  de  leur  foi  ,  les  admit 
ensuite  à  la  communion.  Ce  n'était  pas  là 
prononcer  une  sentence  contre  Théophile. 
Une  preuve  que  ces  moines  n'étaient  pas 
coupables,  c'est  qu'après  la  mort  de  saint 
Jean  Clirysostome,  Théophile  les  remit  dans 
ses  bonnes  grâces ,  sans  aucune  formalité. 
Lui-même  se  repentit,  au  lit  de  la  mort,  d'a- 
voir persécuté  un  saint,  et  voulut  en  avoir 
l'image  auprès  de  son  lit.  —  Il  n'est  pas  plus 
vrai  que  ce  saint  se  soit  emporté  avec  indé- 
cence contre  l'impéralrice  Eudoxie  ;  il  ne 
déclama  que  contre  le  tumuite  et  les  désor- 
dres auxquels  le  peuple  se  livrait  autour  de 
la  statuede  celte  princesse.  Le  P.  de  Mont- 
faucon  a  prouvé  la  fausseté  d'un  prétendu 
discours  attribué  à  saint  Jean  Chrysostome 
sur  ce  sujet. 

Un  incrédule  de  notre  siècle,  auteur  d'un 
prétendu  Tableau  des  Saints,  qui  n'est  qu'un 
tissu  d'invectives  et  de  calomnies,  ajoute  aux 
reproches  des  proteslants,  que  ce  saint  pa- 
triarche fut  un  chef  de  parti  ;  qu'il  manqua 
de  tendresse  |iour  sa  mère  en  la  quittant; 
qu'il  atlaibllt  sa  sanlé  par  les  austérités;  que 
l'on  fut  obligé  de  l'exiler  à  cause  de  son  or- 
gueil et  de  son  opiniâtreté  ;  qu'il  a  condamné 
absolument  les  secondes  noces  ,  et  a  blâmé 
le  mariage  comme  une  imperfection  ;  qu'il 
n'a  prêche  contre  la  persécution  que  parce 
qu'il  était  le  plus  faible.  —  11  est  constant 
nëantnoins  que  saint  Jean  Chrysostome  ne 
fut  jamais  à  la  téie  d'aucun  parti  ;  c'est  une 
absurdité  de  lui  faire  un  crime  de  rattache- 
ment que  son  peuple  témoigna  pour  lui  , 
lorsqu'il  le  vit  injustement  persécuté  ;  pour 
prévenir  toute  espèce  de  sédition,  ce  saint 
évê(iue  se  déroba  secrètement  à  son  clergé 
et  à  son  peuple  ,  et  exécuta  sans  murmurer 
les  ordres  de  l'empereur.  Il  ne  quitta  sa  mère 
que  pour  un  temps,  et  il  ne  tarda  pas  de  re- 
venir auprès  d'elle  ;  il  en  a  toujours  parlé 
avec  le  plus  grand  respect ,  et  celte  mère 
vertueuse  eut  tout  lieu  de  se  féliciter  de  la 
gloire  dont  elle  le  vit  couvert  par  ses  talents 
et  par  ses  succès.  Nous  convenons  qu'il  pra- 
tiqua toutes  les  austérités  de  la  vie  monas- 
tique; qu'il  exalta  le  mérite  de  la  virginité  et 
de  la  continence;  qu'il  fil  envisager  cet  état 
comme  plus  parfait  que  le  mariage;  qu'il  a 
parlé  des  secondes  noces  comme  Ions  les  au- 
tres Pères  de  l'Eglise;  et  dans  tout  cela  nous 
soutenons  (lu'il  a  eu  raison;  que  c'est  pour 
lui  un  sujet  d'éloge,  et  non  de  censure.  Voy. 
Bic.AMiE,  CÉi.iHAT,  etc. 

Saint  Jean  Chrysostome  a  mérité  à  tous 
égards,  soit  la  réputation  dont  il  a  joui  pen- 
dant sa  vie,  soit  le  culle  qui  lui  a  élé  décer- 
né après  sa  mort.  On  ne  peut  contester  ni 
ses  talents,  ni  ses  vertus,  ni  la  sagesse  de  sa 
condiiile;  l'empereur  Théodose  11,  fils  d'Eu- 
doxie,  tendit  [)leino  justice  à  la  mémoire  du 
saint  é\èiiue,  cl  demamla  pardon  du  crtfiio 
de  ses  parents.  Aucun  autre  Père  n'a  eu  ujrv 


l 


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CIK 


CtE 


838 


plus  parfaite  intelligence  de  l'Ecriture  sainte, 
et  n'en  a  Tait  un  usage  plus  judicieux.  11  a 
été  par  excellence  le  prédicateur  de  la  misé- 
ricorde de  Dieu,  et  de  la  charité  envers  les 
pauvres.  Peut-être  serait-il  à  souhaiter  que 
l'on  ne  se  fût  jamais  écarté  du  sens,  qu'il  a 
donné  aux  Epîlres  de  saint  Paul.  On  sait 
avec  quel  respect  saint  Augustin  a  cité  ce 
père  dans  ses  écrits  contre  les  pciagiens  ,  et 
la  haute  opinion  qu'il  avait  de  son  ortho- 
doxie. 

La  liturgie  de  saint  Jean  Chrysostome  est 
encore  en  usage  dans  l'Eglise  grecque;  nous 
en  parlerons  au  mot  Lulrgie.  Voy.  Tille- 
mont  ,  tome  XI  ;  Vies  des  l'ères  el  des  Mar- 
tyrs,  totn.  1  ;  les  OEuvres  de  saint  Jean  Chry- 
sostome, toin,  XIII,  etc.  il  y  a  dans  le  Re- 
cueil de  l'Académie  des  Inscriptions,  loin.  XX, 
jn^l2,  p.  197,  uu  mémoire  dans  lequel  le 
l'ère  dcMontfaucon  a  fait  ledét^iil  des  mœurs 
cl  des  usages  du  iv  siècle,  uniquement  tiré 
des  ouvrages  do  saint  Jean  Chrysostome. 

CHUTE  D'ADAM,  loy.  Adam. 

CIBOIRE,  vase  sacré ,  fait  en  forme  de 
grand  calice  couvert  ,  qui  sert  à  conserver 
les  hosties  consacrées  pour  la  communion 
des  Qdèles  dans  l'Eglise  catholique. 

On  gardait  autrefois  ce  vase  d.ins  une  co- 
lombe d'argent  suspendue  dans  le  baptis- 
tère, sur  le  tombeau  des  martyrs,  ou  au- 
dessus  de  l'ault'l,  comme  le  Père  iMabillon  l'a 
remarqué  dans  sa  liturgie  gallicane  ;  le  con- 
cile de  Tours  ordonna  de  placer  le  ciboire 
sous  la  croix  qui  est  sur  l'autel. 

Les  théologiens  catholiques  ont  observé 
que  l'usage  de  conserver  l'eucharistie  pour 
la  communion  dts  malades  ,  est  une  prouve 
invincible  de  la  foi  de  l'Eglise  à  la  présence 
réelle.  Les  protestants  ont  retranché  celte 
coutume,  parceqii'ilsn'adnieltentla  présence 
de  Jésus-Chrisl  que  duns  l'usage  ou  dans  la 
communion,  plutôt  que  dans  les  espèces  con- 
sacrées. Or,  il  esl  prouvé  (jue  l'usage  de  les 
conserver  esl  très-ancien  ,  qu'il  esl  observé 
dans  les  Eglises  orientales  séparées  de  l'E- 
glise romainedepuis  plus  du  douze  cents  ans. 
Voy.  la  Perpétuité  de  la  foi ,  tome  IV,  liv. 
ni,  c.  1,  el  tome  V,  liv.  vin,  c.  2. 

CiBO  RE,  chez  les  auteurs  ecclésiastiques  , 
désigne  encore  un  petit  dais  élevé  sur  qua- 
tre colonnes  au-d"S>us  de  l'autel.  On  en  voit 
dans  quelques  églises  de  Paris  et  de  Rome  ; 
c'est  la  même  chose  que  baldai/uin  ;  les  Ita- 
liens appellent  ciborio  un  tabernacle  isolé. 
Voy.  ['Ancien  Sacramentaire,  parGrandcolas, 
1"  partie,  pages  92  el  728. 

CIEL.  Ce  terme,  dans  l'Ecriture  sainte  , 
comme  dans  le  langage  ^ie  tous  les  peuples  , 
signifie  l'espace  immense  qui  environne  la 
terre,  el  qui,  selon  noire  manière  de  voir, 
est  au-dessus  de  nous;  tel  esl  le  sens  des 
noms  qui  le  désignent  dans  toutes  les  lan- 
gues. Consé(|uemmenl  ciel  signifie,  1'  l'air 
ou  l'almosplière;  2°  l'espace  plus  éloigné 
dans  lequel  roulent  les  astres  ;  3°  le  lieu  où 
Dieu  fait  éclater  sa  gloire,  rend  heureux  les 
anges  el  les  saints. 

Quelques  écrivains  de  nos  jours  oui  pré- 
tendu auo  les  Hébreux  avaient  une  fausse 


idée  du  ciel,  qu'ils  le  regardaient  comme 
une  voûte  solide,  à  laquelle  les  étoiles  sont 
allacliées,  au-dessus  de  laquelle  il  y  a  des 
réservoirs  d'eau  el  des  calaracles  ou  des 
portes  pour  en  faire  tomber  la  pluie  ,  etc. 
Toutes  ces  rêveries  n'ont  aucun  fondement 
dans  l'Ecriture  sainte  ;  il  esl  ridicule  de  pren-  ■ 
dre  au  pied  de  la  lettre  les  expressions  popu-  ' 
laires,  qui  sont  en  usage  parmi  nous  aussi 
bien  que  chez  les  Hébreux. 

Une  tour  élevée  jusqu'au  ciel ,  une  tour 
élevée  jusqu'aux  nues  ,  est  une  tour  Irès- 
liauie  ;  les  cularactes  du  ciel  sont. les  cAufes 
d'eau  de  l'atmosphère  ;  le  feu  du  ciel  esl  un 
feu  qui  tombe  d'en  haut  ;  Vannée  du  ciel  sont 
les  astres  ;  les  gonds  du  ciel  (cardines  cœli) 
sont  les  pôles  sur  lesquels  le  ciel  paraît  tour- 
ner, etc. 

On  a  vainemenl  insisté  sur  ce  que  le  ciel 
esl  souvent  appelé  prmamenl.  L'hébreu  ra~ 
quiah,  que  les  Scpianle  ont  nmdu  par  ars- 
piwua,  etlaVulgale  par  firtnnmentum,  signifie 
espace  ou  étendue,  et  rien  de  plus.  Un  dus 
interlocuteurs  du  livre  de  Job,  qui  avait  dit 
que  Its  cieux  sont  très-solides  el  aussi  ler- 
mi'S  que  l'airain,  esl  appelé  dans  le  chapitre 
suivant,  un  vain  discoureur  qui  parle  com- 
me un  iguoraiil  {Job,  xxxvii,  18;  xzxvni  , 
2).  Il  est  dit  dans  le  même  livre,  que  Dieu 
a  suspendu  la  terre  sur  le  ville  ou  sur  le 
rien,  cliap.  xxvi  ,  v.  7.  Les  Hébreux  iiom- 
maienl  comme  nous  la  terre  le  globe;  ils  n'a- 
vaient donc  pas  une  idée  fausse  de  la  struc- 
ture du  monde 

Ciel,  dans  le  langage  des  théologiens,  est 
le  séjour  du  bonheur  éiernel,  le  lieu  dans  le- 
quel Dieu  se  fait  connaître  aux  jusies  d'une 
manière  plus  parfaite  que  sur  la  terre,  et  le» 
rend  heureux  par  la  possession  de  lui-niême. 
Nous  concevons  ce  lieu  comme  placé  au  delà 
de  l'espace  immense  que  nous  voyons  au- 
dessus  de  nous,  et  rien  ne  peut  prouver  que 
celle  idée  soit  fausse.  Elle  /)araît  fomlée  sur 
l'Kcriture  saiiiie,  qui  nomme  ce  séjour  divin 
les  cieux  des  deux,  ou  les  cieux  les  plus  éle- 
vés, le  iroisiriiie  ciel.  Il  est  encore  appelé  la 
Jérusalem  célesie,  le  paradis,  Veitipirée,  c'est- 
à-dire,  le  séjour  du  feu  ou  de  la  lumière,  le 
royaume  des  cieux  el  le  royaume  de  Dieu; 
mais  ces  deux  dernières  expressions  signi- 
fient souvciil  dans  l'Evangile  le  royaume 
du  Messie,  ou  le  règne  de  Jésus-Christ  sur 
son  Eglise. 

Le  prophète  Isa'îe  el  l'apôtre  saint  Jean  ont 
fait  des  descriptions  magniG<]ues  du  ciel,  des 
richesses  qu'il  renferme,  du  lionheurde  ceux 
qui  l'hab.ienl;  mais  saint  Paul  nous  avertit 
que  l'œil  n'a  point  vu,  que  l'oreille  n'a  point 
entendu,  que  le  cœur  de  l'homme  n'a  pas 
senti  ce  que  Dieu  prépare  à  ceux  qui  1'. li- 
ment (/  Cor.  u,  9).  Ce  bonheur  est  au-dessus 
de  toutes  nos  pensées  el  de  nos  expressions; 
il  ne  peut  être  conçu  que  par  ceux  qui  en 
jouissent.   Voy.  Iîonheuk  éternei.. 

CIERGE,  (  tiandelle  de  cire  que  l'on  allume 
dans  les  cérémonies  religieuses.  Comme  'es 
premiers  ehréiiens,  dans  le  temps  des  persé- 
cutions, n'osaienl  s'assembler  que  la  nuit,  et 
souvent  dans  des  lieux  souterrains,  ils  furent 


8'J9  CIK 

obligés  (le  scservirde  cierges  et  do  nambeauK 
paur  cé'ébrer  les  saints  mystères.  Ils  en  eu- 
rent encore  besoin  lorsqu'on  leur  eut  permis 
de  bâiir  des  églises  ;cei:cs-ci  ciiiient  construi- 
tes de  manière  quelles  recevaient  très-peu  de 
jour  ;  l'ottscuriie  inspirait  plus  de  recueille- 
ment et  de  respect  ;  pins  les  églises  sonl  an- 
ciennes, plus  elles  sonl  obscures.  —  H  n'est 
donc  pas  nécessaire  de  recourir  aux  usages 
des  païens  ni  à  ceux  des  Juifs  pour  trouver 
l'oriiiine  des  cien/es  dans  les  églises  ;  saint 
Jeaii",  <i"i  a  représenté  dans  l'Apocalypse  les 
.TS~enib'ées  cbrélienncs  ,  f^iil  nienlion  de 
cierijps  el  de  chandeliers  d'or;  dans  les  ca- 
nons apostoliques,  cun.  3,  il  est  parlé  des 
lampes  qui  brûlaient  dans  l'église. 

Ue  lout  temps  et  chez  tous  le-,  peuples,  les 
illuiiiinalions  ont  clé  un  signe  de  joie  ,  une 
minière  d'honorer  les  grands  :  il  est  donc 
Irès-naturel  que  ce  signe  ail  été  employé 
pour  honorer  aussi  la  Divinité.  «  Dans  tout 
l'Orient  ,  dit  saint  Jérôme  ,  on  allume  dans 
les  églises  des  cierges  en  plein  jour,  non  pour 
dissiper  les  ténèbres,  mais  eu  signe  de  joie, 
et  Jifin  de  represenier,  par  celle  lumière  sen- 
sible ,  la  lumière  iiiicrieurc  de  laquelle  a 
parlé  le  p-almistc,  lurs(iu'il  a  dit  :  Voire  p.i- 
role,  Seigneur,  est  un  (lambeaii  qui  m'é(  laii  e 
et  qui  dirige  mes  pas  dans  le  chemin  de  hi 
verln.  »  Tom.  IV,  i^-  part.,  p    iSi. 

Les  cierges  nous  fonl  souvenir  que  Jésus- 
Christ  est  la  vraie  lumière  qui  éclaire  tous 
les  hommes;  que  c'est  au  pied  île  ses  autels 
que  nous  recevons  la  lumière  de  la  grâce  ; 
que  nous  devons  cire  nous-mêmes  ,  jiar  nos 
bonnes  œuvres,  une  lumière  capable  d'éclai- 
rer el  d'édiPer  nos   frères.  Matth.  v,  16. 

Dom  Claude  de  Vert,  dans  sou  Explicatinn 
des  cérémonies  de  l'Eglise,  avait  avan.é  que 
dans  l'origine  on  n  allumait  des  cierges  que 
par  nécessité,  parce  que  les  offices  de  la  nuit 
demanilaientceseC'iurs,  cl  que  l'on  n'a  com- 
mencé qu'après  le  ix'  siède  à  donner  des 
raisons  morales  et  m\siiques  de  cet  usage. 
iM.  Languel,  en  réfutant  cet  anleur,  a  prou- 
vé, p:ir  des  monuments  du  \n'  el  du  iv°  siè- 
cle, que  dès  les  commencements  de  l'Eijlise 
ou  a  lait  usage  des  cierges  dans  l'ofûee  divin, 
par  des  raisons  morales  el  mystiques,  pour 
rendre  honneur  à  Dieu,  pour  lémoigner  que 
.lèsiss-Chrisl  est,  selon  l'expression  de  saint 
Jean,  1(1  vraie  liimii're  qui  éclaire  tout  humine 
venant  en  ce  monde;  pour  faire  souvenir  les 
fiilèles  de  la  parole  de  ce  divin  maître,  qui 
a  ilil  à  ses  disciples  :  Y ous  êtes  la  lumière  du 
nioniie  ;  ceignez  vos  reins,  et  tenez  à  la  main 
dis  Inmpes  allumées,  etc.  C'est  pour  cela  ijue 
l'on  niellait  à  la  main  des  nouveaux  bapti- 
sés un  cierge  allumé,  en  leur  repéta'.il  cette 
leçon,  et  que  l'on  allumait  des  cierges  jiour 
lue  l  Evangile  à  1 1  mcs-.e.  Ainsi  le  ciiiiiile 
de  Trente  n'a  p.is  eu  lorl  de  regarder  cet 
us.ige comme  venani  d'une  tralitiun  apostO' 
livjue,  sess.  22,  c.  '6.  l'ar  consequenl  les  pro- 
totauts  ont  eu  tort  de  le  supprimer  el  de 
l'iinisager  comme  un  rite  sup,  rstilieux.  — 
Au  commencement  du  v'  siècle,  riiéiéli.|uc 
Vigilance  ohjectail,  comme  eux,  que  c'étail 
Une  pratique  empruntée  des  païens,  qui  fai- 


CIE  "''^ 

saient  brûlerdes  lampes  et  des  cierges  devant 
les  statues  de  leurs  dieux.  Saint  Jérômo  leur 
répond  que  le  culte  rendu  par  les  paï'us  à 
leurs  idoles  était  détestable,  parce  qu'il  s'a- 
dressait à  des  objets  imaginaires  et  indignes 
de  vénération  ;  que  celui  des  chrétiens  , 
adressé  à  Dieu  et  aux  martyrs,  est  louahle, 
parce  que  ce  sont  des  êtres  réels  el  très- 
dignes  de  nos  respects.  Marie  ,  sœur  de  La- 
zare, cui-elle  ton  de  répandie  des  parfums 
pour  faire  honneur  à  Jésus-Ciirist  ,  parce 
que  les  païens  en  répandaient  aussi  dans 
leurs  temples?  Il  réprimanda  ses  disciples 
lorsqu'ils  voulurent  le  trouver  mauvais  et 
blâmer  la  sainte  prodigalité  de  celte  femme. 
Nous  serons  obligé  de  répéter  vingt  fois  que 
s'il  fallait  nous  abstenir  de  toutes  les  prati- 
ques dont  les  païens  ont  abusé  ,  il  faudrait 
supprimer  toute  espèce  de  culle  extérieur. 
Les  abus  subsistaient  déjà  chez  les  nations 
idolâtres  ,  lorsque  Dieu  prescrivit  aux  Hé- 
breux le  culte  qu'ils  devaient  lui  rendre  ;  il 
voulut  cefiendant  qu'ils  fissent  à  son  hon- 
neur plusieurs  choses  que  les  païens  faisaient 
p!)ur  leurs  dieux.    Voy.   Cérémonie  ,  Culte 

EXTÉR.ECR. 

Le  concile  d'iîlvire  ,  tenu  vers  l'an  300, 
Cfin.  3'*  ,  défend  d'allumer  pendant  le  jour 
lies  cierges  sur  1<'S  cimetières,  parce  que,  dil- 
i!,  il  ne  faut  pas  inquiéter  les  esprits  des  saints. 
L'on  a  donné  différentes  explications  de  ce 
canon  ;  il  nous  paraît  faire  allusion  au  re- 
proche que  fil  Samuel  à  Saiil .  lorsque  celui- 
ci  le  lit  évoquer  par  la  p>lhonisse  d'Eudor  : 
Pourqu<ii  avez-vous  troublé  mon  repos  ,  en 
me  faisant  sortir  du  tombeau?  Qunre  inquie- 
lasti  me  xit  susciiarer  [l  Rcg.  xxviil  ,  15)  ? 
Ainsi  le  concile  condamnail  la  superstition 
de  ceux  qui  allumaieiii  des  cierges  sur  les 
cimetières  dans  l'iuleution  d'évoquer  les 
ui(u-ls  :  c'était  un  reste  de  paganisme. 

De  nus  jours,  on  a  poussé  I  ineptie  jusqu'à 
supputer  lombieii  coûte  chaque  année  le 
luminaire  des  églises  ;  on  en  a  porté  la  dé- 
pense à  quatre  millions  pour  le  royaume,  et 
ion  a  conclu  gravement  à  suiiprimerles  cier- 
ges. Les  raisons  sur  lesquelles  on  a  fondé  la 
iiécessiié  de  cette  réforme  ne  tendeut  pas  à 
moins  qu'au  retrinchemcnt  de  toute  cérémo- 
nie qui  peut  être  dispendieuse.  A  cela  nous 
répondons  que  les  leçons  de  vertu  valent 
mieux  que  l'argent  ;  que  ceux  qui  ne  don- 
nent rien  à  Dieu  ,  ne  sont  pas  forl  enclins  à 
donner  aux  pauvres;  iiue  ce  n'esl  point  à  des 
philoM>phes  sans  religion  qu'il  appariienl  do 
prescrire  ce  ciiie  l'on  doit  fa  re  par  religion. 
Niius  ne  supputons  point  ce  qu'.ii  en  coûte 
chique  année  pour  l'illumination  des  specta- 
cles (  t  des  éioles  du  vice  ;  il:,  peuvent  se  dis- 
penser aussi  de  calculer  les  dépenses  du  culte 
divin.  M.ilheur  à  liule  uiition  chez  laquelle 
ou  compte  ce  qu'il  eu  coûte  pour  honorer 
Dieu  cl  pour  être  homme  de  bien!  Vog.  r.4ii- 
cien  Sacramcnlairc,  \"  p.irl.,  p.  iii  el  717.  — 
Mais,  puisqu  enfin  il  faut  des  raisons  de  p.)li- 
liiiue  el  (le  finance  pour  satisfaire  nos  cen- 
seurs ,  nous  dis. MIS  que  la  cuiisoiiuiiatioii  qui 
se  fuit  dans  les  églises  n'est  pas  moins  utile 


^r 


ah 


CIR 


;(I2 


aiî  fommercc  que  celle  qui  se  fait  dans  les 
maiions  des  particulii-rs. 

CiEBGE  PASCAL.  Dans  l'^glinp  romaine , 
c'est  un  p;r()S  cierge  au(|uol  un  diacre  allache 
cinq  gr.iins  d'encens  en  forme  de  croix  ,  el  il 
allume  ce  cirrge  avec  du  feu  nouvrnii  pen- 
d.iiil  l'ofllfe  du  sami  di  saint.  —  Le  Pontifical 
dit  nue  le  pape  Zozime  a  institué  celte  céré- 
monie ;  Baroiiius  prélenil  <|u'rlle  est  plus 
ancirnne  ,  el  le  prouve  par  une  hymne  de 
Prudence  :  il  croit  que  Zoziine  en  a  senle- 
nienl  élendu  l'usajje  aux  églises  paroissiales, 
et  qu'auparavant  on  ne  s'en  servait  que  d.ins 
1rs  prindcs  églises.  P.ipebrork  en  marque 
pins  dislinclemciit  l'origine  dans  son  Conalus 
chrnnico-ltistorirus.  Lorsque  le  concile  de 
Nicée  eut  réj;lé  le  jour  auquel'il  fallait  ccMé- 
lirer  la  fêle  de  Pâtjues,  le  p.ilriarclie  d'Alex- 
andrie fulcliargèd'cn  faire  un  canon  annuel, 
c!  de  l'envoyer  au  pape,  (lomme  loulis  les 
foies  mobiles  se  rè;;lenl  par  celle  de  l'àques, 
on  en  faisait  tdus  les  ans  un  catalap;iie  ,  que 
l'on  écrivait  sur  uo  cierge,  et  on  bénissiil  ce 
cierge  avec  beaucoup  de  cérémonie.  —  Selon 
l'abbj  ChâleLiin  ,  ce  cierge  n'était  pas  fait 
pour  brûler,  il  n'avait  point  do  mèche  ;  il 
élail  seulemcul  destiné  à  servir  de  lableltcs 
pour  marquer  les  fêtes  mobiles  de  l'année 
courante.  Alors  on  gravait  sur  le  marbre  ou 
sur  le  bronze  les  choses  dont  on  voulait  per- 
pétuer la  mémoire;  on  écrivait  sur  du  papier 
il'Kg'tpie  ce  (pie  l'on  voulait  c  inserver  long- 
temps; on  se  conlenlail  de  tracer  sur  la  cite 
ce  qui  devait  élre  Je  peu  de  durée.  Dans  la 
snile  on  écrivit  la  liste  des  fêles  mobiles  sur 
du  papiei',  mais  on  l'atlachait  toujours  au 
cirrge  pascal  ;  celle  coutume  s'observe  encore 
à  Notre-Dame  de  lluuen  et  dans  toutes  les 
églises  de  l'ordre  de  Cluiii-  Telle  (laraît  être 
l'oiiginc  tic  la  bénédiciion  du  cierge  pascal  ; 
mais  il  est  dil  dans  celle  bénédiction  que  ce 
cierge  allumé  e^t  le  symbole  de  Jésus-tJbrist 
ressuscité.  La  préface,  qui  fait  partie  de  cette 
bénédiciion  ,  est  au  plus  lard  du  v"  siècle  ; 
elle  se  trouve  dans  le  missel  gal.ican  telle 
qu'on  la  chante  encore  aujourd'hui  ;  les  uns 
l'attribuent  à  saint  Augustin  ,  les  autres  à 
saint  Léon. 

CILICE.  Voij.  Sac. 

CIMETIÈRE.  Voy.  FiNÉnAiurs. 

ClRCO^CLLLlONS  ou  SCOTOPITES  ,  do- 
natisies  d'Afrique  au  iv"  siècle,  ainsi  nom- 
més parce  qu'ils  rôdaient  autour  des  mai- 
sons, dans  les  villes  et  dans  les  bourgades, 
sous  prétexte  de  venger  les  injures  ,  de  répa- 
rer les  injustices  ,  de  rétablir  l'égalilé  [larmi 
les  hommes.  Ils  mettaient  en  liberté  les 
esclaves  sans  le  consentement  de  leurs  pa- 
trons ,  déclaraient  quittes  les  débiteurs  et 
comnicltaienl  mille  désordres.  IMakide  et 
Faser  furent  les  chefs  de  ces  brigands  en- 
thousiastes. Ils  portèrent  d'abord  des  bâtons 
qu'ils  nuMimaient  bâtons  d  Israël,  par  allu- 
sion ;\  ceux  que  les  Lsraéli(es  devaient  avoir 
à  la  main  en  mangeant  l'agneau  pascal  ;  ils 
prirent  ensuite  des  armes  pour  opprimer  les 
calhoiiques.  Donal  les  appelait  les  chefs  des 
saints,  et  exerçait  par  leur  moyen  d'horribles 
vengeances.  Un  Taux  zèle  de  ni;'rljro  les 


porta  à  se  donner  la  mort  :  les  uns  se  préci- 
pitèrent du  haut  des  rochers ,  ou  se  jetèrent 
dans  le  feu  ;  d'autres  se  coopèrent  la  gorge. 
Les  évêques  ,  hors  d'élat  d'arrêter  par  cux- 
mômes  ces  evcès  de  fureur,  furent  contraints 
d'implorer  l'autorité  des  magi-trals.  On  en- 
voya des  soldats  dans  les  lieux  où  ils  avaient 
coutume  de  se  rassembler  les  jours  de  mar- 
ches publics  ;  il  y  en  eut  plusieurs  de  tués  , 
que  les  autres  honorèrent  comme  des  mar- 
tyrs. Les  femmes  ,  perdant  leur  douceur 
naturelle  ,  imitèrent  la  barbarie  des  circ»n- 
celliins;  l'on  en  vil  plusieurs  qui  ,  malgré 
leur  grossesse  ,  se  jetèrent  ilaiis  des  iirecipi- 
ces.  Voy.  saint  Augustin,  hœr.G9;  lîaron., 
an.  3;]1,  u"  9  ;  '3h8,  W  i>G,  etc.  ;  Praléule,  Phi- 
laslre,  etc.  —  N'ers  le  milieu  du  xiir  siècle  , 
on  dcinna  le  même  nom  de  circonreltioiis  à 
qu(  Iques  prédicanls  fanatiques  d'Allemagne, 
qui  suivirent  le  parti  de  l'empereur  Frédéric, 
excomuiunié  au  concile  de  Lyon  par  le  pape 
Innoceiit  IV.  [Is  prêchaient  contre  le  pape, 
c  Mitre  les  cvéques,  contre  tout  le  clergé  et 
contre  les  moines  ;  ils  prétendaient  que  tous 
avaient  perdu  leur  caractère,  leurs  pouvoirs 
el  leur  juridiction  par  leinauvajs  usage  qu'ils 
en  av.iienl  fait  ;  que  tous  ceux  qui  suivaient 
le  parti  de  Fr,  déric  obtiendraient  la  rémis- 
sion de  leurs  péchés  ;  que  tous  les  autres 
seraient  réprouvés  el  damnes.  Ce  fanatisme 
fil  beaucoup  de  tort  à  l'emiereur,  et  détacha 
de  ses  Intérêis  un  giand  nombre  de  catholi- 
ques. Vay-  Dupin,  sur  le  xiii'  siècle,  p.  190. 

CIRCONCISION,  cérémonie  religieuse  chez 
les  Juifs  ;  elle  consislait  à  couper  le  prépuce 
des  enfants  mâles  huit  jours  après  leur  nais- 
sance ,  ou  des  adultes  qui  voulaient  faire 
profession  de  la  religion  juive.  La  circonci- 
sion est  encore  en  usage  parmi  d'autres  peu- 
ples ,  mais  non  comme  un  acte  de  religion. 
Nous  n'avons  à  parler  que  de  la  circoncision 
des  Juifs. 

Celle  cérémonie  a  commencé  par  Abraham, 
à  qui  Dieu  là  prescrivit  comme  le  sceau  de 
l'alliance  qu'il  avait  faite  avec  ce  patriarche 
(Gcn.  xvii,  10).  En  conséquence  de  celte  loi, 
portée  l'an  du  monde  2108  .  Abraham  ,  âgé 
pour  lors  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans  ,  se 
circoncit  lui-même  ,  son  fils  Ismaèl  et  tous 
les  esclaves  de  sa  maison  ,  et  depuis  ce  mo- 
ment la  circoncision  a  été  une  prali()ue  héré- 
ditaire pour  ses  descendants.  Dieu  en  réitéra 
le  précepte  à  Moïse  [l'.xod.  xii,  4i ,  .'i8). 
Tacite,  parlant  des  Juifs,  Hisl.,  1.  v,  chap.  1, 
reconnaît  expressément  que  la  circoncision 
les  distinguait  des  aulres  nations  ;  saint  Jé- 
rôme cl  d'auires  auteurs  ecclésiastiques  font 
la  même  reniai  que. 

Celse  et  Julien  ,  pour  contredire  l'histoire 
sainte,  ont  prétemlu  qu'Abraham,  qui  était 
venu  de  Cliablée  en  l'^gyple  ,  y  aviil  trouvé 
l'usa^e  de  la  cii  <o)icision  établi,  el  qu'il 
l'avait  emprunté  de.s  Egy|)tieiis;  qu'elle  n'é- 
tait donc  pas  un  signe  dislim  tif  du  peuple 
de  Dieu.  Le  chevalier  M.irsham ,  Le  Clerc  et 
d'autres  ont  soutenu  la  même  chose,  fondés 
sur  quelques  passages  d'Héroiloie  et  de  Dio- 
dore  de  Sicile.  —  On  leur  oppose,  1°  que  le 
t;"iioignage   d'Hérodote   sur  les    antiquités 


905 


CIR 


CIR 


9ni 


égyptiennes  est  très-suspect  ;  cet  auteur,  qui 
uVnkMidail  pas  la  langue  (11-  l'Egypte,  a  été 
trompé  forl  aisémeal  par  les  préires  égyp- 
tiens ;  Manélhon  ,  né  dans  ce  pays-là  ,  lui 
reproche  plusieur»  erreurs  à  cet  égard. 
L'autorité  de  Moï>e,  qui  élail  beaucoup  plus 
ancien  el  mieux  instruit  que  des  étrangers, 
nous  parait  préférat)le  à  celle  d'Hérodote  et 
de  Diodore  de  Sicile.  —  2°  Abraham,  qui 
avait  »oyagé  en  Egypte  ,  en  sortit  sans  être 
circon(  is  ,  el  on  ne  voit  pas  quelle  raison 
aurait  pu  l'engager  à  imiler  un  usage  égyp- 
tien ;  il  ne  recul  la  circoncision  que  par  un 
ordre  exprès  de  Dieu  ,  el  il  y  a  plus  de  rai- 
sons de  penser  qu'au  contraire  les  Egyptiens 
ont  adopté  cet  usage  des  Jsniélites,  qui  de- 
meurèrent longtemps  en  Egypte.  —  3'  Les 
Juifs  regardaient  la  circoncision  coiimie  un 
devoir  de  religion  et  d'obligation  étroite  pour 
les  mâles  seulement,  auxquels  on  la  donnait 
le  huitième  jour  aprc>  leur  naissance  ;  chez 
les  autres  peuples  c'cliii  un  usage  de  pro- 
preté ,  de  sanié  ,  peut-être  de  nécessité  phy- 
sique ;  on  ne  la  donnait  aux  enfants  ijue 
dans  la  quatorzième  année,  et  les  filles  y 
étaient  assujetties  aussi  bien  que  les  garçons. 
—  k°  La  circoncision  des  mâles  n'a  jamais 
passé  en  loi  générale  chez  les  Egyptiens  ; 
saint  Anibroise,  Origène,  saint  Epiphane  el 
Josèphe  attestent  qu'il  n'y  avait  que  les  prê- 
tres ,  les  géomètres,  les  astronomes  et  les 
savants  dans  la  langue  hiéroglyphique  qui 
fussent  astreints  à  cette  cérémonie.  Suivant 
saint  Clément  d'Alexandrie  {SCrom.,  liv.  i)  , 
Pythagore,  voyageant  en  Egypte,  voulut 
bien  s'y  soumettre,  afin  d'être  initié  d;ins  les 
mystères  des  prêtres  eld'apprendre  les  secrets 
de  leur  philosophie. 

Arlapan,  ciié  dans  Eusèbe,  Prœp.  Evang., 
I.  IX,  c.  27,  assure  que  ce  fut  Moïse  qui  coui- 
muniqua  la  crcunctsion  aux  prêtres  égyp- 
tiens. D'auires  [xnsent  qu'elle  ne  fut  en 
usage  parmi  eux  que  sous  le  règne  de  Salo- 
mon.  Fort  longtemps  après  cetie  époque  , 
Ezéehiel ,  c.  xxxi,  v.  18  ;  c.  xxxii ,  v.  l'J,  et 
Jéremic  ,  c.  ix  ,  v.  2'i-  et  25,  comptent  encore 
les  Egyptiens  parmi  les  pcupies  incirconcis 
{Méin.de  l'Acad:  des  Inscript.,  t.  LXX,  («-12, 
p.  112).  —  Spencer,  de  Leyib.  UeOrœorwn 
rilualib.,  liv.  i,  c.  4  ,  sect.i,  a  rapporté  les 
raisons  pour  et  contre  touchant  l'origine  de 
la  circoncision  chez  les  Juifs,  el  n'a  pas 
voulu  décider  la  question.  —  Vainement  on 
a  cherché  des  raisons  physiques  de  cel  usage 
j)arini  les  Juif*  ;  une  preuve  qu'ils  n'en 
avaient  besoin  ni  pour  la  i)roprele  ,  ni  pour 
éviter  aucune  maladie,  c'est  que  les  chrétiens 
qui  ont  habité  pemlanl  lungleinps  la  Pales- 
tine ,  les  Grecs  qui  y  demeurent  encore  au- 
jourd'liui  avec  les  Turc-,  n'ont  jamais  prati- 
qué la  circoncision,  cl  n'ont  ressenti  pour 
cela  aucune  incommodilé. 

r>hez  les  Hébreux,  la  loi  n'avait  rien  pres- 
crit sur  le  ministre  ni  sur  I  instrument  de  la 
circoncision  ;  le  père  de  l'enfant,  un  parent, 
Un  piètre,  un  chirurgien,  pouvaient  f.iire 
cette  opération.  L'on  se  servait  d'un  rasoir, 
d'un  couteau  ou  d'une  pierre  Iranchantc. 
Séphora ,  femme  de  Moïse  ,  circoncit  son  lils 


Eliézer  avec  une  pierre  {Exod.  iv,  25).  Josué 
en  usa  de  même  envers  les  Israélites  à  Gai- 
gala,  c.  V,  V.  2.  On  prétend  que  les  Ej^ypiieus 
se  servaient  aussi  de  pierres  tram  hautes 
pour  ouvrir  les  corps  des  morts  qu'ils  eni- 
baum:iienl.  Chez  les  Juifs  modernes  ,  la  eir- 
conciiion  se  donne  aux  cnf.inis  mâles  avec 
beaucoup  d'appareil  ;  mais  le  détail  des  céré- 
monies qu'ils  observent  ne  nous  regarde  pas. 
—  Sous  les  rois  de  Syrie  ,  les  Juifs  ;iposlats 
s'efforçaient  d'etîacer  en  eux-mêmes  la  mar- 
que de  la  circoncision  ;  il  est  dit  dans  le  pre- 
mier livre  des  Machabées ,  c.  i,  v.  16  :  Fece- 
runt  fibi  prœpulid,  et  Josèphe  en  convient 
{Anliq.  Jud.,  I.  xii,  c.  6). — Saint  Paul  (/  Cor. 
vil,  18)  semiile  craindre  que  les  Juifs  con- 
vertis au  christianisme  n'en  usassent  de 
même  :  Circtimcisus  aliquis  vocalus  est,  non 
adducat  prœpulinm.  Saint  Jérôme  ,  Uupert  et 
Haiinon  nient  la  possibilité  du  f.iil,  el  croient 
que  la  circoncision  est  ineffaçable  ;  mais  des 
médecins  célèbres,  Celse,  Galien,  Barlholiii, 
etc.,  soutiennent  le  contraire. 

Outre  l'eflél  naturel  de  distinguer  les  Juifs 
des  autres  peuples  ,  la  circoncision  av.iit  des 
effets  moraux  ;  elle  rappelait  aux  Juifs  qu'ils 
descendaient  du  père  des  croyants,  de  la  race 
dont  devait  naitre.  le  Messie  ;  qu'ils  devaient 
imiter  la  foi  d'Abraham  ,  croire  comme  lui 
aux  promesses  de  Dieu.  Selon  Moïse  ,  Dent., 
chap.  XXX,  V.  G,  c'était  un  symbole  de  la  cir- 
concision du  cœur  ;  selon  Philon,  de  Circum- 
cis.,  el  saint  Paul ,  GalaC,  c.  v,  v.  3  ,  elle 
obligeait  le  circoncis  à  l'observation  de  toute 
la  loi  ;  enfin  elle  était  la  figure  du  baptême. 
M.  Fleury,  Mœurs  des  Israélites ,  observe 
que  les  anciens  Juifs  n'avaient  pas  une  aussi 
haute  idée  de  la  circoncision  que  les  rabbins 
modernes  ;  plusieurs  ne  la  regardaient  que 
comme  un  simple  devoir  de  bienséance. 

Les  théologiens  la  considèrent  comme  un 
sacrement  de  l'ancienne  loi  ,  en  ce  qu'elle 
élail  un  signe  de  l'alliance  de  Dieu  avec  la 
postérité  d'Abraham.  Voy.  saint  Th mi.is  {In 
k  Sent.,  dist.  1,  quœsl.  1,  art.  2,  ad  quartam). 
Mais  ce  sacrement  donnait-il  la  grâce  ,  et 
comment?  —  S.iint  Augustin  a  soutenu  que 
la  circoncision  remettait  le  pèch.-  originel 
aux  entants  {De  Niipt.  cl  Concup.,  lib.  iv, 
c.  2)  ;  il  le  répèle  dans  plusieurs  de  ses  ou- 
vrages contre  les  pélagiens  et  contre  la  letre 
de  Pètilien.  Saint  Grégoire  le  Grand  ,  d.ins 
ses  morales  sur  Job,  I.  iv,  c.  3,  liède ,  saint 
Fulgence  ,  saint  Prosper,  le  Maîire  des  Sen- 
tences, Alexandre  de  Halès  ,  Scot,  Durand, 
saint  iSonaventure  ,  Eslius,  elc.  ,  sont  de 
iiiémc  sentiment  ;  ces  deux  derniers  sont 
allés  jusqu'à  dire  que  la  circoncision  produi- 
sait la  grâce  ex  opère  operalo,  connne  les 
sacrements  de  la  lui  nouvelle.  —  Quelque 
respectables  <)ue  soient  ces  autorités,  elles 
n'ont  point  subjugué. les  théologiens;  le  très- 
grand  nombre  pensent  ,  comme  saint  Tho- 
mas ,  que  la  circoncision  n'avail  point  été 
insiituèc  pour  servir  de  remède  au  péché 
orit!iiiel;  ils  le  prouvent,  1"  parce  que  le 
texte  de  la  Genèse,  c.  xvii  ,  v.  10,  n'eu  dit 
rien;  il  ne  donne  la  circoncision  que  comme 
un  signe  d'alliance  entre  Dieu  el  la  postérité 


90S 


CIR 


CIT 


noe 


d'Abraham.  2°  Saint  Paul  (Rom.  iv,  11)  en- 
seigne qu'Abraham  recul  la  circoncision 
comme  le  sceau  de  la  justice  qu'il  avait  eue 
avant  d'être  circoncis.  Le  même  apôlrc,  par- 
lant en  général  des  cérémonies  de  l'ancienne 
loi ,  les  appellcdes  éléments  vides  et  sanseff'ets, 
des  justices  de  la  chair  ;  donc  aucune  n'a  eu 
la  vertu  d'effacer  le  péché.  3"  Tous  les  Pères, 
avant  saint  Augustin  ,  ont  unanimement 
soutenu  que  la  circoncision  n'avait  pas  la 
vertu  d'eliacer  le  péché  originel  ;  ainsi  ont 
pensé  saint  Justin  ,  saint  Irénée,  Tcrtullien, 
saint  Cypricn,  saint  Jean  Chrysostome,  saint 
Ambroise,  saint  Epiphane,  Théodorel,  Théo- 
phylacte,  ORcuniénius,  et  la  foule  des  com- 
mentateurs, 'i-'  Puisque  le  péché  originel  est 
commun  aux  deux  sexes  ,  il  n'eût  élé  ni  de 
la  bonté  ni  de  la  sagesse  de  Dieu  d'établir 
pour  ce  péché  un  remède  qui  n'était  applica- 
ble qu'aux  mâles.  5°  Pourquoi  attendre  au 
huitième  jour,  pourquoi  interrompre  pen- 
dant quarante  ans  la  circoncision  dans  le 
désert,  si  c'était  un  remède  au  péché?  6°  Phi- 
Ion  et  les  rabbins  anciens  ou  modernes , 
malgré  la  haute  idée  qu'ils  avaient  de  la 
circoncision,  ne  lui  ont  jamais  attribué  la 
yerlu  d'effacer  le  péché  ;  il  est  même  incer- 
tain si  le  commun  des  juifs  avait  aucune  idée 
du  péché  originel. 

Sainl  Augustin  ,  pour  établir  son  opinion, 
a  forcé  le  sens  de  l'Ecriture  sainte.  H  lisait 
dans  les  Septante  ou  dans  l'ancienne  Vul- 
gate  :  Tout  enfant  mâle  dont  la  chair  n'aura 
pas  été  circoncise  le  huitième  jour  sera  exter- 
miné de  son  peuple,  parce  qu'il  a  violé  mon 
alliance.  Mais,  1"  ces  mots,  le  huitième  jour, 
ne  sont  ni  dans  l'hébreu  ,  ni  dans  notre  Vul- 
gale  ,  qui  est  faite  sur  l'hébreu  ;  comment  un 
enfant,  avant  l'usage  de  la  raison,  aurait-il 
violé  l'alliance  du  Seigneur?  2°  Saint  Augus- 
tin voulait  que  ces  mots,  sera  exterminé  de 
son  peuple,  signifiassent,  sera  condamné  d 
l'enfer  :  or  ils  signilient  seulement,  sera  puni 
de  mort,  ou  sera  enlevé  par  une  mort  préma- 
turée, ou  sera  séparé  du  corps  des  Israélites, 
ou  sera  privé  des  privilèges  attachés  à  l'al- 
liance que  Dieu  a  faite  avec  Abraham.  3"  C'est 
de  celle  dernière  alliance  qu'il  s'agit  uni- 
quement, et  non  de  celle  que  Dieu  avait  faile 
avec  nos  premiers  parents  ,  alliance  que  , 
selon  l'idée  de  saint  Augustin  ,  nous  avons 
tous  violée  dans  la  personne  d'Adam.  Le  mot 
pactum  ,  alliance  ,  répété  jusqu'à  huit  fois 
dans  le  chapitre  xvii  de  la  Genèse  ,  signifie 
constamment  les  engagements  que  Dieu  im- 
posait à  Abraham. 

11  n'y  a  donc  aucune  preuve  que  dans 
l'ancienne  loi,  ou  auparavant,  Dieu  ait  ins- 
titué un  remèile  ou  un  signe  extérieur  pour 
effacer  le  péché  originel.  Y oxj.  cet  article  et 
les  Dissertations  de  U.  Calmei  sur  la  Circon- 
cision ;  Bible  d'Avignon,  tom.  1,  pag.  580, 
et  tom.  XV,  p.  31i. 

Circoncision  de  Notre-Seigneur,  fête  qui 
se  célèbre  dans  l'Eglise  romaine  le  premier 
jour  de  janvier.  Jésus-Christ  a  dit  lui-même 
qu'il  n'était  pas  venu  pour  détruire  la  loi, 
mais  pour  l'accomplir:  conséquemment  il 
se  soumilà  la  circoncision,  ni  la  reçut  comme 

DCT.   PB  Thi'^OI,.    DlIGMATIQliiî.    I 


les  autres  enfants.  On  croit  commnnément 
que  ce  fat  à  Bethléem,  et,  selon  saint  Epi- 
phane, dans  la  grotte  même  où  il  était  né; 
il  reçut  dans  celte  cérémonie  le  nom  de  Jésus 
oti  (le  Sauveur  {Luc.  ii,  21).  —  Autrefois  on 
appelait  cplte  fête  VOclave  de  la  Nativité; 
elle  ne  fut  établie  sous  le  nom  de  Circon- 
cision que  dans  le  vu»  siècle,  et  seule- 
ment en  Espagne.  En  France,  le  premier 
janvier  était  un  jour  de  pénitence  et  de  jeûne, 
pour  expier  les  superstitions  et  les  dérègle- 
ments auxquels  on  se  livrait  ce  jour-là,  el 
qui  étaient  un  reste  de  paganisme.  —  A  ces 
divertissements  profanes,  abolis  en  IVii, 
suivant  l'avis  de  la  faculté  de  théologie 
de  Paris  ,  on  substitua  une  fêle  solennelle 
qui  est  actuellement  célébrée  dans  toute 
l'Eglise,  et  qui  est  aussi  la  fêle  du  saint 
Nom  de  Jésus. 

»  ClUCONSCRIPTION  DIOCÉSAINE  ET  PAROfS- 
SIALK.  Toiiie  espèce  de  puissance  souveraine,  en 
coritérant  la  juridiction  .î  une  autorité  inférieure, 
trace  des  limites  au  delà  desquelles  celle-ci  ne  peut 
validenicnt  exercer  sa  juridiction.  Si  chaque  auto- 
rité inférieure  pouvait  user  de  son  pouvoir  sur  tout 
le  territoire  de  la  République,  il  n'y  aurait  que  con- 
tusion. Il  en  serait  de  même  dans  l'Eglise,  si  les  évê- 
ques  et  les  curés  ne  reconnaissaient  pas  de  limites 
à  l'exercice  de  leur  pouvoir.  Il  faut  une  autorité  (lour 
tracer  ces  limites.  Il  est  évident  qu'elle  ne  peut  êire 
autre  que  celle  qui  confère  la  juridiction  ecclésias- 
tique. Le  pape,  conférant  la  juridiclion  en  maître  ab- 
solu, peut  seul  déterminer  les  limites  des  diocèses. 
Il  a  aussi  incontestablement  le  droit  de  déterminer 
celles  des  paroisses.  Mais  ce  pouvoir  est  remis  à 
l'évêque,  à  qui  il  appartient  par  le  droit  de  sa  di- 
gnité. 

Nous  avons  eu  en  France  des  parlementaires  qui 
ont  prétendu  que  la  démarcation  diocésaine  et  pa- 
roissiale est  du  ressort  du  pouvoir  temporel,  parce 
qu'une  division  territoriale  est  quelque  chose  de, ma- 
tériel. C'est  un  étrange  abus  de  mots.  La  division  dio- 
césaine et  paroissiale  ayant  pour  but  unique  l'exer- 
cice d'un  pouvoir  spirituel,  absolument  indépen- 
dant de  la  puissance  temporelle,  ne  ponant  nulle  at- 
teinte à  celle-ci,  est  entièrement  soumise  à  l'autorité 
spirituelle,  sans  que  l'autorité  civile  puisse  réclamer 
avec  l'ombrede  raison.  La  Constituante  de  1789  mécon- 
nut ce  droit  et  lit  de  sa  piopre  autorité  une  nouvelle 
démarcation  métropolitaine,  diocésaine  et  paroissiale. 
Pie  VI  condamna  cet  acteusurpateur  dans  son  bref  du 
10  niars  1791  :  c  Un  des  articles  les  plus  répréliensi- 
bles  de  la  Constitution  civile  du  clergé,  disalt-il,  est 
celui  qui  anéantit  les  anciennes  méiropoles,  supprime 
quelqi.es  évéchés,  en  érige  de  nouveaux,  et  change 
toute  la  distribution  des  diocèses La  distribu- 
tion du  territoire  lixée  par  le  gouvernement  civil  n'est 
point  la  règle  de  l'étendue  ei  des  limites  de  la  juri- 
diction ecclésiastique.  Saint  Innocent  l''"'  en  donne 
la  raison  :  Vous  me  demandez,  dit-d,  si,  d'après  la  divi- 
lion  des  provinces  établies  par  l'empereur,  de  méni,: 
qu'il  1/  a  deux  méiropoles,  it  faut  aussi  nommer  deux 
éi'èijues  nu'lropolilains  ;  mais  sacnez  que  i'Eylisenc  duit 
point  soulfrir  des  variutions  que  la  nécessité  miroduic 
dans  le  gouiernement  temporel,  ni  des  cliancjemeivs  quif 
l'empereur  jufie  à  propos  de  fane  pour  ses  inlérêls.  11 
faut,  par  coii-équeni,  que  le  nombre  des  métropoli- 
tains reste  coidbrmeà  l'ancienne  circonscription  des 
provinces.  » 

CIRCUM-INCESSrON.  Voy.  Thimté. 

»  CISTERCIENS  ,    CITEAUX.  Voy.  Bernardins. 

CITATION    DE     L'ÉCRITURE     SAINTE. 

Voy.    ÉcRlTUtlE   SlINTE. 

23 


907 


aA 


CL\ 


908 


CLAIRE  (Beligiense  de  Sainte-;  ou  CLA- 
mSSE  (l).  On  donne  ce  nom  à  un  ordre 
(le  reliïîieuses  qui  vivent  sous  la  règle  de 
saint  François  d'Assise.  —  Cet  ordre,  le  plus 
austère  de  tons  les  monastères  de  filles,  a 
été  formé  dans  le  xiii'  siècle,  en  même  temps 
(jue  celui  des  Frères  Mineurs. 

Claire,  nnlive  d'Assise  en  Ombrie,  animée 
par  l'exemple  de  son  concitoyen  François, 
eonçut  le  dessein  de  faire,  pour  les  person 
nés  de  son  sexe,  ce  que  celui-ci  faisait  pour 
les  hommes.  Elle  reçut  l'habit  rolisi^'ux  dt>s 
mains  de  ce  saint  patriarche:  sou  exemple  fut 
bientôt  imité  par  plusieurs  filles  qui  se  vouè- 
rent à  la  règle  la  plus  dure  et  la  plus  aus- 
tère. Leur  premier  monastère  fut  établi  d;ms 
l'église  de  Saint-Damiens,  d'où  elles  ont  été 
appelées  Damianif:tes.  ~  Urbain  IV  trouva 
leur  première  règle  si  dure  et  si  pénible, 
qu'il  crut  devoir  la  niitiger;  mais  toutes 
n'ont  pas  accepté  cet  adoucissement.  On  ap- 
pelle Clarisses  celles  qui  ont  conservé  l'an- 
cienne observance  ,  et  Urbanistes  celles  qui 
ont  reçu  la  règle  mitigée. 

Les  Clarisses  font  profession  de  la  pauvreté 
la  plus  rigoureuse.  Elles  jeûnent  toule  l'an- 
née, vont  le  plus  souvent  pieds  nus,  sans 
soques  ni  sand;i)es.  Leur  habillement  est 
d'une  grosse  serge  gris(!,  sous  Irquel  elles 
portent  encore  un  cilicc.  lîlles  gardent  un 
silence  perpéHiel,  ne  se  saluent,  en  se  ren- 
contrant, que  par  ces  mois,  Are  Maria:  ce 
qui  leur  a  fait  doniier  le  nom  de  Filles  de 
7AvE  Maria.  —  Elles  sont  reçues  sans  dot, 
elles  renoncent  à  tout  revenu,  et  ne  vivent 
que  des  aumônes  qu'on  leur  envoie.  Elles 
porteiil  le  cordon  tlu  tiers  ordre  pour  mar- 
quer iio'elles  sont  lilles  de  saint  François. 
Elles  sont  sous  la  direction  des  Cordelicrs. 
L'offue  divin,  la  prière,  les  exercices  les 
plus  humbles,  partagent  tout  leur  temps,  le 
jour  tt  la  nuit. 

Les  Urbauisles  doivent  leur  origine  à  Isa- 
ielle  de  France,  sœur  de  saint  Louis,  qui, 
en  12oo,  fonda  le  monastère  de  Long- 
champs,  près  Paris,  sous  le  nom  de  \'Humi- 
lité  de  Nolre-^Dame.  Elle  avait  d'abord  adopté 
la  règle  de  sainte  Claire  ;  mais  elle  fut 
adoucie  par  les  papes  Urbain  IV  cl  Eugène 
IV.  Elle  est  la  même  que  celle  des  Frères 
Mineurs.  Elles  peuvent,  comme  eux,  man- 
ger de  la  viande  dans  les  jours  ordinaires  ; 
on  a  aboli  la  loi  du  silence,  qui  leur  était 
imposée.  Elles  porl'iil  une  robe  de  ser};o 
gri>e,  serrée  d'un  cordon  blanc:  au  chœur 
cl  en  cérémonies,  elles  ont  \in  mantetiu  de 
mi'mc  éloffe  que  leur  lOlie.  On  exige  des 
posiul.iiiles  une  nais-auce  honnête  el  une 
certaine  snmmed'argenl.  (E\traildu  Diction. 
de  Jnrisp.)  [  Vov-  le  Dict.  des  Ord.  rel.  du 
P.  llélyol,  édil.  .Vligne.  ] 

CLAIUFTTES  (les),  miison  de  filles  reli- 
gieuses (le  l'ordre  de  Cilcaux  et  de  la  re- 
forme de  la  Trappe,  fond.e  par  (.îeoiïroy, 
troisième  comte  du  Perche,  et  érigée  en 
abbaje  en  1221.  Ces  religieuses  «ni   pinor 

(I)  Ccl  article  esi  reproduit  d'après  l'édiiioii  do 
Liège. 


supérieurs  immédiats  les  abbés  de  la  Trappe, 
et  imitent  la  vie  îles  religieux. 

Il  semble  d'abord  que  l'austérité  de  la 
règle  des  clarisses ,  des  chartreuses  des 
clairettes,  etc.,  devrait  effrayer  et  dégoviter 
les  filles  qui  ont  de  la  vocation  pour  l'état 
religieux.  Nous  voyous  le  contraire  :  là 
couvents  les  plus  austères  sont  ceux  qui 
trouvent  le  plus  aisément  des  sujets,  dans 
lesquels  les  religieuses  paraissent  le  plus 
contentes,  et  vivent  le  plus  longtemps.  Les 
philosophes  reg'.rdent  ce  phénomène  comme 
lin  effet  de  l'enthousiasme  et  de  la  folie;  il 
nous  paraît  plus  naturel  de  le  prendre  pour 
un  effet  de  la  grâce.  L'enthousiasme  passe 
et  se  dissipe,  au  lieu  que  nous  voyons  la 
ferveur  d'Une  bonne  religieuse  persévérer 
pendant  toute  si  vie. 
CLA^CULAItlES.  Toy.  Anabaptistes. 
CLAUDE  DE  TURIN,  était  Espagnol  de 
naissance,  et  disciple  de  F 'lix  d'Urgel,  qui 
soutenait  que  Jésus-Cbrist,  en  tant  qu'hom- 
me, n'élait  pas  le  Fils  de  Dieu  par  nature, 
mais  seulement  par  adoption.  Vo;/.  Aoop- 
TiEMS.  Claude,  placé  sur  le  siège  de'l'urin  par 
Louis  le  Débonnaire,  l'an  823,  commença 
par  faire  briser  el  brûler  les  croix  et  lés 
images  qui  étaient  dans  les  églises  ;  il  sou- 
tint que  l'on  ne  devait  leur  rendre  aucun 
culte,  non  plus  qu'aux  reliques  ;  il  fut  même 
accusé  de  nier  qu'on  doive  honorer  les 
saints,  et  de  blâmer  les  pèlerinages  au  tom- 
beau des  martyrs  ;  il  disait  (jue  l'apostolique 
ou  le  pape  n'est  pas  celui  qui  occu|ie  le 
siège  de  l'apôtre,  mais  celui  qui  en  remplit 
les  devoirs;  erreur  qui  fut  renouvelée  par 
les  Vaudois  sur  la  fin  du  xir  siècle. 

Par  ces  exploits,  C/nwf/e  de  Turin  a  mé- 
rité d'être  pUicé  par  les  protestants  au  nom- 
bre de  leurs  prédécesseurs,  et  de  ceux  qu'ils 
nomment  les  témoins  de  la  vérité.  Mosheim 
en  parle  avec  la  plus  grande  estime  ;  il  vante 
les  commentaires  de  ccl  évoque  sur  l'Ecri- 
ture sainte,  et  sa  capacité  dans  la  manière 
de  l'expliquer;  il  dit  que,  pur  sa  noble  har- 
diesse pour  la  défense  de  la  religion,  ce  sa- 
vant et  vénérable  prélat  encourut  la  haine 
des  enfants  de  la  superstition;  mais  qu'il  dé- 
fendit sa  cause  avec  tant  de  dexlérilé  et  de 
force,  (ju'il  demeura  triomphant ,  et  acquit 
plus  de  crédit  (|ue  jamais  {Hist.  ecclés.,  ix* 
sv'rle,  seconde  , partie,  c.  2,  §  li;  c.  3,  §  17). 
Itasnage  en  a  l'ail  un  éloge  encore  plus  com- 
plet. —  Mais  si  l'on  veut  jeter  un  coup 
d'œil  sur  la  manière  dont  ce  prétendu  savant 
défendait  sa  cause,  on  verra  qu'il  raison- 
nait fort  mal,  et  uu'il  su|)pleait  par  un  Ion 
de  hauteur  el  de  lierté  à  la  f.iiblesse  de  ses 
arguments.  S'il  est  vrai  qu'en  arrivant  sur 
le  siège  de  Turin  il  trouva  le  cube  des 
saints,  des  im.iges.  des  reliques,  poussé  par 
le  peuple  jusqu'à  la  supcrslition  el  à  Tidolà- 
irie,  ne  lui  était-il  pas  possible  d'instruire 
ses  ouailles,  s;ins  donner  dans  un  autre 
excès  ?  C'est  ce  que  lui  représentèrent  l'abbé 
Théodémir,  le  moine  Duiigal,  Jonas,  évé- 
que  d'Orléans,  et  Walafrid  Sirabou,  (jui 
écriviri'nt  contre  lui.  Us  distinguent,  cu;niMe 
nous  faisons  encore,  entre  le  culte  divin  et 


909 


CL\ 


CLA 


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suprême,  ou  Tacioration  prnpiomcnt  dite, 
qui  n'csl  due  qu'à  Dieu  seul,  et  l(!  culte  re- 
latif cl  inférieur  que  l'on  rend  ;uix  saints, 
aux  images  et  aux  reliques;  ils  le  fondent 
sur  la  pratique  constante  cl  universelle  do 
l'Eglise,  contre  laquelle  les  sopliismes  de 
Claude  de  Tiu'in  et  ses  déclamations  ne  prou- 
vaient rien  du  tout.  Voi/.  Flcury,  Ilisl.  ec- 
clés.,  \i\.\i.yi,  §20  et  21  ;  iiv.  xLv;n,  §  7. 
—  Les  prolestants  ont  grand  soin  de  garder 
le  silence  sur  les  autres  erreurs  que  Claude 
avait  reçues  de  Félix  d'Urgel  son  muitre,  et 
qui  loni  rendu  à  bon  droit  suspect  de  nes- 
torianisme.  Le  prétendu  triomphe  qu'ils  lui 
allribuent  ne  consista  qu'à  laisser  quelques 
disciples  qui  n'ont  pas  été  capables  de  ré- 
habiliter sa  mémoire.  La  plupart  de  ses  écrits 
n'ont  pas  été  imprimés,  et  il  paraît  que  la 
religion  ni  les  lettres  n'y  ont  rien  pcnlu. 

Pour  l'aire  l'apologie  de  cet  évoque  con- 
tie  les  reproches  de  liossuet,  Basnage  ob- 
serve, 1"  que  Claude  de  Turin  ne  pouv;iit 
être  tout  à  la  fois  arien  et  nestorien.  t\  ne 
l'ail  pas  atieiilion  que  l'erreur  de  Félix  d'Ur- 
gel,  dont  Claude  de  Turin  était  disciple,  te- 
nait une  espèce  de  milieu  entre  l'arianisme 
et  le  ncstorianisme;  car  enfin,  si  Jésus- 
Chrisl,  en  tant  qu'homme,  n'est  pas  Fils  de 
Dieu  par  nature,  c'est  ou  parce  que  le  Verbe 
n'est  pas  vérilablement  Dieu,  comme  le  sou- 
tenaient les  ariens,  ou  parce  qu'entre  l'hu- 
manité (le  Jésus-Christ  et  le  Verbe  divin  il 
y  a  seulement  une  union  morale  et  non 
substantielle,  comme  l'entendait  Nestorius. 
Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  les  uns  aient 
accusé  C/f(!«(/e  (/eTiirin  d'arianisme,  les  au- 
tres de  neslorianisme.  —  2°  il  dit  que  cet 
évoque  admettait  doux  Eglises,  dont  l'une, 
ornée  de  toutes  les  vertus,  était  le  corps  de 
Jésus-Christ  ;  l'autre  s'assemblait  seulement 
au  nom  de  Jésus-Christ,  sans  en  avoir  les 
vertus  pleines  et  parfaites.  Nous  demandons 
aux  protestants  à  laquelle  des  deux  ils 
croient  appartenir  ;  il  est  bien  certain  que 
saint  Paul  n'a  connu  qu'une  seule  lîglise.  — 
3°  Claude  de  Turin  égalait  saint  Paul  à  saint 
Pierre,  et  ne  reconnaissait  point  d'autre 
chef  de  l'Eglise  que  Jésus-Christ  ;  mais  au 
moins  il  ne  disait  pas,  comme  les  protes- 
tants, que  le  pape  est  l'Antéchrist.  —  '»"  Il 
était  zélé  partisan  de  la  doctrine  de  saint 
Augustin  sur  la  prédeslinalion  el  sur  la 
grâce,  et  on  l'accusait  de  n'eslimer  aucun 
autre  Père;  du  moins  il  ne  taxait  pas  d'er- 
reur les  autres  Pères,  comme  font  les  pro- 
testants. —  5°  Il  rejetait  les  mérites  des 
hommes  ;  il  disait  que  si  Jésus-Christ  n'a 
tiré  aucune  gloire  de  ses  actions,  à  plus 
forte  raison  les  hommes  ne  doivent  pas  rap- 
porter A  eux-mêmes  ce  qu'ils  font  de  bien. 
Mais  les  catholiques  disent  la  même  chose, 
sans  rejeter  pour  cela  le  mérite  des  bonnes 
œuvres.  Voij.  JIi'îniTr:.  —  G°  Il  soutenait  que 
l'on  est  sauvé  par  la  foi  seule,  el  non  par 
les  œuvres  de  la  loi;  cependant  il  exigeait  les 
bonnes  œuvres.  Si  par  ^i  loi  il  cnicndait, 
comme  saint  Paul,  la  loi  mosaïque,  il  avait 
raison,  et  nous  pensons  comme  lui;  s'i!  eu- 
Icndail  la  loi  de  Jésus-Christ,  il  se  contre- 


disait comme  les  protestants,  et  rejetait, 
comme  eux,  la  doctrine  de  saint  Jacquet. 
Voy.  Justification.  —  7*  Il  ne  voulait  pas 
que  l'on  priât  pour  les  morts,  parce  que 
chacun  doit  porter  sa  charge;  et  que  si  noua 
pouvons  nous  aider  les  uns  les  autres  dans 
cette  vie,  ni  Job,  ni  Noé,  ni  David,  ne  peu- 
vent plus  prier  pour  les  âmes,  lorsqu'elles 
sont  menées  devant  le  tribunal  de  Jésus- 
Christ  {Ezech.  xiv,  l'i-  et  18).  Ce  sophiste 
mettait  donc  saint  l'aul  en  contradiction 
avec  lui-même;  cet  apôtre  dit  (Galat.  vi,  2 
et  il)  :  Portez  la  charge  les  wns  des  autres;  et 
le  passage  d'Ezéchiel  est  ici  fort  mal  appli- 
qué. Voy.  PRiiîinE  pouu  les  morts.  —  8"" 
Claude  de  Tttrin  n'aôme[lait  ni  la  présence 
réelle  do  Jésus-Christ  dans  l'eucharistie,  ni  la 
transsubstantiation,  puisqu'il  dit  que  Jésus- 
Christ  a  rapporte  mystiquement  le  vin  à  son 
sang.  Nous  >.  oudrions  savoir  si  Basnage  a 
entendu  le  verbiage  et  les  froides  allégories 
qu'il  cile  à  ce  sujet  de  Claude  de  Turin;  il 
es'  évident  que  ce  sophiste  ne  s'entendait 
pas  lui-même.  —  Enfin,  il  brisa  les  images, 
en  condamna  l'idolâtrie  et  ceux  qui  les 
adoraient.  Si  par  adoration  on  entend  un 
culte  absolu  et  suprême,  ce  serait  en  effet 
un  acte  d'idolâtrie  de  le  rendre  aux  images  ; 
mais  puisque  Basnage  lui-même  a  remar- 
qué qu'adorer  ne  signifie  souvent  que  faire 
la  révérence  ou  témoigner  du  respect,  pour- 
quoi insister  toujours  sur  ce  terme  équivo- 
que, qui  causa  toutes  les  disputes  du  is" 
siècle? 

Cependant  Basnage  tridmphe  de  ce  que  son 
héros  ne  fut  condamné  ni  par  le  pape  ni  par 
aucun  concile,  et  il  en  conclut  que,  du  moins 
en  France,  tout  le  monde  était  dans  la  mêmp 
croyance  que  Claude  de  Turin.  Il  devait  se 
souvenir  que  cet  évêque  écrivait  en  823,  et 
qu'en  825  le  concile  de  Paris  condamna  éga- 
lement ceux  qui  brisaient  les  images  ou  les 
étaient  des  églises,  et  ceux  qui  leur  rendaient 
un  culie  superstitieux.  Deux  cents  ans  au- 
paravant, saint  Grégoire  le  Grand  avait  fait 
la  même  chose  en  écrivant  à  Sérénus,  évêque 
de  Marseille.  Quoique  les  évêques  du  concile 
de  Paris  eussent  mal  pris  le  sens  des  expres- 
sions du  deuxième  concile  de  Nicée,  du  pape 
Adrien,  et  des  Grecs  eu  général,  le  pape  Eu- 
gène II  crut  devoir  garder  le  silence,  en  es- 
pérant que  cette  erreur  se  dissiperait  d'elle- 
même,  comme  il  arriva  en  effet.  Mais,  lors- 
que les  papes  ont  tonné  contre  les  errants, 
les  prolestants  déclament  contre  c  zèle  ; 
lorsqu'il-,  ont  temporisé  et  toléré  quelques 
abus,  les  protestants  concluent  que  les  papes 
les  ont  approuvés.  Comment  satisfaire  de  pa- 
reils censeurs?  —  Basnage  va  plus  loin  :  il 
pense  que  les  habitants  des  vallées  du  Pié- 
mont conservèrent  précieusement  la  doctrine 
de  Claude  de  Turin;  qu'ils  doivent  avoir  en- 
tretenu l;i  succession  dans  leur  Eglise,  et 
qu'il  faut  les  regarder  comme  un  canal  par  où 
la  vérilc,  opprimée  en  d'autres  lieux,  a  passé 
aux  siècles  suivants.  M.iis  il  y  a  un  peu  loin 
du  IX'  siècle  au  xvi",  et  d.ms  cet  intervalle  il 
y  eut  à  Turin  des  évoques  qui  ne  pensaient 
pas  comme  celui  dont  nous  parlons,  el  ils 


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n'ont  pas  accusé  lears  oaailles  d'être  schis- 
matiques  ni  hérétiques.  L'essentiel  pour  les 
protestants  serait  de  prouver  que  ceux  qu'ils 
adopti'nl  pour  ancêtres  soutenaient  le  prin- 
cipe fondamental  de  la  réforme,  qui  est 
qu'un  chrétien  ne  doit  point  avoir  d'autre  rè- 
gle  de  foi  que  l'Ecriture  sainte;  c'est  à  quoi 
Basnage  et  les  autres  n'ont  pas  pensé.  Hist. 
de  rEyliae,  tom.  II.  pages  1306  et  ISSi. 

CLAUOIANISTES  ,  branche  de  donatistes 
qui  avaient  pour  chef  un  certain  Claude,  dont 
l'histoire  ecclésiastique  ne  nous  apprend 
rien.  Voy.  Donatistes. 

CLEF.  Avoir  la  clef  d'une  maison,  dans  le 
sens  figuré,  c'est  en  être  Téconome  et  l'admi- 
nistrateur. De  là  le  Seigneur  dit  daiis  Isaïe 
(sxii,  22)  :  Je  donnerai  à  mon  serciteur  Elia- 
cim  /a Clef  de  la  maison  de  David:  il  ouvrira 
et  nul  ne  fermera  ;  il  fermera  et  personne 
n'oxivrira.  Ces  paroles  sont  appliquées  à  Jé- 
sus-Christ dans  l'Apocalypse  (m,  7j  ;  elles 
désignent  la  souveraine  autorité  de  Jésus- 
Christ  sur  sou  Ej^lise.  Dans  le  même  sens,  il 
dit  {Apoc.  I,  18)  :  J'ai  les  clefs  de  la  mort  et 
de  l'enfer.  —  D'un  côté  il  adresse  ces  paroles 
à  saint  Pierre:  Je  vous  donnerai  les  clefs  du 
royaume  des  cieuoc  ;  tout  ce  que  vous  lierez  et 
délierez  sur  la  terre  sera  lié  ou  délié  dans  le 
ciel  [Matih.  xvi,  19)  ;  de  l'autre  il  dit  aux 
docleurs  de  la  loi  :  Vous  avez  pris  la  clep  de 
la  science  :  vous  n'y  êtes  pas  entrés,  et  vous 
avez  empêché  les  autres  d'y  entrer  [Luc.  y.!,  ^ii). 
La  clef  de  la  science  est  la  fonction  d'ensei- 
gner; les  docteurs  juifs  se  l'étaient  attri- 
buée sans  avoir  l'intelligence  de  la  loi  et  des 
prophètes,  et  sans  pouvoir  la  donner  aux 
autres. 

En   comparant   ces  divers    passages,   les 
théologiens  catholiques  ont  disputé   contre 
les  hétérodoxes,  pour  savoir  en  quoi  consiste 
l'autorité  que  Jésus-Christ  adonnée  à  saint 
Pierre,  en  lui  confiant  les  clefs  du  rojaume 
des  cieux.  Parmi  ces  derniers,  plusieurs  ont 
dit  que  c'est  la  fonction  d'enseigner;  d'autres, 
plus  sensés,  ont  avoué  que  c'est  le  pouvoir  de 
remettre  les  péchés.  Les  catholiques  soutien- 
nent que  c'est  quelque  chose  de  plus.  Ji'sus- 
Chrisla  dit  à  tous  ses  apôtres:   Tout  ce  que 
vous  lierez  oit  délierez  sur  la  terre  sera  lié  nu 
délié  dans  le  ciel  [Matlh.  xvni,  18).  Les  péchés 
seront  remis  à  tous  ceux  auxquels  vous  les  re- 
mettrez [Joan.  X,  23).  Mais  il  n'a  pas  adressé 
à  tous  les  mêmes  paroles  qu'à  saint  Pierre. 
—  Puisque,  dans  le  style  de  l'Ecriture  sainte, 
les  clefs  sont  le  symbole  du  gouvernement  et 
de  raulorité,  et  que  le  royaume  des  cieux  dé- 
signe  l'Eglise,   nous   concluons  que  Jésus- 
Christ  a  donné  à  saint  Pierre,  non-seulement 
une  prééminence  sur  ses  collègues,  mais  une 
',   autorité    de  juridiction    sur   toute    l'Eglise. 
•;  Comme  cette  société  sainte  ne  peut  subsister 
\  sîiiis  un  gouvernement,  nous  soutenons  (juc 
.  ;les  successeurs  de  saint  Pierre  jouissent  de  la 
'même  autorité  que  lui  de  droit  divin,  et  en 
vertu  de  l'institution  de  Jésus-Christ.  Voyez 
Pape. 
CLÉMENCE  DE  DIEU.  Voi/.  Miséricorde. 
CLÉMENT  (saint),  pape,  mort  à  la  fi:!  du 
i"  siècle,  esl  un  des  Pères  apostoljaucs.  îi 


nous  reste  de  lui  deux  lettres  aux  Corin- 
thiens, dont  la  première  n'est  pas  entière,  et 
sur  l'authenticité  desquelles  il  y  a  eu  des 
doutes. 

Dans  les  Mémoires  de  V Académie  des  Ins- 
criptions, tome  XXVIl,in-l%  p.  95,  on  a  placé 
l'extrait  d'un  mémoire  sur  les  ouvrages  apo- 
cryphes supposés  dans  les  premiers  siècles 
de  l'Eglise;  il  y  est  dit,  1°  qu'Eusèbe,  saint 
Jérôme  et  Photius  rejettent  absolument  la 
seconde  lettre  de  saint  Clément.  2°  Que  la 
première  porte  des  caractères  d'ignorance 
qu'on  ne  peut  mettre  sur  le  compte  de  ce 
saint  pontife.  Celte  censure,  copiée  d'après 
les  protestants,  ne  nous  paraît  pas  juste.  — 
Eusèbe  (Hist.  ecclés.,  liv.  m,  c.  36)  dit  seule- 
ment que  la  seconde  lettre  de  saint  Clément 
n'est  pas  aussi  connue  que  la  première;  ce 
n'est  point  la  rejeter  absolument.  Saint  Jé- 
rôme, dans  son  Catalogue  des  écrivains  ec- 
clésiastiques, dit  à  la  vérité  que  la  seconde 
des  lettres  attribuées  à  saint  Clément  esl  re- 
jetée par  les  anciens  ;  mais  on  ne  sait  pas 
qui  sont  ces  anciens  dont  saint  Jérôme  veut 
parler,  on  n'en  connaît  aucun  qui  se  soit  ex- 
pliqué là-dessus.  Photius,  cod.  113,  dit  de 
même  qu'elle  est  rejetce  comme  supposée  ; 
mais,  cod.  126,  après  avoir  parlé  des  deux 
lettres  de  saint  Clément,  il  ajoute  :  «  On  pour- 
rait trouver  à  y  reprendre,  1°  qu'il  admet  des 
mondes  au  delà  de  l'Oiéan;  2'  qu'il  y  em- 
ploie l'exemple  du  phénix  comme  un  fait 
certain  ;  3°  qu'il  se  borne  à  donner  à  Jésus- 
Christ  les  titres  de  pontife,  de  chef,  de  sei- 
gneur, sans  y  ajouter  des  titres  plus  éminents 
qui  caractérisent  sa  divinité,  à  laquelle  il  ne 
dit  cependant  rien  qui  soit  contraire.  »  Ces 
reproches  de  Photius  sont  sans  doute  les  ca- 
ractères d'ignorance  que  l'auteur  du  mémoire 
a  jugés  indignes  de  saint  Clément. 

11  est  clair  d'abord  que  Photius  ne  rejette 
la  seconde  lettre  de  ce  pape  que  sur  l'opinion 
d'aulrui;que  sa  critique  tombe  également 
sur  l'une  et  sur  l'autre  ;  mais  il  ne  paraît  pas 
fort  difficile  de  satisfaire  à  ses  reproches.  -  - 
Platon,  Aristote,  Pline,  Elien,  avaient  en- 
trevu, aussi  bien  que  saint  Clément,  qu'il  y  a 
des  mondes,  ou  plutôt  des  terres  habitées  au 
delà  de  l'Océan  ;  c'est  une  vérité  que  les  dé- 
couvertes modernes  ont  confirmée.  Il  en  ré- 
sulte que  l'on  a  eu  tort  de  répéter  si  souvent 
de  nos  jours  que  tous  les  Pères  de  l'Eglise 
ont  nié  les  antipodes.  Origènc,  1.  ii  de  Prin- 
cip.,c.3,  se  fonde  sur  le  passage  de  saint 
Clément  pour  les  admettre,  et  saint  Uilaire 
en  parle  in  l's.  n,  n"  23.  —  Non-seulement 
saint  Clément  [Epist.  1,  n.  25),  mais  Origène, 
Tertullien,  siint  Cyrille  de  Jérusalem,  Lac- 
tance,  Eusèbe,  saint  Grégoire  de  Nazianze; 
saint  Ambroise,  saint  Epiphane,  Synésius  et 
d'autres,  ont  cité  l'exemple  du  phénix  comme 
un  modèle  de  la  résurrection  générale:  nous 
ne  voyons  pas  en  quoi  ils  ont  péché.  De  leur 
temps  le  fait  du  phénix  passait  pour  vrai  ; 
Hérodote,  Plutarque,  Pline,  Sénèque,  Pom- 
ponius  Mêla,  Solin,  l'hiloslrate,  Libanius; 
Tacite,  etc.,  en  ont  jiarlé  comme  les  Pères 
de  l'Eglise.  D'habiles  rrili((ucs  ont  douté  si, 
dans  le  livre  do  Joh,  il  ne  fallait  pas  traduire 


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CLE 


CLE 


U14 


le  verscl  18  du  chap.  xxix  de  cette  manière  -. 
J'expirerai  dans  mon  nid,  el  comme  te  phénix 
je  multiplierai  7iics  jours.  Voyez  In  note  de 
Fell  sur  le  ir  2o  de  la  première  Epître  de 
saint  Clctiieiit. 

Ce  saint  pope  finit  sa  première  lettre,  en 
disant  que  par  Jésus-Christ  Dieu  a  la  gloire, 
la  puissance,  la  majesté  et  un  trône  éternel, 
avant  les  siècles  et  après  ;  comment  cela,  si 
Jésus-Christ  lui-même  n'est  pus  coéternel  à 
Dieu?  Au  commeiuement  de  la  seconde  il 
l'appelle  Dieu,  juge  des  vivants  et  des  morts. 
Il  a  donc  clairement  professé  la  divinité  de 
Jésus-Christ. 

11  est  encore  bon  de  savoir  que  saint  Denis 
de  Corinthe,  soixante-dix  ou  quatre-vingts 
ans  après,  dans  une  lettre  au  pape  Soter,  at- 
teste que  de  temps  immémorial  on  lisait  dans 
son  Eglise  la  lettre  que  saint  Clément  lui 
avait  adressée.  Kusèbe  (Uisl.  ecclés.,  I.  iv, 
c.  li).  Saint  Irénée  juge  qu'elle  est  très-forte 
et  très-pressante  {Ailv.  Jlœres.,  1.  m,  c.  3). 
Saint  Clément  d'Alexandrie  la  cite  au  moins 
quatre  fois  dans  ses  Slromatcs;  Origène  en 
fait  mention,  I.  ii,  de  Princip.,  c.  3,  et  dans 
son  Commentaire  sur  saint  Jean.  Eusène  at- 
teste que  l'on  ne  doute  point  de  son  authen- 
ticité. Saint  Cyrille  de  Jérusalem,  saint  Epi- 
phane,  saint  Jérôme,  témoignent  qu'ils  en 
font  la  plus  grande  estime.  Elle  est  donc  à 
couvert  de  tout  soupçon.  Le  savant  Lurdner, 
Crcdibility,  etc.,  toni.  111,  en  ju^e  ainsi  :  il 
pense  qu'elle  a  été  écrite  vers  l'an  90  de  notre 
ère,  immédiatement  après  la  persécution  de 
Domilien.—  Quant  à  la  seconde,  si  Ion  veut 
prendre  la  peine  de  voir  le  jugement  que 
Gotellier  en  a  porté  {PP.  Apost.,  tom.  1, 
p.  182),  on  verra  que  les  sentiments  de  saint 
Jérôme  et  de  Photius  ne  sont  pas  des  arrêts 
irréfragables  ;  que  cette  lettre  n'a  en  elle- 
même  aucune  marque  de  supposition  ;  que 
si  elle  a  été  rejetée  par  les  anciens,  cela  si- 
gnifie qu'ils  n'ont  point  voulu  l'admettre 
comme  Ecriture  canonique,  et  non  qu'ils 
l'ont  regardée  comme  un  écrit  faussement 
atiribuc  à  saint  Clément.  Toutes  deux  étaient 
placées  au  nombre  des  Ecritures  canoni- 
({ues  dans  le  soixante-seizième  canon  dos 
apôires. 

Il  n'en  est  pas  de  même  des  Récognitions, 
des  homélies  appelées  Clémentines,  des  Cons- 
titutions apostolic/ues,  el  d'une  Liturgie,  que 
l'on  a  données  sous  le  nom  de  ce  même  pape. 
Tout  le  monde  convient  que  ce  sont  des  ou- 
vrages supposés  dans  les  siècles  postérieurs  ; 
nous  en  parlerons  sous  leurs  titres  particu- 
liers; mais  il  ne  laut  pas  envelopper  dans  la 
même  proscription  les  ouvrages  vrais  et  les 
pièces  fausses.  Plusieurs  critiques  modernes 
ont  cru  que  ce  Père  apostolique  avait  cité  un 
passage  de  l'I'lvangile  apocryphe  des  Em/p^ 
liens;  nous  ferons  voir  le  contraire.  Voij'. 
Egvptikns. 

En  1751  et  1752,  le  savant  Walslein  a  pu- 
blié deux  nouvelles  épîtres  attribuées  à  saint 
Clément,  et  qui  ont  été  découvertes  depuis 
peu  ;  mais  plusieurs  criliiiues  en  ont  déjà 
couteslé  l'autli .nticité. 


Clément  d'Alexandrie  (1),  philosophe 
éclectique,  oa  qui  n'était  attaché  à  aucune 
secte,  fut  disciple  et  successeur  de  Pauthène 
dans  l'école  d'Alexandrie  ;  il  y  eut  pour  au- 
diteurs Origène  et  Alexandre,  évêque  de  Jé- 
rusalem, et  mourut  au  commencement  du 
III'  siècle.  La  meilleure  édition  de  ses  ou- 
vrages est  celle  qu'a  donnée  Potter,  à  Ox- 
ford, en  171.Ï,  in-folio.  Elle  a  été  réimprimée 
à  Venise  en  1758. 

Comme  il  nous  apprend  lui-même  qu'il 
avait  vu  et  entendu  les  successeurs  immé- 
diats des  apôtres  {Slrom.,  liv.  i,  pag.  322), 
ses  écrits  méritent  la  plus  grande  attention. 
Dans  son  Exhortation  aux  (jentils,  il  s'est 
proposé  de  faire  sentir  l'absurdité  de  l'idolâ- 
trie, des  fables  du  paganisme,  de  ce  qu'eu 
ont  dit  les  philosophes  et  les  poètes.  Ses  Stro- 
mates,  ou  tapisseries,  sont  un  mélange  de  la 
doctrine  des  philosophes  comparée  à  celle  de 
l'Evangile.  Dans  le  traité  intitulé  :  Quel  riche 
sera  sauvé? 'û  montre  qu'il  n'est  pas  néces- 
saire de  renoncer  aux  richesses  pour  être 
sauvé,  pourvu  que  l'on  en  fasse  un  bon  usage. 
Le  Pédagogue  est  un  traité  de  morale,  dans 
lequel  on  voit  la  manière  dont  les  chrétiens 
fervents  vivaient  dans  ces  premiers  temps. 
Il  avait  écrit  plusieurs  autres  ouvrages,  des- 
quels il  ne  reste  que  des  fragments. 

Clément  d'Alexandrie  est  un  des  Pères  de 
l'Eglise  contre  lesquels  les  critiques  anciens 
et  modernes  ont  montré  le  plus  d'humeur. 
Ils  ont  dit,  non-seulement  que  ses  ouvrages 
sont  sans  ordre,  son  style  négligé,  ses  rai- 
sonnements vagues  et  obscurs,  ses  explica- 
tions de  l'Ecriture  sainte  souvent  fausses, 
ses  maximes  de  morale  outrées,  mais  que  sa 
doctrine  n'est  rien  moins  qu'orthodoxe.  — 
Scultet,  Daillé,  Le  Clerc,  Mosheim,  Brucker, 
Semler,  Barbeyrac,  ont  répété  à  peu  près  les 
mêmes  reproches,  et  se  sont  plu  à  exagérer 
les  méprises  vraies  ou  apparentes  de  ce  doc- 
teur vénérable  ;  nos  incrédules  modernes 
n'ont  fait  que  copier  tous  ces  censeurs  pro- 
testants. —  Nous  convenons  que  ce  Père  est 
souvent  obscur,  qu'il  est  difGcile  de  prendre 
le  vrai  sens  de  ce  qu'il  dit;  mais  les  philo- 
sophes qu'il  copie  ou  qu'il   réfute  n'étaient 

(I)  Bergier,  dans  son  Dictionnaire,  attribue  sou- 
vent à  ce  Père  le  rang  de  sdint,  bien  qu'il  ne  le  fasse 
pas  dans  ta  Biographie  qu'il  nous  en  a  donnée.  Beau- 
coup d'autres  auteurs  le  décorent  du  même  titre, 
conlorinémeni  au  Martyrologe  d'Usuard,  bénédictin 
du  ix^  siècle.  L'auteur  de  l'article  Clément  d'Alexan- 
DBIE,  inscié  dans  la  Biographie  univericlle  de  Mi- 
chaud,  va  jusqu'à  dire  :  «  Un  a  raison  d'éire  surpris 
que  le  nom  de  ce  saint  docteur  ne  soit  pas  inscrit 
dans  le  Murltjiotoge  romain  ;  on  l'est  bien  davantage 
encore  d'apprendre  que  le  savant  Benoit  XIV  a  publié, 
en  1749,  une  disseriation  tendant  à  prouver  (|u'il 
n'y  a  pas  de  raison  suflisanle  de  l'y  établir  ;  mais  ni 
raulonlé  de  Benoit  XIV,  ni  celle  du  Jlarlyrologe  ro- 
main n'ont  jamais  empêché  les  Eglises  de  France  de 
célébrer  i-a  léle  le  i  décembre,  suivant  !e  Martyrologe 
et  l'autorité  d'Usuard.»  Pour  des  catholiques,  le  Mar- 
tyrologe romain  et  les  papes  lont  ^euls  autorité  en 
celte  matière:  Usuard  écrivit  longtemps  avanl(|ue 
home  se  lût  prononcée  ;  et  Bergier  se  laissa  entraî- 
ner parle  toirent,  (luaiid  il  traça  l'expression  :  Saim 
Clément  d'Alexaniirie. 


913 


CLE 


CLE 


916 


pas  eux-mêmes  fort  clairs.  Quiconque  ce- 
pendant se  donnera  la  peine  de  le  lire,  sera 
frappé  de  l'élendue  de  son  érudition,  des 
grandes  idées  qu'il  avait  conçues  de  la  misé- 
ricorde divine,  de  l'efflcacilé  de  la  rédemp- 
tion, de  la  sainteté  à  laquelle  un  chrétien 
doit  tendre.  Il  a  jugé  les  païens,  qri'il  con- 
naissait très-bien,  avec  moins  de  sévérité 
que  n'ont  fait  plusieurs  autres  Pères  ;  mais 
il  n'a  dissimulé  ni  leurs  erreurs  ni  leurs 
vices. 

Photius  l'accuse  d'avoir  enseigné  des  er- 
reurs monstrueuses  dans  ses  livres  des  Hy- 
potyposes,  que  nous  n'avons  plus;  mais 
peut-on  en  croire  Photius,  lorsqu'on  trouve 
une  doctrine  contraire  dans  les  ouvrages  de 
Clément  qui  nous  restent?  Quelques  anciens 
ont  pensé  que  les  hérétiques  avjiient  altéré 
plusieurs  de  ses  ouvrages  ;  Photius  a  pu  être 
trompé  par  un  exemplaire  ainsi  falsifié.  Eu- 
sèbe,  saint  Jérôme,  saint  Epiphane,  saint 
Cyrille,  Théodoret,  etc.,  tous  capables  d'en 
juger,  ont  rendu  pleine  justice  au  mérite  de 
Clément.  — Mais  les  critiques  modernes  n'ont 
pas  été  aussi  équitables  ;  plusieurs  l'ont  ac- 
cusé d'avoir  dit,  en  termes  formels,  que  Dieu 
est  corporell.  Strom.,  !iv.  v,  c.  ik,  il  a  dit  le 
contraire.  Selon  Clément,  les  stoïciens  disent 
que  Dieu,  aussi  bien  que  l'âme,  est  une  na- 
ture composée  de  corps  et  d'esprit;  vous 
trouverez  cela,  dit-il,  dans  nos  Ecritures  ; 
mais  il  ajoute  que  les  stoïciens  en  ont  mal 
pris  le  sens.  En  effet,  les  stoïciens  conce- 
vaient Dieu  comme  l'âme  du  monde;  selon 
ce  système,  Dieu  était  revêtu  d'un  corps 
aussi  bien  que  l'âme  humaine;  mais,  conti- 
nue Clément,\\ou%  ne  disons  pas  comme  eux 
que  Dieu  pénètre  tonte  la  nature  ;  nous  di- 
sons qu'il  est  créateur  de  la  nature  par  son 
Verbe.  Il  réfute  ensuite  Aristote  et  les  autres 
philosophes  qui  admettaient  deux  principes, 
l'esprit  et  la  matière;  il  dit  que  Platon  n'en 
admettait  qu'un,  que  cette  matière  imagi- 
naire a  été  forgée  sur  ce  qui  est  dit  dans 
YEcrWyiTCt'.  La  terre  était  sans  forme  et  sans 
ordre,  etc. 

Dans  son  Exhortation  aux  gentils,  c.  k, 
p.  35,  il  enseigne  que  «  la  seule  volonté  de 
Dieu  est  la  création  du  monde;  qu'il  a  tout 
fait  seul,  parce  qu'il  est  seul  vrai  Dieu;  que 
sa  volonté  soûle  opère,  et  que  l'effet  suit  son 
seul  vouloir.  »  Il  n'est  pas  possible  d'attri- 
buer à  Dieu,  d'une  manière  plus  onergi<iue, 
le  pouvoir  créateur:  or,  ce  pouvoir  ne  peut 
convenir  qu'à  un  pur  esprit.  Comme  Platon, 
il  n'admet  qu'un  seul  premier  principe  de 
toutes  choses,  qui  est  l'rsprit.  11  dit  ailleurs 
[Pwdaij.,  1.  I,  c.  8,  ]).  l'tOi  que  Dieu  est  un 
et  au-dessus  de  l'unité  ;  cela  serait  faux  s'il 
était  corporel.  Le  Clerc,  dans  son  Art  cri- 
tique, toniolll,  p.  12,  s'csl  néanmoins  ohstiné 
à  soutenir  que  Clément  d'Aleaandrie  a  sup- 
posé l'éternité  de  la  matière,  puisqu'il  n'a 
pas  réfuté  formellement  Platon  et  les  autres 
philosophes  qui  admettaient  une  matière 
éternelle.  Mais  il  n'a  pas  non  plus  réfuté 
formellenieiit  Heraclite,  qui  soutenait  l'éter- 
uilé  du  monde;  s'ensuit-il  que  Clément  a  été 
dans  la  môuii  erreur?       Qu'il  ail  ou  n'ait 


pas  admis  les  idées  éternelles  de  Platon,  qu'il 
ait  même  prétendu  que  ce  philosophe  les 
avait  prises  dans  Moïse,  il  ne  s'ensuit  rien  ; 
cette  opinion  n'entraîne  aucune  conséquence 
contraire  au  dogme  du  christianisme.  ^ 
Lorsqu'il  appelle  l'âme  de  l'homme  l'esprit 
corporel,  il  entend  l'esprit  revêlu  d'iin  corps 
humain,  et  non  une  matière  subtile,  comme 
Hayle,  Beiusobre,  d'Argens  et  leurs  copistes 
alléctent  de  l'entendre.  Dès  qu'un  auteur 
s'est  une  fois  expliqué,  il  est  absurde  d'ar- 
gumenter contre  lui  sur  un  mol. 

Une  autre  injustice  de  la  part  do  Le  Clerc 
est  de  vouloir  persuader  que  Clément  d'A- 
lexandrie ne  s'est  pas  exprimé  d'une  manière 
orlhodoxe  sur  la  divinité  du  Verbe  ;  ce  Père 
a  été  vengé  par  Bullus,  Defens.  jkleiNicœn., 
sect.  2,  cap.  6  ;  et  par  M.  Bossuet,  sixième 
uvert.  aux  Protesl.,  n°  79.  —  Ce  même  cri- 
tique fait  grand  bruit  de  ce  que  Clément  et 
plu-iieurs  autres  Pères,  trompés  par  la  ver- 
sion des  Septanle ,  ont  cru  que  les  anges 
avaient  eu  commerce  avec  les  filles  des  hom- 
mes, et  avaient  engendré  des  géants  :  nous 
convenons  du  fait,  et  nous  ne  voyons  pas  ce 
que  celte  erreur  a  pu  avoir  de  si  dangereux. 
yoy.  Ange. 

D'autres  ont  dit  que  Clément  n'avait  pas 
admis  le  péché  originel.  Noi>-seulement  il 
l'admet,  mais  il  le  prouve  par  les  paroles  de 
Job,  c.  XIV,  V.  4  et  5  ,  selon  les  Sept.mle  : 
Personne  n'est  exempt  de  souillure,  quand  il 
n'aurait  vécu  qu'un  seul  jour.  Selon  lui,  lors- 
que David  a  dit  :  J'ai  été  conçu  dans  l'iniqui- 
té et  formé  en  péché  dans  le  sein  de  ma  mère 
(Ps.  L,  âj,  il  parlait  d  Eve  dans  un  sens  pro- 
phétique Strom.,  liv.  in,  c.  16,  p.  556,  557). 
Mais  il  s'élève  contre  ceux  qui  concluaient 
de  là  que  lu  procréation  des  enfants  est  ud 
péché,  et  qui  condamnaient  le  mariage. 

Un  reproche  plus  grave  que  lui  fait  Bar- 
beyrac,  est  d'avoir  très-mal  enseigné  la  mo- 
rale. Après  avoir  donné,  à  sa  manière,  un 
extrait  du  Pédagogue  de  Clément  d'Alexan- 
drie, il  lui  reproche,  1°  d'avoir  écrit  avec  peu 
d'ordre,  et  de  n'avoir  pas  fait  do  la  morale  un 
système  méthodique.  Lorsqu'on  nous  aura  fait 
voir  quelles  nouvelles  vertus  ont  lait  éclorc 
parmi  nous  les  systèmes  méthodiques  de  mo- 
rale enfantés  par  les  philosopiies  modernes, 
quels  vices  ils  ont  corriges,  nous  consenti- 
rons à  reconnaître  le  tort  des  Pères  de  l'E- 
glise, et  nous  regretterons  que  Jésus-Christ 
et  les  apôtres  n'aient  pas  fait  eux-mêmes  des 
traités  méthodiques  el  raisonnes  pour  sanc- 
tifier les  mœurs. —  2"  Barbeyrac  dit  que  Clé- 
ment d'Alexandrie  n'a  point  parlé  des  devoirs 
qui  regardent  Dieu  directement.  Cependant  ce 
Père  a  souvent  insisté  dans  ses  ouvrages  sur 
la  nécessité  d'adorer  Dieu  en  esprit  el  eu  vé- 
rité, comme  faisaicnl  les  chrétiens,  de  croire 
à  sa  parole,  d'être  reconnaissants  de  ses  bien- 
ftïits,  résignés  aux  ordres  de  sa  providence  , 
soumis  aux  lois  (ju'il  nous  a  prescrites  dans 
l'Evangile.  Il  nous  paraît  que  ces  devoirs  re- 
gardenl  Dieu  tus-dircclement.  -  3"  Selon  co 
mêmcci  nscur,  (  lémmt  a  voulu  inspirer  aux 
chrétiens  l'apathie  des  .sloïcicns  ,  a  aouIu 
qu'un    gnoslique  ,  c'esl-à-dire  .    un   parfait 


un. 


CLE 


clirélien,  fût  exempt  de  passion.  Lorsqu'on 
veut  en  juger  avec  uu  peu  d'é(|uité,  on  re- 
connaît qae  ce  Père  exige  seulement  qu'un 
Gliiélicn  réprime  si  exacletnciit  ses  passions, 
qu'il  ne  paraisse  plus  en  avoir.  Quand  sur  ce 
sujet  il  aurait  répelé  qu('l()u'une  des  expres- 
sions dont  se  servaient  les  stoïciens  ,  il  ne 
faudrait  pas  en  conclure,  comme  fait  Bar» 
beyrac,  que  CInnent  a.  pensé  comme  eus. , 
puisque  souvent  il  combat  leurs  maximes.  — 
4"  Un  autre  critique  a  dit  que  ce  Père  exhor- 
tait les  chrétiens  au  martyre  par  .l'exemple 
des  anciens  païens  qui  se  donnaient- la  mort. 
C'est  une  calomnie.  Clément  dit  au  contraire 
que  ceux  qui  ihcrctieut  la  mort  ne  eounais- 
seul  pas  Dieu,  et  n'ont  rien  de  chrétien  que 
le  nom;  il  taxe  de  témérité  celui  qui  s'es- 
])Ose  au  danger  sans  nécessité  ;  il  dit  qu'en 
se  présentant  aux  juges  il  se  rend  coupable 
de  meurtre,  et  contribue,  autant  qu'il  est  en 
lui,  à  l'injustice  des  persécuteurs;  que  s'il 
les  irrite,  il  est  dans  le  même  cas  que  celui 
qui  provoquerait  un  aniin;il  féroce  {Slrum., 
liv.  IV,  n"  4  et  10,  p.  571,  51)7).  Barbeyrac  lui 
fait  encore  un  crime  do  cette  décision  ,  et 
soutient  que  Clément  la  prouve  par  île  mau- 
vaises raisons.  —  5"  Enfin,  il  assure  et  s'ef- 
foree  de  prouver  que  ce  I^ère  a  voulu  justifier 
l'iilolâtrie  des  païens.  Dans  le  passage  qu'a 
cilé  Barbeyrac,  C/e'»ien(  dit  seulement  que  , 
selon  l'intentiim  de  Dieu,  c'était  pour  les 
païens  un  moindre  mal  d'adorer  le  soleil  et 
la  lune  que  d'être  sans  divinité,  ou  d'être  eu- 
tièrement  athées,  puisque  leur  vénération 
pour  les  astres  devait  les  conduire  à  la  con- 
naissance du  Créateur.  Mais  il  ajoute  ,  qu'à 
Bioins  qu'ils  ne  se  soient  repentis,  ils  sont 
condamnés,  les  uns  parce  (jue,  pouvant  croire 
en  Dieu,  ils  ne  l'ont  pas  voulu;  les  autres 
parce  que,  quoiqu'ils  le  voulussent,  ils  n'ont 
pas  fait  tous  leurs  efforts  pour  devenir  fidè- 
les {Strum.,  liv.  vi,  c.  14,  pag.  795 ,  79G).  — 
Après  avoir  reconnu  que  les  expressions 
de  Clément  (VAlvxundiie  sont  souvent  obs- 
cures, il  y  a  de  l'imprudeuce  à  vouloir  juger 
de  ses  i^entiments  par  un  seul  passage.  — 
6"  D'autres  lui  oui  fuit  un  criuie  d'avoir 
cru  le  salut  des  païens  vertueux,  et  d'avoir 
ainsi  frayé  le  chemin  au  péligianisme.  Pour 
disculper  ce  Père,  il  suffit  de  com|)arer  son 
sentiuient  à  celui  de  Pelage.  Cet  hérétique 
soutenait  qu'un  païen  pouvait  êlre  sauve 
sans  gnhe,  par  le  uierite  des  vertus  qu'il  pra- 
tiquait par  les  seules  forces  de  la  nature.  Il 
faisait  consister  toute  la  grâce  delà  rédemp- 
tion en  ce  que  Jésu  .-Christ  nous  a  donné  de, 
leçons  et  des  exemples  de  vertu  ;  dans  cette 
hypoihèse,  il  est  clair  qu'un  païen  qui  ne 
connaît  pas  Jésus-Christ  n'eu  reçoit  aucune 
grâce.  Si  donc  il  était  sauvé,  il  le  serait  sans 
que  .lesus-Clirist  eût  aucune  part  à  son  sa- 
lut. 'Noilà  ce  que  saint  Augustin  n'a  cessé  de 
reprorher  aux  pélagiens.  «  (Comment,  dit-il  , 
celui  qui  os(>  promettre  le  salut  à  quelqu'un 
sans  Jésus-Chris(,  peut-il  espérer  lui-même 
d'être  sauvé  par  Jésus-Chrisl  ?  »  {Serm.  29.'i  , 
0.  i,  n°  4.)  —  L'st-ce  là  ie  sentiment  de  Clé- 
tncnt  d'Alexandrie?  11  dit  que  le  Verbe  de 
Dieu  prend  soin  de  toutes  les  créatures,   et 


CLE  9\8 

fait  l'office  de  médecin  de  la  nature  humaine 
(Pœdaij.,  liv.  i,  c.  2,  p.  101).  Selon  Pelage  , 
la  nature  humaine  n'avait  pas  bcsoiu  de  mé- 
decin, puisqu'elle  n'est  pas  malade.  Dans  les 
Stromntcs  ,  liv.  vi,  c.  13,  p.  793,  Clément  en- 
sei(;iie  ([u'iln'y  a  qu'un  seul  testament  de  sa- 
lut qui  nous  vient  d'un  seul  Dieu /)or  un  seul 
Seigneur,  mais  qui  opère  son  effet  de  différen- 
tes manières.  Il  n'admet  donc  pas  un  salut 
sans  Jésus-Christ.  11  dit  que  Dieu,  seul  toul- 
puissant  et  bon  ,  a  voulu  de  siècle  en  siècle 
donner  le  salut  pur  son  Fils,  liv.  vu,  c.  2, 
p.  831  et  suiv.,  etc.  Pour  trouver  là  du  pé- 
lagianismc,  il  faut  supposer,  comme  les  pé- 
lagiens, que  Jésus-Christ  ne  donne  point  de 
grâce  à  ceux  qui  ne  le  connaissent  pas  ;  c'est 
une  erreur  que  jamais  les  Pères  n'ont  admi- 
se, qu'ils  ont  même  combattue  de  toutes  leurs 
forces  ;  en  enseignant  le  contraire,  ils  ont  ré- 
futé les  pélagiens  d'avance. 

Il  nous  a  paru  d'autant  plus  nécessaire  do 
i^slifier  Clément  d'Alexandrie,  que  les  repro- 
ches qui  lui  ont  été  faits  par  les  prolestants 
sont  regardés  par  nos  critiques  incrédules 
comme  des  objections  sans  réplique  et  des 
décisions  irrélragabies.  Le  P.  Baltus  en  a  dé- 
montré la  fausseté  dans  sa  Défense  des  saints 
Fcres  .iccusés  de  platonisme,  liv.  iv,  etc. 

CLÉMENTINES;  ce  sont  des  lettres,  des 
homélies  ou  discours,  et  uue  histoire  des  ac- 
tions de  saint  Piene,  qui  ont  été  faussement 
atribuées  à  saint  Clément,  pape,  et  qui  pa- 
raissent être  l'ouvrage  de  quelques  héréti- 
ques :  il  n'en  est  pas  fait  mention  avant  le 
iv  siècle.  Voy.  lan  Pères  apost.  de  Colelier  , 
touie  I.  —  Mosheim,  dans  ses  Dissertations 
sur  l'histoire  ecclésiastique,  1. 1,  p.  175  et  sui- 
vantes, pense  que  cet  ouvra;ie  a  été  composé 
au  conmiencement  du  iir  siècle  ;  c'est  lui  at- 
tribuer une  haute  antiquité.  Il  juge  que  l'au- 
teur était  un  philosophe  d'Alexandrie,  demi- 
juif  et  d(!mi-chrétien;  mais  à  cette  conjecture 
il  en  ajoute  beaucoup  d'autres  qui  sont  très- 
sujetles  à  content  ilion.  Vuy.  encore  sa  dis- 
scrtalion,  />t'  tin  Oata  per  recmtiores  plutoni- 
eos  Ecclesia,  n"  34  et  suiv.  —  Il  ne  faut  pas 
confondre  avec  ces  pièces  apocryphes  les  dé- 
crétâtes de  Clément  V,  que  l'on  nomme  aussi 
clémentines,  et  qui  font  partie  du  droit  ca- 
non. 

*  CLÉMENTINS.  Une  lois  qu'on  a  ab;\nddiuié  la 
vérilé  pour  se  jeier  dans  le  sentier  de  l'erreur,  ou 
court  sans  savoir  où  s'arréier.  Quelques  pi'èlres  cii.'i- 
concorddtaires,  en  déclarant  anaihitnie  à  Pie  VII,  re- 
inoiilcreiit  la  chaîne  îles  poiilil'es  |ioiir  recoiinaliie  à 
quelle  C(>ûque  elle  s'élail  rompue!,  lis  reiiionlèieut 
jusqu'à  sailli  Cléiiieat,  aU'|uel  s'arréie,  seloa  eux,  la 
succession  légliinie  des  papes.  Ils  leçurenl  le  ujhi 
de  Prêtres  Clémeniins. 

CLÉOBIENS,  secte  de  simoniens  dans  le 
I"  siècle  de  l'Eglise.  Elle  s'éteignit  presque 
dans  sa  naissance.  Ilégésippe  ci  Thcodorci, 
qui  en  parlent,  ne  spécifient  p  .int  par  quels 
sentiments  les  cléobiens  se  distinguèrent  des 
autres  siminiens ;  on  croit  qu'ils  ont  eu  pour 
chef  un  nommé  Cléobius,  compagnon  de  Si- 
mon. Il  avait  composé,  avec  cet  hérésiarque, 
des  livres  sous  le  noni  de  Jésus-Ch;ist,  pour 
Irinper  les  chrétiens.   Uégcsippe,  apudl^u 


9l'j 


CLE 


CLE 


920 


seb.,  liv.  IV.  c.  -22  ;  Constit.  apost.,  liv.  vi,  c.8 
cl  16.  —  On  voil  que  les  faux  docleurs,  op- 
posés aux  apôtres,  n'ont  nép;ligé  aucun  arli- 
fice  pour  empêcher  le  succès  de  leur  prédi- 
cation ;  que  s'il  avait  été  possible  de  con- 
vaincre de' faux  les  apôtres  sur  quelque  fuit 
ou  sur  quelque  point  de  doctrine,  cette  mul- 
titude d'hérétiques,  qui  levèrenl  l'étendard 
contre  eux,  en  serait  certainement  venue  à 
bout.  Cependant  toutes  ces  sectes  se  sont  dis- 
sipées, se  sont  ruinées  les  unes  les  autres  ;  la 
vérilé  en  a  triomphé.  Preuve  évidente  que  le 
christianisme  est  redevable  de  ses  succès  , 
non  à  l'ignorance  ni  à  la  docilité  des  peuples, 
mais  à  la  certitude  invincible  des  faits  sur 
lesquels  il  est  fondé. 

CLERC,  CLERGÉ.  On  comprend  sous  ce 
nom  tous  ceux  qui  par  étal  sont  consacrés 
au  service  divin;  il  vient  du  grec,  z)Âfo?,  sort, 
partage,  héritaije.  Dans  l'Ancien  Testamrnt , 
l;i  trihu  de  Lévi  est  appelée  le  partageou  l'hé- 
ritage du  Seigneur,  Quoique  tous  les  chré- 
tiens puissent  être  envisagés  de  même,  ceux 
qu'il  a  choisis  et  consacrés  spécialement  à 
son  culte  sont,  dans  un  sens  plus  étroit,  son 
partage  ou  son  héritage,  et  en  embrassant 
cet  état,  ils  font  eux-rnèmes  profession  de 
prendre  le  Seigneur  pour  leur  part  et  leur 
héritage.  Lorsqu'un  clerc  reçoit  la  tonsure, 
il  prononce  ces  paroles  du  psaume  xv  :  Le 
Seigneur  est  la  purtiun  d'héritage  qui  m'est 
échue  par  le  sort  ;  c'est  vous,  û  mon  Lieu  !  ijui 
me  la  rendrez.  —  Saint  Pierre  donne  déjà  le 
nom  de  clerc  ou  de  clergé  à  ceux  qui,  sous 
!es  évèques,  sont  employés  au  saint  ministè- 
re :  neque  dominantes  in  cleris  [1  Petr.  v,3). 

Plusieurs  critiques  prolestants  ont  soute- 
nu que  la  distinction  entre  les  clercs  et  les 
laïques  n'avait  pas  lieu  dans  l'Eglise  primi- 
tive, qu'elle  n'a  commencé  qu'au  iir'  siècle. 
On  leur  a  prouvé,  par  les  lettres  de  saint 
Clément  pape,  par  celles  de  saint  Ignace,  par 
Clément  d'Alexandrie,  que  cette  distinction 
a  eu  lieu  dès  le  temps  des  apôtres.  (Bingham, 
Orig.  ecclés.,  liv.  i,  chap.  5,  §  2,  t.  1,  p.  k2; 
Dodwel,  première  Dissertation.) 

Quelquefois  les  auteurs  ecclésiastiques  ont 
désigné,  sous  le  nom  de  clercs,  les  ministres 
de  l'Église  inférieurs  auxdiacres,  c'est-à-dire 
les  sous-diacres,  les  lecteurs, etc.  Les  clercs, 
en  génér.il,  étaient  aussi  appelés  canoniques 
ou  chanoines,  parce  que  leurs  noms  étaient 
inscrits  dans  un  canon  ou  catalogue  pour 
chaque  église.  Par  là  ils  étaient  distingués 
des  laïques  que  l'on  appelait  séculiers  et 
idiots,  c'est-à-dire  personnes  privées ,  ou 
.simples  particuliers  (Ringham,  ibid.). 

Ci'u\  (|ui  ont  étudié  l'ancienne  discipline 
de  l'Eglise  ont  reu)arqué  la  sagesse  des 
précaulioiis  que  l'on  prenait  pour  s'assurer 
lie  la  foi,  des  mceurs  et  de  l'état  de  ceux  que 
l'on  élevait  à  la  c  léricature.  Les  soldats,  les 
serfs,  les  acteurs  de  lliéàlre,  ceux  qui  étaient 
chargés  des  deniers  publics,  les  bigames  , 
tons  ceux  dont  la  condition  et  la  profession 
u'élaicnt  pas  honnèles,  ne  iiouvaient  aspirer 
àcniicr  dans  le  ilergr.  [I  y  a»  ait  dis  lois 
Irès-sévèrcs  pour  inainlenir  parmi  les  clercs 
la  réj^uldritû  dcsuiaurs,  lu  décence,  lu  paix, 


l'assiduité  à  remplir  leurs  fonctions  ;  des  pei- 
nes pour  châtier  les  désobéissances  et  pré- 
venir les  moindres  abus.  La  plupart  des  con- 
ciles ont  été  assemblés  pour  cet  objet;  et  il 
y  a  lieu  de  regretter  que  les  règlements  qu'ils 
ont  faits  n'aient  pas  toujours  été  observés 
avec  la  plus  grande  exactitude.  (Riiigliaui , 
liv.  IV  et  VI  ;  Fleury,  Mœurs  des  chrétiens, 
n°  32.) 

Chez  tous  les  peuples  policés,  l'on  a  com- 
pris que  tout  citoyen  n'était  pas  propre  à 
remplir  les  fonctions  publiques  du  culte  di- 
vin ;  que  ce  ministère  respectable  devait  être 
confié  à  un  corps  particulier  d'hommes  qui 
en  fissent  leur  étude  et  leur  occupation  ;  sur 
ce  point,  la  conduite  des  Egyptiens,  des  Juifs, 
des  Grecs,  des  Romains,  a  été  la  même.  — 
Dans  le  christianisme,  cela  était  encore  plus 
nécessaire.  1°  Pour  enseigner  une  religion 
révélée,  la  mission  est  essentielle,  et  Dieu  la 
donne  à  qui  il  lui  plaît;  Jésus-Christ  ne  l'a 
donnée  qu'à  ses  apôtres  et  à  ses  disciples. 
2"  Les  pouvoirs  de  ces  ministres  sont  surna- 
turels ;  il  n'appartient  pas  à  tout  Cdèlc  de 
remettre  les  péchés,  de  consacrer  le  corps  et 
le  sang  de  Jésus-Christ,  etc.  3°  La  multitude 
des  fonctions  dont  ils  sont  chargés  exige 
qu'ils  s'y  livrent  tout  entiers  ;  l'étude  seule 
des  dogmes  et  des  preuves  de  la  religion,  des 
combats  qui  ont  été  livrés  à  cette  doctrine  , 
de  la  manière  dont  on  doit  la  défendre,  suf- 
fit pour  occuper  un  homme  pendant  toute  sa 
vie.  k'  Les  travaux  apostoliques  des  missions 
doivent  être  continués  jusqu'à  la  fin  des  siè- 
cles :  il  faut  des  hommes  libres  de  tout  autre 
engagement,  et  toujours  prêts  à  porter  au 
loin  la  lumière  de  l'Evangile.  —  Ainsi  en  a 
jugé  notre  divin  législateur.  11  dit  à  ses  apô- 
tres qu'il  les  a  tirés  du  monde,  qu'ils  ne 
sont  plus  de  ce  monde,  etc.  Eux-mêmes  se 
sont  regardés  comme  les /tomme»  de  Dieu, 
dévoués  uniquement  à  son  service  et  au  sa- 
lut de  leurs  frères.  Leurs  premiers  dis- 
ciples, saint  Clément  et  saint  Ignace,  ont 
clairement  distingué  les  évèques,  les  pré- 
Ires,  les  diacres,  et  nous  montrent  la  hié- 
rarchie comme  établie  parles  apôtres.  Cette 
discipline  n'a  jamais  varié.  Ce  n'est  pas  ici 
le  lieu  de  développer  toutes  ces  preuves,  ni 
de  répondre  en  détail  à  toutes  les  subtilités 
par  lesquelles  les  luthériens  et  les  calvinistes 
ont  tâché  d'en  détourner  les  conséquences. 
Ils  ont  été  réfutés  non-seulement  par  les  ca- 
tholiques ,  mais  par  les  anglicans  qui  ont 
conservé  la  hiérarchie. 

Mais  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de 
mettre  sous  les  yeux  des  lecteurs  le  tableau 
que  la  plupart  des  prolestants  ont  tracé  des 
mœurs  du  clergé  dans  tous  les  siècles,  depuis 
la  naissance  de  l'Eglise  jusqu'à  celle  de  la 
prétendue  reforme;  leur  dessein  a  été  de 
prouver  que  leur  séparation  d'avec  les  pas- 
leurs  catholiques  était  indispensable  ;  qu'il 
n'y  avait  point  d'autre  moyen  de  corriijer  les 
vices  et  les  abus;  nous  verrons  s'ils  sont  ve- 
nus à  bout  (le  le  démontrer.  Coitimniçons 
par  queliiues  réilexions  générales  sim  l'injus- 
lice  de  leur  procédé;  elles  serviront  aussi  à 
faire  Yuir  lu  Icuicrilé  des  incrédule» ,  ijui  ré' 


921 


CLE 


CLE 


m 


pèlenl  les  mêmes  reproches.  —  1*  11  y  a  de 
l'injustice  à  prétendre  que  la  saint(!té  du  mi- 
nistère pcclésiastique  doit  changer  en  d'au- 
tres hommes  ceux  qui  en  sont  chargés,  et 
éloulTer  en  eux  toutes  les  imperfections  de 
riiumanité  ;  que  Jésus-Christ  a  dû  perpétuer 
en  eux,  par  l'ordination  ,  le  même  proilige 
qu'il  avait  opéré  dans  ses  apôtres  par  la 
descente  du  Saint-Esprit.  S'il  avait  voulu  que 
les  hommes  fussent  gouvernés  par  des  an- 
ges, il  en  aurait  envoyé,  sans  doute;  mais 
des  anges  mômes  ne  seraient  pas  à  couvert 
des  attaques  de  la  malignité  des  incrédules, 
(leux-ci  ont  fait  contre  les  apôtres  et  contre 
Jésus-ChrisI  même  ia  plupart  des  calomnies 
que  l'on  a  forgées  contre  leurs  successeurs. 
—2°  il  y  a  de  l'impiété  à  vouloir  nous  per- 
suader que  dès  le  ir  ou  le  iir'  siècle,  Jésus- 
Christ  a  été  infidèle  aux  promesses  qu'il 
avait  faites  à  son  Eglise,  et  qu'au  lieu  de  lui 
donner  des  pasteurs  capables  delà  sanctifier, 
il  a  laissé  tomber  sou  troupeau  entre  les 
mains  de  loups  dévorants,  qui  n'étaient  pro- 
pres qu'à  corrompre  la  foi  et  les  mœurs.  — 
3'  C'est  une  absurdité  d'argumenter  sur  des 
faits  particuliers,  sur  quelques  désordres  ar- 
rivés parmi  le  clergé  d'une  seule  église,  et 
de  conclure  que  le  même  scandale  régnait 
partout  ailleurs.  Au  m"  siècle,  l'abus  des 
agapètcs  ou  des  femmes  suus-introduites  , 
parait  n'avoir  eu  lieu  que  dans  quelques 
Eglises  d'Afrique,  et  il  ne  fut  imité  que  par 
Paul  de  Samosate  (Dodwel, /^is^er^  3,  Cy- 
prian.,  etc.)  ;  et  l'on  en  parle  aujourd'hui 
comme  d'un  dérèglement  général  du  clergé 
de  ce  temps-là.  C'en  est  une  autre  de  vouloir 
prouver  la  corruption  des  ecclésiastiques , 
par  les  lois  qui  ont  été  faites  pour  la  préve- 
nir ;  un  seul  crime  connu  a  suffi  pour  alar- 
mer le  zèle  des  évêques,  et  pour  engager  les 
conciles  à  le  proscrire.  Parce  que  saint  Paul 
a  fait  rénumération  des  vices  auxquels  un 
ministre  des  autels  pouvait  être  sujet,  con- 
clurons-nous qu'il  y  avait  déjà  pour  lors  des 
évêques  et  des  prêtres  très-vicieux?— i'C'est 
une  marque  d'entêtement  et  de  prévention 
d'ajouter  foi  à  ce  que  les  historiens  on  dit  des 
vices  de  quelques  ecclésiastiques,  et  de  refu- 
ser toute  croyance  au  témoignage  qu'ils  ont 
rendu  des  vertus  et  de  la  sainteté  des  autres. 
Dans  tous  les  temps  il  y  a  eu  des  scandales  , 
il  y  en  aura  toujours,  Jésus-Christ  l'a  prédit; 
mais  il  y  a  eu  aussi  de  grandes  vertus  :  les 
prolestants  ne  parlent  que  du  mal,  ils  le  re- 
cherchent avec  soin,  et  ils  l'exagèrent;  ils  ne 
tiennent  aucun  compte  des  actions  vertueu- 
ses, ils  les  passent  sous  silence,  ou  ils  en 
empoisonnent  les  motifs,  et  ils  ont  donné  ce 
bel  exemple  aux  incréilules;  ils  ont  ainsi 
leussi  à  l'aire  de  leurs  histoires  ecclésiasti- 
ques autant  de  chroniques  scandaleuses. — 
5'  Est-il  juste  d'attribuer  aux  mauvais  exem- 
ples ilu  clergé  une  corruption  de  mœurs  qui 
est  évidemment  venue  d'une  autre  cause,  de 
l'irruption  des  barbares,  de  l'ignorance  et 
des  désordres  ((ui  s'ensuivirent  ?  Uévolution 
terrible,  qui  changea  la  face  de  l'Europe  en- 
tière, par  laquelle  les  ecclésiastiques  lurent 
culra'iués  aussi  bieu  que  les  laïques ,  et  qui 


faillit  à  détruire  absolument  le  christianisme. 
Pour  ne  parler  que  de  nos  climats,  depuis  le 
y  siècle,  il  y  a  eu  trois  ou  quatre  pestes  gé- 
nérales en  France  ;  dans  le  viii"  et  le  ix',  les 
Normands,  le»  Sarrasins,  les  Hongrois,  ont 
porté  la  désolation  dans  presque  toute  l'Eu- 
rope. Dans  ces  temps  de  ravages,  il  est  im- 
possible (jue  la  discipline  soit  observée  en  ri- 
gueur, et  que  les  mœurs  ne  se  relâchent  par- 
mi les  minisires  de  la  religion.  —  6°  Est-il 
juste  enfin  de  reprocher  avec  tant  d'aigreur 
au  clergé  catholique  des  vices  dont  les  refor- 
mateurs et  leurs  disciples  ont  été  pour  le 
moins  aussi  coupables,  pendant  que  l'ou 
cherche  à  les  pallier  et  à  les  excuser  dans 
ces  derniers  ? 

\'oilà  ce  que  nous  avons  à  reprocher  aux 
protestants,  et  eu  particulier  à  Rlosheim,  qui 
est  aujourd'hui  leur  oracle.  Le  portrait  qu'il 
a  fait  des  ecclésiastiques  dans  tous  les  temps 
est  remarquable;  sous  chaque  siècle  de  son 
histoire  ecclésiastique,  il  y  a  toujours  un  ar- 
ticle des  vices  du  clergé,  et  il  n'y  est  jamais 
question  de  ses  vertus  :  Basnag(!  n'a  pas  été 
plus  équitable.  —  Mosheim  commence  par 
s upposerqu'aui"  siècle,  du  temps  des  apôtres, 
les  ecclésiastiques  n'avaient  aucune  supé- 
riorité d'ordre,  de  caractère  ni  d'autorité  sur 
les  simples  fldèles  ;  que  les  prêtres  étaient 
seulement  les  anciens,  et  les  évêques  de  sim- 
ples surveillants  ;  que  le  gouvernement  de 
l'Eglise  était  alors  purement  démocratique  , 
tel  qu'il  a  plu  aux  protestants  de  l'étalilir  :  fait 
absolument  faux,  contredit  par  l'Evangile  et 
par  les  lettres  de  saint  Paul.  loi/.  Gouverne- 

JIENT    ECCLÉSIASTIQUE,  UlÉUARCIlIE,   LOIS,  CtC. 

C'est  de  là  néanmoins  que  partent  Mosheim 
et  Basnage,  pour  invectiver  contre  le  clergé. 
Dès  le  II''  siècle,  disent-ils,  ou  plutôt  immé- 
diatement après  laniinede  Jérusalem, l'an  70, 
les  docteurs  chrétiens  persuadèrent  au  peuple 
que  les  ministres  de  l'Eglise  chrétien  ne  a  valent 
succédé  au  caractère,  aux  droits,  aux  privilè- 
ges et  à  l'autorité  des  prêtres  juifs  ;  les  évêques 
rassembles  en  concile  s'arrogèrent  le  droit 
de  faire  des  lois  et  d'y  assujettir  les  fidèles  ; 
on  ne  peut  les  excuser,  disent-ils  encore, que 
sur  la  droiture  de  leurs  intentions.  —  Or,  les 
docteurs  chrétiens  de  ce  temps-là  étaient 
saint  Clément  de  Kome,  saint  Ignace,  saint 
Polycarpe,  disciples  immédiats  des  apôtres, 
dont  nous  avons  les  leltrei  ;  ce  sont  eux  qui 
ont  commencé  à  changer  le  gouvernement 
que  Jésus-Christ  avait  établi  ;  et  saint  Jean  , 
qui  vivait  encore,  a  souffert  cette  prévarica- 
tion sans  se  plaindre  et  sans  en  avertir  ;  le 
Saint-Esprit  qu'il  avait  reçu  ne  lui  a  pas 
révélé  les  maux  qui  devaient  s'ensuivre  de 
ce  germe  d'ambition  né  parmi  les  évêques, 
duquel  cependant,  si  nous  en  croyons  Mos- 
heim et  ses  pareils,  sont  nés  tous  les  vices 
du  clergé  et  toutes  les  plaies  de  l'Eglise.  — 
En  effet,  il  dit  qu'au  iii*^  siècle  saint  Cyprien 
et  d'autres  évêques  s'arrogèrent  toute  l'au- 
torité, en  dé|;ouillèrent  les  prêtres  et  le  peu- 
ple ;  que  de  là  naquirent  le  luxe,  la  mol- 
lesse, la  vanité,  l'ambition,  les  haines  et  les 
disputes  entre  les  pasteurs;  que  la  corrup- 
tion s'empara  de  tous  les  membres  du  corps 


923 


CLÏ, 


CLE 


921 


ecclésiaslique.  11  cite  en  preuve  Orii^ène  el 
Eusèl>€,  il  pouvait  y  ajouter  saint  Cyprien 
lui-aiêiiie.qui  reprochent  aux  pasteurs  leurs 
disputes  et  les  autres  vices  dans  lesquels  ils 
claieut  tombés  avant  la  persécution  de  Dio- 
clctien.  C'est  dans  ce  mênie  temps  que  saint 
Cyprien  tonna  contre  les  désordres  des  clercs 
qui  vivaii  nt  avec  des  femmes,  ou  avec  de 
prétendues  vierges  qu'ils  tenaient  chez  eux. 
—  Il  est  d'ahord  difficile  de  (  oaiprcndre  com- 
ment les  prêtres  et  le  peuple  ,  dépouillés  de 
leur  ancienne  autorité,  eu  sont  devenus  plus 
vigoureuK  ;  l'ambition  des  évêques  ne  pou- 
vait influer  que  sur  leurs  mœurs,  et  non  sur 
celles  du  bas  clergé.  On  ne  conçoit  pas  mieux 
comment  l'ambition,  source  de  tous  les  vices, 
a  pu  se  concilier,  dans  saint  Cyprien,  avec 
la  pureté  et  l'austérité  des  mœurs  dont  il  a 
fait  profession  ;  est-ce  à  lui  que  l'on  peut  re- 
procher du  luxe,  de  la  mollesse,  de  la  cor- 
ruption? Si,  dès  ce  temps-là,  les  mœurs  dis 
clercs  comnionçaii'Ut  à  se  conomprc,  les  é\è- 
ques  n'avaient  pas  tort  de  chercher  à  répri- 
mer ce  désordre  par  des  lois  ;  c'est  un  devoir 
que  saint  Paul  leur  avait  prescrit  dans  ses 
lettres  à  Tite  et  à  limothée.  Les  décrets  por- 
tés dans  les  conciles  du  ii'  et  du  iii'=  siècle  ne 
regardaient  pas  seulement  les  simples  fidèles 
et  les  clercs  inférieurs,  mais  les  évéques  eux- 
mêmes  ;  nous,  le  voyons  par  ces  décrets  que 
l'on  nomme  canons  des  apôtres  :  esl-ce  par 
ambition  que  les  évoques  s'imposaient  le  joug 
d'une  discipline  sévi^re?  —  U  y  eut,  dans  ces 
deux  siècles,  des  divisions,  des  schismes,  des 
iiérésies  ;  un  disputa  sur  la  célébration  de  la 
pâque,  sur  le  rigorisme  outré  des  novatiens, 
sur  les  erreurs  des  gnostiques,  des  marcio- 
niles,  des  manichéens,  etc.  ;  mais  les  auteurs 
de  ces  hérésies  et  de  ces  schismes  ne  furent 
pas  des  évéques  ;  ceuv-ci  s'y  opposèrent  :  la 
question  est  île  savoir  s'ils  le  firent  par  de 
mauvais  motifs,  ou  par  attachemciit  à  la  doc- 
trine, aux.  leçons  et  à  la  pratique  des  apô- 
tres. Devaient-ils  laisser  de  mauvais  philoso- 
phes et  des  dispulours  téméraires  dogmatiser 
à  leur  gré?  Dans  ces  temps  de  persécution, 
plusieurs  ministres  de  l'Kglise  furent  obligés, 
pour  subsister,  d'exercer  des  arts,  des  mé- 
tiers, ou  défaire  quelque  commerce;  d'au- 
tres furent  réduits  à  fuir  et  ù  s'expatrier  : 
Icur.s  mœurs  purent  en  souffrir;  mais  ce 
qu'on  disent  Origèuo,  Eusèbe  et  d'autres,  ne 
prouve  pas  que  la  corruption  fût  générale 
parmi  les  membres  du  corps  ecclésiaslique  , 
comme  le  iirétendent  les  protestants  ;  ces 
auteurs  n'avaient  pus  parcouru  toutes  les 
Eglises  du  monde  pour  savoir  ce  qui  s'y 
passait. 

Au  iV'  siècle,  après  la  conversion  de  Cons- 
tantin, les  évêques  fiéquenlèrenl  la  cour,  de- 
vinrent riches  et  puissants  ;  ils  s'emparèrent 
de  tout  le  gouvernement  des  lîgliscs,  et  vou- 
lurent dominer  dans  les  conciles  :  les  empe- 
reurs se  mêlèrent  des  affaires  ecclésiasii- 
qucs  ;  les  papes  se  rendirent  importants  par 
la  ricliesse  de  leur  Mgiisr  ;  les  c\éques  de 
Cu:ist;intinoplc  firent  de  même  ;  tous  iuiilè- 
rciil  le  luxe  et  le  fasle  des  gramU  <.u  monde; 
ieb  priucipaux.  voulurent  être  patriarches, 


afin  de  se  donner  un  nouveau  degré  d'auto- 
rité, et  ils  ne  cessèrent  de  se  disputer  sur 
les  limites  de  leur  juridiction.  —  Il  y  a  quel- 
que chose  de  vrai  dans  ces  reproches  ;  mais 
encore  une  fois,  il  est  absurde  de  lirer  une 
conséquence  générale  de  quelques  faits  par- 
ticuliers. Nous  ne  voyons  pas  que  les  évê- 
ques d'Afrique,  d'Espagne,  des  Gaules,  de 
l'Angleterre ,  aient  beaucoup  fréquenté  la 
cour  des  empereurs  ;  que  prouve  contre  eux 
le  faste  de  quelques  évoques  orientaux  ?  Ceux 
qui  ont  donné  dans  ce  travers  ont  été  très- 
mal  notés  par  les  écrivains  ecclésiastiques  ; 
preuve  que  ce  désordre  n'était  pas  très-com- 
mun. 11  ne  faut  pas  oublier  que  le  iv  siècle 
a  été  le  plus  remarquable  par  la  multitude 
des  grands  et  saints  évêques  qui  ont  paru 
même  en  Orient  ;  la  plupart  avaient  été  moi- 
nes, et  ils  conservèrent  sur  leur  siège  la  pau- 
vreté, la  simplicité  et  l'austérité  delà  \ic 
monastique.  C'est  par  l'i  même  qu'ils  déplai- 
sent aux  protestants.  Ces  censeurs  bizarres 
ne  peuvent  soulîrir  ni  la  vie  un  peu  trop 
mondaine  de  quelques  évéques,  ni  les  mœurs 
austères  et  mortifiées  des  autres,  ni  les  ver- 
tus paisibles  du  plus  grand  nombre,  ni  le  zèle 
actif  et  laborieux  de  ceux  qui  occupaient  les 
premières  places.  D'ailleurs  il  y  avait  déjà 
pour  lors  des  pasteurs  du  second  ordre,  des 
chorêvéques  qni  remilissaienl,  à  l'égard  des 
peuples  de  la  campagne,  les  mêmes  fonctions 
qu'e\crcent  aujourd'hui  les  curés  ;  les  fau- 
tes de  leurs  supérieurs  ne  doivent  pas  re- 
tomber sur  cuv.  Knfiii,  c'était  le  peuple  qui 
élisait  les  évêiiues  ;  il  est  diflicile  de  croire 
qu'il  choisissait  ordinairement  des  hommes 
vicieux. 

Au  commencenienl  du  V  siècle  ,  les  barba- 
res se  répandirent  dans  l'Occident  et  s'y  éta- 
blirenl.On  dit  .(uc  leurs  rois  augmenlèrenl 
les  i)riviléges  des  évéques,  par  un  reste  de 
leur  superstition,  et  en  vertu  du  respect  qu  ils 
avaient  en  pour  les  piètres  de  leurs  dieux. 
Mais  est-il  cenaiii  que  le  mérite  personnel  des 
évêques  n'y  entr.i  pour  .  ien?Lessainls  Uemi  de 
lleims,  tjermain  d'Auxerre,  Loup  delroyes, 
Eucher  de  l.\on,  Agn:,n  d'Orléar*s,  Sidoine 
Apollinaire  de  Clermont,  Mamert  de  Vienne, 
Honorât  et  llilaire  d'Arles,  etc.,  étaient  pour 
lors  l'ornement  du  clergé  des  (jaules  ;  leur 
vertu,  et  non  leur  fas'le,  imprima  le  respect 
aux  barbares,  méuie  avant  la  conversion  de 
ceux-ci,  cl  ces  saints  évê(iues  étaient  trop 
zélés  pour  soulîrir,  parmi  les  ccclésiasliiiues', 
le  luxe,  l'ai  rogancu,  l'avarice,  le  liherlina:;e, 
dont  Mosheimles  accuse  sans  (ireuve  et  con- 
tre tuiite  vérité.  Lorsqu'il  dit  que  tous  ces 
évêques  no  furent  regardes  comme  saints,  et 
respectés  que  par  l'ignorance  des  peuples,  il 
oublie  que  dans  l'Ojcidenl  le  v  siècle  a  élé 
le  plus  éckiiré  de  tous,  et  il  en  fournit  lui- 
mêii,e  les  preuves  [Jlisloire  eccUisiasl'iqnc , 
v  siècle,  :2'  pari.,  c.  1  ut  2  j.  Lursiju'il  accuso 
d'orgueil  saint  Martin,  parce  qu  il  élevait  lo 
•sa<:erd  ,ce  au-dessus  île  la  royauté,  et  saint 
Léon  d'une  ambition  s.ais  liurnes.  parce  qu'il 
soutint  Us  droits  de  son  siège  ,  il  :c  montre 
aussi  mauvais  juge  de  la  \erlu  ijue  des  la- 
Icnls. 


r 


923 


CLE 


CLE 


9-20 


Il  prétend  que,  pendant  le  vr  siècle ,  les 
ecclésiastiques  ne  pensèrent  qu'à  établir  des 
superstitions  lucratives,  que  leurs  désordres 
sont  prouvés  par  la  quantité  de  lois  portées 
contre  eux  par  les  conciles  ;  nous  avons  déjà 
observé  <iue  ces  lois  ne  prouvent  autre  chose 
que  la  vigilance  des  évéqufs  et  le  zèle  qu'ils 
ont  eu  pour  le  maintien  de  la  discipline.  Il  y 
eut  des  schismes  à  Uonie  pour  la  papauté  ; 
uiais  quelle  eti  l'ut  la  cause?  le  despotisme 
des  empereurs  et  l'ambition  des  grands,  qui 
voulurenl  disposer  de  cette  dignité,  et  gêner 
les  suflVaj'es  liu  clergé  et  du  jjcuple.  IMosheim 
pousse  l'iMitètement  jusqu'à  dire  que  les  moi- 
nes, quoique  vicieux,  fanatiques,  intrigants, 
remuants  et  perdus  de  débauche,  étaient  ce- 
pendant très-rcspectés;  nous  soutenons  que 
s'ils  avaieni  été  vicieux  pour  la  plupart ,  ils 
auraient  été  méprisés  et  détestés.  —  Il  répète 
la  même  absurdité,  lorsqu'il  reproche  au 
clergé  ii\i  vn'  siècle  l'ambition,  une  avarice 
insatiable,  des  fraudés  pieuses,  uu  orgueil 
insupportable,  un  mépris  insolent  des  droits 
du  peuple.  Ce  ne  sont  point  les  ecclésiasti- 
ques, mais  les  guerriers  sous  le  nom  de  no- 
bles, qui  ont  opprimé  le  peuple,  qui  ont  re- 
gardé comme  esclave  quiconque  ne  portait 
pas  les  armes.  Le  plus  grand  fléau  de  l'ii- 
glise  a  été  l'ambition  de  ces  mêmes  nobles 
d'envahir  toutes  les  dignités  ecclésiastiques  ; 
mais  l'atlribuerons-nous  au  clergé,  qui  en  a 
été  la  victime,  plutô!  qu'au  caractère  brutal 
et  féroce  des  barbares  ?  Lorsque  Moslieim  a 
cru  voir  du  relâchement  parmi  les  moines  , 
il  a  déclamé  contre  ce  désordre  ;  quand  il  n'j 
a  vu  que  la  solitude,  le  recueillement,  l'aus- 
térité, le  travail,  il  leur  a  reproché  une  ajjec- 
talion  pliurisaique  de  piété  ;  mais  le  vrai  ca- 
ractère pharisaïque  est  de  calomnier  mal  à 
propos.  Il  dit  que  dans  ce  siècle  les  parents 
avaient  la  fureur  de  mettre  leurs  enfants 
dans  les  cloîtres  ;  la  raison  en  est  fort  sim- 
ple, c'est  qu'ils  ne  pouvaient  leur  faire  don- 
ner ailleurs  une  éducation  chrétienne.  11  dit 
que  des  scélérats  s'y  retirèrent  par  une  vaine 
espérance  d'obtenir  le  pardon  de  leurs  cri- 
mes ;  eûl-il  mieux  valu  qu'ils  les  continuas- 
sent que  d'aller  en  faire  pénitence? 

Selon  lui,  on  ne  voit,  dans  le  clercjé  An 
vm"  siècle,  que  luxe,  gloutonnerie  ,  incon- 
tiuence,  goût  pour  la  guerre  il  pour  la 
chasse.  Il  est  à  présumer,  en  effet,  que  plu- 
sieurs de  ceux  qui  furent  intrus  dans  les  évê- 
(  hés  el  dans  les  prélatures,  par  la  tyrannie 
des  nobles,  y  portèreut  les  vices  de  leur  édu- 
cition.  Mais  il  y  a  des  preuves  positives  que 
ce  désordre,  trop  commun  dans  les  Gaules  , 
ne  fut  pas  le  même  partout  ailleurs  ;  pour  y 
remédier,  on  tira  des  moines  de  leur  cloître, 
et  on  leur  confia  le  gouvernement  des  Kgli- 
scs  ;  Charlemagne  fol  le  premier  à  rendre 
justice  aux  talents  et  à  la  vertu.  Le  vénéra- 
ble Bède  ;  Egbcrt,  évéque  d'York;  Alcuiu  , 
précepteur  de  (.harlemagne  ;  saint  Bonifaco, 
archevêque  de  Alaycnce  ;  saint  Chrodegand  , 
évéque  de  .Metz;  Tliéo(lnl[)he  ,  évéque  d'Or- 
léans; saint  l'aulin  d'Aquilée  ;  Ambroise 
Aulperl,  Paul  diacre,  etc.,  se  distinguèrent 
par  leur  zèle  et  par  leurs  travaux.  Si  leurs 


écrits  ne  sont  pas  des  modèles  d'éloquence 
ni  d'érudition,  ils  respirent  du  miiins  la  piété 
l;i  plus  sincère.  —  On  imagine  que  les  do- 
nations qui  furent  faites  aux  Eglises  étaient 
un  effet  de  l'ambition  des  clercs,  qui  ensei- 
gnaient que  c'était  le  meilleur  moyen  d'etîa- 
ccr  les  péchés  ;  nous  pensons,  au  iontrair(^, 
que  la  plupart  étaient  des  restitutions.  Sou- 
vent la  clause,  si  comniune  dans  les  chartes, 
pro  remedio  animœ  meœ,  ne  signifie  pas,  })our 
obtenir  le  pardon  de  mes  péchés  ,  mais  punr 
acijnilti'r  ma  cvnscicncc,  en  restituant  ce  qui 
ne  m'appartient  pas.  Rlosheim  convient  (juc 
plusieurs  évêques  parvinrent  à  la  dignité  de 
princes,  parce  que  les  rois  et  les  empereurs 
comptaient  plus  sur  leur  fidélité  que  sur  celle 
de  leurs  barons  ;  ils  ne  se  trompaient  pas,  et 
ce  motif  ne  fait  pas  déshonneur  au  clenjé. 

Nous  convenons  que  ce  n'est  pas  dans  le 
ix°  siècle  qu'il  a  brillé  davantage.  Les  guer- 
res causées  par  le  partage  de  la  succession 
de  Charlemagne,  les  incursions  des  Nor- 
mands el  des  autres  Barbares ,  l'ignorance 
du  peuple  et  des  nobles,  l'intrusion  de  ceux-ci 
dans  les  evêchés,  le  pillage  qu'ils  firent  des 
biens  ecclésiastiques,  furent  autant  de  fléaux 
pour  l'Eglise  aussi  bien  que  pour  la  société 
civile  ;  le  oncile  de  Trosley,  tenu  en  909, 
attribue  à  celte  môme  cause  le  dérèglement 
des  moines.  On  publia  de  fausses  légendes, 
de  fausses  reliques ,  de  faux  miracles,  on 
donna  dans  les  dévotions  minutieuses  et  pu- 
rement extérieures ,  etc.';  mais  nous  soute- 
iions  que,  dans  tous  ces  abus,  il  entra  moins 
de  fraudes  pieuses  que  de  traits  d'ignorance 
et  de  crédulité  aveugle.  Ceux  qui  tentèrent 
de  remédier  au  mal  ne  purent  faire  que  de 
vains  efforts  ;  et  le  siège  de  Rome  se  ressen- 
tit du  malheur  commun  autant  que  les  au- 
tres :  à  qui  |)eut-on  s'en  prendre? 

Il  y  a  donc  de  l'injustice  et  de  la  malignité 
à  soutenir,  comme  fait  Mosheim,  que  les 
papes,  devenus  des  monstres,  furent  la  cause 
de  l'ignorance  et  des  vices  du  clergé  dans  le 
X  siècle.  Le  mal  datait  de  plus  loin,  et  plu- 
sieurs papes  firent  ce  qu'ils  purent  pour  en 
arrêter  Us  progrès.  Ont-ils  eu  quelque  part 
à  la  dégradation,  à  l'ignorance,  aux  vices  du 
clergé  dans  l'Orient,  où  ils  n'avaient  plus 
aucune  inlluence?  Tous  les  scandales  arrivés 
à  Rome  furent  l'ouvrage  des  tyrans  qui  rava- 
geaient l'Italie,  qui  disposaient  de  la  papauté 
comme  de  leur  patrimoine,  qui  la  donnaient 
exprès  à  des  sujets  vicieux,  de  peur  que  des 
papes  plus  respectables  par  leurs  mœurs  ne 
prissent  trop  d'ascendant  sureux.  Une  preuve 
que  les  désordres  lia  clergé  venaient  du  pil- 
lage des  biens  ecclésiastiques,  c'est  que  les 
conciles,  qui  ont  noté  d'infamie  le  concubi- 
nage des  clercs,  ont  condamné  en  même 
temps  la  simonie  qui  en  fut  toujours  insépa- 
rable; et  cette  tyrannie  des  séculiers  est 
avouée  par  Mosheim  lui-même,  x''  siècle, 
u  pari.,  c.  2,  §  10.  Ces  deux  vices  régnaient 
principalement  en  Allemagne,  où  la  religion, 
dit  M.  FIcury,  avait  toujours  été  plus  faible. 
C'est  ce  (jui  rendit  le  cleri/é  de  ce  pays-là  si 
furieux  contre  Grégoire  VU,  qui  voulait  le 
réformer.  Mœurs  des  chrétiens,  n"  C2. 


927 


CLE 


Ces  désordres  furent  à  peu  près  les  mêmes 
dans  le  xi*  et  le  xir  sièrie  ;  mais  dans  ces 
temps  même  de  confusion  et  de  brigandage  il 
y  eut  un  grand  nombre  de  personnages 
respectables  dans  le  clergé,  soit  séculier,  soit 
régulier.  11  est  de  la  bonne  foi  d'avouer  que, 
pendant  la  famine  de  l'an  1032,  la  charité 
des  évéques  et  des  abbés  fut  poussée  jusqu'à 
riiéroïsme  {Histoire  de  l'Eglise  gallic,  tom. 
VII,  liv.  xs,  an.  1031).  —  Les  querelles 
entre  l'empire  et  le  sacerdoce,  dont  les  pro- 
testants ont  fait. tant  de  bruit,  sont  venues  de 
ce  que  les  empereurs  voulaient  avoir  à  Rome, 
non-seulement  la  puissance  ci  vile,  mais  encore 
le  droit  de  disposer  arbitrairement  du  i>on(i- 
ficat  ;  les  malheurs  qui  avaient  résulté  de 
celte  prétention  faisaient  sentir  aux  papes  et 
au  clergé  la  nécessité  de  s'y  opposer.  Si  la 
plupart  de  ces  pontifes  ne  furent  pas  des 
hommes  irès-verlueux,  les  princes  contre 
lesquels  ils  disputaient  valaient  encore 
moins  :  nous  ne  voyons  pas  ce  que  la  religion, 
les  mœurs,  la  police  y  auraient  gagné,  si  ces 
despotes  ambitieux  étaient  venus  à  bout 
d'asservir  l'Eglise  pour  toujours.  Les  papes 
voulurent  disposer  de  tous  les  bénéfices  , 
parce  que  les  princes  séculiers  y  pourvoyaient 
fort  mal. 

Au  xiii'i  siècle,  on  fit  des  projets  et  des 
tentatives  de  réforme,  mais  avec  peu  de  suceès. 
Cela  donna  naissante  aux  ordres  de  reli- 
gieux mendiants,  et  Mosheim  avoue  qu'ils 
gagnèrent,  par  l'austérité  de  leurs  mœurs, 
la  confiance  des  peuples.  Malheureusement 
ce  remède  n'était  pas  suffisant  pour  tout  répa- 
rer, et  le  grand  schisme  d'Occident,  survenu 
pendantle  xiv  siècle,  rendit  la  réforme  à  peu 
près  impossible.  On  sait  d'ailleurs  que  la  peste 
noire,  qui  régna  l'an  13'+8  et  les  deux  années 
suivantes,  eut  des  suites  terribles,  et  fut  une 
des  principales  causes  du  relâchement  qui 
s'introduisit  parmi  le  clergé  cl  dans  les  mo- 
nastères. Voy.  l'Histoire  de  l'Eglise  gallic, 
tom.  XIII  ,  liv.  XXXIX.  Mosheim  n'a  pas 
daigné  en  dire  un  seul  mot.  Quel  remèle  la 
prudence  humaine  peut-elle  opposera  de 
pareils  fléaux'?  Ce  fut  un  sujet  pour  tous  les 
sectaires  de  déclamer  avec  emportement 
contre  les  vices  et  les  abus  du  clergé;  mais 
faut-il  regarder  toutes  ces  invectives,  dictées 
par  une  ignorance  furieuse,  comme  de  fortes 
preuves  de  la  corruption  générale  de  l'état 
ecclésiastique?  Kllcs  continuèrent  pendant 
le  XV'  siècle.  Cependant,  quand  on  considère 
d'un  côté  la  liste  des  conciles  qui  furent 
tenus  pendant  ces  trois  siècles,  et  la  teneur 
de  leurs  décrets;  de  l'autre,  le  catalogue  des 
écrivains  ecclésiastiques,  et  rol>jct  de  leurs 
ouvrages;  en  troisième  iieu,  le  noiiilirc  des 
saints  dont  les  vertus  furent  authentiquement 
reconnues,  on  est  forcé  de  penser  que  les 
clameurs  des  vaudois,  des  albigeois,  des 
lollards,  des  wielélites,  des  hiissiles  et  d'au- 
tres fanatiques  semblables,  ne  iiiéiilenl  pas 
beaucoup  d'attention,  et  que  les  prolestants 
ont  lrès.»grand  tort  de  nous  les  <loniier  comme 
un  litre  aulheiili(iue  de  la  mission  des  réfor- 
mateurs. 

Enfiu  parut,  (laos  le  xyi  siècle,  la  grande 


CLE  928 

lumière  de  la  réformalion  ;  l'on  sait  quels  eu 
furent  les  auteurs,  par  quels  moyens  elle 
s'exécuta,  et  les  merveilleux  effets  qu'elle  a 
opérés  ;  nous  les  examinerons  dans  leur  lieu. 
Voy.  UÉF0RM4TI0N.  Les  incrédules  mêmes, 
après  avoir  copié  toutes  les  satires  des  pro- 
testants contre  le  clergé,  ont  tourné  en  ridi- 
cule le  ton  de  jactance  de  ces  prétendus 
réparateurs  ;  et  plusieurs  écrivains,  nés  dans 
le  protestantisme,  sont  convenus  de  la  li- 
cence des  mœurs  qui  ne  larda  pas  de  s'y  in- 
troduire, et  qui  y  règne  encore.  Où  est  donc 
le  «raiid  bien  quien  estrésulté? 

Mosheim  finit  son  libelle  diffamatoire  par 
nier  l'utilité  des  décrets  du  concile  de  Trente, 
touchant  la  discipline  ;  suivant  son  avis, 
cette  réforme  n'a  rien  opéré,  surtout  à  l'é- 
gard des  évéques.  Quand  cela  serait  vrai  à 
l'égard  des  évéques  d'Allemagne,  qui  sont 
princes  souverains,  que  prouve  leur  exem- 
ple contre  ceux  de  France,  d'Espagne  et 
d'Italie?  D'autres  prolestants  ont  éie  plus 
judicieux;  ils  sont  convenus  que  si,  avant  le 
concile  de  Trente,  le  c/fr^é' avait  étélel  qu'il 
est  aujourd'hui,  il  n'y  aurait  pas  eu  lieu  a  la 
préîendue  réforme  de  Luther  et  de  Calvin. 

Quelques  incrédules  ont  poussé  la  mali- 
gnité encore  plus  loin  ;  ils  ont  prétendu  prou- 
ver que  l'état  ecclésiastique,  par  lui-même, 
est  essentiellemeiil  mauvais.  —  1"  Ils  disent 
que  des  pouvoirs  tels  que  le  clergé  se  les 
attribue  doivent  nécessairement  ins|)irer  de 
l'orgueil  à  un  ecclésiastique,  le  rendre  ambi- 
tieux, fourbe,  hypocrite  et  foncièrement  vi- 
cieux. Si  ce  reproche  était  sensé,  il  retom- 
berait sur  Jésus-Christ  même,  puisque  c'est 
lui  qui  a  donné  aux  pasteurs  de  l'Eglise  les 
pouvoirs  d'instruire,  de  remettre  les  péchés, 
de  reprendre  et  de  corriger.  11  leur  a  dit, 
dans  la  .personne  de  ses  a|iôtres  :  Celui  gui 
est  mon  ministre  sera  honoré,  par  mon  Père 
{Joan.  XII,  26).  Mon  Père  vous  uime,  parce 
que  vaut  m'avez  aimé  et  avez  cru  en  moi 
(xvi,  27).  iMais  il  a  eu  soin  de  réprimer  eu 
eux  l'orgueil  et  l'ambition,  en  les  avertis- 
sant que  celui  qui  veut  être  le  premier,  doit 
se  rendre  le  dernier  et  le  serviteur  de  tous 
[Mutth.  XX,  26).  Si  un  homme  embrasse 
l'état  ecclésiastique  par  intérêt,  par  ambi- 
tion, sans  un  désir  sincère  d'en  remplir  les 
devoirs,  il  était  déjà  vicieux  avant  d'y  entrer; 
ce  n'est  pas  la  cléricature  qui  l'a  rendu  tel. 
Il  est  absurde  de  dire  qu'un  état  dont  tous 
les  devoirs  sont  des  actes  de  vertu,  peut 
rendre  un  homme  vicieux.  La  seule  ambi- 
tion permise  est  d'être  utile  ;  tant  que  le 
clergé  continuera  de  l'élre,  il  sera  honoré  en 
dépit  de  ses  ennemis.  2'  Ils  prétendent  i|ue 
le  clergé  est  un  corps  étranger  à  l'Etat,  et 
qui  se  regarde  comme  tel;  que  les  intérêts 
particuliers  de  ce  corps  éloulTent,  dans  un 
ecclésiastique,  tout  zèle  de  rinlérêt  public, 
le  rendent  mauvais  sujet  et  mauvais  citoyen. 
—  Il  n'est  pas  aisé  de  comprendre  comment 
un  corps  dévoué  au  service  du  public  ou  de 
l'Etat,  (|ui  subsiste  aux  dépens  de  l'Iîtat,  qui 
doit  dunner  l'evemple  de  la  soumission  aux 
lois  civiles  et  au  gouveriuiiienl ,  peut  se 
croire  étranger  à  l'Etat.  Ou  pourrait,   avcfl 


029 


cr.E 


CLE 


930 


autant  de  raison,  ou  plutôt  avec  autant  d'ab- 
surdité, faire  le  même  reproche  à  l'état  mili- 
taire, à  celui  de  la  magistrature,  à  cilui  de 
la  noblesse,  qui  tous  ont  des  privilèges  et 
des  intérêts  particuliers.  Souvent  on  a  répété 
que  jamais  le  clergé  n'a  stipulé,  auprès  des 
souverains,  que  |)our  ses  propres  intérêts  ; 
c'est  une  fausseté.  Dans  les  assemblées  de  la 
nation,  {eclergé  n'a  jamais  manqué  do  porter 
aux  pieds  du  irône  les  représentations,  les 
besoins,  les  justes  demamles  du  tiers-élat. 
Dans  les  rommencements  de  la  monarchie, 
les  évêques  furent  presque  toujours  revê- 
tus du  litre  de  défenseur,  chargés  de  sou- 
tenir les  droits,  les  privilèges,  les  intérêts 
des  villes  et  des  eomnuines;  et  jamais  cette 
charge  n'a  été  mieux  remplie  (|ue  par  eux  : 
aujourd'hui  encore  il  n'est  aucun  curé  de 
campagne  qui  ne  rondo  le  même  service  à 
ses  paroissiens.  —  3"  Plusieurs  ont  osé  écrire 
que  le  clergé  esl  toujours  prêt  à  résister  aux 
ordres  du  gouvernement  et  à  se  révolter; 
d'autres  prétendent  que  le  clergé  est  le  plus 
ardent  promoteur  du  despotisme  des  souve- 
rains, et  leur  a  toujours  fourni  des  armes 
pour  opprimer  les  peuples.  —  Deux  accusa- 
lions  contradictoires  n'ont  pas  besoin  de 
réfutation.  Sans  se  révolter,  tout  chrétien  se 
croirait  obligé  de  résister  à  des  ordres  qui 
seraient  contraires  à  la  loi  de  Dieu,  et  de 
mourir  plutôt  que  de  trahir  sa  conscience. 
Excepté  ce  cas,  il  sait,  aussi  bien  que  le 
clergé,  que  Dieu  ordonne  d'clre  soumis  aux 
puissances  supérieures,  etc.  (Rom.  xiir,  Ij. 
Depuis  que  les  philosophes  ont  trouvé  bon 
de  sonner  le  tocsin  contre  le  gouvernement, 
d'enseignerdes  maximes  séditieuses,  de  souf- 
fler l'esprit  de  révolte,  le  clergé  se  croit 
obligé  de  prêcher  l'obéissance  plus  soigneu- 
sement que  jamais. 

D'un  côté,  les  incrédules  ont   représenté 
les  anciens  prophètes  comme  des    rebelles  et 
des  séditieux,    parce  qu'ils  reprochaieiil  aux 
rois  leurs  désordres;  on  a  blâmé  saint  .lean 
Chrysostome  de  la  CL-nsure  qu'il  fit  des  vices 
qui  régnaient    à  la  cour  des  empereurs,    et 
par  laquelle  il  s'attira   la    haine  des  courti- 
sans ;    aujourd'hui  on    se  plaint  de  ce  que  le 
clergé  ne  s'oppose   point  au  des|)otisnie  des 
princes.    On   dit  qu'il    y  a  une  conspiration 
entre   les  ecclésiastiques  et    les  souverains 
pour  opprimer  les  peuples.  Du  moins  ce  n'esl 
pas  \e  clergé  qui    fomente   le  despotisme  des 
princes    mahométans    ou  idolâtres  de  Siam, 
de  laCochinchine,  du  Pégu  ,  de  la  Chine,  du 
Japon,  des  Indes  et  de  l'inlérieurde  l'Afrique: 
il  y  a  bien  de    la  ditïérence  entre  leur  gou- 
vernement et  celui  des  monarques  chrétiens. 
Depuis  que  les  protestants   ont  dépouillé  les 
:   ministres    de   la   religion  de  toule  autorité, 
•^  voyons-nous     les    souverains    d'Allemagne 
;  traiter  leurs  sujets  avec  plus  de  douceur  que 
:   sous  le  règne  du  catholicisme?  C'est  toujours 
îf  eu  écrasant  le  c/frge' que  les  mauvais  princes 
*'  parviennent  au  despotisme. 
'        On  voit,  dans  le  Dictionnnire  de  Jurispru- 
dence, les  privilèges,  les  immunités,    les  dif- 
férents degrés  d'autorité  et  de  juridiction  dont 
jouitle  cJerj/e,  et  qui    émeuvent    la  bile  de 


nos  philosophes  réformateurs;  il  faut,  dit- 
on,  les  supprimer  pour  l'avantage  du  public. 
Mais  comme  l'observe  Irès-bien  un  écrivain 
de  nos  jours,  il  n'y  a  pas  un  abus,  pas  une 
loi  injuste,  pas  un  genre  d'oppression  ,  pas 
une  espèce  d'iniquité  publique,  à  conunencer 
depuis  le  despotisme  jusqu'à  l'anarchie,  ((ui 
n'ait  eu  pour  prétexte  le  bien  général,  l'in- 
térêt des  hommes,  le  bonheur  des  sociétés. 
Il  n'y  a  point  d'autre  bien  public  que  l'ob- 
seivation  de  la  loi  naturelle.  Or,  selon  cette 
loi,  on  ne  pourrait  toucher  aux  privilèges 
des  ecclésiastiques,  sans  révoquer  aussi  ceux 
de  même  nature  qui  ont  été  donnés  à  la 
noblesse,  aux  charges  de  magistrature  et  à 
d'autres  litres  (1). 

Il  est  bon  de  se  souvenir  que  le  nom  de 
clerc,  donné  dans  les  bas  siècles  à  tout  homme 
lettré,  et  celui  de  clergie,  qui  désignait  toule 
espèce  de  science,  sont  un  lémoigiiage  irré- 
cusable des  services  que  les  ecclésiastiques 
ont  rendus  à  l'Europe  entière  après  l'inon- 
dation des  Barbares;  si  la  religion  ne  les 
avait  pas  obligés  à  l'élude,  toute  connais- 
sance aurait  été  anéantie.  Mais  depuis  que  les 
philosophes  ont  voulu  se  saisir  de  la  clef  de 
la  science,  être  les  seuls  docteurs  de  l'univers, 
ils  ont  déclaré  la  guerre  au  clergé  par  jalou- 
sie de  métier. 

Clercs  réguliers.  On  nomme  ainsi  les 
ecclésiastiques  qui  se  réunissent  en  congré- 
gation par  dos  vœux,  et  s'assujettissent  à 
une  règle  commune,  pour  remplir  les  fonc- 
tions du  saint  ministère,  pour  instruire  les 
peuples,  assister  les  malades,  faire  des  mis- 
sions, etc.  Ils  sont  distingués  des  chanoines 
réguliers,  en  ce  que  ceux-ci  se  sont  astreints 
à  des  jeûnes  cl  à  des  abstinences,  aux  veilles 
do  la  nuit,  au  silence  des  moines;  au  lieu 
que  les  clercs  réguliers  ne  s>^  sont  itnposé 
aucune  austérité,  mais  seulement  l'exactitude 
à  remplir  tous  les  devoirs  ecclésiastiques. 
Ils  ont  jugé  avec  raison  et  ils  ont  prouvé  par 
leur  exemple,  que  la  vie  commune,  l'assu- 
jetlissemenl  à  une  règle,  la  séparation  d'avec 
les  séculiers,  les  bons  exeniples  mutuels, 
soutiennent  la  vertu,  excitent  la  ferveUr,  el 
préservent  un  ecclésiastiaue  des  écueils  de 
la  piéle. 

On  connaît  en  Italie  huit  congrégations  de 
clercs  réguliers:  ceux  de  saint  l'aul,  appelés 
barnabites  ;  ceux  de  saint  Gaétan  ou  Ihéatins, 
\os  jésuites  qui  n'exisienl  plus,  ceux  de  saint 
IMaïeul,  nommés  somasques  ;  ceux  des  écoles- 
pies,  ceux  de  la  Alèredè  Dieu,  les  clercs  ré- 
guliers mineurs,  et  les  ministres  ou  serviteurs 
dos  infirmes.  Ces  derniers  lurent  institués 
en  Italie  par  un  prêtre  nommé  Camille  de 
Lellis,  pour  soigner  les  hôpitaux  et  soulager 
les  malades.  Sixte  V,  Grégoire  XV  et  Clé- 
ment VII  ont  approuvé  cet  institut  digne  des 
éloges  de  tous  les  gens  de  bien  ;  son  foiula- 
leur  mourut  saintement  en  1614.  Ses   nieiii- 

(1)  La  révolution  a  aboli  tous  les  privilèges  du 
clergé.  Nous  sommes  loin  de  nous  en  plaindre.  Nous 
diMiianderoiis  seulement  qu'on  nous  donne  mie  li- 
l)i;rié  complète  de  croire  ,  de  professer  et  d'ensei- 
gner la  religion  catlioiique. 


931  eu 

bres  rendent  les  mêmes  services  que  les 
frères  de  la  charité.  On  les  nomme  aussi  cru- 
ci  fc'rés,  parce  qu'ils  portent  une  crois  rouge 
sur  leur  soulane. 

CLIMAT.  De  «os  jours  on  a  mis  en  ques- 
tion si  la  religion  chrétienne  était  pro|ire  à 
tous  les  climats,  par  conséquent  si  Jésus- 
Christ  a  eu  raison  de  dire  à  ses  apôtres,  ailes 
enseigner  toutes  les  nations.  Sans  entrer  dans 
aucune  spéculation  physique  ni  politique,  la 
question  nous  paraît  décidée  ])ar  un  fait  in- 
contestable :  c'est  que  le  christianisme  a  pro- 
duit les  mêmes  effets,  le  même  changement 
dans  les  mœurs  de  tous  les  peuples  chez 
lesquels  il  s'est  établi.  La  mollesse  des  Asia- 
tiques, la  férocité  des  Africains ,  l'humeur 
vagabonde  des  Parthes  et  des  Arabes,  la 
rudesse  des  habitants  du  Nord  et  des  Sau- 
vages, ont  été  forcées  de  céder  à  la  morale 
de  l'Evangile.  On  peut  s'en  convaincre  par 
le  tableau  des  mœurs  qui  ont  régné  avec  le 
christianisme  pendant  quatre  siècles  sur  les 
côtes  de  l'Afriijue,  en  Egypte,  en  Arabie,  qui 
régnent  encore  chez  les  Abyssins,  par  la  ré- 
volution qu'il  a  o|)érée  chez  les  Perses,  au 
VI'  siècle  en  Angleterre  ,  au  1%."  chez  les 
peuples  du  Nord,  de  nos  jours  parmi  les  Amé- 
ricains et  aux  extrémités  de  l'Asie. 

11  y  a  sans  doute  des  climats  sous  lesquels 
les  mœurs  sont  ordinairement  plus  corrom- 
pues, et  les  habitants  moins  propres  à  s'ins- 
truire; mais  il  n'est  point  de  dillicultés  que 
le  christianisme  n'ait  autrefois  vaincues  ;  il 
pi'ut  donc  encore  les  vaincre  aujourd'hui. 
Au  11"^  siècle,  Celse  jugeait,  comme  nos  poli- 
tiques modernes,  que  le  dessein  de  ranger 
tous  les  peuples  sous  la  même  loi  était  un 
projet  insensé;  cette  spéculation  profonde 
s'est  trouvée  fausse,  elle  le  sera  toujours  ;  le 
christianisme  a  été  destiné  de  Dieu  à  être  la 
religion  de  toutes  les  nations,  comme  il  doit 
être  celle  de  tous  les  siècles. 

Une  preuve  démonstrative  que  la  religion 
a  beaucoup  plus  d'empire  sur  les  mœurs  des 
peuples  que  le  climat,  c'est  que  partout  où  le 
christianisme  u  été  détruit,  la  barbarie  et 
l'ignorance  ont  pris  sa  place,  sans  qu'aucun 
laps  de  temps  ait  pu  les  dissiper.  Y  a-t-il 
quelque  ressemblance  entre  les  mœurs  qui 
régnent  aujourd'hui  sous  le  mahométisme 
dans  la  (jrèce,  l'Asie  .Mineure,  la  Perse,  la 
Syrie,  l'Egyplc  et  sur  les  côtes  de  l'Afrique, 
et  ceUes  que  le  christianisme  y  avait  intro- 
duites? Dans  peu  d'années  notre  religion 
avait  civilisé  toutes  ces  nations  ;  il  y  a  près 
de  douze  cents  ans  qu'elles  sont  retombées 
dans  la  barbarie  ,  cl  elles  semblent  con- 
damnées à  y  drmeurer  pour  toujours,  à  moins 
qu'elles  ne  reviennent  à  la  lumière  de  l'E- 
vangile dont  l'alcoran  lésa  privée...  Un  voya- 
geur, (jui  a  fait  récemment  le  l'.;urdu  monde, 
atteste  qu'il  a  vu  le  chrisliaiiisme  produire 
lis  mênii'S  effets  dans  tous  les  iiintats ,  et 
partout  où  les  missionnaires  sont  |)arvcnus  à 
l'établir. 

Nous  no  devons  donc  pas  noua  Hcr  à  ce 
qu'a  dit  l'auteur  ûeVl^sprit  des  lois,  qu'il  est 
presque  impossible  que  le  cliristia.nismu 
s'ilablisse  jamais  à  la  Chine.  Selon  lui,  les 


CLI  932 

vœux  de  virginité,  les  assemblées  des  femmes 
dans  les  églises,  leur  communication  uéees- 
saire  avec  les  ministres  de  la  religion,  leur 
participation  aux  sacretnen<s,  la  confession 
auriculaire,  rextrcme-onction,  le  mariage 
avec  une  seule  femme,  sont  des  obstacles  - 
invincibles;  parce  que  tout  cela  lenvorse  ■ 
les  mœurs  et  les  manières  du  pays,  et  frappe  w 
encore  du  même  coup  sur  la  religion  et  sur 
les  lois. —  Mais  les  vœux  de  virginité  et  le 
mariage  d'un  homme  avec  une  seule  femme 
seraient-ils  plus  difficiles  à  établir  à  la  Chine 
que  dans  la  Perse,  dans  l'Arabie,  en  Elhio- 
pie,  en  Egypte  et  sur  les  côtes  de  l'Afrique,  : 
où  le  c/(m«<  est  beaucoup  plus  brûlant  qu'à  I 
la  Chine,  où  la  religion,  les  mœurs  et  les  lois  T 
n'étaient  |)as  meilleures  lorsque  le  christia- 
nisme y  fut  porté"?  Qui  empêcherait  d'ailleurs 
que  dans  les  églises  les  femmes  ne  fussent 
séparées  des  hommes  par  des  barrières  im- 
pénétrables, que  l'on  ne  leur  administrât  les 
."•acrements  avec  les  mêmes  précautions  qu'à 
des  religieuses?  Lorsque  l'Egypte,  la  Libye, 
la  .Mauritanie  étaient  chrétiennes,  les  femmes 
n'étaient  pus  renfermées,  les  deux  sexes  y 
vivaient  à  peu  près  avec  la  même  liberté  que 
parmi  nous,  et  les  Pères  de  l'Eglise  n'mit 
point  envisagé  cette  société  libre  comme  une 
source  de  dépravation  mutuelle.  Elle  subsiste 
encore  chez  les  chrétiens  d'Ethiopie;  les 
voyageurs  n'ont  pas  vu  que  les  femmes  y 
soient  plus  corrompues  qu'ailleurs,  'ferlul- 
lien,  en  soutenant  que  les  vierges  doivent  se 
voiler  dès  qu'elles  ont  atteint  l'âge  de  puberté, 
suppose  que  les  fenmies  ne  portaient  point 
de  voile,  et  il  ne  parle  pour  elles  d'aucune 
espèce  de  clôture  [L.  de  Virgin,  velandis). 
Aujourd'hui  à  la  Chii\e,  et  partout  où  le 
mahométisme  a  porté  la  corruption ,  les 
voiles,  les  sérails,  les  verroux  et  les  eunu- 
ques ne  suffisent  pas  pour  calmer  la  jalousie 
inquiète  des  maris.  Un  Chinois  necoinprendra 
jamais,  dit-on,  qu'une  femme  puisse  décem- 
ment parler  à  l'oreille  d'un  confesseur;  il 
ne  comprend  pas  non  plus  qu'un  homme 
puisse  se  trouver  seul  avec  une  femme,  dans 
un  lieu  écarté,  sans  être  tenté  de  lui  faire 
violence;  il  comprendrait  l'un  et  l'autre  s'il 
était  c  hréticn.  En  bannissant  la  polygamie, 
en  montrant  aux  hommes  le  mérite  de  la 
chasteté,  le  christianisme  retrancherait  les 
deux  principales  sou rc'  s  lie  corruption.  Contre 
des  faits  positifs  et  incontestables,  les  spé- 
culations et  les  conjectures  philosophiques  ne 
prouvent  rien. 

CLINIQUES.  On  donnait  autrefois  ce 
nom  à  ceux  qui  avaient  été  baptisés  dans 
leur  lit  peu  aut  une  maladie;  il  vient  du 
grec  -/livo,  lit. 

Dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  plu- 
sieurs diffeiaiei.t  ainsi  leur  baptême  jusqu'à 
l'article  de  la  mort,  quelquefois  par  humilité, 
souvent  par  libeillnagc  et  pour  pécher  avec 
plus  de  liberté.  On  regardait,  avec  raison, 
ces  chrétiens  comme  faibles  dans  la  foi  et 
dans  la  vertu.  Les  Pères  de  l'Eglise  s'élevè- 
rent contre  cet  abus ,  le  concile  de  Néorési-  ■ 
rcc,  can.  12,  déclare  les  c/iHi^ues  irréguliors 
pour   les  ordres  sacrés,  à  moins  qu'ils  ne 


esô 


CLO 


CLD 


9-4 


soient  d'îiilleiirs  d'un  mérite  aisfingué ,  et 
im'on  ne  trouve  pas  d'autres  mini-itros  ;  on 
rriign.iit  quo  quelque  molif  suspect  ne  les 
pût  eiip;ngés  à  ri'cevoir  le  baptême.  F.o  pape 
saint  (]()ineille,  dans  une  lettre  rapportée 
par  Eusèbe,  dit  que  le  peuple  s'opposa  à 
l'ordination  de  Novalieu,  parce  (]u"il  avait 
été  baptisé  dans  son  lit  éiant  malade.  Les 
clinù/ites  étaient  aussi  appelés  grahutaires, 
pour  la  même  raison.  Saint  Cyprien,  EpUt. 
76,  ad  Mmjnum,  soutient  cependant  que  ceux 
qui  sont  ainsi  baptisés  ne  reçoivent  pas 
moins  de  grâces  que  les  autres,  pourvu  néan- 
moins qu'ils  y  apportent  les  mêmes  dispo- 
sitions. Mais  on  ne  les  élevait  pasau\  ordres 
sacrés,  dès  que  l'on  soupçonnait  qu'il  y 
avait  eu  de  la  néglifîence  de  leur  part.  11 
paraît  que  la  maladie  était  le  seul  cas  où  il  fût 
permis  de  baptiser  par  aspersion.  (I?inghani, 
1.  XI,  c.  H,tom.  IV,  p.  333.) 

CLOCHKS,  bénédiction  des  cloches.  L'E- 
glise veut  que  tout  ce  qui  a  quelque  rapport 
au  culte  do  Dieu  soit  consacré  par  des  cé- 
rémonies ;  conséqucmment  elle  bénit  les 
cloches  nouvelles  :  comme  les  cloches  sont 
présentées  à  l'église,  ainsi  que  les  enfants 
nouveau-nés,  qu'on  leur  donne  un  parrain 
et  une  marraine,  et  qu'on  leur  impose  des 
noms,  l'on  a  appelé  baptême  celte  bénédic- 
tion. 

Alcuin,  disciple  de  Bède  et  précepteur  de 
Cliarlemagne  ,  parle  de  cet  usage  comme 
antérieur  à  l'an  770;  la  iorine  en  est  prescrite 
dans  le  Pontifical  romain  et  dans  les  rituels. 
Après  plusieurs  prières,  le  prêtre  dit  :  Que 
cette  cloche  soit  sanclifiée  et  consacrée,  itu 
nom  du  Père,  et  du  Fih,  et  du  Saint-lisprit  ; 
il  prie  encore,  il  lavtt  la  c/oc/ic  en  dedans  et 
en  dehors  avec  de  l'eau  bénite  ,  il  fait  sept 
croix  dessus  avec  l'huile  sainte,  et  quatre  en 
dedans  avec  le  saint-chrême;  il  l'encense  et 
il  la  nomme.  On  peut  voir  cette  cérémonie 
plus  en  détail  dans  les  cérémonies  religieuses 
de  l'abhé  Banier. 

CLOirRE,  en  général,  signifie  un  monas- 
tère de  personnes  religieuses  de  l'un  ou  de 
l'autre  sexe,  et  quelquefois  il  se  prend  pour 
la  vie  monastique;  on  dit  dans  ce  sens  que 
l'on  peut  faire  son  salut  dans  le  cloître  plus 
aisément  que  dans  le  monde, 

La  plupart  des  cloîtres  ont  été  autrefois 
non-seulement  des  maisons  de  piété,  mais 
aussi  des  écoles  où  l'on  enseignait  les  lan- 
gues et  les  arts  libéraux  ,  négligés  partout 
ailleurs.  Bède  {llisl.,  liv.  m,  chap.  3)  nous 
apprend  qu'Oswald,  roi  d'Angleterre,  donna 
plusieurs  terres  aux  cloitres,  afin  que  la 
jeunesse  y  fût  bien  élevée.  La  richesse  des 
monastères  n'a  donc  pas  une  source  aussi 
odieuse  que  les  critiques  modernes  vou- 
draient le  persuader.  Les  cloitres  de  Saint- 
Denis  en  France,  de  Saint-tial!  en  Suisse,  et 
une  infinité  d'autres,  dans  lesquels  les  en- 
fants des  rois  avaient  été  élevés,  lurent  non- 
seulement  dotés  richement  par  ce  motif, 
mais  encore  décorés  de  plusieurs  privilèges, 
princifialement  du  dioil  d'asile.  Ils  servaient 
aussi  de  prison,  Siirloul  aux  princes,  soit 
révoltes,    soil    maliieureux,   exclus  ou   dé- 


posés du  trône.  L'histoire  byzantine  et  celle 
de  France  en  fournissent  de  fréquents  exem- 
ples. 

C1.0ÎTUIÎ  (1).  C'est  la  partie  d'un  monastère 
faite  en  l'oiine  de  galerie  ou  de  portique, 
laquelle  a  ordinairement  ((ualre  côtés,  avec 
un  jardin  ou  une  cour  au  milieu,  et  règne  au- 
dessous  des  dortoirs.  Ce  mot  se  dit  encore 
d'une  enceinte  de  maisons  où  logent  les  cha- 
noines des  églises  cathédrales  et  collégiales, 
et  les  chanoincsses  de  certains  chapitres. 
Ou  entend  aussi  simplement  |)ar  cloître  la  vie 
monastique  ou  rrligicuse.  —  Anciennement 
ceux  qui  s'engageaient  à  la  vie  monastique 
s'engageaient  à  une  clôture  perpétuelle  en 
entrant  dans  hr  cloître,  qui  était  fait  pour 
tenir  les  religieux  clos  et  fermés  ;  mais  au- 
jourd'hui la  clôture  n'entre  plus  nécessaire- 
ment dans  les  vœux  de  la  profession  ndi- 
gieuse,  du  moins  parmi  les  hommes,  si  l'on 
en  excepte  quelques  monastères,  où  règne 
encore  la  ferveur  des  premiers  temps  de  la 
vie  monastique.  A  l'égard  des  femmes,  la 
clôture  perpétuelle  devient  nécessairement 
leur  partage  dans  la  plupart  des  monastères. 
Il  y  a  pourtant  nombre  d'ordres  de  religieu- 
ses qui  font  des  vœux,  et  qui  ne  sont  point 
assujetties  à  la  clôture.  —  Quoique  les  reli- 
gieux et  les  religieuses  qui  ne  sont  point 
cloîtrés  aient  la  liberté  de  sortir,  cette  li- 
berté est  néanmoins  subordonnée  à  la  vo- 
lonté des  supérieurs  ou  des  supérieures  , 
c'est  à-dire  que  les  uns  et  les  autres  ne 
peuvent  point  sortir  sans  en  demander  au- 
paravant la  permission;  et  si  elle  leur  est 
refusée,  ceux  ou  celles  qui  passent  outre 
sont  dans  le  cas  de  subir  la  punition  déter- 
minée par  la  règle  ou  , par  les  constitutions 
de  l'ordre,  parce  qu'alors  ils  blessent  le  vœu 
d'ohéissance,  qui  est  la  base  de  la  subordina- 
tion monastii|ue.  — Il  n'est  point  permis  aux 
élr.ingers  d'entrer  dans  les  monastères  où  la 
clôture  est  observée.  H  n'est  pas  plus  permis 
aux  femmes  qu'aux  hommes' d'entrer  chez 
les  religieuses  cloîtrées.  Anciennement  la 
même  défense  était  pour  les  hommes  comme 
pour  les  femmes  à  l'égard  des  moines;  niais 
aujourd'hui  que  la  plupart  des  religieux  peu- 
vent sortir,  les  hommes  peuvent  entrer  chez 
eux;  quant  aux  femmes,  elles  ne  peuvent 
point  s'introduire  dans  la  plupart  des  mo- 
nastères qui  étaient  anciennement  cloîtrés. 
Cependant  la  défense  à  cet  égard  n'est  que 
lociilc;  elle  n'est, pas  la  même  dans  tous  les 
diocèses.  L'infraction  de  celte  défense  dans 
les  lieux  où  elle  est  établie  forme  ordinaire- 
ment un  cas  réservé  à  l'évêque  diocésain. 
(Extrait  du  Diction,  de  Jurisprudence.) 

CLOTURE  DES  RELIGIEUSES.  Voy.  Re- 
ligieuses. 

CLUNI,  célèbre  abbaye  située  en  Bourgo- 
gne, dans  le  Maçonnais  ;  c'est  le  chef-lica 
d'une  congrégation  de  bénédictins  qui  eu 
portent  le  nom. 

Cette  abbaye  fut  fondée  sous  la  règle  de 
saint  Benoît,  l'an  910,  par  Bernon,  abbé  de 

(I)  (>i  article  est  reproduit  d'après  l'édition  de 

Liése. 


935 


CLU 


coc 


935 


Gi!;ny,  sous  la  protection  et  par  les  libéra- 
lités de  Guillaume  I'',  duc  d'Aquitaine  et 
rouite  d'Auvergne.  Quelques  auteurs  mo- 
dernes ont  voulu  faire  remonter  sa  fondation 
à  l'an  826;  mais  leur  opinion  est  dénuée  de 
preuves  solides.  —  Dans  son  érection  ,  cette 
abbaye  fut  mise  sons  la  protection  immédiate 
du  saint-siége,  avec  défense  expresse  à  tous 
séculiers  ou  ecclésiastiques  de  troubler  les 
moines  dans  leurs  privilèges,  et  surtout  dans 
l'clection  de  leur  abbé.  Us  prétendirent,  par 
celte  raison,  être  exempts  de  la  juridiction 
de  l'évéque,  ce  qui  donna  lieu  à  d'autres 
abbés  de  former  la  mèuie  prétention.  Cette 
contestation  a  été  jugée  depuis  quelques  an- 
nées en  faveur  de  l'évè:juc  de  Màcon. 

La  congrégation  de  Cluni  esl  regardée 
comme  la  plus  ancienne  de  toutes  celles  qui 
sont  unies  en  France  sous  un  seul  chef,  et 
qui  ne  composent  qu'un  corps  de  plusieurs 
monastères  unis  sous  la  mèrne  règle.  Elle  a 
donné  à  l'Eglise  plusieurs  jiersonnages  re- 
commandables  par  leur  savoir  et  par  leurs 
vertus.  Dom  Martin  Marrier  a  fait  imprimer 
à  Paris,  en  1614,  \sl  Bibliothi'qnedes  écrivains 
d".  celle  congrégation,  en  1  vol.  in-folio. 
Cette  ab'oaye  fut  pillée  et  la  bibliothèque  brû- 
lée par  les  calvinistes  en  1562. 

Mosheim  a  remarqué  que  l'on  parle  impro- 
prement, quand  on  dit  Vordre  de  Cluni, 
puisque  cette  abbaye  et  ses  dépendances  ne 
sont  pas  d'un  ordre  différent  de  celui  des 
autres  bénédictins  ;  on  doit  dire  \ii  congré- 
gation de  Cluni,  comme  la  congrégation  de 
Saint-Maur,  de  Saint-Vanne,  etc.  Mais  cet 
auteur  ne  fait  pas  une  réilexion  fort  judi- 
cieuse, lorsqu'il  dit  que  saint  Odon,  succes- 
seur de  l'abbé  Bernon,  premier  fondateur, 
obligea  non-seulement  les  moines  à  observer 
leur  règle,  mais  qu'il  y  ajouta  quantité  de 
rites  et  de  cérémonies,  qui,  bien  qu'inutiles, 
malgré  leur  apparence  de  sainteté,  ne  lais- 
saient pas  d'être  sévères  et  incommodes.  11 
prouve  lui-même  que  ces  pratiques  n'étaient 
pas  inutiles,  puisqu'il  dit  que  cette  règle  de 
discipline  combla  de  gloire  saint  Odon , 
qu'elle  fut  adoptée  par  tous  les  couvents  de 
l'Europe,  que  par  ce  moyen  l'ordre  de  Cluni 
parvint  au  degré  d'éminence  et  d'autorité , 
d'jpulence  et  de  dignité,  dont  il  jouit  pendant 
ce  siècle  et  le  suivant. 

Une  autre  preuve  de  leur  utilité,  que  Mos- 
heim fournit  lui-même,  c'est  que  dans  le  xii* 
siècle  les  moines  de  Cluni  se  relâchèrent, 
parce  qu'ils  négligèrent  ce  qui  leur  avait  été 
prescrit  par  saint  Odon.  Saint  Bernard  réta- 
blit ces  mêmes  pratiques  parmi  les  religieux 
de  son  ordre,  et  co  fut  avec  le  même  fruit. 
Lors(iue  les  chinistes  voulurent  blâmer  les 
observances  trop  rigoureuses  de  Cîli'aux  , 
saint  Bernard  en  Ht  l'apologie,  et  leur  repro- 
cha leur  relâchement.  Pierre  le  Vénérable, 
pour  lors  abbé  de  Cluni,  entreprit,  de  son 
côté,  de  justifier  ses  religieux,  et  écrivit  à 
saint  Bernard  avec  beaucoup  de  modération  ; 
mais  il  sentit  si  bien  le  tort  des  clunistes, 
qu'il  fil  lui-même  des  règlements  pour  se 
rapprocherde  ceux  de  Citciux.  (!•  Icury,  IJist. 
tcclé8.,\.  Lxvii,  §  48-  l  r.xviii,  §  81. j 


Mosheim  en  impose  encore  lorsqu'il  repré» 
sente  celte  dispute  comme  une  espèce  de 
guerre  scandaleuse,  qui  eut  des  suites  fu- 
nestes, et  qui  causa  des  troubles  dans  plu- 
sieurs parties  de  l'Kurope;  ce  fut  une  simple 
guerre  de  plume,  et  rien  de  plus  modéré  que 
les  écrits  de  part  et  d'autre.  (.Mosheim,  Hist, 
ecclés.  du  \'  siècle,  ii'  part.,  c.  2,  §  11  ;  du 
xir  siècle,  u'  part.,  c.  2,  §  ii.) 

COaCTIF,  revêtu  du  pouvoir  de  contrain- 
dre ou  de  se  faire  obéir  par  force.  Les  lois 
du  souverain  ont  par  elles-mêmes  la  force 
conctive,  parce  qu'il  peut  infliger  des  peines 
afflictives  à  ceux  qui  les  violent.  Les  lois  de 
l'Eglise  n'ont  par  elles-mêmes  que  la  force 
directive,  puisque  l'Eglise  ne  peut  infliger 
que  des  peines  spirituelles;  ses  lois  n'ont 
force  coactive  que  quand  elles  ont  été  auto- 
risées par  le  souverain,  et  sont  devenues  lois 
de  l'Etal.  Elles  n'en  obligent  pas  moins  les 
fidèles,  sous  peine  de  péché  ,  puisque,  selon 
la  sentence  prononcée  par  Jésus-Christ 
même,  celui  qui  n'écoute  pas  l'Eglise  doit 
être  regardé  comme  un  païen  et  un  publi- 
cain  {Mattli.  xviii,  17). 

COACTION,  violence  faite  à  la  volonté,  et 
qui  lui  ôte  la  liberté  d'agir  ou  de  résister  ; 
conséquemmenl  lorsque  la  coaction  a  lieu, 
il  n'y  a  plus  de  mérite  ni  démérite,  ni  crime 
ni  vertu  dans  l'action  de  celui  qui  est  ainsi 
forcé.  Entre  la  nécessité  et  la  coaction,  il  y  a 
cette  diiïérence  que  la  première  vient  d'un 
principe  intérieur  à  celui  qui  agit,  et  que  la 
seconde  vient  d'un  principe  extérieur.  Un 
homme  qui  a  jeûné  pendant  longtemps , 
éprouve,  par  nécessité,  la  faim  ou  le  désir 
de  manger  ;  celui  auquel  on  met  par  vio- 
lence des  aliments  dans  la  bouche  souffre 
coaction  de  manger.  L'une  et  l'autre  privent 
l'honime  du  pouvoir  de  choisir,  par  consé- 
quent de  la  liherié  ;  quoiqu'un  insensé  ou  un 
frénétique  ne  soient  pas  poussés  par  un  prin- 
cipe extérieur,  mais  par  la  disposition  inté- 
rieure de  leurs  organes,  à  faire  certaines  ac- 
tions, ils  ne  sont  pas  censés  plus  libres  en 
les  faisant  que  s'ils  avaient  été  conduits  et 
poussés  malgré  eux  par  un  homme  plus 
fort  qu'eux. 

Lorsque  Jansénius  a  enseigné  que  pour 
mériter  ou  démériter,  dans  l'état  de  naUire 
tombée,  il  n'est  pas  besoin  d'être  exempt  de 
nécessité,  mais  seulement  de  coacHon,  c'est- 
à-dire  de  ne  pas  éprouver  de  violence  de  la 
part  de  quelqu'un,  il  a  contredit  également 
la  saine  théologie  et  le  bon  sens,  et  il  a  fait 
une  injure  sanglante  à  saint  Augustin  en  lui 
attribuant  celte   doctrine  absurde.  Voy.  Li- 

IIKUTÉ. 

COCCf:iENS  ,  sectateurs  de  Jean  Cox  ou 
Coccèius,  né  à  Brème  en  160.3,  professeur 
de  théologie  à  Leyde.  et  q>ii  fit  grand  bruit 
en  Hollande.  Entêté  du  figtirisnie  le  plus  ou- 
tré, il  regardait  toute  l'histoire  de  l'Ancien 
Testament  comme  le  tableau  de  celle  de  Jé- 
sus-i;hrist  et  de  l'Eglise  chrétienne;  il  pré- 
tendait que  toutes  les  prophéties  regardaient 
directement  et  lillcralement  Jésus-Christ; 
que  tous  les  événements  qui  doivent  arriver 
dans  l'Eglise  jusqu'à  la  lin  des  siècles  sont 


0S7 


COE 


COE 


938 


figurés  et  désignés  plus  ou  moins  clairement 
dans  l'histoire  sain(e  et  dans  les  prophètes. 
On  a  dit  de  lui  qu'il  tronv.ilt  Jésus-Christ 
partout  d;ins  l'Ancien  Testament,  au  lieu 
que  Grnlius  ne  l'y  voyait  nu  le  part. 

Selon  son  opinion,  avant  la  fin  du  monde 
il  doit  y  avoir  sur  la  terre  un  rè;;ne  île  Jé- 
sus-Christ qui  détruira  celui  de  l'Aniechrisl, 
et  sous  lequel  les  Juifs  et  toutes  les  nations 
se  converlironl.  Il  rapportait  toutes  les  Kcri- 
lures  à  ces  deu\  règnes  prétendus ,  et  en 
faisait  un  laldean  d'imagination.  H  eut  plu- 
sieurs sectateurs,  et  l'on  prétend  (jiril  y  en 
a  encore  un  bon  nonibre  en  Hollande.  Voët 
et  Ucsrnaresl  écrivirent  contre  lui  avec  beau- 
coup de  chaleur  ;  mais  nous  ne  vo  ons  pas  en 
quoi  il  péchait  contre  les  piincipes  de  la  ré- 
forme. Dès  que  tout  particulier  est  en  droit 
de  croire  et  de  professer  tout  re  qu'il  voit  ou 
croit  voir  dans  l'Erriture,  le  plus  grand  vi- 
sionnaire n'a  pas  plus  de  tort  que  le  théolo- 
gien le  plus  sage  ;  personne  n'a  le  droit  de 
censurer  sa  doctrine.  V^oy.  Commentaibe. 

COÉGALITÉ,  égalité  parfaite  entre  des 
personnes  de  même  naiure.  L'Eglise  a  décidé 
contre  les  ariens  que,  dans  la  samle  Trinité, 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit  sont  deux  person- 
nes coégiites  au  l'ère.  S'il  y  avait  entre 
elles  de  l'inégalité,  on  ne  pourrait  plus  at- 
tribuer la  divinité  à  celle  qui  serait  inférieure 
à  l'autre. 

COELICOLES,  adorateurs  du  ciel  ou  des 
astres,  hérétiques  qui,  vers  l'an  i08,  lurent 
condaninés  par  des  rescrits  particuliers  de 
l'empereur  Honurius  ,  et  mis  au  nombre 
des  païens.  Comme  dans  le  code  théodosien  ils 
sont  placés  sous  le  même  liireque  les  Juifs, 
on  croit  que  par  calicoles  on  a  voulu  dési- 
gner des  apostats  qui  avaient  renoncé  au 
christianisme  pour  retourner  au  judaïsme, 
uiais  qui  ne  voulaient  pas  être  regardés 
comme  Juifs,  parce  que  ce  nom  leur  parais- 
sait odieuK.  Ils  n'étaient  pas  soumis  au  pon- 
tife des  Juifs  ni  au  sanhédrin  ;  mais  ils 
avaient  des  supérieurs  qu'ils  nommaient  ma- 
jeurs  ou  anciens  ;  et  l'on  ne  sait  pas  préci- 
sément quelles  é. aient  leurs  erreurs. 

Il  est  constant  que  les  païens  (mt  aussi 
nommé  les  Juifs  cœlicoles  ;  Juvénal  a  dit 
d'eus  : 

Nil  prœter  nubes  et  cœti  nomen  adorant. 

Celsc,  dans  Origèue,  liv.  i,  n°  2l>,  leur  re- 
proche d'adorer  les  anges  :  il  le  répôle  ,  I.  v, 
n°  6.  L'auleur  de  la  prédication  di^  saint 
Pierre,  cité  par  Origène,  tom. XIII,  !n7oa»., 
n°  17,  et  par  saint  Clément  d'Alex.mdrie  , 
Slrom.  ,  liv.  VI,  ch.  5,  forme,  contre  les 
Juifs,  la  même  accusation  ,  et  par  les  ang  s, 
ces  auteurs  ont  entendu  les  génies  ou  intel- 
ligences dont  on  croyait  les  astres  animés. 
On  a  prouvé  ce  fait  par  un  passage  de  Mai- 
monides.  Toi/,  la  Noie  de  Spencer  sur  Orig., 
contre  Celse,  liv.  i,  n°  26.  —  Il  «si  vrai  que 
plus  d'une  fuis  les  Juils  oui  rendu  au\  astres 
ou  à  Vannée  des  ciiux  un  culte  >Ui  erslilic^ux  ; 
les  (irophéies  le  leur  ont  reproché  {IV  licg. 
xvii,  IG;  XXI,  3,  5,  elc.j.  C  était  l'i.iolâirie  la 
plus  couimune  parmi  les  Orieulaux. — Saint 

DiGT.  DE  ThÉOL.  DOGIIATIQUB.    I. 


Jérôme,  consulté  par  Algasie  sur  le  passage 
de  saint  Pau!  aux  Colossiens  ,  ch.  ii ,  y.  18 
gun  personne  ne  vous  déduise  en  nffectant  de 
paraître  humble  pur  un  culte  s  >pei  stitieux 
des  anijes,  répond  que  l'Apotre  veut  parler  de 
rancienne  erreur  des  Juil'^.  que  les  prophè- 
tes avaient  coud  imnce.  Ce  Pèrea  dimepousé 
r|ue  par  les  anges  saint  Piul  enten  laii  l>s  es- 
prits moleur>  du  (ici  et  de<  astres,  aiiX(iiiels 
les  Juifs,  comme  les  païens,  avaient  rendu 
leur  Liille  (^/^is/.  15l,n.  10.  Cod.  Tlteod., 
lib.  x-i  ,  lit.  G,  de  Judœis  et  ccclicolii) 

COÉl'EHNirÉ,  terme  usité  parmi  les 
Ihéoliigic'u^  pour  exprimer  (lue  les  lroi<  per- 
sonnes divines  sont  également  éternelles. 
Les  sociniens,  non  plus  que  les  aiiens,  ne 
veulent  pas  reconnaître  que  le  Fi!s  de  DieK 
soit  coéternel  au  Père  ;  mais  l'Eglise  l'a 
décidé  eu  disant  qu'il  lui  est  cunsu'istnn- 
tiel  ;  el  c'est  ainsi  qu'elle  enlend  les  paroles 
de  saint  Jein  :  Au  commencement  le  Verbe 
était  en  Dieu  et  il  était  Dieu. 

Pour  en  détourner  le  sens,  les  sociniens 
supposent  que  l'âme  de  Jésus-Christ  a  été 
créée  av ml  tous  les  autres  êtres,  elque  Dieu 
lui  a  donné  le  pouvoir  de  les  lirer  du  néant. 
Dans  celle  hypoihèse  ,  comment  Dieu  a-t-il 
pu  dire  :  C'est  moi  seul  qui  ai  étendu  les  deux 
et  a/fermi  la  terre,  persciup  n'était  avec  moi  1 
{Isai.  xLiv,2'i-;  Joh,  IX, 8).  Selon  les  sociniens, 
l'âme  de  Jésus-Christ,  qui  est  une  person- 
ne, était  avec  Dieu. 

COÉVÊQUE,  évéqne  employé  par  un 
autre  à  satislaire  ponr  lui  aux  fonctions 
épiscopales  :  on  le  nomme  aussi  suflriiganl 
Il  y  a  de  ces  évoques  en  France  et  en  Alle- 
magne, surtout  chez  les  éleeleurs  ecclésias- 
tiques. Ils  sont  dlITérents  des  coadjuteurs, 
en  ce  que  ceux-ci  sont  désignés  pour  suc- 
céder à  l'évoque  titulaire.  Il  ne  faut  pas  les 
confondre  non  plus  avec  les  cliorévéques; 
la  plupart  de  ces  derniers  n'avaient  pas  reçu 
l'ordination  épiscopale,  ils  étaient  simples 
prêtres.  Voy.  Cbokévèques. 

COEUU,  se  prend,  dans  l'Ecriture  sainte, 
1°  pour  l'intérieur  ou  le  lieu  le  plus  profond  ; 
ainsi  il  est  dit  (Ps.  xlvi,  o)  que  les  monta- 
gnes seront  transportées  d^ms  le  coeur  de  la 
mer  ;  cl  dans  saint  Mallhieu,  chap.  xii,  v. 
40,  que  le  Fils  de  rhoimne  demeurera  trois 
jours  et  irois  nuils  dans  le  cœur  de  la  terre. 
—  2'  Pour  les  pensées  intérieures,  les  désirs 
et  les  alTrciions  de  l'hoinme.  Dans  ce  sens, 
Dieu  sonde  les  cœurs  et  les  reins  {Ps.  vu,  10)  ; 
coiinait  les  pensées  et  les  alTeclions  les  plus 
secrète-.  Où  est  votre  trésor,  !à  est  votre  cœur 
{Matih.  VI,  1)  :  là  sont  loutes  vos  alTeclions. 
C'est  dans  le  même  sens  que  l'Ecritu.'e  attri- 
bue à  Dieu  un  cœur  el  des  entrailles.  Gen. 
VI,  G,  il  est  dit  que  Dieu  fut  allligé  dans  sou 
cœur,  pour  exprimer  une  grande  indigna- 
tion. Jérém.,  c.  x;X,  v.  5  :  Cela  n'est  point 
entré  dans  mon  cœur,  c'est-à-lire  je  ne  l'ai 
point  voulu  ni  ordonné  II  est  dit  de  David, 
(/  lii-g.  XIII,  1+j  :  Le  Seigneur  .s'e<<  choisi  un 
homme  selon  son  cœur;  plusieurs  critiques 
ont  deman  é  comment  un  roi  coupabl;'  d'a- 
dullèie  l't  d'homicile  pouvait  ôlre  selon  le 
cœur  de  Dieu  ;  mais  alors  David  n'avait  eu- 

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cœ 


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9i0 


core  commis  aucun  crime;  les  parolos  citées 
signifient  scoletnent  :  le  Seisinour  s'est  choisi 
nn  liomme  tel  qu'il  lui  pl.iît,  et  pour  lequel 
il  a  (le  l'alTeclion.— 3'  Le  cosur  dési-jine  quel- 
quefois les  rédesions  ou  la  sagesse  :  dans 
les  Proverbes,  c.  xxviii,  v.  28,  nn  homme 
sans  c«i«r  est  un  insensé  ;  se  Qt  à  son  cœur, 
c'est  se  fler  à  sa  propre  sagesse.  —  ï"  Il  si- 
gnifie aussi,  comme  en  français,  le  courage 
et  la  valeur  i  Deut.  xxvi ,  8,  etc.).  —  5°  Dans 
le  sens  le  plus  ordinaire,  il  exprime  la  vo- 
lonté, los  désirs,  les  résolutions  ;  ainsi  Dieu 
change  nos  cœurs  par  sa  grâce,  lorsqu'il 
nous  fait  vouloir  ce  que  nous  ne  voulions 
p<is,  quelquefois  même  le  contraire  de  ce 
que  nous  avions  résolu. 

*  CCEUli  (DÉvoTKiN  AD  SACRÉ).  <  Ccltc  dévotlon 
synil)»lii(iie,  iliseiii  les  aiiUMirs  des  noies  île  réilliinii 
d<;  l.eliirl,  i|iii  s'esl  d'aiilaril  plus  |>rnp:fgé(',  depuis  un 
certain  nombre  iraiinées  p;irini  les  kma-i  pieuse-,  que 
l'-tiiioiir  du  Fils  de  Dieu  s^eff:iç»it  d.ivanlagR  pariui  les 
hiimiues,  ne  consiste  p^s  ù  aimer  seulemeui  el  à  iio- 
nnrer  d'un  culte  siiit;uiier  ce  cœur  de  cliaii',  sembla-: 
ble  au  noire,  qui  foriue  une  partie  tlu  corps  ador.ible 
du  Sauveur.  Sou  objet  ei  s  n  uiotil  priniipal  est  l'a- 
uioiir  imiiiLi.  >j  du  Fils  de  Dieu,  amour  qui  l':i  porté  à 
se  livrer  pour  nous  à  la  luorl,  à  se  donner  loul  i\  nous 
d.iiis  l'augiisie  sacremeiu  de  l'aniel,  sans  que  toutes 
les  ingraliiudes,  lous  les  niéc<iniples,  loiile-  les  inju- 
res, lotis  les  outrasies  qu'il  devait  recevoir  «n  cet  dat 
de  vieliuie  iiuuiolt*e  jusqu'à  la  fin  des  siècles,  et  i|ui 
lui  élaieul  p;trfalleMieni  coimus,  aient  pu  l'aiiipéilier 
de  s'exposer  encore  cliaque  jour  aux  insultes  et  aux 
upprobies  des  iioinnies,  pour  nous  icinoi^ner  plus 
ellicaceinenl  l'excès  de  sa  lendresse.  La  lin  qu'on  se 
propose  est  :  1°  de  reconnaiire  et  d'honorer  autant 
qu'il  est  en  nous,  par  nos  (réi|tienles  adorations,  par 
nos  reuiercîmeiits  et  par  toutes  sortes  d'lioniina;(es, 
les  admirables  disfiosiiions  de  ce  Cieiir  sacré,  les 
sentiiueiiis  d'aiumir  que  Jésus-Clirist  a  actuellement 
piiur  nou^  dans  rKiicliarisiie  ;  'i"  de  réparer,  par 
toutes  les  voies  pussililes,  les  iuiligiiiiés  et  lesoulia- 
ges  auxquels  cet  amour  l'enipo-e  lou-,  les  jours  dans 
le  sailli  sacrement.  El  parce  que  nous  avons  besoin, 
dans  l'exercice  des  dcvulions,  inêine  les  plus  spiri- 
tuelles, d'objets  naturels  et  sen-ililes  (|iii,  nous  frap- 
pant davaiiiage,  nous  en  renoiivelieiit  lu  souvenir  et 
nous  en  facilitent  la  |>ratique,  nn  a  clioisi  le  sacré 
Coeur  de  Jésus  coiinnc  l'objet  sensible  le  plus  digne 
de  nos  respi  cts  et  de  nus  ad  rations.  C'est  là,  dit 
saint  Tlioiiias,  la  source  cl  le  siOi;e  de  cet  amour 
immense  dont  b'  Sauveur  a  loujoiirs  brûlé  puur  tous 
les  hommes,  amour  (lue  nous  preiendops  être  l'objet 
particulier  de  cette  dévotion.  .Mnsi  la  tendresse  sans 
bornes  que  Jésus  a  pour  nous  et  lionl  il  nous  donne 
des  preuves  si  vi>jbles  dans  l'Eucharistie,  e.-t  le  prin- 
cipal moUf  de  la  dévotion  ;  la  iép>raiion  du  mépris 
qu'un  lait  de  celte  tendresse  est  la  lin  principale 
qu'cm  s'y  pr  pose  ;  le  sacré  (^UJur  du  Jésus,  liait 
embrasé  d'aitiour,  en  est  l'idijet  spusible  ;  un  dévuue- 
uienl  aussi  aHeçtueux  (piardenl  pour  la  personne  dt} 
Sauveur  eu  iloit  être  le  Irml. 

«  Une  louli!  lie  saillis  avaient  autorise  la  dévotion 
au  sai  rc  (-œur  de  Jésus  et  inuiiiré  cumbien  clli;  est 
utile  an  saint  des  lioiiin.es,  avant  qu'une  vénérable 
lillc  de,  la  Visiiaiion,  éiliirée  des  plus  vi>es  lumiè- 
res de  l'cspiit  du  Dieu,   (i^l  clioisie  pour  la  piopagcr. 

%  Celle  de\otiuii,  m-pirt'e  à  la  véiieiaUle  Margiie- 
rile-M.trle  Alacoque  ;  établie  par  le  I',  de  la  Ccuoui- 
biére,  serviteur  de  Di.  ii,  cucure  plus  illuslie  p.ir  sa 
gliuipu>e  qualité  de  «  onlcsscur  de  Josuj-t^brisl  en 
Aiigielerre,  quepar  sesexcellems  ouvr.igeset  par  son 
titre  de  prédicaleurdc  la  diiebosse  d'York,  (pu  di'vinl 
reine  de  la  (Jrande-IJietaijne  ;  sanctionnée  par  l'es- 
time de  loutes  les  personnes  chez  ([ui  la  vertu  éga- 


lait le  mérite  ;  conlirmée  d'une  manière  si  étlalante 
par  les  prodiges  qui  eu  manifestaient  l'effic;  cité,  et 
au  nombre  desipuds  ou  dnil  placer  la  cessation  subi- 
te de  la  pesie  de  Marseille  ;  celle  dévotion,  disons- 
noijs,  se  propagea  avec  un  succès  merveilleux  diins 
toute  la  France,  s'éieudi  jus(pi'en  l'oiogne,  fnn>chit 
les  mers,  (leurit  à  .Malle  et  à  Québec,  s'avança  dans 
les  Indes  et  même  en  Chine,  autorisée  qn'eile  était 
par  plusieurs  brefs,  entre  autres  par  nu  bief  de  Be- 
mdi  XIV  du  28  mai  17.57.  Le  28  janvier  17G5,  un 
décret  de  la  coniirégalion  des  Uiies  avant  approuvé 
le  tulle  du  Cœur  de  Jésus,  Clément  XIII  sanctionna 
ce  décret  le  G  lévrier  suivant.  C'est  peu  après  que  les 
évè.pies  de  l'assemblée  du  clergé  de  France  arrèlè- 
renl,  dans  une  délibération  à  ce  sujet,  tic  faire  célé- 
brei  Celle  fête  dans  leurs  diocèses,  et  d'engager  leurs 
collègues  à  suivre  cet  exemple  :  ce  tpii  fiù  exéctilé. 
«  Plusieurs  prélats  donnèreui  même  des  inaiidé- 
menis  pour  indiquer  à  leurs  fi.lèles  ce  qu'ils  devaient 
penser  sur  celle  dévotion,  et  pour  répondre  aux'^db- 
jei  lions  de  ceux  qui  la  crili'juaienl  ;  car  elle  n'avait 
pas  l'approbaliou  de  tout  le  monde.  Les  uns,  aux 
yeux  de  ipii  toute  pratique  religieuse  est  super-titioo, 
se  luoquaienl  de  celle-là  comme  du  reste.  Les  au- 
tres, qui  s'unissaient  encore  sur  ce  point  aux  philo- 
sophes, pariaient  de  la  dévotion  au  Sacré-Cœur  cotn- 
me  d'une  espèce  d'nhdàirie,  et  la  tournaient  en  ridi- 
cule en  tiiule  occasion.  Ils  écrivirent  même  contre  ; 
et  il  esl  reinarqiiabie  qu'ils  se  servirent  souvent  des 
objections  avec  lestpielles  les  protestants  cotnbaltenl 
l'fc.ucbartslie.  Mais  les  vrais  lldèles  savent  assez  que 
le  tulle  du  sacré  l'>œiir  n'est  (pi'une  manière  d'exci- 
ter eu  nous  rauioiir  du  Fils  de  Dieu,  et  l'approbation 
de  riîglise  sufhl  J»  ceux  qui  ne  eliercheraienl  qu'à 
s'éclairer.  Cela  n'a  pas  emjiêclié  quelques  esprits  ar- 
dents d'en  fatie  une  hérésie  sous  le  nom  de  Cordi- 
coles.  > 

Pour  répondre  à  ces  adversaires  de  la  plus  belle 
et  de  la  plus  douce  des  dévotions,  nous  aurions  pu 
nous  ciiiiienter  d'en  appe  er  au  lémoignage  de  l'Esli- 
se  univer.-eile  :  mais  nous  voulons  encore  la  jiistilier 
par  des  faits  adoptés  depuis  des  siècles  sans  aucune 
conliadieliiin.  Jésus-Clirist  n'est  point  divisé  dans  l'Eu- 
cliarislic  ;  nous  adorons  en  lui  nue  personne  en  deux 
natures.  En  vertu  de  son  union  byposiatique,  son 
humanité  participe  aux  hoon  'iirs  dus  à  sa  divinité. 
L'Eglise  adure  dans  ri.nclianstie  non-seulement  sa 
nature  divine,  mais  son  corps  et  son  sang.  Une  fèlo 
particulière  est  consaciée  à  ses  plaies  adorables, 
r^uus  aduions  les  épines  dont  son  front  lut  couronné, 
les  cU)us  qut  peitèreut  ses  inains  et  ses  pieds,  la 
croix  où  il  exi>ira.  iNoiis  adorons  le  nom  inéiiie  de 
Jésus,  devant  lequel  tout  genou  doit  llécliir  dans  le 
ciel,  sur  la  lerre  et  dans  les  enfers.  Pourquoi  re- 
Aiserioiis-nons  iius  hoinmages  à  ce  Cœur  sacré,  la 
plus  noble  et  la  plus  touciiante  purlion  de  son  hu- 
manité; l:'.  Siège  de  son  amour  pour  les  Ininimes  Y 
Itieu  (Unie  de  plus  raisonnable  qiiç  Iq  (lévo|iou  au 
sacié  Cœur. 

*  ('UIOUR  (  Institut  du  Sache-).  Il  sa  forma  dans 
le  Liban,  en  1747,  un  insiitut  de  religieuses  sou^  le 
nom  auguste  du  Sacré-Cœur.  Sueur  Marie-Agi'iiie 
Eiidie  en  bit  la  fi>iida|iice.  Uieiiiûi  rinsiitul  voulut 
marcher  par  une  voie  ex:raordinaire.  Agéiiie  avait, 
assurait  elle,  des  coinmunicalions  intimes  avec  le 
cœur  du  Sauveur  ;  elle  y  puisait  des  Innuèies  spécia- 
les. Elle  devint  proplielessc,  annonça  les  plus  grandes 
c-ilauiilés.  Une  sœur  Catlierine  partagea  ses  illusions, 
amioiiça  l'avenir  comme  elle.  Les  fennnes  à  vision 
tachent  lunjotnsde  snrpiendre  les  autorités  e*j(lésias- 
tiqnt;s,  aliii  de  lepaiidre  plus  facilement  leins  pré- 
teiidnes  ie\élaLi  lis.  L'éveque  Germiiii  Dii|l>)  a  1q 
palriaiche  1  leire  Slépliani  se  laissèrent  surprendre. 
Tout  I.'  Liban  fut  bieiilùl  dans  la  coiil'nsiun  la  plus 
coinpicie.  Il  lallul  reoiuiirau  siégi;  npustolnpic,  ijui, 
api  es  avoir  etaiiiiné  la  cause,  ordimna  de  biùlcr  les 
écrits  des  deux    religieuses  et  condamna  leurs  vi- 


sinus  comme  des  illusions  du  démon.  Le  pniriarcini 
refusa  lie  se  soMiiietire  ;  il  fut  h.twé  il'intt'nlit  pat 
le  souverain  pontife.  Pie  VII  le  rétablit  dans  l'cxer- 
oice  de  ses  fondions  lorsqu'il  se  fut  soumis  aux  dcci- 
siiit  s  ilcî  la  chaire  de  Pierre. 

*  (lOECH  (CoNGnÉGATiD.N  DU  Sacré-)  C'est  un  ins- 
titut rcct'iil  de  rclisiiMises  i||ii  se  coiisacre.il  à  l'édu- 
c:it;iin  despersOiin  s  du  sexe.  I.a  sa;;e>.se  de  l'édiua- 
ti'iu  que  ces  reliijieuses  doimcni  a  l'ail  ini4lllidier 
leurs  cMblissemrnls  en  France,  eu  Italie  et  eu  .\iné- 
riijui'.  Elles  pioiluiseut  [lartout  le  |dus  grand  bien. 

COLAIUîASIKNS,  sefialetirs  deColarbase, 
hérétique  du  ii'  siècle  de  l'Kylise,  et  qui  était 
disciple  de  Valeiitiiiien.  Aux  dogmes  et  aux 
rêveries  de  son  maître,  il  avait  ajoulé  que 
la  génération  et  la  vie  des  lioMimes  dépen- 
daienl  des  sept  |ilai)ètes  ;  que  toute  la  pcrtVc- 
tion  cl  la  pléiiiiude  de  la  vériié  étaient  dans 
l'alphabet  grec,  puisque  Jésus-Christ  était 
noiniré  oZ/j/kj  et  oiuéya.  l'hilastrc  etBaroiiius 
ont  confondu  Colarbase  avec  un  autre  héré- 
tique nommé  BaNSU.s  ;  mais  saint  Augustin, 
Théodore!  et  d'.iulres  les  distinguent.  Saint 
Iréuéc  et  ïci  tullien  ont  aussi  parlé  de  Co- 
larb.ise  et  de  ses  disciples,  comme  d'une 
branche  des  valentinicns.  Voy.  ÎMaucosiiîns. 

COLfîHE,  passion  que  Jésus-Christ  s'est 
parliculièreinent  appliqué  à  réprimer  :  tou- 
tes ses  maxitnes  respirent  la  douceur,  la 
charité,  !a  patience.  Jleureiioc,  dit- il,  les  pa- 
cifiijues,  ils  seront  (ippelrs  le^cnfunls  de  Dieu. 
Eeureux  /es  liommes  doux  et  débonnaires,  ils 
$trunt  les  maîtres  sur  la  (erre.  Soyez  miséri- 
cordieux comme  votre  Pîre  céleste.  Apprenez 
de  moi  que  je  suis  doux  et  humble  de  cœur,  et 
vous  trouverez  le  repos  detos  âmes,  etc. 

La  plupart  des  anciens  philosophes  ont 
autorisé  la  colère  et  la  venge. inci' ,  ont  re- 
gardé la  liouceur  comme  unr  faiblesse.  (Jui  l- 
qucs-uns  ,  plus  sensée,  ont  compris  que  la 
colère  est  toujours  injuste,  i)ue  riiou;mc  ir- 
rité veut  le  mal  d'aiitrui  et  non  son  propre 
bien  ;  que  la  verlu,  <|ui  est  la  force  de  l'àme, 
consiste  principalcheal  à  nous  vaincre 
nous-tnêmes,  et  à  réprimer  les  nio'.ivements 
impélueux  qui  troublent  notre  âme.  Plu- 
sieurs stoïciens  ont  dcbité  sur  ce  sujet  <le 
très-belles  iiiasimes.  Il  est  ccriaiu  que  de 
tontes  les  passions  ,  la  colère  est  la  plus  ca- 
pable de  déranger  l'éc  nomie  animale  ;  sou- 
vent on  a  vu  des  personnes  d'un  carat  1ère 
violent  ex[>ircr  par  un  transport  de  colère. 
—  La  raison  devrait  donc  sullire  pour  nous 
eii  préserver;  mais  comme  le  remarque  Irès- 
bien  un  philosophe  moilerne,  pour  vaincre 
une  passion,  pour  le  vouloir  même,  il  faut 
qne  l'âme  raisonne,  qu'elle  examine,  qu'eile 
pèse  les  raisons  d'agir  et  de  se  retenir  :  or, 
le  arguments  de  la  raison  se  succèdent  avec 
lenteur,  les  impulsions  du  sentiment,  au  c^mi- 
traire  sont  rapides,  et  elles  ont  déjà  emporté 
l'homme  avant  qu'il  ait  délibéré  surca  qu'il 
aurait  dû  faire.  Dans  les  passions  tumul- 
luenses,  la  raison  se  lait  ;  elle  laisse  riio.nme 
sqns  défense  au  milieu  du  d.mger,  et  ne  lui 
fournit  des  armes  que  lors(iu'il  n'en  a  plus 
besoin;  elle  ne  revient  à  nous  que  pour  U'Us 
accabler  de  honle  et  de  remords  après  notre 
défaite.  La  religion  seule  peut  don<;  nous 
suiilonir  pendant  le  combat,  ou  nous  consu- 


COl 


012 


1er  de  nolro  faiblesse  par  l'espérance  du  par- 
don. Voy.  Passion. 

CoLÈuE  Dtî  PiEu.  K  La  colère  de.  Dieu  ,  di| 
saint  Augustin,  n'es!  rien  autre  chose  que  la 
justice  par  laquelle  il  punit  le  crime  :  ce 
n'esl  poini  en  Dieu  une  passion  ou  n  i  (rou- 
ble de  l  âme  eomuie  la  colère  de  l'botume, 
mais  une  petfedion  que  l'Iierilure  expriue 
en  disant  :  Pour  vous.  Seigneur  tout-i}uis- 
sanUvousjuyezjvecunelrani/uillilé  parf,iite,i> 
lili.  xiii(/e  t'iinii.,  c.  Iij.  «  Toute  punition, 
dit-il  encore,  est  nommée  colère  de  Dieu: 
mais  ordinairement  Dieu  punit  pour  cor- 
riger,  quelquefois  pour  damner.  Selon  l'E- 
criture, il  châtie  tout  enfant  qu'il  aime;  mais 
il  punira  pour  damner  lorsqu'il  aura  mis  les 
impies  à  sa  Kiiuche,  et  qu'il  leur  dira  :  Allez, 
mmidils,  au  feu  étcrwl.  »  {Serm.  2  in  Ps. 
Lviii,  n°  fi  .  «  Tout  ce  (|ue  nous  souffrons  en 
ce  monde  est  un  châlinsent  de  Dieu  qui  veut 
nous  corriger,  p"ur  ne  pas  nous  damner  à 
la  fin.  «  {Sern\.  22,  c.  3,  n"  3;  Senn.  471,  de 
Vcrbis  Apo'ildli,  n"  5;  Enar.  in  Ps.  cii,  n.  17 
et  20,  elc.)  Ce  que  nous  appelons  colère  d« 
Dieu  dans  cette  vie  est  donc  sou\ent  un  ef- 
fet de  miséricorde.  Laclance  ,  (lui  a  fait  un 
traité  de  la  Colère  de  Diiu,  se  home  à  prou- 
ver, contre  lipicure,  que  Dieu  récotnpense 
la  vertu  et  punit  |e  crime.  Ko^.  Justice  de 

DiED. 

COLÉTANS,  franciscains,  ainsi  appelés  de 
la  li.  t^oletie  Boilet,  de  Corhie,  dont  ils  em- 
brassèrent la  réforme  au  comnaeucement  du 
XV «  siècle.  Ils  conservèrent  ce  nom  jusqu'à 
la  réunion  qui  se  fit  de  toutes  les  reformes 
de  l'ordre  île  Saint-François,  en  vertu  dune 
bulle  de  Léon  X,en  lal7.  Par  la  même  rai- 
son, les  religieuses  colétines  reprirent  le 
nom  général  A'observantines  ou  de  Cla- 
ris es. 

COLLATINES.  Voy.  Qblates. 

COLLECTE,  dans  la  messe  de  l'Eglise  ro- 
maine, et  dans  la  liturgie  anglicane,  signifie 
une  prière  ou  oraison  convenable  à  l'oflice 
du  jour,  et  que  le  prêtre  récite  avant  l'Epî- 
Ire.  En  général,  toutes  les  oraisons  de  cha- 
que office  peuvent  être  appelées  collectes, 
parce  que  le  prêtre  j  parle  tonj  lurs  au  nom 
de  toule  l'assemblée,  dont  il  résume  les  sen- 
timents elles  désirs  pir  le  mot  oremus , 
prions  ;  c'est  la  remar(|ue  du  pape  Inno- 
cent 111,  cl  parce  que,  dans  plusieurs  auteurs 
anciens,  l'.issemblée  même  des  fidèles  est  ap- 
pelée collectes. 

Quelqoes-uns  altribuenl  l'origine  de  ces 
oraisons  aux  papes  liélase  et  saint  Grégoire 
letirand;  mais  il  est  très-probable  (|ue  ces 
deux  papes,  dans  leurs  Sncrnmentiiires^  n'ont 
fait  que  rassembler  cl  mettre  en  ordre  les 
prières  qui  étaient  déjà  en  usage  avant  eux, 
et  en  ont  ajouté  pour  les  nouveaux  offices. 
Cla -de  Despense,  doileur  de  la  Faculté  de 
Paris,  a  fait  un  traité  particulier  tiei  col- 
lectes, où  il  parle  de  leur  origine,  de  leur 
anli,;uilé,  de  leurs  auteurs,  etc.  — Le  P.  Le- 
brun (îîxplic.  des  cérém.,  tom.  I,  p.  192),  a 
fait  voir  que  ces  collectes  ou  prières  com- 
munes, qui  se  font  par  le  prêtre  au  nom  de 
toute  Rassemblée,  sont  de  la  plus  haute  anli- 


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quilé,  et  dotent  da  temps  des  apôtres.  L'es- 
prit du  christianisme  veut  que  les  désirs,  les 
prières,  le-,  lionnes  œuvres  soient  communes 
entre  les  G.lèle-^.  et  c'est  en  cela  que  con- 
siste la  communion  des  s  linis.  Ces  prières 
n'ont  pas  éie  mi>es  d'abord  par  écrit,  les 
prêtresse  les  iransDirllaient  par  traililion  ; 
mais  elles  ont  t')njoiirs  exprimé  la  foi,  les 
espérances,  les  sentiments  communs  des  fi- 
dèles :  c'e^t  la  voix  de  l'l'"glise  entière  qui 
s'exprime  par  la  bouche  de  ses  ministres. 
On  pt'iit  donc  y  puiser  avec  une  entière  cer- 
tiiude  sa  cruyance  et  sa  docirine. 

CoLLicrE  signifie  au-si  les  quêtes  que  l'on 
faisait  dans  la  primiiive  E;;lise,  pour  sou- 
lager les  pauvres  d'une  anire  ville  ou  d'une 
autre  province;  il  en  (  st  fait  mention  dans 
les  Ai'les  ei  dans  les  Epîiri's  des  apôtres. 

COI.LÉfiE.  On  a  quelquefois  donné  ce 
nom  à  ra>semblé"  des  apôtres,  et  l'on  a  dit 
le  collège  apnulollfiue;  par  analogie  ,  i>n  a 
noiiimé  nacré  culléi/e  le  cor()s  des  cardinaux 
de  l'Eglise  romaine  ,  formé  de  soixante- 
douze  membris,  par  allus  on  aux  soixante- 
douze  ilisnples  du  Sativenr. 

COLLEGE  DES  CAIIDINAUX  (1).  Le  col- 
lège des  Carilinaux,  qu'on  appelle  aussi  le 
sacré-(olléije  ,  est  le  corps  des  cardinaux, 
divisés  en  Imis  ordres  dilTéreuts  ,  six  evê- 
qiies,  cin(|uante  piètres  et  quatorze  d'acres. 
Chacun  de  ces  ordres  a  son  doyen  ou  chef, 
le  cardinal-évèque  d'Ostie  est  le  doyen  de 
l'ordre  des  évêques  et  de  loul  le  sarre'-cotlf'ge. 
—  Suivant  la  disciidine  actuelle  de  I  Eglise, 
le  colléf/e  des  cardinaux  esl ,  dans  l'ordre 
hiérarchique,  la  seconde  dignilé  ecclésias- 
tique; car  un  cardinal  a  le  pas  et  1  i  pré- 
séance sur  tous  les  primats,  archevêques  et 
évêques.  (Extrait  du  Diclivnn.  de  Juris- 
prudence.) 

COLLÉCjIALE,  église  desservie  par  des 
chanoines  séculiers  ou  réguliers.  Dans  les 
■villes  où  il  n'y  avait  point  d'évêque,  le  désir 
de  voT  célébrer  l'office  divin  avec  la  même 
pompe  que  dans  les  cathédrales,  fil  établir 
des  é;ilises  colUgiules  ,  des  chapitres  de  cha- 
noines qui  vécurent  en  coiiiniuu  et  sous  une 
règle  comme  ceux  des  églises  cathédrales. 
Un  monument  de  celte  ancienne  disi  ipline 
sonl  les  cldilrcx  qui  accompagnent  ordinai- 
rement ces  églises.  Lorsque  le  relàclieuienl 
de  la  vie  eanoniale  se  fut  introduit  dans 
quelques  cathédrales,  les  évè(iues  clioisirent 
ceux  d'entre  les  chanoines  qui  él.iieiit  les 
plus  réguliers  ,  en  formèrent  des  délache- 
iiicitts  ,  établirent  ainsi  t\ei  collégiales  dans 
leur  vilh' épisc 'pale.  Insensiblement  la  vie 
comni'ine  a  ce>sc  dans  les  églises  cidéginles 
aussi  bien  (|iie  dans  les  cu'beilrales  ;  c'e^t 
ce  qui  a  fait  naitre  les  cougregalions  des 
chanoines  réguliers  qui  oui  continué  à  vivre 
en  commun. 

tvOi^l.Ètlll'lNS,  nom  d'une  secte  formée  des 
arminiens  et  des  anabaptistes  eu  Hollande. 
Ils  s'assemblent  en  |iariiculier  tous  les  pre- 
miers dimanches  de  chaque  mois,  et  chacun 

(1)  Cet  article  est  reproduit  d'après  l'cJitiun  de 
Lxé^e.. 


a  dans  ces  as"îemblées  la  liberté  de  parler, 
d'expliquer  l'Ecriture  sainte,  de  prier  et  de 
chanter. 

Touscc«  eo?//'(7i'enssonl  sociniens  ou  ariens; 
ils  ne  coin  nunienl  point  dans  leur  collège, 
mais  ils  s'assemblent  deux  fus  l'an  ,  de 
toute  la  Hollande,  à  Hiusbourg,  village  situé 
à  deux  lieues  de  Leyde ,  où  ils  fout  la  com- 
munion. Ils  n'ont  point  de  ministre  particu- 
lier pour  la  donner;  mais  celui  qui  se  met 
le  premier  à  la  table  la  donne  ,  et  l'on  j  re- 
çoit iniliiïéreinmenl  tout  le  monde ,  sans 
examiner  de  (juelle  religion  il  est.  Ils  don- 
nent le  bapiême  en  plongeant  tout  le  corps 
dans  l'eau.  —  A  proprement  parler,  ces  col- 
légiens sont  les  seuls  qui  suivent  dans  la 
pratique  les  principes  de  la  réforme,  selon 
lesquels  chaque  [larticulier  est  seul  arbitre 
de  sa  croyance,  du  culte  (|u'il  veut  rendre  à 
Dieu,  et  de  la  discipline  qu'il  veut  suivre. 
A  la  vérité  leur  commiiniun  ne  met  entre  eux 
qu'une  union  très-légère  et  purement  exté- 
rieure.Ce  n'est  plus  là  riinaniinité  de  croyan- 
ce et  de  sentiment  que  saint  Paul  recomman- 
dait aux  fidèles  [PliiUpp.  I,  27;  n,2,etc.). 
Les  Juifs  et  les  pa'iens,  sans  blesser  leur 
conscience,  pourraient  fraterniser  avec  eux, 

COLLUrHil'NS,  hérétiques  du  iv  siècle, 
sectateurs  de  Colluthus.  prcire  d'Alexandrie. 
Ce  prêtre,  scandalisé  de  la  condescendance 
que  saint  Alexandre,  patriarche  de  celte 
viile ,  eut  dans  les  commencements  pour 
Arius  ,  dans  l'espérance  de  le  ramener  par 
la  douceur,  fit  schisme,  tint  des  assemblées 
sép  irées,  osa  même  ordonner  des  prêtres, 
sous  prétexte  que  ce  pouvoir  lui  était  né- 
cessaire pour  s'opposer  avec  succès  aux 
progrès  de  l'a  ianisme.  Bientôt  il  ajouta 
l'erreur  au  schisme  :  il  enseigna  que  Dieu 
n'a  point  créé  les  méchants  ,  et  n'est  pas 
l'auteur  des  maux  qui  nous  affligent.  Osius 
le  fil  condamner  dans  un  concile  qu'il  con- 
voiiua  à  Alexandrie  en  319. 

COLLVlllDIE.Ns,  anciins  iiérétiques  ,  qui 
rcn  iaieiii  à  la  sainte  Vierge  un  culte  outré 
et  su|ierstilieux.  Saint  Epiphane ,  qui  en 
fait  mention,  dit  que  les  femmes  d'.Vra- 
hie ,  entêtées  du  collyridiani.sme,  s'assem- 
blaient un  jour  de  l'année  pour  rendre  à 
la  \  ierge  un  culte  insensé,  qui  consistait 
principalement  dans  l'offrande  d'un  gâteau  , 
qu'elles  mangeaient  ensuite  à  son  honneur. 
Leur  nom  \ient  du  mot  grec  collyie,  polit 
paiii  ou  gâie;iu.  —  Suivant  le  récit  de  ce 
l'ère,  Hieres.  Id  ,  ces  femmes  adoraient  la 
sainte  Vierge  comme  une  divinité,  et  lui 
rendaient  le  même  culte  qu'à  Dieu,  puisi|u'il 
conclut  ses  ri  llexions  par  dire  ,  iju'il  faut 
adorer  \c  l'ère,  le  l'ils  et  le  Saint  Esprit, 
mais  qu'il  ne  faut  pas  adorer  Marie,  qu'il 
faut  seulement  l'honorer. 

Hasnage  (  Histoire  de  l'Eglise,  1.  xx,  c.  2, 
§  4  cl  siiii.)  a  (lisseité  beaucoup  sur  celte 
iiérésie;  de  la  manière  dont  saint  lîpiiihane 
l'a  réfutée,  il  conclut  que,  suivant  le  senti- 
ment de  ce  l'ère,  on  ne  doit  rendre  a  Marie 
aucun  culte  religieux  ;  il  argume.ile,  a  son 
ordinaire,  sur  l'équivoque  du  terme  ador<r 
et  O(io/aaon.  Nous  avons   remarqué,  et  il 


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en  convient  lui-même,  que,  dans  l'origine, 
adorer  a  simpleinenl  signifié  saluer,  IViire  la 
révérence  on  se  pruslerner,  lé:ii()ii,'iier  du 
res[)ecl  par  un  si!»ne  extérieur;  conséqnem- 
meiit  les  auleurs  sacrés  l'ont  employé  à 
l'ég-aril  de  Dirn,  des  angi's  et  des  personnes 
vivantes.  A  l'éuard  de  l)ieu  ,  il  si^inific  le 
culte  suprême  et  incoinniuniiiible  ;  à  l'égard 
des  anpes,  un  culte  reli;:ienx  ,  inl'érieiir  cl 
suliordonné;  à  l'égard  îles  humilies,  un  culte 
purement  civil.  Il  en  est  di-  même  du  mol 
culte,  qui,  dans  le  sens  primitif,  ne  signifie 
rien  autre  chose  que  respect,  hunneur.  révé- 
rence,  véneralion.  Le  ctide  est  ou  religieux  , 
ou  purement  civil ,  selon  l'objet  auquel  il 
s'adresse,  <  t  selon  le  motif  par  lequel  il  est 
rendu.  Vot/.  Ci  lte. 

Lorsque  les  Pèies  de  l'église  et  les  écri- 
vains ecclésiastiques  ont  entendu  par  cirlo- 
ration  le  culte  suprême,  ils  ont  dit,  comme 
saint  npiphane,  qu'il  laiil  adonr  Dieu  seul, 
et  qu'il  faut  seulement  liononr  les  saints  ; 
nous  le  disons  de  même  et  dans  le  même 
sens.  Mais  nous  souti  nnns  que  ['honneur 
que  nous  rendons  ;iux  anges,  aux  saints, 
aux  images,  aux  reliques ,  est  un  culte, 
puisque /lonneur  et  cu//e  sont  synonymes; 
nous  ajoutons  que  c'est  un  culle  religieux, 
parce  que  nous  le  leur  rendons  par  un  motif 
de  religion,  par  le  motif  du  respect  que 
nous  avons  pour  Dieu  lui-même.  Nous  res- 
jiectons  et  nous  honorons  dans  les  saints 
l'amour  que  Dieu  a  en  pour  eux,  les  grâces 
dont  il  les  a  comldés  ,  le  bonheur  éternel 
auquel  il  les  a  élevés,  le  pouvoir  d'inlerces- 
sion  qu'il  a  daigne  leur  accorder;  c'est  par 
ce  iiioiif  que  nous  honorons  leurs  images  et 
leurs  reliques.  Oiiaiid  on  dit  que  nous  les 
adorons ,  si  par  là  l'on  entend  que  nous  nous 
inclinons,  que  nous  nous  mettons  à  genoux, 
que  niuis  nous  prosternons  pour  l;  moigner 
notre  respect  ,  nous  ne  disputerons  pas  sur 
le  terme  ,  puisque  nous  faisons  la  même 
chose  à  l'égard  des  personnes  viv^mles,  mais 
par  un  niolif  diflcrent.  Si  l'on  en  conclut, 
comme  B.isnage  et  les  autres  prolestanls  , 
que  nous  leur  téinoignoiis  le  même  respect 
qu'à  Dieu,  et  que  nous  leur  rendons  le  culte 
suprême  qui  n'est  dû  qu'à  lui  seul,  nous 
répondrons  que  celle  imputalion  est  un  trait 
de  mauvaise  loi  et  de  m.ilignité 

Parce  que  des  femmes  et  des  ignorants 
slupides  ont  souvent  pi  ché  par  excès  dans 
cette  dévotion,  parce  que  des  écrivains  mal 
instruits,  et  qui  ne  pesaient  pas  la  valeur 
des  termes  ,  se  sont  mal  expli(|ués  sur  ce 
sujet,  il  ne  s'ensuit  rien  contre  la  croyance 
et  contre  la  doctrine  de  li'glise  caiholi-^ue  , 
ni  contre  les  pratiques  qu'elle  ap()rouve  ; 
elld  n'est  pas  obligée  d'enirelcnir  des  pro- 
fesseurs de  grammaire  pour  démêler  les 
équivoques,  les  sophiuiies  et  les  calomnies 
toujours  renaissantes  des  protestants.  Cent 
fois  on  les  a  réfutes  ,  et  cent  fois  ils  les  le- 
conimeacent ,  parce  que  c'est  un  prétexte 
pour  eu  imposer  aux  simples  et  nourrir  leur 
outélemenl.  Voy.  Culte,  Marie,  Saints, 
Images  ,  etc. 

Si  les  femmes  de  l'Arabie  n'avaient  offert 


des  g.lteanx  à  la  sainte  Vierge  que  pour  la 
supplier  de  remercier  Dieu  de  la  nourr.luro 
qu'il  d.ii;;ne  accorder  aux  hommes,  celte 
praiique  aurait  été  Irès-innoeente;  par  là 
ces  Icmmes  n'auraient  reconnu  dans  Marie 
qu'un  pouvoir  d'intereessiou  Si  elles  les  lui 
ollraieiit  dans  la  persuasion  que  c'était  la 
mère  de  Dieu  elle-même  qui  leur  accordait 
Celte  noiiriitiire  [lar  sou  propre  pouvoir,  et 
dans  l'iuieiition  de  lui  en  demander  la  eonti- 
uiiatiou,  c'était  alors  un  eultc  superstitieux  , 
et  qui  tenait  de  lidolâirie;  il  venait  du 
même  molif  p.ir  lequel  les  païens  faisaient 
des   oITrandes  à    leurs   dieux.    Voy.  Idola- 

TlilK. 

COLOMH  (saint).  Il  y  a  eu  autrefois  daus 
les  îles  Britanniques  une  congrég.ilioii  de 
chaniiincs  réguliers  de  ce  nom,  qui  était  fort 
étendue,  et  <iui  était  composée  de  rent  mo- 
nastères, lille  avait  été  élablie  par  saint  Co- 
lomb, Cohn,  ou  Colinkil  e,  Irlandais  de  na- 
li m,  qui  vivait  dans  le  vi"  siècle  ,  et  qu'on 
app'  Ile  aussi  saint  Coloinlian  ;  mais  il  ne 
laui  pas  le  confondre  avec  un  autre  saiut 
Cdiomban,  son  compatriote  et  son  contem- 
porain, fond  iteur  et  premier  abbé  du  mo- 
nastère de  Luxeuil  en  Franche-Comté.  On 
voit  encore  une  règle  en  vers,  qu'on  croit 
avoir  été  dictée  par  saint  Colomb  à  ses  cha- 
noines ou  moines  ;elleest  eu  ancienne  langue 
irlandaise,  et  elle  a  été  tirée  des  règles  des 
anciens  moines  de  l'Orient.  Voyez  Vie  des 
Pères  et  des  Martyrs,  t.  V,  p.  208. 

COLOIUTIÎS,  coiigrég  ition  d'Angustins  , 
ainsi  appelée  de  Cotonlo  ,  petite  monlagiie 
voisine  du  village  de  Morano,  dans  le  dio- 
cèse de  Cassano,  et  dans  laCalabrc  eitérieure. 
Ce  fut  dans  une  cabane  proche  d'une  église 
dédiée  à  la  sainie  Vierge  sur  cette  monta- 
gne, que  se  retira,  en  1530.  Bernard  de  Ilo- 
gliano,  et  qu'il  cominenea  l'iuslitutiou  de  la 
cungrégalion  des  Colorites. 

COLOSSIENS.  La  lettre  de  saint  Paul  aux 
Colossiens  leur  fut  écriie  de  Home  l'an  62, 
lorsque  l'ApTiire  y  él.iit  rtans  les  chaînes. 
Pour  préserver  ces  nouveaux  fidèles  de 
toute  tcnlalion  de  letonrner  au  judaïsme 
ou  au  p.iganisme,  saint  Paul  leur  donne  la 
plus  haute  iilee  de  Jesus-Clirist,  du  bienfait 
de  la  rédemption,  de  la  grâce  que  Dieu  leur 
a  f..ile  en  les  ;  ppelani  à  la  loi.  ei  les  leçons 
de  coiiduile  les  |dus  sages.  —  On  rem  irque 
beiiicnupde  ressemblance  entre  cette  l'ijiître 
et  celle  que  s  linl  Paul  écrivit  en  même  temps 
aux  Ephcsiens  ;  l'Apôire,  dans  plusieurs  [las- 
sages  de  l'une  et  de  l'autre,  emploie  les 
nièines  expressions. 

Les  protestants  ont  beaucoup  insisté  sur 
le  verset  18  du  chapitre  ii.  où  saint  Paul  dit: 
Que  personne  ne  vous  séduise  par  une  a/fec- 
ta'ion  d'humilité ,  et  parle  culte  des  a  ges , 
nitticlianl  dant  uiie  voie  qu'il  ne  cannait  pas, 
et  enflé  d'un  orgueil  vain  et  charml.  Us  en 
ont  0  indu  que  saint  Paul  réprouve  toute 
espèce  de  culte  rendu  aux  anges.  De  même, 
v.  20  et  2i  ,  il  blâme  les  abslinenci-s  que 
certains  docteurs  voulaient  prescrire  aux 
Colossiens;  mais  si  on  veut  lire  attentiie- 
inent  tout  ce  qui  précède  et  ce  qui  suit ,  ou 


917  COL 

verra  que  l'unique  dessein  de  sainl  Paul  est 
dé  détourner  les  Colossiens  des  i)ratiques  du 
judaïsme,  .-lUxquolles  de  faux  apôtres  avaient 
voulu  lesassujc'llir.  Or,  ;ia  mot  Coelicolks, 
nous  ;ivons  vU  que  les  Juifs  ont  été  accusés 
d'adi)t-er  les  angis,  c'esl-à-dire,  les  inlelli- 
geiices  ou  p:éliies  dont  on  croyait  les  astres 
animés  ;  culte  noii-seiilement  suppr?li!iem  , 
tuais  idolâirique,  formellement  défendu  par 
la  loi  de  iMoïse,  et  encore  plus  contraire  à  la 
doctrine  de  Jésus-Clirist;  c'est  pour  cela  que 
l'Apôire  ajoute  que  ces  gens-là  ne  demcu- 
taient  point  att;icliés  à  ce  divin  Sauveur  , 
qui  est  le  chef  de  l'Eglise  et  la  source  de 
toutes  les  grâces.  Mais  ne  peut-on  pas  ho- 
norer et  invoquer  les  anges  dont  il  est  fait 
mention  dans  l'Eciiturc  sainte,  parce  qu'ils 
soni  les  niitiistrés  et  les  amb  issadenrs  dimt 
Dieu  s'est  siei  vi  pour  aniionctr  a!ix  hommes 
les  mystcres  de  Jésus-Christ?  Ce  divin  Sau- 
veur lui-même,  après  son  ascension  dans  le 
ciel  ,  a  envoyé  bes  espriis  hienhuiireux  pour 
délivreÉ-sainl  Pierre  de  ses  liens,  pour  révéler 
à  saint  Jean  les  destinées  de  l'Eglise  .  etc.  ; 
Ips  honbier,  ce  n'est  donc  pas  se  déiaclier 
dfe  Jésus-Christ,  puisf|u'on  ne  leur  aitribue 
d'autre  pouvoir  que  d'exécuter  ses  volontés 
sur  la  terre.  Voy-  Ange. 

Ce  n'eï't  pas  non  plus  ressusciter  le  ju- 
daïsme qui;  de  prali(iuer  des  ahsiinences, 
nbn  par  le  même  motif  que  les  Juifs,  m  lis 
pbur  accomplir  le  précepte  que  s.iint  Paul 
impiise  aux  Colossiens ,  dans  celte  même 
lettre,  c.  m,  v.  5,  de  mortifier  les  désirs  de- 
réglés  de  la  thair,  au  nomhrc  desiiueis  ou 
doit  certainement  mettre  la  goiirmaudisc. 
V'oi/.  Abstinence. 

COLYBES,  nom  que  les  Grecs,  dans  leur 
liturgie,  oni  donné  aune  olVrandcdo  froment 
et  de  légumes  cuits,  qu'ils  font  à  l'honneur 
des  saints,  et  en  mémoire  des  morts;  Balsa- 
mon,  le  P.  Coir  et  Léon  Allatius  ont  écrit 
•sut-  cette  malif'ri'. 

Les  Grecs  fi:nt  bouillir  une  certaine  quan- 
tité de  l'rbmertt  cl  la  mellenl  on  petits  mon- 
ceaux sur  une  assiette,  ils  y  ajoutent  des 
pois  piles,  des  noix,  hach 'Cs  cl  des  pépins 
de  raisin  ;  il  divisent  le  toul  en  plusieurs 
compartiments  sépares  par  des  feuilles  de 
persil,  et  c'est  <"\  cette  composition  qu'ils 
donnent  ie  nom  de  xo).OÇa.  —  Ils  ont,  pour  la 
bénédiction  des  culijbes,  une  formule  particu- 
lière, dans  liKiuelle  Ils  l'ont  des  vœux  pour 
que  Dieii  bénisse  Ces  fruits  et  ceux  qui  in 
inangerotll ,  parfce  qu'ils  sont  olVerts  k  sa 
gloire  en  mémoire  île  tel  saint  el  de  quel- 
ques (idèles  décédés.  Halsamon  aUribui<  à 
saint  .Mhai.ase  l'institution  de  celte  céré- 
monie; mais  \ii  Syitiiicairc,  l^ui  est  une  Vie 
de»  saints  en  alii-égc,  en  fixe  l'ori^rine  au 
temps  de  Julien  l'A  postât  ;  il  dit  que  ce  prince 
ayi''nt  fait  proaner  le  p.iin  et  les  antres  deli- 
réesqtii  se  v(-nilaieiit  au  marché  de  Constan- 
tinople  au  ctimmenceneni  ducaicnic,  par 
le  s.ing  deâ  viandes  immolées,  le  patriarche 
Eudoxe  ordonna  aux  chreliens  de  ne  manger 
que  des  colylies,  ou  du  Iromenl  cuit:  et  que 
c'est  (  n  hiémoire  de  cet  événement  qu'on 
a  coutume   de  bénir   el   de  distribuer  les 


COM 


948 


colybcs  àiix  Qdèles,  le  premier  samedi   de 
caiéme. 

On  peut  consulter  un  petit  Traité  dts  co- 
lijbes,  écrit  p.ir  Gabriel  de  Phil.ideliihie, 
pour  répon  Ire  aux  imputations  île  quelijues 
écrivains  de  l'Eglise  l;iline,  qui  dés.ipprou- 
vaient  cet  usage  :  traité  que  M.  Simon  a  fait 
iio]  rimer  à  Paris,  eu  grec  et  eu  latin,  avec 
des  remarques. 

COM.MANDEMENTS  DE  DIEU.  On  donne 
[irincip.ilemeut  ce  nom  aux  dix  préceptes 
qu;  Dieu  lit  graver  par  Mo'ise  sur  des  tables 
de  pierre  ,  comme  le  fond  et  le  sommaire 
de  la  morale.  Voi/.  Décalogue.  Jésns  Christ 
a  observé  dans  l'Evangile  tju'ils  se  réduisent 
à  deux  ,  à  aimer  Dieu  sur  t'Utes  choses  ,  et 
le  prochain  comme  nous-mêmes.  C'est  le 
s<mimaire  de  la  mor.ile  chrétienne  ,  aussi 
bien  que  celle  des  Juifs;  il  n'a  pas  é!é  in- 
connu aiix  patriarches,  puisque  c'est  la  loi 
naturelle  :  on  le  Irouve.  tout  entier  dans  le 
livre  de  Job,  et  il  vienl  de  la  révélation  pri- 
mitive que  Dieu  avait  donnée  à  nos  pre- 
miers parenis. 

Quoi(iue  celle  loi  n'ordonne  rien  qui  ne  soit 
prescrit  par  la  loi  naturelle  el  conforme  à  la 
droite  raison, aucun  peuple  n'a  parfaitement 
connu  celte  morale  que  , par  la  révélaliou. 
Les  philosophes  mêmes,  avec  loule  leur  sa- 
gacité ,  ont  elé  dans  l'erreur  sur  plusieurs 
articles  essentiels  ;  la  plupart  ont  approuvé 
la  vengi'ance,  le  mi  nsonge,  le  meurtre  dis 
enfants,  la  prostilutiim  ;  ils  ont  méconnu  le 
tiroil  des  gens,  etc.  Voy.  Muhale. — Dieu, 
sans  déroger  à  sa  sagesse,  à  sa  bonté,  à  sa 
justice,  a  pu  faire  aux  hommes  d'autres  com- 
mandeiiietils,  leur  donner  des  lois  positives, 
auxqnelles  ils  sont  obligés  de  se  conformer 
lorsqu'ils  les  connaissent.  Voy.  Lois  uivi?(£S 
posrriviis. 

Commandements  de  l'Eglise,  lois  que  les 
pasteurs  de  l'Eglise  oni  faites  en  difl'crenls 
temps,  pour  éliiblir  l'ordre  et  runilormile  , 
soil  d.iiis  le  culte  divin,  soil  dans  les  n.œurs. 
Saiulilicr  les  fêtes,  assister  ù  la  messe,  ob- 
server l'abstinence  el  le  jeûne  à  certains 
jours,  respecter  les  censures  ecclésiastiques, 
etc.,  sont  des  devoirs  que  l'Eglise  a  elé  en 
droit  d'imposer  aux  fidèles,  et  auxquels  ils 
sont  obligés  en  conscience  de  satisfaire.  — 
Au  mol  Lois  ECCLÉsiASTiQLEs ,  nous  prouve- 
rons que  rEi;lise  a  re^'u  de  Jésus-Christ  le 
pouvoir  de  faire  des  lois,  que  cette  aulorilé 
lui  était  nécessaire,  qu'elle  en  a  fait  usage 
depuis  les  apolrcs  jusqu'à  nous  ,  qu'il  n'en 
résulte  aucun  inconvénient  à  l'autorité  des 
souverains,  ni  au  gouvernement  civil  des 
Etals  ;  les  clameurs  de  ses  ennemis  contre 
les  lois  de  discipline  établies  ^ar  1  Eglise  , 
sont  frivoles  et  injustes. 

COM.MÈMOilA'l'ION.  COMMÉMOUAISON, 
souvenir  que  l'on  a  de  quelqu'un,  prière  ou 
cérémonie  destinée  à  en  rappeler  la  mé- 
moire. Parmi  les  catholiques  romains,  ceux 
qui  meurent  font  souvent  des  legs  à  lEglise, 
à  ch.irgc  que  l'on  dira  pour  eux  tant  de 
messes ,  el  que  l'on  fera  cotninéiiiorutioii 
d'eux  dans  les  prières.  —  Comméiuuialion 
se  dil  eucore,  daus  la  rocilaliuu  du  bré- 


949 


COM 


COM 


950 


viaire ,  de  la  mémoire  que  l'on  fait  d'un 
saint,  on  de  la  férié,  ]iar  une  antienne,  ua 
yerset  el  une  oraison  ,  à  laudes  et  aux  vê- 
pres, et  par  une  collecte,  une  secrète  el  une 
post-cnmmuiiion  à  la  messe. 

La  commémoration  des  morts  est  une  fête 
qui  se  célèbre  le  srcund  jour  de  novenil)re, 
en  mémoire  de  tous  les  fidèl''s  trépassés  ; 
elle  fut  instiluéo  dan<  le  xi'  siècle  par  saint 
Odilon,  abbé  de  Cluni.  A  l'iirtiile  Morts, 
nous  prouverons  l'antiquité  de  l'u<age  éla- 
bli  dans  l'Fglise  clirélienne  de  prier  pour  les 
morts,  les  conséquences  i|ni  en  résullent  à 
l'avantage  de  la  société,  l'injustice  des  plain- 
tes que  les  jirolestanis  ont  laites  contre  cet 
acte  de  charilé.  —  Dès  les  |>rrmiers  siècles 
de  l'Eglise,  l'usage  s'établit  de  faire,  dans  les 
assemblées  chrétiennes,  la  commémoraiion 
des  martyrs,  le  jour  anniversaire  de  leur» 
mort  ;  la  qaestion  est  de  savoir  quelle  élait 
l'intention  des  fidèles  dans  lelie  prati- 
que ;  nous  disons  que  c'est  un  témoignage  du 
culte  rendu  aux  nmiljTS  ;  les  protestants 
8ouliertnent  qu'il  n';.  a  d;ins  cette  cou- 
tume aucune  marque  ni  aucune  preuve  de 
culle.  Basn;ige,  qui  a  traité  exprès  celte 
question  (llist.  de  l'Eglise,  liv.  xviii,  c.  7,  S3 
etsuiv.),  prétend  que  l'on  agissait  ain>-i,  1° 
afin  d'honorer  la  mémoire  de  ceuj-  qui  araient 
comliai tu  \)oar  Jésiis-Clirist  ;  ainsi  s'expri- 
mait l'iîglise  de  Sniyrne  en  parlant  du  mar- 
tyre de  saint  Poljcarpe.  2°  Aliii  que  les  lidè- 
les  lussent  encouragés  par  cet  exemiile  à 
soulTiir  pour  leur  foi.  3°  Dans  les  Consiitu- 
tions  apusloliqius,  1.  viii,  c.  13  ,  il  est  dit  : 
Faisons  viéiiioire  des  marlijrs,  afin  q:ic  nous 
soyons  trouvas  dignes  de  participer  à  leurs 
combi)ls,k°  ^aint  Gyprien,  epist.  12  et  3;),dit: 
■Nous  o/frous  des  sicrifices  pour  les  martyrs 
toutes  les  fots  que  nous  cri'brons  la  commé- 
moration anniversaire  de  leur  passion.  Ces 
saciifices,  selon  Hasnage,  étaient  (es  obla- 
tions  que  l'on  présentait  ù  l'autel,  el  on  les 
faisait  pour  attester  que  l'on  conservait  avec 
les  niarlyi  s  l'union,  qui  es^l  appelée  dans  le 
symbole  la  communion  des  saints.  Ces  obla- 
lions  n'étaient  point  laites  aux  martyrs,  mais 
à  Dieu  pour  les  martyrs. 

Dans  tous  les  éloges  qu'en  ont  faits  les  au- 
teurs des  trois  premiers  siècles,  nous  ne 
trouvons  aucune  prière  ni  aucun  vestige 
d'invocation  aJieNsce.aux  marijrs.  L'Kglisc 
de  ^myrue  dit  :  Nous  aimons  les  martyrs, 
mais  nous  n'adorons  quf  Jésus-Christ  (li.isè- 
be,liv.  IV,  c.  15).  Er.lin,  aucun  des  auteurs 
païens  qui  ont  écrit  contre  le  christiiinisme, 
n'a  reproche  aux  chrétiens  d'adorer,  d'invo- 
quer, ni  de  prier  les  martyrs.  De  toutes  Ces 
preuves,  les  protestants  concluent  que  le 
culte  des  martjrs  n'a  commencé  qu'au  iv" 
siècle.  —  Quand  cela  serait  vrai  ,  nous 
présumerions  encore  qu'au  iv^  siècle  l'on 
savait,  pour  le  moins  aussi  bien  qu'au  xvr, 
ce  qui  était  conlbrme  ou  opposé  à  l'esprit 
du  chrisliaiii>me,  ce  que  Jésus -Christ  el 
les  apôtres  avaient  commandé  ,  conseillé  , 
permis  ou  défendu;  qu'à  celte  époque  Jé- 
sus-Christ n'a  pas  permis  sans  doute  que  son 
Eglise,  qui  jusqu'alors   avait   Icmoigaé  la 


plus  grande  horreur  de  l'idolâtrie,  s'en  ren- 
dît tout  à  coup  universellement  coupable. 
Mais  iious  avons  de  plus  fortes  preuvcsqu'uiie 
simple  présomption. 

1"  Nous  demandons  quelle  différeoee  il 
faut  im  tlie  entre  honneur  et  culte  ,  entre 
cuite  religieux  et  honneur  rendu  pur  motif 
de  religion;  lorsque  les  protestants  auront 
satisfait  à  cette  (jucstion,  nous  parvien- 
drons peut-être  à  nous  accorder  ou  du 
moins  à  nous  entendre  sur  le  reste.  L'hon- 
neur rendu  aux  martyrs  n'était  certai- 
nement inspiré  par  aucun  motif  humain, 
par  aucun  intérêt  temporel,  par  aucune  con- 
sidération puisée  dans  la  nattire  ;  il  était  donc 
suggéré  par  la  loi  et  par  la  religion.  —  2° 
Nous  voudrions  savoir  en  quoi  consiste  la 
communion  des  saints,  que  l'on  voul.iit  en- 
tretenir avec  les  maityrs;  selon  l'idée  que 
nous  en  donnent  les  apôtres,  c'est  la  parti- 
cipation ou  la  communication  mutuelle  de 
prières,  do  bonnes  œuvres,  de  secours,  d'as- 
sistance, de  bienfaits  spirituels  et  temporels 
{Rom.  \i],  13  -.Galat.  vi,  0;  liebr.  xiii,  16; 
i  l'etri,  IV,  8).  A  quoi  se  réduirait  cette 
conitnunication  ave.c  les  martyrs  après  leur 
mort,  s'ils  ne  pouvaient  ni  prier,  ni  intercé- 
der pt  ur  nous,  ni  nous  secourir  en  aucune 
nianiire;  el  do  quoi  nous  servirait-elle? 
lîasnagn  ne  s'expli()ue  pas  là-dessus,  t- 3* 
Nous  ilisons,  aussi  bisn  que  l'Eglise  de 
î?myrne,  que  noo>odorons  Jésus-Clirist  seul, 
dès  que  l'on  entend  par  adoration  le  culle 
divin  et  suprêuu',  et  que  nous  aimons  les 
Wf/cfyrs;  pourquoi  les  aimerions-nous,  s'ils 
ne  nous  aimaient  pas  eux-mêmes  ?  Selon 
saint  Paul,  la  chai  ilé  doil  être  mutuelle,  et 
celle  charité  ne  meurt  jatnais  ;  elle  subsiste 
doue  dans  les  martyrs  r  s'ils  nous  aiment,  ils 
s'intéressent  à  notre  salut,  ilsledcsirent,  ils  le 
deiiiandeni  à  Dieu, et  sans  cela  nous  n'aurions 
aucun  motif  de  les  aimer.  —  h'  Saint  Cy  prien 
ne  parle  pas  seulement  d'oblations  ou  d'of- 
fiandes,  mais  de  sacrifices  pour  la  commé- 
moration des  martyrs,  obliitiones  el  sacri/icia. 
(Ep.  37,  i>lim  12).  Dans  les  Ct.nst.  apost.,  1. 
viK,  c.  12,  on  lit  :«  Nous  vous  oflrons  en- 
core, Sei'.'neur,  pour  tous  les  saints,...  ai)Ô- 
tres,  martyrs,  confesseurs,  etc.  «Est-il  ques- 
tion là  del'cuchari^tieapiès  la  consécration? 
Basiiage  n'aviiil  garde  de  le  remarquer.  Ces 
obl.itions,  dil-il,  se  faisaient  à  Dieu  pour  les 
martyrs,  ou  afin  qu'ils  obtinssent  quelque 
nouveau  degré  de  gloire,  ou  pour  marquer 
que  l'Eglise  enlreieuait  communion  avec 
eux.  Nous  soutenons  que  c'était  pour  l'un  et 
l'autre.  On  demandait  donc  ainsi  un  nou- 
veau degré  de  gloire  pjur  les  martyrs  :  or, 
c'en  est  un  de  pouvoir  contribuer  par  leurs 
prières  au  salut  de  leurs  frères  ;  on  deman- 
dait à  Dieu  !a  communion  avec  eux;  et, 
eiicore  une  fois,  celle  communion  aurait 
été  nulle,  si  les  martyrs  ne  pouvaient  pas 
intercéder  pour  nous.  C'est  ce  que  fait  en- 
core l'Eglise,  lorsqu'elle  offre  le  saint  sacri- 
fice à  Vhonneur  des  martyrs  et  des  autres 
saillis;  celte  expression,  sur  laquelle  les 
protestants  ont  tant  glosé,  ae  signiiie  rien  do 
plus  que  ce  qu'a  vu  Basnage  lai'Uiéme  dans 


O'oi  COM 

la  prntique  de  l'Eglise  prirailive.  — 5°  Est-il 
vrni  qu'il  n'y  ;i,  diins  les  monnnienls  des 
trois  (irctniers  siècles,  aurun  \  estime  .l'iiivo- 
calion  c'esm.irlyr^?  Si  l'on  croyail  à  leur  in- 
tercession, comme  nous  venons  de  I  •  prou- 
ver, l'invocation  s'ensuit  évidemment.  Saint 
Cyprien  conjure  des  martyrs  de  se  souvenir 
de  lui.  Iiirsque  le  Seiiineur  aura  conimcncé 
à  honorer  leur  mnriyre  (£,.  de  lande  Mariy- 
d'i;  à  la  fin,  il  fiil  la  même  prière  à  des 
vierges  (L.  de  llahitu  virgin.).  C'était  les 
iiiviiquer  du  niuins  d'avance  ;  nousappnrie- 
rons  il'  nires  preuves  ailleurs.  Voi/.  Saints. 
COMMENCEMENT.  Au  commencement. 
Dieu  créa  le  ciel  et  lu  terre  [Gen.  1,1).  Au 
commencement  ét<iit  le  Verbe, il  élail  en  D:eu, 
et  il  était  Dieu  [Joim.  i,  1).  La  comparaison 
de  ces  deux  lassages  a  donné  lieu  aux  in- 
terprètes de  faire  plu'^ieu'r*  remaniues  im- 
portantes, et  aux  liéréliques  d'imaginer 
plusieurs  manières  d'en  pervertir  le  sens. 
Dans  le  premier.  Moïse  enseigne  que  le 
monde  a  (oinmenré,  qu'il  n'est  pas  éternel, 
que  c'est  Dieu  qui  l'a  créé  ou  l'a  tiré  du 
néant,  qu'avant  ce  moment  rien  n'existait 
que  Dieu  cl  l'elerniié.  Ensuite  il  nous  ap- 
prend que  Dieu  a  donné  lé  re  à  toutes  cho- 
ses |).ir  une  simple  parole,  par  un  acte  de  sa 
volonté,  ((u'il  n'y  avait  par  conséquent  point 
de  matière  préexistante,  de  laquelle  Dieu  ait 
eu  besoin  pour  en  former  le  momie.  Il  dit  : 
Que  la  lumine  soit, et  la  lumière  fut,  ainsidu 
resle.  Deux  grandes  veriiés  que  les  ph  loso- 
phes  onl  ignorées,  qu'ils  ont  même  eombat- 
tiics,  puisque  les  uns  ont  admis  l'éternité  de 
la  malière,  les  autres  rélernlté  du  monde  : 
erreurs  qui  en  onl  fait  naître  une  infinilé 
d'autres.  Les  sociniens  onl  fait  de  vains  ef- 
forts pour  soutenir  que  les  paroles  de  Mo'i'se 
ne  prouvaient  pas  le  do^-me  de  la  créa- 
tion    d'une    manière    incontestable.    Voy. 

CllÉATION. 

Dans  le  second  passage,  saint  Jean  dé- 
clare que  quand  Dieu  a  créé  le  monde,  le 
Verbe  divin  était  ilcjà,  (pi'il  était  en  Dieu,  et 
qu'il  était  Dieu  ;  que  c'était  par  conséquent 
une  personne  subsistanlo  et  distingné(ï  de 
Dieu  le  Père  ;  ce  Verbe  n'a  donc  [);iint  eu  de 
commencrnient,  il  est  co-élerncl  à  Dieu,  l'ar 
là  l'évangélislc  réfutait  Cérinihc  et  d'autres 
hérétiques  qui  niaietit  l'éternité  et  la  divinité 
du  Verbe.  Voy.  Veube. 

Les  siiciiiiens  se  sont  enrorc  tournés  de 
toutes  manières  pour  altérer  le  sens  de  ces 
paroles;  ils  ont  dit  que  saint  Jean  voulait 
seulement  donner  à  entendre  que  Dieu  a 
créé  le  Verbe  avant  les  autres  créatures.  En 
cela  ils  ont  contredit  Moïse,  qui  eniieigiie  que 
les  |)remièresrlioses  aux(|uelies  Dieu  a  donné 
l'être  sont  le  ciel  et  la  terre  ;  cela  ne  serait 
pas  vrai,  si  Dieu  avait  crc'é  le  Verbe  aupara- 
vant. Ils  ont  eontredit  saint  Jean  lui-même, 
qui  ajoute  ([ue  par  le  Verbe  toutes  rlioses 
onl  été  faites,  et  ijuc  rien  de  ce  qui  a  été  f.iit 
ne  l'a  élé  sans  lui  ;  eerlainemeut  le  \  crbe  ne 
s'est  I  as  fait  lui-même.  D'autres  ont  pré- 
tendu (|ue  saint  Jean  ne  parlait  point  du 
commencement  de  toutes  choses,  mais  du 
commencement  de  la   loi   de  grâce,  qui  a  été 


COM 


958 


comme  une  nouvelle  création  ;  .Tésus-Christ, 
en  effet,  l'appelle  la  régénération,  ct\i\Q  re- 
nouvellement de  toutes  choses  (Muttli.  xix, 
28).  Mai'i  p'iur  quelles  raisons  les  sociniens 
veub'nl-ils  donner  au  mot  foi  mincement.iinoa 
saint  Jean,  un  autre  sens  que  celui  ()ii'il  a 
dans  le  premier  verset  de  la  Genèse?  L'évan- 
géliste  fait  assez  comiirendre  qu'il  parle, 
aussi  bien  que  Moïse,  du  commencement  de 
l'univers,  puisqu'il  ajuute  que  toutes  choses 
onl  été  faites  par  le  Verbe,  etc.  Il  a  donc 
voulu  nous  apprendre  que  ce  Verbe  a  créé 
le  monde.  Le  Psaliniste  a  dit  de  même,  que 
Dieu  a  fait  les  deux  par  sa  paroi"  on  par  son 
Verbe,  et  leur  armée  par  le  souffle  de  sa  bou- 
che, oa  par  son  espi  il  ;  telle  es!  l'énergie  du 
texte  hébreu  (Ps.  xxxii;  fiebr.  xx\i:i,  6). 
Aussi  filiisieurs  interpièles  ont  vu  dans  ce 
passage  les  trois  Personnes  de  la  sainte  Tri- 
nité, Dieu,  son  Verbe  et  son  Esprit.  Ceux 
donc  qui,  dans  leurs  versions,  font  dire  à 
saint  Jean  :  De  toute  éternité  était  le  Verbe, 
il  élail  en  Dieu,  et  il  était  Dieu ,  n'en  al- 
tèrent pas  le  sens,  puisciu'avaut  la  nais- 
sance du  monde  rien  n'existait  que  Dieu  et 
l'élernité. 

Une  autre  imagination  fausse  des  soci- 
niens, est  de  soutenir  que  ces  paroles,  tou- 
tes choses  ont  élé  faites  par  lui,  signifient 
seulement  que  Jésus-Chri-t  a  renouvelé 
toutes  choses.  Peuvent-ils  citer,  dans  toute 
l'Ecriture  sainte  ,  un  seul  passage  dans 
lequel  faire  signifie  renouveler  ?  Sa\nl  Jean 

dit,  v.ltel  10  :  Le  Verbe  était   la  lumière 

il  était  dans  le  monde,  le  monde  a  élé  fait  par 
lui,  et  le  monde  ne  l'a  pas  connu.  Certaine- 
ment le  Verbe  n'a  pas  renouvelé  le  monde, 
lorsque  le  luonde  ne  le  connaissait  pas. 

On  ne  peut  pas  approuver  non  plus  l'inter- 
prétation du  P.  Hardouin  qui,  en  réfutant 
très-bien  les  sociniens,  les  favorise  cepen- 
dant, en  disant  que  par  le  monde  on  doit  en- 
tendre le  peuple  juif.  Peut-on  soutenir 
qu'avant  la  naissance  de  Jésus  Christ,  le 
Verbe  n'existait,  n'opérai!  et  n'éclairait  per- 
sonne (|ue  chez  le  peuple  juif?  Ce  n'i'st  (las 
ainsi  (jiie  l'ont  enleuiiu  les  Pères  de  l'Eglise, 
(lui  ont  soutenu  que,  depuis  la  création 
jusqu'à  nous,  tout  ce  (|iie  les  hommes  en  gé- 
néral ont  reçu  d(!  grâces  et  de  lumières,  leur 
a  été  donné  par  le  Verbe  divin.  —  La  seule 
manière  de  prendre  le  \  rai  sens  de  l'Ecri- 
ture sainte,  e>l  de  nous  en  tenir  à  la  tradi- 
tion, à  l'explication  et  au  sentiment  des  Pè- 
res de  l'Eglise,  surtout  des  plus  .'inciens. 
Saint  Ignace,  disciple  de  saint  Jean  l'évan- 
géliste,  était  sans  doiiie  bien  instruit  de  la 
doctiine  (le  son  maîire  :  or,  il  enseigne,  de 
la  nwinière  la  plus  po>itive,  que  le  Verbe  di- 
vin n'a  piiinl  eu  de  commen<  enient,  (ju'il  est 
par  ciinséqtient  coéteriiel  à  D'wu  (Kpist.  ad 
Magnes.,  n"  8j.  Il  dii  i|tie  Jésus-Christ  est  le 
Fils  de  Dieu  et  son  Verbe  éternel,  qui  n'est 
point  né  du  silence  :  Veilnim  ipsius  ater- 
numnon  a  sllrnlin  progredieris.  Voy.  Vkroe. 

t;OM.ME\TAIUES ,  COMMENTATEUHS; 
interprétation  des  livres  saints,  auteurs  qui 
les  ont  expliqués.  Des  livres  i|ui  existent,  les 
uns  depuis  dix-huit  siècles,  les  autres  depuis 


955 


COM 


COM 


954 


quatre  mille  ans,  qui  sont  écrits  dans  des 
langues  iiiorli  s,  qui  ppi^nciil  des  mœurs  et 
des  usages  tiès-diiléreiils  des  nôlns,  qui 
coiilieiineiil  une  doclrine  que  vingi  sorles 
d'Iiéréliqucs  onl  lâcliéde  corrompre,  no  peu- 
vent éire  aussi  aisés  à  entendre  que  des  li- 
vres modernes.  Il  lautdoiic,  pour  les  expli- 
quer, des  hommes  qui  aient  étude  les  lan- 
gues, l'histoire,  les  nururs  antiques,  la  gco- 
grapliie,  l'histoire  naturelle,  etc.,  qui  aient 
rapproché  et  comparé  les  passages,  qui  aient 
consulté  la  Iradilion;  et  toulis  ces  connais- 
sances ne  son(  pas  aisées  à  rassembler.  Les 
commenldteurs  les  plus  estimés  sont  ceux  qui 
les  ont  possédées  au  plus  haut  degré,  qui  se 
sont  le  plus  allachés  à  développer  le  sens 
liliéral  et  naturel  des  auteurs  sacrés.  La 
multitude  de  hurs  commentaires  est  immen- 
se ;  on  peut  s'en  convaincie  par  l'ouirage 
du  P.  Le  Long,  inlitulé  Bibliotliecn  sacra. 

Les  uns  ont  travaillé  sur  loulc  IKcriUire 
sainte,  les  autres  sur  certains  livres  eu  par- 
ticulier; quelques-uns  se  sont  bornés  à  dis- 
cuter un  seul  fait  de  l'Errilure  sainte,  ou  uu 
passage  qui  paraissait  plus  obscur  que  les 
autres.  Plusieurs  l'ont  lait  pour  établir  ctap- 
piiver  les  dogmes  de  la  loi  calholique  ,  les 
hétérodoxes  pour  étayer  leurs  opinions  par- 
ticulières et  leurs  erreurs. 

A  la  vue  de  cette  multitude  de  volumes, 
les  incrédules  ont  dit  que  l'Iùriture  sainte 
est  donc  un  livre  indichilïrable,  puisqu'il  a 
fallu  tant  de  trivaux  pour  en  monher  le 
sens.  Ils  n'ont  pas  fait  allcntiou  qne  les 
commentiitettrs  onléciil  les  uns  en  Italie,  les 
autres  eu  Kspai;ne,  ceux-ci  en  France, 
ceux-là  eu  Allemagne  ou  en  Angle- 
terre ,  dans  diftérents  siècles  ,  et  dans 
les  diverses  communions  chrétiennes,  chez 
les  .luil's  mêmes;  fort  souvent  tous  disent  la 
même  chose,  ils  ne  sont  divisés  que  sur  le 
sens  d'un  petit  nombre  de  passages  ;  leur 
concert,  sur  tout  le  teste,  démoniro  la  vérité 
du  sens  que  tous  onl  également  aperçu.  — 
Quelle  multitude  de  commenlaires  n'a-t-on 
pas  faits  sur  les  poêles  grecsel  laiins  1  Cela  ne 
prouve  pas,  s.ins  doute,  que  ces  auteurs 
soient  inintelligibles  ;  ce(iend.inl  11  n'jf  a  pas 
long  enijis  que  l'on  a  commencé  ce  genre  de 
travail,  au  lieu  que  l'un  s'est  exercé 
sur  ri'^ciiluie  sainte  dans  tous  les  siè- 
cles. —  Les  ordonnances  de  nos  rois  ne 
iout  pas  sans  doute  un  chaos  d'obscurité  ; 
cependant  a  quelle  multitude  de  commentai- 
res u'out-elles  pas  donne  lieu! 

Mais  la  nécessité  de  ces  commentaires  ne 
prouve  (|ue  trop  le  besoin  dans  lequel  sont 
les  siiii|  les  fi.icles,  d'une  autre  règle  de  foi 
que  riù;iiture  sainte  pour  fonder  et  diriger 
leur  croyance.  On  ne  conçoit  pas  comment 
les  rétbi  m  .leurs  qui  onl  po^é  pour  [irincipe 
que  l'I-criluie  sainte  i  st  la  seule  règle  de 
loi,  ont  osé  eutieiirendre  de  l'exiiliquer  eux- 
mêmes.  Si  elle  est  claire,  qu'a-t-elle  besoin 
d'explication?  Si  les  fidèles  soi-.t  en  droit  de 
n'avoir  aucun  égard  à  celle  explication 
même,  à  quoi  peut-elle  servir?  Et  il  faut  re- 
marquer (]ue  les  passages  sur  lesquels  les 
protestants  ont  fondé  leur  nouvelle  croyance 


et  leur  séparation  d'avec  l'Eglise  romaine, 
sont  justemont  ceux  qui  leur  ont  paru  avoir 
le  plus  de  besoin  d'explication.  D'où  il  ré- 
sulte que  leur  foi  est  fondée  non  sur  le  texte, 
mais  sur  l'explication  qu'ils  en  donnent,  ou 
sur  le  sens  qu'ils  lui  attribuent.  A  moins  que 
leur  explication  ne  soit  infaillible,  il  est  fort 
dangereux  que  leur  foi  ne  soit  une  erreur, 
de  même  que  leur  méthode  est  une  contra- 
dii  tion. 

Les  protestants  ont  le  plus  grand  intérêt  à 
décrier  les  explications  de  l'I-'criiure  sainte 
données  par  les  Pères  de  l'Eglise  et  par  les 
interprèles  de  tous  les  siècles,  afin  de  per- 
suader que  ces  livres  divins  n'ont  élé  bien 
eniendus  que  depuis  que  les  réformateurs  et 
leurs  disciples  nous  en  onl  donné  l'intelli- 
gence ;  aussi  n'y  outils  pas  mmquè: 
il  n'est  pas  possible  de  parler  des  com- 
mentaleuis,  en  général,  avec  plus  de  mé- 
pris (jiie  l'a  l'ail  Mosheim  dans  sou  His- 
toire ecclésiostifiHP,  et  dans  ses  Instructions 
sur  l'histoire  dire  tienne  du  i'^'  siècle.  —  Dès 
celle  époque,  à  commencer  par  saint  Bar- 
nabe, il  leur  reproche  d'avoir  suivi  la  mau- 
vaise méthode  des  Juifs  ,  d'avoir  négligé 
le  sens  littéral  des  livres  saints,  de  l'avoir 
déliguré  par  des  explications  mystiques  et 
allégoriques.  A  ce  défaut  essentiel,  ceux  du 
II*"  siècle  ont  ajouté  uu  respect  superstitieux 
pour  la  version  des  Septante.  Au  iir,  Ori- 
gene,  malgré  ses  travaux  immenses  sur  le 
texte  de  l'Ecriture  sainte,  a  communiqué 
aux  écrivains  de  son  temps,  et  à  ceux  qui 
ont  SUIVI,  le  giiûl  frivole  puur  les  allégories. 
Au  iv%  saint  Jérôme,  maigre  les  soins  (ju'il 
s'était  donnés  pour  apprendre  l'hébreu,  n'a 
pas  clé  ex.empt  de  ce  vice,  non  plus  que 
saint  .\ugiislin.  Selon  lui,  ce  Père  a  très-mal 
réussi  lors'ju'il  a  voulu  dop.ner  des  règles 
pour  rinlelligencc  du  texte  sacré.  Au  V,  il 
ne  fait  grâce  qu'aux  conmenlaires  de  Théo- 
doret  sur  le  Nouveau  Testament,  à  ceux  de 
saint  Isidore  de  Damictle ,  qui  a  un  peu 
moins  donné  que  les  autres  dans  le  mau- 
vais goût  régnant,  et  à  ceux  de  Théodore  de 
Mopsuesle,  conservés  par  les  nestoriens. 
Depuis  le  vr  siècle,  les  inter|irètes  se  sont 
presque  bornés  à  noas  donner  des  chaînes 
des  Pères,  6'((ic/i(B  Palrum,  et  ont  ainsi  per- 
pétue le  vice  né  dès  le  i"  siècle,  jusqu'à  la 
naiss.ince  de  la  reforme. 

\'oilà  donc,  depuis  la  mort  des  apôtres,  et 
pendant  un  espace  île  quinze  cents  ans,  l'E- 
glise chrétienne  privée  de  la  véritable  intel- 
ligence de  l'Ecriture,  qui  cependant,  selon  le 
senliuient  des  pi  oleslanls,  devait  être  l'uni- 
que règle  de  sa  croyance.  Eu  lui  donnant 
des  pasieurs  et  des  docteurs,  les  apôtres  ont 
oublié  de  leur  prescrire  la  manière  dont  il 
fallait  expliquer  <  e  livre  divin  ;  le  Saint-Es- 
prit, qui  avait  d'aboril  prodigué  le  don  des 
langues  aux  premiers  fidèles,  n'a  pas  trouvé 
bon  de  l'accorder  à  ceux  qui  en  avaient 
le  plus  besoin,  à  ceux  qui  devaieut  prêcher 
au  peu[de  1 1  pure  parole  de  Dieu  ;  les  apô- 
tres, qui  en  aviienl  reçu  la  plénitude,  ne  se 
soûl  pas  donné  l,i  peine  de  faire  une  ver^^ion 
plus  exacte  et  .plus  correcte  que  celle  des 


cost 

Septante. — Ils  ont  fait  bien  pis  :  ils  ont  mis 
eux-mêmes  crtlc  version  fiulive  à  la  main 
des  fi  lèles,  qui  étaient  incapables  d'en  con- 
naître les  défauts,  cl  ce  sont  ou\  qui  ont 
donné  aux  Pères  de  l'Kglise  l'exemple  des 
explications  allégnri.jucs  de  l'Ecriure  sain- 
te; la  preuve  en  subsiste  dans  rF.vangiie  et 
dans  les  lettres  de  saint  Paul.  Aussi,  les  in- 
crédules ont  eu  grand  soin  d'appliquer  aux 
apôtres  et  aux  évaiigélistes  le  reproche  que 
les  protestants  font  aux  anciens  commenta- 
teurs. Mosheiai  et  ses  pareils  ont  ils  |iii  l'i- 
gnorer?— Cfs  di'Ux  foiisidérations  suffisent, 
déjà  pour  justifier  les  anciens  Pères;  mais 
si  nous  examinons  leur  conduite  en  elle- 
même,  les  trouverons-nous  aussi  coupables 
qu'on  le  prcteml?  Est-il  vrai  que  les  commen- 
tateurs modernes  ,  protestants  ou  autres, 
aient  enfanté  de  si  grandes  merveilles  en 
prenant  une  roule  tout  opposée?  Ceci  mérite 
un  moment  de  réflexion. 

Les  Pères  ont  cherché  dans  l'Ecriture  sainfe 
des  leçons  propres  à  sanctifier  les  mœurs,  et 
non  des  connaissances  capables  de  flatter 
l'orgueil  et  la  curiosité  ;  ils  ont  pensé  que  ce 
livre  divin  nous  a  été  donné  pour  nous  ins- 
jiirer  des  vertus,  plutôt  que  pour  nous  enri- 
chir d'une  vaste  érudition.  Leurs  commentai- 
res sont  sans  doute  moins  savants  que  ceux 
des  modernes,  mais  ils  sont  plus  édifiants 
et  plus  chrétiens  ;  s'ils  ne  rendent  pas  la 
leitri"  beaucoup  plus  claire,  ils  tendent  plus 
directement  à  nous  en  faire  prendre  l'esprit, 
qui  vaut  beaucoup  mieux.  Ils  ont  fait  grand 
us.ige  des  explications  allégoriques  ,  parce 
que  c'était  le  goût  de  leur  siècle  ;  ils  élaient 
forcés  de  s'y  conformer  Voy.  Ali.égorïe. 
Qu'ont  fait  les  interprètes  protestants  et  so- 
ciniens?  ils  ont  traité  les  éciils  des  auteurs 
sacrés  comme  on  a  traité  ceu\  d'Homère, 
d'Aristote,  de  Pline  et  dos  auteurs  profanes, 
il  n'y  a  pas  plus  de  piété  dans  leurs  notes 
sur  les  uns  (jne  sur  les  autres. — Mosheim  lui- 
même  a  lait  une  longue  dissertation  contre  les 
interprètes  qui  oni  rempli  les  commentaires 
d'explications,  d'allusions,  de  comparaisons 
et  d'observations  tirées  des  auteurs  profanes 
{Syntag..  Vis^crt.  ad  sanctiorcs  disciplin. 
})erlin.,  pag.  IGC). 

On  nous  en  impose,  d'ailleurs,  quand  on 
veut  nous  persuader  que  les  Pères  se  sont 
bornés  à  des  explications  allégini(]ues.  Les 
livres  de  saint  Jérôme,  des  Noms  hébreux,  des 
Lieux  kéljreux,\cs  Questions  hc'brauiues  sur  la 
Genèse,  ses  Commentaires  sut  les  prophètes, 
un  très-grand  nombre  de  ses  lettres;  le 
Traité  de  saint  Ëpiphane,  des  poids  et  dès 
mesures  des  llélircun  les  Réponses  de  saint  Au- 
ijusliu  aux  objections  des  tnanichéens.  etc., 
sont  des  ouvrages  d'érudition,  qui  pourraient 
faire  honneur  à  des  savants  de  notre  siècle,  et 
ceux-ci  devraient  être  plus  reconnaissants 
des  secours  qu'ils  en  ont  tirés.  Lu  grand 
nombre  d'autres  ouvrages  des  premiers  siè- 
cles, non  moins  estimables,  ont  péri  p.ir  le 
malheur  des  temps.  Les  Hexaples  d'Origène 
auraient  pins  contribué  à  rii.lrliigence  de 
rK.erilure  sainte,  que  le  plus  savant  commen- 
taire. —  Il  y  a  dti  ridicule  à  reprocher  aox 


COM 


956 


ancTens  Pères  leur  respect  pour  la  version 
des  Septante,  puisqu'alors  il  n'y  en  avait 
point  d'antre  qui  fût  connue  ;  à  la  réserve 
de  s.iint  Matthieu,  les  évangélistes  et  les 
apôlres  s'en  étaient  servis.  Dès  le  m'  siècle, 
Origène  sentit  qu'il  ne  f;\ll;iit  pas  s'y  bor- 
ner, puisque,  dans  ses  Hexaples  et  dans  ses 
Oelaples,  il  la  mit  en  comparaison  avec  le 
texte  hébreu  et  avec  toutes  les  autres  ver- 
sions grecques  qu'il  put  trouvir.  Il  esl 
encore  plus  absurde  de  leur  savoir  mauvais 
gré  de  n'avoir  pas  appris  l'hébreu  dans  Uii 
lempsoù  l'on  manqu;iitabsolumentdesecoiirs 
pour  l'étudier,  et  lorsque  les  Juifs  faisaient 
tous  leurs  eff  tIs  pour  en  dérober  la  connais- 
saiiee  aux  chrétiens  :  on  sait  combien  il  en 
coûta  de  soins  el  de  peines  à  saint  Jérômej 
pour  en  recevoir  des  leçons. 

Pour  entendre  l'Ecriture  sainte,  les  Pères 
des  premiers  siècle-!  avaient  un  guide  plus 
inf.iillible  que  les  règles  de  grauTrnaire  hé- 
braïque, savoir,  la  tradition  ries  Eglises 
apostoliques,  conservée  par  les  disciples  im- 
niédials  des  apôtres,  et  transmise  sans  inler- 
ru[)tioii  à  leurs  successeurs.  V'oilà  ce  quia 
donné  lieu  de  composer  le>  Chaînes  des  Pères^ 
de  rassembler  et  de  comparer  les  explica- 
tions que  ces  auteurs  respectables  avaient 
données  des  passages  dont  le  sens  était  ton- 
testé  par  les  hérétiques.  Kt  en  quel  temps? 
Sur  la  fin  du  v  siècle  ou  pendant  le  vr, 
immédiatement  après  les  premières  irrup- 
tions des  barbares.  Les  plus  connus  de 
ces  ouvrages  sont  celui  d'Olymplodore  , 
moine  grec  du  v*  ou  du  vi«  siècle,  sur  le  livre 
de  Job  ;  on  le  trouve  dans  la  Bibliothèque 
des  Pères;  celui  de  Victor,  évoque  de  Ca- 
poue,  de  l'an  545,  sur  les  quatre  Evangiles; 
celui  de  Primasius,  évéque  d'Adrumèie  en 
Afrique,  en  553,  sur  les  Epitres  de  saint 
Paul  ;  celui  de  Piocope  de  Gaze,  rhéteur  et 
sopliiste  grec,  qui  a  écrit  vers  l'an  5G0  sur 
Isaïe  et  sur  d'autres  livres  de  l'Ecriture 
sainte. — On  craignait  alors  avec  raison  (lue 
la  plupart  des  monuments  ecclésiastiques  ne 
fussent  bientôt  détruits  par  lu  fuieurdes  bar- 
bares :  on  s'effarçait  d'en  sauver  les  déhris, 
et  l'événement  a  prouvé  que  celle  crainte  n'é- 
tait que  trop  bien  fondée.  La  multitude  des 
hérésies  qui  avaient  paru  dans  les  siècles 
précédents,  faisait  sentir  la  nécessité  de  s'at- 
tacher à  la  tradition,  et  d'en  avoir  toujours 
la  preuve  sous  les  yeux.  L'impei  fection  de 
ces  ouvrages  ne  vient  donc  pas  du  mauvais 
goût  des  auteurs,  mais  de  la  nécessité  des 
circonstances.  Quoi  qu'en  disent  les  proles- 
tant^.  CCS  compilations  ne  sont  pas  inutiles, 
puisque  ce  sont  des  chaînes  de  tradition; 
d'ailleurs  nods)  trouvons  quelques  fragments 
de  livres  anciens  qui  ne  subsistent  plus. 
Nous  devons  faire  aussi  |>eu  de  cas  de  l'o- 
pinion qu'en  ont  nos  adversaires,  qu'ils  en 
font  eux-mêmes  des  monuments  de  l'anti- 
quii'-;  ils  ne  chercheraient  pas  à  nous  ôier 
nos  guides,  s'ils  n'avaient  pas  envie  de  nous 
égarer. 

Mosheim  prétend  que  dans  les  bas  siècles, 
jusqu'à  la  naissance  de  la  iiiorme,  les  papes 
s'étaient  opposés  de  toutes  leurs  forces  a  co 


357  COM 

que  les  Inïqàes  pussent  lire  et  entendre  l'K- 
crilure  sainle.  Comme  nous  ne  pouvons  pas 
allribuer  celle  calomnie  à  ripiiorauce  de  ce 
criliiiue,  nous  sommes  forces  de  nous  en 
prendre  à  sa  mali;;iiilc.  Il  est  <le  loiite  nolo- 
riclé  que  jusqu'au  x°  siècle  la  laiifjne  l.ili;)e 
fut  dans  loules  les  Gaules  le  l;iiipage  non- 
seulemenl  de  la  religion,  mais  encore  de  lous 
les  acles  publics  el  de  lous  les  livres  ;  que 
le  peuple  l'enlendail  pour  le  moins  aussi  bien 
que  les  habitants  des  diverses  provinces  de 
France,  qui  ont  des  jargons  particuliers,  en- 
tendent aujourd'hui  le  Irancais.  Il  est  donc 
inconteslable  que,  du  moins  jusqu'alors,  la 
Vulgale  latine  pouvait  être  lue  el  entendue 
par  tous  ceux  qui  savaient  lire.  l'eul-oii  citer 
Un  seul  décret  des  papes  qui  leur  ait  interdit 
celle  lecture  ? — Il  n'<'st  pas  moins  certain 
qu'à  cette  éi)0(|ue,  et  dans  les  trois  ou  quatre 
siècles  suivants,  les  clercs  seuls  savaient 
lire  et  écrire  ;  que  l'usage  des  lettres  était 
regardé  par  les  nobles  eonime  une  marque 
de  rolure  :  allrihucrons-nous  cette  rouille 
barbare  au\  papes,  qui  n'ont  pas  cessé  do 
faire  des  elTorts  pour  la  dissiper?  lis  y  avaient 
le  plus  grand  intérêt,  puisque  c'est  l'igiio- 
rauce  grossière  des  siècles  dont  nous  par- 
lons qui  lit  éiloie  la  multitude  de  sectes 
fcli)aliq(ics  (lui  troublèrent  en  même  temps 
l'Eglise  el  la  société,  aussi  bien  en  Italie 
qu'ailleurs.  Sans  une  aveugle  prévention, 
l'on  ne  peut  pas  nier  que  le  clergé  n'.iil  fait 
tout  ce  qui  était  en  son  pouvoir  pour  con- 
sek-ver  el  pour  renouveler  l'usage  des  lettres. 
Yof/.  Lettiîes,  Arts,  Sciknce,  etc. 

Pour  taire  illusion  aux  ignorants  ,  Mos- 
heim  souliiiit  que,  de  concert  avec  les  papes, 
le  concile  de  Trenie  a  mis  un  obstacle  invin- 
cible, parmi  les  cailioliqucs,  à  la  véritable 
intelligence  de  l'Ecriture  sainle,  en  décla- 
rant la  Vulgale  authentique,  c'esl-;\-dire,  se- 
lon lui,  fidèle,  exacte,  pu  faite,  à  couvert  de 
tout  reproche  ;  en  imposant  aux  commenta- 
teurs la  dure  loi  de  n'entendre  jamais  l'Ecri- 
ture sainte,  en  matière  de  foi  et  de  mœurs, 
que  conformément  au  senlimeul  commun  de 
l'Eglise  el  des  Pères  ;  en  dérlaranl  enfin  (jue 
l'Eglise  seule,  c'est-à-dire,  le  pape,  qui  est  son 
chef,  a  le  droit  de  déterminer  le  \  rai  sens 
et  la  vraie  signification  de  l'Ecriture  (  IJist. 
ecclés.,  xvi"  siècle,  sect.  3,  i"  partie,  c.  1,  § 
25. — En  premier  lieu,  il  est  faux  que  le  dé- 
cret du  conc;le  de  Trente,  toucbanl  l'autlien- 
li(itéde  la  \  uli;aie,  ail  le  sens  que  Jioshciu» 
lui  donne  malicieusement;  nous  prouverons 
le  contraire  au  mot  Vulgate.  Sou  traducteur 
a  eu  la  bonne  foi  d'en  couvenir  dans  une 
note,  tom.  IV,  pag.  216. — En  second  lieu  la 
loi  dure  imposée  aux  conunentatcurs  par  ce 
concile  avait  au  moins  déjà  huit  ceiils  ans 
d'anliquilé;  le  concile  in  Trullo,  tenu  l'an 
692,  el  dont  les  décreis  forment  encore  au- 
jourd'hui la  discipline  de  l'Eglise  orientale, 
or>lonna,  eau.  '20,  que  s'il  survenait  des  d.s- 
putes  entre  les  p;;steurs  sur  le  sens  de  l'Ecri- 
ture, elles  fussei't  résolues  suivant  le  srnli- 
nient  et  les  lumières  des  anciens  docteurs  de 
l'Eg  ise.  Nous  verrons  im  mot  Tuauit  i>n 
qu'ils  liiît  suivi  eux-mêmes  celte  rè^lc  eu  cx- 


COM 


958 


cliquant  l'Ecriture    sainte En  troisième 

lieu,  il  esl  faux  que,  dans  son  décret,  le  con- 
cile «le  Trente  ait  entendu  ,  par  la  sainte 
KfjUse  notre  mère,  le  pape  qui  esl  son  chef. 
Indépendai  hicnt  de  renseignement  du  sou- 
verain pontife,  il  y  a  l'énseignemenl  public  et 
unifome  des  diflérenles  Eglises  qui  compo- 
sent la  société  générale,  que  nous  appe- 
lons l'Eglise  catholique  ;  enseignement  de 
l'uniformité  duquel  nous  sommes  assurés 
par  la  communion  de  foi  el  de  croyance  iiui 
règne  entre  elles.  Mais  les  protcsiants  ne 
se  corrigeront  jamais  de  la  mauvaise  habi- 
tude de  dénu:urer  notre  doctrine. 

Voyons  enfin  les  merveilles  qu'oui  opérées 
les  rcf.'rm.itenrs  et  leuis  disciples,  par  leurs 
commentaires  el  loirs  savantes  explications 
de  ri^crilure  sainte.  Mosheim  lui-même  ne 
nous  en  donne  pas  une  idée  (ort  avanta- 
geuse ;  il  convient  que  les  luthériens,  dans 
les  commencements,  donnèreni  plus  d'appli- 
cilion  à  la  cortlroverse  qu'à  l'explication  des 
livres  saints,  qu'ils  s'atiai  hèrent  trop  à  y 
rechei  cher  ries  sens  mystérieux,  qu'ils  appli- 
quèrent à  Jésus-Christ  el  aux  révolulions  de 
l'Egîi-e  plusieurs  des  anciennes  prophéties 
qui  n'y  avaient  aucun  rapport.  Nous  voyons, 
en  elTet,  que,  dans  leurs  commentaires,  ils 
se  sont  bien  moins  attachés  à  rechercher  le 
vrai  sens  des  passages,  qu'à  en  torJre  le  sens 
polir  l'ajusier  à  leurs  prétentions;  el  touies 
les  fois  qu'ils  ont  changé  d'avis,  ils  n'ont  pas 
manqué  de  voir  dans  l'Ecriture  sainle  le 
sens  le  plus  conforme  à  leurs  nouvelles  opi- 
nions ;  ainsi,  ce  n'est  pas  le  sens  aperçu  d'a- 
bord dans  les  livres  saints  qui  a  réglé  leur 
croyance;  c'est  celle-ci,  au  contraire,  qui  a 
déiiiie  du  sens  des  auteurs  s.icrés.  Elait-ce  là 
le  moyen  de  trouver  inlàilliblenienl  la  vérité'? 
—Il  reproche  à  Calvin  el  à  ses  adhérents 
d'avoir  appliqué  aux  Juifs  la  plupart  des  pro- 
phéties qui  regardent  J.sns-Christ,  et  d'a- 
voir ainsi  enlevé  au  christianisme  une  par- 
tie essentielle  de  sCs  preuves.  Peut-on  impu- 
ter de  parels  attentats  aux  commentateurê 
catholiiiues'? 

Cette  liissension  sur  le  vrai  sens  dès  Ecri- 
lurcs,  qui  s'est  élevée  d'abord  cnlre  les  luthé- 
riens et  les  calvinistes,  dure  encore  parmi 
ces  derniers.  Grotius ,  qui  a  trouvé  jin 
bon  nombre  de  partisans,  surtout  chez  les 
socnicns,  a  soutenu  que  la  plu|)arldes  pro- 
pbeiics,  aj)pliquécs  à  Jésus-Christ  par  les  au- 
teurs du  Nouveau  Testament  ,  désignent 
d'autres  personnages  dans  le  sens  direct  et 
littéral  ;  mais  que,  dans  un  sens  mystérieux 
et  caché,  elles  représentent  le  Filsdc  i)ieu, 
ses  fonctions,  ses  souffrances,  elc.  Coccéius, 
au  contraire,  qui  a  formé  aussi  des  disciples, 
envisage  toute  l'histoire  de  l'Ancien  Testa- 
ment comme  un  type  el  une  ligure  de  cellie 
de  Jésus-Christ  el  de  l'E'glisc  chrétienne;  il 
prétend  que  toutes  les  prophéties  regardent 
dinciemcnl  et  littéralement  Jésus-ChrisI,  et 
prédisent  toutes  les  révolutions  qui  doivent 
arriver  dans  son  Eglise  jusqu'à  la  fin  des 
siècles.  Au  lieu  que  celui-ci  a  vu  Jésus- 
Clirist  partout,  Grolius  ne  l'a  vu  nulle  part, 
du  uiuius  duus  le  sens  direct,  littéral  et  ua- 


959 


COM 


COM 


9G0 


larrl  des  termes.— De  leur  côté,  un  grand 
nomlirc  de  Ihéologiens  ;)n<;!icans  n'ont  fait 
aucun  cas  de  ces  cotiiinentnleiirs  modoriii's; 
ils  ont  soulenu  que  l'on  ne  doit  interpréter 
les  livres  sniiils  ,  en  matière  de  foi  et  de 
moeurs,  que  dans  le  sens  que  leur  ont  donné 
les  anciens  docli'iirs  de  l'Kj^lise  naissante.  A 
la  vérité,  ils  ont  été  viffoureusemenl  atta- 
qués par  d'autres;  on  leur  a  reproché  qu'ils 
abandonnaieiu  le  priiieipe  fondanienlai  de 
la  réfiirme,  qui  est  qu'en  matière  de  foi  et 
d'interpréialion  de  l'tciiture,  chacun  est  en 
droit  (le  s'en  rapporter  à  son  propre  jn^çe- 
nienl.  sans  éire  sulijugué  par  aucune  aiiio- 
rité  humaine. — Aussi,  depuis  que  ce  mer- 
voilleui  principe  a  été  suivi,  l'on  a  vu  vingt 
sedes  dilTéienies  s'élever  dans  le  sein  du 
proleelanli-me,  faire  bande  à  part,  soute- 
nir, la  lUhIe  à  la  main,  que  leur  doctrine 
él'ail  la  seule  vraie.  Aucune  de  ces  sectes  n'a 
fait  un  plus  grand  nombre  de  commenlaircs 
sur  les  livres  saints  que  les  socinicns,  au- 
cune n'a  poussé  plus  loin  les  sublililés  de 
grammaire  et  de  criti(|ue,  aucune  n'a  mieus 
réussi  à  pervertir  le  sens  de  l'Ecriture  ;  les 
autres  prolestants  en  conviennent.  Ainsi  ce 
livre  divin  <'t  les  commentaires ,  loin  de  réu- 
nir les  esprits  dans  une  mé:iie  croyance, 
sont  devenus  une  source  coniinuelle  de  l'ivi- 
sions,  et  continueront  de  l'élre,  jusqu'à  ce 
qu'il  plaise  à  tous  les  esprits  rebelles  de  re- 
conn'iîlre  la  sagesse  et  la  nécessité  de  la  loi 
que  l'iglise  catholique  a  imposée  à  tous  les 
commenlatenrs,  el  qu'elle  a  suivie  dans  tous 
les  siècles.  Yoij.  Ecrîtobe  saintk. 

N'est-il  pas  singulier  que  les  protestants, 
qui  ne  sont  pas  d'accord  enire  eux  sur  la 
meilleure  manière  d'interpréter  l'Ecriture 
sainte,  qui  disputent  sur  une  inlinilé  de 
passages  très-iinporlants  pour  la  foi,  pour  les 
mœurs,  pour  le  culie,  qui  donnent  souvent 
cln(|  ou  six  explications  liilTéronles  d'une  ex- 
pression ou  (l'une  phrase  dans  U^ir  Synopse 
descritiques  s'l>b^llnent  cependantà  soutenir 
que  l'Ecnture  sainti;  est  claire,  intelligriile  à 
tous  les  hommes,  môme  aux  plus  ignorants: 
que  chacun  rsl  eu  élal  d'en  prendre  le  vrai 
sens  pour  former  sa  foi  et  diriger  sa  con- 
duite? Nous  avons  beau  leur  dire  que,  seon 
saint  l'ierre.  toute  propliéiie  de  l' Ecriture  ne 
se  fait  point  par  uneiiiterprétdtiun  prirticiiliirc 
(Il  Petr.  i,;iO)  ;  ((u'elle  doit  donc  éire  enten- 
due par  le  même  esprit  qui  la  dictée;  ils 
oui  trouvé  quatre  ou  cinq  manières  de  tor- 
■  dre  le  sens  de  ces  paroles,  et  ils  nous  tour- 
nent en  ridicule,  parce  que,  pour  éviier  cet 
abus,  nous  nous  en  tenons  aux  leçons  de 
c<Mix  que  Dieu  a  établis  pour  nous  ensei- 
gner. 

COMMEKCE.On  accuse  plusieurs  Pères  de 
l'Eglise  d'avoir  condamné  h;  cofHmfcre  comme 
criminel  en  lui-même  ,  el  comme  opposé  à 
res()ril  du  chrislianisme.  |{arbe3'rac  fait  ce 
reproche  a  Tertullieu  el  à  Laclance  ;  d'autres 
l'on!  lait  à  saint  .lean  (llirysostojue;  il  sullit 
de  rapporter  leurs  paroles  pour  les  discul- 
per. «  Aui'Uti  art,  dit  'rerlullieu  ,  aucune 
profession,  aucun  cominerte(\yn  sert  en  quel- 
que chose  à  dresser  ou  ù  former  des  idoles , 


ne  peut  être  exempt  du  crime  d'idolâtrie  ;.... 
c'est  une  mauvaise  excuse  de  dire  je  rCni  pas 
autrement  de  quoi  vive,  etc.  »  (De  Jdololat., 
c.  11  et  12).  Noms  soutenons  que  celle  déci- 
sion de  TerluUien   est  exacteiiienl   vraie.  Il 
ne  seri  à  rien   d'objecter  qu'un   chrciien  ne 
peut  rien  vendre  qui  ,  quoique  bon  et  utile 
en   soi ,    ne   puisse  être   un   instrument   de 
débauche  ou   de  crime  ;  (elle  consémionce 
est   fausse   parce  qu'elle  est   trop  générale. 
Saint  Paul  a  dit  :  Si  ma  nourriture  scondali- 
sait  mon  frère,  je  ne  mangerais  de  viande  de 
ma  rie    I  Cor.  viii,  13  ;  Boin.  xiv,  21).  Sou- 
tiendra-t-on  que  manger  de  la  viande  n'est 
pas    une   chose   lionue   el   utile   en   soi?   — 
«  l'our(iuoi  ,  dit  Laitance,  un   homme  juste 
irait  il  sur  mer,  ou  qii'irait-il  chercher  dans 
un    pays    étranger,  lui   (lui    est   content  du 
siin?  Pourquoi  preiulrait-il  part  aux  fureurs 
de  la  guerre,  lui  qui  vit  en   paix  avec  tous 
les  hommes?  Prendra-l-il  plaisir  à  posséder 
des  marchandises  élrangèrcs  ou  à  verser  le 
sang  hiim  lin  ,  lui  qui  se  contente  du  néces- 
saire ,   el  qui    regarderait  comme  un  crime 
d'assister   seulement  à  un  homi<  ide  commis 
par  autrui?  »  [fHvin.  Inst.,  1.  v,  c.  18).  Sénè- 
que  {Natnral.  Quœst.,  1.  v,  c.  18)   a   blâmé, 
avec  encore  pins  de  fircc  que  Laclance,  la 
fureur  de  braver  les  d  nigers  de  la  mer,  soit 
pour  faire  la  guerre  ,  soit  pour  commercer. 
On  ne  lit  rien  du    prenier,  parce  que  c'est 
un  philosophe  ;  ou  censure  le  second  ,  parce 
que  c'est  un  Père  de  l'Eglise.  L'un  et  l'autre 
ont  jugé  que  le  commerce  maritime  vient  or- 
dinairement d'une  ambition  déréglée  de  s'en- 
richir ;  ([ne,  tout   considéré,   il   a  fait  aus 
nations  jiius  de  mal  que  de  bien  :  quand  on 
l'envisage  avec  des  yeux  chrétiens  ou  philo- 
sophes, il  est  dilficile  d'en  penser  autrement. 
—   On  sait  d'ailleurs  de  quelle  manière  se 
faisait  le  com<nerce  dans  ces  temps  autiens; 
il   n'y  avait  ni  lois  pour  le  réu'ler,  ni    police 
pour  en  prévenir  Ls  ahus  ;  el  la  concurrence 
des  négociants  n'était  pas  assez  grande  pour 
réprimer  leur  aviilité.  ^i  l'on  eu  jugeait  par 
les  prières  qu'Ovide  leur  mel  à  la   bouche 
dans  ses  Fastes,  il  laudrait  en  conclure  que 
tous   élaienl   de  irès-ma'liounêtes   gens  ,   et 
que  leur  profssion  était  infâme,  truand   les 
Pères  lie  l'Egiise  eu  auraient  eu   la  même 
opiuou  que  ce  poêle,  faudrait-il   s'en  éton- 
ner? Dans  les  siècles  grossiers  ,  dit  un  écri- 
vain moilerne,  le  commerçant  est  trompeur, 
mercenaire,   borné  dans  ses  vues  ;  mais ,   à 
m(!sure  ijue  son  an  fait  des  progrès,  il  di'vient 
exact,  honucle,  inti''gie,  entreprenant  (î'er- 
gussou,  lissai  sur  l  IJist.  de  la  société  civile, 
t.  Il ,  c.  'i-).  —  Il  en  était  de  même  du  mélier 
des  armes  pendant  les  troubles,  les  scdiliuns, 
les  guerres  îles  divers  preleudanls  il  l'empire. 
Out^e  l'idolâtrie  dont  les  soldats  étaient  obli- 
gés lie  faire  (irof(>ssion  ,  leur  brigandage  les 
rendait  odieux  ;  les  Pères  n'avaient  donc  pas 
tort  d'inspirer  aux  chrétiens  de  l'oloi^nement 
pour  cet  liai.  Mais  nos   ceuseuis  modernes 
trouvent    qu'il   est   plus   aisé  de  blâmer  les 
Pères  que  d'examiner  les  rai-ons  qui  les  oui 
fait  jiarler.  Pour  pouvoir  accuser  saint  Jean 
Chrysostouie,  on  a  cité  l'Ouvrage  Imparfail 


9(H 


COM 


COM 


sur  snint   Matthien,  qui  n'est  pa<;  de  lui. 

COMMUNAUTÉ  liCCLÉSIASTIQlJE ,  corps 
cotiiposé  de  persutiiicâ  er('lé.si;is(i(|ues  ()iii 
vivent  en  cominui)  cl  uni  les  inèuics  inléréls. 
Ces  commiinnitté!:  son!  ou  séculiiires  on  régu- 
lières. Celles-ci  sont  les  clinpiires  de  chanoi- 
nes réguliers  ,  les  nioiiasières  de  religieux  , 
les  rouvenis  de  religieuses.  Ceux  qui  les 
composent  vivent  ensemble,  oliservrnt  une 
même  it'gle,  ne  pos>èdent  rien  en  propre. 

Les  communauté:!  séculières  sont  les  con- 
grégations de  préires,  les  collèges,  les  sémi- 
naires et  autres  maisons  composées  d'ecilé- 
siasliqnes  qui  ne  l'ont  point  de  vceiix  et  ne 
sont  point  astreints  à  une  règle  particulière. 
On  altrihue  leur  origine  à  sa  ni  Augustin;  il 
forma  une  communaiiie  de  clercs  de  sa  ville 
épiscopale  ,  où  ils  logeaient  et  m  nigeaienl 
avec  leur  évèque  ,  èiaieid  Ions  nouiris  et 
velus  aux  dépen^  de  la  commumiiilé,  usaient 
(le  meubles  et  d'habils  coiuniuiis,  sans  se 
faire  remarquer  par  aucune  singul.irilé.  Ils 
reniinçaienl  à  tout  ce  qu'ils  avaient  en  pro- 
pre ;  mais  ils  ne  faisaient  vœu  de  continence 
que  quand  ils  recevaient  les  ordres  aux()uels 
ce  vœu  est  attaché.  —  Ces  comumnaulés 
ecclésiastiques  ,  (jui  se  mu  tiplièrent  dans 
l'Occident,  ont  servi  de  modèles  au\  chanoi- 
nes réguliers,  qui  se  fonl  lous  honneur  de 
porter  le  nom  de  saint  Augustin.  En  Espagne, 
il  y  avait  plusieurs  de  ces  commamnités,  dans 
lesquelles  on  formiit  de  jeunes  clercs  aux 
lettres  el  à  la  piété,  connue  il  païaît  par  le 
second  concile  de  Tolède  ;  elles  oit  clé  rem- 
placécs  par  les  séminaires.  —  L'Histoire 
ecclési'istii/iie  fait  aussi  mention  de  cummu- 
nnuiés  qui  étaient  ecclésiastiques  el  monas- 
tiques tout  ensemble  :  leis  étaient  les  nionas- 
tèies  de  saint  l'ulgence,  évé<iue  de  Ituspe  , 
en  Afrique,  et  celui  de  saint  (Irégoire  le 
Grand. 

On  appelle  aujourd'hui  communautés  ecclé- 
siastiques toutes  celles  (lui  ne  tiennent  à 
aucun  ordre  ou  congrégatii>n  établie  par  let- 
tres patentes,  il  y  en  a  de  filles  ou  de  veuves 
qui  ne  fonl  point  de  vœux  ,  du  nio  ns  de 
vœux  solennels,  et  qui  mènenl  une  vie  très- 
régulière. 

L'utilité  de  ces  différentes  espèces  de  com- 
munauléf.  est  de  lairu  subsister  un  grand 
nombre  de  personnes  à  peu  de  frais,  de  les 
soutenir  dans  la  piété  p.ir  le  secours  de 
l'exemple  ,  de  bannir  le  luxe  qui  absorue 
tontdans  la  société  civile;  ce  soni  ordinaire- 
nienl  des  modèles  du  bon  ordre  et  d  une  sage 
économie.  Qnand  ou  dit  (jue  Cesprit  de  corps 
qui  y  règne  est  conlraire  à  l'intérêt  public  et 
au  caractère  de  bon  citoyen,  c'est  comme  si 
l'on  soulenail  nunn  père  ne  peut  cire  alla- 
cliéau  bien  particulier  de  sa  famille  sans  se 
détacher  du  bien  public;  que  le  patriotisme 
ou  l'esprit  national  est  conlraire  à  l'huma- 
nité ou  a  ratleclion  générale  ((ue  nous  devons 
avoir  pour  tous  les  hommes.  —  En  détrui- 
sant l'esprit  de  corps  ,  on  lui  subsiiiue 
régo'isme  ,  caractère  le  plus  pernicieux  el  le 
plus  opposé  à  rinléréi  gêné,  al ,  aussi  bien 
qu'à  l'esprit  du  christianisme  ,  qui  est  un 
esprit  de  charité  et  de  fraturuilé.  —  L'iiuma- 


9U2 


nité  prétendue  de  nos  philosophes  cosmopo- 
lites n'est  qu'on  masque  d'hypocrisie,  sous 
lequel  ils  cachent  leur  égoisme.  Quiconque 
ne  sait  pas  lémoigner  de  l'amitié  aux  per- 
sonnes avec  lesquelles  il  vil  ions  les  jours 
par  sa  complaisance,  sa  douceur,  ses  servi- 
ces, n'aime  dans  le  fond  quo  lui  môme.  Avec 
de  belles  maximes  d'alfection  générale  pour 
le  genre  humain,  il  ne  voudrait  se  gêner  en 
rien  pour  (.oiisoler  un  afiligé,  pour  secourir 
un  mal.ide,  pour  soulager  un  pauvre,  pour 
supporter  un  caractère  fâcheux.  Celui  au 
contraire  qui,  din^  une  société  particulière, 
telle  qu'une  co/HHiumiuic'  ecclésiastique  ou 
religieuse  ,  sesl  accuuluoié  de  bonne  hetire 
à  ménager,  à  sup;iorler,  à  servir  ses  frères, 
en  «si  d'autant  mienx  disposé  à  traiter  de 
même  lous  les  hommes  ;  ainsi  ,  ce  (|ue  l'ou 
nomme  esprit  de  corps  n'est  dans  le  fond  (ine 
l'ainonrdu  bien  général  fortifié  par  l'habi- 
tude d'y  contribuer. 

Un  protestant  ,  plus  judicieux  que  nos 
censeurs  politiques  ,  a  reconnu  l'uiilité  des 
communautés  en  général  ;  nous  ne  pouvons 
nous  défendre  de  copier  ses  réflexions  :  «  Le8 
travaux,  dil-il ,  qui  demandent  du  temps  et 
de  la  peine  ,  sonl  toujours  mieux  exécutés 
par  des  hommes  qui  agissent  en  commun  , 
que  lorsqu'ils  travaillent  sép.iréinenl.  Il  y  a 
plus  de  dessein  ,  plus  de  constance  à  suivre 
un  môme  plan  ,  plus  de  force  pour  vaincre 
les  obstacles  el  plus  d  économie.  Il  est  des 
entreprises  qui  ne  peuvent  être  exécutées 
que  par  un  coips  ou  par  une  société  vivant 
sous  la  même  règle...  Ainsi  ,  j'ai  peine  à 
croir<'  qu'aucune  colonie  puisse  atteindre  au 
même  degré  de  prospérité  qu'on  couvent. 

a  L'expérience  prouve  que  les  sociétés 
puremenl  civiles  se  négligent,  el  les  négli- 
gences aperçues  ne  produisent  que  des  in- 
quiétudes ,  des  agitations  ,  des  changemcnls 
perpétuels  de  plans...  Mais  il  y  a  une  aulre 
espèce  de  sociétés  où  tout  est  réduit  à  un 
intérêt  commun,  el  où  les  règles  sont  mieux 
observées  :  ce  sont  h  s  sociétés  religieuses  : 
de  là  il  est  résulté  qu'elles  ont  mieux  pros- 
péré (jue   les  autres  dans  les  elublissements 

qu'elles  ont  entre[)ris Sans  l'exactitude  à 

suivre  une  règle,  les  plus  grandes  ressources 
Sont  inelfic.ic.  s,  leurs  etîels  s'éparpillent, 
pour  ainsi  dire  ,  et  ne  tendent  plus  au  bieu 
commun. 

«  La  nature  même  de  ces  sociélés  empéclie 
qu'elles  ne  puissent  être  liès-nombreuses  , 
leur  excès  leur  nuit  et  les  réduit.  Mais  on 
peut  en  tirer  de  grandes  leçons  pour  le  suc- 
cès el  le  bien  de  la  société  générale ,  el  je  ne 
puis  m'empccher  de  les  regarder  elles-mêmes 
comme  un  bien.  Si  nous  remontions  à  l'ori- 
gine de  la  plupart  des  monastères  rustiques, 
nous  trouverions  prolialilement  que  leurs 
premiers  habitants  ont  été  défricheurs  ,  que 
c'est  a  eux  el  à  la  bonne  conduite  de  Ifurs 
successeurs  que  les  couvents  sonl  re  leva- 
bles  des  biens  dont  ils  jouissent.  Pourquoi 
n'en  jouiraient-ils  pas  ?  Imilonsles  sans  en 
être  jaloux.  Si  leurs  possessions  apparto- 
naient  à  un  seigneur,  cela  n'excilerait  aucun 
murmure  el  ne  donuerait  lieu  à  aucune  sa- 


9G3 


COM 


COM 


934 


lire.  Pourquoi  n'en  e%{-.\\  pas  de  mcnie  à 
t'éganl  (l'un  couvent?  Quant  à  moi ,  je  vois 
ees  ciablissements  avec  d'aul.int  plus  de 
pl.ii«ir,  que  ce  n'est  pas  la  jouissance  d'ua 
Seul  liomme,  mois  de  plusieurs,  et,  snus  ce 
point  de  vue,  je  ne  s.iurais  leur  souhaiter 
trop  Al'  bonheur.  Di  s  r- ligieux  sont  des  hom- 
mes ,  et  l'on  doit  souhaiter  que  tout  houime 
soit  heureuv  dans  son  étal  ,  dès  qu'il  ne 
détruit  pas  le  bonheur  des  autres....  Or,  je 
ne  vols  pas  en  quoi  les  re'igieux  empiètent 
sur  le  bonheur  des  autres  hommes  ;  mais  je 
vois  que  dans  leur  état  ils  ont  beaucoup  de 
ce  bonheur  tranquille  qui  est  prisé  par  un 
grand  nombre  d'hommes.  La  subsistance 
simple  ,  mais  abondante  ,  y  est  assurée  pour 
les  pères  ,  les  frères  ,  les  douiesliques  et  les 
laboureurs.  La  règle  s'étend  sur  tout,  pour- 
voit à  tout,  [)révient  les  écarts  et  les  désor- 
dres. Ils  [leuvent  se  maintenir  dans  un  état 
d'honnête  abiuulance  ,  parce  qu'ils  font  plus 
rendre  il  la  terre,  et  que  rien  ne  se  dissipe. 
Le  pouvoir  des  chefs  y  ni'  inljent  la  règle,  et 
il  serait  à  sonliailer  pour  le  bonheur  des 
hommes  qu'il  eu  lût  de  même  partout. 

«  Sans  le  lien  salutaire  de  la  religion,  l'on 
tenterait  vainement  de  former  de  pareilles 
sociétés  ;  celles  qui  ne  seraient  formées  que 
par  des  conventions  ne  tiendraient  pas  long- 
temps. L'homme  est.  trop  ineonst.int  pour 
s'asservir  à  la  règle,  lorsqu'il  peut  l'enfrein- 
dre impunément  :  or,  il  faut  qur  dans  l'eu- 
ceiiile  où  doit  s'observer  la  rè^le  ,  tout  y  soit 
soumis.  La  religion  seule,  soit  par  sa  force 
nalui  elle,  soil  par  le  poiiis  de  l'opinion  publi- 
que ,  peut  produire  cet  heureux  effet.  Dans 
le  cloître  ,  qui  pourrait  violer  la  règle  est 
contenu  par  la  société  entière,  qui  a  besoin 
de  la  considération  publique  pour  relever  la 
niéiliocrité  de  son  ét.it. 

n  Je  suis  doue  cbarnic  qqe  les  prolestanls 
aient  conservé  les  cloîtres  eu  Alleni.igne,  et 
je  voudrais  voir  ces  claldisseinents  partout, 
parce  que  je  vois  partout  une  classe  de  gens 
qui  a  besnii)  d'un  petit  sort  assuré  que  l'opi- 
nion publique  relève  ,  mais  qui ,  par  son 
inactivité  ou  son  manque  de  ressources  ,  est 
extrêmement  à  charge  à  elle-même  et  à  la 
société.  Il  fiul,  en  \tn  mot ,  d'honnéles  hôpi- 
taux ,  et  les  couvents  ne  sont  pas  autre 
chose. 

«  Il  serait  aisé  de  corriger  les  défauts  et  de 
réformer  les  abus  de  ceux  (]ui  méritent  des 
reproches;  on  les  attaque,  uon-sculcmenl 
par  les  abus,  mais  eii  cii\-n)èmes,  et  par  des 
principes  qui  ne  peu>cnt  faire  (]ue  du  mal, 
et  on  égare  les  hommes  en  croyant  parler  le 
langage  de  l'humanité.  *  .Lettres  sur  l'his- 
toire de  la  terre  et  de  l'homme,  par  M.  Detitc, 
t.  IV,  p.  72  et  suiv.j 

Les  réflexions  de  ce  sage  observateur  sur 
l'u'ilité  teqiporelle  et  politique  des  ommu- 
nautc's,  ne  sont  pas  moins  vraies  à  l'égard  de 
leur  utilité  morale  ;  la  règle  est  encore  plus 
nécessaire  pour  dir  ger  la  coniluilc  de 
rhu[ii;)ie  dans  l'ouvrage  du  salut,  (|ue  dans 
le$  travaux  de  la  société,  lui  général  ,  les 
mueurs  ont  toujours  été  plus  pures ,  et  la 
piélc  mieux  soutenue  dans  les  monastères 


que  partout  ailleurs.  Lorsqu'il  y  arrive  des 
désordres,  c'est  une  preuve  que  les  mœurs 
publi(iues  sont  alors  au  plus  haul  degré  de 
la  corruption  ,  et  que  la  vertu  n'est  plus 
honorée  dans  le  mondo.  Si  elle  est  plus  r.ire 
aujourd'hui  dans  les  cloîtres  qu'anirefois  , 
c'est  un  des  funestes  effets  qu'a  produits  la 
philosophie  de  notre  siècle  ;  elle  pénètre  par- 
tout,  infecte  tous  les  états,  et  fait  sentir  son 
iniluence  dans  les  lieux  mômes  qui  étaient 
faits  pour  en  préserver.  —  Ajoutons  qu'il  y 
a  des  travaux  littéraires  qui  n'ont  pu  être 
bien  exécutés  que  par  des  cummunaulés  ;  il 
fallait  une  riche  bibl  othèque  .  des  corres- 
piindauces  avec  d'autres  savants  et  plusieurs 
coiiperaleurs  qui  travaillassent  do  concert. 
Telles  sont  les  collections  d'anciens  monu- 
ments ,  les  belles  éditions  des  Pères,  les 
grands  corps  d'histoire,  etc.,  mis  au  jour 
par  les  bénédictins.  Dans  le  cloître,  un  écri- 
vain ,  libre  de  tous  les  soins  domestiques  et 
de  toutes  les  distractions  de  la  société  ,  ac- 
coutumé à  une  vie  uniforme  et  dont  tous  les 
moments  sont  coaiplés,  a  beaucoup  plus  de 
temps  à  donner  à  l'étude  que  ceux  (]ui  vivent 
dans  le  monde  ;  et  c'est  encore  ici  que  les 
motifs  de  religion  sont  très-nécessaires  pour 
encourager  au  travail.  —  Eutin  ,  il  y  a  des 
services  esscnticds  qui  ne  peuvent  être  con- 
statnment  rendus  au  public  que  par  des  cum- 
7nunaulcs  :  tels  sont  le  soin  des  hôpitaux  et 
des  établissements  de  charité,  l'éducation  de 
la  jeunesse,  les  n)issions  ,  etc.  Ou  a  besoin 
de  sujets  formés  d'avance,  et  qui  soient  tou- 
jours prêts  à  re  iiplacer  ceux  qui  viennent  à 
manquer.  Voy.  .Moines,  Monasièkes. 

("osiML'?iAi;Ti3  DE  BIENS.  Il  est  dit  dans  les 
Actes  des  ajiôtres,  c.  it,  v.  kk  ,  que  les  pre- 
miers chrétiens  de  Jérusalem  mettaient  leurs 
biens  en  commun  ,  et  que  les  pauvres  y 
vivaient  aux  dépens  des  riches;  mais  cette 
discipline  ne  dura  pas  longtemps  ,  et  rien  no 
prouve  <iu'elle  ait  été  imitée  dans  les  autres 
Kglises.  Les  incrédules  ont  donc  soutenu 
très-mal  à  propos  (|ue  celte  covimunutilé  de 
biens  avait  contiibué  beaucoup  à  la  propa- 
gation du  christianisme.  Quand  c'aurait  été 
un  appât  pour  les  pauvres,  ç'aur.iil  été  aussi 
un  olisiacle  pour  les  riches;  et  s'il  n'y  avait 
pas  eu  à  Jérusalem  un  gnnd  nombre  de 
riches  qui  avaient  embrassé  la  foi,  ils  n'au- 
raient pas  été  en  étal  de  nourrir  les  pauvres. 
—  D'.iilleiirs  .Mo*heim,  dans  ses  Dissertations 
sur  riJi!<loire  eeclés  astique,  t.  Il,  p.  14-,  en  a 
fait  une  dans  la(|iiclle  il  nous  parait  avoir 
prpinc  assez  solidement  que  cette  roDona- 
nanié  de  biens  entre  les  jircniiers  fidèles  de 
Jérusalem  no  doit  pas  être  entendue  à  la 
rigueur,  mais  dans  le  même  sens  que  l'on 
dit  d'un  homme  libéral ,  qu'il  n'a  rien  à  lui, 
et  qu'entre  les  amis  tous  biens  sont  com- 
muns. Ainsi  ces  paroles  de  saint  Luc  {Ad.  ii, 
kk,  et  IV,  32)  :  Lu  tuuiiiude  des  fidilei  n'avait 
qu'un  cii'ur  et  qu'une  âme,  aicun  d'eux  ne 
reguidn't  ce  qu'il  possédait  comme  élaut  à 
lui,  mais  luul  était  commun  entre  eux,  signi- 
fient seuiemeiit  que  chaque  fidèle  était  tou- 
jours prêt  à  se  dépouiller  de  ce  qu'il  possé- 
dait pour  assister  les  pauvres  ;  plusieurs,  eu 


9CS 


COM 


COM 


900 


effet ,  vendaient  une  partie  de  leurs  biens 
pour  fa<irc  l'iiuinôiie. 

Il  est  ceriain  li'aboril  que  les  apôtres  n'o- 
bligcaioiit  persDuno  à  faire  ce  sacrilico.  LorS'» 
que  Ananie  cl  Sapliire  eurent  vendu  un 
ch.imp,  et  appoiloreiil  une  partie  ilu  priK 
aux  pieds  des  a|>ôlres  pour  la  disiritiiKT  en 
auinâni's,  saint  l'icrre  leur  dit  :  \'éliez-vons 
pas  les  viaiires  de  yurder  votre  champ,  ou  d'en 
retenir  le  prix  après  l'avoir  vendu  ?  c.  v,  v.  k. 
Cette  manière  d'exercer  la  diarité  était  donc 
absolument  libre.  —  \'ers  la  fln  du  i"'  siècle, 
saint  Barnabe;  au  ir,  saint  Justin  et  Lucien; 
au  iir,  saint  Clomcni  il'Aloxaudrie ,  Tcrlul- 
lien,  Origèiie,  saint  Cyprien  ;  au  iv*^,  Arnobe 
et  Laciance  disent  encore  qu'entre  les  cbré- 
tiens  tous  les  biens  sont  communs;  il  n'était 
certainement  plus  question  pour  lors  d'une 
communauté  (le  biens  prise  en  rigueur.  — 
Par  là  se  trouvent  réfutées  les  vaines  con- 
jectures de  quelques  déistes,  qui  ont  dit  <|ue 
les  fidèles  de  Jérusalem  n'avaient  fait  autre 
chose  qu'imiter  les  pythagoriciens  et  les 
esséiiiens,  qui  menaient  leurs  biiMis  en  com- 
mun ;  que  Jésus-t^Jirist  lui-même  avait  puisé 
chez  les  esséniens  sa  doctrine,  sa  morale,  et 
avait  établi  parmi  ses  disciples  la  méine  dis- 
cipline qu'il  avait  vue  en  usage  parmi  cette 
secte  juive,  etc. 

il  n'est  pas  douteux  que  la  charité  héroï- 
que, si  commune  parmi  les  premiers  chré- 
tiens, n'ait  contribué  beaucoup  à  la  propa- 
gation du  christianisme  :  leurs  ennemis 
uiémcs  en  rendent  témoignage,  aus^i  bien 
que  les  Pères  de  l'Kglise.  Mai>  les  incrédules 
veulent  f.iire  illusion,  lorsqu'ils  représentent 
cette  vertu  comme  une  cause  lonte  naturelle 
de  l'établissement  de  notre  religion;  est-il 
naturel  que  le  détachement  et  le  mépris  des 
biens  de  ce  monde,  si  rares  parmi  les  païens 
et  parmi  les  Juifs,  soient  devenus  tout  à  coup 
une  qualité  commune  et  populaire  parmi  les 
chrétiens?  Voy.  CHAUixii. 

COMMUNICANTS  ,  secte  d'anabaptistes. 
Ils  furent  ainsi  nummésà  cause  de  la  conmiu- 
nauté  de  femmes  et  d'enfants  qu'ils  avaient 
établie  entre  eux,  à  l'exemple  des  nicolaïtes 
(Sanderus.  Ilœr.  198.  Gauliiier,  dans  sa  Chro- 
nologie rfii  XVI"  siècle).  \  oy.  Anabaptistes. 

COMMUNICATION  D 'ÏUIOMliS  ,  terme 
consacré  paripi  les  théologiens,  en  traitant 
du  mystère  de  l'incarnation,  pour  exprimer 
l'applicalion  des  attributs  des  deux  natures 
unies  en  Jésus-Christ  à  sa  divine  personne. 

En  vertu  de  l'union  hyposlalique  des  deux 
natures  dans  une  seule  personne  divine,  on 
attribue  avec  raison  à  cette  personne  tous 
les  idiomes  ou  toutes  les  propriétés  de  la  na- 
ture humaine,  qui  ne  sont  point  incompati- 
bles avec  la  divinité.  Ainsi  l'on  dit  que  JJieu 
a  souffert,  que  Dieu  est  mort,  etc.,  choses 
qui,  a  la  rigueur,  ne  conviennent  qu'à  la  na- 
ture humaine  ;  cela  signifie  que  Dieu  a  souf- 
fert, quant  à  son  hummité,  qu'il  est  mort 
en  tant  qu'homme,  parce  que,  selon  l'axiome 
reçu  en  théologie,  les  dénominations  qui  si- 
gnifient les  natures  ou  les  propriétés  de  na- 
ture, tombent  sur  le  suppôt  ou  sur  la  per- 
sonne. Or,  comme  il  n'j  a  en  Jésus-Christ 


qu'une  seule  personne,  qui  est  la  personne 
du  Verbe,  c'est  à  elle  qu'il  faut  attribuer  les 
dénominalions  des  deux  natures  et  de  leurs 
propi  iét;:s.  Mais,  par  la  communication  d'ir 
chômes,  on  ne  peut  pas  attribuer  à  Jésus- 
Christ  ce  ((ui  est  incompatibb;  avec  la  divi- 
nité, ce  qui  ferait  supposer  (ju'il  n'est  pas 
Dieu;  ce  serait  détruire  l'union  h}poslati(iue 
qui  est  le  fondement  de  la  communication  d'i- 
diomrs.  Ainsi  l'on  ne  peut  pas  dire  que  Jé- 
sus-Christ est  un  pur  homme,  qu'il  est  fail- 
lible, capable  de  pécher,  etc.  Par  la  même 
raison,  l'on  dit  de  Jésus-Christ  qu'il  est  la 
sagesse  éternelle,  qu  ilesl  tout-puissant,  etc., 
attributs  propres  de  la  Divinité,  parce  que 
la  personne  do  Jésus-Chrjst  est  le  Verbe 
di\iu(l). 

Les  nesloriens  rejetaient  cette  communicu' 
tion  d'idiomes  ;  ils  ne  pouvaient  soulTrir  que 
l'on  dît,  en  parlant  de  Jésus-Christ,  que  Dieu 
a  oulTert,  qu'il  est  mori,  que  .Marie  est  mère 
de  Dieu  ;  d'où  l'on  conc  ul  qu'ils  admet- 
taient deux  personnes  en  Jésus-Clirist  quoi- 
qu'ils ne  l'alGfmassent  pas  formellement. 
Les  luthériens  sont  tombés  dans  l'excès  op- 
posé, en  poussant  trop  loin  la  communica- 
tion d'idiomes,  en  prétendant  que  J  sus- 
Christ,  non-seulement  en  tant  que  Dieu,  mais 
en  tant  qu'homme,  est  immortel,  immense, 
présent  partout  :  propriétés  qui  ne  peuvent, 
en  aucun  sens,  convenir  à  l'iiumanité.  Voy. 

ISCAHNATION. 

COMMUNION  DE  FOI,  croyance  uniforme 
de  plusieurs  personnes,  qui  les  unit  sous  uu 
seul  chef,  dans  une  même  Eglise  ;  sans  ce 
caractère,  l'Eglise  ne  peut  avoir  une  vérita- 
ble unité.  Telle  a  été  la  per^uasion  de  ses 
membres,  dès  les  premiers  siècles  ;  on  le  voit 
[lar  le',  canons  du  concile  d'Iilvire,  tenu  vers 
l'an  ^00,  et  c'est  ainsi  que  l'on  a  toujours 
eniendu  le  symbole  de  Nicée ,  qui  appelle 
l'Eglise  une  ,  sainte,  catholique  et  apostoli- 
que. Par  conséquent  toutes  les  sectes  qui  ont 
cessé  d'être  en  communion  de  foi  avec  elle  , 
ont  cessé  d'être  membres  de  l'Eglise  de  Jesus- 
Chr.st.  l.e  souverain  pontife  est  le  chef  de  la 
communion  catholique  ;  l'iîglise  île  Home,  oa 
le  saini-siége,  en  est  le  centre  ;  on  ne  peut 
s'en  séparer  sans  èlre  schismatique. 

Jésus-Christ,  parlant  de  ses  ouailles,  a  dit 
qu'il  en  ferait  un  même  troupeau  sous  un 
seul  pasieur  (Joan.  x,  lli).  Saint  Paul  répète 
continuellement  aux  fidèles  qu'ils  sont  un 
seul  COI ps  ijlotn.  xii,  5;  1  Cor.  xii ,  25,  etc.). 
Cela  ne  peut  pas  être,  à  moins  que  tous 

(I)  Il  est  facile  de  résumer  en  deux  mois  ces  prin- 
ci('es  :  I  '  on  peut  aiiribuer  à  la  personne  tomes  les 
parties  (|iii  la  coiiiposeiit  et  tous  les  actes  ipii  eu 
priiceileiit  :  v.  g.,  on  dit  ;  Pierre  a  une  àme,  un  cor(is, 
une  main,  elc.  ;  il  a  Irappé,  marclic,  etc.  l)'a(irès  ce 
principe,  en  peut  dire  :  Le  Fils  de  Dieu  esl  né  ;  le 
Verbe  s'est  fait  cliair;  Dieu  e,l  homme,  parée  que 
les  sn.ets  de  «es  propusitions  déslgiieni  |a  personne; 
i2"  On  ne  peut  ailiibner  à  une  pnriie  ce  ijpi  convient 
à  une  aiilie,  aiisi  on  n«  peut  dire  ipie  l'àine  a  iiiarr 
elle,  (|ae  le  c  rps  a  pensé.  Coiisécpieiiinuiil,  on  n^ 
peiil  aiiribuerii  la  namre  Inimaine  ce  qui  apparlient 
à  la  iiaiure  divine,  ni' à  la  nature  divine  ce  (|ui  ap- 
parlieni  à  la  naiure  humaine. 


SOT 


COM 


COSI 


9G8 


n'aient  une  même  foi,  les  mêmes  sacrements, 
la  même  morale,  un  même  culte  ;  autrement 
l'unité  ne  serait  qu'extérieure  et  appnreiUe. 
Pour  qu'elle  soit  réelle  et  roiislante,  un  cen- 
tre de  subordination  est  aussi  nécessaire 
qu'un  drapeau  ou  une  enseigne  pour  rallier 
les  soldats.  —  L'évidence  de  ce  principe  est 
confirmée  par  une  expérience  de  dix-sept 
siècles.  Tous  ceux  qui  n'ont  pas  voulu  se 
souinclire  à  celte  constilulion  de  l'Eglise,  se 
sont  sép  nés  pour  aller  taire  baude  à  paît; 
et  bieniôt  celle  première  secte  s'est  sous-di- 
visée  en  plusieurs  autres  ,  qui  n'ont  pas  eu 
entre  elles  plus  de  liaison  qu'avec  le  Ironc 
duquel  elles  s'étaient  séparées.  Elles  se  sont 
délestées  et  condamnées  niutuelloment  , 
comme  elles  él. lient  rejetées  elles-méuies 
par  l'Eglise  catholique.  L'inconslance  natu- 
relle de  l'esprit  humain,  l'orgueil  qui  se  dalle 
de  mieux  penser  que  les  aulres,  l'ambillou 
d'élre  chef  île  parti,  sonl  des  maladies  qui 
dureront  aulanl  que  l'hunianiiè  ;  il  n'y  a 
point  d'autre  reinèile  contre  leurs  ravages 
qu'un  liein  qui  les  retienne,  et  qui  les  force 
de  plier  sdus  le  joug  de  l'easciguemenl  com- 
mun. Voy.  Eglise,  §  2. 

CoMMUMON  DES  SAINTS.  C'est  l'union  entre 
l'Eglise  iriomphanle  ,  l'Egli-c  milllante  et 
l'Eglise  souffrante;  c'est-à-dire,  entre  les 
saillis  qui  sonl  dans  le  ciel,  les  âmes  qui 
souffrent  en  purgatoire,  cl  les  fidèles  qui  vi- 
vent sur  la  terre.  Ces  trois  parties  d'une 
seule  et  rnêuie  Eglise,  fonnenl  un  corps  dont 
Jésus-Christ  est  le  chef  invisible  ;  le  pape, 
vicaire  de  Jésus-Christ,  en  est  le  chef  visi- 
ble, el  les  nieiiibres  sonl  unis  entre  eux  par 
les  liens  de  la  ciiarilé,  par  une  communica- 
tion miituelli!  d  inlercession  el  de  prières.  De 
là  l'invocation  des  saints,  la  prière  pour  les 
morts,  la  confiance  au  pouvoir  des  bienheu- 
reux auprès  du  trône  de  Dieu. 

La  comiiiuniun  des  saints  est  un  dogme  de 
foi,  un  des  ailicles  du  symbole  des  apôlres, 
coiislamineiil  reconnu  par  la  Iradilion,  et 
fondé  sur  l'Ecriture  sainte.  Nous  sommes 
tous,  dit  saint  l'aul  ,  un  setd  corps,  et  mem- 
bres l'un  de  l'autre  [Rom.  xii,  5).  Qu'il  n'y  ait 
donc  point  île  division  dans  ce  corps,  mais 
que  les  membres  nient  soin  l'un  de  l'autre  (I 
Cor.  xii,  25).  Croissons  tous  dans  la  léntéet 
dans  la  charité,  en  Jé.-ius-Citrist  qui  est  notre 
chef(Ëpties.  IV,  la,  ctc  ).  —  De  là  nous  con- 
cluons que  tout  est  commun  dans  l'Eglise, 
prières,  bonnes  œuvres, grâces,  mérites,  etc.; 
qu'un  des  jilus  grands  niallieurs  pour  un 
chrétien  est  d'être  privé  de  la  communion  des 
taints  par  rexcoinmunicatiun,  par  le  schis- 
me; que  c'esl  y  renoncer  en  quehiut;  ma- 
nière que  de  méprisiT  le  culte  puhllc,  el  de 
lui  prclérer  p.ir  mollesse  un  culte  domesti- 
que el  parliculier. 

Tout  fidèle  qui  se  connaît  lui-même  et 
se  rend  justice,  a  peu  sujet  de  compter  sur 
ses  vertus  cl  ses  bonnes  œuvres;  mais  il 
se  repose  sur  l'intercession  .  les  prières  , 
les  mérites  de  l'Eglise,  (|ui  sont  ceux  de 
Jésus-Christ,  el  qui  liienl  de  lui  loule  leur 
valeur.  C  Col  ce  qui  soutient  l'espérance  chré- 


tienne, et  nous   excite  à  faire  le  bien  (I). 

Ce  même  dogme  de  la  communion  des 
saints  devrait  encore  contribuer  à  rappro- 
cher les  cœurs,  à  étouffer  les  haines  généra- 
les el  particulières,  à  inspirer  à  tous  le^  chré- 
tiens des  sentiments  de  fraiernilé.  lin  Jésus- 
Christ,  dit  saint  Paul,  il  n'y  a  plus  ni  Juif,  ni 
gentil,  ni  Grec,  ni  bu  bore,  ni  maitre,  ni  es- 
clave; vou^  ries  en  lui  un  même  corps  et  une 
seule  famille  (Gidat.  m,  2S).  Telle  a  été  l'iu- 
teniion  de  noire  divin  Maître;  si  nous  y  ré- 
pondons souvent  Irès-mal,  ce  n'est  pas  la 
faule  de  notre  religion. 

Dans  les  premiers  siècles,  les  différenles 
Eglises  étaient  dans  l'usage  de  s'écrire  mu- 
tuellement des  lettres  de  fraternité  et  d'ami- 
tié, que  l'on  nommait  lettres  de  communion. 
Elles  atleslaient  ,  parce  moyen,  qu'elles 
étaient  unies  entre  elles,  non-seulement  par 
les  liens  d'une  môme  foi  cl  d'un  même  culte, 
mais  encore  par  une  charité  mutuelle; 
qu'elles  s'iuléressaient  à  la  pros;)érilé  les 
unes  des  aulres,  et  prenaient  part  au  bien  ou 
au  mal  qui  pouvait  leur  arriver.  —  Saint 
Paul  appelle  aussi  communion  les  secours 
mutuels  d'aumônes  el  de  services  que  les  fi- 
dèles se  rendaient  les  uns  aux  autres  :  ISenefi- 
centiœ  et  communionis  nolile  oblitisci  (Hebr., 
XIII,  10).  Dans  quelques  Chartres  du  xii.'  siè- 
cle, on  a  donné  le  nom  de  communion  aux  of- 
frandes que  les  tidèles  fais.iienl  en  commun. 

Communion  el'charistiqi  e  ou  sacramen- 
telle. C  est  l'action  de  recevoir,  dans  le  sa- 
crement de  l'eucharistie,  le  corps  el  le  sang 
de  Jésus-Christ,  action  qui  est  évideminenl  la 
plus  augusie  el  la  plus  sainte  de  notre  reli- 
gion. Lu  coupe  (/ue  nous  bénissons,  dit  saint 
Paul  ,  n'est-elle  pas  la  communion  du  sang  de 
Jésus-Clirist,  el  le  pain  que  nous  rompons, 
n'esl-il  pas  la  participation  au  coips  de  Jé- 
sus-Clirist ?  Nous  sommes  tous  un  seul  pain  et 
un  seul  corps,  nous  qui  participons  au  même 
pain  et  à  la  même  coupe  (1  Cor.  x).  Ainsi  l'A- 
pôtre nous  fait  sentir  toute  l'cncrgie  du 
terme  de  communion. 

Dans  toutes  les  religions,  l'usage  a  été 
conslanl  de  manger  en  commun  les  chairs  de 
la  victime  que  l'on  avait  offerte  en  sacrifice  ; 
dès  les  premiers  temps,  le  père  de  famille 
présidait  à  la  cérémonie ,  rassemblait  ses 
enfants,  ses  domesli(|ues,  souvent  les  étran- 
gers, pour  prendre  parla  ce  repas  fraternel. 
Les  païens  se  llailaienl  ,  dans  celle  circons- 
tance ,  de  manyer  avec  les  dieux;  les  adora- 
teurs du  vrai  Dieu,  plus  sensés,  se  regar- 
daient comme  assis  â  la  table  du  l'ère  com- 
mun de  loulis  les  ciéatures.  —  Jésus-Cdrisl, 
qui  connaissait  si  bien  les  ressorts  qui   font 

(I)  Dieu  s'est  réservé  à  lui-même  le  secrei  de  )a 
dislrihulhiii  des  liions  spiriiinU  de  I'1';j^Iivc.  Mais 
quiiiiiu'iin  ne  puisse  dclrniiiiicr  la  pari  que  eliaipie 
liiiéle  reçoit,  on  peiit  assiirei  que  ceux  i|Ui  ont  plus 
de  l'cii,  cil-,  ('lianié  el  de  saiiilelc,  pariicipeiil  plus 
alKiiid.uiiiiienl  ipie  les  aiiires  ù  la  couiiiiiiiiinn  des 
saints.  Celle  véiilé  est  une  cuise  de  progiés  car 
loule  pers  'iine  niinant  à  anias-cr  de  grandes  iiclies- 
ses,  v.'iii  puiser  avec  plus  d'iilKUi  laïue  dans  le  tré- 
sor, el  lûL'Iie  d'avancer  en  venu,  aliii  de  recueillir 
davaiilaije. 


960 


cm 


COM 


570 


oioiivoir  le  cœur  humain,  et  l'influence  nue 
les  cérémonies  ont  sur  les  mreurs,  ne  pou- 
vait manquer  d'en  corspi  ver  une  aussi  lou- 
chante que  celle-ci  ;  niais  il  en  a  relinnché 
ce  que  les  anciens  sacrifices  avaient  de  trop 
grossier.  Elle  e>t  bien  fioide,  quand  on  ne 
l'cnvisaste  que  comme  un  simple  symbole 
destiné  à  nous  r;ip[)elir  le  souvenir  de  la 
dernière  cène  de  Jésus-Clirisl  ;  un  rcfias  or- 
dinaire ferail  sur  nmis  plus  «l'impression. 
Mais  que  la  communion  est  (oncbaiiie,  quand 
on  croit  que  ce  divin  Sauveur  e.-l  tout  à  la 
fois  le  prélre,  la  victime,  la  nourriture  de  ses 
adorateurs] 

La  communion  de  foi  el  la  communion  des 
saints  soni  uni' conséquence  de  la  cnmniunion 
sacramtnlelle,  qui  en  est  le  siiine.  Nous  som- 
mes un  seul  corps,  dit  saint  Paul,  nms  tous 
qui  participons  à  un  nuUtie  puin  (1  Cor.  \, 
17).  Âlais  il  expli(|uc  la  nature  de  ce  pain,  en 
disant  que  c'est  la  parlicipaiion  au  corps  ilu 
Seij;nfur.  Il  confirme  ci'lie  idée  en  cumpa- 
ranl  les  chrétiens  aux  Israélites,  qui  parti- 
cipaient au  sacrifi(e,  en  mangeant  la  chair 
de  la  victime.  Si  l'eucliarisiic  n'est  pas  un 
vrai  sacrifiie,  la  comparaison  est  fausse,  la 
participation  est  imaginaire  ;  la  chair  des 
victimes  était  une  image  beaucoup  plus  sen- 
sible du  corps  de  Jésus-Christ  mort  sur  "la 
croix,  que  le  pain  el  le  \in. 

Il  n'est  donc  pas  étonnant  que  les  protes- 
tants, en  faisant  di'  l'eiicliarisiie  un  signe 
sans  réalité,  aient  renonré  en  même  temps 
à  l'efficarite  de  la  communion  sacmmentelle, 
à  la  communion  de  foi  rt  à  la  communion  des 
saints.  Chaque  parti. nlier,  dans  sa  l'amlllc, 
pent  consacrer  l'eucbarisiie  et  faire  la  com- 
munion dans  le  sens  qu'ils  donnent  à  ce 
terme;  il  ne  faut  ni  prêtre,  ni  aulel,  ni  cé- 
rémonies ;  avec  une  foi  calviiiienne  el  un 
peu  d'enlhousiasnie,  toute  la  famille  com- 
munie à  chacun  de  ses  repas.  C'est  mal  à 
propos  qne  saint  Paul  a  tiré  de  la  cène  eu- 
charistique une  insiruclioii  qu'il  pouvait 
faire  également  sur  chaque  repas  (iris  en  fa- 
mille ,  ou  du  moins  sur  celui  dans  le<|uel 
plusieurs  familles  se  trouvent  rassemblées. 

Dès  le  I''  siècle  del'ligbse,  saint  C  éineni; 
au  11%  saint  Ignace  et  saint  Justin;  au  iir, 
Teilullien  et  d'autres,  nous  m()nlr■nla^ec 
quelle  pureté,  ((uel  respect,  quelle  ferveur, 
les  premiers  fiitèks  faisaient  celle  sainte 
action,  et  ce  qu'ils  en  pensaient.  Dans  tou- 
tes les  liturgies,  les  prii  res  qui  précèdent  la 
communion,  la  formule  dont  elle  est  acci'm- 
pa^nee,  radoralion  de  l'eucharistie,  la  ma- 
nière dont  on  la  rece>ail,  l'action  de  gràies 
qui  suit ,  démontrent  i|ui'  de  tout  temps  les 
fidèles  ont  cru  y  recevoir  non  un  simple  sx  m- 
bole  du  lorps  el  du  sang  de  Jésus-Christ, 
mais  la  réalité  et  la  sulislance  de  ces  d<ms 
divins.  Nos  conlroverMSIes  ont  mis  ce  point 
de  fail  el  de  doctrine  dans  un  degré  d'éw- 
dence  aunuel  il  n'est  pis  possiiile  de  se  re- 
fuser. Voy.  Perpétuité  de  la  Foi.  loni.  IV, 
liv.  ii:,  c.  1  el  sui»aiits  |edil.  Niigne].()ii  ui- 
conçoit  pas  conini>  iit  Ringliani,  maigre  ses 
préjugés  angl  cans,  ne  l'a  pas  senli  en  rap- 
purlant  les  muuuments  de  l'antiquité  sur  ce 

I>ICT.  DB  TuioL.  DOGMATIQUE.  I, 


point  lOrig.  eccl.,  I.  xv,  c.  .3).  —  Basnage 
n'a  pas  été  plus  judicieux.  Delà  manière  dont 
on  communiait  dans  les  premiers  siècles,  il 
prétend  tirer  des  inductions  pour  prouver 
que  l'on  ne  crovail  pas  alors  la  présence 
réelle  de  Jesus  Christ  dans  l'i'i.charistie,  ni 
la  II  aiissnlisl  iiitialiiin  I!  o!  serve  qu'n  i  ne 
la  rere\aii  pas  toujours  à  jeim,  qu'o  i  la  don- 
nait aux  eiil.MUs  injinédiatement  après  le 
baptême,  et  ou  croy.iil  que  es  deux  sacre- 
rncnls  leur  élaii'ut  ega  emeiit  tiéress  lires. 
Les  adultes  la  recevaient  dans  leuis  mains, 
ou  leur  pei  niellait  de  rem|)orier  chez  eux  ; 
quelquefois  ou  la  mettait  dans  la  bourbe  des 
nuirts  el  on  l'enteriait  avec  eu\.  Onelqiies 
évc.iues  la  [loriaienl  cl.iiis  des  panieis  d'osier 
et  dans  des  coupes  de  bus  ou  i!e  \erre.  Les 
diacres,  nou-seulem>  n'  la  disd  ibuaieni,  mais 
pouvaient  la  consacrer  ;  on  n'en  ré^ervait 
rieu  pour  les  malades  ni  pour  les  mourants. 
La  plu|  art  de  ces  usages,  dilil,  seraient  au- 
jourd'hui regar<lés  comme  des  crimes;  sans 
doule  on  en  aurait  jugé  de  même  dans  les 
premiers  siècles,  si  l'on  avait  en  pour  lors  la 
même  idée  de  l'eucharistie,  que  l'Eglise  ro- 
maine s'en  est  l'ormée  dans  la  suite  des  siè- 
cles (llisl.  de  l'Eijlise,  liv.  xiv,  c.  9).  Daillé 
avait  déjà  fait  à  peu  près  les  mêmes  observa- 
tions. 

Il  nous  paraît  que  les  unes  ne  prouvent 
rien,  et  que  bs  autres  donnent  lieu  à  des 
consé.|uences  directement  contraires  à  celles 
que  ireul  les  prolcstanîs.  l'Il  n'est  pas  éton- 
nant que,  pendaul  les  [i'  rsécntions ,  l'on  ait 
élé  ••ouveni  obligé  de  célébrer  les  saints  uiys- 
tères  l'endaul  la  nuit,  et  que  les  fidèles  aient 
été  dans  l'impossibilité  de  <  ommunier  à  jeun  ; 
la  disposition  (|ue  l'on  a  toujours  jugée  la 
plus  nécessaire  pour  cette  action  sainte,  est 
la  pureté  de  l'âme;  le  cas  de  nécessilc  abso- 
lue peut  dispenser  des  autres.  On  a  loué  saint 
Exupère,  évêque  de  Toulouse,  de  ce  qu'a- 
près avoir  donné  tout  aux  pauvres,  il  était 
réduit  à  porter  l'eucharislie  dans  un  panier 
d'osier  el  dans  une  coupe  de  verre  ;  s'ensuit- 
il  di-  là  que  l'on  fais.iit  partout  de  même? 
Celait  pendant  l'irruptiiii  des  Goihs  et  des 
autres  Itarbares;  les  peuples  étaient  alors 
réduits  à  une  misère  extrême;  ou  louerait 
encore  un  évêque  qui  imiterait  saint  Exu- 
père en  pireil  c.is.  Dans  les  pays  où  la  pro- 
fession du  calholi  isme  n'est  pas  soufferte, 
les  prêtres  sont  obligée  de  porter  aux  mala- 
des la  communion  dans  leur  poche,  el  sans 
aucun  appareil  extérieur;  un  ne  croit  pas 
pour  cela  manquer  de  respect  au  sacre- 
ment. —  2°  Les  premiers  chrétiens,  exposés 
tons  les  jours  au  mart\re,  emportaient  chez 
eux  l'eucharistie ,  afin  de  puiser  dans  la 
sainte  communion  le  courage  dont  ils  avaient 
besoin  (our  eudurir  les  tourments;  preuve 
qu'ils  ne  pensaient  pas,  comme  les  protes- 
tants, que  celle  action  n'est  que  la  figure  do 
dernier  souper  de  Jésus-Chrisl  .  et  (jue  la 
communion  fiile  en  particulier  n'est  d'aucun  ,,«<jjk 
ineriie;  les  préienilus  martyrs  des  pr  >tes-  .-.-î^'*^ 
lanls  n'ont  pas  f.iil  de  même,  parce  qu'ils 
n'avaient  pas  sur  leuchari  lie  la  luéme/^^  0^ 
croyance  que  les  premiers  ûdèles.  —  3"  ^f  yÇ    ^ 

81  /   /    A 


971 


COM 


COM 


97-2 


l'on  avait  cru  pour  lors,  comme  les  protes- 
tants, que  l'on  ne  participe  au  corps  de  Jé- 
sus-Christ que  par  la  foi,  se  serait- on  avisé 
de  donner  l'eucharistie  aux  enfants  incapa- 
bles d'avoir  cette  foi  ?  Nous  n'entrerons  pas 
dans  la  question  de  savoir  s'il  est  vrai  que 
saint  Augu^Iin  et  d'autres  Pères  ont  pensé 
que  l'eucliarislie  était  aussi  nécessaire  aux: 
enfants  que  le  baplême,  et  si  la  coutume  de 
la  leur  donne  réiail  aussi  générale  que  Bas- 
nage  le  prétend;  quand  <'ela  serait  incontes- 
table, il  s'rnsuivr.iit  toiijours  que  la  croy.in- 
ce  de  l'Eglise  de  ces  temps-là  était  fort  diffé- 
rente de  relie  des  calvinistes,  et  que  l'on  ne 
pensait  pas,  comme  eux,  que  la  foi  seule  fait 
toute  l'efficacité  des  sacrements.  —  L'abus 
défendu  par  quchiues  conciles,  de  mettre 
rçucharislie  dans  la  bouche  des  morts,  au- 
rait encore  muins  pu  s'introduire  ,  si  l'on 
avait  été  dans  le  même  sentiment  que  les 
proti  slants  ;  usais  cette  défense  ne  prouve 
pas  que  cet  usage  abusif  ait  été  aussi  fré- 
quent que  Basnas;e  veut  le  persuader.  — 
4°Coinment  peui-il  si>uteiiir  que  l'on  ne  ré- 
servait pa;  l'eucharistio  pour  les  malades  et 
pour  les  mourants,  pendant  qu'il  avoue  que 
l'on  permettait  aux  pénitents  de  la  recevoir 
à  l'heure  de  la  mort?  N'élait-elle  donc  ré- 
servée que  pour  eux  seuls?  Voilà  ce  qu'il 
aurait  fallu  prouver. 

Au  mot  DiACBE,  nous  ferons  voir  qu'il 
est  faux  que  les  diacres  aient  eu  le  droit  ou 
le  pouvoir  de  consacrer  l'eucharistie. 

Parmi  l<'s  incié  Iules,  les  uns  ont  accusé 
les  cilhnliques  d(!  ne  pas  croire  à  leur  reli- 
gion, puisque  la  commiininn  [)roduil  surenx 
si,  peu  d'cfl'ets  ;  les  autres  ont  *oini  contre  le 
dogme  de  l'eucharistie  des  sarcasmes  gros- 
siers que  riionnètelé  seule  anrait  dû  leur 
inieriliie.T  lie  est  l'injusiice  de  nos  censeurs; 
ils  blâment  également  les  saints  qu'une  foi 
vive  semble  dépouiller  de  toutes  les  affrciions 
terre>lres,  et  les  chrétiens  imparf.iils  qui 
n'ont  pas  le  courage  de  vivre  d'une  m.inière 
conforme  à  leur  troy  ince.  Que  faudrait-il 
pour  les  satisfaire?  S  il  est  si  ilttficile  d'éire 
vertueux,  même  quand  on  a  la  foi,  le  se- 
rons-nous plus  aisément  lorsque  nous  ne 
croirons  rien  ?  Leur  exemple  n'est  pas  pro- 
pre à  nous  le  persuader. 

Communion  sp  nnuELLK.  On  appelle  ainsi, 
dans  ritglise  catholique,  le  désir  de  recevoir 
la  sainte  eucharistie,  et  les  sentiments  de 
ferveur  pir  le-quels  un  fulèle s  excite  lui- 
même  à  s'en  rendre  digne.  C'est  une  excel- 
lente pratique  de  piéié  que  de  faire  la  cnm- 
muni'iii  ni/iricuclle  toutes  les  fois  que  l'on 
assiste  à  la  saiule  mc^se. 

Communion  sous  les  deux  bspi^cks  ;  c'csl- 
à-dire,  siius  l'espice  du  pain  et  sons  celli^du 
vin  Ç'aétéunsujet  de  dispute  rnlreles  théolo- 
giens cathi)li(|ucsel  les  protestants,  desavoir 
si,  pour  ressentir  les  effets  de  l'eucharistie,  il 
est  absolument  néressaire  de  recevoir  les 
deux  espèces,  et  si  l'on  viole  le  commandc- 
lucut  de  Jésus-Christ  en  communiant  seule- 
ment sous  l'espèce  du  pain,  comuic  les  pro- 
testants le  prétendent.  —  La  solution  de 
cette  question  dépend  beaucoup  de  l'opiniou 


que  l'on  a  de  l'eucharisîie.  L'Eglise  catholi- 
que, qui  soutient  que  Jésus-Christ  est  réelle- 
ment présent  sous  chacune  des  espèces  eu- 
charistiques, et  que,  dans  l'étal  d  immor- 
talit  •  dont  il  jouit,  son  corps  et  son  sang  ne 
peuvent  plus  être  réellement  sép  irés,  con- 
clut coaséquemment  que  l'on  reçoit  Jésus- 
Christ  tout  entier  en  communiant  sous  une 
seule  espèce,  et  aussi  parfaiiement  que  si  on 
recevait  toutes  les  deux.  Les  calvinistes  au 
contraire  ,  qui  pensent  que  l'eucharistie  est 
seulement  un  symbole,  une  Ggure,  un  ga- 
ge du  corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ, 
que  l'on  reçoit  spirituellement  par  la  foi, 
soutiennent  que  c'est  un  crime  de  diviser  ce 
symbole,  et  que  c'est  en  aliérer  la  signiBca- 
tion,  par  conséquent  lui  ôter  tout  son  effet. 
Si  le  principe  sur  lofjoel  ils  raisonnent  était 
vrai,  la  conséquence  sérail  assez  bien  dé- 
duite; ruais  ce  principe  est  une  erreur. 

H  faut  convenir  que  la  discipline  de 
l'Eglise  a  varié  sur  ce  point  ;  qu  autrefois 
les  fidèles  ont  ordinaiiement  communié  sous 
les  deux  espèces,  et  que  cet  usage  ..i  subsisté 
très-longten>ps.  M  jis  il  n'est  pas  moins  ceriain 
que,  dans  plusieurs  cas,  l'un  n'a  communié 
que  sous  une  espèce  ;  que  1'  Eglise  n'a  jamais 
cru  que  celte  co)?imi«/uo»  fût  criminelle  ou 
abusive,  conlr.Mre  à  l'intention  de  Jésus- 
Christ,  ou  moins  elficace  que  l'autre.  Saint 
Justin  nous  apprend  que  déjà  dans  le  u* 
siècle,  l'usage  était  de  porter  la  communion 
aux  absents  ;  il  n'y  a  aucune  preuve  qu'on 
la  li'ur  ail  toujours  portée  sous  les  deux  es- 
pèces ;  cela  etil  é'é  Irès-dil'ticile  dans  les 
temps  d;!  persécution.  Bientôt  l'usage  s'in- 
troduisit de  donner  l'eucharistie  aux  enfants 
immédiatemenl  après  le  bapléme;  ils  ne 
pouvaient  la  recevoir  que  sous  l'espèce  du 
\in  [S.  Cypr.,  l.  de  Lnpsis).  Terlullien  et 
saint  Cyptien  altestenl  qu'au  iii'  siècle 
on  portait  la  coinnninion  aux  malades  en 
danger  de  mort,  <.t  aux  confesseurs  détenus 
dans  les  prisons  ;  que  les  D  ièl.  s  recevaient 
l'eucharistie  dans  leurs  mains,  remportaient 
chez  eux,  la  conservaient  pour  se  commu- 
nier eux-mêmes,  s  ils  se  trouvaient  exposés 
au  mari  re  ou  à  quelqu'autre  danger  ;  ils  ne 
Il  pren.iieiit  que  sous  l'espèce  du  pain  (Ter~ 
tull.,\  II  ad  lijrur.,  c.  oj.  Dans  aucun  temps, 
la  comntanion  n'a  été  refusée  aux  abstèmes, 
c'esl-à-dire-,  a  ceux  qui  avaient  uncrépugnaii 
ce  naturelle  pour  le  vin.  Hiiigbani,  (|uoique 
persiiailé  de  la  nécessité  de  la  cummunion 
sous  les  deux  espèces,  est  convenu  de  tons 
ces  f.iits  (Orly,  ecdés.,  I.  \v,  c.  k).  Cummeiit 
a-t-il  pu  l'aire  un  crime  à  l'Eglise  romaine  de 
l'usage  d.ins  leciuel  elle  est,  depuis  plus  de 
cin((  siècles,  de  ne  donner  aux  fidèles  la  coin- 
nmnlon  que  sous  l'espèce  du  pain  ? 

Hasnage,  plus  entête,  n'a  pas  été  d'aussi 
bonne  foi  ;  il  a  supprimé  les  faits  dont  nous 
venons  lie  parler,  Ilist.  de  l'Eglise,  1.  xxvii, 
c.  H.  Il  dit  ([ue  l'Eglise  a  communie  sous  les 
deux  espèces  jusqu'au  ix'  siècle,  que  toute 
la  terie  a  toujours  ainsi  communie.  C'est 
une  imposture.  (Jutre  lesexemplesconlraircs 
que  nous  venons  de  citer,  Origène,  au  m* 
siècle,  parle  de  la  communion  sous  l'espèce  du 


f78 


COM 


pain,  sans  fnire  mention  de  celle  du  vin  {Con- 
tra Cth.,  I.  vm,  n*33).  Eusèbe  (llht.cccles., 
l.ti,n°U)  rapporte  l'hisloire  d'un  vieillard 
mourant,  comtminié  avec  du  p.iin  consacré 
eldétrerapéd'eau.  Au  v,  les  manirhéens,  par 
superstition,  s'ah.Uinaient  de  recevoir  la  com- 
munion  sousl'espècedu  vin  (Saint  Léon,  serm. 
IV,  de  Qutidrag.,  c.  5).  C'est  ce  qui  en-agea  le 
pape  (ielase  à  faire  un  décnl  qui  ordonnait 
à  tous  les  fidèles  de  conniiuiiier  sous  les 
deux  espèces.  Comme  le  manichéisme  a  sub- 
sisté en  Occident  jusque  vers  le  xiii"  siècle, 
il  n'est  pas  surprcnautque  jusque-là  l'on  ait 
ordinairement  reçu  l'eucharistie  do  celle  ma- 
nière; voilà  ce  que  Hasnase  n'a  eu  «ardc 
d'observer.  Mais  avant  le  décret  de  Ciélase 
il  était  libre  aux  fidèles  de  ne  communier 
que  sous  une  seule  espèce.  Au  vi"  siècle, 
l'an  5(51),  le  deuxième  concile  de  Tours,  can. 
3,  ordonna  que  le  corps  de  Notre-Sei(;neur 
fiil  |>ai(lé,  non  pirmi  les  imai^es.  mais  sous 
la  croix  de  l'arilel  ;  pourquoi  le  garder,  sinon 
pour  le  donner  eu  viati(iue  aux  malades?  On 
n'}'  gardait  pas  de  même  le  vin  consacré.  Au 
vir,  le  onzième  concilo  de  Tolède,  tenu  l'an 
675,  can.  11,  parle  des  malades  qui  ne  jiou- 
vaient,  à  cause  de  la  sécheresse  de  leur  go- 
sier, avaler  l'eucharistie  sans  boire  le  calice 
du  Seigneur;  donc,  hors  de  celle  circonstan- 
ce, on  ne  leur  donnait  que  l'espèce  du  pain. 
Au  vin%  dans  la  règle  de  saint  Chrode^'aud, 
il  n'est  fait  mention  de  la  messe  que  pour 
les  dimanches  et  les  fêtes;  est-il  probable 
que  l'on  n'ait  pas  réservé  du  pain  consacré 
pour  communier  les  fidèles,  et  surtout  les 
malades  ? 

^  Il  n'est  donc  pas  vrai  qu'eu  aucun  temps 
l'Eglise  ait  reganlé  comme  un  couimande- 
meiil  de  Jesus-Christ  ces  paroles  qu'il  dit  à 
SCS  apôtres,  après  la  consécration  An  calice, 
buvez-en  tous,  ni  la  communion  sous  les  deux 
espèces,  comme  une  obligation  imposée  aux 
fidèles  par  Jésus-Christ.  Si  sa  crojance  avait 
été  la  même  querelle  des  protestants,  jamais 
elle  n'aurait  osé  dispenser  personne  de  com- 
munier sous  les  deux  espèces.  Elle  a  tou- 
jours cru,  au  contraire,  que  le  corps  de  Jésus- 
Christ, aprèssa  résurrection,  ne  pouvant  élro 
réellement  séparé  de  son  sang,  Jésus-Christ 
est  renfermé  tout  entier  sous  l'une  cl  sous 
l'autre  espèce;  qu'ainsi  eu  recevant  l'une/ 
ou  l'auire,  on  reçoit  tout  à  la  fois  le  corps 
et  le  sang  du  Sauveur. 

Il  n'est  pas  plus  vrai  qu'en  1413,  le  concilo 
de  Conslaiice,  en  ordonnant  que  désormais 
la  communion  fût  donnée  aux  fidèles  sous  la 
seule  espèce  du  pain,  a  changé  l'ancienne 
doctrine  de  l'Eglise,  qu'il  a  retranché  du 
plus  auguste  de  nos  sacrements  une  partie 
de  ce  qui  en  fait  la  matière  et  l'essence,  qu'il 
a  comtamné  l'inslilulion  de  Jésus-Christ  it 
la  pratique  des  apôtres,  qu'il  a  privé  les  fi- 
dèles de  la  parlicipilion  au  sang  de  Jesus- 
Christ,  etc.,  comme  Basnage  s'ohsline  à  le 
soutenir.  Lorsqu'une  secte  d'hérétiques  s'est 
abstenue  de  communier  sons  l'espèce  du  vin 
par  superstition,  en  consé(iucnce  d'un  dogme 
faux  et  absurde  qu'elle  soutenait,  l'Eglise  a 
ordonné  aux  fldèles  la  covmunion,  sous  les 


COM 


971 


deux  espèces,  afin  qu'ils  témoignassent  ainsi 
qu'ils  ne  donnaient  point  dans  cette  erreur- 
lorsqu'une  autre  secle  a  prétendu  que  celte 
communion  sous  les  deux  espèces  élait  né- 
cessaire au  salut,  que  l'I'glise  ne  pouvait 
sans  prévarication,  retrancher  la  coupe  aux 
laïques,  l'Eglise  a  décidé  le  (onlraire,  et  la 
leur  a  retranchée  en  effet,  afin  de  réprimer  la 
lémériié  des  sectaires.  Ce  changement  dans 
la  discipline,  loin  de  prouver  une  variation 
dans  la  croyance,  en  atteste  au  contraire 
l'uniforniilé. 

lîeausohre  (Hist.  du  Munich.,  f.  Il,  1,  n, 
c.  7,  §  4)   a  voulu  tirer  avantage  de  ce  que 
saint  I  éou  et  tiélase  ont  dit  des  manichéens. 
Il  s'ensuit,  dit-il,  1"  qu'au  v  siècle,  il  n  était 
permis  ni  au  prêtre  de  communier  les  fidèles 
sous  une  seule  espèce,  ni  à  ceux-ci  de  n'ea 
recevoir  qu'une  seule;   car,  si  l'usage  d'une 
seule  espèce  avait  été  permis,  le  refus  que 
faisaient  les  manichéens  de  recevoir  le  via 
consacre,  n'aurait  pas  pu  servir  à  les  faire 
reconnaître,    comme   le   veut    saint   Léon. 
2°  Gélase  dit  que,   puisque  quelques-uns 
s'abstiennent  du  calice  par  je  ne  sais  quelle 
superstition,  les  fidèles  doivent  ou  recevoir 
le  sacrement  tout  entier,  ou   en   être   privés 
entièrement,   parce  que  la  division  d'un  seul 
et  même  mystère  ne  se  peut  faire  sans  un  ijrand 
sacrilège.   Ce  n'est  plus  là  ce  que  pense  l'E- 
glise romaine.  3»  Il  faut  que  la   doctrine  de 
Gélase  ait  encore  été  crue  au  xii*' siècle, 
lorsque  Gratien  fit  la  collection   du  décret, 
autrement  ce  moine  n'aurait  pas  osé  y  insé- 
rer le  canon  de  Gélase.  k"  Suivant  son  avis, 
les  manichéens  qui,  au  lieu  de  vin,  consa- 
craient l'eucharislie  avec  de  l'eau,   faisaient 
moins  mal  que  ceux  qui  ont  retranché  tout 
à  fait  le  calice,  et  ne  permellent  pas  au  peu- 
ple  d'y  participer.  —  Si  l'on   veut  y  faire 
attention,  il  s'ensuit  seulement,   de  ce  que 
dit  saint  Léon,  1°  qu'avant  l'arrivée  des  ma- 
nichéens à   Rome,  il  y  avait  peu   de  fidèles 
qui  ne  communiassent  sous   les  deux   es|)è- 
ces  ;   mais  lorsqu'un  grand  nomijre  de  ces 
hérétiques,    persécutés    en   Alrique   par  les 
Vandales,  se  lurent  réfugiés  à  Kome,  et  re- 
çurent  la  communion  avec  les  catholiques, 
on  s'aperçut  que  la  multitude  de  ceux  qui 
relusaieui  la  coupe  était  beaucoup  augnien- 
lée,  et  c'est  ce  qui  fit  reconnaître  les  mani- 
chéens; car,  enfin,  si  aucun  des  fidèles  n'a- 
vait été  dans  l'usage  de  communier  sous  une 
seule  espèce,  pouniuoi  tiélase  aurait-il  dit 
qu'il  lallait   ou   que   les  fidèles  reçussent   le 
sacrement  tout  entier,  ou  qu'ils  en  fussent 
abM)luinent  privés  ?  Aurait-il  pu  soupçonner 
les  fidèles  d'imiter  les  manichéens  ?  —  2'  Ce 
pape  avait  raison   do   dire  que   la  division, 
d'un  seul  et  même  mystère  ne  peut  se  faire 
(par  superstition,  comme  faisaient  les  m  ini- 
chéens)  sans  un  grand  sacriliige.    C'en   élait 
un.eneff.  l.de  croire,  comme  ces  hérétiques, 
qu'il  y  avait  du  mal  ou  du  danger  à  recevoir 
l'espèce  du  vin,  de  laquelle  Jésus-Christ  s'est 
servi  en  instituant  l'euchari^ie.  Mais  où  est 
le  crime  de  ne  pas  la  recevoir,  ou  par  une 
répi!;;nanre  naturelle  pour  le  \iii,   on  par  le 
dégoût  de  boire  dans  la  même  coupe  dans 


«75                                      COM  COM                                       'Jl'^ 

ijiqiielle  ont   bu   cent   personnes,   ou   pour  la  fête  de  Pâques.   Le  qualricme  concile  de 

quelque  autre  raison?— 3  Le  tnoine  Gmlioii  Lalr.m,  qui   ost   le  douzième  ?;énéral,  leau 

ne  co'irail  aucun  «langer,  .ni  xir  siècle,  en  l'an  T^lo,  a  porté  le  ilécrei  suivani,  ib  ip.  Il  : 

i;l.iç.inl  dans  sa  C'>llcclion  le  décret  detlolase  «  ijue  tout  fidèle  de  l'un  et  «Je  i'aulrc  sexe, 

ainsi  entendu  ;    cl  personne,    à   l'esceitiion  lorsqu'il  sera  p.irvena  à  Và^"  de  tliNcrction, 

dis  proteslanls.  n'a  clé   lenlé  de   l'entendre  fasse  en  parliculicr  et  avec  sinccri'.é  la  con- 

autrcnienl.  4°  Les  ma  licliéens,  en  cons.i-  fcssion  de  ses   péchés  à  s  in  propre    prcire, 

crani  d"   l'eau   et   non  du  vin,   ch.jnijeaient      au  moins  une  fois   l'an; et  qu'il  reçoive 

l'insiituiion  di' .lésus-Chrisl  ;  Beausobre  en  avec  rcspecl,  au  moins  à  l*à(|ues,  le  sacre- 
Co;ivi^nt  :  l'Ejj.ise  calbtdiqne  n'y  change  nn'iit  de  l'eucharislic  ;  à  moins  que,  du  cou- 
rien,  puisqu'elle  consacre  de  l'eau  et  du  vin  seil  de  son  [Topre  prèirc,  il  ne  croie  devoir 
comnie  a  faii  Jésus-Cliri«t.  La  que-tion  est  s'en  abstenir  pour  un  teiniis,  pour  q  lelque 
de  prouver  qu'en  insliluaiil  ce  saciemenl,  causo  raisoiinaldi»;  aulrement  «lu'il  soit  privé 
le  Sauveur  a  eu  l'inlenl  ou  d'obliger  tous  de  l'entrée  de  l'église  pendant  sa  vie,  et  de 
les  fidèles  à  recevoir  les  deux  espèces.  Si  on  la  sépuliurc  cliréiieiine  après  sa  mort.»  — 
le  pré  end.  parce  qu'il  a  dit  à  ses  disciples  :  Par  l'usage  de  la  p!upa  I  des  diocèses,  il  est 
Buvez  en  tous,  il  fuit  soutenir  aussi  (lu'il  a  établi  (jue  la  rommuni  <n  pascale  peut  se  faire 
imposé  à  tous  les  fidèles  l'obligalioii  de  con-  pendant  la  quinzaine  de  l'àques,  à  cininen- 
sacrer  leucliarisiie,  puisciu'ii  a  dit  en  même  cer  depuis  le  limaiiche  des  itann'aux  jusqu'à 
temps  :  i'nites  ceci  en  mémoire  de  moi  (Luc.  celui  de  Quiisiniudo  iiiclusiveinent  ;  il  y  en  a 
xx'r,  19).  tnènie  que  ques-uns  dans   lesquels   les  évê- 

Une  pieuve  positive  que  l'Eglise  romaine,  ques  étendent  cet  intervalle  jus(|u'à  trois 
depuis  |)lus  de  douze  ccnis  ans,  n'a  ])oint  semaines,  et  permcttenl  de  commenC'r  les 
changé  de  croyance,  c'e^l  que  les  Grecs  et  commiiniuns  pascales  le  dimanche  de  la  Pas- 
les  antres  sectes  ori<nlales,  séparées  d'elle  sion.  il  est  encore  établi  par  l'usage  que  la 
depuis  celle  époque,  ne  lui  ont  j.imais  lait  communion  pascale  doit  se  faiie  ou  d;ins  l'é- 
un  crime  de  Li  c.»i»iwnio«  sous  nue  seule  glise  catliédrale  ou  dans  l'cglise  paroissiaîe, 
espèce,  quoiqu'elles  aient  conservé  l'usage  afin  que  les  pasteurs  puissent  voir  si  leurs 
de  communier  sous  inules  les  deux  ;  plus  ouailles  soni  fidèles  à  remplir  ce  devoir.  Par 
éciuiuibles  que  les  prolestants,  elles  ont  coin-  le  plus  ou  le  moins  d'ex.;Ciitude  des  peuples 
piis  la  sagesse  des  raisons  qui  oui  dirigé  sa  à  y  satisfaire,  on  peut  juger  sûreiueul  de  la 
conduite  (/'fr/)f7.  de /a /oj",  I.V.l.viii.  p.  l.^'i).  pureté  «u  de  la  corruption  des  mœurs  d'une 
—  Il  n'y  a  donc  eu  aucune  nécessité  de  ceilcr  contrée.  Dans  1"S  grandes  villes,  où  se  rén- 
aux instances  qu'ont  f.iites  les  hussilcs,  les  nissent  loiiles  les  passions  et  les  vices  de 
caiixiins,  les  disciples  de  C.ulostad,  pour  l'Iiumanite,  un  n<>  se  lait  plus  de  scrupule  de 
que  Ton  rétiblît  l  i  communion  sous  les  deux  violer  la  loi  de  l'Eglise,  et  à  cause  de  la  mul- 
espèces;  ro|»iniâl'e  é  y  avait  plus  de  part  tilude  d''s  coup  ibles,  on  ne  peut  plus  les  pu- 
que  la  dévotion.  Le  reiranchemeiit  de  la  nir  par  les  peines  ijue  le  concile  de  Lalran  a 
coupe    était    une    divcipline    établie    di'pnis  décernées  contre  eux. 

longtemps   pour  remédier  à  plusieurs  abus,  Co.mudmon    krkquiînte.    Jésus  -  Christ    a 

el    pour  prévenir  le  danger  de   profaner  le  commandé  ,;ux    ad;illes   la   communion   par 

sang  (le  Jésus-Chrisl.  La  compl.iisance  qu'eut  ces  paroles:  Si  vous  ne  mangez  la  cliuir  du 

l'Eglise  de  s'en   rclàch'r   par   le   compnitum  Fil.i  de  l  homme,  et  si  vous  ne  burez  smi  sang, 

du  concile  de  Constance,  en  favt'ur  des  lius-  vous  n'aurez  point  la  ne  en  vous  (Joan.  vi, 

sites,  ne  produisit  aucun  bon  effet;  ces  hère-  45).  Ma  s  il  n'a  fi\é  ni  le  temps  ni  le>  circon- 

tiques  persévérèrent  dans  leur  révolte  contre  slanccs   dans   lesquelles  ce  précepte  oblige; 

rE;;lise,  et  continuèrent  à  inonder  de  sang  c'est  à  l'Eglise  de  les  déterminer.    Dans   les 

leur  pairie.  premiers   siècles,   la  piété,  la  ferveur,   l'at- 

La  nnême  question  fut   ensuite   agitée   au  lente  des  persécutions  cngagcaleni  les  fidè- 

concile  de  Trente.  L'empereur  Ferdinand  et  les  ,à  communier  fréquemment.  Nous  voyons 

le   roi   de  France   Cliarlcs  IX   demandaient  dans  les  Actes  des  a/iôlris  ()iie  les  fidèies  de 

que  l'on  ri'iiilît  au  peuple  l'us  gc  de  la  coupe.  .lériisalem  persévéraient  dans  la  prière  el  la 

Le    sentiment   contraire    prévalu!   d'abai-,l  ;  finclion  du   pain  :    paroles   qui   s'eniendent 

mais  à  la  (in  de   la  vingt-. euxième  session,  de  l'eucliarislie.  Pendant  la  persécution,  les 

les  Pères  laissèrent    à   la    prudence  du  pa|ie  clir  liens   se  munissaient  tous   les   jours   de 

d'acc'.rder  celle  grâce  ou  de  la  refuser.    En  ce  pain   des   torts,   pour   ré  isliT  à  la  fureur 

conséquence,    't''n\    1 V,  a  la  pi  ièr<'   de   l'cm-  des  tyrans  (S.iinl  ('.yprien,  e/;/.-/.  56j.— Lors- 

pcreur  ,    l'accorda    à   quel  ;ues    peuples   de  que  la  pa  x  eut  èle  rendui'  à  l'Iîglise,  celle 

l'Allemague  ,    (jiii    n'usé  eut    pas   m'cnx   de  ferveur  se    ralenM;    l'Eglise  fut  obligée  de 

celle   condescendance  ijue    les    lîuliémiens.  taire  des  lois  pour  li\cr  le  temps  de  la  com- 

Une    foule    de    monunients    ecclésiastiques  mvnion.    Le  dix-huiliéine   canon  du  concile 

prouvent  que   cette   manière  de  commun  er  d'Agde,  lenu  l'an  50(),  enjoinl  aux  clercs  île 

n'est   nécessaire  ni  de  piéceple  divin,    ni  de  communier  toutes   les   lois    (|u'ils   servircml 

précepte  icelésias  ique;  qu'il  n'y  a  par  con-  au   sacrifice  de    la   messe,  lom.  IV  Concil., 

séquent  aucune  nccessilé  de  changer  la  dis-  p.  la  G;  mais  il  ne  p.irail  pas  qu'il  y  ei'il  en- 

cipline  actuelle,   qui   a  été  élabiie  pour  de  corc  une  loi  (incise  pour  o.di;;er  les  laïques 

bonnes  raisons,  cl  (|ue  U's  proie.slants  n'ont  à  li  conim  ini<in  fié(/ue<te.    S  iini  .\  ml  roise, 

altnqnée  que  par  de  uiauvais  arguments.  en  exhortant   bs  fidèles  à  s'apiirocher  . suu- 

GoMMi  NioN  PASCALK  est  celle  qui  .se  fait  à  vent   ne   la   sainte   table,   remarque   qu'eu 


977 


COM 


Oriciil  il  y  on  avait  beaucoup  qui  ne  com- 
muniaieui  qu'uno  fo  s  l'iiiiuéi',  iiv.  v,  de 
Sarram.,  c.  k.  Saint  Jeati  Clirv  sosloiiie  rap- 
porte (]U(>  lie  SOI)  temps  les  uns  ii>'  i;oiiimu- 
iiiaieiil  (lu'uiic  fo^s  r;iiinéc,  les  autres  (|i'u\ 
fois,  d'autres  riifiii  plus  souvenl.  «  Lesquels 
approuverons-nous?  dil-il  :  ni  les  uns  ni  les 
aulre>,  mais  seuleuienl  ceux  qui  coinniu- 
nieiil  avec  un  cœu!'  pur  et  iiik-  rousrieiice 
nette,  avec  un»'  «ie  irrép  éliensible.  »  {lloin. 
17  in  Kpist.  ad  Ilebr.)  Les  Pères,  en  e\li(ir- 
tant  les  filiales  à  I.é  comminiion  fréquente,  ne 
inaiiquaieni  jaoïais  de  li  ur  remeilie  sous  les 
yeux  les  paroles  de  saint  Pai.I  :  Crlui  (/ui 
manf/era  le  pain  oti  boira  la  coupe  du  Siif/neiir 
indii/nement.  sera  coupable  du  corps  et  du 
saiH/  de  Jé:<ni-('liri.>il. 

\eis  le  V  ir  sièrlc,  l'Eiilise  voyant  les 
communions  devenues  très-rares,  obi  gea  les 
clirélii  ns  à  CDrnniuiiier  trois  lois  l'année,  à 
Pâques,  à  la  Pentecôte  et  à  Noël.  Nous  le 
voNoiis  par  le  chap.  1^1  si  non  fret/u  nlins, 
(le  Conserr.  disl.  2,  et  par  une  (lécrétale  que 
liratieu  ailribne  au  pape  saint  Fabien,  mais 
qui  est  du  viii' siède.  \'eis  le  xiii%  l.i  lie- 
(leur  des  fidèles  étant  encore  devenue  pins 
grande,  le  quairiènie  cou' ile  de  Lair.in  leur 
ordnnna  de  recevoir  au  moins  à  Pài)ues  le 
sacremenl  de  l'euchirislie,  sons  peine  d'èlre 
priNCS  di'  l'enlrée  de  l'église  pendant  la  vie, 
et  d'î  la  scpultur<i  ecclésiastique  après  la 
niorl.  Nous  avons  cité  son  décret  da:is  l'ar- 
ticle précédent.  P.ir  ces  p.iroles  «it  moins,  le 
concile  niontie  qu'il  souhaite  (|ne  les  (ideles 
no  se  bornent  point  à  la  coni  nnnion  pascale, 
mais  qu'ils  leçoivcnl  l'eucliarislie  plus  sou- 
vent, il  laisse  à  la  prndi  nce  du  confesseur  à 
décider  si.  dans  cctlaines  occasions,  il  n'est 
pas  expédient  de  dilïérer  la  communion , 
même  pascale,  eu  éfçaid  aux  dispositions  du 
pénitent;  ce  (jui  prouve  que  le  concile  n'a 
pas  eu  moins  d'aitenlinn  (|ue  les  Pères  à  la 
nécessité  de  ces  dispositions.  —  Le  concile 
de  Treille,  sess.  13,  c.  19,  a  renouvelé  le 
canon  du  concile  de  Lalran;  c.  8,  il  exhorte 
les  fidèles  à  cninrnunii  r  fré.n'emtnent.  Sess. 
22,  c.  li,  il  défilerait  q -.'à  chaque  ni.sse  les 
assistants  communiassent.  Il  deciilc  iiue, 
pour  ne  pas  coinuiuirer  indignement,  il  fiul 
être  exem|it  de  péché  morlel  ;  t|Ur  pour  com- 
inniiiiT  aire  fruit,  Il  faut  des  dispositions 
plus  parfaites;  (|ue  pour  communier  fré- 
qiicnimeul,  il  tant  une  loi  ferme,  nue  liévo- 
tion  et  une  |iiété  sincères,  une  grande  sain- 
teté, sess.  13,  c.  8. 

S  r  la  nécessité  ou  la  suffisance  des  dispo- 
sitions requises  pour  la  coninutninn  fréf/iien- 
te,  les  théologiens  inoleines  soin  toinlies 
dans  des  excès  et  des  erreurs  Irès-opposees  à 
la  doctrine  dis  Pères  et  à  l'cspril  de  l'LgIise. 
Les  uns,  uiiii|nemeiit  occupés  de  la  gran- 
deur et  de  la  diiinité  du  sacrement,  de  la 
dislance  infinie  qu'il  y  a  entre  Li  maieslé  de 
Dieu  et  la  bassesse  de  l'Iioiume,  oui  exigé 
des  (lisposiiions  si  sublimes,  ((ue  nou-scuie- 
ment  les  justes,  mais  les  plus  grands  saints, 
ne  pourraient  couiinunier  même  à  Pâ;iues. 
Tel  parait  être  le  résulial  du  livre  de  la  fré- 
quente communion,  fait  par  le  docteur  Ar- 


COM  978 

naud.  —  Les  autres,  oubliant  le  respect  dû 
à  Jésus-Ciirist  présent  dans  l'eucharistie, 
et  nniqiiemeni  atlenlil's  aux  avantages  que 
l'on  peut  retirer  de  la  communion  fréquente 
et  jonriiHlière,  n'ont  cherche  qu'à  eu  facili- 
ter la  pratique  en  négligeant  d'insister  et 
d'appny(>r  sur  les  dispositions  que  demande 
un  sacrernenl  si  aiigus c.  Ils  ont  e  iseigné 
que  la  ^eule  exemption  du  péché  mortel  suf- 
fit pour  communier  souveni,  très-souvent, 
et  même  tous  i  s  jours;  que  les  dispositions 
actuelles  de  respeci  ,  il'aitenlioii ,  de  désir, 
el  la  pureté  d'i'  leniion,  ne  sont  que  de  con- 
seii,  etc.  C'est  l'excès  dans  lequel  est  tombé 
le  P.  Pichoii,  jésuite,  d  ns  un  ouvrage  inti- 
tule :  /'yis/jr^M/-  7f>-/(.s-r/(r(.v<  et  (le  r  Eglise 
sur  il  fréquente  ciMnnnmion.  —  Cvs  deux 
écrite  si  <l  Iferents  ont  trouvé  dans  leur  temps 
des  approl)ateurs  et  des  censeurs  respecta- 
bles, lis  ont  fait  nai're  de  \ives  contesta- 
tions; heureusemcni  elles  sont  a-s<iu[>ies;  il 
n'est  pas  nécessaire  de  renouveler  le  sou- 
venir de  ce  qui  a  été  dit  de  part  et  d'autre. 
Vnij.  y.inri'n  Sacramenl.,  par  Granculas, 
i"  part.,  p.  2!)i. 

t^.osiMUN.ON  LAÏoiit;.  C'était  autrefois  an 
châtiment  pour  les  clercs  qui  av  lient  com- 
mis quelque  faute  grave,  d'éli  e  réduits  à  la 
corr*miinion  lai'/iie,  c'esi-à-dire  à  l'état  d'un 
simple  (idèle,  et  d'être  traités  de  même  que  si 
jamais  is  n'eussent  élééleves  à  la  cléricalure. 
{Voi/,  Dingbani,  Ori;/.  ecclrs.,  Iiv.  xvit,  c.  2.) 
Celle  punition  mémo  prouve  que  l'on  a  tou- 
jours mis  une  distinction  entre  l'étal  des 
clercs  cl  celui  des  laï  jues. 

CoMMDMON  iiXRANGKRE  OU  PÉRÉGRINE,  au- 
tre châtiment  de  même  nature,  sous  un  nom 
dilTérent,  aui^nel  les  canons  condamnaient 
sou* eut  les  évêquoi  et  les  clercs.  Ce  n'élait 
ni  nue  excommunication,  ni  une  déposition, 
mais  une  espèce  de  suspense  des  fondions 
do  l'ordre,  et  la  perte  du  rang  ijue  tenait  ua 
clerc;  on  ne  lui  accordail  la  communion  que 
ecunine  on  la  donnait  aux  cleics  étrangers. 
Si  c'était  un  prêtre,  il  avait  le  dernier  rang 
parmi  les  prêtres  et  avant  les  di.icres,  conune 
l'aur.iil  eu  un  prêtre  étranuer,  el  ainsi  des 
diacres  el  de^  sous-diacres.  Le  second  con- 
cile ii'Aade  oriloniie  qu'un  clerc  qui  refuse 
de  fréquent  r  l'église,  soit  réduit  à  la  cum- 
m  rnion  étrung  'rc  ou  prréijrine. 

CoMJiuMO,  dans  l.i  lilurg'o,  est  la  partie 
de  la  messe  où  le  prêtre  [irend  el  consume, 
sous  les  espèces  d  i  piiiii  el  du  vin,  le  corps 
el  le  sang  de  Jésus-t^iii  ist.  Ce  terme  se  prend 
aussi  pour  le  moment  nuquel  on  administre 
aux  fidèles  le  sacrement  de  l'encli  irislie  ; 
dans  ce  sens,  on  dit  que  la  messe  est  à  la 
communion. 

CoMMijN'iON  se  dit  encore  do  l'antienne  que 
récite  le  prêtre  après  avoir  pris  les  alilu- 
lioi.s,  et  avant  les  nernières  or.iisuns  que  l'on 
nomme  posi-commiinion 

»  COMMUNISME.  Une  inquiélnde  universelle  Ira- 
v.Tille  ;ni|oiiririiiii  le  corps  social.  Il  y  n  daii~  le  moii. 
de  une  lièvie  géiiérjle  dé  ahié.  Tous  as(iireni  à 
iimiiler  ;  |ier»oiiiie  ne  veut  (lescendrc  ;  et  s  d  esl 
queliiue  cUuse  que  l'iiomine  sujiporle  avec  peina, 
c'est  une  supérioriié  quelconque,  tl  ne  fsul  pas  en 


979 


COM 


COM 


980 


êlrc  surpris,  l'Iiomuie  avait  éié  créé  pour  êire  grand, 
et  le  pntivre,  ijufi  le  ricI)L'  foule  :iii\  pi(Mls,  malsré 
les  linillons  ([iii  le  iduvrent,  e-i  Cfimiiie  lui  'a  cré:i- 
lii;«  Jt^  Dell;  son  Ame  vaiil  la  siiîiiiie  ;  elle  a  été 
i-iclieice  (lii  iiièiiiK  prix.  —  Jlalijic  cetie  c"!iimiiii  «lé 
dVigiii't  ;i;i  lie  t'.rsiinée,  il  y  a  il.iiis  la  si>Gié(é  entre  le 
riclie  et  le  paiivrH  uneiii-iaiice  ciioriiie.  Ni'ire  .-iécle 
sinnlilfi  s'éiie  iloiino  l:i  mission  île  la  laire  ilisparaitre. 
Les  nns,  mus  p^ir  île  géiié  fUses  pensée^,  veulent 
raiiproi  lier  l'S  ilifTèrei.les  classes  sociales.  D'autres, 
lieancoiip  plus  hardis,  veulent  passer  le  nivi'aii  sur 
tiiiili'S  l''S  lêies.  (.'.'Si  dans  C'?  des-eiii  que  le  cammu- 
iiiiith'  a  été  iiivriité.  Ce  sysiéme  social  n'aurait  au- 
cun rapport  a-ec  h  iliéologi»',  s'il  n'éialilissait  l'un 
(le  ses  p  inls  dapimi  sur  nos  croyances  Ciiliiiliqiies, 
t'aliet,  l'on  ilcs  princi  aux  fauteurs  du  coniiiiunisine, 
elle  riivaogili'  à  cliujue  page.  L'iiiitde  ses  disciples 
ensei<^ni'  que  la  i  eue  ne  lut  qu'un  repas  d'amour, 
110  baiii|iiel  commiiiiisle  sans  iloiiie,  ofi  l'égdité  éiail 
cirtnvlèie  :  Cliacun  avait  une  lio-tie  ou  un  peut  pain 
el  iine  C'inpe  de  vin  :  synihole  tomha  t  de  i'éi^alilé 
et  de  la  Irugalité  des  lesliiis  de  la  véritable  coniniii- 
iiaiiip,  cliréiieiiiie  ! 

Voici  le  Cretto  coniniiinisle  de  M.  Cabet  et  con- 
sens. —  1"  il  existe  un  Dieu;  mais  ce  l'icu  renfer- 
me tous  les  élres  dans  son  sein.  Ce  premier  ariicle 
ii'e-l  que  le  pintliéisine  le  plus  grossier.  Voy.  Pan- 
théisme. —  i."  Tous  les  iioniiiies  sont  ég mx.  La 
source  de  Ions  lesmauxquiallligent  l'iinmaniiése  irou- 
ve  dans  l'illégalité  sociale.  Le  remède  à  ce  mal  con- 
siste dans  une  égalité  alisi.Ine  et  générale  qui  rem.l- 
Irail  riiiimaiiiie  dans  son  élal  imrnial.  Cil  ariile 
n'a  qu'un  tout  petit  déf.iut,  c'est  de  liéinenlir  Imite  la 
nature  qui  a  créé  parlom  des  iii6s(»lilés.  bans  duiitf, 
M.  Caliet  enseignera  l'art  d'altaisser  ei  de  iertiiiscr 
le  liantes  et  arides  innntagnes,  aliii  de  réaliser  son 
égali.é  absolue!  — 3°  La  nature  n'a  pas  renleiuié 
des  richesses  immenses  dans  le  sein  de  la  lene  pour 
lis  di  Huer  fi  quelipiis-tins  ;  elli^  n'a  iait  auctiii  par- 
tage ;  elle  a  donc  proclamé  celle  grande  in'.i\inic  : 
Tout  e-t  i-olr  tous  ■  il  celle  autie  :  Tous  doivent 
iire  pvur  le  lont.  Ci>iiséi|nemmenl,  il  ne  doit  pins  y 
avoir  des  ni;i|.res  et  des  esclaves,  des  riches,  ei  des 
pauvres,  d.  s  oisifs  et  des  travailleurs  :  tliacuti  doit 
tr.ivailler  et  avoir  sa  part  aux  biens  de  la  natuie.  — 
Si  personne  ne  doit  servir,  ceux  qui  sont  niaiailes, 
qui  ne  peuvent  piiiirvoir  aux  besoins  de  la  natiiic, 
devront  donc  mourir  ?  Car  nolte  é  at  nalun  1  est  tel- 
lement constitué  que  les  hmnines  ilé|ienilenl  les  uns 
des  autns;  les  pauvres  ont  besoin  dti  rie  lie  el  le  ri- 
clie du  pauvre.  L'inégalité  des  comlilions  est  donc 
un  des  principes  loiidamenlaux  de  notre  iialtire  dé- 
cliue.  Nous  avons  développé  cette  grtiude  maxime 
au  mot  AuMÔMc  dans  notre   Vici  otmaiie  de  'fliéoto- 

(jie  mortilf. 1'-'   Il   sut  de  ces  grandes   niaximes 

que  la  piopriéle  est  l'une  des  plus  grandes  plaies  de 
la  société,  la  cau-e  de  rtnégaliié  ,  la  sonice  if;  tous 
les  maux.  Il  faut  donc  lélahiir  la  cotiiniiinaulé  abso- 
lue. —  Mais  la  Ciimmunaiité  absolue  einponc  iiéces- 
saircineiit  la  deslruetion  de  toiitie  qni  est  mien; 
conséqueinmeiit  la  itesirnciion  de  la  piopiiéié,  du 
inari'ge  et  de  la  f.uiiille  ;  c'est-à-dire  la  des  rncinin 
des  trois  éléments  consuiutil's  de  tout  oidre  léelle- 
inent  progressif.  — Les  coninniiiisics  reponssenl  nue 
partie  de  celle  cinisé  pieme,  elii^  ressort  né(:e^saire- 
uietil  du  principe,  ou  doit  l'admeltre  tout  entière 
coMifne  apparti  nant  an  système.  Nous  avons  consa- 
cré «n  ailiclc  il  cliienn  de  ces  piincipes  conslitutifs 
de  l\)idre  socIaI  :  c'est  là  que  nous  relnions  tout  ce 
qu'il  y  a  de  spéi  ieiix  dan  le  sysièiiic  coniuiniiisle. 
Vuy.  liiENs  {Commuiiaiilé  i.'«>s),  Î'emmes  (Comiininuulé 

des),   l'AMtlLE. 

Le  commimisnic  n'est  p.is  une  doctrine  nouvelle. 
Ce  n'est  ni  M.  rroinllion,  m  M.  Cabet,  ni  môme 
Gracclius  Daliœtif,  ipii  est  le  pi're  du  coinniunisine. 
Le  coinniunisme,  c'est-à-dire  la  doctrine  qui  lait  de 
l'Lial   le  propriétaire  uniiiue  et  sii(irêine,    le  seul 


nialire  légitime  du  sol,  est  aussi  vieux  que  le  monde. 
11  reiiioiiie  à  Peiifitice  des  sociétés,  et  il  est  conlem- 
pora  n  des  réiiiines  politiques  les  plus  décries  dans 
l'Iiiloire  :  l'aristocratie,  le  despolisine.  Alots  II  n'y  a 
pas  trace  de  ce  qu'on  appelle  aujotnd'liui  les  droits 
lie  l'Iioinine,  ni  de  ce  qu'on  appelle  justice  el  liberté. 
L'hoiiune  ii'esl  rien,  c'est  le  cituyeii  quiestlout, 
il  y  a  des  devoirs,  il  n'y  a  point  de  driiitsitidividuels; 
il  n'y  a  que  les  droits  de  l'Klat,  de  la  ciié,  des  cas- 
tes privilégiées.  L'imlividu  nV»t  pas  libre,  cnuiinent 
serait-i!  piopriéiaireï  11  ne  dispose  pas  mène  de  sa 
personne,  cmnment  ponrrail-il  di-poser  d'une  par- 
celle de  lerre?  Il  n'est  pas  piopné  aire  du  eh  imp 
qu'il  cultive  ,  il  en  est  usufruitier.  Le  communisme 
csi  dans  la  société  ce  que  le  ilesp  lisnie  est  dans 
l'Ktai.  Le  pri>giés  ponr  la  société  consiste  à  hiiser 
les  liens  du  co>:'miiiilsnie,  coinuie  il  consiste  dans 
l'ICtat  à  bri^er  les  liens  du  despirU,-,uie. 

A  ini'Sure  que  la  civilisaiion  avance,  un  double 
iiionveiiienl  s'accomplii  :  le  princ  pe  de  la  pmpiiéié 
personnelle,  de  la  pv^priéié  telle  que  nou',  la  conce- 
vons anjoitrd'hui,  telle  qu'elle  est  c  nsiimée  dans  le 
Coile  c  vil ,  tend  à  leniplacer  le  principe  de  la  pro- 
priété coliecttve,  t'e>t- à-dire  le  commun  suie,  en 
ntêiiie  leiii|»s  que  l'esprit  de  justice  et  de  liberté 
tend  à  remplacer  les  idées  de  despotisme  ei  de  pri- 
vilège. Ain>t  la  civilisation  va,  dans  l'otdre  social, 
du  couiiniinisine  a  la  propriété,  comme  elle  va,  dans 
l'ordre  piditiipie,  du  despotlme  à  la  liberté. 

Aussi  hatil  (pie  l'on  puisse  reiiiuiiler  dans  les  siè- 
cles passés,  1)11  viiii  le  conimunisnie  établi,  pratiqué 
par  les  bgislati  nrs  ou  rêvé  par  les  pliilosopbes, 
Tae.lot,  Cniniiie  dans  l'Inde,  la  propriété  territoriale 
e^t  collective  elC"nceiitr<ie  entre  les  mains  des  castes 
leli^iieiises  ;  taiilol,  couiiiie  chez  les  Juil>,  la  lerre 
esl  patlagée  par  égile»  poi  lions  entre  toutes  le^  l'a- 
milles  ;  nia;s  les  paiiiiiioines,  une  lois  assignés,  sont 
inaliénables  ;  tantôt,  comme  il  ^parle,  oîi  le-  p.itri- 
nioines  sont  éiialcmciu  distincts  et  it^aliénabtes,  l'o- 
bllgatiuii  imposée  aux  ciioyeus  de  consonnuci  lous 
leurs  produits  en  cuuiiniin  aboutit  .111.  coinniutiisnie 
universel.  Vêtetnenls,  nouriilure,  plai>irs,  occupa- 
tions, (OUI  est  soumis  à  ce  léginio.  Les  eiiLmls  sont 
élevés  en  coniuiun  et  apparlteiiueiit  à  i'Liat.  A  la 
cuuiuiiinauté  des  cillants  il  faut  joindre  celle  des 
femmes,  ijue  le  législalcui  Lycur^ue  autorisait  et 
inéiiie  encour.igeait  forinclkinent. 

L'idéal  de  l'Ialon,  c'est  piéci-éÉiienl  la  communau- 
té des  bii'iis,  la  cominuoaiité  des  lemnics,  la  diuinc- 
lioii  des  casies  et  de  l'esclavage  qui  en  est  la  cuiisé- 
(pience.  Car  ici  comme  partout,  dans  la  théorie  com- 
me dans  la  pratique,  le  ciininiiini.>iiiC  est  appuyé  sur 
la  conquête,  la  duiniualion  el  l'esclavage,  l'eselavage 
cuiisideié  non  pas  comme  un  l'ait  acculenlel  el  pas- 
sager, niat^  cuniine  la  ((indiiloii  lotidamcnlale  el 
immnable  de  l'ordre  social,  l'arloiit,  il  côié  de  la  race 
conqiiénnte  el  privilégiée,  on  voit  des  rates  as- cr- 
vles,  opprimées,  maudites  ei  vouées  il  un  opprobre 
éternel. 

Ainsi,  rien  qui  ressemble  moins  qtie  le  cnmniunis- 
1111;  il  l'espiii  de  liberté.  Lsi-il  vrai  que  le  coiiiniunls- 
me  .soit  le  liuii  du  ciirisdanisuie,  la  dern  ère  el  la 
plus  pure  expression  du  sentiment  evaiigeliqiie '/  Ce 
serait  bicii  mal  co  opiendre  les  mois  de  chanté,  de 
fralern.lé,  que  de  leur  donner  un  pareil  sens.  L'es- 
prit de  chanté,  c'est-à-dire  re>piit  de  saerilice  cl 
d'alinégalloii  personnelle,  ne  peiil  servir  de  hase  h 
l'ordre  social  ;  il  suppose  les  idées  de  jiislice  et  de 
droit  absolu,  loin  de  les  contredire  et  de  .es  ex.'^liire. 
Si  je  donne  mon  bien  aux  pa>ivres,  il  esl  incunleslit- 
ble  que  j'aurais  eu  li^  drou  de  ne  pas  le  f.iire,  cl  c'est 
précisément  ponr  cela  que  j'ai  du  mérite  à  le  farie. 
Si  je  n'éiais  pas  libre  de  rehiser  ou  de  ibinner,  où 
serait  le  mérite?  où  seiail  le  sacrilicv  '.'  où  serail  la 
cil  irilé  !  11  y  a  donc  oppusiiion  complète  entre  le 
cotumitnisnic  et  l'esprit  de  charité  chrélicnne,  el  c'est 
(lar  un  abominable  sacrilège  que  le  nom  de  Jésuo- 


t)8t 


COM 


COM 


9S9 


Christ  etl  invo<|iié  dans  les  bnnqiiels  Hémocraliques 
ei  socifliiK.  Ct'  nVst  pas  séiieiiseiiveiu  non  pins  (|He 
l'on  piélenil  rallaclier  !•*  comninMisme  :inx  âss.ioia- 
tiiiiis  religieiisfs  qni  stî  sont  iléveli)iipi'i"S  t1:ins  le 
sein  (In  dirls(l:HiisniL'.  Le  loninuiniMtie  esl  lonl  le 
Ci>iili'e-|>ieil  «les  coininniianlés  r>  )  pieuses.  La  vie 
monastique  est  foiHée  sur  l'ulinégalion  personnelle 
et  sur  le  renunccnicnl  a»%  liieus  de  ci;  monde  ;  )e 
conuuunisine  est  lo  di;  sur  la  convi)iii-e  et  la  |Méi>c- 
cnpalion  pxchisive  du  liieii-elre  inaiériel.  l'ans  un 
cas.  On  s'associi!  pour  le  sncvilitc,  d.ms  TanlrC  pour 
Ja  jonissance. 

De  tontes  les  iiistitutiims  rnndées  sur  le  principe 
<le  la  ciHiiiiinnaiilé,  celle  ipii  a  prodnil  les  ré- 
guUats  les  plus  sail'-f,ti$anis  est  l'associai iuiis  des 
frères  Morave».  Celle  instilniion  est  à  !<  loi--  reli- 
gieuse, civile  et  iudnsirirlle;  elle  ailini't  d.iiis  sou 
sein  le  uiaria''e,  et  p.ir  conséipieni  les  femmes  el  les 
enfanls,  les  aevoirs  el  les  occnpalions  que  la  laiiiille 
impose.  On  évalue  à  plus  de  18,(i(i0  le  nonitirc  de 
ses  memlires  ;  elle  a  dfs  ranu(ieaiions  mnilipllées 
eii  Alleniai,'ne,  en  Hollantie,  en  Angleterre,  en  Kcos- 
se,  dans  l'emiiire russe,  dniis  lus  Etals-Uins  d'Aniéri- 
qne  ;  elle  a  des  inissionn^ires  el  des  coIimis  sur  les 
p^lint^  les  pins  61oj!,'Més  du  globe,  tjependani  cette 
société,  moitié  religieuse,  moitié  civile  eliiidu-tiiel- 
ie,  ne  prouve  pas  pins  en  laveur  du  conininnisine 
quelesordies  (lurement  religieux.  P.is  plus  (|ui' les 
ordres  inonastnines,  elle  ne  peut  se  sul'lire  à  elle- 
même,;  elle  ne  peut  se  passer  de  la  soc  été  civile, 
qui  la  proli'ge  et  la  dét'eiid,  tpii  ouvre  des  Mia;cliés 
à. son  commerce,  el  contriltoe  pour  une  part  esseii- 
l  Cile  à  sa  priispérilé.  Ce  que  iinus  disons  des  Irères 
Moraves  esl  encoie  plus  vrai  des  quakers,  des  mem- 
iiunisies,  des  bapiisles  et  de  tomes  les  sectes  moitié 
politiques  et  moitié  relijjieuses  qui  pullulent  au  sein 
du  prolesiantis'me. 

Il  esl  piiurt.iiil  vrai  q  e  le  clirislianisiiie  a  donné 
naissance  à  mm  foule  d'autres  sectes  qui  oui  pris  la 
perletHiiin  évangéliq^e  à  coiUre-sens,  el  qni,  an  lieu 
de  la  placer  où  elle  esl  réellement,  dans  l"aliiiés;aiio!i 
d«  i>ui-iHÙmc,  d'ins  la  moi  l  des  passions,  d.ms  le 
uis-piis  des  ricliesses  ,  ont  précité  le  panaiie  des 
]mcij.s  et  r(-4iiancipatioii  des  sens.  <  Tels  liirenl  , 
dit  M.  Fiiiiirk  ,  du  il<^  an  iii«  siècle  de  notre 
ème,  lés  disciplrs  de  Carpoitrate  et  quelques  autres 
tié'iéliqirfts  aliacliés  aux  primip'S  du  ^nuslicisme  , 
qui,  legardanl  la  vie  comme  une  oeuvre  du  mimvais 
géuie,  les  actions  comme  iiililTéieti  es,  les  pl.iis  rs 
4ln  corps  eoniuie  une  délie  ipi'il  Tiut  payer  au  mal, 
déclarèrent  toutes  les  pussions  légitimes,  el  donnè- 
reiil  l'exemple  des  plus  lionieux  excès.  Tels  lurent, 
du  XIII"  au  xvi<^  siècle,  les  frcri  s  du  Libn-Ësprit, 
qui  ,  avec  quelques  dilTéiences  ilans  les  dogmes, 
arrivèrent  en  murale  aux  nriémes  con-équence-.  ; 
les  dniciiiiens  in  apostoliques,  qui  lieniniduent  à  la 
fois  la  comniiiiianto  des  biens  et  îles  l'eniores  ;  les 
fralriceijes  ou  Irérois.  b's  bégiiaixls,  les  lolhirds,  les 
tnriupins,  et  eulin  la  plus  liardie,  it  plus  conséqiien- 
le,  la  plus  célèbre  de  loiiies  ces  secies,  auceties 
méconnus  du  socialisme,  les  lerribles  anabaplisies. 
Muncer,  leur  cliel,  esl  un  \rai  comniuiiiste  de  nos 
jours.  <  Mous  soiiimes  ions  frères,  répétait  il  sou- 
vent à  la  !■  nie  qui  renloniait,  et  nous  n'avons  qu'un 
cuniiiiuii  père  dans  .\(lam  ;  d'où  vient  ilmic  celle 
dilléreiice  de  rangs  el  île  biens  que  la  lyniimie  a  in- 
troduite entre  nous  et  les  grands  du  monde  '! 

«  N'avons-nous  pas  droit  ^l'égalité  des  biens  qui,  de 
leur  nature,  sont  faits  pour  être  partagés,  sans  disiinc- 
lioii  entre  tous  les  liuiunies  ?  Kende/.-nons,  ricbes  du 
siècle,  avares  usurpateurs  ,  rendez  nous  les  biens 
que  vous  refcncz  dans  l'injusiice;  ce  n'est  pas  seu- 
lemeiit  ciuiime  lioinmes  que  nous  avons  droit  à  une 
égale  distiïbut, on  dt-s  avaritages  delà  fortune,  c'est 
aussi  ciiiume  cliréiiens.  »  On  sait  que  Muncer  ne  se 
borna  pas  à  la  prédication;  el  que,  sous  le  litre  bi- 
blique de  juge  du  peuple,  il  mit  ces  idées  en  pratique 


dans  la  ville  de  Mulhausen  ;  qu'à  la  têle  de  30,000 
iiiiiumes  il  tenta  de  les  imposer  à  tonte  l'Allemagne. 
Sa  délaiieel  sa  fin  tragique  ne  reni|iêcbèreiit  pas  de 
trouver  des  snccesscirs  .  piriiii  lesquels  on  cite 
•lean  de  Leyde.  Vu  autre  f  uiatique  de  cette  époque, 
baviil  (ieorgr-s,  après  avoir  été  reconnu  évéque  ana- 
baptiste de  Munster,  se  mil  à  propliéiiser  pniir  son 
propre  coinpe,  el  di'vint  le  clief  d'une  Eglise  séparées^, 
cil  la  coiiimunauté  des  femmes  était  imposée  aussi 
rigoureusement  que  celle  des  biens.  Toutes  ces  doc- 
trines,  quoi  liie  produit,  s  au  nom  de  l'Evangile, 
sont  une  première  leiitative  pont  réiiabiliter  la  cliair, 
une  véritable  réaction  du  inaiérialisine  contre  le  spi- 
ritualisme chi'éiieii. 

rOMPAfîNIE  DE  JÉSUS.  Yoy.  Jésuites. 
CO.MPASSIO.N.  Yoy.  Miséricorde. 

C'iMl'ASSliiN     DE     I.A     SAINTE    VlEBGE.     DanS 

plusieurs  diocèses,  ou  l'ail,  le  veiulredi  de  la 
sciii.'iiiie  de  la  Passion,  roffice  de  la  Compas- 
sion de  1(1  suinte  y ieryo  ,  pour  honorer  les 
douleurs  que  dut  ressentir  celle  sainte  .Mère 
de  Dieu  à  la  vue  des  igno.i  inies,  des  souf- 
frances el  de  la  luurl  de  s  n  Fils,  l'iusieurs 
Pères  de  l'iîglise  ont  l'ail  ri'man|uer  aux 
fidèles  le  cnura^c  avec  lequel  Marie  assista 
sur  le  Calvaire  à  la  mort  du  Sauveur,  el  les 
dernières  paroles  qu'il  lui  adressa.  Certains 
(  riliques,  peu  instruits  du  génie  de  la  langue 
Iicbratque  et  des  mœurs  juives,  onl  cru  aper- 
cevoir tic  la  duieiédans  ces  paroles:  Femme, 
voilà  votre  Fils  {Joati.  xix,  26).  Ils  se  sont 
trompés.  Vny.  Femme. 

CO.MPLIES.  C'est  dans  l'Eglise  romaine  la 
dernière  parlie  de  l'office  du  jour.  lîUe  est 
composée  de  trois  psaumes  sous  une  seule 
antirniie,  d'une  hymne,  d'un  capitule  el  d'un 
répons  bref,  du  cantique  deSiuiéon,  Nimc 
dimiilis,  d'une  oraison,  elc.  Elle  est  destinée 
à  honorer  la  sépullure  du  S.iuveur,  selon  la 
glose,  c.  10,  de  Cile'i.  Missar.  Mu,is  on  ignore 
le  temps  de  son  institution. 

Le  Cardinal   Bona    {De   Psahnod.,  c.    10) 

firouve  contre  Beilarrniii,  qu'elle  n'avait  pas 
ieu  dans  l'Eglise  primitive.  On  lie  trouve 
dans  les  anciens  nulle  trace  des  cotnplies. 
Ils  lerminaienl  leur  office  à  none  ;  selon  saint 
Basile  (Major,  rcgular.,  q.  37),  ils  y  cliantaieiit 
1j  psaume  xc,  que  l'on  récite  aujourd'hui  à 
compiles.  L'auteur  des  Const.  aposlol.  p.irle 
de  l'hymne  du  soir,  el  Cassien,  de  l'office  du 
soir  eu  usage  chez  les  moines  d'Eg'ple: 
m  lis  il  paraît  qu'on  duil  entendre  par  là  hs 
lèpres.  [Vni).  Bingham,  Anliquit.  ecvlés., 
loin.  V,  1.  XIII,  c.  9,  §  8.) 

COMl'ONCI'lON  ,  regret  d'avoir  offensé 
Dieu,  qui  est  aussi  iioniiiié  contrition.  La 
Confession  n'est  bonne  que  quand  elle  est 
accompagnée  d'un  r.penlir  sincère,  el  de  la 
componction  du  cœur.  —  Dans  la  vie  spiri- 
tuelle, componction  signifie  aussi  un  senii- 
nienl  pieux  de  douleur,  qui  a  pour  moiif  les 
liiisères  de  la  vie,  les  dangers  du  nioiule,  la 
niiillitudc  de  ceux  qui  se  perdent,  elc. 

Jèsus-l^.lirist  a  dit  :  liienheureiix  ceux  qui 
pleurent,  parce  qu'ils  seront  consulés..  Ces 
paroles  ont  fait  trouver  des  douceurs  aux 
saints  dans  les  larmes  mêmes  de  la  pénitence. 
La  cliarilé,  dit  saint  (irégoire,  notre  éloigne- 
nienl  de  Dieu,  nos  fautes  passées,  celles  que 
nous  commettons  chaque  jour,  le  poids  de 


385 


CON 


CON 


981 


nos  misères  et  de  celles  du  prochain,  nous 
excitent  à  pleuriTConlinuellemeiil,  au  moins 
dans  le  désir  du  cœnr,  si  nous  ne  pouvo.is 
le  faire  aulremenl.  Tout  ce  qui  nous  envi- 
ronne nous  fournil  un  sujet  de  Linnes,  et 
nous  devons  les  mêler  même  aux  prières  et 
aux  cantiques  iiue  l'amour  de  Dieu  nous 
inspire.  A  la  vue  de  l'ingialitale  dont  nous 
avons  payé  les  liienfails  du  S.  ignour,  pou- 
vons-nous produire  un  acle  de  charité  sans 
être  pénétrés  d'une  douleur  amère  ?  Ne  laut- 
il  pas,  avant  de  clianlerses  louanges,  laver 
nos  âmes  par  les  larmes  de  la  componction, 
el  les  purifier  par  le  sang  de  l'Agneau  sans 
tache,  mort  pour  le  salui  drs  hommes  ?  Les 
plus  graniis  saints  pleurent  continuellement 
par  des  molifs  d'amour;  comment  les  pé- 
cheurs ne  |leuieraient-ils  pas  ?  Si  les  â  ;ies 
fidèles  et  innocentes  aiment  à  faire  relenlir 
les  déserts  de  leurs  gémissemenls,  quelle  con- 
duiie  doiveni  tenir  celles  dont  to  i<  les  ins- 
tants on  été  marqués  par  de  nouvelles  infi- 
délité'4?  [Mor.,  I.  x\iii,  c.  21. 

De  celte  morale  même,  enseignée  el  pra- 
tiquée par  tous  les  s.iims,  les  incrédules 
concluenl  que  la  religion,  loin  de  consoler 
l'homme  et  d'adourir  ses  peines,  ne  sert 
qu'à  le  rendre  plus  malheureux;  qu'elle  le 
rend  Iriste  et  misanthrope,  que  la  religion 
n'est  autre  chose  qu'une  fièvre  mélancoli- 
que. Mais  viiyon-;-iious  les  i:icrédules  plus 
gais,  plus  contents,  plus  heureux  que  les  dé- 
vots? Dans  leurs  discours  et  tians  leurs  écrits, 
nous  ne  trouvons  (juc  dis  pl;nnles,  des  mur- 
mures, des  déclamations,  souvent  dis  fu- 
reur^. L'un  se  plaint  des  caprices  de  la  for- 
lune  ,  (le  l'inlidclilé  de  ses  amis  ,  de  la  j  i- 
louNÎe  et  de  la  imlignité  de  ses  concurrents, 
(le  l'indilTerenec  de  ses  protecteurs  ;  l'aiUrc, 
de  ses  infirmités  pe  sounellcs,  de  ses  cha- 
grins domisliques,  des  malheurs  arrivés  à 
ses  proclus,  des  tracasseiies  de  la  socié:é. 
Celui  ci  gémit  des  lleaux  de  la  nature,  des 
\itesde  riiuniaiiiié,  de  la  coci  tipliou  de  tous 
les  états,  des  injures  lailes  à  la  \ertu  ;  celui- 
là  des  fautes  du  gouverne. lient ,  des  erreurs 
de  la  politique,  i!e  la  négligence  de-  souve- 
rains, de  rasservissemeiit  lies  nations,  etc. 
Tel  est  le  sujet  ordinal le  de  la  plupart  des 
conversations.  Si  l'homme  est  cond.imné  à 
sonlTrirrl  à  pleurer,  les  lar.nes  de  la  coin- 
ponction  soni  encore  p  cférahles  à  celles  de 
l'iiicr  du'itc  ;  les  pie  .  ières  nous  donnent  au 
moins  des  e>.|)ér.inces  pour  l'avenir,  les  se- 
ron  les  ne  iioii'i  eu  lai^seot  aucune. 

COMl'Ur.liKNSlON.  Ce  terme  signifie,  en 
llieoU  gif,  Tel  il  des  bienheureux  qui  jouis- 
sent lie  la  vue  intuitive  de  Dieu  ;  on  les  ap- 
pelle c'iniiirrliruse  rs,  par  opposi  ion  aux 
ju-tes  qui  viicnt  sur  li  terre,  et  que  l'un 
nomme  roi/a(jeurs  :  ce  terme  est  tiré  de  saint 
Paul    (/  Cor  ,  i\,  -l'i). 

CONCKI'TION  IMMACULÊI-:  Dli  LA 
SAINIK  VIKKIil'^  l><'  seniimenl  commun 
'les  ihéologiens  catholiques  est  que  la  sainte 
Vierge  .Marie,  Mère  de  Dieu,  a  été  préser- 
vée du  péché  originel,  lorsqu'elle  a  été  con- 
çue dans  le  sein  de  sa  mère.  Celle  croyanci; 
P8t  foudée,  1°  sur  le  sentiment  des  Pères  Jo 


l'Eglise  les  plus  respectables.  Nous  les  rap- 
porlerons  ci-aprè<.  —  2'  Sur  la  précaution 
qu'a  prise  le  concile  de  Trente,  sess.  5,  oii, 
en  décidant  (|ue  tous  les  enfants  d'Adam 
naissent  souillés  du  péché  originel,  il  déclare 
que  son  intention  n'est  point  d'y  coiuiiren- 
dre  la  saillie  Vierge.  Eu  li39,  le  concile  de 
Bâie  avait  autorisé  l.i  même  croyance  :  son 
décret  fut  reçu  par  l'université  de  Paris,  et 
par  un  concile  d'Avignon,  en  ihol .  —  3* 
Sur  les  décrets  de  plusieur-i  papes,  qui  ont 
approuvé  la  fêle  de  la  Cmception  de  lu  sainte 
Vierge,  et  l'office  compose  à  ce  sujet,  et  qui 
ont  défendu  de  prêcher  el  d'enseigner  la 
doctrine  contraire.  Ainsi  eu  ont  agi  Sixte  IV, 
Pie  V,  Paul  V,  Crégoire  XV,  Alexan- 
dre Vil  (1).  Il  paraît  que  celte  fête  était  déjà 
célébrée  dans  l'Occident  au  neuvième  siècle, 
el  qu'elle  est  encore  plus  ancienne  en 
Orient.  Voy.  Assemani.  Cal.  univ.,  tom.  V, 
pag.  i33  cl  suiv. 

Conséquemraentla  faculté  de  théologie  de 
Paris,  en  1^97,  statua  par  un  décret  que 
personne  ne  sérail  reçu  au  degré  de  doc- 
teur, (lu'il  ne  s'engageât  par  serni'nl  à  sou- 
tenir Vlnuniiciilée  Conception  ;  la  plupart  des 
autres  universités  ont  lait  de  même.— Quoi- 
que ce  sentiment  n'ait  pas  été  décidé  formel- 
lement comme  article  de  foi,  il  est  si  ana- 
logue à  la  doctrine  chrétienne,  au  respect 
dû  a  Jé>us-t-hiist,  à  la  jiersuasion  de  tous 
les  lidi  les,  que  l'on  peut  le  regarder  comme 
une  croy.ince  calholiiiue,  ou  presque  uni- 
verselle. 

Les  protestants  se  sont  récriés  contre  cette 
croyance,  née  dans  les  derniers  siècles  ;  elle 
esi,  disent-ils,  lormellemenl  contraire  ail 
seniimenl  des  anciens  Pères,  qui  ont  décidé 
que  le  péché  originel  a  passé  à  tous  les  en- 
fants d'Adam,  à  rtxceplion  de  Jésus-Christ 
seul.  Erasme  avait  ciié  un  assez  grand  nom- 
bre de  ieurs  jiassages  ;  Basnage,  dans  son 
//t.>.7.  de  l'Eglise,  1.  xviii,  c.  Il,  et  1.  xx,  c. 
2,  a  l'ait  tous  ses  efforts  pour  prouver  qu'en 
cela  l'Eglise  romaine  a  changé  lancieane 
doctrine,  el  s'e4  évidemment  écartée  de  la 
traililion  qu'elle  regarde  comme  règle  de  foi. 
—  Mais  il  a  bien  senti  lui-même  que  tous 
ses  arguments,  ijui  sont  les  mêmes  que  ceux 
de  Dailié,  ne  soul  qu  •  négatifs,  et  ne  for- 
ment pas  une  forte  preuve.  Les  Pères,  disent 
ces  coiitroversisles ,  n'ont  point  excepté  la 
saillie  Vierge,  lorsqu'ils  ont  p  irlé  de  l'uni- 
ver-a'iié  du  péché  originel  :  donc  c'est  la 
même  chose  que  s'ils  avaient  foi  uiellemenl 
enseigné  que  !a  sainte  Vierf;e  en  a  é'e  at- 
teinte comme  les  auUes  enl'ants  d'Ailaui  : 
celte  conséquence  n'e>l  pas  vraie.  Les  Pères 
n'ont  poini  Irailv-  expresse  ncnl  la  qiieslion 
de  savoir  si  la  sainte  \'iergc  a  été  ou  n'a  pas 
été  exemple  nu  péché  originel  ;  s'ils  avaient 
enseigne  formellement  qu'elle  en  a  été  souil- 

(I)  Voici  iiiift  proposition  de  B:rius  cond.iinnée  sur 
re|ioiiili  iVemu  jwivicr  Cliisium  es.'  «tsi/iic  i>ecc<ilo 
oriyiiinli  :  hinc  heiitn  Viiyo  mm  ma  eti  proiilfr  peccn- 
lum  ex  Adim  conlractu^ii,  omnesiitu'  ejas  aflliclionei 
in  liac  iiiKi,  nicitt  el  alwruni  ju/,l<irnm,  (uerunt  ultitt- 
net  pfccali  aclualii  viil  originalis. 


98S 


CON 


CON 


936 


lée,  jamais  les  théologiens  callioliques  nau- 
raieiil  ose  embrasser  ropiniou  contraire. 
S'ils  l'avaiciii  rormi'lU'iDeiil  excepléc,  alors 
sa  Conception  nnmacolée  ne  serait  plus  une 
simple  opiiiiiiii  lhéiilo^ii|ue,  mais  un  dogme 
de  foi  ;  et  l'Kglise  l'aurait  ainsi  décidé  au 
concilf  de  Trente.  Or,  n()us  convenons  que 
ce  n'est  pas  un  dogme  de  foi  ;  les  papes 
niémes,Pie  V,  tirégo  re  XV  et  Alexandre  \  II 
l'ont  ainsi  déclare,  et  ont  (lelenilii  de  trai- 
ter d'hérétiques  ceux  qui  ont  soutenu  le 
contraire. 

Itsl-il  vrai  que  la  croyance  actuelle  soit 
établie  sans  auinne  preuve  tirée  de  l'Ecri- 
ture sainte  ni  de  lu  tradition?  Uans  la  sa- 
lutation ange  iqne,  adressée  à  Marie  (Lxic. 
I,  28),  le  mot  grec  ze/àxT-j  -.ivu  ne  sign.lie 
pas  Seulement  remplie  de(/rdce,  mais  formée 
en  yrdce;  Origène  l'a  compris  (//oi».  vi  in 
Lac.)  :  «  Je  ne  un;  souviens  pa  ,  dit-il,  d'a- 
voir trouvé  ce  terme  ai  leurs  dans  liicriiure 
sainie;  celte  salutation  n'a  été  alressée  à 
aucun  lioiiime  ;  elic  est  réservée  à  Marie 
seule.  «  Cependant  il  avait  été  dit  de  saint 
Jean-lîapiisie,  v.  15.  qu'il  serait  rempli  du 
Saint-l!!spnt  dis  le  soin  de  sa  mèie;  le  privi- 
lège de  Mirie  s'est  donc  étendu  pins  liin.  Les 
prolestants  en lenden:-ils  m ieu\  legrectiu'Ori- 
gène? — •  Au  i\'  siècle  saint  Amphiioque  , 
évéque  d'Icone  iOrut.  k,  in  S.  Deip.  el  Si- 
meon.),  dit  que  Dieu  a  iormé  la  sainte  \  ierge 
sans  lâche  et  sans  péché.  Dans  la  liturgie  de 
saiul  Jean  Chrysostome,  (|ui  est  plus  an- 
cienne que  lui,  Marie  e-t  appelée  sans  tache 
à  tous  éi^ards,  ix  nmui  parte  nu-ulputu  (L''- 
brun,  lom.  IV,  pag.  40^!).  Saint  Ambioise, 
sur  le  psaume  cwiii,  dit  ((u'elle  a  éle  exempte 
de  toule  tache  du  péché. — An  v,  saint  l'ro- 
clus,  disciple  de  saint  Jean  (llhrjsoslome  el 
son  successeur  (  Orut.  G,  Laudalio  S.  Ge- 
nilr.),  dit  que  la  sainte  \  ierge  a  été  formée 
d'un  limon  pur.  On  lui  attril)uu  avec  raison 
les  trois  sermons  sur  la  sainte  Vierge,  qui 
passaient  autrefois  pour  êlie  de  saint  Gré- 
goire Tiiaumatuige,  el  dans  lesquels  cette 
même  doctrine  est  enseignée  ;  Uasuage  n'eu 
disionvienl  pas.  Saint  Jérôme,  sur  le  psai:- 
nie  Lxxiii,  dit  que  Marie  n'a  jamais  été  dans 
les  lencbres,  mais  toujours  d.jiis  la  lumière. 
On  sait  que  saint  Augustin  même,  en  écri- 
vant contre  les  pélagiens  (L.  deNat.  elGrut., 
c.  36),  a  formellement  excepte  la  sainte 
Vierge  du  nombre  des  cicalures  coupa- 
bles du  péché.  —  Au  VI',  saint  l'ulgencc 
(Serm.  de  Laudih.  Muriw)  observe  que 
l'ange,  en  appelant  Ma^ie  pleine  de  (jrdce, 
a  fail  voir  que  l'ancienne  sentence  de  co- 
lère éiait  absolument  révoquée.  —  Au  vui', 
saint  Jean  Oamascéne  appelle  celte  sainte 
Mère  de  Dieu,  un  paradis  dans  lequel  l'uii- 
cieii  S'  rpent  n'a  pas  pu  pénétrer  (llom.  in 
Nat.  B.  M.  y.).  Ueja  au  vu',  sous  le  ièi;ne 
d'iléraclius,  tîeorgesde  Nicomédie  rc,;arda!t 
la  Conce/^lion  immaculée  de  la  sainle  Vierge 
comme  une  léle  d'ancienne  dale  ;  cl  au  moins 
depuis  celte  epO(iue  les  Grecs  ont  constam- 
ment appelé  Marie  panacUranle,  loule  pure, 
sans  tache,  sans  péché  ;  ils  n'ont  pas  cm- 
|)ruuté  celte  croyance  da  l'Eglise  roiuaiue  , 


puisqu'ils  la  conservent  encore.  Pourquoi 
donc  les  protestants  n'évaporcnt-ils  leur 
bile  que  contre  nous,  et  ménagent-ils  le.S 
l^iiccs?  l^n  rapportant  avec  tant  de  soin  ce 
qui  parait  opposé  à  noire  croj.mce,  il  ne 
fallait  pas  passer  sous  silenie  ce  qui  la 
prouve.  —  l>'on  sait  qu'en  l.i87  la  question 
de  la  Conception  immaculée  fil  grand  bruit  à 
Paris,  et  que  rUniversilc  exclut  de  son  corps 
les  dominiciins,  pour  avoir  soutenu  l'opi- 
nion c'nliaire  [Uisl.  de  l'EijIise  gallicane  , 
tom.  XIV,  liv.  xLi,  an  1.387).  Aujourd'hui 
ces  religii'ux  tiennent  la  croyance  commune. 
—  Les  deux  co;ivenls  île  religieuses  qui 
poricnl  à  P., ris  le  nom  de  la  Conception  sont 
des  franciscaines,  ou  des  filles  du  liers  ordre 
de  Saint-François  (1). 

(I)  Le  iroj)  fumeux  donteur  Hermès  .i  cherclié  à 
.liïailjlir  la  croyaiice  en  la  coiicepliiin  immueulée  de 
M.u'ie.  Le  célébic  cardinal  Lainhiiiscliini  a  ié,i(iii(iu 
par  une  d<S'<erialioii  où  il  démontre  que  le  pape 
polit  déliiiir  CDiiime  ini  (loj;iiie  celle  croyame.  La 
queslioii  iiiius  par.iil  lelleiiieiil  imporiaiee,  que  nous 
crdvmis  devoir  rappoi  1er  une  analyse  de  I  ouvrage 
fane  p.; r  le  l'.  réroinie  el  traduite  par  M.  Th.  15., 
curé  de  Doin.iz.iu  (  liard  ).  |  Vny.  Démonslrations 
évunçi.,  t.  XIV,  éilii.  Migiie.] 

<  L'opiinon  cailiniique  de  tous  les  temps,  de  tous 
les  lieux,  esl  eu  laveur  de  Mirie.  Les  l'éres  de  l'E- 
glise, les  docteurs  les  plus  illustres,  les  iliéo'ogieiis 
1rs  plus  pieuv  et  les  plus  savants,  dans  lous  les  siè- 
cli'S,  ont  coii^acic  leur  pliiiue  el  leur  Kéiiie  à  l'iioiio- 
rer.  loiil  ce  (pii  concerne  les  mérites,  le^  jîloires, 
l'amour  de  la  V  erge,  révei  le  dans  le  cœur  des  véri- 
laliles  liaèks  le>  émulions  les  pUis  douces  <^l  les 
plus,  ten'Ires  ;  il  existe  eu  eu\  un  véritable  irausporl 
d'.imour  ;  do  sorlii  qu'on  p  ut  dire,  sans  surlir  des 
bornes  de  la  vérité,  ipruiie  ardeiiie  sullieilude  el  un 
.illeelueux  empres  eiiieiii  a  accroître  tes  glnins  de 
M.irie  foruiem,  pour  ainsi  parler,  la  iiiari|ue  disliuc- 
live  du  véritable  esprit  calliolii|ue,  comme  aussi  la 
froideur,  l'ind  ireieiice  pour  elle,  ou  plutôt  le  désir 
cdup.ilile  de  déprécier  el  d'obscurcir  ses  prérogati- 
ves, lui  liiiijnurs  r.i  compagne  in  ép.nable  de  l'erreur 
et  des  liéié^ies  aneieniie!)  et  modernes. 

<  Faiu-,1  s'éuiuiier  ipie,  de  nos  jours,  un  célèbre 
caidiiial,  iioii  luoius  illustre  par  les  liaules  dignités 
où  il  est  élc^é  que  par  ses  connaissances  spéciaes  en 
lliéniogii;  el  par  ceu  ;  piété  aiiuable  et  snlide  d"iit  il 
a  donne  des  preuves  d.ins  les  œuvres  ascétiques  qu'il 
a  [iiildiées,  nial..;ié  le-,  soins  impcrtaiils  el  coiitiiiiiels 
qu'il  e^t  obligé  île  diiiiner  aux  allures  du  sainl-siége, 
au  voulu  ciiiii|ioser  un  petit  ouvrage  sur  riinmacii- 
léecniiceplion  de  Marie  '.'  Utile  el  aaiiit  travail  s'il  en 
lui  jam.iis  !  Car,  d'un  côlé,  s'il  coiiinbie  à  affriiiir 
el  reiidie  plus  éclalani  ce  siugiilier  privilège  de 
la  Vierge,  de  l'autre,  il  sera  regardé  coiiiine  uu 
niouuuieiii  iin.iénssable  de  celle  dévuti  m  ardente 
dmil  bràle  pour  la  Mère  de  Dieu  son  Illustre  auteur. 
Aussi  nous  déel.ne-i-il  lui-iueine  dan^  les  premières 
pages  de  sou  livre,  qu'il  ne  s'est  livré  à  une  si  pé- 
nible occupaliou  que  dan-,  le  seul  bul  de  réveiller 
el  (le  nuurrir  celle  devuiioii  salul.dre  d.uis  lous  les 
cœurs. 

<  t>tie  disserta  lion,  en  forine(lec(iniroverse,dutiès- 
éudnciit  cardinal  Lauibruscliiiii  pouvail-elle  pirailre 
dans  un  leinps  plus  opportun  '?  En  ce  uioiiienl,  dans 
le  centre  de  r.Vlleinagiie,  nue  écule  pliiiosoeliicu- 
lliénl.igiipie,  qui  se  dii  catliulique,  s'applique  à  obs- 
curcir l'éclat  de  l'iininacuiée  concepliou  de  la  Vier- 
ge. Ll  quoiqu'il  ne  se  soil  pnint  expressémenl  pro- 
posé de  la  euniliailre,  néamiioins  il  prévieiil  el  ré- 
sout avec  tant  de  sagacué  toutes  les  dilliciillés  dont 
le  in.deticonlreux  fundaleur  de  ctlle  école  dniLlieà 
s'éiayer  pour  aiiénuer  la  vérité  de  noire  pieux  sen- 


D87 


CON 


CONCILE,  assemblée  des  pasteurs  de  l'E- 
glise pour  dérider  les  quesiions  qui  appar- 
liennenl  à  la  fui,  <iu\  niœuis  ois  à  la  disci- 
pline. On  appelle  concile  général  ou  cecumé- 

liiiienl.  qu'on  Hirail  iin'il  n'iiil  point  eud'anlre  viift  et 
qu'il  sVsi  pidposé  de  fiiiie  une  léfulniiou  coniplèie 
de  iDUf  ses  vain*  raisnnnemi'nls. 

i  Sans  s'éliii'jner  jumais  de  la  doclrine  enseisnéfi 
par  la  lliéniogie,  il  a  su  réunir  dans  celle  disseï  la- 
lion,  avec  n!ie  tjiande  i  larlô  d'idée,  une  snlidiié  re- 
ivianpialde  de,  raisoiinemciil  et  un  ordie  adniii-alde, 
loulfe  qu'il  y  a  île  plus  important,  de  |dll^  foil,  de 
plus  prc^ssanl  en!  ^e  trouve  répindii  daii>  k's  écrits 
volnmineuv  di's  plus  céléhres  lliéologiens  qu  ,  :\  di- 
verses cpnqni'S,  onl  traité  ce  sujet  loit  au  Ion:;  et 
revendiqué  pour  la  Vietge  un  piivilése  ipii  ne  loitnie 
pas  moins  à  son  honneur  qn'à  celui  de  su  divin 
Fils.  Pour  donner  pins  dft  valeur  et  de  pris  à  sou 
œuvre,  l'ilhistre  auteur  y  ajoute  desobservaiimis  plei- 
nes de  justesse  el  de  sagacité,  (jui  iraliissent  autant 
la  pénélraiion  d'esprit  de  l'érrivain  qiie  l'intérêt  et 
l'amour  qni  onl  conduit  sa  plume.  Dans  la  chaleur 
même  de  la  poléiinque,  il  sait  répandre  l'onctinn  dé 
celle  piété  suave  qni  respire  ^dans  tous  les  écrits 
dont  cet  illusiri^  cardinal  a  euiichi  le  monde  ascéti- 
que, de  SOI  ie  ((n'en  même  temps  que  le  Iccicur  re- 
çoit une  instruction  salutaire,  il  sent  pénétrer  dans 
sonâfne  les  sentiments  de  la  plus  afTeclueuse  dévoiion. 
(  Mais  afili  que  l'on  puisse  mieux  apprécier  l'es- 
prit, la  tournure  et  les  daers  mérites  de  cepelii  ou- 
vrage, il  m'est  doux  el  Iiniinralde  d'en  faire,  de  mon 
mieux,  une  exacte  analyse.  El  d'abord,  pour  éloi- 
gner louie  équivoiue  et  (ai  i  iter  rinlelligeuce  des 
fères  et  des  docteurs,  prenant  pour  guide  l'immor- 
tel Benoît  XIV  et  la  foule  des  théologiens,  lémincnt 
prélai  distingue  avec  soin  le  double  sens  du  mot 
conception.  Car  ou  pr.nd  le  mot  conception,  soit 
dans  le  sens  actif,  pour  signifier  l'aclc  même  de  la 
générali<ui  eldela  conceptiijumatéiielle.snit,  dans  le 
sens  passil,  pour  exprimer  l'animalioM  du  fœtus. 
Or,  il  fait  observer  que,  qu  lud  on  p.irle  de  la  con- 
ception immaculée  de  la  Vierge,  on  ne  prend  pas  ce 
mol  dans  le  premier  sens,  dans  leipiel  la  coueepiion 
n'a  pas  lieu,  mais  dans  le  seiond,  car  son  ânn:  sanc- 
tiliaule  se  réunit  au  corps,  mais  exemple,  depuis 
l'instant  de  sa  déaiion,  de  la  iiKu'ndre  tache  originelle. 
I  L'élat  de  la  que^iion  éiant  ainsi  posé  et  par  cela 
même  éclairri,  il  démoiitie  par  loules  seules  d'argu- 
ments, lires  de  la  raison  el  de  l'anloriié  de  l'Ecriture 
et  des  Pè  es,  la  vérité  de  sa  proposition,  savoir  : 
que  l'on  doit  regarder  comme  immaculée  la  concep- 
tion ;)ns.sii'C  <le  la  Vierge. 

€  L'ari;uiiienl  de  raison  est  tiré  de  tous  les  divers 
molifs  pour  lesquels  il  était  si  cinvcnalde  (pic  Dieu 
ne  refusai  pas  à  la  sainte  Vierge  un  privilège  qu'il 
était  si  facile  de  lui  accorder,  et  (pie  sembla  t  ne  pas 
moins  revendiipier  en  quehpic  sorte  la  dignité  de 
Mèie  de  Dieu,  (pie  le  triomphe  complet  sur  le  dra- 
gon de  l'enfer,  et  l'honneur  niêinc  de  celui  qui  dai- 
gna dans  son  sein  se  revêtir  de  la  forme  mnrlelle. 
Celle  preuve,  lirée  de  la  raismi,  quoiqu'elle  ne  soit 
pas  démonstralive,  a  toujours  éié  très-propre  l\  per- 
suader la  pieuse  opinion  que  nous  défendnns;  mais 
(pielle  ne  sera  pas  sa  valeur,  si  nous  la  juigmuis  à 
l'aulorilé  de  l'Kcrilure  et  des  Pères,  qui  la  protègent 
de  toutes  parts  ? 

I  L'auteur  descend  dans  celle  noble  arène  ,  et 
pour  ee  qui  concerne  l'Eciiiure,  il  montre  qu'elle 
insinue  de  deux  inanièies  la  vérité  de  notre  pieux 
sentimcn'i,  dans  son  s^ns  liitiiral  el  dans  l'applici- 
tion  que  lEglise  fait  à  la  samte  Vierge  de  plusieurs 
passage',  qui,  dans  le  sens  mystique  et  spirituel,  (  (in- 
firment d'une  manière convaiiicaiiie  celle  iiièMic  veil- 
lé. I.t  d'ahord  c'est  avec  raison  ipi'il  cite  el  développe 
ce  lexie  lé  duc  de  la  Genèse,  appelé  jiro'.cvatigUe 
(pr-.iuiei  Lv.ui^ile),  par  lequel  Dieu  annonce  au  ser- 


CON  98f? 

nique,  celui  qui  esl  censé  composé  des  évè- 
ques  de  louto  l'Eglise;  concile  national,  ce- 
lui qui  est  formé  par  les  évêques  d'une 
seule  nation  ;conc(/e  provincial,  celui  qui  se 

peut,  ou,  pour  mieux  dire,  au  démon,  la  victoire 
qu'une  femme  devait  remporter  sur  lui,  par  ces  paro- 
les :  Iminicilias  ponam  inler  le  el  mulierem,  el  semi'n  iMiim 
el  sewen  illius  ;  ip^a  coiiteiel  caput  luiim.  el  tu  in^idiabe- 
ris  catcmeo  ejus  {Geii.  m.  5."j).  Cet  oracle  n'aurait  pn 
se  vérifier  pie  neinenl  si  la  sainte  Vierge  n'eût  été 
exempte  de  la  tache  oriuinelle.  Car  d  ois  l'Inpoiliè-e 
contraire,  il  ne  lui  aurait  pas  seulement  ti-ndu  des 
pièges,  mais  il  aurait  réiné  sur  elle  de  la  même 
manière  qu'il  règne  sur  les  autres  enfanis  d'Ailara, 
tant  qu'ils  ne  sont  pas  purifiés  el  délivrés  des  liens 
du  péché.  A  l'autre  genre  de  preuves  liiée-  de  l'E- 
criture, qui  coiilirmeiit  sa  proposition,  appartiennent 
les  textes  sacrés  que  rEgli^e,  toujours  guidée  par 
l'esprit  (le  Dieu  dans  la  cèlébra'ion  des  fêtes  de  la 
sain:e  Vierge,  appliipie  à  Marie,  quoiqu'ils  doivent 
s'eiilendre  lilléialeiiienl  de  la  sagesse  incarnée 

<  Kl  ici,  le  savant  auteur  va  adroilement  au-de- 
vant des  ilifficullés  que  l'on  pourrait  tirer  des  propo- 
sitions générales  de  l'Ecriiure,  (pii  semblent  regar- 
der l"us  les  hommes,  descendants  naturels  d'Adam, 
comme  l'îii  iiuo  oinnes  piccuv:ruitt.  et  autres  du  mê- 
me genre.  Il  prouve  que  des  propositions  semblables 
soutirent  des  exceiilions  ;  qu'autrement  il  s'ensui- 
vrait, si  on  raisonnait  de  la  sorte,  qu'on  devr:Mt  re- 
fuser à  la  sainte  Vierge  des  privilèges  ipii  irès-eer- 
tainemenl  lui  onl  éié  acennlés.  Car  on  lit  aussi  dans 
nos  livres  sacrés  que  Dieu  dit  à  la  femme  Indolore 
pu'ies  :  faudra-1-il  conclure  que  Marie  a  été  Soumise 
à  lin  seinlilahle  ariêi?  Il  faut  dire  la  même  chose 
d'un  grand  nombre  de  luis  générales  qui,  d'après  les 
senliinenls  reçus  parmi  les  catholiques,  ne  regar- 
dent point  Marie. 

<  Ceci  ^e  trouve  plus  parliculièremenl  confirmé 
par  la  déelaratimi  evpresse  du  comile  de  Trente. 
Le  plus  grind  nombre  des  Pères  de  celle  véné- 
rable assemblée  élaienl  portés,  comme  nous  l'atteste 
Pallavicin,  à  prendre  une  décision  relative  à  l'opi- 
nion que  nous  défendons  ;  ils  furi'iit  néanmoins  arrê- 
tés par  des  eoii-.idèraii(ms  justes  el  prudentes,  mais 
qui  ne  regaidai-'iit  que  celle  époque,  el  ils  se  con- 
lenlèieiil  de  faire  connaître  indirectement  leur  pieuse 
manière  de  pensrr  à  ce  sujel  dans  la  célèbre  clause 
qui  est  tonte  à  l'appui  de  notre  assedion;  car  le 
concile,  dans  la  cinquième  session,  après  avo  r  re  idii 
un  décret  sur  le  dogme  de  la  transmission  du  péché 
originel  dans  tous  les  onlaiils  d'Adam,  ajoute  :  Dé- 
clarât lanwn  lime  ipsa  sanria  aifriodus  non  esse  suœ  in- 
lenlionis  comprehen  1ère  in  hoc  décréta,  ubi  de  pecca- 
ta  oriijinith  aiiiltir,  benlnm  et  iininacuta'am  Firt/iiieni 
Mariuin,  Dit  (jeuiiricein,  sed  ubsemandas  eue  consli- 
tulioiies  felicis  reciirdutiun  s  Si.iti  papii'  IV .  snb  pœnit 
in  ejus  constitiitiinibus  conlt-iitis  qiias  innovai.  Cer- 
tainement le  concile  île  Trente  connaissait  les  ex- 
pressions générales  de  l'Ecriiure  :  en  ne  voulant  pas 
qtie  la  sainte  Vierge  ((\l  comprise  dans  son  dérrel, 
par  cela  même  II  a  prouvé  qu'elle  n'était  pas  non 
plus  <'omprisc  dans  les  prupusiliuiis  générales  de 
l'Ecriiure. 

<  Outre  cela,  le  même  concile  dans  celle  clause 
ayant  appelé  la  Vierge  inwiacutée,  et  l'ayant  ainsi 
(|u  dilièe  à  cause  de  sa  dignité  de  Jl/(°'rt;  de  Dieu,  il  a 
clairemenl  fait  connaître  qu'il  penchait  vers  noire 
sentiment,  donnant  à  enlendre  que  par  raison  de 
convenance  Dieu  devait  conférer  ce  privilège  à  la 
saillie  Vierjc. 

f  Ouoiqiie  le  conçue  renouvelle  et  coiilirme  les 
cnnstiiulions  de  Sixle  IV  (une  de  <i-s  coiisliiuuiuis 
délend  de  taxer  le  sentimenl  coiilraire  de  faux  el 
d'erroné),  cela  no  unit  en  rien  a  notre  cause.  Car, 
comme  l'observe  irès-spiriiuellenienl  noire  illustre 
auteur,  (le  celle  confirnwiion,  on   ne  peut  raisoiitia- 


989 


CON 


CON 


990 


liont  pnr  nn  métropolitain  avec  les  évêqnes 
de  sa  province. 

bleincnl  inférer  fin'imo  cliose,  savoir  :  que  le  concile 
n'a  pas  voulu  (lélinilivenienl  traiiclier  la  qncsiioii  : 
ce  que  tout  le  monde  avoue,  (^elte  ilécision  ne  sevt 
même  qu'à  mieux  faiie  coiiniitlre  la  pr  '|u>iisioii  «les 
Pères  «lu  concile  de  Treille  à  ri  garder  .Marie  coinuie 
exemple  (le  la  nioiiiilre  latlie  urijjiiielle  dnris  sa  <on- 
ceptioii.  En  effel  personne  n'ignore  que  les  consli- 
lulioiis  de  Sixle  sontpluloi  favorables  (pie  niiLsiitles 
à  noire  pieuse  opinion  ;  personne  ii'isiioie  aussi  i|ue 
ce  inénie  pontife  a  rcpamlii  parmi  les  fidèles  le  culie 
de  la  saillie  Vierge  soiis  le  liire  d';»imaii(/e'e,  en 
permeltanl  la  messe  cl  l'olflce  propre,  où  se  trouve 
ime  oraison  i^ui  lail  une  meiilimi  cxpie-e  d'un  lilre 
si  gl'Tieux  et  de  l'exeniplion  nb  omni  tabe ,  en  ou- 
vrant ce  trésor  des  indulRenoes  à  loiisfeiix  ipii  ho- 
noreraient snus  ce  lilre  la  Mère  d(!  Dien  ;  in  frap- 
pant des  censures  «Ides  peines  les  plus  graves  qui- 
conque enseignerait  on  pièchcrait  qiiplipie  «  Imsc  de 
contraire  à  ce  privilège. 

<  Les  succeseurs  de  Sixte  IV,  saint  Pie  V,  Paul  V, 
Giégoire  XV,  Alexandre  VII,  ne  s'arrclércnt  pis 
là,  el,  ni.irciianl  sur  les  traces  de  Sixle  el  des  Pères 
de  Treille,  ils  conC(uirurem  Ions,  (|ui  d'une  manière, 
qui  d'une  auire,  à  «onsolider,  à  raviver  cl  à  répan- 
dre le  colle  de  la  Vierge  lionurèe  d'un  lilre  si  glo- 
rieux, et  à  délèndre  que,  même  dans  les  enlieliens 
parliciiliers,  il  fùl  permis  de  rév.i;|uer  en  dimle  ce 
privilège  de  Marie.  L'accord  de  tant  de!,'r:inds  papt'S 
fournil  à  noire  cèlèlire  cardinal  un  nouvel  aigun  enl 
eu  laveur  de  sa  proposiiicn. 

I  Ainsi,  fort,  d'iiiicôié,  de  l'auiori^éde  ITcriiure, 
qui  sert  defonileiiieni  à  noire  opinion,  afirès  avoir 
mis  en  poudre  la  seule  oljeclion  que  l'on  ()(iunail 
tirer  des  propositions  f;éncrales  qu'elle  eoniieni,  de 
l'aiilre,  fort  de  l'aiitoriié  non  moins  inlp«^anle  des 
Pères  el  des  docteurs  de  l'Eglise,  notre  illnslre  au- 
teur rejrrend  sa  marchcd'nii   pas  assuré. 

«  Et  c'est  ici  que,  déployant  une  vaste  ériidilian, 
il  passe  en  revue  tous  les  siècles  du  clirtsiianismi', 
et  foime  un  corps  admicible  de  léinnignages  pris, 
non-seulement  cliei  les  Pères  grecs  et  latins,  mais 
encore  dans  les  liiuigies  les  plus  :mciennes,  où  se 
trouve  cl.'iiiemenl  exprimés  l'opinion  cinimnne  de 
l'Kglise  sur  cerare  privi  ége  dont  Dieu  a  voiHu  Im- 
norer  sa  Mère.  Dans  «etie  courte  analyse,  je  ne  puis 
citer  celle  longue  série  de  PiJri^»  «n  de  dociems,  qtii 
se  lie  éiroitemcnl  cl  s'étend  ji^qu'au  xin^  siècle, 
comme  il  csi  facile  de  s'en  lonvamcro  en  lisant 
la  disserlalioii  dti  savant  prèlai.  lit,  qiirii(|iie  quel- 
ques-uns des  nomlirriu  ^a-sages  allégués  puissent 
peiilêlre  fournir  matière  à  la  critique,  qui  ponrrait, 
en  les  considérant  dans  leur  ensemble,  rcunis  coiiiiiie 
une  phalange  en  oidre  de  bataille,  qui  pourrait,  dis- 
je,  se  sotibiraiie  an  poids  si  grave  de  leur  imposaiite. 
atrtontè? 

•  Arrivé  au  srétie  où  vivait  le  saiiii  abbé  de  Clair- 
vaux,  que  siiil  de  près  le  gr.iiid  ^ll|'ma^  d'iViiiin,  il 
s'ari-èle  pour  ex  uniner  avec  la  plus  grande  atienlioii 
cl  ta  critique  la  plus  impartiale  quel  lui  le  sentiment 
de  ces  deux  saints,  que  les  partisiiiis  de  l'opinion  op- 
posée f»é  endinil  avoir  été  «ontraires  à  cetli;  qu'on 
s  ulieiil  ici.  Eid'abird,  pour  ce  (|ui  concerne  saint 
Bernard,  il  fait  observer  que,  dans  sa  leiire  « élébie 
adressée  aux  chiiTioines  de  Lyon,  il  ne  s'oppose  pas 
lani  a  l'introduciion  de  la  nouvelle  fètc.  coiiiiiie  il  l'ap- 
pelle, qu'à  la  manière  dont  on  l'a  introduite,  t'esl-à  due 
sans  consullei  l'Kglise  romaine.  En  outre,  il  e.^l  tros- 
vraiseuiblable  que  le  saint  docteur,  p:irle  mot  de  cim- 
ception,  ii'eniendaitpas  la  corn  eiilion  passive,  mais  bien 
Vuctive.  Aires  celle  idiservaiion,  l'illiislre  c.irdinal  a 
raison  deconcliiie  (jii'on  iiedoii  pas  mettre  ce  saint  au 
nombre  des  adversaires  de  sa  docliine;  ipiedu  temps 
de  saint  Bernard  le  mot  de  co(ifï(;(i(jH  fut  employé  dans 
leseiis  actif;  Mabillon  lui-mèniecn  convient,  eiil  cite 


Sur  cet  important  objet,  nous  avons  à 
examiner,  1°  en  quoi  consiste  l'aulorité  des 

même  pour  le  prouver  divers  téiii(iii;nagps  des  au- 
Icurs  coiitemi'Oralns  (Voy.  ISolœ  (vainren  in  opéra 
SRncti  Bernirdi,  nii  t.  I,  in  episl  \'ïi  aU  cnnoit.  Lug- 
(/wn.,n.  Hl).  D'ai'Ieurs,  Hiiiis  avons  d>s  lémoi- 
giages  diipcis  ilii  !,aiiil  lui  uiéiiie,  qui  rendent  évi- 
dciile  sa  manière  de  le.ser  sur  le  sujet  qui  nus 
«icoiipe.  ei  «|iii  condrinci  i  notre  pré<édenie  inier- 
prèialion.  Kiiliii,  puisque  le  s:iiiii  «lucteiir,  en  recom- 
maiidaiil  l'oliservaiinn  de  la  le  e  lélébrce  dans  toute 
rivalise,  de  la  naissance  de  Marie,  en  tirait  celle 
conclusion,  «[u'iine  telle  naiss:inoe  doit  être  pure  et 
sainte,  lions  sommes  en  droil  de  «'«niclnre,  p  r  un 
raisoniienii'iil  analogue,  que,  s'il  eût  vécu  de  nos 
jours,  il  se  sérail  regardé  c'ei  tainemcnt  comme  iiès- 
liemeux  «le  poiivor chanter,  de  C"iiccrt  avec  l'Eglise 
entière  :  Tuta  ptticlira  es,  Marin,  et  macula  iiaii  al  in 
te.  Et  cela  avec  d'anlant  plus  de  raison  «pi'il  ici  mine 
sa  letlre  eu  sounieliant  tout  ce  qu'il  écrit  sur  ce  su- 
jet à  l'irrélr.igiilile  auiorilé  de  l'Eglise  romaine,  la 
méie  cl  la  inaiiivsse  de  loiiies  les  Eglises. 

«  Il  laiil  faire  la  uiêiiie  oliservatiou  h  l'égard  de 
saint  Thomas,  dont  le  Savant  prélat  examine  ensuite 
Ic^enlimeul.  Mais,  de  plus,  il  est  ceilain,  d'un  côlé, 
que  le  Docteur  aiigéliipie,  dans  ses  anlrcs  écrils,  en- 
seigne ouverleineni  que  la  sainie  Vierge  a  été 
exemple  de  louie  souillure,  soii  i  erS'Huelle,  soit 
originelle,  el  il  ['enseigne  un  particulier  dans  le  pre- 
mier livre  des  Sentences,  disl.  Il,  (|.  I,  ar(.  3,  et 
ailliiirs  ;  d'un  aune  côté,  il  est  aussi  leriain  que 
plusieurs  savants  de  l'ordre  célèbre  de  Salnl-Domi- 
iiique  se  plaignent  tlauliliienl  de  ce  que,  dans  les 
édiliins  subséiiuenies  des  œuvres  tlii  saint  docienr, 
on  a  tronqué  et  altéré  plusieurs  passages,  d'après 
li,'squels  il  semble  profe-ser  une  doctrine  coniraire. 
Diins  cet  étal  des  choses,  il  faut  néi  essairemeni,  ou 
que  ce  saint  se  soit  grossièrenieni  contredit,  ou  qu'il 
ail  cliangé  de  senlimeni,  ce  «pi'il  n'esl  pas  ficile  de 
supiiosvr  dans  iiii  homme  si  grave.  Donc  nous  som- 
mes forcés  de  C(mcl(ire,  avec  noire  illustre  auteur, 
que  ses  œuvres  ont  été  altérées;  mais,  quoi  qu'il  en 
suit  de  celle  aliéraliou,  il  est  hors  de  doute  i|iie  dans 
la  Somme  ii  ême,  où  il  semtde  le  plus  s'éloigner  de 
noire  pieuse  Croyance,  le  Docteur  angèlique  y  pose 
despiincipes  tels,  qu'il  est  permis  d'eu  tirer  évi- 
demuicnl  ce;te  coiiséqneucc,  ipie,  s'il  eût  écrit  de 
nos  jours,  il  eût  souienii  nn  tcniiniciil  enlièieineut 
op  osé;  car  viici  se>  paroles:  Oubliai i  non  passe 
beatis^imam  Vinjinem  sine  peccuto  urujinaH  uatam 
esse  qitifi  Eccl,sia  ejus  nativitatem  célébrât.  Aiijour- 
d'iiiii  ri'glise,  obéissant  aux  décrets  des  souverains 
pontifes,  1  élèbre  la  lée  de  la  Concepiion  de  la  iiiôme 
manière  que  celle  de  la  iNalivilé,  el  elle  se  contente 
de  substituer  le  lUdt  nalirilé  à  celui  de  conception, 
pour  se  ciuiloriner  au  statnt  de  Pie  V.  Donc,  si  saint 
Tlionias  eût  vécu  de  nos  jours,  en  vertu  de  ses  prin- 
cipes, il  aurait  soutenu  noire  pieux  seulimeiit.  C'est 
ainsi  (iiiiMMisouiiaii,  d'une  manière  très-logiipn-,  un 
llauibeaii  de  récde  ihouiislc,  Jean  de  Saini-Thninas, 
et  voici  S(S  iiroiires  paroles  citées  par  notre  célèbre 
(  ardinal  :  PosUjiiam  Ecct.  roma  a  célébrai  fesluin 
C<jitceplioms,loqiKnclo  in  vi  docirimv  I).  Tlwmw  opor- 
lel  tice  ufrsn  de  his  senienliis  censere,  et  sic  diras  Tho- 
mas censerel. 

«  Apiès  celle  explicalinn, qui  n'est  pas  sans  impor- 
tance, parce  ijne  l'éloquent  abbé  de  Clairvaux  el  le 
sailli  religeux  d'Aquin  sont,  aux  yeux  de  nos  adver- 
siires,  les  plus  fermes  soutiens  de  leur  opinion, 
liilii  ne  disseriaieiT,  à  propos  de  saint  Tli  mas, 
expose  la  doctrine  de  l'ordre  vénérable  des  pères 
prêcheurs  sur  le  sujet  qui  nous  ocrui'e.  El.  com- 
nuni;.inl  parle  samt  londalcur  Ini-inèuie,  il  iléinon- 
re.  par  des  documenis  iiieonleslabl.  s  ()n'il  a  délèiulu 
lu  pieuse  opinion  de  l'imimiculée  concepiion  de  .Marie. 

I  U  énuinère  ensuite  les  principaux   membres  de 


'Jlj[ 


CON 


CON 


!t9;î 


conciles  ;;énéraux  en  matière  de  dogme.   2* 
Si  celte  autorité  est  la  même  en  tait  de  dis- 


rel  insliliit  célèl)re  qui  ont  lirillé  el  pnr  leurs  venus 
elpar  leurs  lalfiils;  il  ilrcssfi  une  longue  lisie  de  tous 
reux  (|ni  se  SOI  t  accordés  |.«"r  ii.aiiilfnir  inlacl  ce 
Rliirii'iis  privi!éj;e  de  la  Ver^.';  il  la  c'ôliire  par 
Noil  Alexanilre  cl  Vii.ceiil  Jnsiiiiien,  rapporlaiit  au 
long  Icnrs  raisnnnenienls  praves  cl  solides,  qui  pruu- 
vcnl  inv  ncblenipiii  sa  prn|i(p>iii(ui. 

1  II  joint  à  ces  imnis  illi:slrcs  les  noms  des  saints 
les  pins  reinarquahlcs  i!e  ions  le-,  ordres  (pii  onl 
fleuri  depuis  celle  époque  jus.i|n'à  nus  jours,  el  il 
cite  en  parliinlier  saint  Ueriiinliii,  sainl  1,  iircnl 
.Itisiinien,  saint  Tlioinas  de  V;  lenenve,  s  linl  Al- 
plioiise  de  Li^iiori,  tpii,  eiidjtasés  d'tiii  zéie  ardent 
pour  honorer  la  Meie  «le  Dieu,  ne  cessaient  de  prê- 
clier  cprellea  toujours  été  pure,  toujours  iiniiiaciiée. 

(  Le  parallè  e  qu'il  lail  i  iisuiie  des  tliénlo^iens 
qui  uni  coinliatlii  pour  l'un  ou  pour  l'antre  de  ces 
diiix  seniiinenls  opposés  esl  tout  à  nuire  avantage  ; 
car  il  eu  résulte  claiieiiienl  que  ceux  (]ul  délendciil 
le  piivilâge  de  Marie,  laiil  par  leur  auloiiié  inrpn- 
sanle,  que  par  leur  grand  ii.unlire,  reniporleiit  de 
lieaiicoiiii  sur  (eux  i|ui  le  nient.  Fn  eijel,  parmi 
ceux-ii  on  eu  compte  à  peine  cinq  qui  aient  i|iiclipie 
répiilaiioii,  tandis  ipie  ceux-là  sont  si  iioniliieux  el 
non  moins  célèbres  que,  voiiluir  les  noniiner  tons, 
serait  coumieiiier  une  œuvre  dont  on  ne  vei  rail  ja- 
mais la  lin. 

«  Mais  ce  n'est  pas  seulcineiil  uu\  individus  ipie 
se  leslreint  le  norrdire  île  (eux  ipii  ont  leveiidiqué 
pour  l.i  \ierije  la  prérogative  dont  iimis  parlons,  il 
i'éiend  encore  aux  i  rdres  luiil  enliers;  le  savant 
auteur  fait  une  mention  (arlicullcic  de  i'ur.lri^  des 
cliartrcux,  des  Iranci-caius,  el  de  la  coinpagirie  de 
Jésus,  d'iiit  lis  ineinlires,  couitiie  nous  rallesle  le 
père  Georges,  ont  dé'endii  ce  rare  privilège  oc  Marie, 
sciitperei  uliiijve.  Par  mi  ce-i  dcriiir-i-,  il  eu  clioisil 
trois,  doiii  il  cite  les  paroles,  et  ipil  soni  éuineiii- 
irieiii  di:tiiiguéi  par  leurs  laleiils;  Siia:ez,  A-Lapide, 
l'élaii  ;  il  leur  joint  iiarradas  el  ISellaimin,  tpii  ne 
sonl  pas  uioirrs  célèlires.  El,  (pioique  ce  dernier  ne 
l'ait  pas  evpri-Sï'éuienl  eiiseigné  dans  ses  éciiis,  il 
déclara  néaiiniDins  (pi'il  delendait  le  privilège  de  la 
Vierge,  iion-seiilenienl  dans  ses  coeiniversi  s,  niaij 
eucoie,  d'après  le  lénioiguage  du  cardinal  blVondati, 
dans  l'asseinldée  de  liente-six  cardinaux  qui  se  linl 
à  ce  sujet  eu  présence  du  souverain  pont. le  l'aul  V. 
Il  détail  nalurellcnient  parler  desi  élébresthcoltrgieus 
liarnaliiles,  (|ui  ont  lait  cause  coininrme  a^ec  tui.s  It  s 
déleiisiuis  de  l'iinm.iCulée  conception.  De  ce  irnni- 
l»ie  sr  iKiuve  le  pirrs  sav;iul  (renlio  eux,  le  cardnr  d 
(icidil,  ipil,  par  le  grand  iioiiiliic  de  ses  éiits,  n'.l- 
luslra  pas  uioirrs  suit  ordre  ipie  le  sarié  collège,  le 
siège  :ipnstolique  el  riii^lisi;  eirlière.  Genlil,  dans 
les  obieivatiuiis  ci  Un  noies  ipi'il  a  ajuiilées  il  l'ouviage 
de  I  iiluire  cȏi|ue  d'Aie/zo,  A!gr  d'Alliergolli,  ou- 
vrage iiiiilidé  Lu  Mute  di'  la  Suimelé,  lait  connaître 
sa  m  11, ère  de  penser  et  déploie  le  zèle  ardeiil  ipii 
raiiiiii..U  pour  propiger  la  pieuse  ci nya.rce  rpri:  nous 
déiendoiis;  il  insiste  rncnie  pour  que  l'on  iii  èie  dans 
les  II  çuiis  (le  sailli  Maxime  le  passage  où  ce  niëiiie 
Pute  crrseigira.t  ,a  purclé  oi  ig'ire  le  de  M;irii!;  voici 
ce  passage  :  Eiimi\iie  idoiieiiiii  plune  (.tirisio  liiibtlucii- 
luin,  tion  pro  tiubilu  ctnyuru,,  scU  pro  (jiutiu  unijiiiati 
prwdiiiivil. 

I  ^olle  savant  dis-crialcur  pmirsuit  sa  niarclie  ; 
un  va.^le  cliaiiip  s'ouvre  detaiii  lui  :  ii  s'agrl  d'euu- 
nierei  les  uirivi  rsitès  les  plus  (  elélrres  dt;  Tf-urope, 
iirèiiie  du  iiioUiiu  c  llioli  aie,  ,;ui  ont  voirlii  s'aslrciii- 
dre  par  des  coiisliluirorrs  cl  ruèiiie  par  seiincnls  à 
deleihlre  uolieiause  sacrée  ;  d(!  citer  les  évé, pics, 
les  eaidinaux.  les  souverains  [i();i  iles  e'iXinè  ,ics  la- 
voiables  à  rnniuacuice  coneepiion;  de  pailer  des 
monarques,  eulia  de  tous   les  peuples  cailioiii^ucs 


cipline.  3°  Ce  qu'il  f.int  pour  qu'un  concile 
soit  censé  général,  et  combien  il  y  a  eu  de 

conciles 

répandus  sur  la  surface  du  ginhc  qui,  par  les  irans- 
porK  de  la  dévoiion  la  plus  alTeciueuse  et  la  plus 
tendre,  par  des  abstinences  rigoureuses  el  voliii- 
taires,  .se  iirépareni  à  célébrer  digneiiienl  la  fêle  de 
la  Vierge  iuinraciilée. 

<  Il  i,  le  savani  auteur  rapporte  tout  au  long  un 
docniiicnt  précieux  sur  le  lénioignaue  du  père  Geor- 
ges d'  ni  nous  avons  parlé  plus  liant,  boiuuie  d'une 
vaste  èriidilii  n.  Ce  docuuieul  prouve  i|in;,  S"Us  le 
puntilical  de  Glément  XII,  tandis  que  le  caiholiçisnie 
était  dans  un  état  florissant,  le  (  orps  épiscopal  pres- 
ipie  loiil  entier  lit  les  plus  grandes  instances  pour 
que  le  nièu.e  pontife  dèfinii  solennelleiiienl  la  vérité 
ce  noire  p  eirse  crovance,  de  sorle  que  persoirne  ne 
pùl  la  m 'lire  en  discussion  ni  avoir  un  sentiment 
ciiiilraire.  Les  origirraux  pleins  d'iirtéièt  qui  renler- 
iiient  le  vœu  de  ces  prélats,  des  académies  el  des 
su  eis  de  ce  royaume,  origin,iux  retrouvés  en  1801, 
lurent  présentés  à  riininorlel  Pie  VII,  rpii  les  leçui 
avec  la  plus  grande  joie,  coniine  le  prouve  d.iire- 
uieiil  la  lelire  adressée  par  le  niémecar.liual  au  père 
(jCorges,  du  consenteiiieiit  de  ce  pontile. 

(  Ici  I  (lire  auguste  dissertali'ur,  p  un  donner  plus 
de  poids  à  eele  masse  de  lèiuoigrrage<  hislori(pies, 
lc>  aec(rmp.igrie  des  léflexions  les  plus  judicieuses  : 
il  pieud  pour  guide  saint  Augu^liu,  i|ui,  dans  sa  cent 
(pijiante-lr  i-iéiiie  lettre,  adressée  au  comte  Mar- 
(ellirr,  cl  dans  sa  cent  soixanie-i|uaIrièuie,  adressée 
à  résèque  Elvodius,  établit  claircnieol  ipie  Tou  doit 
regarder  coiiiuie  vraicei|iii  a  l'assenliuieul  cniuinun 
des  fidèles,  quand  uK'iue  l'Ecriture  garderait  sur  ce 
point  un  prolond  silence. 

«  Le  V.  l'élan  développe  longuement  el  démonire 
Il  justesse  de  celle  pioposiiion  par  quelques  exem- 
ples que  lui  louruii  le  s.iiiit  évéque  d'Iiipiione  , 
exemples  dont  il  se  serl  pour  piouver(|ue  Uieii  se 
plaît,  par  des  rèvèlalioiissecréles,  ou,  si  l'on  veut, 
p:ir  des  iiispiratiuns,  à  lépandre  une  cuiiiialssaiice 
plus  distincte  de  ipiciques  vérités  qui  lestaient  en- 
veloppées nui  aravanl  d'une  certaine  obscuriié.  Les 
Giccs  (uil  couiuiiie  d'appeler  celte  connaissance  plus 
«laiie  Tz'Xtp'jrf'ipiuv,  elles  Lalitis,  firme  persuasion,  "it 
coiuiclou,  rpii  coirsisie  à  i  roue  lermemeiil  ciiiiiine 
VI ai  ((iielipie  chose  (|ui  n'est  pas  encore  devenu  un 
dogme  (atliolrpie  {l>e  Incnninl.,  lili.  xiv.  c.  7,,  §  10 
el  11).  Or  ce  cinseiileuieiil  si  unanime,  si  iinposanl 
des  lidèles,  loiieliam  le  privilège  de  la  \icige,  (pi'ils 
regardent  exeniplo  de  la  moindre  souillme,  où  peut- 
il  ,;voir  sa  Miiiice,  si  ce  ll■c^l  dans  l'e-piit  de  Dieu, 
tpii  cela  re  el  dirige  ri';glisecailioliipie  '  Aussi  noire 
i  liisirc  caïuinal  a\onc,  avec  auiaol  de  candeur  ipie 
de  pislesse,  ,|ue,  pour  ce  qui  1(^  regarde,  il  a  èié 
porté  à  adop;er  celle  pieuse  croyance,  principale- 
inenl  à  I  anse  de  ce  conseiiieinent  iinaniiiie  des  lidé- 
It  s,  conobirré  par  rassentimenl  des  papcs  ei  du  con- 
cile de  I  renie. 

<  Krr  irllei,  celui  qui  aura  présente  à  son  esprit  la 
série  des  picuves  ipie  nous  ne  laiMUis  (pretlleiiier,  et 
qui  soin  SI  l.iigeiiieiil  exposées  dans  l'ouvrage  que 
1  nus  iiiialysoiis ,  concuira  sairs  perne  ipie  la  pieuse 
opinion  du  riininaculèe  conception  de  .M.irie  esl,  |  our 
me  SI  rvii  (l'une  ligiiic  connue,  coiii:oe  uu  iejei(M> 
faillie  dans  son  oilgiiie  1 1  se-  coiiiuieii  eincuis,  mais 
(pii,  se  développaiil  siroc'-si  emeiii ,  sors  la  sa,u- 
laire  iiilliieoce  lie  la  trailiiiorr  el  des  l'è  es,  pousse, 
grandit,  devient  un  ait>re  majestueux  ipd  chiiv  e 
tout  runivcrs  c,.tliiiliipie  de  son  verdoy.mi   leudl.ige, 

de   S' rie  (pr.' ,    d'un    bout  du    iule  a    rautre,  des 

booches  hueles  leiCicul  le  lilre  glorieux  île  Nierge 
toute  pure,  lonli;  s.iinte  ei  ii  mai  ulee.  M  d'un  ,  une 
lOlè,  ne  sciiibic-l  il  pas  ipie  D.cu  lui-rnème  se  pl.iise 
à  ciiiiliruier  de  plus  eu  plus  ceUp  couMClion  géné- 
rale î  ^'esl-ce  pas  là  ce  que  prouvent  les  nombreux 


99- 


CON 


CON 


994 


prodistes,  cfs  prodises  insignos,  opérée  p;ir  l'iiilei- 
cessiuii  de  la  Vieige  invo(iiice  sons  ce  liin^'  N'en 
Iroiivons-nous  pas  lies  [ireiivi's  écbianies  d:iiis  celle 
vision  élonnaiile  d;iiis  lai|iielle  la  More  di-  (lieu  dai- 
gna a[i|iaraîlre.  il  y  a  ipic  (|(ii''i  annoos,  à  une  linnilde 
iillc  de  Fiance  ?  Dans  la  niédaille  inir.icuii'nse  •  ù  >e 
tronves'''^éi!  l'elii^ie  de  h  Vic'i;e  inimacidce;  dans 
son  éloniiaile  el  rapide  iiiupai^aliiMi  ;  dans  es  iiuni- 
bieuses  ei  éclaianies  conviTsinns  (pielle  i)]iè!i'  dans 
tous  li'S  rangs  de  la  siicété  V  Oans  celle,  e  ilre  antres, 
dont  iiDiis  lûmes  naguère  iiinis-iiièincs  les  léinoins  à 
Rome,  i|ui  k  en  avec  raison  tant  de  leientissemenl, 
clqn:  a  exclié  une  admiraiinii  géiérale  ;  dans  la 
convcrs  on  du  jeune  israél  le  de  Sliaslmurg  ?  Ci'. 
jeune  lionnne,  c'est  Alplionsi;  KalislKuine,  ijùi,  do 
cruel  cunenii  du  nnin  cliréiien  ijuil  était,  est  devenu 
un  l'iTveiu  caihiiliipie,  parci;  qin-,  ce  lanl  aux  ins- 
tances d'un  ami,  il  a  consenti  à  |ioi  1er  >ur  lui  celle 
médaille,  cl  a  invuipie  la  saint''  Viei^e,  i|ii<iiqiie  ce 
fût  à  oiniire-cœiir.  Kl  le  vicaire  de  Jésiis-Clirlsl,  l'im- 
inorlel  (îrégoire  XVI,  ii'..ji)nta-l-il  pas  un  nuuveau 
prix  à  Imites  CCS  laveurs  iln  ciel,  si  piopres  à  coii- 
liriner  la  cerlilnde  Cl  l'ulililé  du  >idle  de  la  Vierge, 
conçue  sans  soiidluie,  eu  ;iccoidaiit,  on  vertu  d'un 
indull,  pir  l'organe  île  la  congre;;aiicii  îles  ItiCes.  à 
loules  les  Kglises  de  Fiance,  ii'Ainci  lc|ne,  d'Angle- 
terre, d'Allemagne  et  d'I.alie,  rpii  la  deiiianiléieiii, 
la  iierniission  d'ajouter  da  .s  la  préface  du  8  déc  ni- 
bre,  comme  le  l'ait  l'onlre  de  Sainl-François,  ces  pa- 
roles :  Et  le  m  imniauiitiiUi  coiiceptionc. 

€  Tous  ces  lai'-,  cmivenalile ntéilaiiés  par  l'il- 

luslie  caniinal,  IdhI  naiire  dau.>  l'esprii  du  Iccleur  la 
convicliiin  la  plussoiiite  et  la  ilév  lion  la  (dus  tendre; 
en  sorie  qu'aucun  cœur  vi  ainieiil  i  ailio  Injiie  ne  peui, 
à  mon  avis,  s'cmiécliei  de  paiiagerle^  voeux  ndeils 
doni  il  couronne  son  (l'iivie.  Iriui  dHiiu  picié  éclai- 
lée  ei  d'uce  science  prulonde.  Mais  ciioiis  ses  pio- 
pres  paioles,  car  nous  ne  poiivoi.s  leur  eu  substilm'r 
de  plus  cnlrainanies,  ni  de  jilus  énergi  ;ues  :  i  iNous 
n'avons  pis  lie>oin,  liit-il,  d'exprimer  quels  S'Uit  les 
vœux  ardeuis  qui  s'éclia|i|iem  de  noire  cœui .  Oui, 
si  le  ^aint-siegc,  toujours  gniiié  par  les  lumières  du 
Saiiil-bspiit,  jugeait  à  inopns  (le  iléliiiir  le  p mit  bi 
iinpiirtani  de  l'iininaculée  Liincepl>on  de  M.iiie,  al>  rs 
nous  lenneiions  plus  vniimiiers  uns  )in\  à  la  lii- 
niiére,  nous  sorlinons  e.i  p.nx  de  ce  nOiule;  el  nous 
avons  la  Jcrine  conliance  (|ue  cet  acte  serut  le  signe 
avani-courenr  des  glaces  saii<  iinmlire,  des  miséri- 
cordes inliiiies,  des  douces  béiiédiciions,  qu  ,  à  la 
prière  de  Marie,  plenv  raient  al)'>udaniii>eni  s  r  Kome, 
sur  i'Eglise  entière,  qui  la  regarde  coiniiie  sim  avo- 
cate ei  ia  proieclrice  -péciaie.   t 

I  Je  n'ai  lail  (in'élianclier  le  inagnillque  lahleaii 
tracé  de  inaiii  de  maiire  par  mure  illustre  anioiir  ; 
mais  niainleiiant  revenaiii  >>iir  mes  pas,  sans  m'écir- 
ler  néaiio.oin>  de  se~  iraces,  il  me  resie  à  prouver 
ce  que  j'ai  avancé  eu  coniinençani  celle  analyse,  .sa- 
voir :  que  dans  sa  ilissertaiion  piiléiulqne.  il  a  pré- 
venu et  lésolu  les  olijeciiirns  i{ue  lail  valoir  le  Ion. 
daieur  d'une  nouvelle  école  alleniaiide  pour  alléniier 
el  oliscurcir  la  veillé  lie  noire  pieuse  croymce.  Le 
lecteur  réiléclii,  déjà  un  peu  provenu,  devine  ma 
pensée;  il  coinpieodra  que  je  venxpariei-  d'ilerincs 
el  lie  sou  école.  Ui  ,  quoique  lleriiiè->  ii'aii  pas  la 
li.iidiesse  d'atlai|uei  ouverirmeni  le  sentimeiil  com- 
mun, Cir  il  aurait  trop  lieurie  de  iront  le  cuiic  le  de 
Treille  et  les  consiilii'iiins  pounlic  lies,  il  ne  lai-,se 
pas  loulelbis,  quoique  sourdeuieut,  de  niauilester  sa 
tnanière  de  penser  sur  le  sujet  qui  nous  occupe,  tt 
couiinc  en  général,  dans  son  enseigiiemeiil  ilié  >l  >- 
giqiie,  il  ne  s'appuie  que  sur  la  laisini  imliviilnede, 
et  qu'il  iiie|.rise  r.iuiioité  des  ilieologions,  Il  ni.ini- 
feste  clairement  sur  ce  point  son  indiculuulisiiie  ru- 
lionȣ/,  que  je  ne  puis  aulreinenl  quaiilier.  .Vlais  il 
laut  aupaiavaiit  I  ilre  c  nu  dire  ce  qu'on  lit  eu  par- 
ticulier >ur  ce  sUjCl  duns  s.i  llugmallqne  :  i  La 
èaiiile  Eglise  enseigne  donc,  d'après  lui ,  1°  que  tous 


les  liommesont  éié,  indépendamment  de  toute  ac- 
tion qui  leur  soit  propre,  infectes  du  péclié  ilaiiS 
Adam,  el  cela,  parce  que  celui-ci  transgressa  le  com- 
in.iiiileuieiit  qui  lui- fut  donné  de  Dieu,  et  qo'ainsi  il 
pocha  ;  -r  i|ue  ceux  ci,  à  cause  de  leur  origine  de  ce 
pieinier  lioiiime,  Adam,  parce  péidié.  deviennent 
cijnime  lui  coupahl  s.  Ob),eri!(itioii.  Il  y  a  donc  un 
pé' hé  originel  dans  le  sens  propre  de  ce  mol.  ou,  si 
l'on  vent,  une  qualité'  ou  disiiosilion  cmipable  dans 
tous  les  descend.int-  naturels  d'Adam  ?  Duns  Seul, 
le  premier,  et  après  lui  quelques  théologiens  ont 
eh  relié  à  démoiiiior  que  1 1  seule  Vierge  M  irie  , 
comme  Mère  du  ^anveur,  a  é  é  conçue  et  née  sans 
ce  pé  hé.  doiiiKint  ce  te  raison  :  parce  que  cela  él.iil 
tri's-coiit'eiKib'e.  Or  nous  ne  Savons  pas  pré  isément 
ce  '|iii  est  couvenahlo  aii.x  yeux  de  Dieu  ;  mais  i  uis- 
qiie  le  coacile  de  Tro  te,  dans  le  cinquième  chapitre 
(le  la  cinquième  s.'ss  on  de  Peccnto  oriij.,  veut  ex- 
pre-sémeiil  que  l'on  g.irde  là-dessus  le  silence,  et 
qu'il  renvoie  cil. icnu  à  1 1  constitution  de  Sixle  IV 
qui  est  rel;iiive  à  (;etic  iinestion,  aiienri  parue  dier  ne 
doit  prendre  sur  ce  -ujel  une  décision  quelconque 
(a).  Il  m:  lau:  pas  reg.irder  ((mime  une  décision  de 
rKg'iSi?  l'iiilroJuclion  de  la  fête  de  l'iininaculée  Coii- 
ceptioii  (Ur  Marie,  l'aile  par  le  souverain  p  uitil'e,  sans 
ojiposilion  aucune  de  l.i  part  des  autres  évèqiles  ;  car 
dans  le  sens  (^jf/io/ii/Hr  (1  iiiué  au  mol  véuératiiui  des 
saint-,  ce  West  pus  le  litre,  (piel  ipi'il  soit,  de  la  l'été, 
mais  les  vertus  ijn  saiiil  (pu  soûl  l'ohjel  (le  la  véné- 
ration :  c'est  pourquiM  le  titre  d'une  telle  fèie,  dans 
son  liilroduciion,  est  quelque  chose  d'accidentel,  qui 
ne  se  prend  incnie  pas  du  tout  en  considération. 
D'ailleiiis,  (Omiiientla  conception  sans  pecoé,  ainsi 
que  la  naissance  de  Marie,  ieriiieul-elUs  l'objet  de 
notre  vénérât  un?  y'iaiid  l'Iiglise  de  Lym  loininença 
la  première  en  France,  .le  sa  propre  aiitniité,  à  célé- 
brer la  léie  de  rimmacniée  Conceplioii  de  Marie, 
parce  lue,  comme  elle  le  piétendaii,  la  Vierge  avjit 
déclaré  dans  une  lettre  tombée  du  ciel,  que  cette 
(èle  lui  serait  agréable,  sainl  Bernard  cciivil  à  ce 
siijei  a  l'EglLse  île  Lyon,  c'est-à-dire  anx  eliauoines 
de  Lyon  ad  cnnnnicus  luqdune,:ses,  pour  s'opposer  à 
leur  conduite  el  la  ilesa|iprouveréneigii|uenient.  Celle 
leilrc  lépand  tant  de  lumière  sur  celle  qie>t  ou  el 
même  sur  la  première  oiiguede  cette  (pieslioii  agi- 
tée puis  ta  d,  qu'elle  mente  d'eire  lue  en  eiilier 
tiès-aiieui.ivemenl.  »  Ici  liiiii  la  cilalion  d'Hermès. 

t  D'abord,  le»  écl.iireissenirnts  que  donne  l'illus- 
Ire  cardinal,  sa  manière  d'expo>er  scrupuleuse. iieiit 
les  chose»,  prouvent  qo'il  y  a  plusieurs  eireiirs  liis- 
lonques  et  de  assertion»  tiés-bardies  dans  i  es  ipieJ- 
que»  lignes  d  Hernies.  (1  lui  ci  assine  que  Diin»  Scot 
est  le  premier  qui  ail  pai  le  de  rimmacn  ée  cu..ce;dlon 
de  la  Vi'Tge,  comme  si  ce  ta  e  i  iivilege  de  Marie 
n'avilit  pis  Ole  pins  ou  mous  explicileiueot  insinué, 
signalé  ou  défendu  par  les  l'èies  ei  les  doelenrs  de 
rUglise.  Il  cite  ensuit'- (/'«H'res  iliéo  ogcns  q  u  iiiar- 
cliei  eut  sur  les  traces  de  Scot,  comme  s'iis  élaeat 
en  petit  noiiilue  et  de  peu  de  coiisidéiaiiou,  tandis 
qu'il  devait  dire  ;  L  i  loiil  ■  des  thé  Ingieii»  les  plus 
distingués  elles  plus  cé.ebres.  11  dit  ^iie  le  concile  de 
Trente  u  voulu  que  Ion  yunlàt  le  silence  sur  la  ques- 
tion qui  nous  occupe ,  tandis  q-ie  le  concile  de 
Tieiile,  au  coiiira.re,  iléciaie  qu'il  n'a  pas  1  inlen- 
li' Il  de  coinpreiidie  dans  .son  décret  sur  le  péché 
originel  la  bienlieureuse  el  immacilée  Vierge  Marie, 
cl  iurd  ordonne  d'obs  -rver  ngoureusemeut ,  non  pas 
seu  cment  la  conNtiiution,  mais  bien  les  conslitulions 
de  S  Mo  IV,  sous  peine  d'.  ncourlr  les  censures 
qu'elles  coniieunent  et  qu'il  renouvelle.  Vo  ci  les 
i-xpie  nions  (le  l  .lugiisle  as.soiiiuiée  :  Déclarât  lamen 
luvc  ij)  a  s(iiii  ta  sym-dus  non  esse  suœ  intenliunis  com- 
preliende-e  m  liuc  décréta  ubi  -de  peccnto  oiiginali 
(ii/i(ur  Ceatam  el  immaculatuni  Virginem  ilariam,  Uei 

(a)  Il  ne  peut  ^tre  ici  queslioa  de  iNolre-Seigncnr 
.lésus  t;ui-ist,  pui.siiu'il  (sst  déiiionlré  qu'il  n'est  p:is  descen- 
dant uauirel  u'Ailaui.  {So'e  du  traducleitr .) 


99o 


CON 


CON 


9D6 


Cenitrkein;  serf  observnndas  cnnsliliiliones  fclicis  re- 
coTdaiionis  Sixti  papœ  IV.  siib  pœiiis  i'i^eis  coiislilu- 
tionibiis  conlenlis  qitns  innovut.  Or  ,  Sixte  prmiiiil- 
giia  deux  cmiNliliiilnis,  lu  premier.'  en  117 1) ,  par 
i"a(|iiellHi  il  accorde  à  ceux  qui  niiroiii  as-is  e  a  la 
messe  et  célébré  l'olli'f  !■•  j'""-  '*«  I-'  1^""lx'1'1'0";  ''■? 
mêmes  indiilgeiices  qnUrhnii  IV  avait  ai-rorilcis  a 
ceux  qui  a^isieraie.il  à  l.i  lêle  du  corps  et  du  sang 
de  Jésus-Clirisi.  SiMo  fit  paraître  l'autre  ciiiisiiiu- 
linii  en  1485;  il  y 'léfeutl.sous  peine  dVxcouimiiiii- 
catidu  il'atia  luer  connue  erroné  on  liérétique  l'un 
des  deux  seniinienis  coiilrair.'S.  Que  iliie  ensuile 
de  la  leiire  qu'on  prélendait  tombée  du  ciel?  Dans 
rKpîire  de  saini  liernard  on  lit  seiileiiieiit  ces  pa- 
roles :  sed  profertur  scriiHuni  siipernœ  (ni  a  uni]  rêve- 
laliotiis.  Or  il  peut  se  faire  que  le  Saint  fil  allu-inn 
non  pas  à  wif  tetlre  lombée  du  ciel,  inais  à  un  écrit 
coiilfuant  quelque  révélaiion,  (omiiie  l'uliserve  Ma- 
billoii,  qui  préiend  qu'il  a  existé  un  écrit  de  ce 
ginre,  aiuibné  à  un  ;'bl  é  anglais  appelé  Elsin.  Lu 
effet  parmi  les  œuvres  douieiises  ou  apoi  ryplies  qui 
se  trouvent  dans  rappendice  des  ceuvres  de  saint 
Ans.-lme  (éiliiioiub;  baint-Manr),  ily  a  deux  opjis- 
cnles  de  toucepiione  II.  Muriœ  où  rmi  lanmle  qu'un 
piMxinnage  maje-lueux  ap^iarut  à  l'ablié  tlsm  et  lui 
enjoignit  de  célébrer  la  lele  de  la  Conception  s'il 
■voulait  écbappei  à  un  danger  imiuineul  de  faire 
naufrage.  Il  n'isl  donc  pas  question  de  lettre  tombée 
du  ciel.  Mais  ceci  soU  dit  >eulenienl  e  i  passant  pour 
rectifier  b  s  laits  et  laire  disparaîue  le  ridicule 
qu'Hernies  voulait  jeter  sur  notre  op  nioii. 

t  Arrivons  au  loml  de  la  qm-siioii.  Hermès  af- 
firme que  Scot  et  iTaiities  Ibéologiens  ont  chercUé  à 
démontrer  qu'elle  (Marie),  comme  Mèie  du  Sauveur,  a 
été  conçue  ei  qu'elle  est  née  sans  ce  péché  p  ir  cette  rai- 
son :  parce  que  cela  aurait  été  convenable.  Or  nous 
coinraencerons  pat  l'aire  observer  qu'il  ne  parle  pas 
seulement  de  l'exempiion  delà  lucbc  originelle d.ms la 
conceplioii  de  la  Vierj;e,  mais  e  core  de  rexcmpiioii 
de  ce  même  pécbé  dans  sa  naissance,  ce  (|m'  |)rou- 
vent  évideramenl  Us  paroles  par  lescim-llfs  il  jo  lit 
ensemble  la  fêle  de  la  Concept imi  el  celle  de  la  iNa- 
ti\ilé  de  Marie  que  i'Kglise  célétire  soleiniellinicnt. 
Et,  dans  celte  manière  de  procéder,  Hermès  ne  se- 
rait point  blâmable  à  nos  yeux,  puisque,  pnur  qui 
veut  siiMiiser,  la  raison  ellc-mêiiie  de  cunvenaiice 
qu'on  lait  valoir  pour  riiimiunué,  est  celle  cpii  milite 
en  faveur  de  l'exemption  du  pécbé  d'origine  apréi  la 
CDiiccpiioii  et  avant  la  naissance.  L'LgIisc  ii'u  rien 
décidé  sur  ce  piiiit;  l'Ecriture  n'en  p.iile  pas,  el 
même,  si  nous  voulions  prendre  dans  l'accepiioii  ri- 
goureuse des  mots  les  textes  sacrés  où  il  est  question 
de  la  transmission  du  pécbé  oiigimd,  imus  seriops 
forcés  de  convenir  qu'ils  legardeiii  la  conception  et 
la  naissance  de  tous  les  eulanis  ou  descendants  na- 
turels d'Adam.  Il  est  reconnu  que  les  l'éres  parlent 
iiidislincteinent  de  la  conception  et  de  la  naissance 
de  Marie;  la  célébration  de  la  léiejle  sa  naissance 
ne  subit  pas,  d'après  Hermès,  pour  pi^ouver  la  sancti- 
ficailon  de  la  Vierge,  de  sorte  qu'on  puisse  dire 
qu'elle  est  née  sainte.  Dmic  ce  n'esi  pas  sans  raison 
qu'il  parle  de  la  iiiêiiie  manière  de  1 1  conccpiioa  et 
de  la  nativité  de  la  .Mèie  du  Sauveur.  El  certes  il 
n'est  aurnii  catiioli(|ue  ipii  ait  le  moindre  doute  sur 
la  saiiilelé  de  la  Vierge  au  moment  de  sa  naissance  , 
c'est  ce  que  l'Ivglise  regarde  comme  une  ciiose  cer- 
taine. Le  seniiinenl  des  li<léles  et  des  pasteurs  csl 
unanime  sur  ce  point,  en  sorte  que  si  queli|n'(in  était 
assez  hardi  pour  rcluser  ce  privilège  à  M  irie,  il  ne 
serait  pas  seulement  téménlrc,  mais  il  serait  irès- 
cuiiilainnable.  Donc,  si  la  convenance,  et  la  conve- 
nance seule,  fonde  eiitii'rcment,  pour  nie  servir  d'une 
expression  familière  à  Hermès,  une  preuve  solide  de 
la  saïKiificaiioii  de  Marif  dans  le  scinde  sa  inèru , 
pourquoi  ne  pourrait  elle  pas  la  ronder  pour  ce  qui 
regarde  rexemption  du  pédié?  La  raibon  est  identi- 
que :  la  Vierge  a  été  Banctiliée  avant  sa  ual»saiice  , 


parce  que  cela  était  irès-cnnvenabte  à  cause  de  sa  di- 
gnité de  Mère  du  Sauveur;  l'un  n'est  pas  plus  oil'li- 
cile  à  l»ieu  que  l'.iuire.  Q^e  si  an  Contran  e  ceile 
convenance  ne  funde  pas  une  raison  sidide  j  oiir 
exem|.ler  Alaiie  du  peci.é  "ri  in  I,  luécséiiient  p.ice 
que  nous  ne  savnns  pas  an  jn>te  ce  q  i  est  i muein- 
ble  aux  yeux  de  Dieu,  l'Ile  ne  la  (undera  pas  non 
plus  piMir  la  sanciilier  ilans  le  sein  ma  e>  nel.  Et 
voilà  le  Veiiin  racté  dans  la  do  l  me  lii'riiié~ie  ne 
toiicliant  Marie,  venin  qui  l'inlec  e  pa>  iiioin.s  .-a 
C'il  ;;cp;ioii  que.  sa  naissance;  ce  tpii  s'appelle,  dans 
le  seiiN  catholique,  sortir  des  lll'rlle^. 

I  .Mais  II  e  t  cer.ain  que  la  convena'  Ce  n'est  pas 
la  seule,  ni  la  principale  r>ii~oii,  coinine  e  voiidr.iil 
Hermès,  qui  sert  de  finlenieut  à  iMire  pien.-e 
croyance.  Avec  notre  illu>lie  piél.it,  nous  l.i  vo\ons 
reposer  sur  le^  ba>es  l^-s  plu.->  solides  :  sur  rEcriiure 
inieriuéiée  dans  ce  sens  Intéral  el  da  :S  le  sens  spi- 
riiiiei  cniiloriiK;  à  l'ai  pllcaiiuii  <|u'ei(  f,iit  l'Eglire 
dans  les  fêtes  qii'el.e  ce  èbre  pour  tioiiorer  les  gloi- 
res de  la  Vierge.  -Nous  la  voyons  reposer  sur  la  doc- 
trine ccimmnne  des  l'ére^elde»  doeieurs,  el  ^ullollt 
sur  le  londeinenl  inébranlable  de  l'asseniimeiil  des 
fidèles,  justifié  el  approuvé  par  l'Kglse,  par  la  léle- 
Lrailoii  solennelle  de  la  lêie  de  la  Conccpiioii  oe  la 
liieiilieurense  Vierge;  car  si  on  enlève  à  Maiie 
riiisij.ne  privilège  dont  nous  parlons,  celte  lele, 
comme  je  le  déiuonlreiai  plus  lungueiiieiit,  scr.il 
sans  objet, 

«  Je  passe  à  l'auire  proposition  d'Hermès 

t  Ce  n'est  pis  une  déi  ision  de  l'Eglise,  dit-il,  qac 
rinlrednctlon  de  la  léte  de  l'iiniiiaculée  Concepliua 
de  .Marie,  laite  par  le  souverain  poiiiile,  sans  avoir 
reçu  .lucune  opposition  de  la  prt  des  évèqnes.  Car, 
dans  le  sens  catboli  pie  dnniié  au  mot  vciiéiaiiun  des 
saints,  ce  n'est  pis  le  tittc,  quel  qu'il  soil,  île  la 
fête,  mais  les  vertus  du  saint  i|ui  smit  l'objet 
de  la  vénération.  C'est  piiuii|uoi  le  liire  d'une  telle 
Icte,  dans  riiiliodiictiun  de  la  lète,  c«(  ./ii«/i;ut:  c/iose 
d'accidenlel,  qui  ne  se  prend  n.ème  pas  en  considé- 
ration, b'ailleius  Cdinment  la  conception  sans  péché, 
ainsi  que  la  naissance  de  iîarie  ieiaieiil-eiles  l'ofjet  de 
nuire  vénéraliun?  i 

«  Lt  voici  encore  de  nouveaux  ^rave^tissellleuls 
des  laits  bisloriqnes.  .Mais  parle-ton  avec  exiictiiude 
en  disant  qu'un  souverain  pontife  a  introduit  propre- 
ment la  léte  de  Vimmuculée  Conception  ?  [Sous  de- 
vrions, par  amour  pnur  la  vérité,  répondre  queiinii, 
et  dire  seulcmenl  ipie  Clément  \H  a  ordonne  de  lé- 
lébierdaiis  toute  l'Eglise,  comnie  de  précepu,  l.i 
fête  de  la  Conception  de  la  Vierge  immaculée.  On 
a  tiré  ensuite  cette  conclusion  Ibculogique ,  non 
pas  du  simple  titre ,  comme  le  suppose  l'écri- 
vain bardt  que  nous  conibatt ms ,  mais  de  la 
célébration  de  celte  lêle,  que  la  conception  nième 
de  Marie  avait  été  inuuaciilée.  A  enlciidie  Hernies,  il 
semble  en  outre  que  les  é\êqnes  n'uni  lait  autre 
clio^e  que  de  ne  pas  s'opposer  au  snuverain  puntiie 
(|ui  inuoduisait  la  susdite  fête.  Mais  pourquoi  ne  pas 
dire  ipic  les  évcqiies  de  presque  tous  les  poiiils  du 
iiiuiide  clirétien  ,  cumnic  le  prouve  clairement  nolte 
illustre  auteur,  se  iiinnirèrcnl  pleins  de  solliciiiide 
pour  délendre  le  privilège  de  Marie,  cl  qu'ils  liieni 
à  Ce  snjei  les  plus  vives  instances  auprès  du  siégo 
apiistoii  |ue,  laisani  coiinaitre  par  là  ipiels  étaient  les 
seniiiiieiih  et  le^  vumix  de  leurs  troupeaux  1 

(  Mais  allons  au  fond  de  l.i  proposition  d'Ilor- 
iiiès.  l'eiii-oii  regarder  cooiiiic  vrai  ce  qu'il  iit  cesse 
de  répéter  avec  empbase,  savoir  que  le  titre  d'une 
fête  dans  l'inlroductton  de  la  léie  est  quelque  chose 
d'accidentel  qu'on  ne  prend  même  jamuis  eu  constilé- 
ration?  Donc,  d'aprcs  le  loiuialeur  de  celte  iion\clli! 
école  llié  doi^ique,  Inrs  pie  l'Eglise  iiilioduil  el  cèle- 
b|e  II  l'cie  des  piinci|iaux  mystères  du  Kédemctcur, 
elle  n'a  pa?  eu,  cl  elle  n'a  pas  égard,  en  assignant 
ou  en  conservanl  le  litre  de  la  léte  ,  à  tel  ou  tel 
mystère  eu  pm'l><^ttlier   qu'elle   a   voulu  et  qu'elle 


997 


CON 


Teiit  expressemenl  rappeler  et  célébrer  sons  tel  on 
tel  litre?  Ce  sera  donc  l:i  inêiiie  eliose  de  ((■Iclirerla 
léle  de  Noël  ou  célébrer  relie  de  la  Trausliguralidii, 
de  la  Kesiiireition,  de  l'Asceiisioii,  ainsi  de  suiti^  ? 
Donc  le  litre  par  ticnlier  de  la  tête  iiéces^aireiiicnl  ne 
dira  rien  aux  fidèles  de  l'esprit  et  de  l'inieniidii  de 
l'Eglise  d:ins  la  célébration  de  toutes  li>$  solennités 
particulières?  Qui  ne  voit  la  fausselé  de  cis  asser- 
tions étranges,  qui  siinl  les  consé  piences  rignurcuses 
d'une  telle  proposition?  Donc  l'objet  proprt'  du  culte 
que  l'on  rend  aux  saints,  ce  sont  les  vertus  du 
saint,  ou,  ponr  mieux  dire,  le  saint  lui-même  illustré 
par  ces  venus,  c'est- à- dire  non  pas  ['nb&lrait  , 
cutnine  senibleraii  l'insinuer  Hermès,  in:iis  le  con- 
cret. L'objet  de  ce  même  culte  est  encore  Di.'u  lui- 
même  attinirable  dans  ses  saints,  sur  lesquels  il  a 
daigne  verser  l'abondance  de  ses  dons  les  plus  pré- 
cieux. Mais  néanmoins  le  titre  qui  divise  le  cube  en 
diver-es  fêtes  ne  devra-t-il  piis  faire  partie  de  ce 
même  culte  en  ce  sens  que  lel  titre  représenic  telles 
vertus,  telles  actions  des  saints,  par  lesquelles  Dieu 
a  nianil'csié  sa  gloire,  ou  tel  événement  ou  pieux 
souvenir  que  l'tiilise  propose  à  lu  vénération  des 
lidèb's?  11.  faut  dire  la  mèitie  cliiise,  des  solennités 
que  rEgli>e  a  introduites  en  l'bonneur  de  la  Vieige. 
Certainement  quand  elle  célèbre  la  conception  cm  la 
liaii\ilé,  elle  n'a  pas  l'inienti'in  de  célébier  sim  An- 
iionciaiKin  on  son  Assojiiption,  un  ne  peut  pas  dire 
que  ces  divers  titres  soil  purement  accidentels  , 
puisqu'ils  sont  donnés  pour  rendie  piésenl  à  l*esrrit 
et  au  cœur  des  (idèles,  l'objet  de  la  lêle  et  de  la 
dévotion  particulière  que  l'on  doit  avoir  pour  Marie, 
selon  l'esprit  de  l'Eglise,  dans  sa  couce|>tiun,  dans 
la  nalivilé,  et  :iinsi  ilu  reste. 

«  Mais  ici  Hermès  ncnis  adresse  celle  grave  ques- 
tion .  Coiiimeni  la  conception  sans  péché  ou  lu  nais- 
sance de  Marie,  etc.,  seraient-elles  l'objet  de  noire  vé- 
nération? Ceilainement  si  on  prend  ces  mois  dans  le 
sens  abstrait,  comme  il  le  voudrait,  la  conception, 
non  plus  que  la  naissance  de  la  Vierge,  ne  saurait 
être  l'cljet  de  notre  vénération,  comme  ne  poni- 
raienl  l'éire  également  la  nai-sance  ou  la  résurrec- 
tion du  Sauveur,  ou  la  descenic  du  Saint-Esprit  sur 
les  apôtro,  ou  tout  antre  mystère.  MaiS  est-ce  ainsi 
qu'il  faut  eiiieiulie  iigoureu>em»'nt  ces  expressions 
seliin  l'esprit  (le  la  sainte  Eglise?  Non;  iionnons- 
lenr  leur  vériialde  sens,  celui  que  l'Eglise  a  l'inlen- 
lion  qu'on  leur  donne,  c'est-à-dire  le  skim  concret  : 
niors  l'une  comme  l'autre  pourront  être  l'objet  de 
iiotie  vénér.ilion,  comme  le  sont  la  naissance  et  la 
ré>urreciion  du  Sauveur.  C'est  pouniuoi  la  bienlieu- 
reiise  Vieige  est  lonjuurs  lobjel  de  noire  cnlie,  soit 
paicc  que  la  concC|iiion,  comme  le  pense  Uellar- 
niin,  réveille  le  souvenir  de  la  joie  inellable  que  la 
conception  de  la  .Mèiede  Dieu  a  causée  nu  innude 
(Conirov.t.  il,  lib.ui,  c.  \(i),  soil  parce  que,  comme 
le  remarque  avec  (dus  de  vérité  Snaieî,  pour  des 
raisons  que  le  savant  pape  Uenoit  XIV  n  garde 
comme  très-graves,  parce  que  l'Eglise  a  l'inteniiou 
de  célébrer  le  piivilégc  siiécial  d.-  rexempiinn  de  la 
laclie  originelle  dont  Dieu  a  voulu  lavori-er  Marie (/« 
unrMii  S.  Tliontœ,  t.  Il,  quwst.  "il, art.  il).  On  peut  dire 
la  même  cliose  de  sa  naissance  dont  l'Eglise  célèbre  la 
fête.  El  en  vérité,  que  le  tiire,  ainsi  quelacélèbraiioii 
de  la  lé'.e  de  la  Conception,  linirnissent  un  pnlssanl 
motif  pour  en  déduire  l'exemption  de  la  tache  i>rigi. 
nelle  dans  Marie,c'est  là  laconséiinence  nalnielledes 
paroles  de  saint  Bernard  bii-même,  dont  Hermès  li- 
nit  par  nous  engager  à  lire  la  lettre,  comme  rép.m- 
danl  sur  la  question  même,  dès  sou  origine,  la  plus 
grau. le  lumière.  Docde  à  son  conseil,  je  l'ai  lue  avec 
atleiuiiui  et  me  suis  arrêté,  en  la  lisani,  à  deux  |ias- 
sngcs  qui  in'onl  p.rii  convenir  merveillcusemen..  à 
noire  cause,  l.e  premier  est  an  n"  ô;  vcici  les  ex- 
pressions du  saint  :  Sed  et  orlum  Virginis  didici  ni- 
hilominusin  Ecclcsiaet  ab  Ecclesiainduliitunler  liabere 
[estivum  atqve  sanctum,  fimmsime  cum  Ecclesia  sen- 


CON  998 

«((!;i.<i,  ni  utero eamaccepisaeul  saneta  prodirel.  Là  nous 
voyons  (pie,  par  sa  manièie  de  raisonner,  le  saint 
abiii'  de  Clairvaiiï  croyait  ipie  la  céléiralioii  de  la 
fé  c  de  1»  Nativité,  sous  ce  litre,  snlIKaii  pour  en 
conclure  (|ue  la  Vierge  avaii  êié  sainte  dans  sa  nais- 
sance, el  ensiiiie  qn  il  pensait  (pie  le  titre  d'une  lèie 
n'est  pas  aussi  ipiebpie  cliose  d'(((;iidi>iii<'/  et  i/n'on  ne 
doit  pas  prendre  en  considération,  ce  qui,  cniiime  (  lia- 
ciin  viiil,  est  en  opposition  ouverte  ave<  les  princi- 
pes qui  s<-rvenl  de  loiideincnt  à  la  doctiine  d'Her- 
mès. En  outre  nous  sommes  en  droit  de  conchue, 
d'après  les  expressions  elle^-inèmes  du  saiiil,  i|ue, 
s'il  vivait  de  nos  jours,  où  l'Eglise  universille  célè- 
bre la  lêle  de  la  Conception,  certainement  il  n'aurait 
aucune  ré  ugnanee,  eoinine  en  a  Hermès,  à  croire  à 
l'inimadilée  conception  de  Marie,  mais  i|u'i|  la  dé- 
fendrait  par  la  même  raison  i|u'il  délind  la  sainteté 
de  sa  iDiissance.  Mous  dirons  la  même  chose  d<' saint 
I  lioinas  el  de  tons  les  autres  qu'on  a  coutume  de 
nous  opposer  comme  contranes  à  l'insigne  préroga- 
tive de  la  Vierge,  le-qnels  tout,  fois  concliienl  i|u"elle 
a  éié  sainte  dans  le  sein  de  sa  mère,  parce  qu'on  cé- 
lèbre la  tête  de  sa  naissance. 

c  L'aiitie  passage  liés-reuiarquable  de  la  lettre  de 
saint  Bernard,  eu  celui  qui  se  trouve  au  n°  9,  par 
lequel  II  termine  i  e  qu'il  avait  dit  à  ce  suiet  :  Quoi 
auleni  dixi,  ubsiiue  pnijudiào  siine  dicta  si:il  suuius 
sapienlis.  lioinanœ  prœsertini  Ecclesia:  auctorilaii  ni- 
que e.runiini  toluni  knc,  sicui  et  cœtera  quai  ejusniodi 
siinl  universa  re^^rl)o  :  ipsius,  si  quid  aliter  sapio,  pa- 
ratus  judicio  emendare.  Il  résulte  évideinmenl  de  ces 
pandrs  (ju  ■  rinieniiou  du  saint  éiait  ipie,  s'il  eut  vu 
celte  (êie  aib  plée  par  l'Eglise  romaine,  et  surtout 
s'il  eût  vu  ipi'elle  ordimiiàt  à  toute  li  (  bréiienté  de 
la  célébrer  comme  lêle  d'obligation,  ainsi  que  nous 
voyons  qu'elle  la  célèbre  aujourd'liui,  il  n'aurait  pas 
hésité  un  seul  insianl  à  recunnaitie  dans  la  Vierge 
le  privilège  de  son  immaculée  cmiception,  el  à  la  cé- 
lébrer avec  l'Eglise  elle  niê  ne. 

(  Nous  conclurons  donc  i|u'llerinès  s'éloigne  tout 
à  lait  du  seiitinent  du  saint  docteur,  précisément 
lorsqu'il  croit  s'appuyer  de  son  autorité  pour  inlir- 
iiier  nuire  pieii-e  croyam  e.  Je  ne  m'arrête  pas  là; 
et  ayant  égard  aux  vueiix  pieux  et  ardents  que  maiii- 
fesie  noire  illustre  écrivain  de  voir  terminer  ce 
point  de  controverse,  je  clio  sis  ce  (|ue  uoiis  oppose 
Hermès,  pour  en  inléier  (pie,  sans  la  moindre  difli- 
eullé,  en  loute  sûietéet  même  en  s'appiiyaiit  sur  les 
raisons  les  plus  solides,  le  siéne  aposlolniue  pour- 
rait prononcer  le  décret  dêlinilil  s'il  jugeait  le  mo- 
ment favorable  et  opporlun.  El  voici  comment  je 
raisonne  :  Aux  yeux  d'Hermès  ou  doit  mettre  sur  la 
méiiie  liuiie  l'immaculée  conception  el  la  sauciilica- 
tioii  de  Marie  dans  sa  naissance.  Ur  tous  les  cailioli- 
qiies,  c'esl-à  dire  iiièine  ceux  qui  sont  le  moins  por- 
tés à  croire  au  piivilége  de  l'exemption  de  Marie, 
regardent  c 'inme  ccilun  que  si  naissance  u  été 
saillie,  el  que  l'Eglise  pourrait  décider  ce  point, 
quand  nièiiie  il  serait  nie  ou  révoqué  en  doute  par 
quelques-uns.  Mous  pi>urrions  dire  la  même  cliuse 
pour  le  qui  reganle  l'exemption  dans  la  Vierge  de 
la  moindre  faute  actuelle.  Ur  l'un  el  l'^mire  de  ces 
piiviléges  n'ont  pas  on  lundenient  plus  solide  que 
celui  ipi'a  le  (irivilégede  l'exi  mpiion  de  la  ticlie  ori- 
ginelle, c'est-à  dire  la  convenance  corroborée  par 
rassentlmeiit  de  l'Eglise  et  ce^iii  du  coininuii  des  li- 
deles.  L'autorité  de  saint  Dernard  donne  un  nou- 
veau poids  à  ces  assertions;  voici  ce  qu'il  ecril  au 
n"  o,  dans  la  lettre  '|u'on  nous  0|ipose,  concernant 
les  deux  privilèges  dont  nous  avons  p;irlé  plus  haut  : 
fjuod  itaque  vcl  paucis  mortalium  cos-ital  fuisse  colla- 
ttim  (as  arte  non  est  suspicari  laiitœ  «lu/  m  esse  ne- 
gititm  per  quam  omnis  merlaiitas  emersit  ad  vitani 
(voila  la  Ciiiiveiiance).  Euil  p.ocut  dubio  et  iljler 
bomini  ante  saneta  quant  nata  :  nec  fuHitur  om- 
nino  saneta  Ecclesia  sanctum  lepulans  ipsiim  naii- 
I  itatis  ejus  diem  el  omni  anno  cum  exsullalioue  uui- 


9»0 


CON 


CON 


lOôO 


rer«<t  leirm  votiva  celebrilate  siitcipifti-i  (voilà  le  sen- 
timent di"  l'Kglise).  Et  pour  ce  i|ui  rnijarde  le  pre- 
mier piivilt^Hi;  loiii|i:iiit  l;i  siiirlilicaiiim  de  Mnrie  , 
pour  Cl!  qni  p-garde  le  second,  loucliant  l'e\eni|itioii 
de  louie  laute  actuelle,  le  -ainl  dncieur  poursuit 
ainsi  :  Decuil  nimiruni  reqiuam  lirg  iiiim  sinquturis 
pririiegio  iuitclitalis  iibsque  omni  pccciitû  liiicere  vi- 
lain :  ijuœ  dum  ppcrwi  iiiorii.sq>.e  pnreiel  peremploreiii, 
munus  vuœ  ei  jiistilir  omnibus  obutiuerit.  Voici  l'inore 
la  di'ceiii'e  ou  la  convenance.  Pour  ce  ipii  i  oiic  rue 
le  !.eiiluneiil  de  l'iO(;liSi>,  il  ne  peut  exist<  r  le  ni  nidre 
douie  Je  pourrai  (aire  le  nièuie  rai-oiineinenl  sur 
saint  Tiiouia-,  surtout  piiisi|ue  celui-ci  allinne  ipi'il 
n'v  a  rieu  eu  dans  la  sainte  Vierge  de  tout  ce  <|>ii 
po'uvait  réveiller  la  toiicupi^cence,  et  ainsi  du  reste, 
Jlais  que  ce  court  evpnsii  nmis  sidliNC. 

(  Je  reprends  néanmoins  ei  je  dis  :  Puisque  le 
souverain  pontife  peut  en  inule  assurancf,  sans 
qu'aucun  cailioli  |ue  le  ccuitesie,  dclimr  que  la  liieii- 
lieureuse  Vierge  Marie  est  née  sainte,  ipivlle  n"a  j.i- 
mais  élésouilléiMi'aucuue  faille  actuelle,  i|ii'elle  a  clé 
exemple  de  mut  ce  qui  iiouvail  iioui  rir  U  ciincupis- 
Cencc,  et  qu'on  n'a  néanniuins  piinr  lui  assuier  de 
tels  piiviléges,  d'auire  raison  que  celle  qui  milite  en 
faveur  de  riininaniléi;  coiicepliuii  :  d<mc  un  esi  l'ori  é 
de  conclure  p:ir  là  méuie  (pi  il  pmu  rail  aussi,  eu  toute 
assurance,  reiiilre  un  deciel  délinitil  qui  priulaine 
que  Marie  dans  sa  co  ceptiiui  a  été  exempte  de  tout 
péclié  (l'origine.  Celte  conclu-îion,  si  |e  ne  m'aliuse, 
me  parait  inaii.:qiialile. 

1  Un  pouiraii  dire  seiilemrnt  ([u'il  existe  une 
raison  particulière  qui  lait  naiue  (piriqiie  tlisparué 
entre  la  conceplion  immaculée  et  la  sauciilicatioii  tie 
Marie,  et  voici  queilc  est  cetieiaisou  :  la  smclidca- 
tioii  de  Marie  peut  lueii  su  concilier  avec  la  nécessité 
de  la  rédemplion  opérée  par  le  Sauveur,  l.iqueile 
suppose  le  péclie  ou  originel  ou  actuil  ipi'elle  !ail  uis- 
paraiire;  nui-  on  ne  peiii  en  dueaulant  Oe  la  mn- 
ception.  Tout  le  inonde  conii:iit  la  réponse  victo- 
rieuse faite  par  les  théologiens  à  cette  object.on,  sa- 
voir :  q  l'un  tel  privilé;?!!  ne  sert  qn'à  lendie  plus 
grande,  plus  -iildime  l'œuvre  de  la  rédemption,  et  lui 
donne  un  nouveau  prix.  C.ir  elle  se  ser.iii  accomplie 
d'une  nianiore  lieaucmip  plu.  noiil  ,  puisqu'illi;  aurait 
pour  vertu  mm  pas  >eulemeiil  ne  délivrer,  mais  de 
piéserver  même  du  péché.  Lii»iiite  ciile  dilliculié 
luinlia  U'elle-n.éme,  de  sorte  ipie  les  ad.'ecsa.re.i  du 
privilège  dniil  nous  parlons,  n'euieiit  (lus  le  cou- 
rage lie  la  reproduire. 

(  Ltiuic  le  raisoniienieiit  que  nous  avons  fait  plus 
liant  resie  dans  toul>'  sa  lurcc,  et  coiiliinie  aumna- 
blenient,  si  je  ne  me  tiompe,  la  remarjUc  du  célcn>e 
Suaicz  sur  le  passage  nié  p.ir  noue  savant  laidi- 
ilal  :  \  erilatein  liniic  sciliccl  \ir(jiniin  esse  conc  p  iiiii 
siite  piccaio  oriyi  uU,  ponse  (lejiniii  ub  Eccle^ut  ^nuii^to 
id  expeUire  juUicuverit  (liipail.  m  il.  l'Iioin.,  ijiuvsi, 
XMi,  ml.  2,  sccl.  ti;. 

I  C'esl  ai  si  que,  inarcliant  sur  les  traces  lirillaii- 
tes  lie  notre  illnstie  .lUleur,  nous  avon^  dissipé  les 
nuages  peilide^  il  les  insinuations  liincsics  qn'llcr- 
lucs  avait  répandus  ciitie  ce  nloneiix  pnvilé;;!;  di-  l.i 
Vierge  :  cei  llei  niés  qui  ne  liouvait  nulle  part,  même 
dans  la  llicologie  son  grand  crilcriiim  de  la  raison 
tliéuré  ique  nu  ne  la  raison  prulnjue  ;  qui  ne  coinpl.nl 
pour  ili'ii  celte  aatoiité  iiopnsame  des  lliéologiens 
anciens  ci  inoilernes,  pour  rieu  l'.issciitiment  géncrd 
des  liilèl''s  lonliru'é  pur  l'espril  cl  l'inicntion  de  ['H- 
glise.  Kl  nous  pourrions  ici  démoiilrer  comiiiciu  il  a 
clierclié  à  obscuicir,   (ensuivant  sa   tiimi|ieise  nié- 

llioilc,  le>  ({loues  les  plus  ecmt es  de   .Marie.  D'où 

nous  pouvoii-  rigoureuseiiieni  cime. nie  que  sa  doc- 
trine sur  la  lliéoiugie  exercera  néccssaiienienl  l'iii- 
llueiice  la  plus  daiigercu  e  et  la  pliH  niii.-<ilile  pour 
ta  véritable  piété  ci  m  |>.iriiiulii-r  piuir  la  di'volion  a 
la  mainte  Vierge,  coniie  le  senti. ueul  ■  aliioli,|iie  et 
l'espril  de  rfcgii  e,  sur  lous  ce  ix  i).  i  ir..nl  s'abreu- 
ver à  ces  Sources  corrompues  et  empoi-oiiuées, 
^ous  ne  descendrons  pas  à  des  preuves  de  fait  :  car 


conciles  fjénéraux.  4°  Qui  a  droit  de  les  con- 
voquer, d'y  assister  avec  voix  délibéralive  , 
d'y  présider  el  de  les  confirmer.  5"  Nous  ré- 
pondrons aux  objpclions  des  hcréliques  con- 
tre l'autoiité  des  conciles  il). 

I.  De  Inutoriié  des  conciles  généraux  en 
vuilihe  de  fui.  Il  esi  cerlain  qu'un  concile 
auquel  oui  é(é  invites  lous  l.s  p.islcurs  de 
l'Eglise  universelle,  qui  es!  préside  [lar  le 
souverain  pontife  ou  par  ses  lé.ials,  confir- 
ine  piir  .son  autorilé,  csl  I  i  voix  de  l'iiglise 
catholliiuc,  à  l.iqiielle  lous  les  fidèles,  sans 
evceplion,  sont  oblio;és  de  se  souniellre.  L'K- 
glise ne  peut  professer  sa  cioyauce  d'une 
manière  plus  .luliicniique  et  plus  éc'.alanic 
que  par  la  voix  de  ses  pasteurs  assemniés 
el  réunis  à  leur  chef.  Ouicoiique  refuse 
de  se  conformer  à  cet  enseigiiemeiil  est 
héreli  |ue,  cesse  d'êlre  innnilire  de  i'iiglise 
de  Jésiis-<Jhrisl.  —  l£n  elïel,  Jesus-Clirist  a 
dit  à  ses  apôlros  :  Je  prierai  mon  Père,  el  il 
vous  donnera  un  autre  i'ariiclet  (avocal,  con- 
iious  voulons  respecter  les  personnes;  mais  nous  dé- 
plorons du  IoikI  du  cœur  ces  l'niiestes  conséquences, 
et  nous  prions  insiammeiil  le  ïseiguetir  que  si  dansia 
callndiipje  .MIeiiiagiie  la  docliiiin  d'Ilerniès  coiiipie 
queli|iies  parlisans  opiniâtres  ,  ceux-ci  daignent  en- 
trer dans  nos  seotiiiieiils,  niclés  par  le  véiitalile  >  s- 
prit  de  chai  lié  p.iur  nos  Irèr.s  et  par  l'amour  dont 
nous  biijluiis  pour  l'épouse  sans  lache  de  Jésns- 
Chrisl. 

<  En  icrininanl  cet  abrégé,  quel  que  soit  son  mé- 
rite, j'éprouve  une  joie,  hieii  douce,  el  je  dois  parii- 
culiéreineiil  en  s.ivoir  gré  à  noue  savaiii  prélai,  qui, 
pars.i  belle  elpiense  ilisseï  lalimi,  lu'.i  fuurni  rocc.isiuu 
favoi  aille  deiii  inilesler  ici  riiilinie  coiiviclioit  de  mon 
esprit  et  tous  les  seniimenls  de  mu  i  copiir  sur  un 
siiji'l  qui  m'est  d'aiilaiil  plus  cher  el  précieux  qu'il 
don  coniri'iiiei  ii  la  glo.re  de  la  V  cr;j;e  el  à  celle  de 
son  divin  fils.  J'aur.iis  arilemmenl  désiré  en  parler 
dans  mes  l'rolégoiiienes  iheulogii|ues  ;  iii.ns  mou  iu- 
tcniioii  bien  lorinée  de  m'en  Icuir  au  dogme  et  de 
laisser  de  côie,  le  plus  qu'il  m'clait  possible,  les 
qucsiioiis  controversées  eiilie  les  c.iiliollques,  ne 
me  pei  mit  pas  de  descendre  dans  celte  arciie.  J'avais 
néiiinioins  dans  mou  enrii  l'oriué  le  piojel  d'écrire 
sni  celle  m. il  ère,  ne  diissé-je  nietre  au  jour  que 
quel(|ue  petit  Irailé  tliéologi.|iie  ;  mais  qiiaiil  je  con- 
iiiis  qu'un  Ir  vail  polémique  av.iii  éé  ciiliepi.s  sur 
le  iiieine  sujet  |iar  un  prélat  si  iilust.e,  d'un  si  grand 
credii,  en  qui  se  Irouvcnl  si  iiiervei  leiiseineni  léu- 
nie>  ei  la  science  et  la  pielé,  el  sur  oui  qii  nd  j'eus 
pircoiirii  son  ouvrage,  je  lioiivai  mes  désirs  iileiiie- 
nieiii  sali-l.nls,  el  j'abanili  iinai  mon  dessein. 

I  iMaiclianl  loijjours  sur  les  iraccs  d.'  imlre  p  eux 
auieiir,  qui  linil  son  Iravail  en  I  oH'r.iiii  à  Marie  avec 
une  le.idie  ell'usi  ii  d'iinoiir,  il  ne  me  resie  qu'a  ol- 
lui  a  iniin  tour  Ci  Ile  légère  el  grossiéie  ébaiiclie  de 
son  lalileaii  si  parlait  a  t^elle  que  je  ictoiiiriis,  après 
bien,  eue  la  source  de  loute  giàce  el  de  tou.e  fa- 
\eiir  célestes,  l.i  saluant  avec  le  grand  pnée  cbiélieii 
par  CCS  paroles  si  su.ives,  si  douces  : 

l'euiiiii',  la  gloire  est  grande,  et  ^raiid  csl  inn  pouvoir. 

(Jiii  l'oublie.  Cl  du  Ciel  venl  des  grù  es  nouvelles, 

Voiilaiil  ipi'il  \olc  et  jnoiile,  de  au  jlesir  ses  ailes. 

Tu  seeoiicles  uns  \(EUX,  mais  lu  suis  !■  s  prévoir; 

El  lin  fuble  siMueiil  devanraiil  la  i  rière, 

'la  Mii\  Ion,  haine  arrive  el  geinil  la  première. 

Ln  Un  soiil  réunis,  o  Vierge  1  imire  espoir, 

l'.l  la  inuiiiiu  eiice  el  U  n  isi  rieoide, 

El  unis  les  doiis  pieuv  qu'un  U.eu  lion  nous  accorde, 
(i».  ni(/.,  c.  33.)  • 

(I)  Cruéium  du  concile  général.  —  l.e  concile  gé- 
iii'i.d  représenie  l'I^glise  cnse.gnanle.  Il  laiii  donc, 
1°  que  lous  les  premiers  pasteurs  y  so.eiit  convoqués; 
i,*  qu'ils  v  soient  en  assez  grand  iiombrc  pour  repré- 


lÛOi 


CON 


CON 


1002 


solateur  et  défenseur) ,  afin  (/u'il  demeure 
avec   vous  pour   toujours  [Joan.    xiv,  16). 

semer  l'Eglise  ;  3°  que  le  concile  soit  présidé  par  le 
pape  ou  par  ses  l 'gais  :  sans  son  chef  l'Eglise  uni- 
verselle ne  peut  êtie  dans  son  inlégriié  ;  on  excepte 
cependant  le  cas  de  scliisine  ou  d'un  pape  douteux  : 
la  communion  mutuelle  entre  le  concile  et  le  chef  de 
l'Eglise  ne  peut  évideninient  èire  exigée  en  pareille 
circonstance  ;  4°  que  les  pointsà  décider  soient  exami- 
nés avec  soin  et  le  jugement  porté  avec  liberté  :  dans 
toute  délibération  importante  il  faut  un  examen  sérieux 
de  la  cause  ;  5°  on  exige  que  dans  le  cas  où  il  y  a  union 
entre  lechef  et  les  membres,  ou  autrement,  que  quand 
le  pape  n'esi  point  hérétique,  les  décisions  du  concile 
général  soient  conlirmées  parle  souverain  pontife. 

Il  est  souvent  dinicile  de  décider  si  un  concile  a 
(ouïes  les  conditions  que  nous  venons  d'énumérer. 
Les  théologiens  indiquent  un  moyen  qui  peut  être 
regardé  comme  le,  critérium  de  l'œcuménicité  d'un 
concile  :  c'est  l'unanime  acceptation  de  l'Eglise.  Plu- 
sieurs fois  .des  doutes  s'élevèrent  sur  l'œcuménicité 
de  certains  conciles  généraux  :  l'accepiaiion  qu'en 
fit  l'F.glise  les  a  dissipés.  Le  premier  et  surtout  le 
deuxième  concile  de  Cimstuntinople  sont  de  ce  nom- 
bre. Longtemps  les  évêiiies  des  Gaules,  d'Es()agneet 
d'Afrique,  refusèrent  de  les  accepter  :  ils  regardaient 
leur  doctrine  comme  opposée  à  celle  de  Chalcédoine. 
Leurs  décisions  .lyant  éié  pesées  avec  plus  de  rnatu- 
riié ,  les  doutes  se  dissiiièrent,  et  toute  l'Eglise  les 
mit  au  nombre  des  ciiiciles  généraux.  Loin  de  nous 
la  pensée  de  regarder  l'inlaillibiliié  des  conciles  géné- 
raux comme  hypothétique  et  dépendante  de  l'accep- 
tation de  l'Eglise.  Un  concile  peut  élie  infaillible  en  lui- 
même,  sans  l'être  par  rapport  à  nous  :  c'est  lorsque  nous 
ne  voyons  pas  clairement  qu'il  soitgénéral.  L'.iccepta- 
lion  par  l'Eglise  universelle  dissipe  tous  les  doutes. 

L'appréciation  du  concile  œcuménique  à  laquelle 
uous  venons  de  nous  livrer  est  loin  d'èire  complète. 
Pour  la  compléter,  il  faut  encore  le  considérer  par  rap- 
port à  ses  actes.  Tous  ne  sont  pas  des  décisions  de  foi. 
Nous  allons  donner  quelques  règles  à  l'aide  desquelles 
on  pourra  discerner  ce  qui,  dans  les  actes  d'un  con- 
cile doit  être  regardé  comme  dénnition  dogmatique. 

i">  Règle.  —  Pour  que  les  jugements  d'un 
concile  général  soient  infaillibles,  il  faut  qu'ils 
soient  appuyés  sur  la  révélation ,  parce  qu'elle  seule 
est  le  fondement  de  la  foi.  Observons  que  quand  un 
concile  n'apporte  aucun  motif  en  faveur  de  sa  déci- 
sion, on  doit  croire  qu'elle  a  son  fondement  soit 
dans  la   tradition,  soit  dans  l'Ecriture. 

Il"  Règle.  —  Une  conséquence  de  ce  premier 
principe,  c'est  qu'un  canon  uniquement  appuyé  sur 
une  raison  purement  philosophique  n'est  pas  l'objet 
de  la  foi.  Telle  est  là  décision  d'un  concile  de  Latran, 
sous  Léon  X,  qui  |élablit  que  :  Toute  question  con- 
traire .i  une  vérité  révélée  est  fausse,  \)urce  que  la 
vérité  ne  peut  être  opposée  à  la  vérité. 

m»  Règle.  —  Personne  ne  nie  que  pour  une  défi- 
nition dogmatique  les  Pères  d'un  concile  doivent 
consulter  avec  soin  l'Ecriture  et  la  tradition,  t  Alors 
seulement,  dit  Muraiori,  ;les  premiers  pasteurs  peu- 
vent espérer  d'être  infaillibles,  quand  ils  ont  em- 
ployé la  diligence  nécessaire  pour  puiser  les  vérités 
3 u'ils  définissent  dans  l'Ecriture ,  dans  les  Pères, 
ans  les  conciles  et  dans  les  autres  monuments  de 
la  tradition  ecclésiastique.  »  Celle  règle  est  lirée 
d'une  bulle  de  Martin  V,  dans  laquelle  il  s'exprime 
ainsi  ;  Se  confirmnre  tantum  ca  décréta  de  fide,  qiiœ 
[actaerantin  concitio  Conslantiensi  conciluriter,  seu 
more  aliorum  conciliorum,  re  diligenter  exami.nata. 

De  là  suit  une 

iv«  Règle.  —  Tout  ce  qui  se  trouve  accidenielle- 
ment  dans  les  décrets  d'un  concile,  tout  ce  que  les 
Pères  n'ont  touché  qu'en  passant,  tout  ce  qui  n'.i  pas 
Hé  soulnis  directement  à  leur  examen,  ne  peut  être 
l'objet  de  la  foi  catholique. 

UiGT.  DE  TllÉOL.  DOCJMàTIQLK.  I. 


Cet  Espril-Sainl,  Paraclel,  que  tnon  Père  en- 
verra en  mon  nom,  vous  enseignera  tout  ce 
que  je  vous  ai  dit  (v.  2G).  Lorsque  cet  Esprit 
de  vérité  sera  venu,  il  vous  enseignera  toute 
vérité  (xvi,  13).  Saint  Paul  nous  avertit  que 
Dieu  a  donné  à  son  Eglise  des  pasteurs  et 
des  docteurs,  afin  que  nous  ne  soyons  pas 
comme  des  enfants,  lloltants  et  erriportés'à 
tout  vent  de  doctrine  par  la  malice  des  hom- 
mes et  par  les  ruses  de  l'erreur  qui  nous  en- 
vironne [b'phes.  IV,  11).  Celui  qui  connaît 
/>icw,  dit  saint  Jean,  nous  écoute  ;  celui  qui 
n'est  pus  de  Dieu,  ne  nous  écoute  point  ;  c'est 
pur  là  que  nous  connaissons  l'esprit  de  vérité 
et  l'esprit  d'erreur  (Joan.  iv,  G).  —  S'il  y 
avait  du  doute  touchant  le  véritable  sens  do 
ces  passages,  il  serait  levé  par  la  conduite 
des  apôtres.  Lorsqu'il  fallut  décider  si  les 
Gentils,  convertis  au  christianisme,  étaient 
ou  n'étaient  pas  obligés  à  observer  les  céré- 
monies de  la  loi  mosaïque,  les  apôtres  et 
les  prêtres,  qui  se  trouvaient  à  Jérusalem, 
s'assemblèrent  ;  après  que  chacun  d'eux 
eut  donné  son  avis,  ils  décidèrent  la  ques- 
tion, et  dirent  :  //  a  semblé  bon  au  Saint- 
Esprit  et  à  nous  de  ne  point  vous  imposer 
d'autre  chose  que  ce  qui  est  nécessaire,  savoir: 
de  vous  abstenir  des  viandes  immolées  aux 
idoles,  du  sang,  des  chairs  suffoquées  et  de  la 
fornication  ;  vous  ferez  bien  de  vous  en  gar- 
der {Act.  XV,  29).  Ils  ont  voulu  que  les  fidè- 
les regardassent  ce  décret  comme  un  oracle 
du  Saint-Esprit. 

Pour  esquiver  les  conséquences,  les  hété- 
rodoxes ont  objecté,  1°  que  cette  assemblée 
de  quelques  apôtres  n'était  point  un  concile 

y«  Règle.  —  Le  P.  Véron  dit  qu'il  n'y  a  de  foi 
dans  les  chapitres  des  conciles  que  ce  qui  est  siricte- 
mentdéfini.  Les  explications,  les  preuves,  les  témoi- 
gnages apportés  en  conlirmaiion  de  la  vérité  définie, 
nesontpoint  defoi. — Comme  l'application  de  ce  prin- 
cipe pourrait  être  difficile,  nous  proposerons  une 

vi»  Règle.  —  On  reconnaît  qu'une  vériié  a  été 
définie  par  un  concile,  lorsqu'd  déclare  qu'il  faut  la 
recevoir  comme  un  dogme  catholique,  qu'il  frappe 
d'anaihème,  qu'il  regarde  comme  hérétiques  ceux 
qui  penseraient  autrement,  etc. 

vil'  Règle.  —  On  doit  entendre  les  canons  comme 
l'Egliseles  aentendiis.  Ainsi,  d:ins  sa  se>s.  2.5,  le  con- 
cile de  Trente  déclare  qu'il  faut  honorer  et  vénérer  les 
saintes  images.  L'Eglise  emend  par  là  que  ce  culte  est 
permis,  mais  elle  ne  veut  pas  en  faire  un  précepte. 

Telles  sont  les  règles  qui  concernent  les  conciles 
oecuméniques.  A  leur  aide,  il  sera  facile  de  recon- 
naître un  concile  général,  et  dans  ses  actes  ce  qui 
doit  servir  de  règle  à  notre  foi. 

Jl.  Ciiterium  du  concile  particulier.  —  Personne 
n'accorde  aux  conciles  pariiculiers  le  don  de  l'in- 
faillibilité.;Au  besoin,  les  faits  viendraient  déposer  que 
plusieurs  fois  ils  sont  tombés  dans  l'erreur.  Quelle 
que  soit  d'ailleurs  l'utilité  des  conciles  particuliers 
pour  la  conservation  de  la  foi  et  pour  la  réformalion 
des  mœurs,  jamais  leurs  décisions  ne  seront  un 
dogme  de  foi.  Cependant  ils  sont  les  inonuiiients 
de  la  tradition,  et  font  autorité  comme  les  saints 
Pères.  —  Nous  devons  excepter  le  cas  où  l'Eglise  uni- 
verselle les  accepterait  ,comme  articles  de  loi.  Elle  a 
approuvé  les  définitions  du  deuxième  concile  d'O- 
range et  du  iiualrièine  de  Cartilage:  elles  deviennent 
règle  de  foi,  non  pas  sur  l'auiorité  des  conciles  parti- 
ciiliers,  mais  sur  celle  de  l'Eglise  universelle,  qui  les 
a  marquées  duisceau  de  sa  puissance. 

32  ' 


«005 


CON 


CON 


lOOi 


général, mais  le  synode  d'une  Eglise  particu- 
lière ;  2°  qu'en  effet  le  Saint-Esprit,  en  des- 
cendant sur  Corneille  et  sur  toute  sa  mai- 
son, avait  décidé  d'avance  que  les  gentils 
étaient  jusliliés  par  la  foi,  sans  être  assujet- 
tis aux  cérémonies  mosaïques  ;  saint  Pierre 
en  avait  été  témoin  ;  c'est  évideinmejit  ce 
qu'il  entenilaii,  lorsqu'il  dit  :  H  a  semblé 
bon  au  Saint-Éfprit  et  à  ?ioî<s.— Fausses  ré- 
flexions. L'assemblée  n'élail  pas  souiement 
composée  des  pasteurs  de  l'Eglise  de  Jéru- 
salem, puisque  non-seulement  saint  Piirre 
et  saint  Jacques  le  Mineur,  mais  saint  Paul 
et  saint  Barn;ibc  s'y  trouvaient  et  y  donnè- 
rent leur  suffrage,  et  il  est  très-prohable 
que  le  Judas  dont  il  est  parlé  est  l'apotre 
saint  Jude.  11  s'agissait  d'une  question  qui 
était  fout  à  la  fois  de  dogme  et  de  pratique, 
et  de  faire  une  loi  générale  pour  toute  l'E- 
glise :  ce  n'était  donc  pas  l'ariaire  d'un  sy- 
node particulier.  En  second  lieu,  le  Saint- 
Esprit,  en  desoi'sulanl  sur  Corneille,  n'avait 
pas  décidé  que  les  gentils  seraient  obligés  de 
s'abstenir  (les  viandes  immolées, du  sang  et  des 
chairs  sulToquées;  c'est  cependant  ce  que  le 
co«ci7eordonno.  Eiitroisièmelieu.il  auraitélé 
fort  indécent  i!e  joindre  le  jugement  de  l'as- 
semblée à  celui  du  Saint-Esprit, si  elle  n'avait 
pas  été  persuadée  que  le  Saint-Esprit  lui-mê- 
me y  pi  ésidail.iMais  comme  les  proleslants sou- 
tiennent que  chaque  fiililetloit  régler  lui-mê- 
me sa  foi  sur  l'Ecriture  sainte,  ils  ne  p'uvent 
digérer  la  décision  du  concile  de  Jérusalem. 

Est-il  vrai  que  les  conciles  généraux  ont 
créé  de  nouveaux  dogmes  ou  de  nouveaux, 
arliclcs  de  foi,  comme  h'  prétendent  les  en- 
nemis (le  l'Eglise"/  Ce  reproche  n'aurait  jjas 
lieu,  si  l'on  concevait  en  quoi  consiste  le  ju- 
gement que  portent  les  évêques  assemblés 
en  co»cile.  Ce  Sont  autaul  de  témoins  qui  ont 
caracière  et  mission  pour  attester  quelle  est 
la  croyance  do  l'Eglise  particulière  à  laquelle 
chacun  d'eux  préside.  Lorsque  trois  cent 
dis-huit  évcques,  assemblés  à  Nicée,  l'an 
325,  décidèrent  que  le  Verbe  divin  est  con- 
subslanliel  à  son  Père,  qu'ainsi  Jésus-Christ 
est  un  seul  Dieu  avec  le  Père,  que  firent-ils  '? 
ils  attesièreut  que  telle  était  et  avait  toujours 
été  la  croyance  de  leurs  Eglises.  Ces  témoi- 
gnages réunis  et  comparés  dén)onlrérent  que 
telle  était  la  foi  de  l'Eglise  universelle  (Hol- 
den,  de  IlcsohU.  fidei,  \ih.  i,  c.  9;.  Pour  dé- 
finir ce  (pi'il  fallait  croire,  les  Pères  se  bor- 
nèrent à  dire  :  nous  croyons.  —  Il  h'esl  doriC 
pas  vrai  (lu'ils  aient  créé  un  nouveau  dogme; 
ils  attestèrent  au  contraire  et  jugèrent  que 
la  doctrine  d'Arius  était  nouvelle  et  inouïe, 
qu'Arius  était  un  novateur  et  un  hérétique, 
qu'il  pervei  tissait  le  sens  des  paroles  de  l'E- 
criture, par  lesquelles  il  voulait  clayer  sou 
opinion.  -  Il  en  fut  de  même  en  .381,  lorsque 
le  concile  général  de  Conslanlinoplc  décida 
la  divinité  du  Saint-Esprit,  qui  n'avait  pas 
été  mise  Cn  question  à  Nicée  ;  en  '»31,  lorsque 
le  concile  d'Ephèse  proiioiu^'a  contre  Nesio- 
rius  que  Marie  est  veniahlemenl  Mère  de 
Dieu  :  ce  dogme  n'est  <|u'uiu'  conséquenci* 
immédiate  de  la  divinité  de  Jesus-Ctirist  re- 
connue el  professée  par  le  concile  de  Nicée. 


On  doit  raisonner  de  même  de  fous  les  autres 
conciles  qui  ont  successivement  décidé  des 
dogmes  contestés  par  des  novateurs.  «  Qu'a 
fait  l'Eglise  par  ses  conciUs,  dit  ù  ce  sujet 
'\Mncent  de  Lériiis,  Comwnnit.,  c.  23?  Elle  a 
voulu  que  ce  qui  était  déjà  cru  simplement 
fût  professé  plus  exactement  ;  que  ce  qui  était 
prêché  sans  beaucoup  d'altenti'm,  fût  en- 
seigné avec  plus  de  soin  ;  que  l'on  expliquât 
plus  distinctement  ce  que  l'on  traitait  aupa- 
ravant avec  une  entière  sécurité.  Tel  a  tou- 
jours été  son  dessein.  Elle  n'a  donc  fait  autre 
chose,  par  les  décrets  des  conciles,  que  de 
mettre  par  écrit  ce  qu'elle  avait  déjà  reçu 

des  anciens  par  tradition Le  propre  des 

catholiques  est  de  garder  le  dépôt  des  saints 
Pères,  et  de  rejeter  les  nouveautés  profanes, 
comme  le  veut  saint  Paul.  Quid  unquam  alind 
conciliorum  deci  élis  enisa  est  (iLCclesia),  nisi 
ut  quod  anten  simpliciter  credebnlur  ,  hoc 
idem  pustea  diliycntius  crederetur  ;  quod  antea 
lentius  prcedicubalur,  hoc  idem  poslea  inslan- 
lius  prœdicaretur;  quod  antea  securius  cole- 
batur,  hoc  idempostea  sollicitius  excoleretar? 
hoc,  inquam,  semper,  neque  qiudi/nam  prœter- 
en,  hœrelicorumnoiilalibus  excitala,  conci- 
liorum décret is  caiholicn  perfecit  Ecrlesia,nisi 
ut  quod  prius  a  mnjoribus  sola  trmlitione  sus- 
ceperal,  hoc  deinde  posteris  etiam  pir  scrip- 

turœ  chijrographum  consignnret 0  Timo- 

thee!  inquit  apostolus,  deposilum  custodi ,  de- 
vitans  profanas  vocum  noviiates.  » 

A  la  vérité,  avant  qu'un  dogme  ait  été  so- 
lennellement décidé  par  un  concile,  un  théo- 
logien a  pu  être  pardonnable  de  le  mécon- 
naître; il  a  pu  ignoier  quelle  éiait  sur  ce  point 
la  croyance  de  lEglise  catholique,  de  laquelle 
il  n'y  avait  point  encore  d'allestation  solen- 
nelle; il  a  pu  se  tromper  innocemment  sur  le 
sens  qu'il  (lonn;iit  aux  passages  de  l'Ecriture, 
qui  lui  paraissaient  favoriser  son  opinion. 
Mais  lorsque  l'Eglise  a  parlé  par  la  bouche 
de  ses  (lastcurs,  un  homme  n'est  plus  par- 
donnable de  préférer  son  propre  jugement 
à  celui  de  l'Eglise;  il  est  hérétique  s'il  per- 
sévère dans  son  erreur.  —  De  là  même  il 
s'enstjit  que  la  décision  d'un  concile  général 
n'est  pas  absolument  nécessaire  pour  qu'un 
dogme  soit  censé  appartenir  à  la  foi  catho- 
lique.  Il  suffit  qu'il  \  ait  une  certitude  suffi- 
sante que  telle  est  "la  croyance  de  l'Eglise 
universelle.  Lorsqu'un  dogme  a  été  deciilé 
par  un  rescrit  du  souveiain  pontife  adressé 
à  toute  l'Egl  se,  et  qu'il  a  été  reçu  sans  ré- 
clamation par  le  très-grand  nombre  des  évê- 
ques, on  ne  peut  plus  douter  ((ue  ce  ne  soit 
la  croyance  de  l'Eglise  catholique.  Si  le  ju- 
gement d(!  ri'lglise  dispersée  a  umins  de  pu- 
blicité que  celui  de  l'Eglise  assemblée,  il  n'a 
])as  |iour  cela  moins  de  poi'ls  ni  d'autorité  ; 
tout  fidèle  n'est  pas  moins  obligé  de  s'y  con- 
former. Voij.  Capholicitic.  Plus  l'Eglise  est 
étendue,  |dus  il  est  diificile  d'assembler  des 
conciles  généraux. 

IL  Esi-on  anssi  obligé  de  se  soumettre  aux 
règlemenis  d'un  ctitîcf/e  géaeral  cn  matière 
de  discipline,  qu'à  se>  décisions  en  matière 
de  loi?  Il  y  u  une  ilistinelion  à  faire.  Lors- 
qu'un   point   de  discipline   peut  intéresser 


1005  CON 

l'onlrc  civil,  donner  atteinte  aux  lois  parti- 
culières d'un  ou  de  plusieurs  royaumes,  l'K-; 
glise,  toujours  allentive  à  rcspe(  1er  les  droits 
des  souverains,  n'a  jamais  dessein  d'opposer 
son  auloritô  à  la  leur;  elle  prononce  avec 
circonspcclion,  elle  attend  que  le  temps  et 
les  circonsiances  pernieltent  l'exécution  de 
ses  ré{;lemenls.  l'ar  ces  ménagements  sages, 
une  honne  p  irtie  des  lois  de  discipline,  por- 
tées au  concfVcde  Trente,  auxquelles  on  s'é- 
tait opposé  d'abord,  sont  insensiblement  de- 
venues partie  de  notre  droit  public,  en  vertu 
des  ordonnances  de  nos  rois.  —  Lorsqu'une 
discipline,  indifférente  à  l'ordre  civil,  peut 
inléresser  la  foi  ou  les  mceurs,  l'Eglise  use 
de  son  autorité  et  tient  ferme.  Ainsi,  elle 
condamna  autrefois  comme  schismatiques 
les  quartodécimans,  (jui  s'obstinèrent  à  cé- 
lébrer la  [laque  avec  les  Juifs,  le  quatorzième 
jour  do  la  lune  de  mars;  elle  ordonna  de  la 
célébrer  le  dimanclie  suivant  :  il  lui  parut 
csseniiel  d'établir  l'unilormité  dans  un  rito 
qui  atteste  la  résurrection  de  Jésus-Christ. 
Ouoique  la  communion  sous  les  deux  espèces 
fût  un  point  de  discipline,  le  concile  de  Trente 
n'a  point  voulu  l'accorder  à  ceux  qui  la  de- 
mandaient, parce  que  les  hérétiques  en  sou- 
tenaient fjussemenl  la  nécessité  pour  l'inté- 
grilé  du  sacrement.  C'est  uno  observation  à 
laquelle  les  cauonistes  n'ont  pas  toujours  fait 
assez  d'attention.  —  Ceux  qui  ont  osé  soutenir 
que  les  décisions  des  cunci/es,  en  matièredefoi, 
n'avaient  force  de  loi  qu'en  vertu  de  l'accepta- 
tion des  souverains,  se  sont  tromjiés  encore 
plus  lourdement.  Ces  décisions  obligent  tous 
les  lidèles,  en  vertu  de  l'ordre  de  Jésus-Christ 
mémo:  AI  lez  enseigner  toutes  lesnations... Celai 
qui  ne  croira  pus  sel  a  condamné  [Matih.  xxvit:, 
19;  Mnrc,  XVI,  lt>).  Cette  loi  regarde  autant 
les  souverains  que  les  peuples. 

111.  Que  laut-il  pour  qu'un  concile  soit 
censé  général,  et  combien  y  en  a-t-il  eu  de- 
puis la  naissance  de  l'Eglise?  On  convient 
unanimement,  [larmi  les  ibéologiens  catho- 
liques, qu'un  concile  n'est  point  censé  œcu- 
roéuinue  ou  général,  à  moins  que  tous  les 
évèques  de  la  chrétienté  n'y  aient  été  invités 
autant  qu'il  est  possible,  et  que  l'éloigne- 
meiit  des  lieux  peut  le  permettre.  H  y  a  ce- 
pendant plusieurs  exemples  de  conciles  aux- 
quels il  n'y  avait  eu  qu'un  certain  nombre 
d'évéques  appelés,  mais  qoi,  dans  la  suite, 
ont  été  lépuies  généraux,  parce  que  les  dé- 
cisions en  ont  été  reçues  de  toute  l'Eglise, 
et  ont  acquis  ainsi  la  même  autorité  que 
celle  des  conciles  généraux.  De  même  il  y  en 
a  plusieurs  auxquels  il  ne  s'est  trouvé  qu'un 
assez  petit  nombre  d'évéques,  et  ()ui  n'en 
OUI  pas  eu  pour  cela  moins  d'autorilé.  Voici 
la  liste  sommaire  des  conciles  réputés  géné- 
raux ;  nous  parlerons  plus  amplement  de 
chacun  dans  un  article  particulier.  —  Le 
]Ui'niiir  est  celui  do  Nicée,  l'.in  32j,  par  le- 
quel la  consubstanlialilé  du  Verbe  et  la  di- 
vinité de  Jésus-Lilirist  furent  décidéi^s  contre 
les  aiiens.  Le  second  est  celui  de  Conslinli- 
nople,  en  .'{81,  ((ui  confirma  la  fui  de  Nicé  •, 
prufessa  la  divinité  du  Saint-Esprt  contre  los 
macédoniens,  et  condamna  les  apollinaris- 


CON  1006 

tes.  Le  troisième,  celui  d'Ephèsc,  en  hM  ;  il 
décida  contre  Nestorius,  que  Mario  est  mère 
de  Dieu,  et  confirma  la  condamnation  des 
pélagiens,  faile  par  le  pape  Zozime.  Le  qua- 
trième fut  tenu  à  Chalcédoine,  en  4-51  ;  il 
confirma  l'anathème  lancé  à  Ephèse  contre 
Nestorius,  et  condamna  Eutychès,  qui  sou- 
tenait qu'il  n'y  a  (lu'une  seule  nature  en  Jé- 
sus-Christ. Le  cinquième,  tenu  à  Constanti- 
nople  en  533,  condamna  les  irais  chapitres 
ou  trois  écrits  qui  favorisaient  la  doctrine  de 
Nestorius.  Le  sixième  fut  encore  assemblé  à 
Constantinople  l'an  C80;  il  proscrivit  l'er- 
reur des  monotbélites ,  qui  n'admettaient 
qu'une  seule  volonté  dans  Jésus-Christ  :  c'é- 
tait un  reste  d'eutychianisme.  —  En  787,  le 
septième  se  tint  à  Nicée,  contre  les  icono- 
clastes ou  briseurs  d'images.  Le  huitième,  à 
Constantinople,  l'an  869;  Photius  y  fut  con- 
damné et  déposé  :  c'a  été  l'origine  du  schisme 
des  Cfrecs.  Depuis  ce  temps-là  les  conciles 
généraux  ont  été  tenus  en  Occident.  —  On 
compte  pour  le  neuvième,  celui  de  Latran, 
l'an  1123  :  il  ne  fit  que  des  canons  de  disci- 
pline. Le  dixième,  tenu  au  même  lieu,  l'an 
1139,  avait  pour  objet  la  réunion  des  Grecs 
à  l'Eglise  romaine.  Arnaud  de  Bresse,  dis- 
ciple d'Abailard,  y  fut  condamné  aussi  bien 
que  les  manichéens,  nommés  dans  la  suite 
albigeois.  Le  onzième  ,  assemblé  encore  à 
Latran  l'an  1179,  réforma  les  abus  introduits 
dans  la  discipline.  Le  douzième,  l'an  1215, 
au  même  lieu,  lit  une  exposition  de  la  doc- 
trine catholique  contre  les  albigeois  et  les 
vaudois.  —  Dans  le  treizième,  tenu  à  Lyon 
l'an  12i5,  le  pipe  prononça  une  sentence 
d'excommunication  contre  l'empereur  Fré- 
déric, en  présence  de  Baudouin,  empereur  de 
Constantinople.  Le  quatorzième,  assemblé 
aussi  à  Lyon  en  1274,  travailla  de  nouveau 
A  la  réunion  des  Grecs,  et  dressa  une  pro- 
fession de  foi  qu'ils  si^jnèrent.  Le  quinzième 
fut  tenu  en  1311,  à  Menue  en  Daupliiné, 
pour  l'extinction  de  l'ordre  des  templiers  :  il 
condamna  les  erreurs  des  béguards  ou  bé- 
guins. —  Nous  comptons  en  France,  pour 
seizième  cono/e  général,  celui  de  Constance, 
tenu  en  Hli,  pour  éteindre  le  grand  schisme 
d'Occident,  causé  par  la  prétention  de  plu- 
sieurs personnes  à  la  papauté  :  concile  dans 
lequel  Jean  Hus  et  Jérôme  de  Prague  furent 
condamné-  et  livrés  ausupplice.  (N"  IV,  551.) 
Pour  dix-septième,  celui  de  Bâle,  en  ik'Sl, 
diint  le  principal  objet  était  la  réunion  des 
tirées;  mais  le  pape  l'ayant  transféré  à  Fer- 
rare,  en  li38,  et  ensuite  à  Florence,  en  14.39, 
plusieurs  regardent  ce  concile  de  Florence 
comme  œcuménique  :  les  Grecs  y  signèrent 
une  profession  de  loi  avec  les  Laiins.  Le  dix- 
huitième  et  dernier  concile  général  est  celui 
de  Trente,  commencé  l'an  1545,  et  fini  l'an 
1563,  contre  les  hérésies  de  Luther  et  de 
Calvin.  —  Depuis  que  la  foi  chrétienne  s'est 
établie  au  loin,  qu'il  y  a  des  évéques  en  Amé- 
rique, à  la  (]hine  et  dans  les  Indes,  il  est 
devenu  plus  difficile  que  jamais  d'assembler 
des  conciles  généraux. 

IV.  A  qui  appartient-il  de  convoquer  des 
conales  généraux,  d'y  présider,  d'y  assistep,. 


lOOT 


CON 


CON 


1008 


avec  voix  délibérative?C'esl  encore  un  point 
non  contosté  dans  l'Eglise  catholique,  que  le 
droit  de  convoquer  les  conciles  généraux  ap- 
partient au  souverain  pantife,  comme  pas- 
teur de  l'Eglise  universelle.  De  savoir  si  ce 
privilège  lui  appiirlient   de   droit  divin,   ou 
seulement  de  droit  ecclésiastique  et  en  vertu 
d'une  possession  bien  établie,  c'est  une  ques- 
tion qui  n'est  peul-èire  pas  aussi  importante 
qu'elle   le   paraît  d'abord.  Toute  prétention 
mise  à  part,  il  est  clair  que,  de  droit  divin,  le 
souverain  ponlife  doit  pourvoir  aux  besoins 
de  l'Eglise  universelle  autant  qu'il  le   peut, 
suivant  les  circonstances;  Jésus-Christ  en  a 
imposé  l'obligation  à  saint  Pierre  et  à  ses 
successeurs,  lorsqu'il  leur  a  dit  :  Paissez  mes 
agneaux  et  mes  brebis.  Si  c'est  pour  eux  une 
obligation  divine,  c'est  donc  aussi   un  droit 
divin  :  il  serait  absurde  qu'ils  n'eussent  pas 
le  droit  de  faire  ce  que  Jésus-Christ  leur  a 
commandé   :   s'ils  n'avaient   pas  le   droit  de 
convoquer  les  conciles  généraux,  qui  l'aurait 
par  préférence?  —  H  ne  sert  à  rien  aux  pro- 
testants et  aux  autres  ennemis  du  suint-siége 
d'objecter  que,  pendant  les  cinq  ou  six  pre- 
miers siècles,  ce  ne  sont  point   les  papes, 
mais  les  empereurs    qui    ont   convoqué   les 
conciles;  que  plus  d'une  fois  même  les  pipes 
se  sont  adressés  aux  empereurs,  pour  leur 
demander   cette   convocation.    Les   circons- 
tances l'exigeaient  ainsi,  et  il  ;ie  s'ensuit  rien 
contre  l'ordre  établi  par  Jesus-Chrisl.  Dans 
ces  temps-là,   l'Eglise  chrétienne   ne  s'éten- 
dait  guère  au   delà  des  limites   de   l'empire 
romain;  il  était  donc  naturel  que  les  empe- 
reurs, devenus  chrétiens,  prissent  le  soin  de 
convoquer   les    conciles ,    puisqu'oux   seuls 
pouvaient  en  faire  les  frais.  Presque  tous  les 
évoques  étaient  leurs  sujets,  et  ces  évéques, 
presque  tous  pauvres,  n'étaient  pus  en  étal 
de  voyager  à  leurs  dipens,  iriinc  extrémité 
de  l'empire  à  l'auire.  Ils  avaient   besoin  du 
secours  des  voilures  publiques,   et  cela  dé- 
pendait du  gouvernement.  Mais  avant  la  con- 
version de  Constantin,  il  \  avait  eu   près  de 
quarante  conciles  particuliers,  dont  pluiieurs 
avaient  été   nombreux  ;  sans  doute  ils   n'a- 
vaient pas  été  convoqués  par  les  empereurs 
païens,  et  lun  n'avait  pas  cru  avoir  besoin 
de  leur  autorité  pour  donner  force  de  loi  aux 
dérisions  qui  y  avaient  été  (ailes.  Depuis  que 
la  foi  chrétienne  est  répandue  dans  plusieurs 
j'oyaumes  dilTérenls,  et  qu'il  y  a  des  évoques 
dans   les  quatre    parties   du    monde,   aucun 
souverain  n'a  droit  de  convoquer  dux  qui 
ne  sont  pas  ses  sujets.  H  a  donc  été  néces- 
saire que  le  souverain  pontife,  en  qualité  de 
chef  (lo  l'Knlise   universelle,    convoquât  les 
conciles  généraux,  qu'il  eût  le  droit  <l'y  pré- 
sider (  l  il'en  adresser  les  décisions  à    toute 
l'Eglise.  (](î  n'a  (ioiic   pas  été   un  elTel  de   la 
condcsccndani  c  des  souverains,  in  une  ces- 
sion libre  de   la   part  des  évéques,  mais  une 
suite  nécessaire  de  l'étendue  actuelle  de  l'E- 
glise; et  c'est  ce  qui  démontre  la  sagesse  de 
Jésus-Christ,  lorsqu'il  a  donné  à  saint  Pierre 
et  à  SCS  successeurs  un  pouvoir  de  juridic- 
tion sur  l'Eglise  entière.  —  Par  la  même  rai- 
son, toutes  les  fois  que  le  souverain  pontife 


a  assisté  à  un  concile,  personne  ne  lui  a 
contesté  le  droit  d'y  présider;  mais  comme  ' 
les  premiers  conciles  généraux  ont  été  tenus 
en  Orient,  et  fort  loin  de  Rome,  ça  été  ordi- 
nairement l'un  des  patriarches  de  l'Orient, 
qui  a  tenu  la  première  place;  cl  il  ne  s'en- 
suit rien  contre  les  droits  du  saint-siége.  — 
Quant  au  droit  de  confirmer  les  décrets  des 
conciles  généraux,  c'est  une  question  dé- 
battue entre  les  théologiens  de  France  et 
ceux  d'Italie.  Suivant  nos  maximes,  les  dé- 
crets d'un  concile  général  ont  force  de  loi, 
indépendamment  de  l'acceptation  et  de  la 
confirmation  du  souverain  pontife;  la  bulle 
qu'il  donne  à  ce  sujet  n'est  censée  qu'un  té- 
moignage de  son  adhésion  à  ces  décrets,  par 
lequel  il  certifie  à  tous  les  fidèles  que  ce  sont 
véritablement  des  décisions  censées  faites  par 
l'Eglise  universelle,  auxquelles  par  consé- 
quent ils  doivent  obéissance  et  soumission. 
—  L'on  convient  unanimement  que  les  seuls 
juges  nécessaires  dans  un  concile  général 
sont  les  évéques  ;  c'est  à  eux,  comme  pas- 
leurs  de  l'Eglise,  d'instruire  les  fidèles  et 
d'enseigner  quelle  est  la  vraie  doctrine  de  Jé- 
sus-Christ. Ordinairement  néanmoins  ils  ont 
admis  dans  ces  assemblées  les  abbés,  les  dé- 
putés des  chapitres  et  les  théologiens  ;  el 
ceux-ci  ont  eu  pour  le  moins  voix  consulta- 
tive; mais  suivant  l'usage  actuel,  ils  ne  peu- 
vent prétendre  à  la  voix  délibérative  qu'au- 
tant que  les  évéques  la  leur  accordent. 

V.  Objections  des  protestants.  On  conçoit 
que  les  prolestants,  condamnés  par  le  concile 
de  Trente,  ne  pouvaient  pas  raani]uer  de  s'é- 
lever contre  l'autorité  de  tous  les  conciles,  et 
de  s'attacher  à  la  déprimer;  ils  n'ont  rien 
négligé  pour  y  réussir.  Mais  comme  ils  ont 
tenu  eux-mêmes  des  synodes,  à  la  décision 
de-quels  ils  ont  donné  force  de  loi,  il  n'est 
presijue  pas  un  seul  de  leurs  reproches  qui 
ne  puisse  être  rétorqué  contre  eux,  el  qui  ne 
l'ait  été  en  effet  par  les  arminiens  contre  le 
synode  de  Dordrecht.  Voy.  Arminiens. 

ils  disent,  1'  Jesus-Clirisl  ni  les  apotras 
n'onl  point  ordonné  de  tenir  des  conciles.  S\  ces 
assemblées  étaient  nécessaires,  l'on  n'aurait 
pas  attendu  jusqu'à  l'an  323  avant  d'en  Icnir 
une.  Pendant  le  ir  et  le  iiP  siècle,  il  s'était 
élevé  plusieurs  hérésies  qui  attaquaient  les 
dogmes  les  plus  essentiels  du  christianisme  : 
les  ébioniles,  les  cérinthiens,  les  gnostiques, 
les  marcionites,  les  manichéens,  etc.,  avaient 
paru;  l'on  ne  crut  pas  qu'il  fût  besoin  d'un 
concile  œcuméniiiue  pour  étouffer  leurs  er- 
reurs, ou  plutôt  l'on  com|)rit  (jue  ce  moyen 
ne  suffirait  pas  et  ne  produirait  aucun  ell'et, 
qu'il  fallait  terminer  les  conleslalions  en  n)a- 
lière  de  lui,  uniquement  par  l'Ecriture  sainte. 
Le  concile  de  Mcée  fui  un  elTel  de  la  poli- 
tique de  Constantin,  el  tout  s'y  passa  par  son 
autorité;  les  décisions  n'eurent  d'autre  force 
que  celle  qu'il  leur  donna. 

Keponsc.  Il  est  évident  que  ,  sous  le  règne 
des  empereurs  païens,  il  n'était  pas  possible 
de  tenir  un  concile  général  :  c'aurait  élc  un 
motif  d'exciter  une  persécution  contre  les 
évêiiues,  (|ui  étaient  déjà  le  principal  objet 
de  la  haine  dos  païens.  Licinius  avait  défendu 


100» 


CON 


CON 


lolo 


forniellemont  aux  év^iqHes  de  s'assembler. 
(Eusùbe,  Vie  de  Constant.,  1.  i ,  c.  5n.  Il 
n'est  pas  moins  évident  que  l'on  n'aurait  pas 
pu  en  tenir  un  sens  le  règne  de  Constantin, 
si  ce  prince  n'y  avait  conirihué  de  tout  son 
pouvoir;  mais  il  y  avait  eu  des  conciles  par- 
ticuliers. Non-seulement  nous  avons  prouvé 
que  l'assemblée  tenue  à  Jérusalem,  vers  l'an 
51,  était  un  vrai  conctV*^ ,  dans  lequel  fui 
condamnée  l'erreur  soutenue  ensuite  par  les 
ébio'.iiles  ;  mais  on  en  connaît  plusieurs  qui 
furent,  tenus  tant  en  Orient  qu'en  Occident, 
pour  condamner  différentes  hérésies.  Ce  que 
l'on  appelle  les  Canons  des  Apôtres  ne  sont 
autre  chose  que  les  décrcls  des  conciles  du 
II*  et  du  III'  siècle,  et  ces  canons  condam- 
nent, du  moins  imlireclemenl,  les  marcio- 
nites  et  les  manichéens,  et  prononcent  des 
peines  contre  les  hérétiques.  —  Nous  ne 
concevons  pas  comment  les  contestations 
touchant  la  foi  peuvent  être  terminées  par 
l'Kcrilure  seule,  pendant  qu'elles  ont  préci- 
sément pour  objet  de  savoir  quel  est  le  vrai 
sens  de  l'Iîcrilure.  Il  n'est  pas  une  seule  secte 
d'hérétiques  (jui  n'ait  allégué  en  sa  faveur 
quelques  (lassages  de  l'Ecrilure,  et  il  n'en  est 
aucune  à  laquelle  l'Eglise  n'ait  opposé  d'au- 
tres passages.  S'il  n'est  aucun  tribunal  qui 
ait  l'autorité  de  décider,  par  quel  moyen  la 
dispute  pourra-t-elle  finir?  —  Nous  conve- 
nons qu'un  concile  général  n'est  pas  absolu- 
ment nécessaire  pour  proscrire  et  pour 
étouffer  une  hérésie,  puisque  l'autorité  de 
l'Eglise  dispersée  n'est  pas  moindre  que  celle 
de  l'Eglise  assemblée;  mais  il  est  utile,  en 
ce  qu'il  montre  plus  promptement,  et  d'une 
manière  plus  sensible,  quelle  est  la  croyance 
universelle  de  l'Eglise.  Les  ])rotestanls  eux- 
mêmes  ont  tenu  non-seulement  des  synodes 
particuliers,  mais  des  synodes  nationaux.  Ils 
se  proposaient  de  tenir  à  Dordrecht  un  sy- 
node général  de  toutes  les  Eglises  réfor- 
mées ;  elles  y  étaient  toutes  invitées.  Ils  ont 
fait,  dans  ces  assemblées,  des  décisions  de 
foi,  prononcé  des  excommunicatixjiis  ,  et  ils 
en  ont  fait  appuyer  les  décrets  par  le  bras 
séculier.  Ces  docteurs  sans  mission  et  sans 
caractère,  ont-ils  eu  une  autorité  plus  légi- 
time et  plus  respectable  que  les  successeurs 
des  apôtres?  —  Il  est  f lux  que  le  concile  de 
Nicée,  dans  ses  décrets  touchant  ia  foi  et  la 
discipline  ,  ait  procédé  par  l'autorité  de 
Constantin  :  ce  prince  déclara  lui-même,  en 
pleine  assemblée,  qu'il  laissait  aux  évêques 
le  soin  de  ces  deux  objets  (Socrate,  Ilist.  ec- 
clesiast.,  liv.  i,  c.  8).  Mais  il  punit  avec  jus- 
lice,  par  l'exil,  ceux  qui  refusèrent  de  se 
soumettre  à  la  décision  du  concile. 

ii"  Ces  asseinbléi  s,  suivant  les  proteslanis, 
ont  changé  la  forme  primitive  du  gouverne- 
menl  de  l'F.glise,  et  ont  piivé  le  peuple  du 
droit  (le  sulliage  qu'il  devait  avoir  dans  les 
délibérations.  Les  évéqucs,  qui  jusqu'alors 
s'étaient  reganlés  comme  de  simples  dépulcs 
ou  inand.ilaires  de  leurs  Eglises,  prélenili- 
renl  qu'ils  avaient  reçu  de  .lésus-Christ  le 
droit  et  le  pouvoir  de  faire  des  lois  toucli.int 
la  foi  et  les  mœurs,  et  de  les  imposer  aux 
fidèles  sans  les  consulter.  De  là  sont  venus 


dans  la  suite  les  honneurs,  les  prérogatives, 
la  juridiction,  que  les  évoques  des  villes  prin- 
cipales se  sont  allribués  sur  leurs  collègues. 

lirponse.  La  fausseté  de  toutes  ces  asser- 
tions est  prouvée  par  des  monuments  incon- 
leslaliles.  Au  concile  de  Jérusalem,  les  apô- 
tres ne  consultèrent  point  le  peuple;  il  y  est 
dit,  au  contraire,  que  la  mullilude  garda  le 
silence  :  tacuil  omnis  mullitudo.  Le  décret 
fut  formé  au  nom  des  apôtres  et  des  prêtres, 
sans  faire  mention  du  pi>uple,  aposloli  et  se- 
niiirrs  fratres.  Le  peuple  d'une  ville  dans  la- 
quelle un  concile  était  assemblé  avait-il  le 
droit  de  subjuguer  par  son  suffrage  les  évê- 
ques des  autres  Eglises,  ou  d'imposer  des 
lois  aux  fidèles  des  autres  villes?  Les  protes- 
tants eux-mêmes,  dans  leurs  synodes,  n'ont 
jamais  consulté  le  peuple  ;  ils  ont  toujours 
prétendu  que  le  peuple  était  obligé  de  se 
soumettre  à  leurs  décisions,  sous  prétexte 
qu'elles  étaient  fondées  sur  l'Ecriture  sainte  : 
ils  se  sont  ainsi  attribué  l'autorité  qu'ils 
contestaient  aux  pasteurs  de  rEL,f|ise  catho- 
lique. Le  prétendu  droit  de  suffrage,  qu'ils 
attribuaient  au  peuple  dans  leurs  écrits  , 
n'est  qu'un  leurre  dont  ils  se  sont  servis 
pour  lui  en  imposer.  Nous  ferons  voir,  en 
son  lieu,  que  les  évêques  n'ont  jamais  été  de 
simples  mandataires  de  leurs  Eglises  ;  que  le 
gouvernement  ecclésiastique  n'a  jamai  s  été  dé- 
mocratique; qu'il  y  a  toujours  eu  parmi  les  évê- 
ques divers  degrés  de  juridiction.  ro//.EvÈQnE, 
Gouvernement,  Hiéharcuie  ,  Pasteur,  etc. 

3°  Il  n'y  a,  disent  nos  adversaires,  aucune 
marque  certaine  pour  distinguer  si  un  con- 
cile a  été  ou  n'a  pas  été  général,  par  consé- 
quent infaillible.  Sur  ce  point,  le  doute  n'est 
pas  encore  dissipé  à  l'égard  des  conciles  de 
Bâle  et  de  Florence,  et  celui  de  Trente  n'a 
pas  été  plus  universel  que  les  autres.  Quel- 
quefois un  concile,  qui  avait  commencé  par 
être  légitime  et  œcuménique, a  cessé  de  l'être 
dans  le  cours  de  ses  séances.  Comment  dis- 
tinguer quels  sont  les  décrets  qui  ont  ou  qui 
n'ont  pas  force  de  loi?  Avant  de  s'y  soumet- 
tre, il  faut  savoir  si  un  concile  a  été  légitime- 
ment et  universellement  convoqué,  s'il  y  a 
eu  liberté  de  suffrages,  s'ils  ont  été  unani- 
mes, s'ils  n'ont  pas  été  dictés  par  quelque 
passion  ,  par  ignorance  ou  par  préven- 
tion, etc.  <^ui  nous  rendra,  sur  tous  ces  faits, 
un  témoignage  auquel  on  soit  obligé  de  se  fier? 

Réponse.  Si  les  protestants  avaient  fait 
toutes  ces  objections  contre  leurs  synodes 
avant  de  vouloir  en  adopter  les  décisions, 
nous  voudrions  savoir  ce  que  leurs  dorteurs 
auraient  répondu  ;  mais  nous  savons  de 
quelle  niànière  ont  été  traités  les  orminiens, 
qui  les  'ont  faites  en  effet  contre  le  synod(!  de 
Dordrecht  :  Basnaï;e  l'avait  oublié ,  sans 
doute  ,  lorsqu'il  s'est  avisé  d'argumenter 
contre  les  conciles  de  l'Eglise  romaine  [Ilist. 
de  l'Eglise,  liv.  x,  chap.  1  et  suiv.  ;  liv.  xxvii, 
chap.  'i-).  —  Il  faut  que  les  caractères  d'un 
concile  œcuménique  ne  soient  pas  aussi  dif- 
ficiles à  constater  qu'il  le  prétend  ,  puisque, 
entre  les  dix-huit  conciles  généraux,  il  n'y 
en  a  que  deux  sur  lesquels  on  conteste  parmi 
les  théologiens  catholiques.  Tous  convien- 


lOi» 


CON 


CON 


1012 


nent  que  quand  un  concile  a  élé  convoqué 
par  le  souverain  pontife  ou  di»  son  consen- 
lement,  lorsque  celle  convocation  ;i  clé  géné- 
rale, qu'il  a  été  confirmé  par  son  ncquicpce- 
menl  et  par  l'acceptaiion  de  toute  l'Eplise,  il 
n'y  a  plus  aucun  doute  à  former  sur  l'uuto- 
rilé  de  ses  décrets.  I-es  contestations  que 
peuvent  élever  à  ce  sujet  les  hérétiques  qui 
ont  été  condamnes  ne  méritent  aucune  con- 
sidération ;  l'Eglise  catholique  n'y  a  jamais 
eu  aucun  égard.  Où  a-t-on  vu  des  plaideurs 
opiniâtres  convenir  de  la  justice  d'un  arrêt 
prononcé  contre  eux? 

4°  Basnage  prétend  que  les  conciles  même 
ne  se  sont  pas  crus  infaillibles.  Les  évéques 
assemblés  à  Nicée  n'eurent  point  une  si 
haute  opinion  de  leurs  décrets;  lorsque  les 
ariens  refusèrent  de  s'y  soumettre,  on  ne 
leur  opposa  point  l'autorité  du  Saint-Esprit, 
qui  y  avait  présidé  :  au  contraire,  on  crut 
que  la  décision  de  Nicée  avait  besoin  d'être 
confirmée.  Elle  le  fut  en  effet  au  concile  do 
Sardique,  l'an  347;  mais  les  évéques,  assem- 
blés de  nouveau  à  Rimini  et  à  Séleucie,  en 
359,  la  révoquèrent  et  la  changèrent  :  consé- 
quemment,  il  a  fallu  la  renouveler  dans  le 
deuxième  concile  général,  tenu  à  Constanti- 
nople  en  381. 11  n'en  est  pas  un  seul  dont  les 
décrets  n'aient  été  sujets  à  révision.  Saint 
Augustin  en  jugeait  ainsi,  puisqu'il  dit  que 
1rs  premiers  peuvent  être  corrigés  par  les 
conciles  postérieurs.  C'est  seulement  dans  les 
derniers  siècles  que  l'on  s'est  avisé  de  les  re- 
garder comme  infaillibles. 

Réponse.  Les  conciles  généraux  se  sont 
tellement  crus  infaillibles  et  revêtus  de  l'au- 
torité de  Jésus-Christ  même,  qu'ils  ont  dé- 
claré hérétiques,  excommuniés  et  indignes 
(lu  nom  de  chrétiens,  tous  ceux  qui  se  sont 
révoltés  contre  leurs  décrets.  Lorsque  des 
conciles  particuliers  onl  fait  la  même  chose, 
ils  onl  présumé  que  leurs  dérisions  seraient 
adoptées  par  toute  l'Eglise,  et  acquerraient 
ainsi  la  même  autorité  que  celles  des  conciles 
généraux.  Le  concile  d'Ephèse,  arl.  3  et  6  ; 
celui  de  Clialcédoine,  art.  5,  déclarent  que 
leur  jugement  est  sans  appel  et  irréformatilo. 
Que  pouvaient-ils  dire  de  plus  fori?  Lorsque 
l'Eglise  a  souffert  qu'un  jugement  semblable 
fût  examiné  de  nouveau,  elle  a  voulu  dé- 
montrer qu'elle  poussait  la  condescendance 
eî  !a  charité  jusqu'à  l'excès  envers  ses  en- 
fants retelles;  qu'elle  ne  refusait  pas  d'é- 
couler leurs  raisons  ;  qu'elle  ne  voulait  leur 
laisser  aucun  sujet  ni  aucun  prétexte  de  se 
plaindre,  et  il  ne  s'ensuit  rien.  Mais  Ici  est 
le  génie  malicieux  des  bénliques  :  quand  on 
exige  qu'ils  se  soumettent  sans  discussion  à 
l'arrêt  une  fois  prononcé,  ils  se  iilaignent  de 
ce  que  l'on  ne  daigne  pas  seulement  les  en- 
lendre  ;  lorsque  l'on  consent  à  entrer  avec 
eux  dans  un  nouvel  examen,  ils  en  con- 
cluent que  l'on  a  bien  senli  l'insuffisance  du 
premier.  Si,  avant  de  les  y  admeilre,  on  exi- 
geait d'eux  une  promesse  solennelle  d'ac- 
quiescer à  la  seconde  décision,  ou  ils  refus(ï- 
raieul  de  la  faire, ou  ils  la  violeraient.  (Jue 
firent  les  ariens  après  le  concile  de  Nicee? 
Ils  n'osèrent  pas  souleuir  que  la  doctrine  de  ï 


cette  assemblée  était  fausse  ou  contraire  à 
celle  des  apôtres ,  ni  en  enseigner  une  tout 
opposée  dans  leurs  professii'ns  de  foi  :  ils  se 
bornèrent  à  prétendre  que  le  terme  de  con- 
sitbf^lantiel,  in-cré  dans  le  symbole  de  Nicée, 
était  susceptible  il'un  mauvais  sens,  et  pou- 
vait donner  lieu  à  des  conséquences  erro- 
nées ;  ils  dressèrent  des  formules  dans  les- 
quelles, en  supprimant  ce  terme,  ils  préten- 
daient établir,  dans  le  fond,  la  même  doc- 
trine; et  pour  les  faire  ado|)ter,  ils  deman- 
daient sans  cesse  de  nouveaux  conciles. 
Lorsqu'ils  furent  parvenus  à  se  rendre  les 
maîtres  dans  quelques-uns,  coinme  à  lUmini 
et  à  Séleucie,  à  intimider  et  à  subjuguer  les 
évéques  catholiques,  ils  levèrent  le  masque 
et  professèrent  le  pur  arianisme.  Voy.  Aria- 
MSME.  —  11  suffit  de  lire  en  entier  le  passage 
de  saint  Augustin  pour  voir  ce  qu'il  a  voulu 
dire.  Il  dit  que  les  conciles  pléniers  ou  géné- 
raux sont  souvent  corrigés  par  des  conciles 
poMérieurs,  lorsciu'on  découvre,  par  quelque 
expérience,  ce  qui  était  caché  auparavant,  et 
que  l'on  aperçoit  ce  qui  était  inconnu  (liv.  ii, 
(le  Bapt.  conlra  Donat.,  c.  3).  Est-ce  en  ma- 
tière de  loi  que  l'on  peut  découvrir  par  ex- 
périence ce  qui  était  inconnu  auparavant? 
L'Eglise  n'a  jamais  eu  besoin  de  concile 
pour  savoir  ce  que  les  apôtres  lui  avaient 
enseigné.  C'est  donc  en  matière  de  fails  per- 
sonnels ou  autres  que  cela  peut  arriver  :  or, 
on  convient  que ,  sur  de  tels  faits ,  les  déci- 
sions d'un  concile  ne  sont  point  infaillibles. 
D'ailleurs  saint  Augustin  écrivait  pour  lors 
contre  les  donalistes,  et  toute  la  contestation 
qui  régnait  entre  eux  et  l'Eglise  n'avait 
qu'un  fait  pour  objet.  Yoy.  Donatistes.  — 
Les  protestants  onl  encore  mieux  fait  que  les 
ariens  :  dans  le  temps  même  qu'ils  soute- 
naient de  toutes  leurs  forces  qu'aucune  dé- 
cision humaine  n'est  infaillible,  ils  exi- 
geaient, pour  les  décrets  de  leurs  synodes,  la 
même  soumission  que  si  c'avait  été  les  ora- 
cles de  Uieu  même. 

5°  Ils  disent  ((ue  plusieurs  conciles  géné- 
raux onl  été  opposés  les  uns  aux  autres.  La 
doctrine  de  Nestorius,  condamnée  à  Ephèse, 
fut  remise  en  honneur  à  Clialcédoine;  ainsi 
en  jugea  le  deuxième  concile  tenu  à  Ephèse, 
en  449,  et  il  n'y  a  aucune  raison  de  juger  ce- 
lui-ci moins  oecuménique  ou  moins  légitime 
que  le  premier.  Le  cinquième  concile,  assem- 
blé à  Constantinople ,  condamna  les  trois 
chapitres  que  celui  de  Clialcédoine  avait  ap- 
prouvés. En  879,  un  autre  concile  de  Cons- 
taniinople  cassa  les  actes  de  celui  qui  avait 
condamné  Pholius  dix  ans  au[)aravant.  Le 
concile  de  Trente  a  déclaré  canoniques  des 
livres  que  les  anciens  roHci/es  avaient  rejetés 
comme  apocr\  [ihes. 

Jiéponse.  Ce  sont  là  autant  de  faussetés. 
Il  esi  absurde  de  nous  donner  pour  concile 
œcuménique  l'assemblée  que  Dioscore,  à  la 
lê!e  des  eiitu'hiens,  tint  en  449,  cl  qui  a  été 
nommée  à  juste  titre  le  liri(janda;je  d'Ephèse. 
Il  ne  l'est  pas  moins  d'alléguer  en  preuve  les 
calomnies  (lue  ce  .  hérétiques  publièrent  con- 
tre les  décisions  du  concile  de  Clialcédoine, 
pour  étaler  leurs  erreurs.  11  est  faux  que  co 


1013 


CON 


CON 


1014 


concile  ait  favorisé  en  aucune  manière  la 
dodrine  de  Neslorius,  et  qu'il  ait  approuvé 
les  trois  chapilris;  il  l'est  nuo  celui  de  Cons- 
t.iiitinople  ail  cassé  les  actes  du  piécéileiit. 
Tous  ces  faits  seront  éclaircis  chacun  en  son 
lieu.  i'oy.  Jîphèse,  Chai.cédoiniî,  Iîutychia- 
ivisMi;,  Nkstobumsme,  Grecs,  etc.  F.e  concile 
de  Trente  a  déclaré  canoniques  «l^s  livres  que 
les  anciens  f  011 '//es- n'a  valent  pasfilacésdansle 
canon,  tn.iis  qu'ils  n'avaient  rejelés  ni  comme 
faux,  ni  (omme  apocryphes.  Voi/.  C\non. 

G"  Il  n'est,  disent  encore  les  protestants  et 
leurs  copistes,  aucun  des  conciles,  soit  an- 
ciens, !-oit  î>ioilernes,qui  ail  produit  les  eiïels 
que  l'on  en  alleudait.  O^s  assemblées,  loin 
de  terminer  les  disputes,  les  ont  rendues  plus 
violentes  ;  elles  ont  aigri  le  mal  au  lieu  d'y 
remédier.  Le  concile  <le  Nicé(!  u'abnulil  qu'à 
susciter  de  nouveaux  partisans  à  l'arianis- 
me,  et  à  remplir  rE»lise  de  troubles  pendant 
plus    d'un   siècle.  Celui    de    Constantinoplc 
n'oiouffa  pas  les  erreurs  de  Macédonius;  ce- 
lui d'Eplièse  lit  naître  le  schisme  des  ncslo- 
riens,  cl  celui  de  Chaiccdoine,  le  schisme  des 
eulychiens.  Le  septième,  touchant  le  culte 
des  images,  fut  rejeté  en  France  et  en  Alle- 
magne penilantplus  d'un  siècle,  et  le  huilicme 
a  été  l'origine  du  schisme  des  Grecs,  lùifin, 
celui  de    Trente  n'a  pu  ramener  à   l'Eglise 
aucune  des  sectes  qui  s'en  étaient  séparées. 
Ri'ponse.  A  qui  doil-on  s'en  prendre?  il  est 
singulier  que  les  hérétiques  se  prévalent  de 
leur  oi)iniâtrelé ,  pour  prouver  l'inulililé  des 
conciles.  Tous  ont  commencé  par  eu  deman- 
der un  dans  lequel  leur  doctrine  fût  exami- 
minée;  lorsqu'ils  ont  été  condamnés,  ils  ont 
déclamé  contre  la   décision.  Cela  dénjontie 
que  tons  ont  été  de  mauvaise  fui;  qu'ils  ont 
été  bien  résolus  de  n'acquiescer  à  aucun  ju- 
gement, à  moins  qu'ils  ne  l'eussent  cu\-mô- 
nies  dicté.  Mais  le  synode  de  Dordrecht ,  as- 
semblé par  les  calvinistes  avec  tant  d'appa- 
reil, a-t-il  converti  les  arminiens?  Leur  secte 
subsiste  et  a  fait  de  nouveaux  partisans,  en 
dépit  de  la  condamnation;  celle  des  gomaris- 
les  n'a  prévalu  que  par  l'appui  du  bras  sécu- 
lier. Avant  de  censurer  avec  tant  d'amertume 
les  conciles  de  l'Eglise  catholique,  les  protes- 
tants auraient  dii  ouvrir  les  yeux  sur  ce  qui 
s'est  passé  parmi  eux.  —  Quelle  conséquence 
peuvent   en    tirer   les   incréJules   d'aujour- 
d'hui? Que  les  hérétiques  sont  inconverti- 
bles ;  que   l'Eglise  lait   en   vain  ses   efforts 
pour  les   ramener  à  résipiscen<e;  qu'ils  la 
forcent  enfin  à  les  rejeter  entièrement  de  son 
sein,  comme  des  membics   pourris  el  (a|ia- 
bles  d'infecter  les  autres.  L'aiiailième  qu'elle 
prononce  contre  eux  n'est  donc  pas  inutile, 
puisqu'il  sert  à  distinguer  ses  eni'.inls  d'avec 
les  rebelles,  el  sa  doctrine  d'avec  les  cireurs. 
Les  schismes,  les  di\  isions,  les  haines,  qui  ne 
ma nquentjamaisd'éclore  dans  les  sectes  même 
dont  elle  s'est  séparée,  ne  prouvent  ((Ue  trop 
qu'elle  a  eu  raison  de  s'en  iSébarrasser. 

7°  11  est  impossible,  continuent  les  décla- 
mateurs,  que  le  Sainl-Esî»ril  ait  présidé  aux 
conciles  ;  c'étaient  des  assemblées  tumul- 
tueuses, oiî  la  passion  animait  égalemeitt  les 
deux  partis,  où  les  evèques,  la  plupart  très- 


vicieux,  ne  pensaient  qu'à  faire  jirévaloir 
leurs  opinions  et  à  satisfaire  leurs  haines 
particulières.  Ri>n  n'est  plus  scandaleux  que 
les  scènes  qui  se  sont  passées  à  Eplièse,  à 
Conslanlinople,  à  Ni(  ée  et  ailleurs,  pendant 
la  tenue  des  conciles.  Sain!  Grégoire  de  Na- 
zianze  en  était  si  révolté,  qu'il  avait  résolu 
de  ne  plus  assister  à  aucun  :  il  n'en  parle 
qu'avec  le  plus  grand  mépris;  saint  Am- 
broise  en  pensait  de  même.  Les  dis|)utes  ne 
furent  ni  plus  décentes  ni  plus  modérées  au 
concile  de  Trente  que  dans  tous  les  autres. 

Réponse.    Nous  convenons  que,  dans  plu- 
sieurs  des  anciens  conciles,  les   hérétiques 
ont    excité    du    (uiuulle  ;    que    "souvent,    à 
l'exemple   des   ariens .  de   Ne^ilorius    et    de. 
Dioscore,  ils  se   sont  fait   appuyer   par  des 
soldais,  et  ont  ein[»loyé  la  violence  pour  fiiiro 
prévaloir  leurs  erreurs.  Mais  il  ne  faut  pas 
rejeter  sur  les  évéques  catholiques  les  excès 
des  sectaires.  Lorsijue  sainl  Grégoire  de  Na- 
zianze  a  lait  un  tableau   désavanlagcux   dos 
conciles,  il  parlait  de  ceux  dans  lesquels  les 
ariens  avaient  été   les  maîtres,  et  s'étaient 
prévalus  de  l'appui  des  empereurs   qui  les 
favorisaient  ;  il   écrivait  l'an  377,  el  alors  il 
y  avait  eu  au  moins  douze  assemblées  d  ins 
lesquelles  ces  hérétiques  avaient  fait  éclalcr 
leur  génie   violent   et  séditieux  ;    lui-même 
avait  été  en  butte  à  leurs  cal>ales,  lorsqu'il 
gouvernait  l'Eglise  de  Gonstautinnpie.  Saint 
Ambroise  parlait  de  ces  mêmes  tumultes,  et 
dans  le  même  temps.  Mais  il  n'y  a  pas  eu  des 
ariens  dans  tous  les  conciles.  Plusieurs  ont 
été  tenus  sous  les  yeux,  dans  le  palais  des 
.empereurs;  et  ces  princes,  lorsqu'ils  étaient 
catholiques,  n'ont  excilivni  souffert  aucune 
dispute  indécente.  —  11  peut  y  en  avoir  eu 
parmi  les   Ihi'ologieiis  de  différentes  écoles, 
qui    furent  envoyés   au   concile  de  Trente; 
mais  ces  disputes  n'ont  rien  eu  de  commua 
avec  les  sessions  du  concile,  tenues  par  les 
évéques,  dans  lesquelles  se  rédigeaient  les 
décisions.  H  y  avait  à  Trente  des   ambassa- 
^leurs   de   tous    les   souverains   catholiques. 
Les  disputes  des  théologiens  n'avaient  lieu 
que  dans  des  assemblées  particulières;  au- 
cun  désordre,  aucun   tumulte   n'est   arrivé 
dans   les   sessions  publiques.  Voy.  Trentiî. 
8'M\Iosbeim  prétend  que  Icscouiroversistes 
el  les  conciles  suivirent  la  méthode  des  juris- 
consultes et  des  tribunaux  romains,  qui  exa- 
minaient plutôt  ce  qui  avait  été  pensé  par  les 
anciens,  que  ce  (jui  éiail  confirme  à  la  raison 
et  au  bon  sens.  C'est.dii-il,  ce  qui  donna  lieu  à 
des  im,  ost.Htrs  de  publier  de  faux  ouvrages, 
sous  les  uoios  des  auteurs  les  plus  respi'cta- 
blos,   même  de  Jesus-Christ  cl   des  apôtres 
(llist.  eccL,  v  siècle,  ir  part.,c.  3,  §  8  et  9). 
Réponse.  Ici,  comme  dans  beaucoup  d'au- 
tres endroits,  ce    critique  a  été  aveuglé  par 
la  bail)  '.  Il  a  dû  savoir  que,  dans  le  clirislia- 
nisuie,  pour  savoir  ce  qui  est  vrai  ou  laux,  il 
ne  s'agit  pas  de  lonsulter    la  raison  très-fau- 
tive et  le  prétendu  bon  sens  des  philosophes, 
mais  la  révélation,  et  de  savoir  ce  qui  a  é:é 
ou  n'a  pas  été  révélé.  Or  c'est  un  fait  qui  ne 
peut  être  constaté  que  par  des  téiiioignage.* 
ou  pur  le  rapport  de    anciens.  11  n'y  a  donc 


JOIS 


CON 


CON 


10IG 


aucune  comparaison  à  faire  enlre  les  théolo- 
giens et  les  jurisconsultes.  —  Que  répondrait 
Moslieim  à  un  incrédule  qui  lui  dirait  que 
c'est  l'habilude  de  consulter  des  livres  pré- 
tendus inspirés,  plutôt  que  la  raison  et  le  bon 
sens,  qui  a  donné  lieu  aux  faussaires  de  for- 
ger des  livres  sous  le  nom  de  Jésus-Christ  et 
des  .ipôlres  ?  Voilà  comme  les  protestants 
s'enlacent  toujours  dans  leurs  propres  filets. 

9' Quelques  incrédules  ont  prétendu  qu'il 
y  a  un  moyen  par  lequel  la  cour 'de  Rome 
peut  corrompre  les  actes  des  conciles  ;  ils  ont 
«lié  un  protestant  qui  dit  qu'à  la  bibliothèque 
du  ^'atiGan  il  y  a  des  écrivains  entretenus 
pour  transcrire  les  aciesét  les  ouvrages  des 
Pères,  en  imitant  le  caractère  des  anci'ens  li- 
vrés, afin  de  pouvoir  donner  ces  copies  mo- 
dernes pour  des  titres  originaux.  Ces  im- 
postures des  protestants  étaient  fort  bonnes 
pour  séduire  les  peuples  dans  les  deux 
siècles  passés;  mais  il  y  a  bien  de  l'ineplie 
à  les  répéter  aujourd'hui.  La  cour  de  Rome 
allérera-t-elle  les  éditions  des  conciles  et  des 
Pères,  imprimées  et  répandues  dans  une 
grande  partie  de  l'univers  ?  Les  actes  origi- 
naux du  concile  de  Bàle  n'ont  pas  été  trans- 
portés à  Rome;  ils  sont  dans  la  bibliothèque 
de  Râle,  et  il  y  on  a  une  copie  authentique 
dans  la  bibliothèque  du  roi. 

Les  actes  des  conciles  ont  été  recueillis  par 
Labigne,  et  imprimés  au  Louvre  l'an  1644,  en 
37  vol.  in-folio  :  ensuite  par  les  Pères  Labbe  et 
Cossart,  jésuites,  et  imprimés  à  Parisenl672, 
en  17  volumes  ;  enfin  par  le  Père  Hardouin, 
et  imprimés  au  Louvreeni715,  en  12  vol.  La 
collection  de  Labbewt  été  réimprimée  à  Venise 
en  1732,  en  21  vol.,  et  à  Lucques  en  17i8,en 
26  vok  Les  actes  des  conciles  tenus  en  France 
ont  été  donnés  par  le  Père  Sirmond  et  par  son 
neveu,  en  k  vol.  ;  ceux  des  conciles  d'Espagne 
par  d'Aguirre,  en  4  vol.  ;  ceux  des  conciles 
d'Angleterre  et  d'Irlande,  par  Wilkins,  et 
imprimés  à  Londres  en  1737,  en  4  vol.  in-fol. 
Discours  du  Père  Richard,  à  la  tète  de  {'Ana- 
lyse des  conciles  généraux  et  particuliers. 

[TABLEAU  DES  CONCILES  GÉNÉRAUX  (1) 

TENUS    DEPUIS   LE    COMMENCEMKNT  DE    L'ÉGLISE   JUSQU'A 
^0S    JOUBS. 

!*■•   Concile  général, 

(325)  Le  i'^'  concile  général  de  Nicée  ,  ville  de  Di- 
thynie  dans  l'Asie  Mineure  :  il  dura  deux  mois  et 
douze  jours.  Il  y  avall  318  évéques.  Osius,  évêqiie 
de  Cordoue,  y  assista  comme  légal  du  pape  Syl- 
vestre. L'empereur  Consianliii  s'y  trouva  aussi  : 
on  dressa  diiis  ce  concile  le  symbole  de  Nicée,  qui 
fut  rviouclié  et  augmenté  dans  le  concile  suivant. 
Il'  Concile' cjénérul. 

(381)  i^'  Concile  général  de  Conslanliiiople  ,  com- 
posé de  iriO  évéques  contre  Macédonius,  qui  com- 
battait la  (tiviniié  du  Saint-Kspril,  et  contre  Apol- 
linaire. On  retoiiclia  le  symbole  de  Nicéo  et  on  y 
ajouta,  enlre  autres  choses,  ce  (|u'ou  y  lit  à  pré- 
sent sur  la  divinité  du  Saint-Esprit,  et  ce  qui  suit 
jusqu'à  la  fin. 

m"  Concile  qcnéral. 

(431)  Concile  général  d'I'^plièsc.  Il  s'y  trouva  plus  de 
200  évéqnes.  Saint  Cyrille  d'Alexandrie  y  présida 
pour  le  pape  Célestin  V'.  La  sainte  ViiTge  y  fut 
déclarée  niére  de  Dieu,  don  nindamna  Nc^lorius, 
(V)  Il  y  a  (luelques  conciles  dont  l'œcuinénicité  est 

celui  de  concile  d^ns  le  tableau  qu'on  va  lire. 


évêquedeConstaniinopIe.  On  y  renouvela  la  con- 
damnation de  Pelage. 

iv«  Concile  (jénéral. 

(451)  Concile  général  de  Ciialcédiiine  dans  l'Asie 
Mineure.  On  y  condamna  Euiychés  et  Dioscore, 
évoque  d'Alexandrie  ,  qui  soutenait  qu'il  n'y  avait 
en  Jésus-Christ  qu'une  seule  nature.  On  excom- 
munia Eutychès,  et  Dioscore  fut  chassé  de  son 
siège  d'Alexandrie. 

v«  Concile  général. 

(553)  11=  Concile  général  dé  Consianlinople  de  151 
évoques.  Il  fut  convoqué  ,  1°  peur  condantner  les 
erreurs  d'Origène et  quelques  écrits  de  Tliéodorct, 
de  Thé  idore,  évêque  de  Mopsiiesle  et  d'Ibas,  évo- 
que d'Edesse;  2°  pour  confirmer  tes  quaire  pre- 
miers conciles  généraux,  et  p3r;iculièremeni  celui 
de  Chalcédoine  que  les  acéphales  contestaient. 
VI"'  Concile  général. 

(680  et  681)  ni=  Concile  général  de  Consianlinople, 
où  se  trouvèrent  pins  100  de  évéques,  sur  la  fin  ; 
deux  patriarches,  l'un  de  Constaniinnple  et  Tauire 
d'Antioche  ;  et  l'empereur,  afin  que  sa  préseiif  c  re- 
tint les  esprits  mutins.  Ce  concile  fut  asscmtdé  pou.- 
détruire  enllérciuent  le  inonoiliélisme  ,  et  pour 
reconnaître  en  J.-C.  deux  voloniés  ,  l'une  divine 
et  l'autre  humaine,  et  autant  d'actions  qu'il  y  a 
de  natures.  On  excommunia  Sergius  Pyrrhus,  l-aiil, 
Macarius  et  tons  leurs  sectateurs. 
vii=  Concile  gniéral. 

(787)  lor  Concile  général  de  Nicée  de  377  évéques  , 
convoqué  par  remperenr  Constantin  et  sa  mère 
Irène.  Les  légats  du  pape  Adrien  présidèrent ,  et 
Taraise,  patriarche  do  Coiislanlinople,  y  assista. 
On  y  régla  la  vénération  due  aux  saintes  images, 
viii"'  Concile  général. 

(869)  iV  Concile  général  de  Coiisiantinople,  oùsc  trou- 
vèrent 20-2  évéqnes,  3  légats  du  pape,  et  i  patriar- 
ches.Ony  brûla  lesactesd'imconciliabuleque  Pho- 
tius  avait  assemblé  contre  le  pape  Nicolas  et  contre 
Ignace,  légitime  paliiarche  de  Constaniinople.  On 
y  condamna  Photius  ijui  s'était  emparé  de  cette  di' 
gniié,  et  Ignace  fut  rétabli  avec  honneur;  le  culte 
des  images  de  la  sainte  Vierge  et  des  saints  y  fut 
encore  maintenu. 

ix'  Concile  général 

(1123)  i"^' Concile  général  de  Latran,  sons  Calixtell. 
11  y  avait  plus  de  500  évoques  et  plus  de  GOOabhés. 
Il  fut  tenu  pour  la  paix  de  l'Eglise  troublée  depuis 
plus  de  45  ans  à  l'occasion  du  droit  de  la  colla- 
tion des  bénélicesque  l'empereur  prétendait  avoir. 
On  travailla  à  rétablir  la  discipline  ecclésiastique 
beaucoup  affaiblie  par  la  longueur  et  la  multitude 
des  schismes.  Ou  y  cliercha  aussi  les  moyens  de 
retirer  la  terre  sainte  de  la  puissance  des  infidèles. 
X''  Concile  gcnéral. 

(1139)  11=  Concile  général  de  Latran  ,  de  prés  de 
1000  évéïjnes,  ."^ous  Innocent  11,  pape,  et  en  pré- 
sence de  Conrad, empereur.  Il  fut  assemblé  pour  con- 
damner les  chisinatiques,  pour  rétablir  la  discipline 
de  l'Eglise  ,  et  pour  aiiathématiser  les  erreurs 
d'Arnaud  de  ISrescia, ancien  disciple  d'Abailard. 
xi'  Concile  général. 

(H79)  iii«  Concile  général  de  Latran.  Il  y  avait  302 
évéques.  Il  fut  assemblé  pour  annuler  les  ordina- 
tions faites  par  les  antipapes,  condamner  les  er- 
reurs des  vaudois,  et  pour  travailler  à  la  réf.irine 
des  mœurs. 

xii*  Concile  général. 
(1215)  iv=  Concile  général  de  Latran  ;  le  pape  Inno- 
cent III  y  présida.  Il  y  avait  deux  patriarches , 
celui  de  Constaniinople  et  celui  de  Jérusalein  ;  71 
archevêques  ,  Mi  évéques,  800  abb;'s;  le  piiniai 
des  inaronites  et  saint  Duminiquc  ,  iiisiiinieur 
de'  l'orilie  des  Kréres  Prêcheurs.  Le  concile  lut 
assemblé  pour  condamner  les  erreurs  des  albiT 
ci'iiiestée  :  nous  ne  mettons  pas  le  mot  général  après 


«017 


CON 


CON 


10\8 


j;eois  et  des  autres  héréliques,  et  pour  la  conquête 
(le  la  terre  sainte. 

XIII'  Concile  général. 

(124'))  1"  Concile  général  de  Lyun  ,  oii  présida  le 
pape  Innocent  IV  et  où  assisléreni  les  patriarches 
(le  Constanliiiople,  d'Ânlioche  et  d'Aqnilée  on  de 
Venise;  lit)  évéqnes,  Baudoin  II,  empereur  d'O- 
rient, et  saint  Lonis,  roi  de  France.  On  y  excom- 
ninnia  Frédéric  11.  On  y  donna  le  chapeau  ronge 
aux  cardinaux,  et  enfin  on  décida  qu'on  enverrait 
une  niiuvelle  armée  de  croisés  dans  la  Palestine  , 
soHs  la  conduite  d(-  saint  Lonis. 
XIV»  Concile  général. 

(127i)  IV"  Concile  général  de  Lyon,  où  présidait 
Grégoire  X,  et  où  assistèrent  les  patriarches  d'An- 
lioche et  de  Consiantinople,  5  cardinaux  ,  500 
évèques,  70  abbés,  1000  docteurs.  On  y  travulla 
à  r'éunir  les  Grecs  et  les  Latins  sur  la  procession 
du  Saint-Esprit.  On  ajouta  au  symiiole  de  la  foi 
qui  avait  iié  dressé  an  cnnrile  de  Constantimiplc, 
le  mot  Filiûque.  On  chercha  les  moyens  de  recou- 
vrer la  terre  sainte. 

xv"^  Concile  général. 

(13ll)Concile  général  de  Vienne  en  France,  assemblé 
par  ordre  deClémeni  V.  Il  y  avait  les  doux  patriar- 
ches d'Antinche  et  d'Alexandrie,  ôdU  évoques,  3 
rois,  Philippe  IV,  roi  de  France;  Edouard  11,  roi 
d'Angleterre;  Jacques  H,  roi  d'Aragon.  On  y  parla 
particulièrement  des  erreurs  et  des  crimes  des  tem- 
pliers, des  béguards  et  des  béguines  ,  d'une  ex- 
pédiliorv  dans  la  terre  sainte  ,  de  la  réforniation 
des  mœurs  du  clergé,  et  de  la  nécessité  d'établir 
dans  tontes  les  universités  des  professeurs  pour 
enseigner  les  langues  orientales. 
xvi<^  Concile. 

(1409)  Concile  de  Pise,en  llO'J,i|ue  plusieurs  regar- 
dent comme  général.  L'objet  principal  de  ce.concile 
futl'exiinciion  du  schisme  après  la  mort  du  pipe 
Grégoire  XI,  en  1372.  Il  s'y  trouva  22cardinaui,l 
patriarche,  92;  évèques  ,  des  députés  de  presque 
toutes  les  universités,  de  même  (pie  des  ambasta- 
deursde  la  plnp:irl  de;  cours.  Ou  y  élut  Alexandre  V, 
pape;  mais  le  schisme  ne  luipas  éteint  pour  cela, 
xvir  Concile  général. 

(lil4)Concilegéiiéralde  Constance,  en  Allemagne.  Il 
fut  assemble  par  les  soins  de  l'cuipereur  Sigismond, 
pour  anathématiser  les  hérésies  deWiclefet  de  Jean 
Hus,  et  pour  éteindre  les  schismes  qui  déchiraient 
l'Eglise  depuis 57  ans.  On  y  comptait  4  patriarches, 
47  archevêques,  ItiO  évéqnes,  5Gi  abbés  et  doc- 
teurs. Jean  Gerson,  chancelier  de  l'université  de 
Paris,  y  assista.  Jean  Hus  et  Jérôme  de  Prague 
y  furent  brûlés  après  avoir  été  convaincus  de  leurs 
erreurs  et  avoir  refusé  de  les  alijurer  avec  une  opi- 
niâtreté dont  l'hérésie  seule  est  capable.  Martin  V 
approuva  les  décrets  qu'on  y  fil  en  matièredefoi. 
xviu«  Concile. 

(1451)  Concile  de  Bàle,  ville  de  Suisse,  sur  le  Rhin , 
sous  Euçèiie  IV,  Sigismnnd  étant  empereur.  Il  fut 
assemble  à  l'occasion  des  troubles  de  Bohême  au 
sujet  de  la  communion  sous  les  diux  espèces.  Le 
concile  accorda  aux  Bohémiens  l'u-^age  du  calice, 
pourvu  qu'ils  n'improuvissent  pas  l'ai  tion  de  ceux 
(|ui  ne  communiaient  que  sous  une  espèce.  On  y 
travailla  aussi  à  la  réformation  du  clergé.  Ce  con- 
cile n'est  pas  regardé  comme  œcuménique  dans 
toutes  ses  sessions  :  à  la  lin  ,  ce  no  fut  qu'une  as- 
semblée tumultueuse. 

XIX*  Concile  général. 

(I43S)  Concile  général  de  Florence.  Il  fut  commencé 
dès  l'an  1438,  à  Ferrare  ;  mais  la  peste  qui  se  fit 
sentir  dans  cene  ville  obligea  de  irnnslérer  ce 
concile:»  Florence.  Eugène  IV  y  présida.  H  y  avait 
150  l'TÔqnes.  Joseph  ,  patriarche  de  Constantiiio- 
ple,  avec  Jean  Paléologue,  empereur  d'Orient,  s'y 
trouvèrent.  Il  fut  assemblé  particuljèremeiit  pour 
réunir  les  Grecs  et  les  Latins. 


SX"*  Concile. 
(1512)  v«  Concile  général  de  Lairan  ,  où  présida  Jules 
II,  puis  Léon  X;Maximilieii  T'était  alors  empereur 
d'Allemagne.  Ceconcileduraciiiq  ans;ily  avait  15 
cardinaux  et  près  de  80  arcln-vèques  et  évèques. 
Il  lut  assemblé,  1"  aliu  d'empêcher  une  espèce  de 
schisme  naissant  ;  2°  pour  terminer  plusieurs  dif- 
férends qui  existaient  entre  le  pape  Jules  11. et 
Louis  XII,  roi  de  France;  3»  pour  réformer  le 
clergé.  On  arrêta  dans  (  e  concile  qu'(ni  ferait  la 
guerre  :i  Séliin,  empereur  des  Turcs.  On  nomma 
pour  chef  de  celle  expédition  l'empereur  Maxi- 
milieu  1''"',  et  François  l"',  roi  de  France.  La  mort 
de  Maximilieii  et  l'hérésie  de  Luther,  qui  causa  de 
grand  troubles  en  Allemagne  ,  renversèrent  ce 
grand  dessein. 

xxi"  Concile  général. 
(1545)  Concile  général  de  Trente  ,  ville  épiscopale, 
dont  l'évoque  était  souverain  et  prince  de  l'Empire, 
sous   la  protection   de   la  maison  d'Autriche.  Ce 
concile  dura  près  de  18  ans.  depuis  1545  jusqu'en 
1503,  sous  5  papes,  Paul  III,  Jules  III ,  .Marcel  II, 
Paul  IV,PielV,et  sons  les  règnes  de  Charles-Quint 
et  de  Ferdinand,  empereurs  d'Allemagne.  Ce  concile 
avait  réuni   5  cardin:oix  ,  légats  du  saint-siége,  5 
patriarches,  3')2rchevêi|ues,  233  évèques,  7  abbés, 
7   généraux  d'ordres  inonasiiques ,    ItiO  docteurs 
en  théologie.  Il  fut  convoqué  pour  condamner  les 
erreurs  des   luthériens  ,   et  pour  la  rélormatioti 
des  mœurs  des  ecclésiastiques  et  des  lidéles.J 
CONCILESNATIONAUX  (1).  Ils  se  forment 
par  l'assemblée  des  évèques  de  toutes  ou  de 
presque  toutes  les  provinces  d'un  royaume 
ou  d'un  État.  L'antiquité  nous  en  offre  beau- 
coup  d'exemples  dans  les  célèbres  concilet 
d'Afrique,  des  (jaules   et  d'Espagne,  lis  ont 
été  assez  fréquents  en  France  sous   la  pre- 
mière et  seconde  race  de  nos  rois.  Il  y  en  a 
eu  encore  quelques-uns  depuis,  mais  moins 
fréquemment  ;  et  depuis  longtemps  il  ne  s'en 
est    point  tenu  auquel  on   puisse  donner  ce 
nom.  Quoique  bien   inférieurs  pour  l'auto- 
rité aus  conciles  généraux,  ces  conciles  ont 
toujours  inspiré  une  grande  vénération,  et 
leur  suffrage  a  toujours  paru   très-consi(lé- 
rable.  On  en  peut  jufjer  par  le  respect  qu'on 
a,  dans  tous  les  temps,  témoigné  pour  les  dé- 
cisions et  règlemenls  portés  dans  ces  concilet, 
et  que  les  conciles  généraux  ont  eux-mêmes 
souvent  adoptés. 

La  convocation  de  ces  conciles  n'a  jamais  été 
regardée  comme  une  chose  réservée  aux  pa- 
pes. On  ne  voit  rien  dans  les  actes  de  ces 
conciles  qui  annonce  qu'on  ait  cru  avoir  be- 
soin de  l'agrément  des  souverains  pontifes 
pour  les  assembler.  C'étaient  les  patriarches, 
les  primats,  qui  en  faisaient  la  convocation, 
du  consentement  exprès  ou  présumé  des  prin- 
ces chrétiens  (2).  Car  ce  consentement  a  tou- 
jours élé  nécessaire  pour  autoriser  les  évè- 
ques à  se  réunir  eu  corps  En  France,  ce  sont 
presque  toujours  nos  souverains  eux-mêmes 
qui  ont  convoqué  les  conciles  nationaux  du 
royaume  ;  ils  en  ont  incontestablement  le 
droit,  comme  prolecteurs  et  gardiens  des 
droits,  franchises  et  libertés  de  l'Eglise  et  du 

(1)  Cet  article  et  le  suivant  sont  reproduits  d'après 
rédition  de  Liège. 

(2)  C'est  un  abus  d'autorité  de  la  part  des  princes 
lernpiirels  :  leur  seul  droit  est  de  veiller  à  ce  que 
r.irdrc  public  ne  soit  point  troublé  à  l'occasion  de 
ces  réunions. 


1019 


CON 


CON 


1020 


royaume  de  France,  l'resqiie  tous  les  conci- 
les, (Joui  les  ncles  oui  élé  conservés,  offrent  la 
preuve  lie  l'exercice  que  nos  rois  ont  fait  de 
leur  pouvoir  à  cet  éiiaril  ;  pri'S(|ue  tous  por- 
tent qu'ils  se  sont  asscmb'és  par  les  ordrrs 
des  princes  qui  gouvernaient  alors  l'Klal  ;  et 
à  (iuel  anire  mieux  qu'au  souverain  pou- 
vait apparlenir  II' droit  (le  convoquer  et  d'as- 
setiibler  les  éiêques  qui  vivaient  sous  sa 
domiuc'itiun  ? 

Ainsi,  lorsque  eusuiie  ces  conciles  en- 
voyaient aux  papes  leurs  actes  pour  en  de- 
mander la  coulTinalinn,  il  faut  bien  prendre 
garde,  comme  on  l'a  déjà  observé,  que  cette 
confirniaiion  n'était  pas  demandée  pour  au- 
toriser la  tenui'  de  ces  assemblées,  ^al;lllles 
certainement,  et  léfiilimes  par  elles-mêmes  : 
on  ne  voulait  que  donner  une  force  nou\elle 
aux  décisions  portées  parces  conciles,  en  ajou- 
tani  au  poids  de  leur  jugeaient  l'autorité  du 
jugement  du  sainl-siége;  ce  qui  présente  une 
sorte  d'approbation,  d'adhésion  aux  défini- 
tions faites,  plul()t  qu'une  conOrmation  pro- 
prement dite. 

A  l'égard  de  la  présidence  dans  les  conciles 
nati(maiix,  elle  était  déférée  ou  selon  ladi'^nilé 
des  sièges,  lorsque,  dans  l'étendue  des  pro- 
vinces dont  les  évêques  se  rassemblaient,  il 
y  avait  quelque  siège  à  qui  la  prééminence 
était  attachée;  ainsi  les  patriarches  dans  leur 
palriarcat  ;  les  exarques,  titre  qu'on  donnait 
aux  évêquis  de  Césarée  en  Cappadoce,  d'K- 
phése  et  d'Héraclée,  dans  leurs  exarcbais;  les 
primais  dans  leurs  primalies,  avaient  de  droit 
la  présidence,  ou  bien  c^le  éiail déférée  à  l'an- 
cienneté de  l'ordination.  Quelquefois  on  l'.ic- 
corilait  à  la  (|ualiic  de  légats  du  sain!-si  ge. 
Les  archevêques  d'Arles  l'eurent  longtemps 
à  ce  titre,  qui  reprit  une  nouvelle  faveur,  et 
fut  fort  en  usage  dans  les  xi*^,  xir  et  xiir  siè- 
cles, ,iprès  quoi  on  revint  encore  à  l'ancienne 
coutume  de  le  nir  le^  conciles  nationaux  sans 
le  concours  des  ligats  du  pape. 

Ftn  France,  la  présidence  était  ancienne- 
ment dél'érée  an  plus  .incien  des  méiropoli- 
taiiis.et  cet  ordre  subsista  jus(|u'au  temps  où 
les  papes  donnèrent  la  qualité  de  légats  du 
saint -siège  aux  archevêques  d'Arles.  Ceux- 
ci,  en  cette  (]ualilé,  présiilèrent  souvent  aux 
conciles  nationaux.  Cependant,  durant  le 
temps  même  de  celte  légation,  on  voit  d'au- 
tres évêques  présider  à  dis  conciles.  La  lé- 
gation l'ut  accordée  par  le  pape  Symmaqni-  à 
saint  Césairo,  archevêque  d'Arles  en  514, 
ponr  terminer  les  fréquentes  nnitestations 
qui  s'clevaieiil  au  siijel  de  la  présiileme  en- 
trelesarehevêques  de  Vienne  et  de  Narboniie. 
Celte  même  léi;alion  fut,  à  la  prière  de  nos 
rois,  confirmée  par  les  papes  à  lous  les  sue- 
censeurs  de  sain!  Cèsaire,  comme  il  paraît 
par  les  lettres  des  papes  à  saint  Cèsaire  lui- 
II  ême,  à  Arradiiis,  ;i  Aurélien,  à  Sapaiidus, 
et  a  Virgilius,  qui  tous  se  succédèrent  les  uns 
aux  autres  dans  Ip  siégi-  d'  \rles,  et  ce  fut  en 
conséqucDce  de  la  cuniinualioii  ou  (onfirma- 
tion  de  ce  privilège  que  Sipandiis  présida  au 
second  co«ci7?  d'Arli-s  m  5)4-,  ;i  c.iiij  ,|e  P.iris 
en  5S5,  et  a  celui  de  Valence  en  o8i,  —  Mais 
pendant  le  mémo  temps  on  voit  Probus,  ar- 


chevêque de  Bourges,  présider,  eu  557,  au 
troisième  concile  de  Paris  :  Philippe,  évéque 
de  Vienne,  au  second  de  Lyon,  en  Sti"  ;  Ku- 
phnnius  do  Tours  au  second  concile  de  cette 
ville,  en  la  même  annè«,  et  Anchorius  à  ce- 
lui d'Aiixcrre,  en  578. 

L'arciievéqne  do  Lyon  jonil  (1 1  en  France 
dii  droit  de  priinalie,el  prétend,  coniioe  un 
privilège  de  son  siège,  au  droit  de  présider 
au  concile  de  la  nation.  Les  exemples  que  l'on 
vient  il"' citer  prouvent  qui- ce  privilège  n'a 
pu  s'établir  que  vers  la  lin  du  vi'  siècle.  On 
trouve,  et  c'est  peut-être  ici  l'origine  de  la 
prètenlion  des  archevêques  de  Lyon,  qu'en 
585,  Priscus,  évéque  de  Lyon,  présid  )  au  se- 
cond conci/ede  Mâcon, où  se ti'ouvèrent  après 
lui,  iiutre  les  évêques,  cinq  autres  métropo- 
litains, ceux  de  Vienne,  de  Sens,  de  Kouen, 
de  Bordeaux  et  de  Bourges.  Ce  co>ic(/e,qui 
était  comme  national,  ordonna  que  tous  les 
cinq  ans  ou  en  tiendrait  un  seinblaMe,  et  que 
l'évéque  méiropolilain  de  Lyon  l'indiquerait, 
après  être  convenu  avec  le  roi  du  lieu  de  l'as- 
semblée. (~andéricus,  évéque  de  Lyon,  pré- 
sida, en  (j50,  au  concile  de  Cbâlons  ;  c'est 
apparemment  ce  qui  établit  insensiblement  le 
droit  des  évêques  de  Lv)n,  qui,  depuis  ce 
temps-là,  présidèrent  souvent  aux  conciles 
nationaux.  Leur  possession  a  pourtant  élé 
souvent  interrompue,  et  n'a  jamais  été  re- 
connue par  les  assemblées  du  clergé  de 
France,  où,  par  celte  raison  les  archevêques 
de  L^on  ont  souvent  fait  difficulté  d'assister, 
ou  n'ont  assisté  qu'en  protestant  pour  la 
conservalion  de  leur  droii. 

Si  l'occasion  se  prèseulait  de  tenir  un  coh- 
c^'/e national  dans  le  royaume, ce  neserait  pas 
une  petite  difficulté  que  d'en  régler  la  prési- 
dence ;  l'embarras  serait  augmenté  par  les 
prétentions  qui  paraissent  assez  légitimes  de 
la  part  de  tous  les  métropolitains,  d'avoir  la 
préséance  et  la  présidence  aux  assemblées 
ecclésiastiques  qui  se  tiennent  dans  leurs 
provinces.  Peut-être  serait-on  obligé,  pour 
pouvoir  passer  outre,  de  s'en  tenir  à  ((uel- 
que  disposition  provisoire,  sans  préjudice 
des  droits  des  parties  au  fond. 

Les  conciles  nationaux  se  forment,  comme 
les  conciles  généraux,  par  les  dèputalions 
que  font  les  dilTèrentes  provinces  ecclésiasti- 
ques, et  les  pouvoirs  qu'elles  donnent  à  leurs 
députés.  i]e  que  l'on  a  dit  des  prêtres  au  su- 
j.  t  (les  concihs  g  néraus  doit  également 
s'appliquer  ici. 

Il  est  hors  de  doute  que  les  conciles  natio- 
naux peuvent  faire  des  décrets  sur  la  loi  et 
des  règlemenls  sur  la  discipline  :  il  ne  faut, 
pour  s'en  convaincre,  (|ue  lire  les  actes  qui 
nous  restent  des  anciens  conciles,  tenus  dès 
les  premiers  siècles  de  l'Iîjjlise.  —  Mais  les 
décrets  portés  dan;  ces  conciles  sur  la  foi  no 
deviennent  la  règle  invariable  et  infaillible  de 
notre  cioy  anre  qu'anlunl  qu'ils  sont  acceptés 
par  le  consentement  au  moins  tacite  de-toute 
i'iiglise,  à  la.'iuelle  seule  il  app.irlieni  de  dé- 
clarer et  de  proposer  les  articles  de  foi  ;  et 
c'est  pourtant    par  cette  voie  (jue  la  plupart 

(1)  .\iicim  iiiolriipoliliiiii  n'a  iiii|iiiird'liui  d'aiiloiilc 
l'un  sur  l'autre. 


1021 


CON 


des  hérésies  ont  été  élonlTées  et  proscrites. 
Saint  Augiisliii  ne  b:il;uiça  pas  même  à  pro- 
noncer contre  les  péi.ngieiis  nue  la  cause  était 
finie  (li'pnis  que  liome  avait  soleniiclleiiient 
approuvé  et  confirmé  les  condaiiinatioas  |)ro- 
nom  ées  CDUlrc  eux  dans  les  conciles  d'Afri- 
que, et  que  mal  à  propos,  ils  demandaient 
encore  A  élreenlendus  dans  un  cancile  géné- 
ral ;  qu'il  ne  fallait  pas,  par  l'opiniâtreté  d'un 
petit  nombre  d'Iionunes  convaincus  inani- 
feslemenl  d'erreur,  troubler  le  repos  de  tontes 
les  Eglises,  (^'i  st  qu'en  elTet  toute  l'Eglise 
applaudissait  à  la  condaïunalion  de  Pél.ige 
et  de  Célestius.  Au  coniraire,  quoique  Arius 
eût  été  condamné  dans  le  concile  national 
de  l'Egypte,  présidé  par  le  patriarche  d'A- 
lexandiie,  et  que  le  sainl-siége  eût  approuvé 
cette  condaïunalion  (l),les  progrès  qu'avait 
faits  l'impiété  arienne,  le  nombre  de  partisans 
qu'elle  s'était  aliirés,  et  le  troul)le  qui  en  ré- 
sultait dans  toute  rE;;lise,  firent  alors  re- 
garder comme  indispensable  la  tenue  d'un 
concile  général  ;  et  ce  fut  à  celte  occasion 
que  fut  convo  luée  la  première  et  la  plus  cé- 
lèbre de  ces  assemblées. 

Quant  au\  règlements  de  discipline  faits 
dans  les  conciles  nationaux,  ils  ont  toujours 
paru  mériter  un  grand  respect,  et  souvent 
l'Eglise  universelle  s'est  empressée  de  les 
adopter  et  de  les  faire  passer  dans  le  corps 
de  s  s  i^!M>ns.  Ces  règlements  n'ont  cepen- 
dant pîii  lux-mênies  de  force  que  dans  la 
nation  ou  l'Eiai  dont  les  prélats  se  sont  as- 
semblés ;  cl  celle  force  encore,  ils  ne  l'ont 
pleinement  qu'après  qu'ils  ont  clé  approuvés 
par  les  souverains,  et  revêtus  du  sceau  de 
l'autorité  publique  (2).  Les  cyiici/ps  nationaux 
tenus  en  France  ont  bien  senti  l'importance 
et  la  nécessité  de  cette  autorisation  ;  on  peut 
en  juger  par  le  soin  qu'ils  ont  toujours  eu 
de  la  solliciter.  Nos  rois  ont  aussi  toujours 
montré  le  jilus  grand  empressement  |)our 
soutenir  par  leur  autorité  ce  que  les  comilcs 
avaient  réglé  pour  le  bien  commun  (Extrait 
du  Dictionnaire  de  Jurispi-udence). 

CoNcu-ES  PROVINCIAUX.  Aprés  les  coiiciles 
nationaux  viennent  les  conciles  provinciaux, 
c'esl-àidire  ceux  qui  se  forment  par  l'assem- 
blée Jes  évoques  d'une  province  ecclésiasti- 
que, sous  le  métropolitain  leur  chef,  et  en 
cas  de  vacance  du  siège  de  la  métropole,  ou 
d'empêchement  du  côlé  du  métropolitain, 
sons  le  plus  ancien  des  évêqui  s  de  la  pro- 
vince à  qui  la  présidence  est  alors  dévolue,  à 
moins  que,  par  un  usage  ou  stalut  particu- 
lier, elle  ne  suit  ilcfèrée  à  quelque  autre. 

11  faut  .appliquer  avec  proiorlion  aux  con- 
ciles pro>incianx  ce  que  l'on  vient  dédire  des 
nationaux,  quant  aux  décrets  sur  la  loi  et 
aux  règlements  sur  la  discipline.  Les  conci- 
les provinciaux  peuvent  incontestablement 
en  faire  aussi  bien  que  les  conciles  natio- 
naux ;  car  comment  dispulerait-on  à  ces  con- 
ciles un  droit  qu'on  ne  ])<'nt  refuser  à  chaque 
évêque  pour  s  m  dioièse?  M  lis  on  sent  bien 

(1)  Ce  n'est  pas  qu'iaie  feis  la  condan  ii.Tiion  fiito 
par  le  sainl-sié^e  le  jugeineHl  ail  é  é  lélorinable. 

[i)  Le  suuverani  n'j  aucun  pouvoir  pour  donner 
furce  aux  décrets  d'un  concile. 


CON  1022 

que  les  décrets  sur  la  foi,  porlés  dans  ces  con- 
ciles ont  encore  moins  le  caractère  de  juge- 
ment définitif  et  irréformalile  que  ceux  des 
conciles  nationaux.  Ces  décrets  forment  des 
préjugés,  des  autorités  bien  respectal)les  ; 
mais  ils  ne  peuvent  être  regardés  comme  une 
décision  précise  et  formelle.  La  force  des  rè- 
glenienls  que  les  mêmes  conciles  font  sur  la 
discipline  ne  s'étend  pas  au  delà  des  limites 
de  leur  province,  et  il  est  d'ailleurs  néces- 
saire qu'ils  soient  revêtus  du  sceau  de  l'auto- 
rité souveraine.  C'est  un  soin  que  n'ont  pas 
négligé  les  Pères  des  derniers  conciles  pro- 
vinciaux tenus  en  France. 

Reste  à  voir  en  c|uel  temps  ils  devraient 
s'assembler,  et  à  qui  il  appartient  de  les  con- 
voquer. —  La  dilGeulté  de  réunir  tous  les 
évoques  du  monde  chrétien,  ou  même  ceux 
d'une  seule  nation,  n'a  guère  permis  de  fixer 
un  terme  certain  pour  la  tenue  des  conciles 
généraux,  ou  seulement  nationaux;  et  si 
quelquefois,  comme  dans  les  conciles  de  Pise, 
(le  Constance  et  de  Bâle,  on  a  cru  devoir  in- 
diquer le  temps  de  la  tenue  du  prochain  con- 
cile, prescpic  jamais  ces  circonstances  ne  se 
sont  conciliées  avec  l'indication  faite.  La  pro- 
ximité des  évoques  d'une  même  province 
laissait  bien  plus  de  facilité  et  de  liberté  de 
les  assembler.  Aussi  voit-on  que  les  conciles 
provinciaux  se  tenaient  très-fréquemment  ; 
il  était  même  passé  en  usage  et  en  règle  (]u'ils 
se  tinssent  au  moins  une  fois  l'année.  —  C'est 
la  disposition  du  deuxième  canon  du  concile 
tenu  en  533  à  Orléans  :  Ut  milfopolitani  sin- 
gulis  annis  comprovincidies  suos  ad  concllium 
evocent  ;  elle  est  renouvelée  au  canon  3  da 
troisième  concile  tenu  l'année  suivante  en  la 
même  ville.  On  la  retrouve  dans  les  capitu- 
lairesde  Charlemagne,  qui  ordonna  l'exécu- 
tion des  anciens  canons  à  ce  sujet  ;  on  voit 
même  que  le  concile  tenu  à  Savonières  en 
8i9,  arrête  que  les  souverains  seront  conju- 
rés d'employer  leur  autoriié  pour  fiire  main- 
tenir celle  ancienne  et  précieuse  discipline. 
—  Dans  la  suite  il  fut  résolu  qu'on  ne  tien- 
drait plus  les  conciles  provinciaux  que  tous 
les  trois  ans.  C'est  la  disposilion  du  concile 
de  Trente.  —  L'édit  de  .Melun,  art.  1,  en  or- 
donnant la  tenue  des  conciles  provinciaux 
tous  les  trois  ans,conforméraentà  ladiscipli- 
ncqui  s'était  depuis  établie,confirme  aussi  les 
métropolitains  dans  le  droit  de  lesconvoquer. 
A'oici  ce  qu'il  porte  :  Admonestons  /e<  arche- 
vc'i/ues  et  métropolitains  de  noire  royaume,  et 
ncanmoins  leur  enj  lignons  de  tenir  les  conci- 
les provinciaux  dans  les  six  mois  prochaine- 
ment venants,  it  dorénncant  de  iroin  ans  en 
trois  ans,  en  tel  lien  de  leurs  provinces  e/u'ils 
jugeront  être  plus  propre  ci  plus  coiivenible 
pour  cet  effet,  pour  pourvoir  à  la  discipline  et 
covreclion  des  mœurs,  et  direction  de  la  po- 
lice ecclésiastique  et  institution  des  écoles, 
selon  la  forme  des  statuts  et  décrets.  Défen- 
dons à  tous  nos  juyes  d'empêcher  directement 
ou  indirectement  la  célébration  desdils  con- 
ciles, et  leur  enjoignons  de  tenir  la  main  A 
Vexécution  des  ordonnances  et  décrets  d  i- 
i  eux,  sans  que  les  appellations  comme  d  abus 
de  ce  qui  sera  ordonné  auxUits  conciles,  pour 


10Î3 


CON 


CON 


lùii 


la  correction  et  discipline  ecclésiasliques,  ait 
aucun  effet  suspensif.  —  Les  assemblées  da 
clergé  (le  France  tenues  depuis  celle  de  Me- 
lun  ont  toutes  renouvelé  leurs  vœux  pour 
l'exécution  pleine  et  entière  de  cet  article. 
Celle  de  1625,  à  laquelle  présidait  le  car- 
dinal de  Sourdis,  dans  la  séance  du  mardi 
3  juin,  après  avoir  observé  qu'il  n'y  avait 
point  de  plus  puissants  moyens  pour  la  con- 
servation de  la  discipline  ecclésiasliiiuc,  et 
pour  la  maintenir  dans  sa  perfection,  que 
j'indiclion  des  conciles  provinciaux,  résolut, 
pour  plus  utilement  travaillera  ces  conciles, 
de  recourir  au  roi  et  de  le  supplier  Irès- 
humblement  d'accorder  des  lettres  palenles, 
par  lesquelles  il  ordonnerait  que  ses  officiers 
tinssent  la  main  à  l'exécution  des  décrets. 
—  On  retrouve  les  mêmes  sentiments  dans 
l'assemblée  tenue  à  Pontoise  en  1G70.  D.ins 
les  remontrances  qu'elle  fit  au  roi,  le  jeudi, 
2  octobre,  M.  le  'rellier,coadjuleiir  de  Keims, 
qui  portait  la  parole  au  nom  du  clergé,  re- 
présenta la  céléhration  des  conciles  provin- 
ciaux comme  l'abrégé  des  moyens  dont  on 
pouvait  se  servir  pour  faire  revivre  la  pureté 
et  la  discipline.  Après  avoir  dit  que  par  ces 
saintes  assemblées  la  foi  a  fleuri  dans  l'Eglise, 
que  la  régularité  et  la  discipline  avaient 
triomphé  de  la  licence  et  de  la  corruption,  et 
que  la  censure  avait  corrigé  les  mauvaises 
mœurs  dans  le  clergé  et  dans  le  peuple,  il  de- 
manda, au  nom  du  clergé,  d'exécuter  ce  que 
tes  ordonnances  lui  commandent  à  ce  sujet. 
Le  procès-verbal  de  l'assemblée  de  1700  pré- 
sente un  discours  à  peu  près  semblable,  et 
dans  le  même  sens,  prononcé  par  .M.  Henri 
de  Nesmond,  évêque  de  Montauban. 

Nos  rois  se  sont  toujours  empressés  de  fa- 
voriser en  ce  point  l'observation  et  l'exécu- 
tion de  la  discj()line  ancienne,  et  les  vœux 
de  leur  clergé.  On  a  déjà  vu  la  disposition 
de  l'article  1"  de  l'ordonnance  de  Melun  ; 
voici  ce  que  porte  l'article  6  de  celle  de 
1610.  «  Pour  la  réformalion  des  mœurs  et 
direction  de  la  justice  etdiscipline  ecclésias- 
tique, le  clergé  a  reconnu  et  jugé  très-néces- 
saire de  faire  très  étroitement  el  religieuse- 
ment observer  les  sainles  et  salutaires  ré- 
formations  et  constitutions  des  conciles  pro- 
vinciaux des  derniers  temps  en  diverses  pro- 
vinces du  royaume  ,  el  même  de  renouveler 
et  continuer  lesdils  conciles  en  chaque  pro- 
vince d'an  en  an  pour  l'avenir,  au  moins 
pour  quelques  années  ,  et  jusqu'à  un  meil- 
leur ordre  établi....  Kl  suivant  et  conforraé- 
nionl  aux  ordonnances  de  Hlois  et  de  Melun, 
admoneste  les  archcvê(|uos  el  cvéques  de 
tenir  les  conciles  provinciaux  <le  trois  ans  en 
Irojs  ans,  ayant  néanmoins  bien  agréable 
(|u'jls  les  assemblcn!  cl  tiennent  aussi  sou- 
vent, cl  autant  de  fois  qu'ils  jugeront  en 
être  besoin,  pour  remettre  l'ancienne  disci- 
I)line  de  l'Kglisc  ,  et  corriger  les  mœurs  ec- 
clésiastiques soumises  à  leur  juridiction,  en 
y  procédant  avec  les  formes  ordinaires  el 
accoutumées  ;  et  pour  l'exécution  d'une  si 
bonne  œuvre,  enjoint  aux  officiers  du  roi 
d'y  tenir  la  main,  et  de  les  assister  quand  ils 
eu  seront  requis.  »  —  Celte  ordonnance  fui 


enregistrée  au  parlement  de  Paris  ,  avec 
celle  modification  seulement,  que  les  ar- 
chevêques el  évêques  ne  pourraient  faire 
leurs  assemblées  el  conciles  provinciaux  que 
de  trois  ans  en  trois  ans.  —  Par  une  autre 
déclaraliou  du  16  avril  1610.  le  roi  «  admo- 
neste el  exhorte  les  archevêques  et  métro- 
politains de  tenir  les  conciles  provinciaux 
au  moins  de  trois  ans  en  trois  ans  ,  en  tel 
lieu  de  leur  province  qu'ils  connaîtront 
être  plus  propre  pour  cet  effet,  afin  de  pour- 
voir à  la  discipline  et  correction  des  mœurs, 
el  direction  de  la  police  ecclésiastique  ,  ins- 
titution des  séminaires  et  écoles  ,  selon  la 
forme  des  saints  décrets,  avec  défenses  à 
tous  juges  d'empêcher  directement  ou  indi- 
rectement cette  célébration  ,  el  injonction 
de  tenir  la  main  à  l'exécution  des  décrets  et 
ordonnances  d'iceux  ,  sans  que  les  appels 
comme  d'abus  de  ce  qui  y  sera  ordonné  , 
aient  aucun  efl'el  suspensif.  »  Celle  déclara- 
tion fut  ,  le  26  du  même  mois  ,  enregistrée 
au  parlement  de  P;iris  ,  pour  être  exécutée 
conformément  aux  ordonnances.— Cinq  ans 
après  cette  déclaration,  le  roi  écrivit  à  Si.  de 
Harlay,  archevêque  de  Rouen  ,  pour  lui  té- 
moigner sa  satisfaction  de  la  convocation 
que  ce  prélat  avail  faite  du  concile  de  sa 
province  ,  et  lui  dire  que  non-seulement  il 
l'avait  pour  agréable,  mais  qu'il  l'exhortait 
à  conduire  à  sa  perfection  un  ouvrage  si  né- 
cessaire au  bien  de  l'Eglise,  en  l'assurant 
qu'il  lui  donnerait  toute  l'assistance  dont  il 
aurait  besoin  pour  la  tenue  de  son  con- 
cile. 

Il  résulte  de  ces  disposilions,  que  les  con- 
ciles provinciaux  ont  tonjours  paru  de  la 
plus  grande  utilité  pour  le  bien  de  l'Eglise  , 
le  maintien  de  la  discipline  el  la  réformation 
des  mœurs  ,  que  le  terme  pour  les  tenir  est 
fixé  à  I  intervalle  de  trois  ans;  et  enfin  que 
les  archevêques  sont  autorisés  et  excités  par 
les  lois  de  l'Kglise,  comme  par  celles  de  l'E- 
tal, à  convoquer  au  temps  fixé  par  les  unes 
et  pur  les  autres  ces  assemblées.  Il  peut 
seuletnent ,  d'après  cela  ,  paraître  étonnant 
qu'elles  soient  .lussi  rares.  [Cet  article  est  de 
M.  l\ibbé  liemij.)  [Extrait  du  Dictionnaire  de 
Jurisprudence.] 

CONCILIABULE,  assemblée  tenue  par  des 
hérétiques  ou  par  des  schismaliques,  contre 
les  règles  de  la  disciiiline  de  l'Eglise;  les 
ariens ,  les  novatiens  ,  les  donaiisles  ,  les 
nesloriens  ,  les  eutychiens  cl  les  autres  sec- 
taires en  ont  formé  plusieurs  dans  lesquels 
ils  ont  établi  leurs  erreurs  et  fait  éclaler 
leur  haine  contre  l'I^glise  catholique.  Le 
plus  célèbre  de  ces  faux  concdcs  est  celui 
(lue  l'on  a  nommé  le  briijandiuje  d'Eplièse  , 
tenu  dans  cette  ville  par  Uioscorc,  patriar- 
che d'Alexandrie  ,  à  la  tête  des  partisans 
d'Eutycliès;  il  condamna  le  conci/c  de  Cli.il- 
céiloine,  quoique  très-légitime;  il  prouoiuja 
l'anathètno  contre  le  pape  saint  Léon.;  il  lit 
maltraiter  ses  légats  el  tous  les  évêques  (jui 
ne   voulurent    pas  se    ranger  de   son  parti. 

y 01/.  E(  TVCllIAMSME 

♦  CONCLUSIONS  THI^OLOGKJUES.  On  donne  ce 
nom  aux  prupusitioiis  déduites  d'un  arguineut  dunl 


1025 


CON 


CON 


10-2« 


les  ileiiX' prémisses  (ou  a»  moins  l'une  des  deux) 
ont  été  révélées.  I,a  conclusion  déduiie  d'une  seule 
(iropusiiion  révélée  et  d'inie  proposition  purement 
pliilosopliique  ceriainement  vraie,  est  une  vérité,  mais 
n'appariient  p;is  au  doniainedelaloi.  Plusieurs  tliéo- 
loj^icns  croient  ([ue  les  conclusions  Iheoloiiiques  dé- 
duites de  deuK  propositions  révélées  sont  l'objet  de 
la  (oi.  Cette  opinion  est  coinbatlue  par  d'autres  iloc- 
teurs.'  Ceseniiiiient  nous  païaît  le  plus  probable.  Si 
cependant  la  conclusion  théologique  n'était  que  l'ex- 
position d'une  vérité  révélée,  elle  serait  elle-nièine 
l'objelde  la  loi,  non  pascomme  amciusion  titéologique, 
mais  comme  vérité  révélée,  ^ous  développons  ces 
principes  au  mot  Foi. 
CONCILIATEURS  (théologiens),  roy.  Syn- 

CBÉTISTES. 

CONCOMITANT  ,  se  dit  du  secours  de  la 
grâce  que  Dieu  nous  accorde  dans  le  cours 
d'une  action,  pour  nous  aider  à  la  continuer 
et  à  la  finir.  11  a  élé  décidé ,  contre  les  péla- 
gicns,  que  pour  toute  bonne  œuvre  surnatu- 
relle et  méritoire,  nous  avons  besoin  non-seu- 
lement d'une  grâce  concomitante,  mais  d'une 
grâce  prévenante,  qui  excite  noire  volonté  , 
nous  inspire  de  salutaires  pensées  et  de  bons 
désirs.  Cetle  grâce  n'est  donc  pas  la  récom- 
pense des  saints  désirs  que  nous  avons  for- 
més de  nous-mêmes  et  par  nos  propres  for- 
ces, elle  en  est  au  contraire  le  principe  et  la 
cause  ;  conséquemment  elle  est  purement 
gratuite;  elle  vient  uniquement  de  la  bonté 
de  Dieu  et  des  mérites  de  Jésus-Christ.  Saint 
Prosper  dit  très-bien,  après  saint  Augustin, 
que  désirer  la  grâce  est  déjà  un  commence- 
ment de  grâce.  —  Cela  n'empêche  pas  que 
Dieu  ne  récompense  souvent  notre  Qdélitc  à 
une  première  grâce,  par  une  seconde  plus 
abondante  ;  alors  celle-ci  n'est  pas  moins  gra- 
tuite que  la  première,  puisqu'elle  n'a  été 
méritée  et  obtenue  que  par  le  secours  de 
la  première.  C'est  encore  le  sentiment  de 
saint  Augustin  (  Lib.  iv  contra  duas  Episl. 
Pel(ig.,c.  6,  n°13).  «  Lorsque  les  pélagiens  , 
dit-il,  soutiennent  que  Dieu  aide  le  bon  pro- 
pos de  chacun  ,  l'on  recevrait  volontiers 
cette  proposition  comme  catholique,  s'ils 
avouaient  que  ce  bon  propos,  qui  est  aidé  par 
une  seconde  grâce,  n'a  pu  être  dans  l'homme 
suis  une  première  grâce  qui  l'a  précédé.»— 
Il  y  a  des  catéchismes  dans  lesquels  il  est 
dit  que  le  corps  et  le  sang  de  Jésus-Christ  se 
trouvent  sous  chacune  des  espèces  consa- 
crées, par  concomitance  ou  par  accompagne- 
ment; on  a  voulu  dire  par  là  que  le  corps 
de  Jésus-Christ,  dans  l'eucharistie,  étant  un 
corps  animé,  il  ne  peut  pas  plus  y  être  sans 
avoir  son  sang  que  sans  avoir  son  âme  ; 
qu'ainsi  le  sang  de  ce  divin  Sauveur  ne 
peut  pas  y  être  non  plus  séparé  du  corps. 
D'où  il  s'ensuit  que  le  corps  ,  le  sang  et  l'â- 
nie  de  Jésus-Christ  sont  également  sous  l'es- 
pèce du  vin  et  sous  l'espèce  du  pain.  Voy. 
Elcharistie. 

CONCORDANCE,  est  un  dictionnaire  de  la 
Bible  oîi  l'on  a  mis,  par  ordre  alphabéliqui-, 
tous  les  mo's  de  l'Ecriture  sainte,  afin  de 
pouvoir  les  comparer  ensemble,  et  voir  s'ils 
ont  le  même  sens  partout  où  ils  sont  em- 
ployés. Les  concordiinces  ont  encore  un  au- 
tre usage ,  qui  est  d'indiquer  précisément 


les  passages  dont  on  a  besoin,  lorsqu'on  vi  ul 
<les  citer  exactement.  —  Ces  dictionnaires 
ou  tables  de  mots  servent  à  éclaircir  beau- 
coup de  difficultés  ,  à  faire  disparaître  les 
prétendues  contradictions  que  les  incrédules 
croient  trouver  dans  les  livres  saints,  à  ci- 
ter exactement  le  livre,  le  chapitre  ,  le  ver- 
set dans  lequel  se  trouve  tel  passage,  etc. 
Aussi  a-t-oii  fait  des  concordances  en  latin  , 
en  grec  et  en  hébreu.  —  La  concordance  la- 
tine, faite  sur  la  Vulgate,  est  la  plus  ancien- 
ne ;  l'on  s'accorde  assez  à  l'attribuer  à  Hu- 
gues de  Saint-Cher,  qui,  de  simple  domini- 
cain, devint  cardinal,  et  qu'on  appelle  com- 
munément le  curilinal  llwjues  ;  il  mourut  en 
1162.  Ce  religieux  avait  beaucoup  étudié  l'E- 
criture sainte  ,  il  avait  même  fait  un  com- 
mentaire sur  toute  la  Dible;  cet  ouvrage  l'a- 
vait engagea  en  faire  une  concordance  sur 
la  Vulgate;  il  comprit  qu'une  table  complète 
des  mots  et  des  phrases  de  l'Ecriture  sainte 
serait  d'une  très-grande  utilité,  soit  pour  ai- 
der à  la  faire  mieux  entendre,  en  compa- 
rant les  phrases  parallèles,  soit  pour  citer 
exactement  les  passages.  Ayant  formé  son 
plan,  il  employa  un  nombre  de  religieux  de 
son  ordre  à  ramasser  les  mots  et  à  les  ran- 
ger par  ordre  alphabétique;  avec  le  secours 
de  tant  de  personnes,  son  ouvrage  fut  bien- 
tôt achevé.  Il  a  été  perfectionné  depuis  par 
plusieurs  mains,  surtout  par  Arlot  i'iiuscus 
et  par  Conrad  lialberstade.  Le  premier  était 
un  franciscain  ,  le  second  un  dominicain,  qui 
vivaient  tous  deux  vers  la  fin  du  même  siècle. 
Comme  le  principal  but  de  la  concordance 
était  de  faire  trouver  aisément  le  mot  ou  le 
passage  dont  on  a  besoin  ,  le  cardinal  Hu- 
gues vit  qu'il  fallait  d'abord  partager  cha- 
que livre  de  l'Ecriture  en  sections,  et  ensuite 
ces  sections  eu  subdivisions  plus  courtes, 
afin  de  faire  dans  sa  concordance  des  ren- 
vois qui  indiquassent  précisément  l'endroit, 
sans  qu'il  fût  besoin  de  parcourir  une  page 
entière.  Les  sections  qu'il  fit  sont  nos  chapi- 
tres ;  on  les  a  trouvés  si  commodes  ,  qu'on 
les  a  conservés  depuis.  Dès  que  sa  concor- 
dance parut ,  on  en  vit  si  bien  l'utilité  ,  que 
tout  le  inonde  voulut  en  avoir;  et  pour  en 
faire  usage  ,  il  fallut  mettre  ses  divisions  à 
la  Bible  dont  on  faisait  usage,  autrement  ses 
renvois  n'auraient  servi  à  rien;  mais  les  sub- 
divisions de  Hugues  n'étaient  pas  des  ver- 
sets. Il  partageait  chaque  section  ou  chaque 
chapitre  en  huit  parties  égales  ,  quand  il 
était  long,  et  en  moins  de  parties  quand  il 
était  court;  chacune  était  marquée  à  la 
marge  par  les  premières  lettres  capitales  de 
ralphabel.  A,  B  ,  C,  D,  E  ,  F  ,  G  ,  à  distance 
égale  l'une  de  l'auire.  Les  versets,  tels  que 
nous  les  avons  aujourd'hui ,  sont  de  l'inven- 
tion d'un  Juif. 

Vers  l'an  1^30,  un  fameux  rabbin,  nommé 
rabbi  Mardocitce  Nathan  ,  qui  avait  souvent 
disputé  avec  les  chrétiens  sur  la  religion, 
s'aperçut  du  grand  service'qu'ils  liraient 
de  la  concordance  l.'itino  du  cardinal  Hugues, 
et  avec  quelle  l'aciliié  elle  leur  fai.-ait  trou-^ 
ver  les  passages  dont  ils  avaient  besoin  ;  il 
goûia  cette  invention,  cl  se  mil  aussitôt  à 


1027  CON 

faire  une  concordance  hébraïque  pour  l'u- 
sage des  Juils.  Il  caraiiiPiiça  cet  ouvrage  l'an 
14.38,  el  l'acheva  l'an  iV*a.  il  s'en  est  fait 
plusieurs  éiliiions  :  celle  qu'en  a  donnée 
Buxlurf  le  û4s,  à  lîâle,  en  1032,  est  la  meil- 
leure. —  l'.al)l)i  Nalhiin,  en  coiii[josanl  ce  li- 
vre, trouva  iju'il  éiail  nécessaire  <le  suivre 
la  division  des  ch.ipilres  que  le  cardinal  Hu- 
gues avaii  introduite  ;  mais  il  imagina  des 
subdivisions  plus  commodes  ,  savoir  :  celle 
des  versets ,  et  il  eut  soin  de  les  coter  par 
nombres  mis  à  la  marge.  Pour  ne  pas  trop 
charger  les  marges  ,  il  se  conlenla  de  mar- 
quer les  versets  de  cinq  en  cinq  ;  et  c'est 
ainsi  que  cela  s'est  pratiqué  depuis  dans  les 
bibles  hébraïques  ,  jusqu'à  l'édition  d'A- 
thias,  juif  d'Amsterdam,  qui  ,  dans  les  deux 
belles  et  correctes  éditions  qu'il  a  données 
de  la  bible  hébraïque  ,  en  iGGl  et  1G67,  a 
coté  chaque  verset.  Valable  ajanl  fait  im- 
primer une  bible  latine,  avec  les  chapitres 
ainsi  divisés  en  versets,  distingués  par  des 
nombres,  son  exemple  a  été  suivi  dans  tou- 
tes les  éditions  postérieures;  tous  ceux  qui 
ont  fait  des  concordances,  et  en  général  tous 
les  auteurs  qui  citent  lEcrilure  ,  l'ont  citée 
depuis  ce  temps-là  par  chapitres  el  par  \er- 
sels.  Mais  la  division  des  pages  d'un  livre, 
par  les  lettres  majuscules  ue  l'alphiibet  , 
imaginée  par  le  cardinal  Hugues,  a  élé  mise 
en  usage  pour  la  plupart  des  autres  livres  , 
soi!  des  écrivains  ecclésia>tiques  ,  soit  des 
auteurs  profanes;  el  c'est  parce  moyen  que 
l'on  est  parvenu  à  en  faire  des  tables  très- 
commodes  ,  qui  sont  aussi  des  espèces  de 
concordances.  —  La  concordance  hébraïque 
du  rabbin  Nathan  a  été  beaucoup  perlec- 
tioniiée  par  Marius  de  Calasio  ,  religieux 
franciscain  ,  dont  l'ouvrage  lut  imprimé  à 
Home  en  1021  ,  et  ensuite  à  Londres,  l'an 
17'i7,  en  k  vol.  in-folio.  C'est  un  livre  très- 
utile  à  ceux  qui  veulent  bien  entendre  l'An- 
cien Tcslainenl  d;ins  l'original  ;  outre  (|ue 
c'est  la  concordance  la  plus  exacte  ,  c'est 
aussi  le  meilleur  diitlonnaire  (|uo  l'un  ait 
pour  cette  langue.  (Jn  peut  voir,  dans  la  pré- 
face de  cet  ouvrage,  en  quoi  consistent  les 
additions  et  les  coi  rections  (jue  Calasio  a 
faites  au  travail  du  rabbin  ISath.in. 

Au  mot  IJibLE,  à  la  lin  ,  nous  avons  re- 
marqué que  la  division  du  texte  grec  du 
Nouveau  Testament  en  chapitres  el  en  ver- 
sels  ,  est  beaueoup  plus  ancienne  ,  puis- 
qu'elle date  du  v  siècle  ,  mais  elle  n'avait 
pas  élé  suivie  dans  la  plupart  dos  minus- 
cril».  Les  premières  éditions  grecques  du 
Nouveau  Testament,  données  par  Uobert 
Estienne,  n'étaient  pas  distinguées  par  ver- 
sets; mais  coinnie  il  voulut  donner  une  con- 
curdancc  grecque  de  ce  texte,  qui  lut  en  ef- 
fet impriuicc  par  Henri  son  (ils,  il  fut  obligé 
lie  le  coter  par  versets,  lîrasme  Schmid  , 
professeur  de  langue  grecque  a  Wurtemberg, 
donna,  en  lii'M,  une  cohcordume  grecque  du 
Nouveau  Testament,  plus  exacte  que  celle 
d'Henri  hlstiennc.  (l'rideaux,  l'Iist.  des  Juifs, 
loai.  1  ,  liv.  v„  pag.  208. J 

la  première  concord  mi  r  grecque  de  la 
version  des  Septante  lut  faite  par  Conrad 


CON 


1028 


Kircher,  théologien  luthérien  d'Augsbourg, 
imprimée  à  Francfort  en  lGG7,en  2  vol.  in-li"; 
mais  elle  a  été  effacée  p.ir  celle  qu'a  don- 
née Abraham  Troiiimius,  professeur  à  Gro- 
ningue,  en  2  vol.  in-folio  ,  el  qui  a  été  im- 
primée à  Amsterdam  en  1718. 

CONCOiiUE  ou  HAllMONIIÎ  DES  EVAN- 
GILES, ouvra:;e  destiné  à  montrer  la  con- 
formité de  la  doctrine  enseignée  ,  des  faits 
et  des  circonstances  rapportes  par  les  qua- 
tre évangélistes.  On  voit  que  ce  n'est  pas  la 
même  chose  qu'une  concordance  ;  celle-ci 
est  une  table  alphabétique  de  tous  les  passa- 
ges de  l'Eciiluie  sainte,  d.nis  lesquels  tel 
mot  se  trouve  :  une  concorde  est  la  compa- 
raison des  dogmes  ,  des  préceptes  ,  des  faits 
écrits  par  diiVérents  auteurs  ,  pour  <  a  faire 
une  histoire  suivie,  selon  l'ordre  des  événe- 
ments. 

Comme  la  narration  des  actions  et  des  le- 
çons de  Jésus-Christ  a  élé  écrile  p-ir  quatre 
auteurs  dilTérents  ,  il  a  fallu  les  rapproclier 
et  les  comparer,  afin  de  montrer  que  l'un 
ne  contredit  pas  l'autre  ;  (|ue  ces  quatre  his- 
toires forment  une  chainc  qui  se  soutient 
très-bien,  et  réfuter  ainsi  les  incrédules,  qui 
prétendent  y  trouver  des  contradictions.  De 
même,  l'histoire  des  rois  du  peuple  juif  est 
contenue  non-seulement  dans  les  quatre  li- 
vres des  Uois,  mais  encore  dans  les  deux  li- 
vres des  Paralipomèncs  ,  et  il  y  a  des  varié- 
tés dans  ces  deux  narrations  qui  n'ont  pas 
été  écrites  par  le  même  auteur;  il  a  donc 
fallu  les  confronter  el  les  concilier. 

La  première  concorde  ou  harmonie  des 
Evangiles  est  attribuée  à  Tatien  ,  disciple  de 
saint  Justin  ,  qui  vivait  au  ir  siècle  ;  il  l'in- 
titula JDialessaron,  c'cst-à-dire  par  les  qua- 
tre, el  c'est  ce  que  l'on  a  nommé  dans  la 
suite  ÏEvanyile  de  Talieii  et  des  encralites. 
Cet  auteur  n'a  point  été  accusé  d'avoir  al- 
téré le  texte  des  Evangiles  ;  mais  son  ou- 
vrage n'a  pas  laissé  d'être  mis  au  nombre 
des  évangiles  apocryphes,  parce  que  Tatien 
pouvait  s'être  trompe  dans  la  comparaison 
des  faits  et  des  dogmes.  SainlThéuphile  d'An- 
tioche,  qui  vivait  à  peu  près  dans  le  inctiie 
temps,  avait  l'ail  aussi  une  concorde  des 
Ev.ingilcs,  au  rapport  de  saint  Jérôme,  i|ui, 
cependant,  l'ail  plus  de  cas  de  celle  d'Auimo- 
nius  d'Alexandrie.  Un  en  attribue  encore 
une  à  Eusèbe  de  Césarée  ;  mais  il  ne  nous 
reste  rien  de  ces  anciens  ouvrages  :  nous 
avons  seulement  les  trois  livres  de  saint  Au- 
gustin, de  Consensu  Evanijelistarum.  Dans  le 
siècle  passé  el  dans  le  nôtre,  plusieurs  écri-^ 
vains  ont  fait  des  concordes  ou  harmonies  : 
Toinard,  Whiston  ,  le  docteur  .\rnaud  ,  etc. 
Celle  qui  nous  a  paru  la  plus  commode  pour 
l'usage  est  celle  de  M.  Leroux  ,  curé  d'An- 
deville  ,  au  diocèse  de  Chartres,  imprimée 
in-S'  à  l'aris  en  IGil'J.  On  trouvera  dans  la 
liiOle  d'Àiiynon  ,  loni.  \,  pag.  22  et  149 ,  la 
concorde  de  l'histoire  des  rois  ,  toui.  Xlll  , 
p.  27  el  oGl,  celle  de-  Evangiles. 

Les  pro  estants  ont  aussi  nommé  concorde, 
on  formulaire,  d' union, <\c\x\  écrits  dilïerenls, 
célèbres  parmi  eux.  Le  piemier  fut  l'ouvrage 
d'un  théologien  luthérien,  intitulé,  l'ormuta 


1029 


CON 


CON 


1030 


consensun,  composé  l'an  1576,  par  ordre 
d'Anpusie,  élecieur  de  Saxe  ;  ci-  priiu-c  el  li'S 
ducs  (le  Wiriciiitierj!;  cl  de  lîiuiiswick  vou- 
laient \:t  f.iiic  aiioplcr  p  If  les  IhéDlogiens  de 
leurs  Eials,  dont  phisieurs  pcncliaieiit  vers 
les  opinions  lie  C.ilv  in  (oiich.int  l'eueliarislic. 
Mais  celle  (enl.ilivc,  (nioir|U('  appuyée  par  la 
force  du  bras  serulicr,  loin  tie  caltnei-  les  dis- 
putes, les  anima  davanl;ige  ;  la  prétendue 
concorde  fut  allaquée,  non-seulement  par 
les  calvinistes,  mais  par  plusieurs  docteurs 
lulliériens  ;  il  y  eut  des  eciils  violents  de 
part  el  d'autre.  Le  second,  qui  parut  chez  1rs 
calvinistes  en  1675,  sous  le  même  litre,  fui 
composé  par  M.  Hinri  Heidegger,  profes- 
seur de  théologie  à  Zoricli,  dans  le  dessein 
de  conserver,  parmi  les  lliéologiens  de  la 
Sui-se,  Il  doctrine  du  sjnole  de  DordrechI, 
et  il'en  bannir  les  opinions  d'Amiraut  et  de 
quel(|ucs  auires  ministres  français.  Ce  for- 
mulaire d'union  ne  produisit  pas  de  meilleurs 
effets  que  celui  qui  avait  révolté  les  lullié- 
riens ;  il  fut  supprimé,  en  l()f<0,  dans  le  can- 
ton de  Bille  et  da.is  la  lépuhliqnc  de  Genève, 
sur  les  instances  de  Freiléric-tîuillaume  , 
élecieur  de  lirandebourg.  Kn  1718,  les  iiia- 
gisirats  de  Cerne  voulurent  le  l'aire  siguer 
par  tous  les  ministres,  surtout  par  ceux  de 
Lausanne  ;  ils  n'y  réussirent  noinl:  le  roi 
d'Angleterre  et  les  Etats  de  Hollande  em- 
ployèrent leur  médiation  pour  le  faire  sup- 
primer. 

Enfin,  l'on  appelle  concorde  le  livre  que 
Moliiia,  jésuite,  av.iil  intiiuié  Concordia  li- 
beri  arbiirii,  cinn  auxiliis  divinœ  tjratiœ,  ou- 
vrage qui  a  exciié  de  vives  contcslatious 
parmi  les  théologiens.  Yoy.  Moi.inisme. 

CONCOUUS  (le  Dieu  auv  actions  des  créa- 
tures. (;'est  une  vérité  de  foi  (|ui'  la  grâce, 
qui  est  l'action  immédiate  de  Dieu  lui-même, 
nous  est  nécessaire  pour  toute  action  suriia- 
lurelle  et  utile  au  s.ilut,  que  celte  grâce  est 
non- seulement  concomitante  ou  coopérante, 
mais  prévenante.  Ce  dogme  a  donné  lieu  de 
demander  si  nous  avons  besoin  d'un  [lareil 
concours  immédiat  de  Dieu  pour  les  actions 
naturelles.  Comme  cette  question  est  pure- 
ment philosophique,  nous  ne  devons  pas  y 
toucher.  Nous  remurciuerons  seulement  que 
nous  ne  connaissons  aucun  passage  formel 
de  l'Ecriture,  ni  aucune  raison  theologique 
qui  puisse  nous  engager  à  prendre  parti  dans 
Cette  dispute.  11  n'y  a  aucune  comparaison  à 
faire  entre  les  actions  naturelles  el  les  actes 
surnaturels. 

CONCUBINAGE,  commerce  habituel  entre 
un  homme  el  une  fôuime,  qui  demeurent  li- 
bres de  se  quitter  quand  il  leur  plaît.  11  est 
évident  que  ce  désordre  est  criminel  en  lui- 
uiè.me,  el  contraire  au  bien  de  la  soi  iélé,  par 
conséquent  défendu,  non-seulement  par  la 
loi  positive  du  christianisme,  m  lis  par  la  loi 
naturelle.  Ceux  qui  en  sont  coupables  ne 
souhaitent  point  d'avoir  des  enfants,  ils  le 
craignent  plulôl;  ce  serait  une  charge  pour 
eux  quand  ils  viendraient  à  se  séparer.  On 
ne  préfère  cet  état  à  un  mariage  ligitimc 
que  pour  se  dispenser  de  remplir  les  devoirs 
de  père  et  de  mère;  et  lorsqu'il  en  provient 


des  enfants,  ils  sont  ordinairement  aban- 
donnés. 

Dans  les  écrits  des  censeurs  de  l'hisloire 
sainte,  il  e-l  souvent  p.irlé  du  cuncuhinnge 
des  [latriarrhes  ;  ce  terme  esl  déplace,  il  ne 
faut  pas  conl'ondre  le  désordre  qu'il  exprime 
ave(-  la  polygamie.  Nous  n'en  voyons  point 
d'exemple  chez  les  patriarches,  mais  seule- 
ment la  polygamie:  à  cet  article,  nous  prou- 
verons (jualors  elle  n'était  pas  contraire  au 
droit  n^iturel. 

Les  deux  femmes  de  Lamech  sont  nom- 
mecs  »e.«  riiouscs  {(,'en.  iv,  19  el  23).  Il  est  dit 
que  les  enfants  de  Dieu  prirent  des  e'pouses 
parmi  les  filles  des  homines,  qu'ils  avaient 
c/(()i.s/c,v;  ce  dernier  terme  ne  signifie  point 
qu'ils  les  avaient  prises  d'abord  pour  conru- 
bines,  comme  on  affecte  de  le  supposer.  Sara, 
stérile,  donne  à  son  époux  Agar,  sa  servante 
ou  son  esclave,  afin  qu'il  en  ait  des  enfants, 
résolue  elle-même  de  les  a'Iopler  :  c'était 
une  espèce  de  mariage.  En  effet,  Ism.iël  fut 
regarde  comme  enlaul  légitime.  Il  n'est  éloi- 
gné de  la  maison  palennlle,  av(-c  sa  mère, 
que  par  un  ordie  exprès  de  Dieu,  et  pour 
des  raisons  particulières;  ilse  réunilà  Isaac, 
pour  donner  la  sépulture  à  leur  père  com- 
mun [Gen.  XXV,  9).  Les  enfants  que  Jacob 
eut  de  ses  servantes  furent  réputés  aussi  lé- 
gitimes que  ceux  de  ses  épouses,  etc. 

Dans  l'etal  de  société  purement  dimiesti- 
que,  où  les  servantes  étiiienl  esclaves,  mais 
pouvaient  hériter,  où  la  polygamie  était  à 
peu  piès  inévitable  el  permise,  il  ne  faut  pas 
donner  aux  termes  le  mène  sens  que  l'on  y 
attache  dans  l'état  de  société  civile,  où  le 
droit  naturel  n'est  plus  le  même.  Voy.  Droit 

NATl'REI,. 

CONCUPISCENCE,  dans  le  langage  théo- 
logique,  signifie  la  convoitise  ou  le  désir  im- 
modéré des  choses  sensuelles,  effet  du  péché 
originel. 

Le  P.  Malebranche  attribue  l'origine  do  la 
concupiscence  aux  impressions  faites  par  les 
objets  sensibles  sur  le  cerveau  de  nos  pre- 
miers parents  au  moment  de  leur  chtile, 
impressions  qui  se  sont  transmises  et  conti- 
nuent (le  se  communiquer  à  leurs  descen- 
dants. De  même,  dit-il,  que  les  animaux  pro- 
duisent leurs  semblables  et  avec  les  mêmes 
traces  dans  le  cerveau,  les  mêmes  sympa- 
thies ou  antipathies,  ce  qui  produit  la  même 
conduite  dans  les  mêmes  circonstances, 
ainsi  nos  premiers  parents,  qui  n  curent  par 
leur  chute  une  impression  profonde  des  ob- 
jets sensibles,  la  communiquèrent  à  leurs 
enfants.  11  ne  serait  pas  dilficile  de  montrer 
le  peu  de  justesse  de  celle  comparaison;  l'on 
doit  se  borner  à  croire  le  péché  originel  et 
ses  elTets,  sans  vouloir  les  expliquer. 

Les  scolastiques  nomment  appétit  concu- 
piscible  le  désir  naturel  de  posséder  un  bien, 
et  irascible  le  désir  d'écarter  el  de  fuir  le 
mal. 

Saint  Augustin  (L.  iv  contra  Julian.,  c.  14, 
n  tiS)  dislingue  quatre  choses  dans  la  con- 
cupiscence,  la  nécessité,  l'utilité,  la  vivacité 
el  le  désordre  du  sentiment,  il  soutient  avec 
raison  que  ce  désordre  est  un  vice,  au  lieu 


lOâi 


CON 


CON 


1032 


que  les  pélagiens  en  blâmaient  seulement 
l'excès;  mais  indépendamment  de  l'excès,  ce 
penchant  est  un  mal,  puisqu'il  faut  y  résis- 
ter et  le  réprimer.  Il  reste  dans  les  baptisés 
et  dans  les  justes  comme  une  suite  et  une 
peine  du  péché  originel,  pour  servir  d'exer- 
cice à  la  vertu  ;  c'est  ce  qui  nous  rend 
l-a  grâce  nécessaire  pour  faire  le  lùen.  — 
Saint  Paul  donne  souvent  à  la  concupiscence 
le  nom  de  péché,  parce  que  c'est  un  effet  du 
pcclié  originel,  et  qu'elle  nous  porte  au  pé- 
ché; ainsi  l'explique  saint  Augustin  (L.  i 
contra  duas  Epist.  Pelag.,  c.  13,  n"  27;  Op. 
impcrf.,  1.  II,  u°71,  etc).  Conséquemment, 
lorsque  le  saint  docteur  soutient  que  la  con- 
cupiscence est  un  péché,  l'on  doit  entendre 
un  vice,  un  défaut,  une  tache,  et  non  une 
fa^te  imputable  et  punissable.  —  En  effet, 
ce  saint  docteur  a  retenu  constamment  la  dé- 
finition qu'il  avait  donnée  du  péché  propre- 
ment dit,  en  réfutant  les  manichéens.  «  C'est, 
dit-il,  la  volonté  de  faire  ce  que  la  loi  défend, 
et  ce  dont  il  nous  est  libre  de  nous  abste- 
nir. »  Mais  il  observe  que  cela  ne  nous  est 
pas  aussi  libre  qu'il  était  à  Adam  (Retract., 
I.  1,  c.  9,  15  et  25).  Il  ne  s'ensuit  pas  de  là 
que  la  tache  originelle  ne  soit  un  péché  pro- 
prement dit;  mais  cette  tache  ne  consiste  pas 
dans  la  concupiscence  seule.  Voy,  Originel. 
Si  Beausobre  y  avait  fait  plus  d'attention,  il 
n'aurait  pas  accusé  saint  Augustin  d'avoir 
raisonné  sur  la  concupiscence  comme  les 
manichéens,  et  d';ivoir  soutenu  qu'elle  est  vi- 
cieuse et  criminelle  en  elle-même. 

♦  CONDAMNATION  DES  ÉCRITS.  L'Eglise  a  reçu 
le  pouvoir  de  coiidamiier  les  erreurs  opposées  au  saint 
Evangile.  Elle  le  fait  en  formulant  des  propositions 
auxquelles  elle  attache  une  qualitication.  Toutefois 
elle  ne  s'est  pas  contentée  d'un  seul  mode  de  con- 
damnation. M  y  en  a  trois  qui  méritent  d'être  con- 
nus. 

Dans  certaines  circonstances  elle  attache  à  chaque 
propusitidii  la  note  qui  lui  convient.  Airjsi  furent 
condaninées  les  cinq  fameuses  propositions  de  Jansé- 
iiius.  —  Quelquefois  elle  condamne  l'écrit  tout  entier 
sans  foruuiler  aucune  proposition,  parce  qu'elle  le 
regarde  tout  entier  comme  ilangereux.  Ainsi  le  con- 
cile de  Nicée  condamna  le  livre  d'Arius  intitulé 
Thalie.  —  Souvent  elle  prend  nn  moyen  terme  en- 
tre les  deux  modes  de  condamnations  que  nous  ve- 
nons d'indiquer  :  elle  extrait  d'un  livre  un  certain 
nombre  de  propositions.  Elle  n'applique  pas  à  cha- 
cune la  note  qui  lui  convient  ;  mais,  réunissant  en 
un  seul  endroit  toutes  les  qualifications  i|ui  leur 
conviennent ,  elle  dcc  lare  par  là  que  chacune  des 
propositions  condamnées  mérite  au  moins  l'une  des 
qualilications  indiquées,  cl  qu'il  n'y  a  aucune  quali- 
(jc-ition  qui  ne  ronvieiinc  au  moins  à  l'une  des  pro- 
positions. Ce  mode  de  cnndjiniiation  est  très-lacile: 
il  a  été  tréqupinmeiil  employé  dans  toute  l'Eglise. 
Ce  fut  ainsi  que  le  v=  concile  général  condamna  les 
écrits  d'Origéne,  de  Nest'irius  et  d'Euiychés.  I^e  sy- 
nodede  Soissnns  contre  Abjilard,  celui  de  Ueims 
contre  (jilljert.  le  concile  de  Constance  cniilrc  Jean 
llus,  n'employèrent  pas  d'autre  mode.  Ce  lut  celui 
dnnt  se  serviront  les  souverains  pontifes  contre  Lu- 
ther, IJaîus,  Molinos,  Quesuel,  Fénelon,  etc.  C'est 
ce  qu'on  appelle  condamner  les  propositions  in 
g'obo. 

Tout  homme  (pii  comprend  de  quel  poids  est  la 
pratique  de  l'Eglise  universelle  sur  l'esprit  d'un  bon 
catholique,  avouera  facilement  qu'il  n'est  pas  de  mode 
de  condamnation  plus  légitime  Le  condamner,  iiese- 


rait-ce  pas  restreindre  les  paroles  de  Jésus-Christ, 
qui  ordonne  à  l'Eglise  de  frapper  l'erreur?  —  Si  l'on 
nous  dit  que  cette  condamnation  n'instruit  pas  assez 
le  fidèle,  nous  répondrons  avec  le  clergé  de  France, 
dans  une  de  ses  adresses  à  Louis  XV  :  i  La  censure  gé- 
nérale (i«  ijlobo)  n'est  ni  vague,  ni  ambiguë,  ni  équi- 
voque... Ce  jugement  esi  clair  jusqu'à  un  certain  point  ; 
il  apprend  clairement,  il  assure  les  fidèles  que  les  pro- 
posliions  condamnais  sont  dangereuses  dans  la  foi, 
qu'elles  renferment  quelque  venin, qu'elles  s'écartent 
en  quelque  chose  de  la  vérité  catholique...  Ceite  lu- 
mièreest  suffisante  pour  le  chrétien  qui  est  docile.  » 
Celte  question  se  trouve  iraiiée  plus  longuement  aux 
mots  Censuke  des  livres  et  Qualifications. 

CONDIGNITÉ.  Les  théologiens  scolasli- 
ques  appellent  mérite  de  condignité,  merilum 
de  condigno,  celui  auquel  Dieu,  en  vertu  de 
sa  promesse,  doit  une  récompense  à  titre  de 
justice;  et  mérite  de  congruité,  meritum  de 
congrue,  celui  auquel  Dieu  n'a  rien  promis, 
mais  auquel  il  accorde  toujours  quelque 
chose  par  miséricorde. 

Le  premier  exige  des  conditions  de  la  part 
de  Dieu,  de  la  part  de  l'homme  et  de  la  part 
de  l'acte  méritoire.  De  la  part  de  Dieu,  il  faut 
une  promesse  formelle,  parce  que  Dieu  ne 
peut  nous  rien  devoir  par  justice,  sinon  eu 
vertu  d'une  promesse.  De  la  part  de  l'homme , 
il  faut,  1°  qu'il  soit  en  état  de  justice  ou  de 
grâce  sanctiûante  ;  2°  qu'il  soit  encore  vivant 
et  sur  la  terre.  L'acte  méritoire  doit  être  li- 
bre, moralement  bon,  surnaturel  dans  son 
principe,  c'est-à-dire  fait  par  le  mouvement 
de  la  grâce,  et  rapporté  à  Dieu.  —  De  ce? 
principes,  les  théologiens  concluent  qu'un 
juste  peut  mériter,  de  condigno,  l'augmenta- 
tion de  la  grâce  et  la  vie  éternelle;  mais  que 
l'homme  ne  peut  mériter  de  même  la  pre- 
mière grâce  sanctifiante,  ni  le  don  de  la  per- 
sévérance finale:  il  peut  cependant  obtenir 
l'une  et  l'autre  par  miséricorde,  et  il  doit  l'es- 
pérer. Voy.  MÉRITE. 

CONDITIONNEL.  Les  théologiens,  aussi 
bien  que  les  philosophes,  se  sont  trouvés 
dans  la  nécessité  de  distinguer  les  futurs 
conditionnels  d'avec  les  futurs  absolus.  Da- 
vid demande  au  Seigneur  (7  Reg.  xxiii,  11)  : 
Si  je  demeure  dans  la  ville  de  Ceîla,  Saiil 
viendra-t-il  pour  me  prendre,  et  les  habitants 
tne  livreront-ils  entre  ses  mains?  Le  Seigneur 
répond:  Saiil  viendra,  et  les  habitants  vous 
livreront.  David  se  retira,  Saiil  ne  vint  point, 
et  David  ne  fut  point  livré.  Jésus-Christ  dit 
aux  Juifs  dans  l'Evangile,  (Matth.  xi,  21): 
Si  j'avais  fuit  à  Tyr  et  à  Sidon  les  miracles 
que  j'ai  faits  parmi  vous,  ces  villes  auraient 
fait  pénitence  sous  la  cendre  et  le  cilice.  Ces 
miracles  ne  furent  point  faits  à  Tyr,  et  les 
Tyricns  ne  firent  point  pénitence.  A  l'égard 
de  ces  sortes  de  futurs  conditionnels,  qui 
n'arriveront  jamais,  les  théologiens  deman- 
dent si  Dieu  les  connaît  par  la  science  de 
simple  intelligence,  comme  il  connaît  les 
choses  simplement  possibles,  ou  s'il  lesconr 
nait  par  la  science  de  vision,  comme  les  fu- 
turs absolus. 

Les  uns  tiennent  pour  la  science  de  simple 
intelligence,  les  autres  prctciidoiil  iju'il  faut 
admettre,  pour  ces  sortes  de  futurs,  une 
science  moyenne  entre  la  science  de  simple 


10S5 


CON 


CON 


1034 


intelligence  e(  la  science  de  vision.  Cette  dis- 
pute a  fait  beaucoup  île  bruil,  parce  qu'elle 
tient  à  la  malière  de  !a  grâce;  ce  n'est  point 
à  nous  de  la  terminer.  Yoy.  Science  de 
Dieu. 

Conditionnels  (décrets).  Les  calvinistes 
rigiiJi's  ou  gomnristes  prétendent  que  tous 
les  décrois  de  Dieu,  relatifs  au  salui  ou  à  la 
daninalion  (l<>s  hnmmrs,  sont  absolus;  les 
arminiens  souiicniienl  (|ue  ces  décrets  sont 
seuleiiienl  condiiiouncls  ;  (lue  quand  Dieu 
vpul  réprouver  tel  honnne,  c'est  qu'il  prévoit 
que  cet  homme  résistera  au\  moyens  de  sa- 
lut qui  lui  seront  accordés.  Parmi  les  théolo- 
giens caihullqurs,  plusieurs  admcllcnt  un 
décret  absolu  de  prédeslinatinn  ;  mais  ils 
n'admettent  aucun  décret  absolu  de  répro- 
bation.—  Les  pélagiens  et  les  semi-péla^iens 
'  prétendaient  que  le  décret  ou  la  volonté  de 

Dieu  d'accorder  la  giàceauv  hommes,  est 
toujours  sous  condition  que  l'homme  se  dis- 
posera de  lui-même,  et  par  ses  forces  n;itu- 
relles,  à  mériter  la  grâce.  Celte  erreur  a  été 
justement  condamnée;  elle  suppose  que  la 
grâce  n'est  pas  gralnile,  qu'elle  peut  étie  la 
récompense  d'un  mérite  purement  n.ilurel  : 
supposition  contraire  à  la  doctrine  l'ormelle 
de  l'Ecriture  sainte,  qui  nous  enseigne  que 
de  nous-mêmes  nous  ne  sommes  pas  seule- 
ment capables  de  former  une  bonne  pensée, 
mais  ()ue  toute  noire  sulfisance  ou  noire  ca- 
pacité lient  (le  Dieu  (//  Cor.  m,  o).  —  Mais 
il  y  a  des  décrets  condiiionnds  d'une  amre 
espèce  et  fon  différenls.  Uuand  on  dit  :  Dieu 
veut  sauver  les  hommes  s'ils  le  veulent,  cette 
proposition  peut  avoir  un  sens  catholique  et 
un  sens  héréti(|ue.  Dieu  veut  les  sauver  s'i7« 
le  leulenl,  c'est-à-dire  si,  par  leurs  désirs  et 
par  leurs  elîorls  naturels,  ils  préviennent  la 
grâce  et  la  méritent  :  voilà  le  sens  pélagien 
et  héiélique.  Dieu  veut  les  sauver  s'ils  le 
veulent,  c'est-à-dire  s'ils  correspondent  à  la 
grâce  qui  les  prévient,  qui  excite  leurs  dé- 
sirs et  leurs  elTorts,  mais  qui  leur  laisse  la 
liberté  de  résister:  voila  le  sens  catholique. 
Souvent  on  les  a  confondus  malicieusement, 
pour  avoir  lieu  d"aicu-er  de  pélagianlsme 
des  théologiens   orthodoxes.  Vuy.    \'olonté 

DE  D  KU. 

CONDOUMANTS,  nom  de  secte  ;  il  y  en  a 
eu  deux  ainsi  nommées.  Les  premiers  infec- 
tèrent l'Alleiiiiigne  au  x  i.'  siècle;  ils  eurent 
pour  chef  un  homme  de  Tolède.  Ils  s'assem- 
blaient dans  un  lieu  près  de  Cologne  ;  là  ils 
adoraient,  dil-on,  une  image  de  Liieifer,  et 
■y  receviiient  ses  oracles;  mais  ce  f.iil  n'est 
pas  sulfisamment  prouvé.  La  legcnilc  ajoute 
qu'un  ecclésiastique  y  ayant  porté  l'eucha- 
ristie, l'idoe  se  lirisa  en  nulle  pières;  cela 
ressemble  beaucoup  à  une  fable  populaire. 
Us  couchaient  dans  une  même  chambre, 
sans  distinction  de  sexe,  sous  préiexle  de 
charité.  —  Les  aulres,  qui  parurent  ,ni  xvr 
siècle,  étaient  une  branche  des  anabaptistes  ; 
ils  tombaient  dans  la  même  indécence  que 
les  précéJenls,  et  sous  le  même  prétexte.  Ce 
n'est  pas  la  première  fois  que  cette  turpitude 
a  paru  dans  le  monde.  Voy.  .\i)amites. 

CONFESSEUR,  chrétien  qui  a  professé  [)u- 
DicT.  DE  Theol.  dogmatique,  L 


bliquement  la  foi  de  Jésus-Christ  ;  qui  a  souf- 
fert pour  elle,  et  qui  éUiit  disposé  à  mourir 
pour  cette  cause;  il  est  distin;,Mié  d'un  mar- 
tyr, en  ce  que  celui-ci  a  souffert  la  mort 
pour  rendre  témoignage  de  sa  foi.  Dans  VHia- 
toire  ecclésiastique,  ces  deu\  noms  sont  sou- 
vent confondus;  mais  plus  ordinairement 
l'on  nomme  confesseurs  ceux  qui,  après  avoir 
été  tourmenlés  par  les  tjrans,  ont  survécu 
et  sont  morts  en  paix,  et  ceux  qui,  sans 
avoir  soulTerl  des  tourments,  ont  vécu  sain- 
tement et  sont  morts  en  odeur  de  sainteté. 

On  n'appelait  point  confesseur ,  dit  saint 
Cyprieii,  celui  i|ui  se  présentait  lui-même  au 
ni.irlyre  sans  êirecilé,  on  le  nommait  pro- 
fesseur; mais  ce  zèle  n'était  pas  approuvé 
par  l'Eglise.  «  Nous  n'approuvons  pas,  di- 
saient au  II'  siècle  les  fidèles  de  Smyrne, 
ceux  qui  s'offrent  d'eux-mêmes  au  martyre, 
parce  que  TEvaii'jile  ne  l'enseigne  point 
ainsi.  :>  (Episl.  Ecclesiœ  Smyrnen.,  w"  4).  En 
effet,  Jésus-Christ  dit  à  ses  apôtres:  Lorsque 
vous  serez  persécutés  dans  une  cille,  fuyez  ilans 
une  autre  (Matth.  x,  "l'-ij.  —  Saint  Clément 
d'Alexandrie  dit  que  celui  qui  va  de  lui- 
même  se  piésenieraux  juges,  imite  la  témé- 
rité de  ceux  qui  provoquent  un  animal  fé- 
roce, et  se  rend  aussi  con|iable  du  criire  de 
celui  qui  le  condamne  à  !a  mort  {Slroin., 
I.  IV,  c.  10,  p.  597  et  598).  Un  concile  de  To- 
lède défendild'.cccorder  les  honneurs  du  mar- 
tyre à  reux  qui  s'y  étaient  allés  présenter 
eux-mêmes.  11  n'est  donc  pas  vrai  que  les 
l'èies  aient  soulflé  aux  chrétiens  le  lana- 
tisiiie  du  martyre,  cooime  les  incrédules  ont 
osé  le  leur  reprocher.  —  Si  queli|u'uii,  par 
la  crainte  de  maiiquer  de  courage  et  de  re- 
noncer à  la  foi,  abandonnait  son  bien,  son 
pays,  eic,  et  s'exilait  lui  même  volontaire- 
nienl,  on  l'appelait  exlorris,  exilé. 

CoNFESSELii  est  aussi  un  prêtre  séculier  ou 
régulier,  qui  a  le  pouvoir  irentendre  la  con- 
fession (les  pécheurs  et  de  les  absoudre  dans 
le  sacrement  de  pénitence.  Ou  l'appelle  en 
latin  confessarius.  pour  le  distinguer  de  con- 
fessor,  nom  consacré  ans  saints. 

On  comprend  assez  combien  la  fonction  de 
confesseur  est  délic-ile,  péiilleuse,  redouta- 
ble, à  l'égard  de  tous  les  fidèles  sans  excep- 
tion; combien  elle  evige  de  lumières  cl  de 
\erlus:  on  doit  reconnaîire  la  sagesse  des 
précautions  que  prennent  les  évêques,  pour 
n'y  admettre  persoiiiiequ'après  un  rigoureux 
cxamoi  . 

CONCESSION  AURICULAIRE  et  SACRA- 
ME.M'ELLE  :  c'est  une  declaraiion  qu'un 
pécheur  fait  de  ses  fautes  à  uu  piètre,  pour 
eu  recevoir  l'absolution  (1). 

(I)  Voici  les  cillons  du  concile  de  Tronie  sur  cette 
ini|iurluii  e  inalière  :  (  Si  ipieliiu'iin  nie  <|iie  In  ciin- 
iéssioii  sa' rmnentel  e,  ou  ail  éié  iiisiiuice,  nu  suit 
ii(}cessairc  uu  snliil,  de  druil  dit'iii,  uu  dil  (pie  la 
niiuiiéie  lie  se  coiilésser  secréleiiicul  au  |irèiie  seul, 
(|  e  rii^llse  calli.iliipie  nbseï  ve  cl  a  Imijoiirs  oliser- 
vée  dès  le  coiiiiiieiiceiiieiil,  n'est  pns  coiiloniK;  à  l'ins- 
liunloii  el  au  précepte  de  Jésus-Clirisl,  mjis  que 
c'c-'l  une  iiivenlioii  Inuiiaiiie;  qu'il  sdil  analliéiue.  » 
(.(!/(.  6.  —  f  Si  quelqu'un  dit  que  dans  le  sacreaieul 
de  péiii;ciic.-,  il  n'est  pas  uêC'.siiaiio,  de  droil  divin, 

âs 


1055 


CON 


CON 


103C 


Les  proteslanls  ont  fait  les  plus  grands  ef- 
forts pour  prouver  que  cMle  pratique  n'est 
fondée  ni  sur  l'Ecriture  sainte,  ni  sur  la  tra- 
dition des  premiers  siècles.  Daillé  a  fnil  un 
gr-os  livre  sur  ce  sujet;  il  a  été  réfuté  par 
plusieurs  de  noscondoversistPS,  en  parlicu- 
llpr  par  D.  Denis  de  Sainte-Marthe,  dans  un 
Traité  de  la  confesnon,  contre  les  erreurs  des 
cùlvinistes,  imprimé  à  Paris  en  1083,  m-12. 
Cet  auteur  a  rapporté  les  passages  de  l'Ecri- 
ture sainte  et  ceux  des  Pères  de  tous  les  siè- 
cles, à  commencer  depuis  les  apôtres  jus- 
qu'à nous:  il  a  fait  voir  qu'il  n'y  a  aucun 
point  de  foi  ou  de  discipline  sur  lequel  la  tra- 
dition soit  plus  const.inie  et  mieux  établie. 

Dans  l'Evangile  [Mallh.  xvni,  18),  Jésus- 
Clirist  a  dit  à  ses  apôiies  :  Tout  ce  que  vous 
lierez  ou  délierez  sur  la  terre  sera  lié  ou  dé- 
lié dans  le  ciel  (Jonn.  xx,  ii  ).  Recevez  le 
Saint- Efpril;  hs  péchés  seront  remis  à  ceux 
auxquels  vous  les  remeltrez,  et  ils  seront  re- 
tenus à  ceux  auxquels  vous  les  rttiendrcz.  Les 
apôtres  ne  pouvaient  faire  un  usage  légi- 
time etsage  de  ce  pouvoir,  à  moins  qu'ils  ne 
connussent  quels  étaient  les  péchés  qu'ils 
devaient  remettre  ou  retenir,  et  le  moyen  le 
plus  naturel  de  les  connaître  était  la  confes- 
sion. —  En  effet,  nous  lisons  dans  les  Actes 
des  ap.  (xix,  18j  ,  qu'une  mnliitude  de  fidè- 
les venaii-nl  trouver  saint  Paul  ,  et  confes- 
saient et  accusaient  leurs  péchés.  Si  nous 
confrssons  nos  péchés,  dit  saint  Jean,  Dieu 
pisle  et  fidèle  dans  ses  promesses  nous  les  re- 
mettra (I  Joan,  I,  {)).  Lorsque  saint  Jac(]ues 
dit  aux  fidèles  (v,  llî)  :  Confessez  vos  péchés 
les  uns  aux  nutres.  nous  ne  pensons  pas  (ju'il 
les  ail  exhortés  à  s'ficcuser  publiqm-ment  et 
à  toutes  sortes  de  personnes  imlifférentes. 
Nous  verrons  ci-après  de  quelle  minière  les 
protestants  entendent  ces  passages.  —  Au 
I"  siècle,  saint  ISarnabé  dil,  dans  sa  icllre  , 
n°  19  :  Fous  confesserez  vos  péchés.  Et  saint 
Clément  [Epist.  2,  n°8)  :  «  Convertissons- 
nous...  Car,  lorsque  nous  serons  sortis  de  ce 
monde,  nous  ne  pourrons  |)lus  nous  confes- 
ser ni  faire  pcuitence.  »  —  Au  w  siècle,  saint 


pour  la  rémission  de  ses  péchés,  de  confesser  tons  et 
un  cliaciin  des  pécliés  inoriels  dont  un  peni  se  si>u- 
Vfiiir  après  y  avoir  bien  et  soignensenient  pcn-é, 
niênie  les  pécliés  secrets  qui  sont  contre  le^  deux 
derniers  précepies  du  ilécalosiie  et  les  circnnst.mces 
qui  cliangeni  IVsiiècedii  péclié,  ni.iis  <^n'<ine  tulle 
confession  est  senleuienl  ulilc  ponr  l'inslinclion  et 
pniir  la  ciinsol;iliiMi  du  pénitenl  ,  et  qn'aulrclitis  elle 
n'clail  en  iisaj^c  i|n(!  pour  inipo-er  une  i>aiisraciii)n 
canonique:  on  si  ipicliin'nn  avame  (pie  ceux  qui  s';il- 
(;Hiiiiil  à  confesser  tons  leurs  péchés  senililenl  ne 
vonloif  rien  laisser  à  li  miséricorde  de  l)ieii  à  par- 
donner ;  ou  ciiliii  (|.i'il  n'est  pas  permis  de  cnnles- 
ser  les  pecliés  véniels  ;  ipi'il  soit  anallième.  i  Cim, 
7.  —  «  Si  (|mli|n'nn  dit  que  la  confession  de  tons 
ses  pécliés,  telle  que  l'oliserve  l'Enlisé,  est  i.npossi- 
ble  ei  n'est  qu'une  Iradiiion  liuinaine  que  les  gens 
Ue  liien  doivent  tùclier  d'aliolir,  ou  bien  <|ne  Iouô  et 
cliacnn  des  liilèieg  cliréliens  de  l'nii  et  de  l'autre 
sese  n'y  sont  pas  oliligés  une  fois  l'an,  coiifor  uic- 
ment  à  la  constitution  du  grand  concile  de  Latr.m  , 
ut  que  pour  cela  il  faut  dissuader  les  fidèles  de  se 
co  Cesser  diiis  le  temps  du  carèuic  i  qu'il  suit  una- 
lliéini'.  >  Caii.  a. 


Irénée  {Adv.  Hœr.,  1.  i.  c.  9),  parlant  des 
femmes  qui  avaient  été  séduites  par  l'héré- 
tique Marc,  dit  qu'étant  converties  et  reve- 
nues à  l'Eglise  ,  elles  confessèrent  qu'elles 
s'étaient  laissé  corrompre  pir  cet  impos- 
teur. Li  v.  m ,  c.  k,  il  dit  que  Cerdon  ,  reve- 
nant souvent  à  l'Eglise  et  faisatit  sa  confes- 
sion, continua  de  Vivre  dans  une  alternative 
de  confessions  et  de  rechutes  dans  ses  er- 
reurs. —  TertuUien  (  L.  de  Pœnit.^  c.  8  et 
suiv.  )  parle  de  la  confession  comme  d'une 
partie  essentielle  de  la  pénitence  ;  il  blàrne 
ceux  qui ,  par  honte  ,  cnchent  leurs  péchés 
aux  hommes  ,  comme  s'ils  pouvaient  aussi 
les  cacher  à  Dieu.  —  Origène  (Homil.  2,  in 
Levit.,  n"  kj  dit  qu'un  moyen  pour  le  pé- 
cheur qui  veut  rentrer  en  grâce  avec  Dieu  , 
est  de  déclarer  son  péché  au  prêtre  du  Sei- 
gneur, et  d'en  chercher  le  remède.  Il  répète 
la  même  chose, //om.  2,  in  Ps.  xxxvii,  19. — 
Au  ni'  siècle,  l'Iiglise  condamna  les  monla- 
nistes,  et  ensuite  les  novatiens,  qui  lui  refu- 
saient le  pouvoir  d'absoudre  des  grands  cri- 
mes ;  comment  pouvait-on  les  distinguer 
d'avec  les  fautes  légères,  sinon  par  la  confes- 
sion? Su'inl  Cyprien  (De  Lapsis  ,  p.  liiO  et 
191)  fait  mention  de  ceux  qui  cunfessaient 
aux  prêtres  la  simple  ])ensce  qu'ils  avaient 
eue  de  retomber  dans  l'idolâtrie;  il  exhorte 
les  fidèles  à  faire  de  même,  pendant  que  la 
rémission  accordée  par  les  prêtres  est  agieée 
de  Dieu.  —  Lactance  {Divin.  Jnstil.,  1.  iv, 
c.  17),  dit  que  la  confession  des  péchés,  sui- 
vie de  la  satisfaction,  est  la  circoncision  du 
cœur  que  Dieu  nous  a  commandée  par  les 
prophètes.  Chap.  30,  il  dil  (|ue  la  véritable 
Eglise  est  celle  qui  guérit  les  maladies  de 
l'âme  par  la  confession  et  la  pénitence. 

Nous  nous  abstenons  de  ciler  les  Pères  du 
iv  siècle  et  des  suivants  ;  on  peut  voir  leurs 
passages,  non  seulement  dans  D.  de  Sainte- 
Marthe,  mais  dans  le  P.  Drouin  (De  lie 
sacramentaria,  tom.Vll),  L'essentiel  est  de 
prouver  la  fausseié  de  ce  qui  a  été  soutenu 
par  les  piolestants,  savoir  ,  qu'il  n'y  a  au- 
cun vestige  de  con/'es.«ion sacramentelle  dans 
les  trois  premiers  siècles  do  l'E^jlise  (1). 

Ils  prétendent  que,  dans  les  textes  de  l'E- 
crilure  et  des  Pères  que  nous  alléguons,  il 
n'est  point  question  de  confes^iion  auriculaire 
ni  d'absolution,  mais  d'un  aveu  (|iie  les  !i- 
dèles  se  faisaient  l'un  à  l'autre  par  humilité, 
pour  obtenir  le  secours  de  leurs  prières  mu- 
tuelles ;  que, quand  les  anciens  seser\ei>t  du 
terme  èïauoUyoïTi;,  confession,  ils  entendent 
la  confession  publique,  qui  faisait  iiartie  de 
la  pénitence  canonique.  —  1"  Cela  est  faux: 
dès  le  II"  siècle^  Ongène  parle  d'une  con- 
fession faite  au  prêtre,  et  non  au  cmn- 
innn  des  fidèles.  Au  iii',  saint  (Cyprien  s'ex- 
plique de  même  des  pèches  secrets  con- 
fiés aux  I  relies,  et  de  la  rémission  accordée 
parles  [irêtres  :  donc  il  l'enlcnil  de  la  con- 
fession sacramentelle  cl  de  l'absoliilion.  —  i" 
Supposons,  pour  un  moment,  qu'il  est  (|ues- 
tiou  d'une  confession  publique;  les  Pères  la 

(I)  Nous  allons  citer  quelques-uns  des  texies  des 
l'éies  de  <.c  siècle. 

Saint  Atbaitase  (  .Sur  le  Livilique  )  :    <  Ëxauiinoiif 


1037 


CON 


CON 


1038 


|upent  nécessaire;  pouvait-elle  l'être,  si  Jé- 
suï.-Clirist  et  les  apôires  ne  l'avaient  pas 
coiiiiiiaiiilée?  lespasleurs  de  l'Etçlisc  auraient- 
ils  prescrit,  de  leur  propre  autorité,  une  pra- 

dans  notre  conscience  si  nos  liens  sonl  dissous  ;  que 
s'il  ne  rétaienl  |i:is  encore,  livrcz-vons  aux  disciples  de 
Jé^us  qui  sunt  à  vos  côlés  ot  prèls  à  vous  iléliei'  en 
vertu  <le  l:i  puissance  qu'ris  ont  reçue  du  Sauvi'ur  : 
Tout  ce  que  vous  iléliiTcz  sur  l;i  terre  sera  délié  dans 
le  ciel,  etc.  »  —  Saint  Basile  (  Qnœst.  2'2il  )  :  «  On 
doit  garder  pour  la  confession  des  péeliés  la  même 
me'iiire  que  l'on  suit  pour  les  maladies  du  corps. 
Ainsi,  comme  nous  ne  découvrons  pas  les  maladies 
de  noire  corps  à  loulle  monde,  ni  aux  premiers  ve- 
nus, mais  um(|uemi'nt  à  ceux  qui  savent  les  guérir,  de 
même  la  conlcssion  des  pccliés  ne  peut  se  l.iire  i|u'ù 
ceux  qui  peuvent  Ws  guérir...  Il  faut  nécessairement 
{  liègt.  288)  découvrir  ses  péchés  à  ceux  qui  ont  reçu 
la  (lispensailnn  des  mystères  de  Dieu,  i  —  Saint 
Pacien  (  Exhortnlion  à  ta  Pénilencs  )  :  i  Que  faites- 
v<ms,  vous  qui  trompez  le"  préire,  vous  qui  l'égarez 
par  l'ignorance  dans  laquelle  vous  le  laissej,  ou  le 
jetez  dans  l'embarras  de  juger,  en  ne  lui  dunnant  pas 
une  pleine  connaissance  de  vous-mèmi'S  ?....  Je  V(ms 
conjure  donc,  mes  fjères,  par  ce  Dieu  à  (|ui  rien 
n'édiappe,  cess- z  de  me  cicher  voire  conscience  ul- 
cérée, je  vous  le  (lemande  à  cause  du  danger  où  vous 
m'exposez.  Les  malades  (\m  ont  de  la  prudence  ne 
roMgissenI  pas  de  se  monuer  au  mé.l(!ein,  lors  même 
qu'il  doit  porter  le  (er  ou  le  feu  aux  pailies  les 
plus  cachées.!  —  Saint  Gréjjoire  de  Nyssc  (  Lettre  à 
Cévique  de  Mitijtène)  :  <  Ainsi  ipic  dans  lel:ailemeut 
des  maladies  cnrpinelles,  la  médecine  n'a  qu'un  but, 
la  giiérison  de  celui  qui  soiilTie  ;  mais  une  grande 
vaiiéié  dans  l'upplicaiiou  des  remèdes  (car,  suivant 
la  variété  des  maladies,  les  remèdes  et  le  ré;;ime 
doivent  être  propres  et  cnnvenaliles  à  cliacuii)  ;  de 
même,  dans  les  maladies  de  l'âme,  les  affections 
étant  irès-variées,  la  jnérison  doit  l'êire  aussi,  puis- 
qu'il faut  appliquer  les  remèdes  suivant  les  alfee- 
lions.  >  Va  bhcours  sur  la  j'cinm  •  pécheresse  :  i  Pre- 
nez un  préire  eumuie  un  péie  ;  laites  eu  le  cinlident 
de  vos  peines,  l'associé  de  voire  allletion.  Jlootrez- 
lui  liardiment  ce  qui  esl  re<  élé  dans  vinre  àme.  Dé- 
couvrez-lui les  secrels  de  vutre  conscience,  comme 
les  blessures  cacliées  se  découvrent  au  mé  Iccin.  Lui, 
à  son  tour,  prendra  le  soin  de  votre  honneur  ei  de 
voire  santé.  »  —  Saint  Amhrnise  (Sur  la  l'éintence, 
I.  Il,  c.  8),  exhorlani  les  pécheurs  à  ne  pas  dillérer 
leur  conversion  ius>|ii'à  la  mort  :  c  INous  devons  nous 
abstenir  dès  à  pié^enl  de  tous  les  vices,  parce  que 
nous  ignurons  si  nous  pourrons  alors  nous  confesser 
à  Dieu  et  au  prèire.  »  Uéfuianl,  c.  2,  les  prétextes 
de  ceux  qui  refusent  de  s'a|iprociicr  du  sacré  iribunal 
de  la  péniieiice  :  «  îSuls  ne  font  nue  plus  grande  inju- 
re au  ciel  (lue  ceux  qui  \euleni  abroger  ses  oïdim- 
■■anees,  et  annuier  la  commission  qu'il  u  donnée.  Car 
Nolre-Seij^neur  ayant  dii  :  A  quiconque  nous  remettrez 
les  péchés,  ils  leur  seront  remis;  àijuicoHque  vous  tes 
retiendrez,  ils  leur  seront  retenus  :  lequel  des  deux 
l'honoie  davaniage,  celui  qui  obéit  à  son  ordre  ou 
celui  qui  lui  résiste?  Mais  l'Eglise  se  inonlre  obeis- 
saiile,  soit  qu'elle  lie,  soit  iju'elle  relâche  les  pé- 
chés. >  —  Saint  Jean  Chrysiistome  {Homélie  2  ^ur  la 
Genèse):  «  Si  le  pécheur  veiii  se  liiier  de  laiie  la 
coiilessiim  de  ses  crimes,  s'il  vont  découvrir  l'ul  ère 
à  uo  médecin  qui  le  traite  sans  se  permettre  de  re- 
proches, s'il  veut  en  accepier  les  remèdes,  ne  par- 
ler qu'à  lui  seul,  à  l'insu  de  tout  au<re,  mas  Ini 
avouer  exactement  tous  ses  péchés,  il  parviendra  la- 
eilemeiil  à  les  guérir,  car  la  confession  des  péi  lies 
Commis  en  est  l'abuliiion.  »  —  Saint  Jérôme  (Sur  le 
chapitre  dixième  de  l'Ecclésiiisl.)  :  «  Si  le  serpent  in- 
fei'iial  avait  purlé  à  quelqu'un  une  morsure  cacliée  ; 
si,  à  l'écart  et  sans  témoin,  il  lui  avait  insinue  le  venin 


tiqueaussi  huinilianle,  et  les  lidèles  auraient- 
ils  voulu  s'y  soumelire?  Donc  touie  l'aoli- 
quité  a  cru  qu'en  verlu  des  paroles  de  Jé- 
sus-Christ et  des  apiUrcs  il  fallail,  pour  la 
pénitence ,  une  cinfession  faile  ans  prê- 
tres ,  soit  en  public  ,  soit  en  p  iriiculier 
De  quel  droit  les  proieslants  n'en  veulent- 
ils  admettre  aucune?  Que  l'Eglise,  après 
avilir  reconnu  les  inconvénients  de  la  co«- 
fession  publique  ,  n'ait  plus  exige  qu'une 
confession  secrète  et  auriculaire,  c'a  été  un 
trait  de  sagesse  ;  la  comiuile  des  prolestunts 
qui  rejettent  toute  confession,  et  tordent  à 
leur  gré  le  sens  de  l'iicriture  sainte,  est  une 
folle  témérité. 

Les  apôtres  et  leurs  disciples  ont  dit  :  Con- 
fessez vos  péchés  ;  (]iiinze  cents  ans  après,  les 
réformalcurs  leur  ont  dit  :  N'en  fuites  rien, 

du  péché,  et  que  le  malheureux  infeclé  .s'(d)stinât  À 
n'en  piiini  parler,  à  ne  point  faire  pénitence,  à  ne 
pas  découvrir  s.i  blessure  à  son  frère  et  à  son  maî- 
Ire  ;  le  niaîire,  qui  possède  les  paroles  de  1»  guéri- 
son,  ne  lui  sera  pas  plus  de  ressomce  que  le  méde- 
cin au  maladie  qui  rougit  des'-jiivrir  àlui.t/irce 
qu'elle  ignore,  hi  nié  leciiie  ne  le  guérit  iia?..  Quoi 
eiiim  iqnoral,  meli.ina  nm  curât,  i  —  Saint  Angiis- 
lin  (  llumélie  sur  le  Ps.  OU  )  :  «  Soyez  dniic  triste 
avant  la  conlession,  mais  réjonisse/.-vons  après  ;  car 
vous  serez  guéri.  Le  venin  s'était  amassé  dans  votre 
coiiscienci:  ;  l'aposluine  s'éiaii  gonllé,  vnus  mettait  à 
la  to-lure,  et  ne  vous  laissait  aiieun  repus.  Le  méde- 
cin vient  y  apposer  le  baume  des  p;>roles,  nu  qiicl- 
quelois  y  porter  nu  feu  salutaire  ;  il  oiivie,  il  ani- 
puie  ;  reconnaissez  sa  maiu  bienlaisanie.  Lcnf.  s-ei- 
voiis,  et  que  par  votre  confession  sorte  et  découle 
tout  ce  qui  s'y  était  accumulé  de  pourriture.  Alors 
soyez  ioyciix  et  content;  le  reste  sera  d'une  gnéri- 
s  m  facile.  »  Parlant  du  péheur  en  général  :  <  Qu'il 
aille  se  présenter  au  pontife,  car  à  lut  est  coiilié  l'ad- 
ministiadoii  des  clefs  ;  qu'il  eu  reçoive  le  imide 
convenable  de  salisluclion  ,  qu'il  lasse  ce  qu'il  faut 
pour  recouvrer  le  salut  et  servir  d'exemple  aux  .i  i- 
tres  ;.  (|ue  si  son  péché  lui  a  causé  un  i;ra:id  doiiinia- 
ge  et  beaucoup  de  scandale  aïK  aiilres,  si  le  p  n  ife 
estime  expé  lient  pour  l'édilication  de  l'Iiglise  ipie  ce 
péi  lié  devienne  coiiiiii,  mm-seiilenieiit  de  plusieurs, 
mais  encore  de  tout  le  peuple,  qu'il  ne  s'y  refuse 
point,  qu'il  ne  lésisle  pas,  et  que  par  honte  il  n'aille 
point  ajouter  une  tumeur  luneïle  à  une  plaie  déjà 
nioiielle.  i  Sermon  ô'J2:  i  Faites  pénitence  comme 
elle  se  fait  dans  l'Kgiise,  aliii  que  t  Eglise  pi  le  pour 
vous,  ^ue  personne  ne  se  dise  :  Je  la  fuis  iiiténcu- 
rcnienl  et  devant  Dieu  ;  i|u'il  me  pardo  iiie,  il  sait 
que  je  la  lais  dans  mon  cueui...  Lb  quoi  !  C'est  donc 
en  vain  que  les  clefs  en  ont  éié  données  à  l'K^lise!... 
Ce  serait  frustrer  rKvanjiile  ;  ce  serait  frustrer  les 
paroles  de  Jésus-Clirisi.  »  Saint  Lé  m  {Lettre  15G,  c. 
2)  :  <  Tandis  qu'il  sulïii  d'inilii|uer  aux  seuis  prélies, 
et  par  une  confession  secié  e,  tes  délits  des  cons- 
ciences. Car,  quelque  louable  que  paraisse  celle 
plénitude  de  lui  qui,  eu  vue  de  Dieu,  ne  craint  pas 
de  rougir  devant  les  h  'inmes,  cependant  cumnie 
tous  les  péchés  ne  Sont  poiiil  de  nature  à  ce  que  les 
péiiiteiils  ne  puissent  avoir  aucune  frayeur  de  les 
manife^ier,  (|u'ou  renonce  à  celle  hlàm  >bîe  praiiqu", 
de  crainte  que  plusieurs  ne  s'éloignent  des  remèdes  de 
la  péniienci',  détournés  soit  par  la  lionie,  stdi  par  la 
peur  de  publier  de.aiit  leurs  time.i.is  des  actions  qui 
pourraient  eue  Irappées  par  les  lois  civiles.  Il  suUit 
«riiiie  co.ifessi  •!!  faile  d'aboid  à  Dieu,  en-i.ile  au 
prêtre  qui  intercède  pour  les  péchés  -iu  pénitent, 
l'ar  là  plusieurs  seront  aitirés  à  la  péiiiience,  lors- 
que les  conscience  >  ne  seront  plus  ouvertes  devant 
le  public,  t 


1059 


CON 


COIN 


1040 


la  confession  est  une  invenlion  que  les  papes 
ont  inise  en  usage  pour  asservir  les  pctèles  au 
clergé  ;  cl  l'on  a  rcoulé  les  réforinaleurs  plii- 
lôl  que  les  apôlres. 

Bingham.quiat.inlétufliéranliquilé.après 
avoir  rapporté  les  Irenle  argumeiils  que 
Diiilléa  faits  conUe  lu  confession  auriculaire, 
est  forcé  (le  convenir  que  les  anciens  tels 
quOrigène,  sainl  Cyprien,  saiiil  Grégoire  de 
Nysse ,  s;iiiil  Basile,  sainl  Anihruise,  saint 
Paulin,  s.iinl  Léon  ,  etc.,  parlent  souvent 
d'une  con/'eision  faileaux  prêtres  seuls  ;  mais 
il  en  imag'ne  différentes  raisons,  et  ne  veut 
pas  convenir  que  c'a  été  afin  de  recevoir  des 
prêtres  l'absolution  sacramentelle  (Origin. 
ecclés.,  I.  xviii,  c.  3,  §7  et  suiv.).  Dans  ce 
cas.  nous  demandons  de  quelle  manière  les 
prêtres  ont  donc  exercé  le  pouvoir  que  Jé- 
sus-Christ leur  a  donné  de  remellre  les  pé- 
chés. Si  les  liilèlcs  navaienlpas  eu  confiance 
à  ce  pouvoir,  pourquoi  se  seraient-ils  con- 
fessés aux  prêtres  plutôt  qu'aux  laïques? 

Dans  le  fond  ,  les  trente  arguments  de 
Daillè  se  réduisent  à  un  seul,  qui  corisisle  à 
faire  voir  que,  dans  les  premiers  siècles,  l'on 
n'a  pas  parlé  di-  la  confession  aussi  souvent 
et  aussi  expressément  qu'on  l'a  fait  dans  les 
derniers,  ^iais  qu'imporie,  pourvu  que  l'on 
en  ail  dit  assez  pour  nous  convaincre  que 
l'on  reCDunaissail  alors  la  nécessité  d'une 
confession  quelconque?  11  en  résulte  toujours 
que  les  prolestanls  ont  tort  de  n'en  admettre 
et  de  n'en  pratiquer  aucune.  —  Si  Daillé 
avait  eu  la  bonne  lui  de  citer  les  passages  des 
Pères  que  nous  venons  d'alléguer  ,  il  aurait 
vu  que  c'est  la  réfutation  complète  de  ses 
trente  arguments. 

Ce  théologien  en  impose  encore  quand  il 
avance  que  les  Grecs,  les  jacohiles,  les  nes- 
(oriens,  les  arminiens,  ne  croient  point  la 
confession  nécessaire;  leconlraiie  est  prouvé 
d'une  manière  incontestable  par  les  livres  et 
pai  la  pratique  de  ces  différentes  sectes.  Vog. 
Perpéluilé  de  la  Foi,  liun.  IV,  |)ag  47  et  85; 
tom.  V,  1.  III,  c.  5  ;  Assèmini,  B(bl.  orient., 
tom.  Il,  pré!'.,  §  5.  Ces  sectes  ,  séparées  do 
riîglise  romaine  depuis  douze  cents  ans, 
n'ont  certainement  pas  emprunté  d'elle  l'u- 
sage de  la  confession.  Il  faut  donc  que  cet 
usage  ail  été  cel  i  de  toute  l'IUgiise  dans  le 
temps  de  leur  séparalioa,  et  non  une  nou- 
velle discipline  introduite  dans  l'Iiglise  ro- 
maine au  XIII»  siècle,  comme  le  prétendent 
les  protestants. 

IJingham  convient  que  les  iiovaliens  furent 
traités  comme  schisuialiques,  parce  (|u'ils 
conles'aieiil  à  ri'>.;lise  le  pomoir  de  remet- 
tre les  péchés  {Ibid.,  c.  4-,  §  oj  ;  m  lis  il  ne 
nous  apprend  pas  tic  (luelle  manière  et  par 
qui  l'Eglise  exerçait  te  pouvoir  qu'elle  s'est 
cunstammeni  attribué  eu  vertu  des  paroles 
de  .le>us-Chri^t  ,  si  elle  doimail  ou  refu^ait 
l'absolution  des  pédiés  qu'elle  ne  connais- 
sait pas,  et  qui  n'elaienl  pas  confessés.  Or  , 
nous  soutenons  que,  dans  tous  les  temps  , 
un  des  prélimin.iires  in  lispcusaliles  de  l'ab- 
tolution  a  toujours  été  ii\  confession  :  qne 
l'on  s'eit  confessé  aux  évequos   cl  awi  pré- 


ires, et  non  à  d'antres.  —  Cela  est  prouvé 
par  un  fait  du  iii"  siècle,  dont  les  protestants 
ont  voulu  tirer  avantage.  Socrate  (//isf.  ec- 
clés., I.  V,  c.  19)  rapporte  qu'après  la  persé- 
cution de  Dèce  ,  par  conséquent  vers  l'an 
230,  les  évêques  établirent  un  prêtre  péni- 
tencier pour  entendre  les  confessions  de  ceux 
qui  étaient  tombés  après  leur  bapiéme.  11 
dit  que  cel  usage  avait  subsisté  jusqu'à  son 
temps,  excepte  chez  les  novaliens,  qui  ne 
voulaient  pas  que  l'on  admît  ces  tomb  s  à  la 
communion  ;  mais  qu'à  Constantinople,  le 
patriarche  Nectaire,  placé  sur  ce  siège  l'an 
381,  supprima  la  pénitence,  parce  que  l'on 
sut,  par  la  confession  d'une  femme,  qu'elle 
avait  [)écbéavec  un  diacre  ;  qu'ainsi.  Nectaire 
laissa  chaque  fidèle  dans  la  liberté  de  se 
présenter  à  la  communion  selon  sa  cons- 
cience, et  qu'il  fut  imité  par  les  autres  évê- 
ques homousiens  :  c'est  le  nom  que  les  arieiis 
donnaient  aux  catholiques.  Sozomène  [llist. 
ecclés.,  liv.  vti,  c.  16)  raconte  la  mêoie  chose, 
avec  de  h-gères  variétés  dans  les  circons- 
lunees. 

De  là  nous  concluons  ,  1°  qu'avant  l'an 
250,  ce  n'étaient  p.is  ordinaireiiient  les  prê- 
tres,  mais  les  évêques,  qui  enlendaienl  les 
confessions  des  fiilèles.  L'un  3.i0  ,  le  concile 
de  Carthage  ,  can.  3  et  4,  n'accorda  encore 
aux  prêtres  le  pouvoir  de  réconcilier  les  pé- 
nitents que  dans  l'absence  de  l'cvèque.  2'Que 
l'on  jugeait  la  confession  nécessaire  avant  de 
recevoir  la  communion.  3°  Qucl'on  n'exigeait 
pas  une  confession  publique,  autrement  l'é- 
lablissenaent  d'un  pénitencier  aurait  été  inu- 
tile, k"  Que  Nectaire  ne  fit  autre  chose,  en 
supprimant  le  pénitencier  ,  que  rétablir  la 
discipline  telle  qu'elle  élail  avant  l'au 
250. 

Les  protestants  au  contraire,  soutiennent 
que  Nectaire  abolit  toute  espèce  de  confes- 
sion, chose  qu'il  n'aurait  pas  osé  faire  ,  et 
(|ui  n'aurait  pas  été  usitée  par  les  autres 
évêiiU'S,  si  l'on  n'avait  cru  que  la  confes- 
sion était  commandée  par  Jésus-Christ  ou 
par  les  apôlres.  Celle  prétention  esi  certai- 
nement fausse.  En  premier  lieu,  Socrale  et 
Sozomène  ne  disent  piiinl  que  Nectaire  abo- 
lit toute  confession  ;  et  quand  ils  l'auraient 
dit,  nous  ne  serions  pis  obligés  de  les  croire, 
dès  qu'il  y  a  des  preuves  positives  du  con- 
traire. Us  disent,  à  la  vérité  ,  (jue  Nectaire 
laissa  chaque  fidèle  dans  la  liberté  de -^e  pré- 
senter à  la  communion  selon  ,sa  conscience  ; 
cela  signifie  que  l'on  n'exigea  plus,  comme 
aulrefiiis  ,  de  chaque  fidèle,  une  confssidn 
quelconque,  mais  qu'on  lui  laissa  la  liberté 
de  juger  s'il  en  avait  besoin  ou  non.  Ils  di- 
sent que  le  (haiigeuient  de  discipline  causa 
du  relâcheuient  d.iiis  les  mœurs  ,  et  l'un  ne 
peut  pas  douler  que  la  confession  publique 
n'ait  été  un  frein  puissant  pour  les  iiueurs  , 
lorsqu'elle  était  en  u>age.  En  secoiiil  lieu  , 
lions  voyous,  par  les  canons  ilu  cncile  de 
Carthage,  et  par  li-  lèmoignage  des  Pères  du 
\"  siècle  ,  que  l'on  continua  d'exiger  au 
moins  la  confession  secrète  ou  auriculaire  , 
cl  qu'elle  n'a  jamais  cessé  d'être  pratiquée. 
Encore  une  fois,  personne  n'aurait  voulu  l'y 


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C0C1 


CON 


lOM 


ioumettre,  si  l'on  n'avait  pas  élé  persuadé 
iliio  .lésus-Clirist  l'avait  coniinaiidée. 

Lorsque  les  nestoiiens  se  sont  séparés  de 
l'E;;lisfl  calholique  au  v  siècle,  et  les  euly- 
chiens  au  vi',  ils  ont  emporté  avec  eux  l'u- 
sage de  la  confession  auricuhiire  ;  il  y  siib- 
sisie  encore,  quoi(iu'il  y  ail  clé  qucliiiicTois 
interrompu.  Vainement  nos  advcr-aires  ont 
voulu  contester  ce  lail,  il  C'-t  prouNé  par  des 
téinoign.iges  et  par  des  inonuin(>nts  iriécti- 
sat)les.  De  quel  Iront  peuvent-ils  soutenir 
((ue  c'e^l  une  invention  noiivel!e  de  la  puli- 
tiqiie  (les  papes   el  de  l'aniliilion  du  cleigé? 

Plus  d'une  fois  les  prolcslanls  se  sont  re- 
pentis d'avoir  altoli  l'usage  île  la  confession. 
Ceux  lie  Nuremberg  envoycrenl  une  ambas- 
sade à  CliarU's-(}uint  ,  pour  le  prier  <le.  l<i 
rétablir  riiez  eux  par  un  edil  (Solo,  in-\,  disl. 
18,  (].  1 ,  art.  1).  Ceux  de  Slrasbourg  auraient 
aus^i  vomu  la  renielire  en  usage  (Lettre  du 
P.  Scliffiiiacher,  !t'  lettre,  §  3).  Elle  a  elé  con- 
servée en  Suède,  parce  que  c'est  un  des  ar- 
licles  dont  ou  c  lail  convenu  dans  la  Confes- 
sion d'Augshourg  (B^ssuei,  Hisl.  des  Varia- 
livus,  liv.  iH,  n"  W).  iMoslieini  nous  apprend 
quelle  est  encore  pr.iliquée  dans  la  Prusse, 
el  il  blâme  un  ininivlre  de  Berlin  ,  qui,  eu 
16it7,  s'avisa  de  prccber  contre  cet  usage 
IHist.  ecctéf.  du  %.\n'  siècle,  secl.2,  n'  part., 
c.  1,  §5j).  Quelques  incrédules  d'Angleterre 
ont  accusé  le  clergé  ai  glican  d'en  fooliaiter 
le  rétabli^semenl  et  d  y  travailler  {Euil  pré- 
sent de  t' Jicjlise  romaine,  épilre  au  pape,  pag. 
30  el  31).  Vaines  t.  niatives  :  dès  que  l'on  est 
paneiiu  à  persuader  aux  proteslanis  que  la 
confession  sacramenlelle  n'est  pas  une  iiisti- 
luiion  de  Jésus  -  Christ,  jamais  ils  ne  con- 
sentiront à  en  reprendre  le  Joug,  et  jamais 
les  premiers  fidèles  ne  s'y  seraient  assu- 
jettis, s'ils  avaient  élé  dans  la  même  opinion. 

Par  ces  mêmes  laits,  il  est  prouvé  que  les 
protestants  modérés  rougissent  aujourd'hui 
des  invectives  ijue  leurs  réformateurs  ont 
vomies  contre  la  cotifession  auriculaire;  ce 
fui  cependant  un  des  priiu'ipauv  sujets  de 
leur  schisme,  et  un  des  attr;iits  par  lesquels 
ils  siduisirent  les  peuples.  Mais  les  incredu- 
dulcs,  |icu  dclicals  sur  le  choix  de  leurs  ar- 
guments, n'ont  pas  dédaigné  de  répéter  les 
plus  faux  et  les  plus  aisés  à  réfuter.  —  Ils 
disent,  avec  Bayle,  que  la  confession  est  dan- 
gereuse pour  le  coiifi'sseiir  el  pour  la  plu- 
part des  péiiilenls  ;  que  c'est  une  tentation 
lerri!)le  pour  L-  premier  d'entendre  le  récit 
de  certains  desordres,  et  qu'il  y  a,  surtout 
pour  les  jeunes  personnes,  beaucoup  de  dan- 
ger à  eiiircrdans  ce  détail.  Nous  soutenons, 
au  contraire,  que,  pour  loul  homme  sensé, 
le  meilleur  préservatif  contre  les  désordres 
est  de  voir  à  quels  excès  ils  conduisent.  Dans 
un  siècle  où  la  corruption  des  mœurs  osl  à 
son  comble,  y  a-l-il  rien  de  plus  moitiOant 
et  de  plus  douloureux  pour  un  homme  tiui 
croit  en  Dieu,  que  de  voir  jusqu'à  quel  point 
l'oubli  de  la  morale  chrétienne,  le  mépris  de 
toutes  les  lois  ,  la  dépravation  de  lous  les 
principes  régnent  dans  le  monde?  Si  c'était 
un  attrait  pour  des  cœurs  gàlès  ,  les  i  ccié- 
siastiques  les  olus  vicieux  seraient  aussi  les 


•  pins  empressés  a  exercer  la  fonction  de  eon- 
fesseur  :  en  esl-il  ainsi?  A  moins  qu'une 
personne  n'ait  perdu  toute  honte  et  toute 
crainte  de  Dieu,  il  est  impossible  que  le  ré- 
cil  de  ses  désordres  ne  serve  à  l'humilier  et 
à  lui  cau-er  du  repentir  ;  celles  qui  veulent 
y  persévér.  r  ne  se  confessent  plus.  —  Pour 
rendre  la  doctrine  catholi(iiie  odieuse,  ils  af- 
lectenl  de  supposer  que  nous  attribuons  à  la 
confession  tooie  nue  le  pouvoir  di-  rcmellro 
les  péchés  :  c'est  une  fausse  imputation.  Sui- 
vant la  croyance  callioli()ue,  la  cotifession  n'a 
de  vertu  que  comme  partie  du  sacrement  de 
pénitence,  cl  qu'autant  qu'elle  est  jointe  û 
la  conirition  ou  au  repentir  d'avoir  peclié  , 
à  la  résolution  do  n'y  pins  retomber  et  de 
satisfaire  à  Dieu  et  au  prochain.  —  D'un 
côté,  les  proteslanls  exagèrent  la  difficulté 
de  la  confession,  elle  leur  parait  une  prati- 
que capable  de  bourreler  la  conscience;  de 
l'aulre,  les  incrédules  tournent  en  ridicule  la 
facilité  avec  laquelle  les  plusgramis  pécheurs 
sont  absous  dès  qu'ils  se  conlesseiit  :  conira- 
diction  palpable.  —  Puisque  la  confession 
est  humiliante  et  diffieile  ,  un  pécheur  ne 
peut  guère  s'y  résoudre  à  moins  qu  il  ne  soit 
déjà  repentant  et  résolu  de  se  léconcilier 
avec  Dieu;  mais  cette  difficulté  est  bien 
adoucie  par  l'espérance  d'être  absous  et  pu- 
rifié; donc  c'est  un  abus  d'envisager  la  con- 
fes-ionsvu\e  comme  séparée  des  dispositions 
essentielli  s  dont  elle  doit  être  accompagnée, 
et  de  l'absolution  dont  elle  est  suivie. 

Nos  adver>aiies  soutiennent  que  ceux  qui 
se  confessent  n'ont  pas  les  mœurs  plus  pu- 
res (|ue  les  autres  ;  qu'il  y  a  moins  de  vices 
chez  les  protestants  depuis  qu'ils  ont  aboli 
la  confes-'ion.  Double  fausseté.  Tous  ceux 
qui  se  livienl  au  désordre  commenceni  par 
abandonner  la  confession,  et  ils  y  reviennent 
lorsqu'ils  veul  ni  se  convertir.  Le  motit  qui 
a  engagé  plus  d'une  fois  les  proteslanls  à  dé- 
sirerlcrétablis-emenl  de  la  confession  parmi 
eux,  est  le  dérèglement  des  mœurs  dont  l'a- 
boliiion  de  celle  prali(ine  a  élé  suivie.  Plu- 
sieurs de  leurs  écrivains  sont  cuiivinus  de 
ce  fait  essentiel,  el  ont  avoué  que  leur  pré- 
tendue réforme  aurait  grand  besoin  d  èlre 
reformée.  —  On  objecte  que  plusieurs  scé- 
lérats se  sont  confessés  avant  de  commettre 
desforlaits,  que  d'autres  se  confessent  afin 
de  pallier  leursdésordres  sous  uneapparencc 
de  piclé  et  de  conserver  leur  réputation. 
Outre  l'iiicerliiud'  de  lous  ces  faits  ,  qui  ne 
sont  r.en  moins  que  prouvés,  nous  répon- 
dons qu'il  en  résulte  seulement  que  les  scé- 
lérats peuvent  abuser  de  tout,  et  que, dans 
aucun  genre,  l'exemple  des  monstres  ne  peut 
servir  de  règle.  A-l-oii  com|)aréle  nombre  de 
ceux  qui  ont  abusé  de  la  confession,  avec  l.i 
muUilude  de  ceux  qui  y  ont  renoncé  afin  de 
pécher  plus  liliremenl?  Ceux  qui  se  sont 
confessés  avant  de  commettre  une  mauvaise 
action  nela  regardaient  pas  comme  un  crime, 
donc  ils  n'en  uni  pas  fait  confidence  à  leur 
confesseur. 

Le  quatrième  concile  de  Latran,  tenu  l'an 
1215,  sous  Innocent  III,  eau.  21,  ordonne  à 
tous  les  fidèles  de  1  un  el  de  l'autre  sexe,  par 


1043 


CON 


CON 


1044 


venus  à  l'âge  de  discrétion,  de  confesser  tous 
lenrs  péchas,  au  moins  une  fois  l'an,  à  leur 
propre  prêtre....  Que  si  quelqu'un,  pour  une 
juste  cnusp,  veut  confesser  ses  péchés  à  un 
pr(^tr.e  étranger,  il  en  demindera  et  en  ob- 
tiendra la  permission  de  son  propre  prêtre, 
parre  qu'autremcn'  cet  étranger  ne  pourrait 
le  lier  ni  le  délier.  C'est  de  ce  canon  que  les 
protesliinls  ont  pris  occasion  de  soutenir  que 
la  confpssion  sacramentelle  est  une  invention 
do  pape  Innocent  III,  et  qu'elle  ne  remonte 
pas  plus  h  lut  que  le  xui'  siècle  ;  le  contraire 
est  s;ilfi>nmmenl  prouvé. — Mais  on  a  disputé, 
même  parmi  les  catholiques,  pour  savoir  ce 
que  le  concile  de  Lalran  a  entendu  par  pro- 
pre prêtre  et  préire  étranger.  Plus  d'une  fois 
les  reliirieîix  ont  voulu  soutenir  que  le  pro- 
pre prêtre  est  non-seulement  le  curé,  mais 
(ont  confesseur  approuvé  ;  ils  ont  obtenu 
plusieurs  bulles  dos  [lapes  qui  le  déclaraient 
ainsi.  En  1321,  Jean  XXII  condamna  Jean 
de  Poilly,  docteur  de  Paris,  qui  avait  soutenu 
le  contr, lire,  à  se  rétracter  piib!iquen)ent 
(Flenry.  Hist  ecclês.,  liv.  xcii,  §  54).  —  Ce- 
pendant, l'an  1280,  un  synode  de  Cologne, 
et  l'an  1281,  un  concile  de  Paris,  com[iosé 
de  vingt-quatre  évéques  et  d'un  2:rand  nom- 
bre de  docteurs,  av. lient  déjà  décidé  la  con- 
tessition  en  fiiveur  des  curés.  Aussi,  en  14-31 
et  145t).  la  faculté  de  théologie  de  Paris,  en 
H78.  le  pape  Sixte  IV,  coiilirmcrcnt  celte 
décision  ,  et  elle  a  tnujonrs  été  suivie  dans 
le  clergé  de  France.  C'est  évidemment  le 
sens  (lu  concile  de.  Latran,  puisqu'il  exige 
que  celui  qui  voudra  se  confesser  à  un  prê- 
tre étranger,  en  obtienne  la  permission  de 
son  propre  prêtre.  Certainement,  tout  jjrêlre 
approuvé  ne  peut  pa-s  donner  cette  permis- 
sion, et  soQs  le  nom  de  prêtre  étranger,  le 
concile  n'a  pas  entendu  un  prêlr(!  non  ap- 
prouvé ;  aui-une  permission  ne  pourrait  sup- 
pléer an  défaut  d'approbation.  Mais  cela 
n'ôte  point  aux  évéques  le  droit  d'accorder 
à  (oui  prê(re  approuvé  pour  leur  diocèse, 
le  pcuvoir  d'enlendre  les  confessions  pas- 
cales, sans  qu'il  soil  besoin  d'une  permission 
expresse  des  curés. 

Ce  même  concile  de  Latran  a  déclaré  que 
le  secret  de  la  runfession  est  inviolable  dans 
tous  les  cas,  et  sans  aucune  exception.  Il 
l'est  en  effet  de  droit  naturel,  puisque  le  bien 
de  i;i  société  chrétienne  l'exige  ainsi  ;  sans 
celle  sûreté,  quel  est  le  pécheur  coupaiile  de 
grands  criov  s,  qui  voudrait  les  accuser  u 
un  confesseur  ?  Ouoique  l'on  ne  connaisse 
aucune  loi  divine  po-Hive  qui  ordonne  ce 
secret  inviolable,  oti  ne  peut  pas  croire  que 
Jésus-(;hrir.t  ait  impose  aux  peiheurs  le 
joug  de  la  confession,  avec  le  danger  de  se 
diffamer  eux-mêmes  ;  il  n'a  pas  même  exigé 
l'aveu  formel  de  ceux  auxquels  il  ;iccordail 
le  pardon,  p.irc*  qu'il  connuissail  leur  iiilé- 
'rieiir.  Qu;iiil  à  la  loi  ecclésiastique,  qui 
prescrit  aux  confesseurs  un  silence  absolu, 
elle  est  très-ancienne,  puisiju'au  iV  siè- 
cle ou  supprima  les  i>énit<'ncicrs  ,  parce 
qu'un  crimi  ;iccusé  à  celui  de  Conslantino- 
ple  était  devcuu  oublie,  et  avait  causé  du 
«caudale. 


11  est  donc  étonnant  que,  dans  le  Diction- 
naire de  Jurisprudence,  on  ait  décidé  qu'il 
faut  excepter  du  secret  de  la  confession  le 
crime  de  lèse-majesté  au  premier  chef,  c'est- 
à-dire  les  conspirations  tramées  contre  le 
roi  ou  contre  l'Klat,  et  que  le  confesseur  se 
rendrait  coupable  en  ne  les  révélant  pas. 
Nous  soutenons  avec  tous  les  théologiens, 
qu'au  contraire  il  se  rendrait  très-coupable 
en  les  révélant.  Où  est  le  criminel  qui  vou- 
drait accuser,  dans  le  tribunal  de  la  péni- 
tence, un  pareil  crime,  s'il  savait  que  le  con- 
fesseur doit  le  révéler  au  magistrat?  C'est  le 
sceau  inviolable  de  la  confession  qui  seul 
peut  l'engagera  s'accuser,  qui  met  le  confes- 
seur à  portée  de  le  déîourner  de  ce  forfait, 
de  l'obliger  même,  par  le  refus  de  l'absolu- 
tion, à  en  prévenir  l'exécution  par  des  avis 
indirects  ou  autrement.  L'opinion  du  juris- 
consulte que  nous  réfutons,  loin  de  pourvoir 
à  1.1  sûreté  des  ro.s  et  de  l'Etal,  les  met  en 
plus  grand  danger.  Henri  IV  le  comprit  très- 
bien,  lorsque  le  pèreCotion,  son  confesseur, 
lui  allégua  cette  raison.  — L'auteur  du  Dic- 
tionnaire s'en  est  laissé  imposer  par  un  de 
nos  philosophes,  qui  a  écrit  qu'en  IGIO,  trois 
mois  après  le  meurtre  de  Henri  IV,  le  parle- 
ment de  Paris  décida,  par  un  arrêt,  qu'un 
prêtre  qui  !>ail,  par  la  ciinfession,  une  cons- 
piiation  contre  le  roi  et  l'Etat,  doit  la  révé- 
ler auv  magistrats.  Si  cet  arrêt  était  réel, 
il  faudrait  l'attribuer  à  un  délaut  de  réflexion 
et  à  la  consternation  dans  la(]uelle  tout  le 
royaume  fut  |)longé  par  la  mort  funeste  de 
ce  bon  roi. —  Mais  comment  ajouter  foi  à  un 
écrivain  aussi  célèbre  par  ses  mensonges,  et 
qui  ajoute  en  même  temiis  une  autre  impos- 
ture? Il  dit  que  Paul  IV,  Pie  IV,  Clément 
VIII,  et,  en  1G22,  (Grégoire  XV,  ont  obligé 
les  confesseurs  à  dénoncer  aux  inquisiteurs 
ceux  que  leurs  pénitentes  accusaient  en  con- 
fessinn  de  les  avoir  séduites  et  solicitées  au 
crime  dans  le  tribunal  de  la  pénitence.  t7est 
une  fausseté  calomnieuse;  voici  ce  que  ces 
papes  ont  ordonné.  Lorsqu'une  pénitente 
déclare  à  son  confesseur  qu'elle  a  été  solli- 
citée au  crime  dans  la  confession,  luême  par 
un  autre',  ils  exigent  que  ce  confesseur  oblige 
sa  pénitente  à  révéler  aux  supérieurs  ec<  le- 
siastiques  le  crime  du  confesseur  coupable, 
mais  ils  ne  prescrivent  pas  au  confesseur  de 
faire  cette  revéialiun  lui-mêaie  ;  il  ne  peut 
et  ne  doit  la  laire  dans  aucun  cas.  La  lui 
(ju'ils  imposent  est  donc  étal)lie  contre  la 
sûreté  des  confesseurs,  et  non  contre  celle 
des  pénitents;  mais  le  philosophe  a  confondu 
m.ilicieuseiiienl  la  révélalion  faite  par  une 
pénitente  avec  la  révélation  faite  par  un  con- 
fesseur, aliu  d'avoir  occasion  de  dire  qu'iJ  y 
a  une  contradiction  ubsurde  et  horrible  entre 
cette  di'cision  des  papes  et  celle  du  coucile 
de  Latran.  et  une  opposition  formelle  enlic 
nos  lois  ecclésiastiques  et  nos  lois  liviies. 
Il  n'y  a  rien  ici  d'absurde  ui  d'horrible  que 
la  mauvaise  foi  du  philosophe,  de  laquelle 
un  jurisconsulte  a  clé  la  dupe. 

On  sait  qu'en  13.S.J  saint  Jean-Népomu- 
cène  aima  mieux  endurer  des  louruteiils 
cruels  et  la  mort,  que  de  révéler  à  Tempe- 


ms 


CON 


CON 


io.;f 


reur  Venccsias  la  confession  de  l'impéra- 
trice son  épouse.  Dès  le  vr  siècle,  s.iint  Jean 
Cliniaque  a  dit  :  «  Il  est  inouï  que  les  péchés, 
dont  on  a  Tiiit  l'aveu  dans  le  tribunal  de  la 
pénitence,  aient  élé  divul};u;''S.  Dieu  le  ^er- 
n)el  ainsi,  alin  que  les  pécheurs  ne  soient 
pus  délournés  de  la  confession,  el  qu'ils  ne 
soient  |)as  privés  de  l'unique  espér;ince  de 
salut  qui  leur  reste.  »  [lipi^t.  ad  l'astun,,  c. 

J3.)    VolJ.   l'iifflTENCE. 

Confession  de  foi,  déclaration  publique 
et  par  écrit  de  ce  que  l'on  croit.  Les  conciles 
ont  dressé  des  confessions  ou  professions  de 
loi,  ()ue  l'on  a  aussi  nouiniécs  symboles,  pour 
dislinguer  la  doctrine  caiholique  d'avec  les 
erreurs;  les  hércti<nies  en  ont  faillie  leur 
coté,  pour  exposer  leur  croyance.  Au  con- 
cile de  Uinilni,  les  aiiens  presenîèrenl  an^ 
évèques  catholiques  une  l'orinule  ou  confes- 
sion de  fui,   ()ui  portait  en    tête,  le  22  mai 

.■Jii'J,  sous  le  consulat  de et  ils  voulaient 

que  l'on  s'en  conientàl,  sans  avoir  égard  aux 
décrets  des  conciles,  ni  aux  formules  précé- 
dentes. Par  l'inscriplion  ou  la  date,  les  6vé- 
(|ues  calholiques  reconnurent  que  c'était  la 
dernière  formule  de  Siruiich,  qui  était  mau- 
vaise; ils  la  rejelèrenl  et  se  moquèrent  de 
l'inscription  (Socrate ,  Ilist.  ecclésiasiique, 
liv.  Il,  chap.  37). 

La  plupart  des  hérétiques  ont  varié, 
connne  les  ariens,  dans  leurs  confessions  de 
/o/;  jamais  ils  n'ont  pu  contenter  tous  leurs 
sectateurs,  ni  se  satisfaire  eux-mêmes  ;  on 
a  souvent  l'ait  ce  reproche  aux  prolestanls 
en  particulier.  —  Ils  ont  lait  un  recueil  de 
leurs  confessions  de  foi,  divisé  en  deux  par- 
lies  :  la  première  partie  en  contient  sept, 
savoir,  1°  la  confession  helvétique,  dressée 
par  les  églises  protestantes  de  la  Suisse.  11 
y  en  avait  déjà  une  faite  à  Uâle  en  133G  ; 
mais  comme  elle,  ne  parut  pas  assez  am|)le, 
on  en  dressa  une  secomie  en  1306,  à  laquelle 
ils  prétendent  que  toutes  les  églises  calvi- 
nistes, non-seulement  de  la  Suisse  et  des 
(irisons,  mais  encore  de  l'Angleterre,  de 
l'Ecosse,  de  la  France  el  de  la  Flandre,  sous- 
crivirent ou  acquiescèrent.  —  2°  Celle  que  les 
cilviiiistcs  de  l'rance  présentèrent  à  Charles 
l.\  au  collo(;ue  de  Poissy,  l'an  l.iGl,  qui 
avait  été  dressée  par  Théodore  de  Bèze  ;  elle 
fut  souscrite  par  la  reine  de  Navarre,  par 
Henri  IV  son  tils,  ]iar  le  prince  de  Condé, 
par  le  comte  de  Nassau,  etc.  —  3*  La  confes- 
sion anglicani",  rédigée  dans  un  synode  de 
Londres,  l'an  15()2,  el  puliliée  sous  la  reine 
Klis.ibelh,  l'an  1371.  —  4°  Celle  des  Ecoss  lis, 
faite  en  1308,  dans  une  assemblée  du  parle- 
ment de  ce  royaume.  —  5°  La  confession  hel- 
giqne,  dressée  en  IStîl,  pour  les  églises  de 
Flandre,  approuvée  dans  un  do  leurs  syiiO- 
des,  en  1370,  et  confirmée  au  synode  de  Dor- 
dieclil,en  1(519, — G"  Celte  des  calvinistes  po- 
lonais, composée  dans  un  synode  de  Gzen- 
ger,  l'an  1570.  — 7°  Celle  que  l'on  nomma 
des  (jHulre  villes  impériales,  savoir  :  Stras- 
bourg, Constance,  Mennningue  et  Lindau, 
présentée  à  Charles-()iiint,  l'an  1330,  en 
même  temps  que  celle  d'.Vugsbourg. 

La  seconde  partie  du  recueil  renferme  les 


confessions  de  foi  des  églises  luthériennes, 
et  celles  qui  y  ont  le  plus  de  rapiiorl.  En 
premier  lieu,  la  confession  d'Augsbourg, 
dressée  par  Mêlai  elhon,  en  lliSD,  el  présen- 
tée à  Charles-(^)uint  par  plusieurs  |)rinces  de 
l'empire,  dans  la  diète  tenue  dans  celle  ville. 
—  2  La  confession  >axonne,  faite  à  N\  irtein- 
berg  en  1331,  pour  être  présentée  au  concile 
de  Trente.  —  3'  Une  autre,  dressée  dans  la 
même  ville,  en  1552,  et  qui  fut  en  effet  pré- 
seiiiée  au  coik  ile  de  Trenle  parles  ambas- 
sadeurs du  duc  de  Wirtemberg.—  4."  Celle  de 
Frédéric,  éledeur  palatin,  mort  l'an  1560, 
publiée  en  1377,  comme  il  l'avait  ordonné 
par  son  leslamenl.— 3  La  confession  des  bo- 
hémiens ou  des  vaudois,  approuvée  par  Lu- 
ther, par  Mélaiu  hion  et  ^).ir  l'académie  de 
Wirtemberg,  en  1.332,  |)uldiéft  par  les  sei- 
gneurs, el  présentée  à  Ferdinand,  roi  de 
Hongrie  el  de  noîiémc,  en  1533.  —  G°  La  dé- 
claralion  intitulée  <'onsensus  in  Vide,  etc., 
dressée  par  les  ministres  des  églises  de  Polo- 
gne, dans  un  synode  de  Sendomir,  en  1370. 
(Jn  a  mis  à  la  suite  les  décrets  du  synode 
do  Dordrechl,  tenu  en  1618  el  1619.  Enfin, 
la  confession  de  foi  (\u(i  les  protestants  reçu- 
rent (le  Cyrille- Lucar,  patriarche  grec  de 
Constantinople,  en  !(i31.  Celle  multitude  de 
confessions  de  foi,  données  par  les  proles- 
tanls dans  un  espace  de  quarante  ans,  four- 
nit matière  à  plusieurs  réllexions. —  En  pre- 
mier lieu,  nous  ne  voyons  pas  de  quoi  elles 
peuvent  servir  à  des  sectes  qui  soutiennent 
toutes  que  l'Ecriture  sainte  est  la  seule  règle 
de  foi  ;  que  les  hommes  n'ont  droit  d'.  rien 
ajouter  ;  qu'aucune  décision  de  concile  ni  de 
synode  n"a  par  elle-même  aucirie  autorité; 
que  l'on  n'est  obligé  d'y  déférer  qu'autant 
qu'elle  paraît  conforme  à  l'Ecriture  sainte  ; 
qu'après  l'avoir  signée,  l'on  est  encore  en 
droit  (le  la  contredire,  dès  ((ue  l'on  s'aperce- 
vra ([ue  cette  doctrine  ne  s'accorde  pas  avec 
la  parole  de  Di(^u.  Kn  obligeant  les  particu- 
liers à  y  souscrire,  el  les  ministres  à  s'y  con- 
former, les  protestants  ont  évidemment  ren- 
versé le  principe  fondamental  de  la  réforme. 
Vainement  nous  voudrions  argumenter  con- 
tre eux  sur  leur  prétendue  prol'.ssion  de  foi, 
ils  seraient  toujours  en  droit  de  nous  répon- 
dre :  Ainsi  pensaient  nos  pères,  mais  nous 
ne  croyons  plus  de  même  aujourd'hui.  —  En 
second  lieu,  si  l'Ecriture  sainte  est  claire, 
formelle,  suffisante  sur  tous  les  points  de  foi, 
comme  le  prétendent  les  prolestants,  c'a  été 
de  leur  part  un  attentat  d'oser  y  ajouter 
quelque  chose,  ou  de  vouloir  en  réformer 
les  expressions  ;  se  sont-ils  flallés  de  mieux 
parler  que  le  !-aiiit-Espril  7  une  explication 
quelconijuc  n'est  plus  la  parole  de  Dieu,  mais 
celle  des  liommes.  Il  est  étonnant  qu'aucune 
de  ces  sectes  n'ait  voulu  se  borner  à  mettre 
bout  à  bout  les  passages  de  l'Ecriture  sainte, 
pour  rendre  témoignage  de  sa  loi.  ^i  les 
premiers  qui  ont  dnssé  leur  confession,  en 
15.30,  ont  bien  pris  le  sens  de  l'Ecriture 
sainte ,  pourquoi  aucune  secte  n'a-t-elle 
voulu  s'y  tenir,  el  pourquoi  a-l-il  fallu  sans 
cesse  y  revenir  sur  nouveaux  frais  ? — Eu 
troisième   lieu,  quiconque  prendra  la  peint 


1047 


COIN 


CON 


4048 


de  comparer  ces  confessions,  verra  que,  loin 
d'avoir  établi  l'uniformité  de  croyance  entre 
les  dilîérentes    sectes    proteslanlcs,  elles  ne 
servent  qu'à  démontrer  l'opposiiion  de  leurs 
sentimeiils.  Aussi,  d.puis  celle  époque,  les 
luthériens  n'ont  pas  été  miens  d'accord  avec 
les  calvinistes;  les   uns  ni  les   autres   ne  ^e 
sont   [)as    rapprochés  davantage  des  angli- 
cans ;  les   sociniciis  et   d'autres   sectes    n'en 
ont  pas    moins   fait  bande  à  |iarl.  Si    touies 
pensaient  de  même,  une  seule  profession  de 
foi    suffirail   pour    toutes,  de  inêtne   que  les 
décisions  du   concile  de  Trente  ont   suffi  el 
suffisent  encore  pour  réunir  tous   les  callio- 
liques  dans  la  même  croyance.   Inutilement 
l'on  nous  répondra  que  tous   les  protestants 
sont  unanimes   dans   la  croyance   des   arti- 
cles fondamcnlaul  ;  si   cela   suffit,  l'on  a  eu 
tort  de  mettre  d'autres  articles  dans  les  con- 
fessions (le  fui  ;  il   fallait  se   borner  à  dire  : 
chacun  croira  ce  qui  lui  par;iîtra  clairement 
révélé  dans  l'Ecriture  sainte.  Bossuet,  dans 
son  Histoire  des  VariaCions,  a  fait  voir  l'in- 
consiance,  les  équivoques,  les  contradictions 
de  toutes  ces  confes.Hons  île  foi.  —  Kn  qua- 
Iriènie  lieu,  puisqu'il  a  été  permis  à  chacune 
des  sectes  de  faire  sa  déclaration  de  foi  par- 
ticulière,  nous   ne  vo.ons  pas    pourquoi    le 
concile  de  Trente  n'a  pas  eu  aussi  le  droit  de 
dresser  une  ample  profession  de  la  croyance 
catholique.  Si  les  protestants  se  sont  vantés 
de  fonder  leur  doctrine  sur  l'Ecriture  sainte, 
ce  concile  y  a  de  même  fondé  la  sienne,  il  en 
a  cité  les  passages  aussi  bien  que  les  proles- 
tants ;  il  reste  à  savoir   si   ces   derniers  ont 
été  mieux  éclairés  que  lui  par  le  Saint-Esprit, 
pour  en  pieniire  le  vrai   sens.  A   la   vue  de 
treize  ou  quatorze  confessions  de  foi,  il  nous 
parait    qu'un    simple   parli(ulier    protestant 
ne   doit  pas    éire   peu   embarrassé   à   juger 
quelle  (  si  la  meilleure.  —  Ils  ont  fait,  contre 
celle   du   concile   de    Trente,  des   reproches 
contradictoires.  Ils  disent  d'un  côlé,  que  l'on 
y  a  décidé,  comme  ariicle  de   foi,  plusieurs 
opinions  sur  des  points  obscurs  et  dilficiles, 
sur  lesquels    il    était   permis    à    chacun    de 
croire  ce  que  bon  lui  semblait.  D'autre  part, 
ils  se  plaignent  de  ce  qu'on  y  a  exprimé  plu- 
sieurs   choses   d'une    manière    ambiguë,    à 
cause  (les  débats  i\u'\  régnent  parmi  les  ihéo- 
liigiens.  Ainsi,   les  prolestants  sont   mécon- 
teins  de  ce  que  le  concile  a  décide  trop  d'ar- 
ticles, el  de  ce  qu'il  en  a  décidé  Irop  peu  ;  ils 
trouvent  encore  mauvais  que  les  papes  aient 
expliqué  p.ir  des    bulles  ce  qui   n'était    pas 
exprimé  assez  clairement  dans    les  déciets 
du   concile.  (  Mosheim  ,  Histoire  ccclésiasi., 
XVI'    si(rle,  secl.  '.i,    prem.   part.,  c.  1,  §  23 
el  2'*-)  Comment  contenter  de  pareils   cen- 
seurs? 

Quant  à  la  confession  de  foi  de  Cyrille-Lu- 
car,  que  les  protestants  ont  pompeusement 
intitulée  confr^sion  de  foi  orieniule,  on  sait 
que  celte  alTaire  ne  leur  a  pas  fait  beaucoup 
d'honneur.  Ce  patriarche,  qui  avait  étudié 
en  Italie  et  voyagé  en  Alleiu.igne,  avait  pris 
du  goût  pour  les  opinions  des  pioieslanis,  et 
voulut  les  introduire  dans  son  Kgli-e,  lors- 
qu'il lut  placé  sur  le  sié^e  de  Coiislantinople. 


Son  clergé  même  et  les  autres  évéques  grecs 
s'y  opposèrent.  Après  avoir  été  chassé  et 
rétabli  cinq  ou  sis  fois,  il  fut  mis  en  prison 
et  étranglé  par  ordre  du  Grand-Seigneur, 
on  1()38.  Ses  erreurs  furent  désavouées  el 
contfamnées  par  Cyrille  de  Béréc,  son  suc- 
crsseur,  dans  un  concile  de  Constanliiiople, 
tenu  celle  même  année,  auquel  assistèrent 
Méirophane,  patriarche  grec  d'Alexandrie, 
el  Théophane  ,  patriarche  de  Jérusalem. 
Elles  le  furent  dans  un  synode  de  Jassy  en 
Moldavie  ;  dans  un  autre  concile  de  Constan- 
tinople,  en  16'i-'2  ;  dans  un  synode  de  Leuco- 
sie,  ville  de  l'ile  de  Chypre,  en  1668;  dans 
un  synode  de  Jérusalem,  sous  les  pairiarches 
Nectaire  el  Dosi:liée,  en  1672;  et  plusieurs 
théologiens  grecs  les  ont  réfutées  dans  des 
ouvrages  composés  exprès. — A  peine  la  con- 
fession de  Cyrille-Lucar  fut-elle  imprimée  à 
Genève,  en  1633,  cjue  Grulius  et  plusieurs 
théologiens  luthériens  s'en  moquèrent,  parce 
que  l'on  vil  qu'élite  avait  été  copiée  sur  les 
Institutions  de  Calvin.  Plus  de  cinquante 
ans  auparavant,  Jérémie,  préilécesseur  de 
Cyrille-Lucar,  avait  réfuté  la  confession 
d'Augsliourg,  qui  lui  avait  été  envoyée  par 
les  théologiens  de  Wii  tenilierg.  On  peut  voir, 
par  lis  divers  monuments  rassemiilés  dans 
la  Peipétuilé  de  la  foi,  que  \nma\s  les  Grecs 
n'ont  été  dans  les  mêmes  sentimenis  ()ue  les 
protestants,  sur  aucun  des  articles  pour  les- 
quels ceux-ci  se  so  it  séparés  de  l'Eglise  ro- 
maine. Voy.  Gnecs. 

Confession,  en  termes  de  liturgie  et  d'his- 
toire ecclésiastique,  était  un  lieu,  dans  les 
églises,  ordinairement  {)lacé  sous  le  grand 
autel,  où  reposaient  les  corps  des  martyrs  ou 
des  confesseurs.  La  confession  de  saint  fierre, 
placée  dans  l'Rglise  qui  porte  son  nom  à 
home,  est  cé'èbre. 

CONFESSIONNISTES.  Les  catholiques  al- 
lemands numincrent  ainsi ,  dans  les  actes  de 
la  paix  de  Wesiphalie,  les  luthériens  qui 
suivaient  la  confessitm  d'Augsbourg. 

CONFIANCE  KN  UlliU.  A  proprement  par- 
ler ,  c'est  la  même  chose  que  l'espérance 
chrétienne;  ainsi,  l'on  ne  peut  pas  mettre 
en  question  si  c'est  pour  nous  un  devoir  de 
nous  confier  en  la  miséricorde  infinie  de 
Dieu,  et  de  bannir  toute  inquiétude  par  rap- 
port à  notre  salut.  En  nous  imprimant  l'au- 
guste caractère  d'enfants  de  Dieu,  notre  re- 
ligion ne  tend  à  autre  chose  qu'à  nous  inspi- 
rer, envers  ce  souverain  bienfaiteur,  la  même 
confiunce  que  des  enfants  bien  nés  ont  pour 
leur  père,  dont  ils  n'ont  jamais  cessé  d'é- 
prouver la   tendresse. 

Pour  remplir  ses  apôtres  de  courage  ,  Jé- 
sus-Christ leur  dit  :  Ajez  confiance  ,  j'ai 
vaincu  le  monde  [Jonn.  xvi,  33).  Saint  P.iul 
exhorte  les  fidèles  à  ne  jamais  perdre  leur 
confiance,  à  laquelle  une  grande  récompense 
est  attachée  (llebr.  x,  35).  Il  représente  la 
crainte  comme  le  caractère  dislinctif  du  ju- 
daïsme (Uom.  VIII  ,  15).  Saint  Jean  dit  que 
celui  qui  a  l'espérance  en  Dieu  se  sanctifie, 
comme  Dieu  est  saint  lui-même  [IJoan.  m, 
3).  Cyest  donc  se  lrom|)er  élrangenieiU  que 
de  prétendre  saiictilier  les  aiues  en  leurins. 


1049 


CON 


eON 


lOSU 


pirant  une  frnyeur  excessive  des  jugements 
(le  Dieu,  plutôt  qu'une  ferme  conliance  en  sa 
boulé.  —  Josus-Chiist,  Ifs  apôliH'*  ,  les  an- 
ciens Pères,  les  Immines  aposiolKiues  île  lous 
les  siècles,  n'ont  pas  clierthé  à  «'pouvanter 
les  péciieurs,  mais  a  Ifs  gagner  par  la  on- 
fiatire;  ils  ont  fait  biaucoup  de  promesses  et 
pou  lie  nienaci's  ;  ils  oui  paidoiiné  à  lous  et 
n'ont  rel)Uié  persnine  ;  ils  oui  parlé  avec 
force  et  Irès-souvcnl  de  la  boulé  de  Dieu,  de 
sa  patience  envers  les  pécheurs,  de  la  charité 
de  Jé-us-Clirisl,  de  l'elficacilé  de  la  rédemp- 
tion; du  pardon  promis  au  genre  liuniain,  de 
la  récompense  éternelle,  rarement  de  la  dam- 
nation. Ceuv  qui  sont  chargés  d'insliuire 
peuvent-ils  suivre  de  meilleurs  modèles? 

On  dira  sans  doute  que,  dans  un  siècle  per- 
vers à  l'excès,  ce  n'est  pas  le  temps  d'in>pi- 
rer  la  confiance,  mais  la  crainte.  Sans  com- 
parer le  lahleau  de  notre  siècle  avec  celui 
que  les  Pères  de  l'Eglise  ont  tracé  du  leur, 
nous  demandons  si  la  crainte  convcriil  les 
pécheurs  plus  efficaiement  que  la  confiance; 
si  ,  parmi  ceux  qui  peisévèreut  dans  le  cri- 
me, le  plus  grand  nombre  y  est  retenu  par 
la  présomption  el  non  p.ir  le  désespoir;  si 
les  prédicateurs  les  plus  rigides  sont  ceux 
qui  gagnent  le  plus  grand  nombre  d'àmes  à 
Dieu.  —  Nous  connaissons  un  Judas  perdu 
par  le  désespoir,  l'iii  riiure  ne  nous  montre 
aucun  pécheur  endurci  par  un  ex«èsdeco)i- 
fiunceen  Dieu.  S^iiwl  Pierre  lomha,  parce  qu'il 
s'éiaii  lie  à  ses  piopres  forces,  et  non  à  la 
bonié  de  sou  mailre.  Jé^us-Christ  le  lii  ren- 
trer en  lui-même  par  un  regard  de  tendresse, 
el  nuii  par  un  coup  d'ceil  d'indignation.  Saint 
Augustin  demeura  dans  le  désordre,  tant 
qu'il  se  défia  de  la  grâce;  il  en  sortit  ,  dès 
qu'il  fui  animé  par  la  confiance.  Saint  Paul 
nous  apprend  que  les  païens  se  sont  livrés  à 
l'impudicité  par  désespoir  {Euh.  iv,  19). 

Sur  ce  point  de  morale  très-important  ,  il 
faut  consulter  les  hommes  blanchis  dans  les 
travaux  du  saint  luiiiislère,  el  non  les  doc- 
teurs qui  ne  connaissenl  que  leurs  livres  et 
leur  c.binel.  Lorsque  l'un  d'entre  eux  aura 
conveili  autant  de  pécheurs  par  ses  écrits  , 
(|ue  saini  François  de  Sales  par  la  douceur 
de  .-es  maximes  et  p.ir  l'aurait  invincible  do 
sa  chiiilé.  il  n)éritera  d'être  pris  pour  maî- 
tre. Mais  Jésus-t.hrist  nous  ordonne  de  nous 
délier  des  pharisiens ,  qui  mettent  sur  les 
ép^iules  des  autres  un  fardeau  insupporlahle, 
el  ne  veulent  pas  seulement  le  remuer  du 
doigl  (Matl.h.   \\i  I,  k). 

L0NFiU.VlAT10N,sacrementde  la  loi  nou- 
velle, qui  donne  a  un  liilèle  baptisé,  non-seu- 
lement la  grâce  saïutifianle  el  les  dons  du 
Saiul-lispril,  mais  des  grâces  spéciales  pour 
confesser  couiageusemenl  la  foi  de  Jesus- 
Clirlsl.  Il  est  administré  par  l'impo^ilion  des 
mains  et  par  l'oncllon  du  saint  chrême  sur 
le  front  du  baptise  (1). 

(1)  Critérium  de  la  fui  sur  la  confirmation.  Il  est  de 
foi  que  l;i  C'>iiliriii:ill<iii  n'est  pas  une  vnuie  ccréinu- 
liie,  et  qu'elle  n'a  pas  été  d.uis  les  premiers  siècles 
de  i'Ei;hse,  un  simple  catéchisme  p<'ur  rinstriiciioii 
des  lidèles  ;  mais  qu'elle  est  un  véritable  sacreuieni 


De  là,  les  théologiens  disputent  pour  sa- 
voir laquelle  de  ces  deux  actions  est  la  ma- 
tière essentielle  el  principale  de  ce  sacre- 
ment :  les  uns  ont  pensé  que  c'était  la  pre- 
mière ,  d'autres  que  c'était  la  seconde  ;  le 
sentiment  liî  plus  suivi  est  que  l'un"  el  l'au- 
tre sont  nécessair'S  pour  l'iniégrilé  du  sa- 
creuieni, couséquemmenl  que  la  prière  qui 
accompagne  l'imposition  des  mains  ,  el  les 
paroles  jointes  à  rouclioii,  font  également 
partie  de  la  forme.  La  confiiniation  est  un 
des  trois  sacrements  qui  impriment  un  ca- 
ractère. 

Dans  l'Eglise  grecque  et  dans  les  autres 
sectes  orientales,  on  donne  ce  sacrement 
immédiatement  après  le  baptême,  el  on  l'ad- 
ministre, comme  dans  1  Eglise  romaine,  par 
l'oni-tinn  du  saint  chrême,  au  lieu  que  chez 
nous,  l'évéque  dit  au  confirmé:  Je  vous  mar- 
que du  signe  de  la  croix,  et  je  v  iu<  confirme 
pur  le  chrême  cla  salut,  au  nom  du  Père,  etc.; 
les  (îreis  disent  :  C'est  ici  le  signe,  ou  le  sceau 
du  don  du  Saint-Esprit. 

Les  proleslams,  qui  rejettent  ce  sacrement 
couirae  une  insiilution  nouvelle  ,  prétendent 
qu'il  n'en  est  pas  question  dans  l'Ecriture 
sainte  ;  ils  se  Iromoenl.  Jésus-Christ  (Joan. 
XIV,  IG)  dit  à  ses  apôtres  :  Je  piierui  mon 
Père,  et  il  vous  donnera  un  autre  consoaleur, 
afin  qu'il  demeure  arec  vous  pour  toujours  ; 
c'est  l'Esprit  de  vérité,  etc.  Il  dit  à  son  Père, 
en  parl.int  des  apôlres  :  Je  ne  prie  pas  seu- 
lement pour  eux,  mais  encore  pour  lous  ceux 
qui  croiront  en  moi  pur  leur  parole  [Joan. 
XV. I,  20).  Dans  les  .ides,  c.  ii  ,  v.  38,  sainl 
Pierre  dit  à  ceux  qui  l'écoulaient  :  Que  cha- 
cun de  vous  reçoive  le  baptême,  et  vous  rece- 
vrez le  don  du  Sainl-Esprit ;  car  la  pro- 
messe vous  regarde,  vous  et  vos  enfants,  el 
lous  ceux  qui  sont  encore  éloiiinés,  mais  que 
le  Seigneur  noire  Dieu  appellera.  En  effet, 
ch.ip.  viii,  V.  17,  el  chap.  xix,  v.  6,  les  apô- 
tres impo  aient  les  mains  sur  les  baplisés,  et 
leur  donnaient  le  Sainl-Espril.  \'oilà  donc  la 
promesse  du  Sainl-Espril  faite  ]iar  Jésus- 
Christ  à  tous  les  fidèles,  suivie  de  l'exécu- 
tion,  et  un  rite  mis  en  usage  par  les  apôtres 
pour  en  produire  l'elTei.  —  11  n'est  pas  vrai 
que  le  Sainl-Espril,  donné  par  l'iinposilion 
des  mains  des  apôtres  ,  ait  été  seulemeni  le 
don  des  langues,  de  prophétie  el  di'S  mira- 
cles. Jésus-Christ  avait  promis  ïEspnt  de 
vc'rilê.  Sainl  Pierre  promettait  à  lous  les  fi- 
dèles le  Saint-Esprit,  el  tous  ne  recevaient 
pas  les  dons  miraculeux.  L'onction  de  la- 
quelle parle  sainl  Jean  est  la  connaissance 
de  toutes  choses,  et  non  le  pouvoir  de  faire 
des  miracles.  S  Ion  sainl  Paul,  les  fruits  ou 
les  elTets  du  Sainl-Espril  sonl  toutes  les  ver- 
tus chrétiennes  {(lalal.  v,  22). 

(Concil.  Trid.,  can.  1).  Celui  qui  regarde  comme  iii- 
jurieusc  à  la  Divin  lé  la  croyance  qui  atlribus  au 
suint  clirenie  li  veilii  de  proiliiire  la  grâce,  mérite 
d'èire  liaiipé  d'an;illiéme  (  Concil.  Trid.,  can.  i  ). 
L'éié.pie  ^eiil  est  le  ministre  ordinaire  de  la  conilr- 
iiiaiiipii  (Concil.  Trid.,  can.  3). —  Il  n'y  a  rien  de  dé- 
fini sur  la  naiiiie  de  la  luaiière  et'de  la  l'uniie  de  I» 
cunliruiatioii. 


1051 


COK 


CON 


1052 


Les  protestants  en  ont  encore  imposé,  lors- 
qu'ils ont  assuré  qu'il  n'y  a  aucun  vestige 
du  s;icrerit(Mil  de  confirmation  dans  !a  tradi- 
tion des  premiers  siècles.  Mosheim  ,  mieux 
instruit  que  le  commun  de  leurs  écrivains, 
convient  que  ,  dès  les  premiers  siècles  ,  les 
évéques,  en  perinellaiil  aux  anciens  ou  prê- 
tres de  baptiser  les  nouveaux  convertis,  se 
rési'rvèrent  le  droit  de  confirmer  le  baptême 
(Hi$t.  eciiés.  du  i"  siècle,  ir  pari.,  ci,  §8). 
il  falliiil  dire,  de  confirmer  dans  In  foi  les 
fidèles  baptisés.  Saint  Jérôme  (IHnl.  contra 
Lucifer.]  lémoiiçne  que  tel  élail  l'usage  de 
son  temps  ;  et  le  concile  d'Elvire  ,  tenu  à  la 
(in  du  III'  ou  au  eoinmeaccment  du  iv«  siè- 
cle, l'ordonna  ainsi.  — Au  ii",  saint  Théo- 
piiile  d'Antioclie  (£,.  i  ad  Autol..  n,  12)  dit 
que  nous  sommes  nommés  chrétiens,  parce 
que  nous  recevons  l'oiidion  d'une  liuile  di- 
vine. Saint  Irénéi'  {Adi'.  Incr.,  liv.  i,  c.  21  , 
n.  5)  dit  des  valonliniens  qu'après  avoir  bap- 
tisé à  leur  manière  leurs  nénpliytes,  ils  leur 
faisait'nt  une  onction  de  baume  ;  c'était  une 
imitation  de  ce  qui  se  faisait  dans  l'Eglise 
catholique. — Au  iir,  Tertullien  (L.  de  Bupl., 
c.  vil)  dit  :  «  Au  sortir  des  fonts  baptismaux, 
nous  recevons  l'onction  d'une  huile  bénite, 
suivant  l'ancien  usage  de  consacrer  les  prê- 
tres par  une  onction;  celle  onction  ne  tou- 
che que  la  chair,  mais  elle  opère  un  effet 
spirituel.  Ensuite  on  nous  impose  les  mains, 
en  invoquant,  par  une  bénédiction,  le  Saint- 
Esprit  {L.  de  Jiesurr.  carnis,  c.  b).  La  chair 
est  baptisée,  afin  que  l'âme  soit  purifiée  ; 
la  chair  reçoit  une  onction  ,  un  signe  , 
une  imposition  des  mains,  afin  que  lame 
soil  consacrée,  fortifiée,  éclairée  par  le  Saint- 
Esprit.  »  Dans  le  livre  des  Prescriptions,  ch. 
iO,  il  dit  (]ue  le  démon,  singe  de  la  Divinité, 
fait  imiter  par  les  Ididâlres  les  divins  sacre- 
ments, (ju'il  les  fait  baptiser,  signer  au  front, 
et  célébrer  l'olTrande  du  pain.  Il  joint  encore 
l'onction  des  fidèles  au  baptême  et  à  l'eu- 
cllari^tie,  et  les  nomme  sacrements  {Contra 
Mnrcion.,  lib.  i).  —  Saint  Cyprien  (Epst.  73, 
ad  Jubtiianum  ,  pag.  131  et  132)  dit  que  «  si 
quelqu'un,  dans  l'Iiéiésie  et  hors  de  l'Eglise, 
a  pu  recevoir  la  rémission  de  ses  péchés  par 
le  baptême,  il  a  pu  recevoir  aussi  le  Saint- 
Esprit,  et  qu'il  n'est  |j1us  besoin  ,  lorsqu'il 
revient,  de  lui  imposer  les  mains  et  de  le  si- 
gner, afin  qu'il  reçoive  le  Saint -Esprit.  Or, 
notre  usa^e,  dii-il,  est  que  ceux  qui  ont  été 
baptisés  datis  l'I'^glise  soient  présentes  aux 
évô(|ues  .  afin  (|uc,  par  notre  prièri-  et  par 
l'imposition  des  mains,  ilsreroivent  le  Saint- 
Esprii,  cl  soient  manpiés  du  signe  du  Sei- 
gneur. "  Il  le  répète,  rpist.  Tt-,  od  Pompcium, 
pag.  139.  -  Le  pape  (Corneille  ,  dans  une  de 
ses  lettres,  dit  de  Novalien,  qu'après  son 
baptême  il  ne  fut  point  signé  par  l'.vêque  ; 
que,  par  le  défaut  de  ce  sij;iie,  il  n'a  j)as  pu 
recevoir  le  Saint-I'^sprit.  (Dans  Ëusèbc,  1.  vi, 
c   W,  p.  313). 

Nous  pourrions  citer,  au  iv  siècle  ,  les 
concih's  d'ElvIre,  de  Nicée  et  de  Laoïiicée  , 
Optai  de  Milèvi-,  saint  l'arii  ii  de  Barcehme  , 
samt  (Cyrille  di;  Jérusalem,  siiul  Amltroise 
et  saint  Jean  Clirysusiome  ;  au  v",  «uiat  Jé- 


rôme, le  pape  Innocent  !«%  saint  Augustin  , 
saint  Cyrille  d'Alexandrie  ,  Théodoret  ,  etc. 
Le  1*.  Drouin  (  De  Re  sacram.,  tom.  11!)  a 
rapporié  leurs  passages  et  ceux  des  siècles 
suivants. 

Les  protestants  prétendent  que  ces  Pères 
parlent  d'une  onction  qui  faisait  partie  des 
cérémonies  du  baptême,  et  non  d'un  sacre- 
nienl  dilTérenl  ;  mais  outre  que  le  contraire 
est  évident  par  la  seule  f>>rce  îles  termes, 
quand  cela  serait  vrai,  les  protestants  se- 
raient encore  conilaumables  d'avoir  retran- 
ché du  ba[]lême  une  cérémonie  à  la(]uelle  on 
attribuait  la  vertu  de  donner  le  Saint-Esprit. 
N'esl-il  pas  absur<le  de  supposer  (jue  le  bap- 
tême pouvait  être  administré  par  un  prêtre, 
par  un  diacre,  par  un  la'i<|ue  ;  et  «lu'une 
simple  céréoiouii!  ne  pouvait  êire  faite  que 
par  l'évêque,  quoique  ce  ne  fût  pas  un  sa- 
crement dilïérent  '?  —  De  là  même  il  est  évi- 
dent que  le  concile  de  Trente  a  suivi  la  tra- 
dition primitive,  lorsqu'il  a  décidé  ,  sess.  7, 
ran.  3,  que  le  ministre  ordinaire  de  la  con- 
firmation est  l'évêque  seul,  et  non  le  simple 
prêtre.  Cette  tradition  n'est  pas  moins  cons- 
tante que  relie  qui  établit  la  matière,  la  for- 
me, les  effets  du  sacrement,  le  caractère  qu'il 
imprime  au  chrétien,  etc. — Quand  on  a  exa- 
miné cette  question,  que  peut-on  penser  des 
asserlions  fausses  ,  des  impostures  et  des 
puérilités  que  IJasnage  a  rassemblées  sur  ce 
sujet  {Hist.  de  rEijliae  ,  1.  xsvn,  c.  9)?  Ce 
n'était  pas  la  |ieine,  après  deux  cents  ans,  de 
renouveler  les  preuves  de  l'iguorance  affec- 
tée et  de  la  mauvaise  foi  de  (Jalvin. 

Dans  l'Eglise  grecque,  le  même  prêtre  qui 
donne  le  baptême  donne  aussi  la  confirma- 
tion, et,  selon  Luc  Holslenius,  cet  usage  de 
l'Eglise  orientale  est  de  la  plus  haute  anti- 
quité. Selon  les  théologiens  catholiques,  les 
prêtres  ont  pu  donner  la  confirmation  com- 
me délégués  des  évêqnes  ;  mais  ceux-ci  en 
sont  les  minisires  ordinaires.  Le  concile  de 
Kouen  prescrit  que  celui  qui  donne  la  confir- 
mation, et  celui  qui  la  reçoit,  soient  à  jeun. 
Les  cérémonies  et  les  prières  qui  accompa- 
gnent l'administration  sont  édifiantes  ;  on 
peut  le  voir  dans  le  pontifical  et  dans  les  ri- 
tuels. Voy.  l'Ancien  Sacram.,  par  Grandco- 
las,  u»  part.,  p.  11'*  et  193. 

(^e  sacrement  était  surtout  nécessaire  dans 
le  temps  des  persecution.s,  lorsque  tous  les 
chrétiens  devaient  être  prêts  à  répandre  leur 
sang  pour  al  tester  leur  foi  ;  il  n'a  pas  cessé 
de  l'être  depuis  que  le  christianisme  est  éta- 
bli. La  foi  a  toujours  été  combattue  par  les 
hérétiques,  par  les  incrédules,  par  les  chré- 
tiens scandaleux  :  elle  l'est  encore.  Mais  la 
grâce  que  Dieu  nous  accorde  pour  re.sis.ior 
ne  nous  est  pas  donnée  pour  attaquer;  le 
vrai  zèle  de  religion  n'est  ni  iiKjuiet,  ni  om- 
brageux, ni  mailaisanl.  J)ieu,  dit  saint  Paul, 
ne  nous  a  point  dunnê  un  er^pril  de  crainte  , 
tnais  de  force,  de  charité  et  de  modération  [Il 
Tint.,  1,7;.  C'est  donc  très-injustement  que 
plusieurs  incrédules  ont  dit  que  le  sacrement 
de  confirmation  était  institué  pour  inspirer 
aux  chrétiens  u.i  zèle  fanatique,  intolérant 
el  persécuteur. 


4C33 


G»N 


CON 


1054 


CONFRERE,  nom  que  l'ou  donne  aux  per- 
sonnes nvec  lesquelles  on  furtiie  une  société 
particulière  par  inulif  de  religion.  Dans  l'o- 
ri(;ine  du  clirislianisinc  ,  les  fulèlos  f-c  noiri- 
uiaient  les  frères;  une  association  ,  formée 
pour  |)rati(iuer  les  mêmes  bonnes  œuvres  do 
piéu;  ou  de  cliarilé ,  établit  entre  eux  une 
nouvelle  l'ralrTnité. 

CON'FRtlUE,  sociéli'da  plusieurs  person- 
nes pieuses,  établie  dans  quelques  églises 
pour  boMorer  pailieulièrement  un  m\  stère 
pu  un  saint,  et  pour  prali(|iier  les  mêmes 
exereiees  de  piété  et  de  cliarilé.  Il  y  a  des 
coiifiéries  du"  Saiiil-Sacremenl,  de  la  sainte 
Vierge,  de  la  Croix  ou  de  la  Passion  ,  des 
Agonisanls,  etc.  l'iusicurs  sont  établies  par 
des  bulles  de  papes,  qui  leur  accord  nt  des 
indulgences  ;  toutes  ont  pour  but  d'exciter 
les  fiiièles  aux  bonnes  œuvres,  de  cimenter 
entre  eux  la  paix  el  la  Iraternilé. 

(Pommelés  binneso-uvres  b>iit  la  gloire  du 
cbrislianisiiie,  et  en  sont  la  meilleure  apolo- 
gie, les  inciédules  de  notre  siècle  n'ont  rien 
omis  pour  reinlre  suspectes  et  odieuses  tou- 
tes les  confréries  ou  associations  qui  tendent 
à  les  luuttipliei'. 

CoNmiinjE  (1).  C'est  une  espèce  de  société 
formée  entre  plusieurs  personnes,  pour  quel- 
que dévotion  particulière. 

Les  confréries,  inconnues  d.iits  les  beaux 
siècles  de  la  religion,  intéressent  tout  à  la 
fois  l'Etat  et  l'Eglise.  Comme  assemblées  de 
citoyens  ,  qui  lurment  ou  tendent  à  l'ormer 
des  corps,  et  qui  ont  des  revenus  temporels, 
elles  doivent  être  soumises  à  l'autorili'  ci- 
vile ;  comme  assemblées  de  cbrclieiis,  qui  ont 
pour  but  des  exercices  religieux  et  spirituels, 
elles  doivent  être  sous  la  juridiction  ecclé- 
siasiique.  —  11  n'y  a  point  de  difliiullc  en 
France  sur  ces  principes  géiiéiau\  ;  jamais 
aucune  des  deux  puissances  n'a  prétendu 
avoir  le  liroit  exclusif  d'élahlir  des  confré- 
ries. Il  est  convenu  que  leur  concoui  ■•  est  né- 
cessaire pour  donner  une  existeiire  légale  à 
ces  associations  particulières  ;  il  faut  tout  à 
la  fuis  et  la  permission  par  écrit  de  l'évêcjue 
diocésain  cl  les  lettres  patentes  du  prince. 

L'approbation  ou  perisiissioii  des  évèques 
est  de  toute  nécessite  :  c'est  la  disposition 
précise  de  l'article  10  du  règlement  des  Régu- 
liers, dresse  par  le  clergé  de  France  ;  il  n'a 
poiiii  introduit  en  cela  un  droit  nouveau.  Les 
conciles  provinciaux,  tant  anciens  que  nou- 
veaux, de  France  et  d'iiaiie  ,  l'avaient  ainsi 
ordonné  :  on  peut  à  ce  sujet  consulter  les  dé- 
crets des  conciles  de  Reims,  en  lo64. ,  île 
Roi;en,  en  1571,  de  Tours,  en  1573,  d'Aix, 
en  l.)7o,  de  Narbonne,  en  IGOO.  Nos  rois  ont 
maintenu  les  évèques  dans  ce  droit,  qui  est 
une  suiie  de  leur  caractère  de  premiers  p  ,s- 
teurs.  Le  cbapitre  de  l'égli-e  collégiale  de 
Vézelay  ayant  voulu  établir  ou  Iriinsférer 
dans  son  église  de  Sainte-Marie-Madel;  iiie 
une  confrérie  du  Saint-Sacreaient,  qui  étiiit 
établie  dans  la  paroisse  de  Sainl-Pierre  ,  le 
curé  de  celle  paroisse  en  appela  comme  da- 

(1)  Cet  article  est  re[>roduil  d'après  l'édition  d<' 
Liéfc'e. 


bus.  I/é\iêque  d'Aulnn  déclara  cet  établisse- 
ment nul,  et  fut,  par  arrêt  du  conseil  d'Etat  du 
m  janvier  1673,  maintenu  dans  le  droit  de 
l'enipêclwr. 

Si  l'élablissement  des  confréries  dépend  du 
consentement  et  de  ra|)probaiion  des  évo- 
ques ,  elles  doi\ent  être  soumises  à  leur  ju- 
ridiction en  tout  ce  qui  concerne  le  spirituel, 
la  célébration  el  Tordre  du  service  divin. 
Tontes  les  fois  que  les  juges  séculiers  ont 
voulu  en  connaitie,  leur  entreprise  a  été  ré- 
primée par  des  arrêts  du  conseil  d'Etat.  Un 
de  ces  arrêts,  du  30  septembre  IG'i'J,  défen- 
dit au  juge-mage  de  la  sénéibaussée  de  Tar- 
bes  de  prendre  aucune  connaissanre  du  ser- 
vice divin  et  ordre  d'icelui,  des  processions, 
rangs  des  confréries,  porteurs  de  cierges  et 
autres  assistauis  auxdites  processions.  Le 
même  arrêt  porte  que  les  ordonnances  de 
l'évéquc-  diocésain  sur  ce  rendues,  seront 
exécutées.  Un  autre  arrêt  du  9  août  llid'i  fait 
les  mêmes  défenses  au  lieutenant  général 
d'Alençon  et  A  tous  les  autres  juges  sécu- 
liers. —  Il  s'était  élevé  de  grandes  contesta- 
tions, dans  le  diocèse  de  T;irbes,  sur  la  pré- 
tention des  prieurs  de  ditt'ercnles  confréries, 
qui,  dans  les  processions,  voul.iieiit  mar- 
cher entre  le  clergé  séculier  el  le  régulier  : 
elles  furent  r"glees  par  l'évêque.  Quelques 
particuliers  se  pourvurent  par  appei  comuie 
d'abus  au  parlement  de  Toulouse,  où  ils  ob- 
linrenl  un  arrêt  de  défenses.  L'assemblée  du 
clergé  de  1080  présenta  re(]uéle  au  conseil, 
qui, sans  s'arrêter  à  l'arrêi,  orilumia  l'exécu- 
tion des  règlements  faits  par  l'évi'que. 

En  accorilant  aux  évêques  sur  les  confré- 
ries l'autorité  qui  est  une  suite  de  leur  ca- 
ractère et  lie  leurs  fonctions,  nos  lois  n'ont 
pas  iMoins  veillé  sur  leur  élatilissement  mémo 
et  sur  l'administration  de  leurs  revenus.  On 
a  conservé  dans  le  cbapilre  "25  des  preuves 
des  libi  rlés  de  l'Eglise  gallicane  ,  des  lettres 
que  le  roi  Philippe  le  Long  accorda  en  1319 
pour  la  confrérie  lii'  Notre-Dame  de  Roulo- 
gne.  L'article  1'^  de  l'édit  de  J7W  met  les 
confréries  au  nombre  des  établissemenls  qui 
ne  [lourront  être  formés  sans  lellres  paten- 
tes ,  enr.  gisirécs  d.ius  les  parlements  ou 
conseils  supérieurs.  Les  confréries  se  trou- 
vent également  comprises  daus  l'article  13 
du  même  èdit,  qui  déclare  nuls  tous  les  éta- 
blissements laits  depuis  les  lettres  patentes 
de  1066,  ou  dans  le>  trente  années  précé- 
dentes, sans  avoir  été  autorisés  par  des  let- 
tres palrntes  dûment  enregistrées.  «  Nous 
réservant  néanmoins,  continue  le  législa- 
teur, à  l'égard  de  ceux  desdits  établisse- 
menls (lui  subsistent  paisibbmenl,  et  sans 
au  une  demande  en  nulliié  formée  avant  la 
puMication  du  |)rèsenl  édit,  de  nous  faiie 
rendre  comi)te  lani  de  leur  objet  que  de  la 
nature  et  quantité  de  biens  dont  ils  sont  en 
posession,  poui'  y  pourvoir  ainsi  qu'il  ap- 
partiendra, soit  en  leur  accordant  nos  lettres 
patentes,  s'il  y  écbet,  soit  en  réunissant  les- 
diis  biens  à  des  hôpitaux  ou  autres  éiablis- 
semenls  dé;à  autiuisés  ,  soit  en  ordonnant 
(ju'ils  seront  vendus,  et  que  le  pri\  en  sera 
appliqué  ainsi  qu'il  est    porté  par  l'article 


loss 


CON 


CON 


lOSC 


précédent.  )>  —  Le  parlement  de  Paris  avait, 
avant  cette  ordonnance,  supprimé  plusieurs 
confréries  établies  sans  lettres  patentes,  quoi- 
qu'elles fussent  fort  anciennes.  La  suppres- 
sion de  celles  fie  la  S;iinle-Vierge,  de  Saint-Sé- 
baslien  et  de  Saint-Rocli,  qui  subsistaient 
aux  Quinze-Vin^ls,  à  l'aris,  depuis  plus  <le 
300  ans,  fut  ordonnée  par  arrêt  rendu  en  la 
graiid'-chamlire.  sur  les  conclusions  de  M.  l'a- 
voc.it  général  Joly  de  Fleury,  le  5  janvier 
1732,  avec  défenses  aux  parties  de  s'assem- 
bler comme  confrères  et  de  faire  des  quêtes. 
Un  second  arrêt  rendu  le  6  février  1637,  sur 
les  conclusions  du  même  magistrat,  supprima 
la  confrérie  de  Notre-Dame  de  Bonri'  -Déli- 
vrance, éliblie  dans  l'église  de  Saint-lîlienne- 
des-Grès  à  Paris. 

Les  confréries  qui  depuis  17i9  n'ont  point 
obtenu  de  lettres  patentes  confirmatives  de 
leur  établissement,  sont  dans  le  cas  d'être 
supprimées.  Biles  sont  au  moins  suspendues 
dans  le  ressort  du  parlement  de  Paris,  si  elles 
ne  se  sont  pas  conformées  aux  dispositions 
de  l'arrêt  rendu,  toutes  les  chambres  assem- 
blées,  le  vendredi  9  mai  1760.  Il  nous  rap- 
pelle une  époque  fameuse  par  la  destruction 
des  jésu  tes.  Les  nombreuses  confréries  ou 
congrégations  dirigées  par  ces  religieux,  dont 
ou  a  dit  tant  de  bien  et  tant  de  mal,  altirèn'nt 
toute  l'attent  on  de  la  cour.  Elle  crut  devoir 
prendre  des  précautions ,  pour  arrêter  les 
abus  qui  pouvaieni  exister,  ou  prévenir  ceux 
qui  pourraient  naître.  Elle  (il  «  défenses  et 
inhibitions  à  toutes  personnes  de  former  au- 
cunes assemblées ,  ni  confréries,  conirré  ;a- 
tioiis  ou  associations  eu  cette  ville  de  Paris  , 
ou  partout  ailleurs,  sans  l'expresse  penuis- 
sion  du  roi  et  lelties  patentes  vérifiées  en  la 
cour.»  —  Elle  ordonna  que  «  dans  six  mois  , 
les  chefs  et  administrateurs  et  régisseurs  de 
toutes  confréries,  associations  et  congréga- 
tions, qui  se  trouvent  dans  le  ressort  de  la 
cour,  seraient  tenus  de  remeltr*;  au  procu- 
reur (iéncral  (lu  roi,  ou  à  ses  substituts  sur 
les  lieux,  des  copies  en  bonne  forme  et  si- 
gnées d'eux,  des  lettres  patentes  de  leuréla- 
blissemeut,  ou  autres  titres  qu'ils  peuvent 
avoir,  leurs  règles,  statuts  et  foi  mules  de 
promesses  ou  engagements  verbaux  :  ensem- 
ble un  mémoire  contenant  le  temps  et  la 
forme  de  leur  existence,  comme  aussi  un 
exemplaire  des  livres  composés  pour  l'usage 
desdites  confréries,  associations  et  congréga- 
tions. »  —  Elle  enjoignit  aux  substituts  du 
procureur  général  du  roi  d'envoyer  au  pro- 
cureur général  les  lettres  patentes,  étais, 
mémoires  ,  formules  de  pronies<ies  et  enga- 
gements verbaux,  et  autres  pièces  qui  leur 
seraient  remises,  pour,  sur  le  compte  (jui  en 
sera  par  lui  rendu,  être  statué  par  la  cour, 
toutes  les  chambres  as-emhlées,  ainsi  qu'il 
appartiendra.!)  — l);ins  le  cas  où  les  chefs,  ail- 
ministiateurs  et  régisseurs  des  confréries  ne 
se  conformeraient  pas  à  ces  dispositions  de 
l'arrêt,  il  leur  est  l'ail  défenses  «  de  souffrir 
aucune  assemblée,  ni  cuuiinuer  aucun  exer- 
cice desliles  confréries,  assoi  ialiuns  ou  con- 
gre alions,  et  à  toutes  personnes,  de  quel- 
que qualité  et  condiliou  qu'elles  soient,  de 


s'y  trouver,  sous  les  peines  portées  par  les 
ordonnances.  Cependant,  fait  dès  à  présent, 
sous  les  mêmes  peines,  défense  à  toutes  per- 
sonnes de  s'assembler  à  l'avenir,  sous  pré-, 
texte  de  confrérie,  congrégation  ou  associa- 
tion, dans  aucune  chapelle  intérieure,  ou 
aucun  oratoire  particulier  de  maison  reli- 
gieuse ou  autres,  mêine  dans  les  églises  qui 
ne  seraient  ouvertes  à  toutes  sortes  de  per- 
sonnes (|uise  présenteraient  pour  y  entrer.  >> 

L'ordre  des  jésuites  ayant  été  aboli  en 
France  et  dans  tous  les  lîtats  catholiques,  les 
confréries  ou  congrégations  iiui  y  étaient  at- 
tachées ont  sulii  le  même  sort.  Quant  à  celles 
qui  dépendaient  des  autres  communautés  re- 
ligieuses, ou  des  paroisses,  nous  ne  voyons 
pas  que  l'arrêt  ait  eu  pour  elles  aucunes 
suites.  Peut-être  la  cour,  sur  les  comptes  qui 
lui  en  ont  été  rendos,  n'a-t-elle  rieii  vu  ([ui 
méritât  leur  suppression  ou  leur  réforme 

L'emploi  des  biens  des  cunfrt'ries  a  toujours 
été  soumis  à  la  jund.ction  séculière.  L'ar- 
ticle 10  de  l'oidonnancc  d'Orléans  ordonne 
que  leurs  deniers  et  revenus,  la  charge  du 
service  divin  déduit  et  satisfait,  soient  appli- 
qués à  l'entretien  des  écoles  et  aumônes  ès 
plus  prochaines  villes  ou  bourgades  et  vil- 
lages oîi  lesdiles  c-jnfrnies  auront  été  insti- 
tuées, sans  que  lesdits  deniers  puissent  être 
employés  à  d'autres  iis.iges,  ()Our  quelque 
cause  que  ce  soit.  L'article  37  de  l'ordon- 
nance de  Blois  est  conçu  en  ces  termes  : 
«  Suivant  les  anciennes  ordonnances  nous 
avons  défendu  toutes  confréries  de  gens  de 
métier  et  artisans,  assemblées  et  banquets, 
et  sera  le  revenu  desdiles  confréries  em- 
ployé tant  à  l;i  célébration  du  service  divin 
qu'à  la  nourriture  des  pauvres  du  métier,  et 
autres  œuvres  pitoyables,  etc.  —  Boularic 
observe  que  cet  article  est  dilficile  à  com- 
prendre; car,  dii-il  ,  il  semble  d'un  Cfilé  qu'il 
veuille  abolir  entièrement  toutes  confréries 
d'artisans  et  de  gens  de  métier,  et  se  confor- 
mer eu  cela  à  l'ordonnance  de  1339,  art.  185 
et  suivants,  et  de  l'autre,  ((n'il  veuille  seiile- 
menl  réformer  les  abus  introduits  dans  les 
covfréries,  ;isemblées  et  Inuquels,  et  en  cela 
se  conformera  rcirilnnnance  d  Orléans,  an.  1. 
Mais,  quoi  qu'il  en  soit,  et  (juelque  interpré- 
tation qu'on  lui  donne,  les  confréries  subsis- 
tent, et  les  abus  sont  tonjoins  les  mômes. — 
Les  observations  de  Huutaiic  sont  justes,  et 
l'on  ne  voit  pas  que  les  ordonnances  et  les 
arrêts  de  règlements  sur  l'administration  des 
revenus  des  confréries  snient  exécutés. 

Toute  confrérie  (;ui  n'est  point  revêtue  de 
lettres  patentes  ne  forme  puint  dans  l'Etat  un 
corps  civil  et  légal.  Ivlic  est  p.ir  conséquent 
incapable  de  dimation,  d'institution  ou  de 
legs.  Kicard  {Tniiié  des  Donations,  tom.  I, 
pag.  13j)  rapporte  divers  arrêts  qui  ont  cassé 
des  institutions  ou  des  legs  f.iiis  a  des  confré- 
ries, par  cette  seule  raison  (lu'elles  n'et-.iienl 
point  autorisées  par  des  lettres  patente^.  De- 
puis l'édii  de  1749,  elles  simt  dans  le  cas  de 
toutes  les  communautés  religieuses  ou  mixtes. 

Un  édit  du  mois  de  février  17l)i,  suivi  d'un 
arrêt  du  conseil,  du  i'*  m. us  suivant,  qui  co 
ordonne  l'exécution,  a  créé  et  érigé  ,  en  titre 


Î057  CON 

J'office  formé  et  héréHitaire,  un  trésorier  re- 
ceveur c\  payeur  dos  revenus  dis  fahruiucs  et 
(les  confréries,  en  ch.icune  paroisse  de  la  ville 
do  Parisel  des  autres  petites  villes  du  royanuie, 
lesipiels  seront  iiiargnillicrs  perpétuels,  et 
auront  raiii;  irnniédiatcuient  après  les  niar- 
guiiliers  lionorau-('S,  d.ius  1rs  paroisses  où  il 
y  en  a,  et  le  premier  rang  dans  celles  où  il 
n'y  eu  a  point.  Un  autre  eilil  du  mois  de  sep- 
tembre de  la  même  année  a  éteint  et  sup- 
prime ces  oflices,  ponr  la  ville  et  les  fau- 
bourgs de  Paris,  et  remis  les  rlioses  dans  l'an- 
cien elal.  Enfin,  un  arrêt  du  cons(^il  du  24 
janvier  1703  ordonne  que  les  oflices  de  tié- 
soriers  receveurs  et  payeurs  des  revenus  des 
fabriques  et  des  confréries ,  créés  par  ledit 
de  février  1704-,  seront  et  demeureront  unis 
auxdiies  fibriiiues  ci  confréries,  à  la  charge 
par  elles  de  payer  les  sommes  qui  seront  ré- 
glées, ponr  chaque  dioièie,  par  les  rôles  (|ui 
seront  arrêtés  au  conseil,  suivant  la  répar- 
tiun  qui  eu  sera  faite  par  les  sieurs  inten- 
dants et  conmiis«aires  départis,  conjoinle- 
nuMil  avec  les  évè({ues.  Il  est  facile  d'aperce- 
voir que  ces  e^lils  sont  purement  bursau\  , 
et  sont  une  suite  des  malheurs  occasionnés 
pur  la  guerre  de  la  succession  iVEspagne. 

Il  ne  nous  reste  plus  qu'à  remettre  sous  les 
yeu\  de  nos  lecteurs  (luelquos  règlements, soit 
ecclosiaslii.iues,  soii  civils,  concernant  les  con- 
fréries.  —  Le  concile  de  Sens,  en  1328,  détend 
d'exiger  et  de  prêter  aucuns  >ennenls  à  l'en- 
li  éi' fie»  confréries. — Celui  de  Bourges, en  I58'i-, 
ne  permet  pas  aux  confréries  de  se  tenir  ou 
de  célebrei  leurs  olfices  in  clioro,  id  nutjus  ai- 
tare  eccirsiarum  calliedi  aliiim,  aut  colleijiaia- 
rwn,  sedin  sacellis  tontam,  cl  extra  liornin,  qua 
diviiiumofficium  perayitur. — Celui  de Nar bon- 
ne, en  ItJOy,  défend  de  tenir  le  saint  sacrement 
dans  les  chapelles  des  confréries  ,  nisi  hoc 
expresse  npprobanle  episcopo. — L'article  7  de 
rorilonnancc  de  Konssillon  défend  tous  ban- 
quets et  repas  pour  confrérie.  C'est  aussi  la 
disposition  de  l'ai  ticleTi  de  celle  de  Moulins, 
qui  ajoute  :  «  Sans  permclire  par  nos  juges 
la  ciimmuialion  des  banquets  eu  argent,  ou 
autre  chu-e  équivalente,  qui  pourrait  cire 
donnée  pour  parvenir  auxdites  réceptions.  « 
—  Par  arrêt  rendu,  en  forme  de  règlement, 
au  parlement  de  Paris,  le  7  septembre  1G80, 
au  sujet  de  la  confrérie  de  Saint-Louis,  éta- 
blie à  Orléans  dans  ré;;lise  de  Saint-Donatien, 
il  fut,  entie  autres  choses,  ordonné  que  les 
confières  ne  pourront  être  otiligés  de  payer 
aucun  droit  de  confrérie,  et  que  l'acceptation 
el  démission  des  otûces  ou  charges  seiont 
absolument  libres.  Ce  dernier  point  a  encore 
été  jugé,  le  1 1  janvier  luOli,  par  un  arrêt  de  la 
niéinei'our,  lequel  a  infirme  une  sentence  qui 
condamnait  Denis  Richard  à  taire  les  loue- 
lions  de  la  place  de  marguillier  de  la  confré- 
rie des  garçons  merciers  à  Paris,  à  laquelle 
Ses  contrèies  l'avaient  nonimé. 

Il  y  a.  dans  nos  provinces  méridiunales, 
des  confréries  célèbres  ,  connues  sous  le 
nom  de />e'niien/A'.  Elles  y  forment  des  corps 
considérables.  M.  Durand  de  MailLine,  avo- 
cat au  parlement  d'Aix  ,  assure  que  leur 
usa|;e  «st  de  porter  leurs  causes,  sur  les  ré- 


CON 


1058 


ceplions  et  élections  des  confrères ,  par-de- 
vanl  les  juges  séculiers;  et  il  ajoute  que, 
malgré  l'ordonnance  de  Moulins,  la  jurispru- 
dance  des  parlements  dans  les  ressorts  des- 
quels sont  les  péuilenls,  est  de  les  contrain- 
dre à  accepter  à  leur  tour,  les  charges  el  of- 
fices de  la  confrérie,  ainsi  que  de  payer  un 
droit  annuel  lurs(|u'il  est  modique,  et  donné 
seulement  à  litre  d'aumône  et  pour  fournir  à 
l'entreti  n  de  la  chapelle  et  au  service  divin 
qui  s'y  fait. 

Les  confréries  dûment  autorisées  sont 
communément  regardées  en  France  comme 
des  corps  religieux  et  ecclésiastiques.  Klles 
Sont  eu  conséquence  soumises  aux  décimes 
et  autres  impositions  que  p^iye  le  clergé.  Klles 
ne  peuvent  vendre  ou  aliéner  valablement 
leurs  meubles,  sans  observer  lis  formalités 
prescrites  pour  l'aliénation  des  biens  de  l'é- 
glise.(  .irtictede  M.  l'abbé  Berlolio.)  [Extrait 
du  Dictionnaire  de  Jurisprudence.] 

*  CONt'UTZÉi'^NS.  C'est  une  seile  religieuse  de  h 
Chine  cl  îles  iles  voisines,  ipii  adopte  la  docirine  de 
(ioiifiiciiis.  Klle  est  (leii  nombreuse  ;  cir  le  hialia- 
niisiiio  coinpie  un  yr:nul  nombre  de  pariisans.  Les 
empeiiiirs  de  la  (.liiiie  sniii  .le  la  relliîion  du  Ddai- 
Lama.  Voij.  Bouddhisme,  Ciiinb,  Dalai-Lama. 

CONGKÉGATION.  L'on  appelle  ainsi  à 
Kome  une  assemblée  formée  par  des  théolo- 
giens nommés  consnlieurs ,  et  présidée  p.ar 
un  (lu  plusieurs  cardinaux,  pour  s'occuper 
de  divers  objets  relalil's  au  gouvernement  de 
l'Eglise.  Quelques-unes  sont  établies  pour 
toujours,  d  autres  seulement  pour  un  temps. 
Il  y  a  eu  une  congrégation  du  concile  do 
Trente,  destinée  à  résoudre  les  doutes  qui 
pouvaient  survenir  sur  le  sens  ou  sur  la  ma- 
nière d'exécuter  les  décrets  de  ce  concile; 
elle  siibsisie  encore;  une  congrégation  de 
auxiliis,  chargée  d'examiner  si  le  système 
di;  Molina  sur  la  grâce  était  orthodoxe  ou 
liéiétique.  Yoy.  iVIolinisme. 

il  y  a  une  congrégation  de  lUtes,  pour  ju- 
ger si  telle  pratique  introduite  dans  le  culte 
est  louable  ou  superstitieuse,  pour  permet- 
tre ou  rejeter  les  olfices  ou  les  cérémonies 
que  l'on  veut  mettre  en  usage  ,  pour  procé- 
der à  la  béatification  et  à  la  canonisation 
des  saints.  Lu  cungiégation  de  Propaganda 
Fide,  s'occupe  des  missions  et  des  mission- 
naires <|ui  travaillent  à  la  conversion  des  in- 
fidèles, etc.    Voy.  pRaPAGAMDE. 

CoNGUÉGATiuN  ,  société  de  prêtres  sécu- 
liers, (lui,  sans  faire  de  vœux  ,  se  sont  reu- 
nis pour  s'employer  à  des  services  d'utilité 
publique,  tels  que  le  soin  des  collèges  et  des 
séui:naiies  ,  les  missions  de  la  ville  ou  de  la 
campagne,  etc.  Les  eudistes,  les  joséphistes, 
les  lazaiisles,  les  oratoriens,  ceux  de  Saint- 
Sulpice,  etc.,  sont  de  ce  nombre.  L'utilité  de 
ces  congrégations  est  de  rendre  les  etablis- 
semenis  solides  et  les  services  plus  cons- 
tants, parce  qu'elles  ont  toujours  des  sujets 
prépares  pour  remplir  les  places  vacantes. 
Plusieurs  ont  été  établies  pend.Éiit  le  dernier 
siècle;  mais  comme  le  goût  du  nôtre  est  de 
détruire,  si  l'on  écoulait  nos  philosophes 
politiques,  on  n'en  laisserait  peut-être  sub- 
sister aucune. 


1059 


CON 


CON 


1060 


CoNGRKG*TiON  DE  BELiGiEus.  Lorsque  le 
relàchcmenl  s'est  t^lissé  dans  les  ordres  mo- 
tiasli(]ues,  un  cerlfiin  iioMibre  de  religieux  , 
qui  voulaient  einbravser  la  réforme  et  reve- 
nir à  la  ferveur  ilu  premier  institut,  se  sont 
séparés  des  aut^e^,onl  formé  entre  eux  une 
nouvelle  association  sous  des  supérieurs 
particuliers.  Ainsi  les  bénédictins  ,  les  au- 
guslins,  les  chanoines  réguliers,  etc.,  se  sont 
divisés  en  difforeutes  cingréyalions. 

Ci)NGuiiG*TioN  DE  PIETÉ.  Dans  plusicurs 
paroisses,  suit  de  la  ville  ,  soit  de  la  campa- 
gne, l'on  a  formé  des  associations  de  diffé- 
rents àfjes  et  des  deux  sexes,  des  hommes  , 
tli-s  femmes,  des  gan.ons  ,  des  ûlles,pour 
leur  (àiro  praticiuer  ensemble  des  exercices 
de  pieté,  pour  leur  donner  en  particulier  les 
avis  et  les  iiisiruclions  qui  leur  convienm'nl, 
pour  les  engager  à  se  surveiller  les  uns  les 
auires.  Celarrangemenl  donne  aux  pasteurs 
des  f.Rililés  pour  remplir  leurs  devoirs  plus 
commodémenl,  entretient  dans  ces  dift'eren- 
les  sociétés  une  émulation  louable,  et  con- 
tribue beaucoup  au  bon  ordre  des  paroisses. 
Ordinairement  ces  conrjiégations  sont  éta- 
blies à  l'honneur  de  la  sainte  Vierge.  —  Par 
la  même  raison,  l'on  a  forme  dans  les  collè- 
ges une  cungiégaliun  des  écoliers  ,  el  dans 
les  couvents  une  lun'irégalioii  des  pension- 
naices  ,  pour  les  exciter  à  la  piété.  Comme 
un  aiticle  essentiel  de  la  foi  chrétienne  est 
la  communion  des  saints,  il  est  bon  d'accoe 
Inmer  de  bonne  heure  les  jeunes  gens  de 
l'un  et  l'autre  sexe  à  en  prendre  l'esprit  , 
afin  de  les  prémunir  contre  le  culte  isolé  et, 
pour  ainsi  dire,  clandestin  ,  que  la  plupart 
des  chieiiens  ,  surtout  les  grands  ,  affectent 
pour  leur  commodité. 

CoNtiiuGAilON  ui:  Notre-Dame,  ordre  de 
religieuses  inslilué  par  le  15.  Pierre  Fourier, 
chanoine  régulier  de  Saint- Aii;;iislin  ,  curé 
de  .Mataiucourt  en  Lorraine  ;  c'est  lui  qui 
en  a  dressé  les  constitutions.  Cl  ordio.  a 
beaucoup  de  rapport  à  celui  des  Ursulines  ; 
il  a  été  elabli  dans  le  même  temps,  pour  l'é- 
ducation des  jeunes  filles  et  pour  l'instruc- 
tion gratuite  des  enlantsdes  pauvres,  lui  1315 
et  lolli,  Paul  V  pi  mit  à  la  mère  Alix  et  à 
ses  compagnes  de  prendre  l'habil  religieux  , 
d'ériger  leurs  maisons  en  monastères,  et  d'y 
vivre  en  clôture  sous  la  règle  de  saint  Au- 
guslin.  Ces  religieuses  fuient  agrégées  à 
l'ordre  des  chanoines  réguliers  de  la  coii'jré- 
gnlion  de  noire  S.iuvi-ur,  par  une  bulle  d'L'r- 
b. lin  Vlll  .  l'an  1U28.  lilUs  ont  un  grand 
nombre  de  munustères  en  Lorraine,  dans 
quelques  autres  provinces  de  France,  et  eu 
Allemagne.  La  feue  reine  .Marie  ,  princesse 
de  Pologne,  leur  a  fait  bâtir  à  Versailles  un 
superbe  monastère  ,  dans  lequel  la  commu- 
nauté de  t^oinpiègne  a  clé  transférée  et  con- 
firtuéc  par  lellris  patentes  du  roi  en  1772. 
Ces  religieuses  y  remplissent  leur  destina- 
tion, sou.s  la  proleciion  de  Mesdames,  héri- 
tières de  la  piété  de  la  reine,  leur  mère. 
CoNGiiKGAT.ON  (Ij.   Ce  mol  est  pris  dans 

<1)  Cet  arliclc  eal  reiiroduil  d'^iincs  l'odiliuii   do 
Liège. 


l'usage,  en  divers  sens  ;  en  général ,  il  sert 
à  désigner  une  assemblée  do  plusieurs  per- 
sonnes qui  forment  un  corps,  el  plus  parti- 
culièrement d'ecclésiastiques.  On  appelle 
encore  congrégations,  des  espèces  de  coui- 
missions  ordinairement  composées  de  car- 
dinaux, établies  à  Rome  par  les  pat)es,  pour 
veiller  sur  certaines  parties  de  l'adminisira- 
tion,  suit  spirituelle  ,  soit  temporelle.  Nous 
parlerons  d'abord  de  cette  esjjèce  de  congrd- 
gulion,  et  nous  traiterons  ensuite  des  con- 
gre galions  ecclésiastiques. 

Congrégations  des  cardinaux.  Oq  appelle 
ainsi,  comme   nous  venons  ds:  le  dire  ,  les 
différents  bureaux   des  cardinaux  ,  commis 
par  le  pape,  et  distribués  eu  plusieurs  ctiam- 
bres,  pour  la  dii  ection  de  plusieurs  affaires. 
— La  première  et   la   plus  ancienne  de  ces 
congrégations,  est  celle  du  consistoire.  Il  ne 
faut   pas    la   confondre    avec   le  consistoire 
même;  elle  est  composée   d'un   certain  nom- 
bre de  cardinaux  el  de  prélats  et  d'un  secré- 
taire :  ele  prononce  sur  les  oppositions  aus 
bulles   qui   doivent   être  expédiées  dans   le 
consistoire.    Il   y  a   des   avocats  qui   ont  le 
droit  exclusif  d'y  plaider;  on  les  appelle  pour 
celle  raison  uiocats  cousistorinux,  —  La  se- 
conde   est    celte    de    l'Inquisition.    L'abbé 
Fleury,  dans  souJnslitalion  uiidroil  ecclésias- 
tique, tom.  XI,  p.  Oli,  de  l'édition  donnée  pur 
M.  Boucher  d'Argis,  dit  que  le  pape  Sixte  V, 
érigeant  les  diverses  congrégations  de  cardi- 
naux qui  subsistent  à  Kome  ,  donna  le   pre- 
mier  rang   à   celle-ci.  Il   ajoute  qu'elle  est 
composée  de  sept  cardinaux  et  de  quelques 
autres  oificiers  ;  que  le  pape  y  préside   tou- 
jours; que  ton  autorite  s'clend  par  toute  l'I- 
talie, et,  suivant  leurs  prétenli^ms,  |  ar  tout 
le  monde.  D'auires  auteurs  la  composent  de 
douze   c.irdinaux  ;  mais    il   par.>il  i|ue  leur 
nombre  dépend  de  la  volonté  du  pape.   Plu- 
sieurs prélats  et  des  théologiens  de  différents 
ordres  religieux  sont  uilmis  dans  eetle  con- 
grégatiou;   les  théologiens   ont    le    titre   de 
consulteurs  de  l'Inquisition.  —    C'est   dans 
celte  congrégationyiiil  Si.  Uuucher  d'Argis  , 
dans  une  note,  à  la  page  97  du    tome  11 ,  de 
VJnstilulion  mi  droit  cc(7e«ia-//'/ue,  que  se 
l'ail  l  Index  expurgutjrius,  auquel  ou   ins- 
crit à  mesure   tous  les  livres  qui  sont  cen- 
surés par  le  SaiiU-Ofiice.  On  doit  à  Paul  IV 
l'établissement  de   i'Index.  Les   pcines.qu'il 
im|iosa  à  ceux  qui  violer. lient  la  défense  de 
lire  les  livres  qui  y  sont  mis,  sont  extrême- 
ment sévères  ;  elles  consistent  dans  l'exeum- 
munication  ,  la  privation  et   l'incapacité  de 
toutes  eh.irges  et  héiieûces,  l'infamie  perpé- 
tuelle, etc.  Le  concile  de  Trente  lit  tra\ailler 
à  l'Index;  il  a  depuis   ele   considerablenu'ut 
augmenté.  Mais   ou   ne   reconnail  point  en 
France    l'autorité    de   la   congrégatiun    du 
Sainl-Oriiee  ,  comme   il  paraît   par  un  arrêt 
du    parlement   de    Paris,   ijui   fut  rendu  en 
lù'i-7,  sur  les  conclusions  de  Al.   l'avocat  gé- 
néral 1  alun.— La  troisième  congrégation  des 
cardinaux  est  celle  que  l'on  apni  Ile  des  évé- 
gues  el  des  réguliers.  (  Congregatc.i   aegotus 
episcoporum  et  reguiariwn  prceposila).  Elle  a 
jundiclion  sur  les  evéques  el  les  réguliers  , 


1061 


CON 


CON 


lObt 


elle  connaît  des  diiTérends  qui  naissent  en- 
tre les  évoques  et  leurs  diocés;iiiis  ,  et  entre 
les  supérieurs  réguliers  et  leurs  religieux. 
Les  évoques  s'y  adressent ,  et  la  consultent 
dans  li'S  affaires  délicates.  Comme  les  fonc- 
tions de  celte  congrégation  demandent  une 
connaissance  profonde  de  la  discipline  et 
des  lois  de  l'Ejçlise  ,  le  pape  la  compose  des 
cardinaux  les  plus  instruits  dans  les  matiè- 
res canoniques.  11  n'est  pas  néce-isaire  de 
dire  ici  (ju'on  ne  reconnaît  point  en  France 
sa  juridiction.  —  La  contjiaiation  île  l'im- 
munité ecclésiasliciue  est  la  quatrième.  Klle 
est  établie  pour  dcciifer  si  les  coupables  qui 
se  sont  réfugiés  dans  les  églises  doivent 
jouir  de  l'immunilé  qui  y  est  attachée.  LMe 
est  composée  de  plusieurs  cardinaux  qui  y 
président ,  d'un  clerc  de  cliarnhre ,  d'un  au- 
diteur de  rote  et  d'un  rélérendaire.  —  La 
cinquième  congrégation  est  celle  du  Concile. 
Elle  a  été  établie  polir  éclaircir  les  dillicul- 
lés  qui  naissent  si<r  les  décrets  du  concile  de 
Trente,  dernier  concile  général.  Elle  n'avait 
d'abord  été  érigée  que  pour  les  faire  exé- 
cuter; Sixte  V  lui  attribua  le  droit  de  les 
interpréter.  Nous  ne  considérons  en  France 
ses  décisions  que  comme  des  avis  sages 
et  des  préjugés  de  raison  ;  nous  ne  crojons 
pas  qu'elles  obligent  ni  dans  l'un  ni  dans 
l'autre  for.  —  La  sixième  est  celle  des  Rites, 
établie  par  Sixte  V  :  elle  est  chargée  de  ré- 
gler ce  qui  concerne  les  cérémonies  de  l'E- 
glise, le  bréviaire,  le  missel,  d'examiner  les 
pièces  qui  sont  produites  pour  la  canonisa- 
tion des  saints,  et  de  décaler  les  loiilesta- 
tions  qui  peuvent  naître  sur  les  droits  hono- 
riliquts  dans  les  églises.  —  La  se[itième  est 
celle  de  la  fabrique  de  Saint-Pleire.  Elle 
connaît  les  legs  destinés  par  œu\respies, 
dont  une  partie  appartient  à  l'église  de  Saint- 
Pierre.  —  La  huitième,  qui  ne  s'occupe  que 
d'objets  purement  civils  ,  a  l'inspection  sur 
les  eaux,  le  cours  des  rivières  ,  les  ponts  et 
chaussées.  —  11  en  est  de  même  de  la  neu- 
vième. Le  cardinal  Camerlingue  en  est  le 
chef.  Llle  veille  sur  les  rues  et  les  fontaines. 
—  La  dixième  s'appelle  la  Consulte.  C'est  le 
conseil  du  pape  ;  elle  est  chargée  de  toutes 
les  alTaires  qui  concernent  le  domaine  de 
l'Eglise.  —  La  police  générale  occupe  la 
onzième,  qui  s'appelle  de  Bono  Regimiiic.  — 
La  douzième  est  celle  de  la  Monnaie.  Outre 
la  fabrication  des  espèces  qui  ont  cours  dans 
l'Etal  ecclésiastique,  elle  est  chargée  de  fixer 
le  prix  et  la  valeur  des  nionnaies  des  prin- 
ces étrangers.  —  L'examen  des  sujets  «lui 
sont  nommés  aux  évécbés  d'Italie,  occupe  la 
treizième,  qui  a  le  titre  de  congrégation  des 
Ev('ques.  —  Le  cardinal-doyen  est  le  prési- 
dent de  la  quatorzième  ,  qui  est  celle  des 
M'ilii'res  consigloriales.  —  Celle  de  Propa- 
ganda  Fide  est  la  quinzième  ;  elle  règle  tout 
ce  qui  concerne  les  missions.  —  linfin  ,  la 
seizième  est  la  congrégation  des  Aumônes  : 
elle  a  le  détail  de  la  subsistance  de  Kome  et 
«le  l'Etat  de  l'Eglise. 

Ou  voit  par  cette  énumération  qu'il  y  a 
plusieurs  congrégations  de  cardinaux  ,  qui 
ne  sont,  à  proprement  parler,  que  des  tribu- 


naux OH  des  bureaux  civils  et  politiques  , 
ch.irgés  de  l'administraiion  lemporclle  des 
villes  e!  des  provinces  dont  le  pape  est  sou- 
verain. Quant  à  celles  qui  s'occupent  de 
choses  relatives  au  spirituel  el  à  la  religion, 
elles  ont  autorité  et  juridiction  dans  les  pays 
d'obéilienco  ;  mais  elles  n'en  ont  point  en 
France,  comme  nous  l'avons  déjà  remarqué. 
Le  clergé  lui-même  ne  les  reconnaît  poini. 
Dans  son  assemblée  générale  de  lO'iS,  Il  dé- 
libéra sur  les  movens  d'arrêter  les  entrejiri- 
ses  de  la  congrégation  Avs  cardinaux  ,  qui 
donnait  des  rescrits  au  métropolitain  ou  à 
l'évéque  vt)isin,  pour  ordonner  les  clercs  re- 
fusés par  leur  propre  évéque. 

Les  cours  séculières  ne  sont  pas  moins  at- 
tentives à  rejeter  les  dérisions  ,  déerets  ou 
rescrits  des  coiuji égalions  des  cardinaux. 
Elles  n'ont  égard  qu'à  ceux  qui  sont  émanés 
du  pape  lui-mètne.  Toutes  les  fois  qu'on 
leur  en  a  présenté ,  comme  de  nullité  de 
vœux  ,  de  translation  de  religieux  ,  elles  les 
ont  déclaré  abusifs,  sauf,  à  ceux  qui  les 
avaient  obtenus, à  se  pourvoir  en  la  chancel- 
lerie, où  les  actes  sont  expédiés  sous  le 
nom  du  pape  ;  des  arrêts  du  parlement  de 
Paris  el  du  grand  conseil  ,  que  l'on  trouve 
dans  les  Mémoires  du  Clergé,  sont  autant  de 
monuments  aullienliques  de  celle  sage  juris- 
prudence. 

En  1703 ,  le  procureur  général  au  parle- 
ment (le  Dijon  porta  la  parole  contre  cer- 
tains rescrits  émanés  de  la  congrégation  des 
lléguliers.  Ces  rescrits  renvoient  aux  ordi- 
naires les  suppliques  présentées  au  pape  par 
les  religieux  qui  demandaient  à  cire  resti- 
tués au  siècle  ,  el  contenaient  une  commis- 
sion d'informer  secrètement,  sur  l'exposé  des 
suppliques,  d'entendre  même  les  supérieurs 
des  monastères,  pour  envoyer  ensuite  ces 
procédures  à  Ilome  ,  el  d  y  joindre  leur 
avis  ,  afin  de  juger  p!us  sainement  si  le  bref 
de  dispense  ou  de  restitution  doit  être  ac- 
cordé ou  refusé.  Par  ariêt  rendu  en  l'orme 
de  règlement  ,  le  i  août  i~i03  ,  il  fol  lait  dé- 
fense aux  évêqoes  du  re>sort  el  à  leurs  olQ- 
ciaux  d'exécuter  ces  sortes  de  rescrits. 

Nous  ne  pouvons  mieux  mettre  sous  les 
yeux  de  nos  lecteurs  l'ensemble  des  princi- 
pes reçus  en  France,  sur  rautoiité  de^  con- 
grégaiions  des  cardinaux  ,  qu'en  rapi  orlant 
ce  que  disait  le  célèbre  M.  Talon  ,  dans  une 
cause  où  il  s'agissait  d'un  rescrit  émané  de  la 
congrégation  «le  rin(]uisilioii.  «  Nous  recon- 
naissons en  France  l'autorité  du  sainl-sléie, 
la  puisNaiice  du  pape  ,  chef  de  l'Eglise  .  Père 
commun  de  tous  les  chrétiens  :  nous  lui  de- 
vons toute  sorte  de  respect  et  d'obéissance  : 
c'esl  la  croyance  du  loi,  fils  aîné  de  l'Eglise, 
el  la  croyance  de  tous  les  ealholi.jues  ,  qui 
sont  dans  la  véritable  comiuonioo  ;  mais 
nous  ne  reconnaissons  pas  en  Franco  l'au- 
torité, la  puissance,  ni  lajnridiclion  des  con- 
grégations, qui  se  tiennent  à  Kome,  que  le 
pape  peut  établir  comme  bon  lui  semble  ; 
mais  les  arrêts,  les  décrets  de  ces  congréga- 
tions n'onl  point  d'autorité  ni  d'exécution 
dans  le  royaume,  et  lorsque  dans  les  occa- 
sious  d'une  affaire  coutenlieuse  ,  tels  décrets 


«063  CON 

se  sont  rencontrés,  comme  es  matières  de 
dispense,  de  nullité  de  vœux,  de  translation 
de  religieux,  la  cour  a  déclaré  les  brefs  éma- 
nés  de  ces   cunyrégalians  nuls  et   aliusifs, 
sauf  aux  parties  à  se  pourvoir  par  les  voies 
ordinaires  ,  c'est  à-dlre  par  la  cliancellerie 
où  les  actes  sont  expédies  ,  on    port.iiit   le 
nom  el  litre  du  pape,  en  la  personne  duquel 
réside  l'aulotiié  létjitime;  el  pour  ce  qui  re- 
garde les  ni;ilièr(s  de  la  doctrine  el  de  la  foi, 
elles    ne   peuvent  être    terminées    dans   ces 
congrt'yalioiis ,  sinon  par  fora)e  d'avis  el  de 
conseil,  mais  non  d'autoriié  et  de  pui^^sauce 
ordinaire  :  il  est  vrai  que  dans  «es   congré- 
gations se  censurent  les  livres  défendus  ,  et 
dans  icelles  se  fait  VJndex  purgalori  is  ,  le- 
quel s'augmeule  tous  les  ans  ,  el  c'est  là  où 
autrefois  ont  été  censurés  les  anêts  renilus 
conire  Jean  Chistel,  les  o-uvres  <le  M.  le  pré- 
sident de  Thou  ,  les  libertés  de  l'Eglise  gal- 
licane, et  les  auires  livres  qui  concernent  la 
conservation  de  la  personne  de  nos  rois   et 
l'exercice  de  la  justice  royale  ;  dt>  sorte  que 
si   les  décrets  de  cette  qu.ililé  étaient  facile- 
uicnl  publies  et  autorisés  dans  le  royaume  , 
ce   serait   introduire  l'autorité  de  l'inquisi- 
lion,  parce  que  celle   coiiçjrégatiun  pi  end  le 
litre  de  générale  et  universelle  sur  le  monde 
chrétien,  dans    laquelle    ils  piélendraieiil  , 
par  ce  ino^en,  faire  le  procès  aux   sujils  du 
roi,  colline  ils  pensent  le  pouvoir  faire  aux 
liires  qui  leur  déplaisent  et  ((ui  sont  impu- 
nies dans  le  royaume  :  ainsi,  nous  qui  par- 
Ions  ,  a\ant    examiné  le  titre   de  ce  décret 
émané  de  l'Inquiàiiion  ,  auquel   néanmoins 
on  a  donné  le  nom  et   l'aulorité  d'une  bulle 
apostolique,  nous  avons   pense  être  obligé 
de   le  reniai  quer  à  la  cour,  el  de  nous  en 
plaindre.  » 

Congrégations  ecclésiastiques.  Elles  sont  ou 
régulières  ou  séculières.  Les  congrégations 
régulières  sont  celles  qui  se  forment  dans  un 
ordre  religieux  ,  par  la  division  d'une  por- 
tion de  ses  membres,  ((ui,  sans  cesser  de  vi- 
vre sous  la  niêiue  règle  ,  ont  cependant  des 
COI  slittilions  el  des  supérieurs  pailiculiers. 
C'est  pourquoi  il  ne  faut  pas  confondre  les 
ordres  avec  les  congrégations.  L'ordre  de 
Saint-Benoît,  par  exemple,  e>t  partagé  en 
difléienles  congrégations  ,  telles  (jne  Cluny, 
Sainl-Manr,  Saint-\  aunes,  etc.  Ces  congré- 
gations doivent  leur  origine  aux  icfonnes 
qui  ont  éié  laites  par  des  religieux  animes 
d'iiii  s.iiiit  zèle  pour  le  rét;il>lissement  de  la 
diseiplinc  mon.i'-tique  ;  ellesne  peuvent  s'é- 
taldir  sans  îles  lettres  p.itentes  ,  enregistiées 
dans  les  Parlemenis.  Nous  en  donnerons  pour 
preuve  ce  (|ui  s'est  passé  dans  le  dernier  siè- 
cle, au  sujet  de  la  congi  cgation  de  Saint- 
Maur.  —  (juelques  religieux  fiançais  de  l'or- 
dre de  ;-aint  lii  iioîi,  ay.int  désiré  embrasser 
la  réforme,  sons  une  congrégation  particu- 
lière, comme  celle  du  Mont-Cassin  el  de  Lor- 
raine, s'adressèrent  aux  papes  Grégoire  XV 
cl  Urbain  Vlll,  qui,  à  la  prière  du  roi,  accor- 
dèrent des  bulles  pour  l'creclion  de  cette 
nouvelle  congrégation,  Sub  litulo  et  invo- 
caiione  seu  dcnominatione  saucli  Mauri^ad 
instar  congregalionis  Cassinensis  scu  sancloc 


CON 


10G4 


JustincB  de  Padun,  avec  pouvoir  d'y  agréger 
les  monastères  qui  s'y  voudraient  soumettre, 
et  délire,  au  moins  de  trois  ans  en  trois  ans, 
un  vicaire  génér;il  français  naturel,  ad  illam 
congregalioncm  regendani  et  gubermmdam.  — 
Sur  ces   bulles    il    y  eut  des  lettres  patentes 
ex|iédiées   le   15  juin   1631,   adressées    aux 
cours  souveraines,  baillifs,  sénéchaux  et  au- 
tres  officiers  des  justices  royales  ;  elles  fu- 
rent enregistrées,  sans  aucune  modifieation, 
au  parlement  de  Bordeaux,  le  3  mai  1632;  de 
Paris,  le  21  mars  1G73;  de  Dijon,  le  13  juillet 
ir37;   de  Bennes,  le  17  avril  1()38;    d'Aix,  le 
16  décembre  de   la  même  année;  de  Rouen, 
le  26  janvier  16iO.  Vog.  Bénédictins.  —  Ces 
réi'oimesou  congrégation*  nouvelles  néces- 
sitèrent de  nouvelles  lois  pour  la  disposition 
et  l'administration  des   bénélices  qui   dépen- 
daient des  maisons  qui  les  avaient  adoptées, 
et    par   conséquent   la  juri>prudence   a    dû 
éprouver  des  cliangeii  enls  :  suivant  l'ancien 
usage  il  fallait,  pour   posséder   un    bénéfice 
dépendaiil  dune  maison,  être  profès  de  cette 
maison,  ou   y    avoir  été    transféré.  Aujour- 
d'hui il  suffit  d'être  proies  de  l'ordre,  donl  il 
est   une   dépendance.    Les    relgieux   de  ces 
réformes  ne  font  pas  vœu  de  stabilité  dans  un 
monastère.  Ils  sont  plutôt  des  religieux  d'une 
congiégation  que  d'un  monaslèie,  la  volonté 
de  leurs  supérieurs  les  rend  ambulants  el  les 
transporte  dans  les  communautés  qu'ils  ju- 
gent à    propos.  Ainsi  un  leligieux  de  Sainl- 
Alaur  peut    posséd  r  un  liéneiice  dépendant 
des  autres  congrégations  de  l'ordre  de  Sainl- 
Benoit.  .M.  Plaies  assure   que  c'est  aujour- 
d'hui une  jurisprudence  constante,  que  lors- 
qu'un religieux  est  pourvu, en  cour  de  Koine, 
d'un  bénéliee  dépendant  d'une  congrégation 
différente  de  celle  où  il  a   fait  profcs^ion,  ii 
n'a  pas  besoin  d'autre  bref  de  translation  que 
des  |irovisiuns   même  du  bénéfice,  dans  les- 
quelles les  oKiciers  de  la  cour  de   Home  ne 
niani|uent  pas  d'inséier  une  clause  ponant 
Ircinslaiion    de  nionasterio   ad   inonastcrium. 
Cette  clause  est  regardée  comme  inutile,  elle 
est  au  nombre  de  celles  dont  on  û'dvitianlitr, 
non  vitiirnt. 

Il  paraît  assez  naturel  que  les  religieux 
d'une  iiiêmc  Congrégation  puissent,  sans  brels 
de  translation,  posséder  les  lienéCces  dépen- 
dants de  la  congrégation.  Il  n'est  pas  aussi 
facile  de  vor  poun|uoi  on  n'oblige  pas  les 
reli;iieux  à  se  fiiie  transférer,  lorsque  le  bé- 
néfice dépend  d'une  a.Mre  congrégation.  Du- 
moulin nous  donne  la  solution  de  ceite  diffi- 
culté :  il  établit  qu'ataiit  Bonifa<  e  VIII,  de 
droit  coiniiiun,  tout  religieux  iirofès  était  ca- 
pable de  posséder  lout  lien.  Gce  de  son  ordre  ; 
Bonilace  Vlll  introduisit  un  nouveau  droit 
par  le  §  prolubenius  du  eb.i|)itie  Ctitn  sinyula. 
On  a  suivi  pindani  quelque  temps  celte,  dis- 
position en  Ir.iiice,  quoique  le  texte  n'y  ail 
point  été  reçu  ;  mais  insensiblenienl  on  a 
rappelé  le  dioit  commun.  On  y  a  été  d'autant 
])lus  loudè,  qu  il  est  important  que  les  colla- 
teuis  aient  loulc  la  libei té  possible  dans  le 
choix  des  sujets  auxquels  ils  confèrent  les 
bénélices. 
L'ordre  do  Saint-Âugustini  couituu  celui  d« 


lOGS 


CON 


CON 


lOGC 


Sainl-Benott,  se  divise  en  plusieurs  contjré- 
jffi^/cms,  (li)nl  quelqiies-tiiies  porleiil  le  nom 
d'ordre.  Les  pluf  convi(léial)lcs  suni  relies  de 
PrénioiUré,  île  Sainle-(i(Mieviôvc  ou  loni/ie- 
galionde  France,  de  la  Cliancelali'.dc  Hoiir-;- 
Acliiird,  de  la  Tri  ni  lé  ou  ili's  M  a;  lui  ri  us  ;  relies 
de  (iraiiduionl,  de  S  ;iiit-An|i)iiic  el  ili-  -aiul- 
hiif  oui  I  lésupfirinuN's  de  niiir<'  Iciups.nuoi- 
iiue  iesdilîorenlfs  coniiréiinliom  de  l'or'lre  de 
Saiiii-Aiigusiiii  aieiil  moins  de  rapporl  eiilre 
elles,  et  soient  dans  le  Ciit  plus  séparées  (]ue 
ne  le  soit  les  roiuirà/nlions  ilc  l'ordre  de 
Sainl-Benoît,  ccpendanl  on  voy.iil  tous  les 
jours  des  relii;irux  de  la  rnnijrciiati  n  de 
France  reipiérir  des  cures  depeiiiLiiiles  île 
l'ordre  ou  co)t  rc'i/'i/io»  de  Prériion' ré  et  vi- 
ce tersn  des  religieux  de  Préii'.oniré  reqiié'ir 
de  la  coïKjréijdlton  de  France,  sans  que  l'on 
exigeât  ni  des  uns  ni  des  aulres  un  rescril 
delranslalioii.il  enéiait  de  rriêino  des  autres 
CoïKirégatioiis.  —  Mais  depuis  la  d.claralion 
de  1770,  les  choses  sont  changées  à  cet  ejfard. 
Les  cures  dépendanles  des  difTérenies  coïKjré- 
galions  do  l'ordie  de  Saint  Au^uslin  ne  peu- 
vent plus  être  possédées  que  par  des  reli- 
gieux de  ces  mêmes  com/régalious.  L'arliele 
l'''  de  la  déclaration  y  esiromiel  ;  nous  avons 
vu  rendre  à  ce  sujel  un  arrêt  dont  les  cir- 
constances sont  assez  singulières.  La  cure 
de  Clievanue,  diocèse  d'Anxerre,  dépemlante 
d'un  prieuré  de  l'ordre  de  Siinl  Augusiin,  de 
la  congréi/alion  de  liourg- Acliard,  étant 
devenue  vacante  par  mort  ,  le  prieur  y 
nomma  frère  N'errier,  prémonlré,  annuel  M. 
l'évéque  d'Auxerre  lel'usa  des  provisions.  Il 
motiva  son  reins  sur  ce  que  hère  Veirier, 
prémoniré,  était,  aux  termes  do  lu  déclara- 
tion (le  1770,  ineapalde  de  posséder  une  cure 
de  la  congrcijiiCion  de  l!ourj;-Aeliard.  Frère 
Verrier  sepouivut  devant  -M.  l'arcli  vèipie 
de  Sens,  qui  répondit  comme  J\l.  réiêi|ue 
d'.Auxei  re,  et  conlirnia  son  relus.  Ce|ieiidiint 
M.  l'cvêque  d'Auxerre  coulera  la  cure  de 
Chevaniie  à  frère  Bezeron,  religieux  de  la 
conçircgation  de  Bourg- Acliard,  le  patron 
ayant  consdiunic  smi  druit  par  la  présenta- 
tion nulle  de  frère  \errier.  Celi.i-ci  interjeta 
cTppel  comme  d'abus,  des  relus  qu'il  avait 
essuyés,  el  demanda  a  être  autor.se  à  se  re- 
tirer par-(le\anl  .\l.  rarclievè()ue  de  L}on  à 
l'ellet  d'en  ob  enir  des  provisions.  Frère  Be- 
zeron fut  intimé  sur  l'app"!. 

Al,  l'avocat  général  Seguier,  ijui  porta  la 
parole  dans  celte  cause,  établit  ((ue  les  refus 
de  .M.  revécue  d'Auxerre  et  de  ,M.  r.ircbe- 
vêque  de  Sens  étaient  abusifs,  en  ce  que  ces 
prélats  avaient  prononcé  sur  la  nature  cl  la 
qualité  du  bénétice  de  Chevanne,  eu  inge.int 
qu'il  (  lait  une  dépendance  de  la  cun/jre'(/a- 
tion  de  Bourg-Acliard  ;  ce  qui  excédait  leurs 
pouvoirs,  el  elait  une  entreprise  sur  la  juri- 
diction séculière.  Mais  il  ajouta  que,  de  ce 
qu'il  y  avait  ai)us  dans  ces  refus,  il  ne  s'en- 
suivait pas  que  frère  \eirier  dut  être  ;iulo- 
risc  à  se  retirer  |  ar-devanl  .M.  l'ardu  vèque 
de  Lyon,  el  à  prendre  possession  ci\i!ede  la 
cure  de  Clievanne  ;  parce  c|ne  la  collation 
faite  eu  laveurde  fréie  Bezeron  elail  valide, 
le  patron  ecclésiastique  avant  consomme  son 

DiCT.   DE  ÏHÉOL.   DOGMATIQUE.  1. 


droit,  par  la  présentation  nnlle  qu'il  avait 
faite  de  frère  Verrier,  incap.iblede  pnssédei- 
celte  cure,  comme  élanl  preinnnlré  :  en  con- 
séquence, il  conclut  à  ce  que  les  refus  de 
provisions  l.iiis  par  M.  l'evêque  d'Auxerre 
a  .M.  l'areliiM  ênue  de  Sens  f,  s.seiil  iiccl.irés 
alm.lfs,  el  il  requit,  e.u  no  n  du  ministère 
pnldic,  que  l.i  cotl  iiioii  fiili'  p  ir  l'evè  [ue 
d'Anxerre  en  faveur  de  frère  B  zeroii  lui  l'é- 
claree  bonne  et  valalle,  et  frère  Bezeron 
maintenu  dans  la  possession  de  la  cure  de 
Clievanne.  L'arrêt  d  i  mardi  20  juin  177,')  fut 
conlorme  en  tout  aux  conciiision-^  de  .M.  l'a- 
Mieai  général.  Il  (il  dit  \  avoir  abus  dans  le 
refos  de  l'orlinairi"  et  ilii  met lOpoliLiia,  et 
la  coilatinii  de  .M.  l'ôvc  (|ne  d'Auxerre  fut  dé- 
clarée lionne  el  v  lalile.  1|  est  assez  ingu- 
lier  que  frère  Verri  r  ail  entrepris  ce  procès; 
quel  que  pût  être  l'evéneuK  ut  de  s-n  appel 
cimme  d'abus,  i!  était  évident,  d'.ipiès  la  dé 
claratioii  de  1770,  qu'il  était  incip.ible  de 
posséder  l.i  cnre  de  l-lievann  ■.  Il  ((;ii(  donc 
sans  intérêt.  Voy.,à  l'article  Curk,  les  .iérla- 
raiions  et  letiies  patentes  concernant  les 
cures  de  l'ordre  de  Saint-Augustin. 

Le  concile  de  Trenli',  sess.  23,  de  Jiefurm., 
ch.  8,  a  ordonné  que  les  mon.isières  sDimiis 
imméiH.itemenI  au  saint-siege,  qui  ne  sont 
sous  aucn  cliapi  re  gênerai,  el  qui  n'ont 
aucun  visiteur  leg  lier,  seraient  obi  g  s  de 
se  réunir  dans  uo  an,  en  iwmjréijntions  par 
provinces  ;  el  faute  par  eux  de  le  faire,  l'é- 
véque diocésain  evereera  sur  eux  l.i  ju  i  lic- 
tioii,  coinnie  délégué  du  sainl-siége.  Quod 
Kt  piiidicln  p.is:qiu  non  curai  rn'nt ,  cjiiscopis 
in  (/uoi  uni  diœcesihii^  lorn  pnrilirt  i  siln  siint, 
tdiiijiKiin  s  dis  apustuli.  œ  deleynlis  siOdant  iv. 
Ce  règlement  teiidiiit  à  lemejier  .iiix  abus 
et  ao\  inconvénients  des  exemptions.  Il  ;i 
été  adoiilé  par  l'in  ijcle  27  de  l'ordoun.ince 
de  lilois  :  n  l'ous  monastères  ()ul  ne  sont 
sous  cliapilres  généraux,  el  qui  se  préten- 
de l  siijeis  immédi;itemeni  au  sainl-siége, 
seioni  t'Uiis  d.ius  un  an,  se  réduire  à  quel- 
que co)ii/i(///(/f  ion  de  leur  ordre  en  ce  royaume, 
en  laquelle  s.  ront  dressés  statuts  el  commis 

visitaieu.s et  en  cas  de   rel'.is  ou  délai, 

y  sera  pourvu  par  l'evêqne.  »  Il  ne  peut 
donc  plus  y  avoir  parmi  nous  de  mon  islère 
qui  ne  reconiuiisse  quelque  supérieur  en 
F'ranee.  La  d.ffeience  de  cet  article  av.  c  le 
règlement  du  concile  de  'l'renle,  c'est  que, 
selon  ce  dernier,  les  évéqurs  ne  doivent 
exercer  sur  les  moii,isères  dont  il  s'..git  la 
juridiction  que  comme  délégués  du  sainl- 
siége,  au  lieu  que,  selon  l'c  spril  de  l'oidon- 
nance,  ils  doivent  l'av.îir  comme  évéque, 
jure  .sdo,  iirDjirio  et  ordinario. 

Les  cotu/i  égalions  séculières  sont  celles 
qui  s.int  composées  d'ecclésiastiques  sécu- 
liers. Nous  en  avons  plusieurs  en  Prince, 
telles  que  l'Oratoire.  I.i  Doctrine  chrétienne, 
Saint-Lazare,  les  Lndistes,  les  Siilpiciens, 
etc.  Nou-.  n'entrerons  poinl  ici  d  mis  le  détail 
de  leurs  consliluiiuns  et  de  leur  régime, 
nous  renvoyons  à  chacun  des  articles  (jui 
leur  sont  propres,  cunune  p  )iir  les  cuuyrc- 
giilions  régulières. 

Ou  duuue  aussi  quelquefois  le  nom  de  con- 

3ï 


îoa? 


CON 


CON 


1068 


gréijation  aux  confréries  ;  relies  des  Jésuites 
êlaiiMil  coiuuies  sous  colle  déiiominiilioii. 
Vny.  CoNFKÉRiES.  {Arlirle  (le  M.  l'ahlié  Ber- 
tolio.j  [Kxlrail  du  Diction,  de  Jurisprudence.] 

*  CONf.RÉr.ATIONALISTES  ORTHODOXES. 
C'est  l'une  de-  seclt-s  religieuses  le^  plus  iionilireii- 
ses  des  Klals-Unis.  Klle  ne  caiiiple  p:is  nidins  de 
d,50l>.0(K)  àiiins.  Ce  .«.ont  des  sccliiiiH^  qui  conser- 
vent dans  t'Uif  sa  piirelé  la  doctrine  qui  fui  inipor- 
tée  dans  le  nouveau  unuiile  |iar  les  pui  itains  anglais, 
qui,  cliassés  di^  le.nr  pairie,  viiirenl  (onder  des  éta- 
blisM'inenis  ilans  la  Nouvelle-Angleterre.  Le  principe 
de  telle  sncte  e^t  l'in  épendanre  absolue  de  chaque 
Eglise  particulière.  Il  n'y  a  qu'un  lien  qui  doive  les 
unr,  celui  île  l'.iniciur  delà  cliarilé. 

CONGRinS.ME,  syslème  sur  l'efficacilé  de 
la  grâce,  imaginé  par  Suarez,  A'as((uez,  et 
quelques  autres,  pour  reclifler  celui  de  Mo- 
liiia. 

Voici  la  manière  dont  ces  théologiens  con- 
çoivent la  suite  des  décrds  de  Dieu.  1°  De 
tous  les  ordres  possiljles  des  choses,  Dieu  a 
choisi  librement  celui  qui  rxisle  et  dans  le- 
quel nous  nous  trou. on^.  2"  Dans  cet  ordre, 
Dieu  veu;,  i'une  volonté  anlécéden'o,  mais 
sincère,  le  ,'alut  de  toutes  ses  ciéatures  li- 
bres ,  sous  condition  qu'(  lies  le  voudront 
elIcs-mèiiK's,  c'est-à-dire ,  qu'elles  corres- 
pondront aux  hecaurs  qu'il  leur  donnera. 
3°  Il  donne  en  effet  à  touies,  sans  e\ce|)lion, 
des  secours  sulfisants  pour  acquérir  le  bon- 
heur élcrnel.  V"  Avant  même  de  donner  ces 
grâces,  il  connaît  par  la  science  moyenne  ce 
que  chacune  de  ces  créatUiCs  sera,  (juclle 
que  soit  la  ^râce  qu'il  lui  donnera  ;  il  '.oit 
quelle  grâce  sera  con;jrue  ou  incongrue,  aura 
ou  n'aura  pas  un  rapport  de  convenance 
avec  les  dispo>ilions  de  la  volonté  de  (  lia- 
cuiie  des  créilures  en  particulier;  par  con- 
8é(|uent,  quelle  ^râce  sera  elficace  ou  ineffi- 
cace. 5°  Par  une  voloiilé  purement  ;;ratuile, 
par  un  décret  absolu  et  elficace,-  il  choisit 
un  nombre  de  ses  créatuns,  et  leur  donne 
par  préiérence  des  grâces  cnujrues,  ou  dont 
il  a  prévu  l'efiicacité.  G*  l'ai'  la  science  de 
vision,  il  prévoit  quelles  seront  les  créatures 
qui  niérilcroul  d'être  sauvées,  et  (|uelles 
sont  celles  (|ni  mériierout  d'être  réprouvées. 
7°  t!n  conséquence  de  leurs  mérites  ou  de 
leurs  démérites  prévus,  il  décerne  au\  unes 
la  récompense  éternelle,  aiiv  autres  les  sup- 
plices de  l'enfer. —  Selon  les  partisans  de  ce 
système,  l'honime  aidé  par  une  grâce  con- 
grue, ou  qui  a  un  rapport  de  convenance 
avec  les  dispositions  de  sa  volonté,  choisira 
inraillibiemenl,  quoi(|ue  librement  cl  sans 
nécessite,  le  meilleur;  l'clîet  de  la  grâce  et 
le  consenieinenl  de  rhominc  sont  donc  in- 
failiihles,  puis(|iic  la  scirnce  mui/cnnc,  par 
laquelle  Dieu  les  a  prévus,  et  înlaillil)le. — 
Lorsqu'on  demande  iiu\.  confjruisles  en  quoi 
consi.ste  Vf.fjicacilé  de  la  grâce,  ils  répondent: 
Si  par  efficacité  l'on  entend  la  force  que  la 
grâce  a  de  m^uioir  et  de  déterminir  la  vo- 
loiile,  rdle  vient  de  la  grâce  même.  Si  l'on 
e.ilend  l'elTet  qui  s'ensuivra,  il  partira  de  la 
volonté  aidée  par  la  grâce.  Si  l'on  entend  la 
connexion  qu'il  y  a  entre  la  grâce  et  le  con- 
sentement de  la  volonté,  elle  vient  de  l'une 


et  de  l'autre.  Si  enfin  l'on  entend  l'iafailli- 
bililé  de  celle  connexion,  elle  vient  de  la 
science  moyenne,  qui  ne  peut  pas  se  tromper. 

On  demandera  sans  doute  quille  différence 
il  y  a  entre  ce  système  et  celui  de  Molina. 
Elle  consiste,  1°  en  ce  que  Molina  disait  que 
l'efficacilé  di^  la  grâce  venait  uniiiucment  du 
consenieinenl  libre  de  la  volonté,  au  lieu 
que,  selon  les  congrulsies,  cette  efficacilé 
vient  de  la  congruité  de  la  grâce,  par  consé- 
quent de  la  force  et  de  la  nature  de  celle 
grâce  même.  2"  Molina  préiendail  que  le  bon 
u>age  de  la  g'âce,  considéré  comme  l'effet 
de  la  volonté  ou  du  libre  arbitre  de  l'hoinme, 
n'était  pas  un  effet  du  décret  ou  de  la  pré- 
destination de  Dieu  ;  les  congruisles  pensent 
que  cette  absiraction  est  fort  inuiile  :  Puis- 
que la  grâce,  disent-ils,  est  donnée  en  vertu 
du  décret  de  Dieu,  et  que  le  consentement 
de  l'homme  est  principalement  l'effet  de  la 
grâce,  aussi  bien  que  de  la  volonté  ou  du 
libre  arbitre,  il  est  clair  que  ce  consente- 
ment vient  au  moins  médialemenl  du  décret 
de  Dieu.  3°  .Molina  soutenait  que  l'homme, 
sans  la  grâce,  peut  faire  une  action  morale- 
ment bonne,  et  un  ade  de  foi  naturel  ;  que, 
quoique  ces  actes  ne  soient  point  tels  qu'il 
les  iaut  pour  la  justification,  et  ne  la  méri- 
tent point.  Dieu  cependant  y  a  égard,  en  con- 
sidération des  mérites  de  Jésus-Christ.  Or, 
les  conijriiisles  pensent  que  celte  doctrine  se 
rapproche  trop  de  celle  de  Pelage  ;  que  puis- 
que Dieu  donne  des  grâces  à  tous,  plus  ou 
moins,  il  y  a  de  la  témérité  à  vouloir  devi- 
ner ce  que  l'Iiomme  peut  ou  ne  peut  pas 
sans  le  s  cours  de  la  grâce.  Voy.  .Molinisme. 

Selon  l'opinion  que  nous  soutenons,  disent 
encore  les  coiigruistei,  tout  ce  que  saint  Paul 
et  saint  Augustin  enseignent,  touchant  la 
grâce  et  son  pouvoir  sur  l'homme,  est  exac- 
tement vrai.  C'est  Dieu  fjui  opère  en  nous  te 
vouloir  et  l'action;  puisque  sa  grâce  nous 
prévient,  c'est  elle  qui  nous  encite  au  bien, 
qui  donne  à  notre  volonté  une  force  qu'elle 
n'aurait  pas  sans  ce  secours,  et  qui  coopère 
avec  elle  ;  la  grâce  est  donc  cause  efficieulc 
du  bien,  non  cause  physique,  mais  cause 
niorale.  Quand  l'homme  faii  le  bien,  ce  n'est 
jias  lui  ((ni  se  discerne  d'avec  celui  qui  ne  h» 
l'ail  pas  ;  c'est  Dieu  qui,  par  pure  bonté,  dis- 
cerne ce\ui  auquel  il  donne  une  grâce  eon- 
'jrne,  et  par  là  même  eflicace,  d'avec  celui 
auquel  il  ne  donne  qu'un  secours  inelficacc  ; 
avec  ce  dernier  secours,  l'homme  aurait  pu 
faire  le  bien,  mais  il  ne  l'aurait  pas  fait.  U 
ne  peut  donc  se  glorifier  de  l'avoir  fait,  toute 
la  gloire  en  est  due  à  Dieu.  La  bonne  œuvre 
n'est  pas  venue  de  co  c|ue  l'homme  n  voulu 
et  a  couru,  viiiis  de  la  miséricorde  de  Dieu  ;  il 
a  été  prévenu,  excité,  soutenu  par  la  grâce, 
sans  l'avoir  méritée,  sans  s'v  être  dispose 
par  ses  propres  forces.  Dieu  a  prévu  d'avanc^ 
que  riiomme  consentirait  à  celle  grâce,  et 
en  suivrait  le  mouvement;  mais  ce  n'est  pas 
cette  prévision  qui  a  déterminé  Dieu  à  don- 
ner la  iiràce,  ni  à  donner  telle  grâce  plutôt 
que  telle  aure;  il  l'a  donnée  par  pure  misé- 
ricorde, parce  qu'il  lui  a  plu,  et  en  considé- 
ration des  mérites  de  Jésus-Christ.       Cela 


10C9 


CON 


CON 


1670 


IIP  se  peut  pas.  répondent  les  îidversaires  des 
totKjiuisles  :  nous  ne  coiiccvnns  pas  qu'une 
cnnse  morale  puisse  avoir  riiifluince  que 
vo'.is  préleiidez.  Tant  pis  pour  vous,  rôpli- 
qucnl  les  Cdnqruistes  ;  nous  ne  concevons 
pa*  mieux  foiiinicnt  une  cause  physique  n'a 
pas  une  connexion  nécessaire  avec  son  ellel, 
el  ne  détruit  pas  la  lii)erlé.  N'otlà  où  la  ques- 
tion est  réduite  depuis  deux  cents  ans,  après 
des  volumes  entiers  éciils  de  pari  et  d'autre, 
et  il  y  a  hien  de  i"apparenie  qu'elle  >  est 
pour  longtemps.  On  pourrait  pciil-étre  la 
terminer,  si  l'on  commençait  par  convenir 
de  part  et  d'autre  ilu  sens  qu'il  faut  donner 
au  mot  grâce  congrue.  Quelques  théologiens 
distinguent  deux  sortes  de  congruités  ;  l'une 
intrinsèque,  c'est  la  force  uiéme  de  la  grâce, 
et  son  aptitude  à  incliner  le  consentement  de 
la  volonté;  celle  congru, lé,  disent-ils,  est 
l'eflicacilé  de  la  grâce  par  elle-même  ;  l'autre 
extrinsèque,  c'est  la  convenance  qu'il  y  a 
entre  les  dis|)0silions  actuelles  de  la  volonté 
et  la  nature  (le  la  grâce.  C-etc  dernière  esijèce 
de  congruilé,  ajoulcnl-ils,  est  la  seule  qu'ad- 
met Vasquez,  et  qui  est  la  base  de  son  sys- 
tème. —  Si  cela  est  vrai,  Aasquez  a  mal  rai- 
sonné, et  celte  disliitclion  n'esl  pas  juste.  Hn 
efl'pl,  puis(iue  la  comjruitc  est  un  rapport  de 
convenunce ,  elle  renferme  née  ssairement 
di  ux  termes,  savoir,  telle  nature  et  telle  force 
dans  la  grâce,  et  telles  dis|  ositions  dans  la 
volimlé  ;  l'analogie  ou  la  convenance  doit 
être  mutelle,  autrement  elle  ne  subsiste  plus. 
Cl  la  n'est  |  as  diflicile  à  démontrer.  Avant  de 
donner  une  grâce,  Dieu  voit  qu'un  sentiment 
ou  un  motif  d'amour,  de  reconnaissance,  de 
désir  des  biens  éternels,  de  confiance,  est 
plus  propre  à  loiulier  la  volonté  de  tel 
homme,  qu'un  sentiment  de  crainte,  de  dé- 
goût du  crime,  de  houle,  etc.  ;  il  voit  que  ce 
senlimenl  ne  sera  eKicace  qu'autant  (jn'il 
aura  lel  degréde  fiirce  ou  dintf  usité.  Si  Dieu 
le  donne  tel  qu'il  le  faut  pour  le  moRienl, 
peul-oii  dire  que  la  congruilé  de  celle  giâce 
el  sou  efficacité  viennent  uniquement  des 
dispusiliuns  dans  lesquelles  la  volonté  de  cet 
homme  se  trouve?  La  grâce  ne  serait  pas 
conç/ruf,  si  elle  inspirait  un  motif  de  crainte 
où  il  faut  de  la  cnnlîance,  el  si  ic  sentiment 
qu'elle  donne  était  Ir  rp  faible.  Or,  une  grâce 
de  coniiance  u'est-elle  ]ias  essentiellement 
el  par  sa  nalure,  différente  d'une  grâce  do 
crainle?  Due  grâce  f)rte  n'esl-elle  pas  aussi 
diri'érente  p:ir  elle-même  d'une  grâce  faiide? 
11  n'esl  donc  pas  vrai  que  la  congruilé  de  la 
grâce  vient  unique  uenl  ah  exirinseca,  des 
circonstances  ou  des  dispositions  dans  les- 
quelles se  trouve  la  volonté  de  l'homnic  à 
qui  elle  esl  donnée.  Il  n'esl  guère  probable 
que  Vasquez  ail  commis  celle  faute  de  logique. 
La  congruilé  liien  entendue  renfei  nie  iloiic 
essenliellemeRt  trois  clioses  :  !■  telle  nature 
dans  la  grâce,  i^  telles  disposiiions  dans  la 
volonté,  3'  la  connaissance  inl.illible  ijue 
Dieu  a  de  l'elïel  qui  s  ensuivra.  Si  on  laisse 
de  colé  l'une  de  ces  pièces  on  pèche  par  le 
principe.  —  T.ela  su|>posé,  dira-l-o'n,  qui 
empêche  les  congruisles  de  dire,  comme 
leurs  adver-aires,  (jue  la  grâce   est  efficace 


pr,r  cIle-Tnême  et  par  sa  propre  nature, 
puis(]ue  sa  congruilé  est  une  conséquence 
de  sa  nature?  C'est  que,  pnur  a  ineilrc  la 
grâce  efficace  par  elle-même,  i.l  l';nil  l'envia 
sager  comme  cause  phgnquc  de  l'action  (|ui 
s'ensuit;  et  conséquemmenl ,  selon  les  con~ 
gruisles,  il  faut  admettre  entre  la  grâce  et 
l'acliiin  une  connexion  nécessaire  ;  au  lieu 
qu'ils  ne  reconnaissent  dans  la  grâc 'qu'une 
causalité  morale,  el  n'admetlent  entre  la 
grâce  et  l'action  qu'une  connexion  contin- 
genle.  Voy.  (^iBace.  S  '••. 

Le  terme  de  grâce  congrue  est  emprunté 
de  sainl  Augnsiin,  1.1,  ad  S'.mpHciun.  q.  2, 
n°13,  où  le  saintdocleiir  dit:  Hli  rircii  gui 
coNGnUKNTEK  vocali,  eu  jus  7niserelur  (Deiis) 
sic  eum  vocal,  quomoào  scit  ei  congri  ère,  uC 
vocantem  non  respuul. 

Quelques  littérateurs,  qui  ont  voulu  parler 
de  Ibéologie  sans  y  rien  entendre,  ont  dit 
qu'il  est  difficile  d'assigner  la  dilTérence 
entre  le  système  des  congruisles  et  celui  des 
semi-pélagiens.  Celte  différence  n'esl  cepen- 
dant pas  fort  difficile  à  saisir.  Selon  les 
semi-|  élagiens,  le  consenlemenl  futur  de  la 
volonté  à  la  grâce,  consentement  que  Dieu 
prévoit,  est  le  motif  qui  le  dêlerniine  à  don- 
ner la  grâce  ;  il'où  il  s'ensuit  que  la  grâce 
n'est  pas  gratuite.  Selon  U's  congruisles,  iwx 
conlraiie,  ce  1  retendu  mulif  est  non-seuie- 
menl  faux,  mais  absurde.  \ln  effet,  en  même 
temps  que  Dieu  préviil  que  l'homme  ci>n- 
senlira  à  telle  grâce,  s'il  la  lui  donne,  il  pré- 
voit aussi  qne  l'homme  résistera  à  telle 
autre  grâce  qui  lui  serait  donnée.  Si  le  con- 
sentement, pievu  pour  la  première,  était  un 
motif  de  la  donner,  la  résistance,  prévue 
pour  la  seconde,  serait  aussi  on  moiif  de  ne 
donner  ni  l'un  ni  l'antre;  ce  qui  est  absurde. 
Donc  le  choix  (lue  Dieu  fait  de  ilonner  une 
grâce  congrue,  filulôt  qu'une  grâce  incon- 
grue, est  absolument  libre  el  graïuil  de  la 
part  de  Dieu,  c'est  un  elTet  de  bonté  pure,  et 
Àlolina  lui-même  le  suulenail  .linsi. 

Si  les  adversaires  des  congruisles  ont  sou- 
vent mal  conçu  ou  m;il  ex|)o~é  leur  système, 
ce  n'est  pas  aux  derniers  qu'il  faut  s'en  pren- 
dre, mais  pcut-élre  eux-mêmes  ne  se  sont- 
ils  pas  toujours  exprimés  avec  toute  la  pré- 
cision nécessaire. 

CONI'.KUITÉ.  Les  théologiens  admettent 
une  espèce  de  mérile  de  conqrniti,  de  con- 
gruo,  par  opposition  au  mérite  de  condignité, 
de  cnnd  qn).  Voq.  Condicnité. 

CONJÙI'.ATION,  exorcisme,  paroles  et  cé- 
rémonies par  lesquelles  on  chasse  les  dé- 
mons. Dans  l'Eglise  romaine  ,  pour  faire 
sortir  le  démon  du  corps  des  po-sédés,  l'on 
emploie  certaines  foiniules  ou  exorcismes, 
des  aspersions  d'eau  bénite ,  des  prières 
el  d(  s  cérémonies  inslituées  à  ce  dessein. 
Vog.  Exorcisme. 

Entre  co»yi()a/ion  et  sord'/c'j/'',  ou  magie, 
il  y  a  celte  différence,  que  dans  la  con- 
juraliiin  l'on  agit  au  nom  de  Dieu,  par 
des  I  rières,  par  l'invocition  des  sainls, 
pour  forcer  le  démon  à  ob  ir  ;  le  ministre 
de  l'Kglise  commande  au  démon  au  nom 
de   Dieu;  daus    le   sortilège,  au   contraire, 


1Û71  C0N 

et  'ans  la  mn^ie  ,  on  prie  le  démon  lui- 
njôii)(>;on  suppose  qu'il  .igira  en  vcrlu  d'un 
pictp  tail  avec  lui,  qu'il  s'cutemlra  avec  le 
sorcier  pour  faire  ce  que  celui-ri  désire.  — 
L'un  cl  l'auSie  sont  encore  (lilTéri'iils  des 
oiK  linnlemenls  cl  des  ma  éfices  ;  d;ins  ces 
derniers,  sans  s'ailresscr  direclinenl  an 
démon,  l'o  1  s  ipposc  qu'il  a^ira  en  veiln  de 
leli'S  pariiles,  de  lels  (-.iracières,  de  telles 
pratiiines    qni  ont  la  foret-  de  le    faire  a^iir. 

Va/.   M  -.GE  ,  l'jtCHANTF.MKNT,    etc.  [cl     C    Dic- 

tioiDiiiire  (les  Se  inces  occtille.i,  édii.  Mi^iirJ. 
CONONI  l'KS,  liércli(ines  du  vi'  siccle  qui 
siTh  aient  les  opinions  d'un  certain  Conon, 
évoque  de  Tarse  ;  ses  erreurs  sur  la  siinie 
Trinité  élai- m  h's  mêmes  que  celles  des  tri- 
lliéistcs  ou  irithéiles.  Il  disput  lit  conir<'  Jcaji 
Pliik.pnnus,  autre  sectaire,  pour  savoir  si, 
à  la  lesUirection  des  corps,  Dk'u  en  rclabli- 
rail  tout  à  la  fois  la  mat. ère  et  la  forme,  ou 
seulement  l'une  dis  deux;  Conon  soulen  lil 
que  le  cori  s  ne  pc niait  jamais  sa  forme,  (jue 
la  matière  seule  aurait  besoin  d'être  réta- 
blie :  ou  cet  heiéiquc  s'expliquait  mal,  ou 
il  enseignait  une  absurdité. 

CONsANGUi  >i  IL  ou  l'ARKNTÉ.  Voy.  Ma- 
HiAGi;. 

CONSCIENCE,  jugemeni  que  nous  portons 
uous-mêniessur  nos  obli(;alions  morales,  sur 
la  bonié  on  la  méclianccté  de  nos  aciinns, 
soit  avant  de  les  faire,  soit  après  les  avoir 
faites  Ihtns  touti's  eus  œin  tes,  dit  l'Eccle^ias- 
ti(iue,  écotdrz  roliedin  ri  .so/ye;  lut  fiilèie  ; 
c'est  ainu  que  l'on  ub-ene  lit  lointii  nde- 
menl'  <ie  Dieu  [Eci  It.  \\\n, '21).  C  est  par 
ce  sentim- m  i  iterieur  que  Unu  nuis  inli.iic 
sa  loi,  nous  fai'  connaître  nos  devoirs,  nous 
reproche  nos  fautes. 

I.oisque  nous  ne  sommes  aveuglés  par 
aucun  intérêt,  par  ai:ciini>  passion,  ordi- 
naireniLMil  notre  iurtscimce  est  droiti^; 
mais  un  vif  intérêt  ,  une  passion  vio- 
lente, des  préjuges  ou  des  h  iciludes  con- 
liacléci  de,  uis  longleiiips,  rendent  sou- 
vent la  covsciettce  enoiie  et  l.iusse.  — 
Saint  Paul  [linttt.  xiv,  2.3j  dit  :  'foui  ce  lyti 
n'e.l  jins  selon  la  fit  .sf  utij/éché.  Il  est  cla:r 
que  par  la  fui,  saint  Paui  en. end  le  juge- 
meni de  la  ((/H.scence;  qu'ainsi  iioussoinines 
obligés  de  suivi  e,  nans  nos  ,  clions.  ie  dicla- 
men  de  not.  e  cott-cience  ,  de  faire  ce  qu'elle 
nous  prescri  ,  d'èv  ter  ce  qu'elle  nous  de- 
fcnl,  mais  il  y  a  sur  ce  snjel  plusieurs  ob- 
servations à  fairi'. 

Ba)led,iiis  son  Cotntnen taire  pUUosophi- 
(jUK,  II"  p/iil.,  cil.  8,  y  et  10,  a  rassenil)  e  un 
Imn  no  éilire  de  sopliisines,  poui'  prouver  (|uc 
la  tonsiienie  erronée  cl  fansse  nmis  impose 
la  nu'iiic  oliligalion  qui»  la  fonsde/ifc  droite  ; 
()ue  no  is  devons  egaL-menl  suivre  le  juge- 
ment de  l'une  et  (le  l'antre.  Ce  princ  pe  est 
faux,  (larce  qu'il  est  trop  général;  Bajle 
lui  inèiiie  a  été  force  d'y  nietre  plus.eurs 
restriciions.  -     Après  avoir  décide  <|ue    l'o- 

Idigation  est  la  inè ,  so  t  i\\.w.  la  cutisfieiicr 

nous  troinpi!  en  matière  de  Uroil  mi  en  ma- 
tière de  lail,  il  ajonti',  pourvu  (jue  l'erreur 
soit  aiisolumenl  innocente  ei  ne  vienne 
d'aucune  pas'ion    ci  imincile.  (Jiiand  on    lui 


CON  Î072 

objectequ'il  s'ensuivrait, deson  principe;  que 
les  magisirals  ne  peuvent  1  giliniemenl  punir 
un  inairiitenr  qui  a  jigé  qu'il  lui  était  per- 
mis de  voler  ou  d(î  commettre  nnmenrire 
d  ins  telle  on  le  le  oceas  on,  ni  un  alliée  qui 
dogni  ilisc,  ni  un  insensé  ()ni  i  n>eignerail 
que  la  pro-lilntion,  l'adultère,  ne  sont  pas 
des  C!  inies,  dès  qu'il  si'  l'est  persuadé  ;  B  ijle 
lépond  (jue  ces  conséquences  soiii  fausses,  1° 
jiarce  qu'il  ne  peut  point  y  avoir  d'erreur 
innocenle  sur  des  points  de  morale  aussi 
clairs  que  ceux-là  ;  2°  parce  que,  si  un  nial- 
faiieur  a  négligé  de  s'instruire  tie  ce  que 
l'on  doit  faire  ou  éviter,  il  sera  punissable 
pour  avoir  suivi  une  fausse  conscience  ;  3* 
parce  que  les  magistrats  sont  obligés  de  pu- 
nir oui  mall'aiteur  (jui  trouble  la  soc  clé, 
sans  s'embarr.isser  de  savoir  si  sa  con- 
science a  été  vraie  ou  fausse,  ilroiie  ou  erro- 
née. —  De  même,  après  avoir  dit  que,  quand 
Dieu  nous  ordonne  lie  suivre  la  vérile,  cela 
doit  s'entendrede  ce  qui  nous  parait  vrai,  de 
la  vérileappar'  nie  et  putaMve,  aussi  bien  que 
de  la  vérité  absolue,  il  ajoute,  pourvu  toutefois 
que  i<in  ait  apporte  toute  li  diligence  néces- 
saire pour  ne  s'y  tromper  pas,  et  sauf  à  voir 
quelle  est  la  cause  qui  lait  que  le  mensonge 
parait  quelquefois  la  vérité.  — Enfin ,  a[irés 
s'éire  objecté  que  si  son  pi  incipe  général  est 
vrai,  il  excuse  les  peiséculeurs  qui  suivent 
les  mouvements  de  leur  co/iscie/ice;  il  con- 
vienl  d'abord  de  celte  conséquence,  ensuite 
il  la  reiracie,  en  disant  qu'il  ne  s'ensuit  pas 
que  l'on  fasse  sans  crime  ce  que  l'on  fait 
selon  sa  c«/i.science  ;  qu'un  droit  peut  être 
mal  acquis,  et  que  l'on  peut  en  abuser  en  le 
poussant  a  l'excès.  Il  n'est  pas  pnssiblrde  se 
contredire  d'une  manière  plus  frappante. 

Bariievr.ic,  qui  a  ié|ielé  la  plupart  des  so— 
pbisinesde  Bayle  [Morale  îles  Pères,  ch.  12, 
S  55} ,  a  pousse  i'entetemenl  encore  plus 
loin  :  «  (Jiie  l'erreur  d'un  liomine,  dit-il,  soit 
vincible  ou  invincible,  il  aurait  toujours 
peclie  en  ne  la  suivant  pas,  lant  qu'il  en  sé- 
rail prévenu.  »  SnivanI  celle  décision,  voilà 
tous  les  malfaiteurs  dont  iious  venons  de 
parler  plcinemenl  justifies,  etc'eslaiiisi  que 
liarbeyrac  corrige  les  erreurs  de  la  morale 
des  Pères  de  l'Iij^lise.  —  Il  est  évident,  par 
les  aveux  d('  Biyle  lui-même,  que  pour 
qu'une  f  lusse  co/isciencc  nous  excusedevant 
IJieu,  il  faul,  1'  que  noiis  n'avons  rien  né- 
gligé pour  nous  instruire,  et  que  l'erreur 
ilaiis  laquelle  nous  sommes  soit  invincible; 
2' que  celle  erreur  ne  vienne  d'aucun  motif 
blûmable,  d'aucune  p.iss.on  criminelle,  d'au- 
cun préjugé  opiniâtre  ;  3' que.  quant  à  ce  qui 
reg.iide  le»  huinines,  loui  crime  qui  troutile 
la  sociele  est  digne  de  cbàiiinent  et  doit  éire 
puni,  quelle  qu'ail  ée  la  conscience  de  celui 
(|ui  l'a  commis  de  propos  délibéré. 

Ce  qu  il  y  a  de  remar.|uable,  cest  que  ces 
deux  aateurs  ont  voulu  laire  usage  de 
leur  princ.i|ie  pour  piouvcrque  les  beréti- 
(|ues  ont  didit  de  suivr.;  el  île  professer 
leurs  eiieui.s,  dès  iju'elles  leur  |i.irais-enl 
élre  la  vérité  ;  que  l'on  peclie  contre  la  justice 
i|u/ind  un  eiiipl  >ie  la  lorce  pour  les  répri- 
mer; que  vouloir  les   faire  cliaugcr  do  rcli- 


1073 


COiN 


CON 


107i 


g'on,  c'est  les  forcer  d'.igir  contre  leur  con- 
scirnce,  leur  ôlfr  loiii  r  spi'ct  pour  la  vériio 
el  la  vertu,  les  prt  cipiter  dans  li-  pyri  Imiiisuie 
en  liiit  (le  murale,  (l;iu>  l'alliéisuie  c'  dans  le 
lilieriluaue,  eic. —  Mas,  selon  les  réfli'xions 
évidentes  (|ue  nous  \cnons  d.'  faire,  avant  de 
décider  que  les  héréliqncs  peuvent  et  doi- 
vent ,  en  ion/>cience ,  prole^ser  leurs  opi- 
nions, el  «lue  l'on  a  lort  de  les  réner,  il  faut 
couiinenccr  par  prouver  que  leur  erreur  est 
iuvolonlaire  et  invlneilile,  qu'ils  n'ont  rien 
négligé  pour  s'instruire,  rpi'ils  ont  clierriié 
la  vente  de  b mne  foi,  ((u'ils  nom  été  pous- 
sés par  aucune  passion,  ni  [)<'ir  aucun  moiif 
suspect.  Il  faut  démontrer  (pie,  dans  leur 
doeliine,  il  n'y  a  rien  (|ui  puisse  iuijuié'er  le 
gouvernement,  et  dans  leur  conduite,  rien  de 
contraire  au  repus  el  au  hou  ordre  de  la  so- 
ciété. Il  faut  être  assuré  qu'ils  ne  porleroul 
pas  trop  loin  leurs  prétentions,  qu'ils  n'abu- 
seront point  de  la  tolérance  qu'on  leur  ac- 
cordera, qu'ils  l'observeront  eux-mêmes  à 
l'égard  des  aulres.  Si  (|uelqu'nue  de  ces 
conditions  manque,  toutes  les  belles  disser- 
laliuns  faites  en  faveur  des  bér.  liiiues  por- 
tent à  faux,  el  ne  sont  que  du  verbiage. — 
Il  n'est  pas  vrai  qu'eu  les  forçant  à  se  lais- 
ser instruire,  on  les  oblige  d'agir  eontre  leur 
cnnscience;  ou  les  contraint  seulement  à  l'é- 
clairer el  à  la  réformer  ;  le  refus  qu'ils  en 
font  n'est  pas  délicaiese  de  conscience,  mais 
opiniâtreté  pure  :  ce  qui  le  démontre,  c'est 
qu  is  ne  so:il  pas  scrupuleux  suries  moyens 
d'ecarlrr  l'iustrurtion  el  de  se  débarrasser 
des  niissuinuaires.  On  ne  les  obiigi!  donc 
point  à  fouler  au\  pieils  la  vérité  et  la  v^rtu, 
niaisàcbercber  la  vérité  elà  res|iecter  la  ver- 
tu. Il  esl  singulier. jiie  les  liéietii|ues  el  leurs 
apol'  g!St(S  ne  coniia  sseiit  p  int  de  plus 
grand((  vertu  que  I  ob-tio.ition  malicieuse. 
Comme,  dans  luute  cette  d  scussinn,  il  esl 
priiicipaleoient  question  des  calvinistes, 
nous  Verrons  en  sou  I  eu  de  que  le  maniera 
ils  oui  formé  leur  consfimce.  \  ar  quels  mti- 
lifs  ils  oui  e  i  brassé  ce  qu'ils  nuiinnent  la 
ré.  iir,  de  quels  moyens  ils  si'  soni  servis  pour 
la  pro|iager,  le  cas  qu'ils  ont  tait  des  in- 
sliuclioiis  et  des  voies  de  douceur,  comment 
ils  ont  oli-erve  la  tolérance  qu'ils  exigeaient 
pour  c  .X.  etc. 

lieux  de  n;is  incrédules  nn)'iernes,  qui  ont 
Voulu  fuger  une  murale  indépendante  de 
toute  iiolion  de  Dieu,  ont  aussi  raisonné  sur 
la  con-'cience  il  leur  m.inièie.  «  La  conscience, 
dil  l'un  demie  eux,  esl  d.ms  l'Iiomme  la 
coni  aissance  des  elïels  (|iie  S'S  actions  pio- 
duiroiil  sur  les  aiities.  l'ourle  ^Uiiersli.ie'ix 
(e'esl-à-dire  pour  (  eliii  qui  cr.)il  un  Dieu), 
c'est  II  connaiss.ince  qu'il  crct  avoir  des 
elïels  que  se^  actions  produiront  sur  la  Divi- 
nité :  oi.ii>  comme  il  n'aq.ie  Ue»  idei-s  r.iiis- 
se«,  sa  niriscimcc  erronci'  lui  permet  sou- 
veni  (le  l.i  re  le  mal,  d'être  intolérant,  jier- 
sécuteur,  cruel,  turtiulent,  insoeialiie.  La 
conscience  ne  nous  leproclie,  pour  l'ordi- 
naire, jne  les  choses  que  nous  voyons  dcs- 
iipjjrouvees  par  nos  sembl.ihles;  nous  n'e- 
piuuvons  de  la  honte  et.  des  rewiorJs  que 
pour  les  aclioas  que  nous   croyons  devoir 


paraître  ridicules,  méprisables  ou  punissa- 
bles aux  yeux  des  hommes Quand  l'opi- 
nion puliliqiip  osi  viciée,  nous  finissoiis  par 
tirrr  iiloire  du  vice  el  de  i'inl'amie  ;  les  hom- 
mes craignent  pins  les  yeux  de  liurs  >eiu- 
hlaliles  que  les  ngards  de  la  l)ivini:é.  » 
(Si/sièin''  suria',  T'  part.,  cliap.   13.) 

De  cette  belle  théorie,  il  s'ensuit,  1'  que  la 
fOji,sc/e(ife  il'un  alliée  n'a  point  d'autre  ré;;le 
que  le  jugement  des  autres  hommes;  (|uè 
quand  nu  vice  quelconque  cesse  d'être  hlàmé 
el  puni,  i|  le  commet  >ans  boute  et  s  :ns  re- 
mords. Où  sont  ilonc  b  s  prétendues  notions 
de  bien  el  de  mal  moral,  de  »ice  et  d<'  verlu, 
que  qneUlues  spéculateurs  on!  soutenu  être 
immiiahles,  inde|)pnilaiiies  de  toute  loi  dinne 
el  humaine?  -l"  One  quand  nu  athée  ose 
prolésser  sa  doctrine,  il  est  as>uiê  <|u'elle 
ne  paraîtra  ni  blâmable,  ni  punissable  aux 
yeux  des  bonimes;  aulrenienl  c'est  nu  for^ 
cené  qui  agit  contre  sa  conscience.  3'  Qiie, 
dans  le  secret,  et  loin  des  mmix  des  liouimrs, 
un  a. bée  peut  en  conscience  coiiimellre  tel 
crime  qu'il  lui  plaiia.  V°  L'auteur  c^nlredit 
sa  propredoctrii.e,  par  i'exen)plede  tous  ceux 
qu'il  nomme  supeisiilieus.  puisqu'ils  crai- 
gnent plu>  les  yi'iix  de  la  Diviniié  que  ceux 
des  iiommes,  Comlden  d'hommes  ne  peut-on 
pas  citer  d'ailleurs  qui  oui  mieux  aimé  souf- 
frir le  mépris,  l'ignominie,  bs  lourments  et 
la  mort,  (|ue  de  faire  une  aeli  n  contraire  i 
la  ioi  de  Dieu  el  à  leur  c mscience?  Ils  ne 
faisaient  donc  aucun  c.is  du  jugement  des 
hommes,  ils  le  brav  iieiii  |)our  suivre  le  j  ige- 
meni  de  leur  conscience,  a't^ombien  de  tois  les 
mallaiieurs  eux  niémi's  ne  sont-ils  p  cs  con- 
venus qu'ils  résisiaient  à  la  voix  de  leur  con- 
science, en  i-ommeil.int  des  crimes  pour  les- 
quels ils  savaient  bien  qu'ils  n'a vaieul  ri"i!à 
redouter  de  la  paît  de>  ho  mies?  G"  Au  milieu 
iiiêii  e  des  mœuis  les  plus  conompu  s,  (|ue 
l'on  dem.inde  a  un  homme  si  telle  acii m,  qu'il 
s'est  peut-être  permise  plus  d'une  fois,  est 
bonne  ou  mauvaise,  il  (iecnlera  sans  hésiter 
que  c'esl  un  crloie;il  eondamuora  ainsi  tout 
à  la  f.is  et  le  jugement  d-^  ses  sembl  ibles,  el 
sa  propre  conduite.  Il  \  .idone  une  ..utre  régie 
de  conscii-nc  que  le  jiigeinenl  des  hommes, 
et  nous  soûl'  nous  que  c'esl  la  loi  de  Dieu 
qu'il  a  lui-  même  gr.ivée  dans  tous  les  cœurs, 
m, lis  qui  est  souvent  c)bseureie  par  la  stupi- 
dité, pas  les  passions,  |iar  une  mauvaise 
éiluealioii,  par  la  corrujit.on  des  mœurs  pu- 
bliques. 

Les  remorits  de  la  conscience  sont  une 
grâce  que  Di'  u  fait  au  pécheur  pour  l'exciter 
a  la  peniieace.  Le  premier  hoiume  en  lit 
l'expérience  iiumédialemenl  aprèsson  péché: 
il  s'aperçut  de  sa  nudité,  se  caeiia,  n'osa  ji  us 
paraître  aux  yenx  de  son  cré.ileur.  Dieu  dil 
à  t'.aïii,  lorsqu'il  medilaii  un  crime  :  Si  lu 
fais  bien,  n'en  recei  rus-lu  jias  le  S'.lmre?  Si  lu 
fais  mal  y  Ion  /  éc  é  s'élèvera  conlie  toi  {Gen. 
IV,  7),  David  dit  en  gémissant  :  L(i  vu-  de 
mes  })écltès  ne  me  Imsse  point  de  rejios  [Ps. 
xsxv:i,  i).Uii  malS'.iileur,  (]ui  scr.n  l  parvenu 
à  ne  plus  sentir  de  remoids,  serait  uu  moas- 
tre  leuoutaiiie. 

Co>sciE>cE  (Liberté  de).  On  a  élrangeaieot 


1075 


CON 


CON 


1076 


abusé  de  ce  terme  dans  le  siècle  passé  et  dan's 
celui-ci.  Si  ceux  qui  la  rcclam.nitMit  n'avaient 
demandé  que  la  liberté  do.roire  ou  de  ne  pas 
croire  ce  qu'ils  jugiaicnl  à  propos,  celle  de- 
ruaniie  aurail  cléaburde;  per-onne,  dans 
ce  sens,  ne  peni  forcer  la  cin> science  d"un 
autre.  Mais^  sous  le  nom  de  liheric  de  von- 
scietue,  les  proii  slanis  voulaienl  la  liberléde 
professer  publiquinient ,  el  ù'cxcrcer  avçc 
tout  l'écl.it  possib'e  une  religion  dilïéreiiie 
de  la  religion  dominante,  de  s'en:parer  des 
églises,  d'en  bnnuir  les  calholi()ncs,  de  cbas- 
serel  d'exterminer  les  prêtres;  c'est  ce  qu'ils 
ont  fait  dans  tous  les  lieux  où  ils  ont  été  les 
niaîlres.  Aujourd'hui  les  incrédules,  en  prê- 
chant la  lolérance,  en  soutenant  que  l'on  !ie 
doit  forcer  la  conscience  de  personne,  pré- 
tendent ()ii'il  leur  est  permis  de  réclamer  et 
d'écrire  c<mlre  la  religion,  d'insulter  impu- 
nément ceux  qui  sont  charj^és  de  l'ensei- 
gner; c'est  ce  qu'ils  ont  l'ail  dans  tous  leurs 
livres. 

Pour  fortifier  leurs  prclentiors,  ils  ont  fait 
cause  commune  avec  les  proleslants,  ils  oui 
renouvelé  leurs  plaintes  et  leurs  anciennes 
calomnies.  Pourquoi  ne  pas  appeler  encore 
à  leur  secours  les  juifs,  les  tores  et  les  p'a'r'ens? 
Ceux-ci,  sans  diute,  ont  aussi  une  conscience, 
par  conséquent  le  droit  incontestable  de 
venir  prêcher  et  professer  leur  religion  parmi 
nous.  —  Lorsque  les,  premiers  chrétiens  de- 
niandaienl  aux  empereurs  pa'i'ens  la  liberté 
rfe  conscie/îc.,  ils  étaient  plus  modestes  ;  ils 
demandai 'ni  de  ne  pas  être  traînes  aux  pieds 
des  autels  pour  offrir  de  l'encens  aux  idoles, 
de  ne  pas  être  envoyés  au  supplice  pour  le 
nom  seuldec/<''p'f!«'»'S.Onpeut  s'en  convaincre 
par  les /l/;o/"fyîfs  de  saint  Justin  etdeTerlul- 
lien.  Ce  dernier  dit  que  c'est  une  impiété  de 
cnnlraindre  la  religion  et  de  lorcer  un  homme 
d'adorer  un  dieu  qu'il  ne  veut  pas  {Apolo(/., 
c.  24).  Nous  ne  voyons  pas  quel  avantage  l'on 
peut  tirer  de  là  en  faveur  de  la  préleulioa 
des  pri)leslanls  et  des  incrédules.  —  Les  pre- 
miers chrétiens,  livrés  aux  supplicesdès  leur 
naissance,  n'ont  point  pris  les  armes  pour 
obtenir  par  force  la  liberté  de  consciii.ce;  ils 
ne  soal  entrés  dans  aucune  des  coujur. liions 
formées  contre  la  vie  ou  contre  l'auiorilé  des 
empereurs;  ils  n'ont  poini  tinté  de  se  saisir 
de  leur  pcr>onne,  afin  de  leur  donner  des 
chrétiens  pour  ruinistres  et  pour  conseillers. 
Ils  n'ont  point  mis  à  leur  tête  des  grands  de 
l'empire,  ambitieux  cl  mécontents;  ils  n'ont 
poii\i  cherctié  à  se  procurer  de  l'influence 
dans  les  affaires  de  politique  el  de  gouverne- 
nient;  ils  n'ont  poinl  public  d'écrits  sédi- 
tieux contre  le  prince  ni  contre  les  magis- 
trats; ils  auraient  pu  cependant  alléguer 
d'aussi  fortes  raisons,  pour  le  moins,  que  les 
calvinistes. 

Lorsque  Constantin  el  Licinius,  tous  deux 
païens,  eurent  donné  un  édil  de  lolérance, 
les  chrétiens  ne  s'avisèrent  poinl  de  deman- 
der des  villes  de  sùretr,  ni  de  s'en  emparer 
poui-  y  mettre  garnison  dr  soldats  chreti(  us, 
ni  des  cli..iiibrcs  mipaities  dans  les  liiliii- 
naux  ;  jamais  >is  n'ont  eu  Tins  dencede  traiter 
avccl,eur  souverain   curui^c  d'égal   à  égal; 


jamais  ils  u'ont  adressé  aux  empereurs  ni 
aux  magistrats  des  méinoires  menaçants,  des 
plain'es  contre  les  atius  du  gouvernement, 
des  insultes  conlre  l'ancieiine  religion,  afiu 
d'en  faire  défendre  l'exercire.  —  Devenus 
les  maîtres  parla  conversion  des  em|iereurs, 
ils  n'ont  pas  pillé,  démoli,  brûlé  les  temples 
des  pa'iens,  de  leur  propre  autorité;  .i  peine 
peut-on  en  citer  un  ou  deux  exemples  ;  ils 
n'ont  poinl  massacre  les  prétrps  des  idoles, 
forcé  les  pa'iens  à  fréquenter  les  assemblées 
chrétiennes  el  à  se  faire  baptiser.  Ils  ne  les 
ont  poinl  chassés  des  villes,  ni  dépouillés  de 
leurs  biens;  ils  ne  se  sont  pas  emparés  par 
violence  des  fonds  ni  des  édilices  qui  avaient 
appartenu  aux  idolâtres.  —  Julien,  après 
avoir  renoncé  au  christianisme,  rendit  de 
nouveau  le  paganisme  dominant;  cependant 
les  chrélieus  ne  lui  présentèrent  pas  des 
mémoires  dans  le  style  de  ceux  que  les 
calvinistes  adrcsscrenï  à  Henri  IV,  après  sa 
conversion  ;  ils  ne  cherchèrent  point  à  l'in- 
timidei- par  des  menaces;  ils  ne  tentèrent 
poinl  de  s'allier  avec  des  princes  étrangers  ; 
ils  n'introduisirent  point  detroupes  ennemies 
dans  l'empire:  ils  ne  s'emparèrent  point  des 
revenus  du  fisc  pour  les  soudoyer.  Ils  ne 
livrèrent  aux  Perses  aucune  des  places  fron- 
tières, ils  ne  formèrent  point  le  projet  d'éta- 
blir une  république  dans  le  sein  de  la  mo- 
narchie; les  soldats  chrétiens  continuèrent  à 
servir  dans  les  armées  romaines  avec  autant 
de  fidélité  qu'auparavant.  Aucun  décret  des 
conciles  n'a  jamais  enjoint  ni  permis  aux 
chrétiens  d'avoir  recours  à  la  force  et  aux 
voies  de  fait,  sous  prétexte  de  se  faire  rendre 
justice;  aussi,  n'unl-ils  jamais  eu  besoin 
d'édits  d'aboli  ion,  d'amnistie,  ni  de  pardon 
de  leurs  révolies  passées.  —  Il  en  fut  de 
même,  lorsque  (jueiques  empereurs  se  dé- 
clarèrent prolec'eurs  de  l'arianisme.  Plu- 
sieursévéques  catholiques  furent  dépossédés, 
exilés,  emiirisonnés,  lournienlés,  mais  aucun 
ne  prêcha  la  révolte  à  ses  ouailles;  plusieurs 
refusèrent  de  livrer  de  gré  à  gré  des  églises 
aux  ariens,  mais  ils  ne  formèrent  aucun 
attentat  contre  l'aiilorité  civile.  Les  penples 
ne  furent  pas  moins  soumis  aux  nouveaux 
conquérants  barbares,  qu'il  ne  l'avaient  été 
à  leurs  anciens  maîtres.  Dans  les  siècles  sui- 
vants, les  missionnaires,  qui  sont  allés  prê- 
cher le  christianisme  chez  les  infidèles,  l'ont 
établi  [lar  l'instruction,  (lar  la  persuasion, 
par  l'ascendant  de  leurs  vertus,  el  non  par 
la  violence;  les  proleslants  ont  fait  de  vains 
efforts  pour  noircii'  le  zèle  et  les  travaux  de 
ces  hommes  apostoliques. 

Les  excès  contraires  des  calvinistes  sout 
consignés  nou-seuleiiieut  dans  notre  histoire, 
mais  dans  les  fastes  des  nations  qui  nous  en- 
vironnent ;  ils  ont  été  les  mêmes  en  France, 
111  Suisse,  en  llollamle,  en  Angleterre  et  en 
r.cosse.  Nulli!  part  ils  ne  se  sont  établis  sans 
répandre  du  sang;  c'était  l'esprit  du  fonda- 
teur de  leur  sede  ;  tous  les  crimes  qu'ils  se 
sont  permis  ont  été  justifiés  et  consacrés  par 
les  décrets  de  leurs  synodes  el  par  les  écrits 
de  leuis  tlieoloiiiens 
GON^iiCKATlON  ,  action  par  laquelle  ou 


1077  CON 

destine  au  culte  de  Dieu  une  chose  commune 
ou  profane,  par  des  prières  ,  des  cérémonie», 
des  bénédictions.  C'est  lo  conlr.iirc  du  sacri- 
léfje  et  de  la  profanation,  i]iii  consiste  à  em- 
ployer à  des  usaui'S  profanes  une  chose  qui 
était  consacrée  au  cul'e  de  Dieu. 

La  coutume  de  consacrer  à  Dieu  les  liom- 
nies  destinés  à  son  service  ,  les  lieux  ,  les 
vases,  les  instruments  qui  doivent  servir  à 
son  culte,  est  de  la  plus  haute  antiquité. 
Dieu  l'avait  ordonné  daiis  l'ancienne  loi ,  et 
en  avait  prescrit  les. cépémonies.  —  Dans  la 
loi  nouvelle,  lorsque  ces  consécrdlions  reg.ir- 
denl  les  hommes  et  se  foui  par  un  sacre- 
ment, on  les  appelle  ordinal  ions  :  mais  on 
nomme  sacre,  lorilin.ilion  des  évèques  et 
l'onction  des  rois.  Quand  elles  se  fonl  'cnle- 
ment  par  une  cérémonie  insitnée  p.irl'Esjlise, 
ce  sont  des  bénédictions;  la  conaccraiion  des 
temples  et  des  aolels  est  appelée  dédicace  ; 
celle-ci  est  la  plus  soIcTinclle  et  la  plus  lon- 
gue des  cérémonies  ecclésiastiques  :  nous  en 
parlerons  au  n  ot  lir.LisE 

Un  incrédule  anglais  ,  qui  a  f.iit  un  livre 
d'invectives  contie  le  clergé  ,  a  tourné  en 
ridicule  les  consécratinns:  qui  se  font  dans 
l'Ejjlise  romaine;  il  les  regarde  coiiime  des 
superstitions ,  des  impostures,  des  fraudes 
pieuses  du  clergé  catholique.  Il  demande  qui 
a  chargé  les  prêtres  de  laiie  toutes  ces  belles 
choses;  s'il  y  a  dans  le  nouveau  Test.iment 
un  seul  pas^ai;e  qui  nous  apprenne  qu'un 
cire  inanimé  ou  un  lieu  est  plus  saint  qu'un 
autre,  qu'un  hom(ne  peut  le  rendre  sacré  ou 
lui  communiquer  un«  sainteté  qu'il  n'a  pas 
lui-même.  —  Nous  n'auions  pas  beaucoup 
de  (leine  à  le  satisfaire.  Indepeudumment  des 
passages  de  l'ancien  Testiiment ,  dins  les- 
quels Dieu  avait  ordonné  de  eonsacierpar 
des  cérémonies  le  tabernacle,  les  autels,  les 
vases  destinés  à  son  culte,  les  prêtres  même, 
leurs  mains  et  leurs  habits  ,  et  de  ceux  où 
toutes  ces  choses  sont  appelées  saintes,  sa- 
crées, sanctuaire, elc,  le  nouveau  'l'eslamcnt 
nous  en  fournit  assez  d'autre*.  Dans  saint 
Matthieu,  chap.  vu,  v.  (î,  Jésus-Christ  dit: lYe 
donnez  point  les  choses  saintes  aux  chiens,  il 
est  question  là  de  choses  inanimées.  Chap. 
XXIII, V.  17, il  demande  aux  pharisiens  lcqu<'l 
est  le  plus  grand  ,  l'or  oITert  dans  le  tenipl  -, 
ou  le  temple  qui  siindiji".  l'or;  le  don  placé 
sur  l'autel  ,  au  l'autel  qui  sanctifie  le  don. 
Les  pharisiens  auraient  donc  pu  demander  à 
leur  lonr,  comme  l'auteur  anglais,  de  quelle 
sainteté  étaient  susceptibles  l'or  et  les  offian- 
des  présentés  dans  le  temple.  Dans  ce  même 
Evangile,  chap.  xsvii,  v.  53,  dans  l'Apoca- 
lypse aussi  bien  t|ue  dans  les  livres  de  l'an- 
cien Testament  ,  Jérusalem  est  appelée  la 
cité  sainte.  Saint  Pierre  (//  Epist.,  i,  1.3)  , 
parlant  de  la  montagne  sur  laquelle  arriva 
la  Iransfiguratiovi  du  Sauveur,  la  nomme  la 
montagne  sainte.  —  Saint  Paul  {1  Tim.  iv,  V) 
dit  que  les  aliments  des  fidèles  sont  sanctifiés 
par  la  parole  de  Dieu  et  par  la  prière.  H 
appelle  les  chrétiens  en  général  les  saints, 
non-Seulement  il  cause  (ie  leurs  verdis,  loais 
à  cause  de  leur  cnnsécration  faite  à  Dieu  par 
le  baptême  ;  il  les  avertit  que  leurs  corps 


CON 


1078 


même  et  leurs  membres  sont  les  temples  du 

Saint-Kspril  (/  Cor.  vi,  19). 

Nous  n'avons  pas  besoin  des  leçons 'du 
criti(ine  anglais  pour  savoir  que  saint,  sacré, 
sanctifié,  etc.,  sont  des  termes  équlvonues. 
Dieu  est  saint,  p.irce  qu'il  défend  et  punit 
toute  espèce  de  mauvaise  action,  qu'il  com- 
mnile  et  récompense  tout  acte  de  vertu, 
qu'il  exige  un  culte  pur,  sincère  ,  exempt 
d'indécence  ,  de  siipersli  ion  et  d'hypocrise. 
In  homme  est  saint,  vion-senlemeni  lorsqu'il 
aime  Dieu  et  pratique  la  vertu  conslam- 
uient,  mais  encore  lorsqu'il  est  dévoué,  con- 
sacré, destiné  parliculièremeut  an  culte  de 
Dieu.  C'est  dans  ce  sens  <iu'il  est  dit  :  Toitt 
en'ant  mâle  premier-né  sera  consacré  au 
Seigneur.  l'A  celte  expression  est  .ippliquée  à 
Jésus-Christ  lui-iuênic  (Luc.  ii,  23i.  Lors- 
qu'il dit  à  son  Père,  en  p^irlant  de  ses  disci- 
ples {Jonn.  xv-i  ,  10)  :  Je  me  sanctifie  pour 
eux  ,  afin  qu'ih  soient  aussi  sanctifiés  en 
vériié.  cela  signifii'  éviilemment  :  Je  me  dé- 
voue pour  eux  à  votre  cu'te  et  à  votre  ser- 
vice, afin  qu'eux  mêmes  s'y  dévouent  et  s'y 
desliueiit  aussi  sincèrement;  il  est  clair  que 
Je  us-Christ  ,  saint  f)ar  essence  ,  ne  pouvait 
acquérir  une  nouvelle  sainteté  intérieure. 

Uans  le  même  sens  ,  une  chose  inanimée 
est  sainte  et  sacrée,  c'est-à-dire  ,  destinée  au 
culte  de  Dieu  ;  dès  ce  moment  elle  est  res- 
pectable, et  ne  doit  plus  être  employée  à  des 
usages  profanes.  L'action  par  laquelle  elle 
est  ainsi  deslinée,  dévouée  et,  pour  ainsi  dire, 
mise  à  part,  est  nommée  consécration,  béné- 
diction, S'inclificalion,  selon  ie  style  même 
de  l'Kcriturc  s^iinte  :  où  est  l'inconvénient? 
Dans  l'ori-ine,  et  selon  l'étymologie  du  ter- 
me, consécration  ne  signiQe  rien  autre  chose 
que  choix,  destination,  séparation  d'avec  les 
choses  communes  ;  au  contraire  ,  dans  les 
Actes,  chap.  X,  V.  H,  commun  est  la  n)ême 
chose  qu'(/?ipiir;  et  dans  saint  Marc  ,  chap. 
VII,  V.  l.'i,  eo»imi«nîC(ire,  rendre  commun, 
signifie  souiller.  Il  est  triste  que  nous  soyons 
réduits  à  faire  aux  prolestants  et  aux  incré- 
dules des  leçons  de  grammaire.  Voy.  Saint. 

Il  n'est  donc  pas  vrai  que,  par  des  consé~ 
crations,  les  prêtres  prétendent  changer  l'es- 
sence des  choses  ,  leur  communi(]uer  une 
vertu  divine  ,  y  fiiirc  descendre  qui'lqu'une 
des  qualités  du  Très-Haut,  comme  lo  censeur 
anglais  les  en  accuse  ;  cette  absurdité  n'a  pu 
entrer  que  d;ins  la  tête  de  nos  incrédules. 
!\lais  les  prêtres  soutiennent  que,  dès  qu'une 
chose  quelconque  est  consacrée  au  culte  de 
Dieu,  on  doit  la  respecter,  ne  plus  la  regar- 
der comme  une  chose  profane,  ne  plus  l'em- 
ployer à  des  usages  vils  et  communs  ,  parce 
que  celte  marque  de  mépris  si'rail  censée 
retomber  sur  Dieu  lui-même.  11  n'est  pas 
vrai  non  plus  que  ce  soit  là  un  u^age  futile 
et  superstitieux  ,  puisque  Dieu  l'a  ainsi  or- 
donné dès  le  commencement  du  monde.  Une 
cérémonie  sensible  ,  une  consécration  publi- 
que est  nécessaire,  afin  d'inspirer  aux  hom- 
mes du  respect  pour  ce  qui  fCi  l  au  cu'.te  de 
D  eu,  et  afin  île  frapper  leur  esprit  du  souve- 
nir de  la  présence  de  Dieu.  —  Il  est  encore 
faux  que  uotre  culte  soit  aussi  agréable  à 


1079                                 CON  CON                                  1080 

Dieu  dans  un  lieu  que  dans  un  autre.  Uien  une  prière  ,   par    laquelle   il   le  supplie  de 

avail  ciiaininn  lé  à  Moïse  de    lui   ronslruire  clianger  le  pain  ri  le  vin  au  crps  et  au  sang 

un  tabi'tnacle  ou  une  îeiili",  cl  à  Sril  'mou,  de  de  Je  u<-Chiist.  D.ins  la   iilcirj;ii-  «rccquc  et 

lui  bilfir  un  teMi|ile;  l<>nf.'(iMnps  auparavant  ,  dau<    les   .mires  liturgies  ori.  iitales  ,   outre 

Jac 'b  avait  cunsa  ré  la  pierre  sur  la(iuelle  il  ceUe  première  prière  ,  il  y  en  a  une  seconde 

avail  eu    une  vision  ni\siérieuse  ,  el  l'avait  qui  se   fail  eu  mêmes  termes  ,  apiès  que  le 

appelée  la  maison  de  Dieu  ;  c'est  là  qu'il  éleva  prélre  a  prnnoncé  les  paroles  de  Jésus-Cliiist. 

un  aulel   par  oriire  de  Dieu   même,  et  qu'il  C'esl  celle  dernière   (jue  les  Cirecs  nonuiient 

oiïril  un  sai  rifice  {(irn.  xxviii,  16;  xxxv,  1).  \'iiivocniioii  du  Saint-lîsprit  ;  (juelques- uns 

Déjà  ce  lieu  aviitéié  consacié  par  Abrahau),  la  cio  eni  cssent  elle  à  la  coiiséctalion.  D'où 

chap.  XH  ,  V.  7;  il  fel  consiammeiit  nommé  plusieurs  Ihèologieiis  ont  conclu  que,  selon 

Bélhel.  mais  n  de  Pieu,  et  fut  respe  té  dans  les  'jrecs  ,  la  coiisccialion  ne  se  f.iit  pas  par 

loule  la  suite  des  siècles,  jusfju'à  ce  qu'il  fut  les  paroles  de  Jésus-r.brist  ;  senliinent  qu'ils 

profané   par  Jéroboim  (///   /?p(/.   xi;  ,   29).  ont  taxé  d'erreur  — Pour  jusiiSer  les  Grecs, 

Lors(iue  le  tem|iie  fut  l'âli  ,  <léilié  ou  consa-  le  P.  Lebrun  ,  après  l'abbé  Kenaudot  ,  avail 

cré.  Dieu  dit   à  S.ilouion  ;  J'ai  e.rimcn  votre  fait  un  ouvraçje  ()our  prouver  que   la  cunsé- 

priere,   j'ai  smctifé  celle  waisun,   ms   yeux  cra'.ion  se  fail  nou-sculiment  par  les  paroles 

el  mon  cœur  ij  seront  pour  toujours  (111  Reg.  de  Jé«^us-('.brist,  mais  more  par  Vinvocution 

IX,  3).  {Expliention  de  la  messe,  loni.  V,  p.  212  et 

Diea  ,  sans  douie,  est  présent  parloui ,  en  suiv.).  Bini<lKim,  lhéo!ogien  an'^lican,  avait 
tout  lieu  il  entend  nos  prières  el  a^rée  noire  clé  de  même  avis  [Orig.  ecclés.,  I.  xv,  c.  3  , 
culte.  Inrsque  nous  l'adorons  en  esprit  et  en  §  12).  Le  P.  Bougeant,  jésuile,  soulienl,  con- 
vérité  {Jodii.  IV.  23).  Mais  de  tout  temps  il  a  tre  le  P.  Lebrun,  qu'elle  se  fait  par  les  seules 
voulu  (ju'il  y  eût  des  lieux  consacré:!  spéeia-  paroles  de  Jésus-Cbrisi.  Un  troisième  lliéo- 
lemeul  à  sou  culte  ,  dans  lesqoels  ses  adora-  iop;ien  a  fait,  dins  une  disseriation  iutpiimée 
tcurs  se  rassemblassent  ,  pour  lui  rendre  à  Troyes  en  1733,  le  résumé  de  la  dispute,  et 
leurs  boHimages  cl  lui  adresser  leurs  prières  a  conclu  par  ado[)(er  l'opinion  du  P.  Bou- 
en  commun  ,  comme  des  enfants  se  rassem-  géant.  Il  observe  qu'avant  le  xiv  siècle  ,  ou 
blent  autour  de  leur  père;  el  ce  culte  est  avant  le  concile  de  ["'btrence,  les  Grecs  cl  les 
plus  agré.ible  qu'un  culte  isolé  cl  particulier.  Latins  n'avaient  entre  eux  aucune  dispute 
.Icsus-Chri-l  arontinné  cel'e  croyance  par  sur  le*  paroles  essentielles  à  la  consecî"a(iy>i, 
ses  leçons  el  par  son  exemple;  il  piiail  par-  (|uni()ue  1rs  ibéo'ogiens  latins  fussent  très- 
tout  .'mais  ii  allait  aussi  prier  dans  le  lem-  bien  instruits  des  termes  dont  se  servent  les 
pie;  il  a  répété  ce  que  Dieu  aviiit  d  I  par  un  Grecs  dans  leur  seconde  iniocation.  Par 
proi.liète  :  Mo  maison  sera  un  lieu  de  pr  ère  conséiiuenl  les  scolasliques  ,  qui  ont  attaqué 
(Mallli.  XM  ,  13).  1'  a  puni  les  profanateurs,  les  Grecs  sur  ce  point,  sont  allés  plus  loin 
el  il  a  dit  :  Lorsque  deux  ou  Irois  personnes  que  leurs  prédécesseurs. 
sont  assemblées  en  mon  nom,  je  suis  au  mdieu  11  ne  fut  point  question  de  celle  dispute 
d'elles  (xviii,  2)).  au   second  concile  de  Lyon,   l'an  127'*  ,   ni 

Delioiis-uous  d'uce  pliiloso|)hie  perfi'e  et  dans  les  temps  poslcrieurs  ,  si  ce  n'est  cuire 

h)  pocriie  ,  qiii  veut  nous  détourner  du  culte  quelques    iliéologiens.   Mais  au  concile    de 

extérieur  el   public,    sous  prétexte  d'.idorer  llorciice,  eu  l'i3'J,  la   contesla'ion    fut  vive 

Dieu  en  esprit  cl  en  vér  té  ;  ceux  qui  la  prè-  sur  ce  t)oiiii  entre  les  Grecs  et  les  Latins.  On 

cheni  n'adorent  pins  Dieu  ni  en  esprit,  ni  en  voi',  par  les  actes  du  concile,  que  les  Grecs, 

corps,    ni   en  vérité,  ni  en  apparence.  Voy.  à  la   réserve  de  Marc  d'Eplièse  ,  convinrent 

CuLTK,  Rr.i.isK,  etc.  que  la  consécration  se  l'ail  par  les  paroles  de 

CoNSÉcuATioN  ;  ce  terme,  pi  is  dans  un  sens  Jcsus-Glirisi  ;  mais  ils  ne  voulurent  pas  <|ue 

plus  étroii  que  le  précèdent .  sii.Mii(ie  l'action  cette  décision    lût    mise  dans  le  décret  d'u- 

par  laquelle  un   prêtre  ijui   célèbre  le  saint  nion,  de  peur  qu'elle  ne  parût  être  une  con- 

saeritiiede  la  messe,  clianue  le  paiu   el   le  damnation  de  leur  liturgie.  —  Dans  le  dérret 

vin   au  cor[)S  et  au  sang  île  Jésu--Cbi  ist.  On  du  p.ipe  lugène  ,  pour  les  arminiens  ,  il  est 

roîi'preul  (l'abord  que  les  liéléroibixes  ,  qui  dit   que  l'i  ucbarislie  se   lait   par  les  paroles 

ne  cmiciil  |)0'nl  la  présence  réelle  de  Jésus-  de  Je^us-  (2lirisl  ;  de  là  plusieurs  lliéologiens 

Chtisi  dans   l'eiicbai  i4ie  ,  ont  dû    b.inuir  de  oui  conclu  (|ue   le  cnned  •  de  KIoreuce  avait 

leur  liiuigie  le  terme  dr  consccraiion.  déi  idé  la  (|uestiou.  Mais  alors  les  Grecs  n'é- 

Le  seiilimenl  comiiiiiu  des  tlicolngiens  laient  plus  au  coneiie,  ils  éiaicnt  partis.  Co 
€alliolii|iies  ,  après  s  rni  'riiouias  ,  est  que  la  décret  a  décidé  d'autres  arlii  les,  sur  lesquels 
con.'e'i  rfi/io»i  du  pain  et  tlu  vin  se  f  lit  par  ces  les  lliéoloi.Meus  oui  cependant  conserve  la 
paroles  de  .lésus-t'Jirist  :  Ceci  est  mon  corps,  librrte  îles  opinions  ,  i oiiime  la  matière  de 
ceci  est  mon  snng,  ete.  On  ne  |)eul  pas  prou-  l'oialre  ,  le  ininistri!  de  la  coiifirmaiinn  ,  etc. 
ver  qu'avaui  saml  'l'Iiomas  il  y  ait  eu  là-des-  —  iJepiiis  cette  époque  même  ,  les  Grecs  ne 
sus  une  opinion  difl'iTinle  dans  l'ICglise  sont  pas  d'accord  entre  eux  sur  la  forme 
latine,  —  Mais  on  a  disputé  pour  savoir  quel  esseiiiiclle  de  la  consécration  ;  les  uns  tien- 
est  aiijourd'bui  et  quel  a  éle  d(' tout  temps  le  lient  pour  les  paroles  de  Jesiis-Clirisl ,  les 
sentimeni  de  l'I'-glise  grecque  sur  les  paroles  autres  pour  l'iiivocalion  ,  plusieurs  pour 
de  la  conseV/a/ion.  P  lur  l'OMiprendrtî  létal  l'une  cl  l'autre.  Mais  aucun  d'entre  eux  n'a 
de  la  (lueslion  ,  il  faut  savoir  (|ue  dans  la  nié  la  nécessité  des  paioles  de  Jcsus-Clirist 
liturgie  romaine,  avant  de  prononcer  les  pour  consacrer;  la  dispute,  sur  <;e  point, 
paroles  de  Jébus-Clirisl ,  le  prélre  lait  à  Dieu  n'e&l  doue  ui  iacoaciliable ^  ni  aussi  esseu-< 


1081  CON  CON  1082 

tiolle   que  le   prélendeiit  quelques   lliéolo-  de.    la  consécration.  La  qaestion   entre  les 

irii.|is.  (>rolest;inis  el  nous  esl  de  savoir  .si  les  Orieo- 

Les  Lnliiis  fux-mêmps  ont  dispiilé  pour  liiux  ont  toujours  cru,  comme  nous.iiue, 
savoir  si  Jésus  (^hrisl  ,  ;iprès  la  cène,  a  con-  par  ces  paroles  ,  le  pain  el  le  vin  sont  rcel- 
sai  ré  par  sa  6e'n'^(/'C<ioii,  ou  par  ces  paroles  :  lempiit  chan;^és  au  corps  et  au  sang  de 
Ceri  est  mon  cmps  ;  Saloiercn  est  témoin  ((ue  Jésus -Cllri^t  :  or,  leurs  lilurjiies  témoignent 
celé  ((ueslion  l'ut  anilé  •  au  concile  (le  Trente,  qu'ils  l'ont  toujours  cru  ainsi  et  qu'Us  le 
mais  ce  concile  ne  voulut  rien  décider  là-  croient  encore.  Peu  importe  de  savoir  si  ce 
dessus.  Le  P.  Lebrun  pense  que  le  Sauveur  cliangoment  s'opère  par  ces  mots  seuls  :  Ceci 
consacra  |)ar  sa  bi'nédiction  avant  de  dire  :  est  mon  corps,  ceci  est  mon  sani;,  ou  par  l'in- 
Cccj  est  mon  lorps.  —  Les  l'èrcs  les  plus  vocation  qui  suit,  ou  par  l'un  et  l'uuire 
anciens  se  servent  les  uns  du  lerme  d'invo-  indislinclemeni.  Nous  pensons  unanimement 
caiion,  les  aulres  des  lermi  s  tie  bénédiction,  qu'il  f.iul  une  invocalion  avant  ou  a()rès, 
d'eucliarisiie  ou  d'aclion  de  grâecs  ,  ou  de  pourdéterniiner  le  sens  des  paroles  de  Jésus- 
prières  ;  mais  presiiwc  lous  a-Siirenl  ()ue  la  Christ,  pour  m-irquer  que  le  prèlre  ne  les 
C('n.<«'crn/ùm  se  fait  par  les  paroles  de  Jésus-  prononce  p.'is  comme  une  histoire,  mais 
Christ.  On  s.iit  d'ai  Uuis  qu'ils  ont  sou\ent  comme  une  forme  sacramentelle  eflicace  ,  et 
nomme  pri  re  et  iiivoctiun  les  l'ormes  même  qui  opère  ce  qu'elle  signilie.  Nous  convenons 
des  sacr<'ments  ,  qui  sont  purement  imlicati-  encore  de  part  et  d'autre  (lue,  par  une  inv.o- 
ves  .  comme  l'a  fail  voi.le  V.  Merlin  (Traité  cation  réunie  aux  paroi  s  de  Jesns-C,hrist , 
(/e<  formes  des  Sacremenis,  c,  k,  9  et  14-).  la  consécration  est  parfaite  el  l'etïei  opéré  ; 

Il  est  incontestable  qu'un  prêtre  qui,  hors  d'où    il    résulte   que,    sur   ce    mystère,   la 

de   la    liturgie,    proféierait   les  paroles   de  croyance  des  Orientaux,   la  même   que  la 

Jéstis-Chrisi  sur  du  pain  et  du  vin  ,  ne  con-  nôtre,  est  très-opposée  à  celle  des   proles- 

sacrerait  pas,  p.irce  (|ue  le  sens  de  ces  paro-  tanls. 

les  ne  serait  pas  déterminé  par  la  suilg  d'ac-         lien  résulte  encore  que  les  anglicans,  ni 

tions  qui  doivent  les  accompagner;  l'invoca-  les  autres  protestants,   ne  consacrent  point, 

tion   ou  la   prière  qui  les    précède  est  donc  Dans  la  liturgie  anglicane,  imprimée  à  Lon- 

nécessaire.  Ainsi  le  supposent  les  rubriques,  dres  en  1G06,  pag.  208,  l'invocation  qui  |iré' 

qui  exigent  que  ,  dans   le  cas  d'cfrùsion  du  cède  les  paroles  de  Jesus-Chri>t,  se   borne  à 

calice  ,  etc.  ,  on  recommence  les  paroles  qui  demander  à  Dieu,  qu'en  recevant  le  pain  et  le 

précèdent  la  consécration.  —  D.ius  les  htur-  vin  nous  puii^sions  être  faits  ]iarticipants  de 

gies  oiientales  ,  aussi  bien  que  dans  ceiic  de  son  corps  et  de   son  sany  précieux.  Mais  les 

1  l''glise  l.iiine,  il  y  a  une  invocation  qui  pré-  anglicans  sont  persuades   que  ce  pain  et  ce 

cè'le  la  conaéciation  ;  relle-ci   est  donc  par-  vin  ne  sont  réellement  ni  le  corps  ni  le  sang 

(aile  avant  la  seconde  invocation,  aniremcnl  de  Jésus-Christ,  que  l'on  peut  srulemcnl  par- 
les Latins  ne  consacreraient  pas.  I,es  Crées  ticiper  au  corps  el  au  sang  de  Jesus-Clii  ist, 
ont  do:  c  lorl  di;  supposer  l;i  nécessité  de  leur  par  la  foi  ,  en  rec.-vant  les  symboles.  Ainsi, 
Seconde   in\ocatioii;  mais  il  ne  s'en^u  t  pas      les  paroles  de  Jésiis-Clirist  (|u'ils  prononcent 

qu'elle  Suit  erronée  et  abusive.  —  lille  ne  n'ont  qu'un  sens  bistorliiue  et  ne  pioduisent 
.suppose  pas  que  la  consécration  el  la  ir.ins-  rien.  —  Ce  n'est  pas  la  ce  que  pensent  les 
sulislanlialion  ne  soient  pas  laiies,  puisqu'il  Orientaux,  puisque  rinvucalion  (juils  ajnu- 
y  a  lies  termes  semblaliles  dans  les  liliir^ies  teni  exprime  le  contraire;  pouiquoi  les  an- 
giilirane  et  tnozar.ib  ([ue  ;  jamais  cependant  glicans  l'unl-ils  changée,  s'ils  ont  la  même 
les  théologiens  gall.cans  ni  les  espagnols  croyance  ijue  ces  ihrciiens  séparés  de  l'E- 
ii'ont  pensé  que  la  consécration  ne  lut  pas  glise  romaine?  Ce  n'est  pas  là  non  plus  le 
fiiile  par  les  paro'cs  de  Jésus-CbrisI,  qui  ont  sei:timeni  des  l'ères  qui  diseni  que  les  pa- 
precédé.  Oii  doit  donc  entei.dre  cette  seconde  roies  d>!  Jesus-!>hrist  soni  ellieices,  o,ierali- 
invocation  d.iis  le  mé'tie  >ens  que  les  prières  ves,  ib.uet's  du  pouvoir  creaieur  :  Sermo 
par  le.>()uelles  l'evè'iue  demande  1 1  grtîce  du  Christi  vivtis  cl  ejftcax,  cpifex,  operatorias, 
saireineni  de  con!irm  ilion  pour  ceux  qu  il  efjiciemii  plenus  ,  omnipulenliu  verOi ,  eic. 
vient  de  loulirmer,  cl  comme  l'on  e.teud  les  Bingliain  lui-iuèuie  en  a  ci<é  plusieurs  pas- 
e\orcismes  «lu  bapléme  à  !'<  gard  d'un  enlant  sa^es  qui  auraient  dû  lui  dessiller  les  yeux, 
qui  vicMl  d'éire  oiido\é  ou  baptisé  sans  reré-  Il  .i  \u  cjuc  saini  Justin  {Apol.  1,  n.  liti)  com- 
nionie.  —  L'invocalion  i|ui  suii  la  contécrit'  pare  l<s  pirides  eucharistiques  ,'i  celles  par 
li;n  n'npère  pas  plus  d'elTets  que  celle  i{iii  lesquelles  le  Verbe  de  Kieii  s'est  fail  chair.  Il 
la  piécède;  m  lis  el  e  sert  à  deleiuiiiier  le  a  lu  dans  saint  Jean  Cnrysostome  [llom.  1 
sens  des  ii;irules  de  Jésus-Chrisi  ,  eile  fut  in  prinlit.  Juilœ,  a.  l),  Op.,  lom.  Il,  |;.384-/: 
Comprendre  que  ces  paro. es  ne  sont  pas  pu-  «  i'.n  n'e.sl  pas  l'homme  r,ui  l'ail  que  les  dons 
icment  hisioriques  ,  m.iis  sai  ranie.itelle>  et  oll'eris  deviennent  le  curjn  el  le  sang  de  Jé- 
opeia  ives.  (Ju.iut  à  l'aduraiioii  de  l'eucha-  sus-Chiist,  mais  c'(  si  Jesus-Christ  lui  tnème 
nsiie  ,  qu'e||(!  se  fisse  plus  toi  ou  plus  lard,  crucitie  pour  nous.  Le  prêtre  laii  raci'ion  ex- 
C(d  I  esi  é;;al  ;  elle  prouve  seulcmenl  que  téi'ieure  (  ixr.fji'y.  ,,  et  prononce  les  paroles, 
Jésu-i:hiist  esl  pié'iMil  ,  el  que  telle  esl  la  mais  la  puissance  el  la  giâce  de  Dieu  y  est. 
croyance  ne  ceux  qui  l'adorent.  Ceci  at  mon  corps,  dit-il  ;  celte  parole  Iraiis- 

Oii  ne  voit  pas  quel  avantage  Kingham  ou  forme  les  dons  offerts,  de  même  (|ue  ces 
d'autres  proleslants  jeuvenl  lirer  de  la  dis-  mots  :  croissez  ,  multipliez,  peuplez  la  terre, 
pute  nui  a  eu  lieu  enlre  ()uelques  théologiens  une  fois  prononcés,  donnent  dans  Iouj  les 
calholiques  et  les  Grecs  toucimul  les  paroles     temps,  à  notre  aalure  ,  le  pouvoir  de  se  re- 


1083 


eoN 


CON 


1081 


prodaire;  ainsi  les  paroles  de  Jésus-Christ, 
une  fois  dites  ,  opèrent  depuis  ce  moment 
jusqu'à  son  avéttemeut ,  à  chaque  table  de 
nos  églises,  un  sacrifice  parfait.  »  Cela  si- 
{jnifie  seulement ,  dit  Binaiham  ,  que  Jésus- 
Christ,  en  prononçant  «ne  fois  ces  paroles, a 
donné  aux  hommes  le  pouvoir  de  faire  son 
corps  symbolique,  c'est-à -dire',  la  figure  de 
son  corp<.  IMais  pour  faire  une  figure,  une 
ima^e,  une  représentation,  Crl-il  hesoin  du 
pouvoir  de  Jésus-Christ,  de  la  puissance  et 
de  la  grâce  de  Dieu?  Silon  saint  Ciirysos- 
tome,  c'est  Jésus-Christ  lui-même  qui,  à  la 
parole  prononcée  par  le  prêtre,  transforme 
les  dons  offerts,  produit  son  corps  et  sou 
sang.  Dans  une  simple  figure,  où  est  la 
transi'orm.itron?  Le  pain  et  le  vin,  par  cux- 
luêmes,  sont  une  nourriture  corporelle  ;  ils 
sont  donc  par  eux-mêmes  la  figure  d'une 
nourriture  spirituelle  ,  par  conséquent  du 
corps  et  du  sang  de  Jésus-Christ  :  un  pouvoir 
divin  n'est  pas  nécessaire  pour  leur  donner 
cette  signification. 

Aussi,  les  nouveaux  écrivains  protestants, 
devenus  plus  sincères,  ne  fout  grand  cas  ni 
des  passages  des  Pères,  ni  des  liturgies  orien- 
tales; ils  ont  vu  que  la  forme  de  la  consi'- 
cration  y  est  trop  claire,  et  que  le  sens  eu  est 
encore  fixé  par  les  marques  d'adoration  ren- 
due à  l'eucharistie.  Voy.  la  Perpétuité  de  la 
foi,  tom.  IV,  I.  I,  c.  9;  loui.  V,  l'réfacc.  Au- 
tant les  ancii'iis  t-ontroversistes  proiestanis 
ont  témoigné  d'empressement  pour  ol)lenir 
le  suffrage  des  Orientaux,  autant  ceux  d'au- 
jourd'hui le  dédaiiinent. 

Dans  la  messe  romaine,  après  la  consécra- 
tion, le  prêtre  dit  à  Dieu  :  Nous  offrons  à 
votre  mnjeslé  suprême  l'hostie  pure,  sainte, 
sans  tache,  le  pain  sacré  de  la  vie  f  ternetle  et 
le  calice  du  salut  pnpétael  ;  sur  lesquels  dai- 
gnes jeter  i*»i  reyard  /iropice  et  favorable,  et 
les  agréer  comme  il  rous  u  plu  d'aroir  ayréa- 
bles  les  présents  du  juste  A  bel,  le  sacrifice  d'A- 
braham el  celui  de  Melchisédecli,  saint  sacri- 
fier, hostie  sans  tache.  Nous  vousen  supplions, 
ô  Dieu  tout-puissant,  commandez  qu'ils  soient 
portés  sur  votre  autel  céleste,  en  présence  de 
votre  divine  majesté,  par  les  mains  de  votre 
saint  anye,  afin  que  nous  tous  qui,  en  parti- 
cipant à  cet  autel,  aurons  reçu  le  saint  et  sa- 
cré corps  el  le  sang  de  votre  fils,  soyons  rem- 
plis de  toute  bénédiction  céleste  et  de  toute 
grdie,  parle  même  Jésus-Christ  Nolre-Sci- 
gneur.  —  Kingham  argumente  encore  sur 
cette  [)rière  :  Si  les  dons  consacrés,  dit-il, 
sont  véritablement  le  corps  et  le  sang  de 
Jésus-Christ,  il  est  ridicule  de  prier  Dieu  de 
les  agréer,  de  les  comparer  aux  sacriliocs 
des  patriarches,  qui  n'étaient  (]ue  des  figu- 
res; sûrement  celte  prière  a  été  composée 
avanirinveniiun  du  dogme  de  la  transsubs- 
tantiation (Oriy.  ecclé'.,  I.  xv,  c.  3,  §  :J1). 
Nous  soutenons  au  contraire  que  cette  prière 
suppose  la  transsubstantiation,  pnisqu'elle 
nomme  les  dons  eucharistiques  le  saint  et 
acre  corps  et  le  sany  du  Fils  de  Dieu,  ((u'elle 
les  ap()('lle  uno  ho  lie  pue  el  sans  tuc\e,  un. 
saint  sacrifice;  expressions  condauinées  el 
rejctèes  par  les   proluslanls.   Le   prêtre  ne 


demande  pas  simplement  a  Dieu  d'agréer  ces 
don;,  mais  de  les  accepter,  afin  que  ou  de 
manière  que  ceux  qui  y  participeront  reçoi- 
vent les  mêmes  bénédictions  célestes  que'ics 
patriarches  :  on  ne  compare  donc  point  ce 
sacrifice  aux  leurs,  quant  à  la  val^'ur,  mais 
relaiivemenl  aux  grâces  accordées  à  ceux 
qui  les  ont  offerts. 

.M  lis  telle  a  toujours  été  la  méthode  des 
protestants  ;  lorsque  dans  l'Ecriture,  ou  dans 
les  anciens  monumenls,  il  y  a  des  expres- 
sions qui  les  incommodent,  ils  les  tordent, 
ils  leur  donnent  un  sens  vague,  ils  les  re- 
gardent comme  des  façons  de  parler  aliusi- 
ves  ;  s'il  s'y  trouve  seulement  un  mol  qui 
semble  les  favoriser  ,  ils  le  pressent,  ils  le 
prennent  à  la  lettre  et  dans  la  dernière  ri- 
gueur. 

CONSEILS  ÉVANGÉLIQUES,  ou  MAXI- 
Mi^S  DE  PfilU'ECriON.  Jésus-Christ  les 
dislingue  éviilemnient  d'avec  les  préceptes. 
Un  jeune  homme  lui  demandait  ce  qu'il  faut 
f. ire  pour  obtenir  la  vie  éternelle;  Jésus  lui 
répondit  :  Gardez  les  commandements.  Je  les 
ai  observés  dès  ma  jeunesse,  répondit  ce  pro- 
sélyte ;  que  me  manque-t-il  encore  ?  Si  vous 
roulez  être  parfait,  répliqua  te  Sauveur,  allez 
vendre  ce  que  vous  possédez,  donnez-le  aux 
pauvres ,  vous  aurez  un  trésor  dans  le  ciel; 
alors  venez  et  suite:,-moi  (Matth.  xix,  16; 
Marc.  X,  17;  Luc.  xviii,  18).  Selon  ces  pa- 
roles, ce  que  Jésus-Clirist  lui  proposait  n'é- 
tait pas  nécessaire  pour  obtenir  la  vie  éter- 
nelli',  mais  pour  pratiquer  la  perfection  et 
pour  être  admis  au  ministère  aposiolique. 

Plusieurs  censeurs  de  l'Evangile  ont  dit 
que  la  distinction  entre  les  préceptes  et  les 
conseils  est  une  subtilité  inventée  par  les 
théologiens  pour  p.illier  l'absurdité  de  la 
morale  chrétienne.  Il  es!  clair  que  ce  repro- 
che est  très-mal  fondé.  La  loi  ou  le  précepte 
se  borne  à  défendre  ce  qui  est  crime,  a  com- 
mander ce  qui  est  devoir;  les  conseils  ou 
maximes  doivent  aller  plus  loin,  pour  la  sij- 
reié  même  de  la  loi;  quiconi|uc  veut  s'en 
tenir  à  ce  qui  est  étroitement  commandé,  ne 
lardera  pas  de  violer  la  loi.  —  D'antres  ont 
été  scandalisés  du  terme  de  conseils;  il  n« 
convient  pas  à  Dieu,  disent-ils,  de  conseiller, 
mais  d'ordonner.  Celle  observation  n'est  pas 
plus  juste  que  la  précédente.  Dieu,  législa- 
teur sage  et  bon,  ne  mesure  point  l'étendue 
de  SCS  lois  sur  celle  de  son  souverain  do- 
maine, mais  sur  la  faiblesse  de  l'homme; 
après  avoir  commandé  en  rigueur,  sous  l'al- 
ternalive  d'une  récompense  ou  d'une  peine 
éternelle,  ce  qui  est  ,ib>olument  né<'essaire 
au  bon  ordre  de  l'univers  et  au  maintien  do 
la  société,  il  peut  montrer  à  l'homme  un  jjIus 
haut  degré  de  vertu,  lui  promettre  des  grâ- 
ces pour  y  atteindre,  lui  proposer  une  plus 
grande  récompense.  C'est  ce  qu'a  fait  Jésus- 
Christ. 

En  général,  on  ne  peut  donner  à  l'homrae 
une  trop  haute  idée  de  la  perfection  à  la- 
quelle il  peut  .s'élever  avec  le  secours  de  la 
grâce  divine.  Dès  qu'il  esl  pénétré  de  la  no- 
blesse de  son  origine,  de  la  grandeur  de  sa 
destinée,  des  pertes  qu'il  a  faites,  des  moyens 


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quil  a  do  les  réparer,  du  prix  que  Dieu  ré- 
serve à  la  vertu,  il  n'est  rien  dont  il  ne  soit 
c.ipable;  l'exemple  des  saints  en  est  la 
preuve.  —  Au  reste,  l.i  prcveulion  des  incré- 
dules contre  les  conseils  ^vanr/éliqttes  leur 
vient  des  proleslanls,  ceux-ci  n'en  ont  pas 
parlé  d'une  manière  plus  siiisée.  Ils  ont  dit 
que  Jésus-Christ  avait  prescrit  à  tous  ses 
disciples  une  seule  et  même  rèfjla  de  vie  et 
de  mœurs;  mais  que  plusii  urs  chrétiens, 
soit  par  le  goût  d'une  vie  ausicre,  soit  pour 
imiter  certains  philosophes,  irélendirent  que 
le  Sauveur  avait  établi  une  double  règle  de 
sainteté  et  de  vertu,  l'une  ordinaire  et  com- 
nuine,  l'antre  extraordinaire  et  plus  sublime: 
la  première,  pour  les  [)ersonnes  engagées 
dans  le  monde;  la  seconde,  pour  ceux  qui, 
vivant  dans  la  retraite,  n'aspiraient  qu'au 
bonheur  du  ciel;  qu'ils  distinguèrent  consé- 
quenimi'nt,  dans  la  morale  chrétienne,  les 
préceptes  obligatoires  pour  tous  les  hommes, 
et  les  conseils  qui  regardaient  l(!s  chrétiens 
plus  parfaits.  Celte  erreur,  dit  iMosheitu,  vint 
plutôt  d'imprudence  que  île  mauvaise  vo- 
lonté ;  mais  elle  ne  laissa  pas  d'en  produire 
d'uutres  dans  tous  les  siècles  de  l'Eglise,  et 
de  multiplier  les  maux  sous  lesquels  l'Evan- 
gile a  souvent  gémi.  De  là,  selon  lui,  sont 
nées  les  austérités  et  la  vie  singulière  des 
ascètes,  des  solitaires,  des  moines,  etc.  Illist. 
ecclésiastique,  du  ir  siècle,  ii'  part.,  ch.  3, 
§12). 

Mais  nous  demandons  aux  protestants  si 
Jésus-Christ  imposait  un  précepte  à  tous  les 
chrétiens,  lorsqu'il  disait  :  Qiticom/ue  d'en- 
tre vousne  retionce  pus  à  tout  ce  qu'il  possède, 
ne  pdit  pas  être  mon  disciple  [Luc.  xiv,  3Jj. 
Heureux  les  pauvres,  ceux  qui  ont  faim,  ceux 
gui  pleurent  :  donnez  à  quiconque  vous  de- 
mande,  et  s'il  vons  enlève  ce  qui  vous  appar- 
tient, ne  le  répétez  pas  (vi,  211  et  30).  Si  quel- 
qu'un veut  venir  après  moi,  qu'il  renonce  â 
lui-même,  qu'il  por'e  sa  croix  tous  les  jours, 
et  qu'il  me  suive  (ix,  23i.  Il  y  a  des  eunuques 
qui  ont  renoncé  au  mariage  pour  le  roi/aume 
des  deux;  que  celui  qui  peut  le  comprendre, 
le  comprenne  (Malth.  xix,  12).  Les  commen- 
tateurs, même  protestants,  ont  été  forcés  de 
reconnaître  dans  ce  passage  un  cons'il  et 
non  un  précepte.  T'o//.  la  Synopsk  sur  cet 
endroit.  —  Saini  Paul  a  dit  (/  Cor.  m,  40j  : 
Une  veuve  sera  plus  heureuse  si  elle  demeure 
dans  cet  étal,  selon  mon  conseil  :  or,  je  pense 
que  j'ai  aussi  l'Esprit  de  Dieu.  En  exhortant 
les  Corinthiens  à  des  aumônes  ,  il  leur  dit  : 
Je  ne  vous  fa's  pas  un  commandement, ...  mais 
je  vous  donne  un  coNstiL,  parce  que  cela  vous 
est  utile  {U  Cor.  vui,8  el  10).  Et  aux  tialates, 
c.  v,  vers.  24  :  Ceux  qui  sont  à  Jésus-Christ 
ont  crucifié  leur  chair  avec  ses  vices  et  ses 
corruptions.  Si  les  chrétiens  du  ir  siècle  se 
sont  trompés  en  distinguant  les  conseils  û'a- 
vec  les  préceptes,  c'est  Jésus-Christ  et  saint 
Paul  qui  les  ont  induits  en  erreur.  Pour  es- 
liuier  et  pour  pratiquer  des  austérités,  des 
niorlilicalions,  des  ahsiinenees,  et  le  renon- 
cement aux  couimodiiés  de  la  vie  ,  ils  n'o;if 
pas  eu  besoin  de  consulter  l'exemple  des 
philosophes,   le  goût  des  Orientaux,  ni  les 


mœurs  des  Esséniens  ou  des  Tiiérapeutes;  il 
leur  a  suffi  de  lire  l'Evangile. 

Ouant  aux  maux  prétendus  qui  en  oni 
résulté,  sont-ils  si  terribles?  Nos  anciens 
apologistes  nous  attestent  que  la  inoriifica- 
tion,  la  chasteté,  le  désintéresscmenl  des 
premiers  chrétiens,  aussi  bien  que  leur  dou- 
ceur, leur  cbarilé,  leur  patience,  ont  causé 
de  l'admiration  aux  païens,  et  ont  produit 
une  infinité  de  conversions.  Dans  les  siècles 
suivants  ,  les  mêmes  vertus,  pratiquées  par 
les  solitaires,  ont  fort  adouci  la  férocité  des 
barbares  ;  si  les  missionnaires  qui  ont  con- 
verii  les  peuples  du  Nord  n'avaient  jias  pra- 
tiqué les  consdls  évangéliques,  ils  n'auraient 
pas  attiré,  peut-être,  un  seul  prosélyte. 
Voilà  les  malheurs  qui,  au  jugement  des 
protestants,  ont  fait  gémir  lEgise  dans  tous 
les  siècles,  et  que  les  incrédules  déplorent 
avec  eux.  Heureusement,  les  réformateurs 
sont  venus  au  wi'  siècle  réparer  tous  ces 
iuaux  ;  ils  ont  formé  des  sectateurs,  non 
par  des  exemples  de  veilus,  mais  par  des 
déclamations  et  par  des  arguments,  ils  ont 
fondé  une  nouvelle  religion,  non  sur  la  per- 
fection des  mœurs,  mais  sur  l'indépendance 
et  sur  le  mépris  des  usages  religieux  ;  aussi 
n'ont-ils  converti  ni  des  païens,  ni  des  bar- 
bares; ils  ont  perverti  des  chrétiens. 

CONSÎ'KVATEUK,  CONSERVATION.  La 
révélation  se  réunit  à  la  lumière  naturelle, 
pour  nous  apprendre  que  Dieu  conserve  les 
créatures  auxquelles  il  a  donné  l'être,  et 
niaintieiil  l'ordri'  ph.sique  du  monde;  l'au- 
teur du  livre  de  la  Sagesse  lui  dit  :  Comment 
quelque  chose  pourrait-il  subsister,  si  vous 
ne  le  vouliez  pus,  ou  se  conserver  sans  votre 
ordre  [Sap.  xi,  2G)?  Il  conserve  l'ordre  mo- 
ral entre  les  créatures  intelligentes ,  par 
l'instinct  moral  qu'il  leur  a  donné,  par  la 
conscience  qui  leur  intime  sa  loi  el  leur  fait 
craindre  le  châtiment  du  crime.  C'est  dans 
cette  do~uble  allenlion  que  consiste  la  provi- 
dence. 

Mais  rien  ne  nous  montre  mieux  l'actiou 
continuelle  de  Dieu  dans  la  marche  de  la  na- 
ture, que  le  pouvoir  par  lequel  il  en  sus- 
pend les  lois  quand  il  lui  plaît.  Le  nionJe 
noyé  dans  les  eaux  du  déluge,  le  feu  du  ciel 
lancé  sur  Sodome,  les  mers  divisées  pour 
donner  passage  aux  HTébreux  et  submerger 
les  Euyplieus,  etc.  :  voilà  les  événements 
par  lesquels  Dieu  a  convaincu  les  hommes 
qu'il  est  le  seul  maître,  le  seul  conservateur 
de  l'univers.  Il  fallait  alors  des  miracles, 
parce  que  le  commun  des  hommes  n'était  pas 
eu  étal  de  raisonner  sur  l'ordre  physique  du 
monde,  d'j  reraarciuer  une  main  attentive  et 
bienfaisante.  —  Ainsi,  Dieu  a  prévenu  d'a- 
vance les  hommes,  encore  ignorants  et  gros- 
siers, contre  les  faux  systèmes  des  phibiso- 
pbes  ((ui  ont  enseigné,  les  uns,  que  Dieu  est 
l'âme  rtu  umnde,  el  que  le  monde  est  éter- 
nel ;  les  autres,  que  Dieu,  après  l'avoir  con- 
struit, en  a  laissé  le  soin  à  des  intelligences 
subalternes.  Le  dogme  d'un  seul  Dieu,  créa- 
teur et  conservateur,  est  \:i  crii\anee  primi- 
tive ;  si  les  p'.uples  avaient  été  Gdè  es  à  le 
garder,  ils  n'auraient  été  égares  ui  par  le 


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polythéisme,  ni  par  l'iiiolâtrie,  ni  par  les 
proslip;es  lie  la  |ihili)S")phie.  —  Mais  ,  dès 
qu'une  fois  celle  ^paiicJe  vorilé  ;i  élé  j^énéra- 
letiieiil  tn  coiiiiiie,  il  a  élf  besoin  d'uiie  nou- 
velle révélulion  pour  en  réMlilirla  (ro\ance, 
et  tel  était  le  priuiip.il  ohjel  des  leçons  que 
Dieu  donna  aux  Hébreux  [jar  Moïse.  Vutj. 

HÉVÉI  AlION. 

CONSOLATION,  cérémonie  des  niaui- 
chéens  albigeois,  par  laquelle  ils  prétendaient 
que  loules  leurs  fautes  élaienl  elTi<éos;  ils 
la  conféraient  à  l'article  de  la  niorl  ;  ils  l'a- 
vaient substi!uée  .1  la  pénitence  et  au  viali- 
qu".  Elle  consistait  à  imposer  les  mains,  à 
les  lever  sur  la  tète  du  pénitent,  à  y  tenir  le 
livre  des  Evangiles,  et  à  réciter  sept  paCer 
avec  le  coniinenceinent  de  l'Evangile  selon 
sainl  Jean.  C'était  un  préire  qui  en  était  le 
niinislre;  et  il  fallait,  p.our  son  efllcacité, 
qu'il  fût  sans  péché  mortel.  On  dit  (|ue,  lors- 
qu'ils étaient  consolés,  ils  seraient  morts  au 
milieu  des  tlammes  sans  se  |)laindre  ,  et 
qu'ils  auraient  donné  lout  ce  qu'ils  possé- 
daient pour  l'éhe.  Exemple  frappant  de  ce 
que  peuvent  l'enlhousiasrae  et  la  supersti- 
tion, lorsqu'ils  se  sont  empares  forlemeiit  des 
esprits. 

C0i\80UT,  société  ou  confrérie  du  tiers 
ordre  de  Saint-François,  établie  à  Milan,  et 
composée  d'hommes  et  de  femmes,  pour  le 
soulagement  «les  pauvres.  On  lui  avail  con- 
fié la  dislributioii  des  aumônes  ;  elle  s'en  ac- 
quilta  avec  l.ml  de  fidélité,  ((ue  l'on  recon- 
nut bieniôtla  faute  que  l'on  avait  f  liie  en  la 
privant  de  celte  fou'iioii  délicate.  Il  f.illnl  la 
rmdialion  du  pa()e  .-ixte  IN'  pour  l'engagera 
la  reprendre  :  preu\e  (in'elle  n'y  avail  trouvé 
que  des  peines  méritoires  pour  l'aurevie; 
avantage  que  la  piéie  soiide  peut  aisément 
se  procurer.  Le  debal  le  plus  scandaleux  qui 
pourrai!  survenir  entre  des  chrétiens,  serait 
celui  qui  aurait  pour  objet  l'eionomal  du 
bien  des  pauvres  ;  mais  ceux  qui  ont  le  cou- 
rage do  s'en  charger,  sont  souvent  accusés 
très-mal  à  propos. 

(.t)NSTANCE.  Le  concile  général  tenu  dans 
cette  \  ille  lut  assemblesur  la  lin  d'oi  tobre.  l'an 
lil4,etdurajusi)u'au  niois  d'avril  I'i-I8.  L  lides 
prini  ipaux  obje's  de  celte  assemblée  était  de 
mettre  fin  au  »(  hisme,  qui  durait  depuis  l'an 
13T7,  entre  idu-ienrs  préleudauls  a  la  pa- 
pan  é,  et  jui  tous  avaient  des  partisans.  Il  y 
en  ,  vail  i  ncore  trois  pour  lors,  savoir,  Jean 
W.il.  qui  avail  cnvoqué  le  concile,  (Iré- 
^•oue  Xll,  cl  Hcnoîl  Mil  ;  ces  den\  dermeis 
avaient  déjà  élé  déposés  au  concile  de  Pise, 
cinq  ans  auparavant  ;  ils  le  furent  de  nou- 
ve.iu  à  CoiH'lai.rr  :  le  toncile  depu-a  ans^-i 
Jean  Xlll.el  (lut  à  sa  place  M.rlin  \\  iiui 
lui  uniV(  rsellenienl  ri  connu.  L  s  au. rcs  ob- 
jets étaient  d  condimner  les  erreurs  d  ■  Jean 
Hus  et  de  Jérôme  di;  l'raiiue,  qui  élaienl  les 
mêmes  que  celles  de  WicUît',  et  de  reformer 
l'Eglise,  tant  dans  ton  chef  que  dans  ses 
membres. 

Le  décret  de  ce  concile,  publiédans  l;i  qua- 
Irié.i.e  session,  esl  remarqu.ible  :  il  porte 
que  le  concile  de  Constance,  légitimement 
asseuiblé  uu  uoiu  du  Saiul-Esprit,  luisant  un 


concile  général  qui  représente  l'Eglise  catho- 
lique militante,  a  reçu  imméilialement  de 
Jésus-Christ  une  puissance  à  la<]uplle  toute 
personne,  de  quelque  élat  el  dignité  qu'elle 
soit,  même  papale,  esl  obligée  d'obéir  dans 
cequi  regarde  la  foi,  l'exiirpalion  du  schisme 
et  la  réformation  de  l'Eglise  dans  son  chef 
et  dans  ses  membres.  Il  ne  n)anque  rien  à 
celte  décision  pour  avoir  une  pleine  autorité, 
|)Uisque  Marlin  V,  élu  pape  .lu  mois  de  no- 
vembre l'+17,  donna,  immédiatement  après 
son  élection,  une  bulle  par  laquelle  il  veut 
que  celui  qui  sera  suspect  dans  sa  foi,  jure 
qu'il  reçoit  tons  les  co  iciles  généraux,  et  en 
particulier  celui  de  Constance  représentant 
i'iigiise  univer^el!e,  et  que  lout  ce  qui  a  été 
approuvé  el  condamné  par  ce  concile,  soit 
approuvé  el  condamné  par  tous  les  fidèles. 
Par  conséquent,  ce  pontife  approuve  et  con- 
firme lui-même  ce  qui  avail  été  décidé  dans 
1,1  quatrième  session  :  il  fil  la  même  chose 
dans  deux  bulles  contre  les  hussiles,  le  22 
février  l'i-lS,  el  dans  la  dernière  session  du 
concile,  il  confirma  encore  expressément 
tout  ce  qui  avail  été  fait  eu  pleine  assemblée, 
roncilitiriter. — Ce  même  décret  lut  approuvé 
el  confirmé  de  nouveau  |iar  le  concile  de  Hâle, 
en  14-31.  C'est  aussi  la  doctrine  à  laquelle  le 
clergé  de  France  a  toujours  fait  profession 
d'être  attaché,  notauiment  dans  son  assem- 
blée di'  iG82(l). 

Dans  la  quinzième  session,  le  concile  con- 
damna les  erreurs  de  Wiclef  et  de  Jean  Hiis, 
qu'il  avait  déjà  proscrites  dans  la  huitième. 
Coame  Je, in  Hus  tie  voulut  point  se  s<m- 
mullre  à  cette  cuudaninalion,  ni  se  rétracter, 

(I)  Telle  .">  é'é  In  pensée  de  Pceole  gallieane,  (joi 
viinhnl  s'apiniyer  de  l'aiilmilé  de  ce  eoneile  pmir 
restieinilre  le  (jonvoir  des  p.ipes.  M.iisil  esl  exliême- 
nieai  p  <ili;dde  (pour  ne  p;is  dire  ecrliiiii)  (pie  le 
concile  de  ta)iisl:ni('e  ii'élail  p:ts  œciiini>iii(pic  diuiS 
les  ipi  1  rieine  el  cimiiiiénie  sessions,  piitcn 'pie  les 
U;>U  (ilii'dhiiees  de  Cu-^'aire  Ml,  de  Jen.  XIII  el  de 
lien  il  Mil  li'ol  lient  pas  réunies  en  une  ii>  eniidée. 
L'Iv-li^e  nnive  >elle  nél.iil  d'ine,  pas  repiésemce.  Kl 
d'à  lleins  M  11  lui  V,  due;  son  déerel  de  c  ■iiliriiiaiiini, 
s'esl  servi  du  mol  cuiicitiarUer,  \iieiive  évid(!iile  ipi'à 
ses  yciiv  il  y  avail  dans  les  déerels  de  t'.o  sla  lee 
qui  lipies  ariick'sipril  ne  voidail  pas  eouliiiniT,  parce 
(preii  ceiiaines  ciicnii-laii.es  les  r(!'j;les  n'avaicint 
pl^  ci('!  oli^ervées.  tjii';l(pii's-inis  de  ceux  (pii  niil 
admis  ta  valeiu'  de  i  es  déereis  les  reslreignilH  au 
temps  du  Mliisiiie.  Le.-,  leraies  des  canons  le  disent 
tl.iireinenl  :  i  Toiile  p'rsoiine.de  ipielipie  clai  (pi'elle 
soit,  el  (pielipie  dit;n  lé  .pi'elle  po-sèJe,  l'itl-ee  iiKime 
celle  de  |ia/(!,  e>l  nliligée  d'oliéir  .'iii  présen;  coneile, 

dois  le.^  cliosis  (pu  a|ip:olieii à  la  Un,  à  l'extir- 

paliiMi  du  lu  seliisiiie  el  à  l.i  leloi mal  ou  de  I  I  glise 
dans  sou  cliel  el  dan-  ses  iinMiilnes.  >  Sess.  4.  — 
«(Juieonip'e,  de  ipie  ipieeond  mai,  élal  el  di^in  éi|  l'il 
pu.  èlie,  (pi.ind  nié. ne  il  s.iail  pi|.e,  lefiis.-rail  a^ec 
o|i.nialr.  le  dNilién  aux  iCilenieuts  d(!  ce  s.dul  symule 
el  diaoïiliiiiireconeilegé.ieia  leg  luneuieni  ..s-en.l)  é, 
sur  les  iiiaiièies  .-nsilius,  xnl  déeidees.  smi  a  iténdiT, 
qui  y  auta.enl  lapp  "ri,  s'd  ne  venait  à  résqu  cein  e, 
seial  puni  comme  il  devrait  l'elre.  i  Sl■^s.  fi.  Il  i-sl 
donc  (videiil  ipie  les  déeieis  d-;  c:o.l.^tau(■e,  doiil  le, 
gallicans  lui;  laii  lanl  de  lirun  ,  ne  niil  iien  o.oius 
ipie  des  déiiMons  d.iijmaii  pies.  Les  mal  ères  ipi'ilS 
leiiiermcnl  soiil  de>  opinuul^  livrées  à  la  libie  dis- 
C1135I011  des  écoles.  Yoij.  I'ape. 


iO  9 


CON 


CON 


<090 


il  fut  détinré  hérétique,  dégradé  et  livré  au 
bras  séculier  qui  lui  fil  subir  lo  supplici'  liu 
fpu  Ji-rAinf»  de  Pra'iiio,  son  disciple,  après 
s'élre  rélraclé  dans  la  dix-iicuvii'tne  sessidu, 
désavoua  ccHo  rolr.  claliou  dans  la  viiinl- 
unléinc,  siiuijnl  opiuiàlréini'iU  ses  erreurs, 
r.I  eut  le  iiiéuie  sort  qu(>  son  maître.  —  l,e 
coiicde,  diiiis  la  Iruiiiiènii',  prononça  j'ana- 
liièine  conirc  ceu\  (lui  soulenaiinl  (|ue  la 
eoiiiiiiunion  '■nus  une  seule  espèci'  était  il- 
lé^itiiiie  et  abusive  ;  c'était  une  des  erreurs 
de  Jf.iu  Hns.  Dans  la  (juinzièuie,  il  déclare 
liéreiique,  scandaleuse  et  sédilieusi"  la  propo- 
sition de  Jean  Pelil,  docleiir  d(!  Par  s,  qii, 
PU  I'i08 ,  avait  soutenu  publiqueuicnt  (ju'il 
est  pcrmi<  d'user  de  surprise,  de  Iraliison  et 
de  toute  soric  de  moyens  p  mrse  défaire  d'un 
lyran,  et  qu'on  n'est  pas  obligé  de  lui  gar- 
der la  foi  qu'on  lui  a  promise.  Dans  les  ses- 
sions ko,  ki  et  k-'i,  on  fil  quelques  decrels 
pour  reformer  les  abus  iuiroduils  dans  la 
discipline. 

Plusieurs  protestants  et  plusieurs  incré- 
dules ont  accusé  le  concile  de  Cunstunre.  d'a- 
Voir  violé  le  droit  naturel  et  les  lois  de  la 
justice  et  de  l'Iiunianilé,  en  livrant  Jean  Hus 
au  bras  séculier,  pour  élre  puni  du  dernier 
sup[)lice ,  malgré  !e  sauf-conduit  qui  lui 
avait  été  donné  par  l'empereur  ;  c'est  une 
calomnie  que  nous  rcfuteruns  au   mot  Hus- 

SITES. 

(CONSTANTIN.  Nous  ne  devrions  avoir 
rien  à  dire  sur  cet  empereur  ;  mais  les  criti- 
ques modernes  se  sont  appliqués  à  le  noir- 
cir, afin  de  rendre  suspecte  sa  conversion  au 
christianisme,  et  de  déciéditer  les  écrivains 
ccclé-iastiqucs  qui  ont  tait  l'éloge  de  ses  ver- 
tus, îîasn.ige  leur  a  fourni  les  maiéi  i^uix, 
Bist.de  l'Iùjl.,  lom  11,  pag.  1077.  Mo-heim 
n'a  été  guère  plus  équitable,  /list.  Chiist., 
sœc.  iv,  pag.  952.  Un  théologien  doit  savoir 
à  qu')i  s'en  tenir  sur  le  caraclére  de  ce 
prince. 

1.  On  lui  reproche  les  meurtres  de  Licinius, 
son  beau-frèie,  assassiné  mali^ré  la  foi  iies 
Irailés  ;  de  l.icinien  son  neveu,  massacré  à 
l'âge  de  douze  ans;  de  Maximien  son  beau- 
père,  égorgé  par  son  ordre  a  Marseille;  de 
son  propre  tilsCrispus,  prince  de  grande  es- 
pérance, injusiement  mis  à  morl,  après  lui 
avoir  vu  gagner  des  bilailles;  de  l'impéra- 
trice Fausti  son  épouse,  etoulTée  dans  un 
bain.  Ou  insiste  sur  la  cruaulé  ;ivic  laquelle 
il  (il  dévorer  par  des  bêles  féroces,  d.ins  les 
jeux  du  tirnue,  idus  les  (hets  des  Fr;incs 
avec  les  prisonniers  qu'il  avait  laits  d^ins  une 
expédition  sui'  le  lUiin  ;  ou  ajoute  ijue  tous 
ces  crimes  exéirahles  llélriront  à  j.imais  sa 
mémoire. — ï>'iU  étaient  lous  vrais,  il  serait 
élonnant  que  Julien  ,  qui  ne  ménage  p  is 
Constanlin  dans  la  .^alire  clesCésars,  n'en  eùl 
rien  dit,  pendant  qu'il  Iraitait  de  morn^lres 
les  deux  cou:pélileurs  de  C(*Hs((m;in  ;  que 
Znzime,  bis'.oiieu  païen,  irès-Indisposé  con- 
Ire  lui,  ne  lui  eùl  pas  reproihé  ces  crimes  ; 
que  Lihanius  et  Praxiigors,  aulies  p.iïeus 
zélés,  (  ussent  osé  faire  un  éloge  complel  (le< 
venus  de  Constantin  ,  husiiu'il  n'e\is  ait 
plus,  et  que  l'uu  pouvait  tlelrir  impuucuient 


sa  mémoire.  Mais  les  païens  contemporains 
ont  été  moins  iujusles  que  b  s  pliil(iso[ihes  du 
xvi  r  siècle;  les  premiers  l'ont  .idoré  comme 
un  dieu  api  es  sa  mort;  les  seconds  veulent 
le  faire  délester  comme  un  scélérat. 

Pour  juger  Constantin  sans  parilaliié,  il 
faut  consulliT  Tillemoiit  ;  il  n'a  supprimé 
aucun  des  reproches  i|ui  onl  été  fai  s  à  ce 
prince  :  il  y  oppose  non  le  lénioignage  des 
auleurs  chrétiens,  mais  celui  des  historiens 
païens,  d'Anréliiis  Victor,  d'Iiulrop'-,  d'Am- 
mien  Marcellin,  de  Lihaniu'-,  de  Julien  :  la 
plupirt  onl  écrii  après  la  mort  de  Constan- 
tin, et  après  l'cxiieciion  de  sa  famille;  ils 
n'.ivaieol  aucun  luiériH  do  déguiser  la  vérité. 
—  Il  est  f;iux  que  Constantin  ail  fait  assassi- 
ner Licinius  maigre  la  foi  des  irailés.  Trois 
fois  Licinius  avait  aruuS  contre  lui,  avait  été 
vaincu  en  bataille  rangée,  et  avait  été  par- 
donné. Après  avoir  solennellemenl  renoncé 
à  l'empiie,  devenu  simple  particulier,  il  ea- 
balait  encore;  il  violait  donc  les  traiiés,  il  ne 
fut  donc  pas  mis  à  mort  contre  la  foi  des 
Irailés  :  la  mort  d'un  sujet  rebelle,  ordonnce 
par  un  empereur  despote,  afirès  trois  par- 
dons accordés,  ne  fut  jamais  un  asuis^inal. 
— Consldulin  n'est  point  l'auteur  du  meurtre 
du  jeune  Liciuien  ;  aucun  éeriv  lin  n'a  osé 
l'en  accuser,  et  il  n'y  en  a  aucune  preuve. 
— .Maximieii,  son  beau-père,  avait  attenté  à 
sa  vie,  c'était  d'ailleurs  un  monsire  couvert 
de  crimes  ;  après  avoir  renoncé  à  l'empire,  il 
voulait  s'en  emparer  de  nouveau  et  l'arra- 
cher à  sou  gendre  ;  il  fut  réduit  à  s'égorger 
lui-même.  Se  détairi'  d'un  coii:petitenr  in- 
juste ou  plulôl  d'un  assassin,  pour  prévenir 
de  nouvelles  yuerres  civiles,  es'-ce  un  crime  ? 
— -Nous  avouons  le  meurtre  injuste  de  Ois- 
pus.  Sa  belle-mère  Fausta  l'aicu-ait  d'avoir 
alleiilé  à  sa  pudeur  ;  Constanlin,  trop  cré- 
dule, eut  tort  de  ne  pas  mieux  vérifier  ce 
crime  |iréteudu  ;  mais  lorsque,  persuadé  de 
l'im  ocence  de  sou  (Ils,  Constantin  punit  la 
cahunnie  de  Faus  a,  nous  soutenons  qu'il  (il 
un  acte  de  justice.  Aucun  écriv.un  cliiél  en 
n'a  clierché  à  jusiilier  ni  à  p.ilher  le  meur- 
tre de  Ciispus. — Ouant  à  la  cruaulé  exercéi) 
coulie  les  chefs  des  Francs  et  contie  les  pri- 
sonniers, il  faul  se  souvenir  ijue  depuis  long- 
temps la  couiiime  des  Uomains  était  de  faire 
contre  les  (iarbares  la  guerre  sans  qu  irlier  : 
qu'.ipiés  laviiloire  remportée  sur  Maxence, 
Constantin  avait  racheié  à  prix  d'argeni  la 
vie  des  prisonniers  ;  qu'il  avail  placé  dans 
rilly  I  i,'  et  dans  la  Thrae(;  ii  ois  cent  mille  Sar- 
males,  chassés  de  leur  pays  par  d'autres 
Barbares;  ce  n'était  donc  pas  un  monstre 
altère  de  sang  linmain.  Ses  prédécesseurs 
avaient,  peu  laiit  trois  cents  ans,  l'ail  dévo- 
rer par  les  bêles,  dans  le  cirque,  les  chré- 
tiens (pii  n'ét;iient  ni  des  Francs,  ni  des  Sar- 
mates,  mais  des  Kom.iins  ;  ei  les  censeurs  di 
Constantin  l'ont  trouvé  bon. 

II.  Ses  accusateurs  ont,clierché  à  rendre 
SMspecl'i  les  motifs  et  les  causes  de  sa  cou- 
version  au  christianisme  ;  les  uns  onl  dit, 
sur  la  foi  de  Zozime,  historien  païen  Irès- 
piéveiiu  contre  ce  prince,  qu'il  se  fil  chré- 
tien, parce  que  les   pontifes  du   pagauisme 


1091  CON 

1  assurèrent  que  leur  religion  n'avait  point 
d'cxpialions  assez  puissantes  pour  expier  les 
crimes  qu'il  avait  commis.  Celle  absurdité 
esl  assez  réfutée  par  1  s  éloges  que  lui  ont 
prodigués  d'autres  auteurs  païens,  cl  par  le 
culte  idolâtre  qui  lui  a  été  rendu  par  les 
païens  après  sa  mort.  Etitrope,  1.  x.  D'au- 
tres empereurs,  plus  coupables  i|ue  lui,  n'a- 
vaient pas  cru  avoir  besoin  d'expiation,  et 
l'on  sait  d'ailleurs  s-i  les  pontifes  du  paga- 
nisrce  étaiiMil  des  censeurs  fort  rigides  à  l'é- 
gard des  empereurs.  Les  autres  disent  que 
Constantin  se  ût  chrétien  par  politique,  parce 
qu'il  vit  que  les  chrétiens  étaient  déjà  nom- 
breux et  puissants,  qu'il  pouvait  compter 
sur  leur  fidélité,  (jue  leur  religion  était  plus 
capable  que  le  paganisme  de  contenir  les 
peuples  dans  l'obéissance.  Soil  pour  un  mo- 
ment. 11  en  résulte  déjà  q!!e  Conslutlin  fut 
plus  sage  et  meilleur  politique  que  ses  jjré- 
décesseurs,  qu'il  rendit  au  chrislianisme  plus 
de  justice  que  no  lui  en  rendent  les  incrédules, 
et  que  par  l'événement  il  ne  fut  pas  trom- 
pé, puisque  son  règne  fut  paisibleet  iK^ureux. 
Mais  les  motifs  de  politique  ne  dérogent 
en  rien  aux  preuves  que  ce  prince  put  ac- 
quérir d'ailleurs  de  la  divinité  du  ciiristia- 
nisine.  —  Constantin  a  raconté  lui-mèiiic, 
qu'avant  de  livrer  bataille  à  son  compétiteur 
Maxence,  il  avait  vu,  après  midi,  dans  le 
ciel  et  au-dessus  du  soleil,  une  croix  lumi- 
neuse avec  ces  mots  .  Sois  vainqueur  par  ce 
signe  ;  i\ue  les  soldais  qui  l'accompagnaient 
en  avaient  été  témoins.  11  ajoutait  que  la 
nuit  suivante  Jésus-lMirist  lui  était  apparu, 
et  lui  avait  ordonné  de  faire  faire  une  ensei- 
gne militaire,  ornée  du  signe  qu'il  avait  vu. 
Constantin  la  lit  exécuter  en  eQ'el  ;  c'est  ce 
qui  fut  nommé  le  labarum.  Après  sa  victoire, 
ce  prince  fit  placer  à  Rome  sa  statue,  tenant 
à  la  main  une  laiiee  en  lorme  décrois,  avec 
cette  inscription  :  Par  la  terlu  de  c  signe, 
i'ai  délivré  votre  ville  du  joug  de  Li  Igran- 
nie,  etc.  Eusèbe,  dans  la  Vie  de  Constantin, 
iiv.  I,  c.  28  et  suiv.,  assure  qu'il  tenait  ce 
fait  de  la  propre  bouche  de  l'empereur,  qui  le 
lui  aval  lattes  té  avec  serment,  et  dit  qu'il  avait 
vu  plus  d'une  fois  le  labarum.  11  en  parie  en- 
core dans  le  panégyrique  de  ce  prince,  j)ro- 
noncé  en  sa  présence,  la  trentième  année  de 
s;;n  règne, ou  l'an  335.  Orat.  de  lnud.Const., 
c.  G  et  9.  Constantin  lui-même  semble  y 
faire  allusion  dans  son  discouisà  l'assemblée 
des  saints.  Orat.  ad  Sancl.c<Ptum,i-.  2G,  lors- 
qu'il dit  que  SIS  exploits  militaires  onl  com- 
mencé par  une  inspiration  de  Dieu. — Lac- 
tance,  auteur  conlcmijorain  [Lib.  de  Mort, 
persec,  e.  ii),  dii  seiileuienl  (jue  Constnniin 
fut  avertit  en  songe  de  faire  graver  sur  les 
boucliers  de  ses  soldils  le  signe  céleste  de 
Dieu,  avant  de  commenrcr  lecomliat,  cl(|u'il 
Gt  eti  elTet  marquer  sur  les  boucliers  le  si- 
gne le  Jésus-i;;iiri>t.  Socrale,  Sozomène,  Phi- 
loslorge,  Théodorel  ,  Ujl.ilianus,  Purpbjre, 
dans  un  potime  à  kl  louange  de  Constantin, 
deux  orateurs  païens  dans  les  panégyriques 
de  ce  prince,  le  poi'lc  l'rudenco  et  d'autres, 
cunlirment  la  narration  d'I.UM'be. 
Jusqu  au  xvr  siècle  aucun  écrivain  uc  l'a- 


CON 


lOâiJ 


vait  attaquée;  mais,  comme  les  protestants 
onl  vu  qu'elle  pouvait  servir  à  autorisrf  le 
culte  de  la  croix,  plusieurs  d'e«tre  eux  ont 
entrepris  de  lui  ôter  toute  croyance.  Ils  ont 
dit  que  tous  les  témoignages  «lue  l'on  pro- 
duit en  fiveur  de  ee  miracle,  se  réduisent, 
dans  le  fond,  à  celui  de  Conifun^f'n  ;  (|ne  ce 
fut,  de  sa  part,  une  ruse  militaire  pour  ani- 
mer ses  soldats  au  combat.  Chaussepié,  dans 
le  Supplément  au  Dictionnairede  Bnyle,  a  ras- 
semblé toutes  les  objections  el  les  conjec- 
tures de  ces  critiquer.  Musheim  a  fail  de 
même  (Ilist.  Christ.,  sœc.  iv,  p.  978).  Les  in- 
crédules modernes  en  onl  triomphé,  et  l'on 
n'a  pas  manqué  de  mettre  un  long  extrait  de 
cette  liisseriation  dans  l'ancienne  Encijclo- 
pédie,  au  mol  Vision  de  Constantin.  —  En 
1774,  iM.  l'abbé  Duvi)isin  leur  a  opposé  une 
disserialion  plus  exacte  el  plus  solide  ;  il  a 
rapporté  les  preuves  et  l.^s  témoignages  cjue 
nous  venons  d'indi(|uer,  >1  en  a  fait  sentir  la 
force,  el  a  répondu  à  toutes  les  objeclions  ; 
l'on  peut  consulter  cet  ouvrage.  On  y  verra, 
dans  tout  son  jour,  la  léiiiériié  avec  Ia(|uelle 
les  pruleslants  ont  travaillé  à  jeter  du  doute 
sur  les  faits  de  VHisloire  ecclésiastique,  qui 
paraissent  les  mieux  constatés,  el  les  armes 
qu'ils  ont  fournies  aux  incrédules  pour  atta- 
quer tous  les  faits  favorables  au  clirislia- 
nisme. 

Nous  nous  bornons  à  remarquer  que  l'on 
suspecte,  sjus  aucune  raison,  la  probité  de 
Constantin,  l-A-l-on  prouvé  que  Dieu  n'a 
pas  pu  ou  n'a  pas  dû  faire  un  miracle  pour 
convertir  cetempereur,cl  pour  préparerainsi 
le  triomphe  du  clirislianisme  ?  2"  11  faut 
supposer  que  tous  les  soldats  de  son  armée 
étaient  chrétiens,  ce  qui  ne  peut  pas  èire  , 
puisqualors  ce  prince  n'avait  pas  encore 
professé  la  religion  cbrelieiine  ;  des  soldais 
païens  ne  pouvaient  avoir  aucun  respect  ni 
aucune  confiance  au  nom  ni  au  signe  de  Jé- 
su>-Christ;  il  était  à  craindre  au  contraire 
que  ce  signe,  détesté  par  les  païens,  ne  les 
fil  (iéserler  el  passer  du  côté  de  Maxence. 
à'  .\près  la  victoire  une  fois  rempoilée  sur 
-Maxence,  quel  intérêt  pouvait  avoir  Con- 
stantin à  faire  altesicr  |)ar  ses  enseignes,  par 
sa  statue,  et  par  d'autres  monumenis,  l'iuj- 
posture  qu'il  avait  forgée  pour  inspirer  du 
courage  à  ses  soldats'?  4°  Il  en  avail  encore 
moins  à  réfiéier  cette  fable  à  Eusèbe  douze 
ou  quinze  ans  après,  à  l'aliesler  par  ser- 
ment, à  dire  que  le  prodige  avail  clé  vu  par 
les  soldats  qui  l'aceompagnaient  pour  lors. 
Si  cela  n'était  pas  vrai,  les  païens,  surtout 
les  soldats,  onl  dû  se  moiiuer  delà  fourberie 
de  l'empereur  et,  de  ses  prétendus  monu- 
menis, et  s'obsliner  davantage  dans  la  pro- 
fession du  paganisme.  D'un  côté  l'onaltribue 
à  ce  prince  une  |iolilii|ue  Irès-rusee,  de  l'au- 
tre une  imprudence  inconcevable.  5  La  vi- 
sion de  Constantin  n'est  pas,  dans  le  fond, 
une  preuve  fort  nécessaire  au  christianisme; 
il  peut  aisément  s'en  passer;  nous  ne  voyons 
pas  que  ceux  qui  la  rapportent  en  tirent  au- 
cune conse(iueiice  ni  aucun  avantage.  Ils  ont 
donc  eu  moins  d'iiilerêl  à  l'accréditer,  que 
les  protestants  cl  les  incrédules  n'en  onl  à  la 


â003 


CON 


CON 


1094 


suspecter.  Voy.  encore  Vies  des  Pères  et  des 
JiJarli/rs,  I.  VIII,  p.  48S  e(  suiv. 

111.  Les  aci'iisateiirs  modernes  deConstan- 
tin  lui  ri'fusent  la  (lualilé  de  s.ifçe  législa- 
leur,  parce  (lu'il  accorda  des  iniinunilés  aux 
clercs,  et  donna  lieu  d'en  auf;niuiiier  le  nom- 
bre; parce  qu'il  donna  aux  évéques  de 
grands  priviléf^es,  en  particulier  celui  d'al- 
(ranrliir  les  cscl.ives  ;  parce  qu'il  favorisa  le 
celihal  en  aboliss.nil  la  loi  Pupia  Poppœn, 
qui  [irivait  les  célibalaires  des  successions 
ccdlalérales. — Quand  Constantin  aurait  eu 
t'irt  en  tout  cela,  ce  qui  n'est  pas,  aurait-il 
détruit  par  l.'i  le  bien  qu'ont  dû  produire 
plus  (le  quarante  lois  fort  sa^es,  qu'il  a  faites 
sur  divers  objets  de  police  ?  Elle  sont  dans  le 
Coile  Théodiisien  ;  Tilleniont  les  a  rappor- 
Cées  ;  mais,  |.ar  un  Irait  d'équité  exemplaire, 
nos  critiques  les  p.issi'nt  sous  silence  :  il  se- 
rait trop  loni;  d'en  faire  le  détail  et  d'en  mon- 
trer les  beureux  cITols.  Voy.  le  Traité  de  la 
vraie relii/ion,  I.  XI,  c.  10,  art.  1,  §  !). — Mais 
Conslanlin  élait  meilleur  politique  que  ceux 
qtii  osent  le  blâmer.  Il  accorda  aux  méde- 
cins el  aux  professeurs  de  belles-lelires  les 
mêmes  immunilés  qu'aux  clercs;  nous  es()é- 
lons  qu'on  ne  lui  en  saura  pas  mauvais  gr^  ; 
mais,  loin  d'augmenter  le  nombre  des  clercs, 
il  ordonna  que  l'on  ne  l'erail  point  de  clercs 
qu'à  la  place  de  ceux  ((ui  seraient  morts.,  et 
qiie  l'on  prelérerait  ceux  qui  n'étaient  pas 
rirhes.  Sous  la  réiiubliiiue  romiiine,  les  pon- 
tifes avaient  eu  de  plus  gi  aiids  privilèges  (|tie 
n'en  eurent  jamais  les  évéques;  on  ne  con- 
çoit pas  comment  des  |)liilosoplii'S  osenl  faire 
un  crime  à  cet  empereur  d'avoir  facilité  l'af- 
francliissemenl  des  escla»es,  lorsiiue  l'em- 
pire était  dépeuplé  par  les  guerrrs  civiles  et 
étrangères  (jui  avaient  précédé.  iVest  pour  le 
repeupler  qu'il  accorla  des  terres  à  trois 
cent  mille  Sarmales  chassés  de  leur  [lays  par 
d'autres  Barbares.  La  loi  l'apia  Poppœaéiall 
injuste  cl  absurde,  parce  (ju'elli'  punissait 
les  innocents  aussi  bien  que  les  coupables  ; 
elle  n'avait  produit  d'ailleurs  aucun  efl'el  ;  il 
est  faux,  (ju'après  son  abohlion  ,  le  célibat 
soit  devenu  plus  commun  qu'il  ne  l'était  au- 
paravant. 

Knfin,  l'on  a  écrit  et  répété  que  Constantin 
employa  la  violence  et  les  supplices  pour 
cxti Tininor  le  paganisra  ',  et  mettre  la  reli- 
gion chrétienne  à  sa  place;  c'est  une  calom- 
nie que  nous  nfulerons  au  mot  liMPEiiEun. 
CONSTAiNTINOPLK.  Outre  les  conciles 
particuliers  qui  ont  été  tenus  dans  cette 
ville,  il  y  en  a  quatre  qui  sont  regardés 
comme  généraux  ou  œcuméniques.  Le  pre- 
mier fut  convoqué,  l'an  381,  par  ordre  d' 
l'empereur  Théodose,  et  composé  d'environ 
cent  cinquante  é\6iues  Orientaux,  dont  un 
graii'l  nombre  élait  reconimandable  par  leur 
capacité  et  par  leurs  vertus.  Après  avoir 
placé  un  évéque  légitime  sur  le  siège  de  celle 
ville,  qui  était  occupé  par  un  intrus,  le  con- 
cile Condamna  de  nouveau  les  ariens  et  les 
euiiouiiens  ;  il  prosiriut  les  erreurs  de  .Ma- 
cédonius,  ((ui  niait  la  divinité  du  S>iinl  lîs- 
pril,  el  celles  d'Apollinaire,  qui  atiaqnaient 
la  •vérité  de  l  incarnalioQ.  Conséquemminit  il 


décilla  que  le  Saint-Esprit  est  consubslanliel 
au  Père  et  au  Fils,  que  ces  trois  Personnes 
ont  une  seule  et  même  divinité:  il  connriua 
le  symbole  de  Nicee,  et  il  y  fit  quelques  atl- 
diliitns  rel.itives  aux  nouvelles  erreurs;  en- 
fin, il  dressa  quelques  cano  is  de  discii  line. 
L'année  suivante,  le  pape  Damase,  et  dans 
la  su. le  les  evéques  d'Occident,  acceptèrent 
les  décisions  de  ce  concile;  c'est  ce  qui  lui 
a  donné  laulorité  d'un  (  oncile  général. 

Le  deuxième,  qui  est  aussi  nommé  le  cin- 
(|uiéine  général,  fut  convoqué  par  l'empe- 
reur Jusiinicn,  l'an  533,  sous  les  yeux  du 
pape  Vigile,  qui  ne  voulut  cependant  pas  y 
assister;  il  s'y  trouva  au  moins  cent  cin- 
quante évéques  presque  tous  Orientaux.  Lo 
motif  de  la  convocation  élait  de  condamner 
les  trois  chapitres.  L'on  entendail  sous  C8 
nom,  1"  les  écrits  de  Théodore  de  Mopsueste; 
2"  ceux  que  Tliéodorel,  évéque  de  Cyr,  avait 
composés  pour  réfuter  les  anaihémalismes 
dresses  par  saint  Cyrille  d'Alexandrie  contre 
Ne>torius;  3"  une  Mire  qu'lbas,  évéque  d'E- 
desse,  avait  écrite  à  un  Persan  nommé  Ma- 
Ms.  Plusieurs  évéques,  aussi  bien  que  l'em- 
pereur, jugeaient  qu'il  était  nécessaire  de 
coiiddmn<!r  ces  ouvrages,  parce  que  les  nes- 
loriens  s'en  servaient  pour  autoriser  leurs 
erreurs,  et  prétendaient  que  ces  mêmes  écrits 
avaient  éle  approuvés  par  le  concile  de  Chal- 
cedoine,  ce  qui  élait  faux.  Les  eutychiens, 
de  leur  côté,  demandaienl  la  condamnalion 
de  ces  écrits,  pour  fermer  la  bouche  aux  nes- 
toriens;  Théodore  de  Césarée,  qui  était  du 
parti  des  eutychiens  acéphales,  avait  assuré 
l'empereur  que,  sous  celle  condition,  ses  ad- 
hérenls  se  reconcilieraient  volontiers  à  l'E- 
glise. —  D'autre  part,  parmi  les  catholiques 
même,  surtout  parmi  les  Occidentaux,  plu- 
sieurs désapprouvaient  la  condamnation  que 
Justiiiien,  de  .■^a  propre  autorité,  avait  faite 
des  trois  chapitres;  les  uns,  parce  qu'ils 
étaient  persuadés  que  ces  écrits  étaient  or- 
thodoxes, el  que  les  nesloriens  avaient  tort 
de  s'en  prévaloir;  les  autres,  parce  qu'ils 
croyaient  que  ces  ouvrages  avaient  été  ap- 
prouvés en  effet  par  le  concile  de  Ghalcé- 
iloine,  et  que  la  demande  des  eutychiens  n'é- 
tait qu'un  piège  imagin  ■  pour  affaiblir  lau- 
lorilé  de  ce  concile;  d'autres  enfin  parce 
qu'il  leur  paraissait  indécent  de  faire  le  pro- 
cès aux  morts,  el  de  flétrir  la  mémoire  de 
trois  évéques  décédés  dans  la  communion  de 
l'iiglise. 

Tel  était  le  sentiment  du  pape  Vigile.  .\p 
pelé  à  Conslaïuinople,  l'an  5ilj,  par  Justi- 
iiien, el  tourmenté  par  cet  empereur,  il  con- 
senti! enfin  ,  après  deux  ans  de  résistance, 
et  après  avoir  consulté  un  synode  de  soixante- 
dix  evéques,  à  condamner  les  trois  chapitres; 
il  le  fil  par  un  écrit  public,  qui  fut  nommé 
JudicatUiU  ou  Constilutum,  mais  qui  portait 
la  Clause,  «.ns  pnjjudici;  du  conrde  de  Cltal- 
cédoini'.  Cette  complaisance  ne  laisf -i  pas  de 
brouiller  le  pape  avec  les  évéques  d'Afrique 
cl  d'Italie.  Vainement  Jiistinien  employa  la 
violenre  pour  obtenir  ue  lui  une  condamna- 
lion  |iure  et  simple.  Vigile  demanda  la  con- 
vocaliun  d'uu  concile  gênerai,  el  l'obtint.  Eu 


AS; 

/#^ 
Fi    % 


îdDS  CON 

nltemlant,  il  retira  son  Judicatnm  et  la  si- 
gnalure  des  évéquos  qui  y  avnient  souscrit, 
et  défendil,  sous  peine  (l'excomiiiunirntion, 
de  lien  écrire  pour  on  niiitre  les  trois  cha- 
pitres avant  la  dérision  du  cuncile.  —  Lors- 
qu'il fut  assemblé,  Vlifilc  refusa  d'y  assister, 
parce  qu'il  n'y  .ivait  (]u'un  1res  petit  nombre 
d'éiéqui's  "cciiientaux,  et  parce  ((u'il  |irc>it 
que  les  siilTra'^es  n'y  seraient  pis  libres.  Le 
concile  /lyanl  condamné  absoluinenl  les  trois 
cliapilrcs,  et  prononcé  l'anathème  coulre  les 
auteurs,  il  n'est  pas  certain  que  \'ii;ile  y  ait 
souscrit;  plusieurs  prélcndenl  qu'il  ne  l'a 
jamais  fait,  d'autres  ont  produit  un  Constitu- 
tum  de  ce  pape,  de  l'an  55i ,  dans  leiiuel  il 
déclare,  (ju'après  avoir  mieux  examiné  les 
écrits  dont  il  est  question,  il  les  a  jugés  con- 
damnables. Celle  pièce  est  rapportée  dans 
les  nouvelles  collections  do  Baluze.  —  Cette 
condamniilion  causa  un  schisme  parmi  les 
évoques  occidentaux,  toujours  persuadés  que 
les  trois  chapitres  av.iient  été  approuves  par 
le  concile  de  Chalcédoiiie.  La  division  parmi 
eux  ne  finit  que  plus  d'un  siècle  après;  elle 
dura  aussi  loiiutemps  parmi  les  Orientaux, 
dont  les  uns  tenaient  pour  le  nestorianisme, 
les  autres  pour  les  erreurs  d'Eutydès,  les 
autres  enfin  pour  la  doctrine  catholique,  éta- 
blie par  le  concile  de  Ch^ilccdoine. 

l'iiute  la  quesiion  se  réduit  donc  à  savoir 
si  les  trois  chapitres  avaient  élé  approuvée 
par  le  concile  de  Chalci  doine  :  or  ,  il  n'en 
est  rien.  1°  L'on  ne  voit  rien  dans  les  actes 
de  ce  concile,  ni  dans  les  écrivains  contem- 
porains, d'où  l'on  puisse  conclure  qu'il  y  lut 
quesiion  des  ouvrages  de  Tliéodore  de  Âlop- 
sue-le.  (Jel  évoque  était  mort  en  42'i-,  avant 
que  Neslorius,  son  disciple,  eût  fiublié  ses 
erreurs.  Lu  renouvelant  la  condamnation  de 
Neslorius,  le  concile  de  (:halcédi)ine  était 
censé  avoir  proscrit,  plutôt  qu'approiné, 
les  écrits  dans  Ic-ciuels  cet  h.  résiarquo  avait 
puisé  sa  diicliine.  2"  Tliéodorel  et  Ibas  assis- 
taient à  ce  concile  :  on  ne  pouvait  pas  dou- 
ter de  leur  croyance  personnelle,  puisque 
l'un  et  l'autre  souscrivirent,  sans  hésiler,  à 
la  condamnai  ion  de  Neslorius.  S'il  y  avait 
des  chiises  refiréhensibles  dans  leu:s  écrits, 
le  concile  était  convaincu  qu'ils  avaient 
chani:é  île  sentiment.  Il  n'eut  donc  pas  tort 
de  les  reconnaîlre  pour  orthodoxes,  et  do  les 
réiablir  dans  leurs  sièges,  d'où  ils  avaient 
été  chassés,  deux  ans  auparavant,  par  Dios- 
roreel  par  le  f.iux  concile  d'I'.plièse,  auquel  il 
présidait.  On  .savait  d'ailleurs  que 'l'heodorel 
avait  abandonné  absolument  le  parti  de  Nes- 
lorius, et  s  était  reconcilie  sincèrement  avec 
saint  tiyrille  ;  il  ataii  donc  sullisaminenl  dès- 
avoué  ce  qu'il  avait  écrit  auparavant  con- 
tre ce  saint  docleur.  Quelle  nécessité  pou- 
vait-Il y  avilir  d'examiner  ses  écrits?  Ibas 
éiait  présent  pour  lendie  raison  de  ce  qu'il 
a\ail  dit  dans  sa  Icilif  à  Maris;  elle  ne  fai- 
sait pas  encore  do  luuit  pour  lors.  Le  con- 
cile joyea  df  l'orthodoxie  persoiiiieile  de  ci  s 
deux  evéqiies,  sans  lien  statuer  sur  leurs 
écri  s.  3-  L'imposture  des  nevioi  iens,  (|ui  pu- 
bliaient i|ue  ces  ecri  s  a\  aient  elo  apj.rou- 
vcs  par  to  concile,  ne  prouvait  doue  rien  ;  la 


CON 


lODG 


prévention  de  ceux  qui  les  en  croyaient*  sur 
leur  i)arnle,  était  mal  fondée,  et  làrtificc  des 
eutycbiens,  qui  se  flattaient  di»  détruire  l'au- 
tiiriié  du  concile  de  (-.balcédoine.  en  les  fa  - 
saut  condamner,  n'était  ()u'utie  laiiie  inn- 
giialion.  Ils  réussirent  à  aiis»iiieiiter  la  ili\i- 
sion  et  à  trouh  er  \'\l<i]  se,  et  il  r'e  s'onsuivt 
rien.  k°  Pour  que  le  concile  de  Const.intino- 
p!e  ait  eu  le  droit  de  condamner  les  trois 
chapitres,  il  suffisait  que  les  e\|(ressiiins, 
renfermées  dans  ces  écrits,  ne  fissent  pas 
assez  claires  ni  assez  exactes,  et  qu'elles 
donnassent  lieu  aux  nesloriens  d'autoriser 
leurs  erreurs.  Les  ailleurs  avaient  pu  les  em- 
ployer i  uiocemmeiil  a^anl  les  conlaniia- 
lious  réiicrées  de  Nesioriu^  ;  mais  on  devait 
les  priisciire  depuis  que  l'E  lise  avait  for- 
meLement  expliqué  sa  rroyiince.  Si  ce  con- 
cile alla  trop  loin,  en  fletrissiinl  la  mémoire 
des  auteurs,  cet  excès  do  sévérité  ne  fait  lien 
à  la  foi. 

Basnage,  qui  a  fait  une  longue  histoire  du 
cinquième  concile  générai,  et  i)ui  l'a  remplie 
d'invectives,  aurait  dû  faire  ces  réflexions 
{Hist.  de  r Eglise,  I.  x,  c.  G).  Il  s'obstine  à 
supposer  que  le  concile  de  Chaliédoine  avait 
approuvé  les  trois  chapitres;  que  les  con- 
damner à  Conslantinople,  c'était  reformer  le 
jugement  et  les  décrets  de  Chalcédoine,  et 
donner  alteinte  à  l'autorité  la  plus  vénérable 
qui  lût  connue  ;  que  ce  concile  avait  décidé 
que  la  lettre  d'ibas  élail  orih xloxe,  §  'i-  et  22: 
c'est  une  faussi'té.  Il  reconnaît  lui-même  que 
l'on  n'avait  parlé  de  Théoilore  de  iMopsnesle 
à  Chalcéiloine,  (];i'eii  trailant  de  l'affaire 
d'ibas,  d'où  11  (Oncliit  que  sa  personn  ■  ni  ses 
écris  ne  pouvaieni  pas  \  avo.r  été  condam- 
nés ;  mars,  par  la  même  raison,  ils  ne  pou- 
vaient pas  ncn  plus  y  avoir  élé  approuves. 
L'affaire  d'ibas  n'était  pas  l'examen  de  sa 
lellred  Maris,  mais  de  ses  senliments  actuels 
ou  personnels.  —  Après  a>oir  peint,  de  la 
manière  la  plus  odieuse,  la  faiblesse,  les  in- 
certitudes, les  cbanuemenls  de  condute  du 
pape  Vigile,  il  est  forcé  do  convenir  que  le 
jugement  de  ce  ponlile,  après  la  décisiwn  du 
concile  de  Vonslnnlinople ,  était  sage,  qu'il 
dislinL'uail  jiidi.  leuseiiieni  le  droit  d'avec  le 
fait.  D'un  co.é  ,  il  censurait  les  erreurs  de 
Théodore  de  Alopsuesle  sur  les  extraits  de 
ses  livres  qu'on  lui  avait  fournis  ;  de  l'autre, 
il  ne  voiilaii  pas  ()ue  l'on  condamnai  sa  per- 
sonne ;  parce  (|u'il  était  mort  dans  la  pais  de 
rhgliseaussi  bien  qu'ilias  et  I  héodoret,  ij  17. 
Les  l'ères  de  Coiiflundiuiple  auraient  sans 
doute  l'ait  de  même,  s'ils  n'avaieni  pas  élé 
poussés  par  les  clameurs  des  eutychicns  et 
par  rciiiélement  de  Juslinien.  C'est  leur  ri- 
gueur, dans  la  condainnalii/n  des  pcrsonns, 
qui  révolta  principalement  les  Occidentaux  ; 
mais,  encore  une  lois,  ce  prucédo  ne  lient  en 
rien  à  la  question  du  droit,  {\ut  élail  de  sa- 
voir si  les  écrits  en  ou\-mèmes  étaient  cen- 
surablcs:  or,  nous  soutenons  qu'ils  l'étaient, 
que  la  rondamnaiion  de  ces  écrits  u'esl  pas 
injuste,  quoi  qu'en  dise  Itasnage,  §8.  —  Do 
là  iiiéiiio  il  rcsnlle  (|ue  l'on  ne  dull  pas  don- 
ner une  entière  (  rojance  a  loul  ce  (|ui  a  clé 
écrit  de  part  et  d'autre,  surtout  par  les  Alri- 


.«^ 


•  1 


1097 


CON 


caii)s;  ils  jugeaient  de  In  conduite  du  pape 
Vigile  el  du  concile  de  Constantinople  selon 
leur  prcveniion  ;  ils  n'élaienl  pas  fort  en  état 
de  peser  la  valeur  des  expressions  grecques 
renfermées  dans  les  trois  chapitres.  Ce  con- 
cile n'a  été  général  ou  œcurnéiii(|ue,  ni  dans 
sa  convocalioii,  ni  dans  su  tenue,  ni  dans  sa 
conclusion;  les  suffrages  n'y  étaient  pas  li- 
bres, il  n'est  censé  général  que  par  l'accep- 
tation universelle  que  l'Eglise  en  a  faite  dans 
la  suite.  Uasnage  en  conclut  très-mal  à  pro- 
pos que  ceux  qui  le  rejetaient  ne  croyaient 
pas  à  l'infaillibilité  des  conciles  œcuméni- 
ques, §22;  les  Occidentaux  ne  le  regardaient 
pas  comme  tel. 

Le  troisième  des  conciles  de  Constanlino- 
ple,  pi  icés  parmi  les  conciles  généraux,  fut 
tenu  l'an  680,  sous  le  règne  de  l'empereur 
Constantin  Pogonat,  et  sous  le  pontilicat  du 
pape  Agaihon  :  c'est  h'  sixième  œcuménique. 
Il  fut  compu»é  il'environ  cent  snixanle  évê- 
ques,  et  assemblé  pour  condamner  l'erreur 
des  moncithélites,  qui  éiaieni  un  rejeton  de 
reuiychianisnic.  lîuljchès  avait  prétendu 
que,  dans  Jésns-Clirist,  la  divinité  el  l'huma- 
nité étaient  tellement  unies  et  confondues, 
qu'elles  ne  faisaient  plus  qu'une  seule  na- 
ture. Les  monothéliti'S  souli'uaient  qu'il  n'y 
avait  en  Jésus-Christ  qu'une  seule  volonté  et 
une  seule  opération.  Le  concile  au  contraire, 
après  avoir  déclaré  qu'il  adhérait  aux  dé- 
crets des  cinq  conciles  généraux  précédents, 
décida  qu'il  y  avait  en  Jesus-Christ  deux  na- 
tures distinctes  et  complètes,  revêtues  cha- 
cune de  leurs  facul  es  et  de  leurs  opérations 
propres,  par  conséquent,  deux  volunlés  el 
deux  opérations,  l'une  divine  et  l'autre  hu- 
maine. Parmi  les  fauteurs  du  tnoiiolliélismc 
qu'il  condamna,  il  nominale  pape  Honorius, 
parce  que,  dans  une  lettre  écrite  à  Sergius, 
patriarche  de  Cunstanlinople,  auteur  et  dé- 
fenseur du  monotliéli.sme,  ce  pape  semble 
avoir  enseigné  la  même  erreur.  Voy.  Mono- 

THFLISME. 

On  regarde  ordinairement  comme  une 
suite  de  ce  cuncile  celui  qui  lut  tenu  au  même 
lieu  douze  ans  après,  en  G92,  et  qui  fut 
nommé  le  concile  in  Trullo,  parce  qu'il  fut 
assemblé,  comme  le  précédent,  dans  une 
salle  du  palais  impérial,  couverled'un  dôme; 
on  l'a  encore  appelé  Quinisexte,  parce  qu'il 
avait  pour  objet  de  régler  la  discipline,  sur 
laquelle  le  cinquième  et  le  sixième  concile 
n'avaient  rien  statué,  et  qu'il  renouvela  les 
décrets  de  ces  deux  assemblées.  Justinien  H 
était  pour  lors  empereur,  et  Sergius  I"  rem- 
plissait le  siéîîe  de  Rome.  Deux  cent  onze 
évêques  y  assistèrent  et  y  firent  cent  deux  ca- 
nons de  discipline,  qui  ont  été  constamment 
suivis  depuis  ce  temps-là  dans  l'Iiglise  grec- 
que; mais  tous  ces  décrets  ne  furent  pas 
adoptes  .par  les  papes  ni  par  l'Eglise  latine, 
parce  qu'il  \  en  avait  plusieurs  qui  n'étaient 
pas  conformes  à  la  discipline  établie  en  Oc- 
cident. 

Le  huitième  concile  général ,  assemblé 
aussi  à  Constaniinople,  Van  869,  sous  le  ])aDe 
Adrien  II  ei  l'empereur  Basile,  Tut  composé 
de  cent  deux  évêques.  Ou  s'ét  iil  propose  d'y 

D.CT.  DE  ThÉOL.  DOttMATIQDE.  I. 


CON  ,098 

réparer  les  maux  qu'avait  causés  l'intrusioa 
de  Photius  dans  le  siège  de  Constaniinople, 
et  les  suites  du  schisme  qu'il  avait  établi  en- 
Ire  l'Eglise  grecque  et  l'Eglise  romaine.  Ou 
y  dressa  vingt-sept  canons  de  discifjline,  et 
on  y  renouvela  la  condamnation  des  erreurs 
qui  avaient  été  proscrites  par  les  conciles 
précéiients.  —  Dix  ans  après,  Photius  étant 
parvenu  à  se  faire  rétablir  sur  le  siège  de 
Constaniinople,  après  la  mort  du  patriarche 
Ignace,  trouva  le  moyen  de  rassembler  près 
de  quatre  cents  évêques,  et  de  faire  annuler 
tout  ce  qui  avait  été  fait  contre  lui  ;  il  donna 
à  ce  faux  synoJe  le  nom  de  huitième  concile 
général,  et  il  a  été  regardé  comme  tel  parles 
Grecs  ,  depuis  qu'ils  ont  consommé  leur 
schi-me  avec  l'Eglise  latine.  Yoy.  Grecs 

CONSTITUTION,  décret  du  souverain  pon- 
tife en  maiière  de  doctrine.  Ce  nom  a  été 
principalement  lionne  en  France  à  la  fameuse 
bulle  du  pape  Clément  XI,  du  mois  de  sep- 
tembre niS,  qui  commence  par  ces  mots  : 
Uniijeiiiius  Oei  Filins,  et  qui  condamne  cent 
dix  pi  oposilions,  tirées  du  livre  duP.Quesnel, 
intitulé  :  Le  Nouveau  Teslament ,  avec  des 
réjlexions  morales,  etc.  Foy.  Unigenitus  (I). 

(1)  Nous  avons  besoin  d'établir  quelle  est  l'au- 
tonlé  des  coiislilnlions  émanées  ilu  saiiil-siége. 

Les  constitiilions  ipie  promulguenl  les  papes  ont 
difléreiils  objets  :  les  unes  concernent  le  dogme 
les  auires  la  morale,  les  autres  la  disciplim-.  La 
question  peut  donc  eue  envisagée  sons  ces  dilléreiits 
poinis  de  vue.  Il  e-i  inconteslable  d'ab>>rd  que  louta 
espèce  de  consliiuiion  donnée  p.ir  le  souverain  pon- 
lilé  doit  éire  reçue  avec  un  profond  res|iect  :  cesi  ce 
que  tous  les  catholiques  piolessent.  Nous  allons  citer 
à  l'appui  de  celle  véiilé  uii  passage  de  Fénelon,  el 
un  aiilre  du  clergé  de  France  de  lli-25  ; 

«  On  ne  peut  déroger  à  la  parole  de  Noire-Seigneur 
Jésus-t;iirisl,  ipii  a  dit  :  ï'ii  es  Pierre,  et  sur  celle 
l'ierre  je  bàlirai  mon  église.  La  vérité  de  celte  parole 
est  prouvée  par  le  l'an  même  ;  car  la  religion  a  tou- 
jours été  conservée  pure  et  sam  tache  dans  le  siégt 
apostûliifuc.  C'est  pouripioi,  suivant  eu  tout  l'ouvrage 
du  siège  apostolique  et  souscrivant  à  tous  ses  décrets, 
j'espère  inériier  toujours  de  demeurer  dans  une  inéuie 
CD  iiiuuiiion  avec  vous,  qui  est  celle  du  siège  aposio- 
liipie,  dans  lequel  réside  l'entière  et  vraie  solidité  de  la 
retigiun  chrétienne,  promettant  de  ne  point  nommer 
dans  les  sacrés  mystères  ceux  (jui  sont  séparés  de  la 
coinmunio  i  de  rKglise  catholique  el  du  siège  apos- 
tolique. Ainsi,  ajoute  Fénelon,  qiiiconipie  contredit 
la  loi  rumaiiie,  ([ui  est  le  centre  de  la  tradition  coin- 
niuiie.coulredilctîlle  de  l'Eglise  entière.  Au  contraire, 
quiconque  de  i  cure  uni  à  la  dociriue  de  celle  Eglise, 
toujoiir>  vierge,  ne  liasarde  rieu  pour  sa  foi.  Celte 
promesse  quoique  néiiérale  ,  quoiiue  alisolue,  dans 
une  proléssioii  de  foi,  n'a  rien  de  téméraire  ni  d'ex? 
cessif  pour  les  évêques  mêmes  qu'on  oblige  de  la 
signer.  Caidez-vous  donc  bien  d'écouter  ceux  qui 
oseraient  vous  dire  que  le  formulaire  du  pape  llor- 
misdas,  fait,  il  y  a  douze  cents  ans,  pour  remédier 
au  scbisme  d'Acace,  n'était  qu'une  entreiu  ise  passa- 
gère du  siège  de  Itume.  Cetie  ilécisioii  de  foi,  si  dé- 
cisive pour  l'unité,  fui  renouvelée  par  Adrien  II  plus 
de  trois  cents  ans  après,  pour  liiiir  le  scliisoie  de 
Photius;  el  elle  l'ut  univeiselleiuent  approuvée  dans 
le  liuitiéine  concile  œcuménique.  Cliaipie  évéque  y 
promet  de  ne  pas  se  séparer  ni  de  la  foi  ni  de  la  doc- 
trine du  >iégti  apostoligue,  mais  de  suiire  eu  tout  tes 
dédiions  de  ce  siège,  i  (  Fénelon,  'iisl.  pasl.  sur  la 
bulle  Uniiienitus.) 

<  Les  évêques  seront  exhortes  à  honorer  le  siège 

35 


1099  CON 

CoNSTiTCTioNS  APOSTOLIQUES  ;  c'est  nn  re- 
cueil de  rèslemenls  attribués  aux  apôlres, 
que  l'on  suppose  avoir  été  fait  par  saint  Clé- 
ment, et  qui  portent  son  nom.  Elles  sont  di- 
visées  en  huit  livres,  qui  contiennent  un 

apostolique  et  l'Eglise  romaine,  fonde'e  sur  la  pro- 
messe infaillible  de  Dieu,  sur  le  sang  des  apôtre^  et 
des  mariyrs,  la  mère  des  Eglises  et  laiiuelle,  pour 
parler  avec  saini  Allianase,  est  cnmnie  la  lêie  sacrée 
par  laquelle  les  autres  Eglises,  qui  ne  sont  que  ses 
membres,  se  relèvent,  se  mainiienneiii  ?i  se  conser- 
vent, ils  respecteront  aussi  notre  saint-père  le  pape, 
chef  visible  de  l'Eglise  universelle,  vicaire  de  Dieu 
en  terre,  évèque  des  évê(|iies  et  patriarches,  auquel 
l'apostolal  et  l'cpiscopnl  ont  eu  commencemenl ,  et 
mr  lequel  Jésus-Christ  ii  fondé  son  Eglise,  en  lui 
baillant  (donnant)  les  clefs  du  ciel  avec  C infaillibilité 
de  la  foi ,  que  l'on  a  vue  miraculeusement  demeurer 
immuable  dans  ses  successeurs  jusqu'aujourd'hui, 
et  ayant  obligé  tous  les  lidcles  ortliodoxes  à  leur 
rendre  toutes  sortes  d'obéissance,  et  à  vivre  en  défé- 
rence à  leurs  saints  décrets  et  ordonnances.  Les  évê- 
ques  seront  exhorté^  à  faire  la  même  chose  et  à 
réprimer,  autant  qu'il  leur  sera  possible,  les  esprits 
libertins  qui  veulent  révoquer  en  doute  ei  mettre  en 
compromis  celte  sainte  et  saciée  autorité,  conlirmée 
par  tant  de  luis  divines  et  positives;  et,  pour  mon- 
trer le  chemin  aux  antres,  ils  y  déféreront  les  pre- 
miers. >  (Assend)lée  du  clergé  de  \iii5.) 

Malgré  la  gr-tudo  anloriié  que  possèdent  les  consti- 
tutions ponlilicalcs  dogmatiques,  nous  sommes  obli- 
Î'és  de  convenir  qu'elles  ne  sont  pas  un  objet  de  la 
oi,  à  moins  qu'elles  n'aient  été  acceptées  par  l'h-gise; 
car  il  n'est  pas  de  foi  que  les  jugements  du  pape 
soient  irréformables.  11  est  indubitable  que  lors- 
qu'elles sont  acceptées  par  rEgli>e  universelle,  qui 
ne  peut  ni  se  tromper  ni  nous  tromper,  elles  sont 
objet  de  la  foi  catholique.  En  effet,  Jésus-i;hrist 
disait  aux  évêques,  dans  la  personne  de  ses  apôlres  : 
Allez,  enseignez,  baptisez,  administrez  les  sacre- 
ments dont  je  suis  l'instiiuieur.  Je  béniiai  votre  mi- 
nistère, il  subsistera  toujours.  Toujours  je  serai  avec 
vous.  Ces  paroles  ii'oiit  pas  d'exception  ni  de  restric- 
tion :  l'u  ne  peut  en  apporter  que  d'aibiliaires.  Ce 
n'est  point  la  parole  de  Jésus-Cliiist  qui  veut  lindler 
rinfaillibilité  an  seul  concile  œcuinénii)ue  :  c'est  celle 

du    novateur Sans  cesse  combattue,  sans  cesse 

l'Eglise  a  besoin  de  son  autorité  imposante  et  in- 
fa  illible  pour  arrêter  et  dévoiler  le  mensonge.  Si 
les  conciles  œcuméniques  étaient  seuls  inlaillibles, 
l'hérésie  pourrait  aisément  propager  ses  pernicieuses 
doctrines.  Elle  saurait  innlliplier  les  obstacleS,  déjà 
si  grands,  pour  einpêeliei  la  convicaiion  et  la  tenue 
des  conciles  généraux.  Mais  l'Eglise  n'a  p-is  attendu 
qu'elle  fût  léiinie  en  concile  ueeuniéniqne  pour 
loudroycr  l'erreur.  Combien  de  foi-.  l'Eglise  disper- 
sée ne  lui  a-i-elle  pas  porté  le  coup  moi  tel  ? 
L'orgueil  emprimle  nn  jour  la  voix  de  l'élage.  (^e 
novateur  ose  somler  les  prolomlenrs  des  de-seins 
du  Dieu  de  la  grâce  :  (inélqiies  évêques  se  réunis- 
sent dans  deux  af>semblécs  particulières.  Uume  saisit 
la  nouvelle  duulnne.  l)e  tons  les  sièges  parlent  des 
voix  qui  s'unissent  à  la  voix  du  successeur  de  l'ierre, 
et  lancent  cet  anatbènie  qui  pèse  de  tout  le  loiils 
d'une  autorité  infaillible.  <  De  ce  ii)omeiii,  dit  saiiit 
Augustin,  la  cause  fut  finie,  i  Quatorze  siècles  oii 
passé  sur  celte  hérésie,  sans  que  le  décret  rendu 
ait  "été  ébranlé. 

Concluons  donc  que  les  évèqucs  dispersés  sont  les 
vrais  docteurs  de  l'E.ilise,  et  que  peu  importe  d'oii 
partent  leurs  voix.  Uéniiies  à  celle  du  pontife  ro- 
main, elles  forment  par  leur  accord  nu  jiigeuieul 
iriéformable  :  le  devoir  du  clircli,  n  est  alors  de 
regarder  la  cause  coiiime  finie,  tonte  tlésobéikSiinco 
serait  une  rév(die  et  nn  crime  .Mais 


CON 


iiOO 


grand  nombre  de  préceptes  touchant  les  de- 
voirs des  chrétiens,  particulièrement  tou- 
chant les  cérémonies  et  la  discipline  de 
l'Eglise. 

Presque  tous  les  savants  conviennent 
qu'elles  sont  supposées,  et  prouvent  qu'elles 
sont  bien  postérieures  au  temps  des  apôtres; 
elles  n'ont  commencé  à  paraître  qu'au  iV  ou 
au  v  siècle,  par  conséquent  saint  Clément 
n'en  est  pas   l'auteur.    —  Whiston  n'a  pas 


Mais  quel  accord  est  requis?  Tel  est  le  nœud  de  la 
seriinde  ddlicnlté. 

Sùrsde  rendre  nulle  l'autorité  de  l'Eglise  dispersée, 
les  novateurs  ont  exigé  nue  unanimité  complète  dans 
le  corps  épiscopal.  Si  de  telles  préienlions  avaient 
quelque  fondement,  elle  serait  donc  fausse  la  règle 
employée  par  toutes  les  nations.  Elles  pensent  trou- 
ver le  sentiment  d'un  corps  dans  celui  de  la  grande 
majorité  de  ses  membres.  Que  les  évoques  se  divi- 
sent sur  nn  point  de  doctrine  :  si  l'on  voit  d'un 
côté  une  multitude  de  premiers  pasteurs,  et  de 
l'autre  quelques  membres  de  l'épiscopal ,  sera-t-on 
embarrassé  pour  prononcer  de  ^quel  lôtc  se  trouve 
le  corps  des  vrais  pasteurs?  iNon  sans  doute  :  c'est 
sons  la  grande  majonié  des  évèques  que  serait 
l'Eglise  enseignante.  S'il  lallait  une  unaniiniié 
complète ,  y  aurait-il  une  hérésie  condamnée  ? 
Toutes  ont  eu  des  évêques  pour  défenseurs.  Com- 
bien d'anatlièmes  lancés  par  l'Kglise  devraient  être 
révoqués  !  Il  faut  le  reconnaître  :  exiger  une  com- 
plète unanimité,  ce  serait  anéantir  la  foi  ! 

Concluons  qu'une  décision  de  foi  proposée  par 
lé  souverain  pontife,  acceptée  par  la  grande  majorité 
des  évêques,  est  inlaillible. 

lue  que-tion  se  présente  ici  naturellement  à  nos 
recherches  :  laiii-il,  île  la  part  des  évêques,  une 
adhésion  expresse,  ou  leur  silence  doit-i!  être  re- 
gardé ciiinme  un  consenteineul  siilTisaut? 

Sans  doute  les  évêques  ne  sont  pas  tenus  d'élever 
la  voix  toiiies  les  lois  qu'il  par;:it  une  erreur.  Dans 
le  siècle  où  nous  vivons,  ils  seraient  obligés  de  crier 
sans  ces-e.  .M.iis  il  est  îles  inonients  où  le  danger  de 
la  foi  est  si  grand,  que  le  corps  des  évoques  ne  peut 
se  taire  sans  manquer  esseniielK  nient  au  devoir  qui 
lui  est  imposé  de  garder  lidélement  le  dépôt  des 
véritables  doctrines.  Donc,  loi'sque  le  souverain  poii- 
tilé  proniulgne  une  délinilion  de  foi,  (|u'il  l'adresse 
à  t(uil  l'univers  avec  obligation  d'y  confoinier  sa 
croyance,  le  silence  des  évèques  doit  être  regaidé 
comme  un  assentiment. 

Pour  rendre  celte  conséquence  plus  sensible,  fai- 
sons une  sii|ipositiuii  (qui,  nous  le  croyons,  ne 
sera  jamais  une  réalilé).  Supposons  que  le  pape 
propose  une  doctiine  erronée ,  dans  une  bulle  pu- 
bliée avec  touies  les  solennités  ordinaires,  quel 
scandale  pour  l'Eglise  si  !•  us  les  évêques  venaient  à 
garder  le  silence  !  Serait-elle  encore  vra  e  celle 
inaxiiiie  de  saint  Ângusiiii  :  Kcclesia  l>ei,  qum  suut 
contra  fidem ,  vel  bonam  vitam,  nec  apprvbal ,  nec 
Tjvciir,  nec  facit. 

N'est-ce  pas  un  principe  admis  dans  mule  espèce 
de  droit,  que  celui  qui  garde  le  siionce  lorsqu'il 
devrait  parler  est  nn  prévaricateur?  CJui  oserait  dire 
que  la  nu'.jorilé  des  évêques  oui  été  prévaiicaleuis 
en  matière  de  loi?  Le  laineux  CJiiisnel  lui-niêinc 
trouvait  la  docirine  <|ue  nous  défendons  tellement 
fondée  en  raison  qu'il  disait ,  en  p  irlani  de  Pelage  : 
I  Le  reste  des  Eglises  du  monde  s'élaiit  conienté  de 
voir  entrer  on  lice  les  Africains,  ut  les  Gaulois  ,  cl 
d'aitcndiece  ipie  U:  saini-siége  jugerait  de  leur  diffé- 
rend, leur  si/eru. ,  quand  11  n'y  aurait  ricii  de  plus, 
doit  tenir  lieu  d'un  consentement  général  ,  lequel, 
joint  au  jiigcmeiii  du  saint-siége,  forme  une  décision 
qu'il  n'est  pas  permis  de  ne  pas  suivre,  » 


HOl 


CON 


CON 


If  02 


craint  de  se  déclarer  contre  ce  sentiment 
universel  ;  il  a  employé  beaucou])  de  raison- 
npitients  el  d'érudiiion  pour  prouver  que  les 
Conslilulions  Apostoliques  sont  un  ouvra2;e 
sacré,  dicté  par  les  apôtres  dains  leurs  as- 
si-niblées,  mises  par  écrit  par  saint  Clément. 
Il  veut  les  faire  regarder  comme  un  supplé- 
mrnt  du  Nouveau  Testament,  comme  l'exposé 
Gilèlc  de  la  foi  chrétienne  el  du  g;ouvernc- 
mentdel'I'glise.  Yoy. son  lissai  siii-lesConsd- 
tutiomt  Aposlolù/ties,  et  sa  Préface  historique. 
Comme  cet  auteur  tenait  pour  l'arianisme  ou 
le  socinianisme,  il  n'est  pas  étonnant  qu'il 
se  s&it  prévenu  en  faveur  d'un  ouvr:ige  d.ins 
lequel  il  trouvait  plusieurs  passages  qui  lui 
paj'aissaicnt  conformes  à  son  opinion.  — 
Mais  c'est  justement  ce  qui  rend  ce  monu- 
ment très-suspect,  lin  effet,  ces  constilulions 
prétendues  apostoliques  sentent,  dans  |ilu- 
siourS  endroits,  l'arianisme,  renferment  des 
anàchronismes  et  des  opinions  singulières 
sur  f)liisieurs  points  de  la  relii^ion.  —  L'on 
ne  prul  cependant  ()as  nier  que  ce  recueil  ne 
conlionne  plusieurs  morceaux,  soit  des  an> 
ciennes  liturgies, soildes  règles  de  discipline 
observées  dans  les  temps  apostoliques.  Ainsi 
en  ont  jugé  non-seulement  les  critiques  ca- 
tholiques, mais  Grabe,  Hirks,  Bévéridge  et 
quelques  autres  protestants  modérés.  L'on 
convient  assez  généralement  que  les  cin- 
quante canons  des  Apôtres,  qui  font  partie  de 
O'S  Constilulions,  sont  au  moins  «lu  iir  siècle, 
et  antérieurs  au  concilo  de  Mcée.  l'oi/.  les 
Pères  aposl.,  t.  1,  p.  l'J  '  et  suiv. 

Mosheim,  dans  ses  Disserl.  sur  l'Histoire 
ecclés.,  tom.  I,  p.  4-11,  juue  que  les  Constitu- 
tions Apostoliques  ont  clé  écrites  au  ni"  siè- 
cle ;  tom.  11,  p.  1G3,  il  dit  qu'elles  l'étaient 
déjà  au  ir. 

Le  P.  Le  Brun,  Explic.  des  Cérémonies  de 
la  Messe,  t.  111,  p.  l'J  et  suiv.,  pense  qu'elles 
ne  l'ont  pas  été  avant  la  fin  du  iv.  11  y  a  un 
moyen  de  concilier  ces  deux  opinions;  c'est 
que  les  premiersiivres  de  ce  recueil  peuvent 
avoir  été  faits  longtemps  avant  les  derniers, 
surtout  avant  le  huitième,  qui  renferme  la 
liturgie.  Le  concile  in  Trullo,  tenu  au  vu'  siè- 
cle, dit4)osilivcment,  can.  2,  que  cet  ouvrage 
a  été  altéré  par  les  hérétiques  ;  de  là  les  ves- 
tiges d'arianisme  qui  s'y  trouvent. 

•  CONSTITUTION  CIVILE  DU  CLERGÉ.  L'As- 
semblée constiitiiinie  de  1789  rejeta  ceue  maxime: 
ToKlc  puissance  lieiu  de  l)ieu,ei  lui  sul)siiiua  celle-ci  : 
7'o!i(i'p"is.sariit'i)ii'»/  (le  l'homme.  Appuyée  sur  ce  prin- 
cipe, elle  voulut  n-laiie  la  société  louie  entière  :  elle 
l'ap|ilii|ua  non-seulement  aux  inslitulioiis  liiim.iines , 
mais  encore  aux  iosiltuiinns  religieuses  el  ecclésias- 
liques.  Dès  le  liO  août  178'),  l'Assemblée  forma  un 
comité  à\l  ecclésiastique.  Il  devait  reviser  toutes  les 
iiisiilulions  de  l'Kglise  gallicane  ,  et  présenter  des 
décrets  <|ui  fussent  en  rapp  irt  avec  le  nouvel  état 
social.  (Je  comiié  était  priu(  ipaloinent  composé  de 
laïques,  [raimi  lesquels  se  ilisliiij»  aient  les  avocuts 
jiiisénisiesil^anjuinais,  Manineau,  Treilhard  et  Dii- 
r.  iid_(le  iMailhiiie.  Malgré  la  composition  anlicatlioli- 
que  du  comité,  il  se  trouva  bientôt  <livisé.  Pour  ren- 
forcer le  prétendu  parti  naiional  du  comité  ,  on  lui 
adjoignit  quinze  députés  choisis  parmi  les  plus  dé- 
voués au  nouvel  ordre  de  choses.  Lu  majorité  des 
nieiiiljri;s  du  comité  rédigea  une  nouvelle  Consiilu- 


lion  civile  du  clergé  de  France,  qui  fut  discutée  du  29 
mai  17h0  au  13  juUlet  munie  année. 

Tout  en  prétendant  ne  régler  que  les  aÛaires  ci- 
viles du  clergé  ,  la  Coiisiiiutiou  attaquait  les  princi- 
pes de  la  iiii. 

<  1°  Elle  cré.iit ,  pour  toute  la  France  ,  dit  Mgr 
Domy  ,  une  circonscripiion  enlièroment  nouvelle 
d'aiclicvécliés  el  d'évèchés,  de  manière  à  ce  qu'il  y 
en  tiUun  par  déparlement,  ni  plus  ni  moins  :  c'est- 
à-dire  qu'elle  en  déiruisaii  plusieurs  d'anciens  , 
qu'elle  en  insliluail  de  nouveaux,  qui  n'avaient  ja- 
mais existé,  et  qu'elle  cliaiigeait  retendue  juridic- 
tionnelle des  autres,  l'agramlissanl  ou  la  diuiinuant 
selon  l'ciendiie  et  la  circonscripiion  du  département 
dans  lequel  ils  se  trouvaient. 

i  i  "  Elle  confiait  la  nomination  des  évèques  ,  des 
curés,  des  vicaires  et  de  tous  les  ministres  du  culte 
en  général  aux  élections  populaires  ,  au  mépris  de 
l'auuuité  de  l'Eglise  et  des  lois  (|ui  depuis  des  siè- 
cles réglaient  celte  matière  et  particulièrement  la 
nomination  des  premiers  pasteurs. 

«  5°  Elle  imposait  ans  évêi|ues  un  conseil  ,  celui 
des  viiaires  épiscopanx,  el  les  obligeait  à  se  régler 
sur  l'avis  de  la  majorité  de  ce  conseil ,  dans  l'admi- 
nistration de  leurs  diocèses.  De  plus,  l'évêqne  mou- 
rant, ce  n'étaient  plus  les  chapitres  qui  pourvoyaient 
par  leurs  délégnés  au  gouvernement  du  diocèse  , 
mais  des  hommes  désignés  pir  les  décrets  ,  les  vi- 
caires de  l'évèque  défunt. 

<  4°  Les  curés  et  les  vicaires  ,  nommés  par  des 
électeurs  laïques  ,  pouvaient  administrer  leurs  pa- 
roisses et  exercer  toutes  les  fondions  du  ministère 
ecclésiastique  en  vertu  du  seul  lait  de  cette  élec- 
tion, sans  qu'ils  fussent  obligés  de  la  faire  confir- 
mei-  par  l'autorité  de  l'évêqne  diocésain. 

f  5"  Les  évèques  élus  devaient  demander  leur 
conrirmatioo  au  méiiopoli!ain,  ou  ,  à  son  défaut ,  à 
un  évê  iue  désigné  à  cet  elfet  par  les  direetoires  de 
département.  Ils  n  avaient  nul  besoin  de  s'adresser 
au  souverain  poniile  pour  en  obtenir  l'institution 
canonique.  Seulement  ils  devaient  lui  écrire,  en  en- 
trait en  fonctions,  pour  lui  déclarer  qu'ils  étaient 
dans  sa  communion  et  dans  celle  de  l'Eglise  catho- 
lique, t 

Les  principes  de  la  nouvelle  Constitution  étaient 
évidcinment  hérétiques  el  schisiniiliqnes.  Quoiqu'il 
fût  instruit  de  ces  vices,  Louis  \VI  eut  la  laiblesse 
de  donner  hircedeloi  aux  décrets  qui  l'établissaient. 
Mais  la  religion  éleva  la  voix.  Trente  évèques,  dépu- 
tés à  l'Assemblée  naiionale,  firent  paraître  une  Ex- 
position de  principes  sur  la  Constitution  civile  du  cler- 
gé. Ils  en  signalaient  clairement  tous  les  vices  et 
(téclaraieni  que  pour  légiiimer  el  rendre  accepiables 
à  la  conscience  d'un  callKdiqiie  sincère  les  change- 
ments opérés  dans  la  Consiiiution  civile,  il  fallait 
en  référer  à  l'autorité  supérieure  ecclésiastique,  qui 
pourrait  modifier  canoniquement  la  discipline  reli- 
gieuse de  la  trance.  Cemdix  évèques  s'adjoignirent 
aux  trente  signataires  de  l'écrit.  La  Sorboinie  s'ap- 
puya de  l'aolorué  nnaninie  de  ses  docteurs.  L'atta- 
que était  vive  :  les  Conslilulionnels  y  répondirent. 
Les  écrits  se  niultiplièreni  pour  atta  |Uer  la  Consti- 
tulioii;  un  des  plus  remarquables  fut  une  Instruction 
pastorale  de  ftgr  de  la  Luierne  ,  sur  le  schisme  de 
France.  Nous  allons  citer  un  passage  qui  servira  de 
réiutalion  à  la  Cousiilulion  civile. 

«  Tout  ce  qui  est  nécessaire  à  l'Eglise  lui  appar- 
tient, puisqu'elle  l'a  reçu  de  Jésus-Christ.  Tout  ce 
qu'elle  a  réglé  pendant  les  trois  premiers  siècles, 
est  aussi  de  son  domaine  ,  puisqu'elle  n'avait  alors 
que  ce  que  Jésus-Christ  lui  avait  donné,  l'euton 
douier  que  la  division  des  juridictions  entre  les  pis- 
teiirs  ne  soit  une  chose  nécessaire  ?  C'est  donc  à  l'E- 
glise à  la  régler.  Peut-on  contesicr  aussi  que  ,  dans 
les  premiers  siècles,  elle  seule  n'ait  décidé  cepoinlî 
C'est  donc  encore  à  ce  titre  (|u'il  appartient  à  el'e 
seule  de   le  décider,  hira-t-oii  qo'd  est  iiécessairs 


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qu'il  y  ail  unedivision  entre  les  juridictions  des  pas- 
teurs, mais  qu'il  n'est  pas  nécessaire  que  la  division 
soit  telle  ou  telle?  Ce  qui  est  néce-saire,  c'est  qu'il 
y  ait  uiifi  puissance  chargée  de  régler  celte  division  ; 
et  dès  lors  ce  ne  peul  pas  être  la  puissance  tempo- 
relle qui  la  régie  :  car  il  répugnerait  à  la  raison  que 
Jésus-Christ  eût  chargé  de  décider,  comment  les 
pouvoirs  spirituels  seront  disirihués  entre  ses  mi- 
nistres, une  puissince  qui  souvent  ne  reconnaît  pas 
ces  pouvoirs  ,  qui  même  quelquelois  s'elForce  de  les 
détruire.  11  ne  rép"gner;iit  pas  moins  qu'il  eût  cimlié 
ce  pouvoir  à  des  puissances  diirérenies,  qui  divise- 
raient l'Eglise,  tantôt  d'une  Tuànière,  lauiôi  d'une 
autre  ,  et  qui  lui  ôteraienl  l'iuiiformité  de  son  ré- 
gime. 

«  Le  gouvernement  de  l'Eglise  fait  partie  de  sa 
discipline  intérieure  et  nécessaire  :  et  cunséquem- 
ment  c'est  à  elle  seule  qu'il  appartient  de  le  régler: 
or,  dans  tome  société,  la  disirihuiinn  des  juridic- 
tions entre  les  magistrais,  la  mesure,  l'éii^ndue,  les 
limites  du  poiivnir  allrihué  à  chacun  d'eux,  ;'ppar- 
lienui'nl  au  gijuvernemenl  ;  les  pasleiirs  du  l'Kglise 
sont  ses  niagistralb  :  c'est  donc  la  puissance  spiri- 
tuelle qui  gouverne  l'Eiilise  ,  qui  seule  a  droit  de 
leur  départir  et  de  distrihuer  entre  eux  les  juridic- 
tions, et  d'assigner  à  chacun  d'eux  les  limites  dans 
lesquelles  ils  doivent  exercer  les  fuuctiuiis  qu'elle 
leur  confie. 

«  C'est  l'Eglise  qui  confère  à  ses  ministres  la  mis- 
sion et  la  jnriiliclion  ;  il  serait  absurde  (|u'elle  eût 
seule  le  droit  de  leur  donner  ses  pouvoirs  spiritutls, 
et  que  ce  fùl  la  puissance  leinporelle  qui  réglât  la 
mesure  de  pouvnirs  (ju'elle  donnera. t  .i  chai  un  d'en- 
tre eus.  C'est  évidemment  celle  qui  est  chargée  de 
les  donner,  qni  est  aussi  chargée  de  les  disirihuer. 
I  Du  principe  qne  c'est  l'fc-^lise  qni  conlère  la 
mission  cl  la  inridiclion,  ré-ulle  encore  une  autre 
conséquence.  C'est  (pi'en  assiiinant  des  sujets  h  clini- 
que pasteur ,  elle  lui  confère  ces  pouvoirs,  comme 
nous  l'aviins  montré  d'api  es  le  concile  de  Trente: 
c'i  si  donc  elle  qui  assigne  les  sujets,  c'est  donc  elle 
qui  déteriiiine  les  territoires. 

I  Pouréclaircir  encore  plus  la  question,  analysons- 
la.  Elle  peut  se  diviser  en  deux  :  la  mission  et  la  juri- 
diction pastorde  doivent-elles  être  universelles  d.ms 
tous  les  ministres  ,  ou  pariagées  entre  eux  ?  Dans  le 
cas  où  elles  seront  partagées,  comment  doivent-elles 
l'clre  ?  Qu'on  nous  dise  à  laqnehe  des  deux  puissan- 
ces il  appartient  de  slatuersnr  cei^  deux  points,  qu'on 
marque  où  commence  dans  cette  matière  le  pouvoir 
civil  ;  on  ne  dira  cerlaineiiienl  pas  qne  c'est  à  lui  à 
décider  la  première  question,  à  pronuncer  si  la  mis- 
sion et  la  jnridielion  spirituelles  seront,  dans  chaque 
ministre,  générales  ou  limities.  Celte  (|uest'ou  ne 
peul  pas  èirede  l'ordie  temporel,  elle  n'intéresse  en 
rien  la  société  poliiiiine;  elle  est  au  contraire  es- 
seniiellemenl  de  l'ordre  spirituel ,  puisqu'elle  con- 
siste à  savoir  l'éiendui-  de  p mvoir  spirituel  qu'au- 
ront les  ministres.  Diia-i-on  ipi'au ins  le  mode  de 

la  divi.-ion  doit  dépendre  des  souverains?  Mais  en- 
core (|u'y  a-t-il  de  temporel  dans  la  manière  de  dis- 
tribuer les  pouvoirs  spirituels  ?  Quel  litre,  quelle 
r.\ison  peut  altrthuer  au  magisirat  polilii|ue  le  droit 
d'assigner  aux  évéques  et  anx  prêtres  les  âmes  qu'ils 
doivent  instruire,  les  consciences  qu'ils  doivent  di- 
riger? El  ne  résiilieraii-il  pas,  de  ce  que  cette  divi- 
sinn  serait  abandonnée  au  pouvoir  civil,  l'inconvé- 
nient  que  nous  avons  déjà  relevé?  Il  n'y  aurait  p(Miil 
dans  l'Eglise  de  division  uniforme;  ch.ique  gonver- 
neinent  donnani  la  sienne,  ici  l'Eglise  serait  formée 
sur  un  modèle  ,  là  constituée  sur  un  aulre  ;  et  elle 
sft'^ait  privée  de  celle  unité  de  régime  si  précieuse, 
d  nécessaire  à  son  adniinistration. 

«  t:oiicluons  que  c'est  à  l'Ej^lise  seule  qu'il  appar- 
tient de  départir  à  ch.icun  de  ses  pasteurs  la  mesure 
de  mission  et  de  juiidicllon  qu'elle  juge  convenable, 
d'étendre  ou  de  limiter  plus  ou  moins  ces  pouvoTS, 


de  les  circonscrire  dans  les  bornes  raisonnables  ,  eu 
un  mot,  de  fixer  les  territoires  où  ils  les  excrreronl... 
€  On  objecte  (|u'nn  Etat  peul  admeilie  ou  ne  pas 
admettre  une  religi  .n  :  il  peut  donc  radmettie  avec 
des  conditions.  Lorsque  la  religion  callioli(|iie  fut  re- 
çue dans  les  Gaules,  la  puissance  livile  pouvait  lui 
dire  :  Voilà  des  villes  pour  établir  vos  évéques, 
voilà  les  territoires  où  chacun  d'eux  exercera  sou 
ministère.  Ce  que  la  nation  iiouvait  alors,  elle  le  peut 
dans  tous  les  temps;  elle  le  peul  surtout  dans  un 
moinenl  où  elle  se  régénère  cl  où  elle  réforme  tous 
les  abus  sous  lesquels  elle  a  gémi  :  elle  a  donc  le 
droit  de  désigner  les  villes  épiseopales,  el  de  distri- 
buer de  nouveau  les  diocèses. 

«  Avant  de  rép"ndre  directement  à  la  difficulté  , 
ile-t  nécessaire  d'éclaircir  le  iirncipe  sur  lequel  on 
la  fonde.  Quand  on  avance  celle  maxime,  qu'un  n'a 
pas  rougi  de  débiter  dmis  l'Assemblée  nationale,  que 
l'Etat  peut  ne  p^is  recevoir  la  religion  catholique, 
enieiid-nn  que  le  souverain  peut  pr  scrire  cène  re- 
ligion el  en  interdire  l'exercice?  cniend-on  q.nil 
peul  ne  pas  lui  accorder  de  protection  particulière, 
et  ne  pas  en  laire  la  religion  de  ses  Elals?  Dans  le 
premier  sens ,  la  proposition  est  aussi  fausse  dans 
l'ordre  politii|ue,  ipi'impie  aux  yeux  de  la  religion. 
Le  snuverain  n'a  pas  droit  d'interdire  à  ses  peuples 
00  qu'une  autorité  d'un  ordre siipéiienr  leur  enjoinl: 
son  aiiloiité  ce-se  «ù  l'obligatiDO  de  lui  obéir  ex- 
pire. Le  pnuvoir  d'ordonner  et  le  devoir  d'ubieiiipé- 
rer  sont  deux  choses  esseniiclleineni  corrélatives  el 
inséparables;  et  il  serait  coniradicluiie  qu'un  prince 
eût  le  droit  de  cominanJer  ce  que  ses  sujets  doivent 
ne  pas  faire. 

<  Si  l'on  entend  le  principe  dans  le  second  sens, 
c'est-à-dire  si  l'on  énonce  que  le  souverain  peut  ne 
pas  f.iire  de  la  vraie  Religion  une.  religion  privilé- 
giée, il  ne  prouve  plus  rien.  Sans  doute,  l'Etat  peut 
apposer  à  ces  avantages  (|u'il  accorde  des  conditions 
qui  ne  nuisent  pas  a  la  religion,  qui  n'y  apfioitent 
aucun  cil  Migenieiit  ;  il  protège  l'Eglise  catholique 
telle  qu'elle  est,  lelle  que  Jesiis-Clirisl  l'a  fondée , 
avec  tous  les  caractères  ,  el  tonte  l'autorité  que  te 
div.n  Fondateur  loi  a  donné».  S'il  altère  en  quelque 
chose,  par  les  conditions  i|u'il  appo>e,  celte  anlorité, 
ce  n'csl  pas  l'Eglie  de  Jésns-Chnsl  qu'il  protège, 
c'est  une  autre  religon  qu'il  cmpiise  à  snn  gté. 
L'Eial  ne  peut  donc  pas  adnieitrc  l'Eglise  à  condition 
qu'il  sera  chaigè  liiiuième  d'invesin-  les  pasteurs  de 
la  mission  el  de  la  juridict.uii  sp. rituelle,  ut  de  leur 
donner  des  sujet-  sur  lesquels  ils  exercent  ces  pou- 
voirs. Dans  rhyiiolhése  ipie  nous  ex.iniinoiis  ,  l'Etat 
dit  à  l'Eglise  naissante  qu'il  reçoit  d.ins  smi  sem  el 
à  qui  il  accorde  des  faviiirs  :  Voilà  des  villes  pour 
les  sièges  épiseopaux,  des  territoires  pour  l'exercice 
du  ministère  paslor.il  :  mais  l'Eglise  accepte  la  |iro- 
pnsilion  que  lui  fait  l'Etal;  par  celte  acceptation 
elle  fonde  les  sièges  épiseopaux,  dans  les  villes  que 
l'Etat  lui  a  indiqi.ées;  elle  donne  ta  juridiction  et  la 
mission  sur  les  lernloiies  ainsi  circonscrits  aux  évé- 
ques qu'elle  inslilne.  La  puissance  spiriluellu  raiilie 
el  consacre  par  son  adhésion  ce  que  la  puissance  ci- 
vile a  proposé;  il  n'est  donc  pas  vrai  que,  dans  celle  Mip- 
positiuii,  ce  soit  la  puissance  lempoiellc  seule  ijui 
établisse  les  siégcs  et  qui  divise  les  diocèses. 

i  Suivons  riiypolhèse  dans  sa  seconde  braiiehe. 
Ce  que  la  nation  pouvait  alors,  elle  le  peul  dans  Inus 
les  temps  ;  mais  elle  ne  le  peut  que  de  la  même  ma- 
nière qu'elle  le  puuv.iit,  c'est  à-dire  avec  te  cunsen- 
teineni  de  l'Eglise.  Toujours  pleine  d'égards  et  de 
déleience  pour  les  souverains  de  la  terre  ,  l'Eglise 
s'est  constaiiiment  prêtée  à  tout  ce  qu'ils  ont  désiié 
sur  cet  objet  ;  et  il  y  eu  a  un  grand  nuinbie d'exem- 
ples ré  dits  parmi  nous.  Tomes  les  nouvelles  érec- 
tions d'évèeliés,  tomes  les  distractions  de  leriiioiies 
Ont  été  faites  par  l'Eglise  sur  le  vœu  de  nos  ruis. 
Mais  ce  sont  cerlaineineul  deux  clioses  eniiêremeiil 
diiïércutes,  que  i.i  puissaiici  tuuipuretle  déclaie  a  U 


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puissancft  spiriliftlle  les  clmngsmerKs  qu'elle  désire 
dans  la  (lislrihiilion  des  jiiridirlioiis  eciltisiasllques, 
el  qu'elles  se  eoncerleni  pour  les  npéier  ;  ou  que  la 
puissance  leninni  elle  seule,  sans  appeler,  sans  iiiéine 
coiisulitT  l'Eglise,  bouleverse  de  lond  en  comble  luut 
l'ordre  de  ses  juridictions,  élibllsse  des  siéi;es  nou- 
veaux et  y  allacliela  juridielioii  S|iirrliu'llc;  supprime 
ceux  qui  exisienl.iepuis  un  ur:ind  nianbre  de  siècles, 
el  anéanlisse  la  jurididiou  que  rEgli»*"  y  avait  alta- 
cliée;  enlève  des  diocésains  i  un  évêpie  pour  les 
confier  à  un  autre.  En  un  nuit,  la  puissance  civile 
peut  aiijourd'lMii  ce  qu'elle  a  pu  birsque  l'I'plise  lui 
reçue  dans  sim  sein  ;  mais  alors  elle  ne  pouvait  pas 
instituer  des  évècliés,  leur  sniuueitre  des  âmes,  sans 
le  concours  de  l'Eglise  :  elle  est  donc  absi.innient 
incouipcteiite  pour  la  déuiiircation  des  diocèses  et 
des  paroisses. 

«  Àlais,  dit-on,  l'Eiai  qui  stipendie  les  miinsires, 
est  iiuére-sé,  de  son  côié.  à  ce  que  le  nombre  doses 
salariés  ne  soit  pas  excessif  :  il  a  donc  le  droii  de  les 
régler;  el  si  ces  dispositions  ne  cadrent  pas  avec 
celles  de  Tii;  ise,  pouira-t-il  être  forcé  à  solder  des 
pasteurs  qu"d  ne  juge  pas  nécessaires?  Est-ce  là  en- 
core un  droii  de  la  puissance  spirituelle? 

I  Non,  sans  doute,  la  puissam  e  spirituelle  n'a  pas 
le  droit  (l'exiger  que  la  puissance  leinporclle  stipen- 
die ses  pasteurs  ;  elle  ne  peut  pas  la  contraindre  à 
en  payer  plus  qu'elle  ne  veut.  La  rétribution  des  pa- 
steurs, dans  quelque  forme  qu'elle  soit,  est  un  jiige- 
iiieiil  purement  temporel,  loirs  de  la  compétence  de 
l'Eglise.  Mais  l'Eglise  n'en  a  pas  moins  le  pouvoir  de 
juger  le  nondire  des  pasteurs  nécessaires  aux  besoins 
des  peuples  ;  c'est  à  elle  à  les  envoyer,  et  à  envoyer 
ce  qu'il  faiit  poiu'  que  toutes  les  ronclions  soient 
exercées  pailonl,  et  (pi'auciin  lidéle  ne  manque  des 
secours  de.  la  religion.  Si  l'Elat  cl  l'Eglise  ne.s'aecor- 
denl  pas  sur  ce  point,  nous  avons  déjà  expliqué  ce 
qui  ai  rivera  :  cliacune  des  deux  puissances  restera 
dans  -es  droits  et  les  exercera  ;  l'Etat  ne  stipendiera 
(|ue  le  muiibre  de  pasteurs  qu'il  trouvera  convenable, 
l'Eglise,  de  sou  côté,  instituera  leux  qu'elle  jugera 
nécessaires  ;  et  ceux  d'entre  eux  qui  ne  seront  pas  ré- 
tribués aux  frais  du  public,  seront  dans  le  <  as  où 
étaient  les  apôtres  et  le-^  pasteurs  de  la  primitive 
Eglise  ;  les  cbarilés  des  lidèles  el  leur  travail  les  sou- 
lieiidroiit.  Ainsi  seront  conservés  tous  les  inlérêis  ; 
ainsi  serniii  niainlenus  tous  les  droits,  et  la  diversité 
de  décision  des  deux  puissances  ne  causera  point 
entre  elles  de  division. 

i  Les  scbisniatiipies,  pour  établir  leur  système  , 
coinbatlaient  le  principe  luêiiie  de  .la  d. vision  des 
diocèses  et  des  paroisses.  Sans  doute,  disaient-ils,  il 
est  de  l'essence  île  la  religion  qu'elle  ait  pour  minis- 
tres des  prêtres  et  des  évèqiies  éialilis  les  uns  au 
prend  r,  les  autres  au  second  rang  ;  mais  il  n'est  pas 
égalemeni  essentiel  que  les  diocèses  el  les  paroisses 
soieiii  divisés.  Quand  Jésos-Clirist  dooiia  la  mission 
à  ses  apôtres,  il  la  leur  dimna  iiniveiselle  et  sans  li- 
luiies  :  Allez  dans  lotil  le  monde,  prêchez  l'Evangile  à 
toute  créature.  Voilà  les  termes  dont  il  se  servit;  il 
n'y  a  pas  dans  cette  mission  de  division  de  terri- 
toire :  c'est  dans  le  monde  entier,  c'est  à  toute  ciéa- 
li  re  que  rbaqiie  apôtre  doit  annoiicer  la  vérité,  .lé- 
Stis-Cliiisl  ne  leur  a  pas  dil  :  Vous  serez  les  ntaitres 
de  circonscrire  les  lieux  oii  vous  eustignerez. 

I  Ce  raisonnement,  ou  prouve  trop,  ou  ne  prouve 
rien.  Si  Jésus-Cbiist,  eiivnyanl  ses  apôtres  prêcher 
par  toute  la  lene,  a  lejeié  t>iutc  division  dejuiidic- 
licm,  la  distiibuliiMi  des  leiritoires  est  contraire  au 
précepte  divin;  et  d.Mis  ce  cas,  de  quel  droit  l'As- 
seiiibléen;itoiiale s'est  ellepermisd'en  tracer  une? Si, 
au  Contraire,  les  paroles  du  Sauveur  n'excluent  point 
les  divi-ioii- de  juiiilictioii ,  que  peut-on  en  conclure 
contre  le  droit  t'.e  rEj;!ise,  de  fnrinei  ces  divisions? 

<  Examiiiofis  eu  Uii-ii  éme  ce  texte  iloiit  on  a  tant' 
abusé  pour  combattre  looies  distributions   de  ter- 
tilotres,  en  méiiie   tutiips    qu'un   en    loniiuii  une. 


C'est  au  corps  des  apôtres  el  de  leurs  successeur» 
que  Jésus-Christ  adresse  ces  paroles  :  Prichez  l'E' 
vimgile  à  toute  créature  :  la  mission  universelle 
qu'elles  renferment  est  donc  donnée  à  tout  le  corps. 
Les  apôtres  avaient  tleiix  manières  de  la  remplir  :  ou 
en  prenanl  chacun  le  monde  entier  pour  objet  de 
leur  ministère,  qui  eut  alors  été  universel,  ou  en  se 
distribuant  les  dilféientes  parties  du  monde,  et  allant 
annoncer  l'Evangile  chacun  dans  la  partie  conliée  à 
son  7.cle.  Le  pré.  epte  du  Sauveur  est  donc  suscepti- 
ble de  deux  >ens  :  la  mi-sion  universelle  qu'il  con- 
fère au  collège  aposloli(|iie  pour  être  diuinée  ou  à 
chaque  apôtre  en  particulier,  nu  au  corps  entier, 
pniir  être  exercée  dislribulivement  par  tous  les  mem- 
bres. Ou  ne  peut  connaitie  plus  siiremeiil  lequel  des 
deux  sens  est  le  véritable,  que  par  la  manière  dont 
les  apôtre-  el  l'Eglise  l'ont  entendu.  D'abord  per- 
sonne ti'a  dû  mieux  comprendre  les  paioles  d'»  Sau- 
veur que  ceux  à  qui  elles  étaient  adressées  pour  les 
exécuter;  ensuite  nous  tenons,  el  ce  principe  est  la 
base  de  la  foi  cailiolque,  que  c'est  à  l'Eglise  à  iixer 
le  vrai  sens  des  divines  Ecritures.  Or  nous  voyons 
les  atiôires,  après  la  descente  du  Saint-Esprit,  se  par- 
tager entie  eux  le  monde  ;  leur  chef  se  lixe  à  Rome, 
capitale  de  l'univers;  saint  Jacques  reste  à  Jérusa- 
lem, saint  André  porte  la  foi  dans  l'Acbaie,  saint  Si- 
mnii  dans  l'tgypte,  saint  Jude  dans  l'Ethiopie,  saint 
Thomas  dans  l'Inde;  el  de  même  tous  les  autres- 
vont  répandre  en  divers  lieux  la  lumière  de  la  foi. 
C'est  ainsi  qu'ils  reuiplissent  la  mission  universelle 
qu'ils  ont  reçue  :  tous  aiinnnceiil  la  vérité  à  toute  la 
terre,  chacun  d'eux  l'anniinçant  à  une  partie  de  l'u- 
nivers. 

I  Les  évêques  qu'établissent  après  eux  les  apôtres 
sont  attachés  par  eux  à  des  lieux  particuliers  :  saint 
Pierre  lixe  saint  Maïc  à  Alexandrie,  saint  Paul  laisse 
limolbée  à  Eplièse,  et  Tite  en  Crète.  Nous  voyons 
dans  l'Apocalypse  sepi  évéqiies  placés  dans  sept  villes 
de  l'Asie  mineure.  Depuis  ce  premier  moment  de  l'E- 
glise ,  la  d ivisiiin  des  diocèses  a  été  conslaminent  sa  lui  : 
la  tradilion,  sur  ce  point,  n'éprouve  ni  variation,  ni 
interruption.  Tous  les  siècles  de  l'Eglise  déposent 
contre  ce  principe  fondamental  de  nos  adversaires, 
que  la  mission  des  évêques  est  une  mission  univer- 
selle; tous  attestent  que  jamais  les  évêques  n'ont  eu 
une  telle  mission  ,  el  qu'elle  a,  dans  tous  les  temps, 
dans  tous  les  lieux,  l'té  attachée  el  restreinte  aux  ter- 
ritoires qui  lui  étaient  assignés. 

I  Les  canons  apostoliques,  qui  sont  de  l'antiquité 
la  |ilus  reculée,  qui  ne  sont  autre  chose,  seloQ 
M.  Fleury,  que  les  règles  de  discipline  données  par 
les  aeôlres,  conservées  louglemps  par  la  simple  tra- 
dition, el  ensuite  écrites;  qui  jouissaient  à  ce  litre 
de  la  plus  haute  coiisidéraiioii  dès  le  iv«  siècle,  dé- 
fendeni  aux  évêques  de  faire  des  ordinations  hors 
de  leurs  limites  dans  les  villes  et  les  campagnes  qui 
ne  leur  sont  pas  soumises,  sans  le  coiiseuteuient  de 
ceux  dont  elles  dépendent;  et  dans  le  cas  d'infrac- 
tion, condamnent  à  la  déposition  l'évèque  qui  a  fait 
l'ordination  et  ceux  qui  rniit  reçue  (  Can.  56  ), 
Saint  Cyprien  dil  expressémenl  qu'à  chaque  pasteur 
a  été  assignée  une  portion  du  troupeau  à  régir  {Ep. 
.^.5  ad  Cornet.).  Le  premier  concile  général  défend 
à  totil  évéque  de  faire  des  ordinations  dans  le  dio- 
cèse d'un  autre,  et  de  rien  disposer  dnis  un  diocèse 
étranger  sans  la  permission  du  propre  évèque  (Coiic. 
A'if.  i,  cap.  58,  inler  Arab.).  Le  concile  d'Antio- 
che  interdit  de  même  aux  évêques  d'aller  dans  les 
villes  qui  ne  leur  sont  point  soumises,  taire  des  ordi- 
n.ilioiis  el  établir  jdes  piètres  el  des  diacres  .  sinon 
avec  le  conseil  et  la  volonté  de  l'évèque  du  lieu.  Si 
quel(|u'un  ose  y  contredire ,  son  ordination  sera 
nulle,  el  il  sera  puni  par  le  synode  (Cunc.  Anlioch. 
1,  an.  5H,  can.  2-2).  Le  concde  de  Sardique  renfer- 
me une  semblable  disposition  (  C"«;ic.  Sard.  ,  an. 
■iôl,  can.  l'.i).  Un  concile  de  Caithage,  tenu  dans 
le  iiiéuie  siècle,  défend  d'usurper  le  icrntoife  voisin, 


HOT 


CON 


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1108 


et  d'enlrer  dans  le  diocèse  de  son  collègue  sans  sa 
demande  (Can.  10).  Le  pape  saint  Célesiin  I"  re- 
commande entre  autres  clmses  aux  évêques  de  la 
Gaule  qu'aucun  ne  fasse  d'usurpation  au  préjudice 
d'autrni,  et  que-chacun  soit  cornent  des  limites  qui 
lui  ont  été  assignées  (Ëp.  2  fld  epise.  Galliœ).  Le 
premier  concile  de  Consianiinople,  qui  est  le  second 
des  conciles  généraux,  vent  que  les  évêques  n'aillent 
pas  dans  les  églises  qui  sont  hors  de  leurs  limites,  et 
qu'ils  ne  confondent  et  ne  mêlent  pas  les  églises 
{Conc.  Consl.,  an.  381,  can.  2).  Le  pape  Boniface 
défend  aux  mélropolilains  d'exercer  leurs  fonctinns 
sur  les  it-rrltoires  qui  ne  leur  ont  point  été  concédés, 
et  d'étendre  leur  digniié  au  delà  des  limites  qui  leur 
sont  fixées  (Ep.  ad.  Hilar.,episc.  Narbon.,  an.  422). 
Le  troisième  concile  de  Cartilage  défend  aux  évê- 
ques d'usurper  le  troupeau  d'auirui  et  d'envahir  les 
diocèses  de  leurs  collègues  {Conc.  Canh.  m,  an.  435, 
can.  21)  ).  Le  pape  llilaire  ne  veut  pas  qu'on 
confonde  les  droits  des  églises,  et  ne  permet  pas  à 
un  niétropolilain  d'exercer  ses  pouvoirs  dans  la  pro- 
vince d'un  autre  (Ëp.  ad  Léon.  Veran.  el  Vilur., 
circa  an.  405).  Jamais  ,  dit  saint  Augustin,  nous 
n'exercerons  de  fonctions  dans  un  diocèse  étranger, 
qu'elles  ne  nous  soient  demandées  ou  permises  par 
l'évêque  de  ce  diocèse  où  nous  nous  trouvons  (Ep. 
34,  ad  Euseb.).  Le  second  concile  d'Orléans  sou- 
met, ciintorniément  aux  anciens  canons,  toutes  les 
églises  qu'on  construit  à  la  juridiction  de  l'évêque 
dans  le  territoire  duquel  elles  sont  situées  (Conc.  Àu- 
rel.  Il,  an.  511,  can.  17).  Le  troisième  concile, 
tenv  dans  la  même  ville  en  538,  défend  aux  évèques 
de  se  jeter  sur  les  diocèses  éirangeis,  pour  oidon- 
ner  des  clercs  et  consacrer  des  autels.  Le  coupable 
sera  suspendu  de  la  céléhraiioii  des  saints  mystères 
pendant  un  an  (Can.  15).  Le  second  concile  d'O- 
range déclare  que,  si  un  évêc|ue  bâtit  une  église  sur 
un  diocèse  étranger,  elle  sera  S"umise  à  la  juridic- 
tion de  celui  sur  le  territoire  duquel  die  est  située 
(C'oJi.  10).  Le  cinquième  concile  d'Arles  proimnce 
qu'un  évèciue  ne  pourra  pas  élever  à  un  autre  gr.ide 
le  clerc  d'un  autre  évcc|ue,  sans  >a  permission  par 
écrit  (Can.l).  Le  concile  de  Châlons-sni'-Saône 
portela  mèn»e  défense  (Conc.  Cubil.,itu.  630,  can.  15). 
Les  capitulaires  renl'ernieiit  une  multitude  de  dis- 
positions semblables.  ÎSuus  nous  contenterons  d'en 
citer  une.  Qu'un  évèciue  léméraire,  iiihaeieiir  des 
canons,  enflammé  d'une  odieuse  cupidité,  n'envahisse 
pas  les  paroisses  de  l'évêque  d'une  Muire  ville,  et  que 
content  de  ce  qui  lui  appartient,  il  ne  ravisse  pas  ce 
qui  est  à  autrui  (Capilul.  7,  c.  410). 

<  Nous  ne  suivrons  pas  plus  loin  la  cha'îne  de  la 
tradition  :  nous  passerons  de  suite  au  concile  de 
Trente,  qui  a  conlirmé  cette  loi  de  tous  les  siècles 
de  l'Kglise,  en  interdisant  à  tout  évèque  l'exercice 
des  funciions  éplscopales  dans  le  diocèse  d'un  autre, 
sinon  avec  la  permission  de  l'évêque  du  lieu,  et  sur 
les  sujets  soumis  à  cet  ordinaire.  Si  on  y  contre- 
vient, l'évêque  sera  suspendu  de  plein  droit  de  ses 
fonctions  iiouiificalos,  et  ceux  c|u'il  aura  ainsi  or- 
donnés, de  colle  de  leur  ordre  (Sess.  0,  de  refonn,, 
cap.  5). 

«  [Sous  pouvons  conclure  de  cette  multitude  d'au- 
lorité^,  i|n'il  n'y  a  en  aucun  temps  dans  l'Eglise  où 
l'on  ail  regardé  ccuume  universelle!  la  mission  don- 
née aux  évèques;  qu'on  a  au  contraire  reconnu con- 
staninieni  et  [lartocit,  depuis  le   temps  des  apôtres 

jusqu'à  noire  siècle,  eo le  inie  loi  positive,  que  la 

mission  el  la  juridiction  de  cliaqiie  évètpie  sont  cir- 
conscrites dans  les  limites  du  diocèse  pour  le.|iicl  il 
est  consacré.  Or,  si  cette  lot  a  été  perpéiucllenient 
en  vigueur  dans  tnute  riO;;lise  depuis  les  aïolres,  il 
est  iiiconlolable  qu'elle  émane  d'eux  et  'lu'ellc  fait 
pallie  des  traditions  apostoliques,  le^cpiclies  ne  sont 
elles-inèmes  cpie  l'ecipressIcMi  des  preeepies  rec  ueil- 
lis  piir  les  apôtres  de  la  bouche  de  liMir  divin  Maître. 
Les  apôtres  n'avaient  pas  encore  conlirmé  leur  glo- 


rieuse carrière,  et  déjà  le  priiicipr;  de  la  division  des 
juridictions  et  de  la  séparation  des  lerritoires  entre 
les  évêques  qu'ils  avaient  institués,  était  reconnu  : 
il  avait  donc  été  établi  par  eux.  Tel  est  d'ailleurs  le 
principe  enseigné  de  tout  temps  dans  l'Kglise  catho- 
iiciue,  c|ui  fait  partie  de  sa  doctrine  sur  l'autorité  de 
la  tradition,  par  lecpiel  elle  a  souvent  confiindii  les 
erreurs  c|ui  s'éleviieni  dans  sou  sein.  Tout  ce  c|iii  est 
tenu  Hiiiversellement  et  dont  l'origine  ancienne  est 
ignorée,  doit  ètie  attribué  à  la  tradition  apostolique. 
Voy.  Apostolique. 

»  CONSTlTlJTIONNELLr:(Er,i.isF,).  L'Eglise  cons- 
titutionnelle date  de  l.i  pionmlgaiion  de  la  Constitu- 
tion civile  du  clergé.  11  fut  aussitôt  procédé  à  la 
nomination  des  évêques  et  des  curés,  coiiforméineut 
aux  nouvelles  institutions.  L'Erpnsilion  de  principes 
des  évêc|ues  catholiques,  l'autorité  de  la  Sorhcnne  qui 
la  conlirinaii,  ouvrirent  les  yeux  à  un  grand  nombre 
de  pasteurs  du  second  ordre.  Pour  soiimeitie  tout  le 
clergé  à  la  Cunstitution,  les  Con-iitutionnels  récla- 
mèrent un  décret  qui  assujélit  «  les  évêques,  les  ci- 
devant  arebevêques,  et  les  curés  con«ei  vés  en  fonc- 
tion, à  jurer  solennelleineni  qu'ils  veilleraient  avec 
soin  sur  les  fidèles  deleurs  diocèses  ou  de  leurs  cures; 
c|u*ils  seraient  lidêles  à  la  naiion,  à  la  loi  et  au  roi  ; 
qu'ils  maiutiendraieiil  de  loin  leur  pouvoir  la  Consti- 
tution décrétée  par  l'Assemblée  nationale  et  acceptée 
par  le  roi  ;  que  tout  prêtre  qui  coniiniierait  l'exer- 
cice de  ses  fonctions  sans  avoir  prêté  serment  serait 
puni  couiine  perturbateur  du  repos  public,  poursuivi 
juridiquement  et  privé  du  litre  et  des  droits  de  ci- 
toyen. »  Louis  XVI  eut  encore  la  faiblesse  de  sanc- 
tionner ce  luallieureux  décret  le  26  décembre  1790. 
Ce  décret  rencontra  une  résistance  à  laquelle  ou  ne 
s'attendait  pas.  De  cent  trente-cinq  évèques  français, 
quatre  seulement  prêtèrent  le  serinent  exigé  ;  sa- 
voir :  le  cartiinal  de  Brienue ,  arciievéque  de 
Sens;  de  Talleyraud,  évèciue  d'Autim  ;  de  Jarente, 
évèque  d'Orléans,  et  de  Savines,  èvéque  de  Viviers. 
Aux  prélats  lidêles  s'unirent  soixante-deux  mille 
prêtres  du  second  ordre,  tant  réguliers  que  séculiers, 
qui  aimèrent  mieux  s'exposer  à  l'indigence  el  à  cou- 
rir les  chances  d'une  persécution  facile  à  prévoir, 
que  de  céder  aux  promesses  luagiiiriques  du  peuple 
souverain. 

Cetiu  condamnation  de  la  nouvelle  Eglise  lui  pré- 
sageait des  jours  orageux.  Ses  évèques  se  hâtèrent 
de  se  faire  sflcrer.  L'évêque  d'Aiitcin,  assisté  des 
évèques  de  Lydda  et  de  liabylone,  donna,  le  25  jan- 
vier 171)1,  le  caractère  épiscopal  aux  curés  Expilly  et 
Marottes,  comme  évô(|ues  du  Finistère  et  de  l'Aisne. 
La  plupart  des  autres  évêiiues  constitutionnels  reçu- 
rent aussi  la  consécration  épiscopalc  ;  mais  Ils 
étaient  dépourvus  de  toute  juridiction,  et  tous  leurs 
actes  juridictionnels  étaient  entièreuient  nuls.  Le 
schisme  était  déliiiilivement  cunslitiié. 

Cependant  le  pape  avait  réuni  une  congréga- 
tion de  cardinaux  pour  examiner  la  Constitution 
civile  du  clergé  et  en  juger  les  principes.  Après 
avoir  enleiidii  le  rapport  de  la  tlocie  as>einlilée, 
l'ie  Vil  déclara,  dans  un  bief  doctrinal  adressé  aux 
évêques  de  l'Assemblée  iritionalc,  .'-ons  la  date  du 
10  mars  1791  :  «  Que  le  décret  sur  la  Constitution 
civile  du  clergé  renversait  les  dogmes  les  plus  sa- 
crés, et  la  discipline  de  l'Eglise;  la  plus  certaine  ; 
qu'il  abolissait  les  droits  du  piemier  siège,  ceux  des 
évéi|ues,  des  prêtres,  des  réguliers  des  deux  sexes  ; 
qu'il  supjirimait  de  saints  rites,  eiili^vait  à  l'Eglise 
ses  revenus  cl  ses  fonds,  et  iin'cnlin,  il  produisait 
des  calamités  si  déplorables,  (pi'iui  ne  pouirail  les 
croire  si  ou  ne  les  avait  pas  sous  les  yeux,  i  Ce  ju- 
gement était  appuyé  de  l'examen  c  riliquc  de  cliacuil 
des  articles  de  la  Cuiisiituiion  civile. 

Le  13  avril  suivant,  l'ie  VII  dcnina  un  nouveau 
bref  qui  c  oulirniait  le  |irciii  er.  11  ^.ldre^^a  au  pcuplo 
français.  Il  y  déclarait  :  «  Que  peiscuiiie,  ne  pouvait 
ignorer  que,  d'après  son  jugement  cl  celui  du  sainl- 


1109 


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siéne,  la  nouvelle  Consiitution  du  clergé  ne  fût  com- 
posée de  piiiicipes  puisé*  dans  l'Iiéiésie;  qu'en  con- 
séi|uunce,  elle  ne  lût  licrciiqiie  en  pliiïiieiirs  de  ses 
points,  et  opposée  an  d"gme  u^illioliipie;  ijuVn  d'ou- 
trés, elle  ne  lût  sarriléxe,  sc'liisinaiii|ue,  éversive 
des  druils  de  la  prinninté  du  $iiint-sié};e  et  de  ceux 
del'Ëiilise;  cuntiain'à  la  iliscipline,  lant  :iiiciunne 
qne  inoderni',  et  qu'elle  ii'cùl  été  inventée  et  publiée 
que  dans  le  dessein  de  détruire  ejilièrciuint  i;i  reli- 
gini)  catlndique.  >  Il  taxe  le  serment  roniniandé 
d'être  «  une  source  ein|iois«iinée  et  l'origine  de 
toutes  sories  d'erreurs,  ainsi  iiuela  cause  principale 
des  maux  qui  anii^eaierit  l'F.gli^e  de  France,  t  II 
cuniHiandait  à  tons  ceux  qui  av.iient  Tilt  ce  inallien- 
reux  serment  i  de  le  rétracter  dans  l'espace  de 
quarante  jours,  sous  iieiiie  d'encourir,  par  là  même, 
la  suspense  de  tims  leurs  ordres  et  de  tondtei'  dans 
l'iné^ularité,  s'ils  avaient  la  témérité  d'en  laire 
ensuite  <|uelqne  l'onclion.  >  Il  déclare  <  nuls  tous  les 
actes  de  juridiction  des  ec<lé-iasin|ne^  dits  conslilu- 
tii'unels,  et  exhorte  les  Udéles  à  ne  point  commu- 
niquer avec  les  intrus  ,  surtout  daus  les  choses 
sainir-s.  t 

L'Kjjlise  constitutionnelle  ess.iya  de  se  défendie; 
elle  fit  paraître  divers  écrits  en  laveur  de  sa  cause, 
et,  pour  atiéiiuer  l'efTel  des  brels  du  souverain  pon- 
lile,  elle  les  déclara  supposés.  M:iis  le  pape  répon- 
dit par  un  nouveau  bref  du  II)  mars  I7tlâ.  Il  établit 
Taiitori  é  de  ses  constitutions  apostoliques  et  menaça 
les  Cnnp.diles  de  la  semence  d'exconimunicalion. 
Cepenilant  cetie  klglise  s<'hismaiii|ne  coniinnail  son 
usurpation.  Un  clergé  nouveau  s'empara,  souvent  à 
main  armée,  des  sièges,  des  cures  et  des  autres  postes 
ecclésiastiques,  auxquels  le  clergé  liilcle  l'ut  réputé 
avoir  renoncé.  Embarrassés  pour  trouver  des  mi- 
nistres pour  remplir  tant  do  places  qne  les  décrets 
déclaraient  vacantes ,  les  nouveaux  evéques  ne  se 
nionlrèrciit  pas  lort  dil'liciles  dans  le  choix  des  su- 
jets à  élever  au  sacerdoce.  Aussi  vit-on  bieniôl  ce 
clergé,  l'ormé  ou  pluKit  créé  à  la  hâte  et  jeté  hors 
du  sein  de  Tuniié,  s'avilir  par  des  orgies  scanda- 
leuses, des  apostasies  criantes,  des  mariages  con- 
tractés contre  toutes  les  luis  de  l'Eglise,  cl  par  mille 
antres  excès  qui  servirent  du  moins  à  ouvrir  les 
yeux  à  un  grand  nombre  de  st^s  partisans,  et  les 
engagèrent  à  rentrer  dans  le  saint  bercail. 

Pour  juger  de  l'espiit  de  douceur  du  nouveau 
clergé,  nous  observerons  (|ue  ,  sur  dix-sept  évê- 
ques  constitutionnels  qui  siégeaient  au  procès  de 
Louis  XVI,  deux  seulement  reinsèrent  de  le  décla- 
rer coupable  ;  lient  lurent  pour  la  déieniion,  et  le 
resie  pour  la  mort.  Dix-buit  prêtres  constuiitionnels 
sur  vingt  cinq  volèrent  la  mort  du  meilleur  des 
mis. 

Nous  ne  rappellerons  pas  le  scamlale  de  l'Eglise 
consiitiiiionnelle  pendant  la  Terreur.  Mais  lorsque 
la  France  vit  (inir  le  règne  sanguinaire  de  Kobes- 
pierie,  elle  essaya  de  se  reconstituer  :  les  évéques 
constituiiomiels  ,  tlrégoire  ,  Saurine  ,  Itesbois  et 
U  ycr  se  formèrent  en  comité  pour  relever  leur 
Eglise  de  ses  ruines,  ils  reprudnisirenl  les  écrits 
fa<orable^  à  leur  cause,  et  publièrent  une  feuit  e 
lii'bdoioiidaire  siiiis  le  titre  iVAimales  de  la  Religion. 
Leur  publication  produisit  trop  peu  d'ell'et  :  ils  réso- 
liiri m  de  recourir  à  un  concile.  Trente  trois  évê- 
(|ni's  consiitmioniiels  et  quinze  prêtres  fondés  de 
pouvoir  SI",  réunirent  le  15  août  1797  à  Paris,  dans 
l'église  Notre-Dame,  et  prirent  le  titre  de  concile 
NATIONAL.  Le  ci'iicile  accorda  aux  prêtres  délégués 
qnoique  un  peu  à  regrel,  le  droit  de  voter  avec  les 
cvêipies.  Il  et  blil  dans  son  sein  onze  congrégaiions. 
La  pieniièic  avait  pour  but  de  s'occuper  des  mesures 
de  pacifier  l'iùj'ise. 

Après  s'èire  dédarce  co«ci/e  nationa/,  avoir  re^; 
iKMivclé  la  consécration  de  la  Fiance  à  la  très-sainte 
Vierge,  l'assemblée  ré^olut  d'écrire  au  pape.  La 
lettre  écrite  au  souverain  pontife  est  curieuse.  Les 


Constitutionnels  se  vantent  d'être  sortis  récemment 
la  plupart,  <  des  cachots  et  des  fers  ;  qu'ils  sont  tous 
disposés  à  braver  les  mêmes  dangers  si  l'intérêt  d' 
la  religion  catholique  qu'ils  professent  le  demande.» 
Ils  jiistilient  leur  conduite  dans  l'affaire  de  la  Consti- 
tution et  du  serment;  ils  attribuent  les  brefs  répan- 
dus dans  le  public  à  des  imposteurs,  ou  s'ils  sont  du 
saint-père,  ils  ont  été  arracliés  par  la  ruse  et  U: 
mensonge.  Ils  le  conjurent  de  les  consoler  par  une 
seule  parole,  et  Unissent  par  manifesier  le  jibis  vif 
désir  de  le  voir  au  milieu  d'eux.  Le  concile  se  ter- 
mina le  12  novembre.  Il  écrivit  encore  au  pape  pour  lui 
apprendre  que  le  concile  avait  lerniiné  sa  session,  et 
lui  demander  la  convocation  d'un  concile  général. 
Le  pape  ne  répondit  à  aucune  de  ces  deux  mis- 
sives. 

Nous  ne  ferons  pas  l'exposition  des  actes  de  ce 
conciliabule,  mis  à  la  hauteur  du  concile  de  Nicée 
par  quelques-uns  des  fauteurs  de  la  nouvelle  Eglise; 
regardé  comme  faible  et  sans  énergie  par  les  autres, 
parce  qu'il  n'avait  pas  hardiment  proclamé  le  ma- 
riage des  prêtres  et  la  célébration  de  l'oflice  divin 
en  langue  vulgaire.  Cepend.int  la  nouvelle  Eglise 
sembla  reprendre  de  la  vigueur.  Les  sièges  vacants 
se  remplirent;  elle  envoya  des  évoques  dans  les 
colonies. 

Un  nouveau  concile  fut  convoqué  pour  l'annéa 
ISOO.  Il  ne  put  se  réunir  qu'en  1801,  après  la  lenue 
des  pré{eiidus  conciles  mélronolitains.  Bonaparte 
conférait  alors  avec  le  souverain  pontife  pour  réta- 
blir l'Eglise  catholique  en  France.  On  croit  (|u'il 
permit  aux  Constilullonneisdese  réunir,  alin  d'avoir 
des  conditions  plus  conformes  à  ses  pensées.  Le 
prétendu  concile  était  encore  réuni  lorsque  le  Con- 
cordat l'ut  signé. 

Dans  le  dessein  de  ramener  les  intrus  dans  le 
sein  de  l'Eglise,  le  pape  chargea  l'archevêque  de 
Corinthc,  par  un  bref  en  date  du  15  août  liSOl,  de 
travailler  à  obtenir  la  soumission  des  évoques  cons- 
titutionnels, et  de  demandera  tous  les  ecclésiastiques 
assermentés  une  rétracialioii  de  leur  serment.  Un 
grand  nombre  se  soumirent  ;  mais  il  s'en  trouva  plu- 
sieurs, iiiêine  parmi  ceux  qui  lurent  nommés  pour 
les  nouveaux  sièges,  qui  refusèrent  de  signer  la 
rétractation  dans  la  forme  qui  leur  fut  d'abord  pré- 
sentée. Le  cardinal  Caprara  la  moililia.  Plusieurs 
évéques  constitutiimnels  se  vanièrent  hautement  dâ 
n'avoir  nullement  rétracté  leurs  premières  opinions. 
Lorsque  Pie  Vil  vint  sacrer  l'empereur,  il  exigea 
une  rétractation  dont  voici  la  teneur  :  i  Très-saint 
Père,  je  n'hésite  point  à  déclarer  à  V.  S.  que  ,  de- 
puis l'inslitutiou  canonique  donnée  par  le  cardinal 
légal,  j'ai  constamment  été  atlâché  de  cieur  et  d'es- 
prit au  grand  princi|ie  de  l'unité  catholique,  et  que 
tout  ce  que  l'on  m'aurait  supposé  ou  qui  aurait  pu 
m'èlre  éciiappé  de  contraire  à  ce  principe,  n'a  jamais 
été  dans  mes  internions  ;  ayant  toujours  eu  pour 
maxime  de  vivre  et  de  mourir  catholique,  et  par  là 
de  professer  les  principes  de  cette  sainte  religion. 
J'atteste  que  je  donnerais  ma  vie  pour  l'enseigner  et 
l'inspirer  à  tous  les  catholiques.  Ainsi,  je  déclare 
devant  Dieu  que  je  professe  adhésion  et  soumission 
aux  jugements  du  saintsiége  sur  les  affaires  ecclé- 
siastiques de  France.  « 

Les  rél'ractaires  se  soumirent.  Les  ecclésiastiques 
constituiionmls  non  employés  dans  le  saint  minis- 
tère les  imitèrent  en  grand  nombre.  L'Eglise  consii- 
tutionnelle  fut  donc  détruite  alors,  quoiqu'il  subsis- 
tât encore  dans  plusieurs  esprits  le  désir  de  la  voir 
renaitre. 

Grégoire ,  évêqne  de  Loir-et-Cher,  demeura  coii- 
siamiiieni  attaché  à  ses  idées.  Il  resta  en  repos  sous 
l'Enipire  et  la  Uestauration.  Lorsque  la  révolution 
de  Juillet  éclata,  il  crut  rocea>ion  favorable  poup 
relever  sa  cliere  Eglise,  et  se  mit  en  rapport  avec 
Louis-Philippe,  qui  'repoussa  ses  ouvertures,  (ire- 
goirc  mourut  en  lisôl,  sans  av.  ir  voulu  laire  aucune 


1111 


CON 


CON 


MIS 


réiraciniion.  M.  deQnelen,  arcneveqiie  de  Paris, 
ordonna  de  lui  refuser  la  sépnlmre  ccclésinsiniiie. 
L'Eg  isc  ronsliliuioiinelle  esl  ilrscivuliie  aiec  lui 
dans  la  tombe.  L'éiahlisseniPnt  de  In  Képnliliniie  n'a 
pas  vu  lin  seul  de  ses  sectateurs  travailler  à  la 
reconstituer. 

♦  CONSTITUTIONS  MONASTIQUES.  Parmi  les  af- 
faires qne  les  diocèses  du  momie  iMtli"liqiie  son - 
mènent  à  la  itct'ision  «nprême  du  saini-siéRe,  il  en 
est  peu  qui  soient  lrailée<  avec  autant  de  maturité, 
de  ciiciiiisperlion,  que  l'approbation  des  in^iituls 
religieux.  Approuver  la  récrie  d'une  société  reli- 
gieuse, c'est  la  canoniser  en  quelque  sorte  ;  c'est 
dct'laier  devant  toute  l'Eglise  que  celle  rèsle  est 
sainte  dans  son  but,  sainte  et  elficace  dans  les 
moyens  qu'elle  propose  ;  c'est  donner  aux  fnlèles  du 
monde  (allioliJiiiH  une  liante  garantie  de  la  conlnr- 
mité  de  cette  rèjjle  avec  les  principes  constiiiitifs  de 
l'étal  de  portection.  Ans^i  n'y  a-t-il  rien  d'excessif 
dans  la  pensée  des  théologiens  qui  ont  reconnu  une 
analogie  réelle  entre  l'approbation  des  ré^tles  reli- 
gieuses et  la  canonisation  des  saints.  C'est  là,  après 
les  déclarations  dogmatiques,  une  des  matières  les 
plus  graves  sur  lesiinelles  puisse  s'exercer  l'aulorité 
suprême  du  saint-siége. 

On  sait  que  la  congrégation  préposée  aux  affaires 
des  évéques  et  des  réguliers  est  chargée  de  l'ap- 
probaïuin  des  instituts  religieux.  C'est  à  cette  con- 
grégition  que  les  demandes  sont  adressées  ;  là  sont 
recueillis  les  dociinients  de  la  cause  ;  le  veto  des  con- 
sulienrs  est  requis  ;  un  cardinal  lé^ume,  établit  la 
position,  foriiiide  les  doutes  qui  sont  examinés  et 
décidés  en  iileine  congrégation.  Les  décrets  rt-ndus 
sont  toujours  soumis  à  la  ralilicalion  du  souverain 
pontife. 

Nous  avons  sous  les  yeux  les  documents  imprimés 
relatifs  aux  instituts  religieux  sur  l'approhatinn  des- 
quels on  a  eu  à  statuer  dans  ces  derniers  lemps. 
On  nous  croira  sans  peine,  si  nous  disons  qu'indé- 
pendamment des  apprcciaiions  relatives  aux  instilnls 
religi('ux  qui  ont  été  sujets  à  examen,  ces  docii- 
menis  offrent  la  source  la  plus  riche  d'instrudion 
pnur  tous  ceux  (|ui,  par  position  ou  par  devoir,  sont 
obligés  d'approfondir  Ces  maiièes.  La  doctrine  lliéo- 
logjque  sur  la  vie  religieuse  s'y  trouve  exp(l^éé  dans 
son  développiment  le  plus  certain,  le  plus  profond, 
le  plus  savant.  Les  institutions  de  la  iliscipline,  du 
droit  commun,  sont  rappelées  et  expliquées  lors- 
qu'il arrive  de  reconnaître  dans  les  régliMiu'nis  sou- 
mis à  l'approbation,  une  déviation  à  celte  di>cipline 
commune.  iSous  avons  rencontré  à  cet  égaid  des 
explications  puisées  aux  sources  les  plus  élevées  de 
la  science. 

L'enseignement  esl  encore  pins  profitable,  plus 
complut,  lorsque,  sur  une  question  d'une  gravilé 
plus  noialde,  les  consnlteiirs  sont  amenés  à  adOjiler 
des  opinions  di.amélralement  opposées  entre  le-quel- 
les  la  congrégation  doit  ensnile  statuer,  ^olls  n'avons 
pas  bi^soiii  de  dire  avec  quelle  sûreté  de  principes 
CCS  questions  sont  traitées;  avec  quelle  rectitude 
d'appréciation  les  enseignements  de  la  tradition  sont 
reiherchés,  la  jiinspruitence  est  assise,  les  ilécisions 
antérieures  se  trouvent  expliquées.  Ces  travaux  of- 
frent un  autre  avantage  inappréi  iable  ;  c'est  d'ame- 
ner la  science  canonique  à  son  état  actuel,  c'est  de 
compléter,  de  rectilier  quelquefois  renseignement 
des  docteurs  qui  n'ont  pu  traiter  les  inaliéres  de  la 
discipline  que  d'après  les  données  acquises,  les  ex- 
plicatiuns  admises  à  l'époque  où  ces  docteurs  écri- 
vaient. S'il  est  vrai  que  sur  une  question  donné ',  le 
livre  le  plus  récent  est  ordinairement  le  plus  utile, 
pane  qu'il  doit  être  le  plus  complet,  nous  n'avons 
pas  be>oin  d'assigner  ce  que  valent  les  explicaiions 
des  points  divers  île  la  science  canonitpic,  enrdiies 
des  données. les  plus  récentes,  préseniees,  ratiliées 
en  quelque  sorte  et  sanctionnées  par  une  congréga- 


tion suprême  qui  panieipe  à  l'autorité  du  saint-siége. 

Il  e-t  une  question  que  nous  voyons  ueciiper  aussi 
une  part  notable  dans  les  dociimenis  que  nous  avons 
sous  les  yeux.  Les  lois  civiles  de  quelques  pays  f'uit 
à  l'Eglise  et  aux  soriéiés  religieuse^  une  position 
spéciale,  rlout  il  faut  nécessaiiement  tenir  coinp  e. 
Il  y  a  coiidit.  qiieliiiieiois  réel,  quelquelois  apparent 
entre  les  lois  civiles  et  le  droit  cnminuu  de  l'Eg  ise. 
Il  s'agit  alors  d'examiner  jusqu'à  quel  po:nl  il  devient 
nécessaire  d'anioriser  une  dérogaiion  au  drnil  com- 
mun, (.'est  prini'ipalement  dans  l'article  de  la  pan- 
vrelé  rel  gieuse  qne  les  lois  civiles  suscitent  des  dif- 
licidiés  sans  cesse  renaissantes.  Nous  remar(|unns 
une  certaine  diversité  dans  la  snltilion  proposé^'  par 
les  dillérents  instituts  qui  soumeilent  leur  règle,  à 
l'approbalion  du  saint--iége.  La  nature,  retendue  du 
vœu  de  (lauvrcié,  la  propriété  livile,  le  droit  sur  les 
Liens  qui  surviennent  après  la  prcfession  religieuse, 
le  m"de  le  I  lus  eonveiialile  dn  possession  pour  les 
comiiiiiiianlés  doni  l'exis'ence  civile  n'est  pas  reconnue 
par  les  lois,  tomes  qie^tioi  s  qui  présentent  le  plus 
haut  intérêt  d'actualité  et  que  nous  voyons  éclaircies 
par  de  savantes  discussions,  pesées  par  une  circon- 
spection prudente. 

Les  relations  des  sociétés  religieuses  avec  l'auto- 
rité ordinaire  de  l'épiscopat  exercent  constannieat 
la  préoccupation  du  saint-siége,  toujours  jaloux  de 
réserver  soigneusement  celte  surveillance  épiscupale 
qui  e>t  nue  si  haute  garantie  de  la  bonne  direction 
des  insiluls.  Après  ce  grand  nombre  de  décisions 
qui  ont,  dans  les  temps  antérieurs,  réglé  le  degré 
de  dépendance  des  ordres  leligie'ix  à  l'égard  de  l'au- 
tori  é  èpiscopale,  il  reste  peu  à  déciiler,  à  éclaircir 
en  cette  matière.  Les  bases  des  rapports  sont  con- 
nues et  respectées.  Mais  l'éreclion  des  congrégations 
de  religieuses  aveo  une  supériorité  générale  a  ouvert 
une  nouvelle  séiie  de  questions,  de  dilliculiés.  l'er- 
sonne  n'ignore  que  celle  matière  n'a  pas  été  encore 
réduite  à  des  principes  qui  puissent  être  appbqués  à 
tous  les  cas.  C'est  une  des  plus  graves  dillicnltés  de 
ces  insliluts  que  de  déterminer  la  part  d'inllneiice 
qu'on  doit  léserverà  l'anKuitè  èpiscopale  sur  la  mai- 
son principale,  sur  les  afT.iires  généiales  d'une  con- 
grégaiiiui  (|ui  a  des  ramiticatiuns  dans  d'antres  dio- 
cèses. Cette  ipieslion  se  retrouve  dans  la  plupart 
des  affaires  qui  ont  été  dans  ces  derniers  temps  sou- 
mises au  jugeiiieiit  de  la  sacrée  congiégation. 

Vient  eiiAuile  la  (|uesliiui  d'opportiinilé.  Il  ne  suf- 
fit pas  que  les  constitutions  d'une  société  religieuse 
soient  bonnes,  iriéprochahles  en  elles  mêmes  pour 
qu'elle  soient  revêtues  de  l'approbalion  du  saint- 
siége.  Une  maxime  à  laquelle  on  ne  déroge  que  ra- 
rement, pour  ne  pniiil  dire  jamais,  est  de  ne  piocé- 
der  à  l'approbaiiuii  expiesse  des  constitutions  d'un 
ordre  que  lorsquelles  ont  été  sanctionnées  par  l'ex- 
peiience,  lorsqu'un  inslitul  esl  suflisammeui  répan- 
du, eu  égard  au  temps,  aux  lieux  et  aux  personuei. 
Si  l'insiiiut  i.iiii  sollicile  l'apprubation  n'a  pas  acquis 
le  dèveloppemment  iiécessaire,  la  sacrée  congiéga- 
tion a  (oiitnme  de  l'eiicuiirager  eu  louant  le  zé  e  du 
fondateur,  ou  le  but  de  riiisliiut,  ou  rinstilul  lui- 
même,  quelquelois  aussi  en  approuvant  simplement 
l'iiisiilut  sous  réserve  de  rapprubation  des  cunslilu- 
tiuns,  laquelle  est  renvoyée  à  temps  plus   opportun. 

CONSUBSTANTIALITÉ.     Vov.     Consub- 

STANTIEL. 

CONSUBSTANTIATEURS.  Pélisson  pré- 
tend qu'après  le  concile  de  Nicée  les  ariens 
duiiiièrciil  aux  catholiques  ,  qui  soutcuaienl 
la  consubslanlialité  du  Verbe,  le  noui  (Je 
cunsubslaiiliatcurs;  mais  celle  dérivation  ou 
traduction  du  mot  homoousiens  n'vsl  pas 
nalurelie. 

('le  sont  les  tli(''o!ogienscalliolique$  qui  ont 
appelé  consitbstaniiateurs  les  lulliéricus,  qui 


H13 


CON 


COU 


11U 


admettent  dans  l'eucharistie  la  consubstan- 
tiatinn, 

CONSUBSTANTIATION,  terme  par  lequel 
les  Iiilliorieiis  expriineiU  lour  croyjince  sur 
la  picscnce  réelle  de  Jésus-Chrisl  d;ms  l'cu- 
chiirislie.  I  s  préleiideiil  qu'après  la  consé- 
cr;illoii,  le  curps  et  le  s.ing  de  Jésus-Clirlst 
sont  réellemeiU  présents  avec  la  substance 
du  pain,  et  sans  que  celle-ci  soit  détruite. 
C'est  ce  que  l'on  noinn)e  encore  impanation. 

Luther  disait  :  «  Je  crois,  avec  Wiclef,  (|ue 
le  pain  demeure  ;  et  je  crois,  avec  les  sophis- 
tes, (lue  le  corps  de  Jésus-Christ  y  est.  »  (  L. 
de  Captiv.  Bu-byl.,  t.  D.)  Tantôt  11  prélendail 
que  le  corps  lie  Jesus-Chrisi  csi  avec  le  pain 
ciinnne  le  l'eu  est  arec  le  ter  hrûlaiit;  tantôt 
qu'il  e^t<laiis  le  pain  cl  sous  le  pain,  comme 
le  vin  est  duns  cl  sous  le  tonneau;  in,  sub, 
cwn.  M.'iis  comme  il  seiilii  que  ces  paioles, 
ceci  est  mon  corps,  si^nilient  quelque  chose 
de  plus,  il  les  expliqua  ainsi  :  ce  pain  est 
subslanliellement  mon  corps;  explication 
inouïe  et  plus  iibsurde  que  la  première.  — 
Zwingle  et  les  défenseurs  du  sens  tiguré  dé- 
montrèrent clairement  à  Luther  qu'il  faisait 
violence  aux  paroles  de  Jésu^-Christ.  En  elTel, 
ce  divin  Sauveur  n'a  pas  dit  :  Mon  corps  est 
ici.  ou  tnon  corps  est  sous  ceci  el  nrec  ceci, ou 
ceci  contient  mon  corps;  mais  cect  est  mon 
corps.  Ce  qu'il  veut  donner  aux  tidéles  n'est 
donc  pas  une  suh^tancc  qui  contienne  son 
corps,  on  qui  l'accompagne,  mais  son  corps 
sans  aucune  suhstauce  etiangère.  11  n'a  pas 
dii  non  plus  :  ce  pan  (S/ mon  corps,  mais  ceci 
est  mon  corps,  par  un  terme  indélini,  pour 
montrer  que  ce  qu'il  donne  n'est  plus  du 
pain,  mais  son  corps.  —  Ou  peut  bien  dire, 
avec  l'iighse  catholique,  que  le  pain  devient 
le  corps  de  Jésus-Christ,  dans  le  même  sens 
que  l'eau  fut  /aile  vin  aux  noces  de  Cana, 
par  le  changement  de  l'un  en  l'autre.  On  peut 
dire  que  ce  qui  est  pain  en  apparence,  est 
réellement  le  corps  de  Noire-Seigneur;  mais 
que  du  pain,  demeurant  tel,  tût  eu  niéme 
temps  le  corps  de  Jésus-Christ,  comme  le 
voulait  Luther,  c'est  un  discours  qui  n'a 
point  de  sens.  D'oii  l'un  concluait  contre  lui, 
ou  qu'il  faut  admettre,  comme  les  catholi- 
ques, un  changement  de  substance,  ou  qu'il 
faut  s'en  tenir  au  sens  figuré,  et  ne  suppo- 
ser qu'un  changement  moral.  Voy.  l'His- 
toire dis  variations,  tom.  1  ,  l.  ii.  —  Aujour- 
d  hui,  il  parait  que  les  luthériens  ne  sou- 
tiennent plus  la  consiibstantialion;  la  plupart 
croient  que  Jésus-Christ  est  présent  dans 
l'eucharistie,  seulement  dans  l'usage,  ou 
dans  l'action  de  le  recevoir.  Voy.  Lcthèr  exs. 

CONSUllSlANllEL  ,  qui  est  de  même 
substance  ei  de  même  essence  ;  c'est  la  tra- 
duction du  grec  ifiooùawr,  dont  s'est  servi  le 
concile  de  Nicée  pour  décider  la  divinité  du 
Verbe. 

La  divinité  de  Jésus-Christ  avait  été  atta- 
quée, dans  le  1"''  siècle,  par  les  ébionites  et 
par  les  cérinihiens  ;  dans  le  ii^,  par  les  théo- 
doliens  ;  dans  le  m',  par  les  artémonieiis, 
et  ensuite  par  les  sa(nosatiens  ou  samosate- 
niens,  sectateurs  de  Paul  de  Samosate.  L'an 
209,  l'ou  assembla   un  cuucile  à  Auliuche, 


pour  décider  ce  dogme;  Paul  et  l'évê'que 
d'Anlioche,  qui  pensai!  comme  lui,  furent  dé- 
posés. Mais,  dans  son  décret,  ce  concile 
n'employa  point  le  mot  consnbslantiet  ;  les 
Pères  craignirent  (]ue  l'on  n'en  abusât  pour 
confondre  les  Personnes,  ou  pour  supposer 
que  le  Père  et  le  Fils  étaient  formés  d'une 
même  matière  préexistante.  C'est  la  raison 
qu  en  donne  saini  Atlianase.  —  L'an  325, 
lorsi|ue  les  ariens  nièrent  de  nouveau  la  di- 
vinité de  Jésus-Christ,  le  concile  général  de 
Nicée  jugea  que  l'abus  de  ce  terme  n'était 
plus  à  craindre,  (|u'il  n'y  en  avait  point  de 
plus  propre  à  prévenir  les  équivoques  elles 
sublerl'uges  des  ariens;  conséquemmeni  il 
décida  que  le  Fils  de  Dieu  est  consubslantiel 
à  son  Père,  et  il  l'exprima  ainsi  dans  le  syrn- 
bole  que  l'on  récite  encore  aujourd'hui  à  la 
messe.  • —  Les  ariens  firent  grand  bruit  de  ce 
que  l'on  consacrait  à  Nicee  un  mol  (|iii  avait 
été  rejeiè  par  les  Pères  du  concile  d'Anlio- 
che ;  ils  l'iiiterprëtèrent  malicieusement  dans 
le  sens  que  ces  Pères  avaient  voulu  eviier. 
Ils  dressèrent  successivement  vingt  formules 
de  loi,  dans  lesquelles  il>  déclaraient  (|ue  le 
Fils  de  Dieu  est  semblable  au  Père  en  toutes 
choses  ,  qu'il  lui  est  semblable  selon  les 
Ecritures,  qu'il  est  Dieu,  et  ■.  Us  protestaient 
que  si  l'on  voulait  supprimer  le  terme  de 
consubslantiel,  il  n'y  aurait  plus  ni  disputes, 
ni  divisions.  L'empereur  Constance,  leur 
protecteur,  employa  toutes  sories  de  violen- 
ces pour  forcer  les  evèi|ues  à  le  suppr.iner. 
Mais  les  orthodoxes  tinrent  ferme  ;  lis  com- 
prirent que  les  ariens  étaient  de  mauvaise 
foi,  qu'ils  rejetaient  le  terme  pour  anéantir 
le  dogme  :  ils  regardèri  ni  comme  caiitieuses 
toutes  les  formules  dans  les(|uelles  le  terme 
de  consubslantiel  était  supprimé. 

Aujourd'hui  les  sociniens  renouvellent  les 
clameurs  desariens  ;  ils  disent  que  le  concile 
de  Nicée  a  innové  dans  la  docirine  ,  qu'il  a 
établi  un  dogme  inouï  jusqu'alors,  puisqu'il 
a  employé  un  terme  que  le  concile  d'Aulio- 
chi;  avait  rejeté  cinquante-trois  ans  aupaïa- 
vaiit.  On  leur  a  prouvé,  par  les  témoignages 
formels  des  Pères  des  tiois  premiers  siècles, 
que  l'on  avait  décidé  à  Antioche  le  même 
dogme  qu'à  Nicée  ;  que  les  ariens  ne  faisaient 
que  répéter  l'erreur  condamnée  dans  Paul 
de  Samosate  et  dans  ses  pariisaus.  — De  leur 
côlé,  les  incrédules  disent  que  l'on  a  troublé 
l'univers  pour  un  mot,  pour  une  question 
grammaticale;  mais  ce  mot  emportait  un 
dogme  fondamental  du  christianisme.  Si  ce 
dogme  était  faux,  il  faudrait  conclure  que  la 
vraie  docirine  de  Jésus-Christ  a  éié  mécon- 
nue liés  l'an  269,  et  que  depuis  celle  époque 
le  (  hrislianisme  est  une  religion  fausse. 

Si  la  consulislanlialilé  du  Verbe  était  une 
nouvelle  docirine,  pourquoi  les  ariens  ne 
purent-ils  jamais  s'accorder  ?  Les  purs  ariens 
ou  pliotiniens  enseignaient  sans  détour, 
comme  Arius,  que  le  Fils  de  Dieu  était  dis- 
semblable à  son  Père,  que  c'était  une  pure 
créalure  tirée  du  néant.  Les  semi-ariens  di- 
saient qu'il  était  semblable  au  Père  en  na- 
ture el  en  loules  choses  ;  quelques-uns 
avouaient  qu'il  était  Dieu.  Pourquoi  ces  dis- 


1H& 


CON 


CON 


«16 


putes,  ces  condamnations  mutuelles,  cette 
opposition  entre  les  différentes  sectes  des 
ariens  ?  Il  eût  élé  plus  court  pour  eux  de 
s'accorder,  de  pirler  Ions  comme  Arius  et 
comme  font  aujourd'hui  les  sociniens.  Mais 
on  senlait  que,  pour  en  venir  là  ,  il  fallait 
contredire  l'Ecriture  el  II  tradition  des  trois 
premiers  siècles  ;  on  cherchait  à  p  illier  l'er- 
reur pour  la  (aire  adopter  aux  filèlos  avec 
moins  de  répngn.ince.  —  Le  patriarche  d'A- 
lexandrie le  fait  déjà  observer  dans  la  lettre 
qu'il  écrivit  aux  évêques  avant  le  cuncilede 
Nicée,  pour  leur  donner  avis  de  la  condam- 
natit-ju  qu'il  avait  faite  d'Arius  et  de  ses  par- 
tisans.   Foj/.  Socrale  I Uist.  eccL,  1.  i,  c.  I>). 

Parmi  les  protestants,  plusieurs  de  ceux 
qui  penchaient  au  socinianisme  ont  soutenu 
que  les  Pères  de  Nicee,  en  décidant  que  le 
Fils  de  Dieu  est  co/(su6s<o«/!e/ au  Père,  en- 
tendaient seulement  que  la  nature  divine  est 
parfaitement  semblable  et  èijaie  dans  ces 
deux  Personnes,  mais  non  quelle  y  est  nu- 
mériquement une  et  singulière.  Cudworlh 
{Syst.  intell.,  tom.  1,  c.  k,  §  2G)  prétend  que 
ce  dernier  sens  ne  se  trouve  point  dans  les 
auteurs  chrétiens  avant  le  quatrième  concile 
de  Lalran,  tenu  l'an  1215,  qui  le  décida  ainsi 
contre  l'abbé  Joachim.  Les  Pères,  dit-il,  ont 
souvent  répété  que  la  nature  divine  est  une 
dans  les  trois  Personnes  de  la  sainte  Tri- 
nité,  comme  l'hunianité  est  une  dans  trois 
hommes  ;  ils  parlai(  nt  donc  d'une  unité 
d'espèce  et  non  d'une  unité  de  nombre,  il 
s'attache  à  le  prouver  p;ir  plusieurs  pîts- 
sages  des  Pères  :  le  Clerc  était  dans  la 
même  opinion,  el  Mosheim  ,  dans  ses  Noies 
surCuflworlh,  n'a  pas  pris  la  peine  de  la  ré- 
futer. D'où  nous  devons  conclure  que  ,  sui- 
vant ces  critiques,  les  Pères,  qui  ont  soutenu 
avec  tant  de  zèle  la  consubstnnliaiilé  du 
Verbe,  n'étaient,  dans  le  fond,  pas  plus  or- 
thodoxes sur  ce  mystère  que  les  ariens. 

Mais,  1"  ces  Pères,  qui  montrent  d'ailleurs 
tant  de  pénéiraliou  et  de  safïacilé,  ont-ils  pu 
être  assez  stupides  pour  comparer  en  rigueur 
la  nature  divine  avec  la  nature  humaine,  l'u- 
nité réelle  de  la  première  avec  l'unité  impro- 
prement dite  de  la  seconde  ,  qui  n'est  qu'une 
abstraciion?  Ils  auraient  été  forcés  d'avouer 
que,  comme  trois  personnes  humaines  sont 
trois  hommes,  les  trois  Personnes  divines 
sont  trois  dieux.  C'est  l'argument  que  leur 
faisaient  les  sabelliens,  el  contre  leiinel  les 
l'ères  se  sont  défendus.  2°  11  y  a  plus  :  les 
Pères  ont  dit  (]ue  la  génération  du  Fils  de 
Dieu  esl  hors  de  tout  exemple  et  de  louie 
compar;iison  ;  donc  ils  n'ont  pas  regardé  les 
compar;iisons.  qu'ils  en  (uil  laites  comme 
exactes  el  rigoureuses  (liusèb.,  adv.  Mar- 
cell.  Ancyr.,  I.  i,  p.  l'.l.  etc.).  3"  Ils  ont  en- 
seigné que  l'unile  de  la  nature  divine  en  trois 
Personne»  est  un  mystère  :  or,  l'unité  speci- 
fique  de  la  nature  humaine  dans  les  divers 
indiviilus  n'est  cerlainemcnl  pas  un  mystère; 
donc  les  Pères  n'ont  pas  cru  que  ces  deux 
unités  sont  la  mémo  chose,  'r  Ils  ont  aftinné 
cunslammenl  que  la  nature  divine  est  inili- 
tise  dans  les  trois  Peisonncs.;  conseciuem- 
uipnt,  que  ces  trois  sont  un  seul  Dieu;  mais 


aucun  ne  s'est  avisé  de  dire  que  la  nature 
humaine  est  indivise  dans  trois  hommes,  et 
que  ces  trois  sont  un  seul  homme,  o"  Cud- 
worlh insiste  sur  ce  qu'en  disant  que  la  na- 
ture divine  est  luie ,  les  Pères  n'ont  pas 
ajouté  qu'elle  esl  singulière;  mais  nous  le 
défions  de  trouver  dans  la  langue  grecque 
un  terme  qui  réponde  exactement  au  mot 
singnlaris  des  L;itins.  Quand  ils  onl  dit 
quelle  est  «ne  e/ mdùî'.çe.  ils  n'onl  pas  ciu 
que  cela  piil  s'entendre  seulement  d'une 
unité  spécifique,  puisi|ue  celle-ci  emporte 
division,  tj'  Lorsque  les  ariens  ont  mis  dans 
leurs  professions  de  foi  que  le  Fils  de  Dieu 
esl  parfaitement  semblable  à  son  Père,  en 
nature,  en  substance,  en  toutes  choses,  les 
Pères  ont  rejeté  ces  expressions  comme  in- 
sulfisanles  ;  elles  em|)ortaifnt  cependant  l'u- 
nité spécifique  de  nature  ;  donc,  par  le  mot 
consubslantel,  ils  entendaient  quelque  chose 
de  plus,  c'est-à-dire  l'unité  numérique  et 
siniiulière.  7°  Les  ariens  ne  voulaient  point 
admettre  de  généialion  en  Dieu  :  Toute  gé- 
nération, disaient-ils,  se  fait  ou  par  l'écoule- 
meut  de  quelque  partie  qui  se  sépare  du 
tout,  ou  par  1  extension,  par  la  dilalalion 
de  la  sutislance  qui  l'engendre:  or,  la 
subslance  divine  ne  peut  ni  s'étendre, 
ni  se  resserrer,  ni  se  diviser.  Les  Pères  ré- 
pondfiienl  que  Dieu  engendre  de  sa  propre 
substance  sou  Fils  unique,  mais  sans  par- 
tage, sans  altération,  sans  changement,  sans 
écoulement,  sans  éprouver  rien  de  ce  qui 
arrive  dans  les  générations  animales.  (Saint 
Hil.,  l.  Il  de  Jrinit.,  n"8;  l.de  Synoiiis, 
iV  17  el  44.,  etc.)  Donc  ils  onl  admis  entre  le 
Père  elle  Fils  une  unité  nunu'rique  de  na- 
ture, et  non  siu)plemenl  une  unité  spécifi- 
que, telle  qu'elle  se  Irouve  entre  un  liomuie 
el  son  fils. 

On  demande  :  Mais  pourquoi  vouloir  ex- 
pliquer ce  qui  est  inexplical)le  ?  pourquoi  ne 
pas  se  borner  à  dire,  comme  les  auteurs  sa- 
crés ,  que  Jesus-Chrisl  esl  \e  Fils  de  Dieu, 
sans  entreprendre  dedécidercomment  il  l'est  ? 
Nous  répondons  (|u'il  n'était  pas  |iossililede 
s'en  tenir  là,  et  que  les  Pères  onl  été  forcés 
de  donner  une  explication.  1"  Il  faut  avoir 
quelque  idée  d'un  dogme  que  l'on  croit  et 
que  l'on  professa  ;  parce  que  la  foi  n'a  pas 
pour  objet  des  paroles,  mais  les  choses  si- 
gniliées  par  ces  paroles.  2"  Cette  proposition  : 
Jéttis-Chnsl  est  le  Fils  de  Diru,  pouvait  avoir 
ditlérenls  sens  ;  el  les  hérétiques  lui  don- 
naient plusieurs  sens  faux;  il  làllait  donc 
fixer  le  vrai  el  exclure  le  faux.  T  Dire  ;iux 
païens  que  .lésusChrisl  esl  Fils  de  Dieu, 
c'était  leur  donner  lieu  de  demander  pour- 
quoi donc  les  clireticns  rejetaient  les  geuéi^ 
logies  des  dieux,  pendant  ()u'ils  enseignaient 
eux-mêmes  que  Dieu  a  un  Fils.  On  éialt  <lonc 
ol)li);é  de  montrer  aux  païens  la  difl'éreiice 
qu'il  y  avait  entre  la  iheologie  chrétienne  et 
les  fal)le^  de  la  mythologie.  Il  en  est  de  même 
de  tous  les  antres  mystères.  iBeausolne, 
Histoire  du  manichéisme,  tom.  I,  1.  m,  c.  0.) 

CONSUL!  LUKS.  A  Home,  Ion  donne  ce 
nom  a  des  théologiens  chargés  par  le  sou- 
verain puutifo  d  examiner  les  livres  et    le* 


1H7 


CON 


CON 


1118 


jjroposilions  drférées  a  son  tribunal  ;  ils  en 
rendent  compte  dans  les  congréRalions  où 
ils  n'ont  point  voix  délibérative.  Dans  quel- 
ques ordres  monasli(iues,  on  nooiine  de 
même  des  religieux  chargés  de  transmettre 
des  avis  au  général  ,  et  qui  sont  comme  son 
conseil. 

CONTEMPLATION,  selon  tes  mystiques  , 
c'est  un  regard  simple  et  alTeciueux  sur 
Dieu,  comme  présent  à  notre  àine.  La  con- 
tcmpliition,  di-enl-iis,  consiste  dans  des  actes 
si  simples,  si  directs,  -si  uniformes,  si  pai- 
sibli's,  qu'ils  n'ont  rien  par  où  l'on  puisse  les 
saisir  po^ir  les  distinguer. 

Dans  l'état  contemplitif,  l'âme  doit  être 
enliêrement  passive  par  r;ip|iortà  Dieu  ;  elle 
doit  èln-  dans  un  repos  continuel,  exempte 
du  trouble  des  âmes  iiKiuièles  qui  s'agitent 
pour  sentir  leurs  opérations  ;  c'est  une 
prière  de  silence  et  de  repos.  Ce  n'est  point, 
ajoutent-ils,  un  ravissement,  une  suspension 
exlaiiiiue  de  toutes  les  facultés  de  l'a  ne  , 
mais  c'est  un  étal  passif,  une  paix  profonde, 
qui  laisse  l'âme  parf.iilement  disposée  à  être 
mue  par  les  impressions  de  la  grâce,  et 
dans  l'état  le  plus  propre  à  eu  suivre  les 
mouvements. 

Lespersonnes  chargées  de  diriger  les  con- 
templatifs ne  sauraient  avoir  trop  de  pru- 
dence pour  connaître  l'esprit  de  Dieu ,  et 
le  distinguer  des  illusions  de  l'amour- 
propre. 

CONTEXTE,  mot  usité  parmi  les  théolo- 
giens, et  qui  a  plusieurs  sens.  Souvent  il  si- 
gnilie  simplemt^nl  le  texte  de  l'Ecriture 
sainie,  ou  d'un  auteur  quelconque.  Ordinai- 
rement il  signiQe  ce  qui  précède  ou  ce  qui 
suit  un  passage,  ou  il  désigne  un  autre  en- 
droit qui  y  a  du  rapport  :  dans  ce  sens,  oa 
dit  que,  pour  bien  entendre  le  texte,  il  faut 
consulter  le  contexte. 

CONTINENCE,  état  de  ceux  qui  ont  re- 
noncé âi'i  mariage.  Jisus-Cbrist  en  a  témoi- 
gné de  l'estime  ,  lorsqu'il  a  dit  qu'il  y  a  des 
eunu(|ues  qui  ont  renoncé  au  miiriage  pour 
le  royaume  des  cieux,  (jue  tous  ne  le  com- 
prennent point,  mais  seulen)ent  ceux  qui 
en  ont  reçu  le  don  {Mittlh.,  xix,  11  et  12). 
A  l'article  Célibat,  nous  avons  cilé  les  pa- 
roles de  sainl  Paul.  Il  n'est  point  de  subter- 
fuges que  l'on  n'ait  employés  pour  tordre  le 
sens  de  ces  pa^sagi's. 

Nos  philosophes,  réunis  ;ius  protestants, 
soutiennent  qtir  la  continence  u'esi  point  es- 
timable par  elle  uiéme,  tju'elle  ne  le  di'vient 
qu'autant  qu'elle  iuipnrte  arcidentell  ment 
à  la  pratique  de  quelque  vertu,  ou  à  l'exé- 
cution de  quelque  dessein  r/énc'reux  ;  que, 
hors  (le  ces  cas,  elle  mérite  plus  de  blâme  que 
d'éloges.  —  il  nous  paraît  que  le  nom  de 
vertu  signifie  la  force  de  l'âme  ,  qu'il  est  be- 
soin de  force  pour  résister  à  ua  penchant 
impérieux  ,  tt  l  que  le  désir  des  plaisirs  sen- 
suels ;  que  ce  courage  est  toujours  estimable 
par  lui-même,  à  moins  ciu'il  ne  soit  empoi- 
sonné par  un  mauvais  motif.  — U  y  a  sans 
doute  des  homme-  qui  renoncent  au  mariage 
par  des  motifs  blâmables,  et  qui  viveut  dans 


lecélibal  sans  observer  la  continence;  assez 
souvent  ce  sont  eux  qui  veulent  décrier  cette 
vertu. 

Quiconque,  dit-on,  est  conformé  de  ma- 
nière à  ])ouvoir  procréer  son  semblable,  a 
droit  de  le  f.iire,  c'est  le  droit  ou  la  voix  de 
la  nature.  Soit.  L'homme  peut  renoncer  à 
son  droit  sans  violer  aucune  loi;  lorsqu'il  le 
fait  par  un  molif  louable  ,  c'est  un  acte  du 
vertu.  Celui  (|ui,  sans  nuire  à  sa  santé  ni  à 
ses  devoirs,  peut  boire  et  manger  plus  qu'un 
autre,  en  a  aussi  le  droit  :  sera-t-il  blâmable 
s'il  s'en  abstient  par  tempérance,  ou  afin  d'a- 
voir du  superllu  à  donner  aux  pauvres?  — 
On  ajouiequ'il  n'y  a  pointde  raison  qui  oblige 
à  une  continence  perpétuelle,  qu'il  en  est 
tout  au  plus  qui  la  rendent  nécess;iire  pour 
un  temps.  Mais  le  dessein  généreux i\c  se  con- 
sacrer au  culte  de  Dieu  et  au  salut  des  hom- 
mes, n'est-il  pas  une  bonne  raison  d'i'm- 
brasser  la  continence  perpétuelle"?  Il  faut 
employer  les  premières  années  de  la  vie  à 
s'en  rendre  capable,  et  consumer  le  reste 
dans  les  travaux  attachés  à  cette  fonction 
charitable. 

Nous  ne  voyons  point  les  hommes  mariés 
et  chargés  do  famille,  quitter  leur  foyer  pour 
porter  la  lumière  de  l'Evangile  aux  extrémi- 
tés du  monde,  pour  aller  racheter  les  cap- 
tifs et  soulager  les  esclaves  chez  les  infidè- 
les, pour  remplir  les  fonctions  des  ignoran- 
tins  et  des  frères  de  la  charité.  Sans  l'estime 
que  la  religion  catholique  inspire  pour  l'é- 
tat de  continence  et  de  virginité,  trouverait- 
on  des  filles  pour  soigner  les  hôpitaux,  pour 
soulager  les  malades,  pour  élever  les  en- 
fants trouvés  et  les  orphelins,  pour  instruire 
ceux  des  pauvres  ,  pour  tenir  des  maisons 
d'éducation,  pour  recueillir  les  péniienles 
et  les  tirer  du  désordre?  etc.  Celles  qui  as- 
])irent  au  mariage  ne  se  consacrent  point  à 
ces  fonctions  péi.ibles  ;  aussi  ces  bonnes  œu- 
vres sont-elles  fort  négligées  dans  les  com- 
munions protestantes  :  la  charité  héroïque 
n'y  a  pas  survécu  à  la  continence.  On  aura 
beau  salarier  des  personnes  des  ileux  sexes, 
l'argent  ne  fera  jamais  ce  que  f.iit  la  reliiîion. 
Et  l'on  nous  dit  froidement  que  la  continence 
ne  sert  à  rien,  que  c'est  une  vertu  de  la- 
quelle il  ne  résulte  rien  !  —  Il  ne  convient 
pas  d'appeler  institutions  Inimaines  ce  qui  a 
été  institué,  loué,  consacré,  pratiqué  par 
Jésus-Christ.  Lorsque  nos  |ihilosopbes  dis- 
sertent sur  les  vertus  et  sur  les  vices,  ils  de- 
vraient se  sou\enir  que  les  notions  puisées 
dans  l'Evaniiile  valent  bien  celles  qu'ils  em- 
pruntent de  la  philosophie  païenne. 

On  dit  que  les  Pères  ont  fait  des  éloges  ou- 
trés de  la  continence,  qu'ils  l'ont  estimée  et 
louée  à  l'evcès.  Ne  sont-ce  pas  plutôt  leurs 
censeurs  qui  poussent  à  l'excès  l'indilTé- 
rence  et  le  mépris  pour  celte  vertu?  (Juand 
on  sait  à  quel  pninl  a  été  portée  l'impudicilé 
chez  les  païens,  on  comprend  que  ce  désor- 
dre ne  pouvait  êire  réforme  que  par  une 
morale  1res- sévère  ,  et  en  portant  fort  loin 
les  éloges  de  la  vertu  opposée  ;  on  n'est  [«as 
étonné  du  langage  des  Pères,  qui  est  celui 
de  l'Ecriture  sainte.   Us  trouvaient  beau  Uq 


1H9 


CON 


COM 


1120 


pouvoir  (lire  du  christianisme  ce  que  Tite- 
Livc  mot  a  la  bouche  d'un  ancien  Romain  : 
Et  facere  et  pnti  fortin  chrintianum  est.  Voy. 

CÉLIBAT,   ChaSTRTÉ,   VlnC.lNITÉ. 

CONTOBAHDITKS.  Voy.  Eutychiens. 

CONTRADICiiON.  Los  incréilules,  dans 
le  dessein  de  prouver  que  nos  Livres  saints 
ne  sont  rien  moins  que  des  ouvrages  divins, 
se  sont  appliqués  à  y  chercher  des  contra- 
dictions, el  ils  se  sont  flatiés  d'y  en  avoir 
trouvé  un  gr  md  nombre.  Mais,  en  se  servant 
de  leur  mélhode,  il  n'est  aucune  histoire  ni 
aucun  livre  dans  lequel  il  ne  soit  aisé  d'en 
montrer  encore  davantage. 

Si  l'un  des  qunire  évangélistes  rapporte 
un  lait  ou  une  circonstance  de  laquelle  les 
autres  n'aient  pas  parlé,  nos  subiils  critiques 
disent  qu'il  est  en  contradiction  avec  eux, 
comme  si  le  silence  d'un  historien  était  la 
même  chose  qu'une  réclamalion  el  une  op- 
position formelle;  aucun  des  évangélistes 
ne  s'est  proposé  d'écrire  ex;iclemcnl  lout  ce 
que  Jésus-Christ  a  «lit  et  a  fait,  ni  de  garder 
scnipuleusement  l'ordre  des  événements , 
mais  seulement  d'en  donner  une  connais- 
sance suffisante  aux  fidèles  pour  fonder  leur 
foi.  Les  Evangiles,  dit  un  célèbre  incrédule, 
nous  ont  été  donnés  pour  nous  enseigner  à 
vivre  saintement  et  non  pas  à  critiquer  sa- 
vamment. Il  est  fâcheux  qu'il  ait  souvent 
oublié  lui-même  celte  sage  réilevion. 

Lorsque  deux  ou  plusieurs  auteurs  con- 
tempor;iins  oui  fait  une  même  histoire,  ont 
parlé  d'un  événement  chargé  de  circonstan- 
ces, leur  esl-il  jamais  arrivé  de  le  riiconler 
précisément  de  même,  sans  aucune  variété  ? 
Dans  ce  cas,  on  penserait  que  l'un  a  copié 
l'autre,  ou  qu'ils  ont  usé  de  collusion.  Ceux 
qui  (mt  voulu  composer  un  corps  complet 
de  l'histoire  romaine,  ont  été  obligés  de  rap- 
procher et  de  comparer  ensemble  tous  les 
anciens  historiens,  de  suppléer  au  silence  de 
l'un  par  la  narration  de  l'autre;  el,  quand 
ils  ont  cru  y  apercevoir  de  l'opposition,  ils 
ont  cherché  le  moyen  île  les  concilier  :  nous 
ne  \ oyons  pas  que  les  incrédules  aienl  blâmé 
celle  conduite.  Voilà  aussi  ce  que  l'on  a  fait 
en  dressant  la  concorde  ou  l'h.irmonie  des 
quatre  évangiles;  on  en  a  ainsi  rendu  la 
narration  plus  suivie  el  plus  aisée  à  en- 
tendre, et  l'on  voit  qu'il  n'y  a  point  de  con- 
tradiction. Il  a  fallu  de  même  comparer  les 
livres  des  Rois  avec  ceux  des  Paralipomè- 
nes,  qui  rapportent  les  mômes  faits,  mais 
avec  quelques  variétés;  il  a  f.illu  enfin  rap- 
procher l'un  de  l'autre  les  deux  livres  des 
Machabées,  dont  les  auteurs  n'ont  pas  suivi 
t  xaelement  l'ordre  chronologiiiue.  Mais  dés 
qu'il  est  question  des  écrivains  sacres  ,  les 
incrédules  ne  veulent  plus  de  conciliation,  ils 
ne  cherchent  pas  à  savoir  la  vérité,  mais  à 
l'obscurcir  tant  qu'ils  peuvent. 

Une  seule  circonsiance  oinisi',  et  qui  pa- 
r:!Ît  niinuiieiise  à  celui  qui  écrit,  suffira  dans 
la  suite  des  temps  pour  jeter  de  l'obscurité 
et  de  l'embarras  dans  son  rérii  ;  il  paraîtra 
contradicloire  à  ceux  qui  li'  liront  sans  être 
surfisaiiimenl  insliuils  de  ce  (|ui  se  passait 
pour  lors.  Dans  le  teiiips  que  lescvatij^élistcs 


ont  pris  la  plume,  cet  inconvénient  n'avait 
pas  lieu,  parce  qu'ils  écrivaient  des  faits  pu- 
blics dont  la  mémoire  était  encore  toute  ré- 
cente 11  n'en  est  plus  de  même  aprè<  un 
grand  nombre  de  siècles;  nous  ne  connais- 
sons pt;is  assez  les  mœurs,  les  usages,  les 
habitudes,  le  langage  des  habitants  de  la  Ju- 
dée, leur  ét.'jl  civil  el  politique,  la  tournure 
de  leur  esprit,  hi  situation  des  lieux,  etc.  Ce 
qui  était  fort  clair  pour  eux,  est  devenu  obs- 
cur pour  nous. 

Les  commentateurs  de  l'Ecrilure  sainte 
n'ont  passé  sous  silence  aucune  des  contra- 
dictions prétendues  dont  les  incrédules  font 
trophée;  c'est  dans  les  écrits  des  premiers 
que  nos  savants  critiques  sont  souvent  allés 
les  prendre,  en  laissant  de  côté  les  éclaircis- 
sements et  les  réponses.  Ils  se  sont  ensuite 
copiés  les  uns  les  autres,  et  se  sont  transmis 
leurs  arguments  par  tradition.  Nous  les  exa- 
minerons en  particulier  dans  les  articles  qui 
y  ont  rapport,  el  nous  ferons  voir  que  la 
narration  des  auteurs  sacrés  ne  se  contredit 
point.  —  Souvent  aussi  on  a  reproché  aux 
théologiens  l'esprit  de  contradiction,  l'amour 
de  la  dispute,  la  promptitude  avec  laquelle 
ils  prennent  feu  sur  tout  ce  qui  choque  leurs 
opinions.  Nous  convenons  que  ce  défaut,  si 
c'en  est  un,  est  l'apanage  universel  de  l'hu- 
manité; il  ne  règne  pas  moins  parmi  ceux 
qui  cultivent  les  autres  sciences,  et  ceux  qui 
s'en  plaignent  eu  sont  quelquefois  attaqués 
sans  s'en  apercevoir.  Mais  en  cela  les  théo- 
logiens sont  peut-être  les  moins  blâmables. 
La  nécessité  de  veiller  de  près  sur  tout  ce 
qui  peut  donner  atteinte  aux  vérités  révé- 
lées, la  niuliitude  d'erreurs  qui  ont  troublé 
l'Eglise,  la  facilité  avec  laquelle  on  saisit 
l'occasion  d'attaquer  la  religion  ,  doivent 
rendre  attentifs  ceux  qui  sont  chargés  de  la 
déléndre.  11  ne  faut  donc  pas  condamner  leur 
exactitude  à  relever  les  plus  légères  fautes  ; 
ils  ont  appris,  par  une  longue  expérience, 
que  la  moindre  étincelle  prul  causer  un  eui- 
brasenient. 

CONTRAINTE.  Voy.  Pi^nsf-cuTiON. 

CONTRAT  SOCIAL.  Foy.  Société. 

CONTRE-RE  MONTRANTS  ou  GOMARIS- 
TES.  Voy.  Arminiens. 

CONTRITION  ,  regret  d'avoir  péché.  Ce 
terme,  dérivé  de  con'lerere,  broyer,  briser, 
exprime  l'état  d'une  âme  déchirée  el  péné- 
trée de  douleur  d'avoir  olïensé  Uieu,  qui 
désire  ardemment  de  se  réconcilier  avec  lui 
et  de  recouvrer  la  grâce.  Il  est  tiré  de  l'E- 
criture sainte.  Joël,  c.  xi,  v.  13,  disait  aux 
Juifs  :  Déchirez  vos  cwurs  et  non  vos  vête- 
ments; et  David,  Ps.  l:  Vous  ne  rejetterez 
))iis.  Seigneur,  un  cvnr  brise  de  douleur  el 
Itumilié. 

Le  concile  de  Trente,  sess.  14,  c.  k,  définit 
la  contrition,  une  douleur  de  l'àme  el  une 
détestaiion  du  péché  commis,  avec  un  propos 
de  ne  pUis  pécher  à  l'avenir;  il  déclare  que 
celte  contrition  a  été  nécessaire  dans  tous 
les  lemiis  pour  obtenir  la  rémission  des  pé- 
chés. Cela  est  prouvé  par  les  exemples  do 
David  pénitent,  des  Niiiiviles,  d'Achab,  do 
Mauasbès,  de  la  pécheresse  de  Naïui,  etc.  — 


«21                                       CON  COR                                   112* 

Sous  la  loi  pvangéliqiio,  la  contriiion  exise  Trente,  sos".  14,  ran.  1..—  La  seconde,  selon 

de  plus  le  désir  <le  remplir  (oui  ro  i\uu  Jésus-  le  inêiiie  (-oncile,  esl  l;i  dou'nir  ou  la  déles- 

Clirisl  a  onloiiiié  pour  la  rémission  des  pé-  lalioii  du  pét-hé,  conçue  par  l'i  coiisidéralion 

elles,  par  censé. lueiil  la  voloiilé  de  les  con-  de  la   lurpil  ide  du  péché,  el  par  la  rr;iiiiie 

fes-er  el  de   satisfaire   à   la  justice  divine  :  des  peines  de  l'enfer.    H  décl.ne  nue,  si  elle 

aussi  les  lliéoloirieiis,   après  saint  Thomas,  e\clut    la    volonlé   <le   pécher,   el    rèiifemie 

définissent  la  fon/ri7iOH,  une  douleur  du  pé-  l'espérance  du  pardon,    non   seulcnieiii  elle 

elle,  accom|iat;née  du  propos  de  le  confesser  ne   ren  I    point   l'homine   hypocrite   et    ping 

et  de  satisfaire.  praml  pécheur,  in.iis  ()u"elli'  le  dispose  à  oh- 

Luther  s'est  beaucoup  écarté  de  ces   no-  tenir  la  grâci;  de  Uieu  dans  le  sacrenienl  de 

lions,  lorsqu'il  a  réduit  toute  la  pénitence  pénitence.    Il  décide  que  cille  adrilion  est 

au  chanpenienl  de  vie,  sans  exiger  aucun  un  don  de  Dieu  et  un  mouvement  du  Saint- 

rejjret  pour  le  passé,  aucune  confession  du  Esprit,  qui  n'habite  pas  encore   dans   l'àme 

péché.  Outre  les  exemples  du  contraire  que  du  pénitent,  mais  qui   l'excite  à  se  conver- 

nous  voyons  dans  l'Rcriture,  on  pouvait   lui  tir;  (ju'eile  ne  le  justifie  point  par  clle-mèmo 

opposer  la  croyance  et  la  prati(iue  conslante  sans  le  sacrement,   mais  qu'elle  y  sert  de 

de  l'Eglise  altestées  par  les  Pères,  el   fon-  disposiiion. 

dées  sur  ces  exemples  menus.  Le  concile  de  Sur  celte  décision  du  concile,  les  tliéolo- 

Trenle  a  donc  jusiement  condamné  celle  er-  giens  disputent  pour  savoir  en  quoi  consiste 

reur  de  Luther,  sess.  14,  can.  5.—  Comment  précisément  la  différence  entre  la  contrition 

ee  sectaire  a-l-il  pu  soutenir  que  la  crainte  parfaite   el  Valtrition.    Les  uns  veulent  que 

des  peines  éternelles  et  la  contriiion  ne  ser-  le  motif  de  l'une  et  de  l'autre  soit  ahsolu- 

vaienl    qu'à    rendre    l'homme    hypocrite    et  ment  le  mémo,  savoir,  l'amour  de  Dieu  •  que 

plus  grand  pérheur?  Isaïe,  c.  ivii,  v.23,  dit  toute  la  dilTérence  soit  en  ce  que  cl  amour 

que  Dieu  demeure  avec  ceux  qui  ont  l'esprit  est   pins  vif  dans  la  contrition   paifiile,   et 

humbU  et  contrit,  et  (|u'(7  leur  rend  la  rie plus  faible  dans  l'allrilion.    Les  autres  s'ou- 

Sur  qui  jetterai-  je  les  yeux,  dit  le  Seigneur,  tiennent  que  le  motif  de  l'attrition   est  dilTé- 

sinon  sur  le  pauvre  qui  a  l'es/jrit  contrit,   et  rent;  que  c'est,  selon  le  concile,  la  turpitude 

qui  tremble  à  ma  paro'.e{L\\\,  2)?  Jésus-  du  péché,   la  crainte  de  l'enfer,'  l'espérance 

Christ  s'applique  ces  paroles  :  Le  Seii/neur  du    pardon  ;    que    loule   douleur  du    péché, 

m'a  envoi/é  pour  (/uérir  1rs  cœurs  contrits,  el  conçue   par   le   motif  de   l'amour  de   Dieu' 

mettre   les   captifs   en  liberté  {Luc.   iv,   18).  quelque  faihie  qu'il   soit,   esl    la   contrition 

Après  la  première  prédication  de  saiEil  l>it.'rrc,  parfaite. —   Conséquemment ,   les    premiirs 

les   Juifs  furent  touchés  de   repentir  :  cow-  prétendent  que  l'attrition  seule  ne  suffit  oas 

puncti  sunt  corde,  et  demandèrent  :  Que  fe-  dans  le  sacrement  de  [lénilence  ;  ils  se  fon- 

rons-nous?    Faites   pénitence,  répondit  l'a-  dent  sur  ce  que   le  concile   île  Trente,  ea 

pôlrc,  et  recevez  le  bapiéme  (/lc<.  II,  37).  Ce  parlant  de   la  juslillcation  ,   exige,   comme 

n'était  là  ni  de  l'hypocrisie,  ni  une  augmen-  une  disposition   essentielle,   que  le  pécheur 

talion  de  péché.  commence  à  aimer  Dieu  comme  source  de  toute 

Pour  être  efficace,   la  contrition  doit  être  justice.    Sess.  6,  can.  6.    Ce  coinmeiieement 

sincère,    libre,   surnaturelle,    vive   el   véhé-  d'amour,  disent-ils,  ne  tieul  être  autre  chose 

mpnte..'>/nc're,  puisque  Dieu  exige  la  douleur  qu'uni;  charité  encore  faihie,  mais  pure,  par 

du  cœur.   Libre,  et  non  forcée  ou  extorquée      laquelle  on  aime  Dieu  pour  lui-même. Les 

par  la  crainte  et  Ls  remords.    Surnaturelle,  seconds   répondent  que   ce   commencement 

non-seulement  dans  son  principe,  qui  est  la  d'amour  est   un    amour  d'cspér.Jiice   ou    de 

grâce,  sans  laquelle  nous  ne  pouvons  nous  concupiscence,  par  lequel  nous  nous  portons 

repentir  sincèrement,   mais  dans  son  motif,  à  Dieu  comme  à   l'objet   de   notre    bonheur 

et  avoir  Dieu   pour  objet.    Conséquemment,  éternel  ;  qu'en  comparant  les  deux  décisions 

l'assemblée  du  clergé  de  France,  en   1700,  du  concile,  on  voit  que  tel   en   est   le  sens, 

condamna  comme  hérétique  la  proposition  de  Ils  s'appuient  de  l'autorité  de  saint  Thomas, 

quelques  casuistes,  qui  disaient  que  l'attri-  2-2,  q.  17,  ()ui  décide  que  l'espérance  et  tout 

lion,   conçue  par  un  motif  naturel ,   pourvu  mouvement   de   désir   vient    d'un   sentiment 

qu'il  soit  honnête,  suffit  dans  le  sacrement  d'amour,   et  qui  distingue  ainsi   la  charité 

de  pénitence. —  Enfin,  la  contrition  doit  être  parfaite  d'avec  l'amour  imparf  lit.   Il  est  im- 

vive,   véhémente,  ou  souveraine;   un  cœur  possible,    disent-ils,   qu'un    chrétien,   qui 

vraiment  pénitent  doit  être  dans  la  disposi-  croit   l'efficacité  du   sacrement,   qui   espère 

tion  de  préférer  Dieu  à  tout,  de  mourir,  s'il  d'en    obtenir    l'effet   par   la    miséricorde   de 

le  faut,  plutôt  que  de  l'off.nser;  se  porter  à  Dieu,  ne  soit   pas  louché  d'un  sentiment  de 

Dieu  aussi  vivement  qu'il  déteste   le   péché,  reconnaissance  de  ce  que   Dieu    veut  bien 

haïr  tous  ses  péchés  sans  exception.  pardonner  au  repentir.  Si  la  reconnaissance 

Les  théologiens  distinguent  deux  sortes  de  n'est  pas  un  amour  du  bienfaiteur,  qu'est-ce 

contrition  :  l'une  parfaite,  l'autre  imparfaite,  donc  ? 

qu'ils   uomuvnl  attrilion.    La   |iremière  est  En  1700,  le  clergé  de  France  a  condamné 

celle  qui  a  pour  motif  l'.imour  de  Dieu,  ou  la  proposition  qui  disait,  que  l'allrilion  qui 

la  charité  proprement  dite  ;    elle  reconcilie  naîl  de  la  crainte  de  l'enfer  suffit  sans  aucun 

déjà  le  pécheur  avec  Dieu,  avant  la  récep-  amour  de  Dieu.  Le  clergé  exige  donc,  comme 

tion  du   sacrement  de  pénitence  :   mais  elle  le   concile    de   Trente  ,    un   commencement 

doit  toujours  renfermer  le  désir  el  la  volonté  d'amour  de  Dieu  ;  mais  de  quel  amour  '?  Est- 

<le  le  recevoir.  Ainsi  s'exprime  le  concile  do  ce  do  la  charité  pure  par  laquelle  ou  aiuie 


Î12S 


CON 


CON 


au 


Dieu  ponr  lui-même,  ou  de  .'amour  d'espé- 
rance par  lequel  on  aime  Dieu  comme  bien- 
faiteur? Le  concile  ni  le  clerjié  ne  le  décident 
point  :  il  y  a  donc  de  la  tt  mérilé  à  vouloir  le 
décider.  —  11  y  en  a  encore  davaniage  à 
soutenir  que  la  charité  pure,  lorsqu'elle  est 
faillie,  ne  sulfit  pas  pour  justifier  le  pécheur 
et  le  réconcilier  avec  Dieu,  avant  le  sacre- 
ment.  Le  parti  le  plus  sûr  est  donc  de  s'en 

tenir  à  la  décision  du  clergé,  conçue  en  ces 
termes  :  «  \'oici,  selon  le  concile  de  Trente, 
les  lieux  avis  ou  points  de  doctrine  que  nous 
avons  jugés  nécessaires.  Le  premier,  que 
pour  les  sacrements  de  bapténKî  et  de  péni- 
tence, il  n'est  pas  absolument  besoin  d'avoir 
la  contrition,  conçue  par  le  motif  de  la  cha- 
rité parfaite,  et  qui,  avec  le  vœu  du  sacre- 
ment, réconcilie  l'homme  avec  Dieu  avant  la 
réception  aclnelle  du  sacrement.  Le  second, 
que  pour  l'un  et  l'antre  de  ces  mêmes  sacre- 
ments, un  homme  ne  doit  pas  se  croire  en 
sûreté,  si,  outre  les  actes  de  foi  et  d'espé- 
rance, il  ne  commence  pas  à  aimer  Dieu 
comme  source  de  tonte  justice.  »  Il  est  diffi- 
cile de  ne  pas  entendre  ces  dernières  paroles 
de  l'amour  de  reconnaissance. 

Les  partisans  de  la  proposition  condam- 
née, que  l'on  a  nommés  les  allritionnnires, 
n'étaient  fondés  que  sur  un  raisonnement 
absurde.  Si,  pour  obtenir  le  pardon  de  nos 
fautes,  disfiient-ils,i|  faut  absolument  aimer 
Dieu,  quel  avantage  avons-nous  sur  les  Juifs? 
A  quoi  sert  le  sacrement  de  pénitence,  s'il  ne 
supnlée  pas  au  défaut  de  l'amour,  et  ne  nous 
décharge  pas  de  l'obligation  pénible  d'aimer 
Dieu  actuellement?  —  A  Dieu  ne  plaise  que 
l'obligation  de  l'aimer  puisse  paraître  pénible 
à  un  chrétien,  ou  qiu>  le  privilège  de  la  loi 
nouvelle  au-dessus  de  l'ancienne  soit  la  dis- 
pense d'aimer  Dieu.  La  diff.  rence  entre  ces 
deux  lois,  selon  saint  Paul,  est  que  l'ancienne 
était  une  loi  de  crainte,  et  que  la  nouvelle 
est  une  loi  d'amour.  Un  chrétien  qui  reçoit 
des  grâces  plus  abondantes  qu'un  juif,  est 
sans  doute  plus  obligé  à  être  reconnaissant 
et  à  aimer  son  bienlaiteur.  Y  a-t-il  uu  bien- 
fait plus  précieux  que  le  pardon  du  péché 
accordé  au  repentir  par  les  mérites  de  Jesus- 
Christ? 

Mais  en  voulant  pousser  trop  loin  la  per- 
fection et  la  sublimité  des  sentiments,  il  est 
dangereux  de  tendre  un  piège  aux  âmes  ti- 
morées, et  d'étouffer  en  elles  l'amour  de  Dieu 
par  la  crainte,  en  voulant  faire  le  coniraire. 
Voij.  VAncien  Sacramentnire,  par  Grancolas, 
11' part.,  p.  'i-,'j8,  'i65. 

CUNTKOVEllSE,  dispute  de  vive  voix  ou 
par  écrit  sur  les  matières  de  religion.  Ces 
sortes  de  disputes  sont  inévitables,  parce  que 
le  christianisme  a  toujours  eu  des  ennemis, 
et  qu'il  en  aura  toujours,  liil's  sont  néces- 
saires, parce  (ju'on  ne  doit  rien  néijliger  ponr 
ramener  dans  la  bonne  voie  ci-ux  qui  se  sont 
égarés.  Si  elles  troublent  la  paix.  Il  faut 
s'en  prendre  à  ceux  qui  en  sont  b's  prciniers 
auteurs,  et  qui  lèvent  l'etendai  d  contre  l'en- 
seignement de  l'Eglise.  Pour  qu'elles  pro- 
duisent de  bons  effets,  il  faut  que  de  part  et 
«l'autre  elles  soicut  non-?<euleuiuul  libres, 


mais  tonjonrs  retenues  dans  les  bornes  de  la 
politesse  et  de  la  modération. 

11  nous  paraît  qu'en  général  les  contra- 
versistes  catholiques,  surtout  ceux  du  der- 
nier siècle,  ont  mieux  observé  cette  règle 
que  leurs  adversaires.  Bossuei,  Nicole,  Pé- 
lisson,  Papin,  etc.,  sont  des  modiMis  en  ce 
genre:  nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de 
les  imiter  dans  nos  disputas  actuelles  avec 
les  incrédules.  —  Loisqu'une  conirorerse 
commence,  il  est  rare  qu'elle  prenne  d'abord 
la  tournure  qu'il  faudrait  lui  donner  pour  la 
terminer  promptement.  Comme  les  nova- 
teurs sont  tous  des  sophistes,  ils  ne  man- 
quent jamais  de  dénaturer  la  question;  les 
théologiens  catholijues  qui  veulent  les  sui- 
vre pour  les  réfuter,  s'exposent  à  faire  beau- 
coup de  <  hemin  hors  de  la  vraie  roate,  et 
sans  avancer  d'un  pas  vers  le  terme.  — 
Ainsi,  lorsque  les  prétendus  réformateurs 
parurent,  si  on  avait  commencé  par  leur 
demander  des  preuves  de  leur  mission,  ils 
auraient  été  fort  embarrassés.  Ils  n'élaienl 
envoyés  par  aucun  pasteur  légitime  ni  par 
aucune  société  chrétienne;  il  fallait  donc 
qu'ils  prouvassent  par  des  miracles  une  mis- 
sion surnaturelle,  extraordinaire,  comme 
Mo'i'se  ;  Jésus-Christ  et  les  apôtres  avaient 
prouvé  la  leur  :  ils  n'élaienl  rien  moins  que 
des  ihaumaturges. —  Selon  eux,  l'Ecriture 
sainte  doit  être  la  seule  règle  de  foi  ;  la  pre- 
mière question  à  décider  était  donc  de  savoir 
quels  sont  les  livres  que  l'on  doit  regarder 
comme  Ecriture  saime.  Ils  rejetaient  une 
partie  des  livres  reçus  par  rE,lisc  catholi- 
que; est-ce  encore  par  l'Ecriture  cju'il  fallait 
terminer  cette  contestation?  Si  chaque  fidèle 
doit  en  juger  selon  ses  lumières  et  son  iroût 
particulier,  pot!ir(]uoi  le  goût  d'un  catholique 
élail-il  moins  sûr  que  le  goût  d'un  prédicant  ? 
Toiit  homme  sensé  pouvait  lui  dire  :  Puisque 
l'Eiriturc  est  ma  seule  régie  de  foi,  j(î  n'ai 
besoin  ni  de  vos  leçons  ni  de  vos  explications; 
je  sais  lire  aussi  bien  que  vous:  c'est  à  moi 
de  voir  dans  l'Ecriluie  ce  que  Dieu  a  révélé, 
et  non  à  vous  de  me  le  montrer.  La  IMble  est 
mon  seul  docteur  ;  la  l'onction  d'enseigner 
que  vous  usurpez,  est  déjà  une  contradiction 
avt  c  votre  propre  principe.  —  A  la  vérité, 
nos  controversistes  leur  ont  fait  cet  argu- 
ment, mais  ce  n'a  été  qu'après  de  longues 
disputes;  il  aurait  été  mieux  de  commencer 
par  là,  et  de  ne  pas  donner  le  temps  à  ces 
hommes  sans  aveu  de  séduire  les  ignorants 
par  l'étalage  de  leur  doctrine.  —  La  même 
faute  avait  été  commise  dans  les  contisli- 
lions  que  l'on  avait  eues  dans  les  sièiles 
précédents  avec  les  hussites,  les  wiclélites, 
les  vaudois,  les  manichéens  nommés  albi- 
geois. Dans  les  ouvrages  qui  ont  été  écrits 
contre  eux,  nous  ni'  voyons  pas  que  l'on  ait 
insisté  sur  le  défaut  de  loi-sion  de  ce.  nova- 
leurs,  ni  sur  la  c  >ntradictiou  de  leurs  prin- 
cipes.— Dès  le  coniinenccment  du  m  siècle, 
Tertullien  avait  trace  dans  son  Trtiiié  des 
Prefcrij)tions  contre  les  hérétiques,  la  ma- 
nière de  les  réfuter  tous;  il  leur  demande 
des  preuves  de  leur  mission,  refuse  de  les 
aduKdie  à  disputer  sur  l'Ecriture,  leur  op- 


1125 


CON 


CON 


1126 


pose  la  tradition  des  Eglises  apostoliques, 
les  confond  par  leurs  jiroprcs  dissensions, 
et  p;ir  l'opposilion  constante  de  leurs  divers 
sysicmes.  Un  théologien  citliolique  ne  peut 
mieux  faire  que  de  suivre  toujours  celle  mé- 
thode ;  elle  est  non-senlenicnt  iminciblc, 
mais  rcspeclalde  par  sou  antiquité. 

Après  avoir  décidé  que  l'Kcrituic  sainte 
est  la  seule  rèj^le  de  loi,  les  protestants  ont 
encore  prétendu  qu'elle  est  le  seul  jui;c  des 
contiûvcrscs.  iMais  c'est  d'abord  abu-er  du 
terme  que  d'appeler  /u,e  la  loi  selon  laquelle 
le  juge  doit  prononcer;  et  de  laquelle  il  doit 
déterminer  le  \  rai  sens.  Dans  toutes  les  con- 
Ironises,  la  question  est  de  savoir  si  tel 
dogme  est  révélé  dans  l'Eci  ilure  sainte,  ou 
s'il  ne  l'est  pas;  quel  est  le  vrai  sens  des 
passages  que  cha(|ue  parti  allègue  pour  ap- 
puyer son  opinion;  comment  cette  même 
Ecriture  peut-elle  faire  la  fonction  de  juge, 
et  terminer  la  conleslatiou  ?  il  est  évident 
que  le  simple  parliculier  qui  récuse  toute 
espèce  de  irihunal,  se  rend  lui-mémc  juge  de 
ce  qu'il  doit  croire.  —  Pour  terminer,  par 
exemple,  la  controverse  louchant  l'eucharis- 
tie, il  s'agit  de  savoir  <iuel  sens  il  faut  donner 
à  ces  paroles  de  Jésus-Christ  ,  ceci  est  mon 
corps.  Selon  la  croyance  de  l'Eglise  catholi- 
que, elles  signi(ii'nt  que  le  corps  de  Jésus- 
Christ  est  véritablement  présent  sous  les  ap- 
parences du  paiu  ;  que  ce  n'est  plus  du  pain, 
mais  le  corps  de  Jésus-Christ.  Suivant  l'opi- 
nion de  Luther,  ce  corps  y  est  à  la  vérité, 
mais  avec  le  pain,  dans  le  pain,  ou  sous  le 
paiu  ;  il  ne  s'y  fait  aucun  eiiangcmcnl.  Si 
nous  écoutons  Calvin,  ces  paridcs  signilicnt 
seulement,  ce  pain  est  la  ligure  de  mon 
corps;  mais  le  fi  lèle,  en  mangeant  ce  pain, 
recevra  par  la  foi  et  spirituellement  le  corps 
de  Jésus-C^hrist.  Chacun  de  ces  trois  dispu- 
tants allègue  d'autres  passages  de  l'Ecriture 
pour  conlirmer  sou  explication.  C'est  donc 
au  simi^ile  fidèle  de  jug<'r  lequel  des  trois  a 
raison,  et  «le  s'en  tenir  à  son  propre  juge- 
ment.— Le  fidèle  catholique  ne  fait  point  ainsi 
la  fonction  de  juge.  Lorsque  l'Eglise  a  dé- 
cidé, par  la  bouche  de  ses  pasteurs,  soit  dis- 
persés, soit  rassemblés,  que  tel  est  le  sens 
de  tel  passage  de  l'Ecriture,  il  soumet  son 
propre  jugement  à  celui  de  l'Eg.ise,  et  croit 
iiumblement  ce  qu'elle  a  prononcé.  Dans  le 
fond,  un  protestant  fait  de  même,  sans  vou- 
loii'  eu  convenir,  ou  sans  s'en  apercevoir  ; 
avant  de  lire  l'Ecriture  sainte,  il  était  déjà 
déterminé,  par  le  catéchisme  qu'on  lui  a 
enseigné  dans  son  eul'auce  ,  à  donner  aux 
passages  sur  lesquels  on  dispute  le  sens 
adopté  par  la  société  dans  laquelle  il  est 
né. 

11  est  bon  de  savoir  quel  jugement  les 
protestants  ont  porte  de  nos  conlroversisies 
et  de  leurs  dillérenles  méthodes  ;  ce  qu'en  a 
dit  Mosheim  nous  paraît  mériter  quelques 
léilexions.  En  parlant  de  la  naissance  du 
luliiéranisme,  et  des  disputes  touchant  la 
toul'ession  d'.Vugsbuurg  {Hisl.  ecclés.,  xvi" 
Siècle,  sect.  3,  c.  à,  §  i),  il  dit  qu'il  n'y  avait 
que  trois  moyens  de  les  terminer  : -le  .pre- 
4»icr,  et  le  plus  raisonnable  à  son  gré,  était 


d'accorder  anx  prolestants  la  liberté  de  sui- 
"vre  leurs  sentiments  |>arliculiers,  et  de  les 
laisser  servir  Dieu  selon  les  lumières  de  leur 
conscience,  pourvu  qti'ils  ne  troublassent 
point  la  tranquillité  puhliqin'.  Mais  le  pro- 
testantisme pouvait- il  s'établir  sans  truubler 
la  tranquillité  publique?  Il  s'agissait  uon- 
setîlement  d'embrasser  de  nouvelles  opinions 
spéculatives,  mais  d'abolir  les  pratiques,  le 
culte  extérieur  et  toute  la  discipline  de  l'E- 
glise, de  déposséder  les  évèques  et  les  prê- 
tres, de  chasser  les  moines  et  les  religieusirs, 
etc.  Aucun  prédieant,  lorsqu'il  s'est  trouvé  le 
maitre,  n'a  laissé  aux  catholiques  la  liberié 
de  servir  Dieu  selon  les  lumières  de  leur 
conscience;  Luther  à  Wirlemheig,  Zwingle 
à  Zurich,  Calvin  à  Genève,  ont-ils  toléré 
l'exercice  du  catholicisme?  En  1530,  lors- 
que l'électeur  de  Saxe  et  les  autres  princes 
prolcslanls  présentèrent  leur  confession  de 
foi  à  la  diète  d'Augsbourg,  cnumiencèicnt-ils 
par  jurer  et  promettre  qu'ils  accorderaient 
aux  catholiques  la  même  liberté  qu'ils  de- 
mandaient pour  eux?  Déjà  la  religion  catho- 
lique n'existait  plus  dans  leurs  Etals. — Le 
second  moyen  était  de  forcer  les  protestants, 
l'épée  à  la  main,  de  rentrer  dans  le  sein  de 
l'Eglise.  Celte  méthode,  dit  IMosheim,  était 
la  p!us  conforme  à  l'esprit  du  siècle,  surtout 
au  génie  despotique  et  à  l'esprit  sanguinaire 
de  la  couiile  Rome.  Mais  il  réfute  lui-même 
cette  calomni<>.  En  proposant  un  troisième 
expédient,  qui  élait  d'engager  les  deux  par- 
ties contendantes  à  modérer  leur  zèle,  à  ra- 
hattie  (juelque  chose  de  leurs  prétentions 
respectives,  il  dit  que  ce  moyen  l'ut  généra- 
lement approuvé  ;  i\ue  le  pape  lui-même  ne 
parut  ni  le  rejeter,  ni  le  mépriser;  aucun 
des  lliéologieus  qui  entrèrent  en  conlérence 
avec  les  novateurs  ne  l'ut  blâmé  :  où  sont 
donc  les  preuves  de  l'esprit  oppresseur  du 
siècle,  du  génie  despotique  et  sanguinaire 
de  la  cour  de  Rome?  Mosheim  convient,  §  5, 
que  les  moyens  de  conciliation  n'ayant  pro- 
duit aucun  effet,  l'on  eut  recours  à  la  force 
du  bras  séculier  et  à  l'autorilé  impérieuse 
des  édiis.  Donc  on  n'en  vint  là  qu'à  la  der- 
nière extrémité  ;  l'on  y  fut  forcé,  non-seu- 
lement par  l'opiniâtreté  avec  laquelle  les 
protestants  se  refusèrent  à  toute  instruction, 
mais  par  les  voies  de  fait  et  les  violences 
qu'ils  eiiiployèreut  pour  exterminer  la  reli- 
gion catholique. 

En  exposant  les  différentes  méthodes  dont 
les  controvcrsisles  de  l'Eglise  romaine  se 
sont  servis  pour  ramener  les  protestants, 
Mosheim  n'a  eu  garde  de  dire  qu  ils  com- 
mencèrent loujouis  par  prouver  nos  dogmes 
par  l'Ecriture  sainte.  Pourquoi  ce  silence  afr- 
fecté?  C'est  que  ce  procédé  de  nos  conlro- 
versisies satisfait  pleinement  aux  plaintes  , 
aux  reproches,  aux  clameurs  des  protes- 
tants. Ils  ne  réclamaient  que  l'Ecriture  sain- 
te, et,  quand  on  la  leur  opposait,  ils  ne  j'é- 
coutaient  pas.— 11  parle  avec  modération  du 
jésuite  Beliarmin  et  de  ses  controverses,  sec- 
lioi;  3,  première  partie,  c.  I,  §  29;  il  rend  jus- 
tice, non-seulement  aux  latents  de  cet  écri- 
vain, mais  à  la  candeur  et  à  la  sincérité  avec 


1127 


CON 


CON 


1128 


laquelle  il  propose  les  r<iisons  et  les  objec- 
tions de  ses  adversaires  ilaus  loiiie  leur  for- 
ce; ensuite,  par  un  Irail  de  malignité  pure, 
il  ajoute  que  ce  lliéoloRien  aurait  eu  plus  de 
réputation  piirini  ceux  de  sa  communion  , 
s'il  av  iit  eu  moins  d'exaclituile  et  de  bonne 
foi.  Où  est  la  preuve  ?  Parmi  les  rivaux  même 
des  jésuites,  y  <'n  a-l-ii  un  seul  qui  ait  blâmé 
Bellarmin  de  son  exaclitule  et  de  sa  bonne 
foi  ?  On  lui  a  reproché  peut-être  de  n'avoir 
pas  su  profiler  assez  de  ses  avantages,  de  n'a- 
voir pas  donné  à  ses  réponses  autant  de 
force  que  l'ont  l'ait  les  controversisl's  posté- 
rieurs; cela  esl  fort  dilTérent.  Quelques  li- 
gnes plus  haut,  Mosheim  avait  dit  que  les 
conlroversistes  jésuites  surpassèrent  tous 
les  autres  en  subtilité,  en  effronterie  et  en 
invectives;  l'exemple  de  Bellarmin  n'est  cer- 
tainement pas  propre  à  justfi 'r  ce  repro- 
che. —  H  n'a  pas  été  plus  équitable  en- 
vers les  conlroversistes  du  siècle  dernier, 
XVII'  siècle,  sect.  2,  \'  partie,  c.  1,  §  13.  Sans 
oser  déprimer  leurs  talents,  il  les  accuse  d'a- 
voir eu  recours  aux  fr.iudos  pieuses,  parce 
qu'ils  s'attachèrent  à  faire  voir  que  les  pro- 
testants déguisaient  les  dogmes  cathi)lii)ues 
pour  les  rendre  odieux  ;  qu'en  les  exposant 
tels  qu'ils  sont,  ils  ne  se  trouvent  plus  aussi 
opposés  aux  sentiments  des  protestants,  que 
ceux-ci  le  préteiidi'nl.  C'est  ce  qu'a  fait  en 
particulier  M.  Bossuet,  dans  son  Erpusilion 
de  la  Foi  catliutique,  qui  parut  en  1671.  Mos- 
heim observe  d'abord  que  ces  théologiens 
conciliateurs  agissaient  en  leur  propre  et 
privé  nom,  sans  y  être  autorisés  par  les  chefs 
de  1  Eglise  :  remarque  très-ridicule.  Faut-il 
donc,  pour  traiter  la  controverse,  être  muni 
d'une  procuration  de  l'Eglise  universelle  ? 
Dans  une  note  du  traducteur,  il  est  dit  que  le 
pape  n'approuva  cette  Jîx/^osi^iou  rfe  lu  Foi 
qu'au  bout  de  neuf  ans  ;  que  Clément  Xi  re- 
fusa de  l'approuver;  qu'en  1685  l'université 
de  Louvain  la  condamna  comme  un  livre 
scandaleux  et  pernicieux. 

Voilà  les  fables  par  lesquelles  on  abuse  de 
la  crédulité  des  protestants.  Le  bref  d'ap- 
prob  ition  de  ce  livre,  donné  par  Innocent 
XI,  esl  du  k  janvier  1679,  et  il  le  donna  pour 
fermer  la  bouche  aux  protestants,  qui  pu- 
bliaient que  M.  Bossuet  n'exposait  pas  (idèle- 
ment  la  foi  de  l'Eglise  romaine.  Déjà,  en 
1672,  il  avait  été  approuve  par  onze  évé- 
ques  de  France,  par  les  cardinaux  Bona  et 
Cbigi,  par  le  maître  du  sai-ré  palais;  il  le  fut 
ensuite  par  l'évèque  de  J'aderborn,  et  par 
deux  ou  trois  consnlleurs  du  siiinl  oflice.  Il 
a  é  é  traduit  en  plusieurs  langues,  et  l'on 
ose  écrire  qu'en  1685  l'université  de  l.ouvain 
l'a  condamné;  que  Clément  XI,  placé  sur 
le  saint-siége  en  1700,  a  refusé  de  l'approu- 
ver. Après  un  siècle  entier  d'éloges  prodi- 
gués à  cet  ouvrage,  on  ne  rougit  pas  de  dire 
que  c'est  une  fraude  pieuse  imaginée  pour 
eu  imposer  aux  prolestants.  On  leur  a  dit 
cent  fois  :  A'oulez-vous  signer  une  profes- 
sion de  foi  conforme  à  celle-là  ?  l'Eglise  ca- 
tlioliiue  vous  recevra  dans  s  >n  sein  et  vous 
abiouilru  do  toute  hérésie.  Aucun  d'eux   ne 


voudrait  le  faire,  et  ils  persistent  à  dire  que 
ce  n'est  point  là  ce  que  croient  les  catholi- 
ques. 

Ajoulons  que  celte  exposition  de  notre 
doctrine  est  précisé'nenl  la  même  que  celle 
qu'avait  déjà  faite  François  Véron,  curé  de 
Charenton,  m^irt  en  16i^',ei  qui  esl  intitulée, 
Régula  Fidei  calhoticœ.  Aussi  Mosheim  range 
ce  contniversiste,  avec  les  frères  de  Wallein- 
bourg  et  d'autres,  parmi  ceux  qui  ne  dispu- 
taient pas  de  bonne  foi.  Nous  voudrions 
savoir  en  quoi  ils  ont  été  convaincus  do 
mauvaise  foi  ?  —  Mais  il  ne  donne  pas  une 
meilleure  idée  des  conciliali'urs,  même  pro- 
lestants, tels  que  Le  Blanc,  d'Uuisseaux, 
la  Millolière  ,  Forbes ,  Grotius ,  George 
Calixte.  II  n'ose  dérider  s'ils  agirent  par 
amour  de  la  paix,  ou  par  des  vues  d'inié- 
rêt  et  d'ambition.  C'étaient,  dit-il,  des  média- 
teurs imprudents ,  qui  ne  s'accordaient  pas 
entre  eux,  qui  n'avaient  pas  assez  de  génie 
ni  de  dextéi  iié  pour  éluder  les  sophismes  «les 
catholiques.  Aussi  ne  retirèrent  -  ils  point 
d'autre  fruit  de  leurs  travaux  que  de  n)écoii> 
tenter  les  deux  partis,  et  de  s'altirer  le  re- 
proche de  leurs  Eglises  (Ibid.,  §  li).  Ceux 
qui  ont  voulu  rapprocher  les  luthériens  des 
calvinistes,  ou  concilier  les  anglicans  avec 
les  deux  autres  sectes,  n'ont  pas  eu  un  meil- 
leur succès.  Voy.  Syncrétistes. 

Il  est  donc  démontré  que  les  protestants 
n'ont  jamais  voulu  la  paix,  mais  la  guerre. 
Toulmoyen  d'instruction,  toute  voie  de  con- 
ciliation, toute  méthode  de  découvrir  la  vé- 
rité leur  a  toujours  déplu.  Toujours  ils  se 
sont  plaints  du  Ion  de  hauteur  et  du  despo- 
tisme de  la  cour  de  Kome,  et  toujours  ils 
se  sont  défiés  des  démarches  qu'el.e  a  faites 
pour  les  regagner;  parce  qu'ils  ont  reconnu, 
disent-ils,  que  son  bul  était  bien  moins  de  se 
réconcilier  avec  eux,  que  de  procurer  à  ses 
évéques  l'empire  despotique  qu'ils  exerçaient 
jadis  sur  le  monde  chrétien.  Ainsi,  au  défaut 
de  griefs  extérieurs,  ils  noircissent  les  motifs 
et  les  intentions,  vrai  langage  d'enfants  in- 
grats et  révoltés  contre  leur  mère. — Cepen- 
dant, les  conlroversistes  catholiques  n'ont 
pas  laissé  de  faire,  de  temps  en  temps,  des 
conversions  ;  mais  Mosheim,  Qdèle  au  génie 
de  sa  secte,  les  attribue  à  des  motifs  vicieux. 
Voy.  Conversion 

Nos  littérateurs  modernes  disent  que  qui- 
conque se  consacre  au  genre  polémique  et  à 
la  guerre  de  plume,  sacrifie  l'avenir  au  pré- 
sent; qu'en  voulant  amuser  ou  occuper  ses 
contemporains,  il  consent  à  être  indilTcrent 
à  ceux  qui  viendront  après  lui.  Suit.  Il  s'en- 
suit déjà  que  les  conlroversistes  préfèrent 
les  intérèls  de  la  vérité  et  de  la  religion  à  la 
gloriole  que  clierclient  uniquement  la  plu- 
part des  autres  écrivains.  Ce  n'est  pas  là  un 
sujel  de  blâme.  Mais  la  réllcxion  de  leurs 
censeurs  est  fausse  en  elle-même.  Les  ou- 
vrages de  contKoverse  de  Bossuet  et  de  quel- 
ques autres  n'ont  pas  aujourd  hui  moins  de 
réputalion  que  dans  le  siècle  passé,  ni  que 
les  écrits  des  auteurs  qui  ont  traité  d'autres 
matières.    La  plupart  de  ceux  des  Pères  oui 


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11S0 


été  fait»  poar  réfuter  les  païens,  les  juifs  ou 
les  liéréliques;  ils  srrunt  lus  et  estimés  tant 
qu'il  y  dura  des  cliréiiens  zélés  pour  Inir  reli- 
gion ;  ie  inépri-i  qu'en  (ont  ies  prottsianis  ne 
leur  est  pas  fort  honorable. 

♦  Controverses  (Jiigo  des).  L'auinriié  de  l'Fglise 
est  la  plus  grandi' (|iii  soil  sm  la  lerie.  Sa  piil-sance 
nVst  pas  liornée  par  les  Imiiics  d'une  pi-nviiicc  Klle 
coniiii:iiide  d'un  pôle  à  l'aniie.  Elle  n'a  pas  sciile- 
meiil  à  régler  les  actes  exiérienrs,  «lie  dmiiine  sur 
la  pensée.  Devant  ses  décisions  <logi)iaiii|iies  noire 
espi'ii  n'a  pas  nièiiie  le  diuit  de  donter.  de  rnsoii- 
ner,  de  (aire  des  diKlcnllés.  Les  plus  piiissams  gé- 
nies doivent  oublier  leur  laison  pnur  se  siniuieitie. 
Mais  uins  une  :'Uli)rilé  est  gran.lc,  plus  elle  est  ini* 
posante,  et  plus  elle  doit  être  éialdie  snr  d  s  ba-es 
solides.  Si  le  >»Me  moiivanl  supporinil  les  ba>«s  de 
l'Eglise,  elle  serait  bieniôt  renversée.  Nous  trouvons  a'i 
fond  de  l'esprit  de  riioinine  un  germe  d'indépen- 
dance ciiminelle  prête  i\  se  révolter  contre  l'aulurité 
légit'iine.  l'our  le  retenir  dans  les  voies  de  ^obéi^- 
saiice  ,  il  n'y  a  guère  que  la  convielion  piofnnue  et 
réflécliie  (]iie  rantorité  liitélaire  plaiée  au-ilessns 
de  sa  tête,  y  a  éié  niise  par  iiin-  pinssain  e  qui  lui  a 
accordé  le  don  de  rinlalllibilité.  L'éiuile  du  juge  îles 
controverses  ne  peuldunc  nous  être  que  irès-salulaire. 

y  alil  dam  l'Eglise  une  autorité  infaillible  chargée 
de  juger  en  dernier  ressort  les  coinrovcrsesdc  la  foi? 

Egaré  par  les  i|iu>iiiiis  de  son  esprit,  l'Iioiiinie 
avait  perdu  le  déi6i  des  saines  doctrines.  Jésus- 
Cliri>t  vint  sur  la  terre  puur  le  rétablir  dans  lon:e 
son  inicgrié,  ci  lui  ajouter  les  déveiopiienieui-  (|iiM 
jugea  convenables.  C'est  à  la  croy^mee  des  vérités 
qu'il  nous  a  enseignées  qu'e-l  attaché  le  saint  étemel. 
Sans  la  foi  jamais  un  ne  sera  l'aii'.i  île  Dieu.  Il  f^iut 
donc  que  le  chrétien  aille  puiser  à  des  souri  es  pures. 
S'il  buvait  des  eaux  enipoisunnées  ,  il  périt  ait  In- 
faillibleinenl.  M  dsdans  (|uell>-  souicedoii-ii  aller  pui- 
ser les  cnnnaissances  néeessaiies  pour  l'uriner  sa  lui  ? 

1"  Nécessité  d'un  juge  des  coniioferies.  —  Jésus- 
Christ,  en  appelant  riioinine  à  l.i  T  i,  luial'Uini 
puur  l'acquciir  un  moyen  pi upoi  tienne  à  sa  nalurf.- 
Parcunruiis  donc  tous  les  u-oyens  possibles  d'ai  qué- 
rir la  connaissance  des  vérités  éternelles.  L'un  d'i  ux 
doit  être  proportionné  aux  dngmes  que  nous  som- 
mes obligés  de  croiie.  Les  moyens  imagnialiles  de 
Goiinaitre  les  vérités  de  la  fui  soit  :  i*  la  misou  ; 
2*  les  révélations  particulières  laites  à  tous  les  chré- 
liens;  5*  le  ministère  des  pioplièies  qui  se  succé- 
deraient sans  imerrupiiiin  pour  insiruire  les  peuples  ; 
4°  l'iLcriiure  sainte  ;  S"  ri!.ciilure  unie  à  la  traili- 
tion;  (j*  enfin  un  iribunal  perpétuel  qui  s<>il  éiabii 
le  gardien  de  la  révélation  inscrite  d.iiiS  nus  livres 
saints  et  dans  la  tradiii.in,  qui  suit  cliaigé  de  traits- 
mettre  i\  jamais  les  véritables  docirines  a  la  société 
chrétienne.  —  L'un  de  ces  muyens  doit  nous  faire 
connaitie  la  vérité  sans  aucun  i>  élange  d'erteurs. 
Est-ce  la  raison  ?  Mais  la  raison  de  riionnne,  aban- 
donnée à  elle-même  ,  ne  peut  que  s'égirer  ;  Jésus- 
Chrisi  est  venu  sur  la  terre  poui'  répaier  ses  écarts. 
Et  Ciiuimeiil  piiurrait-elle  pénétrer  les  hauts  inysiè- 
res  de  notre  foi?  —  Pouvons-nuus  cnmpier  avec  plus 
d'assurance  sur  les  révélations  partiiu  lères'/ Puu- 
Vo"ns-nous  espérer  avec  conlnmcc  que  Dieu  parlera 
à  chacun  de  nou>  ;  révélera  tnuie  vérité  '?  Ce  n'élal 
pas  ainsi  que  l'apôtie  saint  l'aul  conipriiial  la  loi, 
lorsi|Uil  d  s.iit  qu'elle  nous  arrive  par  l'ouïe,  que  le 
Seigneur  a  él.ibli  drs  pasteurs  et  des  docteurs  ,  aliii 
que  nous  ne  lournioits  pas  à  loulveut  dedocliiiie. 
Si  nous  avions  besuin  d'autres  preuves,  nous  en 
appelleiioits  à  nuire  expéiience  quotidienne.  Quelles 
cuniiaissaiices  aiirintis-noiis si, délaissant  tout  ino\en 
extérieur  d'instruct.on,  iiuus  nous  abandunniuiis  u  la 
seule  inspiration  ? 

Je  sais  qu'il  s'est  trouvé  des  sectes  qui  prélea- 

r  DiCT.  i>K  Xhéol.  dogmatique.  1. 


daient   puiser  .'i  la  source  immédiate  de  la  diviniié. 

Mais  tontis  cllt^s  ont  ili é  dans  ib'S  écarts  époiivan- 

lahles.  Nuns  craindrions  de  souiller  les  cœurs  cb:is- 
tes  et  d'altrisler  les  iimes  sitisililcs  si  nous  levions 
le  voile  quicailie  Irurs  iinpildieilés,  si  imus  dévc- 
loppiiins  les  scènes  de  carn  igi'  n  lif  révolu'-  dont 
aies  n'ont  qm'  trop  alll  ge  l'Iiumanné.  Iiisnns  le 
hautement  :  Non  ,  il  n'est  point  éiabli  île  L>ii-ii  nii 
moyen  ipti,  par  sa  naiiirc,  roiiilnit  à  de  si  laiale-  mn- 
sé(|uinees.  —  Li  s  proplicies  ne  lieiimiit  pasaujmir- 
d'Iiiii.  coniiiio  dans  l'Ain  >éu  'resiameiit  ma  iileiiir  la 
vr.iie  fui  fil  prouv.mt  leur  iiilAsinii   pai  des  pnnliges. 

Jé-iis-Chiisl  s'esi  CMitenté  ili-  i s  biisscr   le  iode 

de  sa  diieiiine.  Il  est  iiiilernié  non-seuleu.eni  dais 
l'Ecritme,  11  ais  encure  dans  la  liatlilinii  ;rar  I  Ecri- 
ture ne  cdiilieiit  pas  t  us  le>  domine-,  de  l'aveu  iiciue 
de  nos  ailvtrsains  (Yuy.  'l'a  vUitiiin'i.  —  L'I-.irilure 
et  la  irailiii.  n  mihI  dune  la  régie  île  nuire  rrovance 
et  lie  nos  aciioijs.  Mais  la  icligion  serait  rn  gr^md 
perd  si  elle  était  appuyée  sur  ces  seules  régli's  ina- 
n  niées.  —  Aussi  Jé^iis-CInisi,  son  divin  auieiir,  lui 
a-t-il  donné  pour  appui  le  dirnier  iimyen  que  imus 
avons  indiqué  :  savoir  l'aiiloriié  inlaillibie  de  l'I'JglJse. 

'i,"  Eji.sleiKedtijufjedeiControverses. — Jésiis-tJhrisI, 
avant  de  qniiier  l.i  terre,  voulut  pourvoir  à  l'entière 
conserv.ili  n  de  sa  doctrine,  c'est  pour  cela  qu'il 
choisit  ses  npoires  (Luc.  vi,  15).  C'est  dans  ce  sens 
qu'il  leur  donne  ses  dernières  insiruciioits  :  Uocele 
oniiies  génies  servare  omuia  quwcunque  mandavi  lo- 
bis  (M.lth.  \\\ii\).  C'est  dans  ce  dessein  qu'il  les 
étabi  l  les  léinoius  de  sa  doctrine  [Art.  i).  C'fst  à 
ci'lie  (in  qu'il  leur  commnitique  sa  puissance  ,  qu'il 
conlie  .à  Pierre  les  clefs  du  l'Kglise  ,  qu'il  le  charge 
decuiiiluire  le<>  agne.iux  et  les  biebisdans  île  lions 
pâturages;  qu'il  donne  i  mus  ses  apôre-  le  pouvoir 
il  ■  lier  et  de  délier  (ilntili.  xvi  et  xvm  ;  Ji  an.  kxi). 
C'isi  \iour  cela  qu'il  snndle  sur  eux  ci  leur  onne  le 
Saint  Esprit  (Jiun.  \\).  Il  f.iiit  le  reco  inaitre  :  ex- 
cepié  l'œiivrede  la  réiletiiptiun,  la  tnission  des  apôtres 
avait  II  inéme  liii  cl  en  quelque  sorte  la  méine  pléni- 
tude que  celle  de  .lésu^-Cliiist. 

C'était  dansceseuMiue  le-  apôtres  enlenda'ent  les 
pariilesdiiS:iitveiir.  Ils  ne  cr.iiguent  pis  d'à!  lit  mer  que 
c'est  à  eux  qu'a  été  cunliél'Kvai.gile  de  Jésus-Clirisl: 
Secwutuni  Kiaiigeliiini,  qu^  d  credilum  est  niilii  (l  Thés- 
siil.  1,  n  ;  /  Lonnili.  IV  ;  //  Curinih.  v  ;  Aci.  x\  j. —  Ils 
exigent  qu'un  ;ijiiuti;  une  l.  I  pleine  et  entière  à  leurs 
paroles,  et  iU  ordontiPiit  de  punir  ceux  qui  seront 
rebelles  (//  Tliei,s.  m  ;  //  Cunwli.  x;  /  Coiinlh.  \iv; 
Hebr.%\n):  s'ils  parlent  si  inipérieusineiil ,  c'est 
paice  qu'ils  uni  pour  eux  I.i  rovélaiiun  de  Jésiis- 
Cltrisl  et  rassslancc  du  Sainl-Espril(/  Coriitth.  vu; 
Gai.  i;  .4(1.   w. 

Il  l:iut  le  confesser  ,  les  apôtres  jouissaient  de 
grands  piiviléges.  l'ersunne  sans  duiile  n'usera  cuti- 
lesler  qu'us  aient  eu  le  pouvoir  de  juger  les  cottlr.i- 
verses  de  1 1  loi.  —  Eli  bien  !  cette  aittoriié  accordée 
aux  apôtres  pei  sévère  dans  l'Eglise.  Celait  à  ses  apO- 
tres  (atsuiil  un  tutti  nioial  avec  leurs  siiciesseurs  dans 
l'épiscopat ,  que  Jé-us-Christ  disait  :  Ecce  eyo  vobis- 
cuni  sum  usjue  ad  consuntinaiion,im  sœciili  (Uattlt. 
xxviu).  Ego  roqabo  Parent,  ei  uiium  l'urucletum  da- 
bit  voois ,  ut  inaneat  l'obi^cuin  i;i  œiernunt  Sfiiiiium 
veritulis  {.luun.  xiv,  10,  \l,'i,),  aliii  qu'on  ne  sépare 
p.is  les  apôtres  de  leuis  successeurs.  S  Jésus-Chrsl 
leur  dit  :  Qui  vos  audit,  me  audit,  qui  vos  speniil,  me 
spernil,  il  ajoute  ailleurs  :  Qui  Ecclcsiam  non  auilie- 
rit,  sil  tihi  sicut  etlinicus  et  puhlicnniis.  Si  Jésiis-Clirist 
diiune  de  glorieux  privilèges  à  -aint  Pierre,  il  l'avrr- 
lil  qu'ils  siint  pour  l'Ejili-e.  Super  liane  peiram  œdi- 
ficabo  Eciitsiam  m,am,  et  portœ  inferi  non  prœoulebunt 
udvcrsus  eam.  Si  le  poiivuir  d'ensiiguir  la  vérité, 
d'expliquer  ce  qui  est  nliscnr,  de  décider  ce  qui  est 
c<  itiesié,  de  lier  et  de  délier  ,  si  ce  pouvoir  eût  été 
enlevé  à  l'Eglise  depuis  la  mon  iie-  apôtres,  cnnser- 
ver.iit-e!le  sa  prenrère  institution?  .Si  elle  luuibail 
seulement    ttne  fuis   dans    l'erreur,    les   portes   du 

se 


1131 


CON 


CON 


a^a 


l'eufer  nauraipnt-elles  pas  prévam  contre  elle? 
Les  apôiresinlftri>rél;iieiil-ilsaulieinenlles  faveurs 
qu'ils  avaleul  reçues  ?  Evideiiimeiil  non  ,  puisqu'ils 
appcllonl  l'Rglise  la  (olonne  ei  le  ferme  afipui  de  la 
■véiiié  (/  Tiia.  m)  ;  qn'i's  .issnrenl  qu'elle  a  é  é  éia- 
ble  pnnr  réunir  Ions  le^  li'léles  dans  la  profession 
(l'une  ii^nieCoi(A'p/ies.iv);  puis|u'iis  nous  montrent 
les  apôires,  les  év;ni^élisies,  les  pa^teufs  et  les  doc- 
teurs d-sliués  à  être  la  consoinmaiion  des  saints, 
l'ancre  tpii  five  les  fidèles  à  la  vraie  loi   {f'idlip.  m  , 

10). Les  a|é:res  ponvaienl-ils  déclarer  plus  claire- 

nuui  (pie  rautorilé  qu'ils  avaient  reçue  de  décider 
en  niatiér.'  de  dnctrine  a' p  irtient  à  l'ERlise  jusqu'à 
la  lin  des  siècles?  —  F.coutOKs  encnre  les  Pères  de  l'E- 
glise, dont  l'aulorilé  est  respectée  par  nos  adversaires. 
Les  l'èresnous  représentenlles  apô  res  couslituant 
un  ministère  chargé  de  gniivciiier  l'tiglise  ,  S'tns  le- 
que'l  elle  ne  peut  snlisister  (S.  Clénieut,  Epist.  ad 
Cor.  ;  S.  Ignace,  martyr).  Ils  nous  disent  tjue  c'est 
dajis  l'Eglise  i|ii'il  faut  aller  clieiclier  la  vérilé  (S. 
Irénée) ,  parce  (prelle  d(mne  de»  règles  inlaillibles 
(Clémenl  d'Al  xaiidrie) ,  el  que  c'est  pour  (elle  lia 
qu'elle  a  été  éiablie  (Terlul.)  ;  qu'elle  esl  la  source  , 
la  colonne  et  le  foiidemeut  de  la  véiiié  (Laciance  , 
S.  Ang.);  que  rien  ne  peut  la  -vaincre  ni  li  dé- 
Iraire  (Clirysost.)  ;  que  tons  les  hommes  sont  soumis 
i  sa  d(uiiiii:iiion,  et  les  rois  et  les  sujets  (.\mbros.). 
Peiil-on  expli(iuerpliis  clairement  le  pouvoir  accordé 
à  l'Eglise  de  (lécider  les  vérités  de  foi? 

Oui,  011  le  peut,  et  c'est  parmi  témiiignage  qui  ren- 
ferme à  lui  seul  les  icmiignasesdeions  les  Pères,  de 
tous  les  docteurs,  de  toute l'Kglise.  Jusqn'anjourd'liui, 
toutes  les  fois  qu'il  s'est  élevé  une  liérésie,  elle  a  trouvé 
sa  condainiiation  dnns  un  jugement  de  l'tglise.  i\'esl- 
ce  pas  l'Eglise  i|ui  a  exconinini!ié  el  cbussé  comme  des 
rebelles  les  simonieus  ,  les  giiosliques  ,  les  valenli- 
nicns,  les  mouianisles,  les  ariens,  les  macédoniens, 
les  eutvcliiens  ,  les  monotliéliies,  etc.  ?  N'éiail-ce  pas 
pnnr  soutenir  les  décisions  de  l'iîglise  que,  sous  l'em- 
pereur Coiisinnce ,  tant  de  généreu.ii  confesseurs 
supportèrent  l'exil  ? 

lleconnais-oii^-le ,  on  ne  peut  nier  l'autorité  de 
l'Kglise  sans  rejeter  tonte  la  tradition,  sans  abandon- 
ner la  doctrine  des  ap(3tres  ,  sans  condamner  les  di- 
vins enseignements  de  Jésus-Chrisl. 

Nos  adversaires  nous  propo>eiit  quelques  diflicii!- 
lés,  mais  notre  ilièsc  devant  recevoir  son  complé- 
ment ailleurs,  nous  pensons  qu'elles  y  seront  mieux 
placées.  {Voy.  Infaillibilité,  Eclise,  Pape.) 

5°  Carncicrts  du  JHije  des  controverses.  —  La  voie 
d'anlorilé  étant  le  moyen  d'inslriiciiou  le  plus  géné- 
ral, le  plus  .sûr,  le  seul  applicihle  aux  masses  ,  doit 
être  le  mode  diiisiruction  employé  en  matière  do 
religion.  Dieu  ,  en  l'employant  pour  rinsiruetiori  des 
fidèles  ,  a  donc  satisfait  h  l'un  des  besoins  de  notre 
nature.  —  Mais  quels  sont  les  caraclères  parlicnliers 
de  cette  autorité? 

Le  juge  des  controverses  doit  avoir  trois  qualités 
principales  :  1*  Il  doit  être  facileniiiit  connu  de  tous 
les  (idcles.  Puiscpi'il  doit  régler  leur  foi ,  il  est  né- 
cessaire qu'ils  sachent  où  il  est,  alin  de  recourir  à 
lui  dans  le  besoin.  2°  Ses  décision^  doivent  être  (  lai- 
res  el  ne  donner  lieu  à  aucun  donle.  Et,  en  elTel,  loii- 
le  cs|icce  de  jugement,  s'il  veut  atleindie  sa  lin, 
doit  ère  rédige  de  manière  à  lever  lesdilficullés  (|ui 
(  nt  cir  proïKisces.  Cette  nécessité  est  bien  plus  grande 
encore  en  inatère  de  religion  cl  de  foi.  l/objet  de 
la  croyance  doit  être  bien  déterminé,  alln  qu'on 
puisse  y  donner  smi  assentiment.  3"  Il  doit  exercer 
Sur  tomes  les  inlelligenccs  une  autorité  absolue,  (pii 
assure  à  $11%  jugements  une  sniimissioii  enlière  et 
consciencieuse;  ou,  en  d'autres  termes  ,  le  juge  des 
conirnvcrses  dailêire  iiif.iillilde.  —  Le  prniesiani  ne 
rcconnaiipasia  iiéccssiléde  l'iulaiililiilltédu  jtigcdes 
controverses  pour  la  conservation  de  la  vérilalde  doc- 
trine cl  pour  la  formationde  hi  foi.  Il  nous  dit:  Les 
arrdts  des  lribunau.\,  sans  élrc  inlaillibles,  suflisent 


pour  faire  observer  suffisamment  les  lois.  Pourquoi 
vouloir  accorder  à  l'Eglise  de  plus  grands  privilèges? 
— Pourquoi'  parrequel.i  foi  esl  un  assentiment  ferme, 
inébranlable,  excluant  inme  espèce  de  doute,  donné 
à  nue  vérité  rêvé  ée.  Serait-il  possible  de  donner  un 
tel  assentiment  à  un  )tiiint  de  doctrine  qui  ne  nous 
lai>seraii  pas  sans  erainle  (ondée  sur  la  vérité  ? 

Il  y  a  une  différence  entre  les  iirincipes  de  la  foi 
et  leiix  de  la  moi  aie.  En  morale,  les  princiiies  ré- 
flexes jouent  un  grand  rô'e  ;  il  n'en  est  pas  ainsi  en 
matière  de  foi.  —  L'autorité  des  tribunaux  est  siif- 
(isaiite  pour  maintenir  le  bon  ordre  dans  la  société, 
mais  il  n'est  pas  un  boinoie  de  sens  (|ui  voulût  faire 
un  acte  de  foi  sur  l'.i|iplicaiion  ceiliiine  de  la  loi  f.iiie 
par  les  tribunaux  les  plus  élevés  dans  ropinion. 

On  nous  obj'  cle  que  la  Synagogue,  sans  être  in- 
faillible, clail  juge  (les  controverses.  Il  nous  semble 
que,  pour  répondre  à  celte  objection  ,  il  f.iul  appré- 
cier la  différence  des  moyens  employés  par  le  Sei- 
gneur pour  conserver  rinU'grité  de  la  doctrine  dans 
les  deux  Testaments.  Dans  l'aiicieiine  loi.  Dieu  aban- 
donne les  lois  ordinaires  de  sa  providence.  Les  pro- 
phètes se  succèdent  pour  ainsi  dire  sans  interrup- 
tion. Et  de  même  que  Jésus  Christ,  durant  sa  vie, 
était  la  plus  grande  auiorii'é  vivante,  dont  les  dis- 
cours étaient  toujours  vrais,  de  même  les  prophètes, 
par  un  secours  spécial  de  Dieu,  étaient  infaillibles. 
En  suivant  leur  enseignement  divin,  le  peuple  n6 
courait  aucun  danger  de  s'égarer.  Si ,  après  la  cap- 
tivité, on  ne  vil  plus  de  prophètes,  c'est  que  depuis 
cette  époque  jusqu'à  Jésus-Cluisl,  la  vraie  doctrine 
se  conserva  pure.  Jésus-Chrisl,  le  roi  des  prophètes, 
parut  lorsqu'elle  commençait  à  s'allérer.  —  Dans  la 
nouvelle  loi,  rien  de  senililablc  ne  se  montre  :  Jésus- 
Chrisl  constitue  son  Eglise ,  mais  il  la  constitue 
assez  forte,  afin  qu'elle  irouve  en  elle-même  la 
puissance  nécessaire  pour  résister  à  toutes  les  at- 
taques qui  lui  seront  livrées.  Pour  cela,  il  la  rend 
iiilaillilile.  Les  portes  de  l'enfer  ne  prévaudront 
jamais  contre  ele  ;  elli;  est  le  fondeiiieni  et  le  plus 
lerine  api  ui  de  la  vérilé.  Le  Saint-Esprit  demeure 
avec  elle  |ieiidant  toute  Téeruité.  Ces  textes  ,  qui 
ont  été  développés  dansplusieurs  articles  ite  ce  Dic- 
lionnair(',  nioulrent  év  ilemment  que  l'Eglise  ne  peut 
se  tromper  ni  nous  tromper.  Voy.  Lnfaillibilité, 
Eglise,  Pâte. 

CONVRNTDKL.  Voy.  Franciscain. 

CONVOI   FUNÈBRE.    Voy.   Funérailles. 

CON\  FUSION,  changement.  11  se  d'il  non- 
sculcmenl  du  pécheur  qui  se  repeni  de  ses 
fiiules,  et  se  détermine  sinccreuienl  à  les  ex- 
pier el  à  s'en  corriger,  mais  encore  d'un 
homme  qui  abandonne  l'erreur  pour  faire 
profession  de  la  vérité.  Quciquefoi»  l'Ecri- 
ture sainte  semble  nous  enseijjnor  que  notre 
conterai  on  esl  notre  propre  ouvrage  ;  sou- 
vent aussi  elle  nous  fait  comprendre  que  ce 
doit  être  l'ouvrage  de  la  grâce.  Un  prophète 
dit  aux  Juifs  de  la  part  de  Dieu  :  Convertis- 
sez-vousùinoi,et  ierelourncraiàvous(Hlalacli. 
111,7).  Co7ivrrlifisez-ni}HS  Seigneur,  tl  nous  re' 
tournerons  d  loits.  (Tliren.  v,  11);  parce  que  la 
convcmion  est  tout  à  la  foi»  l'olTet  de  la  grâce 
qui  nous  prévient,  et  delà  volonté  qui  corres- 
ponl  libromentà  lagrâcp.  Mais  l'invitation  que 
Dicufaitaux  pécheurs  de  se  coiivcrtirserail  il- 
lusoire s'il  refusait  deles  prévenir  par  la  grAee. 

Il  y  a  des  Ihéologiens  qui  regardent  la  con- 
version d'un  pécheur  comme  un  miracle  aussi 
grand  et  presque  aussi  rare  que  la  résurrec- 
tion d'un  mort  ;  conséquemmenl  ils  sont  très- 
réservés  à  accorder  aux  pécheurs  l'absolu- 
tion el  la  communion,  persuadés  que   l'une 


1153 


CON 


CON 


1134 


n  l'iinlre  sont  seulement  pour  Irs  justes  on 
pour  les  pôchciirs  convcrlis(le|niisloi;!ileii)ps. 
il  est  .'usé  dans  celle  maiière  de  |  éclior  par 
l'un  des  deux  excès,  soit  en  se  fiant  tro|)  ai- 
sément au.x  moindri  s  signes  de  cunrersion, 
soit  en  ponssiinl  trop  loin  la  défiance,  soit 
en  se  pcrsiiad ml  que  les  sacrcineiils  sont 
destinés  à  nous  f.iirc  persévérer  dans  h;  liien, 
et  non  pour  nous  fortifier  conlr(?  le  niai. — 
Il  faut  toujours  se  souvenir  que  la  pénitence 
est  le  tribunal  de  la  miséricorde  de  Dieu,  cl 
non  celui  de  sa  justice  ;  que  l'homme,  tou- 
jours l'aihleel  inronstaul,  ne  lient  pas  mieux 
les  résolutions  qu'il  a  faites  dans  un-  mala- 
die de  conserver  sa  sanlé,  (ju'il  n'exécute 
celles  qu'il  a  laites  dans  la  péniience  de  ne 
plus  pécher  ;  qu'ainsi  les  reehulcs  ne  sont 
pas  toujours  une  preuve  du  peu  de  sincérité 
des  résolutions.  Le  meilleur  inodMe  à  suivre 
d.ins  la  manière  de  traiter  les  pécheurs  est  la 
condiiile  do  Jésiis-Clirisl  notre  divin  .Maîirc. 

Il  n'est  pas  élonnant  que  les  incrédules 
tournent  en  ridicule  lonle  espèce  de  cont-er- 
sion.  Lorsque,  dans  une  maladie, un  mérréant 
renonce  à  son  impiété,  ils  lâchent  de  per- 
suader qu'il  a  eu  l'esprit  afl-iibli  [)ar  la 
crainte  de  la  mort  ;  cooime  si  l'obsiinalion 
dans  l'erreur  et  dans  l'iriéligion,  pour  n'a- 
voir pas  la  honte  do  se  dédire,  élait  la  mar- 
que d'un  grand  courage,  llieu  n'est  plus  dé- 
testable que  la  perversité  de  ceux  qui  ont 
obsédé  leurs  confrères  d  ms  les  derniers  mo- 
ments, qui  ont  écarlc  d'eux  non-seuieuient 
les  prêtres,  mais  tous  ceux  qui  auraient  pu 
les  engager  à  rentrer  ci!  eux-uiênies.  Ils 
triomphent  quand  ils  ont  réussi  à  faire  mou- 
rir un  préteiiilu  philosophe  avec  Tinsonsibi- 
lilé  d'un  animal.  Lorsque,  sur  le  retour  de 
l'âge,  les  femmes  comuientent  à  mener  une 
vie  plus  régulière  et  plus  chréticMue  que 
dans  leur  jeunesse,  ils  publient  qu'elles  se 
convertissent,  non  parce  qu'elles  sont  dégoû- 
tées du  monJe,  mais  parce  que  le  mon. le 
est  dégoûté  d'elles.  Quand  cela  serait  vrai, 
elles  montreraient  encore  plus  de  sagesse 
que  celles  qui  s'obstinent  à  s'y  altacher,  mal- 
gré rindifî<'reiice  et  le  mépris  que  l'on  y  a 
pour  elles.  Mais,  en  général,  c'est  une  injus- 
tice absurde  de  vouloir  pénétrer  les  molils 
intérieurs  et  les  intentions  secrètes  de  no» 
semblables,  et  de  juger  qu'elles  sont  vicieu- 
ses ,  lorsqu'elles  peuvent  être  bonnes  et 
louables. 

Ou  a  droit  de  reprocher  celte  iniquilé  aux 
proleslants.  1°  lis  ont  suspecté  les  motils 
par  lesquels  les  peuples  barbares,  les  Goths, 
les  Francs,  les  liourguignons,  les  \'andales, 
les  Lombards,  ont  emltrassé  le  christianisme, 
OU  se  sont  réunis  à  l'Eglise  après  avoir  pro- 
fessé l'arianisme.  Leurs  conjeclures  viennent 
de  pure  malignité  et  de  l'intérêt  de  leur  sys- 
tème, puisqu'elles  n'ont  aucun  fondement  rai- 
sonnable. Par  là,  ils  ont  autorisé  les  incré- 
dules à  jeter  les  mêmes  soupçons  sur  les 
motifs  de  la  conviision  des  Juif»  et  des  païens 
dans  les  preaiicrs  temps  du  chrisliauisme; 
et  c'est  à  quoi  les  incrédules  n'ont  pas  man- 
qué. Voy.  M.ssioN.  —  "i"  Us  ont  Irailé  de 
Uiôme  le  changement  de  ceus:  qui  oui  re~ 


nonce  au  protestantisme  pour  rentrer  dans 
le  sein  de  l'Rgliso  romaine,  soit  en  France, 
soit  ailleurs  ;  ils  n'ont  épargné  ni  les  princes,' 
ni  les  savants  qui  ont  eu  ce  courage.  Mosheim 
dit  ijue  si  l'on  retranche  ceux  que  l'adver- 
sité, l'avarice,  l'auibiuon,  la  lé;{èreté,  les  at- 
laehen)ents  personnels,  l'empire  de  la  supers- 
tiliou  sur  les  esprits  faillies,  ont  eng.igés  à 
cette  démarche,  le  nombre  de  ces  prosélytes 
sera  trop  [lelit  pour  exciter  l'envie  des  li:;li- 
ses  pr<ilestaules.  Jurieu,  Spanlieiiueld'autres 
enoni  parléavecencore  moins  doinoderaltou. 

Pourquoi  donc  non;  accusent-ils  de  ca- 
lomnier. lors(|uenous  attribuons  à  cos  mômes 
motifs  l'apostasie  de  ceux  qui  ont  embrassé 
la  prétendue  réforme  à  sa  naissance?  Des 
princes  qui  pillaient  les  biens  ecclésiastiques 
et  se  rendaient  plus  indépendants,  des  moines 
et  dos  religi 'Uses  qui  désertaient  les  couvents 
pour  se  marier,  des  prédicanis  qui  se  met- 
laient  à  la  place  des  évoques  et  des  pasteurs, 
des  aventuriers  qui  arqueraient  le  droit 
d'exercer  le  brigandage,  des  ignorants  ex- 
cités par  les  déclamations  fougueuses  des 
nouveaux  docteurs,  avaient-ils  des  motifs 
plus  pursel  plus  res[)eclables  (]ue  les  princes 
et  les  savants  dont  nos  adversaires  dépri- 
ment la  conversion?  Il  y  a  du  moins  en  fa- 
veur de  ceux-ci  un  préjugé  bien  fort;  les 
sectaires  secouaient  le  joug  des  lois  de  l'E- 
glise dont  ils  n'ont  pas  cessé  d'exagérer  la 
pesanleur;  ceux  qui  sont  venus  le  reprendre 
renonçaient  à  une  liberté  qui  leur  paraissait 
très-douce  et  très-commode.  Depuis  (jue  la 
première  fougue  du  fanatisme  a  été  calmée, 
on  n'a  pas  vu  des  catholiques  abandonner 
une  fortune  consideiable,  un  état  honnête, 
une  f.imille  bien  unie,  pt;ur  se  faire  proies- 
tanis;  au  lieu  que  l'on  peut  ciier  un  bon 
nombre  do  protestants  qui  ont  fait  tous  ces 
sacrifices  pour  revenir  à  l'ancienne  religion. 
On  no  coniiait  aucun  apostat  du  catholicisme 
qui  soit  devenu  plus  homme  de  bien  pour 
l'avoir  quitté;  un  a  vu,  au  contraire,  un  bon 
nouibre  de  protestants  convertis,  mener  jus- 
qu'à la  mort  une  vie  très-édifiante.  Or,  l'E- 
vangile nous  autorise  à  juger  des  hommes 
par  les  actions,  et  de  l'arbre  par  ses  fruits  : 
A  fiuclibus  eoruin  coguoscetis  eos  (  Mallh. 
vil,  1(J]. 

CONVULSIONNAIKES,  secte  de  fanatiques 
qui  a  paru  dans  notre  siècle,  et  qui  a  com- 
mencé au  lo  ubeau  de  l'abbé  Paris.  Les  ap- 
pelants de  la  bulle  Unigenitus  voulaient 
avoir  des  miracles  pour  apjiuyer  leur  parti; 
bientôt  ils  prétendirent  que  Dieu  en  opérait 
en  leur  faveur  au  loaibeau  du  diacre  Paris,, 
fameux  appelant;  une  foule  de  témoins  pré- 
venus, trompés  ou  apostés  les  attestèrent.. 
Plusieurs  prétendirent  éprouver  des  convul- 
sions sur  co  même  tombeau  ou  ailleurs;  on 
voulut  encore  les  faire  passer  pour  des  mira- 
cles :  celle  nouvelle  espèce  décrédila  la  pre- 
mière cl  couvrit  leurs  partisans  de  ridicule. 
Jamais  les  appelants  n'ont  pu  repondre  à  cet 
argument  si  simple  :  où  sont  nées  les  convul- 
sions, là  sont  nés  vos  miracles;  les  uns  et 
les  autres  viennent  donc  de  la  même  source. 
Or,  de   l'aveu  des  plus  sages  d'entre  vous, 


ÏI35 


eof 


COP 


J13o 


l'œnvre  des  convulsions  esl  une  imposture, 
ou  l'ouvrage  du  diiible  :  donc  il  en  esl  de 
même  des  miricl'^s  (1).  —  En  «ffl,  les  plus 
seniés  d'cnire  les  appel.i"ts  onl  érril  avrc 
foup   ronire    le   fiinnisine;  ce    qui    a  ciiusé 

pa  m'  cn\  unr  divisi ii   anli  ■^l^^  iilsioii- 

nisles  cl  en  (■(jnvul-iocmisies.  Ceux-ri  se  snnl 
redi>isés  eu  ;uieu-li  isips.  vaill.iiili<l  s,  sr- 
coiiri^les,  dsccriianis,  finui  isics,  iiiél.iiiuis- 
Ics,  elc,  noms  d  gnos  d'èlro  plico»  à  côlé 
de  ceux  dos  ombilicaux,  des  iscariolisds,  di'S 
sipnorani>.ti's,  des  indoi Tiens,  de-  nrébiles, 
des  éoniens,  et  autres  secles  aU'si  illuslrcs. 
—  Arnau  I,  Pascal.  Nico'e,  appelaiiis  si-nsés 
et  instruits,  n'avaient  poini  île  conuKions, 
et  se  gard  lient  bien  de  proplic  iser.  Un  ar- 
cht'véqiie  de  Lyon  dirait,  d  ns  le  ix'  siècle, 
au  sujet  de  quelques  prétendus  prod  ges 
de  ce  genre  :  «  Al-ou  jamais  ouï  parler 
de  ces  suites  de  mir.ulcs  qui  ne  guéii-senl 
point  les  ma'adies,  nais  font  perdre  à  ceux 
qui  se  portent  bien  li  santé  ei  la  raison?  Je 
n'en  parle<ais  pas  ainsi,  si  je  n'eu  Jivais  élé 
témoin  inoi-mêrae;  car.  en  leur  doiin.inl  bien 
des  coups,  ils  avouait-ni  leur  imposture.  » 
Voyez  Abrégé  de  l'IIisloire  etclés.,  eo  deux 
volumes  in-i2,  P.nis,  1752,  sous  l'année  8ii. 
C'est  eu  elTel  un  él.ange  thaumalurije  que 
celui  qui  estropie  au  lieu  de  guérir.  —  Il  esl 
petit-élre  encore  plus  étrange  que  les  jjarii- 
sans  d'un  fanatisme  si  scandaleux  et  si  ab- 
surde se  siiient  parés  d'un  préiendu  zélé  de 
religion,  aient  voulu  faire  croiie  q  l'ils  en 
étaient  les  seuls  déîenseurs;  rien  n'a  con- 
tribué davantage  à  l'aire  édore  rincrédnlilc. 
Heureusemenl  cet  accès  de  démence  paraît 
Gni. 

Il  y  a  eu  en  Angleterre  des  réfugiés  con- 
vuhiunnaires;  c'et,  ienl  Ls  mêmes  que  les 
prophètes  des  Cévennes  (Ssb.iflsl  ury,  Let 
tieg  sur  l'Enihi  iisi(tf<iiie,  seei.  3,  p.  23  .  0:i 
sait  que  le  doeieur  Hec  luil,  dans  un  nuvragJ 
intitu'é  /('  Nalurnlistne  des  convulsions,  a  ilé- 
montré  l'illusion  de  (e  prétendu  pioiliire. 

COl'HTKSou  COPTKS,  cbré  iens  d'iîgypte, 
de  la  sede  des  jacobi  es  ou  nmimpliysites, 
qui  n'admelieni  qu'une  seule  nature  i-n  .lé- 
sus-Cbrisl.  Ils  sont  soumis  ;iu  patriarche 
d'Alexandrie.  On  dérive  onlinairemeni  leur 
nom,  de  Copie  ou  Cojitoi,  ville  d'Iigypie; 
mais  ce  n'est  p lUt-êire  qu'une  alléralion  du 
mol  Aîyvn:»ç,  nom  grec  de  lligypte.  Comme 
cette  Eglise  8chi^Ulatique  est  séparée  de  l'IC- 
glise  romaine  depuis  plus  de  <lou7.e  cents 
ans,  il  esl  à  propos  d'en  connaître  l'origine, 
la  croyance  et  la  discipline. 

Après  la  condamnation  d'Kulychès,  au 
coiiiile  de  Chalcédome  en  iol.  D  oscore,  pa- 
triarihe  d'Alexandi  ie,  bumnie  accrédité  et 
très-respe<t<'  des  lîgj  pliens,  demeura  opiniâ- 
trement allacbé  au  parti  et  à  la  iloctiinc 
d'Eiitychès;  il  (  ut  le  talent  de  persuadera 
sou  cl  rgé  et  à  son  peuple  que  le  concile  de 
Chalcédoiiie,  en  comlamnaiil  Euiychès,  avail 
adopté  cl  consacré   l'Iiéresie   de  Nestorius, 

(I)  Le»  convnisions  pouvaient  cire  l'cITi!!  il'iin  s:ii- 
sis-enieiil  nerveux  et  iivoir  ipii-lipie-  nippons  avec 
les  eU'eis  du  uiiignéii^uie.  Voy.  Mao.nétimib. 


quoique  ce  concile  eût  un  anathèrae  à  l'un  et 
à  l'anlre.  Les  vexaiions  et  la  violence  qu'erii- 
ployèrent  les  empereurs  de  C'n-laiilinople, 
pour  faiie  recevoir  en  Egypte  les  ilérrels  du 
concile  de  Clialcéloine,  .ilienèreut  les  es- 
prits; on  \  euvo-a  de  Consia.'iiiiKiple  des  pâ- 
li larches,  des  évéq  es,  des  gonvermurs,  des 
maiislra's:  les  Egyptiens,  .  xclus  de  li.uies 
les  dignités  civiles,  militaires  el  ecclésiasti- 
ques, conçurent  une  haine  violente  contre 
les  (îrecs  el  contre  le  calholieisme  ;  un  grand 
nomlire  se  retirèrent  dans  1 1  haute  Egyplo 
avec  leur  p.ilriarche  schismaiique. 

y  ers  l'a  1  6G0,  lorsque  les  Sarrasins  ou 
mahoinéians  Arabes  vinrent  atlaquer  l'E- 
gypte, les  ciiphles  ou  Ejypliens  scliisinali- 
qiies  lenr  livrèrenl  les  pl.ices  qu'ils  auraient 
dû  dél'euilre,  et  obtinrent,  par  des  Irailés, 
l'exerc  ce  pu'  lie  de  leur  religion  ;  ainsi,  sous 
la  protection  des  u:aliomelans,  les  copliles  se 
virent  eu  état  d'opprimer  à  leur  lour  les 
Grecs  catlioli(]ues  (|ui  se  trouvaient  en 
Egypte,  el  de  les  rendre  suspects  à  leurs 
nouveaux  maîtres.  Dè^  ce  moment  ,  les 
cophtes  ont  prévalu;  ils  préiendenl  avoir  con- 
servé jiiS'iu'à  présent  la  succession  de  leurs 
patriarc'ies  depuis  Diosrore,  el  il  en  résulte 
que  leurs  ordinations  sont  valides.  —  .Mais, 
lorsque  les  mabomèians  se  virent  paisibles 
possesseurs  de  lligypte,  el  n'eurent  plus  rien 
à  craindre  de  la  part  des  empereurs  grecs, 
ils  violèrent  les  promesses  qu'i  s  avaient 
faiies  aux  cophles  :  ils  dérendirenl  l'exercice 
public  du  christianisme;  ce  n'esl  qu'à  force 
d'argent  que  les  cuj)lite<  sont  parvenus  à  se 
faire  tolérer  el  à  conserver  leur  religion.  Ces 
chréliens  sonl  la  partie  la  plus  p  luvre  des 
Eiîypiiens;  c'est  à  eux  que  les  mnlioiiiéians 
onl  conlij  la  recelte  des  deiiieis  publics  île 
l'Egyjile.  On  preleiid  que,  dans  le  temps  de 
la  conquêie,  ils  éiaienl  au  nombre  de  six 
cent  mille,  el  qu'à  présent  ils  saut  léduils  à 
quinze  mille  tout  au  plus. 

Depuis  que  l'arabe  est  devenu  la  langue 
vulg.iire  de  l'Egypte,  les  na'uiels  du  jiays 
n'enleiiilent  plus  la  langue  coplile.  qui  esl  un 
mélange  de  grec  et  d'ancien  égyptien;  ils 
onl  cependant  continué  de  <élél>rer  l'olfice 
divin  dans  celle  langue,  el  ils  ont  traduit  eu 
ar.ibe  leur  liturgie,  afin  que  les  prêtres  aient 
connaissance  de  ci>  qu'ils  disent  en  coplile. 
l'our  les  leçons  de  l'oflice,  les  épilres  el  les 
évangiles,  après  les  avoir  lu  en  cophte,  ils 
les  lisent  ilaiw  une  hible  arabe,  pour  eiilendio 
ce  (lui  a  (té  lu.  V<iy.  Uiule  coenrE.  Leur 
bréviaire  esl  fort  long. 

En  général,  le  clergé  cophte  est  pauvre  cl 
ignorant.  Il  esl  com;)osé  d'un  patriarche,  et 
des  é\êi|Ues  .lu  nombre  de  dix  à  douze.  Le 
patriarihe  est  élu  par  les  évéqiics,  par  le 
clergé  el  par  les  principaux  laï|iies;  on  le 
pren  I  toajoiirs  parmi  les  moines  du  umnas- 
lère  de  Sainl-Macaire,  au  dé-erl  de  Scélé.  Il 
nomme  seul  les  evé()ues,  et  les  clnusil  eiilre 
les  séculiers  qui  soiii  veufs;  1 1  dinn'  es'  loul 
leur  revenu,  el  ils  la  recueillent  dans  leur 
diocèse  pour  eux  et  pour  le  palriarclie.  I  es 
prêtres  sonl  ordinaiiemenl  de  simples  aid- 
saus;  quuiqu'iU  aiuul  la  liberté  de  se  manur, 


1157  COP 

pliis'ipurs  s'en  ahstienncnl,  observent  (.1  con- 
tinence, sont  lrô>^- r('S[iPtiés  du  peuple,  et  ils 
ont  sous  piK  des  diacres:  painii  U^s  coplites, 
il  \  H  (les  rolinicusi's  aussi  liieii  ipie  des  nioi- 
ne«  :  ie«  uns  et  les  auir.  s  fonl  des  vœux. 

Ils  ont  Irois  lilur;;ii  s.  Tune  de  saint  Ra- 
sile,  l'atilr/  de  sainl  (iié^'oi  e  de  Nazianze, 
la  troisi("'ini»  de  sainl  Cyrille  d'Alexandrie; 
elles  onl  é:é  Iraduiies  en  co/ilile  sur  l'orininal 
prec.  La  di'rnit''ie  (  si  la  plus  scnlilahle  à 
elle  de  sainl  iMirr,  que  l'on  rri'il  èlre  l'an- 
cienne liUirjî  e  diiiil  se  servait  l'I^glise  d'A- 
lexandrie avant  le  schisme  île  Pioscorp,  ou 
avant  le  V  siècle;  les  calliol  ques  d  Esjyple 
conlinuèrcnl  <i  s'en  servir  pendant  qu'ils 
siibsislèreil  ;  niais  les  scliisinati(|ues  préfé- 
rèrent celle  dont  nous  venons  de  parler,  et 
ils  j-  ont  inséré  leur  erreur  touchant  l'unité 
dp  nature  en  Jrsus-Clirisl.  Voy.  LiTi  bgie, 
§  2.  —  Ces!  la  seule  erreur  qne  l'on  poisse 
leur  reprocher  sur  li'  do;rnie;  dans  tous  les 
antres  articles  de  la  doctrine  flirélienne,  ils 
ont  la  tnênic  croyance  (|up  ri'"^lis('  romaine. 
On  voit  par  leurs  litur^icN,  par  leurs  autres 
livres  et  par  leurs  confessions  de  loi,  qu'ils 
adineilenl  sept  jacremi-nls  ;  mais  ils  diffèienl 
le  baptême  des  erf.inls  maies  à  qu  iranle 
jours,  cl  celui  des  filli'S  à  qnatre-vin|;ts.  Ils 
ne  l'alminisirent  jamais  qu'à  l'égl  se,  et  en 
cas  de  danjier,  ils  croient  y  snppléer  par  des 
onctions.  Ils  le  donnent  par  trois  immer- 
sions, l'une  au  nom  du  Père,  la  seconde  au 
nom  du  Fils,  la  troisième  au  nom  du  Saint- 
Esprit,  en  adaptant  à  chacune  les  paroles  de 
la  formule  ordinaire  :  Je  le  bnpiise,  elc.  Ils 
doniiput  la  corilirmalion  à  I  enf.int,  il  la  com- 
munion sous  l'espèce  du  vin  seulement,  aus- 
sitôt api  es  le  baptême.  —  S  ir  l'eucbarislie, 
ils  croient,  comme  bs  calholi(|ucs,  la  pré- 
sence réelle  de  Jésus-Christ,  la  transsubstan- 
tiation, le  sacrifice  ;  c'est  un  fait  pioiné  dé- 
inonstrativemen'.  [)ar  leur  liluriçic.  Ils  com- 
munient les  hommes  sons  les  dcnx  espèces, 
et  portent  aux  femmes  l'espèce  seule  du  pain, 
hunipctéo  de  qnclqnes  gouiles  de  vin  con- 
sacré; jamais  iU  ne  portent  le  calice  con- 
sacré hors  du  sancinairc,  dans  le(|uel  il  n'est 
pas  permis  aux  femmes  d'entrer.  Quand  il 
fMil  administrer  on  malade,  la  messe  se  dit, 
à  qneli|ne  heure  que  ce  soit;  ils  ne  donnent 
le  vi.itiqne  que  sous  l'espè  e  du  pain.  —  La 
confession  est  assez  rare  parmi  eux,  puis- 
qu'ils se  confessent  tonl  m  plus  une  ou  deux 
fois  par  an  ;  m;iis  ils  iillribuenl  à  la  péuilence 
et  à  l'absolution  le  piiu>oir  de  reuieilre  les 
péchés,  et  ils  y  joignent  ordinûircoienl  des 
onctions.  —  lUcn  ne  parait  .'uairincr  à  la 
manière  dont  ils  fout  rorilinalioii  pour  êlre 
un  vrai  sacrcnipnl;  celle  ilu  patriarche  se 
fait  très-sole  inellcment  et  avec  beancouo  de 
prières.  Ils  regardent  aussi  le  miri;igo 
comme  lin  sacrement;  mais  ils  u-enl  du  di- 
vorce assez  fréquemment.  Ils  administrent 
l'exiréme-onctioii  dans  les  indisposilioiis  les 
pluslégè  «"s;  ils  oignenl  d'huile  béiile,  non- 
spulemcnl  le  malade,  mais  Ions  les  assistants. 
Comme  ils  ont  une  hnile  bénite  différente  de 
celle  dont  ils  se  servent  pour  les  sacrements, 
ils  en  font  des  ouclious  aux  morts.  —  On 


COP 


1133 


trouve  dans  leurs  liturgies  l'inroration  des 
saillis,  la  prière  pour  les  morts,  et  ou  ne  les 
accuse  point  de  bl-âmer  le  culte  des  images 
et  des  reliques.  On  ne  peut  pas  leur  repro- 
cher d'avoir  changé  ou  altéré  ces  liturgies, 
excepté  sur  r.irlicle  d'une  seule  nature  pu 
Jésos-Clirisl  ;  puisqup  sur  tout  le  reste  elles 
se  trouvent  conformes  aux  liturgies  des 
Grecs,  des  Syriens,  des  Arménien»  et  des 
nestoriens.  avec  b  squels  les  cophtrs  n'ont 
pas  eu  plus  de  liaison  qu'avec  l'Eglise  ro- 
maine. —  Leurs  jeijnes  sont  longs,  fréquents 
el  rigoureux.  Ils  observent  qiia're  carêmes  : 
le  premier,  avant  la  pâ'tue.  coroinence  neuf 
jours  plus  tôt  qne  celui  ries  Latins  ;  le  seconff, 
après  la  semaine  de  la  Penlecôlc,  et  avant  la 
fête  de  saint  Pierre  et  de  sainl  Paul,  est  da 
treize  jours;  le  troisième,  avant  l'Assomp- 
tion, de  quinze  jours;  le  qualrième,  avant 
No'cl,  est  de  quarante-trois  jours  pour  le 
clergé,  et  de  vingt-trois  jours  pour  le  peuple. 

Il  est  donc  évident  qu'à  la  réserve  d'un  seul 
article  de  doctrine,  l'I'^iilise  rnplite  a  exacte- 
ment conservé  la  même  croyance  que  l'E- 
glise romaine;  qu'ainsi,  avant  le  concile  de 
Chalcédoine  l't  le  schisme  de  Diosrore,  celte 
croyance  était  celle  de  l'Ëglrse  universelle. 
C'i'Sl  injustement  que  b-s  protestants  onl 
souienii  que  ci'tie  doctrine  est  nouvel'e,  a 
été  inventée  dans  les  siècles  postérieurs. 
Nous  la  retrouvons  chez  les  Grecs  sch.sma- 
tiqups,  chez  les  Syriens  jacobiles,  ch  z  les 
nestoriens,  dans  la  Perse  cl  dans  les  Indes, 
au>si  bien  que  chez  b's  Egy|;tieiis  et  les  Ethio- 
piens. Ces  difl'éren  r-s  Eglises  ne  se  sont  pas 
concertées  entre  elles,  nj  avec  l'Eglise  ro- 
maine, pour  changer  leur  loi,  leur  liturgie, 
leur  discipline.  Dieu  semlile  les  avoir  con- 
servées pour  altesier  l'amiquiié  des  dogmes 
dont  les  protestants  ont  pris  prétexte  pour 
f.iiie  un  schis  Ile.  l^es  derniers  sont  les  seuls 
dans  l'univers  qui  professent  la  doct'ine 
qu'ils  souiiennent  dre  la  rro\ance  ancienne 
cl  piiinil.ve.  —  Ajoutons  que  les  coplilex  ne 
rejelienl  du  cinoii  des  Livres  sai  ils  aucun 
de  ceux  rjne  l'h^iilise  romaine  reçoit  coiniiio 
ca'.ioniqnes.  Voij.  Il  l'crpéiuité  de  la  foi, 
lom.  IV,  I.  I.  cli.'ip.  9  el  10;  la  Collection  >les 
liliirfjics  orirnlnlea,  par  i'alibe  Iteiiaudol;  le 
P.  Lebrun,  loni.  IV,  pig.  WJ  el  suiv. 

On  a  tenlé  plusieurs  fois,  mais  inutilement, 
de  réunir  les  coplitei  à  l'Egisc  romaine.  — 
Les  prolesian's  font  remarqoer  avec  alTecla- 
lioii  la  résistance  de  ces  héiéiiques  aux  itis- 
triictions  des  missionnaires  catliolii|iies  ;  m  lis 
ils  ne  disent  licn  touchant  la  conformité  de 
la  croyaine  de  l'Eg  ise  coplUe  avec  celle  de 
l'Eglise  romnine.  11  y  a,  dans  les  Mémoires 
de  l'Acrid.  des  Inscript.,  loin.  LVll,  m-i'2, 
p.  '4X5,  un  savant  mémoire  sur  lu  langue 
coplile  ou  égiptienne. 

COi'lATli.  On  .ippelait  ainsi,  dins  l'Eglise 
grecque,  ceux  qui  faisaient  les  fosses  pour 
enterrer  les  morts,  nom  tiré  du  grec  jciirof 
travail,  c'étaient  ordinairement  des  clercs. 
En  357,  l'empereur  Constance  etempla  par 
une  b)i  les  copiâtes  Ae.  la  contribu  ion  lustrale 
que  payaient  tous  les  niarciiands.  Selon  l.'iii- 
gbaoi,  ils  étaieui  furl   nombreux,  surtout 


1139 


COR 


COR 


mo 


dans  les  grandes  Eglises  ;  on  en  comptait 
jusqu'à  «nze  cents  dans  colle  de  Conslanli- 
nople.  et  il  n'y  en  eut  jain.iis  moins  de  neuf 
cent  ciiiquanl'e.  On  les  appelait  aussi  leeta- 
rii,  decani,  collegiali.  11  ne  paraît  pis  qu'ils 
tirassent  aucune  rélrihution  des  enterre- 
ments, surtout  de  ceux  des  pauvres  ;  l'Kglise 
les  enlrcleiiaii  sur  ses  revenus,  ou  ils  fai- 
saient queli|ue  conmierce  pour  subsister;  et 
en  considération  des  services  qu'ils  ren- 
daient dans  les  funérailles,  Constance  les 
exempta  du  tribut  imposé  sur  les  autres 
commerçants.  Voij.  lîin^liam,  Orig.  ecclés., 
tom.  1,  liv.  iii.cliiip.  8;  Tillein mt,  Hist.  des 
emp.,  loin.  IV,  p.  235. 

CORBAN.  Dans  {Ecriture  sainte,  ce  mot 
sisnifie  un  don,  une  oblation,  c*  qu'on  a 
voué  au  Seigneur.  Jcsus-Cliiisl  réfute  dans 
TEvangile  la  fausse  morale  des  pharisiens 
qui  dispensaient  les  enfants  d'assister  leurs 
p-ères  et  mères  dans  le  besoin,  sous  prétexte 
de  faire  descorb(ins  ou  desoblalions  au  Sei- 
gneur (Mac.  VII,  lll. 

CORBULO,  montagne  de  Toscane,  à  douze 
milles  de  Sienne,  qui  a  donné  le  nom  aux 
chanoines  réguliers  de  Monle  Corbulo. 

COUUE,  CORDEAU.  De  tout  temps  l'on 
s'est  servi  d'une  corde,  pour  mesurer  un  ter- 
rain; de  là,  dans  l'Ecriture,  cordeau  signilie 
souvent  une  portion  de  terre,  une  contrée. 
TJans  le  Deuléronome,  cbap.  in,  v.  k.  (selon 
rhébreu),  le  cordeau  d'Arç/ob  est  le  pays 
d'Argob.  Conséquemmeni  il  désigne  aussi  la 
poriioii  de  tcrr.iiii  qui  «st  échue  en  héritage 
à  quelqu'un.  Au  même  livre,  cbap.  xxxu,  v. 
9,  il  est  dit  que  la  ptislérilé  de  Jacob  est  le 
cordeau  ou  la  portion  d'héritage  du  Sei- 
gneur. Le  psalmislu  dit  (Ps.  xv,  C),  mon 
cordeau,  ma  portion  est  tombée  sur  un  excel- 
lent terrain,  etc. 

Cordeau  signifie  encore  les  handclelles 
dont  on  liait  li-s  membres  des  morts  pour  les 
embaumer.  11  Ileg.  xxii,  ti  :  J'ai  été  envi- 
rimné  des  cordes  du  tombeau.  Eiifiii,  il  ex- 
prime un  lacet,  un  piège.  Fs.  cxviii,  71  : 
Les  cordes  des  pécheurs  m'ont  environné. 

COKDELIER  ,  religieux  franciscain  ou 
de  l'ordre  de  Siiinl-François  d'Assise,  ins- 
titué au  commencement  du  xii*  siècle. 
Dans  leur  origine,  ils  étaient  habillés 
d'un  gros  dra|)  gris  ,  avec  un  petit  ca- 
puce  ou  chaperon,  un  minlcau  de  ménie 
étoffe,  et  une  ceinture  de  corde  nouée  de 
trois  nœuds,  d'où  leur  vient  le  nom  de  eor- 
ildiers.  Ils  B'apprAn'irnt  pauvres  miiiews  ,  et 
ensuite  frères  tnineurx;  ils  sont  les  premiers 
qui  aient  renoncé  à  toute  propriété. 

Ces  religieux  |)euveut  être  membres  de  la 
faculté  de  Paris,  plusieurs  ont  été  papes, 
cardinaux,  évéquos;  ils  .ont  eu  parmi  eux 
de  grands  hommes  en  plusieurs  genres,  en 
particulier  lo  frère  Bacou,  célèbre  par  les 
«léeouvertc»  qu'il  fit  dans  un  siècle  de  ténè- 
bres. Ckst  ordre  n'a  cessé  dans  aucun  temps 
de  servir  utilement  l'Eglise  et  la  société;  il 
se  distingue  encore  aujourd'hui  par  le  savoir 
et  par  les  mœurs. Li^scorf/r/ir/s  sont  di>isés 
en  cot>ventnc(s  <rl  on  obtertautirts. 

L.ii  V.  Luc  de  Wading,  cordelier  irlandais, 


mort  à  Rome  en  1653,  a  donne  en  uu  vol. 
in-fol.  la  bibliothèque  des  écrivains  de  son 
ordre,  qui  a  été  continuée  et  corrigée  par  le 
P.  François  Harol. 

CORDELIÈRES.  Ce  sont  les  franciscaines 
ou  religieuses  de  Sainle-Claire,  nommées 
iirbanistex.  Comme  la  règle  que  saint  Fran- 
çois d'Assise  avait  dimuée  parut  trop  aus- 
tère pour  des  (illes,  le  pape  Urbain  1\',  en 
1253,  adoucit  cette  règle,  et  permit  aux  reli- 
gieuses clarisses  de  posséder  des  biens- 
fonds.  Il  y  eut  cependant  plusieurs  maisons 
qui  persévérèrent  dans  la  rigu'ur  du  pre- 
mier institut,  et  parmi  tes  urbiinisles  môme, 
plusieurs  y  sont  revenues,  soii  par  la  ré- 
forme de  sainte  ('ollelle,  nomtnée  dans  le 
monde  Nicole  Bncllet,  ou  par  d'autres  réfor- 
mes. (]es  clarisses  nt>n  mitigées  ou  non  ré- 
formées sont  connues  sous  les  noms  de  reli- 
gieuses de  VAve  Maria,  de  capucines,  de  rc- 
collelles ,  de  filles  de  la  conception,  de  péni- 
tentes du  tiers  ordre  ou  tierceliues,  nom- 
mées à  Piris  filles  de  Saiute-Eli';.ibelh. 

CORDON  DE  SAINT-FRANCOIS,  espèce 
de  corde  garnie  de  nœuds,  que  portent  pour 
ceinture  dilîérents  ordres  religieux  (lui  re- 
connaissent saint  François  pour  leur  insti- 
tuteur. Les  eordeliers,  les  capucins,  les  ré- 
collets le  portent  blanc,  celui  des  pénitents 
ou  Picpus  est  noir. 

Il  y  a  aussi  une  confrérie  du  Cordon  de 
Saini-François ,  qui  comprend  non-seule- 
ment les  religieux,  mais  encore  des  person- 
nes de  l'un  et  de  l'autre  sexe.  Pour  obtenir 
les  indulgences  accordées  à  leur  société  ,  ces 
confrères  sont  obigés  à  dire  tous  les  jours 
cinq /'(Ue;, cinq  At'c,  Maria,  elcimi  Gloria  Pa- 
Iri,  à  porter  le  cordon  que  tous  les  religieux 
peuvent  donner,  mais  ijui  ne  peut  être  béni 
que  par  b's  supérieurs  de  l'ordre. 

CORÈ.  Voij.  Aarox. 

CORINTHIENS.  Des  deux  lettres  que  saint 
PanI  adresse  aux  Corinthiens,  la  première  pa- 
raît leur  avoir  été  écrite  l'an  5(5,  quatre  ans 
après  leur  converMon  ;  l'apôtre  était  alors  à 
Jîphèse.  Le  dessein  do  cette  lettre  est  de  fnire 
cesser  les  divisions  et  les  désordres  qui  s'c- 
taii-nt  glissés  parmi  eux.  Il  leur  écrivit  |;i  se- 
conde l'année  suivante,  pour  les  consoliT, 
parce  qu'il  apprit  (]iie  la  première  les  avait  af- 
fligés et  mortifies.  Quand  on  se  rappelle  l'ex- 
cès de  corruption  qui  avait  régnédaiis  la  xille 
de  Corinthe,  sous  le  paganisme,  excès  attestj 
par  les  auteurs  prolancs  et  dont  saint  Paul 
les  fait  souvenir  (/  Cor.  vi,  9),  on  est  fort 
étonné  que  dans  l'espace  de  quatre  ans,  l'E- 
vangile ait  opéré  parmi  les  fldèles  de  cette 
Eglise  un  changement  si  prodigieux  dans 
les  mœurs,  et  (|u'ils  soient  devenus  capables 
de  recevoir  des  leçons  d'une  morale  aussi 
pure  que  celle  de  l'Apôtre.  —  Environ  qua- 
rante ans  ai'iès,  lorsque  saint  Clément  de 
Rome  leur  écrivit  pour  les  exhorter  de  nou- 
veau à  la  concorde  et  à  la  paix,  il  leur  rap- 
pela les  avis  que  saint  Paul  leur  avait  dou- 
nés  d.ins  ses  deux  lettres. 

COltNAUlSl'ES  ,  disciples  de  Théodore 
Cornhert,  secrétaire  des  étals  de  Hollande, 
hérétique  enthousiaste.  11  n'approuvait  au- 


1141 


COR 


COS 


1142 


cune  «ecte,  et  les  attaqanit  loules.  11  écri- 
vait et  disputait  en  même  temps  contre  les 
calholiqiies,  conirc  les  liiihéricns  et  contre 
les  calvinistes,  et  soutiMWiil  que  toutes  les 
communions  avaient  besoin  de  reforme  ; 
mais  il  .ijouiail  que,  snns  une  mission  sou- 
tenue par  des  miracles,  personne  n'avait 
droit  de  la  faire,  parce  que  les  miracles  sont 
le  seul  signe  à  portée  de  loul  le  monde,  pour 
prouver  qu'un  homme  annonc:'  la  vérilé.  Il 
est  vrai  qu'il  n'en  fil  pas  Ini-méme  pour  dé- 
montrer la  vérilé  de  sa  préteniion.  S  )n  avis 
était  donc  qu'en  attendant  l'homme  auv  mi- 
racles, on  se  réunît  p'ir  inlerint,  qu'on  se 
contentai  de  lire  aux  peuples  la  parole  de 
Dieu  sans  commentaire,  el  que  chacun  l'en- 
tendît comme  il  lui  plairait.  H  cioyail  que 
l'on  pouvait  être  lion  chrétien  sans  être  mem- 
bre d'aucune  hglise  visible.  Il  n'était  donc 
pas  besoin  de  si' réunir,  même  par  inlérim. 
Les  cahinistes  sont  ceux  auxquels  il  en  vou- 
lait le  plus.  Sans  la  pioleclion  du  prince 
d'Oranjje,  qui  le  metlail  à  couvert  d^  pour- 
suites, il  est  probable  que  ses  adveis;iires 
De  se  seraient  pas  bornés  à  lui  dire  des  in- 
jures. Cependant  il  ne  raisonnait  pas  trop 
mal,  selon  les  principes  généraux  de  la  ré- 
forme, et  ce  n'est  pas  là  le  seul  système  ab- 
surde auquel  elle  a  donné  lieu. 

CORPORAL,  linge  sacré  que  l'on  étend 
sous  le  calice  pendant  la  messe,  pour  y  po- 
ser décemment  le  corps  de  Jésns-Chrisl  ;  il 
sert  aussi  à  recueillir  les  particules  de  l'hos- 
tie qui  peuvent  s'être  drtaehées,  soit  lors- 
que le  prêtre  la  rompt,  soit  lorsqu'il  com- 
munie. Quelques-uns  attribuent  le  premier 
usage  du  corpornl  au  pape  Eusèbe,  d'autres 
à  s;iinlS)  Ivcstre.  Quant  au  présent  fait  parle 
pape  à  Louis  XL  d'un  corjjorul  sur  lequel 
saint  Pierre  avait  dit  la  messe,  on  n'est  pas 
obligé  d'en  croin?  Philippe  de  Commines. 
Autrefois  on  avait  conlume  île  porter  les 
COI poranx  aux  incendies,  el  de  les  présenter 
aux  fl;immes  pour  les  éteindre  ;  celte  prati- 
que a  été  défendue  dans  la  plupart  des  dio- 
cèses avec  raison.  Voyez  l'Ancien  Sncramen- 
taire,  par  Grancolas,  première  partie,  pages 
150  et  7:0;  Lebrun,  tome  11,  p.  2i)7. 

♦  COUPS  DK  JKSUS-CHRIST.  Il  est  de  foi  que  le 
le  Vei'lie  élirnei  a  pris,  dans  le  sein  d'^  la  bienlieti- 
reiise  vierge  M.irie,  un  corps  senitil.ible  au  nntre  par 
ropératiuti  du  Saint -E9|>fii.  Les  preuves  de  cette 
vérité  seul  d('V('l()|ipces  aux  iiKils  Nestoriens,  Eu- 
lYCHUNS,  Humanité  be  it-.iis-CHRtsT, 

COUPS  DE  JÉSUS-CHRIST.  Vers  le  cora- 
nicnccmcnt  du  xiv*  siècle,  ou  vit  naître  ua 
ordre  nommé  religieux  du  corp.'  de  Je'sits~ 
Christ,  ou  religieux  blanc*  du  Sainl-Sncie- 
menl,  ou  frèiea  de  l'office  du  Sainl-Sacrement, 
qui  suivaient  la  règle  de  saint  Reiioit.  Leur 
instituteur  u'cst  pas  connu.  On  présume 
qu'après  l'iGstiluliou  de  la  fête  du  saint  Sa- 
crement par  Urbain  IV,  en  121)4-,  quelques 
personnes  dévotes  s'associèrent  pour  adorer 
parliculièrement  Jésus-Christ  présent  au 
saint  Sairemenl,  et  en  réciter  l'ofiice  com- 
posé pars  lint  Thomas  d'Aquin  ;  que  ce  fut 
l'origine  des  religieux  dont  nous  parlons. 
En  j;3i)3,  Bonilace  IX  les  unit  à  l'ord 


Cîleaux  ;  ils  s'en  séparèrent  ensaite  ;  enfin 
Gré'^oire  XIII  unit  cette  congrégation  à  celle 
du  mont  Oliyet. 

CORRUI'TICOLES,  secte  d'eutychiens  qui 
parut  en  l'gypte  vers  l'an  S'il,  et  qui  eut 
pour  chef  Sévère,  faux  palriar.  lie  d'Alexan- 
drie. Il  soutenait  que  le  corps  de  Jésus- 
Christ  était  corruptible  ;  que  nier  celte 
vérité,  c'était  attaquer  la  réalité  des  souf- 
frances du  Sauveur.  D'autre  cAté,  Julien 
d'H.ilicarnasse,  autre  cutychien  réfugié  eu 
E;;yple,  préicndait  que  le  corps  de  Jésus- 
Clirist  a  toujours  été  incorruplible  ;  que 
soutenir  le  contraire  c'éiait  admeltrc  une 
distinction  enlre  Jésus-Christ  et  le  Verbe, 
par  conséquent  supposer  deux  natures  en 
Jésus-(;hrist,  dogme  qu'Kutychès  avait  at- 
taqué de  toutes  ses  forces.  —  Les  pai  lis.ins 
de  Sévère  furent  nommés  corruplieolrs,  ou 
adorateurs  du  corruptible  ;  ceux  de  Julien 
furent  appelés  incorruptibles  ou  phnnlusins- 
tcs.  Dans  cette  dispute,  qui  partageait  la 
ville  d'Alexandrie,  le  clergé  el  les  puissan- 
ces séculières  favorisAienl  le  premier  parti, 
les  moines  et  le  peuple  tenaient  pour  le 
second. 

COSME  (saint).  Les  chanoines  réguliers  de 
Sainl-Cositie-lès-ToiTrs  qoiitèrent,  à  ce  qu'on 
dit,  la  règle  trop  austère  de  saint  Denuit  , 
pour  embrasser  celle  de  saint  Au^justin  ;  on 
ue  sait  pas  en  quel  temps. 

COSJIOGONIE.   Voij.  Monde. 

*  COSMOGONIE  ,  forinaiiii)r>J,  arrangement  du 
gInliB.  —  La  CDsmosonie  niosni'iue  qui  nnus  expose 
In  ciéatioii  du  ni()n<ie  en  six  jowrs,  a  été  l'objet  de 
violenli-s  alliques.  Ou  l'a  préieudue  al)>olmiienl  in- 
c  iiicilialile  avec  le-,  donnée»  aitnellss  de  la  science 
gcol  i|,'i(|iie.  Mgr  Wisemau  démontre  qu'il  y  a  accord 
piulaii  cnire  les  découvertes  géologiques  et  la  nar- 
ration lie  .Moïse. 

«  Le  dorlenr  Saiwner,  dilil,  érnunère  ainsi  en  peu 
de  mois  les  questions  sur  lesiiHclles  peuvent  être 
(liseuiés  les  rapports  entre  l'une  el  l'auire  :  Le  récit 
de  la  Genèse  peut  être  brihemenl  résumé  dim.i  cet 
trois  nrlictes  :  premièrement,  que  Dieu  créa  originai- 
rement ivules  choses  ;  secotulement,  qu'a  l'époque  de 
tu  formation  du  fjluùe  qne  nous  Initiions,  rensenihle  de 
ces  miilériiuix  élmt  dans  vn  é'.al  de  chaos  el  de  confu- 
sion ;  el  trois  èmemenl,  qu'à  une  p^rio<ic  qui  ne  remonte 
pas  (lit  delà  de  .S, (Mit)  ans  (."i,4lMt),  soit  que  l'on  adopte 
la  cliionolof/ie  de  l'Iiébrea  ea  des  Seplimle,  ce  qui  im- 
porte peu,  lintic  la  terre  subit  nne  çfraiide  catiistrophe, 
dans  laqui'lle  elle  fut  complètement  inondée  par  l'ac- 
tion ttnmédiate  de  In  Diviiulé  (a). 

t  yiielipies  éerivains  oni  leiiié  de  lire  les  Jours  de 
la  créaliiui  dans  les  ap|iareuces  actuelles  rte  Tiini- 
vers,  ei  rte  tracer  nne  tifslofre  de  chaque  proiluc- 
lion  sufcessive,  depuis  celle  de  la  lumière  jusqu'à 
cite  de  l'iioiuiiie,  d'après  les  monuments  que  nous 
odVe  la  face  du  globe.  Tout  cela,  bien  que  louable 
dans  son  (>l»jel,  n'est  cerlacuemenl  pas  satisfaisant 
dins  ses  résultais.  La  première  partie  do  ma  lâche 
sera  donc  plutôt  négative  que  positive.  J'essaierai  de 
vous  faire  voir  que  les  éloimantes  décoiiveiles  de  la 
science  moderne  ne  contredisent  en  rien  le  récit 
de  M>y!se,  et  ne  sont  aucimcmenl  en  désaccord  avec 
lui. 

<  Kn  premier  lieu ,  le  géologue  moderna  doit 
reconuaiire  et  reconnaît  volontiers  l'exactitude  de 
celle  assertion  :  qu'après  que  tuules  choses  eurent 
Clé  lail'os,   la  terre  doit  avoir  ëlé  dans   un  état   da 


rc   de         (fl)  g<;coidsû/"cn'a/io»,  vol.  Il,  p.  34t, 


ua 


cos 


cos 


nu 


rfinTiision  et  de  cha05  ;  en  rt'flnlres  termes,  que  les 
élémenls,  iloiil  la  coinliiiiaison  devait  mIus  lard  for- 
mer riirriiiRenii'iil  :ictiiel  du  glc.li^.  doivent  avoir  été 
totale  niMil  hoiilfveisés  et  iirohilileinciii  d.iiis  un 
éiii  lie  liJlle  fi  de  condii.  Quelle  a  é'é  la  durée  de 
celle  aiiarihie?  ipiels  traits  pTiicali'rs  olTrait  elle? 
Kiail-oe  iin  désordre  coniiiiu  et  sans  :no  liliralioiis, 
ou  liieii  ce  désordre  éiail  il  inierronipu  par  dfs  iii- 
l»;rva'les  île  paix  et  di^  repos,  d'i'xisii-iice  vc;éti:le  et 
animale?  L'E  rilore  Ta  oaclié  à  nute  coimai-isanee  ; 
mais  eu  iiièini!  leinps  elle  n'a  rieii  dit  p  uir  découra- 
ger l'iiivi-siigaiioii  q  li  pourrait  nous  conduire  à  ipiel- 
qi\e  liypoiliése  spéciah^  sur  ces  ipiestiouR.  Ei  iiiè  ne 
il  senililer.ijt  que  celle  période  indéliiiie  a  été  inen- 
tinniiéi!  à  dessein,  p  nir  laisser  larrière  à  1 1  médita- 
tion et  à  t'iiiiagiiiatio  i  di-  riioinme.  Les  paroles  du 
texte  n'e\|iriiiii'nt  pas  sinipU-niiMit  ime  pause  iiio- 
«nemanée  entre  le  pp-niier  (iat  de  la  créilion  et  la 
firodui  lion  de  li  Inniière;  c.ir  la  forme  graniniali- 
cale  du  verlie,  le  participe,  par  lequel  l'esprit  de 
D  eu,  l'énergie  créiirice,  e^l  repié*eii'é  convuil  l'a- 
J)iin>",  et  lui  coiiimiiiiic|uant  la  vertu  piolucli  ire,  ex- 
prime n  ilurelleiiii'iii  une  action  cnniiiiue.  luilleiiieut 
une  aiiion  p  issagère.  L'ordie  iiiêine  oliservé  dan-i  la 
création  des  six  jours,  qui  se  rapj.one  à  la  ilisposi- 
tlon  prcsenle  des  choses,  seinhie  indiqiier  que  la 
pitissance  divine  aiinail  à  se  inamle^ler  par  des  dé- 
velopiieiiieiits  graduels,  s'clevaiil,  pour  aitisi  dire, 
par  une  éclielle  mesurée  de  l'inanimé  à  l'oriianisj, 
de  l'inseiisiltle  à  rinsiiiictif ,  et  de  rirrationnel  à 
rhoiniiie.  Et  quelle  répugnance  y  a-t-il  à  siipooser 
que,  depuis  la  pieinicre  créalion  de  l'einbiyon  gros- 
sier de  ce  monde  si  Iteaii,  jusqu'au  monieiii  uù  il  fut 
revéui  de  tons  ses  ornements  et  piopoitionné  aux 
hcs  lins  el  aux  haliiludes  de  l'homme,  la  Providence 
ail  aussi  voulu  conserver  nue  marche  el  une  gradation 
semblables,  de  mancr-  h  ce  que  la  vie  avançât  |iro- 
gre^Sl\emellt  vers  la  perleciion,  el  dans  sa  puis- 
sance iiiléricnre,  el  d ms  S'^s  inslruineiils  exiéi  leurs? 
Si  les  apparences  déiMuveries  parla  gédogie  ve- 
naient à  inanilesler  I  exisience  de  que  que  plan  sem- 
blable, qui  os. Tait  diie  qu'il  ne  s'accorde  pas,  par  la 
pius  étioite  au.iloi»ie,  avec  les  vijies  de  Dieu  dans 
l'ordre  physique  et  moral  de  ce  inonde?  Ou  qui 
osera  afliriuer  que  ce  |ilan  conlredil  la  parole  sa- 
crée ,  lorsqu'elle  noiiN  laisse  dans  une  cnmpléle 
«hscnriid  sur  cette  période  indéllnie  dans  I  iquelle 
l'œuvre  ilii  dévcloppemeiA  graduel  est  plaiée  ?  J'ai  dit 
que  l'Ecriture  nous  laiase  sur  ce  poinl  ilans  t'obscii- 
ifilé,  à  moins  louiefois  que  mins  ne  supposions,  avec 
un  persnuna<.'e  ipii  occupe  mainteiiani  nue  liaiile  po- 
sition dans  l'fcgli-,8,  qu'il  est  lait  allusion  à  <es  révo- 
liitioiis  piimitues,  à  ces  deslruclioiis  el  à  ces  repro- 
ductions ilatisie  premier  chapilie  de  rEcclésiaste(o), 
OU  qu'avec  d'aiiires,  lions  ne  pr.nioiis  dans  leur  sens 
le  plus  liiicral  les  pasNsgLS  uù  il  est  dit  que  des 
moiittet  ont  été  créés  (*). 

<  Il  est  vraiment  singulier  que  inities  les  anciennes 
cosmogoiiies  conspirenl  h  nous  suggérer  la  même 
idée,  et  con~crveiii  la  irailillon  d'une  .--éiiu  priuiiiive 
(le  révélations  successives  |iar  l.'sipielles  1  •  monde 
fut  détruit  ei  renouvelé.  Les  insliiutes  de  Metioii, 
l'ouvragi:  indien  qui  s'accorde  le  plus  étroiten  eut 
a\ee  le  récit  de  l'Ecriiirc  touclianl  la  créilion,  nous 
di-ent  :  Il  y  a  des  ciéaiions  ci  des  deslniciioiu  de 
mondis  initumbriibles  :  l'Elre  tiiprcine  (ml  tout  cela 
mec  autant  de  (nciliié  que  «i  c'était  un  jeu  ;  il  crée,  et 
il  crée  encore  iiKléjinhneiil  pour  téiiandre  le  bon- 
heur {c).  Les  Un-  naiis  ont  îles  Irad  lions  sem- 
ldal)les;el  l'on  peut  voT.daiis  l'inlcressaiil  ouvmge 
du   S.ingernianu,  traduit  par   mon   ami   le  docteur 


(a)  Wi-errhe  sulla  qeologla.  novcrcio,  18St,  p.  63. 

{!•)  Iléhr.  I,  2.  —  lie  iiieine,  un  Hei  titres  de  Dieu  dios 
le  Knraii  est  :  le  Sei  ineiir  des  monilrs,  Mira  I . 

(c)  Instuwes  of  liindu  law.  LouJ.  182o,  ch.  1  ,  n.  80, 
p.  15,  coiiip.  II.  si,  74,  etc. 


Tandy,  une  esquisse  de  leurs  diverses  destruciions 
du  monde  par  le  feu  et  l'eau  (a).  Les  Egyptiens  aussi 
aviieiii  ron-acré  nue  ivareille  opinion  parleur  grand 
cycle  ou  période  Soihiqne 

t  Mais  il  est  beaucoup  plus  important,  je  pense  , 
et  plus  intéressant  d'observer  que  les  premiers  Pères 
de  l'Eglise  chréiienne  paraissent  avoir  eu  des  vues 
exaciemeni  seinbUhles  ;  car  saint  Grégoire  de  Na- 
zianze,  aorès  samt  Justin,  martyr,  siip(iose  une  pé- 
riode indélinie  entre  la  créaii  .n  ei  le  premier  arran- 
gement régulier  de  toutes  cli  'Ses  (!»).  Saint  Bisile, 
saint  Césaire  et  Origène  sont  encore  plus  explicites; 
car  ils  expliquent  la  création  de  la  lumière  anté- 
rieure à  celle  du  soleil,  en  siipiiosant  que  ce  liiini- 
iiaire  avait  déjà  exi?té  anpar avant ,  mais  que  ses 
rayons  ne  poii',  aient  pénétrer  jusipi'i  la  lerre ,  à 
c  luse  de  la  densi  é  d«'  raimosphère  peu  laiit  le  chaos, 
et  que  celle  atmosphère  fit  as-ez  raréliée  h  iireiiiier 
jour  pour  laisser  passer  des  rayons  du  soleil  S!.ns 
qu'on  pût  néannioins  distinguer  eiicoie  son  disque, 
qui  ne  lut  coniiilélemenl  dév  ùlé  ipie  le  troisième 
jour  (c).  Itoiibée  adopte  celle  hy()olhèse  comme  par- 
lai eiiienl  cnnfornie  à  la  Uié  Tie  du  feu  central ,  et 
par  cniiséquenl  a  la  dissolution  dans  l'atuiosiihère  de 
su;)Slanres  qui  se  soni  précipitées  gr;idiielleineut,  à 
mesure  qu^  le  milieu  d  ssolvant  se  relioidissait  (d). 
Certes  si  le  docteur  Croly  s'indigne  si  fort  contre 
quel. pies  géolo^'nes  parce  qu'ils  considèrent  les  jours 
de  la  créiticui  couiine  îles  périodes  indélinies,  bien 
que  le  mot  employé  signilie,  selon  sou  étymologie  , 
le  temps  qui  s'écoule  entre  deux  couchers  de  soleil, 
que  dirait-il  donc  d'Origéiie  qui,  dans  le  passage  dont 
j'ai  pirlé,  s'écrie  :  Quel  homme  de  sens  peut  penser 
qu'il  II  eût  un  premier,  un  second  et  un  troisième  jour 
sans  soleil,  ni  lune,  ni  étoiles?  Assurément  le  temps 
entre  deux  cniichers  de  soleil  serait  une  grande 
anomalie  s'il  n'y  ^aii  pas  de  soleil. 

(  Eu  faisant  ces  letnarques,  je  ne  suis  poinl  guidé 
par  une  picililectmn  personnelle  pour  aucun  systè- 
me. Je  ne  prélenils  inillemenl  au  lilre  de  géologue  : 
j'ai  étudié  cet:e  science  plutôt  dans  son  histoire  que 
dans  ses  principes  pratiques  ,  plnloi  pour  surve, lier 
sa  iioriée  sur  des  techerchcs  toutes  religieuses  que 
dans  aucun  espoir  de  l'ap.diquer  persotinellemenl.  Je 
vais  maintenant  vous  exposer  une  autre  méthode  par 
laquclled'liahile-gi'ologiii-s  peo  eut  qu'ils  prouvent  l'é- 
cbitanle  haiiiKHiiede  celle  science  avec  l'Ecrilure.Je 
ne  prétends  tias,  ce  serait  présomption  à  moi  de  le 
prétendre,  juger  entre  les  deux,  ou  prononcer  sur 
les  ralMins  que  cliaciiii  pe  il  produire.  Mais  je  lieus  à 
faire  voir  que  sans  louclieri  la  fni,  l'espace  ne  man- 
que pas  pour  tout  ce  que  la  géologie  moderne  pense 
avoir  le 'iroil-de  demander.  Juliens  à  montrer  (et 
les  granile-  lUtoriiés  que  je  viens  de  citer  nie  ras- 
siirenl  pail'a  temctii  sur  ce  point)  que  mut  ce  qui  a 
été  réclamé,  de  naitdé  par  celte  science,  a  éié  ac- 
cordé aunefois  par  ces  homnies  ipii  Imenl  l'oriie- 
ineiil  et  II  lumière  du  christianisme  primiiir,  et  qui, 
a  surémeiil,  n'auraient  pas  sacnlic  une  lettre  de  l'E- 
cr.tiiie. 

€  M  lis  vous  me  demanderez  :  Qu'est-ce  qui  rend 
nécesNaire  ou  iiil  c  Oe  su|>pll^er  aiiijt  quid  pie  péiiode 
iniermcdtaire  entre  l'acte  de  la  création  et  i'arian- 
gemcnt  des  choses  crééiîs  telles  qu'elles  existent 
niainlenanl  ?  D'après  mon  plan,  je  dois  vous  expli- 
quer ce  poinl,  ei  je  vais  essayer  de  le  faire  .ivi'O 
toute  la  bncvcic  it  la  stnip.iciié   possibles.  Depuis 

(a)  À  description  of  llie  Burmese  empire,  imprimé  pour 
h  tbiidaiiua  àvi  Iraductious  urieuules  ,  U  i\umu  ,  1633, 
p.  2J. 

(d)  Ora'.  2,  t.  I,  p.  El,  edit.  Bened. 

(e)  S.  llasil.  Ilexuiner  H  m.  8.  Taris,  161S,p.  85; 
S.  r.œsariii.,  Diiil.  I,  Bililirnli.  l'air.  Galbiidi.  Ven.  1770, 
t.  V'I,  ['.  57;  Origen.  l^eiùirch.  hh.  iv,  c.  16;  t.  I,  p.  17*, 
edil.  Bened 

(U)  Géologie  élémentaire  à  la  portée  de  tout  le  monde; 
Paris,  1853,  p.  37 


il4S 


COS 


COS 


lus 


peu  ù  années  un  élément  nouveau  et  fort  important 
a  été  intriMliiil  dans  l'observalidn  Réol'igiinie ,  je 
vc'ii\  liJrK  la  ilé('oiivi;rle  et  la  coiiii  aniismi  <les  dé- 
tins ti>s>i'e$.  Tuiis  iiii's  aii(liiei4.$  savent  iléjà  sans 
(Idiii''  i|ue  il'iiis  p  n^iellrs  pirlies  ilii  niniiile  i>ii  a 
trouvé  lies  o$~eiiicnls  énuniies  (|iie  l'iin  avait  coutume 
d'aliiiliiier  à  lVlé|ili;int,  ou  iikiuiiiiiiiiIIi,  cnuiuie  ou 
(lisait  d'après  un  mot  siiiénen  i|u  désigne  un  animal 
siintiTr.iiii  r.il'iileuv.  (!uli«  ces  restea  ei  d'autres  sem- 
blables, di;  vasies  acciiniiilaliiini  de  C0'|iiill:iges  et  des 
empreintes  de  poissons  dans  la  pierre,  cmiiue  à 
Abni'é  liidc.a,  (uil  olé  décoiiveries  dans  tous  les  lenips 
et  dans  lous  les  pii^s.  (tn  éiiit  d.ins  ru^aj;o  de  rai>- 
porier  tout  <  ela  nu  ilélnge  et  d'y  voir  une  preuve  que 
les  eaux  avaniit  couvert  le  globe  entier  et  détruit 
toute  vie  terrestre,  en  inéuie  temps  (|u'elles  av lient 
déposé  les  pnidueliuns  marines  sur  les  cnjuiuents. 
Mais  pentclie  me  croirei-vims  à  peine,  si  je  vous 
dis  que  pendant  plusieurs  années  la  plus  vive  con- 
troverse fui  agi  ée  d;'us  ce  pays-ci  (en  Italie)  sur  la 
question  de  savoir  si  ces  coquillages  étaient  des  co- 
quilliiges  réels  et  avaient  autreb)is  renleriné  un  nui- 
mal,  on  bien  si  ce  n'étaient  (|ue  des  pr^duciions  na- 
turelles, formées  par  ce  qu'un  appelait  une  puissance 
plasiique  de  la  nainrc,  nuilaiit  les  finines  réelles. 
Agricola,  suivi  par  le  judicieux  Auilréa  Maliieli,  af- 
lirnia  qu'ime  ceiliiiie  niaticie  giasse,  mise  en  fer- 
nienlaliou  pir  la  clialenr,  prndnisaii  ces  binnes  fos- 
siles (a).  Mercaii,  en  là7t,  souiint  obstinément  que 
lescMininages  fossiles  lecneil  i-.  nu  Vatican  par  Sixle- 
Qiiinl,  élaieni  tout  siinpb'iueni  ib's  pierres  ipii  avaient 
reçu  leur  couliguiation  il<;  l'inlluence  des  corps  cé- 
lestes (6);  elle  célôlire  nié  lecin  Fallope  assurait 
que  ces  coiiiiillagei  éuiieiit  formée  partout  uU  on  tei 
trouvait,  par  le  ineuveinent  lumutlueux  des  exltutaisons 
terrestres.  Kl  même  ce  savaiii  auteur  était  si  op,  osé 
à  touie  idée  de  dépôts,  qu'il  soutenait  liardiuieiil 
que  les  fragments  de  poterie  qui  forment  le  singu- 
lier nioniiciile  connu  de  vous  mus  sous  le  nom  de 
monte  TesUicco,  éiaicni  des  prndiii  tioiis  iialiirelles, 
jeux  de  la  iialure  conirefa  saiil  lei  ouvrages  de 
l'Iiiiinme  (<•).  Tels  étaient  les  embarras  auxquels  ces 
hiiiniues  zélés  et  lialiilen  be  trouvaient  rendis  pnur 
exiiliqiier  les  plié  lomènes  qu'ils  avaient  observés. 

€  A  mesure  que  l'^iii  observa  avec  plus  de  soin  et 
iralleiition  l'or<lre  et  les  eouilies  dans  lesquelles  tui 
trouvait  ces  restes  d'animaux,  ou  s'aperçut  qu'il 
existait  lia  ceria  ii  rap.urt  entre  ces  deux  clii/ses. 
On  reiiiari|iia  encore  que  plusieuis  de  ces  restes 
étaient  ensevelis  dans  des  situitiiins  ou  l'action  du 
déluge,  SI  violeiile  et  si  étendue  qu'un  la  suppose,  ne 
saillait  avoir  pénétré.  Ct  nous  devons  suiipnser que 
Celle  action  s'est  exercée  à  la  surface  de  la  terre 
CI  a  laissé  sur  son  passage  des  signes  de  periiirba- 
lioii  et  de  desirucii  111,  land  s  qne  ces  restes  d'aiii- 
III 'UX  ont  été  trouvés  au- 'essniis  des  slratilica- 
lions  qui  fornieni  l'écorce  exléiienie  de  la  leire  ;  et 
CCS  conciles  lepnseni  sur  eii\  a\ec  inu,  les  symptô- 
mes (l'un  dépui  giaduel  et  iranqnille.  hn^iiile',  si 
îioiis  rapproelious  ces  d.  iix  obM-rvalions  ruiie  de 
l'aune,  en  supposant  que  le  loiit  ait  é  é  ilé.iose  par 
le  ilélu:e,  nous  devrons  iinus  ailenilre  a  trnuver  ces 
déiii'is  fuAsilc^  dans  une  confusion  complète,  tan- 
dis q  l'aii  contraire  nous  décuavniiis  que  la  cjuclie 

(n)  «  Agrleola  sognava  m  Gennann  cbe  aica  ronmzione 
di  ivie^ti  OUI  pi  lusse  cmcois^i  iiua  so  qiul  niiiena  pin^ne, 
Iiiessi  lu  leriiienlo  liai  euliire.  Aiiiliea  Mali.t  a  uJnllii  iii 
llaii.i  i  ineiliM.ni  |ire^iiidi/|.  »  Uiioccm  ,  Cunclim.ojia  fos- 
sUe  siib.ipeiiiii'iu  t.  1,  Miun.  isu,  p.  v. 

{b\  «  l'-î^i  iiii?},aelie  lecdiieliiglie  lapiJe  lalip  sieno  vere 
conulii^'lie,  e  Jopu  un  lun^liissiiiio  iliscnrao  sullj  lin  eria 
e  siilla  lonna  Siisi.iiiziale  cuucliiU'Ie  cbe  shud  pieire  in 
coial  yuisa  cnniigurale  dall'  luDueuïa  dei  toipi  celesli.  » 
{Ibiri.,  p.  vin  ) 

(c)  «  Coucepisce  più  facilnannle  cbe  le  chiocciole  iinpie- 
trile  siaiio  siale  geuei aie  siil  luogo  dalla  fermeulaïione, 
0  pure  the  abbiauo  aequistata  (piella  lurnia  mediaute  il 
moviuieuio  veriicoso  délie  esalaziom  terre^lri.  «  >•.  vi. 


.a  plus  basse,  par  exemple,  présente  une  classe  par- 
ticulière de  fossiles;  puis  les  eouebes  qui  sont  su- 
perposées contiennent  égalenient  des  classes  tout  à 
lait  iiiiirormes  de  fossiles,  <|U(>ii|iie  dans  plusieurs 
cas  ces  fossiles  diflereni  de  ceux  des  dépôis  infé- 
rieiiis,  et  ainsi  jusqu'à  sa  surface.  Celte  symétrie  dé 
déposition  pour  cbaqiie  coucbe,  tandis  qu'elle  dilTére 
des  précédentes  ,  suppose  une  succession  d'ac- 
lioiis  exeriée  sur  des  matériaux  divers,  et  point  du 
tout  une  catastrophe  convulsive  et  violente.  Mais 
ce^te  conclusion  parait  mise  li'irs  de  dou>e  par  une 
découverte  eue  >re  plus  inattendue,  tandis  que  dans 
les  terrains  meubles  et  partout  où  le  déluge  est  sup- 
posé avoir  laissé  des  traces,  nous  irouvons  les  osse- 
iiienis  d'aiiiniaux  apparienaiil  à  des  genres  qui 
existent  actuelleiiient  ;  parmi  les  fossiles  ensevelis  à 
de  pins  grandes  proloiideurs  rien  de  semblable  ne 
se  découvre.  Au  contraire,  leurs  s  jueleites  nous  re- 
présentent des  iiioiistres  qui,  considérés  dans  leurs 
dimensious  et  dans  leurs  formes,  n'ont  pas  même 
d'analogue  parmi  les  espèces  actuellement  existantes, 
et  paraissent  avoir  été  incompatibles  avec  la  coexis- 
tence de  la  raee  bumaine. 

«  Celte  dernière  coiisidéralion  inéiitc  quelques  ex- 
plicitions, parce  qu'elle  préparera  ceux  qui  n'ont 
pis  étudié  cette  scienc'  à  ciiiipreinlre  ces  découver- 
tes récentes.  Des  personnes  s'étonneront  peut-être 
"lu'à  rinspeciioii  de  quel. pies  os  brisés,  ou  puisse 
former  un  jugement  sur  les  animaux  auxquels  ils  ap- 
parteiiaieni.  11  y  a  quelques  années  ce  probléiue 
ii'aurait-il  pas  paru  absurde?  reconstruire  un  animal 
d'après  nu  de  ses  os  !  tA  cependant,  nous  poiivnns 
le  dire  avec  vérité,  il  a  été  résolu  de  la  manière  la 
plus  complète.  H  n'est  peut-être  pas  nécessaire  d'ob- 
s' Tver  que  1  individualité  de  cliaque  espèce  d'animaux 
est  si  parlaiie,  que  chaque  os.  presque  cliaipie  dent, 
est  sulfisamment  caracienslique  pour  déterminer  ses 
f'riues.  L'étude  approfondie  de  ces  variétés  et  les 
résultais  analogues  auxquels  elle  coudiiii  loujours, 
furent  la  base  sur  laquelle  Cuvier  posa  le  nierveil- 
leuv  édiliee  de  celle  nouvelle  science.  Les  babimdes 
ou  les  caractères  des  animaux,  co.nine  j'ai  déjà  eu 
occasion  de  le  remarquer,  impriment  leurs  paiiicula- 
rilés  sur  chaque  poriiuu  de  leurs  formes.  L'animal 
Carnivore  ii'esi  pas  tel  seulement  dans  ses  grilles  ou 
dans  ses  serres  ;  chaque  muscle  don  être  propor- 
tionné à  la  force  et  à  l'agilité  qu'exige  sa  manière 
de  vivre,  et  chaque  muscle  creuse  une  cavité  cur- 
respondaiite  dans  l'os  qu'il  embrasse  ou  sons  lequel 
il  passe.  Kien  n'est  plus  curieix  que  les  analogies 
coiivaiiieantes  quoique  inailendiies,  par  lesquelles 
Cuvier  conliriiie  sa  théorie  ;  car  il  inuiiire  un  rap- 
port coiisianl  et  toujours  jirop  irtioniié entre  des  par- 
ties qui  ir:  semblent  avoir  aucune  cuniiexite,  telles 
que  les  pieds  et  les  dents. 

f  Ce|:cud.iiit,  lorsqu'il  commença  à  appliquer  ses 
principes  d'aiiaiomie  cmiiparée  aux  déuris  d'usse- 
iiienis  extiails  d's  carrières  du  M  nitin  n  tre,  il  dé- 
couvrit bieniôl  qu'un  ne  piiuvail  les  rappiiterà  au- 
cune espèce  aciuelleineiil  CMSiaiite  sur  le  glube. 
Mais  les  principes  scienilliq  ps  qui  le  guidaient 
éiaieiu  SI  cei  lains,  qu'il  reparut  lacilemeiil  ces  os- 
semeiiis  eiiire  dillérenis  animaux  suivani  leurs  di- 
iiiensiims  et  leurs  structures  diverses  ;  et  il  prononça 
q  l'ils  leprésentaieut  des  aiiiinaiix  delacl'Sse  des 
pucliijilennes,  ou  à  peiu  épaisse,  et  Irès-étroiienieiit 
al  lés  au  tapir.  Il  distii.gua  deux  genres,  découvrit 
iiiéiiie  plusieurs  siibiliviaious,  et  leur  donna  des  iionis 
appropriés.  Il  doiiii  1  aux  deux  genres  les  umis  de 
p.itœotli'rium  ou  ancien  animal,  ei  unoploilieriuin  ou 
désarmé,  parce  que  l'uu  était  disliiigiié  de  l'aiiire 
par  le  manque  de  défenses.  Ces  ré-uliiis  ne  doivent 
pas  néanuioiiis  èlre  considérés  coiiiiue  de  pures  con- 
jectures; car,  loisqu'oii  a  eu  le  bonheur,  après  qu'il 
eutcoiislruit,  à  l'aide  desemblables  amlugies,  le  sque- 
lette d'un  animal,  de  découvrir  un  squelette  entier 
ou  une  partie  que  l'on  ne  possédait  pas  eucore,  ou  a 


tU7 


cos 


cos 


1148 


trouvé  qu'il  avait  e>.  consiammenl  ia|soM  anns  ses 
suui>o«ilioiis,  ei  ii;  ne  pense  \i'^  qi'c  «'^"s  ""  sem 
cas  OM  au  eu  besoin  de  n.odilier  sa  reconslrue.im. 

"^^D'r!^,ÏÏ«es  occasions,  .es  naU.nli.^so,aéré 
â  -,  ^...-   i(P(^niivr  r    a  deuoii    e  (te  ces 

Son  .res  dans  un  é.a.  assez.con.ple.  i;- J  «penser 
du   laborieux   procédé  que   je  viens   de  vous  exp- 
q,  er.  L'Kspagne,  par  exemple,  a  ete  de  bonne  , en  e 
en   possess^^^on   dnn   s,|ueieUe   p-esqne   complet 
meqatherhim,  conm.e  on  l'appclle  main  enanl ,  il  lut 
envoyé  de  Buénos-Ayres,  en  178  ),  par   e  jnarqu.s  de 
Lorelo,  el  dép..sé  dans  le  cabinet  de   Madnd  ;   Juan 
Daulisia  lîru   publia    des  planclies  401  le  leprusen- 
laienl.    D'autres  iragments,    et   même   une  portion 
considérable   des  ossnneiits  du   même  animal,    ont 
été  apportés  en    Angleierre  par   M.  l'ansli,  el  pie- 
senlés  par  lui  au  cMlége  royal  de  chirurgie;  par 
Lonbeur   ils  se.  vent  en  grande  partie  a  remplir  les 
vides  du  spécimen  de  Madrid  (b).  N.ms  avmis  ainsi 
un  animal  avec  la  tète  et   les  ep mie,  du  paresseux, 
et   cepend.int  avee  des  membres   et  des  pieds  qui 
tiennent   le  milieu  entre  eux  de  1  ainia.lille  et   du 
fourmilier.  Mais  en  même  temps  il  doit  ^voir  égale 
les  élépb:ints  de  la  plus  liante   taille,   car  il    avait 
13  pied~  de  long  el  9  de  baul.  ,.     •        „ 

«  Plus  étranges  encore  sont  les  classes  d  animaux 
alliées  aux  sauriens  ou  lézards;  les  énormes  dimen- 
sions et  les  formes   presque  cliimeriques  de  quel- 
ques-uns d'entre  eux   seraient   à  peine  conçues   pir 
l'imagination.  Le  ineg-i/osniinis,  comme  1  a  ju>teiiKml 
nommé   le   docteur   Uuckland,    avait   au   moins   o\l 
pieds  de  long,  et  même  à  en  juger  d  après  le  spé- 
cimen trouvé  dans  la  torèt  de  Tilgaie,  dans   e   bus- 
sex,  il  païaîl,  tome  réduction  l'aile    avoir  atteint   la 
longueur  cinayanto  d.  00  ou  70  pieds  (c).  L  tchlliyo- 
smliis  on  lézard-poisson,  quand  il   lui  découvert  en 
parlie,  pié->eniaii  de  si  élranges  anomalies,  que  l  on 
piinvail   à   peine  supposer  ip.e  ses  membres  appar- 
lius-entan    méuie  auim.il.    Ce    ne  lut  nu  après  des 
déc<mverles  léi.élées  qie  llonybeare  cl  île   la  Ueclie 
piodui>iient  un  animal  avec  la  lêie  d  un  lézard,    e 
corps  d'un  poissmi  et  quatre   migeoiies   au  lieu   île 
pattes.    La  l.ille  de  quelques  uns  de  ces    nionsties 
doit   avoir  été  énoi me,  comme   les   specimei.s  du 
niuscum  britannique  peuvent  le  prouver  aux  oliser- 
valeurs.    t'Ius   fintasinpie    encore   e^l   la   lorine  itii 
nicsioviM.-w»,  ou,  comme   unie   nummc   mamienanl 
avec  (dus  d'exactitude,  enuliosciurus,  ou   lézard   ma- 
rin, qui,  aux  caiacleic.,  lemarqnés  d.ms  les  aulres  , 
ioinluncoii  plus  long  que  celui   d  aucun  cygne    a 
l'exiréuiiié  duquel  est  une  très-petite  tête  (d).  tnlin, 
pour  ne  pas  vous  arrêter  plus  longtemps  a  ces  expli- 
cations, on  a  découvert   un  autre  animal  bien  plus 
extraordinaire,  eij.;  pourrais  presque  due  fahuleux. 
Cuvier  lui  a  donné  le  nom  de  ph<roil:ictijle.  test  Un 
qui  le  piemier  détermina    les  caracterei,  de  cet  ani- 
mal d'i.piès   un  dcseiu  de  Collini  ;  il  eut  la   satis- 
faction de   voir   eiisuile  sa  décision  cmiurniee  par 
pluMems  spécimens.   Il  déclare  cet  animal  le  plus 
Cirange  de   l'ancien    monde;    car   il  avail  le  corps 
d'un  ^epiile  ou    lézard,   avec  des   pattes  exce-siye- 
ment  longues,  manifesiemeni  formées  comme  celles 


(ai  Fuuet  ses  principes  dans  VExlrail  d'un  ouvrage  sur 
Us  espccés  <lc  (inudrupédcs  doni  on  «  (roiu'i;  les  os  eiuenls 
((uns  l'iiilcric  r  de  la  terre,  p.  4;  dans  son  discours  pieli- 
iiii(,;iiie  i\rs  llcclierchcs  sur  les  ossements  (ossdes,  yo  .  1, 
Il  :i8  |i«l)iié  .iiis>i  si^parénienr.  foi/,  encore  le  vol.  111  . 
p.  DflMiiv.,  poor  les  procé.lés  suivis  dms  la  créatioo , 
coittine  il  du, de»  nouvciux  geuns. 

(*)  f  «i/cj  une  pbiiche  induiuiinl  les  parités  suppléées 
par  chaci.»  d«  cm  spécimens,  il..ns  les  Wolofjica/  rr"|is- 
«cluiJK,  iiouvettes  série»  ,  vol.  111,  18J3,  planche  \L1V, 
»\ec  Mlle  acsctlitUou'4àUillée  iur  M.  Clid,  p.  *3Î. 

{e)  liiiii.,vol.  1,  l»-B,  p.  î'JI. 

(d)  Voir  Gcological  Tramactiom,  vol.  ï,  pp.  13,  103. 


de  la  cbauve-souris,  pour  «léployer  une  membrane 
au  moyen  de  laquelle  il  pouvait  voler;  puis  un  long 
bec  armé  de  dents  aiguës;  et  il  doit  avoir  eié  cou- 
vert non  de  poils  ni  de  plunns,  ni:i  s  d  écailles  (a). 
«Ces  exemples,  entre  bien  d'autres,  peuvent 
suflire  pour  vous  faire  voir  que  les  .spèces  d'ani- 
maux nue  l'on  a  trouvées  ensevelies  d.ln^  la  luene 
calcaire  ou  dans  d'autres  roches,  n'ont  pas  de  types 
correspondants  dans  le  monde  actuel;  et  si  nous  les 
opi-.osons  aux  genres  ixistanls,  trouves  dans  les 
couches  plus  snperlicielles,  il  nous  landra  conclure 
nue  les  premiers  n'oiil  pis  éié  détruits  par  la  nien.e 
revoUuion  qui  enleva  les  derniers  de  la  surface  de 
la  terre,  à  l'excepliou  des  couples  conserves  par 
l'ordre  de  Dieu. 

,  Oneliines  naturalistes,  maigre  les  avantages  que 
nos  céolognes  oui  tirés  des  fossiles,  même  dans  la 
coniniraison  des  couches  ininéralogiqnes,   ont   per- 
siste à  les  exclure  de  la  géologie  coinnie  étrangers  a 
la  science  tb).  Mais  il   est  impossible  de   leriner  les 
v^iix  .à  la  nouvelle  lumière  que  ces  découvertes  ont 
icDaiidue  sur  sou  étude,  et,  par  conseqnei.l,  de  ne- 
cli-er  la  considéraiioii  des   rapports  que  la  se  ence 
ainsi  élargie  sontieiit  avec  les  récits  de  1  Ecriture  ; 
et   puis,   nuoi.iue   notre  conclusion   puisse   paruitre 
né'.tivè,  elle  est,  ce  me  semble,  d'une  haute   ini- 
port.nce  :  car  le   premier    pas   dans   la   connexion 
d'une   science    avec  la  révélation,    a|ires  quelle   a 
cassé  la  période  lumnllueuse  des  ihéories  inlornies 
^rco,  iradicloircs,  est    qne   ses  lé-nUais  ne  soient 
noint opposes  à  la  révélation  ;  et  ccst  la  dans  le  fait 
une  conlirm  -lion  positive.  Car,  aiuM  que    e  le  dé- 
.iioiilreiai  d'une  minière  plus  approfondie  dans  mon 
dern  er  discours,    la  manière  éclalaMlc  avec  laqmdle 
l'histoire  sacrée,  soumise  ii  lexameii  des  '"vesiiga- 
lions  les   plus  .liverses,  délie  tous  leurs  elîorls  de 
découvrir  en  elle  aucune  erreur,  lorme  ,  par  I  accu- 
mulation   d'exemples  variés ,    uhc  preuve  ^...s.tve 
extrêmeineiii  forte  de   leur    inatta,pi;.ble  véracilé 
lins'     dans    le, cas    présent,   si    l'tcrilure   .l'aval 
admis  aucun  intervalle  entre  la  création  et  loig.m- 
aiion  du   monde,  mais  qu'elle  eût   déclaré  que  ce- 
laient des  actes  siinulianés  ou   immédialemenl  coii- 
séculils,  nous  eussions    peui-êire  eié  embarrassés 
pour  co  icilier   ses  assertion»  avec   es  decouvcries 
modernes.   Mais,  au  lien  de  cela,  elle  lals^e  nu   11- 
rvdlé   indélerininé  enire  les  de.x,  cl  même  el  e 
nous  apprend  quil  y  eut  un  étal  de  conluMon  et  de 
Intie.  de   dévasialion    et    de   ténèbres;  elle    lions 
moiiire  la  mer  dépourvue  d'un  bassin  conven.ablee 
convranl  ainsi   tantôt  mie  partie  de    a  terre,  tantôt 
nue  antre  ;  dès  lors  nous  pouvons  dire  avec  voriié 
nue  le  géologue  lit  dan,  te   peu  de  ligqes  1  histoire 
de  la  terre,  telle  que  ses  uionumenls  lonl  établie  : 
une  '■éiie  de  déchirements,  d'élévaiions  et  de  dislo- 
cations ■  des  irrupiions  soudaines  d  un   élément  que 
rien  n'eiichainail,  en^evelissaiil  des  générations  suc. 
cessives  d'animaux  ainpliibies;  un  abaissement  subil 
des  e  aux     calme,  mais   inattendu,  cmbaumunl  dans 
leurs  divers    lits   des   myriades   d'hahilauls  aqu:,li- 
,ues  (c);  des  alternatives  de  le.re  el  de  mer,  ei  de 
•ics  d'e'iu  douce;   une  atmosphère   obscurcie    par 
d'énaisses  vapeurs  carboniques  q«t,   absorbées  gra- 
dnellen.eiil   par  les   eaux,   s'écLiircirenl  et   produi- 
sirent  les   ma^sessi   éiendues    des  loi  mations  cal- 
caires, jusqu'à  ce  qu'enlin  ai  rival  la  dernière  .évo- 
lution préparaioire  pour   notre  création.  Quand  la 


ln\  Ossements  fossUei,  vol.  IV,  p.  56;  vol.  V,  pa"-  •«. 
^"^^9;  d"  1"  Bôctie,  dansle»  Tramicims  géologiques, 

vorill!p-2l'?-  ..     , 

(l,\  Par  exemple.  le  docteur  Mac  CullucU.  dans  son 

ISO I,  vol.  1,  p.  45U. 

(r)  Voir  De  La  libelle ,  qui  a  Irès-bUn  lr»ité  re  pojnl 
dans  ses  Rescmchn  mto  llieoretxcaX  Geotogij.  Londou,  18,>4, 
chap.  XII,  p.  ■Hii. 


1149 


COS 


COS 


1150 


lerre  fui  siiffisaminenl  brisée  pour  celte  magnifique 
ilivtTsiié  (|ne  Dieu  voiilnil  lui  donner  ,  el  pour 
produire  ces  poinis  d'iirrol,  ces  liarnèrcs  que  lf"S 
desseins  prnviileiiliels  avaient  (lcsi;,'nées,  l'œuvre  de 
ruiiio  fut  suspeiuliip,  du  nutins  jusqu'au  jour  d'uu 
plus  grand  désiisiri;  ;  et  la  terre  demeura  d;ins  cet 
élat  d'inertie  léi(i;irf;iMue  dnnl  elle  fui  délivrée  par 
la  reproduelinn  de  la  lumière  ei  l'œuvre  subséciuente 
des  six  jours  de  la  créitioii. 

t  Mais  nous  pouvons  bien  dire,  je  pense,  que 
même  sur  ce  preojier  point  de  noire  invesiigaii'Ui 
géi>lo5;iqiie,  la  scienre  a  élé  plus  loin  que  je  n'ai 
indiipié.Car  nous  slunule^  en  lionne  voie,  ce  sciiîble, 
pour  découvrir  une  magnifique  siuipliriié  d'aclioii 
d:ins  les  causes  qui  ont  produit  la  fnrnie  présente  de 
la  (erre,  el,  en  même  lonips,  nue  an:iIogie  évidente 
avec  la  méiliode  progressive  inanifestéi;  d:\ns  l'ordre 
connu  des  oeuvres  de  Dieu  ;  d'où  il  résulte  une 
conlirma'.ion,  si  je  puis  employer  ce  mot,  de  tout  ce 
que  le  Seigneur  a  nianircîié  dans  sa  parole  sa- 
crée. 

«  Car  lorsque  j'ai  parlé  de  révolutions  successives, 
de  destiuciions  et  de  rei'roduclions,  je  n'.u  pas 
entendu  simplement  une  séné  de  cliaugrinenls  suus 
connt'xion ,  in;iis  l'action  conslante  d'une  cau-e 
linii|lie,  produisant  les  clfels  les  plus  variés  suivant 
des  lois  établies;  el,  je  puis  le  dire,  c'est  ce  que  ta 
géologie  mudeine  leiid  évidcmmenl  à  énblir.  J'iii 
préiédeminenl  toiicbé  eu  passant  le  sujet  de  la 
chaleur  centrale,  ou  l'exis  eiice  d'un  principe  de  cet 
ordre  (j  lUS  l'iiitcrieui  d:  l.i  Itrie,  soit  qu'il  provienne 
de  l'étal  primitit'  du  globe  ou  de  quelque  autre 
source,  peu  nous  impoile.  Cette  cbaleur  cenirale 
n'a  plus  assez  de  force  pour  elVet  tuer  des  révolutions 
dans  notre  globe  ;  sou  action  actuelle  peut  encore 
être  grande  par  rapport  ù  di^s  contrées  particu- 
lières, mais  elle  est  tiès-faibie  si  ou  la  compare  ù  ses 
elToits  piimilif  .  La  pUipait  d'entre  vous  oui  pu 
observer  des  effets  de  celle  puissance  d:in>  quelques 
seènei  volcanl(|iies.  Dans  ce  pays-ci,  desiles  ont  été 
foiini'cs  et  englouties  ensuite,  des  collines  oui  été 
soulevées,  les  concs  d<'s  montagnes  ont  été  brisés 
et  abaltus ,  la  mer  a  rompu  ses  limites,  cl  des 
cbiimps  lerlilcs  ont  été  i  liangés  en  des  lieux  de 
stérilité  el  de  dc-olalioii.  Supposez  cette  loice 
agissant  sur  une  éelielle  gig mtesipie,  non  plus  sur 
nii  district,  mais  sui'  le  inunde  entier,  (ai>ani  érup- 
tion laiitdl  d'uu  coié  el  laiiôt  d'un  autre  ;  d'ef- 
frayanles  couvuUioMS  doivent  en  avoir  lésullé,  les 
décbiicmeiits  ont  dû  être  bien  autrement  épouvau- 
lables,  et  des  montagnes  ont  pu  étie  soulevées  au 
lieu  des  collines,  semblables  au  inonle  Uosso  (pie 
riitna  lit  surgir  eu  lUGJ,  ei  la  mer  peut  avoir  envahi 
de  larges  tcriiiuircs  au  lieu  de  quelques  portions  do 
coies. 

c  Les  observations  des  géologues  sont  sojfisaiilês 
pour  déiiU'utrer  l'acion  de  quelque  foice  semblable 
à  celle  que  M  viens  île  décrire,  LvopoUI  de  Uiicli  a 
lirouvé  le  preuder  (iiie  les  innniagties,  au  lieu  d'être 
les  parties  les  ^liis  iiuniuables  et  les  plus  fermes  de 
la  strucliire  du  gi'«'e,  loin  d'avoir  existé  antérieure- 
ment aux  niaterkinx  plus  légers  qui  reposent  sur 
leurs  flancs,  les  oiH.  an  contraire,  periés  en  se  sou- 
levant par  raciion  d'une  force  souterraine.  M.  Elle 
de  Iteauinom  a  tellement  généralisé  celle  observa- 
tion, qu'on  peut  le  cofisidércr  comme  le  fondateur 
de  la  théorie.  Vous  en  eoioprendrez  facilement  une 
simple  déinnnsiratioii.  Si  les  différentes  coiiclics 
étendues  sur  le  flanc  d'une  montagne,  el  qui  sont 
nécessairement  le  résnllat  de  prpcipilalions  d'une 
solution  aqueuse,  au  lieu  de  icpnser  lioriznnlale- 
ment  comme  de  pareilles  préc  piiations  d.iivent  se 
faire,  el,  par  conséipieni,  coupant  les  côtés  de  la 
montagne  par  des  angles,  comme  dans  la  (ignre 
suivante  (A  étant  la  section  de  la  iiionlague,  et  ii 
représeniani  les  couches  euviroiinaiiies),  étaient,  au 


contraire,   redressées  parallèlement  à  ces  mômes 
côtés,  de  celle  manière  : 


il  (St  manilesle  que  la  nioutagnc  doit  avoir  été 
poussée  de  bas  en  haut  à  travers  les  couches  déjà 
déposées.  M.  de  lîeaitmoul,  eu  comparant  les  di- 
verses couches  ainsi  perforées  par  ehacpie  chaîne  de 
moulague^  avec  celles  qui  reposent  dans  une  siliia- 
lion  horizoïilale,  comme  si  elles  avaient  éié  dépo- 
sées après  l'élévatiiMi  de  lu  monlagne,  essaie  da 
déterminer,  dans  la  série  des  révolutions  primitives. 
Il  |iériode  où  chacune  de  ces  montagnes  l'ut  soule- 
vée ;  et  chacun  de  ces  sysfèiiics  de  monlagncs,  coinniâ 
il  les  apiM'lle,  produisit  ou  accompagna  i|uelque 
grande  catastrophe  qui  délruisil  dans  Tine  certaine 
étendue  l'ordre  de  cliosûs  existant  (a).  Ce  système 
des  géologues  français  a  élé  confirmé  et  adopté  par 
les  homnies  .le  la  science  dans  noire  pays.  Le  pro- 
fe.'Seur  Sedgwiik  et  M.  Muicliison,  en  parlant  des 
phénomènes  qu'on  peut  observer  dans  l'île  d'Araii, 
remarquent  qu'ils  semblent  prouver  que  les  giandes 
dislocaiions  des  couches  secondaires  ont  été  pro- 
dtiiles  par  le  soulèvemenl  du  iiranil  ;  cl  (pie,  (Jans 
ceiie  hypo'dièse,  les  [orccs  sou  evanles  doivent  ai'oir 
agi  quelque  temps  après  lu  dépoiilioH  el  lu  cunn  liaa- 
lion  du  nouveau  grès  rouge  (b).  Mais  de  la  Be/,'oe  est 
cl  iiremenl  de  rupiiiion  que  ces  sonlèveiufiils  suc- 
cessifs, indices  des  convulsions  (pii  oui  troublé  l'ac- 
tion ïraïKjiiille  des  dépôts  de  sédnuenl,  peuvent  ètra 
encore  sitnpliliés  eu  les  rappoii.uu  à  une  seule 
cause  i|iH  (^sl  la  force  d'une  gr.uii.l(i  chaleur  centrale, 
brisant  ii  diverses  époques  el  de  diverses  manières 
la  croûte  de  la  terre,  sdl  par  le  progrès  du  relroidis- 
semeol,  comme  il  le  suppose  (c),  suit  par  raelion  vol- 
canique, cuiunie  l'imagine  fauteur  de  celte  théorie. 

«  Or,  il  me  semble  que  celle  théorie,  par  sa  belle 
unité  de  cause  el  d'aciiod,  s'accorde  parfaitement 
avec  tout  te  que  nous  co-inaissons  des  méthodes 
cuiployé'.;»  par  h  divine  Providence,  ipii  éliblii  nue 
loi,  puis  lï  laisse  agir.  .\in:i  le  soulèvement  d'une 
clciîue  de  monlagnes  serait,  a  de-  époques  marquées, 
l'elfet  de  causes  consiaiiies  iSans  leur  lui,  (pinique 
irrcgulières  dans  leur  action  ,  de  même  que  le  re- 
nouvellement de  )a  g'M'niiioitioii  à  cliaijue  prinleinps 
est  la  conséipience  annuelle  de  S'a  même  action  de 
la  chaleur  sur  la  plante.  Mais  Celle  supposition 
parait,  en  cuire,  dans  la  pins  frappante  harmonie 
avec  les  déclarations  expresses,  ou  U;s  explications 
des  phénomènes  de  la  création  contenues  dans  les 
livres  saints.   Us  nous   appicunenl,  en  tJTcl,   que 

(a)  Revue  Française,  mai  1830.  Voyez  aussi  ses  eîMHmu 
nications  a  M.  delà  Bèclie,  dans  sou  31amict,\).  itil  et 
suiv.  —  Cjirlo  Gemmellaro  nous  »|i|ircnl  ipie  dans  uue 
assemblée  scienlitique  de  Sluttga;iJ,  co  lt.31,  il  lut  un 
mémoire  pro[i()san;  une  modili/aliou  de  la  théorie ,  et 
resirei,i,'naiit  l'élévulion  ries  cliaines  de  tiioiiiajjues  à  des 
esjaces  peu  éieii'Jus.  Keluziune  siU  di  lui  viaggio  a  Stutt- 
gart. Cjiaiiia,  p.  li,  18.55. 

ib)  Oeolog.  Truns.,  vol.  111,  p.  5i. 

(c)  Researcltes,  p.  59. 


1151 


COS 


COS 


1132 


potir  renfermer  l'océan  dans  son  lii,  les  montagnes 
s'élèvent  et  les  vallées  s'nhais  enl  dans  le  lieu  que  la 
Providence  leur  a  destiné  :  bien  les  <i  placées  comme 
une  barrière  que  les  eaux  ne  friincli,ronl  pas  ;  l'océan 
ne  retiendra  pas  couvrir  la  terre  (n).  Ailleurs  il  est 
|i:irlé  lie  la  lonii.ilHui  de-;  inniilagiii's  coiihiip  dis- 
liiiolH  de  Ct»lle  ili;  la  lerre  :  .4ivi;i(  que  les  montaqnes 
fassent  prnriuile<,  on  que  la  terre  fût  née  (b).  Un  aulre 
pa-sage  reinar(|U  il'le  .-einlilf  .lé  lire  i^raph  (|iienient 
les  ed'els  du  len  C'iilr.il  :  Li'  ('U  sera  allumé  dans  ma 
colère,  et  il  brûlera  jnsqa'au  fand  de  l'ai  t. ne  (de  ("en- 
fer); il  dévorera  la  terre  et  tous  sea  produits,  et  con- 
ttimera  les  fondements  des  monlaqnes  (c).  Oins  celle 
description,  coMune  d.uis  la  plninirl  de  celles  qui 
exallenl  la  gloiie  nu  |;i  pnissani.'e,  la  inunilireiice  ou 
la  sévérité  de  l'Klre  sni)rèine.  les  (ii;urcs  sont  Irés- 
pnibalileineiit  tirées  de  ses  œuvres  actuelles,  coiniiie 
l'évèiine  Ldwili  l'a  ainpleineiit  déinonlré. 

t  Mais  les  déciinver  es  des  péniognes  modernes 
ont  aussi,  comme  je  l'ai  di'jà  iinli  iné.  étalili  une 
série  progressive  dans  la  prndiiclinn  îles  dill'érentes 
races  d'animaux;  el  ce  résidiat  de  leur  science  est 
évideinnient  d'accord  avec  le  plan  in;inilesié  dans  la 
création  des  siii  jours.  Et  niêine  ce  r:ipprochen\ent 
eiilre  la  géologie  et  l'Rcriiure  a  sendjié  (cllen)ent 
frappant  à  pliiM'euis,  qu'ils  (uit  aliaiulonné  la  mé- 
thode de  conciliation  eiilre  les  livrer  saints  et  la 
science  moderne  que  je  viens  de  vous  cxiios^r,  el 
ils  ont  soutenu  c|ue  riiarinooie  entre  les  laiis  et 
l'histoire  inspirée  est  encore  liien  plus  i  arfaite  que 
je  ne  l'ai  allimié  jusqu'ici.  Si  vous  ii'adnieitez  pas 
leur  hypothèse,  vous  :uirez  du  moins  oicasion  de 
voir  que  la  géologie  étrangère  ne  clieiclie  nulle- 
ment à  détruire  ou  h  contester  la  narration  de 
Moïse. 

t  Le  docteur  Bukiand  observe  avec  vérité  que  de 
savants    hommes,    par   des   arguments    toit   a    lait 

distincts  de  la   géologe,  oui  s  uienu  que   les  j s 

de  la  ciéatioo  signilient  de  longues  pcriodis  indéli- 
nies  (rf).  Que  celte  supposiiioo  soit  plaiisilde,  c'est 
cequr  ji!  ne  saurais  cmile.ster  pliil(di);;iiiuenieiil  ou 
critiqiiemenl  parlant;  je  ne  vois  aucune  ohiection 
contre  elle  ;  mais  elle  tie  me  paraît  pas  alisoliiment 
nécessaire.  Toiit.-lois,  en  admeHani  l'hypothèse  ex- 
posée li-dessns,  que  toutes  les  exigences  de  la 
Sfieiice  moderne  seul  satisfaites  dans  l'espace  inier- 
médiaire  enln-  la  création  et  rorgaui,:iiiiin  de  la 
tcrie  sous  sa  furiiie  actuelle,  il  se  pouiraii  que  des 
périodes  plus  longues  qu'an  ji.nr  fiissmii  encoie 
nécessaires,  si  nous  suiuiosons  que  les  lois  de  la 
nature  oui  é  é  ahainlonnées  .à  leur  coins  oïdinaire; 
car  alors  il  aurait  l;i.lii  nu  plus  long  interv.ille  pour 
que  lesplanies  secouvr  sseiii  de  (leurs  et  de  finits,et 
atteignissent  leur  coin  pleldéveloppemenl, coin  me  nous 
deviuis  supposer  que  cela  eut  lieu  avant  que  I  honiuie 
(ût  placé  an  inllieii  d'elles.  Mais  il  peut  se  laiie  aussi 
qu'il  :'il  pht  à  Dieu  de  les  piodiiue  dans  toute  leur 
grandeur  et  tonte  leur  beauté  dès  le  premier  instanl 
de  leurexisieuce. 

1  Cuviér  a  remarqué  le  premier  que,  dans  les 
aninniux  fossiles  du  monde  priniitil,  il  y  a  nu  déve- 
loppcnieni  gr.dnel  d"oig:iiii,..tioii  ;  ainsi  les  couches 
les  plus  mleiieures  contie ment  lés  animaux  les  plus 
inipaiC.iHs,  mollusques  et  tes  acés  ;  ensuite  vunnenl 
les  crocfiddes,  les  sauriens  et  les  pinsMins  ;  et  en 
deiu.er  lieu  les  quadrupèdes,  en  comniençaiit  par 
les  la, es  éteintes   dont  j'^.i   parlé  (e).  M.  Lyell  me 

peni-eiieavec  lai l'exatlitude  .le  la  conséquence 

soin  eut  ti.ée  de  ce  lésulial,  qu'il  y  a  un  déveaippe- 
ment  progressif  delà  vie  organiine,  depuis  les  formes 
les  plus  simples jusau'uux  plus  compliquées  (/) ,  d'au- 

(a)  Ps.  civ,  8,  9. 

(ci  l's.  xc,  2. 

(c)  Deiii.  XX M,  22. 

td)  Vindiciœ  qeulonicK.  Oxford,  1820,  p  3î 

(c)  Discours  prélimin.,  p.  08. 

(/)  l'riiiciples  of  Geoloyy,  vol.  I,  p.  U5. 


tant  plus  que  la  découverte  d'un  poisson  o.i  des 
ossements  d'un  saiiii-n  parmi  les  co  luilles.  suffit 
pour  déranger  l'échelle.  Mais  eetie  ohservaiioji  ne 
blesse  eu  rien  le  sysième  que  je  vais  vous  exposer, 
pui'Mne  chaque  examen  suhséqiieiil  est  venu,  autant 
que  je  puis  le  savoir,  coidirmer  celte  succession 
d'animaux.  Par  exemple,  dans  les  laldeiox  de  la 
cla.ssilieation  exlréniement  détaillée  des  fossiles  du 
Siis-ex  (pie  M.  Maniell  a  publiés,  nous  trouvons 
dans  lesdèiôls  d'alliiviim  le  cerf  cl  autres  animaux 
semblables  ;  dans  le  dépôt  diluvien,  le  cheval,  le 
liOenl  et  réléphanl;  puis  ensuite,  en  creiisanl  tou- 
jours jdiis  bas,  nous  trouvons  des  poissons,  des  co- 
quilles, et,  dans  quelques  foriuaiioos  des  tonnes  et 
les  diflérents  sauriens  ipie  j'ai  déjà  décriis.  Ou  dé- 
coiivril  des  osseuients  qu'il  supposa  d'abord  appar- 
tenir à  un  oiseau;  mais  le  prolessenr  Itnckiatid 
neuve  beaucoup  plus  probable  ipi'.ls  ont  a[ipailenu 
à  un  plérodactxie  ou   lézard  volant  (a). 

I  l'ariant  de  ces  prémisses,  les  auteurs  auxquels 
j'ai  fut  allusion  sup;  osent  que  les  jours  de  la  créa- 
tion sigiiili'iit  des  i-ériodes  plus  longues  el  d'une 
diiiée  indéfinie  pendant  lesqueHes  existait  un  cerain 
ordre  d'êtres  animés  ;  et  ils  observent  que  la  disposi- 
tion des  fossiles  dans  les  couches  correspoml  exac- 
lenienl  à  l'ordre  dans  lequel  leurs  classes  respec- 
tives om  été  produises  selon  riviiinre.  L'n  é  rivain 
anonyme  a  publié  rannée  dernière  nue  t.ible  compara- 
live  de  celte  conl'oruiité  en  suivant,  d'un  côié,  l'ex- 
cell.  ni  ouvrage  de  lliimboldl  sur  la  superpnsiiion 
des  roches,  et  de  l'autre  la  succession  reconnue  des 
(bssiles  organiques.  Dans  (es  roches  (es  plus  basses 
primitives,  ou.  comme  on  les  a  appetées  avec  pdis 
de  raison,  roches  non  stratifiées,  aussi  bien  que  dans 
la  classe  inférieure  des  roches  stiaiifiées,  nous  n'a- 
vons aucune  trace  de  vie  végétale  oiianiinaie;  en- 
suite, nouï  trouvons  des  plantes  mêlées  avec  des 
poissons,  mais  plus  s|iéi  ialeinenl  avuc  des  coqiiil- 
l.'ges  et  des  inollnsqucs,  comme  dans  le  groupe  de 
la  Gr.iiiwacke  ;  ce  qui  indique  que  1 1  mer  lut  la 
pie  oiére  à  produire  la  vie  et  à  eiilaiiler  des  habi- 
tants ;  tandis  que  II  plus  grande  l'bondance  des  ani- 
maux de  la  classe  inlêrieuie,  tels  que  les  Coquilles, 
les  niollnsqnes,  etc.,  semble  inili  mer  la  priorité  de 
leur  exisience  sur  celle  îles  animaux  pins  |iai faits 
qui  vive  il  dans  (e  niènie  é(érneiii.  Vje  .iienl  ensuite 
les  repiiles  et  ces  monslruenx  animaux  rampants 
déjà  décrus,  qui  se  raltaclient  aux  bab.laii  s  de  l'air 
par  (e  lézard  vo  aiil,  et  qui  sont  avec  lasou  classés 
par  l'hisioiicu  iusinic  entre  les  pioductions  ma- 
rines, l'nls  la  lerre  engendre  la  vie  à  son  lom,  el, 
en  conséquence,  nous  trouvons  cnsu.te  les  wjsles 
de  qiiadiupédes,  mais  deS;  eues  toutefois  qui,  pour 
Il  ptupari,  n'exisleiil  plus.  O.i  les  trouve  seulemenl 
dans  les  deniièies  couches  siiiérieurcs  à  .elles  où 
r.  posent  les  |  lus  grands  lepides  marins,  telle  que  la 
lormation  ilean  douce  dans  le  ba>si.n  de  l'aiis.  Puis 
eiiliii  nennéiil  les  leiraiiis  meubles,  dans  les.piels, 
comme  je  vous  le  momrerai  plus  loiigin-ment  à  .mire 
prochaine  réunion,  existent  les  sqiieleit.:s  d<!s  races 
qui  lialnleiit  maintenaiil  l.i  terre.  Daii,  chaque  classe 
de  ces  f.issiles  on  trouve  d.s  iiiar.|ii.s  snlfisanies 
qu'ell.'S  oui  été  piivées  d'existence  par  <|ueli|ue 
gra  .de  calaslrophe  (a). 

•  Cette  iiyiM.ihcse,    cette   leniaive  pour   niellre 
d'accord  l'hlsloiieii  juif  avec  la  |di,|.)sOpnie  moderne 

peut   paiailrc  à  plusi.  urs   ii  iuer  de   la  p  écisnui 

nécessaire  pour  él.blir  un  parallélisme  aussi  cir- 
Coust.iiicic.  yiioi  .{h'iI  .'o  soil,  elle  servira  .lu  moins 
à  venger  ceux  .|tii  cnliivent  cette  science,  du  re- 
proche d'être  i  dillé fiits  sur  les  lappor.s  ipii'  ces 
résultais  peuvent  avoir  avec  des  aiit..rilés  plus  sar 
Ciées.  J'ajouterai  i|ue  plusieurs  gé.d..giies  du  cnti- 
ncm,  bien   loin  de  dédaigner   nus  tciiiures,  cxpri- 

(a)  Geoloq.  Transacl.,  vol.  III,  pp.  200-216,  coiDp.  D» 
Dudil.iid,  |i.  2Ju. 

(b)  Annales  de  pliilosopliiecliréticme.À.og.l6il,  p  lit. 


llïS 


cos 


cou 


1154 


ment,  au  coiâlraire,  une  prof'inde  vénéiaiion  pour 
elles  Cl  une  vive  ailmiiation  pour  la  sagesse  qui  les 
a  ilie  ées,  f n  voyant  foninieul  lenis  iiive>,ligalioiis 
sci<'mili.|iit's  paraissent  les  conliriiier  de  la  manière 
<>ue  je  vien-i  de  vous  dire. 

<  Nous  ne  pouvons  trop  remarquer,  dil  DciniTOu, 
cet  ordre  admiralile  si  jinriaitemeiit  d'accord  avec  IfS 
plus  saines  notions  qui  forment  la  basf  de  lu  gé'iloyie 
positive.  Quel  hommage  ue  deons-nous  pas  rendre  à 
["historien  inspiré  !  (a)  —  Ici,  s'cciie  liouliée,  «<•  pré- 
tenie  une  considi  ration  dont  il  serait  difftiile  de  ne 
pas  élre  (rappé.  Pnisqii''un  livre  écrit  à  une  époque  oit 
les  siiencei  nntweltes  é  aient  si  pi'U  avancées,  renferme 
cependant  en  queliiues  tiiines  le  sommaire  des  consé- 
qnenres  les  plus  remar,iuables,  auxquelles  il  n'était 
possible  d'arriver  quapri'S  les  immenses  progji'-s  ame- 
nés dans  la  scieme  par  le  xviii'  et  le  Mx"  siècle,  puis- 
que ces  conclusions  se  trouvent  en  rufiport  avec  des 
faits  qui  néloient  ni  connus  ni  même  timpçonn  s  à 
cette  époque,  qui  ne  l'avaient  jamais  été  jusqu'il  nos 
jours,  et  que  les  philosophes  de  tous  Ls  temps  ont 
toujours  considérés  coutradictoirement  et  sous  des 
poilus  de  vue  erronés  ;  puisqii'en/in  ce  livre,  si  supé- 
rieur à  son  siècle  suus  le  rapport  de  la  se  ence,  lui  est 
igalenunt  supérieur  sous  le  rapport  de  la  morale  et  de 
la  philosophie  naturelle,  nous  sommes  obliijés  d'ad- 
mettre qu'il  y  u  dans  ce  livre  quelque  chose  île  supé- 
rieur à  l'homme,  quelque  chose  qu'il  ne  voit  pas,  qu'il 
ne  co-i  prend  ;ias,  mais  qui  le  presse  irrésistible- 
ment (b). 

t  Les  deux  ouvrages  que  je  viens  ce  citer  sont 
d'un  caratiére  popuhnre  et  élémeulaire,  écrits  avec 
rinlenlinn  d'iuslruiie  la  jeuuesse  et  les  perxuines 
sans  éilnialion  par  une  e>qiiisse  de  la  science;  et 
c'est  pour  cela  qne  je  les  nie  plus  volnnticr»,  parce 
qu'ils  servent  à  faire  vo  r  que  la  teud.:nce  de  celle 
étude  sur  le  couiinent,  loin  d'eue  vers  l'ini.rédul.té, 
est  pluiôt  dirigée  vers  la  cdiilirointioii  et  inéiiie  la 
«léinonsiratioii  du  clirl>liaiiisnie  ;  et  que  le-^  géologues 
étrangers,  au  lieu  d'apprendre  à  leurs  éléve^  à  nié- 
trisir  les  livres  sacrés  ciunn.e  irréconciliables  avec 
leurs  nouvelles  reclierclie-,  s'efforcent,  au  contraire, 
de  tirer  de  nouveaux  niotirs  de  respect  et  d'adinira- 
lioii  pour  eux  des  résultais  de  leurs  reclierehes.  Aux 
noms  déjà  cités,  j'en  puis  ajuuier  beii  d'aulres, 
couiine  Ùaiibiiissiui,  Cliaiibard,  Uerirand,  dont  l'ou- 
vnge,  réciiiinieni  iraduit  en  anglais,  a  eu  six  ou 
sept  éiiiiioiis  en  I* riiiee,  et  Jlargirin,  (|Ui,  dans  l'es- 
qu  sse  de  son  cours  insciée  au  pccgrainuie  de  \'Uni- 
ver^ilé  catholique,  s'est  monlié  éu.iueminent  ciirc- 
tien  (l'aris,  1SJ5.  p.  57). 

<  tes  ol»erv:iiioiis  doivent  êlrednublemeiit  satis- 
faisantes,^! nous  coiisidérnns  le  pays  d'iù  elle»  sont 
parties,  ce  pays  qui,  pendant  longues  années,  n'a 
ces-é  lie  jeter  a  rburope  des  iiiaicnaux  inroimes  et 
mal  digéiés  que  les  espilis  irréllécliis  prenaient  pour 
de  piiissaiiies  objections  coniie  la  religion.  Mais  un 
espiii  uieillenr  lennenle  u^ainienant  oans  lu  smg 
géié<eux  d'une  piilie  de  sa  jeunesse,  qui,  éjnise 
d'une  ardeur  vraiineni  |ialiioii.|ue,  eiinainnié  -  du 
saint  désir  d'effacer  ceite  tache  lletrissame  de  I  é- 
CUSson  de  sou  jiays,  s'ellorce  de  l'élever  aussi  l<aiil, 
par  la  nouvelle  giime  qu'il  ré|iaiidia  sur  la  cause  il>: 
la  lel  gimi,  qu'il  s'éia  t  abaissé  par  sa  haine  contre 
elle,  lliie  saule  alliance  s'e^l  rurmée  lacileinenl 
entre  plusieurs  pnnr  dévnuei'  leurs  cuiiniiis-uin  es 
variées  et  leurs  talents  supérieurs  à  la  délen-e,  à 
l'illnsiration  et  au  iriomiiiie  de  la  religion,  smis  la 
diiectiou  inlaillible  de  l'iJglise  à  I  quelle  lis  oOéi-,- 
seni.  I'4iur  ceux  qui  ont  vu  loiites  ces  cliu-es,  les 
autoiilcs  i|ue  j'ai  citées  ne  sont  que  de  légères  iiiiiii- 
fesiatiuns  d'un  senliiuenl  tics-repandu,  des  leuilles 

(a)  ut  géoloqie  enteignée  en  24  leçons,  ou  Histoire  naiit- 
relledn globe  icrreslie'.  l'ans,  I8.5si  \<.  4US,  coiiip.  p  461. 

{b)  Géologie  élémentaire  à  la  portée  de  tout  le  monde. 
Pans,  iVoô,  V  bB. 


Isolées  flouant  ii  la  surface  des  eaux,  pour  montrer 
la  rii  lie  et  luxunanle  vci^étalion  cailiée  dans  leurs 
priifiin  leurs,  i  (Mgr  Wiseinau,  discours  m,  Sur  le» 
sciences  naturelles.)  Voy.  Jotiis  de  la  cnÉATics  el 
.Monde. 

*  CUTR-D'OR.  Cette  partie  de  la  Guinée  pré- 
si'iile  un  s|ieila(  le  religieux  bien  triste.  Les  prêtrts 
des  idoles  y  exercem  tiauiemeiil  la  m.igie  ,  enlre- 
lieiineiil  la  snperstitiiui  (larini  le  peuple,  soulicn- 
lienl  le  iéticliisnie  dans  li  fanii  le.  Nous  dr.vuns 
désirer  bien  vivenient  que  la  loi  fasse  des  progiès 
d.ins  ces  inallieureuses  contrées. 

COTEKEAUX,  hérétiques,  ou  plutôt  assas- 
sins el  inu  1  fil i leurs,  qui  veiidaiciil  leurs  bras 
cl  leur  vie  pour  servir  les  passions  sangui- 
naires des  pélrobrusiens  el  des  albigeois;  on 
les  nommait  encore  catltares ,  courriers  et 
routiers,  lis  exercèrent  leurs  violences  en 
Languedoc  el  en  Gascogne,  sous  le  règno 
de  Louis  VII  ,  vers  la  fin  du  xit'  siècle. 
Alexandre  III  les  excommunia,  accorda  des 
indulgences  à  cens  qui  les  ultaqueraient, 
défendit,  sous  peine  de  censure,  de  les  favo- 
riser ou  de  les  épargner.  On  dil  qu'il  j  en  eut 
plus  de  sept  mille  qui  furent  exterminés  dans 
le  Berri. 

Quelques  censeurs  ont  blâmé  celle  con- 
duite <lu  pape  comme  contraire  à  l'esprit  du 
christianisme  ;  saint  Augustin  ,  disent-ils, 
consulté  par  les  juges  civils  sur  ce  qu'il  fal- 
lait l'aire  des  circoncellions ,  qui  avaient 
égorgé  plusieurs  catholiques  ,  répondit  : 
«  Nous  avons  interrogé  là-dessus  les  saints 
martyrs,  nous  avons  entendu  une  voix  s'é- 
lever de  leur  tombeau,  qui  nous  avertissait 
de  prier  pour  la  conversion  de  nos  ennemis, 
et  d'abaiiilouncr  à  Dieu  le  soin  de  la  ven- 
geance. »  D'aulres  rrilKjues  ont  accusé  saint 
Augustin  d'avoir  pensé,  à  l'égard  des  dona- 
lisles  cl  de  leurs  i  iiconceliions  à  |)eu  jirès 
de  niéiiie  qu'Alexandre  IH  à  l'égard  des  co- 
lereiiux.  —  Tous  ces  reproches  sont  ég  .le- 
ment  injustes.  Noire  religion  nous  onlunnc 
de  pardonner  à  nos  ennemis  pariiculiers  et 
peisonnets,  mais  non  d'c|)argner  des  enne- 
mis publics  armés  contre  la  sûreté  el  le  re- 
pos de  la  société  ;  elle  ne  d.'fend  ni  de  leur 
l'.iire  la  guerre,  ni  de  les  exterminer,  lors- 
qu'on ne  |KUl  pas  aiilremenl  les  uietlre /ior« 
u'clat  lie  nuire.  C'était  les  cas  des  colcreaux. 
Par  la  même  raison,  saint  Augustin  fut  d'a- 
vis d'implorer  le  secours  du  bras  séciilior, 
pour  arrêter  le  couis  du  brigandage  des  cir- 
concellions ;  mats  lorsque  plusieurs,  d'entre 
eux  furent  tumbés  entre  les  mains  des  juges, 
il  ne  voulut  demander  ni  leur  s.ing,  ni  au- 
cune vengeance,  parce  ((u'ils  étaient  hors 
d'éCdl  de  nuire.  La  conduite  des  mari  rs  à 
l'ogard  des  persécuteurs  n'est  point  applica- 
ble au  cas  présenl.  Les  persécuteurs  elaient 
des  souverains,  ou  des  magistrals  revêtus 
de  la  puissance  publique,  de  laquelle  ils 
abtisaieni,  les  circoncellions  el  les  coiereaux 
et. lient  des  particuliers  armés  contre  les 
lois. 

CODLR.  Voy.  Habit  religieux. 

COULEUlt.  Dans  les  Eglises  grecque  et 
latine,  l'usage  esl  de  distinguer  les  offices 
des  divers  mystères  et  des  dilTérentes  fêtes, 
par  des  oruemeals  de  dillérâales  couleurs. 


ltS9 


COU 


cou 


HS6 


Dans  l'Eglise  latine,  on  n'use  ordinairenienl 
que  de  cinq  couleurs,  qui  sont  le  blanc,  le 
rouge,  le  vert,  le  violet  el  le  noir;  l'Eglise 
de  Paris  y  ajoute  le  jaune  et  la  couleur  de 
cenrlre.  Dans  quelques  diocèses,  on  se  sert 
de  bien  aux  fêles  de  la  s  .iule  Vierge.  L'on 
peut  voir,  dans  les  rubriques  du  missi-l  el 
dans  les  directoires  ou  ord>,  à  quels  oflices 
chacune  de  ces  couleurs  est  affectée. 

Les  Grecs  modernes  ne  font  plus  guère 
d'attention  à  colle  distinction  de  couleurs  ; 
le  rouge  servait,  parmi  eus,  à  Noël  et  aux 
enterrements.  Les  anglicans  ont  seulement 
reienu  le  noir  pour  les  obsèqu  s  des  morts. 
GÔULPE,  mol  tiré  du  latin  culpa,  faute, 
péché.  Les  théologiens  distinguent,  dans  le 
péché,  la  cou//)e  d'avec  la  peine.  La  croyance 
catholique  est  que  le  sacrement  de  péni- 
tence remet  au  pécheur  la  coulpe  el  la  peine 
éternelle,  mais  non  la  peine  temporelle  ;  que 
la  charité  parfaite  et  ardente  remet  lune  el 
l'autre.  Comme  le  péché  mortel  nous  rend 
dignes  de  la  damnation.  Dieu  peut,  sans 
doute,  nous  remettre  colle  peine  élernelle, 
sans  nous  dispenser  de  subir  une  peine  tem- 
porelle el  passagère  ;  nous  en  voyons  l'exem- 
ple «lans  David  el  dans  la  plupart  de  ceux 
auxquels  Dieu  a  fait  porter  en  ce  monde  la 
peine  de  leur  péché. 

Coulpe  se  dit  encore,  dans  les  monastères, 
pour  signifler  l'aveu  que  l'on  fait  de  ses  fau- 
tes dans  le  chapitre  assemblé. 

COLIPR,  vaseà  boire  dont  on  se  servait 
dans  les  festins  et  dans  les  sacrifices.  Dans 
le  style  de  l'Ecrilure  sainte,  la  coit/,e  de  bé- 
nédiction est  colle  que  l'on  bénissait  dans  les 
repas  de  cérémonie,  el  dans  laquelle  on  bu- 
vait à  la  rondo.  Ain-i,  dans  la  dernière  cène, 
Jésus-Christ  bénil  la  CDtipe  de  sou  saiig,  et 
en  lit  boire  à  tous  ses  apôtres.  Boire  dans  la 
niéiue  coupe  était  un  signe  de  fraternité.  — 
La  coupe  de  salut  est  une  coupe  d'actions  de 
grâies,  que  l'on  buvait  en  béoissaut  le  Sei- 
gneur de  ses  bienfaits.  11  est  dit  dans  lu  Irol- 
sième  livre  drs  Machobées  que  les  Juifs  d  E- 
gypte,  après  leur  délivrance,  firent  des  fes- 
tins el  oITnronl  des  coupes  de  snlnl. 

Col  PE,  signifie  aussi  la  portion  ou  le  par- 
tage.  Voij.  Calice. 

Lorsqu'on  eut  trouvé  dans  le  sac  de  Ben- 
jamin la  coupe  de  Joseph,  un  de  ses  ofliciors 
dit:  La  coupe  que  vous  <ivcz  volée  est  celle 
dans  lufjHcdc  mon  mnitre  boit  et  dont  il  se 
sert  pour  prédire  l'avenir  (Gen.  XLiv,  5).  Jo- 
seph se  servait-il  réellemonl  d'une  coupe 
pour  piédire  l'avenir?  Non,  sûrement  :  la 
connaissance  qu'il  avait  de  l'avenir  n'elait 
point  un  otïot  de  l'art,  mais  un  talent  sur- 
n.iturei  que  Dieu  lui  avait  donné.  Le  texte 
hébreu  peut  sigiiilior  :  «  N'est-ce  pas  la  coupe 
dans  laquelle  mon  mailrc  boit,  et  par  la- 
quelle il  vous  a  mis  à  l'épreuve?  » 

Dans  les  disputes  des  catholiques  avec  les 
protestants,  la  coupe  signifie  la  conmiunion 
suus  l'esiièco  (lu  vin.    l'oy.  Comsilmon   sous 

LES    DEUX    liSPtîCES. 

COuUON.vE.  On  a  blâmé,  avec  beaucoup 
d'amerlutue,  les  Pères  de  ri'^giisc,  qui  ont 
soutenu  qu'il  ne  convenait  pas  à  un  chré- 


tien de  se  couronner  de  fleurs,  comme  fai- 
saient les  p  liens  dans  leurs  feslins  et  dans 
quelques-unes  de  leurs  cérémonies;  coite 
censure  tombe  sur  Minulius  Félix,  sur  saint 
Clémonl  d'Alexandrie,  et  princip  ilomont  sur 
Tertullien.  Ce  Père  a  fait  un  livre  de  Corona, 
dans  lequel  il  s'attache  à  prouver  qu'un 
chrétien  doit  absolument  s'abstenir  de  por- 
ter des  couronner. 

Barbeyrac  {Traité  de  la  Momie  des  Pères, 
c.  6,  §  ik)  s'est  élevé  contre  celle  décision;  il 
dit  que,  suivant  le  sentiment  de  TeriuUien, 
se  couronner  de  fleurs  est  une  chose  mau- 
vaise en  elle-même  et  contraire  à  la  loi  na- 
lurelle,  mais  (jn'il  le  prouve  [lar  de  pauvres 
raisons;  les  principales  sont  que  l'Ecriture 
sainte  ne  permet  nulle  part  cet  usage,  el  que 
la  nature  a  fait  les  fleurs  pour  réjouir  l'oilo- 
ral  ot  non  pour  orner  la  tète.  La  première, 
dit  Barbeyrac,  est  un  faux  principe;  la  se- 
conde esl  l'écart  d'une  imagination  déréglée. 
Cotte  critique  est  fausse  à  tous  égards.  — 
1"  L'écart  prétendu  de  Tertulliei»  prouve 
déjà  que  les  couronnes  sont  une  superfluilé; 
que  l'on  en  use,  non  par  besoin,  mais  ])Oiir 
quelque  autre  raison  ;  (|u'il  faut  donc  exa- 
miner par  quels  motifs  on  les  porte  :  c'est  ce 
que  fait  Tertullien  dans  toute  la  suite  de  ce 
traité.  Après  avoir  recherché  dans  les  au- 
teurs prolaues  l'origine  ot  les  molifs  de  tou- 
tes les  espèces  de  couronnes ,  il  fait  voir 
qu'aucun  de  ces  molifs  n'est  louable.  Celles 
que  portaient  les  ministres  d'un  sacrillce  et 
les  assistants  étaient  une  profission  d'idolâ- 
trie ;  celles  des  convives  d'un  festin  annon- 
çaient l'inlempérance  el  la  débauche;  celles 
dos  triomphateurs  victorieux  sentaient,  pour 
ainsi  dire,  le  carnage  ot  le  sang  répandu; 
celles  des  époux  étaient  les  livrées  des  dieux 
de  l'hym.née,  etc.  Il  observe  qu'il  n'y  avait 
aucune  lleur,  aucun  feuillage,  aucune  plante 
qui  ne  fût  consacrée  à  quelque  divinité,  et 
qui  ne  fût  le  symbole  do  son  culte  {De  Coro- 
na,  c.  8).  Toutes  choses,  dil-il,  sont  pures, 
comme  créatures  de  Dieu,  et  sont  destinées  à 
notre  usage  ;  mais  c'est  la  nature  de  l'usage 
qui  décèle  s'il  esl  bon  ou  mauvais  (c.  10).  Il 
n'est  donc  pas  vrai  que  Tertullien  condamne 
les  couronnes  absoluni(>nt  ot  en  elles-mêmes 
comme  contraires  à  la  loi  naturelle ,  mais 
comme  des  martiues  d'idolâtrie.  V'oilà  pour- 
quoi les  chrétiens  s'en  abstenaient;  c'est  le 
reproche  que  leur  fait  un  païen  dans  Minu- 
lius Félix  {Octav.,  c.  12).  —  «  Nous  avons 
détaillé,  continue  Tertullien,  C.  13,  toutes  les 
causes  pour  lesquelles  on  porte  des  couron- 
ne a  ;  toutes  so;it  étrangères  à  un  chrétien, 
prolanes,  criminelles ,  contraires  aux  s  r- 
mcnls  du  baptême  :  ce  sont  les  pompes  du 
démon  et  de  sos  anges  ;  toutes  sont  infectées 
d'idolâtrie,  in  omnibus  islis  idololatrin.  V» 
chrétien  ne  voudra  pas  même  orner  de  lau- 
rier la  porte  île  sa  maison,  lorsqu'il  saura 
combien  île  divinités  le  démon  du  paganisme 
a  proposées  i\  la  garde  des  portos  :  Janus, 
Limeiitinus,  Foroulus,  Canl.i,  etc.  »  Nous 
présumons  que  i'ertulllen  connaissait  mieux 
qu'un  crilique  du  xviii'  siècle  les  idées,  les 
mœurs,  les  folles  allusions,  les  absurdités  du 


H§7 


CRA 


CRA 


ltS8 


paçjan.sme,  les  cons(''f|nencPs  que  les  païens 
tiraient  de  leurs  usages.  Quand  il  aurait 
poussé  trop  loin  le  scrupule  et  les  soupçons 
d'iiloMlrie,  il  ne  s'ensuivrait  pas  encore  qu'il 
raisonne  mal;  dans  le  fond,  il  suit  la  ri'i^le 
tracée  par  saint  Paul  [Rnui.  xiv.'iO)  :  Toutes 
choses  snnt  pures;  mais  un  homme  fuit  rtnil 
d'en  user,  lorsqu'il  scandalise  lis  autres.  Kl  ! 
Cùr,  Vin,  13  :  Si  ma  nourrilurt  scandalisnit 
rnon  frère,  je  ne  mmujerais  point  de  viande  de 
ma.  vie.  —  2'  Biirfteyrac  na  [las  vu  (ju'en 
condamnant  l'argument  néf^atir  que  Terlul- 
lien  tirait  du  silence  de  l'Kcriture  s.iinle,  il 
fait  le  procès  au  protestantisme.  Ce  Père  di- 
sait :  L'usage  des  couronnes  n'est  pas  for- 
mellement approuvé  ni  permis  par  l'Ecri- 
ture, donc  il  est  di^fendu.  Les  pratestanls 
nous  répètent  continuellement  :  Tel  do;;tiie 
n'est  pas  fornielleinent  enseigné  par  l'Iicri- 
tnre,  donc  il  n'est  pas  révélé;  telle  pratique 
n'y  est  pas  expressément  autorisée,  donc  elle 
est  ahusive.  Quelle  différence  y  a-l-il  entre 
cet  argument  et  celui  de  Terlullien?  Nuus  no 
l'approuvons  pas  absolument;  mius  ce  n'est 
pas  à  eux  de  le  blâmer.  Tertullien  y  en 
ajoutait  un  aulre  :  c'est  que  l'usage  des  cou- 
ronnes n'était  point  non  plus  autorisé  par  la 
tradition;  au  contraire,  il  était  proscrit  par 
l'usage  des  lions  chrétiens  :  d'où  il  concluait 
que  l'on  devait  s'en  abstenir,  et  il  avait  rai- 
son. Mais  cette  autorité  que  Tertullien  attri- 
bue à  la  tradition  donne  de  l'humeur  aux 
protestants;  ils  ne  la  lui  pardonneront  ja- 
mais. 

CODRS,  cursus.  L'on  nommait  ainsi,  dans 
les  bas  siècles,  l'office  divin  ou  l'ordre  des 
heures  canoniales.  Cet  office,  rangé  selon  le 
rite  gallican  ,  était  appelé  cursus  gnllicanus , 
et  cursariits  était  le  livre  qui  le  renfer- 
mait. Ducange,  au  mot  Cursus.  Voy.  Office 

DIVIN. 

Cours  de  Théologie.  Voy.  TnéoLOGiE. 

COUTUME  KliLIGIEUSE  ou  EGGLÉSIAS- 
TlQUIi.  Voy.  Observance. 

COUVENT.  Voy.  Monastère. 

COZKI,  quelques  Juifs  prononcent  C«:ar!, 
livre  des  Juifs  ,  coniposé  il  y  a  plus  de  cinq 
cents  ans  par  le  rabbin  Juda  le  Lévite.  C'est 
une  dispule  en  forme  de  dialogue  sur  la  reli- 
gion, où  l'auteur  défend  le  juda'isme  contre 
tes  philosophes  païens,  et  s'appuie  principa- 
lement sur  l'autorité  de  la  tradition  ;  selon 
lui,  il  n'est  pas  possible  d'établir  aucune  re- 
ligion sur  les  seuls  principes  de  la  raisDU.  H 
attaque  en  même  temps  la  secte  des  Juifs  ca- 
raïtes,  qui  ne  se  soumettent  qu'à  l'Ecriture 
sainte.  On  trouve  dans  ce  même  ouvrage  un 
abrégé  assez  exact  de  la  croyance  des  Joifs. 
11  a  été  d'abord  traduit  en  arabe,  ensuite  en 
hébreu  de  rabbin,  par  U.  Juda  bcn  Thibboii. 
H  y  en  a  deux  éditions  de  A'enise,  l'une  qui 
ne  contient  que  le  texte,  l'autre  qui  y  joint  le 
Commentaire  de  R.  Juda  Muscalo.  Buxtorf  l'a 
fait  imprimer  à  Bâie  en  1660,  avec  une  ver- 
sion latine  et  des  notes.  On  en  a  aus-^i  une 
traduction  espagnole,  faite  par  le  Juif  Aben- 
Dana,  avec  des  remarques  dans  la  même 
langue. 

CltAlNTE.  Le  psalttliste  dit  {Ps.  xviii,  10), 


que  la  crainte  de  Dieu  est  sainte;  dans  le 
psaume  ex,  10,  que  c'est  le  commencement 
ou  le  principe  de  la  sagesse.  Dans  le  psaume 
cwiii,  l'iO,  il  dit  au  Seigneur  :  Pénétrez-moi 
de  la  crainte  de  vos  jugements.  Le  Sage  ré- 
pète la  même  chose  (Prov.  i,  7;  ix,  lo"e(e.). 
il  est  bon  d'oiiserver  que,  dans  l'Ancien  Tes- 
tament, la  crainte  de  Dieu  signifie  une  sou- 
mission rcspec  ui'use  i  nvors  Dieu;  les  Hé- 
breux n'avaient  point  de  terme  propre  pour 
exprimer  le  sentiment  que  nous  appr-lons  le 
respect.  Saint  Paul  exhorte  les  fidèles  h  sa 
sanclificr  dans  la  rrainfe  du  Sei;,Mieur  {II 
Cor.  VII,  1).  —  Mais  le  même  apôire  nous 
enseigne  que  l'esprit  du  clirislianisme  n'est 
point,  comme  sons  l'ancienne  loi,  la  crainte, 
qui  est  le  caractère  des  esclaves,  mais  l'a- 
mour, qui  est  le  (iropre  des  enfants  de  Dieu 
{Itom.  VIII,  15).  ^aint  Jean  dit  que  la  charité 
parfaite  exclut  la  crainte;  que  celle-ci  est  un 
sentiment  pénible  (/  Joan.iv,  18j.  Il  y  a  donc 
une  crainte  utile  et  louable,  et  il  y  en  a  une 
qui  est  vicieuse  et  répréhensiljle.  —  Consé- 
qiiemment,  les  théologiens  distinguent  la 
crainte  servilement  servile  ,  par  laquelle 
l'homme  évite  evtérieurenicnt  le  péché,  à 
cause  du  châtiment  (lui  y  est  attaché,  mais 
conserve  dans  son  cœur'  l'indinalion  à  le 
commettre,  s'il  pouvait  éviter  la  punition;  la 
crainte  simplement  servile,  qui  bannit  le  pé- 
ché et  touli!  afiection  .lu  péché,  afin  d'éviter 
la  peine;  la  crainte  filiale,  qui  fait  renoncer 
au  péché  par  amour  pour  Dieu.  Celle  qu'ils 
nomment  crainte  révérentielle  n'est  aulre 
chose  que  le  respect  pour  la  majesté  divine. 

De  l'aveu  de  tout  le  monde,  la  première  de 
ces  craintes  est  vicieuse,  puisqu'elle  laisse 
dans  le  cœur  l'alTection  au  péché.  C'est  de 
celle-là  que  parle  saint  Paul,  lorsqu'il  dit  que 
c'est  le  caraeière  des  esclaves;  elle  dominait 
chez  les  Juifs,  dont  la  plupart  ne  s'absle- 
naient  du  crime  qu'à  cause  des  châtiments 
temporels  attachés  aux  infractions  de  la  loi. 
La  seconde  est  utile  et  louable  ;  le  concile  de 
Trenie  décide  que  la  crainte  qui  exclut  la 
voloiilé  de  pécher  et  renféiiiie  l'espérance  du 
pardon  ,  non-seulement  ne  rend  pas  le  pé- 
cheur hypocrite  et  plus  criminel,  comme  le 
soutenait  Luther,  mais  que  c'est  uu  don  de 
Dieu,  un  mouvement  du  Saint-Esprit,  qui 
dispose  le  pécheur  à  la  justification  [Sess.iï, 
c.  4,  et  can.  5).  Voy.  Atthitiox.  La  troisième 
est  iu-éparable  de  l'amour  de  Dieu.  Ceux 
qui  ont  confondu  ces  dilîér.'ntes  espèces  de 
craintes  ont  raisonné  fort  mal. 

On  a  <lonc  condamné  avec  raison  les  théo- 
logiens (jui  ont  enseigné,  sans  restriction  et 
sans  distinction,  que  la  crainte  n'arréle  que 
la  main,  laisse  dans  le  cœur  l'attachement 
au  péché,  n'est  bonne  qu'à  produire  le  déses- 
poir, etc.  Cette  docirine  est  évidemment  con- 
traire à  celle  du  concile  de  Trente.  11  est 
assez  singulier  que  ceux  qui  ont  le  plu» 
déclanié  contre  la  crainte,  en  géiieial,  aient 
travaillé  de  toutes  leurs  forces  à  nous  l'ins- 
pirer, en  représentant  toujours  Dieu  comme 
un  maître  beaucoup  plus  terrible  qu'aima- 
ble. —  La  crainte  est  utile,  sans  doute,  pour 
( 'iichcr  des   pécheurs   ingrats  et  eudurcis 


lisd 


ËtVB 


CRB 


IIGO 


puisque  Dicn  emploie  souvent  les  menaces 
pour  les  effrayer;  mais,  en  général,  les  mo- 
tifs de  reconnaissance  el  de  conGance  sont 
plus  propres  à  faire  impression  sur  le  très- 
grand  nombre  des  hommes,  qui  pèciient  plu- 
tôt par  faiblesse  que  par  malice.  Pour  un 
passage  de  l'Eciilure  sainte  capable  de  nous 
donner  de  la  crainte,  il  en  est  dix  qui  sont 
destinés  à  nous  inspirer  la  confiance  en  la 
bonté  de  Dieu,  l'espérance  en  sa  miséricorde, 
l'amour  envers  un  père  qui  nous  menace, 
parce  qu'il  ne  désire  pas  de  nous  punir.  — 
Une  inOnilé  d'âmes  vertueuses,  mais  timides, 
ont  été  jetées  dans  le  trouble,  dans  le  décou- 
ragement, dans  le  désespoir,  par  la  lecture 
des  livres  dont  les  auteurs  mélancoliques  ne 
montraient  dans  la  religion  que  des  sujets 
de  crainte;  souvent  l'on  est  obligé  de  défen- 
dre ces  sortes  de  lectures  aux  personnes 
d'une  imagination  vive.  Mais  pourrait-on 
citer  des  âmes  qui  aient  renoncé  à  la  vertu 
par  un  excès  de  conGance  en  la  miséricorde 
et  en  la  bonté  de  Dieu?  Voy.  Confiance  en 

DlED. 

Les  athées  et  les  matérialistes  prétendent 
que  la  notion  de  Dieu  et  la  religion,  en 
général,  sont  nées  de  la  crainte;  nous  prou- 
verons le  contraire  au  mot  Religion. 

CRÉATEDR,  CRÉ.\TION  (1).  Créer,  c'est 
produire  des  êtres  par  le  seul  vouloir.  On  ne 
peut  attribuer  ce  pouvoir  à  Dieu  d'une  ma- 
nière plus  énergique  el  plus  .sublime  que  l'a 
fait  Moïse  {Gmes.  i,  3i  :  Dieu  dit  :  (Juf  lu  lu- 
mière soit,  et  la  lumière  fut.  C'est  ainsi  qu'il 
représente  successivement  toutes  les  pruiluc- 
tiuns  de  Dieu;  elles  ne  lui  cuùlinl  qu'une 
parole,  un  seul  acte  de  volonté.  Selon  le 
psalmisle.  Dieu  a  dit,  el  tout  a  été  fait,  il  a 
coinmandé,  et  tout  a  été  créé  {Ps.  cxlviii,5). 
Dieu  lui-même  dit.  par  la  bouche  d'isaïe  : 
J'ai  appe!é  le  ciel  el  li  terre,  il  ils  sr  si,nt  pré- 
sentés (c.  XLV,  V.  2't  ;  c.  XLviii,  V.  12).  Judith 
parle  de  même  :  Vous  avez  dit.  Seigneur,  et 
tout  II  été  [ail;  vous  niez  snuf/lé,  et  tout  a  été 
créé  {Judith,  xvi,  17).  L  i  mère  des  Macha- 
bécs  représente  à  son  fils  que  Dii'u  a  fait  de 
rien  le  ciel ,  1.1  terre,  tout  te  qu'ils  reiifei- 
meiii,  el  la  race  humaine  (//  Macliab.  vu, 
28).  Le  dogme  de  la  création  a  donc  été  cons- 
tamment professé  chez  les  Juifs,  .\-l-ll  pu 
venir  d'une  autre  source  que  de  la  révélation 
primitive?  —  En  elTi-l ,  Moïse  imus  apprend 
que  Dieu  bénit  el  sanctifia  le  septième  jour. 
Pourquoi,  sinon  afin  (lu'il  sirvîl  de  monu- 
ment perpé'ut'l  de  la  création?  La  semaine 
ou  l'usage  de  compter  les  jours  par  sejil  a 
été  observé  par  les  paliiarc  les,  avant  que 
l'on  pût  le  rapportiT  à  des  calculs  astrono- 
miques. Noé  demeura  sept  jours  avant  de 
sortir  de  l'arche  {Gen.  viii,  10  el  li).  Les 
noces  de  Jacob  durèrent  sepl  jours  (xxix, 
27);  ses  funérailles  de  môme  (l,  10).  La  loi 

(1)  Critérium  de  la  [oi  catholique  sur  la  création.  — 
11  esl  lie  foi  que  tmit  ci:  (|tii  culsle  .  ou  existera  liors 
de  t>ieu,  suit  e-pnl,  suit  visinu;.  s»it  invisible,  a  été 
créé  «l.iiis  le  le  iips  ei  n  exisie  i  us  de  lonie  elernilé 
(ConcH.  Later.  iv).  La  foi  se  tJil  sur  l'épuque  et  le 
mode  (le  U  créaiiun. 


de  sanctifier  le  sabbat,  ou  le  septième  jour, 
en  mémoire  de  la  création,  fut  renouvelée 
dans  le  désert  {Exod.  xvi,  23;  xx,  11).  De  là 
le  respect  des  Juifs  pour  le  nombre  septé- 
naire. 

Si  la  sanclifiralion  <lu  sabbat  fut  ordonnée 
sous  peine  de  mort,  c'est  à  cause  de  rmipor- 
lance  du  dogme  île  la  création.  Il  csl  évid  v.t 
que  l'intention  de  Moïse,  en  écrivant  la  Ge- 
nèse, n  été  de  prémunir  les  Hétirrux  conlie 
l'erreur  des  autres  peuples,  qui  admettaient 
plusieurs  dieux,  qui  adoraient  les  autres  et 
les  éléments,  el  contre  tous  les  faux  systèmes 
philosophiques  qui  devaient  éclore  dans  la 
suite  des  siècles  :  conséquemmenl,  il  leur 
enseigne  qu'un  seul  Dieu  a  tout  créé.  Dieu 
n'a  donc  pas  eu  besoin  de  coopéraieur,  puis- 
qu'il opère  par  le  seul  vouloir;  les  astres  et 
les  éléments  ne  sont  pas  des  dieux,  puisque 
ce  sont  des  créatures  que  Dieu  a  faites  pour 
l'utilité  de  l'homme;  lui  seul  gouverne  toul 
par  sa  providence,  puisque  c'est  lui  qui  a 
établi,  dès  le  commencement,  l'ordre  qui  rè- 
gne  dans  la  nature  :  il  est  donc  le  seul  distri- 
buteur lies  biens  cl  des  maux,  et  re  serait 
une  absurdité  de  les  attribuer  à  d'autres  qu'à 
lui  seul.  Ainsi,  d'un  seul  trait.  Moïse  a  sapé 
par  la  racine  les  fondements  du  polythéisme 
el  de  l'idolâtrie,  le  faux  système  des  émana- 
tions, qui  a  été  la  source  de  tant  d'erreurs, 
l'hypothèse  non  moins  ahsurde  du  destin  ou 
de  la  f.italité,  et  toutes  les  autres  rêveries 
philosophiques,  longtemps  avant  leur  nais- 
sauce. 

En  second  lieu,  de  la  notion  de  Créateur 
s'ensuivent  tous  les  attriliuts  de  Dieu;  ce 
dogme  seul  nous  en  donne  la  vraie  notion. 
Dieu  esl  l'Etre  nécessaire  ou  existant  de  lui- 
même,  pui>qu'il  esl  la  première  cau'-e  sans 
laquelle  rien  n'aurait  pu  sortir  du  néant;  il 
esl  éternel  ;  rien  n'était  avant  lui,  el  il  est 
avant  lous  les  temps;  il  esl  louti-puissant  : 
rien  peut-il  résister  à  celui  qui  opère  par  le 
seul  «ouloir?  il  est  infini,  aucune  cause  n'a 
pu  le  borner  :  par  quel  esp  ice  [louvailil  être 
limité  avant  la  créutian?  Il  est  pur  esprit, 
puisqu'il  a  tiré  du  néant  l.i  mat  ère,  et  qu'il 
agit  avec  intelligence.  Pour  connaître  tout 
ce  (iui  est,  tout  ce  i|ui  sera,  loul  ce  qui  peut 
être,  il  n'a  liesuin  que  de  voir  l'élendue  de 
son  pouvoir;  il  ne  doit  pas  lui  en  coiiter  da- 
vantage pour  gouverner  le  monde  qu'il  ne 
lui  en  a  coûté  pour  le  former.  —  Faute  d'a- 
voir connu  ce  dogme  essentiel,  les  philoso- 
phes ont  été  incapables  de  dcinonlrer  l'unité, 
la  simplicité,  1 1  parfaite  spiritualité  de  Dieu  : 
ou  ils  l'ont  I  onçu  comme  t'âme  du  monde, 
ou  ils  ont  pensé  que  Dieu  avait  laissé  à  des 
espiils  inférieurs  le  soin  de  le  fabriquer  et 
de  le  gouverner.  La  théologie  de  Moïse,  qui 
est  celle  de  notre  premier  pèie,  était  donc  le 
meilleur  préservaiil' contre  les  divers  égare- 
ments du  genre  humain.  —  Cependant  des 
écrivains  téméraires  oui  avancé  que  la  créa- 
tion e>t  un  dogme  nouveau,  une  idée  philo- 
sophique; «lu'il  n'est  pas  en-eigné  claire- 
ment par  Moïse;  que  plusieurs  Pères  de 
rE;;lise  l'ont  ignoré;  qu'il  n'est  pas  fort  es- 
sentiel à  la  théologie,  elc.  Toutes  ces  asser- 


tici 


CItE 


CIlK 


llfi.> 


tioiis,  hasardées  et  répétées  aveuglément  par 
nos  incrédules,  lombenl  d'elles-mêmes  à  la 
vue  de  la  clarté  el  de  l'énergie  du  texte  sacré. 
C'est  une  grande  (|ueslion  ,  entre  les  plus 
hahiles  critiques,  de  savoir  s'il  n'est  aucun 
des  anciens  philosophes  qui  ait  almis  le 
d-gme  de  la  ciéalion,  si  tous  l'onl  rejelé  for- 
mellen)rnf,  si  tous  tint  snulenu  ou  l'éternité 
du  monde,  ou  l'etermlé  di-  la  matière,  (ud- 
worth,  dans  son  Système  intellectuel,  avait 
avancé  que  les  philosophes  plus  anciens 
qu'Aiislole  n'avaient  point  reg;irdé  le  prin- 
cipe, rien  ve  se  fait  île  rien,  comme  incontes- 
table; il  avait  cilé  quelques  passages  qui 
semblaient  prouver  que  Pjthagoro,  Platon 
el  quelques-uns  de  leurs  disciples,  ont  sup- 
posé une  espèce  de  création.  Mais  Beauso- 
bre,  Le  Clerc,  Mosheim,  Hrucker  et  d'auti  es, 
sont  d'avis  que  ces  passages  ne  sont  pas  dé- 
cisifs, qu'ils  sont  contredits  par  d'autres  plus 
clairs  :  d'où  ils  concluent  qu'aucun  philoso- 
phe n'a  enseigné  la  création  prise  en  ri- 
gueur. M.  Anquelil  s'est  ailaihé  à  faire  voir 
que  Zoroasire  el  ses  disciples  ont  lormelle- 
menl  professé  celle  vérité  {Mcinairei  de  l'Aca- 
démir  des  Inscriptions ,  tom.  L\lX,i«-12, 
p.  123).  \yoy.  D  eu]  —  Il  faut  avouer  cepen- 
dant qu'il  est  difficile  de  voir  quel  a  été  le 
vrai  sentiment  des  philosophes  ,  touchant 
une  question  qui  passait  leur  intelligence,  à 
cause  des  contradiciions  fréquentes  d.ins  les- 
quelles ils  sont  tombés.  S'ils  avaient  admis 
un  Dieu  créateur,  il  est  à  présumer  qu'iîs 
auraient  tiré  de  celle  nolii)n  les  conséijuen- 
ces  qui  en  ilécoulent  évidi  mnient  ;  qu'ils  en 
auraient  conclu  l'unité,  la  simplici  é,  la  spi- 
ritualité, la  |irovid(Micc  de  Dieu;  (jue  jamais 
ils  ne  l'auraient  pris  pour  lame  du  monde. 
Mosheim  va  jusqu'à  prctendre  que  les  pla- 
toniciens, même  du  iir  el  du  iv  siècle,  qui 
connaissaient  les  dogmes  du  chrisliani>me, 
n'ont  admis  qu'en  api>arence  celui  de  la 
création;  qu'ils  l'eniendaient  non  dans  un 
Sens  réel,  mais  dans  un  sens  métaphysique, 
auquel  on  ne  conçoit  rien  (Cudworlh,  Syst. 
intd.,  tom.  Il,  p.  237).  Quoi  qu'il  en  soil,  il 
demeure  incunteslahle  que  le  dogme  de  la 
création  est  venu,  non  des  raisonnements 
philosophiques,  mais  de  la  révélation  primi- 
tive, el  de  la  tradition  conservée  par  les  pa- 
triarches et  par  leurs  descendants  (1). 


(I)  Ce  n'esi  pas  que  le  dngme  de  la  oré.iiinn 
ne  aort  fundé  sur  une  (léinoiisiraiinn  lo^i  |iie  e( 
rnii.iiiiielle.  Nus  plus  illiislies  aiiolugisie-,  Hei'fjler, 
Biillei ,  la  L'ziMiie  oui  inviiicilileiueni  iléniniilré  la 
iiéeessi  é  absolue  de  l^i  cié:>lioii.  M;>i'  (jiiUÀ-.el  a 
ilcim.é  dans  l'edilioii  du  Dictionnaire  de  Théototiie, 
de  ISesauçoii,  un  rcsuiné  clair,  net  et  iiariaileiiient 
déniiiiisiraiif  de  leurs  preuves.  Nnus  mnis  conli'iite- 
roii.s  lie  11!  ciier. 

1  Ce  n'est  i|iie  lorsqu'on  est  instruit  par  la  révéla- 
liu'i,  dii-il,  rin'on  peut  sentir  et  ilemonirer  l'exis- 
tence (l'un  Dieu  cré;ileiir  ;  or,  voici  einniniMil  les 
philosophes  elirctiens  ont  coulu  re  de  prncéiler  pour 
la  déiiionslraiiun  du  do,^lue  de  la  créilioii. 

«  1.  Jl  existe  quelque  cliose.  L'on  ne  iloil  el  l'im  ne 
peut  exiger  aucune  preuve  de  celte  prupusltion  :  les 
athées  en  conviennent  avec  nous. 

«  Un  eue  ne  peut  exisier  à  moins  qu'il  n'ait  uiia 
DicT.  DE  Théul.  dosmatiqle.  I. 


C'a  donc  été  une  témérité  inexcusable  de 
la  pari  de  Beausolire,  de  soutenir,  après  Bur- 
net,  qu'il  est  incertain  si  ce  dogiuc  a  fiit 
partie  de  l'ancienne  théologie  juive;  qu'il  n'y 


r;iison  suffisante  do  son  existence.  Ce  principe  est 
d'une  éviilence  telle  qu'il  serait  ridicule  d'enlreprcn- 
tlre  de  le  i  rouver.  Ce  serait  il'aitleiirs  une  peine 
inulile,  car  il  n'est  coiileslé  par  personne. 

<  La  raison  sui'isanie  de  l'existence  peut  être  de 
doux  genres,  ou  la  piopre  nature  de  l'éire,  ou  une 
cause  extérieure.  Tout  être  existe,  ou  par  soi-même, 
ou  par  autrui.  Ce  principe  est  encore  reconnu  vrai 
par  nos  adversaires. 

«  L'Eue  qui  existe  par  soi-même,  en  vertu  de  sa 
pr'i|ire  natuie,  existe  nécessaiiemeiil  ;  il  ne  peut  pas 
ne  point  exister.  Celte  vérité  est  eicore  évidente  et 
reconnue.  Puisque  l'existence  lait  partie  de  l'essence 
de  cet  être,  il  ne  peut  pas  ne  pas  l'avoir.  Un  l'appelle 
en  conséquence  l'iitre  nécessaire. 

«  Au  conlraire,  l'èlre  (|ui  doit  son  e\i^lence  à  une 
ca  ise  étrangère  n'existe  <|iie  dépendainnient  de 
cette  cause,  et  amant  qu' 1  a  cié  pniiluit  par  elle. 
Son  existence  n'est  pas  une  cliose  eu  soi  nécessaire, 

I  nisqu'il  a  éié  un  tcin|>s  où  il  ne  l'avait  pas.  Un 
le  conçoit  non  existant  :  d  pourraii  d^mc  l'être. 
Mous  le  nommons  en  conséquence  l'être  cuntin— 
gent. 

I  11  est  important  de  reconnuître  deux  sortes 
de  néceS'ité,  l'une  aniécédeiile  et  absolue,  l'autre 
cun-équeuie  el  liypolliéuijiie.  La  prenne  e  tient  à 
la  iLituie  même  et  à  l'isseuce  de  la  clinse.  Ce  (pu  est 
nécessaire  de  cette  manière  est  aussi  essentiel.  11 
iiiipln|ue  conlrailiciioii  que  cela  ne  soil  pas;  parce 
qu'il  répiiiine  qu'un  être  soit  sans  son  essence.  Un 
appelle  cetie  necessi.é  antécéilenie ,  non  qu'elle 
piecède  léellemeiil  la  chose,  mais  parce  que 
nous  la  concevons  C'innie  le  priiici|>e  de  la 
cliiise.  Un  l'appelle  absolue,  parce  que  dans  aucun 
cas,  ilnns  aiieune  suppo^itlon,  elle  ne  peut  pas  ne 
las  élre.  L'iiypoiliese  que  l'on  voudrait  nnaginer 
de  sa  niMi-exisience  reMlernierait  une  coiilradictioii, 
présenterait  l'éire  et  le  nou-étre.  C'est  ainsi,  par 
exeiniiie,  que  sont  nccessaires  li'S  ax  omes  de  la 
géométrie.  Il  est  nécessaire,  d'une  nécessité  absolue, 
que  l.ius  les  points  de  la  en  conférence  d'un  cercle 
soient  à  une  égale  dislance  du  centre  :  on  ne  peut 
pis  concevoir  un  cercle  en  excluant  celle  piopuéié 
e-sentielle.  La  nécessité  tonséquenie  ou  liypoilieti- 
que  est,  comme  le  mol  rannouee,  celle  qui  résulte 
d'une    supposition  quelconi|ue.  L'Iiypetliése   posée, 

II  ci>nsé<|uence  s'ensuit  nécessairement  ;  mais  sans 
celte  liypotiiése  la  chose  amait  pu  n'être  pas.  Il  est 
nécessaire  qu'elle  soil  d'après  la  supii'isiiiou,  il  n'é- 
laii  pas  nécessaire  ipi'elle  lù>  avantia  supp.Miti  n.  Par 
exemple,  tons  les  événements  passés  ne  peu  veut  pas 
ne  pas  avoir  existé  :  puisqu'on  les  suppose  passés,  il 
est  nécessaire  ipi'ils  aient  eu  lien  ;  m.ds  il  u'eiaii  pas 
nécessaire  qu'ils  existassent.  11  est  mainienani  néces- 
saire i|ue  Louis  XtV  ait  vécu;  ce  n'et.iii  pas  en  soi 
une  ch'ise  nécessaiie  qu'il  vécût.  De  même,  dans 
l'iiidie  |iliysi.|U'-,  le  mnuveuienl  d  nn  corps  est  l'clli  t 
nécessaire  de  l'nupulsioii  qu'il  a  reçue.  Il  est  iinpus- 
siliie  que  lelle  impulsion  dnoiiee  à  tel  corps  dans 
telle  direction,  ne  prodirse  pas  un  lel  mouvemeut; 
mais  on  seul  que  ce  n'est  la  (|u'nne  nécessite  htpo- 
tlié.h|ue,  ipTiine  né.  (■  sité  résultante  de  ta  supposiiion 
que  l'iuqeds  on  a  été  d  nnée.  Tout  etfel  suppose  une 
cause:  il  peut  y  avoir  eiiire  l'ellet  et  la  i  anse  une 
relaiiou  nécessaire;  mais' une  necessiie  de  snnple 
relation  n'est  pas  alisolne.  La  i.éeeskilé  d'un  effet 
ne  peut  être  que  le  résultat  de  l'ex.stence  et  de 
l'oiicialion  de  sa  cause.  Si  j'onvie  la  niain  ,  le 
corps  que  j.e  liens  lombe  necessiiireinent  à  lene  ; 
nuis  sa  chute  n'est  nécessaire  que  d'après  l'iiypo- 
'lièse  de  l'ouverture  de  ma  main,   Un  effet  ne 

37  Ar, 


^. 


1163 


CRE 


CRE 


1IG4 


.1,  dans  les  livres  saints,  aucun  passage  par  aucun  passage  assez   clair,  ni  aucun  argu- 

lequd  on  puisse  le   prouver   démonstrative-  ment  assez  démonstratif    pour    conviiincre 

ment  à  un  esprit  prévenu  (//is^  rfi*  Madîcft.,  un    esprit     prévenu;    mais     la    prélenlioii 

tome  il,  1.  v,C.  4).  Nous  convenons  qu'il  n'est  d'un   raisonneur   ooiniâtre  change-t-elle  la 


saire  d'une  nécessite  absolue  est  une  contradiction 
dans  les  termes.  On  s'exprimerait  même  plus  esacte- 
meut  en  disant  que  l'ellel  est  nécessité,  qu'en  le 
disani  nécessaire.  Il  résulte  de  là  (|iie  les  choses 
nécessaires  d'une  nécessité  seiilemetit  liypoiliéiique, 
sont  en  soi  absolument  cimtinsentes;  on  les  con^îoit 
iiès-liicn  non  existantes  :  il  n'y  a  point  de  contradic- 
tion à  ce  qu'elles  n'eussent  pas  élé. 

1  11.  H  existe  itn  Etre  nécessaire.  11  implique  contra- 
diction que  la  totalité  des  êtres  existants  soit  con- 
tingente ;  dans  ce  cas  elle  existerait  et  ne  pourrait 
pas  exister.  Elle  existerait,  c'est  rbypoilièse  :  elle 
ne  pourrait  pas  exister  ;  car  n'ayant  pas  l'existence 
par  sa  nature,  elle  n'aurait  pu  la  recevoir  d'autrui, 
puisque  hors  de  la  collection  des  êtres,  il  n'y  a  au- 
cun être,  b^lle  n'aurait  donc  ni  un  principe  inierne, 
ni  une  cause  externe  de  son  existence.  Elle  n'aurait 
aucune  raison  suilisante  pour  exister.  Il  faut  ou  nier 
qu'il  existe  aucun  être,  ou  avouer  qu'd  y  a  quelque 
être  existant  par  su  propre  natnie. 

I  L'être  contingent  est  par  sa  nature  indilTérent  à 
rexislenie  et  h  la  non-esistenee.  H  n'existera  jamais, 
s'd  n'y  est  déieiininé  par  une  cause  liors  tie  lui. 
Dans  riiypoilièse  de  tous  les  êires  contingents,  il  ne 
s'en  trouvera  aucun  qui  les  détermine  à  exister  ;  si 
donc  il  n'y  a  pas  un  Etre  nécessaire,  rien  n'existera. 

«  Ainsi  tel  est  notre  premier  concept,  telle  est  la 
notion  primitive  que  la  laison  nous  présente  de  Dieu, 
et  de  laquelle  elle  l'ait  découler  toutes  les  auires 
idées  qu'elle  nous  en  doi>ni\  C'est  aussi  celle  que 
Dieu  donnait  à  Mutse  do  lui-même.  Je  suis  Celui  qui 
4MIS.  Tu  diras  aux  eiifwHs  d'hraél  :  Celui  qui  est  m'a 
envoyé  vers  vous.  Dieu  est  celui  qui  est,  et  qui  ne 
peut  pas  ne  pas  être;  à  qui  l'être appariieni  en  propre, 
et  non  pas  en  concession  ;  qui  jouit  de  l'exisience 
par  la  vertu  de  sa  nature,  et  qui  ne  l'a  reçue  d'au- 
cune cause  ;  qui  la  possède  esseiitielleuienl,  et  qu'on 
ne  peut  pas  cuncevoir  non  existant. 

<  Cette  vérité,  cju'd  existe  un  Kire  nécessaire,  est 
généraleraeni  reconnue  par  les  athées  ;  car  ils  pré- 
tendent que  la  matière  existe  nécessairement. 

I  Cependant  quelques-uns  ont  imaginé  un  expé- 
dient :  c'est  de  supposer  une  succession  iulinie  d'êlres 
indifférents  à  exister,  d'êtres  contingents,  qui  se 
sont  produits  les  uns  les  autres,  sans  qu'on  puisse 
jamais  arriver  au  premier  de  ces  àires  produits. 

I  Mais  cette  supposition  e>t  évidemment  absurde. 
Aucun  de  ces  êtres  produits  n'existe  par  nature  ; 
donc  aucun  n'a,  dans  sa  nature,  un  principe  d'ôxis- 
lence  :  chacun  d'eux  a  donc  en  soi-même  le  néant 
de  ce  principe.  Qu'on  multiplie  jusipi'à  l'inlini  les 
néants  de  principe  d'existence,  on  ne  ionnera  jamais 
nn  ilegré  de  ce  principe  ;  car  tous  les  néanis  imagi- 
nables des  néanis  iniinis  d'un  principe  réel  n'en 
peuvent  pas  produire  un  seul  degré;  donc  celte  col- 
lection inlinie  d'êtres  produits  ne  peut  pas  se  don- 
ner l'existence. 

I  Achevons  de  mettre  ce  raisonnement  dans  le 
plus  grand  jour,  par  quelques  coiiiiiaraisiiiM. 

<  Iju'on  muliipiiu  à  rnilini  les  /.éros,  ils  ne  don- 
neront jamais  la  plus  petite  valeur  :  des  zérus  iniinis 
ne  valent  pas  plu?  qu'un  téro. 

<  Qu'on  miiliiplie  à  l'inlini  les  arengles,  ils  ne 
formeront  pas  le  moindre  d^'gré  de  |)uissance  de 
voir  ;  une  multitude  inlinie  d'aveugles  ne  peut  p.is 
plus  voir  qu'un  seul  ;  parité  ipie  l'aveugiemenl  étant 
le  néant  de  la  puissance  de  voir,  une  inliiiité  d'aveu- 
glements ne  seront  que  des  néants  iniinis  de  puis- 
sance de  voir,  qui  ne  donneroni  jamais  aucun  degré 
de  celte  puissance. 

I  D'une  multitude  infinie  de  luorls  un  ne  verra 


point  sortir  la  vie.  Des  flambeaux  éteints,  en  quelque 
nombre  qu'on  les  suppose,  ne  donneront  point  de 
lumière.  En  nwilipliant  les  pauvres,  on  n'oie  pas  la 
pauvreté,  mais  on  l'augmente. 

f  D'ailleurs,  on  nous  donne  comme  infinie  celle 
chaine  de  générations,  de  productions  ;  cependant 
elle  ne  l'est  point.  Si  elle  se  termine  ou  finit  au  mo- 
ment présent,  elle  n'est  donc  pas  infinie  ;  si  elle  aiig- 
nienle,  elle  l'est  encore  moins  ;  il  est  absurde  ijne 
l'infini  actuel  puisse  aii.!raeiiter.  On  peut  coinnieneer 
actuellement  une  cliaine  successive,  infinie  en  puis- 
sance, qui  ne  sera  jamais  terminée,  qui  n'exisiera 
jamais  tout  entière  ;  mais  une  chaîne  successive, 
actuellement  infinie  et  actuellement  terminée,  est  une 
contradiction. 

<  Ou  mille  ans  avant  n  ms  elle  était  déjà  iulinie, 
ou  elle  ne  l'était  pas.  Si  elle  l'élait,  mille  ans  de  plus 
ne  l'ont  pas  rendue  plus  longue  ;  il  est  absurde  que 
l'inlini  actuel  puisse  devenir  plus  grand.  Si  elle  ne 
l'était  pas,  mille  ans  simt  une  durée  :  il  est  aiisurde 
que  deux  quantiiés  bornées,  ajoutées  l'une  à  l'auire, 
produisent  une  (|nantilé  infinie. 

(  Tous  les  êires  étant  produits,  il  n'en  est  aucun 
duquel  on  ne  puisse  demander  :  Quelle  est  sa  cause? 
En  remoiit  int  à  l'inlini,  loin  de  résoudre  la  qiicslion, 
l'on  donne  lieu  de  la  renouveler  à  rinfiiii.  En  des- 
cendant la  chaîne,  tous  les  êtres  sont  cause  de  ceux 
qui  suivent  ;  mais  en  remnniani,  ce  ne  soia  plusi|Ue 
les  elfets  de  ceux  qui  précédeni  :  s'il  n'y  a  point  de 
première  cause,  ce  sera  une  chaîne  inlinie  d'effets 
sans  cause. 

<  Concluons  donc  qu'il  est  un  Etre  absolument  né- 
cessaire, lin  Etre  qui  existe  par  soi-même,  eu  vertu 
du  sa  propie  nature. 

<  III.  L'Etre  nécessaire  est  néceuairement  tout  ce 
qu'il  est,  et  tuul  ce  qu'il  penl  être. 

i  Un  ne  parle  point  des  opérations  libres  de  l'Elie 
nécessaire,  des  actes  de  sa  volonté  ;  il  s'agit  uiii((ue- 
inenl  de  ses  attributs  :  or  ils  sniil  tous  en  lui  d'une 
nécessité  absolue,  de  même  que  son  existence.  Dans 
les  êtres  contingents,  il  est  tout  simple  qu'il  y  ait  des 
propriétés  accidentelles  ;  ccux-mêine  de  leurs  attri- 
biils  qui  leur  sont  esseniiels,  ne  sont  nécessaires  (|u  ; 
d'une  nécessilé  liypiituéti'iuc,  c'est-à-dire  d'une  né- 
cessité qui  suppose  l'existence  contingente  d'un  su- 
jet ;  in;iis  l'Etre  nécessaire  d'une  nécessié  absolue  a 
son  essence  d'une  nécessilé  absolue.  Elle  ne  dépend 
pas  d'une  byptiihèse,  puisque  l'existence  de  cet  Etre 
est  nécessaire  absolument,  et  n'est  la  suite  d'aucune 
hypoilièse.  Il  n'a  pas  pu  i,xisier  sans  sOn  essence,  et 
puisqu'il  ne  peut  pas  ne  pas  exister,  il  ne  ,  oui  pas 
ne  pas  avoir  ceite  essence. 

I  Or,  toutes  les  propriétés  de  l'Etre  nécessaire  lui 
sont  essentielles  ;  il  ne  peut  pas  en  avoir  qui  soient 
accidentelles  :  car  de  qui  ticuidrail-il  des  modiliea- 
lions  purement  accidenlelies '(  Serait-ce  de  sa  natu- 
re'? Alors  elles  ne  seraient  pas  aceidemelies  :  CJ 
qu'un  être  pn.ssède  en  vertu  de  sa  nature  lui  est  es- 
seniiel.  Serait-ce  d'une  cause  extérieure  ?  Mais  quelle 
serait  cette  cause  C"niin;;enle,  qui  luiait  le  pouvoir 
d'ajoulcr  .les  modes  accidenlels  a  l'Etre  néeessaiie? 
Non,  ce  n'est  que  de  sa  nature  que  l'Etre  nécessaire 
peut  avoir  ses  inodilicalions.  Les  modilicaiiuns  a\ni 
être  ne  siuit  pas  des  êtres  à  part,  ayant  une  exis- 
tence personnelle,  elles  ne  sont  autre  chose  que  l  être 
lui-même  niodilié  de  telle  façon.  Celles  de  l'Eue  né- 
cessaire sont  donc  l'Etre  nécessaire  lui-même;  elles 
sont  donc  nécessaires.  En  un  mol,  il  répugne  qu'un 
être  soit  nécessaire  dans  sa  propriété  d'exister,  et 
:  contingent  dan»  son  mode  d'exister;  qu'il  existe  ne- 


il  63 


CRE 


CRE 


1100 


sisnificalion  naUirelie  des  termes?  Nous 
avouons  cneoie  que  l'hébreu  bnra,  le  grec 
KTi:;£tv,  le  l.iliu  rrenre,  le  rr.iiirais  crier,  n'ex- 
priiueiil  pas  toujours  la  création  proprement 

CRSSiiiremenl,  et  cepeiidiiil  d'une  nianièie  cniitin- 
geiiie. 

<  IV.  L'Etre  nécessaire  eut  éternel.  L'élcrnile  csl  la 
consé(|iieiice  imniéiliale  ife  la  ncoossilé  il'exisliT  ; 
iiséilé  el  élernité  sont  piesqu^^  deux  ^e^lnt^s  iik^iili- 
qui's.  Aussi  lous  coux  qui  onl  ri'co  inii  ^e^i^^ell«e  de 
lu  DiviiiilC,  iiiéuie  \y.\\u>\  les  p:rii,iis,  uni  un  même 
leuips  prid'essé  son.  éiernilé.  Ki  les  alliées  qui  veu- 
lent i|iie  la  intnièie  exisie  i:éci'-sairenient,  préien- 
dent  aussi  i|u'e!lfi  cxisIe  clernoll  niint. 

«  En  ellél,  si  l'ôir.^  iiéce~s:iire  a  en  un  pomnlence- 
ineni,  d'où  l'a  lit  eu.?  Uo  lui-mènic?  Mais  aucune 
clio.si;  ne  peut  .se  donner  à  elle-inènie  l'exisience.  Il 
faudrait  ipi'clle  existât  avant  d'exislor.  Deipielipie 
aut'ru  ?  Mais  aUirs  il  serait  coniing  ut  ;  il  ne  sérail 
plus  ri'Ure.nécess.iire. 

€  S'il  pouvait  y  avoir  un  temps,  soit  dans  le  pas- 
sé, S'il  dans  le  luiur,  oii  l'Eue  nécessaire  n'existât 
pas,  il  serait  iiéccssaii-e  et  il  ne  léserait  pas.  Il  le 
Serait,  c'esi  l'hypoilièse  :  il  ne  le  serait  pas  ,  puisqu'il 
pourrait  ne  pas  exister 

<  V.  L'Ulre  nécessaire  est  immuable.  LNnMnulabilité 
de  rtOtre  nécessaii'c,  c'e-t-à-dire  sa  prO|iriété  de  ne 
jamais  cli.inger,  de  rester  toujours  le  inènH-,  est  la 
conséi|ueiiee  immédiate  do  ce  (pit:  nous  avons  étal>li 
jusqu'ici.  Nous  avons  montré  qu'il  est  néecssaireiiieiil 
ce  qu'il  est  :  il  ne  ptul  dune  pas  deve  ilr  a  itre  (in'il  est. 
Nous  avons  établi  que  tontes  ses  pnqjriélés  lui  suiit 
es>entielles  :  or,  aucnn  être  ne  peut  changer  d'es- 
sence ;  ce  qui  lui  eslessentii'l  lui  est  trllemeni  iiilié- 
reni,  iiu'il  ne  peut  pas  ne  pas  l'avoir.  L't^lre  contin- 
gem  qui  peut  être  détruit  ne  peut  pas:,  tandis  ipiM 
snlisiste,  perdre  sim  essence.  L'issence  de  l'Iiire 
nécessaire  est  iiidestiuelilile,  comme  smi   existence. 

«  'l'ont  thangemenl  piovient  d'une  lause  externe 
on  interne.  11  serait  dériiso  iialile  <le  prétendre  que 
des  êtres  coniiiigenîs  eu^^enl  sur  l't'^lre  iiéce^sa  re  li 
puiss une  de  clianger  de  nature.  Il  répugne  égale- 
nieiii  que  la  iiéce.ssiié  d'exister  suit  un  principe  de 
variation. 

f  VI.  L'Etre  nécessaire  est  infiniment  parfait.  Quand 
nous  disons  que  l'Eire  nécessaire  est  inliuiment  par- 
fait, nous  n'eiitâiidoiis  pas  qu'il  pos^ède  ali.-oluinent 
toutes  les  perlei  lions  imaginables  ;  il  v  en  a  qui,  par 
leur  nature,  sunl.  mêlées  d'imperreilions  :  ou  sent 
bien  que  te  n'est  pas  de  celles-là  (pi'il  peut  être  ici 
qtiesMoii.  Il  y  aurait  coutradiclioti  dans  l 'S  termes  à 
dire  qu'un  être  parlait  jusqu'à  l'inlini  reiiferme  des 
imperléelions.  Il  y  a  aussi  des  peiléelions  qui  Sunt 
opposées  à  d'autres  et  qui  les  excluent  ;  ce  n'est  pas 
encore  de  i  elles-là  que  je  parle  :  il  ne  peut  y  avoir 
dans  un  même  être  des  qualités  contradictoires.  J'ai 
dittpio  rfc-tre  nécessaire  réunit  Imites  les  perleciioiis 
possibles,  c'est-à-dire  tontes  celles  qui  »oiit  compa- 
tibles, suit  cntie  elles,  soit  avec  le  degié  iiilini  où 
elles  doivent  c  re  portées. 

•  l'our  prouver  l'iiilinle  perfection  de  l'Etre  néces- 
saire, je  pose  d'abord  en  |)rinci|ie  qu'elle  esi  p  issi- 
ble  dans  lui.  Je  dis  dans  lui,  et  dans  lui  seul.  L'd  re 
coiitiiigenl  est  es^emiellelnent  fini  dans  ses  peiiec- 
tiuns  ;  Il  ne  les  a  que  conllngeninienl.  qu'accideniel- 
lemenl  ;  ainsi,  ù'.ibord  il  peut  les  [leidre,  ce  (pii  est 
une  iuiperfeclion  ;  ensuite,  des  qualités  acci  lenlel- 
les  s<int  sujettes  àvaiiiliou,  peuvent  recevoir  de 
rau.:menuiiion,  de  la  oluiiinulion  :  autre  ((iiiiradic- 
lion  loimelle  avec  l'uili.ii  q  li  n'est  susceplilile  ni  de 
Fuu  ni  de  l'aulic.  Mai>  si  l'jniinie  perl'eclio.i  csl  in- 
conipaliblo  avec  •l'existence  niniingenie,  elle  se  eun- 
cilie  irés-bien  avec  l'existence  nécessaire  ;  les  nié- 
mes  raisons  ne  l'excluenl  pas  de  l'Etre  immuaole, 
incapable  de  tien  perdre  et  de  rien  acquérir.  Le  pos- 


dite;  aucune  langue  ne  peut  avoir  un  lorine 
sacramentel  pour  la  désijîner,  puisiue  ee 
n'est  pas  une  iJée  qui  soit  naturellement 
venue  à  l'esprit  des  inventeurs  du  langage  ; 

sililc  est,  ce  qui  ne  répugne  pas,  ce  qui  n'implique 
pas  cnniradicti'iii,  ce  qui  n'empivrle  pas  l'être  et  le 
nun-étie  :  or,  qu'y  a-i-il  de  contradictoire  à  ce  qii'ini 
être  qui  exisie  par  sa  nature,  ail  par  sa  nature  l'iii- 
liiiie  perfection'?  Esi-ee  l'agrégation  de  toutes  les 
perléciions  compaiibles  entre  elles?  Ou  ne  peut  pas 
le  piélendre,  puisque  leur  coinpaiiliililé  fait  partie 
de  la  supposition.  Est-ce  le  sonver.iiu  degré,  l'exal- 
laiiou  lie  U'utes  ces  peifeclions  jusqu'à  linli  il,  qu'on 
voudrait  inellre  en  contralicliim  avec  l'existence 
né*. cssaire'?  Il  n'y  a  entre  ces  deux  idées  aucune  op- 
position :  l'aséiiéne  mot  pas,  comme  la  coniingence, 
une  borne  aux  pcleclions.  Non-  concevons,  dans 
l'Etre  nécessaire,  la  perfeelion  illimitée  :  elle  esl 
donc  possible  en  lui. 

f  M.iis  j'ajoute  que,  s'il  peut  fa  posséder,  il  la  pos- 
sède. L'Eire  qui  est  néceNsaireiiieiit  liiiii  ce  qu'il  est, 
est'  aussi  nécessairement  tout  ce  ipi'il  peni  être.  Si, 
pouvant  itre  inlinlment  parlait,  il  ne  t'était  pas,  il  y 
aurait  une  contradiction  maniléste.  Il  pourrait  l'être: 
cela  e^i  avoué  pir  la  supposition  niéuie  qui  est  fane. 
H  ne  poiiriail  pas  l'être,  puisque  ne  l'étaui  pas,  il 
serait  dans  l'iinpossiliilité  (Je  le  devenir  ;  son  immu- 
tabilité s'y  opposerait.  Acquérir  quelque  perfection 
ou  quelqae  degié  de  perleclion,  serait  subir  un  cliaii- 
(Semenf,,  serait  devenir  autre  que  ce  qu'il  e>t. 

•  11  n'y  a  dans  l'Etre  nécessaire  rien  qui  ne  lui 
soit  essentiel;  et  ses  perlecliun^,  et  le  degié  de  ses 
pcrieciions  soi.t  dune  en  lui  esseniiellemenl  ;  elles 
sont  donc  au  point  qui  n'esi  pas  susceptible  d'aug- 
ineiitaliiiii  :  elles  smil  donc    inlinies. 

I  Si  l'Etre  nécessaire  n'est  pas  inflni  en  uerfec- 
lioiis  il  est  donc  borné.  Mais  d'oi'i  viendrait  ceite 
limitation?  Serait-ce  d'autrui?  (Quelle  ser.iil  cette 
cause  supérieure  à  lui  qui  aurait  le  pouvoir  de  lui 
prescrire  des  bornes  ''  Puisqu'il  a  essentiellemeiil 
tous  ses  aliributs,  on  ne  peut  ni  l'en  priver  ni  les 
moililier.  On  ne  peut  ôier  l'essence  d'un  é  re,  à 
niuiiis  de  l'anéantir.  Ser.iit-ce  de  l'Etre  nécess.iire 
lui-inême  que  viendrait  la  limitation  de  ses  peifec- 
lions /  Diiis  ce  second  cas.  ce  serait,  ou  sa  volonté, 
ou  sa  ii.iiiiro  qui  poserait  la  borne.  FJire  qne  c'est 
volontairement  qu'il  se  met  des  bornes,  est  avancer 
nue  absuidité  palpable  ;  et  quand  il  le  voudrait,  il 
ne  serait  pas  plus  en  son  pouvoir  qu'au  pmivoir 
d'autrui  de  changer,  de  niudilier  son  essence.  Pré- 
tendre que  c'est  par  sa  propre  nature  i]ue  l'fcire  né- 
cessaire est  restreint  dans  ses  perléciions,  d'abord  c.! 
serait  nier  ce  que  nous  venons  de  déiiionlrer  vrai, 
savoir,  que  rinlinic  perfection  est  possible  ;  ensuite 
ce  serait  avancer  que  le  principe  d'existence  le  plus 
parlait  est  un  principe  d'iinp.rreclion,  car  le  défaut 
d'une  I  erl'eitioii,  ou  sa  limitation,  sont  des  imperfec- 
lions  réélus.  La  nécessité  d'exister  ne  répugne  qu'à 
deuv  choses,  au  néant  et  à  la  contingence.  Elle  est 
compatible  avec  tonte  perfection,  avec  tout  degré  de 
perfection  ;elle  ne  peut  donc  pa..  être  le  principe  de 
la  liiiiilalion  des  perfections.  l'uisi(ue  l'Etre  nécessai- 
re ne  peut  être  limité  dans  ses  perfections  ni  par  Ini- 
mé  lie,  ni  par  autrui,  il  ne  peut  donc  pas  l'être  ;  il 
est  dmic  illimité  ;  il  esi  donc  inlinimenl  parfait. 

1  VU.  La  matière  n'est  pas  l'Etre  nécessaire.  Ne 
perduns  pas  de  vue  qu'il  s'agit  ici  non  d'une  néces- 
sité liypntlictiqoe,  mais  d'une  nécessité  il'exisier  ab- 
solue, essentielle,  el  telle  i|  l'il  y  ail  répugnance  et 
contradiction  da:is  l'idée  de  la  iiiiii-exi-.teiice.  Ainsi 
pour  soutenir  l'aséiié  de  la  maii-re,  il  tant  préten- 
dre qu'il  est  impossible  de  la  concevnir  no  i  exis- 
tante ;  impossible  même  de  conceioir  un  seul  atome 
non  evisianl.  Or,  je  demande  quelle  contradiction  II 
y  aurait  à  ce  que  la  matière  n'existât  pas,  ou  à  ce 


1107 


CRK 


CKE 


11G8 


unis  ny  a  - 1  -  il  pas  d'autre  moyen  de 
l'exprimer?  Si  nous  en  croyons  Be.iuso- 
bre  ,  les  auleurs  sacrés  ,  qui  disent  que 
Dieu    a    tout   fait   de    rien  ,    qu'il    a    tiré 

qu'elle  fùl  moins  éiemlne  qu'elle  n'est,  ou  enliri  à  ce 
qu'il  y  eûl  dans  le  monde  quelipies  particules  de 
mailère  di'  innin-i.  Je  coiçnis  la  non-exi-tonce  soit 
de  la  tnlalité,  soir  de  quelques  partie*  de  la  matiè- 
re ;  sa  nnn-e\islence  seiail  donc  possible  :  son  exis- 
tence n'e^i  donc  pas  nécessaire. 

I  Reprenons  les  propriélés  que  nous  avons  vu  dé- 
couler esseulielleinent  de  la  nécessiié  d'exister,  et 
nous  nnus  couvainiToiis  aisément  qu'elles  ne  peu- 
vent être  appliquées  à  la  matiéie. 

I  Nous  avons  vu  que  l'Elre  nécessaire  esl  néces- 
gairenienl  ce  qu'il  est;  qu'd  y  aurait  conlradiciion 
entie  son  exisienoe  nccessiire  et  sa  manière  d'èire 
conlingeiile  ;  qu'en  ci>nséqu luce  tontes  ses  proprié- 
tés lui  sont  e-sentiellis.  Prenez  toutes  les  propriétés 
de  la  matière,  vous  n'en  trouverez  aucune  qui  ne 
Suit  oomingi'iite.  L'éiendue  de  i  liaipie  coips  pour- 
rait être  plus  ou  moins  graule,  sa  forme  pourrait 
être  changée,  sa  situilion  déplacée,  sa  pesanteur  al- 
légée ou  agsravée.  De  toutes  les  manières  d'être  de 
la  matière,  il  n'y  en  a  aucune  (|ui  ne  suit  susceplible 
de  cliaiigeinent,  aucune  qui  ne  soit  nécessaire.  Ainsi 
la  matière  e\is:e  d'une  manière  conlii:geute  :  elle 
n'existe  donc  pas  nécessairement. 

<  l.a  iiiaiière  a  ses  p  opriéiés,  d'où  elle  a  son 
existence,  ou  par  soi-inêine  ou  par  autrui.  Klle  ne 
peut  pis  tenir  son  existence  de  sa  nature,  et  rece- 
voir ses  propriélés  d'une  volonié  éirangèie.  Comme 
un  éire  ne  peut  pas  ixisler  sans  propriétés,  le  prin- 
cipe soit  inleriie,  suit  externe  de  siui  existence,  l'est 
aussi  de  ses  propriété'.  Si  donc  la  matière  ne  possè- 
de pas  nécessairement  ses  propriétés,  elle  ne  pos- 
sè'le  pas  non  plus  nécessaireuient  son  existence  ; 
mais  l'une  et  les  antres  lui  viennent  d'une  cuise 
étrangère.  Si  vous  vipulez  que  la  mahére  ait  né- 
cessairement ses  propriétés,  vous  devez  prétendre 
que  chaque  corps  a  nécessairement  lelli'S  proprié- 
tés, telle  grandeur,  telle  lijjure,  telle  situ  liiun:  ce  qui 
est  à  chaque  instant  démenli  par  l'expérience.  Nous 
voyons  l  us  les  corps  sujets  à  des  vaiiaiiuns,  à  des 
vieis::itinles  ((iiiliiiueiles.  i-e  n'est  done  point  de  leur 
nature  que  les  corps  tirent  leurs  propréiés.  Ce  n'est 
doue  point  non  plus  de  leur  nature  qu'ils  tieniieiil 
leur  existence.  C'est  d'une  \olonlé  é.rani;ère  qu'ils 
ont  reçu  tout  ce  qu'ils  ont. 

<  l)  .e  autre  propriété  de  l'Etre  nécessaire,  c'est 
son  inlliiie  pcrieeti  in.  Elle  est  telle  (|u'elle  ne  peut 
ni  augmenier  ni  diininui'r.  Il  ne  peut  rien  acquérir 
ni  rien  perdre.  .M.iis  peut-on  dire  que  la  mal  ère 
soit  iiifiuiiiieul  parlaile  ?  Toute  m.itiere  n'esl-elle 
pas  liiiiiiée,  ce  qui  est  ceitameuient  une  iiupcrlec- 
liiiii  '  Ku-te-t-elle  loMiours  au  iiiéuie  de^ié  de  per- 
feitiun?  Ne  voynnsuous  pas,  au  cmurane,  tous  les 
corps  et  e  dans  une  successiou  conliuiielle  d'.iccruis- 
Siniiuil  et  de  décioisseuienl,  se  lorm  u',  s'améliurer, 
S'-  déiériorer,  se  dissoudre  ?  Dira  t-mi  (|ue,  dans  ces 
vicissuules,  ils  n'aequiéreul  ni  ne  perdent  des 
perleclinns  V  .le  siippuse  avec  n  is  adversairiS,  sans 
le  leur  aeciuder,  que  riioiniiie  ne  suii  qu'un  amas 
de  miiière.  D.ms  cette  hypotiièse,  ipii  est  la  li!ur, 
piéiendroiit-ils  que  Newton  n'élail  pas  un  élic  plus 
parlait,  lorsipi'il  rêvé. ail  à  l'iiniveis  les  lois  physi- 
ques qni  le  légissenl,  ijue  lursi|u'il  éiaii  d.ins  le  seiii 
de  sa  niéri!  un  fœtus  eiicure  inlnrine,  ou  dans  le 
loiulieau  un  cadavre  ron^é  des  vers?  Un  suiierlie 
é'Iilice  ii'i^sl-il  pas  plus  parlait  que  ii^  las  de  pieircs 
dont  il  lut  ciiiistriiil,  et  (pie  le  mnnceau  de  ruines 
dans  lequel  il  se  confondra  ?  Le  tahleaii  de  Itapliaël 
n'a-t-il  pas  plus  de  [icrieclioii  que  n'eu  avaient  les 
couleurs  mises  péle-méle  sur  sa  palette,  ou  que  n'en 
aura  la  puussiére  ilan>  laquelle  il  Unira  par  se  ré- 
ïoudru'C  Les  perfections  dont  la  malien;  est  suscep- 


toutes  choses  du  néant,  qu'il  a  f^iil  ce  tjui  est 
de  (6  qui  n'élail  point,  n'om  pas  enseigné  la 
créiition  assez  clniremenl;  parce  que  les 
anciens  ont  appelé  rien,  néant,  ce  qui  n'était 
pus,  la  malii^re  et  les  êlres  qui  n'avaient  pas 
encore  reçu  leur  forme.  N'esl-ce  pas  là  se 
jouer  des  Icrmcs  ?  Beausobre  devait  du  moins 
nous  direde  (juelles  expressions  les  écrivains 
sacrés  devaient  se  servir  pour  enseigner  la 
création  assez  clairement.  En  raisonnant 
comme  lui,  on  prouverait  que  lui-même 
n'admet  pas  assez  clairement  ce  dogme  , 
maigre  la  profession  qu'il  en  fait.  Dieu  a  dit, 
et  tout  n  été  (ail;  il  dit  que  la  lumière  soil,  et 
la  lumière  fut  ;  ainsi  parlent  les  auleurs 
sacrés  :  ce  langage  se  Irotive-t- il  chez  les 
priifanes? —  Par  la  même  prévention,  Bcau- 
solire  doulo  si  saint  Justin  a  vu  la  création 
de  la  matière  dans  les  paroles  de  Moïse; 
parce  que,  dans  sa  première  ApoL,  n"  59,  il 
pense  q.  e  Plalon  a  emprunté  de  Moïse  ce 
qu'il  a  dit  de  la  formation  du  monde  :  or, 
Plalonsupposeque  Dieu  l'a  forméd'une  nalure 
préexisl.Mile.  Mais  pour  savoir  ce  qu'a  pensé 
saint  Justin,  il  ne  fallait  pas  se  contenter 
d'un  seul  passage.  Dans  son  Exhortation 
aux  Grecs,  n"  22,  il  dit  que  «  la  nilTérence 
qu'il  y  a  entre  le  Créateur  el  l'ouvrier  con- 
siste en  ce  que  le  premier  n'a  besoin  que  de 
sa  propre  puissance  pour  produire  deséires, 
au  lieu  que  le  second  a  besoin  de  inalière 
pour  faire  son  ouvrage;  »  n°  23,  il  prouve 
que  si  la  maîière  était  incréée,  Dieu  n'aurait 
point  de  pouvoir  sur  elle,  et  qu'il  ne  pourrait 


tible  peuvent  s'acquérir  ou  se  perdre,  augmenter  ou 
diminuer  :  ainsi,  encore  à  ce  titre,  la  matière  n'est 
pas  l'Kire  nécessaire. 

I  VIII.  Le  monde  n'est  pas  CEtre  nécessaire.  Le 
nioiiile  est  la  iiiéMie  chose  ipie  loules  ses  parties  ; 
diiiie  si  le  moiiile  existe  néeesairement  el  par  lui- 
même,  toutes  ses  parties  existent  nécé-saireiii  ■ni  el 
par  elles  mêmes.  Si  les  parties  du  inoiule  exislent 
née. 'ssair. ment  et  par  elles-mêmes,  elles  soûl  ce 
(prellis  sont  nécessairemonl  cl  par  elles-méiues  ; 
elles  ne  peuvent  duin'  changer,  parce  que  les  natures 
des  choses  ne  changent  puiiil. 

«  Loin  d'apercevoir  dans  tontes  les  par.lie*  du 
monde  celte  iiiallérahililé  ,  qui  est  l'.ipaiiage  de 
l'Eue  qii  existe  nécessairement  et  par  lui-nieiiie, 
nous  ne  voyous  dans  plusieui.>  qu'une  coiriunelle 
vicissitude.  Cuuili.en  de  rhaugemc  ils  n'a  pas  éprou- 
vés la  lerr.e  par  l.i  suite  des  années  !  Les  Inuunirs, 
les  aniiii  iix,  les  plantes  naissent,  cm  ssenl  et  iiieii- 
reiil,  d  autres  leur  sueeèdeiit  qui  auront  le  niénie 
sort,  (^liange.iteuts,  vieiss  iiides,  aliéiaiious  ipii 
iiiuis  dénioniient  que  ces  parties  ne  smit  pis  iiéees. 
saireueiii  ;  piitsipi'i'lles  ii'u  d  pas  ceii.'  luinnilniité 
d'éiat  qui  caraciérise  l'Ere  néees.saiie  ;  iliange- 
nicuts,  viiissiliides,  alliirat  oiis,  qui,  eu  détruis  ml 
la  iiéC''Ssité  d'exisier  dans  (pielqm  s  un  .s  de.s  par- 
ti s  du  monde,  la  détruisent  éga.eineut  dans  le 
tout. 

«  IX.  La  matière  el  le  monde  ont  éié  créé*.  La  ma- 
tière el  le  imuide  exisleiii  :  »r.  II»  n'existent  pas 
par  eux-mêmes,  ainsi  qu'on  vient  de  le  prouver  ; 
doue  ils  ont  reç  i  l'existi me  d'un  autre  ;  dune  ils 
sont  ciéés,  dune  il  y  a  un  Lire  créateur  distingué 
du  monde  et  de  la  matière  :  c'est  ainsi  que  la  raison 
même,  iuslrinio  par  la  révélation,  déiuuiitre  la  créa- 
tion qui  est  au-dessus  de  la  raiitun  qu'elle  ne  peut 
vuniprcndre.  > 


116e 


CHK 


CRE 


IITU 


pas  en  disposer.  Cela  est-il  assez  clair? 
Aussi  Beausobrc  avoue,  que  si  co  l't-re  a  été 
conslant  d.iQs  ses  principes,  il  faut  qu'il  ait 
cru  la  création  de  la  matière  {Hist.  dti  Ma- 
nicli.,  I.  V,  c.  5,  §  3).  Or,  s;iiiil  Jus'iii  n'a  pas 
puisé  ce  seniimcnl  dans  Plalon,  puisqu'il  le 
réCiite;  ni  dans  les  antres  philosoplies,  puis- 
qu'aucun  d'eux  n'a  enseigné  la  ci  éation.  Ce 
Père  déi'Iare  qu'il  a  renoncé  à  leur  dortiine 
pour  éiuitier  les  prophètes  {DiaLciim  Trijph., 
n*  7  et  S);  donc  c'esi  dans  1rs  piopliè  es,  ou 
dans  les  écrits  de  Moïse,  qu'il  a  trouvé  le  dogme 
de  la  créal'ion.  —  Au  reste,  iieausohre  n'a 
point  dissimulé  son  intention  ;  il  voulait  jus- 
tifier les  soeiniens  arcusès  de  nier  la  création 
de  la  matière;  pour  les  faire  paraître  moins 
coupalrles,  il  a  liouvè  bon  de  soutenir  que  ce 
dogme  n'est  pas  assez  clairement  enseigné 
dans  nos  livres  saints  ;  qu'après  tout,  il  n'est 
pas  fort  essentiri  à  la  religion,  puisqu'il  ne 
conduit  pas  à  l'athéisme;  ci  quel<|ues  déistes 
r«n  ainsi  affirmé  sur  sa  parole.  Suivant  ce 
beau  raisonnement,  il  faut  excuser  toutes 
les  erreurs,  dès  qu'elles  ne  détruisent  pas 
alisolutncnl  toute  religion.  Mais  ce  critique, 
si  charitable  à  l'égard  de  tous  les  hérétiques, 
si  ingénieux  à  faire  leur  apologie,  au  ail  dû 
être  plus  indulgent  pour  lG^  Pères  de  l'Eglise 
et  pour  les  théoloi^iens  catholiques  ;  quand 
il  s'agit  (le  justilier  les  premiers,  la  moindre 
expression  siisci'plibled'un  bon  sens  lui  suifil 
pour  ne  pas  leur  i(nputer  une  erreur;  dès 
qu'd  est  question  des  seconds,  jamais  ils  ne 
se  sont  exprimés  assez  clairement  à  soa 
gré;  jamais  ils  n'ont  raisonné  assez  exacte- 
meni  ;  il  ne  faut  leur  faire  gcâce  sur  rien. 

Biucker,  moins  entêté,  avoue  que  la  pré- 
vention des  aniiens  philosophes  contre  le 
dogme  de  lu  création,  leur  a  fait  embrasser 
le  sjsième  «bsurde  lias  é.'iianatioiis,  qui  a 
été  la  source  de  toutes  les  rêvenes  des  gnos- 
tiques  ;  et  <iue  saint  Iréiiée  l'a  très-bien  cocn- 
pris  en  écrivant  contre  ces  hérétiques.  Uist. 
Philos.,  VI.  p.  539,  note  (o).  Ce  dogme  n'est 
donc  rien  moins  qu'indiffèrent,  cl  jamais  il 
n'a  paru  tel  aux  Pères  de  l'Eglise. 

Le  P.  Ballus,  dans  sa  Déjense  des  saints 
PiTes,  accusés  de  plaliinisme,  livre  m,  page 
310  et  suivantes,  a  fait  voir  que  tous  ont 
profi  ssé  cette  importante  vérilé,  et  ont  léfuté 
Platon,  ijui  supposait   la   matière  élernelle. 

F0(/.     lillàNATlON. 

CUÈCHK.  Il  est  dit,  dans  saint  Lue,  que  la 
sainie  Vierge  et  saiui  Joseph,  n'ajant  pas 
truuvéplacedansune  hôtellerie  deBethléheui, 
furent  obligés  de  se  retirer  dans  une  èlahle  ; 
que  la  sainie  ^  ierge  y  mil  au  monde  Je  us- 
Christ,  l'enveloppa  de  langes,  et  le  coucha 
dans  une  crèche.  Les  anciens  Pères,  qui  par- 
lent du  lieu  de  la  naissance  du  Sauveur, 
disent  toujours  qu'il  naquit  dans  une  ca>  erne 
creusée  duiis  le  me.  Saint  Justin,  qui  était 
de  ce  pays-là,  Eusèbe  (|ui  y  avait  sa  de- 
meure, disent  que  ce  lieu  n'était  pas  dans  la 
ville,  mais  dans  la  campaune  |)rès  de  la  ville  : 
saint  Jeiôme,  (|ui  vivait  à  lielhlehem,  place 
celle  caverne  à  l'extrémité  de  la  ville,  du 
côté  du  midi.  —  La  crèche  était  donc  placée 
daas  le  rucher;  celle  que  l'oa  conserve  à 


Rome  est  de  bois.  Un  auteur  latin,  cité  par 
Haroiiius,  sous  le  nom  de  saint  Chrysostome, 
dit  (lue  la  crèche  où  Jésus-Chrisl  fut  mis 
était  de  terre,  et  qu'on  l'avait  remplacée  par 
une  crèciie  (l'argent.  —  Les  peintres  ont  cou- 
tume de  représenter  auprès  de  la  crèrhe  du 
Sauveur,  un  bd'ul  et  un  âne;  cel  usage  est 
fondé  sur  ce  que  dit  Isaïe  :  Le  bitufn  recoivni 
.sonmiiilre,  ei  l'âne  la  crèchi'  de  son  ScKpirur; 
et  Haliaei.'c  :  Vous  srrez  c<  nmi  au  miliru  de 
deux  (innnniix.  Plusieurs  anciens  autiurs  en 
ont  l'ait  l'appliealiiMi  à  Jésus  naissant;  mais 
ce  n'est  point  le  sens  litéral  de  ces  deux  pas- 
sades. 

CUÉDIBILITÉ.  On  appelle  motifs  de  cré- 
dibiLtii!  les  preuves  (|ui  nous  convainquent 
qu'une  religion  a  été  révélée  de  Dieu,  con- 
séquement  qu'elle  est  vraie,  puisque  Di  u, 
qui  est  la  vériti  même,  ne  peut  rien  révéler 
de  faux.  Dans  l'arlicle  Ciihistumsmu,  nous 
avons  ciié  sommairement  les  moiifs  de  cré- 
dibilité (|ui  prouvent  que  c'est  une  religion 
divine  ou  révélée  de  Dieu. 

C'est  une  grande  quesiion  entre  les  théo- 
logiens et  les  incrédules,  de  savoir  comment 
l'on  doit  s'y  prendre  pour  prouver  la  vérilé 
d'une  religion.  Ces  derniers  prélendenl  qu'il 
faut  examiner  les  dogmes  qu'elle  enseigne, 
voir  s'ils  sont  vrais  ou  taux  in  eux-mêmes, 
atin  de  juger  s'ils  sont  révélés  ou  non.  Les 
premiers  soutiennent  qui  l'on  doit  com- 
mencer par  examiner  si  le  fait  de  la  révéla- 
tion est  prouvé  ou  s  il  ne  l'est  pas;  que  s'il 
l'est,  on  doit  conclure  que  les  dogmes  sont 
vrais,  sans  se  croire  en  état  de  les  juçer  en 
eux-mêmes.  Il  s'agit  de  savoir  lequel  de  ces 
deux  procédés  est  le  plus  raisonnable,  et 
conduit  plus  sûrement  à  la  vérité;  il  nous 
paraît  que  c'est  celui  des  théologiens. 

1°  La  religion  est  faite  pour  les  ignorants 
aiisi  bien  que  pour  les  savants;  elle  doit 
donc  avoir  des  preuves  qui  soient  à  portée 
des  premiers  aussi  bien  que;  des  seconds  ; 
cette  conséi|uence  est  avouée  et  ^ouienue 
par  les  incrédules  même.  Or,  un  ignorant 
n'est  pas  en  état  de  juger  si  les  dogmes  du 
christianisme,  par  exemple,  sont  vrais  ou 
faux;  SI  la  morale  qu'il  enseigne  est  bonne 
ou  mauvaise  ;  si  leculte  qu'il  prescrit  est  rai- 
sonnable ou  supersiitieux  ;  si  la  discipline 
qu'il  a  rétablie  est  utile  ou  abusive.  —  Celte 
discussion  est  évidemment  au-dessus  de  se» 
forces  :  donc  ce  serait  de  sa  part  une  impru- 
dence devouloiry  entrer.  Autre  conséquence 
de  laquelle  les  incrédules  conviennent.  - 
Mais  un  ignorant  peut  être  convaincu,  par 
des  faits  inconleslables,  que  Dieu  a  révélé 
la  rcli^gion  chrétienne.  Il  peut  avoir  une  cer- 
liiude  morale  des  miracles  de  Jésus-t^hrist  et 
disapôlrcj,  du  témoignage  des  martyrs,  de 
l'établissement  miraculeux  du  chri^liani^me, 
des  elTets  qu  il  a  produits  et  qu'il  opère  en- 
core chez  les  peuples  qui  le  professent,  de 
ceux  qu'il  res-entirail  lui-même  s'il  en  pra- 
tiquait constamment  les  devoirs,  etc.  Donc 
c'est  |iar  ces  preuves  exiérieiires,  ou  par  ces 
motifs  de  crédibilité,  qu'il  doit  juger  de  la 
vérité  du  christiaiii>iiii'.  Vainemenl  les  in- 
crédules s'imaginent  que  Dieu  a  établi,  pour 


4I7J 


CRE 


gre: 


1179 


les  Siivaiits  €l  les  philosophes,  une  îiiitre 
ninnièrc  rie  juger  que  pour  les  ip;nora:ils. 
Les  premiers  peuvent  avoir  un  plus  grand 
nomlire  do  preuves  que  les  seroiiils  ;  nu'iis 
ÎC3  preuves  qui  son(  vr.iies  et  solides  pour 
ceux-ci,  lie  peuvent  pan  être  fjussis  el  Irora- 
peuses  pour  ceux-là. 

2°  De  ce  qu'un  dogme  quelconjus  nous 
pamll  vrai,  il  n'e  s'ensuit  pas  pour  cela  que 
Pieu  l'ait  révélé  :  donc  de  ce  qu'il  nous  paraît 
faux,  il  no  s'eusuil  pas  non  plus  que  Dieu  ne 
l'ait  pas  révél'é.  Il  est  beaucoup  plus  aisé  de 
no'is  tromper  rfaus  l'exauien  d'une  docirine 
obscure  et  abstraite,  quedans  l'examen  d'un 
faii  sensiliie  d  pu-'pable.  Par  des  raisonne- 
inenis  captieux,  on  peut  facilement  t'ioiirdir 
cl  égarer  un  homme  qui  n'est  pas  aguerri  à 
la  di'.piile  ;  mais  à  quoLaboulissent  les  rai- 
sonnements ,  les  conjectures  ,  les  soupçons 
contre  dos  faits  invincihlemenl  prouvés?  Il 
n'est  pas  une  seule  vériié  spécula-live  cotilre 
laquelle  on  ne  ps  isso  faire  des  objections  qui 
paraissent  insolubles  ;  mais  toutes  les  ol  je,> 
lions  piissibles  ne  nous  dissuaderont  jamais 
d'un  fait  dont  la  cerlilude  morale  est  pous- 
sée au  plus  haut  degré  de  notoriété.  Les  so- 
phismcs  des  scTj)tiques  ,  des  pyrrhonieiis, 
des  acalaleptiqueS;  ont  ju  laire  (laraitre  du 
leiix  tous  les  dogmes  phisosopbiiiues  ;  mais 
ont-ils  jamais  eu  péclié  personne  de  se  lier 
au  témoignage  des  sens  et  à  celui  des  autres 
hommes?  Les  philosophes,  même  les  plus 
incrédules,  sont  f)reés  d'y  déférer  dans  le 
co'iimerce  ordinaire  de  la  vie. 

3°  Dieu  est  certainement  en  droit  de  nous 
révé'er  des  mystères  ou  des  vérités  incom- 
préhensibles, puisque  nous  en  apprenons  de 
semlilables  par  le  sentiment  intérieur,  p,'.:r 
nos  raisonnement-:  ,  par  le  lémoignagc  de 
nos  sens,  par  l.i  dépositi' n  des  autres  hom- 
mes ;  nous  le  ferons  voir  au  mol  jMv.-tère. 
Il  est  même  impossible  de  forger  une  reli- 
gion exemple  de  inysièrcs,  aucun  syslème 
de  philo»0|iliie  ou  d'incrédiililéqui  n'en  ren- 
ferme un  grand  non)brc.  Or.  quel  examen 
p!  U'.  ons-nous  faire  d'un  dogme  incompré- 
hensible? C'est  lie  voirsi  celui  (]ui  nous  l'an- 
nonce est  croyable  ou  s'il  ne  l'e^t  pas,  si  son 
témoignage  doit  être  admis  ou  rejeté,  s'il  a 
OU  s'il  n'a  (las  droit  de  nous  subjuguer.  Que. 
dirait-on  d'un  aveugle-né,  (|ui.  avant  d'ajou- 
ter foi  à  ceux  qui  lui  parlent  des  couleurs, 
d'un  miroir,  d'une  perspective,  voudrait  con- 
cevoir par  lui-nicuiece  qu'on  lui  en  dit?  Tel 
esl  précisément  le  cas  dans  lequel  nous 
nous  trouvons  lorsque  Dieu  daigne  nous 
parler. 

4'  C'est  une  absurdité  île  vouloir  élre  con- 
vaincus de  nos  d'voirs  religieux  auiremenl 
que  uiius  ne  le  sommes  do  nos  devoirs  nalu- 
rels  et  civils.  Nous  sommes  insiruils  de  ces 
derniers,  non  par  un  examen  sjiéi  ulalif  de 
ce  qui  esl  bon,  louable,  utile,  boiinéle.  rai- 
sonnable en  lui-même,  mais  par  des  preuves 
mor.iles,  desquelles  il  résulte  que  telle  loi  a 
été  portr  ,  (|iie  telle  police  d  tels  usages  sont 
établis  el  oiiserves  dans  la  soi  iélé.  Sur  c« 
point,  les  objections  el  les  raisonnemenis 
des  philosophes  ne  servept  à  rien,  ou  n'y  fait 


aucune  attention ,  eux-mêmes  n'oseraient 
s'y  conformer  dans  la  pratique.  De  quel  droit 
pretendent-ils  décider,  par  leurs  spécula- 
lions,  de  ce  que  Dieu  peut  ou  ne  peut  pas 
nous  enseigner,  nous  prescrire  ou  nous  per- 
mettre? 

5°  Ce  n'est  point  à  nous  de  prouver  au- 
jourd'hui le  christianisme  d'une  autre  ma- 
nière qu'il  nel'aélépar  ceux-mème  qui  l'ont 
fondé,  qui  ont  converti  les  Juifs  et  les  païens. 
Or,  les  apôtres  ne  sont  point  enirés  en  dis- 
cussion de  chaiine'  dogme  qu'ils  annon- 
çaient ;  ils  ont  prouvé  par  des  faits  la  mis- 
sion  divine  de  Jésus-Christ  et  la  leur.  Saint 
Paul  dit  aux  Corinthiens  :  Je  n'tii  point  ap- 
puijé  mes  discours  ni  ma  prédication  sur  les 
raisvnnemeiUs  dont  la  sai/esfe  humaine  se  si'rt 
pour  persuailer,  );iaix  sur  les  dcmonstraiions 
d'un  pouvoir  divin  et  de  l'esprit  de  Dieu  {'■ur 
des  mirarles),  afin  que  votre  foi  fût  fondée, 
non  sur  la  sagesse  dfs  hommes  ,  mais  sur  /a 
puissance  de  Dieu  [l  Cor.  ii,  4).  —  En  effet, 
la  persuasion  que  nous  avons  d'une  vérité, 
par  le  raisonnement,  n'est  pas  la  fui,  ja- 
mais on  ne  s'est  avisé  d'appeler /biTacquies- 
cemenl  à  une  vérité  démontrée.  Quel  mérite 
peut-il  y  avoir  à  la  croire?  Mais  Dieu  veut 
q:;c  nous  ajoutions  foi  à  sa  parole,  c'est  un 
hommage  que  nous  devon?  à  sa  vért-cité 
souveraine.  Le  mérite  de  cette  foi  fonsisle  a 
résister  aux  doutes  que  peuvent  nous  sug- 
gérer nos  raisonnemenis  et  ceux  des  incré- 
dules. Ceux  qui  voulurent  raisonner  contre 
lis  apôtres,  furent  les  auteurs  des  premières 
hérésies,  et  l'on  sait  jusqu'à  quels  excès  ils 
poussèrent  l'aWsurdité  de  leurs  opinions. 
I.e  même  malheur  doit  arriver,  jusqu'à  la 
fin  di  s  siècles,  à  tons  ceux  qui  s'obstineront 
à  suivre  cette  méthode  perfide. 

6°  Les  conséquences  énormes  qui  décou- 
lent de  la  méthode  des  déistes,  sont  palpa- 
bles. A  fiirce  de  soutenir  que  Dieu  ne  peut 
ncus  révéler  des  vériiés  incompréhensibles, 
qu'il  nous  est  impossible  de  croire  ce  que 
nous  ne  concevons  pas,  ils  en  sont  venus  au 
point  de  prétendre  que  Dieu  ne  peut  rien 
révéler  du  tout;  que  quand  il  le  ferait,  nous 
ne  pourrions  jamais  élre  certains  du  fait  de 
la  lévélation.  Par  consé(]ueul  un  Sauvage, 
un  ignorant,  incapable  de  découvrir  aucune 
vérité  par  ses  raisonnemenis  ,  est  encore 
disii'  usé  d'écouter  un  prcilicaleur  qui  vien- 
drait pour  l'inslruiie  de  la  part  de  Dieu  ;  il 
doit  même  s'en  défier  el  lui  résister,  v  ivre  et 
mourir  <lans  l'abriiti-'Sement  dans  lequel  il 
est  né.  Ln  veiiude  l'exiimenspéculalif  pres- 
crit à  tous  les  hommes  parles  déistes,  il  doit 
y  avoir  autant  de  religions  dans  le  monde, 
qu'il  y  a  de  têtes  bien  ou  mal  faite*. 

Ils  ol)j<  dent  qu'on  siii\anl  notre  méthode, 
un  mahoniéOin,  un  p.iïon,  un  iiktlàlre  ,  doi- 
vent croire,  avec  aulaiit  de  certitude  qu'un 
chrétien,  que  leur  religion  est  vraie;  puis- 
que tous  doivent  juger  qu'elle  leur  a  été  an- 
noncée par  des  hommes  inspirés  de  Dieu. 
Mais  où  est  la  preuve  de  riiispinilion  de 
Mahomet  et  de  ceux  qui  ont  enseigné  le  pa? 
ganisme?  Les  miracles  atlnbués  au  premier 
sont  absurdes  ;  et  lui-même  a  déclaré,  dan» 


»7Î 


CRI 


CRI 


H7V 


l'Alcoran,  qu  il  ri'élait  pas  venu  pour  faire 
des  niiiacles  ;  les  apologisles  du  paganisme, 
Celsf,  Julien,  Porphyre,  clc,  n'ont  cilé  que 
des  prodiges  desquels  personne  n"a  été  té- 
moin. Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  pousser  plus 
loiu  lé  parallèle,  entre  les  auteurs  des  faus- 
ses religions  el  les  fondateurs  de  la  nôtre. — 
N'est-ce  pas  plutôt  la  méthode  des  déistes 
qui  doit  coiifirmcr  tous  les  infidèles  d.ins 
leurs  erreurs?  Un  inusulinan  qui  no  sait  pas 
lire,  n'est  certainement  p.is  en  état  de  se  dc- 
montccr  la  fausseté  des  dogmes  enseignés 
par  Mahomel,  ni  l'absurdité  des  lois  qu'il  a 
établies.  Un  païen  réussira-l-il  à  découvrir 
l'absurdité  du  polythéisme,  pendant  que  Pla- 
ton et  Cicérou  l'ont  étayé  sur  des  raisonne- 
inents  philosophiques  ?  Jamais  les  raison- 
neurs n'ont  établi  une  seule  vérité,  ni  détruit 
une  seule  erreur  en  matière  de  religion. 

il  n'est  pas  hors  de  propos  d'observer, 
que  la  méthode  selon  laquelle  les  déistes 
veulent  juger  de  la  révélation,  est  précisé- 
ment la  inénic  que  celle  des  protestants,  et 
que  celle-ci  a  fra\é  le  chemin  à  la  première. 
Un  proteslaiit  veut  voir  dans  l'Eerilure 
(luelie  est  la  doctrine  que  Jésus-Christ  elles 
apôtres  ont  enseignée,  et  jugev  par  lui-même 
du  sens  dans  Ictiucl  il  faut  l'entenire  ;  tout 
comme  un  déiste  veut  juger  par  ses  propres 
lumières  de  la  vérité  ou  de  la  fausscié  de 
celte  doctrine,  pour  savoir  ensuite  si  elle  est 
révélée  ou  non.  Un  catholique,  toujours 
constant  dans  ses  principes,  soutient  qu'il 
faut  examiner  la  mission  de  ceux  qui  se 
donnent  pour  envoyés  de  Dieu;  que,  s'ils  la 
prouvent,  c'est  à  eux  de  nous  enseigner  ce 
que  Dieu  nous  a  r»  vêlé,  soit  de  vive  voix, 
soil  par  écrit ,  et  de  nous  donner  le  vrai  sens 
de  celte  révél.ition.  Vuij.  GàTuoLiciTÉ. 

CHEDO.  C'est  ainsi  que  l'on  nomme  le 
symbole  des  apôtres,  qui  est  l'abrégé  des  vé- 
rités de  la  foi  chrétienne,  et  qui  commence 
par  le  mot  credn,  je  crois.  Tout  chrétien  qui 
le  récite  fait  un  acte  do  foi  ;  cependant  l'on 
entend  quelquefois  des  moralistes  se  plain- 
dre de  ce  que  les  fidèles  font  lro|)  rarement 
des  actes  de  foi  :  ils  supposent  donc  que  les 
fidèles  ne  vont  pas  à  la  messe,  ou  ne  disent 
point  le  symbole  des  apôtres  dans  leur 
prière. 

GiiEDo,  désigne  encore  le  symbole  plus 
ample  que  celui  des  apôlres  ,  el  qui  a  été 
dressé  par  les  conciles  de  Nicée  en  323,  el  de 
Constanlinople  eu  3S1,  symbole  que  l'on 
chaule  ou  que  l'on  récite  à  la  messe,  au 
moins  depuis  le  commencement  du  vi"' 
siècle.  On  le  dit  immédiatement  après  l'E- 
vangile, pour  alleslcr  que  l'on  croit  et  que 
l'on  reçoit  comme  parole  de  Dieu,  ce  qui 
vient  d'èlre  lu.  Ou  peut  voir  dans  le  père 
Lebrun  une  explication  très-ample  de;  ce 
synibole,  et  la  variété  des  rites  observés  à  ce 
sujet  dans  les  dilTérentes  Ej^lises.  Explica- 
tion des  cérémonies  de  la  messe,  loin,  l'',  p. 
2'VO.  yOy.  SvMBoLK. 

CREIENISTES,    Voij.   Soeurs   de   S\i>t- 

JoSEPll. 

CKIME.  L'on  a  souvent  écrit  dans  noire 
siècle  que  les  crimes  qui   allaquetit  directe- 


ment la  religion,  tels  que  l'impiété,  le  blas- 
phème, le  sacrilège,  doivent  être  punis  par  la 
privation  des  avantages  que  procure  la  reli- 
gion, par  l'exfuilsiou  hors  des  temples  de  la 
société  des  fidèles,  pour  un  temps  on  pour 
toujours  ;  par  les  admonitions ,  les  excuui- 
munications,  etc.;  mais  qu'il  est  contraire 
à  la  nature  des  choses  de  punir  ces  crimes 
par  des  peines  afiliclives.  D'autres  disserta- 
ieiirs  ont  soutenu  ()ue  les  pasteurs  de  l'E-' 
glise  n'ont  point  le  droit  de  retrancher  de  la 
société  des  fidèles  un  citoyen,  ni  de  le  priver 
des  sacrements,  parce  que  cette  peine  em- 
porte l'infamie  et  la  perte  de  certains  avan- 
tages civils.  D'où  il  résulte,  en  dernière  ana- 
lyse, (]ue  les  crimes  qui  attaquent  directe- 
ment la  religion  ne  doivent  être  punis  par 
aucune  peine. 

Cette  rare  jurisprudence  mériterait  plus 
d'altention  si  elle  était  proposée  par  d'au- 
tres que  par  des  coupables  iniércssés  à  l'é- 
tablir. Quelques  réllesions  suffiront  pour  en 
démontrer  l'absurdité.  —  1°  La  religion  est 
le  premier  soutien  des  luis,  sans  elle  les  lois 
sont  très-impuissantes  ;  quiconque  attaque 
la  religion  ,  sape  le  fondement  de  la  législa- 
tion même;  il  mérite  donc  d'être  puni  par 
toutes  les  espèces  de  peines  que  les  lois  peu- 
vent infliger,  suivant  la  diversité  des  cas.  La 
religion  est  d'ailleurs  autorisée  par  les  lois, 
elle  en  fait  partie  ;  les  coups  frappés  sur  l'une 
retombent  nécessairement  sur  les  autres.  — • 
2°  Les  crimes  qui  attaquent  directement  la 
religion,  troublent  la  tranquillité  publique. 
Il  est  naturel  à  tout  homme,  qui  croit  à  la  re- 
ligion, de  l'aimer,  d'y  prendre  intérêt,  de  se 
croire  blessé  lui-même  lorsqu'elle  est  atta- 
quée ;  les  insultes  qu'on  lui  fait  retombent 
sur  ceux  qui  l'enseignent  et  la  professent, 
tout  comme  les  invectives  contre  les  lois  re- 
loiiibcnt  sur  les  magistrats  .  Si  les  lois  n'a- 
vaient pas  pourvu  au  cliâliment,  tout  parti- 
culier se  croirait  en  droit  de  venger  l'hon- 
neur de  la  religion;  ce  ne  serait  ()as  l'avan- 
tage des  coupables.  —  3°  Lorsqu'un  impie  se 
sera  fait  un  plan  de  braver  les  exécrations, 
les  analhèmes,  les  excoiiinuinicalions  lan- 
cées contre  lui  par  les  fidèles,  où  sera  la  pu- 
nition? ce  sera  l'excès  du  crime  qui  en  pro- 
curera l'impunité.  —  4°  Chez  toutes  les  na- 
tions policées,  les  crimes  qui  attaquent  la  re- 
ligion ont  été  jugés  punissables  par  les  lois 
et  parles  peines  aflîictives;  les  législateurs 
modernes  n'ont  pas  été  plus  sévères  à  ce  su- 
jet que  les  anciens  ;  nos  lois,  sur  ce  point, 
sont  plus  douces  et  plus  modérées  que  celles 
des  (irecs  el  des  Romains. 

Quant  au  pouvoir  des  pasteurs  de  l'E- 
glise, il  est  fondé  sur  l'Ecriture  sainte  et  sur 
l'usage  constamment  observé  depuis  les  apô- 
lres.   Voy.    EXCOUMUNICATIOV. 

*  CRITir.lSME.  Lorsquii  la  base  e>l  solidement  éta- 
blie, il  esi  r.cile  d'élever  un  éiiitice  diinible;  mais 
loisi|iie,faiis  avoir  cherché  un  terrain  sollile,  on  pose 
1:1  pierre  angulaire  sur  la  faiigi;,  on  ciMiri  iir.wid  ris- 
qu«  (l'être  écrasé  -ous  les  ruines.  La  pliilosopliie  al- 
leinaudea  voulu  reennsiruire  l'éilitloe  île  uns  connais- 
sances, elle  a  pris  le  criiicisme  p •  principe,  grand 

ii!(ii  (|ui  ('.lit  a;.sii  nent   illusinu  aux  solj.  Aussi,  nous 
dri  ll^sii.i  i,  «  ceie  jiliilesooliie  nous  a  (ileiiués  d.uis 


ilTK 


CRI 


CRI 


H7Û 


l'idéalisme  la  plus  universel,  dans  rillusioii  subjective 
la  plus  profdniie.  Elle  nous  emprisonne  dans  une 
sphère  de  songes  telle  qu'il  ne  nnus  esl  plus  permis 
de  la  franchir  |  oiir  arriver  à  aucHiie  réali'é.  C'est  au 
point  qu'elle  ne  fait  pas  seiileiuenl  l'homme  luoeriain 
dece(;u'il  sait:  elle  le  déclare  alisolumeiii  iiicap:ilile 
de  rien  savo  r.  C'est  alers  le  sce(ilicisuie  perleclioiiné, 
consommé,  le  sceplicisme  qui,  s^'us  ce  nouveau  nom 
de  criiicisme  ,  anéaniil  l'humanité  même  ,  laquelle 
n'existe  (pie  parce  q  'elle  coniiiît.  »  Ce  jui;eiiieiii  pa- 
rait sévère,  il  esl  ménlé,  nous  ne  poiirrion-;  en  faire 
sentir  inuie  li  vérité  sms  evposrr  Is  syièincs  iie 
Kani  ,  de  Sihellin^,  de  Fichie.  Mais  coinme  nous 
consacrons  un  article  spéi  ial  à  rexauien  de  la  pliiln- 
sopliie  de  ces  princes  des  pen-^ems  alleiii3n(l< ,  imus 
nous  contenlims  d"y  renvoyi-r  pour  avoir  une  idée 
claire  et  cuiuplète  du  criiici>me  allemand. 

CRITIQUE,  art  de  découvrir  et  de  prou- 
ver l'aullieniiciié  ou  la  supposition  ,  l'inic- 
grilé  ou  l'ailéraiion,  le  sm^  vrai  ou  faux  des 
livres  et  dis  moiiuincnls  anciens,  et  de  fixer 
le  degré  d'iiutorilé  que  Ton  doit  leur  ailri- 
biier.  Critique  est  dérivé  du  grec  xfivw,  je 
juge. 

Cet  art  est  nécessaire  sans  doute  :  avant 
d'ajouler  foi  à  un  titre  quelconque,  il  faut 
savoir  d'où  il  vient,  s'il  esl  parli  de  la  main 
à  l 'quelle  on  l'aiiribue  ,  s'il  est  entier,  s'il 
n'a  clé  ni  mulilé  ni  inierpolé  ;  quel  peut  cire 
le  sens  des  express^l'ins  dont  l'auleur  s'est 
servi,  si  c'est  un  original  nu  seul  menl  une 
version.  On  est  obligé  d'user  de  celle  pré- 
caution à  l'égard  des  livres  saints,  des  ou- 
vrages des  Pères,  et  des  monumeiils  de  l'his- 
toire ecclésiasiiqiie.  Faute  de  l'avoir  obser- 
vée dans  les  siè.  les  passés,  on  a  souvent  ciié 
avec  ciiiifi.'uce  des  livres  dunl  la  supposilioit 
a  élé  reconnue  dans  la  suite,  ou  des  auteurs 
qui  ne  iiiérilaient  aucune  crojance. 

Dans  le  siècle  deinier  et  dans  celui-ri  , 
l'art  de  la  critique  a  lait  de  grands  progrès, 
el  a  rendu  à  la  religion  des  services  inipor- 
tanls  ;  on  a  examiné,  c  mpjiré,  discuté  tous 
les  anciens  monuments  avec  toute  l'exacti- 
lude  et  la  sagacité  possibles.  La  question  est 
de  savoir  si,  pour  éviler  un  excès,  l'on  n'est 
pas  tombé  dans  un  antre,  et  si,  en  voulant 
l'aire  du  bien,  l'un  n'a  p.is  fait  aussi  un  très- 
grand  irai.  —  Quelques  écrivains,  après 
avoir  examiné  1rs  règles  de  cri^t'^ue  éiablies 
parles  savants  qui  ont  aci|uis  le  plus  de  ré- 
pulalion  par  ce  genre  d.'  travail,  ont  cru  y 
apeicevoir  des  délauls,  et  ont  entrepris  de 
montrer  que  ceux-niême  qui  y  ont  eu  le  plus 
de  confiance,  n'ont  pas  toujours  été  fidèles  à 
les  suivre  diins  la  pratique.  —  C'est  ce  (]ii';i 
f<iit  le  P.  Honoré  de  Sainte-Marie  ,  cariri!> 
déchaussé,  dans  un  ouvrage  intitulé:  lié- 
fluxions  sur  les  règles  et  l'usage  de  la  critique, 
en  trois  vol.  jn-'i".  Après  avoir  observe  la 
marclie  tie  nos  criiiques  les  plus  estimés,  il 
leur  reproclie  :  1'  de  taire  l'éloge  d'un  ao- 
teur,  de  vanter  son  mérite  et  ses  talents, 
li'rs(|ii'ils  oui  besoin  de  son  ténioignaue  ;  de 
le  déprimer  ensuite  et  d'en  faire  peu  de  cas, 
lorsqu'il  n'est  pas  de  leur  avis.  2'  De  pr;  fe- 
rer  ordinairement  le  seiiliiuent  d'iiii  liérèti- 
que.  qui  n'a  d'autre  ir.énle  ()iie  lieaucoup  de 
lémérilé,  à  celui  des  écrivains  calbi>lii|ues 
les  dIos  respcilables.  3' De  recevoir  connue 


authentique  un  ancien  ouvrage  lorsqu'il  leur 

es!  favorable  ,  de  le  rejeter  comme  supposé 
lorsqu'il  les  incommode.  k°  De  fiire  usage  de 
l'argiimenl  négatif  toutes  les  fois  qu'il  leur 
esl  utile,  de  le  regarder  comme  nul  quand 
on  le  leur  oppose.  5°  Pour  savoir  si  un  ou- 
vrage est  ou  n'est  pas  de  tel  anleur,  ils  font 
beaucou;)  de  fond  sur  la  ressemblance  ou  la 
différence  du  slvle  i)ui  se  trouve  enire  cet 
écrit  el  les  autres  du  même  auteur;  mais, 
outre  qu'un  auteur  n'a  pas  toujours  le  même 
style,  a  d  s  ouvrages  plus  travaillés  les  uns 
que  les  autres,  il  fjut  beaucoup  de  discerne- 
ment, de  goûl,  d'expérience,  pour  éire  en 
élat  d'en  juger  ;  el  les  méprises  en  ce  genre 
sont  tiès-communes.  tj'  (Quelques-uns  se 
sont  trop  livrés  à  des  conjectures,  ont  chi- 
cané sur  toutes  les  cinonstances  d'un  fait, 
n'ont  travaillé  qu'à  faire  naître  des  doutes, 
ont  mieux  réussi  à  embrouiller  qu'à  éclair- 
cir  les  événements  importants  de  l'histoire 
ecclésiasiique. 

Il  fait  voir,  qu'en  observant  à  la  lettre 
tontes  les  règles  établies  par  nos  cillques,  on 
peut  prouver  la  vérité  de  plusieurs  faits 
qu'ils  ont  cependant  regardés  coinme  faux 
ou  douteux,  et  l'authenticité  de  plusieurs  ou- 
vrages qu'ils  ont  réprouvés  comme  suppo- 
sés et  apocryphes ,  ou  au  contraire.  Eux- 
mêmes  ne  se  sont  point  accordés  dans  le  ju- 
gement qu'ils  ont  porté  d'un  fait  ou  d'un 
écrit;  les  uns  l'ont  admis,  les  autres  l'ont 
rejeté  ;  tous  cependant  ont  fait  profession  de 
suivre  les  mêmes  règles.  Ils  ne  sont  seule- 
ment pas  convenus  enire  eus  de  ce  tiu'ils 
eniendaienl  par  attlfienlique,  apocryphe,  ca- 
nonique, supposé,  etc.  :  tous  n'ont  pas  atta- 
ché à  ces  termes  la  même    idée. 

C'est  par  ces  règles  prétendues  que  les 
protestants  ont  attaqué  les  livres  de  l'Eiri- 
ture  sainte  el  les  monuments  ecclésiastiques 
qui  ne  leur  étaient  pas  favorables.  Les  in- 
crédules ont  encore  enchéri  sur  celte  audace, 
et  ont  voulu  renverser  tous  les  titres  de  la 
révélation.  11  serait  fâcheux  que  l'on  pût 
reprocier  à  des  écrivains  catholi(|ues  de  leur 
avoir  fourni  des  aimes.  Déjà  le  P.  Laubrus- 
sel,  jésuite,  avait  moniré  les  funestes  consé- 
quences de  celte  conduite  dans  un  Traité  des 
ubus  de  Id  critique  en  maticie  de  relii/lon,  en 
2  vol.  î/(-12,  iiij|irimé  a  Pans  en  1711.  — 
L'abbé  Kenaudot  a  aussi  fait  voir  que  l'on  a 
eu  lorl  de  vouloir  juger  de  l'autorité  des 
anciennes  lilurgies  comme  l'on  juge  de  l'au- 
Ihenlicilé  des  écrits  d'un  auieur  (|iielconque  ; 
que  l'autirité  de  ces  lilurgies  ne  vient  poiul 
du  personnage  dont  ou  leur  a  l'ait  porter  le 
iioin  ,  mais  des  Eglises  qui  s'en  sont  servies 
de  tout  temps  {Liturg.  orient.  coUecl.,  t.  1, 
pag.  2,  etc.). 

De  toutes  ces  observations,  il  s'ensuit  que 
l'on  ne  doit  pas  déférer  aveuglément  au  juge- 
ment de  nos  meilleurs  critiques  ,  puisque 
leurs  décisions  ne  soni  rien  moins  qu'infail- 
libles, el  qu'il  fiut  comparer  el  peser  leurs 
raisons.  Un  des  grands  reproches  que  les 
piote-lants  fout  conlinuelleineiil  aux  Pyr.  s 
de  l'Eglise  ,  est  de  dire  que  ces  auteurs 
respectables  ont  manqué  de  critique;  qu(i.i 


1177 


CRI 


leur  répondrons  au  mot  Pères  du  l'Eulisk. 
Critique  sacrée  ,  connaissance  des  refiles 
sur  Irsuuelles  on  doit  juger  do  l'authonticiié, 
de  l'intégrilé,  de  l'aul  Tité  de<  livres  s.iinls, 
et  du  sens  dans  lenuel  il  faut  les  eiileii  Ire. 
Nous  ne  pouvons  donner  de  celle  science  une 
idée  pins  exacte,  (ju'en  copi.int  le  plan  qu'a- 
vait tracé  M.  Mail -t,  d'un  traité  complet  sur 
celte  nialiè;e,  et  (|u'il  avait  plaré  ilans  l'/sn- 
cyclopélie,  au  mot  I?ible.  —  Il  faudrait,  dit- 
il  ,  diviser  cet  ouvrage  en  d.u\  par  ies. 
Dans  la  première  ,  on  traiterait  des  livres  et 
des  auteurs  de  l'Eiriture  sainte;  dans  la 
seconde,  on  rassemblerait  les  connaissances 
générales  qui  sint  nécessaires  pour  l'ialelli- 
gence  de  ce  qui  est  contenu  dans  ces  livres. 
—  On  partagerait  la  première  partie  en  trois 
sections.  On  parlerait  1°  des  que-tions  géné- 
rales qui  concernent  tout  le  coips  de  la  Bible, 
2°  de  chaque  livre  en  pirticulier  cl  de  son 
auteur;  3°  des  livres  cites,  perdus,  apocry- 
phes, et  des  monuments  qui  ont  rapport  à 
i'Eerilure.  —  Six  questions  rempliraient  la 
première  section.  La  premiè  e,  des  dilïérents 
noms  donnés  à  la  Bible,  du  nombre  des  livres 
qui  la  cotnposenl  ,  dis  dilTér.  ntes  classes 
qu'on  eu  a  faites.  La  seconde  ,  de  la  divinité 
des  Ecritures  :  ou  la  prouverait  contre  les 
païens  et  contre  les  incrédules;  de  l'inspira- 
tion et  des  prophéties  :  on  y  examinerait  en 
quel  sens  les  auteurs  sacrés  ont  été  inspirés  , 
si  les  termes  sont  inspirés  aussi  bien  que  les 
choses  ,  si  tout  ce  que  ces  livres  eoiitiennenl 
est  de  foi ,  même  les  faits  historiques  et  les 
propositions  de  physique.  La  troisième  ,  de 
l'aulhentieité  des  livres  sacrés;  du  moyen  de 
dis  inguer  les  livres  canoni.iues  d'.ivec  ceux, 
qui  ne  le  sont  pas  :  on  traiterait  la  question 
si  sou\ent  agitée  entre  les  catholiques  et  les 
prolestants,  savoirsi  l'Ëijl  se  juge  l'Ecriture; 
on  expliquerait  la  différence  entre  les  livres 
protocaiioniquei  et  les  livres  deulérocanoni- 
ifites.  La  quatrième,  des  dilîérentes  versions 
de  la  Bible  et  des  divei'ses  éditions  de  chaque 
version  ,  de  raniinuilc  des  langues  et  des 
caractères  ,  et  de  leur  oriKine  :  ou  examine- 
rait si  l'hébieu  est  la  première  langue,  jus- 
qu'à quel  point  l'on  peut  compter  sur  la  lidé- 
lilé  des  copies,  des  manuscriis,  des  versions, 
des  éditions,  et  sur  leur  iutéurité  ;  si  la  Vul- 
gate  est  la  seule  version  authentique,  et  en 
quel  sens  ;  si  la  lecture  des  versions  en  lan- 
gue vulgaire  doit  être  permise  ou  défendue. 
La  cinquième,  du  style  de  l'Ecriture,  des 
sources  de  son  obscurité,  des  divers  sens 
qu'elle  peut  avoir,  et  dans  lesquels  elle  a  elé 
ciiée  ;  de  l'usage  que  l'on  peut  faire  de  ces 
divers  sens,  soit  dans  la  controverse,  soit 
dans  la  chaire,  soit  dans  la  tliéologie  mysti- 
que :  on  examinerait  s'il  est  permis  d'en 
f<iire  l'application  à  des  objets  profanes.  La 
sixième  question  traiterait  de  la  division  des 
livres  en  chapitres  et  en  versets,  des  concor- 
dances et  des  haiinonies  des  commentaires, 
de  l'usage  que  l'on  doit  faire  des  rabbins,  du 
Talmwd,  de  la  Gémare,  de  la  cabale  :  on  ver- 
rait de  quelle  autorité  doivent  être  les  com- 
mentaires et  les  homélies  des  l'ères  sur 
l'Ecriture,  de  quel  poids  sont  les  explicatioas 


CRI  H78 

des  commentateurs  modernes,  quels  sont  les 
plus  utiles  pour  l'iiilelligence  de  l'Errilure 
sainte.  —  La  seconde  section  serait  divi-ée 
en  autant  de  petits  traités  qu'il  y  a  de  livres 
dans  riicritnre  :  on  en  ferait  l'analyse  ,  on 
en  éclaircirait  l'histoire  ;  on  rechercherait 
qui  est  l'auteur  de  chacun  de  ces  livres  ,  en 
quel  temps,  de  quelle  manière  il  a  écri'.  — 
La  troisième  contiendrait  trois  questions.  La 
première  ,  des  livres  cités  dans  l'Ecriture 
sainte  ,  et  qui  n'exisleet  plus  :  on  examine- 
rait quels  étaient  ces  livres,  ci-  qu'ils  pou- 
vaient contenir,  qui  en  étaient  les  auteurs, 
autant  qu'on  peut  le  conjecturer.  La  seconde, 
des  livres  apocryphes  que  l'im  a  voulu  faire 
passer  pour  canuiiiiiues ,  soit  (in'ils  subsis- 
tent encore  ,  ou  qu'ils  aient  été  perdus.  La 
troisième,  des  ouvrages  qui  peuvent  avoir 
rapport  à  I'Eerilure,  comme  ceux  de  Philon, 
de  Josèptie  ,  de  Mercure  Trisméi;iste  ,  des 
sybilles  ,  des  canons  des  apôtres  ,  etc.  —  La 
secon  le  partie  coraprendi-ait  huit  traités  , 
1°  la  géographie  sacrée  ;  2"  l'origine  et  la 
division  d-'s  p  uples,  ou  un  commentaire  sur 
le  dixième  cliapiire  de  la  (lenèse;  3"  la  chro- 
nologie de  l'Ecriture  ,  à  laquelle  il  faudrait 
comparer  celle  des  Egyptiens,  des  .Vssyricns, 
des  Babyloniens  ;  4"  l'origine  et  la  propaga- 
tion de  l'id  ilâtrie  ;  5'  l'histoire  naturelle 
relative  à  l'Ecriture  :  on  y  parlerait  des  ani- 
maux, i"es  plantes,  des  pierres  précieuses, 
etc.,  dont  il  y  est  fait  mention;  6°  des  |)oids, 
•Jes  mesures  ,  des  monnaies  i|ni  ont  été  en 
usage  chez  les  Hébreux  ;  7"  des  idiotismes, 
ou  propiiélés  d.'S  langues  dans  lesquelles  les 
livres  saints  ont  été  écrits  ,  des  phrases  poé- 
tiques et  proverbiales,  des  figures  ,  des  allu- 
sions, des  paraboles.  Le  huitième  siTait  ua 
abré^ié  histori  lue  des  divers  états  du  peuple 
hébreu  jusqu'au  temps  des  apôtres  ,  des 
changements  survenus  dans  son  gouverne- 
ment ,  dans  ses  mœurs  ,  dans  ses  usage»  , 
dans  ses  opinions.  —  Tout  ce  que  l'on  dirait 
sur  ces  divers  objets  ne  ser.iit  pas  nouveau 
pour  le  fond  ,  mais  pourrait  l'être  ((uaiit  à  la 
manière  de  le  présenter;  ce  serait  un  travail 
utile,  surtout  pour  les  jeunes  Ihéologiens, 
que  de  rassembler  dans  un  seul  ouvrai,'e  ,  et 
avic  méthoJe,  des  miiériaux  éparsdans  les 
écrits  d'un  grand  nombre  de  savants.  La 
bib  iolhèqne  sacrée  du  P.Lelong  indiquerait, 
à  celui  qui  voudrait  l'enlrcprendre,  les  prin» 
cipiles  sources  dans  lesquelles  il  devrait 
puiser. 

Ajoutons  qu'il  est  de  l'équité  naturelle  de 
traiter  la  critique  sacrée  avec  autant  d'im- 
partialité que  1.1  critique  profane;  que,  de  la 
pari  des  incré  Iules  ,  c'est  une  injustice  de 
juger  ies  livres  des  .luils  et  des  chrétiens 
autrement  que  l'un  ne  prononce  sur  ceux 
des  Chinois  ,  de .  Indiens  ,  des  Perses ,  des 
muho.iiétans,  et  d'établir,  pour  les  premiers, 
des  règles  de  crilifue  dont  on  n'oserait  l'aire 
usage  pour  attaquer  les  sei'onds.  Si ,  lorsque 
ceux-ci  ont  paru  pour  la  première  fois  ea 
Europe,  un  censeur  quelconque  avait  fait 
contre  leur  authenticité  les  mêmes  objec- 
tions que  l'on  repète  depuis  un  siècle  contre 
nos  livres  saints,  il  aurait  excité  le  mépris 


iUd  CRO 

et  l'indigualion  des  savants.  —  Mais  il  faut 
toujours  se  souvenir  que  l'autorité  de  ces 
saints  livres  n'est  pas  uniquement  fondée 
sur  la  certitude  des  règles  île  crillque,  coriune 
les  inerédules  le  supposent  en  copiant  les 
proleslanls,  mais  sur  l'autorité  de  l'Eglise, 
qui  les  a  reçus  de  Ji/susChrist  et  des  apôlre'i, 
et  qui  nous'  li's  donne  tels  qu'ils  lui  ont  été 
coiitiés  :  auloi'iic  établie  sur  les  mènes  preu- 
ves que  la  divlniié  de  la  religion  thrélienne. 
Les  discussions  de  critique  sur  ce  p^dnt  ne 
sont  donc  jias  nécessaires  pour  nous,  mais 
pour  Vii'incre  l'opiniâlrelé  des  liéréliques  et 
(les  incrédules  ;  la  loi  du  simple  filèle  est 
appuyée  sur  de  meilleurs  fondements.  Voy. 

i'OI. 

CIÎOISADES  ,  guerres  entreprises  pour 
conciUerir  la  terre  sainte.  Dans  plusieurs 
écrits  |iartis  de  la  main  de  nos  philosophes, 
ils  ont  censuré  \f'S  croisades  avec  beaucoup 
d'aigreur  ;  ils  ont  cherché  à  rendre  la  reli- 
gion responsable  ôes  maux  réels  ou  supposés 
dont  elles  furent  la  cause,  tlles  guerres  , 
disent-ils,  inspirées  par  un  zèle  de  religion 
mal  entendu,  ont  coulé  à  l'Europe  deu\  mil- 
lions d  hommes  ;  elles  n'ont  abouti  qu'à 
transporter  eu  Asie  des  sommes  immenses, 
à  enrichir  le  clergé  et  les  moines,  à  ruiner 
la  noblesse,  ù  augmenter  la  puissance  des 
papes.  Tout  cela  est  il  vrai  ? 

11  y  périt,  si  l'on  veut,  deux  millions 
d'Iinmiiies  libres,  mais  qui  opprimaient  vingt 
millions  d'esclaves  :  des  sommes  inimenses 
fnrcnl  Iransporlées  en  Asie,  mais  on  y  apprit 
le  secret  d'en  faire  entrer  en  Europe  de  plus 
consider.ibles  par  le  com!i;er(e  ;  le  clergé  ot 
les  moines  s'cnri(  hirent  en  rachelaul  les 
fonds  qui  leur  avai<  ii(  élé  enlevés  ei  qui  se- 
raient demeurés  en  friche  ;  la  noblesse  se 
ruina,  mais  elle  perdit  i'habitude  du  brigan- 
dage et  de  l'indépendance.  Si  la  puinsauce 
des  papes  augmenta  pour  quelque  temps  , 
celle  des  niahomclans,  plus  redoutable,  fut 
réprimée  et  misi'  hois  d'elal  d'abrulir  l'Eu- 
rope entière.  Quand  on  aura  pesé  ces  dilîé- 
renles  con>iideraiions  ,  l'on  verra  de  (juel 
(ôlé  la  balance  penchera.  —  Déjà  plusieurs 
écrivains,  qui  [l'avaient  aucun  dessein  de 
favoriser  la  religion,  sont  convenus  des  faits 
que  nous  venons  d'exposer.  De  leur  aven, 
l(-s  croisades  furent  moins  l'effet  du  zèle  de 
religion  que  d'une  |)assioii  désordonnée  pour 
les  .irmcs  ,  et  de  la  nécessité  d'une  diversion 
|)our  suspendre  les  troubles  intestins  (jui 
duraient  depuis  lungltMnps  ,  (t  pour  faire 
cesser  les  guerres  jiarticulières  qui  recom- 
mençaient tous  les  jours.  —  Ces  motifs  sont 
clairement  indiqués  dans  le  discours  (]uc  le 
pape  Urbain  II  adressa  auv  seigneurs  fran- 
çais au  concile  de  t^lermont,  l'an  lODii.  «  (^est 
un  crime,  leur  dil-il,  de  piller  les  chrétiens 
connne  vous  faites,  mais  c'est  un  iiiérite  di! 
tirer  l'épée  contre  l  s  Sarrasins.  «Aussi,  le 
concile  défendit  rigoureusement  les  guerres 
|)arliculières  que  les  seigneurs  se  faisaient 
les  uns  aux  autres.,  et  nul  sou>  la  proiertion 
de  ri'"gllse  la  lersonne  et  les  biens  des  croi- 
sés (//i»^  de /'/i(//(*e  j/a/iicafie,  t.Vin,!.  XX11, 

an.  10'J5). 


CRO 


1180 


Ces  expédilioHs  épnisèrent,  en  Asie,  toutes 
les  fureurs  de  zèle  et  d'amliiiion  ,  de  jalousie 
et  de  fanatisme  qui  circulaient  dans  les  vei- 
nes des  Européens;  mais  elles  rapportèrent 
parmi  eux  le  goûl  du  luxe  asiatique  ;  elles 
rachetèrent,  par  un  germe  de  commerce  et 
d'industrie,  le  sang  et  la  population  qu'elbs 
avaenl  coûté;  elles  préparèrent  la  décou- 
verte de  l'Amérique  et  la  navigation  des 
Indes,  —  Les  grands  vaspaus  de  la  couronne, 
ruinés  par  ces  voya  es,  devinrent  moins  tur- 
bulents et  moins  [irompls  à  se  révolter;  il  fut 
plus  aisé  de  retirer  de  leurs  mains  les  do- 
maines aliénés;  avec  la  puissance  de  nos  rois, 
la  police  se  rétablit.  Les  premiers  affran- 
chissements des  serfs  lurent  faits  par  les 
seigneurs  qui  avaient  besoin  d'argent  pour 
passer  la  mer  :  l'Europe  doii  ainsi  aux  croi- 
sades les  couimenc.ements  de  sa  liberté.  ^ 
Dès  ce  moment,  l'on  pensa  à  établir  des  ma- 
nu lactures,  on  peupla  les  villes,  on  augmenta 
leur  enceinte,  on  y  flt  couler  des  fontaines 
publiiiues.  D'après  ce  que  l'on  avait  vu  en 
Orient,  nos  maçons  ,  devenus  architectes  , 
exécutèrent  ces  monuments  dont  nous  admi- 
rons encore  la  hardiesse  et  la  légèreté  : 
l'Europe  se  remplit  d'hôpitaux  et  d'hospita- 
liers. —  Une  partie  du  patrimoine  des  nobles 
passa  entre  les  mains  des  ecclésiastiques  ; 
mais  ceux-ci  faisaient  moins  d'ombrage  à 
l'autorité  souveraine  qui;  des  vassaux  tou- 
jours prêts  à  prendre  les  armes.  Souvent  nos 
rois  ,  inquiéiés  par  des  seigneurs  rebelles  , 
demandèrent  du  secours  aux  évêques;  ceux- 
ci  leur  procurèrent  l'assistance  des  commu- 
nes. Les  rois  ,  de  leur  côté  ,  protégèrent  les 
communes  contre  les  violences  des  seigneurs, 
et  augmentèrent  le  pouvoir  du  clergé  qui 
leur  devenait  si  utile. 

Il  n'est  donc  pas  vrai  <]uc  les  croisades 
aient  été  totalement  funestes  à  la  religion  et 
à  l.i  société.  De  tous  les  fléaux  ,  l'ignoriince 
est  ie  plus  redoutable,  il  traîne  tous  les 
autres  à  sa  suite;  or,  les  croisrir/e^-  ont  con- 
tribué beaucoup  à  le  dissiper.  Si  elles  ont 
causé  un  mal  passager,  elles  ont  produit  des 
biens  durables.  Pendant  les  quatre  cents  ans 
qui  se  sont  écoulés  depuis  les  dernières  croi- 
sades ,  les  sciences,  les  arts  ,  le  commerce  , 
l'industrie,  la  civilisation  ,  ont  fait  plus  de 
progrès  paimi  nous  (jue  pendant  les  huit 
siècles  qui  les  avaient  précédées. 

Nous  ne  faisons  ici  que  copier  sommnirc- 
menl  les  réllexions  de  divers  écrivains  ;  nous 
laissons  aux  historiens  le  soin  de  les  déve- 
lopper et  d('  les  rendre  plus  sensibles.  — 
C'est  ceiju'a  ilejà  fait  un  savant  académicien, 
dans  une  dissertation  sur  ce  snj<"t  {Mém.  de 
l'Acad.  drs  Jnscripl.,  loin.  LW  III  ,  tri-12, 
p.  kH)j.  Il  prouve  que  l'intérêt  du  cominerco 
des  Européen<  dans  le  Lèvent  fut  iin  des 
principanv  motifs  des  croisades,  et  qu'il  y 
eut  beaucoup  plus  de  part  que  la  religion  ; 
qu'en  etlet ,  ces  entreprises  ont  inflmmenl 
contribué  ,  non-seulement  au  progrès  dh 
C(numerce  naritime  et  aux  expéditions  qui 
eu  ont  été  la  suite,  l'.iais  emore  au  léiabli:;- 
semeiit  des  rcimees  en  Occident  ,  parllculiè- 
reuteut  eu  France.  Dés  l'an  1283,  le  pape 


jl81 


CRO 


mo 


(IS-2 


JUonoriue  IV,  dans  le  dessein  de  convertir  au 
cliristiaiiisnip  los  Sarrasins  et  les  scliismati- 
quos  de  TOrieut  ,  voulait  que  l'on  établit  à 
■Paris  des  maîtres  pour  enseigner  l'arabe  et 
les  autres  langue''  orientales)  euiiforinemeiil, 
dit-il  ,  aux  inleutioiis  de  ses  prédécesseurs. 
Dans  le  cunVile  général  de  Vienne,  tenu  en 
J3iJ  et  131-2  ,  Clément  V  ordimna  que  l'on 
établirait  à  lî'ume,  à  Paris,  à  Oxfurd  ,  à  liuu- 
Jttgac  et  à  Salannanque  des  niaiires  pour  en- 
seigner riiôiircu  ,  l'arabe  et  le  chabléen  , 
deux  paur  ehaeunc  de  ces  langues  ;  qu'iU 
seraient  ('■nlreleiius  à  Uoine  par  le  pape  ,  à 
Pliris  par  le  roi ,  et  dans  Us  autres  villes  par 
les  prélalà  ,  les  luonaslères  et  les  chapitres 
ilu  pays  ;  qu'ils  traduiraient  en  latin  les  b  lis 
ouvrages  «lui  élaiciit  dans  ces  langues.  C'est 
ce  qui  a  diiiné  lieu  à  la  fondalion  du  collège 
mjmI  ,  et  à  l'usage  d'envoyer  dans  l'Orient 
des  iiiissi'>nnairus  ,  dont  les  relalions  nous 
ont  été  souvent  Irés-uliles.  —  En  nous  exer- 
çant à  la  H.arine,  continue  l'auteur,  les  croi- 
sades nous  ont  accoutuint  s  à  teuter  par  mer 
de  grandes  entreprises,  et  ont  occasionné  la 
découverte  de  la  boussole;  elles  nous  ont  l'ait 
connaître  les  pays  lointains  sur  lesquels  nos 
ancêtres  ne  dcbiiaient  que  des  XuUh  s  ;  elles 
ont  diminué  en  France  la  puissance  exces- 
sive des  grands  qui  vexaient  les  peuples. 
BJous  leur  sommes  rodevabies  du  goût  pour 
hs  sciences  et  de  quantité  d'arts  ,  ou  au 
moins  d'un  certain  degré  de  perfection,  que 
nous  avons  ac(juis  par  le  commerce  avec  le 
Levant  et  avec  les  Arabes  d'Kspagne. 

Les  prolestants  ,  qui  ont  représenté  ces 
expéditions  comme  des  entreprises  absurdes, 
injustes ,  malheureuses,  suggérées  par  l'am- 
bition des  papes  ou  par  un  lanalisme  insen- 
sé; qui  ont  dit  (]u'elles  avaient  été  «on  inoiiis 
funestes  à  la  relij{ion  qu'aux  iiUérèls  (ivils 
et  |)olitiques  de  l'Hurope  ,  ne  mériiaieul  pas 
d'avoir  des  iinitaleurs  ;  mais  les  inrréilules  , 
charmés  de  trouver  une  occasion  de  déplo- 
rer les  maux  que  la  religion  a  fails  au  moniie, 
ont  copié  servilement  les  déclamations  des 
protestants.  Pendant  assez  longtemps,  c'a 
été  une  espèce  de  combat  parmi  nos  écri- 
vains, pour  saioir  qui  dirait  le  plus  de  niai 
des  croisades.  Il  faut  espérer  que,  quand  ces 
grands  polilitiue^  auront  pris  la  peine  de  se 
nsiriix  instruire,  ils  seront  plus  modèles. 

Il  est  évident  que  des  inoiifs  divers  ont  fait 
entreprendre  les  croisades.  \'Lo  récit  iju'avait 
fait  Pierre  l'erniile  et  d'autres  pèlerins  ,  des 
man\  que  souffraient,  de  la  pirl  des  Turcs 
ou  Sarrasins,  les  chrétiens  de  la  Palestine, 
surlout  ceux  que  celle  nation  barbare  lédiii- 
sa  t  à  l'esclavage  p;:r  violence.  2'  La  néces- 
sité d'arrêter  le  cours  de  ses  conquêtes,  et 
d'atïaiblir  une  douiinatinn  qui  menaçait  l'iùi- 
rope  entière;  il  n'y  avait  point  de  moyen 
plus  elGcace  que  d'aller  l'attaquer  chez  elle. 
3"  Le  désir  «i'éiendre  le  commerce,  de  le  faire 
imaicdiatemeni ,  et  non  par  l'entremise  des 
étrangers,  i|iii  y  faisais  ni  des  proûls  immen- 
ses. 4°La  misère  dei>  peuples  qui  gémissaient 
sous  le  gou>  cniciiient  leodal,  ei  (|ui  se  llal- 
laieiit  de  trouver  un  sort  moins  malheureux 
hofn  de  leur  pairie,  o'  La  curiosité  de  voir 


des  pays  dont  los  pèlerins  raronfnient  d«s 
merveilles,  et  la  légèreté  naturelle  (jui  a  tou- 
jours porté  les  Français  à  voyager.  C«  L'es- 
pérance de  faciliter  le  rèlerlna^e  de  la  terre 
sainte.  C'  sont,  sans  doute,  ces  trois  derniers 
motifs  i|ui  entiaînèrent  aux  voyages  d'outre- 
'iiier  ces  troupeaux  de  gens  de  la  lie  du 
peuple  et  des  deux  sexes  qui  allèrent  y  périr; 
mais  les  rois  ,  les  princes  ,  les  militaires  , 
Xuienl  certainement  détermines  par  les  trois 
firciniers. 

On  s'exprime  donc  fort  mal  quand  on  dit 
que  ces  expédilions  furent  enircprises  par 
supersiition  et  par  un  zèle  fanaliiiue  de  reli- 
gion: si  ce  motif  inilua  sur  le  pcupe,  il  y  en 
eut  d'autres  plus  puissants  qui  firent  agir  les 
grands.  On  ne  raisonne  pas  mieux  quand 
on  décide  ((u'il  était  injuste  d'aller  attaquer 
une  iiaiion  parce  qu'elle  éiait  inlidèle  ;  il  n'é- 
tait point  question  de  punir  son  infidélité, 
mais  d'arrêter  son  ainliiiion,  sa  rapacité, 
son  brigandage  ;  de  lui  ôler  l'envie  de  tenter 
des  conquêtes  eu  Italie  et  en  France,  et  de 
l'empêclier  de  s'y  établir,  comme  elle  avait 
fait  en  Corse,  en  Sardaigiie  et  en  Espagne. 
Serait-il  donc  injuste  aujourd'hui  d'aller  at- 
taquer les  corsaires  de  Barbarie  ,  pour  les 
forcer  de  renoncer  à  leurs  pirateries?  Mais 
les  protestants  ni  les  incrédules  n'écouteront 
jamais  la  raison  ;  éternellement  ils  répéie- 
ronl  les  mêmes  absurdités.  Moslieim  a  dis- 
serté ridiculement  sur  ce  sujet.  [Hisl,  eccl. 
dit,  XI"  siècle,  première  part.,  ch.  i,  §  S,  etc.) 
H  trouvera  toujours  des  copiâtes  et  des  ad- 
mirateurs. 

CROISIEU.  Il  y  a  (rois  ordres  ou  congré- 
gations de  chanoines  réguliers  anxiiuels  on 
a  donné  ce  nom  :  l'une  en  Italie,  l'autre  dans 
les  Pays-lias,  la  troisième  ea  fioliécne. 

Les  premiers  prétendaient  venir  de  saint 
Clet,  et  dater  de  l'invention  de  la  sainte  croix 
sous  Constantin  ;  c'est  une  tradition  fabu- 
leuse. Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'ils  ont 
commence  avant  le  milieu  du  xir  siècle  , 
puisqu'Alexaiidrc  III,  persécuté  par  l'empe- 
reur Fiéderic  Harberousse,  se  réfugia  dans 
un  monastère  de  croisiers^  les  prit  sous  sa 
protection,  en  11G9,  et  leur  donna  la  règle 
de  saint  Au;justin.  Pie  V  approuva  de  nou- 
veau cet  institut ,  mais  ladis<ipliiie  régulière 
s'y  étant  affaiblie  ,  Alexandre  \  II  les  sup- 
prima en  iC'JG.  On  prétend  qu'il  y  en  avait 
deux  ou  trois  monastères  en  Angleterre,  et 
(juatorze  en  Irlande,  et  qu'ils  étaient  venus 
de  ceux  d'Italie,  lis  portaient  un  bâton  sur- 
monté d'une  croix. 

Les  croisiers  de  France  et  des  Payss-Has 
furent  fonilés  en  1211,  par  Théodore  de  Cel- 
les, chanoine  de  Liège,  qui  avait  servi  en  Pa- 
lestine l'an  1188,  et  y  avait  vu  des  croisiers. 
\  son  retour,  il  s'engagea  dans  l'éjat  ecclé- 
siastique, alla,  en  qualité  de  missionnaire,  à 
la  croisade  contre  les  albigeois,  cl,  l'an  1211, 
revenu  dans  son  pays,  il  obiint  de  l'évêque 
de  Liège,  l'église  de 'Saint-'riiibatil,  près  de 
1,1  ville  d'Hui,  oii.  avec  quatre  compagnons, 
il  jeta  les  fondements  de  son  ordre,  jiinoceut 
IV  et  Honore  ill  le  confirmèrent  ,  Théodore^ 
envoya  de  ses  religieux  à  Toulouse  ,  qui 


v-^j 


4<83 


CRO 


CRO 


1184 


joignirent  avec  saint  Dominique  pour  prê- 
cher contre  les  albigeois  ;  celle  congrégation 
s'établit  et  se  multiplia  en  France.  Ceux  de 
Siiinté-Croix  de  la  Brelonnière  à  Paris  furent 
réf  irmés  parle  cardinal  (te  la  Rochefoucauld; 
mais  ils  ont  été  supprimés  depuis  peu. 

L''S  croisiers  ou  porte-croix  avec  y  étoile  de 
Bohème,  disent  qu'ils  sont  venus  de  Pales- 
tine en  Kuiope;  cela  n'est  pas  certain.  C'est 
Agnès  ,  tille  de  Primisla*;,  roi  de  Bohén)e  , 
qui  institua  cet  ordre  à  Prague,  en  1234.  Ils 
ont  acluellemont  deux  généraux,  et  sont  en 
grand  nombre. 

CHOIX.  Le  supplice  de  la  croix  élait  en 
usage  chez  les  Juifs,  puisqu'il  en  est  parlé 
(Deul.  xsi,  22)  ;  mais  on  nesail  pas  s'ils  al- 
kichaienl  le  palienl  à  la  croix  a\  ec  des  clous. 
Quoi  qu'il  eu  soit,  le  supplice  ordinaire  des 
blasphémateurs  élait  l;i  lapiiialioii;  la  loi 
l'ordonnait  ainsi  :  aussi  les  .luifs  lapidèrent 
saini  Etienne,  comme  coupable  de  basphème 
selon  leurs  préjugés. 

Jésus-Ciirisl,  condamné  à  mort  par  le  con- 
seil (les  Juifs  pour  avoir  blasphémé,  en  di- 
sant tiu'il  élait  le  Fils  de  Dieu  (Maiih.  xxvi, 
65cl6i)),  fut  livré  aux  Homains  pour  cire 
exécuté  à  morl.  11  avait  disiinctemenl  prédit 
que  les  Juifs  le  livreraient  aux  gentils  pour 
être  llagellé  et  crucilié  (Maltli.  xx,  10).  Celle 
circonstiiDce  ne  pouv.iil  être  prévue  nalu- 
relletnenl  ;  les  Juifs  auraient  pu  le  lapider, 
comme  ils  avaient  voulu  le  faire  plus  d'une 
fuis,  Cl  comme  ils  firent  pour  saint  Etienne; 
ils  auraient  pu  demander  à  Pilate  ce  supplice 
plutôt  que  celui  de  la  croix. 

Dans  le  Deutéronome,  il  est  dit  qu'un  cru- 
ciGé  est  maudit  de  Dieu  ;  de  là  saint  Paul 
conclut  que  Jésu^-Chiist  nous  a  rachetés  de 
la  malédiction  de  la  lui,  en  devenant  lui- 
même  un  objet  de  malédiction  (tialat.  c.  m  , 
13).  L'on  conçoit  quelle  horreur  les  Juifs  ont 
dû  avoir  d'un  crucifié,  quels  miracles  il  a 
fallu  pour  engager  un  grand  nombre  de  Juifs 
à  reconnaîire  Jesus-Chrisl  pour  Messie  et 
Fils  de  Dieu.  Saint  Paul  n'a  pas  tort  de  dire 
que  Dieu  a  voulu  démontrer  à  l'univers  sa 
sagesse  et  sa  puissance,  en  convertissant  les 
hommes  par  le  mystère  de  la  croix  (/  Cor. 
I,  2i).  Ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que  , 
selon  l'.incienue  tradition  des  docteurs  juifs, 
fondée  sur  les  prophéties,  le  Messie  devait 
être  crucifie.  Voy.  Galalin,  1.  viii,  c.  17. 

Les  protestants  blâment  comme  une  su- 
per^llllou  le  culte  religieux  que  nous  ren- 
dons à  la  croix  ;  ils  ii;sent  que  ce  culle  ri'a 
aucun  fondement  dans  Tlicrilure  sainte  ,  et 
qu'il  n'y  en  a  aucun  vestige  dans  les  trois 
premiers  siècles  de  l'Kglise  (Daillé,  adv.  cul- 
tuin  Heliy.  Lutiiinr.  lib.  v.  etc.).  C'Slà  nous 
de  prouver  It! contraire. — Suivant  la  rellexion 
de  saint  Paul  (Phhpp.  ii,  8) ,  parce  que  Je- 
sus-Chrisl s  e>l  rendu  obéissant  jusqu'à  la 
iijorl  sur  une  croix.  Dieu  veut  que  tout  ge- 
nou llé>  hisse  au  nom  de  Je»us-(>lirisl.  Nous 
deu)anduns  quelle  dilTerence  il  y  a  entre  flé- 
chir le  genou  à  Ce  nom  sacré,  ou  à  le  fléchir 
à  la  vue  du  signe  de  la  morl  du  Sauveur.  Si 
l'un  est  un  acte  de  religion,  pour(iuoi  l'autre 
esl-il  uu  acte  du  supurstiltuu  ?  Les  protes- 


tants ne  nous  l'ont  pas  encore  appris.  Ils  di* 
rontque  le  premier  de  ces  signes  de  respect 
se  rapporte  à  Jésus-Christ  lui-même  ;  n'est- 
ce  pas  aussi  à  lui  que  se  rapporte  le  second? 
— Dans  Minutius  Félix,  qui  a  écrit  sur  la  fin 
du  11°  siè  le.  ou  au  commencement  du  iir,  le 
pa'i'en  Cécilius  dit,  en  parlant  des  chrétiens, 
ch.  IX  :  «  Ceux  (|iii  prétendent  que  leur  culle 
consiste  dans  l'adoration  d'un  homme  puni 
du  dernier  supplice  oour  ses  crimes  ,  et  du 
funeste  bois  de  sa  coix,  atirihuenl  à  ce 
scélérat  des  autels  dignes  d'eus  ;  ils  hono- 
rent ce  qu'ils  méritent  ((-h.  12,)  :  Toul  ce  qui 
vous  reste,  c'est  des  menaces,  des  supplices, 
des  croix  ou  des  giiiels,  non  pour  les  adorer, 
mais  pour  y  être  attaches,  »  Oclavius  lui 
répond  (ch.  29)  :  «  Vous  êtes  loin  de  la  vé- 
rité, quand  vous  nous  attribuez  pour  objet 
de  culle  un  criminel  et  sa  croix,  quand  vous 
pensez    que   nous  avons   pu    prendre  pour 

Dieu    un  coupable,   ou  un   mortel Nous 

n'honorons  ni  ne  désirons  les  g  bels  ;  c'est 
vous  plutôt  qui  consacrez  des  dieux  de  bois, 
et  adoi  ez  peut-être  des  croix  de  bois  comme 
une  portion  de  vos  dieux.  »  — Tertullien  ré- 
pond au  même  reproche  (  Apolug.,  c.  Iti)  : 
«  Celui  qui  pense  que  nous  adorons  la  croia? 
a  dans  le  fond  la  même  religion  que  nous. 
Quand  ou  consacre  du  bois,  (jue  f.iil  la  forme, 
lorsque  la  matière  C't  la  même  ;  qu'importe 
la  ligure,  lorsque  c'est  le  (  orps  (l'un  dieu  ? 
La  Minerve  athénienne,  la  Cérès  de  Pharos, 
ne  sont  (ju'uu  tronc  de  bois  informe...  Vous 
adorez  les  victoires  avec  leurs  trophées  char- 
ges de  croix,  les  armées  adoient  leurs  ensei- 
gnes, sur  lesquelles  brillent  les  croix  au  mi- 
lieu des  idoles,  eic.  »  {Idem,  ad  Nuliones,  1. 
I,  c.  12). 

Voilà,  disent  les  protestants,  deux  auteurs 
du  iii«  siècle,  qui  soutiennent  que  les  chré- 
tiens ne  rendent  point  de  culte  à  la  croix. 
Point  du  toul.  Minutius  Félix  nie  que  les 
chrétiens  honorent  les  cro  T  ou  les  gibets 
aux  |uels  on  les  attache  pour  les  faire  mou- 
rir; mais  il  ne  se  défend  pas  plus  d'honorer 
la  rrof'j-  de  Jésus-Christ  que  (l'adorer  Jesus- 
Christ  lui-même,  puisqu'il  joint  l'un  à  l'au- 
tre. Tertullien  ne  nie  pas  le  fait  non  plus  , 
il  se  borne  à  démontrer  que  les  païens  l'ont 
de  même. 

Au  IV"  siècle  ,  Julien  renouvela  encore  ce 
reproche  :  «  Vous  adorez  ,  dit-il ,  le  bois  de 
la  croix,  vous  formez  ce  signe  sur  voire  fioul, 
vous  le  gravez  sur  la  porte  de  vos  maisons.» 
Saint  Cyrille  repond  qu-  Jésus -Christ  en 
mourani  sur  la  croix,  a  racheté,  converti,  et 
sanctifie  le  inoiule  :  «  La  croix,  dii-il ,  nous 
en  fait  souvenir  ;  nous  l'honorons  donc  parce 
qu'elle  nous  avertit  que  nous  devoiis  vivre 
pour  celui  qui  est  mort  pour  nous.  »  [Contra 
Julian.,  Iib.  vi,  pag.  19i-.)  — Les  protestants 
n'oseraent  nier  que  les  chrétiens  du  iv  siè- 
cle aient  rendu  un  culte  religieux  à  la  croix; 
mais  ils  disent  que  c'était  une  superstition 
nouvelle.  Cependant  el.e  leur  a  été  repro- 
chée au  nr'  siècle  aussi  bien  ()u'au  iv*  ;  si 
ceux  du  111  l'avaient  njetee  cl  s  en  étaient 
défendus,  ceux  du  siècle  suivant  auraient-ils 
osé   l'adopter"?  Nous  verrons  dans  l'article 


1I8.S 


CRO 


CRO 


il86 


suivant  que  ce  cuile  est  encore  suppose  par 
l'Iinbilude  (les  elirélieiis  di:  Faire  le  bigiie  de 
la  croix. 

Ces  mêmes  critiques  soutiennent  que  les 
Pères  ont  mal  dissipé  ri}j;nominie  qui-  Toa 
jelail  sur  les  clirélieiis,  à  c.iu^e  du  supplice 
de  Jésus-Clirlsl.  Au  ir'  siècle,  saint  .lusiin 
(Apol.  1,  n°  5j)  repiésenio  que  la  croix  du 
Sauveur  est  le  signe  le  plus  éclatant  de  son 
pouvoir,  et  de  l'empirt'  qu'il  exerce  sur  le 
monde  entier;  il  rappelle  les  p.iroles  d'isaïe 
qu'il  avilit  citées  ,  n"  3o  ,  où  le  prophète  , 
parlant  du  Messie,  dit  qu'il  parlera  la  mar- 
que de  son  empire  sur  son  épiiule  :  c'est  la 
croix,  dit  s.iini  Justin  ,  que  .lésus-Christ  a 
portée  avant  d'v  être  attaché.  Il  ob>erve, 
au'-si  hii'ii  que  i\iinutius  Félix  et  'l'eitullien, 
que  cet  objet  prétendu  de  malédictiou  se 
voit  néanmoins  partout  sur  les  mâts  des  vais- 
seaux ,  sur  les  instruments  du  labourage  , 
sur  les  enseignes  militaires  ,  auxquelles  les 
solilals  rendent  un  culte  religieuv.  —  Pour 
trouver  matière  à  une  censure  .  Le  Clerc  et 
Barbeyr.ic  suppriment  la  première  réflexioii 
de  saint  Justin  ;  ils  disent  (jue  la  seconde 
n'est  qu'une  déclaration  puéiil.'.  Où  est  dune 
le  riilicule  de  dire  aux  p.iïens  :  Si  la  croix 
éliiil  par  elle-même  un  objet  d'horreur,  vous 
ne  déviiez  li  soulTrir  nulle  part,  surtout  avec 
les  imiiges  des  d  eux  auxquels  vous  rendez 
un  culte?  L'horreur  et  le  scandale  des  païens, 
répond  Barbeyrac,  ne  venait  pas  de  la  figure 
de  la  croix,  mais  de  ce  qu'elle  était  l'instru- 
ment du  supplice  des  criminels,  et  en  parti- 
culier de  celui  de  Jésus-Christ.  Nous  le  sa- 
vons. Cependant  cet  inslrument  de  supplice 
piiraissail  sur  les  enseif^nes  niiliiaires  avec 
les  figures  des  dieux.  Par  la  croix  ,  Jésus- 
Christ  a  racheté  le  genre  humain  ;  par  la 
prédication  de  ce  mystère  ,  le  monde  a  été 
converti  et  sanctifié,  elles  prophètes  l'avaient 
prédit.  Saint  Justin  n'insiste  pas  sur  cette 
raison  en  parlant  aux  païens,  parce  qu'il 
aurait  fall'i  leur  développer  le  mystère  de  la 
rédemption  ;  mais  il  presse  cei  .-irgument 
lorsqu'il  dispute  contre  le  juif  Tryphon,  qui 
était  mieux  instruit,  n'  94-  et  suiv.  'l'ertullien 
le  fait  aussi  valoir  {Adv.  Jiidœos,  cap.  10  et 
suiv.)  Origène  l'a  répété  dix  fois  au  philo- 
sophe Ceiso,  qui  se  vantait  de  ci>nnaîlre  par- 
faitement le  ciiristianisine.  Les  Pcres  n'igno- 
raient donc  pas  les  raisons  qui  funl  disparaî- 
tre le  scandale  de  la  crois,  mais  iL  ne  vou- 
laient pas  les  placer  hors  de  propos. 

I  )  Quand  la  croix,  disent  les  protestants,  se 
rail  respectable  à  cause  de  ce  (ju't-lle  repré- 
sente el  à  causedes  idées  qu'elle  nous  donne, 
il  serait  encore  ridicule  de  lui  adiciSer  la 
parole,  de  lui  supposer  du  seniiment ,  de 
l'action,  de  la  vertu,  de  la  puissance;  dédire 
qu'elle  a  entendu  les  dernièies  paroles  de 
Jésus-Christ  mour.int,  qu'elle  opère  îles  mi- 
racles ,  qu'elle  met  en  fuite  les  démons  , 
qu'elle  est  la  source-  du  salut  et  notre  unique 
espérance,  etc.  Ce  langage  des  calhoiiques 
est  celui  de  l'idolâtrie  la  plus  grossière. 
Quand  il  serait  sup|iortable,  en  parlant  de  la 
croix  à  laquelle  Jesus-Christ  a  été  attache, 


il  serait  encore  absurde  à    l'égard   de  toute 
autre  ligure  de  la  croix. 

Réponse.  Si,  en  niaiière  de  religion,  le 
lang  ige  (igiiré  et  métaphorique  est  un  crime, 
il  faut  commencer  p;ir  condanmer  Jésus- 
Christ,  qui  veut  (|u'un chrétien  porte  sa  croix' 
il  faut  refermer  saint  Paul,  qui  ne  veut  pas 
que  l'on  rende  ride  la  croix  de  Jésus-Clirist 
qui  appelle  sa  |;rédicat,on  la  parole  de  la 
croix,  qui  se  glorifie  dans  la  croix  ,  etc. 
(hiand  on  a  objecte  aux  piote.tanis  un  pas- 
sage d'Origène  (Comment,  iii  t'pisl.atl  Itom., 
lib.  VI,  n'  1),  où  il  relève  le  pouvoir  de  la 
croix  de  Jesus-Christ  ,  ils  ont  répondu  que 
ce  l'ère  parle,  non  de  la  e;'i//j;  matérielle  , 
mais  de  la  pensée,  du  souvenir,  de  la  inédi- 
laiion  de  la  mort  de  Jesus-Christ.  Ainsi  ils 
ex()liquent  le  langage  des  Pères  dans  un  sens 
figuré,  lorsqu'ils  y  trouvent  leur  avantage, 
et  ils  prennent  tout  à  la  lettre,  lorsque  cela 
peut  leur  fournir  un  sujet  de  reprocl;e.  Ils 
nous  demandent  quelle  vertu  peut  avoir  une 
croix  de  bois  ou  de  métal  ;  nous  leur  deman- 
dons à  notre  tour,  quelle  vertu  peut  avoir  le 
signe  de  la  cioix  formé  sur  nous  :  si  les  cal- 
vinistes en  ont  perdu  la  pr.tiiiue,  les  luthé- 
riens du  moins  et  les  anglicans  l'ont  conser- 
vée ,  et  nous  all:)ns  voir  qu'elle  date  des 
temps  apostoliques. 

Us  ont  encore  beaucoup  argumenté  sur  le 
terme  d'adoration  dont  nous  nous  servons 
communément  à  l'égard  de  la  croix;  nous 
avons  fait  voir  ailleuis  que  l'éiiuivoquc  de 
ce  mol,  et  l'abus  que  l'on  eu  peut  faire,  ne 
prouvent  rien.   Voy.  Aooration. 

Beaiisobre  prétend  que  l'honneur  rendu  à 
la  croix  ne  fut  d'abord  qu'un  respect  exté- 
rieur, tel  (lu'ou  le  rend  eu  général  aux  cho- 
ses saintes,  et  l'on  n'honora  d'abord  que  la 
croix  à  laquelle  Jésus-Christ  avait  été  atta- 
ché ;  ensuite  cet  honneur  fut  adressé  à  tou- 
tes les  images  de  cette  croix.  Les  mêmes  mo- 
numents qui  nous  parlent  de  l'adoration  de 
la  croi'x,  font  aussi  mention  de  Vadoialion 
des  saints  lieux  (Uisl.  du  Manir.h.,  liv.  li,  ch. 
6,  §  1,  n'  G).  —  Nous  soutenons  que  si  le 
respect  rendu  aux  choses  saintes  n'était 
qu  extérieur,  ce  serait  une  momerie  et  une 
hypocrisie  indigne  d'un  homme  grave  et  sen- 
sé. En  second  lieu  ,  nous  deoianduns  si  le 
respect  ad.  essé  aux  choses  saintes  est  un  res- 
pect purement  civil,  et  qui  n'ait  de  relauon 
qu'à  l'ordre  civil  de  la  société.  11  est  évident 
qu'il  a  rapport  à  l'ordre  religieux  ;  que  c'est 
uii  acte  de  religion  qui  a  Dieu  pour  objet  ; 
qu'en  dépit  des  proiestauts,  c'est  un  culte  re- 
ligieux, puisqu'encore  une  fuis,  culte  et  res- 
pect sont  S)  lionymes. 

L'usage  de  planter  des  croix  sur  les  grands 
chemins  est  venu  de  ce  (jue  le  droit  d'asile 
y  était  attaché  aussi  bien  ((u'aux  églises  et 
aux  autels.  Ainsi  l'ordonii!^  le  concile  de 
Cleruiont,  tenu  l'an  1095,  canon  29. 

Cnoix  (Signe  de  la).  C'est  l'action  de  for- 
mer une  croix  sur  soi-même,  en  porl.iii'.  la 
main  du  Iront  à  la  poitrine  ,  et  de  l'épaule 
gauche  à  l'épaule  droite,  en  prononçant  ces 
mots  :  Au  nom  du  Père  ,  et  du  Fils  ,  et  du 
Saint-Esprit.  Ces  paroles  sont  de  Jésu8:Ciiri8t 


1107 


CRO 


CRO 


H88 


môme,  lorsqu'il  institua  le  baptême  {Matlh., 
XXV  u,  l')-  —  C'est  uue  prolcssiou  abrégée 
(lu  cUrislianispie,  de  laquelle  les  premiers 
Cdèk's  contractèrent  d'abord  l'habitude.  «  A 
toutes  nos  actions ,  dit  TertuUien,  lorsque 
nous  entrons  ou  surtons,  lorsque  nous  pre- 
nons nos  babils,  que  nous  allons  au  bain,  à 
table,  au  lit ,  que  nous  prenons  une  chaise 
ou  une  lumière,  nous  formons  la  croix  sur 
notre  front.  Ces  sortes  de  pratiques  ne  sont 
point  commandées  par  une  loi  formelle  de 
l'Ecriture;  mais  la  tradition  les  enseigne,  la 
coulunie  les  confirme,  ei  la  foi  les  observe.» 
(De  Cornna,  c.  4).  Les  chrétiens  opposaient 
ce  si^çne  vénérable  à  toutes  les  supeislitions 
des  païens.  —  Origène  (Select,  in  Ezech.,  c. 
ix)  dit  la  même  chose  ;  saint  Cyrille  de  Jéru- 
salem recommande  cette  pratique  aux  fidè- 
les {Calecli.  h-);  saint  Basile  (L.  de  Spirit. 
Sanclo,  c.  27,  n"C6)  dit  que  c'est  une  tra- 
dition apostolique.  Les  Fères  nous  appren- 
nent que  l'onciion  du  baplêine  et  celle  (Se  la 
confirmation  se  faisaient  en  forme  de  croix 
sur  le  front  du  baptisé  ;  ils  attestent  qu'il  sa 
faisait  des  miraclrs  par  le  signe  de  la  croix  ; 
que  ce  signe  puissant  sulfis.iit  pour  mettre 
en  fuite  les  démons  ,  et  pour  déconcerter 
tous  leurs  prestiges  dans  les  cérémonies  ma- 
giques des  païens  (Lactance  ,  l.  iv  Divin. 
Iiislit.,  c.  27  ;  de  Morte  persec,  c.  10,  etc.) 

Puisque  la  tradition  a  sulfi  pour  introduire 
ce  signe  parmi  les  premiers  fidèles,  nous  de- 
mandons aux  protestants  pourquoi  elle  n'a 
pas  suffi  pour  autoriser  aussi  le  culte  rendu 
a  la  croix;  quelle  différence  il  y  a  entre  for- 
mer sur  nous  une  croix  par  motif  de  reli- 
gion ,  et  rendre  un  respect  religieux  à  ce 
même  signe  placé  sous  nos  yeux  ?  Voilà  ce 
que  nous  no  concevons  pas. 

Dans  le  saint  sacrifice  de  la  messe,  dans 
l'administration  d^s  sacrements,  dans  les 
bt'iieilictioiis,  dans  tout  le  culte  extérieur, 
l'Eglise  lepèli'  sans  cesse  le  iiync  de  la  croix; 
c'est  pour  nous  apprendre  et  nous  convain- 
cre qu'aucune  pratique  ,  aucune  ci'iéuionie 
ne  peut  pr(;dnire  aucun  effet  qu'en  vertu  des 
mérites  et  de  la  mort  de  Jésus-Cllri^t  ;  que 
toutes  les  grâces  de  Dieu  nous  viennent  en 
considération  des  souffrances  de  ce  divin 
Sauveur ,  et  du  sang  qu'il  a  versé  pour  nous 
sur  la  croix. 

Une  coutume  assez  commune  chez  lescoph- 
tes  et  chez  les  a  :lres  chrétiens  orientaux, 
est  d'imprimer  avec  un  fer  chaud  le  siijite  do 
la  croix  sur  le  Iront  des  enfants  ,  ou  sur  une 
autre  partie  du  visage.  QueUiues  auteurs  mil 
instruits  ont  eru  ()ue  ces  chrétiens  faisaient 
cette  céréniunuî  par  religion,  et  qu'ils  se  per- 
suadaient qu'elle  peut  tenir  lieu  du  baptême; 
ils  se  sont  trompés  :  l'abbé  Keiiaudol,  mieux 
informé,  soutient  ([u'il  n'y  a  dans  cetic  cou- 
tume rien  de  sii|aM>iiiii'ux.  Elle  est  venue  de 
ce  (|uc  lu'S  mahoinetans  enlèvent  souvent  les 
enfants  dc«  chrétiens  pour  en  faire  des  escla- 
ves, cl  pour  les  élever  dans  le  inahomélisine 
malgré  leurs  parents  ;  mais  coiiimc  iis  sont 
ennemis  delà  croix ,  qui  est  le  signe  du 
clirislianisme,  ils  ne  veulent  pas  d'un  enfant 
bi  d'un  usclave  qui  a  celte  marque  imprimée 


au  Iront  ou  au  visage.  [Perpé tuile  de  la  foi , 
tom.  V,  1.  11,  c.  4,  pag.  Î06.) 

Croix  iFète  de  la).  L'Eglise  romaine  cé- 
lèbre deux  fêtes  à  l'honneur  de  la  sainte 
croix  ;  la  première  le  3  mai  ,  sous  le  nom 
de  ïlnveniion  oude  la  découverte  de  iasainte 
croix;  elle  a  été  instituée  eu  mi-moire  de  ce 
que  sainte  Hélène,  mère  de  l'empereur  Cons- 
tantin, l'an  32G,  fil  chercher  et  'trouva,  sous 
les  ruines  du  Calvaire,  la  croix  à  laquelle 
Jésus-Chrisl  avait  été  attaché.  Cet  événement 
est  rapporté  par  saint  Cyrille  de  Jérusalem  , 
qui  fut  placé  surle  siège  de  cette  église  vingt- 
cinq  ans  après  ;  il  en  parle  à  ses  auditeurs 
comme  témoins  oculaires  et  sur  le  lien  même 
(Cntech.  10;  saint  l'aulin,  episl.  31  ;  saint  Jé- 
rôme, Sulpice-Sévère,  sailli  Ambroise,  de 
UbituTheod.).  Saint  Jean  Cliiysostome,  Uuf- 
Gu  et  Théodorel  en  ont  aussi  l'ail  mention. 
—  En  comparant  leurs  réi'ils  ,  1  on  voit  que 
les  païens  s'étaient  appliqués  à  dérober  aux 
chrétiens  la  connaissance  du  lieu  de  la  sé- 
pulture de  Jésus-Christ.  Non-seulement,  ils 
y  avaient  amassé  une  grande  quantité  de 
pierres  et  de  décombres,  mais  ils  y  avaient 
élevé  un  temple  de  \"énus,  et  avaient  érigé 
une  statue  de  Jupiler  sur  le  lieu  où  s'olait 
accom|ili  le  mystère  de  la  résurrection.  Sainte 
Hélène,  après  avoir  fait  démolir  le  temple  , 
lit  creuser  à  côté  du  Calvaire  ,  et  l'on  y  dé- 
couvrit eulin  le  tombeau  du  Sauveur,  avec 
les  instrunu  nts  de  sa  passion.  Comme  on 
trouva  trois  croix  ,  celle  de  Jésus-Christ  fut 
reconnue  par  un  miracle  qu'elle  opéra.  L'im- 
pératrice en  envoya  une  partie  à  Constan- 
tin, une  autre  partie  à  Rome,  pour  être  pla- 
cée dans  une  église  qu'elle  y  fonda  sous  le 
titre  de  la  Sainte-Croix  de  Jérusalem.  Elle 
laissa  la  plus  grande  portion  dans  l'cgliso 
()u'clle  fil  bâlir  sur  le  saint  sépulcre,  el  qui 
l'ut  appelée  liasilique  de  la  Suiiitc-Croix,  l'é- 
ylis(.'  du  Sépiacre  ou  de  la  iUsurrecliuii. 

Les  protestants,  prévenus  eonlre  le  culte 
de  la  cro'X,  ont  objecté  qu'Eusèbe  n'a  pas 
parle  de  celle  découverte;  mais  que  prouve 
ce  silcnei:  contre  le  récit  des  témoins  ocu- 
laires, des  contemporains,  ou  des  auteurs 
voisins  de  révenement?  Le  P.  de  Montfau- 
con  nous  apprend  qu'Eusèbe  fait  mention  de 
la  découverte  de  la  cruix  dans  son  Commen- 
taire du  Pî.  87,  p.  o'i-'D.  —  «  Les  miracles  île 
Jesus-Chrisl,  dit  saint  C^yrillc  de  Jérusalem, 
rendent  témoignage  à  sa  puissance  et  à  sa 
grandeur,  auasi  bien  que  le  liois  de  la  croix 
trouvé  ces  jours-ii  parmi  nous,  et  duquel 
ceux  qui  en  prennent  avec  foi  ont  presque 
rempli  tout  le  monde...  11  en  est  de  même  du 
sépulcre  où  il  a  été  enseveli,  et  do  la  pierre 
(jui  est  encore  aujourd'hui  dessus.  »  CaCecli. 
10.  Dans  la  qualriéine  et  la  treizième  calé- 
(hèse,  il  dit  que  les  parcelles  de  la  croix 
sont  répandues  par  tout  le  monde.  Les  fidè- 
les qui  visitaient  les  lieux  saints  désiraient 
tous  d'en  avoir.  Ouand  nous  n'aurions  point 
d'autre  lenuiin  que  celui-là  ,  il  ne  serait  pas 
lécusable;  il  etail  né  et  il  parlait  sur  le  lieu 
même,  il  pouvait  avoir  vu  de  ses  yeux  le  fait 
(ju'il  atleslail,  et  plusieurs  de  ses  auditeurs 
eu  avaient  été  témoins  comme  lui.  —  Bas- 


1189 


CRO 


CRO 


Î130 


na^R  a  nt'sinmoins  osé  écrire,  dans  son  Bi»t. 

des  Juifs,  liv.  vi,  ch.  14,  sect.  10,  que  Gré- 
goire (io  Tours,  raorl  l'an  590,  est  le  preuiier 
qui  en  ail  parié.  C'est  ainsi  que  sont  ins- 
truits les  auteurs  que  les  protestants  rcjfJir- 
deni  comme  lies  oracles  (Tiilemoiil,  tom.  VU, 
p.  b).  Dans  les  Vies  de»  Pires  et  des  Miir- 
lyrs,  lom  IV,  p.  91,  l'on  trouvera  un  dét.iil 
curieux  touchant  les  divers  instruments  de 
la  passion  du  Sauveur. 

La  seconde  fèlc.de  la  sainte  croix  est  celle 
de  son  Exaltation,  le  li  septembre  :  l'insli- 
luliun  en  est  (dus  ancienne  que  celle  de  la 
fêle  précédente;  elle  remonte  au  rèi;ne  de 
I  Conslanliii.  On  est  persuade  qu'elle  tut  éla- 
b'iie  l'an  33a,  soit  en  niémnire  de  la  croix  |ui 
avait  apparu  miraculeusomenl  à  cet  enipe- 
rcreur,  soit  pour  céléiner  la  découverte  que 
sainte  Uéiènc  sa  mère  avait  faiie  île  la  croix 
de  Jésus-Christ.  Du  moins  les  Grecs  et  les 
Latins, lasolennisaient  au  votau  vi'^siècles, 
et  ils  l'avaient  tlKée  au  jum*  do  la  dédicace  de 
l'église  que  sainte  Hélène  avait  l'ail  liûlir 
sur  le  Calvaire.  Toules  les  années,  à  ce  jour, 
l'évéqutî  de  Jérusalem  montait  sur  une  tri- 
bune élevée,  et  il  y  exposait /«  sainte  croix  à 
la  vénération  du  peuple  :  do  là  le  nom  d'Exal- 
tation donné  à  la  fc'.e.  Les  Grecs  nommaient 
celle  cérémonie  ,  lis  Mystères  sacrés  de  Dieu, 
ou  la  Sainteté  de  Dieu,  au  rapport  de  Nicé- 
pliore. 

Vers  l'an  614  ,  Chosroès ,  roi  de  Perse  , 
après  avoir  vaincu  les  Romains,  s'empara  de 
Jérusalem  ;  il  emporta  dans  la  Perse  la  sainte 
croix,  qui  était  renfermée  dans  une  châsse 
d'argent.  Mais  l'an  028,  Chosroès  tut  vaincu 
à  son  tour  parreai()eri'urHèraclius,  et  obligé 
(le  recevoir  les  conditions  de  la  pais.  L'un 
des  premiers  acticles  du  Irailé  conclu  avec 
Siroès  son  fils ,  fut  la  restitution  do  celle 
{irecieuse  relique.  Elle  fut  rapportée  par 
Zacharie  ,  patriarche  de  Jérusaieni ,  qui 
avait  elé  fait  prisonnier,  et  lui  replacée  par 
Héraclius  lui-méinedans  l'églisedu  Calvaire. 
Cet  événement  rendit  plus  célèbre  la  fête  de 
VExalt'ition  de  la  suinte  (Jroix.  Dans  le  vur 
siècle,  les  Latins  établirent  une  fêle  particu- 
lière le  3  de  mai,  en  mémoire  de  l'invention 
ou  de  la  decou\erte  de  celle  relique.  Voij. 
Acta  Sancl.,  3  mat'/;  Thumassiu,  Traité  des 
Fêtes,  p.  47",);  \  ies  des  Ptres  et  des  Martyrs, 
lom.  vin,  14  septembre,  etc. 

Quant  à  l'appiMilion  miraculeuse  d'une 
croix  que  l'empereur  Constantin  vil  dans  le 
ciel,  voy.  CoNSTANrm. 

Croix  pectorale  ;  c'est  une  croix  d'or, 
d'aigenl,  ou  de  pierres  précieuses,  que  les 
évéques,  les  archevêques,  les  abbos  réguliers 
et  les  abbesses  portent  pendue  à  leur  cou,  et 
qui  esl  une  des  marques  de  leur  dignité.  ^ 
Cet  usage  paraît  ancien.  Jean  le  Diacre  re- 
présente saint  (irégoire  dans  son  mausolée 
avec  un  reli,|uaire  pendu  à  sou  cou,  et  nom- 
me col  orneiiient  filnleria  ;  peut-être  est-ce 
une  corruption  du  mol/j/()//ficrer.i(j.  1'o(/.Pht- 
LACTivRES.  Saint  Grégoire  lui-même,  expli- 
quant ce  terme,  dit  que  c'est  une  croix  enri- 
chie do  reliques.  Innocent  111  dil  quo  par 
celle  croia;  les  papes  ont  voulu  imiter  la  lame 


d'or  que  le  grand  prêtre  des  Juifs  portait  sur 
son  Iront.  Cet  usago  des  papes  a  passé  aux 
évêqups.  Quant  à  la  croix  que  l'on  porte  de- 
vant les  archevêques,  voy.  PouTF.-cROix  ,  el 
r.lacien  Sacramenlaire,  première  partie, page 
103. 

CROIX  (Filles  de  la)  [1).  Elles  forment  une 
congrégation  dont  l'inslilut  a  pour  objet  l'ins- 
truction des  jeunes  personnos  de  leur  sexe. 
—  Leur  premier  établissement  eut  lieu  en 
1025,  a  Royc  en  Picardie.  Appelées  à  Paris 
par  la  dame  de  \'il!eiieuve,  veuve  d'un  maî- 
tre des  lequêles,  leur  société  fut  confirmée 
par  l'archevêque  de  cette  ville,  el  autorisée 
par  des  lettres  patentes  vérifiées  au  parle- 
ment en  1042. 

Cette  congrégation  est  divisée  en  deux  so- 
ciétés particulier,  s  :  les  unes  sont  liées  par 
les  va'ux  simples  de  chasteté,  de  pauvreté, 
d'obéissance  el  de  sLihilitè;  les  autres,  sans 
faire  aucun  vœu  ,  sont  unies  dans  les  mai- 
sons qu'elles  habitent  sous  la  direction  d'un 
supérieur.  Les  unes  el  les  autres,  outre  l'insi- 
truction  tics  jeunes  personues  de  leur  sexe  , 
rtçoivenl  encore  chez  elles  les  pauvres  qui 
veulent  s'inslruire  de  leur  religion,  el  ;e  dis- 
poser à  un  chai.igeinenl  do  vi<'.  elles  porlenl 
le  même  habil,  avec  celle  différence  néan- 
moins que  celles  qui  lonl  des  vœux  porlenl 
une-pelile  troj'j;  (l'ar-jent ,  et  les  autres  uue 
petite  de  bois.  (Extrait  du  Ùict.  de  Jurispru- 
dence.) 

CROSSE,  bâton  pastoral  que  partent  les 
archevéi|ues,  les  évêi|ues  <'i  les  aiibés  régu- 
liers, el  que  l'on  porte  devant  eux  quand  ils 
olUcienl. 

Il  parait  que  dans  l'origine  c'était  un  bâ- 
ton pour  s'appujer;  mais,  d(!  tout  temps, 
cclappui,néccs>aire  aux  vieillards, a  été  une 
marque  de  distinction  {\um.  xvii,  2,  el  x\i, 
18).  Nous  voyons  les  cIk  fs  des  liibus  d'Is- 
raël dislingues  par  le  bâton,  et  c'est  l'origine 
du  sceptre  ou  bâton  de  coinmandcment.  On 
lit  pour  la  première  fois  dans  le  conciie  de 
Trojosde  l'an  807,  que  les  évéques  de  la  pro- 
vince do  iieims  ,  qui  avaient  oie  sacrés  pen- 
dant l'absence  de  l'archevêque  Etibon  ,  re- 
culent de  lui,  après  qu'il  eut  été  rétabli , 
l'anneau  et  le  l;âlon  pastoral,  suivant  l'usage 
de  l'Eglise  de  Franco.  En  88o,  dans  le  con- 
cile de  Mines  ,  on  rompit  la  crusse  d'un  ar- 
chevêque de  Narbonnc,  intrus,  nommé  Salva. 
Balsauion  dil  qu'il  n'y  avait  que  les  patriar- 
ches en  Orient  (jui  la  portassent. 

On  doîiiia  celle  crusse  à  1  evêque  dans  l'or- 
dination, pour  marquer,  dit  saint  Isidore  de 
Soville,  qu'il  a  droit  de  coniger,  el  qu'il  doit 
soutenir  les  faibles.  L'auteur  de  la  vie  de 
saint  Césaire  d'Arles  parle  du  clerc  qui  por- 
tail sa  crusse,  cl  saint  liurchard,  évêque  de 
Wurlsbourg,  esl  loué  dans  sa  Vie  d'avoir  eu 
une  crosse  du  liois.  Voy.  l'Ancien  S  icramen- 
taire,  première  partie,  p.  loi),  154. 

CKOVAN  ,E.  <;roire  ,  en  gênerai ,  est  la 
même  chose  qu'être  persuade  el  ctmvaincu; 
aussi   croyance    signifie   persuasion ,    mais 

(I)  Cel  article , esl  re|Modiiil  d'uprcs  l'édiiioii  de 
Liège. 


an  CRO 

toute  persuasion  ne  peut  pas  être  appelée 
croyance. 

Nous  sommrs  porsuadés  que  deux  et  deux 
font  quatre,  que  les  Irois  angles  d'un  tri.ui- 
glr  sont  ég.Tix  à  deux  droits;  ces  deux  pro- 
positions soui  évidentes  par  elles  -  mêmes. 
Quoique  nous  ne  concevions  pas  comment 
la  liberté  peui  se  concilier  avec  l'immulahi- 
lilé,  nous  sommes  convaincus  cependynl  (|ue 
Dieu  I  st  libre  et  immuable,  parce  que  c'est 
une  véiilé  qui  se  déduit  évidemment  de  la 
noiion  d'Etre  nécessnire  ,  conséquemment 
une  \érité  démontiée.  —  Nous  sommes  cer- 
tains qu'un  corps  est  mû  par  un  autre  corps  ; 
nous  le  voyons  de  nos  yeux,  nous  le  sentons 
par  le  tact  ,  quoique  nous  ne  comprenions 
pas  pourquoi  le  mouvement  se  communique 
d'un  corps  à  un  autre  corps.  Nous  sentons 
que  notre  âme  meut  notre  propre  corps,  c'est 
une  vérité  de  curisc/ence,  quoiqu'il  ne  soit  pas 
possible  de  concevoir  comu.enl  un  esprit 
peut  agir  sur  un  corps.  —  Dans  tous  ces  cas, 
notre  persuasion  n'est  pas  proprement  une 
c7"0(/a"fe;  nous  ne  croyons  pas ,  mais  nous 
vo}  onselnou>  sentons.  Quoique  nous  n'ayons 
pas  vu  la  ville  de  Roine,  nous  croyons  sou 
existence  sur  le  téoioignaffe  de  ceux  qui 
l'ont  vue,  de  ceux  qui  l'babitent,  sur  les  re- 
lations que  nous  avons  avec  eux,  etc.  Les 
peuples  de  (luiiiée  ,  qui  n'ont  jamais  vu  de 
glace,  ne  conçoivent  pas  comment  l'eau  peut 
devenir  un  corps  solide,  c  oient  cependant 
l'existence  de  la  glace,  sur  le  témoignage  de 
mille  voyageurs; s'ils  ne  la  croyaient  pas,  ils 
seraient  insensés.  Les  aveugles-nés  ne  con- 
çoivent point  les  piiéiiomènes  des  couleurs. 
Un  miroir,  une  lerspeclive,  un  tableau;  ils 
en  croient  cependant  l'exisieuce ,  et  cette 
persuasion  leur  est  dictée  par  le  bon  sens. 
Dans  les  divers  c  iS,  la  croyance  est  une  foi 
humaine  fondée  sur  le  témoignage  des  hom- 
mes. 

Nous  croyons  que  Dieu  est  un  en  Irois 
personnes,  que  le  Verbe  incarné  est  Dieu  et 
liomme  ,  que  Jésus-Christ  est  léellement 
dans  l'Euch.irisiie,  etc.;  quoique  nous  necon- 
cevions  pas  ces  mystères  ,  nous  les  croyons 
sur  le  témoignage  de  Dieu  ,  ou  parce  que 
Dieu  les  a  révélés  :  i  etle  croyance  est  une  loi 
divine.  Nous  sommes  convaincus  de  la  révé- 
lation par  les  motifs  de  crédibilité  dont  elle 
est  nvêlup. 

L'irsqu'on  demande:  Pouvons-nous  croire 
ce  que  nous  ne  concevons  pas  ?  c'est  de- 
mander .si  les  aveugles-nés  peuvent  croire 
l'existence  des  couleurs  .  si  les  peuples  de 
GuMiee  peuvent  t  roire  1  existence  île  la  glace, 
si  nous-mêmes  pouvons  croire  la  communi- 
cation du  mouvement  d'un  corps  à  un  autre. 
Cependant  l'on  a  fait  des  libelles  pour  prou- 
ver qu'il  est  impossible  de  croiie  séiieuse- 
nienl  ce  que  l'on  ne  conçoit  pas,  que  c'esl  un 
enthousiasme  et  une  folie  ,  que  nos  profes- 
sions de  foi  ne  sont  qu'un  j.irgon  de  mois 
sans  idées  ,  que  proposer  à  un  honiuie  un 
mystère,  c'est  comme  si  on  lui  parlait  une 
langue  inconnue,  etc.  ;  et  toutes  ces  maximes 
sont  autant  d'axiomes  de  la  philosophie  des 
incrédules. 


CRO 


1192 


Pour  croire  un  dogme  de  foi  divine  ,  est-il 
nécessaire  que  ce  dogme  soit  obsiur  et  in- 
concevable? Non.  La  spiritualiié  et  l'immor- 
talilé  de  l'àme  nous  paraissent  des  vérités 
démontrées  ;  mais  nous  pouvons  faire  abs- 
traction des  preuves  naturelles  iiue  nous  en 
avons  ,  et  croire  ces  mêmes  vérités  ,  parce 
que  Dieu  les  a  révélées;  un  ignorant,  qui  n'a 
jamais  rélléchi  sur  1  s  preuves,  croit  ces  deux 
dogmes,  parce  que  la  religion  les  lui  ensei- 
gne. —  Oux  qui  virent  Jcsus-Christ  opérer 
un  miracle  ,  pour  prouver  qu'il  avait  le  pou- 
voir de  remettre  les  péc  es  {Mallh.  i\,  6), 
furent  témoins  oculaires  de  la  révélation,  ob 
du  signe  par  lequel  Dieu  attestait  le  pouvoir 
de  Jésus-Christ;  ils  en  eurent  une  ceriilude 
physique.  Sans  avoir  vu  les  miracles  du  Sau- 
veur, nous  en  avons  une  ceriilude  morale 
portée  au  plus  haut  d'gré  :  non-siulement 
i.s  nous  sont  atie-lés  par  les  écrits  des  té- 
moins oculaires  et  par  une  tradition  vivante 
qui  n'a  jamais  été  inierrompue,  mais  par 
l'edet  qu'ils  ont  produit  ,  ijui  est  rétablisse- 
ment du  christianisme.  Jamais  les  apôtres 
n'auraient  converti  personne,  si  les  f.iils  qu'ils 
annonçaient  n'avaient  pus  été  indubitables. 

Voy.   CEhTITDDE. 

Quand  on  reproche  aux  athées  et  aux  au- 
tres incrédules  les  conséquences  de  leur  doc- 
trine, et  les  funestes  elîets  qu'elle  doit  pro- 
duire sur  les  uioeui  s,  ils  disent  que  la  croyance 
influe  très-peu  sur  la  condu  le  des  huuimes  , 
que  le  tempérament  setil  décide  de  leurs  vi- 
ces ou  de  leurs  vertus;  de  la  ils  concluent 
que  la  religion  est  la  chose  du  monde  la  plus 
indilTércnie  et  la  plus  inutile.  D'autie  part, 
ils  soutiennent  que  les  vires  elles  malheurs 
des  hommes  viennent  de  leurs  erreurs,  qu'il 
faut  leur  enseigner  la  vérité  pour  les  ren- 
d:e  heureux,  qu'il  est  bon,  p<ir  conséquent, 
de  prêcher  l'alheisme,  paice  que  c'est  la  vé- 
rité; ils  ajoutent  que  les  erreurs  en  fait  do 
religion  sont  la  cause  de  la  plupart  des  cri- 
mes commis  dans  le  monde.  La  contradic- 
tion de  ces  piineipes  est  palpable.  De  quoi 
servira  aux  liommes  la  verile  ,  si  celle  con- 
na>s-ance  ne  peut  iniluer  en  rien  sur  leur 
conduit  ?  Comment  la  reLgion,  qui  com- 
mande toutes  les  vertus  et  défend  ions  les 
vices,  peut-elle  produire  par  elle-même  l'effet 
directement  opposé  au  but  de  son  instilu- 
lion  ? 

Il  ne  sert  de  rien  de  citer  l'exemple  des 
rhiéliens  vicieux,  pour  prouver  que  leur  re- 
ligion n'influe  en  rien  sui-  leurs  mœurs.  Lors- 
que la  croyance  gêne  les  passions,  il  n'est 
pas  élonnaiil  que  celles-ci  soient  souvent  les 
plus  fortes,  cl  eniraineni  l'homme  au  crime 
malgré  les  remords  que  la  religion  lui  cause. 
Au  contraire,  si  la  doctrine  favorise  les 
passions,  en  brisant  le  lien  qui  lend  a  les  ré- 
primer ,  (  lie  doit  certainement  rendre  l'hom- 
me plus  vicieux  ,  puisqu'elle  étouffe  en  lui 
la  VOIX  de  la  conscience  ei  les  remords.  Tel 
est  donc  l'eflet  (lue  produiraient  l'athéisme 
et  l'irréligion  sur  tous  ceux  qui  sont  nés 
avec  des  passions  violentes. 

Où  les  laits  décident,  les  conjectures  ri  les 
raisonnements  sont  superflus.  11  est  iucur- 


4103 


cao 


CRU 


1194 


testahle  que  le  christianisme,  dès  qu'il  fut 
établi,  causa  une  révolution  sensible  dans 
les  mœurs  des  Juifs  et  des  laïens.  et  les 
rendit  beaucoup  meilleures  qu'elles  n'étaient  ; 
c'est  un  fait  avoué  par  les  ennemis  même  de 
la  religion.  Donc  il  n'est  pas  vrai  ,  en  géné- 
ral, que  la  croyance  des  hommes  n'inllue  en 
rien  sur  leur  coniluilc. 

*  Croyances  catiioliqces  (t'ingrès  des).  —  Jamais 
on  n'a  plus  parle  tle  progrès  que  dans  noire  siècle; 
les  sciences,  les  ans,  les  législations,  les  peuples 
eux-iiicnies,  (lil-on,  sont  en  progrès.  Nous  n'avons  à 
mesurer  ni  l'étendue,  ni  h  nature  de  ces  progrès, 
mais  il  eu  est  un  ([ui  doit  nous  intéresser,  c'est  celui 
des  croyances  religieuses;  or  une  lellgion  est  en  pro- 
grès lorsque  le  nombre  de  ses  sectateurs  augmente; 
lorS([ue  ses  croyances  et  ses  praii(|ues  sont  sincère- 
nu'iit  admises  p;ir  ses  partisans,  enlin  lors(iue  sa  iloc- 
triuc  soil  dogmatique  ,  soii  morale,  prend  du  dève- 
joppeuienl  et  de  nouveaux  perlectionueuienis.  Consi- 
ilérée  sous  le  prciuier  rapport,  la  question  du  progrès 
du  catholicisme  apparlieiii  à  l'article  Piiopagatihn 
UK  LA  FOI  et  Catiiolici/£  ;  tonsiilérée  sous  le  second, 
c'est  une  question  de  fait  qui  dépend  des  lieux  et  îles 
circonstances  :  car  il  est  bien  évident  que  la  ferveur 
religieuse  n'est  la  même  ni  dans  tous  les  lieux,  ni 
dans  tous  les  temps.  Envisagée  sous  le  dernier  rap- 
port, la  (luestion  est  vraiment  philosupluque  et  digue 
du  [lenseur.  Nous  avons  conslalé  le  progrès  de  la 
mofale  dans  notre  Introduction  au  Dictionnaire  de 
Jliéoluyie  viorale.  Ici  nous  voulons  envisager  laques- 
lion  uiii(iuement  par  rapport  aux  croyances. 

Nous  rencontrons  deux  sortes  d'adversaires,  ap- 
parlenant  tous  deux  il  la  même  école.  Les  uns  accu- 
sent le  catholicisme  d'être  essentiellement  slation- 
nalre,  parce  qu'il  professe  l'immiitabiliié  de  ses  doc- 
Irines  ;  d'autres  raiionalisies  préieiidenl  que  nous 
sommes  de  leur  famille,  nous  catlioli(|ncs,  et  que  no- 
ire dogme  s'est  formé  lentement  et  pièce  à  pièce, 
connue  le  rationalisme  tache  de  former  le  sien.  Pour 
répondre  :i  ces  deux  sortes  d'adversaires,  il  suflit 
d'exposer  la  nature  du  progrés  dont  la  doctrine  ca- 
tholique est  susceptible.  Nous  avons  vu  dans  notre 
Diitionnaire  de  Théologie  morale,  que  la  foi  chré- 
tienne est  toujours  la  même,  que  les  développements 
(lu'elle  peut  recevoir  ne  sont  que  l'explication  de  la 
croyance  générale.  Nous  nous  contentons  de  ren- 
voyer à  l'article  Foi  de  ce  Dictionnaire,  où  la  théorie 
de  la  foi  a  été  cotnpiétement  développée. 

*  Cruvaxces  génébales.  Les  croyances  générales 
de  l'Eglise  ont  toujours  eu  une  très-grande  autorité 
pour  régler  la  foi  et  les  mœurs  des  liuéles.  C'est  l'une 
des  sources  les  plus  riches  de  la  TRAorrioN  (Yoy.  ce 
mot),  suivant  ces  belles  paroles  de  Vincent  de  Lé- 
rins,  de  Tertullien  et  de  saint  Augustin  :  i  Dans  l'E- 
glise Catholique,  dit  Vincent  de  Lérins,  on  doit  s'en 
tenir  avec  le  plus  grand  soin  à  ce  qui  a  été  cru  en 
tous  lieux  ,  en  tout  temps,  et  par  tous  les  lidèles.  » 
lu  ipsa  cathûlica  Ecclesia,  maijnopere  curandum  est  ut 
id  tuteamus  quod  ubiqite,  quvd  semper,  quod  al>  omni- 
bus cjcàiium  est.  t  C'est  avec  une  grande  raison,  dit 
saint  Augustin,  que  l'on  croit  que  ce  qui  s'observe 
dans  l'Eglise  universelle  et  qui  s'est  toujours  observé 
sans  avoir  été  établi  par  aucun  concile,  ne  peut  venir 
que  de  la  tradition  apostolique.  >  Quod  universa  tenet 
Lcclesia,  tiec  conciliis  inslitutum ,  icd  semper  relenluni 
est,  non  nisi  auctorilate  aposlolica  Iraditum  rectissime 
creditur.  t  Est-il  vraisemblable,  s'écrie  Tertullien  , 
que  tant  et  de  si  grandes  Eglises  se  soient  accordées 
pour  la  même  erreur?  Où  doit  se  rencontrer  une  di- 
versité prodigieuse,  une  parfaite  uniformité  ne  sau- 
rait régner  ;  l'erreur  aurait  nécessairement  varié.  Non, 
ce  qui  se  trouve  le  mèuie  parmi  le  très-grand  nombre 
n'est  point  une  erreur,  mais  la  tradition.  >  QuoU 
apud  muUos  unum  inienilur,  nan  est  erratum,  sed  tra- 
dilum, 

DlCT.  DE  TbÉOL.  D0GMAT1«,>UE.  I. 


CRUCIFIEMENT.  Quelle  qu'ait  été  la  mé- 
thode des  Romains  et  des  Juifs  d'attacher  à 
la  croix  ceux  qui  étaient  condamnés  à  mou- 
rir par  ce  supplice,  nous  ne  pouvons  douter 
do  la  manière  dont  Jésus-Christ  y  lut  attaché. 
La  narration  des  évaugélistes  ne  laisse  ati 
cunc  incertitude  sur  ce  point;  il  «  si  dit  que 
JésMsChrisl,  après  sa  résurreclion,  fit  voir 
et  loucher  à  saint  Thomas  le»  plaies  formées 
dans  ses  mains  et  dans  ses  pieds  par  les  clous 
[Joun.  XX,  23  et  27).  Sur  la  vraie  croix,  con- 
servée à  Rome,  on  remarque  encore  les  ves- 
tiges des  clous,  et  lorsqu'elle  fut  retrouvée 
parsainle  Hélène,  on  retrouva  aussi  les  clous 
par  lesquels  Jésus-Christ  y  avait  été  atta- 
ché, 

Ce  supplice  était  cruel  ;  il  n'est  pas  éton- 
nant que  Jésus-Christ,  épuisé  par  une  nuit 
entière  de  souffrances,  par  la  llagellation, 
par  la  fatigue  de  porter  sa  croix,  par  les 
plaies  de  ses  membres,  n'ait  conservé  sa  vie 
sur  la  croix  que  pendant  trois  heures,  et  soit 
mort  plus  tôt  que  les  deux  voleurs  cruciGés 
avec  lui.  Aucun  des  ennemis  du  christia- 
nisme n'a  osé  disconvenir  autrefois  que 
Jésus-Ciirist  n'ait  expiré  sur  la  croix;  mais 
de  nos  jours,  il  s'en  est  trouvé  qui  ont  af- 
fecté de  douter  s'il  ('lait  véritablement  mort 
lorsqu'il  en  fut  détaché.  Ils  n'ont  pas  vu 
qu'ils  faisaient  disparaître  une  de  leurs 
plus  pompeuses  objections  contre  la  résur- 
reclion; ils  disent  que  si  Jésus-Christ  était 
véritablement  ressuscité,  il  aurait  sans  doute 
reparu  en  public,  cl  se  sérail  montré  à  ses 
ennemis  pour  les  confondre.  Mais,  par  la 
même  raison,  s'il  n'étail  pas  mort,  il  n'a  tenu 
qu'à  lui  de  reparaître  et  de  se  montrer  aux 
Juifs,  s'il  l'avait  voulu. 

Conslanliu,  converti  au  christianisme,  abo- 
lit avec  raison  le  supplice  de  la  croix.  Dès  ce 
moment,  elle  a  passé  non-seulement,  comme 
ledit  saint  Augustin,  du  lieu  des  supplices 
sur  le  front  des  empereurs,  mais  du  lieu  des 
supplices  sur  les  autels. 

Plusieurs  incrédules  ont  prétendu  qu'il  y 
a  contradiclion  entre  les  évangclistos  au  su- 
jet de  l'heure  à  laquelle  Jésus-Clirisl  fut  at- 
tache à  la  croix.  Saint  Matthieu,  saint  Marc 
et  saint  Luc,  après  avoir  raconté  le  crucifie- 
ment, disent  que  depuis  la  sixième  heure 
jusqu'à  la  neuvième,  c'est-à-dire  depuis  midi 
jusqu'à  trois  heures,  la  Judée  fut  couverte 
de  ténèbres  ;  d'oii  il  résulte  que  le  Sauveur 
fut  attaché  à  la  croix  vers  midi.  Mais  saint 
Marc,  c.  xv,  v.  23,  dit,  en  parlant  des  Juifs, 
il  était  la  troisii'mc  heure,  ou  neuf  heures  du 
matin,  et  ils  le  crucifièrent.  Au  contraire, 
nous  lisons  dans  saint  Jean,  c.  xix,  v.  i^, 
qu'il  était  environ  la  sixième  heure,  ou 
midi,  lorsque  Pilate  présenta  Jésus  aux 
Juifs,  qui  demandèrent  sa  mort  ;  il  ne  put. 
donc  être  crucifié  que  quelques  heures  après 
midi.  Comment  concilier  tout  cela  ?  —  Fort 
aisément,  avec  un  peu  d'ailcnlion.  Saint 
Jean  ne  dit  pas  qu'il  était  la  sixième  heure 
précise,  mais  environ  la  sixiànc  heure;  il 
n'était  donc  pas  encore  midi  lorsque  les 
Juifs  demandèrent  la  mort  de  Jésus,  et  que 
Pilate  le  leur  livra  :  or,  l'évangéliste  ajoute, 
38 


il95 


CUL 


CUL 


'119a 


versetl6,  que  tontde  suite  ils  le  conduisirent 
au  Calvaire,  chargé  de  sa  crois  ;  Jésus- 
Christ  put  donc  y  être  attaché  à  midi,  comme 
les  trois  autres  évaiigélistis  le  supposent. 
Lorsque  saint  M:irc  dit  qu'i/  était  la  troisiè- 
me heure,  et  qu'ils  le  crucifièrent,  on  doit  en- 
tendre que  dès  les  neuf  heures  du  matin  les 
Juifs  se  disposèrent  à  le  crucifier,  après  que 
Pilale  le  leur  aurait  liv:é  ;  autrement  il  y 
aurait  coniradiction  entre  le  verset  2a  et  le 
verset  33  du  même  chapitre  de  saint  Marc. 
Il  est  évident  que,  dans  les  versets  23,  24, 
25  et  26,  cet  historien  n"a  ni  suivi  l'orJi  e  des 
faits,  ni  prétendu  mi'rquer  l'heure  précise. 
Celle  circonstance  n  était  pas  assez  irapor- 
faule  pour  mériter  beaucoup  d'attention  ;  et 
quand  un  copiste,  par  inadvertance,  aurait 
mis  la  troisième  heure  pour  la  sixième  heure, 
ce  ne  serait  pas  un  grand  malheur. 

CIICCIFIX,  image  de  Jésus-Christ  attaché 
à  la  crois.  Les  catholiques  honorent  le  eru- 
cifix  en  mémoire  du  mystère  de  la  rédemp- 
tion, et  pour  exciter  eu  eux  la  reconnais- 
sance de  ce  bienfait  ;  les  protestants  ont  ôlé 
les  erucijij;  des  églises.  Ce  ne  fut  qu'avec 
beaucoup  de  peine  q.ie  du  temps  de  la  pré- 
tendue réloiiuation  d'Angleterre,  la  reine 
Elisabeth  put  en  conserver  un  dans  sa  cha- 
pelle. Nous  ne  savons  pas  pourquoi  les  ré- 
formateurs ont  témoigné  tant  d'horreur  poar 
ce  signe  si  capable  d'exciter  la  piété.  L'on 
en  voit  cependant  encore  dans  plusieurs  tem- 
ples des  luthériens. 

Autrefois  un  cathotique  se  serait  fait  scru- 
pule de  ne  pas  avoir  un  crucifix  dans  sa 
chambre  ;  aujourd'hui  on  laisse  au  peuple  ce 
pieux  usage  -,  il  est  dangereux  qu'eu  perdant 
de  vue  l'image,  on  n'oublie  bientôt  ce  qu'elle 
représente.  Le  culte  de  la  croix  et  lusage 
des  crucifix  devinrent  plus  communs  dans 
l'Eglise  immédiatement  après  l'invention 
de  la  sainte  croix.  Voy.  VAncieii  Sacra- 
mentaire,  par  Grancolas,  première  partie, 
page  66. 

CDLTE,  honneur  que  l'on  rend  à  Dieu,  ou 
à  d'autres  êtres,  par  rapport  à  lui  et  par 
respect  pour  lui  (1).  11  est  impossible  d'ad- 

(I)  Expoikiondu  dogme  catholique.  — «  Pour  coni- 
moncer  par  l'ador.ilion  qui  esl  due  à  Dieu ,  dii  Bos- 
siiel ,  riiglise  cailiulique  enseigne  qu'elle  consiste 
printip.ilenienl  à  croire  (ju'll  esl  le  créiUcin'  el  le 
Seigneur  île  luules  tlioses,  el  ii  nons  lUlacher  à  lui 
de  toutes  tes  puissances  de  noire  àmc  par  la  fui,  par 
l'espér  ince  et  par  la  c.liarité,  comme  â  celui  qui  seul 
peut  lïiire  iinire  télicilé,  par  la  communicaiion  du 
bien  inliui,  qui  esl  lui  indine. 

f  Celle  adoration  intérieure  que  nous  rendons  à 
Dieu,  en  cspril  el  en  vérilé,  a  ses  marques  exlérieu- 
res,  dont  la  piincipalc  e4  le  sacrilice  ,  qui  ne  peut 
être  ofTerl  qu'a  Dieu  seul,  parue  que  le  sacrilice  est 
éiatili  pour  taire  un  aveu  public  el  une  prutesiaiion 
s<ilennctle  de  la  ïuuverainelé  de  Dieu ,  el  de  nuire 
dépendance  absolue. 

<  La  môme  Eglise  nnseigno  que  tout  culte  religieux 
se  diiii  terminer  h  Dieu  cojnnic  à  sa  fin  nécessaire; 
et  si  l'hoinieur  qu'elle  rend  à  la  sainte  Vierge  el  aux 
Saints  peut  êlre  appelé  ieli;j;ieux,  c'csi  à  cause  qu'il 
se  rappoile  nécessairenieul  à  Dieu. 

<  Mais  avant  que  d'expliquer  davantage  eu  quoi 
consiste  cel  huuacur,  il  n'est  pas  inutile  de  remarquer 


mettre  en  Dieu  une  providence,  sans  en  cud- 
ciure  qu'il  est  juste  et  nécessaire  de  lui  ren- 
dre un  culte,  non  parce  qu'il  en  a  besoin, 
mais  pane  que  nous  avons  besoin  nous- 
mêmes  d'être  reconnaissants,  respectueux, 
soumis  à  notre  Créatc^ur  :  quiconque  ne  l'est 
pas  envers  Dieu,  l'est  encore  moins  cm  ers  les 
hommes. 

llespecter  sa  majesté  suprême,  sentir  en 
tout  lieu  sa  présence,  reconnaître  ses 
bienfaits,  croire  à  sa  parole,  se  soumettre  à 
ses  ordres  el  à  sa  volonté,  se  confier  en  ses 
promesses  cl  en  sa  bonté,  l'aimer  sur  toutes 
choses  :  voilà  les  sentiments  dans  lesquels 
consiste  le  culte  e»  esprit  et  en  vérité  ;  lous 
réunis  forment  ce  que  nous  appelons  ['ado- 
ration ou  le  culte  suprême  qui  n'est  dû 
et  ne  peut  être  rendu  qu'à  Dieu  seul.  [Voy. 

llELlGION.] 

Avant  d'entrer  dans  aucune  question  sur 
ce  sujet,  il  faut  commencer  par  expliquer 
les  termes.  Dans  toutes  les  langues,  culte, 
honneur,  respect,  vénération,  révérence,  ser- 
vice, sont  synonymes,  surtout  dans  le  langa- 
ge commun  et  populaire.  Dans  l'Ecriture 
sainte  même,  le  terme  hébreu  ()ui  désigne  le 
culte  suprême  rendu  à  Dieu,  exprime  aussi 
l'honneur  que  les  patriarches  ont  rendit 
plus  d'une  fois  aux  anges,  et  celui  qu'ils  ont 

que  Messieurs  de  la  religion  prétendue  réformée, 
pressés  par  la  force  de  la  vérilé,  commencent  à  nous 
avouer  que  la  cuuiuine  de  prier  les  saints  ,  cl  d'ho- 
norer leurs  reliques,  était  établie  dès  le  iv"  siè- 
cle de  l'Eglise.  M.  Daillé,  en  faisant  cet  aveu  dans 
le  livre  qu'il  a  fait  coiiiie  la  tradition  des  Lutins, 
touchant  l'ubjet  du  culte  religieux,  aicuse  saint  Ba- 
sile, sailli  Amhroise,  saint  Jérôme,  saint  Jean  Chry< 
sosioine,  saini  Augusiin,  el  plusieurs  autres  grandes 
lumières  de  l'aiitiquité,  qui  ont  paru  dans  ce  siècle, 
el  sui  tiiui  sailli  Grégoire  de  Nazianze,  qui  est  appelé 
le  thé  ilogien  par  excillence,  d'avoir  changé  en  ce 
point  la  doctrine  des  trois  siècles  piéeédunis.  Mais  il 
parait  peu  vraisemblable  que  M.  Daillé  ail  mieux  en- 
tendu les  seiitimciits  des  Pères  des  trois  premiers 
siècles,  r|He  ceux  qui  ont  recuilli,  pour  ainsi  dire, 
la  succession  de  leur  doctrine  immédiatement  après 
leur  mort  ;  el  on  le  croira  d'autant  moins,  que  bien 
loin  que  les  Pères  du  iv^  siècle,  se  soient  aper- 
çus qu'il  s'introduisit  aucune  nouveauiè  dans  leur 
ciille,  ce  minibire,  au  conirairc,  nous  a  rapporté 
des  textes  e\|irès,  par  lesquels  ils  font  voir  clairement 
(|u'ils  préleudaienl,  en  priant  les  saints,  suivre  les 
exemples  de  ceux  qui  les  avaenl  précédés.  .Mais  sans 
examiner  davantage  le  sentimenl  des  Pères  des  trois 
premiers  siècles,  je  me  contente  de  l'aveu  de  M.  Daillé, 
i|ui  nous  abandonne  tant  de  gr.nids  pei'soimagcs 
qui  ont  enseigné  ri:)glise  dans  le  iv°.  Car  cmore 
qu'il  se  -oii  avisé,  dunze  ccnis  ans  après  leur  mort, 
de  leur  tloimer  par  mépris  une  iii.unère  de  nom  de 
sectes,  en  les  appelant  ïlsliquuirei,  t'est-à-diie,  gens 
qui  honorent  le^  reliques,  j'esperc  ipie  ceux  de  sa 
conununiun  seront  plus  leqiecincux  envers  ces  grands 
hommes.  Ils  n'oseront  du  moins  leur  olijectcr  qu'en 
priant  les  saints,  et  <'n  Inmorant  leurs  reliques,  ils 
siiienl  tombés  dans  l'idolâtrie,  ou  qu'ils  aient  rcn" 
versé  la  conliance  que  les  cliiéticus  doivent  avoir  en 
Jé-us-Clirisi  ;  et  il  faut  espérer  que  dorénavant  ils 
ne  nous  feront  plus  ces  reproches,  quand  ils  consi- 
déreroii!  (|u'ils  ne  pcuvenl  nous  les  taire,  sans  les 
faire  en  même  temps  à  tant  d'excellents  hommes 
dont  ils  font  proles-iun,  aussi  bien  que  nous,  de  lé- 
\éicr  la  sainietè  el  la  doctrine.  > 


U97 


COL 


CUL 


H98 


témoigné  anx  hommes  ;  dans  ces  divers 
passages,  les  versions  emploient  indlITérera- 
ment  le  mot  adorer  ou  se  prosterner.  Cepen- 
dant le  mot  et  l'action  ne  peuvent  pas  dési- 
gner le  même  sentiment  ni  le  même  degré 
de  respect  à  l'égard  d'objols  si  dilTérenls;  il 
faut  donc  que  la  signification  des  mois  clian- 
gi'  suivant  les  circonstances  et  suivant  l'in- 
fenlion  des  écrivains.  —  Conséquemment 
l'on  est  obligé  de  distinguer  dilïérenles  es- 
pèces de  cuite,  et  il  convient  d'en  prendre 
l'idée  dans  l'Ecriture  sainte.  Faute  d'avoir 
eu  des  notions  justes  et  nettes  sur  ce  point, 
les  théologiens  hétérodoxes  ont  fait  une  iu- 
finiti'  de  raisonnements  cl  de  réflexions 
fausses;  il  n'est  aucnn  article  do  la  doctrine 
catholique  qu'ils  aient  mieux  réussi  à  défi- 
gurer. —  Nous  appelons  culte  intérieur  les 
senliiitenls  d'estime,  d'admiration,  de  recon- 
naissance, de  confiance,  de  soumission  à 
l'égard  d'un  être  qae  nous  en  jugeons  digne; 
cl  culte  extérieur,  les  signes  sensililes  par 
lesquels  nous  témoignons  ces  sentiments  ; 
comme  les  génutlexions,  les  proslerneinenls, 
les  prières,  les  vœux,  les  offrandes,  etc. 
Lorsque  ces  témoignages  ne  sont  pas  accom- 
pagnés dos  sentiments  du  cœur,  ce  n'est  plus 
un  culte  vrai  et  sincère,  c'est  une  [lureliypo- 
crisie  ,  vice  que  .lé^us-Chrisl  et  les  prophè- 
tes ont  souvent  reproché  aux  Juifs. 

Comme  le  culte  change  de  nature,  suivant 
la  différence  des  motifs  qui  l'inspircnl,  il  faut 
distinguer  le  culte  civil  d'avec  le  culte  reli- 
gieux. Lorsque  nous  honorons  dans  un  per- 
sonnage des  qualités,  un  pouvoir,  une  auto- 
lilé,  qui  n'ont  rapport  qu'à  l'ordre  civif  et 
temporel  de  la  sociéié,  c'est  un  culte  pure- 
ment civil  ;  si  nous  voulons  honorer  en  lui 
une  dignité,  un  pouvoir,  un  mérite  surna- 
turel, avantages  qui  n'ont  r.ipport  qu'à 
l'ordre  delà  grâce  et  au  salut  éternel,  c'est 
un  culte  reliijieux,  puisque  la  religion  seule 
nous  peut  faire  connaître  et  nous  faire  estimer 
les  dons  de  la  grâce.  Mais  nous  ne  pouvons 
pas  exprimer  le  culte  religieux  par  d'autres 
signes  que  le  culte  civil,  c'est  la  diversiié  du 
motif  qui  en  fiiil  toute  la  différence.  — 
Par  consé(|uent,  le  culte  ne  peut  pas  non 
plus  être  le  inêine,  lorsque  nous  avons  une 
idée  toute  différente  des  personnes  ou  des 
objets  auxquels  nous  l'adressons.  Comme 
nous  reconnaissons  en  Dieu  seul  toute  per- 
fection, les  attributs  de  créateur  et  de  seul 
souverain  maître,  nous  lui  devons  des  senti- 
ments d'admiration,  de  respect,  do  recon- 
naissance, de  confiance,  d'amour,  de  sou- 
mission, que  nous  ne  pouvons  avoir  pour 
aucune  créalurc  ;  ainsi,  nous  lui  rendons 
non-seulement  un  culte  religieux,  mais  un 
culte  suprême,  que  nous  appelons  propre- 
ment adoration;  il  y  aurait  de  la  folie  et  de 
l'impiété  à  vouloir  rendre  ce  culte  à  un  autre 
qu'à  lui. 

Lorsque  nous  respectons  et  honorons, 
dans  les  anges  et  dans  les  saints,  les  grâces 
surnaturelles  que  Dieu  leur  a  faites,  la  di- 
gnité à  laquelle  il  les  a  élevés,  le  pouvoir 
qu'il  leur  accorde  ,  ce  n'est  certainement 
plus  UD   culte  divin,  ni  un   culte  suprême, 


mais  \xn  culte  inférieur  et  subordonné  ;  c'est 
néanmoins  toujours  un  culte  religieux,  puis- 
qu'il a  pour  motif  la  religion  ,  ou  le  respect 
que  nous  avons  pour  Diou  lui-même.  Lors- 
que Di.'u  dit  aux  Israélites  (Exnd.  xxiii, 
'21)  :  Respectez  mon  ange,  purée  que  mon 
nom  est  en  lui.  Il  ne  leur  prescrivait  pas  un 
culte  civil.  Lorsqu'une  femme  de  Samarie  se 
prosterna  devant  Elisée,  parce  quo  ce  pro- 
phète venait  de  ressusciter  son  enfant,  elle 
ne  prétendit  point  honorer  en  lui  une  dignité 
ni  un  pouvoir  civil,  mais  la  qualité  de  saint 
prophète,  à'homme  de  Dieu,  et  le  pouvoir 
d'oporer  dos  miracles  (IV  Reg.  tv,  9  et  37). 
Dans  l'ordre  civil,  on  pout  appeler  cu//e  su- 
prême celui  que  l'on  rend  au  roi,  et  culte  in- 
férieur celai  que  l'on  témoigne  à  ses  minis- 
tres. Pourquoi  cette  dénomination  n'aurait- 
elle  pas  lieu  en  fait  de  culte  religieux  ? 

Pour  mettre  plus  de  clarté  dans  leur  lan- 
gage, les  théologiens  appellent  latrie  le  culte 
rendu  à  Dieu,  et  dulie  celui  que  l'on  rend 
aux  saints;  mais  dans  l'origine,  ces  deux 
termes  tins  du  grec  signifiaient  également 
service,  sans  distinction.  —  II  faul  encore  se 
souvenir  que  nous  employons  souvent  les 
mêmes  ilénionstralions  extérieures,  pour  té- 
moigner un  culte  inférieur  et  pour  rendre 
un  culte  suprémi^;  et  c'est  alors  l'iulentiou 
seule  qui  délerminela  signification  dessignes. 
On  s'incline,  on  se  découvre,  on  se  met  à 
genoux,  on  se  prosterne  devant  les  grands 
aussi  bien  que  devant  les  rois,  sans  avoir 
pour  cela  l'intention  de  leur  rendre  un  hon- 
neur égal;  il  en  est  encore  de  même  dans  le 
culte  religieux  à  l'égard  de  Dieu,  et  à  l'éi^ard 
des  anges  et  des  saints.  Presque  toute  la  dlcfé- 
reiice  se  trouve  dans  la  forme  des  prières; 
nous  demandons  à  Dieu  de  nous  accorderses 
grâces  par  lui-même,  et  nous  supplions  les 
saints  de  les  obtenir  pour  nous  par  leur  in- 
tercession :  cela  est  très-différent. 

Le  culte,  soit  civil,  soit  religieux,  est  tan- 
tôt absolu  et  tantôt  relatif;  les  honnenrs  quo 
l'on  rend  au  roi  sont  un  culte  civil  absolu,  le 
respect  que  l'on  a  pour  son  image  on  [Jour 
son  ambassadeur  est  relatif  :  on  ne  les  hono- 
re pas  pour  eux-mêmes,  mais  en  considéra- 
tion du  roi.  Il  est  dit  dans  le  psaume  xcviii, 
Hebr.  xcix,  y.  5  et  9  :  Adorez  l'escabeau   des 

pieds  du  Seigneur,  parce  qu'il   est  saint 

Adorez  sa  sainte  montagne.  Lorsque  les  Juifs 
se  prosternaient  devant  l'arche  d'alliance, 
devant  le  temple,  devant  la  montagne  de 
Sion  ;  lorsqu'ils  se  tournaient  de  ce  côté-là 
pour  prier,  ils  ne  prétendaient  pas  rendre 
leur  culte  à  la  montagne,  au  temple,  ni  à 
l'arche,  mais  à  Dieu,  qui  était  censé  y  être 
présent  :  donc  lorsque  nous  faisons  de  même 
devant  une  image  du  Sauveur,  ou  devant 
sa  croix,  ce  n'est  point  à  ces  symboles  que 
se  termine  notre  culte,  mais  à  Jésus-Christ 
lui-même.  H  dit  à  ses  disciplrs  :  Ce/uj  qui 
voits  reçoit,  me  reçoit;....  celui  qui  vous 
écoule,  m'écoute,  et  celui  qui  vous  méprise, 
me  méprise  [Matth.  \,kO;Luc.  x,  KiJ.  Il 
n'est  donc  pas  vrai  qu'en  fait  de  culte  reli- 
gieux, la  distinction  que  nous  motions  entre 
le  culte  absolu  et  le  culte  relatif  soit  une  in- 


im 


CUL 


vcution  moderne  des  théologiens,  qui  n'est 
point  fondée  sur  l'Ecrituresainte,  comme  les 
protestants  le  prétendent. 

Avec  le  secours  de  ces  notions,  qui  nous 
paraissent  cliiires,  nous  parviendrons  aisé- 
ment à'  résoudre  les  questions  que  l'on  a 
coutume  de  proposer  touchant  le  culte  en  gé- 
néral, l"  Est-il  permis  de  rendre  un  culte  re- 
ligieux à.  d'auires  êhcs  qu'à  Dieu?  2°  La  re- 
ligion ne  (  onsislc-t-elle  que  dans  le  culte  in- 
térieur? Ne  faul-il  pas  absolument  témoigner 
ce  culte  à  l'extérieur  ?  3°  La  pompi-,  dans  le 
cu/ie  f/(r!rt,  est-elle  un  abus?  4-"  Que  doit-on 
entendre  par  culte  superstitieux,  indu  et  su- 
per 11  u  ? 

I.  Les  protestants  soutiennent  que  tout 
culte  religieux,  rendu  à  d'autres  êtres  qu'à 
Dieu,  est  une  impiété  et  une  idolâtrie;  c'est 
un  des  principaux  molifs  qu'ils  ont  allégués 
pour  justiQer  leur  séparation  d'avec  l'Eglise 
romaine.  Dieu,  disenl-ils  s'en  est,  clairement 
expliqué  {Deut.  vi,  13)  :  Vous  craindrez  le 
Seigneur  votre  Dieu,  et  vous  le  servirez  seul. 
Jésus-Ciirist  a  répété  ces  paroles  dans  lE- 
vangile  [Matth.  iv,  10).  La  loi  est  claire  et 
sans  réplique.  —  Nous  répondons  que  cette 
loi  défend  de  rendre  à  d'autres  êtres  qu'à 
Dieu  seul  le  culte  suprême,  le  culte  qui  at- 
teste sa  qualité  de  seul  souverain  Seigneur, 
mais  qu'elle  ne  défend  point  de  rendre  à 
d'autres  le  culte  inférieur  et  subordonné,  qui 
suppose  que  ce  sonl  des  créatures  dépendan- 
tes de  Dieu,  parce  que  ce  culte,  loin  d'ôter  à 
Dieu  son  litre  de  seul  souverain  Seigneur,  le 
lui  confirme  au  contraire.  Nous  prouvons 
que  tel  est  le  sens  de  la  loi.  1°  parce  que 
Dieu  lui-même  dit  aux  Juifs  (Exod,  xxiii, 
21)  :  J'enverrai  mon  ange  qui  vous  précé- 
dera ;...  respectez-le  {observa  eum),  ne  le  mé- 
prisez pas  piirce  que  mon  nom  est  en  lui.  11 
est  donc  faux  que  Dieu  ait  défendu  ailleurs 
tout  culte  quelconque  adressé  à  d'autres 
êtres  qu'à  lui.  2'  Parce  que  nous  voyons  les 
patriarches,  les  juges ,  les  prophètes ,  se 
prosterner  devant  des  anges,  et  leur  rendre 
le  plus  profond  respect.  Abraham  se  pros- 
terna devant  trois  anges  qu'il  reçut  chez  lui, 
Balaam  fit  de  même  devant  celui  qui  lui  ap- 
parut, Josué  devant  un  autre,  Daniel  devant 
celui  qui  vint  lui  révéler  l'avenir.  L'ange  qui 
se  nomme  le  prince  de  l'armée  du  Seigneur, 
dit  à  .losué  :  Déchdussez-vuus  :  le  lieu  où  vous 
êtes  est  saint  {.I os.  v,  14  et  suiv.).  Josué,  pé- 
iiélié  de  respect,  se  proslerm;  et  lui  dit  :  Que 
mon  Seigneur  ordonne-t-it  à  son  serviteur  ? 
Josué  a-t-il  en  cela  viole  la  loi?  Vainement 
les  protestants  diront  que  ci^  n'était  là  (ju'un 
culte  civil;  nous  avons  démontré  le  contraire 
d'avance  par  la  sinijde  notion  des  termes.  — 
Ils  prétendent  que,  dans  cis  différentes  cir- 
constances, c'était  le  Fils  de  Dieu  qui  appa- 
raissait aux  anciens  justes  ,  cela  peut  être  ; 
mais  ces  justes  le  savaient-ils?  Dieu  ne  les 
en  avait  pas  prévenus,  et  ces  anges  ne  le  di- 
sent point;  au  contraire.  Dieu,  qui  avait 
averti  les  Israélites  que  sou  ange  les  précé- 
derait {Exod.  XXIII,  21),  plumet  dans  la 
suite  à  Moïse  qu'il  les  précédera  lui-même, 
Ci  xi^xiii,  y.  17.  11  y  avait  donc  une  dilléren- 


CUL  1-200 

ce  entre  Dieu  et  son  ange.  Celui  qui  se 
nomme  prince  de  l'armée  du  Seigneur,  ue 
s'attribue  pas  la  divinité.  —  3^  Nous  ajoutons 
qu'il  est  impossible  de  respecter  siiicèrement 
Dieu,  sans  honorer  des  êtres,  qu'il  a  nommés 
ses  amis,  ses  saints,  ses  élus.  —  Nous  sou- 
tenons même  que  la  loi  du  Deutéronoiue  ne 
défend  point  de  témoigner  du  respect  pour 
des  choses  inanimées,  lorsque  ce  sonl  des 
symboles  de  la  présence  de  Dieu  ,  comme 
étaient  la  nuée  lumineuse  dans  laquelle  Diuu 
parlait  à  Moïse,  l'arche  d'alliance,  le  taber- 
nacle et  le  temple;  Dieu,  au  contraire,  dit 
aux  Israélites  (Levit.  xxvi,  2)  -.Soyez  saisis 
de  frayeur  devant  mon  sanctuaire,  et  il  leur 
ordonne  de  respecter  comme  saint  tout  ce 
qui  sert  à  son  culte.  David  dit,  {Ps.  xcviiî, 
5)  :  Louez  le  Seigneur  notre  Dieu,  adorez 
l'escabeau  de  ses  pieds,  parée  que  c'est  une 
chose  sainte.  11  est  absurde  de  nous  opposer 
toujours  une  ou  deux  lois,  et  de  ne  tenir  au- 
cun compte  de  toutes  les  autres. 

Ainsi,  rien  n'est  plus  faux  que  la  notion 
que  Beausobre  a  voulu  donner  du  culte  reli- 
gieux, lorS')u'il  a  dit  que  c'est  celui  qui  fait 
partie  de  l'honneur  que  l'on  rend  à  Dieu 
[Hist.  du  minich.,  1.  ix,  c.  o,  §  i-  et  suiv.). 
Afin  de  persuader  qu'il  n'y  a  point  de  culte 
religieux  que  celui  qui  est  dû  à  Dieu,  et 
lorsqu'il  a  décidé  que  les  mêmes  cérémonies 
qui  se  pratiquent  innocemment  dans  le  culie 
civil,  à  l'égard  d'une  créature,  ne  sont  plus 
permises  pour  lui  rendre  un  culte  religieux, 
il  a  formellement  contredit  l'Ecriture  sainte. 
—  C'était,  dit-il,  un  acte  d'idolâtrie  de  baiser 
sa  main  en  regardant  le  soleil  et  en  s'incli- 
nant  devant  lui  (Job  ,  xxxi,  26)  ;  cependant 
les  païens  ne  le  regardaient  que  comme  un 
être  dépendant  et  un  instrument  du  Dieu 
suprême.  Celte  observation  est  encore  faus- 
se. Jam.iis  les  fiaïens  n'ont  connu  un  Dieu 
créateur,  suprême  et  maître  du  soleil  ;  ils 
croyaient  cet  astre  animé,  intelligent,  puis- 
sant par  lui-même,  par  conséquent  un  Dieu 
très-indépendant  d'un  Dieu  suprême;  nous 
le  verrons  ci-après. 

U  ciinvieiit  que  les  manichéens  rendaient 
un  honneur  direct  au  soleil  et  à  la  lune, 
parce  qu'ils  les  envisageaient  comme  des 
temples  dans  lesquels  Jésus-Christ  résidait 
par  ses  deux  attributs  de  vertu  et  de  sagesse; 
mais  il  les  absout  d'idolâtrie,  parce  qu'ils 
ne  rendaient  p.is  à  ces  deux,  astres  l'adora- 
tion su|)rêin.>  qui  n'appartient  qu'à  Dieu  seul. 
Il  allègue  une  citation  de  Eauste  le  mani- 
chéen, qui  dit  :  i\ous  avons  pour  ces  choses 
ta  même  véniSraiion  que  vous  avez  pour  te 
pain  et  pour  le  calice.  Or,  les  catholiques,  dit 
ISeausobre,  n'avaient  |)Our  le  pain  et  pour 
le  calice  qu'un  respect  religieux,  parce  (jne 
(;'élaient  les  figures  du  corps  et  du  sang  de 
Jésus-Christ. —  Admettons  pour  un  moment 
cette  raison  fausse.  11  s'ensuit  1"  qu'il  n'est 
pas  vrai  que  tout  culte  ou  tout  respect  reli- 
gieux adressé  à  un  autre  être  qu'à  Dieu  soit 
une  idolâtrie  comme  le  soutiennent  les  pro- 
testants. 2"  (Juc  si  les  Pères  sont  coupables 
d'une  inconséquence,  en  blâmant  le  culte 
des  municheeus,  pendant  qu'ils  approuvent 


1201 


CDL 


CUL 


1202 


celui  (les  catholiques,  Beausobrc  y  tombe 
lui-même,  en  condamnant  ridolâtric,  lo  culte 
des  caliioliques,  pendant  qu'il  justilie  celui 
des  manichéons.  3"  Sa  décision  à  l'égard  de 
ceux-ci  est  formelloment  contraire  au  pas- 
sage de  .îob  qu'il  a  cité. 

Il  n'est  lias  étonnant  qu'avec  ces  notions 
fausses  du  culle  religieux,  nos  adversaires 
n'aient  jamais  su  s'accorder  entre  eux. 
Daillé,  calviniste,  soutient  que  tout  culte  re- 
ligieux qui  ne  s'adresse  pas  dirrctcmcnt  et 
xùiiquement  à  Dieu  est  une  idolâtrie,  ou  du 
moins  une  superstition.  Les  socihiens,  au 
contraire,  prétendent  que,  quoique  .lésus- 
Clirist  ne  soit  pas  Dieu,  on  peut  ceperidant 
l'adorer  comme  Dieu,  parce  qu'il  a  dit  que 
l'on  doit  honorer  le  Fils  comme  on  honore 
le  l'ère.  IJeausobre  juge  que  l'on  a  pu,  sans 
idolâtrie,  donner  le  nom  de  Dieu  ù  des  créa- 
tures ;  mais  que  l'on  ne  peut  pas,  sans  tom- 
ber dans  ce  crime,  leur  rendre  Ihonncur  qui 
est  dû  à  Dieu  seul  ;  comme  si  ou  pouvait 
leur  faire  plus  d'honneur  que  de  les  appeler 
des  dieux.  Heyde,  anglican,  blâme  les  chré- 
tiens de  la  l'erse ,  parce  qu'ils  aimaient 
mieux  être  mis  à  mort  que  d'adorer  le  soleil 
et  le  feu  (De  lldiq.  let.  Pers.,  c.  1).  Beau- 
sohre  les  approuve  ;  mais  il  préleuil  que  ce 
culle  était  innocent  de  la  paît  des  Perses,  des 
manichéens  et  des  sabiens  [flisl.  du  miinicli., 
lona.  Il,  1.  IX,  c.  1,  n.9).  Sans  doute,  suivant 
son  avis,  ces  mécréants  entendaient  tous 
mieux  la  question  que  les  chrétiens.  Kngel, 
autre  calviniste,  ne  veut  pas  que  l'on  taxe 
d'idolâtrie  le  culte  que  les  Chinois  rendent 
aux  esprits  ou  génies,  aux  âmes  de  leurs 
ancêtres  et  à  Confucius.  Selon  la  foule  des 
déistes,  relui  que  les  païens  rendaient  à  leurs 
dieux  n'était  pas  une  idolâtrie,  parce  qu'il 
se  rapportait  indirectement  au  vrai  Dieu  ;  et 
les  honneurs  rendus  aux  mânes  des  héros 
étaient  un  hommage  adressé  à  la  vertu.  Ce- 
pendant, quoique  nous  honorions  dans  les 
saints  des  vertus  beaucoup  plus  pures  que 
celles  des  prétendus  héros,  on  nous  en  fait 
un  crime.  Voy.  Pacanismk,  §  4-  et  o. 

Basnage,  aussi  peu  équitable  que  les  au- 
tres, nous  rciiroclic  (Vadorer  les  anges  et 
les  saints  ;  il  dit  que  l'on  condamne  à  Ilonie 
ceux  qui  enseignent  que  Vadoialion  est  due 
à  Dieu  seul  [Histoire  de  l'Eglise,  (om.  Il,  liv. 
XVIII,  c.  1,  n.  -2).  Il  savait  l>icn  que  ce  n'est  là 
qu'une  é({uivoque  frauiluleuse,  que  nous  ne 
nous  servons  jamais  du  terme  d'adorulion 
en  parlant  du  culte  des  anges  et  des  saints, 
parce  que,  dans  l'usagc-ordinaire,  ce  mot  si- 
gnifie le  culle  sufiréma  ;  il  n'ignorait  fpas 
que  l'Eglise  romaine  fait  profession  de  ren- 
ilre  es  culle  à  Dieu  seul.  N'importe,  il  lui  a 
paru  plus  utile  d'en  imjioser  aux  ignorants, 
que  de  dire  la  vérité.  Mais  afin  de  se  contre- 
dire aussi  bien  que  les  autres,  il  avoue,  n. 
7,  qu'il  est  permis  de  vénérer  les  martyrs. 
Qu'il  nous  fasse  dcmc  voir  que,  dans  l'Ecri- 
ture sainte,  adorer  et  vénérer  ne  signitient 
jamais  la  même  cliose.  Ensuite  il  nous  op- 
pose Lactance,  qui  a  dit  qu'il  ne  faut  avoir 
de  vénération  que  pour  Dieu  seul.  Nous  ver- 


rons ci-après  de  quelle  vénération  ce  Père  a 
voulu  parler. 

Ce  critique  accumule  contre  nous  des 
preuves  négatives  ;  et  pour  les  rendre  plus 
fortes,  il  y  ajoute,  du  sien.  «  Les  anciens 
n'exhortaient  les  fidèles  qu'à  honorer  et  à 
prier  Dieu.  »  Mais  ont-ils  défendu  expressé- 
ment d'honorer  et  do  prier  les  anges  et.  les 
saints  ?  Bîienlôt  nous  ferons  voir  le  contraire. 
Les  premiers  chrétiens,  selon  lui,  n'adres- 
saient leurs  prières  ()u'à  Dieu,  puisqu'il  ne 
nous  reste  des  premiers  siècles  aucune  prière, 
ni  aucune  hymne,  qui  soient  adressées  aux 
saints.  Malheureusement  il  ne  nous  en  reste 
pas  davantage  de  celles  que  l'on  adressait  à 
Dieu  ;  les  liturgies  n'oiiLété  mises  par  écrit 
que  sur  la  (in  du  iv  siècle,  et  il  y  est  fait 
mention  do  l'intercession  et  de  l'invocation 
dos  saints. — Il  cite  Pline  le  Jeune  et  Eusèbe, 
qui  disent  que  les  chrétiens  n'adressaient 
qu'à  Jésus-Christ  leurs  hymnes  et  leurs  can- 
tiques ;  et  c'était  une  preuve  de  sa  divinité. 
Fausse  citation.  Pline  rap|iort(>  que  les  chré- 
tiens s'assemb'aient  le  dimanche  pour  chan- 
ter des  hymnes  à  Jésus-Christ  comme  à  un 
Dieu.  Eusèbe  dit  que,  dans  les  cantiques  des 
fidèles,  la  divinité  lui  était  attribuée,  bonne 
preuve  de  la  croyance  de  l'Eglise  contre  les 
ariens,  mais  preuve  nulle  contre  nous  ;  nous 
convenons  que  des  hymnes,  des  cantiques, 
des  louanges  de  In  Divinité,  ne  peuvent  être 
adressés  qu'à  Jésus-Christ.  Selon  TertuUien, 
continue  Basnage,  on  no  doit  demander  des 
bienfaits  qu'à  celui-là  seul  qui  peut  les  don- 
ner (Apolofj.,  c.  30J  ;  d'accord.  Dieu  seul 
peut  les  donner  par  lui-même  ;  mais  les  an- 
ges, les  saints,  nos  frères  vivants,  iicuvent 
les  obtenir  pour  nous.  (]'esl  pour  cela  que 
saint  Jacques  nous  ordonne  de  prier  les  uns 
pour  les  autres,  c.  v,  vers.  15.  TertuUien  n'a 
pas  condamné  cette  pratique.  Vous  vous 
êtes  approciiés,  dit  saint  Paul,  de  la  Jérusa- 
lem céleste,  delà  multitude  des  anges,  de  l'as- 
semblée et  de  l'Eglise  des  premiers-ncs  qui  sont 
écrits  dans  le  ciel,  de  Dieu  gui  est  le  juge  de 
tous,  des  esprits  des  justes  qui  sont  dans  la 
gloire,  de  Jésus  médiateur  de  la  nouvelle  al- 
liance, etc.  [Hebr.  xii,  22).  De  quoi  nous 
sert  cette  société  avec  les  anges  et  les  saints, 
s'ils  ne  peuvent  rien  nous  donner  et  si  nous 
n'avons  rien  à  leur  demander? 

Avant  de  citer  Origène,  il  aurait  An  le  lire. 
Ce  Père,  selon  lui,  soutient  contre  Ceise, 
que  quand  les  génies  auraient  le  pouvoir  de 
guérir  les  miladies  et  de  nous  faire  du  bien, 
il  ne  faudrait  encore  s'adresser  qu'à  Dieu. 
C'est  une  fausseté  ;  Origène  enseigne  le  con- 
traire; voici  ses  paroles,  1.  viii,  n.  13  :  n  Si 
Celse  parlait  des  vrais  ministres  de  Dieu,  qui 
sont  les  anges,  et  s'il  disait  qu'il  faut  leur 
rendre  un  culte,  peut-être  qu'après  avoir 
é:.»urc  les  sens  du  mot  culte,  et  les  devoirs 
dans  lesquels  il  consiste,  je  lui  dirais  à  ce 
sujet  ce  qui  convient  ;  mais  comme  il  appelle 
ministres  de  Dieu  les  démons  adorés  pai-  les 
gentils,  refusons  de  les  honorer  et  de  les  ser- 
vir, parce  que  ee  ne  sont  point  de  vrais  mi- 
nistres lie  Dieu;  n.  3i  et  36.  Les  anges  regar- 
dent comme  leurs  associés  et  leurs  amis  les 


mz 


CBt 


CUL 


m4 


vrais  adoratears  de  Dieu  :  ils  s'intéressent 
à  leur  salut,  ils  les  aident  ot  leur  font  du 
bien  ;...  l'ange  gardien  présente  à  Dieu  les 
prières  de  celui  dont  le  soin  lui  est  confié,  et 
il  prie  avec  lui;  n.  60.  Au  lieu  de  compter 
sur  le  secours  des  démons  ou  génies,  il  vaut 
bien  raieux  nous  confier  en  Dieu  par  Jésus- 
(]hrist,  lui  demander  toute  espèce  de  secours 
et  l'assistmce  des  saints  antjes  et  des  justes, 
afin  qu'ils  nous  délivrent  des  mauvais  dé- 
mons. »  Est-ce  là  désapprouver  le  culte  des 
anges  et  toute  confiance  en  eux  ?  Il  serait 
absurde  de  prétendre  que  nous  ne  devons 
aucune  rcconn^iissance,  aucune  confiance, 
aucun  respect,  aui  un  hommage  aux  esprits 
bienheureux,  qui  nous  considèrent  et  nous 
assistent  comme  leurs  iissociés  et  leurs  amis  ; 
ces  sentiments  n'ont-ils  pas  toujours  pour 
objet  princi|ial  Dieu,  qui  a  daigné  nous  ae- 
coriler  ce  puissant  secours  ? 

Mais  un  protestant  ne  démord  pas  ;  les 
Pères,  dit  Basnage,  donnaient  le  ctilte  d'un 
seul  Dieu  pour  la  marque  distinclive  du 
christianisme;  c'est  pour  cola  que  les  chré- 
tiens farenl  accusés  d'athéisme.  On  soute- 
nait contre  les  ariens,  que  ti  Jésus-Christ 
n'était  pas  Dieu,  il  ne  serait  pas  permis  do 
l'adorer  ni  de  se  confier  en  lui.  lout  cela  est 
\rai,  et  il  ne  s'ensuit  rien  contre  nous  :  c'est 
à  un  seul  Dieu  que  nous  rendons  notre  culte, 
et  non  à  plusieurs  dieux  ;  des  honneurs  et 
des  respects,  très-inférieurs  et  très-différents 
du  culte  suprême,  adressés  aux  anges  et  aux 
saints,  loin  de  déroger  au  culte  divin,  en 
sont  au  contraire  un  effet  et  une  conséquence 
inséparable.  Si  Jésus-Christ  n'était  pas  Dieu, 
ce  serait  une  impiété  de  l'adorer  comme 
Dieu,  et  de  nous  confier  en  lui  comme  étant 
Dieu  ;  cet  argument  était  très-solide  contre 
les  ariens  ;  il  ne  l'est  pas  moins  contre  les 
sociciens  :  mais  il  ne  prouve  rien  contre 
nous,  puisque  jamais  ii  ne  nous  est  venu 
dans  l'esprit  d'honorer  d'un  culte  divin  les 
anges  et  les  saints,  ni  de  nous  confier  en  eux 
comme  étant  des  dieux.— Non-seulement  les 
païens  accusèrent  les  chrétiens  d'athéisme  ; 
mais,  par  une  contradiction  grossière,  ils 
leur  reprochèrent  d'honorer  ks  marlyrs 
comme  des  dieux  ;  les  Actes  du  martyre  de 
saint  Polycurpe,  Julien,  Libanius,  dans  l'o- 
raison funèbre  de  cet  empereur,  Porphyre 
et  d'autres,  ont  forgé  cette  calomnie  ;  les 
prolestants  la  répèlent,  et  cela  ne  leur  fait 
pas  beaucoup  d'honneur. 

Ils  nous  objeclent  que  cette  distinction 
que  nous  faisons  entre  deux  espèces  de  culte 
religieux  ne  se  trouve  point  dans  les  anciens 
Pères  :  voyons  pourquoi,  et  tâchons  de  pren- 
dre le  vrai  sens  de  ce  qu'ils  onl  dit.  Il  est 
prouvé,  par  tous  les  monuments  de  l'anti- 
quité, que  chez  les  païens  tout  culle  religieux 
éiait  censé  culte  divin,  culte  suprcme,  et 
qu'ils  n'en  connaissaient  point  d'autre.  Ja- 
mais les  païens  n'ont  altnhué  à  leurs  dieux 
du  second  ordre,  ni  aux  mânes  cic  leurs  hé- 
ros, un  sim|ile  pouvoir  d'intercession,  un 
pouvoir  subordonné  aux  volontés  d'un  Dieu 
souverain  ;  chaque  Dieu  était  indépendant  et 
niaitre  absolu  dans  son  département  ;  sou- 


vent  dans  les  poètes  nous  voyons  les  grands 
dieux  et  Jupiter  lui-même,  demander  le  se- 
cours dos  dieux  du  bas  étage.  Nous  ferons 
voir  ailleurs  que  l'on  abuse  du  terme,  quand 
on  prêle  aux  païens  en  général,  et  même 
aux  philosophes  antérieurs  au  christianisme, 
la  notion  d'un  Dieu  souverain,  dont  les  au- 
tres n'étaient  que  les  serviteurs  et  les  mi- 
nistres ;  le  prétendu  Dieu  suprême  des  an- 
ciens philosophes  était  l'âme  du  monde,  et 
cette  âme  ne  se  mêlait  point  de  gouverner 
les  choses  d'ici-bas  ;  on  ne  peut  lui  attri- 
buer une  providence  que  dans  un  sens  faux 
et  iibusif.  —  Ai)rès  la  naissance  même  du 
christianisme,  quelques  philosophes  chan- 
Eîèrent  do  lang;ige  ;  mais  sans  toucher  au 
fond  de  leur  système.  Celse,  qui  fait  sem- 
blant d'admettre  une  providence  divine,  la 
nie  cependant,  puisqu'il  décide  que  Dieu  ne 
se  fâche  pas  plus  contre  les  hommes  que 
contre  les  singes  et  contre  les  mouches  ;  et 
qu'il  ne  leur  fait  point  de  menaces  (Origène 
contre  Celse,  1.  iv,  n.  99).  Jamais  il  n'a  dit 
qu'il  faut  rendre  un  culte  au  Dieu  souverain  ; 
Porphyre  décide  formellement  qu'il  ne  faut 
lui  en  rendre  aucun  {Oe  l'Abstin.,  1.  n,  n. 
34).  Tout  le  culte  était  réservé  pour  les  dieux 
gouverneurs  du  monde  :  à  plus  forte  raison 
le  commun  des  païens  pensaient-ils  de  même. 
Voy.  Paganisme. 

Il  est  donc  évident  que  tout  culte  était  di- 
rect et  absolu,  se  bornait  au  personnage 
auquel  il  était  adressé,  et  n'avait  aucune 
relation  à  un  Dieu  souverain  ;  il  était  même 
pour  tous  les  dieux,  et  il  consistait  dans  les 
mêmes  pratiques.  Basoage  observe  que  les 
anciens  ne  connaissaient  pas  la  distinction 
de  latrie  et  de  dulie.  Cela  n'est  pas  fort  éton- 
nant ;  les  païens  contre  lesquels  ils  écri- 
vaient ne  pouvai.nt  en  avoir  aucune  notion, 
puisque  chez  eux  lout  était  latrie,  ou  culle 
divin,  adoration  prise  en  rigueur.  —  Consé- 
qucmmenl  les  Pères  ont  dû  être  Irès-reser- 
vés  sur  l'emploi  du  mot  culle  religieux,  à 
cause  du  sens  que  les  païens  y  attachaient. 
Quand  ils  auraient  dit  tous,  comme  Lac- 
tance,  qu'il  ne  faut  avoir  de  la  vénération 
que  pour  Dieu  seul,  il  ne  s'ensuivrait  encore 
rien,  puisque  entre  eux  et  les  païens,  ti^ncra- 
tion,  respect,  honneur,  etc.,  signifient  tou- 
jours le  culte  divin,  le  culte  suprême.  Voilà 
pourquoi  Origène  a  dit  que  .s'il  s'agissait 
entre  Celse  et  lui  du  culte  des  anges,  il  fau- 
drait commencer  par  épurer  le  sens  du  mot 
culte,  et  voir  en  quoi  il  doit  consister. 

Lorsque  les  protestants  veulent  tourner  à 
leur  avantage  l'explication  d'un  terme,  ils 
ont  grand  soin  de  faire  attention  aux  cir- 
constances, aux  personnes,  à  la  question 
dont  il  s'agit  :  lorsqu'il  est  de  leur  intérêt  de 
le  rendre  équivoque,  ils  ne  veulent  plus  d'ex- 
plication. Cependant  l'Ecriture  sainte  nous 
force  de  distinguer  deux  sortes  de  cuite  reli- 
gieux, l'un  pour  Dieu  seul,  l'autre  pour  les 
personnes  et  pour  les  choses  qui  oui  un  rap- 
port spécial  avec  Dieu  ;  n'importe,  ils  n'eu 
veulent  point.  Depuis  deux  cents  ans,  ils  ré- 
pètent les  mêmes  sophismcs,  et  ils  les  renou- 
velleront jusqu'à  la  fin  des  siècles,  bien  sûrs 


1205 


CtJL 


CUL 


1S0G 


qu'ils  en  imposeront  toujours  aux  ignorants. 
M.iis  enfin  nos  preuves  tirées  de  l'Kcriturc 
sainte  demeurent  en  leur  entier.  Voy.  Angks, 
Sain  rs,MAHTYus,  etc. 

II.  Le  cnlte  extérieur  est-il  nécessaire  pour 
former  une  relif/ion  ?  Il  l'est  absolument,  et 
la  preuve  de  celte  vérité  est  sensible.  Les 
seniin)cnts  de  respect,  de  reconnaissance,  de 
confiance,  de  soumission  à  l'égard  de  Dieu, 
naîlr.iicnt  difficilement  dans  le  coeur  de  la 
plupart  des  hommes  ;  ils  n'y  dureraient  pas 
longtemps,  si  l'on  n'employait  pas  des  signes 
extérieurs  pour  les  exciter,  les  entretenir  et 
se  les  communiquer  les  uns  aux  autres  ;  ce 
ifui  ne  fr.ipiie  point  nos  sens  ne  fait  jamais 
sur  nous  une  impression  vive  et  durable.  Il 
faut  donc  à  l'homme  un  culte  extérieur,  des 
signes  expressifs  de  ce  qu'il  sent,  des  sym- 
boles, des  cérémonies.  Nous  ne  pouvons  té- 
moigner à  Dieu  nos  affections  que  par  les 
mômes  signes  qui  servent  à  les  faire  con- 
naître à  nos  semblables.  — Nous  convenons 
qu'il  n'est  p:is  besoin  d'une  révélation  pour 
comprendre  que  des  prières  et  des  vœux, 
l'action  de  se  prosterner,  des  présents  et  des 
offrandes,  des  attentions  de  propreté  et  du 
décence,  des  signes  de  joie  à  l'aspect  d'une 
personne,  des  regrets  de  lui  avoir  déplu, 
sont  capables  d'exciter  sa  bienveillance;  il 
est  naturel  d'en  conclure  que  ce  qui  plaît 
aux  hommes  est  aussi  agré.ii)le  à  Dieu  ;  ainsi 
ont  raisonne  tous  les  peuples.  Mais  Dieu  n'a 
p;is  attendu  que  l'homme  fît  toutes  ces  rélle- 
xions  ;  les  livres  saints  nous  apprennent 
qu'il  a  daigné  instruire  le  premier  homme, 
puisque  les  enfants  d'Adam,  qui  n'avaient 
point  eu  d'autre  instituteur  que  leur  père, 
ont  offert  des  sacrifices  au  Seigneur  [Gcn. 
iv),  et  que  les  patriarches  ont  usé,  par  reli- 
gion, de  toutes  les  pratiques  dont  nous  ve- 
nons de  parler. 

H  est  dit  dans  l'histoire  de  la  création,  que 
Dieu  bénit  le  septième  jour,  et  le  sanctifia 
(Gen.  II,  3)  ;  il  le  consacra  donc  à  son  culte: 
ce  n'est  pas  l'homme  qui  est  auteur  de  cette 
distinction.  Le  repos  du  se|>tième  jour  était 
une  profession  formelle  du  dogme  de  la  créa- 
tion, par  conséquent  de  l'unité  de  Dieu;  un 
préservatif  contre  le  polythéisme  et  l'idolâ- 
trie ;  les  hommes  n'y  sont  tombés  que  pour 
avoir  méconnu  Dieu  créateur.  Gain  et  Al>el 
olïienl  à  Dieu  en  sacrifice  leur  nourriture, 
c'était  pour  eux  le  plus  précieux  des  biens 
{Gen.  IV,  3  et  4).  Ils  reconnaissent  donc  que 
tout  vient  de  Dieu,  que  c'est  à  lui  de  nous 
prescrire  l'usagc  {jue  nous  devons  faire  de 
SCS  dons. — Il  est  dit  d'Enos,  v.  2G,(|u'il  com- 
mença à  invoquer  le  nom  du  Seigneur;  mais 
d'habiles  interprètes  jugent  (in'il  y  a  d.ins  le 
texte  hébreu  :  Alors  on  commit  des  profana- 
tions en  invoquant  le  nom  du  Seii/ueur.  Le 
culte  extérieur  de  religion  éiait  déjà  éiabli. 
En  accordant  pour  noiirriiure  à  nos  pre- 
miers parents  les  fruits  de  la  terre,  Dieu 
leur  avait  interdit  un  fruit  particulier  {Gn, 
1,  29;  II,  IT).  Dans  la  suite,  il  accorde  à  Noé 
et  à  ses  enfants  la  chair  des  animaux,  mais 
il  leur  en  interdit  le  sanq:,  c.  ix,  v.  3  et  4-  ;  Noé 
distingue  dss   animaux  purs  et   impurs,  c. 


VII,  V.  2;  c.  VIII,  20.  Nouvelle,  preuve  de  res- 
pect et  de  dépendance  que  Dieu  exigeait  de 
l'homme.  Il  se  laisse  apaiser  par  les  sacri- 
fices de  Noé,  c.  viu,  V.21,  Hénoc  se  reud 
rceommandable  par  sa  piété,  et  Dieu  le  dé- 
livre des  misères  de  cette  vie,  c.  v,  v.  2'i., 
Des  leçons  aussi  énergiques  ne  pouvaient 
m;inquer  de  produire  leur  effet.  Dans  le  li- 
vre de  Job,  qui  est  de  la  plus  haute  antiiuité, 
il  est  parlé  d'holocaustes  et  de  sacriûces 
pour  le  péché,  de  prêtres  et  de  victimes  choi- 
sies, de  vœux  et  de  prières,  de  pratiques  de 
pénitence,  d'expiatinns  et  d'ablutions.  Dans 
l'histoire  des  patriarches,  nous  voyons  des 
serments  faits  au  nom  de  Dieu,  des  libations 
ou  des  clTusions  d'huile  odoriférante,  def 
promesses  faites  à  Dieu,  des  honneurs  ren- 
dus aux  morts,  qui  attestent  la  croyance  de 
l'immortalité,  etc. 

On  a  souvent  écrit,  surtout  de  nos  jours, 
que  le  culte  des  premiers  hommes  était  très- 
simple  et  dégagé  des  sens;  que  le  cérémo- 
nial fut  de  l'invention  des  prètresel  fit  bien- 
tôt dégénérer  la  religion.  Autant  de  faits 
avancés  au  hasard,  et  contredits  par  nos  li- 
vres saints.  Le  cérémonial  des  patriarches 
u'cst  ni  très-simple,  ni  dégage  des  sens, 
puisque  nous  y  trouvons  des  prières  et  des 
prosternations,  des  autels  et  des  olTrandes, 
des  sacrifices  et  un  choix  des  victimes,  des 
ablutions  et  des  expiations,  des  abstinences, 
des  vœux,  des  consécrations,  des  senneiits, 
les  louanges  de  Dieu,  et  les  signes  do  joie  reli- 
gieuse, les  assemblées  et  les  rejias  communs, 
les  fêtes,  l'usage  de  changer  d'habits  avant 
d'offrir  un  sacrifice,  le  soin  de  renoncer  à  tous 
les  signes  d'idolâtrie,  les  honneurs  fuiièbreset 
le  respect  pour  les  tombeaux.  Tout  cela  était 
connu  avant  qu'il  y  eût  des  prêtres, et  s'il  n'y 
avait  point  eu  de  cérémonial,  il  n'y  aurait  ja- 
mais eu  de  sacerdoce. —  Un  homme  qui  désire 
ardemment  de  gagner  les  bonnes  grâces  d'an 
bienfaiteur  ou  d'apaiser  un  maître  irrité, 
n'a  pas  besoin  de  leçons  des  prêtres  pour 
imaginer  comment  il  doit  s'y  prendre;  les 
désirs  ardents  donnent  de  l'esprit  et  de 
l'adresse  aux  plus  slupidcs,  et  un  instinct 
naturel  nous  porte  à  faire  pour  Dieu  ce  que 
nous  faisons  pour  nos  semblables.  D'ailleurs 
Dieu  lui-même  y  avait  pourvu. 

Il  n'est  donc  pas  vrai  que  ce  soit  le  céré- 
monial qui  a  fait  dégénérer  la  religion,  puis- 
qu'il est  aussi  ancien  que  la  religion  même. 
Au  contraire,  celle-ci  n'a  dégénéré  que 
quand  les  hommes  se  sont  écartés  du  céré- 
monial primitif  pour  suivre  l'instinct  des 
passions  aveugles  et  capricieuses.  Pendant 
qu'ils  s'égaraient,  la  religion  des  patriarches 
est  demeurée  pure  et  constamment  la  même 
durant  deux  mille  cinq  cents  ans. 

Les  philosophes  qui  ont  si  mal  conçu 
l'origine  du  culte  extérieur,  n'en  ont  pas 
mieux  aperçu  l'importance;  elle  est  cepen- 
dant palpable.  i°De  tout  temps  ce  culte  a  été 
une  profession  solennelle  des  dogmes  les 
plus  essentiels,  de  la  création,  de  l'unité  d« 
Dieu  ,  de  sa  providence ,  de  la  chute  de 
l'homme,  delà  venue  d'un  Rédempteur,  de  la 
vie  future.  Les  peuples  qui  n'ont  pas  été  fi- 


5207 


CUL 


CUL 


1208 


dèles  à  pratiquer  le  cérémonial  tel  que  Dieu 
l'avait  prescrit  ,  n'ont  pas  tardé  de   mécon- 
naître ces  mêmes  vérités.  Le  culte  extérieur 
du   christianisme  est  une    profession    très- 
claire   des   dogmes   de  notre  croyance;   de 
tout  temps  on  s'en  est  servi  pour   montrer 
aux  hérétiques  la  vraie  doctrine  de  Jésus- 
Christ  et  des  apôtres,   et  pour   éclairrir  au 
Lesoin  le  sens  des    passages  de    rEcriiure 
sainte  sur  lesquels  on   contestait.  Ainsi,  l'on 
a  opposé  aux  ariens  les  cantiques  des  Gdèles 
qui  attribuaient  à  Jésus-Christ  la  diviiiilé; 
aux   péiagiens  ,   les    prières  par  lesquelles 
l'Eglise  implore  continuellement  le  secours 
de  la   grâce  divine  ;   et  le  pape  Céleslin  I" 
renvoyait  à  ces  mêmes  prières  pour  discerner 
la  croyance  ancienne   de  l'Eglise.  On  a    fait 
de    même    pour  montrer  aux    protestants 
qu'ils  se  sont  écartes  de  la  foi    primitive   et 
universelle,  et  on  a    lire  des  anciennes   li- 
turgies   un    argument    contre  eux,  auquel 
ils  ne  peuvent  rien  répliquer  de  solide.  Nous 
ne  devons   pas    être   étonnés   de   ce   qu'ils 
ont  supprimé    chez   eux   tout   cet  appareil 
extérieur  de  aille  qui  les  condamnait.  —  2° 
C'est   une    locon   de    morale    qui  rappelle 
continuellement  aux  hommes  leurs  devoirs 
envers  Dieu,  envers  leurs   semblables,  en- 
vers  eux-mêmes  :  devoirs    qui  s'ensuivent 
naturellement  des  dogmes  dont  nous  venons 
de  parler.  En  effet,  si  Dieu  est  le  seul  dislri- 
buteur  des  biens  de  ce  monde,  il   faut  nous 
conlenter  de  ce  qu'il  nous  donne,  ne  pas  cn- 
Tahir  ce  qu'il  a  daigné  accorder  aux  autres  : 
lorsqu'il  nous  les   prodigue   au  delà   de  nos 
besoins,  il  est  juste  d'en  faire  parla  ceux 
qui  en    sont  privés.    Puisqu'il   est  le   seul 
arbitre  delà  vie  et  delà  mort,  il  n'est  pas 
permis  d'attenter  à    la  vie  de  personne.  H  a 
béni   et   sanclilié  le  mariage;   la   fécondité 
est  un  don  de  sa  puissance  (Gen.  i,  28  ;  iv,  1 
et  23)  :  c'est   donc  un  crime  de  souiller  le 
lit  d'autrui,   etc.  La   conduite   des   anciens 
justes   démontre    qu'ils  ont  tiré   toutes  ces 
conséquences,  ou  plutôt  que  Dieu  les  leur 
a  fait  apercevoir.  Il  ne  serait  pas  difCcile  de 
faire   voir  que  les   cérémonies  du   christia- 
nisme sont  une  leçon  de  morale  encore  [ilus 
énergique  et  plus  éloquente  que  toutes  les 
cérémonies  anciennes.    Voy.  Christianisme. 
—  3°  Le  culte  extérieur  est  un  lien  de  société 
qui  réunit  les  hommes  au  pied  des  autels, 
leur  insjiire  les   sentiments  de    fraternité, 
maintient  parmi  eux    l'ordre    et    la     paix, 
contribue  à  la  civilisation  ;  et  le  culte  primi- 
tif a    formé  la   société  domestique;  le  culte 
mosaïque  la  société  nationale,  le  culte  chré- 
tien la  socit'tê  universelle  de   tous  les  peu- 
ples. —  'V"  C'est  un  monument  des   faits  qui, 
dans  la    suite   des   siècles,  ont    prouvé  la 
révélation;  ainsi  la  p;"i(;uo   et  l'offrande  des 
premiers-nés    rappelaient    aux   Juifs    leur 
sortie  miraculeuse  de   l'Egypte;   la    Pente- 
côte la  publication  de    la   lui    sur  le   mont 
Sinaï,    elc.  Le    dimanche    nous   atteste    la 
résurrection  de  Jésus-ChrisI  ;  nos  fêles  célè- 
brent   les    principaux    événements    de    sa 
vie,  etc. 
Plusieurs  philosophes    dé  nos  jours  ont 


décidé  que  le  culte  intérieur  est  le  seul  qui 
honore  Dieu  :  maxime  commode  pour  se  dis- 
penser de  toute  pratique  de  religion,  mais 
maxime  très-fausse.  Dieu  n'aurait  pas  ins- 
titué le  culte  extérieur,  s'il  ne  s'en  tenait 
pas  honoré,  et  s'il  n'était  pas  nécessaire  pour 
entretenir  le  cu?/e  intérieur.  Nous  voudrions 
savoir  si  ceux  qui  renoncent  à  toute  prati- 
que sensible  sont  les  adorateurs  de  Dieu  les 
plus  fervents.  —  Lorsque  Jésus-Christ  a  dit 
que  les  vrais  adorateurs  rendront  à  Dieu 
un  Ciilteeu  esprit  et  en  vérité  {Joan.  iv,  23,) 
il  n'a  pas  prétendu  exclure  le  culte  extérieur, 
puisqu'il  l'a  observé  iui-méme.  11  a  institué 
par  lui-même  le  baptême  etl'eucharistie,  par 
ses  apôtres  les  autres  sacrements  et  la  forme 
de  la  liturgie.  Il  condamnait,  comme  les  pro- 
phètes, le  culte  permanent  extérieur,  auquel 
le  co'ur  n'a  point  de  part  (Matth.  xv,  8); 
mais  il  a  loué  les  signes  de  componction 
du  publicain,  l'offrande  de  la  veuve,  et  a 
commandé  la  prière  ;  en  parlant  des  purifi- 
cations etdes  CEUvres  de  charité,  il  a  dit  qu'il 
fallait  pratiquer  les  unes  et  ne  pas  omettre 
les  autres  {Luc  xi,  42)  (1). 

Les  déclamations  contre  les  abus  du  culte 
extérieur  ne  sont  souvent  qu'un  trait  d'hy- 
pocrisie. Jusqu'à  la  fin  des  siècles,  les  hom- 
mes abuseront  des  choses  les  plus  saintes; 
les  passions  savent  tourner  à  leur  avanta- 
ge le  frein  même  destiné  à  les  réprimer. 
Mais  le  plus  odieux  de  tous  les  abus  est 
de  vouloir  supprimer  toutes  les  institutions 
desquelles  on  peut  abuser.  Faut-il  bannir  de 
la  société  civile  les  démonstrations  de  bien- 
veillance et  d'amitié  parce  que  ces  signes 
sont  souvent  faux  et  perfides  ? 

Quand  il  s'est  agi  de  déterminer  ce  qu'il 
fallait  approuver  ou  blâmer,  conserver  ou 
abolir  dans  le  culte  extérieur  de  l'Eglise  ro- 
maine, les  protestants  ne  se  sont  pas  mieux 
accordés  que   sur  les  principes  desquels  il 


(1)  Tous  les  êtres  sont  obligés  de  rendre  à  leur 
manière  leurs  hommages  au  Créateur  :  le  corps,  qui 
est  sous  la  puissance  de  l'âme,  ne  le  peut  que  par  les 
actes  d'adoration  que  celui-ci  lui  conunande.  <  Dieu, 
disaient  les  auteurs  de  VEiicijctopédiL',  arl.  Religion, 
en  unissant  la  matière  à  l'esprit,  l'a  associée  à  la  re 
ligion ,  et  d'une  manière  si  admirable  que,  lorsque 
l'àine  n'a  pas  la  liberté  de  satisfaire  son  zèle  en  se 
servant  de  la  parole,  des  mains,  des  proslerncmeiits, 
elle  se  sent  comme  privée  d'une  partie  du  culte 
qu'elle  voudrait  rendre,  et  de  celle  même  qui  lui 
donnerait  le  plus  de  consolation  ;  mais  si  elle  est  li 
Itrc,  el  que  ce  qu'elle  éprouve  au  dedans  la  touche 
visihiernent  et  la  pénètre,  alors  ses  regards  vers  le 
ciel,  ses  mains  étendues,  ses  cantiques,  ses  prosier- 
nements,  ses  adorations  diversiliécs  en  cent  manières, 
ses  larmes  que  l'amunr  cl  la  péniii'iice  font  également 
couler,  soulagent  son  cœur  eii  suppléant  à  son  impuis- 
sance, el  il  semble  que  c'est  moins  l'àme  qui  associe 
le  corps  à  sa  pieié  et  a  sa  religion,  que  ce  n'est  le 
corps  même  (|ui  se  liâte  de  venir  à  son  secours  ei  de 
suppléer  à  ce  que  l'esprit  ne  saurait  taire;  en  sorte 
que  dans  la  fonciion  non-seulement  la  plus  spiri- 
tuelle, mais  aussi  la  plus  divine,  c'est  le  corps  qui 
tient  lien  de  ministre  public  et  de  prêtre,  c()MMne 
dans  le  inariyrc,  c'est  le  corps  qui  est  le  léiniiin  vi 
sible  el  le  délènseur  de  la  vérité  contre  loui  ce  qu" 
l'attaque.  » 


1209 


CUL 


CUL 


1210 


fallait  partir.  Les  calvinistes  ont  réduit  le 
Icnr  à  la  prédication,  à  la  prière  publique, 
au  chant  (les  iisaunics,  à  la  cérémonie  du 
baptême  et  à  celle  de  la  cène,  faite  sans  aucun 
appareil:  ils  ont  jugé  tout  le  reste  abusif. 
Les  luthériens  en  ont  retenu  un  peu  davan- 
tage, mais  leur  cérémonial  n'est  pas  uni- 
forme dans  les  différents  pays.  Les  anglicans 
en  ont  conservé  plus  que  les  aulres  sectes, 
c'est  un  des  reproches  que  cellcs-ri  leur 
foni;  elles  disent  (jne  les  anglicans  sont  en- 
core cà  moitié  papisles  ;  qu'il  fallait  ou  abo- 
lir toutes  les  supersiilions  de  Itoine,  ou  les 
conserver  dans  leur  entier.  Aussi  un  écri- 
vain de  celle  nation  avoue  qu'il  n'est  pas 
aisé  de  déterminer  jusqu'à  quel  point  il  con- 
vient de  se  prêtera  l'infirmilé  humaine  en  fait 
de  cérémonies,  ni  de  fixer  un  milieu  dans 
lequel  on  puisse  flaller  les  sens  et  l'imagi- 
nation, sans  blesser  la  raisouj  et  sans  Icrnir 
la  pureté  de  la  vérilable  religion.  Il  est  sin- 
gulier que,  sans  savoir  jusqu'où  il  fallait 
aller,  ni  où  l'on  devait  s'arrêter,  on  ail  com- 
mencé par  condamner  l'Eglise  romaine,  et 
qu'on  l'accuse  d'avoir  passé  toutes  les  bor- 
nes, quand  on  ne  peut  pas  dire  où  il  fallait 
planter  les  bornes. 

On  lui  reproche  d'avoir  établi  une  multi- 
tude de  cérémonies  ridicules  qui  détruisent 
la  véritable  religion,  qui  ne  tendent  qu'à  en- 
ricliir  le  clergé,  qui  cnlrelienncnt  les  peuples 
dans  l'ignorance  et  dans  la  superstition. 
51iiis  n'est-ce  pas  cette  accusalion  même  qui 
suppose  beaucoup  d'ignorance  ?  1°  Aux  yeux, 
des  déistes,  les  cérémonies  des  protestants  ne 
paraissent  pas  moins  ridicules  que  les  nô- 
tres ;  ils  n'en  veulent  point  du  tout  :  ce  que 
les  prolestants  diront  pour  juslificr  les  leurs 
nous  servira  pour  faire  l'apologie  des  nô- 
tres. 2°  Le  clergé  n'a  pu  avoir  aucun  motif 
d'intérêl  pour  multiplier  les  cérémonies, 
puisque  les  rélribuiioiis  manuelles  ou  les 
droits  casuels  n'ont  été  établis  qu'après  le 
\}n'  siècle,  lorsque  les  biens  de  l'Eglise 
ont  été  pillés  par  les  seigneurs.  Peui-on 
prouver  que  la  muUitude  des  cérémonies 
n'a  pris  naissance  que  depuis  ce  temps-là? 
Dans  un  moment  nous  prouverons  le  con- 
traire. On  a  été  aussi  forcé  d'établir  en  .An- 
gleterre un  casuel,  après  le  pillage  des  biens 
ecclésiastiques  fait  par  les  proleslanis,  et  ces 
droits  sont  beaucoup  plus  fortsqu'en  France. 
Le  clergé  anglican  a  donc  eu  plus  d'intérêt 
à  inventer  de  nouvelles  cérémonies  que  les 
prêtres  talholiques.  3'  Les  sectes  de  chré- 
tiens orientaux  sont  séparées  de  l'Eglise 
romaine  depuis  le  \'  siècle  ;  cependant 
leur  cérémonial  est  pour  le  moins  aussi 
chargé  que  le  nôtre,  et  leur  clergé  n'en  est 
pas  plus  riche  pour  cela.  Nous  cherchons 
vainement  dans  toute  l'antiquité  ecclésiasti- 
que des  preuves  de  l'inlérêl  préleiulu  <les 
prêtres  à  multiplier  les  cérémonies.  Elles 
sont  évidemment  plus  anciennes  que  les 
schismes  des  Orieiiiaus.  h-"  De  nouvelles  cé- 
rémonies n'ont  pu  cire  établies  que  par  les 
évcques  :  or,  ceux-ci  li'ont  jamais  pu,y  avoir 
aucun  inlérct  ,  puisque  leurs  richesses  ont 
toujours  été  des  fonds,  et  noa  des  droits  ca- 


suels. Voilà  comme  on  raisonne  au  hasard, 
quand  on  ne  prend  pas  la  peine  de  consulter 
rhist(!ire.  Nous  connaissons  plusieurs  con- 
ciles ou  assemblées  du  clergé  qui  ont  pros- 
crit des  cérémonies  nouvelles  et  supersti- 
tieuses ;  on  ue  peut  pas  en  citer  un  qui  en 
ait  introduit. 

Jamais  nous  ne  concevrons  comment  les 
cérémonies  peuvent entrelenirle  peuple  dans 
l'igiioranco  :  nous  avons  fait  voir,  au  con- 
traire, ([ue  c'.est  un  mojen  que  Dieu  a  pris 
pour  inslruire  les  hommes.  Une  partie  de 
l'instruelion  chrétienne  consiste  à  faire  con- 
cevoir au  peuple  le  sens  elles  raisons  des  cé- 
rémonies religieuses. 

Cet  appareil  extérieur,  disent  encore  les 
protestants  et  les  incrédules  ,  sera  toujours 
un  piège  i>our  le  peuple  ;  il  fait  plus  de  cas 
des  cérémonies  que  des  vertus,  et  comme  les 
.luifs,  il  croit  avoir  rempli  toute  justice  lors- 
qu'il a  satisfait  au  culte  extérieur.  —  Ici  nos 
adversaires  ne  voient  pas  qu'ils  se  confon- 
dent encore  :  puisque  le  peuple  aime  les  cé- 
rémonies, qu'il  y  attache  beaucoup  d'impor- 
tance, qu'il  les  regarde  comme  une  partie 
essentielle  de  la  religion,  c'est  donc  lui  qui 
en  a  voulu,  et  ce  ne  sont  pas  les  prêtres  qui 
en  seul  les  auteurs.  Quand  ceux-ci  ne  s'en 
seraient  pas  mêlés,  le  peuple  en  aurait  fait 
malgré  eux  ;  et ,  eu  dépit  des  philosophes,  il 
y  a  des  cérémonies  et  un  culte  extérieur 
quelconque  dans  toutes  les  contrées  de  l'u- 
nivers, même  chez  les  sauvages. 

IMais  il  y  a  plus  :  Dieu  savait  sans  doute 
mieux  que  nos  censeurs  les  inconvénients, 
les  abus,  les  erreurs  auxquels  les  cérémo- 
nies ne  manqueraient  pas  de  donner  lieu  ;  il 
en  a  cependant  ordonné  depuis  le  commen- 
cement du  monde  :  il  en  augmenta  beaucoup 
le  nombre  en  donnant  sa  loi  aux  Juifs,  et 
Jésus-Clirist  lui-même  a  daigné  les  observer. 
Il  prévoyait  tout  le  mal  que  le  culte  extérieur 
pourrait  produire  dans  son  Eglise  ;  il  a  ce- 
pendant donné  à  ses  apôtres  le  pouvoir  de 
l'établir,  puisqu'ils  l'ont  fait.  Si  ce  mal  était 
aussi  réel  et  aussi  grand  que  le  prétendent 
nos  adversaires  ,  il  serait  étonnant  que  Jé- 
sus-Christ n'eût  pris  aucune  précaution  pour 
le  prévenir,  et  qu'il  n'eût  pas  donné  à  ce 
sujet  les  avis  les  plus  clairs  et  les  leçons  les 
plus  expresses.  Où  sont-elles  dans  l'Evan- 
gile ?  —  L'abus,  s'il  y  en  a,  date  de  fort  loin. 
Les  prétendus  réformateurs  imaginaient  que 
la  muUitude  des  cérémonies  avait  été  intro- 
duite dans  les  bas  siècles,  au  milieu  des  té- 
nèiires  de  l'ignorance.  Quand  on  les  a  re- 
trouvées chez  les  sectes  oricnlales,  il  a  fallu 
convenir  que  le  cérémonial  était  plus  an- 
cien ([ue  leur  schisme;  on  en  a  placé  l'ori- 
gine au  IV'  siècle.  Mais  les  critiques  les 
plus  récents,  par  une  sagacité  supérieure, 
ont  découvert  que  le  très-grand  nombre  des 
cérémonies  sont  venues  du  |)latonisme  des 
anciens  Pères.  Or,  ils  voient  ce  platonisme, 
non-seulement  dans  les  écrits  des  auteurs 
du  11  siècle  ;  mais  les  sociniens  et  les 
déistes  l'aperçoivent  dans  l'Evangile  de  saint 
Jean;  et  son  Apocalypse  nous  présente  le 
plan  d'une  liturgie  pompeuse.  On  ne  peut  pas 


ISM 


CUL 


CUL 


121? 


remonter  plus  haut.  Voy.  Liturgie.  Ainsi 
s'accordent  encore  nos  adversaires  sur  l'ori- 
ginc  du  cérémonial. 

in.  La  pompe  et  la  magnificence  dans  le 
culte  extérieur  de  religion  sont-elles  un  abus  ? 
C'est  l'avis  des  incrédules  et  de  la  plupart  de 
nos  dissertateurs  modernes.  Dans  un  siècle 
où  le  luxe  est  porté  à  son  comble  et  ruine 
tous  les  Etals,  on  a  jugé  que  l'économie  ne 
serait  nulle  part  plus  nécessaire  que  dans  le 
culte  divin;  on  en  a  calculé  exactement  la 
dépense  :  on  sait  ce  qu'il  en  coûte  pour  le 
luminaire,  pour  le  pain  bénit,  pour  les  funé- 
railles, pour  l'entretien  de  la  fabrique.  Voilà 
sûreiiieiit  ce  qui  ruine  le  peuple,  il  faut  ab- 
solument retrancher  le  superflu.  Il  nous  sem- 
ble voir  les  Athéniens  qui  avaient  condamné 
à  mort  tout  citoyen  qui  voudrait  faire  em- 
ployer à  d'autres  usages  l'argent  destiné 
pour  les  spectacles.  —  Nos  sages  économis- 
tes, animés  du  même  esprit,  trouvent  très- 
bon  que  les  richesses  soient  prodiguées  pour 
lés  fêtes  publiques  ,  pour  les  théâtres  qui 
corrompent  les  mœurs,  pour  les  amuse- 
ments de  toute  espèce;  ils  déplorent  la  dé- 
pense qui  se  fait  pour  les  spectacles  de  reli- 
gion, parce  qu'ils  instruisent  les  hommes, 
les  excitent  à  la  vertu  ,  les  consolent  par 
l'espérance  d'un  bonheur  à  \  enir.  Ils  affec- 
ten-t  de  la  compassion  pour  la  misère  du 
peuple  ;  non-seulement  ils  ne  voudraient 
rien  retrancher  sur  leurs  plaisirs  pourla  sou- 
lager, mais  ils  veulent  ôter  au  peuple  le 
seul  moyen  (jui  lui  reste  de  se  consoler  et  de 
s'encourager  dans  les  temples  du  Seigneur, 
par  des  motifs  de  religion.  Sans,  doute  il 
vaut  mieux,  suivant  leur  opinion,  qu'il  aille 
s'en  distraire  dans  les  lieux  de  débauche  et 
dans  les  écoles  du  vice  ;  aussi  les  a-t-on 
multipliés  pour  sa  commodité.  Mais  où  iront 
ceux  qui  craignent  l'infection  de  ces  lieux 
empestés,  et  qui  ne  veulent  pas  se  pervertir? 
Laissons  déraisonner  les  insensés;  consul- 
tons la  simple  lumière  naturelle  et  l'expé- 
rience de  toutes  Ks  nations. 

ri  est  nécessaire  de  donner  aux  hommes 
une  haute  idée  de  la  m;ijeslé  divine,  et  de 
rendre  son  culte  respectable  ;  on  n'y  par- 
viendra pas  sans  le  secours  d'une  pom[ie 
extérieure.  L'homme  ne  peut  être  pris  que 
par  les  sens  ;  voilà  le  principe  duquel  il  faut 
partir  ;  on  ne  réussira  point  à  captiver  son 
imagination,  si  l'on  ne  met  sous  ses  yeux 
les  objets  auxquels  il  attache  un  grand  prix. 
A  moins  que  le  peuple  ne  trouve  dans  la 
religion  la  même  magnificence  qu'il  aperçoit 
dans  les  cérémonies  civiles,  à  moins  qu'il  ne 
voie  rendre  à  Dieu  des  hommages  aussi 
pompeux  que  ceux  que  l'on  rend  aux  puis- 
sances de  la  terre,  quelle  idée  se  formcra- 
t-il  lie  la  grandeur  du  Maître  qu'il  adore? 
C'est  la  réflexion  de  saint  Thomas.  Les  pro- 
testants sentent  aujourd'hui  les  suites  funcs- 
les  de  la  nudité  à  laquelle  ils  ont  réduit  le 
culte  divin  :  un  incrédule  même  est  convenu 
que  le  retranclienacnl  du  culte  en  Angleterre 
eii  a  banni  la  piété,  y  a  fait  éilore  l'athéisme 
«l  l'irréligion  ;  le  mépris  de  ce  culte  a  pro- 
duit le  même  effet  parmi  nous. 


Quand  on  nous  demande,  avec  Javénal  : 
A  quoi  sert  l'or  dans  les  temples  ? 

Dicite,  ponti lices,  in  tetnplo  gwid  fncit  aurum? 

nous  répondons  qu'il  sert  à  témoigner  le 
respect  que  l'on  a  pour  Dieu,  à  reconnaître 
que  tous  les  biens  viennent  de  lui,  et  que 
(ont  doit  être  consacré  à  son  service.  Ceux 
qui  refusont  de  contribuer  à  la  pompe  du 
culte  divin,  n'en  sont  pas  pour  cela  mieux 
disposés  à  secourir  les  pauvres.  Le  peuple 
veut  de  la  magnificence,  parce  qu'il  aime  la 
religion,  elle  est  sa  seule  ressource  ;  les  in- 
crédules réprouvent  cet  éclat  imposant  , 
parce  qu'ils  détestent  la  religion.  —  Il  est 
convenable  que,  pour  assister  aux  assem- 
blées religieuses  les  jours  de  fête,  le  peuple 
se  mette  le  plus  proprement  qu'il  lui  est  pos- 
sible, afin  que  cet  appareil  extérieur  le  fasse 
souvenir  de  la  pureté  de  l'ânie  qu'il  doit  y 
apporter;  afin  que  les  grands,  qui  dédaignent 
ces  assemblées,  aient  moins  de  répugnance 
à  se  mêler  avec  le  peuple  ;  afin  que  l'énorme 
disproportion  que  meitent  les  richesses  en- 
tré les  uns  et  les  autres,  disparaisse  un  peu 
devant  le  souverain  Maître,  aux  yeux  duquel 
tous  les  hommes  sont  égaux.  Jacob,  prêt  à 
offrir  un  sacrifice  à  la  tête  de  sa  maison,  or- 
donna à  ses  gens  de  se  laver  et  de  changer 
d'habits  [Gen.  xxsv,  2).  Dieu  commanda  la 
même  chose  aux  Hébreux,  quand  il  voulut 
leur  donner  sa  loi  sur  le  mont  de  Sinaï 
{Exod.  XIX,  10).  Ce  signe  extérieur  de  res- 
pect se  retrouve  chez  toutes  les  nations  ; 
toutes  ,  sans  exception ,  mettent  dans  les 
hommages  qu'elles  rendent  à  la  Divinité  le 
plus  de  pompe  qu'il  leur  est  possible. 

Cependant  nos  philosophes  prétendent 
justifier  leur  avis.  «L'excès  de  la  magnifi- 
cence du  culte  public,  disent-ils,  excite  celle 
des  particuliers  ;  on  veut  toujours  imiter  ce 
qu'on  admire  le  plus.  Il  n'est  pas  vrai  que 
celte  magnificence  soit  nécessaire;  les  pre- 
miers chrétiens  pensaient- différemment.  Ori- 
gène  témoigne  qu'ils  faisaient  peu  de  cas  des 
temples  et  des  autels.  C'est  en  effet  au  milieu 
de  l'univers  qu'il  faut  adorer  celui  qu'on  en 
croit  l'autnur.  Un  autel  de  pierres,  élevé  sur 
une  hauteur,  au  milieu  d'un  vaste  horizon, 
serait  plus  auguste  et  plus  digne  de  la  ma- 
jesté suprême,  que  ces  édifices  dans  lesquels 
sa  puissance  et  sa  grandeur  paraissent  res- 
serrées entre  quatre  colonnes.  Le  peuple  se 
familiarise  avec  la  pompe  et  les  cérémonies, 
d'autant  plus  aisément,  qu'étant  pratiquées 
par  ses  semblables,  elles  sont  plus  proches 
de  lui,  et  moins  propres  à  lui  impo-er;  bien- 
tôt l'hiibilude  les  lui  rend  indilTérentes.  Si  la 
synaxe  ne  se  célébrait  qu'une  fois  l'année,  et 
qu'on  se  rassemblât  de  divers  endroits  pour 
y  assister,  comme  on  faisait  aux  jeux  olym- 
pi(]iies  elle  paraîtrait  d'une  tout  autre  im- 
portance. C'est  le  sort  do  toutes  choses,  de 
devenir  moins  vénérables  en  devenant  plus 
communes.  »  —  Cette  sublime  doctrine  élMil 
déjà  consignée  dans  deux  rncuclopédics  ; 
on  la  retrouvera  encore  d;ins  le  Dictionnaire 
des  Finances  ;  ce  serait  dommage  qu'elle  se 


1213 


CUL 


CUL 


1-214 


perdît.  Malheureusement  elle  est  fausse  dans 
luus  les  points. 

Il  nous  paraît  d'nhon!  qu'elle  renferme 
une  contradiction.  D'un  (("jlé,  l'on  craint  que 
la  niagniflcence  du  cnlle  u'oxcile  colle  des 
particuliers;  de  l'autre,  on  voudrait  y  voir  au- 
tant de  pompe  el  d'appareil  que  dans  les 
jeux  olympiques,  afin  qu'il  parût  plus  vé- 
nérable, plus  imposant,  et  plus  capaliled'ex- 
ciler  l'admiration.  Cela  ne  s'accorde  pas. 

Mais  1°  il  est  taux  que  la  magnificence'  du 
cuite  inspire  du  pnùl  pour  le  hixe.  Un  par- 
tirulier  sent  très-bien  qu'il  serait  absurde  et 
impie  do  faire  pour  lui-même  ce  qu'il  fait 
pour  Dieu,  et  de  prendre  la  majesté  des  tem- 
ples pour  modèles  de  .sa  demeure.  Dans  le 
temps  que  les  rois  Francs  ,  Bnurijuignons, 
Gutliset  Vandales,  encore  très-barbares,  ne 
connaissaient  ])oint  la  magnificence  pour 
eux-mêmes,  ils  la  trouvaient  très-bien  pla- 
cée dans  les  temples  du  Seigneur,  et  ils  y 
contribuaient;  c'e  t  ce  qui  servit  un  peu  à 
les  civiliser.  Il  serait  bon  de  nous  souvenir 
toujours  que  cette  pompe  du  ctdte  a  con- 
servé en  Europe  un  reste  de  connaissance 
des  arts.  Voy.  Auts.  Dès  qu'il  y  a  du  luxe  et 
de  la  pompe  civile  chez  une  nation,  il  est  im- 
possible de  la  retrancher  dans  le  culte,  sans 
l'avilir  aux  yeux  de  la  multitude.  Ce  n'est 
pas  la  pompe  religieuse  qui  fait  naître  le 
goût  pour  le  luxe;  mais  le  luxe,  une  fois  éta- 
bli, nous  force  de  mettre  plus  d'appareil  dans 
les  cérémonies  de  religion.  —  2°  Il  est  faux 
que  la  vue  du  ciel  et  d'un  vaste  horizon  fasse 
plus  d'impression  sur  le  commun  des  hom- 
mes qu'un  temple  décemment  orné.  Le  peu- 
ple est  plus  accoutumé  à  voir  le  ciel  et  la 
campagne  qu'à  voir  des  cérémonies  pom- 
peuses; il  ne  médite  ni  sur  la  marche  des 
astres  ,  ni  sur  la  magnificence  de  la  nature. 
Le  sacrifice  offert  au  ciel  une  fois  l'année  sur 
une  montagne  par  l'empereur  de  la  Chine,  à 
la  tète  des  grands  de  l'empire,  est  sans  doute 
imposant;  cependant  il  n'a  pas  empêché  le 
peuple,  les  grands,  et  l'empereur  lui-même, 
de  tomber  dans  le  polythéisme  ,  et  d'adorer 
des  idoles  dans  les  pagodes.  C'est  un  fait  de- 
venu incontestable.  Les  Perses  et  les  Chana- 
néens  offraient  aussi  des  sacrifices  sur  les 
montagnes  ;  ils  n'en  adoraiint  pas  moins  des 
marmousets  sous  des  lentes,  .\ussi  Dieu  dé- 
fendit ces  sacrifices  aux  Israélites;  il  voulut 
qu'on  lui  dressât  un  tabernacle,  et  ensuite 
un  temple.  Montesquieu  observe  très-bien 
que  tous  les  peuples  qui  n'ont  pas  do  tem- 
ples sont  sauvages  et  barbares.  A  quoi  sert 
de  raisonner  contre  des  faits? —  3°  Il  est 
faux  que  les  premiers  chrétiens  aient  pensé 
comme  nos  philosophes.  Ils  ne  pouvaient 
avoir  de  temples  lorsqu'ils  étaient  forcés 
dose  cacher  pour  célébrer  les  saints  mys- 
tères ;  mais  ils  bâtirent  des  églises  dès  que 
cela  leur  fut  permis,  et  elles  furent  démolies 
pendant  la  persécution  de  Diociétien.  Il  y  en 
I  avait  certainement  du  temps  d'Origène.  Ja- 
mais les  chrétiens  n'ont  tenu  leurs  assem- 
blées en  pleine  campagne.  —  'v°  Enfin  il  est 
fau\  que  le  ctiUe  extérieur  s-iil  devenu  in- 
différent au  peuple;  le  contraire  est  prouvé 


par  la  foule  rassemblée  dans  nos  églises  les 
jours  de  fête,  au  grand  regret  des  incrédules. 
Dans  les  campagnes,  où  le  peuple  a  encore 
plus  do  piété  que  dans  les  villes,  aucun  par- 
ticulier ne  uianquc  d'assister  aux  offices  di- 
vins, lorsqu'il  le  peut;  souvent  même  il  as- 
siste à  la  messe  les  jours  ouvriers.  11  ne 
pourrait  pas  avoir  cette  consolation,  si  elle 
se  célélirait  aussi  rarement  que  les  jeux 
olympi(|ues. 

IV.  Que  doit-on  nommer  culte  mpersti- 
tieiix,  faux,  indu  ou  superflu?  Rien  de  plus 
commun  dans  les  écrits  des  hérétiques  et  des 
incrédules  que  le  nom  An  superstition;  mais 
nous  ne  savons  pas  encore  précisément  ce 
qu'ils  ei  tendent  par  là.  — Les  théologiens 
appellent  superstitieux  tout  culte  que  Dieu  a 
défendu,  ou  qu'il  n'a  ni  ordonnéni  approuvé; 
il  doit  être  censé  tel,  lorsque  l'Eglise  ne  l'a 
ni  approuvé,  ni  commandé,  à  plus  forte  rai- 
son lors.ju'elle  l'a  défendu  ;  parce  que  Dieu 
a  donné  à  son  Eglise  l'autorité  d'enseigner 
aux  fidèles  la  vraie  doctrine,  tant  sur  le 
culte,  ((ue  sur  le  dogme  et  sur  la  morale  : 
nous  avons  fait  voir  la  liaison  nécessaire  de 
ces  trois  parties  de  la  religion.  Jésus-f^hrisl, 
qui  a  promis  d'être  avec  son  Eglise  jusqu'à 
la  fin  des  siècles,  de  lui  donner  pour  tou- 
jours le  Saint-Esprit ,  pour  lui  enseigner 
toute  vérité,  ne  peut  pas  permettre  qu'elle 
ordonne  ou  approuve  un  culte  faux,  absurde 
ou  pernicieux.  Les  protestants,  qui  soutien- 
nent qu'elle  l'a  fait,  el  qu'elle  le  fait  encore 
depuis  quinze  cents  ans,  accusent  indirecte- 
ment Jésus-Christ  d'avoir  manqué  à  ses  pro- 
messes. 

Vainement  on  nous  dit  que  ,  pour  distin- 
guer ce  qui  est  ou  n'est  pas  superstition,  il 
faut  consulter  la  raison.  Si  nous  interrogions 
la  raison  des  incrédules,  la  plupart  décide- 
raient que  tout  cu/fe  quelconque  est  supers- 
titieux, qu'il  n'y  a  point  de  Dieu,  que  s'il  y 
en  a  un,  il  n'exige  de  nous  aucun  culte.  Leg 
fondateurs  des  dilTérenles  sectes  prolestantes 
ont  suivi,  sans  doute,  les  lumières  de  leur 
raison,  et  il  n'y  eu  a  pas  deux  auxquels  elle 
ait  dicté  le  même  culte.  Si  on  rassemblait  les 
sectateurs  des  différentes  religions  du  monde, 
chacun  d'eux  jugerait  que  h;  culte  auquel  il 
est  accoutumé  est  le  plus  raisonnable  de 
tous,  de  même  que  chaque  peuple  prétend 
que  ses  mœurs,  ses  lois,  ses  usages  sont  les 
meilleurs,  truand  un  philosophe  nous  or- 
donne de  consulter  la  raison,  il  entend  sa 
raison  propre  et  personnelle,  et  il  suppose 
toujours  modestement  qu'il  est  le  plus  rai- 
sonnable de  tous  k's  hommes. 

Finu-il  s'en  tenir  à  l'Ecriture  sainte,  à  ce 
que  Josus-Chi  isl  a  fait  ou  ordonné  ,  à  ce  nue 
les  apôlics  ont  prescrit  ou  pratiqué  ?  Ia's  ré- 
formateurs ont  luit  profession  de  suivre  celle 
règle,  elle  résullat  n'a  jamais  été  le  même. 
D'ailleurs,  il  est  faux  qu'ils  l'aient  suivie,  et 
que  leurs  sectateurs  s'en  tiennent  là.  Jésus- 
t2liri?t  a  lavé  les  pieds  à  ses  apôtres,  avant 
de  leur  donner  l'eucharistie,  et  il  leur  a  or- 
donné expressément  de  faire  de  même  IJoatl. 
xiii,  l't).  Il  a  soufUé  sur  ses  disciples  pour 
leur  donner  le  Saint-Esprit  (xx,  2-2).  Cepeu- 


121S 


CUR 


dant  les  protestants  ne  font  ni  l'un  ni  l'autre. 
Les  apôtres  imposaient  les  mains  sur, les  fi- 
dèles pour  leur  donner  le  Saint-Esprit;  saint 
Jacques  veut  que  les  prèlres  fassent  une 
onction  aux  malades  pour  leur  remettre  les 
péchés,  pourquoi  ces  rites  ne  sont-ils  pas 
pratiqués  par  les  protestants?  Si  l'on  nous 
demande  pourquoi  nous  faisons  les  uns,  et 
que  nous  omeltons  les  autres,  notre  raison 
est  simple,  c'est  que  l'Eglise  nous  le  prescrit 
et  nous  l'enseigne  ainsi.  Du  moins  notre  con- 
duite est  conforme  à  nos  principes;  celle 
des  prote'sl'ants  ne  s'accorde  pas  avec  les 
leurs. 

Un  culte  est  superstitieux,  lorsqu'il  est 
faux  ou  fondé  sur  une  fausseté  ;  tel  était  ce- 
lui des  païens,  qui  prenaient  pour  des  dieux 
de  prétendus  génies,  esprits  ou  démons,  qui 
n'existaient  que  dans  leur  imaj^inallon  ;  il 
était  indu,  puisqu'ils  rendaient  aux  âmes  des 
morts  un  culle  divin  qui  ne  leur  est  pas  dû, 
et  qui  était  fondé  sur  des  raisons  fausses.  Il 
était  superllu,  parce  qu'il  consistait  dans  des 
pratiques  inventées  par  pur  caprice  ,  par  des 
terreurs  paniques,  ou  par  d'autres  raisons 
encore  plus  odieuses.  11  était  pernicieux, 
parce  que  plusieurs  de  ces  pratiques  étaient 
des  critnes.  Ceiui  des  Juifs,  légitime  dans  son 
origine,  est  devenu  superstitieux,  parce  qu'il 
était  relatif  à  un  temps,  à  des  lieux,  à  des 
raisons  qui  n'existent  plus,  à  dis  promesses 
qui  sont  accomplies.  Celui  des  mahométans 
est  faux  et  superstitieux,  parce  qu'il  est  l'ou- 
vrage d'un  imposteur  qui  n'avait  aucune 
mission  ni  aucun  caractère  pour  l'iiistiluer, 
et  que  la  plupart  dos  rites  dans  lesquels  il 
consiste  sont  fondés  sur  des  fables.  Celui  des 
jjrolestants  est  superstitieux,  puisqu'il  est 
illégitime,  fixé  et  réglé  par  des  hommes  qui 
n'en  avaient  ni  le  pouvoir  ni  le  caractère  ; 
par  des  laïques,  qui  n'ont  suivi  que  leur  ca- 
price dans  ce  qu'ils  ont  conservé  ou  retran- 
ché. 

Pour  pallier  la  lémérilé  de  cet  alleiUat,  il 
a  fallu  enseigner  que  le  culte  extérieur  est 
indifférent  ;  que  chaque  société  chrétienne 
doit  avoir  la  lilierté  de  le  régler  comme  elle 
le  juge  à  propos  ;  comme  s'il  pouvait  y  avoir 
quelque  chose  d'indifférentdans  le  culte  qu'il 
faut  rendre  à  Dieu  ;  comme  si  le  culte  n'avait 
aucun  rapport  au  dogme  ni  à  la  morale. 
Dieu  n'a  laissé  cette  liberté  ni  aux  patriar- 
ches, ni  aux  Hébreux  ;  c'est  aux  ap()trcs  et 
à  leurs  successeurs,  et  non  aux  siniples  fi- 
dèles, que  Jésus-Christ  a  donné  commission 
de  l'établir  et  de  le  régler;  et  lorsqu'il  l'f'st 
nue  fois,  aucune  puissance  civile  n'a  droit 
d'y  ajouter  ni  d'y  retrancher.  Il  est  fort  sin- 
gulier que  toute  société  protestante  ait  eu 
droit  d'arranger  son  culte  comme  il  lui 
a  iilu  ,  et  que  l'Eglise  nimaine,  n'ait  |)as 
eu   le  droit  d'établir  et  de  conserver  le  sien. 

Vol/.  Ckrkmonik,    Superstition,    Lois  ckuk- 

UONIIiLLES,   etc. 

*  Cui.TE  11F,  LÀ  Sainte  ViEnr.r.   loi/.  Mahii;. 

*  Culte  des  Saikïs.  Yoy.  Smnts. 

*  C.Ur.TE  HE  jÉSUS-ClIKIST.     VoiJ.     lIlMANITÉ  DE  JÉ- 
SUS-blIRIST. 


CUR  1210 

CURE.CUEIÉ  (1).  On  appelle  cure  un  bé- 
néfice ecclésiastique  qui  demande  résidence, 
et  dont  le  titulaire  a  soin,  quant  au  spirituel, 
d'un  certain  nombre  de  personnes  renfermées 
dans  une  étendue  de  pays  qu'on  appelle  pa- 
roisse, et  l'on  nomme  curé  le  prêtre  qui  est 
pourvu  d'une  cure. 

Il  n'est  pas  étonnant  que  les  ministres  de 
la  religion  influent  souvent  sur  l'état  des  ci- 
toyens, et  qu'ils  soient  à  la  fois  les  interprè- 
tes de  la  loi  divine,  et  les  hommes  de  la  loi 
civile.  Ce  double  caractère  se  rencontre  sur- 
tout dans  la  personne  des  curés.  Le  législa- 
teur ayant  attaché  à  l'administration  de  plu- 
sieurs sacrements  des  elfels  civils  de  la  der- 
nière importance,  les  curés,  qui  sont  minis- 
tres nés  de  ces  sacrements,  se  trouvent  char- 
gés de  l'exécution  d'une  partie  des  lois  ;  et 
si  la  religion  s'en  sert  pour  conduire  les 
fidèles  à  la  vie  éternelle,  par  l'accomplisse- 
ment des  préceptes  révélés,  l'Etat,  à  son  tour, 
s'en  sert  pour  assurer  et  fixer  l'existenee 
légale  des  citoyens.  Aux  yeux  du  politique, 
coumie  du  chrétien,  le  rang  et  l'état  de  curé 
ne  peuvent  donc  manquer  d'être  infiniment 
respectables. 

Le  nom  de  curé  vient-il  du  mot  cura  ou 
curio?  Peu  importe.  On  trouve  l'un  et  l'autre 
égalemeiil  employés  dans  les  comiles  des  xi" 
et  xii"  siècles,  où  tantôt  on  appelle  les  cwr^s 
curati,  et  tantôt  curiones.  l'arochus,  pleba- 
nws,  »ec/or  ont  encore  servi  à  les  désigner; 
il  y  a  des  pays  où  ils  ont  conservé  quelques- 
unes  de  ces  dénominations;  en  firetagne,  on 
les  noiiime  recteurs. 

Une  autre  question  qui  mérite  plus  d'at- 
tention, et  ([ui  a  souvent  agité  les  esprits, 
est  de  savoir  quelle  est  leur  origine,  s'ils  ont 
été  institués  par  Jésus-Chriit  lui-même,  ou 
s'ils  ont  été  établis  par  l'Eglise.  Sont-ils  de 
droit  divin  ?  Sont-ils  de  droit  positif  ecclé- 
siastique? Ont-ils  reçu  leur  caractère  et  leur 
juridiciion  du  Fils  de  Dieu,  ou  sont-ils  de 
simples  délégués  des  évoques?  Les  i)arlisans 
dos  droits  do  l'épiscopat  ont  cru  en  relever 
l'éclat  et  la  splendeur,  en  réduisant  l'état  des 
cuiés  à  celui  de  simples  mandataires  révo- 
cables ad  nutum.  Ils  n'ont  vu  dans  ces  hom- 
mes respectables  et  laborieux,  qui  .sui)por- 
tent  le  poids  ot  la  chaleur  du  jour,  et  qu'on 
peut  à  juste  titre  appeler  les  colonnes  de 
rjùjlise,  que  des  ouvriers  pour  ainsi  dire 
étrangers  à  la  vigne  du  Seigneur,  des  mer- 
cenaires qui  n'exerçaient  les  pouvoirs  du 
saint  ministère  que  par  procuration  ,  et  qui, 
ne  remplissant  leurs  fonctions  ni  en  vertu 
de  leur  ordre,  ni  en  vertu  de  leur  caïa'Uère, 
ne  pouvaient  tenir  aucun  rang  dans  la  hié- 
rarchie ecclésiastique.  Au  contraire,  les  dé- 
fenseurs des  droits  des  cnrés  ont  sonlenii 
leur  indépendance  dos  évoques,  et  quant  a 
la  puissance  d'ordre,  et  (juant  à  celle  doju- 
riilietion,  et  faisant  remonter  leur  origine 
jusqu'à  Jésus-Christ,  ils  les  ont  regardés 
comme  les  successeurs  des  soixante-douze 
disciples.  Les  passions  (jui  se  glissent  jusque 
dans  le  sanctuaire  et  sur  l'autel  mémo  ,  ont 
(i)  Cci  article  est  reproduit  d'aorès  l'édiiioii  do 
Liège. 


Ï217 


CUR 


CUR 


12J8 


animé  les  deux  partis,  et  les  ont  fait  sortir 
des  bornes  que  la  religion  et  la  raison  leur 
prescrivaient. —Les  évèques  ont  ciieiclié  à 
0|)primer  les  curés,  en  leur  icfusanl  une  iii- 
slilution  divine  ;  et  niaiiieureuseaienl  les  cu- 
rés, en  réclamant  une  origine  ([u'on  ne  peut 
leur  contester,  ont  voulu  se  délivrer  d'une 
subordination  (jue  1(!  divin  auteur  de  notre 
religion  a  luiniéme  établie,  et  qui  l'ait  la  l)ase 
de  tout  le  gouveriicnicnl  ecclésiastique.  — 
Jésus-Giirist,  pendant  s,i  vicmorlclie,  a  éta- 
bli deux  ordres  de  ministres.  On  ne  peut  se 
refuser  à  cette  vérité,  lorsqu'on  voit  dans  les 
Jivres  saints  la  vocation  des  apôtres  et  la 
mission  des  disciples.  11  est  certain  que  les 
uns  et  les  autres  ont  été  institués  pour  le 
même  but  et  le  même  objet,  la  |>rédication 
de  l'Evangile.  Il  est  encore  certain  que  les 
apôtres  étaient  d'un  rang  supérieur  aux  dis- 
ciples. Leur  institution  était  la  même  :  ils 
liraient  leur  pouvoir  de  la  même  source  ; 
mais  ces  pouvoirs  étaient  subordonnés  entre 
eux,  et  les  disciples  ne  les  exerçaient  (juesous 
l'inspection  et  la  surveillance  des  apôtres. 

Si  les  cures  sont  les  successeurs  des  disci- 
ples, comme  les  évèques  sont  ceux  des  apô- 
tres, tout  est  décidé  :  ils  sont  do  droit  divin. 
Or,  cela  paraît  incontestable.  Eu  vain  dit-on 
que  l'on  ne  trouve  point  de  paroisses  établies 
dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise  ;  ce  n'est 
pas  saisir  l'etal  de  la  question  :  il  ne  pou- 
vait point  y  a>oir  de  p.iroisses,  lorsqu'il  n"«y 
avait  point  lie  ciirétiens.  L;i  religion  a  com- 
mence à  s'élablir  dans  ks  villes;  les  fidèles, 
tl'aboid  en  petit  nombre,  n'avaient  qu'un 
lemplc,  et  n'étaient  gouvernés  que  par  l'é- 
vè(iue;  mais  cet  évê(iue  avait  avec  lui  un 
certain  nombre  de  prêtres,  et  lorsciue  le  cliri- 
slianisme,  en  multipliant  les  prosélytes,  eut 
converti  les  habitants  di-s  villes  et  se  fut  ré- 
pandu dans  les  campagnes,  les  prêtres  qui 
assistaient  les  évèques,  et  (lui  demeuraient 
avec  eux,  les  quittèrent  et  s'établirent  dans 
les  difl'érenls  quartiers  des  grandes  villes  cl 
dans  les  campagnes  peuplées  de  chrétiens. 
Voilà  l'origine  des  iiaroisses  et  des  curés.  — 
Les  curés  ne  sont  donc  que  ces  prêtres  qui, 
dans  les  premiers  commencements  du  cliri- 
slianisme,  ne  quittaient  point  les  évèques  et 
étaient  les  compagnons  de  leurs  travaux 
apostoliques.  Comment  nier  que  ces  prêtres 
ne  •'ussenl  les  successeurs  lies  disciples'?  Où 
trouve-l-(in  leur  origine  dans  l'iiistoirc  de 
l'Eglise?  Les  Actes  des  apôtres  auraient-ils 
manqué  de  nous  rapporter  leur  insiitiitiou, 
comme  ils  nous  ont  transmis  celle  des  dia- 
cres'? .\u  contraire,  ces  mêmes  actes  suppo- 
sent partout  les  prêtres  aussi  anciens  que  la 
religion.  Sainl  Paul  assemble  à  Milel  les 
prêires  de  l'Eçlise  d'Ephcse  :  Majores  nalu 
£'cilesiœ.  Le  discours  qu'il  leur  adresse 
prouve  qu'il  les  regardait  comme  d'institution 
di\'\nti  :  Atlendiie  lo'lns  cl  universo  gregi,  in 
quo  vus  Spiritus  snnctus  posuit  episcopus  rc- 
yere  Lcclesiam  Dei,(juam  ucquisivil  saugainc 
sito.  Il  n'est  pas  possible  de  traduire  ici  le 
mol  episcupos  par  cvéïjucs,  dans  le  sens  que 
uous  lui  donnons  aujourd'hui.  11  n'y  avait 
cerlainemeut  qu'un  évèque  à  Ephèse;  il  n'y 


en  a  jamais  eu  plusieurs  dans  une  mêi;!c 
ville  :  c'est  donc  de  tous  les  prêtres  de  celle 
Eglise  qu'il  faut  enlendre  ce  que  dit  l'Apô- 
tre. Cela  soulTre  d'autant  moins  de  difOculté, 
que  le  texte  grec,  au  lieu  de  majores  nalu, 
porte  1rs  prêtres  de  cette  Eglise.  Or  ,  ne  dit- 
il  pas  en  termes  formels  qu'ils  doivenl  leur 
instilulion  à  Dieu  mème?yn  9110  vos  Spiri- 
tus sanclus  posuit  episcopos.  Ce  ne  sont  point 
les  hommes,  c'est  l'Esprit-Sainlqui  les  a  éta- 
blis, pour  être  les  inspecteurs  el  les  surveil- 
lants de  l'Eglise  de  Dieu,  acquise  par  son 
sang.  On  ne  peut  doni.-,  sans  contredire  saint 
Paul,  donner  aux  prêtres  une  institution  po- 
sitive ecclésiastique. 

Mais  si  cette  opinion  a  toujours  été  admise 
dans  l'Eglise,  si  les  Pères,  les  conciles  el  les 
docteurs  ont  toujours  regardé  les  prêtres 
curés  comme  les  véritables  successeurs  des 
disciples,  alors  il  n'y  aura  plus  de  dilficullc. 
La  tradition,  règle  sûre  el  infaillible  ,  dissi- 
pera les  obscurités  que  pouvait  présenter  le 
lexte  sacré.  —  Or,  on  trouve  dans  tous  les 
auteurs  qui  ont  traité  celte  matière,  des  pas- 
sages précis  de  sainl  Ignace,  de  sainl  Iréiiée, 
de  saint  Chrysostome,  etc.,  qui  ne  laissent 
aucune  dilQculté  sur  l'institution  divine  des 
prêtres  et  des  curés.  Le  clergé  de  France  a 
toujours  tenu  la  même  doctrine;  ses  plus 
célèbres  évèques  ,  dès  le  vui'  siècle,  ont  dé- 
claré positivement  qu'ils  recoanaissaieiit  les 
curés  comme  leurs  associés  dans  Ici)  travaux 
apostoliques,  et  les  successeurs  des  soixante- 
dix  disciples.  C'est  également  la  doctrine  de 
(îeison  et  de  saint  Thomas.  La  faculté  de 
théologie  do  Paris  a  toujours  eu  le  soin  le 
plus  allentif  à  condamner  toutes  les  propo- 
sitions qui  pouvaient  y  donner  quelque  at- 
teinte. Nous  laissons  aux  théologiens  à  rap- 
porter el  à  discuter  les  preuves  de  tous  ces 
faits  :  ce  sont  des  objels  absolument  étran- 
gers au  jurisconsulte. 

A  ce  précis  des  preuves  de  l'origine  des 
curés,  nous  nous  contenterons  d'ajouter 
qu'ils  exerçaient  autrefois,  et  de  droit  com- 
mun, une  juridiction  be.iucoup  plus  étendue 
qu'ils  ne  l'exercent  aujourd'hui.  Le  P.  Tho- 
massin,  dans  sa  Discipline  ecclésiastique, 
prouve,  d'après  les  anciens  monuments, 
qu'ils  confèraienl  à  leurs  paroissiens  les  or- 
dres que  nous  appelons  mineurs;  on  voit 
dans  la  \ie  de  saint  Seine  qu'il  reçut,  vers 
l'an  54-0,  la  tonsure  par  les  mains  du  curé 
de  Maymond,  nommé  Eustade.  Ils  avaient 
aussi  le  droit  de  porter  des  censures  tant 
contre  le  clergé  que  contre  le  [leuple  de  leurs 
paroisses.  Ils  pouvaient  enlin  donner  des 
pouvoirs  aux  simples  prêtres  pour  entendre 
les  confessions  de  leurs  paroissiens  :  preuves 
inconlesiables  que  la  juridiction  qu'ils  excr- 
çaienl  n'étaienl  point  une  juridiction  délé- 
guée, mais  une  juridiction  qu'ils  ne  tenaient 
que  de  leur  ordination,  el  par  conséquent 
(]ue  de  Jésus-Chiisl  lui-même,  premier  au- 
teur du  sacrement  de  l'ordre. 

Si  les  curés  ne  jouissent  plus  de  tous  ces 
droits,  on  n'en  peut  rien  conclure  contre 
eux,  parce  qu'on  reconnaît,  cl  on  a  toujours 
reconnu  que  l'Eslise  a  le  droit  de  limiter  et 


Iâl9 


CUR 


CUR 


1220 


de  restreindre  l'exercice  des  pouvoirs  de  ses 
uinfstres,  selon  les  circonslanccs  et  ses  be- 
soins. Si  les  curés  ne  confèrent  plus  les  or- 
dres minews,  s'ils  ne  portent  plus  de  censu- 
res, s'ils  ne  délèguent  plus  pour  enlendie  les 
confessions,  on  ne  peut  pas  dire  pour  cela 
que  ces  pouvoirs  ne  sont  point  attachés  à 
leur  ordre  et  à  leur  caractère;  on  en  doit 
seulement  conclure  que  l'exercice  en  est  li- 
mité on  suspendu  par  les  ordres  supérieurs 
de  l'Eglise.  Les  évêques  qui  ont  abandonné 
au  pape  beaucoup  de  droits  épiscopaas,.n'en 
tiennent  pas  moins  ces  droits  de  Jésus-tihrist 
lui-même,  quoiqu'ils  ne  les  exercent  plus;  et 
comme  un  chan^^ement  dans  la  discipline 
pourraitleur  rendre  ce  que  leur  faiblesse  ou 
leur  complaisance  leur  ont  fait  perdre,  de 
même  les  curés  pourraient  rentrer  dans  leuis 
anciennes  prérogatives,  si  l'on  abrogeait  les 
lois  récentes  qui  les  ont  réduits  à  l'état  où 
nous  les  voyons  aujourd'hui.  —  Mais  de  ce 
que  les  curés  sont  d'institution  divine,  il  ne 
s'ensuit  pas  qu'ils  ne  doivent  point  èUo  sou- 
mis et  subordonnés  aux  évêques,  et  qu'ils 
leur  soient  égaux  en  pouvoirs  et  en  juridic- 
tion. Nous  ne  \ojons  jamais  dans  l'Ecriture, 
les  disciples  marcher  de  pair  avec  les  apô- 
tres ;  ceux-ci,  au  contraire,  sont  les  chefs  de 
toutes  les  assemblées  ;  partout  ils  pirient  la 
parole.  Les  17%  18«  et  19'  versets  de  l'Epî- 
tre  de  saint  Paul  à  Timjthée  prouvent  la  su- 
périorité des  évêques  sur  les  prêtres,  et  ja- 
mais la  discipline  de  l'Eglise  n'a  varié  sur  ce 
point.  Au  reste,  leur  institution  divine  et  les 
pouvoirs  qu'ils  tiennent  immédiuteiaeut  de 
Jésus-Christ  n'ont  rien  d'inconi])alible  avec 
la  subordination  aux  évêques,  et  s'il  est  per- 
mis de  comparer  les  choses  sacrées  aux  pro- 
fanes, ils  sont  comme  nos  tribunaux  infé- 
rieurs qui  tiennent  leur  juridiction  du  sou- 
verain, et  ne  l'exercent  cependant  que  sous 
l'inspection  et  la  dépendance  des  conrs  supé- 
rieures. Nous  nous  ferons  donc  un  devoir  de 
dire  ici  avec  le  concile  de  Trente  :  Si  quis 
dixeril  episcopos  non  esse  presbyteris  supc- 
riores,  anailtcma  sic. 

A  peine  le  christianisme  se  fut-il  répandu 
dans  les  villes  et  dans  les  campagnes,  que 
l'on  voit  des  curés  dans  l'exercice  de  leurs 
fonctions.  Saint  Paul,  dans  son  lipîtrc  aux 
Koniains,  chap.  xvi,  vers.  1,  indique  qu'il  y 
avait  une  Eglise  à  Générée  ;  celte  liglisc  avait 
seulement  un  minisire.  Théodoret  assure 
qu'il  n'y  a  janiais  eu  d'èvéïiue  :  ce  ne  p<iur- 
rait  donc  être  qu'un  curé.  Eusébe,  liv.  ii, 
chap.  10,  rapporte  que  les  différentes  parois- 
ses qui  étaient  à  Alexaniiric  avaient  été  él.i- 
blies  par  saint  Marc  même;  Sozomène  en 
parle  comme  d'un  élablissemenl  lort  ancien. 
.Saint  Denis,  qui  en  fui  évêque  l'an  2i8,  ras- 
sembla les  prêtres  qui  étaient  dans  les  vil- 
lages de  la  province  d'Arsinoé  pour  c  m- 
baitre  l'erreur  des  millénaires.  —  Les  curés 
ont  la  même  anciennelé  dans  l'Eglise  d'Occi- 
dent que  dans  celle  d'Orient.  Si  l'on  en  croit 
Hermas,  auteur  contemporain  des  apôtres, 
il  y  avait  à  Rome,  dans  le  tem|is  de  saint 
Clément,  qui  a  succédé  pres(|uc  immédiatc- 
uwnt  a  saint  Pierre,  des  prêtres  qui  gouver- 


naient sous  lui  les  églises  de  celte  capitale  du 
monde.  On  lit  dans  le  PontiQcal  attribué  au  [j 
pape  Damase,  que  le  p;ipe  Evarisle,  qui  mou- 
rul  l'an  108  de  Jésus-Christ,  la  partagea  eu 
diiïérenlsquarliers.el  qu'il  en  distribua  les 
titres  à  ces  prêtres  qu'on  noiumaii  alors 
cardinaux  ,  et  qui  n'étaient  que  de  simples 
curés.  EnQn,  ce  qui  ne  laisse  aucun  doute 
sur  leur  ancienneté,  c'est  le  trente-sixième 
canon  des  apôtres,  qui  liéfend  aux  évè(iues 
d'ordonner  des  prêtres  dans  les  villes  et  vil- 
lages qui  ne  sont  pas  de  leurs  diocèses.  L'au- 
teur do  la  fausse  décrétale  attribuée  au  pape 
saint  Denis  s'est  donc  évidemment  tran,>pé, 
lorsqu'il  a  placé  sous  le  pontificat  de  ce 
saint  la  formation  et  léiablissement  des  pa- 
roisses :  il  est  beaucoup  plus  ancien.  En 
effet,  il  a  dû  y  avoir  des  curés  en  titre  dès  le 
moment  où  le  nombre  des  cliréliens  et  la  di- 
stance de  leurs  habitations  de  la  ville  épisco- 
pale  ont  exigé  que  les  prêtres  qui  vivaient 
avec  l'évêque  s'en  éloignassent  et  fixassent 
ailleurs  leurs  demeures,  pour  distribuer  le 
pain  de  la  parole  et  administrer  les  sacre- 
ments. Nous  ne  nous  arrêterons  point  à  citer 
une  foule  de  conciles  qui  prouvent  l'ancien- 
neté des  curés  en  titre,  c'est  un  point  de  fait 
qu'on  ne  peut  plus  contester. 

Un  curé  doit  être  prêtre,  âgé  de  vingt-cinq 
ans  accomplis,  et  être  gradué,  si  sa  cure  est 
dans  une  ville  murée  (1). 

Selon  l'ancien  droit,  on  pouvait  être  nom- 
mé à  une  cure,  lorsqu'on  pouvait  être  or- 
donné prêtre  dans  l'an  de  la  paisible  posses- 
sion; il  sufOsait  donc  d'avoir  vingt-trois  ans 
accomplis,  puisque  à  lingt-quatre  ans  égale- 
ment accomplis,  on  est  capable  de  recevoir 
la  prêtrise.  H  en  était  de  même  pour  les  di- 
gnités qui  emporlenl  le  soin  des  âmes. 

Nos  rois,  protecteurs-nés  des  canons  et  de 
la  discipline  ecclésiastique  ,  et  comme  tels 
ayant  droit  de  faire  des  lois  sur  tout  ce  qui 
ne  louihc  ni  à  lu  doctrine  ni  aux  matières 
puiement  spirituelles,  ont  cru  devoir  abro- 
t;er  un  usage  qui  pouvait  entraîner  avec  lui 
de  grands  inconvénienis,  et  dont  le  moindre 
éiait  de  confier  les  paroisses  aux  soins  peu  vi- 
gilants des  prêtres  mercenaires  qui  les  des- 
servaient, jusqu'à  ce  que  les  vrais  titulaires 
fussent  parvenus  à  l'âge  de  vingi-quatre  ans  : 
ils  ont  lionc  voulu  que  nul  ne  put  être  nom- 
mé curé  qu'il  ne  lût  actuellement  prêtre.  Us 
ont  porté  plus  loin  leur  attention  pour  lo 
bien  de  l'Eglise  :  ils  ont  cru  ijunn  prêtre 
nouvellement  ordonné  n'avait  encore  ni  un 
âge  assez  mûr,  ni  une  expérience  assez  C()n- 
som:;iée  pour  exercer  dignement  et  en  chef 
les  fonctions  pastorales  ,  et  il ,  oui  voulu 
qu'un  ciirc' eût  au  moins  vingt-cinq  ans  ac- 
complis ;  ils  ont  sup|iusé  qu'une  année 
d'exercice  dans  le  ministère  était  au  moins 
nécessaire  pour  être  curé.  Cette  loi  est  ren- 
fermée dans  la  déclaration  du  13  janvier 
1742,  enregistrée  au  parlement  de  Paris,  lo 
2G  du  même  mois  et  de  la  même  année.  — 
C'est  donc   actuellement  une  jurisprudence 

(!)  On  coin|ireiid  facilement  que  ce  que  dil  ici 
l'auieur  concerne  l'ancien  droit. 


122! 


CUR 


CUR 


1224 


COI  taille,  qu'il  faut  être  prêtre  et  âgé  de  vingt- 
cinq  ans  arcouiplis,  pour  être  curé;  sans  ces 
deux  qualités,  toute  espèce  do  collation  et  de 
provision  serait  radicalement  nulle,  la  cure 
serait  impénétrable,  et  la  possession  même 
triennale  ne  pourrait  couvrir  ce  défaut. 

F;n  esl-il  de  iiiêine  du  detiré,  pour  éti'c  curé 
dans  les  villes  murées?  Le  Concordat  en 
porte  une  disposition  formelle.  Nous  ordon- 
nons, y  est-il  dit,  quf>  les  églises  paroissiales 
qui  se  trouvent  dans  les  cités  ou  dans  les 
L  villes  murées,  ne  soient   conférées  qu'à  des 

I         ecclésiastiques  qualifiés  comme  ci-dessus,  ou 
I  du  moins  qui  aient  étudié  pend.int  trois  ans 

en  théoldgie  ou  en  droit,  ou  qui  soient  maî- 
tres es  iiris  Voilà  la  loi,  elle  est  positive. 
Pour  être  curé  in  civitalihus ,  c'est-à-dire 
dans  les  villes  épiscopales,  et  in  riliin  mura- 
lis,  c'est-à-dire  dans  les  villes  ou  bourgs  (jui 
sont  eiil.ourés  de  murailles,  il  laul  être  doc- 
leur  licencié  ou  baclielier  dans  quelqu'une 
des  trois  facultés  supérieures  ;  c'est  ce  iiu'il 
faut  entendre  par  ces  mots,  qualifiés  comme 
ci-drssus  (  Prwmisso  modo  qualificalif}.  Le 
Concordat  n'exige  pour  ceux  qui  n'ont  point 
acquis  ces  degrés  que  trois  ans  d'étude  ,  soit 
en  théologie,  soit  en  dro.it,  ou  bien  la  maî- 
trise es  arts.  —  Cette  disposition  du  ('.oncor- 
dat  est  abs<dument  semblable  à  celle  de  la 
Pragmatique-Sanction  sur  le  même  sujit,  et 
à  l'ordonnance  de  Louis  XII,  de  l'an  IV99. 

A  ne  consulter  que  la  lettre   de   ces  diffé- 
rentes lois,  il  parait  bien  eliir  que  trois  ans 
d'étude    en    théologie  ou    en  droit  suffisent 
î         pour  pouvoir   posséder  une  cure  dans    une 
I         ville  murée.  Cependant  beaucoup  d'auleurs 
'  prétendent  que  ce  temps  d'étude  est  insulfi- 

saul,  si  l'on  n'y  ajoute  le  degré,  qui ,  ne  se 
donnant  que  sur  des  examens  ,  peut  seul 
fournir  une  preuve  de  capacité.  Ils  s'appuient 
sur  l'ordonnance  de  Henri  U  ,  de  1551.  Mais 
en  faisant  attention  à  cette  (  rdonnanee,  on 
ne  voit  pas  ()ue  le  législateur  déroge  à  celle 
de  Louis  XII  ni  à  la  PragmatiqueSanclion, 
ni  au  Concordat.  11  ordonue  que  «  les  (irocès 
mus  sur  les  cures  des  villes  murées  seront 
jugés  suivant  la  teneur  des  statuts,  décrets 
et  concordats,  et  sans  avoir  égard  aux  impé- 
Irations  qui  pourraient  être  faites, cl  subrep- 
ticement obtenues  par  personnes  non  gra- 
duées, et  do  la  qualité  contenue  auxdils con- 
cordais. »  Henri  II  se  réfère  aux  concordats 
précédents,  qu'il  veut  être  exécutés,  et  aux- 
quels par  conséquent  il  ne  déroge  point;  il 
veut  qu'on  n'ail  aucun  égard  aux  iupétra- 
tioMS  faites  par  ceux  qui  ne  seront  point  gra- 
dués et  (jui  n'auront  point  les  (/uiilités  conte- 
nues csdits  concordats. Or,  une  de  ces  quali- 
téi  est  d'avoir  étudié  trois  ans,  soit  eu  théo- 
logie, soit  en  droit.  H  n'y  .i  donc  dans  cet 
arlicle  de  l'ordonnance  de  Henri  11  rien  do 
to  itraire  au  Concordat  et  aux  autres  lois 
qui  l'ont  précédé,  qui  nedeniaiidenl  que  trois 
ans  d'vtude  dans  le»  facultés  de  droit  ou  de 
théologie,  pour  .pouvoir  posséder  une  cure 
dans  une  ville  murée. —  Cependant  Dumou- 
lin est  d'une  c.pinion  co;itr;iire,  et  il  rapporte 
uu  arrêt  de  lo'Jti,  renuu  toutes  les  cham lires 
assemblées,  qui  a  jugé  que  trois  ans  d'étude. 


soit  en  théologie,  soit  en  droit,  sont  insuftl- 
sants  sans  le  degré.  Heaucoup  d'auteurs  res- 
pectables ont  embrassé  l'opinion  de  Dumou- 
lin. Les  Mémoires  du  clergé  disent  que,  sur 
cette  question,  il  n'y  a  aucun  préjugé  dans 
les  arrêts,  qu'elle  ne  s'est  pas  encore  pré- 
senté',  et  que  la  raison  en  est  que  ceux  qui 
ont  trois  ans  d'étude  en  théologie  ou  eu 
droit  peuvent  facilemenl  acquérir  un  degré, 
ce  qu'ils  aiment  mieux  faire  que  de  risquer 
un  procès  douteux.  —  Mais  si  trois  ans  d'é- 
tude eu  théologie  ou  en  droit  paraissent,  se- 
lon la  loi,  suffire  sans  lo  grade  pour  posséder 
une  ciir»;  dans  une  ville  murée,  il  n'en  est 
p;is  de  même  du  grade  sans  le  temps  d'étude  : 
il  est  certain  qu'il  ne  mettrait  point  le  curé 
à  l'iiliri  d'une  impéiration,  et  qu'il  serait  dans 
le  cas  de  se  voir  enlever  sa  cure,  quelque 
longue  que  fût  sa  possession.  Cela  ne  souiîre 
plus  de  difficulté  depuis  la  déclaration  de 
l";îti,  enregistrée  à  Paris  et  à  l'oiilouse.  Elle 
veul  que  «  tous  ceux  qui  obtiendront  à  l'a- 
venir des  degrés  dans  les  universilés  du 
ro\aume  soient  tenus  de  se  conformer  exac- 
tement, soit  en  ce  qui  concerne  le  temps  d'é- 
tude et  en  ce  qui  regarde  les  examens  etictes 
probatoires  nécessaires  pour  obtenir  le  titre 
de  maîires  es  arts,  ou  les  degrés  de  bachelier, 
ou  de  licencié,  ou  du  doctorat,  aux  règles 
élablies  par  le  Concordat,  par  les  ordonnan- 
ces du  royaume,  statuts  et  règlements  par- 
ticuliers de  chaque  université,  le  tout  à  peine 
de  nulliié  des  litres  on  degrés  qui  leur  se- 
tont  accordés  contre  lesdiles  règles,  et  en 
outre,  de  déchéance  des- digniles,  cures  et 
autres  bénéfices  qu'ils  obtiendraient  en  vertu, 
ou  sur  le  fondement  desdites  letlres  ou  de- 
grés. » 

Une  question  non  moins  importante,  et  sur 
laquelle  il  y  a  une  grande  diversité  d'opi- 
nions, est  de  savoir  dans  quel  temps  il  faut 
avoir  le  degré  requis  par  le  Concordai  pour 
être  curé  dans  une  ville  murée.  Faut-il  être 
griidué  avant  les  provisions?  Sulfitilde  l'éirc 
avant  la  prise  de  possession?  Pour  traiter 
ces  questions  avec  clarté,  il  faut  établir  dif- 
férentes hypothèses  qui  pourront  fournir 
diiïérentes  solutions. 

La  collaliin  d'une  citre  dans  une  ville  mu- 
rée, laite  par  l'ordinnire  à  un  non  gradué, 
n'est  pas  radicalement  nulle,  .-uivanl  le  sen- 
timent le  plus  commun  des  auteurs;  ce  dé- 
faut se  trouve  couvert  si  le  pourvu  acquiert 
le  degré  avant  sa  prise  de  possession  :  c'est 
ce  qui  a  été  jugé  par  des  arrêts  du  parle- 
ment de  Paris,  des  9  février  1G99,  i2juillet 
1700  cl  11)  mars  1701 ,  qu'on  trouve  rappor- 
tés dans  les  Mémoires  du  clergé.  Il  faut  ce-- 
pendanl  remarquer  que  si  un  tiers,  dans 
l'inlervalle  de  l;i  collation  à  l'adeption  du  de- 
gré, avait  acquis  un  droit  au  bénéfice,  alors 
le  premii  r  pourvu  ne  serait  |dus  admis  à 
purger  la  demeure,  et  un  de.  o'utaire  qui 
aurait  intenté  .a  complainte  avant  que  son 
ad\ersaire  eût  obtenu  te  degré,  devrait  être 
maintenu.  Quand  on  accorde  au  pourvu 
d'une  cure  dans  une  ulle  murée,  un  délai 
pour  se  faire  graduer,  on  douni>  au  degré 
obtenu  posterieureutent  aux  provisions,  uu 


1223 


Cl)R 


CUR 


1224 


effet  rétroactif  qui  les  complète  et  los  per- 
fectionne. C'est  une  pure  faveur  que  les 
cours  ont  cru  pouvoir  accorder,  parce  qu'elles 
ont  pensé  qu'il  était  indilïéreni  que  la  capa- 
cité du  pourvu  fût  prouvée  avant  ou  après 
ses  provisions.  Mais  il  serait  détente  injus- 
tice qu'une  pareille  faveur,  qui  n'est  point 
l'onvrage  de  la  loi,  |iorlât  préjudice  à  un 
tiers  qui  aurait  un  droit  acquis.  Nous  remar- 
querons en  passant  qu'un  dévolutaire  n'a 
de  droit  au  bénéCce  dévoluté  que  du  jour 
qu'il  a  inlenté  sa  complainte  et  mis  sa  par- 
tie en  cause. 

Les  provisions  pour  une  cnrc  d'une  ville 
murée,  obtenues  en  cour  de  Rome  par  la 
voie  de  la  prévention,  deviennent  nulles  si 
l'ordinaire  a  conféré  à  un  gradué  avant  que 
le  pourvu  par  le  pape  se  soit  mis  en  règle. 
Ces  provisions  deviennent  nulles,  parce  que, 
comme  dit  Dumoulin,  Concordatis  papa  ipse 
liyalus  rsl  et  non  videtur  jure  prœvtnlionis 
conferre  passe  hujusmodi  parocliiales  eccle- 
sias,  nisi  qualificulis.  11  faut  donc  dire  avec 
Boularic  qu'il  ne  paraît  pas  qu'on  puisse 
donner  au  grade  un  effet  rétroactif  au  temps 
de  la  provision,  au  préjudice  du  droit  acquis 
au  gradué  pourvu  par  l'ordinaire,  et  que 
tout  ce  qu'on  peut  admettre  de  plus  favora- 
ble est  de  faire  subsister  la  provision  du 
pape,  si  lors  de  l'obtention  du  grade  les 
chosts  sont  dans  leur  entier  du  côté  de  l'or- 
dinaire. Si  l'on  passe  quelque  chose  au  pré- 
vcntionnaire,  il  ne  doit  pas  en  être  de  liième 
du  dévolutaire.  Son  rôle,  aussi  défavorable 
qu'il  puisse  être,  ne  permet  pas  qu'on  tem- 
père en  rien  ]jour  lui  la  rigueur  des  lois. 
D'ailleurs,  comment  demander  au  pape  un 
Lénéflce  fondé  sur  une  incapacité  dont  on  ne 
se  voit  pas  soi-même  exempt!  Comment  un 
non  gradué  demanderait-il  une  cwre ,  en  ap- 
jjorlant  pour  raison  que  le  titulaire  actuel 
n'est  pas  gradué?  Cela  impliquerait  contra- 
diction, ce  serait  dire  au  pape  :  Dépuuillez 
tel  lituluiie  qui  ne  s'est  pas  confurmé  à  la 
loi,  pour  revêtir  un  autre  qui  n'y  a  pas  plus 
salisfiiil  que  lui.  C'est  bien  le  cas  de  dire  une 
seconde  fuis,  avec  Dumoulin  ,  Concordatis 
papa  ipsc  ligatus  est.  Nous  avouons  que  ces 
principes  sur  les  dévoluiaires  ne  sont  ap- 
puyés sur  aucun  ;irrét,  l'espèce  ne  s  est  pas 
présentée;  mais  nous  pensons  qu'ils  seraient 
non  recevables,  i-i  avant  d'impetrer  des  cures 
de  villes  murées  sur  des  non  graduas,  ils  ne 
s'étaient  mis  en  règle  du  côté  des  degrés. 

Il  est  bien  rare  qu'un  résignataire  donne 
lieu  à  la  (luestion  que  nous  agitons  :  comme 
avant  sa  prise  de  possession  le  bénélice  est 
encore  censé  résider  sur  la  tête  du  résignant, 
il  parait,  d'après  l'esprit  de  la  jurisprudence 
actuelle,  qu'il  lui  sullit  de  prendre  le  grade 
avec  son  visa  ou  sa  prise  de  possession.  - 
Mais  après  la  prise  de  possession,  peut-on 
ac(juérir  le  grade  et  se  garantir  par  là  des 
impétrations  ?  Un  arrêt  du  parlement  de 
Paris,  du  8  janvier  17;iK,  semble  avoir  jugé 
l'affirmative  :  le  sieur  Cadot,  curé  de  la  Ville- 
l'iivêque,  qui  n'avait  obtenu  son  degré  que 
postérieurement  à  sa  prise  de  possession, 
(ut  maintenu  contre  le  sieur  do  Lacoste,  dé- 


volutaire, qui  ne  l'avait  assigné  et  mis  eu 
cause  qu'après  lui  avoir  donné  le  loisir  de  se 
faire  graduer.  Mais,  comme  l'observe  l'anno- 
tateur de  d'Héricourt,  cet  arrêt  rendu  sur  des 
circonstances  particulières,  ne  peut  pas  ser- 
vir de  préjugé  décisif.  En  effet,  ne  serait-ce 
pas  trop  étendre  l'interprétation  que  l'on 
donne  au  Concordat?  Ne  serait-ce  pas  intro  - 
duire  une  jurisprudence  qui  tendrait  insen- 
siblement à  la  destruction  de  la  loi  même? 
Un  curé  de  ville  murée  pourrait  donc  rester 
dis  à  vingt  ans,  sans  prendre  des  degrés,  et 
lorsqu'il  craindrait  d'être  inquiété,  il  se  les 
procurerait  et  se  mettrait  par  là  sous  la  pro- 
tection des  lois,  après  les  avoir  éludées  si 
longtemps.  L'intention  des  deux  puissances, 
de  qui  le  Concordat  est  émané,  a  été  d'assu- 
rer aux  paroisses  dont  les  peuples  sont  plus 
nombreux  et  instruits,  des  pasteurs  qui 
eussent  fait  preuve  d'une  capacité  plus  qu'or- 
dinaire. Elles  ont  voulu  pour  curé,  dans  les 
villes  murées,  des  ministres  sur  les  lumières 
et  les  talents  desquels  il  n'\  a,  ni  ne  peut  y 
avoir  de  doute,  et  qui  eussent  par  conséquent 
subi  les  épreuves  auxquelles  est  attucliée  non 
la  certitude,  mais  au  moins  la  juste  présomp- 
tion d'un  mérite  suffisant.  C'est  donc  aller 
contre  l'esprit  et  l'intention  des  législateurs, 
que  d'admettre  en  tout  temps  les  curés  des 
villes  murées  à  prendre  les  degrés  exigés  par 
le  Concordat. 

Ces  principes  ne  peuvent-ils  pas  conduire 
à  la  solution  de  la  question  de  savoir  si  la 
possession  triennale  peut  couvrir ,  dans  un 
curé  de  ville  murée,  le  défaut  de  grade?  Il 
faut  d'abord  distinguer  celui  qui  aurait  trois 
ans  d'étude  en  théologie  ou  en  droit,  sans 
degré,  de  celui  qui  n'aurait  ni  le  temps  d'é- 
tude ni  le  degré.  Pour  le  premier,  la  ques- 
tion retombe  dans  celle  que  nous  avons  di'jà 
examinée,  si  les  trois  années  d'étude  en  théo- 
logie ou  en  droit  sont  suffisantes  sans  le  de- 
gré. Quant  au  second,  la  possession  trien- 
nale lui  serait  absolument  inutile  ;  il  ne 
pourrait  in\oquer  le  décret  de  Pacilicis  pos- 
sessoribits.  11  serait  évidemment  intrus,  on  ne 
pourrait  le  considérer  autrement  sans  ren- 
verser le  Concordai,  dont  l'esprit  et  la  lettre 
concourent  également  à  exiger,  pour  les 
villes  murées,  des  curés  qualifiés;  cela  se 
prouve  en  outre  par  la  déclaration  de  173G. 
Quoique  cette  décision  ne  s'y  lise  pas  for- 
mellement, on  la  lire  cependant  par  une 
induction  nécessaire.  Le  roi  maintient  pour 
le  passé  ceux  ijui  ont  acquis  la  possession 
triennale,  et  auscjuels  on  ne  peut  opposer 
d'autres  défauts  ou  incapacités  (juc  ceux  qui 
résultent  de  la  nullité  ou  de  l'irrégularité  de 
leurs  litres  ou  degrés  obtenus  avant  cette 
déclaration.  Donc  la  possession  triennale  ne 
pourrait  plus  être  une  rai.son  de  maintenir 
ceux  (|ui  n'en  auraient  jioint  du  tout,  autre- 
ment il  faudiait  dire(|ue  les  provisions  d'une 
cure  dans  une  ville  murée,  jointes  à  des  de- 
grés nuls  ou  irréguliers  ,  ne  formeraient 
point  un  titre  coloré,  tandis  que  ces  mêmes 
provisions  sans  degré,  en  formeraient  un  ; 
ce  qui  est  absurde,  parce  qu'une  incapacité 
qui  résulte  d'une  irrégularité  dans  le  degré, 


i225 


CCR 


résulte  à  bien  plus  forte  raison  du  défaut  ab- 
solu (le  ce  même  degré.  —  Au  reste,  toutes 
les  difl'éiences  que  nous. venons  de  traiter 
diiiparaitraient  bientôt  si  l'on  voulait  s'atta- 
cher uniquement  aux  lois  qui  régissent  celte 
matière  :  elles  sont  claires,  elles  sont  pré- 
cises. Qu'on  examine  altentivcment  la  Prag- 
malique-Sanclion,  l'ordonnance  de  1499  ,  le 
Concordat,  la  déclaration  de  liiol,  et  l'on 
sera  facilement  convaincu  qu'il  laul  être  gra- 
dué ou  avoir  au  moins  Irois  ans  d'étude  en 
théologie  ou  en  droit,  au  moment  même  des 
provisions,  et  que  par  conséquent  tout  titre 
d'une  cure  dans  une  ville  murée,  fait  à  un 
prèlre  qui  n'aurait  pas  ces  qualités,  est  ra- 
dicalement nul,  et  ne  peut  être  couvert  par 
la  possession  triennale.  —  La  Pragmatique- 
Sanction,  §  13  du  chap.  ii,  ordonne  de  pla- 
cer dans  les  cures  des  villes  marées,  des  per- 
sonnes qui  soient  qualifiées.  L'expression 
instituantur,  que  l'on  inslitue,  ne  laisse  au- 
cune équivoque  ;  elle  est  aussi  impérative 
qu'elle  puisse  être,  elle  est  sûrement  relative 
au  moment  de  l'institution,  et  ne  suppose 
point  qu'on  puisse  valablement  conférer  les 
cttres  des  villes  murées  à  des  non  gradues.  Il 
n'est  pius  permis  de  douter  de  l'intention  de 
la  loi,  lorsqu'on  voit  qu'au  §  19  elle  pro- 
nonce le  décret  irritant  contre  toutes  les  col- 
lations faites  au  mépris  des  décrets  qu'elle 
vient  de  porter,  parmi  lesquels  se  trouve  celui 
des  cures  des  villes  murées.  —  L'ordonuaiice 
de  Louis  XII,  de  1499,  s'expli(]ue  aussi  clai- 
rement :  «  Seront  tenus  les  gradués  voulant 
avoir  les  églises  paroissiales  étant  dedans  des 
villes  murées,  avoir  étudié  par  le  temps  ci- 
dessus,  et  faire  ce  que  dessus  est  dit.  »  Ces 
expressions,  les  gradues  voulant  avoir  les 
églises  paroissiales,  ne  peuvent  s'entendre 
que  du  temps  qui  précède  les  provisions.  Il 
ne  s'agit  que  des  personnes  qui  veulent  avoir 
les  cures  des  villes  murées  :  c'est  à  elles 
seules  que  la  loi  impose  des  conditions.  Si 
elles  n'y  ont  pas  satisfait,  elles  sont  incapa- 
bles, p^irce  que  c'est  un  préliminaire  néces- 
saire à  remplir.  «  A  tout  le  moins  seront  te- 
nus avoir  étudié  en  théologie,  en  droit  civil 
ou  canon  par  trois  ans,  ou  seront  tenus 
d'être  maîtres  es  arts  en  université  fameuse.» 
L'ordonnance  ne  dit  pas  que  les  pourvus 
des  cures  dans  les  villes  murées  seront  tenus 
d'étudier  ou  de  devenir  maîtres  es  arts,  mais 
d'avoir  éiitdié  et  d'être  maîtres  es  arts.  Ce  qui 
suppise  nécessairement  le  temps  d'étude  et 
le  grade  antérieur  aux  provisions.  IMen  de 
plus  absolu  que  ces  expressions  .-seront  te- 
nus d'avoir  étudié  ou  d'élre  maîtres  es  arts. 
Comment  les  concilier  avec  la  prétendue  ju- 
risprudence moderne  ,  qui  non-seulement 
admettrait  les  curés  des  villes  murées  à  pren- 
dre leurs  grades  après  leurs  provisions  et 
leur  prise  de  possession,  mais  encore  qui 
ferait  couvrir  le  défaut  de  grade  par  la  pos- 
session triennale?  —  Cette  prétendue  juris- 
prudence ne  serait  pas  moins  opposée  au 
Concordat,  qui  défend  positivement  de  con- 
férer les  cures  des  villes  murées  à  d'autres 
qu'à  des  personnes  qualifiées.  Non  nisi  per- 
sonis  prœmisso  modo  quali/icatis...  conferuii- 

DlCT.  OE  TaÉOL.   DOGMATIQUE-   !• 


CUR  1226 

tur  :«  On  ne  conférera  les  cures  des  villes 
murées  qu'à  des  personnes  dûment  quali- 
fiées. »  Ces  termes  sont  prohibitifs  et  équi- 
valent à  un  décret  irritant  ;  donc  toute  col- 
lation d'une  cure  dans  une  ville  murée  faite  à 
d'autres  qu'à  des  gradués  est,  selon  l'inten- 
tion du  Concordat,  radicalement  nulle.  D'ail- 
leurs, c'est  un  principe  universellement 
adopté  en  Franco,  que  toutes  les  disjjusitiuns 
de  la  Pragmatique-Sanction  qui  n'ont  point 
été  spécialement  abrogées  par  le  Concordat, 
doivent  être  maintenues  dans  toute  leur  vi- 
gueur. C'est  une  suite  de  notre  inviolable 
attachement  à  ce  précieux  monument  de  nos 
libertés.  Or,  la  Pragmatique-Sanction  porte 
le  décret  irritant  contre  les  provisions  des 
cures  des  villes  murées,  faites  à  des  non  gra- 
dués; le  Concordat  ne  l'a  point  abrogé;  donc 
il  doit  être  exécuté. 

La  déclaration  de  Henri  II,  de  l'an  1551, 
est  tout  aussi  formelle  que  les  lois  précé- 
dentes. «  L'Université  de  Paris  nous  a  fait 
dire  et  remontrer  (expose  le  roi  dans  le 
préambule)  que  par  les  décrets  et  concor- 
dats faits  entre  le  saint-siégeapostolique  et 

de  l'eu   bonne    mémoire   le  roi  François 

èsquels  soit  par  exprès  contenu  que  les  bé- 
néliees,  cures  et  églises  paroissiales  desdites 
villes  closes  et  murées  de  notre  royaume,  ne 
seront  conférés,  sinon  à  des  personnes  gra- 
duées et  qualifiées  de  la  qualité  contenue 
èsdits  saints  décrets  et  concorilats.  »  L'Uni- 
versité demande  que  les  cures  des  villes  mu- 
rées ne  soient  conférées  qu'à  des  gradués.  Elle 
invoque  les  saints  décrets  et  les  concordats, 
elle  rapporte  même  les  raisons  qui  les  ont 
déterminés  à  porter  cette  loi.  C'est  qu'aux 
villes  cluses  et  fermées  y  a  grande  af/Iuence  de 
peuple,  pour  la  conduite  et  instruction  du- 
quel, et  pour  le  conserver  et  entretenir  à  la 
reliqion,  est  besoin  qu'en  (celles  villes  soient 
préposées  personnes  graduées,  etc.  :  ces  re- 
montrances ne  supposent  point  que  l'on 
puisse  être  pourvu  de  ces  sortes  de  cures 
sans  être  gradué  ou  qualifié,  et  que  l'on 
puisse  s'exempter  du  grade  en  appelant  à 
son  secours  la  possession  triennale,  il  y  a 
plus  :elles  tendent  à  empêcher  le  pape  de  dis- 
penser des  degrés,  et  le  législateur  les  décide 
absolument  nécessaires,  en  ordonnant  qu'on 
n'ait  aucun  égard  aux  impélrations  qui  pour.- 
raient  être  faites  par  personnes  graduées  et  de 
la  qualité  contenue  èsdits  concordats.  Des 
provisions  d'une  cure  dans  une  ville  murée, 
données  par  le  pape  aux  non  gradués , sont 
donc  radicalement  nulles;  pourquoi  celles 
données  par  l'ordinaire  ne  le  seraient-elles 
pas  aussi?  Les  concordats l'obligcnl-ils  moins 
que  le  pape?  Ce  n'est  point  ici  une  de  ces 
circonstances  où  le  droit  des  ordinaires  soiL 
plus  favorable  que  celui  du  souverain  pon- 
tife; ce  n'est  point  le  maintien  de  la  juridic- 
tion épiscopale  qui  a  déterminé  la  loi ,  mais 
le  bien  des  peuples.  Cette  raison  est  toujours 
la  même,  soit  que  les  provisions  émaneut  du 
pape,  soit  qu'elles  émanent  de  l'ordinaire. 
Si  elle  rend  nulles  les  provisions  du  pape,  iJ 
doit  en  être  de  même  de  celles  de  l'oidiuaire. 
Le  grade  est  donc  une  capacité  essentielle  à 

39 


183? 


ClîR 


CUR 


1328 


un  fiir^  d'une  ville  marée.  Or,  il  est  de  prin- 
cipe qne  lo  (léfaul  d'nne  capacité  essentielle 
rend  le  litre  radicalement  nul,  rt  qu'un  titre 
radicalement  nul  ne  peut  être  viilidé  p.ir  la 
possession  triennale;  d"où  nous  tirerons  deux 
conscquonces.  La  preuiic'rc,  que  le  décret  de 
pacificis  ne  peut  être  d'aucune  ulilUé  à  un 
curé  d'une  ville  murée  qui  ne  serait  pas 
gradue  ;  la  seconde,  qu'il  ne  peut  être  admis 
postérieurement  à  son  litre  à  prendre  le  de- 
gré, parce  qne  ce  litre  étant  radicalement 
nul,  ne  peut  devenir  un  titre  légitime,  sui- 
vant cet  axiome,  qtiod  ab  inilio  nnllum  est  ex 
poft  facto  conviiiescere  ner/iiit.  il  est  donc 
bien  vrai  que  si  l'on  s'en  tient  à  la  loi  sans 
s'ij  permettre  des  interprétations  qui  sont 
presque  toujours  arbitraires,  un  curé  d'une 
ville  murée  doit  avoir  le  grade  au  moment 
de  ses  provisions;  qu'il  ne  peut  être  admis  à 
i'aciiuérir,  soit  avant,  soit  après  la  prise  de 
possession,  et  que  ce  défaut  ne  peut  élre  cou- 
vert par  la  possession  triennale.  Ces  princi- 
pes suivis  dans  la  pratique  feraient  évanuuir 
une  foule  de  diificuliés  qui  sont  la  source 
d'nne  iii('.  '  îde  procès. 

Si  l'on  y  oppose  l'.iulorité  de  la  cliose  ju- 
gée, qu'il  ninis  soit  permis  de  dire  avec 
d'Héricourt  :  «  Cette  jurisprudence  ne  serait- 
elle  pas  du  nombre  de  celles  qu'on  voit  .s'in- 
troduire quehiuefois  au  pala:s  sur  des  ma- 
tières délicates,  et  iiu'on  abandonne  après 
pour  revenir  aux  anciennes  règles?  »  A  d'Hé- 
ricourt noi:s  joindrons  V'ailLint,  qui  soutient 
que  le  grade  pris  après  les  provi  ions  ne 
peut  couvrir  l'iucapacilc  du  pourvu,  parce 
que  si  provisus  eral  inhabilis  icmpore  proii- 
«ionis,  et  postca  fiât  habilis,  proiiaio  non 
ronvnlescit  et  necesse  est  oblinere  novam  pro- 
visionem;  RebulTe  ,  sur  le  §  Slntuimus  du 
Concordat,  remarque  que  nun  nisi  personis 
prœdivlo  modo  qualificulis  cowferanlur,  sup- 
posent visiblemt  nt  le  degré  obtenu  avant  les 
provisions,  de  même  CjUc  ceux  dont  se  sert 
la  Pragmatique,  insliuian'iir  personw  <jxti 
gradum  magêtcrii  udepli  futrinl,  Louet  et 
Dumoulin  sont  ou  même  avis.  Ne  pourrait- 
on  pas  dire  que  la  jurisprudence  moderne, 
que  l'on  suppose  opposée  à  ces  principes, 
n'est  pas  aussi  certaine  que  le  |  réieudenl 
quelques  auteurs;  des  arrêts  contraires  aux 
véritables  maximes  ne  sont  ordinairement 
que  des  arrêts  de  circonstances  ;  on  est  tou- 
jours lorcé  de  revenir  à  la  loi,  qu.ind  même 
on  s'en  serait  écarté  quelquelois. 

Le  parlement  de  Toulouse  u  une  jurispru- 
dence qui  parait  détruire  les  i)iii!ci|)es  (jue 
nous  venons  d'établir  ;  mais  dans  le  fond,  si.'s 
arrêts  favorisent  notre  opinion  :  il  ne  re- 
garde les  provisions  de  cour  de  llome  que 
comme  de  simples  mandats  de  proiidendo. 
Selon  lui,  le  visu  forme  les  véritables  provi- 
sions ;  ainsi  en  admettant  le  pourvu  en  cour 
de  Home  à  prendre  ses  degrés  avant  sou 
visa,  il  nejuge  pas  que  ces  degrés  puissent 
être  obtenus  après  1rs  provisions. 

Après  avoir  examine  l'origine,  l'anciennc- 
tê  et  les  qualités  nécessaires  aux  cures, 
nous  nous  occuperons  de  leurs  devoirs  et  de 
laurs  droits. 


Nous  ne  parlerons  point  ici  des  lî  voirs 
qui  regardent  le  for  interne.  Nous  I  issons 
celte  matière  aux  théologiens  et  aux  mora- 
listes. Nous  ne  parierons  quft  do  ceux  qui, 
étant  prescrits  i)ar  les  lois  civiles  et  canoni- 
ques, peuvent  être  du  re-sort  du  juriscon- 
sulte. —  Parmi  les  principaux  devoirs  d'un 
curé,  la  résidence  est  sans  doute  un  des  plus 
essentiels.  Le  relâchement  et  les  changements 
introduits  dans  la  discipline  ont  cuniraint 
l'Eglise  à  porter  des  loii  pour  obliger,  tant 
les  premiers  qne  les  seconds  p.isleurs,  à  ré- 
sider dans  leurs  bénéfices.  Il  est  inutile  de 
rapporter  les  canons  que  les  conciles  ont 
faits  à  ce  sujet.  Nous  nous  contenterons  de 
citer  le  concile  de  Trente.  Dans  la  session 
xxin  de  Beformalione,  chap.  1,  il  soumet  les 
curés  non  résidaais  aux  mêmes  peines  que 
les  évêques,  c'est-à-dire  à  la  perle  des  fiuils, 
à  proportion  du  temps  qu'ils  n'auront  pas 
résidé.  11  ne  leur  permet  de  s'absenter  q  le 
pendant  deux  mois,  encore  avec  la  permis- 
sion de  l'évêque,  qui  ne  peut  accorder  un 
temps  plus  long,  à  moins  qu'il  n'y  ail  des 
rais.ms  graves  :  Nisi  ex  gravi  causa.  Si  un 
curé  transgresse  ces  lois,  le  concile  veut  qu'a- 
près l'avoir  fait  citer  et  avoir  établi  la  con- 
tumace, l'ordinaire  puisse  procéder  contre 
lui  par  le  séquestre  et  soustraction  de  fiuits, 
et  par  toute  autre  voie  de  droit,  oiéme  par 
la  privation  du  bénéfice.  —  Nos  rois  ont 
adopté  ces  sages  dispositions.  L'ordonnance 
de  lîlois,  art.  14,  porte  :  «  A  semblable,  rési- 
dence et  sous  pareille  peine,  seront  tenus  les 
cures  et  tous  autres  ayant  charge  d  âmes, 
sans  se  pouvoir  absenter  que  pour  causes 
légitimes,  ei  dont  la  connaissance  en  «ppar- 
liendra  à  l'évêque  diocésain,  duquel  ils  ob- 
tiendront par  écrit,  licence  ou  congé,  qui 
leur  sera  gratuitement  accordé  et  expédié, 
et  ne  pourra  ladite  licence,  sans  grande  oc- 
casion, excéder  l'espace  de  deux  mois.  »  ^ 
L'article  "2  de  l'ordunnance  de  ltJ2i>  renou- 
velle celle  de  Blois  en  ces  termes  :  «  Les  cu- 
rés seront  tenus  île  résider  eu  personne  sur 
les  lieux,  nouolistaut  la  proximité  des  villes; 
et  à  fauie  de  ce  faire,  ordonne  sa  majesté, 
en  conséquence  de  l'art,  l'i-  de  l'ordonnanco 
(le  Blois,  et  de  l'art.  7  de  l'édit  de  Meluii,  les 
fruits  desdits  citr^'  être  saisis  au  profit  des 
hôpitaux  du  iieu  prochain,  pour  autant  de 
temps  qu'ils  auront  manqué  à  la  résidence. 
ils  seront  sommés,  à  la  requête  des  procu- 
reurs généraux  ou  de  leurs  substituts,  par 
expbiiis  faits  aux  domiciles  cl  lieux  desdits 
béiiéflces,  de  salislaire  à  ladite  résidence;  et 
à  faute  de  ce  faire  acluelleinenl,  dans  un 
mots,  ou  plus  ou  moins,  selon  ba  distance 
des  lieux,  sera  procède  auxdites  saisies.  » 

Le  clergé,  qui  trouvait  (|ue  ces  lois  le  met- 
taient sous  rinllueucc  trop  immédiate  des 
tribunaux  séculiers,  se  plaignit  et  en  deman- 
da la  re\ucalion.  Mais  elles  furent  seulement 
moiifii'cs  pir  l'art.  2.)  de  l'édit  de  1G95;  et 
ces  modifications  font  que.  rarement  un  curé 
peut  voir  son  revenu  saisi  à  la  requête  du 
procureur  général  pour  cause  d'..bsence. 
Pour  ne  pas  anlici|)er  sur  les  matières  et  in- 
tervertir l'ordre    que    nous    nous    sommes 


1229 


CUR 


cm 


1230 


proscrit,  nous  ne  nous  clcntlrons  pas  dnvan- 
tjigft  sur  CCS  ordonniinccs.  Nous  nous  réser- 
vons de  le  f.iire  Iinsquc  nous  tijiilerons  de 
la  résidence  en  gi  iiériil  :  noire  but,  d.ins  ce 
uioinent,  est  de  oc  |i  irlcr  que  de  ce  qui  re- 
garde les  cures  en  parliculier. 

S;  Ion  le  concile  de  Trenle  et  l'ordonurincc 
(le  niois,  l'cvèque  est  jn-^e  de  la  légiliuiilé 
des  causes  nui  yieuvenl  peruiellre  à  un  curé 
de  s'abscnlcr.  Un  arrêt  du  conseil  d'Elaldu 
i^  décembre  l{î;W,  rendu  sur  la  requête  de 
rarchevé(ine  de  lîordeaux,  ordonne  que  les 
C'iirds  (\c  ce  diocèse  ne.  pourront,  pour  quel- 
que cause  el  occasion  (lue  ce  soit,  se  dispen- 
ser de  la  résidence  acUielle,  sans  le  congé 
exprès  ou  par  écrit  de  l'archevêque  ou  >;e 
ses  grands  vicaires.  Quoique  l'évêque  soit 
juge  de  la  légititnilé  des  causes  d  absence  de 
ses  curés,  il  ne  peut  ccpinilaot  pas  refuser  ar- 
bilraircment  la  permission  qu'ils  soulobli;;és 
de  lui  demander,  parce  que  la  même  loi  qui 
impose  aux  ciurs  l'obligaiion  de  prendre  le 
congé  de  l'évcquc  ,  ordonne  certainement  à 
celui-ci  de  l'accorder  lorsqu'il  n'aura  pas  de 
motifs  pour  le  refuser;  cl  s'il  se  conduisait 
aulrement,  il  s'exposerait  à  uu  appel  bien 
fondé,  soit  simple,  soit  comme  d  abus.  — 
Mais  dans  le  cas  d'une  absence  considérable 
et  sans  permission,  un  évêque  peqt-il  faire 
faire  le  procès  à  un  curé  par  son  oflicial?  Si 
l'on  suit  le  concile  de  Irente,  cela  ne  pourra 
soulTrir  aucune  difficulté  :  mais  comme  sa 
discipline  n'est  point  reçue  en  France,  ou 
pourrait  dire  que  l'esprit  de  nos  ordonn.mces 
est  qu'en  ce  ras  le  procès  soîl  fait  par  les 
juges  royaux.  Celle  de  1G29  veut  (jue  les 
poursuites  contre  les  curés  non  résidanls 
soient  faites  à  la  requêti;  des  procureurs  gé- 
néraux ou  de  leurs  substituts.  Jls  seront  som- 
més à  (a  requête  de  nos  procureurs  généraux 
ou  (le  leurs  subsliluls.  L'url.  2'3  de  l'édit  de 
1695  n'est  pas  si  impératif;  il  semble  n'accor- 
der aux  ju^es  royaux  qu'une  simple  faculté 
qui  ne  leur  attribue  pas  une  juridiction  ex- 
clusive. «  Nos  cours  de  parlement,  nos  baillis 

et  sénéchaux....  pourront  les  avertir nos- 

diles  cours,  nos  baillis  et  sénéchaux,  piiur- 
ront,  à  la  reqnéîe  des  procureurs  généraux.» 
Cette  expression  pourront,  employée  deux 
fois  dans  cet  article  ,  ne  prouve-t-ellc  pas 
que  l'intention  du  légi-laleur  n'est  pas  de 
dépouiller  les  évcqucs  d'une  juridiction  qui 
dérive  naturelleuunt  de  leur  droit  de  sur- 
veillance el  d'inspection,  mais  seulement  de 
les  rendre  plus  soigneux  et  plus  attentifs,  eu 
leur  joignant  les  procureurs  généraux  et 
leurs  substituts  .pour  veiller  à  l'exécution 
des  lois  [lortées  sur  la  résidence,  de  soi  te 
que,  dans  ce  cas,  les  juges  royaux  exercent 
sur  les  ecclésiastiques  une  juridiciiou  cumu- 
lative avec  les  évéques  et  leurs  ofûciaux? 
D'ailleurs,  les  peines  portées  contre  la  rési- 
dence ne  sont  point  d'une  nature  à  n'être 
point  prononcées  par  le  juge  d'Eglise.  La 
privation  des  revenus  et  la  déchéance  des 
bénéfices  sont  des  peines  canoniques  que 
rt'IGcial  peut  imposer,  lorsqu'il  a  rempli 
toutes  les  formalités  prescrites  par  les  lois 
■i»  royaume, 


Si  les  curés  doivent  résidei*,  c'est  principa- 
lement pour  administrer  les  saerenuMiis  à 
leors  paroissiens,  l'arnii  ces  sacrements  il 
en  est  surtout  deux  qui  intéressent  particu- 
hèreuient  le  jurisconsulte  ,  par  l'inllueiiee 
qu'ih  ont  sur  létal  civil  des  citoyens.  Si  bî 
baptême  est  l'entrée  dans  le  cln  istianisuie, 
l'acte  qui  le  constate  est  aussi  le  premier 
litre  par  lequel  nous  tenons  à  la  société.  Un 
curé  ne  peut  donc  apporter  trop  de  soin  pour 
que  cet  acte  soit  en  règle,  et  ne  contienne 
aucun  vice  qui  puisse  taire  un  jour  contes- 
ter à  l'enfant  qu'il  baptise  un  ciat  que  la 
nalure  lui  a  donné,  mais  que  la  loi  ne  lui 
assure  qu  •  lorsqu'il  est  altesté  par  le  minis- 
tre des  autels  qui,  dans  celle  occasion,  est 
encore  le  ministre  de  la  société.  Un  curé  se 
garantira  de  commettre  à  ce  sujet  des  fautes 
doiil  les  suites  sont  si  imporlanles,  en  se  con- 
forn)ant  exactement  aux  lois  qui  ont  été  pres- 
crites sur  cette  matière,  el  que  nous  lappor- 
tcrons  au  mol  Registre.  —  Le  sacrement  de 
mari;ige,  quant  uses  effets  civils,  est  d'une, 
aussi  grande  conséquence  que  le  baptême. 
Une  connaissance  parfaite  des  lois  de  l'E- 
glise et  de  l'Etal  est  le  seul  nu)ycn  (|ue  puisse 
çniployer  un  curé  pour  se  comporter  de  ma- 
nière à  ne  pas  s'ûtlirer  I.  s  punitions  portées 
contre  leurs  infracleurs.  11  doit  surtout  faire 
attention  à  l'âge  et  au  doinic  le  des  parties. 
11  serait  coupable  s'il  mariait  des  mineurs 
sans  le  consentement  de  leurs  pères  ,  mères, 
tuteurs,  ou  curateurs.  Il  ne  commettrait  pas 
une  moindre  laute  s'il  unissait  des  person- 
nes qui  ne  sont  pas  domiciliées  depuis  sis 
mois  dans  sa  paroisse,  si  elles  sont  de  sou 
diocèse;  ou  depuis  un  an  si  elles  sont  d'un 
diocèse  étranger  :  mais  rien  ne  pourrait 
l'excuser  si,  se  prêtant  au  rapt  el  à  la  séduc- 
tion, il  employait  son  ministère  sacré  pour 
favoriser  des  enlèvements  que  la  loi  veut 
qu'on  punisse  de  mort.  L'art.  39  de  l'ordon- 
nance de  11)29  «  fait  défenses  à  tous  les  curés 
et  autres  prêtres  séculiers  ou  réguliers,  sous 
peine  d'amende  arbitraire  ,  de  célébrer  au- 
cun mariai!;e  de  personnes  qui  ne  soient  du 
leurs  paroisses,  sans  la  permission  de  leurs 
c«7 C'A-  ou  de  leurs  évéques;  el  seront  tenus 
les  juges  d'Eglise  juger  les  causes  desdits 
mariages,  conlormémenl  à  cet  article.  » — - 
L'éilildu  mois  (le  mars  1097  ajoute  à  cette 
disposition  :  «  Voulons  que  si  aucuns  desdils 
curés  oa  prêtres,  tant  séculiers  que  réguliers, 
célèbrent  ci-apiès  sciemment  tl  avec  con- 
naissance des  mari  :ges  entre  des  personnes 
qui  ne  sont  pas  ellectivemenl  de  leur  pa- 
roisse, sans  en  avoir  la  permission  par  écrit 
des  cures  de  ceux  qui  les  conlracloiil,  ou  de 
l'archevêque  ou  evêque  diocésain,  il  soit 
procédé  contre  eux  cxtraordin  .iremcnt,  et 
qu'outre  les  peines  canoni'iues  que  les  juges 
d'Eglise  pourront  prononcer  contre  eux, 
lesdits  curés  et  autres  prêtres,  tant  séculiers 
que  réguliers,  qui  auront  des  bénéfices, 
suienl  prives,  pour  la  première  fois,  de  la 
jouissance  de  tous  les  revenus  de  leurs  cures 
el  bcnélices  pendant  trois  ans,  à  la  reserve 
de  ce  qui  est  absolument  nécessaire  pour 
eur  subsistance,  ce  qui  ne  pourra  excéder 


1231  CUR 

la  ?()maie  de  600  livres  dans  les  plus  grandes 
-villes,  et  celle  Je  ;J00  livres  partout  ailleurs, 
et  que  le  surplus  desdits  revenus  soit  saisi, 
à  la  diligence  de  nos  procureurs  généraux, 
et  dislrihué  en  œuvres  pies  par  l'ordre  de 
l'archevêque  ou  évoque  diocésain  ;  qu'en 
e;is  d'une  secondtî  contravention,  ils  soient 
bannis  pendant  le    temps  de   neuf  ans  des 

lieux  que  nos  jjgcs  estimeront  à  propos 

et  que  lesdits  cures  et  prêtres  puissent,  en  cas 
de  rapt  fait  avec  violence,  être  condamnés  à 
plus  grandes  peines ,  lorsqu'ils  prêteront 
leur  ministère  pour  célébrer  des  mariages 
en  cet  état.  —  Nous  ne  nous  étendrons  pas 
davantage  sur  ce  sujet  ;  on  trouvera  au  mot 
Mariage  tout  ce  qui  pourrait  manquer  ici. 

Les  curés,  comme  nous  l'avons  déjà  dit, 
avaient  autrefois  le  pouvoir  de  déléguer  des 
prêtres  pour  entendre  les  confessions  de 
leurs  paroissiens,  c'est-à-dire  qu'ils  su  choi- 
sissaient eux-mêmes  des  vic.iires  qui  n'a- 
vaient pas  besoin  d'autres  pouvoirs  que  ceux 
qu'ils  leur  confiraient.  Le  concile  de  Trente, 
session  2,3,  de  Reforma  lione,  a  introduit  à  cet 
égard  un  droit  nouveau  ;  il  a  voulu  qu'il  n'y 
eût  que  les  curés  ou  les  prêlros  a|)prouvés 
par  lévéque,  qui  pussent  entendre  les  con- 
fessions, et  cela  nonobstant  tout  privilège  et 
toute  coutume  contraire ,  même  iniiiiémo- 
i-iale.  —  L'édit  de  1695  a  adopte  celle  dispo- 
sition. Il  a  ordonné,  par  les  articles  10  et  11, 
que  nul  ne  pourrait  prêcher  cl  confesser 
sans  l'approbation  do  l'évèque  ;  il  n'a  excep- 
té de  cette  prohibition  que  les  curés  et  au- 
tres bénéficiers  à  ciiarge  d'âmes.  C'est  donc 
une  loi  générale  et  établie  par  le  concours 
des  deux  puissances,  que  les  curés  ne  peu- 
vent plus  donner  de  pouvoir  pour  prêcher 
et  confesser  dans  leurs  églises.  Ils  délèguent 
encore  pour  l'adminislraiion  des  sacrements 
de  baptême  et  de  mariage.  —  Us  ont  en  ou- 
tre conservé  le  droit  de  (aire  faire  par  qui 
ils  le  jugent  à  propos,  les  instructions  fami- 
lières qu'ils  doivent  à  leurs  paroissiens.  L'é- 
dit de  lG9o  ne  parlant  que  de  la  prédication 
et  de  la  confession,  il  s'ensuit,  par  un  raison 
toute  naturelle,  qu'il  a  laissé  aux  curés  tous 
les  pouvoirs  dont  ils  jouissaient  autrefois. 
L'évèque  d'Auxerre  ayant  donné  deux  or- 
donnances qui  exigeaient  sou  approbation 
par  écrit  pour  les  caléchismes,  les  prières 
du  soir  et  les  inslrudions  familières  ,  les 
curés  delà  ville  d'Auxerre  furent  reçus  ap- 
pelants comme  d  abus  de  ces  ordonnances, 
par  arrêt  du  9  mars  1750,  qui  lit  défenses 
provisoires  de  les  exécuter.  Le  moyen  em- 
ployé par  les  curés  était  que  les  caléchismes, 
les  prières  du  soir,  les  prônes  et  les  autres 
instructions  familières  ne  sont  point  com- 
pris dans  les  articles  10  et  11  de  l'édit  de 
1695. 

Mais  si  les  curés  ne  peuvent  plus  déléguer 
•  des  prêtres  pour  les  aider  dans  l'administra- 
tion du  sacrement  de  pénitence,  l'évèque 
peut-il  les  forcer  à  prendre  des  vicaires  qui 
1' ur  soient  désagréables?  Peut-il  nommer 
invito  paroc/io?  C'est  encore  ici  une  de  ces 
questions  qui  n'auraient  jamais  pu  s'élever, 
si  les  pasteurs  du  premier  et  du  second  or- 


CUR 


12Ô2 


dre  ne  cherchaient,  comme  ils  le  doiveiil, 
que  le  bien  de  l'Eglise.  Il  est  certain  que  ce 
bien  ne  peut  s'opérer  qu'autant  que  les  mi- 
nistres des  autels  y  concourent  par  la  bonne 
harmonie,  et  animés  par  le  même  esprit. 
Celte  raison,  puisée  dans  le  bien  général, 
doit  seule  décider  la  question.  Jamais  une 
paroisse  ne  sera  bien  gouvernée  que  quand 
\e  curé  et  le  vicaire,  unis  par  le  lien  de  la 
confiance,  de  l'eslime  et  de  l'amitié,  travail- 
leront de  concert,  auront  les  mêmes  vues  et 
se  réconcilieront  pour  les  moyens  qu'ils  doi- 
vent employer.  Donc  on  ne  doit  point  donner 
à  un  curé  un  vicaire  qu'il  ne  regardera  que 
comme  son  ennemi,  ou  du  moins  comme 
son  délateur  et  son  espion,  dès  qu'il  sera 
contre  son  choix  ou  sa  volonté.  —  Ainsi ,  de 
droit  commun,  un  citr^  est  le  maître  du  choix 
do  ses  vicaires.  Le  fils  d'un  prêtre  avait  été 
ordonné  sous-diacre.  Son  évêque  refusa  la 
prêtrise,  et  ne  voulut  point  lui  confier  l'ad- 
ministration d'une  cure,  à  laquelle  un  patron 
laïque  l'avait  présenté.  Alexandre  111,  à  qui 
le  sous-diacre  porta  ses  plaintes ,  ordonna 
que  l'évèque  placerait  pour  desservir  la  cure, 
du  consentement  du  sous-diacre,  un  prêtre 
avec  lequel  il  partagerait  les  revenus.  La 
conséquence  toute  naturelle  de  ce  décret  du 
pape  est  que  si,  pour  faire  desservir  une 
cure,  il  fallait  le  consentement  d'un  titulaire 
non  prêtre,  à  plus  forle  raison  faudra-l-il 
celui  du  véritable  curé  pour  lui  associer  un 
coopérateur. 

Les  conciles  laissent  toujours  aux  curés  la 
liberté  de  se  choisir  un  vicaire,  soit  pendant 
leur  absence,  soit  qu'ils  en  aient  besoin  pour 
les  seconder.  C'est  ce  que  supposi'nt  évidem- 
ment celui  de  ^  icheler,  de  l'an  12i0,  canon 
26;  celui  de  (jOgnac,  de  l'an  122(),  canon  10; 
celui  de  Chichester,  de  l'an  1289,  canon  8; 
celui  de  Saizijourg,  de  1120,  canon  5:  ceux 
de  (Pologne,  de  1536,  de  Mayence,  de  IS'i'.t, 
de  Canilirai,  de  laG.'i,  ne  sont  pas  moins  for- 
mels. Celui  de  Trente  lui-mêaïc,  qui  a  dé- 
pouillé les  curés  du  droit  de  déléguer  pour 
les  confessions,  leur  a  certainement  laissé 
celui  de  choisir  leurs  vicaires.  Il  leur  enjoint, 
session  2.J,  cbap.  1  ,  de  mettre  à  leur  place 
des  vicaires  capables  et  approuvés  par  l'é- 
vèque,  lorsqu'ils  s'absentent  pour  cause  lé- 
gitime. Dans  la  session  21,  chap.  k-,  il  or- 
donne aux  évêques  de  contraindre  les  curés 
de  s'associer  autant  de  prêtres  qu'il  sera  né- 
cessaire pour  l'administration  des  sacre- 
ments et  la  célébration  du  culte  divin.  Si  le 
concile  eiit  pensé  que  les  évêques  avaient 
le  droit  de  placer  les  vicaires  malgré  les  cu- 
rés, il  eût  tenu  un  langage  bien  dilïérent.  — 
Ce  sont  ces  autorités  (;ui  ont  déterminé  les 
canonistes  ultramonlains,  tels  que  l'irring, 
liv.  I,  til.  28,  (le  Officio  vicarii,  et  t'agnan, 
sur  le  chap.  ConsultalioniOus,  lit.  de  Clericu 
(i-f/rot.,  à  décider  que  les  curés  avaient  la 
liberté  de  choisir  ieurs  vicaires.  On  peut 
joindre  A'an-lispeu,  |)remiùre  partie,  lit.  3, 
chap.  2,  11.  2.  Parmi  nous ,  llouchcl  ,  un  de 
nos  plus  anciens  auteurs,  a  embrasse  celle 
opinion;  et  KebulTe,  dans  sa  Pratique,  au  li- 
tre de  ^i»7;e«s.  de  «on  residen.,  allcsie  que 


{•r.3 


CUR 


CUR 


de  son  temps  c'était  l'usage  général  dn 
royaume.  —  Nos  ordonnaiicrs  n'ont  fait,  à 
ce  sujet,  que  répéter,  pour  ainsi  dire,  les  dé- 
cisions des  conciles.  Partout  elles  ordonnent 
aux  curés  absents  de  commellrc  des  vicaires 
capables  et  approuvés  par  l'ordinaire.  C'est 
la  disposition  précise  de  l'art.  5  de  cplle 
d'Orléans,  et  de  la  déclaration  de  13(J-2,  ren- 
due à  la  sollicitation  du  clergé.  La  chambre 
ecclésiastique  dos  Elats  du  royaume  assem- 
blés en  lt)l'i.,  demanda  que  les  curés  qui, 
pour  quelques  justes  causes,  se  trouveraient 
absents  et  légitimement  dispensés  de  rési- 
der, fussent  tenus  de  mdtre  à  leur  place  un 
vicaire  suffisant,  au  gré  néanmoins  do  l'or- 
dinaire et  avec  son  expresse  approbation. 
Enfin  l'article  90  de  la  Coutume  de  Paris 
prouve  que  les  curés  ont  toujours  eu  le  choix 
de  leurs  vicaires,  et  que  même  autrefois  ils 
leur  donnaient  des  lettres  de  vicariat.  Il  n'ac- 
corde aux  vicaires  la  faculté  de  recevoir  des 
testaments  que  lorsqu'ils  ont  des  lettres  de 
vicariat  do  leurs  curés,  ci  qu'ils  les  ont  fait 
enregistrer  au  greffe  de  la  juridiction  de  leur 
domicile. 

Les  cours  souveraines  ont  adopté  l'opinion 
favorable  aux  curés,  et  l'ont  confirmée  par 
leurs  arrêts.  Chenu,  dans  son  Recueil  des  rè- 
ghmentf,  lit.  1,  chap.  12,  en  rapporte  un  du 
parlement  de  Paris,  de  i5G7,  où  il  est  enjoint 
au  curé  de  Lonjumeau  de  mettre  en  son  ab- 
sence an  vil-aire  qui  soit  de  bonne  vie.  doc- 
trine et  exemple.  On  en  lit  un  dans  Chopin, 
(lesiicro  PoUlia,  de  1585,  qui  confirme  une 
sentence  de  l'ofUcial  de  Paris,  par  laquelle  il 
avait  Aie  ordonné  au  curé  de  Saint-Benoît  de 
comn-ellrc  un  prêtre  approuvé  par  l'ordi- 
ndire  pour  desservir  l'Eglise  deSainl-Jacques- 
du-Ff.ut-Pas,  alors  succursale  ou  annexe  de 
sa  paroisse.  On  en  trouve  encore  plusieurs 
aut.'-cj  rendus  dans  le  même  esprit.  Les  par- 
lements de  Rennes,  de  Toulouse  et  d'Aix 
suivent  la  même  jurisprudence  :  cependant 
il  faut  convenir  qu'aucun  de  ces  arrêts  n'a 
été  rendu  entre  un  évèquc  et  un  curé  ;Ci'  n'est 
que  pirf  une  induction,  très-forte  à  la  vérité, 
qu'on  les  regarde  comme  décisifs  en  faveur 
des  curés.  La  question  s'est  présentée  in  ter- 
minis  en  1731  nu  ))arlemcnt  de  Paris.  Le  curé 
de  la  paroisse  de  Galnis  s'était  rendu  appe- 
lant comme  d'abus  de  la  nomination  d'un  vi- 
caire que  M.  l'éyêquede  Chartres  avait  laite 
malgré  lui.  M.  Gilbert  de  ^"oisins,  avocat  gé- 
néral, ne  balança  pas  à  se  déclarer  contre 
l'évêque,  et  à  conclure  à  ce  que  sa  nomina- 
tion fût  déclarée  abusive  ;  mais  des  considé- 
rations particulières  délerininèrent  la  cour 
à  appointer  la  cause,  et  elle  n'a  point  été  ju- 
gée. —  Les  circonstances  doivent  avoir  beau- 
coup d'infiuence  sur  le  jugement  d'une  pa- 
reille contestation.  Le  droit  des  curés  de  se 
choisir  leurs  vicaires  est  sans  doute  incontes- 
table, et  d'autant  plus  incontestable,  qu'il  ne 
nuit  en  rien  à  la  subordination  duc  aux 
évêques.  S'ils  ne  peuvent  pas  forcer  les  curés 
à  accepter,  malgré  eux,  des  vicaires,  de  leur 
côté,  les  curés  ne  peuvent  pas  en  choisir 
Hialuré  les  évoques,  puisqu'ils  sont  les  maî- 
tres de  ne  pas  accorder  les  pouvoirs  néces- 


I-254 


saires  pour  être  vicaire.  La  nomination  d'un 
vicaire,  faite  spreto  parocho,  lorsque  le  ciiré 
propose  à  l'évêque  des  sujets  capables  et 
sulfisants,  serait  abusive;  ce  serait  un  vé- 
ritable excès  de  pouvoir  qui  tendrait  à  dé- 
pouiller sans  raison  un  curé  d'un  droit  que 
lui  donne  son  étal  de  curé:  mais  aussi,  si  un 
curé  refusait  opiniâtrement  de  recevo'ir  des 
mains  de  l'évêque  nn  vicaire,  si,  s'obslinant 
à  demander  pour  son  cnopérateur  un  sujet 
auquel  on  aurait  des  reproches  bien  fondés 
à  opposer,  et  mettait  ses  paroissiens  dans  le 
cas  de  manquer  des  secours  spirituels  qu'il 
lenr  doit  par  lui-même  ou  par  autrui,  alors 
l'évêque  pourrait  nommer  un  vicaire ,  et 
cette  nomination,  nécessaire  dans  les  circon- 
stances, devrait  être  maintenue  malgré  les 
réclamations  du  curé.  Il  se  trouverait  dans 
la  position  d'un  coll.iteur  ordinaire,  qui, 
ayant  négligé  de  nommer  à  un  bénéfice,  oiî 
y  ayant  nonmié  un  incapable,  aurait,  pour 
celti:  fois,  consommé  son  droit,  et  le  verrait 
passer, /urp  devotutionis,  dans  les  mains  de 
son  supérieur  :  ce  serait  une  juste  punition 
de  son  humeur  ou  de  son  caprice,  il  ne  faut 
jamais  perdre  de  vue  que,  si  d'un  côté  les 
supérieurs  ne  doivent  point  excéder  les  bor- 
nes de  leurs  pouvoirs,  d'un  autre  côté,  les 
inlerieurs  ne  peuvent  user  de  leurs  droits 
que  conlormément  à  la  raison  et  aux  lois. 

Il  est  certain,  qu'excepté  l'évêque  diocé- 
sain, qui,  dans  toute  l'étendue  de  son  dio- 
cèse, est  toujours  le  premier  pasteur,  per- 
sonne ne  peut,  sans  la  permission  du  curé, 
célébrer  la  messe  dans  son  église,  y  prêcher 
ou  exercer  les  autres  fonctions  du  saint  mi- 
nistère. 11  ne  faut  pas  conriure  de  là  que, 
par  c.iprice  et  sans  raison,  il  puisse  empê- 
cher un  prêtre  approuvé  par  l'évêque  de  dire 
la  messe.  Nous  pensons  que  si  ce  prêtre  est 
lié  sur  la  paroisse,  il  ne  peut,  sans  des  mo- 
tifs dont  il  est  responsable,  l'éloigner  des 
saints  autels:  ce  serait  prononcer  contre  lui 
une  espèce  d'interdit  déshonorant  et  dilTa- 
mant:  ce  serait  le  cas  de  se  [lourvoir  contre 
le  i-uré  par  les  voies  de  droit.  Concluons 
donc  qu'un  curé  n'est  pas  plus  un  despote 
dans  sa  paroisse  qu'un  évêque  dans  son  dio- 
cèse. L'un  et  l'autre  ne  doivent  agir  que  pour 
le  bien  des  fidèles  confiés  à  leur  solliciSude; 
et  s'ils  doivent  veiller  à  la  conservation  de 
leurs  droits,  ils  ne  sont  pas  moins  obligés  de 
s'abstenir  de  tout  ce  qui  pourrait  nuire  et 
préjudicier  à  leurs  inférieurs,  quand  ils  n'ont 
rien  à  leur  reprocher.  C'est  sans  doute  dans 
cet  esprit  qu'a  été  rendu,  au  parlement  do 
Paris,  l'arrêt  du  li  juillet  1700,  par  lequel 
deux  prêtres  habitués  à  Saint-Roch,  et  ap- 
prouves par  l'archevêque  pour  confesser,  cé- 
lébrer la  messe,  assister  au  chœur  et  pren- 
dre place  dans  les  stalles,  etinm  invilo  paro- 
cho, furent  maintenus  dans  l'exorcice  de  ces 
pouvoirs  malgré  le  curé.  Goard,  tome  I  de 
son  Traité  des  Bénéfices,  page  755,  assure 
que  cet  arrêt  fut  rendu  par  défaut  et  en  l'ab- 
sence du  CMr^,  qui  était  exilé  par  ordre  du 
roi. 

Un  cur.é,  en  vertu  i!e  son  titre,  peut-il  co:i- 
fesser  dans  tout  le  diocèse  ;  et  l'évêque  peut  ii 


1235 


COR 


le  restreindre  à  sa  paroisse  et  à  ses  parois- 
siens? Les  principes  sont  contraires  aut  pré- 
tentions des  curés.  En  effet,  quoiqu'ils  aient 
reçu,  ainsi  que  tout  préire,  par  !nur  ordi- 
nation, le  pouvoir  de  lier  et  de  délier,  il  faut 
cependant  coiivenii-  que,  selon  les  lois  ca- 
i)onii|ues,  ce  pouvoir,  qunnt  à  l'exorcicp,  est 
suspendu;  il  a  !)esoin,  pour  qu'il  soil  niià  en 
activité,  hors  le  cas  de  nécessité,  que  l'Eglise 
.issigne  des  sujets  à  celui  qui  en  est  ri'vèlu. 
C'est  ce  qu'elle  fait  par  le  ministère  de  l'é- 
vèrjue,  lorsqu'il  donne  à  un  prêtre  des  jjro- 
visions  d'une  cure,  ou  qu'il  lui  en  accorde 
l'institution  autorisablc. 

Le  pouvoir  de  lier  et  de  délier,  suspendu 
relativement  à  tous  les  fidèles,  cesse  de  l'être 
par  rapport  à  ceux  qui  lui  sont  confus  ;  cer- 
tainement par  le  visa,  l'évéque  n'assigne  au 
prêtre  auquel  il  le  do'uie  que  les  sujets  qui 
se  trouvent  dans  l'étendue  de  sa  paroisse. 
Lacombe,  dans  son  Uecueil  de  jurisprudence 
canonique,  verbo  Confesseur,  a  donc  tort  d'a- 
vancer que  de  mémo  qu'un  prêtre  qui  ii  une 
approbation  générale  et  sans  limitation  , 
peut  confesser  dans  tout  le  diocèse,  de  même 
le  -curé,  par  son  seul  visa,  peut  confesser 
partout.  Le  visa  n'est  qu'un  titre  particulier 
borné  et  limité  de  sa  nature;  autrement  il 
faudrait  dire  qu'un  curé  serait  non-seule- 
ment curé  de  sa  paroisse,  mais  encore  de 
celles  de  tout  le  diocèse,  puisqu'en  vertu  de 
son  tilre  il  pourrait  exercer  partout  une  des 
principales  tondions  curiales  ;  c'est  encore 
une  errenr  de  prétcuilre,  connue  le  fait  le 
même  auteur,  que  l'évéque,  e!i  ap[)rouvant 
le  curé  par  le  visa,  lève  l'obstacle  et  le  met 
dans  ses  anciens  droits  (^ui  sont  imiéfinis 
dans  son  diocèse.  Les  sujets  assignés  au  curé 
par  sou  visa  ne  sont  (pie  ceux  de  la  paroisse 
dont  il  est  fait  curé  ;  c'est  donc  sur  eux  seuls 
qu'il  acquiert  des  droits.  Dans  les  diocèses 
où  les  curés  sont  dans  l'usage  do  confesser 
partout  indifl'cremuieut,  les  évêques,  par  le 
consenlemonl  tacite  qu'ils  donnent  à  cet 
Tjsage,  l'approuvent,  cl  c'est  de  cette  appro- 
bation (jue  les  absolulions  tirent  leur  force 
et  leur  validité. 

L'évéque  peut  donc  empêcher  un  curé  de 
confesser  hors  de  sa  paroisse  ,  et  le  limiter  à 
ses  seules  provisions.  Saint  Cliarles  IJon  o- 
niée  ,  dans  son  onzième  synode,  déf<'nJ  aux 
curés  des  villes  d'iippeler  ceux  de  la  caui- 
paiine  pour  les  aider  dans  le  tribunal  de  l,i 
pénilence,  A  moius  qu'ils  n'aient  un  pouvoir 
par  écril  de  confesser  liois  de  leurs  parois- 
ses. La  cungrénation  des  Cardinaux  a  décidé 
qu'un  curé  n'était  approuvé  que  pour  le  lieu 
où  sa  paroisse  est  située,  et  qu'il  ne  l'est  pa  i 
pour  tiiut  le  diocèse  indifléremuienl.  —  L'ar- 
ticle 12  de  l'édit  de  1(5!).)  porte  :  «  N'enten- 
dons comprendre  dans  les  articles  précédents 
les  curéa,  tant  séculiers  que  réguliers,  (jui 
peuvent  prêcher  et  admiiislrrr  le  sacrement 
de  pénitetice  dans  leurs  puroisses,  »  Ces  der- 
nières cx()ressions  ,  (/a«s  leurs  paroisses  , 
décident  la  question,  et  selon  (iibcri,  d.ins  sa 
conférence  sur  cet  édit,  il  n'y  a  plu:.  de  doute 
qu'un  tare  ne  peut  .confesser  hors  <le  sa  pa- 
roisse ,  sans  l'approbation  ou  la  permission 


CUR  125C 

de  l'évéque.  Ce  canoniste  détruit  le  fonde- 
ment de  l'opinion  contraire  ,  qui  est  qu'un 
ho  urne  une  fois  reconnu  capable  de  confes- 
ser, est  reconnu  capable  de  confesser  p  ir- 
toul,  en  remarqu.iiit  avec  raison  que  tel  curé 
dont  les  lumières  et  les  talents  sufiisent  pour 
conduire  el  diriger  des  paysans,  sérail  très- 
déplacé  à  confesser  dans  une  ville.  Mais  il 
nous  paraît  se  tromper  et  n'être  pas  consé- 
quent avec  lui-même  ,  lorsqu'il  prétend  que 
l'article  de  l'édit  de  1095,  qui  défend  ,iux 
curés  de  confesser  hors  de  leurs  paroisses 
sans  le  consentement  de  l'évéque,  leur  per- 
met de  confesser  dans  leurs  églises  les  autres 
paroissiens  qui  s'adressent  à  eux  avec  l'a- 
grément seul  de  leur  curé.  Circonscrire  un 
territoire  à  un  tribunal  quelconque,  c'es'i 
évidemment  borner  sa  juridiction  aux  habi- 
tants (le  ce  t(^rritoire  ;  c'est  ce  que  fait  l'édit 
de  1695,  en  disant  que  les  curés  pourront , 
sans  l'approbation  de  l'évéque  ,  confesser 
dans  leurs  paroisses.  Leur  territoire  est 
limité  ;  et  comme  la  fiinction  ne  peut  s'esei- 
cer  que  sur  les  personnes,  il  eût  clé  inutile 
de  borner  leurs  pouvoirs  à  leurs  paroisses , 
si  par  paroisse  ou  eût  entendu  leurs  parois- 
siens. L'argument  qu'emploie Giberl  ne  nous 
paraît  pas  victorieux.  Un  curé  peut,  dit-il  , 
confesser  les  paroissiens  des  autres  qui  le  lui 
permettent,  de  même  qu'il  peut  marier  les 
paroissiens  des  autres  qui  le  lui  permettent. 
La  comparaison  n'est  rien  moins  qu'exacte  ; 
les  car^s  sont  eu  possession  de  déléguer  pour 
l'administration  du  sacrement  de  mariage  et 
non  pour  celui  de  ia  pénitence  ;  et  s'ils  ne 
peuvent  déléguer  pour  la  confession  sur 
leurs  propres  paroisses,  comment  le  peuvonl- 
ils  sur  celles  des  autres?  D'ailleurs ,  la  rai- 
son (le  ce  que  les  lumières  et  les  talents  des 
curés  doivent  être  proportionnés  à  l'état  de 
ceux(iu'ils  confessent,  revient  ici  dans  toute 
sa  force  ;  s'ils  n'est  pas  raisonnable  qu'un 
curé  de  la  campagne  ,  par  exemple  ,  puisse  , 
sans  l'appiobaliou  de  son  évêipie,  a(Jmiuis- 
i.rer  la  pénitence  dans  une  ville  ,  parce  que 
la  capacité  requise  pour  une  ville  doit  être 
différente  de  celle  (\ii\  est  requise  pour  un 
village  ,  cette  même  raison  doit  empêcher 
que  le  curé  i\e  la  campagne  ne  puisse,  sans 
approbation  ,  coulesser  les  habitants  de  la 
ville  lorsqu'ils  vieuiironl  le  chercher  dans  sa 
paroisse,  parce  qu'il  n'y  a  aucune  différence 
entre  les  confesser  à  la  ville  ou  les  confesser 
à  la  campagne,  l'ulin  ,  un  curé  confessera 
les  habilauts  d'une  autie  paroisse  eu  vertu 
de  son  tilre  ou  eu  vertu  du  conscntomenl  de 
leur  propre  curé.  Ce  n'est  p;is  en  \crlu  de 
son  tilre,  puisqu'il  ne  lui  donne  d"  pouvoirs 
que  sur  ses  pjiroissiens;  ce  n'est  p.is  en  vertu 
(lu  coiiseniement  de  leur  propre  curé,  puis- 
qu'il ne  peut  deliguer  à  cet  effet.  Donc  un 
cure  ne  peut  sans  l'approbutiou  ,  soil  tacite, 
soit  e:. presse,  de  l'évéque,  confesser  les 
lialiitauts  d'une  autre  paroisse. 

Nous  ne  dissimulerous  pas  que  beaucoup 
d'auteurs  sont  contraires  à  l'opinion  que 
nous  veu')ns  d'embrasser  (J).  Elle   nous  a 

(i)  L''.  pi  nier  sculimeiil  u'csl  pas  uuc  epinioii, 
mais  uue  vcoté. 


n'zi 


CUR 


CUR 


1238 


paru  plus  conforme  aux  principes ,  et  nous 
avons  peso  li^s  raisons  plutôt  que  les  aulori- 
lés.  Nous  avons  cru  aporcevoir  qu'elle  s'op- 
procliail  le  plus  de  l'esprit  de  noire  jiiris- 
pruilriice  ;  el  réténrnienl  de  la  confesljition 
iliii  s'est  élevée  imi  1737  entre  M.  rie  Saléon  , 
ovèque  de  Itliodcs  .  et  le  sii'ur  de  Brillan  , 
curé  <le  la  calhV'drale  de  relie  ville,  nous  a 
confirmé  d.ins  noire  sentiment.  M.  l'évéïjiie 
de  Kliodcs  hii  avait  d.'l'endii ,  i  ar  nue  ordon- 
nance ,  d'e  ilendre  en  confession  d'autres 
personnes  que  ses  p.iroissiens ,  à  peine  de 
nullité.  Le  curé  interjeta  appil  comme  d'abus 
de  celte  ordonnance;  il  obtint  inèine  dii  par- 
lement de  'i'oulouse  permission  d'intimer 
révéque  et  de  le  prendre  à  partie  ,  qiini(|ue 
l'article  43  de  l'édil  dé  ll!!)3  le  défende  ex- 
pressément poiir  tout  ce  qui  dépend  de  la 
juridiction  volontaire.  Le  prélat  se  pourvut 
au  conseil  du  loi  ,  el  y  obtint  ,  le  l'i-  mars 
1740.  un  arrêt  (]ui  conlirma  son  ordonnanci', 
et  déclara  l'appel  du  curé  abusif,  (^l't  arrêt 
se  trouve  dans  le  rapport  que  firent  les 
agents  généraux  du  clergé  à  l'assemblée  de 
«Jette  année  il  est  vrai  (ju'il  no  fut  pas  con- 
tradicloiie  avec  le  Mcur  «h-  Rrillan  ,  décédé 
pendant  le  cours  de  l'instance  :  tnais  seule- 
ment par  déf lut  contre  un  autre  ciué,  son 
voisin  ,  qui  se  trouvait  dans  le  même  cas. 
Quoiqu'il  n'ait  pas  les  caractCres  nécessaires 
pour  faire  regarder  la  chose  comme  jugée  , 
c'est  cependant  un  préjugé  favorable  à  l'opi- 
nion (|ue  nous  venons  de  défendre  ,  parce 
que  le  roi  promit  alors  aux  évècjues  les 
mêmes  mari|ues  de  sa  protection  ,  lorsque 
la  conduite  de  leurs  curés  les  mettrait  dans 
la  nécessité  de  la  réclamer.  Au  reste,  dans 
les  diocèses  où  l'usage  est  que  les  ctirés  con- 
fessent indiff:  remmi'ul  leur-;  paroissiens  et 
ceux  de  leurs  confrères  /ivec  leur  consente- 
ment, les  absolutions  sont  bonnes  et  vali'Ies, 
parce  que  l'usa ^e  autorisé  par  le  silence  des 
évoques  vaut  U'c  approbation  spéciale;  el 
s'ils  peuvent  déroger  A  cel  usage,  c'est  un 
droit  qu'ils  n'exi'rcent  pas  souvent  et  dont 
ils  ne  doivent  user  (ju'.ivec  beaucoup  de  mo- 
dération et  pour  des  raisons  Irès-graves. 

L'auteur  du  Dictionnaire  de  droit  canon 
rapporte  ,  au  mol  Mission,  plusieurs  arrêts 
du  conseil  d'Etal  qui  maiiiiiennent  les  évo- 
ques dans  le  droit  de  faire  faire  djs  missions 
dans  les  paroisses  de  leurs  diocèses  ,  malgré 
les  curés.  Nous  observeions  qu'une  mission 
à  laquelle  un  curé  ne  coopérerait  pas  et 
mémo  s'opposer.-'it  ,  pourrait  difficilement 
produire  les  fruits  que;  l'Kglisr!  désire.  Un 
évéque  doit  donc  rarement  employer  des 
missionnaires  contre  le  gré  des  pasteurs  oi- 
dinaircs  ;  c'est  encore  un  de  ces  droits  qu'il 
est  souvent  prudent  et  sage  de  ne  pas  exer- 
cer. Si  la  question  se  présentait  devant  les 
parlenienis  ,  il  pourrait  arriver  qu'ils  se 
détermineraient  par  les  circonstances.  Le 
silence  do  l'édil  de  l(J!)o  sur  celte  matière 
semblerait  "les  y  autoriser.  C'est  ce  nue  Giberl 
insinue  dans  sa  conférence  sur  l'art.  10  de 
cet  edil.  —  !)oil-on  csceplerdc  la  règle  rréac- 
rale  à  laquelle  tous  les  fidèles  sont  soemis , 
relaiivemeul  aux  curés,  les  monastères d'houi- 


mes  et  de  femmes  ?  Les  religieux  sont  dans 
l'usago  de  s'adminislrer  les  sacrements  entre 
eux  >ians  l'approbation  des  évêques  et  sans 
recourir  aux  cun's.  Cet  usage  serait  difficile 
àcmnhîltrc;  il  paraît  que  l'Kglise  adonné 
aux  supérieurs  de  chaque  maison  un  pou- 
voir général  pour  confesser  et  administrer 
leurs  religieox  :  mais  il  n'en  est  pas  de  nn-me 
de  leurs  domesliques  et  des  antres  séruliers 
qui  pourraient  habiter  parmi  eux  ;  rien  ne 
les  dispense  des  devoirs  paroihiaus ,  et  il  est 
sûr  (|ue  le  curé  a  seul  le  dri;il  de  les  confes- 
ser, de  b'ur  administrer  le  viatique  el  d'en 
faire  l'inbumation  (I).  Ou  trouve  dans  La- 
combe  un  arrél  du  parlement  de  Brelagnode 
11)72,  qui  l'a  ainsi  décidé  en  laveur  du  rur^ 
de  Saint-Paterne  à  Vannes,  contre  les  Jacobins 
de  cette  ville. 

La  dilfic'illé  est  plus  grande  pour  les  mo- 
nastères de  filles.  En  général,  tout  ce  qui  est 
extérieur  à  la  clôture  ,  tout  ce  qui  n'habite 
pas  l'intérieur  de  la  maison  ne  peut  être 
soustrait  à  la  juridielion  du  pasteur  ordi- 
naire. Quant  à  l'iiitoricur  des  monastères, 
on  dislingue  ceux  qui  sont  esempls  de  ceux 
qui  ne  le  sont  pas.  Les  maisons  exemptes 
reçoivent  les  sacrements  des  mains  de  leurs 
chapelains  t]ui  l'ont  aussi  les  inluimalions. 
Elles  ont  même  le  droit  d'enterrer  chez  elles 
les  pensionnaires  qui  y  décèdent:  mais  cela 
n'a  pas  lieu  pour  celles  qui  sont  soumises  à 
l'orilinaire.  Le  curé  peut  y  exercer  les  droits 
curiaux  el  y  faire  les  inhumations  ;  les  pen- 
sionnaires doivent  être  enterrées  à  la  pa- 
roisse. Dire  que  les  curés  violeraient  la  clô- 
ture en  venant  administrer  les  malades,  c'est 
faire  une  bien  faible  objection,  puisque  les 
'hapelains  la  violeraient  tout  de  mémo.  D'aiî- 
leiirs,  est-ce  enfreindre  la  clôture  (|ue  d'eil- 
Ircr  dans  un  monastère  lorsqu'on  y  est  appelé 
par  une  nécessité  aussi  urgente  que  l'adiui- 
nistralion  des  sacrements  ?  Il  serait  sage  à 
un  cnré  de  déléguer  pour  ces  fonctions  le 
chapelain  de  la  communauté.  Ce  serait  lout 
à  la  fois  veiller  à  la  conservation  de  ses 
droits  el  à  la  Iranquillilcdu  monastère.  Nous 
observerons  que  pour  administrer  le  sacre- 
menl  de  péuileuce  à  des  religieuses,  il  faut 
même  à  un  ruré  des  pouvoirs  particuliers  do 
l'évèque,  tant  il  est  vrai  qu'un  simple  visa 
n'est  pas  un  lilre  général  qui  lève,  par  rap- 
port à  loute  sorte  de  sujets ,  l'empêchement 
que  l'Eglise  a  mis  à  l'exercice  des  pouvoirs 
qu'un  prêtre  reçoit  par  son  ordination. 

11  y  a  quelques  niaisons  religieuses  qtii 
ont  droit  d'exercer  les  fonctions  curiales  et 
d'administrer  les  sacrements  à  leurs  fer- 
miers ,  domestiques  et  à  tous  ceux  qui  habi- 
lent  les  enceintes  el  les  basses-cours  de  leurs 
monastères.  C'est  un  privilège  accordé  à  l'or- 
dre de  Cîteaux,  dans  lequel  il  a  éié  maintenu 
par  plusieurs  arrêts  ;  privilège,  au  reste,  qui 
confirme  les  principes  que  nous  venons  d'éta- 
blir. 

On  a  tellement  considéré  en  France  les 
curés  comme  des  ministres  aussi  attachés  à 
l'Etal  qu'à  la  rel:j,Mou  ,  qu'ils  avaient  uulre- 

(l)  Foi/.  notre  Dictionnaire  de  Théologie  morale- 


1239 


CUR 


CUR 


fois  le  pouvoir  de  recevoir  des  teslamenls  , 
concurrenimentavec  les  notaires  et  les  autres 
officiers  publics.  L'article  2S0  de  la  Coutume 
de  Paris  les  y  autorise  :  «  Pour  réputer  un 
testament  solennel,  est  requis  qu'il  soit  écrit 
et  signé  de  la  main  du  testateur,  ou  qu'il 
soit  passé  devant  deux  notaires  ,  ou  par-de- 
vant le  curé  de  la  paroisse  du  testateur,  ou 
son  vicaire  général  et  un  notaire  ,  ou  dudit 
curé  ou  vicaire,  et  de  trois  témoins.  »  L'ar- 
ticle 291  ajoute  :  «  Seront  aussi  tenus  lesdiis 
curés  et  vicaires  généraux,  de  porter  et  faire 
mettre  de  trois  mois  en  trois  mois  es  greffes, 
comme  dessus,  les  registres  de  baptêmes, 
mariages,  les  testaments  et  sépultures,  sous 
peine  de  dommages  et  intérêts,  et  pour  ce 
ne  doivent  rien  payer  au  greffe.  »  —  L'or- 
donnance des  teslamenls  du  31  août  1735 
s'exprime  ainsi  ,  art.  25  :  «  Les  curi's  sécu- 
liers ou  réguliers  pourront  recevoir  des  tes- 
taments ou  autres  dispositions  à  cause  de 
mort  dans  l'étendue  de  leurs  paroisses,  et  ce 
seulement  dans  les  lieux  où  les  coutumes  et 
statuts  les  y  autorisent  expressément ,  et  en 
y  appelant  avec  eux  deux  témoins  ;  ce  qui 
sera  pareillement  permis  aux  prêtres  sécu- 
liers, préposés  par  l'évéque  à  la  desserte  des 
cures  pendant  qu'ils  les  desserviront,  sans 
que  les  vicaires  et  autres  personnes  ecclé- 
siastiques puissent  recevoir  des  testaments  et 
aulres  dernières  dispositions.  N'enlendons 
rien  innover  aux  règlements  et  usages  ob- 
servés dans  quelques  hôpitaux  par  rapport 
à  ceux  qui  peuvent  recevoir  des  tesiaments.  » 
—  L'article  26  continue  :  «  Le  curé  ou  des- 
servant seront  tenus,  immédiatement  après 
la  mort  du  testateur,  s'ils  ne  l'ont  fait  aupa- 
ravant ,  de  déposer  le  testament  ou  autre 
dernière  disposition  qu'ils  auront  reçus  chez 
le  notaire  ou  tabellion  du  lieu,  et  s'il  n'y  en 
a  point,  chez  le  plus  prochain  notaire  royal 
dans  l'étendue  du  bailliage  ou  sénéchaussée 
dans  laquelle  la  paroisse  est  située,  sans  que 
lesdits  curés  ou  desservants  puissent  en  déli- 
vrer aucune  expédition  ,  à  peine  de  nullité 
desdites  expéditions  etdes  donmiages-intérêts 
des  notaires  ou  tabellions ,  et  des  parties  qui 
pourraient  en  dépendre.  « 

Ces  deux  arlicles  ont  dérogé  à  l'ancien 
droit  en  trois  choses  :  1°  Ils  ont  ôté  aux  vi- 
caires le  droit  de  recevoir  des  testaments  ; 
2°  ce  droit  pour  les  curés  eux-mêmes  est  res- 
treint et  limité  aux  lieux  où  les  coutumes  et 
les  statuts  les  y  autorisent  expressément  ; 
3°  ils  .sont  obligés  de  déposer  les  testaments 
qu'ils  ont  reçus  chez  le  tabellion  du  lieu  ou 
chez  le  plus  prochain  notaire  royal ,  et  ils  ne 
peuvent  en  délivrer  aucune  expédiliDii.  L'ar- 
ticle 33  de  la  même  ordonnance  excepte  le 
temps  des  postes  ,  pendant  lequel  tout  curé, 
vicaire,  desservant,  soit  régulier,  soit  sécu- 
lier, peut  recevoir  des  testaments.  Les  ctirés 
sont  tenus ,  ainsi  que  les  aulres  officiers  pu- 
blics,  d'observer  toutes  (ormalités  prescrites 
par  l'ordonnance  et  les  statuts  locaux. 

Coin-ne  premiers  p.isleurs  et  chefs  de  leurs 
diocèses ,  les  évêques  ont  un  droii  d'inspec- 
tion et  de  surveillance  qui  entraîne  néces- 
taireuunt  après  lui  le  pouvoir  de  punir  cl  de 


m9 


corriger,  ponvoir  sans  lequel  ils  ne  pour- 
raient maintenir  le  bon  ordre  et  la  discipline 
qu'ils  sont  chargés  de  conserver.  Un  des 
moyens  les  plus  efficaces  pour  y  réussir  est 
sans  doute  la  tenue  des  synodes  :  c'est  dans 
ces  assemblées  où  l'on  peut  remédier  aux 
abus  généraux  qui  s'introduisent  dans  uu 
diocèse.  C'est  là  que  les  curés  les  moins 
zélés  et  les  moins  fervents  viennent  puiser, 
dans  les  exemples  et  les  discours  de  leurs 
supérieurs  et  de  leurs  confrères ,  l'esprit  et 
les  vertus  ecclésiastiques.  Aussi  voit-on  que, 
dans  tous  les  siècles,  les  conciles  ont  sévi 
contre  les  curés  qui  cherchaient  à  se  sous- 
traire à  ce  juug  salutaire.  Le  concile  de  Metz 
de  l'an  756  condamne  ceux  qui  sans  raison 
refusent  de  s'y  rendre,  à  60  livres  d'aumônes, 
et  celui  de  Saintes,  de  l'an  1280,  prononce 
contre  eux  la  peine  d'interdil.  Le  concile  de 
Trente  en  a  aussi  une  disposition  formelle. 
Cette  loi  de  discipline  a  été  adoptée  dans  nos 
tribunaux.  Ils  ont  donné  plusieurs  arrêts 
pour  contraindre  les  curés  à  se  rendre  aux 
synodes.  Les  curés  réguliers  qui  se  préten- 
dent exempts  de  la  juridiction  ordinaire, 
sont  soumis  à  cette  loi  générale.  On  voit 
dans  Bardct  un  arrêt  du  23  février  1637,  qui 
confirma  une  condamnation  à  8  livres  d'au- 
mônes portée  par  l'évéque  de  Beauvais  con- 
tre un  curé  de  l'ordre  de  Malte.  M.  Bignon  , 
qui  porta  la  parole  dans  cette  cause,  avança 
que  l'obligation  d'assister  au  synode  ne  pou- 
vait être  anéantie  ni  par  l'exemption,  ni  par 
la  prescription.  Un  arrêt  du  grand  conseil , 
rapporté  par  l'auteur  des  il/emotres  du  clergé, 
tom.  III,  pag.  723,  enjoint  au  curé  de  la 
paroisse  de  Mont-Saint-Michel,  diocèse  d'A- 
vranches,  d'assister  au  synode  diocésain  tou- 
tes les  fois  que  les  évêques  le  convoqueront, 
et  ce  nonobstant  sa  prétendue  exemption  de 
la  juridiction  épiscopale. 

Parmi  les  peines  dont  un  évêque  peut  punir 
un  curé,  il  en  est  qu'il  prononce  lui-même 
sans  aucune  espèce  de  formes  juridiques.  Il 
en  est  d'autres  qu'il  ne  peut  infliger  qu'après 
une  information  en  règle  et  une  procédure 
légale.  L'évéque  ne  peut  pas  lui-même  pro- 
noncer ces  dernières.  Elles  sont  uniquement 
réservées  à  son  officiai  (1)  ;  nous  n'en  parle- 
rons point  ici.  Parmi  les  premières  ,  la  plus 
commune  est  l'envoi  au  séminaire  pour 
quelque  temps.  Nos  rois  ont  cru  digne  de 
leur  attention  de  donner  des  bornes  à  ce 
pouvoirdes  évêques,  et  d'empêcher  que,  sous 
le  spécieux  prétexte  de  conserver  la  disci- 
pline, les  curés  ne  lussent  exposés  à  des 
vexations  et  à  des  actes  de  depotismc.  Une 
déclaration  du  15  décembre  1698,  enregistrée 
dans  toutes  les  cours,  porte  que  «  les  ordon- 
nances par  lesquelles  les  évêques  auront 
estimé  nécessaire  d'enjoindre  à  des  cures  ou 
aulres  ecclésiastiques  ayant  charge  d'âmes, 
dans  les  cours  de  leurs  visites,  et  sur  procès- 
verbaux  qu'ils  auront  dressés  ,  do  se  retirer 

(  I)  Les  oflicialiiés  ne  sont  pas  rétablies  en  France. 
Obscivoiis  que  dans  tout  éiai  de  cause  l'évêinic  a 
reçu  le  piiiivoir  de  prononcer  ex  informala  conscieiitin. 
\oy.  le  Dtci.  de  Théol,  mor.,  an.  Censube. 


laa 


CCR 


CUR 


dans  des  sî'ininaircs  pour  le  temps  de  trois 
mois  et  pour  causes  graves  ,  mais  qui  ne 
mériteront  pas  une  instruction  dans  les  for- 
mes de  la  piocédure  criminelle  ,  seront  exé- 
cutées nonobstant  toute  appellation.  »  — 
D'après  celle  déclaration,  il  est  ccrt.iin  , 
1°  (ju'un  évéque,  sans  employer  la  procédure 
criminelle,  ne  peut  coinlamner  un  curcf  au 
séminaire  que  pour  trois  mois;  2' qu'il  ne  le 
peut  que  dans  le  cours  de  sa  visite  ;  3°  qu'il 
doit  dresser  un  procès-verbal  qui  est  le  fon- 
dement de  son  ordonnance;  fi°  qu'il  faut  que 
la  cause  soit  grave  ;  5"  enfin  que  l'ordon- 
nance étant  exécutoire  nonobstant  appel  ,  y 
est  cependant  sujette.  Il  faut  encore  conclure 
de  celle  déclaration  que  si  l'évèque  ordon- 
nait trois  mois  de  séminaire  hors  du  cours 
de  sa  visite  ou  sans  avoir  dressé  de  procès- 
verbal  ,  son  ordonnance  pourrait  être  atta- 
quée par  la  voie  de  l'appel  comme  d'abus  : 
il  y  a  apparence  que  dans  ce  cas  un  curé 
(tbtiendrait  facileuient  un  arrêt  de  défense.  II 
y  a  donc  deux  muyens  d'appel  comme  d'abus 
d'une  ordonnance  d'un  évéque  qui  enjoin- 
drait à  un  cure  d'ailer  au  séminaire  pendant 
un  certain  temps  :  le  premier,  tiré  du  défaut 
des  formalités  prescrites  par  la  déclaration 
de  1608  ;  le  second  ,  pris  dans  le  fond  même 
de  l'ordonnance.  Le  premier  moyen  peut  être 
suspensif,  c'est-à-dire,  que  les  cours  peuvent 
accorder  un  arrêt  de  défenses.  Mais  si  l'abus 
n'est  fondé  que  sur  l'injustice  même  de  l'or- 
donnance, il  n'est  que  dévolutif,  et  l'ordon- 
nance doit  être  exécntce  nonobstant  l'appel. 
Pour  mettre  le  curé  dans  le  cas  de  se  juslitier 
s'il  est  innocent  ,  ou  de  se  corriger  s'il  est 
coupable,  on  doit  lui  donner  copie  du  procès- 
verbal  dressé  contre  lui.  S'il  parvenait  à 
démontrer  que  l'évèque  n'a  sévi  contre  lui 
que  par  passion  ,  il  serait  dans  le  cas  do 
demander  des  dommages  et  intérêts.  On  en  a 
vu  plusieurs  en  obtenir  et  dislribuer,  aux 
pauvres  de  leurs  paroisses  les  sommes  qui 
leur  avaient  été  adjugées. 

Un  arrêt  du  parlement  d'Aix,  du  28  mars 
17'i.0,  nous  apprend  qu'un  curé  peut  être 
renvoyé  au  séminaire  pour  un  terme  moins 
long  que  Irois  mois,  quoique  l'évèque  ne 
soit  pas  dans  le  cours  de  sa  \isite.  Alors  on 
ne  considère  |)oint  le  séminaire  comme  une 
l)eine,  mais  simplement  comme  une  correc- 
lioii  paternelle  et  un  remède  salutaire  pour 
rappeler  à  un  ecclésiastique  le  souvenir  de 
ses  devoirs.  On  conteste  aux  grands  vicaires 
le  droit  de  condamner,  dans  le  cours  de  leurs 
visites,  un  curé  au  séminaire.  Les  auteurs 
qui  leur  sont  favorables,  conviennent  qu'il 
faut  que  ce  pouvoir  soit  exprimé  dans  leurs 
lettres  de  vicariat.  Le  clergé,  pour  prévenir 
toute  contestation  sur  ce  point,  crui  devoir, 
en  !72G,  demander  à  ce  sujiet  une  déclaration 
qui  n'a  pas  encore  paru- 

Nous  connaissons  en  France  plusieurs  es- 
pèces de  curés;  il  y  a  des  curés  primitifs  et 
des  cures-vicaires  perpétuels  dont  les  charges 
et  les  droits  sont  tolalemeiit  différents.  Il  y  a 
en  outre  des  curés  séculiers  et  des  curés  ré- 
guliers. Les  obligations  des  uns  et  des  autres, 
par  rapport  aux  licièles,  sont  absolument  les 


1312 


mêmes.  Mais  les  devoirs  qo'imposeut  la  vie 
monastique  et  l'obéissance  due  à  la  règle 
dans  laquelle  ils  se  sont  engagés,  ont  fait 
soumettre  les  curés  réguliers  à  des  lois  qui 
leur  sont  particulières  et  qui  ne  regardent 
en  rien  les  séculiers.  Nous  en  rendrons  compte 
lorsque  nous  aurons  parlé  des  curés  primitifs 
et  des  cxrc's-vicaires  perpétuels(t). 

Ues  curés  primitifs  et  des  curés-vicaires  per- 
pétuels. Il  n'y  avait  autrefois  dans  l'Eglise 
qu'une  espèce  de  curé;  ce  n'est  que  vers  le 
vil*  siècle  que  l'on  commença  à  distinguer 
les  curés  primitifs  et  les  eurés  subalternes. 
Il  parait  qu'il  faut  attribuer  à  dillérentcs 
causes  l'origine  de  cette  distinction.  La  pre- 
mière et  sans  doute  la  plus  favoralile,  est  la 
distinction  que  les  évoques  Grentde  plusieurs 
curés  de  la  campagne  qu'ils  appelèrent  auprès 
d'eux,  pour  les  seconder  dans  l'administra- 
tion du  diocèse,  et  composer  une  partie  da 
clergé  de  la  cathédrale.  Ces  prêtres  conser- 
vèrent les  revenus  de  leurs  cures,  en  se  char- 
geant de  les  faire  desservir  par  d'autres 
prêtres,  qui  étaient,  pour  ainsi  dire,  à  leurs 
gages,  et  sur  lesquels  ils  s'attribuèrent  une 
supériorité.  Noilà  pourquoi  tant  de  chapitres 
sont  encore  curés  primitifs.  —  Vers  le  ix' 
siècle,  lignorance  et  la  barbarie  féodale 
ayant  régné  jusque  sur  le  clergé  séculier,  qui 
aurait  pu  difficilement  se  préserver  de  la  cor- 
ruption au  milieu  d'un  peuple  corrompu, 
on  lut  obligé  de  recourir  aux  moines.  Les 
mœurs  et  les  sciences  réfugiées  dans  les 
cloîtres  furent  alors  d'un  grand  secours  à 
l'Eglise  :  mais  bientôt  le  clergé  séculier  sortit 
de  son  état  d'avilissement,  et  l'on  s'aperçut 
que  les  fonctions  du  ministère  étaient  incom- 
patibles avec  la  vie  monastique.  Alors  l'E- 
glise, qui  ne  s'était  servie  de  moines,  que 
comme  on  se  sert  de  troupes  auxiliaires  que 
de  fâcheuses  circonstances  forcent  d'em- 
ployer, les  rendit  à  leur  premier  état  et  les 
ût  rentrer  dans  leurs  cloîtres.  A  cette  époque, 
ils  étaient  maîlres  de  presque  toutes  les 
cures.  Les  évoques  leur  en  avaient  confié  une 
partie,  et  les  seigneurs  laïques,  qui,  pendant 
deux  siècles  ,  s'étaient  emparés  des  biens 
ecclésiastiques,  et  surtout  des  paroisses,  cru- 
rent satisfaire  à  leur  conscience,  et  faire  une 
restitution  suffisante,  en  les  remettant  à  des 
monastères  à  (jui  ils  n'avaient  jamais  appar- 
tenu. Les  moines,  en  se  retirant  dans  leurs 
cloîtres,  n'abandonnèrent  pas  les  revenus 
des  églises  paroissiales  ;  on  toléra  même 
qu'ils  en  jouissent,  à  la  charge  toutefois  de 
faire  desservir  les  cures  par  des  prêtres  sé- 
culiers qui  élaient  amovibles.  11  y  eut 
beaucoup  d'évêques  qui,  pour  permettre  ce 
partage  inouï,  par  lequel  les  charges  cl  les 
travaux  se  trouvaient  d'un  côté,  les  richesses 
et  l'oisiveté  de  l'autre,  se  faisaient  payer,  à 
chaque  mutation  de  desservant,  ce  droit  si 
connu  sous  le  nom  de  rachat  des  autels  {alla- 
riuin  redemplio).  Telle  est  l'origine  do  la 
supériorité  que  beaucoup  de  mon;iSlères  pré- 
tendent sur  plusieurs  cures.  —  Il  faut  cepeu- 

(I)  Nous  ne  connaissons  plus  aujoiird'hai  ces  dif- 
férentes espèces  Je  curés. 


1245 


CUR 


CUR 


12U 


dant  convenir  qu'il  y  en  a  quelquos-uns  qui 
ont  servi  à  la  fondation  et  à  la  dotation  de 
certains  monastères,  et  que  quelques  aulrcs 
ne  sont  que  les  chapelios  que  les  moines 
avaient  élevées  dans  leurs  granges  et  dans 
leurs  fermes,  et  qui  dans  la  suife  sont  deve- 
nues des  paroissrs.  Ces  dernières  sont  en 
petit  nombre.  C'est  pourquoi  nos  lois,  en 
distinguant  les  chapitres  et  les  monastères 
des  curés  primitifs,  ont  traité  bien  plus  favo- 
rablenienl  les  chapitres  que  les  monastères, 
au  moins  quant  aux  droits  lionoriliques. 

C'était  sans  doute  un  grand  désordre  que 
de  voir  les  peuples  confiés  aux.  soins  de  pas- 
teurs amovibles,  et  à  qui  les  curés  primitifs 
refusaient  presque  le  nécessaire.  L'iiglise 
tonna  contre  cet  abus  intolérable;  mais  ses 
règlements  el  ses  menaces  furent  inutiles,  el 
la  cupidité  trouva  pendant  longtemps  les 
moyens  de  les  éluder.  Nos  princes,  [irolec- 
l«urs  de  la  religion,  lui  ont  prêté,  à  celle 
occasion,  un  bras  secourable,  et  leurs  lois 
ont  enfin  mis  les  canonsen  vigueur.  L'article 
12  de  l'ordonnance  de  16:i9  est  conçu  en  ces 
termes  :  «  Les  cures  qui  sont  unies  aux 
abbayes ,  prieurés ,  églises  cathédrales  ou 
collégiales  ,  seront  dorénavant  tenues  à  part 
et  à  titre  de  vicaire  perpétuel,  sans  qu'à 
l'avenir  Icsdiles  églises  puissent  prendre  sur 
icelles  C((res  autres  droits  qu'honoraires,  tout 
le  revenu  demeurant  au  titulaire,  si  mieux 
lesdites  églises  ou  autres  bénéfices  dont  dé- 
pendent lesdiles  cwrcj,  n'aiment  fournir  aux- 
dits  vicaires  la  somme  de  300  livres  par  an, 
dont  sera  fait  instance  au|)rès  de  notre  saint- 
père  le  pape.  »  11  paraît  que  cet  article  ne  fut 
point  exécuté,  ou  du  moins  souffrit  beaucoup 
de  difficulté.  On  en  peut  juger  |iar  le  grand 
nombre  de  déclarations  que  Louis  XIV  et 
Louis  XV  ont  données  à  ce  sujet.  —  Le 
préambule  du  29  janvier  1080  nous  apprend 
que,  dans  quelques  provinces  du  royaume, 
plusieurs  curés  priniilifs  cl  autres,  à  qui  la 
collation  des  ciofs  el  des  vicaires  perpétuels 
appartenait,  coiiimellaieiit  des  prêtres  pour 
les  desservir,  ;  èiulant  le  temps  qu'ils  ju- 
geaient à  propos  de  le;  y  employer,  avec 
une  rétribution  très-médiocre.  Le  roi,  pour 
remédier  à  un  àlius  tant  de  fois  condamne 
parles  canons,  ordonne  que  «  les  cures  qui 
sont  unies  à  des  chapitres  ou  autres  commu- 
nautés ecclésiastiques,  et  celles  où  il  y  a  des 
curés  primitifs  ,  soient  desservies  par  des 
curés  ou  des  vicaires  perpétuels  qui  seront 
pourvus  en  tiire,  sans  q(i'on  y  puisse  mettre 
à  l'avenir  des  prêtres  amovibles,  sous  quelque 
prélexle  que  ce  puisse  être  ». 

Il  n'esi  guère  [tossible  à  un  législateur  do 
tout  prévoir,  et  il  est  peu  de  lois  nouvelles 
qui  ne  donnent  lieu  à  de  nouvelles  conlesta- 
lions.  Il  s'rn  éleva  beaucoup  entre  les  citrc's 
primitifs  et  les  vieaires  perpétuels  :  il  f  lUt 
convenir  que  justju'alors  leurs  droits  res- 
peclils  n'avaieiil  pas  encore  été  réglés.  !'n 
payant  la  portion  congrue  aux  vicaires  per- 
j)éluils,  les  cttrés  priniilifs  les  troublaient 
dans  la  perceplion  des  oblations  ,  oITrandrs 
et  autres  droits  CasUcIs.  La  déclaralion 
Uu  au  Juin  lO'JO  eut  pôdr  but  de  terminer 


tontes  ces  contestations  scandaleuses.  «  Vou- 
lons, y  est-il  dit,  que  les  vicaires  et  curés 
perpétuels  jouissent  à  l'avenir  de  toutes  les 
oblations  et  olïraudos,  tant  en  cire  qu'en 
argent,  et  autres  rétributions  qui  composent 
le  casoel  de  l'Eglise  ,  ensemble  des  fonds 
chargés  d'obits  et  fondations  pour  le  service 
divin,  sans  aucune  diminution  de  leur  por- 
tion congrue,  et  ce,  nonobstant  toute  trans- 
action, abonnement,  possession,  sentences 
et  arrêts,  auxquels  nous  défendons  à  nos 
cours  et  jugés  d'avoir  aucun  égard.  Pourront 
néanmoins  lesilils  curés  primitifs,  s'ils  ont 
titre  ou  possession  valable,  continuer  de  faire 
le  service  divin  aux  quatre  fêles  solennelles; 
et  le  jour  du  patron,  auquel  jour  ils  pourront 
percevoir  la  moitié  des  oblations  et  offrandes; 
tant  en  cire  qu'en  argent,  et  l'aulre  moitié 
demeurera  au  citre'-vicaire  perpétuel,  et  sera 
au  surplus  notre  déclaralion  du  mois  de 
janvier  10813  exécutée  ,  selon  sa  forme  el 
teneur,  en  ce  qui  n'y  est  pas  dérogé  par  ces 
présentes.  »  L'éiiit  de  16i)o,  art.  2k,  ordonne 
aux  évêques  d'établir,  suivant  les  déclara- 
tions de  1080  et  1090,  des  vicaires  perpétuels 
où  il  n'y  a  que  des  prélres  amovibles. 

Walgr,'  ces  lois  réilérées,  il  s'élevait  jour- 
nellement une  infinité  de  procès  entre  les 
curés  primitifs  et  les  ci(rt;'A--vicalres  perpé- 
tuel';. Deux  déclarations  du  o  octobre  1720  et 
du  15  janvier  iTiil  ont  enfin  posé  dos  limites 
qu'il  n'est  plus  permis  de  franchir.  Tout  y 
est  prévu,  tout  y  est  déterminé.  Les  préten- 
tions  exeessives  des  abbés,  prieurs  et  com- 
munautés y  sont  réprimées,  les  droits  des 
chapitres  conservés  et  l'état  des  care's-vicai- 
res  perpétuels  fixé  d'une  manière  convenable 
à  l'importance  et  à  la  dignité  de  leurs  fonc- 
tions. La  déclaration  de  1720  ne  contient 
que  7  articles  :  celle  de  1731  est  beaucoup 
plus  étendue.  Comme  c'est  elle  qui  forme  la 
jurisprudence  actuelle,  n'jus  allons  en  rendre 
compte,  en  la  conférant  avec  celle  de  1720. 
Par  ce  moyen  on  connaîtra  toutes  les  lois 
qui  tégissentia  matière  que  nous  traitons. 
—  L'article  t'  assure  aux  vicaires  perpétuels 
le  titre  de  curés-vicaires  perpétuels,  qu'ils 
pourront  prendre  en  toute  occasion,  même 
en  contractant  avec  le  curé  primitif  ;  c'est 
ce  que  signifient  évidemment  ces  expressions 
en  tous  acles  cl  en  toutes  occasions.  L'arti- 
cle 1 1  de  la  déclaralion  de  17"20  porte  une  dis- 
position semblable. — Plusieurs  communau- 
tés et  des  bénéficiers  particuliers  prenabnt 
sans  londemeni  le  titre  de  CMre*  primitifs; 
l'article  11  de  notre  déclaralion  déîcrmine 
ceux  qui  pourront  le  prendre  à  l'avenir. 
«  Ne  pourront  prendre  le  litre  de  curés  pri- 
mitifs,  (lue  ceux  dont  les  dr(>its  seront  éta- 
blis, soit  par  des  titres  canoniques,  acles  ou 
transactions  valablement  autorisés,  arrêts 
contradictoires,  soit  sur  des  actes  de  posses- 
sion centenaire.  N'entendons  exclure  les 
moyens  et  les  voies  de  droit  qui  pourraient 
avoir  lieu  contre  lesdils  acles  et  arrêts,  les- 
quels srronl  cependant  exécutés  iustju'à  ce 
qu'il  en  ait  été  autrement  ordonné,  soit  dé- 
liiiitivement,  ou  par  provision,  par  les  juges 
qui  eu  (ioiveul  couuaitre.  suivant  ce  qu'il 


ms 


CUR 


sera  dit  ci-nprès.  »  L'article  h  delà  déclara- 
tion de  1726  s'expliquait  en  ces  termes  : 
u  Le  litre  et  les  droits  de  curc's  priiiiilit'i  ne 
pouvant  étreâcqiiis  légitituemenl  qu'en  vertu 
d'un  titre  spécial,  ceux  qui  prétendent  y 
élre  fondés  seront  tenus,  en  tout  état  de 
cause,  d'en  représenter  le  litre,  faute  de 
quoi  ils  ne  pourront  élre  reçus  à  le  prendre 
au  préjudice  des  vicaires  perpétuels,  à  qui 
la  provision  demeurera  pendant  le  cours  de 
la  contestation  ;  et  ne  seront  réputés  vala- 
bles, à  cet  elTet,  autres  titres  que  les  bulles 
dn  pape,  décrets  des  archevêques  ou  évèques, 
ou  actes  d'une  possession  avant  100  ans,  et 
non  interrompue;  et  sans  avoir é;;ard aux 
transactions,  ou  autres  actes,  ou  aux  sen- 
tences et  arrêts  qui  pourraient  avoir  éié 
rendus,  en  faveur  des  curés  irimilii's,  si  ce 
n'est  que,  par  leur  aullicniicilé  et  l'exéculiou 
qui  s'en. serait  suivie,  ils  eussent  ai;quis  le 
degré  d'aulorilé  nécessaire  pour  les  metlrc 
hors  d'atteinte.  «  —  La  différence  entre  ces 
deux  articles  consiste  eu  ce  que,  selon  celui 
de  1726,  pendant  le  cours  de  la  conleslation, 
la  provision  doit  demeurer  anxcu/c's-vicaires 
perpétuels  ,  et  que  ])ar  celui  de  1731,  les 
titres  des  inrés  primitifs  doivent  élre  exécutés 
provisoirement,  quoique  les  city  tv-vicaires 
perpétuels  se  pourvoient  contre  ces  litres 
par  les  moyens  de  droit.  —  Une  autre;  diiVé- 
rence,  c'est  que  toutes  transaclions  ou  anèls 
non  exécutés  ne  peuvent  faire  titre  anxcuics 
primitils,  suivant  la  déciaration  de  1726,  au 
lieu  que,  selon  celle  de  1731,  tout  arrêt  con- 
tradictoire ou  transaction  valablement  auto- 
risée fait  lilre,  ii'.dépenilainnient  de  l'exécu- 
tion. La  déclaration  de  17-2  i  était  en  ce  point 
plus  favorable  aux  cuics-vicaires  [lerpétuels. 
Elle  nous  parait  aussi  se  ra|>;iroclier  davan- 
tage des  principes,  en  rendant  plus  dilliciles 
les  preuves  sur  lesquelles  on  doit  établir  la 
qualité  de  aué  primilif.  Uevrait-ou,  en  celle 
matière,  permeilre  de  suppléer  le  lilre  cons- 
titutif par  des  actes  possessoires  ou  auiies 
actes  équivalents  ?  Les  cinô-  primitifs  sont 
aussi  contraires  à  la  discipline  de  l'tglise  et 
au  droit  commun  que  les  exempiions.  On 
n'admet  point  puur  celles-ci  de  tilres  «ini 
puissent  suppléer  le  titre  constitutif.  La  pu.i- 
session  même,  quelque  lonijue  ((u'elle  soit, 
est  inutile  sans  ce  titre  ;  pourquoi  n'en  esl-il 
pas  de  niémc  pour  les  cures  primitifs?  Leur 
possession  avec  un  titre  est  noii-jeulement 
une  dérogation  au  droit  commun  cl  à  la  saini; 
discipline  de  Tligiise,  mais  emore  une  viola- 
tion de  la  loi  évangélique,  qui  ne  veut  pas 
que  celui  qui  ne  sert  point  à  l'autel  vive  de 
l'autel,  et  de  la  loi  naturelle  qui  défend  de 
se  nourrir  et  de  s'engraisser  des  sueurs  et  des 
travaux  de  ses  frères  :  d.''S  lors,  celle  posses- 
sion sans  titre  n'est-elle  pas  le  [)lus  intoléra- 
ble des  abus  ?  On  dira  peul-ôtre  que  ce  serait 
anéantir  tous  les  cures  primitifs,  que  de  les 
obliger  à  rc()résenter  leurs  tilres  constitutifs. 
Peut-un  regarder  comme  un  inconvénient, 
une  loi  qui  tendrait  à  rétablir  l'ancienne 
disciplir.e  et  à  guérir  en  partie  une  plait-  dont 
l'iîglise  gémit  encore?  D'ailleurs,  cela  ue  le- 
rait  qae  les  rendre  moins  commuas  saus  les 


CUR  Vlit 

détruire  entièrement.  Il  en  sérail  comme  des 
exempts,  qui  se  sont  conservés  malgré  la  ri- 
gueur des  lois  portées  coniie  eux. 

L'article  3  détermine  à  qui  appartiendra  le 
titre  et  les  fonctions  de  cures  primitifs,  rela* 
tivemenl  aux  communautés  religieuses.  Les 
moines  les  disputaient  à  leurs  al)l)és,  prieurs 
réguliers  on  commendataires,  et  à  leurs  su- 
périeurs claustraux.  Ils  prélendaient  être  en 
droit  de  venir,  quand  bon  leur  semblait,  of(i- 
cier  dans  les  églises,  dont  leur  communauté 
éiail  cure  piimitif,  et  cela  malgré  le  cioc'-vi- 
caire  ptip 'tucl.  Noire  article  remédie  au'i. 
inconvénients  qui  pouvaient  nailie  de  pa- 
reilles préientions.  U  porte  :  «  Les  abbés  , 
prieurs  et  autres  pourvus,  soit  eu  titre,  soit 
en  commende,  du  bénéfice  au({uel  la  qualité 
de  CKCtf /jrim(/(7seraa!tacbée,  pourront  ^euls, 
cl  à  l'exclusion  des  coiumunyulés  établies 
dans  leurs  abbayes,  prieurés  ou  autres  béné- 
tices,  prendre  ledit  tiire  de  cure  primitif,  et 
en  exercer  les  (onctions,  lesquelles  ils  ne 
pourront  remplir  qu'en  jersonne,  sans  qu'en 
leur  absence,  ou  peiulant  la  vacance,  le^dites 
communautés  puissent  faire  lesdiles  fonc- 
lions,  qui  ne  pourront  é.re  exercées  dans 
lesdils  casque  parles  C2*rc's- vicaires  perpé- 
tuels ;  et  à  l'ei^ard  des  communautés,  qui 
n'ayant  point  d'abbés,  ni  de  prieurs  en  litre 
ou  en  commende,  auront  les  droits  de  curés 
priiiiitits,  soit  par  union  de  bénélices,  ou  au- 
iremeiil,  les  sujiérieurs  dcsdiles  communau- 
tés pourront  seuls  en  faire  les  fonctions,  le 
tout  nonobstant  tous  actes,  jiigcmeuis  et  (los- 
sessions  à  ce  contraires,  et  pareillement  s^ans 
qu'aucune  prescription  puisse  être  alléguée 
cunlre  les  abbés,  prieurs,  ou  autres  bénéfi- 
ciers,  ou  contre  les  supérieurs  des  commu- 
nautés qui  auront  négligé  ou  (jui  négligeront 
de  faire  lesdites  fouclious  de  cures  primitifs, 
par  quelque  laps  de  temps  que  ce  soit.  »  Ces 
dispositions  sont  enlièremeul  conformes  à 
l'article  o  de  la  déclaralion  de  1726.  —  L'ar- 
ticle 4  règle  quelles  seront  les  fondions  que 
pourront  exercer  les  cnri/s  primilil's.  «  Les 
c.;/ci  primitifs,  s'ils  ont  titre  ou  possession 
valable,  pourront  continuer  de  l'aire  le  ser- 
vice divin  les  quatre  têtes  solennelles  et  le 
jour  du  patron,  à  l'eflet  de  quoi,  ili  seront 
tenus  de  faire  avertir  les  curés,  vicaires  [ler- 
pétucis,  la  surveille  de  la  fêle,  et  de  se  con- 
former au  rite  cl  au  tbanl  du  diocèse,  sans 
qu'ils  puissent  môme  auxdits  jours  adminis- 
trer les  sacremeuls  ou  préclier  sans  auiuuo 
mission  spéciale  de  l'évcque;  et  sera  le  con- 
tenu au  présent  article  exécuté,  nonobstant 
tous  titres,  jugements,  ou  usages  à  ce  con- 
traires, w  Cet  article  est  encore  absolument 
conforme  à  la  déclaralion  de  1726.  Il  faut 
en  conclure  que  pour  exercer  le;  fonctions 
qui  sont  désignées,  le  cur^  primitif  iloit  avoir 
ou  litre  ou  possession.  L'un  sans  l'autre  est 
sulfisant,  parce  que  l'inteniiou  du  législateur  ^ 
cA  que  la  possession  supplée  le  titre,  et  qu'il 
a  ordonne  par  l'article  précédent  que  la 
prescription  ne  pourrait  anéantir  le  litre. 
Ou  doit  encore  en  conclure  (jue  le  litre  de 
cuni  prim'lifei  les  ciiarge^  qui  y  sont  atta- 
cbées  uc  uonneui  pas  le  droit  d'exercer  les 


1247 


CUR 


cuu 


1243 


fonctions  qne  cet  article  accorde  en  général 
aux  curés  primilifs.  H  faut  en  effet,  outre  le 
titre  de  curé  primitif,  en  avoir  un  particulier 
fini  emporte  le  droit  de  célébrer  le  service 
divin  ou  du  moins  prouver  la  possession. 
C'est  ce  que  suppose  évidemment  notre  dé- 
claration, puisque  d.'ins  l'article  2  elle  parle 
du  titre  nécess.iirc  pour  prendre  la  qualité 
de  curé  primitir ;  et  que  dans  celui  que  nous 
examinons,  elle  ne  s'occupe  que  du  titre  et 
de  la  possession  requise  pour  pouvoir  offi- 
cier les  quatre  fêles  solennelles  et  le  jour  du 
patron.  Cctie  distinction  est  fondée  sur  ce  que 
la  qualité  générale  de  curé  pr('»ii7î7  n'em- 
porte pas  essentirllemenl  les  droits  honori- 
fiques, parce  que  rien  n'empêche  qu'ils  ne 
soient  sépiirés  des  droits  utiles.  Celle  doctrine 
est  appuyée  sur  deux  arrêts  remarquables: 
l'un  du  grand  conseil,  rendu  le  20  septem- 
bre 1676,  a  maintenu  l'abbé  Despréaux  dans 
le  titre  de  curé  prmilif  de  la  paroisse  de 
Canibon,  diocèse  de  Paris,  et  cependant  lui 
fait  défense  d"y  officier  nucun  jour  lie  l'an- 
née; l'autre,  du  26  mars  1691,  est  du  parle- 
ment de  Paris  •  il  déboute  les  religieux  de 
Montdidier  ,  diocèse  d'Amiens,  de  leurs  pré- 
tentions, quant  à  la  célébration  du  service 
divin  dans  une  paroisse  dont  ils  étaient  re- 
connus pour  cuj'^.f  primilifs.  Ce  dernier  arrêt 
est  d'autant  plus  important,  qu'il  est  posté- 
rieur à  la  déclaration  de  1(-90,  qui  maintient 
en  général  les  curés  primilifs  dans  le  droit 
d'officier  certains  jours  de  l'année. 

L'article  5  fixe  les  droits  utiles  des  curés 
primitifs,  lorsiju'ils  officieront:  «  Les  droits 
utiles  desdits  curés  primitifs  demeureront 
fixés,  suivant  la  déclaration  du  30  juin  1690, 
à  la  moitié  des  oblations  et  offrandes,  tant 
en  cire  qu'en  ari^cnl,  l'autre  moitié  demeu- 
rant au  CAiré  ,  vicaire  perpétuel ,  lesquels 
droits  ils  ne  pourront  percevoir  que  lors- 
qu'ils feront  le  service  divin  en  jierscnne, 
aux  jours  ci-dessus  marqués ,  le  tout  à 
moins  que  lesdils  droits  n'aient  été  autretnent 
réglés  en  faveur  des  curés  primitifs  ou  des 
vicaires  perpétuels,  par  dos  titres  canoni- 
ques, actes  ou  transactions  ,  valablement 
autorisés,  arrêts  contradictoires  ou  actes  de 
possession  renlcnairc.  »  t]et  article  diTOt^e  à 
la  clause  portée  dans  l'article  3  do  la  décla- 
ration de  172G.  Le  législateur  y  ordonnait  que 
la  moitié  dos  oITrandcs  présentées  les  jours 
«lue  les  ctirés  primitifs  officieraient,  appar- 
tiendrait aux  curés  ,  vicaires  perpétuels  , 
«  nonobstant  tous  usages  ,  abonnements  , 
transactions,  jugements  et  autres  titres  à  ce 
contraires  ».  Il  serait  à  désirer  (juc  cet  obs- 
tacle n'eût  pas  été  réfiirmé,  non-seulement 
parce  qu'il  est  favorable  aux  curés,  vicaires 
perpétuels,  mais  encore  parce  qu'il  obviait 
à  beaucoup  de  procès  (|ue  font  naîlie  les 
prétendus  titres  ou  actes  possossoires  allé- 
gués par  les  rurés  primitif'^,  et  (ju'on  leur 
conteste  ordinairement.  —  Los  articles  (i  et 
7  conservent  les  usages  particuliers  et  locaux 
des  paroisses  qui  ont  coutume  de  s'assembler 
certains  jours  de  l'année  dans  les  églises  des 
monastères  ou  prieurés,  soit  pour  la  célibra- 
lion  de  l'office  divin  ,  soit  pour  des  Te  Deum 


ou  processions  générales,  etc.  Ces  deux  arti- 
cles ne  se  trouvent  point  dans  la  déclaration 
de  1726. 

11  y  a  dos  paroisses  qui  sont  desservies 
dans  dos  églises  de  religieux  ou  de  chanoi- 
nes qui  en  sont  curés  primitifs.  On  voyait 
tous  les  jours  des  difficultés  s'élever  entre 
les  religieux  ou  chanoines  et  leurs  vicaires 
perpétuels.  Ce  qui  y  donnait  le  plus  souvent 
lieu,  ètail  l'usage  du  chœur  et  des  bancs,  les 
sépultures  dans  l'église  et  les  heures  des  of- 
fices. Les  articles  8  et  9  de  la  déclaration 
fixent  sur  ces  objets  les  droits  des  uns  et  des 
autres,  en  distinguant  avec  soin  ce  qui  est 
de  pure  police  extérieure,  et  ce  qui  tient  au 
spirituel  qu'elle  laisse  à  l'entière  disposition 
des  évêques.  Ces  deux  articles  sont  encore 
ajoutés  à  la  déclaration  de  1726.  Les  voici  : 

Article  8.  «  Voulons  que  dans  les  lieux  où 
la  paroisse  est  desservie  à  un  autel  particu- 
lier de  l'église  dont  elle  dépond,  les  religieux 
ou  chanoines  réguliers  de  l'abbaye,  prieurs 
ou  autres  bonôficieis,  puissent  continuer  de 
chanter  seuls  l'office  canonial  dans  le  chœur, 
et  de  disposer  des  bancs  ou  sépultures  dans 
leursditos  églises  ,  s'ils  sont  en  possession 
paisibloet  iumiémorialode  ces  prérogatives.» 
—  Article  9.  «  Les  difficultés  nées  et  à  naî- 
tre sur  les  heures  auxquelles  la  messe  pa- 
roissiale ou  d'autres  parties  de  l'office  divin 
doivent  élre  célébrées  à  l'autel  et  lieux  des- 
tinés à  l'usage  delà  paroisse,  seront  réglés 
par  l'évêque  diocésain  ,  auquel  seul  ap- 
partiendra aussi  de  prescrire  les  jours  et 
heures  auxquels  le  saint  sacrement  sera  ou 
pourra  être  exposé  audit  autel,  même  à  ce- 
lui des  religieux  ou  réguliers  de  la  même 
église,  et  les  onionnances  par  lui  rendues 
sur  le  contenu  du  présent  article,  seront  exé- 
cutées par  provision  pendant  l'appel  simple 
ou  comme  d'abus,  sans  y  préjndicier,  ot  ce 
nonobstant  tous  privilèges  ol  exemptions, 
mén)e  sous  prétexte  de  juridiction  <|uasi-épis- 
copale  ,  prétendue  par  losdiles  abbayes  , 
prieurés  ou  autre  bénéfices,  Icsdites  exem- 
ptions ou  juridictions  ne  devant  avoir  lieu 
en-pareillc  matière.  » 

Après  avoir  déterminé  par  l'article  4  quels 
étaient  les  droits  honorifiiiuos  que  |)our- 
raient  exercer  les  curés  primilifs,  conformé- 
ment à  leur  titre  et  à  leur  possession,  le 
législateur,  craignant  de  nes'êlre  pas  expli- 
qué assez  clairement,  et  voulant  qu'ils  ne 
puissent  prétendre  aucune  espèce  de  supé- 
rioriié  ni  sur  le  spirituel  ni  sur  le  tempo- 
rel des  églises  paroissiales  ,  leur  défend  , 
par  l'article  10,  de  présider,  sous  quel- 
que prétexte  que  ce  soit,  aux  asseml)lées 
que  pourront  tenir  les  cttrés,  vicaires  per- 
pétuels avec  leur  clergé,  par  rapport  aux 
fonctions  ou  devoirs  ai4xquels  ils  sont  obli- 
gés, ou  autre  matière  semblable,  en  leur  dé- 
foiidanl  pareillemenl  de  se  trouver  aux  as- 
semblées dos  curés,  vicaires  perpétuels  et 
marguillieis  qui  regardent  la  fabriciue,  ou 
le  droit  d'en  conserver  les  clol's  entre  leurs 
mains,  et  ce  nonobstant  tous  actes,  arrêts  et 
usages   à  ce  contraires. 

L'arlicle  11  est  extrêmement  important.  Il 


1211) 


CUR 


CUR 


lâso 


fixe  le  seul  cas  dans  lequel  les  curés  priuii- 
lifs  peuvent  être  déchargés  du  paiemenl  de 
la  portion  congrue.  «  Les  abbayes,  prieurés, 
ou  communautés  ayant  droit  de  curés  primi- 
tifs, ne  pourront  être  décliargés  du  paiemenl 
des  portions  congrues  des  curts,  vicaires 
perpétuels,  ou  de  leurs  vicaires,  sous  pré- 
texte (le  r.ibandon  qu'ils  pourraient  faire  des 
dimes  à  eux  appartenantes,  à  moins  qu'ils 
n'abandonnent  aussi  tous  les  biens  ou  reve- 
nus qu'ils  possèdent  dans  lesdites  paroisses, 
et  q|ui  sont  de  l'ancien  patrimoine  des  curés, 
ensemble  le  droit  et  titre  de  curés  primitifs  ; 
le  tout  sans  préjudice  du  recours  que  les  ab- 
bés, prieurs  ou  religieux  pourront  exercer 
réciproquement  les  uns  contre  les  autres, 
selon  que  les  biens  abandonnés  se  trouve- 
ront être  dans  la  tnense  de  l'abbé  ou  prieur, 
ou  dans  celle  des  religieux.  »  Cette  disposi- 
tion se  trouve  dans  l'iirlicle  7  do  la  déclara- 
tion de  17"2(i,  et  a  élé  renouvelée  par  l'arti- 
cle 8  de  l'cdit  de  17G8,  coiu;n  en  ces  termes  : 
«  \'oulons  en  outre,  conformément  à  nos 
déclarations  des  5  octobre  172(1,  et  13  jan- 
vier 1731,  que  les  curés  primitifs  ne  puissent 
être  déchargés  de  la  contribution  à  ladite 
portion  congrue,  sous  prétexte  de  l'abandon 
qu'il  aurait  ci-devant  lait  ou  qu'il  pourrait 
faire  auxdits  curés,  ou  vicaires  perpétuels, 
des  dimes  par  lui  possédées,  mais  qu'il  soit 
tenu  d'en  fournir  le  supplément,  à  moins 
qu'il  n'abandonne  tous  les  biens  sans  excep- 
tion qui  composaient  l'ancien  domaine  de  la 
cure,  ensejnble  le  litre  et  les  droits  de  curé 
primitif.  » 

L'article  12  décide  quels  sont  les  juges  qui 
doivent  prononcer  sur  les  contestations  con- 
cernant la  qualité  de  curé  primitif,  les  droits 
qui  en  dépendent,  et  en  général,  toutes  les 
demandes  formées  entre  les  curés  primitifs, 
les  curés ,  vicaires  perpétuels  et  les  gros  dé- 
ciniateurs.  Ce  sont  en  première  instance  les 
baillis  et  les  au  très  juges  royaux  ressorlissaitts 
nuemenl  aux  cours  de  parlement,  et  ce  no- 
nobstant toutes  évocations,  lettres  palenlcs 
et  déclarations  à  ce  contraires.  —  L'article 
13  porte  que  les  sentences  et  jugements  qui 
seront  renilus  sur  les  contestations  men- 
tionnées dans  l'article  précédent,  soit  en  fa- 
veur des  iurés  primilifs,  suil  au  profit  des 
vicaires  perpétuels,  seront  exécutés  par  pro- 
vision, nonobstantappelet  sans  y  prejudicier. 
—  L'article  l'i,  après  avoir  soumis  à  l'exécu-- 
tion  de  la  déclaration  dont  il  s'agit,  tous  les 
ordres,  (  ongrégations,  corps  ou  communau- 
tés séculières,  ou  régulières,  même  l'ordre  de 
Malte  et  celui  de  Fonlevraull,  lait  une  excep- 
tion en  faveur  des  ch;ipitres.  Voici  lomme 
il  s'exprime  :  «  Sans  néanmoins  que  les  chapi- 
tres des  églises  collégiales  ou  cathédrales  soie  ni 
censés  compris  dansla  précédeuledisposition, 
en  ce  qui  concerne  les  prééminences,  honneurs 
et  distinctions  dont  ils  sont  en  posses:iion,  mc- 
mede  prêcheravec  la  permission  de  l'évéque 
certains  jours  de  l'année  ,  desquelles  préro- 
gatives ils  pourront  continuer  de  jouir  ainsi 
qu'ils  ont  bien  et  diiment  fait  par  le  passé.  » 
Le  législateur  traite  bien  plus  favorablement 
les  chapiires  qui  sont  curés  primilifs,  que  les 


monastères,  abbés,  prieurs  et  autres  bénéfi- 
ciers.  il  leur  conserve  des  honneurs  et  des 
prérogatives,  qu'il  refuse  à  ceux-ci.  Ou  peut 
apporter  pour  raison  de  cette  différence,  que 
les  unions  des  curés  aux  chapitres  ont  quel- 
que chose  de  moins  odieux  et  de  moins 
contraire  à  l'esprit  de  l'Iiglisc  que  celles  qui 
ont  été  faites  aux  monastères.  L'avantage  du 
diocèse  et  le  bien  des  fidèles  a  été  le  motif 
des  premières,  et  les  autres  n'ont,  pour  l'or- 
dinaire, d'autre  origine  que  la  cupidité  des 
moines,  qui, en  restituant  la  desserte  des  pa- 
roisses au  clergé  séculier,  ont  trouvé  le  se- 
cret de  n'abandonnerquc  le  travail  et  les  char- 
ges, el  de  conserver  l'utile  et  l'honorifique. 
Nous  disons  pour  l'ordinaire,  parce  qu'il  faut 
convenir,  comme  on  l'a  déjà  dit,  ([u'il  y  a 
quelques  cares  qui,  dans  l'origine,  onl'été 
légitimement  unies  a  des  monastères,  soit 
par  donation  ou  fondation,  soit  qu'elles  doi- 
vent leur  naissance  aux  anciennes  fermes  et 
granges  qui  dépendaient  des  abbayes.  — 
L'article  13  el  dernier  veut  que  la  déclara- 
lion  du  29  janvier  168G,  celle  du  30  juin  1G90, 
et  l'article  1"  de  la  déclaration  du  30  juillet 
1710,  soient  exécutés  selon  leur  l'orme  et  te- 
neur, en  ce  qui  n'est  point  contraire  à  celle 
dont  ne  us  parlons.  Nous  avons  rapporté  les 
deux  déclarations  de  168G  et  de  1090;  et  pou  me 
rien  laisser  à  désirer  sur  ce  qui  concer- 
ne cette  matière  ,  nous  allons  rapporter 
l'article  l"de  la  déclaration  de  1710  :  «  Vou- 
lons que  les  mandements  des  archevêques 
ou  évêques,  ou  de  leurs  vicaires  généraux 
qui  seront  purement  de  police  exléricure 
ecclésiastique,  comme  pour  les  sonneries  gé- 
nérales, stations  du  jubilé,  processions  et 
prières  pour  les  nécessités  publiques,  actions 
de  grâces  el  autres  semblables  sujets,  tant 
pour  les  jours  et  heures,  que  pour  la  maniè- 
re de  les  faire,  soient  exécutés  par  toutes 
les  églises  el  communaulés  ecclésiastiques 
séculières  et  régulières  ,  exemptes  el  non 
exemptes,  sans  préjudice  à  l'exemption  de 
celles  qui  se  prétendent  exemples  en  au- 
tre chose.  » 

()uel(iues  auteurs  ont  pensé  que  la  décla- 
ration de  1731  avait  dérogé  à  celle  de  1726. 
ils  se  fondent  sur  ce  que  le  roi,  dans  l'arti- 
cle 15,  ne  rappelle  que  celles  de  lG8(i,  1G!)0  el 
1710,  qu'il  veut  être  exécutées.  Le  silence 
qu'il  a  gardé  sur  celle  de  172G  est,  disent-ils, 
une  preuve  qu'elle  doit  être  regardée  com- 
me non  avenue.  Mais  en  consultant  le  préam- 
bule de  la  déclaration  de  1731  ,  on  voit 
qu'elle  ne  doit  faire  qu'une  même  loi  avec 
celle  de  172G  et  celles  qui  l'ont  précédée. 
«  C'est  pour  faire  cesser  ces  inconvénients 
(|ue  nous  avons  jugé  à  propos  de  réunir  dans 
une  si'ule  loi  les  dispositions  de  la  déclara- 
lion  du  3  octobre  172G  el  celles  des  lois  pré- 
cédentes, en  y  ajoutant  tout  ce  qui  pouvait 
manquer  à  la  perfection  de  ces  lois.  »  Le  lé- 
gislateur s'explique  bien  clairement.  Son 
inlcntion  n'csl  point  d'abroger  la  déclara- 
lion  de  172G,  mais  seulement  d'y  ajoutiT  el 
de  la  perfeclionuer  :  on  ne  peut  donc  pas  la 
regarder  comme  non  avenue  ;  elle  est  dan  ■ 
loutesa  force,  etou  n'en  peut  douter  lorsqu'un 


\m\ 


CDR 


CUR 


1252 


la  voit  rappelée  dans  l'article  8  de  l'édit  de 
1768  avec  cpUc  de  1731.  «  Voulons  v-n  outre, 
coiifonncinent  à  nos  dcclaralioiis  des  8  oc- 
tobre n-ZG  et  15  janvier  173!.  »  Ces  deux  dé- 
clarations ont  donc  une  égale  autorité. 

Ces  lois  semblent  ne  rien  laisser  à  désirer 
sur  les  droits  et  les  préroRatives  des  curés 
primitifs.  Nous  passerons  à  ce  qui  regarde 
les  curés  réguliers.  —  De  droit  commun,  les 
religieux  sont  incapables  de  posséder  dos 
cures  ;  la  vie  commune  et  robéissanic  à  dos 
sufiérieurs  particuliers  ont  paru  trop  oppo- 
sées aux  fonctions  pastorales,  pour  qu'on 
les  leur  confiât.  Cependant,  plusieurs  con- 
gr'égations,  connues  sous  le  nom  de  chanoines 
réguliers  de  l'ordre  de  Saint-Augustin  , 
se  sont  maintenues  dans  la  possession 
des  cures  qu'elles  desservaient  dans  ces 
siècles  où  l'ignorance  du  clergé  séculier 
avait  forcé  l'Eglise  de  recourir  aux  moines. 
Lorsqu'ils  rentrèrent  dans  leurs  cloîtres  et 
quittèrent  les  cures,  les  chanoines  réguliers, 
soumis  à  une  règle  moins  austère,  parvin- 
rent à  faire  faire  une  exception  en  leur  fa- 
veur. Nous  voyons  Innocent  IIF,  au  chapitre 
Cum  I)ei  timorem,  de  Statu  monnch.,  déci- 
der que  ,  quoiqu'ils  soient  véritablement 
compris  dans  le  nombre  des  moines,  a  sanc- 
lornm  monachnrum  consurlio  non  putantur 
sujuncti,  cependant  leur  règle,  moins  aus- 
tère que  celle  des  autres  religieux:  [regulœ 
laxiores),  ne  pouvait  être  un  obstacle  à  ce 
qu'ils  desservissent  des  cures,  pourvu  qu'ils 
eussent  toujours  avec  eux  un  de  leurs  con- 
frères, pour  conserver,  autant  qu'il  est  pos- 
sible, l'esprit  de  la  rè;{le  Ad  cautelam,  dit  ce 
pape.  Le  P.  Thomassih  rapporte  des  statuts 
faits  par  un  légal  du  pape, de  conrert  avec  le 
comte  de  Toulouse,  en  1232,  qui  ordonnent 
qu'il  y  ait  au  moins  trois  chanoines  réguliers 
dans  chacune  des  églises  paroissiales  qu'ils 
desservent.  L'étaidissement  de  la  règle  Sœ- 
culariu  sœculnribua,  rer/ulnria  rer/ularibii:;  a 
contirmé  la  capacité  des  chanoines  réguliers 
à  posséder  les  cures  dépendantes  dos  ab- 
bayes de  leurs  ordres,  et  on  ne  la  leur  dis- 
pute plus  aujourd'hui. 

Les  curés  réguliers,  quoique  jouissant  de 
tous  les  droits  et  prérogatives  attachés  à  la 
qualité  de  curé,  soit  pour  le  spirituel,  soit 
ipotir  le  tenaporel,  diffèrent  cependant  en  un 
point  bien  essentiel  des  autres  cur,"*.  ils  ne 
sont  point  inamovibles  ;  leurs  supérieurs 
réguliers  peuvent  les  rappeler  dans  leur 
cloître,  sans  forme  de  procès  ;  il  n'est  pas 
méiiie  nécessaire  qu'une  conduite  répréhen- 
gible  soit  le  motif  de  ce  rappel,  le  bien  de 
l'ordre  sullit  ;  et  dès  lors  ou  voit  qu'il  dépend 
absolument  de  la  volonté  du  supérieur,  mais 
cependant  avec  la  lestriclion  dont  on  par- 
iera tout  à  l'heure.  Cette  amovibilité  ne  prou- 
vcrail-clle  pas  que  les  bénéfices  cures  ne  font 
point  impre.>>sion  sur  la  tète  des  ré  .  niiors,  et 
qu'ils  ne  sont  point  1rs  vrais  titulaires,  les 
vrais  époux  de  leurs  églises  ?  Des  provisions 
qui  n'atlaclient  point  inséparablement  un 
curé  i)  un  bénélice,  ne  peuvent  guère  être 
considérées  que  co.nme  de  simples  commis- 
sions, et  non  pas  comme  de  véritables  titres. 


Le  droit  des  supérieurs  réguliers  de  rap- 
peler, quand  bon  leur  semblait,  les  religieux 
curés  dans  le  cloître,  pouvait  avoir'  bien 
des  inconvénients.  Rien  de  plus  conlrairr; 
au  bon  gouvernement  des  paroisses  que  les 
changements  multipliés  des  pasteurs  ;  com- 
me il  est  important  qu'un  sujet  peu  propre 
à  la  conduite  des  âmes  ne  reste  p;is  long- 
temps dans  une  cure,  de  même,  il  est  très- 
avantageux  qu'un  bon  curé  ne  soit  point 
enlevé  a  ses  paroissiens  ;  pour  concilier  le 
bien  des  paroisses  avec  les  droits  des  supé- 
rieurs réguliers,  pour  ne  pas  rompre  Ions 
les  liens  qui  attachent  un  religieux  à  son 
ordre,  et  pour  prévenir  en  même  temps  des 
changements  dangereux,  nos  lois  ont  voulu 
que  les  curés  réguliers,  en  demeurant  tou- 
jours dans  la  dépendance  de  leurs  supé- 
rieurs, ne  pussent  cependant  cire  révoiiués 
et  retirés  de  leurs  bénéûcesque  du  consente- 
ment do  l'évêque  diocésain.  Un  évéque  inté- 
ressé à  conserver  un  bon  curé  ne  consen- 
tira à  son  rappel  que  lorsque  les  motifs  dis 
supérieurs  lui  paraîtront  justes  ;  et  il  y  don- 
nera volontiers  les  mains  lorsque  la  con- 
duite de  ce  régulier  demandera  son  rappel 
ou  sa  retraite.  Ces  lois  semblent  avoir  paré 
à  tous  les  inconvénients.  Elles  mettent  les 
curés  réguliers  à  l'abri  des  caprices  de  leurs 
supérieurs,  et  leur  présentent  une  promise 
punition  s'ils  oublient  leurs  devoirs.  Tel  est 
l'objet  des  lettres  patentes  du  mois  d'octo- 
lire  1G79,  enregistrées  le  C  décembre  sui- 
vant au  grand  conseil,  et  données  pour  la 
congrégation  de  Sainte-Geneviève  ;  de  celles 
du  9 août  1700  pour  les  religieux  de  l'étroite 
et  de  la  commune  observance  de  Prémontré  ; 
du  27  février  pour  l'ordre  de  la  Trinité  et 
Rédemption  des  captifs  ;  et  du  22  octobre 
1710  pour  les  religieux  de  la  Chancelade, 
Un  arrêt  du  grand  conseil  du  C  octobie  1697 
a  jugé  que  les  curés  de  l'ordre  de  Fonle- 
vrault  ne  pouvaient  être  révoqués  sans  le 
consentement  de  l'évêijue. 

Les  réguliers  ne  peuvent  accepter  de  cwre 
sans  la  peimission  de  leur  supérieur.  C'es^ 
ce  que  portent  expressénienl  les  déclarations 
cl  lettres  patentes  dont  nous  venons  ilc  par- 
ler. Ce  consentement  est  si  essentiel  que,  se- 
lon les  lois  (jui  ont  été  données  pour  les  gc- 
novélains,  ce  déiïiut  serait  une  nullité  radicale 
qui  rendrait  le  bénélice  vacant  et  impétrabL'. 
—  Au  reste,  quelque  exempts  de  la  juridic- 
tion (|ue  soient  les  réguliers,  ils  sonl  soumis, 
en  qualité  de  curés,  à  lous  les  règlements 
du  diocèsi".  L'évêque  a  sur  eux  la  même  ju- 
ridiction que  .sur  les  cuirs  séculiers  ;  il  pt  ut 
visiter  leurs  églises,  leur  imposer  les  peines 
canoniques  lorsqu'ils  commettent  ([Ueiques 
fautes  j  et sices  fautesexigeaient  uncinsiruc- 
lion  criminelle,  il  n'est  pas  douteux  qi'ils 
ne  fussent  justiciables  de  l'ofiicial  diocésain. 

Pour  traiter  tout  ce  qui  a  rajiport  à  cet 
article,  il  nous  reste  à  parler  des  cures.  Une 
cure  ou  paroisse  est,  comme  on  l'a  dit  en 
commençant  cet  article,  un  certain  territoi- 
re circonsci'it  et  limité,  dont  les  habit. mts 
sont  coniiés,  pour  le  spirituel,  aux  soin^  d  un 
nrêlre  allachc  à  une  église  bûiie  sur  ce  ter- 


♦255  CUR 

riloire,  el  dans  laquelle  ces  habitants  sont 
olilipés  de  venir  ri'inplir  les  «loviilrs  et  assis- 
lei-  aux  cérémonies  du  christianisme.  Les  li- 
mites de  ce  territoires  sont  iniprcscriiitibies, 
c'est-.i-dire,  que  toutes  les  fois  (lui'  le  titre 
d'érection  ou  de  bornage  est  roprésenié,  il 
fait  évanouir  tontes  les  prélcnlioiis  qui  ne 
seraient  appuyées  que  sur  la  possession, 
ftl.iis,  in  l'abscMce  et  au  défaut  du  litre,  une 
possession  imuiénioi  ialc  sufill  à  un  curé  , 
pour  r.clanuTnn  canton  ou  une  portion  du 
territoire  comme  una  dépendance  de  sa  cure. 
il  y  a  inêiMC  licauconp  d'auteurs  qui  ne  de- 
niandonl  qu'une  possession  quaranlenairc, 
el  leur  seulimenl  parail  usez  fondé.  —  Lors- 
que les  maisons  sont  situées  sur  les  confins 
de  deux  paroisses,  ce  n'e^t  que  la  situation 
de  la  porte  d'entrée  ((ui  déciile  de  quelle  pa- 
roisse elles  sont.  Il  suit  de  là  qu'on  peut 
changer  de  paroisse  en  changeaul  l'entrée 
de  sa  maison.  Cela  a  été  ainsi  ju|;é  par  un 
arrêt  du  parlement  de  Paris  du  G  mars  1630, 
rapporte  par  Dufrcsne,  liv.  vi,  chap.  1.  Les 
curés  el  les  mai'guilliers  delà  paroisse  qu'on 
quille,  n'ont  aucune  indemnité  à  deman- 
der. C'esl  co  qui  a  encore  été  décidé  |)ar 
un  arrêt  du  mémo  parlement  du  3  mai 
Mi70.  Si  par  ce  changement  un  curé  perd 
quelque  partie  de  son  revenu,  il  est  en 
uiénic  temps  déchargé  d'une  partie  de  son 
fardeau;  ainsi  loui  se  Irouve  coiiniensé. 
C'est  aussi  sur  l'ouverture  principale  des 
portes  qu'on  a  icgié  les  limiies  des  parois- 
ses de  Sainl-Siilpice  el  de  Saint-Côme.  Ce 
règlement  a  clé  homologué  au  parlement 
par  arrêt  du  18  janvier  1677.  On  peut  con- 
clure de  cesariéts  que,  quoique  l'ércciioa 
d'une  paroisse  el  les  bornes  de  son  lerriloirc 
dépendenl  de  la  puissance  épiscopale,  les 
contestations  qui  s'élèvent  à  celte  occasion 
entre  les  [)aroisscs  établies  sont  de  la  com- 
pélence  des  juges  royaux. 

Il  ti'y  a  que  les  evèques  qui  aient  droit 
d'érigerdes  CJiCts  ;  «Lus  archevêques  ou  évé- 
ques,  porte  l'article  l'i-  de  l'édil  de  1095, 
pourront,  avec  les  solennités  el  les  procé- 
dures accouiumées,  ériger  des  cures  dans 
les   lieuj.   où  ils   l'enlendronl   nécessaire.  » 

Dans  l'élat  aci.uel  des  choses,  lou:e  érec- 
tion de  cure  csl  nécossuiremenl  un  déniem- 
brenienl  d'une  autre  jaroisse.  Cet  élablissc- 
menl  csl  donc  en  même  temps  une  section 
de  bénéfice;  opération  que  l'Lglise  n'a  jamais 
permist-  que  pour  de  grandes  raisons  el  des 
n)olifs  d'une  nécessité  reconnue.  —  D'après 
lo  chapitre  Ad  audienliuin,  tU.  de  Ecclcs. 
œdif.,  el  le  décret  du  concile  de  Trente,  sess. 
21,  chap.  îi-,uiic  des  princiiialcs  raisons  pour 
ériger  une  cure,  c'est  lortque  la  distance  des 
lieux  el  la  dillicullé  des  cliciuiiis  empêchent 
une  parlic  des  paroissiens  de  se  rendre  à 
l'église  paroissiale,  el  mettent  obstacle  à 
l'administralion  des  sacremenls.  — Le  grand 
nombre  de  paroissiens  n'est  pas  une  raison 
pour  ériger  une  nouvelle  cure,  selon  heau-r 
coup  d'autres  auleurs,  parce  que,  disenl-ils, 
dans  ce  cas,  un  care  peut  s'associer  des  coo- 
jieratc.urs  el  des  vicaires.  Il  faut  convenir 
que  celle  raison  n'est  pas  solide  :  un  curé  ne 


CUR 


IKi 


peut  pas  se  multipliera  l'infini,  et  quelque 
vertueuxelhabiles(iU(îsoient  ses  vicaires,  ils 
n'ont  jamais  sur  l'esprit  des  peuples  le 
même  degré  d'autorité  que  le  curé.  C'est 
poiir(iuoi,  lorsque  les  évêques  ont  érigé  ea 
cure  quelques  .succursales,  auxquelles,  ahso- 
luinenl  parlant,  un  vicaire  pouvait  suffire, 
leurs  décrets  onlélé  confirmés  parlesparle- 
menls.  (Test  ce  qui  ol  arrivé  en  1G72,  par 
rapporta  Sainl-lloch,  qui  jusque-là  avait  clé 
succursale  de  Sainl-Cermaiii-l'Auxerrois.  11 
fut  dit  n'y  avoir  abus  dans  celte  érection, 
quoiqu'on  prouvai  qu'un  simple  vicaire 
pouvait  suffire  pour  la  desserte.  —  Les  évê- 
ques sont  juges  de  la  nécessité  ou  de  ia 
grande  utilité  de  l'érection  des  cures.  H  ne 
faut  cependanl  pas  croire  que  leurs  décisions 
sur  ce  poiii.l  puissent  être  arbitraires.  L'edit 
de  1G95  les  astreint  à  observer  les  solenni- 
tés el  les  procédures  accoutumées.  La  prin- 
cipale el  la  plus  iinpoi  tante  de  ces  procédu- 
res est  l'enquête  de  cummodo  cl  incommoda. 
C'est  par  elle  seule  (]u'onpeul  s'assurer  do 
la  légitimité  des  motifs  qui  ont  déterminé  à 
ériger  la  nouvelle  cure.  11  faut  enlondie  les 
parties  intéressées.  Le  curé  el  les  marguil- 
liers  de  la  iiaroisse  u'out  on  fait  le  démem- 
brement, sont  de  ce  nombre.  Il  en  est  de 
même  des  patrons  :  si  celle  paroisse  est  en 
patronage,  leur  consentement  n'est  pas  né- 
cessaire, il  suffit  qu'ils  aient  été  appelés  et 
entendus.  On  a  assez  fait  jiour  la  conserva- 
tion de  leurs  droits.  11  parait  qu'autrefois  on 
ne  recourait  point  au  prince  pour  1  érection 
des  nouvelles  cures;  cependant  l'usage  a 
prévalu,  et  l'on  olilienl  ordinairement  des 
lettres  patentes  :  c'esl  le  plus  siir  ;  el  beau  - 
coup  d'auteurs  prétendent  que  sans  cela  le 
nouveau  titulaire  ne  pourrait  poursuivre  et 
défendre  en  justice  les  droits  de  son  liénelî- 
ce.  Llles  sont  iudispensablenient  nécessai- 
res, lorsque  les  habitants  se  chargent  de 
fournir  sur  leurs  propres  biens  la  portion 
congrue  du  nouveau  curé.  —  L'évêque  doit 
pourvoira  la  dotation  de  la  nouvelle  cure. 
11  le  peut,  dit  l'article  li  de  l'edit  de  1G95, 
par  uniou  de  dîmes  cl  autres  revenus  ecclé- 
siastiques. Si  le  curé  de  l'ancienne  paroisse 
csl  gros  décimaleur,  il  doit  conliibuer  à  la 
portion  congrue  du  nouveau  curé,  au  proi  ala 
de  ce  qu'il  levé  dans  les  dimes.  Celte  nouvelle 
création  de  cure,  ne  changeant  rien  aux 
droits  des  dccimateurs,  il  s'ensuit  que  le 
curé  n'a  aucun  droit  sur  les  dîmes,  à  moins 
qu'un  un  lui  eu  abandonne  une  partie  pour 
le  remplir  de  sa  portion  congrue.  Si  les  dimiîs 
ne  sultisenl  pas  pour  cela,  l'évêque  doit  y 
pourvoir  par  l'union  de  (|uelques  bénéfices 
simples.  M  l'érectiou  s'est  faite  à  la  sollici- 
tation du  seigneur  el  des  habitants,  c'est  à 
eux  a  assurer  la  subsistauce  de  leur  nouveau 
curé.  Dans  les  villes  où  les  droits  casuels 
sont  considéiables,  et  appartiennent  aux  fa- 
briques, elles  doivent  payer  la  pu:  lion  con- 
grue; c'est  ce  que  nous  voyons  dans  I  e.ec- 
lioii  do  la  cure  Sainte-Marguerite,  faubcurg 
Saiul-Aiiloine;  ia  r.^b.iq^ie  est  chargée  de 
payer  iJOO  livres  par  au  au  nouveau  curé  (i). 

(1)  Tout  cela  concerne  l'ai^cieii  droit.  /^^^_2£^3>N 


i2f)5 


CUR 


CUR 


1256 


—  Cette  érection,  faite  en  1712,  par  le  cardi- 
nal de  Noailles,  nous  apprend  encore  que 
Ton  conserve  à  l'église  matrice  des  droits 
utiles  et  honoriûques.  Les  marguilliers  de  la 
nouvelle  paroisse  de  Sainte-Marguerite  doi- 
vent rendre  tous  les  ans  le  pain  bénit  dans 
l'église  de  Saint-Paul,  le  dimanche  dans 
l'octave  de  la  fête  de  cet  apôtre,  aux  dépens 
de  la  fàbri(iue  de  leur  église,  et  p.iyer  ce 
jour-là  dix  livres  à  la  fabrique  de  Saint-Paul 
et  10  livres  au  curé,  lequel  peut  en  outre, 
si  bon  lui  semble,  venir  tous  les  ans  le  jour 
de  Sainte-Marguerite  avec  son  clergé  y  cé- 
lébrer l'office  divin  et  faire,  mais  seulement 
en  personne,  les  fonctions  curiales,  auquel 
cas  il  a  le  droit  de  partager  avec  l'autre 
toutes  les  offrandes  et  honoraires.  M.  de 
Harlay  avait  suivi  à  peu  près  les  mêmes 
règles,  en  érigeant  en  1073  la  cure  du  Bonne- 
Nouvelle,  qui  était  succursale  de  Saint-Lau- 
rent. Cette  nouvelle  cure  fut  chargée  d'une 
redevance  annuelle  de  1200  livres  en  faveur 
du  curé  de  Saint-Laurent,  à  qui  il  fut  accordé 
en  outre  la  moitié  des  otl'iandes  que  ie 
nouveau  titulaire  recevrait  aux  fêtes  de 
Pâques  et  de  Noël. 

•Lorsque  l'église  matrice  est  à  la  pleine 
collation  de  l'évêque,  il  devient  coUateur  de 
la  nouvelle  cure:  cela  s'est  observé  pour 
la  cure  de  Sainte-Marguerite.  M.  de  Noailles 
s'en  réserva  la  collation  en  qualité  de  colla- 
leur  de  Saint-Paul.  Lorsque  la  nouvelle  cure 
est  dotée  aux  dépens  des  fonds  de  l'ancienne, 
l'ancien  curé  devient  curé  primitif  et  patron. 
Il  est  encore  dans  l'usage  (jue  les  cître'*-  pri- 
mitifs deviennent  patrons  des  Eglises  parois- 
siales qui  s'érigent  dans  leur  territoire.  C'est 
pourquoi  le  prieur  de  Saint-Marlin-des- 
Champs  a  acquis  le  patronage  de  la  cure  de 
Notre-Dame  de  Bonne-Nouvelle,  érigée  dans 
le  faubourg  Saint-Laurent.  C'est  aussi  pour- 
quoi M.  de  Harluy  a  abandonné  aux  reli- 
gieux de  Saiut-liermaiti  le  patronage  de 
toutes  les  cures  qu'on  pourrait  établir  dans 
le  faubourg  Saint-Germuin.  11  en  est  de 
même  lorsqu'unechapelle  est  érigée  en  cure; 
le  patron  de  la  chapelle  devient  patron  de  la 
cure.  C'est  en  conséquence  de  cette  pratique 
que  les  abbés  do  l'abbaye  du  Bec,  en  Nor- 
mandie, sont  patrons  des  églises  paroissia- 
les de  saint-Jean  en  Grève  et  de  Saint-Ger- 
vais  de  Paris.  On  a  cependant  trouvé  un 
mo\  en  pour  ne  pas  accorder  aux  patrons  des 
chapelles  érigées  en  cure  le  patronage  de  la 
cure  :  c'est  de  laisser  le  titre  de  la  chapelle 
attaché  à  l'autel  où  il  était,  et  d'annexer 
celui  de  la  cure  à  un  autre  ;  par  ce  moyen, 
l'évoque  s'eu  réserve  la  collation,  et  les  droits 
du  patron  sont  entièrement  conservés.  Cet 
expédient,  qui  nous  est  venu  de  Borne,  a  ete 
mis  en  usage.,  lorsqu'on  a  érigé  en  cure  la 
chapelle  de  Sainte  -  Marguerite.  M.  de  la 
Fayette  en  était  patron  laïque  ;  il  prétendit,  en 
cette  qualité,  devoir  l'être  de  la  nouvelle  pa- 
roisse érigée  dans  sa  chapelle.  L'allairc  fui 
évoquée  au  conseil.  Elle  est  resiée  indécise 
jusqu'en  1740,  que  madame  l'abbesse  de 
Saint-Antoine,  à  <iui  M.  de  la  Fayette  avait 
remis  tous  ses  droits,  la  perdit  au  pariemcut 


de  Paris.  M.  de  Vintimille  fut  maintenu 
dans  la  pleine  collation  de  la  nouvelle  cure. 
S'il  est  des  circonstances  où  il  est  permis  de 
diviser  une  cure,  ce  n'est  jamais  pour  en 
former  un  bénéfice  simple  et  une  vicairie 
perpétuelle.  Cette  division,  absolument  con- 
traire a  l'esprit  de  l'église  et  à  nos  lois,  ne 
pourrait  manquer  d'être  déclarée  abusive. 
Il  en  serait  de  même  des  unions  des  cures  à 
des  bénéfices  simples.  En  général,  l'union 
d'une  cure  est  plus  défavorable  que  son  dé- 
membrement. Il  est  cependant  arrivé  qu'on  en 
a  uni  à  des  séminaires  ou  à  des  chapitres  (1). 
Nos  ordonnances  et  le  concile  de  Trente  ren- 
dent les  unions  très-difficiles.  Les  articles 
22  et  23  de  l'ordonnance  de  Blois  prouvent 
clairement  que  l'union  des  cures  à  tout 
autre  bénéfice  qu'à  des  cures  est  contraire  à 
l'inteution  du  législateur.  Ces  sortes  de  bé- 
néfices, pour  nous  servir  des  expressions  de 
M.  Talon,  sont  d'une  fonction  trop  éminente 
et  trop  nécessaire  pour  les  unir  à  d'autres 
bénéfices  qui  sont  d'une  dignité  inférieure  et 
moins  utile  dans  la  hiérarchie;  ce  serait 
élever  les  membres  avec  le  chef,  et  mettre 
la  fille  au  même  rang  (jue  la  mère. 

On  a  vu  des  paroisses  entièrement  dépeu- 
plées par  les  guerres,  la  peste  ou  la  famine. 
Le  peu  de  paroissiens  qui  pouvaient  rester 
ne  suffisant  point  pour  i'entreiien  d'un  curé, 
ces  bénéfices  ont  été  réunis  aux  cures  les  plus 
voisines.  Mais  cette  union  qui  ne  se  fait  point 
par  l'extinction  d'un  dus  deux  litres,  doit 
cesser  lorsque  la  cause  qui  l'avait  occasion- 
née ne  subsiste  plus  ;  et  ces  paroisses  venant 
à  se  rétablir  et  à  se  repeupler,  les  choses 
doivent  retourner  à  leur  premier  état.  C'est 
moins  alors  lu  division  d'une  cure  que  le  ré- 
tablissement d'une  ancienne.  Bien  n'est  plus, 
favorable  dans  le  droit  canon  que  cette  divi- 
sion; et  si  les  évêques  ne  s'y  prêtaient  pas, 
soit  pour  favoriser  les  gros  decimaleurs, 
soit  pour  ne  pas  payer  eux-mêmes  une 
portion  congrue,  nous  pensons  que  le  titre 
de  la  cure  n'étant  point  éteint,  et  revivant 
par  le  rétablissement  de  la  paroisse,  serait 
dans  le  cas  d'être  impétré  en  cour  de 
Borne,  ou  d'être  confère  par  le  supérieur, 
jure  decolulionis,  par  droit  de  dévolution. 

On  a  beaucoup  disputé  pour  savoir  à  quelle 
marque  on  pouvait  reconnaître  une  église 
paioissiale.  On  lit  dans  le  Journal  des  au- 
diences un  arrêt  rendu  le  12  février  1G82, 
qui  a  admis  des  habitants  à  prouver  que 
leur  église  avait  autrefois  été  paroisse,  par 
les  anciens  vestiges,  tant  du  cimetière  que 
des  fonis  baptismaux.  Corradus,  Lacombe  et 
plusieurs  autres  auteurs  remarquent  avec 
raison  que  ces  preuves  ne  sont  pas  décisi- 
ves, parce  qu'il  y  a  beaucoup  de  simples 
succursales  qui  ont  des  cimetières  et  des 
fonts  baptismaux.  Ce  sont  cependant  des 
présomptions  qui  peuvent  se  convertir  eu 
preuves,  s  il  est  certain  d'ailleurs  que  le 
lieu  dont  il  c-t  question  a  été  autrefois  con- 

(1)  Il  y  a  encore  aujourd'Imi  plusieurs  cures  aiu- 
cliéus  à  dus  cliapiires. 


1257 


C\P 


CYP 


sidériilile,  et  qu'il  a  soufferl  Jcs  désastres  et 
des  calarnitns. 

(Jiianl  au  raiif?  qui;  les  paroisses  doivent 
tenir  dans  les  rt'rémonies  [lubliqucs,  voici 
les  règles  qui  s'observent.  Toule  paroisse 
doit  céder  le  p.is  à  la  cathédrale,  elle  le  doit 
aussi  dans  le  concours  avec  une  collégiale. 
Quand  il  n'y  a  (juc  des  paroisses,  la  plus  an- 
cienne doit  l'emporter  sur  les  autres.  Si  les 
curés  marclionl  sans  leur  paroisse,  celui  de 
la  plus  ancienne  doit  avoir  le  premier  rang, 
quoiqu'il  soit  le  plus  jeune  ou  le  [iliis  nou- 
\cau  des  curés.  Il  n'en  est  pas  de  niénio 
dans  1rs  synodes  ou  assenililées  du  clergé. 
Le  temps  de  l'orilinalion  five  l'urilre  des 
rangs,  c'est  la  règle  générale.  11  y  a  cepen- 
dant des  diocèses  où  des  usages  particuliers 
ont  prévalu,  on  est  obligé  de  s'y  conlornier. 
Les  contestations  qui  peuvent  naître  ,'i  ce  su- 
jet doivent  être  portées  devant  les  juges 
royaux,  lilles  ne  se  traitent  que  possessoi- 
rcuienl,  ce  qui  est  de  leur  coinpcteuce.  Deux 
arrêts  des  parlements  de  Paris  et  de  Kennrs 
du  15  juillet  1G02,  cl  du  mois  de  mai  lOtKJ, 
ont  déclaré  abusives  des  procédures  d'iifli- 
ciaux  qui  avaient  voulu  en  cunnaitre.  {.irii- 
clede  M.  l'abbé  Ilemi.)[E\Ua\l  du  Diction,  de 
Jurlspnidtncc] 

CYPUlliN  (saint),  évéque  de  Ciriliige, 
martyr  et  docteur  de  l'iîglise,  a  vécu  au 
i;i«  siècle  :  il  soulTrit  la  mort  pour  Jé^us- 
Clirist  l'an  258.  La  meilleure  édiliuu  de  ses 
ouvrages  est  celle  qui  avait  été  comiuenrce 
par  Baluze,  et  qui  fut  achevée  pardoui  Ma- 
rand,  bénédictin,  en  1726,  in-folio. 

Plusieurs  crili(iues  protestants  copiés  sans 
discernement  par  nos  littérateurs  modernes, 
ont  reproché  à  ce  saint  docteur  des  erreurs 
en  fait  de  morale;  il  n  condimné,  disent-ils, 
la  défense  de  soi-même  contre  les  attaques 
d'un  injuste  agresseur;  il  a  outré  les  louan- 
ges du  célibat,  de  la  continence,  de  l'au- 
mône et  du  martyre.  Ces  accusations  soiil- 
elles  solidement  prouvées  ?  —  Dans  son  (raiié 
de  Bono  patienliœ,  saint  Cypricn  n'a  fait  que 
répéter  les  maximes  de  l'Evangile  sur  la  né- 
cessité de  soulTrir  patiemment  la  persécution 
des  ennemis  du  christianisme.  Convenait-il  à 
des  chrétiens  attaqués,  puursi<ius,  uialtrai- 
lés  pour  leur  religion,  de  se  défendre  contre 
des  agresseurs  armés  de  l'autorité  publique, 
et  appuyés  sur  les  lois  sanguinaires  des  em- 
pereurs? S'ils  l'avaient  fait,  on  les  accuse- 
rail  de  s'être  révoltés  contre  l'autorité  légi - 
lime  ;  on  ose  même  aujourd'hui  les  en  accu- 
ser, maigre  la  fausseté  du  fait.  Mais  telle  e-l 
l'équité  de  nos  adversaires  :  d'un  côté,  ils 
reprochent  aux  chrétiens  d'avoir  manque  de 
patience;  et  de  l'autre,  aux  Pères  de  l'iiglise 
d'avoir  trop  prêché  la  piilience.  C'est  une  ab- 
surdité d'appliquer  à  tous  les  cas  ce  (|uc  l'iï- 
vangile  et  les  Pères  ont  prescrit  dans  les 
temps  de  persécution.  —  De  même,  dans  sou 
Exhortation  aux  Hlarti/rs,  saint  Cypricn  n'a 
fait  que  rassembler  les  passages  de  l'Lcrilure 
sainte  sur  l'obligation  de  confesser  Jesus- 
Christ,  les  exemples  de  ceux  qui  ont  souf- 
fert pour  ce  sujet,  les  promesses  que  Dieu 
leur  a  faites.  Cela  était  nécessaire,  puisqu'il 

DlCT.  DE  TlîÉOt.  UOGSUTlylE.   I. 


1258 


y  avait  une  secte  d'hérétiques  qui  enseignait 
qu'il  était  permis  do  dissimuler  sa  foi  et  d'a- 
poslasier,  pnur  éviter  la  mort;  nous  le 
voyons  par  le  traité  de  Terlullien,  intitulé 
Scorpiiivc. 

Pour  faire  paraître  .saint  Cypricn  coupable, 
lîarbeyrac,  dans  son  Traité  de  la  Morale  des 
l'éres,  c.  8,  a  dit  que,  selon  ce  saint  docteur, 
il  est  louable  de  délirer  le  martyre  m  lui- 
même  cl  pour  lui-même;  cette  addition  est  de 
l'invention  du  censeur  des  Pères;  saint  Cy- 
prien  n'a  point  ainsi  parlé.  Il  a  entendu  évi- 
demment que  c'est  un  désir  louable  de  sou- 
haiter le  martyre,  pour  témoigner  à  Dieu 
notre  amour  et  notre  allachenient,  et  pour 
confirmer  par  cet  exemple  nos  frères  dans  la 
foi.  Nous  soutenons  que  l'un  et  l'autre  de  ces 
motifs  est  louable.  Il  ne  s'ensuit  pas  qu'il 
soit  aussi  louable  d'ail  r  s'offrir  soi-même 
au  martyre,  comme  ItarbCNrac  h;  conclut.  Un 
chrétien  peut  désirer  que  Dieu  lui  donne  le 
courage  du  martyre,  sans  qu'il  ait  peur  cela 
droit  d'espérer  que  Dieu  le  lui  donnera  en 
effil.  —  Quand  ou  considère  la  licence  des 
mœurs  du  paganisme,  et  le  mérite  de  la 
chasteté  sous  un  climat  aussi  brûlant  que 
celui  de  l'Afi  ique,  on  est  fort  étonné  d'y  voir 
la  continence  pratiquée  avec  la  sévérité  que 
prescrit  saint  Cyprien  dans  son  traité  de  bis- 
ciplina  et  habitu  Virginiim  ;  mais  cette  sévé- 
rité était  nécessaire  eu  Afrique.  Le  saint  doc- 
teur exalte  avec  raison  la  virginité,  mais  il 
ne  dégrade  point  le  mariage;  il  m'  fait  que 
répéier  les  leçons  de  saint  Paul.  On  n'a  qu'à 
comparer  les  mœurs  des  Carthaginois  païens 
et  des  lîarbaresques  d'aujourd'hui,  avec  cel- 
les des  chrétiens  instruiis  par  sa.nt  Cyprien 
et  par  saint  Augustin,  on  verra  si  la  mor.ile 
de  ces  Pères  était  fausse.  —  Une  preuve  que 
le  saint  martyr  n'a  rien  outré  en  parlant  des 
bonnes  œuvres  et  de  l'aumône,  c'est  que  cette 
morale  fut  exaclcuienl  pratiquée  par  les  fi- 
dèles de  son  Eglise.  11  nous  apprend,  dans 
son  traité  de  Morlalilute,  que,  pendant  une 
peste  cruelle  qui  ravagea  l'Afri(iue,  les  chré- 
tiens bravèrent  la  moil  pour  soulagerions 
les  malades,  sans  distinction  de  religion,  pen- 
dant (|ue  les  païens  abandonnaient  leurs 
propres  parents. 

La  seule  chose  que  l'on  puisse  r.'procher 
à  saint  Cyprien,  est  de  s'être  trompé  en  sou- 
tenant la  nullité  du  baptême  donné  par  les 
hérétiques;  mais  il  n'a  pas  censuré  ceux  qui 
tenaient  l'opinion  contraire,  et  la  suivaient 
dans  la  pratique. 

Hien  ne  d.'montre  mieux  l'entètemenl  des 
protestants  que  le  jugement  qu'ils  ont  porté 
louchant  la  conduite  de  ce  Père;  ils  l'ont 
louée  ou  blàmee,  selon  qu'elle  s'est  trouvée 
conforme  ou  contraire  à  leurs  opinions,  de 
manière  que  leur  censure  détruit  absolumenl 
tout  le  niériie  de  leurs  éloges.  Comme  saint 
Cyprien  résista  aux  décisions  des  papes  Cor- 
neille et  Etienne  touchant  l'usage  de  réité- 
rer le  baptême  donné  par  les  hérétiques,  ils 
ont  vanté  sa  fermeté  et  son  courage,  et  ils 
ont  conclu  qu'au  iir  siècle  les  papes  n'a- 
vaient aucune  juridiction  sur  toute  l'Eglise. 
D'autre  part,  comme  le  même  sainl  ne  sou- 

^1) 


2;.'0  CVIl  Ctfk  l-2(;o 

îiciil  I  .is  avec  iiiiùiis  de  force  .',111(01  !(<'•  des  haine  pour  K's  nicrédulcs  ;  plusii  urs  li'eiilrc 

svt'qiu--  il.ii'.s  le    îjiiuvpri.cinenl  do   rK;;li>e  ,  ouk  duI  dt-piiuuî  sadocliitie,  ses  verlus,  ses 

;;uli;rili'  ijui    dcpl.iîl  uux  prolcslanls,  ils  oi'l  laliiits.  ils  oui  l'.ii  que  le  ncslariani-inoj  con- 

r('|.roiiié  à  et'  l'èie  do  ii'av;,ir  su  ni  nuidérer  in?  lequel  te  Pèiea  laitlanl  de  lnuil,  n'élait 

la  l'oiiiiiie  (le  son  len^pci  aineiit,  nidislinguer  1  ne  lieréMe  quede  nom,  et  un  pur  niaîenten- 

la  \criiê  d'avee  le  iuei;soi;ge  ;  d'avoir  inlio-  "lu;    qu'en   cciivanl    conire    Nesloiii..,    qui 

i!uil  da  .^  le  gouveinerr.ent  cccié.Mas!i(|ue  un  disdnjjiiait  deux  personnes  eu  Jésns-Clirisl, 

elian).':  nu  ni  qui  eut  les  suites  les  plus  lâchei:-  suiiU  Cyrille  a  donné  dans  l'erreur  opposée, 

SCS.  (-\ioslieîni,///sr.ff(:/ei>-.,iii'«i(V/c,  secon.Ie  acoiif  ndu  les  deux  nalnres  en  Jésus-Christ 

p,;riie.  <■•  -et  o;  llinl.  Chriit.,  set  t.    3,  §  l't-,  coninic  Apollinaire,  et  a  lait  éelore  l'iiérésie 

pug.  ol  I,  o;2.  )  Ainsi,  ces  judicieux  criiiques  d'iùiijclips;   (|u'au  conciie  d'iipiièse,  cl  dans 

ont  loué  suint  Cyjiricn   dans  la  circonsiance  loule  C(  Ite  affaire,  il  se    condiiisil    par  [)as- 

ui'i  il  avait turi,  puisque  l'Eglise  n'a  pas  suivi  siun,  par  jalons  e  d'aulorlté  conUe  Meslurius 

son  avis,  et  ils  i'out  lilànié   dans  celle   où   il  el  contre  Jean    dAnlioelie.    Telle   est  l'idée 

avait  raison.  11  est  faux  qu'avant  ce   temps-  q^i'onl  \  oulu  nous  en  donner  La  Croze,  dans 

l'a  le  gouverneniee.l    de    l'Eglise   ait  été    tel  ses   llintoires  du    clnisiianisine   des  Indes  et 

(]u'\\  est   n  présenlé  par  !e>  prolestants,  que  de  celai  d'Elldopii',  Le  Clerc,    Basnage,   le 

inini  Cypriin  y  a  l  rien  ciiangé,  que  ce  chan-  l  .idncieur  de  .Moshciin,  bien   nioinsmudérc 

uenicn'  prcirndu  ail  produit  de  mauvais  cf-  que  iMiisiiciii  lui-incnie,  Tolami,  de. 
tels.  Voy.  Evi\)i  r:,  HiÉnAiicuiE.  Mais  ces  eruiiines  passionner-,  dissiniulenl 

CViULLi;  (saiii),   palriarchc  de    Jérusa-  des  f,ii;s  essenlicis    \)iif  \i  sqin'h  saint  Cyiiltc 

leni,  après  aviiir  é;é   dépossédé   trois  l'ois  de  est   p'eineuK'iil    juslifié.  1'   1!  ne  fut  en;;agc 

son  Sicge  par  la    faction  des  ariens,  el  réla-  dans  l'alpine  de  .Nisloi  itis   que  par  le   bruit 

taliii,  niowiut  l'an  'S6'6.  Il  reste  de  lui  vingt-  ijuc  l'aisaienl  les  écrits  de  ce  novateur  parmi 

Itois  taù'cAc'scs,  i<u  instructions  aux  caléchu-  'es   moines  d'Egj pie.  2"   A»ani  de  procéder 

ijiér.is  el  aux  nouveaux  lapli-es,  qui  renfcr-  contre  lui,  saint  Cyrille  lui  é  rivil  (ilusieuis 

nient    l'abiégé  de   la     dtulrine    chrétienne,  lellres,  pour   l'engager  à  se    rétracter   ou  à 

(^oaime  les  censeurs  dos  Pères  n'y  Irouvaienl  s'explu|uer  el  à    ne  pas    Irouhlcr  l'Eglise; 

rien  à  ri  prendre,  ils  ont  dit  qu'elles  a»aienl  iNestorics  n'y   répouJil  que  par  des  récrimi- 

clé  laiies  àa  !  aie  cl  snns  iiréparation.  C'esi  n;, lions    el   par   des   invectives.  3'  L'un   cl 

une  pi  cuve  que  saint  Cyrille  n'avait  pas  be-  l'autre  écrivirent  à  Home  au  pape  saint  Cé- 

soin  de  se  piéparcr  pour  exposer  la  croyance  'eslin,  pour  le  cunsulier  el  savoir  i)uel   élail 

lie  I  E;;!ibe  aw  c   loule  ia  clarlé.la  ju'-lesse  le  sentiment  des  Occidentaux.  Le   pape  as- 

el  la    pitci.siuii  lu  ctssaircs.  Nous  avons  en-  sembla,  au  mois  d'août  430,  un  concile  qui 

i:otii  iïc  iui  uuc  llunn'lie  sur  If  paralytique  d^  condamna   ia    doctrine  de  IVestorius,  et  ap- 

l'Evarigile,  cl  UMC  Lettre  à  l'empereur  Con-  proiiva  celle  de  sr/(n<  C//»"///e;  celui-ci  ne  ceu- 

s/«j!^f,   [)ar   laquelle  il   lui    mande,   comm.'  sura  Neslorius, dans  le  concile  d'Alexandrie, 

témoin   oiulaire,    l'apparition    miraculeuse  que  trois  umis  après.  4"  Acace  de  Hérée  el 

d'une  cioix  dans  le   ciel,   qui  avait  été    vue  Jean  d'Anlioclie,  quoique  prévenus  eu  faveur 

pendant  plu.sii  ui  s    heures    par  toute  la  ville  de  Neslorius,    le  jugèrent  condamnable  ;  ils 

lie  Jérui.aleni,  cl  qui  causa  la  ccnvcrsiou  de  lurent  seulement  d'avis   qu'il   ne  fallait  pas 

|)iusieuis   pa'iens.     Les   triliques     les   plu^  relever  avec  laul  de  chaleur  des  espresbions 

intrépides  n'onl  pas  o-é  contester  ce  miracle,  peu   exactes,  cl  qu'il  lallaii  lâcher  d'apaiser 

attesté  de  uièmc  par  plusieurs  autres   au-  celte  (juerclle  par  le    silence.  Ils  ignoraient 

leurs.  sans  doulc  que  ce   n'était  pas  là  riiitenliun 

Comme  saiitl  Cyrille  prêchait  dans  l'église  de  iNestorius;  il  voulait  absolument  être  ab- 

du  Calvaire,  sur  les  veslifçes   de  la  croix  de  sous,    et  que   suint  Cyrille    fût   condamné  ; 

JésnsChiisi.ilparledu  myslèrede  laréileinp-  c'est  dans   ce  dessein  qu'il    avait  demandé  à 

liiinavectoute  rénergicd'unhoninie  pénélié.  Tempereurla    lenue    d'un  coacile   général. 

Doin  roullée,béiiédielin,  a  d   niiédcs  ouvra-  &"  Le  patriarche  d'Alexandrie  ne  présida  au 

(;es  de  ce  l'ère  une  édiiioii  {^reeque  et  latine,  conciled'Ephé:,e  que  parce  qu'il  en  avait  reçu 

!ii-/'o/io,  publiée  en    i'fA}   par  dom  Maraud,  la  commission   du  pape    saint    Céleslin,    ci 

Les  Catécliisvs  av.ienl  été  traduites  en  Iran-  nous  ne  voyons  pas  que  les  Orientaux  aieiii 

^,■li^  p.ir  Cr.iiicol.is,  en  17U'),  ('»-4'.  Voy.  V ief  désapprouvé    celle  présidence.  C   'rrois  an> 

c/csy^tn.'!  e/ (/fs  A/u>7)//-.«.  luni.  III,  pag.  41.  après    le  concile   d'Ephèse,  Jean  d'Anliocli>' 

Cviiii.LE,  (  saint  ),  paliiarelieil'Alexandri!-,  reconnut  ([u'il   avait    eu  tort    de  prendre    I' 

<'mj)!o.\a  presque  tout   le  lenips  de  son  épis-  parti  de  Neslorius,   il  se    réconcilia  siiicère- 

lopal'à  coniliallre    I  heré>io    de  Neslorius.  nient   avec   saint  Cyrille;  co  fut    lui-même 

ol  mourut    l'an    V'i'i.  Comme   Neslorius    vu  '{oi   piia  l'empereur   île    tirer   Neslorius  du 

un   grand    nomlire  de   partisans    dont   plu  inonaslère  dans    lequel  i:  eiail,  près  d'Antio 

sieurs   étaient  lesjii  clahles,  cl   que   le    /èie  <he,    parce    qu'il  caiialait    toujours,    el  qui 

de   saint    Cyrille    leur    parut    trop    vif,    les  dem.iiida  (lu'i!  fût  rjicgué  aill.  uis.  (Evagre, 

«nneniis  de   l'Eglise,  aériens   el  moderne.'-,  /lisl.    ecd.,  liv.  ■,  e.    2  el   suiv.  )   I  ous  ccb 

ont  cherché  à  rendrecc  sailli  docleurodieux.  'ails    seul   p  cuvés,  non-seulement  par  les 

H   présida  au  concile    général  d'Iiphè.sC,  cl  éerils  de  ,sai;i.'  T/yriV/c,  mais  encore    par  les 

lit  conlirmcr   à  la   sainte  \iirge  le    litre  d'  actes  du  concile  d'Eplièse,  cl    parlelcmoi- 

Jilèie  de  Dieu;  par  là  il  a  déplu  aux  proies-  S'iagc  des  écrivains  contemporains. 
laiils;il  réfuta  l'ouvrage  de  l'empereur  Julien  Ouanl  à  la  dottriiie  de  ce   l'ère,  elle  n'cvt 

contre  le    tliri  tiaiiisuie,   c'est    un   sujet  de  pas  moi  is  irréurci.-'isiblc  que  sa  conduite- 


Le   l'iiiciie   ci-nénil    île    'Itialcédoiiio.    Imi  l.igé  en  (rois  religions ,  éiail    le  plus  turlm- 

\iiigl  ;m.s  iiprès  celui  d'Isplièse,  e.i  toinlam-  li'iU  et  lo  |.lus  séditieux  (iii'i!  y  eut  jumais  ; 

iiaii' Eui\cl)i''S,  ne  crui  ilonner  aucune  alieiii-  les  clirélieiis,  les  juifs,   les   pjVeus,  eluieui 

le  à  la  dùiliin-  de  sniiil  Ci/I'ilte.  A  ce  concile  toujours  prèls  à  en  venir  aux  mains   et  à  se 

néanmoins  assistait 'l'Iiéiidoret, qui  avait  é;Tii  porter  aux  derniers  excès.  C'esi  ce  qui  avait 

il'alDrd  contre  sainl  CijriUe.  mais  qui  s'clail  iiigag;é    les  en)peri'ur>i    à   donm^r  hcaucnup 

ensuite    réconcilié   avec  lui,  et  avait  alian-  d'autorité   aux    palriarthcs  :    le    pmvoirde 

iloiiné  le  parli  do  Neslorius.  Nous  pcrsiindr-  ceux-ci    ii'étail  doiii;  pas  U'iirpi;  mal  à  pro- 

ra-l-on  que  riiéoJorel,  dont  on  ne  pent  contes-  pos,  1  s  f;ouverniMirs  rn  avaient  de  la  jalou- 

ler  ni  la  scienre,  ni  la  vertu,  n'était  pas  assez  sie.   Les  prcmieis,  obligés    de   proté);er   les 

habile  pour  voir  la  diHérenci' qu'il  y  avait  en-  chrétii'ns  contre    les  atlaqu  s  d  s    païens  et 

tre  la  iloctriiiod'ApoUin.iire  ou  d'Kulychès,  el  des  juifs,  n'eurc-nl  pas  totijours  as^ez  de  force 

cellerte«fii"(C,(/ri7/c,ou(iu'apièsavoii  d'ahord  pour  arrêter  la  fougue  des  uns  et  d.-s  autres; 

soutenu  la  vérité  avec  loule  la  fermeté  |)os-  il  ne   faut    pas   les  rendre  resjionsables  des 

sible,  il    l'a    trahie  lâchement  dans  la  suite?  désordres  qu'ils  ne  purent  cniiiéclier.  —  l)a- 

Cetle  question  fut  examinéede  nouveau,  dans  mascius,  copié  par  Suidas  ,   n'affirme    puinl 

le   siècle    suivant,   au    concile    général    rie  que  sii'n/ ryi///' ail  eu  aucune  |)ai  tau  mcur- 

Const.intinople,  tenu  au  sujet  des   trois  rlia  Ire  d'Hj  pacie,  maiv  iiu'il  en  fut  accu  è,  parce 

pitres;  après  un  mûr  evamen  do   toutes    les  que  ce  crime  fut   ro  omis  par  des  clirct  eus. 

pièces,  if  concile  condamna  ce  <iue  Ihéodu-  liruck'.'r  {Histoire  philos.,  lou').  \l,  pag.  28D 

ret  avait  écrit  contre  .«a/n^  6'(/'"///e   et  contre  el  suiv.)    citi'  avec   éloge    une  di.sscr  a'ion 

le  concile  d'I'^phèse;  iUléclara  cal  iinniateuis  écrite  en  HiT,   dans    laquelle   smnt  Cijri  le 

ceux  (lui  accusaient  ce  patriarche  li'Alexaii-  e>i  plcineinenl  justifié  de  le  meurtre  contre 

<lrie  d'avoir  été  dans  les  sentiments  d'Apol-  les  calomnies  de  Toland.  Il  punit  avec,  rai- 

linaire,   seisianS.  Après    douze    ceiiis   ans.  .'<on  les  juifs  qui  avaient  m.ls^ac^é  un  grand 

les  critiques  p.iolcslants  sont-ils  plus  en  état  nombre  de   chiétiens,   cl   l'emiietcur   ne  le 

de  juger  la  question  ijuc  deux  conciles  genô-  l  ouva  point  mauva  s.  Quant  au  crime  el  au 

ranx?  supplice  du  moine  Ammoaias,  i    faut  conve- 

Dè- qu'il  esl  prouvé  que  .««l'a/  r)/»///e  avait  nirqiie  saint  Cyrille  cui  [tI  ilo  vouloir  le 
la  vérité  et  la  justice  de  son  côlé,  il  est  ab-  faire  honorer  comme  martyr  :  il  le  com|irit 
snrde  (!e  Koulcair  qu'il  s'est  conduit  par  liu-  lui-même,  el  tài  lia  de  faire  oublier  elle 
jneur,  par  amtiilion,  p.u  j  liousic.  plutôt  <)ue  p.iallieureu-e  aiïairo.  Mais  il  faut  savoir  que 
par  un  vrai  zèle  pour  la  pureté  de  la  foi  ;  de  ces  troubles  ariivcrenl  au  comincucenienl 
lui  prétordes  motifs  vicieux,  |  enilant  qu'il  a  da  i'épiscopa;  de  saint  C!jiillc,e[  que  la  suite 
pu  en  avoir  de  louabU'S,  elqiie  sa  conduite  a  lui  beaucoup  plus  traq(|i;.ill('.  Vni/.  So.  raie, 
été  approuvée  par  ri''glise.  Dans  les  articles  ,'li^t.  ecc!..  I.  vu,  c.  7,  l'i  et  suiv.,  avec  les 
Eliychia.msmi;  el  Nessorian  s.me,  nous  fe-  iiot<>s  de  \"al  us  et  des  aulics  ceiii(|ue». 
rons  voir  que  ces  opiui  lis  comlanniées  i:c  Afin  de  n'omellre  aucun  genre;  de  rcpro- 
soat  pas  seulen:ei>t  des  crre.iis  de  nom,  ni  de  eues,  La  Croze  prelend  (jui;  i'i;rudi!ion  do 
pures  étiiiivoques,  mais  des  liérési»-;  for-  i^iiinl  Cyrille  c!a  l  fort  legèie  el  s  m  élu- 
mellcs  cl  très-d  gnes  (:e  censuic;  l'une  i-t  quence  médiocre;  que  .son  ouv  rage  contre 
l'autre  subsistent  encore,  cl  sont  soutenues  Ju.ien  est  f  ibie,  et  ne  confient  pres.que  ricu 
(lar  leurs  pirtian«.  telle-  qu'elles  oit  été  (;ui  ne  soit  copié  des  éc  ils  dE.isèife  de  C6  • 
ciinlaumées  par  les  conciles  d'KpIièse  cl  de  saree  et  de  (luchiiies  autres  anciens  ;  (ju'il 
Ctialccdoinc.  Les  prutesianls  ne  peuvent  m  ■rilcrail  à  peine  d'éire  lu,  s'il  ne  nous  avait 
donc  avoir  d'autre  fondemenl  de  leurs  ca-  cou  ervé  queliiues  li.igoienls  d'aileurs  que 
lomnies  q'ic  les  claaK  uis  absurdes  des  eu-  nous  n'avons  plus.  (  iJist.  du  Christ,  dus 
lycbiei'.s  ou  jacolii.es,  qui  n'ont  p  is  ces  é  lîe  /»i(/f«,  loin.  1,  p.  -l'i.]  —  Quicoiique  s'est 
lèpélcr  que  le  concile  de  Chalcédoine,  eu  lioniié  la  peine  de  lire  cet  ouvrage,  et  de  com- 
proscrivanl  la  doctrine  d'iMitj cliès ,  avait  p..i:er  les  objections  de  Julien  avec  la  ré- 
condamné  celle  de  saint  Ci/rille,  el  canonisé  j  o.ise  de  saint  Cijiile,  d.'mcure  convaincu 
celle  de  NesLirius.  —  Harbeyrac,  qui  a  cher-  l'e  la  fr.i-seté  de  ccUc  ci  ilique.  Non-scule- 
che  avec  tant  de  soin  des  erreurs  de  morale  menl  les  preuves  el  les  raisonnements  de  ce 
dans  les  ccri's  des  ('ères  de  l'Ki^lise,  n'en  a  Père  sont  solides,  mais  il  y  a  plusieurs  mor- 
reniarque  aucune  dans  les  ouvrages  de  celui  ce/tux  très-éloquents  ;  el  partout  on  y  voit 
dont  nous  [>arlons.  comliea  un  auteur  judicieux   a    d'avantage 

Mais  on  loi  fait  des  re['r<clies  |. lus  graves:  sur  un  bel  esprit.  Il  n'est  pas  vrai  c|u'il  se 
on  l'accuse  d'avoir  usurpé  l'autorile  eivie  soit  borné  à  copier  Lusèbe  ni  les  autres  an- 
dans  sa  ville  épiscopale  ;  de  s'être  brouillé,  ciens  ;  il  iitiand  il  l'aurait  fait,  il  ne  serait 
par  son  ambition,  avec  Orcste,  gouverneur  p,as  Ij^àinable;  il  suit  son  adversaire  pied  à 
d'Alexand  ie;  d'avoir  cha^sé  les  Ju  fs  ùc  pied,  ne  laisse  ajtuae  objeciion  sans  re- 
cette ville  ;  d'avoir  causé  plusieurs  séditions  ponse,  el  m  (l'.lre  Le.iucoap  d'érudition  sa- 
et  le  meurtre  d'îlypacie,  fil.e  qui  professait  .lè;!  el  prol.ine.Le  seul  reprorheiiu'on  (lour- 
la  philosiipbie,  et  que  le  gouverneur  proté-  rail  peut-être  lai  faire  est  ù'etre  on  peu  dif- 
geail;  d'avoir  vouiu  rneilie  au  nombre  des  lus;  mais  Julien  Iji-mê  lu;  l'e^t  beaueuup,  il 
martyrs  le  moine  A  nmonius,  puni  de  mort  ne  suit  aucu.i  ordre,  ci  ii  s'écarte  coiilmuel- 
pour  avoir  attaqué  el  blessé  ce  gouverneur,  leuienl  dj  son  oljcl;  il  était  dilficil.^  de  ne 
—  On  sait  q-e  le  peuple  d'A  cxandrie,  par-  pas  lon»ber  dans  îe  tiàîtic  défaut  or?  k  r'fi!- 


1205  CYli  *'^'^  lîC» 

tant.  Avant  lie  porter   un   jiigpinent   sur  des  ont  éié  publié';  en  {;n'c  d  en  latin  par  Jean 

ouvrages  consacrés  par  le  rfs|)cri  de  <louzc  Auberi,  rhanoine  de  Laon,  on  6  vol.  in-folio, 

siècles,    les  critiques   modernes  dovraienl  y  l'an    1638.  Spanlieini  a  donné    séparémenl 

regarder  de  plus  près.  l'ouvrage  contre  Julien,  à  la  suite  de  ceui  de 

Les  ouvrages  de  saint  Cijrille  d'Alexandrie  cet  empereur,  en  lt3'J6,  in  folio. 

FIN  DU  rr>EMii:R  voluiik. 


TABLE  DES  MATIERES. 


Nota.  Les  ariicles  précédé,  de  ce  signe  *  sont  iionvpaux  ;  ceux  où  il  y  a  des  inlerc;ilaiioiis  ou  des  noies 
sniii  préiéilés  (le  cliilTres  qui  indinneul  le  nombre  des  inicicalations  ou  des  noies.  Ceux  qui  sont  précédés  de 
(n)  sont  extraits  de  l'édiiion  do  Liégo. 


•  .Volice  historique  sur  Ber- 
(jier,  9 

A  ertissement  de    l'auleur. 
tii 
■  Averlis  enientsurcctlenon- 
velle  édilion,  17 

(1)  Itnrodiutivnau  Diclion- 
naire  de  Théologie  dog- 
m-it  que.  —  Dessein  de  la 
Providence  dans  l'élalilis- 
senieiu    do    la    religion, 
origine  et  [irogrés  de  l'in- 
crédulité, 2b 
A 
Aaron,  S3 
Alj,  Abtia.  Koy.rère. 
Abartdon,  S8 
Alnilard,                             S8 
ADaisseinent,                      tiO 
Abandon,  (30 
•  Alidas,                              tiS 
Al>den3t;o.     Foi;.     Enfants 

(Uns  la  fouruaise. 
AbdLas,  65 

Alidias  de  Bahylone,  65 
AI)dissi,Abdjesu.  VoiJ.  Chai- 

oéens. 
Aiiécéila  res,  66 

Abpl,  66 

Abéliens,  Abéloïles,  67 
Ab-ar,  67 

Abialliar,  68 

Abisme,  68 

Abissins.  Voy.  Ethiopiens. 
(I)  Abjuration,  69 

Ablution,  70 

Abnégalion,  71 

Abominable,  Abomination, 
71 
Abra,  71 

1 2)  Abraham,  71 

Abrahaniiens.  Voy.  Samosa- 

liens. 
Aliraharnites,  76 

■  Abr:di3inites,  77 
Absolu,  Absolument,        77 

■  Absolu  (des  nouveaux  plii- 

losophcs),  78 

(l)  Absoluiion,  79 

Absoute,  79 

Abslèine,  80 

(I)  Abstinence,  «0 

Ab^tmenls,  83 

Abus  en  fait  de  reli^jion,  85 
Abyssins.  Koy.  Ethiopiens. 
AcaciiMis,        ■  H8 

Aiception  de  personne,    88 
(l)Ai;cidenlseucharistiquei, 
89 
Accomplissement  dos   pro- 

pliélics.  Toi/,  l'rophélies. 
Accord  de  la  raison  et  de  la 

foi.  Voy.  Koi,  Kaison. 
Acéphales,  89 

•  Achanimh  (Sophie),       90 


Achias.  Voy.  Anias. 
Acliiméiecli.  Ko^.  Abiatliar. 
Ac(finète.<,  00 

(l)Acoljte,  92 

(I)  Actf,  Action,  9-5 

Actes  des  apôtres,  96 

Actes    des    concdes.    Voy. 

Conciles. 
Arles    des    martyrs.    Voy. 

Maityre  et  M:iriyrolo.ue. 
Actes  de  Pdate.  Voy.  l'ilate. 
Actuel,  '  98 

(3)  Adam,  98 

Adaniiiesou  Adamiens,  107 
Adessenaires,  109 

Adiaplioristes,  110 

Adjuration,  110 

Adouaï.  110 

Adoptiens,  110 

Adoption,  111 

Adoration,  Adorer,         1 1 1 
Adramelcc.    Voy.    Samari- 
tains. 
Adrianisles,  113 

(1)  Adultère,  113 

Adversité.  Voy.  Affliction. 
Ai'liens.  Foy.  Anoméeus. 
Allinité,  117 

Allinitè  spirituelle,  117 

Allliction,  117 

AlIVanchi,  119 

Africains,  Afrique,  1 19 

Agag,  121 

As;:)pes,  121 

Agapètes,  123 

Aggée,  12u 

Agiographes.    Voy.  Higio- 

graphes. 
Agiiean  pascal,  126 

Agnoètes,  Agnoïtes,  126 
Âqnns  Dei,  127 

Agobard,  128 

Agonie,  Agnnisnnl,  128 

Agoni';  de  Jésus-Clirisl,  129 
Agciuisliques,  l,"0 

Agiinyclites,  l.îO 

•  Agreda  (^laricd"),  1.30 
Agvniiiens  lôO 
Allias,  1.30 

•  Aigle,  152 
Aîné,  Aînesse,  132 
'  Ainos,  131 
Albanais,  loi 
Albigeois,  13i 
"  Alexandre  le  Grand,  lil 
Alexandrie,  lil 
Allégorie,  li.'i 
Allelim,  IfiO 
AlliMiiagne,  IMl 
Alliance,  lyt 
AIngfs,  Alogien<!,  137 
Aiolin  et  Oineyti,  Mil 
Alphabet,  157 
Anialéciles.  Voii  Agag. 
Auiaiiri,  l'Js 


Anibroise  (saint),  i;i8 

Am'  ruisien  (Rite  ou  o(lice), 

100 

Amliroisiens  ou  Pneuniaii- 

ques,  161 

(0)  Ame,  161 

■  Américains,  197 
Amérique,  200 
Amitié,  20t 
Aminon,  Ammonites,  20.3 
Amorrhéens,  21)0 
Amos,  200 

(1)  Amour  de  Dli  u,  2  16 
Amour  du  prochain,  207 

*  Ampoule  (sainte),  208 
Amsdoillens,  209 
Amulette,  209 
Anabapiistes,  211 
Anachorètes,  218 
Anagogie.    Voy.     Ecriture 

Fanite,  §3. 

Analyse  de  la  foi.  Voy.  Foi. 
Anaméiech.    Voy.  Sjiiiari- 

tan. 

Anaiiie  et  Siiphire,  223 

Anallième,  22i 

Ancien,  2i.) 

(3)  Ange,  22ii 

■  Ange  gardien,  233 
Angélites,  231 
Aityelus,  23i< 
.4iigleteire,  237 
(2)'Anglic.in,  21t 
fl)  Anim.iux,  230 
Animaux  pu'S  ou   impurs, 

2fi3 

Anneau,  2(i(i 

'  Anneau  du  pécheur,  206 

■  Année,  266 

*  Année  asironomique,  266 
'  Aimée  civile,  266 
Aiimvprs:.ire,  2il8 
Aiinoncia(l('s,  20S 
Annonciation,  269 
Anuotine,  270 
Annuelles  (OOrandes),  270 
Aiiomécns,  271 
Anomiens.     l'oy.     Aiitino- 

mieiis. 

Anselme  (saint),  271 

Antécédent,  271 

Aulechnst,  272 

Antédiluvien,  27.3 

Autbologe,  27G 

Anthropologie,  276 

Anlhropoinorpliisnie,  2'7 

Aiilhro|.opatbie,  278 

Anthrnpnpiriges,  279 

Anliadiaphoristes,  279 

Aniidicomarianites,  279 

*  Anticoncordalaires,  279 
Antiernv,  2SI 

■  Aiililogie,  281 
Antiliilhérieiis,  281 
Anlimcnse,  •2'^\ 


(1)  Anlinomions,  J8J 

Anliiii'he,  283 

'  Anlioi  bus,  286 

Antipapes,  288 

An'ipodes,  288 

Anliiacies,  2U0 

Anlitriniiaires,  290 

Aiitilvpe,  2!I0 

Antiiine  (siiinll,  291 

Aniouin  (saiuti,  291 

Aod,  292 

Apathie,  292 

Apelliie^,  Apelliens,  295 
Aphihartodocèles.  Voy.  In- 
corruptibles. 

Apocalypse,  291 

Apocryphe,  298 

Apodipne,  303 
Apollinaire,  Apollinarisles, 
303 

Apollonius  de  Ty.mes,  501 

Apologétique,  503 

Apologie,  Apologistes,  500 

ApolyiK|ne,  310 

Apostasie,  Aposl.il,  511 

•  Apostohcité,  312 

Apostdlins,  320 

Apostolique,  320 

Apostoliques  (Pères).  Voy. 

Pères  de  rÈglise. 

Apostoliques,  321 

Apoartiies,  523 

Apothéose,  323 

Apélres,  521 

■  Apôlros  (Faux),  331 
Apparition,  331 
.Apparitions  de  Jésus-Clirist, 

533 
Appel  au  futur  concile.  358 
'  Appel  corn  ne  d'abus,  338 
A'ipelaiu,  338 
A|iplicatiou,  559 
(1)  Approbation  ,  Approu- 
ver, 339 
Apsis,  absis,  339 
A(|uarieiis.  Voy.  Encratlles. 
Aquila,  310 
Arabe  (Version).  Foy. Bible. 
Aratiift,  3i0 
Arabi(|ues,  512 
Arbre  de  la  science,  313 
Aibre  de  vie,  5i3 
Arc-e.n-ciel,  513 
Archange,  315 
Arche  d'albance,  3i.ï 
Arche  de  Noé,  54(1 

■  Archéologie,  353 
(a)  Archevêché,  5.3i 
(fl)  Archevêque,  S.*»'» 

■  Arcliiconfréric    du  saint 

Ciriir  de  Marie,  358 

(h)  Archidiacre,  358 

(»)  Archimandrite,  3'.>l 

(n)  Archiprêtre,  361 

Arctionliquc,  363 


1-2b» 

Aiéi)|iaj;iiP.  Toi/.  S.  DeiivB. 
Aiiaiiisnii',  36^ 

ArisloléliL'ii'i,  37J 

Aiini^pdn  cifl.  roy.  Asires. 
Arinéiiiciis,  S75 

Ar.ups,  ^'-i 

Aiiniiiia.iisMie,  ^7(; 

Arj.alilis  es,  381 

Arrhal'oniiairos,  "iM3 

An,  ôS-, 

Arl  notoire,  5X1 

An  (11- sailli  Anselme,  7iHi 
Arldesiini  l'aiil,  3S( 

■  Arlénioniles,  3K."> 
Ar  iciesile foi .  Koi/.  Dou'tiies. 

■  Articles     fiuid:mieiiLm\  , 

'  Arlicles  orgini  |iies,  ôS.j 
Anotyriles.     Vvtj.    Moiita- 

iiistes. 
Aruspice.  Fo;/.  Diviii.nion. 
Ascension,  ôf-i 

Asci>tfs,  ô8t) 

AS'.i'es, Ascnilrufiiles,  A>ro- 

(Inipires,  AsioiIrnU's.  Veij. 

Muiraiiisics. 
As'iié,  .W1 

Asi:iliques,  Asie,  390 

A-ile.  rot;.  Asjie. 
Asima.  l'oi/.  Sa  narilain. 
Asiniid;iî,  Asmo.loe,         091 
Aspersion,  391 

Asphalli'.  r.  1/.  Mer  Horie. 

■  Assemblées    re  iyieiises  , 

ôtl 
Assi(li''pns,  ■"  2 

Assistance,  .'02 

Assomption,  3'.I2 

Asiarolii,  Asi.irlé,  ôllr; 

Aslarolhiles,  391 

Aqatiens,  ."Dt 

Aslère  (saint),  59t 

Aslre»,  S'Ii 

Astrolog  ejudieiaire,  3l'6 
Asironomie,  338 

Asjle,  399 

Aliianase  (saint),  400 

(I)  Athée.  Aihéismc,  411 1 
A  liénaf-'ore,  4119 

Ailnbtits,  4M 

Allrilion,  41' 

Alli'ilioonaire':,  415 

Auhe.    Voy.  ll.iliils  s^ccr- 

ilotaux. 
Aiidiens,  Vadions,  41." 

Augsbourg,  414 

A'igiires,    Auspices.    Ko;/. 

Divination. 
Angustin  (s:<int).  418 

An(;usliniaiiisuie ,    Aiigiisii- 

niens,  42j 

(n)  Angusliiis  (lieligieuv) , 
42  ( 
(u)  Angiislins  rérormés,  431 
(a)  Angustius  (Clianoinesl , 
453 
Aiilique,  434 

AiiMirme.  431 

•  Aoinôniers,  430 
.\i.inusse,  431! 
Auricnlaire,  4"t) 
Ansbourp.  Voij.  Angsbonrg. 
Anspice.  K«|/.  Divin. lion. 
Austérités,  '['o;/.  Mortilica- 

tion. 
Antel,  4.36 

Ailleurs  eoclésiasti(|;es,  459 
(I)  Authenti(|iie,  442 

Antocéphale,  443 

Autn-da-fé.    roi/.    riii]iiisi- 

tion. 
Aiilographo,  443 

Anlordé,  4i3 

Autorité  conjugale,   patei- 

•  nellc  et  doniesli  lue,  414 
Autorité  religieuse,  4?)3 
Avare,  Avarice,  4GI1 
Ave  itmitt,  4i;il 
/lie  Mm  Ja(lteliEieiiscdo  1'). 


TAIILK  DtS  M.VTIEHtS. 


Y,ty.  Saillie-Claire  et  Cor- 
didièren. 
Avùneiu  'iil,  401) 

Avent.  401 

Aveuglement  spirituel,    401 
Avocat.  \'0',\.  Piiraclet. 
A7.:i7el.    Voil.   liouc    émis- 
saire. 
Aziile.  Voy.  Septiiaiîésitnn. 
A7ime,  400 

H 

lianl  01  l!el,  407 

lîaaliles  40') 

Itiamile',  4711 

(:')  llaliel,  470 
Bachelier.  Yuy.  l'acuité  de 

tliéol  'gie. 

Itagnolais,  473 

Jlahem.  470 

Ita'anisme,  476 

Itamiiéie,  4S3 

(.")  Uapléine,  483 

B:iplistère,  499 

Barallols,  .'>0t 

Barbares,  SOI 

Barbeliots,  MIT 

l'aii|esa:iisies,  .'i'i7 

Barnabe  (saint),  îilO 

(n)  Bannbites,  .'112 

Itar.saiiieiis,  .'il  3 

Barthélémy,  ,'il3 

Barthélémy  (Massacre  de  la 

S.iiiit-),  511 

Barthélemiles,  .'ilO 

Bariicb,  .SI7 

Rarules,  518 

Basile  (saint),  518 
Basile   (l)rJie  de  Saint-) , 
1520 

Basilidlens,  S22 

B.isiliipie,  S2.') 

■  Baskirs,  526 

•  Bat.iks,  b27 

•  Béate  de  f.uenzi,  527 
Béalilication,  527 
B'atitude,  527 
Béatitudes      év3ii;éli  pies  , 

.')27 

Béd^,  ;>2-i 

Bée'phégor,  .'j28 

Béelzébiit,  529 

Beggards,  529 

Béguins,  lléguines,  531 

HégiiiiKige,  532 

(I)  It  bémolh,  5.32 

Bélisl,  532 

Bénédictins,  S33 
Bénédictins    de    Solcsnie , 

533 

Béiiéiliiiion,  53.S 
Béné  lii  lion  de  l'Iîglise,  536 

(I)  liénélice,  .5.37 

Itérengariens,  542 

(a)  Bernardins,  519 

(«)  Bernardins,  .'i.'il 

(«)  Bernardines,  551 

Bessarlon,  Si2 

Bethléem,  5:i2 

Réildéémiies,  5.>3 

(I)  Bible,  .•1.33 

Bibles  litines,  500 

(1)  Bibles  orientales,  361 

lîibles  1  haldéeniies,  56i 

(1)  Bibli'S  syrianues,  502 

(2)  Hibles  .iVabes,  ;)64 
(1)  Bibles  ciiplilcs,  50.3 
Bibles  éthiopienne»,  503 
Bibles  arméniennes,  560 
Bible  persane,  .360 
Bible  nioscoviie,  560 
Bibles  en  langue  vulgaire, 

Bibliipie,  ;j67 

'  Bibli  pies  (.Sociétés),  568 
Biblistes,  57o 

(I)  Bien,  Mal,  570 

Bien  et  Mal  moral,  575 

Biens.  l"oi/  Kichesses. 


Bie  s   ccclé  ijstiqnes.  Voy. 

Bénélices. 
Bienfaits  de  Dieu,  575 

Hipnlienr>ux,  576 

Jiiens  (Communanlé  des) 

.577 
(iigame,  Bii,'ainie,  579 

Bigiit,       "  ;)8n 

Bissacrameniau" ,  5iO 

•  Hlaiifhanl,  5K0 
Blasphèiiip.  .581 
Blasp'iéin.ileur,  5SI 
Il  as|iliéniatoire,  .'i8l 
Boguiniies,  Bi),'armiles,  .583 
Bohémiens   (h'rères).  Koi;. 

Hernules. 

■  Boliémiens,  .583 
Bohniisfs,  'Mi 
(1)  Bollandisles,  681 
(I)  Bon,  Bon: é,  ,58:1 
Bonaven  nie,  587 
Bonheur.  Voy.  Bien. 

■  Honlicur,    '  588 

(1)  Bonheur  éiirnel,       591 

•  Boiii'ace  VIII,  5'io 
Bonnsi.iqiies  ou  Bonosien», 

5')6 
Bons-Hnmnips,  '    896 

Bonté.  Voy.  Bon. 
Biirborilp.tj  ^li; 

Biriélisies,  5  !6 

Buic  émis>.iir  ■,  ,')')7 

"Uundlln.  B  uiddlisnic,  .')98 
Boungnoiiiste,  59!) 

Brachitps,  ,»;i)9 

•  Brahm.i,  Brahmisme,    Sii'J 
Brame.  Foi/.  Indiens. 
Braudeuin.  Voy.  Kelique. 
Bref  apostolique,  599 
Brévi.iirc.    Voy.  OIBce  di- 
vin. 

Broiirolaras,  599 

Biownistes,  600 
Brutes.  Voy.  Animaux. 

Bulgares,  '  601 

Bulle,  602 
Bulle  Unigenilus.  Voy.  Uni- 
genitus. 

G 

Cabale,  603 

Cadavre,  607 

Caïuistes.    Foi/.    Monopby- 

sites. 
Cain,  007 

Caïiiites,  608 

Calcédoine.     Voy.    Chalcé- 

doine. 
'  Calendrier     républicain  , 
609 
Calice,  609 

Calixlins,  611 

l'aloinnle,  613 

Caloyer,  614 

Calvaire,  613 

(«)  Calvaire    (Congrégation 

du),  613 

(2)  Calvin.  617 

(1)  Calvinistes,  629 
Camaliliiles,  658 
Caméro  liens,  639 
r.ana,  659 
Cananéens.     Voy.     Chana- 

néens. 

(2)  Canon,  6!0 
('anons  des  ap'ilres,  6i9 
Canons  d'un  cuucile,  630 
Canons  arabiques.  Voy,  Ni- 

cée. 
Canon  de  la  messe,         CSG 
Canons  pénilentiaiix,       632 
Canons  des  saints,  6.)3 

Canoni(|ue,  6S3 

(I)  Canonisation,  655 

Cantique.    Voy.  Chant    ec- 
clésiastique. 
Cantique  des  cantiques,  660 
Capliariiaum,  0(il 

Capisail,  002 


I2C6 

Capital,  66a 

Capitule.  60S 

Ca(itivité  de  B. In  Inné,  002 
<"apueiall,  "  004 

(a)  Cafiucins,  0(i:> 

(J)  i:ar;K'lére,  6!  7 

Caracu'rcs hébraïques.  Voy. 

Hébreux. 
Caractères  migiiiies.  Voy. 

Magie. 
Caraïies,  067 

•  Carbonarl,  070 
Carlin.Tles  (Vertus),  071 
Carlosiailiens.   Voy.  l.utbé- 

r  eus 

("armel,  674 

(h)  Carmélites,  674 

('i)  Carmes,  «7i> 
(n)  Carmes-Décliau  ses.  078 
Caro'ins  (Livres  .  Foi;.  Ima- 
ges. 

Carpocratiens,  680 

('as  de  co.:^rienre,  082 

Cas    de    conscience.  Voy. 

Jansénisme. 

(2i  t:asiéservés,  683 

Cassien.  C83 

Casuel,  68S 

Casui^le,  e89 

Calabapiisles,  690 

Calacouibe,  filil 

t'ataphryges,  693 
Cataracte.  Voij.  Déluge. 

Catéchèse,  693 

Catéchiste,  095 

Catécliuménat,  093 

Cathares,  6')7 

Catluristrs.  698 

■  Cfilhcitr/i  (Ex\  098 
Caih  ihale,  698 
Cilholiipie,  »99 
(2)  Catholicité,  701 
(l)Call.olicisme,  710 
(n)  Catholiques  (Nouvelles), 

712 
(laucaubardiles,  712 

Onise,  712 

■  Causes  maj.'ures  720 
Céléranl,  720 
(«)  Cèles- ins  721 
(l)Célibai.  Coiilinencc.725 
Célicdles.  Vo'i.  Cœlicolcs. 
Cellites.  ■  711 
Cellule,  741 
Celse,  742 
Cénacle,  743 
Cendre,  74.3 
Cène,  746 
Cénobite,                        747 

■  Centre  d'iinilé,  752 
Centuries  de  Magdebourg, 

7*12 
Cerdonirns.  7.35 

Cérémonie.  7.57 

Cérémonies  judaïques.  Voy. 

Lois  cérrmnnielles. 
Cénuthiens,  7 17 

(l)Cerliiude,  770 

(;és3ire  (saint),  781 

Chaîne    {Caiciia    ralrum). 

Voy.  Commentaire. 
Chair',  781 

Chiiirs  ou  Viandes  impures. 
Voy.  Animaux  purs  ou  im- 
purs. 
Chairs.  Fo 7.  Viandes  imnio- 

Chiire'ife  Moi>p,  785 

Chaire  de  théologie,  783 
l'haire  épis^npale,  785 

(I)  Chaire  de  saint  Pierre  , 
784 
Chalcédoine,  785 

('hallaîcpie,  795 

(I)  Chaldéens,  7!);; 

•  Chaleur  du  globe,  798 
Cliani,  79H 
Ihananéeiis,                     799 

•  ihinanéeiine,  802 


13.7 

LhaocelaUe,  802 

OUanoelier,  8fli 

r.handpleur,  802 

i:iiaiidL'lier  (lu  Temple,  8(15 
Clpanoiiie,  Clianainrssp,  KOi 
(t)Cliaiiloccli''sia5Uiiiie,  8:iï 
•Chaos,  811 

ChaiH'.  Voii.  îla'.iils  siciT- 

(Jotaiis.  ' 
Chapelain,  riiapcllc,      8.11 
<'hapelci,  Nli 

('.lia|iilrp  u'un  livre,  812 
"  Chapitre ,   asif^nibioe   de 

f  hàiioiiipson  derelisieiit. 

fou.  le.  Dicl.  de  Tlnïolo- 

pie  iiiftrale. 
Chapllres  (Tit)is),  813 

Cliarilé,  815 

Charilé   (Religieux   de  l.i), 

Cliarlié  (S  i-urs  de  li).  S20 
C'iiaril^  (Dames  de  li),  820 
Charmes,  821 

('harlrei)T,  821 

Cliaureiises.  820 

Chasse.  Vol).  Reliques. 
I  liaslelé,  837 

*  lM.-ul)!e.  Foi;.  H.diits  s:ici  es 

on  saccrdola-ix . 
CliSiim.iiis  do  Dieu.   l'o;;. 

Jiisiire  de  Dieu. 
((/)  Cher.-ior,  8^9 

Cher.leri'nlise  l'i.i/  r.ii»-. 
Ciierchrur-,  850 

I  iiéndiin,  Nô'l 

(;ii^nil)i|ue,  851 

I  liilia^les.  roi;.  M  11  "inir-s. 

(2)  Chine,  8 11 
(  liirolonie.  Vofi.  Impnsi  lin 

des  inaiii<. 

Cha-ur,  «iO 

Cliitnr    des    A  ges.  l'oi;. 

Aii"e':. 

Choix'     '  817 

*  CliOléra-Morl  IIS,  SU 
l'.lio'cvïipie,  8H 
Chrrîino,  8.-;o 
("lirémeau,  M.'.l 
Chréiien,  S  il 
Chr<5lieiis  de     S.iiii! -.le,iii. 

l'oy.  Mandaîies. 
Cliréliens  de  Sainl-Thoiias. 

l'oi;.  Nfsloi-ie  :•;,  §  i. 
Chrélienté,  8;il 

Ch'ist,  8(12 

(3)  Chrisli.in'sme,  8f;3 
'  Clirisljaiiisme    ralioiinel  , 

8,S'i 
Chrislolvlps,  8,iK 

*  Clmslb-Snctum.  890 
Chroni.pies.  l'oi;.  l'aralipo- 

mciios. 
(I)  Chrniiiilnpie  sai'.ru.-,  802 
(;iiryso5limv  (S.  .leaii),   891 
Oliuif  (I  Adam.  Foi;.  .-Ulain. 
Cil)  ire,  ■         807 

Cel,  807 

l'.ierjçes,  8,:8 

Cilicp.  Vnj.  Sae. 
Ciiiii'iiiTe.  Foi/.  l''iinérjill.'S. 
<'.ir.  oilr-el|lo:is',  91' 1 

Ci^(Mll^i^i..I1,  902 

'  CiieuMM  i'ipiinii  di  ir.ésa  ne 
«l  parois.fi^ili',  !  0  i 

Circiim  incessio  i.  Voii.  Tri- 
nité. 
Cislerri  ns.   F.  HiTmrd  iis. 
Cilalio  ii|.>  l'KiTiluri-S.Tiiili'. 

I  01/.  l'^criinre  saliile. 

(»)  Claire  (li.'lio"  "Sfs  d" 

(S.liiile-).  0  7 

(i)  Claiifii.s.  007 

Clsiiiii  aiie.s.   l'o/.  .\ii:il):ip- 

li>lis. 


T.Viil.E  DES  M.VflEnES. 


CLiiHle  de  Turin,  908 

Cl.iiidiaiiislPS  on 

i.lér,  911 

Clémenie    de   Dieu.    loi/. 

.Misérienrde. 
Clineiit  (saihl),  911 

11)  Cléiiieiil  d'Alexandrie, 
9U 

■  ri.'-meiilins,  918 
Cléuliieiis,  918 
(I)  Clerc,  ClTgé,  919 
Clercs  réjulipi-x,  050 
Cliinil,  "  051 
(Jini'pies,  932 
Cldolies,  9.53 
Cl"!  re.  933 
(.1)  Cl.dlre,  931 
Clô:ure  de  religieuses.  Foi/. 

Hrliiii  uses. 
Cluni,  "  951 

Coiciif,  956 

Coaciion,  93G 

Cuecéieiis,  y.îB 

Cicgalilé,  0,57 

Cuilicoles,  937 

C'>éternilé,  95B 

Coévèqne,  958 

■  Cœur  (UûvoUsin  au  sacré), 

959 

■  Cœur  (liislitu'  du  sac.é), 

910 
"Ciinr   (  C<iiii;pêgalion    du 
Sacré),  9+1 

Cdlarbabieii-,  911 

Colère,  9il 

(  iil(''lans,  9i2 

Collaiinrs.  Voy.  Oblals. 
Coliecl',  9»2 

Co  1  pe.  9tj 

(ri)   Collège  de  rardinau.x  , 

915 
Collégiale,  913 

Collé^'ieiis,  913 

ColliUliiens,  9U 

Collvildinis,  9U 

Cii'oinl)(sainl),  9i(i 

Cnlorites,  9iG 

Closbiens,  916 

Col>li,s,  917 

Comiiiandi'menls  de  Dieu, 

918 
Coinniandem  nlsderEi;lise. 

9iS 
CoinméiTioralion  ,    Commé- 
iiioraison,  0,8 

Comuien-piiient,  951 

Coiiiiueiilaires  ,  Commeula- 
leiirs,  9.52 

C(jiiimerce,  9.59 

Comniunaulé  ecclésiastique, 

9BI 
Co  \  m'maulé  des  bi-'iis,  96i 
Comiiniiiii'anls,  !)6b 

(1)   Coinaïuiiiiation   d'i. Mo- 
ines, 96.=) 
Comiiiiiiiinii  de  fo',         966 
(\)  Com  liunii.n   des  saiiils, 

Con.mniiinii    i-u.'liarstiqiu' , 
908 
C.ominniiinn  spitiui.  Ile,  971 
Coiiiiniinlon  s  us   les  deux 
es|ièes,  971 

CMuniMMiioii  frr(|ueiile ,  97fi 
Comniuinon  Ijî  pie,  978 
(!o  iimunioi  étrangère,  978 
Coiiiniuii  on  (l.iiiir(;ie),  08 
('.■iiiimuiiion  (Anllemie),  07H 

■  Communisme,  97S 
Cnmpajîiiie  de  .lésus.    Vo',. 

.lèsniles. 
Coiipassajii.     Yot].    Miséii- 

(01  lie. 
Compassion    ib    la     sainle 


Vierge,  iW» 

Coii.plie:,  982 

Comp  iiiciion,  !82 

Compréhension,  985 

(Il  Conceplion   imuiaculéc  , 

985 
(2)  Concile,  986 

(a)  Conciles  nationaux,  1018 
Coiiciliahule,  ,  1U24 

■   Coiftlusioa    Ihéologiqiie , 

1021 
Concilialeurs.  Fo;;.  Syncré- 

lisles. 
Coiicoiiiiiant,  IO!2.5 

Coiiconlan  e,  1023 

toncordd    des    livangiles, 

102S 
Concours  de  Dieu,  10:i9 
Coiicnliiiiage,  10.9 

Concupisce.ice,  1050 

'  Coulaiiiuaiion  des  éiiits, 

1051 
0  lidi-nilé,  lil52 

Cnu'liiioiiuel,  1052 

Conditionnels      (  Dicrel»  ) , 

10-,) 
Con  lormauls,  1  i."3 

Confesseur,  19  5 

(â)   Conlessioii     sa  ramon- 
lelle,  1051 

ConlVssionnisI' s,  lOlS 

Couliaiice  en  Dieu,  10  18 
(1)  Conlirmalioii,  lOiO 

Confrère,  lo;5 

Cnnfiérie,  10>5 

(n)  Omlréiie,  |ii:>5 

•  Cnnful/.i'eiis,  10,8 
Congrégation  ,  tOoS 
Coni;régation  de  religieux, 

10.59 

Congrégalion  de  piété,  1059 

Con;{régatiou      de    Noro- 

Dame,  I0t9 

[«)  Coii^-ré^aliuiis,         1059 

Con;;ri'giilioiKilisles  oillio- 

do.xes,  I0!i7 

Cuiigrni~m?,  llKi" 

Congriiité,  Ili70 

Conjurslion,  1070 

Comn.tes,  lii71 

CoMsangumilé.      yoij.     l'a- 

reniè. 
O.ns.iine,  1071 

Conscience    (l.ilierié    île), 

1074 
Consécration,  1070 

Conseils  évan^'éliqu  'S,  lOSi 
Conservateur,  C',iiber\  a' ion, 

1085 
Consiilaliun,  10s7 

Consort,  10.^7 

(1)  Cuiiblanci',  11187 

Cnnslanliu,  1089 

Conslanlinoplc,  1005 

(I)  Conslltiiliun,  10,  8 

Conslitulioiis   api.sloliqiies  , 

1009 

"  Consliluliou      civile      du 

clergé,  1101 

'  Coiislilulionnelle  (IC^Iisc), 

IIO:i 

*  Conslllnliùus  nioiiasli   lies, 

Mil 
Consubslanlialiié.  Fi  i;  Coii- 

.Miljstaiiliil. 
Consuhsianlia  eu: s,        1112 
Consiibslaoliilio  1,  1115 

Coii.siilis'ant'i  I,  1115 

(!onsiiUeiirs,  1 1 1  l 

roiremplaiii  n,  1 1 17 

Conlexli',  1117 

rrii:iiieiice.  HIT 

Conioliarili    s     l'cy     l.ii  v- 

lIllCIlS. 


1-2G8 

C  nlradiaions,  1119 

C  iilrainle.    Foi;.   Persécii- 

lioii. 
Contrat  social.  Foy.  Société. 
Coiiiie-remontrants  ou  do- 

iiiaiisies.  Foi/. Arminiens. 
Contrition,  1120 

('.■iiilroverse,  1123 

■  Controverses  (Juge  des), 

1129 
Couve  luei.   Foi/.  Franc  is- 

Clllll. 

Convoi  l'uiiébre.  Foi/.Ku.ié- 

raiH.'S. 
Conveisioii,  1152 

(1)  Convulsioiinaires,  Ilôt 
Cophtes,  Coptes,  1153 
C.opiale,  1158 
Corlian,  1 1 59 
Co.buh,,  iro 
Corde,  lorucau,  1 159 
C.Tdelier,  113.1 
tor.lelièiTS,  Il  10 
Cordon  de  S.-I"'  ançois,  !  1 40 
Ciré.  Voii.  Aaroii. 
C"rinlliieiis  1110 
Cornar.ste:,,  lUH 
Corporal,  Il  il 
•CorpsdeJésuj-Ch  i^!',IHI 
C- rps  de  .lésiis  ChrisI,  Il  il 
Coriiipticol  s.  1112 
Ciiine  (saint),  1112 
Cusuiogonie.  Voij   Moud  •. 

■  Cosiiiognniii,  1 1 12 

•  Côle-d'Or,  1111 
Cotereauv,  1154 
Cou'e      Voi\.    lia!. ils    rili- 

gieux. 
Couleur,  115  4 

Coulpe,  1115 

Coupe,  1155 

Couioune,  1  155 

Cours,  1 1  57 

Cours  de  théologie,  1157 
Coutumes  rili-ieus  s   Fc-y. 

Observances. 
Cornent.  Fol/.  Monastère. 
Co  -rv,  ■  1 1  >7 

Crain  e,  1157 

(2)  Créa  eur,  Créalio  i,  Il  10 
Crèche,  Il  09 
f.rédibilité,  1170 
Cre.io,  Il  73 
Créléiiisics.  F.  1/.  Çu'iirs  de 

Saint-Joseph. 

Crime,  1175 

■  Cl  il  eis'iie,  1174 
Critupie,  Il -.5 
Critique  sacrée,  1 177 
Croisa  les,  119, 
Croisier,  1  182 
Croix,  1183 
Cioix  |Si.;ne  de  l.i),  1181 
Croix  (TèlH  lie  la),  1188 
((()C.iox(rdlesdel.,)„ll*> 
Croyance,  1190 

•  Crovan  es  (  Progrès  des). 

^  1103 

Ciiiciliciiipnl,  1194 

Crnci  s,  1105 

(2)iulto.  119:1 

•  Ciille  de  la,  saillie  Vierge. 

Foi/.  Maiie. 

■  Culte    des    ••aiiils.     Yoy. 
Saints. 

'  Cnllede  Jésus-Christ.  Totj. 
Iliimaiiiie  de  Jésus  Christ. 
(0  Cure,  Curé.  lîUi 

livprien  (s.-,iiu),  1237 

Cvrille  (saint)  île  Jérusalem, 

1250 
C\r  H    (sai  I)  .j'AIesa  idr  e. 

L'.'l'.i 


|:N    t  L    \.\    TAlil.t. 


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J-  V.'îr.    \»    /.  •• 


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